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Full text of "Revue d'Alsace"

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REVUE  D'ALSACE 


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REVUE  D'ALSACE 


-«»«^.- 


NOUVELLE  SERIE 


ONZIÊIE  ANNÉE 


TOME  ONZIÈME 


COLMAR 

AO   BUREAU,   GRÀND'RUE.   K*  42 
1882 


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Han^ard  Colle^^e 

Library 

APR  18  1808 

Ilohcnzollern  Ce 

îilcction 

Ciftof  A.  C.  C 

■/..'•--e 

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LA  VIE  FUTURE 


ET 


LA  SCIENCE  MODERNE 


Lettre  à  I.  le  Pasteir  *** 

PÂB 

6.-Â.  HIRN 

Correspondant  de  rinstitat  de  France,  Associé  des  Académies  des  Sdenccs 
de  Belgique,  de  Suède,  etc.,  etc. 


Nous  venons  de  voir  tomber  devant  la  science,  appuyée  sur 
la  saine  raison,  Tune  des  a£Brmations  fondamentales  du  maté- 
rialisme proprement  dit  et  conséquent  avec  lui-même  :  Téternité 
de  la  Matière.  Le  même  ordre  de  raisonnements  s'appliquerait 
à  toute  autre  doctrine  tendant  à  expliquer  Forigine  de  TUni- 
vers  par  Taction  exclusive  d'agents  aveugles,  c'est-à-dire  de 
forces  inconscientes,  n'agissant  qu'en  vertu  de  propriétés 
innées  et  fatales.  L'existence  d'un  dieu  créateub  ne  peut 
certainement  pas  être  prouvée  directement  et  mathéma- 
tiquement ;  mais,  ce  qui  est  l'équivalent  rigoureux  de  cette 
démonstration,  l'éternité  de  la  Substance  Inconsciente,  en 
général,  peut  être  réfutée  rigoureusement,  et  cette  réfutation 
peut  être  considérée  comme  un  des  faits  les  plus  triomphale- 

'  Yoir  la  Urnâson  an  dernier  trimestre  1881. 


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6  RBVUE    D*ALSAGB 

ment  acquis  de  la  science  moderne.  —  Pour  quiconque  admet 
l'existence  d'un  Dieu  créateur,  l'immortalité  de  l'être  humain, 
et,  comme  homme  de  science,  j'ajoute  l'immortalité  de  tout  ce 
qui  vit,  sont  des  conséquences  en  quelque  sorte  évidentes; 
nous  pourrions  donc  nous  arrêter  ici,  et  considérer  comme 
terminé  notre  exposé  des  preuves  qu'apporte  la  science  à 
l'appui  de  la  notion  d'une  vie  future.  Mais  dans  ce  domaine 
où  notre  intelligence  est  obligée  de  se  mesurer  et  de  lutter 
avec  l'infini,  au  risque  de  s'y  briser,  le  doute  ne  cède  qu'à 
regret  son  poste  dans  l'âme  humaine,  et,  veillant  de  loin,  il  est 
toujours  prêt  à  se  jeter  sur  sa  proie,  au  moindre  signe  de 
défaillance.  Nous  ne  devons  donc  rien  laisser  dans  l'ombre  de 
ce  qui  peut  contribuer  à  affaiblir  sa  puissance.  A  ce  titre,  et 
au  point  de  vue  rigoureusement  scientifique,  notre  exposé 
serait  bien  incomplet,  si  nous  l'interrompions  dès  à  présent. 
Pour  le  savant,  bien  dilférent  en  ce  sens  du  laïque,  il  suffit, 
avons-nous  dit,  que  l'existence  d'un  Être,  d'un  Élément  con- 
stitutif de  l'Univers,  soit  démontrée,  pour  que  la  durée  de  cet 
Élément  soit  assurée.  Si  la  présence  d'un  élément  animique 
dans  l'être  vivant  est  mise  hors  de  doute,  sa  durée  l'est  au 
même  titre:  cet  Élément  ne  peut  rentrer  spontanément  dans 
le  néant  Mais  l'existence  d'un  élément  qui  échappe  à  l'action 
de  nos  sens,  qui,  par  son  essence  même,  est  invisible,  intan- 
gible, impalpable ne  peut  évidemment  être  constatée 

directement.  Nous  sommes,  scientifiquement  parlant,  obligés 
en  ce  cas  de  procéder  par  voie  d'exclusion,  en  constatant  bien 
correctement  que  les  qualités  de  ce  qui  tombe  sous  nos  sens 
ne  suffisent  plus  pour  expliquer  tel  ou  tel  ordre  de  phéno- 
mènes et  qu'ainsi  nous  pouvons  légitimement  invoquer 
l'existence  d'un  principe  autre  que  ceux  que  nous  percevons. 
—  C'est  précisément  là  le  problème  qui  se  présente  à  nous 
dans  l'interprétation  des  phénomènes  de  la  vie  organique,  à 
quelque  degré  de  l'échelle  qu'on  la  considère.  Non  seulement 
nous  n'avons  aucune  perception  directe  de  ce  qui  difiérencie 


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LA  Vn  Pimiftl  ET  LA  SaSNCE  MODERNE  7 

une  plaQte,  un  animal,  un  homme,  d^une  machine,  mais  nous 
n'avons  pas  même  la  moindre  notion  directe  de  ce  qui  constitue 
notre  propre  être,  ni,  bien  plus!  de  ce  qui  fait  mouvoir  la 
machine.  -«  G*est  là,  pour  dire  vrai,  ce  qui  nous  explique  le 
nombre  considérable  de  personnes  qui,  tacitement  ou  ouver- 
tement, nient  l'existence  d'un  élément  spécifique  distinct, 
donnant  lieu  aux  phénomènes  vitaux,  animiques,  intellectuels, 
aux  phénomènes  de  Tordre  psychologique;  et,  cette  fois  je 
parle  du  savant  aussi  bien  que  du  laïque,  c'est  ce  qui  explique 
le  grand  nombre  de  personnes  qui,  dans  les  phénomènes  de 
l'ordre  purement  physique,  veulent  à  tout  prix  matérialiser  la 
force.  —  Pour  arriver  à  la  vérité  sur  ce  domaine,  nous  ne 
pouvons  procéder  que  par  voie  d'exclusion  en  réfutant  toutes 
les  hypothèses  explicatives  qui  prétendent  rendre  compte  des 
phénomènes  intangibles  avec  les  seuls  éléments  qui  nous 
paraissent  constituer  ce  qui  est  tangible. 

Notre  œuvre  d'élimination  serait  toutefois  facile,  si  nous  ne 
nous  trouvions  en  face  que  d'une  doctrine  de  négation  unique, 
en  face  du  seul  matérialisme  propremerd  dit;  mais  en  ne 
nous  attaquant  qu'à  un  tel  adversaire,  nous  nous  ferions  la 
partie  trop  aisée.  Il  importe  donc  de  définir  et  d'évincer  une 
fois  pour  toutes  cette  doctrine  dont  bien  des  personnes, 
laïques  et  savants,  parlent  sans  la  connaître,  et  qui,  disons-le 
très  haut,  a  envahi  les  trois  quarts  du  domaine  de  la  science 
et  de  la  non-science  de  notre  temps. 

Le  matérialisme  proprement  dit  ne  peut  admettre  qu'un 
seul  élément  constitutif  de  l'Univers:  la  matière,  formée 
d'atomes  en  repos  ou  en  mouvement,  partout  et  toujours 
identiques  à  eux-mêmes.  Et  c'est  efiectivement  là  la  proposi- 
tion soutenue  aujourd'hui  dans  une  multitude  d'ouvrages, 
grands  et  petits,  dont  quelques-uns  sont  devenus  réellement 
populaires,  et  constituent  le  credo  de  milliers  de  laïques  aussi 
bien  que  de  savants.  Selon  les  assertions  des  auteurs  de 

«  70RCB  BT  MATIÈRE,  CIRCULATIOK  DE  LA  VIE,  THÉORIE  VIBRA- 


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8  REVUB    1>*ALSACE 

TomE  DE  LÀ  NATURE >  il  fattt  être  absolument  aveugle 

(j'emploie  l'expression  la  plus  polie  de  ces  livres)  pour  s'ima- 
giner que  dans  le  monde  animé  aussi  bien  que  dans  le  monde 
physique,  il  existe  autre  chose  que  des  atomes  matériels  en 
mouvement,  donnant  lieu,  par  leurs  rencontres,  aux  phéno- 
mènes de  l'attraction,  de  la  répulsion,  de  la  lumière,  de  la 

chaleur,  de  l'électricité,  de  la  vie,  de  la  pensée 

C'est  du  choc  de  milliards  de  billes  élastiques,  très  petites, 
mais  non  infiniment  petites,  que  résultent  la  conscience  que 
nous  avons  de  nous-mêmes,  la  faculté  d'aimer,  le  sentiment  du 
beau,  du  vrai,  du  juste,. . . .  aussi  bien  que  le  plus  minime  des 
phénomènes  du  monde  physique.— C'est  ce  choc  qui  a  enfanté 
la  Vénus  de  Milo,  le  Parthénon,  Hamlet  de  Shakespeare,  la 
Symphonie  avec  chœur  de  Beethoven 

Il  faut  le  dire  bien  haut  et  avec  insistance  :  si  bizarre  que 
soit  un  tel  système,  et  quoiqu'il  tombe  en  quelque  sorte  sous 
son  propre  poids,  ceux  qui  le  soutiennent  ont  du  moins  le 
mérite  et  le  courage  immenses  d'être  conséquents  avec  eux- 
mêmes,  bien  contrairement  à  beaucoup  de  leurs  adversaires 
qui,  sans  s'en  douter  peut-être,  sont  matérialistes  aux  trois 
quarts  par  les  doctrines  qu'ils  soutiennent,  sauf  à  rompre 
violenmient  avec  le  matérialisme  à  une  certaine  limite  dont  il 
leur  est  impossible  de  légitimer  l'intervention. 

Le  matérialiste  qui,  dans  les  phénomènes  du  monde  physique, 
admettrait  l'existence  d'un  élément  distinct  de  la  matière, 
donnant  lieu  à  tout  l'ensemble  des  phénomènes  de  mouvement, 
de  forces  attractives  ou  répulsives,  n'aurait  plus  absolument 
aucune  raison  plausible  pour  rejeter  du  monde  animé 
l'existence  d'un  autre  élément  supérieur,  donnant  lieu  aux 
phénomènes  physiologiques  et  psychologiques  dans  tout  leur 
ensemble.  Il  cesserait  à  l'instant  d'être  matérialiste  consé- 
quent. 

Réciproquement,  l'adversaire  du  matérialisme  qui  prétend 
bannir  du  monde  physique  tout  élément  distinct  de  la  matière, 


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LA  fB  FirrOlB  BT  LA  flCIBlfCK  MODBRIIE  0 

n'est  plus  nullement  en  droit  d'invoquer  l'existence  de  tel  ou 
tel  élément  supérieur  pour  Texplication  des  phénomènes  de 
layie..... 

Et  celui  qui  pousse  l'inconséquence  jusqu'à  nier  la  néces- 
sité d'un  élément  de  nature  supérieure  et  distincte  de  la 
matière  chez  l'être  vivant  le  plus  iniime,  n'a  plus  le  droit 
d'admettre  l'existence  de  l'âme  chez  l'homme. 

n  fitut  du  moins  laisser  à  Técole  matérialiste  Tinmiense 
mérite  d'avoir  mis  hors  de  doute  l'ensemble  de  ces  propositions, 
qui  peuvent  être  considérées  comme  l'énoncé  de  faits  élémen- 
taires pour  tout  naturaliste  sensé. 

Le  matérialisme  n'a  jamais  été  attaqué  par  les  bases  ration- 
nelles et  scientifiques  sur  lesquelles  il  a  la  prétention  de 
reposer.  Il  a  été  réfuté,  surtout  par  des  laïques  exclusifs  et 
inconséquents,  à  un  point  de  vue  purement  sentimental  :  c'est 
l'expression  la  plus  juste  à  employer  icL  On  a  objecté  des  faits 
de  conscience,  des  aspirations  morales,  des  facultés  intellec- 
tuelles, inconciliables  avec  l'action  de  causalités  purement 
mécaniqties  :  toutes  objections  d'une  valeur  incontestable,  à 
condition  que  ceux  qui  les  font  restent  conséquents,  et  n'aillent 
pas  eux-mêmes,  comme  le  font  journellement  bien  des  spiri- 
tualistes,  expliquer  mécaniquement  chez  certains  êtres  ce 
qu'ils  prétendent  ne  pouvoir  s'expliquer  que  psychologique- 
ment chez  d'autres,  visiblement  identiques  en  nature;  dire 
par  exemple  :  le  chien  fidèle  et  affectueux  est  une  machine, 
mais  l'homme  égoïste  et  vil  est  un  esprit  pur 

Le  matérialisme  logique,  répétons-le,  explique  d'une  même 
manière,  non  seulement  les  plus  minimes  des  phénomènes 
physiques,  et  les  plus  sublimes  des  phénomènes  psychologiques, 
mais  encore  les  plus  inextricables  des  questions  d'origine.  Il 
rapporte  toutes  choses  à  l'atome  matériel  et  à  ses  mouvements. 
Il  a  de  plus  la  prétention  de  donner  seul  des  solutions  claires 
de  toutes  choses.  Il  est  évident,  d'après  cela,  qu'il  ne  peut 
être  attaqué  que  scientifiquement,  en  cherchant  si  efiective- 


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10  REVUS    d'ALSAGB 

ment  il  satisfait  à  l'interprétation  des  phénomènes  de  tous  les 
ordres,  et  si  effectivement  il  est  doué  de  ce  degré  de  clarté 
que  lui  prêtent  ses  adeptes. 

Je  puis  être  extrêmement  concis  en  ce  qui  concerne  l'exac- 
titude des  interprétations.  Je  ne  m'arrêterai  qu'à  une  seule  : 
elle  est  capitale,  il  est  vrai.  —  Deux  masses  matérielles, 
séparées  par  un  intervalle  vide  en  apparence,  et  indéfiniment 
grand,  tendent  l'une  vers  l'autre,  semblent  s'attirer.  Tel  est  le 
fait  (et  non  l'hypothèse,  comme  d'aucuns  le  pensent)  mis  pour 
la  première  fois  en  lumière  et  en  évidence  par  le  génie  de 
I^ewton.  Examinant  quelle  peut  être  la  cause  de  cette  ten- 
dance, ce  grand  esprit,  si  sobre  d'hypothèses,  déclare  qu'il 
considérerait  comme  un  insensé  celui  qui  avancerait  que  la 
matière  agit  sur  la  matière  à  travers  le  vide,  et  sans  aucun 
intermédiaire.  «  Cet  intermédiaire  est-il  matériel  ou  immaté- 
riel? »  —  Voilà  ce  qu'il  laisse  à  d'autres  le  soin  de  décider. 
Quoi  qu'on  en  ait  dit,  son  opinion  personnelle  est  facile  à  lire: 
c'est  l'intermédiaire  immatériel  qu'il  admet  —  Depuis  que  la 
lumière  de  cette  grande  ftme  a  été  retirée  de  ce  monde,  maté- 
rialistes, spirituaUstes,  panthéistes,  savants  et  non-savants,  se 
sont  mis  à  l'œuvre  pour  expliquer  et  matérialiser  la  cause  de 
la  gravitation  universelle.  Voulant  rendre  visible,  tout  au 
moins  à  l'imagination,  ce  qui  par  sa  nature  propre  est  invisible, 
on  s'est  efforcé  de  peindre  les  masses  matérielles  tomme  potis- 
sées  les  unes  vers  les  autres,  soit  par  des  atomes  matériels 
sillonnant  l'espace  en  tous  sens,  soit  par  des  tourbillons 
moléculaires.  Le  nombre  de  ces  hypothèses  explicatives,  diffé- 
rentes par  la  forme,  mais  parfaitement  identiques  par  le  fond 
est  des  plus  considérables.  —  Eh!  bien,  je  ne  crains  point  de 
l'afiKrmer  ici  à  la  face  de  toute  la  science  moderne:  pas  une 
seule  de  ces  interprétations  matérialistes  ne  soutient  un  seul 
instant  d'examen  scientifique  sérieux  ;  les  unes  sont  puériles, 
d'autres  semblent  être  sorties  d'un  cerveau  en  démence. 

Une  doctrine  qui  échoue  ainsi  devant  l'un  des  phénomènes 


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LA  VIE  FUTURE  ET  LA  SdENGB  MODERNE  11 

les  plus  fondamentaux  du  monde  physique  n'a  plus  le  droit  de 
s'adjuger  seulement  Tombre  d'une  explication  des  phénomènes 
du  monde  vivant.  —  £t  ce  que  nous  venons  de  dire  des 
tentatives  d'explications  de  la  gravitation,  s'applique  iden- 
tiquement aux  phénomènes  de  répulsion  et  d'attraction 
magnétiques,  électriques  (statiques  et  dynamiques):  si  toute- 
fois on  peut  même  donner  le  titre  d'explications  à  ce  qui  a  été 
produit  en  ce  sens. 

Quoiqu'en  puissent  dire  un  très  grand  nombre  de  physiciens 
modernes,  le  matérialisme  a  perdu  son  droit  de  cité  sur  le 
domaine  des  phénomènes  du  monde  inanimé  lui-même.  Les 
seules  propriétés  que  nous  constatons  dans  les  corps  qui 
tombent  sous  nos  sens  le  réfutent  radicalement  ^ 

Voyons  maintenant  ce  qui  en  est  de  la  prétendue  clarté  sans 
pareille  de  cette  doctrine.  Ici  je  ne  recourrai  qu'à  deux  seuls 
arguments  ad  hommem^  sous  forme  interrogative. 

Les  livres  dogmatiques  que  j'ai  nommés  plus  haut  sont 
aigourd'hui  entre  toutes  les  mains.  L'un  d'eux,  entre  autres, 
«  FORCE  ET  KATiÈBE  »  de  Buchuer,  s'est,  en  traduction  fran- 
çaise, vendu  à  plus  de  cinquante  mille  exemplaires.  C'est 
peu  dire  que  d'estimer  à  cinq  cent  mille  les  lecteurs  de  ce 
livre  ou  de  ses  congénères.  D'après  la  doctrine  soutenue  dans 
tous  ces  livres,  d'après  le  matérialisme  prétendu  scientifique, 
les  mondes  se  sont  formés  par  les  mouvements  des  atonies 
matériels  accourant  de  tous  les  points  de  l'espace,  incités  par 
d'autres  mouvements  antérieurs.  —  Cela  posé,  il  nous  sera 
permis  de  demander  si,  parmi  ces  cinq  cent  mille  lecteurs, 
incontestablement  lettrés,  dont  nous  parlons,  il  s'en  trouve  un 
seul  qui  sache  ce  que  c'est  que  le  mouvement,  un  seul  qui 
sache  en  quoi  un  corps  en  mouvement  diffère  de  nature  d'un 


^  Je  me  permettrai  de  renvoyer  à  ce  sujet  à  ce  que  j'ai  dit  dans  la 
partie  critique  de  mon  anàltsb  ^hkusvTAiBji  bb  l'ttniyebs  (1  vol.  in-8<>, 
chez  Gauthier-Villars,  libraire  à  Paris). 


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19  RBYUE    D*ALSAGE 

corps  en  repos  ?  La  réponse  ne  pouvant  être  que  négative, 
nous  demanderons  s'il  est  dès  lors  plus  clair  d'attribuer  l'ori- 
gine des  choses  et  la  continuité  des  phénomènes  h  une  inconnue 
aveugle,  inconsciente,  agissant  pourtant  avec  une  intelligence 
que  personne,  parmi  nos  cinq  cent  mille  lecteurs,  ne  peut  nier, 
qu'à  une  inconnue  intelligente,  consciente  de  ses  actes,  et 
toute  puissante? 

Que  devient  devant  une  pareille  interrogation  la  grande 
clarté  du  dogme  matérialiste?  Posons  cependant  une  seconde 
question. 

C'est  pour  le  matérialisme  un  article  de  foi  d'admettre  que 
la  pensée  est  une  sécrétion  du  cerveau,  absolument  comme  la 
bile  en  est  une  du  foie,  comme  l'urine  en  est  une  des  reins. 
Nous  accepterons  très  volontiers  ces  aphorismes;  nous  irons 
même  plus  loin,  et  nous  dirons  que  l'intégrité  des  fonctions 
du  cerveau  est  aussi  indispensable  h  la  sécrétion  de  la  pensée 
qu'à  celle  de  l'urine  à  laquelle  il  préside  indirectement  par 
son  action  sur  les  reins  ;  nous  irons  encore  plus  loin,  et  nous 
conviendrons  que,  pour  certaines  pensées,  il  y  a  une  analogie 
plus  grande  qu'il  ne  semble  entre  les  deux  sécrétions.  —  Ici 
toutefois  s'arrêtent  nos  concessions,  et  bien  légitimement. 
Comme  il  n'existe  que  matière  partout  identique  à  elle- 
même,  incapable  d'agir  autrement  que  par  impulsion  immé- 
diate d'atome  à  atome,  comme  c'est  aux  chocs  et  aux  vibrations 
moléculaires  qu'est  due  la  sécrétion  de  l'urine  aussi  bien 
que  celle  de  la  pensée,  nous  demanderons  h  nos  cinq  cent 
mille  croyants  si  un  seul  d'entre  eux  comprend  comment  les 
chocs  de  tant  de  billes  de  billards  qu'on  voudra,  aussi  petites 
et  aussi  élastiques  qu'on  voudra,  peuvent  arriver  à  la  con- 
science d'eux-mêmes,  à  la  notion  de  leur  être  qui,  d'après  le 
dogme  admis,  n'est  qu'un  phénomène  transitoire  ?  En  vérité, 
de  tels  articles  de  foi  peuvent-ils  avoir  la  prétention  d'être 
plus  clairs,  plus  compréhensibles  que  ceux  de  n'importe  quel 
culte  aussi  mystique  qu'on  voudra? 


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LÀ  VIS  PirruEB  KT  lA  sconra  moderne  13 

Nous  ne  comprenons  certainement  pas  plus  Tessence  de 
notre  âme  ou  celle  du  principe  lîtal  en  général  que  celle  de 
Dieu;  mais  nous  ne  comprenons  pas  davantage  celle  du  mou- 
Tement  ni  celle  de  la  matière  elle-même.  Nuit  pour  nuit, 
incompréhensible  pour  incompréhensible,  nous  pouvons  donc 
de  plein  droit  préférer  l'interprétation  qui,  appuyée  sur  la 
raison  et  sur  le  raisonnement,  satisfait  à  tout  Tensemble  des 
phénomènes,  à  celle  qui  ne  satisfait  à  aucun. 

On  le  voit,  si  nous  ne  nous  trouvions  en  face  que  des  seules 
négations  du  matérialisme  pur,  notre  œuvre  serait  facile;  que 
dis-je!  elle  serait  achevée.  On  aura  beau,  dans  des  ouvrages 
étendus  et  du  plus  haut  mérite,  comme  «  l'histoibb  du 
KATiRiiiJSMK  >  de  Lange,  par  exemple,  exposer  les  déve- 
loppements successifs  de  cette  doctrine  et  tenter  de  lui  donner 
un  caractère  de  solidité  scientifique;  on  échouera  toi^ours 
quand,  partant  rigoureusement  des  seules  propriétés  de  la 
matière  en  repos  et  en  mouvement,  on  essaiera  l'interpréta- 
tion réfléchie  et  rationnelle  du  moindre  des  phénomènes 
physiques,  h  plus  forte  raison  de  ceux  du  monde  vivant 

Mais  le  matérialisme  pur  s'est  toujours  trouvé  côtoyé,  de 
près  ou  de  loin,  par  un  autre  genre  de  négation  qui,  sans 
aflfecter  la  forme  arrêtée  d'une  doctrine  proprement  dite,  n'en 
est  pas  moins  très  vivace  et  très  répandue.  Elle  est  beaucoup 
plus  bornée  dans  ses  prétentions;  elle  ne  s'adresse  qu'aux 
seuls  phénomènes  du  monde  organique,  ou  même  plus  exacte- 
ment encore,  du  inonde  humain.  Elle  est,  non  certainement 
professée,  mais  tacitement  ou  ouvertement  admise,  par  un 
grand  nombre  d'hommes  qu'à  aucun  titre  nous  ne  serions  plus 
en  droit  d'appeler  des  laïques.  Prenant  un  instant  la  forme 
personnelle,  qu'on  ne  me  reprochera  certes  pas  d'avoir  sou- 
vent affectée  dans  cet  exposé,  je  dirai,  sans  crainte  d'éveiller 
des  susceptibilités  ou  d'irriter  ceux  dont  je  parle,  que  parmi 
les  médecins,  et  surtout  les  jeunes  médecins  modernes,  il  en 
est  un  très  grand  nombre  qui  attribuent  à  la  matière  et  à 


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14  REVUE    D'ALSACE 

Pensemble  des  forces  aveugles  constituant  Torganisme  de 
l'être  vivant,  toutes  les  fonctions  de  celui-ci,  qu'U  s'agisse  des 
fonctions  physiologiques  seules,  ou  de  tout  Tensemble  des 
fonctions  intellectuelles,  chez  l'homme  notamment  «  C'est  le 
cerveau  qui  pense,  disent-ils;  une  âme  y  est  une  bien  inutile 
superfétation.  »  Je  dis  les  jeunes  médecins ....  les  neuf  dixièmes 
peut-être.  A  l'âge  mûr,  le  doute  survient  chez  beaucoup,  quant 
à  la  vérité  absolue  de  l'assertion.  Quelques-uns  alors  se  con- 
vertissent et  deviennent,  en  apparence  du  moins,  des  dévots 
fort  respectables  :  ce  sont  en  général  des  considérations  sin- 
gulièrement étrangères  à  la  métaphysique  qui  sont  la  cause 
déterminante  de  ce  phénomène.  Disons-le  h  l'honneur  de  la 
science  et  de  tout  le  corps  médical,  de  pareilles  chutes  sont 

les  exceptions.  Mais  laissons  ces  tristesses 

A  force  de  s'incliner  sur  le  lit  des  malades  et  des  mourants,  h 
force  d'observer  des  phénomènes  qui  échappent  h  toute  expli- 
cation purement  physiologique,  le  médecin  de  cœur  et  de  bon 
sens  se  demande  si,  contrairement  à  son  assertion  d'étudiant, 
ce  ne  serait  peut-être  pas  nous  qui  pensons  à  Vaide  du  cerveau  f 
Il  suspend  son  jugement,  et,  continuant  sa  vie  de  dévouement, 
il  soulage,  avec  sa  science  et  avec  son  cœur,  la  douleur 
physique  et  morale  partout  où  il  la  rencontre.  Fort  de  sa 
conscience  d'honnête  homme,  il  attend  patiemment  jusqu'au 
bout  la  solution  de  la  grande  énigme. 

Est-ce  le  cerveau  qui  pense  et  nous  fait  nous? 

Ou  bien  est-ce  nous  qui  pensons  avec  le  cerveau? 

Voilà  toute  la  question  qui  se  pose  devant  nous,  effrayante 
ou  consolante,  selon  le  côté  par  lequel  nous  l'attaquons. 

Nous  savons  tous  que  nos  rapports  avec  le  monde  externe 
sont  établis  à  l'aide  de  certains  organes  spéciaux,  sans  lesquels 
nous  n'aurions  pas  la  moindre  notion  de  ce  qui  se  passe  hors 
de  nous.  Nous  savons,  par  exemple,  que  pour  voir,  que  pour 
entendre,  il  nous  faut  deux  instruments  de  physique  d'une 
construction  admirable,  dont  le  mode  de  fonction  ne  nous  est 


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LÀ  VIB  FUTURK  BT  LA  SCUNCE  MODERNE  lô 

même  connu  que  depuis  une  époque  relativement  récente  et 
est  encore  énigmatique  dans  quelques  détails  intimes.  La 
forme  de  nos  idées,  la  manière  de  penser,  relativement  à  ce 
que  nous  voyons,  à  ce  que  nous  entendons,  dépendent  telle- 
ment des  données  que  nous  fournissent  à  chaque  instant  ces 
instruments,  qu'il  est  des  choses  que  nous  ne  pouvons  pas 
concevoir  autrement  que  nous  ne  les  voyons,  que  nous  ne  les 
entendons  :  une  sphère  lumineuse,  par  exemple,  ne  nous  est 
visible  que  par  une  moitié  à  la  fois.  Ehl  bien,  il  nous  est 
impossible,  en  dépit  de  tous  nos  efforts  d'imagination  de  nous 
IsL figurer  sous  ses  deux  faces  à  la  fois  !  A  chaque  imperfection 
de  Toeil,  à  chaque  défaut,  congénital  ou  accidentel,  répond  une 
imperfection  ou  un  défaut  dans  les  notions  qui  naissent  de  la 
vision.  L'homme  de  science,  lorsqu'il  observe,  est  lui-même 
trompé  par  ces  fausses  indications;  il  est  obligé,  par  une 
longue  étude,  de  rectifier  des  erreurs  personnelles  de  percep- 
tion, qui  échappent  absolument  au  laïque. 

Voilà  une  dépendance  intime,  profonde,  qui  est  absolument 
incontestable. 

Passerart-il  pourtant  jamais  par  la  tête  de  quelqu'un  de 
dire:  Ce  sont  les  yeux  qui  voient,  ce  sont  les  oreilles  qui 
entendent?  Ces  locutions  ne  seraientrelles  pas  aussi  risibles 
que  celle  qui  consisterait  à  dire,  par  exemple  :  la  lunette  de 
cet  astronome  voit  et  observe  admirablement? 

Nous  disons  tous  :je  vois  avec  mes  yeux,  j'entends  avec  mes 

oreilles,  comme  nous  disons  :je  marche  avec  mes  jambes 

et  nous  avons  raison.  Lorsqu'un  de  ces  instruments,  lorsqu'un 
de  ces  organes  nous  a  été  ravi  par  la  maladie  ou  par  un 
accident,  nous  ne  savons  que  trop  qu'il  reste  quelqu'un  qui 
souffre  de  cette  privation. 

Cela  posé,  et  au  rebours  des  locutions  précédentes,  est-il 
moins  risible,  plus  intelligible,  et  surtout  plus  vrai,  de  dire  : 

C'est  le  cerveau  qui  voit  avec  les  yeux,  qui  entend  avec  les 
oreilles, qui  pense,  qui  crée  une  individualité  ayant 


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16  BXVUS    D'ALSACE 

désormais  la  conscience  d'elle-même,  quoique  dénuée  de  toute 
existence  réelle? 

Que  de  dire  simplement  : 

C'est  mai  gui  pense,  mais  qui  pour  penser  ai  besoin  d'un 
organe? 

Le  côté  risible  de  la  première  forme  d'assertion  n'est  guère 
contestable.  Si  décidément  dans  notre  cerveau  il  n'y  a  pas  de 
place  pour  une  âme,  nous  ne  sommes  tout  aussi  décidément 
plus  que  des  machines;  machines  qui,  conmie  telles,  laissent 
môme  parfois  singulièrement  à  désirer  quant  à  leur  construc* 
tion.  —  Il  est  une  expression  que  personne  n'effacera  plus  ni 
de  nos  codes,  ni  de  nos  constitutions  sociales,  ni  des  rap- 
ports d'homme  à  honmie  :  c'est  celle  de  «  bespohsabiuté 
HincAnrE  ».  Ni  matérialistes,  ni  positivistes,  ni  négativistes^ 
ne  sauraient  contester  un  instant  que  le  titre  moral,  que  le 
degré  qu'occupe  tel  ou  tel  peuple  sur  l'échelle  sociale  est 
d'autant  plus  élevé  que  cette  expression  est  mieux  comprise 
et  mieux  mise  en  pratique  par  chaque  individu.  —  Que  dirait 
pourtant  le  sceptique  le  plus  invétéré,  si  quelqu'un,  prenant 
au  pied  de  la  lettre  cette  assimilation  de  l'être  vivant  avec 
une  machine,  venait  à  parler  de  la  responsabilité  de  nos 
machines  à  vapeur ^  de  nos  montres?  Un  ûmnense  éclat  de  rire 
accueillerait  certainement  une  pareille  plaisanterie;  et  ceux 
ou  celles  mêmes  qui  prétendent  que  dans  notre  cerveau  il  n'y 
a  pas  place  pour  une  âme,  y  prendraient  part 

La  première  forme  d'assertion  est-elle  plus  intelligible? 

La  dépendance  intime  et  directe  de  notre  pensée  et  du 
cerveau  ne  peut  plus  être  contestée  un  seul  instant  Non  seu- 
lement il  nous  faut  ici-bas  un  instrument  approprié  pour 
penser,  mais  chacun  des  modes  de  la  pensée  semble  même 
avoir  son  mécanisme  spécial  dans  cet  instrument  Bien  que  la 
doctrine  de  la  localisation  de  nos  facultés  (poussée  à  l'extrême 
par  Flourens,  entre  autres),  ait  reçu  de  fréquentes  et  graves 
atteintes  de  l'observation  impartiale  des  faits,  un  fond  de  vérité 


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LA  VIB  FUTURS  ET  LA  SCEENCB  MODERNE  17 

lui  reste  pourtant  acquis.  L^ensemble  des  faits  relatif  à  cette 
grande  question  est  si  généralement  connu  qu'il  est  inutile  de 
nous  y  arrêter  ou  de  le  développer. 

Disons-le  bien  haut  et  bien  hardiment,  nous  n'avons  pas  la 
plus  légère  idée  de  ces  rapports  nécessaires  de  Tâme  avec  le 
mécanisme  organique.  Nous  ne  savons  pas  comment  elle  peut 
en  avoir  besoin  pour  accomplir  Pacte  qui  semble  être  le  fait 
de  son  essence  même,  pour  penser.  Nous  ne  savons  pas  com- 
ment cet  acte  peut  être  entravé,  souvent  radicalement,  par 
telle  ou  telle  cause  physique  venant  du  dehors,  par  la  maladie, 
par  une  matière  toxique;  nous  ne  savons  pas  comment  il  est 
suspendu  journellement  et  périodiquement  par  le  sommeil.  — 
Mais  remarquons-le  expressément,  il  s'agit  ici  d'une  ignorance^ 
si  profonde,  si  absolue  qu'on  voudra  d'ailleurs,  mais  non  d'une 
difficulté  de  conception.  Il  n'est  pas  plus  difficile  de  concevoir 
que  nous  ayons  besoin  d'un  organe  pour  penser  que  de  com- 
prendre qu'il  en  faille  un  pour  voir,  pour  entendre.  Nous 
ignorons  absolument  le  mode,  et  voilà  tout.  Mais  nous  ne  pou- 
vons tirer  de  cette  ignorance  aucune  raison  plausible  pour 
nier  la  présence  d'un  Élément  pensant  et  animique. 

Ferons-nous  les  mêmes  remarques  quant  à  la  seconde  des 
assertions,  quant  à  celle  qui  dit  que  c'est  le  cerveau  qui  pense 
et  que  toute  addition  d'un  élément  spécifique,  accomplissant 
cet  acte,  est  une  bien  inutile  superfétation  ?  —  Assurément 
non.  Ici  il  ne  s'agit  plus  d'une  ignorance,  temporaire  ou  défi- 
nitive, mais  bien  d'une  impossibilité  d'interprétation.  Aucun 
de  ceux  ou  de  celles  qui  aujourd'hui,  avec  tant  d'assurance, 
affirment  qu'il  n'y  a  plus  de  place  pour  une  âme  dans  le  cer- 
veau, aucun  n'a  jamais  compris  comment  une  machine,  formée 
de  pièces  multiples  et  diverses  réagissant  les  unes  sur  les 
autres,  peut  arriver  à  la  conscience  de  son  existence,  à  sentir, 
à  souffrir,  à  jouir,  physiquement  et  moralement;  aucun  ne  l'a 
jamais  compris  et  n'a  produit  l'ombre  d'une  explication  sensée, 
car  une  telle  explication  est  tout  simplement  une  impossibilité. 

Nouvelle  Série.  ~  il-  année.  â 


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18  REVUE    D'ALSACE 

Ni  la  matière  seule,  telle  qu'elle  est  conçue  et  définie  par  le 
matérialisme,  ni  la  matière  gouvernée  par  des  forces  aveugles 
partout  répandues  ne  pourra  jamais  expliquer  le  sentiment 
de  l'existence,  la  conscience  d'eux-mêmes,  que  possèdent 
l'homme  et  les  animaux  supérieurs  ;  et  ce  n'est  pas  non  plus 
dans  telle  ou  telle  partie  d'un  mécanisme  constitué  par  la 
matière  et  les  forces  que  peut  résider  ce  sentiment.  —  De  très 
grands  penseurs  ont  dit  que  la  matière  peut  se  développer, 
s'organiser  par  degré,  s'élever  en  titre  et  arriver  à  la  pensée. 
Mais  il  est  bien  clair  que  si  une  telle  transformation  était 
eflective,  il  en  résulterait  simplement  que  la  matière  cesserait 
d'être  ce  qu'elle  est  partout  autour  de  nous,  dans  le  monde 
physique.  C'est  d'ailleurs  une  des  rares  affirmations  parfaite- 
ment correctes  et  vraies  posées  par  le  matérialisme,  à  savoir 
que  la  matière  est  toujours  et  partout  identique  en  propriétés, 
dans  notre  cerveau  aussi  bien  que  dans  le  soleil  qui  nous  éclaire- 

Si  tant  d'esprits  distingués,  parmi  les  jeunes  médecins, 
quittent  le  doute,  naturel  et  légitime  chez  tout  homme  sensé, 
pour  admettre  l'affirmation  négative  absolue  (que  l'on  me  par- 
donne cet  assemblage  de  termes  si  opposés),  il  faut  en  chercher 
l'explication  dans  des  raisons  assez  diverses.  —  Les  unes 
reposent  sur  l'antagonisme  violent  qui,  chez  le  jeune  homme 
embrassant  une  carrière  scientifique,  celle  de  la  médecine,  par 
exemple,  s'établit  entre  les  assertions  dogmatiques,  historiques, 
légendaires,  que  sans  preuve  aucune  on  nous  inculque  comme 
vérités  indiscutables,  et  les  réalités  que  nous  révèle  l'étude 
directe  de  la  nature  et  des  faits.  On  nous  avait  habitués,  de 
l'enfance  à  l'âge  mûr,  à  accepter  des  affirmations  sans  preuves  ; 
arrivés  à  l'âge  de  l'examen,  nous  tombons  dans  un  excès  con- 
traire et  nous  acceptons  des  négations  sans  preuves  :  c'est  là 
un  travers  de  notre  nature  qui  s'explique,  sans  toutefois  se 
légitimer.  Mais  il  est  d'autres  raisons  plus  puissantes  qui 
interviennent  et  qui  font  pencher  l'esprit  vers  la  négation.  — 
Par  suite  des  nécessités  mêmes  de  h  profession  qu'il  va 


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LÀ  VIB  FUTURS  ET  LA  SCIENCE  MODERNE  19 

embrasser,  le  jeune  médecin  est  obligé  de  s'occuper  surtout 

de  ces  phénomènes  physiologiques,  pathologiques, qui, 

chez  tous  les  êtres  vivants,  semblent  seuls  se  prêter  à  des 
interprétations  mécaniques  ou  physiques,  et  l'étude  des 
sciences  physiques  et  exactes  proprement  dites,  tout  comme 
celle  des  phénomènes  de  Tordre  psychologique,  intellectuel, 

moral reste  complètement  à  Tarrière-plan.  Cette  double. 

étude  seule  pourtant  peut  nous  apprendre  ce  dont  sont 
capables  ou  absolument  incapables  les  agents  seuls  du  monde 
physique.  En  m'énonçant  ainsi,  je  crois  rester  dans  la  plus 
stricte  vérité  et  ne  blesser  qui  que  ce  soit.  Ce  sont  les 
exigences  mêmes  de  la  profession  médicale  qui  condamnent 
pour  ainsi  dire  l'étudiant  à  négliger  un  ensemble  de  sciences 
dont  la  connaissance  lui  serait  indispensable  pour  maintenir 
chez  lui  un  juste  équilibre  entre  les  affirmations  exagérées  de 
certaines  doctrines  et  les  négations  tout  aussi  exagérées  des 
doctrines  antagonistes. 

Tout  esprit  sensé  qui  aura  soin  de  maintenir  en  lui-même 
cet  équilibre,  arrivera  toujours  à  cette  conclusion  : 

Au-dessus  des  organes  des  sens  et  de  la  pensée  se  trouve 
nécessairement  une  réalité  sentante  et  pensante,  sans  laquelle 
le  mécanisme  auquel  elle  est  liée  ne  saurait  lui-même  fonc- 
tionner, réalité  qu'aucun  système  n'effacera  jamais  de  Tordre 
des  existences,  quels  que  puissent  être  d'ailleurs  son  passé  et 
son  avenir.  Et,  beaucoup  plus  généralement  encore,  au-dessus 
des  organes  de  n'importe  quel  être  vivant  se  trouve  nécessai- 
rement un  élément  directeur  qui  sépare  radicalement  l'être 
vivant  le  plus  infime  du  rang  des  machines  proprement  dites. 
Nous  disons  :  quels  que  soient  d'ailleurs  son  passé,  son  avenir. 
Dans  toutes  les  recherches,  dans  toutes  les  discussions 
conceriiant  la  nature  des  êtres  vivants,  et  de  Thomme  en  par- 
ticulier, on  s'est  toujours  étrangement  trop  préoccupé  du 
mode  d'apparition  de  ces  êtres  sur  notre  terre.  C'est  ce  qu'on 
ne  saurait  assez  faire  ressortir  aujourd'hui. 


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20  REVUE    d'àLSACE 

Contrairement  à  ce  qu'on  admettait  autrefois,  la  chimie 
parvient  à  produire  directement  des  composés  qu'on  croyait 
ne  pouvoir  être  élaborés  que  par  la  vie  :  c'est  ce  qu'ont  mis 
pleinement  hors  de  doute  les  travaux  de  M.  Berthelot  Qu'il 
me  soit  permis  d'exprimer  ici  le  regret  que  cet  éminent  chi- 
miste ait  si  brusquement  abandonné  une  route  qu'il  avait  si 
brillamment  ouverte  et  où  il  reste  encore  tant  à  découvrir, 
pour  se  livrer  à  des  travaux  qui,  au  lieu  de  génie,  n'exigent 
que  de  la  patience  et  de  l'exactitude.  —  Nous  disons  :  la  chimie 
sait  produire  des  combinaisons  semblables  à  celles  qu'éla- 
borent les  organes  des  êtres  vivants.  Mais  ni  la  chimie,  ni 
aucune  autre  science,  n'a  su  encore  produire  un  organe,  ou 
seulement  la  moindre  cellule  organique.  Bien,  absolument 
rien  n'autorise  à  affirmer  qu'il  puisse,  au  sein  de  la  nature,  et 
par  la  réaction  réciproque  des  seuls  éléments  du  monde  phy- 
sique, se  produire,  non  un  être  vivant,  mais  seulement  la 
moindre  des  cellules  organiques.  Les  générations,  dites  d'ail- 
leurs fort  à  tort,  spontanées,  les  générations  sans  germes 
antérieurs,  tour  à  tour  niées  et  afSrmées  avec  emportement 
par  les  diverses  écoles,  peuvent  être  considérées  aujourd'hui 
comme  classées,  non  au  rang  des  impossibilités,  mais  au  rang 
de  phénomènes  qui  ne  se  sont  jamais  produits  jusqu'ici,  du 
moins  sous  la  forme  que  leur  assignentles systèmes  (Pasteur). 

Jusqu'ici  non  plus,  et  en  dépit  de  toutes  les  affirmations  des 
systèmes  préconçus,  il  n'est  démontré  le  moins  du  monde 
qu'un  être  vivant  de  telle  espèce  puisse,  par  des  modifications 
successives,  donner  lieu  à  des  êtres  d'espèces  absolument  dif- 
férentes. Tout  ce  qu'est  parvenu  à  prouver  l'un  des  plus  grands 
et  en  même  temps  des  plus  honnêtes  naturalistes  de  notre 
temps,  dont  le  nom  restera  attaché  à  la  doctrine  du  transfor- 
misme, tout  ce  qu'est  péniblement  parvenu  à  prouver  Darwin, 
c'est  que  le  nombre  des  espèces  primitivement  admises  en 
histoire  naturelle,  est  moins  grand  qu'on  ne  le  supposait 

Mais  faisons  un  pas  immense.  Admettons,  contre  toutes  les 


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LA  VIE  FUTURE  ET  LA  SaSNGE  MODERNE  21 

probabilités,  qu'un  germe  vivant  puisse,  au  sein  de  la  nature, 
se  produire  sans  germe  antérieur.  Admettons  que,  par  suite 
dHnfluences  d'une  sorte  ou  d'une  autre,  une  espèce  puisse 
réellement  donner  lieu  à  une  espèce  tout  à  fait  différente 
en  apparence.  —  Résultera-t-il  de  là,  d'une  part,  que  la  vie 
organique  soit  le  résultat  des  forces  ordinaires  du  monde  phy- 
sique, ou  d'autre  part  que  l'élément  animique  de  tel  être  ait 
été  le  même  que  celui  de  l'être  d'espèce  différente  auquel  il  a 
donné  lieu?  ~  C'est  bien  là  la  conclusion  que  l'école  matéria- 
liste et  tous  les  laïques  sans  distinction  tireraient  de  ces  deux 
ordres  de  faits.  Et  c'est  pourtant  aussi,  on  ne  saurait  assez  le 
faire  ressortir,  la  conclusion  la  plus  étrangement  arbitraire 
qui  se  puisse  imaginer. 

L'être  vivant,  l'humble  violette  comme  l'homme  de  génie, 
doit  être  considéré  en  lui-même  et  en  ce  qu'il  est  actuelle' 
nient:  dans  le  connUy  en  un  mot,  et  non  de  ce  qu'il  a  été  ou 
dans  ce  qu'il  sera^  c'est-à-dire  dans  Vinconnu.  Aucun  raisonne- 
ment sérieux  ne  peut  prouver,  aucune  vaine  argutie  ne  peut 
faire  accepter  de  l'imagination,  qu'une  machine  soit  capable 
d'élaborer  la  pensée.  —  Le  penseur  est  ce  qu'il  est.  —  Qu'il 
sorte  d'un  peu  de  fange,  comme  le  disent  les  poètes  et  les  sots 
(les  extrêmes  se  touchent),  ou  qu'il  descende  d'un  singe,  il 
n'en  reste  pas  moins  ce  qu'il  est  :  un  élément  supérieur  anime 
actuellement  son  oi^anisme  terrestre.— Les  personnes  qu'effa- 
rouche tant  une  origine  simiale,  feraient  bien  de  se  rappeler» 
mais  tout  à  rebours,  les  vers  d'un  rimeur  célèbre  : 

Mais  la  postérité  d'Alfane  et  de  Bayard, 

Qaand  eUe  n'est  qn'nne  rosse,  est  Tendue  au  hasard. 

Se  croire  un  être  déchu  ou  même  dénué  d'âme,  parce  qu'on 
sortirait  d'une  autre  espèce  vivante  de  degré  inférieur,  serait 
en  vérité  aussi  absurde  et  puéril  que  de  se  croire  un  être 
supérieur  en  vertu  de  prérogatives  nobiliaires,  parce  qu'un 
ancêtre,  il  y  a  trois  cents  ans,  a  acquis  le  droit  d'attacher  une 
particule  à  son  nom  ! 


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22  REVUE    D'ALSACE 

Si  un  être  vivant  quelconque  pouvait  se  produire  effective- 
ment au  sein  de  la  nature,  sans  germe  antérieur,  si  l'espèce 
humaine  était  en  efiet  une  modification  graduée  d'une  espèce 
de  singe,  il  n'en  résulterait  nullement  que  cet  être  serait 
dénué  d'un  élément  animique  absolument  distinct  des  forces 
du  monde  physique,  il  n'en  résulterait  nullement  que  l'homme 
serait  un  singe  perfectionné;  il  faudrait  simplement  en  con- 
clure que  la  puissance  créatrice  procède  autrement  que 
nous  ne  l'admettions,  et  qu'ici  encore,  comme  en  bien  d'autres 
points,  nous  l'avions  faite  un  peu  trop  à  notre  image.  Certains 
laïques  seraient  obligés  de  s'en  accommoder,  comme  ils  ont 
dû  le  faire  du  mouvement  de  la  terre,  qui  passait  aussi  pour 
essentiellement  hérétique,  * 

Tout  ce  qui  touche,  non  pas  à  l'origine  même  des  êtres 
vivants,  mais  seulement  à  l'arrivée  sur  cette  terre  de  chacun 
d'eux,  petit  ou  grand,  humble  ou  sublime,  est  enveloppé  d'un 
profond  mystère,  contre  lequel  se  briserait  la  foi  du  croyant 
le  plus  fervent  comme  les  raisonnements  de  l'esprit  le  plus 
sceptique,  si  l'on  se  donnait  la  peine  d'y  songer.  —  Dans  cette 
nuit  si  sombre,  le  bon  sens  et  la  raison  cependant  posent  au 
moins  quelques  jalons,  que  bien  des  personnes  semblent  à 
plaisir  perdre  de  vue,  et  dont,  en  tous  cas,  elles  ne  se  préoc- 
cupent nullement 

Dès  qu'il  est  question  de  la  succession  des  êtres  vivants,  de 
celle  des  animaux  supérieurs,  ou  de  l'homme,  par  exemple,  on 
se  tient  pour  satisfait,  on  croit  toute  difficulté  mise  de  côté, 
en  admettant  qu'il  a  été  créé  une  paire  primitive  de  chacun. 
Nous  sommes  habitués  à  voir  ces  êtres  se  reproduire  et  s'ac- 
croître ainsi  en  nombre,  comme  nous  sommes  habitués  à  voir 
les  corps  pesants  tomber  :  nous  trouvons  les  deux  genres  de 


^  n  me  sera  sans  doute  permis  de  renvoyer  à  ce  que  j'ai  dit  sur  cette 
grande  question  dans  mon  analyse  éléicektairb  db  l'univbbs;  elle  est 
traitée  presque  sons  forme  élémentaire  dans  la  Cinquihne  Esquisse, 


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U  VIE  FUTURE  ET  LA  SCIENCE     OdERNE  23 

phénomènes  très  naturels.  Cependant,  en  y  regardant  d'un  peu 
près,  nous  sommes  bien  obligés  de  reconnattre  que  nous  ne 
comprenons  ni  l'un  ni  l'autre.  En  ce  qui  touche  à  la  vie,  il  ne 
nous  est  en  définitive  pas  plus  facile  de  concevoir  la  naissance 
de  chacun  de  nous  en  particulier  que  la  création  de  la  paire 
primitive  à  laquelle  nous  recourons  pour  tout  expliquer. 

£n  donnant  le  jour  à  ses  semblables,  l'homme  est  le  motif 
déterminant  de  deux  phénomènes,  l'un  organique,  l'autre  psy- 
chologique que  l'on  ne  peut  toutefois  disjoindre  que  nomina- 
lement: la  formation  d'un  organisme  semblable  au  sien, 
l'arrivée  en  ce  monde  ou  du  moins  la  manifestation  nouvelle 
d'un  élément  animique,  semblable  aussi  au  sien. 

1**  Dans  le  phénomène  organique,  les  parents  ne  sont  que 
le  motif  déterminant  initial,  et  ce  n'est  qu'à  ce  titre  que  leur 
volonté  intervient,  une  fois  pour  toutes.  L'impulsion  étant 
donnée  au  germe,  le  développement  se  fait  à  l'insu  et  indé- 
pendamment de  la  volonté  de  la  mère  elle-même,  qui  ne  fait 
que  fournir  les  éléments  nécessaires,  tirés  par  elle  du  monde 
externe. 

Les  parents,  en  tout  cela,  ne  créent  rien  du  tout  :  ils  four- 
nissent au  germe  et  puis  au  nouvel  être  les  éléments,  pltcs  ou 
moins  bien  préparés,  qu'ils  tirent  du  milieu  ambiant,  et  le 
nouvel  être  lui-même  ensuite  se  développe  à  l'aide  des  élé- 
ments de  ce  milieu  qu'il  restituera  un  jour  intégralement 

2"*  Dans  le  phénomène  psychologique,  les  parents  encore  ne 
sont  que  le  motif  déterminant  de  l'arrivée  d'une  unité  ani- 
mique, ou  beaucoup  plus  correctement  en  toute  hypothèse,  de 
la  manifestation  nouvelle  d'une  telle  unité.  —  Nous  ne  créons 
rien  du  tout  non  plus  en  ce  sens.  Il  faudrait  en  vérité  être 
fou  d'orgueil  pour  s'imaginer  que  nous  créons  une  âme  !  Et 
d'un  autre  côté,  ce  serait  se  faire  une  idée  étrange  de  notre 
propre  unité  animique  que  de  la  croire  subdivisible:  autant 
vaudrait  la  nier  du  coup  ! 

En  un  mot,  ni  organiquement,  ni  psychologiquement,  nous 


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34  RBVUE    d'ALSACE 

ne  créons  quoi  que  ce  soit.  Lorsque,  avec  fatuité,  nous  nous 
disons  les  auteurs  de  nos  enfants,  cette  expression  demande 
à  être  comprise  dans  un  sens  bien  différent  de  celui  qu'on  y 
attache  en  général. 

Nous  disons  que  le  phénomène  de  la  continuation  des  êtres 
vivants  est  double,  sans  que  pour  cela  on  puisse  le  disjoindre. 
La  marche  du  développement  des  animaux  et  de  Thomme,  les 
phases  par  lesquelles  passe  successivement  chaque  nouvel 
être,  ont  été  admirablement  étudiées,  quant  à  la  forme.  Le 
pourquoi  et  le  comment  sont  ténèbres  pour  nous.  Ce  qui  est 
certain,  quoi  qu'en  puissent  dire  toutes  les  écoles  de  négation, 
c'est  que  l'ensemble  des  forces  du  monde  physique  est  abso- 
lument insuffisant  pour  rendre  compte  du  développement  du 
plus  minime  des  organes.  — 

Organiquement  et  physiologiquement,  les  parents  servent 
en  quelque  sorte  de  moule  à  leurs  descendants,  mais  seule- 
ment d'une  façon  partielle.  Ils  leur  lèguent,  dans  de  certaines 
limites,  leur  propre  conformation,  leurs  défauts  physiques, 
leurs  maladies  :  et  ici  s'établit  une  responsabilité  terrible  chez 
l'être  qui  occupe  le  sommet  de  l'échelle  et  qui  est  doué  du 
sens  moral.  —  L'être  nouveau,  une  fois  indépendant  de  ses 
parents,  se  développe  plus  ou  moins  bien,  subit  l'influence  du 
milieu  ambiant,  du  régime  auquel  il  est  soumis,  du  genre  de 
vie  qu'il  mène,  volontairement  ou  involontairement.  Le  moule 
des  êtres  futurs  se  modifie  ainsi  plus  ou  moins.  —  Quelle  est 
la  limite  réelle  de  ces  modifications?  Là  est  la  grande  question 
en  litige. 

Les  défenseurs  de  l'unité  de  l'espèce  humaine  écartent  déjà 
assez  les  limites  :  du  Lapon  au  nègre  du  Congo,  du  blanc  civi- 
lisé à  l'Australien,  la  marge  est  grande  !  En  admettant  une 
pareille  marge,  ne  donne-t-on  pas  réellement  gain  de  cause 
aux  transformistes? 

La  science  décidera-t-elle  un  jour  de  quel  côté  est  la  vérité, 
ou  comme  cela  est  beaucoup  plus  probable,  le  problème 


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LA  VIE  FirroilB  BT  LA  8CIBNCE  MODERNE  25 

échappe-tril  par  sa  nature  même,  à  son  pouvoir?  Cela  est  bien 
moins  important  qu'il  ne  semble  à  la  foule  des  laïques. 

Un  être  vivant  quelconque,  l'homme  tout  en  tête,  ne  pou- 
vant rien  créer,  et  ne  pouvant  devenir  ce  qu'il  est  que, 
moyennant  les  éléments  déjà  disponibles,  il  est  évident  qu'il 
ne  peut  y  avoir  de  transformation  dans  le  sens  qu'on  y  attache 
en  général.  Une  àme  humaine  ne  peut  descendre  d'une  âme 
de  singe.  Fût-elle  une  âme  d'un  degré  inférieur,  appelée  à 
s'élever  par  son  passage  en  ce  monde,  qu'elle  ne  descendrait 
pas  à  proprement  parler  d'une  autre.  Elle  en  serait,  non  une 
autre  perfectionnée,  mais  à  perfectionner,  ce  qui  est  bien 
difiérent 

On  peut  faire  et  l'on  a  fait  effectivement  des  milliers  et  des 
milliers  de  suppositions  sur  la  création  de  ces  unités  animiques 
(je  ne  dis  plus  même  hypothèses,  car  une  hypothèse,  fausse  ou 
juste,  affecte  du  moins  un  caractère  scientifique,  tandis  qu'ici 
tout  ce  qu'on  peut  imaginer,  de  juste  ou  de  faux  d'ailleurs, 
sort  absolument  du  domaine  scientifique).  Ces  suppositions  ne 
peuvent  nuire  au  progrès,  pourvu  qu'une  fois  qu'on  en  a  admis 
une,  on  reste  conséquent  avec  soi-même. 

Si,  par  exemple,  dans  le  principe  animique  et  vital,  on  admet 
la  persistance  des  espèces,  on  peut,  et  en  ce  qui  concerne 
rhomme,  faire  deux  suppositions  principales  :  ou  la  Puissance 
créatrice  se  manifeste  à  la  naissance  de  chacun  de  nous  ;  ou, 
conune  pour  les  autres  éléments  constitutif  de  l'Univers,  elle 
s'est  manifestée  une  seule  fois,  et  alors  chaque  unité  distincte 
attendrait,  sous  une  forme  ou  une  autre,  le  moment  où  elle 
doit  être  appelée  &  apparaître  en  ce  monde.  (Je  ne  rappelle 
que  pour  mémoire  une  troisième  supposition,  exprimée  en 
entier  par  le  seul  mot  de  métempsycose.  £Ue  n'est  de  fait 
qu'une  variante  de  la  seconde).  —  J'ai,  dans  cet  exposé,  évité 
soigneusement  toute  question  de  dogme  :  il  m'est  impossible 
cependant  de  ne  pas  faire  une  exception  ici.  —  Le  spiritua- 
lisme chrétien  moderne  est  bien  obligé  d'adopter  l'une  ou 


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26  REVa£    D'ALSACE 

Pautre  des  suppositions  précédentes;  et  pourtant,  comment 
alors  les  concilier  avec  le  dogme  de  la  chute  de  l'homme? 
Admettre  que  les  âmes  créées  toutes  à  la  fois  sont  tombées 
toutes  par  la  faute  d'une  seule,  ou  que  pendant  des  milliers 
d'années,  en  raison  de  la  faute  d'une  seule,  la  Puissance  créa- 
trice n'a  plus  produit  que  des  âmes  déchues,  c'est,  en  vérité, 
donner  au  Créateur  un  caractère  de  férocité  qui  n'est  guère 
atteint  que  par  quelques-uns  d'entre  nous.  Puisqu'il  est  donc 
absolument  nécessaire  de  faire  Dieu  à  notre  imi^e,  choisissons 
du  moins  mieux  celle-ci!  Cette  réflexion,  qui  tombe  sous  le 
sens,  devrait  être,  ce  semble,  un  terrible  appel  à  la  tolérance, 
pour  certains  laïques  qui  ont  la  parole  si  haute  et  si  impé- 
rieuse en  matière  de  dogmes  théologiques. 

Si,  au  contraire  de  la  supposition  précédente,  on  admet  que 
l'unité  animique  de  chaque  être  vivant  est  perfectible,  ce  qui, 
faux  ou  vrai,  ne  heurte  ni  notre  bon  sens  ni  notre  conscience, 
on  comprend  qu'à  chaque  degré  de  perfectionnement  du  prin- 
cipe vivant  puisse  et  doive  correspondre  un  organisme  plus 
élevé  aussi. 

Je  le  répète,  il  ne  s'agit  en  tout  cela  que  de  suppositions, 
dont  l'une  ou  l'autre  peut  être  juste,  mais  qui  n'ont  qu'une 
importance  relative,  en  ce  sens,  qu'elles  peuvent  heurter  ou 
flatter  telle  ou  telle  idée  préconçue,  absolument  étrangère  à 
la  question  de  la  durée  indéfinie  de  notre  existence  après 
cette  vie.  Nous  n'avons  à  nous  y  arrêter  qu'à  un  point  de  vue 
unique,  mais  essentiel. 

En  toute  hypothèse,  une  loi  inexorable  de  morale  domine 
tout  l'ensemble  des  suppositions  qu'il  peut  nous  plaire  de 
faire.  —  L'organisme  de  l'être  vivant  pouvant  être  considéré 
comme  l'instrument  nécessaire,  en  ce  monde,  à  la  manifesta- 
tion de  l'élément  animique,  il  est  visible  que  cette  manifestation 
sera  facilitée  ou  entravée,  selon  le  degré  d'appropriation  de 
l'instrument  aux  fonctions  auxquelles  est  appelée  l'unité  ani- 
mique. C'est,  dans  le  cercle  tout  pratique  et  expérimental,  ce 


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LA  VIE  FUTURE  ET  LA  saBNCE  MODERNE  37 

que  chacun  de  nous  n'apprend  que  trop  souvent  à  ses  dépens, 
sans  qu'il  puisse,  hélas  !  y  remédier.  Qu'on  admette  la  fixité 
des  espèces  ou  qu'on  soit  transformiste,  il  est  incontestable 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  que,  dans  des  limites  plus  ou 
moins  étendues,  nous  transmettons  notre  conformation  phy- 
sique, nos  défauts,  nos  maladies à  nos  descendants. 

Nous  préparons  en  un  mot,  que  l'on  me  pardonne  la  familia- 
rité de  l'expression,  un  logis  et  un  outil  plus  ou  moins  commode 
à  ceux  qui  nous  succèdent  A  ce  seul  point  de  vue  déjà,  une 
responsabilité  formidable  incombe  à  l'être  qui  a  le  sentiment 
du  devoir.  Combien  pourtant  méconnaissent  ou  oublient  cette 
responsabilité,  et,  au  lieu  de  l'amour,  ne  méritent  plus  que  les 
malédictions  de  ceux  à  qui  ils  donnent  le  jour!  —  Que  nous 
ayons  ou  non  occupé  un  d^ré  inférieur  dans  une  existence 
antérieure  à  celle-ci,  toi\jours  est-il  que  dans  cette  vie  nous 
sommes  des  êtres  perfectibles,  et  qu'il  est  par  suite  de  notre 
plus  impérieux  devoir  de  perfectionner  sans  cesse.  De  ce 
devoir  encore  naît  une  responsabilité  dont  il  est  difficile  de 
donner  la  mesure.  —  Quelques  personnes,  je  le  sais,  se  font 
une  espèce  de  mérite  de  soutenir  que  l'homme  n'est  perfec- 
tible qu'individuellement,  que  les  progrès  de  chacun  de  nous 
ne  s'héritent  pas  par  transmission  et  sont  perdus  pour  ceux 
qui  nous  suivent,  qu'un  homme  de  génie  était  identiquement 
le  même  en  puissance  à  quelqu'époque  de  l'histoire  qu'il 
ait  apparu,  qu'ainsi,  par  exemple,  Aristote  eût  pu  faire 
absolument  les  mêmes  découvertes  que  Newton,  s'il  avait  eu 

sous  main  les  éléments  dont  a  disposé  celui-ci Il  suivrait 

de  là  qu'il  a  pu  exister  parmi  les  peuplades  barbares  primi- 
tives des  génies  comme  Newton,  Beethoven,  Shakespeare, 

Michel-Ange qui  ont  passé  inaperçus,  uniquement  parce 

qu'ils  n'avaient  pas  sous  main  les  éléments  nécessaires  à  leur 
manifestation.  —  Il  me  semble  qu'il  suffît  de  poser  un  tel 
énoncé  pour  montrer  qu'une  telle  opinion  est  le  paradoxe  le 
plus  monstrueux  qui  puisse  passer  par  la  tête  d'un  homme  de 


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38  REVUE    D'ALSACE 

cœur  et  d'intelligence  :  disons  bien  plutôt  qu'il  faut  manquer 
des  deux  pour  concevoir  seulement  la  possibilité  d'une  pareille 
énormité.  Il  tombe,  au  contraire,  sous  le  sens  que  l'intelligence 
humaine  est  en  tout  point  perfectible,  non  seulement  danâ 
chaque  individu,  mais  encore  dans  toute  l'espèce.  C'est,  en 
vérité,  se  faire  la  partie  trop  belle  que  de  décliner  toute  res- 
ponsabilité quant  au  degré  moral  et  intellectuel  de  ceux  qui 
nous  suivront  !  Que  nous  ayons  eu  ou  non  une  existence  anté- 
rieure à  celle-ci,  rien  n'est  changé  pour  cela  à  la  responsabilité 
qui  pèse  sur  nous  en  ce  monde-ci. 

On  a  discuté  et  disputé  à  perte  de  vue  sur  cette  question 
d'une  vie  antérieure.  Il  est  clair  que  si  elle  était  résolue  dans 
le  sens  afiirmatif,  nous  n'aurions  plus  de  doute  à  concevoir, 
quant  à  la  continuation  indéfinie.  Mais  si  cette  vie  antérieure 
avait  eu  lieu  en  des  êtres  organisés  comme  ceux  que  nous 
connaissons,  il  est  tout  aussi  clair  que  ce  ne  serait  plus  que 
d'une  perpétuité  qu'il  s'agirait,  et  non  d'une  immortalité  comme 
celle  à  laquelle  nous  aspirons.  —  Privés  du  souvenir  de  la  vie 
antérieure,  nous  constituerions  de  fait  des  êtres  nouveaux, 
non  responsables  de  ce  qui  est  au  passé.  On  a  objecté  cela 
mille  fois,  et  toujours  avec  raison,  à  la  doctrine  de  la  trans- 
migration des  âmes.  Ce  qui  est  bien  clair  aussi,  c'est  qu'une 
pareille  discussion  sort  complètement  du  domaine  de  la  science 
proprement  dite.  Nous  n'avons  pas  à  nous  y  arrêter  un  ins- 
tant Nous  devons  bien  plutôt  répondre  à  une  objection,  en 
apparence  très  grave,  que  font  à  la  notion  d'une  vie  future 
toutes  les  écoles  de  négation  sans  distinction. 

De  quel  droit,  dit-on,  soutenir  qu'un  être  qui  a  un  commen- 
cement n'a  pas  aussi  une  fin?  Nous  n'avons  nulle  conscience, 
nul  souvenir  d'un  état  antérieur;  chacun  de  nous  est  nouveau- 
venu  ici-bas,  sinon  comme  substance,  du  moins  comme  être 
ayant  le  sentiment  de  lui-même.  De  quel  droit  admettrions- 
nous  dès  lors  que  nous  devons  durer  avec  le  souvenir  du 
passé? 


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LA  VIB  FUTURE  ET  LÀ  SCIBlfCE  MODERNE  29 

Cette  question,  fort  heureusement,  est  pleinement  du 
domaine  de  la  science;  la  négation  qu'elle  implique  est  pure- 
ment spécieuse,  et  dérive,  nous  allons  le  voir,  d'une  fausse 
conception  du  temps  et  des  rapports  du  fini  et  de  l'infini. 

Arrêtons-nous  d'abord  à  une  remarque  critique  digressive, 
comme  plusieurs  déjà  se  sont  présentées  à  nous  sur  notre 
chemin.  —  Chose  étrange,  les  doctrines  de  négation  et  les 
doctrines  réputées  les  plus  orthodoxes  se  rencontrent  et 
posent  une  même  négation,  mais  quant  à  deux  éléments  dis- 
tincts. Les  secondes  tiennent  la  matière  et  l'Univers  entier 
pour  finis,  mais  l'ftme  humaine  pour  immortelle.  Les  premières 
déclarent  au  contraire  la  matière  comme  infinie  en  espace  et 
en  durée;  quant  à  l'élément  animique,  il  est  simplement  nié. 
Ainsi  qu'en  bien  d'autres  points,  il  y  a  du  moins  chez  ces  der- 
nières, au  milieu  de  l'erreur  même,  un  caractère  logique  qui 
fût  absolument  défaut  chez  les  premières. 

En  tout  premier  lieu,  en  effet,  il  n'est  pas  facile  de  deviner 
en  quoi  il  peut  être  plus  orthodoxe  d'admettre  que  l'Univers 
est  borné  en  étendue,  que  le  nombre  des  étoiles,  des  mondes 
éparpillés  dans  l'espace  est  fini,  que  les  mondes  auront  néces- 
sairement une  fin,  que  d'admettre  en  tous  points  l'opposé. 
L'observation  directe,  cela  est  bien  évident,  ne  peut  pas  nous 
apprendre  si  les  mondes  sont  bornés  dans  une  certaine  éten- 
due de  l'espace  infini  ;  mais  elle  nous  apprend  du  moins  que 
l'étendue  occupée  par  les  étoiles  grandit  avec  la  puissance  de 
nos  instruments  d'observation,  et  il  n'y  a  dès  lors  aucun  motif 
plausible  pour  admettre  qu'il  y  ait  une  limite  quelconque  à 
cet  agrandissement  En  ce  qui  concerne  la  durée,  on  ne  voit 
pas  non  plus  pourquoi  la  matière  et  la  force  doivent  avoir  une 
fin  parce  qu'elles  ont  eu  un  commencement,  tandis  que  l'ftme 
doit  être  immortelle  bien  qu'elle  ait  eu  un  commencement. 
Ce  sont  là  certainement  des  affirmations  qui  n'ont  absolument 
rien  de  commun  avec  une  foi  religieuse  quelconque. 

En  second  lieu,  et  c'est  ici  surtout  le  côté  le  plus  paradoxal 


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30  RBVDB    D'ALSACE 

de  telles  assertions,  comment  ceux  qui,  avec  raison,  admettent 
que  la  substance  en  général  (matière,  force,  élément  vital)  a 
eu  son  origine  dans  un  acte  de  la  volonté  toute  puissante, 
osent-ils  soutenir  que  cette  môme  volonté  doive  nécessaire- 
ment détruire  ce  qu'elle  a  produit?  N'est-ce  pas  là  se  substituer 
encore  une  fois  au  Créateur,  sans  aucune  excuse  plausible? 
Il  nous  semble  qu^une  prétention  aussi  audacieuse,  loin  d'avoir 
un  caractère  d'orthodoxie,  touche  de  très  près  au  blasphème! 

Un  très  grand  nombre  de  personnes,  aussi  bien  parmi  les 
hommes  de  science  que  parmi  les  laïques,  pensent  que  ce  qui 
a  un  commencement  a  nécessairement  une  fin;  et  de  là  beau- 
coup concluent  que  puisque  notre  vie  commence,  elle  doit 
aussi  finir. 

Au  point  de  vue  scientifique,  cette  opinion  est  doublement 
erronnée.  En  géométrie  et  dans  l'ordre  idéal,  il  existe  plusieurs 
lignes  courbes  à  équations  parfaitement  définies,  qui  ont  un 
commencement  et  dont  le  développement  est  infini.  Celle, 
par  exemple,  que  décrit  l'extrémité  libre  d'un  fil  qui  est 
enroulé  autour  d'un  cylindre,  et  qu'on  déroule  en  la  tenant 
tendue,  la  développante  du  cercle  est  dans  ce  cas  :  elle  commence 
sur  le  cercle  générateur  et,  aucune  limite  n'étant  imposée 
à  la  longueur  du  fil,  elle  est  idéalement  infinie  dans  son 
développement.  Dans  l'ordre  idéal  donc,  l'assertion  est  fausse. 
Dans  le  même  ordre,  mais  à  un  point  de  vue  bien  plus  élevé, 
l'assertion  est  plus  erronée  encore,  s'il  est  possible,  et  repose, 
comme  je  l'ai  dit,  sur  une  fausse  notion  des  rapports  du  fini 
et  de  l'infini.  Pour  bien  des  personnes,  l'infini  est  simplement 
ce  qui,  en  grandeur,  dépasse  tout  ce  que  nous  pouvons  nous 
figurer  :  d'oïl  il  résulterait  que  si,  dans  l'infini  ainsi  conçu, 
nous  plaçons  soit  un  commencement  de  date  soit  un  point 
de  départ  en  étendue,  il  existerait  un  rapport  de  grandeur 
entre  ce  qui  va  avoir  lieu  et  ce  qui  a  eu  lieu  antérieurement. 
Mais  cette  manière  de  voir  est  mathématiquement  fausse. 
L'infini,  si  une  expression  presque  familière  est  permise, 


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LÀ  TIE  FUTURE  ET  hk  SCIENCE  MODERNE  31 

rinfini  est  en  quelque  sorte  le  contenant  du  fini,  soit  en  temps 
soit  en  étendue,  et  tandis  que  l'idée  de  mesure  est  inséparable 
de  ce  dernier,  elle  est  au  contraire  étrangère  au  premier. 
L'infini,  en  un  mot,  n'est  pas  le  fini  amplifié  au  delà  de  toute 
imagination,  il  est  autre  en  espèce  et  en  nature  :  je  l'ai  dit 
dès  le  début,  je  le  répète  avec  intention.  Entre  ce  que  va 
devenir,  en  espace  ou  en  temps,  ce  qui  commence,  et  ce  qui 
a  eu  lieu  idéalement  antérieurement,  il  n'y  a  donc  pas  de 
rapport  nécessaire. 

Ce  que  nous  disons  des  choses  de  l'ordre  idéal,  est  vrai,  et  à 
bien  plus  forte  raison  de  celles  de  l'ordre  réel,  de  ce  qui  a 

une  existence  effective.  La  matière,  la  force,  Tftme ont 

été  créées  ou  existent  par  elles-mêmes.  Dans  ce  dernier  cas, 
leur  existence  est  un  état  qui  n'a  plus  rien  de  commun  avec 
une  mesure  quelconque  en  durée.  Dans  le  premier  cas,  le  seul 
admissible  par  la  raison  et  un  raisonnement  correct,  ce  qui 
précède  leur  existence  n'est  pas  une  durée  non  plus;  leur 
existence  est  aussi  un  état  et  non  un  phénomène  ;  elle  peut 
durer  ou  ne  pas  durer,  selon  la  volonté  de  celui  qui  les  a  fait 
être,  cela  est  bien  évident;  mais  du  fait  même  d'un  commen- 
cement, il  n'y  a  absolument  rien  à  arguer  contre  la  durée 
irffinie.  Au  moment  même  où  elles  reçoivent  l'être,  elles  sont 
comme  si  eUes  avaient  toujours  été,  et  il  n'y  a  aucune  raison 
imaginable  pour  dire  a  priori  qu'elles  doivent  cesser  d'être.— 
Les  personnes  qui  croient  à  l'extinction  nécessaire  de  ce  qui  a 
eu  un  commencement,  confondent  visiblement  un  état  avec 
un  phénomène.  Notre  vie  organique  est  un  phénomène  des 
plus  transitoires,  nous  le  savons  tous,  mais  nous  n'y  songeons 
pas  assez.  Il  nous  est  donné  en  naissant,  comme  une  somme 
finie  d'activité  et  d'action  à  dépenser;  nous  pouvons  à  notre 
gré  dépenser  pour  le  bien  et  pour  le  mal,  physiquement  et 
moralement;  nous  pouvons  même  sommeiller,  et  laisser  la 
dépense  se  faire  à  notre  insu;  mais  quand  elle  est  opérée,  la 
vie  organique  cesse.  En  ce  sens  même  toutefois,  et  l'on  ne 


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32  REVUE  d'àlsàge 

saurait  assez  le  mettre  en  relief,  la  comparaison  qu'on  fait  si 
scruvent  de  l'être  organisé  avec  une  machine  est  fausse.  Dans 
une  machine,  les  pièces  mouvantes  s'usent  par  le  frottement 
et  finissent  par  se  briser  ou  s'enrayer,  si  le  travail  persiste 
trop.  Dans  l'être  vivant,  une  semblable  usure  n'existe  pas. 
Notre  sang,  nos  muscles,  nos  os se  renouvellent  conti- 
nuellement; quand  les  éléments  constitutifs  d'un  de  nos 
organes,  d'un  de  nos  membres  cessent,  par  une  raison  ou  une 
autre,  de  se  renouveler,  cet  organe,  ce  membre  est  perdu  pour 
ses  fonctions.  Ce  qui  s'épuise  ici  visiblement  et  uniquement, 
c'est  précisément  la  puissance  d'organisation,  de  réparation, 
d'élimination  des  éléments  nuisibles.  Ici  même  toutefois,  il 
n'y  a  aucune  marche  régulière,  aucune  similitude  d'un  individu 
à  l'autre  quant  aux  organes  dans  lesquels  cette  puissance 
plastique  semble  s'épuiser.  Un  tel  conserve  presque  toute  sa 
force  musculaire;  un  autre  conserve  ses  sens  inaltérés;  un 
autre  conserve  l'intégrité  de  son  cerveau,  qui  reste  fidèlement 
au  service  de  l'âme  pour  penser.  Quoiqu'il  en  soit,  la  confusion 
dont  je  parle  est  manifeste.  La  vie  organique  est  transitoire^ 
mais  les  éléments  qui  y  concourent  ne  le  sont  pas  nécessaire- 
ment: ils  peuvent  l'être  ou  ne  pas  l'être,  et  nous  ne  sommes 
nullement  en  droit  de  décider  a  priori  ce  qui  en  est  Ainsi 
que  nous  l'avons  fait  ressortir  avec  force  dès  le  début,  un 
abtme  sans  fond  sépare  le  laïque  de  l'homme  de  science,  et  en 
sens  bien  opposé  de  ce  qu'on  eût  pu  croire,  quand  il  s'agit  de 
l'existence  des  êtres.  Les  laïques,  dont  un  grand  nombre  tient 
pour  impie  tout  homme  qui  doute,  admettent  sans  difficulté 
et  sans  scrupule,  que  ce  qui  est  peut  cesser  d'être,  qu'une 
âme  animale  peut  s'éteindre  comme  un  flambeau.  L'homme  de 
science  sensé,  à  qui  l'éternel  doute  a  été  donné  comme  éternel 
stimulant,  ici  cesse  de  douter  :  pour  lui  ce  qui  est,  ne  peut 
cesser  d'être  spontanément 

La  science  moderne  démontre,  non  certes  l'existence  de 
Dieu,  mais,  ce  qui  équivaut  en  tous  points,  elle  démontre  la 


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LA  VIE  FUTCmS  ST  LA  SCIEHCB  MÛDBRNB  33 

non-éternité  de  la  substance  en  général,  qui  forme  rUniyers  : 

MÀTiàBB,   FOBCE,  AME elle   démoutre  l'existence  de 

Télément  animique  d'une  manière  indirecte,  mais  équiyar 
lente  à  toute  démonstration  directe,  en  montrant  que  les 
éléments  du  monde  physique  sont  absolument  insuffisants 
pour  donner  lieu  aux  phénomènes  du  monde  vivant  La  durée 
indéfinie  de  ce  qui  a  une  fois  reçu  Pêtre  forme  pour  elle  un 
axiome.  —  En  ce  monde,  l'élément  animique  qui  constitue 
notre  être  pensant  forme  une  unité  bien  définie;  et  c^est  même, 
pour  vrai,  à  cette  unité  que  chacun  de  nous  tient  le  plus.  Il 
nous  est  logiquement  permis  d'admettre  que  Time  possédait 
ce  caractère  d'unité  au  moment  de  son  entrée  dans  l'orga- 
nisme et  qu'elle  le  conservera  à  sa  sortie.  —  Mais  quelle  sera 
sa  manière  d'être,  sa  forme  nouvelle?  Qu'on  le  remarque  for- 
mellement, je  dis  sa  manière  cP être,  je  ne  dis  pas  sa  destinée. 
Ce  sont  là  deux  ordres  de  questions  absolument  distinctes. 
La  première  est  du  domaine  de  la  critique  scientifique,  que 
la  science  puisse  d'aiUeurs  ou  non  la  résoudre;  la  seconde 
est  absolument  en  dehors  de  ce  domaine:  son  étude  doit 
être  l'objet  essentiel  des  réflexions  de  tout  être  qui  pense  et 
qui  veut  rester  en  paix  avec  lui-même. 

La  première  question  est  du  domaine  de  la  critique  scienti- 
fique, en  ce  sens  qu'elle  concerne  l'ordre  des  faits  qu'étudie 
la  science;  mais  la  science  peut*elle  la  résoudre?  Tout  savant 
sincère  répondra  certainement  que  non. 

£n  ce  bas-monde,  savants  aussi  bien  que  laïques,  croyants 
sincères  aussi  bien  que  sceptiques  incurables,  spiritualistes 
aussi  bien  que  matérialistes,  nous  n'arrivons  tous  à  la  notion 
du  monde  externe  que  par  l'intermédiaire  de  nos  sens; 
nous  ne  pensons  qu'avec  l'aide  du  cerveau.  Toutes  nos 
idées,  toutes  nos  pensées  les  plus  immatérielles  reçoivent 
l'empreinte  des  instruments  à  l'aide  desquels  nous  les 
formons.  Cette  empreinte  certes  varie  en  profondeur,  selon 
l'éducation  que  nous  nous  donnons,  selon  les  efforts  plus  ou 

NouYeUe  Séné.  ~  il**^aooée«  3 


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34  REVUB   D'ALSACE 

moins  grands,  plus  ou  moins  soutenus  que  nous  faisons  pour 
nous  en  afiranchir,  mais  elle  ne  peut  dtre  efbcée  chez  per- 
sonne entièrement 

Chez  les  personnes  qui  s'abstiennent  de  tout  effort  pour 
s'élever  au-dessus  des  notions  de  pure  sensation,  qui  ne 
s'exercent  pas  de  bonne  heure  à  mesurer  en  quelque  sorte 
l'influence  troublante  de  nos  instruments  de  perception,  cette 
empreinte  est  telle  que  certaines  notions  deviennent  impos- 
sibles. C'est  indubitablement  &  une  raison  de  ce  genre  qu'il 
fautattribuer  les  discussions  interminables  qui  ont  eu  lieu  et  qui 
ont  lieu  encore  en  mathématiques,  par  exemple,  sur  l'interven- 
tion ou  la  non-intervention  de  l'infini  dans  cette  science.  C'est 
encore  &  cette  raison  qu'il  faut  rapporter  la  résistance  qu'op- 
posent certaines  personnes  à  la  notion  de  force,  &  l'existence 
d'un  élément  qui  échappe  à  toute  perception  directe,  et  que,  pur 
une  paresse  d'esprit  invétérée,  on  ne  peut  plus  mftne  conce- 
voir comme  une  réalité.  On  substitue  des  atomes  en  mouvement 
incessant  dans  l'espace  infini;  on  ne  les  voit,  on  ne  les  perçoit 
sans  doute  non  plus,  par  la  raison  très  simple  qu'ils  n'existent 
pas,  mais  on  se  les  figure  du  moins,  et  tout  semble  clair  dès 
lors.  Enfin,  et  pour  rester  dans  notre  siget,  c'est  sans  aucun 
doute  &  cette  raison  qu'il  faut  attribuer  l'obstination  que 
mettent  un  grand  nombre  de  personnes  à  nier  l'élément  ani- 
mique.  Chez  les  esprits  incultes,  ce  motif  de  négation  se  tra* 
duit  souvent  sous  la  forme  la  plus  naïve  et  la  plus  risible  : 
«  J'ai  assisté  h  la  mort  d'un  tel,  je  n'ai  rien  vu,  rien  entendu 
partir  :  pures  inventions  que  tout  cela  !  »  Chez  les  esprits  culti- 
vés et  habitués  à  mieux  se  masquer ^  ce  sentiment  ne  se  traduit 
pas  sous  cette  forme  cynique;  mais  il  n'en  existe  pas  moins 
très  vivace. 

Ayons  le  courage  de  le  dire,  n'estron  pas  en  droit  d'attribuer 
cette  origine  à  une  opinion  qui  est  presque  un  article  de  foi 
dans  le  monde  chrétien?  Admettrait-on  un  seul  instant  que 
notre  ftme  sera  condamnée  un  jour  à  revêtir  de  nouveau  son 


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LA  YIB  rUTURB  BT  LA  SCnifCB  MODEENB  85 

corps  d'id-bas,  si  Ton  avait  la  plus  légère  idée  de  Tétat  d'une 
fime  délivrée  de  ce  corps?  Une  pareille  opinion  certainement 
relève  du  plus  grossier  matérialisme.  En  ce  sens,  hélas  I  les 
docteurs  en  théologie  surenchérissent  encore  dans  Ténoncé 
de  ridée  matérialiste,  en  affirmant  que  ce  seront  les  mêmes 
matériaux  qui  formeront  notre  corps  futur,  et  qu'il  doit,  par 
conséquent,  être  interdit  de  brûler  nos  cadavres,  comme  si 
ces  matériaux  ne  se  renouvelaient  pas  incessamment  pendant 
notre  existence  organique,  et  comme  si  d'ailleurs  dans  cette 
supposition  d'une  résurrection  o^anique,  il  était  plus  difficile 
de  rebâtir  notre  malheureux  corps  avec  les  éléments  dispersés 
par  la  combustion  qu'avec  ces  éléments  dispersés  par  la 
décomposition  putride  I 

Les  notions  que  nous  avoiui  du  temps  et  de  l'espace  ne  sont 
certainement  pas  fausses,  comme  l'ont  soutenu  quelques  phi- 
losophes, mais  elles  sont  incomplètes;  elles  sont  relatives  à 
tout  ce  que  nous  observons  ici-bas;  eUes  portent  l'empreinte 
de  nos  instruments  de  perception.  Chez  les  esprits  incultes, 
elles  ont  un  caractère  réellement  obtus.  L'esprit  cultivé  sent 
au  contraire  qu'elles  pourront,  en  de  certaines  conditions, 
être  autres  que  nous  ne  les  concevons  en  cette  vie;  mais  si 
exercé  qu'il  puisse  être,  notre  esprit  n'arrive  pas  &  prévoir  la 
forme  réelle  qu'elles  auraient  si  nous  pouvions  nous  détacher 
complètement  de  nos  sens. 

En  un  mot,  et  à  un  point  de  vue  scientifique  correct,  nous 
ne  pouvons  rien  affirmer,  ni  même  rien  concevoir,  quant  à  la 
Tétat  futur  de  notre  être  séparé  de  ses  instruments  d'investi- 
gation. En  raison  même  des  notions  incomplètes  que  nous 
avons  du  temps  et  de  l'espace,  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  cet 
état  futur,  par  les  poètes,  par  les  philosophes,  par  les  savants, 
revêt  un  caractère  de  puérilité  ou  de  haute  fantaisie,  qui, 
gr&ce  à  une  forme  littéraire  brillante  et  émouvante,  peut  nous 
capt^  pour  quelque  temps,  mais  ne  laisse  jamais  de  traces 
définitives  et  profondes  dans  l'esprit.  Les  peintures  ou  les 


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36  REVUE  d'alsaœ 

descriptions  d'anges,  de  démons,  de  bienheureux,  de  réprouvés, 
que  nous  ont  laissées  les  plus  grands  peintres,  les  plus  grands 
poètes,  quand  elles  tentent  de  s'élever  au-dessus  des  formes 
humaines,  au-dessus  de  Tanthropomorphisme,  peuvent  nous 
saisir  pour  quelques  instants,  mais  nous  font  bientôt  sourire. 
Ce  qui  y  frappe,  c'est  la  persistance  de  l'imagination  à  îoadiser^ 
à  donner  des  formes  finies  k  ce  qui  par  son  essence  même  se 
trouve,  plus  que  probablement,  en  dehors  des  conditions 
finies  de  l'espace  et  du  temps. 

La  nature  incomplète  des  notions  que  nous  avons  du  temps  et 
de  l'espace  non  seulement  nous  empêche  de  nous  faire  une  idée 
de  l'état,  du  mode  de  manifestation  de  l'élément  animique 
dépouillé  de  ses  instruments  de  perception,  mais  elle  nous  enlève 
même  toute  compréhension  nette  de  ce  qui  pourra  être  pour 
nous  un  état  de  bonheur  ou  de  malheur.  La  joie  la  plus  pure, 
la  plus  élevée,  n'existe,  pour  nous  ici-bas,  qu'à  la  condition  de 
ne  pas  durer  ou  d'avoir  même  la  douleur  pour  repoussoir.  S'il 
est  une  infirmité  humiliante,  c'est  que  nous  ne  puissions  pas 
même  concevoir  un  état  de  félicité  continu  et  toujours  iden- 
tique. L'artiste,  le  poète,  le  savant,  dans  l'idéal  de  bonheur 
futur  qu'ils  se  peignent,  chacun  à  sa  manière,  introduisent 
tous,  sans  même  s'en  douter,  la  condition  de  changer  sans 
cesse,^de  toujours  avancer,  de  toujours  s'élever.  —  Un  grand 
peintre,  sur  son  lit  de  mort,  recevait  les  encouragements  d'un 
ecclésiastique,  qu'il  comptait  parmi  ses  amis:  a  Songez,  lui 
disait  le  prélat,  que  vous  allez  contempler  Dieu  face  à  face.  » 
a  Mais  mon  père,  objecta  le  peintre,  ne  le  verrai-je  pas  aussi 
de  profil?»  Cette  page  dernière  de  la  vie  d'un  artiste  peut  faire 
sourire  et  sembler  ironique  au  premier  abord.  En  y  songeant 
pourtant,  on  ne  peut  qu'être  frappé  de  la  force  avec  laquelle 
elle  fait  ressortir  une  défectuosité  de  notre  nature  dlci-bas. 

S'il  est  un  sujet  sur  lequel  l'imagination  se  soit  donné  libre 
carrière,  c'est  certainement  dans  l'invention  des  joies  ou  des 
peines  qui  nous  attendent  outre-tombe.  Chacun  a  inventé  des 


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LA  VIE  FUTURE  ET  LA  SCIENCE  MODERNE  37 

plaisirs  ou  des  supplices  à  sa  guise;  chacun  se  bfltit  arbitrai- 
rement un  paradis  pour  lui,  pour  les  siens,  pour  ceux  qui 
partagent  ses  opinions,  et  un  enfer  pour  les  autres.  Dans  cette 
diversité,  il  y  a  peut-être  une  image  éloignée,  mais  pourtant 
juste  de  la  vérité.  Et  dans  ces  inventions  d'ailleurs,  il  n'y  a  rien 
que  de  très  innocent,  et  même  de  très  légitime,  pourvu  qu'on 
se  les  réserve  pour  son  propre  usage  et  qu'on  ne  prétende  pas 
les  appliquer  inflexiblement  à  autrui,  pourvu  qu'on  se  rappelle 
que  ce  qui  est  le  paradis  pour  l'un  peut  bien  être  le  purgatoire 
pour  un  autre.  —  Combien,  hélas!  prétendent  étendre  à 
l'autre  monde  l'intolérance  dont  ils  font  preuve  en  celui-ci. 
Rappelons-nous  les  paroles  de  cet  Incas,  qu'un  Espagnol 
essayait  de  convertir,  d'abord  par  voie  de  douceur,  en  lui 
peignant  les  félicités  d'en  haut.  «  Y  aura-t-il  des  Espagnols 
dans  votre  paradis?  »  —  «  Eh  !  sans  doute  et  surtout.  »  «  Alors 
laissez  moi  aller  en  enfer.  »  —  Dans  cette  diversité  d'inven- 
tions, qui  est  peut-être  une  image  de  la  vérité  réalisée  ailleurs, 
notre  esprit  trouve  du  moins  un  moyen  de  surmonter  quelques- 
unes  des  difficultés  qui  se  dressent  devant  lui  dès  qu'il  essaie 
de  pénétrer  du  regard  les  voiles  de  l'avenir.  Quelqu'ami  qu'on 
puisse  être  de  la  concorde  et  des  réconciliations,  il  ne  nous 
est  pas  facile  de  comprendre  comment  Galilée,  Jordano  Bruno, 
et  tant  d'autres. .  • .  pourraient  en  toute  quiétude  se  côtoyer 
avec  leurs  juges  qui  pourtant,  par  droit  de  profession,  occu- 
peront, dit-on,  les  premières  places.  Il  ne  nous  est  pas  facile 
de  comprendre  comment  les  persécuteurs  d'ici-bas  pourraient 
se  sentir  heureux  à  côté  des  persécutés. 

La  science  est  muette  sur  les  mystères  d'outre-tombe,  sur 
la  manière  d'être,  sur  l'évolution  future  de  l'unité  animique, 
qu'il  s'agisse  de  l'homme  à  qui  a  été  accordé,  quand  il  le  veut, 
le  domaine  de  la  pensée  pure,  ou  des  êtres  inférieurs  sentant 
et  aimant  comme  lui,  mais  n'ayant  pas  le  pouvoir  de  s'abs- 
traire. Mais  elle  abolit  définitivement  sur  l'autre  rive  l'idée 
du  néant;  à  l'être  qui  a  su  s'affirmer  dans  le  présent  et  dire; 


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38  REVUE  d'alsacb 

«  Je  sens,  j'aime,  je  pense,  donc  je  sois,  »  elle  dit:  «  Tu  es, 
donc  tu  seras.  » 

La  science  nous  conduit  jusqu'à  Pautre  rive;  mais  elle  ne 
saurait  nous  révéler  notre  destinée  au  delà.  Sur  la  rive  fatale, 
elle  nous  livre  à  notre  conscience,  au  souvenir  de  notre  passé, 
au  sentiment  de  notre  responsabilité.  Ainsi  que  l'art,  ainsi 
que  la  poésie,  elle  nous  a  été  accordée  comme  un  don,  comme 
une  faveur,  pour  nous  faire  comprendre  la  grandeur  de  notre 
mission,  l'étendue  de  nos  devoirs  envers  tous  les  êtres,  ici-bas . 
Elle  nous  a  été  donnée  comme  un  guide,  comme  un  phare  : 
elle  ne  peut  nous  servir  d'égide,  elle  ne  peut  qu'aggraver 
notre  responsabilité,  si,  par  une  misérable  vanité,  par  ambi- 
tion, par  asservissement  à  une  caste,  nous  changeons  la 
lumière  en  ténèbres,  le  bien  en  mal.  Malheur  au  poète,  à  l'ar- 
tiste, au  savant,  lorsqu'ils  font  servir  leur  inspiration,  leur 
lumière  à  autre  chose  qu'à  l'affranchissement  de  l'esprit  et  à 
la  glorification  du  bien,  du  beau  et  du  vraL 

G.-A.  HntK. 

Cohnar,  août  1881. 


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LA  FAMILLE  DE  ROSEN 


La  famille  de  RoBen,  qui  a  joué  un  grand  rAle  en  Alsace 
pendant  près  de  deux  siècles  et  qui,  comme  Ton  sait,  s'est 
éteinte  en  la  personne  de  Madame  Sophie  de  Rosen,  veuve  en 
premières  noces  du  duc  de  Broglie,  et  mariée,  après  que  son 
mari  eût  péri  sous  la  hache  révolutionnaire,  au  marquis  René 
Yoyer  d'Argenson,  était  originaire  de  la  Livonie. 

C'est  vers  1840  que  mourut  la  dernière  descendante  directe 
de  cette  Ulustre  famille. 

La  maison  des  barons,  puis  marquis  de  Rosen,  ne  subsiste 
plus  que  par  quelques  branches  collatérales  fort  éloignées,  en 
Allemagne  et  en  Russie. 

M.  Lehr,  dans  le  bulletin  de  la  Société  pour  la  conservation 
des  monuments  historiques,  a  publié  une  fort  intéressante 
notice  sur  la  famille  et  les  pierres  tombales  des  Rosen  se  trou- 
vant dans  Féglise  de  Dettwiller. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  recueiUir  tous  les  documents 
épars  concernant  cette  famille;  aussi  avons-nous  crû  devoir 
sauver  de  Poubli  les  notices  suivantes. 

Elles  sont  extraites  d'un  manuscrit  in-folio  de  74  pageq 
portant  le  titre  : 


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40  HETUB    D'ALSACE 

INVENTAIRE 

DES      TITRES      GÉNÉALOGIQUES      ET      HONORIFIQUES 
DE      LA      MAISON      DE 

ROSEN 

et  dans  un  cartouche  à  la  plume  surmonté  des  armes  de 
Rosen  : 

INVENTAIRE 

CONTENANT 

LES      DIPLÔMES,      CHARTES 

ET      AUTRES      TITRES      ET      ENSEIGNEMENTS 
GÉNÉALOGIQUES      DE      LA      MAISON      DE 

ROSEN 

de  la  branche  de  Kleinropp  établie  en 
France  en  général,  ensemble  les  lettres- 
patentes,  Brevets,  commissions  et 
provisions  de  charges  et  de  Dignités 
militaires  et  de  Chevallerie  et  autres 
titres    honorifiques 

DE      LA      D.      MAISON      ET      DE     CHACUN      DE      SES 
MEMBRES      EN      PARTICULIER 

Inventoriés  et  mis  en  ordre  par  les 
soins  de  Haut  et  puissant  Seigneur, 
Messire  Eu  gène-Octave- Au  gust  in,  *  comte 
DE  RosEN  et  DE  Grammont,  Marquis  de 
Bollwiller,  Baron  de  Conflandey, 
Seigneur  de  Herrenstein,  etc.,  etc.. 
Brigadier  des  Armées  du  Roi,  Colonel 
du    Régiment    de    Dauphîné    Inf**,    etc. 

FINI    EN    l'année    MDCCLXIII. 


^  Eagène-Octave-Angnstin  de  Kosen,  fils  aniqtie  du  marquis  Armand 
de  BoBen  et  dernier  représentant  mâle  de  la  famille. 


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LA  FAHULE  DE  R08EN  41 

En  tête  du  manuscrit  se  trouve  un  avertissement  par  lequel 
on  fait  observer  que  la  maison  de  Rosen,  particulièrement  la 
branche  de  Kleinropp,  était  originaire  et  établie  en  Livonie, 
province  du  royaume  de  Suède,  limitrophe  aux  états  de  Tem- 
pire  de  Russie  et  de  ceux  du  royaume  de  Pologne,  et  le 
théâtre  ordinaire  des  guerres  de  ces  nations,  par  conséquent 
sujette  à  de  fréquentes  révolutions. 

Il  n'est  pas  possible,  dit  cet  avertissement,  surtout  aux 
premiers  de  cette  maison  qui  se  sont  établis  en  France  et  qui 
ont  quitté  leur  patrie  pendant  leur  jeunesse,  d'amasser  beau- 
coup de  titres,  mais  encore  de  les  apporter  avec  eux  ni  de  les 
faire  venir,  d'autant  moins  que  les  atnés  des  familles  sont 
toujours  les  dépositaires  des  archives  et  1^  conservent  dans 
leurs  terres. 

On  ne  doit  pas  s'attendre  par  conséquent  à  trouver  ici  un 
de  ces  volumineux  tas  de  papiers  dont  on  fait  tant  de  parades. 
Ceux  insérés  dans  cet  inventaire  sont  si  authentiques  et  si 
respectables  qu'ils  sont  plus  que  suffisants  pour  prouver  l'an- 
cienneté et  la  pureté  de  la  noblesse  et  de  l'illustration  de  la 
Maison  de  Rosen. 

Après  cet  aveu  quelque  peu  naïf,  il  ne  nous  reste  qu'à 
présenter,  par  ordre  de  classement,  les  documents  les  plus 
intéressants. 

No  1. 

Témoignage  ou  certificat  du  maréchal  et  du  corps  de  la 
noblesse  du  duché  de  Livonie  au  bas  de  l'arbre  généalogique 
de  trente-deux  quartiers  du  côté  paternel  et  maternel  de  très 
illustre  et  généreux  comte 

Conrad  de  Rosen 

seigneur  héréditaire  de  Kleinropp  et  de  Raiskum,  pour  lors 
lieutenant  général  et  depuis  maréchal  de  France,  portant  que 
ledit  seigneur  comte  Conrad  de  Rosen  est  d'une  très  noble  et 
très  ancienne  race,  que  suivant  les  annales  mômes  du  pays, 


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éSt  EBVUB   D*ALSAGB 

dès  les  premiers  temps  da  christianisme  en  Livonie  (Tsrs 
Tan  1200)  les  descendants  de  cette  illustre  famille  fiirent 
admis  au  nombre  des  chevaliers;  que  depuis  ils  n'avaient 
jamais  discontinué  de  servir  sous  les  étendards  de  leurs  rois; 
qu'ils  avaient  mérité  par  leur  valeur  de  glorieux  emplois,  de 
très  belles  charges  et  des  terres  en  commande;  qu'enfin  ils 
avaient  toujours  fait  des  alliances  d'une  noblesse  égale  à  la 
leur,  comme  le  marquent  les  écussons  de  leur  carte  généalo- 
gique et  que  chacun  des  descendants,  pour  soutenir  l'honneur 
de  sa  race,  se  crut  obligé  de  joindre  à  l'éclat  de  son  sang  les 
solides  ornements  de  la  vertu  et  d'ajouter  leur  mérite  per- 
sonnel au  mérite  de  leurs  ancêtres. 
Donné  à  Wenden,  le  18*  jour  du  mois  de  mars  de  l'année  1692. 

No  8. 

Autre  attestation  du  comte  Hartfer  de  Griffenbourg,  séna- 
teur du  royaume  de  Suède,  maréchal  de  camp  et  gouverneur 
du  duché  de  Livonie  et  de  la  ville  de  Riga,  affirmant  les  faits 
ci-dessus. 

Ce  document  constate  encore  que  le  chevalier  Christian  de 
Rosen,  célèbre  par  les  armes,  est  venu  en  Livonie  vers  l'an 
1343  et  a  arraché  cette  terre  avec  les  autres  chevaliers  de 
l'ordre  équestre,  des  mains  des  idolfttres  par  divers  sanglants 
combats;  que  ses  successeurs,  imitateurs  de  sa  vertu,  ont 
transmis  l'honneur  et  la  gloire  de  sa  race  aux  dignes  descen- 
dants de  ses  aïeux,  non  seulement  par  une  bravoure,  une 
fidélité  et  une  prudence  singulière  qu'ils  ont  fait  éclater  sous 
les  princes  de  Livonie,  et  surtout  du  Grand  Gustave-Adolphe 
et  autres  rois  de  Suède. 

(Ce  certificat  est  daté  de  Stockhohn,  le  12  janvier  1693.) 

Ho  4. 
Diplôme  ou  lettres^atentes  de  Charles  Xn,  roi  de  Suède, 
de  1698,  déclarant  que  les  certificats  de  naissance  de  Conrad 
de  Bosen  sont  conformes  en  toutes  choses  à  la  vérité. 


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LA  FAimXB  DE  ftOSElf  48 

Extrait  des  titres  produits  par  Cionrad  de  Rosen,  comte  de 
BoUwiller,  maréchal  de  France,  nommé  chevalier  des  ordres 
du  roi,  pour  les  preuves  de  sa  noblesse  faites  par-devant  M.  le 
duc  de  Foix,  pair  de  France,  et  M.  le  marquis  d'UxelIes,  maré- 
chal de  France.  Ledit  Conrad  de  Rosen  a  été  reçu  chevalier 
après  avoir  prêté  serment  entre  les  mains  de  Sa  ICajesté,  à 
Versailles,  le  lundi  matin,  jour  de  la  Puriiication,  1705. 

No  7. 
Copie  des  attestations  données  par  JPierre  I*%  czar  de  toutes 
les  Russies,  etc.,  etc.,  portant  que  les  deux  branches  de  la 
Maison  de  Rosen,  Tune  du  feu  général  Rheinhold  de  Rosen,  de 
Grossropp,  et  l'autre  du  feu  général  Conrad  de  Rosen,  de  Elein- 
ropp,  toutes  deux  originaires  de  Livonie,  sont  de  naissance  à 
entrer  dans  tous  les  ordres  de  chevallerie. 

Nû8. 
Procès-verbaux  des  preuves  de  filiation,  légitimation  et 
noblesse  de  N.  Eléonor-Félix  de  Rosen  pour  dtre  reçu  chevar 
lier  de  justice  dans  Tordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem. 

Arbres  géxiéalog^iqiaes 
NM3. 
Arbre  généalogique  de  Rheinhold  de  Rosen,  ^  lieutenant 
général  des  armées  du  roi,  de  la  branche  de  Orossropp,  parent 
et  beau-père  de  M.  le  maréchal  de  Rosen,  donné  par  les  direc- 
teurs-conseillers de  la  noblesse  immédiate  de  la  Livonie. 

Signé  par  neuf  gentilshommes  et  donné  à  Riga,  à  Thôtel  de 
la  noblesse,  en  1716. 

*  Rheinhold  de  RoBen,  mort  à  Bon  chfttean  de  DettweUer  le  18  dé- 
cembre 1667,  enterré  à  l'église  de  ce  village,  où  se  trouve  la  pierre 
tnmnlaire.  8a  première  femme,  Anne-Marguerite  baronne  d'Eppe, 
morte  le  38  fémer  1665,  est  enterrée  avec  M. 


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44  REVDS  d'alsàce 

No  18. 
Arbre  généalogique  de  Marie-Sophie  de  Rosen,  *  fille  de 
Rheinhold  de  Rosen  et  d'Anne-Marguerite  d'Eppe,  épouse  de 
Conrad  maréchal  de  France. 

N»  14. 
Arbre  généalogique  de  Conrad  de  Rosen,  maréchal  de 
France,  fils  de  Fabien  de  Rosen  de  Kleinropp,  et  de  Sophie  de 
Meugden. 

N»  16. 
Arbre  généalogique  de  M.  Rheinhold-Charles,  fils  de  Conrad 
de  Rosen-Kleinropp  et  de  Marie-Sophie  de  Rosen-Grossropp. 

No  18. 

Copie  simple  d'un  autre  arbre  généalogique  de  Demoiselle 
Louise-Jeanne-Charlotte  de  Rosen,  fille  de  haut  et  puissant 
seigneur  Anne-Armand  marquis  de  Rosen,  lieutenant  général, 
et  de  haute  et  puissante  Dame  Jeanne-Octavie,  comtesse  de 
Vaudrey-St-Rémy,  présentée  au  chapitre  de  l'Insigne  Abbaye 
des  Dames  de  Remiremont  —  Du  4  mars  1741. 

(Cette  demoiselle  était  née  en  1733.) 

Contrats  de  mariages 

No  1. 

Contrat  de  mariage  entre  Messire  Rheinhold  de  Rosen, 
colonel  de  cavalerie  de  l'armée  des  deux  couronnes  confédé- 
rées de  France  et  de  Suède,  fils  de  Messire  Otto  de  Rosen  et 
d'illustre  Demoiselle  Anne-Marguerite  d'Eppe.  —  Passé  à 
Strasbourg,  en  1637. 

No  a. 

Autre  contrat  de  mariage  entre  le  même  et  entre  illustre 
Demoiselle  Justine  de  Gernitz,  passé  à  Saverne  le  24  no- 
vembre 1666. 

A  ce  document  on  a  joint  une  transaction  passée  entre 

*  Sa  tombe  se  trouve  à  Dettwiller;  morte  le  8  octobre  1686. 


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LA  FAMILLB  DE  R06EN  40 

ladite  Dame  de  Gernitz,  d'une  part,  et  les  enfants  du  premier 
lit  dudit  seigneur  Rheinhold  de  Rosen.  —  Du  31  mars  1668. 

Nos. 
Contrat  de  mariage  entre  MessireRheinhold-Gharles,  comte 
de  Bosen,  colonel  d'un  régiment  de  cavalerie  allemande,  tils 
de  Conrad  de  Rosen,  comte  de  Bollwiller,  chevalier,  grand'- 
croix  de  Tordre  de  Saint-Louis,  général  des  armées  du  roi  et 
mestre  de  camp,  général  de  la  cavalerie  et  depuis  maréchal 
de  France,  et  de  défunte  haute  et  puissante  Dame  Marie- 
Sophie  de  Rosen  d'une  part:  et  Demoiselle  Marie-Béatrix- 
Octavie  de  Grammont  —  Du  10  mai  169a 

Nû  4. 
Contrat  de  mariage  entre  Messire  Armand  marquis  de 
Rosen,  mestre  de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie  allemande, 
fils  de  Rheinhold-Charles  comte  de  Rosen,  lieutenant  général 
des  armées  du  roi,  et  de  Dame  Béatrix-Octavie  née  comtesse 
de  Granunont,  d'une  part:  et  de  haute  et  puissante  Dame 
Jeanne-Octavie,  comtesse  de  Vaudrey,  fille  de  haut  et  puis- 
sant seigneur  Messire  Nicolas-  Joseph  comte  de  Vaudrey  et 
Guierche  de  Grozon,  baron  de  Saint-Rémy,  seigneur  d'Auche- 
noncourt,  Chazel,  Melincourt,  Aillevillers,  Le  Vaivre,  Cour- 
benay,  Achey,  Moutot,  des  deux  Andelots,  deChâteaurouillaux, 
Coges  et  autres  lieux,  et  de  haute  et  puissante  Dame  comtesse 
de  Rottembourg  *  d'autre  part,  avec  les  dispenses  obtenues  à 
la  Cour  de  Rome.  Ledit  mariage  célébré  au  château  de  Saint- 
Rémy  le  24  juillet  et  ledit  contrat  passé  au  château  de 
Bollwiller  le  6  août  1731. 

Testaments,  IDonations  et  Ordonnance 
de  dernière  volonté 

No  1. 
Donation  faite  par  Conrad  de  Rosen,  comte  de  Bollwiller, 
en  faveur  de  Conrad-Edme  de  Rosen  son  petit-fils  et  filleul, 

'  Morte  en  1749. 


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46  RBTUB   D^ALSAGB 

fils  de  Bheinhold-Charles  comte  de  Rosen,  et  de  Marie- 
Béatrix-Octavie  comtesse  de  Grammont,  d'un  contrat  de 
constitution  de  rente  de  30,000  livres  de  principal,  etc.,  passé 
par-devant  Bemy,  notaire  royal  à  Isenheim,  le  1*'  février  1702. 

N-8. 
Autre  donation  du  même  au  même  de  la  somme  de  22,000 
livres  due  au  maréchal  de  Rosen  par  le  comte  de  Grammont, 
Conflandey,  etc.  —  Du  28  mars  1703. 

Testament  nuncupatif  de  feu  Monseigneur  le  maréchal  de 
Rosen,  reçu  par  Schaub  notaire  royal  en  la  ville  d'Ensisheim, 
le  29  décembre  1704. 

No  7. 

Autre  donation  faite  par  mondit  seigneur  le  maréchal  de 
Rosen,  au  profit  de  M.  de  Bollwiller  troisième  fils  de  Messire 
Rheinhold-Charles,  comte  de  Rosen,  son  fils.  —  Du  11  juil- 
let 1714. 

N«& 

Testament  mystique  et  olographe  de  feu  haut  et  puissant 
seigneur  Messire  Rheinhold-Charles,  comte  de  Rosen,  lieute- 
nant général,  etc.,  etc.  —  Du  20  mars  1742. 

Inventaire,  Pactes  de  faxxiille,  Traités  et 
Pax^ag^es  de  suocessioiis 

N»  1. 

Traité  et  partage  en  langue  allemande  en  original,  ^  faite 
entre  Sophie  de  Meugden,  veuve  de  feu  Fabien  de  Rosen  de 
Eleinropp,  d'une  part:  et  Fabien,  Otto,  Magnus-Ernst  et  Con- 
rad de  Rosen,  ses  quatre  fils,  d'autre  part,  des  fiefe  de  Elein- 
ropp et  de  Raiskum  faisant  partie  de  la  succession  paternelle, 
et  ce,  du  consentement  des  tuteurs  et  curateurs  dudit  seigneur. 

Daté  du  chftteau  de  Kleinropp,  le  28  mars  1653. 

^  L'original  eat  entre  nos  mains. 


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LA  FAMaLB  Ml  MSBIf  47 

No». 
Traité  tenant  lieu  d'inventaire  et  partage  de  la  succession 
de  feue  illustre  Dame  Marie-Sophie,  née  de  Rosen,  décédée 
en  1686,'  passé  sous  seing  privé  en  langue  aUemande,  entre 
haut  et  puissant  seigneur  Conrad  de  Bosen,  son  époux,  d'une 
parti  et  ses  trois  en&nts  procrées  avec  ladite  défiinte  Dame, 
savoir:  Kheinhold-Gharles,  Anne-Jeanne  épouse  de  Nicolas- 
Frédéric  de  Bothenbourg,  '  maréchal  des  camps  et  armées  du 
roi,  et  de  Marie-Sophie  de  Bosen,  veuve  de  feu  Messire 
Meinrad-Planta  de  Wildenberg,  d'autre.  —  Â  Strasbourg,  le 
15  mai  1699. 

Cession  et  transport  de  la  susdite  Dame  de  Planta  en  faveur 
dudit  seigneur  et  de  son  frère  et  de  ses  sœurs,  de  sa  part  et 
portion  de  la  seigneurie  de  Dettwiller,  de  l'hOtel  de  Rosen 
situé  en  la  ville  de  Strasbourg.  —  15  mai  1699. 

Ho  6. 
Acte  de  résiliation  en  copie  vidimée  du  traité  de  partage  du 
15  mai  1699,  passé  par-devant  Rieden,  greffier  de  Masevaux, 
entre  mondit  seigneur  le  maréchal  de  Rosen,  et  Dame  Anne- 
Jeanne  de  Bothenbourg,  née  de  Bosen,  sa  fille.  —  Du  24  oc- 
tobre 1704. 

*  Enterrée  à  Dettwiller,  où  se  trouve  «a  tombe. 

*  Enterrés  à  Maseyanx. 

Yoid  les  inscriptions  tomnlaires  qni  se  rapportent  à  la  famille  des 
Rosen.  — •  Inscriptions  grayées  snr  table  en  marbre  à  l'église  paroissiale 
de  Saint-Martin  à  Maseranz,  chapelle  de  gauche  près  l'autel  de  Saint- 
François-Xayier. 

ICI  REPOSBIfT  LES  RESTES  MORTELS  DBS  COMTES  DE  ROSEN  ET  DE 
ROTHENBOURG,  AltaENS  PROPRIÉTAIRES  DE  LA  SEIGNEURIE  UNIE  DE 
MASEVAUX  ET  DE  ROUGEMONT,  ENTERRÉS  EN  PREMIER  LIEU  DANS 
l'église  PAROISSULE  DE  SAINT-MARTIN,  SITUÉE  JADIS  SUR  LE  CDfE- 
TIÉRE,  TRANSFÉRÉS  EN  1786  DANS  L'ÉGLISE  SAINT-ERHARD,  EN  1800 
DANS  L^ÉGLISB  DE  L' ANCIEN  CHAPrTRE  NOBLE  DE  CETTE  VILLE.  LEUR 
DERNIÈRE  TRANSLATION  A  ÉTÉ  FAITE  DANS  CETTE  CHAPELLE  EN  1843, 
CONFORMÉMENT  AUX  VOEUX  DE  LEURS  HONORABLES  ET  NOBLES  ALLIÉS. 

Une  pierre  tombale  trouvée  lors  de  la  démolition  du  baut-foumean 


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48  REVUE    D'ALSACE 

LIASSE  D. 

N«  1. 
Inventaire  et  description  des  meubles  meublants,  vaisselle 
d'argent  et  autres  effets,  dépendants  de  la  succession  de  feu 
M.  Anne-Ârmand,  marquis  de  Rosen,  trouvés  dans  la  maison 
qu'il  occupait  à  Paris  et  dans  laquelle  il  est  décédé,  le  28  no- 
vembre 1749. 

Lettres-patentes,  Brevets,  Commissions 
et  Provisions  de  charges  et  de  Dignités 
militaires,  etc. 

BHEINHOLD  de  ROSEN,  db  la  beahohb  de  GROSSROPP, 
lieutenant  général  des  années  du  roi. 

No  1. 
Brevet  de  pension  du  roi  Louis  XIII,  en  original  sur  par- 
chemin, portant  que  voulant  reconnaître  les  services  rendus 
par  le  sieur  de  Bosen,  colonel  d'un  régiment  de  cavalerie 
allemande,  et  lui  donner  moyen  de  soutenir  les  dépenses  qu'il 
est  obligé  de  faire  dans  les  charges  et  principaux  emplois  qu'il 

de  Masevanz,  a  dû  jadis  couvrir  les  restes  dont  il  est  question  ci-dessus. 
Elle  porte  Tinscription  suirante  : 

D.  0.  M. 

HIC  RESSUKECTIONEM  EXPECTAT  EXCELLUS  ET  ILLUSTRIS  DOMWUS 
NICOLAUS-FREDERICUS,  COMES  DE  ROIHENBOURG  DOMINUS  A  BEUTNITZ, 
MASMUNSTER  ET  DETTWILLER ,  REGIS  CHRISTIANISSIMI  CASTRORUM 
PRAEFECTUS  QUI  ANNO  AETATIS  SUPRA  SBXAGESSIMA  NONO  ANIHAX 
GHRISTO  CONSIGNAVIT  DIB  VIGESSIMO  APRILIS.  ANNO  1716. 

Sur  l'autre  partie  de  la  pierre  se  trouve  Tinscription  suivante  : 

ILLUSTRIS  ET  PIENTISSIMA  UXOR  SUA  ANNA-IOHANNA  GOMITISSA  A 
ROSEN  CELSISSIMI  DOMINI  CONRADI  A  ROSEN  QUONDEU  FRANCI/E  MARE- 
SCHALLI  SUPREMORUU  ORDINUM  REGIS  CHRISTIANISSIMI  GOMMENDAT- 
ORIS  PRIMOGENITA  GONJUGI  BENE  MERITO  APPONI  ET  HOC  TUMULI 
ELOGIUM  CONSCRIBI  CURAVIT,  OBIIT 

DIE  17  APRILIS  ANNO  1727  REQUIESGANT  IN  PAGE 


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LA  FAMILLE  DE  R06EN  49 

a  pour  le  service  de  Sa  Majesté,  lui  a  accordé  la  somme  de 
12,000  livres  de  pension  par  chacun  an  durant  la  guerre,  et 
lors  de  la  paix  Sa  Majesté  promet  de  lui  faire  assigner  sur  un 
domaine  certain  de  son  royaume,  la  même  somme  sa  vie 
durante. 
Donné  à  Saint-Germain-en-Laye,  le  22  novembre  1639. 

A  cette  pièce  on  a  joint  les  lettres-patentes  de  Louis  XIII, 
portant  confirmation  du  don  fait  audit  Seigneur  Rheinhold  de 
Rosen,  par  le  duc  Bernard  de  Saxe-Weymar,  de  la  seigneurie 
de  BoUwiller,  Zillisheim  et  de  la  villette  de  Soultz  au  pais 
d'Alsace,  appartenances  et  dépendances,  etc.,  etc. 

Donné  à  Saint-Germain-en-Laye,  février  1640. 

No  a. 

Lettres  de  don  du  même  monarque  de  la  somme  de  10,000 
livres  pour  tenir  lieu  audit  seigneur  Rheinhold  de  Rosen  de  la 
rançon  de  major-général  de  l'armée  impériale  par  lui  fait 
prisonnier  en  la  bataille  de  Rheinfelden  en  1638. 

Saînt-Germain-en-Laye,  1640. 

N«S. 

Lettres-patentes  de  Louis  XIV,  accordées  audit  seigneur 
Rheinhold  de  Rosen,  cy-devant  général-major  en  l'armée  du 
roi  en  Allemagne,  et  lieutenant  général  commandant  sa  cava- 
lerie, par  lesquelles  Sa  Majesté  l'a  établi,  constitué  et  ordonné 
sous-lieutenant  général,  représentant  sa  personne  tant  sur 
ledit  corps  de  troupes  qui  sera  tiré  des  armées  de  la  couronne 
de  Suède  et  viendra  au  service  de  Sa  Majesté,  que  dans  celui 
qu'il  mettra  sur  pied,  etc.,  etc.  —  Du  mois  d'avril  1649. 

No  6. 
Lettres-patentes  du  même  roi,  par  lesquelles  ledit  seigneur 
de  Rosen  est  établi  lieutenant  général  représentant  la  per- 
sonne de  Sa  Majesté  en  ses  armées  de  la  haute  et  basse 
Alsace,  pour  en  cette  qualité  commander  toutes  et  chacune 

Nouvelle  Série.  -^  ii**  année.  4 


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50  REVUE    D'ALSACE 

les  troupes,  tant  de  pied  que  de  cheval,  françaises  et  étrangères 
qui  y  sont  et  seront  cy-après,  assiéger  les  places,  les  prendre 
par  force  ou  composition,  etc. 
Données  à  Gyen,  le  15  avril  1652. 

No  7. 
Diverses  lettres  et  mémoires  concernant  la  discussion  sur- 
venue entre  M.  le  maréchal  de  Turenne  et  l'armée  suédoise 
commandée  par  Rheinhold  de  Rosen,  aux  environs  de  Saverne 
en  1648;  pièces  par  lesquelles  ledit  général  s'est  justifié  à  la 
Cour,  le  traité  conclu  à  ce  sujet  par  les  principaux  officiers 
de  ladite  armée  ensemble  ses  traités  et  capitulations  faites 
avec  la  Cour.  Instructions  diverses,  etc. 

Nous  avons  été  assez  heureux  pour  trouver  quelques  pièces 
qui  se  rattachent  à  cette  affaire.  En  voici  en  partie  la  copie 
ou  l'extrait  suivant  auquel  nous  croyons  y  trouver  un  intérêt 
historique  : 

Relation  de  Madame  la  Lieutenande  OénéraUe  de  Rosen. 

Vostre  Majesté  aara  sans  doute  apris  ce  qne  depuis  peu  s'est  passé 
en  l'armée  du  Roy  en  Allemagne  et  comme  le  Lieutenant  Gnal  de 
Rosen  mon  Mary  retournant  nouTellement  de  son  emprisonnement  de 
deux  ans  arriva  à  l'armée  lors  que  ce  malheur  avait  commencé  où  il 
apporta  tout  son  possible  pour  remettre  la  dicte  armée  en  bon  Ordre 
et  ramener  tout  le  monde  &  la  dévotion  et  obéissance  de  vostre  Majesté. 
Ce  nonobstant  Monseig'  le  Mareschal  de  Turenne,  à  je  ne  scay  qu'el 
dessein  et  pour  quel  subject,  l'a  fait  arrester  et  mener  prisonnier  à 
Philipsbourg.  Ce  qui  m'a  obligée  toute  éplorée  de  prendre  la  hardiesse 
de  remonster  à  Y.  M.  en  toute  humilité  et  dede  vénérence  la  vérité,  qui 
est  de  ma  cognoissance  en  affaire;  Monsseigneur  le  M^^  n'ayant  en  pre- 
mier lieu  point  tenu  de  rendevous  selon  qu'il  est  de  coustume,  n'y 
voulu  payer  le  mois  de  gage  promis,  ains  sans  tenir  Conseil  de  guerre 
ny  leur  parler  et  descouvrir  son  dessein,  donne  ordre  de  marcher  sépa- 
rément et  par  divers  endroits  dans  les  montagnes.  Cela  les  a  rendus 
mal  contents,  donné  mauvais  soupçon  et  les  fit  ressoudre  de  s'assembler 
proche  de  Saverne  pour  entendre  l'intention  de  M^'  le  Mareschal,  lequel 
au  lieu  de  bon  accueil  que  les  officiers  et  soldats  espéroient  recevoir, 


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LA  FAMILLE  DB  R06EN  61 

les  traicta  de  fort  rudes  paroles  et  ce  contre  l'avis  de  mon  Mary  qui 
par  d'instantes  prières  supplia  mon  dit  Seigneur  le  M^^  ne  pas  les 
traicter  de  tel  façon  ains  de  leur  donner  de  bonnes  paroles.  Yen  que 
Monseigneur  le  duc  de  Longueville  n'y  M'  le  M*^  de  Guebriant  (d'heu- 
reuse mémoire)  ne  les  ont  jamais  traictez  de  la  sorte  et  reconnaissans 
en  Monseigneur  le  M^^  le  peu  ou  point  d'affection,  firent  difficulté  de 
marcher,  ce  nonobstant  Monseigneur  le  M*^^  passa  avec  l'Infanterie 
contre  Pfaltzbourg  et  de  là  renvoya  mon  Mary  avec  M'  de  Tracy  et  le 
vicomte  de  la  Met  pour  tascher  de  les  réduire  et  remettre  en  bon  ordre. 
Lesquels  n'y  pouvons  rien  effectuer,  Mes  d*  Seigneurs  de  Tracy  et  de 
la  Met  trouveront  bon  que  mon  Mary  demeurast  auprès  des  dits  Régi- 
ments et  autant  que  possible,  les  conserver  et  retenir  dans  le  service 
du  Roy  ce  qu'il  fist,  ou  il  recogneut  avec  grandissime  regret  qu'ils  ne 
vouloient  obéir  n'y  recognoitre  leurs  officiers  et  qu'ils  étaient  prest  à 
se  débander;  Néanmoins  mon  Mary  avec  de  bonnes  parolles,  les  ramena 
aucunement  à  leur  devoir,  mais  ils  faisoient  grande  difficulté  de  demeu- 
rer de  deçà  et  vouloient  de  force  repasser  le  Rhin,  tirant  de  plus  en 
plus  la  procédure  de  Monseigneur  le  M^  et  les  mauvaises  paroles 
reçues  de  luy,  ce  que  mon  Mary  a  empesché  tant  qu'il  a  peu,  aussy 
bien  que  de  leur  ester  de  l'esprit  le  faux  bruit  que  les  trois  Régiments 
que  le  colonel  Bambach  a  mené  en  France  et  le  Régiment  d'Erlach 
avoient  été  taillez  en  pièce  par  l'armée  du  Roy  et  qu'Eux  y  arrivants 
seroient  traictez  de  mesme,  ce  qui  les  a  tellement  opiniastrez  qu'ilz 
n'ont  voulu  demeurer  du  tout  de  deçà  le  Rhin  ayant  de  leur  propre 
authorité  envoyé  demander  des  batteaux  à  la  ville  de  Strasbourg  avec 
menace  en  cas  de  refus  de  brusler  et  mettre  en  totalle  ruine  leurs 
villages,  Et  sy  mon  mary  ne  leur  en  vouloit  faire  avoir  le  plus  promp- 
tement  qu'il  pourroit  qu'ils  se  débanderoient  sans  plus  de  délay  et 
passeroient  très  aisément  par  tout  où  ils  voudroient.  Mon  Mary  pré- 
voyant le  grand  malheur  qui  en  pourrait  arriver  et  qu'autrement  on  ne 
le  pouroit  conserver,  fut  contraint  de  s'y  résoudre  considérant  que 
mieux  valoît  les  conserver  de  delà  que  de  les  perdre  deçà  le  Rhin,  Et 
encore  qu'il  ait  escrit  à  MM^"  de  Strasbourg  pour  ce  Subject  qu'il  fut 
force  de  faire,  si  est  ce  qu'en  même  temps,  il  leur  envoya  son  Secré- 
taire pour  les  prier  de  n'y  consentir  pas  parcequ'il  esperoit  de  les 
pouvoir  encore  ranger  en  de  deçà  comme  les  MM'"  en  pouroient  attester, 
mais  se  voyant  frustré  de  son  opinion  et  obligé  de  consentir  au  passage 
il  leur  fit  avant  que  passer  prester  serment  de  demeurer  et  ne  quitter 
le  service  du  Roy,  mesme  de  vouloir  recognoitre  leurs  officiers  comme 
cy  devant.  Ce  qu'ilz  firent,  et  ce  nonobstant  étans  au  delà  du  Rhin  et 


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52  REVUE   d'ai^ace 

ayant  employé  de  tous  costez  tout  ce  qu'on  à  pu  ilz  sont  demeurez 
opiniastrez  jusques  à  ce  qu'à  la  fin,  après  une  infinité  de  remonstrances 
tant  de  bouche  que  par  escrit  mon  Mary  ayant  escrit  à  chaque  Regimentà 
part  pour  les  forcer  à  une  résolution  finale  et  ayant  mesme  fait  exécuter 
deux  des  plus  mutins  en  la  présence  des  Regimentz,  ils  se  sont  résolus  de 
faire  tout  ce  qu'on  leur  ordonneroit,  à  la  charge  qu'on  leur  tiendroit  ce 
que  M'  de  Tracy  leur  avoit  promis  à  Rastat  comme  mon  Mary  peut  prouver 
par  la  responce  des  dicts  Régiments  qu'il  garde  en  original.  Et  comme 
l'accord  estoit  faict  de  costé  et  d'aultre  et  qu'il  ne  manquoit  que  la 
seule  signature  pour  laquelle  effectuer  mon  Mary  s'approchoit  du  Rhin 
que  Monseig'  le  W^^  venant  à  passer  aussy  pour  mesme  effect  les 
trouppes  en  prennants  de  nouveaux  ombrages  commencèrent  de  rechef 
à  se  retirer  de  peur  que  Monseig>^  le  M<^^  ne  les  voulust  charger  comme 
ilz  savoient  qu'il  avoit  desjà  eu  auparavant  le  dessein,  et  encore  que 
Monseig'  le  M*i  et  mon  Mary  les  suivirent  et  les  rencontrèrent  encore 
tous  ensemble  à  Biel  et  à  l'entonr  ou  ilz  ont  parlé  souventesfois  avec 
eux,  si  est  ce  qu'à  la  fin  Mon  d^  Seigneur  le  M*^^  donnant  ordre  aux 
officiers  de  loger  dans  certaines  villes  et  les  cavalliers  mal  contents  en 
dehors  avec  deffences  expresses  aux  officiers  de  ne  les  plus  suivre  n'y 
les  prendre  en  leurs  quartiers  ainsi  les  laisser  aller  et  ne  s'en  mesler 
plus,  Telles  procédures  estant  directement  contre  le  pardon  du  Roy  qui 
estoit  peu  auparavant  publié  à  l'armée,  ilz  farent  grandement  irritez 
et  encore  plus  mal  contents  entendant  l'Arrest  de  mon  Mary,  tontes  ces 
choses  ont  aussy  esté  cause  qu'ils  n'ont  plus  voulu  se  fier  à  la  bonne 
volonté  et  confiance  de  leurs  propres  officiers,  et  combien  que  depuis 
ils  se  sont  déclarez  que  moyennant  la  présence  effective  de  Monseig' 
le  Mareschal  celle  de  mon  Mary,  du  Général  Major  Fleckenstein  et 
tous  autres  officiers  auprès  des  Régiments,  ils  s'accommoderoient  et 
continueroient  dans  le  service  da  Roy,  Monseig'  le  M^^  n'a  voulu 
aggréer  cette  condition,  au  contraire  sortit  il  le  25"«  Juillet  de  Heil- 
bron  avec  cavallerie  et  infanterie  et  quelque  pièces  de  canon  à  dessein 
de  les  charger  et  de  les  ramener  par  force  à  l'obéissance,  qui  est  une 
chose  très  facile  à  juger  que  le  service  du  Roy  ne  pourra  jamais  de 
cette  manière  estre  avancé  mais  il  est  plustost  à  craindre,  de  les 
chasser  entièrement  et  peut  estre  donner  occasion  qu'ils  prendront 
service  auprès  du  party  contraire.  Ce  que  Monseig'  le  M*^  pouvait  par 
le  moyen  du  rendez  vous  et  de  ses  bonnes  grâces  éviter,  Mais  voyant  à 
présent  qu'il  a  manqué  il  veut  mettre  la  faute  sur  mon  Mary,  encore 
qu'il  soit  nottoire  pour  toute  l'armée  et  à  Monseig'  le  M^  mesme  qu'il 
ait  faict  tout  son  possible  et  n'ait  rien  espargné  pour  ramener  les  dictes 


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LA  FAMILLE  DE  ROSEN  58 

tronppes  à  lear  devoir  et  qu'il  est  (J'appelle  à  Tesmoing  Dieu  et  tons 
les  officiers  de  l'Année)  entièrement  incoupable,  l'innocence  duquel 
esclatera  davantage  quand  Y.  M.  lui  fera  la  grâce  de  Iny  permettre 
qu'il  se  puisse  justifier  devant  elle  ou  au  moins  devant  des  juges  non 
prévenus  de  passions,  partialité  ny  aucun  intérêt  particulier. 

