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REVUE D'ALSACE
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REVUE D'ALSACE
-«»«^.-
NOUVELLE SERIE
ONZIÊIE ANNÉE
TOME ONZIÈME
COLMAR
AO BUREAU, GRÀND'RUE. K* 42
1882
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Han^ard Colle^^e
Library
APR 18 1808
Ilohcnzollern Ce
îilcction
Ciftof A. C. C
■/..'•--e
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LA VIE FUTURE
ET
LA SCIENCE MODERNE
Lettre à I. le Pasteir ***
PÂB
6.-Â. HIRN
Correspondant de rinstitat de France, Associé des Académies des Sdenccs
de Belgique, de Suède, etc., etc.
Nous venons de voir tomber devant la science, appuyée sur
la saine raison, Tune des a£Brmations fondamentales du maté-
rialisme proprement dit et conséquent avec lui-même : Téternité
de la Matière. Le même ordre de raisonnements s'appliquerait
à toute autre doctrine tendant à expliquer Forigine de TUni-
vers par Taction exclusive d'agents aveugles, c'est-à-dire de
forces inconscientes, n'agissant qu'en vertu de propriétés
innées et fatales. L'existence d'un dieu créateub ne peut
certainement pas être prouvée directement et mathéma-
tiquement ; mais, ce qui est l'équivalent rigoureux de cette
démonstration, l'éternité de la Substance Inconsciente, en
général, peut être réfutée rigoureusement, et cette réfutation
peut être considérée comme un des faits les plus triomphale-
' Yoir la Urnâson an dernier trimestre 1881.
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6 RBVUE D*ALSAGB
ment acquis de la science moderne. — Pour quiconque admet
l'existence d'un Dieu créateur, l'immortalité de l'être humain,
et, comme homme de science, j'ajoute l'immortalité de tout ce
qui vit, sont des conséquences en quelque sorte évidentes;
nous pourrions donc nous arrêter ici, et considérer comme
terminé notre exposé des preuves qu'apporte la science à
l'appui de la notion d'une vie future. Mais dans ce domaine
où notre intelligence est obligée de se mesurer et de lutter
avec l'infini, au risque de s'y briser, le doute ne cède qu'à
regret son poste dans l'âme humaine, et, veillant de loin, il est
toujours prêt à se jeter sur sa proie, au moindre signe de
défaillance. Nous ne devons donc rien laisser dans l'ombre de
ce qui peut contribuer à affaiblir sa puissance. A ce titre, et
au point de vue rigoureusement scientifique, notre exposé
serait bien incomplet, si nous l'interrompions dès à présent.
Pour le savant, bien dilférent en ce sens du laïque, il suffit,
avons-nous dit, que l'existence d'un Être, d'un Élément con-
stitutif de l'Univers, soit démontrée, pour que la durée de cet
Élément soit assurée. Si la présence d'un élément animique
dans l'être vivant est mise hors de doute, sa durée l'est au
même titre: cet Élément ne peut rentrer spontanément dans
le néant Mais l'existence d'un élément qui échappe à l'action
de nos sens, qui, par son essence même, est invisible, intan-
gible, impalpable ne peut évidemment être constatée
directement. Nous sommes, scientifiquement parlant, obligés
en ce cas de procéder par voie d'exclusion, en constatant bien
correctement que les qualités de ce qui tombe sous nos sens
ne suffisent plus pour expliquer tel ou tel ordre de phéno-
mènes et qu'ainsi nous pouvons légitimement invoquer
l'existence d'un principe autre que ceux que nous percevons.
— C'est précisément là le problème qui se présente à nous
dans l'interprétation des phénomènes de la vie organique, à
quelque degré de l'échelle qu'on la considère. Non seulement
nous n'avons aucune perception directe de ce qui difiérencie
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LA Vn Pimiftl ET LA SaSNCE MODERNE 7
une plaQte, un animal, un homme, d^une machine, mais nous
n'avons pas même la moindre notion directe de ce qui constitue
notre propre être, ni, bien plus! de ce qui fait mouvoir la
machine. -« G*est là, pour dire vrai, ce qui nous explique le
nombre considérable de personnes qui, tacitement ou ouver-
tement, nient l'existence d'un élément spécifique distinct,
donnant lieu aux phénomènes vitaux, animiques, intellectuels,
aux phénomènes de Tordre psychologique; et, cette fois je
parle du savant aussi bien que du laïque, c'est ce qui explique
le grand nombre de personnes qui, dans les phénomènes de
l'ordre purement physique, veulent à tout prix matérialiser la
force. — Pour arriver à la vérité sur ce domaine, nous ne
pouvons procéder que par voie d'exclusion en réfutant toutes
les hypothèses explicatives qui prétendent rendre compte des
phénomènes intangibles avec les seuls éléments qui nous
paraissent constituer ce qui est tangible.
Notre œuvre d'élimination serait toutefois facile, si nous ne
nous trouvions en face que d'une doctrine de négation unique,
en face du seul matérialisme propremerd dit; mais en ne
nous attaquant qu'à un tel adversaire, nous nous ferions la
partie trop aisée. Il importe donc de définir et d'évincer une
fois pour toutes cette doctrine dont bien des personnes,
laïques et savants, parlent sans la connaître, et qui, disons-le
très haut, a envahi les trois quarts du domaine de la science
et de la non-science de notre temps.
Le matérialisme proprement dit ne peut admettre qu'un
seul élément constitutif de l'Univers: la matière, formée
d'atomes en repos ou en mouvement, partout et toujours
identiques à eux-mêmes. Et c'est efiectivement là la proposi-
tion soutenue aujourd'hui dans une multitude d'ouvrages,
grands et petits, dont quelques-uns sont devenus réellement
populaires, et constituent le credo de milliers de laïques aussi
bien que de savants. Selon les assertions des auteurs de
« 70RCB BT MATIÈRE, CIRCULATIOK DE LA VIE, THÉORIE VIBRA-
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8 REVUB 1>*ALSACE
TomE DE LÀ NATURE > il fattt être absolument aveugle
(j'emploie l'expression la plus polie de ces livres) pour s'ima-
giner que dans le monde animé aussi bien que dans le monde
physique, il existe autre chose que des atomes matériels en
mouvement, donnant lieu, par leurs rencontres, aux phéno-
mènes de l'attraction, de la répulsion, de la lumière, de la
chaleur, de l'électricité, de la vie, de la pensée
C'est du choc de milliards de billes élastiques, très petites,
mais non infiniment petites, que résultent la conscience que
nous avons de nous-mêmes, la faculté d'aimer, le sentiment du
beau, du vrai, du juste,. . . . aussi bien que le plus minime des
phénomènes du monde physique.— C'est ce choc qui a enfanté
la Vénus de Milo, le Parthénon, Hamlet de Shakespeare, la
Symphonie avec chœur de Beethoven
Il faut le dire bien haut et avec insistance : si bizarre que
soit un tel système, et quoiqu'il tombe en quelque sorte sous
son propre poids, ceux qui le soutiennent ont du moins le
mérite et le courage immenses d'être conséquents avec eux-
mêmes, bien contrairement à beaucoup de leurs adversaires
qui, sans s'en douter peut-être, sont matérialistes aux trois
quarts par les doctrines qu'ils soutiennent, sauf à rompre
violenmient avec le matérialisme à une certaine limite dont il
leur est impossible de légitimer l'intervention.
Le matérialiste qui, dans les phénomènes du monde physique,
admettrait l'existence d'un élément distinct de la matière,
donnant lieu à tout l'ensemble des phénomènes de mouvement,
de forces attractives ou répulsives, n'aurait plus absolument
aucune raison plausible pour rejeter du monde animé
l'existence d'un autre élément supérieur, donnant lieu aux
phénomènes physiologiques et psychologiques dans tout leur
ensemble. Il cesserait à l'instant d'être matérialiste consé-
quent.
Réciproquement, l'adversaire du matérialisme qui prétend
bannir du monde physique tout élément distinct de la matière,
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LA fB FirrOlB BT LA flCIBlfCK MODBRIIE 0
n'est plus nullement en droit d'invoquer l'existence de tel ou
tel élément supérieur pour Texplication des phénomènes de
layie.....
Et celui qui pousse l'inconséquence jusqu'à nier la néces-
sité d'un élément de nature supérieure et distincte de la
matière chez l'être vivant le plus iniime, n'a plus le droit
d'admettre l'existence de l'âme chez l'homme.
n fitut du moins laisser à Técole matérialiste Tinmiense
mérite d'avoir mis hors de doute l'ensemble de ces propositions,
qui peuvent être considérées comme l'énoncé de faits élémen-
taires pour tout naturaliste sensé.
Le matérialisme n'a jamais été attaqué par les bases ration-
nelles et scientifiques sur lesquelles il a la prétention de
reposer. Il a été réfuté, surtout par des laïques exclusifs et
inconséquents, à un point de vue purement sentimental : c'est
l'expression la plus juste à employer icL On a objecté des faits
de conscience, des aspirations morales, des facultés intellec-
tuelles, inconciliables avec l'action de causalités purement
mécaniqties : toutes objections d'une valeur incontestable, à
condition que ceux qui les font restent conséquents, et n'aillent
pas eux-mêmes, comme le font journellement bien des spiri-
tualistes, expliquer mécaniquement chez certains êtres ce
qu'ils prétendent ne pouvoir s'expliquer que psychologique-
ment chez d'autres, visiblement identiques en nature; dire
par exemple : le chien fidèle et affectueux est une machine,
mais l'homme égoïste et vil est un esprit pur
Le matérialisme logique, répétons-le, explique d'une même
manière, non seulement les plus minimes des phénomènes
physiques, et les plus sublimes des phénomènes psychologiques,
mais encore les plus inextricables des questions d'origine. Il
rapporte toutes choses à l'atome matériel et à ses mouvements.
Il a de plus la prétention de donner seul des solutions claires
de toutes choses. Il est évident, d'après cela, qu'il ne peut
être attaqué que scientifiquement, en cherchant si efiective-
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10 REVUS d'ALSAGB
ment il satisfait à l'interprétation des phénomènes de tous les
ordres, et si effectivement il est doué de ce degré de clarté
que lui prêtent ses adeptes.
Je puis être extrêmement concis en ce qui concerne l'exac-
titude des interprétations. Je ne m'arrêterai qu'à une seule :
elle est capitale, il est vrai. — Deux masses matérielles,
séparées par un intervalle vide en apparence, et indéfiniment
grand, tendent l'une vers l'autre, semblent s'attirer. Tel est le
fait (et non l'hypothèse, comme d'aucuns le pensent) mis pour
la première fois en lumière et en évidence par le génie de
I^ewton. Examinant quelle peut être la cause de cette ten-
dance, ce grand esprit, si sobre d'hypothèses, déclare qu'il
considérerait comme un insensé celui qui avancerait que la
matière agit sur la matière à travers le vide, et sans aucun
intermédiaire. « Cet intermédiaire est-il matériel ou immaté-
riel? » — Voilà ce qu'il laisse à d'autres le soin de décider.
Quoi qu'on en ait dit, son opinion personnelle est facile à lire:
c'est l'intermédiaire immatériel qu'il admet — Depuis que la
lumière de cette grande ftme a été retirée de ce monde, maté-
rialistes, spirituaUstes, panthéistes, savants et non-savants, se
sont mis à l'œuvre pour expliquer et matérialiser la cause de
la gravitation universelle. Voulant rendre visible, tout au
moins à l'imagination, ce qui par sa nature propre est invisible,
on s'est efforcé de peindre les masses matérielles tomme potis-
sées les unes vers les autres, soit par des atomes matériels
sillonnant l'espace en tous sens, soit par des tourbillons
moléculaires. Le nombre de ces hypothèses explicatives, diffé-
rentes par la forme, mais parfaitement identiques par le fond
est des plus considérables. — Eh! bien, je ne crains point de
l'afiKrmer ici à la face de toute la science moderne: pas une
seule de ces interprétations matérialistes ne soutient un seul
instant d'examen scientifique sérieux ; les unes sont puériles,
d'autres semblent être sorties d'un cerveau en démence.
Une doctrine qui échoue ainsi devant l'un des phénomènes
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LA VIE FUTURE ET LA SdENGB MODERNE 11
les plus fondamentaux du monde physique n'a plus le droit de
s'adjuger seulement Tombre d'une explication des phénomènes
du monde vivant. — £t ce que nous venons de dire des
tentatives d'explications de la gravitation, s'applique iden-
tiquement aux phénomènes de répulsion et d'attraction
magnétiques, électriques (statiques et dynamiques): si toute-
fois on peut même donner le titre d'explications à ce qui a été
produit en ce sens.
Quoiqu'en puissent dire un très grand nombre de physiciens
modernes, le matérialisme a perdu son droit de cité sur le
domaine des phénomènes du monde inanimé lui-même. Les
seules propriétés que nous constatons dans les corps qui
tombent sous nos sens le réfutent radicalement ^
Voyons maintenant ce qui en est de la prétendue clarté sans
pareille de cette doctrine. Ici je ne recourrai qu'à deux seuls
arguments ad hommem^ sous forme interrogative.
Les livres dogmatiques que j'ai nommés plus haut sont
aigourd'hui entre toutes les mains. L'un d'eux, entre autres,
« FORCE ET KATiÈBE » de Buchuer, s'est, en traduction fran-
çaise, vendu à plus de cinquante mille exemplaires. C'est
peu dire que d'estimer à cinq cent mille les lecteurs de ce
livre ou de ses congénères. D'après la doctrine soutenue dans
tous ces livres, d'après le matérialisme prétendu scientifique,
les mondes se sont formés par les mouvements des atonies
matériels accourant de tous les points de l'espace, incités par
d'autres mouvements antérieurs. — Cela posé, il nous sera
permis de demander si, parmi ces cinq cent mille lecteurs,
incontestablement lettrés, dont nous parlons, il s'en trouve un
seul qui sache ce que c'est que le mouvement, un seul qui
sache en quoi un corps en mouvement diffère de nature d'un
^ Je me permettrai de renvoyer à ce sujet à ce que j'ai dit dans la
partie critique de mon anàltsb ^hkusvTAiBji bb l'ttniyebs (1 vol. in-8<>,
chez Gauthier-Villars, libraire à Paris).
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19 RBYUE D*ALSAGE
corps en repos ? La réponse ne pouvant être que négative,
nous demanderons s'il est dès lors plus clair d'attribuer l'ori-
gine des choses et la continuité des phénomènes h une inconnue
aveugle, inconsciente, agissant pourtant avec une intelligence
que personne, parmi nos cinq cent mille lecteurs, ne peut nier,
qu'à une inconnue intelligente, consciente de ses actes, et
toute puissante?
Que devient devant une pareille interrogation la grande
clarté du dogme matérialiste? Posons cependant une seconde
question.
C'est pour le matérialisme un article de foi d'admettre que
la pensée est une sécrétion du cerveau, absolument comme la
bile en est une du foie, comme l'urine en est une des reins.
Nous accepterons très volontiers ces aphorismes; nous irons
même plus loin, et nous dirons que l'intégrité des fonctions
du cerveau est aussi indispensable h la sécrétion de la pensée
qu'à celle de l'urine à laquelle il préside indirectement par
son action sur les reins ; nous irons encore plus loin, et nous
conviendrons que, pour certaines pensées, il y a une analogie
plus grande qu'il ne semble entre les deux sécrétions. — Ici
toutefois s'arrêtent nos concessions, et bien légitimement.
Comme il n'existe que matière partout identique à elle-
même, incapable d'agir autrement que par impulsion immé-
diate d'atome à atome, comme c'est aux chocs et aux vibrations
moléculaires qu'est due la sécrétion de l'urine aussi bien
que celle de la pensée, nous demanderons h nos cinq cent
mille croyants si un seul d'entre eux comprend comment les
chocs de tant de billes de billards qu'on voudra, aussi petites
et aussi élastiques qu'on voudra, peuvent arriver à la con-
science d'eux-mêmes, à la notion de leur être qui, d'après le
dogme admis, n'est qu'un phénomène transitoire ? En vérité,
de tels articles de foi peuvent-ils avoir la prétention d'être
plus clairs, plus compréhensibles que ceux de n'importe quel
culte aussi mystique qu'on voudra?
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LÀ VIS PirruEB KT lA sconra moderne 13
Nous ne comprenons certainement pas plus Tessence de
notre âme ou celle du principe lîtal en général que celle de
Dieu; mais nous ne comprenons pas davantage celle du mou-
Tement ni celle de la matière elle-même. Nuit pour nuit,
incompréhensible pour incompréhensible, nous pouvons donc
de plein droit préférer l'interprétation qui, appuyée sur la
raison et sur le raisonnement, satisfait à tout Tensemble des
phénomènes, à celle qui ne satisfait à aucun.
On le voit, si nous ne nous trouvions en face que des seules
négations du matérialisme pur, notre œuvre serait facile; que
dis-je! elle serait achevée. On aura beau, dans des ouvrages
étendus et du plus haut mérite, comme « l'histoibb du
KATiRiiiJSMK > de Lange, par exemple, exposer les déve-
loppements successifs de cette doctrine et tenter de lui donner
un caractère de solidité scientifique; on échouera toi^ours
quand, partant rigoureusement des seules propriétés de la
matière en repos et en mouvement, on essaiera l'interpréta-
tion réfléchie et rationnelle du moindre des phénomènes
physiques, h plus forte raison de ceux du monde vivant
Mais le matérialisme pur s'est toujours trouvé côtoyé, de
près ou de loin, par un autre genre de négation qui, sans
aflfecter la forme arrêtée d'une doctrine proprement dite, n'en
est pas moins très vivace et très répandue. Elle est beaucoup
plus bornée dans ses prétentions; elle ne s'adresse qu'aux
seuls phénomènes du monde organique, ou même plus exacte-
ment encore, du inonde humain. Elle est, non certainement
professée, mais tacitement ou ouvertement admise, par un
grand nombre d'hommes qu'à aucun titre nous ne serions plus
en droit d'appeler des laïques. Prenant un instant la forme
personnelle, qu'on ne me reprochera certes pas d'avoir sou-
vent affectée dans cet exposé, je dirai, sans crainte d'éveiller
des susceptibilités ou d'irriter ceux dont je parle, que parmi
les médecins, et surtout les jeunes médecins modernes, il en
est un très grand nombre qui attribuent à la matière et à
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14 REVUE D'ALSACE
Pensemble des forces aveugles constituant Torganisme de
l'être vivant, toutes les fonctions de celui-ci, qu'U s'agisse des
fonctions physiologiques seules, ou de tout Tensemble des
fonctions intellectuelles, chez l'homme notamment « C'est le
cerveau qui pense, disent-ils; une âme y est une bien inutile
superfétation. » Je dis les jeunes médecins .... les neuf dixièmes
peut-être. A l'âge mûr, le doute survient chez beaucoup, quant
à la vérité absolue de l'assertion. Quelques-uns alors se con-
vertissent et deviennent, en apparence du moins, des dévots
fort respectables : ce sont en général des considérations sin-
gulièrement étrangères à la métaphysique qui sont la cause
déterminante de ce phénomène. Disons-le h l'honneur de la
science et de tout le corps médical, de pareilles chutes sont
les exceptions. Mais laissons ces tristesses
A force de s'incliner sur le lit des malades et des mourants, h
force d'observer des phénomènes qui échappent h toute expli-
cation purement physiologique, le médecin de cœur et de bon
sens se demande si, contrairement à son assertion d'étudiant,
ce ne serait peut-être pas nous qui pensons à Vaide du cerveau f
Il suspend son jugement, et, continuant sa vie de dévouement,
il soulage, avec sa science et avec son cœur, la douleur
physique et morale partout où il la rencontre. Fort de sa
conscience d'honnête homme, il attend patiemment jusqu'au
bout la solution de la grande énigme.
Est-ce le cerveau qui pense et nous fait nous?
Ou bien est-ce nous qui pensons avec le cerveau?
Voilà toute la question qui se pose devant nous, effrayante
ou consolante, selon le côté par lequel nous l'attaquons.
Nous savons tous que nos rapports avec le monde externe
sont établis à l'aide de certains organes spéciaux, sans lesquels
nous n'aurions pas la moindre notion de ce qui se passe hors
de nous. Nous savons, par exemple, que pour voir, que pour
entendre, il nous faut deux instruments de physique d'une
construction admirable, dont le mode de fonction ne nous est
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LÀ VIB FUTURK BT LA SCUNCE MODERNE lô
même connu que depuis une époque relativement récente et
est encore énigmatique dans quelques détails intimes. La
forme de nos idées, la manière de penser, relativement à ce
que nous voyons, à ce que nous entendons, dépendent telle-
ment des données que nous fournissent à chaque instant ces
instruments, qu'il est des choses que nous ne pouvons pas
concevoir autrement que nous ne les voyons, que nous ne les
entendons : une sphère lumineuse, par exemple, ne nous est
visible que par une moitié à la fois. Ehl bien, il nous est
impossible, en dépit de tous nos efforts d'imagination de nous
IsL figurer sous ses deux faces à la fois ! A chaque imperfection
de Toeil, à chaque défaut, congénital ou accidentel, répond une
imperfection ou un défaut dans les notions qui naissent de la
vision. L'homme de science, lorsqu'il observe, est lui-même
trompé par ces fausses indications; il est obligé, par une
longue étude, de rectifier des erreurs personnelles de percep-
tion, qui échappent absolument au laïque.
Voilà une dépendance intime, profonde, qui est absolument
incontestable.
Passerart-il pourtant jamais par la tête de quelqu'un de
dire: Ce sont les yeux qui voient, ce sont les oreilles qui
entendent? Ces locutions ne seraientrelles pas aussi risibles
que celle qui consisterait à dire, par exemple : la lunette de
cet astronome voit et observe admirablement?
Nous disons tous :je vois avec mes yeux, j'entends avec mes
oreilles, comme nous disons :je marche avec mes jambes
et nous avons raison. Lorsqu'un de ces instruments, lorsqu'un
de ces organes nous a été ravi par la maladie ou par un
accident, nous ne savons que trop qu'il reste quelqu'un qui
souffre de cette privation.
Cela posé, et au rebours des locutions précédentes, est-il
moins risible, plus intelligible, et surtout plus vrai, de dire :
C'est le cerveau qui voit avec les yeux, qui entend avec les
oreilles, qui pense, qui crée une individualité ayant
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16 BXVUS D'ALSACE
désormais la conscience d'elle-même, quoique dénuée de toute
existence réelle?
Que de dire simplement :
C'est mai gui pense, mais qui pour penser ai besoin d'un
organe?
Le côté risible de la première forme d'assertion n'est guère
contestable. Si décidément dans notre cerveau il n'y a pas de
place pour une âme, nous ne sommes tout aussi décidément
plus que des machines; machines qui, conmie telles, laissent
môme parfois singulièrement à désirer quant à leur construc*
tion. — Il est une expression que personne n'effacera plus ni
de nos codes, ni de nos constitutions sociales, ni des rap-
ports d'homme à honmie : c'est celle de « bespohsabiuté
HincAnrE ». Ni matérialistes, ni positivistes, ni négativistes^
ne sauraient contester un instant que le titre moral, que le
degré qu'occupe tel ou tel peuple sur l'échelle sociale est
d'autant plus élevé que cette expression est mieux comprise
et mieux mise en pratique par chaque individu. — Que dirait
pourtant le sceptique le plus invétéré, si quelqu'un, prenant
au pied de la lettre cette assimilation de l'être vivant avec
une machine, venait à parler de la responsabilité de nos
machines à vapeur ^ de nos montres? Un ûmnense éclat de rire
accueillerait certainement une pareille plaisanterie; et ceux
ou celles mêmes qui prétendent que dans notre cerveau il n'y
a pas place pour une âme, y prendraient part
La première forme d'assertion est-elle plus intelligible?
La dépendance intime et directe de notre pensée et du
cerveau ne peut plus être contestée un seul instant Non seu-
lement il nous faut ici-bas un instrument approprié pour
penser, mais chacun des modes de la pensée semble même
avoir son mécanisme spécial dans cet instrument Bien que la
doctrine de la localisation de nos facultés (poussée à l'extrême
par Flourens, entre autres), ait reçu de fréquentes et graves
atteintes de l'observation impartiale des faits, un fond de vérité
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LA VIB FUTURS ET LA SCEENCB MODERNE 17
lui reste pourtant acquis. L^ensemble des faits relatif à cette
grande question est si généralement connu qu'il est inutile de
nous y arrêter ou de le développer.
Disons-le bien haut et bien hardiment, nous n'avons pas la
plus légère idée de ces rapports nécessaires de Tâme avec le
mécanisme organique. Nous ne savons pas comment elle peut
en avoir besoin pour accomplir Pacte qui semble être le fait
de son essence même, pour penser. Nous ne savons pas com-
ment cet acte peut être entravé, souvent radicalement, par
telle ou telle cause physique venant du dehors, par la maladie,
par une matière toxique; nous ne savons pas comment il est
suspendu journellement et périodiquement par le sommeil. —
Mais remarquons-le expressément, il s'agit ici d'une ignorance^
si profonde, si absolue qu'on voudra d'ailleurs, mais non d'une
difficulté de conception. Il n'est pas plus difficile de concevoir
que nous ayons besoin d'un organe pour penser que de com-
prendre qu'il en faille un pour voir, pour entendre. Nous
ignorons absolument le mode, et voilà tout. Mais nous ne pou-
vons tirer de cette ignorance aucune raison plausible pour
nier la présence d'un Élément pensant et animique.
Ferons-nous les mêmes remarques quant à la seconde des
assertions, quant à celle qui dit que c'est le cerveau qui pense
et que toute addition d'un élément spécifique, accomplissant
cet acte, est une bien inutile superfétation ? — Assurément
non. Ici il ne s'agit plus d'une ignorance, temporaire ou défi-
nitive, mais bien d'une impossibilité d'interprétation. Aucun
de ceux ou de celles qui aujourd'hui, avec tant d'assurance,
affirment qu'il n'y a plus de place pour une âme dans le cer-
veau, aucun n'a jamais compris comment une machine, formée
de pièces multiples et diverses réagissant les unes sur les
autres, peut arriver à la conscience de son existence, à sentir,
à souffrir, à jouir, physiquement et moralement; aucun ne l'a
jamais compris et n'a produit l'ombre d'une explication sensée,
car une telle explication est tout simplement une impossibilité.
Nouvelle Série. ~ il- année. â
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18 REVUE D'ALSACE
Ni la matière seule, telle qu'elle est conçue et définie par le
matérialisme, ni la matière gouvernée par des forces aveugles
partout répandues ne pourra jamais expliquer le sentiment
de l'existence, la conscience d'eux-mêmes, que possèdent
l'homme et les animaux supérieurs ; et ce n'est pas non plus
dans telle ou telle partie d'un mécanisme constitué par la
matière et les forces que peut résider ce sentiment. — De très
grands penseurs ont dit que la matière peut se développer,
s'organiser par degré, s'élever en titre et arriver à la pensée.
Mais il est bien clair que si une telle transformation était
eflective, il en résulterait simplement que la matière cesserait
d'être ce qu'elle est partout autour de nous, dans le monde
physique. C'est d'ailleurs une des rares affirmations parfaite-
ment correctes et vraies posées par le matérialisme, à savoir
que la matière est toujours et partout identique en propriétés,
dans notre cerveau aussi bien que dans le soleil qui nous éclaire-
Si tant d'esprits distingués, parmi les jeunes médecins,
quittent le doute, naturel et légitime chez tout homme sensé,
pour admettre l'affirmation négative absolue (que l'on me par-
donne cet assemblage de termes si opposés), il faut en chercher
l'explication dans des raisons assez diverses. — Les unes
reposent sur l'antagonisme violent qui, chez le jeune homme
embrassant une carrière scientifique, celle de la médecine, par
exemple, s'établit entre les assertions dogmatiques, historiques,
légendaires, que sans preuve aucune on nous inculque comme
vérités indiscutables, et les réalités que nous révèle l'étude
directe de la nature et des faits. On nous avait habitués, de
l'enfance à l'âge mûr, à accepter des affirmations sans preuves ;
arrivés à l'âge de l'examen, nous tombons dans un excès con-
traire et nous acceptons des négations sans preuves : c'est là
un travers de notre nature qui s'explique, sans toutefois se
légitimer. Mais il est d'autres raisons plus puissantes qui
interviennent et qui font pencher l'esprit vers la négation. —
Par suite des nécessités mêmes de h profession qu'il va
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LÀ VIB FUTURS ET LA SCIENCE MODERNE 19
embrasser, le jeune médecin est obligé de s'occuper surtout
de ces phénomènes physiologiques, pathologiques, qui,
chez tous les êtres vivants, semblent seuls se prêter à des
interprétations mécaniques ou physiques, et l'étude des
sciences physiques et exactes proprement dites, tout comme
celle des phénomènes de Tordre psychologique, intellectuel,
moral reste complètement à Tarrière-plan. Cette double.
étude seule pourtant peut nous apprendre ce dont sont
capables ou absolument incapables les agents seuls du monde
physique. En m'énonçant ainsi, je crois rester dans la plus
stricte vérité et ne blesser qui que ce soit. Ce sont les
exigences mêmes de la profession médicale qui condamnent
pour ainsi dire l'étudiant à négliger un ensemble de sciences
dont la connaissance lui serait indispensable pour maintenir
chez lui un juste équilibre entre les affirmations exagérées de
certaines doctrines et les négations tout aussi exagérées des
doctrines antagonistes.
Tout esprit sensé qui aura soin de maintenir en lui-même
cet équilibre, arrivera toujours à cette conclusion :
Au-dessus des organes des sens et de la pensée se trouve
nécessairement une réalité sentante et pensante, sans laquelle
le mécanisme auquel elle est liée ne saurait lui-même fonc-
tionner, réalité qu'aucun système n'effacera jamais de Tordre
des existences, quels que puissent être d'ailleurs son passé et
son avenir. Et, beaucoup plus généralement encore, au-dessus
des organes de n'importe quel être vivant se trouve nécessai-
rement un élément directeur qui sépare radicalement l'être
vivant le plus infime du rang des machines proprement dites.
Nous disons : quels que soient d'ailleurs son passé, son avenir.
Dans toutes les recherches, dans toutes les discussions
conceriiant la nature des êtres vivants, et de Thomme en par-
ticulier, on s'est toujours étrangement trop préoccupé du
mode d'apparition de ces êtres sur notre terre. C'est ce qu'on
ne saurait assez faire ressortir aujourd'hui.
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20 REVUE d'àLSACE
Contrairement à ce qu'on admettait autrefois, la chimie
parvient à produire directement des composés qu'on croyait
ne pouvoir être élaborés que par la vie : c'est ce qu'ont mis
pleinement hors de doute les travaux de M. Berthelot Qu'il
me soit permis d'exprimer ici le regret que cet éminent chi-
miste ait si brusquement abandonné une route qu'il avait si
brillamment ouverte et où il reste encore tant à découvrir,
pour se livrer à des travaux qui, au lieu de génie, n'exigent
que de la patience et de l'exactitude. — Nous disons : la chimie
sait produire des combinaisons semblables à celles qu'éla-
borent les organes des êtres vivants. Mais ni la chimie, ni
aucune autre science, n'a su encore produire un organe, ou
seulement la moindre cellule organique. Bien, absolument
rien n'autorise à affirmer qu'il puisse, au sein de la nature, et
par la réaction réciproque des seuls éléments du monde phy-
sique, se produire, non un être vivant, mais seulement la
moindre des cellules organiques. Les générations, dites d'ail-
leurs fort à tort, spontanées, les générations sans germes
antérieurs, tour à tour niées et afSrmées avec emportement
par les diverses écoles, peuvent être considérées aujourd'hui
comme classées, non au rang des impossibilités, mais au rang
de phénomènes qui ne se sont jamais produits jusqu'ici, du
moins sous la forme que leur assignentles systèmes (Pasteur).
Jusqu'ici non plus, et en dépit de toutes les affirmations des
systèmes préconçus, il n'est démontré le moins du monde
qu'un être vivant de telle espèce puisse, par des modifications
successives, donner lieu à des êtres d'espèces absolument dif-
férentes. Tout ce qu'est parvenu à prouver l'un des plus grands
et en même temps des plus honnêtes naturalistes de notre
temps, dont le nom restera attaché à la doctrine du transfor-
misme, tout ce qu'est péniblement parvenu à prouver Darwin,
c'est que le nombre des espèces primitivement admises en
histoire naturelle, est moins grand qu'on ne le supposait
Mais faisons un pas immense. Admettons, contre toutes les
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LA VIE FUTURE ET LA SaSNGE MODERNE 21
probabilités, qu'un germe vivant puisse, au sein de la nature,
se produire sans germe antérieur. Admettons que, par suite
dHnfluences d'une sorte ou d'une autre, une espèce puisse
réellement donner lieu à une espèce tout à fait différente
en apparence. — Résultera-t-il de là, d'une part, que la vie
organique soit le résultat des forces ordinaires du monde phy-
sique, ou d'autre part que l'élément animique de tel être ait
été le même que celui de l'être d'espèce différente auquel il a
donné lieu? ~ C'est bien là la conclusion que l'école matéria-
liste et tous les laïques sans distinction tireraient de ces deux
ordres de faits. Et c'est pourtant aussi, on ne saurait assez le
faire ressortir, la conclusion la plus étrangement arbitraire
qui se puisse imaginer.
L'être vivant, l'humble violette comme l'homme de génie,
doit être considéré en lui-même et en ce qu'il est actuelle'
nient: dans le connUy en un mot, et non de ce qu'il a été ou
dans ce qu'il sera^ c'est-à-dire dans Vinconnu. Aucun raisonne-
ment sérieux ne peut prouver, aucune vaine argutie ne peut
faire accepter de l'imagination, qu'une machine soit capable
d'élaborer la pensée. — Le penseur est ce qu'il est. — Qu'il
sorte d'un peu de fange, comme le disent les poètes et les sots
(les extrêmes se touchent), ou qu'il descende d'un singe, il
n'en reste pas moins ce qu'il est : un élément supérieur anime
actuellement son oi^anisme terrestre.— Les personnes qu'effa-
rouche tant une origine simiale, feraient bien de se rappeler»
mais tout à rebours, les vers d'un rimeur célèbre :
Mais la postérité d'Alfane et de Bayard,
Qaand eUe n'est qn'nne rosse, est Tendue au hasard.
Se croire un être déchu ou même dénué d'âme, parce qu'on
sortirait d'une autre espèce vivante de degré inférieur, serait
en vérité aussi absurde et puéril que de se croire un être
supérieur en vertu de prérogatives nobiliaires, parce qu'un
ancêtre, il y a trois cents ans, a acquis le droit d'attacher une
particule à son nom !
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22 REVUE D'ALSACE
Si un être vivant quelconque pouvait se produire effective-
ment au sein de la nature, sans germe antérieur, si l'espèce
humaine était en efiet une modification graduée d'une espèce
de singe, il n'en résulterait nullement que cet être serait
dénué d'un élément animique absolument distinct des forces
du monde physique, il n'en résulterait nullement que l'homme
serait un singe perfectionné; il faudrait simplement en con-
clure que la puissance créatrice procède autrement que
nous ne l'admettions, et qu'ici encore, comme en bien d'autres
points, nous l'avions faite un peu trop à notre image. Certains
laïques seraient obligés de s'en accommoder, comme ils ont
dû le faire du mouvement de la terre, qui passait aussi pour
essentiellement hérétique, *
Tout ce qui touche, non pas à l'origine même des êtres
vivants, mais seulement à l'arrivée sur cette terre de chacun
d'eux, petit ou grand, humble ou sublime, est enveloppé d'un
profond mystère, contre lequel se briserait la foi du croyant
le plus fervent comme les raisonnements de l'esprit le plus
sceptique, si l'on se donnait la peine d'y songer. — Dans cette
nuit si sombre, le bon sens et la raison cependant posent au
moins quelques jalons, que bien des personnes semblent à
plaisir perdre de vue, et dont, en tous cas, elles ne se préoc-
cupent nullement
Dès qu'il est question de la succession des êtres vivants, de
celle des animaux supérieurs, ou de l'homme, par exemple, on
se tient pour satisfait, on croit toute difficulté mise de côté,
en admettant qu'il a été créé une paire primitive de chacun.
Nous sommes habitués à voir ces êtres se reproduire et s'ac-
croître ainsi en nombre, comme nous sommes habitués à voir
les corps pesants tomber : nous trouvons les deux genres de
^ n me sera sans doute permis de renvoyer à ce que j'ai dit sur cette
grande question dans mon analyse éléicektairb db l'univbbs; elle est
traitée presque sons forme élémentaire dans la Cinquihne Esquisse,
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U VIE FUTURE ET LA SCIENCE OdERNE 23
phénomènes très naturels. Cependant, en y regardant d'un peu
près, nous sommes bien obligés de reconnattre que nous ne
comprenons ni l'un ni l'autre. En ce qui touche à la vie, il ne
nous est en définitive pas plus facile de concevoir la naissance
de chacun de nous en particulier que la création de la paire
primitive à laquelle nous recourons pour tout expliquer.
£n donnant le jour à ses semblables, l'homme est le motif
déterminant de deux phénomènes, l'un organique, l'autre psy-
chologique que l'on ne peut toutefois disjoindre que nomina-
lement: la formation d'un organisme semblable au sien,
l'arrivée en ce monde ou du moins la manifestation nouvelle
d'un élément animique, semblable aussi au sien.
1** Dans le phénomène organique, les parents ne sont que
le motif déterminant initial, et ce n'est qu'à ce titre que leur
volonté intervient, une fois pour toutes. L'impulsion étant
donnée au germe, le développement se fait à l'insu et indé-
pendamment de la volonté de la mère elle-même, qui ne fait
que fournir les éléments nécessaires, tirés par elle du monde
externe.
Les parents, en tout cela, ne créent rien du tout : ils four-
nissent au germe et puis au nouvel être les éléments, pltcs ou
moins bien préparés, qu'ils tirent du milieu ambiant, et le
nouvel être lui-même ensuite se développe à l'aide des élé-
ments de ce milieu qu'il restituera un jour intégralement
2"* Dans le phénomène psychologique, les parents encore ne
sont que le motif déterminant de l'arrivée d'une unité ani-
mique, ou beaucoup plus correctement en toute hypothèse, de
la manifestation nouvelle d'une telle unité. — Nous ne créons
rien du tout non plus en ce sens. Il faudrait en vérité être
fou d'orgueil pour s'imaginer que nous créons une âme ! Et
d'un autre côté, ce serait se faire une idée étrange de notre
propre unité animique que de la croire subdivisible: autant
vaudrait la nier du coup !
En un mot, ni organiquement, ni psychologiquement, nous
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34 RBVUE d'ALSACE
ne créons quoi que ce soit. Lorsque, avec fatuité, nous nous
disons les auteurs de nos enfants, cette expression demande
à être comprise dans un sens bien différent de celui qu'on y
attache en général.
Nous disons que le phénomène de la continuation des êtres
vivants est double, sans que pour cela on puisse le disjoindre.
La marche du développement des animaux et de Thomme, les
phases par lesquelles passe successivement chaque nouvel
être, ont été admirablement étudiées, quant à la forme. Le
pourquoi et le comment sont ténèbres pour nous. Ce qui est
certain, quoi qu'en puissent dire toutes les écoles de négation,
c'est que l'ensemble des forces du monde physique est abso-
lument insuffisant pour rendre compte du développement du
plus minime des organes. —
Organiquement et physiologiquement, les parents servent
en quelque sorte de moule à leurs descendants, mais seule-
ment d'une façon partielle. Ils leur lèguent, dans de certaines
limites, leur propre conformation, leurs défauts physiques,
leurs maladies : et ici s'établit une responsabilité terrible chez
l'être qui occupe le sommet de l'échelle et qui est doué du
sens moral. — L'être nouveau, une fois indépendant de ses
parents, se développe plus ou moins bien, subit l'influence du
milieu ambiant, du régime auquel il est soumis, du genre de
vie qu'il mène, volontairement ou involontairement. Le moule
des êtres futurs se modifie ainsi plus ou moins. — Quelle est
la limite réelle de ces modifications? Là est la grande question
en litige.
Les défenseurs de l'unité de l'espèce humaine écartent déjà
assez les limites : du Lapon au nègre du Congo, du blanc civi-
lisé à l'Australien, la marge est grande ! En admettant une
pareille marge, ne donne-t-on pas réellement gain de cause
aux transformistes?
La science décidera-t-elle un jour de quel côté est la vérité,
ou comme cela est beaucoup plus probable, le problème
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LA VIE FirroilB BT LA 8CIBNCE MODERNE 25
échappe-tril par sa nature même, à son pouvoir? Cela est bien
moins important qu'il ne semble à la foule des laïques.
Un être vivant quelconque, l'homme tout en tête, ne pou-
vant rien créer, et ne pouvant devenir ce qu'il est que,
moyennant les éléments déjà disponibles, il est évident qu'il
ne peut y avoir de transformation dans le sens qu'on y attache
en général. Une àme humaine ne peut descendre d'une âme
de singe. Fût-elle une âme d'un degré inférieur, appelée à
s'élever par son passage en ce monde, qu'elle ne descendrait
pas à proprement parler d'une autre. Elle en serait, non une
autre perfectionnée, mais à perfectionner, ce qui est bien
difiérent
On peut faire et l'on a fait effectivement des milliers et des
milliers de suppositions sur la création de ces unités animiques
(je ne dis plus même hypothèses, car une hypothèse, fausse ou
juste, affecte du moins un caractère scientifique, tandis qu'ici
tout ce qu'on peut imaginer, de juste ou de faux d'ailleurs,
sort absolument du domaine scientifique). Ces suppositions ne
peuvent nuire au progrès, pourvu qu'une fois qu'on en a admis
une, on reste conséquent avec soi-même.
Si, par exemple, dans le principe animique et vital, on admet
la persistance des espèces, on peut, et en ce qui concerne
rhomme, faire deux suppositions principales : ou la Puissance
créatrice se manifeste à la naissance de chacun de nous ; ou,
conune pour les autres éléments constitutif de l'Univers, elle
s'est manifestée une seule fois, et alors chaque unité distincte
attendrait, sous une forme ou une autre, le moment où elle
doit être appelée & apparaître en ce monde. (Je ne rappelle
que pour mémoire une troisième supposition, exprimée en
entier par le seul mot de métempsycose. £Ue n'est de fait
qu'une variante de la seconde). — J'ai, dans cet exposé, évité
soigneusement toute question de dogme : il m'est impossible
cependant de ne pas faire une exception ici. — Le spiritua-
lisme chrétien moderne est bien obligé d'adopter l'une ou
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26 REVa£ D'ALSACE
Pautre des suppositions précédentes; et pourtant, comment
alors les concilier avec le dogme de la chute de l'homme?
Admettre que les âmes créées toutes à la fois sont tombées
toutes par la faute d'une seule, ou que pendant des milliers
d'années, en raison de la faute d'une seule, la Puissance créa-
trice n'a plus produit que des âmes déchues, c'est, en vérité,
donner au Créateur un caractère de férocité qui n'est guère
atteint que par quelques-uns d'entre nous. Puisqu'il est donc
absolument nécessaire de faire Dieu à notre imi^e, choisissons
du moins mieux celle-ci! Cette réflexion, qui tombe sous le
sens, devrait être, ce semble, un terrible appel à la tolérance,
pour certains laïques qui ont la parole si haute et si impé-
rieuse en matière de dogmes théologiques.
Si, au contraire de la supposition précédente, on admet que
l'unité animique de chaque être vivant est perfectible, ce qui,
faux ou vrai, ne heurte ni notre bon sens ni notre conscience,
on comprend qu'à chaque degré de perfectionnement du prin-
cipe vivant puisse et doive correspondre un organisme plus
élevé aussi.
Je le répète, il ne s'agit en tout cela que de suppositions,
dont l'une ou l'autre peut être juste, mais qui n'ont qu'une
importance relative, en ce sens, qu'elles peuvent heurter ou
flatter telle ou telle idée préconçue, absolument étrangère à
la question de la durée indéfinie de notre existence après
cette vie. Nous n'avons à nous y arrêter qu'à un point de vue
unique, mais essentiel.
En toute hypothèse, une loi inexorable de morale domine
tout l'ensemble des suppositions qu'il peut nous plaire de
faire. — L'organisme de l'être vivant pouvant être considéré
comme l'instrument nécessaire, en ce monde, à la manifesta-
tion de l'élément animique, il est visible que cette manifestation
sera facilitée ou entravée, selon le degré d'appropriation de
l'instrument aux fonctions auxquelles est appelée l'unité ani-
mique. C'est, dans le cercle tout pratique et expérimental, ce
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LA VIE FUTURE ET LA saBNCE MODERNE 37
que chacun de nous n'apprend que trop souvent à ses dépens,
sans qu'il puisse, hélas ! y remédier. Qu'on admette la fixité
des espèces ou qu'on soit transformiste, il est incontestable
ainsi que nous l'avons déjà dit, que, dans des limites plus ou
moins étendues, nous transmettons notre conformation phy-
sique, nos défauts, nos maladies à nos descendants.
Nous préparons en un mot, que l'on me pardonne la familia-
rité de l'expression, un logis et un outil plus ou moins commode
à ceux qui nous succèdent A ce seul point de vue déjà, une
responsabilité formidable incombe à l'être qui a le sentiment
du devoir. Combien pourtant méconnaissent ou oublient cette
responsabilité, et, au lieu de l'amour, ne méritent plus que les
malédictions de ceux à qui ils donnent le jour! — Que nous
ayons ou non occupé un d^ré inférieur dans une existence
antérieure à celle-ci, toi\jours est-il que dans cette vie nous
sommes des êtres perfectibles, et qu'il est par suite de notre
plus impérieux devoir de perfectionner sans cesse. De ce
devoir encore naît une responsabilité dont il est difficile de
donner la mesure. — Quelques personnes, je le sais, se font
une espèce de mérite de soutenir que l'homme n'est perfec-
tible qu'individuellement, que les progrès de chacun de nous
ne s'héritent pas par transmission et sont perdus pour ceux
qui nous suivent, qu'un homme de génie était identiquement
le même en puissance à quelqu'époque de l'histoire qu'il
ait apparu, qu'ainsi, par exemple, Aristote eût pu faire
absolument les mêmes découvertes que Newton, s'il avait eu
sous main les éléments dont a disposé celui-ci Il suivrait
de là qu'il a pu exister parmi les peuplades barbares primi-
tives des génies comme Newton, Beethoven, Shakespeare,
Michel-Ange qui ont passé inaperçus, uniquement parce
qu'ils n'avaient pas sous main les éléments nécessaires à leur
manifestation. — Il me semble qu'il suffît de poser un tel
énoncé pour montrer qu'une telle opinion est le paradoxe le
plus monstrueux qui puisse passer par la tête d'un homme de
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38 REVUE D'ALSACE
cœur et d'intelligence : disons bien plutôt qu'il faut manquer
des deux pour concevoir seulement la possibilité d'une pareille
énormité. Il tombe, au contraire, sous le sens que l'intelligence
humaine est en tout point perfectible, non seulement danâ
chaque individu, mais encore dans toute l'espèce. C'est, en
vérité, se faire la partie trop belle que de décliner toute res-
ponsabilité quant au degré moral et intellectuel de ceux qui
nous suivront ! Que nous ayons eu ou non une existence anté-
rieure à celle-ci, rien n'est changé pour cela à la responsabilité
qui pèse sur nous en ce monde-ci.
On a discuté et disputé à perte de vue sur cette question
d'une vie antérieure. Il est clair que si elle était résolue dans
le sens afiirmatif, nous n'aurions plus de doute à concevoir,
quant à la continuation indéfinie. Mais si cette vie antérieure
avait eu lieu en des êtres organisés comme ceux que nous
connaissons, il est tout aussi clair que ce ne serait plus que
d'une perpétuité qu'il s'agirait, et non d'une immortalité comme
celle à laquelle nous aspirons. — Privés du souvenir de la vie
antérieure, nous constituerions de fait des êtres nouveaux,
non responsables de ce qui est au passé. On a objecté cela
mille fois, et toujours avec raison, à la doctrine de la trans-
migration des âmes. Ce qui est bien clair aussi, c'est qu'une
pareille discussion sort complètement du domaine de la science
proprement dite. Nous n'avons pas à nous y arrêter un ins-
tant Nous devons bien plutôt répondre à une objection, en
apparence très grave, que font à la notion d'une vie future
toutes les écoles de négation sans distinction.
De quel droit, dit-on, soutenir qu'un être qui a un commen-
cement n'a pas aussi une fin? Nous n'avons nulle conscience,
nul souvenir d'un état antérieur; chacun de nous est nouveau-
venu ici-bas, sinon comme substance, du moins comme être
ayant le sentiment de lui-même. De quel droit admettrions-
nous dès lors que nous devons durer avec le souvenir du
passé?
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LA VIB FUTURE ET LÀ SCIBlfCE MODERNE 29
Cette question, fort heureusement, est pleinement du
domaine de la science; la négation qu'elle implique est pure-
ment spécieuse, et dérive, nous allons le voir, d'une fausse
conception du temps et des rapports du fini et de l'infini.
Arrêtons-nous d'abord à une remarque critique digressive,
comme plusieurs déjà se sont présentées à nous sur notre
chemin. — Chose étrange, les doctrines de négation et les
doctrines réputées les plus orthodoxes se rencontrent et
posent une même négation, mais quant à deux éléments dis-
tincts. Les secondes tiennent la matière et l'Univers entier
pour finis, mais l'ftme humaine pour immortelle. Les premières
déclarent au contraire la matière comme infinie en espace et
en durée; quant à l'élément animique, il est simplement nié.
Ainsi qu'en bien d'autres points, il y a du moins chez ces der-
nières, au milieu de l'erreur même, un caractère logique qui
fût absolument défaut chez les premières.
En tout premier lieu, en effet, il n'est pas facile de deviner
en quoi il peut être plus orthodoxe d'admettre que l'Univers
est borné en étendue, que le nombre des étoiles, des mondes
éparpillés dans l'espace est fini, que les mondes auront néces-
sairement une fin, que d'admettre en tous points l'opposé.
L'observation directe, cela est bien évident, ne peut pas nous
apprendre si les mondes sont bornés dans une certaine éten-
due de l'espace infini ; mais elle nous apprend du moins que
l'étendue occupée par les étoiles grandit avec la puissance de
nos instruments d'observation, et il n'y a dès lors aucun motif
plausible pour admettre qu'il y ait une limite quelconque à
cet agrandissement En ce qui concerne la durée, on ne voit
pas non plus pourquoi la matière et la force doivent avoir une
fin parce qu'elles ont eu un commencement, tandis que l'ftme
doit être immortelle bien qu'elle ait eu un commencement.
Ce sont là certainement des affirmations qui n'ont absolument
rien de commun avec une foi religieuse quelconque.
En second lieu, et c'est ici surtout le côté le plus paradoxal
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30 RBVDB D'ALSACE
de telles assertions, comment ceux qui, avec raison, admettent
que la substance en général (matière, force, élément vital) a
eu son origine dans un acte de la volonté toute puissante,
osent-ils soutenir que cette môme volonté doive nécessaire-
ment détruire ce qu'elle a produit? N'est-ce pas là se substituer
encore une fois au Créateur, sans aucune excuse plausible?
Il nous semble qu^une prétention aussi audacieuse, loin d'avoir
un caractère d'orthodoxie, touche de très près au blasphème!
Un très grand nombre de personnes, aussi bien parmi les
hommes de science que parmi les laïques, pensent que ce qui
a un commencement a nécessairement une fin; et de là beau-
coup concluent que puisque notre vie commence, elle doit
aussi finir.
Au point de vue scientifique, cette opinion est doublement
erronnée. En géométrie et dans l'ordre idéal, il existe plusieurs
lignes courbes à équations parfaitement définies, qui ont un
commencement et dont le développement est infini. Celle,
par exemple, que décrit l'extrémité libre d'un fil qui est
enroulé autour d'un cylindre, et qu'on déroule en la tenant
tendue, la développante du cercle est dans ce cas : elle commence
sur le cercle générateur et, aucune limite n'étant imposée
à la longueur du fil, elle est idéalement infinie dans son
développement. Dans l'ordre idéal donc, l'assertion est fausse.
Dans le même ordre, mais à un point de vue bien plus élevé,
l'assertion est plus erronée encore, s'il est possible, et repose,
comme je l'ai dit, sur une fausse notion des rapports du fini
et de l'infini. Pour bien des personnes, l'infini est simplement
ce qui, en grandeur, dépasse tout ce que nous pouvons nous
figurer : d'oïl il résulterait que si, dans l'infini ainsi conçu,
nous plaçons soit un commencement de date soit un point
de départ en étendue, il existerait un rapport de grandeur
entre ce qui va avoir lieu et ce qui a eu lieu antérieurement.
Mais cette manière de voir est mathématiquement fausse.
L'infini, si une expression presque familière est permise,
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LÀ TIE FUTURE ET hk SCIENCE MODERNE 31
rinfini est en quelque sorte le contenant du fini, soit en temps
soit en étendue, et tandis que l'idée de mesure est inséparable
de ce dernier, elle est au contraire étrangère au premier.
L'infini, en un mot, n'est pas le fini amplifié au delà de toute
imagination, il est autre en espèce et en nature : je l'ai dit
dès le début, je le répète avec intention. Entre ce que va
devenir, en espace ou en temps, ce qui commence, et ce qui
a eu lieu idéalement antérieurement, il n'y a donc pas de
rapport nécessaire.
Ce que nous disons des choses de l'ordre idéal, est vrai, et à
bien plus forte raison de celles de l'ordre réel, de ce qui a
une existence effective. La matière, la force, Tftme ont
été créées ou existent par elles-mêmes. Dans ce dernier cas,
leur existence est un état qui n'a plus rien de commun avec
une mesure quelconque en durée. Dans le premier cas, le seul
admissible par la raison et un raisonnement correct, ce qui
précède leur existence n'est pas une durée non plus; leur
existence est aussi un état et non un phénomène ; elle peut
durer ou ne pas durer, selon la volonté de celui qui les a fait
être, cela est bien évident; mais du fait même d'un commen-
cement, il n'y a absolument rien à arguer contre la durée
irffinie. Au moment même où elles reçoivent l'être, elles sont
comme si eUes avaient toujours été, et il n'y a aucune raison
imaginable pour dire a priori qu'elles doivent cesser d'être.—
Les personnes qui croient à l'extinction nécessaire de ce qui a
eu un commencement, confondent visiblement un état avec
un phénomène. Notre vie organique est un phénomène des
plus transitoires, nous le savons tous, mais nous n'y songeons
pas assez. Il nous est donné en naissant, comme une somme
finie d'activité et d'action à dépenser; nous pouvons à notre
gré dépenser pour le bien et pour le mal, physiquement et
moralement; nous pouvons même sommeiller, et laisser la
dépense se faire à notre insu; mais quand elle est opérée, la
vie organique cesse. En ce sens même toutefois, et l'on ne
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32 REVUE d'àlsàge
saurait assez le mettre en relief, la comparaison qu'on fait si
scruvent de l'être organisé avec une machine est fausse. Dans
une machine, les pièces mouvantes s'usent par le frottement
et finissent par se briser ou s'enrayer, si le travail persiste
trop. Dans l'être vivant, une semblable usure n'existe pas.
Notre sang, nos muscles, nos os se renouvellent conti-
nuellement; quand les éléments constitutifs d'un de nos
organes, d'un de nos membres cessent, par une raison ou une
autre, de se renouveler, cet organe, ce membre est perdu pour
ses fonctions. Ce qui s'épuise ici visiblement et uniquement,
c'est précisément la puissance d'organisation, de réparation,
d'élimination des éléments nuisibles. Ici même toutefois, il
n'y a aucune marche régulière, aucune similitude d'un individu
à l'autre quant aux organes dans lesquels cette puissance
plastique semble s'épuiser. Un tel conserve presque toute sa
force musculaire; un autre conserve ses sens inaltérés; un
autre conserve l'intégrité de son cerveau, qui reste fidèlement
au service de l'âme pour penser. Quoiqu'il en soit, la confusion
dont je parle est manifeste. La vie organique est transitoire^
mais les éléments qui y concourent ne le sont pas nécessaire-
ment: ils peuvent l'être ou ne pas l'être, et nous ne sommes
nullement en droit de décider a priori ce qui en est Ainsi
que nous l'avons fait ressortir avec force dès le début, un
abtme sans fond sépare le laïque de l'homme de science, et en
sens bien opposé de ce qu'on eût pu croire, quand il s'agit de
l'existence des êtres. Les laïques, dont un grand nombre tient
pour impie tout homme qui doute, admettent sans difficulté
et sans scrupule, que ce qui est peut cesser d'être, qu'une
âme animale peut s'éteindre comme un flambeau. L'homme de
science sensé, à qui l'éternel doute a été donné comme éternel
stimulant, ici cesse de douter : pour lui ce qui est, ne peut
cesser d'être spontanément
La science moderne démontre, non certes l'existence de
Dieu, mais, ce qui équivaut en tous points, elle démontre la
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LA VIE FUTCmS ST LA SCIEHCB MÛDBRNB 33
non-éternité de la substance en général, qui forme rUniyers :
MÀTiàBB, FOBCE, AME elle démoutre l'existence de
Télément animique d'une manière indirecte, mais équiyar
lente à toute démonstration directe, en montrant que les
éléments du monde physique sont absolument insuffisants
pour donner lieu aux phénomènes du monde vivant La durée
indéfinie de ce qui a une fois reçu Pêtre forme pour elle un
axiome. — En ce monde, l'élément animique qui constitue
notre être pensant forme une unité bien définie; et c^est même,
pour vrai, à cette unité que chacun de nous tient le plus. Il
nous est logiquement permis d'admettre que Time possédait
ce caractère d'unité au moment de son entrée dans l'orga-
nisme et qu'elle le conservera à sa sortie. — Mais quelle sera
sa manière d'être, sa forme nouvelle? Qu'on le remarque for-
mellement, je dis sa manière cP être, je ne dis pas sa destinée.
Ce sont là deux ordres de questions absolument distinctes.
La première est du domaine de la critique scientifique, que
la science puisse d'aiUeurs ou non la résoudre; la seconde
est absolument en dehors de ce domaine: son étude doit
être l'objet essentiel des réflexions de tout être qui pense et
qui veut rester en paix avec lui-même.
La première question est du domaine de la critique scienti-
fique, en ce sens qu'elle concerne l'ordre des faits qu'étudie
la science; mais la science peut*elle la résoudre? Tout savant
sincère répondra certainement que non.
£n ce bas-monde, savants aussi bien que laïques, croyants
sincères aussi bien que sceptiques incurables, spiritualistes
aussi bien que matérialistes, nous n'arrivons tous à la notion
du monde externe que par l'intermédiaire de nos sens;
nous ne pensons qu'avec l'aide du cerveau. Toutes nos
idées, toutes nos pensées les plus immatérielles reçoivent
l'empreinte des instruments à l'aide desquels nous les
formons. Cette empreinte certes varie en profondeur, selon
l'éducation que nous nous donnons, selon les efforts plus ou
NouYeUe Séné. ~ il**^aooée« 3
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34 REVUB D'ALSACE
moins grands, plus ou moins soutenus que nous faisons pour
nous en afiranchir, mais elle ne peut dtre efbcée chez per-
sonne entièrement
Chez les personnes qui s'abstiennent de tout effort pour
s'élever au-dessus des notions de pure sensation, qui ne
s'exercent pas de bonne heure à mesurer en quelque sorte
l'influence troublante de nos instruments de perception, cette
empreinte est telle que certaines notions deviennent impos-
sibles. C'est indubitablement & une raison de ce genre qu'il
fautattribuer les discussions interminables qui ont eu lieu et qui
ont lieu encore en mathématiques, par exemple, sur l'interven-
tion ou la non-intervention de l'infini dans cette science. C'est
encore & cette raison qu'il faut rapporter la résistance qu'op-
posent certaines personnes à la notion de force, & l'existence
d'un élément qui échappe à toute perception directe, et que, pur
une paresse d'esprit invétérée, on ne peut plus mftne conce-
voir comme une réalité. On substitue des atomes en mouvement
incessant dans l'espace infini; on ne les voit, on ne les perçoit
sans doute non plus, par la raison très simple qu'ils n'existent
pas, mais on se les figure du moins, et tout semble clair dès
lors. Enfin, et pour rester dans notre siget, c'est sans aucun
doute & cette raison qu'il faut attribuer l'obstination que
mettent un grand nombre de personnes à nier l'élément ani-
mique. Chez les esprits incultes, ce motif de négation se tra*
duit souvent sous la forme la plus naïve et la plus risible :
« J'ai assisté h la mort d'un tel, je n'ai rien vu, rien entendu
partir : pures inventions que tout cela ! » Chez les esprits culti-
vés et habitués à mieux se masquer ^ ce sentiment ne se traduit
pas sous cette forme cynique; mais il n'en existe pas moins
très vivace.
Ayons le courage de le dire, n'estron pas en droit d'attribuer
cette origine à une opinion qui est presque un article de foi
dans le monde chrétien? Admettrait-on un seul instant que
notre ftme sera condamnée un jour à revêtir de nouveau son
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LA YIB rUTURB BT LA SCnifCB MODEENB 85
corps d'id-bas, si Ton avait la plus légère idée de Tétat d'une
fime délivrée de ce corps? Une pareille opinion certainement
relève du plus grossier matérialisme. En ce sens, hélas I les
docteurs en théologie surenchérissent encore dans Ténoncé
de ridée matérialiste, en affirmant que ce seront les mêmes
matériaux qui formeront notre corps futur, et qu'il doit, par
conséquent, être interdit de brûler nos cadavres, comme si
ces matériaux ne se renouvelaient pas incessamment pendant
notre existence organique, et comme si d'ailleurs dans cette
supposition d'une résurrection o^anique, il était plus difficile
de rebâtir notre malheureux corps avec les éléments dispersés
par la combustion qu'avec ces éléments dispersés par la
décomposition putride I
Les notions que nous avoiui du temps et de l'espace ne sont
certainement pas fausses, comme l'ont soutenu quelques phi-
losophes, mais elles sont incomplètes; elles sont relatives à
tout ce que nous observons ici-bas; eUes portent l'empreinte
de nos instruments de perception. Chez les esprits incultes,
elles ont un caractère réellement obtus. L'esprit cultivé sent
au contraire qu'elles pourront, en de certaines conditions,
être autres que nous ne les concevons en cette vie; mais si
exercé qu'il puisse être, notre esprit n'arrive pas & prévoir la
forme réelle qu'elles auraient si nous pouvions nous détacher
complètement de nos sens.
En un mot, et à un point de vue scientifique correct, nous
ne pouvons rien affirmer, ni même rien concevoir, quant à la
Tétat futur de notre être séparé de ses instruments d'investi-
gation. En raison même des notions incomplètes que nous
avons du temps et de l'espace, tout ce qui a été écrit sur cet
état futur, par les poètes, par les philosophes, par les savants,
revêt un caractère de puérilité ou de haute fantaisie, qui,
gr&ce à une forme littéraire brillante et émouvante, peut nous
capt^ pour quelque temps, mais ne laisse jamais de traces
définitives et profondes dans l'esprit. Les peintures ou les
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36 REVUE d'alsaœ
descriptions d'anges, de démons, de bienheureux, de réprouvés,
que nous ont laissées les plus grands peintres, les plus grands
poètes, quand elles tentent de s'élever au-dessus des formes
humaines, au-dessus de Tanthropomorphisme, peuvent nous
saisir pour quelques instants, mais nous font bientôt sourire.
Ce qui y frappe, c'est la persistance de l'imagination à îoadiser^
à donner des formes finies k ce qui par son essence même se
trouve, plus que probablement, en dehors des conditions
finies de l'espace et du temps.
La nature incomplète des notions que nous avons du temps et
de l'espace non seulement nous empêche de nous faire une idée
de l'état, du mode de manifestation de l'élément animique
dépouillé de ses instruments de perception, mais elle nous enlève
même toute compréhension nette de ce qui pourra être pour
nous un état de bonheur ou de malheur. La joie la plus pure,
la plus élevée, n'existe, pour nous ici-bas, qu'à la condition de
ne pas durer ou d'avoir même la douleur pour repoussoir. S'il
est une infirmité humiliante, c'est que nous ne puissions pas
même concevoir un état de félicité continu et toujours iden-
tique. L'artiste, le poète, le savant, dans l'idéal de bonheur
futur qu'ils se peignent, chacun à sa manière, introduisent
tous, sans même s'en douter, la condition de changer sans
cesse,^de toujours avancer, de toujours s'élever. — Un grand
peintre, sur son lit de mort, recevait les encouragements d'un
ecclésiastique, qu'il comptait parmi ses amis: a Songez, lui
disait le prélat, que vous allez contempler Dieu face à face. »
a Mais mon père, objecta le peintre, ne le verrai-je pas aussi
de profil?» Cette page dernière de la vie d'un artiste peut faire
sourire et sembler ironique au premier abord. En y songeant
pourtant, on ne peut qu'être frappé de la force avec laquelle
elle fait ressortir une défectuosité de notre nature dlci-bas.
S'il est un sujet sur lequel l'imagination se soit donné libre
carrière, c'est certainement dans l'invention des joies ou des
peines qui nous attendent outre-tombe. Chacun a inventé des
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LA VIE FUTURE ET LA SCIENCE MODERNE 37
plaisirs ou des supplices à sa guise; chacun se bfltit arbitrai-
rement un paradis pour lui, pour les siens, pour ceux qui
partagent ses opinions, et un enfer pour les autres. Dans cette
diversité, il y a peut-être une image éloignée, mais pourtant
juste de la vérité. Et dans ces inventions d'ailleurs, il n'y a rien
que de très innocent, et même de très légitime, pourvu qu'on
se les réserve pour son propre usage et qu'on ne prétende pas
les appliquer inflexiblement à autrui, pourvu qu'on se rappelle
que ce qui est le paradis pour l'un peut bien être le purgatoire
pour un autre. — Combien, hélas! prétendent étendre à
l'autre monde l'intolérance dont ils font preuve en celui-ci.
Rappelons-nous les paroles de cet Incas, qu'un Espagnol
essayait de convertir, d'abord par voie de douceur, en lui
peignant les félicités d'en haut. « Y aura-t-il des Espagnols
dans votre paradis? » — « Eh ! sans doute et surtout. » « Alors
laissez moi aller en enfer. » — Dans cette diversité d'inven-
tions, qui est peut-être une image de la vérité réalisée ailleurs,
notre esprit trouve du moins un moyen de surmonter quelques-
unes des difficultés qui se dressent devant lui dès qu'il essaie
de pénétrer du regard les voiles de l'avenir. Quelqu'ami qu'on
puisse être de la concorde et des réconciliations, il ne nous
est pas facile de comprendre comment Galilée, Jordano Bruno,
et tant d'autres. . • . pourraient en toute quiétude se côtoyer
avec leurs juges qui pourtant, par droit de profession, occu-
peront, dit-on, les premières places. Il ne nous est pas facile
de comprendre comment les persécuteurs d'ici-bas pourraient
se sentir heureux à côté des persécutés.
La science est muette sur les mystères d'outre-tombe, sur
la manière d'être, sur l'évolution future de l'unité animique,
qu'il s'agisse de l'homme à qui a été accordé, quand il le veut,
le domaine de la pensée pure, ou des êtres inférieurs sentant
et aimant comme lui, mais n'ayant pas le pouvoir de s'abs-
traire. Mais elle abolit définitivement sur l'autre rive l'idée
du néant; à l'être qui a su s'affirmer dans le présent et dire;
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38 REVUE d'alsacb
« Je sens, j'aime, je pense, donc je sois, » elle dit: « Tu es,
donc tu seras. »
La science nous conduit jusqu'à Pautre rive; mais elle ne
saurait nous révéler notre destinée au delà. Sur la rive fatale,
elle nous livre à notre conscience, au souvenir de notre passé,
au sentiment de notre responsabilité. Ainsi que l'art, ainsi
que la poésie, elle nous a été accordée comme un don, comme
une faveur, pour nous faire comprendre la grandeur de notre
mission, l'étendue de nos devoirs envers tous les êtres, ici-bas .
Elle nous a été donnée comme un guide, comme un phare :
elle ne peut nous servir d'égide, elle ne peut qu'aggraver
notre responsabilité, si, par une misérable vanité, par ambi-
tion, par asservissement à une caste, nous changeons la
lumière en ténèbres, le bien en mal. Malheur au poète, à l'ar-
tiste, au savant, lorsqu'ils font servir leur inspiration, leur
lumière à autre chose qu'à l'affranchissement de l'esprit et à
la glorification du bien, du beau et du vraL
G.-A. HntK.
Cohnar, août 1881.
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LA FAMILLE DE ROSEN
La famille de RoBen, qui a joué un grand rAle en Alsace
pendant près de deux siècles et qui, comme Ton sait, s'est
éteinte en la personne de Madame Sophie de Rosen, veuve en
premières noces du duc de Broglie, et mariée, après que son
mari eût péri sous la hache révolutionnaire, au marquis René
Yoyer d'Argenson, était originaire de la Livonie.
C'est vers 1840 que mourut la dernière descendante directe
de cette Ulustre famille.
La maison des barons, puis marquis de Rosen, ne subsiste
plus que par quelques branches collatérales fort éloignées, en
Allemagne et en Russie.
M. Lehr, dans le bulletin de la Société pour la conservation
des monuments historiques, a publié une fort intéressante
notice sur la famille et les pierres tombales des Rosen se trou-
vant dans Féglise de Dettwiller.
Il n'est pas sans intérêt de recueiUir tous les documents
épars concernant cette famille; aussi avons-nous crû devoir
sauver de Poubli les notices suivantes.
Elles sont extraites d'un manuscrit in-folio de 74 pageq
portant le titre :
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40 HETUB D'ALSACE
INVENTAIRE
DES TITRES GÉNÉALOGIQUES ET HONORIFIQUES
DE LA MAISON DE
ROSEN
et dans un cartouche à la plume surmonté des armes de
Rosen :
INVENTAIRE
CONTENANT
LES DIPLÔMES, CHARTES
ET AUTRES TITRES ET ENSEIGNEMENTS
GÉNÉALOGIQUES DE LA MAISON DE
ROSEN
de la branche de Kleinropp établie en
France en général, ensemble les lettres-
patentes, Brevets, commissions et
provisions de charges et de Dignités
militaires et de Chevallerie et autres
titres honorifiques
DE LA D. MAISON ET DE CHACUN DE SES
MEMBRES EN PARTICULIER
Inventoriés et mis en ordre par les
soins de Haut et puissant Seigneur,
Messire Eu gène-Octave- Au gust in, * comte
DE RosEN et DE Grammont, Marquis de
Bollwiller, Baron de Conflandey,
Seigneur de Herrenstein, etc., etc..
Brigadier des Armées du Roi, Colonel
du Régiment de Dauphîné Inf**, etc.
FINI EN l'année MDCCLXIII.
^ Eagène-Octave-Angnstin de Kosen, fils aniqtie du marquis Armand
de BoBen et dernier représentant mâle de la famille.
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LA FAHULE DE R08EN 41
En tête du manuscrit se trouve un avertissement par lequel
on fait observer que la maison de Rosen, particulièrement la
branche de Kleinropp, était originaire et établie en Livonie,
province du royaume de Suède, limitrophe aux états de Tem-
pire de Russie et de ceux du royaume de Pologne, et le
théâtre ordinaire des guerres de ces nations, par conséquent
sujette à de fréquentes révolutions.
Il n'est pas possible, dit cet avertissement, surtout aux
premiers de cette maison qui se sont établis en France et qui
ont quitté leur patrie pendant leur jeunesse, d'amasser beau-
coup de titres, mais encore de les apporter avec eux ni de les
faire venir, d'autant moins que les atnés des familles sont
toujours les dépositaires des archives et 1^ conservent dans
leurs terres.
On ne doit pas s'attendre par conséquent à trouver ici un
de ces volumineux tas de papiers dont on fait tant de parades.
Ceux insérés dans cet inventaire sont si authentiques et si
respectables qu'ils sont plus que suffisants pour prouver l'an-
cienneté et la pureté de la noblesse et de l'illustration de la
Maison de Rosen.
Après cet aveu quelque peu naïf, il ne nous reste qu'à
présenter, par ordre de classement, les documents les plus
intéressants.
No 1.
Témoignage ou certificat du maréchal et du corps de la
noblesse du duché de Livonie au bas de l'arbre généalogique
de trente-deux quartiers du côté paternel et maternel de très
illustre et généreux comte
Conrad de Rosen
seigneur héréditaire de Kleinropp et de Raiskum, pour lors
lieutenant général et depuis maréchal de France, portant que
ledit seigneur comte Conrad de Rosen est d'une très noble et
très ancienne race, que suivant les annales mômes du pays,
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éSt EBVUB D*ALSAGB
dès les premiers temps da christianisme en Livonie (Tsrs
Tan 1200) les descendants de cette illustre famille fiirent
admis au nombre des chevaliers; que depuis ils n'avaient
jamais discontinué de servir sous les étendards de leurs rois;
qu'ils avaient mérité par leur valeur de glorieux emplois, de
très belles charges et des terres en commande; qu'enfin ils
avaient toujours fait des alliances d'une noblesse égale à la
leur, comme le marquent les écussons de leur carte généalo-
gique et que chacun des descendants, pour soutenir l'honneur
de sa race, se crut obligé de joindre à l'éclat de son sang les
solides ornements de la vertu et d'ajouter leur mérite per-
sonnel au mérite de leurs ancêtres.
Donné à Wenden, le 18* jour du mois de mars de l'année 1692.
No 8.
Autre attestation du comte Hartfer de Griffenbourg, séna-
teur du royaume de Suède, maréchal de camp et gouverneur
du duché de Livonie et de la ville de Riga, affirmant les faits
ci-dessus.
Ce document constate encore que le chevalier Christian de
Rosen, célèbre par les armes, est venu en Livonie vers l'an
1343 et a arraché cette terre avec les autres chevaliers de
l'ordre équestre, des mains des idolfttres par divers sanglants
combats; que ses successeurs, imitateurs de sa vertu, ont
transmis l'honneur et la gloire de sa race aux dignes descen-
dants de ses aïeux, non seulement par une bravoure, une
fidélité et une prudence singulière qu'ils ont fait éclater sous
les princes de Livonie, et surtout du Grand Gustave-Adolphe
et autres rois de Suède.
(Ce certificat est daté de Stockhohn, le 12 janvier 1693.)
Ho 4.
Diplôme ou lettres^atentes de Charles Xn, roi de Suède,
de 1698, déclarant que les certificats de naissance de Conrad
de Bosen sont conformes en toutes choses à la vérité.
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LA FAimXB DE ftOSElf 48
Extrait des titres produits par Cionrad de Rosen, comte de
BoUwiller, maréchal de France, nommé chevalier des ordres
du roi, pour les preuves de sa noblesse faites par-devant M. le
duc de Foix, pair de France, et M. le marquis d'UxelIes, maré-
chal de France. Ledit Conrad de Rosen a été reçu chevalier
après avoir prêté serment entre les mains de Sa ICajesté, à
Versailles, le lundi matin, jour de la Puriiication, 1705.
No 7.
Copie des attestations données par JPierre I*% czar de toutes
les Russies, etc., etc., portant que les deux branches de la
Maison de Rosen, Tune du feu général Rheinhold de Rosen, de
Grossropp, et l'autre du feu général Conrad de Rosen, de Elein-
ropp, toutes deux originaires de Livonie, sont de naissance à
entrer dans tous les ordres de chevallerie.
Nû8.
Procès-verbaux des preuves de filiation, légitimation et
noblesse de N. Eléonor-Félix de Rosen pour dtre reçu chevar
lier de justice dans Tordre de Saint-Jean de Jérusalem.
Arbres géxiéalog^iqiaes
NM3.
Arbre généalogique de Rheinhold de Rosen, ^ lieutenant
général des armées du roi, de la branche de Orossropp, parent
et beau-père de M. le maréchal de Rosen, donné par les direc-
teurs-conseillers de la noblesse immédiate de la Livonie.
Signé par neuf gentilshommes et donné à Riga, à Thôtel de
la noblesse, en 1716.
* Rheinhold de RoBen, mort à Bon chfttean de DettweUer le 18 dé-
cembre 1667, enterré à l'église de ce village, où se trouve la pierre
tnmnlaire. 8a première femme, Anne-Marguerite baronne d'Eppe,
morte le 38 fémer 1665, est enterrée avec M.
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44 REVDS d'alsàce
No 18.
Arbre généalogique de Marie-Sophie de Rosen, * fille de
Rheinhold de Rosen et d'Anne-Marguerite d'Eppe, épouse de
Conrad maréchal de France.
N» 14.
Arbre généalogique de Conrad de Rosen, maréchal de
France, fils de Fabien de Rosen de Kleinropp, et de Sophie de
Meugden.
N» 16.
Arbre généalogique de M. Rheinhold-Charles, fils de Conrad
de Rosen-Kleinropp et de Marie-Sophie de Rosen-Grossropp.
No 18.
Copie simple d'un autre arbre généalogique de Demoiselle
Louise-Jeanne-Charlotte de Rosen, fille de haut et puissant
seigneur Anne-Armand marquis de Rosen, lieutenant général,
et de haute et puissante Dame Jeanne-Octavie, comtesse de
Vaudrey-St-Rémy, présentée au chapitre de l'Insigne Abbaye
des Dames de Remiremont — Du 4 mars 1741.
(Cette demoiselle était née en 1733.)
Contrats de mariages
No 1.
Contrat de mariage entre Messire Rheinhold de Rosen,
colonel de cavalerie de l'armée des deux couronnes confédé-
rées de France et de Suède, fils de Messire Otto de Rosen et
d'illustre Demoiselle Anne-Marguerite d'Eppe. — Passé à
Strasbourg, en 1637.
No a.
Autre contrat de mariage entre le même et entre illustre
Demoiselle Justine de Gernitz, passé à Saverne le 24 no-
vembre 1666.
A ce document on a joint une transaction passée entre
* Sa tombe se trouve à Dettwiller; morte le 8 octobre 1686.
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LA FAMILLB DE R06EN 40
ladite Dame de Gernitz, d'une part, et les enfants du premier
lit dudit seigneur Rheinhold de Rosen. — Du 31 mars 1668.
Nos.
Contrat de mariage entre MessireRheinhold-Gharles, comte
de Bosen, colonel d'un régiment de cavalerie allemande, tils
de Conrad de Rosen, comte de Bollwiller, chevalier, grand'-
croix de Tordre de Saint-Louis, général des armées du roi et
mestre de camp, général de la cavalerie et depuis maréchal
de France, et de défunte haute et puissante Dame Marie-
Sophie de Rosen d'une part: et Demoiselle Marie-Béatrix-
Octavie de Grammont — Du 10 mai 169a
Nû 4.
Contrat de mariage entre Messire Armand marquis de
Rosen, mestre de camp d'un régiment de cavalerie allemande,
fils de Rheinhold-Charles comte de Rosen, lieutenant général
des armées du roi, et de Dame Béatrix-Octavie née comtesse
de Granunont, d'une part: et de haute et puissante Dame
Jeanne-Octavie, comtesse de Vaudrey, fille de haut et puis-
sant seigneur Messire Nicolas- Joseph comte de Vaudrey et
Guierche de Grozon, baron de Saint-Rémy, seigneur d'Auche-
noncourt, Chazel, Melincourt, Aillevillers, Le Vaivre, Cour-
benay, Achey, Moutot, des deux Andelots, deChâteaurouillaux,
Coges et autres lieux, et de haute et puissante Dame comtesse
de Rottembourg * d'autre part, avec les dispenses obtenues à
la Cour de Rome. Ledit mariage célébré au château de Saint-
Rémy le 24 juillet et ledit contrat passé au château de
Bollwiller le 6 août 1731.
Testaments, IDonations et Ordonnance
de dernière volonté
No 1.
Donation faite par Conrad de Rosen, comte de Bollwiller,
en faveur de Conrad-Edme de Rosen son petit-fils et filleul,
' Morte en 1749.
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46 RBTUB D^ALSAGB
fils de Bheinhold-Charles comte de Rosen, et de Marie-
Béatrix-Octavie comtesse de Grammont, d'un contrat de
constitution de rente de 30,000 livres de principal, etc., passé
par-devant Bemy, notaire royal à Isenheim, le 1*' février 1702.
N-8.
Autre donation du même au même de la somme de 22,000
livres due au maréchal de Rosen par le comte de Grammont,
Conflandey, etc. — Du 28 mars 1703.
Testament nuncupatif de feu Monseigneur le maréchal de
Rosen, reçu par Schaub notaire royal en la ville d'Ensisheim,
le 29 décembre 1704.
No 7.
Autre donation faite par mondit seigneur le maréchal de
Rosen, au profit de M. de Bollwiller troisième fils de Messire
Rheinhold-Charles, comte de Rosen, son fils. — Du 11 juil-
let 1714.
N«&
Testament mystique et olographe de feu haut et puissant
seigneur Messire Rheinhold-Charles, comte de Rosen, lieute-
nant général, etc., etc. — Du 20 mars 1742.
Inventaire, Pactes de faxxiille, Traités et
Pax^ag^es de suocessioiis
N» 1.
Traité et partage en langue allemande en original, ^ faite
entre Sophie de Meugden, veuve de feu Fabien de Rosen de
Eleinropp, d'une part: et Fabien, Otto, Magnus-Ernst et Con-
rad de Rosen, ses quatre fils, d'autre part, des fiefe de Elein-
ropp et de Raiskum faisant partie de la succession paternelle,
et ce, du consentement des tuteurs et curateurs dudit seigneur.
Daté du chftteau de Kleinropp, le 28 mars 1653.
^ L'original eat entre nos mains.
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LA FAMaLB Ml MSBIf 47
No».
Traité tenant lieu d'inventaire et partage de la succession
de feue illustre Dame Marie-Sophie, née de Rosen, décédée
en 1686,' passé sous seing privé en langue aUemande, entre
haut et puissant seigneur Conrad de Bosen, son époux, d'une
parti et ses trois en&nts procrées avec ladite défiinte Dame,
savoir: Kheinhold-Gharles, Anne-Jeanne épouse de Nicolas-
Frédéric de Bothenbourg, ' maréchal des camps et armées du
roi, et de Marie-Sophie de Bosen, veuve de feu Messire
Meinrad-Planta de Wildenberg, d'autre. — Â Strasbourg, le
15 mai 1699.
Cession et transport de la susdite Dame de Planta en faveur
dudit seigneur et de son frère et de ses sœurs, de sa part et
portion de la seigneurie de Dettwiller, de l'hOtel de Rosen
situé en la ville de Strasbourg. — 15 mai 1699.
Ho 6.
Acte de résiliation en copie vidimée du traité de partage du
15 mai 1699, passé par-devant Rieden, greffier de Masevaux,
entre mondit seigneur le maréchal de Rosen, et Dame Anne-
Jeanne de Bothenbourg, née de Bosen, sa fille. — Du 24 oc-
tobre 1704.
* Enterrée à Dettwiller, où se trouve «a tombe.
* Enterrés à Maseyanx.
Yoid les inscriptions tomnlaires qni se rapportent à la famille des
Rosen. — • Inscriptions grayées snr table en marbre à l'église paroissiale
de Saint-Martin à Maseranz, chapelle de gauche près l'autel de Saint-
François-Xayier.
ICI REPOSBIfT LES RESTES MORTELS DBS COMTES DE ROSEN ET DE
ROTHENBOURG, AltaENS PROPRIÉTAIRES DE LA SEIGNEURIE UNIE DE
MASEVAUX ET DE ROUGEMONT, ENTERRÉS EN PREMIER LIEU DANS
l'église PAROISSULE DE SAINT-MARTIN, SITUÉE JADIS SUR LE CDfE-
TIÉRE, TRANSFÉRÉS EN 1786 DANS L'ÉGLISE SAINT-ERHARD, EN 1800
DANS L^ÉGLISB DE L' ANCIEN CHAPrTRE NOBLE DE CETTE VILLE. LEUR
DERNIÈRE TRANSLATION A ÉTÉ FAITE DANS CETTE CHAPELLE EN 1843,
CONFORMÉMENT AUX VOEUX DE LEURS HONORABLES ET NOBLES ALLIÉS.
Une pierre tombale trouvée lors de la démolition du baut-foumean
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48 REVUE D'ALSACE
LIASSE D.
N« 1.
Inventaire et description des meubles meublants, vaisselle
d'argent et autres effets, dépendants de la succession de feu
M. Anne-Ârmand, marquis de Rosen, trouvés dans la maison
qu'il occupait à Paris et dans laquelle il est décédé, le 28 no-
vembre 1749.
Lettres-patentes, Brevets, Commissions
et Provisions de charges et de Dignités
militaires, etc.
BHEINHOLD de ROSEN, db la beahohb de GROSSROPP,
lieutenant général des années du roi.
No 1.
Brevet de pension du roi Louis XIII, en original sur par-
chemin, portant que voulant reconnaître les services rendus
par le sieur de Bosen, colonel d'un régiment de cavalerie
allemande, et lui donner moyen de soutenir les dépenses qu'il
est obligé de faire dans les charges et principaux emplois qu'il
de Masevanz, a dû jadis couvrir les restes dont il est question ci-dessus.
Elle porte Tinscription suirante :
D. 0. M.
HIC RESSUKECTIONEM EXPECTAT EXCELLUS ET ILLUSTRIS DOMWUS
NICOLAUS-FREDERICUS, COMES DE ROIHENBOURG DOMINUS A BEUTNITZ,
MASMUNSTER ET DETTWILLER , REGIS CHRISTIANISSIMI CASTRORUM
PRAEFECTUS QUI ANNO AETATIS SUPRA SBXAGESSIMA NONO ANIHAX
GHRISTO CONSIGNAVIT DIB VIGESSIMO APRILIS. ANNO 1716.
Sur l'autre partie de la pierre se trouve Tinscription suivante :
ILLUSTRIS ET PIENTISSIMA UXOR SUA ANNA-IOHANNA GOMITISSA A
ROSEN CELSISSIMI DOMINI CONRADI A ROSEN QUONDEU FRANCI/E MARE-
SCHALLI SUPREMORUU ORDINUM REGIS CHRISTIANISSIMI GOMMENDAT-
ORIS PRIMOGENITA GONJUGI BENE MERITO APPONI ET HOC TUMULI
ELOGIUM CONSCRIBI CURAVIT, OBIIT
DIE 17 APRILIS ANNO 1727 REQUIESGANT IN PAGE
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LA FAMILLE DE R06EN 49
a pour le service de Sa Majesté, lui a accordé la somme de
12,000 livres de pension par chacun an durant la guerre, et
lors de la paix Sa Majesté promet de lui faire assigner sur un
domaine certain de son royaume, la même somme sa vie
durante.
Donné à Saint-Germain-en-Laye, le 22 novembre 1639.
A cette pièce on a joint les lettres-patentes de Louis XIII,
portant confirmation du don fait audit Seigneur Rheinhold de
Rosen, par le duc Bernard de Saxe-Weymar, de la seigneurie
de BoUwiller, Zillisheim et de la villette de Soultz au pais
d'Alsace, appartenances et dépendances, etc., etc.
Donné à Saint-Germain-en-Laye, février 1640.
No a.
Lettres de don du même monarque de la somme de 10,000
livres pour tenir lieu audit seigneur Rheinhold de Rosen de la
rançon de major-général de l'armée impériale par lui fait
prisonnier en la bataille de Rheinfelden en 1638.
Saînt-Germain-en-Laye, 1640.
N«S.
Lettres-patentes de Louis XIV, accordées audit seigneur
Rheinhold de Rosen, cy-devant général-major en l'armée du
roi en Allemagne, et lieutenant général commandant sa cava-
lerie, par lesquelles Sa Majesté l'a établi, constitué et ordonné
sous-lieutenant général, représentant sa personne tant sur
ledit corps de troupes qui sera tiré des armées de la couronne
de Suède et viendra au service de Sa Majesté, que dans celui
qu'il mettra sur pied, etc., etc. — Du mois d'avril 1649.
No 6.
Lettres-patentes du même roi, par lesquelles ledit seigneur
de Rosen est établi lieutenant général représentant la per-
sonne de Sa Majesté en ses armées de la haute et basse
Alsace, pour en cette qualité commander toutes et chacune
Nouvelle Série. -^ ii** année. 4
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50 REVUE D'ALSACE
les troupes, tant de pied que de cheval, françaises et étrangères
qui y sont et seront cy-après, assiéger les places, les prendre
par force ou composition, etc.
Données à Gyen, le 15 avril 1652.
No 7.
Diverses lettres et mémoires concernant la discussion sur-
venue entre M. le maréchal de Turenne et l'armée suédoise
commandée par Rheinhold de Rosen, aux environs de Saverne
en 1648; pièces par lesquelles ledit général s'est justifié à la
Cour, le traité conclu à ce sujet par les principaux officiers
de ladite armée ensemble ses traités et capitulations faites
avec la Cour. Instructions diverses, etc.
Nous avons été assez heureux pour trouver quelques pièces
qui se rattachent à cette affaire. En voici en partie la copie
ou l'extrait suivant auquel nous croyons y trouver un intérêt
historique :
Relation de Madame la Lieutenande OénéraUe de Rosen.
Vostre Majesté aara sans doute apris ce qne depuis peu s'est passé
en l'armée du Roy en Allemagne et comme le Lieutenant Gnal de
Rosen mon Mary retournant nouTellement de son emprisonnement de
deux ans arriva à l'armée lors que ce malheur avait commencé où il
apporta tout son possible pour remettre la dicte armée en bon Ordre
et ramener tout le monde & la dévotion et obéissance de vostre Majesté.
Ce nonobstant Monseig' le Mareschal de Turenne, à je ne scay qu'el
dessein et pour quel subject, l'a fait arrester et mener prisonnier à
Philipsbourg. Ce qui m'a obligée toute éplorée de prendre la hardiesse
de remonster à Y. M. en toute humilité et dede vénérence la vérité, qui
est de ma cognoissance en affaire; Monsseigneur le M^^ n'ayant en pre-
mier lieu point tenu de rendevous selon qu'il est de coustume, n'y
voulu payer le mois de gage promis, ains sans tenir Conseil de guerre
ny leur parler et descouvrir son dessein, donne ordre de marcher sépa-
rément et par divers endroits dans les montagnes. Cela les a rendus
mal contents, donné mauvais soupçon et les fit ressoudre de s'assembler
proche de Saverne pour entendre l'intention de M^' le Mareschal, lequel
au lieu de bon accueil que les officiers et soldats espéroient recevoir,
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LA FAMILLE DB R06EN 61
les traicta de fort rudes paroles et ce contre l'avis de mon Mary qui
par d'instantes prières supplia mon dit Seigneur le M^^ ne pas les
traicter de tel façon ains de leur donner de bonnes paroles. Yen que
Monseigneur le duc de Longueville n'y M' le M*^ de Guebriant (d'heu-
reuse mémoire) ne les ont jamais traictez de la sorte et reconnaissans
en Monseigneur le M^^ le peu ou point d'affection, firent difficulté de
marcher, ce nonobstant Monseigneur le M*^^ passa avec l'Infanterie
contre Pfaltzbourg et de là renvoya mon Mary avec M' de Tracy et le
vicomte de la Met pour tascher de les réduire et remettre en bon ordre.
Lesquels n'y pouvons rien effectuer, Mes d* Seigneurs de Tracy et de
la Met trouveront bon que mon Mary demeurast auprès des dits Régi-
ments et autant que possible, les conserver et retenir dans le service
du Roy ce qu'il fist, ou il recogneut avec grandissime regret qu'ils ne
vouloient obéir n'y recognoitre leurs officiers et qu'ils étaient prest à
se débander; Néanmoins mon Mary avec de bonnes parolles, les ramena
aucunement à leur devoir, mais ils faisoient grande difficulté de demeu-
rer de deçà et vouloient de force repasser le Rhin, tirant de plus en
plus la procédure de Monseigneur le M^ et les mauvaises paroles
reçues de luy, ce que mon Mary a empesché tant qu'il a peu, aussy
bien que de leur ester de l'esprit le faux bruit que les trois Régiments
que le colonel Bambach a mené en France et le Régiment d'Erlach
avoient été taillez en pièce par l'armée du Roy et qu'Eux y arrivants
seroient traictez de mesme, ce qui les a tellement opiniastrez qu'ilz
n'ont voulu demeurer du tout de deçà le Rhin ayant de leur propre
authorité envoyé demander des batteaux à la ville de Strasbourg avec
menace en cas de refus de brusler et mettre en totalle ruine leurs
villages, Et sy mon mary ne leur en vouloit faire avoir le plus promp-
tement qu'il pourroit qu'ils se débanderoient sans plus de délay et
passeroient très aisément par tout où ils voudroient. Mon Mary pré-
voyant le grand malheur qui en pourrait arriver et qu'autrement on ne
le pouroit conserver, fut contraint de s'y résoudre considérant que
mieux valoît les conserver de delà que de les perdre deçà le Rhin, Et
encore qu'il ait escrit à MM^" de Strasbourg pour ce Subject qu'il fut
force de faire, si est ce qu'en même temps, il leur envoya son Secré-
taire pour les prier de n'y consentir pas parcequ'il esperoit de les
pouvoir encore ranger en de deçà comme les MM'" en pouroient attester,
mais se voyant frustré de son opinion et obligé de consentir au passage
il leur fit avant que passer prester serment de demeurer et ne quitter
le service du Roy, mesme de vouloir recognoitre leurs officiers comme
cy devant. Ce qu'ilz firent, et ce nonobstant étans au delà du Rhin et
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52 REVUE d'ai^ace
ayant employé de tous costez tout ce qu'on à pu ilz sont demeurez
opiniastrez jusques à ce qu'à la fin, après une infinité de remonstrances
tant de bouche que par escrit mon Mary ayant escrit à chaque Regimentà
part pour les forcer à une résolution finale et ayant mesme fait exécuter
deux des plus mutins en la présence des Regimentz, ils se sont résolus de
faire tout ce qu'on leur ordonneroit, à la charge qu'on leur tiendroit ce
que M' de Tracy leur avoit promis à Rastat comme mon Mary peut prouver
par la responce des dicts Régiments qu'il garde en original. Et comme
l'accord estoit faict de costé et d'aultre et qu'il ne manquoit que la
seule signature pour laquelle effectuer mon Mary s'approchoit du Rhin
que Monseig' le W^^ venant à passer aussy pour mesme effect les
trouppes en prennants de nouveaux ombrages commencèrent de rechef
à se retirer de peur que Monseig>^ le M<^^ ne les voulust charger comme
ilz savoient qu'il avoit desjà eu auparavant le dessein, et encore que
Monseig' le M*i et mon Mary les suivirent et les rencontrèrent encore
tous ensemble à Biel et à l'entonr ou ilz ont parlé souventesfois avec
eux, si est ce qu'à la fin Mon d^ Seigneur le M*^^ donnant ordre aux
officiers de loger dans certaines villes et les cavalliers mal contents en
dehors avec deffences expresses aux officiers de ne les plus suivre n'y
les prendre en leurs quartiers ainsi les laisser aller et ne s'en mesler
plus, Telles procédures estant directement contre le pardon du Roy qui
estoit peu auparavant publié à l'armée, ilz farent grandement irritez
et encore plus mal contents entendant l'Arrest de mon Mary, tontes ces
choses ont aussy esté cause qu'ils n'ont plus voulu se fier à la bonne
volonté et confiance de leurs propres officiers, et combien que depuis
ils se sont déclarez que moyennant la présence effective de Monseig'
le Mareschal celle de mon Mary, du Général Major Fleckenstein et
tous autres officiers auprès des Régiments, ils s'accommoderoient et
continueroient dans le service da Roy, Monseig' le M^^ n'a voulu
aggréer cette condition, au contraire sortit il le 25"« Juillet de Heil-
bron avec cavallerie et infanterie et quelque pièces de canon à dessein
de les charger et de les ramener par force à l'obéissance, qui est une
chose très facile à juger que le service du Roy ne pourra jamais de
cette manière estre avancé mais il est plustost à craindre, de les
chasser entièrement et peut estre donner occasion qu'ils prendront
service auprès du party contraire. Ce que Monseig' le M*^ pouvait par
le moyen du rendez vous et de ses bonnes grâces éviter, Mais voyant à
présent qu'il a manqué il veut mettre la faute sur mon Mary, encore
qu'il soit nottoire pour toute l'armée et à Monseig' le M^ mesme qu'il
ait faict tout son possible et n'ait rien espargné pour ramener les dictes
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LA FAMILLE DE ROSEN 58
tronppes à lear devoir et qu'il est (J'appelle à Tesmoing Dieu et tons
les officiers de l'Année) entièrement incoupable, l'innocence duquel
esclatera davantage quand Y. M. lui fera la grâce de Iny permettre
qu'il se puisse justifier devant elle ou au moins devant des juges non
prévenus de passions, partialité ny aucun intérêt particulier.
Pourtant Y. M. est très humblement supplye de le faire délivrer de
la prison afin que le moyen de se justifier et de faire entendre à Y. M.
ses très justes et légitimes raisons ne luy soient ostées.
Voici maintenant la lettre adressée par Madame la maré-
chale de Rosen à son Altesse royale, Madame la duchesse
d'Orléans, à Paris :
Madame
Comme vostre Altesse Royale exerce toutes les vertus chrétiennes à
un Souverain point, je prends la hardiesse de la supplier très humble-
ment de vouloir employer celle de la pitié envers mon cher Mary, qui
est détenu prisonnier en cette ville, depuis 4 mois, et qui s'étant justifié
suffisamment de tout ce qu'on luy a voulu imposer, n'a autre recours
pour sortir de cette misère qu'aux âmes Religieuses et puissantes, pour
obtenir sa délivrance, H vous implore, Madame, et moy avec luy, qui
vous conjurons tous deux de vouloir parler à Son Altesse Royale vostre
cher Espoux à intercéder pour luy auprès de leurs Mayestez, afin que
sa longue prison se change en une liberté, laquelle on ne lui peut
denier par la justice de sa cause, corne il fait paroistre par la responce,
qu'il donne aux poincts dont on la (sic) voulu charger, si je receois cette
charité de la bonté de Y. A. Royale je ne cesseray de publier en tous
les endroits où je me trouveray, qu'Elle est l'asile des affligez et de
ceux qui sont opprimez innocemment corne aussy de prier Dieu inces-
samment pour la prospérité de Yostre Altesse Royale corne estant
Madame
Yostre très humble et
très obeyssante servante
Anna Maboarbtha von
RosBN geboren von Epfe
à Philipsbourg le 24»«
8**- 1647.
Le document ci-dessous nous apprend qu'un mois après le
général de Rosen était encore retenu prisonnier. Voici la
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54 REVUE D'ALSACE
lettre adressée à Son Altesse Monseigneur le prince de Condé,
à Paris :
Monseignenr,
L'espérance que j'ay en d'estre amené de Philipsbourg à Paris, me
promettoit d'avoir l'honneur de faire la révérence à Y. A. et luy tes-
moigner en effet la joye que je reçois maintenant de son heureux et
désiré retour de Catalogne, mais le malheur m'a voulu (sic) que contre
mon opinion j'ay été conduit et arresté dans la Citadelle de Nancy sans
passer plus outre, ce non obstant, je n'ay pas voulu manquer de rendre
mes devoirs à Y. A. par celle cy, la suppliant très humblement de
continuer sa bienveillance et grâce à une personne qui a fait de
tout temps profession d'être son très humble Serviteur, Je ne désire
pas d'entretenir Y. A. du malheur qui m'est arrivé par un arrest pré-
cipité de M' le M^^ de Turenne dont tout le monde est imbu et le bruit
espandu par tout, il est encore moins nécessaire de tesmoigner et faire
paroistre à Y. A. mon innocence estant assuré qu'elle aura une meil-
leure opinion de mon innocence et n'adjustera pas foy aux accusations
dont on s'efforce de me charger. Néanmoins, si Y. A. me veut faire la
grâce de prendre la peine de voir non seulement mon Ëscrit cy joinct,
mais d'entendre aussi ce que mon frère lui pourra représenter de
bouche, sans doubte mon innocence lui paroistra tout évidente, C'est
pourquoy j'ai mon recours à la grâce et à la bonté de Y. A. la suppliant
très humblement de disposer leurs M^*" et son Eminence, de m'accorder
mon entière délivrance et première liberté ce qui m'obligera de demeu-
rer toute ma vie
Monseig' de Y. A.
Le très humble, très obéissant et très
obligé serviteur
B: VON BosBN
A Nancy ce 27 9^ 1647.
En 1650 nous retrouvons le général de Rosen de nouveau
investi de son commandement par un arrêté du Roi qui est
ainsi résumé :
< Abolition accordée par le Roi Louis XIY pour le crime de Rébel-
lion et de Désobéissance cy devant commis par les gens de Guerre,
officiers et soldats tant de Cavallerie que d'Infanterie de quelque nation
qu'ils soient, dont ils ont été coupables, pour s'être mutinés, avoir
quitté le service du Roi sans congé et pris cellui de ses ennemis et ce
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U FAMILLB DB ROSEN 55
en cas qu'ils retournent à la solde de sa M^esté sons le Commande*
ment du Sieur de Bosen Lieutenant Général de FArmée du Roi en
Allemagne.
< Donné à Rouen le 19 jour de férrier de l'année 1650. »
Un mois après, Feuquiëre lui adresse, de Verdun, la lettre
suivante :
Monsieur,
Les ennemis sont retirés, n'attribuez pas siWousplait Tostre déloge-
ment à la faute du pont car je tous assure qu'il estoit impossible avec
toute sorte de diligence que tous en peussiez senrir devant ce jour
d'hui au soir à cause des difficultez qu'il y a a passer les escluses. Je
suis bien aise d'apprendre que nostre canon tous a servi selon mon
dessein, si celui qui tous avoit donné le premier avis me l'eut dit en
passant il aurait fait son devoir car si les ennemis n'eussent passé
comme ils ont fait à la veue de cette place possible que je ne l'eusse
pas sçeu assez tost car ils ont marché fort viste, je vous supplie de
vouloir espargner les terres de mon frère, je suis
Monsieur,
vostre très humble serviteur
FXUQUIÈSB.
A Verdun le 4»« mars 1650.
On sait que le général de Rosen, après sa détention à
Nancy, qui dura près de huit mois, se justifia et fit si bien
reconnaître son innocence, que le roi, par lettres-patentes du
15 avril 1652, lui donna le commandement en chef de la haute
et basse Alsace, avec pouvoir absolu et étendu.
Il quitta le service bientôt après, et mourut le 18 décembre
1667 dans son château de Dettwiller.
No 14.
Mémoires historiques, relations de combats et batailles,
notamment de celle de Zigenhain remportée par le général
Rheinhold de Rosen sur la baron Bréda, lieutenant maréchal
de camp général de Tempereur, le 15 novembre 1640»
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56 REVUE d'alsace
CONRAD DE ROSEN, de la branche de KLEINROPP,
maréchal de France, cousin et gendre du précédent, est né le 19 sep-
tembre 1629, et marié à Marie-Sophie de Rosen, fille da précédent,
le 3 février 1660.
No 1.
Commission de mestre de camp d'un régiment de cavalerie
allemande à lui accordée par le roi Louis XIV, datée de Paris,
20 novembre 1667.
No 4.
Commission de brigadier dans la cavalerie légère. — Du
12 mars 1675.
N7.
Lettres-patentes de Louis XIV, roi de France, par lesquelles
ce monarque, en considération des importants services rendus
par Conrad de Bosen, a donné et accordé à ce seigneur le
revenu du domaine de la sénéchaussée de La Motte et Bour-
mont, située en Bassigny, jusqu'à ce que ledit seigneur de
Rosen soit remis en la jouissance de ses terres en Alsace
ruinées par les ennemis, etc., etc.
Données à Fontainebleau, le 25 septembre 1677.
No 8.
Commission de maréchal des camps et armées du roL — Du
20 janvier 1678.
NMO.
Lettres de services en qualité de maréchal de camp.
Ce seigneur fut chargé de recevoir à la frontière Madame la
dauphine, princesse de Bavière, en 1680. En 1681, il embrassa
la religion catholique.
NO 11.
Provisions de lieutenant [général des armées du roi pour
ledit seigneur Conrad de Bosen, données à Versailles, le
24 août 1688.
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LA FAMILLE DE R06EN 57
No 12.
Commission en original en langue anglaise sur parchemin,
signée et scellée en bonne forme, avec une traduction en fran-
çais, de Jacques II roi d'Angleterre, par laquelle ce monarque
établit ledit seigneur Conrad de Rosen, maréchal de camp
général de toutes ses armées et troupes levées ou à lever dans
le royaume d'Irlande, etc., etc.
Donnée au château de Dublin, le 6 avril 1689.
N- 18.
Provisions de la charge de mestre de camp général de la
cavalerie légère en faveur dudit seigneur, donnée à Versailles
le 6 avril 1690.
N- 14.
Provisions de grand'croix de l'ordre de Saint-Louis, avec
une pension annuelle de 6000 livres. — Mai 1693.
No 16.
Don du roi audit seigneur de la somme de 200,000 livres. —
1698.
No 16.
Provisions en original de maréchal de France, pour ledit
seigneur, Conrad de Rosen. Signé Louis, et par le roi, Phili-
peaux. Données à Versailles, le 14 janvier 1703.
No 19.
Extrait mortuaire de feu M. le maréchal, décédé dans sa
terre de Bollwiller et enterré dans le caveau de sa famille en
la paroisse de Feldkirch, le 3 août 1715.
No> 20 à 28.
Divers paquets de lettres, correspondances de la famille,
dont une partie a été enlevée ou brûlée par M. de Rosen
même, conmie l'indique l'annotation : « Brûlé la liasse 25, etc.,
et signé de Bosen. »
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&8 RETUE D'ALSACE
RHEINH0LD-CHARLE8, comtb db ROSEN,
lieutenant général, fils du précédent, né le 10 janvier 1866.
No 1.
Commission de capitaine d'une compagnie dans le régiment
de cayalerie de Rothenbourg, donnée à Versailles le 23 dé-
cembre 1682.
NO 4.
Commission de lieutenant-colonel dudit régiment, donnée à
Versailles le 12 août 1693.
No 7.
Commission de mestre de camp du régiment de cavalerie
allemande, ci-devant de Rottembourg, devenu vacant par
démission, donnée à Versailles le 17 février 1696.
No 8.
Brevet de brigadier de cavalerie des armées du roi, donné à
Versailles le 10 février 1704.
No 9.
Brevet de maréchal de camp, donné à Versailles le 20 mars
1709,
No 11.
Provisions de commandeur de Tordre militaire de Saint-
Louis, à la pension de 3000 livres par an que possédait M. de
Vauban, accordées par Louis XIV.
Données à Versailles le 10 août 1715.
No 12.
Pouvoir de lieutenant général des armées pour ledit seigneur
de Rosen, donné par le roi, à Paris le 1" octobre 1718,
No 18.
Extrait mortuaire portant que ce seigneur est décédé, au
château de Bollwiller, le 13 juin de Tannée 1744, et inhumé au
caveau de la chapelle par lui bâtie en Téglise de Feldkirch.
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LA PAMaiiE DE RMElf 69
No 14.
Lettres-missives du roi de Pologne, Stanislas, écrites &
M. le comte de Rosen.
ANNE- ARMAND, kabquis db ROSEN,
lientenant général, fils du précédent, né le 26 juillet 1711.
No 1.
Commission de mestre de camp accordée par le roi audit
seigneur, marquis de Rosen, d'un régiment de cavalerie alle-
mande de son nom, signée Louis. — 12 avril 1729.
No 8.
Brevet de brigadier de cavalerie accordé audit seigneur,
signé Louis et donné à Versailles le 1*' janvier 1740.
No 4.
Lettres-patentes de Louis-Auguste de Bourbon, prince de
Dombes, comme exerçant la charge de grand-veneur de France,
portant permission à M. le marquis de Rosen, de chasser le
chevreuil et le sanglier, li cor et à cri, dans la forêt de la Harth,
en Alsace, données à Versailles le 28 août 1740.
No 6.
Brevet de maréchal des camps et armées du roi, du 10 mai
1744.
No 6.
Lettre de service en qualité de maréchal de camp dans
Tarmée de Flandre sous le commandement du maréchal comte
de Saxe, du 1" avril 1745.
No 7.
Pouvoir de lieutenant général des armées du roi accordé
par Sa Majesté audit seigneur Anne-Armand de Rosen, signé
Louis, et par le roi, de Voyer d'Argenson, donné à Versailles
le 10 mai 1748.
Ce seigneur est décédé à Paris et a été inhumé en l'église
paroissiale de Saint-Sulpice, le 28 novembre 1749.
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(K) REVUS D'ALSACE
ELEONOR-FELIX, ohsvalibb db ROSEN,
frère da précédent, mestre de camp d'an régiment de cavalerie,
né le 2 septembre 1713.
NM.
Commission de capitaine d'une compagnie dans le régiment
de cavalerie allemande de M. le marquis son frère, signée
Louis; avec les lettres d'attaches du comte de Chatillon,
mestre de camp général de la cavalerie légère de France,
donnée à Versailles, le 15 avril 1730.
No 2.
Commission d'un mestre de camp d'un régiment, dont était
pourvu le sieur de L'Ordat et devenu vacant par sa démission,
visée par le comte d'Evreux, colonel général de la cavalerie,
et donnée à Versailles, le 16 avril 1738.
M. le chevalier de Rosen est mort célibataire et a été
enterré en l'église Saint-Jean, à Strasbourg.
E. Gâsser.
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LES
EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHËS
TOUL — METZ —VERDUN
1552-1790
II
BIBLIOPHILES ET COLLECTIONNEURS TOULOIS
Suite ^
L'évêque-comte de Toul, prince du Saint-Empire romain,
s'intitulait, en 1743, devant les commissaires du parlement de
Metz, a seigneur temporel, haut justicier des villages compo-
sant les châtellenies de Liverdun, de Blénod, de Brixey et de
Maiziëres ». De leur côté, les doyen, chanoines et chapitre de
Téglise-cathédrale se déclaraient seigneurs hauts justiciers des
prévôtés de Void, de Vicherey et de Villey-le-Sec et seigneurs
voués d'Âutreville, Hamonville et Punerot en partie. D'après
Stemer, vingt-cinq localités ou censés dépendaient du temporel
épiscopal, et vingt-sept appartenaient aux chanoines. Ces
deux seigneuries, bien distinctes, * avec la ville royale de Toul,
ses dépendances, et quatre villages hautes justices laïques
formaient le bailliage royal présidial de Toul.
En 1773, M. de Champorcin, originaire de la Haute-Provence
^ Voir la llTraison du dernier trimestre 1881.
* Comprenant des localités appartenant anx départements de Menrthe'
et-MoseUe, de la Meuse et des Vosges.
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62 REVUE D'ALSACE
et évêque de Senez, * succéda au très regretté Drouas. Lié par
des engagements secrets et pour permettre la création des
deux nouveaux diocèses de Nancy et de Saint-Dié, il laissa
mutiler, avec le consentement du chapitre, l'antique circon-
scription leuquoise remontant à Tintroduction du christianisme
dans les Gaules et comprenant mille cent trois paroisses.
Par suite de ce malheureux démembrement, le diocèse n'eut
plus que sept cent soixante-quatre paroisses. Les revenus
épiscopaux furent amoindris; VAlmanach royal ne les porte
plus qu'à la somme de 37,000 francs. Il est vrai que quelques
bénéfices ecclésiastiques et la mense abbatiale de Saint-
Mansuy comblèrent un peu le déficit.
Peu de temps après le démembrement, les chanoines, en
1776, furent décorés d'une magnifique croix pectorale et
anoblis. Cet acte de munificence du bon roi Louis XVI causa
une profonde irritation dans la ville, dont les habitants
voyaient avec chagrin l'entrée du chapitre interdite pour tou-
jours à leurs enfants, qu'ils considéraient, avec raison, d'aussi
bonne souche que les nobles du pays voisin.
Un Toulois, Charles-François Bicquilley, écuyer, ancien
garde-du-corps, composa, à cette occasion, un poème des plus
méchants contre les nouveaux anoblis. Ce poème héroï-comique
en huit chants est intitulé : la Croisade; il fut dédié à l'évêque
et au chapitre de Verdun qui avaient refusé de se laisser
anoblir et décorer.
Des chansons, des noêls, des complaintes d'une méchanceté
inouïe circulèrent également sous le manteau, dans la pro-
vince et même en France. ^ Bicquilley interpelle ainsi ses
' Le diocèse de Senez ayait trente-trois paroisses et rapportait
10,000 livres.
* Mil® Bicquilley en fit des copies pour deux collectionneurs émérites,
MM. Noël et Dufrêne. Ces poèmes ne sont pas très rares, malgré le dire
de quelques personnes. Ils se trouvaient dans la coUection Ëmmery.
C'était un recueil formé par Téchevin Thouvenin.
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LES BX-LIfiRIS DANS LES TROIS ÉVÊGBÉS 68
compatriotes déclarés indignes par leur naissance d'entrer
dorénavant dans la noble assemblée :
Les Yoilà tons chassés de ce chapitre,
Qui de leur nom s'est honoré longtemps ;
Trente gredins en rabats et jaquettes.
De Léopold ^ portant les savonnettes,
Viennent leur dire : Allez, fuyez, manans,
Et faites place à ces illustres frères,
Fils et neyeux des laquais de yos pères.
(Croisade, V. 200.)
Les Toulois étaient fiers avec raison de leur naissance. Us
étaient nés ingénus, ayant le droit de chasse et de pêche chez
eux. Si à Verdun les notables élisaient les membres du
magistrat et même le maire, à Toul le pouvoir municipal se
partageait entre les bourgeois et Tévêque qui choisissait, pour
administrer la cité, celui des trois candidats proposés qui lui
convenait le mieux.
En 1788, lors du travail préliminaire pour les Etats géné-
raux, l'antique cité leuquoise refusa avec beaucoup de fermeté
le classement en trois ordres. Les habitants, disait-on, sont
tous égaux, il n'y a ni clergé, ni noblesse, ni tiers-état On lit
dans la protestation des quarante élus des paroisses de la ville
et des faubourgs ces fières paroles:
a II n'y a pas de noblesse dans le Toulois, jamais la vieille
cité ne fut une prison d'esclaves; jamais la liberté civile,
jamais l'égalité qui en est le ferme soutien; jamais les dieux
lares tutélaires ne sortirent des murs et du cœur des Leu-
quois. La Constitution touloise n'admet pas de distinction des
trois ordres qu'on voudrait lui faire connaître après dix-huit
cents ans. »
On dut se conformer cependant à la lettre royale. Le clergé,
comme à Verdun, à Metz et à Saint-Dié refusa ses voix à son
chef. (Jn petit curé de campagne fut élu député aux Etats
^ Ce duc de Lorraine fit de trop nombreux anoblissements.
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64 REVUE d'aLSACE
généraux, le comte d'Alençon représenta la noblesse, et le
président du bailliage le tiers- état
Pour pouvoir donner une Beprésentation k l'évêché-comté
de Toul,* on lui avait ajouté le bailliage épiscopal de Vie, siège
de la principauté ecclésiastique de la ville de Metz.
Parmi les pièces satyriques, composées à cœur-joie contre
les malheureux chanoines, on peut encore citer un Noël où
ils sont flagellés d'importance. L'auteur, le major de place
Bicquilley, fut plus tard mis en prison. Cela augmenta néces-
sairement la vogue des couplets, et on les chantait encore en
1789, lorsqu'on apercevait un des personnages.
L'ostentation des chanoines à se parer en voyage de leur
croix, fut cause que le roi leur fit défendre, en 1780, de la
porter hors de la province ecclésiastique. Ce fut une amëre
déception, et le chagrin des orgueilleux décorés augmenta
encore lorsqu'ils entendirent chanter une complainte saty-
rique à ce sujet. Elle est encore due au major de place.' Au
reste, au moment où éclatait la Révolution, la paix était faite
entre les bourgeois, l'évêque et les chanoines.
L'auteur de la Croisade était, en 1790, maire de la ville et
notable du département, et, à cette époque, ce n'était point
un vain titre. Tout le monde était républicain à Toul; quel-
ques chanoines adoptèrent les nouvelles idées, et même
l'imprimeur épiscopal tourna casaque. Il imitait son confrère
de Verdun, Louis-François Christophe, qui, en 1791, fut du
Conseil général et membre du directoire du département
Un prêtre de Sainlr Nicolas, Pierre Jacobi, avait transporté
momentanément ses presses, de 1503 à 1521, à Toul. M. le
conseiller Beaupré pense que le premier imprimeur qui
s'établit définitivement dans VUrbs Leiicorum fut, en 1551,
* Le célèbre graveur Israël Silvestre écrit TotU en Lorraine; cela
signifie que cette ville était en Lotharingia, le pays de Lothaire, ce qui
est autre chose que le minuscule duché de Lorraine.
' Voir dans l'Appendice les deux pièces.
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LES EX-LIBR18 DANS LES TROIS ÉVÉCHÉS tt
Jean Palier. La suite des imprimeurs est connue jusqu'à nos
jours. Les Garez, à la fin du xtiii* siècle, donnèrent un certain
renom à « Timprimerie de Monseigneur Teuesque ». Ils por-
tèrent tous les trois le prénom de Joseph. Le premier fut
Joseph Garez I, gendre de l'imprimeur toulois Laurent Dès
17ô9, on voit des livres imprimés à son nom. Il prétendait
descendre d'une noble fÎEunille écossaise venue en France avec
le roi Jacques.
Son fils, né à Toul en 1753, est célèbre par ses essais sur
Vomotypie, qu'il entreprit grâce aux conseils de ses amis
Téchevin Thouvenin, le capitaine du génie de Gurel et le cha-
noine Caflfarelli, dont nous parlerons. ^ Joseph Garez II, pour
mieux assurer la beauté de ses impressions, établit une
fonderie de caractères, dont les produits furent de suite
recherchés. La Bible qui sort de ses presses est un petit
chef-d'œuvre. ^
Il fut envoyé par ses compatriotes à l'Assemblée législative,
et de retour, après avoir fait partie de la commission des
assignats, il partit pour la frontière comme commandant le
bataillon de la garde nationale de Toul. L'adjudant général
Gourion Saint-Gyr, depuis maréchal et pair de France, qui
connaissait les hommes du bataillon, les sachant presque
tous mariés, ne voulut pas les exposer au feu, malgré leur
désir; ils campèrent à Wingen, en arrière du pays de Bitche
et bientôt après, l'état satisfaisant des afiaires militaires per-
mit de les renvoyer chez eux.
Lors de la création des préfectures. Garez fut nonuné sous-
» THiiRBT, Hist. de Tùul, 1841, 11^ 298.
' Les procédés employés par Carez farent décrits en détail par
Camus, qni donne la description d'un livre d'église noté, en 2 vol.,
grand in-8<>, de plus de 1000 pages chacun. En 1792, Garez imprima,
dans le même genre, un Dictionnaire de la Fable et une Bible. Camus
joignit à son mémoire un spécimen d'une page de ce dernier Tolume
(J. Lakourbux).
NooTelle Séne. ~ il** année. 6
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66 REVUE D'ALSACE
préfet à Toul, malgré Topposition de beaucoup de ses conci-
toyens; mais déjà ses recherches sur la composition des
encres d'imprimerie avaient ruiné complètement sa santé, il
mourut dans son hôtel de la rue Pierre-hardie ; c'était l'an-
cienne demeure du chanoine M. de Tréveneuc, archidiacre
de Rinel, mort à l'hospice. C'est de nos jours l'habitation de
M. le comte de Brancion.
Joseph Garez III fut aussi un ardent chercheur pour tout
ce qui concernait son art ; il construisit une machine à fondre
les caractères ; mais son invention ne marcha plus après la
Révolution de 1830. Il avait alors de quatre-vingt-dix & cent
ouvriers, rue du Salvateur; sa fille, Madame veuve Bastion,
lui succéda à sa mort, arrivée vers 1831.
A la gravure sur bois qui végétait sous les deux Carez,
Joseph Carez III forma tout un atelier de graveurs au burin
et sur bois. Il inventa la pantographie, et un de ses artistes,
Thouvenin, grava, sous la Restauration, les portraits de Jules
César et de Bossuet; la Cène, de Léonard de Vinci (in-folio), et
les planches d'un ouvrage bizarre Dieu est Vamour lepluspur,
Toul, 1826, par Eckartshausen. Tony Goutière, le graveur des
Sommes tUiles, de VHistoire de dix ans, de la Bévolviion de
Ihiers, fut son élève. ^
Tous les anciens lecteurs du Journal des Enfants se sou-
viennent des gravures sur bois de Best, de Toul, mort en 1879,
et dont le portrait fut reproduit dans les illustrations du jour.
Il fut l'imprimeur du Magasin pittoresque; il débuta avec TiUy
et Tarbesse dans les ateliers de Carez.
De nos jours. Madame veuve François, née Bataille, a
reproduit dans VEcho toulois des articles très curieux sur la
bibliographie touloise.
^ Il graTa dans ces ouvrages les portraits de Berryer, Jacques Cœur,
Dupin aîné, Garnier-Pagès, Bernard Palissy, Robespierre, les deux
La Rochefoucauld, Schlabersdorf, Thiers, etc.
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LES EX-LIBRIS DANS LBS TROIS ÉVÉCHÉS 67
La bibliothèque municipale est dans Taile droite de Tancien
évêché (mairie). Elle peut avoir près de 4000 volumes, mais
elle n'a aucun ouvrage rare sur le pays. La ville y a fait
déposer quelques liasses d'archives et quelques registres de
la cathédrale. Il y a des antiquités trouvées dans les environs.
La salle est bien éclairée et des gravures la décorent ; entre
autres le portrait du maréchal Gouvion Saint-Cyr; une vue
et un plan de Toul, par Aubry, au xyii* siècle; un grand plan
manuscrit du xTm* siècle, etc. Le catalogue de la bibliothèque
a été dressé par M. Dessez, conservateur, en 1866 (Broch. in-8%
173 pages).'
Le grand nombre de cloches que Ton entendait à Toul avait
fait donner à cette ville le nom de Sonnante, de Médisante,
disaient les mauvaises langues. Ajoutons que ses riches biblio-
thèques et ses nombreux établissements dinstruction publique
pouvaient la faire nommer la savante, VUrhs pia, prisca et
fidelis des évêques Saint-Mansuy et Saint-Gérard.
Pour finir, n'oublions pas ce petit tableau d'un ménage
toulois & la tin du xvm* siècle:
Les Toulois,
Ils ménageaient, ils étaient nn peu chiches,
Les indigens, les aisés, les pins riches,
Se contentaient d'un petit train bouigeois.
On inyitait l'étranger à la porte
A partager la fortune du pot,
Quand il sortait Mais s'il prenait au mot.
Tous eussiez ri de voir de quelle sorte
Dans la maison, chacun se trémoussait
De tout côté, la serrante trottait,
Du p&tissier courant chez la bouchère,
En tablier, la femme ménagère,
Les deux bras nus, ordonnait, fricassait;
Au demeurant, elle était la maîtresse,
Car dès l'instant du lien conjugal,
^ Imprimerie A. Bastion fils, rue du Salvateur.
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68 REVUE d'alsacb
L'époux n'était qu'honnête commensal,
Et sa moitié le menait à la laisse.
Il l'en aimait avec plus de tendresse,
Dans le logis tout n'allait pas pins mal .
LES ÉVÊQUES BIBLIOPHILES
Jean des Porcelets de Maillake (1609-1615). Elevé chez
les Jésuites de Pont-à-Mousson, ce prélat fit, en 1611, les frais
de la distribution des prix. Les volumes qu'il oflritsontrecon-
naissables à leur riche reliure et aux armoiries dorées sur les
plats avec les initiales p. h. e. c. t.
Callot a gravé le portrait de M. de Maillane, que l'on voyait
également représenté sur le tableau de l'autel Saint-Pierre de
la cathédrale. Il figurait Saint-Claude, présentant au prince
des apôtres le chanoine Claude Guyot à genoux. Cette pein-
ture historique et religieuse a été reléguée dans les combles
de l'église.
Nicolas-Fbançois de Lorraine. Comme son prédécesseur,
il donna également des livres pour une distribution de prix
au collège de Pont-à-Mousson. On les reconnaît au blason
entre deux anges surmonté de la mitre et de la couronne
ducale.
Les volumes qui ont servi aux fêtes scolaires de Pont-à-
Mousson sont assez rares. Us méritent d'être collectés avec
soin ; M. Beaupré les signalait déjà il y a près de quarante ans,
et M. Favier en a donné le catalogue avec dessins.
Charles-Chrétien de Gournai (1637). Ses livres étaient
marqués d'un fer armorié reproduit par Guigard.
L'écu est écartelé des armoiries paternelles et maternelles,
Gournai et Apremont aux fnerlettes. La plupart des volumes
de M. de Gournai sont à la bibliothèque nationale. Ce prélat,
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LES EX-LIBRI8 DA1«8 LES TROIS ÉVÉCHÉS 69
avant d'être suffi*agant puis évoque de Toul, était chanoine et
grand-archidiacre de Verdun. *
AiTDBÉ BU Sâussat. Dom Calmet raconte, dans sa Biblio-
^Aè^ue lorraine, comment André du Saussay (1656-1697) acheta
ses premiers livres. Il se rendait un matin ayec d'autres
écoliers au collège des Jésuites de Paris, dont il était boursier,
lorsqu'en passant dans une rue, Tidée leur vint de remuer les
cendres d'une paillasse qui avait servi & un pauvre prêtre
décédé. Quel fut leur étonnement d'y trouver l'épargne du
défunt Le futur évêque de Toul eut pour sa part 100 écus
avec lesquels il commença sa bibliothèque. Ses nombreux
ouvrages sont bien oubliés; il passait pour avoir beaucoup
d'érudition, mais, avec peu de jugement et encore moins de
critique. Qu'est devenue sa bibliothèque? On n'en rencontre
pas un volume. Le temps et les hommes auraient-ils mis à
néant les livres de ce prélat si érudit? N'étaient-ils pas mar-
qués d'un ex'lïbrisf Un de ses prédécesseurs, Christophe de
la Vallée se contentait de mettre sa signature Christoph. à
Voile EpuB & Cornes TuUen^ sur le frontispice de ses livres.
Blouet de Camillt. Le successeur du futur cardinal de
Bissy fut un Normand, M. Blouet de Camilly, qui s'était fait
connattre avantageusement comme vicaire général du diocèse
de Strasbourg. Nommé à Toul, en 1704, il y transporta sa
bibliothèque qui passait, d'après une lettre de Dom Cathelinot
à Dom Calmet, pour être une des plus belles du pays à cin-
quante lieues à la ronde avec celles des Bénédictins de Saint-
Epvre et du curé Davelouze, près de Vaucouleurs. M. de
Camilly fut le protecteur du P. Benoit Picart, qui fit graver
' L'érêqTie de Verdun, puis de Toul, Louis d'Haraucourt (t 1451),
a laissé des Mémoires, malheureusement perdus. Le président Boumon
de Saint-Mihiel, puis Mory d'Elvange, en copièrent des fragments;
ceux-ci sont déposés aux archives de l'Académie de Stanislas (V. Noël,
Cat. no 436).
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son portrait par J.-S. Cars et le mit en tête de la dédicace de
VHistoire du diocèse de Toul Le bibliophile anglais, Dibdin,
vit un portrait de ce prélat à la bibliothèque de Caen, et ses
armoiries sont bien reconnaissables sur une plaque de che-
minée (taque) encastrée au-dessus de la porte d'un pensionnat,
rue Saint-Yaast.
Lors du voyage de Dom Martëne et de son compagnon,
notre évoque leur laissa compulser les archives épiscopales
avec la plus extrême complaisance, les invita plusieurs fois à
dîner, et leur reprocha amicalement de n'être pas descendus
chez lui. Déjà, étant vicaire général en Alsace, il avait été
jusqu'à Feldkirch au devant de Dom Kuinart et de son sociiis.
J. Guigard a reproduit le fer armorié de ce prélat.
. Il avait en outre deux modestes ex-libris gravés sur bois
pour in-4'' et in-8^ A gauche du blason, dans les glands du
chapeau épiscopal, on distingue F. L. S. (François Laurent
srnlp. f) ; au-dessous :
FRANCISCUS BLOUET DE GÂMILLY
EPISCOPUS ET C0ME8 TXTLLENSIS
B. R. I. P.
Il est étonnant que ce prélat ait pris le titre de prince du
Saint-Empire romain; le parlement de Metz s'y opposait aloi'S
comme souvenir attentatoire à la prérogative royale. Plus
tard, le dernier évêque, M. de Champorcin, ût mettre le cha-
peau de prince d'Empire sur ses armoiries.
Sa riche bibliothèque se composait particulièrement de
livres sur l'Ecriture sainte, la théologie, le droit civil et canon,
les conciles, etc. Voici le titre du catalogue de ses livres qui
furent vendus à sa mort Bibliotheca CamïUiana seu Ubrorum
Catalogus Bibliothecœ D. D. Blotiet de CamiUy Archiepiscopi
Turonensis. Paris. Osmond 1726, in-8'. Il devait être aussi un
collectionneur, car il avait, d'après Dom Calmet, un jeton de
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LES SX-UBRI8 DANS LES TROIS tvtCBts 71
Tévêque d'Hocedy, il en fit cadeau à un de ses amis de
Paris.*
S.-J. BiGOir (1721-1754). Le graveur nancéien Nicole a
gravé un très bel ex-libris pour cet évéque. Un ange armé
d'un glaive et des foudres de Téglise se prépare à mettre en
cendres des bouquins jansénistes amoncelés sur une console.
De la main gauche, il tient un bouclier aux armes du prélat
Le si^jet est entouré d'un cartouche dont le couronnement est
chargé d'une mitre, d'une croix et d'une crosse. Un écusson
au chifre s. j. b. se trouve devant la console, sous laquelle on
lit Nicole sctilpsit 1750. Cette belle petite pièce pourrait bien
être de Nicole fils ; elle se trouve reproduite sur le frontispice
des missels publiés par ordre de Monseigneur Bégon.
On rencontre encore souvent un autre de ses ex-lïbris.