Pourtant  Y.  M.  est  très  humblement  supplye  de  le  faire  délivrer  de 
la  prison  afin  que  le  moyen  de  se  justifier  et  de  faire  entendre  à  Y.  M. 
ses  très  justes  et  légitimes  raisons  ne  luy  soient  ostées. 

Voici  maintenant  la  lettre  adressée  par  Madame  la  maré- 
chale de  Rosen  à  son  Altesse  royale,  Madame  la  duchesse 
d'Orléans,  à  Paris  : 

Madame 

Comme  vostre  Altesse  Royale  exerce  toutes  les  vertus  chrétiennes  à 
un  Souverain  point,  je  prends  la  hardiesse  de  la  supplier  très  humble- 
ment de  vouloir  employer  celle  de  la  pitié  envers  mon  cher  Mary,  qui 
est  détenu  prisonnier  en  cette  ville,  depuis  4  mois,  et  qui  s'étant  justifié 
suffisamment  de  tout  ce  qu'on  luy  a  voulu  imposer,  n'a  autre  recours 
pour  sortir  de  cette  misère  qu'aux  âmes  Religieuses  et  puissantes,  pour 
obtenir  sa  délivrance,  H  vous  implore,  Madame,  et  moy  avec  luy,  qui 
vous  conjurons  tous  deux  de  vouloir  parler  à  Son  Altesse  Royale  vostre 
cher  Espoux  à  intercéder  pour  luy  auprès  de  leurs  Mayestez,  afin  que 
sa  longue  prison  se  change  en  une  liberté,  laquelle  on  ne  lui  peut 
denier  par  la  justice  de  sa  cause,  corne  il  fait  paroistre  par  la  responce, 
qu'il  donne  aux  poincts  dont  on  la  (sic)  voulu  charger,  si  je  receois  cette 
charité  de  la  bonté  de  Y.  A.  Royale  je  ne  cesseray  de  publier  en  tous 
les  endroits  où  je  me  trouveray,  qu'Elle  est  l'asile  des  affligez  et  de 
ceux  qui  sont  opprimez  innocemment  corne  aussy  de  prier  Dieu  inces- 
samment pour  la  prospérité  de  Yostre  Altesse  Royale  corne  estant 

Madame 

Yostre  très  humble  et 

très  obeyssante  servante 

Anna  Maboarbtha  von 
RosBN  geboren  von  Epfe 
à  Philipsbourg  le  24»« 
8**-  1647. 

Le  document  ci-dessous  nous  apprend  qu'un  mois  après  le 
général  de  Rosen  était  encore  retenu  prisonnier.  Voici  la 


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54  REVUE    D'ALSACE 

lettre  adressée  à  Son  Altesse  Monseigneur  le  prince  de  Condé, 
à  Paris  : 

Monseignenr, 

L'espérance  que  j'ay  en  d'estre  amené  de  Philipsbourg  à  Paris,  me 
promettoit  d'avoir  l'honneur  de  faire  la  révérence  à  Y.  A.  et  luy  tes- 
moigner  en  effet  la  joye  que  je  reçois  maintenant  de  son  heureux  et 
désiré  retour  de  Catalogne,  mais  le  malheur  m'a  voulu  (sic)  que  contre 
mon  opinion  j'ay  été  conduit  et  arresté  dans  la  Citadelle  de  Nancy  sans 
passer  plus  outre,  ce  non  obstant,  je  n'ay  pas  voulu  manquer  de  rendre 
mes  devoirs  à  Y.  A.  par  celle  cy,  la  suppliant  très  humblement  de 
continuer  sa  bienveillance  et  grâce  à  une  personne  qui  a  fait  de 
tout  temps  profession  d'être  son  très  humble  Serviteur,  Je  ne  désire 
pas  d'entretenir  Y.  A.  du  malheur  qui  m'est  arrivé  par  un  arrest  pré- 
cipité de  M' le  M^^  de  Turenne  dont  tout  le  monde  est  imbu  et  le  bruit 
espandu  par  tout,  il  est  encore  moins  nécessaire  de  tesmoigner  et  faire 
paroistre  à  Y.  A.  mon  innocence  estant  assuré  qu'elle  aura  une  meil- 
leure opinion  de  mon  innocence  et  n'adjustera  pas  foy  aux  accusations 
dont  on  s'efforce  de  me  charger.  Néanmoins,  si  Y.  A.  me  veut  faire  la 
grâce  de  prendre  la  peine  de  voir  non  seulement  mon  Ëscrit  cy  joinct, 
mais  d'entendre  aussi  ce  que  mon  frère  lui  pourra  représenter  de 
bouche,  sans  doubte  mon  innocence  lui  paroistra  tout  évidente,  C'est 
pourquoy  j'ai  mon  recours  à  la  grâce  et  à  la  bonté  de  Y.  A.  la  suppliant 
très  humblement  de  disposer  leurs  M^*"  et  son  Eminence,  de  m'accorder 
mon  entière  délivrance  et  première  liberté  ce  qui  m'obligera  de  demeu- 
rer toute  ma  vie 

Monseig'  de  Y.  A. 

Le  très  humble,  très  obéissant  et  très 

obligé  serviteur 

B:  VON  BosBN 

A  Nancy  ce  27  9^  1647. 

En  1650  nous  retrouvons  le  général  de  Rosen  de  nouveau 
investi  de  son  commandement  par  un  arrêté  du  Roi  qui  est 
ainsi  résumé  : 

<  Abolition  accordée  par  le  Roi  Louis  XIY  pour  le  crime  de  Rébel- 
lion et  de  Désobéissance  cy  devant  commis  par  les  gens  de  Guerre, 
officiers  et  soldats  tant  de  Cavallerie  que  d'Infanterie  de  quelque  nation 
qu'ils  soient,  dont  ils  ont  été  coupables,  pour  s'être  mutinés,  avoir 
quitté  le  service  du  Roi  sans  congé  et  pris  cellui  de  ses  ennemis  et  ce 


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U  FAMILLB  DB  ROSEN  55 

en  cas  qu'ils  retournent  à  la  solde  de  sa  M^esté  sons  le  Commande* 
ment  du  Sieur  de  Bosen  Lieutenant  Général  de  FArmée  du  Roi  en 
Allemagne. 
<  Donné  à  Rouen  le  19  jour  de  férrier  de  l'année  1650.  » 

Un  mois  après,  Feuquiëre  lui  adresse,  de  Verdun,  la  lettre 
suivante  : 

Monsieur, 

Les  ennemis  sont  retirés,  n'attribuez  pas  siWousplait  Tostre  déloge- 
ment à  la  faute  du  pont  car  je  tous  assure  qu'il  estoit  impossible  avec 
toute  sorte  de  diligence  que  tous  en  peussiez  senrir  devant  ce  jour 
d'hui  au  soir  à  cause  des  difficultez  qu'il  y  a  a  passer  les  escluses.  Je 
suis  bien  aise  d'apprendre  que  nostre  canon  tous  a  servi  selon  mon 
dessein,  si  celui  qui  tous  avoit  donné  le  premier  avis  me  l'eut  dit  en 
passant  il  aurait  fait  son  devoir  car  si  les  ennemis  n'eussent  passé 
comme  ils  ont  fait  à  la  veue  de  cette  place  possible  que  je  ne  l'eusse 
pas  sçeu  assez  tost  car  ils  ont  marché  fort  viste,  je  vous  supplie  de 
vouloir  espargner  les  terres  de  mon  frère,  je  suis 

Monsieur, 
vostre  très  humble  serviteur 

FXUQUIÈSB. 

A  Verdun  le  4»«  mars  1650. 

On  sait  que  le  général  de  Rosen,  après  sa  détention  à 
Nancy,  qui  dura  près  de  huit  mois,  se  justifia  et  fit  si  bien 
reconnaître  son  innocence,  que  le  roi,  par  lettres-patentes  du 
15  avril  1652,  lui  donna  le  commandement  en  chef  de  la  haute 
et  basse  Alsace,  avec  pouvoir  absolu  et  étendu. 

Il  quitta  le  service  bientôt  après,  et  mourut  le  18  décembre 
1667  dans  son  château  de  Dettwiller. 

No  14. 

Mémoires  historiques,  relations  de  combats  et  batailles, 
notamment  de  celle  de  Zigenhain  remportée  par  le  général 
Rheinhold  de  Rosen  sur  la  baron  Bréda,  lieutenant  maréchal 
de  camp  général  de  Tempereur,  le  15  novembre  1640» 


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56  REVUE  d'alsace 

CONRAD  DE  ROSEN,  de  la  branche  de  KLEINROPP, 
maréchal  de  France,  cousin  et  gendre  du  précédent,  est  né  le  19  sep- 
tembre 1629,  et  marié  à  Marie-Sophie  de  Rosen,  fille  da  précédent, 
le  3  février  1660. 

No  1. 
Commission  de  mestre  de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie 
allemande  à  lui  accordée  par  le  roi  Louis  XIV,  datée  de  Paris, 
20  novembre  1667. 

No  4. 
Commission  de  brigadier  dans  la  cavalerie  légère.  —  Du 
12  mars  1675. 

N7. 

Lettres-patentes  de  Louis  XIV,  roi  de  France,  par  lesquelles 
ce  monarque,  en  considération  des  importants  services  rendus 
par  Conrad  de  Bosen,  a  donné  et  accordé  à  ce  seigneur  le 
revenu  du  domaine  de  la  sénéchaussée  de  La  Motte  et  Bour- 
mont,  située  en  Bassigny,  jusqu'à  ce  que  ledit  seigneur  de 
Rosen  soit  remis  en  la  jouissance  de  ses  terres  en  Alsace 
ruinées  par  les  ennemis,  etc.,  etc. 

Données  à  Fontainebleau,  le  25  septembre  1677. 

No  8. 
Commission  de  maréchal  des  camps  et  armées  du  roL  —  Du 
20  janvier  1678. 

NMO. 
Lettres  de  services  en  qualité  de  maréchal  de  camp. 
Ce  seigneur  fut  chargé  de  recevoir  à  la  frontière  Madame  la 
dauphine,  princesse  de  Bavière,  en  1680.  En  1681,  il  embrassa 
la  religion  catholique. 

NO  11. 
Provisions  de  lieutenant  [général  des  armées  du  roi  pour 
ledit  seigneur  Conrad  de  Bosen,  données  à  Versailles,  le 
24  août  1688. 


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LA  FAMILLE  DE  R06EN  57 

No  12. 

Commission  en  original  en  langue  anglaise  sur  parchemin, 
signée  et  scellée  en  bonne  forme,  avec  une  traduction  en  fran- 
çais, de  Jacques  II  roi  d'Angleterre,  par  laquelle  ce  monarque 
établit  ledit  seigneur  Conrad  de  Rosen,  maréchal  de  camp 
général  de  toutes  ses  armées  et  troupes  levées  ou  à  lever  dans 
le  royaume  d'Irlande,  etc.,  etc. 

Donnée  au  château  de  Dublin,  le  6  avril  1689. 

N-  18. 
Provisions  de  la  charge  de  mestre  de  camp  général  de  la 
cavalerie  légère  en  faveur  dudit  seigneur,  donnée  à  Versailles 
le  6  avril  1690. 

N-  14. 
Provisions  de  grand'croix  de  l'ordre  de  Saint-Louis,  avec 
une  pension  annuelle  de  6000  livres.  —  Mai  1693. 

No  16. 
Don  du  roi  audit  seigneur  de  la  somme  de  200,000  livres.  — 
1698. 

No  16. 
Provisions  en  original  de  maréchal  de  France,  pour  ledit 
seigneur,  Conrad  de  Rosen.  Signé  Louis,  et  par  le  roi,  Phili- 
peaux.  Données  à  Versailles,  le  14  janvier  1703. 

No  19. 
Extrait  mortuaire  de  feu  M.  le  maréchal,  décédé  dans  sa 
terre  de  Bollwiller  et  enterré  dans  le  caveau  de  sa  famille  en 
la  paroisse  de  Feldkirch,  le  3  août  1715. 

No>  20  à  28. 
Divers  paquets  de  lettres,  correspondances  de  la  famille, 
dont  une  partie  a  été  enlevée  ou  brûlée  par  M.  de  Rosen 
même,  conmie  l'indique  l'annotation  :  «  Brûlé  la  liasse  25,  etc., 
et  signé  de  Bosen.  » 


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&8  RETUE   D'ALSACE 

RHEINH0LD-CHARLE8,  comtb  db  ROSEN, 
lieutenant  général,  fils  du  précédent,  né  le  10  janvier  1866. 

No  1. 
Commission  de  capitaine  d'une  compagnie  dans  le  régiment 
de  cayalerie  de  Rothenbourg,  donnée  à  Versailles  le  23  dé- 
cembre 1682. 

NO  4. 
Commission  de  lieutenant-colonel  dudit  régiment,  donnée  à 
Versailles  le  12  août  1693. 

No  7. 
Commission  de  mestre  de  camp  du  régiment  de  cavalerie 
allemande,  ci-devant  de  Rottembourg,  devenu  vacant  par 
démission,  donnée  à  Versailles  le  17  février  1696. 

No  8. 
Brevet  de  brigadier  de  cavalerie  des  armées  du  roi,  donné  à 
Versailles  le  10  février  1704. 

No  9. 
Brevet  de  maréchal  de  camp,  donné  à  Versailles  le  20  mars 
1709, 

No  11. 

Provisions  de  commandeur  de  Tordre  militaire  de  Saint- 
Louis,  à  la  pension  de  3000  livres  par  an  que  possédait  M.  de 
Vauban,  accordées  par  Louis  XIV. 

Données  à  Versailles  le  10  août  1715. 

No  12. 
Pouvoir  de  lieutenant  général  des  armées  pour  ledit  seigneur 
de  Rosen,  donné  par  le  roi,  à  Paris  le  1"  octobre  1718, 

No  18. 
Extrait  mortuaire  portant  que  ce  seigneur  est  décédé,  au 
château  de  Bollwiller,  le  13  juin  de  Tannée  1744,  et  inhumé  au 
caveau  de  la  chapelle  par  lui  bâtie  en  Téglise  de  Feldkirch. 


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LA  PAMaiiE  DE  RMElf  69 

No  14. 

Lettres-missives  du  roi  de  Pologne,  Stanislas,  écrites  & 
M.  le  comte  de  Rosen. 

ANNE- ARMAND,  kabquis  db  ROSEN, 
lientenant  général,  fils  du  précédent,  né  le  26  juillet  1711. 

No  1. 
Commission  de  mestre  de  camp  accordée  par  le  roi  audit 
seigneur,  marquis  de  Rosen,  d'un  régiment  de  cavalerie  alle- 
mande de  son  nom,  signée  Louis.  —  12  avril  1729. 

No  8. 
Brevet  de  brigadier  de  cavalerie  accordé  audit  seigneur, 
signé  Louis  et  donné  à  Versailles  le  1*'  janvier  1740. 

No  4. 
Lettres-patentes  de  Louis-Auguste  de  Bourbon,  prince  de 
Dombes,  comme  exerçant  la  charge  de  grand-veneur  de  France, 
portant  permission  à  M.  le  marquis  de  Rosen,  de  chasser  le 
chevreuil  et  le  sanglier,  li  cor  et  à  cri,  dans  la  forêt  de  la  Harth, 
en  Alsace,  données  à  Versailles  le  28  août  1740. 

No  6. 
Brevet  de  maréchal  des  camps  et  armées  du  roi,  du  10  mai 
1744. 

No  6. 
Lettre  de  service  en  qualité  de  maréchal  de  camp  dans 
Tarmée  de  Flandre  sous  le  commandement  du  maréchal  comte 
de  Saxe,  du  1"  avril  1745. 

No  7. 

Pouvoir  de  lieutenant  général  des  armées  du  roi  accordé 
par  Sa  Majesté  audit  seigneur  Anne-Armand  de  Rosen,  signé 
Louis,  et  par  le  roi,  de  Voyer  d'Argenson,  donné  à  Versailles 
le  10  mai  1748. 

Ce  seigneur  est  décédé  à  Paris  et  a  été  inhumé  en  l'église 
paroissiale  de  Saint-Sulpice,  le  28  novembre  1749. 


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(K)  REVUS    D'ALSACE 

ELEONOR-FELIX,  ohsvalibb  db  ROSEN, 

frère  da  précédent,  mestre  de  camp  d'an  régiment  de  cavalerie, 

né  le  2  septembre  1713. 

NM. 
Commission  de  capitaine  d'une  compagnie  dans  le  régiment 
de  cavalerie  allemande  de  M.  le  marquis  son  frère,  signée 
Louis;  avec  les  lettres  d'attaches  du  comte  de  Chatillon, 
mestre  de  camp  général  de  la  cavalerie  légère  de  France, 
donnée  à  Versailles,  le  15  avril  1730. 

No  2. 

Commission  d'un  mestre  de  camp  d'un  régiment,  dont  était 
pourvu  le  sieur  de  L'Ordat  et  devenu  vacant  par  sa  démission, 
visée  par  le  comte  d'Evreux,  colonel  général  de  la  cavalerie, 
et  donnée  à  Versailles,  le  16  avril  1738. 

M.  le  chevalier  de  Rosen  est  mort  célibataire  et  a  été 
enterré  en  l'église  Saint-Jean,  à  Strasbourg. 

E.  Gâsser. 


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LES 

EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHËS 

TOUL — METZ —VERDUN 
1552-1790 


II 
BIBLIOPHILES  ET  COLLECTIONNEURS  TOULOIS 


Suite  ^ 

L'évêque-comte  de  Toul,  prince  du  Saint-Empire  romain, 
s'intitulait,  en  1743,  devant  les  commissaires  du  parlement  de 
Metz,  a  seigneur  temporel,  haut  justicier  des  villages  compo- 
sant les  châtellenies  de  Liverdun,  de  Blénod,  de  Brixey  et  de 
Maiziëres  ».  De  leur  côté,  les  doyen,  chanoines  et  chapitre  de 
Téglise-cathédrale  se  déclaraient  seigneurs  hauts  justiciers  des 
prévôtés  de  Void,  de  Vicherey  et  de  Villey-le-Sec  et  seigneurs 
voués  d'Âutreville,  Hamonville  et  Punerot  en  partie.  D'après 
Stemer,  vingt-cinq  localités  ou  censés  dépendaient  du  temporel 
épiscopal,  et  vingt-sept  appartenaient  aux  chanoines.  Ces 
deux  seigneuries,  bien  distinctes,  *  avec  la  ville  royale  de  Toul, 
ses  dépendances,  et  quatre  villages  hautes  justices  laïques 
formaient  le  bailliage  royal  présidial  de  Toul. 

En  1773,  M.  de  Champorcin,  originaire  de  la  Haute-Provence 

^  Voir  la  llTraison  du  dernier  trimestre  1881. 
*  Comprenant  des  localités  appartenant  anx  départements  de  Menrthe' 
et-MoseUe,  de  la  Meuse  et  des  Vosges. 


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62  REVUE   D'ALSACE 

et  évêque  de  Senez,  *  succéda  au  très  regretté  Drouas.  Lié  par 
des  engagements  secrets  et  pour  permettre  la  création  des 
deux  nouveaux  diocèses  de  Nancy  et  de  Saint-Dié,  il  laissa 
mutiler,  avec  le  consentement  du  chapitre,  l'antique  circon- 
scription leuquoise  remontant  à  Tintroduction  du  christianisme 
dans  les  Gaules  et  comprenant  mille  cent  trois  paroisses. 

Par  suite  de  ce  malheureux  démembrement,  le  diocèse  n'eut 
plus  que  sept  cent  soixante-quatre  paroisses.  Les  revenus 
épiscopaux  furent  amoindris;  VAlmanach  royal  ne  les  porte 
plus  qu'à  la  somme  de  37,000  francs.  Il  est  vrai  que  quelques 
bénéfices  ecclésiastiques  et  la  mense  abbatiale  de  Saint- 
Mansuy  comblèrent  un  peu  le  déficit. 

Peu  de  temps  après  le  démembrement,  les  chanoines,  en 
1776,  furent  décorés  d'une  magnifique  croix  pectorale  et 
anoblis.  Cet  acte  de  munificence  du  bon  roi  Louis  XVI  causa 
une  profonde  irritation  dans  la  ville,  dont  les  habitants 
voyaient  avec  chagrin  l'entrée  du  chapitre  interdite  pour  tou- 
jours à  leurs  enfants,  qu'ils  considéraient,  avec  raison,  d'aussi 
bonne  souche  que  les  nobles  du  pays  voisin. 

Un  Toulois,  Charles-François  Bicquilley,  écuyer,  ancien 
garde-du-corps,  composa,  à  cette  occasion,  un  poème  des  plus 
méchants  contre  les  nouveaux  anoblis.  Ce  poème  héroï-comique 
en  huit  chants  est  intitulé  :  la  Croisade;  il  fut  dédié  à  l'évêque 
et  au  chapitre  de  Verdun  qui  avaient  refusé  de  se  laisser 
anoblir  et  décorer. 

Des  chansons,  des  noêls,  des  complaintes  d'une  méchanceté 
inouïe  circulèrent  également  sous  le  manteau,  dans  la  pro- 
vince et  même  en  France.  ^  Bicquilley  interpelle  ainsi  ses 

'  Le  diocèse  de  Senez  ayait  trente-trois  paroisses  et  rapportait 
10,000  livres. 

*  Mil®  Bicquilley  en  fit  des  copies  pour  deux  collectionneurs  émérites, 
MM.  Noël  et  Dufrêne.  Ces  poèmes  ne  sont  pas  très  rares,  malgré  le  dire 
de  quelques  personnes.  Ils  se  trouvaient  dans  la  coUection  Ëmmery. 
C'était  un  recueil  formé  par  Téchevin  Thouvenin. 


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LES  BX-LIfiRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊGBÉS  68 

compatriotes  déclarés  indignes  par  leur  naissance  d'entrer 
dorénavant  dans  la  noble  assemblée  : 

Les  Yoilà  tons  chassés  de  ce  chapitre, 
Qui  de  leur  nom  s'est  honoré  longtemps  ; 
Trente  gredins  en  rabats  et  jaquettes. 
De  Léopold  ^  portant  les  savonnettes, 
Viennent  leur  dire  :  Allez,  fuyez,  manans, 
Et  faites  place  à  ces  illustres  frères, 
Fils  et  neyeux  des  laquais  de  yos  pères. 
(Croisade,  V.  200.) 

Les  Toulois  étaient  fiers  avec  raison  de  leur  naissance.  Us 
étaient  nés  ingénus,  ayant  le  droit  de  chasse  et  de  pêche  chez 
eux.  Si  à  Verdun  les  notables  élisaient  les  membres  du 
magistrat  et  même  le  maire,  à  Toul  le  pouvoir  municipal  se 
partageait  entre  les  bourgeois  et  Tévêque  qui  choisissait,  pour 
administrer  la  cité,  celui  des  trois  candidats  proposés  qui  lui 
convenait  le  mieux. 

En  1788,  lors  du  travail  préliminaire  pour  les  Etats  géné- 
raux, l'antique  cité  leuquoise  refusa  avec  beaucoup  de  fermeté 
le  classement  en  trois  ordres.  Les  habitants,  disait-on,  sont 
tous  égaux,  il  n'y  a  ni  clergé,  ni  noblesse,  ni  tiers-état  On  lit 
dans  la  protestation  des  quarante  élus  des  paroisses  de  la  ville 
et  des  faubourgs  ces  fières  paroles: 

a  II  n'y  a  pas  de  noblesse  dans  le  Toulois,  jamais  la  vieille 
cité  ne  fut  une  prison  d'esclaves;  jamais  la  liberté  civile, 
jamais  l'égalité  qui  en  est  le  ferme  soutien;  jamais  les  dieux 
lares  tutélaires  ne  sortirent  des  murs  et  du  cœur  des  Leu- 
quois.  La  Constitution  touloise  n'admet  pas  de  distinction  des 
trois  ordres  qu'on  voudrait  lui  faire  connaître  après  dix-huit 
cents  ans.  » 

On  dut  se  conformer  cependant  à  la  lettre  royale.  Le  clergé, 
comme  à  Verdun,  à  Metz  et  à  Saint-Dié  refusa  ses  voix  à  son 
chef.  (Jn  petit  curé  de  campagne  fut  élu  député  aux  Etats 

^  Ce  duc  de  Lorraine  fit  de  trop  nombreux  anoblissements. 


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64  REVUE    d'aLSACE 

généraux,  le  comte  d'Alençon  représenta  la  noblesse,  et  le 
président  du  bailliage  le  tiers- état 

Pour  pouvoir  donner  une  Beprésentation  k  l'évêché-comté 
de  Toul,*  on  lui  avait  ajouté  le  bailliage  épiscopal  de  Vie,  siège 
de  la  principauté  ecclésiastique  de  la  ville  de  Metz. 

Parmi  les  pièces  satyriques,  composées  à  cœur-joie  contre 
les  malheureux  chanoines,  on  peut  encore  citer  un  Noël  où 
ils  sont  flagellés  d'importance.  L'auteur,  le  major  de  place 
Bicquilley,  fut  plus  tard  mis  en  prison.  Cela  augmenta  néces- 
sairement la  vogue  des  couplets,  et  on  les  chantait  encore  en 
1789,  lorsqu'on  apercevait  un  des  personnages. 

L'ostentation  des  chanoines  à  se  parer  en  voyage  de  leur 
croix,  fut  cause  que  le  roi  leur  fit  défendre,  en  1780,  de  la 
porter  hors  de  la  province  ecclésiastique.  Ce  fut  une  amëre 
déception,  et  le  chagrin  des  orgueilleux  décorés  augmenta 
encore  lorsqu'ils  entendirent  chanter  une  complainte  saty- 
rique  à  ce  sujet.  Elle  est  encore  due  au  major  de  place.'  Au 
reste,  au  moment  où  éclatait  la  Révolution,  la  paix  était  faite 
entre  les  bourgeois,  l'évêque  et  les  chanoines. 

L'auteur  de  la  Croisade  était,  en  1790,  maire  de  la  ville  et 
notable  du  département,  et,  à  cette  époque,  ce  n'était  point 
un  vain  titre.  Tout  le  monde  était  républicain  à  Toul;  quel- 
ques chanoines  adoptèrent  les  nouvelles  idées,  et  même 
l'imprimeur  épiscopal  tourna  casaque.  Il  imitait  son  confrère 
de  Verdun,  Louis-François  Christophe,  qui,  en  1791,  fut  du 
Conseil  général  et  membre  du  directoire  du  département 

Un  prêtre  de  Sainlr Nicolas,  Pierre  Jacobi,  avait  transporté 
momentanément  ses  presses,  de  1503  à  1521,  à  Toul.  M.  le 
conseiller  Beaupré  pense  que  le  premier  imprimeur  qui 
s'établit  définitivement  dans  VUrbs  Leiicorum  fut,  en  1551, 

*  Le  célèbre  graveur  Israël  Silvestre  écrit  TotU  en  Lorraine;  cela 
signifie  que  cette  ville  était  en  Lotharingia,  le  pays  de  Lothaire,  ce  qui 
est  autre  chose  que  le  minuscule  duché  de  Lorraine. 

'  Voir  dans  l'Appendice  les  deux  pièces. 


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LES  EX-LIBR18  DANS  LES  TROIS  ÉVÉCHÉS  tt 

Jean  Palier.  La  suite  des  imprimeurs  est  connue  jusqu'à  nos 
jours.  Les  Garez,  à  la  fin  du  xtiii*  siècle,  donnèrent  un  certain 
renom  à  «  Timprimerie  de  Monseigneur  Teuesque  ».  Ils  por- 
tèrent tous  les  trois  le  prénom  de  Joseph.  Le  premier  fut 
Joseph  Garez  I,  gendre  de  l'imprimeur  toulois  Laurent  Dès 
17ô9,  on  voit  des  livres  imprimés  à  son  nom.  Il  prétendait 
descendre  d'une  noble  fÎEunille  écossaise  venue  en  France  avec 
le  roi  Jacques. 

Son  fils,  né  à  Toul  en  1753,  est  célèbre  par  ses  essais  sur 
Vomotypie,  qu'il  entreprit  grâce  aux  conseils  de  ses  amis 
Téchevin  Thouvenin,  le  capitaine  du  génie  de  Gurel  et  le  cha- 
noine Caflfarelli,  dont  nous  parlerons.  ^  Joseph  Garez  II,  pour 
mieux  assurer  la  beauté  de  ses  impressions,  établit  une 
fonderie  de  caractères,  dont  les  produits  furent  de  suite 
recherchés.  La  Bible  qui  sort  de  ses  presses  est  un  petit 
chef-d'œuvre.  ^ 

Il  fut  envoyé  par  ses  compatriotes  à  l'Assemblée  législative, 
et  de  retour,  après  avoir  fait  partie  de  la  commission  des 
assignats,  il  partit  pour  la  frontière  comme  commandant  le 
bataillon  de  la  garde  nationale  de  Toul.  L'adjudant  général 
Gourion  Saint-Gyr,  depuis  maréchal  et  pair  de  France,  qui 
connaissait  les  hommes  du  bataillon,  les  sachant  presque 
tous  mariés,  ne  voulut  pas  les  exposer  au  feu,  malgré  leur 
désir;  ils  campèrent  à  Wingen,  en  arrière  du  pays  de  Bitche 
et  bientôt  après,  l'état  satisfaisant  des  afiaires  militaires  per- 
mit de  les  renvoyer  chez  eux. 

Lors  de  la  création  des  préfectures.  Garez  fut  nonuné  sous- 

»  THiiRBT,  Hist.  de  Tùul,  1841, 11^  298. 

'  Les  procédés  employés  par  Carez  farent  décrits  en  détail  par 
Camus,  qni  donne  la  description  d'un  livre  d'église  noté,  en  2  vol., 
grand  in-8<>,  de  plus  de  1000  pages  chacun.  En  1792,  Garez  imprima, 
dans  le  même  genre,  un  Dictionnaire  de  la  Fable  et  une  Bible.  Camus 
joignit  à  son  mémoire  un  spécimen  d'une  page  de  ce  dernier  Tolume 
(J.  Lakourbux). 

NooTelle  Séne.  ~  il**  année.  6 


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66  REVUE    D'ALSACE 

préfet  à  Toul,  malgré  Topposition  de  beaucoup  de  ses  conci- 
toyens; mais  déjà  ses  recherches  sur  la  composition  des 
encres  d'imprimerie  avaient  ruiné  complètement  sa  santé,  il 
mourut  dans  son  hôtel  de  la  rue  Pierre-hardie  ;  c'était  l'an- 
cienne demeure  du  chanoine  M.  de  Tréveneuc,  archidiacre 
de  Rinel,  mort  à  l'hospice.  C'est  de  nos  jours  l'habitation  de 
M.  le  comte  de  Brancion. 

Joseph  Garez  III  fut  aussi  un  ardent  chercheur  pour  tout 
ce  qui  concernait  son  art  ;  il  construisit  une  machine  à  fondre 
les  caractères  ;  mais  son  invention  ne  marcha  plus  après  la 
Révolution  de  1830.  Il  avait  alors  de  quatre-vingt-dix  &  cent 
ouvriers,  rue  du  Salvateur;  sa  fille,  Madame  veuve  Bastion, 
lui  succéda  à  sa  mort,  arrivée  vers  1831. 

A  la  gravure  sur  bois  qui  végétait  sous  les  deux  Carez, 
Joseph  Carez  III  forma  tout  un  atelier  de  graveurs  au  burin 
et  sur  bois.  Il  inventa  la  pantographie,  et  un  de  ses  artistes, 
Thouvenin,  grava,  sous  la  Restauration,  les  portraits  de  Jules 
César  et  de  Bossuet;  la  Cène,  de  Léonard  de  Vinci  (in-folio),  et 
les  planches  d'un  ouvrage  bizarre  Dieu  est  Vamour  lepluspur, 
Toul,  1826,  par  Eckartshausen.  Tony  Goutière,  le  graveur  des 
Sommes  tUiles,  de  VHistoire  de  dix  ans,  de  la  Bévolviion  de 
Ihiers,  fut  son  élève.  ^ 

Tous  les  anciens  lecteurs  du  Journal  des  Enfants  se  sou- 
viennent des  gravures  sur  bois  de  Best,  de  Toul,  mort  en  1879, 
et  dont  le  portrait  fut  reproduit  dans  les  illustrations  du  jour. 
Il  fut  l'imprimeur  du  Magasin  pittoresque;  il  débuta  avec  TiUy 
et  Tarbesse  dans  les  ateliers  de  Carez. 

De  nos  jours.  Madame  veuve  François,  née  Bataille,  a 
reproduit  dans  VEcho  toulois  des  articles  très  curieux  sur  la 
bibliographie  touloise. 

^  Il  graTa  dans  ces  ouvrages  les  portraits  de  Berryer,  Jacques  Cœur, 
Dupin  aîné,  Garnier-Pagès,  Bernard  Palissy,  Robespierre,  les  deux 
La  Rochefoucauld,  Schlabersdorf,  Thiers,  etc. 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LBS  TROIS  ÉVÉCHÉS  67 

La  bibliothèque  municipale  est  dans  Taile  droite  de  Tancien 
évêché  (mairie).  Elle  peut  avoir  près  de  4000  volumes,  mais 
elle  n'a  aucun  ouvrage  rare  sur  le  pays.  La  ville  y  a  fait 
déposer  quelques  liasses  d'archives  et  quelques  registres  de 
la  cathédrale.  Il  y  a  des  antiquités  trouvées  dans  les  environs. 
La  salle  est  bien  éclairée  et  des  gravures  la  décorent  ;  entre 
autres  le  portrait  du  maréchal  Gouvion  Saint-Cyr;  une  vue 
et  un  plan  de  Toul,  par  Aubry,  au  xyii*  siècle;  un  grand  plan 
manuscrit  du  xTm*  siècle,  etc.  Le  catalogue  de  la  bibliothèque 
a  été  dressé  par  M.  Dessez,  conservateur,  en  1866  (Broch.  in-8% 
173  pages).' 

Le  grand  nombre  de  cloches  que  Ton  entendait  à  Toul  avait 
fait  donner  à  cette  ville  le  nom  de  Sonnante,  de  Médisante, 
disaient  les  mauvaises  langues.  Ajoutons  que  ses  riches  biblio- 
thèques et  ses  nombreux  établissements  dinstruction  publique 
pouvaient  la  faire  nommer  la  savante,  VUrhs  pia,  prisca  et 
fidelis  des  évêques  Saint-Mansuy  et  Saint-Gérard. 

Pour  finir,  n'oublions  pas  ce  petit  tableau  d'un  ménage 
toulois  &  la  tin  du  xvm*  siècle: 

Les  Toulois, 

Ils  ménageaient,  ils  étaient  nn  peu  chiches, 

Les  indigens,  les  aisés,  les  pins  riches, 

Se  contentaient  d'un  petit  train  bouigeois. 

On  inyitait  l'étranger  à  la  porte 

A  partager  la  fortune  du  pot, 

Quand  il  sortait  Mais  s'il  prenait  au  mot. 

Tous  eussiez  ri  de  voir  de  quelle  sorte 

Dans  la  maison,  chacun  se  trémoussait 

De  tout  côté,  la  serrante  trottait, 

Du  p&tissier  courant  chez  la  bouchère, 

En  tablier,  la  femme  ménagère, 

Les  deux  bras  nus,  ordonnait,  fricassait; 

Au  demeurant,  elle  était  la  maîtresse, 

Car  dès  l'instant  du  lien  conjugal, 

^  Imprimerie  A.  Bastion  fils,  rue  du  Salvateur. 


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68  REVUE   d'alsacb 

L'époux  n'était  qu'honnête  commensal, 
Et  sa  moitié  le  menait  à  la  laisse. 
Il  l'en  aimait  avec  plus  de  tendresse, 
Dans  le  logis  tout  n'allait  pas  pins  mal . 


LES  ÉVÊQUES  BIBLIOPHILES 

Jean  des  Porcelets  de  Maillake  (1609-1615).  Elevé  chez 
les  Jésuites  de  Pont-à-Mousson,  ce  prélat  fit,  en  1611,  les  frais 
de  la  distribution  des  prix.  Les  volumes  qu'il  oflritsontrecon- 
naissables  à  leur  riche  reliure  et  aux  armoiries  dorées  sur  les 
plats  avec  les  initiales  p.  h.  e.  c.  t. 

Callot  a  gravé  le  portrait  de  M.  de  Maillane,  que  l'on  voyait 
également  représenté  sur  le  tableau  de  l'autel  Saint-Pierre  de 
la  cathédrale.  Il  figurait  Saint-Claude,  présentant  au  prince 
des  apôtres  le  chanoine  Claude  Guyot  à  genoux.  Cette  pein- 
ture historique  et  religieuse  a  été  reléguée  dans  les  combles 
de  l'église. 

Nicolas-Fbançois  de  Lorraine.  Comme  son  prédécesseur, 
il  donna  également  des  livres  pour  une  distribution  de  prix 
au  collège  de  Pont-à-Mousson.  On  les  reconnaît  au  blason 
entre  deux  anges  surmonté  de  la  mitre  et  de  la  couronne 
ducale. 

Les  volumes  qui  ont  servi  aux  fêtes  scolaires  de  Pont-à- 
Mousson  sont  assez  rares.  Us  méritent  d'être  collectés  avec 
soin  ;  M.  Beaupré  les  signalait  déjà  il  y  a  près  de  quarante  ans, 
et  M.  Favier  en  a  donné  le  catalogue  avec  dessins. 

Charles-Chrétien  de  Gournai  (1637).  Ses  livres  étaient 
marqués  d'un  fer  armorié  reproduit  par  Guigard. 

L'écu  est  écartelé  des  armoiries  paternelles  et  maternelles, 
Gournai  et  Apremont  aux  fnerlettes.  La  plupart  des  volumes 
de  M.  de  Gournai  sont  à  la  bibliothèque  nationale.  Ce  prélat, 


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LES  EX-LIBRI8  DA1«8  LES  TROIS  ÉVÉCHÉS  69 

avant  d'être  suffi*agant  puis  évoque  de  Toul,  était  chanoine  et 
grand-archidiacre  de  Verdun.  * 

AiTDBÉ  BU  Sâussat.  Dom  Calmet  raconte,  dans  sa  Biblio- 
^Aè^ue  lorraine,  comment  André  du  Saussay  (1656-1697)  acheta 
ses  premiers  livres.  Il  se  rendait  un  matin  ayec  d'autres 
écoliers  au  collège  des  Jésuites  de  Paris,  dont  il  était  boursier, 
lorsqu'en  passant  dans  une  rue,  Tidée  leur  vint  de  remuer  les 
cendres  d'une  paillasse  qui  avait  servi  &  un  pauvre  prêtre 
décédé.  Quel  fut  leur  étonnement  d'y  trouver  l'épargne  du 
défunt  Le  futur  évêque  de  Toul  eut  pour  sa  part  100  écus 
avec  lesquels  il  commença  sa  bibliothèque.  Ses  nombreux 
ouvrages  sont  bien  oubliés;  il  passait  pour  avoir  beaucoup 
d'érudition,  mais,  avec  peu  de  jugement  et  encore  moins  de 
critique.  Qu'est  devenue  sa  bibliothèque?  On  n'en  rencontre 
pas  un  volume.  Le  temps  et  les  hommes  auraient-ils  mis  à 
néant  les  livres  de  ce  prélat  si  érudit?  N'étaient-ils  pas  mar- 
qués d'un  ex'lïbrisf  Un  de  ses  prédécesseurs,  Christophe  de 
la  Vallée  se  contentait  de  mettre  sa  signature  Christoph.  à 
Voile  EpuB  &  Cornes  TuUen^  sur  le  frontispice  de  ses  livres. 

Blouet  de  Camillt.  Le  successeur  du  futur  cardinal  de 
Bissy  fut  un  Normand,  M.  Blouet  de  Camilly,  qui  s'était  fait 
connattre  avantageusement  comme  vicaire  général  du  diocèse 
de  Strasbourg.  Nommé  à  Toul,  en  1704,  il  y  transporta  sa 
bibliothèque  qui  passait,  d'après  une  lettre  de  Dom  Cathelinot 
à  Dom  Calmet,  pour  être  une  des  plus  belles  du  pays  à  cin- 
quante lieues  à  la  ronde  avec  celles  des  Bénédictins  de  Saint- 
Epvre  et  du  curé  Davelouze,  près  de  Vaucouleurs.  M.  de 
Camilly  fut  le  protecteur  du  P.  Benoit  Picart,  qui  fit  graver 

'  L'érêqTie  de  Verdun,  puis  de  Toul,  Louis  d'Haraucourt  (t  1451), 
a  laissé  des  Mémoires,  malheureusement  perdus.  Le  président  Boumon 
de  Saint-Mihiel,  puis  Mory  d'Elvange,  en  copièrent  des  fragments; 
ceux-ci  sont  déposés  aux  archives  de  l'Académie  de  Stanislas  (V.  Noël, 
Cat.  no  436). 


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70  REVUE    D'ALSACE 

son  portrait  par  J.-S.  Cars  et  le  mit  en  tête  de  la  dédicace  de 
VHistoire  du  diocèse  de  Toul  Le  bibliophile  anglais,  Dibdin, 
vit  un  portrait  de  ce  prélat  à  la  bibliothèque  de  Caen,  et  ses 
armoiries  sont  bien  reconnaissables  sur  une  plaque  de  che- 
minée (taque)  encastrée  au-dessus  de  la  porte  d'un  pensionnat, 
rue  Saint-Yaast. 

Lors  du  voyage  de  Dom  Martëne  et  de  son  compagnon, 
notre  évoque  leur  laissa  compulser  les  archives  épiscopales 
avec  la  plus  extrême  complaisance,  les  invita  plusieurs  fois  à 
dîner,  et  leur  reprocha  amicalement  de  n'être  pas  descendus 
chez  lui.  Déjà,  étant  vicaire  général  en  Alsace,  il  avait  été 
jusqu'à  Feldkirch  au  devant  de  Dom  Kuinart  et  de  son  sociiis. 

J.  Guigard  a  reproduit  le  fer  armorié  de  ce  prélat. 
.    Il  avait  en  outre  deux  modestes  ex-libris  gravés  sur  bois 
pour  in-4''  et  in-8^  A  gauche  du  blason,  dans  les  glands  du 
chapeau  épiscopal,  on  distingue  F.  L.  S.  (François  Laurent 
srnlp.  f)  ;  au-dessous  : 

FRANCISCUS  BLOUET  DE  GÂMILLY 

EPISCOPUS  ET  C0ME8  TXTLLENSIS 

B.  R.  I.  P. 

Il  est  étonnant  que  ce  prélat  ait  pris  le  titre  de  prince  du 
Saint-Empire  romain;  le  parlement  de  Metz  s'y  opposait  aloi'S 
comme  souvenir  attentatoire  à  la  prérogative  royale.  Plus 
tard,  le  dernier  évêque,  M.  de  Champorcin,  ût  mettre  le  cha- 
peau de  prince  d'Empire  sur  ses  armoiries. 

Sa  riche  bibliothèque  se  composait  particulièrement  de 
livres  sur  l'Ecriture  sainte,  la  théologie,  le  droit  civil  et  canon, 
les  conciles,  etc.  Voici  le  titre  du  catalogue  de  ses  livres  qui 
furent  vendus  à  sa  mort  Bibliotheca  CamïUiana  seu  Ubrorum 
Catalogus  Bibliothecœ  D.  D.  Blotiet  de  CamiUy  Archiepiscopi 
Turonensis.  Paris.  Osmond  1726,  in-8'.  Il  devait  être  aussi  un 
collectionneur,  car  il  avait,  d'après  Dom  Calmet,  un  jeton  de 


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LES  SX-UBRI8  DANS  LES  TROIS  tvtCBts  71 

Tévêque  d'Hocedy,  il  en  fit  cadeau  à  un  de  ses  amis  de 
Paris.* 

S.-J.  BiGOir  (1721-1754).  Le  graveur  nancéien  Nicole  a 
gravé  un  très  bel  ex-libris  pour  cet  évéque.  Un  ange  armé 
d'un  glaive  et  des  foudres  de  Téglise  se  prépare  à  mettre  en 
cendres  des  bouquins  jansénistes  amoncelés  sur  une  console. 
De  la  main  gauche,  il  tient  un  bouclier  aux  armes  du  prélat 
Le  si^jet  est  entouré  d'un  cartouche  dont  le  couronnement  est 
chargé  d'une  mitre,  d'une  croix  et  d'une  crosse.  Un  écusson 
au  chifre  s.  j.  b.  se  trouve  devant  la  console,  sous  laquelle  on 
lit  Nicole  sctilpsit  1750.  Cette  belle  petite  pièce  pourrait  bien 
être  de  Nicole  fils  ;  elle  se  trouve  reproduite  sur  le  frontispice 
des  missels  publiés  par  ordre  de  Monseigneur  Bégon. 

On  rencontre  encore  souvent  un  autre  de  ses  ex-lïbris. 
C'est  son  blason  gravé  sur  bois  pour  in-8^ 

Dans  son  long  épiscopat,  il  fut  continuellement  en  lutte 
avec  les  partisans  de  Jansenius  ;  il  ne  les  ménagea  pas,  et 
ayant  été  nommé  plusieurs  fois  commissaire  royal  près  des 
chapitres  généraux  des  Bénédictins,  il  sut  toujours  éliminer 
les  discussions  scabreuses.  Aussi  le  zèle  qu'il  déploya,  fit-il 
nommer  ces  réunions  le  Brigandage  de  Tout  par  les  fanatiques, 
n  n'en  fut  pas  moins  un  des  prélats  les  plus  aimés  et  les  plus 
regrettés  de  tous. 

D  fut  enterré  dans  la  magnifique  chapelle  des  évêques,  dite 
de  Sainte-Ursule  ou  des  onze  mille  vierges;  charmant  édicule 
de  la  Renaissance  qui  tombe  décemment  en  ruine  &  la  grande 
satisfaction,  dit-on,  des  ultra  amateurs  du  néogothique.  Vis-à- 
vis  la  chapelle  de  Savnte-TJrmde  est  une  autre  chapelle  Renais- 


>  Les  médailles  aUèrent  enrichir  la  collection  de  Michelet  d'Ennery 
de  Metz,  et  les  capucins  de  Thionville  avaient,  en  1790,  un  manuscrit 
à  ses  armes  traitant  des  négociations  de  la  paix  de  Munster.  M.  Dnfréne, 
à  Metz,  qu'il  faut  toigours  citer  quand  on  parle  de  Toul,  a  dans  sa 
riche  bibliothèque  quelques  livres  avec  VeX'l(br%9  de  M,  de  Gamilly , 


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73  REVUE    D'ALSACE 

sance  dans  un  déplorable  état  de  délabrement,  au  grand  con- 
tentement des  mêmes  amateurs.  C'est  la  chapelle  dédiée  à 
tous  les  saints,  qui  appartenait  au  chapitre  et  qui  fut  en  partie 
reconstruite  par  le  chanoine  Jean  de  Barba,  dont  on  voyait  le 
portrait  sur  le  vitrail  du  fond  et  dont  le  blason  brille  partout 
à  l'entrée.  En  1793,  on  vendit,  sur  le  territoire  de  Toul, 
63  ares  de  vignes  appartenant  aux  fondations  pieuses  de  cette 
chapelle  sous  laquelle  se  trouve  la  chapelle  de  Notre-Dame- 
de-la-Orotte;  32  ares  de  vignes  au  même  canton,  propriété  de 
celle-ci,  furent  également  vendus  à  cette  époque. 

Les  évêques  étaient  collateurs  de  la  chapelle  Sainte-Ursule 
et  y  recevaient  la  sépulture.  Leurs  héritiers  n'avaient  pas 
besoin  de  mendier,  près  d'un  chapitre  orgueilleux,  la  con- 
cession d'une  tombe  dans  la  cathédrale.  En  1741,  M.  Bégon 
transféra  en  la  grande  chapelle  de  son  palais,  l'ancienne 
chapelle  Sainte-Catherine  qui  y  était  jadis  et  qui  avait  été 
installée  provisoirement  dans  la  chapelle  dite  des  Evêques 
attenant  à  la  cathédrale  à  l'autel  Sainte-Ursule.  ^ 

Balechou  a  gravé  le  portrait  de  M.  Bégon  in-4*;  on  possède 
aussi  une  lithographie  par  feu  M.  l'abbé  Morel. 

Clatjdb  Drouas  (I754rl774).  Le  cynique  Jamet  n'est  pas 
tendre  pour  le  charitable  Drouas  :  «  Un  loup  gris,  dit-il,  qui  a 
ravagé  tout  le  diocèse  d'où  il  s'est  fait  honnir,  parent  de  la 
fameuse  Alacoque.  »  Il  n'est  pas  étonnant  que  l'évêque  ait 
publié  les  Instructions  pratiques  pour  honorer  le  S.  Cœur  de 
Jésus  à  Vusage  de  son  diocèse.  Nancy,  1765,  in-8",  avec  man- 
dement et  lettre  approbative  du  gros  roi  Stanislas,  datée  de 
Lunéville,  14  novembre  1763.  —Vers  cette  époque,  une  jeune 
fille  de  dix  ans  était  élevée  à  Pétat  nature,  à  la  Cour  du  bon 
monarque. 

^  Pour  montrer  sur  quel  pied  vivaient  les  chanoines  des  églises-cathé- 
drales et  les  évoques,  on  peut  citer  ce  fait  :  c'est  qne  si  un  évêqne 
voulait  officier  dans  une  grande  fête,  il  devait  commencer  la  veille  par 
les  premières  vêpres,  sinon,  on  lui  refusait  la  permission. 


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LES  EX-LIBRI8  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHÉS  78 

L'évèque  Drouas  fut  le  fondateur  du  collège  Saint-Claude, 
dont  il  sera  parlé  plus  loin;  ses  charités  furent  immenses,  et 
cependant  aucun  de  ses  prédécesseurs  n'eut  à  supporter 
autant  de  critiques  acerbes  ;  il  en  mourut  de  chagrin.  On  lui 
rendit  cependant  plus  tard  justice. 

Excessivement  économe  pour  lui,  il  distribuait  tous  ses 
revenus  aux  pauvres.  Les  livres  de  sa  bibliothèque  ne  sont 
marqués  que  des  armoiries  sur  bois  qui  figurent  sur  ses  man- 
dements épiscopaux.  Au-dessous,  à  la  main,  il  y  a  la  lettre  de 
la  série  et  le  numéro  d'ordre.  ^ 


Il  y  a  trois  de  ces  marques. 

CoUin,  de  Nancy,  a  gravé  son  portrait  qui  a  été  reproduit 
par  Tabbé  Morel;  il  n'est  pas  ressemblant,  il  ne  donne  pas 
la  figure  grasse  et  souriante  du  prélat  Pour  bien  connaître 
les  traits  de  celui-ci,  il  faut  aller  dans  un  des  salons  du  rez- 
de-chaussée  de  la  mairie.  Son  portrait  en  pied  fait  pendant  à 
celui  du  très  sévère,  mais  très  juste  Bégon.  Les  dessus  de 
porte  et  la  plaque  de  cheminée  sont  aux  armes  de  Mgr  Drouas. 
Celui-ci  fit  les  frais  pour  l'ouvrage  deBuchoz  d'une  charmante 
gravure  de  Collin  {V Amygdale). 

Sa  bibliothèque  fut  vendue  longtemps  après  sa  mort,  le  pro- 
duit devait  être  aflecté  à  une  œuvre  de  charité.  Le  catalogue 
parut  à  Autun,  en  1780.  C'est  une  brochure  de  187  pp.  in-12. 

^  M.  Gaston  de  Lambertye  possède  les  sceaux  en  cairre  des  évéques 
de  FienXf  de  GamiUy,  Bégon  et  Drouas,  et  quelques  autres  relatifiB  à 
l'histoire  de  Toul. 


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74  REV0E   D'ALSACE 

Le  lendemain  de  sa  mort,  les  chanoines  firent  couvrir  le 
tableau  du  cœur  enflammé  de  Jésus  par  les  plis  étoffés  de  la 
robe.  On  voit  encore  de  nos  jours  le  tableau  de  Girardet  sur 
l'autel  du  §açr0-cœw, 


Ces  belles  armoiries  se  trouvent  sur  les  plats  d'un  in-folio, 
relié  en  veau,  intitulé  :  CatcUogtie  de  la  bibliothèque  de  Mgr 
Vévèque,  comte  de  Toul  (244  pages),  mdcclx  (bibliothèque  de 
Nancy,  manuscrit  n**  170,  belle  écriture,  encadrement  rouge). 

Dbb  Michels  de  Chajiporcin  (1775-1790).  Les  livres  à 
l'usage  personnel  de  cet  évêque  sont  presque  tous  en  maroquin 
rouge  et  armoriés  sur  les  plats  à  ses  armes. 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÉGHÉS  75 


Après  un  épiscopat  des  plus  troublés,  à  cause  de  la  cession 
d'une  partie  de  son  diocèse  et  de  Tanoblissement  de  son  cha- 
pitre, M.  de  Champorcin  gagna,  en  1791,  la  terre  étrangère. 
Béfugié  d'abord  dans  le  pays  de  Nassau,  terre  d'empire,  il 
faillit  être  accroché  à  la  lanterne  ;  pour  éviter  cette  barbare 
hospitalité,  il  quitta  à  la  hâte  Bouquenom  (Saar-Union).  Il 
s'associa,  à  Trêves,  à  toutes  les  protestations  de  ses  révéren- 
dissimes  confrères  de  la  province.  Au  Concordat,  il  rentra 
sans  bruit  après  s'être,  en  iils  respectueux  de  l'Eglise,  démis 
de  son  siège  épiscopal.  Il  mourut  dans  sa  famille,  en  1807.  On 
voit  son  portrait  au  palais  épiscopal  de  Nancy. 

Au  moment  où  l'évêque  rentrait  dans  ses  foyers,  deux  cha- 
noines, MM.  d'Hamonville  et  de  Saint-Beaussant,  revenu 
d'émigration,  prêtaient,  à  Nancy,  le  serment  de  se  conformer 
aux  lois.  Le  premier  mourut,  après  le  Concordat,  curé  de  la 
paroisse  Saint-Etienne  de  Toul,  jadis  la  cathédrale;  le  second 
fut  chanoine  titulaire  de  la  cathédrale  de  Nancy. 


MESSIEURS  LES  CHANOINES 

Les  archives  et  la  bibliothèque  du  chapitre  se  trouvaient 
derrière  les  chapelles  de  la  Trinité  et  dos  Anges  dans  une 
salle  prenant  jour  sur  le  cloître.  Leur  existence  fut  toiyours 


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76  REVUE  d'alsaoe 

assez  précaire  et  les  dilapidations  devaient  être  très  fréquentes 
à  la  bibliothèque,  car  vingt-deux  chanoines,  en  1401,  en 
avaient  la  clef.  La  position  isolée  de  la  salle  la  fit  servir  de 
lieu  de  pénitence  pour  les  membres  du  chapitre;  Tun  d'eux,  le 
7  novembre  1547,  fut  condamné  à  y  passer  deux  heures  chaque 
jour  pendant  six  mois  pour  avoir  fréquenté,  malgré  les  avis 
reitérés,  «  une  maison  de  mauvaise  réputation  ». 

Plusieurs  chanoines  avaient  fait  des  dons  à  la  bibliothèque; 
en  1402,  M.  de  Longueville  donne  le  Boman  de  la  Rose  et 
150  florins;  Jean-Robert  de  Bernécourt,  vingt-deux  volumes 
de  droit  civil  et  autres,  en  1500;  Michel  Babel,  en  1534,  lègue 
tous  ses  livres,  etc. 

Il  y  avait  au  trésor  un  évangéliaire  mutilé  très  ancien, 
écrit  en  caractères  d'or  sur  parchemin  pourpré;  il  échappa  à 
la  vente  que  le  chapitre  fut,  en  1645,  obligé  de  faire,  conune  à 
Verdun,  pour  payer  les  dettes  contractées  pendant  les  grandes 
guerres  du  xvii*  siècle. 

En  1790,  le  bureau  diocésain  avait  encore  quelques  livres 
liturgiques  et  diplomatiques  et  un  évangéliaire  du  vr  siècle. 

Au  mois  de  novembre  1792,  deux  bataillons  des  fédérés 
parisiens,  plus  connus  sous  le  nom  de  Marseillais,  *  allant  à 
l'armée,  se  ruèrent  sur  la  cathédrale,  ils  commencèrent  par 
renverser  les  statues  du  portail,  puis  pénétrant  dans  la  nef, 
ils  mutilèrent  ou  détruisirent  les  statues  de  Jeanne  d'Arc,  du 

^  Un  officier  de  ces  fédérés  composa  la  halte  de  la  Marche  des 
MarseUlois  (3  couplets)  : 

Aujourd'hui  de  leur  impnissance 

Nos  ennemis  sont  convaincus. 

Ils  vooloient  asservir  la  France  : 

Ils  paroissent;  —  ils  sont  vaincus,  (bis) 

A  peine  peut-on  les  atteindre, 

Tant  ils  fnyent  rapidement. 

A  Bâchas  donnons  un  moment; 

Nous  saurons  toujours  bien  les  joindre, 


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LES  BX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÉCHÉS  77 

colonel  Hébron,  tué  au  siège  de  Saverne  en  1636,  de  rarchi- 
diacre  de  Rozières,  dont  Touvrage  lit  tant  de  bruit  à  la  fin  du 
XTV  siècle,  les  monuments  en  marbre  des  évoques,  etc.  ;  ils 
terminèrent  ces  actes  de  vandalisme  en  faisant  entasser  sur 
des  charrettes,  les  bannières,  les  tableaux,  les  missels,  les 
parchemins  des  archives,  et  ils  en  firent  un  feu  de  joie  splen- 
dide  sur  la  place  de  la  Fédération  {Dauphifté).  Ce  ne  fat  qu'au 
bout  de  deux  jours  que  ces  bataillons,  dits  des  amis  de  la  Répu- 
blique et  des  quatre-vingt-trois  départements,  quittèrent  la 
ville. 

Deux  toiles  échappèrent  aux  Parisiens  et  furent  envoyées 
au  Muséum  de  Nancy  :  un  Cnunfiement,  par  Lebrun,  et  un 
Christ  détaché  de  la  colonne. 

Parmi  les  chanoines  érudits,  on  peut  citer  en  première 
ligne,  M.  de  TAigle,  grand-vicaire  qui  n'était  pas  moins  remar- 
quable par  sa  modestie  et  sa  piété  que  par  son  érudition,  dit 
Dom  Calmet  II  mourut,  en  1733,  à  80  ans.  Ses  livres  sont 
reconnaissables  à  sa  signature,  C.  de  l'Aigle,  sur  le  frontispice. 
Il  donna  d'utiles  renseignements  à  Tabbé  de  Senones  sur  les 
anciennes  enceintes  de  Toul. 

Le  chanoine  Machon,  archidiacre  de  Port  fat  chargé  de 

Anx  verres,  citoyens,  faites  halte,  gaerriers, 

Buvez  (bis)  et  qu'à  grands  flots  s'arrosent  vos  lauriers. 

CHORUS 

Buvons  (Jbis)  et  qu'à  grands  flots  s'arrosent  nos  lauriers, 
etc.,  etc. 

Par  Fabrb,  sous-lieutenant 
au  bataillon  des  amis  de  la  République. 

(8.  h  n.  d,  3  pp.  %n-î6). 

Le  dernier  couplet  se  termine  ainsi  : 

Pour  nous  soustraire  à  l'esclavage, 
Aux  armes,  citoyens,  bataillons  à  vos  rangs, 
Marchez  (&i>),  paix  anx  hameaux  et  la  guerre  aux  tirans. 
Marchons  (M),  etc. 


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78  HBTUE    D'àLSÀCE 

rédiger  le  pouillé  du  diocèse  de  Verdun.  Il  avait  le  manuscrit 
de  son  confrère  Pelegrin,  dit  Viator,  sur  Ptolémée;  il  iit  cadeau 
de  l'ouvrage  de  Tancien  secrétaire  des  commandements  de 
Louis  XI  au  président  Séguier,  qui  avait  le  talent  de  se 
monter  une  bibliothèque  des  plus  précieuses  sans  bourse 
délier.  L'évêque  de  Metz,  M.  de  Goislin,  hérita  plus  tard  de 
ses  livres.  Machon  obtint,  en  1645,  la  grande  prévôté  de  Saint- 
Dié,  mais  il  ne  put  obtenir  les  bulles.  Le  P.  Benoît  est  rude 
envers  lui,  il  laisse  entendre  qu'il  n'était  pas  toujours  délicat 
pour  se  procurer  des  pièces  historiques. 


EX-LIBRIS 

1.  L'ahbé  Beurard,  chanoine  de  V église  de  Toul. 

a)  Couronne  comtale  surmontant  un  écusson  d'azur  à  une 
épée  en  barre  accompagnée  en  chef  d'une  fleur  de  lis  d'argent 
et  en  pointe  d'une  branche  de  laurier  de  même  ; 

6)  Ex'libris  Beurard,  dans  un  cartouche  ornementé  gravé 
sur  bois. 

Jean-Baptiste  Beurard,  fils  d'un  procureur  au  parlement  de 
Nancy,  fut  reçu  chanoine  le  27  juillet  1761  ;  il  demeurait  à 
Toul,  rue  du  Parge  (maison  CoUin,  notaire).  Il  fit  partie, 
d'après  le  sévère  curé  Chatrian,  ancien  secrétaire  de  Mon- 
seigneur Drouas,  de  ces  jeunes  chanoines,  nommés  par  la 
sanction  royale,  qui  vinrent  à  Toul  scandaliser  les  anciens  et 
afficher  leurs  mœurs  mondaines  en  se  promenant  publique- 
ment avec  des  dames.  M.  Beurard  alla  même  au  bal  pendant 
le  carnaval.  * 

Cet  Athénien  des  bords  de  la  Meurthe,  savait  cependant 
s'occuper  de  choses  utiles;  il  était  un  des  bons  minéralogistes 
de  la  contrée.  Sous  l'Empire  il  fut  employé  comme  ingénieur 

*  Cité  par  M.  l'abbé  Mathieu,  p.  330. 


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LES   EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÉCHÉS  79 

des  mines  en  Hongrie.  Il  publia  sur  cette  partie  si  riche  de  la 
géologie  des  ouvrages  estimés  dans  le  temps.  Sa  biographie 
se  trouve  dans  les  dictionnaires  historiques.  Il  y  a  encore 
peu  d'années  que  Ton  montrait  dans  son  ancienne  maison 
canoniale  les  armoires  et  les  tiroirs  de  ses  collections  miné- 
ralogiques.  Le  chanoine  Beurard  mourut  en  1825. 

Si  Tons  leTez  ce  ridean  de  satin. 
Vous  troarerez  dans  ma  bibliothè<iiie  : 
In-oetavo,  nos  bons  contemporains, 
Dorés  snr  tranches,  en  fort  beaux  maroqnins; 
On  n'y  voit  point  ni  Platon,  ni  Sénèqne; 
Tont  ce  fatras  de  maussades  bouquins, 
Vaut-il  la  peine  de  belles  couvertures? 
D  ne  me  faut  que  d'aimables  lectures, 
Yous  y  verrez  La  Fontaine,  Bernard, 
Yergier,  Grécourt  et  la  Pucelle  à  part, 
Tous  enrichis  des  plus  jolies  gravures; 
Outre  cela,  j'ai  de  jolis  romans. 
Comme  Angola,  Thérèse  raisonneuse. 
Et  le  Sopha,  Margot  la  ravaudeuse  ; 
Et  les  Bijoux  indiscrets  et  charmants 
Qui  dévoilent  les  plus  secrets  mystères 
Depuis  dix  ans,  je  sais  cela  par  cœur; 
Mais  il  les  faut  pour  les  prêter  aux  belles. 


D'après  le  remarquable  travail  de  M.  le  commandant  Daul- 
noy,  les  maisons  des  chanoines  leur  appartenaient  A  leur 
décès,  on  les  vendait  publiquement  à  ceux  de  leurs  confrères 
qui  n'en  avaient  pas,  et  qui  étaient  au  nombre  de  sept.  D  était 
défendu  de  souslouer  à  des  hérétiques  ou  à  des  femmes.  Les 
bals  étaient  défendus,  sauf  pour  les  noces  d'un  frère,  d'une 
sœur,  d'un  neveu  ou  d'une  nièce.  Des  délégués  du  chapitre 
devaient  visiter  une  fois  par  an  les  maisons  canoniales  pour 
s'assurer  qu'elles  étaient  bien  entretenues,  qu'on  ne  les  grevait 
pas  de  servitudes,  et  que  les  prescriptions  réglementaires 
étaient  observées,  etc. 


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80  REVUB    D'ALSACE 

L'auberge  de  la  Cloche  cPor,  qui  existe  encore,  appartenait 
au  chapitre,  comme  le  TMpot,  ou  jeu  de  paume,  situé  dans 
rintérieur  de  la  ville,  était  la  propriété  de  l'abbaye  de  Saint- 
Epvre,  et  Tauberge  du  Cerf  aux  Dominicains.  La  nation  se 
chargea  du  placement  de  ces  utiles  établissements. 

2.  De  la  bibliothèque  de  M.  Ch.  Amb.  CaffareM,  N\ 

Le  chanoine  Charles- Ambroise  Caffarelli  du  Falga,  naquit 
au  château  de  ce  nom,  le  15  avril  1758.  Il  fut  nommé  le  28  sep- 
tembre 1775,  et  en  1780,  VOrdo  ne  le  mentionne  encore  que 
comme  sous-diacre.  A  la  Révolution,  il  se  retira  dans  ses 
pénates  dans  le  Lauraguais  (Haute-Garonne),  abandonnant  à 
la  nation  30  ares  de  vignes  qu'il  possédait  sur  la  côte  Saint- 
Michel,  comme  tous  ses  confrères,  et  dont  la  vente  eut  lieu  le 
14  juin  1793.  La  confiance  de  ses  concitoyens  le  fit  nommer 
membre  du  district  de  Revel.  Sous  la  Terreur,  il  fut  mis  en 
prison  à  cause  ile  sa  modération.  La  chute  de  Robespierre  le 
sauva.  Sous  le  Consulat,  il  fut  nommé  préfet  de  l'Ardèche,  puis 
du  Calvados,  et  enfin  de  l'Aube  oii  les  événements  de  1814 
vinrent  le  surprendre  très  désagréablement,  car  Napoléon 
ayant  jugé  qu'il  avait  quitté  trop  vite  le  département  à  l'ap- 
proche des  alliés  et  qu'il  n'était  pas  rentré  au  retour  des  aigles 
impériales,  le  destitua.  A  la  Restauration  l'ex-chanoine-préfet 
retourna  encore  une  fois  dans  le  château  de  ses  pères  pour 
ne  plus  le  quitter.  Malgré  son  désir  de  ne  plus  entrer  dans  la 
vie  publique,  il  dut  encore  accepter  les  fonctions  de  conseiller 
général  et,  sur  son  désir,  l'archevêque  de  Toulouse  lui  rendit 
ses  pouvoirs.  Jouissant  enfin  d'une  parfaite  tranquillité,  estimé 
de  tous,  il  vit  approcher  la  mort  avec  calme  ;  il  décéda  le 
6  novembre  1826,  laissant  plusieurs  ouvrages  sur  Téconomie 
politique  et  l'agriculture. 

Il  eut  deux  ex-libris  gravés  au  burin  : 
a)  d  D'azur  à  la  croix  de  la  légion  d'honneur  en  franc  quar- 
tier, d'argent  au  lion  de  sable  et  taillé  et  contretaillé  d'argent 
et  de  gueules  d;  toque  de  baron  sur  le  tout; 


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LES  EX-LIBA18  DANS  LSS  TROIS  ÉVÉCHÉS  81 

b)  a  Ecartelé,  l""  taillé  d'argent  et  de  gueules,  2*d'ai^ent  au 
lion  de  sable,  3*  marque  de  baron-préfet,  4*  contretaillé  d'ar- 
gent et  de  gueules  »  ;  toque  de  baron,  lambrequins  et  au-dessous 
la  croix  de  la  légion  d'honneur. 

3.  Anonyme  (le  grandrdoyen  Fagel  de  VanlouxJ  sous  le  trait 
P.  L,  Cor. 

Ux-libris  formant  un  charmant  siyet  de  pendule,  style  Em- 
pire. 

Les  armoiries  de  la  Pucelle  d'Orléans  1  et  4  sont  écar- 
telées  2  et  3  du  blason  du  grand-doyen  a  d'azur  à  la 
cigogne  d'argent,  au  chef  de  même  chargé  de  trois  étoiles 
d'azur  »  ;  le  tout  dans  un  cartouche  rococo  surmonté  d'une 
couronne  ducale  et  accosté  du  beau  Dunois  armé  en  guerre, 
brandissant  une  épée,  et  de  la  Pucelle  également  armée  de 
toutes  pièces  et  tenant  haut  son  fanion  armorié.  Au  fond  une 
maison  seigneuriale  dans  un  parc.  Au-dessus  une  main  armée 
pour  cimier  et  dans  l'air  la  banderole  avec  la  devise  si  connue 
de  Jeanne  d'Arc  : 

GOKSILIO  FIRHATA  DEI 

Les  Pagel  étaient  originaires  de  Toul,  l'un  d'eux  fut  dans  la 
police  locale. 

Nicolas  Pagel  venlt  tonjours  boire, 

écrit,  en  1567,  un  Enquéreur.  Malgré  cela  on  prétendait  que 
le  grand-doyen  descendait  d'un  huissier,  et  le  ridicule  orgueil 
qu'il  montrait  à  chaque  instant  faisait  redoubler  les  sarcasmes 
sur  sa  personne;  c'est  un  des  plus  atteints  par  les  poèmes 
satyriques  du  temps.  Ayant  cru  descendre  de  la  famille  de  la 
Pucelle,  il  fit  peindre  *  le  blason  de  cette  héroïne  avec  le  sien 
dans  toute  sa  maison  et  sur  ses  voitures,  au  grand  contente- 
ment des  badauds.  Il  avait  reçu  la  tonsure  des  mains  de 
l'évêque  de  Metz,  en  1742,  et  avait  été  nommé  grand-doyen, 

^  Par  Beaulieu,  peintre  d'enseignes. 

NoDvelle  Série.  —  11*«  année.  6 


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8â  nfcVUfi    D^ALSÀCft 

en  1768.  Il  occupait  au  chœur  la  preniière  stalle  du  côté 
gauche  en  face  de  celle  de  Tévêque;  les  chanoines  étaient 
rangés  par  ancienneté  après  eux.  M.  de  Vantoux  fut  vicaire 
général,  membre  du  bureau  des  pauvres,  directeur  des  Sœurs 
des  écoles  de  la  charité  (aujourd'hui  la  Doctrine  chrétienne). 
Il  vivait  encore  en  1789. 

Le  graveur  messin,  Cor,  qui  fit  son  prodigieux  ex-lihris,  n'a 
gravé  que  celui-là.  On  voit  dans  l'Atlas  de  Buchoz  une  ving- 
taine de  planches  de  lui,  dont  plusieurs  avec  blason  (Custine, 
ville,  avocats  et  Académie  de  Metz,  électeur  palatin,  etc.). 


BIBLIOTHÈQUE  DU  SÉMINAIRE  DIOCÉSAIN 

Congrégation  de  la  MiBaion  (LaEaristes) 

On  lit,  écrites  à  la  main,  ces  annotations  sur  les  titres  des 
volumes  de  cette  belle  bibliothèque: 

Ex'librië  Domus  tuttensis  C^  Missionis. 

ExAïbrië  Cong.  Missionis  domus  TuUenm,  1651. 

Missionis  TuUensis. 

Ex-libris  Cong.  Missionis  Dormes  TuUens,  etc. 
Venus  dans  le  cours  du  xvii*  siècle  pour  tenir  le  Séminaire, 
les  Lazaristes  firent  beaucoup  de  bien;  mais  dans  le  cours  du 
xvnr  siècle,  Us  donnèrent  dans  le  jansénisme,  puis  dans  les 
idées  philosophiques  du  temps,  et  ils  en  inspirèrent  le  goût  à 
leurs  élèves  ;  ce  fut  un  grand  malheur  pour  le  diocèse  ;  mal- 
heureusement Mgr  Drouas  ne  vit  rien,  et  lorsqu'il  voulut 
remédier  au  mal,  il  était  trop  tard.  A  la  Révolution,  les  élèves 
avaient  abandonné  depuis  longtemps  l'établissement. 

La  bibliothèque  était  une  des  plus  riches  du  royaume  ;  elle 
comptait  7001  volumes  provenant  surtout  de  dons.  La  grande 
salle  contenait  dans  sept  trumeaux  et  16  rayons,  1504  in-folio, 
1065  in-é*"  et  4432  in-S"*.  Dans  une  chambre  à  côté,  il  y  avait 
300  volumes   à  l'usage  des  séminaristes.  L'inventaire  du 


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LfiS  U-LIBIUS  DANS  LtS  TROIS  MCËÈd  83 

2  janvier  1793  porte  aussi  un  médaillier  avec  67  pièces  papales, 
un  cabinet  de  physique  et  une  machine  électrique,  une  collec- 
tion d'histoire  naturelle  avec  quelques  objets  intéressants; 
selon  Buchoz,  des  monceaux  de  vitrification,  de  congélation, 
des  minéraux,  des  pétrifications,  des  coquillages,  une  grosse 
vertèbre  d'hippopotame,  trouvée  à  Sorcy,  une  dent  molaire 
d'éléphant  de  Dieulouard,  une  corne  de  bœuf  de  Tlsle  en 
Barrois,  une  porcelaine  en  fossile  de  Champagne,  une  corne 
d'ammon  nacrée,  une  vertèbre  humaine,  etc.  Le  supérieur  de 
la  maison,  M.  de  BrocveiUe,  était,  selon  le  médecin  nancéien, 
très  versé  dans  Thistoire  naturelle.  Cela  ne  faisait  pas  pros- 
pérer la  maison.^ 

Adrien  Lamourette,  métropolitain  constitutionnel  de  Lyon, 
exécuté  le  10  janvier  1794,  et  dont  le  nom  est  connu  dans  les 
fastes  révolutionnaires,  fut  professeur  et  supérieur  au  Sémi- 
naire de  Toul,  puis  directeur  à  Saint-Lazare  ;  il  déclara,  au 
moment  d'aller  au  supplice,  que  tous  les  discours  que  Mirabeau 
avait  prononcés  sur  le  clergé  et  les  matières  ecclésiastiques 
étaient  de  lui.  Un  autre  Lazariste  du  diocèse  de  Toul,  Nicolas 
Philbert,  curé  de  Saint-Charles  de  Sedan,  fut  sacré  à  Paris, 
en  1791,  évèque  constitutionnel  des  Ârdennes;  il  mourut 
en  1797.  Châtelain,  chanoine  de  Saint-Gengoult,  un  moment 
évëque  de  la  Meurthe,  avait  été  Lazariste. 

Un  ancien  élève  des  Lazaristes  de  Toul,  qui  entra  dans  leur 
congrégation,  eut  une  bien  triste  fin.  Charles  Brillon,  petit-fils 

^  Le  31  juillet  1763,  le  jeune  abbé  de  Tressan  soutenant  derant 
M.  de  Brocreille  une  thèse,  dit  que  la  religion  catholique  était  la  domi- 
nante. —  Gela  était  vrai  autrefois,  dit  brusquement  le  directeur,  qui 
entendait  parler  de  la  philosophie  qui  menaçait  de  tout  envahir.  Les 
dénonciations  arrivèrent,  le  Parlement  fut  saisi.  On  eut  l'heureuse 
idée  d'étouffer  l'affaire,  et  M.  de  BrocveiUe  dut  envoyer  une  «lettre 
à  l'évêque  de  Toul  sur  les  bruits  qui  sont  répandus  contre  le  Sémi- 
naire, 1772»  (Gat.  Emmery,  638).  Bien  des  gens  n'en  pensèrent  pas 
moins  que  l'on  enseignait  l'athéisme  au  Séminaire  de  Toul. 


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84  AEVOfi  b'alsacë 

du  peintre  Chéron,  de  Lunéville,  fut  curé  de  Foug.  A  la  Révo- 
lution, il  se  retira  à  Lunéville  et  s'y  maria.  Par  une  froide 
matinée  d'hiver  on  le  trouva  mourant  dans  la  neige,  près  du 
chemin  d'Eînville.  Transporté  chez  lui,  il  ne  tarda  pas  à 
succomber,  laissant,  dit  son  oncle  l'avocat  Chéron,  une  assez 
belle  bibliothèque,  qui  ne  fut  estimée  que  700  livres  «  malgré 
qu'elle  ait  dû  lui  en  coûter  bien  plus  cher,  l'ayant  achetée 
entièrement  chez  les  libraires.  » 

Le  Club  des  amis  de  la  Révolution  fut  installée  dans  l'église 
du  Séminaire  ;  plus  tard,  celle-ci  fut  démolie  et  les  bâtiments 
transformés  en  maisons  particulières  rue  du  Saint-Esprit 
(Oengoult).  L'église  de  Crézilles  possède  quatre  tableaux 
provenant  des  Lazaristes;  ils  Teprésenieiït  SaintrVincent-de^ 
Paul  au  milieu  de  ses  disciples  —  prêchant  au  peuple  —  àla 
Cour  —  assistant  Lmiis  XIII  au  lit  de  mort. 

Le  Séminaire  et  le  Collège  Saint-Claude  attiraient  une  foule 
de  jeunes  gens  du  diocèse,  dont  beaucoup  s'engageaient  dans 
les  ordres.  Les  écoliers  trouvaient  à  l'imprimerie  locale  tous 
leurs  classiques.  On  ne  laissait  pas  alors  à  Paris  le  soin 
d'inonder  le  pays  d'éditions  plus  ou  moins  estimées,  qu'elles 
fussent  grecques  ou  latines.  Avant  1789,  chaque  imprimeur  de 
petite  ville  avait  les  connaissances  nécessaires  pour  publier 
un  Virgile  ou  un  Ovide  sur  beau  papier  et  il  en  trouvait  faci- 
lement le  débit.  Il  n'en  est  plus  ainsi  de  nos  jours,  et  sur  ce 
point,  on  a  laissé  bien  en  arrière  les  immortels  principes. 

Boulay  de  la  Meurthe,  un  zélé  impérialiste,  le  conventionnel 
Poulain-Grandprey,  le  baron  Louis,  si  caricaturisé  par  la 
presse  hostile  au  gouvernement  de  Juillet,  le  président 
Henrion  de  Pansey,  aussi  savant  jurisconsulte  que  gourmand 
émérite,  le  tribun  Delpierre,  François  de  Neufchâteau,  véri- 
table girouette  politique,  que  ses  vers  firent  nommer  par  les 
fructidorisés  la  Cigogne  des  Vosges^  l'évêque  de  Saint-Claude, 
de  Chamont  et  tant  d'autres  furent  élèves  du  collège  Saint- 
Claude,  dont  deux  professeurs  laissèrent  à  Metz  les  plus 


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un  Bx-Lomis  dans  uh  tro»  évéchés  86 

durables  souvenirs  ;  M.  Mongin,  de  Toul,  professeur  de  rhéto- 
rique au  collège  royal,  auquel  ses  élèves  élevèrent  un 
monument  au  cimetière  de  TËst;  le  médaillon,  représentant 
son  portrait,  est  d'un  artiste  tyrolien,  Mahlknecht,  domicilié  à 
Metz;  le  second  professeur  est  Tabbé  Sainsère,  de  Vaucouleurs, 
proviseur  du  même  collège,  bien  connu  par  sa  Orammaire 
latine  de  Lhomond  et  son  Appendix  de  Dus. 

Le  20  décembre  1791,  le  collège  Saint-Claude  fut  fermé,  et 
bien  des  années  après  on  installa  à  Toul  une  école  secondaire 
(collège).  Le  mathématicien  Bicquilley  y  fut  professeur. 

Abthxjb  Benoit. 

(A  suivre.) 


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LinÉRATUBE  POPULAIRE  DE  L'ALSAGE-LORRAINE 


BAVARDAGES 


DE 


nSDilES-IES-COnSDIE!!  DE  STIIMBOnB& 

enb'emêlés  de  quelques  autres 
COMMÉRAGES  ALSACIENS' 


Strasbourg  a  toujours  possédé  une  certaine  classe  de 
bavardes,  à  Taffût  de  toutes  les  nouvelles  et  qui,  par  suite 
d'une  parenté  du  neuvième  degré,  vraie  ou  supposée,  ne  s'in- 
terpellaient qu'au  titre  de  Frau  Bas,  «  Madame  ma  cousine  ». 

Ce  titre  est  devenu  à  Strasbourg  et  dans  l'Alsace,  l'équiva- 
lent de  commère,  et  nous  aurions  pu  traduire  Frauhasegspriich 
par  «Dialogues  des  commères  de  Strasbourg». 

Nous  préférons  la  traduction  littérale  qui  nous  a  permis  de 
rendre  la  nuance  Jungferhasen  par  «demoiselles-cousines»,  et 
de  conserver  à  notre  traduction  un  degré  de  plus  de  couleur 
locale. 

Les  dialogues  de  commères,  publiés  tantôt  en  feuilles 
volantes,  tantôt  dans  les  gazettes  locales,  furent  toujours 

'  La  plupart  des  aateors  de  ces  compositions,  saisies  snr  le  vif,  sont 
inconnus.  D'antres  ont  été  écrites  par  Arnold,  M°^*  Engelhard-Schweig- 
liœnser,  Ehrenfried  Stœber,  C.-F.  Hartmann,  Ch.  Bernhard  et  Charles 
Berdellé. 


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UTTÉRATURI  POPULAHIE  DE  L'aLSAGE-LORRAINE  87 

accueillis  avec  joie  par  les  habitants  de  Strasbourg.  L^impri- 
meur  Frédéric-Charles  Heitz,  qui  avait  réuni  une  si  belle 
bibliothèque  alsacienne,  avait  formé  un  fascicule  d'une  dizaine 
de  ces  conversations.  Cette  petite  collection  se  trouve  actuel- 
lement à  la  bibliothèque  de  TUniversité  de  Strasbourg. 
M.  Bergmann,  professeur  à  ladite  Faculté,  Ta  publiée  avec 
des  notes  linguistiques,  littéraires  et  ethnographiques  très 
intéressantes. 

En  1877,  parut  le  EUUssisch  Schatzkdstél  (PEcrin  alsacien) 
qui  réédita  ces  dialogues  en  les  augmentant  de  celui  de  1848. 

M.  Auguste  Stœber  a  fait  de  l'ouvrage  de  M.  Bergmann  une 
critique  littéraire  à  laquelle  les  éditeurs  du  SchaizMstd 
empruntèrent  les  notes  qu'ils  joignirent  à  ces  poèmes. 

Aux  compositions  et  notes  que  nous  fournissent  les  trois 
publications  précédentes  nous  en  joignons  quelques  autres 
qui  nous  appartiennent 

Des  dix  pièces  recueillies  par  M.  Heitz,  il  y  en  a  trois  qui 
datent  des  années  qui  ont  précédé  la  Révolution. 

Cinq  autres  se  rapportent  aux  années  1814  et  1815;  nous 
y  ajoutons  une  chanson  en  dialecte  du  Eochersberg,  que  nous 
ne  connaissons  que  par  tradition  orale,  et  qui,  d'après  le  sujet 
traité,  doit  être  née  en  ces  mêmes  années. 

Les  deux  dernières  pièces  de  la  collection  de  Heitz  datent 
des  premières  années  de  la  Restauration  et  nous  mettent  au 
courant  de  ce  qui  occupait  à  cette  époque  les  esprits  des 
bourgeoises  de  la  ville  de  Strasbourg. 

Quelques  cheÉs-d'œuvre  de  Ehrenfried  Stœber,  Charles- 
Frédéric  Hartmann  et  Charles  Bemhard,  ainsi  que  le  dialogue 
de  1848,  nous  ont  en  outre  paru  dignes  de  l'attention  des  ynis 
de  notre  littérature  populaire. 

Nous  faisons  un  appel  à  ces  derniers  et  les  prions  de  nous 
communiquer  les  poésies  de  ce  genre  que  nous  avons  omises 
ou  que  nous  ne  connaissons  pas. 

Eniin  nous  terminerons  par  la  traduction  de  quelques-unes 


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88  HBVUE   d'alsàce 

de  nos  propres  poésies  alsaciennes,  se  rapprochant,  par  leur 
sujet,  du  genre  des  FratUnuegeprach. 

Si  cette  communication  à  la  Bévue  cC Alsace  trouve  auprès 
du  public  français  un  accueil  tant  soit  peu  bienveillant  et 
favorable,  le  traducteur  se  propose  de  Tinitier  à  une  connais- 
sance plus  intime  des  richesses  de  la  littérature  populaire 
d'Alsace-Lorraine. 

Rioz  (Haute-Saône),  le  14  juillet  1881. 

Ch.  Berdellé. 


CONVERSATION 

tefiiM  dam  Vintitnité  près  de  la  Maison-Rouge,  entre  deux 
^Dames-Ccusines'ù  de  notre  vUle  de  Strasbourg,  comme  qui 
dirait  entre  Dame  Julienne  et  Dame  Ursule  qui  jouissent, 
parmi  les  personnes  de  leur  sexe,  â!une  haute  considération, 
à  cause  de.leurs  manières  aussi  Jranches  que  convenables.^ 

JULIENNE 

Pst!. . .  Attendez  un  peu.  Vous  n'emmenez  personne? 

URSULE 

Ah!  c'est  vous,  ma  cousine?  Il  faut  qu'on  me  pardonne. 
Je  ne  vous  entendais  et  voyais  encore  moins. 
Car  il  fait  si  boueux  pour  marcher.  Tous  mes  soins 
Vont  à  mettre  le  pied  sur  un  pavé  non  sale. 

^  X'auteur  de  cette  première  conversation  est  incennu.  Elle  coale  de 
la  bonche  de  ces  «  Madame-ma-cousine  >  classiques  comme  nn  léger 
misseau  qui  ne  s'arrête  jamais.  Mélangée  de  vraies  locations  strasbour- 
geoises,  on  y  parle  des  ouvriers,  des  soins  du  ménage,  des  maris,  et 
surtout  des  domestiques  dont  une  surtout,  du  nom  de  Lise,  y  est  parti- 
culièrement maltraitée. 

Maison-Rouge,  nom  d'un  hdtel  situé  place  Eléber. 


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LITTÉRATURG  POPULAIRE  DE  L^ALSiCE-LORRAmB  89 

JTTLIENIÏE 

Oui!  c'est  tout  comme  moi,  et,  chose  bien  fatale, 
J'ai  là  de  gros  souliers  que  j'aurais  rondement 
Dû  laisser  au  voleur. 

URSULB 

Pourquoi? 

JULIEKinS 

Voyez  comment 
On  marche  là-dedans.  Comme  dans  une  caisse 
De  blanchisseuse,^  eut-on  le  pied  le  plus  étroit! 
Et  bestialement  pareil  marché  me  blesse. 

UBSULE 

Ne  vous  irritez  pas,  mais  rendez-vous  tout  droit 
Dans  la  rue  aux  Carreaux,  chez  Bser.  Il  vous  fabrique 
Des  souliers,  c'est  vraiment,  cousine,  magnifique 
Comme  ça  tient  aux  pieds.  On  les  dirait  fondus 
Avec  eux. 

JULXElfNE 

Par  le  sang!  vi'aiment,  on  ne  tient  plus 
A  s'acheter  du  neuf^  car  il  faut  que  l'on  tftte 
De  tous  les  magasins.  On  croit  tenir  du  bon  : 
Le  confectionnant,  l'ouvrier  vous  le  gâte. 

TTB8T7LE 

Du  cousin  Abraham,^  votre  nièce,  dit-on. 
Vient  d'hériter  un  tas  d'argent. 

JULIENNE 

On  peut  le  prendre 

*  Caisse  de  blanchisseuse.  Caisse  rectangulaire  à  laquelle  on  a  enleyé 
l'une  des  parois  verticales  et  dans  laquelle  s'agenouillent  les  blanebis- 
seoses  pour  ne  pas  se  mouiller  les  genoux  en  lavant  leur  linge. 

*  Chez  les  protestants  de  Strasbourg,  et  surtout  dans  certains  quar- 
tiers de  la  ville,  on  trouve  souvent  des  noms  tirés  de  l'ancien  Testament, 
comme  Abraham,  Daniel,  etc. 


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90  REVOB    D'ALSACE 

Avec  celui  qu'on  a.  Je  viens  encor  d'apprendre 
Que  ce  grand  sot  d'Erhard,  vous  savez,  ce  dadais 
Qui  baignait  ses  cochons,  aurait  aussi  son  legs, 
A  peu  près  trente  écus,  comme  part  légitime. 

URSULE 

Le  fripon!  Gomme  il  a  dû  sentir  dans  Tintime 
Fond  du  cœur  le  besoin  de  rire.  Sûrement 
Ça  va  donner  un  couple  avec  la  jeune  Lise. 

JULIEinSTE 

Oh,  non!  cousine,  non!  elle  est  déjà  promise. 

URSULE 

Quoi!  promise  déjà?  Sait-elle  seulement 

Faire  une  soupe  à  Teau?  Comment?  choses  conclues? 

JULIENNE 

Les  accordâmes  ont  été  déjà  tenues. 

URSULE 

Qui  donc  ose  la  prendre  ? 

JULIENNE 

Oh!  c'est  un  compagnon 
Qui  s'en  vient  au  Murhof.  ^ 

URSX7LE 

Oh  bien!  le  joli  don 
Qu'on  lui  fait!  mais  je  crois  qu'elle  vient  Oui!  c'est  elle. 

JULIENNE 

Où  donc? 

URSULE 

Eh  bien!  là  bas!  vers  le  aTrou  des  Navets.»' 

JULIENNE 

Je  ne  l'aperçois  pas. 


1 


Ferme  et  maison  de  campagne,  snr  FIU,  en  amont  de  Strasbourg. 
*  Bûewdoch,  Sobriquet  servant  à  désigner  un  cabaret  près  de  la  place 
Kléber. 


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LrirÉRATURE  POPULAIHB  DE  L*ALSACE-LORRAINB  91 

TJBSULB 

Regardez  bien!  Tout  près 
Des  tambours. 

JULIENIΠ

Par  le  sang  !  oui  !  c'est  bien  notre  belle. 
Il  faudra  donc  changer  de  conversation. 
N'est-ce  pas  une  grande  abomination, 
Ma  cousine?  Elle  porte  une  fort  belle  chatne 
En  or.  Je  vous  demande  :  est-il,  grand  Dieu,  permis 
A  femme  d'ouvrier? 

UBSTTLE 

Ma  foi  non  !  Ça  me  peine 
Aussi,  car  on  ne  peut,  comme  le  monde  est  mis, 
Plus  distinguer  des  gens  comme  nous  des  servantes. 
On  dirait  qu'elles  sont  toutes  impatientes 
De  courir  à  leur  perte. 

JULIEKIΠ

Oh  Dieu!  d'où  viens-tu  donc. 
Lise? 

LISE 

Du  «Marché-Neuf».  J'y  viens,  pour  toute  affaire, 
D'acheter  des  navets,  pour  deux  sous  d'amidon. 

JULIENNE 

Alors  vous  savonnez  ? 

LISE 

Mais  oui!  dans  la  soupière! 
Car  nous  n'invitons  pas  encor.  Pour  le  besoin 
On  se  débrouille  un  peu. 

UBSULE 
(Faisant  mine  de  partir) 

Moi  je  vais  au  plus  loin. 

JULIENNE 

Attendez  donc  un  peu,  cousine,  je  veux  faire 


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93  REVUE  d'alsacb 

Le  chemin  avec  vous.  Lise,  tiens-toi  longtemps 
Chez  tes  mattres  qui  sont,  ma  foi,  de  braves  gens. 

LISE 

Oh  !  j'ai  fait  le  plus  long  de  mes  temps  de  services. 

JULIENNE 

Quoi!  n'es-tu  pas  contente?  Ah!  ciel!  je  te  comprends. 
Quand  donc  entreras-tu  dans  ces  temps  de  délices  ? 

LISE 

Dans  quinze  jours.  Cousine,  aurai-je  le  bonheur 
De  vous  voir  assister  à  mon  grand  jour  d'honneur? 

Je  ne  le  promets  pas,  mais  ça  pourrait  bien  être, 
A.  moins  d'empêchements.  Je  voudrais  bien  connattre 
Notre  nouveau  cousin.  Fais-lui  mes  compliments. 

LISE 

Merci! 

JULIENNE 

Porte-toi  bien. 

URSULE 

Il  va  faire  beau  temps. 
Le  ciel  va  s'éclaircir. 

JULIENNE 

Oui!  sans  que  ça  ne  tarde. 

UBSULE 

Lise  est  une  savate.  Elle  cause  et  bavarde 
Et  chez  elle  devrait  être  auprès  du  cuveau. 
Si  jamais  ma  servante  agissait  de  la  sorte, 
Je  vous  la  traiterais  comme  un  chien.  Est-ce  beau 
De  voir  qu'aussi  longtemps  une  servante  sorte. 
Délaissant  sa  cuisine  où  le  feu  brûle  en  vain? 
Puis  arrive  le  temps  du  dîner  :  La  luronne 
Est  cause  bien  souvent  que  le  mari  bougonne. 


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LtTTÉRATimE  POraLAIftt  DE  L^ALSACE-LORAaINË 

Et  la  femme  en  vaut  pis.  Pourtant  c'est  bien  certain 
Qu'on  ne  peut  pas  toujours  être  dans  sa  cuisine. 

JXJLIENITE 

Imaginez  le  coup,  le  beau  coup,  ma  cousine, 
Que  la  mienne,  ma  foi,  me  fit  lundi  dernier. 
Je  voulais  assister,  sans  retarder,  au  prêche 
De  huit  heures;  je  pends  bien  vite  un  oreiller 
Que  mon  enfant  avait  mouillé,  pour  qu'il  y  sèche, 
Au  coin  de  mon  fourneau;  puis  je  porte  au  grenier, 
Sous  le  faîte  du  toit  un  tas  de  linge  sale. 
L'oreiller  est  déjà  percé,  quand  je  dévale. 
D'un  grand  trou  par  le  feu.  Je  ne  me  connais  plus 
De  fureur,  et  le  pis,  c'est  que  cette  canaille 
Bit  aux  éclats  pendant  que  moi  je  la  fouaille. 

URSULE 

Le  savait-elle  donc? 

JULIENIΠ

Non  !  mais  c'est  un  abus 
Quand  dans  une  maison  l'on  ne  voit  la  servante 
Qu'à  tricoter,  filer,  commander  les  enfants, 
A  balayer  encore  employer  tout  son  temps. 
Je  n'en  veux  de  pareille.  Il  m'en  faudrait  qui  sente 
Qu'elle  doit  quelquefois  passer  sur  le  talon 
De  sa  maîtresse. 

URSULE 

Oh!  oui!  vous  avez  bien  raison! 
Mais  dans  tous  les  états  le  mal,  hélas!  abonde. 
Et  vraiment  on  croirait  que  notre  pauvre  monde 
Approche  de  sa  fin. 

JULIENNE 

Des  gens  de  sa  maison 
L'on  en  supporte  tant  C'est  vraiment  effroyable. 

URSULE 

Je  vais  rentrer  chez  moi.  Le  temps  est  précieux! 


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94  kEVtE  d^alsàcb 

JULIENNE 

Voyez  donc  ce  fichu.  Qu'il  est  délicieux! 
Où  donc  a-t-on  brodé  cette  pièce  adorable. 

UBSULE 

Au  Coin  brûlé,^  cousine. 

JTTLIEliTBΠ

Ah!  oui,  sans  doute  c'est 
Cette  grande?  Combien  payez-vous  cet  objet? 
N'est-ce  pas?  Qu'est-ce  que  cela  peut  bien  me  faire? 

URSULE 

Vous  connaissez  mon  homme,  et  savez  qu'il  faut  taire 

Le  prix  que  peut  coûter  un  objet  de  si  peu 

De  valeur.  Pour  l'avoir  j'épargne  sur  ma  bouche. 

Sans  ça  je  serais  comme  une  bëte  au  bon  Dieu  : 

Toujours  même  costume.  Et,  vous  savez,  je  touche 

Mon  argent  de  semaine.  Au  delà  je  n'ai  rien  : 

Il  faut  me  débrouiller. 

JULIENIΠ

Cousine,  quant  au  mien, 
D  me  laisse  bien  libre,  à  moins  que  dans  sa  tête 
Il  n'ait  parfois  logé  quelque  petite  bête 
Que  j'en  chasse  aussitôt 

URSULE 

Et  comment  faites-vous  ? 

JULIENNE 

Voyez-vous?  quand  je  vois  mon  cher  et  tendre  époux 
Laisser  pendre  sa  lèvre  et  me  faire  la  mine. 
C'est  un  bonheur  pour  moi,  croyez-le,  ma  cousine, 
De  faire  la  malade.  A  ma  mère  soudain 
Je  fais  dire  d'aller  chez  notre  médecin. 

*  *Am  BrennteSnéP»,  à  l'onest  de  la  place  Kléber. 


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LirrÉRATCtlB  tK>POLAtllK  t>B  L'aLSACB-LOUIIÀIKK  96 

Elle  sent  le  rôtL  *  Dans  la  même  soirée 
Elle  vient  II  faut  voir  la  belle  échaufioorée 
Entre  elle  et  mon  mari,  qui  se  soumet  enfin! 

UBSTTLE 

La  friponne! 

JULIENlirE 

Eh  bien  donc?  Ne  suis-je  pas  rusée? 

UBSTTLE 

Mais  oui!  et  joliment!  La  belle  invention! 
Jamais  je  n'aurais  eu  d'imagination 
Semblable.  Mais  cela  pourrait  bien  m'ëtre  utile! 
Que  le  mien,  quelque  jour,  de  façon  incivile, 
Me  gronde,  et  je  ferai  tout  comme  vous,  ma  foi! 

JXJJJESKK 

Essayez  une  fois! 

UB8ULE 

Ha  ha!  ça  me  fait  rire 
Déjà!  Portez-vous  bien.  Faut  que  je  me  retire 
Et  que  je  rentre  vite. 

JULIENNE 

Et  quand  donc  viendrez-vous 
En  visite  chez  moi  passer  une  journée? 

UBSULB 

Oh  !  je  pense  bientôt  Saluez  votre  époux. 

JULIENITE 

Et  vous  le  vôtre  aussi. 

URSULE 

Je  vous  suis  obligée, 
Et  n'y  manquerai  pas,  ma  cousine  honorée. 

Riez,  le  24  mars  1881. 

'  SaUir  le  rôti,  synonyme  strasbonrgeois  de  :  avoir  bon  nez,  arriver 
an  bon  moment,  faire -nne  chose  à  propos. 


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96  ftEVdE    D^ALSACE 

II 

CONVERSATION  INTIME 

tenus  à  la  fontaine  par  quatre  servantes  strasbourgeoises, 
Lise^  Suzanne,  Catherine  et  Marguerite,  composée  par  Jean- 
Georges  Werdo,  la  sentinelle,  de  son  métier  enfant  de  Stras- 
bourg, qui  était  alors  de  garde  auprès  de  la  fontaine.  * 

SUZANNE 

Diantre!  que  vois-je  donc?  Encore  à  la  fontaine? 
Où  donc  as-tu  traîné?  Comme  ta  jupe  est  pleine 
D'eau  et  de  boue! 

LISE 

Eh  bien!  je  suis  à  nettoyer 
Ces  choux,  et  forcément  mouille  mon  tablier. 
Pense  donc  !  mon  Martin  veut  faire  la  maudite 
Farce,  et  me  laisser  là.  Lui,  qui  me  serrait  tant, 
A  m'étouffer  !  ce  chien!  il  est  à  la  poursuite 
D'autres  filles. . .  Mais  tiens!  n'est-ce  pas  Marguerite 
Qui  regarde  du  haut  du  grenier. 

GRÉTB  ^ 

Un  instant! 

'  De  tous  temps  les  femmes,  et  surtout  les  servantes,  ont  aimé  se 
réunir  auprès  des  fontaines  pour  s'y  enfoncer  dans  les  commérages,  et 
souvent  leur  arrive-t-il  de  ne  pas  s'apercevoir  que,  de  même  que  les 
paroles  découlent  abondantes  de  leurs  bouches,  de  même  Peau  déborde 
de  toutes  parts  de  leurs  seilles  trop  remplies. 

Dans  cette  conversation  ces  servantes  s'occupent  surtout  de  leurs 
amants  dont  elles  énumèrent  les  quaUtés  et  les  défauts.  Les  expressions 
de  colère  ou  d'envie  alternent  donc  avec  les  termes  louangeurs,  et  les 
grosses  trivialités  n'y  manquent  pas  non  plus.  Naturellement  on  n'y 
épargne  pas  les  patrons,  et  les  sorties  que  ces  bonnes  font  contre  leurs 
maîtres  font  de  ce  morceau  la  digne  contre-partie  du  premier. 

L'auteur  en  est  également  inconnu. 

*  Marguerite. 


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LITTÉRATURE  POPULAIKE  DB  L'aLSACE-LORRAINB  97 

Attendez  donc  un  peu.  Je  vais  aussi  descendre 
Chercher  de  Peau. 

SUZE 

Comment!  Mais  tu  devrais  comprendre 
Qu'on  ne  te  peindra  pas  des  amants.  Tiens  !  mon  Jean 
Fit  de  même  avec  moi.  Moi,  le  lâchant  d'un  cran 
Et  me  moquant  de  lui,  je  forçai  l'imbécile, 
Ne  le  regardant  plus,  à  revenir  vers  mol 
Mais  lui  revint  tout  droit  et  se  crut  bien  habile 
En  m'embrassant  du  coup,  pensant  que,  bien  docile, 
Je  rendrais  le  baiser.  D  se  trompait,  ma  foi  ! 
Et  je  ne  craignis  pas  de  lui  dire  pourquoi 
Je  le  boudais.  Depuis  il  n'en  voit  aucune  autre. 

LISE 

Ah  !  je  ferai  de  même  avec  mon  bon  apôtre. 
Je  parviendrai  peut-être  à  lui  faire  lâcher 
La  maudite  traînée. . .  Oh  bien  !  c'est  Marguerite 
Qui  vient  déjà! 

GRÊTE 

Quelqu'un  vient-il  de  te  fâcher? 
Quelle  mine  tu  fais  ! 

SUZE 

Il  ne  faut  tout  de  suite 
Tout  redire,  bavarde. 

GRÊTE 

Oh  !  je  ne  dirai  rien. 
Je  garde  les  secrets.  Vous  me  connaissez  bien. 

LISE 

C'est  Martin... 

SUZE 

Ne  dis  rien  !  Elle  lui  tend  la  perche! 

GRÉTE 

Oh!  je  m'en  moque  bien  ! 

NonyeUe  Série.  ->  II**  aonèe.  7 


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ftEVim    D*ALSACB 
LISE 

Oui!  mon  Martin  recherche 
La  Barwelé*  de  chez  le  tailleur.  Chaque  soir, 
Et  ça  me  peine  fort!  chez  elle  il  va  s'asseoir. 

GRÉTE 

Chacune  de  vous  n'a  que  ce  qu'elle  mérite, 

Vous  vous  plaignez  toujours.  Folle!  va-t'en  donc  vite 

Courtiser  le  valet.  Il  me  suffirait  bien. 

Mais  vous  voulez  encor  choisir  trop  longtemps.  Rien 

Peut-il  jamais  manquer  quand  à  son  domicile 

On  a  tout  ce  qu'il  faut?  Chez  nous,  moi  j'ai  le  mien. 

Il  est  bien  fait  et  jeune.  Il  me  serait  facile 

De  te  parler  encor  de  choses  que  je  sais 

Et  que  j'ai  sur  la  langue. 

LISE 

Oh  bien!  va  donc!  jamais 
Je  ne  puis  oublier  mon  Martin.  Je  voudrais 
Le  manger,  ce  cher  fou!  Et  surtout  quand  je  songe 
Comme  il  m'amuse  bien  et  gentiment  me  plonge 
Sa  main  froide  sous  mon  mouchoir  de  cou. 

8UZE 

Retiens 
Ta  langue  prudemment.  Tais-toi,  laide  sorcière, 
Et  va  faire  la  morte  afin  que  l'on  t'enterre! 
Vite  il  faut  me  sauver,  puisque  je  me  souviens 
Que  je  n'ai  pas  raclé  légume  ni  carotte 
Pour  la  soupe.  Il  est  tard!  Grand  Dieu  !  Comme  il  radote 
Mon  vieux  registre  et  comme  il  tape  sur  mon  dos 
Quand  je  vais  lui  servir  des  plats  pas  assez  chauds. 
Mais  voici  Catherine. 

Diminutif  de  Barbe. 


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LITTÉRATUEB  POPULAIBE  BB  L'ALSACB-LORRAINB  99 

KJBTH^ 

Eh  bien!  quelles  nouvelles 
Redisent  vos  bons  becs? 

SUZE 

De  quoi  parleraient-elles 
Si  ce  n'est  des  garçons  qu'elles  voudraient  saisir 
À  la  fourchette! 

GBÉTE 

Non!  mais  Lise  est  en  tristesse, 
Et  cela  parce  que  son  Martin  la  délaisse, 
Parce  que  la  Bârwel  Pempèche  d'y  venir 
En  l'attirant  chez  elle. 

SUZE 

Et  j'aimerais  que  Lise 
L'eut  plutôt. 

KSTH 

Si  j'étais  au  moins  dans  ta  chemise. 
Je  vous  arrangerais  la  jaune  au  maigre-né! 
Oh!  Martin  se  verra  du  monstre  abandonné! 
Ne  lui  permets-tu  rien? 

8UZE 

Mais  elle  reste  assise, 
Et  sans  rien  dire,  quand  Martin  veut  chifionner 
Son  tablier. 

LISE 

Allons  !  Crois-tu,  grande  niaise, 
Qu'on  ne  peut  que  rouler.  En  prend-il  à  son  aise, 
Le  tien,  quand  tous  les  soirs  il  vient  te  câliner? 

STJZE 

Autour  de  notre  îlot  nous  allons  promener; 

Nous  entrons  au  Griflon:*  j'y  rencontre  un  bon  verre 

*  Catherine. 

'  Le  Griffon,  brasserie  renommée. 


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100  REVUE    D'ALSACE 

De  bière.  En  mon  chemin  je  viens  même  de  faire 
La  rencontre  d'Ursule. 

GRÉTE  * 

Eh  !  l'on  m'a  raconté 
Qu'Ursule,  avec  le  sien,  a  laidement  heurté 
Le  nez  contre  le  mur. 

KiBTH 

Oui  !  je  viens  de  l'apprendre: 
On  dit  qu'elle  est  lardée. 

LISE 

Eh  bien!  Va-t-elle  pendre 
Son  enseigne  au  dehors?  Quels  soins  j'ai  pourtant  mis 
A  la  rafistoler!  Que  ne  se  sonfr-ils  pris? 
Ce  Zinkeltps  *  pourrait  inviter  au  baptême. 

GRÉTE 

Il  a  déjà  rempli  son  tonnelet,  et  même 
L'épouserait,  pourvu  qu'elle  veuille. 

KiETH 

Eh  bien!  moi, 
Si  j'étais  échaudée,  oh!  pour  ma  délivrance 
Je  l'accepterais  bien. 

SUZE 

Il  y  a  bien  de  quoi 
D'être  une  pauvre  femme! 

LISE 

Et  la  belle  laitance 
Qu'il  aura  de  sa  mère?  Oh!  ciel!  je  le  prendrais 
Aussi. 

'  Zinkélips,  mot  sans  sens  propre,  employé  de  nos  jours  comme  syno- 
nyme d'imbécile  dans  le  langage  strasbonrgeois.  M.  Bergmann  prétend 
que  dans  ce  poème  ce  n'est  qu'un  nom  propre  signifiant  Philippe  Zink. 
Dans  le  doute,  nous  traduisons  par  le  mot  tel  quel. 


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LITTÉBÀTURB  POPULAIRE  DE  L'àLSACE-LORRAIHE  101 

OBÉTE 

N'en  parlez  pas,  Madame  ma  cousine! 
Croirais-tu  par  hasard,  toi,  que  tu  l'obtiendrais? 
Il  n'est  pas  pour  ton  nez  ! 

LISE 

Voyez,  cette  mâtine! 
Comme  elle  ne  sait  pas  bien  parler?  Mais  comment 
Ne  saurait-elle  encor  danser  plus  gentiment? 
Crois-tu,  que  comme  toi,  je  me  livre  à  la  chasse 
Des  hommes?  Ma  foi,  non!  Je  n'en  suis  pas  yorace  ! 
Et  je  le  trouverais  bien  trop  cher,  même  si 
L'on  voulait  le  donner  pour  rien.  Non!  grand  merci  ! 
Qui  donc  en  voudrait?  Qui?  Je  courrais  dans  la  flamme 
Pour  me  sauver  de  lui!  Que  n'ai-je  mon  amant 
Martin. 

SUZE 

Pas  de  dispute! 

LISE 

Alors  qu'elle  ne  clame, 
Comme  elle  fait  toujours,  en  petit  commandant! 

suze 
Assez  parlé  de  ça!  Silence!  Qui  donc  quitte 
Au  terme? 

ILfiXH 

Toi  tu  viens  à  propos  m'envoyer 
De  l'eau  sur  mon  moulin!  Quant  à  moi  je  n'hésite 
Nullement  Dites-moi  !  qui  pourrait  verdoyer, 
Quelle  bonne,  chez  nous  ?  Lorsque  nous  croyons  boire. 
Par  grand  hasard,  du  vin,  nous  y  trouvons  des  fleurs. 
Plein  le  verre,  ma  foi!  Puis  les  cris  et  les  pleurs 
Des  enfants  ne  font  pas  le  plus  beau  de  l'histoire  ! 
Ils  ne  vous  laisseront  ni  repos  ni  répit! 
L'un  a  la  gale  aux  mains,  lorsque  l'autre  petit 


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103  REYDB   D*AL8AGB 

A  de  la  pâte  molle  en  ses  cheveux.  La  bonne 
Eprouve  des  tourments,  se  fatigue  et  s'aigrit 
Bien  pis  que  chez  des  Turcs.  A  peine  Tun  guérit, 
L'autre  tombe  malade.  On  travaille,  on  leur  donne 
Les  veilles  et  les  soins!  Pourquoi?  Pour  en  avoir 
Remerctments  du  diable!* 

GBÉTE 

Oh!  Je  voudrais  bien  voir 
Que  ma  dame  trop  fort  me  parle!  Notre  maître 
Lui  dit  très  bien  son  fait,  quand  je  lui  fais  connaître 
Quelque  siyet  de  plainte. 

LISE 

Eh  !  la  mienne  me  va  ! 
J'aimerais  seulement  pouvoir  par  ci,  par  là. 
Me  rendre  au  Jardin  Schultz  ^  pour,  comme  une  autre  fille. 
Trouver  quelque  plaisir! 

SUZE 

Chez  nous,  soir  et  matin, 
L'on  cire,  frotte,  essuie,  et  sans  un  coup  de  main 
De  notre  demoiselle.  Oh!  quand  elle  s'habille 
Et  se  pare,  elle  croit  travailler  grandement 

QRÊTE 

Tonnerre!  comment  donc!  Je  perdrais  joliment 
Patience. 

LISE 

La  nôtre  est  tout  à  fait  coulée 
Au  même  moule! 

KiETH 

Et  moi!  je  me  trouve  accablée 

^  Semerdments  du  diabU,  Ingratitude  (se  dit  aussi  en  Franche-Comté; 
▼oir  la  légende  ci-après). 
*  Jardin  Schtilts,  bal  champêtre  situé  au  Contades. 


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UTTÉBATUBB  POFDUUB  M  L'AUACM-UmRAMB  lOS 

D'un  repentir  amer  de  n'avoir  pas  quitté 
Mes  maîtres.  Dieu  pardonne!  Auprès  d'eux  j'ai  gftté 
Plus  de  souliers,  ma  foi  !  que  je  n'obtiens  de  gage 
Pendant  toute  l'année.  On  a  pour  tout  potage 
Quatre  florins.  *  Il  faut  pour  se  faire  natter 
Les  cheveux,  la  piécette  ;2  et  puis  pour  acheter 
La  poudre  et  la  pommade,  une  certaine  somme 
Est  nécessaire  aussi.  On  entre  parfois,  comme 
On  en  a  l'habitude,  en  quelque  magasin 
De  sucrerie,  et  puis,  s'il  vous  reste  à  la  fin 
Quelques  sous,  il  les  faut  pour  couvrir  la  dépense 
Du  tabac  à  priser.  Mais  je  connais  la  danse 
Qu'on  peut  faire  danser  à  l'anse  du  panier. 
Sans  cela  je  serais  réduite  à  mendier. 

LISE 

Adieu  donc  maintenant  Ta  maîtresse  t'appelle 
Et,  si  tu  vois  Martin,  donne-lui  mon  bonsoir. 

K^TH 

Mille  tonnerres!  va!  l'eau  froide  qui  ruisselle 
Dans  mon  dos  ! 

GRÉTE 

Je  serai  seule!  venez  me  voir 
Quand  vous  aurez  assez  filé  ! 

Ki&TH 

Grande  campaine!' 
Va,  folle!  nous  irons  plutôt  à  la  fontaine! 

Haguenau,  le  lundi  de  Pentecôte,  6  juin  1881. 

*  Florin,  deux  liyres  on  deux  francs. 
'  La  piécette  valait  douze  sous.  £n  allemand  :  Bièsîe. 
'  Clochette  au  cou  d'une  vache,  par  extension  bavarde,  folle  qui  ne 
sait  ce  qu'elle  dit. 


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lOé  REVUE   D'ALSAGE 

LÉGENDE  FBANC-OOHTOISE 

LA   BECONNAISSANCB   DU   DIABLB 

Un  bon  paroissien  (c'était  un  conseiller 

De  fabrique,  un  dévot  et  zélé  marguillier) 

Un  beau  jour  parcourant  les  combles  de  l'église 

Y  retrouve  une  image  en  bois  qu'on  avait  mise 

En  dépôt  dans  ce  lieu.  C'était  un  saint  Michel 

Terrassant  Lucifer,  mais  que  le  temps  cruel 

Avait  bien  maltraité.  La  couleur,  la  dorure 

Ne  voulaient  plus  tenir,  et  partout  l'éraillure 

Mettait  le  bois  à  nu.  Notre  bon  conseiller 

Recueillit  saint  Michel,  et  pris  du  plus  pieux  zèle 

Fit  remettre  d'abord  des  plumes  à  chaque  aile, 

Fit  redorer  l'ai:mure,  et  même  dérouiller 

Le  glaive  flamboyant.  Puis  couvrant  son  visage 

De  blanc,  de  vermillon,  il  mit  selon  l'usage 

Sa  tunique  en  azur.  Après  à  Lucifer 

Rafistolant  la  queue,  et  couvrant  de  cirage 

Le  corps,  il  lui  fit  prendre,  oh  ma  foi  !  fort  bel  air  ! 

Et  maint  dévot  dès  lors  vint  rendre  son  hommage 

Au  saint,  qu'hier  encor  tout  chacun  méprisait. 

Lorsque  loin  des  regards  son  triste  corps  gisait 

Vermoulu,  délaissé,  dans  l'épaisse  poussière 

Du  grenier. 

Un  beau  soir  à  ce  bon  marguillier 
Apparut  le  démon,  qui  venait  pour  lui  faire 
De  grands  remercîments  :  <  L'on  allait  m'oublier 
Dans  un  obscur  endroit  où  j'étais  la  pâture 
Et  des  rats  et  des  vers.  Me  couvrant  de  peinture, 
Tu  me  rendis  ma  queue  et  mes  griffes.  Après, 
Rencorné  tu  me  mis  aux  lieux  où  je  parais 
Dans  toute  ma  splendeur.  De  ma  reconnaissance 
Je  voudrais  t'assurerl  suis-moi!» 

Le  diable  avance 
Et  le  bon  marguillier  le  suit  dans  la  forêt. 
Puis,  au  pied  d'un  sapin  creusant,  Lucifer  met 
A  nu  de  grands  trésors.  Après  il  les  recouvre 


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LITTÉRATURB  POPULAIRE  DE  L^ALSACE  LORRAINE  105 

De  terre  :  <  Tn  Tiendras,  mon  cher,  de  grand  matin, 
Les  enlever  1  >  —  «  Comment  pourrais-je  alors  demain 
Reconnaître  Tendroit?  »  —  «  Pour  que  personne  n'ouvre 
La  cachette,  et  pour  que  toi,  tu  mettes  la  main 
Sur  le  magot,  sans  peine,  il  n'est  qu'une  recette  : 
Culotte  bas  !  > 

On  rit,  et  la  chose  fut  faite. 
Quand  la  digne  moitié  de  notre  bon  dévot 
Du  coude  lui  tapant  dans  les  flancs,  dit  :  <  Grand  sot  1 
Es-tu  donc  un  gamin  pour  salir  ta  couchette?» 

Notre  homme!  ahl  qu'il  devint  capot! 
Triste  fin  d'un  rêve  agréable! 
Ce  fut  lui  qui  trouva  le  mot  : 
« Kemerctments  du  diable!» 

Rioz,  9  juillet  1881. 


m 

CONVERSATION  SÉRIEUSE  MAIS  AMUSANTE 

tenue  par  deux  ^Madame-morcousineyi  strasbourgeoises,  comme 
qui  dirait  Dame  Ursule  et  Dame  Salomé.  —  Strasbourg,  à 
trouver  au  magasin  de  Pauschinger,  sous  les  petites  Arcades.  * 

URSULE 

Cousine,  je  l'avoue  et  le  dis,  ça  me  crève 

Le  cœur  de  voir  comment  de  nos  jours  on  élève 

Notre  jeunesse  qui  n'a  plus  aucune  peur 

De  Hans  Trapp.^  Les  garçons  se  mettent,  o  malheur! 

^  Ce  morceau  est  une  mise  en  action  tr^s  bien  réussie  de  la  parabole 
de  La  Pailîe  et  de  la  Poutre. 

'  Hans  Trapp,  Personnage  fantastique  qui  la  veille  de  Noël  entre 
avec  l'enfant  Jésus  dans  les  maisons  où  il  y  a  des  enfants  pour  punir 
ceux  qui  ont  été  méchants,  pendant  que  l'enfant  Jésus  récompense 
ceux  qui  ont  été  bons.  Ce  nom"  provient  par  corruption  de  celui  d'un 
certain  Jean  de  Tratt,  chevalier-brigand  qui  se  fit  redouter  en  Basse- 
Alsace  et  dans  le  Palatinat. 


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100  REV0B    D'aLSAGB 

Tout  jeunes,  à  jouer.  Les  filles  qu'on  courtise 

Ne  songent  plus  qu'au  luxe,  à  mainte  mignardise, 

Croyant  que  c'est  bien  beau  quand  elles  s'en  vont  voir 

La  comédie,  et  quand  elles  vont  chaque  soir 

Au  Broglie  *  afin  que  chacun  les  y  reluque, 

Et  de  plus  chaque  jour  dessus  tous  les  remparts. 

Les  cheveux  dans  les  yeux,  tout  comme  une  perruque, 

Ces  folles  vous  auront  des  mines,  des  regards 

A  vous  ébouriffer.  Leur  gorge  est  toute  nue 

Afin  que  tout  passant  profite  de  la  vue 

De  leur  tétons.  Aussi  leur  tour  de  gorge  est  fait 

De  façon  bien  friponne.  Et  quant  à  leui*  corset. 

Est-il,  grand  Dieu  !  permis  qu'aussi  fort  on  le  lace? 

Elles  portent  enfin  un  costume  effronté 

Tout  comme  si  c'étaient  des  gens  de  qualité. 

La  jupe  en  tafietas  par  le  dessous  dépasse. 

Et  leurs  pantoufles  sont  de  drap  d'or  ou  d'argent. 

Avec  grands  falbalas,  avec  des  bas  de  soie 

Blancs,  qu'elles  lacent  fort,  afin  que  l'on  n'y  voie 

Le  moindre  petit  pli,  le  moindre  froncement. 

Et  puis  au  grand  jamais  elles  ne  voudront  mettre 

De  souliers  noirs.  Oh  non  !  les  souliers  devront  être 

De  couleur.  Vous  savez,  cousine,  n'est-ce  pas? 

Qu'autrefois,  aussi  vrai  que  je  suis  honorable, 

Le  monde  se  montrait  beaucoup  plus  respectable. 

Ah!  comme  on  nous  faisait  lire,  après  le  repas 

Du  soir,  dedans  la  Bible  !  On  ne  pouvait  descendre 

Devant  la  porte,  non!  Et  quel  bruit,  quel  esclandre 

On  faisait.  Dieu  du  ciel  !  et  comme  on  nous  grondait, 

Quand  l'une  d'entre  nous  seulement  accordait 

Le  plus  simple  bonjour  aux  messieurs  dans  la  rue  ! 

Aussitôt  on  disait:  «Dieu!  quelle  dissolue!  » 

Quand  en  société  quelqu'un  nous  embrassait! 

SALOMÊ 

Ma  cousine,  c'est  vrai!  mon  mari  me  disait 
^  Broglie,  promenade  à  Strasbourg,  rendez-vous  de  la  belle  sociéié. 


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LITTÉIUTUIIE  POPULAIRE  DB  L^ALSlCB-LORRAINB  107 

Que  du  temps  qu'il  était  encor  célibataire 
Ça  marchait  autrement  Nul  garçon  n'allait  faire 
Du  luxe  en  ses  habits  avant  qu'il  ne  fût  sec 
A  ses  oreilles.  Non  !  jamais  jeune  blanc-bec 
Aux  filles  ne  faisait  la  cour  ou  la  causette 
Quand  il  n'était  pourvu  de  barbe  à  son  menton. 
Au  sortir  de  la  classe,  aujourd'hui  les  voit-on 
Dans  les  lieux  où  l'on  peut  trouver  quelque  fillette, 
Ces  beaux  étudiants!  Ma  Sâlmel*  l'autre  fois 
S'était  permis  aussi  de  m'en  amener  trois 
Chez  nous.  Bonté  du  ciel  !  Comme  je  me  suis  mise 
A  gronder! 

URSULE 

Ma  cousine,  il  faut  que  je  le  dise 
Pour  sa  défense  :  alors  elle  ne  pouvait  pas 
Faire  autrement 

SALOMi 

Pardon!  de  tricoter  ses  bas 
Lui  séait  beaucoup  mieux  que  de  rester  avecque 
De  jeunes  courtisans  qui  feraient  beaucoup  mieux 
D'aller  à  leur  collège,  à  la  bibliothèque. 
Ma  fille  ne  doit  pas  s'éloigner  de  mes  yeux 
De  plus  que  de  cent  pas.  Car  n'est-il  pas  immense 
De  nos  jours  le  danger  de  la  séduction?. . . 
Mais!  connaîtriez-vous,  ma  foi!  puisque  j'y  pense, 
Le  jeune  magkter^  donnant  l'instruction 
A  nos  petits? 

UBSULE 

Mais  non  cousine!  Qui  donc  est-ce? 

^  SàJmèl,  Salomé. 

'  Magigter,  candidat  pastear,  s'occupant  d'enseignement  en  attendant 
nne  cure. 


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REVUE    D'aLSACE 
SALOMÉ 

lomme  convenable  et  plein  de  gentillesse, 

hant  déjà,  très  sage,  et  parlant  couramment 

Ltin,  et  portant  sa  propre  chevelure  ; 

3  plus  il  n'est  pas  brutal  de  sa  nature 

nae  bien  d'autres  qui  mettront  tout  leur  talent 

us  faire  pleurer  nos  enfants. 

URSULE 

Ma  cousine, 
j'ai  bien  ri  jeudi  !  Mais  veuillez  m'excuser 
vous  interromps, 

SÀLOMÉ 

Vous  faites  la  badine 
îrsmoi!  laissez  donc! 

URSULE 

Je  viens  de  m'amuser 
)ur-là,  ma  cousine,  en  belle  compagnie 
lessieurs  bien  gentils,  pleins  d'esprit,  de  gatté. 
comme  ils  vous  menaient  bien  la  plaisanterie, 
rouler  par  terre!  sauf  un  seul  excepté 
n  tous  lieux  et  tout  temps  j'éviterai. 

BALOMÉ 

Cousine, 
den!  pariez-vous  que  moi  je  le  devine? 

URSULE 

)us  le  devinez,  ma  foi,  je  le  dirai. 

SÀLOMÉ 

ait-ce  pas  u  —  ? 

URSULE 

u  —  ?  C'est,  ma  foi,  vrai! 
résence  en  tous  lieux  m'est  bien  insupportable: 
t  un  fort  mauvais  homme,  un  esprit  pitoyable. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LOR RAINE  109 

Croyez-vous  qu'une  fois  cet  être  portera 

Son  chapeau  sous  le  brasV  Ou  bien  qu'il  se  fera 

Friser  complètement?  Oh  non!  mais  sur  sa  veste 

Il  a  cent  taches,  et,  quand  d'autres,  bien  ornés 

Sentent  l'eau  de  lavande,  au  contraire  il  empeste 

Le  tabac.  Il  n'a  pas  de  gilets  galonnés, 

Le  croirez-vous,  cousine?  Et  jamais  il  ne  reste 

Auprès  de  la  maison  Hummel;  jamais,  ma  foi! 

Aux  orgues  il  ne  monte.  Eh  bien!  que  l'on  proteste 

Ou  non,  moi  je  le  tiens  pour  un  sot.  Et  pourquoi? 

Ne  me  parla-t-il  pas,  et  trois  heures  entières 

De  rien  autre,  ma  foi,  que  de  pur  sentiment? 

îî'était-ce  pas  niais?  Qu'il  vienne  seulement 

Et  me  dise  un  seul  mot!  Sans  faire  de  manières, 

Comme  je  l'enverrai  promener  proprement! 

Ah!  les  autres  faisaient  bien  meilleure  figure. 

Payant  pâtisserie  et  bonne  confiture 

Qu'ils  faisaient  arroser  de  fort  bon  vin  muscat! 

S'ils  viennent  quelque  part,  vite  on  vous  accommode 

Ce  qu'il  y  a  de  fin,  de  bon,  de  délicat! 

Et  le  moindre  chiifon  sur  eux  est  à  la  mode. 

Chaque  quinzaine  ils  ont  un  nouveau  vêtement. 

Oui!  c'est  un  vrai  plaisir  d'avoir  un  tel  amant: 

Avec  lui  dans  la  rue  on  peut  se  montrer  fière. 

Le  sentiment  intime?  Eh!  que  peut-il  me  faire 

Quand  un  individu  ne  peut  rien  me  payer 

Ni  donner?  Mon  amour  est  prêt  à  se  rouiller 

Quand  à  mon  amoureux  ce  sentiment  ne  coûte 

Quelques  sous. 

SÀLOMÉ 

Mais  voyez!  combien  cela  déroute 
D'avoir  tant  à  penser.  Je  viens  de  remarquer 
Seulement  maintenant  cette  belle  engageante  ^ 

'  Engageante,  espèce  de  fichu  à  la  mode  à  Pépoque. 


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110  REVUE    D'ALSACE 

Que  ma  cousine  a  là. 

URSULE 

Ma  cousine  plaisante! 
De  moi  voudriez-vous,  ma  chère,  vous  moquer? 

SALOMÉ 

Cousine,  non,  vraiment!  Oh  bien!  la  belle  chose! 
Où  Pavez-vous  donc  fait  broder?  L'œillet,  la  rose 
Sont  comme  s'ils  vivaient 

URSULE 

Moi?  Je  l'ai  fait  broder 
Par  Madame  Bârwel. 

SALOMÉ 

Je  devais  le  cuider! 
Mais  ce  qui  me  déroute  auprès  de  ces  brodeuses 
C'est  qu'elles  font  bien  trop  attendre  les  dessins 
Qu'on  leur  a  confiés!. . .  Sommes-nous  curieuses?. . . 
Pour  qui  seraient  donc  bien  les  tartes  aux  raisins 
Que  nous  venons  de  voir  porter?  Pour  qui,  cousine. 
Le  penseriez-vous  bien? 

URSULE 

C'est  pour  une  voisine 
Qui  dans  le  Trou-Thomann  '  accoucha  justement 

SALOMÉ 

On  sonne  l'heure.  Chut! 

URSULE 

Combien? 

SALOMÉ 

Midi! 

URSULE 

Comment! 
C'est  vraiment  pitoyable  ! 

SALOMÉ 

Oh  !  ça  ne  peut  pas  être  ! 

'  Trou  Thomaim  (Dummélach)^  rue  parallèle  à  la  Petite  Rue  des 
Bouchers. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L* ALSACE-LORRAINE  111 

Midi! 

URSULE 

Si!  vous  pouvez  très  bien  le  reconnaître 
Par  le  son  des  tambours. 

SÀLOMÉ 

Loin  de  vous  en  aller 
Restez  encore  un  peu.  J'aime  voir  défiler 
Ces  beaux  Nassoviens.  * 

URSULE 

Moi,  cousine,  de  même. 

SALOMÉ 

Ils  viennent 

URSULE 

Cette  marche  est  belle  ! 

SALOMÉ 

Oh!  oui!  moi  j'aime 
Le  son  de  leurs  tambours. 

URSULE 

Ma  cousine,  toujours 
Je  suis  votre  servante  et  nullement  n'hésite 
D'humblement  vous  prier  de  donner  mes  bonjours 
A  votre  cher  marL 

SALOMÉ 

Pareillement!  Bien  vite 
Il  faut  que  je  me  sauve.  Allons!  Bien  du  bonheur! 
Surtout  venez  bientôt  me  faire  une  visite. 

URSULE 

Ma  cousine  sous  peu  je  m'en  ferai  l'honneur! 

Rioz,  18  mai  1881. 

Ch.  Berdellé. 
(La  fin  à  la  prochaine  livraison.) 

^  Les  Nassoviens,  an  des  régiments  allemands  qu'avant  la  Révolation 
la  France  ayaît  à  son  service.  Les  princes  de  Nassau  avaient  des  pos- 
sessions dans  cette  portion  du  Bas-Khin,  située  à  Touest  des  Vosges,  et 
ces  possessions  devaient  fournir  des  hommes  au  régiment  de  Nassau. 


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MATÉRIAUX 


POUR  SERVIR  A 


L'HISTOIRE  DE  LA  GUERRE  DE  TRENTE  ANS 

tirés  des  arohives  de  Colmar 


(Suite) 


3  janvier  1642  —  24  mai  1643 

Démarches  de  la  ville  pour  pouvoir  prendre  part 
aux  négociations;  peu  de  sûreté  des  routes  en 
Alsace;  nouvelle  apparition  du  duc  de  Lorraine; 
bourgeois  de  Colmar  prisonniers  à  Ofifenhourg 
et  à  Philipsbourg;  insolences  des  gouverneurs 
de  ces  deux  places  ;  victoires  des  alliés  et  reprise 
des  négociations  :  quel  sort  réservé  à  l'Alsace  ? 
mort  de  Richelieu;  lettre  de  Mazarin;  contesta- 
tion au  sujet  des  donations  faites  par  la  Suède  à 
la  ville. 

En  apprenant  les  mesures  sérieuses  dont  les  plénipoten- 
tiaires étaient  tombés  d'accord,  la  ville  de  Colmar  s'empressa 
d'écrire,  sous  la  date  du  10  janvier  1642,  à  Salvius  et  à  Jean 
Oxenstirn,  le  fils  du  chancelier,  qui  avait  été  adjoint  à  l'am- 
bassadeur ordinaire,  pour  qu'ils  prissent  ses  intérêts  en  con- 
sidération. Elle  leur  fit  sentir  que,  malgré  la  protection  de  la 
France,  elle  ne  pouvait  compter  en  toutes  choses  sur  son 
appui  et  que  la  bienveillance  de  la  couronne  de  Suède  pou- 
vait seule  assurer  la  liberté  de  conscience  aux  protestants. 
{Prot  miss.) 


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&ISTOIRE  DE  LA  GUBAKË  DB  TRENTE  ANS  lia 

Le  résident  Mockhel,  par  Tentremise  duquel  la  ville  cor- 
respondait avec  les  ambassadeurs,  agissait  de  son  côté  à 
Stockholm  et,  par  sa  lettre  du  31  janvier,  il  iit  part  à  la  ville 
de  plusieurs  dépèches  qu'il  avait  adressées  à  la  reine  de 
Suède,  et  où  il  lui  recommandait  particulièrement  les  intérêts 
des  villes  protestantes  d'Alsace,  Strasbourg,  Colmar  et 
Munster. 

L'ouverture  des  conférences  avait  été  fixée  au  ^  mars,  et  la 
ville  ne  méconnaissait  pas  l'utilité  qu'il  y  aurait  pour  elle  d'y 
prendre  part.  Cependant  elle  n'avait  pas  encore  reçu  les  saufs- 
conduits  qui  lui  étaient  nécessaires,  et  ce  retard  ne  laissait 
pas  que  de  l'inquiéter.  Elle  venait  d'envoyer  à  Paris  le  régis- 
trateur  ou  archiviste  Jean-Balthasar  Schneider,  pour  y  solliciter 
l'immunité  fiscale  des  terres  appartenant  à  ses  bourgeois  hors 
du  ban  de  Colmar;  *  elle  lui  écrivit,  le  7  février,  pour  le  prier 
de  faire  demander  ce  passe-port  par  le  comte  d'Avaux,  à 
l'ambassadeur  impérial  de  Ltltzow,  et  de  procurer  à  l'envoyé 
de  Colmar  ses  entrées  chez  l'ambassadeur  de  France. 

A  son  arrivée  à  Paris,  Schneider  avait  appris  que  Louis  XIII 
était  parti  avec  toute  sa  cour  pour  la  Catalogne.  D  avait  cru 
de  son  devoir  de  rejoindre  le  roi,  et  ne  reçut  la  lettre  de  ses 
commettants  qu'à  Béziers,  le  j^  mars  1642.  Toujours  à  la  suite 
de  la  cour,  il  arriva  avec  elle  à  Narbonne  et  s'adressa  à  M.  de 
la  Barde,  premier  commis  de  M.  de  Chavigny,  spécialement 
chargé  des  négociations  relatives  à  la  paix.  Il  apprit  ainsi,  que 
tous  les  états  et  villes  d'Allemagne  qui  s'étaient  alliés  avec  la 
France,  devaient  avoir  part  aux  saufs-conduits.  Mais  jusque  là 
personne  n'ayant  rien  demandé,  les  bureaux  avaient  négligé  de 
se  mettre  en  mesure.  En  attendant  ce  passe-port,  Schneider 
obtint  une  lettre  du  roi,  sous  le  contre-seing  de  Bouthillier  le 
père,  datée  de  Narbonne,  10  avril,  portant  que,  sur  les  repré- 
sentations de  leur  député.  Sa  Majesté  faisait  savoir  à  ses  très 

'  X.  MossMAHK,  Contestation  de  Colmar  avec  la  Cowr  de  France  (1641- 
1644).  —  Colmar,  Eug.  Barth,  1869,  m-S^. 

Nouvelle  Séne.  —  ior*  année.  8 


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114  REVUE    D'ALSàCE 

chers  et  bons  amis  de  Colmar  que,  par  le  traité  conclu  à 
Hambourg  «touchant  les  préparatoires  à  la  paix»,  les  ennemis 
avaient  promis  de  mettre  à  la  disposition  de  la  France  un 
sauf-conduit  pour  tous  ses  alliés  et  adhérents  dans  l'Empire, 
et  qu'au  moyen  de  ce  document  il  sera  loisible  à  la  yille  de  se 
faire  représenter  aux  conférences. 

Pour  n'être  plus  le  théâtre  de  la  guerre,  l'Alsace  n'en  restait 
pas  moins  exposée  aux  insultes  des  Impériaux,  et  particuliè- 
rement de  la  garnison  d'Ofienbourg,  qui  faisait  de  fréquentes 
pointes  sur  la  rive  gauche.  Les  routes  et  la  campagne  étaient 
peu  sûres.  L'ennemi  en  embuscade  surprenait  les  marchands 
et  les  cultivateurs,  dételait  les  chevaux,  faisait  des  prisonniers 
et  disparaissait.  La  ville  ne  demandait  pas  mieux  que  de  faire 
battre  le  pays  par  de  fréquentes  patrouilles;  mais  il  se  trou- 
vait des  seigneuries  qui  prenaient  ombrage  de  ces  mesures 
protectrices,  et  à  qui  il  ne  convenait  pas  de  laisser  violer  leur 
territoire  par  les  soldats  de  la  garnison  allemande  de  Colmar. 
(Prot  miss,  lettre  au  général  d'Erlach  du  13  février  1642.)  Le 
16  mai,  cinq  cavaliers  tombèrent  sur  des  voituriers  suisses, 
près  du  pont  de  la  Katzwang,  à  qui  ils  enlevèrent  quatre 
chevaux  et  une  trentaine  de  rixdales.  Les  voituriers  portèrent 
plainte,  et  le  magistrat  envoya  contre  les  voleurs  un  détache- 
ment qui  les  joignit  dans  la  forêt  du  Rothlseublen.  Sommés  de 
se  rendre,  ils  résistèrent,  et  l'un  d'eux  fut  tué  les  armes  à  la 
main.  On  l'amena  avec  son  cheval  à  Colmar,  oU  il  fut  enterré 
peut-être  avec  trop  de  précipitation.  Il  se  trouva  que  ce  n'était 
pas  un  ennemi,  et  que  les  auteurs  de  cet  attentat  étaient  des 
cavaliers  du  régiment  de  Rosen.  {Prot  miss,  lettres  à  d'Erlach 
et  au  colonel  Rosen,  du  17  et  du  19  mai,  et  lettre  de  ce  dernier 
à  la  ville,  du  29  mai.)  Cependant  les  Impériaux  n'étaient  pas 
loin  ;  car,  le  17  au  soir,  un  parti  de  la  garnison  d'Offenbourg, 
posté  dans  le  Landgraben,  fit  plusieurs  prisonniers,  entre 
autres  le  commissaire  des  guerres  Courrier,  en  résidence  à 
Colmar,  qui  toutefois  ne  tarda  pas  à  recouvrer  sa  liberté. 


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HESTOIRB  DE  LA  GUERRE  DE  TRENTE  ANS  115 

Certaines  circonstances  donnèrent  lieu  à  la  ville  de  croire 
que  les  ennemis  en  voulaient  surtout  à  ses  bourgeois.  Elle 
trouvait  de  plus  qu'on  les  traitait  plus  rigoureusement  que 
tous  les  autres  prisonniers,  et  elle  s'en  plaignit  au  résident 
Mockhel  et  au  général  migor  d'Erlacb,  par  lettres  du  28  et 
du  29  mai.  {Frot  mus.)  C'était,  disait-elle,  grâce  aux  accoin- 
tances que  les  Impériaux  avaient  formées  à  Sélestadt,  qu'ils 
pouvaient  ainsi  s'aventurer  sur  la  rive  gauche,  et  elle  crut 
que  plus  de  sévérité  à  l'égard  des  prisonniers  ennemis  ren- 
drait leurs  compagnons  plus  prudents. 

Le  mal  était  que  le  plat-pays  était  sympathique  à  ces  entre- 
prises; c'était  aux  Impériaux  que  les  paysans  portaient  leurs 
informations,  plutôt  qu'aux  garnisons  françaises  ou  suédoises 
de  Colmar,  de  Brisach,  de  Sélestadt  et  de  Benfeld.  D  n'était 
possible  d'obvier  à  cet  inconvénient  que  par  des  reconnais- 
sances fréquentes  et  combinées  entre  les  diverses  places-fortes, 
et  c'est  dans  ce  but  que  Colmar  écrivit,  le  9  juin,  à  Mockhel, 
après  avoir  déjà  obtenu  du  général  d'Erlach  qu'il  ferait  plus 
exactement  surveiller  le  pays  entre  le  Rhin  et  l'IlL  {Frot, 
miss.)  Le  résident  partageait  les  vues  de  Colmar,  et  il  affirme 
qu'il  se  passait  peu  de  jours  sans  que  le  gouverneur  de  Benfeld 
envoyât  au  dehors  quelque  parti  de  sa  garnison.  Il  s'agissait 
d'en  obtenir  autant  de  Sélestadt,  qui  devait  surveiller  le  cours 
de  l'IU  et  le  passage  du  Landgraben. 

Cependant  les  pointes  de  l'ennemi  ne  discontinuaient  pas; 
d'Erlach  qui  avait  envoyé  une  partie  de  ses  troupes  en  Lor- 
raine, fut  contraint  de  les  faire  revenir;  en  attendant  leur 
retour,  il  requit  quarante  hommes  de  la  garnison  française  de 
Colmar,  auxquels  la  ville  joignit  bénévolement  vingt-cinq 
hommes  de  sa  compagnie  allemande.  {Frot  miss,  lettre  à 
d'Erlach,  11  juillet  1642.) 

C'était  une  nouvelle  apparition  du  duc  de  Lorraine  qui 
motivait  ces  meoures.  Il  eat  vrai  qu'elle  l'ut  de  courte  durée, 
et  que  le  prince  ne  dépassa  pas  Molsheim  et  Obernai.  Mais 


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m  kfivuE  d'alsacs 

cela  n^empêcha  point  les  cavaliers  du  lieutenant-colonel 
Bissinger  de  pousser  jusque  dans  le  plus  proche  voisinage  de 
Colmar,  où  ils  s'emparèrent,  dans  la  première  quinzaine  d'août, 
de  deux  bourgeois  et  de  vingt  et  quelques  chevaux,  qut  furent 
menés  au  camp  du  duc  de  Lorraine,  et  de  là  à  Landau.  On 
exigea  de  chaque  prisonnier  une  rançon  de  230  rixdales,  qui 
dépassait  de  beaucoup  leurs  ressources.  Les  Impériaux 
d'Oftenbourg  en  usaient  de  même,  et  un  de  leurs  partis  enle- 
vait à  la  même  époque,  dans  la  forêt  du  Eastenwald,  entre 
Colmar  et  Brisach,  tantôt  le  messager  de  la  chancellerie, 
tantôt  de  simples  bourgeois.  Le  magistrat  écrivit,  le  15  août,  à 
d'Oysonville  {Prot  tmss.  gaU.\  pour  le  prier  d'intervenir 
auprès  des  gouverneurs  de  Philipsbourg  et  d'Offenbourg,  où 
les  prisonniers  avaient  été  menés.  Le  19  août,  il  s'adressa 
aussi  au  gouverneur  de  Benfeld,  le  colonel  Moser,  en  lui 
demandant  son  agrément  pour  tenter  une  surprise  de  l'autre 
côté  du  Rhin,  dans  le  but  de  ramener  des  prisonniers  à  échan- 
ger contre  ses  bourgeois.  {Prot  miss,  germ.)  D'Erlach  prévint 
ses  désirs  et  lui  envoya  un  cavalier  de  Bissinger  qu'il  avait 
entre  ses  mains.  {Prot.  miss,  lettre  à  d'Erlach  du  23  août)  Le 
projet  d'envoyer  un  parti  au-delà  du  Rhin,  pour  se  nantir  de 
prisonniers  d'Offenbourg,  fait  aussi  l'objet  d'une  lettre  du 
30  août,  également  au  général-major  d'Erlach. 

Cependant,  mieux  sur  ses  gardes,  le  gouverneur  de  Brisach 
parvint  à  s'emparer  de  tout  un  parti  de  la  garnison  d'Offen- 
bourg, qui  s'était  aventuré  sur  la  rive  gauche  du  Rhin.  Au 
nombre  des  prisonniers  se  trouvait  un  déserteur,  le  nommé 
Kleindienst,  de  Sainte-Croix,  vassal  de  Colmar,  à  qui  il  avait 
fait  hommage.  La  ville  en  demanda  l'extradition  par  une 
lettre  du  16  septembre.  {Prot  miss.) 

Le  baron  d'Oysonville,  qui  était  alors  à  Saverne,  ne  jugea 
pas  à  propos  d'écrire  immédiatement  au  gouverneur  de  Philips- 
bourg,  le  colonel  Bamberger.  Il  voulait  d'abord  envoyer  un 
fort  parti  dans  le  margraviat  de  Bade,  avec  ordre  de  ramasser 


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HISTOIRE  DE  L4  G0BRRE  DE  TRENTE  ANS  117 

tout  ce  qu^il  pourrait  de  prisonniers.  Une  fois  les  mains  gar- 
nies, il  promettait  (lettre  du  19  septembre)  de  parler  hardiment 
et  de  traiter  ses  prisonniers  comme  Tennemi  traitait  les  gens 
de  Colmar.  Le  lieutenant  du  roi  se  ravisa  pourtant,  et  il 
annonça  à  la  ville,  le  21  septembre,  le  départ  d'un  trompette 
porteur  d'une  lettre  pour  Bamberger.  Il  en  rapporta  une 
réponse  on  ne  peut  plus  offensante  pour  la  ville  et  que 
d'Oysonville  s'empressa  de  lui  communiquer,  a  ne  voulant  pas 
lui  cacher  le  maltalent  qu'il  paroist  en  icelle,  que  le  party 
impérial  a  pour  elle».  Il  ne  restait  qu'à  attendre  le  retour 
d'un  parti  que  d'Oysonville  avait  envoyé  six  jours  auparavant 
tout  exprès  pour  faire  des  prisonniers,  qu'il  promettait  de 
livrer  à  Colmar.  Le  même  trompette  était  porteur  d'une  lettre 
de  deux  boui^eois  de  Colmar,  Henri  Gsell  et  Jean  Walch, 
prisonniers  h  Philipsbourg. 

De  son  côté  d'Erlach  s'était  adressé  au  colonel  de  Schauen- 
burg,  gouverneur  d'Oftenbourg,  pour  lui  proposer  d'échanger 
les  bourgeois  de  Colmar  contre  des  prisonniers  qui  se  récla- 
maient de  lui.  Schauenburg  reçut  cette  ouverture  fort  mal  ;  il 
manda,  le  10  octobre,  au  gouverneur  de  Brisach,  qu'il  ne  pou- 
vait considérer  les  gens  de  Colmar,  en  général,  que  comme 
des  parjures  et  des  rebelles,  coupables  du  massacre  d'une 
partie  de  la  garnison  impériale,  en  1632;  l'un  des  deux  prison- 
niers qu'il  tenait,  était  particulièrement  accusé  d'avoir  tué 
trois  soldats  de  sa  main,  et  quant  à  l'échange  proposé,  il 
voulait  le  restreindre  aux  seuls  habitants  de  Brisach  et  de 
Markolsheim. 

Cette  exclusion  outra  moins  notre  ville  que  les  inculpations 
injurieuses  dont  elle  était  l'objet  Elle  répondit  au  général 
major,  le  21  octobre,  pour  protester  hautement  contre  cette 
atteinte  portée  à  son  honneur,  et  pour  repousser  comme 
dénuées  de  tout  fondement  les  allégations  de  Schauenburg. 
Les  honmies  qui,  contrairement  aux  constitutions  de  l'Empire, 
aTaient  été  chassés  des  emplois  çt  e^és,  n'étaient  pas  respo»- 


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118  RGYUB   D'ALSACE 

sables  du  tumulte  qui  avait  accompagné  la  reddition  de  la 
ville  aux  Suédois,  mais  ceux  qui  se  trouvaient  alors  h  la  tête 
des  affaires,  et  dont  quelques-uns  vivent  encore.  Le  tumulte 
même  n'était-il  pas  la  suite  des  discours  imprudents  de  la 
garnison,  qui  ne  parlait  de  rien  moins  que  de  massacrer  le 
magistrat  et  la  bourgeoisie?  Dans  tous  les  cas,  ce  n'est  pas  à 
quelques  chefs  militaires  k  condamner  la  ville,  quand,  par 
une  convocation  spéciale  à  la  diète  de  Ratisbonne,  Tempereur 
lui  avait  solennellement  reconnu  le  rang  et  la  qualité  d'état 
de  l'Empire. 

Sur  ces  entrefaites  un  incident  favorable  mit  entre  les 
mains  de  d'Erlach  plusieurs  prisonniers  de  distinction,  appar- 
tenant à  la  garnison  d'Offenbourg.  Le  colonel  de  Schauenburg 
se  radoucit,  et  les  deux  bourgeois  de  Colmar  furent  mis  en 
liberté.  Mais  arrivés  à  Brisach,  ces  pauvres  gens  furent 
retenus  par  les  ordres  du  gouverneur,  qui  prétendit  que 
l'échange  n'avait  été  consenti  par  le  conunandant  d'Offenbourg 
que  moyennant  une  soulte  de  500  rixdales.  La  ville  intervint 
de  nouveau,  et  le  général  major  délégua  le  colonel  Hattstein 
pour  traiter  de  l'affaire.  Celui-ci  en  remit  le  soin  h  quelques 
officiers  et  l'on  finit  par  tomber  d'accord  moyennant  quelques 
foudres  de  vin.  Mais  le  marché  ne  fut  pas  reconnu  par  d'Er- 
lach, qui  tenait  k  ce  que  la  rançon  fût  en  argent.  La  ville  finit 
par  prier  M.  de  Polhelm  de  dénoncer  à  la  cour  ce  procédé  du 
gouverneur,  où  elle  ne  voyait  qu'une  grossière  tentative  d'ex- 
torsion. {Prot  miss,  lettre  du  28  décembre.) 

Malgré  la  nouvelle  phase  où  le  dernier  traité  de  Hambourg 
avait  fait  entrer  les  négociations,  l'action  diplomatique  faisait 
peu  de  progrès.  Tant  que  le  sort  des  armes  restait  incertain» 
l'Empire  était  peu  disposé  h  ces  concessions,  sans  lesquelles 
le  parti  protestant  ni  la  France  n'étaient  disposés  h  transiger 
(Ct  lettre  de  Mockhel  du  5  décembre).  La  victoire  de  Lérida 
sur  les  Espagnols,  celle  de  Leipzig  sur  l'archiduc  Léopold 
rendirent  l'empereur  plus  accommodant  Colmar  eut  avis  de 


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HISTOIRB  DE  LA  GUERRE  DE  TRENTE  ANS  119 

la  défaite  des  Impériaux  par  une  lettre  pleine  d'intérêt,  datée 
du  camp  devant  Leipzig,  30  octobre  1642,  dont  Mockhel  lui 
envoya  copie.  Le  16  novembre,  le  baron  d'Oysonville  écrivit 
à  la  ville  pour  rengager  à  se  joindre  à  M.  Clausier  pour 
rendre  grâce  h  Dieu  des  victoires  obtenues  par  les  maréchaux 
de  La  Mothe  et  Torstenson  sur  les  principales  armées  de  la 
maison  d'Autriche. 

Par  une  lettre  du  28  mars  1643,  Salvius  put  annoncer  que 
les  ratifications  du  traité  de  Hambourg  et  les  saufs-conduits 
avaient  enfin  été  échangés,  et  que  Ton  était  tombé  d'accord 
d'ouvrir  définitivement  les  conférences,  le  -^  juillet,  à  Osna- 
brûck  et  à  Munster.  Ce  n'était  pas  trop  tôt:  Salvius  était 
depuis  sept  ans  chargé  de  traiter  des  seuls  préliminaires  de  la 
paix.  Les  saufs-conduits  n'étaient  pas  nominatif:  Mockhel 
devait  envoyer  h  l'ambassadeur  les  noms  des  états  de  son 
ressort  appelés  à  se  faire  représenter. 

Le  20  avril,  Salvius  adressa  directement  à  Colmar  une  copie 
notariée  du  sauf-conduit,  en  faisant  remarquer  à  la  ville  que 
si  la  reine  de  Suède  avait  voulu  sacrifier  ses  alliés  et  ses  core- 
ligionnaires, il  n'aurait  pas  fallu  tant  de  temps  pour  mener 
Taffidre  à  ce  point 

Malheureusement  pour  la  maison  d'Autriche  et  l'Allemagne, 
il  ne  s'agissait  plus  seulement  de  la  liberté  religieuse  des  pro- 
testants: c'étaient  le  territoire  et  les  frontières  de  l'Empire 
qui  étaient  en  jeu,  et  les  honunes  qui  présidaient  à  ses  destinées 
ne  pouvaient  se  résigner  à  ce  sacrifice.  Un  mémoire  daté  du 
g  janvier  1643,  et  signé  par  le  D' Weber,  avocat  consultant 
de  la  ville,  donne  de  curieux  renseignements  sur  les  préoccu- 
pations qui  assiégeaient  alors  les  esprits.  Chargé  d'une  mission 
auprès  du  D' Welcker  qui,  sous  le  titre  d'auditeur  général, 
exerçait  à  Brisach  les  plus  hautes  fonctions  civiles  &  côté  du 
général  major  d'Erlach  et  du  lieutenant  du  roi  d'Oysonville, 
Weber  rend  compte  dans  ce  rapport  de  la  conversation  qu'il 
avait  eue  avec  ce  personnage  et  qui  touchait  au  sort  réservé 


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120  REVUE    D*ALSAGE 

à  l'Alsace.  Il  ne  doutait  pas,  disait-il,  qu'il  ne  s'accomplît 
prochainement  un  changement  notable  dans  la  situation  du 
pays.  Strasbourg  y  passera  comme  le  reste:  quand  le  roi 
réclamera  le  pont  du  Rhin,  cette  ville  ne  pourra  pas  se  main- 
tenir davantage.  La  France,  continua-t-il,  avait  songé  à  créer 
une  justice  ambulatoire,  mais  ce  projet  n'avait  pas  abouti.  Il 
est  question  maintenant  de  placer  quatre  agents  à  la  tête  du 
diocèse  de  Strasbourg,  de  l'Alsace,  du  Sundgau  et  du  comté  de 
Montbéliard,  relevant  tous  les  quatre  d'un  président  ou  d'un 
commissaire  central  et,  dans  ce  cas,  Colmar  devra  se  résigner 
et  obéir  comme  les  autres  états  de  la  province.  Bientôt  le 
pays  en-deça  du  Rhin  reprendra  son  nom  d'Austrasie.  On 
avait  déjà  discuté  la  question  des  appels  de  Sélestadt  à  la 
chambre  impériale  de  Spire,  et  tout  en  reconnaissant  que  ces 
appels  étaient  de  droit,  le  baron  d'Oysonville  avait  été  d'avis 
de  soumettre  les  procédures  en  instance  supérieure  à  une 
simple  révision.  Du  reste  on  doit  savoir  que,  d'après  Limnseus, 
Colmar  n'était  pas  à  proprement  parler  une  ville  libre,  puis- 
qu'elle était  sous  l'avouerie  d'un  grand-bailli,  et  qu'elle  n'était 
état  de  l'Empire  qu'en  sa  qualité  de  membre  de  la  Décapole. 
Peu  de  temps  avant  cet  entretien  remarquable,  Colmar 
avait  reçu  la  nouvelle  de  la  mort  de  Richelieu.  La  politique 
de  ce  grand  homme  d'Etat  l'avait  bien  disposé  pour  la  petite 
république  qui  avait  su,  au  prix  d'une  capitulation  et  d'une 
alliance  qu'on  qualifiait  de  trahison,  se  soustraire  au  joug  de 
la  maison  d'Autriche,  sans  se  douter  du  risque  beaucoup  plus 
grand  auquel  elle  s'exposait.  La  ville  ressentit  cette  perte  et 
en  exprima,  le  28  décembre,  ses  regrets  au  comte  de  Ghavigny 
et  h  M.  des  Noyers,  k  qui,  par  la  même  occasion,  elle  recom- 
manda ses  intérêts.  Elle  écrivit  en  même  temps  au  cardinal 
Mazarin,  pour  le  féliciter  du  choix  que  Louis  XIII  avait  £ait 
de  lui  pour  remplacer  le  cardinal-duc,  et  pour  le  prier  de  con- 
server à  Colmar  les  mêmes  sentiments  que  son  prédécesseur 
lui  portait.  (iVof.  miss.  gaU.) 


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HISTOIRE  DE  LA  60BIIRE  DE  TRENTE  ANS  131 

La  réponse  de  Mazarin  est  du  19  février,  et  mérite  d'être 
transcrite  textuellement. 

«Messieurs,  la  passion  particulière  que  je  scay  que  Monsieur 
le  Cardinal  Duc  auoit  pour  les  intérêts  de  vostre  Republique, 
ne  nae  permet  pas  de  douter  que  vous  n'ayez  esté  très-sensi- 
blement touchez  de  la  mort  de  ce  grand  Ministre.  Bien  que  je 
me  trouve  fort  esloigné  de  ses  merveilleuses  qualitez,  Je  vous 
p\ûs  neantmoins  asseurer  que  je  luy  ay  succédé  en  rjnclina- 
tion  qu'il  auoit  de  vous  seruir  auprès  du  Roy,  et  que  je  croirois 
faire  tort  à  ce  que  je  dois  à  la  mémoire  de  celuy  par  le  conseil 
et  è.  la  prière  duquel  II  m'a  fait  l'honneur  de  me  donner  part 
en  la  conduite  de  ses  affaires,  si  j'auois  un  autre  sentiment. 
Je  vous  supplie,  Messieurs,  de  le  croire  et  de  croire  encore 
que  n'ignorant  pas  le  zèle  qu'entre  toutes  les  Villes  Impérialles 
la  vostre  a  tesmoigné  auoir  pour  cette  Couronne,  Je  ne  m'es- 
timerois  pas  estre  assez  bon  françois,  si  j'espargnois  aucune 
sorte  d'offices  auprès  de  sa  Majesté  pour  la  porter  h  vous  con- 
tinuer sa  Royalle  protection  et  si  je  laissois  perdre  aucune 
occasion  où  je  pusse  vous  faire  paroistre  que  je  suis  vérita- 
blement. Messieurs,  etc.  » 

Le  bon  vouloir  du  nouveau  ministre  n'était  pas  de  trop  dans 
un  moment  où  des  difficultés  de  plus  d'un  genre  pesaient  sur 
la  ville.  Sans  parler  des  négociations  où  son  sort  allait  se 
décider,  la  question  de  la  dîme  extraordinaire  n'était  pas 
vidée.  D'un  autre  côté  l'état-major  du  feu  duc  de  Weimar 
soulevait  des  prétentions  qui  allaient  jusqu'au  renversement 
des  avants^es  qu'Oxenstirn  avait  accordés  à  la  ville.  Avant  sa 
mort,  Bernard  usant  royalement  du  droit  de  la  guerre,  avait 
distribué  à  ses  officiers  différents  domaines  situés  sur  la  rive 
gauche  du  Rhin  et,  à  cette  occasion,  Colmar  avait  déjà  dû 
justifier  de  ses  droits  sur  Holzwihr  et  Wickerschwihr.  On  lui 
fit  de  nouvelles  difficultés  au  sujet  de  Herlisheim,  l'accusant 
même  de  n'être  en  possession  de  cette  villette  qu'en  vertu 
d'un  blanc-seing  arraché  au  grand-chancelier.  (Cf,  Mémorial 
du  D' Weber,  du  ^  janvier.) 


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122  REVUE  d'alsage 

La  mort  de  Richelieu  procura,  comme  à  tant  d'autres,  la 
liberté  au  premier  gouverneur  de  Golmar,  M.  de  Manicamp, 
qui,  après  s'être  cru  un  instant  le  favori  du  ministre,  était 
tout  à.  coup  tombé  dans  la  plus  profonde  disgrâce.  Il  écrivit  à 
la  ville  le  19  février,  de  Manicamp,  pour  se  rappeler  h  son 
souvenir  et  lui  offrir  le  crédit  d'amis  puissants  qu'il  avait  h  la 
cour,  mais  où  il  n'avait  pas  encore  licence  d'aller. 

Son  successeur,  le  marquis  de  Montausier,  revint  peu  après 
en  Alsace.  Il  avait  été  nommé  maréchal  de  camp  et  avait  été 
rejoindre  en  cette  qualité  le  comte  de  Guébriant  en  Allemagne. 
Une  lettre  de  lui,  jointe  au  dossier,  est  datée  du  camp  d'Or- 
dingen,  29  juillet  1642.  Le  22  mars  1643,  il  avait  repris  son 
poste  à  Sélestadt  :  sous  cette  date,  Colmar  lui  envoya  pour  sa 
bienvenue  un  présent  d'avoine,  que  le  gouverneur  accepta 
avec  autant  de  cordialité  qu'on  le  lui  offrait. 

X.  MOSSMAITN. 
(La  miU  pracfuMnement.) 


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NOTES  BIOGRAPHIQUES 

SUR  LES 

HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION 

A 

STRASBOURG  ET  LES  ENVIRONS 


SuUe 


SANCY  (Bruxet  de). 

1789.  Capitaine  en  premier  aa  corps  royal  d^artlUeriey 
attaché  à  la  fonderie  de  Strasbourg,  chevalier  de  Saint-Louis. 
—  Septembre  1791.  Membre  du  Conseil  d'administration  du 
district  de  Strasbourg,  lequel  s'étant  constitué  le  15  suivant, 
le  nomma  président,  fonction  quUl  occupa  jusqu'au  18  oc- 
tobre 1793,  pour  faire  place  à  Klasser  ou  Classer,  un  baron 
prussien . 

SAREZ  (Simon). 

Né  à  Strasbourg  en  1755,  où  il  était  professeur  de  français 
avant  1789  —  En  1789.  Du  Comité  de  la  garde  nationale  — 
1*' juillet  1790.  Capitaine  de  la  garde  nationale  de  Strasbourg, 
il  part  avec  quarante-six  hommes  pour  assister  à  la  fête  de 
la  fédération  à  Paris  —  15  septembre.  De  la  Société  des 
amis  de  la  constitution  :  il  avait  alors  35  ans  —  7  février  1792. 
De  celle  des  jacobins  —  21  juin.  Au  Club  il  signe  l'adresse 
à  envoyer  à  toutes  les  sociétés  affiliées,  sur  la  situation 
politique  des  frontières  —  24  juin.  Pour  ce  fait  il  est  cité 
devant  le  juge,  et  le  Club  est  fermé  —  21  août.  Membre  de 
Tadmlnistration  départementale   ~   12-14  novembre.   A 


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124  REVUE   D*ALSACB 

Télection  tenue  à  Wissembourg,  il  est  maintena  dans  ces 
fonctions  —  17  mai  1793.  Inscrit  comme  volontaire  pour 
aller  en  Vendée  —  8  octobre.  Membre  du  Comité  de  surveil- 
lance et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin  —  17  octobre.  Il 
approuve  une  liste  de  deux  cent  quarante  huit  suspects, 
mis  au  Séminaire  —  3  novembre.  Saint-Just  déclare  qu'il  ne 
sera  pas  compris  dans  l'arrestation  de  ses  collègues  du 
département  —  25  novembre.  D'une  commission  pour  pré- 
senter les  moyens  d'opérer  la  levée  des  habitants  du  Bas- 
Rhin  —  19  décembre.  Aux  Jacobins,  il  vote  la  mort  de  tous 
les  suspects  —  25  décembre.  Proposé  pour  notable  du  Con- 
seil de  la  commune  de  Strasbourg  —  19  février  1794.  Il  est  à 
Paris  —  24  août.  De  retour,  il  fait  appel  aux  Strasbourg  eoîses 
pour  la  confection  d'effets  militaires  —  28  août.  Chargé 
d'examiner  la  conduite  de  Noisette  et  Burger,  enfermés  au 
Séminaire  —  25  octobre.  Encore  aux  Jacobins  —  En  1796. 
Membre  du  Comité  d'administration  du  théâtre  de  bienfai- 
sance à  Strasbourg.  Il  avait  la  garde  du  magasin. 

SAURIAT  (Jean-Charles). 
Né  en  1754  à  Poligny,  où  avant  1789  il  était  simple  bour- 
geois —  20  avril  1794.  Agé  de  40  ans,  général  de  brigade  & 
Strasbourg,  il  est  reçu  membre  de  la  Société  des  jacobins. 
Encore  inscrit  le  25  octobre  suivant. 

SCAER  (Laurent). 
1789.  Un  savetier  de  Strasbourg  —  1793.  Membre  de  la 
Société  des  jacobins,  le  maire  Monet  le  fait  élire  notable  du 
Conseil  municipal  le  30  janvier  1794;  trois  mois  après  il 
était  déjà  remplacé,  et  le  25  octobre  il  ne  figure  plus  aux 
Jacobins  —  1805.  Conducteur  auxiliaire  pour  travaux  de 
navigation  à  Strasbourg. 

SCHATZ  (Jacques). 

1789.  Fabricant  de  bas  à  Strasbourg  —  26  février  1791.  De 

la  Société  «les  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792.  De 

celle  des  jacobins  —  18  janvier  1793.  Officier  municipal  — 

16  février.  Les  représentants  DenUel  et  Couturier  lui  eu- 


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LES  HOMMES  DE  U  RÉVOLUTION  125 

joignent,  par  la  filière  du  Comité  permanent  du  Conseil 
général  de  la  commune,  de  tenir  dorénavant  une  conduite 
plus  prudente  —  12  mai.  Avec  la  8*  section,  il  demande  à  la 
Convention  nationale  le  bannissement  de  Schneider  — 
1"  juin.  Chargé  de  prendre  des  informations  sur  Marbach, 
receveur  des  Orphelins,  suspect  d^aristocratie,  tenant  au 
parti  des  émigrés  et  des  nobles.  Ses  papiers  seront  scellés 

—  8  octobre.  Maintenu  officier  municipal  —  18  octobre. 
Procureur  de  la  commune  —  2  novembre.  Sur  une  liste  de 
suspects  —  3  novembre.  Saint-Just  ordonne  de  ne  point  le 
comprendre  dans  Parrestation  de  ses  collègues  —  5  nov. 
Agent  national  de  la  commune  —  2  décembre.  Procureur 
provisoire  de  la  commune,  il  s'oppose  à  la  destruction  des 
statues  de  la  cathédrale  —  25  décembre.  Proposé  pour  le 
tribunal  du  district  de  Strasbourg  —  27  décembre.  Agent 
national,  il  requiert  la  police  à  faire  démolir  la  maison 
Scharrer,  place  du  Marché-aux-Poissons,  n®  76  —  26  février 
1794.  Président  du  district  de  Strasbourg,  il  atteste  les  faits 
dénoncés  au  Comité  de  salut  public  de  la  Convention  natio- 
nale contre  Schneider  —  25  octobre.  Il  ne  figure  plus  aux 
Jacobins. 

SCHiEFFTER  (George). 

Né  Hn  1757  à  Ribeauvillé  —  Avant  1789.  Commis  dans  les 
administrations  publiques  — 1791.  Employé  des  douanes  à 
Strasbourg  —  22  novembre  1793.  Visiteur,  il  est  reçu  mem- 
bre du  Club  des  jacobins,  où  il  est  encore  le  25  octobre  1794. 

SCHERER  (Jean). 

Un  ex-moine  allemand,  de  Tordre  des  Carmélites,  qui 
est  venu  s'abattre  en  Alsace,  fin  1790  —  1791.  Curé  catho- 
lique assermenté  de  Bischheim-auSaum,  près  de  Strasbourg 

—  7  novembre  1793.  Au  maire  de  cette  commune,  Jean 
Schaub,  il  déclare,  que  ne  parvenant  pas  à  détruire  le 
fanatisme  dans  la  commune,  il  était  décidé  à  renoncer  en- 
tièrement à  rétat  de  prêtre  pour  devenir  homme  libre  et 
gagner  sa  vie  autrement  que  parles  tromperies  sacerdotales. 


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126  REVUE    D'ALSACE 

n  prie  le  maire  de  lui  certifier  sa  déclaration,  puis  il  s'adresse 
à  révoque  constitutionnel  Brendel. 

Concitoyen, 
n  y  a  assez  longtemps  que  contre  ma  yolonté  j'appartiens  à  la  bande 
noire  des  prêtres,  il  est  temps  que  je  m'en  sépare  et  que  je  redevienne 
homme  ;  je  vous  somme  donc  de  me  biffer  de  la  liste  de  vos  encenseurs 
d'idoles. 

Un  mois  après  qu'il  était  homme  libre,  D^  Stamm  rem- 
ploya comme  cinquième  commissaire  pour  la  levée  des 
taxes  révolutionnaires  de  Saint-Just  et  Lebas,  dans  les 
communes  des  environs  de  Wasselonne;  mais  comme  ses 
quatre  autres  collègues  avaient  déjà  versé  leurs  recettes,  et 
que  les  siennes  n^arrivaient  pas,  1h  Comité  de  surveillance 
et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  fit  sceller  et  déposer  ses 
papiers  au  tribunal  et  ordonna,  le  16  décembre,  qu'il  serait 
interrogé  —  19  décembre.  Il  verse  46,339  livres  à  Blanchot 

—  1793.  Bien  qu'ayant  fait  partie  de  la  Société  des  jacobins, 
il  ne  figure  pas  sur  la  liste  dressée  le  25  octobre  1794. 

SCHILLING. 
1789.  Avocat-secrétaire-interprèle  à  la  suite  du  Conseil  de 
la  régence  et  Cour  féodale  à  Saveme  —  1792.  Avoué  gradué 
au  tribunal  du  District  séant  à  Saveme  — 1793.  De  la  Société 
des  jacobins  à  Strasbourg  —  10  septembre.  Député  par  le 
Club,  1°  à  la  municipalité,  pour  faire  arrêter  le  professeur 
Ditterich,  Noisette  et  Wild;  2*  au  commandant  de  la  place, 
pour  qu'il  prenne  les  mesures,  afin  que  ces  oiseaux  ne 
s'évadent  pas,  et  malheur  à  ceux  qui  leur  donneront  asile 

—  25  octobre  1794.  Encore  inscrit  aux  Jacobins. 

SCHLŒSSING. 

1789.  Agriculteur  à  Bouxwiller  —  1793.  Commissaire  de 
la  République,  il  arrive  à  Ohlungen,  canton  de  Haguen^u, 
ordonne  d'allumer  un  feu  sur  la  place  du  village  pour  y 
brûler  publiquement  la  statue  de  la  Vierge.  Quelques  pieuses 
filles  réussirent  à  tromi-er  sa  surveillance;  elles  jetèrent 
dans  les  flunames  une  pièce  de  bois  couverte  d'oripOi^ux,  et 


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LES  HOMliSS  DB^LA  RÉYOLirriON  127 

déposèrent  dans  le  lit  du  ruisseau  la  statue,  qui  fut  préservée 
de  la  sorte  de  la  fureur  révolutionnaire.  Après  la  conclusion 
du  Concordat,  la  Mariette  fut  placée  dans  Téglise  paroissiale 
—  21  juillet  1794.  Le  Comité  de  surveillance  de  la  commune 
de  Strasbourg  le  fait  arrêter  et  adresse  au  Comité  de  sûreté 
générale  de  la  Convention  nationale  sa  correspondance 
avec  l'Etranger,  dont  il  était  un  des  principaux  agents  se- 
crets. Membre  de  la  Société  des  jacobins,  il  en  fut  exclu  à 
cette  époque  —  1798.  Membre  de  la  Commission  adminis- 
trative de  rhospice  civil  de  Bouxwiller  —  1»X).  Membre 
du  second  Conseil  d'arrondissement  séant  à  Saveme,  il  est 
qualifié  d'ex-président  de  Tadministration  municipale  de 
Bouxwiller.  Il  s'occupa  avec  zèle  de  la  plantation  d'arbres 
fruitiers,  de  l'emploi  de  toutes  sortes  d'engrais  artificiels,  qui 
lui  ont  bien  réussi.  D  imagina  aussi  de  semer  la  garance  en 
grains. 

SCHMITTHENNER  (Jean). 

Né  en  1750  à  Strasbourg,  où  il  était  fabricant  de  bas  avant 
1789  —  Juillet  1793.  Adjudant-major  de  la  garde  civique  à 
Strasbourg  —  De  la  Société  des  jacobins  —  13  novembre. 
Le  tribunal  révolutionnaire  lui  paie  100  liv.  pour  avoir 
dénoncé  le  boulanger  Kolb  —  25  octobre  1794.  Encore  aux 
Jacobins. 

SCHMITTHENNER  (Jean-Théophile). 

Né  en  1757  à  Strasbourg,  où  U  était,  comme  son  frère  aîné, 
fabricant  de  bas.  De  mai  1793  au  25  octobre  1794,  membre 
de  la  Société  des  jacobins. 

SCHMITZ. 

1789.  Tailleur  à  Strasbourg  —  1792.  De  la  Société  des 
jacobins  —  1793.  Commissaire-adjoint  de  la  police,  il  fournit 
une  liste  de  vingt-sept  suspects  de  la  1**  section  du  !•'  arron- 
dissement, alors  aux  environs  de  l'église  Saint-Jean  à  Stras- 
bourg —  14  décembre  17v»3.  Le  Comité  de  surveillance  et 
de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin  lui  paie  200  liv.  pour  grati- 


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128  flEVUE    D^LSACË 

fication  —  25  décembre.  Le  même  comité  lui  aHoue  150  liv. 
pour  vacations  aux  cartes  de  sûreté,  mais  cette  somme  lui 
est  retirée  le  môme  jour,  l'ayant  déjà  reçue  dès  le  14  — 
25  octobre  1794.  Rayé  des  Jacobins. 

SGHŒLL  (Louis-Guillaume-Frédérig)  jeune, 
Grand'rue. 

Homme  de  loi  —  Avant  1789,  de  la  Chambre  des  tutelles 
et  de  la  tribu  des  charpentiers  ->  1791.  Juge  de  paix  du 
3*  canton  de  Strasbourg  —  31  janvier.  De  la  Société  des  amis 
de  la  constitution  —  8  août.  A  Télection  au  Château  il  est 
nommé  administrateur  du  Bas-Rhin  —  20  avril  1792.  Il 
signale  un  opuscule  de  Schneider,  ayant  pour  titre  :  La  gla- 
cière d'Avignon  à  Strasbourg.  Relation  offidelle  du  meurtre 
judiciaire  préparé  au  frère  Laveaux,  publiée  par  un  ami  de 
Vhumanité  en  Van  IV  de  la  liberté,  comme  étant  Tune  des 
plus  infâmes  productions  qui  aient  jamais  paru  à  Stras- 
bourg —  26  juin.  A  l'Auditoire,  il  donne  lecture  d'un  appel 
à  ses  concitoyens,  qu'il  vient  de  publier  contre  l'émeute  jaco- 
bine à  Paris,  du  20  juin  —  21  août.  Suspendu  comme  admi- 
nistrateur du  Bas-Rhin,  pour  avoir  refusé  de  retirer  sa 
signature  au  bas  de  l'arrêté  interdisant  les  réunions  des 
sociétés  politiques  — 13  octobre.  11  fait  mettre  au  Séminaire 
l'abbé  Rumpler,  sur  la  dénonciation  de  Bussy  Lavenaud, 
garde-national  de  la  Haute- Vienne  —  28  novembre.  Il  réfute 
la  brochure  de  Schneider  sur  le  procès  criminel  fait  à  Die- 
trich  —  6  décembre.  Substitut  de  Mathieu,  procureur  de  la 
commune  sous  le  maire  de  Tûrckheim  —  18  janvier  1793. 
Destitué  comme  substitut,  mais  maintenu  juge  de  paix  pro- 
visoire. A  cette  époque,  les  jacobins  le  jugeaient  : 

Jeune  homme  extraordinairement  intrigant  et  dirigeant  loi  seal  les 
élections,  a  débuté  à  Strasbourg,  par  être  aristocrate,  ensuite  s'attacha 
au  char  de  Dietrich  et  devint  un  de  ses  intimes  feuillants;  lors  de  la 
suspension  des  Corps  administratifs,  il  était  du  Conseil  départemental 
et  a  beaucoup  contribué  à  sa  rébellion.  D  a  subi  le  même  sort  que 
Tûrckheim  et  Mathieu. 

11  février.  La  municipalité  doit  le  faire  sortir  de  Stras- 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  139 

bourg,  dans  le  plus  bref  délai  —  19  mars.  A  Besançon  il 
dépose  en  faveur  du  maire  Dietrich  — 11  juin.  Les  autorités 
des  sections  se  réunissent  à  6  heures  du  soir,  en  secret,  et 
arrêtent  qu'il  sera  enfermé  au  Séminaire.  C'est  Schneider 
qui  rédigea  le  rapport,  se  terminant  ainsi  : 

Si  ce  conseiller  dn  département  avait  été  à  Paris,  et  se  fût  opposé  à 
la  déposition  de  cet  insigne  manyais  sujet  (le  Roi),  comme  il  Ta  fait 
à  Strasbourg,  on  ne  l'aurait  ni  déporté,  ni  incarcéré,  mais  sans  aucun 
doute  guillotiné. 

20  juin.  Malgré  ces  menées  il  est  encore  juge  de  paix,  car 
devant  lui,  les  signataires  de  Farrèté  de  la  8*  section,  ayant 
été  assignés  en  diffamation  par  Schneider,  furent  obligés  de 
se  rétracter,  et  de  déclarer  qu'ils  regardaient  Schneider 
comme  un  bon  citoyen  et  un  fonctionnaire  probe. 

2  juillet.  Son  arrestation  est  annoncée  par  Schneider.  Il 
sera  conduit  à  Paris  et  traduit  devant  le  tribunal  révolution- 
naire de  la  Seine,  comme  prévenu  d'avoir  constamment  et 
à  dessein,  éludé  la  loi  qui  défend  les  doubles  prix  —  8  déc. 
Au  Ck)mité  de  surveillance  et  de  sûreté  générale  du  Bas- 
Rhin,  il  comparait  avec  trois  membres  de  la  Propagande, 
munis  de  pouvoirs  des  représentants  du  peuple,  pour  exa- 
miner des  lettres  prouvant  que  Froment,  ex-directeur  des 
messageries  à  Nancy,  est  un  contre-révolutionnaire.  Il  sera 
arrêté  et  conduit  à  Strasbourg  —  29  août  1794.  Comme  juge 
de  paix,  il  reçoit  la  déclaration  de  Weiss,  dlttenheim,  dans 
raSaire  Poirson,  dlllkirch  —  9  septembre.  Proposé  à  Fous- 
sedoire  comme  maire  de  Strasbourg  en  remplacement  de 
Monet.  II  refuse  —  17  janvier  1795.  Bailly  le  nomme  juge 
au  tribunal  civil  du  district  de  Strasbourg,  fonction  qu'il 
occupe  encore  en  1799  —  1800.  Président  du  tribunal  de 
première  instance  du  4*  arrondissement,  siégeant  à  Barr. 

SGHOULER  (Jean-Henri). 

Né  en  1742  à  Strasbourg,  où  il  était  chamoiseur  avant 
1789  —  27  novembre  17 J2.  De  la  Société  dtis  jacobins,  où  il 
figure  encore  le  25  octobre  1794. 

Noayalle  Série.  —  II**  année.  9 


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130  REVUE    D'ALSACE 

SCHROPP. 

Horloger  à  Strasbourg  avant  1789  —  1793.  Delà  Société 
des  jacobins  et  membre  du  Comité  de  surveillance  de  la 
commune  —  5  janvier  1794.  Le  représentant  Bar  le  nomme 
membre  du  nouveau  Comité  de  surveillance  de  la  commune 
de  Strasbourg  —  20  mai.  Il  reproche  à  celui  de  la  ville  de 
Colmar  sa  mollesse  à  l'égard  de  l'Ammeister  Lemp  —  21  mai. 
Il  dénonce  à  celui  de  Bordeaux,  Siccard,  ex-commissaire  des 
guerres  —  5  juin.  C'est  au  Comité  de  sûreté  générale  de  la 
Convention  qu'il  signale,  sans  les  nommer,  deux  hommes 
audacieux  qui  ont  menacé  la  liberté  publique  à  Strasbourg 
—  12  juillet.  Monet  doit  lui  donner  des  renseignements  sur 
ces  deux  détenus  —  21  juillet.  Président  de  ce  Comité,  il 
adresse  au  Comité  de  sûreté  générale  de  la  Convention  la 
correspondance  de  la  conjuration  de  l'Etranger,  tenue  par 
onze  individus  du  Bas-Rhin,  du  Haut-Rhin  et  de  Nancy  — 
30  août.  Il  envoie  à  Neumann  les  dénonciations  contre  le 
professeur  Braun  et  autres  —  25  octobre.  Rayé  de  la  liste 
des  Jacobins  —  A  Tarrivée  de  Bailly,  il  est  renvoyé  à  ses 
horloges. 

SCHNÉEGANS  (Jean-Valentin), 
boucher,  quartier  de  la  Krutenau,  n©  16. 
1788.  Sénateur  de  la  tribu  des  bouchers,  à  la  Fleur  — 
28  août  1790.  Adjoint  au  commissaire  de  police,  Léopold 
Rœderer  —  1791.  Membre  de  la  Société  des  amis  de  la  Con- 
stitution —  Dès  le  24  janvier  1792,  peu  de  jours  avant  la 
scission,  il  parut  à  cette  Société  une  brochure  intitulée  :  Je 
vous  dirai  vos  vérités,  dans  laquelle  Schnéegans  est  désigné 
comme  clubiste,  n'ayant  d'autre  but  que  de  pervertir  nos 
mœurs  et  renverser  la  Société.  — Le  7  février  suivant,  il  passe 
aux  Jacobins  —  31  octobre  1793.  Il  est  imposé  à  2500  liv. 
par  Saint-Just  et  Lebas,  qu'il  règle  le  11  novembre  —  20  sep- 
tembre 1794.  Nommé  membre  du  Comité  de  sûreté  générale 
de  la  commune.  Il  informe  la  Convention  nationale  que 
Saum  est  dans  le  cas  d'être  jugé  au  tribunal  criminel  du 
Bas-Rhin  —  25  octobre.  Biffé  des  Jacobins  —  Fin  décembre 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  IBl 

de  la  même  année»  il  passe  membre  du  Comité  révolution- 
naire de  Strasbourg,  et  en  cette  qualité,  le  17  janvier  1795, 
Bailly  le  nomme  officier  municipal  -- 1797.  Administrateur 
municipal  sous  la  présidence  de  Démichel. 

SCHNEIBER. 

1793.  De  la  Société  des  jacobins  et  secrétaire  du  Comité  de 
surveillance  de  la  commune  —  Du  11  avril  au  3  août  1794, 
il  signe  necrétaire  et  d'autres  fois  secrétaire-adjoint  du 
Comité  de  surveillance  révolutionnaire  de  la  commune  de 
Strasbourg — 25  octobre  1794  Biffé  de  la  Société  des  jacobins. 

SCHNETOER  (George). 

Né  en  1754  à  Bischheim-au-Saum  —  Avant  1789,  cordon- 
nier à  Strasbourg  —  1"  septembre  1792.  De  la  Société  des 
jacobins  —  22  novembre  1793.  Au  Club,  il  demande  aux 
représentants  Saint-Just  et  Lebas  la  suppression  de  la  per- 
manence des  douze  sections  de  la  ville  et  Tépurement  des 
Comités  de  surveillance  à  la  manière  des»  Sans-Culottes  — 
25  décembre.  Proposé  pour  la  Municipalité  —30  janv.  1794. 
Elu  notable  —  7  avril.  Il  fait  appel  à  ses  concitoyens  pour 
obtenir  des  efiets  militaires  pour  Tarage  de  Rhin  et  Moselle 

—  23  avril.  Maintenu  notable  —  13  juin.  Les  mesures  révo- 
lutionnaires proposées  par  Bierlyn  lui  conviennent  —  2  août. 
n  félicite  la  Convention  nationale  de  la  fermeté  déployée 
vis-à-vis  de  Robespierre  et  de  ses  complices  —  9  septembre. 
Le  représentant  Fouss^^doire  le  raye  du  Corps  municipal  — 
25  octobre.  Il  est  encore  de  la  Société  des  jacobins  —  En 
1804.  le  cliibiste  Jean-Frédéric  Kinchel  a  publia)  une  histoire 
sur  son  compte. 

SCHNEIDER. 

Ancien  secrétaire  d«  justice  de  paix.  —  Chef  du  bureau 
des  secours.  —  Eu  1793,  membre  de  la  Société  des  jacobins 

—  3  et  8  octobre,  5  novembre,  30  janvier  1794,  23  avril.  OfB- 
cier  municipal  —  Après  la  chute  de  Monet,  le  représentant 
Foussedoire   le  maintient  —  Le   5   septembre,  Offîcier 


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132  REVUE  b'alsagb 

municipal  ;  mais  Bailly  le  révoque  le  17  janvier  1795  —  Bien 
avaat  le  25  octobre  1794,  rayé  de  la  Société  des  jacobins. 

SCHNEIDER  (Jean-George). 

Né  le  20  octobre  1756  à  Wipfeld,  petit  village  à  six  lieues 
de  Hirtzfeld,  en  Franconie,  duché  de  Wùrtzbourg,  de  parents 
peu  fortunés.  Son  père,  Michel  Schneider,  était  homme  de 
justice  et  vigneron  audit  lieu;  sa  mère  Marguerite  Burg- 
stablen. 

Le  chapelain  de  son  village,  résidant  à  Wipfeld,  Valentin 
Fahrmann,  chanoine  de  Tabbaye  de  Heydenfeld,  et  cousin 
de  révoque  de  Wùrtzbourg,  le  prit  sous  sa  protection  et  lui 
enseigna  pendant  plusieurs  années  les  éléments  de  la  langue 
latine. 

n  l'envoya  ensuite  à  Wùrtzbourg,  suivre  rinstruction  du 
Gymnase,  dirigé  par  les  Pères  jésuites.  Logé  à  Thospice  de 
Jules,  après  trois  années  d'études,  il  fut  reçu  à  l'Académie, 
dont  le  recteur  était  le  bénédictin  Rœser.  11  y  fit  de  bonnes 
études,  mais  en  même  temps  il  s'adonna  au  penchant  d'aune 
liberté  effrénée;  les  secours  de  son  bienfaiteur  lui  ayant  été 
retirés,  et  ses  parents  ne  pouvant  pis  lui  en  envoyer,  il 
tomba  bientôt  dans  une  profonde  misère.  Dans  cette  posi- 
tion, il  se  décida  à  entrer  au  couvent  des  Franciscains  de 
Bamberg,  où  il  prit  en  religion  le  nom  d'EvUoge  ou  Euloffius. 
Il  y  resta  trois  années  à  étudier  l'hébreu  et  à  cultiver  la 
poésie.  Le  supérieur  de  cet  établissement  l'envoya  ensuite 
à  Augsbourg  pour  enseigner  la  langue  sacrée  dans  le  cou- 
vent des  Franciscains,  d'où  il  lut  chassé. 

Dans  cette  ville,  en  1785,  à  l'occasion  de  la  Sainte-Cathe- 
rine, il  prononça  un  sermon  sur  la  tolérance  qui  lui  attira 
beaucoup  d'ennemis  parmi  le  clergé,  et  le  doyen  Umgelder, 
pour  le  soustraire  à  la  lutte,  le  recommanda  au  duc  Charles 
de  Wurtemberg,  à  Stouttgardt,  qui  le  nomma,  en  1786,  pré- 
dicateur de  la  Cour,  ayant  obtenu  pour  lui  la  dispense 
papale  comme  moine.  Là  encore  ses  sermons  libéraux, 
tirés  du  contrat  social,  lui  créèrent  de  nouveaux  embarras; 
il  quitta  ce  poste  en  1789,  pour  accepter  la  place  de  profea- 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTIOM  138 

sear  de  belles-lettres  et  de  langue  grecque  à  l^niversité  de 
Bonn. 

Dans  cette  nouvelle  position  il  ne  cessa  de  se  faire  des 
ennemis  par  ses  idées  extravagantes.  La  publication,  le 
1"  janvier  1790.  d'un  recueil  de  poésies,  et  le  18  juillet  sui- 
vant, d^un  cathéchisme,  ne  firent  qu'en  augmenter  le 
nombre,  et  c'est  avec  empressement  qu'il  accepta  les  pro- 
positions que  plusieurs  personnes  haut  placées,  et  princi- 
palement Blessig  et  Fréd.  de  Dietrich,  lui  adressèrent  de 
Strasbourg,  où  il  arriva  le  12  juin  1791. 

28  juin  1791 .  Doyen  et  professeur  de  droit  canon  et  d'élo- 
quence de  la  chaire  à  l'Académie  catholique  et  en  même 
temps  vicaire  épiscopal  de  l'évèque  constitutionnel  Brendel 
—  10  juillet.  H  prêta  dans  la  cathédrale  le  serment  civique 
imposé  aux  ecclésiastiques  par  la  loi  du  26  décembre  1790, 
et  son  sermon  pour  la  circonstance  avait  pour  texte  :  c  La 
conformité  de  l'Evangile  avec  la  nouvelle  Constitution  des 
Français  »  —  11  octobre.  Reçu  membre  de  la  Société  des 
amis  de  la  Constitution  —  D  prononce  un  discours  sur  le 
mariage  des  prêtres  et  pose  trois  questions  :  1*  Le  mariage 
des  prêtres  est-il  permis  ?  2"  Le  mariage  des  prêtres  est-il 
nécessaire?  S""  Le  mariage  des  prêtres  est-il  exécutable?  Sa 
réponse  ayant  été  afOrmative,  il  termine  en  disant  : 

Voilà,  Messieurs,  mes  réponses  aux  trois  points  qne  je  me  snis  pro- 
posé de  résondre.  Si  Yons  en  êtes  contents,  je  demande  que  la  Société 
décide  qu'elle  soutiendra  de  toutes  ses  forces  le  prêtre  catholique  qui 
donnera  le  premier  dans  notre  département,  l'exemple  de  la  sensibilité, 
du  ciyisme  et  du  courage. 

23  octobre.  L'évèque  Brendel  et  tous  ses  vicaires,  le  désa- 
vouent dans  un  placard  affiché  dans  les  deux  langues  à  tous 
les  coins  des  rues  de  la  ville  — 14  novembre.  Elu  notable  du 
Conseil  municipal,  il  logeait  alors,  rue  Dauphine  —  1*'  déc. 
n  publie  une  thèse  latine  sur  le  nouvel  ordre  de  choses 
ecclésiastiques  en  France,  et  donne  le  programme  de  ses 
cours.  JSuloge  Schneider ,  docteur  en  philosophie  et  en  théologie, 
vicaire  épiscopal,  notable  de  la  ville  de  Strasbourg,  doyen  de  la 
FacuMé  théologique,  fera  un  cours  sur  la  jurisprudence  pasto- 


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134  REVUE   D'ALSACE 

raie  cTaprès  la  nouvelle  Constitution  de  V Empire  français,  et 
sur  V éloquence  de  la  chaire.  Il  offre  aussi  de  faire  des  cours  sur 
les  beaux-arts  et  sur  les  beUes-lettres  —  6  janvier  1792.  Vice- 
président  de  la  Société  des  amis  de  la  Constitution,  il  pro- 
nonce uu  discours  sur  l'éducation  des  femmes  — 12  février. 
Dans  sa  jTofession  de  foi  politique,  présentée  à  cette  société, 
il  regrette  amèrement  la  scission  aui  s'est  faite  le  7,  entre 
les  membres,  et  dès  ce  jour,  il  fait  partie  du  Club  des  jaco- 
bins —  21  juin.  A  Colmar,  il  tient  un  discours,  à  la  Société 
des  amis  de  la  Constitution,  sur  Fétat  politique  du  Bas-Rhio, 
ajoutant  : 

. .  .tout  ce  que  je  disais  avant  à  Colmar,  s'est  confirmé  depuis,  quoi- 
qne  les  feaillants  de  cette  ville,  comme  ceux  de  Strasbourg,  ne  m'ayent 
entendu  qu'avec  indignation  et  m'ayent  poursuivi  comme  un  pertur- 
bateur. 

3  juillet.  Il  publia  le  premier  numéro  de  son  journal  :  Arços, 
qu'il  rédigea  avec  Butenscbœn  jusqu'au  moment  de  son 
arrestation,  15  décembre  1793;  à  partir  de  là  son  collabora- 
teur le  continua  seul  jusqu'au  16  juin  1794  —  6  juillet.  Il 
assiste  à  l'érection  de  Farbre  de  la  liberté  à  Soulzbach,  dans 
la  vallée  de  Munster,  et  compose  une  poésie  pour  la  cir- 
constance — 11  août.  Au  Club,  il  dénonce  deux  adresses  du 
Conseil  municipal  et  d'une  grande  partie  de  citoyens  de 
Strasbourg,  Tune  à  l'Assemblée  nationale  et  l'autre  au  roi . 
C'est  à  la  suite  de  ces  adresses  que  Dietrich  fut  mandé  à  la 
barre  de  l'assemblée  par  décret  du  18  août  1792,  et  que  la 
Municipalité  de  Strasbourg  fut  suspendue  par  Carnot,  Prieur 
et  Ritter  —  2  septembre.  Scrutateur  à  l'élection  des  repré- 
sentimts  du  peuple,  tenue  à  Haguenau,  il  fit  des  démarches 
inutiles  pour  arriver  à  la  Convention  nationale  —  18  sep- 
tembre. Le  Conseil  du  département  l'envoie  à  Haguenau 
pour  y  administrer  provisoirement  la  Municipalité  — 19  sep- 
tembre. U  lance  sa  proclamation  aux  habitants  —  4  déc. 
Avant  de  quitter,  il  fit  prendre  au  Conseil  municipal  un 
arrêté  relatif  au  cours  forcé  des  assignats.  Une  amende  de 
25  liv.,  et  du  double  en  cas  de  récidive,  est  infligée  à  celui 
qui  refuserait  d'accepter  ce  papier,  devenu  monnaie|natio- 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  135 

nale  —  19  février  1793.  Dentzel  et  Couturier  le  nomment 
accQsatear  public  au  tribunal  criminel  du  Bas-Rhin  — 
16  mars.  A  Besançon,  il  dépose  contre  Dietrich  —  Dans  ce 
mois,  les  envoyés  des  douze  sections  de  Strasbourg,  dans 
leur  adresse  présentée  à  la  Convention  nationale,  ne  se 
gênent  pas  de  le  traiter  de  prêtre  allemand,  de  moine 
défroqué,  que  la  disette  de  curés,  sachant  Tallemand,  a  fait 
admettre  au  nombre  des  vicaires  épiscopaux  :  venu  à  Stras- 
bourg à  la  même  époque  que  Laveaux,  en  1791,  r^oot  il  est 
le  plus  fervent  coopérateur.  Il  est  de  Télectorat  de  Cologne; 
qui  peut  nous  répondre  de  ses  sentiments?  Et  c'est  cet 
homme  qui  ne  connaît  ni  nos  lois,  ni  les  formes  de  la  pro- 
cédure, qui  ne  sait  que  très  imparfaitement  le  français,  que 
Couturier  et  Dentzel  ont  fait  accusateur  public  1  —  30  avril. 
Au  Club,  il  veut  que  Ton  écrive  à  la  Convention  nationale 
pour  demander  qu'un  tribunal  révolutionuaire  soit  établi  à 
Strasbourg.  Adopté  —  1«'  mai.  Il  demande  qu'on  dresse 
une  liste  de  tous  les  gens  suspects  de  Strasbourg  et  du 
département^  pour  la  présenter  aux  représentants,  afin  que 
les  plus  dangereux  de  ces  pervers  soient  chassés  au  plus 
tôt.  En  même  temps  il  propose  de  prendre  en  otages  les 
paysans  les  plus  notés,  les  plus  riches,  des  villages  qui  ont 
désobéi  aux  lois  ou  manifesté  Fesprit  du  fanatisme  —  2  mai. 
n  aborde  de  nouveau  les  mômes  propositions  —  5  mai.  In- 
vesti du  titre  d'accusateur  public  près  le  tribunal  révolu- 
tionnaire du  Bas-Rhin  —  12  mai.  La  8*  section  de  la  ville  de 
Strasbourg  prend  un  arrêté  demandant  aux  représentants 
de  la  Convention  nationale,  son  bannissement  —  27  mai. 
D'une  lettre  de  Rûhl,  datée  de  Paris,  au  Comité  des  douze 
sections  de  Strasbourg,  il  ressort,  que  même  les  Jacobins 
de  Strasbourg  s'étaient  adressés  à  ceux  de  Paris,  pour 
demander  sa  proscription,  tout  vice-président  qu'il  était 
alors  de  leur  société  —  8  juin.  Il  proteste,  et  fait  assigner  les 
signataires  de  la  8*  section,  lesquels  devant  le  juge  de  paix, 
Schœll,  se  rétractent  et  déctarent  qu'ils  le  considèrent 
comme  un  bon  citoyen,  un  fonctionnaire  probe  —  2^  juillet. 
De  Paris,  Laveaux  mande  aux  Jacobins,  notre  ami  Schneider 


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196  RBVUB  d\lsace 

qui  s*68t  déprétrisé,  devrait  bien  se  marier  afin  d'efiâcer  toute 
faitle  caractère  prétendu  indélébile— 14  août.  Le  Directoire 
du  Bas-Rhin  prit  un  arrêté  en  vertu  duquel  tous  ceux  con- 
vaincus d'agiotage  avec  les  assignats,  seraient  jugés  révolu- 
tîonnairement,  sans  jurés.  Cet  arrêté,  approuvé  par  les 
représentants»  on  décida  de  le  publier  avec  solennité  dans 
toute  la  ville,  et  que  Ton  promènerait  la  guillotine  par  les 
rues.  Schneider,  Jung  et  Edelmann  raccompagnèrent.  A 
4  heures  du  soir  on  quitta  Thôtel  de  ville  avec  un  détache* 
ment  de  fantassins  et  de  cavaliers.  L'arrêté  fut  proclamé  sur 
toutes  les  places  publiques;  cela  devait  se  répéter  trois  jours 
de  suite,  et  dans  tout  le  département;  mais,  vu  Timpossi- 
bilité  d'exécuter  la  mesure,  Schneider  crut  atteindre  le  but 
en  proposant  de  placer  la  guillotine  sur  la  place  d'Armes, 
depuis  dimanche  jusqu'au  vendredi  suivant,  jour  auquel  il 
tenait  beaucoup  à  la  faire  voir  auxcampagnards  venant  aux 
marchés.  Monet  et  autres  approuvèrent;  cependant  le 
public  protesta,  et  dans  la  nuit  du  18  tu  20,  la  guillotine  fut 
enlevée,  chargée  sur  une  voiture  et  conduite  devant  la  mai- 
son de  Schneider,  rue  de  la  Nuée  bleue,  no  2,  où  sur  les 
11  heures  elle  fut  versée  devant  la  porte  et  mise  en  morceaux 
par  le  peuple.  Ce  ne  fut  que  le  lendemain  matin,  à  10  heures, 
que  les  débris  de  la  guillotine  et  de  la  voiture  furent  enle- 
vés —  24  août.  Au  Club,  Louis  Edelmann  fait  une  sortie  à 
fond  contre  lui;  Schneider,  présent  à  la  séance,  somme 
Fauteur  de  prouver  ses  inculpations,  ce  qu'il  ne  manque  pas 
de  faire  dans  la  séance  du  27  ~  29  août.  Au  Club  du  Miroir, 
il  donne  des  renseignements  sur  sa  conduite  dans  la  journée 
du  14  août  —  8  octobre.  Milhaud  et  Guyardin  le  nomment 
du  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté  générale  du  Bas- 
Rhin,  nouvellement  créé,  et  qui  fonctionna  jusqu'au  25  déc. 
suivant— 15  octobre.  Commissaire  civil  au  tribunal  révolu- 
tionnaire de  l'armée,  à  Strasbourg,  établi  par  les  neuf  repré- 
sentants du  peuple  aux  armées  de  Rhin  et  Moselle.  On  a 
pris  les  quatre  membres  du  tribunal  institué  le  5  mai  1793, 
et  d'accusateur  public  il  est  devenu  commissaire  civil  •— 
18  octobre,  jour,  que  le  Temple  de  la  Raison  fut  consacré 


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LES  HOMMES  DE  U  KÉTOLUTION  187 

solennellement  à  l'Être  suprême,  il  y  tint  un  long  discours, 
dont  voici  un  passage  : 

Un  Toyagenr  allemand  qui  yiendrait  nn  jonr  à  Strasbourg  et  qui 
demanderait:  où  est  la  cathédrale?  chacun  Ini  répondrait:  nous  ne 
connaissons  point  de  cathédrale,  point  de  fondation  de  Saint-Thomas, 
nons  ne  connaissons  plus  rien  qne  le  Temple  de  la  Raison  et  la 
Société  populaire.  S'il  demandait,  où  loge  Tévéque?  où  demeure  le 
pasteur?  on  lui  dirait  :  nous  ne  connaissons  point  ces  étres-lÀ,  mais  ayez- 
vous  euTie  de  faire  la  connaissance  des  instituteurs  du  peuple,  venez, 
nous  TOUS  montrerons  une  douzaine  de  braves  sans-culottes  Et  je  parie, 
si  le  voyageur  était  Jésus-Christ,  ou  Martin  Luther,  qu'il  verserait  des 
larmes  de  joie  et  s'écrierait  :  c'est  là  ce  que  nous  avons  désiré,  c'est 
ainsi  que  cela  doit  être. 

Après  avoir  fait  sentir  le  ridicule  de  toutes  les  religions 
qui  se  disent  révélées,  il  continua  : 

Peuple,  voici  en  trois  mots  toute  la  religion  :  adore  un  Dieu,  soit 
juste  et  chéris  ta  patrie. 

Etienîœ  Bàrth. 
(La  9uite  prochainement) 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


Histoire  d'un  proverbe  mulhousien  «d'r  Fûrsteberger 
v'rgesse»!  racontée  en  vers  par  Auoustb  Stœbbb,  arec  illnstra- 
tions  de  Mathiàs  Eohleb  —  Mulhouse,  imprimerie  de  Brustlein  et  O, 
1882  —  In-8o  de  27  pages  avec  5  planches  et  encadrements  rouges  — 
Librairie  de  M»»  S.  Pétry. 

Il  y  a  dans  les  origines  et  la  vie  de  notre  industrie  alsacienne 
beaucoup  de  faits  et  d'anecdotes  qui  formeraient  un  recueil 
intéressant  soit  au  point  de  vue  de  l'histoire  locale,  soit  au 
point  de  vue  de  l'histoire  des  familles,  soit  au  point  de  vue  de 
la  moralité  du  travail.  Le  petit  accident  que  M.  Aug.  Stœber 
vient  d'évoquer  est  de  ce  nombre.  Le  sujet  est  d'une  grande 
simplicité  et  d'une  excellente  morale  en  action.  C'est  pour 
cela,  sans  doute,  que  le  souvenir  s'en  est  conservé  et  a  passé 
en  proverbe. 

Un  tisserand  du  siècle  dernier,  membre  du  Grand-Conseil 
de  Mulhouse,  venait  de  clore  son  inventaire  constatant  qu'il 
avait  fait  dans  l'année  un  bénéfice  de  quinze  mille  florins.  Il 
appela  avec  transport  sa  femme  pour  lui  communiquer  un 
aussi  heureux  résultat  et,  dans  sa  joie,  il  la  pria  de  lui  dire  les 
cadeaux  qu'il  lui  serait  agréable  de  recevoir  en  souvenir  d'une 
année  aussi  prospère  :  Est-ce  une  cornette  brodée  d'argent, 
comme  il  convient  pour  la  femme  d'un  membre  du  Grand- 
Conseil?  une  robe  de  soie  avec  des  poches?  un  collier  de 
grenats?  un  ridicule?  des  souliers  à  la  poulaine?  une  montre 
avec  sa  chaîne?  La  réponse  de  la  dame  fut  une  poignée  de 
main  et  un  baiser,  puis  elle  ajouta  :  tu  sais  que  dans  ces  der- 
niers temps  nous  avons  reçu  des  politesses  chez  nos  parents 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  139 

et  nos  connaissaiices;  roccasion  de  les  inviter,  à  notre  tour, 
est  bonne.  Ainsi  dit,  ainsi  fut  fait  le  dimanche  suivant.  Au 
milieu  du  festin,  une  lettre  arrive  au  tisserand  ;  elle  renferme 
le  compte  de  Furstenberger,  de  Bâle,  compte  qui  par  inadver- 
tance a  été  complètement  oublié  dans  l'inventaire  et  qui 
malheureusement  absorbe  une  grande  partie  des  bénéfices  de 
l'année.  La  déception  se  peint  un  moment  sur  tous  les  visages, 
mais  la  bourgeoise  philosophie  du  tisserand  et  de  sa  brave 
compagne  a  bientôt  dissipé  ce  nuage  et  le  festin  se  termine 
aussi  gaiement  que  si  Furstenberger  n'eut  pas  existé;  puis, 
quand  mari  et  femme  se  trouvent  seuls,  face  à  face,  la  con- 
seillère dit  au  conseiller  :  Je  veux  maintenant,  mon  cher  petit 
mari,  que  l'argent  que  tu  destinais  à  mes  cadeaux  soit  la  part 
des  pauvres  de  Mulhouse.  Pas  n'est  besoin  d'ajouter  qu'il  en 
fut  ainsi. 

L'aventure  est  véridique  et  l'oubli  dont  Furstenberger  fut 
l'involontaire  objet  de  la  part  de  l'un  des  anciens  chefs  de 
l'industrie  alsacienne,  a  passé  en  proverbe  dans  le  langage 
populaire  de  Mulhouse  :  Ur  Fursteberger  v^rgesse  est  aujour- 
d'hui l'équivalent  du  proverbe  français  :  compter  sans  son  hôte. 

Si  nous  devions  scruter  la  pensée  de  M.  Stœber  donnant  à 
cette  aventure  le  soin  qu'il  lui  a  accordé,  nous  dirions  d'abord 
que,  comme  caractéristique  de  l'industrieux  Mulhouse,  elle 
lui  a  paru  topique  et  louable  ;  il  a  pensé  que  quand  on  veut  savoir 
où  l'on  va,  il  est  toujours  bon  de  ne  pas  oublier  d'où  l'on  vient, 
surtout  quand  le  point  de  départ  est  le  plus  démocratiquement 
honorable.  Nous  dirions  ensuite  qu'au  point  de  vue  de  la  lin- 
guistique —  mais  sans  faire  la  leçon  h  personne  —  M.  Stœber 
a  voulu  donner  un  exemple  assez  complet  de  la  manière  d'écrire 
notre  dialecte  alsacien  sans  lui  infliger  de  torture  orthogra- 
phique pouvant  aboutir  à  le  défigurer  et  à  le  rendre  illisible. 
Pour  atteindre  ce  but,  il  a  suffi  à  l'auteur  de  respecter  l'élision 
que  le  commun  des  mortels  fait  naturellement  en  parlant  la 
langue  du  pays.  Nous  dirions  encore  que,  fidèle  disciple  du 


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140  RBVUB    D'AI^ACB 

culte  professé  en  Alsace  pour  la  terre  natale,  M.  Stœber  a 
voulu  ajouter  un  fleuron  de  plus  à  la  couronne  dont  il  est, 
depuis  longtemps,  en  possession  dans  le  monde  littéraire  de 
la  rive  gauche  du  Rhin.  Le  petit  poème  dont  il  s'agit,  exempt 
de  pédantisme  et  de  tout  mélange  étranger  à  la  cité  indus- 
trielle, restera  certainement  une  de  ses  plus  savoureuses 
productions. 

Nous  ne  dirons  non  plus  que  du  bien  des  illustrations  qui 
donnent  au  poème  un  relief  charmant  Elles  sont  Tœuvre  de 
l'un  de  nos  compagnons  d'infortune  de  l'année  de  malheur, 
M.  Mathias  Kohler,  élève  de  l'école  des  beaux-arts.  Le  portrait 
d'Auguste  Stœber  est  bien  réussi.  Les  quatre  planches  repré- 
sentent le  contentement  du  tisserand  et  de  sa  femme  à  la 
clôture  de  l'inventaire,  la  réception  des  invités  le  dimanche 
suivant,  le  châtiment  infligé  à  deux  mauvaises  langues  devant 
l'hôtel  de  ville,  sujet  qui  avait  alimenté  la  conversation  des 
invités,  les  convives  à  table  et  la  missive  de  Furstenberger. 
puis  le  tisserand  et  sa  femme  en  tête-à-téte  après  le  départ 
des  invités.  Ces  illustrations,  traitées  avec  un  sentiment 
exquis,  h  la  manière  du  regretté  Th.  SchuUer  pour  le  Lundi 
de  Pentecôte  d'Arnold,  font  du  proverbe  mulhousien  une  excel- 
lente page  pour  l'histoire  du  costume  local  et  des  origines 
de  l'industrie  de  la  cité,  ainsi  qu'un  joyau  artistique  que  tout 
le  monde  voudra  avoir  et  religieusement  conserver. 

II 

Distractions  poéticpies  au  Florival  ou  premier  recueil  de 
poésies  d'un  vieil  Alsacien,  par  G.  GiBTBLiN  —  Mulhouse,  impri- 
merie de  R.  Mttnch,  1882  —  1  toI.  in-8o  de  vni-221  pages. 
Voici  un  recueil  de  poésies  allemandes  qui  a  son  mérite, 
sans  doute,  mais  qui  a  le  tort  d'arriver  au  jour  dans  un  mo- 
ment où  il  y  a  au  pays  une  résistance  pononcée  contre  les 
mesures  qui  proscrivent  le  français.  Les  deux  langues  vivaient 
jadis  en  bonne  intelligence,  en  bonne  et  loyale  confraternité 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  141 

dans  le  mouvement  littéraire  de  la  province,  ainsi  que  dans 
tous  les  rapports  de  la  vie  sociale.  Les  temps  sont,  hélas!  bien 
changés,  et  c'est  pourquoi  la  muse  de  M.  Gftyelin  court  le 
risque  d'être  peu  écoutée  de  ce  côté-ci  du  Rhin. 

Sera-t-elle  plus  favorablement  accueillie  à  Leipzig  où  le 
cœur  de  la  Germanie  intellectuelle  est  réputé  avoir  son  siège 
national  ?  Une  expérience  plus  que  trentenaire  nous  permet 
d'en  douter.  Ce  n'est  qu'après  les  foires  de  plusieurs  années 
que  M.  Gâyelin  sera  lixé  à  cet  égard  et  partagera  peut-être  le 
sentiment  que  nous  exprimons. 

C'est  d'ailleurs  au  public  alsacien  que  ce  recueil  s'adresse, 
c'est  pour  lui  qu'il  a  été  écrit  En  Péditant,  M.  Gftyelin  a  cédé 
aux  instances  de  ses  amis  du  Club  vosgien,  section  de  Gueb- 
willer,  et  aux  avis  de  ses  confrères  en  littérature  qui  n'ont 
cessé  de  l'encourager  dans  ses  patriotiques  inspirations.  Son 
recueil  a  le  caractère  particulariste  de  notre  ancienne  vie 
intellectuelle  de  la  proyince  d'Alsace  aux  meilleurs  temps  de 
son  développement  A  ce  titre,  comme  à  beaucoup  d'autres,  il 
a  sa  place  dans  nos  collections  alsatiques.  C'est  au  Blumen- 
tJud  =  Florival,  ou  vallée  de  Guebwiller,  que  M.  Gftyelin  a 
consacré  ses  meilleurs  souvenirs,  ses  plus  vives  affections.  On 
lira  sa  composition  sur  le  Heimweh  =  mal  du  pays,  avec  un 
sentiment  empreint  d'une  douce  tristesse.  Aux  sources  du 
Parnasse  se  fortifie  aussi  la  foi  en  l'avenir. 

m 

La  Liberté  des  Cimetières,  question  remplie  d'actnalité,  par 

Ch.    Schkidt,  pastenr-président  du  Consistoire  de  Sarregaemines, 

chevalier  de  la  Légion   d'honneur  —  Strasbourg,  imprimerie  de 

G.  Fischbach,  1880  —  Brochure  in-S»  de  39  pages. 

Cet  opuscule  que  la  Bévue  vient  de  recevoir,  est  un  tirage 

à  part  des  articles  publiés  dans  le  Journal  d'Alsace  à  propos 

des  difficultés  élevées  par  le  clergé  à  l'occasion  de  divers 

enterrements  protestants  dans  les  cimetières  de  communes 

oti  la  grande  majorité  des  habitants  professe  le  culte  catho- 


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142  REVUE  d'alsace 

lique.  C'est  encore  l'ancienne  loi  française,  concernant  cette 
matière,  qui  est  en  vigueur  au  pays  annexé,  et  c'est  la  réfor- 
mation de  cette  loi  que  demande  M.  le  pasteur  de  Sairegue- 
mines  dans  le  but  d'éviter  désormais  les  conflits  qui  se 
produisent  fréquenmient  à  la  campagne. 

IV 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  historiques  et  natu- 
relles de  l'Yonne,  Années  1880  et  1881  —  Auxerre,  imprimerie 
de  G.  RouiUé,  1881  —  2  vol.  in-8o  de  411-133-61-lx  et  xx  pages  avec 
3  planches  dont  2  photoglyptiques. 

Il  y  a  dans  le  dernier  et  le  premier  fascicules  des  34*  et  35' 
volumes  du  Bulletin,  des  travaux  d'un  grand  intérêt  historique 
et  scientifique.  Nous  ne  pouvons  que  les  signaler  au  courant 
de  la  plume,  ces  deux  fascicules  nous  étant  parvenus  il  y  a 
quelques  jours.  Le  cartulaire  du  prieuré  de  Jully-les-Nonnains 
est  un  document  fort  important  pour  l'histoire  locale,  analysé, 
reproduit  et  annoté  par  M.  Ernest  Petit;  Les  coutumes  et 
péages  de  la  vicomte  de  Sens,  par  M.  H.  Monceaux,  sont  aussi 
un  document  précieux  «soit  pour  la  philologie,  soit  pour  l'his- 
toire du  commerce  et  de  l'industrie  dans  le  centre  de  la 
France.»  Ce  sont  des  textes  soigneusement  mis  au  jour  avec 
de  nombreuses  annotations  qui  les  éclairent.  La  léproserie  de 
Sainte-Marguerite,  l'église  de  Saint-Siméon  et  le  château  des 
Choux  sont  l'objet  d'une  notice  intéressante  par  M.  Challe, 
président  de  la  société.  Tin  mémoire  de  M.  E.  Vaudin  sur  la 
photoglyptie  initie  le  lecteur  aux  divers  procédés  de  repro- 
duction de  l'image  des  choses  auxquels  la  découverte  de 
Daguerre  a  donné  lieu  jusqu'à  présent.  Deux  planches,  repré- 
sentant le  buste  de  M.  le  président  Challe,  et  un  portail  de  la 
cathédrale  d' Auxerre,  du  xiir  siècle,  par  le  procédé  photo- 
glyptique de  Lemercier,  à  Paris,  justifient  à  tous  égards  les 
mérites  que  M.  Vaudin  attribue  à  ce  procédé.  La  salle  du 
prince  d'Eckmtihl,  au  musée  d' Auxerre,  fournit  ensuite  à 
M.  Challe  le  matière  d'une  fort  belle  notice  historique,  biogra- 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  143 

phique  et  archéologique  dont  Tami  de  Marceau,  de  Kléber  et 
de  Desaix  est  la  cause  originelle.  Une  note  de  M.  le  docteur 
Ricque,  sur  des  sépultures  et  des  objets  funéraires  découverts 
à  Saint-Gervais  termine,  avec  le  catalogue  des  hémiptères  de 
l'Yonne,  le  volume  de  Tannée  1880. 

La  chronique  secrète  des  cent  dernières  années  de  l'abbaye 
de  Saint-Germain  d'Auxerre,  par  M.  Challe,  ouvre  le  premier 
fascicule  de  Tannée  1881.  Une  notice  historique  sur  la  cathé- 
drale de  Sens,  par  M.  E.  Vaudin,  et  le  catalogue  des  cartu- 
laires  du  département  de  TYonne,  par  M.  Max  Quantin, 
terminent  la  première  partie  du  fascicule  consacrée  aux 
sciences  historiques.  La  deuxième  partie,  affectée  aux  sciences 
naturelles,  renferme  le  compte-rendu,  par  M.  Gust  Cotteau, 
du  congrès  international  d'anthropologie  et  d'archéologie 
préhistoriques  tenu  en  septembre  dernier  à  Lisbonne.  Ce 
rapport  est  d'une  lecture  fort  intéressante,  même  pour  les 
hommes  du  monde.  Une  biographie  du  naturaliste  Goureau 
(colonel),  par  M.  Challe,  suivie  du  catalogue  de  ses  ouvrages 
et  de  ses  travaux,  met  en  relief  une  des  belles  figures  du 
monde  des  sciences  naturelles.  Cette  partie  du  fascicule  est 
noblement  terminée  par  la  première  partie  du  catalogue  des 
coléoptères  du  département  de  TYonne,  due  aux  recherches 
de  MM.  Loriferne  et  Poulain. 

Ce  sommaire-aperçu  des  travaux  do  la  Société  des  sciences 
historiques  et  naturelles  de  V  Yonne  suffit  pour  donner  aux 
lecteurs  de  la  Bévue  d'Alsace  une  idée  de  la  vie  intellectuelle 
dont  une  de  nos  premières  Académies  provinciales  est  le 
centre.  Honneur  à  son  président  et  à  ses  collaborateurs  ! 

V 

Bulletin  de  la  Société  archéologicpie  et  historique  de 
l'Orléanais,  n^*  107  et  108  —  Orléans,  imprimerie  de  Georges 
Jacob,  1880  et  1881  —  2  fascicules  in-8o,  356  pages. 
Nous  trouvons  dans  ces  deux  livraisons  du  Bulletin  de 

nombreuses  notices  descriptives  de  silex,  de  monnaies  gau- 


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144  REVUE    D'ALSACE 

loises  et  romaines  trouvés  dans  TOrléanaîs.  Ce  sont  autant 
de  points  de  repère  fort  importants  pour  Phistoire  locale 
et  rhistoire  des  Gaules  confinant  aux  temps  préhistoriques. 
M.  Desnoyers  et  ses  collègues  donnent  à  ces  découvertes 
successives  une  attention  particulière  et  compétente.  Ds 
ne  négligent  aucune  occasion  de  mettre  en  évidence  l'inté- 
rêt que  présentent  ces  trouvailles  pour  l'avancement  de  la 
science  :  c'est  ainsi  qu'une  excellente  notice  de  M.  Desnoyers 
est  consacrée  à  la  collection  d'objets  et  instruments  en  pierre 
que  M.  Rabourdin  a  composée,  en  1880,  dans  le  Sahara  algé- 
rien, au  pays  des  Touaregs,  et  qui  enrichit  aujourd'hui  le 
musée  de  Saint-Germain.  Ce  que  M.  Rabourdin  a  vu  de  l'autre 
côté  des  mers,  et  dont  il  a  rapporté  plus  de  trois  cent  cin- 
quante témoins,  on  le  retrouve  dans  nos  Gaules  plus  ou  moins 
accentué,  selon  les  stations,  au  Mont  vaudois,  près  de  Belfort, 
par  exemple,  et  l'on  se  demande  si  la  conclusion  proposée  par 
M.  Desnoyers  :  «  Le  grand  désert  a  été  habité  par  un  peuple 
disparu  ou  s'étant  réfugié  en  d'autres  régions  »,  ne  s'applique 
pas  tout  aussi  vraisemblablement  au  continent  européen?  De 
nouvelles  découvertes  et  de  nouvelles  études  ne  conduiront- 
elles  pas  à  conclure  que  c'est  aux  grandes  perturbations 
géologiques  qu'il  faut  demander  l'explication  des  phénomènes 
historiques  qui  sont  aujourd'hui  à  l'étude  ? 

Frédéric  Kubtz. 


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LES 

EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHÉS 

TOUL — METZ —VERDUN 
1552  —  4790 


n 
BIBLIOPHILES  ET  €OLLECTIONNEI1BS  TOULOIS 


Suite' 


BIBLIOTHÈQUES  DES  COUVENTS 
1.  Abbaye  royale  de  SainlrLéoii 
Comme  pour  tous  les  autres  monastères,  les  marques  sont 
toutes  manuscrites. 

Canonic  Begular.  S.  Leonis  TuUen.  1. 

Lors  de  la  visite  des  délégués  du  district,  le  4  juin  1790,  en 
présence  de  Nicolas  Henriet,  prieur  claustral  (l'abbaye  était 
en  commende),  et  des  religieux,  la  bibliothèque  contenait 
250  volumes  in-folio,  154  in-4*  et  1360  in-8%  dont  plusieurs 
dépareillés.* 

Les  chanoines  prémontrés  tenaient  un  collège  avec  enseigne- 
ment depuis  les  élémentaires  jusqu'à  la  rhétorique  inclusive- 
ment. Les  bâtiments  furent  rebâtis  au  commencement  du 
siècle  dernier  et  le  collège  communal  actuel  y  est  établL 

^  Voir  les  livraisoiiB  du  dernier  trimestre  1881  et  du  l*'  trimestre  1882. 
*  Archives  départementales  de  Meurthe-et-Moselle. 

NoQTelto  Série.  *  11**  aooée.  10 


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146  REVUE    D'ALSACE 

2.  Abbaye  royale  de  Saint-Epvre 
Ex  Mnrio  S.  Apri  Cong.  S.  8.  Vitoni  &  Hyd.  Benedictor. 
S.  Apri  Tull.  1750. 

D'après  Dom  Ruinart,  les  archives  abondaient  en  bulles 
pontificales  et  en  diplômes  de  souverains,  mais  les  manuscrits 
faisaient  défaut.  Il  n'y  a  rien  d'étonnant,  car  les  amateurs  trop 
intéressés  ne  manquaient  pas.  Le  conseiller  au  parlement  de 
Metz,  Bigaud,  mort  en  1653,  et  célèbre  comme  bibliophile, 
alors  à  Toul  avec  le  Parlement  exilé,  détacha  de  sa  chaîne, 
à  la  sacristie,  un  ancien  cérémonial  manuscrit  de  l'abbaye, 
l'emporta  et  en  fit  présent  à  Colbert,  qui  recevait  journelle- 
ment, sans  scrupule,  de  pareils  cadeaux.  Les  moines  eurent 
toutes  les  peines  du  monde  d'obtenir  une  copie. 

D'après  M.  Dufrêne  {Austrame,  Metz  1842,  p.  301)  ils  expo- 
saient à  la  vénération  des  fidèles  à  certaines  fêtes,  comme  un 
Saint 'Jean  enlevé  par  les  anges,  une  magnifique  agathe 
antique  représentant  V Apothéose  de  Qermanicus.  Convaincus 
de  leur  erreur,  ils  ofirirent,  en  1674,  cette  pierre  précieuse  à 
Louis  XIV,  qui  leur  fit  compter  7000  livres.  On  prétendait 
que  le  cardinal  Humbert,  l'un  des  familiers  du  pape  Léon  IX, 
l'avait  apportée  de  Constantinople.  Elle  est  aujourd'hui  au 
cabinet  des  médailles  (n"  179)  et  la  bibliothèque  de  la  ville  en 
a  un  fac-similé  en  plâtre. 

Le  couvent  fut  rebâti  au  siècle  dernier  par  Dom  Léopold 
Durand,  prieur  du  prieuré  détruit  de  Saint-Léonard  de  Féné- 
trange  dans  le  Westrich,  un  des  bons  architectes  du  temps.  Il 
y  avait  de  vastes  jardins  autour  des  lieux  claustraux,  et  un 
jeune  religieux,  Dom  Claude  Fleurand,  originaire  des  Vosges, 
y  fit  de  charmantes  observations  entomologiques  sur  les 
fourmis  ;  elles  ont  été  rapportées  en  partie  par  M.  H.  Bardy, 
président  de  la  Société  philomatique  vosgienne.  Dom  Fleurant 
n'était  pas  seulement  un  amateur  d'histoire  naturelle,  c'était 
aussi  un  numismate.  Mory  d'Elvange  cite,  comme  lui  appar- 
tenant, une  monnaie  mérovingienne  frappée  à  Verdun. 


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LES  BX-LIBRIS  DANS  LBS  TROIS  ÉYÉCHÉS  147 

Les  dévastations  et  les  incendies  arrivés  dans  quelques 
villages,  après  la  prise  de  la  Bastille,  engagèrent  les  religieux 
de  Saint-Mansuy  et  de  Saint-Epvre  à  cacher  leurs  archives 
dans  différents  endroits  et  surtout  dans  les  caves.  C'est  ce  qui 
explique,  raconte  le  curé  Chatrian,  le  désordre  qui  régna  dans 
ces  papiers. 

La  bibliothèque  de  Saint-Epvre  s'était  accrue  dans  le  cours 
du  xvn*  siècle  de  la  riche  bibliothèque  de  M.  de  Mageron, 
chanoine  et  officiai,  conseiller  du  duc  de  Lorraine. 

Le  2  juin  1791,  l'autorité  se  présenta  pour  faire  l'inventaire 
du  mobilier  du  monastère,  en  présence  du  prieur  claustral 
Dom  Christophe  Lhotte,  du  sous-prieur  Dom  Gérome  \  et  de 
toute  la  communauté.  La  bibliothèque  compr  enait4964  volumes, 
dont  1275  in-folio,  843  in-4^  et  2846  d'autres  formats.  Tous  les 
moines  déclarèrent  qu'ils  étaient  prêts  à  quitter  le  couvent 

Le  musée  départemental  des  Vosges,  à  Epinal,  possède 
deux  sceaux  en  cuivre  de  l'abbaye  Saint-Epvre.  Ils  datent  du 
XIV  siècle  et  sont  reproduits  dans  le  beau  volume  sur  la 
sigillographie  touloise,  par  M.  Ch.  Robert. 


^  uom  Gérome  fut  principal  du  collège  de  Lnnéville,  sous  le  Consnlat . 


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148  REVUE   d'àlsace 

Charles  de  Castellan,  dont  Tempreinte  a  été  gracieusement 
communiquée  par  M.  Lucien  Wiener,  conservateur  du  musée 
lorrain,  fut  abbé  commendataire  en  1663,  il  mourut  le  28  no- 
vembre 1677.  La  bibliothèque  de  Lunéville  possède  également 
un  volume  aux  armes  de  cet  abbé,  dont  la  mense  abbatiale 
rapportait  30,000  livres.  Deux  cardinaux  de  Rohan  (II  et  III), 
évoques  de  Strasbourg,  furent  successivement  gratifiés  de  ce 
beau  bénéfice. 

Un  des  plus  célèbres  numismates  du  xyiii*  siècle,  Dom  Mau- 
gérard,  aumônier  et  conservateur  des  monnaies  et  médailles  du 
duc  Charles-Alexandre  de  Lorraine,  gouverneur  des  Pays-Bas, 
et  au  XYir  siècle,  Dom  Descrochets,  Thistorien  de  Tabbaye  de 
Saint-Arnould,  furent  religieux  à  Saint-Epvre  ainsi  que 
d'autres  érudits  religieux. 

S.  Abbaye  royale  de  Samt-Mansuy 
Ex  Monasterio  8.  Manstieti,  ordinis  S^'  Benedicti,  Catalogo 
imcrvptus,  1748. 
Inscriptus  Catalogo  Sandi  Mamueti,  1767. 
Monasterii  S^  Mansusti  ordinis  S.  Benedidi  1752. 

La  bibliothèque  des  Bénédictins  de  ce  couvent  marchait 
de  pair  avec  celle  du  Séminaire  et  de  Saint-Epvre  pour  le 
nombre  et  le  bon  choix  des  ouvrages.  Le  13  juillet  1791,  le 
prieur  claustral  Dom  Jean  Nicole,  le  sous-prieur  Dom  Léonard 
et  leurs  religieux  reçurent  la  commission  administrative.  La 
bibliothèque  contenait  3207  volumes,  dont  592  in-folio,  675  in-4'' 
et  1940  de  diverses  grandeurs;  les  uns  reliés  en  vieille  basane, 
les  autres  en  brochure.  Il  y  avait  en  outre  un  manuscrit  fort 
ancien  sur  les  évoques,  in-é"*  sur  vélin  :  Indpit  caMogus  pon- 
tificum  tuUensium  a  heato  Mansueto  et  deinceps,  qui  servit  au 
P.  Benott  pour  son  histoire  et  qui  vint  échouer  plus  tard,  dans 
la  riche  collection  lorraine  de  M.  Noël  (n**  1694).  En  outre,  il 
y  avait  à  la  sacristie  six  manuscrits  sur  parchemin  pour 
Toffice  divin. 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÉGRÉS  149 

ti^iiiTentaire  des  meubles  portait  bon  nombre  de  tableaux, 
dont  six  de  M.Drouas  (?);  vingt-huit,  représentant  Saint-Benoît 
^t  d'autres  bienheureux  et  supérieurs  de  l'ordre  ;  huit  portraits 
de  Xiouis  XIV,  de  souverains  et  de  princes  lorrains.  Dans  les 
cJxambres  des  hôtes,  il  y  avait  des  tapisseries  de  Bergame,  un 
^^pha,  six  fauteuils  en  velours  d'Utrecht,  etc. 

Parmi  les  moines  présents,  Dom  Jourdez  était  un  biblio- 
^^le  dont  Vex'libris  nous  a  été  conservé.  Dans  un  riche 
encadrement  sortant  des  ateliers  de  Garez,  on  lit  : 

Dom.  xst.  Joubdez 
bénédictin 

Il  avait  alors  40  ans. 

Dom  Benott  Didelot,  religieux  du  monastère,  était  alors  à 
Neufchftteau.  Les  amateurs  lorrains  connaissent  de  lui  une 
petite  eau-forte  (in-12  oblong):  Le  passage  des  Tedosages 
i Europe  en  Asie,  dédiée  au  JB.  P.  1).  Bemy  Cellier,  prélat  de 
Flavigny,  avec  ses  armoiries,  d'après  un  tableau  de  Gazes.  ^ 

M.  Quintart  possède  et  a  reproduit  le  sceau  en  cuivre  de 
Tabbaye  au  moyen  âge.  M.  Dufrêne,  le  collectionneur  émérite 
de  tout  ce  qui  est  leuquois,  avait  en  vain  cherché  une 
empreinte  dans  toutes  les  collections  locales. 

Tard  de  Bar-le-Duc  peignit  pour  l'église  abbatiale  la  vie 
de  Saint-Mansuy;  il  exécuta  aussi  quelques  tableaux  pour 
l'^véché. 

4.  ^60  Oapnoinfl 

fondés  par  Pévêque  de  Maillane  dans  un  enclos  apparte- 
^^nt  aux  moines  de  Saint-Mansuy.  Le  bâtiment  conventuel 
^xistô  encore,  et  l'humble  église  sert  d'atelier  de  menuiserie. 
AiL-<l^ssous  de  celle-ci  est  un  caveau  peu  profond  où,  selon  la 
coutxxrae  séraphique,  on  exposait  les  squelettes  des  religieux 

X^ee  KoQTelles  catholiques  de  Rouen  avaient  nn  tablean  de  ce 
peintre,  a  se  trouve  actuellement  au  musée  de  la  ville. 


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150  RE?UB   D'ALSACE 

avec  rhabit  qu'ils  avaient  porté.  Le  vestibule  de  ce  charnier 
renferme  encore  quelques  peintures  à  la  détrempe,  avec  des 
macabres  armés  de  faulx,  vous  invitant  à  lire  de  longues 
inscriptions  tracées  en  caractères  romains  et  presque  illisibles. 
On  distingue  : 

Seigneur  de  qnelqne  gr&ce  qne  l'homme  par 

TOB  soins  se 

puisqu'il  lui  faut son  &me  se  livre 

Puisqu'il  me  faudra  mourir 

Trois  religieux  célèbres  habitèrent  le  couvent,  le  P.  Thomas 
de  Charmes,  auteur  d'un  Compendium  très  estimé,  le  P.  Nor- 
bert de  Bar,  que  Chevrier  poursuivit  de  ses  traits  piquants, 
et  enfin  le  P.  Benoît  Picart  de  Toul,  l'historien  dont  il  a  déjà 
été  parlé.  C'est  à  tort  que  Ton  accuse  sottement  les  religieux 
d'avoir  brûlé,  à  sa  mort,  les  manuscrits  et  les  chartes  qu'il 
avait  rassemblées,  sous  prétexte  qu'il  ne  devait  rien  posséder 
d'après  les  règles  de  l'ordre.  L'évoque  de  Camilly,  ami  et  pro- 
tecteur du  docte  capucin,  fit  recueillir  tous  les  papiers  que 
l'on  put  trouver  dans  sa  cellule,  et  l'archiviste  Lemoine  les 
eut  entre  les  mains,  au  palais  épiscopal,  de  longues  années 
après  (Catalogue  Emmery,  628). 

Modestes  coopérateurs  des  curés  campagnards,  prédicateurs 
des  missions  rurales,  pharmaciens  et  médecins  des  pauvres, 
les  capucins  étaient  plus  instruits  que  bien  des  religieux  riche- 
ment dotés.  Dans  chaque  cellule  du  couvent  de  Toul,  les 
commissaires  trouvèrent  à  côté  du  grabat  quelques  livres  et 
des  sermons  écrits.  Ds  possédaient  donc  quelque  chose!  Mais 
laissons  cette  oiseuse  digression  et  parlons  un  peu  de  la 
bibliothèque  de  voyage  des  révérends  pères;  elle  se  trouvait 
dans  deux  des  douze  poches  qu'ils  portaient  sur  leurs  vête- 
ments. La  Bradéale  renfermait  le  bréviaire,  elle  était  de 
figure  ovale  et  se  trouvait  dessous  et  le  long  du  bras  droit 
L'autre  pour  les  sermonnaires 


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LES  EX-LIfiRIS  DiNS  LES  TROIS  ÉYÉCHÉS  151 

Pend  au  dos  et  bat  sur  la  fesse, 

Ou  pour  mieux  dire  sur  le  cul, 

Pourquoi  elle  se  nomme  Tape-cid.  ^ 
Les  commissaires  cataloguèrent  chez  les  capucins  près  de 
1500  volumes,  dont  202  in-folio  et  1209  autres  de  divers  for- 
mats. On  ne  parla  pas  de  manuscrit;  cependant  Dom  Calmet 
dit  qu'ils  avaient  les  Commentaires  sur  Saint-Jérôme,  par 
Didier  de  Birstorf,  chanoine  et  archidiacre  de  Toul,  ancien 
précepteur  du  duc  René  IL 

Voici  l'acte  de  décès  de  la  bibliothèque  des  capucins  de 
Toul: 

«  Les  administrateurs  du  district  de  Toul  informés  que 
depuis  que  la  maison  des  cidevant  capucins  au  faubourg  de  la 
Paix  a  été  prise  pour  un  hôpital,  à  traiter  les  galeux  des 
armées  républicaines,  la  porte  de  la  salle  de  la  Bibliothèque 
ayant  été  fracturée  et  ladite  Bibliothèque  extrêmement  dila- 
pidée, ont  commis  Motjrot  Vincent  un  de  ses  membres  pour 
avec  un  officier  municipal  de  la  commune  de  Toul,  reconnaître, 
vérifier  ladite  dilapidation  et  prendre  tous  les  renseignemens 
possibles.  Ledit  Mourot  s'est  transporté  dans  ladite  Maison, 
assisté  du  cit  Thierry,  officier  municipal,  lesquels  ont  reconnu 
que  bien  loin  de  trouver  la  bibliothèque  dans  l'état  où  elle  se 
trouvait  lors  de  l'inventaire  qui  en  a  été  fait  le  l' juin  1790, 
vieux  style,  ils  l'ont  trouvée  dans  un  délabrement  total,  y  res- 
tant tout  au  plus  une  douzaine  de  vieux  bouquins  entiers  et 
quantité  de  feuillets  et  de  couvertures  de  livres  épars  tant 
dans  la  bibliothèque  que  dans  les  corridors  voisins,  s'étant 
informés  tant  du  citoyen  Buisson  gardien  de  cette  maison  que 
du  citoyen  Jouré  et  de  sa  femme  qui  occupent  un  local  dans 
cette  maison,  ils  ont  appris  que  c'étaient  les  soldats  de  l'hôpital. 


'  DïTCDOS.  La  Capucinade  éPAustrasie,  j^oème  pitoyable  où  l'on  insulte 
continaellement,  en  1689,  les  capucins  de  Marsal  et  les  cnrés  de  la 
Hante-Seille,  à  cause  de  leur  fidélité  à  lenr  souYerain  proscrit. 


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15d  REVUE    D'ALSACE 

qui,  après  avoir  brisé  la  porte  de  la  Bibliothèque,  avaient 
brûlé  une  grande  partie  de  ses  livres  et  jeté  une  autre  par  les 
fenêtres,  sous  prétexte  que  c'étaient  tous  livres  fanatiques 
qu'il  fallait  anéantir.  Les  dits  commissaires  tant  du  District 
que  de  la  municipalité  ont  aussi  observé  qu'on  avait  enlevé 
presque  toutes  les  serrures  et  ferremens  deladite  maison,  et 
brûlé  une  partie  des  portes,  boiseries  et  planches,  laquelle 
dilapidation  nous  a  été  assurée  par  les  mêmes  Buisson  et 
Jouré  n'avoir  été  faite  que  pendant  que  cette  maison  servait 
d'hôpital  aux  galeux. 

Fait  à  Toul  le  2  Thermidor  de  l'an  deux  de  la  République 
une  &  indivisible  signé  Moubot,  Thierry.  » 

Les  capucins  de  Toul  ne  sont  pas  oubliés  dans  la  Croisade: 

De  Saint-François  la  cohorte  nasale, 
Les  yenz  baissés,  Pair  contrit,  les  pieds  nns 
Suivent  la  croix,  composent  Uavant-garde, 
Couyerts  de  frocs  à  capuchons  pointas. 
Frères  cadets  du  troupeau  séraphique, 
Leurs  revenus  sont  la  masse  publique. 
Mais  échangeant  contre  un  mauvais  sermon 
Un  broc  de  vin,  une  poule,  un  jambon. 
Ils  ont  gardé  Pesprit  évangélique. 

Les  commissaires  inventorièrent  dix-sept  portraits  d'anciens 
pères  de  l'ordre;  dans  le  réfectoire,  un  grand  tableau  repré- 
sentant le  lavement  des  (pieds,  par  Lallemand,  et  vingt-et-un 
tableaux  de  peu  de  valeur,  etc. 

6.  Les  Cordelien 
Ex'Bïbliotheca  Frandscanorum  Conventus  tuUensis. 

Cette  marque  se  trouve  sur  un  frontispice  d'un  volume  des 
Ada  Sandorum  mis  au  pilon  !  ! 

^es  religieux  possédaient  1500  volumes  dont  quelques  uns 
incomplets. 

Le  parlement  de  Metz,  pendant  son  exil  dans  la  cité  touloise, 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHÉS  153 

siégea  aux  Cordeliers.  Ce  fut  à  cette  époque  que  Bossuet, 
alors  chanoine  de  Téglise  de  Metz,  habita  Toul  avec  son  père, 
conseiller  au  Parlement,  dans  le  bel  hôtel  de  la  rue  Michatel 
qui  existe  encore. 

6.  Les  Dominicains 

Ex'lUris  Bibliothecœjr.  prœdicatorum  Conventtis  Tidle^ms. 

BibL  fr.  prœdicatorum  Co^  TuUensis. 

Leur  couvent  fut  fondé,  en  1245,  par  le  duc  de  Lorraine, 
l'évêque  et  le  maître-échevin  Nemeric  Barat,  dont  le  nom  est 
encore  porté  à  Toul.  508  in-folio,  330  in-4**  et  760  volumes  de 
divers  formats  composaient  toute  leur  bibliothèque. 

7.  Les  Dominicaines 

Les  religieuses  du  grand  ordre  de  Saint-Dominique,  établies 
en  1621,  avaient  leur  bibliothèque  donnant  sur  le  jardin.  Elle 
renfermait  398  volumes  et  3  manuscrits. 

8.  Les  Dominicaines  du  Tiers  Ordre 
Elles  n'arrivèrent  à  Toul  qu'en  1634;  elles  étaient  voisines 
des  précédentes,  leur  église  a  été  démolie  et  le  couvent  a  été 
changé  en  salle  de  spectacle.  C'est  à  tort  que  M.  Ch.  Robert 
(p.  246)  parle  de  religieux  du  Tiers  Ordre.  Dom  Calmet  dit 
que  leur  église  était  ornée  de  tableaux  des  plus  grands  maîtres 
flamands.  Les  religieuses,  pour  se  rendre  utiles,  tenaient  des 
écoles  pour  les  jeunes  filles.  332  volumes  formaient  toute  leur 
bibliothèque. 

9.  Les  religieuses  Bénédictines  du  Saint-Sacrement 
Le  couvent  est  aujourd'hui  la  gendarmerie.  La  bibliothèque 
avait  560  volumes,  reliés  en  veau  ou  basane,  traitant  presque 
tous  de  religion.  Un  pensionnat  était  tenu  par  les  sœurs. 

10.  La  Congrégation  Notre-Dame 
Le  plan  du  couvent,  comme  ceux  des  autres  maisons  reli- 
gieuses de  la  ville,  se  trouve  aux  archives  départementales. 


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154  REVUE  d'alsàce 

Diverses  habitations  remplacent  la  maison  des  sœurs.  Au- 
dessus  de  la  porte,  donnant  rue  du  Menin,  on  lit  encore  sous 
une  niche  vide  de  la  statue  de  la  Vierge  : 

AVXILFVM 

CONGREGÂTIONIS  NOSTR^ 

Oba  PBO  NOBIS 

Un  pensionnat  et  une  école  gratuite  pour  les  jeunes  filles 
de  la  ville,  dit  le  Journal  de  Metz  de  1776,  étaient  tenus  par 
les  religieuses,  établies  par  leur  saint  fondateur  le  P.  Fourier, 
de  Mattaincourt,  pour  répandre  l'instruction. 

Leur  bibliothèque  était  dans  une  armoire  (10  in-folio,  60  in-4* 
et  72  in-8*)  beaucoup  de  livres  étaient  dépareillés.  «  La  caisse 
aux  titres  »,  contenant  aussi  les  registres  de  recettes  et  de 
dépenses,  se  trouvait  à  côté. 

Le  doyen  de  Vantoux  signait  les  comptes  annuels  du  cou- 
vent; dans  le  registre  de  1758,  on  voit  la  note  du  serrurier 
(64',18')  qui  a  fermé  les  archives  et  la  bibliothèque.  Le  relieur 
figure  pour  bréviaires  et  offices  du  sacré-cœur.  On  donne 
39\3'  pour  la  vie  de  la  mère  Alix  (1773). 

Ce  fut  le  maire  Charles-François  Bicquilley  avec  le  greffier 
La  Capelle,  qui  vint  poser  les  scellés  le  1"  juin  1791. 


L'inventaire  fait,  les  livres,  les  incunables,  les  manuscrits 
des  maisons  religieuses  furent  entassés  dans  les  greniers  de 
rhôtel  de  ville  où  ils  formèrent  de  véritables  fortifications 
assiégées  continuellement  par  la  dent  des  rats  ou  la  main  des 
malveillants.  Vers  1826,  le  principal  du  collège,  qui  depuis 
(après  1830)  devint  proviseur  du  collège  royal  de  Nancy,  fut 
chargé  de  trier  dans  cette  masse  pour  former  une  bibliothèque 
communale.  Son  choix  fut  discret,  car  on  vendit  le  restant  (la 
charge  de  plusieurs  voitures)  à  M"'  V'  Bastien-Carez,  rue 
Michatel.  Tous  les  bibliophiles  delà  province,  le  grand  Pseaume 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHÉS  155 

en  tête,  se  précipitèrent  à  la  curée  pendant  plusieurs  jours. 
Mais  déjà  des  triages  avaient  été  faits,  car  en  1791,  un  Béné- 
dictin défroqué,  nommé  Bralret,  ouvrit  une  librairie*  où  Ton 
trouvait  quantité  de  livres  précieux.  On  rencontre  encore 
maintenant  beaucoup  de  ses  bouquins  reconnaissables  à  leur 
ex4ibri8  imprimé  :  Se  vend  chez  Bralret  à  Toul,  dans  un  double 
filet  oblong.  II  avait  aussi  une  marque  très  finement  gravée 
au  burin  :  Librairie  Bralret  à  TotU,  dans  un  écusson  à  grenetis 
entouré  de  fleurs.  11  mourut  à  Liverdun,  très  âgé,  après  avoir 
essayé  de  rétablir  le  culte  adamique. 

Si,  en  1819,  Tardent  bibliophile  anglais  Dibdin,  qui  visita  si 
rapidement  la  cité  leuquoise,  avait  su  que  des  monceaux  de 
livres  à  vendre  gisaient  dans  les  combles  de  Thôtel  de  ville,  il 
serait  resté  plusieurs  jours  à  Toul  qui  n'a  de  lui  que  ces  quel- 
ques lignes: 

K  La  route  est  encore  plus  jolie  aux  environs  de  Toul,  dont 
l'église,  vue  de  loin,  ressemble  à  une  cathédrale.  Nous  prîmes 
du  thé  à  Toul,  mais  d'abord  nous  visitâmes  l'église  que  nous 
trouvâmes  de  beaucoup  supérieure  à  celle  de  Meaux.  Quelques 
portions  de  l'intérieur  sont  véritablement  fort  élégantes,  une 
fenêtre  ogivale,  particulièrement  ornée  de  vitraux  peints,  peut 
rivaliser  avec  la  plupart  de  celles  qui  ornent  cette  cathédrale. 

«  A  Toul,  la  première  fois  depuis  notre  départ  de  Paris,  on 
nous  demanda  nos  passeports,  attendu  que  Toul  est  fortifié.  » 


GRAVEURS  TOULOIS  D'EX-LIRRIS 

ZAPOURAPH 
Graveur  sur  bois  à  Vimprimerie  Garez,  1772-177S. 

1.  BiOQuiLLBT.  Sar  un  bloc  de  pierre  ombré,  entonré  de  roseanx  d'un 
côté  et  de  l'autre  d'un  laurier  incliné  ;  sous  les  hachures  figu- 
rant le  soi  —  Zapcwraph  1772, 

Est-ce  l'auteur  de  la  Croisade,  mathématicien  distingué,  qui 
fit  imprimer,  en  1783,  les  Calculs  des  probahilités,  ouvrit  pen- 

'  Rue  Michatel,  n<»  1504. 


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156  REVUE   D*ÀLSÀCE 

dant  la  Révolution  des  cours  gratuits  pour  les  ouvriers  et,  en 
1804,  publia  chez  Carez  la  Théorie  élémentaire  du  commerce  f 
Il  était  secrétaire  de  la  Loge  des  Neuf  Sœurs,  dont  les  statuts 
furent  imprimés  chez  Carez,  en  1782  ;  l'éloge  du  fr.\  Michelet, 
fondateur,  par  le  f.*.  Grégeois,  en  1788,  sortit  de  la  môme 
imprimerie.  ^ 

Vex'lïbris  ci-dessus  appartiendrait-il  au  frère  de  l'ancien 
garde  du  corps,  au  major  de  place  Jean-Baptiste  Bicquilley, 
Tauteur  des  Noêls  et  des  Complaintes  sur  l'anoblissement  du 
chapitre  ?  Il  est  le  père  du  général  dont  on  voit  le  portrait 
dans  une  salle  du  rez-de-chaussée  de  l'ancien  palais  épiscopal 
avec  ceux  du  maréchal  Gouvion  Saint-Cyr,  des  généraux 
Gengoult,  Gouvion,  Pintheville,  de  l'amiral  de  Rigny,  du  baron 
Louis,  de  l'avocat  Liouville. 

2.  C.  N.  N.  Dans  nn  rond  ombré,  entouré  de  roses  reposant  sur  un 
tapis  de  verdure.  Au-dessons  à  ganche  Zapouraph  1773.  Gham- 
brette,  ingénieur  des  ponts  et  chanssée,  à  Toul?  Il  y  a  encore  le 
substitut  CoUardé,  les  chanoines  Châtelain  et  Claude.  Trouvé  à 
Metz  au  milieu  de  bouquins  sur  Pun  desquels  on  avait  imprimé 
en  lettres  d'or  Chambbbtte  sur  les  plats. 

On  peut  attribuer  à  Zapouraph  la  marque  de  Dom  Jourdez, 
Veûo-Hhris  armorié  de  M.  de  Curel;  les  trois  cailloux  de  Saint- 
Etienne  dans  la  couronne  d'épines;  la  charmante  vignette  de 
son  maître  d'un  bon  style  Louis  XVI  avec  les  initiales  J.  C. 
{Dictionnaire  de  la  Fable,  Toul  1787). 

^  M.  le  comte  Gaston  de  Lambertye  a,  provenant  du  chanoine  de 
Jobal,  le  sceau  de  la  Loge  (ovale  de  0°48  sur  0Hc3),  Fécu  royal  entouré 
d'emblèmes  maçonniques  disposés  avec  beaucoup  de  goût,  qrâxj}  80ea.u 
BB  LA.  B.  L.  DBS  IX  SŒURS  A  l'o.'.  db  TOUL.  Ce  sceau  uo  so  trouve  pas 
dans  le  volume  de  M.  Ch.  Robert. 


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LES  SK-LtBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÉCHtiS  157 

COLLECTIONNEURS 

Le  chanoine  Henri  Montignot  (1752),  fils  d'un  charpentier 
de  Nancy,  devint  membre  de  TÂcadémie  royale  de  sa  ville  * 
natale  ;  il  y  prononça,  le  8  mai  1752,  un  discours  sur  le  rapport 
de  PEnéide  avec  Tlliade  et  TOdyssée.  Mais  il  est  connu  par 
d'autres  travaux  plus  importants:  Un  Etat  des  Etoiles  fixes 
au  second  siècle,  par  Ptolémée,  comparé  à  la  position  des 
mêmes  étoiles  en  1786  avec  le  texte  grec  et  la  traduction,  à 
Nancy,  1788,  in-4**  avec  figures.  Il  publia  aussi  dans  le  Mercure 
de  France,  du  mois  de  février  1756,  une  lettre  sur  le  tremble- 
ment de  terre  de  Lisbonne.  Son  opinion  sur  les  causes 
physiques  qui  avaient  amené  cet  épouvantable  désastre  lui 
attira  une  réponse  des  plus  vives. 

Mais  un  ouvrage,  qui  doit  particulièrement  nous  intéresser 
est  son  Dictionnaire  diplotnatique  et  éttflnologique  des  termes 
du  Bas-Siècle  pour  servir  à  Vintelligence  des  archives  et  chartes, 
Nancy,  1787,  in-é^ 

L'auteur  du  Noël  lui  reproche  d'être  plus  fier  de  sa 
nouvelle  noblesse  que  tous  les  gentilshommes  de  race. 
Après  s'être  moqué  du  peu  de  solidité  de  ses  connaissances 
mathématiques,  il  lui  reproche  son  peu  de  charité.  En  efiet, 
en  1776,  le  chanoine  Montignot  allant  avec  son  confrère 
M.  d'Hammonville  jmiior  en  voiture  à  Boucq,  à  trois  lieues 
N.-E.  de  Toul,  laissa,  baigné  dans  son  sang,  le  jeune  Gaussin, 
de  cette  ville,  que  des  brigands  avaient  presque  assonuné. 
«  Vous  êtes  trop  ensanglanté,  lui  dit-il,  nous  ne  pouvons  pas 
TOUS  prendre,  et  d'ailleurs,  nous  sommes  pressés!  ïi  Toute  la 
ville  fut  indignée  de  cette  réponse  barbare. 