C'est son blason gravé sur bois pour in-8^
Dans son long épiscopat, il fut continuellement en lutte
avec les partisans de Jansenius ; il ne les ménagea pas, et
ayant été nommé plusieurs fois commissaire royal près des
chapitres généraux des Bénédictins, il sut toujours éliminer
les discussions scabreuses. Aussi le zèle qu'il déploya, fit-il
nommer ces réunions le Brigandage de Tout par les fanatiques,
n n'en fut pas moins un des prélats les plus aimés et les plus
regrettés de tous.
D fut enterré dans la magnifique chapelle des évêques, dite
de Sainte-Ursule ou des onze mille vierges; charmant édicule
de la Renaissance qui tombe décemment en ruine & la grande
satisfaction, dit-on, des ultra amateurs du néogothique. Vis-à-
vis la chapelle de Savnte-TJrmde est une autre chapelle Renais-
> Les médailles aUèrent enrichir la collection de Michelet d'Ennery
de Metz, et les capucins de Thionville avaient, en 1790, un manuscrit
à ses armes traitant des négociations de la paix de Munster. M. Dnfréne,
à Metz, qu'il faut toigours citer quand on parle de Toul, a dans sa
riche bibliothèque quelques livres avec VeX'l(br%9 de M, de Gamilly ,
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73 REVUE D'ALSACE
sance dans un déplorable état de délabrement, au grand con-
tentement des mêmes amateurs. C'est la chapelle dédiée à
tous les saints, qui appartenait au chapitre et qui fut en partie
reconstruite par le chanoine Jean de Barba, dont on voyait le
portrait sur le vitrail du fond et dont le blason brille partout
à l'entrée. En 1793, on vendit, sur le territoire de Toul,
63 ares de vignes appartenant aux fondations pieuses de cette
chapelle sous laquelle se trouve la chapelle de Notre-Dame-
de-la-Orotte; 32 ares de vignes au même canton, propriété de
celle-ci, furent également vendus à cette époque.
Les évêques étaient collateurs de la chapelle Sainte-Ursule
et y recevaient la sépulture. Leurs héritiers n'avaient pas
besoin de mendier, près d'un chapitre orgueilleux, la con-
cession d'une tombe dans la cathédrale. En 1741, M. Bégon
transféra en la grande chapelle de son palais, l'ancienne
chapelle Sainte-Catherine qui y était jadis et qui avait été
installée provisoirement dans la chapelle dite des Evêques
attenant à la cathédrale à l'autel Sainte-Ursule. ^
Balechou a gravé le portrait de M. Bégon in-4*; on possède
aussi une lithographie par feu M. l'abbé Morel.
Clatjdb Drouas (I754rl774). Le cynique Jamet n'est pas
tendre pour le charitable Drouas : « Un loup gris, dit-il, qui a
ravagé tout le diocèse d'où il s'est fait honnir, parent de la
fameuse Alacoque. » Il n'est pas étonnant que l'évêque ait
publié les Instructions pratiques pour honorer le S. Cœur de
Jésus à Vusage de son diocèse. Nancy, 1765, in-8", avec man-
dement et lettre approbative du gros roi Stanislas, datée de
Lunéville, 14 novembre 1763. —Vers cette époque, une jeune
fille de dix ans était élevée à Pétat nature, à la Cour du bon
monarque.
^ Pour montrer sur quel pied vivaient les chanoines des églises-cathé-
drales et les évoques, on peut citer ce fait : c'est qne si un évêqne
voulait officier dans une grande fête, il devait commencer la veille par
les premières vêpres, sinon, on lui refusait la permission.
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LES EX-LIBRI8 DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS 78
L'évèque Drouas fut le fondateur du collège Saint-Claude,
dont il sera parlé plus loin; ses charités furent immenses, et
cependant aucun de ses prédécesseurs n'eut à supporter
autant de critiques acerbes ; il en mourut de chagrin. On lui
rendit cependant plus tard justice.
Excessivement économe pour lui, il distribuait tous ses
revenus aux pauvres. Les livres de sa bibliothèque ne sont
marqués que des armoiries sur bois qui figurent sur ses man-
dements épiscopaux. Au-dessous, à la main, il y a la lettre de
la série et le numéro d'ordre. ^
Il y a trois de ces marques.
CoUin, de Nancy, a gravé son portrait qui a été reproduit
par Tabbé Morel; il n'est pas ressemblant, il ne donne pas
la figure grasse et souriante du prélat Pour bien connaître
les traits de celui-ci, il faut aller dans un des salons du rez-
de-chaussée de la mairie. Son portrait en pied fait pendant à
celui du très sévère, mais très juste Bégon. Les dessus de
porte et la plaque de cheminée sont aux armes de Mgr Drouas.
Celui-ci fit les frais pour l'ouvrage deBuchoz d'une charmante
gravure de Collin {V Amygdale).
Sa bibliothèque fut vendue longtemps après sa mort, le pro-
duit devait être aflecté à une œuvre de charité. Le catalogue
parut à Autun, en 1780. C'est une brochure de 187 pp. in-12.
^ M. Gaston de Lambertye possède les sceaux en cairre des évéques
de FienXf de GamiUy, Bégon et Drouas, et quelques autres relatifiB à
l'histoire de Toul.
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74 REV0E D'ALSACE
Le lendemain de sa mort, les chanoines firent couvrir le
tableau du cœur enflammé de Jésus par les plis étoffés de la
robe. On voit encore de nos jours le tableau de Girardet sur
l'autel du §açr0-cœw,
Ces belles armoiries se trouvent sur les plats d'un in-folio,
relié en veau, intitulé : CatcUogtie de la bibliothèque de Mgr
Vévèque, comte de Toul (244 pages), mdcclx (bibliothèque de
Nancy, manuscrit n** 170, belle écriture, encadrement rouge).
Dbb Michels de Chajiporcin (1775-1790). Les livres à
l'usage personnel de cet évêque sont presque tous en maroquin
rouge et armoriés sur les plats à ses armes.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÉGHÉS 75
Après un épiscopat des plus troublés, à cause de la cession
d'une partie de son diocèse et de Tanoblissement de son cha-
pitre, M. de Champorcin gagna, en 1791, la terre étrangère.
Béfugié d'abord dans le pays de Nassau, terre d'empire, il
faillit être accroché à la lanterne ; pour éviter cette barbare
hospitalité, il quitta à la hâte Bouquenom (Saar-Union). Il
s'associa, à Trêves, à toutes les protestations de ses révéren-
dissimes confrères de la province. Au Concordat, il rentra
sans bruit après s'être, en iils respectueux de l'Eglise, démis
de son siège épiscopal. Il mourut dans sa famille, en 1807. On
voit son portrait au palais épiscopal de Nancy.
Au moment où l'évêque rentrait dans ses foyers, deux cha-
noines, MM. d'Hamonville et de Saint-Beaussant, revenu
d'émigration, prêtaient, à Nancy, le serment de se conformer
aux lois. Le premier mourut, après le Concordat, curé de la
paroisse Saint-Etienne de Toul, jadis la cathédrale; le second
fut chanoine titulaire de la cathédrale de Nancy.
MESSIEURS LES CHANOINES
Les archives et la bibliothèque du chapitre se trouvaient
derrière les chapelles de la Trinité et dos Anges dans une
salle prenant jour sur le cloître. Leur existence fut toiyours
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76 REVUE d'alsaoe
assez précaire et les dilapidations devaient être très fréquentes
à la bibliothèque, car vingt-deux chanoines, en 1401, en
avaient la clef. La position isolée de la salle la fit servir de
lieu de pénitence pour les membres du chapitre; Tun d'eux, le
7 novembre 1547, fut condamné à y passer deux heures chaque
jour pendant six mois pour avoir fréquenté, malgré les avis
reitérés, « une maison de mauvaise réputation ».
Plusieurs chanoines avaient fait des dons à la bibliothèque;
en 1402, M. de Longueville donne le Boman de la Rose et
150 florins; Jean-Robert de Bernécourt, vingt-deux volumes
de droit civil et autres, en 1500; Michel Babel, en 1534, lègue
tous ses livres, etc.
Il y avait au trésor un évangéliaire mutilé très ancien,
écrit en caractères d'or sur parchemin pourpré; il échappa à
la vente que le chapitre fut, en 1645, obligé de faire, conune à
Verdun, pour payer les dettes contractées pendant les grandes
guerres du xvii* siècle.
En 1790, le bureau diocésain avait encore quelques livres
liturgiques et diplomatiques et un évangéliaire du vr siècle.
Au mois de novembre 1792, deux bataillons des fédérés
parisiens, plus connus sous le nom de Marseillais, * allant à
l'armée, se ruèrent sur la cathédrale, ils commencèrent par
renverser les statues du portail, puis pénétrant dans la nef,
ils mutilèrent ou détruisirent les statues de Jeanne d'Arc, du
^ Un officier de ces fédérés composa la halte de la Marche des
MarseUlois (3 couplets) :
Aujourd'hui de leur impnissance
Nos ennemis sont convaincus.
Ils vooloient asservir la France :
Ils paroissent; — ils sont vaincus, (bis)
A peine peut-on les atteindre,
Tant ils fnyent rapidement.
A Bâchas donnons un moment;
Nous saurons toujours bien les joindre,
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LES BX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÉCHÉS 77
colonel Hébron, tué au siège de Saverne en 1636, de rarchi-
diacre de Rozières, dont Touvrage lit tant de bruit à la fin du
XTV siècle, les monuments en marbre des évoques, etc. ; ils
terminèrent ces actes de vandalisme en faisant entasser sur
des charrettes, les bannières, les tableaux, les missels, les
parchemins des archives, et ils en firent un feu de joie splen-
dide sur la place de la Fédération {Dauphifté). Ce ne fat qu'au
bout de deux jours que ces bataillons, dits des amis de la Répu-
blique et des quatre-vingt-trois départements, quittèrent la
ville.
Deux toiles échappèrent aux Parisiens et furent envoyées
au Muséum de Nancy : un Cnunfiement, par Lebrun, et un
Christ détaché de la colonne.
Parmi les chanoines érudits, on peut citer en première
ligne, M. de TAigle, grand-vicaire qui n'était pas moins remar-
quable par sa modestie et sa piété que par son érudition, dit
Dom Calmet II mourut, en 1733, à 80 ans. Ses livres sont
reconnaissables à sa signature, C. de l'Aigle, sur le frontispice.
Il donna d'utiles renseignements à Tabbé de Senones sur les
anciennes enceintes de Toul.
Le chanoine Machon, archidiacre de Port fat chargé de
Anx verres, citoyens, faites halte, gaerriers,
Buvez (bis) et qu'à grands flots s'arrosent vos lauriers.
CHORUS
Buvons (Jbis) et qu'à grands flots s'arrosent nos lauriers,
etc., etc.
Par Fabrb, sous-lieutenant
au bataillon des amis de la République.
(8. h n. d, 3 pp. %n-î6).
Le dernier couplet se termine ainsi :
Pour nous soustraire à l'esclavage,
Aux armes, citoyens, bataillons à vos rangs,
Marchez (&i>), paix anx hameaux et la guerre aux tirans.
Marchons (M), etc.
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78 HBTUE D'àLSÀCE
rédiger le pouillé du diocèse de Verdun. Il avait le manuscrit
de son confrère Pelegrin, dit Viator, sur Ptolémée; il iit cadeau
de l'ouvrage de Tancien secrétaire des commandements de
Louis XI au président Séguier, qui avait le talent de se
monter une bibliothèque des plus précieuses sans bourse
délier. L'évêque de Metz, M. de Goislin, hérita plus tard de
ses livres. Machon obtint, en 1645, la grande prévôté de Saint-
Dié, mais il ne put obtenir les bulles. Le P. Benoît est rude
envers lui, il laisse entendre qu'il n'était pas toujours délicat
pour se procurer des pièces historiques.
EX-LIBRIS
1. L'ahbé Beurard, chanoine de V église de Toul.
a) Couronne comtale surmontant un écusson d'azur à une
épée en barre accompagnée en chef d'une fleur de lis d'argent
et en pointe d'une branche de laurier de même ;
6) Ex'libris Beurard, dans un cartouche ornementé gravé
sur bois.
Jean-Baptiste Beurard, fils d'un procureur au parlement de
Nancy, fut reçu chanoine le 27 juillet 1761 ; il demeurait à
Toul, rue du Parge (maison CoUin, notaire). Il fit partie,
d'après le sévère curé Chatrian, ancien secrétaire de Mon-
seigneur Drouas, de ces jeunes chanoines, nommés par la
sanction royale, qui vinrent à Toul scandaliser les anciens et
afficher leurs mœurs mondaines en se promenant publique-
ment avec des dames. M. Beurard alla même au bal pendant
le carnaval. *
Cet Athénien des bords de la Meurthe, savait cependant
s'occuper de choses utiles; il était un des bons minéralogistes
de la contrée. Sous l'Empire il fut employé comme ingénieur
* Cité par M. l'abbé Mathieu, p. 330.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÉCHÉS 79
des mines en Hongrie. Il publia sur cette partie si riche de la
géologie des ouvrages estimés dans le temps. Sa biographie
se trouve dans les dictionnaires historiques. Il y a encore
peu d'années que Ton montrait dans son ancienne maison
canoniale les armoires et les tiroirs de ses collections miné-
ralogiques. Le chanoine Beurard mourut en 1825.
Si Tons leTez ce ridean de satin.
Vous troarerez dans ma bibliothè<iiie :
In-oetavo, nos bons contemporains,
Dorés snr tranches, en fort beaux maroqnins;
On n'y voit point ni Platon, ni Sénèqne;
Tont ce fatras de maussades bouquins,
Vaut-il la peine de belles couvertures?
D ne me faut que d'aimables lectures,
Yous y verrez La Fontaine, Bernard,
Yergier, Grécourt et la Pucelle à part,
Tous enrichis des plus jolies gravures;
Outre cela, j'ai de jolis romans.
Comme Angola, Thérèse raisonneuse.
Et le Sopha, Margot la ravaudeuse ;
Et les Bijoux indiscrets et charmants
Qui dévoilent les plus secrets mystères
Depuis dix ans, je sais cela par cœur;
Mais il les faut pour les prêter aux belles.
D'après le remarquable travail de M. le commandant Daul-
noy, les maisons des chanoines leur appartenaient A leur
décès, on les vendait publiquement à ceux de leurs confrères
qui n'en avaient pas, et qui étaient au nombre de sept. D était
défendu de souslouer à des hérétiques ou à des femmes. Les
bals étaient défendus, sauf pour les noces d'un frère, d'une
sœur, d'un neveu ou d'une nièce. Des délégués du chapitre
devaient visiter une fois par an les maisons canoniales pour
s'assurer qu'elles étaient bien entretenues, qu'on ne les grevait
pas de servitudes, et que les prescriptions réglementaires
étaient observées, etc.
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80 REVUB D'ALSACE
L'auberge de la Cloche cPor, qui existe encore, appartenait
au chapitre, comme le TMpot, ou jeu de paume, situé dans
rintérieur de la ville, était la propriété de l'abbaye de Saint-
Epvre, et Tauberge du Cerf aux Dominicains. La nation se
chargea du placement de ces utiles établissements.
2. De la bibliothèque de M. Ch. Amb. CaffareM, N\
Le chanoine Charles- Ambroise Caffarelli du Falga, naquit
au château de ce nom, le 15 avril 1758. Il fut nommé le 28 sep-
tembre 1775, et en 1780, VOrdo ne le mentionne encore que
comme sous-diacre. A la Révolution, il se retira dans ses
pénates dans le Lauraguais (Haute-Garonne), abandonnant à
la nation 30 ares de vignes qu'il possédait sur la côte Saint-
Michel, comme tous ses confrères, et dont la vente eut lieu le
14 juin 1793. La confiance de ses concitoyens le fit nommer
membre du district de Revel. Sous la Terreur, il fut mis en
prison à cause ile sa modération. La chute de Robespierre le
sauva. Sous le Consulat, il fut nommé préfet de l'Ardèche, puis
du Calvados, et enfin de l'Aube oii les événements de 1814
vinrent le surprendre très désagréablement, car Napoléon
ayant jugé qu'il avait quitté trop vite le département à l'ap-
proche des alliés et qu'il n'était pas rentré au retour des aigles
impériales, le destitua. A la Restauration l'ex-chanoine-préfet
retourna encore une fois dans le château de ses pères pour
ne plus le quitter. Malgré son désir de ne plus entrer dans la
vie publique, il dut encore accepter les fonctions de conseiller
général et, sur son désir, l'archevêque de Toulouse lui rendit
ses pouvoirs. Jouissant enfin d'une parfaite tranquillité, estimé
de tous, il vit approcher la mort avec calme ; il décéda le
6 novembre 1826, laissant plusieurs ouvrages sur Téconomie
politique et l'agriculture.
Il eut deux ex-libris gravés au burin :
a) d D'azur à la croix de la légion d'honneur en franc quar-
tier, d'argent au lion de sable et taillé et contretaillé d'argent
et de gueules d; toque de baron sur le tout;
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LES EX-LIBA18 DANS LSS TROIS ÉVÉCHÉS 81
b) a Ecartelé, l"" taillé d'argent et de gueules, 2*d'ai^ent au
lion de sable, 3* marque de baron-préfet, 4* contretaillé d'ar-
gent et de gueules » ; toque de baron, lambrequins et au-dessous
la croix de la légion d'honneur.
3. Anonyme (le grandrdoyen Fagel de VanlouxJ sous le trait
P. L, Cor.
Ux-libris formant un charmant siyet de pendule, style Em-
pire.
Les armoiries de la Pucelle d'Orléans 1 et 4 sont écar-
telées 2 et 3 du blason du grand-doyen a d'azur à la
cigogne d'argent, au chef de même chargé de trois étoiles
d'azur » ; le tout dans un cartouche rococo surmonté d'une
couronne ducale et accosté du beau Dunois armé en guerre,
brandissant une épée, et de la Pucelle également armée de
toutes pièces et tenant haut son fanion armorié. Au fond une
maison seigneuriale dans un parc. Au-dessus une main armée
pour cimier et dans l'air la banderole avec la devise si connue
de Jeanne d'Arc :
GOKSILIO FIRHATA DEI
Les Pagel étaient originaires de Toul, l'un d'eux fut dans la
police locale.
Nicolas Pagel venlt tonjours boire,
écrit, en 1567, un Enquéreur. Malgré cela on prétendait que
le grand-doyen descendait d'un huissier, et le ridicule orgueil
qu'il montrait à chaque instant faisait redoubler les sarcasmes
sur sa personne; c'est un des plus atteints par les poèmes
satyriques du temps. Ayant cru descendre de la famille de la
Pucelle, il fit peindre * le blason de cette héroïne avec le sien
dans toute sa maison et sur ses voitures, au grand contente-
ment des badauds. Il avait reçu la tonsure des mains de
l'évêque de Metz, en 1742, et avait été nommé grand-doyen,
^ Par Beaulieu, peintre d'enseignes.
NoDvelle Série. — 11*« année. 6
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8â nfcVUfi D^ALSÀCft
en 1768. Il occupait au chœur la preniière stalle du côté
gauche en face de celle de Tévêque; les chanoines étaient
rangés par ancienneté après eux. M. de Vantoux fut vicaire
général, membre du bureau des pauvres, directeur des Sœurs
des écoles de la charité (aujourd'hui la Doctrine chrétienne).
Il vivait encore en 1789.
Le graveur messin, Cor, qui fit son prodigieux ex-lihris, n'a
gravé que celui-là. On voit dans l'Atlas de Buchoz une ving-
taine de planches de lui, dont plusieurs avec blason (Custine,
ville, avocats et Académie de Metz, électeur palatin, etc.).
BIBLIOTHÈQUE DU SÉMINAIRE DIOCÉSAIN
Congrégation de la MiBaion (LaEaristes)
On lit, écrites à la main, ces annotations sur les titres des
volumes de cette belle bibliothèque:
Ex'librië Domus tuttensis C^ Missionis.
ExAïbrië Cong. Missionis domus TuUenm, 1651.
Missionis TuUensis.
Ex-libris Cong. Missionis Dormes TuUens, etc.
Venus dans le cours du xvii* siècle pour tenir le Séminaire,
les Lazaristes firent beaucoup de bien; mais dans le cours du
xvnr siècle, Us donnèrent dans le jansénisme, puis dans les
idées philosophiques du temps, et ils en inspirèrent le goût à
leurs élèves ; ce fut un grand malheur pour le diocèse ; mal-
heureusement Mgr Drouas ne vit rien, et lorsqu'il voulut
remédier au mal, il était trop tard. A la Révolution, les élèves
avaient abandonné depuis longtemps l'établissement.
La bibliothèque était une des plus riches du royaume ; elle
comptait 7001 volumes provenant surtout de dons. La grande
salle contenait dans sept trumeaux et 16 rayons, 1504 in-folio,
1065 in-é*" et 4432 in-S"*. Dans une chambre à côté, il y avait
300 volumes à l'usage des séminaristes. L'inventaire du
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LfiS U-LIBIUS DANS LtS TROIS MCËÈd 83
2 janvier 1793 porte aussi un médaillier avec 67 pièces papales,
un cabinet de physique et une machine électrique, une collec-
tion d'histoire naturelle avec quelques objets intéressants;
selon Buchoz, des monceaux de vitrification, de congélation,
des minéraux, des pétrifications, des coquillages, une grosse
vertèbre d'hippopotame, trouvée à Sorcy, une dent molaire
d'éléphant de Dieulouard, une corne de bœuf de Tlsle en
Barrois, une porcelaine en fossile de Champagne, une corne
d'ammon nacrée, une vertèbre humaine, etc. Le supérieur de
la maison, M. de BrocveiUe, était, selon le médecin nancéien,
très versé dans Thistoire naturelle. Cela ne faisait pas pros-
pérer la maison.^
Adrien Lamourette, métropolitain constitutionnel de Lyon,
exécuté le 10 janvier 1794, et dont le nom est connu dans les
fastes révolutionnaires, fut professeur et supérieur au Sémi-
naire de Toul, puis directeur à Saint-Lazare ; il déclara, au
moment d'aller au supplice, que tous les discours que Mirabeau
avait prononcés sur le clergé et les matières ecclésiastiques
étaient de lui. Un autre Lazariste du diocèse de Toul, Nicolas
Philbert, curé de Saint-Charles de Sedan, fut sacré à Paris,
en 1791, évèque constitutionnel des Ârdennes; il mourut
en 1797. Châtelain, chanoine de Saint-Gengoult, un moment
évëque de la Meurthe, avait été Lazariste.
Un ancien élève des Lazaristes de Toul, qui entra dans leur
congrégation, eut une bien triste fin. Charles Brillon, petit-fils
^ Le 31 juillet 1763, le jeune abbé de Tressan soutenant derant
M. de Brocreille une thèse, dit que la religion catholique était la domi-
nante. — Gela était vrai autrefois, dit brusquement le directeur, qui
entendait parler de la philosophie qui menaçait de tout envahir. Les
dénonciations arrivèrent, le Parlement fut saisi. On eut l'heureuse
idée d'étouffer l'affaire, et M. de BrocveiUe dut envoyer une «lettre
à l'évêque de Toul sur les bruits qui sont répandus contre le Sémi-
naire, 1772» (Gat. Emmery, 638). Bien des gens n'en pensèrent pas
moins que l'on enseignait l'athéisme au Séminaire de Toul.
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84 AEVOfi b'alsacë
du peintre Chéron, de Lunéville, fut curé de Foug. A la Révo-
lution, il se retira à Lunéville et s'y maria. Par une froide
matinée d'hiver on le trouva mourant dans la neige, près du
chemin d'Eînville. Transporté chez lui, il ne tarda pas à
succomber, laissant, dit son oncle l'avocat Chéron, une assez
belle bibliothèque, qui ne fut estimée que 700 livres « malgré
qu'elle ait dû lui en coûter bien plus cher, l'ayant achetée
entièrement chez les libraires. »
Le Club des amis de la Révolution fut installée dans l'église
du Séminaire ; plus tard, celle-ci fut démolie et les bâtiments
transformés en maisons particulières rue du Saint-Esprit
(Oengoult). L'église de Crézilles possède quatre tableaux
provenant des Lazaristes; ils Teprésenieiït SaintrVincent-de^
Paul au milieu de ses disciples — prêchant au peuple — àla
Cour — assistant Lmiis XIII au lit de mort.
Le Séminaire et le Collège Saint-Claude attiraient une foule
de jeunes gens du diocèse, dont beaucoup s'engageaient dans
les ordres. Les écoliers trouvaient à l'imprimerie locale tous
leurs classiques. On ne laissait pas alors à Paris le soin
d'inonder le pays d'éditions plus ou moins estimées, qu'elles
fussent grecques ou latines. Avant 1789, chaque imprimeur de
petite ville avait les connaissances nécessaires pour publier
un Virgile ou un Ovide sur beau papier et il en trouvait faci-
lement le débit. Il n'en est plus ainsi de nos jours, et sur ce
point, on a laissé bien en arrière les immortels principes.
Boulay de la Meurthe, un zélé impérialiste, le conventionnel
Poulain-Grandprey, le baron Louis, si caricaturisé par la
presse hostile au gouvernement de Juillet, le président
Henrion de Pansey, aussi savant jurisconsulte que gourmand
émérite, le tribun Delpierre, François de Neufchâteau, véri-
table girouette politique, que ses vers firent nommer par les
fructidorisés la Cigogne des Vosges^ l'évêque de Saint-Claude,
de Chamont et tant d'autres furent élèves du collège Saint-
Claude, dont deux professeurs laissèrent à Metz les plus
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un Bx-Lomis dans uh tro» évéchés 86
durables souvenirs ; M. Mongin, de Toul, professeur de rhéto-
rique au collège royal, auquel ses élèves élevèrent un
monument au cimetière de TËst; le médaillon, représentant
son portrait, est d'un artiste tyrolien, Mahlknecht, domicilié à
Metz; le second professeur est Tabbé Sainsère, de Vaucouleurs,
proviseur du même collège, bien connu par sa Orammaire
latine de Lhomond et son Appendix de Dus.
Le 20 décembre 1791, le collège Saint-Claude fut fermé, et
bien des années après on installa à Toul une école secondaire
(collège). Le mathématicien Bicquilley y fut professeur.
Abthxjb Benoit.
(A suivre.)
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LinÉRATUBE POPULAIRE DE L'ALSAGE-LORRAINE
BAVARDAGES
DE
nSDilES-IES-COnSDIE!! DE STIIMBOnB&
enb'emêlés de quelques autres
COMMÉRAGES ALSACIENS'
Strasbourg a toujours possédé une certaine classe de
bavardes, à Taffût de toutes les nouvelles et qui, par suite
d'une parenté du neuvième degré, vraie ou supposée, ne s'in-
terpellaient qu'au titre de Frau Bas, « Madame ma cousine ».
Ce titre est devenu à Strasbourg et dans l'Alsace, l'équiva-
lent de commère, et nous aurions pu traduire Frauhasegspriich
par «Dialogues des commères de Strasbourg».
Nous préférons la traduction littérale qui nous a permis de
rendre la nuance Jungferhasen par «demoiselles-cousines», et
de conserver à notre traduction un degré de plus de couleur
locale.
Les dialogues de commères, publiés tantôt en feuilles
volantes, tantôt dans les gazettes locales, furent toujours
' La plupart des aateors de ces compositions, saisies snr le vif, sont
inconnus. D'antres ont été écrites par Arnold, M°^* Engelhard-Schweig-
liœnser, Ehrenfried Stœber, C.-F. Hartmann, Ch. Bernhard et Charles
Berdellé.
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UTTÉRATURI POPULAHIE DE L'aLSAGE-LORRAINE 87
accueillis avec joie par les habitants de Strasbourg. L^impri-
meur Frédéric-Charles Heitz, qui avait réuni une si belle
bibliothèque alsacienne, avait formé un fascicule d'une dizaine
de ces conversations. Cette petite collection se trouve actuel-
lement à la bibliothèque de TUniversité de Strasbourg.
M. Bergmann, professeur à ladite Faculté, Ta publiée avec
des notes linguistiques, littéraires et ethnographiques très
intéressantes.
En 1877, parut le EUUssisch Schatzkdstél (PEcrin alsacien)
qui réédita ces dialogues en les augmentant de celui de 1848.
M. Auguste Stœber a fait de l'ouvrage de M. Bergmann une
critique littéraire à laquelle les éditeurs du SchaizMstd
empruntèrent les notes qu'ils joignirent à ces poèmes.
Aux compositions et notes que nous fournissent les trois
publications précédentes nous en joignons quelques autres
qui nous appartiennent
Des dix pièces recueillies par M. Heitz, il y en a trois qui
datent des années qui ont précédé la Révolution.
Cinq autres se rapportent aux années 1814 et 1815; nous
y ajoutons une chanson en dialecte du Eochersberg, que nous
ne connaissons que par tradition orale, et qui, d'après le sujet
traité, doit être née en ces mêmes années.
Les deux dernières pièces de la collection de Heitz datent
des premières années de la Restauration et nous mettent au
courant de ce qui occupait à cette époque les esprits des
bourgeoises de la ville de Strasbourg.
Quelques cheÉs-d'œuvre de Ehrenfried Stœber, Charles-
Frédéric Hartmann et Charles Bemhard, ainsi que le dialogue
de 1848, nous ont en outre paru dignes de l'attention des ynis
de notre littérature populaire.
Nous faisons un appel à ces derniers et les prions de nous
communiquer les poésies de ce genre que nous avons omises
ou que nous ne connaissons pas.
Eniin nous terminerons par la traduction de quelques-unes
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88 HBVUE d'alsàce
de nos propres poésies alsaciennes, se rapprochant, par leur
sujet, du genre des FratUnuegeprach.
Si cette communication à la Bévue cC Alsace trouve auprès
du public français un accueil tant soit peu bienveillant et
favorable, le traducteur se propose de Tinitier à une connais-
sance plus intime des richesses de la littérature populaire
d'Alsace-Lorraine.
Rioz (Haute-Saône), le 14 juillet 1881.
Ch. Berdellé.
CONVERSATION
tefiiM dam Vintitnité près de la Maison-Rouge, entre deux
^Dames-Ccusines'ù de notre vUle de Strasbourg, comme qui
dirait entre Dame Julienne et Dame Ursule qui jouissent,
parmi les personnes de leur sexe, â!une haute considération,
à cause de.leurs manières aussi Jranches que convenables.^
JULIENNE
Pst!. . . Attendez un peu. Vous n'emmenez personne?
URSULE
Ah! c'est vous, ma cousine? Il faut qu'on me pardonne.
Je ne vous entendais et voyais encore moins.
Car il fait si boueux pour marcher. Tous mes soins
Vont à mettre le pied sur un pavé non sale.
^ X'auteur de cette première conversation est incennu. Elle coale de
la bonche de ces « Madame-ma-cousine > classiques comme nn léger
misseau qui ne s'arrête jamais. Mélangée de vraies locations strasbour-
geoises, on y parle des ouvriers, des soins du ménage, des maris, et
surtout des domestiques dont une surtout, du nom de Lise, y est parti-
culièrement maltraitée.
Maison-Rouge, nom d'un hdtel situé place Eléber.
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LITTÉRATURG POPULAIRE DE L^ALSiCE-LORRAmB 89
JTTLIENIÏE
Oui! c'est tout comme moi, et, chose bien fatale,
J'ai là de gros souliers que j'aurais rondement
Dû laisser au voleur.
URSULB
Pourquoi?
JULIEKinS
Voyez comment
On marche là-dedans. Comme dans une caisse
De blanchisseuse,^ eut-on le pied le plus étroit!
Et bestialement pareil marché me blesse.
UBSULE
Ne vous irritez pas, mais rendez-vous tout droit
Dans la rue aux Carreaux, chez Bser. Il vous fabrique
Des souliers, c'est vraiment, cousine, magnifique
Comme ça tient aux pieds. On les dirait fondus
Avec eux.
JULXElfNE
Par le sang! vi'aiment, on ne tient plus
A s'acheter du neuf^ car il faut que l'on tftte
De tous les magasins. On croit tenir du bon :
Le confectionnant, l'ouvrier vous le gâte.
TTB8T7LE
Du cousin Abraham,^ votre nièce, dit-on.
Vient d'hériter un tas d'argent.
JULIENNE
On peut le prendre
* Caisse de blanchisseuse. Caisse rectangulaire à laquelle on a enleyé
l'une des parois verticales et dans laquelle s'agenouillent les blanebis-
seoses pour ne pas se mouiller les genoux en lavant leur linge.
* Chez les protestants de Strasbourg, et surtout dans certains quar-
tiers de la ville, on trouve souvent des noms tirés de l'ancien Testament,
comme Abraham, Daniel, etc.
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90 REVOB D'ALSACE
Avec celui qu'on a. Je viens encor d'apprendre
Que ce grand sot d'Erhard, vous savez, ce dadais
Qui baignait ses cochons, aurait aussi son legs,
A peu près trente écus, comme part légitime.
URSULE
Le fripon! Gomme il a dû sentir dans Tintime
Fond du cœur le besoin de rire. Sûrement
Ça va donner un couple avec la jeune Lise.
JULIEinSTE
Oh, non! cousine, non! elle est déjà promise.
URSULE
Quoi! promise déjà? Sait-elle seulement
Faire une soupe à Teau? Comment? choses conclues?
JULIENNE
Les accordâmes ont été déjà tenues.
URSULE
Qui donc ose la prendre ?
JULIENNE
Oh! c'est un compagnon
Qui s'en vient au Murhof. ^
URSX7LE
Oh bien! le joli don
Qu'on lui fait! mais je crois qu'elle vient Oui! c'est elle.
JULIENNE
Où donc?
URSULE
Eh bien! là bas! vers le aTrou des Navets.»'
JULIENNE
Je ne l'aperçois pas.
1
Ferme et maison de campagne, snr FIU, en amont de Strasbourg.
* Bûewdoch, Sobriquet servant à désigner un cabaret près de la place
Kléber.
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LrirÉRATURE POPULAIHB DE L*ALSACE-LORRAINB 91
TJBSULB
Regardez bien! Tout près
Des tambours.
JULIENIŒ
Par le sang ! oui ! c'est bien notre belle.
Il faudra donc changer de conversation.
N'est-ce pas une grande abomination,
Ma cousine? Elle porte une fort belle chatne
En or. Je vous demande : est-il, grand Dieu, permis
A femme d'ouvrier?
UBSTTLE
Ma foi non ! Ça me peine
Aussi, car on ne peut, comme le monde est mis,
Plus distinguer des gens comme nous des servantes.
On dirait qu'elles sont toutes impatientes
De courir à leur perte.
JULIEKIŒ
Oh Dieu! d'où viens-tu donc.
Lise?
LISE
Du «Marché-Neuf». J'y viens, pour toute affaire,
D'acheter des navets, pour deux sous d'amidon.
JULIENNE
Alors vous savonnez ?
LISE
Mais oui! dans la soupière!
Car nous n'invitons pas encor. Pour le besoin
On se débrouille un peu.
UBSULE
(Faisant mine de partir)
Moi je vais au plus loin.
JULIENNE
Attendez donc un peu, cousine, je veux faire
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93 REVUE d'alsacb
Le chemin avec vous. Lise, tiens-toi longtemps
Chez tes mattres qui sont, ma foi, de braves gens.
LISE
Oh ! j'ai fait le plus long de mes temps de services.
JULIENNE
Quoi! n'es-tu pas contente? Ah! ciel! je te comprends.
Quand donc entreras-tu dans ces temps de délices ?
LISE
Dans quinze jours. Cousine, aurai-je le bonheur
De vous voir assister à mon grand jour d'honneur?
Je ne le promets pas, mais ça pourrait bien être,
A. moins d'empêchements. Je voudrais bien connattre
Notre nouveau cousin. Fais-lui mes compliments.
LISE
Merci!
JULIENNE
Porte-toi bien.
URSULE
Il va faire beau temps.
Le ciel va s'éclaircir.
JULIENNE
Oui! sans que ça ne tarde.
UBSULE
Lise est une savate. Elle cause et bavarde
Et chez elle devrait être auprès du cuveau.
Si jamais ma servante agissait de la sorte,
Je vous la traiterais comme un chien. Est-ce beau
De voir qu'aussi longtemps une servante sorte.
Délaissant sa cuisine où le feu brûle en vain?
Puis arrive le temps du dîner : La luronne
Est cause bien souvent que le mari bougonne.
Digitizedby V:iOOQIC É
LtTTÉRATimE POraLAIftt DE L^ALSACE-LORAaINË
Et la femme en vaut pis. Pourtant c'est bien certain
Qu'on ne peut pas toujours être dans sa cuisine.
JXJLIENITE
Imaginez le coup, le beau coup, ma cousine,
Que la mienne, ma foi, me fit lundi dernier.
Je voulais assister, sans retarder, au prêche
De huit heures; je pends bien vite un oreiller
Que mon enfant avait mouillé, pour qu'il y sèche,
Au coin de mon fourneau; puis je porte au grenier,
Sous le faîte du toit un tas de linge sale.
L'oreiller est déjà percé, quand je dévale.
D'un grand trou par le feu. Je ne me connais plus
De fureur, et le pis, c'est que cette canaille
Bit aux éclats pendant que moi je la fouaille.
URSULE
Le savait-elle donc?
JULIENIŒ
Non ! mais c'est un abus
Quand dans une maison l'on ne voit la servante
Qu'à tricoter, filer, commander les enfants,
A balayer encore employer tout son temps.
Je n'en veux de pareille. Il m'en faudrait qui sente
Qu'elle doit quelquefois passer sur le talon
De sa maîtresse.
URSULE
Oh! oui! vous avez bien raison!
Mais dans tous les états le mal, hélas! abonde.
Et vraiment on croirait que notre pauvre monde
Approche de sa fin.
JULIENNE
Des gens de sa maison
L'on en supporte tant C'est vraiment effroyable.
URSULE
Je vais rentrer chez moi. Le temps est précieux!
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94 kEVtE d^alsàcb
JULIENNE
Voyez donc ce fichu. Qu'il est délicieux!
Où donc a-t-on brodé cette pièce adorable.
UBSULE
Au Coin brûlé,^ cousine.
JTTLIEliTBŒ
Ah! oui, sans doute c'est
Cette grande? Combien payez-vous cet objet?
N'est-ce pas? Qu'est-ce que cela peut bien me faire?
URSULE
Vous connaissez mon homme, et savez qu'il faut taire
Le prix que peut coûter un objet de si peu
De valeur. Pour l'avoir j'épargne sur ma bouche.
Sans ça je serais comme une bëte au bon Dieu :
Toujours même costume. Et, vous savez, je touche
Mon argent de semaine. Au delà je n'ai rien :
Il faut me débrouiller.
JULIENIŒ
Cousine, quant au mien,
D me laisse bien libre, à moins que dans sa tête
Il n'ait parfois logé quelque petite bête
Que j'en chasse aussitôt
URSULE
Et comment faites-vous ?
JULIENNE
Voyez-vous? quand je vois mon cher et tendre époux
Laisser pendre sa lèvre et me faire la mine.
C'est un bonheur pour moi, croyez-le, ma cousine,
De faire la malade. A ma mère soudain
Je fais dire d'aller chez notre médecin.
* *Am BrennteSnéP», à l'onest de la place Kléber.
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LirrÉRATCtlB tK>POLAtllK t>B L'aLSACB-LOUIIÀIKK 96
Elle sent le rôtL * Dans la même soirée
Elle vient II faut voir la belle échaufioorée
Entre elle et mon mari, qui se soumet enfin!
UBSTTLE
La friponne!
JULIENlirE
Eh bien donc? Ne suis-je pas rusée?
UBSTTLE
Mais oui! et joliment! La belle invention!
Jamais je n'aurais eu d'imagination
Semblable. Mais cela pourrait bien m'ëtre utile!
Que le mien, quelque jour, de façon incivile,
Me gronde, et je ferai tout comme vous, ma foi!
JXJJJESKK
Essayez une fois!
UB8ULE
Ha ha! ça me fait rire
Déjà! Portez-vous bien. Faut que je me retire
Et que je rentre vite.
JULIENNE
Et quand donc viendrez-vous
En visite chez moi passer une journée?
UBSULB
Oh ! je pense bientôt Saluez votre époux.
JULIENITE
Et vous le vôtre aussi.
URSULE
Je vous suis obligée,
Et n'y manquerai pas, ma cousine honorée.
Riez, le 24 mars 1881.
' SaUir le rôti, synonyme strasbonrgeois de : avoir bon nez, arriver
an bon moment, faire -nne chose à propos.
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96 ftEVdE D^ALSACE
II
CONVERSATION INTIME
tenus à la fontaine par quatre servantes strasbourgeoises,
Lise^ Suzanne, Catherine et Marguerite, composée par Jean-
Georges Werdo, la sentinelle, de son métier enfant de Stras-
bourg, qui était alors de garde auprès de la fontaine. *
SUZANNE
Diantre! que vois-je donc? Encore à la fontaine?
Où donc as-tu traîné? Comme ta jupe est pleine
D'eau et de boue!
LISE
Eh bien! je suis à nettoyer
Ces choux, et forcément mouille mon tablier.
Pense donc ! mon Martin veut faire la maudite
Farce, et me laisser là. Lui, qui me serrait tant,
A m'étouffer ! ce chien! il est à la poursuite
D'autres filles. . . Mais tiens! n'est-ce pas Marguerite
Qui regarde du haut du grenier.
GRÉTB ^
Un instant!
' De tous temps les femmes, et surtout les servantes, ont aimé se
réunir auprès des fontaines pour s'y enfoncer dans les commérages, et
souvent leur arrive-t-il de ne pas s'apercevoir que, de même que les
paroles découlent abondantes de leurs bouches, de même Peau déborde
de toutes parts de leurs seilles trop remplies.
Dans cette conversation ces servantes s'occupent surtout de leurs
amants dont elles énumèrent les quaUtés et les défauts. Les expressions
de colère ou d'envie alternent donc avec les termes louangeurs, et les
grosses trivialités n'y manquent pas non plus. Naturellement on n'y
épargne pas les patrons, et les sorties que ces bonnes font contre leurs
maîtres font de ce morceau la digne contre-partie du premier.
L'auteur en est également inconnu.
* Marguerite.
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LITTÉRATURE POPULAIKE DB L'aLSACE-LORRAINB 97
Attendez donc un peu. Je vais aussi descendre
Chercher de Peau.
SUZE
Comment! Mais tu devrais comprendre
Qu'on ne te peindra pas des amants. Tiens ! mon Jean
Fit de même avec moi. Moi, le lâchant d'un cran
Et me moquant de lui, je forçai l'imbécile,
Ne le regardant plus, à revenir vers mol
Mais lui revint tout droit et se crut bien habile
En m'embrassant du coup, pensant que, bien docile,
Je rendrais le baiser. D se trompait, ma foi !
Et je ne craignis pas de lui dire pourquoi
Je le boudais. Depuis il n'en voit aucune autre.
LISE
Ah ! je ferai de même avec mon bon apôtre.
Je parviendrai peut-être à lui faire lâcher
La maudite traînée. . . Oh bien ! c'est Marguerite
Qui vient déjà!
GRÊTE
Quelqu'un vient-il de te fâcher?
Quelle mine tu fais !
SUZE
Il ne faut tout de suite
Tout redire, bavarde.
GRÊTE
Oh ! je ne dirai rien.
Je garde les secrets. Vous me connaissez bien.
LISE
C'est Martin...
SUZE
Ne dis rien ! Elle lui tend la perche!
GRÉTE
Oh! je m'en moque bien !
NonyeUe Série. -> II** aonèe. 7
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ftEVim D*ALSACB
LISE
Oui! mon Martin recherche
La Barwelé* de chez le tailleur. Chaque soir,
Et ça me peine fort! chez elle il va s'asseoir.
GRÉTE
Chacune de vous n'a que ce qu'elle mérite,
Vous vous plaignez toujours. Folle! va-t'en donc vite
Courtiser le valet. Il me suffirait bien.
Mais vous voulez encor choisir trop longtemps. Rien
Peut-il jamais manquer quand à son domicile
On a tout ce qu'il faut? Chez nous, moi j'ai le mien.
Il est bien fait et jeune. Il me serait facile
De te parler encor de choses que je sais
Et que j'ai sur la langue.
LISE
Oh bien! va donc! jamais
Je ne puis oublier mon Martin. Je voudrais
Le manger, ce cher fou! Et surtout quand je songe
Comme il m'amuse bien et gentiment me plonge
Sa main froide sous mon mouchoir de cou.
8UZE
Retiens
Ta langue prudemment. Tais-toi, laide sorcière,
Et va faire la morte afin que l'on t'enterre!
Vite il faut me sauver, puisque je me souviens
Que je n'ai pas raclé légume ni carotte
Pour la soupe. Il est tard! Grand Dieu ! Comme il radote
Mon vieux registre et comme il tape sur mon dos
Quand je vais lui servir des plats pas assez chauds.
Mais voici Catherine.
Diminutif de Barbe.
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LITTÉRATUEB POPULAIBE BB L'ALSACB-LORRAINB 99
KJBTH^
Eh bien! quelles nouvelles
Redisent vos bons becs?
SUZE
De quoi parleraient-elles
Si ce n'est des garçons qu'elles voudraient saisir
À la fourchette!
GBÉTE
Non! mais Lise est en tristesse,
Et cela parce que son Martin la délaisse,
Parce que la Bârwel Pempèche d'y venir
En l'attirant chez elle.
SUZE
Et j'aimerais que Lise
L'eut plutôt.
KSTH
Si j'étais au moins dans ta chemise.
Je vous arrangerais la jaune au maigre-né!
Oh! Martin se verra du monstre abandonné!
Ne lui permets-tu rien?
8UZE
Mais elle reste assise,
Et sans rien dire, quand Martin veut chifionner
Son tablier.
LISE
Allons ! Crois-tu, grande niaise,
Qu'on ne peut que rouler. En prend-il à son aise,
Le tien, quand tous les soirs il vient te câliner?
STJZE
Autour de notre îlot nous allons promener;
Nous entrons au Griflon:* j'y rencontre un bon verre
* Catherine.
' Le Griffon, brasserie renommée.
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100 REVUE D'ALSACE
De bière. En mon chemin je viens même de faire
La rencontre d'Ursule.
GRÉTE *
Eh ! l'on m'a raconté
Qu'Ursule, avec le sien, a laidement heurté
Le nez contre le mur.
KiBTH
Oui ! je viens de l'apprendre:
On dit qu'elle est lardée.
LISE
Eh bien! Va-t-elle pendre
Son enseigne au dehors? Quels soins j'ai pourtant mis
A la rafistoler! Que ne se sonfr-ils pris?
Ce Zinkeltps * pourrait inviter au baptême.
GRÉTE
Il a déjà rempli son tonnelet, et même
L'épouserait, pourvu qu'elle veuille.
KiETH
Eh bien! moi,
Si j'étais échaudée, oh! pour ma délivrance
Je l'accepterais bien.
SUZE
Il y a bien de quoi
D'être une pauvre femme!
LISE
Et la belle laitance
Qu'il aura de sa mère? Oh! ciel! je le prendrais
Aussi.
' Zinkélips, mot sans sens propre, employé de nos jours comme syno-
nyme d'imbécile dans le langage strasbonrgeois. M. Bergmann prétend
que dans ce poème ce n'est qu'un nom propre signifiant Philippe Zink.
Dans le doute, nous traduisons par le mot tel quel.
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LITTÉBÀTURB POPULAIRE DE L'àLSACE-LORRAIHE 101
OBÉTE
N'en parlez pas, Madame ma cousine!
Croirais-tu par hasard, toi, que tu l'obtiendrais?
Il n'est pas pour ton nez !
LISE
Voyez, cette mâtine!
Comme elle ne sait pas bien parler? Mais comment
Ne saurait-elle encor danser plus gentiment?
Crois-tu, que comme toi, je me livre à la chasse
Des hommes? Ma foi, non! Je n'en suis pas yorace !
Et je le trouverais bien trop cher, même si
L'on voulait le donner pour rien. Non! grand merci !
Qui donc en voudrait? Qui? Je courrais dans la flamme
Pour me sauver de lui! Que n'ai-je mon amant
Martin.
SUZE
Pas de dispute!
LISE
Alors qu'elle ne clame,
Comme elle fait toujours, en petit commandant!
suze
Assez parlé de ça! Silence! Qui donc quitte
Au terme?
ILfiXH
Toi tu viens à propos m'envoyer
De l'eau sur mon moulin! Quant à moi je n'hésite
Nullement Dites-moi ! qui pourrait verdoyer,
Quelle bonne, chez nous ? Lorsque nous croyons boire.
Par grand hasard, du vin, nous y trouvons des fleurs.
Plein le verre, ma foi! Puis les cris et les pleurs
Des enfants ne font pas le plus beau de l'histoire !
Ils ne vous laisseront ni repos ni répit!
L'un a la gale aux mains, lorsque l'autre petit
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103 REYDB D*AL8AGB
A de la pâte molle en ses cheveux. La bonne
Eprouve des tourments, se fatigue et s'aigrit
Bien pis que chez des Turcs. A peine Tun guérit,
L'autre tombe malade. On travaille, on leur donne
Les veilles et les soins! Pourquoi? Pour en avoir
Remerctments du diable!*
GBÉTE
Oh! Je voudrais bien voir
Que ma dame trop fort me parle! Notre maître
Lui dit très bien son fait, quand je lui fais connaître
Quelque siyet de plainte.
LISE
Eh ! la mienne me va !
J'aimerais seulement pouvoir par ci, par là.
Me rendre au Jardin Schultz ^ pour, comme une autre fille.
Trouver quelque plaisir!
SUZE
Chez nous, soir et matin,
L'on cire, frotte, essuie, et sans un coup de main
De notre demoiselle. Oh! quand elle s'habille
Et se pare, elle croit travailler grandement
QRÊTE
Tonnerre! comment donc! Je perdrais joliment
Patience.
LISE
La nôtre est tout à fait coulée
Au même moule!
KiETH
Et moi! je me trouve accablée
^ Semerdments du diabU, Ingratitude (se dit aussi en Franche-Comté;
▼oir la légende ci-après).
* Jardin Schtilts, bal champêtre situé au Contades.
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UTTÉBATUBB POFDUUB M L'AUACM-UmRAMB lOS
D'un repentir amer de n'avoir pas quitté
Mes maîtres. Dieu pardonne! Auprès d'eux j'ai gftté
Plus de souliers, ma foi ! que je n'obtiens de gage
Pendant toute l'année. On a pour tout potage
Quatre florins. * Il faut pour se faire natter
Les cheveux, la piécette ;2 et puis pour acheter
La poudre et la pommade, une certaine somme
Est nécessaire aussi. On entre parfois, comme
On en a l'habitude, en quelque magasin
De sucrerie, et puis, s'il vous reste à la fin
Quelques sous, il les faut pour couvrir la dépense
Du tabac à priser. Mais je connais la danse
Qu'on peut faire danser à l'anse du panier.
Sans cela je serais réduite à mendier.
LISE
Adieu donc maintenant Ta maîtresse t'appelle
Et, si tu vois Martin, donne-lui mon bonsoir.
K^TH
Mille tonnerres! va! l'eau froide qui ruisselle
Dans mon dos !
GRÉTE
Je serai seule! venez me voir
Quand vous aurez assez filé !
Ki&TH
Grande campaine!'
Va, folle! nous irons plutôt à la fontaine!
Haguenau, le lundi de Pentecôte, 6 juin 1881.
* Florin, deux liyres on deux francs.
' La piécette valait douze sous. £n allemand : Bièsîe.
' Clochette au cou d'une vache, par extension bavarde, folle qui ne
sait ce qu'elle dit.
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lOé REVUE D'ALSAGE
LÉGENDE FBANC-OOHTOISE
LA BECONNAISSANCB DU DIABLB
Un bon paroissien (c'était un conseiller
De fabrique, un dévot et zélé marguillier)
Un beau jour parcourant les combles de l'église
Y retrouve une image en bois qu'on avait mise
En dépôt dans ce lieu. C'était un saint Michel
Terrassant Lucifer, mais que le temps cruel
Avait bien maltraité. La couleur, la dorure
Ne voulaient plus tenir, et partout l'éraillure
Mettait le bois à nu. Notre bon conseiller
Recueillit saint Michel, et pris du plus pieux zèle
Fit remettre d'abord des plumes à chaque aile,
Fit redorer l'ai:mure, et même dérouiller
Le glaive flamboyant. Puis couvrant son visage
De blanc, de vermillon, il mit selon l'usage
Sa tunique en azur. Après à Lucifer
Rafistolant la queue, et couvrant de cirage
Le corps, il lui fit prendre, oh ma foi ! fort bel air !
Et maint dévot dès lors vint rendre son hommage
Au saint, qu'hier encor tout chacun méprisait.
Lorsque loin des regards son triste corps gisait
Vermoulu, délaissé, dans l'épaisse poussière
Du grenier.
Un beau soir à ce bon marguillier
Apparut le démon, qui venait pour lui faire
De grands remercîments : < L'on allait m'oublier
Dans un obscur endroit où j'étais la pâture
Et des rats et des vers. Me couvrant de peinture,
Tu me rendis ma queue et mes griffes. Après,
Rencorné tu me mis aux lieux où je parais
Dans toute ma splendeur. De ma reconnaissance
Je voudrais t'assurerl suis-moi!»
Le diable avance
Et le bon marguillier le suit dans la forêt.
Puis, au pied d'un sapin creusant, Lucifer met
A nu de grands trésors. Après il les recouvre
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LITTÉRATURB POPULAIRE DE L^ALSACE LORRAINE 105
De terre : < Tn Tiendras, mon cher, de grand matin,
Les enlever 1 > — « Comment pourrais-je alors demain
Reconnaître Tendroit? » — « Pour que personne n'ouvre
La cachette, et pour que toi, tu mettes la main
Sur le magot, sans peine, il n'est qu'une recette :
Culotte bas ! >
On rit, et la chose fut faite.
Quand la digne moitié de notre bon dévot
Du coude lui tapant dans les flancs, dit : < Grand sot 1
Es-tu donc un gamin pour salir ta couchette?»
Notre homme! ahl qu'il devint capot!
Triste fin d'un rêve agréable!
Ce fut lui qui trouva le mot :
« Kemerctments du diable!»
Rioz, 9 juillet 1881.
m
CONVERSATION SÉRIEUSE MAIS AMUSANTE
tenue par deux ^Madame-morcousineyi strasbourgeoises, comme
qui dirait Dame Ursule et Dame Salomé. — Strasbourg, à
trouver au magasin de Pauschinger, sous les petites Arcades. *
URSULE
Cousine, je l'avoue et le dis, ça me crève
Le cœur de voir comment de nos jours on élève
Notre jeunesse qui n'a plus aucune peur
De Hans Trapp.^ Les garçons se mettent, o malheur!
^ Ce morceau est une mise en action tr^s bien réussie de la parabole
de La Pailîe et de la Poutre.
' Hans Trapp, Personnage fantastique qui la veille de Noël entre
avec l'enfant Jésus dans les maisons où il y a des enfants pour punir
ceux qui ont été méchants, pendant que l'enfant Jésus récompense
ceux qui ont été bons. Ce nom" provient par corruption de celui d'un
certain Jean de Tratt, chevalier-brigand qui se fit redouter en Basse-
Alsace et dans le Palatinat.
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100 REV0B D'aLSAGB
Tout jeunes, à jouer. Les filles qu'on courtise
Ne songent plus qu'au luxe, à mainte mignardise,
Croyant que c'est bien beau quand elles s'en vont voir
La comédie, et quand elles vont chaque soir
Au Broglie * afin que chacun les y reluque,
Et de plus chaque jour dessus tous les remparts.
Les cheveux dans les yeux, tout comme une perruque,
Ces folles vous auront des mines, des regards
A vous ébouriffer. Leur gorge est toute nue
Afin que tout passant profite de la vue
De leur tétons. Aussi leur tour de gorge est fait
De façon bien friponne. Et quant à leui* corset.
Est-il, grand Dieu ! permis qu'aussi fort on le lace?
Elles portent enfin un costume effronté
Tout comme si c'étaient des gens de qualité.
La jupe en tafietas par le dessous dépasse.
Et leurs pantoufles sont de drap d'or ou d'argent.
Avec grands falbalas, avec des bas de soie
Blancs, qu'elles lacent fort, afin que l'on n'y voie
Le moindre petit pli, le moindre froncement.
Et puis au grand jamais elles ne voudront mettre
De souliers noirs. Oh non ! les souliers devront être
De couleur. Vous savez, cousine, n'est-ce pas?
Qu'autrefois, aussi vrai que je suis honorable,
Le monde se montrait beaucoup plus respectable.
Ah! comme on nous faisait lire, après le repas
Du soir, dedans la Bible ! On ne pouvait descendre
Devant la porte, non! Et quel bruit, quel esclandre
On faisait. Dieu du ciel ! et comme on nous grondait,
Quand l'une d'entre nous seulement accordait
Le plus simple bonjour aux messieurs dans la rue !
Aussitôt on disait: «Dieu! quelle dissolue! »
Quand en société quelqu'un nous embrassait!
SALOMÊ
Ma cousine, c'est vrai! mon mari me disait
^ Broglie, promenade à Strasbourg, rendez-vous de la belle sociéié.
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LITTÉIUTUIIE POPULAIRE DB L^ALSlCB-LORRAINB 107
Que du temps qu'il était encor célibataire
Ça marchait autrement Nul garçon n'allait faire
Du luxe en ses habits avant qu'il ne fût sec
A ses oreilles. Non ! jamais jeune blanc-bec
Aux filles ne faisait la cour ou la causette
Quand il n'était pourvu de barbe à son menton.
Au sortir de la classe, aujourd'hui les voit-on
Dans les lieux où l'on peut trouver quelque fillette,
Ces beaux étudiants! Ma Sâlmel* l'autre fois
S'était permis aussi de m'en amener trois
Chez nous. Bonté du ciel ! Comme je me suis mise
A gronder!
URSULE
Ma cousine, il faut que je le dise
Pour sa défense : alors elle ne pouvait pas
Faire autrement
SALOMi
Pardon! de tricoter ses bas
Lui séait beaucoup mieux que de rester avecque
De jeunes courtisans qui feraient beaucoup mieux
D'aller à leur collège, à la bibliothèque.
Ma fille ne doit pas s'éloigner de mes yeux
De plus que de cent pas. Car n'est-il pas immense
De nos jours le danger de la séduction?. . .
Mais! connaîtriez-vous, ma foi! puisque j'y pense,
Le jeune magkter^ donnant l'instruction
A nos petits?
UBSULE
Mais non cousine! Qui donc est-ce?
^ SàJmèl, Salomé.
' Magigter, candidat pastear, s'occupant d'enseignement en attendant
nne cure.
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REVUE D'aLSACE
SALOMÉ
lomme convenable et plein de gentillesse,
hant déjà, très sage, et parlant couramment
Ltin, et portant sa propre chevelure ;
3 plus il n'est pas brutal de sa nature
nae bien d'autres qui mettront tout leur talent
us faire pleurer nos enfants.
URSULE
Ma cousine,
j'ai bien ri jeudi ! Mais veuillez m'excuser
vous interromps,
SÀLOMÉ
Vous faites la badine
îrsmoi! laissez donc!
URSULE
Je viens de m'amuser
)ur-là, ma cousine, en belle compagnie
lessieurs bien gentils, pleins d'esprit, de gatté.
comme ils vous menaient bien la plaisanterie,
rouler par terre! sauf un seul excepté
n tous lieux et tout temps j'éviterai.
BALOMÉ
Cousine,
den! pariez-vous que moi je le devine?
URSULE
)us le devinez, ma foi, je le dirai.
SÀLOMÉ
ait-ce pas u — ?
URSULE
u — ? C'est, ma foi, vrai!
résence en tous lieux m'est bien insupportable:
t un fort mauvais homme, un esprit pitoyable.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LOR RAINE 109
Croyez-vous qu'une fois cet être portera
Son chapeau sous le brasV Ou bien qu'il se fera
Friser complètement? Oh non! mais sur sa veste
Il a cent taches, et, quand d'autres, bien ornés
Sentent l'eau de lavande, au contraire il empeste
Le tabac. Il n'a pas de gilets galonnés,
Le croirez-vous, cousine? Et jamais il ne reste
Auprès de la maison Hummel; jamais, ma foi!
Aux orgues il ne monte. Eh bien! que l'on proteste
Ou non, moi je le tiens pour un sot. Et pourquoi?
Ne me parla-t-il pas, et trois heures entières
De rien autre, ma foi, que de pur sentiment?
îî'était-ce pas niais? Qu'il vienne seulement
Et me dise un seul mot! Sans faire de manières,
Comme je l'enverrai promener proprement!
Ah! les autres faisaient bien meilleure figure.
Payant pâtisserie et bonne confiture
Qu'ils faisaient arroser de fort bon vin muscat!
S'ils viennent quelque part, vite on vous accommode
Ce qu'il y a de fin, de bon, de délicat!
Et le moindre chiifon sur eux est à la mode.
Chaque quinzaine ils ont un nouveau vêtement.
Oui! c'est un vrai plaisir d'avoir un tel amant:
Avec lui dans la rue on peut se montrer fière.
Le sentiment intime? Eh! que peut-il me faire
Quand un individu ne peut rien me payer
Ni donner? Mon amour est prêt à se rouiller
Quand à mon amoureux ce sentiment ne coûte
Quelques sous.
SÀLOMÉ
Mais voyez! combien cela déroute
D'avoir tant à penser. Je viens de remarquer
Seulement maintenant cette belle engageante ^
' Engageante, espèce de fichu à la mode à Pépoque.
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110 REVUE D'ALSACE
Que ma cousine a là.
URSULE
Ma cousine plaisante!
De moi voudriez-vous, ma chère, vous moquer?
SALOMÉ
Cousine, non, vraiment! Oh bien! la belle chose!
Où Pavez-vous donc fait broder? L'œillet, la rose
Sont comme s'ils vivaient
URSULE
Moi? Je l'ai fait broder
Par Madame Bârwel.
SALOMÉ
Je devais le cuider!
Mais ce qui me déroute auprès de ces brodeuses
C'est qu'elles font bien trop attendre les dessins
Qu'on leur a confiés!. . . Sommes-nous curieuses?. . .
Pour qui seraient donc bien les tartes aux raisins
Que nous venons de voir porter? Pour qui, cousine.
Le penseriez-vous bien?
URSULE
C'est pour une voisine
Qui dans le Trou-Thomann ' accoucha justement
SALOMÉ
On sonne l'heure. Chut!
URSULE
Combien?
SALOMÉ
Midi!
URSULE
Comment!
C'est vraiment pitoyable !
SALOMÉ
Oh ! ça ne peut pas être !
' Trou Thomaim (Dummélach)^ rue parallèle à la Petite Rue des
Bouchers.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L* ALSACE-LORRAINE 111
Midi!
URSULE
Si! vous pouvez très bien le reconnaître
Par le son des tambours.
SÀLOMÉ
Loin de vous en aller
Restez encore un peu. J'aime voir défiler
Ces beaux Nassoviens. *
URSULE
Moi, cousine, de même.
SALOMÉ
Ils viennent
URSULE
Cette marche est belle !
SALOMÉ
Oh! oui! moi j'aime
Le son de leurs tambours.
URSULE
Ma cousine, toujours
Je suis votre servante et nullement n'hésite
D'humblement vous prier de donner mes bonjours
A votre cher marL
SALOMÉ
Pareillement! Bien vite
Il faut que je me sauve. Allons! Bien du bonheur!
Surtout venez bientôt me faire une visite.
URSULE
Ma cousine sous peu je m'en ferai l'honneur!
Rioz, 18 mai 1881.
Ch. Berdellé.
(La fin à la prochaine livraison.)
^ Les Nassoviens, an des régiments allemands qu'avant la Révolation
la France ayaît à son service. Les princes de Nassau avaient des pos-
sessions dans cette portion du Bas-Khin, située à Touest des Vosges, et
ces possessions devaient fournir des hommes au régiment de Nassau.
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MATÉRIAUX
POUR SERVIR A
L'HISTOIRE DE LA GUERRE DE TRENTE ANS
tirés des arohives de Colmar
(Suite)
3 janvier 1642 — 24 mai 1643
Démarches de la ville pour pouvoir prendre part
aux négociations; peu de sûreté des routes en
Alsace; nouvelle apparition du duc de Lorraine;
bourgeois de Colmar prisonniers à Ofifenhourg
et à Philipsbourg; insolences des gouverneurs
de ces deux places ; victoires des alliés et reprise
des négociations : quel sort réservé à l'Alsace ?
mort de Richelieu; lettre de Mazarin; contesta-
tion au sujet des donations faites par la Suède à
la ville.
En apprenant les mesures sérieuses dont les plénipoten-
tiaires étaient tombés d'accord, la ville de Colmar s'empressa
d'écrire, sous la date du 10 janvier 1642, à Salvius et à Jean
Oxenstirn, le fils du chancelier, qui avait été adjoint à l'am-
bassadeur ordinaire, pour qu'ils prissent ses intérêts en con-
sidération. Elle leur fit sentir que, malgré la protection de la
France, elle ne pouvait compter en toutes choses sur son
appui et que la bienveillance de la couronne de Suède pou-
vait seule assurer la liberté de conscience aux protestants.
{Prot miss.)
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&ISTOIRE DE LA GUBAKË DB TRENTE ANS lia
Le résident Mockhel, par Tentremise duquel la ville cor-
respondait avec les ambassadeurs, agissait de son côté à
Stockholm et, par sa lettre du 31 janvier, il iit part à la ville
de plusieurs dépèches qu'il avait adressées à la reine de
Suède, et où il lui recommandait particulièrement les intérêts
des villes protestantes d'Alsace, Strasbourg, Colmar et
Munster.
L'ouverture des conférences avait été fixée au ^ mars, et la
ville ne méconnaissait pas l'utilité qu'il y aurait pour elle d'y
prendre part. Cependant elle n'avait pas encore reçu les saufs-
conduits qui lui étaient nécessaires, et ce retard ne laissait
pas que de l'inquiéter. Elle venait d'envoyer à Paris le régis-
trateur ou archiviste Jean-Balthasar Schneider, pour y solliciter
l'immunité fiscale des terres appartenant à ses bourgeois hors
du ban de Colmar; * elle lui écrivit, le 7 février, pour le prier
de faire demander ce passe-port par le comte d'Avaux, à
l'ambassadeur impérial de Ltltzow, et de procurer à l'envoyé
de Colmar ses entrées chez l'ambassadeur de France.
A son arrivée à Paris, Schneider avait appris que Louis XIII
était parti avec toute sa cour pour la Catalogne. D avait cru
de son devoir de rejoindre le roi, et ne reçut la lettre de ses
commettants qu'à Béziers, le j^ mars 1642. Toujours à la suite
de la cour, il arriva avec elle à Narbonne et s'adressa à M. de
la Barde, premier commis de M. de Chavigny, spécialement
chargé des négociations relatives à la paix. Il apprit ainsi, que
tous les états et villes d'Allemagne qui s'étaient alliés avec la
France, devaient avoir part aux saufs-conduits. Mais jusque là
personne n'ayant rien demandé, les bureaux avaient négligé de
se mettre en mesure. En attendant ce passe-port, Schneider
obtint une lettre du roi, sous le contre-seing de Bouthillier le
père, datée de Narbonne, 10 avril, portant que, sur les repré-
sentations de leur député. Sa Majesté faisait savoir à ses très
' X. MossMAHK, Contestation de Colmar avec la Cowr de France (1641-
1644). — Colmar, Eug. Barth, 1869, m-S^.
Nouvelle Séne. — ior* année. 8
Digitized by V3OOQ IC
114 REVUE D'ALSàCE
chers et bons amis de Colmar que, par le traité conclu à
Hambourg «touchant les préparatoires à la paix», les ennemis
avaient promis de mettre à la disposition de la France un
sauf-conduit pour tous ses alliés et adhérents dans l'Empire,
et qu'au moyen de ce document il sera loisible à la yille de se
faire représenter aux conférences.
Pour n'être plus le théâtre de la guerre, l'Alsace n'en restait
pas moins exposée aux insultes des Impériaux, et particuliè-
rement de la garnison d'Ofienbourg, qui faisait de fréquentes
pointes sur la rive gauche. Les routes et la campagne étaient
peu sûres. L'ennemi en embuscade surprenait les marchands
et les cultivateurs, dételait les chevaux, faisait des prisonniers
et disparaissait. La ville ne demandait pas mieux que de faire
battre le pays par de fréquentes patrouilles; mais il se trou-
vait des seigneuries qui prenaient ombrage de ces mesures
protectrices, et à qui il ne convenait pas de laisser violer leur
territoire par les soldats de la garnison allemande de Colmar.
(Prot miss, lettre au général d'Erlach du 13 février 1642.) Le
16 mai, cinq cavaliers tombèrent sur des voituriers suisses,
près du pont de la Katzwang, à qui ils enlevèrent quatre
chevaux et une trentaine de rixdales. Les voituriers portèrent
plainte, et le magistrat envoya contre les voleurs un détache-
ment qui les joignit dans la forêt du Rothlseublen. Sommés de
se rendre, ils résistèrent, et l'un d'eux fut tué les armes à la
main. On l'amena avec son cheval à Colmar, oU il fut enterré
peut-être avec trop de précipitation. Il se trouva que ce n'était
pas un ennemi, et que les auteurs de cet attentat étaient des
cavaliers du régiment de Rosen. {Prot miss, lettres à d'Erlach
et au colonel Rosen, du 17 et du 19 mai, et lettre de ce dernier
à la ville, du 29 mai.) Cependant les Impériaux n'étaient pas
loin ; car, le 17 au soir, un parti de la garnison d'Offenbourg,
posté dans le Landgraben, fit plusieurs prisonniers, entre
autres le commissaire des guerres Courrier, en résidence à
Colmar, qui toutefois ne tarda pas à recouvrer sa liberté.
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HESTOIRB DE LA GUERRE DE TRENTE ANS 115
Certaines circonstances donnèrent lieu à la ville de croire
que les ennemis en voulaient surtout à ses bourgeois. Elle
trouvait de plus qu'on les traitait plus rigoureusement que
tous les autres prisonniers, et elle s'en plaignit au résident
Mockhel et au général migor d'Erlacb, par lettres du 28 et
du 29 mai. {Frot mus.) C'était, disait-elle, grâce aux accoin-
tances que les Impériaux avaient formées à Sélestadt, qu'ils
pouvaient ainsi s'aventurer sur la rive gauche, et elle crut
que plus de sévérité à l'égard des prisonniers ennemis ren-
drait leurs compagnons plus prudents.
Le mal était que le plat-pays était sympathique à ces entre-
prises; c'était aux Impériaux que les paysans portaient leurs
informations, plutôt qu'aux garnisons françaises ou suédoises
de Colmar, de Brisach, de Sélestadt et de Benfeld. D n'était
possible d'obvier à cet inconvénient que par des reconnais-
sances fréquentes et combinées entre les diverses places-fortes,
et c'est dans ce but que Colmar écrivit, le 9 juin, à Mockhel,
après avoir déjà obtenu du général d'Erlach qu'il ferait plus
exactement surveiller le pays entre le Rhin et l'IlL {Frot,
miss.) Le résident partageait les vues de Colmar, et il affirme
qu'il se passait peu de jours sans que le gouverneur de Benfeld
envoyât au dehors quelque parti de sa garnison. Il s'agissait
d'en obtenir autant de Sélestadt, qui devait surveiller le cours
de l'IU et le passage du Landgraben.
Cependant les pointes de l'ennemi ne discontinuaient pas;
d'Erlach qui avait envoyé une partie de ses troupes en Lor-
raine, fut contraint de les faire revenir; en attendant leur
retour, il requit quarante hommes de la garnison française de
Colmar, auxquels la ville joignit bénévolement vingt-cinq
hommes de sa compagnie allemande. {Frot miss, lettre à
d'Erlach, 11 juillet 1642.)
C'était une nouvelle apparition du duc de Lorraine qui
motivait ces meoures. Il eat vrai qu'elle l'ut de courte durée,
et que le prince ne dépassa pas Molsheim et Obernai. Mais
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m kfivuE d'alsacs
cela n^empêcha point les cavaliers du lieutenant-colonel
Bissinger de pousser jusque dans le plus proche voisinage de
Colmar, où ils s'emparèrent, dans la première quinzaine d'août,
de deux bourgeois et de vingt et quelques chevaux, qut furent
menés au camp du duc de Lorraine, et de là à Landau. On
exigea de chaque prisonnier une rançon de 230 rixdales, qui
dépassait de beaucoup leurs ressources. Les Impériaux
d'Oftenbourg en usaient de même, et un de leurs partis enle-
vait à la même époque, dans la forêt du Eastenwald, entre
Colmar et Brisach, tantôt le messager de la chancellerie,
tantôt de simples bourgeois. Le magistrat écrivit, le 15 août, à
d'Oysonville {Prot tmss. gaU.\ pour le prier d'intervenir
auprès des gouverneurs de Philipsbourg et d'Offenbourg, où
les prisonniers avaient été menés. Le 19 août, il s'adressa
aussi au gouverneur de Benfeld, le colonel Moser, en lui
demandant son agrément pour tenter une surprise de l'autre
côté du Rhin, dans le but de ramener des prisonniers à échan-
ger contre ses bourgeois. {Prot miss, germ.) D'Erlach prévint
ses désirs et lui envoya un cavalier de Bissinger qu'il avait
entre ses mains. {Prot. miss, lettre à d'Erlach du 23 août) Le
projet d'envoyer un parti au-delà du Rhin, pour se nantir de
prisonniers d'Offenbourg, fait aussi l'objet d'une lettre du
30 août, également au général-major d'Erlach.
Cependant, mieux sur ses gardes, le gouverneur de Brisach
parvint à s'emparer de tout un parti de la garnison d'Offen-
bourg, qui s'était aventuré sur la rive gauche du Rhin. Au
nombre des prisonniers se trouvait un déserteur, le nommé
Kleindienst, de Sainte-Croix, vassal de Colmar, à qui il avait
fait hommage. La ville en demanda l'extradition par une
lettre du 16 septembre. {Prot miss.)
Le baron d'Oysonville, qui était alors à Saverne, ne jugea
pas à propos d'écrire immédiatement au gouverneur de Philips-
bourg, le colonel Bamberger. Il voulait d'abord envoyer un
fort parti dans le margraviat de Bade, avec ordre de ramasser
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HISTOIRE DE L4 G0BRRE DE TRENTE ANS 117
tout ce qu^il pourrait de prisonniers. Une fois les mains gar-
nies, il promettait (lettre du 19 septembre) de parler hardiment
et de traiter ses prisonniers comme Tennemi traitait les gens
de Colmar. Le lieutenant du roi se ravisa pourtant, et il
annonça à la ville, le 21 septembre, le départ d'un trompette
porteur d'une lettre pour Bamberger. Il en rapporta une
réponse on ne peut plus offensante pour la ville et que
d'Oysonville s'empressa de lui communiquer, a ne voulant pas
lui cacher le maltalent qu'il paroist en icelle, que le party
impérial a pour elle». Il ne restait qu'à attendre le retour
d'un parti que d'Oysonville avait envoyé six jours auparavant
tout exprès pour faire des prisonniers, qu'il promettait de
livrer à Colmar. Le même trompette était porteur d'une lettre
de deux boui^eois de Colmar, Henri Gsell et Jean Walch,
prisonniers h Philipsbourg.
De son côté d'Erlach s'était adressé au colonel de Schauen-
burg, gouverneur d'Oftenbourg, pour lui proposer d'échanger
les bourgeois de Colmar contre des prisonniers qui se récla-
maient de lui. Schauenburg reçut cette ouverture fort mal ; il
manda, le 10 octobre, au gouverneur de Brisach, qu'il ne pou-
vait considérer les gens de Colmar, en général, que comme
des parjures et des rebelles, coupables du massacre d'une
partie de la garnison impériale, en 1632; l'un des deux prison-
niers qu'il tenait, était particulièrement accusé d'avoir tué
trois soldats de sa main, et quant à l'échange proposé, il
voulait le restreindre aux seuls habitants de Brisach et de
Markolsheim.
Cette exclusion outra moins notre ville que les inculpations
injurieuses dont elle était l'objet Elle répondit au général
major, le 21 octobre, pour protester hautement contre cette
atteinte portée à son honneur, et pour repousser comme
dénuées de tout fondement les allégations de Schauenburg.
Les honmies qui, contrairement aux constitutions de l'Empire,
aTaient été chassés des emplois çt e^és, n'étaient pas respo»-
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118 RGYUB D'ALSACE
sables du tumulte qui avait accompagné la reddition de la
ville aux Suédois, mais ceux qui se trouvaient alors h la tête
des affaires, et dont quelques-uns vivent encore. Le tumulte
même n'était-il pas la suite des discours imprudents de la
garnison, qui ne parlait de rien moins que de massacrer le
magistrat et la bourgeoisie? Dans tous les cas, ce n'est pas à
quelques chefs militaires k condamner la ville, quand, par
une convocation spéciale à la diète de Ratisbonne, Tempereur
lui avait solennellement reconnu le rang et la qualité d'état
de l'Empire.
Sur ces entrefaites un incident favorable mit entre les
mains de d'Erlach plusieurs prisonniers de distinction, appar-
tenant à la garnison d'Offenbourg. Le colonel de Schauenburg
se radoucit, et les deux bourgeois de Colmar furent mis en
liberté. Mais arrivés à Brisach, ces pauvres gens furent
retenus par les ordres du gouverneur, qui prétendit que
l'échange n'avait été consenti par le conunandant d'Offenbourg
que moyennant une soulte de 500 rixdales. La ville intervint
de nouveau, et le général major délégua le colonel Hattstein
pour traiter de l'affaire. Celui-ci en remit le soin h quelques
officiers et l'on finit par tomber d'accord moyennant quelques
foudres de vin. Mais le marché ne fut pas reconnu par d'Er-
lach, qui tenait k ce que la rançon fût en argent. La ville finit
par prier M. de Polhelm de dénoncer à la cour ce procédé du
gouverneur, où elle ne voyait qu'une grossière tentative d'ex-
torsion. {Prot miss, lettre du 28 décembre.)
Malgré la nouvelle phase où le dernier traité de Hambourg
avait fait entrer les négociations, l'action diplomatique faisait
peu de progrès. Tant que le sort des armes restait incertain»
l'Empire était peu disposé h ces concessions, sans lesquelles
le parti protestant ni la France n'étaient disposés h transiger
(Ct lettre de Mockhel du 5 décembre). La victoire de Lérida
sur les Espagnols, celle de Leipzig sur l'archiduc Léopold
rendirent l'empereur plus accommodant Colmar eut avis de
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HISTOIRB DE LA GUERRE DE TRENTE ANS 119
la défaite des Impériaux par une lettre pleine d'intérêt, datée
du camp devant Leipzig, 30 octobre 1642, dont Mockhel lui
envoya copie. Le 16 novembre, le baron d'Oysonville écrivit
à la ville pour rengager à se joindre à M. Clausier pour
rendre grâce h Dieu des victoires obtenues par les maréchaux
de La Mothe et Torstenson sur les principales armées de la
maison d'Autriche.
Par une lettre du 28 mars 1643, Salvius put annoncer que
les ratifications du traité de Hambourg et les saufs-conduits
avaient enfin été échangés, et que Ton était tombé d'accord
d'ouvrir définitivement les conférences, le -^ juillet, à Osna-
brûck et à Munster. Ce n'était pas trop tôt: Salvius était
depuis sept ans chargé de traiter des seuls préliminaires de la
paix. Les saufs-conduits n'étaient pas nominatif: Mockhel
devait envoyer h l'ambassadeur les noms des états de son
ressort appelés à se faire représenter.
Le 20 avril, Salvius adressa directement à Colmar une copie
notariée du sauf-conduit, en faisant remarquer à la ville que
si la reine de Suède avait voulu sacrifier ses alliés et ses core-
ligionnaires, il n'aurait pas fallu tant de temps pour mener
Taffidre à ce point
Malheureusement pour la maison d'Autriche et l'Allemagne,
il ne s'agissait plus seulement de la liberté religieuse des pro-
testants: c'étaient le territoire et les frontières de l'Empire
qui étaient en jeu, et les honunes qui présidaient à ses destinées
ne pouvaient se résigner à ce sacrifice. Un mémoire daté du
g janvier 1643, et signé par le D' Weber, avocat consultant
de la ville, donne de curieux renseignements sur les préoccu-
pations qui assiégeaient alors les esprits. Chargé d'une mission
auprès du D' Welcker qui, sous le titre d'auditeur général,
exerçait à Brisach les plus hautes fonctions civiles & côté du
général major d'Erlach et du lieutenant du roi d'Oysonville,
Weber rend compte dans ce rapport de la conversation qu'il
avait eue avec ce personnage et qui touchait au sort réservé
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120 REVUE D*ALSAGE
à l'Alsace. Il ne doutait pas, disait-il, qu'il ne s'accomplît
prochainement un changement notable dans la situation du
pays. Strasbourg y passera comme le reste: quand le roi
réclamera le pont du Rhin, cette ville ne pourra pas se main-
tenir davantage. La France, continua-t-il, avait songé à créer
une justice ambulatoire, mais ce projet n'avait pas abouti. Il
est question maintenant de placer quatre agents à la tête du
diocèse de Strasbourg, de l'Alsace, du Sundgau et du comté de
Montbéliard, relevant tous les quatre d'un président ou d'un
commissaire central et, dans ce cas, Colmar devra se résigner
et obéir comme les autres états de la province. Bientôt le
pays en-deça du Rhin reprendra son nom d'Austrasie. On
avait déjà discuté la question des appels de Sélestadt à la
chambre impériale de Spire, et tout en reconnaissant que ces
appels étaient de droit, le baron d'Oysonville avait été d'avis
de soumettre les procédures en instance supérieure à une
simple révision. Du reste on doit savoir que, d'après Limnseus,
Colmar n'était pas à proprement parler une ville libre, puis-
qu'elle était sous l'avouerie d'un grand-bailli, et qu'elle n'était
état de l'Empire qu'en sa qualité de membre de la Décapole.
Peu de temps avant cet entretien remarquable, Colmar
avait reçu la nouvelle de la mort de Richelieu. La politique
de ce grand homme d'Etat l'avait bien disposé pour la petite
république qui avait su, au prix d'une capitulation et d'une
alliance qu'on qualifiait de trahison, se soustraire au joug de
la maison d'Autriche, sans se douter du risque beaucoup plus
grand auquel elle s'exposait. La ville ressentit cette perte et
en exprima, le 28 décembre, ses regrets au comte de Ghavigny
et h M. des Noyers, k qui, par la même occasion, elle recom-
manda ses intérêts. Elle écrivit en même temps au cardinal
Mazarin, pour le féliciter du choix que Louis XIII avait £ait
de lui pour remplacer le cardinal-duc, et pour le prier de con-
server à Colmar les mêmes sentiments que son prédécesseur
lui portait. (iVof. miss. gaU.)
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HISTOIRE DE LA 60BIIRE DE TRENTE ANS 131
La réponse de Mazarin est du 19 février, et mérite d'être
transcrite textuellement.
«Messieurs, la passion particulière que je scay que Monsieur
le Cardinal Duc auoit pour les intérêts de vostre Republique,
ne nae permet pas de douter que vous n'ayez esté très-sensi-
blement touchez de la mort de ce grand Ministre. Bien que je
me trouve fort esloigné de ses merveilleuses qualitez, Je vous
p\ûs neantmoins asseurer que je luy ay succédé en rjnclina-
tion qu'il auoit de vous seruir auprès du Roy, et que je croirois
faire tort à ce que je dois à la mémoire de celuy par le conseil
et è. la prière duquel II m'a fait l'honneur de me donner part
en la conduite de ses affaires, si j'auois un autre sentiment.
Je vous supplie, Messieurs, de le croire et de croire encore
que n'ignorant pas le zèle qu'entre toutes les Villes Impérialles
la vostre a tesmoigné auoir pour cette Couronne, Je ne m'es-
timerois pas estre assez bon françois, si j'espargnois aucune
sorte d'offices auprès de sa Majesté pour la porter h vous con-
tinuer sa Royalle protection et si je laissois perdre aucune
occasion où je pusse vous faire paroistre que je suis vérita-
blement. Messieurs, etc. »
Le bon vouloir du nouveau ministre n'était pas de trop dans
un moment où des difficultés de plus d'un genre pesaient sur
la ville. Sans parler des négociations où son sort allait se
décider, la question de la dîme extraordinaire n'était pas
vidée. D'un autre côté l'état-major du feu duc de Weimar
soulevait des prétentions qui allaient jusqu'au renversement
des avants^es qu'Oxenstirn avait accordés à la ville. Avant sa
mort, Bernard usant royalement du droit de la guerre, avait
distribué à ses officiers différents domaines situés sur la rive
gauche du Rhin et, à cette occasion, Colmar avait déjà dû
justifier de ses droits sur Holzwihr et Wickerschwihr. On lui
fit de nouvelles difficultés au sujet de Herlisheim, l'accusant
même de n'être en possession de cette villette qu'en vertu
d'un blanc-seing arraché au grand-chancelier. (Cf, Mémorial
du D' Weber, du ^ janvier.)
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122 REVUE d'alsage
La mort de Richelieu procura, comme à tant d'autres, la
liberté au premier gouverneur de Golmar, M. de Manicamp,
qui, après s'être cru un instant le favori du ministre, était
tout à. coup tombé dans la plus profonde disgrâce. Il écrivit à
la ville le 19 février, de Manicamp, pour se rappeler h son
souvenir et lui offrir le crédit d'amis puissants qu'il avait h la
cour, mais où il n'avait pas encore licence d'aller.
Son successeur, le marquis de Montausier, revint peu après
en Alsace. Il avait été nommé maréchal de camp et avait été
rejoindre en cette qualité le comte de Guébriant en Allemagne.
Une lettre de lui, jointe au dossier, est datée du camp d'Or-
dingen, 29 juillet 1642. Le 22 mars 1643, il avait repris son
poste à Sélestadt : sous cette date, Colmar lui envoya pour sa
bienvenue un présent d'avoine, que le gouverneur accepta
avec autant de cordialité qu'on le lui offrait.
X. MOSSMAITN.
(La miU pracfuMnement.)
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NOTES BIOGRAPHIQUES
SUR LES
HOMMES DE LA RÉVOLUTION
A
STRASBOURG ET LES ENVIRONS
SuUe
SANCY (Bruxet de).
1789. Capitaine en premier aa corps royal d^artlUeriey
attaché à la fonderie de Strasbourg, chevalier de Saint-Louis.
— Septembre 1791. Membre du Conseil d'administration du
district de Strasbourg, lequel s'étant constitué le 15 suivant,
le nomma président, fonction quUl occupa jusqu'au 18 oc-
tobre 1793, pour faire place à Klasser ou Classer, un baron
prussien .
SAREZ (Simon).
Né à Strasbourg en 1755, où il était professeur de français
avant 1789 — En 1789. Du Comité de la garde nationale —
1*' juillet 1790. Capitaine de la garde nationale de Strasbourg,
il part avec quarante-six hommes pour assister à la fête de
la fédération à Paris — 15 septembre. De la Société des
amis de la constitution : il avait alors 35 ans — 7 février 1792.
De celle des jacobins — 21 juin. Au Club il signe l'adresse
à envoyer à toutes les sociétés affiliées, sur la situation
politique des frontières — 24 juin. Pour ce fait il est cité
devant le juge, et le Club est fermé — 21 août. Membre de
Tadmlnistration départementale ~ 12-14 novembre. A
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124 REVUE D*ALSACB
Télection tenue à Wissembourg, il est maintena dans ces
fonctions — 17 mai 1793. Inscrit comme volontaire pour
aller en Vendée — 8 octobre. Membre du Comité de surveil-
lance et de sûreté générale du Bas-Rhin — 17 octobre. Il
approuve une liste de deux cent quarante huit suspects,
mis au Séminaire — 3 novembre. Saint-Just déclare qu'il ne
sera pas compris dans l'arrestation de ses collègues du
département — 25 novembre. D'une commission pour pré-
senter les moyens d'opérer la levée des habitants du Bas-
Rhin — 19 décembre. Aux Jacobins, il vote la mort de tous
les suspects — 25 décembre. Proposé pour notable du Con-
seil de la commune de Strasbourg — 19 février 1794. Il est à
Paris — 24 août. De retour, il fait appel aux Strasbourg eoîses
pour la confection d'effets militaires — 28 août. Chargé
d'examiner la conduite de Noisette et Burger, enfermés au
Séminaire — 25 octobre. Encore aux Jacobins — En 1796.
Membre du Comité d'administration du théâtre de bienfai-
sance à Strasbourg. Il avait la garde du magasin.
SAURIAT (Jean-Charles).
Né en 1754 à Poligny, où avant 1789 il était simple bour-
geois — 20 avril 1794. Agé de 40 ans, général de brigade &
Strasbourg, il est reçu membre de la Société des jacobins.
Encore inscrit le 25 octobre suivant.
SCAER (Laurent).
1789. Un savetier de Strasbourg — 1793. Membre de la
Société des jacobins, le maire Monet le fait élire notable du
Conseil municipal le 30 janvier 1794; trois mois après il
était déjà remplacé, et le 25 octobre il ne figure plus aux
Jacobins — 1805. Conducteur auxiliaire pour travaux de
navigation à Strasbourg.
SCHATZ (Jacques).
1789. Fabricant de bas à Strasbourg — 26 février 1791. De
la Société «les amis de la constitution — 7 février 1792. De
celle des jacobins — 18 janvier 1793. Officier municipal —
16 février. Les représentants DenUel et Couturier lui eu-
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LES HOMMES DE U RÉVOLUTION 125
joignent, par la filière du Comité permanent du Conseil
général de la commune, de tenir dorénavant une conduite
plus prudente — 12 mai. Avec la 8* section, il demande à la
Convention nationale le bannissement de Schneider —
1" juin. Chargé de prendre des informations sur Marbach,
receveur des Orphelins, suspect d^aristocratie, tenant au
parti des émigrés et des nobles. Ses papiers seront scellés
— 8 octobre. Maintenu officier municipal — 18 octobre.
Procureur de la commune — 2 novembre. Sur une liste de
suspects — 3 novembre. Saint-Just ordonne de ne point le
comprendre dans Parrestation de ses collègues — 5 nov.
Agent national de la commune — 2 décembre. Procureur
provisoire de la commune, il s'oppose à la destruction des
statues de la cathédrale — 25 décembre. Proposé pour le
tribunal du district de Strasbourg — 27 décembre. Agent
national, il requiert la police à faire démolir la maison
Scharrer, place du Marché-aux-Poissons, n® 76 — 26 février
1794. Président du district de Strasbourg, il atteste les faits
dénoncés au Comité de salut public de la Convention natio-
nale contre Schneider — 25 octobre. Il ne figure plus aux
Jacobins.
SCHiEFFTER (George).
Né Hn 1757 à Ribeauvillé — Avant 1789. Commis dans les
administrations publiques — 1791. Employé des douanes à
Strasbourg — 22 novembre 1793. Visiteur, il est reçu mem-
bre du Club des jacobins, où il est encore le 25 octobre 1794.
SCHERER (Jean).
Un ex-moine allemand, de Tordre des Carmélites, qui
est venu s'abattre en Alsace, fin 1790 — 1791. Curé catho-
lique assermenté de Bischheim-auSaum, près de Strasbourg
— 7 novembre 1793. Au maire de cette commune, Jean
Schaub, il déclare, que ne parvenant pas à détruire le
fanatisme dans la commune, il était décidé à renoncer en-
tièrement à rétat de prêtre pour devenir homme libre et
gagner sa vie autrement que parles tromperies sacerdotales.
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126 REVUE D'ALSACE
n prie le maire de lui certifier sa déclaration, puis il s'adresse
à révoque constitutionnel Brendel.
Concitoyen,
n y a assez longtemps que contre ma yolonté j'appartiens à la bande
noire des prêtres, il est temps que je m'en sépare et que je redevienne
homme ; je vous somme donc de me biffer de la liste de vos encenseurs
d'idoles.
Un mois après qu'il était homme libre, D^ Stamm rem-
ploya comme cinquième commissaire pour la levée des
taxes révolutionnaires de Saint-Just et Lebas, dans les
communes des environs de Wasselonne; mais comme ses
quatre autres collègues avaient déjà versé leurs recettes, et
que les siennes n^arrivaient pas, 1h Comité de surveillance
et de sûreté générale du Bas-Rhin, fit sceller et déposer ses
papiers au tribunal et ordonna, le 16 décembre, qu'il serait
interrogé — 19 décembre. Il verse 46,339 livres à Blanchot
— 1793. Bien qu'ayant fait partie de la Société des jacobins,
il ne figure pas sur la liste dressée le 25 octobre 1794.
SCHILLING.
1789. Avocat-secrétaire-interprèle à la suite du Conseil de
la régence et Cour féodale à Saveme — 1792. Avoué gradué
au tribunal du District séant à Saveme — 1793. De la Société
des jacobins à Strasbourg — 10 septembre. Député par le
Club, 1° à la municipalité, pour faire arrêter le professeur
Ditterich, Noisette et Wild; 2* au commandant de la place,
pour qu'il prenne les mesures, afin que ces oiseaux ne
s'évadent pas, et malheur à ceux qui leur donneront asile
— 25 octobre 1794. Encore inscrit aux Jacobins.
SCHLŒSSING.
1789. Agriculteur à Bouxwiller — 1793. Commissaire de
la République, il arrive à Ohlungen, canton de Haguen^u,
ordonne d'allumer un feu sur la place du village pour y
brûler publiquement la statue de la Vierge. Quelques pieuses
filles réussirent à tromi-er sa surveillance; elles jetèrent
dans les flunames une pièce de bois couverte d'oripOi^ux, et
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LES HOMliSS DB^LA RÉYOLirriON 127
déposèrent dans le lit du ruisseau la statue, qui fut préservée
de la sorte de la fureur révolutionnaire. Après la conclusion
du Concordat, la Mariette fut placée dans Téglise paroissiale
— 21 juillet 1794. Le Comité de surveillance de la commune
de Strasbourg le fait arrêter et adresse au Comité de sûreté
générale de la Convention nationale sa correspondance
avec l'Etranger, dont il était un des principaux agents se-
crets. Membre de la Société des jacobins, il en fut exclu à
cette époque — 1798. Membre de la Commission adminis-
trative de rhospice civil de Bouxwiller — 1»X). Membre
du second Conseil d'arrondissement séant à Saveme, il est
qualifié d'ex-président de Tadministration municipale de
Bouxwiller. Il s'occupa avec zèle de la plantation d'arbres
fruitiers, de l'emploi de toutes sortes d'engrais artificiels, qui
lui ont bien réussi. D imagina aussi de semer la garance en
grains.
SCHMITTHENNER (Jean).
Né en 1750 à Strasbourg, où il était fabricant de bas avant
1789 — Juillet 1793. Adjudant-major de la garde civique à
Strasbourg — De la Société des jacobins — 13 novembre.
Le tribunal révolutionnaire lui paie 100 liv. pour avoir
dénoncé le boulanger Kolb — 25 octobre 1794. Encore aux
Jacobins.
SCHMITTHENNER (Jean-Théophile).
Né en 1757 à Strasbourg, où U était, comme son frère aîné,
fabricant de bas. De mai 1793 au 25 octobre 1794, membre
de la Société des jacobins.
SCHMITZ.
1789. Tailleur à Strasbourg — 1792. De la Société des
jacobins — 1793. Commissaire-adjoint de la police, il fournit
une liste de vingt-sept suspects de la 1** section du !•' arron-
dissement, alors aux environs de l'église Saint-Jean à Stras-
bourg — 14 décembre 17v»3. Le Comité de surveillance et
de sûreté générale du Bas-Rhin lui paie 200 liv. pour grati-
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128 flEVUE D^LSACË
fication — 25 décembre. Le même comité lui aHoue 150 liv.
pour vacations aux cartes de sûreté, mais cette somme lui
est retirée le môme jour, l'ayant déjà reçue dès le 14 —
25 octobre 1794. Rayé des Jacobins.
SGHŒLL (Louis-Guillaume-Frédérig) jeune,
Grand'rue.
Homme de loi — Avant 1789, de la Chambre des tutelles
et de la tribu des charpentiers -> 1791. Juge de paix du
3* canton de Strasbourg — 31 janvier. De la Société des amis
de la constitution — 8 août. A Télection au Château il est
nommé administrateur du Bas-Rhin — 20 avril 1792. Il
signale un opuscule de Schneider, ayant pour titre : La gla-
cière d'Avignon à Strasbourg. Relation offidelle du meurtre
judiciaire préparé au frère Laveaux, publiée par un ami de
Vhumanité en Van IV de la liberté, comme étant Tune des
plus infâmes productions qui aient jamais paru à Stras-
bourg — 26 juin. A l'Auditoire, il donne lecture d'un appel
à ses concitoyens, qu'il vient de publier contre l'émeute jaco-
bine à Paris, du 20 juin — 21 août. Suspendu comme admi-
nistrateur du Bas-Rhin, pour avoir refusé de retirer sa
signature au bas de l'arrêté interdisant les réunions des
sociétés politiques — 13 octobre. 11 fait mettre au Séminaire
l'abbé Rumpler, sur la dénonciation de Bussy Lavenaud,
garde-national de la Haute- Vienne — 28 novembre. Il réfute
la brochure de Schneider sur le procès criminel fait à Die-
trich — 6 décembre. Substitut de Mathieu, procureur de la
commune sous le maire de Tûrckheim — 18 janvier 1793.
Destitué comme substitut, mais maintenu juge de paix pro-
visoire. A cette époque, les jacobins le jugeaient :
Jeune homme extraordinairement intrigant et dirigeant loi seal les
élections, a débuté à Strasbourg, par être aristocrate, ensuite s'attacha
au char de Dietrich et devint un de ses intimes feuillants; lors de la
suspension des Corps administratifs, il était du Conseil départemental
et a beaucoup contribué à sa rébellion. D a subi le même sort que
Tûrckheim et Mathieu.
11 février. La municipalité doit le faire sortir de Stras-
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 139
bourg, dans le plus bref délai — 19 mars. A Besançon il
dépose en faveur du maire Dietrich — 11 juin. Les autorités
des sections se réunissent à 6 heures du soir, en secret, et
arrêtent qu'il sera enfermé au Séminaire. C'est Schneider
qui rédigea le rapport, se terminant ainsi :
Si ce conseiller dn département avait été à Paris, et se fût opposé à
la déposition de cet insigne manyais sujet (le Roi), comme il Ta fait
à Strasbourg, on ne l'aurait ni déporté, ni incarcéré, mais sans aucun
doute guillotiné.
20 juin. Malgré ces menées il est encore juge de paix, car
devant lui, les signataires de Farrèté de la 8* section, ayant
été assignés en diffamation par Schneider, furent obligés de
se rétracter, et de déclarer qu'ils regardaient Schneider
comme un bon citoyen et un fonctionnaire probe.
2 juillet. Son arrestation est annoncée par Schneider. Il
sera conduit à Paris et traduit devant le tribunal révolution-
naire de la Seine, comme prévenu d'avoir constamment et
à dessein, éludé la loi qui défend les doubles prix — 8 déc.
Au Ck)mité de surveillance et de sûreté générale du Bas-
Rhin, il comparait avec trois membres de la Propagande,
munis de pouvoirs des représentants du peuple, pour exa-
miner des lettres prouvant que Froment, ex-directeur des
messageries à Nancy, est un contre-révolutionnaire. Il sera
arrêté et conduit à Strasbourg — 29 août 1794. Comme juge
de paix, il reçoit la déclaration de Weiss, dlttenheim, dans
raSaire Poirson, dlllkirch — 9 septembre. Proposé à Fous-
sedoire comme maire de Strasbourg en remplacement de
Monet. II refuse — 17 janvier 1795. Bailly le nomme juge
au tribunal civil du district de Strasbourg, fonction qu'il
occupe encore en 1799 — 1800. Président du tribunal de
première instance du 4* arrondissement, siégeant à Barr.
SGHOULER (Jean-Henri).
Né en 1742 à Strasbourg, où il était chamoiseur avant
1789 — 27 novembre 17 J2. De la Société dtis jacobins, où il
figure encore le 25 octobre 1794.
Noayalle Série. — II** année. 9
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130 REVUE D'ALSACE
SCHROPP.
Horloger à Strasbourg avant 1789 — 1793. Delà Société
des jacobins et membre du Comité de surveillance de la
commune — 5 janvier 1794. Le représentant Bar le nomme
membre du nouveau Comité de surveillance de la commune
de Strasbourg — 20 mai. Il reproche à celui de la ville de
Colmar sa mollesse à l'égard de l'Ammeister Lemp — 21 mai.
Il dénonce à celui de Bordeaux, Siccard, ex-commissaire des
guerres — 5 juin. C'est au Comité de sûreté générale de la
Convention qu'il signale, sans les nommer, deux hommes
audacieux qui ont menacé la liberté publique à Strasbourg
— 12 juillet. Monet doit lui donner des renseignements sur
ces deux détenus — 21 juillet. Président de ce Comité, il
adresse au Comité de sûreté générale de la Convention la
correspondance de la conjuration de l'Etranger, tenue par
onze individus du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Nancy —
30 août. Il envoie à Neumann les dénonciations contre le
professeur Braun et autres — 25 octobre. Rayé de la liste
des Jacobins — A Tarrivée de Bailly, il est renvoyé à ses
horloges.
SCHNÉEGANS (Jean-Valentin),
boucher, quartier de la Krutenau, n© 16.
1788. Sénateur de la tribu des bouchers, à la Fleur —
28 août 1790. Adjoint au commissaire de police, Léopold
Rœderer — 1791. Membre de la Société des amis de la Con-
stitution — Dès le 24 janvier 1792, peu de jours avant la
scission, il parut à cette Société une brochure intitulée : Je
vous dirai vos vérités, dans laquelle Schnéegans est désigné
comme clubiste, n'ayant d'autre but que de pervertir nos
mœurs et renverser la Société. — Le 7 février suivant, il passe
aux Jacobins — 31 octobre 1793. Il est imposé à 2500 liv.
par Saint-Just et Lebas, qu'il règle le 11 novembre — 20 sep-
tembre 1794. Nommé membre du Comité de sûreté générale
de la commune. Il informe la Convention nationale que
Saum est dans le cas d'être jugé au tribunal criminel du
Bas-Rhin — 25 octobre. Biffé des Jacobins — Fin décembre
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION IBl
de la même année» il passe membre du Comité révolution-
naire de Strasbourg, et en cette qualité, le 17 janvier 1795,
Bailly le nomme officier municipal -- 1797. Administrateur
municipal sous la présidence de Démichel.
SCHNEIBER.
1793. De la Société des jacobins et secrétaire du Comité de
surveillance de la commune — Du 11 avril au 3 août 1794,
il signe necrétaire et d'autres fois secrétaire-adjoint du
Comité de surveillance révolutionnaire de la commune de
Strasbourg — 25 octobre 1794 Biffé de la Société des jacobins.
SCHNETOER (George).
Né en 1754 à Bischheim-au-Saum — Avant 1789, cordon-
nier à Strasbourg — 1" septembre 1792. De la Société des
jacobins — 22 novembre 1793. Au Club, il demande aux
représentants Saint-Just et Lebas la suppression de la per-
manence des douze sections de la ville et Tépurement des
Comités de surveillance à la manière des» Sans-Culottes —
25 décembre. Proposé pour la Municipalité —30 janv. 1794.
Elu notable — 7 avril. Il fait appel à ses concitoyens pour
obtenir des efiets militaires pour Tarage de Rhin et Moselle
— 23 avril. Maintenu notable — 13 juin. Les mesures révo-
lutionnaires proposées par Bierlyn lui conviennent — 2 août.
n félicite la Convention nationale de la fermeté déployée
vis-à-vis de Robespierre et de ses complices — 9 septembre.
Le représentant Fouss^^doire le raye du Corps municipal —
25 octobre. Il est encore de la Société des jacobins — En
1804. le cliibiste Jean-Frédéric Kinchel a publia) une histoire
sur son compte.
SCHNEIDER.
Ancien secrétaire d« justice de paix. — Chef du bureau
des secours. — Eu 1793, membre de la Société des jacobins
— 3 et 8 octobre, 5 novembre, 30 janvier 1794, 23 avril. OfB-
cier municipal — Après la chute de Monet, le représentant
Foussedoire le maintient — Le 5 septembre, Offîcier
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132 REVUE b'alsagb
municipal ; mais Bailly le révoque le 17 janvier 1795 — Bien
avaat le 25 octobre 1794, rayé de la Société des jacobins.
SCHNEIDER (Jean-George).
Né le 20 octobre 1756 à Wipfeld, petit village à six lieues
de Hirtzfeld, en Franconie, duché de Wùrtzbourg, de parents
peu fortunés. Son père, Michel Schneider, était homme de
justice et vigneron audit lieu; sa mère Marguerite Burg-
stablen.
Le chapelain de son village, résidant à Wipfeld, Valentin
Fahrmann, chanoine de Tabbaye de Heydenfeld, et cousin
de révoque de Wùrtzbourg, le prit sous sa protection et lui
enseigna pendant plusieurs années les éléments de la langue
latine.
n l'envoya ensuite à Wùrtzbourg, suivre rinstruction du
Gymnase, dirigé par les Pères jésuites. Logé à Thospice de
Jules, après trois années d'études, il fut reçu à l'Académie,
dont le recteur était le bénédictin Rœser. 11 y fit de bonnes
études, mais en même temps il s'adonna au penchant d'aune
liberté effrénée; les secours de son bienfaiteur lui ayant été
retirés, et ses parents ne pouvant pis lui en envoyer, il
tomba bientôt dans une profonde misère. Dans cette posi-
tion, il se décida à entrer au couvent des Franciscains de
Bamberg, où il prit en religion le nom d'EvUoge ou Euloffius.
Il y resta trois années à étudier l'hébreu et à cultiver la
poésie. Le supérieur de cet établissement l'envoya ensuite
à Augsbourg pour enseigner la langue sacrée dans le cou-
vent des Franciscains, d'où il lut chassé.
Dans cette ville, en 1785, à l'occasion de la Sainte-Cathe-
rine, il prononça un sermon sur la tolérance qui lui attira
beaucoup d'ennemis parmi le clergé, et le doyen Umgelder,
pour le soustraire à la lutte, le recommanda au duc Charles
de Wurtemberg, à Stouttgardt, qui le nomma, en 1786, pré-
dicateur de la Cour, ayant obtenu pour lui la dispense
papale comme moine. Là encore ses sermons libéraux,
tirés du contrat social, lui créèrent de nouveaux embarras;
il quitta ce poste en 1789, pour accepter la place de profea-
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTIOM 138
sear de belles-lettres et de langue grecque à l^niversité de
Bonn.
Dans cette nouvelle position il ne cessa de se faire des
ennemis par ses idées extravagantes. La publication, le
1" janvier 1790. d'un recueil de poésies, et le 18 juillet sui-
vant, d^un cathéchisme, ne firent qu'en augmenter le
nombre, et c'est avec empressement qu'il accepta les pro-
positions que plusieurs personnes haut placées, et princi-
palement Blessig et Fréd. de Dietrich, lui adressèrent de
Strasbourg, où il arriva le 12 juin 1791.
28 juin 1791 . Doyen et professeur de droit canon et d'élo-
quence de la chaire à l'Académie catholique et en même
temps vicaire épiscopal de l'évèque constitutionnel Brendel
— 10 juillet. H prêta dans la cathédrale le serment civique
imposé aux ecclésiastiques par la loi du 26 décembre 1790,
et son sermon pour la circonstance avait pour texte : c La
conformité de l'Evangile avec la nouvelle Constitution des
Français » — 11 octobre. Reçu membre de la Société des
amis de la Constitution — D prononce un discours sur le
mariage des prêtres et pose trois questions : 1* Le mariage
des prêtres est-il permis ? 2" Le mariage des prêtres est-il
nécessaire? S"" Le mariage des prêtres est-il exécutable? Sa
réponse ayant été afOrmative, il termine en disant :
Voilà, Messieurs, mes réponses aux trois points qne je me snis pro-
posé de résondre. Si Yons en êtes contents, je demande que la Société
décide qu'elle soutiendra de toutes ses forces le prêtre catholique qui
donnera le premier dans notre département, l'exemple de la sensibilité,
du ciyisme et du courage.
23 octobre. L'évèque Brendel et tous ses vicaires, le désa-
vouent dans un placard affiché dans les deux langues à tous
les coins des rues de la ville — 14 novembre. Elu notable du
Conseil municipal, il logeait alors, rue Dauphine — 1*' déc.
n publie une thèse latine sur le nouvel ordre de choses
ecclésiastiques en France, et donne le programme de ses
cours. JSuloge Schneider , docteur en philosophie et en théologie,
vicaire épiscopal, notable de la ville de Strasbourg, doyen de la
FacuMé théologique, fera un cours sur la jurisprudence pasto-
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134 REVUE D'ALSACE
raie cTaprès la nouvelle Constitution de V Empire français, et
sur V éloquence de la chaire. Il offre aussi de faire des cours sur
les beaux-arts et sur les beUes-lettres — 6 janvier 1792. Vice-
président de la Société des amis de la Constitution, il pro-
nonce uu discours sur l'éducation des femmes — 12 février.
Dans sa jTofession de foi politique, présentée à cette société,
il regrette amèrement la scission aui s'est faite le 7, entre
les membres, et dès ce jour, il fait partie du Club des jaco-
bins — 21 juin. A Colmar, il tient un discours, à la Société
des amis de la Constitution, sur Fétat politique du Bas-Rhio,
ajoutant :
. . .tout ce que je disais avant à Colmar, s'est confirmé depuis, quoi-
qne les feaillants de cette ville, comme ceux de Strasbourg, ne m'ayent
entendu qu'avec indignation et m'ayent poursuivi comme un pertur-
bateur.
3 juillet. Il publia le premier numéro de son journal : Arços,
qu'il rédigea avec Butenscbœn jusqu'au moment de son
arrestation, 15 décembre 1793; à partir de là son collabora-
teur le continua seul jusqu'au 16 juin 1794 — 6 juillet. Il
assiste à l'érection de Farbre de la liberté à Soulzbach, dans
la vallée de Munster, et compose une poésie pour la cir-
constance — 11 août. Au Club, il dénonce deux adresses du
Conseil municipal et d'une grande partie de citoyens de
Strasbourg, Tune à l'Assemblée nationale et l'autre au roi .
C'est à la suite de ces adresses que Dietrich fut mandé à la
barre de l'assemblée par décret du 18 août 1792, et que la
Municipalité de Strasbourg fut suspendue par Carnot, Prieur
et Ritter — 2 septembre. Scrutateur à l'élection des repré-
sentimts du peuple, tenue à Haguenau, il fit des démarches
inutiles pour arriver à la Convention nationale — 18 sep-
tembre. Le Conseil du département l'envoie à Haguenau
pour y administrer provisoirement la Municipalité — 19 sep-
tembre. U lance sa proclamation aux habitants — 4 déc.
Avant de quitter, il fit prendre au Conseil municipal un
arrêté relatif au cours forcé des assignats. Une amende de
25 liv., et du double en cas de récidive, est infligée à celui
qui refuserait d'accepter ce papier, devenu monnaie|natio-
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 135
nale — 19 février 1793. Dentzel et Couturier le nomment
accQsatear public au tribunal criminel du Bas-Rhin —
16 mars. A Besançon, il dépose contre Dietrich — Dans ce
mois, les envoyés des douze sections de Strasbourg, dans
leur adresse présentée à la Convention nationale, ne se
gênent pas de le traiter de prêtre allemand, de moine
défroqué, que la disette de curés, sachant Tallemand, a fait
admettre au nombre des vicaires épiscopaux : venu à Stras-
bourg à la même époque que Laveaux, en 1791, r^oot il est
le plus fervent coopérateur. Il est de Télectorat de Cologne;
qui peut nous répondre de ses sentiments? Et c'est cet
homme qui ne connaît ni nos lois, ni les formes de la pro-
cédure, qui ne sait que très imparfaitement le français, que
Couturier et Dentzel ont fait accusateur public 1 — 30 avril.
Au Club, il veut que Ton écrive à la Convention nationale
pour demander qu'un tribunal révolutionuaire soit établi à
Strasbourg. Adopté — 1«' mai. Il demande qu'on dresse
une liste de tous les gens suspects de Strasbourg et du
département^ pour la présenter aux représentants, afin que
les plus dangereux de ces pervers soient chassés au plus
tôt. En même temps il propose de prendre en otages les
paysans les plus notés, les plus riches, des villages qui ont
désobéi aux lois ou manifesté Fesprit du fanatisme — 2 mai.
n aborde de nouveau les mômes propositions — 5 mai. In-
vesti du titre d'accusateur public près le tribunal révolu-
tionnaire du Bas-Rhin — 12 mai. La 8* section de la ville de
Strasbourg prend un arrêté demandant aux représentants
de la Convention nationale, son bannissement — 27 mai.
D'une lettre de Rûhl, datée de Paris, au Comité des douze
sections de Strasbourg, il ressort, que même les Jacobins
de Strasbourg s'étaient adressés à ceux de Paris, pour
demander sa proscription, tout vice-président qu'il était
alors de leur société — 8 juin. Il proteste, et fait assigner les
signataires de la 8* section, lesquels devant le juge de paix,
Schœll, se rétractent et déctarent qu'ils le considèrent
comme un bon citoyen, un fonctionnaire probe — 2^ juillet.
De Paris, Laveaux mande aux Jacobins, notre ami Schneider
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196 RBVUB d\lsace
qui s*68t déprétrisé, devrait bien se marier afin d'efiâcer toute
faitle caractère prétendu indélébile— 14 août. Le Directoire
du Bas-Rhin prit un arrêté en vertu duquel tous ceux con-
vaincus d'agiotage avec les assignats, seraient jugés révolu-
tîonnairement, sans jurés. Cet arrêté, approuvé par les
représentants» on décida de le publier avec solennité dans
toute la ville, et que Ton promènerait la guillotine par les
rues. Schneider, Jung et Edelmann raccompagnèrent. A
4 heures du soir on quitta Thôtel de ville avec un détache*
ment de fantassins et de cavaliers. L'arrêté fut proclamé sur
toutes les places publiques; cela devait se répéter trois jours
de suite, et dans tout le département; mais, vu Timpossi-
bilité d'exécuter la mesure, Schneider crut atteindre le but
en proposant de placer la guillotine sur la place d'Armes,
depuis dimanche jusqu'au vendredi suivant, jour auquel il
tenait beaucoup à la faire voir auxcampagnards venant aux
marchés. Monet et autres approuvèrent; cependant le
public protesta, et dans la nuit du 18 tu 20, la guillotine fut
enlevée, chargée sur une voiture et conduite devant la mai-
son de Schneider, rue de la Nuée bleue, no 2, où sur les
11 heures elle fut versée devant la porte et mise en morceaux
par le peuple. Ce ne fut que le lendemain matin, à 10 heures,
que les débris de la guillotine et de la voiture furent enle-
vés — 24 août. Au Club, Louis Edelmann fait une sortie à
fond contre lui; Schneider, présent à la séance, somme
Fauteur de prouver ses inculpations, ce qu'il ne manque pas
de faire dans la séance du 27 ~ 29 août. Au Club du Miroir,
il donne des renseignements sur sa conduite dans la journée
du 14 août — 8 octobre. Milhaud et Guyardin le nomment
du Comité de surveillance et de sûreté générale du Bas-
Rhin, nouvellement créé, et qui fonctionna jusqu'au 25 déc.
suivant— 15 octobre. Commissaire civil au tribunal révolu-
tionnaire de l'armée, à Strasbourg, établi par les neuf repré-
sentants du peuple aux armées de Rhin et Moselle. On a
pris les quatre membres du tribunal institué le 5 mai 1793,
et d'accusateur public il est devenu commissaire civil •—
18 octobre, jour, que le Temple de la Raison fut consacré
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LES HOMMES DE U KÉTOLUTION 187
solennellement à l'Être suprême, il y tint un long discours,
dont voici un passage :
Un Toyagenr allemand qui yiendrait nn jonr à Strasbourg et qui
demanderait: où est la cathédrale? chacun Ini répondrait: nous ne
connaissons point de cathédrale, point de fondation de Saint-Thomas,
nons ne connaissons plus rien qne le Temple de la Raison et la
Société populaire. S'il demandait, où loge Tévéque? où demeure le
pasteur? on lui dirait : nous ne connaissons point ces étres-lÀ, mais ayez-
vous euTie de faire la connaissance des instituteurs du peuple, venez,
nous TOUS montrerons une douzaine de braves sans-culottes Et je parie,
si le voyageur était Jésus-Christ, ou Martin Luther, qu'il verserait des
larmes de joie et s'écrierait : c'est là ce que nous avons désiré, c'est
ainsi que cela doit être.
Après avoir fait sentir le ridicule de toutes les religions
qui se disent révélées, il continua :
Peuple, voici en trois mots toute la religion : adore un Dieu, soit
juste et chéris ta patrie.
Etienîœ Bàrth.
(La 9uite prochainement)
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Histoire d'un proverbe mulhousien «d'r Fûrsteberger
v'rgesse»! racontée en vers par Auoustb Stœbbb, arec illnstra-
tions de Mathiàs Eohleb — Mulhouse, imprimerie de Brustlein et O,
1882 — In-8o de 27 pages avec 5 planches et encadrements rouges —
Librairie de M»» S. Pétry.
Il y a dans les origines et la vie de notre industrie alsacienne
beaucoup de faits et d'anecdotes qui formeraient un recueil
intéressant soit au point de vue de l'histoire locale, soit au
point de vue de l'histoire des familles, soit au point de vue de
la moralité du travail. Le petit accident que M. Aug. Stœber
vient d'évoquer est de ce nombre. Le sujet est d'une grande
simplicité et d'une excellente morale en action. C'est pour
cela, sans doute, que le souvenir s'en est conservé et a passé
en proverbe.
Un tisserand du siècle dernier, membre du Grand-Conseil
de Mulhouse, venait de clore son inventaire constatant qu'il
avait fait dans l'année un bénéfice de quinze mille florins. Il
appela avec transport sa femme pour lui communiquer un
aussi heureux résultat et, dans sa joie, il la pria de lui dire les
cadeaux qu'il lui serait agréable de recevoir en souvenir d'une
année aussi prospère : Est-ce une cornette brodée d'argent,
comme il convient pour la femme d'un membre du Grand-
Conseil? une robe de soie avec des poches? un collier de
grenats? un ridicule? des souliers à la poulaine? une montre
avec sa chaîne? La réponse de la dame fut une poignée de
main et un baiser, puis elle ajouta : tu sais que dans ces der-
niers temps nous avons reçu des politesses chez nos parents
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 139
et nos connaissaiices; roccasion de les inviter, à notre tour,
est bonne. Ainsi dit, ainsi fut fait le dimanche suivant. Au
milieu du festin, une lettre arrive au tisserand ; elle renferme
le compte de Furstenberger, de Bâle, compte qui par inadver-
tance a été complètement oublié dans l'inventaire et qui
malheureusement absorbe une grande partie des bénéfices de
l'année. La déception se peint un moment sur tous les visages,
mais la bourgeoise philosophie du tisserand et de sa brave
compagne a bientôt dissipé ce nuage et le festin se termine
aussi gaiement que si Furstenberger n'eut pas existé; puis,
quand mari et femme se trouvent seuls, face à face, la con-
seillère dit au conseiller : Je veux maintenant, mon cher petit
mari, que l'argent que tu destinais à mes cadeaux soit la part
des pauvres de Mulhouse. Pas n'est besoin d'ajouter qu'il en
fut ainsi.
L'aventure est véridique et l'oubli dont Furstenberger fut
l'involontaire objet de la part de l'un des anciens chefs de
l'industrie alsacienne, a passé en proverbe dans le langage
populaire de Mulhouse : Ur Fursteberger v^rgesse est aujour-
d'hui l'équivalent du proverbe français : compter sans son hôte.
Si nous devions scruter la pensée de M. Stœber donnant à
cette aventure le soin qu'il lui a accordé, nous dirions d'abord
que, comme caractéristique de l'industrieux Mulhouse, elle
lui a paru topique et louable ; il a pensé que quand on veut savoir
où l'on va, il est toujours bon de ne pas oublier d'où l'on vient,
surtout quand le point de départ est le plus démocratiquement
honorable. Nous dirions ensuite qu'au point de vue de la lin-
guistique — mais sans faire la leçon h personne — M. Stœber
a voulu donner un exemple assez complet de la manière d'écrire
notre dialecte alsacien sans lui infliger de torture orthogra-
phique pouvant aboutir à le défigurer et à le rendre illisible.
Pour atteindre ce but, il a suffi à l'auteur de respecter l'élision
que le commun des mortels fait naturellement en parlant la
langue du pays. Nous dirions encore que, fidèle disciple du
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140 RBVUB D'AI^ACB
culte professé en Alsace pour la terre natale, M. Stœber a
voulu ajouter un fleuron de plus à la couronne dont il est,
depuis longtemps, en possession dans le monde littéraire de
la rive gauche du Rhin. Le petit poème dont il s'agit, exempt
de pédantisme et de tout mélange étranger à la cité indus-
trielle, restera certainement une de ses plus savoureuses
productions.
Nous ne dirons non plus que du bien des illustrations qui
donnent au poème un relief charmant Elles sont Tœuvre de
l'un de nos compagnons d'infortune de l'année de malheur,
M. Mathias Kohler, élève de l'école des beaux-arts. Le portrait
d'Auguste Stœber est bien réussi. Les quatre planches repré-
sentent le contentement du tisserand et de sa femme à la
clôture de l'inventaire, la réception des invités le dimanche
suivant, le châtiment infligé à deux mauvaises langues devant
l'hôtel de ville, sujet qui avait alimenté la conversation des
invités, les convives à table et la missive de Furstenberger.
puis le tisserand et sa femme en tête-à-téte après le départ
des invités. Ces illustrations, traitées avec un sentiment
exquis, h la manière du regretté Th. SchuUer pour le Lundi
de Pentecôte d'Arnold, font du proverbe mulhousien une excel-
lente page pour l'histoire du costume local et des origines
de l'industrie de la cité, ainsi qu'un joyau artistique que tout
le monde voudra avoir et religieusement conserver.
II
Distractions poéticpies au Florival ou premier recueil de
poésies d'un vieil Alsacien, par G. GiBTBLiN — Mulhouse, impri-
merie de R. Mttnch, 1882 — 1 toI. in-8o de vni-221 pages.
Voici un recueil de poésies allemandes qui a son mérite,
sans doute, mais qui a le tort d'arriver au jour dans un mo-
ment où il y a au pays une résistance pononcée contre les
mesures qui proscrivent le français. Les deux langues vivaient
jadis en bonne intelligence, en bonne et loyale confraternité
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 141
dans le mouvement littéraire de la province, ainsi que dans
tous les rapports de la vie sociale. Les temps sont, hélas! bien
changés, et c'est pourquoi la muse de M. Gftyelin court le
risque d'être peu écoutée de ce côté-ci du Rhin.
Sera-t-elle plus favorablement accueillie à Leipzig où le
cœur de la Germanie intellectuelle est réputé avoir son siège
national ? Une expérience plus que trentenaire nous permet
d'en douter. Ce n'est qu'après les foires de plusieurs années
que M. Gâyelin sera lixé à cet égard et partagera peut-être le
sentiment que nous exprimons.
C'est d'ailleurs au public alsacien que ce recueil s'adresse,
c'est pour lui qu'il a été écrit En Péditant, M. Gftyelin a cédé
aux instances de ses amis du Club vosgien, section de Gueb-
willer, et aux avis de ses confrères en littérature qui n'ont
cessé de l'encourager dans ses patriotiques inspirations. Son
recueil a le caractère particulariste de notre ancienne vie
intellectuelle de la proyince d'Alsace aux meilleurs temps de
son développement A ce titre, comme à beaucoup d'autres, il
a sa place dans nos collections alsatiques. C'est au Blumen-
tJud = Florival, ou vallée de Guebwiller, que M. Gftyelin a
consacré ses meilleurs souvenirs, ses plus vives affections. On
lira sa composition sur le Heimweh = mal du pays, avec un
sentiment empreint d'une douce tristesse. Aux sources du
Parnasse se fortifie aussi la foi en l'avenir.
m
La Liberté des Cimetières, question remplie d'actnalité, par
Ch. Schkidt, pastenr-président du Consistoire de Sarregaemines,
chevalier de la Légion d'honneur — Strasbourg, imprimerie de
G. Fischbach, 1880 — Brochure in-S» de 39 pages.
Cet opuscule que la Bévue vient de recevoir, est un tirage
à part des articles publiés dans le Journal d'Alsace à propos
des difficultés élevées par le clergé à l'occasion de divers
enterrements protestants dans les cimetières de communes
oti la grande majorité des habitants professe le culte catho-
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142 REVUE d'alsace
lique. C'est encore l'ancienne loi française, concernant cette
matière, qui est en vigueur au pays annexé, et c'est la réfor-
mation de cette loi que demande M. le pasteur de Sairegue-
mines dans le but d'éviter désormais les conflits qui se
produisent fréquenmient à la campagne.
IV
Bulletin de la Société des sciences historiques et natu-
relles de l'Yonne, Années 1880 et 1881 — Auxerre, imprimerie
de G. RouiUé, 1881 — 2 vol. in-8o de 411-133-61-lx et xx pages avec
3 planches dont 2 photoglyptiques.
Il y a dans le dernier et le premier fascicules des 34* et 35'
volumes du Bulletin, des travaux d'un grand intérêt historique
et scientifique. Nous ne pouvons que les signaler au courant
de la plume, ces deux fascicules nous étant parvenus il y a
quelques jours. Le cartulaire du prieuré de Jully-les-Nonnains
est un document fort important pour l'histoire locale, analysé,
reproduit et annoté par M. Ernest Petit; Les coutumes et
péages de la vicomte de Sens, par M. H. Monceaux, sont aussi
un document précieux «soit pour la philologie, soit pour l'his-
toire du commerce et de l'industrie dans le centre de la
France.» Ce sont des textes soigneusement mis au jour avec
de nombreuses annotations qui les éclairent. La léproserie de
Sainte-Marguerite, l'église de Saint-Siméon et le château des
Choux sont l'objet d'une notice intéressante par M. Challe,
président de la société. Tin mémoire de M. E. Vaudin sur la
photoglyptie initie le lecteur aux divers procédés de repro-
duction de l'image des choses auxquels la découverte de
Daguerre a donné lieu jusqu'à présent. Deux planches, repré-
sentant le buste de M. le président Challe, et un portail de la
cathédrale d' Auxerre, du xiir siècle, par le procédé photo-
glyptique de Lemercier, à Paris, justifient à tous égards les
mérites que M. Vaudin attribue à ce procédé. La salle du
prince d'Eckmtihl, au musée d' Auxerre, fournit ensuite à
M. Challe le matière d'une fort belle notice historique, biogra-
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 143
phique et archéologique dont Tami de Marceau, de Kléber et
de Desaix est la cause originelle. Une note de M. le docteur
Ricque, sur des sépultures et des objets funéraires découverts
à Saint-Gervais termine, avec le catalogue des hémiptères de
l'Yonne, le volume de Tannée 1880.
La chronique secrète des cent dernières années de l'abbaye
de Saint-Germain d'Auxerre, par M. Challe, ouvre le premier
fascicule de Tannée 1881. Une notice historique sur la cathé-
drale de Sens, par M. E. Vaudin, et le catalogue des cartu-
laires du département de TYonne, par M. Max Quantin,
terminent la première partie du fascicule consacrée aux
sciences historiques. La deuxième partie, affectée aux sciences
naturelles, renferme le compte-rendu, par M. Gust Cotteau,
du congrès international d'anthropologie et d'archéologie
préhistoriques tenu en septembre dernier à Lisbonne. Ce
rapport est d'une lecture fort intéressante, même pour les
hommes du monde. Une biographie du naturaliste Goureau
(colonel), par M. Challe, suivie du catalogue de ses ouvrages
et de ses travaux, met en relief une des belles figures du
monde des sciences naturelles. Cette partie du fascicule est
noblement terminée par la première partie du catalogue des
coléoptères du département de TYonne, due aux recherches
de MM. Loriferne et Poulain.
Ce sommaire-aperçu des travaux do la Société des sciences
historiques et naturelles de V Yonne suffit pour donner aux
lecteurs de la Bévue d'Alsace une idée de la vie intellectuelle
dont une de nos premières Académies provinciales est le
centre. Honneur à son président et à ses collaborateurs !
V
Bulletin de la Société archéologicpie et historique de
l'Orléanais, n^* 107 et 108 — Orléans, imprimerie de Georges
Jacob, 1880 et 1881 — 2 fascicules in-8o, 356 pages.
Nous trouvons dans ces deux livraisons du Bulletin de
nombreuses notices descriptives de silex, de monnaies gau-
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144 REVUE D'ALSACE
loises et romaines trouvés dans TOrléanaîs. Ce sont autant
de points de repère fort importants pour Phistoire locale
et rhistoire des Gaules confinant aux temps préhistoriques.
M. Desnoyers et ses collègues donnent à ces découvertes
successives une attention particulière et compétente. Ds
ne négligent aucune occasion de mettre en évidence l'inté-
rêt que présentent ces trouvailles pour l'avancement de la
science : c'est ainsi qu'une excellente notice de M. Desnoyers
est consacrée à la collection d'objets et instruments en pierre
que M. Rabourdin a composée, en 1880, dans le Sahara algé-
rien, au pays des Touaregs, et qui enrichit aujourd'hui le
musée de Saint-Germain. Ce que M. Rabourdin a vu de l'autre
côté des mers, et dont il a rapporté plus de trois cent cin-
quante témoins, on le retrouve dans nos Gaules plus ou moins
accentué, selon les stations, au Mont vaudois, près de Belfort,
par exemple, et l'on se demande si la conclusion proposée par
M. Desnoyers : « Le grand désert a été habité par un peuple
disparu ou s'étant réfugié en d'autres régions », ne s'applique
pas tout aussi vraisemblablement au continent européen? De
nouvelles découvertes et de nouvelles études ne conduiront-
elles pas à conclure que c'est aux grandes perturbations
géologiques qu'il faut demander l'explication des phénomènes
historiques qui sont aujourd'hui à l'étude ?