Sur  le  point  de  mourir  Gaussin  disait  qu'il  en  coûtait  moins 
à  son  cœur  de  pardonner  à  son  assassin  qu'aux  deux  cha- 
noines si  inhumains.  Le  meurtrier  fut  pris  et  roué. 

'  Académie  de  Stanislas  actuelle. 


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158  REVUE   d'aLSACE 

Le  chanoine  Montignot,  pour  célébrer  le  sacre  de  Louis  XVI, 
s'avisa  de  faire  une  distribution  de  pain  au  peuple.  De  ses 
fenêtres,  il  assomma  quelques  malheureux  en  lançant  ses 
miches.  Il  y  eut  nécessairement  du  tumulte,  des  vitres  cassées 
et  la  maréchaussée  dut  intervenir. 

En  descendant  le  grand  escalier  du  cloître  on  lit  Tépitaphe 
de  notre  chanoine.  Une  sphère  est  entre  une  équerre  et  un 
compas  au-dessus  de  ces  lignes  : 

D.  0.  M. 

Ci-gît  M.  H.  François  Montignot,  prêtre,  doctenr  en  Théo- 
logie, chanoine  de  cette  église,  Membre  de  l'Académie  royale 
de  Nancy,  décédé  le  1«  Mars  1790,  ftgé  de  67  ans. 
Begpiiescat  in  paoe. 

D'après  le  P.  Benoît,  le  lieutenant  général  au  bailliage 
François  Favier,  depuis  conseiller  à  la  Cour  souveraine  de 
Colmar,  rechercha,  vers  la  fin  du  xvn*  siècle,  les  antiquités  et 
les  monnaies  trouvées  à  Toul.  a  Celles-ci  étaient  si  communes, 
dit  le  capucin,  qu'elles  se  vendaient  au  poids,  même  les  plus 
rares  et  les  plus  curieuses,  et  on  en  faisait  si  peu  de  cas  que 
les  enfants  les  mettaient  au  jeu  comme  ils  auraient  fait  d'un 
liard.  » 

Celles  qui  furenttrouvées,  lorsqu'on  construisit  les  nouveaux 
remparts  de  Toul  et  dont  la  plupart  furent  presque  toutes 
envoyées  au  cabinet  du  roi,  furent  décrites  par  le  bénédictin 
Dom  Joachim  de  la  Roche  à  l'abbé  de  Senones.  Celui-ci  vint 
souvent  à  Toul.  Un  jour,  il  signala  à  un  M.  Paris  plusieurs 
blocs  de  pierre  taillée  qui  gisaient  derrière  la  cathédrale 
parmi  lesquelles  était  la  figure  de  la  déesse  Trivia  que  M.  Paris 
fit  transporter  dans  la  cour  de  la  maison  Groselier. 

Vers  la  même  époque,  le  chanoine  de  Maimbourg  instruisait 
le  célèbre  P.  de  Sirmond  de  la  trouvaille  d'une  statuette  de 
Mercure  dans  les  fossés  de  la  ville. 

Le  capitaine  Duplessis,  du  régiment  de  Normandie  (cava- 
lerie), avait  recueilli  des  monnaies  trouvées  à  Toul,  et  M.  de 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LSS  TROIS  ÉVÉCBÉS  159 

ViUement,  ingénieur  des  travaux,  avait  ramassé  de  son  côté 
tout  ce  que  Ton  trouvait  lors  de  la  construction  delà  nouvelle 
enceinte  ;  le  P.  Benoît  était  chargé  par  les  Bénédictins,  de 
faire  un  catalogue.  Il  déclare  n'avoir  vu  qu'une  monnaie  épis- 
copale  du  xvi*  siècle  en  fait  de  monnaie  locale. 

L'antiquaire  Lemoine,  de  Moyenvic,  était  en  grande  corres- 
pondance avec  trois  Toulois  dans  la  seconde  moitié  du  siècle 
dernier.  Leur  correspondance  très  intéressante  a  été  mise  en 
vente  à  Metz,  lors  de  la  dispersion,  en  1850,  de  l'importante 
collection  Emmery. 

Le  procureur  du  roi  au  bailliage,  Henri,  ^  donnait  en  1761, 
1762  et  1763  des  détails  très  curieux  sur  la  compagnie  des 
Cadets  Dauphin,  sur  les  prix  accordés  à  l'abatage  de  l'oiseau; 
il  décrit  la  médaille  donnée  à  cet  effet.  Puis  il  donne  quelques 
renseignements  sur  des  livres  publiés  à  Toul,  il  termine  en 
décrivant  les  archives  de  la  ville,  de  Tévôché  et  de  la  cathé- 
drale. 

L'avocat  Vautrin  (1763-1766)  s'occupe  principalement  dans 
ses  lettres  de  questions  historiques  et  de  numismatique 
touloise. 

Enfin  le  troisième,  Thouvenin,  l'ex-échevin,  donne  en  1783,  la 
généalogie  des  comtes  de  Metz,  de  Verdun  et  de  Toul,  avant 
la  réunion  des  évèchés.  Thouvenin  a  laissé  des  manuscrits 
précieux  pour  l'histoire  de  son  époque. 

Parmi  les  autres  lettrés  toulois,  on  peut  citer  le  président 
Pallas,  qui  obtint  un  prix  d'éloquence  à  l'Académie  française 
en  1735  ;  Nicolas  Clément,  le  garde  de  la  bibliothèque  du  roi, 
l'auteur  de  la  défense  du  siège  de  Toul,  il  légua  au  cabinet 
des  estampes  sa  magnifique  collection  iconographique  sur  le 
règne  de  Louis  XIV;  Sellière,  curé  de  Maizières,  correspon- 


^  Le  procnreor  du  roi  Henri,  avec  MM.  BicqniUey  et  Thouyenin, 
est  l'antenr  des  mémoires  concernant  le  démembrement  du  diocèse  et 
annobUssement  dn  chapitre,  présenté  an  Parlement,  à  la  Cour,  etc. 


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160  REVUE    d'aLSACE 

dant  de  TAcadémie  de  Metz  en  1782;  Nicolas  Dusaulchoy,  le 
joyeux  président  des  Soupers  de  Momus,  etc. 

Le  premier  conservateur  du  musée  de  Nancy,  et  pour  lequel 
la  place  fut  créée,  fut  un  ancien  officier  des  guerres  d'Amé- 
rique, ancien  capitaine  d'artillerie,  chevalier  de  Saint-Louis, 
Jean-Victor  Huguenin  de  Launaguais,  membre  de  l'Académie 
royale  de  Nancy,  inscrit,  en  1788,  au  matricule  de  la  noblesse 
du  bailliage.  Il  avait  un  très  beau  cabinet  d'histoire  naturelle. 
Il  trouva,  le  premier  en  France,  dans  la  glaisière  de  Bouvron, 
le  sulfate  de  strontiane  en  masse  striée  et  fibreuse.  M.  de 
Launaguais  fut  le  parrain  de  Charles  de  Villers,  cet  aimable 
philosophe  de  Boulay,  qui  fut  l'amant  de  tous  les  bas  bleus 
célèbres  de  son  temps. 

De  nos  jours,  les  travaux  géologiques  sur  Toul  et  son 
arrondissement  ont  fait  connaître  honorablement  leur  auteur, 
M.  le  pharmacien  Husson.  M.  le  docteur  Denis  (de  Commercy) 
s'est  appliqué  avec  succès  à  des  études  approfondies  sur  la 
chimie.  Ce  praticien  distingué  a  laissé,  outre  son  cabinet 
scientifique,  une  belle  collection  d'antiquités  locales,  dont  il 
poursuivait  l'étude  avec  la  plus  grande  ardeur  dans  ses  rares 
moments  de  loisir.  On  doit  aussi  citer  les  travaux  scientifiques 
de  MM.  les  docteurs  Leclerc  et  Bancel. 

Voici  ce  que  dit  la  Revue  anecdotique  (Paris,  1859,  t.  vm, 
p.  247)  de  la  collection  de  M.  Dufrêne,  conseiller  de  préfecture 
honoraire,  aimable  octogénaire,  le  dernier  leuquois  qui  fait 
avec  tant  de  bienveillance  aux  chercheurs  les  honneurs  de  sa 
demeure,  rue  des  Prisons  militaires,  à  Metz  :  «  Médailles, 
livres,  bahuts  et  cadres  sculptés,  une  assez  grande  quantité 
de  chartes  des  xiir,  xiv*  et  xv  siècles;  entre  autres  tous  les 
comptes  de  la  maison  de  Charles-le-Téméraire  au  siège  de 
Nancy.  Recherche  avec  passion  tout  ce  qui  a  trait  à  l'histoire 
de  Toul.  »  En  efiet,  il  existe  peu  de  collection  locale  aussi 
complète  sur  une  cité,  il  est  vrai  que  M.  Dufrêne  a  mis 
plus  d'un  demi-siècle  à  la  former.  Les  rares  opuscules  qu'il  a 


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LES  n-LIBRIS  DANS  LIS  TROIS  ÉVÉCHÉS  161 

publiés  sur  sa  ville  natale,  sont  une  preuve  de  ses  minutieuses 
recherches.  On  sait  que  le  beau  volume  sur  la  sigillographie 
de  Toul,  par  M.  Ch.  Robert,  a  été  écrit  grâce  à  l'active  coopé- 
ration de  notre  respectable  collectionneur. 

Enfin  avant  de  terminer,  nous  ne  pouvons  pas  nous  dispenser 
de  parler  de  la  faïencerie  de  Bellevue,  près  de  Toul,  bâtie  en 
1758,  et  dont  les  produits  sont  si  recherchés;  le  célèbre 
sculpteur  de  Lunéville,  Cyflé,  y  travailla  quelque  temps,  et  on 
conserve  soigneusement  les  moules  de  ses  charmants  groupes. 

Les  exrlihris  contemporains  sont  très  rares;  citons,  sous  la 
Restauration,  celui  du  receveur  particulier,  modestement 
imprimé  dans  im  carré  à  double  filet: 


DE  LÀ  BIBLIOTHÈQITB 

DE 

THIEBRT  PETIT -JEAN 

A  TOTTL. 


et  de  nos  jours  celui  du  docteur  Em.  Bonnejoy,  né  à  Marines 
(Seine-et-Oise)  en  1833,  d'une  famille  originaire  de  Farrondis- 
sèment  de  Toul,  demeurant  à  Chars  en  Veûn  ;  il  possède  une 
bibliothèque  de  près  de  4000  volumes,  où  Ton  remarque  de 
nombreux  incunables  et  de  manuscrits  sur  vélin,  dont  un  du 
Tn*  siècle  en  onciales,  etc.  Il  recherche  particulièrement  tout 
ce  qui  a  rapport  au  Vexin  français,  livres,  gravures  et  monu- 
ments, qu'il  a  joints  aux  collections  numismatiques  et  con- 
chyologiques  paternelles.  Charavay  a  publié  dans  la  Bevtie 
des  documents  historiques  quelques  unes  de  ses  chartes  les 
plus  anciennes  (1113  à  1177). 

Nous  donnons  ici  Vex-libris  de  M.  le  docteur  Bonnejoy, 
dessiné  et  gravé  par  lui,  et  qu'il  a  bien  voulu  nous  envoyer. 
La  composition  en  est  très  originale:  au  fond,  au  milieu  du 
parc  son  habitation;  au  premier  plan  un  livre  sur  lequel  on 
lit:  Ex'libris  Docteur  Bonnyoy,  puis  à  droite  des  attributs  de 

NoiiTella  Séne.  —  11"  année.  11 


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162  REVUE   d'alsacb 

médecine,  potions,  pillules  exposant  le  symbole  macabre;  au- 
dessous  la  fontaine  minérale  qu'il  a  retrouvée  près  de  Chars; 
un  charmant  ruisselet  en  sort  et  fait  bordure  au  dessin;  au- 
dessous  la  devise  du  docteur,  ancien  inspecteur  des  eaux  de 
Forges,  salus  ex  undis,  puis  plus  bas,  E.  Bmnejoy  dél 
ék  8C,  1875. 


APPENDICES 


NOËL 

sur  V anoblissement  du  chapitre,  par  J.-B.  BicquiUey, 
ancien  garde  du  corps  du  roù 

Pour  adorer  Tenfance 

De  Jésus  nonvean  né. 

Le  chapitre  s'avance 

De  la  croix  décoré. 
Joseph  dit  :  «  Vous  voilà  des  abbés  d'importance, 
Renoncez  à  la  vanité, 
C'est  ponr  prêcher  l'hamilité 

Que  Jésus  prend  naissance.  > 

«Pour  entrer  au  chapitre, 
Répondit  Ghamporcin,  ^ 
L'on  n'avait  d'autre  titre. 
Que  d'être  homme  de  bien, 

^  L'évêque  eut  une  réception  splendide  lorsqu'il  vint  pour  la  pre- 
mière fois  à  Toul.  <  J'ai  tout  fait  pour  le  mieux,  >  était  son  expression 
favorite. 

Parmi  les  chanoines  il  y  avait  des  fils  de  boucher,  de  meunier,  etc.^ 
(ce  qui  leur  faisait  honneur).  On  disait  plaisamment  que  leur  nouvelle 
croix  était  une  pierre  à  détacher. 


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LES  EX-LIBUIS  DANS  US  TROIS  ÉTÉCHÊS  168 

J^&i  ioui  fait  pour  le  mieux,  par  mes  soins,  mon  adresse. 
J'en  écarte  le  citoyen 
Pour  quelque  prestolet  lointain 
Qni  pronye  sa  noblesse.  > 

Joseph,  quoique  bonace, 

Lui  dit:  «Mon  bon  prélat, 

L'on  doit  tous  rendre  grftce 

Pour  ce  beau  coup  d'état, 
B^  l^s  pauvres  Toulois,  au  sein  de  l'indigence, 
Verront  venir  de  Pezenas 
Des  faméliques  en  rabat. 

Dévorer  leur  subsistance.  > 

Yantoux  prend  la  parole. 

Et  dit  :  «  Point  de  débat, 

L'église  métropole 

Exige  de  l'éclat, 
^^Issons  aux  tonsurés  de  famille  inconnue, 
A  des  gredins,  à  des  pieds  plats,' 
Des  cures,  des  vicariats 

A  portion  congrue.  » 

€  Quelle  est  cette  éminence?  > 

Demande  le  bon  Saint. 

—  «Un  homme  d'importance. 

En  un  mot,  le  doyen  ; 
Glorieux  des  exploits  de  Monsieur  son  grand  père, 
n  servit  dans  un  régiment. 
Mais  il  ne  fut  du  tout  méchant, 

Sous  l'habit  mOitaire.  » 

Phraseur  impitoyable, 
Ecrivain  froid  et  lourd, 
Montignot,  dans  l'étable. 
Fit  un  fort  beau  discours.' 

'  Très  haut  avec  ses  inférieurs,  M.  de  Yantoux  appelait  tout  le 
monde  :  gredinSj  manants,  pieds  plats,  gens  de  rien.  Ce  qui  excita  le  rire 
de  tous,  lorsqu'on  connut  son  histoire.  Etant  lieutenant  au  régiment  de 
Toumaisis,  il  dut  donner  sa  démission,  sur  l'injonction  de  ses  cama- 
rades, ayant  refusé  de  se  battre  en  duel,  après  avoir  reçu  un  soufflet. 

*  Yoir  ce  qui  a  été  dit  sur  ce  chanoine. 


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161  RBVUB   d'aLSACE 

Tandis  qu'il  épuisait  les  fleurs  de  riiétorique, 
Le  bœuf  et  l'âne  s'extasiaient, 
Les  autres  assistants  baillaient. 
En  style  académique. 

Joseph  dit:  «Ce  grand  homme 
Me  parait  bien  diffus; 
J'ai  dormi  d'un  bon  somme, 
Pendant  tout  son  Phœbus, 
Ne  ferait-il  pas  mieux  de  lire  l'Evangile, 
Et  pour  secourir  son  prochain 
L'exemple  du  bon  Samaritain 
Lui  serait  bien  utile.  » 

Tandis  que  l'on  tourmente 
Le  diyin  nourrisson, 
Ducrot  vient  et  présente 
Sa  protestation;^ 
Dubetex  l'a  chassé  par  ordre  du  chapitre. 
Et  se  trouvant  sans  feu  ni  lieu, 
n  demande  asile  à  son  Dieu 
Et  le  fait  son  arbitre. 

Quand  Lacour,  le  faux  firère' 

Du  citoyen  fauteur. 

Veut  faire  la  prière 

Au  bureau  du  Sauveur. 
Le  chapitre  s'enfuit^  Lacour  seul  de  sa  bande, 
Fait  à  Jésus  son  compliment. 
Sans  diacre,  sans  un  assistant, 

Sans  qu'on  aille  à  l'offrande. 

'  Le  chanoine  Ducrot  (1760)  crut  devoir  envoyer  par  huissier  sa 
protestation  contre  l'anoblissement  du  chapitre.  Cet  acte  judiciaire  ne 
fut  pas  mentionné  dans  le  procès-verbal.  Les  chanoines,  du  reste,  en 
eurent  une  telle  colère,  qu'ils  résolurent  de  mettre  en  quarantaine  les 
chanoines  opposants,  et  de  ne  plus  les  saluer,  môme  à  l'office.  Le  cha- 
noine Dubetex  (1748)  qui  avait  Ducrot  en  location  fat  forcé  de  le 
mettre  à  la  porte. 

'  Le  chanoine  Lacour  (1751),  un  des  opposants  les  plus  ardents  contre 
la  décoration,  fut  mis  à  l'index;  on  jura  quand  il  serait  de  semaine, 
qu'on  ne  lui  ferait  pas  diacre  ni  sous-diacre  et  qu'on  n'irait  pas  à 
l'ofrande. 


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LES  BX-LIBAIS  DANS  LBS  THOIS  ÉVÉCHÉS  165 

Peu  fait  à  la  cabale, 

Joseph  était  tremblant! 

«  Quel  horrible  scandale, 

Dit  Drooas  en  pleurant,  ^ 
^^dcntes  le  courroux  du  Dieu  qui  tous  contemplei 
En  cessant  d'6tre  citoyens 
Soyez  humains,  soyez  chrétiens, 

Vous  en  devez  l'exemple.  > 

<  Que  de  yaines  paroles, 
Dit  Tardif  en  fureur,* 
Je  gagne  cent  pistoles, 
0  y  ya  de  l'honneur, 
^oixr  défendre  ma  croix,  je  perdrai  mes  Teilles, 
LaiflsonB  tout  scrupule  à  l'écart. 
On  met  religion  à  part 
En  afiaires  pareilles.  » 

Tranchant  du  petit-mattre, 

Beurard  parait  surpris, 

Qu'on  le  fasse  paraître 

Dans  un  pareil  taudis  ; 
«Comment,  point  de  sopha,  point  de  boudoirs,  de  glaces, 
Point  un  groupe  Toluptueux? 
Cest  un  appartement  de  gueux. 

J'abandonne  la  place  1  > 

Joseph  perd  patience 

Et  lui  répond  soudain  : 

«  Un  peu  moins  d'insolence. 

Petit  abbé  poupain, 
Snr  Yos  exploits  galants,  gardez  mieux  le  mystère! 
Le  bruit  ne  convient  qu'au  plumet; 
Mais  un  moine  en  petit  collet, 

Devrait  saYoir  se  taire!  > 


'  Drouas  de  Boussey,  grand-chantre,  honnête  homme,  frère  de  l'an- 
cien évéque. 

'  Cest  avec  des  larmes  de  joie  que  M.  de  Tardif  d'Hamonrille, 
archidiacre  de  Port,  yient  annoncer  au  précédent  qu'on  assurait  aux 
archidiacres  une  somme  annuelle  de  cent  pistoles  ^  titre  de  dédommt^- 
gemenl 


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1^  REVUE    D'ALSACE 

Pour  finir  la  séance, 
Le  père  nourricier 
Tira  sa  réyérence 
Et  dit  an  corps  entier  : 
«  Je  snis  édifié  de  tous  les  gens  d'église, 

Depms  les  clercs  jusqu'aux  abbés, 
Allez,  messieurs  les  savonnés, 
Le  bon  Dieu  tous  bénisse  1» 


II 

COMPLAINTE 

mr  la  défense  de  porter  la  croix  hors  la  province 

Du  noble  Pagel  dit  Yantouz, 
Dojen  du  chapitre  de  Toul, 
Aussi  noble,  que  son  chef  même. 
Plaignons  la  douleur  extrême; 
Lui  et  tous  ses  confédérés 
Méritent  bien  d'être  pleures. 

Du  plus  foudroyant  des  Edits, 
Ils  sont,  hélas  I  tout  interdits. 
De  la  douleur  voyez  l'emblème 
Sur  leur  visage  pâle  et  blême. 
Et  pour  leur  consolation. 
Chantons  leur  désolation. 

Ce  qui  est  le  plus  douloureux 
Pour  ces  chevaliers  malheureux: 
C'est  que  Louis  seize  en  personne, 
Ce  grand  Roi  dont  l'&me  est  si  bonne 
Qu'O  nous  porte  tous  dans  son  cœur 
Est  l'instrument  de  leur  malheur. 

Monsieur  l'abbé  de  Champorcin 
K'a  plus  qu'une  croix  sur  son  sein, 
Ce  grand  successeur  des  apêtres, 


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LU  BX-LIBRIS  DANS  LB5  TROIS  ÉYâCHÉS  167 

En  a  déjà  porté  bien  d'autres, 
Et  jamais  il  n'en  manquera, 
Monsieur  de  Yantouz  y  pourvoira. 

Que  derenir  sans  croix  aussi, 
(Comment  se  montrer  à  Nancy, 
Illustre  abbé  de  Bonneyille?* 
ITest-ce  pas  une  chose  yile. 
Pour  une  si  noble  tournure, 
D'être  Yétu  comme  un  curé? 

Pallas,  *  étalez  tos  deux  croix 
Quand  tous  partirez  pour  Chaloix,* 
Surtout  ayez  de  la  prudence, 
Quand  tous  serez  à  la  potence, 

'  Henri-Louis  Pelet  de  Bonneville,  né  à  Nancy,  reçu  en  1767,  tré- 
sorier, puis  grand-chantre  du  chapitre  et  vicaire  général,  conseiller-clerc 
sa  parlement  de  Nancy,  demeurait  à  Monbois  (faubourg  de  Boudonville)^ 
membre  de  l'Académie,  fondée  par  Stanislas,  y  lut,  après  le  rétablisse- 
ment de  celle-ci,  quelques  passages  de  sa  traduction  de  Senèque,  qui 
fat  imprimée  en  1803;  après  le  Concordat,  chanoine  honoraire  de  la 
cathédrale. 

(Y.  ce  que  dit  Lionnois  sur  la  charmante  propriété  de  Monbois). 

*  Pallas  (1742),  promoteur  du  chapitre?  Il  y  avait  alors  trois  Pallas, 
chanoines  (1746,  1767).  Un  d'eux  se  chargea  de  démolir  la  statue  en 
bronze  de  Saint-Gérard,  qui  s'élevait  au  milieu  du  chœur  sur  son  tom- 
beau par  six  gros  pieds,  aux  frais  du  chanoine  Ferry  de  Yoid,  en  1306; 
mal  lui  en  prit,  selon  le  poète: 

Monsieur  Pallas  dont  on  avait  fait  choix 

Pour  présider  à  l'œuvre  méritoire, 

Youlant  du  saint  honorer  la  mémoire 

Le  fit  ôter  et  le  vendit  au  poids, 

Pour  le  livrer,  Pallas  travaille,  sue, 

Yeut  le  briser  à  grands  coups  de  massue. 

Le  saint,  de  cuivre,  à  qui  ce  jeu  déplaît. 

Au  lourd  marteau  répond  avec  la  crosse. 

Saisit  Pallas  que  rudement  il  rosse. 

Atteint  la  jambe  et  la  lui  casse  net. 
Les  vieux  Toulois  virent  dans  cet  accident  un  juste  châtiment  pour 
l'obstination  à  démolir  l'antique  tombeau  et  pour  son  remplacement 
par  un  dallage  noir  et  blanc. 

*  Où  se  dressait  le  gibet,  au-dessus  de  la  Charognerie,  près  de  Saint-Epvre. 


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168  BBTDB    D*AUAGI 

Adieu  oordooBy  croix  et  gnmdeiuB, 
Cest  le  terme  de  tm  honiieiuB  1 

YouB  qui  portez  de  si  bon  air, 
Un  collier  ronge  et  bonnet  Tert, 
Sans  sonlier,  sans  cheral  ni  chaise, 
A  pied,  cheminez  à  YOtre  aise. 
Allez  sans  croix,  ne  craignez  rien. 
Partout  on  tous  reconnaîtra  bien.  ^ 

Allez  sans  croix,  abbés  ardents. 
Vaquez  à  yos  exploits  galants. 
Montignot»  Soffi,*  HamonTille,* 
De  nuit,  faites  le  guet  en  ville. 
On  TOUS  prendra  pour  des  abbés 
Du  grand  Séminaire  échappés. 


m 

DEVISES  TOULOISES 

Eudes  de  Sorcy,  évëque,  sur  son  contre  scel,  1228. 

Deu8  aâQuva  me. 
Hugues  des  Hasards,  évêque,  1517. 

Moderaia  durant.  —  Calculez  Uen. 
Sur  son  tombeau  :  Vita  hominis,  Nasci,  hborare,  mori. 
Hector  d'Ailly,  évêque,  sur  un  jeton,  1532. 

Nasci,  lahorare,  mori. 
Toussaint  d'Hocédy,  évoque,  1547. 

Inter  utrumque  vola. 

^  De  Sublet  d'Heudicourt-Lenoncourt,  1773. 

'  Le  comte  de  Soffî  de  Gemeck,  magnat  de  Hongrie. 

*  Tardif  dUamontille  nUnor.  1767. 


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LB  KX-UBE18  l»Alf8  LES  TlOIS  ÉVÉCHÉS  169 

Le  cardinal  de  Yaudémont,  évêque,  1587,  sur  un  jeton  : 

Merito  d^endo  tuentem. 
Pierre  Jacobi,  imprimeur,  1507. 
Solafides  suffiàt  onjides  ficU. 
Claude  Guyot,  chanoine  de  la  cathédrale,  1599. 
Fosuit  in  eo  dominus  iniquitatem  omnium  nostrum  (Isale), 
au-dessus,  le  Christ  en  croix. 
Jean  de  Barba,  chanoine,  qui  fit  reconstruire  la  chapelle  de 
tous  les  saints,  1550. 
Anchora  mea  Deus. 
Goiimay,  évëque. 

Orbe  n^ente,  codent. 
Jean  de  Lorraine,  évoque. 

In  manibus  ttùs  sortes  meœ. 
A  relise  SaintrGengouIt 

Jliensura  in  rébus  optima,  u .  cccc .  xu . 
Sut  une  maison  de  la  place  Croix  de  Fust,  1590  : 

Ncisci,  laborare,  mori. 
Sur  une  maison  rue  Michatel  (od  habita  Bossuet): 

Fortuna  Comité^  Fortuna  lente,  1515. 
Sur  le  frontispice  du  Commentaire  des  cantiques  de  Moyse. 
Lyon  1619.  Quatrain  manuscrit: 

Mon  âme  pleine  de  douceur, 
Souspire  à  Vous,  Dieu  de  mon  cœur. 
Et  toute  contente,  elle  s'écrie  : 
Vive  Jésus,  Vive  Marie  t 

Abthub  Benoit. 

{A  suivre,) 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS 


BECUBniiLIES  SUB 


Saint- DiziER,  Villars-le-Sec,  Croix,  Montbouton, 
Beaucourt,  Fesche-l'Eglise,  Lebetain  et  le  hameau 
DU  Val. 


On  rencontre  en  France  des  yestiges 
de  tons  les  âges  de  l'humanité. 

TUBFPERD. 

La  commune  de  Saint-Dizier  était,  avant  la  grande  Révolu- 
tion, le  chef-lieu  d'une  mairie  dont  dépendaient  les  villages  de 
Villars-le-Sec,  Croix,  Montbouton,  la  moitié  de  Beaucourt, 
Fesche-l'Eglise,  Lebetain  et  le  hameau  du  Val,  qui  a  toujours 
fait  partie  de  Saint-Dizier. 

Les  ressortissants  de  cette  mairie  lui  payaient  une  rede- 
vance annuelle. 

Les  sujets  de  la  seigneurie  de  Délie  à  Fesche  devaient  pour 
leur  «coste  de  la  dette  de  la  Mayrie  la  censé  de  59  liv.  3  sols  ; 
les  Français^  de  Bocourt  devaient  18  liv.  4  sols;  la  communauté 
de  Villars  77  liv.  9  sols;  Montbotton  devait  73  liv.»^ 

Le  territoire  de  Saint-Dizier  touchait  alors,  comme  encore 
aujourd'hui,  à  celui  de  ces  six  villages,  et  des  chemins,  dans 

^  Les  Français,  dans  la  pièce  que  nons  consultons,  sont  ainsi  appelés 
par  opposition  aux  sujets  de  Bourgogne,  dont  Beaucourt  était  aussi 
peuplé. 

'  Nous  n'avons  pas  pu  découvrir  ce  que  les  autres  communes  devaient 
à  la  mairie. 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS  171 

im  état  très  défectueux,  venaient,  &  travers  les  bois,  aboutir 
au  village  de  Saint-Dizier  sans  se  souder  Tun  à  l'autre.  Ces 
chemins  avaient  été  établis  dans  un  but  plutôt  administratif 
et  religieux  que  conmiercial,  car  tous  ces  villages  dépendaient 
non-seulement  de  la  «Mayrie»  mais  aussi  de  la  paroisse  de 
Saint-Dizier,  qui  était  certainement  une  des  plus  anciennes  et 
des  plus  considérables  de  la  contrée.  Ce  petit  coin  de  pays  se 
nommait  le  Houi-Pays^  la  Haute-Mairie  ou  la  Mairie  de 
Saint-Dizier. 

L'antiquité  de  la  paroisse  de  Saint-Dizier  est  prouvée  par 
des  titres  d'une  authenticité  incontestable.  Nous  savons,  en 
effet  que,  par  une  charte  de  Tannée  728,  le  duc  Eberhard 
d'Alsace  fit  don  de  cette  église  à  l'abbaye  de  Murbach.  Datira 
(Délie),  cum  Basilica,  uU  sanctus  Desiderius  in  carpore  quiesdt, 
vd  guod  ad  ipsam  Ecclesiam  aspicere  videtur. 

  l'époque  de  cette  donation,  Téglise  de  Saint-Dizier  était 
déjà  très  importante  puisque  la  charte  en  question  la  qualifie 
de  BasiUque,  terme  qui,  comme  chacun  sait,  ne  s'appliquait 
qu'aux  églises  remarquables,  églises  royales.^ 

L'importance  de  cette  paroisse,  &  une  époque  aussi  reculée, 
prouve  évidemment  que  ce  petit  coin  de  pays  était  habité  dès 
les  temps  ante^historiques.  Nous  allons  essayer  d'en  donner 
des  preuves  par  les  monuments  que  les  populations  celtiques 
nous  ont  laissés  dans  la  contrée. 

Le  culte  druidique  y  a  été  en  grand  honneur,  si  l'on  en  juge 
par  les  épaves  de  cette  religion  mystérieuse  qui  sont  parvenues 
jusqu'à  nous.  Il  est  même  à  croire  que  nos  montagnes  du  bas 
Jura  ont  été  habitées  dès  l'âge  de  pierre.  Nous  avons,  en  effet, 
trouvé,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  une  joli 3  hache  celtique  en 
silex,  qui  est  déposée  au  musée  archéologique  de  Belfort  ;  un 
grand  nombre  de  cailloux  qui  ont  servi  à  polir  la  pierre  et 

^  Supraacripla  namque  eodesia  ciim  fuit  regalis  àbbaUtk.  Gbandedieb, 
1 1,  p.  243. 


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173  HIYUB    d'ALSACB 

une  infinité  de  fragments  de  vases  à  pâte  noire  dans  laquelle 
on  a  remarqué  des  grains  de  sable  siliceux.  Plusieurs  de  ces 
fragments  sont  très  bien  modelés  et  tous  ont  été  trouvés  à 
proximité  de  Téglise,  dans  un  jardin. 

Les  monuments  les  plus  nombreux  de  Tépoque  celtique  et 
de  répoque  gallo-romaine  se  rencontrent  dans  les  dénomina- 
tions territoriales.  Nous  allons  en  citer  quelques-unes  comme 
eUes  se  présentent  à  notre  mémoire  : 

Nous  avons  le  chemin  des  quoAreJaus,  des  quatre  hêtres  ou 
foyards.  Le  FaUat,  fal,  falaise,  lieu  aride,  mauvais,  chétil  Les 
Essarté,  pftturage  boisé,  chaive,  chu  =  sur,  aive  ^  eau,  on  dit 
encore  avié,  évié,  pierre  d'eau.  Les  Fesses,  les  sapins.  Les  Begies, 
les  haies,  le  Tout,*  trou  creux.*  J)om,  Dues,  Dieu  =  Déesse.  Ce 
nom  s'applique  aux  sources  qui  sourdent  des  cavités  de 
rochers.  Charrière,  char,  les  GombàUes,  les  combes  de  Bel  ou 
Belus,  Le  Bupt,  rupes,  roches,  La  Faye,  la  Fée,  d'où  nous 
seraient  venus,  fagot,  faine,  fatum,  fada.  Ora,  c6teau  aride. 
Les  Norreux,  les  nouvelles  cultures.  Indépendamment  de  ces 
noms  de  lieux  encore  en  usage  aujourd'hui  et  dont  Torigine 
est  évidemment  celtique  pour  les  uns  et  gallo-romaine  pour 
d'autres,  il  y  a  encore  dans  cette  région  des  monuments  par- 
lants que  nous  pouvons  sans  témérité  faire  remonter  à  P^^oque 
druidique.  Le  premier  de  tous  ces  monuments,  et  le  plus 
connu,  se  nomme  les  Pas  ou  Passées  du  Diable  ou  de  Saint- 
Dizier.  On  lui  applique  indistinctement  cette  double  appel- 
lation. 

Ces  Pas  de  Saint-Dizier  ou  du  Diable  sont  huit  empreintes 
ou  érosions  marquées  sur  un  énorme  monolithe  plat  qui  gtt 
à  terre  depuis  un  temps  très  reculé.  Cette  pierre  est  couchée 
non  loin  du  petit  village  de  Villars-le-Sec,  sur  les  coniins  de 


^  En  Bretagne  il  y  a  le  Toul  Ahès,  le  Gonffire  d'Ahès.  Foyer  breton. 
*  Cra,  coteau,  roche,  pierre,  caillou.  La  Grou,  plaine  ImmenBe  cou- 
terte  de  caiUoux  près  du  BhônOi  entre  Arles  et  la  mer. 


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LÉGSNBBS  ET  TBADinORS  178 

la  Suisse,  auprès  du  chemin  qui  se  dirige  du  val  de  Saint- 
Dizier  vers  Porrentruy.  Elle  est  placée  dans  une  dépression 
de  terrain  en  forme  de  cirque  très  régulier  qui  a  Pair  d'avoir 
été  formé  de  main  d'homme.  Le  rayon  de  ce  demi-cercle 
mesure  environ  cent  mètres  et  le  diamètre  à  peu  près  soixante 
mètres.  Le  monument  qui  nous  occupe  est  placé  dans  Taxe 
exact  de  la  figure  que  cet  hémicycle  décrit  De  tous  les  points 
de  cette  enceinte  semi-circulaire  la  vue  peut  se  porter  aisé- 
ment sur  le  monolithe,  et  la  voix  d'un  orateur,  placé  sur  cette 
pierre,  pouvait  être  entendue  de  tous  les  auditeurs  groupés 
dans  cette  enceinte;  et,  chose  digne  de  remarque,  le  sol  de  ce 
cercle  était  entièrement  dépourvu  d'arbres.  Nous  l'avons 
encore  vu  à  l'état  de  clairière,  tandis  que  tout  à  l'entour  il  y 
avait  une  forêt  très  épaisse.  C'était,  en  un  mot,  un  petit  pâtu- 
rage oh  l'on  conduisait  les  chevaux  malades.  On  raconte 
même  que  plusieurs  sont  retournés  à  leurs  étables  entière- 
ment guéris;  on  sait  que  les  peUmses  au  milieu  desjarêts  sont 
considérées  comme  des  enceintes  sacrées  naturelles. 

Notre  monolithe  affecte  une  forme  très  irrégulière.  C'est 
une  espèce  de  polygone,  qui  mesure  trois  mètre^dans  sa  plus 
grande  longueur  et  deux  dans  sa  plus  grande  largeur.  Cette 
pierre  était  encore,  il  n'y  a  pas  longtemps,  en  grande  vénération 
dans  le  pays.  Il  y  a  tout  à  côté  une  croix  de  bois  qui  a  été 
renouvelée  d'âge  en  âge,  et  aucune  de  ces  croix  n'est  tombée 
en  ruine  par  suite  de  vétusté;  elles  ont  toutes  été  usées  par 
les  éclats  de  bois  que  les  passants  leur  enlevaient  et  qu'ils 
conservaient  comme  des  talismans  qui  leur  procuraient  un 
heureux  voyage.  Après  avoir  enlevé  cette  esquille,  les  voya- 
geurs crédules  traversaient  la  pierre  en  ayant  soin  de  poser 
leurs  pieds  dans  les  empreintes  que  l'on  appelle  les  Pas  de 
SainUDisner.  Ces  empreintes  sont  au  nombre  de  quatre.  Les 
deux  du  milieu  sont  les  plus  profondes,  elles  ont  cinq  centi- 
mètres d'enfoncement  Les  deux  autres  sont  &  peine  visibles. 
Elles  ont  exactement  la  forme  d'un  pied  d'honmie  chaussé 


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174  REVUE  d'alsace 

d'une  sandale.  Les  quatre  autres  sont  les  Pas  du  Dia^Ze;  elles 
ont  la  forme  d'un  pied  de  bœuf,  elles  traversent  la  pierre  de 
part  en  part. 

Voici,  sans  aucune  altération,  ce  qu'une  tradition  constante 
rapporte  sur  la  signification  de  cette  pierre  et  des  empreintes 
qu'on  y  remarque  : 

«L'évêque  saint  Dizier  allait  du  village  de  Bure  à  celui  qui 
s'appelait  alors  le  Mont  et  qui  s'appelle  aujourd'hui  Saint- 
Dizier.  Le  saint  évêque  fut  rencontré  près  de  ce  monolithe 
par  le  diable  qui  voulut  se  livrer  sur  lui  à  des  actes  de 
violence  et  l'emporter  au  loin.  Mais  l'ennemi  du  genre  humain 
fut  arrêté  dans  sa  criminelle  tentative  par  un  miracle.  Les 
pieds  du  diable  s'enfoncèrent  dans  la  pierre,  le  maudit  resta 
planté  là  et  ne  put  s'en  tirer  que  par  la  grâce  du  saint  évêque* 
Mais  les  pieds  de  saint  Dizier  ne  laissèrent  qu'une  légère 
empreinte  sur  la  pierre  qui  s'amollit  sous  ses  pas.» 

Comment  expliquer  l'origine  de  ces  empreintes  ?  Sont-elles 
le  résultat  d'un  miracle,  ou  un  jeu  de  la  nature?  Libre  au  lec- 
teur d'en  penser  ce  qu'il  voudra.  Nous  citerons  toutefois  un 
fait  analogue  qui  est  rapporté  dans  la  vie  de  saint  Rémi,  où  il 
est  dit,  que  ce  saint,  après  avoir  éteint  un  incendie  dans  la 
ville  de  Reims,  laissa  l'empreinte  de  ses  pas  sur  le  seuil  d'une 
des  portes  de  la  ville.  Les  légendes  des  saints  signalent  des 
faits  de  ce  genre.  La  mythologie  et  l'histoire  en  rapportent 
également  Les  Arméniens  croient  que  le  patriarche  Noê  a 
laissé  l'empreinte  de  ses  pieds  sur  le  sommet  du  mont  Ârarat 

Si  la  tradition  que  nous  venons  de  signaler  est  un  de  ces 
nombreux  vestiges  du  paganisme  parvenus  jusqu'à  nous,  nous 
croyons  que  la  pierre  vénérée,  qui  fait  l'objet  de  ce  récit,  était 
un  menhir  druidique  comme  la  Pierre  percée  de  Courgenay, 
ou  la  Pierre  constellée  de  petits  trous  de  la  BouUoie,  ou  encore 
le  Trilithe  de  Bure  qui,  selon  M.  Quiquerez,  était  un  dolmen . 

Notre  pierre  des  Pas  de  Saint-Dizier  était  dressée  debout. 
C'était  un  autel  élevé  à  la  divinité  adorée  par  les  Druides. 


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LÉGBMDBS  ET  TRADITIONS  175 

Elle  était  plantée  dans  Taxe  géométrique  d'un  cirque,  dans 
Tenceinte  duquel  pouvaient  se  placer  aisément  deux  mille  per- 
sonnes, qui  toutes  pouvaient  voir  et  entendre  le  vieux 
Semnotée  de  la  forêt  prêchant  les  dogmes  de  sa  religion  mys- 
térieuse à  tout  un  peuple  rassemblé  des  villages  environnants. 
^Les  Celtes  n'avaient  pas  de  temples;  comme  les  nations  les 
plus  anciennes  de  l'Orient,  ils  adoraient  de  grandes  pierres 
rudes  et  informes.  Ces  colosses  grossiers  taillés  par  la  natiire 
avaient,  dès  la  plus  haute  antiquité,  frappé  Vimagination  des 
hommes  grossiers  et  Us  en  avaient  fait  des  dieux.^ 

Or,  à  l'arrivée  de  saint  Dizier  dans  ces  contrées,  vers  les 
années  670  à  673,  la  religion  chrétienne  n'y  était  pas  encore 
généralement  répandue.  Les  monuments  du  culte  druidique 
étaient  pour  la  plupart  encore  debout  et  inspiraient  une 
grande  vénération  à  nos  ancêtres  superstitieux.  Saint  Dizier, 
ayant  reconnu  que  le  peuple  rendait  une  espèce  de  culte  à 
ces  monuments  érigés  à  l'esprit  des  ténèbres,  fit  abattre  notre 
menhir  et  le  foula  aux  pieds.^  Le  peuple,  pour  affirmer  sa  foi 
suivit  l'exemple  du  saint  évêque,  et  cette  pratique  de  marcher 
sur  cette  pierre  en  posant  le  pied  sur  les  Pas  de  SaintrDizier 
est  parvenue  jusqu'à  nous.  On  a  élevé  une  croix  de  bois  à 
côté  de  ce  menhir  renversé,  afin  de  sanctifier  par  le  signe  de 
la  Rédemption  le  lieu  consacré  aux  divinités  du  paganisme. 

Le  monument  antique  que  nous  venons  de  signaler  n'est 


^  La  religion  chrétienne,  apportée  de  bonne  henre  dans  nos  mon- 
tagnes, n'ent  pas  tout  d'abord  des  prêtres  nombreux  ponr  reiller  sur 
son  berceau.  Il  fallut  des  siècles  avant  que  Torganisation  des  paroisses 
fût  régularisée.  Ceux  qui  arrachèrent  les  populations  à  ridol&trie  et 
aux  coutumes  implantées  dans  nos  forêts,  au  fond  de  nos  vallées  et  sur 
les  rives  de  nos  torrents,  ne  vinrent  que  de  loin  en  loin  les  soutenir 
dans  la  foi  et  les  initier  aux  pratiques  de  la  vie  nouvelle,  puisque 
saint  Agile  et  saint  Eustase,  qui  arrivèrent  en  ces  contrées  en  610, 

j  trouvèrent  encore  des  idoles  dans  les  bois.  L'abbé  Na.rbbt,  Les  hautes 

Montagnes  du  Doubs,  pp.  72-73. 


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176  REVUE    D'ALSACE 

pas  le  seul  qu'on  rencontre  dans  ces  parages.  Si  le  lecteur 
veut  bien  nous  accompagner  vers  l'Orient,  &  travers  une  cam- 
pagne ondulée,  tourmentée,  offirant  à  la  vue,  d'un  côté,  une 
forte  dépression  de  terrain  et,  sur  un  autre  c6té,  une  espèce 
de  ravin  formé  par  les  eaux  pluviales,  on  arrive,  à  cinq  cents 
mètres  des  Pas  de  SaintrDizier,  sur  une  lisière  de  bois  très 
étroite  qui  forme  le  couronnement  de  rochers  &  pic  qui  déter- 
minent de  ce  côté  la  limite  de  l'ancien  fief  rural  de  l'évêque 
de  Bâle. 

Ce  lieu  est  un  petit  hameau  composé  de  sept  maisons  qu'on 
nomme  le  Maira.*  Ce  hameau  était  autrefois  entouré  de  bois 
de  toutes  parts;  son  enceinte  n'est  défrichée  que  depuis  quel- 
ques années,  du  côté  de  Bure.  Cette  vaste  campagne,  très 
petite  et  bien  cultivée,  était  un  ancien  glacier  qui  a  été  mis  à 
sec  dans  des  temps  relativement  récents.  Le  sol  qu'occupe  le 
hameau  a  conservé  une  grande  humidité,  qui  va  se  déverser 
dans  un  vaste  estuaire  qui  n'est  jamais  &  sec,  même  en  été. 

Ce  nom  de  Maira  rappelle  à  la  mémoire  les  Déesses  Mères, 
les  Dene  Maires.  Les  Maires,  Mairae,mbrea  des  dieux,  furent 
adorées  comme  déesses  protectrices  par  le  bas  peuple  qui 
leur  rendait  un  culte  semblable  à  celui  que  les  Romains 
avaient  coutume  de  rendre  aux  Nymphes.^ 

  droite  de  Villars-le-Sec,  sous  des  roches  en  forme  de  coi> 
niches,  il  existe  un  monument  que  nous  ne  signalons  qu'avec 
une  certaine  réserve  et  une  timidité  d'autant  plus  grande 
qu'aucun  des  archéologues  distingués  du  pays  de  Porrentruy 
ne  l'a  signalé.  A  notre  avis,  il  est  cependant  digne  d'attention: 
Au  milieu  d'un  énorme  rocher  sourd  une  petite  fontaine  qui 
débite  à  peu  près  un  litre  d'eau  par  minute.  Cette  eau  est  très 
claire.  Elle  coule  &  travers  une  petite  rigole  dans  une  écuelle 
ou  cuvette  ayant  la  forme  d'un  crâne  humain  évidé.  Les  parois 

*  Il  est  en  Saisse,  commune  de  Baix. 

*  AuTBCBLAaBB,  I,  61.  |  D.  MoNKiBB,  pomm. 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS  177 

obliques  de  ce  petit  récipient  portent  les  empreintes  de  cinq 
griffes  d'oiseau  bien  marquées,  bien  fouillées.  L'eau  de  cette 
cuvette  se  déverse  au  moyen  d'un  goulot  dans  un  grand  bassin 
en  forme  de  carré  long  qui  a  l^JO  de  longueur,  0",40  de  lar- 
geur sur  O^'fôO  de  profondeur.  Les  côtés  ou  parois  de  ces  deux 
bassins  sont  parfaitement  polis  comme  du  marbre.  On  ne 
remarque  aucune  trace  d'outil  en  métal.  Les  deux  creux  sont 
parfaitement  évidés.  On  se  demande  naturellement  ce  que 
signifient  cette  fontaine  et  ces  deux  récipients  dont  on  ne  se 
sert  point  Les  animaux  domestiques,  dit-on,  ne  veulent  pas 
boire  de  cette  eau. 

La  légende,  ici  comme  ailleurs,  vient  à  notre  secours.  Elle 
nous  apprend  que  le  bon  Dieu  fit  un  jour  la  rencontre  du 
diaMe  sur  ce  rocher  et  lui  dit: 

—  Que  fais-tu  id,  maudit? 

.    —  Qu'est-ce  que  cela  te  fait  II  s'en  faudrait  de  peu  que  je 
fisse  ici  un  trou  pour  te  mettre  dedans. 

—  Puisque  tu  as  si  bonne  envie,  lui  dit  le  bon  Dieu,  com- 
mence, et  celui  qui  aura  fini  le  premier  y  mettra  l'autre.^ 

En  quatre  coups  de  doigt,  le  bon  Dieu  eut  fini  le  sien.  Le 
diable  ne  put  faire  que  la  cuvette  qui  porte  encore  l'empreinte 
de  ses  griffes.  Le  bon  Dieu  alors  précipita  le  diable  dans  le 
grand  trou,  puis  le  recouvrit  d'une  énorme  pierre  qui  gtt 
encore  au  pied  du  rocher.  La  tradition  s'arrête  là,  elle  ne  nous 
i^prend  rien  de  plus.  Elle  nous  laisse  ignorer  l'usage  que  l'on 
faisait  de  ces  deux  récipients,  dont  le  plus  grand  est  taillé  à 
vives  arêtes  avec  beaucoup  de  soins  et  de  netteté  dans  une 
pierre  excessivement  dure. 

Cette  source  mystérieuse  est  encore  l'objet  d'un  culte 


^  Yoici  le  patois  de  ce  dialogue  entre  le  bon  Dieu  et  le  diable  : 
Quace  que  te  faipai  chi  modi.  Quaoe  que  cola  te  foi.  Diaire  n'ai  tènrai 
qui  fero  m  peUih/u  oèdeoain  qui  te  fotero  dédain.  Puaque  te  M  bohme 
enoietai  quemence.  Ce  tu  querrai  fèni  le  premie  y  botterai  Votre. 
NoayeUe  Série.  —  11-*  année.  12 


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178  REVUE  d'alsace 

inconnu.  J'ai  eu  la  curiosité  de  vider  le  grand  bassin.  Il  était 
plein  de  pierres,  dont  un  grand  nombre  étaient  étrangères  èi 
la  région.  Il  y  en  avait  d'autres  qui  affectaient  une  forme 
ronde,  et  toutes  étaient  de  petite  dimension.  On  va  chaque 
année,  èi  Tépoque  des  Rogations,  en  procession  à  cette  source. 
On  y  va  aussi  chercher  de  l'eau  pour  les  yeux.* 

Doitron  conjecturer  que  ce  rocher  était  une  pierre  à 
cuvettes  ou  bassins  ?  Dans  ce  cas  elle  serait  aussi  un  de  ces 
mystérieux  témoins  des  plus  anciens  âges  dont  elle  a  gardé  le 
secret.  Elle  aurait  vu  couler  le  sang  des  victimes  humaines, 
dont  l'imagination  semble  encore  entendre  le  rftlement  de 
l'agonie,  Ce  lieu  sinistre,  désert  et  sauvage  porte  à  la  tristesse. 
Il  n'y  a  tout  autour  que  rochers  renversés  dans  des  brous- 
sailles et  des  terres  sans  culture. 

Une  autre  tradition  plus  agréable  à  l'esprit  se  rapporte  à 
une  fontaine  qu'on  appelle  la  i'Towteme  Dellain  ou  DéUein. 
Elle  se  trouve  sur  le  territoire  de  Saint-Dizier.  Elle  est  aussi 
située  sous  un  rocher  dans  une  petite  colline  qui  donne  nais- 
sance au  vallon  des  Prés  de  Vaucomté,  et,  chose  singulière, 
elle  porte,  comme  la  fontaine  du  Maira,  le  nom  de  fontaine 
Dellain.  Nous  estimons  que  le  nom  de  D^îtoin  veut  dire  petite 
vallée;  Délie  mOée,  lein  ou  khin^  petite.  Ici,  comme  dans  beau- 
coup d'autres  cas,  un  nom  teutonique  a  été  juxtaposé  à  un 
nom  celtique,  et,  comme  les  noms  celtiques  définissent  la  chose 
à  laquelle  ils  s'appliquent,  notre  opinion  serait  justifiée  par 
l'état  des  deux  localités,  qui  sont  deux  petites  vallées,  deux 
petites  collines.  Nous  avons  dans  le  pays  plusieurs  localités 
qui  portent  ce  nom  et  qui  sont  toutes  situées  dans  des  vallées. 
Nous  avons  Délie,  Delémont,  Dale  ou  Dasle,  Dalotte.  Il  y  a  en 

'  Chose  digne  de  remarque,  le  Maira  occupe  nn  point  antoor  duquel 
Tiennent  converger  les  ckemins  de  Milandre,  Buix,  Bure,  YîUars-le-Sec, 
Saint-Dizier  et  Lebetain  sans  se  souder  Tun  à  l'autre.  Ce  fait  prouve 
éyidemment  que  le  Maira  était  un  centre  religieux  fréquenté  par  toutes 
les  populations  du  voisinage. 


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LÉGENDES  ET  TKÀDITIOMS  179 

outre,  dans  le  département  du  Nord,  la  Deule,  la  grande 
rivière  et  la  vallée  de  la  Deulc. 

Nos  deux  fontaines  Dellain,  celle  du  Maira  et  celle  de  Saint-  ^ 
Dizier,  étaient  fréquentées  par  la  voivre.^  Par  une  belle  nuit 
d'automne  la  voivre  allait,  à  travers  les  airs,  de  la  fontaine 
du  Maira  h  ceUe  de  Saint-Dizier.  Elle  fut  aperçue  par  des 
bergers  qui  gardaient  leurs  troupeaux  dans  les  champs  sur 
Vaucomté,  ils  virent  briller  le  diadème  qui  ornait  sa  tête.  L'un 
d'eux,  plus  hardi  et  surtout  plus  ambitieux  que  ses  camarades, 
se  hâta  d'accourir  à  la  fontaine  Déllein  atin  de  s'emparer  du 
diadème  qu'elle  déposait,  pendant  qu'elle  faisait  sa  toilette, 
sur  une  grande  pierre  plate  qui  est  encore  là.  Mais  notre 
jeune  berger  fut  tellement  ébloui  de  l'éclat  des  diamants  qui 
ornaient  le  diadème,  qu'il  en  fut  subitement  frappé  d'une 
cécité  complète.  Il  resta  dans  cet  état  pendant  quelque  temps 
et  fut  l'objet  des  risées  de  ses  camarades;  s'il  avait  pu  s'em- 
parer de  ce  précieux  diadème,  il  eût  été  riche  èi  millions.  De 
là  peut-être  l'usage  que  l'on  fait  de  l'eau  de  la  fontaine  pour 
les  maux  d'yeux. 

Non  loin  de  la  fontaine  Dellein  de  Saint-Dizier,  nous  remar- 
quons encore  une  dénomination  territoriale  qui  rappelle  le 
paganisme;  c'est  la  Combe  OuïUaume.  Les  Bretons  appellent 
le  diable  le  Chrand  Ouïlla/ume? 

Après  cette  digression,  revenons  aux  Pas  de  Saint-Dizier, 
dont  le  voisinage  est  un  lieu  fatidique,  fréquenté  par  les  sor- 
cières de  Villars-le-Sec,  et  les  femmes  qui  se  changent  en 
lièvres.  Plus  d'un  passant  a  été  efiErayé  par  l'apparition  d'un 
fantôme,  et  les  chasseurs  maladroits  ont  souvent  tiré  sur  des 
lièvres  sans  les  atteindre.  Or,  un  chasseur  du  hameau  du  Val 
allait  depuis  plusieurs  jours  à  l'afiût  près  des  Pas  de  Saint- 

*  La  Yoivre  est  le  serpent  fantastique  des  légendes  populaires  de 
Comté.  £Ue  porte  une  escarboncle  an  front. 

•  Foyer  breUm. 


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180  REVUE    D'ALSACE 

Dizier,  où  le  gibier  abonde.  Un  lièvre  se  présentait  chaque 
fois  à  portée  du  vieux  chasseur,  sans  qu'il  lui  fût  possible  de 
l'atteindre  ;  son  fusil  ratait  chaque  fois.  Notre  Nemrod  s'avise 
alors,  de  mettre  de  la  dignité  dans  le  bassinet  de  son  arme, 
c'est  à  dire  une  feuille  de  buis  bénie  à  la  messe  du  dimanche 
des  Rameaux.  Muni  de  ce  précieux  talisman,  il  vint  de  rechef 
attendre  son  lièvre  qui  ne  tarda  pas  à  venir  folâtrer  autour 
de  lui,  mais  cette  fois  il  fut  atteint  par  le  plomb  meurtrier  du 
chasseur  qui  entendit  cette  plainte  :  «  Jean-Maurice,  tu  m'as 
fait  mal!  »  Le  lendemain,  Ïean-Maurice,  traversant  le  village 
de  Villars-le-Sec,  aperçut  la  Boulotte  qui  était  affligée  d'une 
forte  claudication.^ 

Non  loin  des  Pas  de  Saint-Dizier  on  remarque  une  hauteur 
inculte  qu'on  appelle  les  Theiirées.  Ce  nom  rappelle  involon- 
tairement le  dieu  Thor.  Ou  bien  est-ce  le  nom  typique  de  la 
montagne,  puisqu'on  prétend  que  Thor  en  teuton  veut  dire 
hauteur,  montagne.  Cette  singulière  montagne,  où  l'on  allume 
les  feux  du  carnaval,  affecte  la  forme  d'un  parrallélogranmie 
très  réguUer.  De  son  sommet  on  jouit  d'une  vue  admirable 
sur  les  Vosges,  la  plaine  d'Alsace,  la  Forêt-Noire  et  le  Jura. 

Au  sud  du  village  de  Villars-le-Sec  on  voit  un  râtelier  de 
champ  qui  domine  aussi  tout  le  pays  du  côté  de  la  Suisse.  On 
nomme  ce  lieu  les  Fats  de  Jou.  Ce  nom  ne  figure  pas  dans  les 
dénominations  cadastrales.  Il  n'existe  que  dans  la  mémoire  du 
peuple.  Il  rappelle  les  bois  sacrés  des  Gaulois  qui,  suivant 
Lucain,  inspiraient  aux  Romains  ce  sentiment  religieux  que 
fait  éprouver  à  tout  homme  la  sombre  majesté  des  bois.'  La 

^  Encore  un  sonvenir  de  Tantiquité  païenne.  Prêtée,  Nérée  et  autres 
avaient  le  pouvoir  de  revêtir  toutes  sortes  de  formes.  Les  lieux  fré- 
quentés par  les  sorcières  étaient  consacrés  au  culte  druidique. 

'  Le  mot  fût  nous  vient  du  latin  fustis,  bois.  Or,  nous  pouvons,  par 
induction,  faire  dériver  notre  Fût  de  Jou  de  Yillars,  de  Bois  de  Jupiter, 

n  y  a  à  Toul  une  place  qu'on  appelle  la  place  de  la  Croix  de  fût  (de 
la  Croix  de  bois). 


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LEGENDES  ET  TEADITIONS  181 

tradition  rapporte  que  César  a  campé  sur  les  hauts  de  Villars. 
Tout  près  de  là  est  le  Paradis.  C'est  aujourd'hui  un  lieu  très 
agréable;  on  y  voit  trois  maisons  élégantes  et  une  jolie  cha- 
pelle. Mais  autrefois  les  sorcières  se  réunissaient  près  d'une 
petite  fontaine  pour  y  susciter  les  orages  et  y  fabriquer  la 
grêle  qui  ravageait  les  campagnes  voisines.* 

Il  y  a  encore  dans  le  voisinage  un  petit  bouquet  de  bois,  où 
l'on  remarque  la  Fosse  aux  Larrons.  C'était  une  immense 
caverne  qui  servait  de  repaire  à  une  bande  de  voleurs  qui 
portaient  la  désolation  dans  le  pays.  Us  ferraient  leurs  che- 
vaux à  rebours  pour  qu'on  ne  pût  pas  suivre  leurs  traces 
quand  ils  revenaient  d'expédition.  Us  furent  un  jour  enfumés 
dans  leur  caverne  comme  des  renards  dans  leur  terrier. 

Le  village  de  Villars-le-Sec,  quoique  petit,  est  très  joli.  On 
prétend  qu'il  doit  son  origine  à  Villibert,  domestique  de  saint 
Dizier,  qui  s'était  établi  dans  cette  localité  après  le  martyre 
de  son  maître.^ 

Un  grand  nombre  de  familles  nobles  du  pays  possédaient 
des  terres  dans  ce  village.  Les  héritiers  Jean  Dietrich  de  Por- 
rentruy  en  avaient  au  Bondchamp  près  de  la  forêt;  M.  Taiclet, 
le  dernier  grand-bailli  de  Délie,  avait  acheté  plusieurs  de  ces 
champs,  dont  les  titres  existent  encore;  M.  le  baron  de  Gohr, 
de  Wattwiller,  possède  encore  aujourd'hui  cinq  ou  six  champs 
sur  le  territoire  de  cette  commune. 

Ce  village  a  été  détruit  pendant  la  période  du  moyen  âge; 
on  trouve  encore  des  vestiges  d'habitations  sur  son  ancien 
emplacement  du  côté  du  Sud,  sur  une  section  du  territoire 
appelée  le  Champ  de  la  ville. 

Le  village  voisin,  qui  est  Croix,  a  un  nom  tout  à  fait  histo- 
rique. Les  Bollandistes  disent  que  saint  Dizier  ayant  été 
assailli  près  de  ce  village,  fut  laissé  pour  mort.  Qu'avant  de 


*  V.  Vautret,  Villes  et  villages  du  Jura.  Art.  Bure. 

•  V.  Laguill*. 


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183  REVUE    D'ALSACE 

rendre  le  dernier  soupir,  le  saint  évêque  plia  un  petit  arbre 
en  forme  de  croix  (ou  une  baguette  virgulam),  que  cet  arbuste 
prospéra  {crevit)  en  forme  de  croix,  qu'il  devint  très  grand,  et 
que  c'est  de  la  forme  de  cet  arbre  que  le  village  tira  son  nom 
(unde  nomen  ad  Crucem)  qu'il  a  conservé.  Ce  village  a  eu  le 
même  sort  que  ses  voisins  ;  il  a  été  détruit  pendant  la  désas- 
treuse guerre  de  trente  ans.  Avant  sa  destruction,  il  occupait 
la  hauteur  qu'on  nomme  les  Plateatix  de  Croix.  Il  a  été  rebâti 
sur  un  plan  qui  s'incline  vers  le  Sud.  Rien  n'avait  échappé  à 
la  destruction  qu'une  jolie  petite  église,  remarquable  par  son 
cachet  antique.  Elle  était  à  une  seule  nef,  dont  le  plafond 
était  en  bois.  Elle  était  éclairée  par  quatre  jolies  fenêtres 
ogivales  de  la  première  époque.  Le  chœur  avait  une  voûte 
fortement  surbaissée  avec  quatre  nervures  remarquables  par 
leur  grand  développement.  Le  jour  y  pénétrait  par  trois  baies 
étroites  en  style  roman.  La  toiture  était  en  pierre  plates  qui 
sont  connues  dans  le  pays  sous  le  nom  de  laves.  L'ensemble 
de  ce  petit  édifice  était  appuyé  par  des  contreforte  très  remar- 
quables. Il  y  avait  dans  le  beffroi  une  cloche  très  ancienne  ; 
elle  était  dédiée  à  saint  Nicolas.  Elle  portait  cette  inscription: 
Mortuos  plango,  fulmina  frango,  ad  laudem  numinis  deter^ 
moneo.  Elle  faisait  entendre  un  son  argentin  dans  tous  les 
villages  voisins.  Elle  a  été  livrée  au  fondeur,  et  l'église  a  été 
entièrement  démolie  par  l'entrepreneur  de  la  nouvelle  église, 
construite  au  milieu  du  village.  Cette  intéressante  église  a  été 
détruite  par  pur  esprit  de  destruction.  Un  curé  de  la  paroisse, 
M.  Richardot,  voulait  payer  à  l'entrepreneur  la  valeur  de 
tous  les  matériaux  du  chœur.  Mais  rien  n'a  pu  sauver  de  la 
destruction  ce  joli  temple  rustique  qui  ne  devait  rien  coûter 
à  personne  et  qui  en  valait  bien  deux  comme  celui  qui  a  été 
bâti  à  grands  frais  au  milieu  du  village.  On  aurait  dû  au  moins 
conserver  le  chœur  pour  servir  de  chapelle  mortuaire,  puis- 
qu'il était  au  milieu  du  cimetière. 
Il  y  avait  au  milieu  de  cette  petite  église,  du  côté  droit,  une 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS  188 

porte  à  moitié  murée  et  dont  le  seuil  avait  été  religieusement 
conservé.  On  y  remarquait  neuf  taches  d'un  rouge  éclatant. 
On  disait  que  c'étaient  neuf  gouttes  du  sang  de  saint  Dizier 
répandues  par  lui  sur  le  seuil  de  cette  porte  après  son  martyre. 
Ces  reliques  ont  été  en  vénération  dans  le  pays  jusqu'au  jour 
àb  il  a  plu  h  des  destructeurs  d'enlever  cette  pierre  lors  de  la 
démolition  de  l'église.  Elle  est  aujourd'hui  perdue  et  brisée. 

Artisans  de  destruction,  détruisez  nos  vieux  monuments  ; 
si  votre  intention  est  de  porter  des  coups  aveugles  au  culte 
des  souvenirs,  votre  but  sera  bientôt  atteint.  Quiconque  a  vu 
cette  petite  église  de  Croix  est  porté  à  la  regretter.  C'était, 
au  milieu  de  ce  vaste  plateau,  une  espèce  de  fanal  qui  réjouis- 
sait la  Yue  du  voyageur  fatigué  d'une  longue  course. 

A  deux  cents  mètres  de  cette  vieille  église  démolie  on 
remarque  encore  un  souvenir  druidique  ;  c'est  une  pierre 
taillée  en  forme  de  fauteuil  dans  un  rocher  qui  est  sur  le  flanc 
occidental  de  la  colline  vers  le  Val.  Rien  ne  manque  à  ce 
singulier  siège.  Il  y  a  le  dossier,  les  deux  bras  d'appui  conve- 
nablement disposés  pour  qu'on  y  soit  bien  assis.  Elle  est 
constellée  d'une  infinité  de  petits  trous.  Tout  à  côté  pas- 
sait un  vieux  chemin  ravineux  qui  se  dirigeait  des  Pas  de 
Saint-Dizier  vers  l'église  de  Croix.  Ce  chemin  est  évidemment 
celtique.  Cette  pierre  curieuse  se  nomme  les  Pas  de  Saint- 
Dizier,  on  ne  sait  pas  pourquoi.  On  allait  autrefois  la  visiter; 
le  sentier  qui  y  conduisait  est  encore  visible. 

Les  alentours  de  la  vieille  église  de  Croix  sont  couverts  de 
murgers,  de  bouts  de  murs  démolis,  dans  lesquels  on  trouve 
du  fer;  on  y  a  trouvé  dernièrement  un  éperon  hongrois. 

Il  s'y  est  passé,  en  1815,  un  événement  qui  a  été  cause  de 
l'incendie  de  ce  village  : 

Un  corps  d'armée  autrichien  occupait  Porrentruy.  Un  gros 
de  hussards  hongrois  était  venu  en  détachement  dans  le 
village  de  Bure.  Des  Chamborans  et  des  gardes  nationaux  de 
la  CÔte-d'Or,  qui  étaient  à  Boncourt,  ayant  eu  connaissance 


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184  RBVOB   D*ALSAGB 

de  la  présence  des  Hongrois  dans  le  viUage  de  Bure,  accou- 
rurent en  toute  hAte  dans  ce  village  en  traversant  une  grande 
colline  appelée  les  Combes  de  Boncourt;  ils  attaquèrent  les 
Hongrois  et  les  poursuivirent  jusqu'au-dessus  du  Fohy  de 
Porrentruy.  Après  cet  exploit  les  Chamborans  se  dirigèrent 
sur  Croix,  et  se  firent  servir  à  dîner  dans  un  verger.  Pendant 
leur  repas,  ils  furent  à  leur  tour  attaqués  par  les  Hongrois; 
mais  les  Chamborans  repoussèrent  vivement  cette  attaque  et 
tuèrent  même  un  Hongrois,  qu'ils  laissèrent  sur  place,  et  se 
replièrent  vers  Montbéliard*  Les  habitants  de  Croix  donnèrent 
la  sépulture  à  ce  soldat  hongrois  et  furent,  pour  ce  fait  louable, 
accusés  de  l'avoir  tué.  Leur  village  fut,  par  un  jugement  som- 
maire, condamné  à  être  livré  aux  flammes.  Cette  sentence 
barbare  fut  exécutée  immédiatement  à  la  tombée  de  la  nuit. 
Sept  maisons  échappèrent  à  ce  désastre.  Les  lueurs  sinistres 
de  ce  vaste  incendie  furent  aperçues  par  plus  de  cent  villages 
des  montagnes  du  Doubs  et  de  la  Suisse.  Les  vieillards 
racontent  encore  la  terreur  que  cet  incendie  avait  répandue 
dans  le  pays. 

Ce  village  est,  par  sa  position,  prédestiné  à  servir  de  champ 
de  bataille.  Pendant  la  dernière  guerre  plusieurs  combats  ont 
été  livrés  sur  son  territoire.  Une  maison  a  été  incendiée  et 
plus  de  cent  Prussiens  sont  enterrés  dans  le  cimetière  et  les 
bois.  On  remarque  de  jolis  monuments  sur  leurs  fosses. 

Le  village  de  Montbouton  se  trouve  à  l'occident  de  celui  de 
Croix.  Il  est  bâti  de  l'Est  à  l'Ouest,  sur  le  versant  d'un  coteau 
qui  prend  naissance  au  pied  du  Grammont  pour  aller  se 
perdre  dans  le  territoire  accidenté  de  Vaudoncourt 

De  tous  les  points  de  ce  village  et  de  son  territoire  on  jouit 
d'une  vue  très  variée  sur  le  bassin  hydrologique  de  Montbé- 
liard  et  sur  les  montagnes  du  Lomont  Les  Gallo-Bomains  de 
Mandeure  trouvaient  cette  situation  agréable.  La  tradition 
rapporte  qu'ils  avaient  établi  plusieurs  maisons  de  campagne 
aux  alentours  de  ce  village.  En  effet,  le  territoire,  qui  est  en 


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LÉGENDES  IT  TRADITIOIfS  186 

contre-bas,  présente  à  la  vue  une  série  de  gradins  et  d'amphi- 
ihé&tres  qui  ont  été  tracés  avec  un  art  et  une  adresse  dignes 
d'admiration.  C'est  au  moyen  de  cet  aménagement  intelligent 
qu'on  a  pu  livrer  à  la  culture  un  sol  aride  qui  aigourd'hui 
n'est  pas  encore  entièrement  sorti  de  ses  ruines. 

Tout  au  bas  du  village  de  Montbouton,  à  mi-côte,  on 
remarque  trois  jolies  fontaines  qui  sourdent  du  pied  du 
coteau.  Elles  sont  enfermées  dans  des  voûtes  qui  ont  l'air 
d'être  très  anciennes.  L'une  d'elle  est  surmontée  d'une  croix 
en  pierre;  elle  est  dédiée  à  saint  Léger.  On  attribue  à  son 
eau  des  vertus  curatives  pour  les  yeux. 

Dans  l'ancien  temps  on  allait  en  pèlerinage  à  Montbouton 
pendant  les  temps  de  sécheresse  jpour  y  chercher  la  pluie.  La 
paroisse  de  Saint-Dizier  s'y  rendait  en  procession.  Elle  y  a 
été  en  1834  pour  la  dernière  fois. 

Dans  des  titres  du  xv*  et  du  xyi*  siècles,  ce  village  y  est 
désigné  sous  le  nom  de  MontlcUcn.  Un  vieillard,  qui  serait 
aujourd'hui  plus  que  centenaire,  prétendait  que  ce  nom  vient 
d'un  mot  français  et  d'un  mot  celtique.  Le  mot  français  Mont 
au'ait  été  ajouté  au  mot  celtique  Botton,  qui  veut  aussi  dire 
mont  Malgré  la  hardiesse  de  cette  étymologie,  nous  sommes 
portés  à  croire  qu'elle  est  vraie,  d'autant  plus  que  nous  avons 
des  exemples  de  cette  adjonction  de  deux  mots  ayant  la  même 
signification.  Nous  avons  en  effet  Vallisberg  à  Largitzen.  Nous 
rappelons  en  outre  qu'un  arbuste  qui  affectionne  les  mon- 
tagnes se  nomme  le  Botteme;  c'est  l'églantier  ou  cynorrhodon. 
D'où  nous  concluons,  par  induction,  que  le  Bottenie  veut  dire 
le  Montagneux  ou  plante  de  la  montagne,  ce  qui  nous  conduit 
à  croire  que  le  nom  de  ce  village  dérive  de  sa  situation  sur 
'une  hauteur.  U  est  à  une  légère  distance  du  Grammont  On 
pense  même  qu'autrefois  il  était  sur  la  crête,  où  il  y  a  une 
enceinte  sacrée  dans  laquelle,  il  y  a  quelques  années,  on  a 
pratiqué,  dans  l'intérêt  de  la  science,  des  fouilles  considérables. 
Les  objets  trouvés  ont  été  en  partie  déposés  au  musée  de 
Mort 


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186  REVUE    D'ALSACE 

Les  champs,  qui  sont  à  Tétat  de  culture  au  pied  de  cette 
montagne,  du  côté  du  couchant,  renferment  de  nombreuses 
traces  d'incinérations.  On  y  voit  de  la  terre  brûlée,  des  pierres 
rougies  au  feu  et  autres  débris  dignes  de  l'attention  des 
archéologues  et  des  naturalistes. 

Le  territoire  de  Montbouton  touche  à  celui  de  Beaucourt, 
du  côté  du  Nord.  Ce  dernier  endroit  ne  comptait  que  cent 
quatre-vingt-huit  habitants  en  1801,  il  en  a  aujourd'hui  près 
de  six  mille.  Cet  accroissement  prodigieux  de  population  est 
dû  aux  immenses  établissements  industriels  de  MM.  Japy 
frères.  On  dit  que  cette  grande  et  puissante  maison  indus- 
trielle occupe  près  de  douze  mille  ouvriers,  tant  à  son  siège 
principal  que  dans  ses  nombreuses  succursales. 

Une  partie  du  territoire  de  Beaucourt  appartenait  au 
comté  de  Montbéliard.  La  partie  située  à  l'Est  dépendait  de 
la  seigneurie  de  Délie. 

La  tradition  rapporte  qu'il  existait  un  couvent  dans  la 
colline  qui  prend  naissance  au  pied  du  Grammont,  du  côté  du 
Nord,  un.  peu  au-dessus  du  village.  L'emplacement  de  ce  pré- 
tendu couvent  est  occupé  aujourd'hui  par  un  joli  jardin  pota- 
ger. Les  habitants  des  maisons  voisines  ont  vu  souvent  des 
feux  follets  voltiger  dans  ce  jardin  ;  on  en  conclut  qu'il  y 
aurait  eu  un  cimetière  en  cet  endroit 

Entre  le  village  moderne  de  Beaucourt  et  Dompierre,  il  y  a 
un  vaste  territoire  connu  sous  le  nom  de  Châtelot.  Il  existe 
dans  cette  région  un  monticule  qu'on  prétend  avoir  été  l'em- 
placement d'un  vieux  château.  Un  laboureur  a  trouvé,  il  n'y  a 
pas  longtemps,  dans  son  champ,  deux  gros  lingots  en  forme 
de  cônes  tronqués  ;  ce  brave  homme  croyant  que  sa  trouvaille 
était  un  trésor  s'est  hâté  d'aller  chez  l'essayeur  pour  vérifier  ' 
la  nature  du  métal  ;  mais  en  un  plomb  vil  son  or  pur  s*  est  changé . 

On  a  encore  trouvé  en  cet  endroit  des  armes,  des  tuileaux, 
et  même  un  cheval  enfoui  avec  son  cavalier  tout  armé.  On  n'a 
rien  recueilli  de  ces  découvertes. 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS  187 

Fesche  est  situé  dans  une  position  très  agréable  sur  la 
route  de  Délie  à  Montbéliard.  Ce  village  est  joli  Son  territoire 
est  abrité  de  tout  côté  par  des  hauteurs  couronnées  de  forêts. 
On  croit  qu'il  occupe  l'emplacement  de  l'antique  Grammatum 
de  l'itinéraire  d'Antonin.  Les  savants  n'ont  pas  encore  pu 
élucider  ce  fait  avec  évidence;  quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain 
qu'il  y  a  eu  un  village  entre  Fesche  et  Badevel  qu'on  appelait 
Fesche-le-Moulin.  Une  chose  digne  de  remarque,  c'est  l'éty- 
mologie  qu'on  donne  au  nom  Badevel,  Bas  de  VeUe,  le  bas  de 
ville.  Quelle  est  cette  ville?  Ce  serait  évidemment  Fesche, 
l'antique  Orammaium,  qui  est  à  quinze  minutes  au-dessus  de 
Badevel,  du  côté  de  l'Est 

Fesche  avait,  comme  Croix  et  Montbouton,  une  ancienne 
égUse.  Il  ne  reste  plus  trace  d'aucune  de  ces  églises.  Elles  ont 
toutes  été  démolies.  A  Fesche  on  trouve  cependant  encore  un 
grand  nombre  de  pierres  tombales  qui  gisent  sur  l'ancien 
cimetière. 

n  y  a  dans  ce  village  une  fontaine  miraculeuse  dans  laquelle 
on  plonge  les  enfants  qui  sont  aifectés  de  maladies  aux  articu- 
lations des  jambes.  Cette  source  est  un  lieu  de  pèlerinage 
très  fréquenté.  Il  s'est  déjà  opéré  un  grand  nombre  de  guéri- 
sons  à  la  suite  des  immersions  auxquelles  on  soumet  les 
enfants  malades.  Les  eaux  de  cette  source  n'ont  pas  encore 
été  soumises  à  une  analyse  sérieuse.  Si  les  vertus  curatives 
de  cette  eau  étaient  mieux  connues,  elles  rendraient  peut-être 
des  services, 

U  paraît  certain  que  l'eau  de  cette  source  est  ferrugineuse, 
puisque  le  sous-sol  de  Fesche  renferme  des  gisements  de 
minerai  très  riches,  qui  étaient  encore  en  exploitation,  il  y  a 
quelques  années.  On  dit  qu'il  y  a  sous  ce  village  des  excava- 
tions considérables  produites  par  l'extraction  du  minerai,  qui 
était  déjà  exploité  sous  les  Romains.  Si  ces  cavités  n'étaient 
pas  remplies  d'eau,  on  croit  que  le  sol  du  village  de  Fesche 
serait  bientôt  effondré. 


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188  REVOE  d'alsacb 

Le  curé  de  Saint-Dizier  possédait  des  terres  et  des  revenus 
à  Fesche,  comme  du  reste  dans  tous  les  villages  qui  dépen- 
daient de  sa  paroi3se.  Ses  revenus  de  Fesche  consistaient  en 
adeux  bichots  et  demi  par  moitié  froment  et  aveine,  à  raison  de 
quoi,  il  estoit  tenu  de  célébrer  un  anniversaire  de  neuf 
prestres  auquel  assistoient  les  officiers  de  Délie  et  ledit  curé 
estoit  tenu  de  donner  réfection  corporelle  aux  hommes  de 
Péglise  chacung  avec  ladite  réfection  ung  sol  monnoye  baloise 
suivant  la  fondation  d^iUitstrissime  seigneur  archiduc,  comme 
aussi  auxdicts  officiers.» 

Quelle  peut  être  la  cause  de  cet  anniversaire  qui  était 
célébré  avec  tant  de  pompe  par  le  curé  de  Saint-Dizier?  Un 
archiduc  d'Autriche  serait-il  mort  à  Fesche  ou  dans  le  voisi- 
nage? Les  titres  que  nous  possédons  gardent  le  silence  à  ce 
sujet. 

Nous  avons  encore  trouvé  cette  singulière  mention  dans 
l'état  des  recettes  de  la  fabrique  de  l'église  de  M.  S.  Vailler, 
de  Fesche.  «  Fait  recette  de  detix  livres,  treize  sols,  six  deniers 
hâlois  pour  vendition  éPun  vieux  drapeau  qtjCon  mettait  autre- 
fois sur  VaiUeL  Vendu  à  un  homme  de  Porrentruy,  »  Extrait 
du  compte  du  fabricien  et  luminier  Jean-Claude  Schick, 
année  1707.' 

Il  y  avait  un  pèlerinage  considérable  à  Fesche  qu'on  qualifie 
de  Pardon  dans  les  vieux  titres.  Ce  mot  n'est  plus  usité  dans 
le  pays  pour  désigner  les  pèlerinages. 

La  voie  rçmaine  qui  allait  de  Mandeure  au  Rhin  passait  à 
Fesche.  M.  Bouverot  a  trouvé  toutes  sortes  d'objets  dans  son 
jardin,  notamment  des  armes  brisées,  un  vieux  casque  et  des 
monnaies.  Tous  ces  objets  ont  été  égarés. 

De  Fesche  passons  à  Lebetain.  L'étymologie  de  ce  nom  nous 


*  Un  archéologue  de  Porrentruy  nous  a  dit  que  M.  Quiquereas  a  un 
TÎeuz  drapeau  dans  sa  collection,  qui  pourrait  bien  être  celui  de 
Fesche. 


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LÉGENDES  ET  THADmOlfS  189 

vient  en  droite  ligne  de  FAllemagne.  Elle  est  formée  du  nom 
composé  Liebenthal  qui  se  traduit  par  vallée  chérie  ou,  par 
extension,  jolie  vallée.  Nous  estimons  qu'il  est  inutile  de  cher- 
cher ailleurs  la  signification  de  ce  nom  de  village,  dont  la  situa- 
tion répond  parfaitement  à  sa  dénomination.  Les  Germains 
ont  imposé  un  grand  nombre  de  noms  à  nos  villages,  et  nous 
en  avons  adopté  un  plus  grand  encore  dans  notre  patois 
vulgaire. 

La  position  du  village  de  Lebetain,  au  bas  du  vallon  qui 
vient  du  Val  de  Saint-Dizier,  est  très  agréable.  Il  est  à  croire 
cependant  que  le  village  était  plus  au  Sud,  car  on  trouve  dans 
les  prés  des  débris  de  construction.  On  y  a  même  trouvé  deux 
sabres,  des  ustensiles,  de  la  ferraille  et  une  jolie  clé  en  bronze; 
elle  a  été  donnée  au  musée  de  Belfoiit  par  M.  P.-D.  Ducomte. 

Il  y  a  encore  dans  ce  village  une  maison  du  xvni*  siècle, 
qu'on  appelle  le  ChâteaiL  C'était  l'habitation  d'un  baron  de 
Spechbach,  qui  possédait  de  grands  biens  à  Lebetain.  Un  che- 
valier de  Spechbach  avait  sa  sépulture  dans  l'église  de  Saint- 
Dizier;  sa  tombe  existait  encore  il  y  a  quelques  années. 
M.  Bardy  en  a  donné  un  joli  dessin  dans  le  Bulletin  des  monur 
ments  historiques  d'Alsace. 

Il  existe  à  Lebetain  un  phénomène  hydrologique  très 
remarquable.  Les  eaux  qui  découlent  des  fontaines  du  Val,  se 
perdent  au-dessous  du  village  pour  aller,  à  deux  kilomètres 
plus  au  Nord,  former  la  source  abondante  de  la  Batte. 

Non  loin  du  village  de  Lebetain,  du  côté  du  Sud,  on  remarque 
une  jolie  grotte  sous  un  rocher  qui  surplombe  dans  la  colline. 
On  fait  croire  aux  enfants  trop  curieux  que  c'est  là  qu'on  a 
été  les  chercher  à  leur  naissance.  Cette  officine  d'enfants 
ne  serait-elle  pas  un  lieu  oh  une  déesse  du  paganisme  était 
adorée?  La  Lucine  de  la  contrée  y  rendait  peut-être  des 
oracles.  C'est  encore  un  lieu  fréquenté  par  les  revenants  et 
les  farfadets  de  la  forêt  voisine. 

Un  peu  au-dessus  de  cette  grotte  il  existe  un  petit  monti- 


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190  REVUE    D*ALSACS 

cule  qui  s'avance  vers  le  ruisseau  qui  traverse  le  vallon.  Un 
nommé  Dizier  Riche  a  pratiqué  dans  cette  butte  des  travaux 
de  nivellement  qui  ont  amené  la  découverte  de  cinq  squelettes 
bien  conservés  dans  le  sable.  Ils  étaient  tous  placés  symétri- 
quement, la  tête  regardant  TOrient,  à  une  égale  distance  les 
uns  des  autres.  Celui  du  milieu  avait  encore  la  plaque  de 
son  ceinturon.  La  tête  a  été  conservée.  Elle  est  au  musée  de 
Belfort  II  y  a  environ  trente  ans  que  le  précédent  propriétaire 
de  ce  pré  y  a  déjà  trouvé  des  squelettes  et  deux  sabres. 

Dizier  Riche  a  été  obligé  d'interrompre  ses  travaux  à  cause 
de  la  saison.  Mais  il  les  reprendra  avec  l'espoir  de  faire  encore 
des  découvertes  intéressantes.  A  quelle  race  d'hommes  appar- 
tenaient les  squelettes  qui  ont  été  trouvés  dans  ce  lieu  désert? 
Le  crâne  que  nous  avons  déposé  au  musée  de  Belfort  pourra 
peut-être  un  jour  guider  les  anthropologistes  dans  la  solution 
de  cette  question.  La  colline  du  Val,  quoique  déserte  et  très 
profonde,  était  traversée  par  un  chemin  cîbltique  qui  se  diri- 
geait de  Délie  piar  Lebetain  et  Croix  vers  Fohy.  Il  est  encore 
très  reconnaissable  au  pied  du  coteau  à  l'Est  La  marque  des 
roues  des  chars  est  imprimée  sur  les  rochers  au-dessus  du 
hameau  du  Val.  On  peut  encore  suivre  très  facilement  ses 
traces  de  Lebetain  à  Croix.  Ce  chemin  a  pu  servir  de  passage 
à  des  armées,  et  des  combats  se  sont  peut-être  livrés  dans 
cette  colline  déserte  et  sauvage. 

Saint-Dizier,  le  chef-lieu  administratif  et  paroissial  des  com- 
munes que  nous  venons  de  parcourir  rapidement,  est  digne 
de  fixer  l'attention  des  amateurs  d'antiquités  locales.  On  ren- 
contre en  effet  dans  son  voisinage  de  nombreux  vestiges  de 
démolitions  dans  lesquelles  on  trouve  toute  sorte  d'objets. 

La  tradition  rapporte  que  ce  village  a  été  détruit  pendant 
la  guerre  de  trente  ans,  appelée  dans  le  pays  le  temps  des 
schuedes  suédois.  On  ne  peut  pas  mettre  en  doute  la  tradition, 
car  sur  une  étendue  de  plus  d'un  kilomètre  on  ne  rencontre 
que  buissons,  murgers,  exhaussements  de  terrains,  dans  les- 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS  191 

quels  il  y  a  des  substructions,  des  bouts  de  murs,  des  montants 
de  portes,  des  foyers  ;  on  y  a  même  trouvé  un  four.  Jean- 
Pierre  Berget  y  a  découvert  les  fondations  complètes  d'une 
maison,  dont  on  pouvait  reconnaître  la  distribution.  X.  Riche 
a  trouvé  deux  gros  bronzes  à  Teftigie  des  Antonins.  Un 
nommé  Joly  a  trouvé  un  squelette  complet  qui  avait  une  lame 
à  côté  de  lui.  Alexis  Ducomte  a  trouvé  dans  son  jardin  un  joli 
fer  de  lance  en  bronze.  Joseph  Prenez  a  trouvé  une  marmite 
à  panse  évasée  qui  a  été  livrée  au  chifionnler,  pour  deux  liards 
la  livre,  au  grand  désespoir  d'un  amateur  de  Montbéliard  qui 
était  venu  pour  l'acheter.  J'ai  trouvé  une  batterie  de  fusil  à 
mèche.  ^ 

D  serait  fastidieux  d'énumérer  toutes  les  trouvailles  qui  se 
font  encore  dans  le  sol  aride  qui  était  occupé  par  le  village. 

Pendant  les  temps  de  malheurs,les  habitants  s'étaient  réfugiés 
dans  les  montagnes  du  Jura  bernois.  Les  maisons  abandonnées 
étaient  tombées  en  ruine  ou  avaient  été  incendiées. 

On  rapporte  qu'un  chêne  avait  pris  racine  sur  l'âtre  de  la 
maison  Vaubert- Macabre  ;  au  retour  du  propriétaire,  cet 
arbre  dépassait  la  cheminée.  A  cause  de  ce  fait,  tous  les 
membres  de  cette  famille  furent  appelés  les  Charniers.  Le 
dernier  des  Chainiers  est  mort  il  y  a  trente  ans.  Dans  une- 
autre  maison,  qui  existe  encore,  un  saule  avait  poussé  dans  la 
cuisine  et  formait  un  grand  buisson. 

Il  y  avait  dans  ce  village  une  famille  valeureuse  qui  résistait 
seule  aux  Suédois.  C'étaient  les  sept  frères  Schick,  tous 
hommes  déterminés,  ayant  des  armes  à  feu.  Ils  s'étaient  retirés 
dans  le  clocher  après  avoir  livré  un  combat  meurtrier  aux 
Suédois,  qui  avaient  tué  leur  mère  au  pré  Rossé,  derrière  la 
cure.  Ils  furent  assiégés  en  vain  dans  le  clocher  par  les  bandes 
de  Bernard  de  Weimar.  Cette  famille  s'est  maintenue  long- 
temps à  Saint-Dizier:  on  voyait  dans  l'église  des  pierres 
tombales  ayant  appartenu  à  des  Schick.  Cette  famille  est 
éteinte  à  Saint-Dizier,  mais  elle  a  encore  des  représentants  à 


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192  REVUS  d'alsagb 

Fesche.  Le  nom  de  Schick  figure  fréquemment  dans  des  titres 
des  xvi%  xvn*  et  xvnr  siècles. 

Pendant  les  restaurations  inintelligentes  qui  ont  été  faites 
dans  les  années  1851  et  1852,  on  a  détruit  toutes  les  nom- 
breuses pierres  sépulcrales  qui  étaient  dans  les  trois  nefs  de 
Péglise.  On  a  trouvé  toutes  sortes  d'objets,  qui  ont  tous  été 
dispersés,  notamment  un  vase  plein  de  monnaies  bourgui- 
gnonnes, dont  quelques-unes  sont  au  musée  de  Colmar. 

La  trouvaille  la  plus  intéressante  est  un  sarcophage  en 
pierre  molasse  du  pays.  Il  était  sous  le  clocher,  près  de  la 
porte  d'entrée  de  l'intérieur  de  l'église,  enfoui  sous  trois  pieds 
de  terre.  Il  a  la  forme  d'un  parallélogramme  irrégulier,  mesu- 
rant en  longueur  1",65,  aux  épaules  0",64  et  aux  pieds  0",31; 
la  tête  était  encastrée  dans  une  entaille  ronde  de  0°',25  de 
profondeur  très  bien  faite.  Ce  cercueil  renfermait  sept  têtes 
entièrement  dénudées.  La  présence  de  ces  sept  têtes  dans  ce 
cercueil  en  pierre  est  assez  énigmatique.  Nous  allons  faire 
appel  à  la  tradition  pour  expliquer  ce  fait  singulier. 

L'histoire  rapporte  qu'il  y  a  eu  une  abbaye  royale  autour 
de  l'église  de  Saint-Dizier,  mais  la  tradition  dit  que  c'était 
une  maison  de  templiers.  Les  vestiges  considérables  d'habita- 
tions qui  existent  encore  à  la  collonge  ne  laissent  aucun  doute 
à  cet  égard,  et  les  nombreuses  trouvailles  qu'on  a  faites  dans 
•le  verger  Grandjean  viennent  encore  à  l'appui  de  la  tradition 
qui  dit,  que  a  pendant  une  belle  nuit  des  soldats  vinrent  de 
Belfort,  par  ordre  du  roi,  mettre  à  mort  les  templiers  qui 
étaient  à  Saint-Dizier,  et,  chose  singulière,  la  tradition  dit 
qu'ils  étaient  sept  religieux.  »  A-t-on  décapité  ces  sept  tem- 
pliers, et  mis  dans  ce  cercueil  en  pierre  les  têtes  de  ces 
victimes  de  la  cupidité  de  Philippe-le-Bel  ?  Ceci  est  à  croire, 
car  ce  sarcophage,  remontant  à  l'origine  du  christianisme,  ne 
renfermait  plus  aucun  cadavre  à  l'époque  de  l'exécution  des 
templiers.^ 

Il  y  a  encore  d'autres  cercueils  et  des  catafalques  fort 

'  M.  de  Canmont  estime  qne  les  localités  où  il  y  a  le  plus  de  cercueils 
en  pierre  sont  celles  où  le  christianisme  a  été  le  plus  tôt  établi. 


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LÉGENDES  ET  TRADITIONS  193 

remarquables  dans  cette  église;  mais,  comme  M.  de  Barthé- 
lémy en  a  donné  une  description  très  savante,  nous  n'en  parlons 
ici  que  pour  mémoire,  notre  but  étant  de  recueillir  des  fûts 
inédits,  rien  de  plus. 

La  légende  Saint-Dizier,  citée  par  les  BoUandistes,  dit  que 
ce  saint  évêque  fut  enterré  par  les  soins  de  sainte  Pouponne 
dans  une  petite  chapelle  dédiée  à  saint  Martin  In  oracuium 
non  pergrande  ;  que  Pouponne  était  une  sainte  femme  pré- 
posée à  la  garde  et  à  Tentretien  de  cet  oratoire,  dans  lequel 
elle  avait  sa  demeure,  puisqu'elle  procura  de  Peau  à  saint 
Dizier  pour  étancher  sa  soif  quand  il  vint  célébrer  les  saints 
mystères  dans  cette  chapelle. 

Après  la  mort  du  saint  évêque  les  pèlerins  vinrent  en  foule 
à  son  tombeau,  bientôt  la  chapelle  ne  fut  plus  suffisante  pour 
contenir  le  nombre  toujours  croissant  des  fidèles,  il  fallut 
ériger  une  plus  grande  église  autour  du  tombeau  de  saint 
Dizier.  Pendant  la  construction  de  cet  édifice  sainte  Pouponne 
allait  aux  fontaines  du  Val  chercher  Peau  dont  les  ouvriers 
avaient  besoin.  Elle  se  servait  d'une  bouteille;  les  ouvriers  se 
moquèrent  d'elle  et  lui  dirent  qu'elle  devait  prendre  un  crible, 
ce  qu'elle  fit  aussitôt  sans  qu'elle  perdit  une  seule  goutte  d'eau. 
La  sainte  était  en  effet  représentée  en  grandeur  naturelle  sur 
le  mattre-autel.  Elle  était  habillée  à  la  romaine  ;  d'une  main 
elle  tenait  une  bouteille,  de  l'autre  un  crible  qu'elle  montrait 
au  peuple.  Cette  statue  était  fort  bien  faite  ;  elle  a  été  détruite 
en  1852,  comme  tant  d'autres  belles  choses. 

Les  légendes  de  ce  genre  ne  sont  pas  rares.  Le  lecteur  nous 
permettra  de  lui  en  citer  une  que  nous  copions  dans  V Histoire 
de  Bar-mr-Aube,  par  Le  Chevalier  : 

cSur  la  montagne,  au  pied  de  laquelle  est  bâti  Bar-sur-Aube, 
vivait  une  sainte  vierge  nommée  Germaine.  Elle  s'était  char- 
gée de  fournir  à  des  ouvriers  qui  travaillaient  à  une  église 
Peau  qu'elle  allait  puiser  à  une  source  qui  porte  son  nom  ; 
c'est  pourquoi  elle  est  représentée  portant  une  cruche  de 

NoQTelle  Série.  —  11**  année.  13 


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194  REVUE    d'ALSACE 

chaque  main.  Sa  foi  était  si  grande  qu'un  de  ses  vases  s'étant 
brisé  on  lui  jeta  par  raillerie  un  crible  en  lui  disant  de  s'en 
servir  ;  elle  le  releva,  le  remplit  d'eau,  et  il  ne  s'en  répandit 
aucune  goutte.» 

Une  autre  tradition  nous  apprend  que  saint  Dizier,  après 
avoir  été  dans  son  tombeau  pendant  un  nombre  d'années, 
qu'elle  ne  détermine  pas,  son  corps  fut  transporté  à  Murbach 
par  ordre  d'un  puissant  seigneur  dont  le  nom  n'est  point  par- 
venu jusqu'à  nous.  A  cette  époque  de  foi  vive,  la  possession 
de  reliques  de  saints  personnages  était  une  source  de  prospé- 
rité pour  les  églises  qui  avaient  le  privilège  de  posséder  de 
pareils  trésors.  Sans  doute  que  les  habitants  de  Saint-Dizier 
ne  furent  pas  contents  de  se  voir  enlever  les  reliques  de  leur 
saint  patron,  et,  pour  leur  donner  une  compensation,  on  laissa 
à  leur  vénération  le  bras  droit  du  saint^  Une  voix  surnaturelle 
leur  dit  que  le  bras  du  saint  évêque  serait  plus  puissant  aux 
yeux  de  Dieu  que  tout  son  corps. 

Les  reliques  de  ce  bras  furent  conservées  avec  vénération. 
Elles  furent  enfermées  dans  un  avant-bras  artistement  sculpté. 
La  main  était  de  couleur  de  carnation,  elle  bénissait  à  la 
manière  latine.  Cette  main  servait  de  reliquaire,  on  l'appelait 
la  Main  de  saint  Dizier.  Elle  est  aujourd'hui  perdue.  Elle 
existait  encore  sous  l'administration  du  curé  Villemain. 

On  a  disserté  longuement  pour  savoir  où  était  la  chapelle 
Saint-Martin,  où  saint  Dizier  a  été  enterré.  Cette  chapelle,  ou 
oratoire  comme  l'appellent  les  BoUandistes,  était  au  milieu  du 
chœur  de  l'église  actuelle.  Les  murs  de  fondation  de  ce  petit 
temple  ont  été  retrouvés  l'année  dernière  (1880)  en  creusant 

^  Les  armes  de  l'abbaye  de  Lnre  étaient  de  gueules  à  on  bras  de 
carnation  mouvant  d'une  manche  et  élevant  en  haut  deux  doigts. 

Nous  ayons  des  titres  de  1608  constatant  que  cette  abbaye  possédait 
des  dîmes  à  Saint-Dizier. 

Les  habitants  de  Champagney  étaient  obligés  d'aller  chercher  ces 
dîmes  à  Saint-Dizier  et  de  les  transporter  au  château  de  Passavant. 


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LEGENDES  ET  TRABniONS  ld5 

la  crypte  que  M.  le  curé  Faivre  a  fait  établir  sous  le  chœur  de 
relise  pour  isoler  et  mettre  en  évidence  le  cercueil  authen- 
tique de  saint  Dizier,  qui  reposait  sous  les  dalles  du  chœur. 
Les  fondations  de  la  petite  chapelle  Saint-Martin  sont  intactes. 
Elles  sont  bâties  en  forme  d'octogone  ;  elles  sont  très  bien 
conservées.  Elles  sont  en  maçonnerie  rustique,  mais  solide. 

En  faisant  sa  crypte,  M.  Faivre  a  cru  ne  pouvoir  les  laisser 
en  évidence  dans  Penceinte  de  sa  crypte.  Elles  auraient  donné 
trop  de  développement  à  la  voussure.  Il  a  cru  devoir  faire  un 
mur  en  moellons  piqués  qui  masque  entièrement  les  fonda- 
tions de  ladite  chapelle  Saint-Martin,  fondations  qui  sont  un 
spécimen  authentique  d'une  construction  remontant  au 
V*  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Oraculum  non  pergrande  in  honore 
Sancti  Martini  constradum  (Grandidier,  II,  88.). 

Ainsi  la  chapelle  Saint-Martin  était  au  milieu  du  chœur  de 
l'église  actuelle.  L'église  a  été  bâtie  autour  de  cette  chapelle, 
qui  n'a  été  démolie  qu'après  la  construction  de  l'église;  ce  qui 
le  prouve,  c'est  que  l'exhaussement  du  dallage  du  chœur  est 
entièrement  formé  de  sable  et  de  pierres  de  démolition  aux- 
quelles adhère  encore  du  mortier. 

Le  petit  édicule,  en  forme  de  cul  de  four,  qu'on  remarque 
à  l'extérieur  de  l'église,  entre  le  transept  méridional  et  le 
chœur,  n'était  pas  la  chapelle  Saint-Martin  comme  on  l'a  pré- 
tendu ;  c'était  un  baptistère  dont  l'entrée  était  dans  la  sacristie. 
Si  les  transformations  qui  ont  été  faites  à  cette  sacristie 
avaient  été  dirigées  avec  goût,  on  aurait  pu  rendre  ce  petit 
édicule  à  sa  destination  primitive;  mais  dans  l'état  actuel  des 
choses  cela  n'est  plus  guère  possible. 

Nous  estimons  que  la  chapelle  oti  fdt  enterré  saint  Dizier 
est  contemporaine  de  saint  Martin  le  thaumaturge  du  rv*  siècle. 
Cet  apôtre  des  Gaules  fut  un  grand  destructeur  de  temples  et 
d'autels  païens;  aussi  beaucoup  d'églises  primitives  lui  furent 
dédiées.  Il  y  en  avait  une  à  Bâie,  qui  datait  du  rv*  siècle.  Il  y 
en  avait  d'autres  en  Franche-Comté.  Comme  il  y  avait  beau- 


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196  REVUE  d'alsàge 

coup  d'idoles  dans  les  environs,  il  est  à  croire  que  saint 
Martin  est  venu  dans  ce  pays  pour  évangéliser  les  peuples. 
Il  a  du  reste  donné  son  nom  à  une  fontaine  qui  s'appelle 
aujourd'hui  encore  la  Martine.  Cette  source,  qui  ne  coule  qu'à 
la  suite  des  grandes  pluies,  est  l'équipollent  de  la  Fontaine  de 
la  Famine  {ungershrunnen)  d'Heimersdorff  ;  elle  annonce  les 
temps  de  disette.  Cette  source  était  sans  doute  dédiée  à  quel- 
que nymphe  païenne,  et  le  nom  de  Martine  lui  a  été  donné  en 
l'honneur  de  saint  Martin  qui  serait  venu  à  Saint-Dizier 
substituer  le  culte  chrétien  au  culte  païen.  Il  y  a  encore  une 
autre  fontaine  qu'on  nomme  aussi  La  Martine.  Elle  sort  d'un  ' 
rocher  dans  les  prés  du  Val.  Son  eau  est  très  bonne;  on  en 
cherche  pour  les  malades  de  tous  les  villages  voisins. 

Il  existe  encore  d'autres  légendes  au  pays  que  nous  venons 
de  parcourir.  Nous  nous  bornons  à  celles  qui  précèdent  afin 
de  ne  pas  abuser  de  l'indulgence  du  lecteur.  Un  jour  peut-être 
nous  parlerons  des  usages  populaires,  des  superstitions,  des 
croyances  singulières  qui  étaient  encore  vivaces  dans  le  pays, 
il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  et  que  la  génération  actuelle 
ignore  complètement.  Les  souvenirs  de  quelques  personnes 
ftgées  de  l'ancienne  paroisse  nous  faciliteront  ce  nouveau 
recensement 

P.-J.  Tallov. 


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LITTÉRATUIŒ  POPULAIRE  DE  L'ALSAGE-LORRAINE 


BAVARDAGES 


DE 


lESDilES-lES-GOnsniES  DE  STItA!lini& 

oitremèlés  de  qadqaes  antres 
COMMÉRAGES  ALSACIENS 

Suite  "^ 


IVbtV 

NOUVELLE  CONVERSATION 

entre  Madame^morcousine  Ktdzlerer  et  Madame-ma-coiisine 

ZiweJmann,  pendant  et  après  le  blocus  de  Strasbourg.  ^ 

1814 

L  Pendant  le  bloene 

DAME  KUTZLEBEB 

Cousine,  en  promenade?  Eh!  vous  allez  bien  vite! 

DAME  ZIWELMAITK 

Servante!  du  beau  temps  il  faut  bien  qu'on  profite! 

KUTZLEBEB 

Cousine,  j'ai  Thonneur  de  n'avoir  pas  reçu 

'  Voir  la  liyraison  du  !•'  trimestre  1882. 

*  Cette  pièce  fat  imprimée  chez  J.-H.  Heitz  et  se  vendait  cinq  soas. 
M.  Bergmann  l'attribue  à  Arnold,  l'auteur  du  Pfingstmgntag. 
L'astre  de  Napoléon  a  pâli,  les  alliés  bloquent  Strasbourg,  quelques 


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1 


198  REVUE    D'ALSACE 

Longtemps  votre  visite.  * 

ZIWELMAl^N 

Oh!  c'est  que  je  n'ai  pu 
Sortir  de  tout  l'hiver.  Je  fus  bien  malheureuse! 
Nous  avons  tous  souii'ert  de  la  fièvre  nerveuse. 

KUTZLERER 

Ne  parfumez-vous  pas?  J'aimerais  mieux  avoir 
Le  nez  plein  de  Morveau^  plutôt  que  de  me  voir 
Malade  plus  longtemps  de  cette  peste  affreuse. 

ZIWELMAlOr 

Vous  avez  bien  raison,  cousine  !  Mais  du  temps 
Qu'au  clos  de  Saint-Urbain  l'on  portait  tant  de  gens 
On  ne  parfumait  pas. 

KUTZLERER 

Mes  compliments  sincères 
D'en  avoir  échappé;  car  on  ne  meurt  plus  guères, 
On  dit  que  c'est  fini! 

ZIWELMANK 

C'est  vrai!  mais  c'est  tant  pis! 
Si  quelqu'un  meurt  encore,  on  dit  que  les  soucis, 
Les  chagrins  l'ont  tué. 

KUTZLERER 

C'est  bien  vrai  !  La  misère 
Est  grande.  Quand  le  pain  et  les  pommes  de  terre 
Ne  manquent  pas,  on  a  plaisir  à  travailler, 
A  peiner.  De  nos  jours  on  va  s'agenouiller 

bombes  tombent  dans  le  fanbonrg  National  et  le  Marais-Vert;  l'anteiir 
de  cette  note  (M.  Auguste  Stœber)  se  rappelle  très  bien  la  terreur  que 
répandit  leur  explosion.  Agé  de  six  ans,  il  était  assis  à  l'école  Saint- 
Pierre-le-Yieux  et  faisait  de  la  charpie  pour  les  blessés. 

'  Faute  de  tournure,  intentionnelle  dans  le  texte,  et  reproduite  ici  ! 

'  Fumigations  prescrites  par  l'autorité  d'après  les  indications  da 
célèbre  Guyton-Monreau. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L' ALSACE-LORRAINE  199 

Pour  remercier  Dieu  de  sa  grande  clémence. 

zrWELMANN 

Oui,  si  le  Si^ avais  était  un  joli  J'ai, 
Mais  malheureusement  cela  n'est  guère  vrai. 
Autrefois  on  pouvait  s'en  aller  à  la  danse 
Au  Péage  sur  Teau*  pour  valser.  Maintenant 
On  nous  a  trop  salé  nos  plaisirs,  ma  cousine! 
Mais,  à  propos  de  sel  !  votre  provision 
Estrelle  déjà  faite? 

KUTZLERER 

Oh!  oui!  si  la  famine 
Ne  nous  fait  pas  crever,  o  désolation  ! 
Avant  Pâques.  Hier  à  notre  boucherie 
J'envoyais  ma  servante  acheter  un  gigot, 
Douze  livres  encor  de  côtis.  Ce  nigaud 
De  boucher,  croyez-vous  qu'il  Tait  vite  servie? 
«Oui!  des  tripes!  dit-il,  surtout  ne  soufflez  mot! 
C'est  encor  bien  heureux  pour  vous  si  je  vous  livre 
Des  tripes! »  Ma  cousine,  eh  bien!  qu'en  dites-vous? 
Y  a-t-il  de  nos  jours  encor  moyen  de  vivre? 

ZIWELMANN 

Il  en  est  tout  à  fait  de  même  pour  nous  tous. 
Au  marché,  marchandant  une  botte  d'herbages 
Pour  la  soupe,  on  en  veut  douze  sous,  a  Mille  orages 
T'écrasent!»  dis-je  alors,  «gardez  votre  butin!» 
En  jetant  son  paquet  à  cette  jardinière. 
Ce  n'est.  Dieu!  pas  permis!  et  de  toute  manière 
On  a  de  grands  ennuis. 

KUTZLERER 

C'est  aussi  mon  chagrin  ! 
On  peut  longtemps  courir  avant  que  l'on  ne  happe 

^  Sobriquet  d'une  auberge  établie  au  confluent  de  l'Ill  et  d'un  braa 
du  Ehin,  nommé  Murgiessen. 


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200  REVUE    D'ALSACE 

Un  objet  bon  marché.  Tout  !  tout  est  hors  de  prix. 
Partout  du  mauvais  beurre  et  des  œufs  trop  petits. 
Plus  rien  de  bien!. . .  Je  n'ai!  que  le  diantre  m'attrappe! 
Je  n'ai,  fatalité!  plus  un  morceau  de  bois 
Chez  moi,  lorsque  pourtant  nous  avons  cette  fois 
Un  bien  plus  rude  hiver  que  de  ma  souvenance 
On  n'en  a  vu  jamais.  A  mon  homme  je  dis  : 
«Va!»  lui  dis-je,  «va-t'en  acheter  &  tout  prix 
Du  bois.»  Il  dit:  «Je  crois,  «me  dit-il,  «qu'en  démence 
Tu  tombes!  nulle  part  on  n'en  a.  Je  voudrais 
Parier  qu'on  pourrait,  suivant  le  long  des  quais 
Sans  en  trouver  un  brin,  côtoyer  la  rivière 
Oui!  d'ici  tu  pourrais  courir  au  Pont-Couvert,* 
De  là,  sans  en  trouver,  pousser  au  Marais-Vert»  * 
Il  faut  cuire,  rôtir!  Sans  bois  comment  donc  faire? 
Et  surtout  quand  encore  il  faudrait  lessiver. 

ZIWELHAITN 

Oh!  misère!  cousine!  on  ne  peut  rien  trouver 
Que  vin,  tabac  et  sel,  de  la  viande  fumée. 
Percale  et  mousseline.  0  !  la  funeste  année 
D'avoir  les  ennemis  ainsi  sur  notre  dos. 
Autour  de  notre  ville  est  un  vivant  enclos 
Que  font  pour  l'affamer  le  Russe  et  le  Cosaque. 
Mon  homme,  deux,  trois  nuits  par  semaine,  bivaque, 
Tantôt  au  corps  de  garde  et  tantôt  au  rempart. 
Pour,  contre  le  Ealmouck,  diriger  son  regard. 
Et,  pendant  qu'il  parade  ou  qu'il  fait  la  patrouille, 
Moi  je  suis  toute  seule  assise  à  ma  quenouille. 
Mais  songez  donc  qu'hier  avec  un  étendard^ 
Il  est  rentré  la  nuit 

'  P&ni'Cou/vert,  pont  à  l'entrée  de  la  Bruche  dans  la  viUe.  Une  pri- 
son militaire  s'y  trouve. 

*  Marais-Vert  {Grûen-Bruech),  non  loin  de  la  gare  du  chemin  de  fer. 

*  Bapporter  wn  étendart,  rentrer  gai.  Le  traducteur  a  été  forcé  de 
conserver  cette  figure  (qu'on  ne  comprend  pas  en  français),  à  cause  du 
malentendu  qu'il  doit  produire  chez  Tinterlocutrice. 


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UTTÉRATCIUS  POWLAmi  DB  L*ALSACE-LORKAIlfE  901 

KTTTZLEBER 

Jésus!  Dieu!  ma  cousine! 
Pris  sur  ies  ennemis  ? 

ZIWELMÀ5K 

Allez  donc!  je  badine! 
Ce  n'était  qu'un  grand  sabre,  un  plumet,  un  pompon 
Qu'il  venait  rapporter  ce  soir-là  du  Mouton! 
L'auberge!. . .  Quand  il  est  dedans  son  uniforme, 
Il  est  tellement  béte  :  il  en  éprouve  énorme 
Plaisir!  D  dit  alors:  a  Frères,  je  suis  paré!» 
De  sa  tête  l'orgueil  s'est  si  bien  emparé 
Que  toutes  fois  qu'il  va  pour  faire  l'exercice. 
Il  vous  fait  le  flambard  que  c'en  est  à  crever! 
Parce  qu'il  est  gradé! 

BTUTZLEBEE 

Oh!  la  belle  malice! 
Qu'il  ait  un  grade  ou  non,  je  sais  bien  conserver 
Mon  mari  près  de  moi  !  Je  ne  suis  pas  si  bête! 
C'en  était  un  aussi,  celui-là,  dont  la  tête 
Etait  près  du  bonnet  Mais  il  est  aujourd'hui 
Paisible,  réparant  sans  y  trouver  d'ennui. 
Les  boucles  de  souliers.  *  Il  reste  au  domicile. 
Ne  va  pas  dans  la  rue,  et  bien  moins  chez  Baldner,  ^ 
Au  jardin.  S'il  voulait  encor  faire  le  fier, 
Tonnerre  !  je  saurais  le  rendre  plus  docile  ! 

^  Il  raccommode  des  boudes  de  souliers.  Le  traducteur  croyait  que 
cela  Youlait  dire  qu'il  «s'occupe  plus  paisiblement».  M.  Bergmann  con- 
sidère le  terme  de  «raccommodeurs  de  boucles  de  souliers»  comme  un 
sobriquet  donné  aux  simples  soldats  du  centre,  généralement  gens  de 
petits  métiers,  tandis  que  les  grenadiers  et  voltigeurs  de  la  garde  natio- 
nale se  recrutaient  chez  des  gens  riches,  les  artiUeurs  dans  des  métiers 
exigeant  une  certaine  habileté. 

*  Jardin  Baldner,  cabaret  champêtre,  hors  la  porte  d'Austerlitz  sur 
la  route  du  Polygone. 


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02  REVUB    D  ALSACE 

Je  vous  Tarrangerais!  Non!  tant  que  je  verrai 
De  mes  deux  yeux  encor,  je  ne  le  laisserai, 
Cousine,  croyez-m'en;  s'éloigner  de  la  tresse 
Qui  tient  mon  tablier. 

ZIWELMANN 

Vous  êtes  la  maîtresse 
Et  savez  commander.  Mais  le  mien  ne  se  laisse 
Maîtriser.  On  le  met  toujours  dans  ses  états 
Avec  le  moindre  mot.  De  jouer  aux  soldats 
Lui  fait  tant  de  plaisir;  quant  à  moi,  ça  me  lasse! 
Pourvu  que  ça  finisse! 

EUTZLERER 

Oh!  pour  moi  ça  m'agace 
Aussi,  chère  cousine,  et  c'est  là  justement 
Qu'ils  trouvent,  nos  maris,  leur  grand  amusement 
J'aimerais  bien  donner  un  beau  repas!  oui,  certes! 
Si  nos  portes  pouvaient  bientôt  être  rouvertes. 
J'y  courrais  au  plus  tôt 

ZIWBLMANN 

Combien  de  temps  déjà 
Les  verroux  sont-ils  mis  ? 

KTJTZLEBER 

Au  jour  de  Saint-Etienne  * 
Je  fus  dans  mon  jardin,  et  ce  jour  j'allai  là 
Pour  la  dernière  fois. 

ZIWELHAim 

Cousine!  quelle  peine 
On  me  fait  éprouver  en  parlant  de  jardin. 
Ah!  quand  pourrai-je  donc  reprendre  le  chemin 
Du  mien?  De  le  revoir  fortement  il  me  tarde. 
Mes  fleurs  sans  doute  y  sont  dans  de  piteux  états! 

'  La  Saint-Etienne,  lendemain  de  Noël. 


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LITTÉRATDEE  POPULAIRE  DE  L^ALSACB-LORRAINE  205 

Là  les  fiadois  ont  mis  un  de  leurs  corps  de  garde. 
Je  n'y  trouverai  rien!  car  ces  nombreux  soldats 
Auront  exterminé  mes  belles  violettes. 

KUTZLEREB 

£t  les  ognons  à  fleurs?  Quand  régnent  des  disettes 
Dans  leur  camp,  ils  les  font  blanchir  rapidement, 
Après  ça,  sur  le  pain,  ils  en  font  simplement 
Quelques  tartines  dont  ces  êtres  se  régalent 
C'est  de  cette  façon,  hélas!  qu'ils  nous  avalent 
Et  nos  oreilles  d'ours,  et  nos  beaux  seringats. 
Et  beaucoup  d'autres  fleurs,  nos  belles  giroflées! 
La  chose  qui  me  met  surtout  dans  mes  états 
Ce  sont  mes  blimela  ^  laverie  avalées 
De  la  sorte.  0  malheur!  malheur!  Si  le  blocus 
Dure  encore  longtemps,  on  n'aura,  ma  foi!  plus 
De  légumes. 

ziWELMiiinfr 
Le  diable  alors  les  patafiole! 
Four  les  fleurs,  s'il  le  faut,  cousine,  on  s'en  console! 
Les  légumes,  les  fruits  nous  tiennent  plus  au  cœur! 
Sans  petits  pois,  navets,  sans  chou  vert  ni  chou-fleur. 
Sans  salsifis,  comment  nous  faudra-tril  donc  faire? 
Sans  reine-claude  encor,  qwetsche,  poire,  abricot 
Que  mangerons-nous  donc?  Ma  foi!  cousine,  il  faut 
Désespérer! 

KUTZLERER 

Oh  non  !  moi,  cousine,  j'espère 
Que  bien  avant  ce  temps  on  aura  fait  la  paix. 
L'hebdomadaire  dit  qu'on  s'en  trouve  bien  près. 

^  Blimula  Laveris,  fausse  prononciation  pour  Primula  verts,  prime- 
Tère.  Les  Alsaciens  aiment  défigurer  les  mots  qu'ils  ne  comprennent 
pas  de  manière  à  leur  donner  un  sens,  et  Blimula  Laveris  signifie  en 
aUemand  «la  petite  fleur  Laveris»,  tandis  que  le  Trai  mot  latin  signifie 
la  primeur  du  printemps,  la  primevère.  A  Mulhouse  on  dit  Primdeféri. 


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ziwjSLlfASir 

On  en  parle  beaucoup  :  ce  ne  sont  que  sornettes: 
Cousine,  on  ne  peut  plus  se  fier  aux  gazettes. 

EUTZLEKKB 

Je  sais  de  bonne  main,  croyez-le,  je  le  sais, 
Nous  serons  débloqués. 

ZIWELHAJSrS 

Oui  !  au  grand  Saint-Jam^«-is  ! 

KUTZLERER 

Les  portes  vont  s'ouvrir.  Le  gros  de  la  souflfranc  ^^ 
Est  passé. 

ZIWELMÂirN 

Ma  cousine  !  ayons-en  Pespérance. 
Haguenau,  juin  1881. 


/ 
n.  Après  la  bloens  ^ 

KTTTZLEREB 

Aha!  cousine,  eh  bien?  N'est-on  pas  plus  heureu:^^ 
Dites,  qu'on  ne  Pétait  en  ces  temps  désastreux 
Où  nous  étions  bloqués  ?  Ça  ne  durera  guère, 
Disais-je,  nous  verrons  la  fin  de  la  misère. 
Eh  bien  !  le  paysan  revient,  et  Ton  aura 
Des  légumes,  cousine,  et  tout  ce  qu'il  faudra. 
Oui!  bientôt  nous  allons  nager  dans  l'abondance. 

*  Le  traducteur  ne  peut  s'empêcher  de  faire  remarquer  combien  dix 
aimées  de  despotisme  impérial  ont  émonssé  les  sentiments  de  patrio- 
tisme des  Strasbonrgeois  que  le  régime  de  la  Terreur  n'arait  pu  entamer. 

Gomme  l'éditeur  de  la  seconde  édition  du  texte  allemand,  le  traduc- 
teur trouve  que  si  ces  deux  morceaux  sont  vraiment  d'Arnold,  l'auteur 
du  Pfingstmontag  aurait,  en  fort  peu  de  temps,  fiiit  d'énormes  progrès 
dans  la  versification  et  l'orthographe  phonétique  strasbourgeoise.  (Voir 
El8à89Uch8  SehoMàsUl,  page  332.) 


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LITTÉRATURB  POPULAIRI  DE  L'id^CÈ-LORRAmB  SX)5 

Eh  !  ne  pouvons-nous  pas  déjà  faire  bombance 
Trempant  dans  le  café  de  petits  pains  au  lait 
D'un  sou. 

ZIWELMAjm 

L'on  croit  rêver.  Je  n'en  voulus,  cousine 
Rien  croire,  tout  d'abord.  Et  Ton  ne  s'imagine 
Quel  efiet  ça  me  fit  quand  partout  on  disait  : 
c  Bonaparte  n'est  plus  sur  le  trône,  et  l'on  met 
Une  cocarde  blanche  au  chapeau!  »  —  c  Quelle  aubaine! 
Nous  avons  donc  la  paix  !  Le  Seigneur  soit  béni!  » 
Répondis-je  aussitôt,  et  puis  à  mon  mari 
Je  dis  :  c  Tu  combattis  assez  longtemps.  Rengatne 
Ton  glaive,  et  viens  vers  moi.  J'éprouve  un  tel  bonheur 
Qu'il  faut  que  je  t'embrasse!  » 

KTJTZLEREB 

Et  moi,  je  le  confesse, 
Comme  vous,  je  sentis  renaître  l'allégresse 
Dans  mon  cœur.  Mon  mari  se  mit  avec  ardeur 
A  servir  promptement  un  festin  confortable, 
Plaçant  force  jambon,  saucisses  sur  la  table. 
Puis  avec  ses  amis  vidant  un  tonnelet  : 
«  Car,  leur  dit-il,  comment  un  fidèle  si^et 
Fera-t-il  plus  d'honneur  au  roi  qu'en  vidant  caves 
Et  cuisines?  Longtemps  on  nous  a  vus,  tout  hâves, 
Nous  priver.  Maintenant  il  serait  fou  vraiment, 
Celui  qui  ne  voudrait  s'offrir  de  l'agrément  I  » 

ZIWELMÂlfK 

C^est  mon  opinion.  Puisque  notre  détresse 
Prend  fin,  respirons  donc,  délivrés  du  tourment 
De  la  disette. 

KUTZLERER 

Oh  oui!  et  remplis  d'allégresse 
Nous  pouvons  contempler  avec  contentement 


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206  REVUE    D'ALSACE 

Au  Broglie  un  beau  tas  de  sacs  pleins  de  froment 
Cochons,  oisons,  bœufe,  veaux,  tout  ça  gaîment  fourmille 
Autour  de  nous,  cousine. 

ZIWELMAim 

Oui!  Tout  chacun  frétille 
Et  revit  Chaque  femme  a  le  contentement 
De  ravoir  son  mari,  d'en  jouir  pleinement, 
Et  le  roi  n'aurait  pu  faire  pour  la  famille 
Non  !  rien,  dont  tous  les  cœurs  seraient  plus  réjouis  : 
Vive  donc  ce  bon  roi!  vive  le  roi  Louis! 

Rioz,  mai  1881. 


VI 

LES  PAYSANNES  DÉSOLÉES  ' 

Quel  malheur!  ah!  j'enrage! 
.Est-ce  vrai  ce  qu'on  dit? 
La  plus  belle  et  plus  sage 
Tapera  de  dépit! 

—  On  vient  de  me  l'apprendre  : 
De  dix-huit  à  trente  ans 

Pour  la  guerre  on  veut  prendre 
Tous  les  beaux  jeunes  gens! 

—  Diable!  que  faut-il  faire? 
Geindre?  ou  pousser  des  cris? 
Ou  bien  rire?  ou  nous  taire? 
Nous  restons  sans  maris  ! 

^  Chanson  en  dialecte  du  Kochersberg  avec  refrain  en  tyrolienne. 
Le  traducteur  la  croît  inédite;  il  la  connaît  par  tradition  orale.  Elle 
est  donc  sans  date  ;  mais,  d'après  le  sujet  qu'elle  traite,  elle  doit  être 
d'une  des  trois  années  1813—1815.  C'est  de  plus  une  préface  naturelle 
au  «  bavardage  >  suivant. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DB  L'ALSACE-LORRAINE  207 

—  Pourquoi  te  mettre  en  rage? 
Tu  peux  prendre  le  vieux 
Jeannot  de  ton  village  ^ 

Si  tu  ne  trouve  mieux. 

—  Ah!  de  cet  imbécile, 
Va!  ne  me  parle  point, 
Car,  trois  heures  de  iile, 
Il  vous  reste  en  son  coin! 

De  beaucoup  je  préfère 
Martin  le  menuisier. 
S'il  revient  de  la  guerre 
D  veut  me  marier!' 

—  Tu  ne  peux  pas  l'attendre 
Va!  tu  ne  Tauras  pas! 
Toutes  voudront  le  prendre, 
C'est  un  bien  trop  beau  gas! 

Rioz,  juillet  1881. 


VU 

CONVERSATION 

entre  les  honorables  et  vertueuses  demoiselles-cousines 
Ame-Marie  Spitznàsel  et  Catherine -Barbe  KrumhdiseU 

1814 

SPITZNASEL 

Hé  !  comme  vous  courez?  Pourquoi  tant  vous  presser? 
Quelque  chose  d'affireux  vient  donc  de  se  passer  ? 

^  Dans  le  texte  Hansd  vun  Fume,  Jeannot,  de  Fûrdenheim.  Ce  nom 
de  tillage  pourrait-il  mettre  sur  la  voie  de  Torigine  de  la  chanson? 

*  Le  traducteur  emploie  ici  le  mot  marier  dans  un  sens  que  le  lan- 
gage rutUque  doit  admettre,  quand  même  l'Académie  le  condamnerait. 

'  Les  paysannes  désolées  Pétaient  à  cause  de  la  difficulté  de  trouver 


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S08  RBVUB   D'aLSACB 

EBUHHiBLSEL 

Ah!  cousine,  je  viens  de  me  sauver  si  vite! 

SPITZITiBSEL 

Sans  doute  d'amoureux  vous  fuyez  la  poursuite. 
Ah!  j'ai  bien  deviné!  Gomme  votre  cœur  bat! 
Et  vos  yeux!  brillentrils,  cousine,  d'un  éclat! 
Sur  votre  cou  l'on  voit  des  gouttes  aussi  grosses 
Qu'un  poing. 

KBUMHiBLSEL 

C'est  vrai,  cousine.  A  quels  dangers  atroces 
J'échappe  en  ce  moment!  Et  je  crois  que  depuis 
Quinze  ans  je  n'eus  de  cas  pareil.  Je  me  promène 
Près  la  porte  des  Juifs.  Tranquillement  je  suis 
Le  fatte  des  remparts,  quand  tout  à  coup,  sans  gêne, 
Un  Welsche  *  vient  vers  moi  me  saluer  bien  bas. 
«  Eh,  Monsieur,  il  ne  faut  pas  tant  de  politesse  ! 
Lui  répondis-je  aussitôt.  Allez,  qu'on  me  laisse 
Passer  par  mon  chemin.  Je  ne  vous  connais  pas.  » 
—  «  Sans  avoir,  ^  me  dit-il,  Vhonneur  de  vous  connaître, 
Vous  êtes  seule  ici,  voulez-voiLS  me  permettre 
De  vcvs  offrir  le  bras  pour  vous  accompagner  f  » 

im  mari  conTenable  à  la  suite  des  levées  faîtes  dans  les  dernières  années 
de  l'Empire. 

«Mesdemoiselles-mes-consines»  Anne-Marie  Nezpointa  et  Catherine- 
Barbe  Contordn  sont  bien  plus  henrenses  : 

n  en  Tient  on  tout  seol! 

Mais  quel  maril  Un  de  ces  gnerriers  qui,  comme  le  comte  de  Rantzan, 
ont  laissé  sur  chaque  champ  de  bataiUe  une  partie  de  leur  personne. 
Soudain  le  canon  qu'on  tire,  pour  annoncer  la  conclusion  de  la  paix, 
vient  leur  donner  l'espoir  de  trouver  encore  bien  mieux. 

^  WèUche,  Français  parlant  la  langue  française.  Traduction  du  mot 
«GaUoued»  que  les  Bretons  opposent  aux  «Brezonnek»  et  traduction 
d'autant  plus  juste  que  VTelsclie  aussi  veut  dire  Gaulois. 

'  Tout  ce  qui  est  en  italique  est  en  français  dans  le  texte. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DB  L'ALSACB-LORRAINE  S09 

—  «  AUez,  Movssié,  lui  dis-je,  aUez-vous  promener  f^ 
Vous  êtes  dans  Terreur!  épargnez-vous  la  peine 

Je  ne  suis  de  ces  gens  qu'à  son  bras  on  emmène. 

—  «  Vous  êtes  bien  cruelle.  Arrêtez  un  moment! m 
Me  dit-il  aussitôt,  et  fait  du  sentiment. 

Vous  savez  comment  sont  les  Welsches.  En  paroles 
Et  mines  ils  sauront  toujours  remplir  leurs  rôles 
Pour  séduire  les  cœurs.  Il  me  dit  :  a  quels  heavac  yeux! 
Quel  joli  petit  pied!  Il  est  délicieux!  » 
Et  puis  sur  moi  fixant  un  tel  regard  de  flamme 
Que  je  crus  qu'il  voulait  pénétrer  dans  mon  ftme. 
c  Ne  voyez  pas  en  moi,  dit-il,  un  séducteur. 
Je  veux  mejaire  aimer  et  toucher  votre  ccmr. 
Ecoutez-moi,  de  grâce^  et  dites-moi,  ma  belle. 
Votre  caswr  est-4l  libre?  Etes^ous  demoiselle  fy^ 

—  «Pour  vous  servir!  lui  dis-je,  et  laissez-moi  passer 
Plus  longtemps  mon  honneur  défend  de  converser.  » 

—  «Je  n'insisterai  pas,  mais  veuillez  bien  m*  apprendre 
Si  demain  en  ces  lieux  vous  daignerez  vous  rendref  » 

—  «Ah!  me  préserve  Dieu  de  donner  rendez-vus, 
Adié,  Moussié,  adié,je  ne  vus  verrai  plus!  » 

Et  sur  cela  je  pris,  dans  ma  grande  détresse 
Le  chemin  sous  les  pieds  et  vins  avec  vitesse 
Vers  vous.  Je  vais  rentrer  et  remercier  Dieu 
De  m'avoir  arraché  du  danger  en  ce  lieu« 

SPITZN^SEL 

Que  dites-vous?  cousine?  Et  pourquoi  tant  vous  plaindre? 
Dans  ces  temps  malheureux  où  chacune  est  à  craindre 
En  cherchant,  de  ne  pas  trouver  un  amoureux. 
Il  en  vient  un  tout  seul.  Mais  c'est  miraculeux! 

KRUMRSLSEL 

Si  ce  n'était  un  Welsche.  On  n'a  pas  confiance 
En  eux.  On  leur  reproche  une  grande  inconstance. 

Noarelle  Séne.  —  ii**  année.  14 


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210  REVUE    D'ALSACE 

SPITZN^SEL 

La  langue  n'y  fait  rien.  Moi,  je  m'en  moquerais! 
C'est  bien  égal  qu'on  parle  allemand  ou  français, 
Ne  faites,  croyez-m'en,  pas  tant  la  difficile 
De  peur  que  ce  gibier  ne  s'échappe  et  ne  file. 
Mais  comment  est-il  donc?  Est-il  jeune  ou  bien  vieux? 
Est-il  bien  fait  et  beau?  A-t-il  beau  nez,  beaux  yeux? 
Un  beau  nez  de  nos  jours  ne  nuirait  pas  pour  plaire, 
De  beaux  mollets  non  plus.  En  a-t-il  une  paire 
Respectable  ? 

KRUMH^LSBL 

Oh!  je  suis,  ma  cousine,  au-dessus 
De  cette  question  de  l'âge,  et  ne  veux  plus 
De  jeune  fat,  bien  sûr,  pour  toute  chose  au  monde. 
Il  paraît  respectable.  A  son  menton  abonde 
La  barbe.  On  ne  pourrait  le  mener  par  le  nez. 

SPITZN^SEL 

Est-il  donc  si  méchant?  Vraiment!  vous  m'étonnez. 

KRUMH^LSEL 

Il  ne  le  paraît  pas.  Mais  il  porte  à  la  place 
De  son  nez  un  emplâtre.  Hélas  !  dedans  la  glace 
De  Moscou  ce  beau  nez  resta.  La  nation 
En  retour  lui  donna  la  décoration. 
Il  s'en  console  donc. 

SPITZN^SEL 

Jésus!  c'est  pitoyable! 
Embrasser  un  mari  sans  nez!  c'est  effroyable. 

KRUMH^LSEL 

Pour  cela  l'on  n'a  pas  besoin  d'un  gros  trognon. 
Hélas,  au  lieu  de  bras,  il  n'a  plus  qu'un  moignon. 

SPITZIf^SEL 

Mais  est-il  bien  bâti?  Est-il  alerte,  ingambe? 


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LITTÉRATUIIE  POPULAIRE  DE  L'ALSACB-LORBAmE  211 

KRUMH^LSEIi 

Non!  malheureusement  II  ne  peut  être  fier 

De  ses  mollets.  Pourquoi?  c'est  qu'il  n'a  qu'une  jambe, 

Puisque  l'autre  est  en  bois. 

SPITZN^SEL 

Oh!  ça  paraît  amer! 
Mais  ça  ne  rendrait  pas  ma  chevelure  grise 
Et  je  ne  serais  pas  un  moment  indécise. 
Prenez-le  comme  il  est  C'est  toujours  un  mari, 
£t  cette  marchandise  a  si  fort  renchéri 
Que  l'on  peut,  sans  rougir,  prendre  un  homme  ayant  bosse. 
Jambe  de  bois,  moignon,  ou  marchant  à  la  crosse. 
Si  vous  le  voulez  bien,  j'irai  sur  le  rempart 
Avec  vous  dès  demain,  et  si  du  béquillard 
Vous  n'êtes  pas  jalouse,  il  faudra  qu'il  décide 
A  laquelle  de  nous  il  servira  de  guide  : 
Peut-être  bien  aux  deux. 

ERUHH^LSEL 

C'est  ça!  voici  ma  main  ! 
Notre  bonheur  va-t-il  se  décider  demain? 
Mais  silence!  écoutez!  qu'est-ce  que  ça  veut  dire? 

SPITZK^ffiSEL 

Oui!  je  l'entends  aussi!  c'est  bien  vrai  que  Ton  tire. 
Sans  doute  pour  la  paix.  Quel  bonheur!  Songez  donc! 
D'Allemagne  nos  gens,  dans  un  délai  peu  long 
Reviendront,  oh  bonheur!  Alors  on  pourra  faire 
Choix  parmi  des  milliers  du  mari  qu'on  préfère. 
Même  on  a  prétendu  que  le  bon  roi  Louis 
Avant  tout  soucieux  du  bien  de  son  pays 
Yeut  que  chaque  soldat  aille  former  famille. 
On  ne  pourra  bientôt  plus  voir  de  vieille  fille, 


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212  REVUB  d'àlsage 

où  si  peu  !  je  ne  puis  supporter,  par  ma  foi! 
Ce  bonheur  plus  longtemps!  Vivat!  vive  le  roi!  ' 

Rioz,  mars  1881. 


VIII 

CONVERSATION  GÉNÉRALE 

entre  deux  vieilles  commères.  —  ^Madame-ma-cousine^  A  et 
^Madame-ma^cousinein  B  se  rencontrent  sur  la  place  Saint- 
Pierre^le-jeune,  le  8  juillet  1815. 

Pendant  le  second  blocus.' 
A 
Cousine!  où  donc  si  vite?  Arrêtez  un  moment 

B 
Je  n'ai  le  temps,  ma  chère.  Il  faut  que  promptement 
J'achète  un  peu  de  son.  L'on  ne  sait  comment  foire 
Pour  en  trouver,  vraiment! 

A 

C'est  comme  moi,  ma  chère. 

^  M.  Bergmann  attribne  ce  dialogue  à  Arnold,  ftgé  de  34  ans.  D  a  été 
pnbllé,  en  été  1814,  chez  yenye  Bader,  place  du  Dôme,  n^  14.  Prix  : 
cinq  sous.  D'antres  l'attribuent  à  Madame  Engelhard  (née  Schweig- 
hœnser),  d'autres  même  au  libraire  Eoenig. 

*  «L'expérience  rend  sage!»  Telle  est  la  moralité  à  tirer  de  ce  dia- 
logue, surtout  si  on  le  compare  à  celui  du  premier  blocus.  Partout  des 
volailles  et  du  bétail,  amené  surtout  par  les  parents  de  la  campagne 
réfugiés  en  ville. 

n  est  de  W^^  Charlotte  Engelhard,  fiUe  du  célèbre  helléniste 
Schweighœuser  et  sœur  de  l'archéologue  Geofiroi  Schweighseuser. 

La  collection  Heitz  renferme  deux  manuscrits  de  ce  dialogue,  dont 
l'un,  la  minute,  de  la  main  de  l'auteur,  renferme  quelques  corrections 
et  est  sans  titre.  L'autre,  écrit  par  une  main  d'homme,  est  précédé  du 
titre  et  de  la  date  donnés  ci-dessus. 


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LITTÉRATURB  POPULAIRE  DB  L'ALSACB-LORRAINB  213 

Mais  que  font  vos  canards  et  vos  jeunes  oisons? 
C'est  là  la  question  qu'à  chacun  nous  faisons, 
Quand  nous  l'apercevons  du  plus  loin  dans  la  rue. 

B 
On  s'en  occupe.  Us  sont  d'une  belle  venue 
Et  déjà  bien  jolis,  oison  comme  canard! 
Avec  du  bon  mais  nous  emboquons  les  oies. 
Vous  devriez  bien  voir  les  magnifiques  foies. 
Aux  ailes,  au  poitrail  est  un  plastron  de  lard  : 
C'est  qu'on  y  mordrait  bien.  Oh!  cette  gourmandise 
En  ces  temps  malheureux  ne  nous  est  pas  permise, 
Mais  nous  y  reniflons  et  gardons  pour  plus  tard 
Le  meilleur! 

A 
Quoi!  comment!  enseignez-moi  votre  art 
Par  ces  grandes  chaleurs,  comment,  je  vous  demande. 
Vous  y  prendrez-vous  donc  pour  conserver  la  viande? 

B 

Ma  foi!  c'est  justement  parce  qu'on  est  bloqué. 
En  canicule  encor,  que  l'on  s'est  appliqué 
A  trouver  des  moyens  qu'en  autre  circonstance 
On  n'aurait  pas  trouvés.  Vous  aurez  connaissance 
De  la  recette.  On  dit  que  l'on  peut  conserver 
La  viande  fratche,  et  si  l'on  ne  peut  pas  trouver 
Autre  chose,  il  faut  bien  la  manger  telle  quelle. 

A 
Oh  !  nous  n'aurons  pas  faim.  Notre  ville  vit-elle 
Jamais  chez  elle  autant  d'animaux  à  la  fois? 
SchUtigheim  est  chez  nous?^  Partout  le  caquetage 
Des  volailles  !  Partout  de  la  remise  au  bois 

^  «ScMltigheim  est  chez  nous!»  Cette  phrase,  barrée  dans  laminnte, 
a  été  conservée  par  les  éditeurs  du  SéhaUkâstél  comme  dépeignant 
rvremeniy  quoiqu'ayec  on  peu  d'exagération,  l'état  de  Strasbourg  à  cette 


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214  REVUE  d'àlsâce 

On  a  fait  une  étable.  Au  haut  de  tous  les  toits 
J'entends  les  coqs  chanter.  Oh!  si  dans  ce  voyage 
Vous  veniez  avec  moi,  j'irais  au  campement. 
De  tous  côtés  l'armée  à  nos  portes  bivaque. 

B 
Oh  non!  je  n'aime  pas  pareil  attroupement. 
Cela  fait  mal  au  cœur  de  voir  comme  on  s'attaque 
Au  blé  qu'on  coupe  pour  couvrir  mainte  baraque, 
Ou  comme  en  fleurs  on  prend  jusqu'aux  pommes  de  terre! 
Un  mois  de  cette  vie,  on  verra  la  misère  ! 
La  disette  déjà  vient  répandre  ses  maux 
Sur  les  hommes  ainsi  que  sur  les  animaux. 
Le  sort  ne  le  veut  pas:  mais  j'avais  l'espérance 
Que  nous  aurions  la  paix,  quand  l'esprit  tourmenteur 
Nous  revint  de  son  île,  et,  mettant,  o  malheur! 
Tout  sens  dessus  dessous,  vint  par  sa  violence 
Nous  ramener  la  guerre.  Il  y  fera  venir 
Le  dernier  homme. 

A 
Ah  Dieu!  voulez-vous  soutenir 
Le  roi  qui  tuera  les  protestants,  et  même 
Rétablira  la  dîme.  Oh  non  !  vous  plaisantez! 
Quant  aux  privations,  eh  bien!  chacun  les  aime 
Si  c'est  pour  dominer  le  monde.  Vous  sentez 
Qu'avec  l'empereur  seul  nous  pouvons  encore  être 
La  grande  nation,  et  s'il  n'était  plus  maître 
Il  nous  faudrait  le  fils. 

B 
Portez-vous  bien.  Adieu! 
Il  me  faudrait  du  son,  et  puis  je  dois  paraître 
Au  Marais  Kageneck:  ma  vache  est  en  ce  lieu. 

lUoz,  19  mai  1881. 

époque.  L'un  d'eux  se  rappelle  très  bien  aTOir,  à  Tàge  de  quatre  ans, 
bu  le  lait  d'une  vache  que  «l'oncle  de  Schiltigheim»  avait  établi  dans 
la  buanderie  de  la  maison  patemeUe. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINB  215 

IX 

Après  le  second  bloGns.^ 

A 

Les  ennemis,  grand  Dieu,  cousine!  entrent  chez  nous! 
On  dit  que  cette  fois  ils  seront  bien  moins  doux 
Qu'ils  n'étaient  l'an  dernier.  Ils  nous  volent  et  pillent 
Et  nous  faisant  payer  encore,  ils  nous  étrillent 

B 

C'est  naturel!  chacun  devrait  y  regarder 
^Jusqu'à  deux  fois  avant  d'aller  se  hasarder 

*  Le  traducteur  rappelle  ici  l'observation  qa'il  a  déjà  faîte  an  dia- 
logne  de  la  fin  du  premier  blocus. 

Ce  dialogue,  dit  M.  Stœber,  date  des  premiers  jonrs  d'août  1815. 

Le  second  blocus  dura  réellement  du  28  juin  au  30  juillet  1815,  mais 
ne  fut  officiellement  levé  qu'au  25  septembre. 

Comme  le  précédent,  ce  dialogue  est  de  W^^  Charlotte  Engelhard, 
et  existe  à  la  bibliothèque  de  l'Université  en  copie  manuscrite  faite  par 
M.  Beitz. 

M.  Auguste  Stœber,  dans  son  recensement  de  l'édition  de  M.  Berg- 
mann,  dit: 

«Si  M.  Bergmann  exprime  le  désir  de  voir  publier  le  Mémorial  jour- 
nalier que  cette  dame  aussi  gaie  que  spirituelle  continua  jusqu'à  un 
&ge  très  avancé,  je  m'associe  volontiers  à  ce  vœu  et  en  exprime  un 
second  de  mon  côté:  c'est  qu'on  y  joigne  le  recueil  de  ses  poésies 
éparses  partout.  On  en  trouve  entre  autres  dans  le  Elsàssische  Samstags- 
blatt,  dans  le  Pfeffelsiilbum,  dans  les  Férégrinatians  à  travers  les  Vosges, 
d'Engelhard,  dans  le  Livre  des  Légendes  alsaciennes.  D'autres  poésies 
de  circonstance  inédites  et  petites  improvisations  en  dialecte  de  Stras- 
bourg doivent  avoir  été  conservées  d'elles  dans  des  familles  amies.» 

Traduire  et  citer  les  deux  vœux  ci-dessus,  c'est  s'y  associer.  C'est 
1C™«  Engelhard  qui  découvrit  et  traita  la  première  la  jolie  légende  des 
Géants  du  Nideck  qui  depuis  a  inspiré  tant  de  poètes  (voir  le  Elsàssische 
Sagenbuch,  de  Auguste  Stœber).  La  publication  de  ses  mémoires  et  de 
ses  œuvres  ne  pourrait  donc  qu'être  agréable  aux  amis  de  la  littéra- 
ture alsatique. 


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316  REVUE    D^ALSACE 

Contre  n'importe  qui,  comme  dit  le  proverbe, 
Car,  quand  on  tient  le  tigre,  à  l'animal  superbe 
Il  faut  rogner  la  griflFe.  On  était  bien  instruit 
En  pays  ennemis  comment  on  se  conduit 
Mais  eux  nous  ont  traités  d'abord  avec  clémence 
Parce  qu'ils  se  flattaient  de  la  douce  espérance 
En  usant  envers  nous  de  modération 
De  se  concilier  la  grande  nation! 
Ils  ne  nous  ont  pas  fait  assez  forte  saignée. 
L'avoine  nous  excite,  et  si  de  sa  cognée 
Notre  armée  a  cassé  le  pot,  nous  avons,  nous, 
Fracassé  le  couvercle.  Et  puisqu'alors  nous  tous 
Avons  voulu  la  guerre,  eh!  payons  nos  caprices 
En  en  supportant  tous  aujourd'hui  les  sévices. 

Rioz,  19  mai  1881. 


DIALOGUE  DE  LA  FOURRURE  DE  MARIAGE* 

19  février  1816 

A 

Quel  embarras!  cousine.  Il  faudrait  des  maris 
A  nos  filles.  Venez  me  donner  votre  avis. 
Non  pas  gratuitement,  car  à  l'indicatrice 
D'un  bon  parti  toujours  on  donne  une  pelisse. 
Et  vous  l'aurez  bien  sûr.  Moi  !  j'aimerais  beaucoup 
Pour  mes  filles  au  jeu  retourner  un  atout. 

*  Ce  dialogue  est  encore  de  M"'®  Charlotte  Engelhard;  le  manuscrit  n'est 
qu'un  brouiUon  de  sa  main  et  porte  en  bas  la  date  du  19  février  1816. 

Quant  au  titre  que  nous  lui  donnons  ici,  nous  l'empruntons  à  M.  Berg- 
mann,  qui  le  lui  donne  à  cause  d'un  mot  prononcé  par  la  première 
interlocutrice.  Quand  quelqu'un  par  son  intervention,  fait  un  mariage, 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAUTB  217 

Eh  bien!  réfléchissez!  Qui  serait  acceptable? 
Par  la  ville  y  a-t-il  quelque  jeune  homme  aimable? 

B 
Hum!. . .  Près  du  tribunal? 

A 

Allez  donc  !  ça  n'est  riep. 
L'employé  de  nos  jours  ne  sait  jamais  très  bien 
S'il  se  trouve  fixé.  L'on  croit  avec  sa  dame 
Jouir  d'un  long  bonheur;  un  enfant  natt,  ma  foi! 
Avant  que  l'on  s'en  doute,  on  a  perdu  l'emploi! 

B 

La  Révolution  et  ses  effets  funestes!. . . 
Mais  que  penseriez-vous  du  jeune  professeur? 

A 
D  est  aimable,  mais  le  parti  n'est  meilleur, 
Car  ses  appointements  sont  encor  bien  modestes. 
Le  livre  qu'il  écrit,  jamais  un  imprimeur 
Ne  voudra  l'imprimer,  et  la  faim  à  sa  table 
Met  la  nappe,  cousine. 

B 
Oh  oui!  c'est  lamentable! 
Le  capitaine,  alors? 

A 
Oh!  pour  l'avancement, 
Il  peut  y  renoncer.  Il  a  sa  compagnie 
Et  n'ira  pas  plus  loin,  et  du  licencîment 

les  jeanes  mariés  lui  doivent  un  petit  présent,  généralement  ime  pelisse, 
on  objet  en  fourrure. 

«Ce  poème,  dît  M.  Stœber,  est,  tant  k  cause  de  son  contenu,  qu'à 
cause  de  la  rapidité  du  dialogue,  qui  ne  contient  rien  de  trivial  ni 
d'inconvenant,  un  des  mieux  réussis.» 

Les  derniers  vers  contiennent  une  morale  que  le  traducteur  conseille 
aux  lecteurs  de  suivre. 


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218  REVUE    D*ALSACB 

Même  il  est  menacé. 

B 
Mais,  seigneur!  je  vous  prie! 
Qu'y  a-tril  bien  encor?  Le  jeune  étudiant 
Théologue? 

A 
Allons  donc  !  Un  curé?  mais  vraiment, 
Croyez- vous  qu'une  fille  aimerait  prendre  un  homme 
Prêchant  chaque  dimanche  et  qui  ne  sait  pas  comme 
On  fait  un  pas  de  danse?  Elles  aiment  le  bal. 

B 
Et  l'avocat,  cousine? 

A 
D  est  atteint  du  mal 
De  langueur,  et  la  farce  alors  ne  dure  guère 
Longtemps. 

B 
Mais  l'accoucheur?. . .  Ce  serait  bien  l'affaire! 

A 
Oh  non!  pareil  mari,  cousine,  ne  vaut  rien, 
Car  en  société  l'on  veut  se  rendre,  ou  bien 
N'importe  où  :  tout  à  coup  à  votre  porte  on  sonne. 
On  vient  vous  prévenir  soudain  qu'une  personne 
Geint  et  se  plaint  Votre  homme  est  forcé  d'y  courir, 
La  femme  à  la  maison  peut  rester  et  gémir. 

B 
Mais  un  pharmacien?. .  •  J'en  connais  une  paire. . . 

A 

Allons  donc!  des  lécheurs  de  bocaux  qui  vont  faire 
Des  emplâtres  :  ah!  pouh!  s'ils  n'allaient  fabriquer 
Bien  que  de  l'hypocras,  des  pâtes  pectorales? 

B 
Il  y  a  les  marchands,  mais  c'est  bien  se  risquer 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINE  219 

Dans  rien  qu'un  tour  de  main  quelques  chutes  fatales 
Emportent  leur  honneur.  Les  aflaires  vraiment 
Vont  mal.  L'argent  est  rare.  On  risque  à  tout  moment 
Qu'on  vous  prohibe  telle  ou  telle  marchandise.^ 
Aussi  bien  la  plupart  commencent  trop  en  grand. 
Par  vaine  gloriole,  ils  feront  la  sottise 
D'avoir  du  tout  meilleur.  Les  jeunes  dames  ont 
Grand  plaisir  à  cela,  et  la  plupart  se  font 
Traîner  dans  un  carrosse,  et  se  trouvent  marries 
D'épargner  aux  dépens  de  leur  bouche.  Un  marchand 
Gommence-t-il  alors,  faisant  modestement 
Le  détail,  et  vendant  quelques  épiceries, 
Des  boutons  et  des  gants,  du  fil  et  du  coton, 
On  le  méprise,  on  dit:  t Grand  Dieu,  comment  peut-on 
Prendre  un  mari  pareil?»  A  moins  que  l'on  ne  puisse 
En  trouver  un  meilleur,  et  que  l'on  se  roidisse. 
Oui!  l'on  entend  parler  tous  les  jours  sur  ce  ton. 

A 
Les  avis  sont  divers.  L'une  trouve  superbe 
Ce  que  l'autre  méprise,  à  croire  le  proverbe. 
L'une  tranquillement  et  par  toute  saison 
Va  broder,  tapisser,  et  tous  les  jours  s'applique' 
A  faire  des  dessins  ou  bien  de  la  musique. 
Une  autre  aime  bien  mieux,  parcourant  sa  maison, 
Agir,  et  diriger  un  énorme  ménage. 
Une  troisième  enlin  trouve  beaucoup  plus  sage 
De  prendre  un  professeur.  Mais  à  cette  autre  il  faut 
Un  fringant  officier,  pour  parcourir  la  terre 
Avec  lui.  L'autre  enfin,  visant  beaucoup  moins  haut, 
Derrière  son  comptoir,  au  magasin,  préfère 
Tricoter,  écouter  les  messieurs  venant  faire 

'  Allusion  aux  tyranniques  exigences  du  système  continental  qui  se 
trouTaient  encore  présentes  à  tontes  les  mémoires. 


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220  REVUE    D'ALSACE 

La  causette.  On  ne  peut  consacrer  au  tricot 
Le  jour  en  son  entier.  Et  de  rester  assise 
Ne  viendra  défraîchir  ni  son  teint  ni  sa  mise. 
Elle  a  froid  en  hiver,  mais  bien  chaud  en  été, 
Et,  cousine,  pensez  à  l'argent  qui  lui  passe 
Par  les  deux  mains,  et  sans  qu'un  mari  Tait  compté. 
Elle  peut  contenter  ses  désirs  sans  qu'on  fasse 
Le  calcul  de  l'argent  qu'elle  va  dépenser. 

B 
Cousine,  très  bien  dit!  mais  allons-nous  passer 
Chaque  condition,  chaque  état  en  revue  ? 
Si  nous  réfléchissons,  à  partir  d'aujourd'hui, 
Et  jusqu'aprës-demain,  je  crois  que  notre  vue 
Sera  toujours  qu'il  faut,  sans  compter  sur  autrui. 
Choisir  chacun  pour  soi,  car  c'est  plus  raisonnable. 
Pousser  au  mariage,  eh!  c'est  là  s'exposer 
D'avoir  des  deux  côtés  remerctments  du  diable. 
A  la  moindre  dispute  on  viendra  dégoiser 
Contre  vous,  homme  et  femme.  Ah  !  faites  épouser 
Qui  vous  voudrez,  pour  moi  je  me  crois  bien  plus  sage 
De  ne  jamais  pousser  personne  au  mariage. 

Rioz,  13  mai  188L 


XI 

CONVERSATION  TRÈS  SÉRIEDSE 
tenue  entre  trais  femmes  de  Strasbourg,  Madame  Dickhans, 
Madame  Catherine  et  la  cousine  Suzanne.  —  Colmar,  im- 
primé chez  J.'H.  Decker,  imprimeur  royale  1819.  ^ 

CATHERINE 

Ah!  Madame  Dickhans,  bonjour! 
Est-ce  qu'on  se  promène? 

^  Les  antres  bavardages  des  commères  étaient  rédigées  en  pompeux 


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LITTÉ1UTURE  POPOiAIRE  DB  L'ALSACE-LORKAINE  221 

DIOKHÂNS 

Et  VOUS?  Vous  faites  votre  tour? 
Quel  bon  vent  vous  amené? 

CATHEBIKE 

Je  viens  du  sermon  qu'on  a  fait 

Là-bas  à  Sainte- Aurèle. 
Ah!  quelle  foule!  on  n'en  pourrait 

Faire  un  compte  fidèle. 

DIGKHANS 

Ah!  si  c'était  un  peu  plus  près 

J'aurais  été  l'entendre. 
Etant  trop  grosse,  je  craindrais 

De  me  laisser  surprendre 
D'un  coup  de  sang.  Mais  dites-moi 

Le  siqet  de  ce  prêche. 

CATHERINE 

On  a  parlé,  fort  bien,  ma  foi, 

De  l'homme  quand  il  pèche, 
Et  trës  bien  décrit  les  remords 

De  notre  conscience, 
Blâmé  les  usuriers  retors 

Et  leur  grande  impudence. 
Montré  comment  l'homme  d'argent 

Vous  achète,  accapare 
Les  blés,  et  comment  l'indigent 

Aux  griffes  de  l'avare 
Se  voyant  voler  et  saigner 

hexamètres.  Celui-ci,  qne  M.  Bergmann  attribne  à  Arnold,  sautille 
légèrement  en  tétramètres  et  trimètres  iambiques.  Il  traite  des  malheurs 
du  temps,  des  accapareurs  et  usuriers,  des  banqueroutes,  des  chômages 
des  fabriques,  de  la  loterie,  de  la  superstition  des  paysans,  de  la  chro- 
nique scandaleuse,  du  rétablissement  attendu  de  la  conscription.  La 
scène  se  passe  en  1818. 


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212  REVUE    D  ALSACE 

Par  ces  gens  malhonnêtes, 
Et  ne  pouvant  plus  rien  gagner 
Va  se  couvrir  de  dettes. 

DICKHANS 

Ah!  c'est  qu'il  sait  bien  fustiger! 

J'aurais  voulu  l'entendre. 
Maint  jardinier  et  boulanger 

Du  sermon  pouvait  prendre 
Sa  part. . . 

CATHERINE 

Ce  n'est  pas  eflBrayant 
Pour  eux.  Qu'on  les  échine, 
Us  mangeront  leur  mendiant  * 
Et  boiront  leur  chopine! 

DICKHÀNS 

La  vie  est  difficile,  hélas! 

Et  grande  est  la  misère  ! 
Si  bien  qu'on  cherche,  l'on  n'a  pas 

Le  moindre  ouvrage  à  faire. 

CATHERINE 

•Aux  Quatre-Vents»'  chez  le  brasseur 

Ayant  fait  le  voyage 
Mon  homme  n'y  put,  o  malheur  ! 

Trouver  le  moindre  ouvrage. 
Sans  le  chômage  l'on  pourrait 

Gagner  dans  les  fabriques. 

DICKHANS 

Oui!  si  le  bon  Dieu  n'existait 

On  aurait  les  coliques. 
De  voir  comme  il  faut  se  priver 

*  Voir  l'énigme  à  la  fin  de  ce  dialogue  et  sa  solation. 
^  Enseigne  de  brasserie. 


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LirTÊRATUHS  POPULAIRE  DE  L*ALSÀGE-LORRAINE 

De  toute  jouissance. 
Mon  mari  voulait  achever 

Sa  funeste  existence. 
On  a  des  clients.  De  payer 

Personne  ne  fait  mine. 

CÀTHEBIinS 

Sans  eau  comment  donc  un  meunier 
Fera-t-il  la  farine? 

DICKHA178 

n  serait  superflu,  ma  foi! 

De  songer  à  la  viande. 
Sans  café,  dites,  avec  quoi 

Feraitron  la  gourmande? 

CÀTHERIITE 

Oh!  Ton  ne  peut  chez  le  boucher 

Aller  de  la  semaine. 
J'avais  de  l'argent  à  toucher. 

Grâce  à  la  bonne  aubaine, 
Je  pris  un  rôti,  tout  petit  : 

Quarante  sous!  ma  chère  ! 
Et  mon  homme,  irrité,  m'en  lit 

Presqu'une  grosse  affaire  ! 

sirzÀinTE 
C'est  un  fameux  terne,  à  propos 

Que  Bftrwel  vient  d'abattre, 
(Que  n'ai-je  pris  ces  numéros  !) 

Avec  un,  onze  et  quatre. 

DICKHÀNS 

Numéros  six,  quatorze  et  huit 
Sont  ceux  sur  qui  j'arrête 

Mes  mises,  engageant  sans  bruit 
Le  bel  habit  de  fête 

De  mon  mari.  Puis  je  revends 


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224  RSVUB   d'alsagb 

Une  taie  à  paillasse. 
Dès  qu'on  vient  rapporter,  je  prends 

L'argent  et  je  le  place 
Sur  ces  trois  nombres. 

suzAjnns 

Moi  je  crois 
Que  cette  loterie 
Est  bien  fatale!  Que  de  fois 
On  s'en  trouve  marrie 
Grand  Dieu  !  mais  il  faut  me  hâter! 
Onze  heures  et  demie! 

DICKHANS 

Oh!  vous  devriez  bien  rester 
Faire  la  causerie. 

SUZANNE 

U  faut  rentrer! 

DICKHANS 

Deux  petits  mots: 
Avez-vous  ouï  dire 
Qu'avec  chevaux  et  chariots 
L'Allemand  se  retire  ? 

SUZANNE 

Taisez-vous!  ce  serait  trop  beau! 

Je  n'ai  pas  confiance! 
Chacun,  pour  dire  du  nouveau, 

Ment  avec  impudence  : 
«Bonaparte  sur  un  bateau 

S'est  sauvé  de  son  île. 
Revenant  de  l'Inde,  un  vaisseau 

L'a  vu!»  Quel  bruit  futile  ! 

DICKHANS 

Ah  !  qu'il  y  reste,  celui-là. 


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LITTÊRATURB  POPULÂIEB  DB  L*ALSAGB-L011BAINB 

Oui!  qu'on  nous  en  délivre! 
Dans  son  tle  on  le  munira 
D'un  peu  de  savoir-vivre. 

snzijrNE 
Je  n'aime  les  raisonnements  I 

Je  hais  la  politique! 
C'est  vrai  !  ça  fait  perdre  le  temps 

Et  paraît  excentrique  ! 

CATHERIIfE 

Bavarde  !  un  grand  journal  n'est  rien 

Auprès  de  vous,  ma  chère. 
Bien  riche,  je  vous  voudrais  bien 

Avoir  comme  commère 
Ayant  charge  de  raconter 

Nouvelles  et  chroniques, 
Et,  quand  on  veille,  de  chanter 

Des  chansons  et  cantiques. 

DICKHÀKS 

Ah!  diantre!  j'allais  oublier! 

La  chose  est  si  comique! 
Quelqu'un  prit  pour  un  sanglier 

Un  cochon  domestique. 

CATHEBDIE 

Ah  !  pour  un  homme  qui  se  dit 

Si  confit  en  sagesse, 
n  n'a  pas  fût  preuve  d'esprit, 

Mais  bien  de  maladresse. 

SUZÀlïNB 

On  a  donné  le  mois  dernier 

A  nos  marionnettes. 
Chacun  a  pu  s'en  égayer. 

De  fort  belles  sornettes  : 

MooTelle  SMe.  -  11-*  «onéa.  15 


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226  REVUE  d'alsace 

C'était  la  femme  à  Jean-Boudin  * 

Qui  de  bœuf  à  la  mode 
Régalait  ses  galants.  Mâtin  ! 

Comme  on  vous  accomode 
Le  prochain.  C'était  épatant, 

On  y  crevait  de  rire, 
Et  chacun  semblait  très  content 

D'entendre  ainsi  médire. 

DICKHAN8 

Dieu!  j'allais  l'oublier.  On  voit 

Partout  la  banqueroute. 
Vous  le  savez.  La  Feuille  doit 

Le  raconter  sans  doute. 

CATHERINE 

Un  tel,  qui  s'est  terriblement 

Embourbé  dans  la  dette, 
A  bien  des  gens  volant  l'argent 

A  fait  la  pirouette. 

SUZANNE 

Gare  à  nos  docteurs,  car  on  dit 

Que  voici  leur  débâcle. 
Dans  Ottrott  un  garçon  guérit. 

Que  c'est  un  vrai  miracle.  ^ 

CATHERINE 

Oh!  ce  sont  des  mauvais  plaisants 

Qui  parlent  de  ces  cures. 
Faites  croire  à  des  paysans 

Ces  sottes  aventures. 

^  Jecm  Boudin,  polichinelle. 

*  Ottrott  est  nn  bonrg  alsacien  dans  leqnel  à  cette  époqne  un  certain 
Baschelé  on  Sébastien  se  livrait  à  des  actes  de  charlatanisme  dont  Fan, 
rapporté  dans  le  dialogne,  dnt  le  mettre  en  «fort  mauvaise  odenr.> 


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LITTÉRATUKE  POPULAIRE  DE  L' ALSACE-LORRAINE  227 

DICKHAN8 

Mon  docteur,  homme  très  savant, 
Dit:  «Malgré  ce  qu'on  beugle, 

Il  rend  la  vue  à  l'impotent, 
Et  la  marche  à  l'aveugle  !> 

SUZAimΠ

Il  produirait  en  vous  massant 

Un  effet  magnétique, 
De  ceux  qu'il  vient  toucher  chassant 

Rhumatisme  et  colique. 

CATHERINE 

Oui  !  Bftrwel  vint  un  jour  me  voir 

La  semaine  dernière, 
Et  me  racontant  qu'un  beau  soir 

Quelqu'un  l'aurait  fait  faire 
Coucher  avec  lui.  Ce  soir  là 

Ayant  trop  fait  ripaille 
Il  aurait  —  salva  venta  —  * 

Souillé  jambes  et  paille. 

DICKHANS 

Ah!  qu'il  est  propre,  le  sorcier  ! 
Quel  drôle  magnétisme! 

OATHERIKE 

Aussi  pourquoi  donc  se  lier 

A  son  charlatanisme? 
Sirach  dit  que  le  Créateur 

Créa  la  médecine  : 
Consultez  donc  un  vrai  docteur 

Et  non  ces  gens  à  mine 
De  singe. 

'  Salva  venta.  Mot  latin  adopté  par  le  peuple  :  sanf  votre  indulgence 
ou  sauf  votre  respect. 


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228  REVUE    D'ALSACE 

suzÀimE 
Midi!  mon  mari 
Doit  avoir  faim  !  Ah  !  diable  ! 
Nous  travaillons  sans  apprenti  : 
Il  faut  mettre  la  table. 

CATHERimB 

Vous  viendrez  demain,  s'il  vous  plaît, 

Car  à  la  brasserie 
Du  «Pélican»^  mon  mari  fait 

Bien  souvent  sa  partie. 
Nous  filerons.  Je  chaufferai 

Du  café.  La  consigne 
Est  qu'aussitôt  que  je  pourrai 

J'irai  vous  faire  signe. 

DICKHANS 

Ecoutez  encore  un  moment, 

Madame  Catherine; 
On  parle  de  recrutement, 

Croyez-vous,  ma  cousine, 
Que  Seppel,^  mon  fils,  rejoindra 

Le  corps,  sans  que  ça  tarde. 

CATHERUTB 

Ça  n'est  pas  encor.  Ça  viendra! 

On  va  monter  la  garde, 
Car  j'entends  battre  le  tambour. 

Il  faut  rentrer  bien  vite. 

DICKHAKS 

Allez  donc.  Mais  si  quelque  jour 

La  chose  s'accrédite, 
Dites-le.  Je  l'enverrais  bien 

^  Pélican,  enseigne  de  brasserie. 
*  Joseph. 


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UTTÉRATURB  POPULAIHB  DE  L^ALSACB-LORRAINB  229 

Alors  en  Allemagne. 
«CJomment  un  gars  comme  le  mien 

S'en  irait  en  campagne,» 
Dit  son  père,  «avec  un  plumet, 

Avec  un  pied  de  vache!»* 
J'y  mettrais  mon  dernier  objet 

Pour  qu'on  me  le  relâche 
En  lui  payant  un  remplaçant 

Nos  vignes  font  l'affaire; 
Quinze  arpents  !  mon  mari  consent 

A  les  vendre  au  beau-frère. 
Grand  Dieu!  que  les  temps  sont  mauvais, 

On  prendrait  bien  la  fuite! 
Jusqu'à  Grenoble  je  voudrais 

Me  sauver  tout  de  suite. 

CATHERINE 

Faites  comme  bien  d'autres  gens, 

Laissez  toute  jactance, 
Car  raison,  patience  et  temps 

Ramèneront  la  chance. 


Rioz,  le  19  mars  1881. 


*  ENIGME  ALSACIENNE 

DB  CHAULES  BEBNHABD 

Je  suis  on  homme  et  paurre  et  yieux 

Et  je  n'ai  dans  ma  vie 
De  jouissance.  Panvre  gnenz, 

Je  demande  et  je  prie. 
Oui  1  donnez  quelques  petits  sons, 
Bonnes  gens,  je  prlrai  pour  Yons. 

^  Pied  de  vache,  manière  pittoresque  de  désigner  le  fusil  d'infanterie. 


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230  REYUE    D^ALSàCE 

Et  puis  on  aime  me  mangei^ 
Et  pourtant  je  m'appelle 

De  même.  An  fonr  dn  bonlanger 
On  me  cnit.  De  cannelle, 

De  sncre  on  me  sanpondre.  Enfin 

Je  sois  croquant,  mon  goût  est  fin  1 

Addition  du  traductewr 

n  fant  qne  le  lecteur  soit  encore  averti 
Qu'en  bon  français  je  suis  un  dessert  assorti. 

Rioz,  le  26  mars  1881. 


Sdntion  de  Charles  Bernhard 
PeUt  conte,  traduit  de  la  prose  stratibourgeoise  en  vers  français 

Qui  ne  connaît  Paris,  capitale  du  monde, 

Et  qui,  dans  cette  ville  où  tonte  chose  abonde. 

Ne  connaît  EnOpfelfritz  et  n'a  mangé  chez  lui 

De  LewerknOpfles?  qui?  Non!  je  n'ose  aujourd'hui 

Questionner  ainsi,  car  chacun,  je  le  gage, 

A  dans  la  grande  ville  au  moins  fait  un  voyage. 

Et  tout  Alsacien  connaît,  je  le  prétends. 

Ce  EnOpfelfritz  qui  vit  au  moins  depuis  cent  ans. 

n  n'est  pas  dit  pourtant  que  c'est  toujours  le  même. 

Car,  si  Fritz  est  natif  pour  l'un  de  Schiltigheim, 

L'autre  le  dit  enfant  de  Hœnheim  ou  Bischheim. 

Je  connais  à  Paris  un  Strasbourgeois.  Il  aime 
Aller  chez  EnOpfelfritz  manger  de  temps  en  temps 
Choucroute  et  lard,  ou  bien  des  EnOpfles  succulents, 
Ou  des  Enackwurst  de  Flamm,  Mais  ce  compatriote 
Un  certain  jour  de  fête,  infidèle  à  son  hôte. 
Allait  se  régaler  dans  un  bon  restaurant 
Près  du  Palais  Royal.  On  apporte  à  notre  homme 
La  carte  qu'il  parcourt  d'un  œil  distrait.  Mais  comme 
n  y  voit  tout  à  coup  ce  beau  mot  :  Mendiant  ! 
n  se  dit:  «Tiens!  tiens!  tiens!  Dans  notre  dialecte 
On  dit  un  Betteîmann!  Ah!  bien  !  je  me  délecte 
En  me  remémorant  combien  ma  mère  a  fait 


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UTTÉKATURE  POPULAIRE  DE  L^ALSACS-LOBJUINB  231 

De  ce  plat,  employant  de  petits  pains  an  lait, 
Ajoutant  lait,  beurre,  œufs,  sans  oublier  cannelle 
Ni  sucre,  ni  grands  soins.  Aussi  les  faisait-elle 
De  façon  que  chacun  de  nous  s'en  régalait. 
De  mes  temps  de  gamin  ce  souvenir  me  touche, 
Et  rien  que  d'y  penser  l'eau  m'en  vient  à  la  bouche. 
Garçon  1  un  mendiant  h 

n  se  frotte  la  main, 
Croyant  se  régaler  en  apaisant  sa  faim. 

Tout  à  coup  le  garçon  lui  dit  :  «Monsieur,  youb  êtes 
Serri!»  Tout  en  posant  amandes  et  noisettes, 
Figues  et  raisins  secs  qui  riaient  du  grand  né 
Que  faisait  tout  à  coup  Hansdànel  *  étonné. 

Que  pensa  le  pays  arec  son  ventre  vide  ? 
Chacun  peut  le  penser.  Mais  il  fit  le  solide 
Propos  de  retourner,  pour  faire  ses  repas 
Chez  EnOpfelMtz  dont  il  connaît  au  moins  les  plats  I 

Rioz,  le  26  mai  1881. 

Ch.  Berdellé. 

(La  suite  à  la  prochaine  livraison.) 
^  Jean-Daniel. 


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REGLEMENTATION 

d'une 

FORÊT  COfflUNALE  D'ALSACE 

AUX  XV  ET  XVP  SIÈCLES 


DOCUMENT  B 


Ce  document  *  forme  un  cahier  en  parchemin  de  30  centi- 
mètres de  haut  sur  18  1/2  de  large;  c'est  une  copie  vidimée 
du  14  novembre  1630,  délivrée  par  Jean-Conrad  SchupflEher, 
greffier  échevinal  juré  à  Haguenau,  qui  Ta  faite  lui-même  {in 
fidem  manu  propria  transcripsit);  ce  document,  d'après  la 
mention  faite  à  la  fin  de  la  table  des  matières,  a  été  traduit  de 
l'allemand  en  français  par  Bircéder,  à  Colmar,  le  3  juillet  1719 
(probablement  pour  la  maîtrise  générale  des  eaux  et  forêts)  ; 
il  contient  la  transcription  littérale  des  divers  statuts  et 
règlements  arrêtés  à  difiérentes  époques  et  calqués  sur  d'an- 
ciens, sauf  quelques  changements  et  modifications  appropriés 
au  temps,  par  les  bourgmestres  et  maîtres  de  forêt  à  l'adjonc- 
tion des  notables  des  quatre  communes;  ils  sont  relatifs  aux 
droits  usagers,  à  la  surveillance  de  la  forêt  d'Aspruch,  aux 
constructions  et  à  l'entretien  des  bfttiments  d'habitation  et 
d'exploitation  rurale  ainsi  qu'aux  clôtures  des  fermes  et  des 

^  Voir  les  livraisons  des  2«  et  3«  trimestres  1881. 


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RÉGLEMENTATION  d'UNE  FORÊT  COMMUNALE  233 

champs,  à  la  plantation  d'arbres-chênes  par  les  jeunes  habi- 
tants venant  d'acquérir  le  droit  de  bourgoisie,  à  la  soumission 
aux  sentences  arbitrales  des  vingt  juges  de  la  montagne,  etc. 

Ce  vidimus  commence  par  la  copie  d'un  règlement  fait  le 
premier  vendredi  après  le  nouvel  an  1572  par  les  maîtres  de 
forêt,  bourgmestres  et  notables  des  quatre  communes,  conte- 
nant soixante-seize  articles  en  dix  rôles  d'écriture  allemande 
de  genre  et  style  modernes,  relatifs  aux  droits  usagers  de  la 
forêt  et  du  pâturage,  à  l'exploitation,  à  la  vente  et  au  par- 
tage des  produits  forestiers,  au  partage  des  amendes  de 
contravention,  et  elle  est  suivie  de  celle  d'un  règlement  addi- 
tionnel arrêté,  en  1585,  par  les  maîtres  de  forêt  et  bourgmestres 
des  quatre  villages  réunis  sur  la  montagne,  rédigé  en  trois 
articles  concernant  le  transport  et  l'emploi  du  bois  et  la 
manière  de  débiter  les  arbres  trouvés  gisants  dans  la  forêt; 
suit  ensuite  copie  d'un  autre  règlement  du  mardi  14  oct  1595, 
arrêté  entre  les  bourgmestres  et  les  maîtres  de  forêt  avec  la 
participation  des  notables  convoqués  au  son  des  cloches  des 
quatre  villages,  contenant  des  stipulations  réglementaires 
pour  chacun  de  ces  villages  séparément  au  sujet  des  clôtures 
par  haies  vives  et  palissades  de  l'intérieur  et  de  l'extérieur 
des  localités;  cinq  pages  d'écriture. 

Suit  copie  de  quatre  pages  d'écriture  d'un  règlement  fait  le 
18  mai  1589  entre  les  notables  députés  des  quatre  villages 
pour  vider  le  conflit  qui  s'était  élevé  entre  les  maîtres  de  forêt 
et  les  quatre  communes,  en  fixant  les  conditions  de  ceux-là 
pour  ce  qui  concerne  leurs  salaires,  leurs  droits  usagers  en 
matière  de  pâturage,  de  vente  de  bois,  de  partage  d'amendes 
de  contraventions,  etc. 

Autre  copie  d'une  transaction  faite  en  1601  devant  les  vingt 
juges  convoqués  sur  la  montagne,  les  gobelets  pleins  en  mains, 
prononçant  la  sentence  arbitrale  sur  les  conflits  qui  s'étaient 
élevés  entre  les  quatre  villages  et  V  l'abbesse  du  monastère 
de  Kônigsbrûck,  celle-ci  y  étant  représentée  par  Gaspard 


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234  KEVUB    D*ÀLSACE 

Heigell,  son  intendant  de  la  maison  et  George  David,  au  sujet 
du  curage  du  lit  de  la  rivière  die  AUbach  dite  Ablossbach  ou 
canal  de  décharge,  dans  le  ban  et  finage  des  quatre  villages, 
travaux  qu'elle  avait  fait  exécuter  sans  en  avoir  donné  avis 
aux  quatre  communes.  2""  le  gentilhomme  Philippe  de  Flecken- 
stein  au  siget  d'une  contravention  encourue  par  lui  en 
prenant  dans  la  forêt  TAspruch  du  bois  pour  palissades  et  des 
branchages  pour  clôtures  des  champs  à  Bôdern,  détruits  par 
ceux  de  Hatten  et  rétablis  par  le  seigneur;  on  a  transigé  au 
sujet  de  Pamende  avec  les  mattres  de  forêt. 

Sur  une  page  à  part  se  trouve  transcrite  la  formule  du 
serment  de  fidélité  à  prêter  par  les  employés  des  quatre  vil- 
lages dont  voici  la  traduction. 

«  Je  jure  d'avoir  donné  ma  foi,  d'avoir  reçu  mes  instructions 
que  je  suivrai  en  tout  fidèlement,  que  Dieu  et  les  saints  Evan- 
giles me  viennent  en  aide.  » 

Le  tout  est  terminé  par  une  table  des  matières  des  soixante- 
seize  articles. 

Sig.  :  Hagaenan,  le  15  novembre  1856, 

Wbnckbb, 
Va  et  certifié  conforme.  Strasbourg,  le  17  novembre  1856, 
L'Archiviste  en  chef  du  département, 
Spàoh. 
Va  par  le  Secrétaire  général  de  la  Préfecture, 

aBBOUL. 

{Cachet  de  ïa  Préfecture. 


I 

RÈGLEMENT  DE  1572 

(76  articles) 

A  savoir, 
lorsqu'on    comptait   depuis   la   naissance    de    notre   cher 
Seigneur,  le  Christ,  notre  Sauveur,  mil  cinq  cent  soixante- 
douze  années,  le  jeudi  et  le  vendredi  après  le  jour  du  nouvel 


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RÈGLEMENTAnON  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  235 

an,  le  règlement  forestal  ci-après  transcrit  a  été  &it  par  les 
honorables  Arbogast,  George  le  jeune,  waldmestredeHatten; 
Lùckhen,  Henri,  heimbourgue;  Becht,  Jacques,  fils  de  Pierre  ; 
Arbogast,  Jean,  tous  de  Hatten;  —  Veillons,  Humbrecht, 
waldmestre;  Pantter,  Jean,  heimbourgue;  Gueman,  Pierre; 
Hoflfel,  (Ma)thurin,  de  Rittershoffen;  —  Peter,  Jacques,  wald- 
mestre; Summer,  Jean,  heimbourgue;  Summer,  Marzolf; 
Sturm,  Thomas,  de  Niederbetschdorf;  —  Sumer,  Théobald, 
waldmestre;  Schaflhansen,  Thibaud,  heimbourgue;  JOrg,  Jean, 
et  André,  Jean,  d'Oberbetschdorf, 

que  les  quatre  communautés  desdits  villages  réunies  au  son 
des  cloches  en  assemblée  plénière  avaient  mandés  et  chargés 
de  faire  le  présent  règlement  selon  l'intérêt  de  la  forêt  et 
Tamélioration  du  bien  des  quatre  communes. 

Art  1. 

Celui  qui  est  obligé  de  bâtir  une  maison  neuve,  réclamera 
le  bois  dont  il  aura  besoin  au  waldmestre  ou  maître  de  forêt; 
celui-ci  lui  donnera  pour  une  maison  à  quatre  pignons  (étages) 
douze  pièces  de  bois  de  chêne  et  pas  plus;^  pour  ce  dont  il 

'  < . . .  der  Waldmeister  soll  Dune  geben  zu  einem  yiergeblichen  hanse, 
zwôlf  stûck  Ëychen  holz  nnd  nit  mehr...» 

Une  maison  à  quatre  pignons  —  <ein  viergebliches  Hans»  —  est  une 
maison  de  quatre  étages,  de  quatre  charpentes  snperposées  à  pignon 
de  bois  saillant;  les  assemblages  de  poutres  formant  les  planchers 
Tiennent  d'étage  en  étage  s'appuyer,  s'affemûr  sur  le  mur  de  pignon 
qui  sert  de  ferme  à  la  charpente  et  dont  la  pointe  (pinna  murt)  porte 
le  haut  du  faîtage. 

Le  mot  «Giebeb,  anc.  formes  «Gêbel,  6ibal>,  équivaut  donc  ici  à 
coniignatio,  —  le  mot  français  contignation  n'a  pas  fait  fortune  — ,  = 
«Geb&lk»  charpente  d'un  étage,  étage  :  postquam  contignatum  est  =  la 
charpente  faite;  intertiaincont%gnatt(mem=a,n  troisième  étage.  Remar- 
quez aussi  le  sens  de  pignus  au  M.  A...  ecdesia  et  reUquarum  pignara 
qui  ibidem  œnstructa  9unt;  Tradit.  Wzbg.  n®  47. 

Aujourd'hui  «Giebel»  ne  désigne  plus,  dans  un  b&timent,  que  pignon 
et  faîtage;  pour  étage  on  dit:  «Stock,  Stockwerk,  Geschoss»;  une  mai- 


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236  RETUE    D^ALSACE 

aura  besoin  en  sus,  il  prendra  du  bois  de  hêtre  ou  de  pin  ou 
du  bois  sec  quelconque,  sur  pied  ou  versé.  Celui  qui  couperait 
au  delà  du  nombre  d'arbres  concédés  paiera  pour  chaque 
chêne  coupé  cinq  livres  stsbg.  pour  un  grand  «Einung»;  les 
forestiers  et  les  waldmestres  y  veilleront,  etc. 

Quand  il  ira  couper  son  bois  dans  la  forêt,  le  waldmestre 
ou  quelque  forestier  raccompagnera  pour  choisir  ensemble 
des  arbres  assortis. 

2. 

Celui  qui  voudra  bâtir  une  maison  neuve  à  trois  étages  * 
réclamera  le  bois  dont  il  aura  besoin  au  waldmestre;  celui-ci 
lui  accordera  neuf  pièces  de  bois  de  chêne,  et  ce  dont  il  aura 
besoin  en  sus,  il  le  prendra  en  hêtre  ou  en  bois  sec  quelconque; 
quiconque  coupe  au-delà  devient  passible  comme  ci-dessus. 

son  de  qnatre  pignons  (cein  viergeblich  haus»)  est  une  maison  com- 
posée du  rez-de-chaussée  («Erdgeschoss»)  et  d'un  premier  («ersten 
Stock»),  ou  comme  dit  le  terrier  de  1752  :  «eine  zweistockige  Behau- 
sung».  Sur  les  200  maisons  qu'il  y  avait  à  Hatten  en  1752  :  100  sont 
dites  «zweistockige»,  4  anderthalbstockige»  et  96  «einstockige  Behau- 
sung». 

La  racine  la  plus  propable  du  mot  «Giebel»  est  Fane,  h'-all.  cGabala» 
=  «Gabel»,  ffM-ca,  fourche,  cf.  affburcher;  le  mot  gable  usité  en  Nor- 
mandie pour  faîtage  d'une  maison,  ne  parait  être  autre  que  le  mot  alle- 
mand; cf.  cependant  le  mot  latin  ^a5aZu5  =  croix  ;  «Giebel»  =  sommety 
faite,  ne  se  dit  que  des  constructions;  pour  cime,  sommet  des  objets  de 
la  nature,  on  dît  «Gipfel»"  ainsi  des  arbres,  des  montagnes.  Cf.  KBg>àXq 
=  tête;  et  le  mot  arabe  gibél,  ou  mieux  âôébd  ==  montagne:  ffebd-teir, 
Gibraltar,  etc.  Gibet  =  potence  (gabalus)  est  un  «Giebel»  dans  sa  plus 
simple  expression  composé  d'un  ou  de  deux  poteaux  et  d'une  poutre. 
Gibelot  (marine),  bois  courbe  qui  lie  l'aiguille  à  l'étrare  d'un  vaisseau, 
semble  être  le  mot  allemand  lui-même  «Gabelholz»:  ^  gabelle  =  gre- 
nier où  l'on  vendait  du  sel  (xvi*  s.)  et  gabeler  =  mettre  le  sel  dans  le 
grenier  pour  le  faire  égoutter,  se  rattachent  plus  facilement  à  «Gebel» 
qu'à  «Gabe,  Abgabe»,  =  impôt. 

*  «Ein  Ney  drey  geblich  haus».  Cf.  Lsxx&yWôrterbuch  d,  MhéL  Spr,: 
«£in  Haus  soU  drei  Geb&lk  hoch  sein». 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  237 

3. 

Si  quelque  bourgeois  des  quatre  villages  voulait  bfttir  une 
maison  et  qu'il  voulût  la  faire  construire  sans  (poutre?)  bal- 
con/ «ohne  Bolken»,  il  coupera  neuf  pièces  de  chênes,  et  pour 
ce  dont  il  aura  besoin  en  sus,  il  coupera  du  bois  de  hêtre  ou 
de  pin  ou  du  bois  sec  quelconque  sous  ladite  peine. 

4. 

Celui  qui  se  trouve  dans  la  nécessité  de  bfttir  une  grange  à 
quatre  étages*  doit  demander  le  bois  dont  il  aura  besoin  au 
au  waldmestre;  le  waldmestre  lui  donnera  neuf  pièces  de 
chênes,  et  pas  plus,  et  ce  dont  il  aura  besoin  en  outre,  il 
pourra  le  couper  en  hêtre,  pin  ou  le  prendre  dans  les  abatis 
ou  en  bois  sec,  sur  pied  ou  versé.  Celui  qui  outre-passe  la 
concession  rompt,  pour  chaque  chêne  coupé,  cinq  livres  pour 
un  grand  «  Einung  ».  Les  forestiers  et  les  waldmestres  veille- 
ront sur  cet  article. 

5. 

Celui  qui  aurait  besoin  d'une  grange  à  trois  étages'  deman- 
dera le  bois  qu'il  lui  faudra  au  waldmestre,  qui  lui  donnera 
six  pièces  de  bois  de  chêne  et  le  surplus  en  hêtre,  pin  ou  en 
bois  sec  quelconque.  Celui  qui  outre-passe  la  concession 
rompt  conune  ci-dessus. 

6. 

Dans  le  cas  que  quelqu'un  voulût  ajouter  à  sa  maison  ou  à  sa 

^  Les  soliTes  soatenant  les  planchers  formaient  autrefois  saillie  snr 
le  mur  de  pignon  inférieur,  et  les  étages  s'élargissaient  d'autant  du 
côté  de  la  rue  en  formant  «balcon»  les  uns  au-dessus  des  autres. 

■  «ein  New  viergebUch  Scheyr». 

Les  assemblages  de  poutres,  au-dessus  de  Taire,  dont  les  deux  extré- 
mités s'appuient  sur  les  pignons  et  qui  forment  des  planchers  où  sont 
entassées  les  gerbes,  etc.,  se  disent  dans  le  langage  du  pays  :  <6eww'r&t? 

*  citem  ist  einer  nothdflrftig  einer  Neuen  dreigeblichen  Scheuren  » 


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238  REVUE  d'Alsace 

grange  un  étage  neuf,'  il  demandera  le  bois  nécessaire  au 
waldmestTe,  qui  lui  donnera  pour  un  étage  ^  trois  pièces  de 
bois  de  chêne,  et  pas  plus,  et  le  reste  en  hêtre,  pin  ou  bois  sec 
quelconque;  celui  qui  néglige  ce  règlement  rompt,  s'il  est 
découvert,  pour  chaque  chêne  coupé  cinq  livres  ou  la  grande 
amende. 


Celui  qui  voudra  remplacer  un  vieux  bâtiment  par  un  neuf, 
doit  employer  à  ce  dernier  tout  le  bois  de  l'ancien  en  état  de 
servir  encore,*  afin  d'en  couper  d'autant  moins  dans  la  forêt; 
les  waldmestres  se  feront  donner  là-dessus  sa  parole  à  la  place 
de  serment  Celui  qui  ne  suivrait  pas  ce  règlement,  rompt 
cinq  livres  ou  la  grande  amende,  irrémissiblement  et  chaque 
bourgeois,  aussi  bien  que  les  waldmestres  et  les  gardes  fores- 
tiers, devront  y  veiller. 

8. 

Le  bourgeois  des  quatre  villages  qui  voudra  bâtir  une 
étable  doit  demander  le  bois  dont  il  aura  besoin  au  wald- 
mestre;  le  vT^aldmestre  lui  donnera  pour  cet  usage,  non  pas 
du  bois  de  chêne,  mais  du  bois  de  hêtre  ou  de  pin  ou  du  bois 
sec  ou  du  bois  pris  dans  les  abatis.  Celui  qui  ne  s'y  conforme 
pas  rompt,  s'il  est  découvert,  un  grand  «Einong»  ;  les  wald- 
mestres, forestiers  et  un  chacun  devront  y  veiller. 

9. 

Celui  qui  aura  besoin  de  bois  de  construction  est  tenu 
d'employer  à  sa  bâtisse  tout  ce  qui  parmi  le  bois  coupé  dans 

•  «Einen  Nenen  Gebell». 

•  «zu  einem  Gebel». 

•  «was  vor  (fttr)  Vorholz»,  =  bois  de  chêne  dans  les  murs  extérieurs? 
bois  de  galandise,  comme  on  disait  au  xvui®  siècle. 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  239 

les  abatis  faites  sur  le  devant  ou  le  derrière  de  la  forêt,'  peut 
bien  lui  servir  soit  pour  jambages  de  portes  ou  de  fenêtres, 
soit  pour  tout  autre  usage.  Quiconque  néglige  de  s'y  conformer, 
encourt,  s'il  est  découvert,  la  grande  amende.  Les  forestiers, 
waldmestres  et  un  chacun  des  quatre  villages  y  veilleront. 

10. 

Celui  qui  demande  au  waldmestre  le  bois  de  construction 
dont  il  a  besoin,  lui  promettra  sur  parole  de  le  couper  selon 
l'intérêt  de  la  forêt 

11. 

Les  waldmestres  ne  doivent  pas  accorder  du  bois  pour  bfttir 
entre  le  jour  de  l'annonciation  de  la  Vierge"  (25  mars)  et  la 
Saint-Gall  (16  octobre);  ce  n'est  qu'après  la  Saint-Gall  et 
jusqu'au  dit  jour  de  la  Vierge  qu'on  pourra  en  couper  ;  si 
cependant  quelqu'un  était  obligé  de  faire  de*s  réparations 
urgentes  à  son  vieux  bâtiment,  il  pourra  en  couper  à  toute 
époque.  Celui  qui  en  coupe  dans  l'intervalle  interdit,  encourt 
la  grande  amende. 

12. 

Celui  qui  serait  obligé  de  réparer  sa  maison  ou  sa  grange 
devra  demander  au  waldmestre  le  bois  nécessaire;  le  wald- 
mestre ira  avec  lui  pour  voir  ce  qu'il  lui  faut  de  bois  et  il  lui 
donnera  pour  seuils  et  mattres-poteaux  du  chêne  et  pour  le 
reste  du  hêtre,  du  pin  ou  du  mort-bois  quelconque.  Le  wald- 
mestre préviendra  le  garde  forestier  des  pièces  accordées  ; 

^  «Was  einer  findt  nnder  dem  abgehawen,  es  sey  hinten  oder  vornen 
in  den  Afterschl&gen»  =  abatis  faits  le  long  des  limites  à  Fest  et  à 
l'ouest  de  la  forêt?  au  nord  et  an  snd  il  y  avait  des  rivières  servant  de 
limites. 

*  «nnser  franentag  Kleibnng».  Yoy.  Doc.  A.  16.  Nota.  Bévue,  t.  X®, 
pp.  244  à  245. 


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240  REVUE  d'alsace 

celui  qui  coupe  au  delà  de  la  concession,  encourt,  sil  est 
découvert,  la  grande  amende. 

13. 

Celui  qui  aurait  besoin  d'entraits  *  pour  sa  vieille  maison 
pourra  couper  un  chêne  pour  la  poutre  et  le  reste  dont  il 
aura  besoin,  il  le  prendra  en  hêtre  ou  en  mort-bois  quel- 
conque. Couper  en  chêne  plus  que  la  poutre,  entratne  la 
grande  amende. 

14. 

Celui  qui  à  l'avenir  laisse  le  bois  de  construction  qu'il  a 
coupé  au  delà  d'un  an  et  un  jour  dans  la  forêt  au  lieu  de  rem- 
ployer, encourt  pour  chaque  chêne  coupé  cinq  livres  et  pour 
chaque  hêtre  ou  pin  six  schillings  stsbg.  d'amende.  Mais  per- 
sonne des  quatre  villages  ne  doit,  ni  avant  ni  après  qu'une 
année  et  un  jour  soient  révolus,  toucher  ou  enlever  de  ce  bois, 
dont  on  disposera  de  la  manière  suivante:  le  premier  qui 
voudra  bâtir  recevra  du  waldmestre  tout  ce  qui  de  ce  bois 
peut  lui  servir  de  bois  de  construction,  et  l'emploiera  selon 
les  indications  du  waldmestre.  Celui  qui  ne  le  fait  pas  encourt, 
s'il  est  dénoncé,  la  grande  amende. 

15. 

Personne  ne  doit  plus  couper  à  l'avenir  déjeunes  tiges  pour 
lattes^  ni  pour  un  vieux  bfttiment,  ni  pour  un  bâtiment  neuf. 
Quiconque  en  coupe  encore  encourt,  s'il  est  dénoncé,  une 
amende  de  six  schillings  pour  chaque  hêtre  coupé;  mais  il 

^  «Item,  ist  einer  nothdôrftig  eines  Schweben  Gebels».  «Schwebe 
Gebel»  et  «Schebe  Gebel».  A.  28.  sont  des  expressions  inconnues  anj. 
—  «Schweben»  =  être  suspendu,  planer;  ^Schebe*  7  cf.  ffx&irj'=  méyrj, 
d'où  :  étage,  anc.  estage  =  couverture,  toit,  le  ferme,  dont  les  entndts 
sont  les  maîtresses-pièces;  auj.  «Kehlgebâlk». 

'  «Item.  Es  soll  auch  nun  fUrterhin  keiner  mehr  Lattstangen  hauen 
aus  biechen  Ertkimenstangen. . .  > 


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RÉGLEMENTATION  D'UNB  FORÊT  COMMUNALE  241 

pourra  couper  du  charme  ou  de  l'aulne.  Les  forestiers  et  les 
waldmestres  y  veilleront 

16. 

Dorénavant  personne  ne  doit  plus  couper  de  jeunes  hêtres 
pour  arbres  ou  poutres  servant  à  charger  les  chariots,  ni  pour 
étrésillons,  leviers,  appuis,  crocs,  curons,'  ni  déjeunes  pins; 
quiconque  en  coupe  encore  rompt,  s'il  est  découvert,  pour 
chaque  arbre  coupé  quatre  schillings,  dont  deux  au  rappor- 
teur et  deux  aux  quatre  communes.  Les  forestiers,  wald- 
mestres et  un  chacun  devront  y  veiller. 

17. 

Si  à  l'avenir  un  bourgeois  domicilié*  des  quatre  villages 
osait  rompre  un  aËinung»  et  qu'il  coupât  du  hôtre,  il  rompt, 
s'a  est  attrapé,  six  schillings  par  arbre  coupé.  *  Si  on  ne  le 
surprend  pas  en  flagrant  délit,  mais  qu'on  l'attrape  en  route, 
soit  dans  la  forêt,  soit  en  dehors  dans  quelque  endroit  encore 
soumis  à  la  surveillance  des  gardes,  et  que  le  surveillant  qui 
l'arrête  le  soupçonne  d'avoir  coupé  même  plus  d'un  arbre, 
et  que  le  délinquant  le  nie,  ils  doivent  sur  le  champ  revenir 
ensemble,  guidés  par  les  traces  des  roues  de  la  voiture,  sur  le 
terrain  de  la  coupe  et  vérifier  le  fait.^  Un  chacun  et  les  fores- 
tiers et  waldmestres  y  veilleront.  Deux  schillings  au  rappor- 
teur et  quatre  schillings  aux  communes. 

18. 
  l'avenir  les  charrons  ne  doivent  plus  couper  de  jeunes 

^  «Ladbaeam,  Spriessstang,  Hebell,  Lan,  Hackhen,  Renttel». 

'  «Item,  wer  es  dass  nan  farterhin  ein  îngesessener  Borger. . .  ein 
Einung  wagen  wirdt'». 

'  «an  jedem  Stampf  iden  er  macht»,  expression  habitaelle  dn  Doc,  = 
poTU  chaque  soache  qu'il  fait. 

*'  «uff  die  Walstadt  gahn  und  die  besichtigen».    ' 

NoaveUe  Série.  —  li-*  année.  16 


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242  REVUE    D'ALSACE 

hêtres  pour  jantes,^  ni  faire  des  jantes  dans  la  forêt.  Le  con- 
trevenant rompt,  s'il  est  découvert,  une  livre  stsbg.  par  souche 
ou  par  arbre  coupé.  Les  forestiers,  waldmestres  et  un  chacun 
auront  à  y  veiller. 

19. 

Si  un  charron  coupe  du  bois  pour  «esses»  (ais,  rais,*  etc.) et 
qu'il  soit  découvert,  il  rompt  pour  chaque  arbre  coupé  six 
schillings.  Les  forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  auront  à 
y  veiller. 

20. 

Celui  qui  fabriquerait  des  jantes  ^  dans  sa  cour  sans  être 
charron,  rompt  un  aEinung»  d'une  livre  stsbg.  —  Mais,  char- 
ron ou  non,  on  ne  doit  pas  non  plus  en  fabriquer  dans  la 
forêt,  fût-on  même  allé  chercher  le  bois  dans  d'autres  forêts, 
sous  peine  de  ladite  amende.  Les  forestiers  et  les  viraldmestres 
y  veilleront 

21. 

Personne  ne  doit  plus  à  l'avenir  couper  de  hêtre  pour  maie, ^ 
celui  qui  en  dédain  de  ce  règlement  en  coupe  encore  rompt 
une  livre  stsbg.  Les  forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  des 
quatre  villages  y  veilleront. 

^  «Felgenstang  abhawen  et  Felgen  machen»  =  1^  jante  (ahsis)-, 
2^  herse  (occa).  «Felgenstang»  pour  toutes  les  grosses  pièces  de  char- 
ronnage. 

*  «Item,  so  ein  Wagner  Essen  hawet»  ou  comme  dit  le  Registre 
art.  20.  «Essen  macht»,  les  petites  pièces  de  charronnage  servant  à 
relier  les  grandes,  telles  que  rais,  aisseliers,  ais,  barreaux,  échelons; 
de  assis,  axtctUus,  axis,  d^coy.  Le  Registre,  art.  19,  porte:  «von  den 
Esten>(?)  cf.  Pane,  haise  (hesia)  =  porte  à  treillis;  et  le  mot  normand 
haisier  =  ridelle  («\Vagenleiter>). 

*  Le  texte  dit  «Felgen»,  le  Registre  «Essen». 

*  «Mulde»  (mactrà)  huche  ou  pétrin,  coffre  où  Ton  pétrit  le  pain, 
formé  alors  d'un  seul  tronçon  de  hêtre  creusé. 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  243 

22. 

Celui  qui  a  besoin  d'une  mangeoire*  s'adressera  au  wald- 
mestre  qui  ira  avec  lui  pour  voir  quelle  mangeoire  il  lui  faut 
et  lui  assignera  un  hêtre  en  conséquence;  mais  s'il  lui  fallait 
une  mangeoire  de  moins  de  douze  pieds  de  long,  il  ne  lui  don- 
nera pas  de  hêtre.  Quiconque  dédaigne  cet  article  rompt,  s'il 
est  découvert,  une  livre.  Les  forestiers,  waldmestres  et  un 
chacun  y  veilleront. 

23. 

A  l'avenir  on  n'abattra  plus  de  hêtres  pour  en  faire  des 
bancs  et  des  chaises  de  bois  ;  celui  qui  en  coupe  encore  rompt 
une  livre  deniers.  Les  waldmestres,  forestiers  et  un  chacun  y 
veilleront 

24. 

Celui  qui  aurait  besoin  d'un  pointai"  (d'une  lambourde?) 
pour  sa  vieille  maison  devra  s'adresser  au  waldmestre  qui  lui 
donnera  un  hêtre  assorti;  mais  s'il  ne  l'emploie  pas  à  l'usage 
indiqué  et  qu'on  le  découvre,  il  rompt  six  schillings  stsbg.  Les 
forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  devront  y  veiller. 

25. 
Celui  qui  aurait  besoin  d'un  escalier  s'adressera  au  maître 

^  D'une  seule  pièce  de  hêtre  creasé. 

*  «Item,  ist  einer  nothdûrftig  in  ein  ait  hans  einen  Deissdrome. . .  = 
Stûtzbalken,  Hebebalken».  <drom>  ae  disait  en  allemand  dn  xvi®  siècle 
pour  dram,  tram  =  poutre,  du  lat.  trabs;  «trambaum»  =  grosse  poutre. 
En  français  la  drome  désigne  dans  les  grandes  forges  la  pièce  de  char- 
pente la  plus  forte  de  celles  qui  soutiennent  le  marteau  :  «Unterlage 
des  Hammers».  —  «Deiss»  :  de  «deisen»?  =  culer,  t.  de  mar.;  indinare 
etc.  cf.  la  culée  ou  butée  (d'arc-boutant)  =  pilier,  cf.  la  dosse,  grosse 
planche  dont  on  se  sert  dans  les  mines  pour  soutenir  des  ouvrages  de 
terre,  etc.,  du  lat,  barbare  dossium  et  dossum  pour  darsum  =  dos  ;  — 
cf. dossier  et  dai8=  «Thron-,  Schutz-Himmel,  -Decke»,  de  discus  =  table. 


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244  REVUE    d'âlsagb 

de  forêt  qui  lui  donnera  un  hêtre  pour  réchiflfre,  mais  point 
pour  les  marches;  six  schillings  d'amende  à  payer  par  celui 
qui  couperait  au  delà.  Les  forestiers,  waldmestres  et  un  cha- 
cun y  veilleront 

26. 

Un  arbre-chêne  qui.  encore  bon/  aurait  été  abattu  par 
n'importe  qui,  moyennant  la  cognée  ou  le  feu,  ne  doit  être 
tranché  par  personne  avant  un  an  et  un  jour  révolus;  mais 
si  dans  le  courant  de  l'année  quelqu'un  demandait  du  bois  de 
construction  on  lui  remettra  tout  le  bois  pouvant  encore  ser- 
vir tant  des  branches  que  du  tronc  ^  de  cet  arbre  pour  qu'il 
l'emploie  à  sa  bâtisse  afin  de  ménager  les  autres  arbres  de  la 
forêt.  Celui  qui  n'observe  pas  cet  article  encourt,  s'il  est 
dénoncé,  la  grande  amende.  Les  forestiers  et  waldmestres  y 
veilleront. 

27. 

Et  celui  qui  incendie  ou  coupe  par  méchanceté  un  arbre 
encore  vert*  encourt,  s'il  est  découvert,  la  grande  amende. 
Les  forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  y  veilleront. 

28. 

Aucun  bourgeois  ne  doit  plus  à  l'avenir  couper  du  bois 
pour  fûts  de  tonneau;*  si  quelqu'un  en  coupe  et  qu'il  soit 
dénoncé,  il  rompt  un  «Einung»  dans  sa  cour'  qui  est  de 
cinq  livres.  Forestiers  et  waldmestres  y  veilleront 

^  «Item.  Wann  einer  nimfûrterhîn  ein  Eychbaam  abhauet  oder  ab- 
rendt,  so  noch  rtigbar  ist». 

'  <und  was  Yor  (fur)  holz  von  Zelchen  oder  selbloch  za  verbauen 
nûtzlich». 

*  «wo  einer. . .  mnthwilligerweis  einen  rAgbaren  baum  anzûndt  oder 
abhawet» . . . 

*  aFassboden  hawen».  —  '  «soll  er  im  Hofe  ein  Einung  brechen, 
nemblichen  fClnf  Pfand». 


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RtoLEVEirrATioN  d'une  forêt  communale  245 

29. 

Le  tonnelier  qui  fabrique  des  fûts  dans  sa  cour  devra  donner 
au  waldmestre  qui  surviendrait  sa  parole  qu'il  les  fabrique 
pour  son  propre  compte;  celui  d'ailleurs  qui,  tonnelier  ou  non, 
exporte  des  fûts*  sera  privé  de  toute  jouissance  de  la  forêt. 
Que  Ton  sache  donc  bien  s'en  garder,  car  les  forestiers  et  les 
waldmestres  ainsi  qu'un  chacun  des  quatre  villages  y  veille- 
ront 

30. 

Nul  ne  doit  exporter  du  territoire  des  quatre  villages  des 
ustensiles,  quels  qu'ils  soient,  faits  de  bois  provenant  de 
TAspruch.  Le  contrevenant  encourt,  s'il  est  dénoncé,  la  grande 
amende.  Les  waldmestres,  forestiers  et  un  chacun  auront  à  y 
veiller. 

31. 

A  l'avenir  si  un  arbre-chêne  tombe  à  terre  et  qu'il  se  tron- 
çonne facilement,  *  le  premier  bourgeois  des  quatre  villages 
qui  surviendra  aura  le  droit  de  couper  un  tronçon  qui  n'aura 
pas  plus  de  sept  pieds  de  long;  mais  il  ne  lui  est  pas  permis 
d'en  couper  un  second  tronçon  ni  de  cet  arbre,  ni  d'aucun 
autre  arbre,  tant  qu'il  n'aura  pas  transporté  le  premier  tron- 
çon chez  lui.  Survient-il  en  attendant  un  autre  bourgeois,  il  lui 
sera  également  permis  de  couper  dudit  chêne  un  pareil  tron- 
çon, mais  pas  plus  ;  celui  qui  en  coupe  davantage  encourt  la 
grande  amende. 

Personne  ne  devra  trancher  le  tronçon  d'un  autre  «bour- 
geois», sous  peine  d'une  livre  deniers  d'amende.  Les  forestiers, 
waldmestres  et  un  chacun  y  veilleront. 

^  «ftLhrt  einer  Qber  das  boden  aweg,  Er  sey  Eieffer  oder  keiner». 
*  31.  «Item.  Wenn  nanfûrther  ein  Eychbaum  vmbfallet  and  6uth  za 
Terschrothen» . . . 


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246  REVUE  d'àlsace 

32. 

Pour  ce  qui  est  du  branchage  du  chêne  chablé  et  des  chablis 
en  général,  on  pourra,  si  l'on  en  trouve,  en  façonner  et 
transporter  chez  soi  une  voiture  ou  une  charrette  pleine; 
après  quoi  on  pourra  revenir  pour  façonner  et  enlever  ce  que 
l'on  trouve  encore  ;  mais  il  est  interdit  de  laisser  des  domes- 
tiques dans  la  forêt  pour  façonner  de  ce  bois  en  attendant 
qu'on  revienne  avec  la  voiture.  Si  l'on  n'avait  pas  de  voiture 
avec  soi  on  pourra  façonner  une  voie  de  chablis  et  l'empiler 
en  attendant  qu'on  en  trouve  une  sans  que  personne  puisse 
enlever  de  ce  bois  ;  mais  si  Ton  en  façonne  plus  d'un  charretée, 
le  premier  venu  aura  le  droit  de  l'enlever  sur  sa  charrette. 

Si  parmi  les  chablis  on  trouve  du  bois  utile,  il  faut  le  couper 
par  les  deux  extrémités;  celui  qui  néglige  de  le  faire,  encourt, 
s'il  est  découvert,  une  amende  de  six  schillings  ;  les  forestiers 
et  les  waldmestres  seuls  en  jugeront  ;  et  l'on  est  tenu  d'em- 
ployer ce  bois  dans  les  deux  ans,  sous  peine  de  rompre  un 
«Einung»  dans  la  cour  ou  la  grande  amende:  les  forestiers  et 
waldmestres  en  jugeront  également 

32  6. 

Si  un  citoyen  trouve  un  arbre  chablé  donnant  du  bois  de 
charronnage  et  du  bois  de  construction,  *  il  n'a  le  droit  d'en 
couper  que  l'un  ou  l'autre,  le  bois  de  charronnage  seul  ou  le 
bois  de  construction  seul.  Celui  qui  ne  se  conforme  pas  à  ce 
règlement  encourt,  s'il  est  découvert  la  grande  amende.  Les 
forestiers  et  waldmestres  seuls  en  jugeront. 

33. 
Celui  qui  à  l'avenir  abattra  un  arbre  sec  doit,  avant  d'eu 

^  «Schrot  und  anch  Bawholz». 

Dans  le  texte  allemand  cet  art.  326  se  trouve,  sans  avoir  de  n^',  entre 
les  art.  34  et  35. 


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1 


RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  247 

abattre  un  second,  trancher  le  premier  et  le  transporter  chez 
lui;  s'il  le  laisse  sur  place  sans  le  trancher,  le  premier  venu 
aura  le  droit  de  le  trancher.  Celui  qui,  en  dédain  du  présent 
règlement,  abattrait  plus  d'un  arbre  sec  à  la  fois,  paiera  une 
livre  d'amende.  Les  forestiers  et  waldmestres  y  veilleront 

Mais  si  quelqu'un  lui  tranchait  son  arbre  tant  que  la  tête 
n'en  aura  pas  été  tranchée,  *  il  rompt  une  livre  deniers. 

34. 

Nul  ne  doit  plus  à  l'avenir  couper  des  perches  ni  branchages 
de  charme*  entre  la  Saint-Mathias  (24  janvier)  et  le  huitième 
jour  après  la  Saint-Michel  (c'est  à  dire  le  7  octobre)  ;  qui- 
conque ne  s'y  conforme  pas  et  en  coupe  dans  cet  intervalle, 
rompt  quatre  schillings  stsbg.  Les  forestiers  et  waldmestres  y 
veilleront. 

35. 

Pour  étais  (échalas)  ou  rames  ^  on  ne  doit  plus  couper  à 
l'avenir  du  charme,  ni  des  pieds  d'aulnes,  d'ormes  blancs, 
d'érables  communs,  de  grands  frênes;  ce  n'est  que  pour 
perches  et  branchages  que  l'on  pourra  couper  des  branches 
desdits  arbres;*  quiconque  coupe  encore  de  pareilles  jeunes 
arbres  par  le  pied'  rompt,  s'il  est  découvert,  quatre  schillings 
stsbg.  Les  forestiers  et  waldmestres  auront  à  y  veiller. 

36. 

Pour  fagots  d'échaliers  on  ne  doit  plus  couper  à  l'avenir  n 
rameaux,  ni  tigilles  des  essences  qui  viennent  d'être  énu- 

^  «aU  dieweil  das  yorderschrot  nit  hinweg  ist». 

'  «heimbachen  Stangen  oder  Gertten  hawen». 

'  «heimbachin  ann  oder  Steckh». 

*  «mag  einer  wol  drob  hawen». 

**  «welcher  also  mehr  deren  stekh  vff  dem  Gmodi  abbawet». 


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248  REVUE  d'alsace 

mérées;^  celui  qui  en  coupe  encore  rompt,  s'il  est  dénoncé, 
quatre  schillings  stsbg.  On  prendra  pour  cela  les  branches  ou 
ramilles  que  l'on  trouve  par  terre.  ^  Les  forestiers  et  wald- 
mestres  y  veilleront. 

87. 

Nul  ne  doit  plus  couper  à  l'avenir  des  pieds  d'épines  blanches 
pour  le  feu,  mais  bien  pour  clôtures  ou  haies  entrelacées.^ 
Celui  qui  en  coupe  encore  pour  le  feu  rompt,  s'il  est  décou- 
vert, deux  schillings  stsbg.  Les  forestiers  et  waldmestres  y 
veilleront  Au  rapporteur  un  batz  et  deux  batz^  aux  com- 
munes. 

38. 

On  ne  doit  plus  non  plus  couper  dans  la  forêt  des  harts  k 
lier  (par  bottes)  le  seigle  et  le  lin;'*  celui  que  l'on  y  surprend 
rompt,  s'il  est  dénoncé,  quatre  schillings.  Les  forestiers  et 
waldmestres  auront  à  y  veiller. 

39. 

Si  quelqu'un  de  n'importe  lequel  des  quatre  villages  risquait 
un  «Einung»®  sur  l'un  ou  l'autre  des  points  et  articles  qui 
précèdent  ou  qui  suivent,  il  rompt  autant  d'«Einung»  qu'il 

^  «kein  Zandeckwellen  mehr  yff  iezt  erzehlten  Stôckhen  hawen,  anch 
keine  nit  auf  der  Erden».  «W^ellc»  =  javelle  (ca/wZu*,  d'où:  capeUu). 

*  «Bchwankhen  so  yff  der  erden  ligen»  (=  brandes). 

'  «aber  sonst  zn  zienen  oder  hag  zn  bingen».  «bingen»,  cf.  «Bann», 
mha.  «btine»  (=  risberme)  et  benne. 

*  3  batz  =  2  schillings  ;  le  batz  =  2/3  de  schilling  on  8  pf.,  valait 
en  1572  à  Strasbourg,  0  fr.  32. 15  batz  =  1  florin  de  60  kzr. 

*  «Korn-  oder  Flachs-Wiede». 

*  «ein  Einung  wogen  wirdt» . . .  der  verbricht  als  manches  GeschQrr 
er  hat,  es  sey  Wagen  oder  Earch,  als  manchen  Einong  und  wirdt  einer 
des  nachts  erwischt,  verbricht  die  Einong  zweifalltig».  cf.  «Schiff  und 
GeschOrr»  =  attirail,  équipage. 


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RÉGLEMENTATION  D*UNE  FORÊT  COMMUNALE  349 

aura  d'attirails  soit  voiture  ou  charrette,  et  si  on  l'attrape  de 
nuit,  il  doublera  lamende. 

40. 

L'abomement  sur  le  devant  et  le  derrière  (de  la  forêt)  doit 
de  nouveau  et  chaque  fois  être  respecté  aussi  loin  qu'on  aura 
aborné.'  Les  forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  auront  à  y 
veiller. 

«  Item.  Das  Loch  hinten  und  vomen  soU  wieder  in 
frieden  liegen  so  weit  es  geloch(t?)  wirdt;  darûber 
sollen  ruegen  die  fôrster  Waldmeister,  auch  menigli- 
chen  der  vier  DOrfer». 


'  cf.  Reçue,  t.  X,  p.  246—246.  A.  18,  où  j'ai  donné  une  tradnction 
différente  de  ce  passage.  Le  Registre  (40)  dit  :  «von  den  Lochen»  ;  or, 
«Lochen»  qn'an  xvm«  siècle  on  écrivait  «Lohen»  dans  le  procès-verbal 
de  délimitation  de  l'Aspnich,  signifie  bomeS|  pierres-bornes,  arbres- 
bornes;  «das  Loch»  serait  donc  l'ensemble  des  bornes;  le  bornage 
paraît  avoir  consisté  non-seulement  à  marquer  les  arbres-bornes  ou  à 
poser  les  pierres-bornes,  mais  aussi  à  dégager,  à  mettre  en  évidence 
ces  bornes  entre  deux  forêts  limitrophes  surtout,  en  faisant  le  long 
de  la  limite,  des  abatis,  une  laie.  cf.  A.  4.  B.  9.  etc. 

Lors  de  la  révision  des  bornes,  en  1736,  on  rencontra  en  différents 
endroits  sur  l'est  de  la  forêt  une  double  rangée  de  pierres-bornes  à  18, 
20  et  30  pieds  et  plus,  d'écartement  l'une  de  l'autre  et  en  ce  cas  la 
ligne  de  délimitation  se  trouvait  à  égale  distance  des  deux  rangées  de 
bornes  «undgeht  der  scheid  hier  mitten  durch»,  est-il  dit  dans  le  procès- 
verbal.  C'est  comme  si  un  ancien  chemin,  une  laie  y  avait  passé,  cf. 
l'art.  46,  sur  la  délimitation  de  la  propriété  et  m.  1.  sur  celle  de  la 
banlieue. 

On  n'avait  besoin  de  bornes  pour  l'Aspnich  que  sur  le  devant  et  le 
derrière,  c'est  à  dire  à  l'est  et  à  l'ouest  de  la  forêt,  pour  assurer  la 
limite  ici  contre  les  terrains  cultivés  des  villages  et  l'Essenbusch,  là 
contre  les  forêts  attenantes.  Au  Nord  et  au  Sud  la  Selz  et  la  Sure,  for- 
maient des  limites  naturelles  suffisantes. 

L'abomement  le  plus  important  était  celui  du  côté  est  de  la  forêt 
où  l'Aspruch  touchait  dans  toute  sa  largeur  de  six  kilomètres,  de  Nie- 


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250  REVUE    D'ALSACE 

41. 

Dorénavant  personne  ne  doit  plus  exporter  du  territoire 
des  quatre  communes  des  branchages  pour  en  enclore  ses 
terres  dans  d'autres  banlieues.  Quiconque  exporte  ou  emploie 
des  branchages  pour  clôtures  dans  quelque  autre  ban  encourt, 
si  on  apprend  jamais  qu'ils  proviennent  de  l'Aspruch,  une 
amende  de  trente  schillings  stsbg.,  tout  comme  si  on  le  sur- 
prend sur  le  fait  (d'exportation). 

Que  l'on  sache  donc  bien  s'en  garder,  car  un  chacun,  les 
forestiers  et  waldmestres  ont  à  y  veiller  et  à  dénoncer  le  con- 
trevenant Il  revient  de  cette  amende:  cinq  schillings  au  rap- 
porteur, cinq  schillings  aux  waldmestres  dans  leur  propre 
bourse  et  une  livre  aux  quatre  communes. 

42. 

Personne  des  quatre  villages  ne  doit  exporter  du  bois  quel- 
conque de  ces  villages  dans  d'autres  villages,  ni  bois  de 
chauffage,  ni  bois  de  construction  provenant  de  l'Aspruch. 
Quiconque  le  fait  devient  passible  de  la  grande  amende.  Les 
forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  y  veilleront. 

derrôdern  à  Eônigsbrnck  de  la  Selz  à  la  Sure,  anx  forêts  de  ROdern,  de 
Selz  (aujourd'hui  à  l'hospice  civile  de  Strasbourg  sous  le  nom  de  forêt 
de  Kesseldorf),  de  Forstfeld  et  de  KOnigsbruck;  aussi  quand  vers  la 
fin  du  X®  siècle  l'impératrice  Adélaïde  fonda  son  monastère  de  Seh, 
avec  un  territoire  considérable  sur  les  deux  rives  du  Rhin,  entre 
Hatten  et  Rastatt,  de  Roppenheim  à  Mothern,  a-t-on  fixé  la  limite 
d'avec  Hatten  ou  l'Aspruch,  par  deux  grandes  pierres-bornes,  dont 
Herzog,  sous  le  nom  de  «Sanct-Adelheits  Stein»,  nous  indique  approxi- 
mativement l'emplacement  et  que  mentionne  la  constitution  de  Sebs 
renouvelée  en  1310  sous  le  nom  de  «Hattemer  Stein»,  ou  pierre-borne 
de  Hatten. 

Les  limites  est,  nord  et  sud  de  l'Aspruch,  étaient  en  même  temps 
celles  de  l'ancienne  province  dite  Hattgau  et  étaient  placées  comme 
telles  sous  la  surveillance  de  l'administration  du  bailliage  de  Hatten. 


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RÉGLEMENTATION  D*UNE  FORÊT  COMMUNALE  251 

43. 

Celui  qui  n'a  pas  le  droit  de  bourgeoisie  dans  Tun  des  quatre 
villages,  n'a  pas  le  droit  d'aller  avec  une  voiture  dans  la  forêt 
chercher  du  bois;  s'il  a  du  bois  à  y  prendre,  il  faut  qu'il  en 
charge  un  des  bourgeois,  moyennant  paiement. 

Quiconque  n'étant  pas  bourgeois  irait  dans  la  forêt  avec 
voiture  rompt,  comme  d'ancienne  date,  cinq  livres  stsbg.  Les 
forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  auront  à  y  veiller. 

44. 

Quiconque,  n'ayant  pas  le  droit  de  bourgeoisie,  enverrait 
ses  bêtes  en  pâturage  dans  la  forêt,  que  ce  soient  vaches, 
chevaux  ou  porcs,  encourt,  s'il  est  dénoncé,  la  grande  amende. 
Les  forestiers,  waldmestres  et  un  chacun  y  veilleront. 

45. 

Aucun  bourgeois  étranger  ne  doit  à  Tavenir  transporter  du 
bois  provenant  de  forêts  étrangères,  sur  le  terrain  des  quatre 
communes  pour  l'y  façonner  et  charger,^  sous  peine  de  trente 
schillings  stsbg.,  dont  dix  au  rapporteur  et  vingt  aux  com- 
munes. Les  forestiers  et  waldmestres  ont  à  y  veiller. 

46. 

Personne  des  quatre  villages  ne  doit  enclore  le  jardinet 
qu'il  aurait  dans  sa  propriété  (près  de  sa  maison)  avec  des 
branchages  de  l'Aspruch;  il  pourra  cependant  faire  une  haie 
de  branchages  autour  de  sa  propriété  dans  la  ligne  de  démar- 
cation^ pourvu  qu'il  coupe  ces  branchages  à  l'époque  pres- 

^  <t£s  BoH  anch  kein  Ausb&aerischer  mehr  holtz  yff  der  yier  Gemein- 
den  grnndt,  ans  andern  W&ldern  dragen,  aach  keines  nit  darnff  f&llen, 
oderladen.»  «fallen»,  proprement  abattre?  le  faire  tomber  snr  le  terri- 
toire des  quatre  communes  en  l'abattant  snr  la  frontière? 

■  Proprement  :  dans  l'intervalle  des  deux  limites  :  «aber  zwischen 
den  schéiden,  an  einer  hofreitten  Rumer,  mag  einer  wol  zinen». 


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352  REVUE    1)*ALSiCE 

crite,  les  façonne  et  utilise  avant  la  Pentecôte,  car  celui  qui 
après  cette  époque  aurait  encore  des  branchages  non  employés, 
rompt  quatre  schillings  et  autant  s'il  n'observe  pas  le  temps 
prescrit  pour  la  coupe.  Les  forestiers  et  waldmestres  devront 
y  veiller. 

47. 

Celui  qui  aurait  besoin  d'osier  à  clayonnage  pour  murs  de 
torchis,^  doit  en  demander  au  waldmestre;  quiconque  en 
coupe  encore  sans  l'avoir  demandé,  sera  passible  d'une  amende 
de  quatre  schillings  stsbg.  Les  forestiers  et  waldmestres  sont 
tenus  d'y  veiller. 

48. 

Les  waldmestres  doivent  aussi  vendre  comme  jusqu'ici  des 
pieds  d'arbres  à  l'enchère  aussi  cher  qu'ils  pourront  ou  qu'ils 
voudront 

altem.  Die  Waldmeister  sollen  auch  stem  verkau- 
fen,  also  bisher  und  geben  vfisteigung  so  teuer  sic 
kOnnen  oder  môgen». 

49. 

Aux  règlements  concernant  le  bois  de  chêne,  il  faut  ajouter 
le  suivant:  Celui  qui  charrie  du  bois  de  chêne  (indûment 
coupé)  dans  l'un  des  quatre  villages,  rompt  dix  schillings  au 
waldmestre,  qui  en  tiendra  compte  aux  quatre  communes;  et 
dix  schillings  aux  valets  avec  pourboire,^  et  il  traitera  en  outre 
avec  chaque  village  en  particulier  au  sujet  d'une  livre  stsbg. 

^  «deckgertten  oder  Zingertten  zn  Elejwenden  =  Fachgerten  za 
Lehmw&nden».  «Elei  =  argile;  branchages  pour  mar  de  bonsillage. 

'  annd  zehn  schilling  den  Enechten  und  mag  mit  den  Enechten  an 
gnad  kommen» ...  cf.  art.  50  et  55,  et  p.  29.  =  payer  et  vider  an  verre 
avec  eox. 


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EÈGLEMENTÀTION  d'uNE  FORÊT  COMMUNALE  253 

50. 

Quant  aux  petites  amendes  touchant  le  hêtre  et  autres,  on 
les  partagera  de  la  manière  suivante  :  Si  Pamende  est  d'une 
livre,  les  communes  en  recevront  quinze  schillings  et  le  rap- 
porteur cinq  schillings  ;  si  elle  est  de  six  schillings,  les  com- 
munes en  toucheront  quatre  et  les  valets  deux;ramende  de 
de  quatre  schillings  appartient  pour  deux  schillings  aux  com- 
munes et  pour  deux  aux  valets,  auxquels  il  revient  un 
pourboire.^ 

51. 

Les  bourgeois  étrangers  et  les  outre-passes  rompent,  comme 
d'ancienne  date,  cinq  livres  stsbg. 

52. 

Notre  forêt  a  aussi  la  franchise  qu'on  peut  y  aller  recueillir 
le  bois  perdu. 

53. 

Les  waldmestres  ont  aussi  à  faire  rentrer  le  produit  de 
toutes  leurs  ventes  et  celui  des  amendes;^  ils  en  paieront  aux 
valets  leurs  gages  et  le  dimanche  qui  suit  la  SaintrMarc 
TEvangéliste  (25  avril)  ils  rendront  compte  aux  heim- 
bourgues  de  toutes  les  transactions  qu'ils  ont  faites  dans 
le  courant  de  l'année.  Chacun  d'eux  recevra  pour  récom- 
pense deux  parts  de  droits  de  glandée  quand  il  y  aura  partage 
et  dix  schillings  stsbg.' 

^  «und  zwen  den  Enechten  and  mag  mit  den  Enechten  an  gnad 
kommen». 

'  «Yerkaof  and  Einungen  inbringen». 

*  «and  Boll  jeder  haben,  zwey  Schwein  Eckher  recht,  wann  die 
Eckher  nmgetheilt  werden;  Aach  zehn  Schilling  Strassburger  fQr  sein 
belohniuig*. 


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254  REVUE    D  ALSACE 

54. 

Quand  les  bourgeois  des  quatre  dits  villages  charrient  des 
fagots  ou  des  perches  dans  les  chemins  (défoncés),  aucun  d'eux 
ne  doit  en  emporter  avec  lui  à  la  maison  ;  il  faut  au  contraire 
les  employer  tous  à  la  consolidation  du  chemin.  Le  contreve- 
nant rompt  quatre  schillings  stsbg. 

55. 

Celui  qui  rompt  un  «Einung»  avec  des  bêtes  qui  mangent 
des  glands,  rompt  cinq  schillings  à  payer  au  waldmestre  et 
cinq  schillings  aux  valets  avec  pourboire;  *  et  transigera  avec 
chacun  des  quatre  villages  en  particulier  au  sujet  d'une  livre 
stsbg. 

.     56. 

En  cas  d'amende  pour  bêtes  se  nourrissant  d'herbe  dans  le 
district  de  la  glandée,*  on  rompt  pour  chaque  bête  un  plapart' 
Les  forestiers  et  les  waldmestres  ont  seuls  à  veiller  sur  ces 
deux  articles. 

57. 

Identique  avec  l'art  41.  A.  Voy.  t.  X,  p.  380. 

58. 

Voy.  A.  46.  t.  X,  p.  384. 

59. 

Le  meunier  qui  aurait  besoin  de  jantes  de  moulin  doit  les 
réclamer  au  waldmestre;  et  s'il  engage  un  charpentier  pour 
les  lui  couper,  il  doit  l'accompagner  et  rester  avec  lui  dans  la 

^  «und  5  schilling  den  Enechten  an  gnaden  kommen  nnd  mit  den  4 
Dôrfern  jeglichem  besonders  deidigen  vor  ein  Pfondt  Strassborger». 
*  «Das  Gras  im  Ecker  Zuel  isset». 
'  Un  plapart,  monnaie  de  Strasbourg  =  1/2  schilling  on  6  pfennigs. 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  255 

forêt  Celui  qui  n'enlèverait  et  n'emploierait  pas  les  jantes 
qu'il  aura  coupées,  encourt  la  grande  amende;  il  encourt  la 
même  amende,  s'il  laisse  aller  seul  le  charpentier  dans  la 
forêt  Les  forestiers  et  les  waldmestres  y  veilleront 

60. 
Personne  ne  doit  plus  appointer  dans  la  forêt  des  piquets 
quelconques,  ni  larges,  ni  minces;'  celui  qui  le  fait  encore 
aura  six  schillings  stsbg.  d'amende  à  payer  si  on  le  dénonce. 
Les  forestiers  et  waldmestres  y  veilleront 

61. 
Celui  tjui  sera  commandé  d'amener  à  corvée  du  bois  au 
château,  '  doit  abattre  un  hêtre  donnant  au  moins  une  char- 
retée de  bois  et  ne  pas  couper  quantité  de  perches  ni  même 
deux  ou  trois  petits  hêtres.  Quiconque  dans  ce  cas  coupe 
plus  d'un  hêtre  rompt,  s'il  est  découvert,  six  schillings,  tout 
comme  s'il  avait  charrié  ce  bois  dans  sa  propre  cour.  Que 
deux  ou  trois  (corvéables)  s'associent  donc  et  coupent 
ensemble  un  hêtre  leur  donnant  assez  de  bois  pour  suffire  à 
la  seigneurie.  Les  forestiers  et  waldmestres  y  veilleront 

«Item.  Wann  ein  gebotten  wird  fronholtz  in  das 
Schloss  zu  fQhren,  der  soU  da  hawen  ein  Bûch  die  da 
nit  wenger  dann  ein  Enger  ^  gibt  und  nit  hawen  Erd- 
kymenstangen,  auch  nit  zwei  oder  drey  stimlen». 

D.  HÛGKEL. 
(La  fin  à  la  prochaine  livraison.) 

^  Altem.  Es  soU  anch  kciner  mehr  im  Wald  steckhen  spitzen,  weder 
breit,  noch  schmal» . . .  tels  que  lattes,  pieux,  rames,  échalas  ;  ni  gros, 
ni  petits  ;  «schmalholz  =  menu  bois. 

'  Château  de  Hatten,  où  résidait  l'administration  du  bailliage. 

•  «ein  Enger,  ein  Enger  holz»  (A.  45,  voy.  Berne  t.  X,  p.  383)  = 
«Wagen  oder  Earch  yoU».  cf.  le  mot  français  aujourd'hui  hors  d'usage, 
enger  =  charger,  «anfiUlen,  ûberfuUen»,  surcharger,  et  angaria  = 
corvée,  «Angerwagen»,  etc.  cf.  Hangar. 


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MATÉRIAUX 


POUR  SERVIR  À 


L'HISTOIRE  DE  L4  GUERRE  DE  TRENTE  ANS 

tirés  des  arohives  de  Colmar 


(Suite) 


89  mai  1643  —  85  janvier  1644 
Mort  de  Louis  XTTT;  diète  de  députation  à  Franc- 
fort  favorable   aux   libertés   germaniques;   le 
maréchal  Guébriant  se  replie  sur  la  rive  gauche 
du  Rhin;  repasse  sur  la  rive  droite;  sa  mort; 
défaite  de  Dtitlingen  ;  arrivée  de  Turenne  ;  Col- 
mar se  rapproche  de  Strasbourg;  réception  des 
saufs-conduits  pour  le  traité  de  paix  ;  J.-H.  Mogg 
député  à  Paris;  mort  du  résident  Mockhel. 
La  mort  de  Louis  XIU,  qui  suivit  de  si  près  ceUe  de  son 
ministre,  faisait  tort  à  l'expédition  de  différentes  affaires  pour 
lesquelles  la  ville  sollicitait  à  la  cour.  Dans  une  lettre  du 
17  juin  1643,  M.  de  Polhelm  se  plaint  amèrement  du  change- 
ment de  personnes  —  le  comte  de  Brienne  avait  hérité  de  la 
charge  de  Chavigny,  Michel  le  Tellier  de  celle  de  de  Noyers 
—  qui  l'obligeait  à  reconmiencer  sur  nouveaux  frais  des 
démarches  sur  le  point  d'aboutir.  D'après  son  conseil,  Cohnar 
écrivit,  le  28  juin  (Frot  miss,  gaM.),  à  la  reine-mère,  au  duc 
d'Orléans,  au  prince  de  Condé,  à  Mazarin  et  aux  principaux 
membres  de  son  ministère,  pour  leur  exprimer  les  sentiments 


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HISTOIRE  DE  LÀ  GUERRE  DE  TRENTE  ÂM8  257 

que  la  mort  du  roi  lui  inspirait,  et  pour  se  recommander  à 
leur  bon  vouloir.  Les  réponses  de  Gaston  (2  septembre)  et  du 
prince  de  Condé  (23  août)  sont  jointes  au  dossier. 

Tout  en  modifiant  son  ministère,  Anne  d'Autriche  ne  s'écarta 
point  des  règles  qui  avaient  guidé  le  feu  roi  dans  ses  relations 
extérieures  et,  ainsi  que  M.  de  Polhelm  Tavait  annoncé  dans 
sa  lettre,  elle  demeura  fidèle  à  ses  alliances.  Cependant  elle 
retira  d'abord  des  mains  du  comte  d'Avaux  les  négociations 
de  la  paix  générale  pour  lui  confier  les  fonctions  de  surinten- 
dant. 

Malgré  rechange  des  ratifications,  les  conférences  ne  s'ou- 
vraient ni  à  Munster  ni  à  Osnabruck.  Pour  recouvrer  une 
partie  des  avantages  que  la  guerre  et  la  diplomatie  lui  avaient 
fait  perdre,  l'empereur  essayait  d'arracher  à  la  diète  de  dépu- 
tation  réunie  à  Francfort  des  subsides  et  des  concessions  au 
profit  de  sa  puissance.  Tout  en  sollicitant  cent  mois  romains, 
il  prétendait  figurer  au  congrès  assisté  seulement  de  deux 
électeurs.  Mais  le  temps  des  usurpations  était  passé:  depuis 
vingt-cinq  ans  que  la  guerre  durait,  l'empereur  ne  s'était  que 
trop  passé  du  concours  du  pays,  et  les  députés  des  princes  et 
des  villes  trouvaient  le  moment  venu  de  faire  valoir  de  nou- 
veau leurs  droits.  Il  était  contraire  aux  constitutions  de 
l'Empire  que  l'empereur  traitât  seul  de  la  paix,  et  comme  il 
importait  au  plus  haut  degré  que  la  maison  d'Autriche  fût 
réduite  à  l'intérieur  autant  qu'au  dehors,  et  qu'un  traité  con- 
senti par  l'Allemagne  entière  ofirait  incontestablement  plus 
de  garantie  que  s'il  n'était  sanctionné  que  par  l'empereur,  la 
France  et  la  Suède  appuyaient  de  toutes  leurs  forces  la  résis- 
tance de  la  diète.  Les  deux  couronnes  savaient  d'ailleurs  que 
c'étaient  les  états  de  l'Empire  qui  étaient  le  plus  portés  à  la 
paix,  et  qu'avec  leur  concours  seul  elles  parviendraient  à  faire 
signer  à  la  maison  d'Autriche  sa  déchéance  du  rang  qu'elle 
avait  si  longtemps  occupé  en  Europe,  et  la  liberté  religieuse 
qui  avait  servi  de  prétexte  à  cette  longue  guerre. 

Noayelle  Séné.  —  ll-«  année.  17 


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258  REYUE  d'àlsàge 

Colmar  était  tout  prêt  à  envoyer  un  agent  en  Westphalie, 
et  ne  s'inquiétait  que  du  retard  qu'on  mettait  à  s'y  rendre.  Il 
demanda  des  explications  au  résident  Mockhel  qui,  dans  sa 
réponse,  datée  du  30  août,  lui  communiqua  les  documents  les 
plus  propres  à  l'éclairer  sur  la  situation. 

Cependant  la  diète  de  Francfort  continuait  ses  travaux. 
Deux  ans  auparavant  la  diète  avait  proclamé  une  amnistie 
générale,  mais  sans  vouloir  lui  donner  d'eftet  immédiat  A 
J^rancfort  cette  restriction  fut  abrogée,  et  il  ne  manquait  à 
ce  vote  que  la  sanction  impériale  qui  ne  paraissait  point  dou- 
teuse. En  transmettant  cette  nouvelle  à  Colmar,  le  17  octobre, 
Mockhel  ne  put  s'empêcher  de  trouver  la  mesure  précipitée: 
à  son  point  de  vue  il  lui  semblait  plus  avantageux  pour  les 
protestants  de  devoir  l'amnistie  à  la  paix  générale  qu'à  un 
récès  qui  ne  devrait  sa  valeur  qu'au  bon  plaisir  de  l'empereur. 
La  diète  ne  discontinua  pas  de  faire  contrepoids  à  l'autorité 
centrale,  et  quand  Ferdinand  III  voulut  la  dissoudre,  les 
princes  et  les  états  qui  la  composaient  tombèrent  d'accord 
pour  rester  réunis,  dans  la  pensée  que  rien  ne  hâterait 
davantage  la  conclusion  de  la  paix  (lettre  de  Mockhel  du 
!•'  décembre). 

Mais  la  guerre  n'avait  pas  dit  son  dernier  mot  Les  Impé- 
riaux ne  cessaient  pas  d'inquiéter  la  rive  gauche  du  Rhin  et, 
à  la  fin  du  mois  de  mai,  la  nouvelle  se  répandit  qu'ils  avaient 
établi  un  pont  de  bateaux  à  Spire;  on  prétendit  même  qu'il 
avait  déjà  servi  au  passage  de  300  chevaux.  L'alarme  fut 
grande  (lettre  de  P.-F.  Welper,  du  29  mai)  et  non  pas  à  tort, 
car  un  part!  ennemi  vint  visiter  la  basse  Alsace,  d'où  il  ramema 
de  nombreux  bestiaux  (Strobel,  t  IV,  p.  455.). 

Des  échecs  plus  graves  signalèrent  cette  campagne.  Repoussé 
du  Wurtemberg  par  des  forces  supérieures,  le  maréchal 
Guébriant  dut  se  replier  en  Alsace,  avec  toutes  ses  troupes, 
auxquelles  il  fit  passer  le  Rhin  sur  un  pont  en  face  d'Erstein 
(Lettre  de  G. -F.  Gams,  du  15  août).  Il  établit  son  quartier- 


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HSTOIRB  DE  LÀ  6UEREE  DE  TRENTE  ANS  259 

général  à  Erstein  et  envoya  ses  soldats  en  cantonnement  dans 
le  Rieth.  Cette  retraite  donna  des  craintes  sérieuses  pour 
PÂlsace  qae  Tennemî  fit  mine  d'envahir.  Un  corps  considé- 
rable était  posté  à  Rastadt,  et  Ton  démontait  le  pont  de  Spire 
pour  le  reporter  en  amont  de  Stollhofen,  vis-à-vis  de  Drusen- 
heim.  En  donnant  cette  nouvelle  à  notre  ville  par  un  postr 
scriptum  de  sa  lettre  du  30  août,  le  résident  de  Suède  ne  lui 
cachait  pas  ses  appréhensions.  Elles  paraissaient  fondées, 
même  à  M.  de  Montausier,  d'autant  plus  que  la  récolte  avait 
été  bonne  et  que  Tabondance  pouvait  tenter  les  Impériaux. 
Les  Français  môme  n'y  résistaient  point,  et  pour  prévenir  les 
incursions  des  uns,  les  déprédations  des  autres,  Montausier 
donna  Tordre  aux  petites  villes  et  aux  villages  de  son  gouver- 
nement de  retirer  leurs  grains  dans  Colmar  et  dans  Sélestadt 
(lettre  du  20  août);  de  plus,  le  25  août,  il  chargea  M.  Clausier 
de  se  concerter  avec  la  ville  sur  d'autres  mesures  relatives  à 
la  sûreté  du  pays. 

Pour  empêcher  les  Impériaux  de  passer  le  Bhin  à  Drusen- 
heim,  la  cavalerie  de  Guébriant  maintint  ses  positions  en 
basse  Alsace;  il  était  à  craindre  qu'après  l'avoir  épuisée,  elle 
se  portât  dans  le  pays  haut  Pour  prévenir  ce  mouvement,  il 
aurait  fallu  des  renforts  qui  permissent  au  maréchal  de 
reprendre  l'offensive  sur  la  rive  droite,  et  Montausier  y  comp- 
tait (lettre  du  6  octobre).  C'était,  à  n'en  pas  douter,  le  plan  de 
Guébriant,  mais  il  s'en  cachait  avec  soin.  A  la  ville  de  Colmar, 
qui  lui  avait  écrit  pour  le  prier  d'user  de  ménagement,  il 
répondit  de  sa  main,  le  6  octobre,  à  Erstein  :  «Je  souhaitterois 
bien,  de  pouuoir  non  seulement  espargner  la  haulte  Alsace, 
mais  aussy  de  n'auoir  pas  incommodé  la  basse,  comme  j'ay 
faict  et  fays  encore.  Mais  quand  vous  voudrez  considérer  les 
affaires  sans  vous  attacher  par  trop  à  vostre  intérest  particu- 
lier vous  trouverez  qu'il  ne  s'est  pu  ny  ne  se  peult  encore 
faire  aultrement. . .  J'ai  donné  le  temps  aux  peuples  dlcy  bas 
de  faire  la  récolte  de  leurs  grains  et  de  le  mettre  en  lieu  de 


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260  REVUE    D'ALSACE 

seureté;  j'ayde  à  présent  aultant  qu'il  m'est  possible  à  les 
faire  semer  leurs  terres  au  milieu  des  quartiers.  Je  n'auray 
pas  moins  de  seing  pour  les  vendanges  de  la  haulte  Alsace  et 
auxquelles  j'auray  aultant  d'esgards  que  la  conseruation  de 
l'armée  du  roy  le  pourra  permettre.» 

A  la  lecture  de  cette  lettre,  notre  ville  ne  pouvait  se  douter 
qu'avant  la  fin  du  mois  les  troupes  françaises  repasseraient  le 
BMn  et  reprendraient  l'offensive.  Pour  faciliter  cette  opération, 
Colmar  procura  à  Guébriant  une  centaine  de  chevaux  d'artil- 
lerie et,  sur  la  réquisition  du  commissaire  des  guerres  de 
Tracy,  elle  se  chargea  du  transport  de  plusieurs  milliers  de 
pains  pour  la  subsistance  de  l'armée  sur  la  rive  droite. 

Cette  tardive  campagne  qui  devait  mettre  les  troupes  en 
possession  de  leurs  quartiers  d'hiver,  eut  l'issue  la  plus  mal- 
heureuse. La  France  y  perdit  le  maréchal  Guébriant,  tué  au 
siège  de  Rottweil,  et  subit  le  désastre  de  Dtttlingen.  Montau- 
sier  fut  fait  prisonnier,  et  du  château  de  Tubingen,  où  il  fut 
enfermé,  il  écrivit,  le  !•'  décembre,  à  MM.  les  magistrats  et  le 
conseil  de  la  ville  impériale  de  Colmar  la  lettre  suivante: 

«  Messieurs,  Ayant  receu  toujours  beaucoup  de  tesmoignages 
de  vostre  bonne  volonté,  j'ay  creu  que  dans  ce  dernier  malheur 
qui  nous  est  arriué,  vous  pourriez  estre  en  peine  de  moy,  et 
que  je  vous  ferois  plaisir  en  vous  en  estant  par  cette  lettre. 
J'ay  esté  bien  aise  aussy  de  vous  prier  de  ne  pas  adjouster 
foy  aux  bruits  qui  pourroyent  courre  au  désauantage  de  tous 
les  officiers  de  cette  armée,  auant  que  d'estre  esclaircis  de 
ceux  qui  sont  coupables  et  de  ceux  qui  ne  le  sont  pas  ;  le 
S'  de  Lacoste  que  j'enuoye  de  France  en  dira  toutes  les  par- 
ticularitez  à  des  personnes  qui  vous  les  feront  scauoir  incon- 
tinent. Je  n'ay  rien  à  adjouster  à  cecy,  sinon  que  je  vous  prie 
de  me  tenir  tousjours  en  vos  bonnes  grâces  et  de  me  croire, 
Messieurs,  etc.  » 

Après  ce  grave  échec  qui  coûta  à  la  France  tous  ses  officiers 
généraux  et  près  de  6000  soldats,  la  cour  appela  Turenne  au 


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HBTOIRE  DK  LA  GUERRE  DE  TRENTE  ANS  261 

commandement  de  Parmée.  Une  partie  fut  envoyée  dans  la 
haute  Alsace,  et  Colmar  craignit  un  moment  d'avoir  à  loger 
une  compagnie  de  cavalerie  du  régiment  de  M.  d'Oysonville. 
Sainte-Croix  reçut  deux  régiments,  formant  un  efiectif  de 
1200  hommes  ;  pour  échapper  aux  avanies,  les  habitants  quit- 
tèrent la  place  et  se  réfugièrent  à  Colmar.  Livrés  à  eux-mêmes, 
les  soldats  ménagèrent  peu  les  approvisionnements  qu'ils 
trouvèrent  dans  la  villette.  Colmar  s'en  plaignit  à  Turenne, 
qui  lui  répondit,  le  26  décembre,  de  Brisach,  que  s'il  n'est  pas 
raisonnable  de  toucher  aux  grains  de  la  ville,  il  ne  l'est  pas 
non  plus  de  tenir  les  habitants  éloignés  de  leurs  demeures, 
pour  ôter  la  subsistance  aux  officiers  et  aux  soldats. 

La  guerre  avait  créé  pour  ainsi  dire  autant  d'intérêts  par- 
ticuliers qu'il  y  avait  d'états  dans  la  province.  Colmar,  qui 
s'était  sans  réserve  jeté  dans  les  bras  de  la  France,  ne  pouvait 
pas  dans  ces  circonstances  se  guider  sur  l'exemple  de  Stras- 
bourç.  dont  la  politique  n'avait  visé  qu'à  s'assurer  le  bénéfice 
de  la  neutralité.  Cependant  il  importait  à  notre  ville  de  sortir 
de  son  isolement  et  de  se  rapprocher  de  Strasboui^,  dont  elle 
partageait  la  foi  religieuse.  Dans  une  lettre  de  la  fin  d'août 
(Brot  miss.  1641-46,  f  •  158-159),  la  ville  avait  sondé  Mockhel 
sur  la  convenance  de  ce  rapprochement,  et  le  résident  n'avait 
pas  hésité  à  le  lui  recommander.  Il  s'agissait  surtout  pour  le 
moment  de  faire  profiter  Colmar  des  informations  de  toute 
nature  que  recevait  Strasbourg,  et  de  permettre  à  son  député 
de  se  rendre  en  Westphalie  en  compagnie  de  ceux  de  Stras- 
bourg. Le  magistrat  écrivit  dans  ce  sens  le  6  septembre  (Prot, 
miss,),  Strasbourg  reçut  cette  ouverture  avec  beaucoup  de 
courtoisie  (lettre  du  9  septembre)  ;  cependant  il  fit  observer 
que  la  Suède  n'ayant  pas  encore  envoyé  de  saufs-conduits,  il 
n^y  avait  pas  urgence  h  se  faire  représenter  aux  négociations. 

Pour  faciliter  cette  entente,  Mockhel  manda  à  Colmar,  le 
25  septembre,  d'envoyer  un  affidé  à  Benfeld,  oh  il  attendait 
un  membre  influent  du  gouvernement  de  Strasbourg.  Mais 


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262  REVUE    D'ALSACE 

un  mois  après,  il  n'y  avait  encore  rien  de  fait  et,  dans  une 
lettre  du  28  octobre,  Mockhel  fait  comprendre  h  la  ville 
que  Strasbourg  pourrait  peut-être  préférer  conserver  avec 
son  isolement  toute  sa  liberté  d'action.  Cependant  on  voit 
les  deux  villes  continuer  à  se  conmiuniquer  les  nouveUes 
qui  les  intéressaient.  Dans  une  lettre  de  Strasboui^,  du  8  jan- 
vier 1644,  on  peut  noter  la  manière  dont  il  appréciait  les 
négociations  :  sous  l'impression  de  la  Ûcheuse  issue  de  la  cam- 
pagne des  Français  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  et  malgré  les 
saufs-conduits,  datés  du  14  novembre  1643,  que  les  ambassa- 
deurs suédois  avaient  enfin  adressés  aux  états  de  l'Empire,  il 
ne  cachait  pas  lé  peu  d'espoir  qui  lui  restait  de  voir  l'œuvre 
pacifique  des  diplomates  aboutir. 

Indépendamment  de  l'entente  avec  Strasbourg,  la  ville 
rechercha  l'appui  du  landgrave  Georges  de  Hesse-Darmstadt, 
à  qui  elle  avait  recommandé  une  première  fois  ses  intérêts  à 
la  diète  de  Ratisbonne.  A  sa  lettre,  du  9  septembre  {Prot. 
mi88.)j  ce  prince  répondit,  le  2  octobre,  en  promettant  de  tout 
faire  pour  sauvegarder  aux  conférences  la  foi  religieuse  de  la 
ville. 

Peu  avant  l'arrivée  des  saufs-conduits  suédois,  Golmar  avait 
reçu  de  la  cour  de  France  copie  authentique  de  celui  du  roi 
d'Espagne,  daté  du  3  juin.  A  Paris  la  ville  sollicitait  toiyours 
l'exemption  de  la  dîme  extraordinaire,  sans  parvenir  à  mat- 
triser  le  mauvais  vouloir  de  M.  d'Oysonville.  De  guerre  lasée, 
M.  de  Polhelm,  d'accord  avec  Manicamp  qui  appuyait  chaude- 
ment ses  démarches,  finit,  le  19  décembre,  n.  st,  par  engager 
la  ville  à  envoyer  un  député  à  la  cour,  tant  pour  en  finir  avec 
cette  grave  affaire  que  pour  renouveler  l'alliance  de  1635  et 
rendre  les  devoirs  à  la  reine-mère.  Colmar  suivit  ce  conseil  et 
confia  derechef  son  mandat  h  Jean-Henri  Mogg,  l'habile  négo- 
ciateur du  traité  de  Ruel.  Son  passe-port,  au  nom  du  magis- 
trat et  du  conseil,  est  daté  du  ^janvier  1644. 

Avant  de  clore  cette  analyse,  je  dois  mentionner  encore  la 


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HISTOIRB  DE  LÀ  GUERRE  DE  TRENTE  ANS  263 

mort  de  Frédéric-Richard  MockheL  D  souffrait  depuis  quel- 
ques mois  de  la  poitrine.  Dans  sa  lettre  du  30  août,  il  parlait 
déjà  de  son  extrême  abattement,  qu'il  essayait  de  conjurer  en 
buvant  de  Peau  de  Soultzbach,  et  des  appréhensions  que  sa 
santé  lui  causait  D  n'en  continua  pas  moins  à  correspondre 
assidûment  avec  Golmar,  qui  lui  écrivit  pour  la  dernière  fois 
le  8  décembre.  La  ville  reçut  presque  en  même  temps  Pavis 
de  sa  mort,  et  le  Prot.  miss,  renferme,  sous  la  date  du  12,  la 
lettre  de  condoléance  qu'elle  envoya  à  sa  veuve. 

X.  MossMANir. 

(La  suite  prochainement) 


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LETTRES  INÉDITES  D'ANDRIEUX' 


Les  quelques  lettres  qui  suivent  montrent  Andrieux  unique- 
ment préoccupé  de  sa  réputation  de  dramaturge,  bien  que  le 
théâtre  soit  la  partie  de  son  œuvre  la  plus  démodée  et  qu'il 
faille  chercher  dans  le  cadre  du  conte  l'expression  originale 
de  sa  physionomie.  De  son  vivant  d'ailleurs  on  lui  contestait 
déjà  son  rang,  Geoffroy  prenait  à  tâche  de  le  déprécier,  La 
Harpe  n'a  pas  dit  un  mot  de  lui  dans  son  Lycée,  Chénier  seul 
le  jugea  favorablement.  Ces  lettres,  si  parvos  licet  cotnponere 
magiiis,  nous  font  songer  à  Lamartine  regrettant  les  écrits 
auxquels  il  devait  le  plus  clair  de  sa  gloire  et  demandant  par- 
don au  public  de  ses  poésies.  Le  théâtre  fut  pour  Andrieux  ce 
que  la'^diplomatie  fut  pour  Lamartine  :  une  passion  contrariée- 


A  MM.  les  comédiens  français  ordinaires  du  roi  membres  du 
comité  d'administration  au  théâtre  rue  de  Richelieu. 

Messieurs, 
Je  vous  remercie  d'avoir  bien  voulu  vous  occuper  de 
reprendre  la  Comédienne,  comme  vous  me  l'aviez  promis.  J'ose 
espérer  que  cette  pièce  restera  désormais  au  courant  du 
répertoire. 

'  Né  à  Strasbourg  en  1759,  mort  à  Paris  en  1833,  secrétaire  perpétuel 
de  l'Académie  française. 


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LETTRBS  INÉDITES  D'ANDRIBUX  266 

Ce  qui  ne  me  ferait  pas  moins  de  plaisir,  ce  qui  serait  très 
convenable  et  ce  que  tous  m'aviez  également  promis,  ce  serait 
que  vous  remissiez  Molière  avec  ses  amis;  on  devrait,  ce  me 
semble  jouer  cette  pièce  le  15  janvier  prochain,  pour  fêter 
Tanniversaire  de  la  naissance  de  ce  grand  homme;  je  serais 
fier  et  heureux  de  contribuer  à  la  solennité  du  jour  et  il  me 
serait  facile  d'ajouter  quatre  ou  six  vers  pour  la  circonstance. 

Je  vous  demande  aussi  lecture  pour  le  Jeune  Créole,  pièce 
en  cinq  actes  que  vous  avez  reçue  il  y  a  longtemps,  mais  que 
j*ai  retravaillée  et  améliorée;  je  pense  que  l'ouvrage,  bien 
qu'il  soit  un  peu  extraordinaire  et  peut-être  même  parce  qu'il 
l'est,  pourrait  obtenir  du  succès. 

J'ai  l'honneur  d'être, 

Messieurs, 
Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

ÂHDBIEUX. 
Paris,  le  6  décembre  1825. 

n 

A  M.  le  baron  Taylor,  commissaire  au  roi  pris  le 
Théâtre  Français. 

M.  le  baron. 

Je  vous  prie  d'agréer  mes  remerctments  et  de  vouloir  bien 
aussi  les  offrir  au  comité  de  la  Comédie,  pour  la  décision  qu'il 
a  prise  relativement  à  ma  petite  pièce  de  Molière  avec  ses 
amis.  Ce  sera  un  grand  plaisir  pour  moi  de  contribuer  à  hono- 
rer la  mémoire  de  ce  grand  homme,  en  fêtant  l'anniversaire 
de  sa  naissance,  le  15  janvier.  Je  répète  que  je  ne  veux  point 
toucher  ce  jour-là  de  droit  d'auteur. 

J'ai  ajouté,  pour  la  circonstance  quelques  vers  en  deux 
endroits  de  la  pièce.  Je  vous  prie  d'indiquer  une  réunion  des 
acteurs  auxquels  j'aurai  à  donner  de  petites  additions  quMls 
voudront  bien  ajouter  à  leurs  rôles.  D  faudrait  avertir  seule- 
ment MM.  Michelot,  Molière,  Baptiste  aîné,  Chapelle,  Devigny, 


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366  REYins  d'alsàcb 

La  Fontaine,  Perier,  Despréaux,  et  Mlles  Demerson,  Laforest. 

Ces  additions  ne  font  pas  trente  vers  en  tout;  —  et  elles  ne 
peuvent  manquer  d'être  bien  accueillies  par  le  public;  puis- 
qu'elles lui  serviront  d'occasion  pour  manifester  ses  sentiments 
d'admiration  et  de  reconnaissance  pour  notre  grand  poète 
comique. 