Frédéric Kubtz.
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LES
EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS
TOUL — METZ —VERDUN
1552 — 4790
n
BIBLIOPHILES ET €OLLECTIONNEI1BS TOULOIS
Suite'
BIBLIOTHÈQUES DES COUVENTS
1. Abbaye royale de SainlrLéoii
Comme pour tous les autres monastères, les marques sont
toutes manuscrites.
Canonic Begular. S. Leonis TuUen. 1.
Lors de la visite des délégués du district, le 4 juin 1790, en
présence de Nicolas Henriet, prieur claustral (l'abbaye était
en commende), et des religieux, la bibliothèque contenait
250 volumes in-folio, 154 in-4* et 1360 in-8% dont plusieurs
dépareillés.*
Les chanoines prémontrés tenaient un collège avec enseigne-
ment depuis les élémentaires jusqu'à la rhétorique inclusive-
ment. Les bâtiments furent rebâtis au commencement du
siècle dernier et le collège communal actuel y est établL
^ Voir les livraisoiiB du dernier trimestre 1881 et du l*' trimestre 1882.
* Archives départementales de Meurthe-et-Moselle.
NoQTelto Série. * 11** aooée. 10
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146 REVUE D'ALSACE
2. Abbaye royale de Saint-Epvre
Ex Mnrio S. Apri Cong. S. 8. Vitoni & Hyd. Benedictor.
S. Apri Tull. 1750.
D'après Dom Ruinart, les archives abondaient en bulles
pontificales et en diplômes de souverains, mais les manuscrits
faisaient défaut. Il n'y a rien d'étonnant, car les amateurs trop
intéressés ne manquaient pas. Le conseiller au parlement de
Metz, Bigaud, mort en 1653, et célèbre comme bibliophile,
alors à Toul avec le Parlement exilé, détacha de sa chaîne,
à la sacristie, un ancien cérémonial manuscrit de l'abbaye,
l'emporta et en fit présent à Colbert, qui recevait journelle-
ment, sans scrupule, de pareils cadeaux. Les moines eurent
toutes les peines du monde d'obtenir une copie.
D'après M. Dufrêne {Austrame, Metz 1842, p. 301) ils expo-
saient à la vénération des fidèles à certaines fêtes, comme un
Saint 'Jean enlevé par les anges, une magnifique agathe
antique représentant V Apothéose de Qermanicus. Convaincus
de leur erreur, ils ofirirent, en 1674, cette pierre précieuse à
Louis XIV, qui leur fit compter 7000 livres. On prétendait
que le cardinal Humbert, l'un des familiers du pape Léon IX,
l'avait apportée de Constantinople. Elle est aujourd'hui au
cabinet des médailles (n" 179) et la bibliothèque de la ville en
a un fac-similé en plâtre.
Le couvent fut rebâti au siècle dernier par Dom Léopold
Durand, prieur du prieuré détruit de Saint-Léonard de Féné-
trange dans le Westrich, un des bons architectes du temps. Il
y avait de vastes jardins autour des lieux claustraux, et un
jeune religieux, Dom Claude Fleurand, originaire des Vosges,
y fit de charmantes observations entomologiques sur les
fourmis ; elles ont été rapportées en partie par M. H. Bardy,
président de la Société philomatique vosgienne. Dom Fleurant
n'était pas seulement un amateur d'histoire naturelle, c'était
aussi un numismate. Mory d'Elvange cite, comme lui appar-
tenant, une monnaie mérovingienne frappée à Verdun.
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LES BX-LIBRIS DANS LBS TROIS ÉYÉCHÉS 147
Les dévastations et les incendies arrivés dans quelques
villages, après la prise de la Bastille, engagèrent les religieux
de Saint-Mansuy et de Saint-Epvre à cacher leurs archives
dans différents endroits et surtout dans les caves. C'est ce qui
explique, raconte le curé Chatrian, le désordre qui régna dans
ces papiers.
La bibliothèque de Saint-Epvre s'était accrue dans le cours
du xvn* siècle de la riche bibliothèque de M. de Mageron,
chanoine et officiai, conseiller du duc de Lorraine.
Le 2 juin 1791, l'autorité se présenta pour faire l'inventaire
du mobilier du monastère, en présence du prieur claustral
Dom Christophe Lhotte, du sous-prieur Dom Gérome \ et de
toute la communauté. La bibliothèque compr enait4964 volumes,
dont 1275 in-folio, 843 in-4^ et 2846 d'autres formats. Tous les
moines déclarèrent qu'ils étaient prêts à quitter le couvent
Le musée départemental des Vosges, à Epinal, possède
deux sceaux en cuivre de l'abbaye Saint-Epvre. Ils datent du
XIV siècle et sont reproduits dans le beau volume sur la
sigillographie touloise, par M. Ch. Robert.
^ uom Gérome fut principal du collège de Lnnéville, sous le Consnlat .
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148 REVUE d'àlsace
Charles de Castellan, dont Tempreinte a été gracieusement
communiquée par M. Lucien Wiener, conservateur du musée
lorrain, fut abbé commendataire en 1663, il mourut le 28 no-
vembre 1677. La bibliothèque de Lunéville possède également
un volume aux armes de cet abbé, dont la mense abbatiale
rapportait 30,000 livres. Deux cardinaux de Rohan (II et III),
évoques de Strasbourg, furent successivement gratifiés de ce
beau bénéfice.
Un des plus célèbres numismates du xyiii* siècle, Dom Mau-
gérard, aumônier et conservateur des monnaies et médailles du
duc Charles-Alexandre de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas,
et au XYir siècle, Dom Descrochets, Thistorien de Tabbaye de
Saint-Arnould, furent religieux à Saint-Epvre ainsi que
d'autres érudits religieux.
S. Abbaye royale de Samt-Mansuy
Ex Monasterio 8. Manstieti, ordinis S^' Benedicti, Catalogo
imcrvptus, 1748.
Inscriptus Catalogo Sandi Mamueti, 1767.
Monasterii S^ Mansusti ordinis S. Benedidi 1752.
La bibliothèque des Bénédictins de ce couvent marchait
de pair avec celle du Séminaire et de Saint-Epvre pour le
nombre et le bon choix des ouvrages. Le 13 juillet 1791, le
prieur claustral Dom Jean Nicole, le sous-prieur Dom Léonard
et leurs religieux reçurent la commission administrative. La
bibliothèque contenait 3207 volumes, dont 592 in-folio, 675 in-4''
et 1940 de diverses grandeurs; les uns reliés en vieille basane,
les autres en brochure. Il y avait en outre un manuscrit fort
ancien sur les évoques, in-é"* sur vélin : Indpit caMogus pon-
tificum tuUensium a heato Mansueto et deinceps, qui servit au
P. Benott pour son histoire et qui vint échouer plus tard, dans
la riche collection lorraine de M. Noël (n** 1694). En outre, il
y avait à la sacristie six manuscrits sur parchemin pour
Toffice divin.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÉGRÉS 149
ti^iiiTentaire des meubles portait bon nombre de tableaux,
dont six de M.Drouas (?); vingt-huit, représentant Saint-Benoît
^t d'autres bienheureux et supérieurs de l'ordre ; huit portraits
de Xiouis XIV, de souverains et de princes lorrains. Dans les
cJxambres des hôtes, il y avait des tapisseries de Bergame, un
^^pha, six fauteuils en velours d'Utrecht, etc.
Parmi les moines présents, Dom Jourdez était un biblio-
^^le dont Vex'libris nous a été conservé. Dans un riche
encadrement sortant des ateliers de Garez, on lit :
Dom. xst. Joubdez
bénédictin
Il avait alors 40 ans.
Dom Benott Didelot, religieux du monastère, était alors à
Neufchftteau. Les amateurs lorrains connaissent de lui une
petite eau-forte (in-12 oblong): Le passage des Tedosages
i Europe en Asie, dédiée au JB. P. 1). Bemy Cellier, prélat de
Flavigny, avec ses armoiries, d'après un tableau de Gazes. ^
M. Quintart possède et a reproduit le sceau en cuivre de
Tabbaye au moyen âge. M. Dufrêne, le collectionneur émérite
de tout ce qui est leuquois, avait en vain cherché une
empreinte dans toutes les collections locales.
Tard de Bar-le-Duc peignit pour l'église abbatiale la vie
de Saint-Mansuy; il exécuta aussi quelques tableaux pour
l'^véché.
4. ^60 Oapnoinfl
fondés par Pévêque de Maillane dans un enclos apparte-
^^nt aux moines de Saint-Mansuy. Le bâtiment conventuel
^xistô encore, et l'humble église sert d'atelier de menuiserie.
AiL-<l^ssous de celle-ci est un caveau peu profond où, selon la
coutxxrae séraphique, on exposait les squelettes des religieux
X^ee KoQTelles catholiques de Rouen avaient nn tablean de ce
peintre, a se trouve actuellement au musée de la ville.
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150 RE?UB D'ALSACE
avec rhabit qu'ils avaient porté. Le vestibule de ce charnier
renferme encore quelques peintures à la détrempe, avec des
macabres armés de faulx, vous invitant à lire de longues
inscriptions tracées en caractères romains et presque illisibles.
On distingue :
Seigneur de qnelqne gr&ce qne l'homme par
TOB soins se
puisqu'il lui faut son &me se livre
Puisqu'il me faudra mourir
Trois religieux célèbres habitèrent le couvent, le P. Thomas
de Charmes, auteur d'un Compendium très estimé, le P. Nor-
bert de Bar, que Chevrier poursuivit de ses traits piquants,
et enfin le P. Benoît Picart de Toul, l'historien dont il a déjà
été parlé. C'est à tort que Ton accuse sottement les religieux
d'avoir brûlé, à sa mort, les manuscrits et les chartes qu'il
avait rassemblées, sous prétexte qu'il ne devait rien posséder
d'après les règles de l'ordre. L'évoque de Camilly, ami et pro-
tecteur du docte capucin, fit recueillir tous les papiers que
l'on put trouver dans sa cellule, et l'archiviste Lemoine les
eut entre les mains, au palais épiscopal, de longues années
après (Catalogue Emmery, 628).
Modestes coopérateurs des curés campagnards, prédicateurs
des missions rurales, pharmaciens et médecins des pauvres,
les capucins étaient plus instruits que bien des religieux riche-
ment dotés. Dans chaque cellule du couvent de Toul, les
commissaires trouvèrent à côté du grabat quelques livres et
des sermons écrits. Ds possédaient donc quelque chose! Mais
laissons cette oiseuse digression et parlons un peu de la
bibliothèque de voyage des révérends pères; elle se trouvait
dans deux des douze poches qu'ils portaient sur leurs vête-
ments. La Bradéale renfermait le bréviaire, elle était de
figure ovale et se trouvait dessous et le long du bras droit
L'autre pour les sermonnaires
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LES EX-LIfiRIS DiNS LES TROIS ÉYÉCHÉS 151
Pend au dos et bat sur la fesse,
Ou pour mieux dire sur le cul,
Pourquoi elle se nomme Tape-cid. ^
Les commissaires cataloguèrent chez les capucins près de
1500 volumes, dont 202 in-folio et 1209 autres de divers for-
mats. On ne parla pas de manuscrit; cependant Dom Calmet
dit qu'ils avaient les Commentaires sur Saint-Jérôme, par
Didier de Birstorf, chanoine et archidiacre de Toul, ancien
précepteur du duc René IL
Voici l'acte de décès de la bibliothèque des capucins de
Toul:
« Les administrateurs du district de Toul informés que
depuis que la maison des cidevant capucins au faubourg de la
Paix a été prise pour un hôpital, à traiter les galeux des
armées républicaines, la porte de la salle de la Bibliothèque
ayant été fracturée et ladite Bibliothèque extrêmement dila-
pidée, ont commis Motjrot Vincent un de ses membres pour
avec un officier municipal de la commune de Toul, reconnaître,
vérifier ladite dilapidation et prendre tous les renseignemens
possibles. Ledit Mourot s'est transporté dans ladite Maison,
assisté du cit Thierry, officier municipal, lesquels ont reconnu
que bien loin de trouver la bibliothèque dans l'état où elle se
trouvait lors de l'inventaire qui en a été fait le l' juin 1790,
vieux style, ils l'ont trouvée dans un délabrement total, y res-
tant tout au plus une douzaine de vieux bouquins entiers et
quantité de feuillets et de couvertures de livres épars tant
dans la bibliothèque que dans les corridors voisins, s'étant
informés tant du citoyen Buisson gardien de cette maison que
du citoyen Jouré et de sa femme qui occupent un local dans
cette maison, ils ont appris que c'étaient les soldats de l'hôpital.
' DïTCDOS. La Capucinade éPAustrasie, j^oème pitoyable où l'on insulte
continaellement, en 1689, les capucins de Marsal et les cnrés de la
Hante-Seille, à cause de leur fidélité à lenr souYerain proscrit.
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15d REVUE D'ALSACE
qui, après avoir brisé la porte de la Bibliothèque, avaient
brûlé une grande partie de ses livres et jeté une autre par les
fenêtres, sous prétexte que c'étaient tous livres fanatiques
qu'il fallait anéantir. Les dits commissaires tant du District
que de la municipalité ont aussi observé qu'on avait enlevé
presque toutes les serrures et ferremens deladite maison, et
brûlé une partie des portes, boiseries et planches, laquelle
dilapidation nous a été assurée par les mêmes Buisson et
Jouré n'avoir été faite que pendant que cette maison servait
d'hôpital aux galeux.
Fait à Toul le 2 Thermidor de l'an deux de la République
une & indivisible signé Moubot, Thierry. »
Les capucins de Toul ne sont pas oubliés dans la Croisade:
De Saint-François la cohorte nasale,
Les yenz baissés, Pair contrit, les pieds nns
Suivent la croix, composent Uavant-garde,
Couyerts de frocs à capuchons pointas.
Frères cadets du troupeau séraphique,
Leurs revenus sont la masse publique.
Mais échangeant contre un mauvais sermon
Un broc de vin, une poule, un jambon.
Ils ont gardé Pesprit évangélique.
Les commissaires inventorièrent dix-sept portraits d'anciens
pères de l'ordre; dans le réfectoire, un grand tableau repré-
sentant le lavement des (pieds, par Lallemand, et vingt-et-un
tableaux de peu de valeur, etc.
6. Les Cordelien
Ex'Bïbliotheca Frandscanorum Conventus tuUensis.
Cette marque se trouve sur un frontispice d'un volume des
Ada Sandorum mis au pilon ! !
^es religieux possédaient 1500 volumes dont quelques uns
incomplets.
Le parlement de Metz, pendant son exil dans la cité touloise,
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS 153
siégea aux Cordeliers. Ce fut à cette époque que Bossuet,
alors chanoine de Téglise de Metz, habita Toul avec son père,
conseiller au Parlement, dans le bel hôtel de la rue Michatel
qui existe encore.
6. Les Dominicains
Ex'lUris Bibliothecœjr. prœdicatorum Conventtis Tidle^ms.
BibL fr. prœdicatorum Co^ TuUensis.
Leur couvent fut fondé, en 1245, par le duc de Lorraine,
l'évêque et le maître-échevin Nemeric Barat, dont le nom est
encore porté à Toul. 508 in-folio, 330 in-4** et 760 volumes de
divers formats composaient toute leur bibliothèque.
7. Les Dominicaines
Les religieuses du grand ordre de Saint-Dominique, établies
en 1621, avaient leur bibliothèque donnant sur le jardin. Elle
renfermait 398 volumes et 3 manuscrits.
8. Les Dominicaines du Tiers Ordre
Elles n'arrivèrent à Toul qu'en 1634; elles étaient voisines
des précédentes, leur église a été démolie et le couvent a été
changé en salle de spectacle. C'est à tort que M. Ch. Robert
(p. 246) parle de religieux du Tiers Ordre. Dom Calmet dit
que leur église était ornée de tableaux des plus grands maîtres
flamands. Les religieuses, pour se rendre utiles, tenaient des
écoles pour les jeunes filles. 332 volumes formaient toute leur
bibliothèque.
9. Les religieuses Bénédictines du Saint-Sacrement
Le couvent est aujourd'hui la gendarmerie. La bibliothèque
avait 560 volumes, reliés en veau ou basane, traitant presque
tous de religion. Un pensionnat était tenu par les sœurs.
10. La Congrégation Notre-Dame
Le plan du couvent, comme ceux des autres maisons reli-
gieuses de la ville, se trouve aux archives départementales.
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154 REVUE d'alsàce
Diverses habitations remplacent la maison des sœurs. Au-
dessus de la porte, donnant rue du Menin, on lit encore sous
une niche vide de la statue de la Vierge :
AVXILFVM
CONGREGÂTIONIS NOSTR^
Oba PBO NOBIS
Un pensionnat et une école gratuite pour les jeunes filles
de la ville, dit le Journal de Metz de 1776, étaient tenus par
les religieuses, établies par leur saint fondateur le P. Fourier,
de Mattaincourt, pour répandre l'instruction.
Leur bibliothèque était dans une armoire (10 in-folio, 60 in-4*
et 72 in-8*) beaucoup de livres étaient dépareillés. « La caisse
aux titres », contenant aussi les registres de recettes et de
dépenses, se trouvait à côté.
Le doyen de Vantoux signait les comptes annuels du cou-
vent; dans le registre de 1758, on voit la note du serrurier
(64',18') qui a fermé les archives et la bibliothèque. Le relieur
figure pour bréviaires et offices du sacré-cœur. On donne
39\3' pour la vie de la mère Alix (1773).
Ce fut le maire Charles-François Bicquilley avec le greffier
La Capelle, qui vint poser les scellés le 1" juin 1791.
L'inventaire fait, les livres, les incunables, les manuscrits
des maisons religieuses furent entassés dans les greniers de
rhôtel de ville où ils formèrent de véritables fortifications
assiégées continuellement par la dent des rats ou la main des
malveillants. Vers 1826, le principal du collège, qui depuis
(après 1830) devint proviseur du collège royal de Nancy, fut
chargé de trier dans cette masse pour former une bibliothèque
communale. Son choix fut discret, car on vendit le restant (la
charge de plusieurs voitures) à M"' V' Bastien-Carez, rue
Michatel. Tous les bibliophiles delà province, le grand Pseaume
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS 155
en tête, se précipitèrent à la curée pendant plusieurs jours.
Mais déjà des triages avaient été faits, car en 1791, un Béné-
dictin défroqué, nommé Bralret, ouvrit une librairie* où Ton
trouvait quantité de livres précieux. On rencontre encore
maintenant beaucoup de ses bouquins reconnaissables à leur
ex4ibri8 imprimé : Se vend chez Bralret à Toul, dans un double
filet oblong. II avait aussi une marque très finement gravée
au burin : Librairie Bralret à TotU, dans un écusson à grenetis
entouré de fleurs. 11 mourut à Liverdun, très âgé, après avoir
essayé de rétablir le culte adamique.
Si, en 1819, Tardent bibliophile anglais Dibdin, qui visita si
rapidement la cité leuquoise, avait su que des monceaux de
livres à vendre gisaient dans les combles de Thôtel de ville, il
serait resté plusieurs jours à Toul qui n'a de lui que ces quel-
ques lignes:
K La route est encore plus jolie aux environs de Toul, dont
l'église, vue de loin, ressemble à une cathédrale. Nous prîmes
du thé à Toul, mais d'abord nous visitâmes l'église que nous
trouvâmes de beaucoup supérieure à celle de Meaux. Quelques
portions de l'intérieur sont véritablement fort élégantes, une
fenêtre ogivale, particulièrement ornée de vitraux peints, peut
rivaliser avec la plupart de celles qui ornent cette cathédrale.
« A Toul, la première fois depuis notre départ de Paris, on
nous demanda nos passeports, attendu que Toul est fortifié. »
GRAVEURS TOULOIS D'EX-LIRRIS
ZAPOURAPH
Graveur sur bois à Vimprimerie Garez, 1772-177S.
1. BiOQuiLLBT. Sar un bloc de pierre ombré, entonré de roseanx d'un
côté et de l'autre d'un laurier incliné ; sous les hachures figu-
rant le soi — Zapcwraph 1772,
Est-ce l'auteur de la Croisade, mathématicien distingué, qui
fit imprimer, en 1783, les Calculs des probahilités, ouvrit pen-
' Rue Michatel, n<» 1504.
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156 REVUE D*ÀLSÀCE
dant la Révolution des cours gratuits pour les ouvriers et, en
1804, publia chez Carez la Théorie élémentaire du commerce f
Il était secrétaire de la Loge des Neuf Sœurs, dont les statuts
furent imprimés chez Carez, en 1782 ; l'éloge du fr.\ Michelet,
fondateur, par le f.*. Grégeois, en 1788, sortit de la môme
imprimerie. ^
Vex'lïbris ci-dessus appartiendrait-il au frère de l'ancien
garde du corps, au major de place Jean-Baptiste Bicquilley,
Tauteur des Noêls et des Complaintes sur l'anoblissement du
chapitre ? Il est le père du général dont on voit le portrait
dans une salle du rez-de-chaussée de l'ancien palais épiscopal
avec ceux du maréchal Gouvion Saint-Cyr, des généraux
Gengoult, Gouvion, Pintheville, de l'amiral de Rigny, du baron
Louis, de l'avocat Liouville.
2. C. N. N. Dans nn rond ombré, entouré de roses reposant sur un
tapis de verdure. Au-dessons à ganche Zapouraph 1773. Gham-
brette, ingénieur des ponts et chanssée, à Toul? Il y a encore le
substitut CoUardé, les chanoines Châtelain et Claude. Trouvé à
Metz au milieu de bouquins sur Pun desquels on avait imprimé
en lettres d'or Chambbbtte sur les plats.
On peut attribuer à Zapouraph la marque de Dom Jourdez,
Veûo-Hhris armorié de M. de Curel; les trois cailloux de Saint-
Etienne dans la couronne d'épines; la charmante vignette de
son maître d'un bon style Louis XVI avec les initiales J. C.
{Dictionnaire de la Fable, Toul 1787).
^ M. le comte Gaston de Lambertye a, provenant du chanoine de
Jobal, le sceau de la Loge (ovale de 0°48 sur 0Hc3), Fécu royal entouré
d'emblèmes maçonniques disposés avec beaucoup de goût, qrâxj} 80ea.u
BB LA. B. L. DBS IX SŒURS A l'o.'. db TOUL. Ce sceau uo so trouve pas
dans le volume de M. Ch. Robert.
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LES SK-LtBRIS DANS LES TROIS ÉVÉCHtiS 157
COLLECTIONNEURS
Le chanoine Henri Montignot (1752), fils d'un charpentier
de Nancy, devint membre de TÂcadémie royale de sa ville *
natale ; il y prononça, le 8 mai 1752, un discours sur le rapport
de PEnéide avec Tlliade et TOdyssée. Mais il est connu par
d'autres travaux plus importants: Un Etat des Etoiles fixes
au second siècle, par Ptolémée, comparé à la position des
mêmes étoiles en 1786 avec le texte grec et la traduction, à
Nancy, 1788, in-4** avec figures. Il publia aussi dans le Mercure
de France, du mois de février 1756, une lettre sur le tremble-
ment de terre de Lisbonne. Son opinion sur les causes
physiques qui avaient amené cet épouvantable désastre lui
attira une réponse des plus vives.
Mais un ouvrage, qui doit particulièrement nous intéresser
est son Dictionnaire diplotnatique et éttflnologique des termes
du Bas-Siècle pour servir à Vintelligence des archives et chartes,
Nancy, 1787, in-é^
L'auteur du Noël lui reproche d'être plus fier de sa
nouvelle noblesse que tous les gentilshommes de race.
Après s'être moqué du peu de solidité de ses connaissances
mathématiques, il lui reproche son peu de charité. En efiet,
en 1776, le chanoine Montignot allant avec son confrère
M. d'Hammonville jmiior en voiture à Boucq, à trois lieues
N.-E. de Toul, laissa, baigné dans son sang, le jeune Gaussin,
de cette ville, que des brigands avaient presque assonuné.
« Vous êtes trop ensanglanté, lui dit-il, nous ne pouvons pas
TOUS prendre, et d'ailleurs, nous sommes pressés! ïi Toute la
ville fut indignée de cette réponse barbare.
Sur le point de mourir Gaussin disait qu'il en coûtait moins
à son cœur de pardonner à son assassin qu'aux deux cha-
noines si inhumains. Le meurtrier fut pris et roué.
' Académie de Stanislas actuelle.
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158 REVUE d'aLSACE
Le chanoine Montignot, pour célébrer le sacre de Louis XVI,
s'avisa de faire une distribution de pain au peuple. De ses
fenêtres, il assomma quelques malheureux en lançant ses
miches. Il y eut nécessairement du tumulte, des vitres cassées
et la maréchaussée dut intervenir.
En descendant le grand escalier du cloître on lit Tépitaphe
de notre chanoine. Une sphère est entre une équerre et un
compas au-dessus de ces lignes :
D. 0. M.
Ci-gît M. H. François Montignot, prêtre, doctenr en Théo-
logie, chanoine de cette église, Membre de l'Académie royale
de Nancy, décédé le 1« Mars 1790, ftgé de 67 ans.
Begpiiescat in paoe.
D'après le P. Benoît, le lieutenant général au bailliage
François Favier, depuis conseiller à la Cour souveraine de
Colmar, rechercha, vers la fin du xvn* siècle, les antiquités et
les monnaies trouvées à Toul. a Celles-ci étaient si communes,
dit le capucin, qu'elles se vendaient au poids, même les plus
rares et les plus curieuses, et on en faisait si peu de cas que
les enfants les mettaient au jeu comme ils auraient fait d'un
liard. »
Celles qui furenttrouvées, lorsqu'on construisit les nouveaux
remparts de Toul et dont la plupart furent presque toutes
envoyées au cabinet du roi, furent décrites par le bénédictin
Dom Joachim de la Roche à l'abbé de Senones. Celui-ci vint
souvent à Toul. Un jour, il signala à un M. Paris plusieurs
blocs de pierre taillée qui gisaient derrière la cathédrale
parmi lesquelles était la figure de la déesse Trivia que M. Paris
fit transporter dans la cour de la maison Groselier.
Vers la même époque, le chanoine de Maimbourg instruisait
le célèbre P. de Sirmond de la trouvaille d'une statuette de
Mercure dans les fossés de la ville.
Le capitaine Duplessis, du régiment de Normandie (cava-
lerie), avait recueilli des monnaies trouvées à Toul, et M. de
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LES EX-LIBRIS DANS LSS TROIS ÉVÉCBÉS 159
ViUement, ingénieur des travaux, avait ramassé de son côté
tout ce que Ton trouvait lors de la construction delà nouvelle
enceinte ; le P. Benoît était chargé par les Bénédictins, de
faire un catalogue. Il déclare n'avoir vu qu'une monnaie épis-
copale du xvi* siècle en fait de monnaie locale.
L'antiquaire Lemoine, de Moyenvic, était en grande corres-
pondance avec trois Toulois dans la seconde moitié du siècle
dernier. Leur correspondance très intéressante a été mise en
vente à Metz, lors de la dispersion, en 1850, de l'importante
collection Emmery.
Le procureur du roi au bailliage, Henri, ^ donnait en 1761,
1762 et 1763 des détails très curieux sur la compagnie des
Cadets Dauphin, sur les prix accordés à l'abatage de l'oiseau;
il décrit la médaille donnée à cet effet. Puis il donne quelques
renseignements sur des livres publiés à Toul, il termine en
décrivant les archives de la ville, de Tévôché et de la cathé-
drale.
L'avocat Vautrin (1763-1766) s'occupe principalement dans
ses lettres de questions historiques et de numismatique
touloise.
Enfin le troisième, Thouvenin, l'ex-échevin, donne en 1783, la
généalogie des comtes de Metz, de Verdun et de Toul, avant
la réunion des évèchés. Thouvenin a laissé des manuscrits
précieux pour l'histoire de son époque.
Parmi les autres lettrés toulois, on peut citer le président
Pallas, qui obtint un prix d'éloquence à l'Académie française
en 1735 ; Nicolas Clément, le garde de la bibliothèque du roi,
l'auteur de la défense du siège de Toul, il légua au cabinet
des estampes sa magnifique collection iconographique sur le
règne de Louis XIV; Sellière, curé de Maizières, correspon-
^ Le procnreor du roi Henri, avec MM. BicqniUey et Thouyenin,
est l'antenr des mémoires concernant le démembrement du diocèse et
annobUssement dn chapitre, présenté an Parlement, à la Cour, etc.
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160 REVUE d'aLSACE
dant de TAcadémie de Metz en 1782; Nicolas Dusaulchoy, le
joyeux président des Soupers de Momus, etc.
Le premier conservateur du musée de Nancy, et pour lequel
la place fut créée, fut un ancien officier des guerres d'Amé-
rique, ancien capitaine d'artillerie, chevalier de Saint-Louis,
Jean-Victor Huguenin de Launaguais, membre de l'Académie
royale de Nancy, inscrit, en 1788, au matricule de la noblesse
du bailliage. Il avait un très beau cabinet d'histoire naturelle.
Il trouva, le premier en France, dans la glaisière de Bouvron,
le sulfate de strontiane en masse striée et fibreuse. M. de
Launaguais fut le parrain de Charles de Villers, cet aimable
philosophe de Boulay, qui fut l'amant de tous les bas bleus
célèbres de son temps.
De nos jours, les travaux géologiques sur Toul et son
arrondissement ont fait connaître honorablement leur auteur,
M. le pharmacien Husson. M. le docteur Denis (de Commercy)
s'est appliqué avec succès à des études approfondies sur la
chimie. Ce praticien distingué a laissé, outre son cabinet
scientifique, une belle collection d'antiquités locales, dont il
poursuivait l'étude avec la plus grande ardeur dans ses rares
moments de loisir. On doit aussi citer les travaux scientifiques
de MM. les docteurs Leclerc et Bancel.
Voici ce que dit la Revue anecdotique (Paris, 1859, t. vm,
p. 247) de la collection de M. Dufrêne, conseiller de préfecture
honoraire, aimable octogénaire, le dernier leuquois qui fait
avec tant de bienveillance aux chercheurs les honneurs de sa
demeure, rue des Prisons militaires, à Metz : « Médailles,
livres, bahuts et cadres sculptés, une assez grande quantité
de chartes des xiir, xiv* et xv siècles; entre autres tous les
comptes de la maison de Charles-le-Téméraire au siège de
Nancy. Recherche avec passion tout ce qui a trait à l'histoire
de Toul. » En efiet, il existe peu de collection locale aussi
complète sur une cité, il est vrai que M. Dufrêne a mis
plus d'un demi-siècle à la former. Les rares opuscules qu'il a
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LES n-LIBRIS DANS LIS TROIS ÉVÉCHÉS 161
publiés sur sa ville natale, sont une preuve de ses minutieuses
recherches. On sait que le beau volume sur la sigillographie
de Toul, par M. Ch. Robert, a été écrit grâce à l'active coopé-
ration de notre respectable collectionneur.
Enfin avant de terminer, nous ne pouvons pas nous dispenser
de parler de la faïencerie de Bellevue, près de Toul, bâtie en
1758, et dont les produits sont si recherchés; le célèbre
sculpteur de Lunéville, Cyflé, y travailla quelque temps, et on
conserve soigneusement les moules de ses charmants groupes.
Les exrlihris contemporains sont très rares; citons, sous la
Restauration, celui du receveur particulier, modestement
imprimé dans im carré à double filet:
DE LÀ BIBLIOTHÈQITB
DE
THIEBRT PETIT -JEAN
A TOTTL.
et de nos jours celui du docteur Em. Bonnejoy, né à Marines
(Seine-et-Oise) en 1833, d'une famille originaire de Farrondis-
sèment de Toul, demeurant à Chars en Veûn ; il possède une
bibliothèque de près de 4000 volumes, où Ton remarque de
nombreux incunables et de manuscrits sur vélin, dont un du
Tn* siècle en onciales, etc. Il recherche particulièrement tout
ce qui a rapport au Vexin français, livres, gravures et monu-
ments, qu'il a joints aux collections numismatiques et con-
chyologiques paternelles. Charavay a publié dans la Bevtie
des documents historiques quelques unes de ses chartes les
plus anciennes (1113 à 1177).
Nous donnons ici Vex-libris de M. le docteur Bonnejoy,
dessiné et gravé par lui, et qu'il a bien voulu nous envoyer.
La composition en est très originale: au fond, au milieu du
parc son habitation; au premier plan un livre sur lequel on
lit: Ex'libris Docteur Bonnyoy, puis à droite des attributs de
NoiiTella Séne. — 11" année. 11
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162 REVUE d'alsacb
médecine, potions, pillules exposant le symbole macabre; au-
dessous la fontaine minérale qu'il a retrouvée près de Chars;
un charmant ruisselet en sort et fait bordure au dessin; au-
dessous la devise du docteur, ancien inspecteur des eaux de
Forges, salus ex undis, puis plus bas, E. Bmnejoy dél
ék 8C, 1875.
APPENDICES
NOËL
sur V anoblissement du chapitre, par J.-B. BicquiUey,
ancien garde du corps du roù
Pour adorer Tenfance
De Jésus nonvean né.
Le chapitre s'avance
De la croix décoré.
Joseph dit : « Vous voilà des abbés d'importance,
Renoncez à la vanité,
C'est ponr prêcher l'hamilité
Que Jésus prend naissance. >
«Pour entrer au chapitre,
Répondit Ghamporcin, ^
L'on n'avait d'autre titre.
Que d'être homme de bien,
^ L'évêque eut une réception splendide lorsqu'il vint pour la pre-
mière fois à Toul. < J'ai tout fait pour le mieux, > était son expression
favorite.
Parmi les chanoines il y avait des fils de boucher, de meunier, etc.^
(ce qui leur faisait honneur). On disait plaisamment que leur nouvelle
croix était une pierre à détacher.
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LES EX-LIBUIS DANS US TROIS ÉTÉCHÊS 168
J^&i ioui fait pour le mieux, par mes soins, mon adresse.
J'en écarte le citoyen
Pour quelque prestolet lointain
Qni pronye sa noblesse. >
Joseph, quoique bonace,
Lui dit: «Mon bon prélat,
L'on doit tous rendre grftce
Pour ce beau coup d'état,
B^ l^s pauvres Toulois, au sein de l'indigence,
Verront venir de Pezenas
Des faméliques en rabat.
Dévorer leur subsistance. >
Yantoux prend la parole.
Et dit : « Point de débat,
L'église métropole
Exige de l'éclat,
^^Issons aux tonsurés de famille inconnue,
A des gredins, à des pieds plats,'
Des cures, des vicariats
A portion congrue. »
€ Quelle est cette éminence? >
Demande le bon Saint.
— «Un homme d'importance.
En un mot, le doyen ;
Glorieux des exploits de Monsieur son grand père,
n servit dans un régiment.
Mais il ne fut du tout méchant,
Sous l'habit mOitaire. »
Phraseur impitoyable,
Ecrivain froid et lourd,
Montignot, dans l'étable.
Fit un fort beau discours.'
' Très haut avec ses inférieurs, M. de Yantoux appelait tout le
monde : gredinSj manants, pieds plats, gens de rien. Ce qui excita le rire
de tous, lorsqu'on connut son histoire. Etant lieutenant au régiment de
Toumaisis, il dut donner sa démission, sur l'injonction de ses cama-
rades, ayant refusé de se battre en duel, après avoir reçu un soufflet.
* Yoir ce qui a été dit sur ce chanoine.
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161 RBVUB d'aLSACE
Tandis qu'il épuisait les fleurs de riiétorique,
Le bœuf et l'âne s'extasiaient,
Les autres assistants baillaient.
En style académique.
Joseph dit: «Ce grand homme
Me parait bien diffus;
J'ai dormi d'un bon somme,
Pendant tout son Phœbus,
Ne ferait-il pas mieux de lire l'Evangile,
Et pour secourir son prochain
L'exemple du bon Samaritain
Lui serait bien utile. »
Tandis que l'on tourmente
Le diyin nourrisson,
Ducrot vient et présente
Sa protestation;^
Dubetex l'a chassé par ordre du chapitre.
Et se trouvant sans feu ni lieu,
n demande asile à son Dieu
Et le fait son arbitre.
Quand Lacour, le faux firère'
Du citoyen fauteur.
Veut faire la prière
Au bureau du Sauveur.
Le chapitre s'enfuit^ Lacour seul de sa bande,
Fait à Jésus son compliment.
Sans diacre, sans un assistant,
Sans qu'on aille à l'offrande.
' Le chanoine Ducrot (1760) crut devoir envoyer par huissier sa
protestation contre l'anoblissement du chapitre. Cet acte judiciaire ne
fut pas mentionné dans le procès-verbal. Les chanoines, du reste, en
eurent une telle colère, qu'ils résolurent de mettre en quarantaine les
chanoines opposants, et de ne plus les saluer, môme à l'office. Le cha-
noine Dubetex (1748) qui avait Ducrot en location fat forcé de le
mettre à la porte.
' Le chanoine Lacour (1751), un des opposants les plus ardents contre
la décoration, fut mis à l'index; on jura quand il serait de semaine,
qu'on ne lui ferait pas diacre ni sous-diacre et qu'on n'irait pas à
l'ofrande.
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LES BX-LIBAIS DANS LBS THOIS ÉVÉCHÉS 165
Peu fait à la cabale,
Joseph était tremblant!
« Quel horrible scandale,
Dit Drooas en pleurant, ^
^^dcntes le courroux du Dieu qui tous contemplei
En cessant d'6tre citoyens
Soyez humains, soyez chrétiens,
Vous en devez l'exemple. >
< Que de yaines paroles,
Dit Tardif en fureur,*
Je gagne cent pistoles,
0 y ya de l'honneur,
^oixr défendre ma croix, je perdrai mes Teilles,
LaiflsonB tout scrupule à l'écart.
On met religion à part
En afiaires pareilles. »
Tranchant du petit-mattre,
Beurard parait surpris,
Qu'on le fasse paraître
Dans un pareil taudis ;
«Comment, point de sopha, point de boudoirs, de glaces,
Point un groupe Toluptueux?
Cest un appartement de gueux.
J'abandonne la place 1 >
Joseph perd patience
Et lui répond soudain :
« Un peu moins d'insolence.
Petit abbé poupain,
Snr Yos exploits galants, gardez mieux le mystère!
Le bruit ne convient qu'au plumet;
Mais un moine en petit collet,
Devrait saYoir se taire! >
' Drouas de Boussey, grand-chantre, honnête homme, frère de l'an-
cien évéque.
' Cest avec des larmes de joie que M. de Tardif d'Hamonrille,
archidiacre de Port, yient annoncer au précédent qu'on assurait aux
archidiacres une somme annuelle de cent pistoles ^ titre de dédommt^-
gemenl
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1^ REVUE D'ALSACE
Pour finir la séance,
Le père nourricier
Tira sa réyérence
Et dit an corps entier :
« Je snis édifié de tous les gens d'église,
Depms les clercs jusqu'aux abbés,
Allez, messieurs les savonnés,
Le bon Dieu tous bénisse 1»
II
COMPLAINTE
mr la défense de porter la croix hors la province
Du noble Pagel dit Yantouz,
Dojen du chapitre de Toul,
Aussi noble, que son chef même.
Plaignons la douleur extrême;
Lui et tous ses confédérés
Méritent bien d'être pleures.
Du plus foudroyant des Edits,
Ils sont, hélas I tout interdits.
De la douleur voyez l'emblème
Sur leur visage pâle et blême.
Et pour leur consolation.
Chantons leur désolation.
Ce qui est le plus douloureux
Pour ces chevaliers malheureux:
C'est que Louis seize en personne,
Ce grand Roi dont l'&me est si bonne
Qu'O nous porte tous dans son cœur
Est l'instrument de leur malheur.
Monsieur l'abbé de Champorcin
K'a plus qu'une croix sur son sein,
Ce grand successeur des apêtres,
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LU BX-LIBRIS DANS LB5 TROIS ÉYâCHÉS 167
En a déjà porté bien d'autres,
Et jamais il n'en manquera,
Monsieur de Yantouz y pourvoira.
Que derenir sans croix aussi,
(Comment se montrer à Nancy,
Illustre abbé de Bonneyille?*
ITest-ce pas une chose yile.
Pour une si noble tournure,
D'être Yétu comme un curé?
Pallas, * étalez tos deux croix
Quand tous partirez pour Chaloix,*
Surtout ayez de la prudence,
Quand tous serez à la potence,
' Henri-Louis Pelet de Bonneville, né à Nancy, reçu en 1767, tré-
sorier, puis grand-chantre du chapitre et vicaire général, conseiller-clerc
sa parlement de Nancy, demeurait à Monbois (faubourg de Boudonville)^
membre de l'Académie, fondée par Stanislas, y lut, après le rétablisse-
ment de celle-ci, quelques passages de sa traduction de Senèque, qui
fat imprimée en 1803; après le Concordat, chanoine honoraire de la
cathédrale.
(Y. ce que dit Lionnois sur la charmante propriété de Monbois).
* Pallas (1742), promoteur du chapitre? Il y avait alors trois Pallas,
chanoines (1746, 1767). Un d'eux se chargea de démolir la statue en
bronze de Saint-Gérard, qui s'élevait au milieu du chœur sur son tom-
beau par six gros pieds, aux frais du chanoine Ferry de Yoid, en 1306;
mal lui en prit, selon le poète:
Monsieur Pallas dont on avait fait choix
Pour présider à l'œuvre méritoire,
Youlant du saint honorer la mémoire
Le fit ôter et le vendit au poids,
Pour le livrer, Pallas travaille, sue,
Yeut le briser à grands coups de massue.
Le saint, de cuivre, à qui ce jeu déplaît.
Au lourd marteau répond avec la crosse.
Saisit Pallas que rudement il rosse.
Atteint la jambe et la lui casse net.
Les vieux Toulois virent dans cet accident un juste châtiment pour
l'obstination à démolir l'antique tombeau et pour son remplacement
par un dallage noir et blanc.
* Où se dressait le gibet, au-dessus de la Charognerie, près de Saint-Epvre.
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168 BBTDB D*AUAGI
Adieu oordooBy croix et gnmdeiuB,
Cest le terme de tm honiieiuB 1
YouB qui portez de si bon air,
Un collier ronge et bonnet Tert,
Sans sonlier, sans cheral ni chaise,
A pied, cheminez à YOtre aise.
Allez sans croix, ne craignez rien.
Partout on tous reconnaîtra bien. ^
Allez sans croix, abbés ardents.
Vaquez à yos exploits galants.
Montignot» Soffi,* HamonTille,*
De nuit, faites le guet en ville.
On TOUS prendra pour des abbés
Du grand Séminaire échappés.
m
DEVISES TOULOISES
Eudes de Sorcy, évëque, sur son contre scel, 1228.
Deu8 aâQuva me.
Hugues des Hasards, évêque, 1517.
Moderaia durant. — Calculez Uen.
Sur son tombeau : Vita hominis, Nasci, hborare, mori.
Hector d'Ailly, évêque, sur un jeton, 1532.
Nasci, lahorare, mori.
Toussaint d'Hocédy, évoque, 1547.
Inter utrumque vola.
^ De Sublet d'Heudicourt-Lenoncourt, 1773.
' Le comte de Soffî de Gemeck, magnat de Hongrie.
* Tardif dUamontille nUnor. 1767.
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LB KX-UBE18 l»Alf8 LES TlOIS ÉVÉCHÉS 169
Le cardinal de Yaudémont, évêque, 1587, sur un jeton :
Merito d^endo tuentem.
Pierre Jacobi, imprimeur, 1507.
Solafides suffiàt onjides ficU.
Claude Guyot, chanoine de la cathédrale, 1599.
Fosuit in eo dominus iniquitatem omnium nostrum (Isale),
au-dessus, le Christ en croix.
Jean de Barba, chanoine, qui fit reconstruire la chapelle de
tous les saints, 1550.
Anchora mea Deus.
Goiimay, évëque.
Orbe n^ente, codent.
Jean de Lorraine, évoque.
In manibus ttùs sortes meœ.
A relise SaintrGengouIt
Jliensura in rébus optima, u . cccc . xu .
Sut une maison de la place Croix de Fust, 1590 :
Ncisci, laborare, mori.
Sur une maison rue Michatel (od habita Bossuet):
Fortuna Comité^ Fortuna lente, 1515.
Sur le frontispice du Commentaire des cantiques de Moyse.
Lyon 1619. Quatrain manuscrit:
Mon âme pleine de douceur,
Souspire à Vous, Dieu de mon cœur.
Et toute contente, elle s'écrie :
Vive Jésus, Vive Marie t
Abthub Benoit.
{A suivre,)
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LÉGENDES ET TRADITIONS
BECUBniiLIES SUB
Saint- DiziER, Villars-le-Sec, Croix, Montbouton,
Beaucourt, Fesche-l'Eglise, Lebetain et le hameau
DU Val.
On rencontre en France des yestiges
de tons les âges de l'humanité.
TUBFPERD.
La commune de Saint-Dizier était, avant la grande Révolu-
tion, le chef-lieu d'une mairie dont dépendaient les villages de
Villars-le-Sec, Croix, Montbouton, la moitié de Beaucourt,
Fesche-l'Eglise, Lebetain et le hameau du Val, qui a toujours
fait partie de Saint-Dizier.
Les ressortissants de cette mairie lui payaient une rede-
vance annuelle.
Les sujets de la seigneurie de Délie à Fesche devaient pour
leur «coste de la dette de la Mayrie la censé de 59 liv. 3 sols ;
les Français^ de Bocourt devaient 18 liv. 4 sols; la communauté
de Villars 77 liv. 9 sols; Montbotton devait 73 liv.»^
Le territoire de Saint-Dizier touchait alors, comme encore
aujourd'hui, à celui de ces six villages, et des chemins, dans
^ Les Français, dans la pièce que nons consultons, sont ainsi appelés
par opposition aux sujets de Bourgogne, dont Beaucourt était aussi
peuplé.
' Nous n'avons pas pu découvrir ce que les autres communes devaient
à la mairie.
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LÉGENDES ET TRADITIONS 171
im état très défectueux, venaient, & travers les bois, aboutir
au village de Saint-Dizier sans se souder Tun à l'autre. Ces
chemins avaient été établis dans un but plutôt administratif
et religieux que conmiercial, car tous ces villages dépendaient
non-seulement de la «Mayrie» mais aussi de la paroisse de
Saint-Dizier, qui était certainement une des plus anciennes et
des plus considérables de la contrée. Ce petit coin de pays se
nommait le Houi-Pays^ la Haute-Mairie ou la Mairie de
Saint-Dizier.
L'antiquité de la paroisse de Saint-Dizier est prouvée par
des titres d'une authenticité incontestable. Nous savons, en
effet que, par une charte de Tannée 728, le duc Eberhard
d'Alsace fit don de cette église à l'abbaye de Murbach. Datira
(Délie), cum Basilica, uU sanctus Desiderius in carpore quiesdt,
vd guod ad ipsam Ecclesiam aspicere videtur.
 l'époque de cette donation, Téglise de Saint-Dizier était
déjà très importante puisque la charte en question la qualifie
de BasiUque, terme qui, comme chacun sait, ne s'appliquait
qu'aux églises remarquables, églises royales.^
L'importance de cette paroisse, & une époque aussi reculée,
prouve évidemment que ce petit coin de pays était habité dès
les temps ante^historiques. Nous allons essayer d'en donner
des preuves par les monuments que les populations celtiques
nous ont laissés dans la contrée.
Le culte druidique y a été en grand honneur, si l'on en juge
par les épaves de cette religion mystérieuse qui sont parvenues
jusqu'à nous. Il est même à croire que nos montagnes du bas
Jura ont été habitées dès l'âge de pierre. Nous avons, en effet,
trouvé, il y a plus de trente ans, une joli 3 hache celtique en
silex, qui est déposée au musée archéologique de Belfort ; un
grand nombre de cailloux qui ont servi à polir la pierre et
^ Supraacripla namque eodesia ciim fuit regalis àbbaUtk. Gbandedieb,
1 1, p. 243.
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173 HIYUB d'ALSACB
une infinité de fragments de vases à pâte noire dans laquelle
on a remarqué des grains de sable siliceux. Plusieurs de ces
fragments sont très bien modelés et tous ont été trouvés à
proximité de Téglise, dans un jardin.
Les monuments les plus nombreux de Tépoque celtique et
de répoque gallo-romaine se rencontrent dans les dénomina-
tions territoriales. Nous allons en citer quelques-unes comme
eUes se présentent à notre mémoire :
Nous avons le chemin des quoAreJaus, des quatre hêtres ou
foyards. Le FaUat, fal, falaise, lieu aride, mauvais, chétil Les
Essarté, pftturage boisé, chaive, chu = sur, aive ^ eau, on dit
encore avié, évié, pierre d'eau. Les Fesses, les sapins. Les Begies,
les haies, le Tout,* trou creux.* J)om, Dues, Dieu = Déesse. Ce
nom s'applique aux sources qui sourdent des cavités de
rochers. Charrière, char, les GombàUes, les combes de Bel ou
Belus, Le Bupt, rupes, roches, La Faye, la Fée, d'où nous
seraient venus, fagot, faine, fatum, fada. Ora, c6teau aride.
Les Norreux, les nouvelles cultures. Indépendamment de ces
noms de lieux encore en usage aujourd'hui et dont Torigine
est évidemment celtique pour les uns et gallo-romaine pour
d'autres, il y a encore dans cette région des monuments par-
lants que nous pouvons sans témérité faire remonter à P^^oque
druidique. Le premier de tous ces monuments, et le plus
connu, se nomme les Pas ou Passées du Diable ou de Saint-
Dizier. On lui applique indistinctement cette double appel-
lation.
Ces Pas de Saint-Dizier ou du Diable sont huit empreintes
ou érosions marquées sur un énorme monolithe plat qui gtt
à terre depuis un temps très reculé. Cette pierre est couchée
non loin du petit village de Villars-le-Sec, sur les coniins de
^ En Bretagne il y a le Toul Ahès, le Gonffire d'Ahès. Foyer breton.
* Cra, coteau, roche, pierre, caillou. La Grou, plaine ImmenBe cou-
terte de caiUoux près du BhônOi entre Arles et la mer.
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LÉGSNBBS ET TBADinORS 178
la Suisse, auprès du chemin qui se dirige du val de Saint-
Dizier vers Porrentruy. Elle est placée dans une dépression
de terrain en forme de cirque très régulier qui a Pair d'avoir
été formé de main d'homme. Le rayon de ce demi-cercle
mesure environ cent mètres et le diamètre à peu près soixante
mètres. Le monument qui nous occupe est placé dans Taxe
exact de la figure que cet hémicycle décrit De tous les points
de cette enceinte semi-circulaire la vue peut se porter aisé-
ment sur le monolithe, et la voix d'un orateur, placé sur cette
pierre, pouvait être entendue de tous les auditeurs groupés
dans cette enceinte; et, chose digne de remarque, le sol de ce
cercle était entièrement dépourvu d'arbres. Nous l'avons
encore vu à l'état de clairière, tandis que tout à l'entour il y
avait une forêt très épaisse. C'était, en un mot, un petit pâtu-
rage oh l'on conduisait les chevaux malades. On raconte
même que plusieurs sont retournés à leurs étables entière-
ment guéris; on sait que les peUmses au milieu desjarêts sont
considérées comme des enceintes sacrées naturelles.
Notre monolithe affecte une forme très irrégulière. C'est
une espèce de polygone, qui mesure trois mètre^dans sa plus
grande longueur et deux dans sa plus grande largeur. Cette
pierre était encore, il n'y a pas longtemps, en grande vénération
dans le pays. Il y a tout à côté une croix de bois qui a été
renouvelée d'âge en âge, et aucune de ces croix n'est tombée
en ruine par suite de vétusté; elles ont toutes été usées par
les éclats de bois que les passants leur enlevaient et qu'ils
conservaient comme des talismans qui leur procuraient un
heureux voyage. Après avoir enlevé cette esquille, les voya-
geurs crédules traversaient la pierre en ayant soin de poser
leurs pieds dans les empreintes que l'on appelle les Pas de
SainUDisner. Ces empreintes sont au nombre de quatre. Les
deux du milieu sont les plus profondes, elles ont cinq centi-
mètres d'enfoncement Les deux autres sont & peine visibles.
Elles ont exactement la forme d'un pied d'honmie chaussé
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174 REVUE d'alsace
d'une sandale. Les quatre autres sont les Pas du Dia^Ze; elles
ont la forme d'un pied de bœuf, elles traversent la pierre de
part en part.
Voici, sans aucune altération, ce qu'une tradition constante
rapporte sur la signification de cette pierre et des empreintes
qu'on y remarque :
«L'évêque saint Dizier allait du village de Bure à celui qui
s'appelait alors le Mont et qui s'appelle aujourd'hui Saint-
Dizier. Le saint évêque fut rencontré près de ce monolithe
par le diable qui voulut se livrer sur lui à des actes de
violence et l'emporter au loin. Mais l'ennemi du genre humain
fut arrêté dans sa criminelle tentative par un miracle. Les
pieds du diable s'enfoncèrent dans la pierre, le maudit resta
planté là et ne put s'en tirer que par la grâce du saint évêque*
Mais les pieds de saint Dizier ne laissèrent qu'une légère
empreinte sur la pierre qui s'amollit sous ses pas.»
Comment expliquer l'origine de ces empreintes ? Sont-elles
le résultat d'un miracle, ou un jeu de la nature? Libre au lec-
teur d'en penser ce qu'il voudra. Nous citerons toutefois un
fait analogue qui est rapporté dans la vie de saint Rémi, où il
est dit, que ce saint, après avoir éteint un incendie dans la
ville de Reims, laissa l'empreinte de ses pas sur le seuil d'une
des portes de la ville. Les légendes des saints signalent des
faits de ce genre. La mythologie et l'histoire en rapportent
également Les Arméniens croient que le patriarche Noê a
laissé l'empreinte de ses pieds sur le sommet du mont Ârarat
Si la tradition que nous venons de signaler est un de ces
nombreux vestiges du paganisme parvenus jusqu'à nous, nous
croyons que la pierre vénérée, qui fait l'objet de ce récit, était
un menhir druidique comme la Pierre percée de Courgenay,
ou la Pierre constellée de petits trous de la BouUoie, ou encore
le Trilithe de Bure qui, selon M. Quiquerez, était un dolmen .
Notre pierre des Pas de Saint-Dizier était dressée debout.
C'était un autel élevé à la divinité adorée par les Druides.
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LÉGBMDBS ET TRADITIONS 175
Elle était plantée dans Taxe géométrique d'un cirque, dans
Tenceinte duquel pouvaient se placer aisément deux mille per-
sonnes, qui toutes pouvaient voir et entendre le vieux
Semnotée de la forêt prêchant les dogmes de sa religion mys-
térieuse à tout un peuple rassemblé des villages environnants.
^Les Celtes n'avaient pas de temples; comme les nations les
plus anciennes de l'Orient, ils adoraient de grandes pierres
rudes et informes. Ces colosses grossiers taillés par la natiire
avaient, dès la plus haute antiquité, frappé Vimagination des
hommes grossiers et Us en avaient fait des dieux.^
Or, à l'arrivée de saint Dizier dans ces contrées, vers les
années 670 à 673, la religion chrétienne n'y était pas encore
généralement répandue. Les monuments du culte druidique
étaient pour la plupart encore debout et inspiraient une
grande vénération à nos ancêtres superstitieux. Saint Dizier,
ayant reconnu que le peuple rendait une espèce de culte à
ces monuments érigés à l'esprit des ténèbres, fit abattre notre
menhir et le foula aux pieds.^ Le peuple, pour affirmer sa foi
suivit l'exemple du saint évêque, et cette pratique de marcher
sur cette pierre en posant le pied sur les Pas de SaintrDizier
est parvenue jusqu'à nous. On a élevé une croix de bois à
côté de ce menhir renversé, afin de sanctifier par le signe de
la Rédemption le lieu consacré aux divinités du paganisme.
Le monument antique que nous venons de signaler n'est
^ La religion chrétienne, apportée de bonne henre dans nos mon-
tagnes, n'ent pas tout d'abord des prêtres nombreux ponr reiller sur
son berceau. Il fallut des siècles avant que Torganisation des paroisses
fût régularisée. Ceux qui arrachèrent les populations à ridol&trie et
aux coutumes implantées dans nos forêts, au fond de nos vallées et sur
les rives de nos torrents, ne vinrent que de loin en loin les soutenir
dans la foi et les initier aux pratiques de la vie nouvelle, puisque
saint Agile et saint Eustase, qui arrivèrent en ces contrées en 610,
j trouvèrent encore des idoles dans les bois. L'abbé Na.rbbt, Les hautes
Montagnes du Doubs, pp. 72-73.
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176 REVUE D'ALSACE
pas le seul qu'on rencontre dans ces parages. Si le lecteur
veut bien nous accompagner vers l'Orient, & travers une cam-
pagne ondulée, tourmentée, offirant à la vue, d'un côté, une
forte dépression de terrain et, sur un autre c6té, une espèce
de ravin formé par les eaux pluviales, on arrive, à cinq cents
mètres des Pas de SaintrDizier, sur une lisière de bois très
étroite qui forme le couronnement de rochers & pic qui déter-
minent de ce côté la limite de l'ancien fief rural de l'évêque
de Bâle.
Ce lieu est un petit hameau composé de sept maisons qu'on
nomme le Maira.* Ce hameau était autrefois entouré de bois
de toutes parts; son enceinte n'est défrichée que depuis quel-
ques années, du côté de Bure. Cette vaste campagne, très
petite et bien cultivée, était un ancien glacier qui a été mis à
sec dans des temps relativement récents. Le sol qu'occupe le
hameau a conservé une grande humidité, qui va se déverser
dans un vaste estuaire qui n'est jamais & sec, même en été.
Ce nom de Maira rappelle à la mémoire les Déesses Mères,
les Dene Maires. Les Maires, Mairae,mbrea des dieux, furent
adorées comme déesses protectrices par le bas peuple qui
leur rendait un culte semblable à celui que les Romains
avaient coutume de rendre aux Nymphes.^
 droite de Villars-le-Sec, sous des roches en forme de coi>
niches, il existe un monument que nous ne signalons qu'avec
une certaine réserve et une timidité d'autant plus grande
qu'aucun des archéologues distingués du pays de Porrentruy
ne l'a signalé. A notre avis, il est cependant digne d'attention:
Au milieu d'un énorme rocher sourd une petite fontaine qui
débite à peu près un litre d'eau par minute. Cette eau est très
claire. Elle coule & travers une petite rigole dans une écuelle
ou cuvette ayant la forme d'un crâne humain évidé. Les parois
* Il est en Saisse, commune de Baix.
* AuTBCBLAaBB, I, 61. | D. MoNKiBB, pomm.
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LÉGENDES ET TRADITIONS 177
obliques de ce petit récipient portent les empreintes de cinq
griffes d'oiseau bien marquées, bien fouillées. L'eau de cette
cuvette se déverse au moyen d'un goulot dans un grand bassin
en forme de carré long qui a l^JO de longueur, 0",40 de lar-
geur sur O^'fôO de profondeur. Les côtés ou parois de ces deux
bassins sont parfaitement polis comme du marbre. On ne
remarque aucune trace d'outil en métal. Les deux creux sont
parfaitement évidés. On se demande naturellement ce que
signifient cette fontaine et ces deux récipients dont on ne se
sert point Les animaux domestiques, dit-on, ne veulent pas
boire de cette eau.
La légende, ici comme ailleurs, vient à notre secours. Elle
nous apprend que le bon Dieu fit un jour la rencontre du
diaMe sur ce rocher et lui dit:
— Que fais-tu id, maudit?
. — Qu'est-ce que cela te fait II s'en faudrait de peu que je
fisse ici un trou pour te mettre dedans.
— Puisque tu as si bonne envie, lui dit le bon Dieu, com-
mence, et celui qui aura fini le premier y mettra l'autre.^
En quatre coups de doigt, le bon Dieu eut fini le sien. Le
diable ne put faire que la cuvette qui porte encore l'empreinte
de ses griffes. Le bon Dieu alors précipita le diable dans le
grand trou, puis le recouvrit d'une énorme pierre qui gtt
encore au pied du rocher. La tradition s'arrête là, elle ne nous
i^prend rien de plus. Elle nous laisse ignorer l'usage que l'on
faisait de ces deux récipients, dont le plus grand est taillé à
vives arêtes avec beaucoup de soins et de netteté dans une
pierre excessivement dure.
Cette source mystérieuse est encore l'objet d'un culte
^ Yoici le patois de ce dialogue entre le bon Dieu et le diable :
Quace que te faipai chi modi. Quaoe que cola te foi. Diaire n'ai tènrai
qui fero m peUih/u oèdeoain qui te fotero dédain. Puaque te M bohme
enoietai quemence. Ce tu querrai fèni le premie y botterai Votre.
NoayeUe Série. — 11-* année. 12
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178 REVUE d'alsace
inconnu. J'ai eu la curiosité de vider le grand bassin. Il était
plein de pierres, dont un grand nombre étaient étrangères èi
la région. Il y en avait d'autres qui affectaient une forme
ronde, et toutes étaient de petite dimension. On va chaque
année, èi Tépoque des Rogations, en procession à cette source.
On y va aussi chercher de l'eau pour les yeux.*
Doitron conjecturer que ce rocher était une pierre à
cuvettes ou bassins ? Dans ce cas elle serait aussi un de ces
mystérieux témoins des plus anciens âges dont elle a gardé le
secret. Elle aurait vu couler le sang des victimes humaines,
dont l'imagination semble encore entendre le rftlement de
l'agonie, Ce lieu sinistre, désert et sauvage porte à la tristesse.
Il n'y a tout autour que rochers renversés dans des brous-
sailles et des terres sans culture.
Une autre tradition plus agréable à l'esprit se rapporte à
une fontaine qu'on appelle la i'Towteme Dellain ou DéUein.
Elle se trouve sur le territoire de Saint-Dizier. Elle est aussi
située sous un rocher dans une petite colline qui donne nais-
sance au vallon des Prés de Vaucomté, et, chose singulière,
elle porte, comme la fontaine du Maira, le nom de fontaine
Dellain. Nous estimons que le nom de D^îtoin veut dire petite
vallée; Délie mOée, lein ou khin^ petite. Ici, comme dans beau-
coup d'autres cas, un nom teutonique a été juxtaposé à un
nom celtique, et, comme les noms celtiques définissent la chose
à laquelle ils s'appliquent, notre opinion serait justifiée par
l'état des deux localités, qui sont deux petites vallées, deux
petites collines. Nous avons dans le pays plusieurs localités
qui portent ce nom et qui sont toutes situées dans des vallées.
Nous avons Délie, Delémont, Dale ou Dasle, Dalotte. Il y a en
' Chose digne de remarque, le Maira occupe nn point antoor duquel
Tiennent converger les ckemins de Milandre, Buix, Bure, YîUars-le-Sec,
Saint-Dizier et Lebetain sans se souder Tun à l'autre. Ce fait prouve
éyidemment que le Maira était un centre religieux fréquenté par toutes
les populations du voisinage.
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LÉGENDES ET TKÀDITIOMS 179
outre, dans le département du Nord, la Deule, la grande
rivière et la vallée de la Deulc.
Nos deux fontaines Dellain, celle du Maira et celle de Saint- ^
Dizier, étaient fréquentées par la voivre.^ Par une belle nuit
d'automne la voivre allait, à travers les airs, de la fontaine
du Maira h ceUe de Saint-Dizier. Elle fut aperçue par des
bergers qui gardaient leurs troupeaux dans les champs sur
Vaucomté, ils virent briller le diadème qui ornait sa tête. L'un
d'eux, plus hardi et surtout plus ambitieux que ses camarades,
se hâta d'accourir à la fontaine Déllein atin de s'emparer du
diadème qu'elle déposait, pendant qu'elle faisait sa toilette,
sur une grande pierre plate qui est encore là. Mais notre
jeune berger fut tellement ébloui de l'éclat des diamants qui
ornaient le diadème, qu'il en fut subitement frappé d'une
cécité complète. Il resta dans cet état pendant quelque temps
et fut l'objet des risées de ses camarades; s'il avait pu s'em-
parer de ce précieux diadème, il eût été riche èi millions. De
là peut-être l'usage que l'on fait de l'eau de la fontaine pour
les maux d'yeux.
Non loin de la fontaine Dellein de Saint-Dizier, nous remar-
quons encore une dénomination territoriale qui rappelle le
paganisme; c'est la Combe OuïUaume. Les Bretons appellent
le diable le Chrand Ouïlla/ume?
Après cette digression, revenons aux Pas de Saint-Dizier,
dont le voisinage est un lieu fatidique, fréquenté par les sor-
cières de Villars-le-Sec, et les femmes qui se changent en
lièvres. Plus d'un passant a été efiErayé par l'apparition d'un
fantôme, et les chasseurs maladroits ont souvent tiré sur des
lièvres sans les atteindre. Or, un chasseur du hameau du Val
allait depuis plusieurs jours à l'afiût près des Pas de Saint-
* La Yoivre est le serpent fantastique des légendes populaires de
Comté. £Ue porte une escarboncle an front.
• Foyer breUm.
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180 REVUE D'ALSACE
Dizier, où le gibier abonde. Un lièvre se présentait chaque
fois à portée du vieux chasseur, sans qu'il lui fût possible de
l'atteindre ; son fusil ratait chaque fois. Notre Nemrod s'avise
alors, de mettre de la dignité dans le bassinet de son arme,
c'est à dire une feuille de buis bénie à la messe du dimanche
des Rameaux. Muni de ce précieux talisman, il vint de rechef
attendre son lièvre qui ne tarda pas à venir folâtrer autour
de lui, mais cette fois il fut atteint par le plomb meurtrier du
chasseur qui entendit cette plainte : « Jean-Maurice, tu m'as
fait mal! » Le lendemain, Ïean-Maurice, traversant le village
de Villars-le-Sec, aperçut la Boulotte qui était affligée d'une
forte claudication.^
Non loin des Pas de Saint-Dizier on remarque une hauteur
inculte qu'on appelle les Theiirées. Ce nom rappelle involon-
tairement le dieu Thor. Ou bien est-ce le nom typique de la
montagne, puisqu'on prétend que Thor en teuton veut dire
hauteur, montagne. Cette singulière montagne, où l'on allume
les feux du carnaval, affecte la forme d'un parrallélogranmie
très réguUer. De son sommet on jouit d'une vue admirable
sur les Vosges, la plaine d'Alsace, la Forêt-Noire et le Jura.
Au sud du village de Villars-le-Sec on voit un râtelier de
champ qui domine aussi tout le pays du côté de la Suisse. On
nomme ce lieu les Fats de Jou. Ce nom ne figure pas dans les
dénominations cadastrales. Il n'existe que dans la mémoire du
peuple. Il rappelle les bois sacrés des Gaulois qui, suivant
Lucain, inspiraient aux Romains ce sentiment religieux que
fait éprouver à tout homme la sombre majesté des bois.' La
^ Encore un sonvenir de Tantiquité païenne. Prêtée, Nérée et autres
avaient le pouvoir de revêtir toutes sortes de formes. Les lieux fré-
quentés par les sorcières étaient consacrés au culte druidique.
' Le mot fût nous vient du latin fustis, bois. Or, nous pouvons, par
induction, faire dériver notre Fût de Jou de Yillars, de Bois de Jupiter,
n y a à Toul une place qu'on appelle la place de la Croix de fût (de
la Croix de bois).
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LEGENDES ET TEADITIONS 181
tradition rapporte que César a campé sur les hauts de Villars.
Tout près de là est le Paradis. C'est aujourd'hui un lieu très
agréable; on y voit trois maisons élégantes et une jolie cha-
pelle. Mais autrefois les sorcières se réunissaient près d'une
petite fontaine pour y susciter les orages et y fabriquer la
grêle qui ravageait les campagnes voisines.*
Il y a encore dans le voisinage un petit bouquet de bois, où
l'on remarque la Fosse aux Larrons. C'était une immense
caverne qui servait de repaire à une bande de voleurs qui
portaient la désolation dans le pays. Us ferraient leurs che-
vaux à rebours pour qu'on ne pût pas suivre leurs traces
quand ils revenaient d'expédition. Us furent un jour enfumés
dans leur caverne comme des renards dans leur terrier.
Le village de Villars-le-Sec, quoique petit, est très joli. On
prétend qu'il doit son origine à Villibert, domestique de saint
Dizier, qui s'était établi dans cette localité après le martyre
de son maître.^
Un grand nombre de familles nobles du pays possédaient
des terres dans ce village. Les héritiers Jean Dietrich de Por-
rentruy en avaient au Bondchamp près de la forêt; M. Taiclet,
le dernier grand-bailli de Délie, avait acheté plusieurs de ces
champs, dont les titres existent encore; M. le baron de Gohr,
de Wattwiller, possède encore aujourd'hui cinq ou six champs
sur le territoire de cette commune.
Ce village a été détruit pendant la période du moyen âge;
on trouve encore des vestiges d'habitations sur son ancien
emplacement du côté du Sud, sur une section du territoire
appelée le Champ de la ville.
Le village voisin, qui est Croix, a un nom tout à fait histo-
rique. Les Bollandistes disent que saint Dizier ayant été
assailli près de ce village, fut laissé pour mort. Qu'avant de
* V. Vautret, Villes et villages du Jura. Art. Bure.
• V. Laguill*.
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183 REVUE D'ALSACE
rendre le dernier soupir, le saint évêque plia un petit arbre
en forme de croix (ou une baguette virgulam), que cet arbuste
prospéra {crevit) en forme de croix, qu'il devint très grand, et
que c'est de la forme de cet arbre que le village tira son nom
(unde nomen ad Crucem) qu'il a conservé. Ce village a eu le
même sort que ses voisins ; il a été détruit pendant la désas-
treuse guerre de trente ans. Avant sa destruction, il occupait
la hauteur qu'on nomme les Plateatix de Croix. Il a été rebâti
sur un plan qui s'incline vers le Sud. Rien n'avait échappé à
la destruction qu'une jolie petite église, remarquable par son
cachet antique. Elle était à une seule nef, dont le plafond
était en bois. Elle était éclairée par quatre jolies fenêtres
ogivales de la première époque. Le chœur avait une voûte
fortement surbaissée avec quatre nervures remarquables par
leur grand développement. Le jour y pénétrait par trois baies
étroites en style roman. La toiture était en pierre plates qui
sont connues dans le pays sous le nom de laves. L'ensemble
de ce petit édifice était appuyé par des contreforte très remar-
quables. Il y avait dans le beffroi une cloche très ancienne ;
elle était dédiée à saint Nicolas. Elle portait cette inscription:
Mortuos plango, fulmina frango, ad laudem numinis deter^
moneo. Elle faisait entendre un son argentin dans tous les
villages voisins. Elle a été livrée au fondeur, et l'église a été
entièrement démolie par l'entrepreneur de la nouvelle église,
construite au milieu du village. Cette intéressante église a été
détruite par pur esprit de destruction. Un curé de la paroisse,
M. Richardot, voulait payer à l'entrepreneur la valeur de
tous les matériaux du chœur. Mais rien n'a pu sauver de la
destruction ce joli temple rustique qui ne devait rien coûter
à personne et qui en valait bien deux comme celui qui a été
bâti à grands frais au milieu du village. On aurait dû au moins
conserver le chœur pour servir de chapelle mortuaire, puis-
qu'il était au milieu du cimetière.
Il y avait au milieu de cette petite église, du côté droit, une
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LÉGENDES ET TRADITIONS 188
porte à moitié murée et dont le seuil avait été religieusement
conservé. On y remarquait neuf taches d'un rouge éclatant.
On disait que c'étaient neuf gouttes du sang de saint Dizier
répandues par lui sur le seuil de cette porte après son martyre.
Ces reliques ont été en vénération dans le pays jusqu'au jour
àb il a plu h des destructeurs d'enlever cette pierre lors de la
démolition de l'église. Elle est aujourd'hui perdue et brisée.
Artisans de destruction, détruisez nos vieux monuments ;
si votre intention est de porter des coups aveugles au culte
des souvenirs, votre but sera bientôt atteint. Quiconque a vu
cette petite église de Croix est porté à la regretter. C'était,
au milieu de ce vaste plateau, une espèce de fanal qui réjouis-
sait la Yue du voyageur fatigué d'une longue course.
A deux cents mètres de cette vieille église démolie on
remarque encore un souvenir druidique ; c'est une pierre
taillée en forme de fauteuil dans un rocher qui est sur le flanc
occidental de la colline vers le Val. Rien ne manque à ce
singulier siège. Il y a le dossier, les deux bras d'appui conve-
nablement disposés pour qu'on y soit bien assis. Elle est
constellée d'une infinité de petits trous. Tout à côté pas-
sait un vieux chemin ravineux qui se dirigeait des Pas de
Saint-Dizier vers l'église de Croix. Ce chemin est évidemment
celtique. Cette pierre curieuse se nomme les Pas de Saint-
Dizier, on ne sait pas pourquoi. On allait autrefois la visiter;
le sentier qui y conduisait est encore visible.
Les alentours de la vieille église de Croix sont couverts de
murgers, de bouts de murs démolis, dans lesquels on trouve
du fer; on y a trouvé dernièrement un éperon hongrois.
Il s'y est passé, en 1815, un événement qui a été cause de
l'incendie de ce village :
Un corps d'armée autrichien occupait Porrentruy. Un gros
de hussards hongrois était venu en détachement dans le
village de Bure. Des Chamborans et des gardes nationaux de
la CÔte-d'Or, qui étaient à Boncourt, ayant eu connaissance
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184 RBVOB D*ALSAGB
de la présence des Hongrois dans le viUage de Bure, accou-
rurent en toute hAte dans ce village en traversant une grande
colline appelée les Combes de Boncourt; ils attaquèrent les
Hongrois et les poursuivirent jusqu'au-dessus du Fohy de
Porrentruy. Après cet exploit les Chamborans se dirigèrent
sur Croix, et se firent servir à dîner dans un verger. Pendant
leur repas, ils furent à leur tour attaqués par les Hongrois;
mais les Chamborans repoussèrent vivement cette attaque et
tuèrent même un Hongrois, qu'ils laissèrent sur place, et se
replièrent vers Montbéliard* Les habitants de Croix donnèrent
la sépulture à ce soldat hongrois et furent, pour ce fait louable,
accusés de l'avoir tué. Leur village fut, par un jugement som-
maire, condamné à être livré aux flammes. Cette sentence
barbare fut exécutée immédiatement à la tombée de la nuit.
Sept maisons échappèrent à ce désastre. Les lueurs sinistres
de ce vaste incendie furent aperçues par plus de cent villages
des montagnes du Doubs et de la Suisse. Les vieillards
racontent encore la terreur que cet incendie avait répandue
dans le pays.
Ce village est, par sa position, prédestiné à servir de champ
de bataille. Pendant la dernière guerre plusieurs combats ont
été livrés sur son territoire. Une maison a été incendiée et
plus de cent Prussiens sont enterrés dans le cimetière et les
bois. On remarque de jolis monuments sur leurs fosses.
Le village de Montbouton se trouve à l'occident de celui de
Croix. Il est bâti de l'Est à l'Ouest, sur le versant d'un coteau
qui prend naissance au pied du Grammont pour aller se
perdre dans le territoire accidenté de Vaudoncourt
De tous les points de ce village et de son territoire on jouit
d'une vue très variée sur le bassin hydrologique de Montbé-
liard et sur les montagnes du Lomont Les Gallo-Bomains de
Mandeure trouvaient cette situation agréable. La tradition
rapporte qu'ils avaient établi plusieurs maisons de campagne
aux alentours de ce village. En effet, le territoire, qui est en
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LÉGENDES IT TRADITIOIfS 186
contre-bas, présente à la vue une série de gradins et d'amphi-
ihé&tres qui ont été tracés avec un art et une adresse dignes
d'admiration. C'est au moyen de cet aménagement intelligent
qu'on a pu livrer à la culture un sol aride qui aigourd'hui
n'est pas encore entièrement sorti de ses ruines.
Tout au bas du village de Montbouton, à mi-côte, on
remarque trois jolies fontaines qui sourdent du pied du
coteau. Elles sont enfermées dans des voûtes qui ont l'air
d'être très anciennes. L'une d'elle est surmontée d'une croix
en pierre; elle est dédiée à saint Léger. On attribue à son
eau des vertus curatives pour les yeux.
Dans l'ancien temps on allait en pèlerinage à Montbouton
pendant les temps de sécheresse jpour y chercher la pluie. La
paroisse de Saint-Dizier s'y rendait en procession. Elle y a
été en 1834 pour la dernière fois.
Dans des titres du xv* et du xyi* siècles, ce village y est
désigné sous le nom de MontlcUcn. Un vieillard, qui serait
aujourd'hui plus que centenaire, prétendait que ce nom vient
d'un mot français et d'un mot celtique. Le mot français Mont
au'ait été ajouté au mot celtique Botton, qui veut aussi dire
mont Malgré la hardiesse de cette étymologie, nous sommes
portés à croire qu'elle est vraie, d'autant plus que nous avons
des exemples de cette adjonction de deux mots ayant la même
signification. Nous avons en effet Vallisberg à Largitzen. Nous
rappelons en outre qu'un arbuste qui affectionne les mon-
tagnes se nomme le Botteme; c'est l'églantier ou cynorrhodon.
D'où nous concluons, par induction, que le Bottenie veut dire
le Montagneux ou plante de la montagne, ce qui nous conduit
à croire que le nom de ce village dérive de sa situation sur
'une hauteur. U est à une légère distance du Grammont On
pense même qu'autrefois il était sur la crête, où il y a une
enceinte sacrée dans laquelle, il y a quelques années, on a
pratiqué, dans l'intérêt de la science, des fouilles considérables.
Les objets trouvés ont été en partie déposés au musée de
Mort
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186 REVUE D'ALSACE
Les champs, qui sont à Tétat de culture au pied de cette
montagne, du côté du couchant, renferment de nombreuses
traces d'incinérations. On y voit de la terre brûlée, des pierres
rougies au feu et autres débris dignes de l'attention des
archéologues et des naturalistes.
Le territoire de Montbouton touche à celui de Beaucourt,
du côté du Nord. Ce dernier endroit ne comptait que cent
quatre-vingt-huit habitants en 1801, il en a aujourd'hui près
de six mille. Cet accroissement prodigieux de population est
dû aux immenses établissements industriels de MM. Japy
frères. On dit que cette grande et puissante maison indus-
trielle occupe près de douze mille ouvriers, tant à son siège
principal que dans ses nombreuses succursales.
Une partie du territoire de Beaucourt appartenait au
comté de Montbéliard. La partie située à l'Est dépendait de
la seigneurie de Délie.
La tradition rapporte qu'il existait un couvent dans la
colline qui prend naissance au pied du Grammont, du côté du
Nord, un. peu au-dessus du village. L'emplacement de ce pré-
tendu couvent est occupé aujourd'hui par un joli jardin pota-
ger. Les habitants des maisons voisines ont vu souvent des
feux follets voltiger dans ce jardin ; on en conclut qu'il y
aurait eu un cimetière en cet endroit
Entre le village moderne de Beaucourt et Dompierre, il y a
un vaste territoire connu sous le nom de Châtelot. Il existe
dans cette région un monticule qu'on prétend avoir été l'em-
placement d'un vieux château. Un laboureur a trouvé, il n'y a
pas longtemps, dans son champ, deux gros lingots en forme
de cônes tronqués ; ce brave homme croyant que sa trouvaille
était un trésor s'est hâté d'aller chez l'essayeur pour vérifier '
la nature du métal ; mais en un plomb vil son or pur s* est changé .
On a encore trouvé en cet endroit des armes, des tuileaux,
et même un cheval enfoui avec son cavalier tout armé. On n'a
rien recueilli de ces découvertes.
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LÉGENDES ET TRADITIONS 187
Fesche est situé dans une position très agréable sur la
route de Délie à Montbéliard. Ce village est joli Son territoire
est abrité de tout côté par des hauteurs couronnées de forêts.
On croit qu'il occupe l'emplacement de l'antique Grammatum
de l'itinéraire d'Antonin. Les savants n'ont pas encore pu
élucider ce fait avec évidence; quoi qu'il en soit, il est certain
qu'il y a eu un village entre Fesche et Badevel qu'on appelait
Fesche-le-Moulin. Une chose digne de remarque, c'est l'éty-
mologie qu'on donne au nom Badevel, Bas de VeUe, le bas de
ville. Quelle est cette ville? Ce serait évidemment Fesche,
l'antique Orammaium, qui est à quinze minutes au-dessus de
Badevel, du côté de l'Est
Fesche avait, comme Croix et Montbouton, une ancienne
égUse. Il ne reste plus trace d'aucune de ces églises. Elles ont
toutes été démolies. A Fesche on trouve cependant encore un
grand nombre de pierres tombales qui gisent sur l'ancien
cimetière.
n y a dans ce village une fontaine miraculeuse dans laquelle
on plonge les enfants qui sont aifectés de maladies aux articu-
lations des jambes. Cette source est un lieu de pèlerinage
très fréquenté. Il s'est déjà opéré un grand nombre de guéri-
sons à la suite des immersions auxquelles on soumet les
enfants malades. Les eaux de cette source n'ont pas encore
été soumises à une analyse sérieuse. Si les vertus curatives
de cette eau étaient mieux connues, elles rendraient peut-être
des services,
U paraît certain que l'eau de cette source est ferrugineuse,
puisque le sous-sol de Fesche renferme des gisements de
minerai très riches, qui étaient encore en exploitation, il y a
quelques années. On dit qu'il y a sous ce village des excava-
tions considérables produites par l'extraction du minerai, qui
était déjà exploité sous les Romains. Si ces cavités n'étaient
pas remplies d'eau, on croit que le sol du village de Fesche
serait bientôt effondré.
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188 REVOE d'alsacb
Le curé de Saint-Dizier possédait des terres et des revenus
à Fesche, comme du reste dans tous les villages qui dépen-
daient de sa paroi3se. Ses revenus de Fesche consistaient en
adeux bichots et demi par moitié froment et aveine, à raison de
quoi, il estoit tenu de célébrer un anniversaire de neuf
prestres auquel assistoient les officiers de Délie et ledit curé
estoit tenu de donner réfection corporelle aux hommes de
Péglise chacung avec ladite réfection ung sol monnoye baloise
suivant la fondation d^iUitstrissime seigneur archiduc, comme
aussi auxdicts officiers.»
Quelle peut être la cause de cet anniversaire qui était
célébré avec tant de pompe par le curé de Saint-Dizier? Un
archiduc d'Autriche serait-il mort à Fesche ou dans le voisi-
nage? Les titres que nous possédons gardent le silence à ce
sujet.
Nous avons encore trouvé cette singulière mention dans
l'état des recettes de la fabrique de l'église de M. S. Vailler,
de Fesche. « Fait recette de detix livres, treize sols, six deniers
hâlois pour vendition éPun vieux drapeau qtjCon mettait autre-
fois sur VaiUeL Vendu à un homme de Porrentruy, » Extrait
du compte du fabricien et luminier Jean-Claude Schick,
année 1707.'
Il y avait un pèlerinage considérable à Fesche qu'on qualifie
de Pardon dans les vieux titres. Ce mot n'est plus usité dans
le pays pour désigner les pèlerinages.
La voie rçmaine qui allait de Mandeure au Rhin passait à
Fesche. M. Bouverot a trouvé toutes sortes d'objets dans son
jardin, notamment des armes brisées, un vieux casque et des
monnaies. Tous ces objets ont été égarés.
De Fesche passons à Lebetain. L'étymologie de ce nom nous
* Un archéologue de Porrentruy nous a dit que M. Quiquereas a un
TÎeuz drapeau dans sa collection, qui pourrait bien être celui de
Fesche.
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LÉGENDES ET THADmOlfS 189
vient en droite ligne de FAllemagne. Elle est formée du nom
composé Liebenthal qui se traduit par vallée chérie ou, par
extension, jolie vallée. Nous estimons qu'il est inutile de cher-
cher ailleurs la signification de ce nom de village, dont la situa-
tion répond parfaitement à sa dénomination. Les Germains
ont imposé un grand nombre de noms à nos villages, et nous
en avons adopté un plus grand encore dans notre patois
vulgaire.
La position du village de Lebetain, au bas du vallon qui
vient du Val de Saint-Dizier, est très agréable. Il est à croire
cependant que le village était plus au Sud, car on trouve dans
les prés des débris de construction. On y a même trouvé deux
sabres, des ustensiles, de la ferraille et une jolie clé en bronze;
elle a été donnée au musée de Belfoiit par M. P.-D. Ducomte.
Il y a encore dans ce village une maison du xvni* siècle,
qu'on appelle le ChâteaiL C'était l'habitation d'un baron de
Spechbach, qui possédait de grands biens à Lebetain. Un che-
valier de Spechbach avait sa sépulture dans l'église de Saint-
Dizier; sa tombe existait encore il y a quelques années.
M. Bardy en a donné un joli dessin dans le Bulletin des monur
ments historiques d'Alsace.
Il existe à Lebetain un phénomène hydrologique très
remarquable. Les eaux qui découlent des fontaines du Val, se
perdent au-dessous du village pour aller, à deux kilomètres
plus au Nord, former la source abondante de la Batte.
Non loin du village de Lebetain, du côté du Sud, on remarque
une jolie grotte sous un rocher qui surplombe dans la colline.
On fait croire aux enfants trop curieux que c'est là qu'on a
été les chercher à leur naissance. Cette officine d'enfants
ne serait-elle pas un lieu oh une déesse du paganisme était
adorée? La Lucine de la contrée y rendait peut-être des
oracles. C'est encore un lieu fréquenté par les revenants et
les farfadets de la forêt voisine.
Un peu au-dessus de cette grotte il existe un petit monti-
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190 REVUE D*ALSACS
cule qui s'avance vers le ruisseau qui traverse le vallon. Un
nommé Dizier Riche a pratiqué dans cette butte des travaux
de nivellement qui ont amené la découverte de cinq squelettes
bien conservés dans le sable. Ils étaient tous placés symétri-
quement, la tête regardant TOrient, à une égale distance les
uns des autres. Celui du milieu avait encore la plaque de
son ceinturon. La tête a été conservée. Elle est au musée de
Belfort II y a environ trente ans que le précédent propriétaire
de ce pré y a déjà trouvé des squelettes et deux sabres.
Dizier Riche a été obligé d'interrompre ses travaux à cause
de la saison. Mais il les reprendra avec l'espoir de faire encore
des découvertes intéressantes. A quelle race d'hommes appar-
tenaient les squelettes qui ont été trouvés dans ce lieu désert?
Le crâne que nous avons déposé au musée de Belfort pourra
peut-être un jour guider les anthropologistes dans la solution
de cette question. La colline du Val, quoique déserte et très
profonde, était traversée par un chemin cîbltique qui se diri-
geait de Délie piar Lebetain et Croix vers Fohy. Il est encore
très reconnaissable au pied du coteau à l'Est La marque des
roues des chars est imprimée sur les rochers au-dessus du
hameau du Val. On peut encore suivre très facilement ses
traces de Lebetain à Croix. Ce chemin a pu servir de passage
à des armées, et des combats se sont peut-être livrés dans
cette colline déserte et sauvage.
Saint-Dizier, le chef-lieu administratif et paroissial des com-
munes que nous venons de parcourir rapidement, est digne
de fixer l'attention des amateurs d'antiquités locales. On ren-
contre en effet dans son voisinage de nombreux vestiges de
démolitions dans lesquelles on trouve toute sorte d'objets.
La tradition rapporte que ce village a été détruit pendant
la guerre de trente ans, appelée dans le pays le temps des
schuedes suédois. On ne peut pas mettre en doute la tradition,
car sur une étendue de plus d'un kilomètre on ne rencontre
que buissons, murgers, exhaussements de terrains, dans les-
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LÉGENDES ET TRADITIONS 191
quels il y a des substructions, des bouts de murs, des montants
de portes, des foyers ; on y a même trouvé un four. Jean-
Pierre Berget y a découvert les fondations complètes d'une
maison, dont on pouvait reconnaître la distribution. X. Riche
a trouvé deux gros bronzes à Teftigie des Antonins. Un
nommé Joly a trouvé un squelette complet qui avait une lame
à côté de lui. Alexis Ducomte a trouvé dans son jardin un joli
fer de lance en bronze. Joseph Prenez a trouvé une marmite
à panse évasée qui a été livrée au chifionnler, pour deux liards
la livre, au grand désespoir d'un amateur de Montbéliard qui
était venu pour l'acheter. J'ai trouvé une batterie de fusil à
mèche. ^
D serait fastidieux d'énumérer toutes les trouvailles qui se
font encore dans le sol aride qui était occupé par le village.
Pendant les temps de malheurs,les habitants s'étaient réfugiés
dans les montagnes du Jura bernois. Les maisons abandonnées
étaient tombées en ruine ou avaient été incendiées.
On rapporte qu'un chêne avait pris racine sur l'âtre de la
maison Vaubert- Macabre ; au retour du propriétaire, cet
arbre dépassait la cheminée. A cause de ce fait, tous les
membres de cette famille furent appelés les Charniers. Le
dernier des Chainiers est mort il y a trente ans. Dans une-
autre maison, qui existe encore, un saule avait poussé dans la
cuisine et formait un grand buisson.
Il y avait dans ce village une famille valeureuse qui résistait
seule aux Suédois. C'étaient les sept frères Schick, tous
hommes déterminés, ayant des armes à feu. Ils s'étaient retirés
dans le clocher après avoir livré un combat meurtrier aux
Suédois, qui avaient tué leur mère au pré Rossé, derrière la
cure. Ils furent assiégés en vain dans le clocher par les bandes
de Bernard de Weimar. Cette famille s'est maintenue long-
temps à Saint-Dizier: on voyait dans l'église des pierres
tombales ayant appartenu à des Schick. Cette famille est
éteinte à Saint-Dizier, mais elle a encore des représentants à
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192 REVUS d'alsagb
Fesche. Le nom de Schick figure fréquemment dans des titres
des xvi% xvn* et xvnr siècles.
Pendant les restaurations inintelligentes qui ont été faites
dans les années 1851 et 1852, on a détruit toutes les nom-
breuses pierres sépulcrales qui étaient dans les trois nefs de
Péglise. On a trouvé toutes sortes d'objets, qui ont tous été
dispersés, notamment un vase plein de monnaies bourgui-
gnonnes, dont quelques-unes sont au musée de Colmar.
La trouvaille la plus intéressante est un sarcophage en
pierre molasse du pays. Il était sous le clocher, près de la
porte d'entrée de l'intérieur de l'église, enfoui sous trois pieds
de terre. Il a la forme d'un parallélogramme irrégulier, mesu-
rant en longueur 1",65, aux épaules 0",64 et aux pieds 0",31;
la tête était encastrée dans une entaille ronde de 0°',25 de
profondeur très bien faite. Ce cercueil renfermait sept têtes
entièrement dénudées. La présence de ces sept têtes dans ce
cercueil en pierre est assez énigmatique. Nous allons faire
appel à la tradition pour expliquer ce fait singulier.
L'histoire rapporte qu'il y a eu une abbaye royale autour
de l'église de Saint-Dizier, mais la tradition dit que c'était
une maison de templiers. Les vestiges considérables d'habita-
tions qui existent encore à la collonge ne laissent aucun doute
à cet égard, et les nombreuses trouvailles qu'on a faites dans
•le verger Grandjean viennent encore à l'appui de la tradition
qui dit, que a pendant une belle nuit des soldats vinrent de
Belfort, par ordre du roi, mettre à mort les templiers qui
étaient à Saint-Dizier, et, chose singulière, la tradition dit
qu'ils étaient sept religieux. » A-t-on décapité ces sept tem-
pliers, et mis dans ce cercueil en pierre les têtes de ces
victimes de la cupidité de Philippe-le-Bel ? Ceci est à croire,
car ce sarcophage, remontant à l'origine du christianisme, ne
renfermait plus aucun cadavre à l'époque de l'exécution des
templiers.^
Il y a encore d'autres cercueils et des catafalques fort
' M. de Canmont estime qne les localités où il y a le plus de cercueils
en pierre sont celles où le christianisme a été le plus tôt établi.
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LÉGENDES ET TRADITIONS 193
remarquables dans cette église; mais, comme M. de Barthé-
lémy en a donné une description très savante, nous n'en parlons
ici que pour mémoire, notre but étant de recueillir des fûts
inédits, rien de plus.
La légende Saint-Dizier, citée par les BoUandistes, dit que
ce saint évêque fut enterré par les soins de sainte Pouponne
dans une petite chapelle dédiée à saint Martin In oracuium
non pergrande ; que Pouponne était une sainte femme pré-
posée à la garde et à Tentretien de cet oratoire, dans lequel
elle avait sa demeure, puisqu'elle procura de Peau à saint
Dizier pour étancher sa soif quand il vint célébrer les saints
mystères dans cette chapelle.
Après la mort du saint évêque les pèlerins vinrent en foule
à son tombeau, bientôt la chapelle ne fut plus suffisante pour
contenir le nombre toujours croissant des fidèles, il fallut
ériger une plus grande église autour du tombeau de saint
Dizier. Pendant la construction de cet édifice sainte Pouponne
allait aux fontaines du Val chercher Peau dont les ouvriers
avaient besoin. Elle se servait d'une bouteille; les ouvriers se
moquèrent d'elle et lui dirent qu'elle devait prendre un crible,
ce qu'elle fit aussitôt sans qu'elle perdit une seule goutte d'eau.
La sainte était en effet représentée en grandeur naturelle sur
le mattre-autel. Elle était habillée à la romaine ; d'une main
elle tenait une bouteille, de l'autre un crible qu'elle montrait
au peuple. Cette statue était fort bien faite ; elle a été détruite
en 1852, comme tant d'autres belles choses.
Les légendes de ce genre ne sont pas rares. Le lecteur nous
permettra de lui en citer une que nous copions dans V Histoire
de Bar-mr-Aube, par Le Chevalier :
cSur la montagne, au pied de laquelle est bâti Bar-sur-Aube,
vivait une sainte vierge nommée Germaine. Elle s'était char-
gée de fournir à des ouvriers qui travaillaient à une église
Peau qu'elle allait puiser à une source qui porte son nom ;
c'est pourquoi elle est représentée portant une cruche de
NoQTelle Série. — 11** année. 13
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194 REVUE d'ALSACE
chaque main. Sa foi était si grande qu'un de ses vases s'étant
brisé on lui jeta par raillerie un crible en lui disant de s'en
servir ; elle le releva, le remplit d'eau, et il ne s'en répandit
aucune goutte.»
Une autre tradition nous apprend que saint Dizier, après
avoir été dans son tombeau pendant un nombre d'années,
qu'elle ne détermine pas, son corps fut transporté à Murbach
par ordre d'un puissant seigneur dont le nom n'est point par-
venu jusqu'à nous. A cette époque de foi vive, la possession
de reliques de saints personnages était une source de prospé-
rité pour les églises qui avaient le privilège de posséder de
pareils trésors. Sans doute que les habitants de Saint-Dizier
ne furent pas contents de se voir enlever les reliques de leur
saint patron, et, pour leur donner une compensation, on laissa
à leur vénération le bras droit du saint^ Une voix surnaturelle
leur dit que le bras du saint évêque serait plus puissant aux
yeux de Dieu que tout son corps.
Les reliques de ce bras furent conservées avec vénération.
Elles furent enfermées dans un avant-bras artistement sculpté.
La main était de couleur de carnation, elle bénissait à la
manière latine. Cette main servait de reliquaire, on l'appelait
la Main de saint Dizier. Elle est aujourd'hui perdue. Elle
existait encore sous l'administration du curé Villemain.
On a disserté longuement pour savoir où était la chapelle
Saint-Martin, où saint Dizier a été enterré. Cette chapelle, ou
oratoire comme l'appellent les BoUandistes, était au milieu du
chœur de l'église actuelle. Les murs de fondation de ce petit
temple ont été retrouvés l'année dernière (1880) en creusant
^ Les armes de l'abbaye de Lnre étaient de gueules à on bras de
carnation mouvant d'une manche et élevant en haut deux doigts.
Nous ayons des titres de 1608 constatant que cette abbaye possédait
des dîmes à Saint-Dizier.
Les habitants de Champagney étaient obligés d'aller chercher ces
dîmes à Saint-Dizier et de les transporter au château de Passavant.
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LEGENDES ET TRABniONS ld5
la crypte que M. le curé Faivre a fait établir sous le chœur de
relise pour isoler et mettre en évidence le cercueil authen-
tique de saint Dizier, qui reposait sous les dalles du chœur.
Les fondations de la petite chapelle Saint-Martin sont intactes.
Elles sont bâties en forme d'octogone ; elles sont très bien
conservées. Elles sont en maçonnerie rustique, mais solide.
En faisant sa crypte, M. Faivre a cru ne pouvoir les laisser
en évidence dans Penceinte de sa crypte. Elles auraient donné
trop de développement à la voussure. Il a cru devoir faire un
mur en moellons piqués qui masque entièrement les fonda-
tions de ladite chapelle Saint-Martin, fondations qui sont un
spécimen authentique d'une construction remontant au
V* siècle de l'ère chrétienne. Oraculum non pergrande in honore
Sancti Martini constradum (Grandidier, II, 88.).
Ainsi la chapelle Saint-Martin était au milieu du chœur de
l'église actuelle. L'église a été bâtie autour de cette chapelle,
qui n'a été démolie qu'après la construction de l'église; ce qui
le prouve, c'est que l'exhaussement du dallage du chœur est
entièrement formé de sable et de pierres de démolition aux-
quelles adhère encore du mortier.
Le petit édicule, en forme de cul de four, qu'on remarque
à l'extérieur de l'église, entre le transept méridional et le
chœur, n'était pas la chapelle Saint-Martin comme on l'a pré-
tendu ; c'était un baptistère dont l'entrée était dans la sacristie.
Si les transformations qui ont été faites à cette sacristie
avaient été dirigées avec goût, on aurait pu rendre ce petit
édicule à sa destination primitive; mais dans l'état actuel des
choses cela n'est plus guère possible.
Nous estimons que la chapelle oti fdt enterré saint Dizier
est contemporaine de saint Martin le thaumaturge du rv* siècle.
Cet apôtre des Gaules fut un grand destructeur de temples et
d'autels païens; aussi beaucoup d'églises primitives lui furent
dédiées. Il y en avait une à Bâie, qui datait du rv* siècle. Il y
en avait d'autres en Franche-Comté. Comme il y avait beau-
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196 REVUE d'alsàge
coup d'idoles dans les environs, il est à croire que saint
Martin est venu dans ce pays pour évangéliser les peuples.
Il a du reste donné son nom à une fontaine qui s'appelle
aujourd'hui encore la Martine. Cette source, qui ne coule qu'à
la suite des grandes pluies, est l'équipollent de la Fontaine de
la Famine {ungershrunnen) d'Heimersdorff ; elle annonce les
temps de disette. Cette source était sans doute dédiée à quel-
que nymphe païenne, et le nom de Martine lui a été donné en
l'honneur de saint Martin qui serait venu à Saint-Dizier
substituer le culte chrétien au culte païen. Il y a encore une
autre fontaine qu'on nomme aussi La Martine. Elle sort d'un '
rocher dans les prés du Val. Son eau est très bonne; on en
cherche pour les malades de tous les villages voisins.
Il existe encore d'autres légendes au pays que nous venons
de parcourir. Nous nous bornons à celles qui précèdent afin
de ne pas abuser de l'indulgence du lecteur. Un jour peut-être
nous parlerons des usages populaires, des superstitions, des
croyances singulières qui étaient encore vivaces dans le pays,
il y a une cinquantaine d'années, et que la génération actuelle
ignore complètement. Les souvenirs de quelques personnes
ftgées de l'ancienne paroisse nous faciliteront ce nouveau
recensement
P.-J. Tallov.
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LITTÉRATUIŒ POPULAIRE DE L'ALSAGE-LORRAINE
BAVARDAGES
DE
lESDilES-lES-GOnsniES DE STItA!lini&
oitremèlés de qadqaes antres
COMMÉRAGES ALSACIENS
Suite "^
IVbtV
NOUVELLE CONVERSATION
entre Madame^morcousine Ktdzlerer et Madame-ma-coiisine
ZiweJmann, pendant et après le blocus de Strasbourg. ^
1814
L Pendant le bloene
DAME KUTZLEBEB
Cousine, en promenade? Eh! vous allez bien vite!
DAME ZIWELMAITK
Servante! du beau temps il faut bien qu'on profite!
KUTZLEBEB
Cousine, j'ai Thonneur de n'avoir pas reçu
' Voir la liyraison du !•' trimestre 1882.
* Cette pièce fat imprimée chez J.-H. Heitz et se vendait cinq soas.
M. Bergmann l'attribue à Arnold, l'auteur du Pfingstmgntag.
L'astre de Napoléon a pâli, les alliés bloquent Strasbourg, quelques
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1
198 REVUE D'ALSACE
Longtemps votre visite. *
ZIWELMAl^N
Oh! c'est que je n'ai pu
Sortir de tout l'hiver. Je fus bien malheureuse!
Nous avons tous souii'ert de la fièvre nerveuse.
KUTZLERER
Ne parfumez-vous pas? J'aimerais mieux avoir
Le nez plein de Morveau^ plutôt que de me voir
Malade plus longtemps de cette peste affreuse.
ZIWELMAlOr
Vous avez bien raison, cousine ! Mais du temps
Qu'au clos de Saint-Urbain l'on portait tant de gens
On ne parfumait pas.
KUTZLERER
Mes compliments sincères
D'en avoir échappé; car on ne meurt plus guères,
On dit que c'est fini!
ZIWELMANK
C'est vrai! mais c'est tant pis!
Si quelqu'un meurt encore, on dit que les soucis,
Les chagrins l'ont tué.
KUTZLERER
C'est bien vrai ! La misère
Est grande. Quand le pain et les pommes de terre
Ne manquent pas, on a plaisir à travailler,
A peiner. De nos jours on va s'agenouiller
bombes tombent dans le fanbonrg National et le Marais-Vert; l'anteiir
de cette note (M. Auguste Stœber) se rappelle très bien la terreur que
répandit leur explosion. Agé de six ans, il était assis à l'école Saint-
Pierre-le-Yieux et faisait de la charpie pour les blessés.
' Faute de tournure, intentionnelle dans le texte, et reproduite ici !
' Fumigations prescrites par l'autorité d'après les indications da
célèbre Guyton-Monreau.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L' ALSACE-LORRAINE 199
Pour remercier Dieu de sa grande clémence.
zrWELMANN
Oui, si le Si^ avais était un joli J'ai,
Mais malheureusement cela n'est guère vrai.
Autrefois on pouvait s'en aller à la danse
Au Péage sur Teau* pour valser. Maintenant
On nous a trop salé nos plaisirs, ma cousine!
Mais, à propos de sel ! votre provision
Estrelle déjà faite?
KUTZLERER
Oh! oui! si la famine
Ne nous fait pas crever, o désolation !
Avant Pâques. Hier à notre boucherie
J'envoyais ma servante acheter un gigot,
Douze livres encor de côtis. Ce nigaud
De boucher, croyez-vous qu'il Tait vite servie?
«Oui! des tripes! dit-il, surtout ne soufflez mot!
C'est encor bien heureux pour vous si je vous livre
Des tripes! » Ma cousine, eh bien! qu'en dites-vous?
Y a-t-il de nos jours encor moyen de vivre?
ZIWELMANN
Il en est tout à fait de même pour nous tous.
Au marché, marchandant une botte d'herbages
Pour la soupe, on en veut douze sous, a Mille orages
T'écrasent!» dis-je alors, «gardez votre butin!»
En jetant son paquet à cette jardinière.
Ce n'est. Dieu! pas permis! et de toute manière
On a de grands ennuis.
KUTZLERER
C'est aussi mon chagrin !
On peut longtemps courir avant que l'on ne happe
^ Sobriquet d'une auberge établie au confluent de l'Ill et d'un braa
du Ehin, nommé Murgiessen.
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200 REVUE D'ALSACE
Un objet bon marché. Tout ! tout est hors de prix.
Partout du mauvais beurre et des œufs trop petits.
Plus rien de bien!. . . Je n'ai! que le diantre m'attrappe!
Je n'ai, fatalité! plus un morceau de bois
Chez moi, lorsque pourtant nous avons cette fois
Un bien plus rude hiver que de ma souvenance
On n'en a vu jamais. A mon homme je dis :
«Va!» lui dis-je, «va-t'en acheter & tout prix
Du bois.» Il dit: «Je crois, «me dit-il, «qu'en démence
Tu tombes! nulle part on n'en a. Je voudrais
Parier qu'on pourrait, suivant le long des quais
Sans en trouver un brin, côtoyer la rivière
Oui! d'ici tu pourrais courir au Pont-Couvert,*
De là, sans en trouver, pousser au Marais-Vert» *
Il faut cuire, rôtir! Sans bois comment donc faire?
Et surtout quand encore il faudrait lessiver.
ZIWELHAITN
Oh! misère! cousine! on ne peut rien trouver
Que vin, tabac et sel, de la viande fumée.
Percale et mousseline. 0 ! la funeste année
D'avoir les ennemis ainsi sur notre dos.
Autour de notre ville est un vivant enclos
Que font pour l'affamer le Russe et le Cosaque.
Mon homme, deux, trois nuits par semaine, bivaque,
Tantôt au corps de garde et tantôt au rempart.
Pour, contre le Ealmouck, diriger son regard.
Et, pendant qu'il parade ou qu'il fait la patrouille,
Moi je suis toute seule assise à ma quenouille.
Mais songez donc qu'hier avec un étendard^
Il est rentré la nuit
' P&ni'Cou/vert, pont à l'entrée de la Bruche dans la viUe. Une pri-
son militaire s'y trouve.
* Marais-Vert {Grûen-Bruech), non loin de la gare du chemin de fer.
* Bapporter wn étendart, rentrer gai. Le traducteur a été forcé de
conserver cette figure (qu'on ne comprend pas en français), à cause du
malentendu qu'il doit produire chez Tinterlocutrice.
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UTTÉRATCIUS POWLAmi DB L*ALSACE-LORKAIlfE 901
KTTTZLEBER
Jésus! Dieu! ma cousine!
Pris sur ies ennemis ?
ZIWELMÀ5K
Allez donc! je badine!
Ce n'était qu'un grand sabre, un plumet, un pompon
Qu'il venait rapporter ce soir-là du Mouton!
L'auberge!. . . Quand il est dedans son uniforme,
Il est tellement béte : il en éprouve énorme
Plaisir! D dit alors: a Frères, je suis paré!»
De sa tête l'orgueil s'est si bien emparé
Que toutes fois qu'il va pour faire l'exercice.
Il vous fait le flambard que c'en est à crever!
Parce qu'il est gradé!
BTUTZLEBEE
Oh! la belle malice!
Qu'il ait un grade ou non, je sais bien conserver
Mon mari près de moi ! Je ne suis pas si bête!
C'en était un aussi, celui-là, dont la tête
Etait près du bonnet Mais il est aujourd'hui
Paisible, réparant sans y trouver d'ennui.
Les boucles de souliers. * Il reste au domicile.
Ne va pas dans la rue, et bien moins chez Baldner, ^
Au jardin. S'il voulait encor faire le fier,
Tonnerre ! je saurais le rendre plus docile !
^ Il raccommode des boudes de souliers. Le traducteur croyait que
cela Youlait dire qu'il «s'occupe plus paisiblement». M. Bergmann con-
sidère le terme de «raccommodeurs de boucles de souliers» comme un
sobriquet donné aux simples soldats du centre, généralement gens de
petits métiers, tandis que les grenadiers et voltigeurs de la garde natio-
nale se recrutaient chez des gens riches, les artiUeurs dans des métiers
exigeant une certaine habileté.
* Jardin Baldner, cabaret champêtre, hors la porte d'Austerlitz sur
la route du Polygone.
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02 REVUB D ALSACE
Je vous Tarrangerais! Non! tant que je verrai
De mes deux yeux encor, je ne le laisserai,
Cousine, croyez-m'en; s'éloigner de la tresse
Qui tient mon tablier.
ZIWELMANN
Vous êtes la maîtresse
Et savez commander. Mais le mien ne se laisse
Maîtriser. On le met toujours dans ses états
Avec le moindre mot. De jouer aux soldats
Lui fait tant de plaisir; quant à moi, ça me lasse!
Pourvu que ça finisse!
EUTZLERER
Oh! pour moi ça m'agace
Aussi, chère cousine, et c'est là justement
Qu'ils trouvent, nos maris, leur grand amusement
J'aimerais bien donner un beau repas! oui, certes!
Si nos portes pouvaient bientôt être rouvertes.
J'y courrais au plus tôt
ZIWBLMANN
Combien de temps déjà
Les verroux sont-ils mis ?
KTJTZLEBER
Au jour de Saint-Etienne *
Je fus dans mon jardin, et ce jour j'allai là
Pour la dernière fois.
ZIWELHAim
Cousine! quelle peine
On me fait éprouver en parlant de jardin.
Ah! quand pourrai-je donc reprendre le chemin
Du mien? De le revoir fortement il me tarde.
Mes fleurs sans doute y sont dans de piteux états!
' La Saint-Etienne, lendemain de Noël.
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LITTÉRATDEE POPULAIRE DE L^ALSACB-LORRAINE 205
Là les fiadois ont mis un de leurs corps de garde.
Je n'y trouverai rien! car ces nombreux soldats
Auront exterminé mes belles violettes.
KUTZLEREB
£t les ognons à fleurs? Quand régnent des disettes
Dans leur camp, ils les font blanchir rapidement,
Après ça, sur le pain, ils en font simplement
Quelques tartines dont ces êtres se régalent
C'est de cette façon, hélas! qu'ils nous avalent
Et nos oreilles d'ours, et nos beaux seringats.
Et beaucoup d'autres fleurs, nos belles giroflées!
La chose qui me met surtout dans mes états
Ce sont mes blimela ^ laverie avalées
De la sorte. 0 malheur! malheur! Si le blocus
Dure encore longtemps, on n'aura, ma foi! plus
De légumes.
ziWELMiiinfr
Le diable alors les patafiole!
Four les fleurs, s'il le faut, cousine, on s'en console!
Les légumes, les fruits nous tiennent plus au cœur!
Sans petits pois, navets, sans chou vert ni chou-fleur.
Sans salsifis, comment nous faudra-tril donc faire?
Sans reine-claude encor, qwetsche, poire, abricot
Que mangerons-nous donc? Ma foi! cousine, il faut
Désespérer!
KUTZLERER
Oh non ! moi, cousine, j'espère
Que bien avant ce temps on aura fait la paix.
L'hebdomadaire dit qu'on s'en trouve bien près.
^ Blimula Laveris, fausse prononciation pour Primula verts, prime-
Tère. Les Alsaciens aiment défigurer les mots qu'ils ne comprennent
pas de manière à leur donner un sens, et Blimula Laveris signifie en
aUemand «la petite fleur Laveris», tandis que le Trai mot latin signifie
la primeur du printemps, la primevère. A Mulhouse on dit Primdeféri.
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ziwjSLlfASir
On en parle beaucoup : ce ne sont que sornettes:
Cousine, on ne peut plus se fier aux gazettes.
EUTZLEKKB
Je sais de bonne main, croyez-le, je le sais,
Nous serons débloqués.
ZIWELHAJSrS
Oui ! au grand Saint-Jam^«-is !
KUTZLERER
Les portes vont s'ouvrir. Le gros de la souflfranc ^^
Est passé.
ZIWELMÂirN
Ma cousine ! ayons-en Pespérance.
Haguenau, juin 1881.
/
n. Après la bloens ^
KTTTZLEREB
Aha! cousine, eh bien? N'est-on pas plus heureu:^^
Dites, qu'on ne Pétait en ces temps désastreux
Où nous étions bloqués ? Ça ne durera guère,
Disais-je, nous verrons la fin de la misère.
Eh bien ! le paysan revient, et Ton aura
Des légumes, cousine, et tout ce qu'il faudra.
Oui! bientôt nous allons nager dans l'abondance.
* Le traducteur ne peut s'empêcher de faire remarquer combien dix
aimées de despotisme impérial ont émonssé les sentiments de patrio-
tisme des Strasbonrgeois que le régime de la Terreur n'arait pu entamer.
Gomme l'éditeur de la seconde édition du texte allemand, le traduc-
teur trouve que si ces deux morceaux sont vraiment d'Arnold, l'auteur
du Pfingstmontag aurait, en fort peu de temps, fiiit d'énormes progrès
dans la versification et l'orthographe phonétique strasbourgeoise. (Voir
El8à89Uch8 SehoMàsUl, page 332.)
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LITTÉRATURB POPULAIRI DE L'id^CÈ-LORRAmB SX)5
Eh ! ne pouvons-nous pas déjà faire bombance
Trempant dans le café de petits pains au lait
D'un sou.
ZIWELMAjm
L'on croit rêver. Je n'en voulus, cousine
Rien croire, tout d'abord. Et Ton ne s'imagine
Quel efiet ça me fit quand partout on disait :
c Bonaparte n'est plus sur le trône, et l'on met
Une cocarde blanche au chapeau! » — c Quelle aubaine!
Nous avons donc la paix ! Le Seigneur soit béni! »
Répondis-je aussitôt, et puis à mon mari
Je dis : c Tu combattis assez longtemps. Rengatne
Ton glaive, et viens vers moi. J'éprouve un tel bonheur
Qu'il faut que je t'embrasse! »
KTJTZLEREB
Et moi, je le confesse,
Comme vous, je sentis renaître l'allégresse
Dans mon cœur. Mon mari se mit avec ardeur
A servir promptement un festin confortable,
Plaçant force jambon, saucisses sur la table.
Puis avec ses amis vidant un tonnelet :
« Car, leur dit-il, comment un fidèle si^et
Fera-t-il plus d'honneur au roi qu'en vidant caves
Et cuisines? Longtemps on nous a vus, tout hâves,
Nous priver. Maintenant il serait fou vraiment,
Celui qui ne voudrait s'offrir de l'agrément I »
ZIWELMÂlfK
C^est mon opinion. Puisque notre détresse
Prend fin, respirons donc, délivrés du tourment
De la disette.
KUTZLERER
Oh oui! et remplis d'allégresse
Nous pouvons contempler avec contentement
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206 REVUE D'ALSACE
Au Broglie un beau tas de sacs pleins de froment
Cochons, oisons, bœufe, veaux, tout ça gaîment fourmille
Autour de nous, cousine.
ZIWELMAim
Oui! Tout chacun frétille
Et revit Chaque femme a le contentement
De ravoir son mari, d'en jouir pleinement,
Et le roi n'aurait pu faire pour la famille
Non ! rien, dont tous les cœurs seraient plus réjouis :
Vive donc ce bon roi! vive le roi Louis!
Rioz, mai 1881.
VI
LES PAYSANNES DÉSOLÉES '
Quel malheur! ah! j'enrage!
.Est-ce vrai ce qu'on dit?
La plus belle et plus sage
Tapera de dépit!
— On vient de me l'apprendre :
De dix-huit à trente ans
Pour la guerre on veut prendre
Tous les beaux jeunes gens!
— Diable! que faut-il faire?
Geindre? ou pousser des cris?
Ou bien rire? ou nous taire?
Nous restons sans maris !
^ Chanson en dialecte du Kochersberg avec refrain en tyrolienne.
Le traducteur la croît inédite; il la connaît par tradition orale. Elle
est donc sans date ; mais, d'après le sujet qu'elle traite, elle doit être
d'une des trois années 1813—1815. C'est de plus une préface naturelle
au « bavardage > suivant.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DB L'ALSACE-LORRAINE 207
— Pourquoi te mettre en rage?
Tu peux prendre le vieux
Jeannot de ton village ^
Si tu ne trouve mieux.
— Ah! de cet imbécile,
Va! ne me parle point,
Car, trois heures de iile,
Il vous reste en son coin!
De beaucoup je préfère
Martin le menuisier.
S'il revient de la guerre
D veut me marier!'
— Tu ne peux pas l'attendre
Va! tu ne Tauras pas!
Toutes voudront le prendre,
C'est un bien trop beau gas!
Rioz, juillet 1881.
VU
CONVERSATION
entre les honorables et vertueuses demoiselles-cousines
Ame-Marie Spitznàsel et Catherine -Barbe KrumhdiseU
1814
SPITZNASEL
Hé ! comme vous courez? Pourquoi tant vous presser?
Quelque chose d'affireux vient donc de se passer ?
^ Dans le texte Hansd vun Fume, Jeannot, de Fûrdenheim. Ce nom
de tillage pourrait-il mettre sur la voie de Torigine de la chanson?
* Le traducteur emploie ici le mot marier dans un sens que le lan-
gage rutUque doit admettre, quand même l'Académie le condamnerait.
' Les paysannes désolées Pétaient à cause de la difficulté de trouver
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S08 RBVUB D'aLSACB
EBUHHiBLSEL
Ah! cousine, je viens de me sauver si vite!
SPITZITiBSEL
Sans doute d'amoureux vous fuyez la poursuite.
Ah! j'ai bien deviné! Gomme votre cœur bat!
Et vos yeux! brillentrils, cousine, d'un éclat!
Sur votre cou l'on voit des gouttes aussi grosses
Qu'un poing.
KBUMHiBLSEL
C'est vrai, cousine. A quels dangers atroces
J'échappe en ce moment! Et je crois que depuis
Quinze ans je n'eus de cas pareil. Je me promène
Près la porte des Juifs. Tranquillement je suis
Le fatte des remparts, quand tout à coup, sans gêne,
Un Welsche * vient vers moi me saluer bien bas.
« Eh, Monsieur, il ne faut pas tant de politesse !
Lui répondis-je aussitôt. Allez, qu'on me laisse
Passer par mon chemin. Je ne vous connais pas. »
— « Sans avoir, ^ me dit-il, Vhonneur de vous connaître,
Vous êtes seule ici, voulez-voiLS me permettre
De vcvs offrir le bras pour vous accompagner f »
im mari conTenable à la suite des levées faîtes dans les dernières années
de l'Empire.
«Mesdemoiselles-mes-consines» Anne-Marie Nezpointa et Catherine-
Barbe Contordn sont bien plus henrenses :
n en Tient on tout seol!
Mais quel maril Un de ces gnerriers qui, comme le comte de Rantzan,
ont laissé sur chaque champ de bataiUe une partie de leur personne.
Soudain le canon qu'on tire, pour annoncer la conclusion de la paix,
vient leur donner l'espoir de trouver encore bien mieux.
^ WèUche, Français parlant la langue française. Traduction du mot
«GaUoued» que les Bretons opposent aux «Brezonnek» et traduction
d'autant plus juste que VTelsclie aussi veut dire Gaulois.
' Tout ce qui est en italique est en français dans le texte.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DB L'ALSACB-LORRAINE S09
— « AUez, Movssié, lui dis-je, aUez-vous promener f^
Vous êtes dans Terreur! épargnez-vous la peine
Je ne suis de ces gens qu'à son bras on emmène.
— « Vous êtes bien cruelle. Arrêtez un moment! m
Me dit-il aussitôt, et fait du sentiment.
Vous savez comment sont les Welsches. En paroles
Et mines ils sauront toujours remplir leurs rôles
Pour séduire les cœurs. Il me dit : a quels heavac yeux!
Quel joli petit pied! Il est délicieux! »
Et puis sur moi fixant un tel regard de flamme
Que je crus qu'il voulait pénétrer dans mon ftme.
c Ne voyez pas en moi, dit-il, un séducteur.
Je veux mejaire aimer et toucher votre ccmr.
Ecoutez-moi, de grâce^ et dites-moi, ma belle.
Votre caswr est-4l libre? Etes^ous demoiselle fy^
— «Pour vous servir! lui dis-je, et laissez-moi passer
Plus longtemps mon honneur défend de converser. »
— «Je n'insisterai pas, mais veuillez bien m* apprendre
Si demain en ces lieux vous daignerez vous rendref »
— «Ah! me préserve Dieu de donner rendez-vus,
Adié, Moussié, adié,je ne vus verrai plus! »
Et sur cela je pris, dans ma grande détresse
Le chemin sous les pieds et vins avec vitesse
Vers vous. Je vais rentrer et remercier Dieu
De m'avoir arraché du danger en ce lieu«
SPITZN^SEL
Que dites-vous? cousine? Et pourquoi tant vous plaindre?
Dans ces temps malheureux où chacune est à craindre
En cherchant, de ne pas trouver un amoureux.
Il en vient un tout seul. Mais c'est miraculeux!
KRUMRSLSEL
Si ce n'était un Welsche. On n'a pas confiance
En eux. On leur reproche une grande inconstance.
Noarelle Séne. — ii** année. 14
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210 REVUE D'ALSACE
SPITZN^SEL
La langue n'y fait rien. Moi, je m'en moquerais!
C'est bien égal qu'on parle allemand ou français,
Ne faites, croyez-m'en, pas tant la difficile
De peur que ce gibier ne s'échappe et ne file.
Mais comment est-il donc? Est-il jeune ou bien vieux?
Est-il bien fait et beau? A-t-il beau nez, beaux yeux?
Un beau nez de nos jours ne nuirait pas pour plaire,
De beaux mollets non plus. En a-t-il une paire
Respectable ?
KRUMH^LSBL
Oh! je suis, ma cousine, au-dessus
De cette question de l'âge, et ne veux plus
De jeune fat, bien sûr, pour toute chose au monde.
Il paraît respectable. A son menton abonde
La barbe. On ne pourrait le mener par le nez.
SPITZN^SEL
Est-il donc si méchant? Vraiment! vous m'étonnez.
KRUMH^LSEL
Il ne le paraît pas. Mais il porte à la place
De son nez un emplâtre. Hélas ! dedans la glace
De Moscou ce beau nez resta. La nation
En retour lui donna la décoration.
Il s'en console donc.
SPITZN^SEL
Jésus! c'est pitoyable!
Embrasser un mari sans nez! c'est effroyable.
KRUMH^LSEL
Pour cela l'on n'a pas besoin d'un gros trognon.
Hélas, au lieu de bras, il n'a plus qu'un moignon.
SPITZIf^SEL
Mais est-il bien bâti? Est-il alerte, ingambe?
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LITTÉRATUIIE POPULAIRE DE L'ALSACB-LORBAmE 211
KRUMH^LSEIi
Non! malheureusement II ne peut être fier
De ses mollets. Pourquoi? c'est qu'il n'a qu'une jambe,
Puisque l'autre est en bois.
SPITZN^SEL
Oh! ça paraît amer!
Mais ça ne rendrait pas ma chevelure grise
Et je ne serais pas un moment indécise.
Prenez-le comme il est C'est toujours un mari,
£t cette marchandise a si fort renchéri
Que l'on peut, sans rougir, prendre un homme ayant bosse.
Jambe de bois, moignon, ou marchant à la crosse.
Si vous le voulez bien, j'irai sur le rempart
Avec vous dès demain, et si du béquillard
Vous n'êtes pas jalouse, il faudra qu'il décide
A laquelle de nous il servira de guide :
Peut-être bien aux deux.
ERUHH^LSEL
C'est ça! voici ma main !
Notre bonheur va-t-il se décider demain?
Mais silence! écoutez! qu'est-ce que ça veut dire?
SPITZK^ffiSEL
Oui! je l'entends aussi! c'est bien vrai que Ton tire.
Sans doute pour la paix. Quel bonheur! Songez donc!
D'Allemagne nos gens, dans un délai peu long
Reviendront, oh bonheur! Alors on pourra faire
Choix parmi des milliers du mari qu'on préfère.
Même on a prétendu que le bon roi Louis
Avant tout soucieux du bien de son pays
Yeut que chaque soldat aille former famille.
On ne pourra bientôt plus voir de vieille fille,
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212 REVUB d'àlsage
où si peu ! je ne puis supporter, par ma foi!
Ce bonheur plus longtemps! Vivat! vive le roi! '
Rioz, mars 1881.
VIII
CONVERSATION GÉNÉRALE
entre deux vieilles commères. — ^Madame-ma-cousine^ A et
^Madame-ma^cousinein B se rencontrent sur la place Saint-
Pierre^le-jeune, le 8 juillet 1815.
Pendant le second blocus.'
A
Cousine! où donc si vite? Arrêtez un moment
B
Je n'ai le temps, ma chère. Il faut que promptement
J'achète un peu de son. L'on ne sait comment foire
Pour en trouver, vraiment!
A
C'est comme moi, ma chère.
^ M. Bergmann attribne ce dialogue à Arnold, ftgé de 34 ans. D a été
pnbllé, en été 1814, chez yenye Bader, place du Dôme, n^ 14. Prix :
cinq sous. D'antres l'attribuent à Madame Engelhard (née Schweig-
hœnser), d'autres même au libraire Eoenig.
* «L'expérience rend sage!» Telle est la moralité à tirer de ce dia-
logue, surtout si on le compare à celui du premier blocus. Partout des
volailles et du bétail, amené surtout par les parents de la campagne
réfugiés en ville.
n est de W^^ Charlotte Engelhard, fiUe du célèbre helléniste
Schweighœuser et sœur de l'archéologue Geofiroi Schweighseuser.
La collection Heitz renferme deux manuscrits de ce dialogue, dont
l'un, la minute, de la main de l'auteur, renferme quelques corrections
et est sans titre. L'autre, écrit par une main d'homme, est précédé du
titre et de la date donnés ci-dessus.
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LITTÉRATURB POPULAIRE DB L'ALSACB-LORRAINB 213
Mais que font vos canards et vos jeunes oisons?
C'est là la question qu'à chacun nous faisons,
Quand nous l'apercevons du plus loin dans la rue.
B
On s'en occupe. Us sont d'une belle venue
Et déjà bien jolis, oison comme canard!
Avec du bon mais nous emboquons les oies.
Vous devriez bien voir les magnifiques foies.
Aux ailes, au poitrail est un plastron de lard :
C'est qu'on y mordrait bien. Oh! cette gourmandise
En ces temps malheureux ne nous est pas permise,
Mais nous y reniflons et gardons pour plus tard
Le meilleur!
A
Quoi! comment! enseignez-moi votre art
Par ces grandes chaleurs, comment, je vous demande.
Vous y prendrez-vous donc pour conserver la viande?
B
Ma foi! c'est justement parce qu'on est bloqué.
En canicule encor, que l'on s'est appliqué
A trouver des moyens qu'en autre circonstance
On n'aurait pas trouvés. Vous aurez connaissance
De la recette. On dit que l'on peut conserver
La viande fratche, et si l'on ne peut pas trouver
Autre chose, il faut bien la manger telle quelle.
A
Oh ! nous n'aurons pas faim. Notre ville vit-elle
Jamais chez elle autant d'animaux à la fois?
SchUtigheim est chez nous?^ Partout le caquetage
Des volailles ! Partout de la remise au bois
^ «ScMltigheim est chez nous!» Cette phrase, barrée dans laminnte,
a été conservée par les éditeurs du SéhaUkâstél comme dépeignant
rvremeniy quoiqu'ayec on peu d'exagération, l'état de Strasbourg à cette
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214 REVUE d'àlsâce
On a fait une étable. Au haut de tous les toits
J'entends les coqs chanter. Oh! si dans ce voyage
Vous veniez avec moi, j'irais au campement.
De tous côtés l'armée à nos portes bivaque.
B
Oh non! je n'aime pas pareil attroupement.
Cela fait mal au cœur de voir comme on s'attaque
Au blé qu'on coupe pour couvrir mainte baraque,
Ou comme en fleurs on prend jusqu'aux pommes de terre!
Un mois de cette vie, on verra la misère !
La disette déjà vient répandre ses maux
Sur les hommes ainsi que sur les animaux.
Le sort ne le veut pas: mais j'avais l'espérance
Que nous aurions la paix, quand l'esprit tourmenteur
Nous revint de son île, et, mettant, o malheur!
Tout sens dessus dessous, vint par sa violence
Nous ramener la guerre. Il y fera venir
Le dernier homme.
A
Ah Dieu! voulez-vous soutenir
Le roi qui tuera les protestants, et même
Rétablira la dîme. Oh non ! vous plaisantez!
Quant aux privations, eh bien! chacun les aime
Si c'est pour dominer le monde. Vous sentez
Qu'avec l'empereur seul nous pouvons encore être
La grande nation, et s'il n'était plus maître
Il nous faudrait le fils.
B
Portez-vous bien. Adieu!
Il me faudrait du son, et puis je dois paraître
Au Marais Kageneck: ma vache est en ce lieu.
lUoz, 19 mai 1881.
époque. L'un d'eux se rappelle très bien aTOir, à Tàge de quatre ans,
bu le lait d'une vache que «l'oncle de Schiltigheim» avait établi dans
la buanderie de la maison patemeUe.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINB 215
IX
Après le second bloGns.^
A
Les ennemis, grand Dieu, cousine! entrent chez nous!
On dit que cette fois ils seront bien moins doux
Qu'ils n'étaient l'an dernier. Ils nous volent et pillent
Et nous faisant payer encore, ils nous étrillent
B
C'est naturel! chacun devrait y regarder
^Jusqu'à deux fois avant d'aller se hasarder
* Le traducteur rappelle ici l'observation qa'il a déjà faîte an dia-
logne de la fin du premier blocus.
Ce dialogue, dit M. Stœber, date des premiers jonrs d'août 1815.
Le second blocus dura réellement du 28 juin au 30 juillet 1815, mais
ne fut officiellement levé qu'au 25 septembre.
Comme le précédent, ce dialogue est de W^^ Charlotte Engelhard,
et existe à la bibliothèque de l'Université en copie manuscrite faite par
M. Beitz.
M. Auguste Stœber, dans son recensement de l'édition de M. Berg-
mann, dit:
«Si M. Bergmann exprime le désir de voir publier le Mémorial jour-
nalier que cette dame aussi gaie que spirituelle continua jusqu'à un
&ge très avancé, je m'associe volontiers à ce vœu et en exprime un
second de mon côté: c'est qu'on y joigne le recueil de ses poésies
éparses partout. On en trouve entre autres dans le Elsàssische Samstags-
blatt, dans le Pfeffelsiilbum, dans les Férégrinatians à travers les Vosges,
d'Engelhard, dans le Livre des Légendes alsaciennes. D'autres poésies
de circonstance inédites et petites improvisations en dialecte de Stras-
bourg doivent avoir été conservées d'elles dans des familles amies.»