Je  suis  fftché  d'avoir  h  terminer  une  lettre  de  remerctment 
par  des  plaintes;  mais  il  est  affligeant  pour  moi  de  voir  aban- 
donner la  Comédienne  après  trois  représentations  ;  si  je  ne  me 
fais  point  illusion,  la  pièce  a  été  bien  reçue  du  public;  elle  est 
parfaitement  bien  jouée  et  cependant  on  se  borne  à  la  donner 
trois  fois!  Etait-ce  la  peine  de  la  reprendre?  et  n'est<îe  point 
me  causer  le  chagrin  de  transformer  son  succès  en  une  espèce 
de  chute?  Car,  qu'aurait-on  fait  si  elle  fut  tombée?  Je  vous 
prie,  M.  le  baron,  de  vouloir  bie;i  m'accorder  vos  bons  offices 
auprès  de  la  Comédie  et  de  représenter  au  comité  qu'il  est  de 
toute  justice  de  continuer  les  représentations  de  cette  pièce 
dont  on  a  annoncé  la  reprise.  Je  vous  en  serai  infiniment 
obligé. 

Agréez,  etc. 


Ce  8  janvier  1826. 


m 


M.  le  baron, 

Mlle  Mars  m'a  paru  être  dans  la  disposition  de  jouer  la 
semaine  prochaine  la  Comédienne;  mais  M.  Meigaud  est 
absent;  MM.  Devigny  et  Granville  sont  malades  ;  il  faudrait, 
je  crois,  remplacer  M.  Menjaud  par  M.  Firmin  ou  M.  Lecomte 
et  M.  Samson  se  chargerait  volontiers  du  rôle  de  M.  Devigny; 
mais  il  est  nécessaire,  je  pense,  qu'il  en  regoive  l'ordre  de 
vous. 

Je  vous  prie  donc  de  vouloir  bien  le  lui  donner,  afin  que  la 
pièce  n'éprouve  point  de  retard.  Je  m'en  remets  à  votre  obli- 
geance accoutumée  et  vous  en  fait  d'avance  mes  remerct- 
ments. 


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LETTRISS  mÉDITES  D'ANDRISUX  267 

Je  suis  à  la  campi^e  par  raison  de  santé;  je  n'ai  pu  venir 
au  comité  de  lecture  de  mercredi  dernier;  je  tâcherai  de  me 
rendre  à  celui  de  mercredi  prochain  13, 

Agréez,  etc. 

C'est  d'accord  avec  Mlle  Mars  que  je  vous  présente 
M.  Samson. 

8  octobre  1826. 

IV 
M.  le  baron, 

Lorsque  vous  m'avez  témoigné,  en  votre  nom  et  au  nom  du 
Théâtre  Français  le  désir  que  je  iisse  en  sorte  que  les  Etour- 
dis ne  fussent  plus  joués  â  l'Odéon,  j'ai  pensé  que  ce  désir 
était  honorable  pour  moi  et  pour  mon  ouvrage;  j'y  ai 
acquiescé;  mais  une  condition  nécessaire  de  l'arrangement 
que  j'ai  fait,  était  que  cette  pièce  resterait  au  répertoire  fran- 
çais et  qu'on  la  jouerait  quelquefois  ;  j'ai  droit,  ce  me  semble 
de  réclamer  l'exécution  de  cette  condition  ;  il  y  a,  dans  ce 
moment-ci,  plus  de  quatre  mois  qu'on  n'a  donné  les  Etourdis; 
M.  Armand  disait,  à  l'une  de  nos  dernières  séances  du  jury 
de  lecture,  que  des  jeunes  gens  étaient  venus  chez  lui  deman- 
der une  représentation  de  cette  pièce  qu'ils  désiraient  voir. 
Assurément  ce  n'était  pas  moi  qui  les  avait  envoyés  et  j'igno- 
rais même  qu'ils  eussent  fait  cette  démarche. 

Mais  je  crois  pouvoir  vous  prier,  M.  le  baron,  ainsi  que  la 
Comédie,  de  vouloir  bien  faire  mettre  l'ouvrage  au  répertoire 
un  de  ces  jours.  On  laisse  aussi  de  côté  mes  autres  petites 
comédies  qui  pourtant,  â  ce  qu'il  me  semble,  ne  repoussent 
pas  le  public  et  contribuent  assez  bien  k  la  recette.  Mais  le 
Théâtre  Français  ne  m'a  jamais  gâté;  la  Comédienne,  par 
exemple,  est  restée  huit  ans  sans  parattre  une  seule  fois.  Je 
demande  qu'on  ne  tue  pas  mes  pauvres  Etourdis  et  il  me 
semble  qu'en  cela  l'intérêt  du  théâtre  est  d'accord  avec  celui 


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2^  REYUB    D'ILSAGB 

de  ma  réputation.  Je  tous  serai  donc  infiniment  obligé  ainsi 
qu'à  la  Comédie  de  vouloir  bien  faire  droit  à  ma  demande. 

Agréez,  etc. 
Ce  27  mars  1827. 


M.  le  baron, 

Mademoiselle  Leverd  vient  de  me  faire  l'honneur  de  m'écrire 
pour  m'engager  à  lui  donner  le  rôle  de  la  Comédienne  en  double 
de  Mademoiselle  Mars;  je  lui  ai  répondu  que  je  ne  pouvais 
faire  quant  à  présent  ce  qu'elle  me  demandait  ni  m'occuper 
de  la  distribution  des  rôles  de  la  pièce  (en  cas  qu'il  faille 
faire  une  distribution  nouvelle);  qu'après  ce  qui  s'est  passé 
relativement  à  cette  pièce,  je  devais  attendre  que  la  Comédie 
me  témoignât  par  écrit  le  désir  de  la  reprendre. 

Je  vous  demande,  M.  le  baron,  votre  intervention  et  vos 
bons  offices  dans  cette  affaire  qui  touche  aux  intérêts  du 
Théâtre  Français. 

Permettez-moi  de  vous  exposer  quelques  faits.  Au  commen- 
cement de  l'année  1823,  M.  SaintrFal  me  demanda  de  consentir 
que  ma  petite  pièce  de  Molière  avec  ses  amis,  dans  laquelle  il 
jouait  parfaitement  bien  le  rôle  de  La  Fontaine,  fût  donnée 
pour  sa  représentation  à  bénéfice;  la  pièce  n'avait  pas  été 
jouée  pendant  quatre  années;  j'y  consentis  bien  volontiers  et 
la  représentation  eut  lieu. 

Quelque  temps  après,  M.  Baptiste  aîné  ayant  aussi  obtenu 
une  représentation  à  son  bénéfice,  me  fit  l'honneur  de  penser 
à  ma  pièce  de  la  Comédienne  qui  n'avait  pas  été  jouée  aussi 
depuis  quatre  ans.  Je  me  prêterai  toujours  avec  grand  plaisir 
à  de  semblables  demandes  de  la  part  de  Messieurs  les  comé- 
diens, et  même  je  leur  en  saurai  très  bon  gré  ;  je  répondis 
donc  à  M.  Baptiste  aîné  comme  j'avais  fait  à  M.  Saint-Fal,  que 
puisqu'il  avait  contribué  au  succès  de  la  Comédienne,  je  lui 


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LETTRES  INÉDITES  B'àNDRIEUX  269 

reconnaissais  un  véritable  titre  à  faire  usage  pour  lui  de  cette 
pièce. 

On  afficha  pour  la  représentation  de  M.  Baptiste  atné  la 
première  représentation  de  la  reprise  de  la  Comédienne.  Cette 
affiche  resta  deux  ou  trois  jours  et  fut  changée  ensuite  sans 
mon  aveu,  sans  qu'on  prît  seulement  la  peine  de  m'en  donner 
avis. 

J'écrivis  à  la  Comédie  et  je  reçus  le  21  avril  1823,  une  lettre 
signée  de  six  membres  du  comité  d'administration,  lettre  dans 
laquelle  on  avoue  qu'on  a  envers  moi  des  torts  réels  ;  on  veut 
bien  me  dire  que  la  modération  avec  laquelle  je  m'en  plains 
ajoute  encore  aux  regrets  qu'on  en  éprouve  et  au  désir  sincère 
qpion  a  de  les  réparer  autant  qu'on  le  pourra  ;  enfin  on  me 
promet  de  remettre  au  courant  du  répertoire  la  Comédienne, 
le  Trésor,  Molière  avec  ses  amis. . .  Depuis  cette  époque  on  a 
joué  deux  fois  le  14  et  le  27  novembre  1823  Molière  avec  ses 
amis  et  rien  de  plus;  et  il  y  a  deux  années  et  demie. 

Je  suis  peut  être  le  moins  exigeant  des  auteurs;  j'ai  au 
répertoire  du  Théâtre  Français  au  moins  cinq  pièces  qui 
seraient  faites  pour  y  rester  et  qui  ne  le  déparent  point, 
savoir  Anaximanâ/re,  les  Etourdis,  Molière  avec  ses  amis,  le 
Trésor  et  la  Comédienne.  MM.  les  comédiens  pensent  comme 
moi  à  cet  égard  puisqu'ils  ont  la  bonté  de  choisir  mes  ouvrages 
pour  les  donner  les  jours  où  ils  ont  le  plus  d'intérêt  d'avoir 
du  monde.  Et  cependant  ils  privent  constamment  le  public 
tout  le  reste  du  temps  et  se  privent  eux-mêmes  de  pièces  qui 
pourraient  leur  être  utiles. 

J'avouerai  qu'il  y  a  un  peu  de  ma  faute  ;  j'ai  tellement  peur 
de  paraître  tourmentant  et  intéressé  que  je  n'ose  solliciter  la 
représentation  de  mes  ouvrages;  je  me  laisse  oublier  et  l'on 
m'oublie. 

Voilà  les  faits  très  exacts,  M.  le  baron  ;  je  vous  les  expose 
sans  humeur  ni  chagrin;  je  ne  me  crois  point  blessé,  mais  je 
pense  que  si  la  Comédie  française  veut  réellement  reprendre 


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270  REVUE  d'ai^àce 

la  Comédienne,  il  est  convenable  qu'elle  m'informe  pax  écrit 

de  son  intention,  et  qu'elle  m'engage  à  faire  une  distribution 

de  rôles  si  cela  est  nécessaire.  Je  vous  avoue  que  je  verrais 

avec  peine  le  rôle  principal  joué  par  une  autre  que  MJle  Mars 

qui  l'a  établi  avec  tant  de  supériorité.  Si  le  public  voit  que  cette 

grande  actrice  abandonne  le  rôle,  il  en  résultera  une  défaveur 

immense  pour  la  pièce.  Je  vous  prie  donc  d'avoir  la  bonté 

d'en  parler  à  Mlle  Mars  que  je  n'ose  importuner,  je  suis  trop 

intéressé  à  ce  qu'elle  joue  le  rôle  pour  lui  en  faire  moi-même 

la  demande. 

Pour  en  finir,  je  pense  que  vous  trouverez  comme  moi  qu'il 

est  à  propos  que  la  Comédie  m'écrive  d'abord  un  mot  au  siyet 

de  la  Comédienne;  je  verrai  ensuite  ce  que  je  devrai  faire;  ou 

plutôt  je  vous  demanderai  vos  conseils;  votre  zèle  pour  les 

intérêts  .de  l'art,  pour  la  gloire  de  la  scène  française,  vos 

lumières  et  votre  loyal  caractère  me  sont  garants  que  je  ne 

pourrai  avoir  un  meilleur  guide  ni  un  meilleur  appuL 

Agréez,  etc. 

14  octobre  1827. 

Andeieux. 

De  l'Académie  française,  au  Collège  royal  de  France,  place 
Cambrai  à  Paris. 

VI 

M.  le  duc  (?) 
Ce  serait  un  grand  bonheur  pour  moi  que  vous  voulussiez 
bien  avoir  la  bonté  de  présenter  et  de  faire  agréer  à  Sa  Majesté 
ma  petite  pièce  du  Manteau  pour.être  jouée  après  la  tragédie 
de  Tancrède.  Cette  comédie  courte  et  gracieuse  est  parfaite- 
ment bien  jouée  par  les  comédiens  du  roi  et  encore  une  fois, 
je  serais  heureux  de  pouvoir  penser  que  mon  ouvrage  eut 
contribué  pendant  quelques  instants  au  divertissement  de 

Sa  Majesté. 

Je  suis  avec  respect,  etc. 

Paris,  20  février  1829. 


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LETTRES  INiDITBS  D'ANDRIBOX  371 

VU 

A  M.  le  baron  Taylor, 

Paris,  le  20  janyier  1880. 
Le  secrétaire  perpétuel  de  rAcadémie. 

M.  le  baroQ, 

Je  suis  bien  fâché  que  ma  lettre  d'invitation  vous  soit  par- 
venue dans  un  moment  d'affliction;  je  prends  bien  part  à  votre 
douleur;  vous  connaissez  l'estime  et  l'attachement  que  je  vous 
porte  et  que  vos  bons  procédés  et  vos  aimables  manières 
m'ont  inspirés  ;  me  trouvant  logé  par  l'Académie,  j'ai  imaginé 
d'engager  mes  confrères  à  se  réunir  une  fois  par  semaine, 
chez  eux,  pour  entretenir  la  bonne  intelligence,  et  j'ai  cru 
aussi  devoir  leur  adjoindre  les  hommes  les  plus  distingués  par 
leurs  talents,  par  leur  goût  pour  les  arts  et  les  lettres;  vous 
voyez  que  j'ai  dû  songer  à  vous  tout  des  premiers;  j'ose 
espérer  que  vous  me  ferez  quelquefois  l'honneur  de  parattre 
à  ces  réunions  sans  prétentions  et  toutes  littéraires.  J'écris  à 
la  Comédie  pour  lui  proposer  de  monter  le  Jeune  Créole  que 
je  viens  de  revoir  et  de  retravailler;  je  pense  que  cet  ouvrage 
pourrait  avoir  du  succès. 

Je  me  plains  aussi,  mais  doucement,  de  ce  qu'on  laisse  de 
côté  la  Comédienne,  le  Manteau,  etc.,  k  quoi  cela  tient-il?  J'en 
écris  un  petit  mot  à  Mlle  Mars. 

Veuillez,  M.  le  baron,  m'accorder  vos  bons  offices  pour  le 
passé  et  pour  l'avenir,  je  veux  dire  pour  mes  ouvrages  qui 
ont  paru  et  pour  celui  que  je  veux  faire  parattre.  Je  vous  en 
serai  infiniment  obligé.  Je  crois  d'ailleurs  ne  rien  demander 
qui  ne  soit  dans  l'intérêt  du  Théâtre,  intérêt  que  je  n'ai  jamais 
séparé  du  nûen,  que  j'ai  même  toujours  considéré  avant  le 
mien. 

Agréez,  etc. 


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272 

VIII 

Paris,  4  juillet  1831. 
Le  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie. 

M.  le  baron, 

Je  n'étais  pas  à  Paris  quand  votre  lettre  a  été  remise  chez 
moi;  à  mon  retour  je  m'empresse  d'y  répondre. 

Le  secrétaire  de  l'Académie  enregistre  ses  décisions,  mais 
il  ne  les  fait  point.  Le  respectable  Montyon  a  voulu  que  l'Aca- 
démie récompensât  les  ouvrages  les  plus  utiles  aux  mœurs; 
c'est  PutilUé  morale  qu'elle  considère  particulièrement,  afin 
de  se  conformer  aux  intentions  du  fondateur.  Dans  mon  opi- 
nion, une  pièce  de  théâtre  qui  aurait  été  dirigée  dans  ce  but 
et  qui  l'aurait  atteint,  aurait  droit  à  la  récompense.  La  plu- 
part des  tragédies  grecques  sont  remplies  d'exemples  et  de 
leçons  de  toute?  les  vertus.  Mais  vous  savez  au  moins  aussi 
bien  que  moi  que  les  auteurs  dramatiques  modernes  se 
proposent  de  plaire  à  leurs  auditeurs  ou  de  les  émouvoir 
beaucoup  plus  que  de  les  instruire  et  de  les  améliorer.  Il 
semble  même  que,  dans  le  temps  oîi  nous  sommes,  quelques 
auteurs  fassent  exprès  de  chercher  des  fables  qui  surprennent 
et  qui  épouvantent  par  leur  immoralité  monstrueuse. 

On  dit  beaucoup  de  bien  de  la  pièce  qui  doit  être  repré- 
sentée ce  soir  au  Théâtre  Français  ;*  je  souhaite  pour  l'intérêt 
de  l'art,  pour  celui  de  l'auteur  et  pour  celui  de  la  Comédie, 
que  ce  soit  un  bel  et  bon  ouvrage  qui  mérite  et  qui  obtienne 
un  éclatant  succès. 

Je  vous  félicite  du  mouvement  que  vous  avez  eu  le  talent 
d'imprimer  au  Théâtre  Français;  il  paraît  qu'il  reprend  de 

*  La  Crainte  de  Vopinion,  par  Barrault  «L'école  Saint-Simonienne 
florissante  alors  essaya  de  pénétrer  an  théâtre  arec  nn  de  ses  cheft, 
M.  Barrault  dont  la  comédie  ne  fit  pas  beaucoup  plus  de  prosélytes  que 
la  nouvelle  religion.»  H.  Lucas,  Histoire  du  théâtre  français,  m,  19. 


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LETTRES  INÉDITES  D'ANDRIBUX  273 

Pactivité,  puissiez-vous  réussir  à  lui  rendre  son  ancienne 
gloire! 

Je  vous  remercie  de  Poj&e  obligeante  que  vous  me  faites 
dHin  coupon  de  loge,  mais  nous  n'en  pouvons  profiter  ;  ma 
fille  est  à!  la  campagne  pour  rétablir  sa  santé  ;  je  suis  moi- 
même  assez  mal  portant  et  obligé  de  me  priver  du  plaisir  du 
spectacle. 

Agréez,  etc. 

Pourquoi  ne  reprendrait-on  pas  ma  tragédie  de  BnUus.^ 
{Commimiquées  par  M.  Paul  Ristelhubeb.) 

^  Dans  une  nenyième  lettre,  à  Firmin  Didot  père,  Andrienx  rappelle 
des  sonyenirs  de  jeunesse  : 

La  Parque  à  la  sourdine  a  diablement  filé, 
Chaque  année  en  fuyant  nous  yole  quelque  chose. 

Enfin  dans  une  dixième,  du  4  juiUet  1831,  il  se  plaint  de  la  mise  en 
scène  de  Brutus:  «on  avait  mis  des  dômes  asiatiques  dans  la  Rome  des 
Tarquins  et  le  tribunal  sur  lequel  on  ayait  fait  asseoir  le  consul  de 
Rome  ressemblait  pas  mal  à  une  caisse  de  sayon.» 


Nouyelle  Série.  --  11*  aonée.  18 


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NOTES  BIOGRAPHIQUES 

SUR  LES 

HOMMES  DE  U  RÉVOLUTION 

A 

STRASBOURG  ET  LES  ENVIRONS 


SuUe^ 


SCHNEIDER  (Jean-George). 

Puis  il  donna  quelques  développements  de  ses  principes 
de  la  morale  universelle,  et  finit  par  abdiquer  l'état  de 
prêtre,  qu^il  embrassa  par  séduction  et  comme  victime  de 
Terreur  —  23  octobre.  Chargé  du  transport  dans  l'intérieur 
du  pays  des  personnes  détenues  à  Strasbourg.  Chargé  d'or- 
ganiser un  Conseil  d'administration  de  Tarmée  révolution- 
naire, il  nomme  Taffîn  président.  Il  requiert  Monet  de  foire 
arrêter  de  suite  Rauscb,  agent  du  prince  de  Darmstadt. 
Au  Club,  il  est  proposé  pour  le  Conseil  demandé  par  les 
représentants  du  peuple  -*  29  octobre.  Le  Comité  de  sur- 
veillance et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  bien  qu'il 
fonctionnât  depuis  le  8,  tenait  cependant  à  célébrer  son 
installation.  On  profita  de  la  publication  du  décret  du 
29  septembre  1793,  sur  la  nouvelle  taxe  des  denrées  les  plus 
nécessaires  (loi  du  maximum),  pour  organiser  un  cortège 
à  travers  les  rues  de  la  ville.  En  tète  de  l'armée  révolution- 
naire, traînant  une  petite  guillotine,  marchait  Scl^neider,  à 
ses  côtés  les  juges,  puis  derrière  eux,  un  boulanger,  un  £ari- 

^  Voir  la  première  partie  de  ces  notes  sur  Enloge  Schneider,  pages 
132  à  137,  du  premier  trimestre  1882. 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLIITION  276 

nier,  un  épicier,  un  fabricant  de  tabac  et  une  pauvre  jardi- 
nière de  la  Robertsau,  Ddrothée  Frantz,  convaincue  d'avoir 
vendu  deux  têtes  de  salade  20  sous  —  6  novembre.  H  fait 
arrêter  le  baron  Frédéric  de  Wurmser,  qui  -se  tenait  à  la 
campagne  à  Lingolsheim  —  7  novembre.  Il  félicite  Saint- 
Just  et  Lebas  des  heureux  effets  causés  par  leurs  mesures 
révolutionnaires  ;  le  costume  gothique,  les  signes  de  la  féo- 
dalité, les  noms  qui  rappellent  Pancien  régime,  dit-il,  sont 
proscrits  ;  mais  il  y  a  encore  quelque  chose  à  faire,  il  faut 
enlever  aus  ministres  et  professeurs  protestants  les  revenus 
des  biens  dont  ils  jouissent,  connus  sous  le  nom  de  Saint- 
Thomas,  et  qui  doivent  faire  retour  à  TEtat,  étanl  biens 
ecclésiastiques,  donc  propriétés  nationales  — 12  novembre. 
Gomme  commissaire  révolutionnaire  il  approuve  toutes  les 
mesures  prises  par  ses  agents  Gerst  et  Wetzel.  Les  biens 
de  ceux  qui  se  sont  soustraits  aux  arrestations  seront  inven- 
toriés; les  grains,  bestiaux  et  fourrages  transportés  à 
Strasbourg,  et  100,000  liv.  prélevées  sur  les  riches  paysans; 
surtout  ne  point  ménager  les  femmes  contre  lesquelles  il  y 
a  des  dépositions  —  20  novembre.  A  Barr,  lors  de  la  fête 
célébrée  en  Thonneur  de  la  Raison,  tout  le  canton  fut  invité 
d'y  assister.  Les  prêtres  y  abjurèrent  la  prêtrise,  parmi  les- 
quels un  Allemand  du  nom  de  Funck.  Schneider  monte  à 
la  tribune  et  dit  : 

Je  suis  étonné  qu'aucune  de  vous  ne  se  présente  pour  donner  sa 
main  à  Funck.  J'invite,  en  conséquence,  toutes  les  citoyennes  de  ne 
lui  point  refuser  leur  main,  s'il  la  demande,  sous  peine  d'être  regardées 
comme  suspectes.  Le  même  soir  Funck  présenta  sa  compagne.  Schneider 
inrita  les  communes  à  faire  des  présents  de  noces  et  à  tenir  un  état 
exact  de  ce  que  chaque  citoyen  aura  contribué,  pour  être  remis  an 
tribunal  réyolutionnaire  qui  saura  punir  ceux  dont  la  cotisation  ne 
répondrait  pas  à  son  attente. 

22  novembre.  Il  nommera  un  concierge  au  tribunal  révo- 
lutionnaire en  remplacement  de  celui  qui  va  être  déporté  à 
vingt  lieues  des  frontières — 2  décembre.  A  Barr,  il  condamne 
quatre  personnes  à  mort  —  6  décembre,  n  rentre  à  Stras- 
bourg, et  au  Club,  sentant  son  étoile  pâlir,  il  demande  que 


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376  RBVUB    D'AtSACE 

la  tête  de  Dietrich  tombe  daos  cette  ville,  témoin  de  ses 
scélératesses,  ajoutant  :  les  circonstances,  où  Ton  se  trouve, 
exigeant  qu'aucun  membre  d'une  caste  ci-devant  privilégiée 
ne  puisse  coi;server  de  place  ;  je  puis  me  trouver  comme 
pt'être,  obligé  de  me  retirer  et  d'abandonner  les  fonctions 
d'accusateur  public,  où  la  confiance  de  mes  concitoyens 
m'a  employé;  je  ne  désire  conserver  cet  emploi  que  jus- 
qu'au moment  où  j'aurai  contribué  à  faire  tomber  la  tête 
de  Dietrich  et  de  ses  complices. 

Mais  déjà  quelques  jours  auparavant,  un  comité  d'épura- 
tion formé  par  les  Jacobins,  avait  arrêté  de  rayer  Schneider 
de  la  Société  comme  homme  immoral  et  patriote  douteux 
—  7  décembre.  Pour  se  conformer  à  l'invitation  de  Saint- 
Just  et  Lebas,  il  adresse  une  lettre  au  Comité  de  sûreté 
publique  de  la  Convention  avec  toutes  les  pièces  ayant 
rapport  aux  jugements  prononcés  dans  le  Bas-Rhin  par  la 
Commission  révolutionnaire.  Après  avoir  cherché  à  se  dis- 
culper, il  ajoute  : 

La  Commission,  ainsi  que  youb  le  yerrez  par  les  jugements,  a  agi 
ayec  sévérité  et  énergie  contre  les  sangsues  du  peuple,  elle  a  touché 
leur  côté  faible  en  leur  imposant  d'énormes  sommes  d'argent  et  en  les 
exposant  au  carcan.  C'est  à  l'aide  de  ces  mesures  sévères,  qu'en  moins 
de  trois  semaines,  nous  avons  fait  remonter  la  valeur  des  assignats  à 
celle  de  la  monnaie  de  métal. 

n  termine  sa  lettre  en  disant  : 

En  acceptant  la  place  de  commissaire  civil,  je  vis  devant  moi  deux 
écueils  :  l'écueil  de  la  calomnie,  si  j'agissais  sévèrement,  et  l'écueU  du 
crime,  si  je  me  laissais  influencer  par  des  considérations  d'humanité. 
Je  fus  décidé  bien  vite,  et  jusqu'à  présent  mes  efforts  ne  furent  point 
inutiles;  les  sans-culottes  ont  du  pain  et  le  peuple  bénit  la  guillotine 
qui  l'a  sauvé!  Que  ma  tête  roule  sur  l'échafaud  après  que  les  têtes  de 
tous  les  traîtres  seront  tombées.  Tels  sont  mes  principes,  tels  sont  les 
principes  des  juges  sans-culottes  de  la  Commission.  Puissent  ces  me- 
sures révolutionnaires,  nécessaires  aux  temps  actuels,  que  j'ai  soutenu 
par  mon  courage  et  mon  abandon  pour  le  bien  de  la  République,  rafer- 
mir  le  règne  des  lois.  Ce  sont  des  ouvrages  qui  doivent  purifier  l'air  et 
qui  doivent  cesser  du  moment  que  l'air  est  purifié. 

C'est  à  cette  époque  qu'il  chargea  TafQn  de  faire  pour  Ini 
la  demande  en  mariage  de  Sarah  Stamm.  Voici  sa  lettre  aux 
parents  de  sa  future  : 


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i 


UBS  HOHMIS  DE  LA  RÉTOLUTION  377 

Permettez  que  votre  fille  lise  les  deux  mots  que 'je  Ini  adresse  ci- 
joints,  et  si  Yoos  consentez  à  notre  mariage,  je  tous  promets,  foi  de 
républicain,  de  la  rendre  heureuse. 

et  les  deux  mots  à  Sarah  : 

Je  t'aime,  je  te  demande  à  tes  yertaeuz  parents,  si  tu  me  donnes  la 
main,  je  ferai  ton  bonheur. 

11  décembre.  Il  se  rend  à  Kpûg,  et  là  il  &it  encore  déca* 
piter  trois  individus,  parmi  lesquels  Louis  Kuhn,  ex-receveur 
du  cardinal  de  Rohan,  chez  lequel  il  avait  accepté  le  dlaer, 
le  jour  même  du  jugement  — 12  décembre.  Ses  fiançailles 
sont  publiées  par  André  Schuler,  maire,  en  Tabsence  de 
Tofficier  public,  à  Barr,  dans  le  Temple  de  la  Raison,  à  la 
commune  assemblée,  à  10  heures  du  matin,  avec  Sarah 
Stamm,  fille  majeure  de  Jean -Frédéric  Stamm,  chef  du 
bureau  des  impositions  du  district  de  Barr,  et  de  sa  femme 
Marie  Wemer  —  13  décembre.  Il  va  à  Schlestadt,  où  deux 
vieillards  perdirent  la  vie  —  Ânstett,  de  la  Commission  pro- 
visoire du  Bas-Rhin,  dépose  au  Comité  de  surveillance  et 
de  sûreté  générale  du  département  une  dénonciation  contre 
les  abus  multipliés  que  commet  à  la  campagne  une  préten- 
due armée  révolutionnaire  sous  les  ordres  de  Schneider, 
commissaire  civil.  Le  Comité  arrête  d'en  écrire  aux  repré- 
sentants du  peuple  et  les  inviter  à  prendre  des  mesures 
promptes  relativement  à  cette  prétendue  armée.  Outre 
cette  dénonciation,  ce  même  jour,  13  décembre,  à  7  heures 
du  soir,  quelques  patriotes  s'étaient  rendus  chez  Lacoste  et 
Baudot,  pour  leur  donner  connaissance  des  atrocités  com- 
mises par  Schneider  et  des  projets  sinistres  dont  il  s'occu- 
pait encore;  frappés  du  poids  et  de  la  vérité  des  dénoncia- 
tions, ils  promirent  de  le  suspendre  le  lendemain,  et  de  le 
mettre  en  état  d^arrestation  à  vingt  lieues  des  frontières  ; 
cela  allait  s'accomplir,  quand  dans  la  nuit  arrivèrent  inopi- 
nément Saint-Just  et  Lebas. 

A  peine  de  retour  de  Selestadt  à  Barr,  qu'il  reçoit  du 
maire  Monet  l'invitation  de  se  rendre  immédiatement  à 
Strasbourg  pour  s'entendre  avec  Saint-Just  et  Lebas,  qui 
veulent,  disait-il,  augmenter  le  nombre  des  juges  du  tribu- 


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278  REVUE   d'alsacb 

nal  révolutioDliaire.  Il  se  rendit  à  Tinvitation;  mais  passa 
encore  la  nuit  du  13  au  14  décembre  à  Barr,  pour  accomplir 
son  mariage  avec  Sarah,  sœur  de  D*  Stamm,  ex-adjudant 
du  général  Gustines,  et  alors  agent  national  du  district  de 
Strasbourg  —  14  septembre,  au  matin,  il  quitta  Barr  avec 
sa  jeune  épouse,  ses  parents  et  les  juges  du  tribunal  révo- 
lutionnaire, dans  une  grande  voiture  attelée  de  six  chevaux 
de  poste.  La  garde  nationale  à  cheval  de  Barr  s^était  offerte 
de  Fescorter  à  Strasbourg,  il  déclina  cet  honneur,  mais  elle 
prit  les  devants  jusqu'à  Entzheim.  Là,  les  cavaliers  entou- 
rèrent la  voiture,  et  c'est  ainsi  que  vers  midi,  le  cortège 
arriva  à  la  porte  Blanche.  Les  cavaliers  mirent  le  sabre  nu 
en  main,  le  poste  prit  les  armes,  le  tambour  battit  au  champ, 
la  foule  des  curieux  et  des  mécontents  ne  fit  qu'augmenter 
jusqu'à  sa  demeure,  où  il  descendit  de  voiture  avec  un 
visage  serein,  et  sur  lequel  reflétait  un  contentement  pei^ 
sonnel.  Après  avoir  rafraîchi  les  gens  de  l'escorte,  on  se  mit 
immédiatement  à  table,  un  repas  digne  de  la  circonstance 
avait  été  préparé  par  les  soins  de  la  citoyenne  Marianne, 
sœur  de  Schneider;  la  gaîté  la  plus  franche  régnait  sur  tous 
les  visages,  et  ce  ne  fut  que  vers  10  heures  du  soir  que  les 
convives  se  séparèrent  avec  la  promesse  de  se  revoir  le 
lendemain  matin.  On  ne  se  doutait  aucunement  du  dénoue- 
ment qui  était  préparé. 

Saint-Just  et  Lebas,  informés  que  Schneider,  accusateur 
près  le  tribunal  révolutionnaire,  ex-prétre,  et  sujet  de  l'Em- 
pereur, s'est  présenté  aujourd'hui  dans  Strasbourg  avec  un 
faste  insoleut,  traîné  par  six  chevaux  et  environné  de  gardes, 
le  sabre  nu,  arrêtent:  qu'il  sera  exposé  demain,  depuis 
10  heures  du  matin  jusqu'à  2  heures  après  midi,  sur  l'écha- 
faud  de  la  guillotine,  à  la  vue  du  peuple,  pour  expier  l'insulte 
faite  aux  mœurs  de  la  République  naissante  ;  et  sera  ensuite 
conduit,  de  brigade  en  brigade,  au  Comité  de  salut  publique 
de  la  Convention  nationale.  Le  général  Dièche  est  chargé 
de  l'exécution,  et  en  rendra  compte  demain  à  3  heures 
après  midi. 

Dans  la  nuit  du  14  au  15,  notre  nouveau  marié  avait  à 


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LES  HOUnSS  DE  LA  RÉVOLUTION  279 

peine  pris  possession  du  lit  conjugal,  que  la  gendarmerie 
vint  lui  signifier  de  le  suivre.  On  le  conduit  à  la  prison  mili- 
taire des  Ponts-Couverts,  où  il  fut  jusqu'à  midi,  lorsqu'un 
détachement  de  troupes  à  pied  et  à  cheval  le  conduisit  à  la 
Place-d'Armes,  au  pied  de  la  guillotine.  Il  monta  les  marches 
de  réchafaud  d'un  pas  assuré,  sans  savoir  ce  que  l'on  ferait 
de  lui,  et  comme  la  multitude  lui  criait  :  cA  bas  l'uniforme» 
dont  il  était  aSiiblé,  <à  bas  la  cocarde»,  il  répondait  par 
le  cri  de  vive  la  République.  Impatient  et  plein  d'amer- 
tume, il  jeta  son  manteau  et  ne  livra  au  bourreau  qui 
l'attacha  au  poteau  de  cette  même  guillotine  où,  sur  sa 
proposition,  tant  de  têtes  innocentes  avaient  été  abattues. 

C'est  dans  cette  position  qu'U  servit  de  point  de  mire  à 
la  populace  et  aux  gamins  des  rues,  qui  le  bombardèrent 
de  pommes,  de  boue  et  de  pierres.  Toute  la  ville  accourut 
pour  contempler  ce  spectacle  et  pour  voir  ce  misérable, 
cause  de  tant  de  maux  et  de  misères. 

Ce  n'est  qu'à  2  1/2  heures,  que,  détaché  de  la  guillotine, 
mis  dans  une  voiture,  les  fers  aux  pieds,  escorté  de  gen- 
darmes, on  le  conduisit  à  Paris,  où  il  arriva  six  jours  après 
à  la  prison  de  l'Abbaye. 

— 18  décembre.  Sa  sœur  s'adresse  à  Saint-Just  : 

La  Bcenr  profondément  éplorée  dn  malheurenz  Schneider  se  présente 
devant  Toi.  Tn  es  représentant  d'un  peuple  juste  et  noble.  Si  mon 
frère  est  innocent^  défends-le,  c'est  Ton  devoir;  serait-il  tombé  dans 
l'erreur,  soutiens-le  et  ne  le  laisse  point  tomber;  car  Tu  dois  le  savoir, 
ses  intentions  furent  toujours  bonnes  et  honnêtes;  est-il  criminel  1  oh, 
permets  alors  que  je  le  pleure.  J'ai  fais  mon  devoir  comme  sœur,  fais 
le  Tien  comme  républicain;  moi,  je  ne  puis  rien  faire  que  pleurer  Toi, 
Tu  pourras  agir.  Vive  la  République!  Vive  la  Constitution! 

Pour  toute  réponse,  Marianne  fut  mise  en  prison  le  len- 
demain, 19  décembre,  comme  étrangère,  et  n'en  sortit 
qu'après  la  chute  de  Robespierre,  27  juillet  1794.  Dépouillée 
de  tout  ce  qu'elle  avait  possédé,  elle  fut  réduite  à  la  plus 
profonde  misère  et  se  vit  forcée  de  retourner  e^  Allemagne, 
qu'elle,  son  frère  et  tant  d'autres  aventuriers,  n'auraient 
jamais  dû  quitter  —  23  décembre.  De  l'Abbaye,  U  s'adresse 


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280  RBVUB    D^ILSÀCB 

aux  Jacobins  de  Paris,  pour  leur  expliquer  sa  conduite  et 
implorer  leur  intervention,  n  demande  que  son  affaire  soit 
examinée  par  le  Comité  de  sûreté  générale  de  la  Conven- 
tion; qu'on  le  juge  s'il  y  a  lieu,  ou  qu^  s^oit  rendu  à  la 
liberté  ou  guillotiné,  réintégré  dans  ses  droits  de  citoyen  ou 
anéanti  —  2  janvier  1794.  C'est  TAdministration  du  Bas- 
Rhin  qui  dépose  contre  loi  devant  le  Comité  de  sûreté 
générale  de  la  Convention  nationale,  dans  les  termes  suir 
vants: 

Prendre  tontes  les  couleurs  dn  patriotisme  le  plus  exaspéré;  désunir 
les  yrais  républicains  sons  le  grand  prétexte  du  salut  public;  allumer 
la  défiance  du  peuple  sur  ses  plus  sincères  amis;  heurter  avec  impru- 
dence les  opinions  les  plus  respectables;  étouffer  le  patriote  sous  le 
poids  prétendu  de  la  yengeance  nationale;  faire  gémir  les  cachots 
comblés  de  victimes  malheureuses  et  innocentes;  sacrifier  tout  à  la 
▼engeance  personnelle  et  à  ses  desseins  secrets;  exercer  cependant,  de 
temps  à  autre,  une  justice  rigoureuse  contre  les  scélérats  reconnus; 
tel  s'est  annoncé  Schneider  dans  les  pouvoirs  qui  lui  étalent  confiés  ; 
tel  il  a  continué  l'exercice  des  fonctions  les  plus  augustes,  de  la  manière 
la  plus  odieuse. 

Les  pouvoirs  dont  il  avait  été  revêtus,  étaient  immenses  ;  mais  les 
les  lois,  et  l'arrêté  des  représentants  en  avaient  tracé  les  limites.  Chargé 
de  frapper  les  coupables,  de  forcer  au  respect  des  décrets  l'ignorance 
du  peuple  et  la  scélératesse  des  malveillants,  d'avoir  continuellement 
les  yeux  ouverts  sur  les  précipices  que  le  crime  creusait  à  la  liberté, 
de  protéger  l'innocence  et  le  patriotisme  contre  les  pièges  de  l'aristo- 
cratie, du  feuillantisme  ou  du  despotisme  coalisé  ;  s'il  eut  rempli  ces 
devoirs,  il  aurait  bien  mérité  de  sa  patrie  :  mais  non;  cet  étranger  que 
la  rage  de  nos  ennemis  parait  avoir  vomi  sur  la  terre  de  la  République 
pour  la  couvrir  de  ses  prisons  homicides,  n'avait  point  de  patrie  ches 
nous;  le  crime  l'enfanta,  le  crime  le  nourrissait 

Ce  n'est  point  sans  un  frémissement  douloureux  au  sentiment,  que 
nous  remplissons  la  t&che  pénible  de  faire  l'énumération  des  forfaits 
de  ce  prêtre  autrichien. 

n  fallait  sans  doute  pour  les  projets  de  cet  homme  fécond  en  scélé- 
ratesse, qu'il  cherchât  à  détruire  la  liberté  par  la  liberté,  qu'il  abusât 
monstrueusement  des  mesures  révolutionnaires  créées  pour  sauver  le 
peuple. 

Non  seulement  il  établit  des  taxes  arbitraires  sur  les  citoyens,  sans 
aucune  délégation  qui  lui  en  donnât  l'autorité,  se  jouant  avec  un  plai- 
sir funeste  de  leur  fortune  et  de  leur  vie,  il  voulait  satisfaire  en  même 
temps  et  sa  soif  du  sang  français  et  sa  cupidité  pour  les  richesses.  Au- 


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LES  BOlOaS  DB  LA  BÉYOLUTIOll  981 

cane  moyens  n'échappaient  à  sa  rage:  taniM  ses  fidèles  et  nombreux 
émissaires,  la  menace  à  la  bouche  et  la  rage  dans  le  cœur,  forçaient  à  la 
faite  nne  famille  paisible  et  yertiieiise,  pour  avoir  nn  droit  à  ses  pro* 
priétés  abandonnées  ;  tantôt  lui-même  frappait  onvertement  ses  victimes. 

Egalement  implacable  dans  sa  haine,  comme  effréné  dans  ses 
déhanches,  la  modeste  innocence  était  forcée  de  s'abandonner  à  sa  cri- 
minelle luznre,  où  bientôt  elle  périssait  sons  un  coup  d^antant  plus 
assuré,  qu'il  était  alors  dirigé  par  un  fonctionnaire  public. 

Ces  taxes  perçues  sous  des  augures  aussi  odieux,  indécemment  cumu- 
lées, préparaient  les  richesses  futures  de  cet  homme  avide.  Une  faible 
portion  en  était  versée  dans  la  caisse  du  receveur  particulier;  ^  on 
voulait  sauver  quelques  légères  apparences  pour  tromper  avec  plus  de 
sûreté;  mais  aucun  compte  n'était  rendu, aucune  trace  n'était  recueillie 
de  la  nature  et  du  montant  des  contributions;  peu  de  quittances  étaient 
remises  aux  malheureux  que  l'on  venait  de  dépouiller,  ou,  si  l'on  vou- 
lait quelques  fois  sacrifier  cette  formalité,  elles  portaient  toi^ours  une 
somme  inférieure  à  la  valeur  extorquée.  Le  peuple  souffrait  de  ces 
vexations  criminelles;  mais  la  crainte  avait  glacé  ses  sens;  il  aurait 
tout  donné  pour  ne  point  être  dévoré  par  ce  monstre;  semblable  à  ces 
innocents  et  timides  Américains,  qui  portaient  l'or  aux  chevaux  des 
féroces  Espagnols. 

Si  ces  violences  exercées  sur  les  fortunes  paraissaient  satisûdre  à 
l'avidité  de  ce  nouveau  Cortez,  elles  ne  remplissaient  point  encore  son 
véritable  but:  il  voulait  opérer  une  désorganisation  entière.  Foulant 
aux  pieds  toutes  les  lois,  toutes  les  autorités,  tous  les  principes;  il  des- 
tituait à  son  gré,  et  d'un  trait  de  plume,  les  municipalités,  les  juges  de 
paix;  ce  n'était  point  encore  assez,  il  les  remplaçait  par  des  prêtres, 
par  des  étrangers,  tous  ses  complices. 

Faudra-t-il  dépeindre  cet  homme  insultant  au  malheur  des  infortunés 
qu'il  venait  de  dépouiUer  de  leur  bien,  ou  de  condamner  à  la  mort; 
poursuivant  ces  derniers  jusque  sous  le  couteau  de  la  guillotine,  exer- 
çant contre  eux  tout  le  venin  de  sa  langue  impure  et  meurtrière; 
s'enrichissant,  s'entourant  de  leurs  effets  les  plus  précieux  ou  les  plus 
convenables  à  ses  fantaisies  ;  savourant  avec  un  plaisir  monstrueux  le 
spectacle  de  la  dépouille  de  la  mort;  ce  n'est  qu'un  pinceau  trempé 
dans  le  sang,  ce  n'est  que  le  pinceau  de  Schneider  qui  pourrait  tracer 
avec  vérité  un  tableau  aussi  révoltant 

Qu'on  ne  cherche  point  dans  les  archives  du  tribunal  révolutionnaire 
les  traces  de  toutes  ces  iniquités,  de  tous  ces  crimes.  Schneider  diri- 
geait tous  les  jugements,  il  n'en  était  tenu  aucuns  registres  :  le  temps 
qu'il  aurait  dû  employer  à  leur  rédaction,  aurait  été  un  temps  perdu 
pour  ses  vengeances. 

*  Blancbot  accuse  9»jm  Uvres. 


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282  BBVUB   D'ALSiCE 

Nom  passerons  même  sur  l'entrée  indécente  et  triomphale  que  ce 
prôtre  étranger  fit  à  Strasbourg,  traîné  dans  un  cliar  snperbe,  attelé  de 
six  cheyanx,  et  escorté  par  tingt-cinq  caraliers,  tenant  le  sabre  en 
main.  Après  avoir  fonlé  aux  pieds  pendant  si  longtemps  tons  les  senti- 
ments de  la  nature,  pouvait-il  respecter  encore  les  principes  de  l'heu- 
reuse égalité? 

Mais  que  dirons-nous  du  parti  redoutable  qu'il  avait  formé  de  ce  tas 
d'étrangers  qu'il  avait  appelés  en  France,  dont  il  s'était  fiait  une  meute 
fidèle  et  obéissante  ;  de  l'accaparement  de  toutes  les  places  administra- 
tives et  judiciaires,  qu'il  avait  données  ou  fait  donner  à  ses  dociles 
créatures;  du  despotisme  qu'il  établissait,  et  par  lui-même  et  par  ses 
valets,  sur  tous  ce  qui  respire  dans  le  département;  des  menaces  de 
sang  que  se  permettaient  quelques-uns  de  ses  indiscrets  favoris? 

Quelque  fécond,  quelque  exercé  que  fut  cet  homme  dans  la  consom- 
mation du  crime,  quelques  ressources  que  lui  offrit  son  esprit  machia- 
véliste,  il  sentait  qu'il  ne  pouvait  jamais  suffire  seul  à  l'immensité  et  à 
la  hardiesse  de  ses  projets.  Il  lui  fallait  des  associés,  il  les  trouva  bien- 
tôt Les  scélérats  se  connaissent  d'un  coup  d'œil,  et  le  forfait  les  unit 
étroitement  Quelques-uns  se  sont  soustraits  par  la  faite  au  juste  ch&ti- 
ment  qui  les  attendait,  emportant  avec  eux  le  fruit  de  leurs  vols  et  de 
leurs  rapines. 

6  février.  Il  écrit  une  longue  lettre  à  Robespierre  aîné, 
pour  le  prier  de  hâter  son  jugement;  mais  principalement 
pour  protester  contre  une  partie  de  son  rapport,  sur  les 
principes  de  morale  politique,  dans  lequel  Robespierre 
disait: 

Vous  ne  pourriez  jamais  imaginer  certains  excès  commis  par  des 
contre-révolutionnaires  hypocrites,  pour  flétrir  la  cause  de  la  Révolu- 
tion. Groiriez-vous  que  dans  les  pays  où  la  superstition  a  exercé  le  plus 
d'empire,  non  content  de  surcharger  les  opérations  relatives  au  culte, 
de  toutes  les  formes  qui  pouvaient  les  rendre  odieuses,  on  a  répandu 
la  terreur  parmi  le  peuple  en  semant  le  bruit  qu'on  allait  tuer  tous  les 
enfants  au-dessous  de  dix  ans  et  tous  les  vieillards  au-dessus  de  soixante- 
dix  ans?  que  ce  bruit  a  été  répandu  particulièrement  en  Bretagne  et 
dans  les  départements  du  Rhin  et  de  la  Moselle?  C'est  un  des  crimes 
imputés  au  ci-devant  accusateur  public  du  tribunal  criminel  de  Stras- 
bourg. Les  folies  tyranniques  de  cet  homme  rendent  vraisemblable  tout 
ce  que  l'on  raconte  de  Caligula  et  d'Héliogabale  ;  mais  on  ne  peut  y 
ajouter  foi,  même  à  la  vue  des  preuves.  U  poussait  le  délire  jusqu'à 
mettre  les  femmes  en  réquisition  pour  son  usage  :  on  assure  même  qu'il 
a  employé  cette  méthode  pour  se  marier.  D'où  est  sorti  tout  à  coup  cet 
essaim  d'étrangers,  de  prêtres,  de  nobles,  d'intrigants  de  toute  espèce, 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉTOLUTION  S88 

qui  an  même  instant  s'est  répandu  snr  la  surface  de  la  République, 
pour  exécuter  au  nom  de  la  philosophie,  un  plan  de  contre*réTolutiony 
qui  n'a  pu  être  arrêté  que  par  la  force  de  la  raison  publique. 

26  février.  Le  Directoire  du  Bas-Rhin  adresse  une  lettre 
au  Comité  de  Salut  public  de  la  Convention  nationale,  en 
réponse  aux  répliques  de  Schneider  à  Robespierre,  du  6  de 
ce  mois,  ainsi  conçue  : 

Tout  couyert  de  ses  crimes,  il  tient  encore  de  mentir  à  l'univers  du 
fond  de  sa  prison.  Constant  dans  ses  perfidies,  il  emprunte  le  langage 
de  l'innocence  foulée  ;  il  crie  k  l'oppression,  à  l'ii^ustice.  Ne  tous  j 
trompez  pas,  la  candeur  est  sur  ses  lèvres,  mais  la  rage  et  la  mort  sont 
dans  son  &me  :  c'est  un  reptile  qui  embrasse  étroitement  sa  victime,  et 
qui  déjà  a  choisi  l'endroit  fatal  auquel  il  destine  son  dard  meurtrier. 

Puis  vient  la  nomenclature  de  ses  crimes  et  forfaits  : 

Sa  doctrine  était  de  perdre  la  République  par  la  République,  dissé- 
miner le  germe  de  la  guerre  civile,  attiser  le  feu  du  fanatisme,  prêter 
des  armes  k  l'aristocratie  contre  le  patriotisme,  répandre  partout  une 
terreur  meurtrière,  bouleverser  tout,  persécuter  tout,  créer  les  haines 
et  les  divisions,  avilir  la  représentation  nationale  du  Bas-Rhin,  et  ne 
frapper  que  les  personnes  qui  n'étaient  point  assez  riches  pour  acheter 
ses  jugements  et  intéresser  sa  cupidité,  ou  qui  n'étaient  point  assez 
séduisantes  pour  allumer  sa  luxure,  ou  assez  viles  pour  s'y  abandon- 
ner, etc.,  etc. 

Schneider  releva  cette  accusation  et  envoya  à  ses  amis 
de  Strasbourg  copie  de  sa  réplique  pour  la  faire  imprimer; 
mais  personne  ne  voulut  s'en  charger,  ce  qui  lui  donna 
ridée  de  la  &ire  imprimer  lui-môme,  sous  le  titre:  Aiuv 
hommes  libres  de  tauë  les  pays  et  de  tous  les  siècles.  On  en 
était  à  rimpression  de  la  dernière  page  quand  la  brochure 
fut  dénoncée.  De  là,  défense  à  tous  les  prisonniers  de 
FA^bbaye  d'écrire,  et  quelques  jours  après,  il  fut  transféré  à 
la  Force  —  6  mars.  Il  est  interrogé  —  11  mars.  Au  Club  des 
jacobins  à  Strasbourg  on  lit  une  dépèche  du  Comité  de 
sûreté  générale  de  la  convention,  demandant  à  la  Société 
des  renseignements  sur  la  conduite  de  Schneider;  la  dis- 
cussion s'ouvre  sur  cet  objet,  et  Ton  est  d'accord  pour  ne 
reconnaître  en  lui  qu'un  monstre,  qu'un  ennemi  de  la 
chose  publique,  qu'un  homme,  enfin,  souillé  de  tous  les 


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S81  BSVDB    D^ALSACB 

crimes  —  1"  avril  Après  avoir  entendu  Paccusateor  public, 
Â.  G.  Fouquier,  et  le  défenseur  officieux,  les  débats  furent 
clos;  les  jurés  le  reconnurent  unanimement  coupable;  le 
le  tribunal  prononça  la  peine  de  mort,  avec  confiscation  de 
sa  fortune  au  profit  de  la  République.  Alors  il  se  lève  et  dit 
à  ses  juges  : 

VouB  ne  ponyiez  pas  faire  un  pins  grand  plaisir  anx  ennemis  de  h 
France,  qn'en  m'envoyant  à  la  mort 

Sa  tête  tomba  le  môme  jour. 

Du  29  octobre  au  13  décembre  1793,  il  fit  guillotiner  trente- 
et-une  personnes,  dont  vingt-etrune  à  Strasbourg  et  dix  au 
dehors.  L'encrier  et  la  plume,  dont  il  se  servait  à  cette  occa- 
sion, se  trouvaient  à  la  Bibliothèque  de  Strasbourg. 

D'après  Ristelhueber,  il  aurait  été  nommé  curé  d'Ober- 
bronn  à  l'époque  de  son  arrivée  à  Strasbourg,  12  juin  1791. 

Etieniœ  Babth. 

{A  suivre,) 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


I 

Histoire  de  TAbbaye  de  Senonee.  Mannscrit  inédit  de  Dom 
Calmet  à  la  bibliothèque  de  Saint-Dié,  publié  aux  frais  de  la  Société 
phthmoHque  vosgieime  et  par  les  soins  de  M.  F.  Dinaoo,  avocat  à 
Saint-Bié  —  Saint-Dié,  imprimerie  de  L.  Hnmbert,  1877-1883  — 
1  Yol.  in-SP  de  439  pages. 

Les  manuscrits  de  Dom  Calmet,  qui  sont  à  la  bibliothèque 
de  Saint-Dié,  étaient  connus  depuis  longtemps  de  quelques 
honmies  d'étude  et  de  quelques  curieux.  Bien  que  dans  Tesprit 
de  ceux-ci,  ces  manuscrits  ne  s'élèvent  pas  toujours  à  la  hau- 
teur des  connaissances  modernes,  ils  n'étaient  pas  moins 
considérés  comme  des  documents  dont  la  divulgation  était 
désirable.  H  fallait,  pour  les  répandre  dans  le  domaine  public, 
la  formation  de  la  Société  phUomatique  vasgienne  par  l'un 
des  plus  anciens  collaborateurs  de  la  Bevm  d'Alsace  et  le 
concours  ardent  d'un  jeune  avocat  de  Golmar  que  l'émigrar 
^  tion  a  iixé  au  siège  de  cette  société.  Grâce  à  ces  deux  cir- 
constances les  manuscrits,  dont  il  est  question,  se  trouvent 
aujourd'hui  définitivement  tirés  de  l'oubli  dans  lequel  ils  étaient 
menacés  de  demeurer. 

Nous  ne  sommes  pas  en  situation  de  contrôler  la  valeur 
historique  du  manuscrit  de  Dom  Calmet;  mais  nous  devons 
présumer  que,  même  en  le  considérant  comme  première 
ébauche,  ce  document  est  le  plus  complet  que  la  science  pos- 
sède sur  l'histoire  de  l'une  des  plus  anciennes  et  des  plus 
célèbres  maisons  religieuses  de  l'Alsace-Lorraine. 

Dom  Calmet  fut  l'un  des  derniers  abbés  de  cette  maison  : 
pour  écrire  son  histoire,  il  avait  préalablement,  comme  il  le 
dit  dans  sa  préface,  «recueilli  les  monuments  historiques  et 
les  titres»  qui  la  concernent  et  qui  se  trouvaient  en  grand 
nombre  aux  archives  de  l'abbaye.  La  chronique  de  Richer, 


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âdé  ftBVHË   D'àLSACS 

connue  de  tous  les  historiens,  a  été  religieusement  consultée 
par  Dom  Calmet,  mais  ce  n'est  pas  à  cette  importante  source 
qu'il  a  puisé  les  principaux  éléments  de  Thistoire  particulière 
de  Tabbaye.  Dom  Barthelemi  Claudon  et  Dom  Jeannin  en 
avaient  rassemblé  les  matériaux  essentiels  que  Dom  Calmet 
a  utilisés,  augmentés  et  coordonnés  pour  écrire  la  monogra- 
phie dont  il  s'agit  En  Téditant,  M.  Dinago  et  la  Société  philo- 
matiqtée  vosgienne  ont  rendu  un  réel  et  louable  service  à  la 
science  historique  de  nos  contrées  de  TEst 

n 

Mémoire  présenté  au  grand-bailli  d'Alsace  surune  insnr- 
reotion  survenue  à  Golmar  en  1424,  pnblié  par  M.  X.  Moss- 
MÀKN,  poar  faire  suite  à  ses  recherches  sur  la  constitution  de  la 
commune  —  Golmar,  imprimerie  de  J.-B.  Jung  et  G"  1882  —  In-d^ 
de  28  pages. 

M.  Mossmann  a  découvert  aux  archives  de  la  ville  de  Ck)l- 
mar,  dont  il  est  le  vigilant  et  dévoué  conservateur,  un  mémoire 
qui  est  le  récit  officiel  d'une  émeute  populaire  dont  Pancienne 
ville  impériale  fiit  le  théâtre  en  1424.  M.  Mossmann  considère, 
avec  raison,  cette  pièce  comme  «faisant  partie  intégrante  de 
nos  annales»  et  il  faut  le  remercier  de  Tavoir  fait  imprimer 
avec  une  excellente  analyse  en  regard.  Ce  document  répand 
la  lumière  sur  une  effervescence  populaire  dont  la  cause  était 
jusqu'à  ce  jour  diversement  comprise  par  les  annalistes  qui 
ont  eu  à  s'en  occuper. 

Parti  en  guerre  avec  le  palatin  Louis  et  autres  seigneurs, 
avec  d'autres  villes  impériales  parmi  lesquelles  la  République 
de  Strasbourg,  avec  les  évoques  de  Strasbourg,  Cologne, 
Wurtzbourg,  etc.,  contre  le  margrave,  Bernard  P',  de  Bade, 
le  contingent  colmarien  occasionna  à  la  ville,  dont  les  finances 
étaient  déjà  en  mauvais  état,  des  dépenses  auxquelles  il  fallut 
pourvoir  au  moyen  de  VOhmgéld  ou  l'impôt  sur  le  vin.  Procé- 
dant alors  comme  on  procéderait  aigourd'hui,  le  magistrat 
décida  que  la  noblesse  et  les  couvents  de  la  ville  y  seraient 
soumis  comme  le  reste  de  la  population.  Les  corps  de  métiers 
avaient  accepté  l'impôt  Une  partie  de  la  noblesse  et  des  reli- 


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fitLlKTlM  filBLIÛOEAPËIQim  Wl 

gieux  donna  le  signal  de  la  résistance  en  ce  qui  les  concernait 
et  le  signal  descendit  aussitôt  dans  le  populaire,  les  labou- 
reurs et  les  vignerons  notamment  D  dégénéra  en  sédition  qui 
aboutit  au  meurtre  de  Pun  des  membres  les  plus  marquants 
du  magistrat,  à  la  déposition  révolutionnaire  des  autres  repré- 
sentants de  Tautorité  et  finalement  k  Tintervention  du  Land- 
vogt  ou  bailli  provincial  dont  les  résolutions  ne  furent  pas 
sans  conséquences  sensibles  pour  la  réforme  du  régime  inté- 
rieur de  Tancienne  ville  libre  et  de  son  droit  municipal.  C'est 
surtout  à  ce  point  de  vue  que  le  mémoire  a  paru  intéressant 
à  M.  Mossmann  pour  compléter  ses  études  antérieures  sur  la 
commune  de  Golmar. 

m 

Der  allé  Adel  im  Oberelsass  —  La  Tiailla  noblesse  de  la 
Hante-Alsace,  par  J.  EnnoLBB  von  Khoblooh  —  Berlin,  impri- 
merie de  Jnles  Sittenfeld,  liB82  —  In-S^  de  114  pages  avec  7  planches 
d'armoiries  et  de  sigiles. 

Que  dire  de  ce  recueil,  sinon  que  c'est  une  aride  nomen- 
clature de  familles,  plus  ou  moins  nobles,  plus  ou  moins 
privlUgiées  qui,  au  moyen  fige,  ont  généralement  adopté  le 
nom  des  lieux,  des  bourgs,  des  viUages  où  elles  jouissaient 
de  leurs  privilèges,  oii  elles  avaient  fixé  leur  résidence.  La 
matière  de  cette  compilation,  attentive  et  patiente,  se  trouve 
dispersée  dans  nos  chroniques  alsaciennes,  dans  nos  histoires 
générales  de  la  province,' dans  nos  histoires  locales,  dans  la 
DipîomaHcade  Schœpflin,  dans  les  cartulaires  de  nos  anciennes 
maisons  religieuses,  dans  les  monuments  de  Vhistoire  de 
Vancien  évêché  de  Bûle,  dans  nos  archives,  dans  quelques 
collections  particulières  et  surtout  dans  le  DicHonnaire 
topographique  du  déparlement  du  Haut-Bkm,  de  G.  Stoffel. 

Nous  sommes  incompétent  pour  juger  de  la  valeur  héral- 
dique du  travail  de  M.  Eindler.  Ce  n'est  donc  pas  à  ce  point 
de  vue  que  nous  voulons  en  dire  quelques  mots. 

Extraire  de  nos  livres  et  de  nos  archives  des  matériaux 
d'une  espèce  déterminée,  les  utiliser  ensuite  pour  arriver  à  la 
construction  méthodique  d'une  publication  pouvant  servir  de 


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288  KEVU£    D'iOSÀCE 

gaide  pour  des  recherches  ultérieures,  est  une  besogne  anssi 
ingrate  que  méritoire.  M.  Kindler  l'a  accomplie  avec  succès 
en  ce  qui  concerne  l'ancienne  noblesse  de  la  Haute-Alsace.  U 
faut  Ten  féliciter.  Son  livret  ligurera  avec  avantage  dans  nos 
collections  comme  première  synthèse  nobiliaire  des  nom- 
breux livres  et  documents  qu'il  a  dû  consulter. 

IV 

Mentionnons  pour  terminer  ce  bulletin  trimestriel,  une 
plaquette  de  vingt  pages  qui  a  pour  titre  :  L'archéologie  et  les 
beaux-arts  dans  Varrondissement  de  Sainb-Die,  par  Hekri 
Bardt,  président  de  la  Société  philomatique.  C'est  dans  ce 
cadre  restreint  que,  dans  la  réunion  générale  de  la  Société  de 
l'année  courante,  le  président  a  condensé  un  aperçu  sommab-e 
des  principales  antiquités  de  l'arrondissement  et  des  objets 
d'art  qui  y  sont  conservés  ;  puis  du  même  auteur,  une  note  sur 
la  composition  chimique  de  quelques  eaux  de  puits  de  Eoûn- 
V Etape  et  dont  la  conclusion  proscrit  l'usage  de  ces  eaux  dans 
une  ville  qui,  comme  Raon-l'Etape,  est  pourvue  de  fontaines 
publiques  fournissant  des  eaux  de  source  d'une  pureté  et 
d'une  qualité  irréprochables. 

V 
Signalons  eniin  une  excellente  notice  de  M.  A.  Benoit  sur 
le  Château  de  Vie  au  xvn*  siède,  écrite  k  propos  du  poème  de 
Duclos  *Les  guerres  paroissiales  de  Vie».  Ancienne  demeure 
féodale  des  évoques  de  Metz,  ce  ch&teau  fut  abandonné  par 
ceux-ci  lorsque  la  ravissante  résidence  de  Frescati  fut  élevé 
dans  le  voisinage  delà  ville  épiscopale.  D  n'abrita  plus  qu'acci- 
dentellement de  grands  personnages  jusqu'à  son  abandon  et  à 
sa  ruine.  C'est  dans  ce  château  cependant  qu'en  1725  Marie 
Lecszinska  passa  la  première  nuit  de  son  voyage  de  Stras- 
bourg à  Paris  pour  joindre  son  royal  époux.  Il  servit  ensuite 
de  caserne,  puis  d'écoles  communales  et  fut  enfin  condamné  à 
disparaître  tandis  que  tant  d'autres  édifices  seigneuriaux 
furent  convertis  en  établissements  industriels.  Sic  transit 
gUma  dominL 

Frédéric  Kurtz. 


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L'ALSACE  AKTISTIOIË 


Sous  ce  titre,  \ix  Revue  d'Alsace  publiera  successi- 
vement plus  de  cent  quarante  notices  concernant 
des  artistes  alsaciens  des  temps  reculés  et  de  Tépoiiue 
contemporaine.  Elles  ont  été  rédigées  par  M.  P.-E. 
TuefTerd,  un  des  anciens  collaborateurs  de  la  Revue. 
Il  en  sera  fait  un  tirage  à  part  restreint,  avec 
dédicace  et  préface.  Ce  tirage  formera  un  fort 
volume  à  la  disposition  des  amateurs. 


OTTFRID  DE  WISSEMBOURG 

Miniaturiste  (820-869)» 

La  célèbre  abbaye  bénédictine  de  Wissembourg,  dont  l'ori- 
gine remonte  au  vn'  siècle  (G23),  fut  l'objet  de  la  sollicitude 
et  de  la  générosité  des  empereurs  et  brilla  par  son  école  qui 
fut  l'une  des  plus  anciennes  et  des  plus  renommées  dé  l'Alle- 
magne. Cette  école  était  déjà  florissante  au  viu'  siècle  et  fut 
surtout  illustrée  par  le  poète  et  peintre  miniaturiste  Ottfrid, 
qui  vivait  au  siècle  suivant,  du  temps  de  l'abbé  Grimaldus. 
Selon  Trithème  (Cfironicim  Hirsaugiense),  Ottfrid  commença 
h  se  faire  connaître  par  ses  écrits  dès  843  et  ne  mourut 
qu'après  869,  année  pendant  laquelle  il  mit  la  dernière  main  à 
son  Christ. 

'  Ouvrages  consultés  :  Gébard,  Ijcs  Artistes  de  VAlsace  pendant  le 
moyen  âge.  T.  I,  p.  17  et  suiv.  ;  —  M.  E.  Muntz,  Beqtieïques  Monuments 
d'art  alsacien  causer  ces  à  Vienne  (Bévue  d'Alsace^  1872);  etc. 
Nouvelle  Sene.  —  H-  uiinee.  19 


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290  REVUE    d'aLSACE 

Arnold,  le  populaire  auteur  du  Lundi  de  Pentecôte,  dit 
qu'Ottfrid  s'était  voué  très  jeune  à  la  vie  monastique  dans 
l'abbaye  de  Wissembourg,  près  de  laquelle  il  avait  reçu  le 
jour.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  dates  précises  de  sa 
naissance  et  de  sa  mort  sont  inconnues.  Il  fit  ses  études 
dans  l'école  monastique  de  Fulda,  sous  la  direction  du  savant 
Raban  Maur,  qui  devint  archevêque  de  Mayence.  C'est  dans 
cette  école  qu'il  fut  initié  probablement  à  la  peinture  en 
miniature  par  les  moines  peintres  Brun  et  Rudolphe  et  par 
l'abbé  Hatto  Bonosus.  Ottfrid  étudia  aussi  à  Constance  et  y 
reçut  les  leçons  de  l'évêque  Salomon.  Plus  tard,  il  devint 
directeur  des  célèbres  écoles  de  Saint-Gall,  où  la  sculpture  et 
la  peinture  en  miniature  étaient  cultivées  avec  succès.  Il  se 
retira  définitivement  à  Wissembourg,  dont  il  dirigea  Fécole 
qui  jouissait  d'une  grande  renommée.  C'est  là,  dans  cette 
abbaye,  que,  pendant  ses  loisirs,  il  composa  les  œuvres  qui 
ont  fait  passer  son  nom  à  la  postérité. 

Son  ouvrage  le  plus  considérable,  et  qui  seul  est  parvenu 
jusqu'à  nous,  le  Cliristj  est  Tun  des  premiers  monuments  de 
la  langue  germanique.  Il  est  diviséen  cinq  livres  :  I.  La  Nativité; 
Saint  Jean-Baptiste;  IL  La  Réunion  des  premiers  disciples; 
les  Premiers  miracles;  la  Proportion  de  la  doctrine;  IIL  ie 
Rédt  des  miracles  éclatants  qui  ébranlèrent  la  lieille  Joi  des 
Juifs  ;ÏV.  La  Passion;  Y,  La  Résurrection;  V  Ascension;  le  Juge- 
ment.  Si  Ottfrid  n'a  pas  fait  correspondre  son  œuvre  à  celle 
des  quatre  Evangélistes,  et  si,  au  lieu  de  quatre  chapitres,  il 
l'a  divisée  en  cinq,  c'est,  dit-il,  parce  que  l'homme  a  cinq  sens 
et  que  lui,  Ottfrid,  veut  les  corriger.  Le  poème  est  écrit  en 
strophes  formées  chacune  par  deux  vers.  La  rime  réunit  inva- 
riablement ces  deux  demi-vers.  Ottfrid  a  adopté  ce  genre  de 
rime,  soit  qu'il  l'ait  trouvé  déjà  existant  dans  la  poésie  popu- 
laire de  l'Allemagne,  soit  qu'il  l'ait  emprunté  aux  langues 
romanes. 

Nous  n'avonî>  pas  à  nous  occuper  du  mérite  littéraire  de 


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L  ALSACE   ARTISTIQUE  29  L 

cette  œuvre;  nous  ne  l'apprécierons  qu'au  point  de  vue  des 
miniatures  qu'elle  renferme  et  nous  nous  servirons  de  Tétude 
que  M.  £.  Muntz  en  a  faite  de  visu  dans  la  Eemie  d'Alsace, 
année  1872. 

Les  dessins  qui  ornent  le  poème  du  Christ,  conservé  à  la 
bibliothèque  impériale  de  Vienne,  sont  au  nombre  de  quatre. 
«Le  premier,  dit  M.  Muntz,  représente  une  sorte  de  labyrinthe 
rond,  agrémenté  de  tons  rouges,  jaunes  et  violacés.  Il  n'oflEre 
aucun  intérêt,  soit  artistique,  soit  archéologique.  Le  second 
célèbre  V Entrée  du  Christ  à  Jérusalem,  Le  Sauveur  est  monté 
sur^une  ftnesse  qui  s'avance  d'un  pas  majestueux;  il  est  légè- 
rement courbé  et  tient  d'une  main  les  rênes  de  sa  monture, 
tandis  qu'il  bénit  de  l'autre.  Derrière  lui,  à  gauche,  on  voit 
huit  têtes  d'apôtres  nimbées,  tracées  avec  une  encre  difiérente 
et  appartenant  à  un  autre  type  que  Je  reste  des  personnages 
de  cette  scène.  A  droite,  le  peuple  est  figuré  par  deux  groupes 
composés  de  cinq  individus  chacun:  ceux  du  premier  plan 
agitent  des  palmes  et  jettent  devant  le  Christ  des  tapis  ou  des 
vêtements  ;  ceux  du  second  rang  sont  rangés  près  d'un  temple 
d'une  construction  fort  originale  (rappelant  un  modèle  grec 
ou  byzantin),  sur  le  bas  duquel  une  main  inconnue  a  écrit 
16-15;  ils  s'avancent  également  à  la  rencontre  du  Messie  avec 
des  palmes  à  la  main.  Toutes  ces  figures  sont  incolores,  à 
l'exception  de  trois  d'entre  elles  qui  ont  des  draperies  gros- 
sièrement peintes  en  vert  ou  en  rouge;  les  nimbes  de  quel- 
ques-unes des  têtes  d'apôtres,  placées  derrière  le  Christ,  sont 
également  verts. 

«Sur  le  verso  de  cette  feuille  se  trouve  le  troisième  dessin, 
la  Cène.  Le  Christ,  assis  au  bout  d'une  table  elliptique,  donne 
sa  bénédiction  aux  apôtres  qui  forment  un  groupe  compacte 
à  quelque  distance  de  lui.  Dès  l'abord,  on  est  frappé  de  l'ana- 
logie que  le  type  des  figures  de  ce  troisième  dessin,  ainsi  que 
la  couleur  de  l'encre  qui  a  servi  à  leur  exécution,  présentent 
avec  les  têtes  nimbées  de  la  page  précédente;  et  en  les  exa- 


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292  REVUE    D  ALSACE 

minant  de  plus  près,  on  arrive  à  cette  conclusion  :  l»  que  les 
huit  têtes  nimbées  d'apôtres  de  l'entrée  du  Christ  à  Jérusalem 
et  la  Sainte-Cène  tout  entière  proviennent  de  la  même  main  ; 
2**  qu'elles  appartiennent  à  une  autre  main  et  à  une  autre 
époque  que  le  reste  du  manuscrit. 

«A  ne  consulter  que  les  apparences,  en  voyant  le  dessin 
plus  rude,  les  contours  plus  pâles  et  plus  vacillants,  Tensemble 
plus  barbare,  on  pourrait  croire  que  la  partie  la  plus  ancienne 
de  ces  dessins  est  celle  qui  se  compose  des  têtes  nimbées  et 
de  la  Cène.  Mais  si  Ton  se  rapelle  la  décadence  extraordinaire 
qui  suivit  la  renaissance  si  courte  provoquée  par  Charlemagne, 
on  acquiert  la  conviction  que  VEntrée  du  Christ  à  Jérusalem 
est  l'œuvre  de  l'illustrateur  primitif. 

«On  est  surtout  confirmé  dans  cette  opinion  par  l'étude  de 
la  quatrième  et  dernière  miniature,  la  plus  parfaite  et,  sans 
contredit,  celle  qui  est  vraiment  contemporaine  du  manuscrit 
Elle  représente  le  CJirist  en  croix.  Le  divin  supplicié,  attaché         | 
par  quatre  clous  (au  lieu  de  trois),  vit  encore  ;  il  parle  à  sa         | 
mère  et  au  disciple  bien-aimé  placés  auprès  de  lui.  Des  plaies         | 
de  ses  pieds,  juxtaposés  et  non  superposés  comme  dans  les         , 
peintures  postérieures,  s'échappent  deux  IBlets  de  sang  qui         | 
retombent  dans  un  vase  à  deux  anses,  d'une  construction 
régulière,  sinon  élégante.  En  haut,  au-dessus  des  bras  de  la 
croix,  on  aperçoit  deux  ligures  encadrées  chacune  dans  un         i 
disque  et  représentant  le  soleil  et  la  lune,  en  train  de  se  voiler         i 
la  face  avec  un  pan  de  leur  manteau.  Cette  fois-ci,  la  minia-         | 
ture  est  achevée.  Une  couche  de  peinture,  d'un  ton  sale,  fixée         | 
d'après  toutes  les  apparences  au  moyen  d'une  solution  gom- 
meuse,  couvre  la  totalité  du  dessin.  Le  violet,  le  vert,  le  vert 
pâle,  le  rouge  brique  en  font  les  frais. 

«Si  nous  envisageons  maintenant  l'ensemble  des  illustra- 
tions du  Clirist,  nous  sommes  avant  tout  frappé  de  l'absence 
absolue  d'ornements,  de  l'imperfection  de  la  main-d  œuvre, 
du  caractère  général  de  pauvreté  et  de  barbarie.  Que  nous 


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l'awace  artistique  293 

voilà  loin  des  initiales  brillantes  et  si  variées  de  la  collection 
des  canons  de  l'Eglise,  faite  en  Alsace  même,  en  788,  par  les 
ordres  de  l'évêque  Racchio,  de  Strasbourg!  Que  nous  voilà 
loin  de  la  splendeur  des  manuscrits  de  style  anglo-saxon  pro- 
venant de  l'abbaye  de  Wissembourg,  peut-être  contemporains 
du  Christ  (conservés  aujourd'hui  dans  la  bibliothèque  de 
Wolfenbûttel)! 

^Le  Christ^  d'une  infériorité  si  saisissante  et  même  d'une 
nullité  absolue  sous  tous  ces  rapports,  se  relève  par  l'impor- 
tance qu'il  accorde  au  corps  humain  et  par  ses  réminiscences 
imparfaites,  mais  non  méconnaissables,  de  l'art  chrétien  pri- 
mitif. Si  la  structure  de  ces  figures  est  défectueuse,  si  les 
torses  manquent  (le  cou  du  Christ,  par  exemple,  se  rattache 
directement  au  bras,  sans  indication  d'épaules),  si  les  extré- 
mités nous  choquent  par  leur  lourdeur  et  leur  gaucherie,  si 
l'expression  enfin  ne  brille  que  par  son  absence,  on  rencontre 
du  moins  çà  et  là  quelques  traits  heureux,  quelques  joyaux 
épargnés  par  le  flot  de  plus  en  plus  envahissant  de  la  barbarie. 
On  dirait  un  de  ces  camées  antiques  enchâssés  dans  les  flancs 
d'un  reliquaire  ou  d'un  ciboire,  au  milieu  des  monstres  les 
plus  hideux  du  moyen  âge.  Citons  parmi  ces  épaves  le  vase 
placé  au  pied  du  crucifix,  les  draperies  de  saint  Jean.  L'atti- 
tude de  la  Vierge  ne  manque  pas  non  plus  d'une  certaine 
poésie,  quoique  les  plis  de  ses  vêtements  l'embarrassent  et 
l'alourdissent  singulièrement. 

«Le  type  de  la  plupart  de  ces  ligures  se  rapproche  du  type 
byzantin,  notamment  dans  les  personnifications  du  soleil  et 
de  la  lune,  ainsi  que  dans  la  peinture  de  l'ftnesse  montée  par 
Jésus-Christ;  mais  en  général  les  traits  sont  plus  grossiers. 
Le  costume  des  Juifs  qui  vont  à  la  rencontre  du  Sauveur,  offre 
également  de  grandes  analogies  avec  celui  de  différents 
manuscrits  grecs  de  la  bibliothèque  de  Vienne.  Il  se  compose 
d'une  tunique  descendant  à  mi-jambe  et  nouée  autour  des 
reins  par  une  ceinture.» 


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I 


294  REVUE  d'alsace 

M.  Muntz  se  demande  enfin  s'il  faut  admettre  avec  Wagen, 
qu'Ottfrid  est  l'auteur  de  V Entrée  de  Jésus  à  Jérusalem  et  du 
Crucifiement  ;  il  conclut  négativement  en  disant  qu'il  serait 
singulier  qu'il  se  fut  si  complètement  soustrait  à  l'influence 
des  enlumineurs  de  saint  Gall,  qui  briUèrent  d'un  vif  éclat 
pendant  le  ix^  siècle,  et  au  milieu  desquels  il  séjourna  un 
certain  temps.  Et  il  ajoute  que,  si  Ton  ne  peut  déterminer 
.  l'auteur  de  ces  miniatures,  il  est  cependant  permis  d'affirmer 
que  celles-ci  ont  été  exécutées  à  Wissembourg- 


LE  MOINE  WILLO 

Orfèvre  (xi®  siècle)  * 

Le  XI''  siècle  fut  marqué  par  un  mouvement  considérable 
dans  l'art  de  l'orfèvrerie,  principalement  en  Allemagne  et 
dans  la  vallée  du  Rhin.  Cette  renaissance  partielle  fut  provo- 
quée par  la  princesse  byzantine  Théophanie,  fille  de  l'empe- 
reur Romain  II  et  épouse  d'Otton  II,  et  par  saint  Bernward, 
évêque  de  Hildesheim.  Les  plus  beaux  produits  de  l'orfèvrerie 
du  moyen  âge  étaient  les  couronnes-lustres  ou  couronnes  de 
lumière  qui  servaient  à  éclairer  entièrement  les  églises.  En 
Alsace,  il  y  avait  celle  de  Wissembourg,  attribuée  faussement 
au  roi  Dagobert;  elle  avait  dix-huit  pieds  de  diamètre  et  était 
formée  d'un  cercle  de  fer  recouvert  de  lames  d'argent  doré 
et  garni  de  vingt-quatre  tourelles  en  vermeil,  alternativement 
rondes  et  carrées,  découpées  et  ciselées  et  soutenant  les 
statuettes  en  argent  des  apôtres.  On  remarquait  encore  en 
Alsace  la  couronne-lustre  de  Pabbaye  de  Munster  qui,  fausse- 
ment aussi,  passait  pour  un  présent  de  Dagobert 

Le  premier  orfèvre  de  l'Alsace  est  Willo,  qui  vivait  au 
XI"  siècle.  Il  était  moine  dans  l'abbaye  bénédictine  de  Murbach. 

^  Ouvrages  consultés  :  ^Gârabd,  Les  Artistes  de  V Alsace  au  moyen 
âge,  etc. 


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L'ALSACE   ARTISTIOUE  295 

C'est  là,  d'après  ce  que  rapporte  la  chronique  d'Ebersmtinster, 
qu'il  ciselait  et  dorait  si  merveilleusement  des  vases  de  cuivre 
et  d'étain,  que  l'empereur  Henri  III,  dit  le  Noir,  ne  se  faisait 
pas  de  scrupule  de  donner  en  cadeau  à  ses  vassaux  et  à 
ses  courtisans,  comme  s'ils  eussent  été  d'or.  Martène  rapporte' 
que  ceux-ci  s'étant  aperçus  de  cette  tromperie  et  n'osant  pas 
s'en  venger,  résolurent  de  tuer  Willo  qui  résidaitjà^sa  cour, 
et  qui,  probablement,  était  bien  innocent  de  ce  qui  avait  eu 
lieu.  Mais  Henri  III,  ayant  eu  connaissance  du  complot,  afin 
de  soustraire  le  moine  à  la  mort  dont  il  était  menacé  et  peut- 
être  aussi  aiin  de  le  récompenser  de  son  talent,  l'intronisa  de 
force  sur  le  siège  abbatial  d'Ebersmûnster  auquel  les  moines 
avaient  élu  un  autre  abbé. 

Arrivé  dans  ce  couvent,  en  de  telles  circonstances,  Willo  y 
fut  fort  mal  accueilli;  pendant  douze  années  ce  ne  furent  que 
luttes  et  querelles  entre  lui  et  les  religieux.  Ceux-ci  l'ayant 
surpris  dans  la  cave  brisant  le  vase  servant  à  mesurer  le  vin, 
le  battirent  violemment  et  le  chassèrent  du  monastère.  Il  se 
plaignit  k  l'empereur  qui  ordonna  à  Hetzelon,  évêque  de 
Strasbourg,  de  le  réintégrer  dans  ses  fonctions.  Willo  rentra 
donc  à  Ebersmûnster;  mais  un  beau  jour,  en  1051,  il  quitta 
furtivement  le  monastère,  emportant  les  ornements  et  une 
partie  dji  trésor  de  l'église.  Il  se  réfugia  à  Worms,  où  il  dissipa 
le  produit  de  ses  vols.  Telle  fut,  au  dire  de  Grandidier,'  la  vie 
de  cet  artiste  distingué  et  de  ce  mauvais  moine. 

La  chronique  d'Ebersmûnster  rapporte  que  la  couronne 
que  portait  l'anti-césar  Rodolphe,  duc  de  Souabe  et  d'Alsace, 
élu  empereur  en  1077  avait  été  faite  dans  cette  abbaye.  Ce 
fait  semble  indiquer  que  Willo  avait  formé  des  élèves  dans  ce 
couvent  et'y  avait  laissé  une  tradition. 

Dans  un  des  comptes  |de  l'hôtel  de  Philippe  le  Bon,  duc  de 


'  Thés,  anecd. 
*  Oeuvres  inédites. 


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29fj  UEvi'E  d'alsacf. 

Boui'gogne,  de  Tannée  14(57,  se  trouve  mentionnée  une  pièce 
d'orfèvrerie  en  ces  termes  :  «Une  coquille  de  Willo,  garnye 
d'argent  doré».  Provenait-elle  de  l'orfèvre  d'Ebersmûnster? 
C'est  ce  qu'on  ne  peut  affirmer. 


HERRADE  i)E  LANDSPERG 

Miniaturiste  (1135-1195)' 

La  montagne  la  plus  célèbre  de  l'Alsace  est,  sans  contredit, 
celle  de  Hohenbourg,  oîi  Sainte-Odile,  la  fille  du  duc  Ehicon, 
construisit  un  monastère  vers  la  fin  du  vu*  siècle.  Parmi  les 
abbesses  qui  lui  succédèrent,  il  y  en  eut  une  du  nom  de 
Relinde,  qui  cultiva  avec  succès  la  poésie  et  les  lettres,  dont 
quelques  morceaux  sont  parvenus  jusqu'à  nous.  Elle  en  com- 
muniqua le  goût  à  l'une  de  ses  jeunes  compagnes,  Herrade  de 
Landsperg,  qui  devait,  en  1167,  lui  succéder  sur  le  siège  abba- 
tial de  Hohenbourg. 

Herrade  est  l'une  des  plus  belles  figures  du  moyen  âge;  elle 
fut  peintre,  musicienne,  poète,  philosophe,  théologienne;  il  ne 
lui  a  manqué  que  l'auréole  de  sainte,  dont  elle  possédait 
toutes  les  vertus.  H  y  a  eu  des  noms  plus  grands,  plus  écla- 
tants que  le  sien;  il  n'y  en  a  pas  de  plus  purs.  L'intérêt 
qu'inspire  cette  femme  résulte  de  l'existence  isolée  qu'elle  a 
eue  au  sommet  d'une  montagne,  dans  une  région  presque 
alpestre  où  les  bruits  du  monde,  lorsqu'ils  montent  jusque-là, 
sont  si  faibles  qu'ils  se  confondent  avec  le  murmure  de  la 
cascade  voisine  ou  avec  les  gémissements  du  vent  dans  les 
branches  de  la  forêt  de  sapins  ;  il  résulte  surtout  du  charme 
qu'on  éprouve  à  rencontrer  un  être  si  noble,  si  cultivé,  au 

*  Ouvrages  consultés  :  Spach,  Lettres  8t*r  les  archives  départementiHts 
(lu  Bas-Rhin;  HuoT,  Des  Vosges  au  Ehin;  Gérard,  Les  Artistes  de 
VAIstice  au  moyen  âge;  J.-J.  Mrybr,  Herrade  de  Landsperg  (Berue 
d'Ahacey  année  1876);  etc. 


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i/ai«sace  artistique  297 

milieu  d'un  monde  demi-barbare,  en  proie  à  la  rudesse,  à 
l'ignorance  et  aux  passions  les  plus  grossières. 

Le  milieu  où  Herrade  a  passé  son  existence  a  dû  exercer 
sur  sa  nature  impressionnable  et  poétique  une  influence  con- 
sidérable; mais  ce  fut  à  son  insu.  Qui  n'a  éprouvé  sur  les 
hautes  montagnes  le  sentiment  indéfinissable  qu'un  air  plus 
léger,  un  horizon  plus  varié  et  plus  étendu  produisent  sur  nos 
sens  et  nos  idées  V  Le  sang  coule  dans  les  veines  avec  plus 
d'abondance  et  de  force,  les  objets  apparaissent  sous  un  aspect 
nouveau  et  les  pensées  semblent  se  purifier  et  s'élever  sous 
Tinfluence  mystérieuse  de  l'atmosphère  éthérée  qu'on  respire. 
Comme  tout  ce  qui  est  véritablement  beau,  le  site  de  Hohen- 
bourg  a  captivé  et  captivera  toujours  l'homme:  panorama 
admirable,  souvenirs  historiques  et  religieux,  il  oifre  tout  ce 
qui  peut  plaire  aux  yeux  et  à  l'imagination. 

Comme  son  nom  l'indique,  Herrade  appartenait  à  l'antique 
et  illustre  famille  de  Landsperg,  depuis  longtemps  éteinte, 
dont  les  ruines  du  château  se  voient  sur  la  pente  de  la  mon- 
tagne même  du  Hohenbourg.  On  ignore  l'époque  exacte  de  sa 
naissance,  qui  remonte  probablement  entre  les  années  1185 
et  1140.  On  ne  sait  pas  non  plus  pour  quel  motif  elle  prit  le 
voile  ;  si  ce  fut  pour  obéir  à  une  vocation  bien  arrêtée,  pour 
fuir  les  luttes,  les  passions  et  les  tourments  du  monde,  ou 
pour  satisfaire  au  désir  de  son  frère  Gunther  ou  de  ses 
parents.  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  entra  comme  novice  au  couvent 
de  Hohenbourg,  dirigé  alors  par  la  pieuse  Relinde. 

Plus  tard,  devenue  abbesse  de  ce  monastère,  Herrade  donna 
tous  ses  soins  aux  nonnes  et  à  l'établissement  dont  elle  avait 
reçu  la  direction  spirituelle  et  temporelle.  En  1178,  elle  fonda 
près  d'pttrott-le-Haut  le  prieuré  de  Saint-Gorgon,  et  en  1181 
celui  de  Trauttenhausen  au  pied  de  la  montagne  de  Hohen- 
bourg. Elle  entra  en  rapports  d'affaires,  pour  les  biens  de  son 
couvent,  avec  Frédéric  Barberousse,  les  papes,  les  évêques 
de  Strasbourg,  de  Lorraine  et  d'Allemagne  et  les  seigneui-s 


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298  REYCK    D  ALSACE 

alsaciens.  Mais,  sauf  les  instants  qu'elle  consacrait  aux  intérêts 
matériels  confiés  à  ses  soins,  elle  employait  tout  son  temps 
en  exercices  de  piété,  à  la  direction  spirituelle  de  ses  com- 
pagnes et  à  la  culture  de  la  peinture,  de  la  musique  et  de  la 
poésie.  Insensible  aux  bruits  de  la  terre,  plongée  dans  le 
calme  et  la  retraite  les  plus  absolus,  sous  l'empire  de  visions 
charmantes  et  d'harmonies  qu'elle  croyait  venir  des  cieux, 
elle  composa  une  œuvre  admirable  pour  l'époque,  le  Hortus 
Delidarum.  Ce  manuscrit  fut  pendant  des  siècles  entouré  à 
Hohenbourg  d'une  vénération  très  grande  et  estimé  presque 
à  l'égal  des  reliques  auprès  desquelles  on  le  conservait  pré- 
cieusement Il  était  orné  de  délicieuses  peintures  où  éclataient 
des  couleurs  que  le  temps  n'avait  pu  altérer.  Transmis  par 
Herrade  à  ses  filles  adoptives,  sauvé  comme  par  miracle  des 
nombreux  désastres  qui  assaillirent  le  couvent  de  Sainte- 
Odile,  recueilli  un  moment  par  les  évêques  de  Strasbourg, 
puis  par  les  Chartreux  de  Molsheim,  par  la  bibliothèque  du 
district  républicain,' par  un  abbé,  enfin  par  la  bibliothèque  de 
la  ville  de  Strasbourg,  dont  il  était  l'ornement  le  plus  beau  et 
le  plus  précieux,  il  a  été  brûlé,  comme  tout  le  reste,  par  les 
Prussiens,  en' 1870. 

Heureusement  que  ce  manuscrit  inestimable  a  été  l'objet 
de  plusieurs  études  remarquables  :  l'une  fut  publiée  à  Stutt- 
gard  en  1818  par  Engelhardt,  qui  l'accompagna  de  douze 
planches  reproduisant  les  plus  belles  miniatures;  une  autre 
est  due  à  Lenoble;  une  troisième  fut  insérée  par  l'archiviste 
Spach  dans  ses  Lettres  sur  les  archives  du  Bas-Rhin;  une 
quatrième  se  trouve  dans  l'ouvrage  du  conseiller  Huot,  inti- 
tulé Des  Vosges  au  Rhin;  une^'cinquième  a  paru  dans  l'ou- 
vrage de  feu  Gérard  sur  Les  Artistes  de  V Alsace  au  moyen  âge  ; 
une  autre,  la  plus  étendue  de  toutes,  est  due  à  la  plume  de 
M.  J.-J.  Meyer,  qui  l'a  insérée  dans  la  Revue  d! Alsace,  année 
1876;  enfin,  la  Société  pour  la  conservation  des  monuments 
historiques  de  l'Alsace  vient  de  réunir  dans  une  splendide 


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i/alsace  artistique  299 

publication  (1879)  les  dessins  que  des  amateurs  avaient  faits 
des  nûniatures  de  ce  manuscrit. 

Le  Horttia  Delidarum  fut  probablement  commencé  par 
Herrade  vers  l'an  1155  et  terminé  en  1180.  Cette  femme  dis- 
tinguée put  jouir  pendant  de  nombreuses  années  de  son  œuvre, 
car  elle  ne  mourut  que  le  25  juillet  1195,  à  Tâge  de  70  ans 
environ.  Ses  derniers  instants  furent  impressionnés  par  une 
scène  douloureuse  :  Sybille,  veuve  de  Tancrède,  roi  de  Sicile, 
et  ses  deux  filles  étaient  venues  chercher  un  asile  dans  le 
couvent  de  Hohenbourg,  poursuivies  par  la  haine  de  l'empe- 
reur Henri  VI,  qui  s'était  emparé  de  la  Sicile  et  avait  fait 
crever  les  yeux  au  fils  du  monarque  défunt. 

Herrade  avait  une  sœur,  Edelinde,  qui,  comme  elle,  prit  le 
voile  et  devint  abbesse  de  Hohenbourg  en  l'an  1200.  Edelinde 
se  distingua  non-seulement  par  sa  piété,  mais  aussi  par  ses 
goûts  artistiques.  Elle  sculpta  la  Passian  du  Sauveur  et  quel- 
ques scènes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  sur  une 
croix  en  bois  qui  ornait^  avant  1542,  l'abbaye  de  Nieder- 
mûnster,  et  qui  se  trouve  actuellement  dans  l'église  de 
Molsheim.* 

Il  n'entre  point  dans  notre  sujet  de  donner  l'analyse  de 
VHortus  Delidarum,  qui  était  une  sorte  de  résumé  de  toutes 
les  connaissances  de  l'époque,  destiné  à  l'enseignement  des 
nonnes  de  Hohenbourg.  Nous  n'avons  à  parler  de  cette  œuvre 
qu'au  point  de  vue  des  peintures  qu'elle  renfermait,  qui  en 
étaient  le  commentaire  imagé,  et  lui  assignent  le  premier 
rang  parmi  toutes  les  productions  des  miniaturistes  alsaciens 
du  moyen  âge.  A  l'époque  où  vivait  Herrade  de  Landsperg, 
c'est-à-dire  au  xir  siècle,  l'illustration  des  manuscrits  était 
peu  pratiquée  en  Occident;  ce  n'était  guère  qu'une  pieuse 

*  Cette  croix,  qui  porte  les  signes  irrécusables  de  l'époque  byzantine, 
est  en  bois  de  chêne,  elle  a  huit  à  neuf  pieds  de  hauteur  et  cinq  à  six 
dans  la  croisée.  Des  pierres  précieuses  l'enrichissent,  et  elle  est  recou- 
yerte  de  lames  d'argent  doré  relevées  en  bosse. 


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300  REVUE    d'AKSACE 

tradition  monastique  empruntée  aux  habitudes  de  TEglise 
grecque.  La  foi  inspirait  les  images,  comme  elle  imposait  les 
textes  et  leur  signification  religieuse.  L'art  byzantin  avait 
formulé  des  règles  inflexibles,  avait  créé  des  types  inaltérables, 
immuables,  éternels;  les  figures,  les  attitudes,  l'expression, les 
emblèmes,  les  costumes,  les  couleurs  même,  tout  avait  été 
réglé,  fixé,  déterminé.  L'artiste  ne  pouvait  s'en  écarter  sans 
violer  en  même  temps  son  devoir  professionnel  et  son  devoir 
religieux.  La  décadence  qui  avait  commencé  à  se  produire  à 
Constantinople,  sous  le  règne  de  Basile  II  (995-1025),  se  fit 
sentir  au  xi*  siècle  en  Allemagne  où  s'étaient  répandus  des 
artistes  dégénérés,  qui  étaient  tombés  dans  le  dernier  servi- 
lisme  de  l'art.  Aux  principes  et  aux  traditions  des  écoles  de 
Basile  P'  et  de  Constantin  Porphyrogénète  avaient  succédé  le 
relâchement  et  l'empirisme  d'une  nouvelle  école  qui  chaque 
jour  s'éloignait  de  plus  en  plus  de  l'antiquité.  Heureusement, 
qu'à  côté  de  cette  école  mercantile  l'Allemagne  avait  su  en 
conserver  une  autre,  véritablement  nationale,  née  de  la  renais- 
sance carlovingienne  et  qui  continua  le  mouvement  original 
qui  l'avait  distinguée.  Cette  école,  peu  nombreuse,  était  plus 
indépendante,  plus  fantaisiste;  elle  composait  avec  liberté, 
elle  inventait,  elle  savait  allier  le  sentiment  de  la  vie  réelle  à 
la  poésie  légendaire;  elle  reproduisait,  en  les  variant,  les  scènes 
historiques  ou  bibliques  ;  elle  n'interdisait  pas  à  l'imagination 
de  concevoir  et  de  produire  des  sujets  et  des  formes  dans  une 
direction  et  sous  une  forme  nouvelles.  Cette  école  à  laquelle 
appartient  Herrade  de  Landsperg  ne  subissait  plus,  vers  le 
milieu  du  xii*  siècle,  l'influence  byzantine  que  dans  ce  qu'elle 
avait  d'heureux  et  d'utile;  elle  n'empruntait  plus  aux  peintres 
orientaux  que  leurs  connaissances  techniques,  leur  entente 
du  dessin,  leurs  procédés  de  coloris.  Ce  libre  travail  de  l'es- 
prit, cette  indépendance  de  l'artiste,  éclatent,  comme  nous  le 
verrons  dans  l'œuvre  de  Herrade. 
Le  nombre  des  peintures  qui  ornent  l'œuvre  d'Herrade  est 


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L'ALSACE  AKTISriQUE  301 

considérable  ;  il  s'élève  à  six  cent  trente-six,  celui  des  figures 
humaines  à  plus  de  neuf  mille.  *  Elles  ne  sont  que  rarement 
placées  dans  le  texte;  ordinairement  elles  occupent  toute 
retendue  de  la  feuille  de  parchemin;  certaines  pages  con- 
tiennent deux  rangs  de  miniatures,  d'autres  trois  rangs. 
Quelques  compositions  sont  si  développées,  que  c'est  à  peine 
si  toute  la  page  est  suffisante  pour  les  renfermer. 

L'Histoire-Sainte  est  traitée  très  brièvement  et  ce  sont  les 
allégories  mystiques  qui  tiennent  le  plus  de  place  parmi  ses 
miniatures.  Dieu,  père  de  toutes  les  créatures,  les  anges,  la 
révolte  et  la  chute  de  Lucifer  et  de  ses  suppôts,  surtout  ce 
dernier  événement  présenté  en  un  endroit  comme  une  des 
causes  qui  amenèrent  la  création  delà  terre  et  de  l'homme;  la 
Trinité,  comme  providence  agissant  dans  le  monde;  tel  est  le 
début  de  la  première  partie.  Dans  les  peintures  qui  l'accom- 
pagnent on  voit  les  trois  personnes  de  la  Trinité,  assises  l'une 
près  de  l'autre  sur  un  banc  circulaire  et  identiquement  sem- 
blables l'une  à  l'autre,  se  consulter  sur  l'éventualité  de  la 
création. 

L'origine  des  éléments  est  empruntée  au  récit  biblique.  L'air 
et  l'eau  sont  représentés  sous  les  traits  d'Eole  et  de  Neptune. 
Tout  ce  qui  a  trait  à  la  cosmographie,  à  l'astronomie  et  à  la 
chronologie  est  tiré  d'un  astrologue  anonyme  et  de  VAurea 
gemma;  il  en  est  de  même  de  certaines  notions  de  géographie 
et  de  technologie  qu'on  trouve  plus  loin.  Ces  derniers  frag- 
ments sont  suivis  de  miniatures  représentant,  d'après  le 
système  de  Ptolémée,  les  douze  signes  du  zodiaque,  les  zones, 
le  Soleil  dans  un  char  attelé  de  quatre  chevaux,  et  les  divers 
climats. 

Dans  l'histoire  de  la  création  de  l'homme,  on  voit  celui-ci 

^  Nous  noas  sommes  servi  pour  la  description  des  miniatures  priu- 
cipalement  des  articles  de  M31.  Gérard,  T.I,p.  tîG  etsuiv.,  et  J.-J.  Meyer, 
ouvrages  déjà  cités. 


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302  REVUE    D'ALSACE 

représenté  sous  les  formes  du  microcosme,  c'est-à-dire  comme 
un  abrégé  du  monde.  L'homme,  nouvellement  créé,  a  la  tête 
rayonnante  et  entouré  des  sept  anciennes  planètes;  ses  bras 
sont  étendus  et  un  cercle  enferme  ses  jambes  ;  un  monticule, 
sur  lequel  une  chèvre  broute  des  ronces,  figure  la  terre;  les 
trois  autres  éléments,  l'eau,  le  feu  et  l'air,  sont  représentés 
dans  les  angles  de  la  peinture  exerçant  leur  influence  sur 
l'être  humain.  Les  miniatures  qui  représentent  la  création 
d'Adam  et  d'Eve  sont  très  curieuses  ;  on  voit  le  Père  éternel 
tenant  sur  ses  genoux  une  forme  humaine  ébauchée  dans  de 
l'argile  jaunâtre  et  achevant  de  la  modeler  ;  plus  loin,  il  souffle 
dans  sa  bouche  ouverte  pour  lui  communiquer  la  respiration; 
enfin,  assis  auprès  d'Adam  endormi,  il  tient  à  la  main  la  côte 
qu'il  lui  a  prise  et  de  laquelle  surgit  le  buste  d'Eve  naissante. 

Vient  ensuite  l'histoire  de  la  chute  de  nos  premiers  parents. 
On  voit  l'Eternel  les  chassant  du  paradis  terrestre  ;  plus  loin, 
le  chérubin  qui,  les  ailes  repliées  l'une  sur  l'autre  en  forme  de 
croix,  veille  à  la  porte  d'entrée  du  paradis.  Après  leur  expul- 
sion, Adam  est  représenté  bêchant  la  terre  avec  effort,  et  Eve 
filant  au  fuseau.  Ensuite  Caïn  tue  son  frère  Abel;  puis 
l'arche,  la  découverte  du  vin  par  Noé,  l'ivresse  de  celui-ci  et 
la  construction  de  la  tour  de  Babel. 

Puis  arrivent  les  neuf  Muses  qui  sont  encadrées  dans 
des  médaillons  élégants  et  qui  portent  le  costume  des  châte- 
laines de  l'époque  de  Frédéric  Barberousse. 

Après  les  Muses  vient  une  miniature  allégorique  représen- 
tant la  philosophie  et  les  sept  arts  libéraux.  A  l'intérieur  d'un 
grand  cercle  sont  inscrites  sept  arcades  byzantines,  dans  cha- 
cune desquelles  se  dresse  une  femme  noblement  vêtue:  la 
Grammaire,  en  rouge,  tenant  une  verge  et  un  livre  ;  la  Rhéto- 
rique, en  bleu,  avec  un  style  et  des  tablettes  à  écrire;  la 
Dialectique,  en  vert  clair,  tenant  de  la  main  gauche  une  tête 
de  chien  aboyant;  la  Musique,  en  carmin,  ayant  une  harpe 
entourée  d'une  lyre  et  d'une  rotte;  TArithmétique,  en  bleu 


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l'alsace  artistique  303 

clair,  avec  une  corde  à  compter  ;  la  Géométrie,  en  rouge,  armée 
d'un  compas  et  d'une  règle  ;  l'Astronomie,  en  vert  foncé,  mon- 
trant d'une  main  le  firmament  et  tenant  de  l'autre  un  boisseau. 
Au  centre  du  cercle  siège  sur  un  large  fauteuil  la  Philosophie 
vêtue  d'une  robe  violette  et  d'un  manteau  de  pourpre  ;  sa  tête 
est  ornée  d'un  diadème  duquel  sortent  trois  figures  désignées 
par  une  légende  sous  les  noms  d'Ethique,  de  Logique  et  de 
Physique;  ses  mains  tiennent  un  écriteau  à  devise;  des  deux 
côtés  de  sa  poitrine  s'épandent  les  sources  des  sept  arts  libé- 
raux. Dans  la  partie  inférieure  du  cercle  on  voit,  assis  sur 
un  banc  de  bois  et  devant  un  pupitre  chargé  d'un  livre 
ouvert,  Socrate  et  Platon.  Au-dessous  de  la  page  et  extérieu- 
rement au  grand  cercle  se  trouvent,  dans  de  riches  sièges  et 
devant  un  livre  ouvert,  quatre  personnages  à  la  physionomie 
grave,  portant  leur  barbe,  en  haut-de-chausses,  tunique  et 
chlamyde  ;  ce  sont  les  poètes  et  les  mages,  ayant  chacun  sur 
l'épaule  un  oiseau  noir  qui  semble  leur  parler  à  l'oreille  et 
qui  représente  un  démon.  Herrade  les  a  exclus  du  cycle  hono- 
rable des  arts  bienfaisants,  parce  qu'ils  ont  chanté  les  exploits 
des  divinités  mythologiques,  dont  elle  a  peint  les  figures  sur 
les  feuilles  suivantes. 

Puis  viennent  les  scènes  les  plus  marquantes  de  la  vie  des 
patriarches:  Abraham  et  Loth,  Isaac  et  ses  fils,  Moïse  en 
Egypte,  le  passage  do  la  mer  Rouge,  le  séjour  des  Hébreux 
dans  le  désert;  leurs  diverses  stations  sont  iiidiquées  sous  la 
forme  emblématique  d'autant  de  petits  châteaux-forts  ou 
d'églises.  Les  principaux  événements  des  pérégrinations  des 
Israélites  sont  représentés  d'une  façon  très  curieuse;  ainsi, 
dans  la  scène  représentant  Tengloutissement  de  Pharaon  dans 
la  mer  Rouge,  Herrade  a  donné  aux  poissons  des  formes  bouf- 
fonnes et  des  attitudes  plaisantes,  comme  pour  montrer  leur 
satisfaction  de  la  mésaventure  arrivée  à  l'orgueilleux  Egyptien. 
Ailleurs,  lorsqu'une  colonne  de  feu  ou  de  nuages  indique  le 
chemin  aux  Juifs,  elle  est  immédiatement  suivie  d'un  massier 


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304  lŒvuE  d'alsace 

tenant  à  la  main  un  gros  bâton  à  pommeau.  Plus  loin  ou  voit 
dans  un  endroit  isolé  le  tombeau  de  Moïse,  dont  Dieu  lui- 
même  place  le  corps  dans  un  cercueil  de  pierre  ;  Satan  cherche 
à  saisir  ce  corps  par  un  pied,  mais  il  est  repoussé  par  saint 
Michel  armé  d'une  fourche. 

Dans  rhistoire  des  Juges,  des  Rois  et  des  Prophètes,  il  y  a 
un  tableau  remarquable  représentant  Jonas  avalé  par  une 
baleine,  qui  n'est  autre  qu'une  énorme  carpe  du  Rhin.  Les 
douze  prophètes  sont  assis  l'un  à  côté  de  l'autre  et  tiennent 
chacun  à  la  main  une  bande  de  parchemin  sur  laquelle  on  lit 
l'une  de  leurs  prédictions.  Les  visions  du  prophète  Zacharie 
donnent  lieu  à  une  miniature  très  curieuse  :  le  Christ,  malgré 
l'opposition  du  diable  armé  d'une  massue,  revêt  le  costume 
do  grand-prêtre;  tout  auprès,  on  voit  les  candélabres  à  sept 
branches  placés  entre  des  oliviers.  Cette  miniature,  commencée 
par  Herrade,  a  été  achevée  postérieurement  par  une  main 
moins  .expérimentée. 

Au  seuil  de  l'histoire  évangélique,  entre  l'ancienne  et  la 
nouvelle  loi,  Herrade  a  peint  deux  allégories  mystiques  sur 
l'union  des  deux  Testaments;  dans  l'une,  le  personnage  prin- 
cipal, qui  est  assis,  porte  deux  têtes,  celle  de  Moïse  et  celle 
du  Christ,  et  tient  d'une  main  l'aspersoir,  symbole  de  la  syna- 
gogue, et  de  l'autre  la  coupe  de  la  Cène,  emblème  de  l'Eglise 
nouvelle. 

Parmi  les  miniatures  qui  illustrent  la  vie  du  Christ,  il  y  en 
a  de  très  remarquables.  L'une  d'elles  concerne  la  généalogie 
du  Messie  représentée  par  un  arbre  emblématique  planté  par 
Dieu  lui-même;  à  mi-hauteur  du  tronc,  on  voit  la  ligure 
d'Abraham  au-dessus  de  laquelle  sont  représentées  les  têtes 
de  tous  les  patriarches,  de  tous  les  rois  du  peuple  juif  et  de 
tous  leurs  descendants  jusqu'à  Joseph,  l'époux  de  Marie;  la 
Vierge  est  au-dessus  de  Joseph,  et  de  sa  tête  sort  le  Christ  ; 
les  patriarches,  les  rois,  les  prophètes  et  le  peuple  d'Israël 
sont  répandus  dans  les  rameaux;  dans  la  partie  supérieure 


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L'ALSACE   ARTISTIQUE  305 

apparaît  le  Sauveur  et  à  ses  côtés  les  apôtres,  les  papes,  le 
clergé,  les  rois  de  la  terre  et  leurs  peuples. 

Dans  la  miniature  suivante  on  voit  Dieu  jeter  dans  la  gueule 
du  Leviathan,  image  symbolique  du  monde  corrompu,  un 
hameçon  dont  la  partie  supérieure  figure  la  croix  du  Christ, 
et  qui  retire  du  monstre  les  têtes  des  patriarches  et  des  pro- 
phètes. 

Dans  l'histoire  du  Christ,  nous  citerons  les  miniatures  sui- 
vantes :  l'Assemblée  des  disciples  de  saint  Jean  portant  des 
manteaux  blancs  marqués  par  devant  d'une  croix  de  saint 
Jean;  —  le  Baptême  du  Christ,  scène  dans  laquelle  le  Jourdain 
est  représenté  sous  la  forme  d'un  dieu  qui  regarde  avec  éton- 
nement  les  portes  du  ciel  ouvertes  sur  la  tête  du  Sauveur, 
pendant  qu'une  colombe  descend  portant  une  fiole  remplie 
d'huile,  dont  elle  va  l'oindre  ;  —  la  Tentation,  où  l'on  voit 
Satan,  revêtu  d'une  peau  verte,  s'efforcer  de  séduire  le  Christ 
par  des  cajoleries  bouffonnes,  dont  le  comique  est  renforcé 
par  les  détails  grotesques  du  personnage:  nez  énorme  et 
retroussé,  bouche  fendue  jusqu'aux  oreilles,  queue  en  trom- 
pette; —  la  Mort  de  Lazare  et  du  mauvais  riche;  l'âme  du 
premier  est  recueillie  pieusement  dans  un  linceul  par  des 
anges  qui  la  portent  au  ciel;  tandis  que  celle  du  mauvais 
riche,  personnifiée  par  un  nain  qui  s'échappe  de  sa  bouche 
convulsive,  est  saisie  et  emportée  par  des  démons;  —  plus 
loin,  on  voit  le  mauvais  riche  couché  tout  nu  au  milieu  d'un 
étang  de  feu  et  blasphémant  dans  les  tortures  de  la  soif; 
Lazare,  au  contraire,  repose  bien  tranquillement  sur  les 
genoux  d'Abraham. 

Dans  le  songe  de  la  femme  de  Pilate,  Herrade  a  représenté 
Satan  au  pied  de  cette  dame,  inspirant  et  dirigeant  le  rêve  de 
sang  qu'elle  fait.  Dans  le  tableau  du  crucifiement,  l'artiste  a 
placé  au-dessus  du  gibet  les  figures  dolentes  et  voilées  du 
Soleil  et  de  la  Lune;  le  premier,  portant  la  main  h  sa  face, 
pssuie  ses  larmes:  Marie,  Jean,  le  diacre  Fltienne  et  le  centii- 

Nouvellt;  Seno.  —  II—  année.  21) 


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306  REVUE    D'ALSACE 

non  Longin  sont  au  pied  de  la  croix,  où  se  trouve  aussi  le 
tombeau  d'Adam.  Deux  figures  allégoriques  apparaissent  en 
outre  dans  cette  composition;  l'une  représente  l'ancienne  Loi, 
la  Synagogue  montée  sur  un  âne,  les  yeux  couverts  d'un  ban- 
deau, la  bannière  renversée  ;  elle  tient  d'une  main  le  bouc 
d'iniquité  de  l'ancien  Testament,  de  l'autre  main  le  couteau 
du  sacrifice  désormais  inutile  et  inefficace.  L'autre  figure  est 
celle  du  Christianisme,  de  l'Eglise  triomphante,  assise  sur  une 
bête  à  quatre  têtes  qui  sont  les  attributs  des  quatre  évangé- 
listes;  elle  porte  d'une  main  la  bannière  victorieuse  et  de 
l'autre  la  coupe  de  la  Cène,  dans  laquelle  tombe  le  sang  qui 
s'échappe  des  flancs  du  Christ. 

On  doit  signaler  encore  dans  l'histoire  évangélique  les 
miniatures  suivantes  :  la  descente  du  Saint-Esprit;  la  conver- 
sion de  saint  Paul;  la  compagnie  des  saintes  femmes  de  la 
Passion  vêtues  de  l'habit  monastique,  sous  la  conduite  de 
saint  Jean  en  costume  de  moine;  le  baptême  de  l'Ethiopienne 
par  saint  Paul,  emblème  de  l'accueil  que  l'Eglise  fait  aux 
nations  payennes;  le  Christ  couronnant  l'Eglise  qui,  sous  les 
traits  d'une  fenmie,  s'avance  à  la  tête  des  douze  apôtres;  Jésus 
chassant  du  temple  les  marchands  qui  personnifient  tous  les 
vices  qu'on  doit  bannir  de  la  société  chrétienne;  Christ  sur 
le  pressoir  symbolique  de  la  vendange  chrétienne;  le  lépreux 
figurant  par  ses  sept  plaies  les  sept  hérésies  principales  qui 
ont  désolé  l'Eglise. 

La  lutte  des  vertus  chrétiennes  contre  les  vices  présente 
un  tableau  original.  Les  Vices  et  les  Vertus,  dans  la  tenue  de 
femmes  armées,  se  combattent,  les  premières  avec  des  lances 
qui  représentent  les  aiguillons  de  la  tentation,  les  secondes 
avec  des  épées,  images  de  la  parole  divine.  Dans  tous  ces 
combats  singuliers,  chaque  Vertu  est  aux  prises  avec  le  Vice 
correspondant;  la  victoire  appartient  toujours  à  la  Vertu  qui 
met  à  mort  son  antagoniste.  La  Luxure  seule  n'emploie  pas 
d'armes  pour  combattre;  richement  vêtue,  escortée  des  autres 


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]/ ALSACE  ARTISTIQUE  307 

plaisirs  et  montée  sur  un  char  enrichi  d'or  et  de  pierres  pré- 
cieuses, eUe  réussit  par  ses  séductions  à  déconcerter  les 
Vertus;  mais  la  Chasteté  arrive  à  temps  pour  les  secourir;  elle 
brise  le  char  de  la  Volupté  et  de  ses  compagnes,  qui  fuient  en 
jetant  leurs  parures  et  leurs  armes. 

Après  cette  allégorie  arrive  une  série  de  miniatures  consa- 
crées à  célébrer  Salomon:  la  construction  du  temple;  la  visite 
de  la  reine  de  Saba;  les  vierges  de  Jérusalem  chantant  ses 
louanges  devant  le  roi  qui  est  assis  sur  son  trône:  Salomon, 
emblème  du  Christ  triomphant,  reposant  sur  un  lit  précieux, 
symbole  de  l'Eglise;  Salomon  célébrant  le  festin  nuptial  avec 
l'Eglise;  Salomon  assis  sur  un  trône  et  jetant  sa  mélancolique 
exclamation:  Vanité  des  Vanités.  Auprès  de  lui,  comme  image 
de  la  vanité  des  choses  humaines,  deux  hommes  font  mouvoir 
deux  marionnettes  représentant  des  chevaliers  armés  de 
toutes  pièces  et  se  livrant  un  combat  singulier.  Immédiate- 
ment au-dessous,  on  voit  la  Fortune,  montée  sur  une  roue, 
qui  élève  et  abaisse  les  rois  tour  à  tour. 

Cette  saisissante  critique  de  la  vanité  des  choses  humaines 
avait  mis  Herrade  en  veine  de  liberté.  Elle  traça  une  autre 
composition  d'une  grande  énergie,  c'est  VEchelle  du  Salut  qui 
part  du  sol  et  s'élève  jusqu'au  ciel  où  se  trouve  la  couronne 
de  vie  ;  le  Père  éternel,  dont  la  main  sort  d'un  nuage,  l'ofire 
aux  concurrents,  tandis  que  des  démons  leur  décochent  des 
flèches  pour  les  faire  tomber  dans  la  gueule  du  diable,  sous  la 
forme  d'un  dragon  qui  se  trouve  au  pied  de  Téchelle.  Malgré 
l'assistance  de  quelques  anges,  les  embûches  du  démon  n'ont 
que  trop  de  succès;  l'ermite  a  préféré  la  culture  de  son  jardin 
à  la  prière  et  à  la  contemplation  ;  le  chartreux  s'est  laissé 
séduire  par  la  jouissance  d'un  bon  lit  ;  le  prêtre  séculier  s'est 
livré  aux  plaisirs  de  la  table  et  de  l'amour  ;  la  religieuse  a  été 
fascinée  par  la  vue  des  richesses  ;  le  chevalier  et  la  noble  dame 
se  sont  adonnés  à  l'avarice,  à  l'orgueil  et  aux  plaisirs  de  la 
chair.  Tous  retombent  de  l'échelle.  Les  laïques  ne  montent  pas 


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308  KEYUË    d'àlsace 

même  aussi  haut  que  les  religieux;  dès  les  premiers  degrés, 
le  soldat  absorbé  par  le  désir  de  posséder  de  beaux  chevaux, 
la  femme  étourdie  par  le  luxe  et  la  vanité,  se  laissent  choir 
lourdement.  Seule,  la  Charité  chrétienne  atteint  le  haut  de 
l'échelle  et  reçoit  la  récompense  céleste. 

Une  poésie  sur  les  défaillances  de  la  chair,  inspirée  à 
Herrade  par  la  peinture  dont  nous  venons  de  parler,  lui  four- 
nit l'occasion  de  reproduire  le  mythe  homérique  des  Sirènes 
en  trois  tableaux.  Dans  le  premier,  ces  enchanteresses,  ailées, 
la  tête  couverte  d'un  voile,  le  corps  enveloppé  d'une  longue 
robe  qui  ne  laisse  à  découvert  que  les  mains  et  les  jambes 
terminées  par  des  serres,  font  tomber,  aux  sons  d'une  mélodie 
délicieuse,  l'équipage  d'un  navire  dans  un  profond  sommeil. 
Dans  le  second,  les  sirènes  sautent  sur  le  vaisseau,  mas- 
sacrent les  matelots  endormis  et  les  jettent  à  la  mer.  Dans  le 
troisième,  Ulysse,  monté  sur  une  barque  que  conduit  un 
moine  à  la  tête  rase,  arrive  au  secours  de  ses  compagnons  et 
emploie  la  ruse  habile  qui  doit  rompre  le  charme  des  tilles 
d'Achelous. 

Après  ces  tableaux,  qui  sont  une  allusion  aux  périls  que 
l'Eglise  a  à  traverser  et  que  Christ  lui  fait  surmonter  pour  la 
conduire  au  bonheur  céleste,  Herrade  a  représenté  l'Eglise 
universelle  de  la  manière  suivante  :  on  voit  la  coupe  trans- 
versale d'une  église  ;  dans  la  niche  centrale  de  la  partie  la 
plus  élevée,  l'Eglise  siège  en  reine;  des  deux  côtés  de  la  niche 
sont  assis  des  papes,  des  évêques,  des  prêtres,  des  moines  et 
des  religieuses  ;  la  niche  au-dessous  de  la  première  est  occupée 
par  les  jeunes  tilles  de  Jérusalem,  représentant  tous  ceux  qui 
sont  soumis  à  l'autorité  de  l'Eglise;  auprès  de  la  niche,  on 
voit  d'un  côté  des  pèlerins  et  des  religieux  appartenant  aux 
ordres  les  plus  sévères  ;  de  l'autre  côté,  des  princes  séculiers. 
Aux  portes  de  l'édifice  se  tiennent  David  et  Esaïe,  baptisés  en 
dehors  do  l'Eglise.  Sur  le  toit,  des  anges  livrent  bataille  au 
démon.  Quatre  médaillons  placés  aux  quatre  coins  de  l'église 
renferment  les  bustes  des  quatre  grands  prophètes. 


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l'alsace  artistique  309 

Cette  miniature  sert  d'introduction  à  une  série  de  chapitres 
relatifs  à  l'Eglise,  aux  conditions  nécessaires  à  son  existence, 
à  ses  devoirs  et  à  ses  relations. 

Herrade  consacre  une  place  importante  de  son  œuvre  à 
l'histoire  de  l'Antéchrist.  On  voit  celui-ci  mettre  à  mort  Elie 
et  Enoch,  apparus  sur  la  terre  peu  de  temps  avant  lui.  Enivré 
par  les  honneurs  des  peuples  et  des  princes  laïcs  et  ecclésias- 
tiques, il  fait  des  miracles,  précipite  le  feu  du  ciel  et  déchaîne 
la  tempête  sur  mer  ;  ceux  qui  ne  veulent  pas  croire  en  lui  sont 
mis  à  mort.  Mais  le  châtiment  n'est  pas  loin;  au  moment  où, 
arrivé  au  sommet  de  la  montagne  des  Oliviers,  il  prétend, 
comme  Jésus-Christ,  s'élever  vers  le  ciel,  saint  Michel  apparaît 
et  lui  fend  la  tête.  Ses  adhérents,  reconnaissant  alors  le  néant 
de  son  règne,  font  pénitence,  les  Juife  se  convertissent  à 
l'Evangile  et  reçoivent  le  baptême. 

Une  suite  de  miniatures  occupant  plusieurs  pages  repré- 
sentent les  scènes  du  Jugement  dernier,  principalement 
d'après  l'Apocalypse.  On  voit  tout  d'abord  Jésus-Christ  sur 
un  arc-en-ciel  qui  lui  sert  de  trône;  au-dessous  et  montés  sur 
des  roues  ailées,  des  séraphins;  plus  bas,  la  croix  et  les  instru- 
ments du  supplice  du  Sauveur  portés  triomphalement  par  les 
anges  sur  une  espèce  de  fauteuil.  Au  pied  de  la  croix  le  livre 
de  justice  est  grandement  ouvert;  à  droite  et  à  gauche  sont 
agenouillés  Adam  et  Eve.  Plus  haut,  à  côté  du  Christ,  on  voit 
la  Vierge  et  Jean7Baptiste  ;  auprès  d'eux  des  chérubins,  puis 
les  apôtres,  assis  sur  un  banc  et  ayant  chacun  un  ange  der- 
rière lui.  Plus  loin,  on  voit  les  morts  sortir  de  leurs  tombeaux 
en  entendant  la  trompette  céleste;  au-dessous,  des  animaux 
féroces  rendent  les  membres  des  créatures  qu'ils  ont  dévorées. 
En  même  temps  le  ciel  et  la  terre  sont  en  feu  et  un  monde 
nouveau  les  remplace,  dominé  par  les  diflférents  groupes  des 
élus  distribués  dans  l'ordre  suivant:  martyrs,  papes,  évoques 
et  clercs,  abbés  et  moines,  pèlerins,  veuves,  abbesses,  reli- 
gieuses, rois  et  princes,  magistrats,  puis  la  foule  des  laïques  ; 


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310  REVUE    D'ALSACE 

chacun  est  accompagné  de  son  ange  gardien.  Le  Christ  domine 
rheureuse  multitude.  A  gauche  de  son  trône  sont  les  groupes 
des  damnés  enveloppés  de  flammes;  d'abord  les  faux  pro- 
phètes, puis  les  faux  apôtres,  les  faux  papes  et  évoques,  et 
ainsi  de  suite  dans  un  ordre  analogue  à  celui  des  élus;  les 
derniers  sont  les  Juifs  et  les  Payens. 

Le  feuillet  suivant  représente  l'enfer;  c'est  une  conception 
d'une  haute  fantaisie  artistique,  en  même  temps  que  d'une 
moralité  très  saisissante.  L'encadrement  du  domaine  infernal 
est  formé  par  une  série  de  cavernes  enflammées  où  brûlent 
les  damnés.  Une  mer  de  feu  divise  l'enfer  en  quatre  étages. 
En  haut,  un  diable,  satisfait  et  fier  de  ses  travaux,  se  balance 
avec  gaîté  sur  une  escarpolette;  aux  deux  bouts  de  la  corde 
servant  à  la  balançoire,  deux  grotesques  pécheurs  sont  hous- 
pillés par  des  diablotins.  Un  autre  damné,  pendu  par  les  piedsi 
porte  attaché  à  son  cou  une  grosse  pierre  sur  laquelle  se 
balance  un  démon  ricanant.  Là  aussi  se  trouvent  les  volup- 
tueux, les  libertins,  dont  le  châtiment  est  d'être  mordus  et 
entourés  par  des  reptiles  immondes.  On  y  voit  un  suicidé  qui 
se  perce  la  poitrine  d'un  couteau.  Dans  la  seconde  zone,  se 
trouvent  les  usuriers  que  l'on  punit  en  leur  versant  de  l'or 
fondu  sur  les  mains,  et  les  calomniateurs  en  les  forçant  de  cares- 
ser un  crapaud;  les  espions  ont  les  oreilles  perforées  avec  une 
vrille,  les  femmes  coquettes  sont  lacées  par  des  diables, 
l'infanticide  est  condamnée  à  manger  son  enfant  mort.  Le 
troisième  compartiment  est  destiné  aux  Juifs  et  aux  soldats; 
ils  bouillissent  séparément  dans  deux  vastes  chaudières  ;  les 
diables  les  amènent  par  bandes  pressées;  la  récolte  en  est 
facile  et  assurée.  Avant  de  passer  dans  la  chaudière,  le  Juif 
est  fouetté  d'importance  par  un  démon  vigoureux,  probable- 
ment par  un  ancien  maître  d'école.  Enfin,  dans  le  bas  du 
tableau  siège  Lucifer  enchaîné  et  tenant  l'Antéchrist  sur  ses 
genoux.  Là  est  le  séjour  des  anciens  moines;  un  diable  en 
amène  un  devant  le  prince  des  ténèbres  ;  il  a  trop  aimé  les 


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l' ALSACE  ARTISTIQUE  311 

richesses;  on  lui  règle  son  compte  en  le  couchant  tout  nu  sur 
le  dos  et  en  lui  versant  de  Tor  fondu  dans  la  bouche. 

Babylone  pécheresse  est  représentée  sous  la  figure  d'une 
reine  couronnée,  vêtue  richement  et  levant  une  coupe  d'or  ; 
elle  est  portée  par  un  monstre  rouge  à  sept  têtes  et  à  dix 
cornes.  Des  prêtres  et  des  laïques  la  contemplent  avec  admi- 
ration et  se  soumettent  à  elle  comme  étant  la  reine  du  péché. 
Sur  le  revers  de  la  feuille,  la  reine  et  le  monstre  sont  préci- 
pités dans  les  flammes  par  des  anges. 

La  cité  de  Dieu  ou  PEglise  victorieuse  est  reproduite  d'après 
le  texte  du  douzième  chapitre  de  l'Apocalypse.  Elle  est  figurée 
par  une  fenune  portant  un  diadème  d'étoiles  ;  elle  est  accom- 
pagnée du  Soleil  et  a  la  Lune  sous  ses  pieds.  Le  disque 
solaire  apparaît  derrière  le  dos  de  l'Eglise  qui  est  posée  sur 
le  croissant  lumineux  de  la  Lune  ;  la  partie  obscure  de  l'astre 
des  nuits  est  tangente  au  Soleil.  Un  ange  enlève  l'enfant  nou- 
veau-né de  la  femme.  Au-dessus  d'elle  on  voit  le  dragon  à  sept 
têtes  lançant  de  sa  gueule  les  poissons  symboliques,  et  le  lion 
à  sept  têtes  blessant  du  glaive  les  croyants.  Les  deux  monstres 
sont  couronnés  d'un  stemma  formé  de  six  petites  têtes. 

La  conclusion  logique  de  ces  grandes  pages,  où  se  déploie  la 
richesse  du  symbolisme  catholique,  devait  être  le  spectacle 
du  Paradis,  but  suprême  de  la  vie  chrétienne.  Herrade  l'a 
conçu  dans  un  sentiment  mystique  et  idéal.  Abraham,  le  pre- 
mier des  fidèles,  l'ami  de  Dieu,  a  une  stature  gigantesque  ;  il 
est  assis  sur  un  trône  au  milieu  d'une  plantation  de  palmiers; 
sur  son  vaste  sein  repose  tout  le  monde  des  élus.  Les  cou- 
ronnes de  vie  rayonnent  au-dessus  de  lui,  et  aux  quatre 
angles  du  tableau  se  voient  les  personnifications  allégoriques 
des  quatre  fleuves  qui  arrosent  le  paradis. 

Sur  le  verso  de  la  feuille  consacrée  à  l'enfer  se  trouvent 
deux  chimères  tracées  seulement  à  la  plume  et  qui  portent  le 
le  cachet  du  style  d'Herrade  et  de  sa  riche  et  fertile  imagina- 
tion. Les  deux  monstres  sont  formés  des  éléments  les  plus 


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.U2  REVUE    d'AI^ACE 

disparates  et  les  plus  étrangers  les  uns  aux  autres;  l'un  repro- 
duit, dans  un  mélange  fantastique,  l'homme,  le  chêne,  l'oiseau, 
le  cheval,  le  cerf,  le  chat  et  le  scorpion  ;  l'autre  est  formé  de 
la  réunion  de  parties  empruntées  au  cheval,  à  l'homme,  au 
bœuf,  au  lièvre,  au  serpent,  au  paon,  à  la  grue  et  au  lion. 

L'œuvre  d'Herrade  se  termine  par  la  représentation  du 
monastère  dont  elle  avait  la  direction.  A  la  base  du  parchemin 
se  dresse  la  montagne  de  Hohenbourg  peinte  en  vert  D'un 
côté  se  trouve  l'histoire  de  la  fondation  du  couvent;  le  duc 
Ethicon,  en  costume  royal  et  couronné,  assis  sur  un  trône, 
transmet  à  sa  fille  Odile,  debout  à  la  tête  de  ses  religieuses, 
la  clef  d'argent  de  l'édifice  qu'il  a  bâti  pour  elle.  Au-dessus  de 
ce  groupe,  on  voit  le  couvent,  à  l'entrée  duquel  se  tient  le 
Christ  orné  du  nimbe  crucifère,  dans  le  costume  traditionnel 
des  miniatures  byzantines;  sa  main  gauche  tient  un  phylactère 
déroulé  sur  lequel  on  lit  :  Vos  quus  intendit,  frangit,  gravai, 
atterit,  iirit  hic  carcer  mestiis,  etc.  A  sa  droite,  Marie  et  saint 
Pierre  reçoivent  d'Ethicon,  agenouillé  sur  son  manteau  ducal, 
un  bâton  d'or  que  Jésus  accepte  comme  emblème  de  la  dona- 
tion; à  sa  gauche,  saint  Jean-Baptiste,  le  protecteur  spécial 
de  sainte  Odile,  présente  celle-ci  en  costume  de  religieuse  au 
Sauveur.  Sur  la  seconde  feuille,  entre  Relinde,  la  pieuse  insti- 
tutrice d'Herrade,  et  Herrade  elle-même,  se  déploie  sur  six 
rangs  toute  la  compagnie  des  nonnes  de  Hohenbourg.  Elles 
sont  représentées  en  buste  et  désignées  par  leur  nom  ;  elles 
sont  au  nombre  de  quarante-six  professes  et  de  douze  con- 
verses. Deux  figures  sans  légende  commencent  et  terminent 
la  série. 

Telle  est  l'œuvre  d'Herrade  au  point  de  vue  des  peintures 
qu'elle  renferme.  Elle  se  ressent  de  la  décadence  oU  l'art  du 
dessin  et  du  coloris  était  tombé  au  xir  siècle.  Les  corps  ont 
une  longueur  démesurée,  une  maigreur  exagérée;  les  extré- 
mités sont  mal  formées,  les  têtes  trop  grosses,  le  regard  sans 
expression.  Les  draperies,  par  contre,  sont  disposées  avec 


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i/alsace  artistique  313 

simplicité  et  naturel,  et  n'offrent  pas  les  formes  anguleuses 
du  siècle  suivant  Le  dessin  des  paysages  est  nul,  les  animaux 
et  les  plantes  sont  traités  avec  une  négligence  qui  semble 
tenir  du  parti  pris.  Les  monuments  d'architecture  sont  exé- 
cutés avec  plus  de  soin  ;  ils  sont  traités  dans  le  style  byzantin. 
Les  meubles,  les  ustensiles,  les  armes  sont  figurés  avec  exac- 
titude et  dans  les  formes  qu'ils  avaient  au  xii"  siècle.  Herrade 
n'avait  aucune  notion  des  lois  de  la  perspective,  mais  elle  a 
montré  un  grand  esprit  d'indépendance  dans  ses  peintures  ; 
elle  a  su  s'affranchir  de  la  domination  des  types  consacrés,  et 
n'a  subi  le  joug  de  la  tradition  byzantine  que  dans  les  figures 
du  Christ,  de  la  Vierge  et  des  anges. 

A  part  ces  défauts  inhérents  au  siècle  oU  elle  vivait,  Herrade 
a  montré  dans  VHortus  deliciarum  une  puissante  originalité. 
La  vie  et  l'imagination  y  débordent  à  chaque  page;  les  scènes 
de  la  vie  humaine  et  le  symbolisme  religieux  y  sont  traduits 
d'une  façon  saisissante.  La  vérité  dans  toute  son  âpreté,  le 
rêve  dans  toutes  ses  fantaisies,  les  scènes  tranquilles  ou  vio- 
lentes de  la  vie  humaine,  le  caprice  enjoué  et  satirique,  les 
tableaux  effrayants  de  l'Apocalypse,  tout  se  mêle  et  se  confond 
dans  cette  œuvre  admirable  qui,  malgré  la  distance  des  temps, 
est  comparable  à  ce  que  Baldung  Grûn  ou  Callot  ont  produit 
de  plus  original. 

P.-E.  TUEPFERD. 
(La  suite  prochainement) 


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LES 

EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHÉS 

METZ  —  TOUL —VERDUN 
1552  —  1790 


III 
BIBLIOPHILES  ET  COLLECTIONNEUBS  MESSINS 


Suite' 


En  1789,  le  domaine  de  Tévêché  de  Metz,  quoique  n'ayant 
plus  l'étendue  territoriale  qu'il  avait  au  moyen  âge  était 
encore  une  province  assez  peuplée,  car  elle  était  formée  par 
les  chatoUenies  de  Lagarde,  d'AlbestrofiF,  de  Fribourg,  de  Vie, 
d'Haboudangc  et  de  Remilly,  par  quelques  mairies  du  Val  de 
Metz  situées  dans  le  diocèse,  et  par  les  châtellenies  de  Bac- 
carat et  de  Moyen  et  la  mairie  de  Rémereville  du  diocèse  de 
TouL*  Près  de  quatre-vingts  villes,  villages  ou  censés  en  fai- 
saient partie,  et  la  capitale  de  ce  petit  Etat  était  l'antique 
ville  de  Vie.  D'après  VAlmanach  royal,  l'évêque  jouissait  d'un 
revenu  de  120,000  livres  et  nécessairement,  le  souverain 
augmentait  encore  cet  opulent  bénéfice  par  le  don  de  quelques 

^  Voir  les  livraisons  du  dernier  trimestre  1881  et  des  premier  et  second 
trimestres  1882. 
*  Aujourd'hui  départements  de  Meurthe-et-Moselle  et  de  la  Lorraine. 


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LES   EX-LIBRIS   DANS   LES  TROIS   ÉVÊCHÉS  315 

riches  abbayes.  L'évêque  et  le  chapitre  de  l'église  cathédrale 
se  partageaient  annuellement  les  revenus  de  l'évêché  qui 
n^avait  pas  été  divisé  en  portions  distinctes  comme  à  Toul  et 
à  Verdun. 

Saint  Clément,  vers  le  commencement  du  iv*  siècle,  était 
venu  évangéliser  la  contrée  ;  les  limites  du  diocèse  s'étendaient 
jadis  jusqu'au  Rhin.  Au  moment  de  la  constitution  civile  du 
clergé,  il  comprenait  encore  six  cent  treize  pajoisses  réparties 
dans  le  pays  messin,  dans  la  Lorraine  et  dans  quelques  petites 
portions  de  l'Empire,  les  comtés  de  Nassau-Saarbruck  et 
Saarwerden,  le  duché  de  Deux-Ponts,  etc.  L'allemand  et  le 
français  étaient  le  langage  habituel  des  habitants;  l'allemand 
se  parlait  surtout  dans  le  département  de  la  Sarre,  comme  on 
disait  officiellement  à  Metz,  ou  dans  la  Lorraine  allemande, 
eomme  il  était  dit  aussi  officiellement  à  Nancy. 

Avant  1552,  Metz  était  une  des  quatre  vlUes  impériales.* 
C'est  l'empereur  Otto  II  qui  lui  avait  accordé  cette  magnifique 
prérogative. 

Comme  ville  libre,  Metz  battait  monnaie,  disposait  de  la  vie 
et  des  biens  de  ses  habitants,  nonmiait  ses  magistrats,  qui 
s'estimaient  autant  que  des  princes,  ducs  et  barons.  Un  suf- 

*  Dn  temps  de  Pempereur  Charles  IV,  le  Saint-Empire  avait  été 
classé  par  quatre  à  partir  des  Quatre  couronner  jusqu'aux  QiMtre  villages. 
Voici  les  séries  qui  intéressent  FAlsace-Lorraine  : 

2«  Quatre  duchés,  Souabe,  Bavière,  Brunswick,  Lorraine  ; 
3^  Quatre  landgraviats,  Thuringe,  Alsace,  Lichtemberg,  Hesse; 
5*  Quatre  vicariats,  Brabant,  Basse-Saxe,  Westrich,  Silésie; 
9®  Quatre  archimaréchaussées,  Papenheim,  Juliers,  Meissen,  Féné- 
trange ; 
13^  Quatre  abbayes,  Murbach,  Wissembourg,  Eempten,  Fulde; 
15«  Quatre  chevaliers,  Andlau,  Wissembach,  Frauenbourg,  Strundeck; 
19"  Quatre  châteaux,  Magdebourg,  Luxembourg,  Rottembourg,  Altem- 

bourg ; 
21*  Quatre  villes,  Lubeck,  Aix,  Metz,  Augsbourg; 
23®  Quatre  villages,  Bamberg,  Ulm,  Haguenau,  Selestadt. 


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j 


316  REVUE  d'alsace 

fragant,  ordinairement  un  religieux  mendiant,  représentait 
Tévêque,  qui,  peu  soucieux  de  se  commettre  avec  des  bour- 
geois aussi  jaloux  de  leurs  libertés,  habitait  ordinairement 
Vie  ou  quelque  autre  château  épiscopal,  à  moins,  comme  cela 
arrivait  très  souvent,*  qu'il  ne  résidât  pas  dans  son  diocèse. 

Dès  l'annexion,  Metz  fut  le  siège  d'un  gouvernement 
militaire.  Plus  tard,  on  y  installa  l'intendance  qui  rendit 
d'immenses  services  au  pays,  tout  en  veillant  soigneusement 
à  ce  que  dans  une  province  frontière  les  droits  du  seigneur 
roi  fussent  respectés. 

Louis  XIII  établit  le  Parlement,  ce  fut  le  couronnement  de 
l'édifice.  Le  ressort  s'étendait  depuis  Montmédy  et  Sedan, 
jusqu'à  Phalsbourg  et  Sarrebourg,  en  comprenant  le  bailliage 
épiscopal  de  Vie. 

Les  réformés  messins  étaient  nombreux  en  1552;  ils  eurent 
part  alors  à  une  lourde  responsabilité,  dont  on  ne  leur  tint 
aucun  compte,  car  ils  furent  sans  cesse  en  butte  au  mauvais 
vouloir  des  gouverneurs.  En  1657,  on  fit  brûler,  par  la  main 
du  bourreau,  une  chanson  huguenote  commençant  ainsi  : 

Retirez-Yons,  papistes, 
Venez  à  Jésus-Christ, 
Soyez  évangélistes 
Et  laissez  Pantechrist.  Etc. 

Malgré  qu'ils  se  crussent  en  sûreté  par  les  traités,  l'édit  de 
Nantes  les  atteignit.  Un  d'eux  a  laissé  d'intéressants  mémoires 
sur  ce  qui  se  passa  alors  et  a  rendu  témoignage  à  la  bonté 
de  l'évêque  de  Metz  et  de  M.  de  Bissy,  depuis  évêque  de  Toul 
et  alors  simple  clerc. 

Ce  fut  dans  le  cours  du  xvnr  siècle  que  Metz  eut  des  socié- 
tés littéraires. 

La  Société  des  philathènes  fut  fondée  en  1759,  elle  dura 
jusqu'en  1775;  parmi  ses  membres,  on  peut  citer  le  pharmacien 
Bécœur,  Tschudy,  Emmery,  du  Hamel,  Dupré  de  Geneste, 
Henrion  de  Pensey  et  d'autres  dont  nous  retrouverons  les 


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LES   E\-LIBRIS   DANS   LES  TROIS   ÉVÊCHtlS  317 

noms.  La  liste  de  leurs  travaux  se  trouve  dans  les  Mémoires 
de  T Académie  de  Metz, 

Cette  Académie  est  une  filiale  des  philathènes.  Le  maréchal 
de  Belleisle,  gouverneur  de  la  province,  l'institua,  en  1760, 
sous  le  titre  de  Société  royale  des  sciences,  lettres  et  arts; 
il  s'en  déclara  le  protecteur  et  lui  donna  une  somme  de 
60,000  francs  qui  furent  enlevés  par  la  Révolution.  La  devise 
était  :  Utilitati  piiblicœ. 

En  1819,  quelques  érudits  rétablirent  la  Société  qui  fut 
érigée  en  Académie  royale  pai*  le  roi  Charles  X,  lors  de  son 
séjour  à  Metz,  en  1828,  «à  cause  des  services  qu'elle  avait 
rendus».  La  nouvelle  devise  de  TAcadémie  est  l'utile. 

Le  célèbre  économiste  anglais  Young  a  eu  occasion  de 
parler  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Metz,  lors 
de  son  voyage  en  France,  en  1789;  il  me  paraît  un  peu  injuste 
à  son  égard  en  l'accusant  de  ne  pas  favoriser  l'agriculture. 
Les  nombreuses  questions  proposées  par  l'Académie  et  dont 
quelques-unes  furent  couronnées,  montrent  que  l'économie 
rurale,  les  prairies  artificielles,  la  viticulture,  le  morcellement 
des  propriétés,  etc.,  n'étaient  pas  pour  elle  des  choses  indiflé- 
rentes. 

Le  lecteur  verra  sans  doute  avec  plaisir  ce  que  dit  sur 
Metz  r«  éternel  ennemi»,  comme  il  était  de  mode  de  s'exprimer 
quelques  années  plus  tard. 

«Le  13  juillet  17 Si),  metz.  . .  Visité^ar  M.lePayen,*  secré- 
taire de  l'Académie  des  sciences,  il  me  demande  mon  plan  (?) 
que  je  lui  expliquai;  puis  il  me  remit  à  quatre  heures  après 
nûdi  à  l'Académie,  où  il  avait  séance,  en  me  promettant  de 

*  Premier  secrétaire  de  l'Intendance;  c'était  aussi  un  amateur  des 
antiquités  du  sol  natal. 

M.  le  Payen,  de  Jouy-aux-Arclies,  publia  un  curieux  factum  sur 
roccupation  des  Russes  dans  ce  village.  Il  existe  dans  les  cartons  de 
la  bibliothèque  de  Metz  une  caricature  de  son  procès  qui  eut  lieu  sous 
la  Restauration. 


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318  REVUE   d'alsace 

me  présenter  à  quelques  personnes  qui  répondraient  à  mes 
questions.  Je  m'y  trouvai  :  c'était  une  réunion  hebdomadaire. 
M.  le  Payen  me  présenta  aux  membres,  et  ils  eurent  la  bonté 
de  délibérer  sur  mes  demandes,  et  d'en  résoudre  plusieurs, 
avant  de  procéder  à  leurs  affaires  privées(?).  Il  est  dit  dans 
VAhnanach  des  Trois-Evêchés,  1789,  que  cette  Académie  a 
l'agriculture  pour  but  principal;  je  feuilletai  la  liste  des 
membres  honoraires  pour  voir  quels  hommages  elle  avait 
rendus  aux  hommes  de  ce  temps  qui  ont  le  plus  servi  cet  art 
Je  trouvai  un  Anglais,  Dom  Cowley,  de  Londres.  Quel  peut 
être  ce  Dom  Cowley?» 

Si  Young  avait  arrêté  son  bidet  à  Dieulouard,  et  qu'il  tût 
entré  chez  les  Bénédictins  anglais,  il  aurait  vu  la  personne 
dont  il  s'informait  à  Metz,  et  il  aurait  passé  quelques  instants 
agréables  avec  des  compatriotes  qui  l'auraient  aussi  bien  reçu 
que  le  marquis  de  Galway,  un  descendant  de  Jacobites,  l'avait 
fait  au  château  de  Toùrbilly,  dans  le  Maine. 

«Il  y  a  un  cabinet  littéraire,  à  Metz,  continue  Young,  dans 
le  genre  de  celui  que  j'ai  décrit  à  Nantes,^  mais  sur  une  moins 
grande  échelle;  tout  le  monde  y  est  admis  pour  lire  ou  causer, 
moyennant  quatre  sous  par  jour.  Je  m'y  rendis  en  hâte. . .  » 

Terminons  par  cet  hommage  que  Young  rend  à  VHotel  du 
Faisan:  «Metz  est  la  ville  où  j'ai  vécu  à  meilleur  marché  sans 
exception.»  L'Anglais  j  trouve  excellente  table  d'hôte  abon- 
damment fournie  et  «outre  cela,  une  grande  politesse  et  un 
bon  service.  Pourquoi  les  hôtels  où  l'on  vit  à  meilleur  marché 
en  France,  sont-ils  les  meilleurs?»  Ce  n'est  peut-être  que  trop 
vrai.  Mais  revenons  à  notre  sujet. 

L'imprimerie  à  Metz  date  de  l'an  1482.  En  1790,  il  y  avait 
dans  cette  ville  une  ('hambre  royale  et  syndicale  de  la  librairie 
et  de  l'imprimerie  dont  l'arrondissement  comprenait  les  impri- 
meries de  Longwy,  Saarlouis,  Stenay,  Thionville  et  Verdun. 

*  Avec  salles  de  lecture,  conversation  et  bibliothèque. 


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LES  KX-LIBRIS   DANS  LES   TROIS   ÉVÊCUÉ8  319 

LES  ÉVÊQUES 

Au  moment  de  rentrée  d'Henri  II  à  Metz/  le  cardinal  de 
Lenoncourt,  représentant  le  grand  cardinal  de  Lorraine,  était 
pseudo-évêque.  Il  fut  bientôt  remercié  et  remplacé  par  des 
domestiques  ou  des  parents  de  son  maître,  dont  plusieurs  ne 
mirent  jamais  les  pieds  dans  leur  diocèse.  En  1608,  à  la  mort 
du  fils  du  duc  Charles  III  de  Lorraine,  les  chanoines  élirent 
un  enfant  de  huit  ans,  fils  naturel  d'Henri  IV.  En  1658,  cet 
évêque  qui  n'avait  reçu  aucun  ordre  ecclésiastique  et  qui 
n'avait  jamais  paru,  eut  des  scrupules,  il  voulut  se  démettre 
d'abord  en  faveur  du  cardinal  Mazarin,  puis  des  frères  de 
Fûrstemberg.  Le  cardinal  de  Givry  *  avait  été  chargé,  pendant 
son  jeune  âge,  des  fonctions  épiscopales,  il  les  remplit  digne- 
ment, puis  le  fils  d'Henri  IV  eut  trois  suffragants,  des  lettrés 
et  des  fidèles  serviteurs  du  roi  ;  le  dominicain  Nicolas  CoêflFe- 
teau,  évêque  de  Dardanie  (1617, 1 1621),'  nommé  à  l'évêché 

^  Avant  la  Révolution,  selon  Piganiol  de  la  Force  (Nouveau  Voyage 
de  France,  Paris,  1780,  II,  157),  on  voyait  dans  le  chœur  un  vieux 
tableau  placé  par  ordre  de  Henri  U,  il  y  avait  la  première  lettre  de 
son  nom  environnée  de  croissants  et  de  fleurs  de  lis,  au-dessous  : 
Henricus  secundus,  Francorum  Bex,  Sancti  Imperii  Protector. 

Plus  bas,  un  croissant  et  ces  mots  : 

Dum  totum  compleat  Orbem. 

'  Un  firagment  de  la  statue  funéraire  fut  retrouvé,  il  y  a  trente  ans  ; 
c'est  le  bloc  de  marbre  noir  représentant  le  froc  bénédictin  du  prélat 
agenouillé,  la  tête  et  les  mains  étaient  en  marbre  blanc.  Il  faut  espérer 
qu'on  fera  enfin  à  ce  bon  cardinal  l'honneur  d'une  restauration  plus 
intelligente  que  ceUe  qu'on  lui  a  faite.  Dupré  de  Geneste  possédait  son 
portrait  (vieillard  à  longue  barbe  blanche,  sa  robe  de  bénédictin  noire, 
calotte  rouge  de  cardinal).  Les  chanoines  firent  frapper  une  médaille  en 
son  honneur. 

•  L'évêque  de  Dardanie  fit,  en  1620,  les  frais  de  la  distribution  des 
prix  au  collège  de  Pont-à-Mousson.  M.  Favier  a  donné  son  fer  armorié. 
S.  Lieutaud  cite  six  portraits  de  Coôifeteau  (Edelinck,  Mellan,  M.  Lame 
S.  S.,  etc.) 


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320  REVUE    D'ALSACE 

de  Marseille  et  mort  à  Paris  avant  d'avoir  pris  possession;  le 
cordelier  Meurisse  évêque  de  Madaure,  auteur  de  deux 
ouvrages  messins  estimés  malgré  d'amères  critiques.  Un 
superbe  monument  lui  avait  été  érigé  dans  la  chapelle  des 
évêques  à  la  cathédrale,  il  était  représenté  debout  prêchant 
au  peuple.  Le  dernier  suflfragant  fut  Pierre  de  Bédacier,  évêque 
d'Auguste,  docteur  en  Sorbonne,  dont  le  savoir  égalait  celui 
de  ses  deux  illustres  prédécesseurs.  Il  mourut  au  château  de 
Charmeil,  près  de  Château-Thierry,  'dans  les  bras  du  grand 

BoSSUet»  (MICHEL). 

Henri  de  Verneuil  ayant  pu  enfin  quitter  ses  fonctions  épis- 
copales,  le  roi,  son  neveu,  nomma  pour  lui  succéder,  en  1667, 
l'archevêque  d'Embrun,  ancien  évêque  de  Gap,  un  des  proté- 
gés du  cardinal  Mazarin.  ' 

Georges  d'Aubusson  de  la  Feuillade,  frère  du  célèbre  duc 
de  ce  nom,  était  chef  de  la  maison  par  suite  de  la  mort  de  leur 
aîné,  tué  à  la  bataille  de  Lens;  leur  père  avait  péri  au  combat 
de  Gastelnaudary.^  Le  nouvel  évêque  était  docteur  de  Sor- 
bonne, doyen  de  la  Faculté  de  théologie  de  Paris,  conseiller 
d'Etat  ordinaire,  commandeur  des  ordres.  Sa  carrière  poli- 
tique tut  brillante.  En  1645,  il  était  promoteur  à  l'Assemblée 

'  Cet  illustre  homme  d'état  ne  peut  pas  plus  prendre  rang  dans  la 
liste  des  successeurs  de  saint  Clément  que  les  deux  frères  de  Fûrstem- 
berg  qui  eurent  la  nomination  royale  après  lui.  Leur  cas  est  le  même 
que  celui  du  baron  Laurent  sous  le  premier  Empire  (1811-1814). 

•  Tous  les  évêques  français  des  Trois-Eyêchés  eurent  leurs  frères  ou 
leurs  parents  sous  les  armes  pour  conquérir  le  pays.  Un  d'Hocquincourt, 
en  1639,  est  à  la  défaite  des  Lorrains  près  de  Morhange.  En  1656,  on 
Bethune-Charost,  gouverneur  et  bailli  de  Stenay,  s'empare  de  Chauvency- 
le-Château,  et  bat  les  Croates  du  colonel  Forcara  près  de  Stenay  ;  àevi 
ans  auparavant  le  baron  de  Rouvroy  avait  été  blessé  près  de  cette  ville; 
la  nouvelle  de  la  prise  de  Thionville  fut  apportée,  en  1643,  au  roi  par  un 
Montmorency  ;  en  1650,  un  autre  membre  de  cette  illustre  famille  est 
tué  près  de  Stenay.  Un  Nicolaï  se  distingue,  en  1641,  dans  une  affaire 
près  de  Montmédy,  etc. 


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LES  EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊGHÉS  321 

du  clergé;  deux  ans  après  il  prêchait  h  SainIrLouis-des-Fran- 
çais.  Ambassadeur^  à  Vemse,  en  1659,  le  nonce  du  pape  est 
souvent  humilié  par  lui.  Rentré  en  France,  il  prononce  à 
Notre-Dame  de  Paris  Toraison  funèbre  de  Mazarin;  la  même 
année  il  est  envoyé  à  Madrid,  où  il  traite  le  roi  d'Espagne 
comme  le  nonce.  Une  pareille  conduite  devait  lui  attirer  les 
marques  de  la  satisfaction  royale  ;  il  fut  nommé  à  Metz,  et  il 
obtint  de  conserver  ses  titres  d'archevêque  et  d'Excellence. 

«...  prélat  qu'on  traite  d'excellence,» 

dit  Dttclos  dans  son  poème  des  Guerres  paroissiales  de  Vie. 

Monseigneur  de  la  Feuillade  commença  la  série  de  ces  der- 
niers évêques  avant  le  Concordat  qui  honorèrent  si  dignement 
leur  siège  épiscopal.  Lorsqu'il  arriva,  il  ne  trouva  que  des 
paroisses  ruinées  et  une  population  en  fuite.  La  teiTible 
guerre  de  trente  ans  était  encore  trop  proche,  et  la  pacification 
de  la  Lorraine  était  loin  d'être  terminée.  Malgré  les  périls,  il 
visita  de  suite  son  troupeau  et  il  iit  toujours  preuve  de  cou- 
rage devant  le  danger.  Les  registres  des  paroisses  sont  remplis 
de  ses  dons  aux  églises  dévastées  et  aux  pauvres.  Par  son 
testament,  l'éducation  de  ses  clercs  fiit  affermie  et  les  indigents 
secourus.  Il  fonda  l'hôpital  Saint-Georges  pour  quarante-huit 
lits  d'hommes  malades  ou  blessés.  Il  défendit,  selon  Piganiol 
de  la  Force,  d'admettre  les  domestiques;  les  maîtres,  selon 
lui,  étaient  tenus  de  les  soigner.  Il  n'oublia  pas  non  plus  ses 
vieux  curés. 

Sa  belle  bibliothèque  fut  donnée  aux  Jésuites,  qui  l'avaient 
eu  quelque  temps  dans  leur  société,  et  le  séminaire  Sainte- 
Anne  put  choisir  pour  1800  francs  de  livres. 

Un  manuscrit  de  ce  dernier  établissement  se  trouve  à  la 
bibliothèque  de  Verdun  (n**  553),  il  est  intitulé  Traditiones 
phUosophÙB,  à  l'usage  des  élèves  (xvur  siècle). 

*  Amelot  de  la  HoussayE)  Amsterdam,  1738,  p.  128. 

Nouvelle  Série.  —  li**  année.  21 


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322  REVUE    D'ALSACE 

Les  Jésuites  tirent  mettre  sur  les  livres  une  étiquette  rect- 
angulaire ornementée  et  oU  sont  ces  lignes  imprimées  : 

ILLUSTRISSIMITS  &  BBVERENDISSIMTJS  D.  D.  GB0BGIU8 
d'aUBUSSON  DB  la  FEUILLADE,  AB0HIBPISC0PU8  BBBODU- 
NZNSIS,  BFISCOPUS  HBTBNSIS,  TBSTAICBNTO  LBGAYIT 
COLLBOIO  HBTBN8I  SOOIBTATIS  JB8U.  ANNO  1697. 

Du  reste,  on  voit  ce  fer  armorié  sur  les  livres  : 


On  posa  les  scellés  et  on  fit  un  inventaire  à  la  mort  de 
M.  de  la  Feuillade.  Cette  mesure  était  nécessitée  par  deux 
notes  du  catalogue  Emmery.  «Avis  de  M.  de  Nouet,  avocat  au 
parlement  de  Paris,  sur  la  vacance  du  siège  épiscopal  par 
rinfirmité  de  Messire  George  d'Aubusson  de  la  Feuillade, 
évêque  de  Metz  (in-4%  4  pp.);  et  2»  Décret  du  chapitre  de 
l'église  cathédrale  de  Metz,  où  il  nomme  des  grands-vicaires 
pour  gouverner  le  diocèse  pendant  la  maladie  de  Monseigneur 
l'évêque,  du  3  octobre  1696.»  Il  mourjut  le  dimanche  12  mai 
suivant,  à  six  heures  du  soir,  âgé  de  88  ans.  D'après  son  désir. 


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LES  EX-LIBRIS   DANS  LES  TROIS   ÉVÊCHÉS  323 

les  curés  de  la  ville  portèrent  ses  restes  à  la  cathédrale. 
«Quelques-uns  d'entre  eux  furent  obligés  de  tirer  son  corps 
du  cercueil  en  bois  où  il  avait  été  mis  d'une  manière  bien 
négligée  pour  un  si  grand  seigneur,  et  le  mettre  dans  celui 
de  plomb.  Il  n'eut  point  de  linceul  ni  dedans  ni  dessus  son 
cercueil  '  (!!!)  son  cœur  avait  été  remis  sans  cérémonie  à 
l'hôpital  qu'il  avait  fondé.  Sa  tombe  ne  fut  pas  violée  en  1793. 

Citons  parmi  les  ouvrages  du  prélat  ces  opuscules  :^ 

V  Harangue  présentée  au  Boy  après  la  prise  (?)  de  Stras- 
bourg, par  Oeorge  d'Aubusson  ...  en  son  passage  à  Metz,  le 
3  novemb-e  1681.  Metz,  Jean  et  Claude  Antoine,  in-4°,  11  pp. 

2*  Harangue  faite  à  Monseigneur  le  Dauphin  à  son  retour 
d'Allemagne  ...  le  26  novembre  1688.  Metz,  Jean  et  Claude 
les  Antoine,  in-4®  de  4  pp. 

3"  VAdvocat  chrétien  adressé  à  Monseigneur  VArchevesque 
d^Amhrun,  evesque  de  Metz.  Strasbourg,  1674,  in-12. 

4**  L'Orateur  Jrançois  ou  Harangvss  de  Monsieur  VArche- 
vesque ŒAmhnm  interprétées  par  les  Evénements  de  notre 
Tems,  à  V estât  des  araires  présentes.  Liège,  1674,  in-12. 

5*  Harangue  en  forme  de  panégyrique  présentée  au  Boy  par 
VArchevesque  d'Ambrun,  Evesque  de  Metz,  en  son  passage  à 
Metz,  le  30  juillet  1673.  Metz,  Antoine,  1676,  in-4«  de  16  pp. 

Un  autre  grand  seigneur,  l'aîné  et  le  dernier  de  sa  race, 
remplaça  l'archevêque  d'Embrun;  Henri-Charles  du  Cambout 
duc  de  Coislin,  pair  de  France,  commandeur  du  Saint-Esprit, 
premier  aumônier  du  roi,  membre  de  l'Académie  française, 
honoraire  de  celle  des  Inscriptions  et  Belles-lettres,  est  bien 
connu  par  son  inépuisable  charité.  La  merveilleuse  création 
de  Frescati  en  était  un  témoignage  vivant;  les  casernes 
Coislin  existent  encore. 

Le  duc  de  Coislin  reçut  à  Frescati  d'une  manière  royale 

^  Note  du  curé  de  Saint-Georges  (Arcli.  m^les^  999). 

*  Cataloguas  Emmei-y,  Metz,  1850  (575),  et  Scheiblé,  Stuttgart,  18H1. 


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324  REVUE    D'ALSACE 

tous  les  souverains  et  tous  les  princes  de  passage  à  Metz.  La 
bande  noire  se  chargea  de  démolir  l'admirable  château,  et  les 
jardins  féeriques  furent  transformés  en  champs  cultivés.  «En 
1802,  lors  de  la  démolition,  de  nombreux  objets  d'art  furent 
donnés  &  vil  prix  aux  habitants  des  villages  des  environs,  et 
de  nos  jours  les  marchands  d'antiquités  de  notre  ville  ont 
trouvé  de  tous  côtés  des  objets  précieux  provenant  de  cette 
riche  demeure.»* 

L'évêque  de  Metz,  dit  J.  Guigard,  passait  à  juste  titre  pour 
un  véritable  bibliophile.  Il  avait  formé,  à  Paris,  une  fort  belle 
collection  de  livres  que  les  gens  de  lettres  pouvaient  fréquenter 
à  leur  gré.  Outre  celle-ci,  il  en  possédait  encore  deux  autres, 
une  en  son  palais  épiscopal  composée  de  douze  mille  volumes, 
l'autre  non  moins  considérable  dans  le  splendide  château  de 
Frescati.  Ses  livres  habilement  reliés  et  ornés  par  les  plus 
habiles  artistes  de  l'époque  portaient  en  grande  partie  les 
armes  du  possesseur  ayant,  outre  les  insignes  épiscopaux,  le 
manteau  de  duc  et  de  pair  de  France. 

L'évêque  d'Orléans,  son  oncle,  lui  avait  légué  ce  qui  restait 
de  la  magnifique  bibliothèque  Séguier,  son  aïeul.  Les  imprimés 
avaient  disparu  au  décès  de  l'évêque;  il  ne  restait  plus  que 
les  manuscrits  donnés  aux  Bénédictins  de  l'abbaye  de  Saint- 
Germain-des-Prés.  Un  incendie  qui  éclata  le  19  août  1794,  en 
détruisit  une  partie,  et  ce  qui  put  être  sauvé  se  trouve  de  nos 
jours  à  la  Bibliothèque  nationale. 

Tous  les  volumes  provenant  de  la  munificence  de  Mon- 
seigneur de  Goislin  portent  au  bas  du  premier  femllet 
l'étiquette  imprimée  qui  suit  : 

EX  BIBLIOXHBOA  NOSS.  COISLINIANA  OLIM  SEGUERIANA, 
QXJAM  ILLU8.  HBNEICU8  DU  CAMBOUT  DUX  DB  COISLIK, 
PAB  FEA.NOI^,  BPISCOPUS  HETEN8IS,  ETC.  MONASTSEIO 
8.  GEEMANI  A  PfiATIS  LBOAVIT.  AN  NO  M.DCC.XXXn. 


A.  MiGETTE,  Catalogue  des  tabîeaiuc  et  des  sculptures  du  Musée- 


Metz,  1876. 


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LBS  BX-LIBRIS   DANS   LES  TROIS   ÉVÊCHÉS  325 

Montfaucon,  d'après  Tordre  de  Tévêque,  avait  dressé  le 
catalogue  des  manuscrits  grecs.  Ce  catalogue  a  pour  titre  : 
Bihliotheca  CoisUniana  olim  Segueriana  sive  mannscriptomm 
omnium  grœcorum  quœ  in  ea  continentur  . . .  descriptio  . . . 
studio  <fe  opéra  B.  Bernardi  de  Montfaiicon.  —  Parisiis, 
L,  Guérin,  1725,  in-8^  810  pp.  (p.  163). 

Puis,  au  décès,  parut  le 

Catalogue  des  livres  ...delà  bibliothèque  de  Jeu  . . .  Henri- 
Charles  du  Camboîdy  évêque  de  Metz,  prince  du  Saint-Empire, 
pair  de  France.  Paris,  J.  de  NuUy,  1736,  in-12.  Les  13  et  14 
avril,  on  vendit  les  manuscrits.  La  bibliothèque  du  roi  en 
acheta  dix-huit  à  vil  prix. 

Guigard  donne  le  fer  armorié  de  ce  prélat  ainsi  que  ceux 
de  son  prédécesseur  et  d'Henri  de  Bourbon. 

Parmi  les  collaborateurs  intelligents,  dont  s'était  entouré  le 
duc  de  Coislin,  on  doit  citer  le  vicaire  général  Seron,  «une 
grande  et  brillante  lumière  du  diocèse»,  mort  en  1749,  et  qui 
avait  formé  un  riche  cabinet  d'antiquités.  L'évêque,  de  son 
côté,  avait  donné  l'hospitalité  à  plusieurs  de  ces  débris  et  de 
ces  ruines  de  tout  âge.  Il  avait  conçu  le  projet  de  fonder  un 
Musée  archéologique  diocésain^  et  l'abbé  Michel,  professeur  au 
Séminaire,  avait  commencé  TEpigraphie  du  diocèse  de  Metz. 
L'œuvre  de  l'évêque  resta  sans  soutien  à  sa  mort  et  son  suc- 
cesseur n'en  comprit  pas  l'utilité.* 

A  la  fin  du  xvii*  siècle,  un  des  vicaires  généraux  du  duc  de 
Coislin,  nommé  This,  ardent  janséniste,  timbrait  ses  livres  de 
son  blason.^ 

Le  duc  de  Coislin  mourut  à  Paris,  en  1732.  Son  portrait  se 
trouve  au  Musée  de  Versailles,  il  a  été  reproduit  par  le  pro- 
cédé Gavard.  Comme  son  prédécesseur,  il  tint  à  honneur  de 

*  F.-M.  Chabebt,  Metz  cmcien  et  moderne.  Metz,  1881.  T.  I.  Ouvrage 
très  utile  pour  tous  ceux  qui  désirent  connaître  la  capitale  de  la  Lor- 
raine. On  doit  souhaiter  de  Toir  continuer  ce  livre. 

•  Histoire  des  Ei^êques  de  Metz,  par  MRxmissB. 


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326  REVUE    D' ALSACE 

siéger  au  Parlement  à  son  rang  de  conseiller  d'honneur  ecclé- 
siastique. Il  eut  à  soufirir  bien  des  ennuis  à  cause  de  la  bulle 
Unigenitus^  et  sa  résistance  le  fit  exiler  de  la  Cour.  Il  ne  put 
reprendre  ses  fonctions  de  premier  aumônier  qu'à  la  mort  de 
Louis  XIV.  Il  fut  enteiTé  rue  du  Temple,  chez  les  pères  de 
Nazareth. 

Beaucoup  d'églises  ont  encore  des  pierres  d'autel  au  nom 
de  ce  prélat,  dont  le  nom  se  lit  sur  une  pierre  dans  le  chœur 
de  l'ancienne  collégiale  de  Fénétrange,  relatant  la  fondation 
de  la  confrérie  du  Saint-Sacrement. 

Claude  de  Saikt-Simon,  né  le  20  septembre  1695,  baron  de 
Jouy-Tronville,  seigneur  et  patron  de  QuiUebœuf  et  de  Falvy- 
sur-Somme,  reçut  la  tonsure  cléricale  le  16  mars  1710,  abbé 
commendataire  de  Jumièges,  l'année  suivante  ;  évêque-comte 
de  Noyon  en  1731,  sacré  le  15  juin  de  cette  année  dans  l'église 
du  Noviciat  des  Dominicains  de  Paris  par  l'archevêque  de 
Rouen,  assisté  des  évêques  d'Uzès  et  deBayeux.  Il  prit  séance 
au  parlement  de  Paris  en  qualité  de  pair  de  France,  après 
après  avoir  fait  le  serment  accoutumé,  le  12  janvier  1733.  Le 
28  août,  il  fut  nommé  à  Metz,  et  le  14  mars  1734,  il  prêta 
serment  entre  les  mains  du  roi  qui  lui  laissa,  dans  sa  nouvelle 
dignité  le  rang  et  les  honneurs  attachés  à  son  titre  de  pair  de 
France.  C'est  ce  qui  fit,  sans  doute,  qu'il  dédaigna  de  se  faire 
recevoir  conseiller  d'honneur  au  parlement  de  Metz,  et  qu'il 
put  par  concession  royale  porter  ses  nombreux  procès  devant 
ses  pairs  à  Paris  ;  car  il  eut  affaire  à  son  chapitre,  au  Parle- 
ment, au  maître-échevin  et  aux  anciens  possesseurs  des  terres 
épiscopales. 

Il  est  vrai  qu'il  ne  réussit  pas  toujours  et  son  titre  de 
prince-évêque  de  Metz,  fut  rudement  attaqué  par  le  maître- 
échevin.  Lançon,  qui  obtint  gain  de  cause.  Il  mourut  à  Metz, 
le  29  février  1760,  et  il  fut  enterré  dans  la  fosse  du  suffîragant 
Meurisse,  non  loin  de  celle  de  Monseigneur  de  la  Feuillade. 


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LES   EX-LIBRIS  DANS   LES^TRÛIS  ÉVÊCHÉS  327 

Son  neveu  et  vicaire  général  avait  été  nommé  à  Tévéché 
d'Agde,  un  peu  avant  son  décès. 

L'inventaire  fait,  en  présence  du  chanoine  Legrand,  marque 
une  belle  bibliothèque  : 

Une  Biblia  sacra  polyglota,  VaUoni,  Loftdini,  1657;  une 
autre  hébraïca,  siriaca,  chaldaïca,  laiina,  grœca.  Paris,  1630  ; 
le  Traité  des  Notaires  de  Jean  Papon,  Lyon,  1588,  3  vol.;  le 
Coustumier  de  Picardie,  î^aris,  1726;  les  Antiquités  de  Mont- 
faucon;  le  Traité  des  Etudes  ecclésiastiques  de  MabUlon  ;  les 
Oeuvres  de  Molière;  V Eloge  des  Evoques  de  Oodeau,  etc.;  les 
Chroniques  de  la  ville  de  Metz  (manuscrit). 

Les  tableaux  étaient  un  Moyse  sauvé  des  eaux;  la  Vierge 
et  F  enfant  Jésus;  un  homme  mourant  entouré  de  sa  famille; 
Louis  XIV  à  cheval;  le  dttc  de  Bourgogne  père  de  Louis  XV; 
le  Régent;  mu  paysage;  une  Descente  de  croix;  Mademoiselle 
de  Boffeta\d(i\  etc.* 

On  trouva  dans  une  cassette  1224  francs,  et  dans  la  poche 
de  sa  culotte  520  livres,  5  sols,  6  deniers.  Le  défunt  avait  en 
outre  deux  montres  en  or,  trois  anneaux  pastoraux,  une  éme- 
raude  à  huit  pans,  une  bague  avec  brillants,  quatorze  roses 
garnies  chacune  de  cinq  diamants,  une  croix  à  la  dévote  avec 
quatre  brillants,  douze  chatons,  etc. 

Viville  rapporte  un  beau  trait  de  ce  prélat;  pendant  la 
famine  de  1754,  il  avança  à  la  ville  de  Metz  30,000  livres  pour 
acheter  du  blé  à  l'Etranger.  On  sait  qu'il  est  le  créateur  du 
Séminaire  Saint-Simon,  qui  existe  encore,  et  dont  la  chapelle 
est  décorée  d'un  tableau  du  Poussin,  représentant  le  Christ 
donnant  les  clefe  de  l'église  à  saint  Pierre.  Il  y  a,  en  outre,  une 
belle  bibliothèque. 

Les  noms  de  MM.  de  la  Feuillade,  de  Coislin  et  de  Saint- 
Simon  figurent  sur  une  table  de  marbre  à  l'hôpital  Saint- 

*  Ed.  Sauer,  Inventaire  des  Archives,  Metz,  1881,  G.  34.  Tirayail  fait 
avec  le  plus  grand  soin  et  appelé  à  rendre  bien  des  services. 


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328  REVUE    D'ALSACE 

Nicolas,  avec  ceux  des  autres  bienfaiteurs  de  cet  établisse- 
ment 

Le  neveu  de  Monseigneur  de  Saint-Simon,  Louis-Joseph  db 
Montmobenct-Layal,  premier  baron  chrétien,  évêque  d'Or- 
léans, en  1753,  de  Condom,  en  1757,  prince  du  Saint-Empire, 
grand-aumônier  de  France,*  commandeur  de  Tordre  du  Saintr 
Esprit,  le  11  juin  1786,  cardinal  de  la  sainte  Eglise  romaine, 
en  1789,  lui  succéda. 

Son  épiscopat  ne  fut  troublé  par  aucun  acte  hostile  soit  du 
Parlement,  soit  du  maître-échevin.  Dévoué  à  la  ville  de  Metz, 
il  fut  un  de  ceux  qui  s'employa  le  plus  pour  lui  faire  rendre 
son  Parlement  Sous  le  ministère  de  Brienne,  il  montra  une 
noble  fermeté.  Il  n'en  fut  pas  moins  nommé  président  de 
l'Assemblée  provinciale.^  En  1788,  il  s'était  adjoint  un  suflfra- 
gant,  M.  de  Chambre  d'Urgons,  évêque  d'Orope,  grand-archi- 
diacre et  vicaire  général  qui  demeurait  rue  des  Clercs,  Le 
cardinal,  lorsqu'il  ne  résidait  pas  à  Frescati  ou  k  Paris,  dans 
son  hôtel  rue  de  Tournon,  recevait  dans  son  hôtel  abbatial  de 
Saint-Arnould,  pendant  que  l'on  construisait  son  vaste  palais 
près  sa  cathédrale. 

Le  cardinal  quitta  la  France  au  commencement  de  la  Révo- 
lution.' Au  Concordat,  il  fut  un  des  rares  prélats  qui  refusèrent 
de  donner  leur  démission.^  Mais  il  ordonna  au  clergé  messin 

'  V.  Imbebt,  La  Chronique  scandaleuse,  Paris,  1791,  T.  m,  p.  21. 

^  En  faisaient  partie  :  les  denx  antres  évoques  de  la  province,  Dom 
Godé,  prieur  de  la  Chartreuse  de  Rettel;  Dom  Jobart,  abbé  de  Ghâtillon; 
le  doyen  de  Montholon;  le  doyen  de  Vie,  Marchai;  le  président  de 
Laubrussel;  le  comte  de  Saintignon  de  Fénétrange;  M.  de  Lahaut,  baUli 
de  Garignan,  etc.  Dom  Maugerard,  bibliothécaire  de  l'évoque,  membre 
de  la  Chambre  ecclésiastique,  un  des  coopérateurs  de  VHistoire  de 
Metz;  le  maréchal  de  camp  de  Faultrier;  l'avocat  Blouet,  étaient  de 
l'Assemblée  du  district. 

'  Son  imprimeur,  CoUignon,  porta  sa  tête  sur  l'échafaud  pour  avoir 
correspondu  avec  lui. 

'  La  lettre  du  pape  est  du  26  mars  1802, 


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LES  BX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHfcS  329 

d'obéir  au  nouvel  évêque.  Ce  refus  et  la  charge  de  grand- 
aumônier  qu'il  exerçait  près  du  prétendant,  lui  fermèrent 
nécessairement  les  portes  de  sa  patrie.  U  mourut  à  Altona,  en 
1808,  âgé  de  88  ans.  Quelques  jours  avant  son  décès,  il  ordonna 
d'envoyer  à  sa  cathédrale  sa  plus  belle  chappe,  sa  chasuble 
bordée  d'or  sur  fond  blanc  et  rouge  et  sa  chapelle  en  vermeil.* 
Ses  livres  sont  reconnaissables  à  ce  blason  collé  contre  la 
garde: 

1-3.  DIEU  AIDE  AU  PREMIER  BABON  CHRÉTIEN. 

Armoiries  de  Monseigneur  de  Montmorency-Laval  surmon- 
tées du  bonnet  de  prince  d'Empire  entre  la  crosse  et  l'épée 
et  sur  le  manteau  hermine,  au-dessous  la  banderole  avec  la 
devise;  au-dessus  le  chapeau  de  cardinal  et  AIIAANOi:  {Im- 
primé). 

D  y  a  de  ces  vignettes  pour  trois  formats.  M.  de  Montmo- 
rency fit  les  frais  d'une  jolie  vignette  de  Collin  pour  Buchoz. 
C'est  Apollon  dominant  le  val  de  Metz, 

Quelques  livres  de  ce  prélat  se  voient  à  la  bibliothèque 
publique  qui  a  un  souvenir  précieux  des  collections  de  l'évêché, 
c'est  le  manuscrit  sur  lequel  le  maître-échevin  prêtait  serment 
Ce  codex  avait  appartenu  au  conseiller  Besser,  possesseur 
aussi  de  la  Gironologie  des  évêgues  messins.  Ce  dernier  manu- 
scrit fut  en  dernier  lieu  la  propriété  de  Dupré  de  Geneste 
avant  d'aller  échouer  h  la  bibliothèque.  En  1781,  Dom 
Tabouillot  avait  été  chargé  de  l'inventaire  des  titres  et  des 
papiers  de  l'évêché. 

*  Le  grand  cardinal  de  Lorraine  ayait  donné  plusieurs  pans  de  tapis- 
serie pour  orner  le  chœur  et  la  nef.  Tous  les  autres  évêques  imitèrent 
son  exemple  en  laissant  un  souyenir  à  leur  église. 


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d30  REVUE  D 'ALSACE 

CHAPITRE  DE  LA  CATHÉDRALE 

Pertinet  eccUsiœ  Metensi, 

Hic  liber  est  ecclesiœ  Metensis, 

Ad  ecclesiam  Metensem, 

Liber  Sandi  Stephani, 

A.  T.  M.  (gothique). 

Ecclesiœ  Metensis. 

Ex  bibliotheca  ecclesiœ  Cathedralis  metensis. 

M.  Auguste  Prost,  réminent  président  de  la  Société  des 
Antiquaires  dû  France  a,  dans  sa  notice  sur  la  collection  des 
manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Metz^  (III-CXCII),  entière- 
ment traité  le  sujet  pour  tout  ce  qui  regarde  les  manuscrits 
de  la  cathédrale,  des  maisons  religieuses  de  Metz  et  du  dépar- 
tement sauvés  du  vandalisme  révollitionnaire.  On  ne  peut 
qu'y  renvoyer  les  érudits  qui  désirent  connaître  à  fond  les 
mille  vingt-neuf  manuscrits  de  la  bibliothèque. 

Le  chapitre  lit  faire  souvent  l'inventaire  des  manuscrits 
qu'il  possédait,  un  des  plus  anciens  date  de  l'an  1685;  plus 
tard,  en  1739,  le  chanoine  Deslandes  en  fit  un  nouveau  à  la 
prière  de  Montfaucon.  En  1765,  Dom  Maugérard  en  dressa  un 
très  bien  fait.  Il  inventoria  les  treize  manuscrits  du  Trésor, 
qui  n'avaient  jamais  été  décrits,  et  l'ancien  archiviste  du 
chapitre.  Du  Hamel,  en  donna  la  liste  dans  la  Statistique  de  la 
Moselle  écrite  par  Viville  sous  le  nom  du  préfet  Colchen. 
Le  chapitre  vota  au  bénédictin  une  récompense  de  20  louis 
d'or  ou  un  cadeau  de  valeui-  égale.  L'abbaye  de  SaintrArnould 
reçut  480  livres  en  or.  Le  travail  de  Dom  Maugérard  est  très 

'  Catalogue  général  des  Manuscrits  des  Biblioihèques  publiques  des 
départements,,.  Tome  V.,  Metz,  Verdun,  Ghableyillb.  Paris^  impri- 
merie nationale  MDCCGLXXIX.  Il  est  dit  dans  l'ayertissement  que  le 
Tolume  était  déjà  sous  presse  avant  les  événements  de  1870-1871.  In4^ 
192-755. 


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LES  BX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉTÊCHÉS  331 

bien  fait,  selon  M.  Prost'  C'est  un  volume  in-folio  de  14  pages, 
que  Dupré  de  Geneste  copia  pour  sa  riche  bibliothèque.  Les 
chanoines  firent  alors  réparer  et  relier  richement  les  manu- 
scrits les  plus  précieux,  mais  malheureusement  on  les  rogna 
trop.  Les  treize  conservés  au  Trésor  furent,  avec  trois  autres, 
offerts,  selon  son  désir  à  l'impératrice  Joséphine  qui  avait 
également  fait  parvenir  à  la  Malmaison  le  magnifique  monu- 
ment des  Carmes  et  les  colonnes  antiques  des  Augustines. 

La  sympathique  souveraine  avait  un  engouement,  pour  ainsi 
dire  féroce,  pour  les  antiquités  messines.*  On  eut  cependant 
le  courage  de  lui  refuser  la  cuve  en  porphyre  de  la  cathédrale. 
C'est  une  des  raretés  de  cette  église  avec  le  siège  de  saint 
Clément,  l'anneau  de  saint  Arnould,  la  chappe  de  Charle- 
magne  (qui  provient  de  Saint-Arnould),  le  graouilli  et  les 
joyaux  historiques  et  artistiques  conservés  de  nos  jours  dans 
le  sacrarium,  etc. 

Le  Trésor  contenait  à  cette  époque  le  chef  de  saUit  Etienne 
creux  en  vermeil,  autour  d'un  carcan  d'or,  donné  par  Nicolas 
Louve  en  1448,  le  caillou  du  même  saint  dans  un  reliquaire 
de  même  métal,  le  bras  du  même  posé  sur  un  pied  en  vermeil 
orné  de  pierres  précieuses,  des  reliquaires,  deux  statuettes 
équestres  de  Charlemagne  l'épée  à  la  main,  une  en  bronze 
doré,  le  bâton  de  son  maître-d'hôtel,  celui  de  saint  Materne, 
etc.  Un  catalogue  avait  été  fait,  en  1682,  et  le  docteur  Bégin, 
dans  son  Histoire  de  la  Cathédrale  de  Metz,  le  cite. 

Mais  déjà  Colbert  avait  pris  ce  qu'il  y  avait  de  plus  rare,  la 
Bible  et  le  livre  d'heures  de  Charles-le-Chauve,  que  Baluze 
lui  avait  signalés.^  Deux  chanoines  avaient  été  les  lui  porter 

*  On  fit  alors  le  catalogue  des  joyaux,  de  Pai^genterie  et  des  livres. 

*  La  ville  de  Metz  reçut  de  l'impératrice  deux  portraits,  Pun  de 
Rembrand,  l'autre  de  Van  Dyck.  D'où  viennent-ils?  Curieuse  histoire 
que  leur  odyssée. . .  Les  manuscrits  sont  maintenant  à  la  Bibliothèque 
nationale  ainsi  que  ceux  de  Colbert. 

*  Ch.  Abbl.  Essai  sur  tPanciens  ivoires  sculptés  de  la  cathédrale  de 
Mets.  1868. 


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832  REVUE    d' ALSACE 

humblement  à  Paris,  en  1676,  et  le  chapitre  avait  reçu  en 
place  une  croix  d'argent  pour  le  maître-autel  aux  armes  du 
ministre  et  un  portrait  du  roi. 

Lors  de  la  suppression  définitive,  un  inventaire  avait  été 
fait  des  meubles,  or  et  argent  de  Notre-Dame-la-Ronde-  On  y 
catalogua  de  grands  tableaux,  le  Clirist  au  Bèpidcre,  Sainte 
CéciUj  divers  autres  tableaux  de  moyenne  grandeur,  «façon 
des  Pays-Bas,  une  Marie  Majmre^»  VAnnonciaiion,  «un  cru- 
cifix avec  trois  figures»  et  Jésu$  portant  sa  croix,  dix  autres 
peintures  représentant  des  sujets  pieux,  etcJ 

Le  14  juin  1790,  les  citoyens  Joseph  Vaultrin,  J.-B.  Chonez, 
Hubert  Marchand,  premier  médecin  de  l'hôpital  militaire,  se 
présentèrent  à  la  cathédrale  pour  dresser  l'inventaire  de  ce 
qui  s'y  trouvait;  ils  furent  reçus  par  les  chanoines  de  Thé- 
mines,  trésorier,  du  Lau  de  Caudale,  écolâtre,  et  Nioche, 
auxquels  se  joignirent  deux  de  leurs  confrères,  MM-  de  Cuny 
et  de  Gauv^n.  On  conduisit  d'abord  les  conunissaires  dans  la 
salle  des  archives  située  dans  les  souterrains  du  collatéral 
du  côté  gauche  du  chœur,  puis  tous  se  rendirent  au  Trésor, 
dont  ils  firent  un  état  très  détaillé  (on  y  remarque  les  treize 
manuscrits  envoyés  à  la  Malmaison,  le  bâton  du  grand-chantre 
avec  sa  masse  représentant  le  martyre  de  saint  Etienne,  etc-). 
Puis  le  procès-verbal  fut  dressé  et  signé  par  les  trois  chanoines 
chargés  par  le  chapitre  de  la  garde  du  Trésor,  les  deux  autres 
chanoines  et  les  conunissaires. 

Cent  vingt-trois  manuscrits  du  chapitre  sont,  d'après 
M.  Prost,  à  la  bibliothèque;  qu'ils  y  reposent  en  paix. 

Avant  de  clore  ces  quelques  pages  sur  le  chapitre  de  Metz, 
citons  un  fait  assez  ignoré  de  la  Révolution:  «J'ai  vuditLally- 
ToUendal,  au  printemps  de  1792,  dix  femmes,  jeunes  et  belles, 
déserter  la  ville  de  Metz  et  courir  vers  le  Luxembourg,  deux 

*  F4D.  Saube,  Inventaire  des  Archives  dé'partemtntales^  G,  119. 


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LES   EX-LIBRIS   DANS   LES  TROIS   KVÈCHtlS  333 

jours  après  le  cruel  massacre  de  Tabbé  de  FiquehnontJ  L'Uiie 
d'elles  était  prête  d'accoucher.  Sans  ce  spectacle  affreux,  elles 
n'auraient  pas  quitté  leur  ville  natale.»* 

Le  chanoine  de  Jobal  avait  au  château  de  Luc  une  impor- 
tante collection  numismatique  et  sigillographique  qui  se  trouve 
actuellement  entre  les  mains  de  M.  le  comte  Gaston  de  Lam- 
bertye. 

Voici  le  fer  armorié  du  chapitre,  j'en  dois  la  communication 
à  M.  Poinsigno»,  relieur  à  Nancy. 


SÉMINAIRE  SAINTE-ANNE 

Bjoolibris  Congregationis-missionis  domtis  Metensis. 

Fondation  de  la  reine  Anne  d'Autriche  pour  des  prêtres  de 
la  mission. 

'  Glianoine  en  1769,  grand  chantre,  vicaire  général  d'Angers,  demeu- 
rant me  Nexime  (un  nom  néfaste)  massacré  dans  les  premiers  jours 
de  septembre. 

*  Défense  des  femmes,  des  enfants  et  des  vieillards  émicfrés,  Paris,  1797, 
Br.  in-8^,  80  pp.  (Bibl.  provinciale  de  Strasbourg.  Collection  Heitz, 
916,  1).  n  faUait  avoir  dn  courage  pour  publier  en  ce  moment  une 
pareille  brochure. 


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334  REVUE   d'ai^ace 

Le  6  décembre  1792,  les  coHimissaires  Nioche  et  Ledante 
procédèrent  à  l'inventaire  du  mobilier.  La  statue  de  sainte 
Anne  du  portail  de  l'église  était  dans  un  coin  de  la  loge  du 
portier  à  côté  d'une  souricière  et  d'un  portrait  de  Pie  Vl.  La 
bibliothèque  n'avait  que  2876  volumes  (576  in-f ,  392  iû-4*'  et 
1908  varia)  contenus  dans  dix  armoires  à  onze  rayons,  la  der- 
nière armoire  était  de  sept  tablettes.  Dans  tla  classe  de 
logique»,  les  commissaires  inventorièrent  deux  tableaux:  un 
Christ  et  un  Cardinal. 

Arrivés  devant  la  porte  du  cabinet  de  physique,  une  difficulté 
les  arrêta  un  instant.  Des  scellés  y  étaient  posés.  Le  libraire 
Marchai,  de  la  rue  des  Petites-Tapes,  avait  fait  saisir  tous  les 
instruments  pour  se  couvrir  de  ses  avances.  Le  serrurier 
Louis  Valentin  requis,  crocheta  la  porte  et  brisa  les  scellés; 
le  récolement  commença,  il  fut  long;  «une  table  de  gypse  sur 
un  pied  triangulaire  en  chêne»,  etc. 


LES  MONASTÈRES  DE  METZ 

Abbaye  royale  de  Saint-OIément 

S.  démentis  metensis,  1760. 

Ex-libris  5'"  Clementis  Meten.  Ordinis  S.  Benedidi  1696. 

Les  moines  conservaient  dans  le  cloître  quelques  monuments 
gallo-romains.  Leur  avant-dernier  abbé  commendataire  M.  de 
Besse  de  la  Richarderie,  chanoine  et  grand-chantre  de  la 
cathédrale  et  vicaire  général,  qui  touchait  annuellement  près 
de  9000  livres  de  sa  mense  abbatiale,  avait  un  cabinet  d'histoire 
naturelle,  minéraux,  coquillages,  quadrupèdes,  oiseaux,  des 
cadres  de  papillons,  etc.  Buchoz  dit  qu'il  se  lit  donner  les  pré- 
tendus os  de  géant  que  l'on  conservait  depuis  des  siècles  à  la 
cathédrale.  Vérification  faite,  ils  furent  déclarés  appartenir  à 
un  hippopotame.  M.  de  la  Richarderie  fit  graver  des  planches 


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LES  E\-LIOniS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHKS  335 

pour  Y  Atlas  de  Buchoz,  entre  autres  le  plan  du  Jardin  bota- 
nique de  Nancy.  Il  demeurait  rue  de  la  Pierre  hardie  et  il 
avait  prié  son  évêque  de  bénir  la  chapelle  construite  dans  sa 
maison  nouvellement  bâtie. 

Le  14  mai  1790,  les  Bénédictins*  furent  rassemblés,  à  Tissue 
des  vêpres,  pour  recevoir  les  délégués  Pacquin  de  Rupigny, 
avocat,  et  Saget,  ingénieur  des  Ponts-et-chaussées.  La  grande 
table  de  la  bibliothèque  fut  inventoriée  avec  les  rayons  et 
l'échelle.  Il  y  avait  875  in-f,  941  in-4^  1096  in-8%  2159in-12  et 
586  in-16.  Cela  faisait  près  de  5000  volumes.'  On  ne  parla  pas 
de  manuscrits;  cependant  M.  Prost  dit  qu'en  1718,  il  y  en 
avait  dix  et  que  plus  tard  la  collection  fut  augmentée. 

Un  des  moines,  Nicolas  Casbois,  déclara  qu'il  suspendait  sa 
délibération  sur  le  parti  qu'il  prendrait  jusqu'à  ce  qu'il  fût 
mieux  informé  des  conditions  qui  seraient  faites  aux  religieux, 
ajoutant  qu'il  adhérait  aux  décrets  de  l'Assemblée  nationale.^ 

Le  graveur  Lachaussée  dessina  une  planche  pour  VAtlas 
de  Buchoz,  aux  frais  des  religieux  de  SaintrClément;  au- 
dessous  de  la  gravure,  on  voit  le  graouilli  étendu  par  terre 
percé  par  la  crosse  de  l'évêque  et  la  palme  du  martyr  mises  en 
sautoir. 

Arthur  Benoit. 
(La  suite  prockadnement.) 

'  Dom  Nicolas  Pierron  était  prieur,  il  était  né  le  16  août  1740. 
'  Archives  départementales,  Q.  3.  65. 

^  Les  abbayes  messines  sont  indiquées  dans  Tordre  qu'elles  ont  dans 
VAlmanach  des  Trois-Évêchés  de  1790. 


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DOCUMENT  HISTOBIOIIE 


ETATS  DES  FONDS  ET  REVENUS 

DU 

PRIEURÉ  DE  SAINT-MORAND* 

EN  1772 


Les  batimens  et  dépendances  nécessaires  pour  L'Exploita- 
tion des  biens  sont  occupés  par  le  fermier,  les  batimens  du 
prieur,  le  jardin  et  le  verger  sont  laissés  au  Receveur  et  au 
desservant. 

Terres  Labour  (Mes. 

Environ  cent  journaux  de  terres  labourables  en  une  seule 
pièce,  et  environ  dix  huit  journaux  en  plusieurs  autres  pièces, 
les  premières  sont  presque  toutes  terre  blanche  ;  la  plupart 
de  peu  de  Rapport  et  les  dernières  valent  beaucoup  mieux. 

Prés 
Vingt  cinq  arpens  de  prés  de  très  bon  raport,  que  Ton 
arrose  quand  l'on  veut,  au  moyen  d'un  Canal  de  communica- 
tion avec  la  petite  Rivière  appellée  L'isle. 

Vignes 
Sept  arpens  de  Vignes,  dont  six  et  demie  en  une  seule  pièce. 

^  Près  d'Altkirch.  —  La  reproduction  de  ce  document,  avec  ses 
imperfections  graphiques,  est  conforme  à  l'expédition  qui  en  fut  déliTrée 
lors  du  séquestre,  après  l'expulsion  des  Jésuites. 


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REVENUS  DU  PRIEURÉ  DE  SAINT-MORÀND  337 

Jardin 

Un  petit  jardin  potager,  avec  un  petit  Verger  contigû  prés 
Altkirch. 

Moulin 

Un  moulin  à  trois  tournans,  un  foulon  pour  le  Chanvre,  un 
logement  pour  le  meunier,  grange,  Ecuries,  un  petit  jardin, 
une  autre  petite  pièce  de  terre  et  un  petit  prés  entre  le  canal 
et  la  Rivière. 

Les  terres  labourables,  prés  et  vignes,  batimens  de  Fermier 
et  appartenances  sont  aôermées  pour  neuf  ans  par  dom  Tirode 
en  1774  au  S.  George  Brutzchi  a  raison  de  dix  huit  cent  livres 
par  an  payables,  moitié  à  Pâques,  moitié  à  la  Pentecôte,  avec 
reserve  de  quelques  Voitures. 

Le  Moulin  est  affermé  au  même  également  pour  neuf  ans 
par  Dom  Tirode  1774.  avec  les  dépendances  cy  dessus  spéci- 
fiées, a  raison  de  vingt  deux  Eezaux  d'Esprote  égrugée  et 
pareille  quantité  de  mélange,  qui  consiste  en  moitié  d'Esprote 
ou  Epautre  égrugée,  et  L'autre  moitié  en  seigle,  orge  et  vesses, 
quarante  six  livres  seize  Sols  quatre  deniers  en  argent  quel- 
ques canards,  et  poulets  et  un  cochon. 

Le  Meunier  est  encore  tenu  de  moudre  et  égruger  gratis 
tous  les  grains  nécessaires  au  prieuré  et  de  conduire  lesdits 
grains  au  marché  d'altkirch  quand  il  en  est  requis. 

Le  Rezal  d'Espiote  égrugé  année  commune  peut  aller  à 
à  douze  livres  et  celui  de  mélange  à  huit,  les  44  Rezaux 
feroient  352  livres  qui  ajoutées  à  46  livres  16  sols  4  deniers  en 
argent  et  24  livres  pour  le  cochon,  canards  et  poulets  feroient 
422  livres  16  sols  4  deniers. 

Le  petit  jardin  et  petit  verger  contigu  a  altkirch  sont  affer- 
més pour  neuf  ans  au  S'  Schmiedlin  a  raison  de  vingt  deux 
livres  par  an. 

Diocmes 

L'Esprote  est  une  espèce  de  Froment  qui  sort  de  l'Epi 
enveloppé  de  sa  gousse,  et  en  cet  Etat,  il  se  nomme  Espriote 
NonveUe  Série.  —  11""  année.  22 


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338  REVUE    D  ALSACE 

OU  Epautre  en  paille.  Lorsque  le  grain  est  dépouillé  de  sa 
gousse  ou  envelope,  au  moyen  d'un  moulin  particulier  par  ou 
on  le  fait  passer,  on  l'apelle  espiote  Egrugée. 

Neuf  Rezaux  d'Espiote  en  paille  n'en  rendent  pas  tout  a  fait 
le  tiers  d'Egrugé. 

On  entend  par  Rezal,  six  boisseaux,  le  boisseau  en  froment 
peu  peser  trente  livres.  Le  boisseau  est  composé  de  4  picotins 
et  le  picotin  de  6  Ecuelles. 

Le  Prieuré  de  S*-Morand  perçoit  la  dixme  entière  sur  le 
territoire  et  paroisse  d'altkirch,  a  raison  de  dix  l'un  sur  tout 
ce  qui  se  sème,  a  l'exception  néanmoins  de  quelques  petits 
cantons  autour  de  la  ville  et  du  chanvre.  Cette  dixme  s'amodie 
tous  les  ans  en  argent  à  la  veille  des  moissons  et  peut  rendre 
deux  mille  livres  année  commune. 

La  dixme  en  vin  sur  le  même  territoire  s'amodie  également 
en  argent  et  peut  rendre  année  commune  trois  cent  Livres. 

Les  trois  quarts  de  la  dixme  en  grains  sur  la  Paroisse  de 
Walheim  s'amodient  en  argent  année  commune  huit  cent 
trente  deux  Livres. 

Les  3/4  de  la  dixme  en  vin  sur  la  même  poroisse  année 
commune  deux  cent  Livres. 

Les  3/4  de  la  dixme  en  Foin  sur  la  même  paroisse  année 
commune  s'amodient  cent  Livres. 

Le  8'  de  la  dixme  sur  Werenthausen*  et  Buxviller  s'amodie 
en  argent,  année  conunune  deux  cent  livres. 

La  dixme  entière  sur  la  paroisse  de  Eiesbach  est  affermée 
pour  neuf  ans  au  S' Districh  curé  dudit  Lieu  pour  deux  cent 
soixante  et  quinze  Rezaux  dont  les  2/3^Epautre  en  paille  et 
1/3  eu  aveine. 

Le  1/4  de  la  dixme  sur  le  vieux  montreux,  année  commune, 
cinquante  Rezaux,  moitié  Espiote  en  paille  ;  moitié  aveine, 

^  WerentzhauBen. 


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REVENUS  DU  PRIEURÉ  DE  SAINT-MORAND  989 

mesure  pressée,  ce  qui  augmente  quelque  peu  la  quantité 
d'aveine. 

Le  douzième  de  la  dixme  sur  Carsbacli,  année  commune 
cinquante  quatre  Rezaux,  un  tiers  Epautre,  1/3  seigle  et  1/3 
aveine. 

Le  1/4  de  la  dixme  sur  Friessen,  année  commune  quatre 
vingt  dix  Rezaux:  2/3  Epautre  en  paille,  comme  Test  toute 
celle  des  dixmes  et  1/3  aveine. 

Le  1/8  de  la  dixme  d'Hagenbach,  année  commune  vingt 
quatre  Rezaux  1/3  seigle,  1/3  Epautre,  1/3  aveine. 

Le  douzième  de  la  dixme  d'hirsingen,  année  commune, 
quarante  deux  Rezaux  2/3  Epautre,  1/3  aveine. 

Le  seiziènae  de  la  dixme  de  traubach,  année  commune,  qua- 
rante deux  Rezaux  1/3  Epautre,  1/3  aveine,  1/3  seigle. 

Le  8*  de  la  dixme  de  Durmenai,^  année  conmiune,  dix  hui 
Rezaux  2/3  Epautre,  1/3  aveine. 

La  dixme  sur  un  petit  canton  de  quelques  arpens  à  Rocb- 
burn*  année  conmiune  un  Rezal  1/2  d' Epautre. 

La  dixme  à  Aspach  sur  un  petit  canton  année  commune 
4  Rez.  d'Epautre  et  2  Rez.  d'aveine. 

Laudemes  des  dixmes 

On  appelle  Laudemes  des  dixmes  une  petite  reserve,  tantôt 
de  6,  tantôt  de  12  deniers  par  Rezal  en  les  amodiant;  ce  qu 
peut  produire  année  commune  quinze  Livres. 

Droit  de  falh 

Le  droit  de  falh  est  celui  par  lequel  appartient  au  Prieuré 
de  S^Morand  dans  quelques  Villages  après  la  mort  de  chaque 
chef  de  famille;  une  pièce  de  bétail  à  son  choix,  après  que  la 
veuve  ou  les  héritiers  en  ont  pris  une;  Ce  droit  année  com 
mune  peut  raporter  deux  cent  Livres. 

^  Dnrmenadi. 

'  Rockenburg,  dépendance  d'Altkirch. 


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S40  REVUE   d\i^ace 

STEINBACH 

La  Ferme  de  Steinbach  proche  Cernai  à  6  Lieues  d'altJdrch 
est  amodiée  à  5  ou  6  particuliers  pour  six  ans  à  cent  cinquante 
livres  par  an. 

•  Cette  fenne  consiste  en  onze  Schatz  et  demi  de  Vignes  en 
4  ou  5  pièces  il  faut . . .  '  Schatz  pour  faii-e  un  journal,  en  16  me- 
sures 27  pots  de  vin  de  redevance  La  dixme  sur  quelques 
pièces  de  vignes,  un  jardin  et  quelques  petites  pièces  de  terre. 

Les  fermiers  sont  obligés  de  livrer  annuellement  au  S' Curé 
de  Cernai  trois  mesures  de  vin  que  lui  doit  le  prieuré  de 
.  S'-Morand. 

RIBEAUVILLÉ 

La  Ferme  de  Ribeauvillé  ou  petit  S'-Morand*  consiste  en  un 
sac  de  seigle  de  Redevance  sur  un  moulin,  en  52  1.  3  s.  4  d.  de 
cenccs,  en  39  mesures  et  20  pots  de  vin  de  cences,  deux  livres 
de  cire,  onze  chapons,  une  poule  et  quelques  petits  Jardins 
connus  sous  le  nom  de  Potlacher  Gârthen  Et  quelques  petites 
pièces  de  près. 

Ces  revenus  sont  affermés  pour  6  ans  à  M.  L'avocat  Lorentz 
a  raison  de  deux  cent  cinquante  et  une  livres  par  année. 

^  On  compte  trois  schatz  par  journal. 

*  La  ferme  dont  il  est  question  est  ce  qui  restait  en  1772  du  couyent 
de  Saint-Morand  de  Ribeauvillé.  Ce  couvent  était  situé,  en  sortant  de 
la  ville  par  VOberthor,  k  environ  trois  cents  pas  à  gauche,  à  l'entrée  de 
la  vallée  qui  conduit  à  Sainte-Marie-aux-Mines.  Ce  couvent  était  de 
l'ordre  de  Cluny,  comme  ceux  de  Froidefontaine  et  d'Altkirch.  Dana 
les  premiers  temps  il  y  avait  de  quatre  à  huit  Bénédictins.  Quand,  après 
la  guerre  de  trente  ans,  les  J.ésuites  eurent  succédé  aux  Bénédictins, 
ceux  d'Altkirch  obtinrent  de  l'évéque  de  Bàle,  Guillaume  de  Rinck,  la 
suppression  du  couvent  de  Ribeauvillé,  qui  n'était  plus  qu'une  ferme 
lorsque  les  Jésuites  furent  expulsés  et  lorsque  l'inventaire  de  leurs 
biens  et  de  leurs  revenus  fut  établi  par  le  séquestre.  L'église  ne  fut 
démolie  que  vers  1751. 


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REVENUS  DU  PRIEURÉ  DE  SAINT-MORAND  341 

Le  fermier  est  obligé  outre  le  prix  de  son  bail  d'acquitter 
les  charges  dudit  prieuré  à  Ribeauvillé.  Elles  consistent  en 
6  mesures  de  Vin  et  26  1.  en  argent,  tant  au  S'  Curé  qu'au 
Recteur  d'Ecole  et  à  la  Fabrique. 

Le  Prieuré  de  S*-Morand  possède  encore  à  Ribeauvillé  une 
petite  forêt  de  6  à  7  arpens,  dont  une  partie  depuis  2  à  3  ans 
est  plantée  en  châtaigniers  et  le  reste  en  assez  mauvais  Etat, 
cette  petite  forêt  ne  fait  pas  partie  du  Bail. 

RÀMERSMATT 

Le  Prieuré  de  S'-Morand  possède  à  Ramersmatt  un  arpent 
de  prés  afiermé  à  biaise  Ried  dix  huit  livres. 


TERRIERS  DE  ST-MORAND 

RIESPACH 

Epautre  en  paille  18  r.  1  b.  2  p.* 

Seigle  5  r.  1  b.  2  p. 

Aveine  30  r.  2  b.  2  p. 

Poules  7. 

Argent  3  1.  8  s.  10  d.  Balois. 

SPECHBACH 

Epautre  en  paille  21  r. 

Seigle  27  r. 

Aveine  22  r.  1  b. 

Poules  7. 

Argent  3  1. 12  s.  8  d.  Balois. 

WERENTHAUSEN 

Epautre  en  paille  23  r.  2  b. 
Aveine  11  r.  4  b. 

*  La  lettre  r  signifie  résal,  b  boisseau,  p  picotin. 


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342  BEVUE   d'âlsàcb 

WETERSTORP  ET  EMLINGEN 

Epautre  en  paille  16  r. 

Seigle  12  r.  4  b. 

Aveine  25  r.  5  b.  2  p. 

Poids  2  b.  3  p. 

Poules  30. 

Argent  5  1.  19  s.  4  d.  Balois. 

La  communauté  20  poules  et  30  s.  Balois. 

EISSLNGEN* 

Epautre  en  paille  11  r. 
Seigle  11  r. 
Aveine  10  r. 

WALHEIM 

Epautre  en  paille  31  r.  3  b.  1  p.  5  e.* 

Seigle  27  r.  3  b.  3  p.  5  e. 

Aveine  32  r.  5  e. 

Poules  13. 

Argent  2  1. 1  s.  2  d.  Balois. 

2  pots  de  vin  et  2  pains. 

CARSBACH 

Epautre  en  paille  19  r. 

Epautre  égrugé  1  b.  3  p. 

Seigle  18  r. 

Aveine  20  r. 

Poules  1. 

Argent  5  1.  5  s.  10  d.  Balois. 

HEKFLINGEN 

Epautre  en  paille  15  r.  1  b. 

^  Hesingen. 

*  La  lettre  e  =  écueUe. 


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REVENUS  DU  PBIÈUKÉ  DE  SAINT-MORÀND  343 

Seigle  13  r.  3  b.  3  p. 

Aveine  20  r.  3  b.  2  p. 

Poules  14. 

Oeufe  100. 

Argent  8  1. 11  s.  7  d.  Balois. 

BOBENTZWILLEB 

Epautre  en  paille  7  r. 

HEIDWILLEa 

Epautre  en  paille  3  r.  2  b. 
Seigle  4  r.  4  b. 
Aveine  2  r.  4  b. 
Poules  6. 
Argent  14  s.  Balois. 

DÂG0L8EIM 

Epautre  en  paille  10  r. 
Seigle  10  r. 
Aveine  10  r. 

Argent  5  s.  Balois  et  30  s.  Balois  sur  des  prés  à  ilfurt. 
(1  1.  11  8.  de  trop  peu) 

HUSOAUIEN 

Epautre  en  paille  4  r. 

RÂNSPACH  LE  HAUT 

Aveine  7  r.  1  b. 

Poules  16  1/2. 

Argent  2  1. 18  s.  2  d.  Balois. 

BERENTZWILLER 

Epautre  en  paille  20  r.  5  b.  2  p. 
Seigle  7 
Poules  2. 

Argent  2  1. 4  s.  3  d.  Balois. 
(Suivant  la  Recette  il  y  a  de  trop  5  r.  4  b.  d'épautre  1  r.  4  b.  de  Seigle 
14  s.  en  argent) 


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344  REVUE    D'ALSACE 

8TRUETT 

Aveine  6  r.  4  b.  2  p.  1  e.  Va- 
Poules  9. 
Argent  4  1.  5  s.  2  d.  7t  Balois. 

ASPAGH 

Epautre  en  paille  16  r.  4  b. 

(16  an  lieu  de  6  r.) 
Seigle  18  r.  5  b.  1  p. 
Aveine  16  r.  5  b. 
Poids  4  b.  3  p. 
Poules  2. 
Argent  2  1. 1  s.  Balois. 

RAMERSMATT 

Aveine  5  r.  1  b.  3  e. 
Argent  5  1.  7  b.  Balois. 

Bois 

Le  prieuré  de  S'-Morand  possède  à  fillerin'  une  forêt  de  25 
a  30  arpens  en  bois  d'hêtres  et  quelques  chênes,  elle  pourroit 
être  coupée  dans  8  a  10  ans,  il  est  plusieurs  arpens  dans  le 
milieu,  ou  il  n'est  point  crû  de  bois. 

Plus  une  forêt  d'Environ  20  arpens  à  Berentzwiller  toute 
en  pins,  ou  du  moins  la  plus  grande  partie,  quinze  de  ces 
arpens  ne  peuvent  être  exploités  avant  20  ans,  et  le  Reste  sert 
pour  Fournir  des  tuyaux  aux  fontaines  de  S'-Morand. 

Plus  une  forêt  d'environ  15  arpens  auprès  de  S^Morand, 
dont  6  sont  sans  arbres.  Cette  forêt  est  composée  de  hêtres  et 
de  chênes  propres  à  être  coupés  ;  attendu  qu'elle  ne  Fait  que 
dépérir,  et  qu'après  l'exploitation  il  viendroit  un  beau  tailli, 

'  FûUeren. 


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REVENUS  DU  PRIEURÉ  DE  SAINT-NORAND  345 

il  convient  cependant  de  Reserver  certaine  quantité  de  chênes 
pour  les  Réparations  du  moulin. 

Plus  une  Forêt  de  6  à  7  arpens  à  Ribeauviller,  dont  il  a  été 
fait  mention  dans  Tarticle  dudit  Ribeauvillé. 


RECAPITULATION 

Fermes  en  argent 

Terres  Labourables,  Vignes,  prés  sur  le 

territoire  d'Altkirch ISOO*»--»*- 

Aident  d'unepartiede  la  ferme  du  moulin  46  16  4 

Petit  jardin  sur  le  même  territoire    .    .  22   »    » 

Dixmes  sur  Altkirch 2300   »    » 

(300  trop) 

Dixmes  sur  Walheim 1132   »    » 

Dixmes  sur  Verenthausen  et  Buxviller  .  200  »    » 

Laudemes  des  dixmes 15   »   » 

Droit  de  falh 200  »    » 

Steinbach 150  »   » 

Ribeauvillé 251    »    » 

Vn  prêt  a  Ramersmatt 18  »    » 

Argent  des  terriers  sur  quinze  commu- 
nautés montant  à  49  1.  14  s.  V^  d.  Balois,  la 
livre  Baloise  est  de  26  s.  8  d.  de  france,  les 
dittes  491. 14  s.  V2  d.  réduits  à  la  monnoye 

de  France  font 66  05  4  Va  V31 

Total     ....     620r01-8^V2  Vaa 
Orains 

DIZME8  EN  ORAIErS 

Seigle  quarante  Rezaux 40'*»*»'»*' 

Epautre  en  paille,  trois  cent  cinquante 
quatre  Rezaux  5  Boisseaux 354  5  »  » 


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346  REVUE  d'àlsace 

Aveine  deux  cent  neuf  r.  4  bois 209  4  »  » 


TERRIERS 


Seigle  cent  cinquante  cinq  r.  4  b.  1  p.  5  e.  .  155  4  1  5 
Epautre  en  paille  deux  cent  dix  sept  r.  1  b. 

1  p.  5  e 217  1  1  5 

Aveine  deux  cent  onze  r.  2  b.  1  p.  3  e.  Va  •  211  2  1  3  Va 

Epautre  egrugée  un  bois.  3  p »  1  3  » 

Poids  un  Rezal  1  b.  2  p 1  1  2  » 


MOULIN 


Epautre  égrugée  vingt  deux  r 22  »  »  » 

Mélange  22  r 22  »  »  » 

Totalité  des  grains  douze  cent  34  r.  2  b. 
2  p.  le.  Va 1234'-2^-2M*-V2 

Savoir  cent  quatre  vingt  quinze  Rezaux  quatre  boisseaux, 
un  picotin  et  cinq  Ecuelles  de  seigle. 

Vingt  deux  r.  un  bois,  deux  pic.  d'Epautre  egrugée. 

Vingt  deux  Rezaux  de  mélange. 

Cinq  cent  soixante  et  douze  Rezaux,  un  picotin  et  cinq 
Ecuelles  d'Epautre  en  paille. 

Quatre  cent  vingt  et  un  Rezaux,  un  picotin,  trois  Ecuelles, 
et  demi  d'aveine. 

Un  Rezal,  un  boisseau,  deux  picotins  de  Poids. 

Les  195  r.  4  b.  1  p.  5  e.  de  Seigle  a  7  1.  .    .    1370»-  »  '-«Ol^-Vs 

Les  22  r.  1  b.  2  p.  d'Epautre  égrugée  à  12 1.      267   »    » 

Les  22  r.  de  mélange  à  8 1 176   »    » 

Les  572  r.  1  p.  et  5  e.  d'Epautre  en  paille 
a  4 1 2288  04   »    Vs 

Les  421  r.  1  p.  3  e.  V,  d'aveine  a  3  1. .    .    .    1263  03  11  Va 

Le  Rezal  1  b.  2  p.  de  poids  a  12  1 15   »    v 

Cette  Evaluation  est  le  prix  des  denrées 
année  commune 


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REVENUS  DU  PRIEURÉ  DE  SAINT-MORÀND  847 

Les  125  poules  Va  a  6  s.  8  d.  la  pièce  comme 
elles  se  payent  par  les  cencitaires    ....       41  16  08 
Le  cochon,  canards,  poulets  et  œufs  ...       24   »     » 


5445»04'09*Va 

Les  5445  1.  4  s.  9  d.  Va  ajoutées  a  6201 1.  1  s.  8  d.  Va  et  Vu- 

forment  un  total  de  11646  1.  6  s.  6  d.  VaaV-  1 

1772    10613  1.  Recette  total.  î 

I 

CHARGES  DU  PRIEURÉ  DE  ST-MORAND 

Le  prieuré  de  St^morand  paye  pour  dom 
gratuit 1240»- 16-10*' 

Au  S'  Curé  d'Altkirch  pour  compétence  ou 
portion  congrue  60  Rezaux  d'Espautre  en 
paUle,  50  r.  d'aveine,  40  r.  de  seigle,  52  me- 
sures et  un  pot  de  vin  et  40 1.  en  argent  a 
évaluer  les  denrées  comme  dans  la  Recette  .      914  02  06 

Au  Recteur  d'Ecole  d'altkirch  7  r.  d'Epautre 
en  paille,  7  r.  de  Seigle,  13  mesures  28  pots 
de  vin,  La  mesure  contient  32  pots    ....      132  15   » 

Au  S'  Curé  de  Ribeauvillé,  au  recteur 
d'Ecole  et  à  la  fabrique  50 1.  seulement  pour 
mémoire,  parceque  le  fermier  de  Ribeauvillé 
est  tenu  d'acquitter  les  charges 50  »    » 

Au  S'  Curé  de  Riesbach  86  r.  4  b.  d'Epautre 
en  paille,  43  r.  2  b.  d'aveine 433  13  04 

Au  S'  Curé  de  vieux  montreux  8  r.  2  b. 
d'Epautre  en  paille,  8  r.  2  b.  d'aveine  mesure 

pressée 65  15  08 

r  Au  S'  Curé  de  Steinbach  4  r.  de  froment    .       48   »    » 

A  la  Seigneurie  de  Ferrette  30  œufs  et 
16  poules 2  15   » 


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348  REVUE    D'ALSACE 

Au  S' Curé  de  cernai  trois  mesures  de  vin 
de  Steinbach,  le  fermier  de  Steinbach  est 
obligé  de  les  lui  livrer,  seulement  pour  mé- 
moire         38  08   » 

A  Messieurs  du  haut  Chapitre  de  Bâle  3  r. 
de  seigle,  4  r.  d'aveine,  et  9  s.  6  d.  en  argent 
et  poule 37  09  06 

Au  S'  Curé  de  Walheim  8  r.  d'epautre  en 
paille 32   »    » 

Au  S' chapelain  de  ferette  16  r.  d'aveine    .       48   »    » 

A  onze  maires  coUongers  chargés  de  la  dis- 
tribution des  billets  aux  censitaires,  de  Teiller 
sur  la  censive  et  d'avertir  lorsqu'il  Echoit  un 
droit  de  falh  34  r.  d'Epautre  en  paille,  6  r.  3  b. 
2  p.  d'aveine 155  15   » 

Au  desservant  du  prieuré  de  S'-morand  pour 
deux  messes  par  semaine  pour  luminaire  et 
hosties 250   »     » 

Au  Receveur  dud'  prieuré  pour  vacations  à 
tout  ce  qui  y  a  raport,  amodiations  des  dixmes, 
perception  des  censés,  conservation  des  grains, 
levée  des  droits  de  falh,  visite  et  vérification 
des  Réparations  dans  toutes  les  paroisses  de 
la  dépendance 324   »    » 

Plus  est  chargé  led' prieuré  des  réparations 
et  reconstruction  de  l'Eglise,  prieuré,  bati- 
mens,  moulin,  enclos,  et  dépendances  de 
S'-morand.  Plus  Réparations,  reconstruction 
des  chœurs,  clocher,  sacristie,  et  maison  cu- 
riale  de  14  paroisses.  Les  seules  réparations 

(10  seulement) 
se  montent  année  Reduitte  sur  dix  années  a .    2000   »    » 

Total    ....    5773»- 10^10*- 


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REVENUS  DU   PRIEURÉ   DE  SAINT-MORAND  349 

Partant  Reste  net  la  Somme  de 5949*11'08V32 

Sur  quoy  une  pension  du  tiers  en  Faveur 
du  Resignant  qui  se  monte  a  la  somme  de.    .    1983  03  10  Vs 

De  sorte  qu'il  ne  reste  au  titulaire  que 
celle  de ' 3966  07  09  V3 


N*.  Ces  deux  Etats  de  revenus  et  de  Charges  sont  conformes 
à  ceux  qtd  sont  déposés  au  Greffe  du  conseil  souverain 
d'Alsace  et  qui  furent  faits  par  ses  commissaires,  lors  de 
L'Etablissement  du  Séquestre  en  1767.  tems  ou  les  grains 
étaient  chers  7. 

{Communication  de  M,  Ed.  Gasser.) 


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REGLEMENTATION 


D'UNE 


FORÊT  COMMUNALE  D'ALSACE 

AUX  XV  ET  XVI*  SIÈCLES 


DOCUMENT  B 


62. 

Celui  qui  aurait  à  entretenir  une  baie  le  long  de  champs 
doit  à  l'avenir  cesser  d'employer  la  haie  morte,  mais  y  planter 
une  haie  vive.  Quiconque  continue  à  faire  le  long  de  champs 
des  haies  de  branchages,  rompt  six  schillings.  Là,  où  la  trop 
grande  aridité  du  sol  s'opposerait  à  la  plantation  de  haies 
vives,^  on  fera  une  palissade  ou  un  perchis  de  chênes  qui  dure 
bien  des  années.  Les  forestiers  et  les  waldmestres  ont  à 
dénoncer  les  contrevenants  et  ils  ne  manqueront  pas  de 
faire  chaque  année  au  temps  prescrit  leur  tournée  d'ins- 
pection des  haies. 

63. 

Aucun  forgeron  ne  doit  plus  couper  dans  la  forêt  du  bois 
pour  charbons;  celui  qui  en  coupe  encore  encourt,  s'il  est 

^  Voir  1^  livraison  du  2^  trimestre  1882. 

*  «wo  einer  aber  DOming  halben,  kein  heg  da  zihlen  kanii».-. 
Cherté? 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  351 

découvert,  la  grande  amende.  Les  forestiers,  waldmestres  et 
un  chacun  ont  à  y  veiller. 

64. 
Aucun  forgeron  ne  carbonisera  plus  de  bois  dans  Tenceinte 
du  village,  ni  bois  de  l'Aspruch,  ni  bois  provenant  de  quel- 
qu'autre  forêt.  S'il  dispose  de  bois  ne  provenant  pas  de 
TAspruch,  il  doit  aller  le  carboniser  sur  le  communal  {AUmehm) 
dehors  le  village.  Celui  qui  n'observe  pas  ce  règlement  encourt, 
s'il  est  dénoncé,  la  grande  amende. 

65. 
Les  waldmestres  doivent  aussi  faire  tous  les  trois  mois  leur 
tournée  d'inspection  des  bâtiments.  Quiconque  ne  tient  pas 
ses  bâtiments  en  bon  état  rompt  quatre  schillings  à  payer 
sans  remise  la  première  fois  qu'on  le  trouvera  en  défaut  et  la 
grande  amende  si  à  la  seconde  visite  on  le  trouve  encore 
repréhensible,  et  si  après  cela  il  ne  se  met  pas  en  règle  avant 
la  prochaine  inspection,  il  sera  privé  de  toute  jouissance  de  la 
forêt,  lui  et  ses  bêtes,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  remis  et  entretenu 
ses  bâtiments  en  bon  état  Les  waldmestres  y  veilleront  et 
indiqueront  les  réparations  à  faire;  ils  se  défraieront  conve- 
nablement sur  les  amendes  dont  ils  porteront  le  sui-plus  en 
compte  aux  quatre  communes  sous  la  foi  de  leur  serment 

66. 
Aux  ventes  de  bois,  les  waldmestres  ne  doivent  plus  donner 
de  «vin  de  surenchère»,*  mais  un  pot  de  vin  par  achat 

67. 

Si  un  habitant  des  quatre  villages  ou  quelque  étranger 

parquait  des  porcs  dans  la  forêt  en  temps  de  glandée,  '  sans 

qu'il  eût  un  droit  de  glandée,  il  sera  puni  comme  d'ancienne 

date,  c'est-à-dire  qu'il  perdra  tout  d'abord  (par  confiscation) 

*  «kein  Steigwein  sondern  ein  Eauffmossu. 

'  «Saw  in  das  Eckher  schlftg»  =  auj.  «febmen»  ;  «Fehm»  =  glandée 
et  droit  de  glandée. 


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352  REVUE   d'alsace  » 

les  porcs  avec  lesquels  il  commet  la  fraude  et  qu'il  paiera  aux 
quatre  communes  cinq  livres  stsbg.  sans  remise.  Les  forestiers, 
waldmestres  ou  quiconque  en  sera  chargé  par  les  quatre 
communes  y  veilleront 

68. 

Il  existe  aussi  un  règlement  fait  dans  Tintérêt  des  quatre 
communes,  disant  que  le  bourgeois  qui  a  les  huit  porcs,  dits 
porcs  indigènes  {heims  Schwein),  ne  doit  pas  en  acheter  ni  en 
prendre  à  bail  pour  les  parquer  dans  la  forêt;  celui  qui  n'a 
pas  les  huit  porcs  indigènes  peut  bien,  s'il  veut,  en  acheter 
pour  en  avoir  huit,  —  mais  il  ne  doit  pas  en  acheter  au  delà 
de  huit,  ni  en  prendre  à  bail  qu'il  parquerait  dans  la  forêt,  — 
et  l'achat  doit  être  franc  et  sincère  et  pas  simulé  ni  frauduleux; 
il  doit  être  conclu  sans  clauses  secrètes  afin  que  la  glandée 
des  riches  et  des  pauvres  ne  devienne  pas  la  proie  de  la  fraude. 
Quiconque  outre-passe  ce  point  rompt,  comme  ci-dessus,  sui- 
vant l'ancien  droit  coutumier  de  l'Aspruch,  à  savoir  que  tout 
d'abord  les  porcs  avec  lesquels  il  commet  la  fraude  sont 
perdus  pour  lui  et  qu'en  outre  il  aura  à  payer  aux  quatre 
communes  cinq  livres  stsbg.  sans  remise.  La  surveillance  et 
la  dénonciation  incombent  aux  waldmestres,  aux  forestiers  ou 
à  quiconque  en  sera  spécialement  chargé  par  les  quatre  com- 
munes. 

69. 

Concernant  l'achat  d'une  truie.  Identique  avec  l'art  49  du 
1"  Document  Voy.  Bévue  t  X,  p.  387. 

70. 

Tous  les  bourgeois,  actuels  et  futurs,  des  quatre  villages 
doivent  veiller  sur  la  forêt  sous  leur  foi  donnée  à  la  place  de 
serment  dans  la  mesure  qu'il  vient  d'être  dit  au  sujet  des 
arbres  réservés,  de  la  dénonciation,  du  bois  de  hêtre,  des 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  353 

étrangers  ^  comme  jusqu'ici  et  sur  tous  les  articles  qui  pré- 
cèdent ou  qui  suivent. 

71. 

Celui  qui  est  reçu  bourgeois  dans  Tun  des  quatre  villages, 
doit  donner  au  waldmestre  sa  parole  à  la  place  de  serment 
qu'il  veillera  sur  la  forêt  comme  il  vient  d'être  prescrit;  s'il 
s'en  trouvait  un  qui  fftt  infidèle^  au  point  de  refuser  de  faire 
comme  les  autres  bourgeois,  on  le  privera  de  toutes  jouissances 
de  la  forêt  tout  comme  les  bourgeois  étrangers,  jusqu'à  ce 
qu'il  donne  sa  parole  d'y  veiller  selon  la  teneur  de  la  présente 
lettre  forestaJe.^ 

72. 

Celui  qui  à  l'avenir  reçoit  le  droit  de  bourgeoisie  dans  l'un 
des  quatre  dits  villages  est  tenu  de  planter  un  jeune  chêne 
dans  la  forêt  et  de  l'élever;  si  l'arbre  desséchait  et  ne  venait 
pas,  il  en  plantera  un  autre  jusqu'à  ce  qu'il  en  plante  un  qui 
prenne  racine,  grandisse  et  devienne  un  arbre  propre  à  don- 
ner des  fruits.  Et  si  quelqu'un  avait  la  déloyauté  de  s'y  refuser 
et  qu'il  ne  voulût  pas  planter  et  soigner  un  tel  chêne  pour  en 
faire  un  grand  arbre,  il  doit  également  être  privé  de  toutes 
jouissances  de  la  forêt  jusqu'à  ce  qu'il  en  plante  et  élève  un 
qu'il  puisse  montrer  au  waldmestre  ou  dont  du  moins  il 
puisse  certifier  à  ce  dernier  par  témoins  qu'il  l'a  arrosé.^ 

73. 
Les  pasteurs  ou  curés  et  les  bedeaux'  qui  n'auraient  pas  le 
droit  de  bourgeoisie  ne  doivent  plus  à  l'avenir  ni  charrier,  ni 

^  «yber  die  loch,  yber  das  megen,  jber  das  buechen,  yber  die  fremb- 
den».  cf.  A.  26.  Eevue  t.  X,  p.  376  qui  recommande  spécialement  à  la 
snireillance  des  bourgeois  :  «die  Lech,  das  eichen  und  die  fremten>. 

•  <'àl80  vntrew»  ;  A.  27  dit  :  «also  iinfrite». 

'  «nach  Inhalt  dis  Brieffis»;  A.  27:  «diser  Geschrifft».  Le  document 
A.  fixe  en  sus  une  amende  «d'étranger»,  c'est-à-dire  de  5  livres  pou 
celui  qni  «dédaigne»  ce  point. 

^  «dass  er  solchen  gelebt  habe». 

'  «Item.  Die  Pfarrherr,  Bittel». 

Nouvelle  Série.  —  11-  année.  23 


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354  REVUE   d'àlsace 

vendre  du  bois  à  autrui  ;  ils  doivent  charrier  leur  bois  dans 
leurs  propres  cours  et  s'en  servir  eux-mêmes  pour  le  feu. 
Celui  qui  en  charrie  h  autrui  rompt,  s'il  est  découvert,  six 
schillings.  Les  forestiers  et  les  waldmestres  y  veilleront. 
A  leur  jour  ils  reçoivent  chacun  sa  voie  ou  charretée  de  bois 
pour  son  propre  us^e,  mais  point  pour  en  vendre  ni  charrier 
h  autrui  sous  ladite  peine. 

74. 

Si  un  bourgeois  des  quatre  villages  a  enfreint  le  règlement 
et  que  les  vingt  ^  hommes  sur  la  montagne  aient  eu  à  pronon- 
cer sur  l'amende,  leur  sentence,  quelle  qu'elle  soit,  doit  être 
exécutée.  Celui  qui  refuserait  de  s'y  soumettre,  et  de  payer 
l'amende  prononcée  contre  lui  par  les  vingt  hommes  -sur  la 
montagne,  sera  privé,  lui  et  ses  bêtes  de  toutes  jouissances 
de  la  forêt,  en  bois,  glandées  et  pâturages,  et  la  forêt  lui  sera 
interdite  tant  et  aussi  longtemps  qu'il  n'ait  pas  payé  et  réglé 
l'amende. 

75. 

Sur  les  branchages  provenant  de  bois  de  construction  on 
peut  prendre  et  façonner  une  voiture  ou  charrette  pleine  et 
pas  plus,  et  l'emmener  avec  soi  à  la  maison  ;  mais  on  ne  doit 
pas  rester  dans  la  forêt,  ni  y  laisser  des  domestiques,  pour 
façonner  de  ces  branchages  en  attendant  que  la  voiture 
revienne.  Si  l'on  manquait  de  voiture  on  pourra  façonner  une 
voie  de  ce  bois  et  l'entasser  en  attendant  qu'on  en  trouve  une. 
Celui  qui  n'observe  pas  ce  règlement  rompt,  s^il  est  accusé, 
six  schillings  deniers  stsbg.  Les  waldmestres  et  les  forestiers 
y  veilleront 

^  Pour  la  forêt  de  Eork,  —  8000  arpents  badois,  à  86  ares  = 
2880  hectares,  entre  la  Eintzig  et  la  Bench,  grand-duché  de  Bade, 
quinze  commifnes  intéressées,  dom.  Hanau-Lichtenberg.  —  l'aEinungs- 
gericht»  ou  tribunal  des  amendes,  se  composait  de  trente-six  juges. 
Voy.  Korîcer  Waldbriefvon  1476^  par  J.-B.  Tbencele,  Carlsruhe,  1880, 
page  27. 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  355 

76. 

A  l'avenir  personne  ne  coupera  plus  de  fane^  entre  la 
Saint-George  (23  avril)  et  la  Saint-Laurent  (10  août).  Celui 
qui  n'observe  pas  cet  article  rompt,  s'il  en  est  accusé,  quatre 
schillings.  Les  forestiers  et  waldmestres  y  veilleront 

Un  règlement  forestal  concernant  la  forêt  de  Hagaenan  (Wald-Ord- 
mmg  fur  die  hetlige  Forgt)  a  été  fait  en  1424  par  rUnterlandyogt  de  la 
Basse- Alsace,  le  ScholtheisB  et  le  conseil  de  la  ville  de  Haguenau.  Voy. 
BuUetin  de  la  Société  pour  la  conservation  des  monuments  historiques  de 
V Alsace,  n«  série,  t.  XI,  p.  163.  M. 


II 

RÈGLEMENT  DE  1585 

Les  nommés 
lickhen,  Marzolf,  waldmestre,  et  Brun,  Jean,  heimbourgue, 
de  Hatten  ;  Frankhen,  George,  waldmestre,  et  Enecht,  Panter, 
heimbourgue,  de  Rittershoffen  ;  Knecht,  Vendelin,  waldmestre, 
et  Bless,  Lazare,  heimbourgue,  de  Niederbetschdorf  ;  Burckh, 
George,  waldmestre,  et  Klein,  Jean,  heimbourgue,  d'Ober- 
betschdorf 

ayant  assemblé  au  son  des  cloches  les  communautés  sur  la 
montagne  commune,  ont  reçu  l'ordre  de  l'assemblée  entière 
d'inscrire  dans  la  lettre  forestale  les  articles  qui  suivent 
ci-après  : 

Fait  en  l'année  86. 

*  «Fahn»  ==  provincialisme  encore  en  usage  pour  «Fam»,  «Farn- 
kraut»  (JUix.y,  la  fougère  commune  serrant  de  litière  au  bétail.  — 
La  fane  dans  certaines  parties  de  la  France  (Poitou,  etc.)  se  dit  de 
l'herbe  des  plantes  bulbeuses,  des  tiges  sèches  arrachées  à  la  récolte 
des  pommes  de  terre,  des  feuilles  vertes  ou  sèches  et  aussi  des  brous- 
saiUes  dont  on  fait  du  feu  ou  de  la  litière.  Notre  texte  dit  «Fahn 
hawen». 


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356  REVUE    D'ALSACE 

Art.  1. 
A  l'avenir  tout  bourgeois  des  quatre  villages  qui  possède 
une  voiture  ou  une  charrette  n'ira  qu'une  fois,  le  jour  donné, 
dans  la  forêt  chercher  du  bois  (pour  son  propre  compte);  il  ne 
pourra  y  retourner  le  même  jour  que  s'il  était  chargé  par 
quelqu'un  qui  n'eût  pas  de  voiture,  de  lui  charrier  une  voiture 
ou  une  charretée  de  bois  et  pas  plus.  Celui  qui  n'observe  pas 
cet  article  rompt,  s'il  est  dénoncé,  six  schillings,  dont  trois  au 
rapporteur  et  trois  aux  communes.  Les  forestiers,  waldmestres 
et  un  chacun  y  veilleront. 

Art.  2. 
A  l'avenir  si  un  bourgeois  des  quatre  villages  coupe  des 
perches  (dans  la  forêt),  il  doit  façonner  et  transporter  chez 
lui  non  seulement  les  perches  qu'il  aura  coupées,  mais  aussi 
les  rameaux.  Celui  qui  néglige  cet  article  rompt,  s'il  est 
dénoncé,  quatre  schillings,  dont  deux  au  dénonciateur  et 
deux  aux  communes.  Les  forestiers  et  waldmestres  seuls  y 
veilleront 

Art.  3. 
De  même  il  a  été  convenu  et  arrêté  dans  l'intérêt  des 
quatre  communes  qu'à  l'avenir  celui  qui  bâtit  dans  l'un  des 
quatre  villages  pourra  se  servir  dans  la  forêt  de  la  scie  à 
refendre.  Il  n'oubliera  pas  d'en  prévenir  le  waldmestre  et  de 
lui  donner  sa  parole  à  la  place  de  serment  qu'il  emploiera  à 
l'usage  indiqué  d'avance,  le  bois  qu'il  refend  avec  la  scie. 
Celui  qui  ne  se^  conforme  pas  à  ce  règlement  rompt,  s'il  est 
dénoncé,  une  livre  deniers.  Les  forestiers,  waldmestres  et  un 
chacun  y  veilleront.  Dans  tous  les  cas,  il  faut  avoir  son  char- 
pentier avec  soi  et  ne  pas  aller  seul  dans  la  forêt  sous  ladite 
peine. 


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RÉGLEMENTATION  D'DNE  FORÂT  COMMUNALE  357 

III 

RÈGLEMENT  DU  1&  OCTOBRE  1595 

A  savoir, 
Ce  jouird'hui  que  Ton  compte  depuis  la  Naissance  de  Notre 
cher  Seigneur  le  Christ,  notre  Sauveur,  mil  cinq  cent  quatre- 
vingt-quinze  années,  ce  mardi  14  octobre,  le  présent  règle- 
ment, concernant  la  forêt  d' Aspruch,  a  été  fait  et  arrêté  par  les 
honorables 

Peters,  Michel,  waldmestre,  Veix,  Jean,  fils  de  Laurent, 
heimbourgue,  tous  deux  de  Hatten,  et  Loren,  George,  du 
même  endroit;  Helmes,  Henri,  waldmestre,  Kibell,  Auguste, 
heimbourgue,  et  Knecht,  Panter,  de  Rittershofifen  ;  Ëngness, 
Jean,  waldmestre,  Schmidt,  Jean,  fils  de  Théobald,  heim- 
bourgue, et  ReiflFsteck,  Marzolf,  d'Oberbetschdorf;  Knecht, 
Vendelin,  waldmestre,  Basilians,  Pierre,  heimbourgue,  et  puis 
Sturm,  Laurent,  de  Niederbetschdorf  ; 

qui  avaient  été  mandés  et  chargés  par  les  quatre  commu- 
nautés réunies  au  son  des  cloches  en  assemblée  plénière  de 
faire,  dans  l'intérêt  de  ladite  forêt  et  des  quatre  communes,  ce 
règlement  littéralement  transcrit  ci-après  : 

Banlieue  de  Hatten. 

Primo.  Dans  la  ligne  de  délimitation  entre  Hatten  et  Ritters- 

hoffen,  du  «Gauspruch»  jusque  sur  le  aRoch»,  à  travers  la 

serre,  il  faut  planter  et  entretenir  une  haie  vive  à  côté  des 

clôtures  actuelles  faites  de  branchages  et  de  lattes;  par 

contre  on  aura  le  droit  d'enclore  avec  des  branchages  de 

PAspruch,  les  champs  donnant  des  deux  côtés  (dans  les  deux 

bans)  sur  les  «Stiegel»  (petits  barrages  enclavés  dans  la  haie). 

«Erstlichen  zwischen   Hatten   und  Rittershoflen 

banscheid  vom  Gauschbruch  bis  auf  das  roch  der 

sehren  durch  und  durch  neben  disen  Zainen  und 

Dîelsteckhen  im  (ein?)  hag  sezen  und  aufpflantzen». 


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358  REVUE    D'ALSACE 

2^  Le  «  Grasweg  »  du  Westhofien  doit  êtxe  bordé  des  deux 
côtés  de  haies  jusqu'au  «Herrn  Etzeb;  la  commune  sera  libre 
cependant  de  laisser  un  chemin  ouvert  ou  non,  extérieure- 
ment au  jardin  de  Zacharie. 

S"*  Tout  le  aNiederfeld»  doit  être  enclos  à  l'avenir  de  haies 
vives  dans  tout  son  pourtour,  sauf  les  chemins  qui  le  tra- 
versent 

aKIJRATHB  BCKERLIN» 

4''  Le  canton  dit  aEuraths  Eckerlin»  doit  également  à  l'ave- 
nir être  entouré  de  haies  vives  tout  autour. 

5*  L'autre  «  Aeckerlin  »  doit  aussi  à  l'avenir  être  enclos  de 
haies. 

'  «Gaachs-»,  Gangs-,  Gausprnch»  et  «-bruch»:  anc.  communal  conpé 
par  la  Umite  des  denx  bans,  terrain  bas  et  hnmide,  donnant  naissance 
au  petit  misseau  qni  traverse  le  village  et  tout  le  territoire  de  fiatten 
de  l'Ouest  à  l'Est,  où  il  se  joint  à  la  Selzbach  au-dessous  du  ch&tean 
et  en  face  de  l'emplacement  de  l'ancienne  église  paroissiale  de  Nieder- 
rôdem.  Le  «Gauschsbruch»  du  ban  de  Hatten  ne  formant  plus  qu'une 
prairie  de  125  ares,  était  autrefois  le  1^  des  communaux  ou  «Allmende» 
du  YTestlioff,  le  long  dudit  ruisseau,  d'ensemble  5  hect  «Bruch»  = 
terrain  marécageux,  etc.;  «Gauch»  ==  cresson,  fleur  de  coucou  et  autres 
plantes  et  herbes  amères  ;  aussi  fantôme,  feu  follet,  etc.  Il  parait  qu'on 
dit  aussi  «Griesbruch»,  cependant  il  n'y  a  pas  de  terrain  graveleux 
mais  il  s'y  trouvait  autrefois  un  tir  d'où  encore  aigourd'hui  les  noms 
de  «Schiessrain  ou  ScMessmur». 

'  «Roch»  d'ord.  «Reech»  ou  «Reeg»  ;  le  «Ruegberg»,  siège  du  tribonal 
des  amendes?  C'est  l'endroit  le  plus  élevé  entre  Hatten  et  Rittershoffen, 
traversé  par  la  nouveUe  grande  route  ;  vestiges  d'anc.  constructions. 

•  «der  Sehren  durch  und  durch»  =  barrière  ;  serare  =  fermer.  Il  y 
avait  donc  des  barrières  non  seulement  à  l'entrée  des  villages,  mais 
aussi  à  l'entrée  de  leur  banlieue. 

*  «Stiegel»  =  planche  de  trois  pieds  de  haut  placée  en  travers  d'un 
sentier  dans  une  ouverture  de  haie,  soutenue  par  deux  poteaux,  bar- 
rant le  chemin  au  bétail. 

'  €  Grasweg»  =  chemin  de  la  forêt  que  suivaient  autrefois  les  pauvres 
gens  allant  chercher  de  l'herbe,  de  la  fougère  et  de  la  fléole  devant 
servir  de  nourriture  et  de  litière  à  leurs  vaches. 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  359 

'  La  partie  occidentale  de  Hatteo,  appelée  encore  aujourd'hui  «das 
WesthofFen»,  formait  autrefois  sous  le  nom  de  Westheim  un  hameau  à 
part,  entre  Hatten  et  Rittershoffen. 

Les  seigneurs  de  Lichtenberg  l'achetèrent,  en  1332,  avec  d'autres 
yiUages  du  Landgrave  d'Alsace  et  environ  vingt  ans  plus  tard  Simon 
de  L.  l'annexa,  ou  l'incorpora  sous  le  nom  de  Westhoven  à  Hatten;  l'ad- 
ministration du  bailliage  avait  conservé  l'habitude  de  le  mentionner 
spécialement  à  côté  de  Hatten:  «compte  de  Hatten  et  Westhoffen», 
disent  ses  livres  de  comptabilité  jusqu'à  la  Révolution. 

''  «Etzel»  =  pâturage  privé  et  clos,  auj.  champs  ou  prairies.  Un 
«Etzel»  =r  1  arpent  et  plus. 

*  «Euraths  Eckerlin»  probablement  pour  «Curât»,  cf.  «Curatpfrûnde» 
=  bénéfice;  nom  oublié  et  inconnue  aujourd'hui  dans  la  banlieue; 
c'est  sans  doute  le  «vorderste  et  le  hinterste  Aeckerle»  où  il  y  a  des 
champs  à  la  commune  dont  jouissent  les  différents  instituteurs  et  autres 
employés.  Une  tranche  de  forêt  de  vieux  chênes,  abattue  lors  de  la 
construction  de  la  grande  route,  vers  la  fin  du  dernier  siècle,  s'éten- 
dait jusque  près  du  village  :  c'était  le  «Bischel»  ou  «BOschel»  et  «l'Aile- 
mend  Hirlebach»  avec  la  Lach  dont  les  deux  «Eckerlein»  =  pacages 
d«  porcs  (?)  paraissent  avoir  fait  partie.  L'aAltmatt»  (anc.  «Allemend»?), 
prairies  et  le  «Pfingstwinkel  =  p&turage  du  printemps,  anc.  canton 
forestier,  sont  dans  le  voisinage. 

Banlieue  de  Rittershoffen. 

V  L'aEuchweg»  doit  être  bordé  de  haies  sauf  le  chemin  qui 
longe  raEuchmatt»  et  son  prolongement  jusqu'en  haut  au  lac 
d'Osterdorf. 

2*  Le  second  petit  Osterfeld  ou  champ  d'Osterndorf  doit 
être  entouré  de  haies  vives  sauf  les  chemins  qui  y  existent 
d'ancienne  date. 

3'  L'Osterfeld,  de  la  Serre  à  l'enclos  Scheileng,  est  à 
entourer  de  haies. 

4*  L'Osterfeld  derrière  le  cimetière  ne  doit  plus  à  l'avenir 
être  clos  qu'avec  des  branchages  d'aulnes  ou  de  saules. 

5**  L'«Og»,  de  la  rue  des  Boulangers  à  l'enclos  Dangler,  doit 
être  entourée  de  haies  sauf  les  chemins. 

6*  L'autre  aOg»  doit  être  entourée  de  haies  de  branchages 


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360  REVUE    D'ALSACE 

d'aulnes  ou  de  saules  et  pas  autrement;  on  pourra  y  planter 
des  haies  vives  jusqu'au  «haitweg». 

V  Le  district  des  champs  ou  ban  de  Rentershoffen  doit  à 
l'avenir  être  entouré  de  haies  sauf  l'enceinte  du  village  de 
Rentershoffen. 

8**  La  petite  rue  de  l'Eglise  jusqu'au  Bietzwasen  doit  aussi 
à  l'avenir  être  entourée  de  haies  vives. 

9*  De  la  rue  de  l'Eglise  à  la  grande  route  et  de  là  le  long  de 
la  grande  route  jusqu'au  pieu-borne  devant  le  vignoble  d'Hum- 
pert,  il  faut  des  haies. 

10.  Au  «Rech»,  aux  quatre  champs  situés  au-dessus  de  celai 
du  Gentilhomme  (Juncker's  ackher),  il  faut  des  haies,  puis, 
plus  loin,  au  delà  du  champ  de  George  Bless,  il  faut  de  nou- 
veau des  haies  jusqu'au  château  («Birkh»)  et  de  même  au  delà 
de  ce  dernier,  jusqu'au  ban  de  Hatten  excepté  au  chemin  de 
la  largeur  d'un  champ,  devant  la  porte  du  château,  et  à  l'autre 
chemin  qui  passe  par  le  «Gauspruch»  où,  comme  d'ancienne 
date,  il  n'en  faut  pas. 

Au  Heitberg,  il  faut  une  haie  depuis  le  gibet  jusqu'à  la  cas- 
cade devant  la  porte  du  château. 

Au  «hungersbûhrenwasen»  il  faut  des  haies. 

^  WesthofFen,  Rentershoffen  et  Osterndorf,  petits  endroits  situés 
snr  l'ancienne  grande  route  de  Hatten  à  Betachdorf,  dont  le  premier 
a  été  incorporé  à  Hatten  et  dont  les  denx  autres  ont  été  absorbés  par 
la  colonge  de  RittershofFen.  Yoy.  BuUetin  de  la  Société  pour  la  eonser- 
vation  des  monuments  historiques  d'Alsace,  U®  série,  t  X,  pp.  224-235. 

*  Tous  les  noms  de  cantons  ruraux  cités  dans  ce  chapitre  concernant 
Rittershoffen,  existent  encore  ai^'ourd'hui  les  uns  sous  la  même  forme, 
les  autres  quelque  peu  modifiés,  sauf  cependant  les  noms  des  propriétés 
particulières  y  compris  le  «Birkh'>  ou  castel  au  «Rech»  et  le  «Hochge- 
richt»  ou  gibet.  On  n'a  pas  d'autres  renseignements  sur  ce  ch&teau  on 
«Birgh»  (=  dim.  de  ««burg»);  la  tradition  locale  même  ne  parait  pins 
se  souvenir  de  son  existence;  c'était  probablement  un  des  «Hubhôfe» 
ou  maîtresses-cours  des  seigneurs  de  Fleckenstein  (Lehmakn,  Hanau-L-t 
p.  128,  ann.  1356)  qui  en  1385  étaient  la  propriété  du  chapitre  de  Sur- 
bourg  et  furent  achetées  au  xvi«  siècle  par  Hanau-Lichtenberg.  Un 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  361 

Banlieue  de  NiederbetschdorJ. 

Du  pré  dit  aHintermatt»  h  l'enceinte  du  village,  il  faut  des 
haies. 
A  TaEgnessgasse»  (rue  d'Agnèse?)  il  faut  une  haie  du  jar- 

Othon  de  RottershoTen  est  da  reste  déjà  mentionné  en  1227.  Als,  dipl, 
l,  Tï9  451.  Le  Ritterhof  se  trouvait  dans  le  village  même  et  donna  son 
nom  à  la  Rittergasse. 

Les  denx  «Og»  se  sont  régulièrement  transformées  en  q  Obère-  und 
Untere-Aue»,  c'est-à-dire  prairies.  L'«Euchmatt(Augmatt?)))  etr«Euch- 
weg»  (chemin  de  l'a  Au,  Aug,  Og»?)  ne  se  trouvent  pas  mentionnés  dans 
la  nomenclature  des  cantons  et  chemins  actuels  de  Rittershoffen  que 
je  dois  à  l'obligeance  du  maire. 

La  «Beckergasse»  n'est  pas  mentionnée  non  plus  dans  la  liste  citée» 
peut-être  est-ce  aujourd'hui  la  «Bischgasse  (?)  bister»  et  «Pfister»  = 
boulanger. 

Le  «Hungersbtthrenwasen»  =  vaine  pâture,  c'est  auj.,  je  suppose,  le 
a(das)  hungersprung».  Les  bergers,  à  ce  qu'on  dit,  avaient  l'habitude  de 
rassembler  leurs  troupeaux  repus  dans  les  «Stelli»  ou  parcs,  ou  au 
«hungerplatz»  pour  les  faire  reposer;  de  là  les  nombreux  cantons 
ruraux  de  «hungerbûhl,  -berg,  -baum,  -stall»,  d'ord.  voisins  d'anc. 
pâturages. 

Je  ne  sais  si  le  «Bietzwasen»  (pomerium,  lieu  de  réunion  pour  jeux, 
exercices,  jugements),  terrain  vague  et  gazonné,  près  de  F  enceinte  du 
village  existe  encore;  le  canton  rural  appelé  encore  auj.  «die  Bitze» 
se  trouve  du  côté  opposé  et  loin  du  village,  près  du  «grossen  Rœdern» 
=  grands  défrichements,  et  des  «Aue»  anc.  «Og»  =  prairies,  pâturages, 
et  pourrait  bien  avoir  fait  partie  du  ban  d'Ostemdorf  ou  de  celui  de 
Rentershoffen.  «Bitz,  bitzen,  bûtz»,  n.  fréq.  de  cantons  ruraux  et  dans 
des  noms  de  villages,  sur  les  deux  rives  du  Rhin  super.  Les  uns  le 
trad.  par  «busch»  (buisson);  d'autres  par  verger;  d'autres  par  jardin 
potager.  Le  mot  se  rattache  aux  anc.  pâturages,  cf.  bucetum,  bucita 
depasta  (Varro)  ;  —  bucinobantes,(?)  peuple  aleman  en  371  en  face  de 
Mayence  (Am.  Marc.  29,  4);  —  obuotzingeshurst»  ou  «buozdinges- 
hurst»  (ctélim.  du  Mundat  infér.  vni«  siècle),  etc.  En  1543,  l'abbaye  de 
Wissembourg  possédait  encore  à  Schleithal  (anc.  Schleglerthal  = 
Juvenesdal?)  un  grand  pâturage  ou  «AUmen»  appelé  «die  Horst». 
(«Horst  et  Hurst  aha.»  =  contrée  buissonneuse.) 


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362  REVUE    D'ALSACE 

din  de  «Gart-Ursule»  jusxju'à  celui  des  «Schmitthansen»;puis, 
a  en  faut  à  la  descente  vers  le  «brach»  jusqu'au  «Gutenbruch». 
Au  «Schoflloger»  («Schaflager»  =place  de  repos  des  brebis), 
au  champ  de  «Kasten  (Gaston?)  Keller>;,  au  gué,  dans  le  «Gras- 
weg»  jusqu'au  champ  de  Stimp,  il  faut  des  haies. 

Banlieue  cPOherhetschdorf. 

De  la  aHintermatt»  près  du  ban  de  Niederbetschdorf  jus- 
qu'au haut  du  «holgenacker»*  qui  s'étend  jusqu'à  la  grande 
route,  il  faut  des  haies. 

Il  en  faut  aussi  dans  la  «Bauerugasse»  le  long  du  jardin  de 
George  BUrckh  et  jusqu'en  haut  à  la  borne  du  ban  de  Schwab- 
willer. 

Le  long  du  ban  de  Schwabwiller  du  jardin  de  Singen  jus- 
qu'en haut  au  aSchwabwillersee»  on  ne  fera  plus  de  clôture 
avec  des  branchages  de  l'Aspruch,  mais  on  pourra  y  planter 
des  haies. 

Il  faut  des  haies  depuis  l'ctAugmatt»  et  le  long  du  jardin 
d'avoine  («habergarten»)  de  Thibaud  Suner  jusqu'en  haut  au 
champ  de  Georçe  Hemsel,  dit  le  jaune,  et  aux  neuf  parcelles; 
ces  neuf  parcelles  ainsi  que  le  champ  transversal  («  Abwender») 
de  Matter  qui  y  touche  et  jusqu'en  bas  au  coin,  ne  doivent 
plus  être  bordés  de  haies  de  branchages  provenant  de 
l'Aspruch  ;  les  propriétaires  y  pourront  planter,  s'ils  veulent, 
des  haies  vives.  Puis  il  faut  des  haies  depuis  le  coin  dudit 
champ  de  Matter  jusqu'au  champ  transversal  de  Biaise  Hemsel; 
les  haies  sèches  devant  ce  dernier  champ  et  le  long  du  «Sultz- 
acker»  jusqu'en  haut  au  champ  transversal  de  Gerdten-Clauss 
doivent  à  l'avenir  faire  place  à  des  haies  vives;  du  champ 
transversal  de  Gerdten  Nicolas  au  ban  de  Reimerswiller  il 
faut  des  haies. 

^  Auj.  probablement  «die  heiligen  acker»  =  champs  sacrés,  ou  des 
saints,  cf.  cependant  oholke»  =  luzerne  introduite  au  xvi«  siècle  de 
France. 


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RÈGL^IIBNTATION  D'UNB  FORÊT  COMMUNALE  363 

La  clôture  derrière  le  «Hof»  (métairie)  doit  être  faite  à 
Tavenir  de  perches  de  chênes  ou  de  fortes  planches. 


IV 

RÈGLEMENT  CONCERNANT  LES  WALDMESTRES 

Lorsqu'on  comptait  mil  cinq  cent  quatre-vingtrneuf,  le 
8'  jour  de  mai,  il  y  a  eu  désaccord  et  différend*  entre  les 
quatre  communes  et  leurs  maîtres  de  forêt  assermentés  en  ce 
que  depuis  plusieurs  années  de  trop  grands  frais  étaient 
imputés  aux  communes  ;  celles-ci  ont  alors  donné  plein  pou- 
voir à  leurs  heimbourgues  de  fixer  aux  waldmestres  un  tant 
pour  frais  et  gratification,  et  les  heimbourgues  ont  transmis 
ce  plein-pouvoir  aux  personnes  suivantes,  savoir  à 

Becht,  Jacques,  fils  de  Pierre,  de  Hatten; 

Lohren,  Théobald,  de  Rittershofien  ; 

Summer,  Marzolf,  de  Niederbetschdorf,  et 

Reifsteck,  Marzolf,  d'Oberbetschdorf ; 
tous  quatre  échevins  du  tribunal,  qui,  suivant  leur  opinion  et 
leur  sentiment  d'équité,  ont  arrêté  ce  qui  suit  : 

1**  A  l'avenir  les  waldmestres  n'auront  plus  aucun  droit  de 
vente;  si  les  prix  fixés  pour  le  bols  à  vendre  ne  leur  pa- 
raissent pas  assez  élevés  et  qu'ils  pensent  qu'on  pourrait  en 
tirer  meilleur  parti,  ils  en  préviendront  leurs  communes 
respectives  et  on  partagera  par  lots;"  et  chaque  commune 
pourra  vendre  son  bois  quand  et  aussi  cher  qu'elle  voudra 
ou  pourra  le  faire  équarrir  elle-même. 

2*  Pour  leur  séance  le  jour  du  décompte^  le  waldmestre  et 
le  heimbourgue  de  chaque  village  et  les  valets  recevront 
(chacun?)  quatre  schillings  stsbg.  et  pas  davantage. 

^  «span»  et  «Irrang». 

'  «der  Gifft  nach  abtheilen». 

•  «yfF  den  rechens  Tag  hoff». 