Traduire et citer les deux vœux ci-dessus, c'est s'y associer. C'est
1C™« Engelhard qui découvrit et traita la première la jolie légende des
Géants du Nideck qui depuis a inspiré tant de poètes (voir le Elsàssische
Sagenbuch, de Auguste Stœber). La publication de ses mémoires et de
ses œuvres ne pourrait donc qu'être agréable aux amis de la littéra-
ture alsatique.
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316 REVUE D^ALSACE
Contre n'importe qui, comme dit le proverbe,
Car, quand on tient le tigre, à l'animal superbe
Il faut rogner la griflFe. On était bien instruit
En pays ennemis comment on se conduit
Mais eux nous ont traités d'abord avec clémence
Parce qu'ils se flattaient de la douce espérance
En usant envers nous de modération
De se concilier la grande nation!
Ils ne nous ont pas fait assez forte saignée.
L'avoine nous excite, et si de sa cognée
Notre armée a cassé le pot, nous avons, nous,
Fracassé le couvercle. Et puisqu'alors nous tous
Avons voulu la guerre, eh! payons nos caprices
En en supportant tous aujourd'hui les sévices.
Rioz, 19 mai 1881.
DIALOGUE DE LA FOURRURE DE MARIAGE*
19 février 1816
A
Quel embarras! cousine. Il faudrait des maris
A nos filles. Venez me donner votre avis.
Non pas gratuitement, car à l'indicatrice
D'un bon parti toujours on donne une pelisse.
Et vous l'aurez bien sûr. Moi ! j'aimerais beaucoup
Pour mes filles au jeu retourner un atout.
* Ce dialogue est encore de M"'® Charlotte Engelhard; le manuscrit n'est
qu'un brouiUon de sa main et porte en bas la date du 19 février 1816.
Quant au titre que nous lui donnons ici, nous l'empruntons à M. Berg-
mann, qui le lui donne à cause d'un mot prononcé par la première
interlocutrice. Quand quelqu'un par son intervention, fait un mariage,
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAUTB 217
Eh bien! réfléchissez! Qui serait acceptable?
Par la ville y a-t-il quelque jeune homme aimable?
B
Hum!. . . Près du tribunal?
A
Allez donc ! ça n'est riep.
L'employé de nos jours ne sait jamais très bien
S'il se trouve fixé. L'on croit avec sa dame
Jouir d'un long bonheur; un enfant natt, ma foi!
Avant que l'on s'en doute, on a perdu l'emploi!
B
La Révolution et ses effets funestes!. . .
Mais que penseriez-vous du jeune professeur?
A
D est aimable, mais le parti n'est meilleur,
Car ses appointements sont encor bien modestes.
Le livre qu'il écrit, jamais un imprimeur
Ne voudra l'imprimer, et la faim à sa table
Met la nappe, cousine.
B
Oh oui! c'est lamentable!
Le capitaine, alors?
A
Oh! pour l'avancement,
Il peut y renoncer. Il a sa compagnie
Et n'ira pas plus loin, et du licencîment
les jeanes mariés lui doivent un petit présent, généralement ime pelisse,
on objet en fourrure.
«Ce poème, dît M. Stœber, est, tant k cause de son contenu, qu'à
cause de la rapidité du dialogue, qui ne contient rien de trivial ni
d'inconvenant, un des mieux réussis.»
Les derniers vers contiennent une morale que le traducteur conseille
aux lecteurs de suivre.
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218 REVUE D*ALSACB
Même il est menacé.
B
Mais, seigneur! je vous prie!
Qu'y a-tril bien encor? Le jeune étudiant
Théologue?
A
Allons donc ! Un curé? mais vraiment,
Croyez- vous qu'une fille aimerait prendre un homme
Prêchant chaque dimanche et qui ne sait pas comme
On fait un pas de danse? Elles aiment le bal.
B
Et l'avocat, cousine?
A
D est atteint du mal
De langueur, et la farce alors ne dure guère
Longtemps.
B
Mais l'accoucheur?. . . Ce serait bien l'affaire!
A
Oh non! pareil mari, cousine, ne vaut rien,
Car en société l'on veut se rendre, ou bien
N'importe où : tout à coup à votre porte on sonne.
On vient vous prévenir soudain qu'une personne
Geint et se plaint Votre homme est forcé d'y courir,
La femme à la maison peut rester et gémir.
B
Mais un pharmacien?. . • J'en connais une paire. . .
A
Allons donc! des lécheurs de bocaux qui vont faire
Des emplâtres : ah! pouh! s'ils n'allaient fabriquer
Bien que de l'hypocras, des pâtes pectorales?
B
Il y a les marchands, mais c'est bien se risquer
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINE 219
Dans rien qu'un tour de main quelques chutes fatales
Emportent leur honneur. Les aflaires vraiment
Vont mal. L'argent est rare. On risque à tout moment
Qu'on vous prohibe telle ou telle marchandise.^
Aussi bien la plupart commencent trop en grand.
Par vaine gloriole, ils feront la sottise
D'avoir du tout meilleur. Les jeunes dames ont
Grand plaisir à cela, et la plupart se font
Traîner dans un carrosse, et se trouvent marries
D'épargner aux dépens de leur bouche. Un marchand
Gommence-t-il alors, faisant modestement
Le détail, et vendant quelques épiceries,
Des boutons et des gants, du fil et du coton,
On le méprise, on dit: t Grand Dieu, comment peut-on
Prendre un mari pareil?» A moins que l'on ne puisse
En trouver un meilleur, et que l'on se roidisse.
Oui! l'on entend parler tous les jours sur ce ton.
A
Les avis sont divers. L'une trouve superbe
Ce que l'autre méprise, à croire le proverbe.
L'une tranquillement et par toute saison
Va broder, tapisser, et tous les jours s'applique'
A faire des dessins ou bien de la musique.
Une autre aime bien mieux, parcourant sa maison,
Agir, et diriger un énorme ménage.
Une troisième enlin trouve beaucoup plus sage
De prendre un professeur. Mais à cette autre il faut
Un fringant officier, pour parcourir la terre
Avec lui. L'autre enfin, visant beaucoup moins haut,
Derrière son comptoir, au magasin, préfère
Tricoter, écouter les messieurs venant faire
' Allusion aux tyranniques exigences du système continental qui se
trouTaient encore présentes à tontes les mémoires.
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220 REVUE D'ALSACE
La causette. On ne peut consacrer au tricot
Le jour en son entier. Et de rester assise
Ne viendra défraîchir ni son teint ni sa mise.
Elle a froid en hiver, mais bien chaud en été,
Et, cousine, pensez à l'argent qui lui passe
Par les deux mains, et sans qu'un mari Tait compté.
Elle peut contenter ses désirs sans qu'on fasse
Le calcul de l'argent qu'elle va dépenser.
B
Cousine, très bien dit! mais allons-nous passer
Chaque condition, chaque état en revue ?
Si nous réfléchissons, à partir d'aujourd'hui,
Et jusqu'aprës-demain, je crois que notre vue
Sera toujours qu'il faut, sans compter sur autrui.
Choisir chacun pour soi, car c'est plus raisonnable.
Pousser au mariage, eh! c'est là s'exposer
D'avoir des deux côtés remerctments du diable.
A la moindre dispute on viendra dégoiser
Contre vous, homme et femme. Ah ! faites épouser
Qui vous voudrez, pour moi je me crois bien plus sage
De ne jamais pousser personne au mariage.
Rioz, 13 mai 188L
XI
CONVERSATION TRÈS SÉRIEDSE
tenue entre trais femmes de Strasbourg, Madame Dickhans,
Madame Catherine et la cousine Suzanne. — Colmar, im-
primé chez J.'H. Decker, imprimeur royale 1819. ^
CATHERINE
Ah! Madame Dickhans, bonjour!
Est-ce qu'on se promène?
^ Les antres bavardages des commères étaient rédigées en pompeux
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LITTÉ1UTURE POPOiAIRE DB L'ALSACE-LORKAINE 221
DIOKHÂNS
Et VOUS? Vous faites votre tour?
Quel bon vent vous amené?
CATHEBIKE
Je viens du sermon qu'on a fait
Là-bas à Sainte- Aurèle.
Ah! quelle foule! on n'en pourrait
Faire un compte fidèle.
DIGKHANS
Ah! si c'était un peu plus près
J'aurais été l'entendre.
Etant trop grosse, je craindrais
De me laisser surprendre
D'un coup de sang. Mais dites-moi
Le siqet de ce prêche.
CATHERINE
On a parlé, fort bien, ma foi,
De l'homme quand il pèche,
Et trës bien décrit les remords
De notre conscience,
Blâmé les usuriers retors
Et leur grande impudence.
Montré comment l'homme d'argent
Vous achète, accapare
Les blés, et comment l'indigent
Aux griffes de l'avare
Se voyant voler et saigner
hexamètres. Celui-ci, qne M. Bergmann attribne à Arnold, sautille
légèrement en tétramètres et trimètres iambiques. Il traite des malheurs
du temps, des accapareurs et usuriers, des banqueroutes, des chômages
des fabriques, de la loterie, de la superstition des paysans, de la chro-
nique scandaleuse, du rétablissement attendu de la conscription. La
scène se passe en 1818.
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212 REVUE D ALSACE
Par ces gens malhonnêtes,
Et ne pouvant plus rien gagner
Va se couvrir de dettes.
DICKHANS
Ah! c'est qu'il sait bien fustiger!
J'aurais voulu l'entendre.
Maint jardinier et boulanger
Du sermon pouvait prendre
Sa part. . .
CATHERINE
Ce n'est pas eflBrayant
Pour eux. Qu'on les échine,
Us mangeront leur mendiant *
Et boiront leur chopine!
DICKHÀNS
La vie est difficile, hélas!
Et grande est la misère !
Si bien qu'on cherche, l'on n'a pas
Le moindre ouvrage à faire.
CATHERINE
•Aux Quatre-Vents»' chez le brasseur
Ayant fait le voyage
Mon homme n'y put, o malheur !
Trouver le moindre ouvrage.
Sans le chômage l'on pourrait
Gagner dans les fabriques.
DICKHANS
Oui! si le bon Dieu n'existait
On aurait les coliques.
De voir comme il faut se priver
* Voir l'énigme à la fin de ce dialogue et sa solation.
^ Enseigne de brasserie.
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LirTÊRATUHS POPULAIRE DE L*ALSÀGE-LORRAINE
De toute jouissance.
Mon mari voulait achever
Sa funeste existence.
On a des clients. De payer
Personne ne fait mine.
CÀTHEBIinS
Sans eau comment donc un meunier
Fera-t-il la farine?
DICKHA178
n serait superflu, ma foi!
De songer à la viande.
Sans café, dites, avec quoi
Feraitron la gourmande?
CÀTHERIITE
Oh! Ton ne peut chez le boucher
Aller de la semaine.
J'avais de l'argent à toucher.
Grâce à la bonne aubaine,
Je pris un rôti, tout petit :
Quarante sous! ma chère !
Et mon homme, irrité, m'en lit
Presqu'une grosse affaire !
sirzÀinTE
C'est un fameux terne, à propos
Que Bftrwel vient d'abattre,
(Que n'ai-je pris ces numéros !)
Avec un, onze et quatre.
DICKHÀNS
Numéros six, quatorze et huit
Sont ceux sur qui j'arrête
Mes mises, engageant sans bruit
Le bel habit de fête
De mon mari. Puis je revends
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224 RSVUB d'alsagb
Une taie à paillasse.
Dès qu'on vient rapporter, je prends
L'argent et je le place
Sur ces trois nombres.
suzAjnns
Moi je crois
Que cette loterie
Est bien fatale! Que de fois
On s'en trouve marrie
Grand Dieu ! mais il faut me hâter!
Onze heures et demie!
DICKHANS
Oh! vous devriez bien rester
Faire la causerie.
SUZANNE
U faut rentrer!
DICKHANS
Deux petits mots:
Avez-vous ouï dire
Qu'avec chevaux et chariots
L'Allemand se retire ?
SUZANNE
Taisez-vous! ce serait trop beau!
Je n'ai pas confiance!
Chacun, pour dire du nouveau,
Ment avec impudence :
«Bonaparte sur un bateau
S'est sauvé de son île.
Revenant de l'Inde, un vaisseau
L'a vu!» Quel bruit futile !
DICKHANS
Ah ! qu'il y reste, celui-là.
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LITTÊRATURB POPULÂIEB DB L*ALSAGB-L011BAINB
Oui! qu'on nous en délivre!
Dans son tle on le munira
D'un peu de savoir-vivre.
snzijrNE
Je n'aime les raisonnements I
Je hais la politique!
C'est vrai ! ça fait perdre le temps
Et paraît excentrique !
CATHERIIfE
Bavarde ! un grand journal n'est rien
Auprès de vous, ma chère.
Bien riche, je vous voudrais bien
Avoir comme commère
Ayant charge de raconter
Nouvelles et chroniques,
Et, quand on veille, de chanter
Des chansons et cantiques.
DICKHÀKS
Ah! diantre! j'allais oublier!
La chose est si comique!
Quelqu'un prit pour un sanglier
Un cochon domestique.
CATHEBDIE
Ah ! pour un homme qui se dit
Si confit en sagesse,
n n'a pas fût preuve d'esprit,
Mais bien de maladresse.
SUZÀlïNB
On a donné le mois dernier
A nos marionnettes.
Chacun a pu s'en égayer.
De fort belles sornettes :
MooTelle SMe. - 11-* «onéa. 15
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226 REVUE d'alsace
C'était la femme à Jean-Boudin *
Qui de bœuf à la mode
Régalait ses galants. Mâtin !
Comme on vous accomode
Le prochain. C'était épatant,
On y crevait de rire,
Et chacun semblait très content
D'entendre ainsi médire.
DICKHAN8
Dieu! j'allais l'oublier. On voit
Partout la banqueroute.
Vous le savez. La Feuille doit
Le raconter sans doute.
CATHERINE
Un tel, qui s'est terriblement
Embourbé dans la dette,
A bien des gens volant l'argent
A fait la pirouette.
SUZANNE
Gare à nos docteurs, car on dit
Que voici leur débâcle.
Dans Ottrott un garçon guérit.
Que c'est un vrai miracle. ^
CATHERINE
Oh! ce sont des mauvais plaisants
Qui parlent de ces cures.
Faites croire à des paysans
Ces sottes aventures.
^ Jecm Boudin, polichinelle.
* Ottrott est nn bonrg alsacien dans leqnel à cette époqne un certain
Baschelé on Sébastien se livrait à des actes de charlatanisme dont Fan,
rapporté dans le dialogne, dnt le mettre en «fort mauvaise odenr.>
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LITTÉRATUKE POPULAIRE DE L' ALSACE-LORRAINE 227
DICKHAN8
Mon docteur, homme très savant,
Dit: «Malgré ce qu'on beugle,
Il rend la vue à l'impotent,
Et la marche à l'aveugle !>
SUZAimŒ
Il produirait en vous massant
Un effet magnétique,
De ceux qu'il vient toucher chassant
Rhumatisme et colique.
CATHERINE
Oui ! Bftrwel vint un jour me voir
La semaine dernière,
Et me racontant qu'un beau soir
Quelqu'un l'aurait fait faire
Coucher avec lui. Ce soir là
Ayant trop fait ripaille
Il aurait — salva venta — *
Souillé jambes et paille.
DICKHANS
Ah! qu'il est propre, le sorcier !
Quel drôle magnétisme!
OATHERIKE
Aussi pourquoi donc se lier
A son charlatanisme?
Sirach dit que le Créateur
Créa la médecine :
Consultez donc un vrai docteur
Et non ces gens à mine
De singe.
' Salva venta. Mot latin adopté par le peuple : sanf votre indulgence
ou sauf votre respect.
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228 REVUE D'ALSACE
suzÀimE
Midi! mon mari
Doit avoir faim ! Ah ! diable !
Nous travaillons sans apprenti :
Il faut mettre la table.
CATHERimB
Vous viendrez demain, s'il vous plaît,
Car à la brasserie
Du «Pélican»^ mon mari fait
Bien souvent sa partie.
Nous filerons. Je chaufferai
Du café. La consigne
Est qu'aussitôt que je pourrai
J'irai vous faire signe.
DICKHANS
Ecoutez encore un moment,
Madame Catherine;
On parle de recrutement,
Croyez-vous, ma cousine,
Que Seppel,^ mon fils, rejoindra
Le corps, sans que ça tarde.
CATHERUTB
Ça n'est pas encor. Ça viendra!
On va monter la garde,
Car j'entends battre le tambour.
Il faut rentrer bien vite.
DICKHAKS
Allez donc. Mais si quelque jour
La chose s'accrédite,
Dites-le. Je l'enverrais bien
^ Pélican, enseigne de brasserie.
* Joseph.
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UTTÉRATURB POPULAIHB DE L^ALSACB-LORRAINB 229
Alors en Allemagne.
«CJomment un gars comme le mien
S'en irait en campagne,»
Dit son père, «avec un plumet,
Avec un pied de vache!»*
J'y mettrais mon dernier objet
Pour qu'on me le relâche
En lui payant un remplaçant
Nos vignes font l'affaire;
Quinze arpents ! mon mari consent
A les vendre au beau-frère.
Grand Dieu! que les temps sont mauvais,
On prendrait bien la fuite!
Jusqu'à Grenoble je voudrais
Me sauver tout de suite.
CATHERINE
Faites comme bien d'autres gens,
Laissez toute jactance,
Car raison, patience et temps
Ramèneront la chance.
Rioz, le 19 mars 1881.
* ENIGME ALSACIENNE
DB CHAULES BEBNHABD
Je suis on homme et paurre et yieux
Et je n'ai dans ma vie
De jouissance. Panvre gnenz,
Je demande et je prie.
Oui 1 donnez quelques petits sons,
Bonnes gens, je prlrai pour Yons.
^ Pied de vache, manière pittoresque de désigner le fusil d'infanterie.
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230 REYUE D^ALSàCE
Et puis on aime me mangei^
Et pourtant je m'appelle
De même. An fonr dn bonlanger
On me cnit. De cannelle,
De sncre on me sanpondre. Enfin
Je sois croquant, mon goût est fin 1
Addition du traductewr
n fant qne le lecteur soit encore averti
Qu'en bon français je suis un dessert assorti.
Rioz, le 26 mars 1881.
Sdntion de Charles Bernhard
PeUt conte, traduit de la prose stratibourgeoise en vers français
Qui ne connaît Paris, capitale du monde,
Et qui, dans cette ville où tonte chose abonde.
Ne connaît EnOpfelfritz et n'a mangé chez lui
De LewerknOpfles? qui? Non! je n'ose aujourd'hui
Questionner ainsi, car chacun, je le gage,
A dans la grande ville au moins fait un voyage.
Et tout Alsacien connaît, je le prétends.
Ce EnOpfelfritz qui vit au moins depuis cent ans.
n n'est pas dit pourtant que c'est toujours le même.
Car, si Fritz est natif pour l'un de Schiltigheim,
L'autre le dit enfant de Hœnheim ou Bischheim.
Je connais à Paris un Strasbourgeois. Il aime
Aller chez EnOpfelfritz manger de temps en temps
Choucroute et lard, ou bien des EnOpfles succulents,
Ou des Enackwurst de Flamm, Mais ce compatriote
Un certain jour de fête, infidèle à son hôte.
Allait se régaler dans un bon restaurant
Près du Palais Royal. On apporte à notre homme
La carte qu'il parcourt d'un œil distrait. Mais comme
n y voit tout à coup ce beau mot : Mendiant !
n se dit: «Tiens! tiens! tiens! Dans notre dialecte
On dit un Betteîmann! Ah! bien ! je me délecte
En me remémorant combien ma mère a fait
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UTTÉKATURE POPULAIRE DE L^ALSACS-LOBJUINB 231
De ce plat, employant de petits pains an lait,
Ajoutant lait, beurre, œufs, sans oublier cannelle
Ni sucre, ni grands soins. Aussi les faisait-elle
De façon que chacun de nous s'en régalait.
De mes temps de gamin ce souvenir me touche,
Et rien que d'y penser l'eau m'en vient à la bouche.
Garçon 1 un mendiant h
n se frotte la main,
Croyant se régaler en apaisant sa faim.
Tout à coup le garçon lui dit : «Monsieur, youb êtes
Serri!» Tout en posant amandes et noisettes,
Figues et raisins secs qui riaient du grand né
Que faisait tout à coup Hansdànel * étonné.
Que pensa le pays arec son ventre vide ?
Chacun peut le penser. Mais il fit le solide
Propos de retourner, pour faire ses repas
Chez EnOpfelMtz dont il connaît au moins les plats I
Rioz, le 26 mai 1881.
Ch. Berdellé.
(La suite à la prochaine livraison.)
^ Jean-Daniel.
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REGLEMENTATION
d'une
FORÊT COfflUNALE D'ALSACE
AUX XV ET XVP SIÈCLES
DOCUMENT B
Ce document * forme un cahier en parchemin de 30 centi-
mètres de haut sur 18 1/2 de large; c'est une copie vidimée
du 14 novembre 1630, délivrée par Jean-Conrad SchupflEher,
greffier échevinal juré à Haguenau, qui Ta faite lui-même {in
fidem manu propria transcripsit); ce document, d'après la
mention faite à la fin de la table des matières, a été traduit de
l'allemand en français par Bircéder, à Colmar, le 3 juillet 1719
(probablement pour la maîtrise générale des eaux et forêts) ;
il contient la transcription littérale des divers statuts et
règlements arrêtés à difiérentes époques et calqués sur d'an-
ciens, sauf quelques changements et modifications appropriés
au temps, par les bourgmestres et maîtres de forêt à l'adjonc-
tion des notables des quatre communes; ils sont relatifs aux
droits usagers, à la surveillance de la forêt d'Aspruch, aux
constructions et à l'entretien des bfttiments d'habitation et
d'exploitation rurale ainsi qu'aux clôtures des fermes et des
^ Voir les livraisons des 2« et 3« trimestres 1881.
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RÉGLEMENTATION d'UNE FORÊT COMMUNALE 233
champs, à la plantation d'arbres-chênes par les jeunes habi-
tants venant d'acquérir le droit de bourgoisie, à la soumission
aux sentences arbitrales des vingt juges de la montagne, etc.
Ce vidimus commence par la copie d'un règlement fait le
premier vendredi après le nouvel an 1572 par les maîtres de
forêt, bourgmestres et notables des quatre communes, conte-
nant soixante-seize articles en dix rôles d'écriture allemande
de genre et style modernes, relatifs aux droits usagers de la
forêt et du pâturage, à l'exploitation, à la vente et au par-
tage des produits forestiers, au partage des amendes de
contravention, et elle est suivie de celle d'un règlement addi-
tionnel arrêté, en 1585, par les maîtres de forêt et bourgmestres
des quatre villages réunis sur la montagne, rédigé en trois
articles concernant le transport et l'emploi du bois et la
manière de débiter les arbres trouvés gisants dans la forêt;
suit ensuite copie d'un autre règlement du mardi 14 oct 1595,
arrêté entre les bourgmestres et les maîtres de forêt avec la
participation des notables convoqués au son des cloches des
quatre villages, contenant des stipulations réglementaires
pour chacun de ces villages séparément au sujet des clôtures
par haies vives et palissades de l'intérieur et de l'extérieur
des localités; cinq pages d'écriture.
Suit copie de quatre pages d'écriture d'un règlement fait le
18 mai 1589 entre les notables députés des quatre villages
pour vider le conflit qui s'était élevé entre les maîtres de forêt
et les quatre communes, en fixant les conditions de ceux-là
pour ce qui concerne leurs salaires, leurs droits usagers en
matière de pâturage, de vente de bois, de partage d'amendes
de contraventions, etc.
Autre copie d'une transaction faite en 1601 devant les vingt
juges convoqués sur la montagne, les gobelets pleins en mains,
prononçant la sentence arbitrale sur les conflits qui s'étaient
élevés entre les quatre villages et V l'abbesse du monastère
de Kônigsbrûck, celle-ci y étant représentée par Gaspard
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234 KEVUB D*ÀLSACE
Heigell, son intendant de la maison et George David, au sujet
du curage du lit de la rivière die AUbach dite Ablossbach ou
canal de décharge, dans le ban et finage des quatre villages,
travaux qu'elle avait fait exécuter sans en avoir donné avis
aux quatre communes. 2"" le gentilhomme Philippe de Flecken-
stein au siget d'une contravention encourue par lui en
prenant dans la forêt TAspruch du bois pour palissades et des
branchages pour clôtures des champs à Bôdern, détruits par
ceux de Hatten et rétablis par le seigneur; on a transigé au
sujet de Pamende avec les mattres de forêt.
Sur une page à part se trouve transcrite la formule du
serment de fidélité à prêter par les employés des quatre vil-
lages dont voici la traduction.
« Je jure d'avoir donné ma foi, d'avoir reçu mes instructions
que je suivrai en tout fidèlement, que Dieu et les saints Evan-
giles me viennent en aide. »
Le tout est terminé par une table des matières des soixante-
seize articles.
Sig. : Hagaenan, le 15 novembre 1856,
Wbnckbb,
Va et certifié conforme. Strasbourg, le 17 novembre 1856,
L'Archiviste en chef du département,
Spàoh.
Va par le Secrétaire général de la Préfecture,
aBBOUL.
{Cachet de ïa Préfecture.
I
RÈGLEMENT DE 1572
(76 articles)
A savoir,
lorsqu'on comptait depuis la naissance de notre cher
Seigneur, le Christ, notre Sauveur, mil cinq cent soixante-
douze années, le jeudi et le vendredi après le jour du nouvel
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RÈGLEMENTAnON D'UNE FORÊT COMMUNALE 235
an, le règlement forestal ci-après transcrit a été &it par les
honorables Arbogast, George le jeune, waldmestredeHatten;
Lùckhen, Henri, heimbourgue; Becht, Jacques, fils de Pierre ;
Arbogast, Jean, tous de Hatten; — Veillons, Humbrecht,
waldmestre; Pantter, Jean, heimbourgue; Gueman, Pierre;
Hoflfel, (Ma)thurin, de Rittershoffen; — Peter, Jacques, wald-
mestre; Summer, Jean, heimbourgue; Summer, Marzolf;
Sturm, Thomas, de Niederbetschdorf; — Sumer, Théobald,
waldmestre; Schaflhansen, Thibaud, heimbourgue; JOrg, Jean,
et André, Jean, d'Oberbetschdorf,
que les quatre communautés desdits villages réunies au son
des cloches en assemblée plénière avaient mandés et chargés
de faire le présent règlement selon l'intérêt de la forêt et
Tamélioration du bien des quatre communes.
Art 1.
Celui qui est obligé de bâtir une maison neuve, réclamera
le bois dont il aura besoin au waldmestre ou maître de forêt;
celui-ci lui donnera pour une maison à quatre pignons (étages)
douze pièces de bois de chêne et pas plus;^ pour ce dont il
' < . . . der Waldmeister soll Dune geben zu einem yiergeblichen hanse,
zwôlf stûck Ëychen holz nnd nit mehr...»
Une maison à quatre pignons — <ein viergebliches Hans» — est une
maison de quatre étages, de quatre charpentes snperposées à pignon
de bois saillant; les assemblages de poutres formant les planchers
Tiennent d'étage en étage s'appuyer, s'affemûr sur le mur de pignon
qui sert de ferme à la charpente et dont la pointe (pinna murt) porte
le haut du faîtage.
Le mot «Giebeb, anc. formes «Gêbel, 6ibal>, équivaut donc ici à
coniignatio, — le mot français contignation n'a pas fait fortune — , =
«Geb&lk» charpente d'un étage, étage : postquam contignatum est = la
charpente faite; intertiaincont%gnatt(mem=a,n troisième étage. Remar-
quez aussi le sens de pignus au M. A... ecdesia et reUquarum pignara
qui ibidem œnstructa 9unt; Tradit. Wzbg. n® 47.
Aujourd'hui «Giebel» ne désigne plus, dans un b&timent, que pignon
et faîtage; pour étage on dit: «Stock, Stockwerk, Geschoss»; une mai-
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236 RETUE D^ALSACE
aura besoin en sus, il prendra du bois de hêtre ou de pin ou
du bois sec quelconque, sur pied ou versé. Celui qui couperait
au delà du nombre d'arbres concédés paiera pour chaque
chêne coupé cinq livres stsbg. pour un grand «Einung»; les
forestiers et les waldmestres y veilleront, etc.
Quand il ira couper son bois dans la forêt, le waldmestre
ou quelque forestier raccompagnera pour choisir ensemble
des arbres assortis.
2.
Celui qui voudra bâtir une maison neuve à trois étages *
réclamera le bois dont il aura besoin au waldmestre; celui-ci
lui accordera neuf pièces de bois de chêne, et ce dont il aura
besoin en sus, il le prendra en hêtre ou en bois sec quelconque;
quiconque coupe au-delà devient passible comme ci-dessus.
son de qnatre pignons (cein viergeblich haus») est une maison com-
posée du rez-de-chaussée («Erdgeschoss») et d'un premier («ersten
Stock»), ou comme dit le terrier de 1752 : «eine zweistockige Behau-
sung». Sur les 200 maisons qu'il y avait à Hatten en 1752 : 100 sont
dites «zweistockige», 4 anderthalbstockige» et 96 «einstockige Behau-
sung».
La racine la plus propable du mot «Giebel» est Fane, h'-all. cGabala»
= «Gabel», ffM-ca, fourche, cf. affburcher; le mot gable usité en Nor-
mandie pour faîtage d'une maison, ne parait être autre que le mot alle-
mand; cf. cependant le mot latin ^a5aZu5 = croix ; «Giebel» = sommety
faite, ne se dit que des constructions; pour cime, sommet des objets de
la nature, on dît «Gipfel»" ainsi des arbres, des montagnes. Cf. KBg>àXq
= tête; et le mot arabe gibél, ou mieux âôébd == montagne: ffebd-teir,
Gibraltar, etc. Gibet = potence (gabalus) est un «Giebel» dans sa plus
simple expression composé d'un ou de deux poteaux et d'une poutre.
Gibelot (marine), bois courbe qui lie l'aiguille à l'étrare d'un vaisseau,
semble être le mot allemand lui-même «Gabelholz»: ^ gabelle = gre-
nier où l'on vendait du sel (xvi* s.) et gabeler = mettre le sel dans le
grenier pour le faire égoutter, se rattachent plus facilement à «Gebel»
qu'à «Gabe, Abgabe», = impôt.
* «Ein Ney drey geblich haus». Cf. Lsxx&yWôrterbuch d, MhéL Spr,:
«£in Haus soU drei Geb&lk hoch sein».
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 237
3.
Si quelque bourgeois des quatre villages voulait bfttir une
maison et qu'il voulût la faire construire sans (poutre?) bal-
con/ «ohne Bolken», il coupera neuf pièces de chênes, et pour
ce dont il aura besoin en sus, il coupera du bois de hêtre ou
de pin ou du bois sec quelconque sous ladite peine.
4.
Celui qui se trouve dans la nécessité de bfttir une grange à
quatre étages* doit demander le bois dont il aura besoin au
au waldmestre; le waldmestre lui donnera neuf pièces de
chênes, et pas plus, et ce dont il aura besoin en outre, il
pourra le couper en hêtre, pin ou le prendre dans les abatis
ou en bois sec, sur pied ou versé. Celui qui outre-passe la
concession rompt, pour chaque chêne coupé, cinq livres pour
un grand « Einung ». Les forestiers et les waldmestres veille-
ront sur cet article.
5.
Celui qui aurait besoin d'une grange à trois étages' deman-
dera le bois qu'il lui faudra au waldmestre, qui lui donnera
six pièces de bois de chêne et le surplus en hêtre, pin ou en
bois sec quelconque. Celui qui outre-passe la concession
rompt conune ci-dessus.
6.
Dans le cas que quelqu'un voulût ajouter à sa maison ou à sa
^ Les soliTes soatenant les planchers formaient autrefois saillie snr
le mur de pignon inférieur, et les étages s'élargissaient d'autant du
côté de la rue en formant «balcon» les uns au-dessus des autres.
■ «ein New viergebUch Scheyr».
Les assemblages de poutres, au-dessus de Taire, dont les deux extré-
mités s'appuient sur les pignons et qui forment des planchers où sont
entassées les gerbes, etc., se disent dans le langage du pays : <6eww'r&t?
* citem ist einer nothdflrftig einer Neuen dreigeblichen Scheuren »
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238 REVUE d'Alsace
grange un étage neuf,' il demandera le bois nécessaire au
waldmestTe, qui lui donnera pour un étage ^ trois pièces de
bois de chêne, et pas plus, et le reste en hêtre, pin ou bois sec
quelconque; celui qui néglige ce règlement rompt, s'il est
découvert, pour chaque chêne coupé cinq livres ou la grande
amende.
Celui qui voudra remplacer un vieux bâtiment par un neuf,
doit employer à ce dernier tout le bois de l'ancien en état de
servir encore,* afin d'en couper d'autant moins dans la forêt;
les waldmestres se feront donner là-dessus sa parole à la place
de serment Celui qui ne suivrait pas ce règlement, rompt
cinq livres ou la grande amende, irrémissiblement et chaque
bourgeois, aussi bien que les waldmestres et les gardes fores-
tiers, devront y veiller.
8.
Le bourgeois des quatre villages qui voudra bâtir une
étable doit demander le bois dont il aura besoin au wald-
mestre; le vT^aldmestre lui donnera pour cet usage, non pas
du bois de chêne, mais du bois de hêtre ou de pin ou du bois
sec ou du bois pris dans les abatis. Celui qui ne s'y conforme
pas rompt, s'il est découvert, un grand «Einong» ; les wald-
mestres, forestiers et un chacun devront y veiller.
9.
Celui qui aura besoin de bois de construction est tenu
d'employer à sa bâtisse tout ce qui parmi le bois coupé dans
• «Einen Nenen Gebell».
• «zu einem Gebel».
• «was vor (fttr) Vorholz», = bois de chêne dans les murs extérieurs?
bois de galandise, comme on disait au xvui® siècle.
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 239
les abatis faites sur le devant ou le derrière de la forêt,' peut
bien lui servir soit pour jambages de portes ou de fenêtres,
soit pour tout autre usage. Quiconque néglige de s'y conformer,
encourt, s'il est découvert, la grande amende. Les forestiers,
waldmestres et un chacun des quatre villages y veilleront.
10.
Celui qui demande au waldmestre le bois de construction
dont il a besoin, lui promettra sur parole de le couper selon
l'intérêt de la forêt
11.
Les waldmestres ne doivent pas accorder du bois pour bfttir
entre le jour de l'annonciation de la Vierge" (25 mars) et la
Saint-Gall (16 octobre); ce n'est qu'après la Saint-Gall et
jusqu'au dit jour de la Vierge qu'on pourra en couper ; si
cependant quelqu'un était obligé de faire de*s réparations
urgentes à son vieux bâtiment, il pourra en couper à toute
époque. Celui qui en coupe dans l'intervalle interdit, encourt
la grande amende.
12.
Celui qui serait obligé de réparer sa maison ou sa grange
devra demander au waldmestre le bois nécessaire; le wald-
mestre ira avec lui pour voir ce qu'il lui faut de bois et il lui
donnera pour seuils et mattres-poteaux du chêne et pour le
reste du hêtre, du pin ou du mort-bois quelconque. Le wald-
mestre préviendra le garde forestier des pièces accordées ;
^ «Was einer findt nnder dem abgehawen, es sey hinten oder vornen
in den Afterschl&gen» = abatis faits le long des limites à Fest et à
l'ouest de la forêt? au nord et an snd il y avait des rivières servant de
limites.
* «nnser franentag Kleibnng». Yoy. Doc. A. 16. Nota. Bévue, t. X®,
pp. 244 à 245.
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240 REVUE d'alsace
celui qui coupe au delà de la concession, encourt, sil est
découvert, la grande amende.
13.
Celui qui aurait besoin d'entraits * pour sa vieille maison
pourra couper un chêne pour la poutre et le reste dont il
aura besoin, il le prendra en hêtre ou en mort-bois quel-
conque. Couper en chêne plus que la poutre, entratne la
grande amende.
14.
Celui qui à l'avenir laisse le bois de construction qu'il a
coupé au delà d'un an et un jour dans la forêt au lieu de rem-
ployer, encourt pour chaque chêne coupé cinq livres et pour
chaque hêtre ou pin six schillings stsbg. d'amende. Mais per-
sonne des quatre villages ne doit, ni avant ni après qu'une
année et un jour soient révolus, toucher ou enlever de ce bois,
dont on disposera de la manière suivante: le premier qui
voudra bâtir recevra du waldmestre tout ce qui de ce bois
peut lui servir de bois de construction, et l'emploiera selon
les indications du waldmestre. Celui qui ne le fait pas encourt,
s'il est dénoncé, la grande amende.
15.
Personne ne doit plus couper à l'avenir déjeunes tiges pour
lattes^ ni pour un vieux bfttiment, ni pour un bâtiment neuf.
Quiconque en coupe encore encourt, s'il est dénoncé, une
amende de six schillings pour chaque hêtre coupé; mais il
^ «Item, ist einer nothdôrftig eines Schweben Gebels». «Schwebe
Gebel» et «Schebe Gebel». A. 28. sont des expressions inconnues anj.
— «Schweben» = être suspendu, planer; ^Schebe* 7 cf. ffx&irj'= méyrj,
d'où : étage, anc. estage = couverture, toit, le ferme, dont les entndts
sont les maîtresses-pièces; auj. «Kehlgebâlk».
' «Item. Es soll auch nun fUrterhin keiner mehr Lattstangen hauen
aus biechen Ertkimenstangen. . . >
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RÉGLEMENTATION D'UNB FORÊT COMMUNALE 241
pourra couper du charme ou de l'aulne. Les forestiers et les
waldmestres y veilleront
16.
Dorénavant personne ne doit plus couper de jeunes hêtres
pour arbres ou poutres servant à charger les chariots, ni pour
étrésillons, leviers, appuis, crocs, curons,' ni déjeunes pins;
quiconque en coupe encore rompt, s'il est découvert, pour
chaque arbre coupé quatre schillings, dont deux au rappor-
teur et deux aux quatre communes. Les forestiers, wald-
mestres et un chacun devront y veiller.
17.
Si à l'avenir un bourgeois domicilié* des quatre villages
osait rompre un aËinung» et qu'il coupât du hôtre, il rompt,
s'a est attrapé, six schillings par arbre coupé. * Si on ne le
surprend pas en flagrant délit, mais qu'on l'attrape en route,
soit dans la forêt, soit en dehors dans quelque endroit encore
soumis à la surveillance des gardes, et que le surveillant qui
l'arrête le soupçonne d'avoir coupé même plus d'un arbre,
et que le délinquant le nie, ils doivent sur le champ revenir
ensemble, guidés par les traces des roues de la voiture, sur le
terrain de la coupe et vérifier le fait.^ Un chacun et les fores-
tiers et waldmestres y veilleront. Deux schillings au rappor-
teur et quatre schillings aux communes.
18.
 l'avenir les charrons ne doivent plus couper de jeunes
^ «Ladbaeam, Spriessstang, Hebell, Lan, Hackhen, Renttel».
' «Item, wer es dass nan farterhin ein îngesessener Borger. . . ein
Einung wagen wirdt'».
' «an jedem Stampf iden er macht», expression habitaelle dn Doc, =
poTU chaque soache qu'il fait.
*' «uff die Walstadt gahn und die besichtigen». '
NoaveUe Série. — li-* année. 16
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242 REVUE D'ALSACE
hêtres pour jantes,^ ni faire des jantes dans la forêt. Le con-
trevenant rompt, s'il est découvert, une livre stsbg. par souche
ou par arbre coupé. Les forestiers, waldmestres et un chacun
auront à y veiller.
19.
Si un charron coupe du bois pour «esses» (ais, rais,* etc.) et
qu'il soit découvert, il rompt pour chaque arbre coupé six
schillings. Les forestiers, waldmestres et un chacun auront à
y veiller.
20.
Celui qui fabriquerait des jantes ^ dans sa cour sans être
charron, rompt un aEinung» d'une livre stsbg. — Mais, char-
ron ou non, on ne doit pas non plus en fabriquer dans la
forêt, fût-on même allé chercher le bois dans d'autres forêts,
sous peine de ladite amende. Les forestiers et les viraldmestres
y veilleront
21.
Personne ne doit plus à l'avenir couper de hêtre pour maie, ^
celui qui en dédain de ce règlement en coupe encore rompt
une livre stsbg. Les forestiers, waldmestres et un chacun des
quatre villages y veilleront.
^ «Felgenstang abhawen et Felgen machen» = 1^ jante (ahsis)-,
2^ herse (occa). «Felgenstang» pour toutes les grosses pièces de char-
ronnage.
* «Item, so ein Wagner Essen hawet» ou comme dit le Registre
art. 20. «Essen macht», les petites pièces de charronnage servant à
relier les grandes, telles que rais, aisseliers, ais, barreaux, échelons;
de assis, axtctUus, axis, d^coy. Le Registre, art. 19, porte: «von den
Esten>(?) cf. Pane, haise (hesia) = porte à treillis; et le mot normand
haisier = ridelle («\Vagenleiter>).
* Le texte dit «Felgen», le Registre «Essen».
* «Mulde» (mactrà) huche ou pétrin, coffre où Ton pétrit le pain,
formé alors d'un seul tronçon de hêtre creusé.
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 243
22.
Celui qui a besoin d'une mangeoire* s'adressera au wald-
mestre qui ira avec lui pour voir quelle mangeoire il lui faut
et lui assignera un hêtre en conséquence; mais s'il lui fallait
une mangeoire de moins de douze pieds de long, il ne lui don-
nera pas de hêtre. Quiconque dédaigne cet article rompt, s'il
est découvert, une livre. Les forestiers, waldmestres et un
chacun y veilleront.
23.
A l'avenir on n'abattra plus de hêtres pour en faire des
bancs et des chaises de bois ; celui qui en coupe encore rompt
une livre deniers. Les waldmestres, forestiers et un chacun y
veilleront
24.
Celui qui aurait besoin d'un pointai" (d'une lambourde?)
pour sa vieille maison devra s'adresser au waldmestre qui lui
donnera un hêtre assorti; mais s'il ne l'emploie pas à l'usage
indiqué et qu'on le découvre, il rompt six schillings stsbg. Les
forestiers, waldmestres et un chacun devront y veiller.
25.
Celui qui aurait besoin d'un escalier s'adressera au maître
^ D'une seule pièce de hêtre creasé.
* «Item, ist einer nothdûrftig in ein ait hans einen Deissdrome. . . =
Stûtzbalken, Hebebalken». <drom> ae disait en allemand dn xvi® siècle
pour dram, tram = poutre, du lat. trabs; «trambaum» = grosse poutre.
En français la drome désigne dans les grandes forges la pièce de char-
pente la plus forte de celles qui soutiennent le marteau : «Unterlage
des Hammers». — «Deiss» : de «deisen»? = culer, t. de mar.; indinare
etc. cf. la culée ou butée (d'arc-boutant) = pilier, cf. la dosse, grosse
planche dont on se sert dans les mines pour soutenir des ouvrages de
terre, etc., du lat, barbare dossium et dossum pour darsum = dos ; —
cf. dossier et dai8= «Thron-, Schutz-Himmel, -Decke», de discus = table.
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244 REVUE d'âlsagb
de forêt qui lui donnera un hêtre pour réchiflfre, mais point
pour les marches; six schillings d'amende à payer par celui
qui couperait au delà. Les forestiers, waldmestres et un cha-
cun y veilleront
26.
Un arbre-chêne qui. encore bon/ aurait été abattu par
n'importe qui, moyennant la cognée ou le feu, ne doit être
tranché par personne avant un an et un jour révolus; mais
si dans le courant de l'année quelqu'un demandait du bois de
construction on lui remettra tout le bois pouvant encore ser-
vir tant des branches que du tronc ^ de cet arbre pour qu'il
l'emploie à sa bâtisse afin de ménager les autres arbres de la
forêt. Celui qui n'observe pas cet article encourt, s'il est
dénoncé, la grande amende. Les forestiers et waldmestres y
veilleront.
27.
Et celui qui incendie ou coupe par méchanceté un arbre
encore vert* encourt, s'il est découvert, la grande amende.
Les forestiers, waldmestres et un chacun y veilleront.
28.
Aucun bourgeois ne doit plus à l'avenir couper du bois
pour fûts de tonneau;* si quelqu'un en coupe et qu'il soit
dénoncé, il rompt un «Einung» dans sa cour' qui est de
cinq livres. Forestiers et waldmestres y veilleront
^ «Item. Wann einer nimfûrterhîn ein Eychbaam abhauet oder ab-
rendt, so noch rtigbar ist».
' <und was Yor (fur) holz von Zelchen oder selbloch za verbauen
nûtzlich».
* «wo einer. . . mnthwilligerweis einen rAgbaren baum anzûndt oder
abhawet» . . .
* aFassboden hawen». — ' «soll er im Hofe ein Einung brechen,
nemblichen fClnf Pfand».
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RtoLEVEirrATioN d'une forêt communale 245
29.
Le tonnelier qui fabrique des fûts dans sa cour devra donner
au waldmestre qui surviendrait sa parole qu'il les fabrique
pour son propre compte; celui d'ailleurs qui, tonnelier ou non,
exporte des fûts* sera privé de toute jouissance de la forêt.
Que Ton sache donc bien s'en garder, car les forestiers et les
waldmestres ainsi qu'un chacun des quatre villages y veille-
ront
30.
Nul ne doit exporter du territoire des quatre villages des
ustensiles, quels qu'ils soient, faits de bois provenant de
TAspruch. Le contrevenant encourt, s'il est dénoncé, la grande
amende. Les waldmestres, forestiers et un chacun auront à y
veiller.
31.
A l'avenir si un arbre-chêne tombe à terre et qu'il se tron-
çonne facilement, * le premier bourgeois des quatre villages
qui surviendra aura le droit de couper un tronçon qui n'aura
pas plus de sept pieds de long; mais il ne lui est pas permis
d'en couper un second tronçon ni de cet arbre, ni d'aucun
autre arbre, tant qu'il n'aura pas transporté le premier tron-
çon chez lui. Survient-il en attendant un autre bourgeois, il lui
sera également permis de couper dudit chêne un pareil tron-
çon, mais pas plus ; celui qui en coupe davantage encourt la
grande amende.
Personne ne devra trancher le tronçon d'un autre «bour-
geois», sous peine d'une livre deniers d'amende. Les forestiers,
waldmestres et un chacun y veilleront.
^ «ftLhrt einer Qber das boden aweg, Er sey Eieffer oder keiner».
* 31. «Item. Wenn nanfûrther ein Eychbaum vmbfallet and 6uth za
Terschrothen» . . .
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246 REVUE d'àlsace
32.
Pour ce qui est du branchage du chêne chablé et des chablis
en général, on pourra, si l'on en trouve, en façonner et
transporter chez soi une voiture ou une charrette pleine;
après quoi on pourra revenir pour façonner et enlever ce que
l'on trouve encore ; mais il est interdit de laisser des domes-
tiques dans la forêt pour façonner de ce bois en attendant
qu'on revienne avec la voiture. Si l'on n'avait pas de voiture
avec soi on pourra façonner une voie de chablis et l'empiler
en attendant qu'on en trouve une sans que personne puisse
enlever de ce bois ; mais si Ton en façonne plus d'un charretée,
le premier venu aura le droit de l'enlever sur sa charrette.
Si parmi les chablis on trouve du bois utile, il faut le couper
par les deux extrémités; celui qui néglige de le faire, encourt,
s'il est découvert, une amende de six schillings ; les forestiers
et les waldmestres seuls en jugeront ; et l'on est tenu d'em-
ployer ce bois dans les deux ans, sous peine de rompre un
«Einung» dans la cour ou la grande amende: les forestiers et
waldmestres en jugeront également
32 6.
Si un citoyen trouve un arbre chablé donnant du bois de
charronnage et du bois de construction, * il n'a le droit d'en
couper que l'un ou l'autre, le bois de charronnage seul ou le
bois de construction seul. Celui qui ne se conforme pas à ce
règlement encourt, s'il est découvert la grande amende. Les
forestiers et waldmestres seuls en jugeront.
33.
Celui qui à l'avenir abattra un arbre sec doit, avant d'eu
^ «Schrot und anch Bawholz».
Dans le texte allemand cet art. 326 se trouve, sans avoir de n^', entre
les art. 34 et 35.
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1
RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 247
abattre un second, trancher le premier et le transporter chez
lui; s'il le laisse sur place sans le trancher, le premier venu
aura le droit de le trancher. Celui qui, en dédain du présent
règlement, abattrait plus d'un arbre sec à la fois, paiera une
livre d'amende. Les forestiers et waldmestres y veilleront
Mais si quelqu'un lui tranchait son arbre tant que la tête
n'en aura pas été tranchée, * il rompt une livre deniers.
34.
Nul ne doit plus à l'avenir couper des perches ni branchages
de charme* entre la Saint-Mathias (24 janvier) et le huitième
jour après la Saint-Michel (c'est à dire le 7 octobre) ; qui-
conque ne s'y conforme pas et en coupe dans cet intervalle,
rompt quatre schillings stsbg. Les forestiers et waldmestres y
veilleront.
35.
Pour étais (échalas) ou rames ^ on ne doit plus couper à
l'avenir du charme, ni des pieds d'aulnes, d'ormes blancs,
d'érables communs, de grands frênes; ce n'est que pour
perches et branchages que l'on pourra couper des branches
desdits arbres;* quiconque coupe encore de pareilles jeunes
arbres par le pied' rompt, s'il est découvert, quatre schillings
stsbg. Les forestiers et waldmestres auront à y veiller.
36.
Pour fagots d'échaliers on ne doit plus couper à l'avenir n
rameaux, ni tigilles des essences qui viennent d'être énu-
^ «aU dieweil das yorderschrot nit hinweg ist».
' «heimbachen Stangen oder Gertten hawen».
' «heimbachin ann oder Steckh».
* «mag einer wol drob hawen».
** «welcher also mehr deren stekh vff dem Gmodi abbawet».
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248 REVUE d'alsace
mérées;^ celui qui en coupe encore rompt, s'il est dénoncé,
quatre schillings stsbg. On prendra pour cela les branches ou
ramilles que l'on trouve par terre. ^ Les forestiers et wald-
mestres y veilleront.
87.
Nul ne doit plus couper à l'avenir des pieds d'épines blanches
pour le feu, mais bien pour clôtures ou haies entrelacées.^
Celui qui en coupe encore pour le feu rompt, s'il est décou-
vert, deux schillings stsbg. Les forestiers et waldmestres y
veilleront Au rapporteur un batz et deux batz^ aux com-
munes.
38.
On ne doit plus non plus couper dans la forêt des harts k
lier (par bottes) le seigle et le lin;'* celui que l'on y surprend
rompt, s'il est dénoncé, quatre schillings. Les forestiers et
waldmestres auront à y veiller.
39.
Si quelqu'un de n'importe lequel des quatre villages risquait
un «Einung»® sur l'un ou l'autre des points et articles qui
précèdent ou qui suivent, il rompt autant d'«Einung» qu'il
^ «kein Zandeckwellen mehr yff iezt erzehlten Stôckhen hawen, anch
keine nit auf der Erden». «W^ellc» = javelle (ca/wZu*, d'où: capeUu).
* «Bchwankhen so yff der erden ligen» (= brandes).
' «aber sonst zn zienen oder hag zn bingen». «bingen», cf. «Bann»,
mha. «btine» (= risberme) et benne.
* 3 batz = 2 schillings ; le batz = 2/3 de schilling on 8 pf., valait
en 1572 à Strasbourg, 0 fr. 32. 15 batz = 1 florin de 60 kzr.
* «Korn- oder Flachs-Wiede».
* «ein Einung wogen wirdt» . . . der verbricht als manches GeschQrr
er hat, es sey Wagen oder Earch, als manchen Einong und wirdt einer
des nachts erwischt, verbricht die Einong zweifalltig». cf. «Schiff und
GeschOrr» = attirail, équipage.
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RÉGLEMENTATION D*UNE FORÊT COMMUNALE 349
aura d'attirails soit voiture ou charrette, et si on l'attrape de
nuit, il doublera lamende.
40.
L'abomement sur le devant et le derrière (de la forêt) doit
de nouveau et chaque fois être respecté aussi loin qu'on aura
aborné.' Les forestiers, waldmestres et un chacun auront à y
veiller.
« Item. Das Loch hinten und vomen soU wieder in
frieden liegen so weit es geloch(t?) wirdt; darûber
sollen ruegen die fôrster Waldmeister, auch menigli-
chen der vier DOrfer».
' cf. Reçue, t. X, p. 246—246. A. 18, où j'ai donné une tradnction
différente de ce passage. Le Registre (40) dit : «von den Lochen» ; or,
«Lochen» qn'an xvm« siècle on écrivait «Lohen» dans le procès-verbal
de délimitation de l'Aspnich, signifie bomeS| pierres-bornes, arbres-
bornes; «das Loch» serait donc l'ensemble des bornes; le bornage
paraît avoir consisté non-seulement à marquer les arbres-bornes ou à
poser les pierres-bornes, mais aussi à dégager, à mettre en évidence
ces bornes entre deux forêts limitrophes surtout, en faisant le long
de la limite, des abatis, une laie. cf. A. 4. B. 9. etc.
Lors de la révision des bornes, en 1736, on rencontra en différents
endroits sur l'est de la forêt une double rangée de pierres-bornes à 18,
20 et 30 pieds et plus, d'écartement l'une de l'autre et en ce cas la
ligne de délimitation se trouvait à égale distance des deux rangées de
bornes «undgeht der scheid hier mitten durch», est-il dit dans le procès-
verbal. C'est comme si un ancien chemin, une laie y avait passé, cf.
l'art. 46, sur la délimitation de la propriété et m. 1. sur celle de la
banlieue.
On n'avait besoin de bornes pour l'Aspnich que sur le devant et le
derrière, c'est à dire à l'est et à l'ouest de la forêt, pour assurer la
limite ici contre les terrains cultivés des villages et l'Essenbusch, là
contre les forêts attenantes. Au Nord et au Sud la Selz et la Sure, for-
maient des limites naturelles suffisantes.
L'abomement le plus important était celui du côté est de la forêt
où l'Aspruch touchait dans toute sa largeur de six kilomètres, de Nie-
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250 REVUE D'ALSACE
41.
Dorénavant personne ne doit plus exporter du territoire
des quatre communes des branchages pour en enclore ses
terres dans d'autres banlieues. Quiconque exporte ou emploie
des branchages pour clôtures dans quelque autre ban encourt,
si on apprend jamais qu'ils proviennent de l'Aspruch, une
amende de trente schillings stsbg., tout comme si on le sur-
prend sur le fait (d'exportation).
Que l'on sache donc bien s'en garder, car un chacun, les
forestiers et waldmestres ont à y veiller et à dénoncer le con-
trevenant Il revient de cette amende: cinq schillings au rap-
porteur, cinq schillings aux waldmestres dans leur propre
bourse et une livre aux quatre communes.
42.
Personne des quatre villages ne doit exporter du bois quel-
conque de ces villages dans d'autres villages, ni bois de
chauffage, ni bois de construction provenant de l'Aspruch.
Quiconque le fait devient passible de la grande amende. Les
forestiers, waldmestres et un chacun y veilleront.
derrôdern à Eônigsbrnck de la Selz à la Sure, anx forêts de ROdern, de
Selz (aujourd'hui à l'hospice civile de Strasbourg sous le nom de forêt
de Kesseldorf), de Forstfeld et de KOnigsbruck; aussi quand vers la
fin du X® siècle l'impératrice Adélaïde fonda son monastère de Seh,
avec un territoire considérable sur les deux rives du Rhin, entre
Hatten et Rastatt, de Roppenheim à Mothern, a-t-on fixé la limite
d'avec Hatten ou l'Aspruch, par deux grandes pierres-bornes, dont
Herzog, sous le nom de «Sanct-Adelheits Stein», nous indique approxi-
mativement l'emplacement et que mentionne la constitution de Sebs
renouvelée en 1310 sous le nom de «Hattemer Stein», ou pierre-borne
de Hatten.
Les limites est, nord et sud de l'Aspruch, étaient en même temps
celles de l'ancienne province dite Hattgau et étaient placées comme
telles sous la surveillance de l'administration du bailliage de Hatten.
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RÉGLEMENTATION D*UNE FORÊT COMMUNALE 251
43.
Celui qui n'a pas le droit de bourgeoisie dans Tun des quatre
villages, n'a pas le droit d'aller avec une voiture dans la forêt
chercher du bois; s'il a du bois à y prendre, il faut qu'il en
charge un des bourgeois, moyennant paiement.
Quiconque n'étant pas bourgeois irait dans la forêt avec
voiture rompt, comme d'ancienne date, cinq livres stsbg. Les
forestiers, waldmestres et un chacun auront à y veiller.
44.
Quiconque, n'ayant pas le droit de bourgeoisie, enverrait
ses bêtes en pâturage dans la forêt, que ce soient vaches,
chevaux ou porcs, encourt, s'il est dénoncé, la grande amende.
Les forestiers, waldmestres et un chacun y veilleront.
45.
Aucun bourgeois étranger ne doit à Tavenir transporter du
bois provenant de forêts étrangères, sur le terrain des quatre
communes pour l'y façonner et charger,^ sous peine de trente
schillings stsbg., dont dix au rapporteur et vingt aux com-
munes. Les forestiers et waldmestres ont à y veiller.
46.
Personne des quatre villages ne doit enclore le jardinet
qu'il aurait dans sa propriété (près de sa maison) avec des
branchages de l'Aspruch; il pourra cependant faire une haie
de branchages autour de sa propriété dans la ligne de démar-
cation^ pourvu qu'il coupe ces branchages à l'époque pres-
^ <t£s BoH anch kein Ausb&aerischer mehr holtz yff der yier Gemein-
den grnndt, ans andern W&ldern dragen, aach keines nit darnff f&llen,
oderladen.» «fallen», proprement abattre? le faire tomber snr le terri-
toire des quatre communes en l'abattant snr la frontière?
■ Proprement : dans l'intervalle des deux limites : «aber zwischen
den schéiden, an einer hofreitten Rumer, mag einer wol zinen».
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352 REVUE 1)*ALSiCE
crite, les façonne et utilise avant la Pentecôte, car celui qui
après cette époque aurait encore des branchages non employés,
rompt quatre schillings et autant s'il n'observe pas le temps
prescrit pour la coupe. Les forestiers et waldmestres devront
y veiller.
47.
Celui qui aurait besoin d'osier à clayonnage pour murs de
torchis,^ doit en demander au waldmestre; quiconque en
coupe encore sans l'avoir demandé, sera passible d'une amende
de quatre schillings stsbg. Les forestiers et waldmestres sont
tenus d'y veiller.
48.
Les waldmestres doivent aussi vendre comme jusqu'ici des
pieds d'arbres à l'enchère aussi cher qu'ils pourront ou qu'ils
voudront
altem. Die Waldmeister sollen auch stem verkau-
fen, also bisher und geben vfisteigung so teuer sic
kOnnen oder môgen».
49.
Aux règlements concernant le bois de chêne, il faut ajouter
le suivant: Celui qui charrie du bois de chêne (indûment
coupé) dans l'un des quatre villages, rompt dix schillings au
waldmestre, qui en tiendra compte aux quatre communes; et
dix schillings aux valets avec pourboire,^ et il traitera en outre
avec chaque village en particulier au sujet d'une livre stsbg.
^ «deckgertten oder Zingertten zn Elejwenden = Fachgerten za
Lehmw&nden». «Elei = argile; branchages pour mar de bonsillage.
' annd zehn schilling den Enechten und mag mit den Enechten an
gnad kommen» ... cf. art. 50 et 55, et p. 29. = payer et vider an verre
avec eox.
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EÈGLEMENTÀTION d'uNE FORÊT COMMUNALE 253
50.
Quant aux petites amendes touchant le hêtre et autres, on
les partagera de la manière suivante : Si Pamende est d'une
livre, les communes en recevront quinze schillings et le rap-
porteur cinq schillings ; si elle est de six schillings, les com-
munes en toucheront quatre et les valets deux;ramende de
de quatre schillings appartient pour deux schillings aux com-
munes et pour deux aux valets, auxquels il revient un
pourboire.^
51.
Les bourgeois étrangers et les outre-passes rompent, comme
d'ancienne date, cinq livres stsbg.
52.
Notre forêt a aussi la franchise qu'on peut y aller recueillir
le bois perdu.
53.
Les waldmestres ont aussi à faire rentrer le produit de
toutes leurs ventes et celui des amendes;^ ils en paieront aux
valets leurs gages et le dimanche qui suit la SaintrMarc
TEvangéliste (25 avril) ils rendront compte aux heim-
bourgues de toutes les transactions qu'ils ont faites dans
le courant de l'année. Chacun d'eux recevra pour récom-
pense deux parts de droits de glandée quand il y aura partage
et dix schillings stsbg.'
^ «und zwen den Enechten and mag mit den Enechten an gnad
kommen».
' «Yerkaof and Einungen inbringen».
* «and Boll jeder haben, zwey Schwein Eckher recht, wann die
Eckher nmgetheilt werden; Aach zehn Schilling Strassburger fQr sein
belohniuig*.
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254 REVUE D ALSACE
54.
Quand les bourgeois des quatre dits villages charrient des
fagots ou des perches dans les chemins (défoncés), aucun d'eux
ne doit en emporter avec lui à la maison ; il faut au contraire
les employer tous à la consolidation du chemin. Le contreve-
nant rompt quatre schillings stsbg.
55.
Celui qui rompt un «Einung» avec des bêtes qui mangent
des glands, rompt cinq schillings à payer au waldmestre et
cinq schillings aux valets avec pourboire; * et transigera avec
chacun des quatre villages en particulier au sujet d'une livre
stsbg.
. 56.
En cas d'amende pour bêtes se nourrissant d'herbe dans le
district de la glandée,* on rompt pour chaque bête un plapart'
Les forestiers et les waldmestres ont seuls à veiller sur ces
deux articles.
57.
Identique avec l'art 41. A. Voy. t. X, p. 380.
58.
Voy. A. 46. t. X, p. 384.
59.
Le meunier qui aurait besoin de jantes de moulin doit les
réclamer au waldmestre; et s'il engage un charpentier pour
les lui couper, il doit l'accompagner et rester avec lui dans la
^ «und 5 schilling den Enechten an gnaden kommen nnd mit den 4
Dôrfern jeglichem besonders deidigen vor ein Pfondt Strassborger».
* «Das Gras im Ecker Zuel isset».
' Un plapart, monnaie de Strasbourg = 1/2 schilling on 6 pfennigs.
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 255
forêt Celui qui n'enlèverait et n'emploierait pas les jantes
qu'il aura coupées, encourt la grande amende; il encourt la
même amende, s'il laisse aller seul le charpentier dans la
forêt Les forestiers et les waldmestres y veilleront
60.
Personne ne doit plus appointer dans la forêt des piquets
quelconques, ni larges, ni minces;' celui qui le fait encore
aura six schillings stsbg. d'amende à payer si on le dénonce.
Les forestiers et waldmestres y veilleront
61.
Celui tjui sera commandé d'amener à corvée du bois au
château, ' doit abattre un hêtre donnant au moins une char-
retée de bois et ne pas couper quantité de perches ni même
deux ou trois petits hêtres. Quiconque dans ce cas coupe
plus d'un hêtre rompt, s'il est découvert, six schillings, tout
comme s'il avait charrié ce bois dans sa propre cour. Que
deux ou trois (corvéables) s'associent donc et coupent
ensemble un hêtre leur donnant assez de bois pour suffire à
la seigneurie. Les forestiers et waldmestres y veilleront
«Item. Wann ein gebotten wird fronholtz in das
Schloss zu fQhren, der soU da hawen ein Bûch die da
nit wenger dann ein Enger ^ gibt und nit hawen Erd-
kymenstangen, auch nit zwei oder drey stimlen».
D. HÛGKEL.
(La fin à la prochaine livraison.)
^ Altem. Es soU anch kciner mehr im Wald steckhen spitzen, weder
breit, noch schmal» . . . tels que lattes, pieux, rames, échalas ; ni gros,
ni petits ; «schmalholz = menu bois.
' Château de Hatten, où résidait l'administration du bailliage.
• «ein Enger, ein Enger holz» (A. 45, voy. Berne t. X, p. 383) =
«Wagen oder Earch yoU». cf. le mot français aujourd'hui hors d'usage,
enger = charger, «anfiUlen, ûberfuUen», surcharger, et angaria =
corvée, «Angerwagen», etc. cf. Hangar.
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MATÉRIAUX
POUR SERVIR À
L'HISTOIRE DE L4 GUERRE DE TRENTE ANS
tirés des arohives de Colmar
(Suite)
89 mai 1643 — 85 janvier 1644
Mort de Louis XTTT; diète de députation à Franc-
fort favorable aux libertés germaniques; le
maréchal Guébriant se replie sur la rive gauche
du Rhin; repasse sur la rive droite; sa mort;
défaite de Dtitlingen ; arrivée de Turenne ; Col-
mar se rapproche de Strasbourg; réception des
saufs-conduits pour le traité de paix ; J.-H. Mogg
député à Paris; mort du résident Mockhel.
La mort de Louis XIU, qui suivit de si près ceUe de son
ministre, faisait tort à l'expédition de différentes affaires pour
lesquelles la ville sollicitait à la cour. Dans une lettre du
17 juin 1643, M. de Polhelm se plaint amèrement du change-
ment de personnes — le comte de Brienne avait hérité de la
charge de Chavigny, Michel le Tellier de celle de de Noyers
— qui l'obligeait à reconmiencer sur nouveaux frais des
démarches sur le point d'aboutir. D'après son conseil, Cohnar
écrivit, le 28 juin (Frot miss, gaM.), à la reine-mère, au duc
d'Orléans, au prince de Condé, à Mazarin et aux principaux
membres de son ministère, pour leur exprimer les sentiments
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HISTOIRE DE LÀ GUERRE DE TRENTE ÂM8 257
que la mort du roi lui inspirait, et pour se recommander à
leur bon vouloir. Les réponses de Gaston (2 septembre) et du
prince de Condé (23 août) sont jointes au dossier.
Tout en modifiant son ministère, Anne d'Autriche ne s'écarta
point des règles qui avaient guidé le feu roi dans ses relations
extérieures et, ainsi que M. de Polhelm Tavait annoncé dans
sa lettre, elle demeura fidèle à ses alliances. Cependant elle
retira d'abord des mains du comte d'Avaux les négociations
de la paix générale pour lui confier les fonctions de surinten-
dant.
Malgré rechange des ratifications, les conférences ne s'ou-
vraient ni à Munster ni à Osnabruck. Pour recouvrer une
partie des avantages que la guerre et la diplomatie lui avaient
fait perdre, l'empereur essayait d'arracher à la diète de dépu-
tation réunie à Francfort des subsides et des concessions au
profit de sa puissance. Tout en sollicitant cent mois romains,
il prétendait figurer au congrès assisté seulement de deux
électeurs. Mais le temps des usurpations était passé: depuis
vingt-cinq ans que la guerre durait, l'empereur ne s'était que
trop passé du concours du pays, et les députés des princes et
des villes trouvaient le moment venu de faire valoir de nou-
veau leurs droits. Il était contraire aux constitutions de
l'Empire que l'empereur traitât seul de la paix, et comme il
importait au plus haut degré que la maison d'Autriche fût
réduite à l'intérieur autant qu'au dehors, et qu'un traité con-
senti par l'Allemagne entière ofirait incontestablement plus
de garantie que s'il n'était sanctionné que par l'empereur, la
France et la Suède appuyaient de toutes leurs forces la résis-
tance de la diète. Les deux couronnes savaient d'ailleurs que
c'étaient les états de l'Empire qui étaient le plus portés à la
paix, et qu'avec leur concours seul elles parviendraient à faire
signer à la maison d'Autriche sa déchéance du rang qu'elle
avait si longtemps occupé en Europe, et la liberté religieuse
qui avait servi de prétexte à cette longue guerre.
Noayelle Séné. — ll-« année. 17
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258 REYUE d'àlsàge
Colmar était tout prêt à envoyer un agent en Westphalie,
et ne s'inquiétait que du retard qu'on mettait à s'y rendre. Il
demanda des explications au résident Mockhel qui, dans sa
réponse, datée du 30 août, lui communiqua les documents les
plus propres à l'éclairer sur la situation.
Cependant la diète de Francfort continuait ses travaux.
Deux ans auparavant la diète avait proclamé une amnistie
générale, mais sans vouloir lui donner d'eftet immédiat A
J^rancfort cette restriction fut abrogée, et il ne manquait à
ce vote que la sanction impériale qui ne paraissait point dou-
teuse. En transmettant cette nouvelle à Colmar, le 17 octobre,
Mockhel ne put s'empêcher de trouver la mesure précipitée:
à son point de vue il lui semblait plus avantageux pour les
protestants de devoir l'amnistie à la paix générale qu'à un
récès qui ne devrait sa valeur qu'au bon plaisir de l'empereur.
La diète ne discontinua pas de faire contrepoids à l'autorité
centrale, et quand Ferdinand III voulut la dissoudre, les
princes et les états qui la composaient tombèrent d'accord
pour rester réunis, dans la pensée que rien ne hâterait
davantage la conclusion de la paix (lettre de Mockhel du
!•' décembre).
Mais la guerre n'avait pas dit son dernier mot Les Impé-
riaux ne cessaient pas d'inquiéter la rive gauche du Rhin et,
à la fin du mois de mai, la nouvelle se répandit qu'ils avaient
établi un pont de bateaux à Spire; on prétendit même qu'il
avait déjà servi au passage de 300 chevaux. L'alarme fut
grande (lettre de P.-F. Welper, du 29 mai) et non pas à tort,
car un part! ennemi vint visiter la basse Alsace, d'où il ramema
de nombreux bestiaux (Strobel, t IV, p. 455.).
Des échecs plus graves signalèrent cette campagne. Repoussé
du Wurtemberg par des forces supérieures, le maréchal
Guébriant dut se replier en Alsace, avec toutes ses troupes,
auxquelles il fit passer le Rhin sur un pont en face d'Erstein
(Lettre de G. -F. Gams, du 15 août). Il établit son quartier-
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HSTOIRB DE LÀ 6UEREE DE TRENTE ANS 259
général à Erstein et envoya ses soldats en cantonnement dans
le Rieth. Cette retraite donna des craintes sérieuses pour
PÂlsace qae Tennemî fit mine d'envahir. Un corps considé-
rable était posté à Rastadt, et Ton démontait le pont de Spire
pour le reporter en amont de Stollhofen, vis-à-vis de Drusen-
heim. En donnant cette nouvelle à notre ville par un postr
scriptum de sa lettre du 30 août, le résident de Suède ne lui
cachait pas ses appréhensions. Elles paraissaient fondées,
même à M. de Montausier, d'autant plus que la récolte avait
été bonne et que Tabondance pouvait tenter les Impériaux.
Les Français môme n'y résistaient point, et pour prévenir les
incursions des uns, les déprédations des autres, Montausier
donna Tordre aux petites villes et aux villages de son gouver-
nement de retirer leurs grains dans Colmar et dans Sélestadt
(lettre du 20 août); de plus, le 25 août, il chargea M. Clausier
de se concerter avec la ville sur d'autres mesures relatives à
la sûreté du pays.
Pour empêcher les Impériaux de passer le Bhin à Drusen-
heim, la cavalerie de Guébriant maintint ses positions en
basse Alsace; il était à craindre qu'après l'avoir épuisée, elle
se portât dans le pays haut Pour prévenir ce mouvement, il
aurait fallu des renforts qui permissent au maréchal de
reprendre l'offensive sur la rive droite, et Montausier y comp-
tait (lettre du 6 octobre). C'était, à n'en pas douter, le plan de
Guébriant, mais il s'en cachait avec soin. A la ville de Colmar,
qui lui avait écrit pour le prier d'user de ménagement, il
répondit de sa main, le 6 octobre, à Erstein : «Je souhaitterois
bien, de pouuoir non seulement espargner la haulte Alsace,
mais aussy de n'auoir pas incommodé la basse, comme j'ay
faict et fays encore. Mais quand vous voudrez considérer les
affaires sans vous attacher par trop à vostre intérest particu-
lier vous trouverez qu'il ne s'est pu ny ne se peult encore
faire aultrement. . . J'ai donné le temps aux peuples dlcy bas
de faire la récolte de leurs grains et de le mettre en lieu de
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260 REVUE D'ALSACE
seureté; j'ayde à présent aultant qu'il m'est possible à les
faire semer leurs terres au milieu des quartiers. Je n'auray
pas moins de seing pour les vendanges de la haulte Alsace et
auxquelles j'auray aultant d'esgards que la conseruation de
l'armée du roy le pourra permettre.»
A la lecture de cette lettre, notre ville ne pouvait se douter
qu'avant la fin du mois les troupes françaises repasseraient le
BMn et reprendraient l'offensive. Pour faciliter cette opération,
Colmar procura à Guébriant une centaine de chevaux d'artil-
lerie et, sur la réquisition du commissaire des guerres de
Tracy, elle se chargea du transport de plusieurs milliers de
pains pour la subsistance de l'armée sur la rive droite.
Cette tardive campagne qui devait mettre les troupes en
possession de leurs quartiers d'hiver, eut l'issue la plus mal-
heureuse. La France y perdit le maréchal Guébriant, tué au
siège de Rottweil, et subit le désastre de Dtttlingen. Montau-
sier fut fait prisonnier, et du château de Tubingen, où il fut
enfermé, il écrivit, le !•' décembre, à MM. les magistrats et le
conseil de la ville impériale de Colmar la lettre suivante:
« Messieurs, Ayant receu toujours beaucoup de tesmoignages
de vostre bonne volonté, j'ay creu que dans ce dernier malheur
qui nous est arriué, vous pourriez estre en peine de moy, et
que je vous ferois plaisir en vous en estant par cette lettre.
J'ay esté bien aise aussy de vous prier de ne pas adjouster
foy aux bruits qui pourroyent courre au désauantage de tous
les officiers de cette armée, auant que d'estre esclaircis de
ceux qui sont coupables et de ceux qui ne le sont pas ; le
S' de Lacoste que j'enuoye de France en dira toutes les par-
ticularitez à des personnes qui vous les feront scauoir incon-
tinent. Je n'ay rien à adjouster à cecy, sinon que je vous prie
de me tenir tousjours en vos bonnes grâces et de me croire,
Messieurs, etc. »
Après ce grave échec qui coûta à la France tous ses officiers
généraux et près de 6000 soldats, la cour appela Turenne au
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HBTOIRE DK LA GUERRE DE TRENTE ANS 261
commandement de Parmée. Une partie fut envoyée dans la
haute Alsace, et Colmar craignit un moment d'avoir à loger
une compagnie de cavalerie du régiment de M. d'Oysonville.
Sainte-Croix reçut deux régiments, formant un efiectif de
1200 hommes ; pour échapper aux avanies, les habitants quit-
tèrent la place et se réfugièrent à Colmar. Livrés à eux-mêmes,
les soldats ménagèrent peu les approvisionnements qu'ils
trouvèrent dans la villette. Colmar s'en plaignit à Turenne,
qui lui répondit, le 26 décembre, de Brisach, que s'il n'est pas
raisonnable de toucher aux grains de la ville, il ne l'est pas
non plus de tenir les habitants éloignés de leurs demeures,
pour ôter la subsistance aux officiers et aux soldats.
La guerre avait créé pour ainsi dire autant d'intérêts par-
ticuliers qu'il y avait d'états dans la province. Colmar, qui
s'était sans réserve jeté dans les bras de la France, ne pouvait
pas dans ces circonstances se guider sur l'exemple de Stras-
bourç. dont la politique n'avait visé qu'à s'assurer le bénéfice
de la neutralité. Cependant il importait à notre ville de sortir
de son isolement et de se rapprocher de Strasboui^, dont elle
partageait la foi religieuse. Dans une lettre de la fin d'août
(Brot miss. 1641-46, f • 158-159), la ville avait sondé Mockhel
sur la convenance de ce rapprochement, et le résident n'avait
pas hésité à le lui recommander. Il s'agissait surtout pour le
moment de faire profiter Colmar des informations de toute
nature que recevait Strasbourg, et de permettre à son député
de se rendre en Westphalie en compagnie de ceux de Stras-
bourg. Le magistrat écrivit dans ce sens le 6 septembre (Prot,
miss,), Strasbourg reçut cette ouverture avec beaucoup de
courtoisie (lettre du 9 septembre) ; cependant il fit observer
que la Suède n'ayant pas encore envoyé de saufs-conduits, il
n^y avait pas urgence h se faire représenter aux négociations.
Pour faciliter cette entente, Mockhel manda à Colmar, le
25 septembre, d'envoyer un affidé à Benfeld, oh il attendait
un membre influent du gouvernement de Strasbourg. Mais
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262 REVUE D'ALSACE
un mois après, il n'y avait encore rien de fait et, dans une
lettre du 28 octobre, Mockhel fait comprendre h la ville
que Strasbourg pourrait peut-être préférer conserver avec
son isolement toute sa liberté d'action. Cependant on voit
les deux villes continuer à se conmiuniquer les nouveUes
qui les intéressaient. Dans une lettre de Strasboui^, du 8 jan-
vier 1644, on peut noter la manière dont il appréciait les
négociations : sous l'impression de la Ûcheuse issue de la cam-
pagne des Français sur la rive droite du Rhin, et malgré les
saufs-conduits, datés du 14 novembre 1643, que les ambassa-
deurs suédois avaient enfin adressés aux états de l'Empire, il
ne cachait pas lé peu d'espoir qui lui restait de voir l'œuvre
pacifique des diplomates aboutir.
Indépendamment de l'entente avec Strasbourg, la ville
rechercha l'appui du landgrave Georges de Hesse-Darmstadt,
à qui elle avait recommandé une première fois ses intérêts à
la diète de Ratisbonne. A sa lettre, du 9 septembre {Prot.
mi88.)j ce prince répondit, le 2 octobre, en promettant de tout
faire pour sauvegarder aux conférences la foi religieuse de la
ville.
Peu avant l'arrivée des saufs-conduits suédois, Golmar avait
reçu de la cour de France copie authentique de celui du roi
d'Espagne, daté du 3 juin. A Paris la ville sollicitait toiyours
l'exemption de la dîme extraordinaire, sans parvenir à mat-
triser le mauvais vouloir de M. d'Oysonville. De guerre lasée,
M. de Polhelm, d'accord avec Manicamp qui appuyait chaude-
ment ses démarches, finit, le 19 décembre, n. st, par engager
la ville à envoyer un député à la cour, tant pour en finir avec
cette grave affaire que pour renouveler l'alliance de 1635 et
rendre les devoirs à la reine-mère. Colmar suivit ce conseil et
confia derechef son mandat h Jean-Henri Mogg, l'habile négo-
ciateur du traité de Ruel. Son passe-port, au nom du magis-
trat et du conseil, est daté du ^janvier 1644.
Avant de clore cette analyse, je dois mentionner encore la
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HISTOIRB DE LÀ GUERRE DE TRENTE ANS 263
mort de Frédéric-Richard MockheL D souffrait depuis quel-
ques mois de la poitrine. Dans sa lettre du 30 août, il parlait
déjà de son extrême abattement, qu'il essayait de conjurer en
buvant de Peau de Soultzbach, et des appréhensions que sa
santé lui causait D n'en continua pas moins à correspondre
assidûment avec Golmar, qui lui écrivit pour la dernière fois
le 8 décembre. La ville reçut presque en même temps Pavis
de sa mort, et le Prot. miss, renferme, sous la date du 12, la
lettre de condoléance qu'elle envoya à sa veuve.
X. MossMANir.
(La suite prochainement)
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LETTRES INÉDITES D'ANDRIEUX'
Les quelques lettres qui suivent montrent Andrieux unique-
ment préoccupé de sa réputation de dramaturge, bien que le
théâtre soit la partie de son œuvre la plus démodée et qu'il
faille chercher dans le cadre du conte l'expression originale
de sa physionomie. De son vivant d'ailleurs on lui contestait
déjà son rang, Geoffroy prenait à tâche de le déprécier, La
Harpe n'a pas dit un mot de lui dans son Lycée, Chénier seul
le jugea favorablement. Ces lettres, si parvos licet cotnponere
magiiis, nous font songer à Lamartine regrettant les écrits
auxquels il devait le plus clair de sa gloire et demandant par-
don au public de ses poésies. Le théâtre fut pour Andrieux ce
que la'^diplomatie fut pour Lamartine : une passion contrariée-
A MM. les comédiens français ordinaires du roi membres du
comité d'administration au théâtre rue de Richelieu.
Messieurs,
Je vous remercie d'avoir bien voulu vous occuper de
reprendre la Comédienne, comme vous me l'aviez promis. J'ose
espérer que cette pièce restera désormais au courant du
répertoire.
' Né à Strasbourg en 1759, mort à Paris en 1833, secrétaire perpétuel
de l'Académie française.
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LETTRBS INÉDITES D'ANDRIBUX 266
Ce qui ne me ferait pas moins de plaisir, ce qui serait très
convenable et ce que tous m'aviez également promis, ce serait
que vous remissiez Molière avec ses amis; on devrait, ce me
semble jouer cette pièce le 15 janvier prochain, pour fêter
Tanniversaire de la naissance de ce grand homme; je serais
fier et heureux de contribuer à la solennité du jour et il me
serait facile d'ajouter quatre ou six vers pour la circonstance.
Je vous demande aussi lecture pour le Jeune Créole, pièce
en cinq actes que vous avez reçue il y a longtemps, mais que
j*ai retravaillée et améliorée; je pense que l'ouvrage, bien
qu'il soit un peu extraordinaire et peut-être même parce qu'il
l'est, pourrait obtenir du succès.
J'ai l'honneur d'être,
Messieurs,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
ÂHDBIEUX.
Paris, le 6 décembre 1825.
n
A M. le baron Taylor, commissaire au roi pris le
Théâtre Français.
M. le baron.
Je vous prie d'agréer mes remerctments et de vouloir bien
aussi les offrir au comité de la Comédie, pour la décision qu'il
a prise relativement à ma petite pièce de Molière avec ses
amis. Ce sera un grand plaisir pour moi de contribuer à hono-
rer la mémoire de ce grand homme, en fêtant l'anniversaire
de sa naissance, le 15 janvier. Je répète que je ne veux point
toucher ce jour-là de droit d'auteur.
J'ai ajouté, pour la circonstance quelques vers en deux
endroits de la pièce. Je vous prie d'indiquer une réunion des
acteurs auxquels j'aurai à donner de petites additions quMls
voudront bien ajouter à leurs rôles. D faudrait avertir seule-
ment MM. Michelot, Molière, Baptiste aîné, Chapelle, Devigny,
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366 REYins d'alsàcb
La Fontaine, Perier, Despréaux, et Mlles Demerson, Laforest.
Ces additions ne font pas trente vers en tout; — et elles ne
peuvent manquer d'être bien accueillies par le public; puis-
qu'elles lui serviront d'occasion pour manifester ses sentiments
d'admiration et de reconnaissance pour notre grand poète
comique.
Je suis fftché d'avoir h terminer une lettre de remerctment
par des plaintes; mais il est affligeant pour moi de voir aban-
donner la Comédienne après trois représentations ; si je ne me
fais point illusion, la pièce a été bien reçue du public; elle est
parfaitement bien jouée et cependant on se borne à la donner
trois fois! Etait-ce la peine de la reprendre? et n'est<îe point
me causer le chagrin de transformer son succès en une espèce
de chute? Car, qu'aurait-on fait si elle fut tombée? Je vous
prie, M. le baron, de vouloir bie;i m'accorder vos bons offices
auprès de la Comédie et de représenter au comité qu'il est de
toute justice de continuer les représentations de cette pièce
dont on a annoncé la reprise. Je vous en serai infiniment
obligé.
Agréez, etc.
Ce 8 janvier 1826.
m
M. le baron,
Mlle Mars m'a paru être dans la disposition de jouer la
semaine prochaine la Comédienne; mais M. Meigaud est
absent; MM. Devigny et Granville sont malades ; il faudrait,
je crois, remplacer M. Menjaud par M. Firmin ou M. Lecomte
et M. Samson se chargerait volontiers du rôle de M. Devigny;
mais il est nécessaire, je pense, qu'il en regoive l'ordre de
vous.
Je vous prie donc de vouloir bien le lui donner, afin que la
pièce n'éprouve point de retard. Je m'en remets à votre obli-
geance accoutumée et vous en fait d'avance mes remerct-
ments.
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LETTRISS mÉDITES D'ANDRISUX 267
Je suis à la campi^e par raison de santé; je n'ai pu venir
au comité de lecture de mercredi dernier; je tâcherai de me
rendre à celui de mercredi prochain 13,
Agréez, etc.
C'est d'accord avec Mlle Mars que je vous présente
M. Samson.
8 octobre 1826.
IV
M. le baron,
Lorsque vous m'avez témoigné, en votre nom et au nom du
Théâtre Français le désir que je iisse en sorte que les Etour-
dis ne fussent plus joués â l'Odéon, j'ai pensé que ce désir
était honorable pour moi et pour mon ouvrage; j'y ai
acquiescé; mais une condition nécessaire de l'arrangement
que j'ai fait, était que cette pièce resterait au répertoire fran-
çais et qu'on la jouerait quelquefois ; j'ai droit, ce me semble
de réclamer l'exécution de cette condition ; il y a, dans ce
moment-ci, plus de quatre mois qu'on n'a donné les Etourdis;
M. Armand disait, à l'une de nos dernières séances du jury
de lecture, que des jeunes gens étaient venus chez lui deman-
der une représentation de cette pièce qu'ils désiraient voir.
Assurément ce n'était pas moi qui les avait envoyés et j'igno-
rais même qu'ils eussent fait cette démarche.
Mais je crois pouvoir vous prier, M. le baron, ainsi que la
Comédie, de vouloir bien faire mettre l'ouvrage au répertoire
un de ces jours. On laisse aussi de côté mes autres petites
comédies qui pourtant, â ce qu'il me semble, ne repoussent
pas le public et contribuent assez bien k la recette. Mais le
Théâtre Français ne m'a jamais gâté; la Comédienne, par
exemple, est restée huit ans sans parattre une seule fois. Je
demande qu'on ne tue pas mes pauvres Etourdis et il me
semble qu'en cela l'intérêt du théâtre est d'accord avec celui
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2^ REYUB D'ILSAGB
de ma réputation. Je tous serai donc infiniment obligé ainsi
qu'à la Comédie de vouloir bien faire droit à ma demande.
Agréez, etc.
Ce 27 mars 1827.
M. le baron,
Mademoiselle Leverd vient de me faire l'honneur de m'écrire
pour m'engager à lui donner le rôle de la Comédienne en double
de Mademoiselle Mars; je lui ai répondu que je ne pouvais
faire quant à présent ce qu'elle me demandait ni m'occuper
de la distribution des rôles de la pièce (en cas qu'il faille
faire une distribution nouvelle); qu'après ce qui s'est passé
relativement à cette pièce, je devais attendre que la Comédie
me témoignât par écrit le désir de la reprendre.
Je vous demande, M. le baron, votre intervention et vos
bons offices dans cette affaire qui touche aux intérêts du
Théâtre Français.
Permettez-moi de vous exposer quelques faits. Au commen-
cement de l'année 1823, M. SaintrFal me demanda de consentir
que ma petite pièce de Molière avec ses amis, dans laquelle il
jouait parfaitement bien le rôle de La Fontaine, fût donnée
pour sa représentation à bénéfice; la pièce n'avait pas été
jouée pendant quatre années; j'y consentis bien volontiers et
la représentation eut lieu.
Quelque temps après, M. Baptiste aîné ayant aussi obtenu
une représentation à son bénéfice, me fit l'honneur de penser
à ma pièce de la Comédienne qui n'avait pas été jouée aussi
depuis quatre ans. Je me prêterai toujours avec grand plaisir
à de semblables demandes de la part de Messieurs les comé-
diens, et même je leur en saurai très bon gré ; je répondis
donc à M. Baptiste aîné comme j'avais fait à M. Saint-Fal, que
puisqu'il avait contribué au succès de la Comédienne, je lui
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LETTRES INÉDITES B'àNDRIEUX 269
reconnaissais un véritable titre à faire usage pour lui de cette
pièce.
On afficha pour la représentation de M. Baptiste atné la
première représentation de la reprise de la Comédienne. Cette
affiche resta deux ou trois jours et fut changée ensuite sans
mon aveu, sans qu'on prît seulement la peine de m'en donner
avis.
J'écrivis à la Comédie et je reçus le 21 avril 1823, une lettre
signée de six membres du comité d'administration, lettre dans
laquelle on avoue qu'on a envers moi des torts réels ; on veut
bien me dire que la modération avec laquelle je m'en plains
ajoute encore aux regrets qu'on en éprouve et au désir sincère
qpion a de les réparer autant qu'on le pourra ; enfin on me
promet de remettre au courant du répertoire la Comédienne,
le Trésor, Molière avec ses amis. . . Depuis cette époque on a
joué deux fois le 14 et le 27 novembre 1823 Molière avec ses
amis et rien de plus; et il y a deux années et demie.
Je suis peut être le moins exigeant des auteurs; j'ai au
répertoire du Théâtre Français au moins cinq pièces qui
seraient faites pour y rester et qui ne le déparent point,
savoir Anaximanâ/re, les Etourdis, Molière avec ses amis, le
Trésor et la Comédienne. MM. les comédiens pensent comme
moi à cet égard puisqu'ils ont la bonté de choisir mes ouvrages
pour les donner les jours où ils ont le plus d'intérêt d'avoir
du monde. Et cependant ils privent constamment le public
tout le reste du temps et se privent eux-mêmes de pièces qui
pourraient leur être utiles.
J'avouerai qu'il y a un peu de ma faute ; j'ai tellement peur
de paraître tourmentant et intéressé que je n'ose solliciter la
représentation de mes ouvrages; je me laisse oublier et l'on
m'oublie.
Voilà les faits très exacts, M. le baron ; je vous les expose
sans humeur ni chagrin; je ne me crois point blessé, mais je
pense que si la Comédie française veut réellement reprendre
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270 REVUE d'ai^àce
la Comédienne, il est convenable qu'elle m'informe pax écrit
de son intention, et qu'elle m'engage à faire une distribution
de rôles si cela est nécessaire. Je vous avoue que je verrais
avec peine le rôle principal joué par une autre que MJle Mars
qui l'a établi avec tant de supériorité. Si le public voit que cette
grande actrice abandonne le rôle, il en résultera une défaveur
immense pour la pièce. Je vous prie donc d'avoir la bonté
d'en parler à Mlle Mars que je n'ose importuner, je suis trop
intéressé à ce qu'elle joue le rôle pour lui en faire moi-même
la demande.
Pour en finir, je pense que vous trouverez comme moi qu'il
est à propos que la Comédie m'écrive d'abord un mot au siyet
de la Comédienne; je verrai ensuite ce que je devrai faire; ou
plutôt je vous demanderai vos conseils; votre zèle pour les
intérêts .de l'art, pour la gloire de la scène française, vos
lumières et votre loyal caractère me sont garants que je ne
pourrai avoir un meilleur guide ni un meilleur appuL
Agréez, etc.
14 octobre 1827.
Andeieux.
De l'Académie française, au Collège royal de France, place
Cambrai à Paris.
VI
M. le duc (?)
Ce serait un grand bonheur pour moi que vous voulussiez
bien avoir la bonté de présenter et de faire agréer à Sa Majesté
ma petite pièce du Manteau pour.être jouée après la tragédie
de Tancrède. Cette comédie courte et gracieuse est parfaite-
ment bien jouée par les comédiens du roi et encore une fois,
je serais heureux de pouvoir penser que mon ouvrage eut
contribué pendant quelques instants au divertissement de
Sa Majesté.
Je suis avec respect, etc.
Paris, 20 février 1829.
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LETTRES INiDITBS D'ANDRIBOX 371
VU
A M. le baron Taylor,
Paris, le 20 janyier 1880.
Le secrétaire perpétuel de rAcadémie.
M. le baroQ,
Je suis bien fâché que ma lettre d'invitation vous soit par-
venue dans un moment d'affliction; je prends bien part à votre
douleur; vous connaissez l'estime et l'attachement que je vous
porte et que vos bons procédés et vos aimables manières
m'ont inspirés ; me trouvant logé par l'Académie, j'ai imaginé
d'engager mes confrères à se réunir une fois par semaine,
chez eux, pour entretenir la bonne intelligence, et j'ai cru
aussi devoir leur adjoindre les hommes les plus distingués par
leurs talents, par leur goût pour les arts et les lettres; vous
voyez que j'ai dû songer à vous tout des premiers; j'ose
espérer que vous me ferez quelquefois l'honneur de parattre
à ces réunions sans prétentions et toutes littéraires. J'écris à
la Comédie pour lui proposer de monter le Jeune Créole que
je viens de revoir et de retravailler; je pense que cet ouvrage
pourrait avoir du succès.
Je me plains aussi, mais doucement, de ce qu'on laisse de
côté la Comédienne, le Manteau, etc., k quoi cela tient-il? J'en
écris un petit mot à Mlle Mars.
Veuillez, M. le baron, m'accorder vos bons offices pour le
passé et pour l'avenir, je veux dire pour mes ouvrages qui
ont paru et pour celui que je veux faire parattre. Je vous en
serai infiniment obligé. Je crois d'ailleurs ne rien demander
qui ne soit dans l'intérêt du Théâtre, intérêt que je n'ai jamais
séparé du nûen, que j'ai même toujours considéré avant le
mien.
Agréez, etc.
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272
VIII
Paris, 4 juillet 1831.
Le secrétaire perpétuel de l'Académie.
M. le baron,
Je n'étais pas à Paris quand votre lettre a été remise chez
moi; à mon retour je m'empresse d'y répondre.
Le secrétaire de l'Académie enregistre ses décisions, mais
il ne les fait point. Le respectable Montyon a voulu que l'Aca-
démie récompensât les ouvrages les plus utiles aux mœurs;
c'est PutilUé morale qu'elle considère particulièrement, afin
de se conformer aux intentions du fondateur. Dans mon opi-
nion, une pièce de théâtre qui aurait été dirigée dans ce but
et qui l'aurait atteint, aurait droit à la récompense. La plu-
part des tragédies grecques sont remplies d'exemples et de
leçons de toute? les vertus. Mais vous savez au moins aussi
bien que moi que les auteurs dramatiques modernes se
proposent de plaire à leurs auditeurs ou de les émouvoir
beaucoup plus que de les instruire et de les améliorer. Il
semble même que, dans le temps oîi nous sommes, quelques
auteurs fassent exprès de chercher des fables qui surprennent
et qui épouvantent par leur immoralité monstrueuse.
On dit beaucoup de bien de la pièce qui doit être repré-
sentée ce soir au Théâtre Français ;* je souhaite pour l'intérêt
de l'art, pour celui de l'auteur et pour celui de la Comédie,
que ce soit un bel et bon ouvrage qui mérite et qui obtienne
un éclatant succès.
Je vous félicite du mouvement que vous avez eu le talent
d'imprimer au Théâtre Français; il paraît qu'il reprend de
* La Crainte de Vopinion, par Barrault «L'école Saint-Simonienne
florissante alors essaya de pénétrer an théâtre arec nn de ses cheft,
M. Barrault dont la comédie ne fit pas beaucoup plus de prosélytes que
la nouvelle religion.» H. Lucas, Histoire du théâtre français, m, 19.
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LETTRES INÉDITES D'ANDRIBUX 273
Pactivité, puissiez-vous réussir à lui rendre son ancienne
gloire!
Je vous remercie de Poj&e obligeante que vous me faites
dHin coupon de loge, mais nous n'en pouvons profiter ; ma
fille est à! la campagne pour rétablir sa santé ; je suis moi-
même assez mal portant et obligé de me priver du plaisir du
spectacle.
Agréez, etc.
Pourquoi ne reprendrait-on pas ma tragédie de BnUus.^
{Commimiquées par M. Paul Ristelhubeb.)
^ Dans une nenyième lettre, à Firmin Didot père, Andrienx rappelle
des sonyenirs de jeunesse :
La Parque à la sourdine a diablement filé,
Chaque année en fuyant nous yole quelque chose.
Enfin dans une dixième, du 4 juiUet 1831, il se plaint de la mise en
scène de Brutus: «on avait mis des dômes asiatiques dans la Rome des
Tarquins et le tribunal sur lequel on ayait fait asseoir le consul de
Rome ressemblait pas mal à une caisse de sayon.»
Nouyelle Série. -- 11* aonée. 18
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NOTES BIOGRAPHIQUES
SUR LES
HOMMES DE U RÉVOLUTION
A
STRASBOURG ET LES ENVIRONS
SuUe^
SCHNEIDER (Jean-George).
Puis il donna quelques développements de ses principes
de la morale universelle, et finit par abdiquer l'état de
prêtre, qu^il embrassa par séduction et comme victime de
Terreur — 23 octobre. Chargé du transport dans l'intérieur
du pays des personnes détenues à Strasbourg. Chargé d'or-
ganiser un Conseil d'administration de Tarmée révolution-
naire, il nomme Taffîn président. Il requiert Monet de foire
arrêter de suite Rauscb, agent du prince de Darmstadt.
Au Club, il est proposé pour le Conseil demandé par les
représentants du peuple -* 29 octobre. Le Comité de sur-
veillance et de sûreté générale du Bas-Rhin, bien qu'il
fonctionnât depuis le 8, tenait cependant à célébrer son
installation. On profita de la publication du décret du
29 septembre 1793, sur la nouvelle taxe des denrées les plus
nécessaires (loi du maximum), pour organiser un cortège
à travers les rues de la ville. En tète de l'armée révolution-
naire, traînant une petite guillotine, marchait Scl^neider, à
ses côtés les juges, puis derrière eux, un boulanger, un £ari-
^ Voir la première partie de ces notes sur Enloge Schneider, pages
132 à 137, du premier trimestre 1882.
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LES HOMMES DE LA RÉVOLIITION 276
nier, un épicier, un fabricant de tabac et une pauvre jardi-
nière de la Robertsau, Ddrothée Frantz, convaincue d'avoir
vendu deux têtes de salade 20 sous — 6 novembre. H fait
arrêter le baron Frédéric de Wurmser, qui -se tenait à la
campagne à Lingolsheim — 7 novembre. Il félicite Saint-
Just et Lebas des heureux effets causés par leurs mesures
révolutionnaires ; le costume gothique, les signes de la féo-
dalité, les noms qui rappellent Pancien régime, dit-il, sont
proscrits ; mais il y a encore quelque chose à faire, il faut
enlever aus ministres et professeurs protestants les revenus
des biens dont ils jouissent, connus sous le nom de Saint-
Thomas, et qui doivent faire retour à TEtat, étanl biens
ecclésiastiques, donc propriétés nationales — 12 novembre.
Gomme commissaire révolutionnaire il approuve toutes les
mesures prises par ses agents Gerst et Wetzel. Les biens
de ceux qui se sont soustraits aux arrestations seront inven-
toriés; les grains, bestiaux et fourrages transportés à
Strasbourg, et 100,000 liv. prélevées sur les riches paysans;
surtout ne point ménager les femmes contre lesquelles il y
a des dépositions — 20 novembre. A Barr, lors de la fête
célébrée en Thonneur de la Raison, tout le canton fut invité
d'y assister. Les prêtres y abjurèrent la prêtrise, parmi les-
quels un Allemand du nom de Funck. Schneider monte à
la tribune et dit :
Je suis étonné qu'aucune de vous ne se présente pour donner sa
main à Funck. J'invite, en conséquence, toutes les citoyennes de ne
lui point refuser leur main, s'il la demande, sous peine d'être regardées
comme suspectes. Le même soir Funck présenta sa compagne. Schneider
inrita les communes à faire des présents de noces et à tenir un état
exact de ce que chaque citoyen aura contribué, pour être remis an
tribunal réyolutionnaire qui saura punir ceux dont la cotisation ne
répondrait pas à son attente.
22 novembre. Il nommera un concierge au tribunal révo-
lutionnaire en remplacement de celui qui va être déporté à
vingt lieues des frontières — 2 décembre. A Barr, il condamne
quatre personnes à mort — 6 décembre, n rentre à Stras-
bourg, et au Club, sentant son étoile pâlir, il demande que
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376 RBVUB D'AtSACE
la tête de Dietrich tombe daos cette ville, témoin de ses
scélératesses, ajoutant : les circonstances, où Ton se trouve,
exigeant qu'aucun membre d'une caste ci-devant privilégiée
ne puisse coi;server de place ; je puis me trouver comme
pt'être, obligé de me retirer et d'abandonner les fonctions
d'accusateur public, où la confiance de mes concitoyens
m'a employé; je ne désire conserver cet emploi que jus-
qu'au moment où j'aurai contribué à faire tomber la tête
de Dietrich et de ses complices.
Mais déjà quelques jours auparavant, un comité d'épura-
tion formé par les Jacobins, avait arrêté de rayer Schneider
de la Société comme homme immoral et patriote douteux
— 7 décembre. Pour se conformer à l'invitation de Saint-
Just et Lebas, il adresse une lettre au Comité de sûreté
publique de la Convention avec toutes les pièces ayant
rapport aux jugements prononcés dans le Bas-Rhin par la
Commission révolutionnaire. Après avoir cherché à se dis-
culper, il ajoute :
La Commission, ainsi que youb le yerrez par les jugements, a agi
ayec sévérité et énergie contre les sangsues du peuple, elle a touché
leur côté faible en leur imposant d'énormes sommes d'argent et en les
exposant au carcan. C'est à l'aide de ces mesures sévères, qu'en moins
de trois semaines, nous avons fait remonter la valeur des assignats à
celle de la monnaie de métal.
n termine sa lettre en disant :
En acceptant la place de commissaire civil, je vis devant moi deux
écueils : l'écueil de la calomnie, si j'agissais sévèrement, et l'écueU du
crime, si je me laissais influencer par des considérations d'humanité.
Je fus décidé bien vite, et jusqu'à présent mes efforts ne furent point
inutiles; les sans-culottes ont du pain et le peuple bénit la guillotine
qui l'a sauvé! Que ma tête roule sur l'échafaud après que les têtes de
tous les traîtres seront tombées. Tels sont mes principes, tels sont les
principes des juges sans-culottes de la Commission. Puissent ces me-
sures révolutionnaires, nécessaires aux temps actuels, que j'ai soutenu
par mon courage et mon abandon pour le bien de la République, rafer-
mir le règne des lois. Ce sont des ouvrages qui doivent purifier l'air et
qui doivent cesser du moment que l'air est purifié.
C'est à cette époque qu'il chargea TafQn de faire pour Ini
la demande en mariage de Sarah Stamm. Voici sa lettre aux
parents de sa future :
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i
UBS HOHMIS DE LA RÉTOLUTION 377
Permettez que votre fille lise les deux mots que 'je Ini adresse ci-
joints, et si Yoos consentez à notre mariage, je tous promets, foi de
républicain, de la rendre heureuse.
et les deux mots à Sarah :
Je t'aime, je te demande à tes yertaeuz parents, si tu me donnes la
main, je ferai ton bonheur.
11 décembre. Il se rend à Kpûg, et là il &it encore déca*
piter trois individus, parmi lesquels Louis Kuhn, ex-receveur
du cardinal de Rohan, chez lequel il avait accepté le dlaer,
le jour même du jugement — 12 décembre. Ses fiançailles
sont publiées par André Schuler, maire, en Tabsence de
Tofficier public, à Barr, dans le Temple de la Raison, à la
commune assemblée, à 10 heures du matin, avec Sarah
Stamm, fille majeure de Jean -Frédéric Stamm, chef du
bureau des impositions du district de Barr, et de sa femme
Marie Wemer — 13 décembre. Il va à Schlestadt, où deux
vieillards perdirent la vie — Ânstett, de la Commission pro-
visoire du Bas-Rhin, dépose au Comité de surveillance et
de sûreté générale du département une dénonciation contre
les abus multipliés que commet à la campagne une préten-
due armée révolutionnaire sous les ordres de Schneider,
commissaire civil. Le Comité arrête d'en écrire aux repré-
sentants du peuple et les inviter à prendre des mesures
promptes relativement à cette prétendue armée. Outre
cette dénonciation, ce même jour, 13 décembre, à 7 heures
du soir, quelques patriotes s'étaient rendus chez Lacoste et
Baudot, pour leur donner connaissance des atrocités com-
mises par Schneider et des projets sinistres dont il s'occu-
pait encore; frappés du poids et de la vérité des dénoncia-
tions, ils promirent de le suspendre le lendemain, et de le
mettre en état d^arrestation à vingt lieues des frontières ;
cela allait s'accomplir, quand dans la nuit arrivèrent inopi-
nément Saint-Just et Lebas.
A peine de retour de Selestadt à Barr, qu'il reçoit du
maire Monet l'invitation de se rendre immédiatement à
Strasbourg pour s'entendre avec Saint-Just et Lebas, qui
veulent, disait-il, augmenter le nombre des juges du tribu-
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278 REVUE d'alsacb
nal révolutioDliaire. Il se rendit à Tinvitation; mais passa
encore la nuit du 13 au 14 décembre à Barr, pour accomplir
son mariage avec Sarah, sœur de D* Stamm, ex-adjudant
du général Gustines, et alors agent national du district de
Strasbourg — 14 septembre, au matin, il quitta Barr avec
sa jeune épouse, ses parents et les juges du tribunal révo-
lutionnaire, dans une grande voiture attelée de six chevaux
de poste. La garde nationale à cheval de Barr s^était offerte
de Fescorter à Strasbourg, il déclina cet honneur, mais elle
prit les devants jusqu'à Entzheim. Là, les cavaliers entou-
rèrent la voiture, et c'est ainsi que vers midi, le cortège
arriva à la porte Blanche. Les cavaliers mirent le sabre nu
en main, le poste prit les armes, le tambour battit au champ,
la foule des curieux et des mécontents ne fit qu'augmenter
jusqu'à sa demeure, où il descendit de voiture avec un
visage serein, et sur lequel reflétait un contentement pei^
sonnel. Après avoir rafraîchi les gens de l'escorte, on se mit
immédiatement à table, un repas digne de la circonstance
avait été préparé par les soins de la citoyenne Marianne,
sœur de Schneider; la gaîté la plus franche régnait sur tous
les visages, et ce ne fut que vers 10 heures du soir que les
convives se séparèrent avec la promesse de se revoir le
lendemain matin. On ne se doutait aucunement du dénoue-
ment qui était préparé.
Saint-Just et Lebas, informés que Schneider, accusateur
près le tribunal révolutionnaire, ex-prétre, et sujet de l'Em-
pereur, s'est présenté aujourd'hui dans Strasbourg avec un
faste insoleut, traîné par six chevaux et environné de gardes,
le sabre nu, arrêtent: qu'il sera exposé demain, depuis
10 heures du matin jusqu'à 2 heures après midi, sur l'écha-
faud de la guillotine, à la vue du peuple, pour expier l'insulte
faite aux mœurs de la République naissante ; et sera ensuite
conduit, de brigade en brigade, au Comité de salut publique
de la Convention nationale. Le général Dièche est chargé
de l'exécution, et en rendra compte demain à 3 heures
après midi.
Dans la nuit du 14 au 15, notre nouveau marié avait à
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LES HOUnSS DE LA RÉVOLUTION 279
peine pris possession du lit conjugal, que la gendarmerie
vint lui signifier de le suivre. On le conduit à la prison mili-
taire des Ponts-Couverts, où il fut jusqu'à midi, lorsqu'un
détachement de troupes à pied et à cheval le conduisit à la
Place-d'Armes, au pied de la guillotine. Il monta les marches
de réchafaud d'un pas assuré, sans savoir ce que l'on ferait
de lui, et comme la multitude lui criait : cA bas l'uniforme»
dont il était aSiiblé, <à bas la cocarde», il répondait par
le cri de vive la République. Impatient et plein d'amer-
tume, il jeta son manteau et ne livra au bourreau qui
l'attacha au poteau de cette même guillotine où, sur sa
proposition, tant de têtes innocentes avaient été abattues.
C'est dans cette position qu'U servit de point de mire à
la populace et aux gamins des rues, qui le bombardèrent
de pommes, de boue et de pierres. Toute la ville accourut
pour contempler ce spectacle et pour voir ce misérable,
cause de tant de maux et de misères.
Ce n'est qu'à 2 1/2 heures, que, détaché de la guillotine,
mis dans une voiture, les fers aux pieds, escorté de gen-
darmes, on le conduisit à Paris, où il arriva six jours après
à la prison de l'Abbaye.
— 18 décembre. Sa sœur s'adresse à Saint-Just :
La Bcenr profondément éplorée dn malheurenz Schneider se présente
devant Toi. Tn es représentant d'un peuple juste et noble. Si mon
frère est innocent^ défends-le, c'est Ton devoir; serait-il tombé dans
l'erreur, soutiens-le et ne le laisse point tomber; car Tu dois le savoir,
ses intentions furent toujours bonnes et honnêtes; est-il criminel 1 oh,
permets alors que je le pleure. J'ai fais mon devoir comme sœur, fais
le Tien comme républicain; moi, je ne puis rien faire que pleurer Toi,
Tu pourras agir. Vive la République! Vive la Constitution!
Pour toute réponse, Marianne fut mise en prison le len-
demain, 19 décembre, comme étrangère, et n'en sortit
qu'après la chute de Robespierre, 27 juillet 1794. Dépouillée
de tout ce qu'elle avait possédé, elle fut réduite à la plus
profonde misère et se vit forcée de retourner e^ Allemagne,
qu'elle, son frère et tant d'autres aventuriers, n'auraient
jamais dû quitter — 23 décembre. De l'Abbaye, U s'adresse
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280 RBVUB D^ILSÀCB
aux Jacobins de Paris, pour leur expliquer sa conduite et
implorer leur intervention, n demande que son affaire soit
examinée par le Comité de sûreté générale de la Conven-
tion; qu'on le juge s'il y a lieu, ou qu^ s^oit rendu à la
liberté ou guillotiné, réintégré dans ses droits de citoyen ou
anéanti — 2 janvier 1794. C'est TAdministration du Bas-
Rhin qui dépose contre loi devant le Comité de sûreté
générale de la Convention nationale, dans les termes suir
vants:
Prendre tontes les couleurs dn patriotisme le plus exaspéré; désunir
les yrais républicains sons le grand prétexte du salut public; allumer
la défiance du peuple sur ses plus sincères amis; heurter avec impru-
dence les opinions les plus respectables; étouffer le patriote sous le
poids prétendu de la yengeance nationale; faire gémir les cachots
comblés de victimes malheureuses et innocentes; sacrifier tout à la
▼engeance personnelle et à ses desseins secrets; exercer cependant, de
temps à autre, une justice rigoureuse contre les scélérats reconnus;
tel s'est annoncé Schneider dans les pouvoirs qui lui étalent confiés ;
tel il a continué l'exercice des fonctions les plus augustes, de la manière
la plus odieuse.
Les pouvoirs dont il avait été revêtus, étaient immenses ; mais les
les lois, et l'arrêté des représentants en avaient tracé les limites. Chargé
de frapper les coupables, de forcer au respect des décrets l'ignorance
du peuple et la scélératesse des malveillants, d'avoir continuellement
les yeux ouverts sur les précipices que le crime creusait à la liberté,
de protéger l'innocence et le patriotisme contre les pièges de l'aristo-
cratie, du feuillantisme ou du despotisme coalisé ; s'il eut rempli ces
devoirs, il aurait bien mérité de sa patrie : mais non; cet étranger que
la rage de nos ennemis parait avoir vomi sur la terre de la République
pour la couvrir de ses prisons homicides, n'avait point de patrie ches
nous; le crime l'enfanta, le crime le nourrissait
Ce n'est point sans un frémissement douloureux au sentiment, que
nous remplissons la t&che pénible de faire l'énumération des forfaits
de ce prêtre autrichien.
n fallait sans doute pour les projets de cet homme fécond en scélé-
ratesse, qu'il cherchât à détruire la liberté par la liberté, qu'il abusât
monstrueusement des mesures révolutionnaires créées pour sauver le
peuple.
Non seulement il établit des taxes arbitraires sur les citoyens, sans
aucune délégation qui lui en donnât l'autorité, se jouant avec un plai-
sir funeste de leur fortune et de leur vie, il voulait satisfaire en même
temps et sa soif du sang français et sa cupidité pour les richesses. Au-
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LES BOlOaS DB LA BÉYOLUTIOll 981
cane moyens n'échappaient à sa rage: taniM ses fidèles et nombreux
émissaires, la menace à la bouche et la rage dans le cœur, forçaient à la
faite nne famille paisible et yertiieiise, pour avoir nn droit à ses pro*
priétés abandonnées ; tantôt lui-même frappait onvertement ses victimes.
Egalement implacable dans sa haine, comme effréné dans ses
déhanches, la modeste innocence était forcée de s'abandonner à sa cri-
minelle luznre, où bientôt elle périssait sons un coup d^antant plus
assuré, qu'il était alors dirigé par un fonctionnaire public.
Ces taxes perçues sous des augures aussi odieux, indécemment cumu-
lées, préparaient les richesses futures de cet homme avide. Une faible
portion en était versée dans la caisse du receveur particulier; ^ on
voulait sauver quelques légères apparences pour tromper avec plus de
sûreté; mais aucun compte n'était rendu, aucune trace n'était recueillie
de la nature et du montant des contributions; peu de quittances étaient
remises aux malheureux que l'on venait de dépouiller, ou, si l'on vou-
lait quelques fois sacrifier cette formalité, elles portaient toi^ours une
somme inférieure à la valeur extorquée. Le peuple souffrait de ces
vexations criminelles; mais la crainte avait glacé ses sens; il aurait
tout donné pour ne point être dévoré par ce monstre; semblable à ces
innocents et timides Américains, qui portaient l'or aux chevaux des
féroces Espagnols.
Si ces violences exercées sur les fortunes paraissaient satisûdre à
l'avidité de ce nouveau Cortez, elles ne remplissaient point encore son
véritable but: il voulait opérer une désorganisation entière. Foulant
aux pieds toutes les lois, toutes les autorités, tous les principes; il des-
tituait à son gré, et d'un trait de plume, les municipalités, les juges de
paix; ce n'était point encore assez, il les remplaçait par des prêtres,
par des étrangers, tous ses complices.
Faudra-t-il dépeindre cet homme insultant au malheur des infortunés
qu'il venait de dépouiUer de leur bien, ou de condamner à la mort;
poursuivant ces derniers jusque sous le couteau de la guillotine, exer-
çant contre eux tout le venin de sa langue impure et meurtrière;
s'enrichissant, s'entourant de leurs effets les plus précieux ou les plus
convenables à ses fantaisies ; savourant avec un plaisir monstrueux le
spectacle de la dépouille de la mort; ce n'est qu'un pinceau trempé
dans le sang, ce n'est que le pinceau de Schneider qui pourrait tracer
avec vérité un tableau aussi révoltant
Qu'on ne cherche point dans les archives du tribunal révolutionnaire
les traces de toutes ces iniquités, de tous ces crimes. Schneider diri-
geait tous les jugements, il n'en était tenu aucuns registres : le temps
qu'il aurait dû employer à leur rédaction, aurait été un temps perdu
pour ses vengeances.
* Blancbot accuse 9»jm Uvres.
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282 BBVUB D'ALSiCE
Nom passerons même sur l'entrée indécente et triomphale que ce
prôtre étranger fit à Strasbourg, traîné dans un cliar snperbe, attelé de
six cheyanx, et escorté par tingt-cinq caraliers, tenant le sabre en
main. Après avoir fonlé aux pieds pendant si longtemps tons les senti-
ments de la nature, pouvait-il respecter encore les principes de l'heu-
reuse égalité?
Mais que dirons-nous du parti redoutable qu'il avait formé de ce tas
d'étrangers qu'il avait appelés en France, dont il s'était fiait une meute
fidèle et obéissante ; de l'accaparement de toutes les places administra-
tives et judiciaires, qu'il avait données ou fait donner à ses dociles
créatures; du despotisme qu'il établissait, et par lui-même et par ses
valets, sur tous ce qui respire dans le département; des menaces de
sang que se permettaient quelques-uns de ses indiscrets favoris?
Quelque fécond, quelque exercé que fut cet homme dans la consom-
mation du crime, quelques ressources que lui offrit son esprit machia-
véliste, il sentait qu'il ne pouvait jamais suffire seul à l'immensité et à
la hardiesse de ses projets. Il lui fallait des associés, il les trouva bien-
tôt Les scélérats se connaissent d'un coup d'œil, et le forfait les unit
étroitement Quelques-uns se sont soustraits par la faite au juste ch&ti-
ment qui les attendait, emportant avec eux le fruit de leurs vols et de
leurs rapines.
6 février. Il écrit une longue lettre à Robespierre aîné,
pour le prier de hâter son jugement; mais principalement
pour protester contre une partie de son rapport, sur les
principes de morale politique, dans lequel Robespierre
disait:
Vous ne pourriez jamais imaginer certains excès commis par des
contre-révolutionnaires hypocrites, pour flétrir la cause de la Révolu-
tion. Groiriez-vous que dans les pays où la superstition a exercé le plus
d'empire, non content de surcharger les opérations relatives au culte,
de toutes les formes qui pouvaient les rendre odieuses, on a répandu
la terreur parmi le peuple en semant le bruit qu'on allait tuer tous les
enfants au-dessous de dix ans et tous les vieillards au-dessus de soixante-
dix ans? que ce bruit a été répandu particulièrement en Bretagne et
dans les départements du Rhin et de la Moselle? C'est un des crimes
imputés au ci-devant accusateur public du tribunal criminel de Stras-
bourg. Les folies tyranniques de cet homme rendent vraisemblable tout
ce que l'on raconte de Caligula et d'Héliogabale ; mais on ne peut y
ajouter foi, même à la vue des preuves. U poussait le délire jusqu'à
mettre les femmes en réquisition pour son usage : on assure même qu'il
a employé cette méthode pour se marier. D'où est sorti tout à coup cet
essaim d'étrangers, de prêtres, de nobles, d'intrigants de toute espèce,
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LES HOMMES DE LA RÉTOLUTION S88
qui an même instant s'est répandu snr la surface de la République,
pour exécuter au nom de la philosophie, un plan de contre*réTolutiony
qui n'a pu être arrêté que par la force de la raison publique.
26 février. Le Directoire du Bas-Rhin adresse une lettre
au Comité de Salut public de la Convention nationale, en
réponse aux répliques de Schneider à Robespierre, du 6 de
ce mois, ainsi conçue :
Tout couyert de ses crimes, il tient encore de mentir à l'univers du
fond de sa prison. Constant dans ses perfidies, il emprunte le langage
de l'innocence foulée ; il crie k l'oppression, à l'ii^ustice. Ne tous j
trompez pas, la candeur est sur ses lèvres, mais la rage et la mort sont
dans son &me : c'est un reptile qui embrasse étroitement sa victime, et
qui déjà a choisi l'endroit fatal auquel il destine son dard meurtrier.
Puis vient la nomenclature de ses crimes et forfaits :
Sa doctrine était de perdre la République par la République, dissé-
miner le germe de la guerre civile, attiser le feu du fanatisme, prêter
des armes k l'aristocratie contre le patriotisme, répandre partout une
terreur meurtrière, bouleverser tout, persécuter tout, créer les haines
et les divisions, avilir la représentation nationale du Bas-Rhin, et ne
frapper que les personnes qui n'étaient point assez riches pour acheter
ses jugements et intéresser sa cupidité, ou qui n'étaient point assez
séduisantes pour allumer sa luxure, ou assez viles pour s'y abandon-
ner, etc., etc.
Schneider releva cette accusation et envoya à ses amis
de Strasbourg copie de sa réplique pour la faire imprimer;
mais personne ne voulut s'en charger, ce qui lui donna
ridée de la &ire imprimer lui-môme, sous le titre: Aiuv
hommes libres de tauë les pays et de tous les siècles. On en
était à rimpression de la dernière page quand la brochure
fut dénoncée. De là, défense à tous les prisonniers de
FA^bbaye d'écrire, et quelques jours après, il fut transféré à
la Force — 6 mars. Il est interrogé — 11 mars. Au Club des
jacobins à Strasbourg on lit une dépèche du Comité de
sûreté générale de la convention, demandant à la Société
des renseignements sur la conduite de Schneider; la dis-
cussion s'ouvre sur cet objet, et Ton est d'accord pour ne
reconnaître en lui qu'un monstre, qu'un ennemi de la
chose publique, qu'un homme, enfin, souillé de tous les
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S81 BSVDB D^ALSACB
crimes — 1" avril Après avoir entendu Paccusateor public,
Â. G. Fouquier, et le défenseur officieux, les débats furent
clos; les jurés le reconnurent unanimement coupable; le
le tribunal prononça la peine de mort, avec confiscation de
sa fortune au profit de la République. Alors il se lève et dit
à ses juges :
VouB ne ponyiez pas faire un pins grand plaisir anx ennemis de h
France, qn'en m'envoyant à la mort
Sa tête tomba le môme jour.
Du 29 octobre au 13 décembre 1793, il fit guillotiner trente-
et-une personnes, dont vingt-etrune à Strasbourg et dix au
dehors. L'encrier et la plume, dont il se servait à cette occa-
sion, se trouvaient à la Bibliothèque de Strasbourg.
D'après Ristelhueber, il aurait été nommé curé d'Ober-
bronn à l'époque de son arrivée à Strasbourg, 12 juin 1791.
Etieniœ Babth.
{A suivre,)
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
I
Histoire de TAbbaye de Senonee. Mannscrit inédit de Dom
Calmet à la bibliothèque de Saint-Dié, publié aux frais de la Société
phthmoHque vosgieime et par les soins de M. F. Dinaoo, avocat à
Saint-Bié — Saint-Dié, imprimerie de L. Hnmbert, 1877-1883 —
1 Yol. in-SP de 439 pages.
Les manuscrits de Dom Calmet, qui sont à la bibliothèque
de Saint-Dié, étaient connus depuis longtemps de quelques
honmies d'étude et de quelques curieux. Bien que dans Tesprit
de ceux-ci, ces manuscrits ne s'élèvent pas toujours à la hau-
teur des connaissances modernes, ils n'étaient pas moins
considérés comme des documents dont la divulgation était
désirable. H fallait, pour les répandre dans le domaine public,
la formation de la Société phUomatique vasgienne par l'un
des plus anciens collaborateurs de la Bevm d'Alsace et le
concours ardent d'un jeune avocat de Golmar que l'émigrar
^ tion a iixé au siège de cette société. Grâce à ces deux cir-
constances les manuscrits, dont il est question, se trouvent
aujourd'hui définitivement tirés de l'oubli dans lequel ils étaient
menacés de demeurer.
Nous ne sommes pas en situation de contrôler la valeur
historique du manuscrit de Dom Calmet; mais nous devons
présumer que, même en le considérant comme première
ébauche, ce document est le plus complet que la science pos-
sède sur l'histoire de l'une des plus anciennes et des plus
célèbres maisons religieuses de l'Alsace-Lorraine.
Dom Calmet fut l'un des derniers abbés de cette maison :
pour écrire son histoire, il avait préalablement, comme il le
dit dans sa préface, «recueilli les monuments historiques et
les titres» qui la concernent et qui se trouvaient en grand
nombre aux archives de l'abbaye. La chronique de Richer,
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âdé ftBVHË D'àLSACS
connue de tous les historiens, a été religieusement consultée
par Dom Calmet, mais ce n'est pas à cette importante source
qu'il a puisé les principaux éléments de Thistoire particulière
de Tabbaye. Dom Barthelemi Claudon et Dom Jeannin en
avaient rassemblé les matériaux essentiels que Dom Calmet
a utilisés, augmentés et coordonnés pour écrire la monogra-
phie dont il s'agit En Téditant, M. Dinago et la Société philo-
matiqtée vosgienne ont rendu un réel et louable service à la
science historique de nos contrées de TEst
n
Mémoire présenté au grand-bailli d'Alsace surune insnr-
reotion survenue à Golmar en 1424, pnblié par M. X. Moss-
MÀKN, poar faire suite à ses recherches sur la constitution de la
commune — Golmar, imprimerie de J.-B. Jung et G" 1882 — In-d^
de 28 pages.
M. Mossmann a découvert aux archives de la ville de Ck)l-
mar, dont il est le vigilant et dévoué conservateur, un mémoire
qui est le récit officiel d'une émeute populaire dont Pancienne
ville impériale fiit le théâtre en 1424. M. Mossmann considère,
avec raison, cette pièce comme «faisant partie intégrante de
nos annales» et il faut le remercier de Tavoir fait imprimer
avec une excellente analyse en regard. Ce document répand
la lumière sur une effervescence populaire dont la cause était
jusqu'à ce jour diversement comprise par les annalistes qui
ont eu à s'en occuper.
Parti en guerre avec le palatin Louis et autres seigneurs,
avec d'autres villes impériales parmi lesquelles la République
de Strasbourg, avec les évoques de Strasbourg, Cologne,
Wurtzbourg, etc., contre le margrave, Bernard P', de Bade,
le contingent colmarien occasionna à la ville, dont les finances
étaient déjà en mauvais état, des dépenses auxquelles il fallut
pourvoir au moyen de VOhmgéld ou l'impôt sur le vin. Procé-
dant alors comme on procéderait aigourd'hui, le magistrat
décida que la noblesse et les couvents de la ville y seraient
soumis comme le reste de la population. Les corps de métiers
avaient accepté l'impôt Une partie de la noblesse et des reli-
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fitLlKTlM filBLIÛOEAPËIQim Wl
gieux donna le signal de la résistance en ce qui les concernait
et le signal descendit aussitôt dans le populaire, les labou-
reurs et les vignerons notamment D dégénéra en sédition qui
aboutit au meurtre de Pun des membres les plus marquants
du magistrat, à la déposition révolutionnaire des autres repré-
sentants de Tautorité et finalement k Tintervention du Land-
vogt ou bailli provincial dont les résolutions ne furent pas
sans conséquences sensibles pour la réforme du régime inté-
rieur de Tancienne ville libre et de son droit municipal. C'est
surtout à ce point de vue que le mémoire a paru intéressant
à M. Mossmann pour compléter ses études antérieures sur la
commune de Golmar.
m
Der allé Adel im Oberelsass — La Tiailla noblesse de la
Hante-Alsace, par J. EnnoLBB von Khoblooh — Berlin, impri-
merie de Jnles Sittenfeld, liB82 — In-S^ de 114 pages avec 7 planches
d'armoiries et de sigiles.
Que dire de ce recueil, sinon que c'est une aride nomen-
clature de familles, plus ou moins nobles, plus ou moins
privlUgiées qui, au moyen fige, ont généralement adopté le
nom des lieux, des bourgs, des viUages où elles jouissaient
de leurs privilèges, oii elles avaient fixé leur résidence. La
matière de cette compilation, attentive et patiente, se trouve
dispersée dans nos chroniques alsaciennes, dans nos histoires
générales de la province,' dans nos histoires locales, dans la
DipîomaHcade Schœpflin, dans les cartulaires de nos anciennes
maisons religieuses, dans les monuments de Vhistoire de
Vancien évêché de Bûle, dans nos archives, dans quelques
collections particulières et surtout dans le DicHonnaire
topographique du déparlement du Haut-Bkm, de G. Stoffel.
Nous sommes incompétent pour juger de la valeur héral-
dique du travail de M. Eindler. Ce n'est donc pas à ce point
de vue que nous voulons en dire quelques mots.
Extraire de nos livres et de nos archives des matériaux
d'une espèce déterminée, les utiliser ensuite pour arriver à la
construction méthodique d'une publication pouvant servir de
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288 KEVU£ D'iOSÀCE
gaide pour des recherches ultérieures, est une besogne anssi
ingrate que méritoire. M. Kindler l'a accomplie avec succès
en ce qui concerne l'ancienne noblesse de la Haute-Alsace. U
faut Ten féliciter. Son livret ligurera avec avantage dans nos
collections comme première synthèse nobiliaire des nom-
breux livres et documents qu'il a dû consulter.
IV
Mentionnons pour terminer ce bulletin trimestriel, une
plaquette de vingt pages qui a pour titre : L'archéologie et les
beaux-arts dans Varrondissement de Sainb-Die, par Hekri
Bardt, président de la Société philomatique. C'est dans ce
cadre restreint que, dans la réunion générale de la Société de
l'année courante, le président a condensé un aperçu sommab-e
des principales antiquités de l'arrondissement et des objets
d'art qui y sont conservés ; puis du même auteur, une note sur
la composition chimique de quelques eaux de puits de Eoûn-
V Etape et dont la conclusion proscrit l'usage de ces eaux dans
une ville qui, comme Raon-l'Etape, est pourvue de fontaines
publiques fournissant des eaux de source d'une pureté et
d'une qualité irréprochables.
V
Signalons eniin une excellente notice de M. A. Benoit sur
le Château de Vie au xvn* siède, écrite k propos du poème de
Duclos *Les guerres paroissiales de Vie». Ancienne demeure
féodale des évoques de Metz, ce ch&teau fut abandonné par
ceux-ci lorsque la ravissante résidence de Frescati fut élevé
dans le voisinage delà ville épiscopale. D n'abrita plus qu'acci-
dentellement de grands personnages jusqu'à son abandon et à
sa ruine. C'est dans ce château cependant qu'en 1725 Marie
Lecszinska passa la première nuit de son voyage de Stras-
bourg à Paris pour joindre son royal époux. Il servit ensuite
de caserne, puis d'écoles communales et fut enfin condamné à
disparaître tandis que tant d'autres édifices seigneuriaux
furent convertis en établissements industriels. Sic transit
gUma dominL
Frédéric Kurtz.
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L'ALSACE AKTISTIOIË
Sous ce titre, \ix Revue d'Alsace publiera successi-
vement plus de cent quarante notices concernant
des artistes alsaciens des temps reculés et de Tépoiiue
contemporaine. Elles ont été rédigées par M. P.-E.
TuefTerd, un des anciens collaborateurs de la Revue.
Il en sera fait un tirage à part restreint, avec
dédicace et préface. Ce tirage formera un fort
volume à la disposition des amateurs.
OTTFRID DE WISSEMBOURG
Miniaturiste (820-869)»
La célèbre abbaye bénédictine de Wissembourg, dont l'ori-
gine remonte au vn' siècle (G23), fut l'objet de la sollicitude
et de la générosité des empereurs et brilla par son école qui
fut l'une des plus anciennes et des plus renommées dé l'Alle-
magne. Cette école était déjà florissante au viu' siècle et fut
surtout illustrée par le poète et peintre miniaturiste Ottfrid,
qui vivait au siècle suivant, du temps de l'abbé Grimaldus.
Selon Trithème (Cfironicim Hirsaugiense), Ottfrid commença
h se faire connaître par ses écrits dès 843 et ne mourut
qu'après 869, année pendant laquelle il mit la dernière main à
son Christ.
' Ouvrages consultés : Gébard, Ijcs Artistes de VAlsace pendant le
moyen âge. T. I, p. 17 et suiv. ; — M. E. Muntz, Beqtieïques Monuments
d'art alsacien causer ces à Vienne (Bévue d'Alsace^ 1872); etc.
Nouvelle Sene. — H- uiinee. 19
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290 REVUE d'aLSACE
Arnold, le populaire auteur du Lundi de Pentecôte, dit
qu'Ottfrid s'était voué très jeune à la vie monastique dans
l'abbaye de Wissembourg, près de laquelle il avait reçu le
jour. Ce qu'il y a de certain, c'est que les dates précises de sa
naissance et de sa mort sont inconnues. Il fit ses études
dans l'école monastique de Fulda, sous la direction du savant
Raban Maur, qui devint archevêque de Mayence. C'est dans
cette école qu'il fut initié probablement à la peinture en
miniature par les moines peintres Brun et Rudolphe et par
l'abbé Hatto Bonosus. Ottfrid étudia aussi à Constance et y
reçut les leçons de l'évêque Salomon. Plus tard, il devint
directeur des célèbres écoles de Saint-Gall, où la sculpture et
la peinture en miniature étaient cultivées avec succès. Il se
retira définitivement à Wissembourg, dont il dirigea Fécole
qui jouissait d'une grande renommée. C'est là, dans cette
abbaye, que, pendant ses loisirs, il composa les œuvres qui
ont fait passer son nom à la postérité.
Son ouvrage le plus considérable, et qui seul est parvenu
jusqu'à nous, le Cliristj est Tun des premiers monuments de
la langue germanique. Il est diviséen cinq livres : I. La Nativité;
Saint Jean-Baptiste; IL La Réunion des premiers disciples;
les Premiers miracles; la Proportion de la doctrine; IIL ie
Rédt des miracles éclatants qui ébranlèrent la lieille Joi des
Juifs ;ÏV. La Passion; Y, La Résurrection; V Ascension; le Juge-
ment. Si Ottfrid n'a pas fait correspondre son œuvre à celle
des quatre Evangélistes, et si, au lieu de quatre chapitres, il
l'a divisée en cinq, c'est, dit-il, parce que l'homme a cinq sens
et que lui, Ottfrid, veut les corriger. Le poème est écrit en
strophes formées chacune par deux vers. La rime réunit inva-
riablement ces deux demi-vers. Ottfrid a adopté ce genre de
rime, soit qu'il l'ait trouvé déjà existant dans la poésie popu-
laire de l'Allemagne, soit qu'il l'ait emprunté aux langues
romanes.
Nous n'avonî> pas à nous occuper du mérite littéraire de
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L ALSACE ARTISTIQUE 29 L
cette œuvre; nous ne l'apprécierons qu'au point de vue des
miniatures qu'elle renferme et nous nous servirons de Tétude
que M. £. Muntz en a faite de visu dans la Eemie d'Alsace,
année 1872.
Les dessins qui ornent le poème du Christ, conservé à la
bibliothèque impériale de Vienne, sont au nombre de quatre.
«Le premier, dit M. Muntz, représente une sorte de labyrinthe
rond, agrémenté de tons rouges, jaunes et violacés. Il n'oflEre
aucun intérêt, soit artistique, soit archéologique. Le second
célèbre V Entrée du Christ à Jérusalem, Le Sauveur est monté
sur^une ftnesse qui s'avance d'un pas majestueux; il est légè-
rement courbé et tient d'une main les rênes de sa monture,
tandis qu'il bénit de l'autre. Derrière lui, à gauche, on voit
huit têtes d'apôtres nimbées, tracées avec une encre difiérente
et appartenant à un autre type que Je reste des personnages
de cette scène. A droite, le peuple est figuré par deux groupes
composés de cinq individus chacun: ceux du premier plan
agitent des palmes et jettent devant le Christ des tapis ou des
vêtements ; ceux du second rang sont rangés près d'un temple
d'une construction fort originale (rappelant un modèle grec
ou byzantin), sur le bas duquel une main inconnue a écrit
16-15; ils s'avancent également à la rencontre du Messie avec
des palmes à la main. Toutes ces figures sont incolores, à
l'exception de trois d'entre elles qui ont des draperies gros-
sièrement peintes en vert ou en rouge; les nimbes de quel-
ques-unes des têtes d'apôtres, placées derrière le Christ, sont
également verts.
«Sur le verso de cette feuille se trouve le troisième dessin,
la Cène. Le Christ, assis au bout d'une table elliptique, donne
sa bénédiction aux apôtres qui forment un groupe compacte
à quelque distance de lui. Dès l'abord, on est frappé de l'ana-
logie que le type des figures de ce troisième dessin, ainsi que
la couleur de l'encre qui a servi à leur exécution, présentent
avec les têtes nimbées de la page précédente; et en les exa-
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292 REVUE D ALSACE
minant de plus près, on arrive à cette conclusion : l» que les
huit têtes nimbées d'apôtres de l'entrée du Christ à Jérusalem
et la Sainte-Cène tout entière proviennent de la même main ;
2** qu'elles appartiennent à une autre main et à une autre
époque que le reste du manuscrit.
«A ne consulter que les apparences, en voyant le dessin
plus rude, les contours plus pâles et plus vacillants, Tensemble
plus barbare, on pourrait croire que la partie la plus ancienne
de ces dessins est celle qui se compose des têtes nimbées et
de la Cène. Mais si Ton se rapelle la décadence extraordinaire
qui suivit la renaissance si courte provoquée par Charlemagne,
on acquiert la conviction que VEntrée du Christ à Jérusalem
est l'œuvre de l'illustrateur primitif.
«On est surtout confirmé dans cette opinion par l'étude de
la quatrième et dernière miniature, la plus parfaite et, sans
contredit, celle qui est vraiment contemporaine du manuscrit
Elle représente le CJirist en croix. Le divin supplicié, attaché |
par quatre clous (au lieu de trois), vit encore ; il parle à sa |
mère et au disciple bien-aimé placés auprès de lui. Des plaies |
de ses pieds, juxtaposés et non superposés comme dans les ,
peintures postérieures, s'échappent deux IBlets de sang qui |
retombent dans un vase à deux anses, d'une construction
régulière, sinon élégante. En haut, au-dessus des bras de la
croix, on aperçoit deux ligures encadrées chacune dans un i
disque et représentant le soleil et la lune, en train de se voiler i
la face avec un pan de leur manteau. Cette fois-ci, la minia- |
ture est achevée. Une couche de peinture, d'un ton sale, fixée |
d'après toutes les apparences au moyen d'une solution gom-
meuse, couvre la totalité du dessin. Le violet, le vert, le vert
pâle, le rouge brique en font les frais.
«Si nous envisageons maintenant l'ensemble des illustra-
tions du Clirist, nous sommes avant tout frappé de l'absence
absolue d'ornements, de l'imperfection de la main-d œuvre,
du caractère général de pauvreté et de barbarie. Que nous
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l'awace artistique 293
voilà loin des initiales brillantes et si variées de la collection
des canons de l'Eglise, faite en Alsace même, en 788, par les
ordres de l'évêque Racchio, de Strasbourg! Que nous voilà
loin de la splendeur des manuscrits de style anglo-saxon pro-
venant de l'abbaye de Wissembourg, peut-être contemporains
du Christ (conservés aujourd'hui dans la bibliothèque de
Wolfenbûttel)!
^Le Christ^ d'une infériorité si saisissante et même d'une
nullité absolue sous tous ces rapports, se relève par l'impor-
tance qu'il accorde au corps humain et par ses réminiscences
imparfaites, mais non méconnaissables, de l'art chrétien pri-
mitif. Si la structure de ces figures est défectueuse, si les
torses manquent (le cou du Christ, par exemple, se rattache
directement au bras, sans indication d'épaules), si les extré-
mités nous choquent par leur lourdeur et leur gaucherie, si
l'expression enfin ne brille que par son absence, on rencontre
du moins çà et là quelques traits heureux, quelques joyaux
épargnés par le flot de plus en plus envahissant de la barbarie.
On dirait un de ces camées antiques enchâssés dans les flancs
d'un reliquaire ou d'un ciboire, au milieu des monstres les
plus hideux du moyen âge. Citons parmi ces épaves le vase
placé au pied du crucifix, les draperies de saint Jean. L'atti-
tude de la Vierge ne manque pas non plus d'une certaine
poésie, quoique les plis de ses vêtements l'embarrassent et
l'alourdissent singulièrement.
«Le type de la plupart de ces ligures se rapproche du type
byzantin, notamment dans les personnifications du soleil et
de la lune, ainsi que dans la peinture de l'ftnesse montée par
Jésus-Christ; mais en général les traits sont plus grossiers.
Le costume des Juifs qui vont à la rencontre du Sauveur, offre
également de grandes analogies avec celui de différents
manuscrits grecs de la bibliothèque de Vienne. Il se compose
d'une tunique descendant à mi-jambe et nouée autour des
reins par une ceinture.»
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I
294 REVUE d'alsace
M. Muntz se demande enfin s'il faut admettre avec Wagen,
qu'Ottfrid est l'auteur de V Entrée de Jésus à Jérusalem et du
Crucifiement ; il conclut négativement en disant qu'il serait
singulier qu'il se fut si complètement soustrait à l'influence
des enlumineurs de saint Gall, qui briUèrent d'un vif éclat
pendant le ix^ siècle, et au milieu desquels il séjourna un
certain temps. Et il ajoute que, si Ton ne peut déterminer
. l'auteur de ces miniatures, il est cependant permis d'affirmer
que celles-ci ont été exécutées à Wissembourg-
LE MOINE WILLO
Orfèvre (xi® siècle) *
Le XI'' siècle fut marqué par un mouvement considérable
dans l'art de l'orfèvrerie, principalement en Allemagne et
dans la vallée du Rhin. Cette renaissance partielle fut provo-
quée par la princesse byzantine Théophanie, fille de l'empe-
reur Romain II et épouse d'Otton II, et par saint Bernward,
évêque de Hildesheim. Les plus beaux produits de l'orfèvrerie
du moyen âge étaient les couronnes-lustres ou couronnes de
lumière qui servaient à éclairer entièrement les églises. En
Alsace, il y avait celle de Wissembourg, attribuée faussement
au roi Dagobert; elle avait dix-huit pieds de diamètre et était
formée d'un cercle de fer recouvert de lames d'argent doré
et garni de vingt-quatre tourelles en vermeil, alternativement
rondes et carrées, découpées et ciselées et soutenant les
statuettes en argent des apôtres. On remarquait encore en
Alsace la couronne-lustre de Pabbaye de Munster qui, fausse-
ment aussi, passait pour un présent de Dagobert
Le premier orfèvre de l'Alsace est Willo, qui vivait au
XI" siècle. Il était moine dans l'abbaye bénédictine de Murbach.
^ Ouvrages consultés : ^Gârabd, Les Artistes de V Alsace au moyen
âge, etc.
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L'ALSACE ARTISTIOUE 295
C'est là, d'après ce que rapporte la chronique d'Ebersmtinster,
qu'il ciselait et dorait si merveilleusement des vases de cuivre
et d'étain, que l'empereur Henri III, dit le Noir, ne se faisait
pas de scrupule de donner en cadeau à ses vassaux et à
ses courtisans, comme s'ils eussent été d'or. Martène rapporte'
que ceux-ci s'étant aperçus de cette tromperie et n'osant pas
s'en venger, résolurent de tuer Willo qui résidaitjà^sa cour,
et qui, probablement, était bien innocent de ce qui avait eu
lieu. Mais Henri III, ayant eu connaissance du complot, afin
de soustraire le moine à la mort dont il était menacé et peut-
être aussi aiin de le récompenser de son talent, l'intronisa de
force sur le siège abbatial d'Ebersmûnster auquel les moines
avaient élu un autre abbé.
Arrivé dans ce couvent, en de telles circonstances, Willo y
fut fort mal accueilli; pendant douze années ce ne furent que
luttes et querelles entre lui et les religieux. Ceux-ci l'ayant
surpris dans la cave brisant le vase servant à mesurer le vin,
le battirent violemment et le chassèrent du monastère. Il se
plaignit k l'empereur qui ordonna à Hetzelon, évêque de
Strasbourg, de le réintégrer dans ses fonctions. Willo rentra
donc à Ebersmûnster; mais un beau jour, en 1051, il quitta
furtivement le monastère, emportant les ornements et une
partie dji trésor de l'église. Il se réfugia à Worms, où il dissipa
le produit de ses vols. Telle fut, au dire de Grandidier,' la vie
de cet artiste distingué et de ce mauvais moine.
La chronique d'Ebersmûnster rapporte que la couronne
que portait l'anti-césar Rodolphe, duc de Souabe et d'Alsace,
élu empereur en 1077 avait été faite dans cette abbaye. Ce
fait semble indiquer que Willo avait formé des élèves dans ce
couvent et'y avait laissé une tradition.
Dans un des comptes |de l'hôtel de Philippe le Bon, duc de
' Thés, anecd.
* Oeuvres inédites.
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29fj UEvi'E d'alsacf.
Boui'gogne, de Tannée 14(57, se trouve mentionnée une pièce
d'orfèvrerie en ces termes : «Une coquille de Willo, garnye
d'argent doré». Provenait-elle de l'orfèvre d'Ebersmûnster?
C'est ce qu'on ne peut affirmer.
HERRADE i)E LANDSPERG
Miniaturiste (1135-1195)'
La montagne la plus célèbre de l'Alsace est, sans contredit,
celle de Hohenbourg, oîi Sainte-Odile, la fille du duc Ehicon,
construisit un monastère vers la fin du vu* siècle. Parmi les
abbesses qui lui succédèrent, il y en eut une du nom de
Relinde, qui cultiva avec succès la poésie et les lettres, dont
quelques morceaux sont parvenus jusqu'à nous. Elle en com-
muniqua le goût à l'une de ses jeunes compagnes, Herrade de
Landsperg, qui devait, en 1167, lui succéder sur le siège abba-
tial de Hohenbourg.
Herrade est l'une des plus belles figures du moyen âge; elle
fut peintre, musicienne, poète, philosophe, théologienne; il ne
lui a manqué que l'auréole de sainte, dont elle possédait
toutes les vertus. H y a eu des noms plus grands, plus écla-
tants que le sien; il n'y en a pas de plus purs. L'intérêt
qu'inspire cette femme résulte de l'existence isolée qu'elle a
eue au sommet d'une montagne, dans une région presque
alpestre où les bruits du monde, lorsqu'ils montent jusque-là,
sont si faibles qu'ils se confondent avec le murmure de la
cascade voisine ou avec les gémissements du vent dans les
branches de la forêt de sapins ; il résulte surtout du charme
qu'on éprouve à rencontrer un être si noble, si cultivé, au
* Ouvrages consultés : Spach, Lettres 8t*r les archives départementiHts
(lu Bas-Rhin; HuoT, Des Vosges au Ehin; Gérard, Les Artistes de
VAIstice au moyen âge; J.-J. Mrybr, Herrade de Landsperg (Berue
d'Ahacey année 1876); etc.
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i/ai«sace artistique 297
milieu d'un monde demi-barbare, en proie à la rudesse, à
l'ignorance et aux passions les plus grossières.
Le milieu où Herrade a passé son existence a dû exercer
sur sa nature impressionnable et poétique une influence con-
sidérable; mais ce fut à son insu. Qui n'a éprouvé sur les
hautes montagnes le sentiment indéfinissable qu'un air plus
léger, un horizon plus varié et plus étendu produisent sur nos
sens et nos idées V Le sang coule dans les veines avec plus
d'abondance et de force, les objets apparaissent sous un aspect
nouveau et les pensées semblent se purifier et s'élever sous
Tinfluence mystérieuse de l'atmosphère éthérée qu'on respire.
Comme tout ce qui est véritablement beau, le site de Hohen-
bourg a captivé et captivera toujours l'homme: panorama
admirable, souvenirs historiques et religieux, il oifre tout ce
qui peut plaire aux yeux et à l'imagination.
Comme son nom l'indique, Herrade appartenait à l'antique
et illustre famille de Landsperg, depuis longtemps éteinte,
dont les ruines du château se voient sur la pente de la mon-
tagne même du Hohenbourg. On ignore l'époque exacte de sa
naissance, qui remonte probablement entre les années 1185
et 1140. On ne sait pas non plus pour quel motif elle prit le
voile ; si ce fut pour obéir à une vocation bien arrêtée, pour
fuir les luttes, les passions et les tourments du monde, ou
pour satisfaire au désir de son frère Gunther ou de ses
parents. Quoi qu'il en soit, elle entra comme novice au couvent
de Hohenbourg, dirigé alors par la pieuse Relinde.
Plus tard, devenue abbesse de ce monastère, Herrade donna
tous ses soins aux nonnes et à l'établissement dont elle avait
reçu la direction spirituelle et temporelle. En 1178, elle fonda
près d'pttrott-le-Haut le prieuré de Saint-Gorgon, et en 1181
celui de Trauttenhausen au pied de la montagne de Hohen-
bourg. Elle entra en rapports d'affaires, pour les biens de son
couvent, avec Frédéric Barberousse, les papes, les évêques
de Strasbourg, de Lorraine et d'Allemagne et les seigneui-s
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298 REYCK D ALSACE
alsaciens. Mais, sauf les instants qu'elle consacrait aux intérêts
matériels confiés à ses soins, elle employait tout son temps
en exercices de piété, à la direction spirituelle de ses com-
pagnes et à la culture de la peinture, de la musique et de la
poésie. Insensible aux bruits de la terre, plongée dans le
calme et la retraite les plus absolus, sous l'empire de visions
charmantes et d'harmonies qu'elle croyait venir des cieux,
elle composa une œuvre admirable pour l'époque, le Hortus
Delidarum. Ce manuscrit fut pendant des siècles entouré à
Hohenbourg d'une vénération très grande et estimé presque
à l'égal des reliques auprès desquelles on le conservait pré-
cieusement Il était orné de délicieuses peintures où éclataient
des couleurs que le temps n'avait pu altérer. Transmis par
Herrade à ses filles adoptives, sauvé comme par miracle des
nombreux désastres qui assaillirent le couvent de Sainte-
Odile, recueilli un moment par les évêques de Strasbourg,
puis par les Chartreux de Molsheim, par la bibliothèque du
district républicain,' par un abbé, enfin par la bibliothèque de
la ville de Strasbourg, dont il était l'ornement le plus beau et
le plus précieux, il a été brûlé, comme tout le reste, par les
Prussiens, en' 1870.
Heureusement que ce manuscrit inestimable a été l'objet
de plusieurs études remarquables : l'une fut publiée à Stutt-
gard en 1818 par Engelhardt, qui l'accompagna de douze
planches reproduisant les plus belles miniatures; une autre
est due à Lenoble; une troisième fut insérée par l'archiviste
Spach dans ses Lettres sur les archives du Bas-Rhin; une
quatrième se trouve dans l'ouvrage du conseiller Huot, inti-
tulé Des Vosges au Rhin; une^'cinquième a paru dans l'ou-
vrage de feu Gérard sur Les Artistes de V Alsace au moyen âge ;
une autre, la plus étendue de toutes, est due à la plume de
M. J.-J. Meyer, qui l'a insérée dans la Revue d! Alsace, année
1876; enfin, la Société pour la conservation des monuments
historiques de l'Alsace vient de réunir dans une splendide
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i/alsace artistique 299
publication (1879) les dessins que des amateurs avaient faits
des nûniatures de ce manuscrit.
Le Horttia Delidarum fut probablement commencé par
Herrade vers l'an 1155 et terminé en 1180. Cette femme dis-
tinguée put jouir pendant de nombreuses années de son œuvre,
car elle ne mourut que le 25 juillet 1195, à Tâge de 70 ans
environ. Ses derniers instants furent impressionnés par une
scène douloureuse : Sybille, veuve de Tancrède, roi de Sicile,
et ses deux filles étaient venues chercher un asile dans le
couvent de Hohenbourg, poursuivies par la haine de l'empe-
reur Henri VI, qui s'était emparé de la Sicile et avait fait
crever les yeux au fils du monarque défunt.
Herrade avait une sœur, Edelinde, qui, comme elle, prit le
voile et devint abbesse de Hohenbourg en l'an 1200. Edelinde
se distingua non-seulement par sa piété, mais aussi par ses
goûts artistiques. Elle sculpta la Passian du Sauveur et quel-
ques scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament sur une
croix en bois qui ornait^ avant 1542, l'abbaye de Nieder-
mûnster, et qui se trouve actuellement dans l'église de
Molsheim.*
Il n'entre point dans notre sujet de donner l'analyse de
VHortus Delidarum, qui était une sorte de résumé de toutes
les connaissances de l'époque, destiné à l'enseignement des
nonnes de Hohenbourg. Nous n'avons à parler de cette œuvre
qu'au point de vue des peintures qu'elle renfermait, qui en
étaient le commentaire imagé, et lui assignent le premier
rang parmi toutes les productions des miniaturistes alsaciens
du moyen âge. A l'époque où vivait Herrade de Landsperg,
c'est-à-dire au xir siècle, l'illustration des manuscrits était
peu pratiquée en Occident; ce n'était guère qu'une pieuse
* Cette croix, qui porte les signes irrécusables de l'époque byzantine,
est en bois de chêne, elle a huit à neuf pieds de hauteur et cinq à six
dans la croisée. Des pierres précieuses l'enrichissent, et elle est recou-
yerte de lames d'argent doré relevées en bosse.
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300 REVUE d'AKSACE
tradition monastique empruntée aux habitudes de TEglise
grecque. La foi inspirait les images, comme elle imposait les
textes et leur signification religieuse. L'art byzantin avait
formulé des règles inflexibles, avait créé des types inaltérables,
immuables, éternels; les figures, les attitudes, l'expression, les
emblèmes, les costumes, les couleurs même, tout avait été
réglé, fixé, déterminé. L'artiste ne pouvait s'en écarter sans
violer en même temps son devoir professionnel et son devoir
religieux. La décadence qui avait commencé à se produire à
Constantinople, sous le règne de Basile II (995-1025), se fit
sentir au xi* siècle en Allemagne où s'étaient répandus des
artistes dégénérés, qui étaient tombés dans le dernier servi-
lisme de l'art. Aux principes et aux traditions des écoles de
Basile P' et de Constantin Porphyrogénète avaient succédé le
relâchement et l'empirisme d'une nouvelle école qui chaque
jour s'éloignait de plus en plus de l'antiquité. Heureusement,
qu'à côté de cette école mercantile l'Allemagne avait su en
conserver une autre, véritablement nationale, née de la renais-
sance carlovingienne et qui continua le mouvement original
qui l'avait distinguée. Cette école, peu nombreuse, était plus
indépendante, plus fantaisiste; elle composait avec liberté,
elle inventait, elle savait allier le sentiment de la vie réelle à
la poésie légendaire; elle reproduisait, en les variant, les scènes
historiques ou bibliques ; elle n'interdisait pas à l'imagination
de concevoir et de produire des sujets et des formes dans une
direction et sous une forme nouvelles. Cette école à laquelle
appartient Herrade de Landsperg ne subissait plus, vers le
milieu du xii* siècle, l'influence byzantine que dans ce qu'elle
avait d'heureux et d'utile; elle n'empruntait plus aux peintres
orientaux que leurs connaissances techniques, leur entente
du dessin, leurs procédés de coloris. Ce libre travail de l'es-
prit, cette indépendance de l'artiste, éclatent, comme nous le
verrons dans l'œuvre de Herrade.
Le nombre des peintures qui ornent l'œuvre d'Herrade est
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L'ALSACE AKTISriQUE 301
considérable ; il s'élève à six cent trente-six, celui des figures
humaines à plus de neuf mille. * Elles ne sont que rarement
placées dans le texte; ordinairement elles occupent toute
retendue de la feuille de parchemin; certaines pages con-
tiennent deux rangs de miniatures, d'autres trois rangs.
Quelques compositions sont si développées, que c'est à peine
si toute la page est suffisante pour les renfermer.
L'Histoire-Sainte est traitée très brièvement et ce sont les
allégories mystiques qui tiennent le plus de place parmi ses
miniatures. Dieu, père de toutes les créatures, les anges, la
révolte et la chute de Lucifer et de ses suppôts, surtout ce
dernier événement présenté en un endroit comme une des
causes qui amenèrent la création delà terre et de l'homme; la
Trinité, comme providence agissant dans le monde; tel est le
début de la première partie. Dans les peintures qui l'accom-
pagnent on voit les trois personnes de la Trinité, assises l'une
près de l'autre sur un banc circulaire et identiquement sem-
blables l'une à l'autre, se consulter sur l'éventualité de la
création.
L'origine des éléments est empruntée au récit biblique. L'air
et l'eau sont représentés sous les traits d'Eole et de Neptune.
Tout ce qui a trait à la cosmographie, à l'astronomie et à la
chronologie est tiré d'un astrologue anonyme et de VAurea
gemma; il en est de même de certaines notions de géographie
et de technologie qu'on trouve plus loin. Ces derniers frag-
ments sont suivis de miniatures représentant, d'après le
système de Ptolémée, les douze signes du zodiaque, les zones,
le Soleil dans un char attelé de quatre chevaux, et les divers
climats.
Dans l'histoire de la création de l'homme, on voit celui-ci
^ Nous noas sommes servi pour la description des miniatures priu-
cipalement des articles de M31. Gérard, T.I,p. tîG etsuiv., et J.-J. Meyer,
ouvrages déjà cités.
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302 REVUE D'ALSACE
représenté sous les formes du microcosme, c'est-à-dire comme
un abrégé du monde. L'homme, nouvellement créé, a la tête
rayonnante et entouré des sept anciennes planètes; ses bras
sont étendus et un cercle enferme ses jambes ; un monticule,
sur lequel une chèvre broute des ronces, figure la terre; les
trois autres éléments, l'eau, le feu et l'air, sont représentés
dans les angles de la peinture exerçant leur influence sur
l'être humain. Les miniatures qui représentent la création
d'Adam et d'Eve sont très curieuses ; on voit le Père éternel
tenant sur ses genoux une forme humaine ébauchée dans de
l'argile jaunâtre et achevant de la modeler ; plus loin, il souffle
dans sa bouche ouverte pour lui communiquer la respiration;
enfin, assis auprès d'Adam endormi, il tient à la main la côte
qu'il lui a prise et de laquelle surgit le buste d'Eve naissante.
Vient ensuite l'histoire de la chute de nos premiers parents.
On voit l'Eternel les chassant du paradis terrestre ; plus loin,
le chérubin qui, les ailes repliées l'une sur l'autre en forme de
croix, veille à la porte d'entrée du paradis. Après leur expul-
sion, Adam est représenté bêchant la terre avec effort, et Eve
filant au fuseau. Ensuite Caïn tue son frère Abel; puis
l'arche, la découverte du vin par Noé, l'ivresse de celui-ci et
la construction de la tour de Babel.
Puis arrivent les neuf Muses qui sont encadrées dans
des médaillons élégants et qui portent le costume des châte-
laines de l'époque de Frédéric Barberousse.
Après les Muses vient une miniature allégorique représen-
tant la philosophie et les sept arts libéraux. A l'intérieur d'un
grand cercle sont inscrites sept arcades byzantines, dans cha-
cune desquelles se dresse une femme noblement vêtue: la
Grammaire, en rouge, tenant une verge et un livre ; la Rhéto-
rique, en bleu, avec un style et des tablettes à écrire; la
Dialectique, en vert clair, tenant de la main gauche une tête
de chien aboyant; la Musique, en carmin, ayant une harpe
entourée d'une lyre et d'une rotte; TArithmétique, en bleu
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l'alsace artistique 303
clair, avec une corde à compter ; la Géométrie, en rouge, armée
d'un compas et d'une règle ; l'Astronomie, en vert foncé, mon-
trant d'une main le firmament et tenant de l'autre un boisseau.
Au centre du cercle siège sur un large fauteuil la Philosophie
vêtue d'une robe violette et d'un manteau de pourpre ; sa tête
est ornée d'un diadème duquel sortent trois figures désignées
par une légende sous les noms d'Ethique, de Logique et de
Physique; ses mains tiennent un écriteau à devise; des deux
côtés de sa poitrine s'épandent les sources des sept arts libé-
raux. Dans la partie inférieure du cercle on voit, assis sur
un banc de bois et devant un pupitre chargé d'un livre
ouvert, Socrate et Platon. Au-dessous de la page et extérieu-
rement au grand cercle se trouvent, dans de riches sièges et
devant un livre ouvert, quatre personnages à la physionomie
grave, portant leur barbe, en haut-de-chausses, tunique et
chlamyde ; ce sont les poètes et les mages, ayant chacun sur
l'épaule un oiseau noir qui semble leur parler à l'oreille et
qui représente un démon. Herrade les a exclus du cycle hono-
rable des arts bienfaisants, parce qu'ils ont chanté les exploits
des divinités mythologiques, dont elle a peint les figures sur
les feuilles suivantes.
Puis viennent les scènes les plus marquantes de la vie des
patriarches: Abraham et Loth, Isaac et ses fils, Moïse en
Egypte, le passage do la mer Rouge, le séjour des Hébreux
dans le désert; leurs diverses stations sont iiidiquées sous la
forme emblématique d'autant de petits châteaux-forts ou
d'églises. Les principaux événements des pérégrinations des
Israélites sont représentés d'une façon très curieuse; ainsi,
dans la scène représentant Tengloutissement de Pharaon dans
la mer Rouge, Herrade a donné aux poissons des formes bouf-
fonnes et des attitudes plaisantes, comme pour montrer leur
satisfaction de la mésaventure arrivée à l'orgueilleux Egyptien.
Ailleurs, lorsqu'une colonne de feu ou de nuages indique le
chemin aux Juifs, elle est immédiatement suivie d'un massier
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304 lŒvuE d'alsace
tenant à la main un gros bâton à pommeau. Plus loin ou voit
dans un endroit isolé le tombeau de Moïse, dont Dieu lui-
même place le corps dans un cercueil de pierre ; Satan cherche
à saisir ce corps par un pied, mais il est repoussé par saint
Michel armé d'une fourche.
Dans rhistoire des Juges, des Rois et des Prophètes, il y a
un tableau remarquable représentant Jonas avalé par une
baleine, qui n'est autre qu'une énorme carpe du Rhin. Les
douze prophètes sont assis l'un à côté de l'autre et tiennent
chacun à la main une bande de parchemin sur laquelle on lit
l'une de leurs prédictions. Les visions du prophète Zacharie
donnent lieu à une miniature très curieuse : le Christ, malgré
l'opposition du diable armé d'une massue, revêt le costume
do grand-prêtre; tout auprès, on voit les candélabres à sept
branches placés entre des oliviers. Cette miniature, commencée
par Herrade, a été achevée postérieurement par une main
moins .expérimentée.
Au seuil de l'histoire évangélique, entre l'ancienne et la
nouvelle loi, Herrade a peint deux allégories mystiques sur
l'union des deux Testaments; dans l'une, le personnage prin-
cipal, qui est assis, porte deux têtes, celle de Moïse et celle
du Christ, et tient d'une main l'aspersoir, symbole de la syna-
gogue, et de l'autre la coupe de la Cène, emblème de l'Eglise
nouvelle.
Parmi les miniatures qui illustrent la vie du Christ, il y en
a de très remarquables. L'une d'elles concerne la généalogie
du Messie représentée par un arbre emblématique planté par
Dieu lui-même; à mi-hauteur du tronc, on voit la ligure
d'Abraham au-dessus de laquelle sont représentées les têtes
de tous les patriarches, de tous les rois du peuple juif et de
tous leurs descendants jusqu'à Joseph, l'époux de Marie; la
Vierge est au-dessus de Joseph, et de sa tête sort le Christ ;
les patriarches, les rois, les prophètes et le peuple d'Israël
sont répandus dans les rameaux; dans la partie supérieure
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L'ALSACE ARTISTIQUE 305
apparaît le Sauveur et à ses côtés les apôtres, les papes, le
clergé, les rois de la terre et leurs peuples.
Dans la miniature suivante on voit Dieu jeter dans la gueule
du Leviathan, image symbolique du monde corrompu, un
hameçon dont la partie supérieure figure la croix du Christ,
et qui retire du monstre les têtes des patriarches et des pro-
phètes.
Dans l'histoire du Christ, nous citerons les miniatures sui-
vantes : l'Assemblée des disciples de saint Jean portant des
manteaux blancs marqués par devant d'une croix de saint
Jean; — le Baptême du Christ, scène dans laquelle le Jourdain
est représenté sous la forme d'un dieu qui regarde avec éton-
nement les portes du ciel ouvertes sur la tête du Sauveur,
pendant qu'une colombe descend portant une fiole remplie
d'huile, dont elle va l'oindre ; — la Tentation, où l'on voit
Satan, revêtu d'une peau verte, s'efforcer de séduire le Christ
par des cajoleries bouffonnes, dont le comique est renforcé
par les détails grotesques du personnage: nez énorme et
retroussé, bouche fendue jusqu'aux oreilles, queue en trom-
pette; — la Mort de Lazare et du mauvais riche; l'âme du
premier est recueillie pieusement dans un linceul par des
anges qui la portent au ciel; tandis que celle du mauvais
riche, personnifiée par un nain qui s'échappe de sa bouche
convulsive, est saisie et emportée par des démons; — plus
loin, on voit le mauvais riche couché tout nu au milieu d'un
étang de feu et blasphémant dans les tortures de la soif;
Lazare, au contraire, repose bien tranquillement sur les
genoux d'Abraham.
Dans le songe de la femme de Pilate, Herrade a représenté
Satan au pied de cette dame, inspirant et dirigeant le rêve de
sang qu'elle fait. Dans le tableau du crucifiement, l'artiste a
placé au-dessus du gibet les figures dolentes et voilées du
Soleil et de la Lune; le premier, portant la main h sa face,
pssuie ses larmes: Marie, Jean, le diacre Fltienne et le centii-
Nouvellt; Seno. — II— année. 21)
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306 REVUE D'ALSACE
non Longin sont au pied de la croix, où se trouve aussi le
tombeau d'Adam. Deux figures allégoriques apparaissent en
outre dans cette composition; l'une représente l'ancienne Loi,
la Synagogue montée sur un âne, les yeux couverts d'un ban-
deau, la bannière renversée ; elle tient d'une main le bouc
d'iniquité de l'ancien Testament, de l'autre main le couteau
du sacrifice désormais inutile et inefficace. L'autre figure est
celle du Christianisme, de l'Eglise triomphante, assise sur une
bête à quatre têtes qui sont les attributs des quatre évangé-
listes; elle porte d'une main la bannière victorieuse et de
l'autre la coupe de la Cène, dans laquelle tombe le sang qui
s'échappe des flancs du Christ.
On doit signaler encore dans l'histoire évangélique les
miniatures suivantes : la descente du Saint-Esprit; la conver-
sion de saint Paul; la compagnie des saintes femmes de la
Passion vêtues de l'habit monastique, sous la conduite de
saint Jean en costume de moine; le baptême de l'Ethiopienne
par saint Paul, emblème de l'accueil que l'Eglise fait aux
nations payennes; le Christ couronnant l'Eglise qui, sous les
traits d'une fenmie, s'avance à la tête des douze apôtres; Jésus
chassant du temple les marchands qui personnifient tous les
vices qu'on doit bannir de la société chrétienne; Christ sur
le pressoir symbolique de la vendange chrétienne; le lépreux
figurant par ses sept plaies les sept hérésies principales qui
ont désolé l'Eglise.
La lutte des vertus chrétiennes contre les vices présente
un tableau original. Les Vices et les Vertus, dans la tenue de
femmes armées, se combattent, les premières avec des lances
qui représentent les aiguillons de la tentation, les secondes
avec des épées, images de la parole divine. Dans tous ces
combats singuliers, chaque Vertu est aux prises avec le Vice
correspondant; la victoire appartient toujours à la Vertu qui
met à mort son antagoniste. La Luxure seule n'emploie pas
d'armes pour combattre; richement vêtue, escortée des autres
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]/ ALSACE ARTISTIQUE 307
plaisirs et montée sur un char enrichi d'or et de pierres pré-
cieuses, eUe réussit par ses séductions à déconcerter les
Vertus; mais la Chasteté arrive à temps pour les secourir; elle
brise le char de la Volupté et de ses compagnes, qui fuient en
jetant leurs parures et leurs armes.
Après cette allégorie arrive une série de miniatures consa-
crées à célébrer Salomon: la construction du temple; la visite
de la reine de Saba; les vierges de Jérusalem chantant ses
louanges devant le roi qui est assis sur son trône: Salomon,
emblème du Christ triomphant, reposant sur un lit précieux,
symbole de l'Eglise; Salomon célébrant le festin nuptial avec
l'Eglise; Salomon assis sur un trône et jetant sa mélancolique
exclamation: Vanité des Vanités. Auprès de lui, comme image
de la vanité des choses humaines, deux hommes font mouvoir
deux marionnettes représentant des chevaliers armés de
toutes pièces et se livrant un combat singulier. Immédiate-
ment au-dessous, on voit la Fortune, montée sur une roue,
qui élève et abaisse les rois tour à tour.
Cette saisissante critique de la vanité des choses humaines
avait mis Herrade en veine de liberté. Elle traça une autre
composition d'une grande énergie, c'est VEchelle du Salut qui
part du sol et s'élève jusqu'au ciel où se trouve la couronne
de vie ; le Père éternel, dont la main sort d'un nuage, l'ofire
aux concurrents, tandis que des démons leur décochent des
flèches pour les faire tomber dans la gueule du diable, sous la
forme d'un dragon qui se trouve au pied de Téchelle. Malgré
l'assistance de quelques anges, les embûches du démon n'ont
que trop de succès; l'ermite a préféré la culture de son jardin
à la prière et à la contemplation ; le chartreux s'est laissé
séduire par la jouissance d'un bon lit ; le prêtre séculier s'est
livré aux plaisirs de la table et de l'amour ; la religieuse a été
fascinée par la vue des richesses ; le chevalier et la noble dame
se sont adonnés à l'avarice, à l'orgueil et aux plaisirs de la
chair. Tous retombent de l'échelle. Les laïques ne montent pas
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308 KEYUË d'àlsace
même aussi haut que les religieux; dès les premiers degrés,
le soldat absorbé par le désir de posséder de beaux chevaux,
la femme étourdie par le luxe et la vanité, se laissent choir
lourdement. Seule, la Charité chrétienne atteint le haut de
l'échelle et reçoit la récompense céleste.
Une poésie sur les défaillances de la chair, inspirée à
Herrade par la peinture dont nous venons de parler, lui four-
nit l'occasion de reproduire le mythe homérique des Sirènes
en trois tableaux. Dans le premier, ces enchanteresses, ailées,
la tête couverte d'un voile, le corps enveloppé d'une longue
robe qui ne laisse à découvert que les mains et les jambes
terminées par des serres, font tomber, aux sons d'une mélodie
délicieuse, l'équipage d'un navire dans un profond sommeil.
Dans le second, les sirènes sautent sur le vaisseau, mas-
sacrent les matelots endormis et les jettent à la mer. Dans le
troisième, Ulysse, monté sur une barque que conduit un
moine à la tête rase, arrive au secours de ses compagnons et
emploie la ruse habile qui doit rompre le charme des tilles
d'Achelous.
Après ces tableaux, qui sont une allusion aux périls que
l'Eglise a à traverser et que Christ lui fait surmonter pour la
conduire au bonheur céleste, Herrade a représenté l'Eglise
universelle de la manière suivante : on voit la coupe trans-
versale d'une église ; dans la niche centrale de la partie la
plus élevée, l'Eglise siège en reine; des deux côtés de la niche
sont assis des papes, des évêques, des prêtres, des moines et
des religieuses ; la niche au-dessous de la première est occupée
par les jeunes tilles de Jérusalem, représentant tous ceux qui
sont soumis à l'autorité de l'Eglise; auprès de la niche, on
voit d'un côté des pèlerins et des religieux appartenant aux
ordres les plus sévères ; de l'autre côté, des princes séculiers.
Aux portes de l'édifice se tiennent David et Esaïe, baptisés en
dehors do l'Eglise. Sur le toit, des anges livrent bataille au
démon. Quatre médaillons placés aux quatre coins de l'église
renferment les bustes des quatre grands prophètes.
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l'alsace artistique 309
Cette miniature sert d'introduction à une série de chapitres
relatifs à l'Eglise, aux conditions nécessaires à son existence,
à ses devoirs et à ses relations.
Herrade consacre une place importante de son œuvre à
l'histoire de l'Antéchrist. On voit celui-ci mettre à mort Elie
et Enoch, apparus sur la terre peu de temps avant lui. Enivré
par les honneurs des peuples et des princes laïcs et ecclésias-
tiques, il fait des miracles, précipite le feu du ciel et déchaîne
la tempête sur mer ; ceux qui ne veulent pas croire en lui sont
mis à mort. Mais le châtiment n'est pas loin; au moment où,
arrivé au sommet de la montagne des Oliviers, il prétend,
comme Jésus-Christ, s'élever vers le ciel, saint Michel apparaît
et lui fend la tête. Ses adhérents, reconnaissant alors le néant
de son règne, font pénitence, les Juife se convertissent à
l'Evangile et reçoivent le baptême.
Une suite de miniatures occupant plusieurs pages repré-
sentent les scènes du Jugement dernier, principalement
d'après l'Apocalypse. On voit tout d'abord Jésus-Christ sur
un arc-en-ciel qui lui sert de trône; au-dessous et montés sur
des roues ailées, des séraphins; plus bas, la croix et les instru-
ments du supplice du Sauveur portés triomphalement par les
anges sur une espèce de fauteuil. Au pied de la croix le livre
de justice est grandement ouvert; à droite et à gauche sont
agenouillés Adam et Eve. Plus haut, à côté du Christ, on voit
la Vierge et Jean7Baptiste ; auprès d'eux des chérubins, puis
les apôtres, assis sur un banc et ayant chacun un ange der-
rière lui. Plus loin, on voit les morts sortir de leurs tombeaux
en entendant la trompette céleste; au-dessous, des animaux
féroces rendent les membres des créatures qu'ils ont dévorées.
En même temps le ciel et la terre sont en feu et un monde
nouveau les remplace, dominé par les diflférents groupes des
élus distribués dans l'ordre suivant: martyrs, papes, évoques
et clercs, abbés et moines, pèlerins, veuves, abbesses, reli-
gieuses, rois et princes, magistrats, puis la foule des laïques ;
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310 REVUE D'ALSACE
chacun est accompagné de son ange gardien. Le Christ domine
rheureuse multitude. A gauche de son trône sont les groupes
des damnés enveloppés de flammes; d'abord les faux pro-
phètes, puis les faux apôtres, les faux papes et évoques, et
ainsi de suite dans un ordre analogue à celui des élus; les
derniers sont les Juifs et les Payens.
Le feuillet suivant représente l'enfer; c'est une conception
d'une haute fantaisie artistique, en même temps que d'une
moralité très saisissante. L'encadrement du domaine infernal
est formé par une série de cavernes enflammées où brûlent
les damnés. Une mer de feu divise l'enfer en quatre étages.
En haut, un diable, satisfait et fier de ses travaux, se balance
avec gaîté sur une escarpolette; aux deux bouts de la corde
servant à la balançoire, deux grotesques pécheurs sont hous-
pillés par des diablotins. Un autre damné, pendu par les piedsi
porte attaché à son cou une grosse pierre sur laquelle se
balance un démon ricanant. Là aussi se trouvent les volup-
tueux, les libertins, dont le châtiment est d'être mordus et
entourés par des reptiles immondes. On y voit un suicidé qui
se perce la poitrine d'un couteau. Dans la seconde zone, se
trouvent les usuriers que l'on punit en leur versant de l'or
fondu sur les mains, et les calomniateurs en les forçant de cares-
ser un crapaud; les espions ont les oreilles perforées avec une
vrille, les femmes coquettes sont lacées par des diables,
l'infanticide est condamnée à manger son enfant mort. Le
troisième compartiment est destiné aux Juifs et aux soldats;
ils bouillissent séparément dans deux vastes chaudières ; les
diables les amènent par bandes pressées; la récolte en est
facile et assurée. Avant de passer dans la chaudière, le Juif
est fouetté d'importance par un démon vigoureux, probable-
ment par un ancien maître d'école. Enfin, dans le bas du
tableau siège Lucifer enchaîné et tenant l'Antéchrist sur ses
genoux. Là est le séjour des anciens moines; un diable en
amène un devant le prince des ténèbres ; il a trop aimé les
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l' ALSACE ARTISTIQUE 311
richesses; on lui règle son compte en le couchant tout nu sur
le dos et en lui versant de Tor fondu dans la bouche.
Babylone pécheresse est représentée sous la figure d'une
reine couronnée, vêtue richement et levant une coupe d'or ;
elle est portée par un monstre rouge à sept têtes et à dix
cornes. Des prêtres et des laïques la contemplent avec admi-
ration et se soumettent à elle comme étant la reine du péché.
Sur le revers de la feuille, la reine et le monstre sont préci-
pités dans les flammes par des anges.
La cité de Dieu ou PEglise victorieuse est reproduite d'après
le texte du douzième chapitre de l'Apocalypse. Elle est figurée
par une fenune portant un diadème d'étoiles ; elle est accom-
pagnée du Soleil et a la Lune sous ses pieds. Le disque
solaire apparaît derrière le dos de l'Eglise qui est posée sur
le croissant lumineux de la Lune ; la partie obscure de l'astre
des nuits est tangente au Soleil. Un ange enlève l'enfant nou-
veau-né de la femme. Au-dessus d'elle on voit le dragon à sept
têtes lançant de sa gueule les poissons symboliques, et le lion
à sept têtes blessant du glaive les croyants. Les deux monstres
sont couronnés d'un stemma formé de six petites têtes.
La conclusion logique de ces grandes pages, où se déploie la
richesse du symbolisme catholique, devait être le spectacle
du Paradis, but suprême de la vie chrétienne. Herrade l'a
conçu dans un sentiment mystique et idéal. Abraham, le pre-
mier des fidèles, l'ami de Dieu, a une stature gigantesque ; il
est assis sur un trône au milieu d'une plantation de palmiers;
sur son vaste sein repose tout le monde des élus. Les cou-
ronnes de vie rayonnent au-dessus de lui, et aux quatre
angles du tableau se voient les personnifications allégoriques
des quatre fleuves qui arrosent le paradis.
Sur le verso de la feuille consacrée à l'enfer se trouvent
deux chimères tracées seulement à la plume et qui portent le
le cachet du style d'Herrade et de sa riche et fertile imagina-
tion. Les deux monstres sont formés des éléments les plus
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.U2 REVUE d'AI^ACE
disparates et les plus étrangers les uns aux autres; l'un repro-
duit, dans un mélange fantastique, l'homme, le chêne, l'oiseau,
le cheval, le cerf, le chat et le scorpion ; l'autre est formé de
la réunion de parties empruntées au cheval, à l'homme, au
bœuf, au lièvre, au serpent, au paon, à la grue et au lion.
L'œuvre d'Herrade se termine par la représentation du
monastère dont elle avait la direction. A la base du parchemin
se dresse la montagne de Hohenbourg peinte en vert D'un
côté se trouve l'histoire de la fondation du couvent; le duc
Ethicon, en costume royal et couronné, assis sur un trône,
transmet à sa fille Odile, debout à la tête de ses religieuses,
la clef d'argent de l'édifice qu'il a bâti pour elle. Au-dessus de
ce groupe, on voit le couvent, à l'entrée duquel se tient le
Christ orné du nimbe crucifère, dans le costume traditionnel
des miniatures byzantines; sa main gauche tient un phylactère
déroulé sur lequel on lit : Vos quus intendit, frangit, gravai,
atterit, iirit hic carcer mestiis, etc. A sa droite, Marie et saint
Pierre reçoivent d'Ethicon, agenouillé sur son manteau ducal,
un bâton d'or que Jésus accepte comme emblème de la dona-
tion; à sa gauche, saint Jean-Baptiste, le protecteur spécial
de sainte Odile, présente celle-ci en costume de religieuse au
Sauveur. Sur la seconde feuille, entre Relinde, la pieuse insti-
tutrice d'Herrade, et Herrade elle-même, se déploie sur six
rangs toute la compagnie des nonnes de Hohenbourg. Elles
sont représentées en buste et désignées par leur nom ; elles
sont au nombre de quarante-six professes et de douze con-
verses. Deux figures sans légende commencent et terminent
la série.
Telle est l'œuvre d'Herrade au point de vue des peintures
qu'elle renferme. Elle se ressent de la décadence oU l'art du
dessin et du coloris était tombé au xir siècle. Les corps ont
une longueur démesurée, une maigreur exagérée; les extré-
mités sont mal formées, les têtes trop grosses, le regard sans
expression. Les draperies, par contre, sont disposées avec
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i/alsace artistique 313
simplicité et naturel, et n'offrent pas les formes anguleuses
du siècle suivant Le dessin des paysages est nul, les animaux
et les plantes sont traités avec une négligence qui semble
tenir du parti pris. Les monuments d'architecture sont exé-
cutés avec plus de soin ; ils sont traités dans le style byzantin.
Les meubles, les ustensiles, les armes sont figurés avec exac-
titude et dans les formes qu'ils avaient au xii" siècle. Herrade
n'avait aucune notion des lois de la perspective, mais elle a
montré un grand esprit d'indépendance dans ses peintures ;
elle a su s'affranchir de la domination des types consacrés, et
n'a subi le joug de la tradition byzantine que dans les figures
du Christ, de la Vierge et des anges.
A part ces défauts inhérents au siècle oU elle vivait, Herrade
a montré dans VHortus deliciarum une puissante originalité.
La vie et l'imagination y débordent à chaque page; les scènes
de la vie humaine et le symbolisme religieux y sont traduits
d'une façon saisissante. La vérité dans toute son âpreté, le
rêve dans toutes ses fantaisies, les scènes tranquilles ou vio-
lentes de la vie humaine, le caprice enjoué et satirique, les
tableaux effrayants de l'Apocalypse, tout se mêle et se confond
dans cette œuvre admirable qui, malgré la distance des temps,
est comparable à ce que Baldung Grûn ou Callot ont produit
de plus original.
P.-E. TUEPFERD.
(La suite prochainement)
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LES
EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS
METZ — TOUL —VERDUN
1552 — 1790
III
BIBLIOPHILES ET COLLECTIONNEUBS MESSINS
Suite'
En 1789, le domaine de Tévêché de Metz, quoique n'ayant
plus l'étendue territoriale qu'il avait au moyen âge était
encore une province assez peuplée, car elle était formée par
les chatoUenies de Lagarde, d'AlbestrofiF, de Fribourg, de Vie,
d'Haboudangc et de Remilly, par quelques mairies du Val de
Metz situées dans le diocèse, et par les châtellenies de Bac-
carat et de Moyen et la mairie de Rémereville du diocèse de
TouL* Près de quatre-vingts villes, villages ou censés en fai-
saient partie, et la capitale de ce petit Etat était l'antique
ville de Vie. D'après VAlmanach royal, l'évêque jouissait d'un
revenu de 120,000 livres et nécessairement, le souverain
augmentait encore cet opulent bénéfice par le don de quelques
^ Voir les livraisons du dernier trimestre 1881 et des premier et second
trimestres 1882.
* Aujourd'hui départements de Meurthe-et-Moselle et de la Lorraine.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS 315
riches abbayes. L'évêque et le chapitre de l'église cathédrale
se partageaient annuellement les revenus de l'évêché qui
n^avait pas été divisé en portions distinctes comme à Toul et
à Verdun.
Saint Clément, vers le commencement du iv* siècle, était
venu évangéliser la contrée ; les limites du diocèse s'étendaient
jadis jusqu'au Rhin. Au moment de la constitution civile du
clergé, il comprenait encore six cent treize pajoisses réparties
dans le pays messin, dans la Lorraine et dans quelques petites
portions de l'Empire, les comtés de Nassau-Saarbruck et
Saarwerden, le duché de Deux-Ponts, etc. L'allemand et le
français étaient le langage habituel des habitants; l'allemand
se parlait surtout dans le département de la Sarre, comme on
disait officiellement à Metz, ou dans la Lorraine allemande,
eomme il était dit aussi officiellement à Nancy.
Avant 1552, Metz était une des quatre vlUes impériales.*
C'est l'empereur Otto II qui lui avait accordé cette magnifique
prérogative.
Comme ville libre, Metz battait monnaie, disposait de la vie
et des biens de ses habitants, nonmiait ses magistrats, qui
s'estimaient autant que des princes, ducs et barons. Un suf-
* Dn temps de Pempereur Charles IV, le Saint-Empire avait été
classé par quatre à partir des Quatre couronner jusqu'aux QiMtre villages.
Voici les séries qui intéressent FAlsace-Lorraine :
2« Quatre duchés, Souabe, Bavière, Brunswick, Lorraine ;
3^ Quatre landgraviats, Thuringe, Alsace, Lichtemberg, Hesse;
5* Quatre vicariats, Brabant, Basse-Saxe, Westrich, Silésie;
9® Quatre archimaréchaussées, Papenheim, Juliers, Meissen, Féné-
trange ;
13^ Quatre abbayes, Murbach, Wissembourg, Eempten, Fulde;
15« Quatre chevaliers, Andlau, Wissembach, Frauenbourg, Strundeck;
19" Quatre châteaux, Magdebourg, Luxembourg, Rottembourg, Altem-
bourg ;
21* Quatre villes, Lubeck, Aix, Metz, Augsbourg;
23® Quatre villages, Bamberg, Ulm, Haguenau, Selestadt.
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j
316 REVUE d'alsace
fragant, ordinairement un religieux mendiant, représentait
Tévêque, qui, peu soucieux de se commettre avec des bour-
geois aussi jaloux de leurs libertés, habitait ordinairement
Vie ou quelque autre château épiscopal, à moins, comme cela
arrivait très souvent,* qu'il ne résidât pas dans son diocèse.
Dès l'annexion, Metz fut le siège d'un gouvernement
militaire. Plus tard, on y installa l'intendance qui rendit
d'immenses services au pays, tout en veillant soigneusement
à ce que dans une province frontière les droits du seigneur
roi fussent respectés.
Louis XIII établit le Parlement, ce fut le couronnement de
l'édifice. Le ressort s'étendait depuis Montmédy et Sedan,
jusqu'à Phalsbourg et Sarrebourg, en comprenant le bailliage
épiscopal de Vie.
Les réformés messins étaient nombreux en 1552; ils eurent
part alors à une lourde responsabilité, dont on ne leur tint
aucun compte, car ils furent sans cesse en butte au mauvais
vouloir des gouverneurs. En 1657, on fit brûler, par la main
du bourreau, une chanson huguenote commençant ainsi :
Retirez-Yons, papistes,
Venez à Jésus-Christ,
Soyez évangélistes
Et laissez Pantechrist. Etc.
Malgré qu'ils se crussent en sûreté par les traités, l'édit de
Nantes les atteignit. Un d'eux a laissé d'intéressants mémoires
sur ce qui se passa alors et a rendu témoignage à la bonté
de l'évêque de Metz et de M. de Bissy, depuis évêque de Toul
et alors simple clerc.
Ce fut dans le cours du xvnr siècle que Metz eut des socié-
tés littéraires.
La Société des philathènes fut fondée en 1759, elle dura
jusqu'en 1775; parmi ses membres, on peut citer le pharmacien
Bécœur, Tschudy, Emmery, du Hamel, Dupré de Geneste,
Henrion de Pensey et d'autres dont nous retrouverons les
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LES E\-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHtlS 317
noms. La liste de leurs travaux se trouve dans les Mémoires
de T Académie de Metz,
Cette Académie est une filiale des philathènes. Le maréchal
de Belleisle, gouverneur de la province, l'institua, en 1760,
sous le titre de Société royale des sciences, lettres et arts;
il s'en déclara le protecteur et lui donna une somme de
60,000 francs qui furent enlevés par la Révolution. La devise
était : Utilitati piiblicœ.
En 1819, quelques érudits rétablirent la Société qui fut
érigée en Académie royale pai* le roi Charles X, lors de son
séjour à Metz, en 1828, «à cause des services qu'elle avait
rendus». La nouvelle devise de TAcadémie est l'utile.
Le célèbre économiste anglais Young a eu occasion de
parler de la Société des sciences, lettres et arts de Metz, lors
de son voyage en France, en 1789; il me paraît un peu injuste
à son égard en l'accusant de ne pas favoriser l'agriculture.
Les nombreuses questions proposées par l'Académie et dont
quelques-unes furent couronnées, montrent que l'économie
rurale, les prairies artificielles, la viticulture, le morcellement
des propriétés, etc., n'étaient pas pour elle des choses indiflé-
rentes.
Le lecteur verra sans doute avec plaisir ce que dit sur
Metz r« éternel ennemi», comme il était de mode de s'exprimer
quelques années plus tard.
«Le 13 juillet 17 Si), metz. . . Visité^ar M.lePayen,* secré-
taire de l'Académie des sciences, il me demande mon plan (?)
que je lui expliquai; puis il me remit à quatre heures après
nûdi à l'Académie, où il avait séance, en me promettant de
* Premier secrétaire de l'Intendance; c'était aussi un amateur des
antiquités du sol natal.
M. le Payen, de Jouy-aux-Arclies, publia un curieux factum sur
roccupation des Russes dans ce village. Il existe dans les cartons de
la bibliothèque de Metz une caricature de son procès qui eut lieu sous
la Restauration.
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1
318 REVUE d'alsace
me présenter à quelques personnes qui répondraient à mes
questions. Je m'y trouvai : c'était une réunion hebdomadaire.
M. le Payen me présenta aux membres, et ils eurent la bonté
de délibérer sur mes demandes, et d'en résoudre plusieurs,
avant de procéder à leurs affaires privées(?). Il est dit dans
VAhnanach des Trois-Evêchés, 1789, que cette Académie a
l'agriculture pour but principal; je feuilletai la liste des
membres honoraires pour voir quels hommages elle avait
rendus aux hommes de ce temps qui ont le plus servi cet art
Je trouvai un Anglais, Dom Cowley, de Londres. Quel peut
être ce Dom Cowley?»
Si Young avait arrêté son bidet à Dieulouard, et qu'il tût
entré chez les Bénédictins anglais, il aurait vu la personne
dont il s'informait à Metz, et il aurait passé quelques instants
agréables avec des compatriotes qui l'auraient aussi bien reçu
que le marquis de Galway, un descendant de Jacobites, l'avait
fait au château de Toùrbilly, dans le Maine.
«Il y a un cabinet littéraire, à Metz, continue Young, dans
le genre de celui que j'ai décrit à Nantes,^ mais sur une moins
grande échelle; tout le monde y est admis pour lire ou causer,
moyennant quatre sous par jour. Je m'y rendis en hâte. . . »
Terminons par cet hommage que Young rend à VHotel du
Faisan: «Metz est la ville où j'ai vécu à meilleur marché sans
exception.» L'Anglais j trouve excellente table d'hôte abon-
damment fournie et «outre cela, une grande politesse et un
bon service. Pourquoi les hôtels où l'on vit à meilleur marché
en France, sont-ils les meilleurs?» Ce n'est peut-être que trop
vrai. Mais revenons à notre sujet.
L'imprimerie à Metz date de l'an 1482. En 1790, il y avait
dans cette ville une ('hambre royale et syndicale de la librairie
et de l'imprimerie dont l'arrondissement comprenait les impri-
meries de Longwy, Saarlouis, Stenay, Thionville et Verdun.
* Avec salles de lecture, conversation et bibliothèque.
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LES KX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCUÉ8 319
LES ÉVÊQUES
Au moment de rentrée d'Henri II à Metz/ le cardinal de
Lenoncourt, représentant le grand cardinal de Lorraine, était
pseudo-évêque. Il fut bientôt remercié et remplacé par des
domestiques ou des parents de son maître, dont plusieurs ne
mirent jamais les pieds dans leur diocèse. En 1608, à la mort
du fils du duc Charles III de Lorraine, les chanoines élirent
un enfant de huit ans, fils naturel d'Henri IV. En 1658, cet
évêque qui n'avait reçu aucun ordre ecclésiastique et qui
n'avait jamais paru, eut des scrupules, il voulut se démettre
d'abord en faveur du cardinal Mazarin, puis des frères de
Fûrstemberg. Le cardinal de Givry * avait été chargé, pendant
son jeune âge, des fonctions épiscopales, il les remplit digne-
ment, puis le fils d'Henri IV eut trois suffragants, des lettrés
et des fidèles serviteurs du roi ; le dominicain Nicolas CoêflFe-
teau, évêque de Dardanie (1617, 1 1621),' nommé à l'évêché
^ Avant la Révolution, selon Piganiol de la Force (Nouveau Voyage
de France, Paris, 1780, II, 157), on voyait dans le chœur un vieux
tableau placé par ordre de Henri U, il y avait la première lettre de
son nom environnée de croissants et de fleurs de lis, au-dessous :
Henricus secundus, Francorum Bex, Sancti Imperii Protector.
Plus bas, un croissant et ces mots :
Dum totum compleat Orbem.
' Un firagment de la statue funéraire fut retrouvé, il y a trente ans ;
c'est le bloc de marbre noir représentant le froc bénédictin du prélat
agenouillé, la tête et les mains étaient en marbre blanc. Il faut espérer
qu'on fera enfin à ce bon cardinal l'honneur d'une restauration plus
intelligente que ceUe qu'on lui a faite. Dupré de Geneste possédait son
portrait (vieillard à longue barbe blanche, sa robe de bénédictin noire,
calotte rouge de cardinal). Les chanoines firent frapper une médaille en
son honneur.
• L'évêque de Dardanie fit, en 1620, les frais de la distribution des
prix au collège de Pont-à-Mousson. M. Favier a donné son fer armorié.
S. Lieutaud cite six portraits de Coôifeteau (Edelinck, Mellan, M. Lame
S. S., etc.)
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320 REVUE D'ALSACE
de Marseille et mort à Paris avant d'avoir pris possession; le
cordelier Meurisse évêque de Madaure, auteur de deux
ouvrages messins estimés malgré d'amères critiques. Un
superbe monument lui avait été érigé dans la chapelle des
évêques à la cathédrale, il était représenté debout prêchant
au peuple. Le dernier suflfragant fut Pierre de Bédacier, évêque
d'Auguste, docteur en Sorbonne, dont le savoir égalait celui
de ses deux illustres prédécesseurs. Il mourut au château de
Charmeil, près de Château-Thierry, 'dans les bras du grand
BoSSUet» (MICHEL).
Henri de Verneuil ayant pu enfin quitter ses fonctions épis-
copales, le roi, son neveu, nomma pour lui succéder, en 1667,
l'archevêque d'Embrun, ancien évêque de Gap, un des proté-
gés du cardinal Mazarin. '
Georges d'Aubusson de la Feuillade, frère du célèbre duc
de ce nom, était chef de la maison par suite de la mort de leur
aîné, tué à la bataille de Lens; leur père avait péri au combat
de Gastelnaudary.^ Le nouvel évêque était docteur de Sor-
bonne, doyen de la Faculté de théologie de Paris, conseiller
d'Etat ordinaire, commandeur des ordres. Sa carrière poli-
tique tut brillante. En 1645, il était promoteur à l'Assemblée
' Cet illustre homme d'état ne peut pas plus prendre rang dans la
liste des successeurs de saint Clément que les deux frères de Fûrstem-
berg qui eurent la nomination royale après lui. Leur cas est le même
que celui du baron Laurent sous le premier Empire (1811-1814).
• Tous les évêques français des Trois-Eyêchés eurent leurs frères ou
leurs parents sous les armes pour conquérir le pays. Un d'Hocquincourt,
en 1639, est à la défaite des Lorrains près de Morhange. En 1656, on
Bethune-Charost, gouverneur et bailli de Stenay, s'empare de Chauvency-
le-Château, et bat les Croates du colonel Forcara près de Stenay ; àevi
ans auparavant le baron de Rouvroy avait été blessé près de cette ville;
la nouvelle de la prise de Thionville fut apportée, en 1643, au roi par un
Montmorency ; en 1650, un autre membre de cette illustre famille est
tué près de Stenay. Un Nicolaï se distingue, en 1641, dans une affaire
près de Montmédy, etc.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊGHÉS 321
du clergé; deux ans après il prêchait h SainIrLouis-des-Fran-
çais. Ambassadeur^ à Vemse, en 1659, le nonce du pape est
souvent humilié par lui. Rentré en France, il prononce à
Notre-Dame de Paris Toraison funèbre de Mazarin; la même
année il est envoyé à Madrid, où il traite le roi d'Espagne
comme le nonce. Une pareille conduite devait lui attirer les
marques de la satisfaction royale ; il fut nommé à Metz, et il
obtint de conserver ses titres d'archevêque et d'Excellence.
«... prélat qu'on traite d'excellence,»
dit Dttclos dans son poème des Guerres paroissiales de Vie.
Monseigneur de la Feuillade commença la série de ces der-
niers évêques avant le Concordat qui honorèrent si dignement
leur siège épiscopal. Lorsqu'il arriva, il ne trouva que des
paroisses ruinées et une population en fuite. La teiTible
guerre de trente ans était encore trop proche, et la pacification
de la Lorraine était loin d'être terminée. Malgré les périls, il
visita de suite son troupeau et il iit toujours preuve de cou-
rage devant le danger. Les registres des paroisses sont remplis
de ses dons aux églises dévastées et aux pauvres. Par son
testament, l'éducation de ses clercs fiit affermie et les indigents
secourus. Il fonda l'hôpital Saint-Georges pour quarante-huit
lits d'hommes malades ou blessés. Il défendit, selon Piganiol
de la Force, d'admettre les domestiques; les maîtres, selon
lui, étaient tenus de les soigner. Il n'oublia pas non plus ses
vieux curés.
Sa belle bibliothèque fut donnée aux Jésuites, qui l'avaient
eu quelque temps dans leur société, et le séminaire Sainte-
Anne put choisir pour 1800 francs de livres.
Un manuscrit de ce dernier établissement se trouve à la
bibliothèque de Verdun (n** 553), il est intitulé Traditiones
phUosophÙB, à l'usage des élèves (xvur siècle).
* Amelot de la HoussayE) Amsterdam, 1738, p. 128.
Nouvelle Série. — li** année. 21
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322 REVUE D'ALSACE
Les Jésuites tirent mettre sur les livres une étiquette rect-
angulaire ornementée et oU sont ces lignes imprimées :
ILLUSTRISSIMITS & BBVERENDISSIMTJS D. D. GB0BGIU8
d'aUBUSSON DB la FEUILLADE, AB0HIBPISC0PU8 BBBODU-
NZNSIS, BFISCOPUS HBTBNSIS, TBSTAICBNTO LBGAYIT
COLLBOIO HBTBN8I SOOIBTATIS JB8U. ANNO 1697.
Du reste, on voit ce fer armorié sur les livres :
On posa les scellés et on fit un inventaire à la mort de
M. de la Feuillade. Cette mesure était nécessitée par deux
notes du catalogue Emmery. «Avis de M. de Nouet, avocat au
parlement de Paris, sur la vacance du siège épiscopal par
rinfirmité de Messire George d'Aubusson de la Feuillade,
évêque de Metz (in-4% 4 pp.); et 2» Décret du chapitre de
l'église cathédrale de Metz, où il nomme des grands-vicaires
pour gouverner le diocèse pendant la maladie de Monseigneur
l'évêque, du 3 octobre 1696.» Il mourjut le dimanche 12 mai
suivant, à six heures du soir, âgé de 88 ans. D'après son désir.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS 323
les curés de la ville portèrent ses restes à la cathédrale.
«Quelques-uns d'entre eux furent obligés de tirer son corps
du cercueil en bois où il avait été mis d'une manière bien
négligée pour un si grand seigneur, et le mettre dans celui
de plomb. Il n'eut point de linceul ni dedans ni dessus son
cercueil ' (!!!) son cœur avait été remis sans cérémonie à
l'hôpital qu'il avait fondé. Sa tombe ne fut pas violée en 1793.
Citons parmi les ouvrages du prélat ces opuscules :^
V Harangue présentée au Boy après la prise (?) de Stras-
bourg, par Oeorge d'Aubusson ... en son passage à Metz, le
3 novemb-e 1681. Metz, Jean et Claude Antoine, in-4°, 11 pp.
2* Harangue faite à Monseigneur le Dauphin à son retour
d'Allemagne ... le 26 novembre 1688. Metz, Jean et Claude
les Antoine, in-4® de 4 pp.
3" VAdvocat chrétien adressé à Monseigneur VArchevesque
d^Amhrun, evesque de Metz. Strasbourg, 1674, in-12.
4** L'Orateur Jrançois ou Harangvss de Monsieur VArche-
vesque ŒAmhnm interprétées par les Evénements de notre
Tems, à V estât des araires présentes. Liège, 1674, in-12.
5* Harangue en forme de panégyrique présentée au Boy par
VArchevesque d'Ambrun, Evesque de Metz, en son passage à
Metz, le 30 juillet 1673. Metz, Antoine, 1676, in-4« de 16 pp.
Un autre grand seigneur, l'aîné et le dernier de sa race,
remplaça l'archevêque d'Embrun; Henri-Charles du Cambout
duc de Coislin, pair de France, commandeur du Saint-Esprit,
premier aumônier du roi, membre de l'Académie française,
honoraire de celle des Inscriptions et Belles-lettres, est bien
connu par son inépuisable charité. La merveilleuse création
de Frescati en était un témoignage vivant; les casernes
Coislin existent encore.
Le duc de Coislin reçut à Frescati d'une manière royale
^ Note du curé de Saint-Georges (Arcli. m^les^ 999).
* Cataloguas Emmei-y, Metz, 1850 (575), et Scheiblé, Stuttgart, 18H1.
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324 REVUE D'ALSACE
tous les souverains et tous les princes de passage à Metz. La
bande noire se chargea de démolir l'admirable château, et les
jardins féeriques furent transformés en champs cultivés. «En
1802, lors de la démolition, de nombreux objets d'art furent
donnés & vil prix aux habitants des villages des environs, et
de nos jours les marchands d'antiquités de notre ville ont
trouvé de tous côtés des objets précieux provenant de cette
riche demeure.»*
L'évêque de Metz, dit J. Guigard, passait à juste titre pour
un véritable bibliophile. Il avait formé, à Paris, une fort belle
collection de livres que les gens de lettres pouvaient fréquenter
à leur gré. Outre celle-ci, il en possédait encore deux autres,
une en son palais épiscopal composée de douze mille volumes,
l'autre non moins considérable dans le splendide château de
Frescati. Ses livres habilement reliés et ornés par les plus
habiles artistes de l'époque portaient en grande partie les
armes du possesseur ayant, outre les insignes épiscopaux, le
manteau de duc et de pair de France.
L'évêque d'Orléans, son oncle, lui avait légué ce qui restait
de la magnifique bibliothèque Séguier, son aïeul. Les imprimés
avaient disparu au décès de l'évêque; il ne restait plus que
les manuscrits donnés aux Bénédictins de l'abbaye de Saint-
Germain-des-Prés. Un incendie qui éclata le 19 août 1794, en
détruisit une partie, et ce qui put être sauvé se trouve de nos
jours à la Bibliothèque nationale.
Tous les volumes provenant de la munificence de Mon-
seigneur de Goislin portent au bas du premier femllet
l'étiquette imprimée qui suit :
EX BIBLIOXHBOA NOSS. COISLINIANA OLIM SEGUERIANA,
QXJAM ILLU8. HBNEICU8 DU CAMBOUT DUX DB COISLIK,
PAB FEA.NOI^, BPISCOPUS HETEN8IS, ETC. MONASTSEIO
8. GEEMANI A PfiATIS LBOAVIT. AN NO M.DCC.XXXn.
A. MiGETTE, Catalogue des tabîeaiuc et des sculptures du Musée-
Metz, 1876.
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LBS BX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉS 325
Montfaucon, d'après Tordre de Tévêque, avait dressé le
catalogue des manuscrits grecs. Ce catalogue a pour titre :
Bihliotheca CoisUniana olim Segueriana sive mannscriptomm
omnium grœcorum quœ in ea continentur . . . descriptio . . .
studio <fe opéra B. Bernardi de Montfaiicon. — Parisiis,
L, Guérin, 1725, in-8^ 810 pp. (p. 163).
Puis, au décès, parut le
Catalogue des livres ...delà bibliothèque de Jeu . . . Henri-
Charles du Camboîdy évêque de Metz, prince du Saint-Empire,
pair de France. Paris, J. de NuUy, 1736, in-12. Les 13 et 14
avril, on vendit les manuscrits. La bibliothèque du roi en
acheta dix-huit à vil prix.
Guigard donne le fer armorié de ce prélat ainsi que ceux
de son prédécesseur et d'Henri de Bourbon.
Parmi les collaborateurs intelligents, dont s'était entouré le
duc de Coislin, on doit citer le vicaire général Seron, «une
grande et brillante lumière du diocèse», mort en 1749, et qui
avait formé un riche cabinet d'antiquités. L'évêque, de son
côté, avait donné l'hospitalité à plusieurs de ces débris et de
ces ruines de tout âge. Il avait conçu le projet de fonder un
Musée archéologique diocésain^ et l'abbé Michel, professeur au
Séminaire, avait commencé TEpigraphie du diocèse de Metz.
L'œuvre de l'évêque resta sans soutien à sa mort et son suc-
cesseur n'en comprit pas l'utilité.*
A la fin du xvii* siècle, un des vicaires généraux du duc de
Coislin, nommé This, ardent janséniste, timbrait ses livres de
son blason.^
Le duc de Coislin mourut à Paris, en 1732. Son portrait se
trouve au Musée de Versailles, il a été reproduit par le pro-
cédé Gavard. Comme son prédécesseur, il tint à honneur de
* F.-M. Chabebt, Metz cmcien et moderne. Metz, 1881. T. I. Ouvrage
très utile pour tous ceux qui désirent connaître la capitale de la Lor-
raine. On doit souhaiter de Toir continuer ce livre.
• Histoire des Ei^êques de Metz, par MRxmissB.
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326 REVUE D' ALSACE
siéger au Parlement à son rang de conseiller d'honneur ecclé-
siastique. Il eut à soufirir bien des ennuis à cause de la bulle
Unigenitus^ et sa résistance le fit exiler de la Cour. Il ne put
reprendre ses fonctions de premier aumônier qu'à la mort de
Louis XIV. Il fut enteiTé rue du Temple, chez les pères de
Nazareth.
Beaucoup d'églises ont encore des pierres d'autel au nom
de ce prélat, dont le nom se lit sur une pierre dans le chœur
de l'ancienne collégiale de Fénétrange, relatant la fondation
de la confrérie du Saint-Sacrement.
Claude de Saikt-Simon, né le 20 septembre 1695, baron de
Jouy-Tronville, seigneur et patron de QuiUebœuf et de Falvy-
sur-Somme, reçut la tonsure cléricale le 16 mars 1710, abbé
commendataire de Jumièges, l'année suivante ; évêque-comte
de Noyon en 1731, sacré le 15 juin de cette année dans l'église
du Noviciat des Dominicains de Paris par l'archevêque de
Rouen, assisté des évêques d'Uzès et deBayeux. Il prit séance
au parlement de Paris en qualité de pair de France, après
après avoir fait le serment accoutumé, le 12 janvier 1733. Le
28 août, il fut nommé à Metz, et le 14 mars 1734, il prêta
serment entre les mains du roi qui lui laissa, dans sa nouvelle
dignité le rang et les honneurs attachés à son titre de pair de
France. C'est ce qui fit, sans doute, qu'il dédaigna de se faire
recevoir conseiller d'honneur au parlement de Metz, et qu'il
put par concession royale porter ses nombreux procès devant
ses pairs à Paris ; car il eut affaire à son chapitre, au Parle-
ment, au maître-échevin et aux anciens possesseurs des terres
épiscopales.
Il est vrai qu'il ne réussit pas toujours et son titre de
prince-évêque de Metz, fut rudement attaqué par le maître-
échevin. Lançon, qui obtint gain de cause. Il mourut à Metz,
le 29 février 1760, et il fut enterré dans la fosse du suffîragant
Meurisse, non loin de celle de Monseigneur de la Feuillade.
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LES EX-LIBRIS DANS LES^TRÛIS ÉVÊCHÉS 327
Son neveu et vicaire général avait été nommé à Tévéché
d'Agde, un peu avant son décès.
L'inventaire fait, en présence du chanoine Legrand, marque
une belle bibliothèque :
Une Biblia sacra polyglota, VaUoni, Loftdini, 1657; une
autre hébraïca, siriaca, chaldaïca, laiina, grœca. Paris, 1630 ;
le Traité des Notaires de Jean Papon, Lyon, 1588, 3 vol.; le
Coustumier de Picardie, î^aris, 1726; les Antiquités de Mont-
faucon; le Traité des Etudes ecclésiastiques de MabUlon ; les
Oeuvres de Molière; V Eloge des Evoques de Oodeau, etc.; les
Chroniques de la ville de Metz (manuscrit).
Les tableaux étaient un Moyse sauvé des eaux; la Vierge
et F enfant Jésus; un homme mourant entouré de sa famille;
Louis XIV à cheval; le dttc de Bourgogne père de Louis XV;
le Régent; mu paysage; une Descente de croix; Mademoiselle
de Boffeta\d(i\ etc.*
On trouva dans une cassette 1224 francs, et dans la poche
de sa culotte 520 livres, 5 sols, 6 deniers. Le défunt avait en
outre deux montres en or, trois anneaux pastoraux, une éme-
raude à huit pans, une bague avec brillants, quatorze roses
garnies chacune de cinq diamants, une croix à la dévote avec
quatre brillants, douze chatons, etc.
Viville rapporte un beau trait de ce prélat; pendant la
famine de 1754, il avança à la ville de Metz 30,000 livres pour
acheter du blé à l'Etranger. On sait qu'il est le créateur du
Séminaire Saint-Simon, qui existe encore, et dont la chapelle
est décorée d'un tableau du Poussin, représentant le Christ
donnant les clefe de l'église à saint Pierre. Il y a, en outre, une
belle bibliothèque.
Les noms de MM. de la Feuillade, de Coislin et de Saint-
Simon figurent sur une table de marbre à l'hôpital Saint-
* Ed. Sauer, Inventaire des Archives, Metz, 1881, G. 34. Tirayail fait
avec le plus grand soin et appelé à rendre bien des services.
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328 REVUE D'ALSACE
Nicolas, avec ceux des autres bienfaiteurs de cet établisse-
ment
Le neveu de Monseigneur de Saint-Simon, Louis-Joseph db
Montmobenct-Layal, premier baron chrétien, évêque d'Or-
léans, en 1753, de Condom, en 1757, prince du Saint-Empire,
grand-aumônier de France,* commandeur de Tordre du Saintr
Esprit, le 11 juin 1786, cardinal de la sainte Eglise romaine,
en 1789, lui succéda.
Son épiscopat ne fut troublé par aucun acte hostile soit du
Parlement, soit du maître-échevin. Dévoué à la ville de Metz,
il fut un de ceux qui s'employa le plus pour lui faire rendre
son Parlement Sous le ministère de Brienne, il montra une
noble fermeté. Il n'en fut pas moins nommé président de
l'Assemblée provinciale.^ En 1788, il s'était adjoint un suflfra-
gant, M. de Chambre d'Urgons, évêque d'Orope, grand-archi-
diacre et vicaire général qui demeurait rue des Clercs, Le
cardinal, lorsqu'il ne résidait pas à Frescati ou k Paris, dans
son hôtel rue de Tournon, recevait dans son hôtel abbatial de
Saint-Arnould, pendant que l'on construisait son vaste palais
près sa cathédrale.
Le cardinal quitta la France au commencement de la Révo-
lution.' Au Concordat, il fut un des rares prélats qui refusèrent
de donner leur démission.^ Mais il ordonna au clergé messin
' V. Imbebt, La Chronique scandaleuse, Paris, 1791, T. m, p. 21.
^ En faisaient partie : les denx antres évoques de la province, Dom
Godé, prieur de la Chartreuse de Rettel; Dom Jobart, abbé de Ghâtillon;
le doyen de Montholon; le doyen de Vie, Marchai; le président de
Laubrussel; le comte de Saintignon de Fénétrange; M. de Lahaut, baUli
de Garignan, etc. Dom Maugerard, bibliothécaire de l'évoque, membre
de la Chambre ecclésiastique, un des coopérateurs de VHistoire de
Metz; le maréchal de camp de Faultrier; l'avocat Blouet, étaient de
l'Assemblée du district.
' Son imprimeur, CoUignon, porta sa tête sur l'échafaud pour avoir
correspondu avec lui.
' La lettre du pape est du 26 mars 1802,
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LES BX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHfcS 329
d'obéir au nouvel évêque. Ce refus et la charge de grand-
aumônier qu'il exerçait près du prétendant, lui fermèrent
nécessairement les portes de sa patrie. U mourut à Altona, en
1808, âgé de 88 ans. Quelques jours avant son décès, il ordonna
d'envoyer à sa cathédrale sa plus belle chappe, sa chasuble
bordée d'or sur fond blanc et rouge et sa chapelle en vermeil.*
Ses livres sont reconnaissables à ce blason collé contre la
garde:
1-3. DIEU AIDE AU PREMIER BABON CHRÉTIEN.
Armoiries de Monseigneur de Montmorency-Laval surmon-
tées du bonnet de prince d'Empire entre la crosse et l'épée
et sur le manteau hermine, au-dessous la banderole avec la
devise; au-dessus le chapeau de cardinal et AIIAANOi: {Im-
primé).
D y a de ces vignettes pour trois formats. M. de Montmo-
rency fit les frais d'une jolie vignette de Collin pour Buchoz.
C'est Apollon dominant le val de Metz,
Quelques livres de ce prélat se voient à la bibliothèque
publique qui a un souvenir précieux des collections de l'évêché,
c'est le manuscrit sur lequel le maître-échevin prêtait serment
Ce codex avait appartenu au conseiller Besser, possesseur
aussi de la Gironologie des évêgues messins. Ce dernier manu-
scrit fut en dernier lieu la propriété de Dupré de Geneste
avant d'aller échouer h la bibliothèque. En 1781, Dom
Tabouillot avait été chargé de l'inventaire des titres et des
papiers de l'évêché.
* Le grand cardinal de Lorraine ayait donné plusieurs pans de tapis-
serie pour orner le chœur et la nef. Tous les autres évêques imitèrent
son exemple en laissant un souyenir à leur église.
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d30 REVUE D 'ALSACE
CHAPITRE DE LA CATHÉDRALE
Pertinet eccUsiœ Metensi,
Hic liber est ecclesiœ Metensis,
Ad ecclesiam Metensem,
Liber Sandi Stephani,
A. T. M. (gothique).
Ecclesiœ Metensis.
Ex bibliotheca ecclesiœ Cathedralis metensis.
M. Auguste Prost, réminent président de la Société des
Antiquaires dû France a, dans sa notice sur la collection des
manuscrits de la bibliothèque de Metz^ (III-CXCII), entière-
ment traité le sujet pour tout ce qui regarde les manuscrits
de la cathédrale, des maisons religieuses de Metz et du dépar-
tement sauvés du vandalisme révollitionnaire. On ne peut
qu'y renvoyer les érudits qui désirent connaître à fond les
mille vingt-neuf manuscrits de la bibliothèque.
Le chapitre lit faire souvent l'inventaire des manuscrits
qu'il possédait, un des plus anciens date de l'an 1685; plus
tard, en 1739, le chanoine Deslandes en fit un nouveau à la
prière de Montfaucon. En 1765, Dom Maugérard en dressa un
très bien fait. Il inventoria les treize manuscrits du Trésor,
qui n'avaient jamais été décrits, et l'ancien archiviste du
chapitre. Du Hamel, en donna la liste dans la Statistique de la
Moselle écrite par Viville sous le nom du préfet Colchen.
Le chapitre vota au bénédictin une récompense de 20 louis
d'or ou un cadeau de valeui- égale. L'abbaye de SaintrArnould
reçut 480 livres en or. Le travail de Dom Maugérard est très
' Catalogue général des Manuscrits des Biblioihèques publiques des
départements,,. Tome V., Metz, Verdun, Ghableyillb. Paris^ impri-
merie nationale MDCCGLXXIX. Il est dit dans l'ayertissement que le
Tolume était déjà sous presse avant les événements de 1870-1871. In4^
192-755.
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LES BX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉTÊCHÉS 331
bien fait, selon M. Prost' C'est un volume in-folio de 14 pages,
que Dupré de Geneste copia pour sa riche bibliothèque. Les
chanoines firent alors réparer et relier richement les manu-
scrits les plus précieux, mais malheureusement on les rogna
trop. Les treize conservés au Trésor furent, avec trois autres,
offerts, selon son désir à l'impératrice Joséphine qui avait
également fait parvenir à la Malmaison le magnifique monu-
ment des Carmes et les colonnes antiques des Augustines.
La sympathique souveraine avait un engouement, pour ainsi
dire féroce, pour les antiquités messines.* On eut cependant
le courage de lui refuser la cuve en porphyre de la cathédrale.
C'est une des raretés de cette église avec le siège de saint
Clément, l'anneau de saint Arnould, la chappe de Charle-
magne (qui provient de Saint-Arnould), le graouilli et les
joyaux historiques et artistiques conservés de nos jours dans
le sacrarium, etc.
Le Trésor contenait à cette époque le chef de saUit Etienne
creux en vermeil, autour d'un carcan d'or, donné par Nicolas
Louve en 1448, le caillou du même saint dans un reliquaire
de même métal, le bras du même posé sur un pied en vermeil
orné de pierres précieuses, des reliquaires, deux statuettes
équestres de Charlemagne l'épée à la main, une en bronze
doré, le bâton de son maître-d'hôtel, celui de saint Materne,
etc. Un catalogue avait été fait, en 1682, et le docteur Bégin,
dans son Histoire de la Cathédrale de Metz, le cite.
Mais déjà Colbert avait pris ce qu'il y avait de plus rare, la
Bible et le livre d'heures de Charles-le-Chauve, que Baluze
lui avait signalés.^ Deux chanoines avaient été les lui porter
* On fit alors le catalogue des joyaux, de Pai^genterie et des livres.
* La ville de Metz reçut de l'impératrice deux portraits, Pun de
Rembrand, l'autre de Van Dyck. D'où viennent-ils? Curieuse histoire
que leur odyssée. . . Les manuscrits sont maintenant à la Bibliothèque
nationale ainsi que ceux de Colbert.
* Ch. Abbl. Essai sur tPanciens ivoires sculptés de la cathédrale de
Mets. 1868.
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832 REVUE d' ALSACE
humblement à Paris, en 1676, et le chapitre avait reçu en
place une croix d'argent pour le maître-autel aux armes du
ministre et un portrait du roi.
Lors de la suppression définitive, un inventaire avait été
fait des meubles, or et argent de Notre-Dame-la-Ronde- On y
catalogua de grands tableaux, le Clirist au Bèpidcre, Sainte
CéciUj divers autres tableaux de moyenne grandeur, «façon
des Pays-Bas, une Marie Majmre^» VAnnonciaiion, «un cru-
cifix avec trois figures» et Jésu$ portant sa croix, dix autres
peintures représentant des sujets pieux, etcJ
Le 14 juin 1790, les citoyens Joseph Vaultrin, J.-B. Chonez,
Hubert Marchand, premier médecin de l'hôpital militaire, se
présentèrent à la cathédrale pour dresser l'inventaire de ce
qui s'y trouvait; ils furent reçus par les chanoines de Thé-
mines, trésorier, du Lau de Caudale, écolâtre, et Nioche,
auxquels se joignirent deux de leurs confrères, MM- de Cuny
et de Gauv^n. On conduisit d'abord les conunissaires dans la
salle des archives située dans les souterrains du collatéral
du côté gauche du chœur, puis tous se rendirent au Trésor,
dont ils firent un état très détaillé (on y remarque les treize
manuscrits envoyés à la Malmaison, le bâton du grand-chantre
avec sa masse représentant le martyre de saint Etienne, etc-).
Puis le procès-verbal fut dressé et signé par les trois chanoines
chargés par le chapitre de la garde du Trésor, les deux autres
chanoines et les conunissaires.
Cent vingt-trois manuscrits du chapitre sont, d'après
M. Prost, à la bibliothèque; qu'ils y reposent en paix.
Avant de clore ces quelques pages sur le chapitre de Metz,
citons un fait assez ignoré de la Révolution: «J'ai vuditLally-
ToUendal, au printemps de 1792, dix femmes, jeunes et belles,
déserter la ville de Metz et courir vers le Luxembourg, deux
* F4D. Saube, Inventaire des Archives dé'partemtntales^ G, 119.
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LES EX-LIBRIS DANS LES TROIS KVÈCHtlS 333
jours après le cruel massacre de Tabbé de FiquehnontJ L'Uiie
d'elles était prête d'accoucher. Sans ce spectacle affreux, elles
n'auraient pas quitté leur ville natale.»*
Le chanoine de Jobal avait au château de Luc une impor-
tante collection numismatique et sigillographique qui se trouve
actuellement entre les mains de M. le comte Gaston de Lam-
bertye.
Voici le fer armorié du chapitre, j'en dois la communication
à M. Poinsigno», relieur à Nancy.
SÉMINAIRE SAINTE-ANNE
Bjoolibris Congregationis-missionis domtis Metensis.
Fondation de la reine Anne d'Autriche pour des prêtres de
la mission.
' Glianoine en 1769, grand chantre, vicaire général d'Angers, demeu-
rant me Nexime (un nom néfaste) massacré dans les premiers jours
de septembre.
* Défense des femmes, des enfants et des vieillards émicfrés, Paris, 1797,
Br. in-8^, 80 pp. (Bibl. provinciale de Strasbourg. Collection Heitz,
916, 1). n faUait avoir dn courage pour publier en ce moment une
pareille brochure.
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334 REVUE d'ai^ace
Le 6 décembre 1792, les coHimissaires Nioche et Ledante
procédèrent à l'inventaire du mobilier. La statue de sainte
Anne du portail de l'église était dans un coin de la loge du
portier à côté d'une souricière et d'un portrait de Pie Vl. La
bibliothèque n'avait que 2876 volumes (576 in-f , 392 iû-4*' et
1908 varia) contenus dans dix armoires à onze rayons, la der-
nière armoire était de sept tablettes. Dans tla classe de
logique», les commissaires inventorièrent deux tableaux: un
Christ et un Cardinal.
Arrivés devant la porte du cabinet de physique, une difficulté
les arrêta un instant. Des scellés y étaient posés. Le libraire
Marchai, de la rue des Petites-Tapes, avait fait saisir tous les
instruments pour se couvrir de ses avances. Le serrurier
Louis Valentin requis, crocheta la porte et brisa les scellés;
le récolement commença, il fut long; «une table de gypse sur
un pied triangulaire en chêne», etc.
LES MONASTÈRES DE METZ
Abbaye royale de Saint-OIément
S. démentis metensis, 1760.
Ex-libris 5'" Clementis Meten. Ordinis S. Benedidi 1696.
Les moines conservaient dans le cloître quelques monuments
gallo-romains. Leur avant-dernier abbé commendataire M. de
Besse de la Richarderie, chanoine et grand-chantre de la
cathédrale et vicaire général, qui touchait annuellement près
de 9000 livres de sa mense abbatiale, avait un cabinet d'histoire
naturelle, minéraux, coquillages, quadrupèdes, oiseaux, des
cadres de papillons, etc. Buchoz dit qu'il se lit donner les pré-
tendus os de géant que l'on conservait depuis des siècles à la
cathédrale. Vérification faite, ils furent déclarés appartenir à
un hippopotame. M. de la Richarderie fit graver des planches
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LES E\-LIOniS DANS LES TROIS ÉVÊCHKS 335
pour Y Atlas de Buchoz, entre autres le plan du Jardin bota-
nique de Nancy. Il demeurait rue de la Pierre hardie et il
avait prié son évêque de bénir la chapelle construite dans sa
maison nouvellement bâtie.
Le 14 mai 1790, les Bénédictins* furent rassemblés, à Tissue
des vêpres, pour recevoir les délégués Pacquin de Rupigny,
avocat, et Saget, ingénieur des Ponts-et-chaussées. La grande
table de la bibliothèque fut inventoriée avec les rayons et
l'échelle. Il y avait 875 in-f, 941 in-4^ 1096 in-8% 2159in-12 et
586 in-16. Cela faisait près de 5000 volumes.' On ne parla pas
de manuscrits; cependant M. Prost dit qu'en 1718, il y en
avait dix et que plus tard la collection fut augmentée.
Un des moines, Nicolas Casbois, déclara qu'il suspendait sa
délibération sur le parti qu'il prendrait jusqu'à ce qu'il fût
mieux informé des conditions qui seraient faites aux religieux,
ajoutant qu'il adhérait aux décrets de l'Assemblée nationale.^
Le graveur Lachaussée dessina une planche pour VAtlas
de Buchoz, aux frais des religieux de SaintrClément; au-
dessous de la gravure, on voit le graouilli étendu par terre
percé par la crosse de l'évêque et la palme du martyr mises en
sautoir.
Arthur Benoit.
(La suite prockadnement.)
' Dom Nicolas Pierron était prieur, il était né le 16 août 1740.
' Archives départementales, Q. 3. 65.
^ Les abbayes messines sont indiquées dans Tordre qu'elles ont dans
VAlmanach des Trois-Évêchés de 1790.
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DOCUMENT HISTOBIOIIE
ETATS DES FONDS ET REVENUS
DU
PRIEURÉ DE SAINT-MORAND*
EN 1772
Les batimens et dépendances nécessaires pour L'Exploita-
tion des biens sont occupés par le fermier, les batimens du
prieur, le jardin et le verger sont laissés au Receveur et au
desservant.
Terres Labour (Mes.
Environ cent journaux de terres labourables en une seule
pièce, et environ dix huit journaux en plusieurs autres pièces,
les premières sont presque toutes terre blanche ; la plupart
de peu de Rapport et les dernières valent beaucoup mieux.
Prés
Vingt cinq arpens de prés de très bon raport, que Ton
arrose quand l'on veut, au moyen d'un Canal de communica-
tion avec la petite Rivière appellée L'isle.
Vignes
Sept arpens de Vignes, dont six et demie en une seule pièce.
^ Près d'Altkirch. — La reproduction de ce document, avec ses
imperfections graphiques, est conforme à l'expédition qui en fut déliTrée
lors du séquestre, après l'expulsion des Jésuites.
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REVENUS DU PRIEURÉ DE SAINT-MORÀND 337
Jardin
Un petit jardin potager, avec un petit Verger contigû prés
Altkirch.
Moulin
Un moulin à trois tournans, un foulon pour le Chanvre, un
logement pour le meunier, grange, Ecuries, un petit jardin,
une autre petite pièce de terre et un petit prés entre le canal
et la Rivière.
Les terres labourables, prés et vignes, batimens de Fermier
et appartenances sont aôermées pour neuf ans par dom Tirode
en 1774 au S. George Brutzchi a raison de dix huit cent livres
par an payables, moitié à Pâques, moitié à la Pentecôte, avec
reserve de quelques Voitures.
Le Moulin est affermé au même également pour neuf ans
par Dom Tirode 1774. avec les dépendances cy dessus spéci-
fiées, a raison de vingt deux Eezaux d'Esprote égrugée et
pareille quantité de mélange, qui consiste en moitié d'Esprote
ou Epautre égrugée, et L'autre moitié en seigle, orge et vesses,
quarante six livres seize Sols quatre deniers en argent quel-
ques canards, et poulets et un cochon.
Le Meunier est encore tenu de moudre et égruger gratis
tous les grains nécessaires au prieuré et de conduire lesdits
grains au marché d'altkirch quand il en est requis.
Le Rezal d'Espiote égrugé année commune peut aller à
à douze livres et celui de mélange à huit, les 44 Rezaux
feroient 352 livres qui ajoutées à 46 livres 16 sols 4 deniers en
argent et 24 livres pour le cochon, canards et poulets feroient
422 livres 16 sols 4 deniers.
Le petit jardin et petit verger contigu a altkirch sont affer-
més pour neuf ans au S' Schmiedlin a raison de vingt deux
livres par an.
Diocmes
L'Esprote est une espèce de Froment qui sort de l'Epi
enveloppé de sa gousse, et en cet Etat, il se nomme Espriote
NonveUe Série. — 11"" année. 22
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338 REVUE D ALSACE
OU Epautre en paille. Lorsque le grain est dépouillé de sa
gousse ou envelope, au moyen d'un moulin particulier par ou
on le fait passer, on l'apelle espiote Egrugée.
Neuf Rezaux d'Espiote en paille n'en rendent pas tout a fait
le tiers d'Egrugé.
On entend par Rezal, six boisseaux, le boisseau en froment
peu peser trente livres. Le boisseau est composé de 4 picotins
et le picotin de 6 Ecuelles.
Le Prieuré de S*-Morand perçoit la dixme entière sur le
territoire et paroisse d'altkirch, a raison de dix l'un sur tout
ce qui se sème, a l'exception néanmoins de quelques petits
cantons autour de la ville et du chanvre. Cette dixme s'amodie
tous les ans en argent à la veille des moissons et peut rendre
deux mille livres année commune.
La dixme en vin sur le même territoire s'amodie également
en argent et peut rendre année commune trois cent Livres.
Les trois quarts de la dixme en grains sur la Paroisse de
Walheim s'amodient en argent année commune huit cent
trente deux Livres.
Les 3/4 de la dixme en vin sur la même poroisse année
commune deux cent Livres.
Les 3/4 de la dixme en Foin sur la même paroisse année
commune s'amodient cent Livres.
Le 8' de la dixme sur Werenthausen* et Buxviller s'amodie
en argent, année conunune deux cent livres.
La dixme entière sur la paroisse de Eiesbach est affermée
pour neuf ans au S' Districh curé dudit Lieu pour deux cent
soixante et quinze Rezaux dont les 2/3^Epautre en paille et
1/3 eu aveine.
Le 1/4 de la dixme sur le vieux montreux, année commune,
cinquante Rezaux, moitié Espiote en paille ; moitié aveine,
^ WerentzhauBen.
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REVENUS DU PRIEURÉ DE SAINT-MORAND 989
mesure pressée, ce qui augmente quelque peu la quantité
d'aveine.
Le douzième de la dixme sur Carsbacli, année commune
cinquante quatre Rezaux, un tiers Epautre, 1/3 seigle et 1/3
aveine.
Le 1/4 de la dixme sur Friessen, année commune quatre
vingt dix Rezaux: 2/3 Epautre en paille, comme Test toute
celle des dixmes et 1/3 aveine.
Le 1/8 de la dixme d'Hagenbach, année commune vingt
quatre Rezaux 1/3 seigle, 1/3 Epautre, 1/3 aveine.
Le douzième de la dixme d'hirsingen, année commune,
quarante deux Rezaux 2/3 Epautre, 1/3 aveine.
Le seiziènae de la dixme de traubach, année commune, qua-
rante deux Rezaux 1/3 Epautre, 1/3 aveine, 1/3 seigle.
Le 8* de la dixme de Durmenai,^ année conmiune, dix hui
Rezaux 2/3 Epautre, 1/3 aveine.
La dixme sur un petit canton de quelques arpens à Rocb-
burn* année conmiune un Rezal 1/2 d' Epautre.
La dixme à Aspach sur un petit canton année commune
4 Rez. d'Epautre et 2 Rez. d'aveine.
Laudemes des dixmes
On appelle Laudemes des dixmes une petite reserve, tantôt
de 6, tantôt de 12 deniers par Rezal en les amodiant; ce qu
peut produire année commune quinze Livres.
Droit de falh
Le droit de falh est celui par lequel appartient au Prieuré
de S^Morand dans quelques Villages après la mort de chaque
chef de famille; une pièce de bétail à son choix, après que la
veuve ou les héritiers en ont pris une; Ce droit année com
mune peut raporter deux cent Livres.
^ Dnrmenadi.
' Rockenburg, dépendance d'Altkirch.
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S40 REVUE d\i^ace
STEINBACH
La Ferme de Steinbach proche Cernai à 6 Lieues d'altJdrch
est amodiée à 5 ou 6 particuliers pour six ans à cent cinquante
livres par an.
• Cette fenne consiste en onze Schatz et demi de Vignes en
4 ou 5 pièces il faut . . . ' Schatz pour faii-e un journal, en 16 me-
sures 27 pots de vin de redevance La dixme sur quelques
pièces de vignes, un jardin et quelques petites pièces de terre.
Les fermiers sont obligés de livrer annuellement au S' Curé
de Cernai trois mesures de vin que lui doit le prieuré de
. S'-Morand.
RIBEAUVILLÉ
La Ferme de Ribeauvillé ou petit S'-Morand* consiste en un
sac de seigle de Redevance sur un moulin, en 52 1. 3 s. 4 d. de
cenccs, en 39 mesures et 20 pots de vin de cences, deux livres
de cire, onze chapons, une poule et quelques petits Jardins
connus sous le nom de Potlacher Gârthen Et quelques petites
pièces de près.
Ces revenus sont affermés pour 6 ans à M. L'avocat Lorentz
a raison de deux cent cinquante et une livres par année.
^ On compte trois schatz par journal.
* La ferme dont il est question est ce qui restait en 1772 du couyent
de Saint-Morand de Ribeauvillé. Ce couvent était situé, en sortant de
la ville par VOberthor, k environ trois cents pas à gauche, à l'entrée de
la vallée qui conduit à Sainte-Marie-aux-Mines. Ce couvent était de
l'ordre de Cluny, comme ceux de Froidefontaine et d'Altkirch. Dana
les premiers temps il y avait de quatre à huit Bénédictins. Quand, après
la guerre de trente ans, les J.ésuites eurent succédé aux Bénédictins,
ceux d'Altkirch obtinrent de l'évéque de Bàle, Guillaume de Rinck, la
suppression du couvent de Ribeauvillé, qui n'était plus qu'une ferme
lorsque les Jésuites furent expulsés et lorsque l'inventaire de leurs
biens et de leurs revenus fut établi par le séquestre. L'église ne fut
démolie que vers 1751.
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REVENUS DU PRIEURÉ DE SAINT-MORAND 341
Le fermier est obligé outre le prix de son bail d'acquitter
les charges dudit prieuré à Ribeauvillé. Elles consistent en
6 mesures de Vin et 26 1. en argent, tant au S' Curé qu'au
Recteur d'Ecole et à la Fabrique.
Le Prieuré de S*-Morand possède encore à Ribeauvillé une
petite forêt de 6 à 7 arpens, dont une partie depuis 2 à 3 ans
est plantée en châtaigniers et le reste en assez mauvais Etat,
cette petite forêt ne fait pas partie du Bail.
RÀMERSMATT
Le Prieuré de S'-Morand possède à Ramersmatt un arpent
de prés afiermé à biaise Ried dix huit livres.
TERRIERS DE ST-MORAND
RIESPACH
Epautre en paille 18 r. 1 b. 2 p.*
Seigle 5 r. 1 b. 2 p.
Aveine 30 r. 2 b. 2 p.
Poules 7.
Argent 3 1. 8 s. 10 d. Balois.
SPECHBACH
Epautre en paille 21 r.
Seigle 27 r.
Aveine 22 r. 1 b.
Poules 7.
Argent 3 1. 12 s. 8 d. Balois.
WERENTHAUSEN
Epautre en paille 23 r. 2 b.
Aveine 11 r. 4 b.
* La lettre r signifie résal, b boisseau, p picotin.
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342 BEVUE d'âlsàcb
WETERSTORP ET EMLINGEN
Epautre en paille 16 r.
Seigle 12 r. 4 b.
Aveine 25 r. 5 b. 2 p.
Poids 2 b. 3 p.
Poules 30.
Argent 5 1. 19 s. 4 d. Balois.
La communauté 20 poules et 30 s. Balois.
EISSLNGEN*
Epautre en paille 11 r.
Seigle 11 r.
Aveine 10 r.
WALHEIM
Epautre en paille 31 r. 3 b. 1 p. 5 e.*
Seigle 27 r. 3 b. 3 p. 5 e.
Aveine 32 r. 5 e.
Poules 13.
Argent 2 1. 1 s. 2 d. Balois.
2 pots de vin et 2 pains.
CARSBACH
Epautre en paille 19 r.
Epautre égrugé 1 b. 3 p.
Seigle 18 r.
Aveine 20 r.
Poules 1.
Argent 5 1. 5 s. 10 d. Balois.
HEKFLINGEN
Epautre en paille 15 r. 1 b.
^ Hesingen.
* La lettre e = écueUe.
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REVENUS DU PBIÈUKÉ DE SAINT-MORÀND 343
Seigle 13 r. 3 b. 3 p.
Aveine 20 r. 3 b. 2 p.
Poules 14.
Oeufe 100.
Argent 8 1. 11 s. 7 d. Balois.
BOBENTZWILLEB
Epautre en paille 7 r.
HEIDWILLEa
Epautre en paille 3 r. 2 b.
Seigle 4 r. 4 b.
Aveine 2 r. 4 b.
Poules 6.
Argent 14 s. Balois.
DÂG0L8EIM
Epautre en paille 10 r.
Seigle 10 r.
Aveine 10 r.
Argent 5 s. Balois et 30 s. Balois sur des prés à ilfurt.
(1 1. 11 8. de trop peu)
HUSOAUIEN
Epautre en paille 4 r.
RÂNSPACH LE HAUT
Aveine 7 r. 1 b.
Poules 16 1/2.
Argent 2 1. 18 s. 2 d. Balois.
BERENTZWILLER
Epautre en paille 20 r. 5 b. 2 p.
Seigle 7
Poules 2.
Argent 2 1. 4 s. 3 d. Balois.
(Suivant la Recette il y a de trop 5 r. 4 b. d'épautre 1 r. 4 b. de Seigle
14 s. en argent)
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344 REVUE D'ALSACE
8TRUETT
Aveine 6 r. 4 b. 2 p. 1 e. Va-
Poules 9.
Argent 4 1. 5 s. 2 d. 7t Balois.
ASPAGH
Epautre en paille 16 r. 4 b.
(16 an lieu de 6 r.)
Seigle 18 r. 5 b. 1 p.
Aveine 16 r. 5 b.
Poids 4 b. 3 p.
Poules 2.
Argent 2 1. 1 s. Balois.
RAMERSMATT
Aveine 5 r. 1 b. 3 e.
Argent 5 1. 7 b. Balois.
Bois
Le prieuré de S'-Morand possède à fillerin' une forêt de 25
a 30 arpens en bois d'hêtres et quelques chênes, elle pourroit
être coupée dans 8 a 10 ans, il est plusieurs arpens dans le
milieu, ou il n'est point crû de bois.
Plus une forêt d'Environ 20 arpens à Berentzwiller toute
en pins, ou du moins la plus grande partie, quinze de ces
arpens ne peuvent être exploités avant 20 ans, et le Reste sert
pour Fournir des tuyaux aux fontaines de S'-Morand.
Plus une forêt d'environ 15 arpens auprès de S^Morand,
dont 6 sont sans arbres. Cette forêt est composée de hêtres et
de chênes propres à être coupés ; attendu qu'elle ne Fait que
dépérir, et qu'après l'exploitation il viendroit un beau tailli,
' FûUeren.
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REVENUS DU PRIEURÉ DE SAINT-NORAND 345
il convient cependant de Reserver certaine quantité de chênes
pour les Réparations du moulin.
Plus une Forêt de 6 à 7 arpens à Ribeauviller, dont il a été
fait mention dans Tarticle dudit Ribeauvillé.
RECAPITULATION
Fermes en argent
Terres Labourables, Vignes, prés sur le
territoire d'Altkirch ISOO*»--»*-
Aident d'unepartiede la ferme du moulin 46 16 4
Petit jardin sur le même territoire . . 22 » »
Dixmes sur Altkirch 2300 » »
(300 trop)
Dixmes sur Walheim 1132 » »
Dixmes sur Verenthausen et Buxviller . 200 » »
Laudemes des dixmes 15 » »
Droit de falh 200 » »
Steinbach 150 » »
Ribeauvillé 251 » »
Vn prêt a Ramersmatt 18 » »
Argent des terriers sur quinze commu-
nautés montant à 49 1. 14 s. V^ d. Balois, la
livre Baloise est de 26 s. 8 d. de france, les
dittes 491. 14 s. V2 d. réduits à la monnoye
de France font 66 05 4 Va V31
Total .... 620r01-8^V2 Vaa
Orains
DIZME8 EN ORAIErS
Seigle quarante Rezaux 40'*»*»'»*'
Epautre en paille, trois cent cinquante
quatre Rezaux 5 Boisseaux 354 5 » »
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346 REVUE d'àlsace
Aveine deux cent neuf r. 4 bois 209 4 » »
TERRIERS
Seigle cent cinquante cinq r. 4 b. 1 p. 5 e. . 155 4 1 5
Epautre en paille deux cent dix sept r. 1 b.
1 p. 5 e 217 1 1 5
Aveine deux cent onze r. 2 b. 1 p. 3 e. Va • 211 2 1 3 Va
Epautre egrugée un bois. 3 p » 1 3 »
Poids un Rezal 1 b. 2 p 1 1 2 »
MOULIN
Epautre égrugée vingt deux r 22 » » »
Mélange 22 r 22 » » »
Totalité des grains douze cent 34 r. 2 b.
2 p. le. Va 1234'-2^-2M*-V2
Savoir cent quatre vingt quinze Rezaux quatre boisseaux,
un picotin et cinq Ecuelles de seigle.
Vingt deux r. un bois, deux pic. d'Epautre egrugée.
Vingt deux Rezaux de mélange.
Cinq cent soixante et douze Rezaux, un picotin et cinq
Ecuelles d'Epautre en paille.
Quatre cent vingt et un Rezaux, un picotin, trois Ecuelles,
et demi d'aveine.
Un Rezal, un boisseau, deux picotins de Poids.
Les 195 r. 4 b. 1 p. 5 e. de Seigle a 7 1. . . 1370»- » '-«Ol^-Vs
Les 22 r. 1 b. 2 p. d'Epautre égrugée à 12 1. 267 » »
Les 22 r. de mélange à 8 1 176 » »
Les 572 r. 1 p. et 5 e. d'Epautre en paille
a 4 1 2288 04 » Vs
Les 421 r. 1 p. 3 e. V, d'aveine a 3 1. . . . 1263 03 11 Va
Le Rezal 1 b. 2 p. de poids a 12 1 15 » v
Cette Evaluation est le prix des denrées
année commune
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REVENUS DU PRIEURÉ DE SAINT-MORÀND 847
Les 125 poules Va a 6 s. 8 d. la pièce comme
elles se payent par les cencitaires .... 41 16 08
Le cochon, canards, poulets et œufs ... 24 » »
5445»04'09*Va
Les 5445 1. 4 s. 9 d. Va ajoutées a 6201 1. 1 s. 8 d. Va et Vu-
forment un total de 11646 1. 6 s. 6 d. VaaV- 1
1772 10613 1. Recette total. î
I
CHARGES DU PRIEURÉ DE ST-MORAND
Le prieuré de St^morand paye pour dom
gratuit 1240»- 16-10*'
Au S' Curé d'Altkirch pour compétence ou
portion congrue 60 Rezaux d'Espautre en
paUle, 50 r. d'aveine, 40 r. de seigle, 52 me-
sures et un pot de vin et 40 1. en argent a
évaluer les denrées comme dans la Recette . 914 02 06
Au Recteur d'Ecole d'altkirch 7 r. d'Epautre
en paille, 7 r. de Seigle, 13 mesures 28 pots
de vin, La mesure contient 32 pots .... 132 15 »
Au S' Curé de Ribeauvillé, au recteur
d'Ecole et à la fabrique 50 1. seulement pour
mémoire, parceque le fermier de Ribeauvillé
est tenu d'acquitter les charges 50 » »
Au S' Curé de Riesbach 86 r. 4 b. d'Epautre
en paille, 43 r. 2 b. d'aveine 433 13 04
Au S' Curé de vieux montreux 8 r. 2 b.
d'Epautre en paille, 8 r. 2 b. d'aveine mesure
pressée 65 15 08
r Au S' Curé de Steinbach 4 r. de froment . 48 » »
A la Seigneurie de Ferrette 30 œufs et
16 poules 2 15 »
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348 REVUE D'ALSACE
Au S' Curé de cernai trois mesures de vin
de Steinbach, le fermier de Steinbach est
obligé de les lui livrer, seulement pour mé-
moire 38 08 »
A Messieurs du haut Chapitre de Bâle 3 r.
de seigle, 4 r. d'aveine, et 9 s. 6 d. en argent
et poule 37 09 06
Au S' Curé de Walheim 8 r. d'epautre en
paille 32 » »
Au S' chapelain de ferette 16 r. d'aveine . 48 » »
A onze maires coUongers chargés de la dis-
tribution des billets aux censitaires, de Teiller
sur la censive et d'avertir lorsqu'il Echoit un
droit de falh 34 r. d'Epautre en paille, 6 r. 3 b.
2 p. d'aveine 155 15 »
Au desservant du prieuré de S'-morand pour
deux messes par semaine pour luminaire et
hosties 250 » »
Au Receveur dud' prieuré pour vacations à
tout ce qui y a raport, amodiations des dixmes,
perception des censés, conservation des grains,
levée des droits de falh, visite et vérification
des Réparations dans toutes les paroisses de
la dépendance 324 » »
Plus est chargé led' prieuré des réparations
et reconstruction de l'Eglise, prieuré, bati-
mens, moulin, enclos, et dépendances de
S'-morand. Plus Réparations, reconstruction
des chœurs, clocher, sacristie, et maison cu-
riale de 14 paroisses. Les seules réparations
(10 seulement)
se montent année Reduitte sur dix années a . 2000 » »
Total .... 5773»- 10^10*-
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REVENUS DU PRIEURÉ DE SAINT-MORAND 349
Partant Reste net la Somme de 5949*11'08V32
Sur quoy une pension du tiers en Faveur
du Resignant qui se monte a la somme de. . 1983 03 10 Vs
De sorte qu'il ne reste au titulaire que
celle de ' 3966 07 09 V3
N*. Ces deux Etats de revenus et de Charges sont conformes
à ceux qtd sont déposés au Greffe du conseil souverain
d'Alsace et qui furent faits par ses commissaires, lors de
L'Etablissement du Séquestre en 1767. tems ou les grains
étaient chers 7.
{Communication de M, Ed. Gasser.)
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REGLEMENTATION
D'UNE
FORÊT COMMUNALE D'ALSACE
AUX XV ET XVI* SIÈCLES
DOCUMENT B
62.
Celui qui aurait à entretenir une baie le long de champs
doit à l'avenir cesser d'employer la haie morte, mais y planter
une haie vive. Quiconque continue à faire le long de champs
des haies de branchages, rompt six schillings. Là, où la trop
grande aridité du sol s'opposerait à la plantation de haies
vives,^ on fera une palissade ou un perchis de chênes qui dure
bien des années. Les forestiers et les waldmestres ont à
dénoncer les contrevenants et ils ne manqueront pas de
faire chaque année au temps prescrit leur tournée d'ins-
pection des haies.
63.
Aucun forgeron ne doit plus couper dans la forêt du bois
pour charbons; celui qui en coupe encore encourt, s'il est
^ Voir 1^ livraison du 2^ trimestre 1882.
* «wo einer aber DOming halben, kein heg da zihlen kanii».-.
Cherté?
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 351
découvert, la grande amende. Les forestiers, waldmestres et
un chacun ont à y veiller.
64.
Aucun forgeron ne carbonisera plus de bois dans Tenceinte
du village, ni bois de l'Aspruch, ni bois provenant de quel-
qu'autre forêt. S'il dispose de bois ne provenant pas de
TAspruch, il doit aller le carboniser sur le communal {AUmehm)
dehors le village. Celui qui n'observe pas ce règlement encourt,
s'il est dénoncé, la grande amende.
65.
Les waldmestres doivent aussi faire tous les trois mois leur
tournée d'inspection des bâtiments. Quiconque ne tient pas
ses bâtiments en bon état rompt quatre schillings à payer
sans remise la première fois qu'on le trouvera en défaut et la
grande amende si à la seconde visite on le trouve encore
repréhensible, et si après cela il ne se met pas en règle avant
la prochaine inspection, il sera privé de toute jouissance de la
forêt, lui et ses bêtes, jusqu'à ce qu'il ait remis et entretenu
ses bâtiments en bon état Les waldmestres y veilleront et
indiqueront les réparations à faire; ils se défraieront conve-
nablement sur les amendes dont ils porteront le sui-plus en
compte aux quatre communes sous la foi de leur serment
66.
Aux ventes de bois, les waldmestres ne doivent plus donner
de «vin de surenchère»,* mais un pot de vin par achat
67.
Si un habitant des quatre villages ou quelque étranger
parquait des porcs dans la forêt en temps de glandée, ' sans
qu'il eût un droit de glandée, il sera puni comme d'ancienne
date, c'est-à-dire qu'il perdra tout d'abord (par confiscation)
* «kein Steigwein sondern ein Eauffmossu.
' «Saw in das Eckher schlftg» = auj. «febmen» ; «Fehm» = glandée
et droit de glandée.
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352 REVUE d'alsace »
les porcs avec lesquels il commet la fraude et qu'il paiera aux
quatre communes cinq livres stsbg. sans remise. Les forestiers,
waldmestres ou quiconque en sera chargé par les quatre
communes y veilleront
68.
Il existe aussi un règlement fait dans Tintérêt des quatre
communes, disant que le bourgeois qui a les huit porcs, dits
porcs indigènes {heims Schwein), ne doit pas en acheter ni en
prendre à bail pour les parquer dans la forêt; celui qui n'a
pas les huit porcs indigènes peut bien, s'il veut, en acheter
pour en avoir huit, — mais il ne doit pas en acheter au delà
de huit, ni en prendre à bail qu'il parquerait dans la forêt, —
et l'achat doit être franc et sincère et pas simulé ni frauduleux;
il doit être conclu sans clauses secrètes afin que la glandée
des riches et des pauvres ne devienne pas la proie de la fraude.
Quiconque outre-passe ce point rompt, comme ci-dessus, sui-
vant l'ancien droit coutumier de l'Aspruch, à savoir que tout
d'abord les porcs avec lesquels il commet la fraude sont
perdus pour lui et qu'en outre il aura à payer aux quatre
communes cinq livres stsbg. sans remise. La surveillance et
la dénonciation incombent aux waldmestres, aux forestiers ou
à quiconque en sera spécialement chargé par les quatre com-
munes.
69.
Concernant l'achat d'une truie. Identique avec l'art 49 du
1" Document Voy. Bévue t X, p. 387.
70.
Tous les bourgeois, actuels et futurs, des quatre villages
doivent veiller sur la forêt sous leur foi donnée à la place de
serment dans la mesure qu'il vient d'être dit au sujet des
arbres réservés, de la dénonciation, du bois de hêtre, des
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 353
étrangers ^ comme jusqu'ici et sur tous les articles qui pré-
cèdent ou qui suivent.
71.
Celui qui est reçu bourgeois dans Tun des quatre villages,
doit donner au waldmestre sa parole à la place de serment
qu'il veillera sur la forêt comme il vient d'être prescrit; s'il
s'en trouvait un qui fftt infidèle^ au point de refuser de faire
comme les autres bourgeois, on le privera de toutes jouissances
de la forêt tout comme les bourgeois étrangers, jusqu'à ce
qu'il donne sa parole d'y veiller selon la teneur de la présente
lettre forestaJe.^
72.
Celui qui à l'avenir reçoit le droit de bourgeoisie dans l'un
des quatre dits villages est tenu de planter un jeune chêne
dans la forêt et de l'élever; si l'arbre desséchait et ne venait
pas, il en plantera un autre jusqu'à ce qu'il en plante un qui
prenne racine, grandisse et devienne un arbre propre à don-
ner des fruits. Et si quelqu'un avait la déloyauté de s'y refuser
et qu'il ne voulût pas planter et soigner un tel chêne pour en
faire un grand arbre, il doit également être privé de toutes
jouissances de la forêt jusqu'à ce qu'il en plante et élève un
qu'il puisse montrer au waldmestre ou dont du moins il
puisse certifier à ce dernier par témoins qu'il l'a arrosé.^
73.
Les pasteurs ou curés et les bedeaux' qui n'auraient pas le
droit de bourgeoisie ne doivent plus à l'avenir ni charrier, ni
^ «yber die loch, yber das megen, jber das buechen, yber die fremb-
den». cf. A. 26. Eevue t. X, p. 376 qui recommande spécialement à la
snireillance des bourgeois : «die Lech, das eichen und die fremten>.
• <'àl80 vntrew» ; A. 27 dit : «also iinfrite».
' «nach Inhalt dis Brieffis»; A. 27: «diser Geschrifft». Le document
A. fixe en sus une amende «d'étranger», c'est-à-dire de 5 livres pou
celui qni «dédaigne» ce point.
^ «dass er solchen gelebt habe».
' «Item. Die Pfarrherr, Bittel».
Nouvelle Série. — 11- année. 23
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354 REVUE d'àlsace
vendre du bois à autrui ; ils doivent charrier leur bois dans
leurs propres cours et s'en servir eux-mêmes pour le feu.
Celui qui en charrie h autrui rompt, s'il est découvert, six
schillings. Les forestiers et les waldmestres y veilleront.
A leur jour ils reçoivent chacun sa voie ou charretée de bois
pour son propre us^e, mais point pour en vendre ni charrier
h autrui sous ladite peine.
74.
Si un bourgeois des quatre villages a enfreint le règlement
et que les vingt ^ hommes sur la montagne aient eu à pronon-
cer sur l'amende, leur sentence, quelle qu'elle soit, doit être
exécutée. Celui qui refuserait de s'y soumettre, et de payer
l'amende prononcée contre lui par les vingt hommes -sur la
montagne, sera privé, lui et ses bêtes de toutes jouissances
de la forêt, en bois, glandées et pâturages, et la forêt lui sera
interdite tant et aussi longtemps qu'il n'ait pas payé et réglé
l'amende.
75.
Sur les branchages provenant de bois de construction on
peut prendre et façonner une voiture ou charrette pleine et
pas plus, et l'emmener avec soi à la maison ; mais on ne doit
pas rester dans la forêt, ni y laisser des domestiques, pour
façonner de ces branchages en attendant que la voiture
revienne. Si l'on manquait de voiture on pourra façonner une
voie de ce bois et l'entasser en attendant qu'on en trouve une.
Celui qui n'observe pas ce règlement rompt, s^il est accusé,
six schillings deniers stsbg. Les waldmestres et les forestiers
y veilleront
^ Pour la forêt de Eork, — 8000 arpents badois, à 86 ares =
2880 hectares, entre la Eintzig et la Bench, grand-duché de Bade,
quinze commifnes intéressées, dom. Hanau-Lichtenberg. — l'aEinungs-
gericht» ou tribunal des amendes, se composait de trente-six juges.
Voy. Korîcer Waldbriefvon 1476^ par J.-B. Tbencele, Carlsruhe, 1880,
page 27.
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 355
76.
A l'avenir personne ne coupera plus de fane^ entre la
Saint-George (23 avril) et la Saint-Laurent (10 août). Celui
qui n'observe pas cet article rompt, s'il en est accusé, quatre
schillings. Les forestiers et waldmestres y veilleront
Un règlement forestal concernant la forêt de Hagaenan (Wald-Ord-
mmg fur die hetlige Forgt) a été fait en 1424 par rUnterlandyogt de la
Basse- Alsace, le ScholtheisB et le conseil de la ville de Haguenau. Voy.
BuUetin de la Société pour la conservation des monuments historiques de
V Alsace, n« série, t. XI, p. 163. M.
II
RÈGLEMENT DE 1585
Les nommés
lickhen, Marzolf, waldmestre, et Brun, Jean, heimbourgue,
de Hatten ; Frankhen, George, waldmestre, et Enecht, Panter,
heimbourgue, de Rittershoffen ; Knecht, Vendelin, waldmestre,
et Bless, Lazare, heimbourgue, de Niederbetschdorf ; Burckh,
George, waldmestre, et Klein, Jean, heimbourgue, d'Ober-
betschdorf
ayant assemblé au son des cloches les communautés sur la
montagne commune, ont reçu l'ordre de l'assemblée entière
d'inscrire dans la lettre forestale les articles qui suivent
ci-après :
Fait en l'année 86.
* «Fahn» == provincialisme encore en usage pour «Fam», «Farn-
kraut» (JUix.y, la fougère commune serrant de litière au bétail. —
La fane dans certaines parties de la France (Poitou, etc.) se dit de
l'herbe des plantes bulbeuses, des tiges sèches arrachées à la récolte
des pommes de terre, des feuilles vertes ou sèches et aussi des brous-
saiUes dont on fait du feu ou de la litière. Notre texte dit «Fahn
hawen».
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356 REVUE D'ALSACE
Art. 1.
A l'avenir tout bourgeois des quatre villages qui possède
une voiture ou une charrette n'ira qu'une fois, le jour donné,
dans la forêt chercher du bois (pour son propre compte); il ne
pourra y retourner le même jour que s'il était chargé par
quelqu'un qui n'eût pas de voiture, de lui charrier une voiture
ou une charretée de bois et pas plus. Celui qui n'observe pas
cet article rompt, s'il est dénoncé, six schillings, dont trois au
rapporteur et trois aux communes. Les forestiers, waldmestres
et un chacun y veilleront.
Art. 2.
A l'avenir si un bourgeois des quatre villages coupe des
perches (dans la forêt), il doit façonner et transporter chez
lui non seulement les perches qu'il aura coupées, mais aussi
les rameaux. Celui qui néglige cet article rompt, s'il est
dénoncé, quatre schillings, dont deux au dénonciateur et
deux aux communes. Les forestiers et waldmestres seuls y
veilleront
Art. 3.
De même il a été convenu et arrêté dans l'intérêt des
quatre communes qu'à l'avenir celui qui bâtit dans l'un des
quatre villages pourra se servir dans la forêt de la scie à
refendre. Il n'oubliera pas d'en prévenir le waldmestre et de
lui donner sa parole à la place de serment qu'il emploiera à
l'usage indiqué d'avance, le bois qu'il refend avec la scie.
Celui qui ne se^ conforme pas à ce règlement rompt, s'il est
dénoncé, une livre deniers. Les forestiers, waldmestres et un
chacun y veilleront. Dans tous les cas, il faut avoir son char-
pentier avec soi et ne pas aller seul dans la forêt sous ladite
peine.
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RÉGLEMENTATION D'DNE FORÂT COMMUNALE 357
III
RÈGLEMENT DU 1& OCTOBRE 1595
A savoir,
Ce jouird'hui que Ton compte depuis la Naissance de Notre
cher Seigneur le Christ, notre Sauveur, mil cinq cent quatre-
vingt-quinze années, ce mardi 14 octobre, le présent règle-
ment, concernant la forêt d' Aspruch, a été fait et arrêté par les
honorables
Peters, Michel, waldmestre, Veix, Jean, fils de Laurent,
heimbourgue, tous deux de Hatten, et Loren, George, du
même endroit; Helmes, Henri, waldmestre, Kibell, Auguste,
heimbourgue, et Knecht, Panter, de Rittershofifen ; Ëngness,
Jean, waldmestre, Schmidt, Jean, fils de Théobald, heim-
bourgue, et ReiflFsteck, Marzolf, d'Oberbetschdorf; Knecht,
Vendelin, waldmestre, Basilians, Pierre, heimbourgue, et puis
Sturm, Laurent, de Niederbetschdorf ;
qui avaient été mandés et chargés par les quatre commu-
nautés réunies au son des cloches en assemblée plénière de
faire, dans l'intérêt de ladite forêt et des quatre communes, ce
règlement littéralement transcrit ci-après :
Banlieue de Hatten.
Primo. Dans la ligne de délimitation entre Hatten et Ritters-
hoffen, du «Gauspruch» jusque sur le aRoch», à travers la
serre, il faut planter et entretenir une haie vive à côté des
clôtures actuelles faites de branchages et de lattes; par
contre on aura le droit d'enclore avec des branchages de
PAspruch, les champs donnant des deux côtés (dans les deux
bans) sur les «Stiegel» (petits barrages enclavés dans la haie).
«Erstlichen zwischen Hatten und Rittershoflen
banscheid vom Gauschbruch bis auf das roch der
sehren durch und durch neben disen Zainen und
Dîelsteckhen im (ein?) hag sezen und aufpflantzen».
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358 REVUE D'ALSACE
2^ Le « Grasweg » du Westhofien doit êtxe bordé des deux
côtés de haies jusqu'au «Herrn Etzeb; la commune sera libre
cependant de laisser un chemin ouvert ou non, extérieure-
ment au jardin de Zacharie.
S"* Tout le aNiederfeld» doit être enclos à l'avenir de haies
vives dans tout son pourtour, sauf les chemins qui le tra-
versent
aKIJRATHB BCKERLIN»
4'' Le canton dit aEuraths Eckerlin» doit également à l'ave-
nir être entouré de haies vives tout autour.
5* L'autre « Aeckerlin » doit aussi à l'avenir être enclos de
haies.
' «Gaachs-», Gangs-, Gausprnch» et «-bruch»: anc. communal conpé
par la Umite des denx bans, terrain bas et hnmide, donnant naissance
au petit misseau qni traverse le village et tout le territoire de fiatten
de l'Ouest à l'Est, où il se joint à la Selzbach au-dessous du ch&tean
et en face de l'emplacement de l'ancienne église paroissiale de Nieder-
rôdem. Le «Gauschsbruch» du ban de Hatten ne formant plus qu'une
prairie de 125 ares, était autrefois le 1^ des communaux ou «Allmende»
du YTestlioff, le long dudit ruisseau, d'ensemble 5 hect «Bruch» =
terrain marécageux, etc.; «Gauch» == cresson, fleur de coucou et autres
plantes et herbes amères ; aussi fantôme, feu follet, etc. Il parait qu'on
dit aussi «Griesbruch», cependant il n'y a pas de terrain graveleux
mais il s'y trouvait autrefois un tir d'où encore aigourd'hui les noms
de «Schiessrain ou ScMessmur».
' «Roch» d'ord. «Reech» ou «Reeg» ; le «Ruegberg», siège du tribonal
des amendes? C'est l'endroit le plus élevé entre Hatten et Rittershoffen,
traversé par la nouveUe grande route ; vestiges d'anc. constructions.
• «der Sehren durch und durch» = barrière ; serare = fermer. Il y
avait donc des barrières non seulement à l'entrée des villages, mais
aussi à l'entrée de leur banlieue.
* «Stiegel» = planche de trois pieds de haut placée en travers d'un
sentier dans une ouverture de haie, soutenue par deux poteaux, bar-
rant le chemin au bétail.
' € Grasweg» = chemin de la forêt que suivaient autrefois les pauvres
gens allant chercher de l'herbe, de la fougère et de la fléole devant
servir de nourriture et de litière à leurs vaches.
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 359
' La partie occidentale de Hatteo, appelée encore aujourd'hui «das
WesthofFen», formait autrefois sous le nom de Westheim un hameau à
part, entre Hatten et Rittershoffen.
Les seigneurs de Lichtenberg l'achetèrent, en 1332, avec d'autres
yiUages du Landgrave d'Alsace et environ vingt ans plus tard Simon
de L. l'annexa, ou l'incorpora sous le nom de Westhoven à Hatten; l'ad-
ministration du bailliage avait conservé l'habitude de le mentionner
spécialement à côté de Hatten: «compte de Hatten et Westhoffen»,
disent ses livres de comptabilité jusqu'à la Révolution.
'' «Etzel» = pâturage privé et clos, auj. champs ou prairies. Un
«Etzel» =r 1 arpent et plus.
* «Euraths Eckerlin» probablement pour «Curât», cf. «Curatpfrûnde»
= bénéfice; nom oublié et inconnue aujourd'hui dans la banlieue;
c'est sans doute le «vorderste et le hinterste Aeckerle» où il y a des
champs à la commune dont jouissent les différents instituteurs et autres
employés. Une tranche de forêt de vieux chênes, abattue lors de la
construction de la grande route, vers la fin du dernier siècle, s'éten-
dait jusque près du village : c'était le «Bischel» ou «BOschel» et «l'Aile-
mend Hirlebach» avec la Lach dont les deux «Eckerlein» = pacages
d« porcs (?) paraissent avoir fait partie. L'aAltmatt» (anc. «Allemend»?),
prairies et le «Pfingstwinkel = p&turage du printemps, anc. canton
forestier, sont dans le voisinage.
Banlieue de Rittershoffen.
V L'aEuchweg» doit être bordé de haies sauf le chemin qui
longe raEuchmatt» et son prolongement jusqu'en haut au lac
d'Osterdorf.
2* Le second petit Osterfeld ou champ d'Osterndorf doit
être entouré de haies vives sauf les chemins qui y existent
d'ancienne date.
3' L'Osterfeld, de la Serre à l'enclos Scheileng, est à
entourer de haies.
4* L'Osterfeld derrière le cimetière ne doit plus à l'avenir
être clos qu'avec des branchages d'aulnes ou de saules.
5** L'«Og», de la rue des Boulangers à l'enclos Dangler, doit
être entourée de haies sauf les chemins.
6* L'autre aOg» doit être entourée de haies de branchages
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360 REVUE D'ALSACE
d'aulnes ou de saules et pas autrement; on pourra y planter
des haies vives jusqu'au «haitweg».
V Le district des champs ou ban de Rentershoffen doit à
l'avenir être entouré de haies sauf l'enceinte du village de
Rentershoffen.
8** La petite rue de l'Eglise jusqu'au Bietzwasen doit aussi
à l'avenir être entourée de haies vives.
9* De la rue de l'Eglise à la grande route et de là le long de
la grande route jusqu'au pieu-borne devant le vignoble d'Hum-
pert, il faut des haies.
10. Au «Rech», aux quatre champs situés au-dessus de celai
du Gentilhomme (Juncker's ackher), il faut des haies, puis,
plus loin, au delà du champ de George Bless, il faut de nou-
veau des haies jusqu'au château («Birkh») et de même au delà
de ce dernier, jusqu'au ban de Hatten excepté au chemin de
la largeur d'un champ, devant la porte du château, et à l'autre
chemin qui passe par le «Gauspruch» où, comme d'ancienne
date, il n'en faut pas.
Au Heitberg, il faut une haie depuis le gibet jusqu'à la cas-
cade devant la porte du château.
Au «hungersbûhrenwasen» il faut des haies.
^ WesthofFen, Rentershoffen et Osterndorf, petits endroits situés
snr l'ancienne grande route de Hatten à Betachdorf, dont le premier
a été incorporé à Hatten et dont les denx autres ont été absorbés par
la colonge de RittershofFen. Yoy. BuUetin de la Société pour la eonser-
vation des monuments historiques d'Alsace, U® série, t X, pp. 224-235.
* Tous les noms de cantons ruraux cités dans ce chapitre concernant
Rittershoffen, existent encore ai^'ourd'hui les uns sous la même forme,
les autres quelque peu modifiés, sauf cependant les noms des propriétés
particulières y compris le «Birkh'> ou castel au «Rech» et le «Hochge-
richt» ou gibet. On n'a pas d'autres renseignements sur ce ch&teau on
«Birgh» (= dim. de ««burg»); la tradition locale même ne parait pins
se souvenir de son existence; c'était probablement un des «Hubhôfe»
ou maîtresses-cours des seigneurs de Fleckenstein (Lehmakn, Hanau-L-t
p. 128, ann. 1356) qui en 1385 étaient la propriété du chapitre de Sur-
bourg et furent achetées au xvi« siècle par Hanau-Lichtenberg. Un
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 361
Banlieue de NiederbetschdorJ.
Du pré dit aHintermatt» h l'enceinte du village, il faut des
haies.
A TaEgnessgasse» (rue d'Agnèse?) il faut une haie du jar-
Othon de RottershoTen est da reste déjà mentionné en 1227. Als, dipl,
l, Tï9 451. Le Ritterhof se trouvait dans le village même et donna son
nom à la Rittergasse.
Les denx «Og» se sont régulièrement transformées en q Obère- und
Untere-Aue», c'est-à-dire prairies. L'«Euchmatt(Augmatt?))) etr«Euch-
weg» (chemin de l'a Au, Aug, Og»?) ne se trouvent pas mentionnés dans
la nomenclature des cantons et chemins actuels de Rittershoffen que
je dois à l'obligeance du maire.
La «Beckergasse» n'est pas mentionnée non plus dans la liste citée»
peut-être est-ce aujourd'hui la «Bischgasse (?) bister» et «Pfister» =
boulanger.
Le «Hungersbtthrenwasen» = vaine pâture, c'est auj., je suppose, le
a(das) hungersprung». Les bergers, à ce qu'on dit, avaient l'habitude de
rassembler leurs troupeaux repus dans les «Stelli» ou parcs, ou au
«hungerplatz» pour les faire reposer; de là les nombreux cantons
ruraux de «hungerbûhl, -berg, -baum, -stall», d'ord. voisins d'anc.
pâturages.
Je ne sais si le «Bietzwasen» (pomerium, lieu de réunion pour jeux,
exercices, jugements), terrain vague et gazonné, près de F enceinte du
village existe encore; le canton rural appelé encore auj. «die Bitze»
se trouve du côté opposé et loin du village, près du «grossen Rœdern»
= grands défrichements, et des «Aue» anc. «Og» = prairies, pâturages,
et pourrait bien avoir fait partie du ban d'Ostemdorf ou de celui de
Rentershoffen. «Bitz, bitzen, bûtz», n. fréq. de cantons ruraux et dans
des noms de villages, sur les deux rives du Rhin super. Les uns le
trad. par «busch» (buisson); d'autres par verger; d'autres par jardin
potager. Le mot se rattache aux anc. pâturages, cf. bucetum, bucita
depasta (Varro) ; — bucinobantes,(?) peuple aleman en 371 en face de
Mayence (Am. Marc. 29, 4); — obuotzingeshurst» ou «buozdinges-
hurst» (ctélim. du Mundat infér. vni« siècle), etc. En 1543, l'abbaye de
Wissembourg possédait encore à Schleithal (anc. Schleglerthal =
Juvenesdal?) un grand pâturage ou «AUmen» appelé «die Horst».
(«Horst et Hurst aha.» = contrée buissonneuse.)
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362 REVUE D'ALSACE
din de «Gart-Ursule» jusxju'à celui des «Schmitthansen»;puis,
a en faut à la descente vers le «brach» jusqu'au «Gutenbruch».
Au «Schoflloger» («Schaflager» =place de repos des brebis),
au champ de «Kasten (Gaston?) Keller>;, au gué, dans le «Gras-
weg» jusqu'au champ de Stimp, il faut des haies.
Banlieue cPOherhetschdorf.
De la aHintermatt» près du ban de Niederbetschdorf jus-
qu'au haut du «holgenacker»* qui s'étend jusqu'à la grande
route, il faut des haies.
Il en faut aussi dans la «Bauerugasse» le long du jardin de
George BUrckh et jusqu'en haut à la borne du ban de Schwab-
willer.
Le long du ban de Schwabwiller du jardin de Singen jus-
qu'en haut au aSchwabwillersee» on ne fera plus de clôture
avec des branchages de l'Aspruch, mais on pourra y planter
des haies.
Il faut des haies depuis l'ctAugmatt» et le long du jardin
d'avoine («habergarten») de Thibaud Suner jusqu'en haut au
champ de Georçe Hemsel, dit le jaune, et aux neuf parcelles;
ces neuf parcelles ainsi que le champ transversal (« Abwender»)
de Matter qui y touche et jusqu'en bas au coin, ne doivent
plus être bordés de haies de branchages provenant de
l'Aspruch ; les propriétaires y pourront planter, s'ils veulent,
des haies vives. Puis il faut des haies depuis le coin dudit
champ de Matter jusqu'au champ transversal de Biaise Hemsel;
les haies sèches devant ce dernier champ et le long du «Sultz-
acker» jusqu'en haut au champ transversal de Gerdten-Clauss
doivent à l'avenir faire place à des haies vives; du champ
transversal de Gerdten Nicolas au ban de Reimerswiller il
faut des haies.
^ Auj. probablement «die heiligen acker» = champs sacrés, ou des
saints, cf. cependant oholke» = luzerne introduite au xvi« siècle de
France.
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RÈGL^IIBNTATION D'UNB FORÊT COMMUNALE 363
La clôture derrière le «Hof» (métairie) doit être faite à
Tavenir de perches de chênes ou de fortes planches.
IV
RÈGLEMENT CONCERNANT LES WALDMESTRES
Lorsqu'on comptait mil cinq cent quatre-vingtrneuf, le
8' jour de mai, il y a eu désaccord et différend* entre les
quatre communes et leurs maîtres de forêt assermentés en ce
que depuis plusieurs années de trop grands frais étaient
imputés aux communes ; celles-ci ont alors donné plein pou-
voir à leurs heimbourgues de fixer aux waldmestres un tant
pour frais et gratification, et les heimbourgues ont transmis
ce plein-pouvoir aux personnes suivantes, savoir à
Becht, Jacques, fils de Pierre, de Hatten;
Lohren, Théobald, de Rittershofien ;
Summer, Marzolf, de Niederbetschdorf, et
Reifsteck, Marzolf, d'Oberbetschdorf ;
tous quatre échevins du tribunal, qui, suivant leur opinion et
leur sentiment d'équité, ont arrêté ce qui suit :
1** A l'avenir les waldmestres n'auront plus aucun droit de
vente; si les prix fixés pour le bols à vendre ne leur pa-
raissent pas assez élevés et qu'ils pensent qu'on pourrait en
tirer meilleur parti, ils en préviendront leurs communes
respectives et on partagera par lots;" et chaque commune
pourra vendre son bois quand et aussi cher qu'elle voudra
ou pourra le faire équarrir elle-même.
2* Pour leur séance le jour du décompte^ le waldmestre et
le heimbourgue de chaque village et les valets recevront
(chacun?) quatre schillings stsbg. et pas davantage.
^ «span» et «Irrang».
' «der Gifft nach abtheilen».
• «yfF den rechens Tag hoff».
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I
364 REVUE d'alsace
3' Le jour de décompte une fois arrêté, il faut, pour Tordre,
le maintenir; dans le cas que quelqu'un oubliât un article
quelconque, il en fera la réclamation dans la quinzaine pour
le porter à la charge de la commune.
4° Les waldmestres n'auront plus le droit de dépenser un
grand «Einung» (= 5 livres aux frais des communes) à la foire
de RittershoflFen.
5* Pour leur visite de la glandée chaque waldmestre, le
heimbourgue et les deux valets recevront chacun deux schil-
lings stsbg.
6*" Si les waldmestres et de chaque village un heimbourgue
distribuent les droits (de. glandée), les sept* sont autorisés
d'allouer sur ces droits 16 schillings stsbg. aux pâtres enga-
gés pour l'année 2 et n'imputeront pas d'autres frais aux
communes à ce sujet.
f *" Chaque waldmestre recevra en outre comme récompense
de sa peine deux livres dix schillings et double part de droits
de parcage de porcs dans la forêt à la première glandée qu'il
y aura et que l'on partagera. Par contre il doit, selon son
pouvoir, faire tout ce que lui prescrit le règlement forestal et
la présente ordonnance qu'il promettra par serment de tou-
jours suivre fidèlement.
Celui qui, ayant été désigné pour cet emploi,^ n'exécute pas
le règlement et en néglige les prescriptions, sera privé de
toute jouissance de la forêt; que chacun sache donc bien s'en
garder et songe à son serment.
8* Dans le cas que le waldmestre eût besoin de l'assistance
du heimbourgue, celui-ci doit se mettre à sa disposition et
porter ses propres dépenses en compte à la commune.*
* on les arbitres.
' «80 soUen die Sieben 's recht haben und den Jahrhirten ans disen
rechten zn verzehren geben nâmlich sechzehn schilling stsbgr».
* «und wo (= wann) einer zu solcher sachen gezogen wirdt».
* Les art. 8—12 qui dans le texte n'ont pas de nnméros, paraissent
avoir été {goûtés postérieurement.
Voy. Arch. E. 1864 (liasse) des extraits du «Heimburgerbuch» et des
«Heimburgerrechnangeno des quatre localités.
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RÉGLEMENTATION d'UNE FORÊT COMMUNALE 36Ô
9*" Il revient aussi au waldmestre comme gratification deux
schillings stsbg. que lui paiera celui qu'il sera obligé d'accom-
pagner dans la forêt pour couper du bois de construction si
toutefois il s'agit d'arbres de choix-
10* Touchant les prés des quatre villages, il faut cesser à
l'avenir de les enclore de haies faites de branchages de
TAspruch et suivre les prescriptions de la lettre forestale.
IP Quant aux champs ensemencés, chaque bourgeois des
quatre villages est tenu de les entourer de haies, suivant le
règlement d'ici à la Saint-George (23 avril) où les waldmestres
feront leur tournée d'inspection; pour ce qui est des champs
en jachère, ils doivent être enclos de haies de la présente
Saint-Gall (16 octobre] en un an; chaque année, à l'époque
prescrite, les waldmestres visiteront ces champs et le proprié-
taire qui sera trouvé en défaut au sujet de ces clôtures aura
à payer une amende de quatre schillings. Sur ces amendes les
waldmestres prélèveront ce qu'il leur faut pour se défrayer
convenablement et tiendront compte du reste aux quatre
communes.
12'' Deux voisins dont les champs se touchent de côté ou de
front, ayant une clôture commune, doivent faire en commun
la haie dont l'entretien pendant l'année incombe à celui des
deux dont le champ est ensemencé sous ladite peine.
V
AN: 1601
a) Lorsqu'on comptait mil six cent un, les domestiques de la
vénérable abbesse du couvent de Kônigsbruck* se sont avisés
^ EOnigsbrûck, on comme dit notre document et le dialecte dn pays
aEûn'sprûcku = Regispons, abbaye de filles nobles, de l'ordre de
Citeanx, snr la Snre, à l'extrémité sud-est de l'Aspruch, fondée dans
la première moitié dn xn^ siècle par Frédéric-le-Borgne, f 1147, duc
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366 REVUE D'ALSACE
d'entrer dans l'ancienne rivière dite «Ablossbach» (c'est-à-
dire déversoir ou canal de décharge du moulin du couvent sur
la Surbach) entièrement située sur le territoire des quatre
communes, pour la curer et cela à Tinsu et sans le consen-
tement des quatre communes, ce dont ils n'avaient pas le
droit. En conséquence de quoi les quatre communes ont cité
l'intendant de M""' l'abbesse, Heigell, Gaspard, et avec lui,
David, George, de comparaître sur le «Ruegberg» ou mon-
tagne du tribunal forestier des quatre conmiunes où les vingt
hommes les condamnèrent à une amende exterritoriale (de
cinq livres). Les deux serviteurs qui étaient comparus sur la
montagne ont attendu l'expédition du jugement pour s'arran-
ger et s'acquitter, en présence du vin, avec les heimbourgues
et les waldmestres au sujet de l'amende.
b) Dans la même année six cent-un (= 1601), le gentilhomme
(Junkher) Philippe de Fleckenstein (du château près Rodem)
s'était permis de faire enclore par ses manans (hintersassen)
le arothD ou défrichement d'Apfiell et celui de Diethmann;
les quatre communes l'ayant appris, firent arracher les clô-
tures de ces défrichements ou aRedern», sur quoi «Philips»
de Fleckenstein les fit fermer de nouveau par Schmidt, Nico-
las, et Jacob, Jean, tous deux de (Nieder-)Redern;^ mais
de Sonabe et d'Alsace, père de Frédéric Barberousse, a été pillée et
minée en 1525 par les paysans et complètement détruite dans la RéTO-
Intion. Le conyent de Lichtenthal, près Baden, fondation de notre
abbaye, a offert un asile aux religieuses de Eônigsbrûck, avec tout ce
qu'eUes ont pu sauver en titres, documents, etc. Le hameau de Eônigs*
brûck fait partie du village de Leutenheim, canton de Bischwiller.
^ Les habitants de NiederrOdem, à l'extrémité nord-est de l'Aspruch,
avaient, avec les autres villages environnants, le droit de recueillir
du bois mort, mais non de couper du bois vert, dans PAspruch,
le ch&teau des Fleckenstein, placé dans une fie de la Seltz, sur le
territoire des quatre communes, aujourd'hui banlieue de Hatten,
avait bien ce droit, mais pour ses seuls besoins. Voy. procès de 1511
(ms) des quatre villages contre Nicolas de Fleckenstein. Aujourd'hui le
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RÉGLEMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 367
pendant que ces derniers palissadaient ces «reder» avec des
branchages et des pieux qu'ils avaient clandestinement coupés
(dans PAspruch), ils furent surpris par un forestier des quatre
communes qui les cita (devant le tribunal des amendes) sur
la montagne, où ils se sont arrangés avec le waldmestre et
se sont acquittés de Tamende.
c) Item. — On a trouvé utile d'arrêter aussi que, quand on
charrie du bois de corvée au château (de Hatten), personne
du village chargé de la corvée, ni artisan, ni paysan, ni char-
château appartient à quelques familles de Ménonites, qui de ce chef
sont bourgeois de Hatten.
Pendant la guerre des Linanges-c. Lichtenberg (1451), Henri de
Fleckenstein s'était ade nouveau» approprié de force quelques aRdder»
dans l'Aspruch, lesquels, sur la condamnation prononcée contre lui par
le roi Frédéric IV, il dut abandonner, et, en 1452, il fit la déclaration
écrite que ces «rôder» avaient été reboisés et étaient rentrés, comme de
droit, dans la possession des quatre villages auxquels ils appartenaient.
Voy. Lbhmann, JETanau-XtcAfenderp,!, pp. 285-286. — «roden» et «reuten»
(ariuten, ritten») signifient défricher (runcare, enmcare\ essarter (sarire,
exsaritare); cf. «hereiten^, pr€Bparare, etc. Le terrain défriché se disait :
un «rod», ou «rott» («Rodland»), au pluriel: «die Rôder», ou «das
Gereute, G'rùt, Reit, Ried», etc. cf. en fr. guéret, n. c. et n. de ville;
Neubois^ s'appelait autrefois (an. 1158) Curtis geruta, — In novo twre
quod dicitur rode. — .... Et in mense Jun. hrachareidterum et in
autumno ipmm arare et seminare. Nbuqabt, Cod. dipl. I, n^ 40, p. 43,
afî. 763.
Un grand nombre de villages alsaciens et ail. tirent leur nom de ces
mots «roden» et «reuten», à coup sûr aussi le village en question, de
même que Ober-Rôdem, à six kilomètres plus haut sur la Selz; peut-
être aussi Erôttweiler, anc. Kreitweiler, vulg. 6r&bem ou Erepperen,
entre Nîederrôdem et Trimbachl'anc. Drigenbach, aux trois ruisseaux.
— Le nom de notre village existe sous les deux formes de Rôdem et
Rfldem : Sous l'abbé Hugues (1356) l'abbaye de Selz avait deux fermes
•in terminis ville dicte Rûdern»; la constitution de Selz (1310) dit <zu
Rûdern».
Le nom de ce village n'a donc rien de commun avec le mot «roth»
signifiant ronge, partant rien de commun avec le Rufiana de Ptolémée,
2« ville des Nemètes (Walkenaer); ni avec des fleurs rouges (Migneret,
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368 REVUE D'ALSACE
retier n^aura le droit de façonner les décombres pour son
propre compte le jour de la corvée; mais si le lendemain on
trouve encore quelques pièces de dosse ou d'autres décombres,
on a le droit de les façonner à son gré. Celui qui dédaigne
cet article rompt, s'il est découvert, quatre schillings deniers.
Seuls les forestiers et les waldmestres en jugeront
d) Sur une feuille détachée se trouve la formule du serment
prêté par les employés à leur entrée en fonctions. Elle est
ainsi conçue :
Da88 Ich mein Treiltv gehen hdb Undt mit Wartten
Bescliaiden Un, dem ivill Ich ailes 'Trewlichen Nadi-
kommen. Ails, so schwere Ich dass mir Qott hélffxmi
dos heilig Evangelium»
J'ai donné ma foi, et reçu verbalement mes instruc-
tions, que j'observerai en tout fidèlement; je le jure,
que Dieu me vienne en aide et le saint Evangile.
Bas-Rhiii); ni avec le mot celtique ctRiedern» = pente, que Ini donne
pour origine Mone, G. F. p. 125. On ne connaît pas le nom de l'ancien
village gallo-romain qni parait avoir existé près de là.
A nne lieue au sud de Rôdem il y a toute une contrée de terres-
basses sur les deux rives du Rhin qu'on appelle le «Ried», autrefois
exposée aux inondations du Rhin, d'un terrain en grande partie humide
et graveleux; on l'appelait au M. A. palus; cette désignation dérive
bien plutôt du mot celtique «ryd, rat, red» (cf. AU. %R, I, p. 55 et p. 653),
= trqjectus et auBsi ostia fluminis (cf. «Furdes-feld anc. nom p. Forst-
feld) que de l'ail, «hriod» = oarex.
WxHNERus, Ohserv, jur. pract. contient les mots de «Aeckerriedt et
«Heuried», ce sont des Mches, terrains abandonnés ni prés, ni en labour,
servant ici de p&tis aux bestiaux, caresium {carectum\ là, sous quelques
vieux chênes, de pacage aux porcs; c'est le «rudis ager» ou «campus».
n faut donc bien distinguer entre: «Ried», celt «ryd» = pains;
«Ried» («hriod» = carex\ p&tis ; et «Ried» de «riuten» = «rod» qui an
M. A. «coMW etprtsdiola in sQvis tumter exdsis denotavit»
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KÈGLBMENTATION D'UNE FORÊT COMMUNALE 369
REGISTRE DES 76 ARTiaES DU 1" RÈGLEMENT AN. 1572
Bois de chêne pour maisons à quatre étages (pignons): art. 1®'. —
à trois pignons : 2. — Sans balcon (poutre) : 3. — Grange de quatre
étages : 4. — Grange de trois étages : 5. — Nouvel étage : 6. -- Démoli-
tions : 7. — Etable : 8. — Bois de construction à tirer des abatis : 9. —
Condition et époque de la coupe : 10 et 11. — Chêne pour seuils et
maîtres-poteaux dans les réparations : 12. — Entraits : 13. — Vidanges: 14.
Bois de hêtre : Arbre à lattes: 15. — Etançons, etc.: 16. — Amendes:
17. — Jantes : 18. — Rais, «essen»: 19. — Défense d'en couper à qui
n'est pas charron : 20. — Hêtre pour maie : 21. — Mangeoire : 22 —
Bancs et chaises : 23. — «Deissdrom» ou lambourde : 24. — Echiffre
dHin escalier : 25.
Bois arsins: 26. — Amende: 27. — Fûts: 28. — Tonnelier: 29. —
Exportation d'ustensiles interdite : 30. — Chablis, chêne : 31. — Cha-
blis en général : 32. — Arbres secs : 33.
Branchages et gaiiles : 34. — Défense de couper des tiges pour piquets :
35. — Pour échaliers : 36. — Epine blanche : 37. — Harts : 38. —
Amende : 39. — Bornes et bois en défends : 40. — Défense d'exporter
gaules et branchages: 41. — Ainsi que du bois de feu et de construc-
tion: 42. — Forêt interdite à la voiture d'un étranger: 43. — A ses
bâtes : 44. — Et au dépôt de bois étrangers : 45. — Clôture de la pro-
priété : 46. — Clayonnage et bousillage :47. — Vente de pieds d'arbres : 48.
— Amendes : pour charrois de chêne : 49. — De hêtre : 50. — Etrangers
et outre-passes: 51. — Cueillette : 52, — Comptes et salaires des maîtres
de forêt: 53. — Consolidation des chemins : 54. — Amendes : en glandée
et en pâturage : 55 et 56. — Décombres du bois coupé pour travaux
publics: 57. — Prohibition de couper du pin ou du hêtre pour feu: 58.
— Jantes de moulin: 59. — Défense d'appointer dans la forêt des
piquets : 60. — Prohibition de couper déjeunes hêtres pour le château:61.
— Clôtures le long des champs : 62. — Défense de couper du bois pour
charbons : 63. — Les forgerons carboniseront leur bois étranger sur
l'aAllmemo : 64. — Entretien et inspection des bâtiments: 65. — Un
pot de vin : 66.
Parcage : 67. — Achats de porcs : 68. — D'une truie : 69.
Bourgeois : surveillance : 70. — Promesse (de l'exercer) des nouveaux
bourgeois : 71. — Chêne à planter par chacun d'eux : 72. — Bois pour
pasteur ou curé et bedeau : 73. — Tribunal des amendes des vingt sur
la montagne : 74.
Décombres du bois de construction : 75. —
Le no 76, sur la fougère ou la fane, manque dans le Registre.
(Fin du 2« Document)
D. HtiCKEL.
Nouvelle Série. — 11- année. 24
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LinERATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINE
BAVARDAGES
DE
lESDUES-IES-GOOH DE STMSBOi;
entremêlés de quelques autres
COMMÉRAGES ALSACIENS
Suite'
XII
EHRENFRIED STŒBER
L'ENFANT-MONSTRE
Conte de Gbllbbt, localisé et dramatisé par Ehsenfbibd Stœbbb
I
Suseb&rwel et Grételéiie'
S.-B.
Vous n'emmenez personne. Où donc, dites, cousine,
Allez-vous de ce pas?
G.-L.
De chez notre voisine
^ Voir les livraisons des 1«' et 2« trimestres 1882.
' Suzanne-Barbe et Marguerite-Madeleine.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINE 371
Je sors, pensez! qui vient d'accoucher d'un enfant,
Le septième déjà! *
S.-B.
Pas plus que ça! Pourtant
En des temps si mauvais elle pourrait bien faire
De toute autre besogne. On s'étonne vraiment
Que chez un tas de gens si pauvres la soupière
Fumeencor!
G.-L.
Je l'avoue, et chez eux la misère
Las! redouble en ce jour. Un enfant! quel enfant!
Si j'en devais avoir avec marques pareilles,
J'aimerais mieux rester sans en avoir aucun.
S.-B.
Mais comment donc est-il?
G.-L.
L'enfant a des oreilles
De lièvre. Pourquoi donc? En temps inopportun
La femme eut peur d'un lièvre auprès d'une brousaille
Du bois de Robertsau. De nos jours on se raille
De bien des choses. Mais on ferait pourtant mieux
De croire encore tout ce qu'ont cru nos aïeux :
Au moins c'est mon avis!
S.B.
Ça paraît incroyable.
Voudriez-Yous me faire avaler un poisson
D^avril.
G.-L.
Cousine, non! la chose est véritable!
Mais gardez-la pour vous.
S.-B.
Vous pouvez, sans façon,
Compter sur moi, cousine. Eh! suis-je une crécelle,
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372 REVUE d'ai^ace
Une bavai'de enfin? Je n'en dirai, ma belle,
• Ni soufflerai le mot. Pardon, je vais entrer
Chez notre serrurier qui doit me réparer
La rôtissoire, qui grâce à notre a&eux Jacque,
Ce gamin, ce vaurien, se casse et se détraque.
II
Snseb&rwel. La sermrière
S.-B.
Oh! que ça vous étonne! il n'en est pas moins sûr
Que l'enfant est bien laid. Des oreilles de lièvre.
Avec des poils autour du nez et de la lèvre.
S.
Ah! que Dieu me pardonne!
S.-B.
Eh! que dit sur le mur
De l'église là-bas ce grand cadran solaire?
Midi!
S.
C'est vrai, ma foi! Puis il n'avance guère
Sur la cloche.
S.-B.
Le temps s'en va vite, ma foi!
Mes quatre heures déjà que j'ai quitté chez moi,
Et je croirais vraiment que ce n'est qu'un quart d'heure.
Pauvre enfant! Je m'en vais regagner ma demeure.
III
Efttliel. Chiistiiiel
K.
Le grand malheur, o ciel! as-tu vu le petit
Des Werner ? Pauvre enfant ayant tête de lièvre,
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINB 873
Avec un corps poilu, les pattes d'une chèvre.
Ch.
Oui! ce matin quelqu'un me Tavait déjà dit
Peut-on le voir?
K.
Oh non ! des dames d'importance,
Aux paroles de qui je mets ma confiance,
L'ont vu. Pour moi je vous rapporte leur récit!
IV
Heyel.' La dame du pasteur
M.
Le boiyour de la part de madame, du mattre.
Dimanche ils aimeraient présenter leur enfant
Au baptême.
D. DU P.
Fi donc ! Prendriez-vous peut-être
Mon mari pour un homme assez accommodant
Pour baptiser un monstre avec une crinière
De sanglier?...
M.
Mais non! calmez votre colère.
V
Dame Wemer et Heyel
W.
Ça va de bouche en bouche. Et maître et serviteur,
Tout en plaignant l'enfant, colportent son malheur.
' Marie.
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374 REVUE D*ALSACB
Qu'y a-t-il donc de vrai, moi je vous le demande,
Dans toute cette histoire? Il a quelques cheveux.
Comme d'autres enfants, ToreiUe un peu plus grande.
Et de ça Ton vous fait bientôt un monstre afireux !
*
VI
Voilà le beau travail de ces mauvaises langues
Qui s'en vont en tous lieux colporter leurs harangues.
Une seule en produit beaucoup en peu de temps.
Qui voudrait changer ça? — Toujours les médisants
De petits moucherons feront des éléphants.
Rioz, 24 mars 1881.
Ce conte de Gellert a beanconp gagné d'être mis ions la forme dra-
matique qne Eh. Stœber Ini a donnée. Puisse ma traduction ne pas trop
lui faire perdre. Ch. B.
LE MEILLEUR DES MONDES
Réjouissez-vous, braves gens,
Nous vivons dans de bien bons temps.
Dans Page d'or, au Paradis !
Chacun, bon, modeste et soumis
Au devoir, à la probité,
Exerce encor la charité.
Montrez donc un enfant boudeur.
Chacun ne songe qu'au bonheur
De ses parents, obéissant
Au premier mot. Devient-il grand
Au père il complaira toujours.
Fille jamais n'aura d'amours.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'aLSACE-LORRAINE 375
Où voit-on femmes se parer,
Ou leurs maris les rembarrer?
Où voit-on des soldats brutaux?
Ou bien des marchands déloyaux?
Ou bien des docteurs charlatans?
Des bavardes perdant leur temps ?
Jamais plus d'avocats menteurs,
Et, même les prédicateurs
Ne prêchent que la vérité.
Partout justice et probité !
Non! nul joueur ne triche plus.
Tout prince abolit les abus.
Aucun paysan n'est grossier.
Je voudrais partout publier
Notre bonheur! Eh quoi! comment!
Pourquoi donc cet étonnement?
Ne froncez pas tant le sourcil :
Nous sommes au premier avril.
Rioz, le 23 juillet 1881.
LE CHEVAL A TROIS JAMBES
Superstition strasbonrgeoise
Si chaque Strasbourgeois connaît
Le cheval à trois jambes,
Aucun d'eux, j'en suis sûr, ne sait
Ni ses façons ingambes,
Ni ses farces. Si vous voulez.
Ecoutez-moi, vous connaîtrez
Le cheval à trois jambes.
Fritz, le garçon du serrurier
Sur la Petite Place,
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376 REVUE d'alsace
Savait chanter, sauter, crier,
Et, sans laisser de trace.
Au lieu de marcher, sautillait,
De sorte qu'on ne l'appelait
Que cheval à trois jambes.
Il meurt. On l'enterre à Saint-Gall,
Au ciel s'en va son âme.
Il dit: «Vous serait-il égal,
(A moins qu'on ne réclame !)
Portier du ciel, de me laisser
Descendre un peu pour m'amuser
En cheval à trois jambes?»
Tout d'abord Pierre ne veut rien
Entendre et dit: «Berulciueî
Petit farceur! je vois trop bien
Que tu ferais la nique
Aux peureux que le moindi-e bruit
Fait crier au spectre, à l'esprit,
Au cheval à trois jambes.»
Fritz continue à supplier
En disant: «Je m'engage
A ne troubler et n'effrayer
Que les méchants. Le sage,
Je promets de le respecter.»
Pierre finit par contenter
Le cheval à trois jambes.
Et mon Fritz descend doucement
Un beau soir de dimanche
Dans la ville où la neige étend
Comme une nappe blanche.
Et Fritz bondit, fait maint bon tour,
Depuis dix heures jusqu'au jour,
En cheval h trois jambes.
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LITTÉAATURE POPULAIRE DE L'ALSAŒ-LORRAINB 377
Dans son traîneau voyez ce vieux
Avare, autant que riche.
Mon Fritz se dit : «Il ferait mieux
De se montrer moins chiche !
Plus généreux!» Il va heurter
Le traîneau, qu'il fait culbuter :
Bien! cheval à trois jambes!
Un soir, ruelle du Savon, ^
Voyant par la fenêtre
Monter des voleurs, il dit : «Bon !
Je ferai disparaître
L'échelle!» D la renverse et fait
Saisir les voleurs au collet !
Bien ! cheval à trois jambes !
Pour la prière du matin
Déjà la cloche sonne.
Gros livre de prière en main
Voyez cette personne
Traverser le pont Saint-Thomas.
Eh bien! que vois-je donc là-bas?
Le cheval à trois jambes.
Il court et va pousser le bras
De la vieille usurière,
(Car c'en est une) et fait, . . . hélas !. . .
Tomber dans la rivière
Le livre pieux qui contenait
Des billets auxquels on tenait :
Bien ! cheval à trois jambes!
Si tard avec un officier,
Qui donc fait l'empressée V
Du jeune fils d'un menuisier
La belle fiancée.
Malgré ses cheveux bien nattés
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378 REVUE D'ALSACE
Punis ses infidélités,
Viens, cheval à trois jambes !
U vient en effet. Sur le dos
Il la prend et démarre,
La jetant bas, bien à propos.
Au milieu d'une mare.
Cela lui calme son ardeur.
Que tu fais bien, petit farceur
De cheval à trois jambes!
Pierre, en voyant cet exploit, rit
A se tenir le ventre :
«On fait très bien quand on punit
Les méchants,» dit-il, «rentre
Au Paradis, chez les élus!»
Depuis ce temps on ne voit plus
Le cheval à trois jambes.
Haguenau, le 8 octobre 1880.
MA PRÉFÉRÉE
Tes grâces, tu sais bien les faire
Admirer, c'est un fait!
Aussi, crois-le, je te préfère
A Lise ainsi qu'à KaBth;
Car Kseth et Lise,
Et Lise et Kœth
Ont belle figure et teint net
Et gracieuse mise.
Mais bien moins aimable manière
Et ne font pas de bonds
Comme toi. Tu m'es donc plus chère,
Ma chatte aux doux ronrons !
Haguenau, 13 octobre 1880.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'A(£ACB-L0RRAINB 379
DAME BUCHLER
ou la femme malade
Fst!. . . Venez donc entendre une très belle histoire
De Madame Bûchler! Et vous pouvez la croire
Véritable en tous points. Mais ne dites jamais
De qui vous la tenez. Sa servante l'a dite
A la mienne, cousine, et vous pouvez, par suite,
La croire : les détails, les moindres, en sont vrais !
Vous connaissez la dame, et savez qu'elle est belle
Et platt à son mari Vous savez même qu'elle
Plaît à d'autres encor. Cette dame Bûchler,
Il n'y a pas longtemps, se trouvait en visite
Où l'on prend du café, l'on rit, l'on en débite
Contre tous les voisins. Elle avait très bon air
Et se portait fort bien. Soudain une faiblesse
La saisit au moment où sa voisine entrait
Dans la même maison. Elle se lève et fait
Ses salutations, va chez elle, s'affaisse
Et s'alite aussitôt. La servante, aux abois,
Se dit: «Qu'a donc Madame? Elle se meurt, je crois!»
Mais, au lieu de répondre, elle se met à geindre,
Et la bonne voit bien qu'il y a lieu de craindre
Une crise de nerfs, des crampes. Jour fatal!
Monsieur est au comptoir. La servante l'appelle
Aussitôt Promptement il arrive auprès d'elle
Et dit : «Mon cher enfant, dis-moi quel est ton mal?»
~ «Embrasse-moi, dit-elle, o mon cher, mon trésor!
Que j'ai mal! près de moi que l'on ramène encor
Mon fils, mon petit Fritz, afin que je le voie
Pour la dernière fois. Que j'ai mal! Promptement
Je sens venir ma fin !» Notre homme s'apitoie.
Il se frotte le front, il pâlit. Justement
Un compère était là qui par la Syfnpathie
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380 REVUE O' ALSACE
De la dame voulut guérir la maladie.
Mais le mari refuse et mande incontinent
Un docteur. Comme il souifire! ah! quel afireux tounnent!
Il est sur des charbons, il tremble, il s'inquiète!
Le docteur se présente : un homme comme il faut
Il va tâter le pouls, écrit une recette.
Dit: € C'est une boisson dedans un petit pot,
Vous la lui ferez prendre. Elle a la scarlatine!»
Vient le troisième jour! On regarde, examine :
Point de taches du tout ! C'était donc une erreur!
Ailleurs était le mal ! Mais un nouveau docteur
Arrive, et prétend lui, que c'est, sans aucun doute,
Un rhumatisme aigu, peut-être encor la goutte,
Et puis prenant un air solennel et savant
Notre docteur lui fait prendre un électuaire.
Mais la femme, malgré tout ce qu'on put lui faire
Avaler, s'affaiblit, va toujours plus avant
Vers la mort !... « Hola ! ho î • — « Qui donc frappe à la porte?
Entrez!. . . C'est le tailleur! Bock! Est-<îe qu'il apporte
Ma robe de cercueil?» — «Ah! Madame Bûchler !
M'en garde le bon Dieu ! Je vous apporte un fier
Costume ! Maintenant tout le beau monde en porte :
Un beau manteau lilas avec un capuchon.
Voulez-vous que je vous en fasse un de la sorte?
«Commandez!» — «Maître Bock, je suis à moitié morte!
Que pensez-vous? C'en est un comme ce torchon,
La voisine, en avait, lorsque, dans ma visite
Je me trouvais si mal! Le monstre! Ça m'irrite!
Ah! le mal me reprend! Soulève-moi, mon cher;
Encore un petit peu! Viens aider, Catherine.
C'est un joli travail, et, plus je l'examine,
Plus je le trouve beau! Quelle façon divine!
Mais c'est trop cher pour moi!» Ce bon Monsieur Bûchler
Qui, vous me le croirez, est bien le plus brave homme,
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE l'AI^ACE- LORRAINE 881
Lui dit: «Moi, je ne veux regarder à la somme !
Tu Tauras, ce manteau! Mais guéris vitement!»
Dame Bûchler rougit Elle devient aimable,
Elle n'est plus malade, et d'une voix affable
EUe dit: «Maître Bock, aidez-moi seulement
A l'essayer!» Il va. Qu'arrive-t-ilV La dame
Guérit, grâce au manteau. . . Bonne dame Bûchler !. . .
Profitez, bons maris, de l'histoire. Il est clair,
Quand il est question de guérir votre femme,
Que le mal qui résiste aux soins d'un bon docteur
Bien souvent peut guérir par les soins du tailleur.
Rioz, 25 juillet 1881.
L'ALSACIEN
s\ar la catiiédrale de Strasbourg
Voyez-vous ces campagnes
Fertiles, et les hauts
Sommets de nos montagnes.
Les villes, les hameaux?
De quel point que j'admire
L'Alsace, je ne puis
Que dire et que redire :
Qu'il est beau, mon pays !
Quand il quitte la Suisse,
Pays libre, le Rhin
Par maint tlot se glisse.
Et marche d'un bon train!
Et la fertile Alsace
S'étend devant nos yeux.
Quel pays ! quelle race
De gens laborieux !
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382 REVUE D*ALSACE
Voyez comme à l'ouvrage
Tout fourmille, au hameau,
Ala ville, au village!
N'est-ce pas que c'est beau?
Ici Ton fait des gerbes,
Là vend l'épicier!
Là des soldats superbes,
Plus loin maint ouvrier.
Vois riU qui se promène
Comme un ruban d'argent
A travers son domaine,
Notre pays charmant.
Elle traverse, admire,
Prés verts, champs plantureux,
Et la vigne se mire
Dans ses jolis yeux bleus.
Et les Vosges présentent
Leurs vallons, leurs sommets.
Et de gais oiseaux chantent
A l'ombre des forêts.
Que la montagne est belle !
Vois ce rocher si fier
Qui dans son sein recèle.
Pour nous servir, du fer.
Les Vosges gigantesques
Présentent en longs rangs,
En files pittoresques
Leurs énormes enfants.
Du Ballon,* à leur tête.
On voit le grand contour,
^ L'ancienne dénomination est B&ch^ qui peut se décomposer en
Bel = Belenus = Bal, dien dn soleil, et leach, lieu, endroit; signifie
lieu consacré à Bel, dieu da soleil.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSAGE-LORRAINB
Et Taigle sur sa crête
Niche avec le vautour.
Puis on voit une fille,
Bonne et d'un cœur pieux,
Qui de sapins s'habille.
De rochers sourcilleux.
Son nom est sainte Odile.
Pour la voir, villageois,
Habitants de la ville
Traversent plaine et bois.
L'on voit mainte merveille
De Huningue à Landau.
Prêtez-moi tous l'oreille :
J'en chante le tableau.
Mulhouse, tes richesses,
Tu les as justement,
Car tu grandis, progresses.
Par un travail constant
Ce beau Colmar m'attire.
Mais je suis surtout pris
Quand je lis et j'admire,
Grand Pfeffel, tes écrits.
Versons du vin pour boire,
Pfeflel, et de tout cœur.
Tous ensemble, à ta gloire :
Car tu fus notre honneur!
Vers Sélestad s'élance
Mon regard. Mais il faut,
En toute diligence.
Ne lui dire qu'un mot.
Il le faut, le temps presse,
Car le soleil poursuit
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384 REVUE D*ALSACE
Sa route, et puis s'abaisse
Pour amener la nuit
Strasbourg, ma chère et bonne
Cité, je viderais
A ta santé ma tonne,
Jamais je ne croirais
Trop faire ! Qu'on m'indique
Les villes où chacun,
Riche et pauvre, s'applique
Pour l'intérêt commun.
Nos antiques histoires
Nous l'ont bien raconté!
Strasbourg, par des victoires
Gagna sa liberté.'
Prenant souvent l'avance,
Notre cité toujours
Aux arts, à la science
Prodigua ses amours.
Puis mon regard embrasse,
Haguenau, tes forêts,
Et mon œil se délasse
Sur leur feuillage épais.
Je vois mainte prairie
Et termine mon tour
En t'admirant, jolie
Ville de Wissembourg.
Je vois l'onde limpide
D'un ruisseau^ qui, là-bas,
^ Allusion à la bataille de Hausbergen qui délivra les Strasbourgeois
du joug de leur évéque Walther de Geroldseck.
' Le texte porte :
De la Queich qui, là-bas,. . •
mais la phrase s'appliquant aujourd'hui mieux à la Lauter, nous aTons
préféré une traduction qui laisse la chose indécise.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L' ALSACE- LORRAINE 385
Par son courant rapide
Doit arrêter nos pas.
Je quitte donc ma place,
Vide mon verre, et dis :
Vive ma chère Alsace!
Vive mon beau pays !
Bioz, le 5 août 1881.
XIII
CHARLES-FRÉD. HARTMANN
EN ROUTE VERS LA TASSE DE CAFÉ AU LAIT
Ah! bonjour! ma chère,
Que voulez-vous faire ?
De vous voir me cause un grand plaisir!
— Mon mal me harasse,
Je vais, d'une tasse
De café, tâcher de me guérir!
— Attendez, car j'entre
Avec vous. Mon ventre
Me fait mal, et je sens sur le cœur
Une grosse masse
De plomb, qui le glace :
Ce que c'est de vieillir, belle-sœur!
— C'est qu'on se surmène!
De travail, de peine
Nous avons eu notre portion.
Mais l'on s'en délasse
Avec une tasse
De café, pour consolation.
Noayelle Série. — 11-* année. 25
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386 REVUE D'ALSACE
— Laissons cette rue :
J'ai peur d'être vue.
Si tu veux nous tournerons le coin,*
Pour qu'on n'en jacasse!
Et puis une tasse
Vaut mieux, prise loin de tout témoin!
Kioz, le 18 mars 1881.
RIBOTTE DE CAFÉ AU LAIT
C'était très bon ma belle sœur
Adieu! — Ne partez pas si vite.
Deux heures ! je tiens au bonheur
D'être avec vous, et j'en profite!
— Vous parlez bien! pendant ce temps
S'il me venait quelque pratique!
L'on n'a déjà trop de chalands!
Si l'on volait dans ma boutique!
Et puis, si mon vieux l'apprenait :
Vous connaissez trop ses manières.
— Eh bien donc, on lui répondrait
Far des façons non moins grossières.
— Que vous avez bien raison, vous!
Et que nous avons tort de craindre!
L'homme fait ce qu'il veut, et nous,
Nous n'osons même pas nous plaindre.
' Le coin de la me de la Lanterne. Hartmann demenrait sons les
Arcades et connaissait les aUnres et habitudes des marchandes des
petites hoatiqnes qni aimaient aller se régaler de café an lait dans une
petite salle de derrière du Café de la Lanterne.
jI" Digitizedby V:iOOQIC
LITTÉRATURE POPULAIRE DE L* ALSACE-LORRAINE 387
Car rhomme ne connaît de frein.
U sait trop bien remplir son verre,
Et le vider, quand il est plein,
Jusqu'à ce qu'il tombe par terre!
U ne veut économiser
Qu'aux seuls dépens de notre bouche,
Et dès qu'il nous voit infuser
Du café, comme il s'effarouche!
Pour le mien, il n'est pas méchant,
Et j'en prends sans qu'il ne proteste.
Le café?. . C'est notre agrément
Unique! D faut donc qu'il nous reste.
Il en est d'autres qu'on peut voir
En prendre la journée entière
Chez elles, du matin au soir.
Faisant bouillir la cafetière.
— Bravo! c'est bien la vérité.
La bonne!. . Apportez une tasse,
Car je vais boire à la santé
De celle-ci!. . Grand bien vous fasse!
— Grand bien ! . . . La bonne, apportez-nous
Des tasses. Complétons la fête,
Et vous, Madame, payez-vous
Les pains pour faire la trempette?
Rioz, le 30 mars 1881.
CONSOLATION
AiB : C'est l'amour, l'amour, l'amour 1
Tais-toi! je ne comprends pas
Tes larmes,
Tes alarmes!
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388 RBVUB d'alsacs
Et pourquoi, comme les chats,
Te hérisser, hélas?
On t'a juré d'être fidèle,
L'on te quitte lâchement
Pour courtiser une autre belle,
Va, n'en pleure pas autant!
Car, quand on est jolie
On trouve aisément mieux!
Tais-toi donc, c'est folie
De tant rougir tes yeux!
Il vaut beaucoup mieux rester
Plus belle,
Moins fidèle!
Un amant veut te quitter :
Pourquoi le regretter?
Fallait me voir, quand j'étais fille.
Je savais morigéner
Et bien arranger maint bon drille:
Je n'aimais pas me gêner.
Quand l'un d'eux faisait mine
De ne plus bien vouloir.
Loin d'en être chagrine,
Je lui disais : «Bonsoir !
« Va-t'en donc d'un plus grand pas :
«Un autre
«Bon apôtre
«Fera bien moins d'embarras!
«Va-t'en! ne reviens pas!»
Tu fus trop jalouse et tenace.
Oui, c'est vrai, tu le fus trop,
Et, le couvercle, s'il le casse
C'est toi qui cassas le pot
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'AI^AGE-LORRAINE
Et puis, chose terrible!
Nous devons leur céder!
Us ont, d'après la Bible,
Le droit de commander.
Quoi ! tu vois que tu n'y peux
Rien faire!
Cette affaire
N'en pouvant pas tourner mieux,
Ne rougis plus tes yeux!
Haguenau, 9 juin 1881.
CARNAVAL
Vous dites, ma cousine.
Qu'on avait remarqué
Ma Lise, ma gamine,
La nuit, au bal masqué.
Et votre fils, en Roxelane
L'aurait fait danser! Dieu la damne!
Ma Lise me leurrer !
Ma gamine en sultane!
C'est à désespérer.
Au soir cette canaille
Me dit encor ces mots :
•Je peine, je travaille
«Et j'aspire au repos
«De la nuit!» Je dis: «Sur l'oreille
«Mets-toi donc, ma fille, et sommeille.»
Pouvais-je le penser?
Le diable la réveille
Pour l'emmener danser!
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390 REVUE d'alsacb
Oh oui! je désespère!
C'est un affreux tourment!
Et, le pis de l'affaire
J'y pense seulement :
Ce n'est pas seule qu'une dame
Pénètre au bal. Vieillard ni femme
Ne fut son conducteur.
Peut-être, chose infâme !
Eut-elle un séducteur?
Fiez-vous donc aux filles
Lorsque celles qu'on croit
Si braves et gentilles
Font un pareil exploit!
A peine au sortir de l'enfance,
Braver morale et bienséance
Pour s'en aller au bal!
En sultane!!.. A la danse!!!
Je vais m'en trouver mal !
Rioz, 25 février 1881.
CANCANS SUR LES CANCANIERS
Tous ces bavardages,
Tous ces clabaudages,
Qu'ils ont déjà fait de mal, vraiment!
Plus d'une vipère
Aimerait mieux faire
Des cancans, que gagner de l'argent.
Celle au doux langage
Dit que mon ménage
Disparaît dessous la saleté,
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE^ l'ALSACE-LORRAINB 391
Allant jusqu'à dire
Qu'on pourrait écrire
Sur les vitres ! Quelle fausseté !
Et puis la Thérèse
Dit que cousin Biaise
Pour nous tous est mort bien à propos,
Que notre ménage
Sans cet héritage
De marcher aurait eu bien des maux !
Qu'on fouette et fouaille
Pareille canaille
Qui dit que nous l'allions tourmenter,
Employant sans cesse
Menace et caresse
Le forçant de nous faire hériter!
— Oh! pourquoi tant geindre?
Laissez-moi me plaindre,
Moi qui connais tous ces médisants,
Dignes delà corde,
Semant la discorde.
Divisant les amis, les parents !
Me faut-il apprendre
Telle vient prétendre
Que j'ai dit que dame Letscher boit
Et puis, que son homme
Juste arrivait comme,
Avec un autre, en certain endroit. . .
Je me tais! silence!
Mais ! quelle impudence !
La femme Knœpfelberger prétend,
A faux! que mes filles
Sont bien trop gentilles.
Que chacune a son étudiant!
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392 REVUE D'ALSACE
Grand Dieu! si mon frère
Apprenait Taflaire,
Comme il jurerait! j'en ai grand peur!
Chose abominable!
Qui donc est capable?
Qui donc? D'inventer pareille horreur?
Pour y mettre entrave,
Il faudrait qu'on pave
De baillons ces outils à cancans !
Il faudrait qu'on fouette
Vipère ou chouette
Inventant des bruits aussi méchants.
Qu'on ne me regarde
Comme une bavarde :
Je ne le voudrais pas pour cent francs.
Mais on peut redire :
Cela ne peut nuire,
Il faut bien causer de temps en temps.
Rioz, 26 février 1881.
MADAME SURPF*
calqué avec le crayon strasbourgeois sur aDame Schnips^i^
de G.-A. BtlRQER.
Avalant son huitième pain
Dans sa sixième tasse.
Madame Surpf décède enfin,
Tombant raide sur place
* Le nom de Surpf est nne onomatopée rendant le bruit qu'on fait en
avalant du café au lait et le pain qui y trempe, par une aspiration
aidée de certains mouvements des lèvres et de la langue.
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Gpogle
LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINE 393
0 roi de la terre et des cieux,
Prends pitié de son âme,
Dans le séjour des bienheureux
Fais pénétrer la dame.
Aussitôt après le trépas
Commence le voyage.
Elle abandonne son repas
Et traverse un nuage.
Puis, à la nuque se grattant,
Se léchant la babine,
Aux portes du ciel, elle attend,
Faisant maligne mine.
— Qui donc, dit Adam, par ses cris
Nous trouble de la sorte?
— «C'est dame Surpf. Du paradis
«Ouvrez lui donc la porte!»
— A ton café, bavarde ! Ici
L'on ne veut de gourmande.
— «Eh bien! cher grand papa ! merci!
«Je suis un peu friande :
«C'est vrai! mais ne le fus-tu pas,
«Quand tu mangeas la pomme?
«Livrant aux péchés, au trépas,
«Tous les enfants de l'homme?
«T'y voici bien! J'y puis entrer,
«Monsieur Limondeterre!»
Adam dit : Faut me retirer
Devant cette mégère.
Allons, lui dit Jacob, ne fais
Pas autant de grabuge :
— «Tiens! tiens! c'est toi qui si bien sais
« User de subterfuge ?
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394 REVUE d'alsace
«Toi qui, sous la peau de chevreau
«A ton père escamotes
tLa bénédiction? C'est beau
«De tirer des carottes?»
Le pauvre Jacob, aplati,
Renonce à sa démarche.
Mais Loth arrive et prend parti
Pour le grand patriarche.
— «Comment! c'est toi! toi, l'homme saint
«De Sodome et Gomorre.
«Tes vertus? Etait-ce bon teint?
«Pour moi j'en doute encore.
«Devant ses filles se griser
«Ah! quel affreux scandale !
«Et puis ne va pas t'aviser
«De parler de morale!»
Ah ! qu'elle vient de bien taper
Au milieu de la tête
Du clou! Craignant la voir frapper
Loth va battre en retraite!
Lors, de le tirer d'embarras
Judith prend la corvée.
«Ta main, mamzelle Tête-à-bas,
«Est-elle donc lavée?»
A ces mots Judith reste coi
Et ne sait plus que dire.
Mais alors vient David, le roi,
Espérant reconduire :
Va-t'en de ces lieux! Dans l'enfer
Rends-toi d'une eiyambée.
— «Serais-tu si méchant et fier
«Si c'était Bethsabée?
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSAGE-LORRAINE 395
«Raconte-moi, comment l'eus-tu,
«Cette agréable épouse?
«Va, de pareils traits de vertu
«Je ne suis pas jalouse !»
Salomon dit: Elle a pinte !
Chassez donc la mégère
Qui s'attaque à la Majesté
Royale de mon père.
— «Voyez-vous ça? Vos Majestés
«N'étaient guère honorables,
«Car que de traits on a cités
«De vous, vraiment pendables!
«A sept cents femmes tu joignis
«Tes trois cents concubines.
« Tes habitudes, m'est avis,
«Etaient par trop badines.
«Tu fis, au déclin de tes ans,
«De fameuses écoles,
«Puisqu'on te vit oflrir l'encens
«A de vaines idoles!»
Jonas vient et veut l'écraser !
Vaine est la tentative.
— «Toi! fais donc, pour prophétiser,
«Un voyage à Ninive!»
Puis, à Thomas disant son fait :
«Est-ce une grande gloire,
«Pour un apôtre si parfait,
«De tâter s'il veut croire?»
Mais voici le tour maintenant
De sainte Madeleine
Qui lui dit : Cessez donc, vraiment
Vous êtes trop sans gêne!
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396 REVUE d'alsacb
D'entrer chez nous, avec fracas
Vous faites la demande,
Mais vous vous montriez là-bas
Trop poissarde et gourmande!
«Et toi? Comment t'y montras-tu?
«Voudrais-tu me l'apprendre?
«Obtins-tu le prix de vertu?
«Ne fus-tu pas trop tendre ?
«Tu n'eus pas, nous ont dit les vieux,
«La bonne renommée,
«Tu sais bien, celle qui vaut mieux
«Que ceinture dorée!
«Dieu, touché de ton repentir,
«T'accorda sa clémence:
«Eh! moi qui veux me convertir,
«J'espère même chance!»
Saint Paul lui dit alors : C'est bon!
Qui voudrait introduire
Au Paradis un vrai dragon
Qui ne sait que médire?
— «Un dragon !.. tu le fus bien, toi
«Lorsque Ta Violence
«Vint persécuter notre foi
«Aux jours de sa naissance!»
~ Madame, allons ! un peu plus bas,
Lui dit alors saint Pierre.
Croyez-vous prendre vos ébats
Avec une commère.
— «Ma foi non ! je ne le crois pas,
«Mais je sais, et m'en vante,
«Sans éprouver nul embarras,
«Entendre un coq qui chante!»
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAME 397
Elle dit. Mais ses yeux perdant
Alors ses derniers voiles.
Le fils de Dieu, resplendissant,
Paraît dans les étoiles.
Elle a peur, voudrait se sauver,
Puis, couvrant sa paupière
De sa main : «Viens me préserver,
«Seigneur, de ta colère !
«Oui! j'ai partagé tous les torts
«De notre humaine engeance
«Envers toi! Grands sont tes trésors
«De divine indulgence!
«N'est-il pas digne de pardon
• Mon repentir sincère?
«Tu pardonnas au bon larron,
«Quand il quitta la terre,
«L'on voit un père à son enfant
«Prodigue faire grâce!
« Est-il un méfait assez grand
«Que ta bonté n'efface.»
Le bon Dieu dit à ses élus :
Ouvrez-lui donc la porte.
Mais toi, de mes saints ne va plus
Médire de la sorte.
*
*
Ami lecteur, viens et dis- nous:
Ton manteau charitable
Est-il assez grand et sans trous
Pour couvrir notre fable
Et pour t'en cacher les défauts ?
Viens alors, et l'étalé!
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REVUE D'ALSACE
Dessous le décousu des mots
Se cache une morale
Que tu sauras bien établir.
L'on voit dans PEcriture
Maint précepte pour ennoblir
Notre humaine nature.
Elle nous dit: «Qui veut juger
«A son tour devra l'être.
«Toi-même ne dois rien venger :
«Dieu seul est notre mattre !>
Rioz, 24 février 1881.
LICENCIÉS*
1834
Rompez tos rangs t marche I
Que faut-il dire, je ne sais!
L'on aurait tant à dire!
Les uns s'en plaignent très fort, mais
D'autres ne font qu'en rire.
C'est vrai, nous femmes, nous trouvions
Dans ce fameux potage
Le plus de cheveux. Nous faisions
Maint fatigant ouvrage.
^ En 1830, la garde nationale ressuscita à Strasbourg comme dans le
reste de la France, avec la réyolution de Juillet. Elle avait salué avec
enthousiasme le «roi-citoyen», lorsqu'il avait visité PÂlsace en juin 1831.
Mais peu à peu l'esprit d'opposition poussa de telles racines dans son
sein, qu'en 1834 le gouvernement prononça sa dissolution.
Hartmann était à cette époque sergent de voltigeurs très populaire
parmi ses compagnons d'armes.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'aLSACE-I^RRAINE 399
Nous avions peur quand on parlait
De marche militaire.
Chacune de nous avalait
Son compte de poussière!
«Avec du papier* dérouillons
«Ce fusil par trop terne!
«De la cire ! un feu de charbons
«Pour polir la giberne!
«Corne de cerf pour les boutons!
«De la terre de pipe!
«Du tripoli! Ma femme, allons!
«As-tu lavé mes nippes?»
Mon homme! comme il s'échauifait,
Quand pour une revue,
Il salissait plancher, bufiet,
Pour soigner sa tenue.
Et puis quand le rappel battait,
L'appelant sous les armes,
Quand alors tout n'était pas prêt,
0 scènes ! o vacarmes !
Quel bruit cet homme vous faisait !
C'était vraiment terrible,
Et chacune ma foi tremblait
Devant cet être horrible!
Et pourtant, quand il revenait
De rendre ses services,
Jusqu'au menton, il vous nageait
Dans des flots de délices!
Et je me demandais comment
Il mettait son caprice,
* La mesure du vers n'a pas permis de mettre plus exactement papier
à verre.
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400 REVUE D'ALSACE
Au lieu d'y trouver du tourment,
A faire l'exercice !
Ah bien! dit-il, on ne peut pas
T'expliquer ça de suite.
A la Robertsau tu viendras
Nous faire la conduite.
Oui! mais dimanche matin pas
Possible qu'on s'absente.
Il faut préparer le repas,
La chose est très pressante.
Les garçons, ceux-là s'en allaient
A toutes les parades.
Et souvent vous questionnaient
A vous rendre malades !
A la tin je pus réussir
A voir une revue.
Et n'eus lieu de m'en repentir,
Car j'en fus tout émue.
Mais j'éprouvais grand embarras,
Moi femme, de leur faire
Cortège, en suivant, bien au pas,
Leur marche militaire.
Malgré çà, croyez-m*en toujours.
C'est un plaisir unique
D'entendre avec tous ces tambours
Alterner laîmusique.
On se dit: «Voici nos maris
«Et nous en sommes tiëres!
«Ah! qu'ils sont beaux quand ils ont mis
«Leurs effets militaires.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L*ALSACE-LORRAINE 401
Aussi plus d'un pour s'habiller
Fait du tapage et souille
Le logis et le mobilier,
Sans provoquer de brouille.
Je comprends, lors de son retour,
La gaîté de mon homme.
C'est le clairon, c'est le tambour!
C'est tout ce qu'on consomme!
A la Couronne on se glissait,
A VOurs chez la Marie,'
Ou chez Huttner quand on pouvait
Quitter sa compagnie.
Les sérénades, sur le soir,
Que c'était agréable!
C'est alors qu'on pouvait avoir
Mainte heure délectable!
Mais tout est fini maintenant
Moi, ça me rend morose
De voir retourner au néant
Une aussi belle chose.
Mon mari n'a, depuis ce fait,
Plus mangé de colère,
Je n'ai point vu de jour qu'il n'ait
Parlé de cette affaire.
Moi, je lui dis dernièrement :
«Donniez-vous des alarmes,
* Variante:
Ou bien chez 6&r Marie.
Bâre-Mei (Marie, de Panberge de l'Ours? on B&r, Marie?) était une
grande et magnifique cantinière qui accompagnait la garde nationale
de Strasbourg dans toutes ses campagnes de 1830 à 1834.
NouYelle Série. — li-* année. 26
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403 REVUE d'àls^cb
«Qu'on vous ait, si brutalement,
«Fait déposer les armes?
«Non!» me répond-il tout ardent,
«Et c'est pour cette cause
«Que Ton critique et blâme tant
«La pitoyable chose !
«Nos habits sentaient trop longtemps
«L'odeur des barricades.
«N'étions-nous pas de trop vaillante,
«De trop francs camarades?
«Souvent nous avons fait nos coups,
«Mais à nos convenances,
«Excitant, mais non pas chez tous
«Plaisir, réjouissances!
«On vient de nous licencier,
«Nos habite sont sans taches.
«Nous pourrons les redéployer
«Sans user de cravache!»
Rioz, le28juinl88L
XIV
BAVARDAGE
de Dames-Cousines à cause de la feuille de Mercredi.
FeuflMe d'annonces du 28 octobre 1848 J
I (Dans la me)
Dame Babbelmeyer. Dame Schnawler.
B
Ah! Madame Schnawler, c'est vous? Bonjour voisine,
Contente de vous voir! Arrivez, j'examine
^ Le 24 octobre 1848 la fête bisécnlaire de la «Béonion de l'Alsace
à la France» fdt célébrée dans toute PAlsace, et surtoat à Strasbourg,
Digitizedby V:iOOQIC j
LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'aLSACB-LORRAINE 403
La Feuille. Regardez avec moi là dedans.
Nous sommes abonnés depuis bientôt vingt ans
A cette Feuille, car nous aimons tant la lire
Que nous la relisons des deux, trois, quatre fois.
Nous sommes d'abonnés à peu près la dizaine
De façon que chacun de nous donne sans peine
Quatre schillings^ par an. Moi, quand je la reçois,
Je vais fourrer mon nez avant toute autre chose
Dans notre Mat civil Mais aujourd'hui, je n'ose
Le dire, en y jetant mes regards étonnés,
Je n'y vois de décès, mariage ou naissance.
C'est à vous effrayer ! Mais prenez connaissance
Vous même de cela, Tonnerre ! Examinez !
S
Tiens! vous avez raison! que la chose est comique!
Estrce qu'on ne meurt pas sous notre République?
N'a-t-elle pas besoin d'hommes, tout comme un roi?
Et se martrait^n, sans recourir, ma foi !
Aux maires ni curés?
B
C'est une devinette
Qu'il faudrait éclaircir. Informons-nous là-bas
Au bureau de la Feuille.
S
Ah! je suis toute prête
A vous accompagner, car j'ai mis dans ma tête
De m'instruire comment arrive pareil cas.
avec le pins grand enthonsiasme. Le fonctionnaire de la mairie, chargé
de l'étal civil, ne put remettre à la FemOe hebdomadaire d'annonces
l'extrait qu'il avait l'habitude de lui donner. Pour excuser ce retard
ce journal publia dans le numéro suivant le «bavardage» dont nous
donnons ici la traduction.
^ Quatre schillings = seize sous.
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404 REVUE dVlsace
n (Bureau du journal)
Précédentes. Un Commis.
B
Depuis tout ce matin je me casse la tête.
Pourquoi VEtat civil manque-t-il mercredi?
COMMIS
Prenez-vous en, ma chère, à notre belle fête.
Nous ne l'avons pas eu. Vous l'aurez samedi.
C'est que l'on célébrait un bien beau mariage :
Celui de nos pays. Vive à travers tout âge
Notre France ainsi que l'Alsace. Le lien
Qui les unit depuis deux siècles, les unisse
En toute éternité! Vivat! poui* notre bien
Souhaitons qu'à jamais ce nœud se rafiermisse.
B
Ah ! vous me rassurez, car, vraiment ! j'avais peur.
Mon estomac me fait encor mal de frayeur!
S
Nous pouvons repartir. La chose est éclaircie.
Bonsoir, Madame, et vous, oh! je vous remercie!
Bioz, 25 mars 1881.
XV
FISCHBACH
DIALOGUE DE DEUX BLANCHISSEUSES
au COffè de la Lucarne du Poulailler.*
SALOMÉ
Maudits lavoirs ! C'est, Bârwel, à grand'peine
Qu'on y pourra bavarder. L'on entend
» Feuille volante, imprimée chez Silbermann, sans date. Est-ce une
reproduction d^nn article de journal?
Le peuple de Strasbourg a des sobriquets pour chacun des petits
cabarets qu'il fréquente : tels sont la Lucarne du PoulaiUer, le Gousset
de Gilet, le Saint-Sépulcre, la Caisse à Farine, la Salière, etc.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DALSACE-LORRAIIfB 406
Parler de maint malheur. L'autre semaine
Je n'irai plus, de crainte d'accident.
Moi, j'ai peiné! Femme de chambre et bonne,
Puis cuisinière. Et quand on a son beau,
Son bon métier, pendant que l'on savonne,
A l'improviste on tomberait dans l'eau !
Oh! grand merci! Je ne veux que ma vie,
Si jeune encor, prenne si triste fin!
Pas pour cent francs j'aurais même l'envie
De me mouiller jusqu'au cou dans un bain.
B^RWEL
Oh! taisez-vous, car ça m'impressionne
Trop! Jusqu'au cou dans ce bouillon marneux!
J'ai vu sombrer un lavoir et frissonne
Depuis ce temps, en y jetant les yeux!
Le pauvre état que d'être blanchisseuse!
Il nous faudrait, pour faire ce métier
Cinq francs par jour, pension copieuse.
Et de vin rouge un litre tout entier.
Car on succombe aux peines qu'on endure
En travaillant tard et de bon matin!
UN CONSOMMATEUR
Je crois pourtant que votre nourriture
Est bonne, car votre teint est fort sain !
Quand je vous vois battre et blouses et chausses.
Chemises, draps, dans vos caisses, je crois.
Qu'en remuant trop fort, grasses et grosses
Vous enfoncez le lavoir sous vos poids.
SÀLOMÉ
Comment! je crois que ce Monsieur jabote
Contre nous deux! Qu'a-t-il donc à grogner!
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406 REfOB ii'âlsacb
Ah! s'il ne vent qu'on loi cire sa botte
De notre table, il n'a qu'à s'éloigner.
Nous n'avons pas besoin, grande panade.
De Ses avis, car D est bien trop sot.
Que nous fassions lessive ou savonnade
N'y fourrez pas votre nez, grand nigaud!
BM&WEL
Que tu fais bien, Salmé, quand tu lui rives
Si bien ses clous! Qui donc nous consolait
Quand nos baquets enunenant nos lessives.
Quand tout enfin à vau l'eau s'en allait
D faudrait que ces Messieurs de la ville
En prissent soin! Ce serait leur devoir!
Car c'est fâcheux quand au travail on file
Sans être sûr d'en revenir le soir.
sàlomé*
Aux vieux lavoirs en toute hardiesse
On s'installait Sans dangers on lavait
Comme un monarque on était dans sa caisse.
Et le battoir^ de sceptre nous servait
Rioz, le 30 juillet 1881.
' n semble au tradnctenr que le morceau aurait été mieux terminé
en supprimant ces quatre derniers vers, ou en les mettant à une antre
place.
* Le battoir n'est pas employé en Franche-Comté. En en parlant
l'auteur fait donc de la couleur locale (sans le savoir ?).
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LnTÉRATURE POPULAIRE D'ALSAGB-LORRAINE 407
XVI
CHARLES BERNHARD
PRÈS DE LA TASSE DE CAFÉ AU LAIT
Cousine, viens, ma chère!
Approche avec bonheur!
De notre cafetière
Ne sens-tu pas l'odeur?
Viens ! prend ce Cumberlande,*
Trempe-le dans le lait,
Et ton palais, gourmande,
En sera satisfait!
Comprends-tu, ma chérie,
Ces hommes qui, souvent,
Vont h la brasserie
Dépenser leur argent,
Pour y boire à leur aise.
Sans repos ni répit,
La bière si mauvaise
Qui tant les alourdit?
Des heures, par la gorge.
Ils se feront passer
Ce fade bouillon d'orge.
Ils devraient, pour chasser
^ Pain an lait on gfttean d'nne forme particnlière. D'après GArâbd,
VAUaee à table, les « Cnmberlftndle > doivent lenr nom à nn dnc de
Cnmberland qni, pendant nn séjonr qu'il fit à Strasbourg, vers la fin
du siècle dernier, en mangeait chaque jour dans son café.
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408 REVUE d'alsace
Tous les rats qui vont faire
Tapage en leur cerveau,
Prendre la cafetière
Pour remède à leurs maux.
Rioz, 24mail881.
LA CHOPE ET LA PIPE
Contre-partie du morceau précédent
Le vin nous réjouit le cœur :
Une chanson fort belle
Le dit Pour calmer la douleur
La bière ne vaut-elle
Autant ? J^aime tranquillement
Vider mes chopes en fumant
Quand rien ne va plus, que je sens
Le dégoût, la colère
Prendre le dessus, eh ! je prends
Ma pipe et m'en vais faire
Un petit tour chez le brasseur
Pour m'y réconforter le cœur !
Quels hommes chez eux goûteraient
Le bouillon de carottes ?^
Dans leurs estomacs pousseraient
Les joncs, à pleines bottes !
Humide est l'eau, le vin coûteux !
La bière, amis, vaut beaucoup mieux.
' Allusion à un succédané du café que bien des commères préparent,
en torréfiant lentement des carottes, découpées sous forme de petits dés.
m Digitizedby V:iOOQIC
LITTÉRATUBE POPULAIRE d'aLSACE-LORRÀINE 409
Près de la bière, de nos maux
La pipe vient distraire!
Mais gare en rentrant aux gros mots :
Les femmes aiment faire
Du bruit pour rien, bouder, gronder!. . .
Oui!. . . sauf à se raccommoder.
Rioz, 25 mai 1881.
Ch. Berdellé.
(La suite à la prochaùie livraison.)
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NOTES BIOGRAPHIQUES
SUR LES
HOMMES DE LA RÉVOLUTION
A
STRASBOURG ET LES ENVIRONS
SuiU
SCHNELLER (Joseph-Michel).
Né en 1742 à Grusenheim, Haut-Rhin. Maçon à Strasbourg
avant 1789, et comme tel, reçu membre de la Société des
jacobins en juillet 1792, oii il est encore le 25 octobre 1794.
SCHUGLER.
Le 21 décembre 1793, membre de la Société populaire, et en
compagnie de Sethe et Klein, il dénonce Hofiherr, boucher
à Strasbourg, pour avoir dit que Jung, officier municipal,
était un voleur de fagots, et que tous les jacobins, sans
exception, sont des misérables et des gueux — Le 25 oc-
tobre 1794, rayé des Jacobins.
SCHULLER (F.-J.).
Un des propagandistes venu de Chalon-sur-Saône — 18 oc-
tobre 1793, il assiste à rassemblée générale des autorités
nouvellement constituées, du peuple souverain et des
sociétés populaires, dans le temple de la Raison — 11 nov.
Il annonce aux jacobins de Beaune, que Strasbourg, la def
de la République, devait être livrée, il y a trois jours, aux
Allemands. De toute part les patriotes doivent accourir ici
pour déjouer les complots des partisans de la tyrannie —
20 novembre. Il demande à Baudot et Lémane le temple
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LBS HOMMES DE LA RÉVOLUTIOIf 411
de SaJntrThomas pour les réunions de la Propagande et
des Jacobins, et quelque temps après celui des Réformôs,
dans la rue du Bouclier — 22 novembre. Il sollicite de
Saint-Just et Lebas la suppression de la permanence des
douze sections de la ville, et Tépurement des comités de
surveillance — 2 décembre. Signataire de Tadresse de la
Propagande révolutionnaire aux citoyens de Strasbourg et
des départements du Rhin — 19 décembre. Au Club, il
vote la mort des suspects après triage.
J.-D. Wolfl dit que SchuUer était le meilleur de toute la
bande.
SCHUHMACHER (Tobie), près de Saint Nicolas, n^ 25.
Du 11 septembre 1754 au 1*' septembre 1789, notaire im-
matriculé au Directoire de la noblesse d'Alsace et en même
temps greffier aux Inventaires — De cette dernière date au
V septembre 1798, notaire et syndic de ce corps à Stras-
bourg — ■ 1792. De la Société des jacobins, et comme tel il
est élu. le 8 octobre 1793, officier municipal sous le maire
Monet A l'élection du 5 novembre suivant il n'est plus
réélu, et le 25 octobre 1794, biffé de la lisle des Jacobins.
SCHWAHN (Jean-Conrad).
Né en 1756 à Darmstadt. Chirurgien, non juré, à Stras-
bom'g avant 1789 — Juillet 1791. De la Société des amis de
la constitution — 7 février 1792. De celle des jacobins —
8 février 1793. Du Comité de surveillance des Jacobins pour
recevoir et vérifier les dénonciations — 11 mars. Il aide à
rayer Waghette de la liste des membres de ce comité —
20 avril. Il trouve que la Convention nationale ne va pas
assez vite en besogne, et avec d'autres, il signe une adresse
se terminant par la phrase sacramentelle :
Yoilà le Yœn des Sansculottes de Strasbourg qni ont jnré et jurent
encore de s'ensevelir plutôt sons les mines de VUnivers que de retour-
ner à Tesclavage.
5 novembre. Notable de la commune — 17 déc. Il est
mis en état de suspicion, et en voici la raison : Strasbourg
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412 REVUE D'ALSACE
renfermait grand nombre de militaires malades ou sup-
posés tels, le général Dièche en informe le Comité de sur-
veillance et de sûreté générale du Bas-Rhin qui, à son tour,
charge Bruat de faire examiner et surveiller strictement
Schwahn, se disant chirurgien, né sujet étranger, la plupart
traîtres et conspirateurs contre la propriété et la Répu-
blique — 25 octobre 1794. Il est encore de la Société des
jacobins.
SGHWARTZ (Jean-George).
Né en 1743 à Strasbourg, où il était fabricant de boutons
avant 1789 — Juillet 1792. De la Société des jacobins au
Miroir — 22 novembre 1793. Il demande à Saint-Just et
Lebas, d'ordonner Tépurement des Comités de surveillance
et la suppression de la permanence du Comité des douze
sections de la ville — 25 novembre. Le Club le nomme
d'une commission chargro de présenter les moyens d'opé-
rer la levée des citoyens du Bas-Rhin — 3 janvier 1794. Au
Club il dénonce Baldner pour avoir traité les jacobins de
gueux, de coquins, de voleurs, de jeanfôutres et de lâches
— 25 janvier. Il annonce à la Société qu'il existe, dans un
hôpital de la ville, un émigré atteint du scorbut, et que pour
rendre sa guérison plus prompte, on doit le guillotiner —
25 octobre. Présent aux Jacobins.
SCHWARTZ (Jean).
Né en 1748 à Strasbourg, où il était cordonnier avant
1789 — De décembre 1793 jusqu'en janvier 1795, membre
de la Société des jacobins.
SCHWARTZ (Jean-Claude).
Comme membre de la Propagande révolutionnaire, il
arriva de Colmar en octobre 1793 - 20 novembre. Il de-
mande à Baudot et Lémane le temple de Saint-Thomas et
un mandat sur la caisse des riches, pour couvrir les frais
d'installation — 2 décembre. Il signe l'adresse de la Propa-
gande aux habitants de Strasbourg et des départements du
Rhin.
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)
LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 413
SCHWEIGHAEUSSER (Jean-Mighel).
1789 à 1792, vicaire de la Confession d'Augsbourg à Barr
— 25 novembre 1793. 11 abjure dans le temple de la Raison.
Citoyens !
J'ai lu ce livre extraordinaire qu'on appelle l'Evangile, malgré la
répugnance que m'en avait inspiré le pédantisme et la vie scandaleuse
d'un nombre de vils esclaves de toutes les passions et trompeurs de
leurs frères, qui font un métier et un trafic détestable de l'interpréta-
tion de ce livre; je l'ai lu dans l'original, j'en examinai les principes,
j'en suivi de bonne foi les préceptes; je fus ravi de joie et d'étonné-
ment de me voir éclairé, content, tranquille, meilleur et plus heureux
que je ne l'avais jamais été auparavant.
Voilà ce qui seul m'a fait embrasser un état que trop de vils mar-
chands de religion de toute secte ont rendu méprisable ; je ne pouvais,
selon mon cœur, éclairer, instruire, consoler, fortifier mes frères dans
les sentiers de la vertu sans porter l'uniforme de l'état ecclésiastique
qui me donnait le droit de parler en public.
Enfin une lumière céleste s'élève à l'horizon de la France, ma chère
patrie, pour éclairer l'humanité entière et lui rendre ses droits. Je me
réjouis de pouvoir, affranchi de toute entrave de despotisme, de tout
monopole, enseigner librement mes frères, mes égaux en droits. Dans
tous mes discours je leur montrai Jésus, comme le vrai martyr de l'hu-
manité, l'ennemi juré de la prêtraille, des despotes et des riches,
comme le véritable instituteur de l'égalité, dans ses paroles comme
dans sa vie, tonnant sans cesse contre l'orgueil et l'avarice, enfin
comme le meilleur ami des Sansculottcs. Je fis voir que les principes
de la Eévolution étaient les siens et, par conséquent, je ne contribuai
pas peu à les faire aimer et à les propager.
J'applaudis donc de tout mon cœur à l'abolition de tout titre, de tout
état, de tout costume distinctif ; je renonce à tout salaire. Qu'on me
laisse la seule satisfaction de me rendre utile à mes frères par l'in-
struction et je me croirai le plus heureux des mortels.
Oui, citoyens frères! je jure de continuer, comme je l'ai toujours
fait, d'abhorrer tout esprit de secte, d'abhorrer toutes les substilités
théologiques et je jure d'être fidèle jusqu'à la mort au bon sens, à la
raison, à la vertu, aux éternels principes de la vérité, à la saine morale,
à l'humanité, enfin à la fraternité universelle qui fait la base et le
soutien de la République une et indivisible à laquelle je jure une
fidélité étei'nelle.
Le même jour, au Club, on arrête, que son nom sera
inscrit au procès-verbal de la Société — 1804. Pasteur à
Barr.
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414 REVUE d'alsace
SCHWENGSFELD (Charles).
Un ci-devant noble, domicilié à Andlau. Sa famille était
investie avant 1789 du château de Grûnstein à Stotzheim
— 5 mars 1793. Commissaire aux fonctions municipales
d'Obemai, ou autrement, maire provisoire — 29 mars. D
propose au Conseil municipal d'envoyer une adresse aux
représentants du peuple à Strasbourg à l'effet de signaler
l'esprit de fanatisme et d'aristocratie qui anime les habi-
tants d'Obernai, et puisqu'ils ne veulent pas défendre la
cause de la liberté à l'aide de leurs bras, les y obliger par
leurs ressources pécuniaires : que dans ce but, une contri-
bution soit imposée à l'effet de subvenir aux frais de la
guerre en Vendée.
La question religieuse ne fut point oubliée: avec son col-
lègue Martin il alla jusqu'à proposer que tout catholique
romain, qui ne fréquenterait pas le culte constitutionnel,
fut déclaré suspect, avec un écriteau attaché à sa maison,
portant citoyen suspect — 9 juin. A partir de cette époque le
mécontentement se fit jour par une émeute, les griefe aug-
mentèrent contre sa personne; mais le moment n'était pas
propice pour en obtenir raison, le parti jacobin était à
Tapogée do sa puissance, et le maire provisoire exerça bien-
tôt tout seul le pouvoir dictatorial à Obernai — 1* décembre.
Quarante-six juifs du district de Barr sont confiés à sa garde
— 14 janvier 1794. U fait arrêter son ancien collègue Martin,
arrivé furtivement à Obernai le 13 au soir, fuyant devant
un ordre d'arrestation de Lacoste et Baudot.
La chute de Schneider avait considérablement fait baisser
sa puissance. Une dénonciation dirigée contre lui, provoqua
son arrestation; mais acquitté par le tribunal criminel, le
11 mars, il retourna le lendemain à la mairie d'Obernai —
Le 19 mars, le représentant Bar décréta sa destitution, et
c'est Nancé, d'Erstein, qui le remplaça — 37 juillet. La mu-
nicipalité d'Obernai reçut ordre de l'arrêter et de le trans-
férer à Paris, mais il était en fuite — Juin 1795. De retour à
Andlau; la ville d'Obemai le somma de rendre compte de
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LES HOMMES DE LÀ RÉVOLUTION 415
sa gestion. Son arrestation suivit de près. Le tribunal cri-
minel du Bas-Rhin fut saisi de Taffaire, laquelle, au mois
d'août suivant, était encore pendante; Tissue nous en est
inconnue . Il mourut à Andlau dans Toubli et dans la misère.
SCHWIND (Charles-François).
20 février 1791. Il prête le serment prc?scrit aux ecclésias-
tiques par la loi du 26 décembre 1790 — Môme année, sous
révêque constitutionnel Brendel, il est nommé professeur
de théologie dogmatique, bibliothécaire et vicaire-directeur
au Séminaire de Strasbourg — 1792. Il figure dans une
brochure intitulée : Portraits des apôtres français à Stras-
bourg — 3 décembre 1793. il dénonce au Comité de sûreté
générale du Bas Rhin, la citoyenne Berlin, de Lauterbourg,
fille du citoyen Savagnier, dudit lieu, retirée à Strasbourg
avec un coffre rempli d'argenterie.
SCHWINGDENHAMMER (Philippe- Pierre).
1789. Homme de loi, rue de la Nuée bleue, n"* 21 — 2 sep-
tembre 1791. Greffier du tribunal criminel du Bas-Rhin —
12-14 novembre 1792. A Pélection tenue à Wissembourg, il
est confirmé dans ses fonctions — 19 février 1793. De la
Société des jacobins — 25 décembre. Greffier du tribunal
révolutionnaire présidé par Mainoni — 27 décembre. Accu-
sateur public, substituant près le tribunal criminel extra-
ordinaire du Bas-Rhin, il requiert le procureur de la
commune de Strasbourg de faire démolir la maison
Scharrer, place du Marché aux-Poissons, n<> 76 — 25 mai 1794.
Qualifié de greffier, il figure sur une liste de suspects dressée
par le Comité de surveillance des Jacobins — 9 septembre.
Foussedoire avec la Société populaire le nomment agent
national de la commune de Strasbourg, en remplacement
de Matthaeus — 25 octobre. Il n'est plus aux Jacobins —
17 janvier 1795. Bailly le nomme greffier du tribunal crimi-
nel du Bas-Rhin — 1797—1799. Avocat à Strasbourg —
1800. Nommé avoué près le tribunal criminel du Bas-Rhin.
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416 REVUE d'alsace
SENGEL.
1792—1793. Maire d'Illkirch, et en cette qualité il dénonce
les époux Poirson de sa commune ; Madame, née Ulmer,
pour avoir tenu des propos liberticides, tendant au rétablis-
sement de la tyrannie et de la royauté^ et à Tavilissement
des assignats, monnaie nationale. Il Taccusait en outre
d'avoir voulu lui vendre en cachette une voiture de foin
contre espèces sonnantes.
La femme Poirson fut condamnée à mort et exécutée le
9 novembre 1793, le mari à la déportation perpétuelle, et
leur jolie propriété d'Illkirch, dont Sengel comptait s'empa-
rer, fut vendue au profit de la République — 1796 — 1798.
Nommé commissaire du Directoire exécutif du canton de
Geispoltsheim.
SÉTHÉ.
1792. Membre de la Société des jacobins au Miroir —
21 décembre 1793. En cette qualité, et avec Schûgler et
Klein, il dénonce au Comité de surveillance du Club le bou-
cher Hotiherr, de Strasbourg. Le 25 octobre 1794, il est
rayé des Jacobins.
SILBERRAD (Jean-Samuel), (Petites-Boucheries).
1784 à 1789. Sénateur de la tribu des charpentiers. Licen-
cié en droit. Secrétaire honoraire de la Ghambro des XIII —
8 février 1790. Elu notable de la commune — 11 novembre.
Maintenu. Il était chargé du tribunal de police municipale
— 27 mars 1791. Comme notable, il signe la délibération
ordonn<int Tarrestation du curé de Saint-Laurent, et dénon-
çant le cardinal de Rohan aux représentants de la nation —
14 mars 1793. Membre du Conseil général du Bas-Rhin —
30 mars. Juge près le tribunal criminel du Bas-Rhin, il con-
damne à mort trois malheureux paysans des environs de
Molsheim pour avoir crié: vive le roi, au diable la nation—
En 1793, reçu membre des Jacobins au Miroir — 5 janv. 1794.
Juge au tribunal du district de Strasbourg. Les Jacobins
ne le portent pas sur leur liste du 25 octobre 1794 — 17 jan-
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 417
vier 1795. Maintenu juge au tribunal civil du district de
Strasbourg, et jusqu'en 1804, il occupe les mômes fonctions.
SIMON (Jean-Frédéric).
Né en 1747 à Strasbourg, où il donnait des leçons de
calcul et d'écriture — Du 6 décembre 1789 au 12 mai 1790,
rédacteur de la feuille hebdomadaire patriotique de Stras-
bourg, qu'il reprit du 11 novembre 1792 au 25 août 1793 —
Août 1790. De la Société des amis de la constitution— 25 jan-
vier 1791. Un Strasbourgeois, répondant à un citoyen de
Pont-à-Mousson, dit :
Si l'on avait quelques troubles à essuyer, on ne pourrait les attribuer
qu'à Simon, véritable brigand, que depuis six mois les luthériens sages
auraient dû faire périr eux-mômes par le b&ton.
Même année. Président du Club enfantin de Strasbourg,
en remplacement de Beyckert, du Gymnase — 7 fév. 1792.
De la Société des jacobins, au Miroir — Fin juin, il alla à
Paris comme fédéraliste et tut un des quarante-trois mem-
bres qui s'assemblaient journellement dans la salle de
correspondance aux Jacobins Saint-Honoré. De ces qua-
rante-trois on en tira cinq pour le Directoire secret d'insur-
rection; il fut du nombre, avec Vaugeois, grand-vicaire de
Févèque de Blois; Debesse, du département de la Drôme;
Guillaume, professeur à Gaen, et Gallissot, de Langres.
Bientôt on y joignit encore d^autres révolutionnaires.
La première séance de ce Directoire insurrectionnel se
tint dans un petit cabaret, au Soleil d'or, rue Saint-Antoine,
près la Bastille, dans la nuit du jeudi au vendredi 26 juillet.
On fabriqua un drapeau rouge, et dans la séance du 4 août,
on arrêta le plan de l'insurrection, la marche des colonnes
et l'attaque du Château.
En sa qualité de secrétaire de co Comité, il fit une copie
du plan pour Santerre et Alexandre; mais il ne put être mis
à exécution que dans la nuit du 9 au 10 août, au moment où
le tocsin sonna en trois endroits diflférents en môme temps.
C'est donc à ces cinq jacobins que l'on peut attribuer
directement la gloire de la fameuse journée du 10 août.
NoQveUe Série. — «- année. 27
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418 REVUE d'alsace
Il ne revint à Strasbourg qu'en septembre pour aller
ensuite à Mayence, occuper le poste de commissaire du
pouvoir exécutif près l'armée de Rhin et Moselle, comman-
dée par Gustine, et dont il traduisit la proclamation aux
habitants du Palatinat, en date de Spyre, le 7 octobre 1792
— 18 janvier 1793. En cette qualité il est nommé notable de
la commune de Strasbourg — 30 janvier. Schneider annonce
que Mayer étant parti pour l'armée du Rhin, et Simon
ayant joué un des premiers rôles à Paris, le 10 août, leur
journal Oeschichte der çegenwàrtigen Zeit cesserait de
paraître. Il avait commencé le 10 octobre 1790. C'eî^t
Schneider qui coopéra à la rédaction en juillet et août, pen-
dant que Simon était à révolutionner Paris — 22 juillet.
Gomme membre du Conseil de défense de Mayence, il signe
la capitulation — Août. De retour à Strasbourg, il dénonce
D^ Stamm au tribunal révolutionnaire pour avoir dirigé la
municipalité de Mayence, écarté les populations de notre
Constitution* et par sa rudesse, fait émigrer tous les bate-
liers qui auraient pu rendre de grands services à la défense de
la place — 8 octobre. Chargé d'aflEaires de la République, il
est élu notable — 10 octobre. Au Comité de surveillance, il
appuie une dénonciation faite contre Tûrckheim — 5 nov.
En la même qualité, de nouveau confirmé notable — 29 nov.
Il rapporte à Monet, qu'ayant pendant toute la journée par-
couru les marchés et les maisons publiques, il n'a rien pu
découvrir de fâcheux, les villageois louaient le régime répu-
blicain, en maudissant l'aristocratie — 30 novembre. Second
rapport sur les juife, qu'il n'a rencontré nulle part U désire
faire un tour à la campagne, mais ses moyens et sa nom-
breuse famille s'y opposent; il prie donc Monet de lui faire
donner ce qu'il lui plaira — 1" décembre. Dans son troisième
rapport, il a parcouru le port des pécheurs pour avoir
l'oreille attentive aux conversations, mais tout était tran-
quille et sans aucun intérêt — 6 décembre. Au Club, le
rapporteur du Comité épurateur de la Société des jaco-
bins dit: «Simon, journaliste, Rolandiste, intrigant.» «Oui,
dit un membre, je l'ai toujours remarqué aux séances du
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Goog\^
LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 419
parti Roland. » « Nommé par ce dernier à une Commission
à Mayence qui le mettait à môme de surveiller bien des
désordres, il ne Ta point fait, et n'a pas eu le courage de
faire ses dépositions avec la fermeté qu'inspire la vérité,
dans le procès du général Gustine.» Un autre membre
cherche à le défendre en allégant qu'il s'est ruiné pour sou-
tenir son journal. Sa radiation est sgoumée — 11 décembre.
Employé au district de Haguenau, il reçoit son certificat de
civisme — 14 décembre. Le Comité de surveillance de sûreté
générale du Bas-Rhin, lui paie 60 livres comme agent du
Comité — 25 septembre 1794. Le Club le charge de traduire
en allemand un discours du sansculotte Massé, commen-
çant ainsi :
La République est, en ce moment, un yaisseau superbe chargé de
trophées et voguant à pleine voile vers la terre du bonheur, etc.
25 octobre. Il est encore aux Jacobins.
SIMON (Nicolas).
Né en 1749 à Ijeiningen-Altroflf, dans le Palatinat — Avant
1789, cafetier à Strasbourg — 15 mars 1791. De la Société
des amis de la constitution — 7 février 1792. Il passe aux
Jacobins — 18 janvier 1793. Nommé notable de la com-
mune; fonctions qu'il ne cessa d'occuper jusqu'à fin 1794 —
13 avril 1794. Il se rétracte près le Comité de sûreté générale
de mettre en jugement quatre commandants de la garde
nationale de Strasbourg — 2 août. Il adhère à l'adresse de
félicitations de la municipalité à la Convention nationale,
lors de l'arrestation de Robespierre et autres complices —
25 octobre. Présent aux Jacobins.
SIMOND (Daniel)
Un Suisse, né en 1774 à Hostung, district de Romans, où
il était étudiant — En 1793, il arriva à Strasbourg et fut
employé à la mairie, au bureau des étrangers — 21 mai 1794.
De la Société des jacobins, au Miroir — 12 juin. Il dénonce
au Comité de sûreté générale le tailleur René, rue de la
Mésange, qui lui a demandé 48 livres pour une culotte de
drap, non doublée -> 25 octobre. Encore aux Jacobins.
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420 REVUE d' ALSACE
SIMOND (Philibert).
D'origine piémontaise; il logeait rue du Dôme — En
mars 1791. Comme prêtre assermenté, il fut nommé, le
28 juin suivant, vicaire épiscopal de réglise-cathédrale de
Strasbourg — 22 octobre. Il désavoue le discours de son
collègue Schneider sur le mariage des prêtres — 10 jan-
vier 1792. A la Société des amis de la constitution, il tient
un discours sur l'éducation des femmes — 24 février. Après
la scission, président du Club des jacobins, il est d'avis de
tenter la réconciliation et d'envoyer une députation à l'Au-
ditoire — 3 avril. La Société des jacobins le charge déporter
à celle de Paris, ses griefs contre le maire Dietrich, les
administrateurs du Bas-Rhin, et surtout les faire oonnaitre
à l'Assemblée nationale — 21 mai. Aux Jacobins il dénonce
Dietrich comme vendu à Lafayette — 22 mai. Il signe la
circulaire à toutes les sociétés affiliées pour leur peindre la
situation politique des frontières du Rhin:
Nos départements, bien loin d'être dans le sens de la Bévolution,
deux tiers, au moins, sont dans le sens contraire.
24 juin. Il est cité devant le juge pour cette adresse incen-
diaire du 22 mai, et la salle de lecture des Jacobins est
fermée par ordre du maire Dietrich — 28 juin. Ses lectures
publiques lui sont interdites comme excitant à la révolte.
Dénoncé par Brunck au général Lamorlière, celui-d
demande son expulsion de Strasbourg, ce qui eut lieu vers
le 11 août 1792. Pour se venger et perdre le maire Dietrich,
il imagina, avec Monet, une letti e comme venant d'un chef
de Farmée des émigrés. Elle fut apportée à Teterel par un
certain inspecteur des remontes, probablement un espion
secret de Saint-Just et Lebas, et conduisit le malheureux
maire à Téchafaud — 2 septembre. A Télection tenue à
Haguenau, il fut nommé scrutateur, et au dépouillement,
député à la Convention nationale — 9 septembre. Au Club,
il raconte les faits qui ont eu lieu à Télectiou de Haguenau,
et présente la motion de ne plus choisir aux prochaines élec-
tions municipales, ni savants^ ni riches; mais les citoyens les
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 421
plus pauvres — 21 novembre. Rendu à son poste, il mande
aux jacobins de Strasbourg que Dietrich, le marchand de
province, est à l'Abbaye, et que prochainement il sem décrété
— 9 décembre. Il est en route pour Chambéry, les députés
de la Savoie étant à Paris, pour Tincorporation de leur pays
à la République française — 15-19 janvier 1793. Etant en
mission, il ne prit aucune part au jugement de Louis XVI
— 31 mars. De Paris, Teterel informe les sansculottes de
Strasbourg que Philibert Simond les a trahi à Besançon
dans le procès Dietrich — 28 juin. Il réclame contre cette
fousse accusation :
Je n'ai écrit qu'une seule lettre priyée sur le compte de ce traître,
c'est une réponse à l'accusateur public de Besançon qui me demandait
si je pourais me rendre près du tribunal. J'étais alors malade, commis-
saire de la Convention aux prises avec toute la canaille de l'ancien
régime, il m'était impossible de quitter.
29 novembre. En commission à Besançon, il avise les
jacobins de Strasbourg que les départements qu'il vient de
parcourir leur préparent quelques secours — 23 décembre.
De l'Abbaye, Schneider invoque son témoignage ; demandez-
lui si mes écrits, mes discours, mes actions avaient jamais
d'autre but que celui de seconder la marche de la Révo-
lution.
Compromis dans l'affaire Danton, c'est en mars 1794,
qu'il porta sa tête sur la guillotine, à Paris.
SOMMERVOGEL (Xavier).
Né en 1759 à Strasbourg — 1789. Employé à la Chambre
des XV — 26 mai 1790 à 1792. Premier commis au bureau
de la comptabilité du directoire du Bas- Rhin — 1792. Nom-
mé receveur du district de Strasbourg — 31 octobre 1793.
Saint-Just et Lebas l'imposent à 12,000 livres, réglées le
13 suivant — 21 décembre. De la Société des jacobins —
24 décembre. Massé le dénonce au Comité de surveillance
de cette société, qui renvoie la plainte au Comité de sûreté
générale du Bas-Rhin pour y faire droit — 25 mai 1794.
Comme ex-trésorier, il figure sur une liste de suspects
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422 REVUE D*ALSACE
dressée par le Comité de surveillance des jacobins — 26 mai.
La Municipalité ordonne son arrestation; mais, en déférant
à la demande de l'agent national MatthaBus, il y sera sursis
jusqu'à son remplacement au District, qui sera prié de s'en
occuper de suite, afin que le service de la caisse, qui lui est
confiée, n'éprouve aucune entrave — 30 mai. Sa femme est
emprisonnée comme aristocrate et fanatique — 25 octobre.
Il est encore aux Jacobins — 1797. Receveur du bureau de
loterie n* 702, rue du Jeu des- enfants, qu'il cède, en 1800, à
Ferry, ayant été nommé chef de comptabilité à la préfec-
ture du Bas-Rhin.
SPANGELBERG (Martin).
Un Allemand, né en 1746 en Saxe ; serrurier à Strasbourg,
bien avant 1789 — 1791. Membre de la Société des amis de
la constitution; il passe ensuite à celle des jacobins, le
7 février 1792, où il est encore le 25 octobre 1794.
SPECK.
1793. De la Société des jacobins — 3 janvier 1794. D sert
de témoin à J.-G. Schwartz contre Baldner, tonnelier, pour
avoir, à l'auberge de la Montagne verte, insulté la Société
des jacobins en traitant les membres de gueux, de coquins,
de voleurs, de jeanfoutres et de lâches — 25 octobre, n n'est
plus sociétaire aux Jacobins.
SPIELMANN (Louis), (Faubourg-de-pierre, no 82).
1789. Greffier du petit Sénat de Strasbourg — 8 fèv. 1790.
OfBicier municipal — 30 avril. Juge au tribunal du district
de Strasbourg. De la Société des amis de la constitution —
10 mars 1791. Il informe contre un pamphlet allemand, in-
titulé: Bei Oottf es ist Zeit, dass sicli die Elsàsser auf die
Hinterfiies steUenj etc. — 27 mars. Il sévit contre l'imprimé:
Monition canonique et ordonnance du cardinal de BoJian,
éveque de Strasbourg — 16 janvier 1792. Directeur du jury
du district de Strasbourg près le tribunal criminel du Bas-
Rhin — 7 février. Il passe aux Jacobins — 19 février 1793.
Juge au tribunal criminel du Bas-Rhin — 30 mars. D con-
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LES HOMBfES DB LA RÉVOLUTION 423
damne à mort trois malheureux paysans des environs de
Molsheim — 5 janvier 1794. Commissaire national près le
tribunal du district de Strasbourg — 25 octobre. Il n'est
plus aux Jacobins — 17 janvier 1795. Juge au tribunal civil
du même district — 1797. Substitut du commissaire du
pouvoir exécutif près le tribunal civil de Strasbourg — 1798.
Elu par Strasbourg, membre des Assemblées primaires du
Bas-Rhin — 1800—1805. Procureur au tribunal civil de
Strasbourg.
STAMM (Daniel)
Avant 1789. Attaché au commerce de son père, Jean-Fré-
déric Stamm, alors tonnelier -marchand de vins à Epflg —
Janvier 1791. Comme négociant, il est reçu membre de la
Société des amis de la constitution à Strasbourg — 10 fév.
1792. Après la scission, les jacobins le nomment secrétaire
de leur Société, dont les séances étaient au Miroir et au
Poêle des cordonniers. Peu de temps après, la guerre entre
la France, la Prusse et l'Autriche ayant éclatée, il entra
simple soldat dans un régiment de chasseurs à cheval —
20 septembre. Il est guide à l'armée du Rhin, et au Club, il
prononce un discours sur les devoirs du militaire combat-
tant pour la liberté. Arrivé à l'armée devant Spyre, ses
talents géographiques le firent remarquer du général Cus-
tine qui, un joui*, le chargea, avec cinquante hommes d'en-
lever les postes de Philippsbourg, Rheinhaussen, Lossheim
et Ketsch, et de brûler tous les bateaux qu'il rencontrerait
sur le Rhin. Il réussit — 7 octobre. Il certifie conforme une
proclamation de Custine, datée de son quartier général à
Spyre, aux habitants de Worms — 16 octobre. Custine le
charge d'une mission à Mayence. Il pénètre dans la place
en compagnie du professeur Bœhmer, dévoué à la France,
et du colonel Houchard. Mayence s'étant rendu le 21 octobre,
Custine envoie son rapport à Paris, portant :
J'étais non seulement instruit avec précision des forces qui étaient
dans la ville, de la nombreuse artillerie qui bordait ses remparts, mais
encore de la situation positive de cette importante forteresse. J'avais
su me procurer par l'intelligence et la grande audace du jeune Stamm,
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424 REVUE p'alsace
la connaissance précise des points qni avaient été négligés dans la
place.
Cette heureuse issue valut à Stamm, le 27 octobre, les
félicitations de la Convention, et le grade d'aide-de-camp du
général Custine, qui fut nommé général en chef de Tarmée
du Rhin — 23 octobre. Cinq Mayençais, dévoués à la France,
se réunirent chez Taide-major Stamm pour former un club
sous le nom des Amis de la liberté et de l'égalité, et le len-
demain, il y en avait déj^plus de mille d'inscrits -— 17 no-
vembre. Du quartier général de Mayence, il adresse la
lettre suivante au Landgraf de Hesse-Cassel :
Vons êtes un négociant qui fait beaucoup en marchandise humaine,
car j'apprends que vous offrez 6000 Carlins pour l'article Custine; c'est
beaucoup, car en homme d'affaires vous devriez savoir, mieux que tout
autre, ce qu'une pareille tête vaut. Peut-être pourrai-je vous rendre
service, et vous procurer une bonne affaire. Donnez-moi 3000 Carlins,
et je vous livre le général Custine, son armée, ses canons, ma personne
même, hors la porte de Hanau, là, vous n'aurez que la peine de les
enlever.
2 décembre . L'armée française ayant perdu Francfort-s/-
Mein, se replia insensiblement sur Mayence. Stamm suivit
Custine vers le Hundsrûcken, assista à la prise du château
de Stromberg, tomba entre les mains d'une patrouille enne-
mie près de Neuwinger et ne dut son salut qu'à son cheval,
n assista ensuite à l'affaire de Gundersblum, et après le
départ de Custine, il rentra à Mayence où, pendant le blocus,
commencé le 14 avril 1793, il fut successivement attaché aux
généraux Blou et d'Oyre— 22 juillet 1793. Mayence capitula.
Stamm voulut rejoindre Custine, mais dénoncé par Simon,
il fut emprisonné le !•' août, transféré de suite à Paris, sous
la prévention, d'avoir avec Custine, trahi la France —
20 août, n fut relâché.
Brûlant du désir de voir son père et sa mère, il s'achemina
sur Strasbourg, où commandait le général Dièche, qui, à son
tour, trouva bon de le mettre en état d'arrestation, malgré
son permis du ministre de la guerre. Ses papiers furent
saisis, et de leur examen il en résulta sa mise en liberté.
A peine chez son père, que par suite des dénonciations
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LES HOMHES DE LA RÉTOLUTION 425
mensongères de Pape, Petersen et Wûrtz, tous trois atta-
chés au bureau de correspondance de Tarmée du Rhin, les
représentants Milhaud et Guyardin, le firent de nouveau
incarcérer le 27 septembre — 8 octobre. Le Comité de sur-
veillance et de sûreté générale du Bas-Rhin, déclare que le
commissaire chargé de vérifier ses papiers, n^ayant rien
trouvé parmi eux qui puisse donner lieu à suspiscion, il
sera mis en liberté — 11 octobre. Il se jette dans le parti
Monet, qui le charge d'arrêter les anciens baillis, prévôts,
huissiers, forestiers seigneuriaux et les plus riches aristo-
crates de chaque commune — 3 novembre. Procureur-
syndic près Tadministration du district de Strasbourg —
17 novembre. Secrétaire du Comité de surveillance et de
sûreté générale du Bas-Rhin, aux appointements de
2400 livres par an — 18 novembre. Ce Comité arrête qu'il
remplira les fonctions de commissaire de police — 21 no-
vembre. Il est chargé de la visite et du classement des
prisonniers au Séminaire — 22 novembre. Le Directoire du
district de Barr le charge des fonctions de commissaire dans
le canton d^Obernai, à Tefifet de la levée des scellés sur les
effets d'émigrés — 24 novembre. Le tribunal révolutionnaire
le réclame pour procureur-syndic, tout en restant au Comité
de sûreté générale du Bas-Rhin — 29 novembre. Commis-
saire pour la levée de la contribution forcée dans le district
de Barr — 1*' décembre. Comme procureur-syndic, il est
requis par le Comité de sûreté générale de se rendre dans
les communes du district et d'y asseoir une contribution
forcée sur les riches et faire arrêter tous ceux qu'il croira
suspects — 3 décembre. De Dorlisheim, il expédie à Mainoni
le Jammx Blessig qui, dit-il, ne s'attendait pas à ma visite.
Il y en a encore plusieurs de ces êtres dans les environs; je
les découvrirai, ils augmenteront le nombre de ceux qui
contribuent à nourrir les pauvres, détenus au Séminaire —
7 décembre. Il expédie sept autres. A cette époque, comme
procureur-syndic provisoire du district de Strasbourg, com-
missaire général du Comité de surveillance et de sûreté
générale du Bas-Rhin pour la levée des taxes révolution-
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426 REVUE p'aisace
naires, il fournit un état des contributions forcées à lever
par ordre des représentants du peuple et dudit Comité dans
les communes du district de Strasbourg, montant à trois
millions 281,000 livres, lesquelles ont produit 1,372,560
livres — 8 décembre. Il est désigné pour établir une infir-
merie au Séminaire. Les médecins et chirurgiens détenus
seront obligés de soigner les malades — 9 décembre. Com-
missaire pour instruire l'affaire dénoncée par le Comité
central de Colmar; à quel effet il ira à Benfeld sans retard
— 10 décembre. Procureur-syndic du district de Strasbourg,
la municipalité doit lui fournir cent cinquante charpentiers
pour démolir les étages supérieurs de la caserne dite Finck-
matt — 12 décembre. U examinera toutes les lettres qui ont
été interceptées et en fera rapport — 13 décembre. Weiss.
en rendant compte comme greffier du tribunal révolution-
naire du Bas-Rhin, porte 50 livres payées aux musiciens
qui ont joué devant la famille Stamm. On sait que Sarah
Stamm, sœur de notre Daniel, épousa Schneider, le 13 dé-
cembre 1793 — 15 décembre. La commune d^Avolsheim
l'accuse d'avoir touché 5000 livres en se qualifiant de tré-
sorier du tribunal révolutionnaire. Il a affirmé n'avoir
jamais reçu, ni touché à Avolsheim, encore moins avoir pris
la qualité ci-dessus. On doit vérifier le fait — 17 décembre.
L'affaire est renvoyée aux papiers d'Euloge Schneider —
Deux officiers municipaux de Schiltigheim se présentent
au Comité de sûreté générale du Bas-Rhin pour déclarer
que le 16, J. Fix, de Dossenheim, agent nommé par Stamm,
s'est présenté à la maison commune réclamant 25,000 livres
dans les vingt-quatre heures. Fix sera arrêté — On le charge
d'interroger Wûrtz, Wohringer, Lieber et autres, et d'exa-
miner les demandes de mise en liberté au Séminaire —
23 décembre. Il défend au commandant du Séminaire de
ne laisser entrer aucune espèce de mangeailles ou boissons,
sans un ordre exprès de Monet -— 25 décembre. Avant de
se dissoudre, le Comité de sûreté générale du Bas-Rhin
ordonne de lui payer ses appointements sur le pied fixé et
le recommande pour être maintenu agent national du dis-
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 427
trîct de Strasbourg — 6 février 1794. Monet, en le qualifiant
d'ex-agent national du district de Sélestadt, Tinforme que
la translation de son district a été arrêté le 5, et que Séles-
tadt sera le chef-lieu. Puis il ajoute : les gros marchands de
Barr vont dire que les progrès de la Révolution diminuent
avec leurs écus — 9 avril. Agent national du district de
Benfeld, séant à Sélestadt, il se disculpe vis-à-vis des Barrois,
d'avoir contribué au transférement à Sélestadt du district
qu'eux-mêmes avaient enlevé à Benfeld -—9 juillet. En cette
qualité, il mande à Monet que c'est à lui, et non à la muni-
cipalité de Barr, que l'agent de Strasbourg aurait dû
s'adresser pour obtenir l'arrestation du pasteur Fritz, que
la Société populaire de Barr prend maintenant sous sa pro-
tection. Puis il clôture sa lettre en ouvrant son cœur à
Monet :
Juge de là à l'esprit du peuple. Jnge des Argos, que j'ai. Consulte
mon âge et vois moi abandonné de tous les côtés. Sans pilotes, sans
aide, sans ami. Ah, sans doute. Tu seras tenté à me sauver de ce pur-
gatoire, dans lequel vous m'avez flanqué.
Dans ce mois, il fit arrêter huit pasteurs protestants et
six rabbins du district de Benfeld, lors du passage du géné-
ral Dièche, allant dans le Haut-Rhin — 14 août. D informe
Monet que les Colmariens l'ont indignement traité au Club:
«Tu es le Catilina de l'Alsace, tyran qui captive la volonté
des représentants du peuple,» etc. — 25 octobre. D est radié
de la Société des jacobins — 16 juin 1795. Il figure sur la
liste supplémentaire des émigrés du district de Sélestadt.
Etienne Barth.
(A suivre.)
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
I
Correspondance politique adressée au Magistrat de Strasboni^
par ses agents à Metz (1594-1683), tirée des archives mnnicipales de
Strasboarg et publiée pour la première fois, avec notes explicatÎTes
et tables, par MM. E. de Booteiller et Extoènb Hefp — Paris,
imprimerie de Berger-Levrault et C®, éditeurs, 1882 — 1 vol. gr. in-8®
de XVII-463 pp. — Prix 10 fr. à la librairie Berger-Levrault et O»,
5 rue des Beaux-Arts, Paris.
La maison Berger-Levrault a donné des soins particuliers à
l'impression de ce recueil: beaux caractères, beau papier,
tirage irréprochable font de ce volume un des plus cossus et
des plus élégants de nos oUatiques, On le découpe avec pré-
caution et on y touche avec les égards qui sont dûs à la
typographie artistique. Avant de le placer dans sa collection,
l'ami des livres concernant l'Alsace aura soin de lui procurer
une reliure assortie et respectueuses des marges que les pro-
cédés mécaniques outrageraient d'une façon regrettable. Au
point de vue matériel, le livre a droit à ces recommandations.
Qu'en est-il des documents que ce volume renferme et des
notes qui suivent les documents? MM. de Bouteiller et Hepp
ont pensé que si, au premier aspect, quelques-unes des pièces
paraissent n'avoir qu'une portée historique discutable, il ne
leur était pas permis de les élaguer d'une collection formant
un tout homogène, une série complète des informations diplo-
matiques dont la vigilante République de Strasbourg tenait à
s'entourer. Dans les archives de ce genre, il y a en eflet, entre
toutes les pièces qui y sont conservées, une connexité si
étroite qu'elle ne saurait être bien comprise qu'à la suite
d'une étude détaillée et suivie de l'ensemble des documents.
Il faut donc louer les éditeurs de n'en avoir exclu aucun du
beau volume offert aux amis de notre histoire locale.
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 429
Ces pièces sont au nombre de trois cent vingt, embrassant
une période qui commence le 16 avril 1594 et qui finit le
12 juin 1683, c'est à dire un siècle presque complet. Elles sont
dues à: Jacques de Saint-Aubin, de Flavigny, Paul Lallement,
Bongars, Jehan Durant, un anonyme et Jalon. Elles se rap-
portent à peu près toutes à des faits extérieurs sur lesquels la
République de Strasbourg avait besoin d'être renseignée. Ce
fond constitue donc une partie intéressante des archives diplo-
matiques de la ville pendant le siècle qui a précédé le retour
de Strasbourg à Tancienne Gaule.
Quarante et une pages d'annotations, suivies de deux excel-
lentes tables des matières, terminent le volume. Les annota-
tions répondent strictement aux exigences d'une publication
de ce genre; mais elles auraient pu être plus complètes si
MM. Hepp et de Bouteiller se fussent fait aider, dans cette
partie de leur louable travail, par une personne s'étant plus
particulièrement occupée de l'histoire de la métropole de la
province. Nous aurions aimé encore qu'au bas des pages, de
brèves indications eussent donné un trait de lumière qui
aurait permis au lecteur de s'orienter instantanément sur les
faits extérieurs auxquels les correspondants de la République
font allusion dans leurs missives.
Ces réserves ne portent aucune atteinte au mérite réel du
volume que nous venons de décrire et qui se recommande par
lui-même à la sérieuse attention des historiens français et
alsaciens.
Dans leur avant-propos, MM. Hepp et de Bouteiller nous
donnent un aperçu fort lucide sur l'organisation communale
de Strasbourg depuis ses origines jusqu'à l'avènement du
régime nouveau. Mais n'y a-t-il pas contradiction dans cette
remarque : qu'à l'époque où Strasbourg dans tout son éclat de
ville libre, relevant immédiatement du Saint-Empire germa-
nique, formait une véritable république sans lien de sitzerair
neté d'aucune, sorte f Par le fait seul de son immédiateté,
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430 REVUE d'alsàce
comme d'autres villes de la décapole, le lien de suzeraineté
politique la rattachait au Saint-Empire. Cela est si vrai pour
toutes les villes libres d'Alsace, qu'aussitôt élu, le roi des
Romains devenait presque toujours lieutenant de l'empereur
dans la province. Ce qui n'empêcha point, il est vrai encore^
le Magistrat de Strasbourg de savoir sauvegarder ses anciens
droits et privilèges locaux avec une intelligence et une fer-
meté qui ne se rencontraient point ailleurs et qui, à la longue,
surtout au xvi"* siècle, lui créèrent une situation comparable
à celle de la souveraineté, «sans lien apparent de suzeraineté
d'aucune sorte».
. II
Mémoires de la Société d'émulatioii de Montbéliard —
XIII« volume — 1881 — Montbéliard, imprimerie de Barbier frères,
1881 — 1 voL in-80 de 86 pp., avec VIII planches et 2 cartes.
Les matières qui composent ce fascicule offrent un intérêt
particulier se rattachant aux origines de la Société, à son
développement, à l'esprit qui n'a cessé de l'animer, au but
qu'elle veut atteindre, aux travaux qu'elle a réalisés, aux
richesses qu'elle a réunies et aux vues qu'elle cultive pour
l'avenir. Il y a chez les personnes qui se succèdent dans la
direction des études un ensemble de ressources convergentes
qui caractérisent cette association et qui témoignent d'une
louable persévérance dans les voies que la tradition a ouvertes
aux intell^ences de l'ancienne principauté. On seraconvaincu
de l'exactitude de ces remarques lorsqu'on aura lu les rap-
ports de MM. Jeanmaire, Ebersolt et Séguin sur les travaux
de la Société pendant les années 1877, 78, 79 et 80, et surtout
la lettre de M. le président de la Société à M. le ministre de
l'instruction publique, en réponse à la circulaire du 11 juil-
let 1880. Ces documents, avec quelques autres d'ordre secon-
daire, remplissent la première partie du fascicule. La seconde
partie est occupée par deux mémoires concernant l'histoire
locale. Le premier, qui est dû à M. Trouillet, capitaine du
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 481
génie, est une étude topographique et militaire ayant pour
but do déterminer le lieu où Jules César et Arioviste se ren-
contrèrent et où se livra la bataille qui pui^ea Tancienne
Séquanie de Foccupation Allémane et mit la rive gauche du
Rhin sous la domination romaine. Cette question, souvent
traitée par les historiens et sur laquelle le dernier mot sem-
blait avoir été dit dans la ViedeJides C&ar, par Napoléon 111,
est reprise en sous-œuvre par M. le capitaine Trouillet, qui
pense l'avoir élucidée au moyen de ses recherches topogra-
phiques et d'une minutieuse discussion des points de repère
recueillis dans les Commentaires. La conclusion de ce travail
aboutit à la rencontre des deux armées dans la plaine ondulée
de la Haute-Saône, dont Arcey, Saulnot et Corcelle sont les
extrémités triangulaires. Le monticule où se trouve la vierge
de Saulnot serait le point où eut lieu l'entrevue des deux chefs
avant la bataille. L'étude est bien conduite et sa lecture
attentive dispose, un peu laborieusement, il est vrai, l'esprit
du lecteur à admettre la conclusion. Mais, à l'aspect .de l'iti-
néraire tracé sur la carte, on ne peut disconvenir que l'auteur
a dû prêter au Druide Eduen Divitiac et au général romain
toutes les ressources de la stratégie moderne pour faire
prendre à l'armée victorieuse le chemin qui devait la mettre,
après sept journées de marche, en présence des envahisseurs
dans la plaine de Saulnot. Cela ressemble quelque peu à la
tactique de Turenne se dérobant, après la bataille d'Entzheim,
derrière les Vosges sous le prétexte d'y prendre ses quartiers
d'hiver, et apparaissant inopinément à Belfort, Mulhouse, et
finalement à Turckheim où il culbuta les impériaux et les
chassa définitivement de l'Alsace. Quoi qu'il en soit, la
méthode inductive de M. le capitaine Trouillet aura servi &
donner de la précision à une conjecture historique exprimée
depuis longtemps par d'autres écrivains : selon qu'on se pro-
noncera pour l'une ou pour l'autre version des Commentaires,
qxiinqm ou quinquaginta, la plaine d'Arcey-Saulnot en Franchc-
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432 REVUE D' ALSACE
Comté et la plaine d'Ensisheim-Cernay en Haute-Alsace
demeureront seules en concurrence pour revendiquer le
souvenir d'un événement mémorable du siècle qui a précédé
Père moderne.
Les notes du très regretté Henri L'épée sur les dernières
fouilles exécutées par lui aux environs de Montbéliard, ter-
minent rintéressante publication de la Société. Les objets
découverts dans ces fouilles sont décrits avec une compétence
parfaite dans les notes et le dessin en est bien reproduit sur
les huit planches qui accompagnent les notes. Nous en comp-
tons six en silex et os trouvés aux abris du ChataiUony quatre
en silex de la caverne d'AUondam, quatre de même nature
de la caverne de Boche-Dane, quatre pointes de flèche en silex
et deux monnaies gauloises du camp de ChataiUofi^ le même
nombre de pointes de flèche et deux haches de pierre du camp
de Desandans, deux pointes de lance, deux épingles, une
pointe barbée de flèche, un hameçon et autres objets en pierre,
en bronze et en fer de la caverne de La Baume, divers objets
en bronze trouvés à Atidincourt L'avant-demière des planches
représente le camp du CHemont et les sépultures que M. L'épée
y a ouvertes, tandis que Tultime reproduit en grandeur natu-
relle les divers objets en fer, etc., que l'inventeur a sortis des
tombes. M. Henri L'épée était un travailleur éclairé, un ami
du passé et du présent de son pays, une nature aimable et
dévouée aux travaux de l'esprit et de la Société d'émulatioD,
dont il fut l'un des principaux auxiliaires. Un des premiers, il
a compris que le sol couvre ses archives et un des premiers
encore il les a interrogées avec amour et sagacité. En éditant
ses notes posthumes la Société lui rend hommage en même
temps qu'elle rend service à la science. On trouvera dans les
notes qui nous occupent la trace exacte et indiscutable des
diverses étapes de l'humanité préhistorique au pays de Mont-
béliard.
Frédéric Eurtz.
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LEHRES INÉDITES
DE
P.J. PBOIIDHON A SON Ail JOOVENOT
Un aimable professeur de rUniversité a bien voulu nous
faire communiquer cinq lettres autographes de P. J. -Proudhon,
devenues la propriété de M. Ch. Boilley, d'Arbois (Jura). De
son côté, M. Boilley a eu la gracieuseté d'autoriser la Bévue
d'Alsace à les publier in-extenso. Nos lecteurs s'associeront à
nous pour remercier ces messieurs de leur bienveillante
attention. Quel que soit le point de vue ot l'on se place
pour apprécier les lettres de Proudhon, elles ne manqueront
pas d'offrir beaucoup d'intérêt pour notre histoire contempo-
raine.
Jouvenot, à qui ces lettres furent écrites, était composi-
teur d'imprimerie chez M. Javel, imprimeur à Ârbois, ob
Proudhon, simple ouvrier imprimeur, était allé pour la com-
position d'une édition estimée de l'histoire du comté de
Bourgogne par Dunod et publiée par Javel. C'est là que
Proudhon et Jouvenot se sont connus et liés d'amitié. Ils
prenaient ensemble leurs repas dans une modeste auberge
tenue par la famille C... et l'on a conservé à Ârbois le
souvenir que Proudhon avait, sans qu'il s'en soit probable-
ment jamais douté, inspiré un amour profond à l'une des
filleB de la maîtresse de pension.
Ainsi qu'on le verra à la lecture des lettres qui suivent
NoayeUe Séne. — il"* année. 38
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434 REVUE D'ALSACE
Proudhon n'oublia jamais ceux qui avaient été ses premiers
compagnons de travail.
Note de la Direction.
Besançon, 10 féTrier.
Mon cher Jouvenot,
Si les ouvriers alloient au gré de mes désirs, vous auriez
reçu ma réponse deux heures après la réception de votre
lettre. Vous êtes bien négligent avec vos amis; mais il ne
s'agit pas de cela.
J'ai fait voir votre lettre à Plumey; je l'ai lue à Trimaille,
qui a travaillé plus de six mois chez M. Simon, en qualité de
prote et de correcteur, et l'avis de chacun est que vous alliez
chez ce M. Simon. Il ne me reste plus qu'à vous donner
quelques renseignemens sur l'homme.
D'après tous les rapports, ce M. Simon serait une espèce
d'original, peu prévenant, point affable, assez intéressé, et
d'une humeur bourrue et difficile.
Autant que j'ai pu juger, Trimaille, qui lui convenait pour
tout le reste, lui a laissé à désirer pour la correction des
épreuves. Le Père Burdin qui remplaça Trimaille, ou plutôt
le supplanta, comme vous vous en doutez d'avance, fit encore
pis. Il paraît aujourd'hui que le successeur à tous deux ne
fait guère mieux. J'ai même appris que l'on avait renvoyé
pour 12,000 fr. de ballots au s' Simon, à cause de l'abominable
correction des épreuves. Et pourtant il ne fait que des réim-
pressions d'auteurs classiques.
Or, sous tous les rapports, vous pouvez faire aussi bien
d'une part que Trimaille, pour ce qui regarde le matériel
d'une imprimerie, et mieux que tous vos devanciers pour la
correction. Hardi, donc, mon cher; Trimaille avait obtenu de
Simon 100 fr. par mois, le père Burdin, de 60 à 80; réglez-
vous là-dessus.
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LETTRES DE PROUDHON 435
Je sais de plus que Simon n'est pas un homme fort habile,
ni, comme Ton dit, capable de vous en remontrer; mais je
sais aussi qu'il n'entend pas trop raillerie sur les noces, les
rioled;... ceci soit dit sans intention de vous faire une
épigramme.
Adieu, mon brave; si vous ne vous arrangez pas avec
Simon, toujours faut-il que vous vous dirigiez sur Besançon
otL je compte vous voir avant 8 jours.
Votre ami,
P.-^. Phoudhon.
P. S. — Jugez du plaisir que j'ai à vous écrire, par mon
griffonnage : on n'est guère mattre de sa main en pareil cas.
Stiscription
Monsieur, Monsieur Jouvenot, compositeur chez M. Auguste
Javel, imprimeur à Arbois (Jura).
N. B. — Le timbre de la poste donne Tannée à laquelle
cette lettre fut écrite: 11 février 1835. Arrivée à Arbois le
môme jour.
Paris, 3 août 1839.
Mon cher et ancien collègue.
J'ai des torts envers vous: je ne me pardonnerais pas de
vous avoir si longtemps négligé, si je ne trouvais mon excuse
dans la multitude de mes occupations et de mes ennuis. Vous
croyez sans doute que j'ai cessé d'être homme parce que je
suis apprenti-savant, et qu'au milieu des bibliothèques, j'ou-
blie les bords du Doubs, et mes anciens confrères : vous vous
trompez du tout au tout. Vous serez surpris quelque jour, de
me voir rentrer dans la condition de correcteur d'épreuves,
de laquelle je ne devais jamais sortir. Je n'aime point la
science, je méprise les savants, je hais les gens de lettre.
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436 RBYUB B^ALSACB
j'abhorre tout ce qui de près ou de loin sent PAcadémie et
rUniversité. Je tâche de m'arranger pour redevenir un
homme de rien ; car on n'est à son aise que dans le néant
J'ai passé une année exécrable: travaillant et correspon-
dant, méditant et écrivant, sans récréation, sans plaisir,
fatigué des hommes, de l'étude et de moi. Je suis vieilli de
5 ans: le mauvais régime, le jeûne, oui le jeûne, la fatigue et
les affaires m'ont épuisé. H est possible que je ne revienne
pas à Paris l'année prochaine; tant ce séjour me fait horreur.
Je prends en grippe jusqu'à ceux qui le louent et qui s'y
plaisent
Vous n'aurez jamais peutrêtre le malheur de vous faufiler
avec l'espèce que l'on nomme littérateurs ou savants; vous
serez heureux de ne voir pas l'humanité par son côté le plus
laid. Voulez-vous estimer vos semblables? allez à Mesmaj,^
levez-vous à 3 h. du matin avec les paysans, travaillez tout le
jour et couchez-vous à 10 ou 11 h. Le dimanche, dormez
entre messe et vêpres sur la pelouse, à l'ombre d'un vieux
pommier; et le soir buvez une pinte de plus. Voilà ce que
j'appelle une vie de sanctification; les hommes dont je parle,
au contraire, sont une engeance perverse qu'il faudrait
enterrer dans du fumier de cochon.
Votre compatriote Javel ' m'est venu honorer de sa visite:
il était dans une débine comparable à celle de notre père
Adam sortant du paradis terrestre. U est reparti avec le
j^roduit d'une petite collecte. Je l'avais adressé, avec une
^ Mesmay, viUage rapproché d'Arbois où Ton récolte d'exceUentTin.
' Javel revint à Arbois, où nonB le retrouTons en 1846. C'eat en cette
année qu'il imprima et édita la nonveUe édition des Mémoires histori-
ques de la république séqucmoise et des princes de la FrcMche-Comté de
Bourgogne, par M. Lots Gk)LLT7T, avocat au parlement et professeur de
littérature hxtine à ^université de DÔle, inA? sur denx colonnes de
XXIV--2089 p.
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LBTTRB M PROUDHON 437
lettro» aa baron Delort, le pb<8 obligeant des hommes, surtout
pour les Ârboisiens. Javel a été reçu comme un chien, et
presque mis à la porte. Les grands obligent, oui; mais c'est
quand il y a pour eux de Thonneur et du profit à obliger. Le
général Delort ira parlera Louis-Philippe en faveur de la ville
de Besançon: il laissera périr un misérable faute d'une che-
mise ou d'une pièce de 100 s.
Ces considérations sur les grands se multiplient chaque
jour, et j'en tiens registre. Je vous avoue que si Barbes avait
jeté dans la Seine les Tuileries, le Palais Bourbon, le Luxem-
bourg, la Préfecture de police, et les cinq académies, il
m'aurait fait plaisir. Il aurait fallu avec tout cela brûler tous
les journaux et bâillonner tous les écrivassiers. Barbes eut
été alors le premier homme du monde. Mais il n'a pas moins
eu l'estime des contemporains, qui lui tiennent compte de ses
efforts. La volonté était bonne.
Je viendrai bientôt au secours de ces pauvres prolétaires,
de cette canaille qui n'a rien et à laquelle nous appartenons,
vous et moi Ils n'ont pas encore trouvé d'avocat La cause
est pourtant belle. Mais il n'y a pas d'honoraires, et les juges
sont gagnés.
Mon plaidoyer est commencé, et j'y travaille tous les jours.
Ce sera un beau tapage. Mais il n'y aura ni oh ni ah : Galilée
prouvant le mouvement de la terre n'avait pas mieux raison.
Encore un peu de temps !
J'ai reçu de vos nouvelles de temps en temps par ma mère :
je vous remercie de ne l'avoir pas tout à fait négligée : elle ne
se loue pas autant de gens que l'on aurait crus m'ètre plus
attachés que vous. Je suis sûr que vous avez déjà grogné
contre moi: tant mieux, cela est une preuve que vous ne
m'oubliez pas. D'ailleurs vous n'êtes pas le seul qui vous
soyez plaint: ce qui n'empêche pas que je n'aie écrit plus de
cent lettres cette année.
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438 REVUE D ALSACE
Après tout, vous êtes de tous ceux à qui j'écris et qui se
plaignent de moi, celui à qui j'ai le plus d'obligation: ils me
demandent des lettres ; vous ne me donnez pas signe de vie.
Je vous reconnais là : eh bien, c'est moi qui viens vous pincer
l'oreille, quand vous n'y comptez plus, et au moment de partir
de la capitale. Encore un mois, un grand mois de 31 jours, et
je secouerai la poussière de mes pieds contre ce gueux de
Paris, où je ne souhaite pas de vous voir.
Ceux qui m'écrivent me donnent en général fort peu de
détails sur ce qui se passe à Besançon parmi les personnes
de ma connaissance. Comme vous, mon cher Arboisien, ils me
font l'honneur de me supposer indifférent à tout ce qui peut
affecter le pays et les hommes. On croirait agir sottement de
me raconter des détails qui m'intéresseraient pourtant beau-
coup ; et lorsque j'espère me raffraîchir lé sang en ouvrant
une lettre timbrée de Besançon, je ne trouve souvent que des
détails chagrinants sur mes affaires, ou des conversations
littéraires, politiques et scientifiques.
Vous ne m'écrirez pas cette année; car avec votre prompti-
tude ordinaire, vous n'avez plus assez de 30 jours pour faire
une lettre : J'irai donc chercher la réponse moi-même.
Dantine m'a dit que Plumey avait été malade, et qu'il était
convalescent Je l'ignorais absolument. Je voudrais bien
savoir ce qu'il va devenir. Depuis que je suis à Paris, j'ai
faim et soif: si je déjeûne deux fois de suite au restaurant, je
prends un dégoût horrible : il n'y a que la famine qui puisse
me contraindre à manger. Plus d'une fois je suis tombé
évanoui de besoin avant de me décider à aller dîner. Après
cela, croyez que je fais l'amour, et que je m'occupe de iilles.
Bon Dieu I je ne saurai bientôt plus de quel sexe je suis.'
Adieu: n'engraissez pas trop; n'allez pas mourir d'excès de
santé : et quand vous buvez du meilleur, pensez quelques fois
que je n'ai pas même de l'eau de bonne qualité. C'est ainsi
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LETTiBS DE PROUDHON 439
qu'on recommande aux bons chrétiens de prier pour les tré-
passés dans les moments de réjouissance.
Vanitas vanitatum, et onmia vanitas, prœter menducare et
biberef
Votre toujours le m6me,
P.-J. Pboudhon.
P. S. — Le bonjour à votre collègue, M. Priemier : et dites
lui que j'espère bien qull ne me garde pas rancune.
Suscription
A Monsieur, Monsieur Jouvenot, correcteur d'imprimerie,
maison Cbalandre, Grande rue, à Besançon.
LE PEUPLE Conciergerie, 15 juin 1851.
de 1850 "^
iBil pmlsfitnt tims Ibis ptr scmiiiie
BUREAUX
Rue Coq-Héron, S *-. . - ^
A Paris Mon vieux coufrère,
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS ET DÉPARTmBNTS
^^v wfr- Pendant que suis en train, aujourd'hui
wsmou...^^. 6 « dimanche, fête de S** Trinité, de mettre à jour
Adrttier lettres et mandau ma Correspondance, et d'écrire aux Bisontins,
wuuico âa Géram .
je viens frapper à la porte de votre mémoire,
et vous demander ce que vous faites.
Comment avez-vous passé la Révolution de 1848? — Et
avant toutes choses, car je suis bien aise de savoir à qui je
parle, êtes-vous des rouges ou des blancs? Signez-vous la
pétition pour la révision, ou celle contre la révision? Où en
est enfin votre baromètre politique ?
Vous sentez bien qu'un révolutionnaire de ma trempe ne
peut pas se compromettre à la légère, en écrivant du fond de
sa prison à d'anciennes connaissances, qui, depuis trois ans,
à travers tout ce gâchis, auraient pu sans crime, prendre leur
estomac pour leur conscience et crier. Vive V Empereur! en
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440 EEYUB D'ALSAGB
B'imaginant crier Vive la Nation/ Cela est arrivé à ô millions
et demi de Français. La typographie bisontine estrelle tou-
jours, comme la parisienne, Télite et la fleur des patriotes?
Nous sommes bien mous, bien flasques, bien mats. Voilà
L. Rollin et ses rouges, qui, voyant venir 1852, et couchant
en joue la Présidence, flagornent la bourgeoisie et se mettent
à bêler les plus tendres pastorales, a Nous sommes des
« hommes d'ordre; nous ne voulons point d'anarchie; la
« famille, la religion, la propriété ; pas de loi agraire! b Bref,
c'est à qui, en ce moment, se fera le plus conservateur et
miton mitaine. Nous tombons en république honnête et
modérée de plus belle. Tas d'intrigants! Tas de jongleurs!
Ecoute citoyen Jouvenot : dans 51 semaines je suis libre : ils
auront encore de mes nouvelles.
Eh bien! me voilà marié, père de famille; je peux dire,
comme le premier bourgeois de Paris, avec la même solennité,
nos femmes et nos enfants t C'est un état comme un autre.
Dans toutes les positions, le mal et le bien se compensent Je
crois que dans la jeunesse, jusqu'à 30 et 35 ans, le célibat
absolu, la virginité complète, est l'état qui comporte le plus
de bonheur réel; — et que ce temps passé, il y a des jouis-
sances particulières au mariage. J'ai voulu vivre ma vie
entière, je suis un peu marié sans l'être; en ce sens que si
j'ai ajouté à mes soucis et à mes charges, j'ai peut-être
augmenté ma liberté et affermi mon caractère. Si vous voulez
mon opinion sur le mariage, la voilà. Et vous?
Conmie vous êtes enjésuités, embéguinés, encanaillés!
pauvres Bisontins! Quand donc est-ce que la sociale viendra
nettoyer cette écurie d'Augias? Ah! que de vérités il reste à
dire ! Et que le pauvre peuple a encore besoin que le citoyen
Proudhon lui dessille les yeux ! Je n'y manquerai pas ; je vous
en avertis.
Voyez-vous mon ami Huguenot? comment se tire-t-il d'af-
faire? Pourquoi nVt-il pas accepté l'impression du journal
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LETTRU DB PROUDBON 441
démocrate? Enfin, parlez moi un peu de tout et de tous:
depuis trois ans les petites filles sont devenues grandes, les
vieux ont dû s'éclaircir encore et le personnel bouzebot se
renouveler. Trouverais-je encore quelque vigerou (?) au petit
battant qui me reconnût?
Mon cher Jouvenot, je suis épuisé, usé, calciné : je me sens
tirer à la fin, bien que la mine soit excellente, et que je
paraisse plus frais, jeune et vigoureux que jamais. J'ai trop
fait travailler la cervelle, et trop laissé engourdir mes mem-
bres. Je ne vaux plus rien : il n'y a que le vieux rouge qui
m'attache à l'existence. Je vous avoue mon faible; c'est peut-
être à cela que tient l'amitié particulière que j'ai toujours eue
pour mon père. Mais vous ? on dit que vous n'êtes plus de
votre pays, que vous êtes sage, réglé, tempéré comme un
maître d'études. Est-ce que vos épreuves auraient déteint sur
votre âme, par hasard? Et à force de lire des Mois de Marie,
auriez-vous fini par prendre le scapulaire? Porteriez-vous les
sacrés stigmates ? Ce serait un crime que je ne pardonnerais
jamais à la librairie Chalandre, vous pouvez le dire à votre
patron, qui, pour son compte, s'en fiche pas mal ! —
Adieu mon vieux camarade. Conservez soigneusement votre
position ; vivez en paix dans la médiocrité d'Horace, et hors
le cas d'absolue nécessité, ne faites point parler de vous. Sur
ce je prie Bachus et Comus de vous avoir en leur sainte et
digne garde
Votre tout dévoué,
P.-J. Proudhoh.
Paris, 19 noYembre 1855.
Mon cher Jouvenot,
Je viens vous demander un petit service de camarade.
C'est d'hier seulement que je sais, par Denirier, qu'il existe
dans la dernière édition dxLlHctionnaire théologiquedeBtBBiKR,
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442 RSVUB d'alsagb
par M. Chalandre, deux ou trois articles, soit notes, soit
articles de texte, à mon intention particulière, et dans les-
quels je ne ne suis pas trop bien traité.
Auriez-vous l'obligeance de me dire quels sont ces articles,
quelle en est la substance, qui les a écrits? s'il s'y trouve
quelques lignes qui méritent que vous les citiez, faites-en
l'extrait, et envoyez-les moi. Ou mieux encore, si ces articles
n'étaient pas d'une longueur excessive et ne demandaient,
par exemple, qu'une journée ou deux de travail pour en faire
la copie, chargez-en quelqu'un; je vous ferai remettre aussitôt
ce 'que vous aurez jugé à propos de donner de gratification.
Je possède une édition de Bergier, publiée par la maison
Chalandre, et c'est ce qui m'empêche de me procurer la
dernière. Mais mon exemplaire porte la date de 1843, et je
n'y ai rien vu qui me concernât personnellement
Quelque fois on trouve de ce qu'on appelle imperfection
d'une librairie, de quoi satisfaire un curieux qui ne cherche
qu'un texte à recueillir. — Si c'était le cas pour vous, vous
pourriez mettre la feuille en question sous enveloppe, et me
l'adresser.
Enfin, je me confie à votre obligeance pour ce renseigne-
ment, qui me sera utile, et que j'ai besoin de recevoir sous
huit jours, au plus tard.
Je pars du 25 au 30 et pour la Belgique, où je vais faire
éditer un ouvrage qu'il n'y aurait pas pour moi sûreté de
publier à Paris, et dont au surplus personne ne veut se
charger. Répondez-moi d'ici là, sauf empêchement
Comment êtes-vous avec M. Chalandre? En 1852, vous
m'avez paru satisfait de votre position ; y trouvez-vous tou-
jours les mêmes avantages ? Je ne vous chaire pas de mes
salutations pour votre patron, malgré la bienveillance qu'il
m'a témoignée à plus d'une reprise: je craindrais qu'il ne prît
cette liberté de ma part pour une familiarité indiscrète.
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LBTTRBS DB PROUMON 443
Mais, à défaut da chef, parlez-moi de ceux que j'ai connus,
Joufiroy, Jobar, etc.
J'ai appris la mort de ce bon Thouré, par son frère qui est
venu à Paris faire une grande musicienne de sa fille, et qui
a dépensé pour cela ses dernières ressources. Le pauvre
homme!. . .•
On dit que Plumey est la cheville ouvrière de la munidpar
lité bisontine et qu'il gouverne la ville, comme le iils de
Thémistocle gouvernait Athènes. Si vous le voyez, vous lui
souhaiterez le bonjour de ma part Je voudrais savoir ce
qu'est devenu son fils : il a dû aller en Crimée.
Le fils de Plumey me fait penser au fils d'Huguenet, qui
était, je crois, de la réserve. Est-il aussi parti, celui-là? Quand
donc est-ce que le Minotaure bonapartiste, avec ses blagues
de gloire^ de liberté des nations, d'équilibre européen, sera
saoul de chaire humaine ?
Le prêtre, le soldat, le capitaliste : voilà la triple puissance
du jour, et l'objet de ma triple haine.
Mais j'oublie que vous êtes correcteur d'une imprimerie
ecclésiastique; et je ne voudrais pas vous compromettre.
Mon cher Jouvenot, si vous pouvez vivre décemment dans
votre position, demeurez-y, et gardez-vous cP écrire.
Je vous serre la main, et vous prie de me croire toujours,
comme en 1832, 1834, et dans tous nos plus mauvais jours,
votre fidèle et dévoué collègue,
P.-J. Pboudhon
rue d'Enfer, 83.
Paris, 25 décembre 1855.
Mon cher Jouvenot,
Je vous remercie des épreuves et renseignements que vous
m'avez envoyés. J'en ferai, vous pouvez croire, le plus discret
usage, d'autant mieux que je n'ai pas la moindre envie de
donner de l'illustration au curé Vincent
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444 U¥UB D ALSACE
Je VOUS avais annoncé mon départ pour la Belgique: Je
n'en ferai rien, j'espère. J'ai trouvé plus utile de mettre mon
livre sur un pied tellement respectable que ni jésuite ni
grippeminaud n'y puisse mettre la griffe.
Il y a dans votre lettre, mon cher Jouvenot, un mot fort
joli, c'est quand vous me dites que le petit service que vous
me rendez vous rend tUUe pour la première Jois de votre vie.
De la part d'un homme qui a passé sa vie à lire des épreuves
dans une imprimerie ecclésiastique, c'est on ne peut plus
édifiant Mais rassurez-vous; nous sommes solidaires, et ce
que j'ai appris du grimoire de ces messieurs, en même temps
que vous, ne sera pas perdu. Jamais l'église n'aura été à
pareille fête; et j'espère que la lecture de mon bouquin vous
dédommagera en une fois de toutes ces théologiques insipidités.
Mais ce qui m'a particulièrement touché c'est la bouteille
de vin blanc doux que vous avez bue à ma santé avec Plumey;
et vous ne sauriez croire quelle délirante envie elle m'a
donnée de prendre le chemin de fer, et d'aller reconmiencer
avec vous. Il y a si longtemps que je n'en ai goûté de ce vin
blanc doux! et j'ai eu tant de mal avec ces parisiens qui ne
savent pas boire le bon vin ! ... •
Gomme je tiens essentiellement à ne pas me brouiller avec
M"* Plumey, dont je connais \e^ fureurs, je vous serai obligé
d'aller la revoir une fois encore, et de lui remettre l'induse,
qui est du reste, bien entendu, pour son mari et pour elle. Je
ne sépare pas ce que Dieu a joint.
Si ma publication a le succès que j'en attends, je me pro-
pose, courant avril ou mai, d'aller goUarder une quinzaine
là-bas; ma cervelle en a besoin.
Bonjour et bonne année,
Votre ami,
P.-J. Pboudhok.
(Cimmmiiieation de M. L. Mbunibr, profutmr de edmen noêméOm.)
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L'ALSACE ARTISTIQUE
Suite ^
HELWAND
ET LES CALLiaBAPHES-MIKUTURISTEB DE L'ABBATE DE LUGELLE
(xn« siècle)*
L'ancienne abbaye de Lucelle, de l'ordre de Citeaux, située
aux contins du Sundgau (Haute-Alsace) et de la Suisse, fut
fondée au commencement du xu* siècle par des nobles du
comté de Bourgogne, les sires de Monfauçon près de Besancon.
Suivant les documents de l'époque, saint Bernard vint en
personne poser en 1123 la première pierre de ce monastère,
qui fut vendu comme bien national pendant la Révolution et
démoli en 1804. Lucelle, où mourut, en 1787, l'historien
Grandidier, qui était allé faire des recherches dans ses riches
archives, fut l'asile de plusieurs hommes distingués. C'est là que
le Bâlois Jean Démétrius, mort en 1319, écrivit plusieurs
traités de théologie; que Conrad Holtzacker, originaire de la
même ville et décédé en 1443, rédigea les Actes du CancUe de
Trente; que Nicolas Amberger, vice-chancelier de l'empereur
Frédéric III, mort en 1467, composa ses Dissertations histo-
riques sur les antiquités de Lucelle; que Bernard Buchinger,
né à Eientzheim (Alsace) en 1606, abbé de Pairis, puis de
^ Voir la livraison du dernier trimestre.
* Onvrages consnltés: GArabd, I, p. 90 et sniT.; Bâoqvol bt
BisTBLHUBBB, VAlsoce ancienne et moderne, article LuceUe ; et sortent
(DoiqiTEBas, BouBOABD d'Asosl, L p. 51, 162 et sniv.
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446 REVUE d'alsacb
Lucelle, écrivit l'histoire de ces communautés religieuses,
ainsi que celle du pape alsacien Léon IX.
Parmi les artistes calligraphes ou miniaturistes de Tabbaye
de Lucelle, il faut citer: le frère Hélinand, qui vivait à la fin
du xii* siècle; Guillaume, qui appartient au xuT et dont la
mention suivante se trouve dans le nécrologue de Tabbaye de
Pairis : c  la mémoire de frère Guillaume, moine de Lucelle,
qui écrivit avec beaucoup de soin un missel pour notre grand
autel»; l'abbé Bourcard de Landscron (1298-1303), qui
rédigea un terrier ou urbaire intitulé : Auro daudendus Uber;
et au xvnr siècle Bernardin Walch, originaire de Winckd
(canton de Ferrette), qui fut pendant de nombreuses années
moine à Lucelle et y mourut en 1760. Il était préposé à la
garde des archives du monastère et s'occupa de les classer.
Il nous a laissé plusieurs manuscrits fort curieux, dont le plus
important est son Missellanea Lticiscellerma, en deux volumes
in-folio, auquel il travailla plus de quarante ans, comme il
nous l'apprend dans sa préface. C!et ouvrage renferme non-
seulement l'histoire de Lucelle, mais encore celle des
nombreux monastères qui en dépendaient, et il Ta illustré de
plans, de dessins, d'armoiries, de portraits, de sceaux, etc.
Hélinand, le premier calligraphe-miniaturiste connu de
l'abbaye de Lucelle, vivait, comme nous l'avons dit, dans la
seconde moitié du xir siècle. Il s'était rendu célèbre par son
talent de peindre de magnifiques missels écrits sur pardiemin
blanc, enrichis d'or et d'azur, de pourpre ou de sinople, ornés
d'oiseaux, de poissons, d'anges, de démons, de saints, de
damnés, enfin de tout ce qu'il était alors d'usage de peindre
dans les livres.
Parmi les ouvrages d'Hélinand, les archives de Lucelle
nous ont conservé le souvenir d'un superbe missel qu'il avait
peint en 1196 et que l'abbé de ce monastère, Conrad de
Batolsdorf, envoya deux ans après, à titre de prêt, à Conrad
de Biederthau, abbé de Saint-Urbain (canton de Luceme),
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l'alsacb artistiqub 447
qui venait d'être fondé. Il accompagna cet envoi d'une lettre
que Walch a reproduite dans son MisêéUanea LucisceUensia: *
« Réjouissez-vous, disait-il, de pouvoir chanter dans une
pareille œuvre un nouveau cantique en l'honneur du Seigneur. •
Cet acte curieux fait voir combien les livres étaient rares à
cette époque et combien on estimait ceux qui les avaient
écrits. Aussi, ne doit-on pas être surpris que Walch raconte
naïvement qu'alors les moines, qui savaient à peine lire,
étaient presque tous des saints, et qu'à présent, qu'ils ont
entre les mains un grand nombre de livres, ils ne sont plus ce
qu'ils étaient dans ce temps fortuné où Dieu répandait ses
miséricordes sur l'aridité de leurs âmes. Cet auteur rapporte
aussi qu'un jour saint Bernard, évéque de Maurienne, ayant
imposé en confession, pour pénitence, à la supérieure du
monastère de Béton, l'obligation de se procurer les commen-
taires de saint Augustin, cette religieuse consulta son fils, le
bienheureux Pierre, évèque de Tarentaise, et par surprise
obtint de lui le livre qu'elle désirait '
GUTA
Galligraphe (zu« siècle) *
C'est principalement dans les monastères de fenmies que la
calligraphie, qui exige du goût, de la dextérité et de la
patience, fut cultivée. L'histoire signale le couvent de
Schartzenthann, près de Marbach, fondé en 1149, dont les
religieuses excellaient à transcrire des livres de chœur et les
anciens manuscrits. On cite parmi elles la chanoinesse GhUa,
dont l'abbaye de Marbach possédait encore lors de la Révolu-
^ Tome n, p. 403.
* Waloo, MiseeUanea Lucised., T. I, p. 68.
* OuTrage consulté: Gébabd, les Artistes de V Alsace au moyem âge.
T. I, p. 67 et siiiT.
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448 RB?irB d'alsaci
tion un magnifique manuscrit, exécuté en 1154. Suivant
Gérard, il contenait le martyrologue d'Usuard, la Règle de
saint Augustin, le commentaire de Hugues de saint Victor
sur cette règle, les anciennes constitutions de Marbach et un
Homéliairo pour toute Tannée. C'était un grand volume in-
folio de 282 feuillets, enrichi de miniatures par un religieux
de Marbach, nommé Sintram. Ce manuscrit portait la note:
Scriptum est hoc opuseiihim ah eadem predida Chda, anno àb
incamatione Dei verbo MCLI F. Sistram était le contemporain
deGuta.
Gérard a cru que ce manuscrit était perdu; il n'en est
cependant rien. Suivant Ignace Chauffbur, ' il se trouve
actuellement dans la bibliothèque du grand séminaire de
Strasbourg. Il consiste en un volume en parchemin in-folio,
dont on a arraché quelques feuillets, mais assez bien conservé.
En tête, se trouve une miniature qui ne laisse aucun doute
sur la nationalité allemande de la religieuse qui Ta écrit On
la voit représentée à genoux, vis-à-vis de l'imagier Sintram,
oflhrant ensemble à la Vierge le livre, fruit de leur travail
commun. La légende porte d'un côté :
Sintrammi, virgo ! memor hujvs pauperis esta
de l'autre, du côté de la religieuse:
Fer te, stirps Jesse, quod dicor (Outa) deprecor esse.
Ce manuscrit ne comprend pas seulement, comme l'afiirme
Gérard d'après l'abbé Grandidier, le martyrologue d'Usuard,
la règle de saint Augustin, les commentaires de Hugues de
saint Victor, les anciennes constitutions de Marbach et
l'Homéliaire; mais encore un obituaire, avec les noms de tous
les bienfaiteurs recommandés aux prières de la communauté,
et, ce qui est plus curieux, un manuel d'hygiène approprié à
tous les mois de Tannée. Les préceptes y sont exprimés en
^ Bibiiogra^hie d$8 Artistes de V Alsace pendant le moyen âge, Beeue
d'Alsace, année 1878.
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L'ALBACB AEnBTIQUB 449
vers latins, an pen construits au hasard. Ils semblent contenir
sur la matière médicale, usitée en Alsace au xa* siècle, des
détails très intéressants, surtout en ce qui concerne l'emploi
de certains simples qui jouent encore de nos jours un grand
rôle dans la médication populaire.
ALBERT DE STRASBOURG
Architecte (xin« siècle) '
Les traditions des loges maçonniques de l'Allemagne attri-
buent l'invention du style gothique à Albert de Strasbourg.
Suivant les livrets professionnels (Steinmetz huchlein), celui-ci
était originaire de Strasbourg et moine dans un couvent de
bénédictins de cette ville; son existence remonterait au
xr siècle et c'est pendant un voyage que le pape Léon IX avait
fait en 1050 en Alsace, qu'il aurait été chargé par ce dernier de
reprendre les travaux de la cathédrale, interrompus en 1028
à la mort de l'évêque Werinhaire. Mais aucun document
authentique n'établit que Strasbourg possédait d'abbaye béné-
dictine proprement dite et que Léon IX eut confié à Albert la
direction des travaux de la cathédrale. Il n'est pas plus
démontré que cet architecte est l'auteur du style ogival; en
effet, personne ne l'a inventé, il est sorti naturellement du
plein-ceintre; quand celui-ci eut cessé de répondre à l'idée
du beau et aux aspirations du sentiment religieux, il fut
remplacé par le gothique, beaucoup plus gracieux, plus
élégant et plus élancé. Albert de Strasbourg n'a pas vécu au
XI* siècle, conmie le rapporte la tradition ; il est venu plus
tard dans la première moitié du xm* siècle, où l'ogive avait
détrôné le plein-ceintre. Il est permis de dire que cet archi-
tecte fut le contemporain des maîtres qui, en France, élevèrent
^ Oavrage consulté : GAbabd, Ub Artûtes de VAIêoce au moffen âge.
T. I, p. 154 et Boiv.
NoayeUe Série. — il- année. 39
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450 REYUB D*ALSACB
Notre-Dame de Paris, la Sainte-Chapelle, les cathédrales
d'Amiens, de Chartres, de Laon, de Noyon, etc.
Un auteur allemand, HeideloS. ^ a émis Topinion qu'Albert
de Strasbourg n'était autre qu'Albert le Grand, qui séjourna
quelque temps dans cette ville, et qu'il aurait iq>pliqué ses
connaissances architectoniques à la cathédrale naissante de
Cologne. Cette hypothèse n'a rien de fondé.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'Albert de Strasbourg a
existé et qu'il est probable qu'il a vécu au commencement du
xnr siècle, sinon plus tard. Ce fut l'un des premiers archi-
tectes qui réunirent en corps de doctrine les principes
d'architecture que connaissaient seuls les initiés, c'est-Â-dire
un petit nombre de moines, et qu'il les transporta du domaine
sacré des loges religieuses des monastères dans le domaine
laïque des associations bourgeoises.
Feu Gérard ' a donné le résumé suivant des doctrines de ce
grand architecte, telles qu'elles nous ont été transmises par
les traditions des ouvriers tailleurs de pierre. On verra que
cette doctrine repose sur des principes scientifiques que l'art
moderne respecte encore, mais qu'elle a été revêtue de formes
singulières, mystérieuses et cabalistiques par les anciennes
corporations, qui considéraient l'architecture comme un art
sacré et secret, auquel le profane ne devait pas être initié.
« Dieu est la source de l'art religieux par excellence, de
l'architecture. La beauté, la puissance, la majesté, l'harmonie
des conceptions de cet art dérivent de la vertu et de la com-
binaison des nombres saints. La science des nombres
harmoniques forme une géométrie sacrée, une mathématique
divine, qui gouverne l'architecture comme toute la création.
Pythagore, Platon, Hermès, Trismégiste en avaient découvert
les lois. — La croix de l'église est déduite de la figure par
' Bauhatte des Mittdalters.
* Artistes de VAlsace au moyen âge, T. I, p. 160 et siiiv.
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L'ALSACE ARTISTIQUE 451
laquelle Euclide construisit le triangle équilatéral. Ce triangle
est le générateur de l'ogive. Les nombres trois, cinq, sept, dix,
douze dominent dans les diverses parties de Tédifice sacré;
leur application n'est point arbitraire ou conventionnelle,
mais imposée par la vérité religieuse et les lois de la nature.
Le nombre trois représente la sainte Trinité; cinq est le
nombre des doigts de la main humaine, le plus parfait instru-
ment de la création; sept, celui des planètes de l'ancienne
astronomie, des jours consacrés à l'œuvre de la création du
monde, des Sacrements, des dons du Saint-Esprit; dix est le
nombre parfait; douze, celui des signes du zodiaque, des mois
de l'année, des apôtres, etc.
« Le cercle, symbole antique de l'unité de Dieu et de son
éternité, qui contient à la fois la force et la solidité, est
l'instrument le plus puissant de l'architecture positive. Com-
biné avec le carré, emblème de l'inébranlable, de l'immuable,
Albert en dérive l'octogone, qu'il prit pour principe fonda-
mental du style et de l'art de bâtir. Son système se fondait
sur les propriétés intrinsèques, sur les vertus qu'il attribuait
au nombre huit, qui fut toujours considéré par les philosophes
comme le nombre par excellence. Huit est, en effet, le double
du nombre divin quatre; quatre est la signature de Dieu dans
le monde visible, le tétragramme saint qui figure le nom de
Dieu dans presque toutes les langues, le nombre des évan-
gélistes, celui des saisons, celui des côtés du carré qui
symbolise Dieu dans l'Ecriture sainte.
a Le triangle rectangle et le triangle isocèle sont la moitié
du carré. Le triangle équilatéral engendre l'hexagone; un
point au milieu produit le nombre sacré sept
« A ces idées fondamentales correspondaient des applications
pratiques. Quand les côtés du chœur sont engendrés par
l'octogone, le nombre huit se reproduira dans toutes les
parties de l'église; elle comptera huit travées, huit piliers;
avec l'hexagone, le nombre régulateur sera six; avec le penta-
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452 REVUE D'ALSACE
gone, cinq; avec le dodécagone, douze; si la terminale du
chœur offre trois pans, les fenêtres présenteront trois divi-
sions verticales et trois divisions horizontales ; il en sera de
même pour les autres figures et nombres.
a Les parties inférieures du temple dérivent du carré et se
subdivisent en octogones; les parties supérieures, dominées
dans le triangle mystique, se rarifient en hexagones, en dodé-
cagones.
a L'intérieur du monument a aussi ses proportions sacrées.
La largeur principale doit être égale à la hauteur; l'élévation
des bas-côtés ne doit pas dépasser les deux cinquièmes de la
largeur totale de l'église; la largeur de la nef centrale est
dans le rapport de deux à sept avec sa hauteur, et celle des
nefs latérales dans le rapport du tiers.
« Tout l'ensemble comme les détails, se multiplie ainsi
par des nombres mystérieux et harmoniques: les croisées, les
colonnes, les piliers, les arcades, les chapelles, les autels, les
portes, etc. »
Telle est, en abrégé, la doctrine d'Albert de Strasbourg,
laquelle a subi des modifications, des déformations dues à la
crédulité, à la superstition des associations des tailleurs de
pierre des temps anciens. Albert a certainement cru à la
vertu mystique des nombres réputés sacrés, mais sa doctrine,
en traversant les âges, a perdu de sa pureté artistique et a
contracté cette forme cabalistique et symbolique qui nous
étonne et qui est peu compréhensible pour nous.
LA STATUAIRE SABINE
(xm« siècle) *
Lorsqu'on entre dans la cathédrale de Strasbourg par le
' Ouvrages consultés : Gâbabd, les Artistes alsaciens, etc. T. I, p. 100
et suiv.; — ScHiraxaANs, Sabine (Bemie d'JUaaotf), 1850 et 1861). etc.
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L*ALSAGB ARTISTIOOE 458
portail méridional de Phorloge, les yeux sont frappés par deux
belles statues de femmes qui se trouvent en avant et de
chaque côté du perron. Celle de gauche représente le Judaïsme,
celle de droite le Christianisme. La première a sur les yeux
un bandeau, emblème de son opiniâtre aveuglement; la cou-
ronne qu'elle avait sur la tête gît à ses pieds; ' elle porte dans
sa main droite la hampe brisée d'un étendard; son bras
gauche, pendant et débile, laisse tomber les tables de Tan-
cienne loi. L'attitude de la femme qui représente le Christia-
nisme est pleine de grâce et de majesté ; son regard, assuré
et presque souriant, atteste qu'elle a remporté la victoire sur
l'ancienne loi; elle porte une couronne sur la tête; sa main
droite tient une croix, emblème de la foi nouvelle, sa gauche
le calice, symbole de l'Eucharistie. Ces deux statues, par le
calme sévère et la régularité de leur visage, par l'harmonie
des proportions, la largeur du modelé et l'ampleur des dra-
peries qui laissent deviner la forme du corps, rappellent les
chefs-d'œuvre de l'antiquité, quoique appartenant à l'art
byzantin par l'arrangement et la composition. Aussi, depuis
des siècles fontrelles Tadmiration des connaisseurs.
Ces statues, de même que tout le portail méridional tel
qu'il était avant la Révolution, remontent à la première moitié
du xnr siècle. C'est l'opinion de tous les auteurs modernes
qui ont traité ce sujet. *
Quel est l'auteur de ces chefs-d'œuvre? La réponse à cette
question se trouve dans les deux vers latins suivants gravés
sur le rouleau que tient saint Pierre, l'un des douze apôtres
qui ornaient le portail de l'horloge et qui avaient été sculptés,
comme le Christianisme et le Judaïsme, par le même artiste :
Chratia divinœ pietatis adesto Savinœ
De petra duraper quam mm fada figura.
' Cette conronne fat enlevée pendant la Terreur.
* Sghnbbgass, Violbt-lb-Duo {DicUonnaire d'airchitecture)^ Gbrabd,
etc.
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454 REVUE o'alsacs
Ce qui veut dire : « Que la grâce de la miséricorde divine
assiste Savine, par laquelle de pierre dure je fus formée en
statue. » Ainsi, c'est Savine ou Sabine qui elle-même inscrivit
son nom, apposa sa signature sur son œuvre.
Mais, par suite d'une fausse interprétation des mots petra
dura faite par l'ingénieur Specklé, celui-ci les traduisit par
l'expression allemande Steinhach, et en conclut que Sabine
était la fille d'Erwin de Steinbach, l'un des architectes de la
cathédrale. Cette opinion était tellement préconçue chez lui,
qu'il ne s'aperçut pas même que c'est le mot Hartmstein qui
est la traduction littérale en allemand de petra dura, et non
Uteinhach qui signifie pierre du ruisseau. Cette grossière
erreur, qui donnait pour père à Sabine un homme qui vécut
longtemps après elle, fut cependant acceptée aveuglément par
Schilter, Schœpflin, Grandidier, Schweighauser, Strœbel, etc.,
et se propagea jusqu'à nos jours. C'est L. Schneegans, ^ savant
aussi modeste qu'éclairé, qui rendit aux mots latins de l'ins-
cription leur sens véritable, qui démontra d'une manière
irréfutable qu'Erwin n'était pas le père de Sabine et que les
œuvres de celle-ci étaient d'un siècle plus anciennes que les
travaux de son prétendu père.
Mais, alors, quel était le père de Sabine, à quelle famille
appartenait-elle, de quel pays était-elle originaire ? Sa nais-
sance est restée inconnue et on en est réduit à des con-
jectures. Il est probable qu'elle était la tille d'un architecte
de l'œuvre Notre-Dame de Strasbourg, qu'elle apprit la
sculpture dans les ateliers de cette cathédrale, dont l'école
artistique exerça une influence considérable en Alsace et
dans les contrées voisines pendant les xir et xiit* siècles.
Schneegans pense que Sabine eut pour père l'architecte
Herrmann Auriga qui, à la tin du xii* siècle, agrandit les
fortitications de Strasbourg et reconstruisit les transepts et
* Ouvrage déjà cité.
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l'alsacb artistique 455
le chœur de la cathédrale qui avait été détruite par plusieurs
incendies.
Toutes les sculptures et les statues du portail méridional
étaient dues au ciseau de Sabine; malheureusement la plu-
part furent presque détruites, comme tant d'autres en
France, par le marteau révolutionnaire (4 frimaire an II). La
cathédrale de Strasbourg perdit 235 de ses statues (dont 168
furent brisées), et il n'est resté de Tœuvre de Sabine que les
figures du Judaïsme et du Christianisme, la scène représentant
la mort de la Vierge et deux figures du couronnement de la
mère du Sauveur. Le portail, tel qu'il se trouve actuellement,
a été restauré par des artistes du xix* siècle qui ont tâché,
sans y réussir toujours, d'en reproduire fidèlement le dessin
primitif.
Louis Schneegans a donné de Tœuvre de Sabine une des-
cription complète, résumée comme suit, par Gérard. «Le
portail méridional de la cathédrale de Strasbourg est formé
de deux portails byzantins accostés. Dans l'évasement de
chacun de ces portails, Savine avait placé les douze apôtres,
trois à trois de chaque côté. Voici quelle était leur disposi-
tion : au portail de droite, la rangée gauche comprenait saint
Pierre muni de la clef symbolique, saint Paul et un apôtre
ordinaire ; dans la rangée de droite, saint Luc faisait face à
saint Pierre et était suivi de deux apôtres sans désignation
précise qui puisse les faire reconnaître. La statue qui repré-
sentait saint Paul tenait le phylactère sur lequel était gravé
la fameuse inscription. C'est à tort que la plupart des écri-
vains ont cru reconnaître dans cette statue saint Jean et ont
indiqué le disciple bien-aimé comme porteur du phylactère.
Saint Jean se trouvait dans le portail de gauche; il commen-
çait la rangée sénestre dans laquelle il occupait la place
d'honneur, comme saint Pierre de l'autre côté. L'on n'aurait
jamais dû se tromper sur cette figure. Elle était la seule qui
eut le caractère de la jeunesse et de la grâce, type qui con-
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406 UTUB D*AUA€8
vient exclusivement, d'après la tradition de TEglise, à l'apôtre
saint Jean. A côté de celui-ci se trouvaient deux apôtres
innommés. La rangée droite était formée de saint Mathieu et
de saint Marc ayant le douzième disciple entre eux. Tous les
apôtres non évangélistes tenaient à la main le livre des
Evangiles, emblème de leur œuvre de prédication ; les évan-
gélistes, suivant le symbolisme consacré par Part byzantin,
avaient Tévangéliaire placé debout sur la poitrine. Ils avaient
tous la tête nimbée, et cet ornement faisait corps avec le mur.
a Le pilier séparatif des deux portails offrait l'image de
Salomon assis sur son trône, tirant de la main droite le glaive
du fourreau qui repose sur ses genoux, et accomplissant sa
fonction de juge. Au-dessus du roi des Juifs se trouvait le
buste du Sauveur ayant le globe dans la main gauche et
bénissant avec la main droite levée.
« Chaque tympan reçut aussi son ornementation sculptée
en bas-relie£ Le champ supérieur du tympan gauche contenait
la mort de la Vierge. Elle est expirée; le Christ a reçu son
âme sous la forme touchante d'un petit enfant qu'il tient sur
le bras gauche ; il bénit sa mère de la main droite. Les douze
disciples, dans l'attitude de la douleur, entourent le lit funé*
raire de Marie, sur le devant duquel Marie-Madeleine prie et
pleure prosternée. Dans la partie inférieure du tympan, on
voit les funérailles de la Vierge. C'est le simple et austère
enterrement des chrétiens du premier âge. Deux hommes
portent sur leurs épaules un brancard chargé d'un cercueil
que recouvre un drap mortuaire ; quelques apôtres accom-
pagnent le modeste convoi. A côté du drame de la mort
terrestre de Marie, dans le tympan du portail de droite, était
représentée la scène de la glorification céleste, le spectacle de
l'apothéose de la mort du Christ Dans le champ d'en-bas, on
voyait l'Assomption; deux groupes d'anges adorants se
tenaient sur les côtés ; au centre, deux chérubins, un pied
appuyé sur la demi-sphère du monde, emportaient la Vierge
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L^ALSAGB A&TKTIQUE 45t
dans une flottante draperie. La partie supérieure du tympan
figurait le couronnement de la Vierge. Le Christ, couronné
et entouré du nimbe sacré, était assis sur un trOne avec sa
mère; il couronnait Marie de la main gauche; deux anges
encensaient le groupe central. Le Christ et la Vierge ont
seuls été sauvés de la destruction de Tan II. A l'exception de
ces deux figures, tout ce que je viens de décrire a été refait
par des artistes modernes d'après d'anciens dessins. »
On reproche à Sabine d'avoir, dans les deux statues du
Judaïsme et du Christianisme, traité d'une manière imparfaite
le corps humain, autant qu'on peut le deviner sous les amples
vfitements du xn* siècle. Mais comme le fait observer fort
judicieusement Schneegans : a L'artiste strasbourgeoise n'a
fait que partager le vice radical de la sculpture du moyen
âge en général. Mais ce reproche s'adresse plutôt à l'époque
qu'à l'artiste. Habitués à ne voir le corps humain que revêtu
de draperies qui en marquaient plus ou moins les formes et
les mouvements, les artistes chrétiens étaient hors d'état,
pour la plupart, de le représenter dans sa beauté idéale,
comme le faisaient les artistes de l'antiquité classique qui,
sous le beau ciel de la Grèce et de l'Italie, voyaient l'homme
se mouvoir devant eux tel qu'il sort des mains du créateur.
Comment, dès lors, pourrait-on exiger d'artistes placés dans
des conditions si différentes, vivant, outre cela, à des époques,
dans des idées et dans des tendances si différentes, d'arriver
au même résultat, au même degré de développement et de
perfection, sous le point de vue en question ? D'un autre côté,
le génie de l'art chrétien en général, de l'art byzantin et
roman en particulier, ne portait guère les artistes vers la
beauté corporelle idéalisée dans sa forme et dans son appari-
tion extérieures. La manière dont le moyen âge et l'église
dominante avaient résumé et fixé la pensée, les dogmes et les
préceptes du christianisme, poussait plutôt les artistes à sub-
ordonner, à sacrifier même la beauté corporelle et matérielle
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466 &BTUE d'alsagb
à ridéal spiritualiste qu'ils s'efforçaient avant tout d'atteindre
dans leurs œuvres. De là ces corps amaigris et frêles, souvent
difformes et contournés, tels qu'on les retrouve dans les
sculptures de Sabine.
« Mais, ajoute Schneegans, ce que je sais, c'est qu'en dépit
de tous ces défauts, il y a dans les deux statues de Sabine
quelque chose d'indicible, d'indéfinissable, quelque chose
d'inexprimable pour la parole, qui attire mon regard, qui me
charme et m'absorbe; qu'à côté de tous ces défauts, et bien
au-dessus d'eux, domine quelque chose de tout idéal, quelque
chose de profondément senti et de profondément artistique
qui, dans ces statues, me touche bien plus vivement que tous
les défauts, quelques considérables qu'ils puissent être, quel-
que chose qui par un de ces mystères de la nature, provoque
et réveille en moi comme un écho tout harmonieux, et élève
pour ainsi dire mon sentiment à la hauteur et à l'unisson de
celle de la chaste et pieuse statuaire Malgré ces défauts,
on sent^ en contemplant les sculptures du portail méridional,
que l'artiste qui les a créées portait en elle un idéal qui l'ins-
pirait et la dominait tout entière, un idéal comme l'était celui
que Cicéron définit quelque part dans des termes si nobles et
si élevés en perlant des chefe-d'œuvre de Phidias et de l'idéal
dont ils étaient les sublimes effets. »
Nous ajouterons que les sculptures de Sabine attestent,
non seulement un génie artistique, mais encore une grande
adresse pratique. Les draperies sont traitées avec une vérité,
une grâce, une légèreté de touche qu'on rencontre rarement
dans les œuvres du moyen âge. Le costume est d'une grande
simplicité ; il consiste en une robe tombant jusqu'à terre et
serrée par une ceinture à la taille. La statue du Christianisme
seule porte en plus un manteau jeté dessus la robe et tenu
sur l'épaule par une agrafe fixée sur la poitrine. Les visages
des deux femmes, qui ont une expression naïve et candide, ne
trahissent ni effort, ni recherche de la part de l'artiste» Sauf
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L^ALSACE ARTICTIQUE 459
les doigts de la main droite du Judaïsme et le manteau du
Christianisme, qui ont été fracturés, ces statues sont assez
bien conservées.
Sabine a dû laisser d^autres témoignages de son génie dans
la cathédrale de Strasbourg. On lui attribue les quatre évan-
gélistes et les anges sonnant de la trompette qui ornent le
pilier sur lequel repose la voûte du bras méridional du
transept; la belle figure au cadran solaire placée dans la
niche du contrefort occidental du portail sud ; la femme cou-
ronnée et portant un phylactère, qui se trouve dans une
niche au troisième étage du flanc oriental de la tour du sud.
Ces figures, par les caractères particuliers qu'elles ofirent,
doivent avoir été sculptées par Sabine.
ERWIN DE STEINBACH
Architecte; son œuvre et sa famille (1273-1318) '
Le plus beau monument de l'Alsace et l'un des plus admi-
rables du monde entier est, sans contredit, la cathédrale de
Strasbourg. D'abord humble église en briques et en bois sous
Clovis et les Mérovingiens, elle fut remplacée, sous le règne
de Charlemagne, par une construction en pierre qui fut
détruite en 1002 par un incendie allumé par les soldats
d'Hermann, duc d'Alsace et de Souabe. Werinhaire de Habs-
bourg, évêque de Strasbourg, la reconstruisit; mais elle fut
de nouveau brûlée en 1007 par le feu du ciel. Le même prélat
la réédifia, d'après le style roman (1007-1028); puis elle fut de
nouveau incendiée en 1130, 1140, 1150 et 1176, et sa crypte
seule fut épargnée.
' Ouvrages consultés : Gérard, les Artistes de V Alsace au moyen âge.
T. I, p. 190 et suiv. — Louis Schnebqans, Essai sur la cathédrale de
Strasbourg, — Piton, îa Chthédràle de Strasbourg, etc.
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400 RETUE D'ALSACE
L'architecte Hermann Aiiriga, le père probable de k
statuaire Sabine, en reconstruisit, à la fin du xn* siècle, les
transepts et le chœur, qui a été restauré au xix* siècle par
Gustave Klotz. L^œuvre d^Auriga est de style roman, mais on
y remarque déjà, surtout dans les voûtes, quelques traces de
Togive qui allait bientôtrégner exclusivement dans les édifices
religieux. Vers le milieu du xm* siècle, un architecte, dont le
nom est resté inconnu, commença la construction des nefs
qui furent à peu près achevées vers Tan 1273 et qui étaient
de style gothique.
Le corps de la cathédrale était ainsi presque terminé, le
chœur roman était réuni au vaisseau central gothique appuyé
sur ses deux nefs latérales, lorsque Conrad III de Lichtenberg,
devenu évêque de Strasbourg en 1273, conçut le beau projet
de donner à ce qui existait déjà une façade monumentale, dont
il confia l'exécution à Erwin de Steinhach.
De quel pays cet illustre architecte était-il originaire?
Selon Topinion la plus accréditée, il était né dans le village
de Steinbach, margraviat de Bade, où on lui a élevé de nos
jours une statue due au ciseau du sculpteur strasbourgeois
Friederich, et fut Tauteur de la flèche de Fribourg en Brisgau,
ville dans laquelle l'évêque Conrad, attiré par sa très grande
réputation, serait allé le chercher pour lui confier l'achève-
ment de la. cathédrale de Strasbourg. Mais on doit remarquer
que la tour de Fribourg était déjà terminée du temps de
Conrad I, comte de cette ville (1236-1272) et qu'Erwin ne put
prendre part à son édification.
Une autre version donne pour berceau à Erwin le village
alsacien de Steinbach, près de Thann. Une troisième opinion le
fait nattre à Mayence ou dans les environs de cette ville.
Enfin, Gérard prétend qu'il était un maître français venu très
jeune en Allemagne et ayant transformé son nom A'Hervè,
Hervieu, Erpuin, ou Herpmn, de Pierrefont, depuis plusieurs
siècles assez commun dans l'Ile de France, en celui d'Erwm
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L'ALSACE AftTISTIQUB 461
de Steinbach qui, jusqu'alors, avait été inconnu en Allemagne.
Cet auteur base son opinion sur le caractère éminemment
français qu'offrent les parties de la cathédrale de Strasbourg
qui sont Tœuvre d'Ërwin, et sur certaines sculptures qu'on y
remarque, telles que les fleurs de lis, les armoiries de saint
Louis et de Blanche de Castille, les statues équestres de
Clovis et de Dagobert. Gérard ajoute que ce ne fut pas
seulement à Strasbourg qu'Erwin grava sur la pierre certains
emblèmes qui lui rappelaient la France, mais aussi sur les
murs de l'église du monastère d'Haslach, dont il commença
en 1274 la reconstruction, qui fut interrompue par un
incendie arrivé en 1287, et qui fut reprise en 1295 par son
fils Jacques, mort en 1330.
Quel que soit le lieu de sa naissance, Erwin ne peut être
diminué ni dans ses œuvres ni dans sa gloire, car le génie n'a
pas de nationalité, il appartient à l'humanité tout entière.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les monuments qui ont
rendu son nom immortel se trouvent sur le sol d'Alsace, et,
sous ce rapport, il peut être rangé parmi les hommes illustres
de cette province.
Avant de commencer la construction de la façade de Notre-
Dame de Strasbourg, il en acheva les ne& (septembre 1275),
comme cela résulte d'un document qui se trouvait dans la
bibliothèque de WolfenbûtteL ' L'année suivante, il posa les
fondements de la façade, et en 1277 il en commença la
construction extérieure, d'après ce que nous apprend ime
inscription qui exista jusqu'en 1720 sur le portail gauche:
Anno Dom. MCCLXXVII in die heati Urbam hoc gloriosum
^ Anno Dom. MCCLXXV, 7 id. 9ep, vigtlia naiivitiUis becUœ Virginie
comjpieta est structura tnedia testudinum superiorum et totius fabricts
prœter turres anteriores ecd&iia argentinensis, régnante Budolfo Borna-
norum rege, regni ^u» secundo, qui annus électionis ejus secundus est
terminatus et èlapsus feria secunda proxima post nunc instana festum
MichaUis.
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462 REVUE D'ALSACE
optis mcoavit magister Erwinm de Steinbach. Dans cette œuvre,
Erwin adopta franchement le style ogival qui Hérissait alors
en France.
Il travaillait sans relâche à l'édification du portail, lorsque,
le 14 août 1298, un incendie terrible détruisit tout le quartier
de la cathédrale et endommagea une grande partie de celle-ci.
Ervrin fut obligé de rebâtir la partie supérieure des nefe, et
ce travail retarda tellement la construction de la façade, quïl
mourut sans pouvoir l'achever, et que ses successeurs y
apportèrent de si grands changements qu'ils dénaturèrent la
belle conception de son génie.
D'après les plans d'Erwin qui se trouvent encore dans les
archives de la maison de l'œuvre Notre-Dame (Frauenliaus),^
la façade devait avoir deux étages, dont le premier compre-
nait les trois portails, et le deuxième la grande rosace centrale
avec les deux fenêtres majestueuses des tours. Deux flèches
jumelles et semblables devaient surmonter les portails laté-
raux. Cette conception générale était conforme aux idées et
au style de l'époque ; elle avait été admise pour la cathédrale
de Cologne. Les deux flèches de Strasbourg eussent probable-
ment ressemblé à celle de Fribourg et présenté la forme
pyramidale qu'affecte cette dernière. Au-dessus de la rosace,
on eût vu émerger le pignon et la toiture de la grande nef.
L'aspect de l'édifice, dans ces conditions, n'aurait peut-être
^ Parmi les dix-huit plans se tronyant dans ces archives, les pins
anciens seraient de la main d'Erwin on auraient été exécutés sous ses
yeux. En voici la description sommaire : I, esquisse du côté gauche de
la façade ; U, vue intérieure des deux étages inférieurs; III et IV, deux
esquisses représentant ces étages à l'intérieur. On est frappé de trouver
dans ces quatre plans primitifs la façade réduite aux deux étages infé-
rieurs. V et YI, deux esquisses conçues dans un système analogue à
celui des dessins précédents, paraissant appartenir à peu près à la
même époque, mais provenant d'un artiste inférieur à Erwin. Les douze
autres plans appartiennent à des époques postérieures, c'est-à-dire aux
XIV® et xv« siècles. (Voir Gérard, ouvrage déjà cité, 1. 1, p. 231 et suiv.
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l'alsacb artistique 463
pas été aussi surprenant que celui qu'il ofire à nos yeux, mais
les formes auraient été plus harmonieuses entre elles, mieux
proportionnées avec la nef et plus conformes au style ogival.
Erwin put achever les deux étages de la tour méridionale
et seulement le premier étage de la tour septentrionale ; quant
à la rosace de la façade, ce n'est pas lui qui la construisit,
car elle ne put Tètre qu'après Tachèvement du deuxième étage
de la tour septentrionale sur laquelle il fallait nécessairement
qu'elle s'appuyât, aussi bien que sur celle du midi. Ce furent
ses iils, Ertvin H et Jean dit WMin qui continuèrent son
œuvre.
Erwin est l'auteur de plusieurs autres édifices, ou tout au
moins des plans d'après lesquels ils furent construits. C'est
lui qui, comme nous l'avons déjà dit, commença en 1274 (et
peut-être déjà en 1273) la reconstruction, d'après le style
gothique, de l'église du couvent d'Haslach, construction qui
fut continuée en 1295 par son fils Jacques, qui mourut en
1330, en tombant, dit-on, d'un échafaudage de la tour dont il
voulait surmonter ce beau monument
Erwin avait préludé à son œuvre capitale, la construction
de la façade de la cathédrale de Strasbourg, par plusieurs
ouvrages exécutés dans l'intérieur même de cette basilique.
On lui attribue la décoration de la belle colonne du transept
méridional, appelée le pilier des anges ou la colonne d!Ervnn.
Mais ce n'est qu'une supposition ; nous avons vu, en parlant
de la statuaire Sabine, que les statues qui ornent ce pilier
doivent appartenir à cette femme artiste. On attribue encore
à Ervrin le transept septentrional et la balustrade orientale
de la croisée; mais c'est Hermann Auriga qui en fut l'archi-
tecte.
Erwin est l'auteur de la chapelle de la Vierge ou de la vide,
qui fut achevée en 1316 et détruite en 1681 ; c'était la merveille
de la cathédrale ; elle était ornée de statues, de bas-reliefs,
de sculptures et de peintures admirables.
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464 RBYUB B'ALaAGB
On a prétendu qu'il créa le magnifique jubé qui s^aniit
les prêtres du chœur des laïques, et qui eut la même destinée
que la chapelle de la Vierge ; mais c'était l'œuvre de l'archi-
tecte des nefs.
Nous avons vu que c'est par erreur qu'on a cru qu'Erwin
était l'auteur de la flèche de Fribourg en Brîsgau. Il ne le fut
pas d'avantage de l'église Saint-Thiébaud de Thann, dont la
construction remonte, il est vrai, aux premières années du
xiv siècle, mais à laquelle aucun titre sérieux ne rattache le
nom d'Erwin. La nef de cette église ne fut conmiencée que
quatorze ans après la mort de cet artiste; et si la construction
de ses beaux portails remonte à l'époque où il vivait, rien ne
dénote son style ni son génie. La première mention que la
chronique des Franciscains de Thann fait d'un architecte de
Saint-Thiébaud se trouve seulement sous la date de l'an 1386:
c'est maître Jean Werlin. La flèche de cette église, qu'on a le
tort de comparer quelquefois à celles de Strasbourg et de
Fribourg, ne leur ressemble point et remonte au xvi' siècle.
Il est présumable que c'est Erwin qui reconstruisit ou
restaura les fortifications du chftteau épiscopal d'Isenbourg à
Roufiach (1278), et celles de la ville de Lichtnau; qu'il fournit
les plans du monastère de Rhinau (1290-1294), qui fut englouti
par le Rhin au xti* siècle, et ceux du mausolée de l'évêque
Conrad de Lichtenberg, qui fut tué en 1299, mausolée qui se
trouve dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste de la cathédrale
de Strasboui^.
Il peut se faire encore qu'Erwin ne soit pas resté étranger
à la construction ou à l'agrandissement de certaines égUses
de Strasbourg, telles que Saint-Guillaume, qui fut bfttie de
1300 à 1306, Saint-Pierre-le-Jeune, dont la nef fiit renouvelée
en 1290 et le chœur achevé en 1319 ou 1320, l'église des
Dominicains ou Temple-Neuf, dont le chœur fut construit de
1308 à 1345. n a peut-être aussi dirigé la construction du
chftteau et de l'hôpital de Molsheim (1316).
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L^ALSACB ARTISTIQUE 465
Erwin de Steinbach mourut à Strasbourg, le 17 janvier 1318;
c'est ce qui est établi par son épitaphe qui, avec celles de sa
femme et de Jean Erwin, se trouve gravée sur le contrefort
oriental de la chapelle de Saint-Jean : Anno Dom. MCCCX VIII
XVI Kl. fehruarii 0 magr. Ermnus giAernator fahrice ecdie
argnt T.
Il légua à la cathédrale son cheval et une rente de quatre
onces pfenning, monnaie de Strasbourg. Sa femme Husa,
appelée aussi Gertrude par certains documents, l'avait pré-
cédé dans la tombe le 12 des calendes d'août (21 juillet) 1316J
On a cru, d'après un auteur strasbourgeois, * qu'elle était
statuaire et qu'elle aida son mari dans ses travaux; mais elle
ne fut rien moins qu'artiste ; elle était prosaïque, positive et
méchante, blasphémant contre le génie de son époux et
maudissant ses nobles aspirations.
Erwin fiit enterré dans le petit cimetière qui se trouve
entre la chapelle Saint-Jean-Baptiste et le grand séminaire,
cimetière qui paraît avoir été spécialement affecté comme
lieu de repos aux architectes et tailleurs de pierres de la
cathédrale. On y voyait jadis les pierres funéraires de Jean
Hultz le jeune, qui acheva la flèche de la cathédrale, et de
Jacques de Landshut, l'auteur du portail Saint-Laurent
Aujourd'hui il ne s'y trouve plus que les épitaphes d'Erwin,
de sa femme Husa et de Jean Erwin.
On a cru longtemps que ce Jean Erwin était le fils d'Erwin;
on se basait sur l'inscription suivante, gravée sur le contre-
fort oriental de la chapelle Saint-Jean-Baptiste: Anno Dmi
MCCCXXXVIIl XV KL apprilis 0. magist&r JohannesfiliuB
JBrwini magri opris ujus ecce; ce qui veut dire: En l'an du
Seigneur 1339, le 15 des calendes d'avril, mourut maître Jean,
fils d'Erwin, maître de l'œuvre de cette église. L. Schneegans
^ Anno Dcm. MCCCXVÎ XII Kl, augugH 0 dna Husa uxor magri
Erwini (épitaphe).
* M. DB ExsTtssawBL, Choses mémorables du vieux temps,
MoQTeUe Sèrte. - li- aoDéê. 30
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466 REVUE D'ALSACE
et Gérard ont démontré que ce Jean n'était pas le fils d'Erwin,
mais son petit-fils, et qu'il avait pour auteur Erwin II, fib et
successeur d'Erwin I.
Gérard établit ainsi la généalogie d'Erwin I: Erwin II, qui
mourut après l'an 1339 et qui eut pour fils maître Jean Erum
cité dans l'inscription susdite ; Jacques, qui continua la cons-
truction de l'église d'Haslach, commencée par son père, et
qui mourut en décembre 1330, comme le témoigne l'inscription
de son tombeau qui se trouve dans le cloître d'Haslach; enfin
Jean, dit Winlin^ le plus jeune des trois frères, qui décéda
vers l'an 1348 et laissa deux enfants, Jean et Oertrude.
On ignore si Erwin I eut des filles ; ce qu'il y a de certain,
c'est que la statuaire Sabine ne descendait pas de lui, puis-
qu'elle vécut plus d'un siècle auparavant.
Selon Schneegans, * Erwin U et Jean, dit Winlin furent
investis simultanément des fonctions d'architecte de la cathé-
drale après la mort de leur père. Gérard prétend, au contraire,
qu'Erwin II dirigea seul la continuation des travaux de cet
édifice, et que ce fut seulement après sa mort que son frère
Jean lui succéda dans sa maîtrise.
Ce qui est certain, c'est que les deux frères édifièrent le
deuxième étage de la tour du nord et la rosace centrale de la
façade (1318-1348). Quant au troisième étage des deux tours
et de la façade, qui n'aurait pas dû exister si l'on avait respecté
les plans d'Erwin I, il doit être attribué aux successeurs des
fils de celui-ci. C'est ainsi que le troisième étage des tours est
dû à Gerlach (1348-1355) et à Hultz-le-Vieux, de Cologne
(1355-1365). Une fois cette œuvre terminée, on put songer à
exécuter le massif central qui surmonte la rose du grand
portail, et c'est Cuntz (1382-1383) et Michel de Fribourg
(1383-1390) qui en furent chargés.
Schweighauser (Vues pittoresques de la cathédrale) a pré-
^ Ëpitaphe d'Erwin.
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L'ALSACB AETKTIQim 467
tendu que l'idée d'élever sur la plate-forme de la cathédrale
la flèche prodigieuse qui la surmonte, appartient aux fils
d'Erwin. Mais peut-on accepter cette opinion ? La piété filiale
et Tadmiration qu'ils devaient avoir pour leur père, leur
imposaient le devoir de suivre fidèlement les plans qu'il avait
laissés, et chercher à les mener à bonne fin devait ôtre un
but assez élevé pour leur ambition.
L'idée d'ériger une flèche, peut-être deux flèches, sur la
plate-forme, n'a été conçue que vers l'an 1355 et doit revenir
à Hultz-le- Vieux, Mais ce n'est pas lui qui construisit la tour
octogone qui seA de base à la flèche pyramidale ; cette tour
n'a été érigée que dans la dernière partie du xrr siècle.
Specklé place la construction des quatre tourelles à l'année
1384; Wimpheling, la fermeture de la coupole à 1405, et
Jérôme Guebwiler donne la même date à la quatrième voûte
qui termine la tour octogone.
Il restait, pour compléter l'œuvre entière, à construire la
pyramide. En 1429, on fit venir de Cologne Jean Hultz le
Jeune, qui termina la flèche en dix années et l'inaugura le
24 juin 1439.
Le magnifique portail septentrional de la cathédrale, dit
portail Saint-Laurent à cause du martyre de ce saint qui y
est représenté, fut construit de 1494 à 1505 par Jacques de
Landshut ; le baptistère, œuvre de Jost Dotzinger de Worms,
remonte à l'an 1453; enfin la chaire, chef-d'œuvre de
Hamerer, fut sculptée en 1486 et illustrée pendant quatorze
ans par l'éloquent prédicateur Jean Oeyler, de Eaysersberg.
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468 REVUE D'ALSACE
LE COUVENT DES DNTERLINDEN DE COLMAR
et 868 oalligraph68 Oatherine de (ïebesweiler, Gertrude de
Bbeinfelden et Adélaïde dŒpfig
(xm« et yjy Biècles) '
Au moyen âge Colmar a possédé- un couvent de Dominicaines
renommées pour leur ascétisme et leur mysticisme, lesquelles
cultivèrent aussi avec succès Part de la calligraphie et de la
miniature. Les Vnterlindenj tel est le nom de ce monastère,
furent construits de 1252 à 1269, sur remplacement d'une
maison ombragée de tiUeids. Il n'en reste plus que le clottre
et la chapelle qui sont occupés de nos jours par le musée et
la bibliothèque de la ville.
Parmi les prieures de ce couvent il y en a eu une, Catherine
de Gebesweiler, morte vers Pan 1330, qui a laissé un manu-
scrit, propriété de la bibliothèque de Colmar, intitulé de Vitis
primarum sororum monasterii liber, petit in-folio de 141
feuillets à deux colonnes. Il a été publié d'abord par dom
Bernard Pez dans sa bibliothèque ascétique (tome VIII, p.
1-399), puis traduit en allemand par le chartreux Mathias
Thanner, enfin réimprimé en 1863 à Ratisbonne par Louis
Clarus. Ce manuscrit ne présente aucun caractère artistique;
il n'a d'importance qu'au point de vue de l'histoire du mysti-
cisme au moyen âge, car il contient le récit des extases des
convulsionnaires des XJnterlinden; il mentionne en outre les
noms de deux calligraphes de ce couvent
L'une d'elles est Gertrude de Rheinfelden qui, pendant de
longues années, transcrivit avec un zèle et une merveiUeuêe
habileté des livres de chœur et beaucoup d'autres ouvrages,
et se fit singulièrement remarquer dans ces travaux, sans
' Ouvrages consultés: Rxstelhub&b, V Alsace ancienne et moderne,
article sur Colmar. — Gâbabd, les ArHstee de f Alsace au «M^yen âge,
T. I, passim ; etc.
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/
l'aIiSACb artistioub 469
toutefois négliger ses devoirs de religieuse. Suivant dom Pitra,'
elle copia des livres et les enlumina d'ors, de lettres ornées
au minium et décorées d'arabesques d'azur. Elle vécut dans
la seconde moitié du xiii* siècle et au commencement du xiv*.
Est-elle l'auteur de certains des manuscrits provenant des
Unterlinden de Colmar et appartenant à la bibliothèque de
cette ville? C'est probable, même certain, car tous ont été
écrits et enluminés par les religieuses de ce couvent, mais
aucun ne peut lui être spécialement attribué.
Nous ne parlerons pas des récits légendaires qui ont
entouré le nom de Gertrude de Rheinfelden, récits qui donnent
une idée exacte du mysticisme excessif qui régna sur les
Dominicaines de Colmar ; on peut se reporter à cet égard au
livre de M. Gérard. *
La seconde artiste calligraphe des Unterlinden de Colmar
mentionnée par Gertrude de Gebesweiler est Adélaïde d'Epiig,
qui vécut dans la seconde moitié du xnr siècle et au com-
mencement du xrr. Elle entra au couvent dès sa plus tendre
enfance et s'occupa à transcrire avec une grande élégance
plusieurs ouvrages, principalement des livres liturgiques à
l'usage du chœur. Malheureusement elle a oublié, comme son
émule Gertrude de Rheinfelden, de signer ses œuvres qui
doivent se trouver parmi les manuscrits de la bibliothèque de
Colmar.
Adélaïde d'Epfig a laissé, comme presque toutes les nonnes
des Unterlinden, une trace profonde dans Thistoire du mysti-
cisme catholique. Sa supérieure, Catherine de Gebesweiler,
a raconté sa vie ascétique et remplie d'extases, dans l'une
desquelles elle avait appris l'heure exacte de sa mort
* Lettre an père Lacordaire sur le couvent des Unterlinden, 1864,
* Ouvrage cité. T. I, p. 269 et sut.
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470 REVUE D'ALSACE
LES WURMSER
PeintreB (1300-1360)*
Dans les dernières années du xm* siècle, un peintre, dont
le nom n'est connu que par celui de ses fils, Wurtneer, quitta
Strasbourg, sa ville natale, et alla s'établir en Bohême. H
emmena avec lui son fils Ountzel, dit le Bohême, frère de
Nicolas le 'peintre. Ce dernier était resté en Alsace et n'alla
que plus tard se fixer à Prague.
Si Cuntzel est surnommé le Bohème, ce n'est pas parce
qu'il naquit dans cette contrée, maïs parce qu'il y fut élevé et
qu'il en adopta la nationalité. Cuntzel, dont la profession
était celle de peintre, fut chargé par l'empereur Charles IV
de décorer les édifices qu'il avait fait construire. Lorsque son
frère Nicolas alla le rejoindre à Prague, il travailla avec lui
aux peintures murales du Earlstein; mais il est difficile de
connaître celles qui sont de sa main. C'était un très bon
peintre, et c'est surtout dans les portraits qu'il excellait
C'est en l'an 1348 que Nicolas Wurmser alla se fixer à
Prague, où l'empereur l'avait appelé pour concourir, avec son
frère Cuntzel et d'autres artistes à la décoration du chftteau
du Earlstein et des églises de la ville.
On n'a aucun renseignement sur Nicolas avant son départ
de Strasbourg, où il exerçait sa profession de peintre. Il n'a
laissé dans cette ville aucune œuvre connue; mais sa réputa-
tion devait déjà avoir acquis une certaine notoriété, puisque
Charles IV l'attira en Bohème. C'est seulement à partir du
moment qu'il travailla aux peintures du Earlstein, que
l'histoire parle de lui. Il devint l'un des peintres favoris de ce
monarque qui, le 6 novembre 1359, lui accorda le privilège
suivant: c Nicolas Wurmser de Strasbourg, peintre de l'em-
^ Ouvrages consultés : Gébabd, les Artistes de V Alsace au moyen o^
T. I, p. 344 et suiv. — E. Muntz, de quelques monuments de fart otei-
den oonaervis à Vienne {Bévue d* Alsace, 1872).
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l'alsacb artistique 471
pereur, en considération de son art et de ses soins diligents
pour décorer les lieux et les ch&teaux dont il a été chargé,
pourra disposer de ses biens, faire des legs ou des donations,
instituer des héritiers, comme il le jugera convenable et sans
aucune considération du droit en vigueur, des us et coutumes»
ni des règlements futurs. »
L'année suivante, Charles IV Paftranchit de tous cens et
impositions sur la maison et les terres qu'il avait acquises
non loin de la ville, près du domaine de son mattre et ami
Théodoric de Prague, Tun des fondateurs de Técole de
peinture de la Bohème. Dans le diplôme où il lui accorde
cette faveur, Tempereur l'appelle notre cher et familier peintre
Nicola», et ordonna à ses ofiiciers, sous peine de disgrâce, de
ne point lui réclamer d'impôts.
 partir de l'an 1360, on ne trouve plus trace de Nicolas
Wurmser; on ignore la date de sa mort, s'il revint en Alsace
ou s'il termina sa carrière en Bohême.
Lui et Thomas de Modène, qui se trouvait à la même époque
à Prague, produisirent une révolution importante dans l'an-
cienne école allemande de Cologne, en y introduisant le
sentiment, les procédés et les innovations de l'art italien. Les
œuvres que ces deux peintres ont laissées, prouvent qu'ils
étaient presque des artistes italiens.
Nicolas Wurmser a exécuté de nombreux travaux en
Bohême ; il a orné de peintures plusieurs châteaux impériaux,
principalement le Earlstein qu'il décora de concert avec son
frère Cuntzel le Bohême, Théodoric de Prague et Thomas de
Modène. Mais il n'est pas facile de distinguer l'œuvre de
chacun de ces artistes. Suivant les auteurs qui se sont
occupés de Nicolas Wurmser, * les peintures qu'on peut lui
attribuer sont les suivantes : Dans la collégiale du Karlstein :
^ GiBÀBD, ouYrage cité, 1. 1, p. 353 et stdv. : PBnossBB, Wiener Jahr-
bûdier, p. 114, et Naouib, KûnsUer-Lexilcm, XXII, p. 132.
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472 RBYUB D*ALSACE
V Charles IV présentant à son iils atné Wenceslas une croix;
2" Charles IV offrant une bague à son fils Sigismond ; 3"" Tem-
pereur agenouillé et prosterné devant un autel, revêtu de
ses ornements impériaux et couronne en tête. Wagen ^ attri-
bue ces peintures à Cuntzel ; é"" une femme apocalyptique
debout sur la lune et portant un enfant nouveau-né dans ses
bras. Cette fresque, qui est un des principaux morceaux du
Karlstein, doit d'autant plus être attribuée à Wurmser, qu'elle
ne présente dans la composition et l'exécution aucune ana-
logie avec les œuvres de Théodoric de Prague et de Thomas
deModène;
Dans la chapelle Sainte-Catherine du même château : V une
fresque représentant les bustes de l'empereur Charles IV et
de sa fenmie; les époux tiennent des deux mains une croix
d'or volumineuse, rehaussée de pierres précieuses et se ter-
minant aux extrémités par des feuilles de roses quadrilobées.
Les têtes sont ceintes d'une riche couronne d'or parsemée de
joyaux. L'artiste a représenté l'empereur sans le flatter, avec
sa nature lourde et épaisse, ayant une barbe imposante et de
longs cheveux; son manteau est do drap d'or, fort raide, sans
aucuns plis et orné çà et là d'aigles brodés. Par contre, l'im-
pératrice est très belle de visage, douce en même temps que
majestueuse; une riche et longue chevelure ondoie sur ses
épaules couvertes d'un manteau écarlate fermant sur la poi-
trine et enrichi de broderies d'or. Cette fresque, très bien
conservée, est dominée par une ogive, et le fond de la peinture
est en or et formé d'un quadrillage parsemé de roses qui imite
un tapis de brocard; 2^ sur le mur de gauche se trouvent sept
têtes représentant les images des patrons de la Bohême; ces
figures sont très détériorées et ont subi, il y a environ deux
siècles, des restaurations déplorables; 3"* dans une niche
d'autel se trouve la Vierge avec l'enfant Jésus, accostée de
^ Hiitaire de la pemhure, 1. 1, p. 61.
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l'alsacc artistique 473
Pempereur et de Timpératrice. Cette peinture est très en-
dommagée.
Dans l'église Sainte-Oroix du même édifice les peintures
qui s'y trouvent n'appartiennent pas, suivant les auteurs
précités, à Wurmser. Eugler, ^ au contraire, ainsi que Waagen,'
attribuent à cet artiste les grandes fresques peintes aux
voûtes des fenêtres et reproduisant les scènes et les person-
nages suivants du Nouveau Testament : V TEternel assis sur
son trône, entouré du chœur des anges, tenant les sept étoiles
d\uie main, et de Tautre le livre aux sept sceaux; 2^ Tadora-
tion de l'agneau par les vingt-quatre vieiUards ; 3"* l'Annon-
ciation ; 4"* la Visitation ; 5** l'adoration des Mages; G'* le Christ
avec Marthe et Marie; 7"" Madeleine aux pieds du Sauveur;
6^ le Christ au jardin des Oliviers ; 9* la résurrection de
Lazare. Ces peintures, qui révèlent un génie créateur, un
sentiment profond du beau et une habileté de main considé-
rable, sont presque entièrement détruites. Sur les murailles
de l'escalier qui, dans la grande tour, conduit à la chapelle
de la Sainte-Croix, se trouvent des fresques très détériorées
retraçant la légende de saint Wenceslas et de sainte Lumille;
mais il est peu probable qu'elles soient de Wurmser, car elles
n'offirent pas la largeur et la puissance de composition qui
distinguent les oeuvres de cet artiste.
Dans la cathédrale de Prague, les fresques décoratives de
saint Wenceslas sont attribuées, en partie, à Nicolas
Wurmser. Ces fresques forment deux séries ; la supérieure qui
reproduit les scènes de la vie de ce saint, n'a pas été peinte,
suivant les meilleurs critiques, par notre artiste; la série
inférieure, représentant les actes principaux de la vie du
Christ, ont un tel rapport de parenté avec les meilleures
œuvres du Earlstein, qu'on peut sans craindre de se tromper,
^ Klekiê Behriftem, H, p. 498.
* Onvrage déjii cité, I, p. 62.
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474 RBTUB D'ALSACE
leur donner Wormser pour auteur. Certaines sont masquées
par Tautel et d'autres objets mobiliers ; celles qui sont visibles,
au nombre de sept, représentent Jésus devant Pilate, le
Crucifiement, la Mise au tombeau, la Résurrection, PAscen-
sion, la Pentecôte, saint Pierre et saint Paul. Dans la Résur-
rection, la figure du Christ est empreinte d'une expression de
grandeur que les outrages du temps n'ont pu altérer. La
scène de la Pentecôte office l'image touchante de la Vierge,
entourée des apôtres, la tète inclinée vers la droite, les mains
jointes pour prier. Les images de saint Pierre et saint Paul
sont empreintes de la force de caractère et de la puissance
intellectuelle que possédaient ces deux fondateurs de l'église
chrétienne. Ces fresques sont entourées d'un encadrement de
pierres précieuses d'une grosseur remarquable, enchâssées
dans une suite de chfttons qui forment un cordon étincelant.
On ne connaît de Nicolas Wurmser qu'un seul tableau
mobile, le Christ en croix, qui se trouve dans la galerie du
Belvédère à Vienne; il porte la date 1357 et provient de la
chapelle sainte Catherine du Earlstein; les victoires de
Napoléon P' en avaient enrichi le musée du Louvre, et,
après 1815, il fut restitué à l'Autriche.
M. £. Muntz, ^ qui a vu et étudié cette peinture en parle de
la façon suivante : a C'est un tableau sur bois de six pieds
sept pouces de hauteur, sur quatre pieds neuf pouces de
laideur. Le Christ, fixé sur la croix par trois clous, laisse
pesamment retomber sa tête; à sa gauche se trouve sa mère,
qui joint les mains* et prie avec ferveur et résignation;
de l'autre côté, saint Jean appuyant sa joue sur sa main
droite par un de ces gestes naïfs et câlins, si chers à l'école
de Bohême. L'aspect de cette peinture est boueux, terne et
lourd, et l'emplacement qu'elle occupe entre deux fenêtres et
à contre-jour ne contribue pas à lui donner plus d'éclat Sa
* Onyrage déjà cité.
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V
\
L'ALSACE ARTISTIQUE 475
couleur contraste singulièrement avec le ton clair et trans-
lucide des autres tableaux de la môme époque et de la même
école, que renferme le Belvédère, notamment avec le Saint-
Augustin et le Saint-Ambroise de Théodoric de Prague. Le
dessin n'est pas moins défectueux; les draperies sont d'une
exécution sommaire et boursoufflée; les mains et les pieds
massifs, grossiers, informes comme s'ils étaient de bois; les
figures rondes et vides. Mais l'ensemble ne manque pas d'une
certaine grandeur, et les habitudes de la peinture murale et
monumentale, plus familière à l'artiste que la peinture sur
bois, peuvent expliquer et en quelque sorte atténuer ces
imperfections. »
On est unanime pour reconnaître que, malgré ses défauts,
Wurmser doit Ôtre rangé parmi les plus grands peintres de
l'Allemagne. Dans ses œuvres, il a fait preuve d'une habileté
d'exécution, d'une puissance de création et d'une indépen-
dance qui en font un mattre original, auquel l'Alsace doit
Ôtre fière d'avoir donné le jour.
ULRICH RITTER
Architecte (ziv* siècle) ^
Ulrich Ritter, né à Strasbourg, au commencement du xiv*
siècle, reçut son éducation artistique dans les ateliers de
cette ville sous la direction du célèbre Erwin de Steinbach
ou de ses fils. Sa renommée, comme architecte, s'établit
promptement en Allemagne et pénétra jusque sur les bords
de la Baltique. Ludolphe Eœnig, seigneur de Weitzau, grand
mattre des chevaliers teutons, qui résidait à Marienbourg,
avait résolu dé construire à Dantzig, tombé en 1310 au
' OnYrages consultés: Hibsch, die Ober-Ffainkirche van Sanct-Marim
m DamUig, 1843 ; GiRABD, I, p. 281 et 382.
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476 BEVUE d'àlbacs
pouvoir de son ordre, une église sur le plan de celle de
Sainte-Sophie de Constantinople. Dans ce but, il chargea
Ritter, en 1341, d'aUer dans cette ville pour y étudier Par-
chitecture de sa basilique et lui en rapporter des plans exacts
et détaillés. Notre Strasbourgeois passa deux années dans la
capitale de Tempire grec, et à son retour, en 1343, il commença
la construction de Sainte-Marie de Dantzig, Tune des plus
vastes et des plus belles églises de TEurope. Entièrement en
briques, cette église a cent vingt mètres de longueur, qua-
rante-quatre de largeur, et sa voûte, de quarante-un mètres
d'élévation, est soutenue par vingt-six piliers d'une légèreté
et d'une hardiesse étonnantes. Elle renferme cinquante cha-
pelles placées sur des caveaux funéraires.
Bitter n'eut pas le temps d'achever son œuvre; c'est à peine
s'il put la voir s'élever au-dessus du sol. Elle ne fut terminée
qu'en 1503, sous le règne des rois de Pologne. On ignore
l'époque de la mort de cet artiste.
WOLVELIN OU WŒLFELIN
Sculpteur (xiv* siècle) ^
Le plus illustre sculpteur de l'Alsace au xrv* siècle fiit
maître Wolvelin, de Rouffach. D'abord tailleur de pierre et
maître de l'œuvre de la belle église Saint-Arbogast de cette
ville, il alla s'établir vers l'an 1341 à Strasbourg, où il fut
reçu membre de la bourgeoisie et exerça jusqu'à la fin de ses
jours la profession de sculpteur. On ignore l'époque de sa
naissance et celle de sa mort; il résulte de certain document,
qu'il ne vivait dé:jà plus le 10 octobre 1355.
On ne connaît de Wolvelin que deux monuments qui
portent sa signature authentique. L'un est le tombeau
* Ouvrage consnlié : GiiuiiD, tome I, p. 322 et siiiv.
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l'âuacb AAUsnouB 477
d*Irmengarde, veuve d^Hermann Y de Bade, qui se trouve
dans l'église de Tabbaye de Lichtenthal qu'elle avait fait
construire en 1245. L'autre, qu'on peut voir dans l'égUse
Saint-Guillaume de Strasbourg, est le mausolée d'Ulric de
Werde, landgrave de la Basse-Alsace, et de son frère Philippe,
chanoine de la cathédrale de Strasboui^. Wolvelin le sculpta
en 1344. « La dalle, dit Gérard, qui recouvre le tombeau des
deux frères, présente l'effigie en relief de Philippe, les mains
jointes et recouvert de ses habits sacerdotaux, ayant un chien
couché à ses pieds. Deux lions, assis aux deux bouts de la
dalle tumulaire, supportent une table funéraire exhaussée,
sur laquelle est couchée la statue du landgrave Ulric en
costume de guerre, le morion en tète, la cotte de mailles au
corps; & son côté droit est l'épée nue, ainsi que les gantelets,
symboles de la puissance nobiliaire et militaire; deux lions
sont & ses pieds. Sur le lit de pierre où repose le landgrave,
on lit : Meister Wolvelin von Bufach ein burger zu Strasburg
der het dis Werck gemackt. Ce monument est l'un des plus
beaux morceaux de la sculpture alsacienne au moyen ftge ;
le meilleur, peut-être, par la vigueur du dessin, la correction
de la forme et la sûreté du coup de ciseau. Il révèle un sta-
tuaire de forte trempe, unissant la sévère précision de l'idée
& la vive expression de l'image. »
P.-E. TXTEFFBBD.
fLa mite prochainemmt.)
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LES
EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVËCHÉS
METZ — TOUL —VERDUN
1552 — 1790
S¥iU^
Abbaye royale de Saiat-Arnonid
Liber Sancti Armîlfi, Metensis urbis epkcopi; aufermH
sit anathema (xi* siècle).
Liber Sancti Amidfij si quis abstulerii anathema sit.^
lÀber est Sancti AmiUphi.
Arguai ArnuJphus raptorem codids hifjus.
Monasterii Sancti Amuiphi metensis.
Ex'libris Sancti Amuiphi.
Begalis Abbatiœ S. Amuiphi Metensis, 1759.
Sancti Amuiphi, 1764.
Les religieux s'étaient acquis «de nouveaux droits à la
reconnaissance publique», car, non contents d'avoir publié
rhistoire de Metz, pour laquelle ils avaient reçu de la ville
600 livres pour les aider à faire graver les planches, ils avaient
résolu de rendre publique leur belle bibliothèque, dont la
salle, située au premier étage, avait soixante-huit pieds de
^ Voir les livraiBoiiB du dernier trimestre 1881 et des premier» second et
troiflième trimestres 1882.
' Puis MarcmaHha, id €8tpereaàin9ecmidoadomiUêl)<mmd{msL IX),
on màiedictus ni.
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LB8 BX-LIBRIS DANS LES TROIS ÈjiCBÊS 479
long, trente-quatre de large et dix-huit sous plafond. Cinq
grandes fenêtres en plein cintre Téclairaient. Elles avaient
quinze pieds de liant et sept de large. L'entrée à gauche
était surmontée des armoiries de Tabbaye avec le millésime
MDCGLIII. Cette salle servit plus tard pour le même usage,
lors de la création de la bibliothèque de Técole d'application.
Un catalogue en avait été dressé, le 21 février 1769, et il se
trouve & la bibliothèque de Metz (manuscrit n» 908). Les
manuscrits & cette époque étaient au nombre de cent cin-
quante-deux, et déjà bien des raretés avaient disparu; cent
deux in-folio et le reste de divers formats étaient inscrits. Dès
le XII* siècle, on citait les Armales Metenses qui furent prêtés
au père Sirmond qui ne les rendit pas. Ce codex est encore
indiqué comme étant à Tabbaye dans la Oéographieuniverseliey
par Jean Hubner, Bftle, 1757, t 1, p. 279. Mais c'est une
erreur copiée sur d'autres ouvrages de ce genre. M. Prost
parle des manuscrits vendus à Paris avec la bibliothèque du
collège de Glermont, en 1764, et transportés avec d'autres
manuscrits, de Metz en Angleterre, ob ils passèrent, dans le
cours de ce siècle, aux enchères par suite du décès du posses-
seur.' D'après Bégin, la bibliothèque avait quinze miUe
volumes,* mais on verra par le procès-verbal de 1790 qu'il
faut rabattre de ce chiffire.
Les moines ouvrirent donc leur bibliothèque en 1787, et
VAlmanach de Metz pour 1790 donne quelques extraits du
règlement: elle était ouverte au public les mercredi et vendredi
de chaque semaine, de neuf heures à cinq heures, sauf de
* M. G. Chartener possède dans sa riche bibliothèqne le petit cartn-
laire de Saint-Amonld (znr® siècle) richement relié; il provient de
M. de Ghazelles. La bibliothèqne de Yerdnn (l9 84) a des commentaires
snr l'Apocalypse venant de M. de Nothomb, puis de M. de Dattel. La
bibliothèqne de Metz a, d'après M. Prost, cent dix-huit manuscrits de
Saini-Amonld.
' Amuaire de la MùèéOt, 1884, 173.
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480 EB¥III D*àLSAGB
midi à deux. Tété; Phiyer elle se fennait & quatre heures du
soir. Nécessairement elle était fermée les jours de fête. Dom
Maugérard et Dom Delté, assistés du garde-bibliothèque, don-
naient à tour de rôle les livres. Les manuscrits, les ouvrages
hétérodoxes, les in-8* et autres petits formats n'étaient confiés
qu'à des personnes connues. Les livres ne pouvaient être
prêtés que dans des circonstances exceptionnelles et pour un
temps très court et en déposant le double de la valeur du
bouquin. Nécessairement le silence devait être gardé dans la
salle de lecture.
L'historien Valladier, qui fut présenté pour être évoque de
Toul, a fait imprimer Thistoire du monastère, dont il était
conmiendataire. Voici son fer de reliure:
Le 11 mai 1790, l'inventaire des livres, fait par ordre de la
Nation, indiqua deux mille cent trente in-folio, deux mille
trois cent soixante-treize in-4^, mille trois cent quatre-vingt-
trois in-8^ trois mille quatre cent vingt-sept in-16; au nombre
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Goosle 1,
LES BX-LDRB OAMB UB TROIS ÉVÉGHÊS 481
de ces livres étaient les Actes des apdtres, en grec; le tout
fonniiit on total de neuf mille trois cent treize volumes et
cent soixante-dix manuscrits.' Le catalogue in-folio, relié en
6arton> de cent quarante^uatre pages, fut de suite coté et
paraphé. On ne compta pas une foule de journaux, de bro-
chures politiques sur la réunion des notables, sur l'assemblée
provinciale, les états généraux, les questions du temps, etc.
Le 9 mai 1791, on transporta les livres, les manuscrits et les
archives & Tlntendance* U y avait la fameuse charte de 1552
avec le sceau en or du duc de Guise; Dom Calmet en avait eu
une copie, gvftee à l'obtigeance du prieur Dom la Coine.^
On ne sait ce que devinrent les cuivres des trente-deux
planches de la Vie de saint BetuM, par Sébastien le Clerc, que
conservaient les religieux. Us ne furent pas perdus, car
on en a des épreuves modernes* Quant aux monuments con-
servés dans le clottre et collectés par Dom Maugérard et
avant lui par Dom Cajot^ dans les fouilles du vieux Saint-
Ârnould extra nrnros, ils furent brisés, d'après M. Ohabert, en
1793, par une populace ignorante. La gare de Metz s'élève sur
remplacement de Tancien couvent On voit au musée archéo-
logique une petite stèle funéraire avec inscription, trouvée
lors des fondations, et les débris d'arcatures de style flam-
boyant qui gisaient, en 1865, dans les fossés de la porte de
France et qui furent donnés au musée par <M. Rossel, lieute-
nant du génie»^ (n® 420), pourraient bien provenir de Téglise
détruite lors du siège de 1552.
^ Le 29 ayril 1791, les religieux réclamèrent à la Municipalité des
converts d'argent, comme leur appartenant, pour leur nsage personnel.
Mais tont porte à croire qu'on ne fit pas droit à cette juste demande.
' Le sceau avait disparu dès Tan YI.
' La bibliothèque de Verdun possède le Catalogue des plantes de
Dom CoQOt le jeune (Autog. n» 285).
* Le Journal de la Société d'Histoire et d'Archéologie mentionne
d'antres dons de ce malheureux officier.
NouTelle Séné. — It** année. 31
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482 REVU! d'alsàcb
Dom Tabouillot, un des auteurs de VHietoire de Metz, his-
toire écrite avec une critique et une érudition bien supérieure
à l'ouvrage de Dom Calmet, V Histoire de Lorraine, était moine
de SaintrArnouId. Les livres et les manuscrits qu'il laissa,
sont marqués d'une étiquette oblongue
Ex'Manuscriptis
D. NICOLAI TABOUILLOT
Monachi Benedictitd Congregationia
S. S. Vitoni (è Hidolphi
entre trois filets enguirlandés/
M. Dommanget a publié une notice sur Dom Tabouillot.
Voici une pièce importante sur ce religieux et qui est restée
inconnue à Tancien bâtonnier du barreau messin. C'est la
déclaration faite à la Municipalité, par ce religieux, de son
intention de quitter le couvent par suite des décrets:
«Aujourd'hui vingt six juin mil sept cent quatre vingt dix
est comparu par devant Nous officier de la Municipalité de
Metz Commissaire en cette partie, Dom Nicolas Tabouillot,
Religieux bénédictin de la Congrégation de S'^Vanne et l'un
des membres de la Maison conventuelle de Saint Arnould de
Metz. Lequel nous a dit que ses infirmités le portaient à
profiter du bénéfice du décret de l'Assemblée Nationale sanc^
tionnée par le Roy, et qu'en Conséquence il déclarait qu'il
abdiquait le cloitre et entendoit dès cet instant fixer son
domicile chez M' Le Doux son neveu garde du parc d'artil-
lerie, isle de Chambière à Metz, Delaquelle déclaration il nous
a requis acte que Nous lui avons octroyé et a signé avec nous.
^ La bibliotbèqne de Metz a pltLsieurs mannscrits de ce religieux
traitant de l'histoire locale et qui, en 1802, loi Tinrent da notaire
Quelle, n y en a, entre autres, la Fouillé manuscrit du diocèse de Mets,
que M. Henri Lepage, l'érudit archiviste de Meurthe-et-Moselle, allait
terminer de publier lorsque l'incendie de l'imprimerie Rousseau-Pallex,
de Metz, détruisit, en 1871, toute l'édition. Heureusement que M. Lepage
en avait conservé un exemplaire en bonnes feuilles.
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LBS EX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉYÉCaÉS 483
Ordonnons que le présent acte sera annexé à l'inventaire par
nous formalisé à Tabbaye de S^Arnould le onze May dernier
pour y recourir au besoin et servir à telles autres fins que de
raison, j'approuve deux mots rayés nuls.
«Rekauld. D. N. Tabouillot.»*
Dom Tabouillot avait changé d'avis, car dès le premier jour
de l'enquête, il avait déclaré avec le prieur Dom Pierron,
Doms des Ruisseaux, Laurent, Maire, Millot, Sonis, Guillaume
et François Bemier, qu'il attendait les décisions de l'Assem-
blée nationale; le doyen Dom Marionnelz, Doms Petitjean,
Huguenin, Agnus, de leur cdté, voulaient se retirer dans leurs
foyers. Le procès-verbal ne mentionne pas ce que dirent le
sous-prieur Groiqelet et Dom Robert, le plus ftgé des religieux,
il avait 67 ans,^ et 0 avait travaillé aux preuves de V Histoire
de Metz; quant à Maugérard, cet illustre savant, il « refusa de
sortir, & moins de force» ! D émigra.
L'église conventuelle renfermait aussi bien des choses pré-
cieuses: des tombeaux, entre autres, celui de Louis le Débon-
naire, si souvent reproduit et dont quelques fragments sont au
musée archéologique. Le sculpteur Tenel, qui l'avait acquis,
en 1794, ne pouvant le vendre au ministre de l'intérieur, en
1799, le débita en l'an VIL Un des grands collectionneurs du
temps, M. Paguet, rue du Pontifroy, sauva la tète, les mains
et un fragment représentant le passage de la mer rouge. Le
mdme amateur eut encore d'autres souvenirs de Saint-
Amould, l'olifan de Gharlemagne qui était suspendu & la voûte
de l'église; il fut adjugé à Paris, le 8 février 1867, pour
2350 francs. Le total des enchères de la vente de cet heureux
* Il aTÛt alors 56 ans, et était paralysé d'nn bras dès 1786; il moa-
rut chez sa nièce, le 4 prairial an VU.
' Le prieur avait été membre du comité municipal; il avait alors
46 ans et Dom J.-B. Maugérard 55. Les pins jennes moines avaient
32, 28 et 26 ans.
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484 REVUE d'alsagb
collectionneur monta à la somme de 6000 francs. Le trésor de
Saint-Arnould contenait, entre autres, la chasse, le chef du
saint en vermeil, une main et un bras en argent, etc. D y
avait douze cloches, y compris celle du dortoir; Toi^e neuf,
construit en 1785, avait coûté plus de 30,000 francs. Le balda-
quin du mattre-autel était soutenu par quatre colonnes d'une
seule pièce chacune; une balustrade de marbre fermait le
sanctuaire; Tautel entier et le tabernacle étaient en bois
doré; le chœur était garni de vingtrdeux sièges en bois de
chaque côté: près de Tautel, il y avait deux tables couvertes
en marbre...
A l'hôtel abbatial, le salon avait une glace et quatcNne
tableaux ou portraits, etc.^
Les bénédictins ne voulurent pas se laisser dépouiller aussi
violemment sans essayer de sauver quelque chose. Mais la
nation veillait. Le prieur de Saint-Arnould, Dom Pierron et
Dom Maugérard cherchèrent k envoyer chez le curé Auth, de
Saint-Martin-de-Cologne, chanoine de Saint-Pierre de la même
ville, quelques débris de leur ancienne opulence. Des orne-
ments d'église et des livres furent emballés, les uns dans une
caisse, enveloppés d'une vieille nappe, les autres dans un
panier. Mais l'envoi fut saisi et, le 15 novembre 1790, les deux
moines furent invités k venir s'expliquer à la municipalité et
à assister à l'ouverture des colis. On ouvrit la caisse en leur
présence et on y trouva deux tuniques, deux étoles et trois
chappes d'or sur fond blanc et une chappe velours noir avec
franges d'argent; dans le panier, quarante volumes in-folio:
les œuvres de saint Augustin, treize volumes; les œuvres de
Dom Martène, neuf volumes; les œuvres de saint Jérôme,
cinq volumes; le Recueil des conciles, douze volumes; un
Droit canon, un volume. Dom Maugérard soutint que les
ornements et les livres lui appartenaient; mais on lui fit
' Archives déparUmmtaUs, Q, S, 65.
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LBS EX-LIBRB DANS LES TROIS ÉVÉCBfiS 485
observer que ces derniers portaient encore, quoique presque
entièrement raturées; des mentions qui contredisaient son
dire ; on pouvait encore distinguer 6^. Vincentii, ordinïs S. Bene-
didi, Cong. 8. 3. Witoni et Hpdulphi sur le premier ouvrage
dté; 8. Amtdpki sur le second, 8. démentis sur le troisième
et sur le cinquième. Les assertions du bénédictin paraissaient
donc fausses; aussi la saisie fut-elle maintenue.
Des élèves aspirans d'artillerie étaient en pepsion à Saint-
Amould et à Saint-Clément
Abbaye royale de SajptrVinoent
8ancti Vincentii Metemis Congregatianis» Sandorvm
yUoni (è HydulpkL
Ex monasterio S. Vincentii metemis 1660.
« Il y a une bonnç bibliotilièque, dit Dom Calmet, et elle se
periectionne tous les jours. Sigisbert de Gemblours a long-
temps présidé aux écoles de ce monastère et on a de lui
quelques manuscrits. «
Une descriptioB de Téglise porte que le chœur était séparé
diB la nef pfur un jubé 1^ Qoloimes de marbre et trois grilles de
fer. « Le portail magnifique a été bâti depuis peu; il a deux
tours dans lesquelles sont douze belles cloches. »
Le 11 mai 1790, le son de celles-ci annonça aux religieux la
fin de leur paisible existence claustrale. Le catalogue de la
bibliothèque fut coté et paraphé ; on marquait onze cents in-f",
mille soixante-dix in-4% cinq cent quatre-vingt-treize in-8%
deux mille quatre cent soixante in-12 et trois cent vingt in-16,
formant le total de cinq mille cinq cent quarante-trois volumes.
En 1792, Tabbaye fut transformée en prison.
L'incendie du 1*' septembre 1705 ruina le monastère, la
bibliothèque riche de onze mille volumes fut brûlée; on sauva
cependant quelques épaves.* Pour réparer l'église et con-
^ Entre antres le volume anx armes de l'évêque Psanme dont la
gravnre a été donnée.
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486 REVUE d'alsace
struire le nouveau portail, on fit argent de tout Le bronze
des six colonnes du baldaquin du maître-autel, du grand aigle
du pupitre, des candélabres et de la lampe fut sacrifié;
l'argent que Ton en retira servit aux nouvelles constructions,
ainsi que les pierres d'un jubé dentelé, qui fut impitoyable-
ment rasé.
Abbaye royale de Saint-Symphorien
Ex fronccsterio 8. Simphoriani Metensia.
S. Symphoriam Met. 1769.
Les bénédictins de ce couvent continuaient depuis 1768 le
collège tenu par les Jésuites supprimés. Ils tenaient un pen-
sionnat
Le 12 mai 1790, Tarchitecte Fontaine etTavocat Juzan de la
Tour, commissaires nommés, arrivèrent & la porte du cou-
vent; ils furent reçus par le prieur et les moines, qui les con-
duisirent dans toute la maison. Dans Téglise ils virent une
châsse revêtue de lames d'ai^ent, contenant des reliques du
saint patron placées sur le maître-autel; dix-sept tableaux
furent mentionnés.
A la bibliothèque ils feuilletèrent quelques manuscrits,
entre autres un fort beau pontificat *
On estima les livres à près de quatre mille cinq cents volumes.
Il n'y avait pas d'ordre à la bibliothèque, car elle était trop
étroite depuis qu'en 1768 on y avait placé les livres provenant
des Jésuites. Beaucoup de volumes étaient sur les rayons,
d'autres pêle-mêle. Depuis longtemps les bénédictins son-
geaient à créer une nouvelle bibliothèque plus spacieuse. On
remit aux commissaires deux catalogues : celui du couvent de
308 pages, relié en veau, de format in-folio, et un second, un
peu plus petit, relié en parchemin, contenant ce qui avait
^ M. Pagaet avait de ce couvent des vitraux datés de 1524 et lôsfô.
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LES BX*LIBR18 DA!fS LES TROIS ÉYÉCHÉS 487
appartenu aux Jésuites. On ne garantissait pas la quantité
portée, rien n'y ayant été fait depuis 1768, et beaucoup de
livres classiques, d'histoire et de littérature, ayant été prêtés
aux professeurs et aux élèves, et bien d'autres étaient perdus.
On compta ensuite six cent treize in-f , huit cent cinquante-
cinq in-4*' et trois mille cinquante-un de divers formats; il y
avait dans la bibliothèque deux globes montés de 18 pouces
de diamètre, l'un terrestre, l'autre céleste.
Après avoir consulté le Registre de vêture, les religieux
furent interrogés s'ils entendaient quitter le monastère. On
remarque la déposition de Dom Amiot, préfet des classes et
professeur de philosophie, 32 ans; de Dom Colmar, professeur
de troisième, 40 ans; de Dom Reibell, régent de cinquième,
34 ans, qui « entendent ôtre citoyens et prêtres séculiers. »
Les bénédictins messins avaient formé la Société Uttéraire
germano-bénédidine, dont le siège central était dans leur ville;
le secrétaire était Dom Jean François et Dom Tabouillot en
fut élu membre le 4 mai 1789. Cette académie archéologique
et linquistique avait été fondée en 1752. Sa devise était :
Quod Sapimos Conjungat Amor.
Elle avait pour symbole une Minerve assise, au pied de
laquelle on lisait ces mots : •
Puhlica Commoda,
puis deux génies portant une ruche devant un arbre pour y
recueillir un essaim d'abeilles; aux quatre côtés du dessin se
trouvaient les inscriptions suivantes :
AXIOO VODXSB,
VIHTUTJI & DOOT&UTA,
VU UNITA XàJOB
HOO MONBTBANT YIAM.
Le programme était en latin. La Sociéité littéraire germano-
bénédictine fut emportée par la Révolution.^
^ DoMMAKOBT. Dom TabouiUot (Société d'archéologie et d'histoire de
la MoÊéOe), Mets, 1868, 116.
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488 BJSVUB D'ALftâCB
AbbajB royale de MnteHGHoflBiBde
De Vobbbaye de Sainte-Glossinde.
Ce livre apartient à Vabheie de Sainte-CHossinde de Metz.
Ce foreat le chaiioinô Nioehe et lé docteur Marchand, offi-
ciers, muaicipaux, qui eurent la triste midsiM d'aller inven-
torier chez les dames* de SaintenGlossinde. le 17 mai 1790, de
slpfonner de leur â^ eft de leur demander, si elles voulaient
rester religieuses,. •..:..,/
La bihUoth^que ^tait située .«u {urcmier étage, près des
appartements abbatiaux; eîle eontenjùt des livres. de piété et
les meilleurs autf^ur^ wcieiiS et m^erniss:: cinquante volumes
in-f et ciiiq cents volumes .^editersJonnato» Il y avait beau-
coup de livres liturgiques à l-uâage 4e la maison^ réimprimes
par ordre de Tabbesse, M"^ Hottman, morte en 1762. Sur le titre
il y avait ses turwiiries. L'inventaire devait renfermer bien
des curiosités : un grand plat antique plaqué en émail, une
vierge: en poterie,, un pied de reliquaire avec ^moides en
argent, etc.
L'abbessQi M"* de Qboiseul-Beaupré^ déclara être &ée lé
6 mai 1720. Jiiletz était terre bénite pour « les filles p de cette
illustre maison. Une at^tre oomtessé de Ghoiseul était abbesse
à Sainfr-Louisi oU se trouvait comme ehanoinesse . M** de
Ghoiseul-Mwse et comme coa^jutriees Adrienne «t Félicité
de Choiseul et Sidonie de Qioiseul-Gottffier.:. ...
Le manuscrit du Livre de. chant /particulier de Tabbaye
Sainte-Glossinde est à la Bibliothèque publique (n* 714,
xvnrS.).
Lors de rétablissement des Capucins, l'abbesse leur donna
un gros volume décoré sur les plats de ses initiales en grée
au milieu de deux branches de lauriers; sur le titre on lit :
Le l^'^féwi&r 1608, Af~ de CandaUej coo^jutrice de 8. CHoê-
sinde, a donné ce pnt livre aux capudns de Metz. On trouve
"»
^
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LBS EX-LIBR» AAlfS LES TROIS ÉYÉCHÉS 489
dans la oôrrespondamce dé Paul Ferry une lettre adressée à
Louise de Foiz de Gandale.
M. Guigard a donné le blason de Louise de Nogaret de la
Valette, abbesse, fille naturelle du duc d'Epernon, morte en
1647. Ses armoiries sont entourées d'une couronne et sur-
montées d'une crosse abbatiale. Aux angles on voit deux A A
entrelacés (Louise de la Valette). (Volumes à la Bibliothèque
nationale.)
Le 16 décembre 1792, on brûla sur la place de la Loi (place
d'Armes) le portrait en pied de Louis XV qui était à Thôtel
de ville et qui avait coûté 800 livres ; beaucoup de livres trai-
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490 REVUE D*ALSACE
tant du blason ou de généalogies nobiliaires eurent le même
sort Le citoyen Trotebas, membre du district, accompagné de
Tarchiviste Léman, avait été les trier k Tlntendance. Un
Moveri et la Oénéalogie de lafamiUe de Vergy furent pris
dans le tas de Sainte-Glossinde. Les abbayes de bénédictins,
et surtout Saint- Arnould (un Dom Pelletier), fournirent aussi
leur contingent pour cette inepte cérémonie, dont le procès-
verbal est cité in extenso par M. Chabert
Antonistes
Ex4ibr%B domtis 8^ Antomj Metensis.
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LES BX-LIBRIS DANS LES TROIS ÉVÊCHÉb 491
Le prieur de cette maison, M. Charvet, avait publié dans le
Mercure de France, en 1760, un mémoire sur les limaçons. Il
avait aussi quelques pétrifications provenant surtout de Bar-
le-Duc,'
Aug^nstins
Ex-libria conventos fraJtrum Eremitarum Ordims Sancti
AugusHni ccBnobii metetisia.
Ds étaient aumftniers de ThOtel de ville et les colonnes
antiques du portail de leur église furent transportées dans les
jardins de la Malmaison. La visite officielle eut lieu le 14 mai
1790; la bibliothèque avait 1168 bouquins, dont 266 in-folio,
205 id-4?, 615 in-8*, 22 in-12 et 50 in-16.
Conventus metensis Capudnoru. Catalogo inscriptua.
JEx'hibliotheca Cap cinorum Conv. metensis.
Leur fondateur, Tévôque de Basilite, Antoine Foumier,
' Bnchoz cite, comme amateurs de fossiles et de minéraux, l'ingé-
nieur de Montlibert, seigneur de Secourt, qui forma son cabinet à
Nancy et le transporta ensuite à Metz; le conseiller au Parlement
Antoine recherchait les mêmes séries, mais son départ pour Tlle-de-
France entraîna l'abandon de son cabinet.
Sons le Directoire, le chirurgien en chef de l'hôpital militaire,
Gorcy, né à Pont-à-Mousson, étudia les fossiles des environs de Metz;
il avait les deux coquiUages dits le Coq et la Fùule, et un tibia qu'il
prétendait être d'un homme de plus de huit pieds. Ses collections ont
été dispersées.
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49S REVUE d' ALSACE
su&agant àeMete^ leur laissa à sa mort, eu 160% sa beUe
bibliothèque, qui fut encore àu^entée dans la suite par des
dons particuliers. Linventaire indique en effet cinq cents in-f ,
quatre cent dix in-i*" et deux mille cinq cent soixante-dix de
diverses grandeurs.
Les capucins, les récollets et les sœurs Colettes recevaient
annuellement des secours de la ville. ^ •.
Un noôl ' imprimé à Metz^. montre les enfants de saint
François allant adorer le divin enfant
Les capncins quoique nuds pieds
Ne laisseront pas d'y aUer,
On pourra les faire quêter
Pour faire à l'Enfant la bouillie,
Vive.....
(Sur rair : Frère André disaU à Grégoire.)
GrandB GusxeB
Carmeli antiquioris metensis.
D'après l'armoriai, les Carmes avaient pouir blason de sable
chappé d'argent
Leur bibliothèque était des plus médiocres, dit Dom Dieu-
donné. Les commissaires, en 1790, déclarèrent qu'il n'y avait
point de salle de bibliothèque; on y trouva cependant deux
mille cent quatre-vingt-sept volumes de toute grandeur et, en
outre, un lot de vieux livres non catalogués, puis la Clef du
cabinet et jcurnal de Luxembourg, etc.; on indique ensuite
cent douze in-f, soixante-neuf in-é"", quatre cent quarante in-d*
^ Comment se fait-il que tous ces recueils de noéls, imprimés à
Nancy, et Saint-Mihiel, à Neufchateau, à Metz, etc., se ressemblent
tous? Tous Yosgiens! mais pour comprendre le patois des montagnards
vosgiens, il faut avoir résidé dans leur pittoresque pays. Tous ces
noêls doivent provenir de Troyes, sauf ceux essentiellement locaux, et
ceux-là sont très rares; il est plus facile de toujours copier la même
rengaine imprimée que d'aller puiser aux sources. Fiat ktx!
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LES KX-LIBKIB DAVS LES TROIS ÉVÉCHâS 493
et cent cinquante-huit in-12. DansPéglise, trois tableaux, dont
deux servent de retable. La bibliothèque a deux manuserits
des Carmes*
M. de Bouteiller a raconté les pérégrinations de Pautel des
Carmes, qui se trouve actuellement au château de Mont-
r£ vaque, près de Senlis; une faible partie est au chftteau de
Gueuzlin, près de Douai/
M. Paguet avait collecté quelques vitrauii des églises des
Carmes et de Saint-Georges. On a conservé sur place quel^
ques débris de Téglise; on peut encore se rendre compte de
la légèreté des fenêtres, ogivales.
La ville payait tous les ans une redevance aux carmes,
parce qu'ils étaient obligés de dire les messes pour le repos
des ftmes des suppliciés. Ces religieux, avec les dominicainâ
et les récoUets, étaient souvent inscrits au budget municipal
comme prédicateurs de TAvent ou du Carême h la cathédrale.
Petits Oarmes
^ Le Musée archéologique a aaasi quelques débris de ce grand antel,
une des luenreilleB de Mets ancien.
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494 REVUE D*ALSAGB
Ex4ibn8 formé par une découpure dans une feuille de
cuivre sur laquelle on frotte un tampon noirci.
Leur bibliothèque fut en peu d'années bien fournie et ils
eurent des tableaux de quelque valeur.
Charles, peintre du duc de Lorraine, changea une toile
italienne représentant Jupiter, assis près de son aigle, menor
çant Semelé en un Christ assisté d'un ange donnant à Semélé
Thérèse un clou de la croix. Ce fut dans ce couvent que
Sébastien Leclerc, devenu depuis si célèbre, grava sa planche
de saint Eloi, évoque de Noyon.
Le couvent avait onze chambres de religieux et trois cham-
bres d'hôte.
L'inventaire du 10 août 1790 porte sept cent dix-sept in-f ,
deux cent quarante in-4'' et quatre cents divers, et livres à
Vindex cinq cents. L'ex-chanoine François Nioche et le docteur
Hubert Marchand inventoriaient
L'église est aigourd'hui la bibliothèque publique et le cloître
servit longtemps de musée d'antiquités. Ces vieux débris, qui
paraissent un peu fades quand on a vu les galeries du Vatican,
étaient bien, dans ce demi-jour, mystérieux. S'ils n'avaient
pas pour eux la beauté, ils avaient l'immense avantage d'être
topiques; c'est ce qui les rendait aussi intéressants que cette
multitude de marbres du Musée Pio Clementino.
On a estimé, sans exagérer, à plus de soixante mille volumes
le nombre des bouquins mis sur le pavé grâce au démeublement
des couvents et à la confiscation des biens des émigrés. Comme
partout ailleurs, la négligence amena bien des pertes dans cet
immense amas déposé dans les salles du rez-de-chaussée de
l'Intendance; on commença à en dresser un catalogue qui ne
fut pas terminé et ils furent timbrés de ces mots : District de
Metz; a des ventes faites après décès, dit Begin, dévoilèrent
bien des turpitudes. » Le catalogue de Grisel, on 1792, était à
peine commencé, lorsqu'on ordonna de former une bibliothèque
pour l'Ecole centrale, puis, à l'organisation du culte, on
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Lin BX-LIBRIS DANS LBS TROIS ÉVâCHÉS 495
permit ^ et c^était justice — à Tévêque et au directeur du
séminaire de choisir les livres à leur convenance pour les
bibliothèques épiscopale et du séminaire. Quelques émigrés
rentrés obtinrent la restitution de leurs livres non brûlés (??).
Enfin le total des bouquins de 1790 avait subi une très forte
diminution, lorsqu'on songea à approprier Téglise des petits
Carmes. En 1812, le catalogue portait vingt-un mille neuf cent
quatre-vingt-onze volumes. Le comte de Jaubert avait rem-
placé, en 1804, Thonnête Duhamel S qui avait commencé à
mettre un peu d'ordre dans ce fouillis et qui, comme biblio-
thécaire départemental en 1795, avait opéré le transfert des
livres au gouvernement (palais de justice). En 1803, la biblio-
thèque devint communale et elle ne fut ouverte au public
qu'en novembre 1811.
Par suite de Tinexécution des décrets de l'Assemblée
nationale, un grand nombre d'ouvrages et de manuscrits pré-
cieux disparurent; mais nous laissons à d'autres le soin de
faire connaître si les pertes irréparables qu'éprouvèrent le
département et la ville doivent être attribuées à une économie
mal comprise ou à l'incurie des hommes chargés de veiller à
l'exécution des mesures si sages prescrites par l'Assemblée
nationale.'
La circulaire suivante montre qu'à Paris on avait quelque-
fois tort :
Paris, le 21 frimaire an VIL
Citoyen,
Tons les cartulaires des cidevant instituts religieux qui se trouvent
disséminés dans les diTers dépôts littéraires, bibliothèques et archives
de la République doivent être réunis à Paris. Ces titres fruits des
siècles barbares, se lient trop essentiellement à leur histoire pour en
être distraits. Il faut qu'ils attestent et la postérité ce que l'ambition et
l'avarice des corporations privilégiées ont obtenu de la crédule igno-
* n resta sous^bibUothécaire.
' K Sauibb. La MosOle adminittraUve, 1859, 675.
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496 RVV1» D'AIfAGB
rance de nos pères et qa'ils leur fassent apprécier lliflxtraase jréiohi-
tion qni s'est faite dans l'esprit humain.
Vous voudrez donc bien faire rechercher tout ce gne les dépôts de
TOtre département possèdent en ce genre et l'adresser à Paris au
conserratenrs de la Bibliothèque nationale, rue de la LoL Je m'en
repose sur totre edle pour l'exécution de cette mesure et je sois
persuadé ^e la confiance qu'il m'inspire ae sera pas déçue.
Salut et fraternité,
François ds Neufohatxau.
Far suite de cet ordre, beaucoup de bibliothèques départe*
mentales perdirent ce qu'elles possédaient de plus riire> à la
grande satisfaction des chercheurs, parisiens. (y« le Gàbinet
M torique, Paris, 1856, t II, p. 129)-
Oélestins
CèlesUnorvm de Métis
Célestinomm metensium G. 91.
Iste volumen est Conventics Béate Marie Celestinorum de
Métis,
Cest livre apertient aux frères Célestins de Mets.
Us furent supprimés en 1774. Ils avaient les plus beaux
jardins de la ville. En 1760, le père Perette était un fleuriste
éraérite* £n 1771, r^lecteuii (te: Trêves» prince de Saxe, vint
avec sa sœur, Pabbesse de Bemiremont, admirer le jardin des
récollets; il leur paya 500 francs le caleu d'une magnifique
tulipe.
M. de Bouteiller a écrit l'histoire de ce couvent L'arsenal
du génie le remplaça. On voyait dans celui-ci l'aérostat qui
avait servi lors de la bataille de Fleurus.
Le docteur Morlanne recueillit la miraculeuse Vierge des
Célestins et en fit don à l'église de Saint-Clément Quelques
inscriptions funéraires et des fragments provenant de l'égUse
sont au Musée archéologique de Metz.
D'après M. Prost, ce sont les célestins qui, après les béné-
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LBS BX-LIBR» DAMS LIS TROU ÉV£CHÊ8 497
dictiiis, fonrnîrent le plus de manuscrits. Il y en a quarante-
trois à la bibliothèque, dont quelques-uns viennent de Saint-
Clément. Par suite du legs Dattel, il y a Verdun De Imitatione
Christi (xt* siècle), manuscrit anciennement aux Gélestins de
Metz.
Chanoi&eB réffoliors et Oollégo
Canoniœ metensis.
Collège royal de s. Loxns.
Papillon inv. & sculp. 1755. Armes de France entourées du
cordon des ordres du roi et de palmes, livres, globe, etc., et
surmontées de la couronne royale; au-dessus, sur une bande-
role, l'indication ci-dessus.
Cette gravure sur bois servait en outre à décorer les certi-
ficats des prix décernés aux élèves du collège royal établi
dans les bâtiments du prieuré depuis 1775. Douze jeunes
gentilshommes étaient élevés gratuitement
Les chanoines réguliers étaient très instruits; plusieurs
furent membres de la Société des sciences, lettres et arts de
Metz. Us firent graver à leurs frais une belle vignette pour
V Atlas de Buchoz, qui les cite souvent^ Le prieur et principal
Michelet avait, d'après lui, un beau cabinet minéralogique.
A sa mort, sa collection fut négligée. Plus tard, le prieur
GîUet eut un herbier;' il créa un jardin botanique dans la
maison et fit construire une fort belle serre pour les arbres
* Beaucoup de Messins les imitèrent : M. de Brye, secrétaire de la
Tîne; de Montigny, chanoine de la cathédrale, etc.
' Les apothicaires Thirion et HiUaire avaient anssi des herbiers; le
premier fit des conrs publics de chimie, qni Ini valurent une pension
de 600 liTres de la ville. Puis venaient, en fait d'amateurs de bota-
nique, le major de la citadeUe La Mothe, le docteur Michel du Ten-
Nonvelle Série. — il- année. 33
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498 REVUE D'ALSACE
exotiques. Les chanoines avaient en outre quelques pierres
gallo-romaines, entre autres un bas-relief trouvé k Metz et
décrit par Emmery.
Les commissaires, le 30 octobre 1790, reçurent le catalogue
de la bibliothèque, contenant huit pages in-folio; on y remar-
quait l'histoire de Luxembourg en huit volumes, les œuvres
de Bufion, de Rousseau, de Voltaire, etc.; plus, il y avait trois
cents volumes non catalogués à cause de leur peu de valeur.
La clef de la bibliothèque était perdue ; les commissaires char-
gèrent le serrurier Caillot d'en faire une. Les armoires en
sapin de la bibliothèque avaient chacune onze tablettes.^ On
compta cinq cent soixante-seize volumes in-f", trois cent
soixante-douze in-é"", mille sept cent cinquante-un in-8% mille
quatre-vingt dix-huit de divers formats reliés et sixin-f , vingt
in-4'', cent cinquante-sept in-8'' et deux mille huit cent soixante-
seize volumes divers non reliés, formant le total de trois mille
volumes.
netar, Dupré de Geneste, le pharmacien Bécœur. Les sieurs Lerminiat,
Hian et PerioUes étaient des « fleuristes » de renom, dit Bnchoz. Le
bailli de Tschady, le président de Chazelles, la présidente de Nenvron,
morte retirée chez les Carmélites de Paris, avaient des jardins enchan-
teurs à Colombey, Lorry-devant-le-Pont et Arry.
Herpin et Buchoz ont donné la vne de ces deux derniers jardins. On
trouve également dans VAthu de Buchoz la vue de Fristo et le jardin
de Bouflers, charmante gravure de Fontaine qui demeurait rue de la
Princerie. Bégin a parlé longuement de MM. de Tschudy et de Cha-
zelles. En 1775, les pépinières de Simon sont déjà citées. L'horticulture
fut toujours en honneur et Metz, et on ferait un curieux opuscule en
traitant, avec tout l'humour que mérite le siyet, l'histoire de ses
fameuses mirabelles confites, offertes à tous les souverains de passage
et envoyées annuellement en étrennes à la Cour.
L'abbé d'Huart, sous M. de Saint-Simon, avait la surveillance des
magnifiques jardins de Frescati et y cultivait les plantes les plus rares.
* Le sous-principal avait dans sa chambre VEncj^aiopédie^ des recueils
académiques et des cahiers d'histoire naturelle.
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LES RX-LIBRIS DAKS LBS TROIS ÉVâCHÉS 499
Un second incident marqua la descente nationale : le
libraire Marchai, par suite de ses fournitures, avait fait saisir
le cabinet de physique et les scellés y étaient apposés à la
venue des commissaires.
Tous les livres donnés en prix étaient décorés sur les plats
des armes royales de France.
Jésuites
Collegii Metensis Societdtis Jesu.
Le collège datait de 1622 et il devint de suite très florissant;
jusqu'à Tépoque de la révocation de Tédit de Nantes, les
jeunes réformés messins en suivaient les cours et disputèrent
avec succès les palmes à leurs camarades de la communion
romaine. La ville donna de nombreux secours aux Jésuites et,
jusqu'au moment de leur expulsion, elle payait 367 livres
10 sols pour les deux régents de philosophie.
Les Jésuites eurent, malgré Tappui de la bourgeoisie, à
souffirir la mauvaise humeur du duc de Coislin, qui, comme
son illustre voisin de Verdun, leur ôta le pouvoir de confesser.
Puis vinrent contre eux les sourdes attaques du Parlement et
leur chute éclatante.
Un grand-vicaire, doyen du chapitre, Henri d'Haraucourt,
eut, en 1657, Tingénieuse idée de faire les frais d'une distri-
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500 tSfXm D'ALSàCB
butioQ de prix et de donner des livres à ses armes. Df avait
été en 1643, avec Pévêque de Madame, un des témoins de
l'installation des R. R. P. P. dans la rue de la Chèvre, oii ils
demeurèrent jusqu'aux décrets d'expulsion. Les volumes aux
armes des généreux bienfaiteurs se trouvent difficilement; ils
sont généralement très bien reliés.
Le catalogue Henri (Paris, octobre 1863) en indique un.
D'après VEx-libris, c'était un don du chanoine de Saint-
Sauveur, Âubertin, aux récollets; le volume avait passé de la
bibliothèque de ces derniers dans celle de M. d'Haraucourt
L'élève couronné se nommait François André et le préfet
Jean le Clerc (sceau), 29 août 1757 (n*» 109, 20 fr.)
Le chanoine Henri d'Haraucourt est enterré h la cathédrale.
La ville de Metz fournit aussi aux frais de la distribution
des prix, et on peut attribuer aux Jésuites l'écusson suivant,
représentant les armes de la ville surmontées de la Pucelle.
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LBS RX-LnRB DàMS LBS TROIS ÊTÉCHÉ8
aïK
Le président au Parlement, Louis Fremyn, mort en 1669,
fit en 1663 les frais de la distribution des prix. Les armoiries
frappées sur les plats indiquent que les livres proviennent de
sa bibliothèque/
^ L'exemplaire de la bibUothèqae de la TiUe fat donné en prix le
80 août 1663 à François Granet An bas de l'attestation latine il y a le
scean du collège et la signature du préfet Nicolas Flenry. Le portrait
du président, tiré à tonte marge par Sébastien Leclerc, fait pendant an
titre.
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502 RBVUB d'alsagb
En 1670, Tarchevêque d'Embrun donna aussi des livres
ornés de ses blasons. Le jour de la distribution, on joua une
tragédie latine : Mors CoriolanV
Neuf manuscrits provenant des Jésuites sont à la biblio-
thèque de Metz. Les bénédictins parisiens virent chez eux, en
1709, l'histoire manuscrite des évoques de Metz par le fL P.
Benoît, ouvrage que le duc de Coislin défendit d'imprimer.
^ YiAirsoN. Histoire du premier collège de Metz, (Mém. de l'Acad.X
Metz, 1874, 223.
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LBS BX-LIBR15 DANS LES TROIS ÊTÉCHÉS 503
Les bénédictiiis de SaintrArnottld et d'autres couvents héri-
tèrent des dépouilles des Bévérends Pères.
Ex hibliotheca nùnimomm metensiiim.
Minimorum metensium.
De la Bibliothèque des Minimes, C. 200.
Les religieux eurent une singulière affaire à la lin du
xYn* siècle : un quidam, nommé Claude Carré, les accusa
d'avoir touché à Venise, en son nom, une somme de vingt
millions provenant d'un oncle décédé dans cette ville, et
d'avoir déchiré une feuille d*un registre de paroisse de Verdun.
Un de leurs manuscrits, les quatre Evangiles (xv*), avait
appartenu aux dames de Vergaville, près de Dieuze : Ex-
monasterio monalium B. Mariœ de Vergaville, 1688. Il s'en
trouve encore cinq autres à la Bibliothèque publique. Vers
1750, ils obtinrent la fermeture de la ruelle fioudat, rendez-
vous des soldats pour se battre et des filles de mauvaise vie.
Le père Jean-François Le Membre, bibliothécaire, reçut
les commissaires : l'architecte Fontaine et l'avocat Juzan de
la Tour, qui arrivèrent le 12 mai 1790. Il leur présenta un
catalogue in-folio sur parchemin, qui fut de suite coté et
paraphé; il comprenait trois mille quatre cent quatre-vingt
volumes, mais il y en avait en réalité dans la salle quatre
mille cent soixante ; parmi les manuscrits, deux étaient iUi-
sibles (n- 62 et 647).
Les religieux déclarèrent vouloir être citoyens et prêtres
séculiers.
LaBaristes
Ex-libris Congregationis Missionis domus Metemis,
Ex'libris Congregationis domus et seminarii Metensis.
Les lazaristes tenaient le séminaire Sainte-Anne et fai-
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d04 RBVUB d'ai^acb
saient des missions à la campagne. Quatre de leurs manus-
crists sont à la bibliothèque de la ville^ Nous en avons déjà
parlé.
Dominieains
DE LA BIBLIOTHBQVE DES
FBBBB8 PBBGHBVBS DE HBT2
Armoiries de Tordre, placées sur un manteau hermine sur-
monté de la tiare papale, entre un chapeau de cardinal, une
mitre et la crosse; autour on lit :
aa IV 8i9iioxHïbAa aas juaaa daaoHaAas aa Maxr
avec le rosaire pendant et quatre fleurs de lis.
Hauteur, 0",69; largeur, 0*,72.
On trouve encore ces mentions :
Frères prêcheurs de Mets
A la Bibliolhéque des Jacobins de Mets
Ex Chmmimi hibUotheca fratmm predicatorum metensium,
La ville donnait annuellement 400 livres pour la pension
de deux régents de philosophie.
Les religieux présentaient aux commissaires un cahier de
trois feuilles, dont dix pages écrites contenant le catalogue de
quatre-vingt-dix-sept volumes in-f* et neuf cent cinquante-cinq
autres, formant toute leur bibliothèque. Trois manuscrits sont
à la bibliothèque de Metz.
BéooUets
Ex-libris F. F. RecoUect. Conventus Metensis.
Ex Bibliotheca RecoUedorum Convent. Metensis.
En 1775, d'après le catalogue Emmery (1849, 311), il parut
des épigranmies sur les livres brûlés aux Récollets.
Les statues de saint Christophe et de saint Jacques de
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LES BX-URRIS MLMB LRS TROIS ÉVËCHÉS 506
l'église paroissiale de Saint-Simplice venaient de ces reli-
gieux, qui avaient dans leur couvent vingt-sept cellules et
trois chambres d'hôte.
Le 21 mai 1790, ils déclarèrent n'avoir ni médailles, ni
mobilier précieux; ce qui « a paru exact en examinant le
local », disent les enquéreurs. Comme partout ailleurs, on
demanda le registre de vêture pour demander si on voulait
rester ou quitter.
Un manuscrit des Récollets est à la bibliothèque de Metz.
Les Trinitaires n'en fournirent pas plus. Le Musée archéolo-
gique a deux statuettes de l'église.
TrinitaireB
Domu8 Sanctœ Trinitatis Metensis.
Le couvent contenait douze cellules.
Claude Bail, membre du Directoire, se rendit chez les
Trinitaires le 29 janvier 1791. Il vit dans leur église un buste
de bois doré, deux statues en couleur, etc. La bibliothèque
était chétive; on n'y trouva que cent-vingt-quatre in-f , quatre-
vingt-quatorze in-4% quatre-vingt-dix-sept in-8* et six cent
vingt-quatre in-12. Un manuscrit est à la bibliothèque de
Metz. Ils avaient quatre grandes tapisseries de 18 pieds de
long sur 11 de large.
Vers 1776, Charles-Gaspard Dorvaux, docteur eu Sorbonne,
ministre de la maison de Metz, provincial de Champagne, et
le procureur général de la Rédemption, rachetèrent à Tunis
et à Alger bon nombre d'esclaves chrétiens, les tirèrent des
Stats barbaresques et les ramenèrent en Corse.
La bibliothèque a un manuscrit provenant des bénédictins
de Sainte-Barbe; c'est leur Missel (xv* siècle). Ce livre appar-
tient à l'église Sainte-Barbe.
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506 RBVUE D'ALSACE
Congrégation Notre-Dame
Le monastère était bâti sur des constractions antiques. La
bibliothèque ne contenait que deux rayons : trente-trois
volumes sur le premier et quatre cent quatre-vingt-sept sur
le second, reliés en veau, en parchemin ou brochés.
Gomme presque tous les couvents de femmes à Metz, les
religieuses tenaient un pensionnat^
On trouve à la bibliothèque de Metz trois de leurs manus-
crits (xviu* siècle).
Dans un nod de Collignon (Metz, 1824) :
Les dames Angustines
En congrégations,
Pour former leur doctrine,
Reçoivent les leçons
De ce divin Enfant
Qui ne fait que de naître;
Leur constitution, don, don,
Auront bien de l'éclat, la, la.
Venant d'un si bon maître.'
L'inventaire des Carmélites ne figure pas aux archives. Un
recueil de cantiques (xviii* siècle) qui leur avait appartenu a
été versé au dépôt de la bibliothèque, et quelques-uns des
ornements de leur église se voient au trésor de la cathédrale.
* Les sœurs Collettes, de la Madelaine, du Refuge, de la Visitation,
de la Doctrine chrétienne; celles-ci tenaient en outre des écoles
publiques, ainsi que les Ursulines et les sœurs de la Propagation de
la foi.
' Sur l'air : Les Bourgeois de Chartres,
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LES BX-LDRB DAEfS LIS TROIS ÊYÉCHÉS 507
Dominioaiiies
Du monadère des sœurs précheresses de Metz.
Le 15 juillet 1790, on catalogue cent volumes à l'usage des
religieuses, ouvrages de piété et d'histoire. Les archives
étaient dans une petite chambre donnant sur le jardin; il y
avait en outre deux petites armoires fermant à trois clefs,
contenant les titres de propriété et de rente sur l'hôtel de
ville de Paris.
Le 5 mars 1793, on avertit la municipalité que l'on venait
de trouver cinq pièces de tapisseries en laine dans une
cachette sur le grenier de l'église: on ordonna le transfert au
district, après procès-verbal, car jamais on ne verbalisa tant
qu'à cette époque où la vie d'un homme comptait pour si peu.
BénédiotineB de Montigny
Les pérégrinations des livres de ces humbles religieuses,
fondées par Tévèque de Madaure, sous l'invocation de Saint-
Antoine de Padoue, termineront les notes sur les couvents de
Metz. Les libraires Joseph Barbier et Adam arrivèrent dans
la commune le 27 novembre 1790 pour estimer la bibliothèque
du couvent; cent-vingt-deux volumes furent déclarés de nulle
valeur et le reste encore moins ; deux bibles se trouvèrent cotés
2 f. 10 sols. On trouva parmi les bouquins les Commentaires de
CaMn, le Catéchisme de Louis de Grenade, les Chroniques de
Saint-Benoît, etc. Le charron Etienne Beauchène, bon citoyen,
fut institué gardien ; mais le monastère ayant été loué, on jugea
à propos de transporter chez lui la bibliothèque. Dès qu'on
apprit à Metz ce premier voyage des livres, en s'empressa de
se rendre à Montigny et de les retirer de chez le charron
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506 REVUE D*AL8AGB
pour les jeter sur une charrette après un second procès-
verbal, et on les conduisit à Saint- Arnould, où le citoyen
Gobert, préposé à la bibliothèque, en donna reçu.
ÂRTHUB BbITOIT.
(La 8î4ite pro^MtnemmL)
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LITTËRÂTDRE POPULAIRE DE L'ÂLSÂGE-LORRÂINE
BAVARDAGES
DB
iBSDÂlEs-ns-GODn OB mmm
entremêlés de quelques autres
COMMÉRAGES ALSACIENS
Fin'
XVII
NOUS AURONS LA FÊTE*
Sais-tu, petite Brigitte, le maire
M'a dit qu'on allait avoir
Fête, malgré le curé, sa colère,
Malgré son mauvais vouloir.
Et si dimanche il va tonner en chaire.
Ça ne pourra rien changer à l'affaire,
^ Voir les livraisons des 1» 2* et 3« trimestres 1882.
' Cette chanson, d'an inconnu, transmise par tradition orale, a été
publiée par M. An^^ste Stœber dans des articles dn SamstagiblaU,
réanis pins tard en brochure sous le titre : Der Kocheraberg.
C'est une description très fidèle des fêtes de yiUage en Alsace, et
une chanson favorite des jeunes gens de Eochersberg.
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510 IKVUB d'aLSACB
Car de nos danses le pauvre a profit :
Riche, indigent, chacun s'y réjouit
Bientôt, dimanche, on va louer la fête
Comme on faisait autrefois.
Que le curé gronde, crie et tempête !
Croit-il nous faire des lois?
Gare au sermon! il nous va dimportance
Laver la tête à propos de la danse !
Mais, sans quitter notre livre des yeux.
Ecoutons-le, d'un air silencieux,
Ah! maintenant U faudrait qu'on prépare
De beaux habits pour ces jours,
Car pour le bal on s'attife, on se pare.
Chacun met ses beaux atours.
Les gars ont fleurs aux chapeaux, et les belles
Plis empesés aux chemises, dentelles,
Tabliers blancs contenant, ô bonheur 1
Les pains d'épice offerts par le valseur.
Faut souliers fins afin d'être légères ;
(Les miens sont déjà tout prêts.)
Jolis bas blancs bien tirés, grande affaire!
Et tous les autres apprêts.
Quand à la danse on arrive bien belle.
L'on trouve vite un cavalier fidèle :
Chaque garçon avec vous veut valser.
Et l'on ne reste jamais sans danser!
A notre auberge chacun se régale.
Sans grande peine, à sauter.
Mais au poteau du milieu de la saUe,
Il ne faut pas se heurter.
Tu la connais : Léne, de chez le maire,
S'y cassa presque le nez, triste affaire!
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'AI^ACE-LORRAINB 51 i
Et, me heurtant, me fit faire un faux pas,
Et toi, beau coq, hélas ! tu m'échappas !
Chère fir^tte, ne va pas répandre,
Mais garde bien le secret
Si quelque fille le pouvait apprendre,
Bien trop tOt on le saurait!
Et, vois-tu bien? moi, je connais les filles
Qui voudraient être qui les plus gentiUes,
Mel, Lise et Léne viendraient se dresser
Devant nous autres pour nous éclipser.
Mais pour danser il nous faut, ma Brigitte,
Choisir d'habiles valseurs.
Promets au tien, afin qu'il ne te quitte.
Un joli bouquet de fleurs !
Moi! mon valseur est de belle prestance.
L'un est lourdaud, l'autre raide à la danse :
Oui! Mais le mien sait si bien m'enlever!
Pareil valseur ne se peut retrouver.
Le bal prend fin. Avant qu'on ne reparte,
A table chaque garçon
Offre du vin bien sucré, quelque tarte.
Un bon rôti, du poisson!
Chaque valseur reconduisant sa belle
Lui fait la cour. Bientôt devant chez eUe
La sérénade qu'elle entend lui fait
Plaisir extrême, en fermant son volet
Haguenau, 26 septembre 1881.
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518 RBWB D^AISÀGB
xvni
CHARLES BERDELLÉ
LE REPAS DE NOCES RUSTIQUE
de CaiheTme'Man(m'de-<kez4*andm'm^^
Jacques de Niederschdffolsheim, raconté par la Marie-Odiie-
de-chez-Jean'Pierre'Vandenr^j(nnt'4e-Batzend^
Qu'il faisait donc bon, la semaine de Pâques,
Aux noces de la Catherine-Manon-
De-chez-1'ancien-maire-Jean-de-chez-JeaQ-Jacques*
De NiederschsefiolsheimJ Jamais 1 oh! mais non !
Jamais on n'a fait de plus belle bombance:
On servit tout ce qu'il y a de plus tin.
Quels beaux repas ! vraiment! si beaux qu'à la fin
Nous étions d'avis, tous, que l'on recommence!
Tu voudrais apprendre ce que nous mangions?
Laissons les bouillons,
Bouillis, cornichons!
Parlons des saucisses et des saucissons,
De maint plat qui fume
D'excellent légume
Couvert d'un lard de fort engageant aspect
Âpres du boudin l'on nous sert du civet,
^ Niederschœifblsheim et Batzendorf sont deux villages voisins Piia
de Fautre da canton de Hagnenan. Les mots, qu'an mépris de Portho-
graphe ordinaire nous rénnissons par des traits-d'union, traduisent
chaque fois un seul mot du texte alsacien.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DB L*ALSACE-LORRAIMB 513
Des pommes de terre avec beaucoup de caisse,
Puis du bon filet si bien garni de lard
Et si bien rôti que personne n'en laisse
Le moindre brin ! du mouton, du canard,
Du veau, du poulet suivi d'une grosse oie.
Et maints bons flacons qui nous mettent en joie,
Des tartes, des Kouguelhoupfs^ et des gâteaux
Aussi bons que beaux,
Pas faits à la hâte :
Trois heures la mère en travailla la pâte,
Et pendant trois heures ne reposa pas!
Eh bien donc! que dis-tu d'un pareil repas?*
Fallait voir surtout combien la compagnie
Etait bien choisie!
On y trouvait nos plus gros cultivateurs.
Tous gens très huppés, et les instituteurs,
Et l'appahteur, et l'adjoint, et le maire,
Tous pleins du louable désir de bien faire:
En efifet chacun,
Pour être plus frais à pareille bataille.
Arrivait à jeun.
Tout prêt à se bourrer de la boustifailla
Ah! c'est que les paysans ne sont pas sots.
Les gens de la ville, beaucoup plus nigauds.
N'ayant apporté ni cuillers ni fourchettes,
Comme on le fait pourtant à tout grand repas.
Pendant qu'on s'empressait de vider les plats
^ Le Eougaelhopf ou Eongaelhonpf ÇL& prononciation varie suivant
les localités) est une pâtisserie faite arec de la farine, des œnfk, dn
beurre, dn lait, des raisins secs, dans des moules d'une forme particu-
lière. Cette p&tisserie est très aimée en Alsace.
* Cette tirade est prise presque textuellement de la bouche d'un
paysan qui, dans les années 30, parlait de son repas de fête.
NooTelle Séné. — 11"* année. 83
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514 REVUE d'alsacb
Penauds regardaient le fond de leurs assiettes
Jusqu'à ce que Jean vint à leur procurer
De chez les voisins des outils à bafirerJ
François-le-pansu-de-chez-le-gros-Jean-Geoj^e
S'en faisait passer (fallait voir!) par la gorge,
Liquides, solides! car «on ne fait pas>
(Pensait le gourmand) «un aussi bon repas
A toutes les noces. Il faut qu'on profite,
Surtout quand un homme cossu vous invite!»
Ainsi faisait-il. Un voisin délicat
Pour oflrir du bœuf lui présente le plat.
Le bœuf était vraiment d'apparence exquise!
François-le-pansu lui répond : «Oh la la!
Faut-il donc manger tout cela?»
Tout en regardant d'un air de convoitise
La pièce de viande. Voyant sa méprise
Ses voisins lui disent: «Prenez le morceau
Et mangez-le, car ce ne serait pas beau
De faire un afiront à celui qui régale.
Manger ce bouilli? ce n'est qu'un jeu d'enfant
Pour vous!» Il le prend, le découpe et l'avale
Aux huit, neuf dixièmes, puis, presque étoufiant.
Il dit: «Le morceau, fichtre! est un peu trop grand!»'
Mais ça ne l'empêche d'avaler le reste,
Et, quand les plats passent, de bien s'en servir.
Deux fois plutôt qu'une. Rien n'est indigeste
Pour lui, car il a, l'on doit s'en souvenir!
Un grand appétit et le veut assouvir!
Il dit à la fin, se tapant sur le ventre :
«Que mon sac est plein et tendu ! plus rien n'entre!
* Arrivé à on repas de noces à Niederschœffolsheim dans les années
1830.
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"A
LITTÉRATURE POPULAIRE DB L'ALSACB-LORRAIME 515
Ahl si je pouvais avaler pour demain,
Je ne céderais pas encor le terrain!»* y
Alors, au milieu d'un rire épouvantable,
L'on quitte la table,
L'on va plaisanter.
Et sauter, et chanter.
Par les sauts, la danse,
Dégonflant leur panse,
Les gens de la noce de très bon matin
Sont tout prêts à recommencer le festin.
On mange poissons, et légumes et viande!
François-le-pansu, pas malade, demande
Et mange à lui seul un énorme poulet.
Pendant ce temps-là chacun s'ingurgitait
De mets variés une telle montagne
Qu'aux gens de la viDe vraiment ça fit peur!
Et près de nous, simples gens de la campagne.
Plus d'un beau Monsieur, plus d'un fier ricaneur,
Malgré son esprit, son orgueil put apprendre
Comment des gens bien éduqués vont s'y prendre
Aux repas de noces pour y faire honneur.
Rioz, 22 mars 1880.
^ ArriTé dans les dernières années du règne de Louis-Philippe dans
un *diner électoral.
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616 RBTUB D ALSACB
LE GATEAU DE FOffiE
(Histoire arrivée à Hagaenaa à la foire de Saint-Martin de 1858)^
Je vais vous raconter une très belle histoire
Dont je fus le témoin autrefois à la foire
De Saint-Martin. Bien sûr ça vous amusera
Et ma petite histoire au cœur vous touchera!
Un tout jeune homme là, par fille très majeure
Se trouva retenu, peut-être un bon quart dlieure
Auprès d'une boutique, où la marchande offrait
Au public des gâteaux. La fille désirait
S'en faire payer un. Mais auprès de \k tente
Le garçon restait coi, se laissant cajoler
Par la fille, qu'hélas! il ne veut régaler.
Que n'est-elle plus jeune! Elle l'arrête et tente
L'impossible, espérant enfin le décider,
A force de prier, eiyoler, minauder.
Mais la marchande, qui voit où le bat les blesse,
Veut tirer le garçon de sa grande détresse.
Et lui dit : < C'est honteux pour un garçon si beau,
« Si jeune, de ne pas offrir un seul gâteau
< A cette vieille fille! »
Et la sotte pécore
Rougit, pâlit, se sauve, et court peut-être encore.
Rioz, 31 janvier 1881.
^ L'auteur et traducteur fut présent à la séance comme spectateur,
et il en garantit l'exactitude.
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LirrÊRATURB POPULAIRE DE L' ALSACE-LORRAINE 517
HISTOIRE D'ALMANACH
Dédiée à M. BeçukOo.
Vraiment arrivée en 1859^
C'est dans Uhlwiller qu'une drôle d'histoire,
Amis, se passa. Si vous voulez m'en croire,
Prêtez moi l'oreille, et veuillez m'écouter :
Dans tous ses détails je vais la raconter.
C'est l'appariteur remuant sa sonnette
Qui, dans le village, à tous les coins répète :
« Grelin! Klin! Grelîng! Klinklin! je vous fais savoir
« Que, pour presque rien le public peut avoir
« Là-bas, à l'auberge, au bout de ce village,
a Fichus et rubans! On se montrera sage
«[ D'en prendre, car tous ces objets, on les dit
« Terriblement* beaux! Le marchand fait crédit! »
Dans tout le village aussitôt on s'enflamme!
Les filles de lockel; la sœur et la femme
De Klaus; Lenel, Ksethel et Nann aussitôt,
£t Gréte, et bien d'autres vont prendre d'assaut
L'auberge. Le nez que vous fait l'aubergiste
Ne peut se décrire. Il s'étonne, il résiste
Aux flots en disant : a Que diantre! aucun marchand
a Ne loge chez moi! non! personne n'y vend
« Rubans, ni fichus, ni semblables articles! »
^ L'auteur de la farce était M. Regnlato, préparateur de chimie en
congé dans le vlUage. Le texte allemand Ini fat dédié et parut dans le
ExvM im Sdinockeîoch, numéro du 1^ avril 1861, avant de paraître
dans le Becueil de poésies publiées par l'auteur en 186ô.
' Terriblement beau, horriblement joli. Associations de mois très
familières aux paysans du canton de Haguenau.
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518 REVUE D'ALSACE
Les femmes d'abord lui répondent qu'il ment
Mais alors Taleule, mettant ses besicles,
Prenant Talmanach, fait cesser leur babil
Par ce simple mot : « C'est le premier avril! »
L'histoire nous montre que lorsqu'à nos belles
L'on parle de robes, rubans ou dentelles,
De jupes, chiffons ou corsages, l'on peut
Les mener sans peine partout où l'on veut,
Et que, si Ton veut leur dresser des embûches,
Les meilleurs appâts seront les fanfreluches.
AU RETOUR DE LA FONTAINE
Histoire arrivée à Phalsboarg le 26 mai 1859
Voyez donc ces deux! qu'elles sont bien en train!
Car, l'une, tenant une cruche à la main
Et l'autre, portant sur la tête une seille.
Racontent, bavardent! vraiment! c'est merveille!
Si longtemps debout! ça doit les fatiguer!
Alors un brave homme \ pensant les narguer,
Vint leur apporter à chacune sa chaise
Et leur dît : « Mes belles, mettez-vous à l'aise! »
Mais elles, de rire, pis que chez Guignol :
« Vous êtes bien bon ! mais le soleil nous gène.
« Monsieur! voudriez-vous vous donner la peine
« De nous apporter encore un parasol ! »
Rioz, le 22 février 188L
^ L'auteur ettradnctenr de ce conte fut lui-même le « brave homme»
en question. Le texte alsacien fut rédigé le jour même où lliistoire
arriva.
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UTTÉRATURB POPOUIRE DE L'ALSACE-LORRAINE 519
LA VEILLÉE DES PILEUSES
Soèno rusticjiae alsaoienrie
La scène représente le poêle de la Meï-Léne de chez Ham-ler
Mercier. Un cercle déjeunes ^paysans d de jeunes paysannes
y tiennent la conversation suivante :
JâEl'LÈKR
Voyez cette fraîche guirlande
De filles, de jeunes garçons.
Chacun a porté sa provende
D'histoires, de belles chansons!
C'est ici que chacun habille
Son prochain! c'est notre métier!
Sur quel dos verra-t-on l'étrille
Passer, sans le faire crier?
FBAITTZ
Commençons nos rengaines,
Mironton, mironton, mirontaincs!
En parlant des fredaines
De ce fameux Jeannot.
Il est louche et pâlot,
Boiteux, et surtout sot!
Pourtant il voudrait plaire!
Lui si laid, lui si sot vient nous faire
La cour. On le fait taire
En lui disant nigaud.
BJERWBLÉ
Avant tout, moi je vous signale
L'homme à quatre-z-yeux qui près de nous s'installe
Le petit Français, l'employé des tabacs
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5S0 REVUE d'ai^ace
Qui près de nous filles vient perdre ses pas
Et parle si mal qu'on ne le comprend pas!
Au lieu de danser avec nous villageoises
Aux fêtes, à Brumath, U prit des bourgeoises
Des belles portant
Un énorme volant,
Des bandeaux bouffants, la robe à crinoline.
Qu'à nous il revienne, et lui faisant la mine
Nous dirons : Eh bien! allez donc courtiser
Les belles que vous sûtes faire valser.
FBAITTZ
Quoi! tu voudrais te pendre
Pour un si piètre amant!
Moi, l'on pourrait me prendre
Un pareil inconstant,
Sans que je ne me mette
A le redemander
Par tambour ni sonnette :
On pourrait le garder.
MEl-LISE
Ah! c'est de la même façon
Que Mel regrette ce garçon
Qui fait son tour de France.
Pourquoi te livrer, ma belle, à la souffrance.
Au deuil? Ne trouve-tril là-bas
Des filles, et n'aurais-tu pas
Maints garçons au village
Pour te rendre volage?
MBi
Que ton discours m'est odieux!
Ah! que n'as-tu vu ses adieux!
Tu changerais de gamme.
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LirrÉRATuaB popdlairx de l'alsace-lorrainb 531
c n m^embrassa, dit : < Mon trésor,
c Mets au doigt cette bague d'or! »
D'amour mon cœur s'enflamme
Quand il y pense encor!
< Viens, ma belle », dit-il,
c A ma loi », me dit-il,
c Sois fidèle! » dit-il,
c Comme moi! » me dit-il,
« Moi je t'aime », dit-il,
c Cest écrit! » me dit-il,
c Fais de même! » dit-il,
M'a-tril dit!
c Quoiqu'il faille », a-t-il dit, < quitter ce coin,
< Oui! ce doux coin,
c Je te serai fidèle,
c Trouve-tron séduisants minois au loin,
a Minois au loin,
< Tu restes la plus belle!
c Veux-tu m'attendre? » m'a-t-il dit,
D'un son de voix si doux,
c Le cœur plus tendre », m'a-t-il dit,
4 Au rendez-vous
c Je serai ton époux! » *
Tu voudrais, après ce discours
Que je sois infidèle?
Oh non! à lui sont mes amours,
Je ne suis pas cruelle.
Et puisqu'il m'a voué son cœur.
Malgré toute distance
^ Les répétitions des dit-^ mV<-i7 dit, sont du pins pnr réalisme.
Je ne dirai pas de la couleur locale, car ces répétitions oiseuses d'nne
même phrase doiyent se retroayer un peu partout — C. B.
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52S RBVUB o'alsace
Moi je veux faire son bonheur
Aussi par ma constance.
MEl-KiBTH
Tu fais très bien! Ah I si le mien
Etait aussi fidèle!
Il ne supporte aucun lien,
Court après chaque belle.
De la blonde à la brune, Jean
Voltige et les courtise
L'une après l'autre. En moins d'un an,
Le village, il Tépuise.
Mais je veux le laisser courir
Dès sa première frasque!
Dieu me préserve de m'unir
A mari si fantasque!
Si je prends un homme, ma foi!
Je veux qu'il ne soit que pour moi,
Non pour un autre masque.
HAirs
Tais-toi donc, car moi je pourrais
Chanter une autre note.
Disant que femme au grand jamais
Ne doit porter culotte,
Ni jamais traiter de soulard
Son mari rentrant un peu tard
Comme fait mainte sotte.
MEI-LISE
Ici vous voyez le mépris
Que font de nous nos bons maris.
Pendant que la femme travaille,
Son mari sort, et fait ripaille
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LITTÉRATURB POPULAIRE DB L^ALSACE-LORRAINE
A l'auberge!... Il ne se méprend
Ce vieux proverbe qui prétend ;
« Le nôtre,
« Le vôtre,
« L'un est tout comme l'autre. »
HANS
Allons, les femmes! Taisez-vous!
Vous faites, comme nous, vos coups.
De l'argent! Le café, sans doute,
Comme le vin, la bière, en coûte.
Et la parure en coûte plus!
On sait que pour en faire abus,
« La nôtre,
« La vôtre,
« L'une est tout comme l'autre! »
Cessez de tant vous disputer.
Car j'ai de quoi vous raconter :
L'on étendit de la litière
De la porte de Jean
Au volet de la cuisinière
Qu'il voit depuis un an! *
TOUS
Quels grands yeux ont dû faire
Ce beau couple d'amants?
' Dans certains villages de Basse- Alsace, les amateurs de scandales
font quelquefois à de pauvres amants la mauvaise farce de joncher de
paille et de feuiUage le chemin qui va de la porte du garçon « au volet »
de la fille (an'a Làdd).
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524 REVUE D'ALSACE
Mais ils ne devraient guère
Attendre plus longtemps!
MEl
C'est que Françoise n'ose
Plus sortir en plein jour,
Parce que chacun glose
Sur Jean et son amour!
MEI-LISB
Ah! si j'étais Françoise,
Je ferais autrement.
Malgré ce qu'on dégoise.
J'irais vers mon amant,
Disant : a En diligence
« Fais afficher mes bans,
« Pour réduire au silence
« Un tas de médisants! »
TOUS
Foin de la médisance
Et de tous les méchants!
HAJ<rS-LE-CHABBON
Ça bâillonnerait mainte bouche
Parlant des malheurs des voisins.
U faudrait que chacun ne mouche
Que son nez, non ceux des prochains.
SEPP de chez sefp-lb-chabbon
Qu'on balaye, en ville, au village
Devant chez soi, mais pas plus loin,
Malgré vents, neige, pluie, orage
U fera propre en chaque coin.
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LITTÉRATURE POPULAIRE DE L'ALSACE-LORRAINB 535
TOUS (en chœnr)
Qu'on balaye, en ville, au village,
Devant chez soi, mais pas plus loin!
KSTH
C'est que les garçons, en Thonneur de Françoise,
Ont fait plus d'un pas de boucher!
Chacun d'eux par suite contre elle en dégoise,
Eux qui voulaient se l'arracher !
FIUNTZ
Vous filles, voyiez d'un esprit jaloux
Les garçons manquer à leur rendez-vous
Pour faire la cour à votre rivale;
Aussi chacune de vous la ravale.
Mais le monde est instruit, hélas!
Des causes d'un pareil fracas
Et n'en fait pas grand cas !
HEl-LiinB
Assez médit, les garçons, et vous toutes,
Il commence à se faire tard.
Si vous le voulez, nous casserons des croûtes.
Trêve à l'esprit bavard.
Voici du pain bis, du bon marc et des pommes.^
Eh! qu'on s'en régale, les filles, les hommes,
L'on entend le crieur de nuit
Qui dit : « Ecoutez, il sonne neuf heures ! »
Faisant trêve à tout bruit,
Entonnez des chansons, et de vos meilleures,
1 GonflommatiouB par lesquelles on conclat ordinairement les velUées
Bons le nom Ninerbrod on Zèhnerbrod (pain de neuf heures, — de dix
heures).
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526 REVUE d'alsacb
Les filles tout haut. Chaque garçon fera
La basse. La chanson nous reposera
Des tracas du jour. Puis nous pourrons nous dire :
a Bonsoir! demain nous nous remettrons à rire!
« Bonsoir!
« A revoir! »
Haguenau, le 17 juin 1881.
SATYRE CONTRE LES GARÇONS
(Février 1862)
Faite snr la demande d'une jeune fille ^
0 garçons, vous vous acharner
A nous faire sans cesse
La cour, quand par le bout du nez
Nous vous menons en laisse.
Oh! combien, nous filles, nous aimons vous voir
Nous combler d'un tas de tendresses,
Chercher à nous plaire du matin au soir
Et nous accabler de caresses.
Vous nous répétez les propos les plus doux :
a Mon cœur, mon bijou, mon amie! »
Et nous cependant nous nous moquons de vous
Et rions de votre folie.
0 garçons, tous vous acharnez
A nous faire sans cesse
^ Au bal de carnaval 1862, à Phalsbourg, une jeune fiUe B'étant
plainte à l'auteur de ce qu'il ne parlait que des femmes et des filles
dans ses poésies, il fit aussitôt et lui dédia le texte alsacien du poème
ci-dessus.
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LITTÉRATURE POPULÂIRB DB L'àLSACK-IX)RRAINB 537
La cour, quand par le bout du nez
Nous vous menons en laisse.
Aux fêtes, vous aimez bien nous régaler
De vin doux et de pain d'épice, i
Pensant de la sorte nous afirioler
Et saisir un moment propice.
Mais nous avalons pain d'épice et vin doux
Sans souffrir que Ton nous embrasse,
Puis nous vous quittons et nous rentrons chez nous
En riant de votre grimace.
0 garçons, vous vous acharnez
A nous faire sans cesse
La cour, quand par le bout du nez
Nous vous menons en laisse!
Rioz, le 28 janvier 1881.
UN BON CONSEIL
(Texte alsacien inédit)
Chaque localité possède de ces langues
De vipères, sachant épicer leurs harangues,
Des journaux ambulants, distillant le venin
Et le mensonge aussi, pour nuire à leur prochain.
Ce sont de vrais balais, pas pour ôter l'ordure
Devant les portes, non ! pour la mettre en peinture,
Four en souiller le seuil, la maison du voisin.
Qui ne pourrait ici les nommer par douzaines
Ces bavardes prenant pour très bonnes aubaines
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538 RBVUB D*ALSÀCB
De ravaler, flétrir la réputation
D'honnêtes gens, ou bien de briser l'union
Dans un ménage heureux, d'exciter des affaires
Entre de bons amis. 0 funestes mégères!
Qui pourrait calculer et dire exactement
Tout le mal qu'ont causé vos langues de serpent?
Aussi défiez-vous des méchantes femelles,
Biche ou pauvre, enfin tous, citadins, paysans,
Ne les suivez jamais à la chasse aux nouvelles,
Mais, sans crainte traitez leurs discours de cancans.
Rioz, !•' mars 1881.
Ch. Bebdellê.
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NOTES BIOGRAPHIQUES
SUB LES
HOMMES DE U RÉVOLUTION
STRASBOURG ET LES ENVIRONS
SwU
STAHL (Georgb-Frédémg).
Né en 1757 à Bischheimau-Saum — Avant 1789. Bras-
seur à Strasbourg — 1790. Cafetier, rue du Jeu-des-enfants
— Janvier 1791 . De la Société des amis de la constitution —
7 février 1792. De celle des jacobins — 3 octobre 1793.
Nommé du Conseil municipal ^ 8 octobre. Membre sup-
pléant du Comité de surveillance et de sûreté générale du
Bas-Rhin — 8 octobre. Maintenu notable de la commune —
22 octobre. Trésorier du Comité de sûreté générale du Bas-
Rhin, Monnet lui délivre un mandat de 6000 livres dont il
aura à tenir compte — 2 novembre. Il approuve une liste
de deux cent quaranle-huit suspects à incarcérer — 5 no-
vembre. De nouveau élu notable -- 14 décembre. Il lève les
scellés chez Laurent, ex-vicaire épiscopal — 21 décembre,
n sert d'intermédiaire à Schneider, enfermé à TAbbaye, à
Paris — 24 décembre. Au Séminaire, il examine les pétitions
et reçoit les réclamations des prisonniers — 25 décembre.
Avant de se dissoudre, le Comité de surveillance et de
sûreté générale du Bas-Rhin lui ordonne de régler les
comptes — 30 janvier et 23 avril 1794. Confirmé notahle —
25 octobre. Encore aux Jacobins ^ 1797. Administrateur
Nonyelle Séné. — 41-* année. 34
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530 REVUE D ALSACE
municipal sous la présidence de Démichel — 1798. Admi-
nistrateur municipal sous la présidence de Grand-Mougin.
STAMPF (Jean-George).
Né en 1759 à Strasbourg, où il était militaire avant 1789.
Comme tel il est reçu à la Société des amis de la constitu-
tion, en juillet 1790 — En février 1793, de celle des jacobins
— Septembre 1793. Au Club, il figure dans une dispute où,
sur l'invitation du président, il arrête un jacobin qui trou-
blait la Société — 3 janvier 1794. Il sert de témoin à J.-G.
Schwartz contre Baldner ~ 25 octobre. Encore aux Jacobins.
STARCK (Jean-Jacques).
Né en 1758 à Strasbourg, où il était tabletier-toumeur
avant 1789 — 15 mars 1791. De la Société des amis delà
constitution, qu'il ne quitta qu'en juin 1792, à l'Auditoire—
30 janvier et 23 avril 1794. Elu notable de la commune, sous
Monet — 26 avril. Reçu membre de la Société des jacobins,
où il est encore inscrit le 25 octobre suivant — En 1824, il
était encore tourneur rue des Hallebardes, n"" 5.
STEMPFEL.
Avant 1789, aubergiste à la Charrue, au Faubourg-de-
pierres — 1791. I)e la Société des amis de la constitution—
14 novembre 1791. Elu notable du Conseil municipal de la
commune — 7 février 1792. Il eut bien aimé faire partie des
deux Sociétés; mais aux termes du règlement, il fut rayé
de la liste des Jacobins et n'y rentra plus — 3 juillet. Comme
notable, il signe l'adresse de la municipalité à l'Assemblée
nationale, lors des troubles du 20 juin, à Paris — 21 août.
Camot, Prieur et Rilter le nomment membre de l'adminis-
tration du Bas-Rhin — 11 novembre. A l'élection, tenue
dans l'église Saint-Jean à Wissembourg, il est élu scruta-
teur du bureau pour l'élection des membres de l'adminis-
tration départementale du Bas-Rhin, et à cette occasion,
Schneider, dans son Argos du 27, fait une furieuse sortie
contre lui, le traitant d'homme portant l'eau sur les deux
épaules, appartenant à tous les partis et à aucun — 31 oc-
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LB8 HOmiS DE LA RÉfOLUTION 631
tobre 1793. Imposé par Saintr Just et Lebas à 5000 livres, qu'il
a réglé les 6 et 7 novembre suivant — 1834. Aubergiste à la
Chasse royale, foubourg de Saveme.
STERN (Jean-Georqe).
Menuisier à Strasbourg avant 1789 — Février 1792. Mem-
bre de la Société des jacobins — 6 décembre, 18 janvier,
8 octobre, 5 novembre 1793 et 80 janvier 1794, il est élu par
le peuple notable de la commune — 23 avril. Officier muni-
cipal — 26 et 30 mai. U approuve et ordonne l'arrestation
de passé cent de ses concitoyens qualifiés de suspects —
13 juin. Les mesures révolutionnaires proposées par Bier-
lyn sont de son goût, il faut les appliquer — 24 juillet. Au
Club, il ouvre une liste de souscription pour confectionner
un vaisseau de guerre contre la perfide Albion — 2 août.
D félicite la Convention nationale de la fermeté déployée
contre Robespierre, Couthon, Saint-Just et Lebas — 25 oc-
tobre. Biffé des Jacobins — 27 novembre et 10 décembre.
D assiste à Tinventaire des effets de Tex-maire Monet.
STIERLING (Michel-André),
à l'Eléphant, Finckwiller, n*» 12.
Né en 1739 à Saint-Esprit. Il arriva après 1770 à Stras-
bourg comme écrivain — En 1789. Procureur fiscal de Qua-
tzenheim, Brûschwickersheim et Wintzenheim. En même
temps procureur-vicaire au Magistrat de Strasbourg— 1790-
1792 Commis-greffier assermenté du tribunal du district de
Strasbourg — Mai 1793. Membre de la Société des jacobins,
il était alors employé au département du Bas-Rhin — 1" oc-
tobre. Il dénonce au Comité de surveillance permanent des
Jacobins, Bella, receveur du séquestre des princes étrangers
— 25 octobre 1794. Il est encore aux Jacobins — 1797 à 1805.
Greffier du tribimal criminel du Bas-Rhin — 9 avril 1798.
Scrutateur du bureau définitif de TAssemblée électorale
tenue à TAuditoire — 1798. Elu, par Strasbourg, membre
des Assemblées primaires du Bas-Rhin.
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Ô32 RBYUB D'ALSACE
STŒBER (Elie-Louis) père.
Dès 1784, greffier-adjoint de la Chancellerie de Bischwiller
— Greffier du 6 mars 1787 à avrU 1791, époque à laquelle il
prit le titre de notaire — 11 décembre 1790. Secrétaire du
duc de Deux-Ponts — En 1790, membre du district de
Haguenau — 26 août 1791. En cette qualité il est élu membre
de l'administration du département du Bas-Rhin, laquelle
s'étant constituée peu après, le nomma membre du Direc-
toire sous la présidence de Victor de Broglie — 3 juillet 1792.
Il signe l'adresse du Directoire à TAssemblée nationale, lors
des attentats du 20 juin — 21 août. Maintenu par Camot,
Prieur et Ritter — 12-14 novembre. A Télection tenue à
Wissembourg, il sort le quatrième comme administrateur
du Bas-Rhin, fonctions auxquelles il fut maintenu jusqu'à
l'arrivée de Saint-Just et Lebas, en octobre 1793 — 2 nov.
n est arrêté, conduit à l'hôtel de ville et de là à Metz, jus-
qu'en août 1794. Commencement de 1795, sur sa demande,
il est relevé de ses fonctions d'administrateur du district de
Haguenau — 1797 à 1804 Receveur général du Bas-Rhin, à
Strasbourg, promenade de l'Égalié, atgourd'hui Broglie —
De 1800 à 1805. Du Conseil général du Bas-Rhin.
STOLZ.*
25 novembre 1793. Ministre de la religion luthérienne, il
abjure et se déclare n^avoir été qu'un charlatan salarié; aussi
la Société des jacobins arrête que son nom sera transcrit au
procès-verbal de la séance.
STODHLEN (François-Joseph).
Né en 1739 à Molsheim — Avant 1789. Licencié en droit»
puis avocat postulent au Conseil de régence à Saveme, et
finalement trésorier de la Tour aux pfennings à Strasbourg
— Septembre 1791. Du Conseil général d'administration du
^ Je n'ai pas trouTé de ministre protestant de ce nom ; mais an curé
catholique, à Dorlisheim, en 1792.
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LB5 HOmiBB DE LÀ RÉVOLUTION 583
district de Strasbourg — 3 juillet 1793. Reçu membre de la
Société des jacobins — 3 octobre. Destitué comme protec-
teur des aristocrates et principal auteur des mesures inci-
viques dont Padministration du district s^est rendu coupable.
Wagner, de Mutzig, le remplace — 14 octobre. Sa réclusion
au Séminaire est ordonnée par le Comité de sûreté générale
du Bas-Rhin — 31 octobre. Imposé par Saint-Just et Lebas
à 10,000 livres — 6 novembre. Il paie cette somme, et quel-
ques jours après, il est mis au Séminaire — 21 novembre,
n réclame sa liberté, mais le Comité de sûreté générale
décide, qu'avant de se prononcer, il sera encore une fois
discuté sur son compte. La chute de Schneider le mit en
liberté, et il resta aux Jacobins jusqu'aux 25 octobre 1794
17 janvier 1795. — Bailly le nomme juge suppléant au tri-
bunal civil du district de Strasbourg — De 1797 à 1799.
Commissaire des guerres à Strasbourg. D'après la nouvelle
organisation de 1800, il ne resta plus qu'un seul commissaire
des guerres pour tout le Bas-Rhin, le citoyen Ducrot. Dans
les places autres que Strasbourg, les maires étant chargés
du service courant — 1805. De nouveau commissaire des
guerres à Strasbourg et membre du Conseil d'administra-
tion de l'hôpital militaire.
Sous la Restauration, il avait créé un cabinet d'affaires,
rue des Hallebardes, à Strasbourg.
STRIFPLER (Françsois-Ignace).
Avant 1789, homme de loi. Tout en habitant Barr, il était
affilié en 1793 au Club des jacobins de Strasbourg — 16 dé-
cembre. Le Comité de surveillance et de sûreté générale
du Bas-Rhin le propose à Saint-Just et Lebas pour le Direc-
toire du département — 1" janvier 1794. Nommé à ces fonc-
tions, il ordonne l'établissement provisoire d'une école gra-
tuite de langue française dans toutes les communes de la
Basse- Alsace. D est à déplorer que cette heureuse idée n'ait
point été poursuivie par les administrations qui se sont
succédé — 5 octobre. Vice-président du Directoire du dis-
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584 REYCB d'ALSAGB
trict — 25 octobre. BiflFé aux Jacobins — 3 janvier 1796. No-
taire à Obemai jusqu'au 14 novembre 1826.
STROHL (Jean-Daniel).
Natif de Brumath — 1792. Aide du maître d'école Mer, à
Dorlisheim — 19 novembre 1793. n dénonce Jean-Jacques
Fischer, pasteur protestant à Dorlisheim, pour avoir entravé
les progrès de la Révolution, lequel, âgé de 61 ans, est con-
damné à mort.
STUBER (Jean-George).
1750. Pasteur à Waldbach, Ban-de-la-Roche — De 1768 à
1793. Paateur de Téglise collégiale de Saint-Thomas, à Stras-
bourg — 8 février 1790. Elu notable de la commune —
2 novembre . La Société des amis de la constitution lui vote
une lettre de remerdment pour le sermon patriotique qu'il
a prononcé le 31 octobre dernier à Téglise Saint-Thomas,
Pinviter à continuer un si beau zèle et lui témoigner le
plaisir qu'elle éprouverait de le voir assister à ses séances
—11 novembre. Elu notable — 30 novembre. Membre de la
Société des amis de la constitution — 27 mars 1791. Membre
de la municipalité, il arrête que Jaeglé, curé de la paroisse
de Saint-Laurent, sera mis en état d'arrestation pour rébel-
lion contre Pévôque constitutionnel Brendel — 7 février 1 792,
n passe aux Jacobins — 22 novembre 1793. Dans le temple
de la Raison, il abjure en ces termes :
Becevez, citoyens, la déclaration d'an vieillard qui, ayant passé sa
yie à chercher la vérité et à combattre pour elle, ose se donner le nom
sublime de philosophe. Les obstacles que le fanatisme et la superstition
m'opposèrent constamment quand je m'efforçais d'enseigner à mes con-
citoyens une morale saine, pure, en un mot philosophique; ces obstacles
ne sont plus. Je bénis le jour où le soleil de la vérité est venu se livrer
sur le sol des Français.
J'ai voué, citoyens, et je voue encore une haine étemelle au fana-
tisme et à l'imposture, surtout à celle de la prêtrise. — Et la liberté
qui vient d'écraser le fanatisme, son plus cruel ennemi, affermira de
jour en jour les bases de la République ! Qu'elle vive, qu'elle triomphe
à jamais!
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 535
Le même jour, au Comité de surveillance et de sûreté
générale du Bas-Rhin, présidé par Monet, on arrête, que
renonçant à la superstition du culte, il sera recommandé à
la municipalité pour subvenir à sa nourriture.
Bien avant le 25 octobre 1794, il est biffé de la Société des
jacobins.
SULTZER (Jean-Michel).
Né en 1740 à Strasbourg. Serrurier avant 1789, place de la
Cathédrale — 24 mai 1793. De la Société des iacobins —
18 janvier 1793. Notable de la commune — 8 octobre. Main-
tenu — 10 octobre. Du Comité de surveillance de la Société
des jacobins — 30 janvier 1794. Officier municipal — 7 avriL
il fait appel à ses concitoyens pour obtenir des effets et
chaussures pour l'armée du Rhin — 23 avril. Elu de nou-
veau officier municipal — 26 et 80 mal II approuve l'arres-
tation de passé cent suspects de la ville — 13 juin, n adhère
aux mesures de sûreté générale proposées par Bierlyn —
24 juillet, n est pour la confection d'un vaisseau de premier
rang contre la perfide Angleterre — 2 août. D félicite la Con-
vention nationale pour les mesures énergiques employées
contre Robespierre et autres — 5 septembre. Maintenu offi-
cier municipal sous le maire André — 25 octobre. Présent
aux Jacobins — 27 novembre et 10 décembre. Il assiste à
rinventaire de^ effets Monet.
TACHET (Nicolas) ou DACHERT.
Avant 1789, menuisier à Strasbourg — 1792, du Club des
jacobins — 27 décembre 1793. Devant le tribunal criminel-
révolutionnaire à Strasbourg, présidé par Mainoni; il dépose
avec Louis Rooss contre JeanMichel Schauer, pelletier, dont
la maison, Marché-aux-Poissons, 76, fut rasé. Sous les deux
noms, il n'est plus aux Jacobins le 25 octobre 1794.
TAFFIN (Charles), originaire de la Savoie.
Un ex-chanoine de la cathédrale de Metz, puis curé de la
paroisse de Saint-Georges à Haguenau, et, en dernier lieu,
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586 BfiVUB D ALSACE
vicaire apostolique de Tévèque Brendel — 1792. De la Société
des jacobins — 21 juin 1792. Au Club, il signe une circu-
laire aux Sociétés affiliées, pour leur peindre la situation
politique des frontières — 24 juin. Il est cité devant le juge
pour cette adresse incendiaire, et la salle des lectures des
Jacobins est fermée par la police — En mars et avril 1793,
président du Directoire du district de Haguenau; lors des
troubles du Eochersberg, il se transporte, avec Schramm,
dans les communes du même district — 5 mai. Nonomé
président du tribunal révolutionnaire du Bas-Rhin, qui ne
fonctionna que cinq mois après —23 juin. Encore prteident
du Directoire du district de Hagueau ; il assiste à une séance
de la Société populaire de Saveme et saisit cette occasion
pour y faire la définition du patriotisme, et, après avoir
engagé les citoyens à voler à la défense des frontières, il
dot son discours en disant qu'il saurait leur inculquer le
patriotisme, si ce n'est par la voie de la douceur, du moins
par celle de la force.
L'auteur auquel j'emprunte ce récit ajoute que ce langage
brutal fut vivement applaudi par l'assemblée.
Quelque temps après, le Comité de surveillance de la
Société républicaine de Haguenau adresse aux membres du
Directoire du Bas-Rhin une plainte contre TafiOn, qui, par
sa fousseté reconnue et ses indignes cabales, a chassé des
employés capables pour en mettre d'autres, à peine capa-
bles de dire oui et non en affaires d'administration. Cinq
messagers du district, des maîtres d'écoles, des marquilliers,
remplissent les nouvelles fonctions. Taf&n est le plus grand
intrigant, aussi tartuffe qu'un moine de rancien régime;
enfin un homme bas et vil, qui a promis d'avilir et de per-
sécuter les patriotes de Haguenau aussi longtemps qu'il
pourra. Nous demandons sa suspension, celle de son secré-
taire et ami Hallez, et le remplacement de ses créatures —
15 octobre. Neuf représentants du peuple présents aux
armées de Rhin-et-Moselle créent un tribunal révolution-
naire à la suite de l'armée, et les membres de celui du 4 mai
étaient naturellement désignés pour le composer — 23 octo*
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LES HOMMIS DB LA RÉVOLUTION 587
bre. A la séance extraordinaire des Jacobins et du Comité
de sûreté générale du Bas-Rhin» il est proposé pour juge du
dit tribunal. D en fut le président — 24 octobre. Saint-Just
arrive inattendu à Strasbourg, et dès le lendemain il le
somme de lui dire combien de tètes il avait déjà fait tomber.
Aucune, fut sa réponse; le temps nous a manqué, et depuis
vingt-quatre heures que noussommes institués, nous n'avons
fait que vérifier les dossiers et travaillé à faire respecter les
assignats, c Gomment, répliqua Saint-Just, depuis deux fois
vingt-quatre heures en fonction et point encore fait sauter
vingt-quatre tètes? Va dire à ta commission que si elle ne
veut pas faire tomber de tètes, je ferai abattre les leurs, et
cela sans retard. Vous n'avez pas été nommés pour forcer
le cours des assignats et vérifier des dossiers, mais pour
exterminer les aristocrates dont ce département fourmille.»
Cependant on n'était pas resté inactif, car le procès-verbal
de la première séance du Conseil d'administration de
l'armée révolutionnaire, signé Taffin, président, et Weiss,
secrétaire, nous apprend qu'il partira dès aujourd'hui,
28 octobre, une force armée de trente cavaliers, avec un
nombre proportionné de sansculottes armés à pied, pour
enlever des villages les plus menacés et les plus suspects
toutes les denrées, bestiaux, etc., pour les transporter der-
rière l'armée. C'est Helmstetter, de Bergzabem, connaissant
les localités, qui est chargé de l'exécution — 26 octobre au
27 décembre. Ce tribunal prononça près do 250 condamna-
tions, dont 31 tètes ont roulé sur l'échafaud — 14 novembre.
Il prend l'arrêté suivant :
« Les amendes, le poteau, les galères n'ont pu jusqu'ici
c forcer les assignats et faire respecter la loi.
« Le premier qui sera convaincu d'avoir enfreint la taxe
« ou avili les assignats, en les prenant avec perte, sera puni
c de mort
c Si, dans les deux fois vingt-quatre heures, les bouche-
c ries ne sont point garnies de la viande nécessaire pour la
< substentation de la ville, et surtout de porc, les plus
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538 REVUE d'àlsàce
« riches des bouchers seront arrêtés, déportés et leurs biens
c confisqués »
20 novembre. Comme président du tribunal révolution-
naire, il assiste à la fête de la Raison, tenue dans la cathé-
drale, et du haut de la chaire il déclare à la multitude avoir
toujours porté la soutane avec dégoût et horreur, mais que
le moment étant venu, il s'est empressé de s'en débarrasser.
«Tai eu le malheur d^étre un serviteur de TEglise, mais je
ne Fai été que pour la démembrer, car je puis me flatter
avoir porté plus d'un coup mortel au pape, aux évoques et
aux prêtres. J'abjure donc officiellement et je lacère mon
brevet de prêtrise — 28 novembre. Il lance l'arrêté suivant:
< Tout individu qui sera convaincu d'avoir caché ou
t !^oustrait des biens ou effets appartenant à des personnes
t condamnées à mort et à la confiscation de leurs biens, ou
« à des émigrés, sera regardé comme traître à la patrie et
« puni comme tel. »
Dans le compte que son greffier rend au district de Stras-
bourg, nous trouvons en dépense : 35 livres au tailleur qui
a fait un pantalon au président Taffin ; 300 livres données
audit président en dehors de ses appointements; 36 livres
pour une paire de pistolets pour le même — 7 décembre.
Il fait payer 90 livres à Chrétien Pfeiffer, procureur
de Dambach, qui a verbalisé contre F. -M. Ancel, de
sa commune, pour propos anti-révolationnaires — 7 décem-
bre. Conjointement avec Schneider, il se justifie au Comité
de sûreté de la convention des jugements rendus par le
tribunal révolutionnaire du Bas Rhin — 15 décembre-
Mainoni le fait arrêter et Mougeot l'interroge au Séminaire
— 16 décembre. C'est en vain qu'il cherche dans son inter-
rogatoire à couvrir un de ses vols, de l'aulorité du départe-
ment. On lui met sous les yeux : 1** L'arrôé qui porte que
les rebelles dans Tex-préfecture de Haguenau paieront les
frais de déplacement de la force armée, mais après qu'ils
auront été jugés tels par le tribunal; 2"" Un second arrêté,
qui casse l'armée révolutionnaire qu'il avait levée de son
chef, lui orlonnant de rendre compte d'une somme de
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 539
33,000 livres illégalement perçue et non restituée, et lui
défendant d'imposer d'ultérieures taxes. Ces pièces l'eurent
bientôt convaincu, et Thypocrite, paraissant céder à la
violence du remords, comme si un prêtre de sa trempe
pouvait sentir des remords, prétendait avoir agi, dans
presque toutes les circonstances, contre le vœu de son
cœur, avoir été iorcé de céder à l'ascendant impérieux
de Schneider, dont il craignait le caractère violent et
vindicatif, et s'était &it un principe constant de ne
jamais le contrarier, mais de suivre aveuglement l'impul-
sion de sa volonté. L'instruction sgoute : « Quel aveu dans la
bouche d'un homme qui faisait alors les fonctions de j âge,
qui, à toutes heures, prononçait sur la fortune, sur la vie de
ses concitoyens t » — 19 décembre. Demain, 20, il sera trans-
féré aux ci devaot Petits-Capucins, et moyennant 12 livres
on lui fournit du magasin deux paires de bas de laine ^
20 décembre. C'est à l'hôtel de Darmstadt qu'il fut transféré
et, de sa prison, il s'adresse au président et aux membres
du Comité de sûreté générale, pour leur dire que l'exhibi
tion des pouvoirs de Gerst les convaincra de la réalité de
l'existence de ceux accordés par les représentants du
peuple Lacoste et Mallarmé, à Schneider, d'organiser dans
les premiers jours d'octobre un Conseil d'administration de
l'armée révolutionnaire, et qu'en sa qualité de président du
dit Conseil, il devait signer les extraits du procès-verbal
délivrés aux commissaires envoyés de sa part dans les cam-
pagnes, et comme la justification dépend de la production
de l'original existant chez Schneider, il a indubitablement
le droit d'assister à la levée des scellés et à l'inventaire qui
en sera fait Après avoir donné copie des pouvoirs en ques-
tion, il termine en disant : < Cette preuve, ajoutée à celle que
vous a fourni l'ordre dans mon travail, doit vous convaincre
que tout ce qui dépendait de moi se faisait bien, autant bien
qu'il était donné à un apprenti des fonctions dont peu de
jours avant je n'avais pas les premiers rudiments. > Et par
post'Scripttifn : « J'ai déclaré dans mon interrogatoire qu'Eloge
Schneider m'avait chargé de faire pour lui la demande en
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540 REVUB D' ALSACE
mariage de la citoyenne Stamm. » Quelques semaines après,
il mit fin à ses jours en se tirant un coup de pistolet dans sa
prison, hôtel de Darmstadt, à Strasbourg.
TÉTEREL (Louis) aîné).
Né en 1758 à Lyon. Militaire avant 1789 — 1*' avril 1793.
De Paris, son frère Antoine lui adresse ime lettre à remettre
à la Société des jacobins de Strasbourg. Il était alors aide-
de-camp du général Dièche, et c'est avec ce grade qu'il est
reçu membre des sansculottes en mai suivant — 34 déc.
Au Club, il s'inscrit le premier pour faire partie d'un
bataillon de gardes nationaux, composé des jeunes gens les
mieux exercés et les plus vigoureux, pour rejoindre l'armée
du Rhin — 10 janvier 1794. Chez le général Dièche, il
déclare à la femme Massé que son mari n'a jamais été répu-
blicain — 3 février. De Dijon, Massé répond à cette accusa-
tion : t II sied bien à ton aide-de-camp Téterel, à cet imbécile,
à ce patriote de deux jours, de faire un pareil outrage à un
homme qui le dédaignerait même pour son valet dans sa
prison. Qu'il apprenne, ce héros d'antichambre, à se battre,
penser, à lire et à écrire, avant de se constituer juge du
patriotisme! » — 25 octobre. Encore inscrit aux Jacobins.
TÉTEREL (Antoine) cadet, dit TÉTEREL-DE-LETTRE.
Né, dit-on, à Lyon, en 1759, dune famille noble. Il a
étudié la prêtrise. Au commencement de 1789, il arriva à
Strasbourg comme professeur de français et de mathéma-
tiques. En 1790, membre de la Société des amis de la con-
stitution, mais, sur sa demande, rayé du tableau des socié-
taires le 23 novembre 1790 — 22 mai 1792. Du Comité des
Jacobins; il informe toutes les sociétés affilîées du procès
£Edt au frère Laveaux, et leur donne des renseignements sur
la situation politique de nos frontières — 10 août Chaud
patriote qui a voté à Paris et a combattu au 10 août, mais
toujours de mauvaise humeur de se voir en si mauvaise
compagnie — 21 août. De retour, Camot le nomme admi-
nistrateur provisoire du Bas-Rhin — 12 novembre, à Télec-
tion qui eut lieu à Wissembourg, il est élu membre du
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 541
Directoire du Bas-Rhin, malgré une brochure portant:
c Méfiez-vous de Téterel, un aventurier de l'intérieur, dont
Torigine n'est connue de personne, à sa rencontre, le bon
Dieu en aurait peur et honte de l'avoir créé. » — 21 nov.
Ph. Simond, député à la Convention nationale, est enchanté
de cette nomination. — 23 décembre, il est à Paris et an-
nonce au Club l'envoi de nouveaux commissaires de la Con-
vention, et à cette occasion il a eu une petite altercation
avec des députés qui prétendaient qu'il fallait envoyer à
Strasbourg des hommes conciliants. « Je leur ai dit, avec le
ton que vous me connaissez, quand je vois la patrie en dan-
gers : Législateurs, ou vous ne connaissez pas mon départe-
ment, ou vous ignorez la langue française, il ne faut pas
concilier quand il s'agit de traîtres, il faut casser et recasser
jusqu'à ce que la République soit sauvée, je parle plus phy-
siquement que moralement, entendez-vous, mandataires
d'un grand peuple ! »
En mars 1793, Liebick et Lauth, dans leur précis sur la
situation de Strasbourg, présenté à la Convention au nom
des douze sections de la ville, ne se gênent pas de le peindre
comme n'ayant aucune connaissance de l'administration,
ne sachant pas un mot d'allemand, dont l'usage est indis-
pensable à un administrateur du Bas-Rhin, qui, malgré cela,
a été porté au Directoire par ime cabale, au grand étonne-
ment et avec la plus vive indignation de tous les gens de
bien. Les faits qui le distinguent le plus, sont ses fréquents
voyages à Paris, il y est venu solliciter des commissaires et,
en dernier lieu, il y est encore venu calomnier la commune
de Strasbourg, ce sont ses seuls travaux connus dans l'ad-
ministration — 1"" avril. Il charge son frère de la remise
d'ime lettre aux Jacobins, dénonçant Dumouriez, Boumon-
ville et Custine, comme traîtres. La liberté court de grands
dangers, Rûhl protège aujourd'hui ceux qu^il a poursuivi il
y a quelques jours. Le peuple à Strasbourg est propre au
patriotisme, seulement il y a cinquante tètes pour la guiUotine.
Veillez jour et nuit que tout soit en permanence. Avertissez
notre brave Dièche. Dites à cet officier sansculotte de
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tout voir, s^assurer si les balles et les boulets sont de calibre
et la poudre bonne — 8 avril. Il commence à respirer;
Dumouriez ne détruira pas la République et de la part de
Custine il n'y a rien à craindre; cependant il recommande
de nouveau aux Jacobins de veiller, puis il tombe à bras
raccourcis sur le député Rûhl, et termine en déclarant que,
dans le département même, pour sauver son pays, il aurait
le courage dUmmoler les traîtres — Vice-président de la
Société des jacobins, il parait à la barre de la Cionvention,
demandant le rapport des décrets des 17 mars et l*' avril,
et le maintien de Couturier et Dentzel, ajoutant que le sang
était prêt à couler à Strasbourg si les mesures qu'il propo-
sait n'étaient point adoptées. C'est en vain que Liebich et
Lauth ont cherché à prouver le contraire dans la séance du
lendemain — 4 avril. Il informe le maire Monet :
Paris est fort tranquille ; on se met en mesure pour en repousser les
ennemis, qui, ensuite, payeront de leur tête leurs scélératesses; cela est
si vrai que, faute de cette mesure, nous n'en finirions pas.
Je TOUS envoie une seconde copie du décret du 3 avril; Dietrich doit
être jugé ; quant à l'émigration par le département, il était donc impor-
tant de renvoyer les patriotes; les choses sont changées et ça ira.
Tous les brigands de feuillants tremblent à Paris; je n'entends pas
les affaires : je dis que cela ne suffit pas.
Tout est ici en permanence; je dois retourner à mon poste et je par-
tirai à minuit.
Rûhl a eu peur, et il nous a vendu; il croyait que tout était perdu;
il voulait se sauver. Je crois que les étrangers à Strasbourg, comme le
disent les Feuillants, ont autant de courage et de vertu que les gens à
B&le d'or; nous ne sommes pas encore sauvés, mais nous vaincrons, au
bien nous tramerons avec nous les traîtres dans la tombe; voilà mon ser-
ment et j'y tiendrai. BentaboUe nous a bien servi hier, quoique ROhl
ait dit que je ne devais pas me mêler de gouverner, mais essayer de
faire des figures géométriques.
17 mai. Membre du Directoire, il s'inscrit oonmie
volontaire pour aller combattre en Vendée, d^où il est
revenu au plus vite pour accepter le mandat de visiter
les Sociétés populaires du Bas-Rhin, leur dire que le patrio-
tisme n'existe plus en Alsace, que Strasbourg n'est composé
que de contre-révolutionnaires, qu'en foit de patriotes il n'y
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 543
a que lui et Monet, qu'il faut y envoyer des révolutionnaires
éprouvés, des hommes capables de régénérer la société,
mais qui ne se mettraient en rapport qu'avec Monet et les
représentants du peuple présents dans cette ville — 10 août
S'adressant aux jacobins, toujours sur le même ton, il
entend qu'à l'exemple de Paris, le peuple strasbourgeois,
c'est-à-dire les ouvriers, fassent tomber sans pitié les têtes
des traîtres, et cela par principe d'humanité, afin de con-
server en entier le peuple souverain. Tel est son vœu le
plus cher, telle est sa prof ession de foi— 3 octobre. Membre
du Comité de surveillance et de sûreté générale du Bas-Rhin
jusqu'au 35 décembre suivant — 23 octobre. Ledit Cemité
et la Société des jacobins le proposent pour composer un
certain Conseil demandé par les représentants du peuple
alors à Strasbourg — 2 novembre. SaintJust et Lebas
cassent l'administrateur du Bas-Rhin, mais il est maintenu
pour former une Commission provisoire — 3 novembre.
Quatre autre terroristes lui sont adjoints — 25 novembre.
L'un des cinq membres du Comité de surveillance des Jaco-
bins, qui se réunira demain, 26, à celui de la Propagande —
Déjà avant l'arrêté de Saint-Just et Lebas du 25 novembre,
ordonnant d'abattre les statues de la cathédrale, il avait
proposé la démolition de sa flèche, qu'il qualifiait de con-
traire à l'égalité. Dans les derniers jours de novembre 1793,
sur la proposition du représentant Baudot, il est nommé
membre d'un comité pour Tépurement et l'organisation, non
seulement de tous les Comités de surveillance, mais aussi de
la Société des jacobins; c'était préparer le triomphe du parti
français et la perte de celui allemand représenté par des étran-
gers — 16 décembre. Après la chute de Schneider, Saint-Just
et Lebas établirent à Strasbourg un tribunal criminel, dont il
fut assesseur sous la présidence de Mainoni. Il siégea pen-
dant environ deux mois et ne fut pas aussi cruel que celui
du 5 mai 1793 — 19 décembre. Aux Jacobins, il s'élève avec
beaucoup de chaleur contre la proposition de Bouillon, qui
demandait la mort des suspects qui seraient légalement
convaincus d'attentats révolutionnaires — 21 décembre. Le
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nouveau tribunal dont il est assesseur ordonne à tous les
juges de paix, commissaires de police, adjoints et commis-
saires des rues, de se rendre à Taudience pour renseigner
sur ceux qui ont conspiré en faveur de Tennemi et de Taris-
tocratie à Strasbourg et dans le département — 25 au 27 déa
D condamne à 14^0 livres d'amende, avec exposition aa
poteau de la guillotine, une épicière et deux jardiniers de la
ville. Peu avant le 10 janvier 1794, en compagnie de Monet et
de propagandistes, il fit une tournée à Landau et incarcéra
dans cette ville soixante-douze des meilleurs patriotes.
 son retour, il ordonne d'arrêter Butenschœn, son com-
pagnon en Vendée, accusé d'avoir cherché à rétablir la per-
manence des douze sections — 10 janvier. Au soir, aux
Jacobins, il prit la défense du sansculotte Massé, connu
par son dévouement patriotique et laissant une nombreuse
famille qui a besoin de secours; mais Massé, du château de
Dijon, repousse cette avance : < Teterel, cidevant De Lettre,
a longtemps porté le masque du plus pur patriotisme; mais
depuis les mesures révolutionnaires, il a quitté son déguise-
ment; il s'est montré poltron, méchant et ambitieux. Il bit
en ce moment la coar aux hommes dont il a dit le plus de
mal, parce que ces hommes régnent et qu'ils le protègent »
— 30 janvier. Ex-juge du tribunal criminel, il est élu officier
mimicipal-— 4 février. Témoin d'un versement de 23,736 livres
fait à Labaume, trésorier des Jacobins — 19 février. H est à
Paris, probablement pour se laver des accusations portées
contre lui; car, à la séance des Jacobins du 6 avril, U est dit
qu'il a été calomnié par le bataillon de l'Union à la barre
de la Convention nationale; on lui a reproché des £sdts
aussi absurdes et faux que perfides de la part de ses enne-
mis . On fait la motion d'écrire à la Convention pour établir k
vérité. Ouit Teterel fut toujours la terreur des intrigants,
des modérés et des fédéralistes. Ses frères d'armes qui l'ont
vu en Vendée, assurent qu'il s'est montré digne partout de
la réputation dont il jouit. On arrête une adresse à la Con-
vention et au Comité de salut public pour assurer sa con-
duite patriotique et énergique, tant à Strasbourg qu'en
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 545
Vendée — 7 avril. Avec la municipalité il tait appel à ses
concitoyens pour obtenir des effets pour Tarmée — 23 awil.
Maintenu officier municipal — l*' mai. Signataire d'ime pro-
clamation aux Strasbourgeois, à Poccasion d'un cri odieux
qui se fait entendre et dont les expressions criminelles s'en
retracent chaque nuit sur les murs, celui de : Vive le roil —
25 mai. Du Ciomité de surveillance des jacobins, il envoie à
celui de la commune une liste de passé cent suspects, qui
forent arrêtés les 26 et 30 suivant — 13 juin. Il partage les
vues de Bierlyn et approuve les mesures de rigueur propo-
sées — 2 août. Lors de Farrestation de Robespierre et de
ses complices, il s'empresse de signer l'adresse de la muni-
cipalité à la Convention nationale, et fut chargé de la porter
au représentant Duroy, alors à Strasbourg — 9 septembre.
Destitué par Fouasedoire — 25 octobre. Il n'est pas sur la
liste des membres du Club des jacobins — En décembre, lors
de l'arrivée de Bailly, il quitta la ville, en même temps que
Monet, pour ne plus y revenir.
THOMAS.
Un des 90 propagandistes arrivé à Strasbourg en octobre
1793 — 19 décembre 1793. Au Club, il vote la mort des sus-
pects reconnus.
TISSERAND (Nicolas-Joseph).
Né en 1756 à SaintrDié (Vosges) — Avant 1789, maître
d'écriture française à Strasbourg, place d'Armes, 41. H en-
seignait aussi les parties du commerce — 1" septembre 1790.
De la Société des amis de la constitution — 7 février 1792.
De celle des jacobins — Eu 1792. Avoué au district de Stras-
bourg — Après le 10 août 1792. Procureur-syndic du district
de Strasbourg, en place de Popp — 8 avril 1793. En cette
qualité il dénonce à Monet, un nid d'environ quatorze coquins
de prêtres, chez A. Mathis, boulanger au Metzgergiessen,
et donne les instructions pour leur arrestation — 18 avril,
de Molsheim, Nestlin le dénonce aux Jacobins, comme en-
nemi juré de la République — 12 juin. H informe Jung,
municipal, qu'Ammerschwille, ex-préfet du Collège national
NoQTelld Série. * II"* aonée. 85
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546 REVUS d'albacb
et prêtre de Tancien régime, est logé chez FaristocrateMen*
net, négociant — 6 juillet II requiert Jung, de demander à
Durr, sellier, s'il n'a pas en dépôt des vins d'émigrés, d'ecdè-
siastiques et notamment de Tabbaye de Marmoutier —
18 octobre, n assiste à l'Assemblée générale des autorités et
des sociétés populaires dans le temple de la Raison —
30 octobre. Dans une tournée avec Tannée révolutionnaire,
il impose 138 particuliers des communes de la Bruche à
1,570,000 livres, Barr seul à 300,000, et dans une seconde
tournée sept communes à 967,000. Outre le prélèvement
de ces taxes, il était encore chargé, avec Nestlin, d'arrêter
tous les suspects, saisir leurs papiers, numéraire, chevaux,
bestiaux et denrées, et de faire conduire le tout à Stras-
bourg — 13 novembre. Secrétaire des sausculottes, il signe
une adresse aux sociétés affiliées :
La jnstice nationale et le salut de la Répabliqne sont enfin à l'ordre
du jour, nous ayons juré la République une et indiyisible : qu'elle
triomphe, ou que nous périssons tous 1 . . . . Son salut tient en bonne
partie au sort de cette frontière ; c'est donc ici où il &ut que les amis
de la chose publique se réunissent. Venez, frères, sauTons ensemble la
chose publique, ou sachons nous ensevelir sous setf décombres, etc.
Peu de jours après il se retirait de la Société des Jacobins,
mais pour peu de temps — 16 novembre. Il informe le Co-
mité de sûreté générale du Bas-Rhin, que Guttler, huilier,
peut être imposé et payer 800,000 livres — 22 nov. Ck>mme
procureur-syndic, c^est aux jui& qu'il en veut, et sur aa ré-
quisition la Commission provisoire du district arrête :
La circoncision sur l'enfant m&le leur est interdite, ainsi que le port
de la barbe longue. Ils abandonneront aussi une langue qu'ils ne con-
naissent pas, et de leurs livres hébreux, et principalement du Talmnth,
il en sera fait un autodafé.
C'est à cette époque et après avoir été pendant longtemps
Tami de Schneider, qu'il tomba en disgrâce auprès de celui-ci,
qui le &it citer en justice avec de riches aristocratea comme
malfedteurs. La Commission révolutionnaire du Bas-Rhin
le condamna à la privation des droits de citoyen, à l'expo-
sition au poteau de la guillotine et à l'emprisonnanifint jus*
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LES HOMMBS DB LA RÉVOLUTION 647
qu'à la paix — 7 décembre. Schneidf^r, dans sa justification
à la Ck)nvention, attaque vivement Tisserand, pour les rai-
sons qui suivent :
Lors de la réquisition ponr l'approTisionnement de l'armée, les cam-
pagnards fanatiques cherchèrent à les empêcher on à les anéantir, et
des administrateurs publics, dont le doToir était de faire exécuter les
ordres relatifs à la réquisition, favorisaient au contraire leur audace,
en ne livrant point au glaive de la justice ces malfaiteurs, et en faisant
des rapports diamétralement opposés aux pouvoirs constitués. Tisserand
se trouvait de ce nombre : comme depuis longtemps par sa liaison avec
les riches aristocrates, par sa démission de la Société populaire dans
les moments les plus critiques, par son indulgence envers le ci-devant
Directoire du district, dont il ne dénonça jamais les menées contre-
révolutionnaires, généralement regardé comme un homme vénal ; la
Commission l'a condamné à la privation du droit de citoyen et à l'em-
prisonnement jusqu'à la paix. U n'ignore point que ce jugement a déplu
à quelques personnes à qui les localités, les personnes et la cause elle-
même est inconnue ; mais qu'importe ! La Commission a donné un
exemple salutaire et cela suffit pour tranquilliser sa conscience.
Par haioe contre Schneider, il s'allia aux ennemis de
celui qui Pavait déshonoré et devint un de ses plus acharnés
accusateurs; on prétend même qu'il est le rédacteur du
Résumé des interrogatoires subis par les complices de Schneider,
dont les pièces sont déposées au Comité de sûreté générale, et qui
contribua pour beaucoup à sa condamnation à mort, quoi-
que portant la signature de Mainoni. Cette pièce futimprimée
le 3 janvier 1794 par ordre de la Société populaire — Après
la chute de Schneider, 15 décembre 1798, il recouvrit sa
liberté et rentra dans Fadministration provisoire du district
de Strasbourg — 23 décembre. Sa pétition au Comité de
sûreté générale du Bas-Rhin, pour faire rendre compte à
Nestlin, sera remise à Slieser (un nom estropié) pour en
faire son rapport au Comité — 28 janvier 1794. Il lève les
scellés sur les caves renfermant les vins mis en réquisition
— 4 fév. Témoin d'un versement de 23,736 liv., effectué à
Labaume, caissier des Jacobics — 28 août. Au Comité de
sûreté générale du Bas-Rhin, il est nommé d'une commis-
sion pour examiner les incessantes réclamations de mise
en liberté de Noisette et Burger, enfermés au Séminaire —
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548 REVUE D'ALSACE
3 septembre. D'une autre commission^ cliargée de présenter
la liste des chefs de la faction Dietrich — 25 octobre, n
figure sur la liste de la Société des jacobins, avec la qualité
d'adjudant-général de la garde nationale de Strasbourg. H
était alors procureur du district de Haguenau — En 1797.
délégué pour une enquête contre André Weinum, de
Haguenau.
TISSERT.
Membre delà Propagande, venu pour régénérer les Stras-
bourgeois — 19 décembre 1793. Au Club des jacobins, ap-
pelé à se prononcer, il vote la mort des suspects reconnus,
c'est-à-dire la totalité.
TŒRDEL.
Membre de la Propagande, venu en octobre 1793 pour
relever l'esprit des Strasbourgeois — 18 décembre. Au Club
des jacobins, appelé à voter, il se prononce pour la mort de
tous les gens suspects, après qu'une Commission populaire
aura été établie par la Convention nationale.
TOUSTAINT (Pierre).
Né en 1747 à Paris — Avant 1789 commis aux admini-
strations publiques, à Strasbourg — 1790. Employé aux
fourrages militaires de la place — Mai 1790. Reçu membre
de la Société des amis de la constitution — 7 février 1792.
De celle des jacobins — 28 octobre 1793. Au Comité de sur-
veillance et de sûreté générale du Bas-Rbin — 5 novembre.
Il informe ce Comité, que Vigne, rue du Dôme, 2, a pour
marteau, à sa porte, une belle fleur de lys, et qu'il peut être
imposé à 200,000 livres — 15 novembre. Il lève les scellés
cbez le libraire Treutel et déclare n'avoir rien trouvé de
suspect dans les papiers, au contraire, une correspondance
d'un bon civisme — 23 novembre. Le Comité le charge de
se renseigner sur RoUin, vicaire épiscopal de Nancy, qui
réclame un certificat de civisme — 29 novembre. Chargé de
l'inventaire des caves de Rondouin — 12déc. Sur d«s ouver-
tures faites par Blanier, le Comité de surveillance et de
sûreté générale du Bas-Rhin, considérant que le Comité
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 549
secret de Tarmée du Rhin est composé de gens qai ne mé-
ritent pas la confiance de la République, étant presque tous
des étrangers, il arrête que les représentants du peuple, le
général en chef de l'armée et le citoyen Magnier seront in-
vités de prendre, sans délai, les mesures les plus promptes,
pour épurer le Comité secret des membres suspects; qu'ils
seront remplacés aussitôt par des sujets dignes de la con-
fiance de la République, et que Toustaint se rendra dans la
journée de demain près le général en chef de l'armée du
Rhin pour Tinstruire des mesures que le Comité vient de
prendre — 15 décembre. 1\ interroge Nestlin et Martin, en-
fermés au Séminaire — 18 décembre. Il interroge Clavel —
25 mai 1794. Du Comité de surveillance des jacobins, il
adresse à celui de la commune de Strasbourg une liste de
gens suspects avec invitation de les faire incarcérer; ce qui
eut lieu les 26 et 30 mai, au nombre de passé cent— 28 août,
n est nommé pour faire connaître aux représentants les
crimes de Burger et Noisette, qui demandent leur liberté
— 25 octobre. Encore membre de la Société des jacobins.
TOUZAY (Michel), aîné.
Né en 1742 à Bleret, district d'Amboise. — Militaire avant
1789 — Arrivé au commencement de 1794, comme chef
d'escadron, à Strasbourg, il fut reçu membre des Jacobins
le 4 août — Le 25 octobre suivant, il y est encore.
TOUZAY (Louis), cadet.
Né en 1756 à Amboise, militaire à Strasbourg avant 1789
— 1792. Lieutenant de gendarmerie nationale, lorsqu'il se
fit recevoir membre du Club des jacobins, le 3 janvier 1793,
et où il est encore le 25 octobre 1794.
UHLENHUT.
Un Allemand — 1792. De la Société des jacobins — 3 déc.
1793. A midi, il vient au Comité de surveillance et de sûreté
générale du Bas-Rhin, pour y déposer une lettre adressée
de TAllemagne à Holtzapfel, de Strasbourg. Il n'est pas dit
ce que cette trouvaille renfermait. Quelques mois après, il
était radié des Jacobins.
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550 REVUE D^ALSACB
ULRICH (André).
Avant 1789. Batelier à Strasbourg — Mars 1792. De la
Société des jacobins — 18 janvier 1793. Nommé notable de
la commune par Couturier et Dentzel — 8 octobre et 5 nov.
Maintenu notable — 23 novembre. Au Club des jacobins, il
demande à Saint-Just et Lebas la suppression de la perma-
nence des douze sections de la ville et Tépurement des
comités de surveillance, entachés d'aristocratie et de modé-
rantisme — 30 janvier et 23 avril 1794 . Notable — 25 octobre.
H n*est plus membre du Club.
ULRICH (Jean-Daniel).
Avant 1789. Homme de lettres à Strasbourg, où il est né
en 1749 — 1791. Second commis de comptabilité au Secré-
tariat du district de cette ville. Membre de la Société des
amis de la constitution — 8 août. A Télection au Château,
il est nommé membre de radmioistration du Bas-Rhin —
7 février 1792. De la Société des Jacobins — 21 août. Sus-
pendu par Camot— 31 octobre. Secrétaire dans les bureaux
du district de Strasbourg — 3 octobre 1793. Guyardin et
Milhaud le nomment au Directoire du district de cette ville
— 16 décembre. Proposé à Saint-Just et Lebas pour remplir
les fonctions d^administrateur du département du Bas-Rhin
— 1" janvier 1794. Membre du Directoire du Bas-Rhin, il
ordonne rétablissement provisoire d^une école gratuite de
français dans toutes les communes du Bas-Rhin — 2 juillet
Il demande au représentant Hentz que les adhérents des
prêtres soient chassés de toutes les fonctions publiques; que
la gloire d'être comptés parmi les membres des Sociétés
patriotiques leur soit enlevée; que leur existence même
devienne étrangère à la République; qu'enfin ils soient
tellement surveillés, circonscrits, que jamais leurs souffles
ne puissent atteindre l'atmosphère de la République —
5 juillet. Il ratifie les ordres de l'agent national Mainoni
à Gueffemme, chef d'escadron de gendarmerie, de fouiller
les villages, ramasser tous les suspects et les conduire en
prison à Strasbourg — 23 juillet. Il signe : président du
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LSS HOMMES DE hk RÉVOLUTION 661
Directoire da Bas-Rhin — 25 juillet II demande à Hentz de
provoquer Tordre de la démolition de tous les clochers de
FAlsace, exceptés ceux le long du Rhiu, reconnus utiles aux
observations militaires, et celui du temple dédié à TÊtre
suprême à Strasbourg» monument aussi hardi que précieux
et unique de Tancienne architecture — 3 août. Il félicite la
Convention nationale de sa fermeté au milieu des abîmes
creusés par Robespierre et ses complices — 29 août. Encore
président du Directoire du Bas-Rhin — 25 octobre. Encore
membre des Jacobins — 31 octobre. Administrateur —
9 décembre. Président de cette même administration —
17 janvier 1795. Bailly le nomme commissaire de police du
2* arrondissement de Strasbourg — 30 janvier. Membre du
Ciomité de la Société populaire régénérée, il prend part à la
rédaction du nouveau règlement — 1798. Gomme ex-com-
missaire de police, il est élu membre des assemblées pri-
maires du Bas-Rhin pour le canton de Strasbourg.
VALENTIN (Ignace).
Janvier 1792. De la Société des amis de la constitution
jusqu^au 27 juin suivant, jour de la fermeture de Tauditoire
— 1792. Sergent de la justice de paix du 2* arrondissement
de Strasbourg — 1793. Membre de la Société des jacobins —
8 octobre 1794. Greffier de la justice de paix du 2* arrondis-
sement, il appose les scellés chez Monet — 25 octobre. H
n'est plus membre du Club des jacobins — 1798. Huissier
près le juge de paix du 2* arrondissement de Strasbourg —
1800-1805. Greffier du môme.
VERTUS (Jean-Fkédéric).
Né en 1733 à Strasbourg, où il était fabricant de peignes
avant 1789 — 1790. De la Société des amis de la constitu-
tion — 7 février 1792. Il reste avec les Jacobins au Miroir —
25 octobre 1794. D y est encore.
VERNIER (François).
Né en 1735 à Besançon. AiTivé à Strasbourg comme adju-
dant général à Parmêe du Rhin, il est reçu membre de la
Société des jacobins en décembre 1793 — 25 mai 1794. hQ
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552 REVUE o'àlsâcb
Comité de surveillance des Jacobins le porte sor une liste
de suspects, en le qualifiant de major de place — 25 octobre
1794. n est encore aux Jacobins.
VIALARS (Sgipion).
Né en 1746 à Montpellier. Militaire avant 1789; c^est ainsi
qu'il arriva à Strasbourg fin 1790 — Janvier 1791. De la
Société des amis de la constitution — 7 février 1792. D passe
à celle des jacobins, où il est encore inscrit le 25 octobre 1794
VIENNE.
Membre de la Propagande; venu de Nuits en octobre 1793
— 2 décembre. Il signe l'adresse de cette bande révolution-
naire aux habitants de Strasbourg et des départements du
Rhin.
VINCENT.
L'origine de ce propagandiste est inconnue. Il arriva à
Strasbourg en octobre 1793 — 19 décembre. Aux Jacobins»
il vote la mort des contre-révolutionnaires et des suspects.
VISSANT ou WAISSAND (Jean Daniel).
Né en 1737 à Strasbourg, où il était orfèvre avant 1789 —
1790-1792. Essayeur à la Monnaie de Strasbourg — Octobre
1792. De la Société des jacobins — 16 novembre 1793. Nommé
aux pesées et vérifications des matières d'or et d'argent,
livrées au département du Bas-Rhin par les quatre districts
du ressort — 3 février 1794. Il procède à une pesée en détail
et, le 5, en bloc, d'où il résulte 1 marc 6 onces or, 139 marcs
argent et vermeil, et 1485 toques en or et en argent, esti-
mées 12,994 livres le tout, transporté de suite au secrétariat
du district pour y être emballé, en attendant l'envoi à la
Convention nationale. Mais d'un extrait présenté plus tard
par Weiss, greffier du tribunal révolutionnaire, les 1485
toques se trouvent réduites à 404. Les rats avaient rongé le
restant— 25 octobre. Il est encore membre de la Société des
jacobins — 1797-1805. Conducteur principal des ponts et
chaussées à Haguenau.
VITASSE (Jean-Baptiste).
Né en 1751 à Metz, où il exerçait la profession de doutier
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LES HOMMES DB LA RÉVOLUTION 553
avant 1789. Arrivé à Strasbourg comme militaire à la com-
pagnie des ouvriers, il fut reçu membre de la Société* des
jacobins en décembre 1 793. Il y est encore inscrit le 25 octobre
1794.
VIX (Jean-George).
Né en 1750 à Strasbourg, où il était commis avant 1789 —
1790. Premier commis de comptabilité au secrétariat du
Directoire de district de Strasbourg — Décembre 1790. De la
Société des amis de la constitution — 7 février 1792. De
celle des jacobins — 22 novembre 1793. Au Club, il demande
aux représentants du peuple la suppression de la perma-
nence des douze sections et Tépurement des comités de
surveillance — 25 octobre 1794. Présent au Club.
VIX (Jacques).
1789. Habitant du village de Dossenbeim, canton de
Bouxwiller — 1792. Il est reçu membre de la Société des
amis de la constitution à Strasbourg. Après le 7 février 1792,
il passe aux Jacobins, qui le firent nommer en 1793 com-
missaire du canton d'Oberhausbergen — 11 octobre 1793.
Anstett, administrateur du Bas Rbin, informe le Comité de
sûreté générale du département que Riebl, ex-prévôt de
Kûttolsheim, est caché chez Vix, commissaire de ce canton.
Clavel est envoyé pour l'arrêter — 15 décembre. Agent de
Stamm pour la levée des taxes révolutionnaires, il accuse
une recette nette de 29,149 livres dans neuf communes de
son canton; mais n'ayant versé au payeur Blanchot que
26,559 livres, il en résulte un découvert de 2590 livres dont
aucune trace — 17 décembre. Il requiert la municipalité de
la commime de Schiltigheim de lui payer dans les vingt-
quatre heures 25,000 livres pour contributions forcées. Le
maire ayant remarqué que les chiffres du bordereau étaient
altérés, ses pouvoirs insuffisamment constatés, on fit venir
le juge de paix et le collecteur mis en sûreté à Phôtel de
Darmstadt. Après s'être justifié, il fut relâché — 1797-1798.
Commissaire du Directoire exécutif du canton d'Oberhaus-
bergen.
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554 RBYUE D'ALSACaS
VOGT.
Avant 1789. Fourbisseur à Strasbourg — 1791. Ganonnier
de la garde nationale de Strasbourg, rue des Juife, 6 —
15 lanvier 1792. De la Société des amis de la constiution —
7 février. Il reste au Miroir avec les Jacobins — 80 mars
1793. Le Comité révolutionnaire le dénonce, lut et sa
femme, pour avoir tenu des propos aristocratiques et dit,
en outre, qu'il comptait bientôt être fait colonel par le pou-
voir exécutif — 22 novembre. Aux Jacobins» il signe la
demande aux représentants de la suppression de la perma-
nence des douze sections et d'ordonner Tépurement des
comités de surveillance — 19 décembre. Au Club, il vote la
mort des suspects après triage fait Plus tard, il a été incar-
céré, car, le 13 mars 1794, la Société des jacobins, examinant
la liste des reclus, le signale comme un patriote consommé
et le recommande au représentant Rougemont, qui le fit
mettre en liberté — 25 octobre. Il est encore inscrit aux
Jacobins.
VOLCK.
Poissonnier à Strasbourg a ^ant 1789 — 1791. De la Société
des amis de la constitution — 7 février 1792. n passe aux
Jacobins — 5 janvier 1794. Membre du nouveau Comité de
surveillance de la commune de Strasbourg, formé par Bar
~ 20 mai. Il invite le Comité de surveillance du l** canton
de Colmar de faire arrêter Lemp et le transférer à Strasbourg
— 21 mai. Pareille invitation à celui de Bordeaux d'incar-
cérer Siccard, ancien commissaire des guerres sousLafayette,
et le faire conduire dans la maison d'arrêt de Strasbourg.
Enfin, le 5 juin, il donne des renseignements à mots cou-
verts sur deux bommes audacieux qui ont menacé la liberté
publique dans Strasbourg (qui doivent être Saint-Just et
Lebas) — 25 octobre 1794. Plus aux Jacobins.
VULLIER (J.).
1792. Procureur-syndic du district de Sarrebourg. Arrivé
à Strasbourg dans les premiers jours d'octobre 1793, sur
l'invitation de Monet, pour faire partie de la Propagande
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LBS H0M1IC8 DE LA R&VOLUTION Ô55
révolutionnaire. Aucun nom n'a été autant estropié que le
sien — 18 octobre. C'est ainsi quMl assiste à rassemblée
générale des autorités et des sociétés populaires dans le
temple de la Raison — 20 novembre. Il demande à Lémane
et Baudot le temple de Saint^Thomau, Tancienne salle de
spectacle allemand, rue Sainte-Hélène» n^étant plus assez
vaste pour la réaoion des sansculottes. Peu de temps après,
il s'adresse aux mêmes représentants pour obtenir le temple
réformé, Grande rue du Bouclier — 2 décembre. Signataire
de l'adresse de la Propagande révolutionnaire aux habitants
de Strasbourg et des départements du Rhin. Quelques jours
après, dans une séance des Jacobins, où Schneider, parais-
sant revenir d'une erreur, mêlait ses applaudissements à
ceux de la Société, qu'il avait cherché un instant auparavant
à entraîner dans une conspiration dont il tenait les fils et
dont l'exécution était sur le point de s'opérer, Vallier et
autres propagandistes ne lui dissimulèrent plus leur opinion
sur sa conduite et ses projets :
Nous sommes venns ici, Ini dirent-ils, par l'organe de Ynllier, avec
ridée que tu étais un bon citoyen; nous n'avons pas tardé à nous
désabnser; nons voyons aujourd'hui ton cœur à découvert, nous en
sondons les replis les plus cachés; le moment n'est peut-être pas encore
venu de te faire connaître au peuple; dans peu tu seras un monstre à
ses yeux, tu l'es déjà aux nôtres.
Dans la nuit du 14 décembre Schneider était arrêté.
WAGHETTE (Jean-Jacques), père.
Né en 1741 à Strasbourg, où il était ramoneur avant 1789
— Avril 1791. Membre de la Société des amis de la consti-
tution — 7 février 1792. Il passe aux Jacobins — 7 février
1793. Président du Comité de surveillance de cette société,
il reçoit les dénonciations contre la famille Thiebold —
11 mars. Rayé du Comité de surveillance des Jacobins, pour
avoir traité ses collègues de jeanfoutres dont il se fout —
3 octobre. Officier municipal — 8 octobre. Confirmé dans
ses fonctions — 10 octobre. Chargé d'une visite domiciliaire
chez Mertz, du Marché-Neuf, 5 — 25 novembre. Membre
d'une commission pour présenter les moyens d'opérer la
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556 REVUE D'ALSACE
levée des citoyens du Bas-Rhin — 6 décembre. Au Qob
des jacobins, traité de protecteur d'aristocrates, on demande
sa radiation. Il convient de ses torts, prie la Société de n'at-
tribuer ses fautes qu'à une erreur, proteHte de son républi-
canisme et réclame Tindulgence de ses frères. Il demande
que si le jugement de la Société lui est défavorable, on exa-
mine ses comptes pour les dons patriotiques et les coUectea
Sa justification est appuyée, et Ton ajoute, qu'il est un des
anciens membres de la Société, plein de zèle, de sensibilité,
qu'il a toujours cherché à maintenir l'harmonie entre les
patriotes, et que s'il s'est un peu écarté du sentier du répu-
blicanisme, c'est par la faiblesse ; mais cette faiblesse est-
elle même un grand défaut dans un moment comme ce-
lui-ci, où il faut de la force et de l'énergie pour terrasser
l'hydre toujours renaissant du fanatisme et de l'aristocratie.
On demande l'ajournement jusqu'à ce qu'il se soit fortifié
davantage dans les idées du jacobinisme — 8 décembre.
Plarr, teinturier, proteste contre cet ajournement. Il consi-
dère Waghette comme indigne de faire partie du nombre
des vrais sansculottes, n'étant pas capable de faire changer
la façon de penser de sa femme et de sa famille ~ 30 mai
1794. Sa femme est incarcérée comme aristocrate et fana-
tique — 30 juin. Du Comité de surveillance de la Société
populaire — 5 octobre. Aux Jacobins, il est proposé à Bailly,
pour membre du département du Bas-Rhin — 7 octobre.
Du Comité de surveiUance des hôpitaux militaires de Stras-
bourg — 25 octobre. Il est encore membre du Club —
90 janvier 4795. Membre du Bureau de conciliation, établi
près le tribunal du district de Strasbourg.
WAGNER (Jean-George).
Né en 1743 à Mutzig, où il était cultivateur avant 1789 —
En 1792. Notable de la commune à Mutzig — 3 octobre 1793.
Membre du Conseil général du département du Bas-Rhin
— 16 décembre. Proposé à Saint-Just et Lebas, pour admi-
nistrateur du Bas-Rhin — 1" janvier 1794. Membre du
Directoire du Bas-Rhin, il ordonne rétablissement d'une
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LES HOMMES DE LA RÉVOLUTION 657
école gratuite de français dans toutes les communes du
Bas-Rhin — 26 février. Avec ses collègues, U signe une lettre
au Comité de salut public de la Convention nationale, en
réponse aux impostures publiées par Schneider, alors à
TÂbbaye — 24 avril. U informe la Convention, que le Bas-
Rhin n'a point de suppléant vaccant pour remplacer à
rassemblée le traître Simond — 29 juillet Reçu membre
des Jacobins -- 1*' août. De Paris, Lacoste informe la Société
des jacobins de la chute de Robespierre. Waguer et ses col-
lègues du Directoire arrêtent, que la lettre sera imprimée
pour lui donner la plus grande publicité; le Club s'étant
abstenu — 3 août II signe à cette occasion la lettre de féli-
citations, adressée par le Directoire à la Convention natio-
nale — 25 octobra Encore membre des Jacobins — 9 dé-
cembre. Egalement en fonction — 1798. Elu aux assemblées
primaires du Bas-Rhin pour le canton de Molsheim.
WAHÉ (François-Jose3>h).
Monet dit, qu'il était vicaire à Strasbourg, quand il abjura
en novembre 1793, pour se faire recevoir au Club du Miroir.
WASNER (Jean-Thomas).
Né en 1751 à Strasbourg, où il était sculpteur avant 1789
— 1791 . De la Société des amis de la constitution — 7 février
1792. De celle des jacobins — 18 novembre 1793. Sansculotte,
père de famille, il est allé renforcer Tannée du Rhin —
20 septembre 1794. Du Comité de surveillauce de Strasbourg,
il informe celui de la sûreté générale à Paris, que Saum fils
est justiciable du tribunal criminel du Bas-Rhin — 25 oc-
tobre. Encore aux Jacobins — En 1824. Sculpteur» rue des
Faisans, à Strasboiirg.
WEILER (Jean-Henri).
Né en 1740 à Strasbourg. — Avant 1789, boucher, rue du
Déme, il succède à son père, lequel, en 1783, était sénateur
de la tribu de cette corporation — 2 sept. 1789. Dans une réu-
nion des échevins il propose la suppression du titre de pré-
teur, de le remplacer, comme à Paris, par celui de chef de la
bourgeoisie» ou de maire élu par la commune» qu^il désire voir
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déférer à Fréd. de Dietrich — 8 janvier 1790. Au Poêle des
cordonniers, il prend part à la fondation de la Société de la
Révolution, qui se constitua le 15 suivant ; mais le 11 février
elle prend le nom de Société des amis de la constitution,
ce qui n'était pas de son goût — 8 février. Elu notable du
Conseil de la commune. Cependant, le 15 juillet, il se fiait
recevoir membre de la Société des amis de la constitution
— 11 novembre. Maintenu notable — 14 novembre 1791.
De même — 14 janvier 1792. Il passe officier municipal; de
Dietrich étant encore maire — 24 janvier. Â. la Société des
amis de la constitution, on dénonce une brochure dans la-
quelle il est dit :
Quelle honte pour Strasbonrg, d'être gonyemée par on tas de bon-
chers, brasseurs et cafetiers ; par des Weiler, etc.
7 février. Il reste au Miroir avec les Jacobins — 3 juillet
Comme officier municipal il signe Tadresse de la mairie i
TAssemblée nationale, demandant d^ordonner des pour-
suites contre les auteurs de la journée du 20 juin — 22 août
Il est exlu de la municipalité par Camot, Prieur et Ritter
- 30 oct. 1793. Imposé par Saint Just et Lebas à 5000 liv.,
qu'il paie le 11 novembre — 7 octobre 1794. Nonuné officier
municipsl, il logeait alors rue de la Nuée-Bleue, 21 — 7 oc-
tobre. Du Comité de surveillance de^ hôpitaux militaires de
Strasbourg — 25 octobre. Il est encore aux Jacobins —
17 janvier 1795. Bailly le nomme notable de la commune
— 1805. Inspecteur des boucheries de la ville.
WEILLER (J.)
Avant 1789, licencié en droit à Strasbourg — 30 septem-
bre 1790. De la Société des amis de la constitution — 12 mars
1791. Envoyé avec Laurent et Rivage, pour révolutionner le
Palatinat — 7 février 1792. Il reste au Miroir avec les Jaco-
bins -— 25 octobre 1794. U n^en est plus membre.
WEINUM (André).
Avant 1789. Médecin à Haguenau — Janvier 1791. De la
Société des amis de la constitution à Strasbourg — 7 février
1792. De celle des jacobins au Miroir — 19 décembre. Nommé
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LES HOMMBS DB LA RtyOLUTION 559
chef du Cionseil municipal à Haguenau — 1793. Trésorier
du tribunal criminel révolutionnaire du Bas-Rhin — 8 déc.
1798. Le Comité de surveillance et de sûreté générale du
Bas-Rhin approuve son certificat de civisme — 31 décembre.
11 soumet son compte de recettes et de dépenses, d'après
lequel il est reliquataire de 118,919 livres — 25 octobre 1794.
Il n'est plus aux Jacobins du Miroir — 20 avril 1795. Son
compte est appuré par une différence de 7668 livres, dont il
n^a aucune justification — 1795. Président du Conseil muni-
cipal de Haguenau — 1797. Lui et ses collègues de la muni-
cipalité sont accusés. 11 se retire — 1797. Entrepreneur des
fortifications à Haguenau — 1800. Le premier consul le
nomma acyoint municipal.
WEISS (Q.-P.).
Instituteur à Strasbourg en 1788— 1792. De la Société des
jacobins — Novembre 1798. Il adresse à Monet la déclara-
tion suivante :
DepniB cinq ans je boIb instituteur des orphelins; je lenr ai fait
aimer les vertus civiqnes et sociales, l'bomanité, les droits de l'homme,
la liberté et l'égalité ; cependant j'ai quelquefois prêché ; j'ai étudié,
coigointement avec la phUosophie, la théologie, cette science qui a
causé tant de maux au genre humain, qui l'a plongé dans l'ignorance,
l'erreur et la superstition, et qui jamais n'aurait dû exister. J'y renonce
de tout mon cœur.
25 octobre, n n'est plus membre du Club.
Etusknb Babth.
(La mite à la proiûhaêne Uvraisan.)
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
I
Louis XIV et Strasbourg — Essai sur la réunion de Stras-
bourg à la France, d'après des documents officiels et inédits,
par A. Lbgbbllb — Nouyelle édition — Paris, L. Hachette et G*,
éditeurs, Boulevard Saint-Germain, 79, 1881. — 1 toL in-8o de
VIII-424 pp. — Prix 7 fr. 50.
Voici un livre de saine raison, basé sur une étude scrupu-
leuse et éclairée des événements qui ont déterminé, en 1681,
la réunion de la République de Strasbourg à la France. Il est
digne d'une appréciation critique que l'un de nos collabo-
rateurs voudra bien écrire quelque jour. En attendant, nous
devons le mentionner dans ce bulletin et en donner un aperçu
qui suffira pour appeler l'attention des esprits sérieux sur le
sujet qui y est traité.
« Les termes les plus outrageants ', dit M. Legrelle dans
son avant-propos, suffisent à peine aux Allemands pour
bien exprimer à cette occasion (la prise de Strasbourg)
leur ressentiment contre la France, et il n'est guère, selon
eux, de noms plus dignes des malédictions de leur race tout
entière que ceux de Louvois et de Montclar, les deux prin-
cipaux auteurs de cette rapide et pacifique annexion. Les
admirateurs des vieilles institutions féodales y voient une
brèche fatale, ouverte par la main d'un monarque français
dans un inviolable rempart du Saint-Empire. Pour les
libéraux, la prise de Strasbourg, c'est, avant tout peut-être,
la suppression d'une de ces petites républiques autonomes
qui auraient pu assurer le triomphe de l'idée républicaine
' Bomb^ Verraih, Ud>errumpehmg, 8éhanéUh<U, Frediheit
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 561
« sur le principe monarchique, si on leur eut permis de
• vivre. Les uns et les autres déplorent de concert dans cet
« événement un coup d'éclat qui acheva de consacrer la
« suprématie d'un simple royaume sur leur vaste et ambi-
< tieuse patrie. De là ces débordements d'une impuissante
« colère qui, bien des années avant la dernière guerre, dégé-
< néraient, parfois aussi, en doléances mélancoliques et en
« attendrissement larmoyant
< Quoique Strasbourg, à Theure qu'il est, n'ait plus que le
« droit, de par la loi des traités, d'éveiller une immense et
« incurable douleur de ce côté des Vosges, nous ne croyons
< pas inutile, il s'en faut, de rechercher la valeur exacte des
« accusations rétrospectives qui, à la longue, ont amené les
« troupes prussiennes devant notre ancienne conquête de
« 1681 et donné satisfaction, par la force, aux injurieuses
« revendications de la science germanique
« Les archives de notre Ministère des Maires étrangères
« contiennent, à elles seules, assez de documents inédits
« pour nous permettre d'apprécier le mérite des déclarations
« violentes parties tant de fois des Universités et des Cours
« allemandes. »
Ces citations définissent, mieux que nous n'aurions pu le
faire, l'objet de l'excellent livre qui est sous nos yeux. Il est
divisé en neuf chapitres qui intéresseront au plus haut degré
ses lecteurs. Rien n'y est laissé aux déductions arbitraires,
tout y est fondé sur des preuves puisées aux bonnes sources,
les archives de la ville et celles des Chancelleries étrangères.
De l'ensemble de ce beau travail, vraiment impartial et scien-
tifique, il ressort que les accusations portées contre la France
par la science historique de la Germanie, à l'occasion de la
prise de Strasbourg, n'ont aucun fondement; que le traité de
paix de Munster avait donné à Louis XIV des droits, mal
définis si l'on veut, mais des droits positifs; que les événe-
ments de 1672 à 1679 avaient clairement démontré que la
Nouvelle Série. — II"* année. 36
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562 REVUE d'alsàgb
situation antérieure à 1681 devait nécessairement aboutir à
la solution vivement désirée par la partie éclairée du magis-
trat et de la population.
II
Histoire abrégée des plus anciennes bibliothèques et des
premiers imprimeurs de Strasbourg, dédiée à M. Louis
SiBBBR, bibliothécaire en chef de la ville de Bftle, par Gh. Sohmidt.
— Strasbourg, imp. de R. Schaltz et G», 1882. — 1 vol. iii-8<> de
U-200 pp. — A Strasbourg, chez Frédéric Bull, librairie de l'Uni-
versité.
La première partie des notices qui composent ce livre a
paru en 1876 et 1877 dans la Eevue d'Alsace, sous le titre
de : Livres et bibliothèques à Strasbourg au Moyen-Age. *
Vivement sollicité d'en donner une traduction allemande,
M. Schmidt a dû se décider à livrer cette traduction, à
laquelle il a pu ajouter le résultat des recherches et des
découvertes qu'il a faites sur le même sujet depuis ses
dernières communications à notre recueil. Tel est l'objet de
la première partie du livre que nous annonçons, et qui est
écrit en langue allemande sous le titre qui figure en français
en tête de ces lignes.
La seconde partie se compose de : Notices sur les impri-
meurs de Strasbourg avant 1520. Ce nouveau travail du
collaborateur de la Revue d! Alsace offre un grand intérêt
pour l'histoire littéraire de l'Alsace au Moyen-Age. Nous nous
bornons à le signaler aujourd'hui, nous réservant d'en
donner prochainement, avec l'assentiment de l'auteur, une
traduction qui permettra aux lecteurs français de rester au
courant des travaux de l'un des membres les plus éminents
et les plus estimés de notre ancienne et brillante Université
française de Strasbourg.
Quand la langue d'un pays conquis est proscrite des actes
' Voyez : Tome de 1876, pp. 433 à 454, et tome de 1877, pp. 59 à 85.
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 568
publics et de la vie parlementaire, c^est pour nous un devoir
de lui rendre l'hommage qui lui est dû,
III
Les contes en vers d'Andrieuz, suivis de lettres inédites avec
notices et notes, par P. Ristblhubeb. — Paris, Gharavay frères,
éditeurs, 1882. — 80 de XXXV-227 pp. — Prix 5 fr.
Est-ce le poète, le penseur, Térudit ou seulement le biblio-
phile qui a déterminé M. Ristelhuber à rsgeunir, dans une
charmante édition, les contes (FAndrieux, l'académicien d'ori-
gine strasbourgeoise ? Il serait difficile de répondre à une
question aussi complexe qui se pose naturellement au
premier examen du livre. Cependant, en y regardant de plus
près, on est porté à croire que ces dijBférents mobiles ont eu
une part égale dans la détermination; car si, d'une part,
l'édition a la touche que le bibliophile affectionne et, au point
de vue de l'annotation, celle du littérateur érudit, elle a,
d'autre part, le mérite et la portée d'un excellent livre
d'actualité.
Journellement l'on entend répéter que, dans ses évolutions,
la société moderne engendre des vices et des situations qui
n'ont pas d'analogues dans le passé. Lisons le souper des six
sages d'Andrieux, son épître au pape, la bulle d'Alexandre 72,
thôpital des Jous, le meunier de Sans-Souciy le doyen de
Badagoz, etc., etc., et nous verrons que les vices, les travers
et les égarements fustigés par le poète font pâlir les vices,
les travers et les égarements que l'on reproche à notre
temps. C'est peut-être aussi une des raisons — non la moins
louable — qui nous a valu le beau recueil que ces lignes ont
pour but de signaler aux lecteurs de la Revue.
Une excellente notice biogi'aphique et littéraire sur
Andrieux et ses poésies a été élaborée par M. Bistelhuber et
placée en tête du volume, qui se termine par huit lettres
inédites concernant l'œuvre théâtrale du poète. Ces lettres
ont paru, pp. 264 à 273, de l'année courante de cette Revue.
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564 REVUE d'alsacb
IV
Actes de la Sooiété Jnrassieime d'émtilation, réunie à Saint-
Imier le 28 septembre 1881. — 32* session. — Saint-Imier, imp.
d'Ernest Grossniklaus, 1882. — Petit 8o de 345 pp.
Conformément au plan qu'elle s'est tracé à son origine, la
publication annuelle de cette Société commence par un coup
d'oeil sur les travaux de Tannée dans laquelle a lieu la
session. Divisés en sections, les membres qui en font partie
s'imposent le devoir d'organiser des conférences publiques
dans leurs districts respectif : c'est ainsi qu'en 1881, la
section de Porrentruy en a donné trois, dont le roman du
renard, des expériences sur l'électricité dynamique, une
visite dans un musée, les jardins d'enfants, l'école enfantine
Frœbel, le jour de l'an dans l'antiquité et une conférence
littéraire ont fait les frais.
La section de Saint-Imier en a donné onze, dans lesquelles
les sujets suivants ont été traités : Les jeux au Japon, Théo-
phile Gauthier, le nihilisme et l'espérance, les patriotes du
Vallon en 1733, Schliemann et ses fouilles à Troie et à
My cènes, les temps féodaux dans le Jura, l'alphabet, des
pyramides k l'Acropole, Mirabeau, l'Irlande et la circulation
du sang.
La section de Bienne en a donné huit, alimentées par : Les
jeux au Japon, un poète coiffeur (Jasmin), trilogie de Richard
Wagner, les Nibelungen, Yercingétorix, les salines suisses, le
docteur Pugnet, souvenir de la peste en Egypte, Benjamin
Francklin, Schliemann, ses fouilles à Troïe et à Mycènes.
Indépendamment de ces conférences, les sections ont fourni
des travaux sur l'histoire, l'archéologie, la littérature, les
sciences naturelles et mathématiques, et enfin sur des
matières d'utilité publique, parmi lesquelles nous distinguons
un rapport de M. le D' Schwab sur l'assistance publique dans
le Jura et les réformes dont elle est susceptible. Ce travail a
l'étendue et le caractère sérieux que le siget comporte. Les
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BULLETIN BlfiLI0G9lAPHIQUE 565
réformes désirables sont exposées avec précision, avec un
sens compétent, et les conclusions sont formulées avec une
clarté qui ne laisse rien à désirer.
M. X. Eohler, président honoraire, fournit d'abord une
charmante notice historique et biographique sur les derniers
maires de Saint-Imier sous les princes-évêques de Bâle. L'un
de ces maires fut le célèbre graveur B.-A. NicoUet II avait
sollicité cette fonction et Pavait obtenue, mais il n'en prit
point possession et démissionna pour rester à Paris et se
créer la célébrité qu'il méritait dans l'art de la gravure. On
lira avec amour la notice tout entière, et surtout l'appré-
ciation critique de l'œuvre de Nicollet, tracée de main de
mattre par M. Eohler. On lira également avec amour, à la fin
du volume, la notice nécrologique que le même auteur a
consacrée à la mémoire d'Auguste Quiquerez, « le patriarche
des études historiques, l'honune de bien, le patriote libéral,
le travailleur infatigable qui était l'honneur du pays d'Ajoie »,
ainsi que l'ont qualifié les journaux qui ont annoncé sa mort.
La Revue d'Alsace, dont il fut l'un des premiers collabo-
rateurs, doit, elle aussi, s'associer aux regrets que la perte de
ce vaillant et inappréciable chef de hle a causés dans le
monde savant du pays. Elle aura l'occasion d'exprimer ses
regrets particuliers à propos de l'une de ses dernières œuvres
qui vient de paraître, grâce aux soins de la Société juras-
sienne d'émulation, et intitulée : Histoire de la réunion de
V ancien évêché de Bâle au canton de Berne — 1813 à 1818 —
et Histoire de la Bévolution dans le Jura bernois — 1830
à 1831.
Signalons encore dans ce volume une excellente étude
historique et religieuse, par M. le curé Mamie, sur Saint-
Imier et sa légende, puis quelques pièces de poésie : La
peinture et la musique, Vécrin du cœur^ les rires et les larmes^
par Marie Juillard et Virgile Rossel.
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566 REVUE d'àlsace
Bulletin de la Société des soienoes historiques et natu-
relles de l'Yonne, — Année 1881. — 35« yolume. — Anxerre,
imp. de G. Rouillé, 1882. — 1 vol. in-8o de LVn-173 pp. — An
secrétariat de la Société à Anxerre, et à Paris, chez G. Masson,
libraire, bonlevard Saint-Germain, 120, et A. Glandin, libraire, me
Génegand, 8.
Ce fascicule fait suite au premier que nous avons annoncé,
page 143 de la Revue (P Alsace de l'année courante. U com-
mence par une monographie critique sur Us chroniqueurs
senonais du Moyen-Age, Udobanne, Glabius et Geoffroi
DE CouRLON. Dans les quatorze premières pages de ce fasci-
cule, M, Challb fait magistralement la part de ce qui peut
être consulté avec fruit dans les livi-es de ces trois auteurs et
de ce qui doit en être élagué comme entaché des erreurs
communes à la plupart des imitateurs des premières chro-
niques du Moyen-Age. Une étude historique sur le pays
senonais, par M. E. Vaudin, occupe les soixante-et-une pages
suivantes, et fixe Tesprit du lecteur sur Tétat du pays des
Senones avant Toccupation romaine, sur les monuments
gaulois dans la région, les polissoirs, les dolmens, les crom-
lechs, les menhirs et les tumuli qui y ont été reconnus. Le
chapitre II de cette étude traite de la situation du pays après
la soumission de la Gaule à « son antique ennemie » , du
développement de la prospérité qui en fut la conséquence,
des arènes, des aqueducs et des voies qui furent établis par
les Romains, des villes et des villages qui se formèrent, des
premiers apôtres du christianisme dans cette région et de
Tantique métropole de la Senonie, Sens, qui a « gardé de son
antique splendeur le souvenir que Thistoire transmettra aux
âges futurs , en leur apprenant à vénérer en elle l'une des
vieilles gloires de la patrie, l'un des vestiges sacrés des
ancêtres ». Du même auteur une excellente notice sur les
trésors d'art de Sens, les pierres gallo-romaines, le musée de
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE 567
la salle synodale, la bibliothèque, les tableaux et le trésor de
la cathédrale. A une époque où renseignement de Part du
dessin fait de si grands progrès, M. Yaudin a pensé que a le
moment était venu de signaler en détail les trésors devant
lesquels chacun peut aller puiser une intelligente distraction
et les plus utiles enseignements ». En quelques pages,
M. Challe esquisse ensuite le tableau historique des grandes
voies de communication, des péripéties que subirent leur
destruction et leur rétablissement à travers les âges, et enfin
le triomphe de l'unité administrative qui a doté le pays des
grandes et moyennes artères de la viabilité, correspondant
aux développements du commerce et de l'industrie de nos
jours. La numismatique tonnerroise et un manuscrit de la
bibliothèque sont, de la part de M. Jolivot, l'objet de deux
notes descriptives intéressantes. Même remarque rapide sur
une notice concernant le conventionnel Saint-Fargeau, par
M. Challe^ et une note sur les objets antiques trouvés à
Chatel-Censoir, par M. E. Pallier. Une compilation bien
conçue et méthodiquement présentée, par M. Max Quantin,
sur le comté d'Auxerre au XV* siècle fait suite aux travaux
précédents. Elle est le fruit de recherches auxquelles s'est
livré l'auteur dans les comptes de recettes et dépenses de ce
comté, conservés aux archives de la Côte-d'Or. M. Quantin
dit que son travail est une sorte de mosaïque pouvant être
utile à des études générales quand on voudra les faire. Nous
sommes de cet avis, et nous ajoutons que, sans les travaux de
cette nature, l'histoire se bornera à répéter ce que l'on sait
plus ou moins bien déjà^ sur la vie, les faits et gestes des
grands, sans rien nous apprendre des conditions du peuple
dans nos duchés, nos comtés et nos seigneuries sous les
régimes passés. Les éléments de comparaison que M. Quantin
fournit aux écrivains futurs et aux lecteurs de la Société des
sciences historiques de V Yonne se rattachent : au domaine
ducal, aux redevances dues au duc, aux officiers du duc de
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568 RKVUE D'ALSACE
Bourgogne, au château d'Auxerre, à la garde de Saint-
Gervais, aux redevances diverses, à la taille bourgeoise, au
droit de main -morte, aux aides ou impôts indirects, aux
gabelles et greniers à sel, aux messagers, aux guerres anglo*
bourguignonnes, aux confiscations, aux exécutions crimi-
nelles, aux amendes pour délits, aux maladies épidémiques,
à la convocation des vassaux, et à des faits-divers dans le
comté. Un roman d'aventures de saint Jérôme, par M. le
D' Ricque, une note sur les echinoconus turoniens, par
M. Cotteau, avec une planche, une note sur Tétage turonien
de rïonne, par M. Lambert, avec trois tableaux de coupe, de
répartition et de comparaison, terminent le volume que nous
venons de signaler sommairement
Le bulletin de 1882 nous arrive au moment de remettre ce
court aperçu à Timprimerie. La Bévue en parlera dans son
premier trimestre de 1883.
VI
Mémoires de la Société historique du Cher. — 3^ Bérie,
tome II — 3« livraison. — Bourges, imp. de H. Sire, 1882. — in-4«
de 113 pp. avec une carte.
La Berne cP Alsace a consacré, en 1880, p. 433 à 434, une
courte mention aux deux premières livraisons de la troisième
série des mémoires de la Société historique du Cher. La troi-
sième livraison que nous venons de recevoir termine le
tome II des intéressants travaux de cette Société. Tandis que
dans l'Yonne, M. Challe a jeté un coup d'œil général sur
rhistoire de la viabilité dans les temps reculés, M. Hippolyte
Boyer s'est livré, dans le Cher, à des recherches sur les
anciennes voitures publiques du Berry. Ces recherches sont
précédées d'un rapide aperçu sur les voies gallo-romaines,
sur leur sort dans les Gaules à la décadence de l'empire
d'Occident, les dégradations qu'elles subirent aux invasions,
et le délaissement dont elles furent l'objet sous le régime
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BULLBTUI BIBLIOGRAPHIQUE 569
féodal. M. Boyer aborde ensmte Thistoire du relèvement de
la viabilité, h mesure que le pouvoir royal se développa aux
dépens des feudataires. Cette belle étude permet au lecteur
de se faire une idée exacte des difficultés politiques et sociales
qu'il fallut surmonter successivement à travers le Moyen-
Age, pour arriver à une reconstitution de la viabilité
publique, dont Tétat, h la veille de la Révolution, n'était encore
que rudimentaire dans nos provinces. C'est ainsi que Bourges,
la capitale du Berry, n'avait, en 1782, qu'une ou deux fois par
semaine de communication régulière avec les bureaux des
autres villes de la province ; mais le coche de Paris et celui
de Lyon avaient trois départs, ce qui, eu égard à la longueur
du parcours et à l'état des routes, réduisait à une communi-
cation régulière par huit jours entre ces deux villes et
Bourges, en admettant que le môme coche parcourût la
distance en trois journées pour l'aller et autant pour le
retour. La situation n'était pas meilleure dans les autres
provinces, car en jetant un coup d'œil sur d'anciens alma-
nachs, voir même du commencement de ce siècle, on constate
que beaucoup de chef-lieux de département n'étaient en
communication qu'une ou deux fois par semaine avec les
arrondissements. C'est ainsi que Belfort, par exemple, avait
encore, dans les premières années de la Restauration, son
coche, dont le bureau était au Bœuf rouge de Colmar, et qui
faisait le service postal et de messagerie entre ces deux
villes le lundi et le vendredi de chaque semaine. Les recher-
ches de M. Hyppolite Boyer ont pour base solide les sources
authentiques qu'il a consultées et des pièces probantes qu'il
publie à la fin de son beau travail.
Une dissertation, due à M. Paul Moreau, sur le lieu de
naissance du célèbre jiirisconsulte Antoine Bengy, des notes
sur le Kansas, par M. Victor Rathier, des recherches de
M. F. Dumonteil sur l'affaire ou l'assassinat de sept per-
sonnes dans la nuit du 29 au 30 octobre 1796, et dont
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570 REVUE D'ALSACE
les auteurs sont restés inconnus, terminent la deuxième
livraison.
La troisième, que nous venons de recevoir, clôture le
tome II et renferme encore des travaux originaux importants.
M. H. fioyer en ouvre la série par une notice sur les origines
de Sancerre. Après avoir écarté une opinion erronée sur
l'origine de cette ville, opinion basée sur des exercices étymo-
logiques trop hardis, Tauteur arrive à une conclusion qui est
commune à beaucoup d'autres villes et qui fait remonter leur
origine à une époque antérieure à la conquête des Gaules. C'est
un peu la question de V Alsace celtique et gautoise, ^ (Paprès
1^ monuments de la plus haute antiquité, que M. H. Boyer
fait revivre à propos des origines de Sancerre. M. A. Boulé
fournit ensuite au bulletin une notice sur Louis Marquis
d'Arpajon, gouverneur du Berry de 1715 à 1736. A cette notice
succède le catalogue descriptif de nombreuses séries moné-
taires du musée de Bourges. L'une de ces séries, composée
de trente-deux variétés empreintes de caractères inconnus,
dit le catalogue, et qui sont en effet indéchiffrables, sauf
peut-être au moyen de l'alphabet runique ; entin, le tome est
terminé par une excellente notice de- M. Hippolyte Boyer sur
le corps des marchands de Bourges.
Frédéric Kurtz.
' Voyez Bévue éP Alsace, 1872, p. 5 à 48.
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TABLE DES MATIERES
CONTEirUES DANS LE TOHE XI DE LA NOUVELLE SÉBIE — 1882
JANVIER - FÉVRIER - MARS
Pages
G.-A. HiBN. — La Vie future et la Science moderne (Fin) —
Preuves qu'apporte la science à l'appui de la notion d'une
vie future — L'existence d'un élément constitutif intangible,
impalpable, élément animique, est indestructible — Réfuta-
tion des raisonnements tendant à matérialiser les phéno-
mènes de l'ordre physique — Force et matière, circulation
de la vie, théorie vibratoire de la nature — Responsabilité
humaine — Elément pensant et animique — La perpétuité
et l'immortalité 5- 38
E. Gasseb. -^ La famille de Rosen — Aperçu historique sur
le rôle qu'elle a joué en Alsace -— Inventaire des titres généa-
logiques et honorifiques — Arbres généalogiques — Contrats
de mariages — Testaments — Donations, pactes de famille,
traités, partages — Lettres-patentes, brevets, etc., etc 39-60
Abth. Bbnoit. — Les ex4ibr%8 dans les trois évêchés — Toul
Metz — Verdun — Bibliographes et collectionneurs toulois
(Suite) — Les évêques bibliophiles, avec trois gravures d'ea;-
îibris — Messieurs les chanoines — Description de leur^
ex-libris — Bibliothèque du séminaire diocésain 61-85
Ch. BbbdbliJ. — Littérature populaire de l'Alsace-Lorraine
— Bavardages des commères de Strasbourg entremêlés de
quelques autres commérages alsaciens — Conversation dans
l'intimité entre Ursule et Julienne près de la Maison-Rouge —
Conversation intime à la fontaine par quatre servantes, stras-
bourgeoises — Conversation sérieuse sous les Petites- Arcades
entre dame Ursule et dame Salbmé 86-1 11
X. MossMÀNN. — Matériaux pour servir à l'histoire de la guerre
de trente ans tirés des archives de Colmar (SuiU) — Dé-
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572 REVUE D'ALSACE
Pages
marches de Golmar en Tue. des négociations - Peu de sûreté
des routes — Nouvelle apparition da duc de Lorraine —
Colmariens prisonniers à Offenbourg et Philipsbourg -— In-
solence des goavemenrSy victoire des alliés, reprise des
négociations — Quel sort réservé à F Alsace? — Mort de
Richelieu — Lettre de Mazarin — Donations faites par la
Suède à la ville de Colmar 112-122
EnBNira Babtk. — Notes biographiques sur les hommes de la
Bévolution à Strasbourg et les environs {Suite) — Sancy --
Sarez — Sauriat — Scaer — Schatz — Schœffter — Scherer
— Schilling — Schlœssing — Schmitthenner — Schmitz —
Schœll — Schouler — Schnéegans — Schneider — Euloge
Schneider 123-137
Fbéd. E jbtz. — Bulletin bibliographique — I. Histoire d'un
proverbe mulhousien, dW Fûrsteberger v^rgesse = compter
sans son hôte, par Aug. Stœber — U, Distractions poétiques
au Florival = vallée de Guebwiller, par G. Gœyelin — m.
La liberté des Cimetières, par Gh. Schmidt — IV. Bulletin
de la Société des Sciences historiques et naturelles de
l'Yonne — Y. Bulletin de la Société archéologique et his-
torique de l'Orléanais 138-144
AVRIL - MAI - JUIN
Abth. Benoit. — Les ex-îtbris dans les trois évéchés — Toul
— Metz — Verdun (Suite) — Bibliophiles et collection-
neurs toulois — Bibliothèque des couvents — Abbaye royale
de St-Léon — de St-Epvre — de St-Mansuy — Les capu-
cins — Les cordeliers — Les dominicains — Les domini-
caines — du Tiers-ordre — Les bénédictins — Congréga-
tion Notre-Dame — Graveurs toulois à^ex-libris — Gollec-
iionneurs — Appendices — Noël — Complaintes — Devises
touloises — Deux ex-libris reproduits 145-169
P.-J. Tallon. — Légendes et traditions recueillies sur St-Dizier,
Villars-le-Sec, Croix, Montbouton, Féche-l'Eglise, Lebetain
et le hameau du Val — Culte druidique — La fée — Pas
du diable — Le Maira — Les fonatines — Jean-Maurice
le chasseur •— La fosse aux Larrons — Plateaux de Croix
— Fauteuil taillé dans le roc — Les Chamborans de 1815
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TABLE DBS M ATIÈIUES 573
Pages
— Fontaine de Montbouton — Pèlerinage — Lepetain —
Découvertes — La grotte — Les fontaines du Val 170-196
Ch. Bbbdellâ. — Littérature populaire de l'Alsace-Lorraine
(Suite) — Dame Kurtzlerer et dame Ziyelmann pendant le
blocus de 1814 — Après le blocus - Les paysannes déso-
lées — Les demoiselles Spitznftsel et Erumh&lsel — Les
dames A. et B. pendant le second blocus — Après le second
blocus — La fourrure de mariage — Les dames Dickhans,
Catherine et Suzanne — Enigme — Solution 197-331
D. HOoKBL. — Réglementation d'une forêt communale d'Alsace
aux XI* et xTi* siècles — Document B — En 76 articles. . • 232-255
X. MossxAinr. — Guerre de trente ans — Matériaux tirés des
archives de Colmar pour servir à son histoire {Suite) —
Mort de Louis XTTT — Diète de Francfort — Guébriant se
replie sur la rive gauche du Rhin — Il repasse sur la rive
droite — Sa mort — Défaite de Tutlingen — Arrivée de
Turenne — Colmar se rapproche de Strasbourg. — Saufs-
conduits pour le traité de paix — Moog, député à Paris —
Sa mort 256-263
Paul Ristblhitbbb. — Huit lettres inédites d'Andrienx aux
comédiens ordinaires du roi et au baron Taylor — 1825-1831 264-273
Etirnkb Babth. Hommes de la Révolution à Strasbourg et les
environs (Suite) — Le terroriste Jean-George Schneider —
Ses faits et gestes — Samort 274-284
FnâD. EuBTz. — Bibliographie — I. Histoire de l'abbaye de
Senones par D. Calmety id. F. Dinago — IL Mémoire sur une
insurrection à Colmar en 1424, par X. Mossmann — UI. La
vieille noblesse de la Haute- Alsace, par M. Eindler de Enob-
loch. IV. L'archéologie et les beaux-arts dans l'arrondisse-
ment de St^Dié, par Henri Bardy — Y. Le chAteau de Vie
au xvn* siècle, par Arth. Benoit 285-288
JUILLET — AOUT — SEPTEMBRE
P.-E. TuBJURD. — L'Alsace artistique — Notices sur plus de
cent quarante artistes alsaciens des temps reculés et des
temps modernes — Ottfrid de Wissembonrg, miniaturiste,
820 à 869 — Le moine Villo, orfèvre, xx* siècle — Herrade
de Landsperg, miniaturiste, 1135 à lld5 289-313
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674 RS?IIE D'ALSACE
Pages
Abth. Bbkoit. — Les ex4îbri8 dans les trois échêvéSy Mets,
Tonl et Verdun (Suite) — Bibliophiles et collectionneurs
messins — Historique -— Les évéques — Le grand cardinal
de Lorraine pseudo-évéque — Le fils naturel de Henri lY
— Henri de Yemeuil — George d'Aubusson de la Feuillade
— sa bibliothèque — son ex-libris ~ Le duc de Goislin —
Claude de Saint-Simon — Louis-Joseph de Montmorency-
Laval — Chapitre de la cathédrale — Séminaire Sainte-
Anne — Les monastères de Metz — Abbaye royale de Saint-
Clément, avec deux gravures 814-335
Ed. Gàssbb. — Fonds et revenus du prieuré de Saint-Morand
d'Altkirch et de Ribeauvillé en 1772 — Terres labourables
— Prés — Vignes — Jardin — Moulin — Dizmes — Lau-
demes des dixmes — Droit de Falh — Steinbach — Ribeau-
villé — Ramersmatt — Riespach — Spechbach — Werentz-
hausen — Wittersdorf et Emlingen — Hesingen — Walheim |
Carspach — Henflingen — Roppentzwiller — Heidwiller — j
Tagolsheim — Hausgauen — Ranspach-le-haut — Berentz-
willer — Strueth — Aspach — Charges de prieuré 336-349
D. HOOKBL. — Document B, {Fin) — Art. 62 à 76 — Forge-
rons — Bois de carbonisation — Glandage, etc. — Règle-
ment de 1585 — Règlement de 1595 — Banlieue de Ritters-
hoffen — de Niederbetschdorf — d'Oberbetschdorf — Règle-
ment concernant les gardes 350-369
Ch. Bbbdbllb. — Littérature populaire de PAlsace-Lorraine,
3« suite — L'enfant monstre -7 La serrurière — Catherine
et Christine — La dame du pasteur — La dame Wemer —
Le meilleur des mondes — Le cheval à trois jambes — Ma
préférée — Dame Bûchler — L'Alsacien sur la cathédrale
de Strasbourg — En route vers la tasse de café au lait —
Ribotte — Consolation — Carnaval — Cancans — Madame
Surpf — Licenciés — Dames Babbelmeyer et Schnawler —
Blanchisseuses — Près de la tasse de café au lait — La
chope et la pipe. 370-409
Etibnkb Baath. — Notes biographiques sur les hommes de la '
Révolution à Strasbourg et les environs (Suite) — Schneller
— SchOgler — SchuUer — Schumacher — Schwahn — j
Schwartz — Schweighœusser — Schwengsfeld — Schwind 1
— Schwingdenhammer — Sengel — Séthé — Silberrad —
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TABLE DES MATIÈRES 576
Pages
Simon — Simand — Sommervogel — Spangelberg — Spéck
— Spielmann — Stamm Daniel 410-427
Fréd. Eubtz. — Bibliographie — I. Correspondance politique
adressée au Magistrat de Strasbourg, par Ë. de Bouteiller et
Eugène Hepp — II. Mémoires de la Société d'émulation de
MontbéUard, 1881 428-432
OCTOBRE - NOVEMBRE — DÉCEMBRE
L. Mbumieb. — Cinq lettres inédites de P.-J. Proudhon à son
ami Jouvenot, correcteur d'imprimerie — Février 1835,
Août 1839, Juin 1851, Novembre et Décembre 1855 433-444
P.-E. ToBVFBBD. — L'Alsace artistique (Suite) — Helinaud et
les calligraphes miniaturistes de Lucelle — Guta, calligraphe
— Albert de Strasbourg, architecte — Sabine, statuaire —
Erwin de Steinbach, statuaire — Calligraphes du couvent
d'Unterlinden de Colmar — Les Wurmser, peintres — Ulrich
Ritter, architecte — Wœlfelin, sculpteur 445-477
Abth. Bbnoit. — Les ex-ltbris dans les trois évêchés, Metz,
Toul, Verdun (Suite) — Neuf gravwreë dans le texte — Ab-
bayes royales de Saint-Amould — de Saint-Symphorien —
de Sainte-Glossinde — Antonistes — Augnstins — Capu-
cins — Grands Carmes — Petits Carmes — Claristes —
Célestins — Chanoines réguliers — Jésuites — Minimes —
Lazaristes — Dominicains -^ Récollets — Trinitaires —
Notre-Dame — Dominicaines — Bénédictines 478-508
Ch. BBBDBLiiii. — Littérature populaire de l'Alsace-Lorraine
(Fin) -— Commérages alsaciens — Nous aurons la fête —
Repas de noces rustique — G&teau de foire — Almanach —
La fontaine — Les fileuses — Bon conseil 509-528
Et. Babth. — Notes biographiques sur les hommes de la Révo-
lution à Strasbourg et les environs (/SWt^) — Stahl — Stampf
— Starck — Stempel — Stem — Stierling -- Stœber —
Stolz — Stouhlen — Striffler — Strohl — Stuber — Sultzer
— Tachet — Taffln — Téterel — Thomas — Tisserand —
Tissert — Tœrdel — Toustaint — Touzay — Uhlenhut —
Ulrich — Yalentin — Vérius — Vemier — Yialars —
Vienne — Vincent — Vitasse — Vix — Vogt — Vullier —
Waghette — Wagner f— Wahe — Wasner -— Weiler —
Weinum — Weiss 529-559
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676 RBYUB D*AL8ACB
Pages
FskDÈBio EnaTZ. -- Bibliographie — I. Louis XIY et Stras-
bourg ; essai sur la réunion à la France, par A. laGmvLLB
— n. Histoire abrégée des plus anciennes bibliothèques et
des premiers 'imprimeurs 4e Strasbourg, par Gh. Sohxidt —
ni. Les contes d'Andrieux par P. Rxstslhubbb — IV. Actes
de la SodéU Jurasgiemie éPEmulati<m à Porrentruy — Y.
Bulletin de la SocUU des sdenees histûriques et naUéréHes de
VYonne • YL Mémoires de la BodéU historique du Cher.. . 560-570
Tablb DBS KATiiBBS de Tannée 1882 571-576
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