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I 


364  REVUE  d'alsace 

3'  Le  jour  de  décompte  une  fois  arrêté,  il  faut,  pour  Tordre, 
le  maintenir;  dans  le  cas  que  quelqu'un  oubliât  un  article 
quelconque,  il  en  fera  la  réclamation  dans  la  quinzaine  pour 
le  porter  à  la  charge  de  la  commune. 

4°  Les  waldmestres  n'auront  plus  le  droit  de  dépenser  un 
grand  «Einung»  (=  5  livres  aux  frais  des  communes)  à  la  foire 
de  RittershoflFen. 

5*  Pour  leur  visite  de  la  glandée  chaque  waldmestre,  le 
heimbourgue  et  les  deux  valets  recevront  chacun  deux  schil- 
lings stsbg. 

6*"  Si  les  waldmestres  et  de  chaque  village  un  heimbourgue 
distribuent  les  droits  (de. glandée),  les  sept*  sont  autorisés 
d'allouer  sur  ces  droits  16  schillings  stsbg.  aux  pâtres  enga- 
gés pour  l'année  2  et  n'imputeront  pas  d'autres  frais  aux 
communes  à  ce  sujet. 

f  *"  Chaque  waldmestre  recevra  en  outre  comme  récompense 
de  sa  peine  deux  livres  dix  schillings  et  double  part  de  droits 
de  parcage  de  porcs  dans  la  forêt  à  la  première  glandée  qu'il 
y  aura  et  que  l'on  partagera.  Par  contre  il  doit,  selon  son 
pouvoir,  faire  tout  ce  que  lui  prescrit  le  règlement  forestal  et 
la  présente  ordonnance  qu'il  promettra  par  serment  de  tou- 
jours suivre  fidèlement. 

Celui  qui,  ayant  été  désigné  pour  cet  emploi,^  n'exécute  pas 
le  règlement  et  en  néglige  les  prescriptions,  sera  privé  de 
toute  jouissance  de  la  forêt;  que  chacun  sache  donc  bien  s'en 
garder  et  songe  à  son  serment. 

8*  Dans  le  cas  que  le  waldmestre  eût  besoin  de  l'assistance 
du  heimbourgue,  celui-ci  doit  se  mettre  à  sa  disposition  et 
porter  ses  propres  dépenses  en  compte  à  la  commune.* 

*  on  les  arbitres. 

'  «80  soUen  die  Sieben  's  recht  haben  und  den  Jahrhirten  ans  disen 
rechten  zn  verzehren  geben  nâmlich  sechzehn  schilling  stsbgr». 

*  «und  wo  (=  wann)  einer  zu  solcher  sachen  gezogen  wirdt». 

*  Les  art.  8—12  qui  dans  le  texte  n'ont  pas  de  nnméros,  paraissent 
avoir  été  {goûtés  postérieurement. 

Voy.  Arch.  E.  1864  (liasse)  des  extraits  du  «Heimburgerbuch»  et  des 
«Heimburgerrechnangeno  des  quatre  localités. 


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RÉGLEMENTATION  d'UNE  FORÊT  COMMUNALE  36Ô 

9*"  Il  revient  aussi  au  waldmestre  comme  gratification  deux 
schillings  stsbg.  que  lui  paiera  celui  qu'il  sera  obligé  d'accom- 
pagner dans  la  forêt  pour  couper  du  bois  de  construction  si 
toutefois  il  s'agit  d'arbres  de  choix- 

10*  Touchant  les  prés  des  quatre  villages,  il  faut  cesser  à 
l'avenir  de  les  enclore  de  haies  faites  de  branchages  de 
TAspruch  et  suivre  les  prescriptions  de  la  lettre  forestale. 

IP  Quant  aux  champs  ensemencés,  chaque  bourgeois  des 
quatre  villages  est  tenu  de  les  entourer  de  haies,  suivant  le 
règlement  d'ici  à  la  Saint-George  (23  avril)  où  les  waldmestres 
feront  leur  tournée  d'inspection;  pour  ce  qui  est  des  champs 
en  jachère,  ils  doivent  être  enclos  de  haies  de  la  présente 
Saint-Gall  (16  octobre]  en  un  an;  chaque  année,  à  l'époque 
prescrite,  les  waldmestres  visiteront  ces  champs  et  le  proprié- 
taire qui  sera  trouvé  en  défaut  au  sujet  de  ces  clôtures  aura 
à  payer  une  amende  de  quatre  schillings.  Sur  ces  amendes  les 
waldmestres  prélèveront  ce  qu'il  leur  faut  pour  se  défrayer 
convenablement  et  tiendront  compte  du  reste  aux  quatre 
communes. 

12''  Deux  voisins  dont  les  champs  se  touchent  de  côté  ou  de 
front,  ayant  une  clôture  commune,  doivent  faire  en  commun 
la  haie  dont  l'entretien  pendant  l'année  incombe  à  celui  des 
deux  dont  le  champ  est  ensemencé  sous  ladite  peine. 


V 
AN:  1601 


a)  Lorsqu'on  comptait  mil  six  cent  un,  les  domestiques  de  la 
vénérable  abbesse  du  couvent  de  Kônigsbruck*  se  sont  avisés 

^  EOnigsbrûck,  on  comme  dit  notre  document  et  le  dialecte  dn  pays 
aEûn'sprûcku  =  Regispons,  abbaye  de  filles  nobles,  de  l'ordre  de 
Citeanx,  snr  la  Snre,  à  l'extrémité  sud-est  de  l'Aspruch,  fondée  dans 
la  première  moitié  dn  xn^  siècle  par  Frédéric-le-Borgne,  f  1147,  duc 


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366  REVUE    D'ALSACE 

d'entrer  dans  l'ancienne  rivière  dite  «Ablossbach»  (c'est-à- 
dire  déversoir  ou  canal  de  décharge  du  moulin  du  couvent  sur 
la  Surbach)  entièrement  située  sur  le  territoire  des  quatre 
communes,  pour  la  curer  et  cela  à  Tinsu  et  sans  le  consen- 
tement des  quatre  communes,  ce  dont  ils  n'avaient  pas  le 
droit.  En  conséquence  de  quoi  les  quatre  communes  ont  cité 
l'intendant  de  M""'  l'abbesse,  Heigell,  Gaspard,  et  avec  lui, 
David,  George,  de  comparaître  sur  le  «Ruegberg»  ou  mon- 
tagne du  tribunal  forestier  des  quatre  conmiunes  où  les  vingt 
hommes  les  condamnèrent  à  une  amende  exterritoriale  (de 
cinq  livres).  Les  deux  serviteurs  qui  étaient  comparus  sur  la 
montagne  ont  attendu  l'expédition  du  jugement  pour  s'arran- 
ger et  s'acquitter,  en  présence  du  vin,  avec  les  heimbourgues 
et  les  waldmestres  au  sujet  de  l'amende. 

b)  Dans  la  même  année  six  cent-un  (=  1601),  le  gentilhomme 
(Junkher)  Philippe  de  Fleckenstein  (du  château  près  Rodem) 
s'était  permis  de  faire  enclore  par  ses  manans  (hintersassen) 
le  arothD  ou  défrichement  d'Apfiell  et  celui  de  Diethmann; 
les  quatre  communes  l'ayant  appris,  firent  arracher  les  clô- 
tures de  ces  défrichements  ou  aRedern»,  sur  quoi  «Philips» 
de  Fleckenstein  les  fit  fermer  de  nouveau  par  Schmidt,  Nico- 
las, et  Jacob,  Jean,  tous  deux  de  (Nieder-)Redern;^  mais 

de  Sonabe  et  d'Alsace,  père  de  Frédéric  Barberousse,  a  été  pillée  et 
minée  en  1525  par  les  paysans  et  complètement  détruite  dans  la  RéTO- 
Intion.  Le  conyent  de  Lichtenthal,  près  Baden,  fondation  de  notre 
abbaye,  a  offert  un  asile  aux  religieuses  de  Eônigsbrûck,  avec  tout  ce 
qu'eUes  ont  pu  sauver  en  titres,  documents,  etc.  Le  hameau  de  Eônigs* 
brûck  fait  partie  du  village  de  Leutenheim,  canton  de  Bischwiller. 

^  Les  habitants  de  NiederrOdem,  à  l'extrémité  nord-est  de  l'Aspruch, 
avaient,  avec  les  autres  villages  environnants,  le  droit  de  recueillir 
du  bois  mort,  mais  non  de  couper  du  bois  vert,  dans  PAspruch, 
le  ch&teau  des  Fleckenstein,  placé  dans  une  fie  de  la  Seltz,  sur  le 
territoire  des  quatre  communes,  aujourd'hui  banlieue  de  Hatten, 
avait  bien  ce  droit,  mais  pour  ses  seuls  besoins.  Voy.  procès  de  1511 
(ms)  des  quatre  villages  contre  Nicolas  de  Fleckenstein.  Aujourd'hui  le 


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RÉGLEMENTATION  D'UNE   FORÊT  COMMUNALE  367 

pendant  que  ces  derniers  palissadaient  ces  «reder»  avec  des 
branchages  et  des  pieux  qu'ils  avaient  clandestinement  coupés 
(dans  PAspruch),  ils  furent  surpris  par  un  forestier  des  quatre 
communes  qui  les  cita  (devant  le  tribunal  des  amendes)  sur 
la  montagne,  où  ils  se  sont  arrangés  avec  le  waldmestre  et 
se  sont  acquittés  de  Tamende. 

c)  Item.  —  On  a  trouvé  utile  d'arrêter  aussi  que,  quand  on 
charrie  du  bois  de  corvée  au  château  (de  Hatten),  personne 
du  village  chargé  de  la  corvée,  ni  artisan,  ni  paysan,  ni  char- 
château  appartient  à  quelques  familles  de  Ménonites,  qui  de  ce  chef 
sont  bourgeois  de  Hatten. 

Pendant  la  guerre  des  Linanges-c.  Lichtenberg  (1451),  Henri  de 
Fleckenstein  s'était  ade  nouveau»  approprié  de  force  quelques  aRdder» 
dans  l'Aspruch,  lesquels,  sur  la  condamnation  prononcée  contre  lui  par 
le  roi  Frédéric  IV,  il  dut  abandonner,  et,  en  1452,  il  fit  la  déclaration 
écrite  que  ces  «rôder»  avaient  été  reboisés  et  étaient  rentrés,  comme  de 
droit,  dans  la  possession  des  quatre  villages  auxquels  ils  appartenaient. 
Voy.  Lbhmann,  JETanau-XtcAfenderp,!,  pp. 285-286.  —  «roden»  et  «reuten» 
(ariuten,  ritten»)  signifient  défricher  (runcare,  enmcare\  essarter  (sarire, 
exsaritare);  cf.  «hereiten^,  pr€Bparare,  etc.  Le  terrain  défriché  se  disait  : 
un  «rod»,  ou  «rott»  («Rodland»),  au  pluriel:  «die  Rôder»,  ou  «das 
Gereute,  G'rùt,  Reit,  Ried»,  etc.  cf.  en  fr.  guéret,  n.  c.  et  n.  de  ville; 
Neubois^  s'appelait  autrefois  (an.  1158)  Curtis  geruta,  —  In  novo  twre 
quod  dicitur  rode.  —  ....  Et  in  mense  Jun.  hrachareidterum  et  in 
autumno  ipmm  arare  et  seminare.  Nbuqabt,  Cod.  dipl.  I,  n^  40,  p.  43, 
afî.  763. 

Un  grand  nombre  de  villages  alsaciens  et  ail.  tirent  leur  nom  de  ces 
mots  «roden»  et  «reuten»,  à  coup  sûr  aussi  le  village  en  question,  de 
même  que  Ober-Rôdem,  à  six  kilomètres  plus  haut  sur  la  Selz;  peut- 
être  aussi  Erôttweiler,  anc.  Kreitweiler,  vulg.  6r&bem  ou  Erepperen, 
entre  Nîederrôdem  et  Trimbachl'anc.  Drigenbach,  aux  trois  ruisseaux. 
—  Le  nom  de  notre  village  existe  sous  les  deux  formes  de  Rôdem  et 
Rfldem  :  Sous  l'abbé  Hugues  (1356)  l'abbaye  de  Selz  avait  deux  fermes 
•in  terminis  ville  dicte  Rûdern»;  la  constitution  de  Selz  (1310)  dit  <zu 
Rûdern». 

Le  nom  de  ce  village  n'a  donc  rien  de  commun  avec  le  mot  «roth» 
signifiant  ronge,  partant  rien  de  commun  avec  le  Rufiana  de  Ptolémée, 
2«  ville  des  Nemètes  (Walkenaer);  ni  avec  des  fleurs  rouges  (Migneret, 


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368  REVUE    D'ALSACE 

retier  n^aura  le  droit  de  façonner  les  décombres  pour  son 
propre  compte  le  jour  de  la  corvée;  mais  si  le  lendemain  on 
trouve  encore  quelques  pièces  de  dosse  ou  d'autres  décombres, 
on  a  le  droit  de  les  façonner  à  son  gré.  Celui  qui  dédaigne 
cet  article  rompt,  s'il  est  découvert,  quatre  schillings  deniers. 
Seuls  les  forestiers  et  les  waldmestres  en  jugeront 


d)  Sur  une  feuille  détachée  se  trouve  la  formule  du  serment 
prêté  par  les  employés  à  leur  entrée  en  fonctions.  Elle  est 
ainsi  conçue  : 

Da88  Ich  mein  Treiltv  gehen  hdb  Undt  mit  Wartten 
Bescliaiden  Un,  dem  ivill  Ich  ailes  'Trewlichen  Nadi- 
kommen.  Ails,  so  schwere  Ich  dass  mir  Qott  hélffxmi 
dos  heilig  Evangelium» 

J'ai  donné  ma  foi,  et  reçu  verbalement  mes  instruc- 
tions, que  j'observerai  en  tout  fidèlement;  je  le  jure, 
que  Dieu  me  vienne  en  aide  et  le  saint  Evangile. 

Bas-Rhiii);  ni  avec  le  mot  celtique  ctRiedern»  =  pente,  que  Ini  donne 
pour  origine  Mone,  G.  F.  p.  125.  On  ne  connaît  pas  le  nom  de  l'ancien 
village  gallo-romain  qni  parait  avoir  existé  près  de  là. 

A  nne  lieue  au  sud  de  Rôdem  il  y  a  toute  une  contrée  de  terres- 
basses  sur  les  deux  rives  du  Rhin  qu'on  appelle  le  «Ried»,  autrefois 
exposée  aux  inondations  du  Rhin,  d'un  terrain  en  grande  partie  humide 
et  graveleux;  on  l'appelait  au  M.  A.  palus;  cette  désignation  dérive 
bien  plutôt  du  mot  celtique  «ryd,  rat,  red»  (cf.  AU.  %R,  I,  p.  55  et  p.  653), 
=  trqjectus  et  auBsi  ostia  fluminis  (cf.  «Furdes-feld  anc.  nom  p.  Forst- 
feld)  que  de  l'ail,  «hriod»  =  oarex. 

WxHNERus,  Ohserv,  jur.  pract.  contient  les  mots  de  «Aeckerriedt  et 
«Heuried»,  ce  sont  des  Mches,  terrains  abandonnés  ni  prés,  ni  en  labour, 
servant  ici  de  p&tis  aux  bestiaux,  caresium  {carectum\  là,  sous  quelques 
vieux  chênes,  de  pacage  aux  porcs;  c'est  le  «rudis  ager»  ou  «campus». 

n  faut  donc  bien  distinguer  entre:  «Ried»,  celt  «ryd»  =  pains; 
«Ried»  («hriod»  =  carex\  p&tis  ;  et  «Ried»  de  «riuten»  =  «rod»  qui  an 
M.  A.  «coMW  etprtsdiola  in  sQvis  tumter  exdsis  denotavit» 


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KÈGLBMENTATION   D'UNE  FORÊT  COMMUNALE  369 

REGISTRE  DES  76  ARTiaES  DU  1"  RÈGLEMENT  AN.  1572 

Bois  de  chêne  pour  maisons  à  quatre  étages  (pignons):  art.  1®'.  — 
à  trois  pignons  :  2.  —  Sans  balcon  (poutre)  :  3.  —  Grange  de  quatre 
étages  :  4.  —  Grange  de  trois  étages  :  5.  —  Nouvel  étage  :  6.  --  Démoli- 
tions :  7.  —  Etable  :  8.  —  Bois  de  construction  à  tirer  des  abatis  :  9.  — 
Condition  et  époque  de  la  coupe  :  10  et  11.  —  Chêne  pour  seuils  et 
maîtres-poteaux  dans  les  réparations  :  12. — Entraits  :  13.  — Vidanges:  14. 

Bois  de  hêtre  :  Arbre  à  lattes:  15.  —  Etançons,  etc.:  16.  —  Amendes: 
17.  —  Jantes  :  18.  —  Rais,  «essen»:  19.  —  Défense  d'en  couper  à  qui 
n'est  pas  charron  :  20.  —  Hêtre  pour  maie  :  21.  —  Mangeoire  :  22  — 
Bancs  et  chaises  :  23.  —  «Deissdrom»  ou  lambourde  :  24.  —  Echiffre 
dHin  escalier  :  25. 

Bois  arsins:  26.  —  Amende:  27.  —  Fûts:  28.  —  Tonnelier:  29.  — 
Exportation  d'ustensiles  interdite  :  30.  —  Chablis,  chêne  :  31.  —  Cha- 
blis en  général  :  32.  —  Arbres  secs  :  33. 

Branchages  et  gaiiles  :  34.  —  Défense  de  couper  des  tiges  pour  piquets  : 
35.  —  Pour  échaliers  :  36.  —  Epine  blanche  :  37.  —  Harts  :  38.  — 
Amende  :  39.  —  Bornes  et  bois  en  défends  :  40.  —  Défense  d'exporter 
gaules  et  branchages:  41.  —  Ainsi  que  du  bois  de  feu  et  de  construc- 
tion: 42.  —  Forêt  interdite  à  la  voiture  d'un  étranger:  43.  —  A  ses 
bâtes  :  44.  —  Et  au  dépôt  de  bois  étrangers  :  45.  —  Clôture  de  la  pro- 
priété :  46. —  Clayonnage  et  bousillage  :47.  —  Vente  de  pieds  d'arbres  :  48. 

—  Amendes  :  pour  charrois  de  chêne  :  49.  —  De  hêtre  :  50.  —  Etrangers 
et  outre-passes:  51.  —  Cueillette  :  52,  —  Comptes  et  salaires  des  maîtres 
de  forêt:  53.  —  Consolidation  des  chemins  :  54.  —  Amendes  :  en  glandée 
et  en  pâturage  :  55  et  56.  —  Décombres  du  bois  coupé  pour  travaux 
publics:  57.  —  Prohibition  de  couper  du  pin  ou  du  hêtre  pour  feu:  58. 

—  Jantes  de  moulin:  59.  —  Défense  d'appointer  dans  la  forêt  des 
piquets  :  60. — Prohibition  de  couper  déjeunes  hêtres  pour  le  château:61. 

—  Clôtures  le  long  des  champs  :  62.  —  Défense  de  couper  du  bois  pour 
charbons  :  63.  —  Les  forgerons  carboniseront  leur  bois  étranger  sur 
l'aAllmemo  :  64.  —  Entretien  et  inspection  des  bâtiments:  65.  —  Un 
pot  de  vin  :  66. 

Parcage  :  67.  —  Achats  de  porcs  :  68.  —  D'une  truie  :  69. 

Bourgeois  :  surveillance  :  70.  —  Promesse  (de  l'exercer)  des  nouveaux 
bourgeois  :  71.  —  Chêne  à  planter  par  chacun  d'eux  :  72.  —  Bois  pour 
pasteur  ou  curé  et  bedeau  :  73.  —  Tribunal  des  amendes  des  vingt  sur 
la  montagne  :  74. 

Décombres  du  bois  de  construction  :  75.  — 

Le  no  76,  sur  la  fougère  ou  la  fane,  manque  dans  le  Registre. 

(Fin  du  2«  Document) 

D.  HtiCKEL. 
Nouvelle  Série.  —  11-  année.  24 


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LinERATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINE 


BAVARDAGES 


DE 


lESDUES-IES-GOOH  DE  STMSBOi; 

entremêlés  de  quelques  autres 
COMMÉRAGES  ALSACIENS 

Suite' 


XII 

EHRENFRIED  STŒBER 


L'ENFANT-MONSTRE 

Conte  de  Gbllbbt,  localisé  et  dramatisé  par  Ehsenfbibd  Stœbbb 

I 

Suseb&rwel  et  Grételéiie' 

S.-B. 
Vous  n'emmenez  personne.  Où  donc,  dites,  cousine, 
Allez-vous  de  ce  pas? 

G.-L. 
De  chez  notre  voisine 

^  Voir  les  livraisons  des  1«'  et  2«  trimestres  1882. 
'  Suzanne-Barbe  et  Marguerite-Madeleine. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINE  371 

Je  sors,  pensez!  qui  vient  d'accoucher  d'un  enfant, 

Le  septième  déjà!  * 

S.-B. 
Pas  plus  que  ça!  Pourtant 
En  des  temps  si  mauvais  elle  pourrait  bien  faire 
De  toute  autre  besogne.  On  s'étonne  vraiment 
Que  chez  un  tas  de  gens  si  pauvres  la  soupière 
Fumeencor! 

G.-L. 
Je  l'avoue,  et  chez  eux  la  misère 
Las!  redouble  en  ce  jour.  Un  enfant!  quel  enfant! 
Si  j'en  devais  avoir  avec  marques  pareilles, 
J'aimerais  mieux  rester  sans  en  avoir  aucun. 

S.-B. 
Mais  comment  donc  est-il? 

G.-L. 

L'enfant  a  des  oreilles 
De  lièvre.  Pourquoi  donc?  En  temps  inopportun 
La  femme  eut  peur  d'un  lièvre  auprès  d'une  brousaille 
Du  bois  de  Robertsau.  De  nos  jours  on  se  raille 
De  bien  des  choses.  Mais  on  ferait  pourtant  mieux 
De  croire  encore  tout  ce  qu'ont  cru  nos  aïeux  : 
Au  moins  c'est  mon  avis! 

S.B. 

Ça  paraît  incroyable. 
Voudriez-Yous  me  faire  avaler  un  poisson 
D^avril. 

G.-L. 
Cousine,  non!  la  chose  est  véritable! 
Mais  gardez-la  pour  vous. 

S.-B. 
Vous  pouvez,  sans  façon, 
Compter  sur  moi,  cousine.  Eh!  suis-je  une  crécelle, 


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372  REVUE   d'ai^ace 

Une  bavai'de  enfin?  Je  n'en  dirai,  ma  belle, 
•     Ni  soufflerai  le  mot.  Pardon,  je  vais  entrer 
Chez  notre  serrurier  qui  doit  me  réparer 
La  rôtissoire,  qui  grâce  à  notre  a&eux  Jacque, 
Ce  gamin,  ce  vaurien,  se  casse  et  se  détraque. 


II 

Snseb&rwel.  La  sermrière 
S.-B. 
Oh!  que  ça  vous  étonne!  il  n'en  est  pas  moins  sûr 
Que  l'enfant  est  bien  laid.  Des  oreilles  de  lièvre. 
Avec  des  poils  autour  du  nez  et  de  la  lèvre. 

S. 
Ah!  que  Dieu  me  pardonne! 

S.-B. 

Eh!  que  dit  sur  le  mur 
De  l'église  là-bas  ce  grand  cadran  solaire? 
Midi! 

S. 
C'est  vrai,  ma  foi!  Puis  il  n'avance  guère 
Sur  la  cloche. 

S.-B. 
Le  temps  s'en  va  vite,  ma  foi! 
Mes  quatre  heures  déjà  que  j'ai  quitté  chez  moi, 
Et  je  croirais  vraiment  que  ce  n'est  qu'un  quart  d'heure. 
Pauvre  enfant!  Je  m'en  vais  regagner  ma  demeure. 


III 

Efttliel.  Chiistiiiel 

K. 
Le  grand  malheur,  o  ciel!  as-tu  vu  le  petit 
Des  Werner  ?  Pauvre  enfant  ayant  tête  de  lièvre, 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINB  873 

Avec  un  corps  poilu,  les  pattes  d'une  chèvre. 

Ch. 
Oui!  ce  matin  quelqu'un  me  Tavait  déjà  dit 
Peut-on  le  voir? 

K. 
Oh  non  !  des  dames  d'importance, 
Aux  paroles  de  qui  je  mets  ma  confiance, 
L'ont  vu.  Pour  moi  je  vous  rapporte  leur  récit! 


IV 

Heyel.'  La  dame  du  pasteur 

M. 
Le  boiyour  de  la  part  de  madame,  du  mattre. 
Dimanche  ils  aimeraient  présenter  leur  enfant 
Au  baptême. 

D.  DU  P. 
Fi  donc  !  Prendriez-vous  peut-être 
Mon  mari  pour  un  homme  assez  accommodant 
Pour  baptiser  un  monstre  avec  une  crinière 
De  sanglier?... 

M. 
Mais  non!  calmez  votre  colère. 


V 

Dame  Wemer  et  Heyel 

W. 
Ça  va  de  bouche  en  bouche.  Et  maître  et  serviteur, 
Tout  en  plaignant  l'enfant,  colportent  son  malheur. 

'  Marie. 


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374  REVUE    D*ALSACB 

Qu'y  a-t-il  donc  de  vrai,  moi  je  vous  le  demande, 
Dans  toute  cette  histoire?  Il  a  quelques  cheveux. 
Comme  d'autres  enfants,  ToreiUe  un  peu  plus  grande. 
Et  de  ça  Ton  vous  fait  bientôt  un  monstre  afireux  ! 

* 

VI 

Voilà  le  beau  travail  de  ces  mauvaises  langues 
Qui  s'en  vont  en  tous  lieux  colporter  leurs  harangues. 
Une  seule  en  produit  beaucoup  en  peu  de  temps. 
Qui  voudrait  changer  ça?  —  Toujours  les  médisants 
De  petits  moucherons  feront  des  éléphants. 

Rioz,  24  mars  1881. 

Ce  conte  de  Gellert  a  beanconp  gagné  d'être  mis  ions  la  forme  dra- 
matique qne  Eh.  Stœber  Ini  a  donnée.  Puisse  ma  traduction  ne  pas  trop 
lui  faire  perdre.  Ch.  B. 


LE  MEILLEUR  DES  MONDES 

Réjouissez-vous,  braves  gens, 
Nous  vivons  dans  de  bien  bons  temps. 
Dans  Page  d'or,  au  Paradis  ! 
Chacun,  bon,  modeste  et  soumis 
Au  devoir,  à  la  probité, 
Exerce  encor  la  charité. 

Montrez  donc  un  enfant  boudeur. 
Chacun  ne  songe  qu'au  bonheur 
De  ses  parents,  obéissant 
Au  premier  mot.  Devient-il  grand 
Au  père  il  complaira  toujours. 
Fille  jamais  n'aura  d'amours. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE   DE  L'aLSACE-LORRAINE  375 

Où  voit-on  femmes  se  parer, 
Ou  leurs  maris  les  rembarrer? 
Où  voit-on  des  soldats  brutaux? 
Ou  bien  des  marchands  déloyaux? 
Ou  bien  des  docteurs  charlatans? 
Des  bavardes  perdant  leur  temps  ? 

Jamais  plus  d'avocats  menteurs, 
Et,  même  les  prédicateurs 
Ne  prêchent  que  la  vérité. 
Partout  justice  et  probité  ! 
Non!  nul  joueur  ne  triche  plus. 
Tout  prince  abolit  les  abus. 

Aucun  paysan  n'est  grossier. 
Je  voudrais  partout  publier 
Notre  bonheur!  Eh  quoi!  comment! 
Pourquoi  donc  cet  étonnement? 
Ne  froncez  pas  tant  le  sourcil  : 
Nous  sommes  au  premier  avril. 

Rioz,  le  23  juillet  1881. 


LE  CHEVAL  A  TROIS  JAMBES 

Superstition  strasbonrgeoise 

Si  chaque  Strasbourgeois  connaît 
Le  cheval  à  trois  jambes, 

Aucun  d'eux,  j'en  suis  sûr,  ne  sait 
Ni  ses  façons  ingambes, 

Ni  ses  farces.  Si  vous  voulez. 

Ecoutez-moi,  vous  connaîtrez 
Le  cheval  à  trois  jambes. 

Fritz,  le  garçon  du  serrurier 
Sur  la  Petite  Place, 


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376  REVUE   d'alsace 

Savait  chanter,  sauter,  crier, 
Et,  sans  laisser  de  trace. 
Au  lieu  de  marcher,  sautillait, 
De  sorte  qu'on  ne  l'appelait 
Que  cheval  à  trois  jambes. 

Il  meurt.  On  l'enterre  à  Saint-Gall, 
Au  ciel  s'en  va  son  âme. 

Il  dit:  «Vous  serait-il  égal, 

(A  moins  qu'on  ne  réclame  !) 

Portier  du  ciel,  de  me  laisser 

Descendre  un  peu  pour  m'amuser 
En  cheval  à  trois  jambes?» 

Tout  d'abord  Pierre  ne  veut  rien 
Entendre  et  dit:  «Berulciueî 

Petit  farceur!  je  vois  trop  bien 
Que  tu  ferais  la  nique 

Aux  peureux  que  le  moindi-e  bruit 

Fait  crier  au  spectre,  à  l'esprit, 
Au  cheval  à  trois  jambes.» 

Fritz  continue  à  supplier 
En  disant:  «Je  m'engage 

A  ne  troubler  et  n'effrayer 
Que  les  méchants.  Le  sage, 

Je  promets  de  le  respecter.» 

Pierre  finit  par  contenter 
Le  cheval  à  trois  jambes. 

Et  mon  Fritz  descend  doucement 
Un  beau  soir  de  dimanche 

Dans  la  ville  où  la  neige  étend 
Comme  une  nappe  blanche. 

Et  Fritz  bondit,  fait  maint  bon  tour, 

Depuis  dix  heures  jusqu'au  jour, 
En  cheval  h  trois  jambes. 


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LITTÉAATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSAŒ-LORRAINB  377 

Dans  son  traîneau  voyez  ce  vieux 

Avare,  autant  que  riche. 
Mon  Fritz  se  dit  :  «Il  ferait  mieux 

De  se  montrer  moins  chiche  ! 
Plus  généreux!»  Il  va  heurter 
Le  traîneau,  qu'il  fait  culbuter  : 

Bien!  cheval  à  trois  jambes! 

Un  soir,  ruelle  du  Savon,       ^ 

Voyant  par  la  fenêtre 
Monter  des  voleurs,  il  dit  :  «Bon  ! 

Je  ferai  disparaître 
L'échelle!»  D  la  renverse  et  fait 
Saisir  les  voleurs  au  collet  ! 

Bien  !  cheval  à  trois  jambes  ! 

Pour  la  prière  du  matin 

Déjà  la  cloche  sonne. 
Gros  livre  de  prière  en  main 

Voyez  cette  personne 
Traverser  le  pont  Saint-Thomas. 
Eh  bien!  que  vois-je  donc  là-bas? 

Le  cheval  à  trois  jambes. 

Il  court  et  va  pousser  le  bras 

De  la  vieille  usurière, 
(Car  c'en  est  une)  et  fait, . . .  hélas  !. . . 

Tomber  dans  la  rivière 
Le  livre  pieux  qui  contenait 
Des  billets  auxquels  on  tenait  : 

Bien  !  cheval  à  trois  jambes! 

Si  tard  avec  un  officier, 

Qui  donc  fait  l'empressée  V 
Du  jeune  fils  d'un  menuisier 

La  belle  fiancée. 
Malgré  ses  cheveux  bien  nattés 


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378  REVUE    D'ALSACE 

Punis  ses  infidélités, 

Viens,  cheval  à  trois  jambes  ! 

U  vient  en  effet.  Sur  le  dos 
Il  la  prend  et  démarre, 

La  jetant  bas,  bien  à  propos. 
Au  milieu  d'une  mare. 

Cela  lui  calme  son  ardeur. 

Que  tu  fais  bien,  petit  farceur 
De  cheval  à  trois  jambes! 

Pierre,  en  voyant  cet  exploit,  rit 
A  se  tenir  le  ventre  : 

«On  fait  très  bien  quand  on  punit 
Les  méchants,»  dit-il,  «rentre 

Au  Paradis,  chez  les  élus!» 

Depuis  ce  temps  on  ne  voit  plus 
Le  cheval  à  trois  jambes. 

Haguenau,  le  8  octobre  1880. 


MA  PRÉFÉRÉE 
Tes  grâces,  tu  sais  bien  les  faire 

Admirer,  c'est  un  fait! 
Aussi,  crois-le,  je  te  préfère 
A  Lise  ainsi  qu'à  KaBth; 
Car  Kseth  et  Lise, 
Et  Lise  et  Kœth 
Ont  belle  figure  et  teint  net 

Et  gracieuse  mise. 
Mais  bien  moins  aimable  manière 

Et  ne  font  pas  de  bonds 
Comme  toi.  Tu  m'es  donc  plus  chère, 
Ma  chatte  aux  doux  ronrons  ! 

Haguenau,  13  octobre  1880. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE   DE  L'A(£ACB-L0RRAINB  379 

DAME  BUCHLER 

ou  la  femme  malade 

Fst!. . .  Venez  donc  entendre  une  très  belle  histoire 

De  Madame  Bûchler!  Et  vous  pouvez  la  croire 

Véritable  en  tous  points.  Mais  ne  dites  jamais 

De  qui  vous  la  tenez.  Sa  servante  l'a  dite 

A  la  mienne,  cousine,  et  vous  pouvez,  par  suite, 

La  croire  :  les  détails,  les  moindres,  en  sont  vrais  ! 

Vous  connaissez  la  dame,  et  savez  qu'elle  est  belle 

Et  platt  à  son  mari  Vous  savez  même  qu'elle 

Plaît  à  d'autres  encor.  Cette  dame  Bûchler, 

Il  n'y  a  pas  longtemps,  se  trouvait  en  visite 

Où  l'on  prend  du  café,  l'on  rit,  l'on  en  débite 

Contre  tous  les  voisins.  Elle  avait  très  bon  air 

Et  se  portait  fort  bien.  Soudain  une  faiblesse 

La  saisit  au  moment  où  sa  voisine  entrait 

Dans  la  même  maison.  Elle  se  lève  et  fait 

Ses  salutations,  va  chez  elle,  s'affaisse 

Et  s'alite  aussitôt.  La  servante,  aux  abois, 

Se  dit:  «Qu'a  donc  Madame?  Elle  se  meurt,  je  crois!» 

Mais,  au  lieu  de  répondre,  elle  se  met  à  geindre, 

Et  la  bonne  voit  bien  qu'il  y  a  lieu  de  craindre 

Une  crise  de  nerfs,  des  crampes.  Jour  fatal! 

Monsieur  est  au  comptoir.  La  servante  l'appelle 

Aussitôt  Promptement  il  arrive  auprès  d'elle 

Et  dit  :  «Mon  cher  enfant,  dis-moi  quel  est  ton  mal?» 

~  «Embrasse-moi,  dit-elle,  o  mon  cher,  mon  trésor! 

Que  j'ai  mal!  près  de  moi  que  l'on  ramène  encor 

Mon  fils,  mon  petit  Fritz,  afin  que  je  le  voie 

Pour  la  dernière  fois.  Que  j'ai  mal!  Promptement 

Je  sens  venir  ma  fin  !»  Notre  homme  s'apitoie. 

Il  se  frotte  le  front,  il  pâlit.  Justement 

Un  compère  était  là  qui  par  la  Syfnpathie 


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380  REVUE    O' ALSACE 

De  la  dame  voulut  guérir  la  maladie. 

Mais  le  mari  refuse  et  mande  incontinent 

Un  docteur.  Comme  il  souifire!  ah!  quel  afireux tounnent! 

Il  est  sur  des  charbons,  il  tremble,  il  s'inquiète! 

Le  docteur  se  présente  :  un  homme  comme  il  faut 

Il  va  tâter  le  pouls,  écrit  une  recette. 

Dit:  €  C'est  une  boisson  dedans  un  petit  pot, 

Vous  la  lui  ferez  prendre.  Elle  a  la  scarlatine!» 

Vient  le  troisième  jour!  On  regarde,  examine  : 

Point  de  taches  du  tout  !  C'était  donc  une  erreur! 

Ailleurs  était  le  mal  !  Mais  un  nouveau  docteur 

Arrive,  et  prétend  lui,  que  c'est,  sans  aucun  doute, 

Un  rhumatisme  aigu,  peut-être  encor  la  goutte, 

Et  puis  prenant  un  air  solennel  et  savant 

Notre  docteur  lui  fait  prendre  un  électuaire. 

Mais  la  femme,  malgré  tout  ce  qu'on  put  lui  faire 

Avaler,  s'affaiblit,  va  toujours  plus  avant 

Vers  la  mort  !...  «  Hola  !  ho  î  •  —  «  Qui  donc  frappe  à  la  porte? 

Entrez!. . .  C'est  le  tailleur!  Bock!  Est-<îe  qu'il  apporte 

Ma  robe  de  cercueil?»  —  «Ah!  Madame  Bûchler  ! 

M'en  garde  le  bon  Dieu  !  Je  vous  apporte  un  fier 

Costume  !  Maintenant  tout  le  beau  monde  en  porte  : 

Un  beau  manteau  lilas  avec  un  capuchon. 

Voulez-vous  que  je  vous  en  fasse  un  de  la  sorte? 

«Commandez!»  —  «Maître  Bock,  je  suis  à  moitié  morte! 

Que  pensez-vous?  C'en  est  un  comme  ce  torchon, 

La  voisine,  en  avait,  lorsque,  dans  ma  visite 

Je  me  trouvais  si  mal!  Le  monstre!  Ça  m'irrite! 

Ah!  le  mal  me  reprend!  Soulève-moi,  mon  cher; 

Encore  un  petit  peu!  Viens  aider,  Catherine. 

C'est  un  joli  travail,  et,  plus  je  l'examine, 

Plus  je  le  trouve  beau!  Quelle  façon  divine! 

Mais  c'est  trop  cher  pour  moi!»  Ce  bon  Monsieur  Bûchler 

Qui,  vous  me  le  croirez,  est  bien  le  plus  brave  homme, 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  l'AI^ACE- LORRAINE  881 

Lui  dit:  «Moi,  je  ne  veux  regarder  à  la  somme  ! 

Tu  Tauras,  ce  manteau!  Mais  guéris  vitement!» 

Dame  Bûchler  rougit  Elle  devient  aimable, 

Elle  n'est  plus  malade,  et  d'une  voix  affable 

EUe  dit:  «Maître  Bock,  aidez-moi  seulement 

A  l'essayer!»  Il  va.  Qu'arrive-t-ilV  La  dame 

Guérit,  grâce  au  manteau. . .  Bonne  dame  Bûchler  !. . . 

Profitez,  bons  maris,  de  l'histoire.  Il  est  clair, 
Quand  il  est  question  de  guérir  votre  femme, 
Que  le  mal  qui  résiste  aux  soins  d'un  bon  docteur 
Bien  souvent  peut  guérir  par  les  soins  du  tailleur. 

Rioz,  25  juillet  1881. 


L'ALSACIEN 
s\ar  la  catiiédrale  de  Strasbourg 

Voyez-vous  ces  campagnes 
Fertiles,  et  les  hauts 
Sommets  de  nos  montagnes. 
Les  villes,  les  hameaux? 
De  quel  point  que  j'admire 
L'Alsace,  je  ne  puis 
Que  dire  et  que  redire  : 
Qu'il  est  beau,  mon  pays  ! 

Quand  il  quitte  la  Suisse, 
Pays  libre,  le  Rhin 
Par  maint  tlot  se  glisse. 
Et  marche  d'un  bon  train! 
Et  la  fertile  Alsace 
S'étend  devant  nos  yeux. 
Quel  pays  !  quelle  race 
De  gens  laborieux  ! 


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382  REVUE    D*ALSACE 

Voyez  comme  à  l'ouvrage 
Tout  fourmille,  au  hameau, 
Ala  ville,  au  village! 
N'est-ce  pas  que  c'est  beau? 
Ici  Ton  fait  des  gerbes, 
Là  vend  l'épicier! 
Là  des  soldats  superbes, 
Plus  loin  maint  ouvrier. 

Vois  riU  qui  se  promène 
Comme  un  ruban  d'argent 
A  travers  son  domaine, 
Notre  pays  charmant. 
Elle  traverse,  admire, 
Prés  verts,  champs  plantureux, 
Et  la  vigne  se  mire 
Dans  ses  jolis  yeux  bleus. 

Et  les  Vosges  présentent 
Leurs  vallons,  leurs  sommets. 
Et  de  gais  oiseaux  chantent 
A  l'ombre  des  forêts. 
Que  la  montagne  est  belle  ! 
Vois  ce  rocher  si  fier 
Qui  dans  son  sein  recèle. 
Pour  nous  servir,  du  fer. 

Les  Vosges  gigantesques 
Présentent  en  longs  rangs, 
En  files  pittoresques 
Leurs  énormes  enfants. 
Du  Ballon,*  à  leur  tête. 
On  voit  le  grand  contour, 

^  L'ancienne  dénomination  est  B&ch^  qui  peut  se  décomposer  en 
Bel  =  Belenus  =  Bal,  dien  dn  soleil,  et  leach,  lieu,  endroit;  signifie 
lieu  consacré  à  Bel,  dieu  da  soleil. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSAGE-LORRAINB 

Et  Taigle  sur  sa  crête 
Niche  avec  le  vautour. 

Puis  on  voit  une  fille, 
Bonne  et  d'un  cœur  pieux, 
Qui  de  sapins  s'habille. 
De  rochers  sourcilleux. 
Son  nom  est  sainte  Odile. 
Pour  la  voir,  villageois, 
Habitants  de  la  ville 
Traversent  plaine  et  bois. 

L'on  voit  mainte  merveille 
De  Huningue  à  Landau. 
Prêtez-moi  tous  l'oreille  : 
J'en  chante  le  tableau. 
Mulhouse,  tes  richesses, 
Tu  les  as  justement, 
Car  tu  grandis,  progresses. 
Par  un  travail  constant 

Ce  beau  Colmar  m'attire. 
Mais  je  suis  surtout  pris 
Quand  je  lis  et  j'admire, 
Grand  Pfeffel,  tes  écrits. 
Versons  du  vin  pour  boire, 
Pfeflel,  et  de  tout  cœur. 
Tous  ensemble,  à  ta  gloire  : 
Car  tu  fus  notre  honneur! 

Vers  Sélestad  s'élance 
Mon  regard.  Mais  il  faut, 
En  toute  diligence. 
Ne  lui  dire  qu'un  mot. 
Il  le  faut,  le  temps  presse, 
Car  le  soleil  poursuit 


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384  REVUE    D*ALSACE 

Sa  route,  et  puis  s'abaisse 
Pour  amener  la  nuit 

Strasbourg,  ma  chère  et  bonne 

Cité,  je  viderais 

A  ta  santé  ma  tonne, 

Jamais  je  ne  croirais 

Trop  faire  !  Qu'on  m'indique 

Les  villes  où  chacun, 

Riche  et  pauvre,  s'applique 

Pour  l'intérêt  commun. 

Nos  antiques  histoires 
Nous  l'ont  bien  raconté! 
Strasbourg,  par  des  victoires 
Gagna  sa  liberté.' 
Prenant  souvent  l'avance, 
Notre  cité  toujours 
Aux  arts,  à  la  science 
Prodigua  ses  amours. 

Puis  mon  regard  embrasse, 
Haguenau,  tes  forêts, 
Et  mon  œil  se  délasse 
Sur  leur  feuillage  épais. 
Je  vois  mainte  prairie 
Et  termine  mon  tour 
En  t'admirant,  jolie 
Ville  de  Wissembourg. 

Je  vois  l'onde  limpide 
D'un  ruisseau^  qui,  là-bas, 

^  Allusion  à  la  bataille  de  Hausbergen  qui  délivra  les  Strasbourgeois 
du  joug  de  leur  évéque  Walther  de  Geroldseck. 

'  Le  texte  porte  : 

De  la  Queich  qui,  là-bas,. .  • 
mais  la  phrase  s'appliquant  aujourd'hui  mieux  à  la  Lauter,  nous  aTons 
préféré  une  traduction  qui  laisse  la  chose  indécise. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L' ALSACE- LORRAINE         385 

Par  son  courant  rapide 
Doit  arrêter  nos  pas. 
Je  quitte  donc  ma  place, 
Vide  mon  verre,  et  dis  : 
Vive  ma  chère  Alsace! 
Vive  mon  beau  pays  ! 


Bioz,  le  5  août  1881. 


XIII 

CHARLES-FRÉD.   HARTMANN 


EN  ROUTE  VERS  LA  TASSE  DE  CAFÉ  AU  LAIT 

Ah!  bonjour!  ma  chère, 

Que  voulez-vous  faire  ? 

De  vous  voir  me  cause  un  grand  plaisir! 

—  Mon  mal  me  harasse, 
Je  vais,  d'une  tasse 

De  café,  tâcher  de  me  guérir! 

—  Attendez,  car  j'entre 
Avec  vous.  Mon  ventre 

Me  fait  mal,  et  je  sens  sur  le  cœur 

Une  grosse  masse 

De  plomb,  qui  le  glace  : 
Ce  que  c'est  de  vieillir,  belle-sœur! 

—  C'est  qu'on  se  surmène! 
De  travail,  de  peine 

Nous  avons  eu  notre  portion. 

Mais  l'on  s'en  délasse 

Avec  une  tasse 
De  café,  pour  consolation. 

Noayelle  Série.  —  11-*  année.  25 


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386  REVUE    D'ALSACE 

—  Laissons  cette  rue  : 

J'ai  peur  d'être  vue. 
Si  tu  veux  nous  tournerons  le  coin,* 

Pour  qu'on  n'en  jacasse! 

Et  puis  une  tasse 
Vaut  mieux,  prise  loin  de  tout  témoin! 

Kioz,  le  18  mars  1881. 


RIBOTTE  DE  CAFÉ  AU  LAIT 

C'était  très  bon  ma  belle  sœur 
Adieu!  —  Ne  partez  pas  si  vite. 
Deux  heures  !  je  tiens  au  bonheur 
D'être  avec  vous,  et  j'en  profite! 

—  Vous  parlez  bien!  pendant  ce  temps 
S'il  me  venait  quelque  pratique! 
L'on  n'a  déjà  trop  de  chalands! 

Si  l'on  volait  dans  ma  boutique! 

Et  puis,  si  mon  vieux  l'apprenait  : 
Vous  connaissez  trop  ses  manières. 

—  Eh  bien  donc,  on  lui  répondrait 
Far  des  façons  non  moins  grossières. 

—  Que  vous  avez  bien  raison,  vous! 
Et  que  nous  avons  tort  de  craindre! 
L'homme  fait  ce  qu'il  veut,  et  nous, 
Nous  n'osons  même  pas  nous  plaindre. 

'  Le  coin  de  la  me  de  la  Lanterne.  Hartmann  demenrait  sons  les 
Arcades  et  connaissait  les  aUnres  et  habitudes  des  marchandes  des 
petites  hoatiqnes  qni  aimaient  aller  se  régaler  de  café  an  lait  dans  une 
petite  salle  de  derrière  du  Café  de  la  Lanterne. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L* ALSACE-LORRAINE  387 

Car  rhomme  ne  connaît  de  frein. 
U  sait  trop  bien  remplir  son  verre, 
Et  le  vider,  quand  il  est  plein, 
Jusqu'à  ce  qu'il  tombe  par  terre! 

U  ne  veut  économiser 

Qu'aux  seuls  dépens  de  notre  bouche, 

Et  dès  qu'il  nous  voit  infuser 

Du  café,  comme  il  s'effarouche! 

Pour  le  mien,  il  n'est  pas  méchant, 
Et  j'en  prends  sans  qu'il  ne  proteste. 
Le  café?. .  C'est  notre  agrément 
Unique!  D  faut  donc  qu'il  nous  reste. 

Il  en  est  d'autres  qu'on  peut  voir 
En  prendre  la  journée  entière 
Chez  elles,  du  matin  au  soir. 
Faisant  bouillir  la  cafetière. 

—  Bravo!  c'est  bien  la  vérité. 
La  bonne!. .  Apportez  une  tasse, 
Car  je  vais  boire  à  la  santé 

De  celle-ci!. .  Grand  bien  vous  fasse! 

—  Grand  bien  ! . . .  La  bonne,  apportez-nous 
Des  tasses.  Complétons  la  fête, 

Et  vous,  Madame,  payez-vous 
Les  pains  pour  faire  la  trempette? 

Rioz,  le  30  mars  1881. 


CONSOLATION 

AiB  :  C'est  l'amour,  l'amour,  l'amour  1 

Tais-toi!  je  ne  comprends  pas 
Tes  larmes, 
Tes  alarmes! 


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388  RBVUB   d'alsacs 

Et  pourquoi,  comme  les  chats, 
Te  hérisser,  hélas? 

On  t'a  juré  d'être  fidèle, 

L'on  te  quitte  lâchement 
Pour  courtiser  une  autre  belle, 
Va,  n'en  pleure  pas  autant! 
Car,  quand  on  est  jolie 
On  trouve  aisément  mieux! 
Tais-toi  donc,  c'est  folie 
De  tant  rougir  tes  yeux! 

Il  vaut  beaucoup  mieux  rester 
Plus  belle, 
Moins  fidèle! 
Un  amant  veut  te  quitter  : 
Pourquoi  le  regretter? 

Fallait  me  voir,  quand  j'étais  fille. 

Je  savais  morigéner 
Et  bien  arranger  maint  bon  drille: 
Je  n'aimais  pas  me  gêner. 
Quand  l'un  d'eux  faisait  mine 
De  ne  plus  bien  vouloir. 
Loin  d'en  être  chagrine, 
Je  lui  disais  :  «Bonsoir  ! 

«  Va-t'en  donc  d'un  plus  grand  pas  : 
«Un  autre 
«Bon  apôtre 
«Fera  bien  moins  d'embarras! 
«Va-t'en!  ne  reviens  pas!» 

Tu  fus  trop  jalouse  et  tenace. 
Oui,  c'est  vrai,  tu  le  fus  trop, 

Et,  le  couvercle,  s'il  le  casse 
C'est  toi  qui  cassas  le  pot 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'AI^AGE-LORRAINE 

Et  puis,  chose  terrible! 
Nous  devons  leur  céder! 
Us  ont,  d'après  la  Bible, 
Le  droit  de  commander. 

Quoi  !  tu  vois  que  tu  n'y  peux 
Rien  faire! 
Cette  affaire 
N'en  pouvant  pas  tourner  mieux, 
Ne  rougis  plus  tes  yeux! 


Haguenau,  9  juin  1881. 


CARNAVAL 

Vous  dites,  ma  cousine. 

Qu'on  avait  remarqué 

Ma  Lise,  ma  gamine, 

La  nuit,  au  bal  masqué. 
Et  votre  fils,  en  Roxelane 
L'aurait  fait  danser!  Dieu  la  damne! 

Ma  Lise  me  leurrer  ! 

Ma  gamine  en  sultane! 

C'est  à  désespérer. 

Au  soir  cette  canaille 

Me  dit  encor  ces  mots  : 

•Je  peine,  je  travaille 

«Et  j'aspire  au  repos 
«De  la  nuit!»  Je  dis:  «Sur  l'oreille 
«Mets-toi  donc,  ma  fille,  et  sommeille.» 

Pouvais-je  le  penser? 

Le  diable  la  réveille 

Pour  l'emmener  danser! 


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390  REVUE  d'alsacb 

Oh  oui!  je  désespère! 

C'est  un  affreux  tourment! 

Et,  le  pis  de  l'affaire 

J'y  pense  seulement  : 
Ce  n'est  pas  seule  qu'une  dame 
Pénètre  au  bal.  Vieillard  ni  femme 

Ne  fut  son  conducteur. 

Peut-être,  chose  infâme  ! 

Eut-elle  un  séducteur? 

Fiez-vous  donc  aux  filles 
Lorsque  celles  qu'on  croit 
Si  braves  et  gentilles 
Font  un  pareil  exploit! 
A  peine  au  sortir  de  l'enfance, 
Braver  morale  et  bienséance 
Pour  s'en  aller  au  bal! 
En  sultane!!..  A  la  danse!!! 
Je  vais  m'en  trouver  mal  ! 

Rioz,  25  février  1881. 


CANCANS  SUR  LES  CANCANIERS 

Tous  ces  bavardages, 
Tous  ces  clabaudages, 

Qu'ils  ont  déjà  fait  de  mal,  vraiment! 
Plus  d'une  vipère 
Aimerait  mieux  faire 

Des  cancans,  que  gagner  de  l'argent. 

Celle  au  doux  langage 
Dit  que  mon  ménage 
Disparaît  dessous  la  saleté, 


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Googje 


LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE^  l'ALSACE-LORRAINB  391 

Allant  jusqu'à  dire 
Qu'on  pourrait  écrire 
Sur  les  vitres  !  Quelle  fausseté  ! 

Et  puis  la  Thérèse 

Dit  que  cousin  Biaise 
Pour  nous  tous  est  mort  bien  à  propos, 

Que  notre  ménage 

Sans  cet  héritage 
De  marcher  aurait  eu  bien  des  maux  ! 

Qu'on  fouette  et  fouaille 

Pareille  canaille 
Qui  dit  que  nous  l'allions  tourmenter, 

Employant  sans  cesse 

Menace  et  caresse 
Le  forçant  de  nous  faire  hériter! 

—  Oh!  pourquoi  tant  geindre? 

Laissez-moi  me  plaindre, 
Moi  qui  connais  tous  ces  médisants, 

Dignes  delà  corde, 

Semant  la  discorde. 
Divisant  les  amis,  les  parents  ! 

Me  faut-il  apprendre 

Telle  vient  prétendre 
Que  j'ai  dit  que  dame  Letscher  boit 

Et  puis,  que  son  homme 

Juste  arrivait  comme, 
Avec  un  autre,  en  certain  endroit. . . 

Je  me  tais!  silence! 

Mais  !  quelle  impudence  ! 
La  femme  Knœpfelberger  prétend, 

A  faux!  que  mes  filles 

Sont  bien  trop  gentilles. 
Que  chacune  a  son  étudiant! 


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392  REVUE    D'ALSACE 

Grand  Dieu!  si  mon  frère 

Apprenait  Taflaire, 
Comme  il  jurerait!  j'en  ai  grand  peur! 

Chose  abominable! 

Qui  donc  est  capable? 
Qui  donc?  D'inventer  pareille  horreur? 

Pour  y  mettre  entrave, 
Il  faudrait  qu'on  pave 

De  baillons  ces  outils  à  cancans  ! 
Il  faudrait  qu'on  fouette 
Vipère  ou  chouette 

Inventant  des  bruits  aussi  méchants. 

Qu'on  ne  me  regarde 
Comme  une  bavarde  : 

Je  ne  le  voudrais  pas  pour  cent  francs. 
Mais  on  peut  redire  : 
Cela  ne  peut  nuire, 

Il  faut  bien  causer  de  temps  en  temps. 

Rioz,  26  février  1881. 


MADAME  SURPF* 

calqué  avec  le  crayon  strasbourgeois  sur  aDame  Schnips^i^ 
de  G.-A.  BtlRQER. 

Avalant  son  huitième  pain 

Dans  sa  sixième  tasse. 
Madame  Surpf  décède  enfin, 

Tombant  raide  sur  place 

*  Le  nom  de  Surpf  est  nne  onomatopée  rendant  le  bruit  qu'on  fait  en 
avalant  du  café  au  lait  et  le  pain  qui  y  trempe,  par  une  aspiration 
aidée  de  certains  mouvements  des  lèvres  et  de  la  langue. 


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Gpogle 


LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINE  393 

0  roi  de  la  terre  et  des  cieux, 

Prends  pitié  de  son  âme, 
Dans  le  séjour  des  bienheureux 

Fais  pénétrer  la  dame. 

Aussitôt  après  le  trépas 

Commence  le  voyage. 
Elle  abandonne  son  repas 

Et  traverse  un  nuage. 

Puis,  à  la  nuque  se  grattant, 

Se  léchant  la  babine, 
Aux  portes  du  ciel,  elle  attend, 

Faisant  maligne  mine. 

—  Qui  donc,  dit  Adam,  par  ses  cris 

Nous  trouble  de  la  sorte? 

—  «C'est  dame  Surpf.  Du  paradis 

«Ouvrez  lui  donc  la  porte!» 

—  A  ton  café,  bavarde  !  Ici 

L'on  ne  veut  de  gourmande. 

—  «Eh  bien!  cher  grand  papa  !  merci! 

«Je  suis  un  peu  friande  : 

«C'est  vrai!  mais  ne  le  fus-tu  pas, 

«Quand  tu  mangeas  la  pomme? 
«Livrant  aux  péchés,  au  trépas, 

«Tous  les  enfants  de  l'homme? 

«T'y  voici  bien!  J'y  puis  entrer, 

«Monsieur  Limondeterre!» 
Adam  dit  :  Faut  me  retirer 

Devant  cette  mégère. 

Allons,  lui  dit  Jacob,  ne  fais 
Pas  autant  de  grabuge  : 

—  «Tiens!  tiens!  c'est  toi  qui  si  bien  sais 

«  User  de  subterfuge  ? 


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394  REVUE  d'alsace 

«Toi  qui,  sous  la  peau  de  chevreau 

«A  ton  père  escamotes 
tLa  bénédiction?  C'est  beau 

«De  tirer  des  carottes?» 

Le  pauvre  Jacob,  aplati, 

Renonce  à  sa  démarche. 
Mais  Loth  arrive  et  prend  parti 

Pour  le  grand  patriarche. 

—  «Comment!  c'est  toi!  toi,  l'homme  saint 

«De  Sodome  et  Gomorre. 
«Tes  vertus?  Etait-ce  bon  teint? 
«Pour  moi  j'en  doute  encore. 

«Devant  ses  filles  se  griser 
«Ah!  quel  affreux  scandale  ! 

«Et  puis ne  va  pas  t'aviser 

«De  parler  de  morale!» 

Ah  !  qu'elle  vient  de  bien  taper 

Au  milieu  de  la  tête 
Du  clou!  Craignant  la  voir  frapper 

Loth  va  battre  en  retraite! 

Lors,  de  le  tirer  d'embarras 

Judith  prend  la  corvée. 
«Ta  main,  mamzelle  Tête-à-bas, 

«Est-elle  donc  lavée?» 

A  ces  mots  Judith  reste  coi 

Et  ne  sait  plus  que  dire. 
Mais  alors  vient  David,  le  roi, 

Espérant  reconduire  : 

Va-t'en  de  ces  lieux!  Dans  l'enfer 
Rends-toi  d'une  eiyambée. 

—  «Serais-tu  si  méchant  et  fier 

«Si  c'était  Bethsabée? 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSAGE-LORRAINE  395 

«Raconte-moi,  comment  l'eus-tu, 

«Cette  agréable  épouse? 
«Va,  de  pareils  traits  de  vertu 

«Je  ne  suis  pas  jalouse  !» 

Salomon  dit:  Elle  a  pinte  ! 

Chassez  donc  la  mégère 
Qui  s'attaque  à  la  Majesté 

Royale  de  mon  père. 

—  «Voyez-vous  ça?  Vos  Majestés 

«N'étaient  guère  honorables, 
«Car  que  de  traits  on  a  cités 

«De  vous,  vraiment  pendables! 

«A  sept  cents  femmes  tu  joignis 

«Tes  trois  cents  concubines. 
«  Tes  habitudes,  m'est  avis, 

«Etaient  par  trop  badines. 

«Tu  fis,  au  déclin  de  tes  ans, 

«De  fameuses  écoles, 
«Puisqu'on  te  vit  oflrir  l'encens 

«A  de  vaines  idoles!» 

Jonas  vient  et  veut  l'écraser  ! 
Vaine  est  la  tentative. 

—  «Toi!  fais  donc,  pour  prophétiser, 

«Un  voyage  à  Ninive!» 

Puis,  à  Thomas  disant  son  fait  : 

«Est-ce  une  grande  gloire, 
«Pour  un  apôtre  si  parfait, 

«De  tâter  s'il  veut  croire?» 

Mais  voici  le  tour  maintenant 

De  sainte  Madeleine 
Qui  lui  dit  :  Cessez  donc,  vraiment 

Vous  êtes  trop  sans  gêne! 


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396  REVUE  d'alsacb 

D'entrer  chez  nous,  avec  fracas 

Vous  faites  la  demande, 
Mais  vous  vous  montriez  là-bas 
Trop  poissarde  et  gourmande! 

«Et  toi?  Comment  t'y  montras-tu? 

«Voudrais-tu  me  l'apprendre? 
«Obtins-tu  le  prix  de  vertu? 

«Ne  fus-tu  pas  trop  tendre  ? 

«Tu  n'eus  pas,  nous  ont  dit  les  vieux, 
«La  bonne  renommée, 

«Tu  sais  bien,  celle  qui  vaut  mieux 
«Que  ceinture  dorée! 

«Dieu,  touché  de  ton  repentir, 
«T'accorda  sa  clémence: 

«Eh!  moi  qui  veux  me  convertir, 
«J'espère  même  chance!» 

Saint  Paul  lui  dit  alors  :  C'est  bon! 

Qui  voudrait  introduire 
Au  Paradis  un  vrai  dragon 

Qui  ne  sait  que  médire? 

—  «Un  dragon  !..  tu  le  fus  bien,  toi 

«Lorsque  Ta  Violence 
«Vint  persécuter  notre  foi 

«Aux  jours  de  sa  naissance!» 

~  Madame,  allons  !  un  peu  plus  bas, 
Lui  dit  alors  saint  Pierre. 

Croyez-vous  prendre  vos  ébats 
Avec  une  commère. 

—  «Ma  foi  non  !  je  ne  le  crois  pas, 

«Mais  je  sais,  et  m'en  vante, 
«Sans  éprouver  nul  embarras, 
«Entendre  un  coq  qui  chante!» 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAME  397 

Elle  dit.  Mais  ses  yeux  perdant 

Alors  ses  derniers  voiles. 
Le  fils  de  Dieu,  resplendissant, 

Paraît  dans  les  étoiles. 

Elle  a  peur,  voudrait  se  sauver, 

Puis,  couvrant  sa  paupière 
De  sa  main  :  «Viens  me  préserver, 

«Seigneur,  de  ta  colère  ! 

«Oui!  j'ai  partagé  tous  les  torts 

«De  notre  humaine  engeance 
«Envers  toi!  Grands  sont  tes  trésors 

«De  divine  indulgence! 

«N'est-il  pas  digne  de  pardon 

•  Mon  repentir  sincère? 
«Tu  pardonnas  au  bon  larron, 

«Quand  il  quitta  la  terre, 

«L'on  voit  un  père  à  son  enfant 

«Prodigue  faire  grâce! 
«  Est-il  un  méfait  assez  grand 

«Que  ta  bonté  n'efface.» 

Le  bon  Dieu  dit  à  ses  élus  : 

Ouvrez-lui  donc  la  porte. 
Mais  toi,  de  mes  saints  ne  va  plus 

Médire  de  la  sorte. 


* 
* 


Ami  lecteur,  viens  et  dis- nous: 
Ton  manteau  charitable 

Est-il  assez  grand  et  sans  trous 
Pour  couvrir  notre  fable 

Et  pour  t'en  cacher  les  défauts  ? 
Viens  alors,  et  l'étalé! 


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REVUE   D'ALSACE 

Dessous  le  décousu  des  mots 

Se  cache  une  morale 
Que  tu  sauras  bien  établir. 

L'on  voit  dans  PEcriture 
Maint  précepte  pour  ennoblir 

Notre  humaine  nature. 
Elle  nous  dit:  «Qui  veut  juger 

«A  son  tour  devra  l'être. 
«Toi-même  ne  dois  rien  venger  : 

«Dieu  seul  est  notre  mattre  !> 


Rioz,  24  février  1881. 


LICENCIÉS* 
1834 

Rompez  tos  rangs  t  marche  I 

Que  faut-il  dire,  je  ne  sais! 

L'on  aurait  tant  à  dire! 
Les  uns  s'en  plaignent  très  fort,  mais 

D'autres  ne  font  qu'en  rire. 

C'est  vrai,  nous  femmes,  nous  trouvions 

Dans  ce  fameux  potage 
Le  plus  de  cheveux.  Nous  faisions 

Maint  fatigant  ouvrage. 

^  En  1830,  la  garde  nationale  ressuscita  à  Strasbourg  comme  dans  le 
reste  de  la  France,  avec  la  réyolution  de  Juillet.  Elle  avait  salué  avec 
enthousiasme  le  «roi-citoyen»,  lorsqu'il  avait  visité  PÂlsace  en  juin  1831. 
Mais  peu  à  peu  l'esprit  d'opposition  poussa  de  telles  racines  dans  son 
sein,  qu'en  1834  le  gouvernement  prononça  sa  dissolution. 

Hartmann  était  à  cette  époque  sergent  de  voltigeurs  très  populaire 
parmi  ses  compagnons  d'armes. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'aLSACE-I^RRAINE  399 

Nous  avions  peur  quand  on  parlait 

De  marche  militaire. 
Chacune  de  nous  avalait 

Son  compte  de  poussière! 

«Avec  du  papier*  dérouillons 

«Ce  fusil  par  trop  terne! 
«De  la  cire  !  un  feu  de  charbons 

«Pour  polir  la  giberne! 

«Corne  de  cerf  pour  les  boutons! 

«De  la  terre  de  pipe! 
«Du  tripoli!  Ma  femme,  allons! 

«As-tu  lavé  mes  nippes?» 

Mon  homme!  comme  il  s'échauifait, 

Quand  pour  une  revue, 
Il  salissait  plancher,  bufiet, 

Pour  soigner  sa  tenue. 

Et  puis  quand  le  rappel  battait, 

L'appelant  sous  les  armes, 
Quand  alors  tout  n'était  pas  prêt, 

0  scènes  !  o  vacarmes  ! 

Quel  bruit  cet  homme  vous  faisait  ! 

C'était  vraiment  terrible, 
Et  chacune  ma  foi  tremblait 

Devant  cet  être  horrible! 

Et  pourtant,  quand  il  revenait 

De  rendre  ses  services, 
Jusqu'au  menton,  il  vous  nageait 

Dans  des  flots  de  délices! 

Et  je  me  demandais  comment 
Il  mettait  son  caprice, 

*  La  mesure  du  vers  n'a  pas  permis  de  mettre  plus  exactement  papier 
à  verre. 


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400  REVUE    D'ALSACE 

Au  lieu  d'y  trouver  du  tourment, 
A  faire  l'exercice  ! 

Ah  bien!  dit-il,  on  ne  peut  pas 
T'expliquer  ça  de  suite. 

A  la  Robertsau  tu  viendras 
Nous  faire  la  conduite. 

Oui!  mais  dimanche  matin  pas 
Possible  qu'on  s'absente. 

Il  faut  préparer  le  repas, 

La  chose  est  très  pressante. 

Les  garçons,  ceux-là  s'en  allaient 

A  toutes  les  parades. 
Et  souvent  vous  questionnaient 

A  vous  rendre  malades  ! 

A  la  tin  je  pus  réussir 

A  voir  une  revue. 
Et  n'eus  lieu  de  m'en  repentir, 

Car  j'en  fus  tout  émue. 

Mais  j'éprouvais  grand  embarras, 
Moi  femme,  de  leur  faire 

Cortège,  en  suivant,  bien  au  pas, 
Leur  marche  militaire. 

Malgré  çà,  croyez-m*en  toujours. 

C'est  un  plaisir  unique 
D'entendre  avec  tous  ces  tambours 

Alterner  laîmusique. 

On  se  dit:  «Voici  nos  maris 
«Et  nous  en  sommes  tiëres! 

«Ah!  qu'ils  sont  beaux  quand  ils  ont  mis 
«Leurs  effets  militaires. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L*ALSACE-LORRAINE  401 

Aussi  plus  d'un  pour  s'habiller 

Fait  du  tapage  et  souille 
Le  logis  et  le  mobilier, 

Sans  provoquer  de  brouille. 

Je  comprends,  lors  de  son  retour, 

La  gaîté  de  mon  homme. 
C'est  le  clairon,  c'est  le  tambour! 

C'est  tout  ce  qu'on  consomme! 

A  la  Couronne  on  se  glissait, 

A  VOurs  chez  la  Marie,' 
Ou  chez  Huttner  quand  on  pouvait 

Quitter  sa  compagnie. 

Les  sérénades,  sur  le  soir, 

Que  c'était  agréable! 
C'est  alors  qu'on  pouvait  avoir 

Mainte  heure  délectable! 

Mais  tout  est  fini  maintenant 

Moi,  ça  me  rend  morose 
De  voir  retourner  au  néant 

Une  aussi  belle  chose. 

Mon  mari  n'a,  depuis  ce  fait, 

Plus  mangé  de  colère, 
Je  n'ai  point  vu  de  jour  qu'il  n'ait 

Parlé  de  cette  affaire. 

Moi,  je  lui  dis  dernièrement  : 
«Donniez-vous  des  alarmes, 

*  Variante: 

Ou  bien  chez  6&r  Marie. 

Bâre-Mei  (Marie,  de  Panberge  de  l'Ours?  on  B&r,  Marie?)  était  une 
grande  et  magnifique  cantinière  qui  accompagnait  la  garde  nationale 
de  Strasbourg  dans  toutes  ses  campagnes  de  1830  à  1834. 

NouYelle  Série.  —  li-*  année.  26 


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403  REVUE   d'àls^cb 

«Qu'on  vous  ait,  si  brutalement, 
«Fait  déposer  les  armes? 

«Non!»  me  répond-il  tout  ardent, 
«Et  c'est  pour  cette  cause 

«Que  Ton  critique  et  blâme  tant 
«La  pitoyable  chose  ! 

«Nos  habits  sentaient  trop  longtemps 
«L'odeur  des  barricades. 

«N'étions-nous  pas  de  trop  vaillante, 
«De  trop  francs  camarades? 

«Souvent  nous  avons  fait  nos  coups, 
«Mais  à  nos  convenances, 

«Excitant,  mais  non  pas  chez  tous 
«Plaisir,  réjouissances! 

«On  vient  de  nous  licencier, 
«Nos  habite  sont  sans  taches. 

«Nous  pourrons  les  redéployer 
«Sans  user  de  cravache!» 

Rioz,  le28juinl88L 


XIV 

BAVARDAGE 
de  Dames-Cousines  à  cause  de  la  feuille  de  Mercredi. 

FeuflMe  d'annonces  du  28  octobre  1848 J 
I  (Dans  la  me) 

Dame  Babbelmeyer.  Dame  Schnawler. 

B 
Ah!  Madame  Schnawler,  c'est  vous?  Bonjour  voisine, 
Contente  de  vous  voir!  Arrivez,  j'examine 

^  Le  24  octobre  1848  la  fête  bisécnlaire  de  la  «Béonion  de  l'Alsace 
à  la  France»  fdt  célébrée  dans  toute  PAlsace,  et  surtoat  à  Strasbourg, 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'aLSACB-LORRAINE  403 

La  Feuille.  Regardez  avec  moi  là  dedans. 
Nous  sommes  abonnés  depuis  bientôt  vingt  ans 
A  cette  Feuille,  car  nous  aimons  tant  la  lire 
Que  nous  la  relisons  des  deux,  trois,  quatre  fois. 
Nous  sommes  d'abonnés  à  peu  près  la  dizaine 
De  façon  que  chacun  de  nous  donne  sans  peine 
Quatre  schillings^  par  an.  Moi,  quand  je  la  reçois, 
Je  vais  fourrer  mon  nez  avant  toute  autre  chose 
Dans  notre  Mat  civil  Mais  aujourd'hui,  je  n'ose 
Le  dire,  en  y  jetant  mes  regards  étonnés, 
Je  n'y  vois  de  décès,  mariage  ou  naissance. 
C'est  à  vous  effrayer  !  Mais  prenez  connaissance 
Vous  même  de  cela,  Tonnerre  !  Examinez  ! 

S 
Tiens!  vous  avez  raison!  que  la  chose  est  comique! 
Estrce  qu'on  ne  meurt  pas  sous  notre  République? 
N'a-t-elle  pas  besoin  d'hommes,  tout  comme  un  roi? 
Et  se  martrait^n,  sans  recourir,  ma  foi  ! 
Aux  maires  ni  curés? 

B 

C'est  une  devinette 
Qu'il  faudrait  éclaircir.  Informons-nous  là-bas 
Au  bureau  de  la  Feuille. 

S 
Ah!  je  suis  toute  prête 
A  vous  accompagner,  car  j'ai  mis  dans  ma  tête 
De  m'instruire  comment  arrive  pareil  cas. 

avec  le  pins  grand  enthonsiasme.  Le  fonctionnaire  de  la  mairie,  chargé 
de  l'étal  civil,  ne  put  remettre  à  la  FemOe  hebdomadaire  d'annonces 
l'extrait  qu'il  avait  l'habitude  de  lui  donner.  Pour  excuser  ce  retard 
ce  journal  publia  dans  le  numéro  suivant  le  «bavardage»  dont  nous 
donnons  ici  la  traduction. 
^  Quatre  schillings  =  seize  sous. 


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404  REVUE  dVlsace 

n  (Bureau  du  journal) 

Précédentes.  Un  Commis. 
B 
Depuis  tout  ce  matin  je  me  casse  la  tête. 
Pourquoi  VEtat  civil  manque-t-il  mercredi? 

COMMIS 

Prenez-vous  en,  ma  chère,  à  notre  belle  fête. 
Nous  ne  l'avons  pas  eu.  Vous  l'aurez  samedi. 
C'est  que  l'on  célébrait  un  bien  beau  mariage  : 
Celui  de  nos  pays.  Vive  à  travers  tout  âge 
Notre  France  ainsi  que  l'Alsace.  Le  lien 
Qui  les  unit  depuis  deux  siècles,  les  unisse 
En  toute  éternité!  Vivat!  poui*  notre  bien 
Souhaitons  qu'à  jamais  ce  nœud  se  rafiermisse. 

B 
Ah  !  vous  me  rassurez,  car,  vraiment  !  j'avais  peur. 
Mon  estomac  me  fait  encor  mal  de  frayeur! 

S 
Nous  pouvons  repartir.  La  chose  est  éclaircie. 
Bonsoir,  Madame,  et  vous,  oh!  je  vous  remercie! 

Bioz,  25  mars  1881. 


XV 

FISCHBACH 


DIALOGUE  DE  DEUX  BLANCHISSEUSES 
au  COffè  de  la  Lucarne  du  Poulailler.* 

SALOMÉ 

Maudits  lavoirs  !  C'est,  Bârwel,  à  grand'peine 
Qu'on  y  pourra  bavarder.  L'on  entend 

»  Feuille  volante,  imprimée  chez  Silbermann,  sans  date.  Est-ce  une 
reproduction  d^nn  article  de  journal? 

Le  peuple  de  Strasbourg  a  des  sobriquets  pour  chacun  des  petits 
cabarets  qu'il  fréquente  :  tels  sont  la  Lucarne  du  PoulaiUer,  le  Gousset 
de  Gilet,  le  Saint-Sépulcre,  la  Caisse  à  Farine,  la  Salière,  etc. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DALSACE-LORRAIIfB  406 

Parler  de  maint  malheur.  L'autre  semaine 
Je  n'irai  plus,  de  crainte  d'accident. 

Moi,  j'ai  peiné!  Femme  de  chambre  et  bonne, 
Puis  cuisinière.  Et  quand  on  a  son  beau, 
Son  bon  métier,  pendant  que  l'on  savonne, 
A  l'improviste  on  tomberait  dans  l'eau  ! 

Oh!  grand  merci!  Je  ne  veux  que  ma  vie, 
Si  jeune  encor,  prenne  si  triste  fin! 
Pas  pour  cent  francs  j'aurais  même  l'envie 
De  me  mouiller  jusqu'au  cou  dans  un  bain. 

B^RWEL 

Oh!  taisez-vous,  car  ça  m'impressionne 
Trop!  Jusqu'au  cou  dans  ce  bouillon  marneux! 
J'ai  vu  sombrer  un  lavoir  et  frissonne 
Depuis  ce  temps,  en  y  jetant  les  yeux! 

Le  pauvre  état  que  d'être  blanchisseuse! 
Il  nous  faudrait,  pour  faire  ce  métier 
Cinq  francs  par  jour,  pension  copieuse. 
Et  de  vin  rouge  un  litre  tout  entier. 

Car  on  succombe  aux  peines  qu'on  endure 
En  travaillant  tard  et  de  bon  matin! 

UN  CONSOMMATEUR 

Je  crois  pourtant  que  votre  nourriture 
Est  bonne,  car  votre  teint  est  fort  sain  ! 

Quand  je  vous  vois  battre  et  blouses  et  chausses. 
Chemises,  draps,  dans  vos  caisses,  je  crois. 
Qu'en  remuant  trop  fort,  grasses  et  grosses 
Vous  enfoncez  le  lavoir  sous  vos  poids. 

SÀLOMÉ 

Comment!  je  crois  que  ce  Monsieur  jabote 
Contre  nous  deux!  Qu'a-t-il  donc  à  grogner! 


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406  REfOB   ii'âlsacb 

Ah!  s'il  ne  vent  qu'on  loi  cire  sa  botte 
De  notre  table,  il  n'a  qu'à  s'éloigner. 

Nous  n'avons  pas  besoin,  grande  panade. 
De  Ses  avis,  car  D  est  bien  trop  sot. 
Que  nous  fassions  lessive  ou  savonnade 
N'y  fourrez  pas  votre  nez,  grand  nigaud! 

BM&WEL 

Que  tu  fais  bien,  Salmé,  quand  tu  lui  rives 
Si  bien  ses  clous!  Qui  donc  nous  consolait 
Quand  nos  baquets  enunenant  nos  lessives. 
Quand  tout  enfin  à  vau  l'eau  s'en  allait 

D  faudrait  que  ces  Messieurs  de  la  ville 
En  prissent  soin!  Ce  serait  leur  devoir! 
Car  c'est  fâcheux  quand  au  travail  on  file 
Sans  être  sûr  d'en  revenir  le  soir. 

sàlomé* 

Aux  vieux  lavoirs  en  toute  hardiesse 
On  s'installait  Sans  dangers  on  lavait 
Comme  un  monarque  on  était  dans  sa  caisse. 
Et  le  battoir^  de  sceptre  nous  servait 

Rioz,  le  30  juillet  1881. 

'  n  semble  au  tradnctenr  que  le  morceau  aurait  été  mieux  terminé 
en  supprimant  ces  quatre  derniers  vers,  ou  en  les  mettant  à  une  antre 
place. 

*  Le  battoir  n'est  pas  employé  en  Franche-Comté.  En  en  parlant 
l'auteur  fait  donc  de  la  couleur  locale  (sans  le  savoir  ?). 


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LnTÉRATURE  POPULAIRE  D'ALSAGB-LORRAINE  407 

XVI 

CHARLES  BERNHARD 


PRÈS  DE  LA  TASSE  DE  CAFÉ  AU  LAIT 

Cousine,  viens,  ma  chère! 
Approche  avec  bonheur! 
De  notre  cafetière 
Ne  sens-tu  pas  l'odeur? 
Viens  !  prend  ce  Cumberlande,* 
Trempe-le  dans  le  lait, 
Et  ton  palais,  gourmande, 
En  sera  satisfait! 

Comprends-tu,  ma  chérie, 
Ces  hommes  qui,  souvent, 
Vont  h  la  brasserie 
Dépenser  leur  argent, 
Pour  y  boire  à  leur  aise. 
Sans  repos  ni  répit, 
La  bière  si  mauvaise 
Qui  tant  les  alourdit? 

Des  heures,  par  la  gorge. 
Ils  se  feront  passer 
Ce  fade  bouillon  d'orge. 
Ils  devraient,  pour  chasser 

^  Pain  an  lait  on  gfttean  d'nne  forme  particnlière.  D'après  GArâbd, 
VAUaee  à  table,  les  «  Cnmberlftndle  >  doivent  lenr  nom  à  nn  dnc  de 
Cnmberland  qni,  pendant  nn  séjonr  qu'il  fit  à  Strasbourg,  vers  la  fin 
du  siècle  dernier,  en  mangeait  chaque  jour  dans  son  café. 


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408  REVUE   d'alsace 

Tous  les  rats  qui  vont  faire 
Tapage  en  leur  cerveau, 
Prendre  la  cafetière 
Pour  remède  à  leurs  maux. 

Rioz,  24mail881. 


LA  CHOPE  ET  LA  PIPE 

Contre-partie  du  morceau  précédent 

Le  vin  nous  réjouit  le  cœur  : 

Une  chanson  fort  belle 
Le  dit  Pour  calmer  la  douleur 

La  bière  ne  vaut-elle 
Autant  ?  J^aime  tranquillement 
Vider  mes  chopes  en  fumant 

Quand  rien  ne  va  plus,  que  je  sens 

Le  dégoût,  la  colère 
Prendre  le  dessus,  eh  !  je  prends 

Ma  pipe  et  m'en  vais  faire 
Un  petit  tour  chez  le  brasseur 
Pour  m'y  réconforter  le  cœur  ! 

Quels  hommes  chez  eux  goûteraient 

Le  bouillon  de  carottes  ?^ 
Dans  leurs  estomacs  pousseraient 

Les  joncs,  à  pleines  bottes  ! 
Humide  est  l'eau,  le  vin  coûteux  ! 
La  bière,  amis,  vaut  beaucoup  mieux. 

'  Allusion  à  un  succédané  du  café  que  bien  des  commères  préparent, 
en  torréfiant  lentement  des  carottes,  découpées  sous  forme  de  petits  dés. 


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LITTÉRATUBE  POPULAIRE  d'aLSACE-LORRÀINE  409 

Près  de  la  bière,  de  nos  maux 

La  pipe  vient  distraire! 
Mais  gare  en  rentrant  aux  gros  mots  : 

Les  femmes  aiment  faire 
Du  bruit  pour  rien,  bouder,  gronder!. . . 
Oui!. . .  sauf  à  se  raccommoder. 

Rioz,  25  mai  1881. 

Ch.  Berdellé. 
(La  suite  à  la  prochaùie  livraison.) 


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NOTES  BIOGRAPHIQUES 

SUR  LES 

HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION 

A 

STRASBOURG  ET  LES  ENVIRONS 


SuiU 


SCHNELLER  (Joseph-Michel). 

Né  en  1742  à  Grusenheim,  Haut-Rhin.  Maçon  à  Strasbourg 

avant  1789,  et  comme  tel,  reçu  membre  de  la  Société  des 

jacobins  en  juillet  1792,  oii  il  est  encore  le  25  octobre  1794. 

SCHUGLER. 

Le  21  décembre  1793,  membre  de  la  Société  populaire,  et  en 
compagnie  de  Sethe  et  Klein,  il  dénonce  Hofiherr,  boucher 
à  Strasbourg,  pour  avoir  dit  que  Jung,  officier  municipal, 
était  un  voleur  de  fagots,  et  que  tous  les  jacobins,  sans 
exception,  sont  des  misérables  et  des  gueux  —  Le  25  oc- 
tobre 1794,  rayé  des  Jacobins. 

SCHULLER  (F.-J.). 
Un  des  propagandistes  venu  de  Chalon-sur-Saône — 18  oc- 
tobre 1793,  il  assiste  à  rassemblée  générale  des  autorités 
nouvellement  constituées,  du  peuple  souverain  et  des 
sociétés  populaires,  dans  le  temple  de  la  Raison  —  11  nov. 
Il  annonce  aux  jacobins  de  Beaune,  que  Strasbourg,  la  def 
de  la  République,  devait  être  livrée,  il  y  a  trois  jours,  aux 
Allemands.  De  toute  part  les  patriotes  doivent  accourir  ici 
pour  déjouer  les  complots  des  partisans  de  la  tyrannie  — 
20  novembre.  Il  demande  à  Baudot  et  Lémane  le  temple 


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LBS  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTIOIf  411 

de  SaJntrThomas  pour  les  réunions  de  la  Propagande  et 
des  Jacobins,  et  quelque  temps  après  celui  des  Réformôs, 
dans  la  rue  du  Bouclier  —  22  novembre.  Il  sollicite  de 
Saint-Just  et  Lebas  la  suppression  de  la  permanence  des 
douze  sections  de  la  ville,  et  Tépurement  des  comités  de 
surveillance  —  2  décembre.  Signataire  de  Tadresse  de  la 
Propagande  révolutionnaire  aux  citoyens  de  Strasbourg  et 
des  départements  du  Rhin  —  19  décembre.  Au  Club,  il 
vote  la  mort  des  suspects  après  triage. 

J.-D.  Wolfl  dit  que  SchuUer  était  le  meilleur  de  toute  la 
bande. 

SCHUHMACHER  (Tobie),  près  de  Saint  Nicolas,  n^  25. 

Du  11  septembre  1754  au  1*'  septembre  1789,  notaire  im- 
matriculé au  Directoire  de  la  noblesse  d'Alsace  et  en  même 
temps  greffier  aux  Inventaires  —  De  cette  dernière  date  au 
V  septembre  1798,  notaire  et  syndic  de  ce  corps  à  Stras- 
bourg — ■  1792.  De  la  Société  des  jacobins,  et  comme  tel  il 
est  élu.  le  8  octobre  1793,  officier  municipal  sous  le  maire 
Monet  A  l'élection  du  5  novembre  suivant  il  n'est  plus 
réélu,  et  le  25  octobre  1794,  biffé  de  la  lisle  des  Jacobins. 

SCHWAHN  (Jean-Conrad). 

Né  en  1756  à  Darmstadt.  Chirurgien,  non  juré,  à  Stras- 
bom'g  avant  1789  —  Juillet  1791.  De  la  Société  des  amis  de 
la  constitution  —  7  février  1792.  De  celle  des  jacobins  — 
8  février  1793.  Du  Comité  de  surveillance  des  Jacobins  pour 
recevoir  et  vérifier  les  dénonciations  —  11  mars.  Il  aide  à 
rayer  Waghette  de  la  liste  des  membres  de  ce  comité  — 
20  avril.  Il  trouve  que  la  Convention  nationale  ne  va  pas 
assez  vite  en  besogne,  et  avec  d'autres,  il  signe  une  adresse 
se  terminant  par  la  phrase  sacramentelle  : 

Yoilà  le  Yœn  des  Sansculottes  de  Strasbourg  qni  ont  jnré  et  jurent 
encore  de  s'ensevelir  plutôt  sons  les  mines  de  VUnivers  que  de  retour- 
ner à  Tesclavage. 

5  novembre.  Notable  de  la  commune  —  17  déc.  Il  est 
mis  en  état  de  suspicion,  et  en  voici  la  raison  :  Strasbourg 


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412  REVUE    D'ALSACE 

renfermait  grand  nombre  de  militaires  malades  ou  sup- 
posés tels,  le  général  Dièche  en  informe  le  Comité  de  sur- 
veillance et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin  qui,  à  son  tour, 
charge  Bruat  de  faire  examiner  et  surveiller  strictement 
Schwahn,  se  disant  chirurgien,  né  sujet  étranger,  la  plupart 
traîtres  et  conspirateurs  contre  la  propriété  et  la  Répu- 
blique —  25  octobre  1794.  Il  est  encore  de  la  Société  des 
jacobins. 

SGHWARTZ  (Jean-George). 

Né  en  1743  à  Strasbourg,  où  il  était  fabricant  de  boutons 
avant  1789  —  Juillet  1792.  De  la  Société  des  jacobins  au 
Miroir  —  22  novembre  1793.  Il  demande  à  Saint-Just  et 
Lebas,  d'ordonner  Tépurement  des  Comités  de  surveillance 
et  la  suppression  de  la  permanence  du  Comité  des  douze 
sections  de  la  ville  —  25  novembre.  Le  Club  le  nomme 
d'une  commission  chargro  de  présenter  les  moyens  d'opé- 
rer la  levée  des  citoyens  du  Bas-Rhin  —  3  janvier  1794.  Au 
Club  il  dénonce  Baldner  pour  avoir  traité  les  jacobins  de 
gueux,  de  coquins,  de  voleurs,  de  jeanfôutres  et  de  lâches 
—  25  janvier.  Il  annonce  à  la  Société  qu'il  existe,  dans  un 
hôpital  de  la  ville,  un  émigré  atteint  du  scorbut,  et  que  pour 
rendre  sa  guérison  plus  prompte,  on  doit  le  guillotiner  — 
25  octobre.  Présent  aux  Jacobins. 

SCHWARTZ  (Jean). 

Né  en  1748  à  Strasbourg,  où  il  était  cordonnier  avant 
1789  —  De  décembre  1793  jusqu'en  janvier  1795,  membre 
de  la  Société  des  jacobins. 

SCHWARTZ  (Jean-Claude). 
Comme  membre  de  la  Propagande  révolutionnaire,  il 
arriva  de  Colmar  en  octobre  1793  -  20  novembre.  Il  de- 
mande à  Baudot  et  Lémane  le  temple  de  Saint-Thomas  et 
un  mandat  sur  la  caisse  des  riches,  pour  couvrir  les  frais 
d'installation  —  2  décembre.  Il  signe  l'adresse  de  la  Propa- 
gande aux  habitants  de  Strasbourg  et  des  départements  du 
Rhin. 


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) 


LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  413 

SCHWEIGHAEUSSER  (Jean-Mighel). 

1789  à  1792,  vicaire  de  la  Confession  d'Augsbourg  à  Barr 
—  25  novembre  1793. 11  abjure  dans  le  temple  de  la  Raison. 
Citoyens  ! 

J'ai  lu  ce  livre  extraordinaire  qu'on  appelle  l'Evangile,  malgré  la 
répugnance  que  m'en  avait  inspiré  le  pédantisme  et  la  vie  scandaleuse 
d'un  nombre  de  vils  esclaves  de  toutes  les  passions  et  trompeurs  de 
leurs  frères,  qui  font  un  métier  et  un  trafic  détestable  de  l'interpréta- 
tion de  ce  livre;  je  l'ai  lu  dans  l'original,  j'en  examinai  les  principes, 
j'en  suivi  de  bonne  foi  les  préceptes;  je  fus  ravi  de  joie  et  d'étonné- 
ment  de  me  voir  éclairé,  content,  tranquille,  meilleur  et  plus  heureux 
que  je  ne  l'avais  jamais  été  auparavant. 

Voilà  ce  qui  seul  m'a  fait  embrasser  un  état  que  trop  de  vils  mar- 
chands de  religion  de  toute  secte  ont  rendu  méprisable  ;  je  ne  pouvais, 
selon  mon  cœur,  éclairer,  instruire,  consoler,  fortifier  mes  frères  dans 
les  sentiers  de  la  vertu  sans  porter  l'uniforme  de  l'état  ecclésiastique 
qui  me  donnait  le  droit  de  parler  en  public. 

Enfin  une  lumière  céleste  s'élève  à  l'horizon  de  la  France,  ma  chère 
patrie,  pour  éclairer  l'humanité  entière  et  lui  rendre  ses  droits.  Je  me 
réjouis  de  pouvoir,  affranchi  de  toute  entrave  de  despotisme,  de  tout 
monopole,  enseigner  librement  mes  frères,  mes  égaux  en  droits.  Dans 
tous  mes  discours  je  leur  montrai  Jésus,  comme  le  vrai  martyr  de  l'hu- 
manité, l'ennemi  juré  de  la  prêtraille,  des  despotes  et  des  riches, 
comme  le  véritable  instituteur  de  l'égalité,  dans  ses  paroles  comme 
dans  sa  vie,  tonnant  sans  cesse  contre  l'orgueil  et  l'avarice,  enfin 
comme  le  meilleur  ami  des  Sansculottcs.  Je  fis  voir  que  les  principes 
de  la  Eévolution  étaient  les  siens  et,  par  conséquent,  je  ne  contribuai 
pas  peu  à  les  faire  aimer  et  à  les  propager. 

J'applaudis  donc  de  tout  mon  cœur  à  l'abolition  de  tout  titre,  de  tout 
état,  de  tout  costume  distinctif  ;  je  renonce  à  tout  salaire.  Qu'on  me 
laisse  la  seule  satisfaction  de  me  rendre  utile  à  mes  frères  par  l'in- 
struction et  je  me  croirai  le  plus  heureux  des  mortels. 

Oui,  citoyens  frères!  je  jure  de  continuer,  comme  je  l'ai  toujours 
fait,  d'abhorrer  tout  esprit  de  secte,  d'abhorrer  toutes  les  substilités 
théologiques  et  je  jure  d'être  fidèle  jusqu'à  la  mort  au  bon  sens,  à  la 
raison,  à  la  vertu,  aux  éternels  principes  de  la  vérité,  à  la  saine  morale, 
à  l'humanité,  enfin  à  la  fraternité  universelle  qui  fait  la  base  et  le 
soutien  de  la  République  une  et  indivisible  à  laquelle  je  jure  une 
fidélité  étei'nelle. 

Le  même  jour,  au  Club,  on  arrête,  que  son  nom  sera 
inscrit  au  procès-verbal  de  la  Société  —  1804.  Pasteur  à 
Barr. 


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414  REVUE  d'alsace 

SCHWENGSFELD  (Charles). 

Un  ci-devant  noble,  domicilié  à  Andlau.  Sa  famille  était 
investie  avant  1789  du  château  de  Grûnstein  à  Stotzheim 

—  5  mars  1793.  Commissaire  aux  fonctions  municipales 
d'Obemai,  ou  autrement,  maire  provisoire  —  29  mars.  D 
propose  au  Conseil  municipal  d'envoyer  une  adresse  aux 
représentants  du  peuple  à  Strasbourg  à  l'effet  de  signaler 
l'esprit  de  fanatisme  et  d'aristocratie  qui  anime  les  habi- 
tants d'Obernai,  et  puisqu'ils  ne  veulent  pas  défendre  la 
cause  de  la  liberté  à  l'aide  de  leurs  bras,  les  y  obliger  par 
leurs  ressources  pécuniaires  :  que  dans  ce  but,  une  contri- 
bution soit  imposée  à  l'effet  de  subvenir  aux  frais  de  la 
guerre  en  Vendée. 

La  question  religieuse  ne  fut  point  oubliée:  avec  son  col- 
lègue Martin  il  alla  jusqu'à  proposer  que  tout  catholique 
romain,  qui  ne  fréquenterait  pas  le  culte  constitutionnel, 
fut  déclaré  suspect,  avec  un  écriteau  attaché  à  sa  maison, 
portant  citoyen  suspect  —  9  juin.  A  partir  de  cette  époque  le 
mécontentement  se  fit  jour  par  une  émeute,  les  griefe  aug- 
mentèrent contre  sa  personne;  mais  le  moment  n'était  pas 
propice  pour  en  obtenir  raison,  le  parti  jacobin  était  à 
Tapogée  do  sa  puissance,  et  le  maire  provisoire  exerça  bien- 
tôt tout  seul  le  pouvoir  dictatorial  à  Obernai  —  1*  décembre. 
Quarante-six  juifs  du  district  de  Barr  sont  confiés  à  sa  garde 

—  14  janvier  1794.  U  fait  arrêter  son  ancien  collègue  Martin, 
arrivé  furtivement  à  Obernai  le  13  au  soir,  fuyant  devant 
un  ordre  d'arrestation  de  Lacoste  et  Baudot. 

La  chute  de  Schneider  avait  considérablement  fait  baisser 
sa  puissance.  Une  dénonciation  dirigée  contre  lui,  provoqua 
son  arrestation;  mais  acquitté  par  le  tribunal  criminel,  le 
11  mars,  il  retourna  le  lendemain  à  la  mairie  d'Obernai  — 
Le  19  mars,  le  représentant  Bar  décréta  sa  destitution,  et 
c'est  Nancé,  d'Erstein,  qui  le  remplaça  —  37  juillet.  La  mu- 
nicipalité d'Obernai  reçut  ordre  de  l'arrêter  et  de  le  trans- 
férer à  Paris,  mais  il  était  en  fuite  —  Juin  1795.  De  retour  à 
Andlau;  la  ville  d'Obemai  le  somma  de  rendre  compte  de 


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LES  HOMMES  DE  LÀ  RÉVOLUTION  415 

sa  gestion.  Son  arrestation  suivit  de  près.  Le  tribunal  cri- 
minel du  Bas-Rhin  fut  saisi  de  Taffaire,  laquelle,  au  mois 
d'août  suivant,  était  encore  pendante;  Tissue  nous  en  est 
inconnue .  Il  mourut  à  Andlau  dans  Toubli  et  dans  la  misère. 

SCHWIND  (Charles-François). 

20  février  1791.  Il  prête  le  serment  prc?scrit  aux  ecclésias- 
tiques par  la  loi  du  26  décembre  1790  —  Môme  année,  sous 
révêque  constitutionnel  Brendel,  il  est  nommé  professeur 
de  théologie  dogmatique,  bibliothécaire  et  vicaire-directeur 
au  Séminaire  de  Strasbourg  —  1792.  Il  figure  dans  une 
brochure  intitulée  :  Portraits  des  apôtres  français  à  Stras- 
bourg  —  3  décembre  1793.  il  dénonce  au  Comité  de  sûreté 
générale  du  Bas  Rhin,  la  citoyenne  Berlin,  de  Lauterbourg, 
fille  du  citoyen  Savagnier,  dudit  lieu,  retirée  à  Strasbourg 
avec  un  coffre  rempli  d'argenterie. 

SCHWINGDENHAMMER  (Philippe- Pierre). 

1789.  Homme  de  loi,  rue  de  la  Nuée  bleue,  n"*  21  —  2  sep- 
tembre 1791.  Greffier  du  tribunal  criminel  du  Bas-Rhin  — 
12-14  novembre  1792.  A  Pélection  tenue  à  Wissembourg,  il 
est  confirmé  dans  ses  fonctions  —  19  février  1793.  De  la 
Société  des  jacobins  —  25  décembre.  Greffier  du  tribunal 
révolutionnaire  présidé  par  Mainoni  —  27  décembre.  Accu- 
sateur public,  substituant  près  le  tribunal  criminel  extra- 
ordinaire du  Bas-Rhin,  il  requiert  le  procureur  de  la 
commune  de  Strasbourg  de  faire  démolir  la  maison 
Scharrer,  place  du  Marché  aux-Poissons,  n<>  76  —  25  mai  1794. 
Qualifié  de  greffier,  il  figure  sur  une  liste  de  suspects  dressée 
par  le  Comité  de  surveillance  des  Jacobins  —  9  septembre. 
Foussedoire  avec  la  Société  populaire  le  nomment  agent 
national  de  la  commune  de  Strasbourg,  en  remplacement 
de  Matthaeus  —  25  octobre.  Il  n'est  plus  aux  Jacobins  — 
17  janvier  1795.  Bailly  le  nomme  greffier  du  tribunal  crimi- 
nel du  Bas-Rhin  —  1797—1799.  Avocat  à  Strasbourg  — 
1800.  Nommé  avoué  près  le  tribunal  criminel  du  Bas-Rhin. 


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416  REVUE  d'alsace 

SENGEL. 

1792—1793.  Maire  d'Illkirch,  et  en  cette  qualité  il  dénonce 
les  époux  Poirson  de  sa  commune  ;  Madame,  née  Ulmer, 
pour  avoir  tenu  des  propos  liberticides,  tendant  au  rétablis- 
sement de  la  tyrannie  et  de  la  royauté^  et  à  Tavilissement 
des  assignats,  monnaie  nationale.  Il  Taccusait  en  outre 
d'avoir  voulu  lui  vendre  en  cachette  une  voiture  de  foin 
contre  espèces  sonnantes. 

La  femme  Poirson  fut  condamnée  à  mort  et  exécutée  le 
9  novembre  1793,  le  mari  à  la  déportation  perpétuelle,  et 
leur  jolie  propriété  d'Illkirch,  dont  Sengel  comptait  s'empa- 
rer, fut  vendue  au  profit  de  la  République  —  1796 — 1798. 
Nommé  commissaire  du  Directoire  exécutif  du  canton  de 
Geispoltsheim. 

SÉTHÉ. 

1792.  Membre  de  la  Société  des  jacobins  au  Miroir  — 
21  décembre  1793.  En  cette  qualité,  et  avec  Schûgler  et 
Klein,  il  dénonce  au  Comité  de  surveillance  du  Club  le  bou- 
cher Hotiherr,  de  Strasbourg.  Le  25  octobre  1794,  il  est 
rayé  des  Jacobins. 

SILBERRAD  (Jean-Samuel),  (Petites-Boucheries). 

1784  à  1789.  Sénateur  de  la  tribu  des  charpentiers.  Licen- 
cié en  droit.  Secrétaire  honoraire  de  la  Ghambro  des  XIII  — 
8  février  1790.  Elu  notable  de  la  commune  — 11  novembre. 
Maintenu.  Il  était  chargé  du  tribunal  de  police  municipale 
—  27  mars  1791.  Comme  notable,  il  signe  la  délibération 
ordonn<int  Tarrestation  du  curé  de  Saint-Laurent,  et  dénon- 
çant le  cardinal  de  Rohan  aux  représentants  de  la  nation  — 
14  mars  1793.  Membre  du  Conseil  général  du  Bas-Rhin  — 
30  mars.  Juge  près  le  tribunal  criminel  du  Bas-Rhin,  il  con- 
damne à  mort  trois  malheureux  paysans  des  environs  de 
Molsheim  pour  avoir  crié:  vive  le  roi,  au  diable  la  nation— 
En  1793,  reçu  membre  des  Jacobins  au  Miroir  —  5  janv.  1794. 
Juge  au  tribunal  du  district  de  Strasbourg.  Les  Jacobins 
ne  le  portent  pas  sur  leur  liste  du  25  octobre  1794  — 17  jan- 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  417 

vier  1795.  Maintenu  juge  au  tribunal  civil  du  district  de 
Strasbourg,  et  jusqu'en  1804,  il  occupe  les  mômes  fonctions. 

SIMON  (Jean-Frédéric). 

Né  en  1747  à  Strasbourg,  où  il  donnait  des  leçons  de 
calcul  et  d'écriture  —  Du  6  décembre  1789  au  12  mai  1790, 
rédacteur  de  la  feuille  hebdomadaire  patriotique  de  Stras- 
bourg, qu'il  reprit  du  11  novembre  1792  au  25  août  1793  — 
Août  1790.  De  la  Société  des  amis  de  la  constitution— 25  jan- 
vier 1791.  Un  Strasbourgeois,  répondant  à  un  citoyen  de 
Pont-à-Mousson,  dit  : 

Si  l'on  avait  quelques  troubles  à  essuyer,  on  ne  pourrait  les  attribuer 
qu'à  Simon,  véritable  brigand,  que  depuis  six  mois  les  luthériens  sages 
auraient  dû  faire  périr  eux-mômes  par  le  b&ton. 

Même  année.  Président  du  Club  enfantin  de  Strasbourg, 
en  remplacement  de  Beyckert,  du  Gymnase  —  7  fév.  1792. 
De  la  Société  des  jacobins,  au  Miroir  —  Fin  juin,  il  alla  à 
Paris  comme  fédéraliste  et  tut  un  des  quarante-trois  mem- 
bres qui  s'assemblaient  journellement  dans  la  salle  de 
correspondance  aux  Jacobins  Saint-Honoré.  De  ces  qua- 
rante-trois on  en  tira  cinq  pour  le  Directoire  secret  d'insur- 
rection; il  fut  du  nombre,  avec  Vaugeois,  grand-vicaire  de 
Févèque  de  Blois;  Debesse,  du  département  de  la  Drôme; 
Guillaume,  professeur  à  Gaen,  et  Gallissot,  de  Langres. 
Bientôt  on  y  joignit  encore  d^autres  révolutionnaires. 

La  première  séance  de  ce  Directoire  insurrectionnel  se 
tint  dans  un  petit  cabaret,  au  Soleil  d'or,  rue  Saint-Antoine, 
près  la  Bastille,  dans  la  nuit  du  jeudi  au  vendredi  26  juillet. 
On  fabriqua  un  drapeau  rouge,  et  dans  la  séance  du  4  août, 
on  arrêta  le  plan  de  l'insurrection,  la  marche  des  colonnes 
et  l'attaque  du  Château. 

En  sa  qualité  de  secrétaire  de  co  Comité,  il  fit  une  copie 
du  plan  pour  Santerre  et  Alexandre;  mais  il  ne  put  être  mis 
à  exécution  que  dans  la  nuit  du  9  au  10  août,  au  moment  où 
le  tocsin  sonna  en  trois  endroits  diflférents  en  môme  temps. 

C'est  donc  à  ces  cinq  jacobins  que  l'on  peut  attribuer 
directement  la  gloire  de  la  fameuse  journée  du  10  août. 

NoQveUe  Série.  —  «-  année.  27 


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418  REVUE  d'alsace 

Il  ne  revint  à  Strasbourg  qu'en  septembre  pour  aller 
ensuite  à  Mayence,  occuper  le  poste  de  commissaire  du 
pouvoir  exécutif  près  l'armée  de  Rhin  et  Moselle,  comman- 
dée par  Gustine,  et  dont  il  traduisit  la  proclamation  aux 
habitants  du  Palatinat,  en  date  de  Spyre,  le  7  octobre  1792 
— 18  janvier  1793.  En  cette  qualité  il  est  nommé  notable  de 
la  commune  de  Strasbourg  — 30  janvier.  Schneider  annonce 
que  Mayer  étant  parti  pour  l'armée  du  Rhin,  et  Simon 
ayant  joué  un  des  premiers  rôles  à  Paris,  le  10  août,  leur 
journal    Oeschichte    der   çegenwàrtigen    Zeit  cesserait  de 
paraître.    Il   avait  commencé  le   10  octobre  1790.  C'eî^t 
Schneider  qui  coopéra  à  la  rédaction  en  juillet  et  août,  pen- 
dant que  Simon  était  à  révolutionner  Paris  —  22  juillet. 
Gomme  membre  du  Conseil  de  défense  de  Mayence,  il  signe 
la  capitulation  —  Août.  De  retour  à  Strasbourg,  il  dénonce 
D^  Stamm  au  tribunal  révolutionnaire  pour  avoir  dirigé  la 
municipalité  de  Mayence,  écarté  les  populations  de  notre 
Constitution*  et  par  sa  rudesse,  fait  émigrer  tous  les  bate- 
liers qui  auraient  pu  rendre  de  grands  services  à  la  défense  de 
la  place  —  8  octobre.  Chargé  d'aflEaires  de  la  République,  il 
est  élu  notable  —  10  octobre.  Au  Comité  de  surveillance,  il 
appuie  une  dénonciation  faite  contre  Tûrckheim  —  5  nov. 
En  la  même  qualité,  de  nouveau  confirmé  notable — 29  nov. 
Il  rapporte  à  Monet,  qu'ayant  pendant  toute  la  journée  par- 
couru les  marchés  et  les  maisons  publiques,  il  n'a  rien  pu 
découvrir  de  fâcheux,  les  villageois  louaient  le  régime  répu- 
blicain, en  maudissant  l'aristocratie — 30  novembre.  Second 
rapport  sur  les  juife,  qu'il  n'a  rencontré  nulle  part  U  désire 
faire  un  tour  à  la  campagne,  mais  ses  moyens  et  sa  nom- 
breuse famille  s'y  opposent;  il  prie  donc  Monet  de  lui  faire 
donner  ce  qu'il  lui  plaira  —  1"  décembre.  Dans  son  troisième 
rapport,  il  a  parcouru  le  port  des  pécheurs  pour  avoir 
l'oreille  attentive  aux  conversations,  mais  tout  était  tran- 
quille et  sans  aucun  intérêt  —  6  décembre.  Au  Club,  le 
rapporteur  du  Comité  épurateur  de  la  Société  des  jaco- 
bins dit:  «Simon,  journaliste,  Rolandiste,  intrigant.»  «Oui, 
dit  un  membre,  je  l'ai  toujours  remarqué  aux  séances  du 


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Goog\^ 


LES  HOMMES   DE  LA  RÉVOLUTION  419 

parti  Roland.  »  «  Nommé  par  ce  dernier  à  une  Commission 
à  Mayence  qui  le  mettait  à  môme  de  surveiller  bien  des 
désordres,  il  ne  Ta  point  fait,  et  n'a  pas  eu  le  courage  de 
faire  ses  dépositions  avec  la  fermeté  qu'inspire  la  vérité, 
dans  le  procès  du  général  Gustine.»  Un  autre  membre 
cherche  à  le  défendre  en  allégant  qu'il  s'est  ruiné  pour  sou- 
tenir son  journal.  Sa  radiation  est  sgoumée  — 11  décembre. 
Employé  au  district  de  Haguenau,  il  reçoit  son  certificat  de 
civisme  — 14  décembre.  Le  Comité  de  surveillance  de  sûreté 
générale  du  Bas-Rhin,  lui  paie  60  livres  comme  agent  du 
Comité  —  25  septembre  1794.  Le  Club  le  charge  de  traduire 
en  allemand  un  discours  du  sansculotte  Massé,  commen- 
çant ainsi  : 

La  République  est,  en  ce  moment,  un  yaisseau  superbe  chargé  de 
trophées  et  voguant  à  pleine  voile  vers  la  terre  du  bonheur,  etc. 

25  octobre.  Il  est  encore  aux  Jacobins. 

SIMON  (Nicolas). 

Né  en  1749  à  Ijeiningen-Altroflf,  dans  le  Palatinat  —  Avant 
1789,  cafetier  à  Strasbourg  —  15  mars  1791.  De  la  Société 
des  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792.  Il  passe  aux 
Jacobins  —  18  janvier  1793.  Nommé  notable  de  la  com- 
mune; fonctions  qu'il  ne  cessa  d'occuper  jusqu'à  fin  1794 — 
13  avril  1794.  Il  se  rétracte  près  le  Comité  de  sûreté  générale 
de  mettre  en  jugement  quatre  commandants  de  la  garde 
nationale  de  Strasbourg  —  2  août.  Il  adhère  à  l'adresse  de 
félicitations  de  la  municipalité  à  la  Convention  nationale, 
lors  de  l'arrestation  de  Robespierre  et  autres  complices  — 
25  octobre.  Présent  aux  Jacobins. 

SIMOND  (Daniel) 

Un  Suisse,  né  en  1774  à  Hostung,  district  de  Romans,  où 
il  était  étudiant  —  En  1793,  il  arriva  à  Strasbourg  et  fut 
employé  à  la  mairie,  au  bureau  des  étrangers  —  21  mai  1794. 
De  la  Société  des  jacobins,  au  Miroir  —  12  juin.  Il  dénonce 
au  Comité  de  sûreté  générale  le  tailleur  René,  rue  de  la 
Mésange,  qui  lui  a  demandé  48  livres  pour  une  culotte  de 
drap,  non  doublée  ->  25  octobre.  Encore  aux  Jacobins. 


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420  REVUE    d' ALSACE 

SIMOND  (Philibert). 

D'origine  piémontaise;  il  logeait  rue  du  Dôme  —  En 
mars  1791.  Comme  prêtre  assermenté,  il  fut  nommé,  le 
28  juin  suivant,  vicaire  épiscopal  de  réglise-cathédrale  de 
Strasbourg  —  22  octobre.  Il  désavoue  le  discours  de  son 
collègue  Schneider  sur  le  mariage  des  prêtres  —  10  jan- 
vier 1792.  A  la  Société  des  amis  de  la  constitution,  il  tient 
un  discours  sur  l'éducation  des  femmes  —  24  février.  Après 
la  scission,  président  du  Club  des  jacobins,  il  est  d'avis  de 
tenter  la  réconciliation  et  d'envoyer  une  députation  à  l'Au- 
ditoire —  3  avril.  La  Société  des  jacobins  le  charge  déporter 
à  celle  de  Paris,  ses  griefs  contre  le  maire  Dietrich,  les 
administrateurs  du  Bas-Rhin,  et  surtout  les  faire  oonnaitre 
à  l'Assemblée  nationale  —  21  mai.  Aux  Jacobins  il  dénonce 
Dietrich  comme  vendu  à  Lafayette  —  22  mai.  Il  signe  la 
circulaire  à  toutes  les  sociétés  affiliées  pour  leur  peindre  la 
situation  politique  des  frontières  du  Rhin: 

Nos  départements,  bien  loin  d'être  dans  le  sens  de  la  Bévolution, 
deux  tiers,  au  moins,  sont  dans  le  sens  contraire. 

24  juin.  Il  est  cité  devant  le  juge  pour  cette  adresse  incen- 
diaire du  22  mai,  et  la  salle  de  lecture  des  Jacobins  est 
fermée  par  ordre  du  maire  Dietrich  —  28  juin.  Ses  lectures 
publiques  lui  sont  interdites  comme  excitant  à  la  révolte. 

Dénoncé  par  Brunck  au  général  Lamorlière,  celui-d 
demande  son  expulsion  de  Strasbourg,  ce  qui  eut  lieu  vers 
le  11  août  1792.  Pour  se  venger  et  perdre  le  maire  Dietrich, 
il  imagina,  avec  Monet,  une  letti  e  comme  venant  d'un  chef 
de  Farmée  des  émigrés.  Elle  fut  apportée  à  Teterel  par  un 
certain  inspecteur  des  remontes,  probablement  un  espion 
secret  de  Saint-Just  et  Lebas,  et  conduisit  le  malheureux 
maire  à  Téchafaud  —  2  septembre.  A  Télection  tenue  à 
Haguenau,  il  fut  nommé  scrutateur,  et  au  dépouillement, 
député  à  la  Convention  nationale  —  9  septembre.  Au  Club, 
il  raconte  les  faits  qui  ont  eu  lieu  à  Télectiou  de  Haguenau, 
et  présente  la  motion  de  ne  plus  choisir  aux  prochaines  élec- 
tions municipales,  ni  savants^  ni  riches;  mais  les  citoyens  les 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  421 

plus  pauvres  —  21  novembre.  Rendu  à  son  poste,  il  mande 
aux  jacobins  de  Strasbourg  que  Dietrich,  le  marchand  de 
province,  est  à  l'Abbaye,  et  que  prochainement  il  sem  décrété 

—  9  décembre.  Il  est  en  route  pour  Chambéry,  les  députés 
de  la  Savoie  étant  à  Paris,  pour  Tincorporation  de  leur  pays 
à  la  République  française  —  15-19  janvier  1793.  Etant  en 
mission,  il  ne  prit  aucune  part  au  jugement  de  Louis  XVI 

—  31  mars.  De  Paris,  Teterel  informe  les  sansculottes  de 
Strasbourg  que  Philibert  Simond  les  a  trahi  à  Besançon 
dans  le  procès  Dietrich  —  28  juin.  Il  réclame  contre  cette 
fousse  accusation  : 

Je  n'ai  écrit  qu'une  seule  lettre  priyée  sur  le  compte  de  ce  traître, 
c'est  une  réponse  à  l'accusateur  public  de  Besançon  qui  me  demandait 
si  je  pourais  me  rendre  près  du  tribunal.  J'étais  alors  malade,  commis- 
saire de  la  Convention  aux  prises  avec  toute  la  canaille  de  l'ancien 
régime,  il  m'était  impossible  de  quitter. 

29  novembre.  En  commission  à  Besançon,  il  avise  les 
jacobins  de  Strasbourg  que  les  départements  qu'il  vient  de 
parcourir  leur  préparent  quelques  secours  —  23  décembre. 
De  l'Abbaye,  Schneider  invoque  son  témoignage  ;  demandez- 
lui  si  mes  écrits,  mes  discours,  mes  actions  avaient  jamais 
d'autre  but  que  celui  de  seconder  la  marche  de  la  Révo- 
lution. 

Compromis  dans  l'affaire  Danton,  c'est  en  mars  1794, 
qu'il  porta  sa  tête  sur  la  guillotine,  à  Paris. 

SOMMERVOGEL  (Xavier). 

Né  en  1759  à  Strasbourg  —  1789.  Employé  à  la  Chambre 
des  XV  —  26  mai  1790  à  1792.  Premier  commis  au  bureau 
de  la  comptabilité  du  directoire  du  Bas- Rhin  —  1792.  Nom- 
mé receveur  du  district  de  Strasbourg  —  31  octobre  1793. 
Saint-Just  et  Lebas  l'imposent  à  12,000  livres,  réglées  le 
13  suivant  —  21  décembre.  De  la  Société  des  jacobins  — 
24  décembre.  Massé  le  dénonce  au  Comité  de  surveillance 
de  cette  société,  qui  renvoie  la  plainte  au  Comité  de  sûreté 
générale  du  Bas-Rhin  pour  y  faire  droit  —  25  mai  1794. 
Comme  ex-trésorier,  il  figure  sur  une  liste  de  suspects 


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422  REVUE    D*ALSACE 

dressée  par  le  Comité  de  surveillance  des  jacobins — 26  mai. 
La  Municipalité  ordonne  son  arrestation;  mais,  en  déférant 
à  la  demande  de  l'agent  national  MatthaBus,  il  y  sera  sursis 
jusqu'à  son  remplacement  au  District,  qui  sera  prié  de  s'en 
occuper  de  suite,  afin  que  le  service  de  la  caisse,  qui  lui  est 
confiée,  n'éprouve  aucune  entrave  —  30  mai.  Sa  femme  est 
emprisonnée  comme  aristocrate  et  fanatique  —  25  octobre. 
Il  est  encore  aux  Jacobins  —  1797.  Receveur  du  bureau  de 
loterie  n*  702,  rue  du  Jeu  des- enfants,  qu'il  cède,  en  1800,  à 
Ferry,  ayant  été  nommé  chef  de  comptabilité  à  la  préfec- 
ture du  Bas-Rhin. 

SPANGELBERG  (Martin). 
Un  Allemand,  né  en  1746  en  Saxe  ;  serrurier  à  Strasbourg, 
bien  avant  1789  —  1791.  Membre  de  la  Société  des  amis  de 
la  constitution;  il  passe  ensuite  à  celle  des  jacobins,  le 
7  février  1792,  où  il  est  encore  le  25  octobre  1794. 

SPECK. 

1793.  De  la  Société  des  jacobins  —  3  janvier  1794.  D  sert 
de  témoin  à  J.-G.  Schwartz  contre  Baldner,  tonnelier,  pour 
avoir,  à  l'auberge  de  la  Montagne  verte,  insulté  la  Société 
des  jacobins  en  traitant  les  membres  de  gueux,  de  coquins, 
de  voleurs,  de  jeanfoutres  et  de  lâches  —  25  octobre,  n  n'est 
plus  sociétaire  aux  Jacobins. 

SPIELMANN  (Louis),  (Faubourg-de-pierre,  no  82). 

1789.  Greffier  du  petit  Sénat  de  Strasbourg  —  8  fèv.  1790. 
OfBicier  municipal  —  30  avril.  Juge  au  tribunal  du  district 
de  Strasbourg.  De  la  Société  des  amis  de  la  constitution  — 
10  mars  1791.  Il  informe  contre  un  pamphlet  allemand,  in- 
titulé: Bei  Oottf  es  ist  Zeit,  dass  sicli  die  Elsàsser  auf  die 
Hinterfiies  steUenj  etc.  —  27  mars.  Il  sévit  contre  l'imprimé: 
Monition  canonique  et  ordonnance  du  cardinal  de  BoJian, 
éveque  de  Strasbourg  —  16  janvier  1792.  Directeur  du  jury 
du  district  de  Strasbourg  près  le  tribunal  criminel  du  Bas- 
Rhin  —  7  février.  Il  passe  aux  Jacobins  —  19  février  1793. 
Juge  au  tribunal  criminel  du  Bas-Rhin  —  30  mars.  D  con- 


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LES  HOMBfES  DB  LA  RÉVOLUTION  423 

damne  à  mort  trois  malheureux  paysans  des  environs  de 
Molsheim  —  5  janvier  1794.  Commissaire  national  près  le 
tribunal  du  district  de  Strasbourg  —  25  octobre.  Il  n'est 
plus  aux  Jacobins  —  17  janvier  1795.  Juge  au  tribunal  civil 
du  même  district  —  1797.  Substitut  du  commissaire  du 
pouvoir  exécutif  près  le  tribunal  civil  de  Strasbourg  — 1798. 
Elu  par  Strasbourg,  membre  des  Assemblées  primaires  du 
Bas-Rhin  —  1800—1805.  Procureur  au  tribunal  civil  de 
Strasbourg. 

STAMM  (Daniel) 

Avant  1789.  Attaché  au  commerce  de  son  père,  Jean-Fré- 
déric Stamm,  alors  tonnelier -marchand  de  vins  à  Epflg  — 
Janvier  1791.  Comme  négociant,  il  est  reçu  membre  de  la 
Société  des  amis  de  la  constitution  à  Strasbourg  — 10  fév. 
1792.  Après  la  scission,  les  jacobins  le  nomment  secrétaire 
de  leur  Société,  dont  les  séances  étaient  au  Miroir  et  au 
Poêle  des  cordonniers.  Peu  de  temps  après,  la  guerre  entre 
la  France,  la  Prusse  et  l'Autriche  ayant  éclatée,  il  entra 
simple  soldat  dans  un  régiment  de  chasseurs  à  cheval  — 
20  septembre.  Il  est  guide  à  l'armée  du  Rhin,  et  au  Club,  il 
prononce  un  discours  sur  les  devoirs  du  militaire  combat- 
tant pour  la  liberté.  Arrivé  à  l'armée  devant  Spyre,  ses 
talents  géographiques  le  firent  remarquer  du  général  Cus- 
tine  qui,  un  joui*,  le  chargea,  avec  cinquante  hommes  d'en- 
lever les  postes  de  Philippsbourg,  Rheinhaussen,  Lossheim 
et  Ketsch,  et  de  brûler  tous  les  bateaux  qu'il  rencontrerait 
sur  le  Rhin.  Il  réussit  —  7  octobre.  Il  certifie  conforme  une 
proclamation  de  Custine,  datée  de  son  quartier  général  à 
Spyre,  aux  habitants  de  Worms  —  16  octobre.  Custine  le 
charge  d'une  mission  à  Mayence.  Il  pénètre  dans  la  place 
en  compagnie  du  professeur  Bœhmer,  dévoué  à  la  France, 
et  du  colonel  Houchard.  Mayence  s'étant  rendu  le  21  octobre, 
Custine  envoie  son  rapport  à  Paris,  portant  : 

J'étais  non  seulement  instruit  avec  précision  des  forces  qui  étaient 
dans  la  ville,  de  la  nombreuse  artillerie  qui  bordait  ses  remparts,  mais 
encore  de  la  situation  positive  de  cette  importante  forteresse.  J'avais 
su  me  procurer  par  l'intelligence  et  la  grande  audace  du  jeune  Stamm, 


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424  REVUE  p'alsace 

la  connaissance  précise  des  points  qni  avaient  été  négligés  dans  la 
place. 

Cette  heureuse  issue  valut  à  Stamm,  le  27  octobre,  les 
félicitations  de  la  Convention,  et  le  grade  d'aide-de-camp  du 
général  Custine,  qui  fut  nommé  général  en  chef  de  Tarmée 
du  Rhin  —  23  octobre.  Cinq  Mayençais,  dévoués  à  la  France, 
se  réunirent  chez  Taide-major  Stamm  pour  former  un  club 
sous  le  nom  des  Amis  de  la  liberté  et  de  l'égalité,  et  le  len- 
demain, il  y  en  avait  déj^plus  de  mille  d'inscrits  -—  17  no- 
vembre. Du  quartier  général  de  Mayence,  il  adresse  la 
lettre  suivante  au  Landgraf  de  Hesse-Cassel  : 

Vons  êtes  un  négociant  qui  fait  beaucoup  en  marchandise  humaine, 
car  j'apprends  que  vous  offrez  6000  Carlins  pour  l'article  Custine;  c'est 
beaucoup,  car  en  homme  d'affaires  vous  devriez  savoir,  mieux  que  tout 
autre,  ce  qu'une  pareille  tête  vaut.  Peut-être  pourrai-je  vous  rendre 
service,  et  vous  procurer  une  bonne  affaire.  Donnez-moi  3000  Carlins, 
et  je  vous  livre  le  général  Custine,  son  armée,  ses  canons,  ma  personne 
même,  hors  la  porte  de  Hanau,  là,  vous  n'aurez  que  la  peine  de  les 
enlever. 

2  décembre .  L'armée  française  ayant  perdu  Francfort-s/- 
Mein,  se  replia  insensiblement  sur  Mayence.  Stamm  suivit 
Custine  vers  le  Hundsrûcken,  assista  à  la  prise  du  château 
de  Stromberg,  tomba  entre  les  mains  d'une  patrouille  enne- 
mie près  de  Neuwinger  et  ne  dut  son  salut  qu'à  son  cheval, 
n  assista  ensuite  à  l'affaire  de  Gundersblum,  et  après  le 
départ  de  Custine,  il  rentra  à  Mayence  où,  pendant  le  blocus, 
commencé  le  14  avril  1793,  il  fut  successivement  attaché  aux 
généraux  Blou  et  d'Oyre— 22  juillet  1793.  Mayence  capitula. 
Stamm  voulut  rejoindre  Custine,  mais  dénoncé  par  Simon, 
il  fut  emprisonné  le  !•'  août,  transféré  de  suite  à  Paris,  sous 
la  prévention,  d'avoir  avec  Custine,  trahi  la  France  — 
20  août,  n  fut  relâché. 

Brûlant  du  désir  de  voir  son  père  et  sa  mère,  il  s'achemina 
sur  Strasbourg,  où  commandait  le  général  Dièche,  qui,  à  son 
tour,  trouva  bon  de  le  mettre  en  état  d'arrestation,  malgré 
son  permis  du  ministre  de  la  guerre.  Ses  papiers  furent 
saisis,  et  de  leur  examen  il  en  résulta  sa  mise  en  liberté. 

A  peine  chez  son  père,  que  par  suite  des  dénonciations 


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LES  HOMHES  DE  LA  RÉTOLUTION  425 

mensongères  de  Pape,  Petersen  et  Wûrtz,  tous  trois  atta- 
chés au  bureau  de  correspondance  de  Tarmée  du  Rhin,  les 
représentants  Milhaud  et  Guyardin,  le  firent  de  nouveau 
incarcérer  le  27  septembre  —  8  octobre.  Le  Comité  de  sur- 
veillance et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  déclare  que  le 
commissaire  chargé  de  vérifier  ses  papiers,  n^ayant  rien 
trouvé  parmi  eux  qui  puisse  donner  lieu  à  suspiscion,  il 
sera  mis  en  liberté  —  11  octobre.  Il  se  jette  dans  le  parti 
Monet,  qui  le  charge  d'arrêter  les  anciens  baillis,  prévôts, 
huissiers,  forestiers  seigneuriaux  et  les  plus  riches  aristo- 
crates de  chaque  commune  —  3  novembre.  Procureur- 
syndic  près  Tadministration  du  district  de  Strasbourg  — 
17  novembre.  Secrétaire  du  Comité  de  surveillance  et  de 
sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  aux  appointements  de 
2400  livres  par  an  —  18  novembre.  Ce  Comité  arrête  qu'il 
remplira  les  fonctions  de  commissaire  de  police  —  21  no- 
vembre. Il  est  chargé  de  la  visite  et  du  classement  des 
prisonniers  au  Séminaire  —  22  novembre.  Le  Directoire  du 
district  de  Barr  le  charge  des  fonctions  de  commissaire  dans 
le  canton  d^Obernai,  à  Tefifet  de  la  levée  des  scellés  sur  les 
effets  d'émigrés — 24  novembre.  Le  tribunal  révolutionnaire 
le  réclame  pour  procureur-syndic,  tout  en  restant  au  Comité 
de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin  —  29  novembre.  Commis- 
saire pour  la  levée  de  la  contribution  forcée  dans  le  district 
de  Barr  —  1*'  décembre.  Comme  procureur-syndic,  il  est 
requis  par  le  Comité  de  sûreté  générale  de  se  rendre  dans 
les  communes  du  district  et  d'y  asseoir  une  contribution 
forcée  sur  les  riches  et  faire  arrêter  tous  ceux  qu'il  croira 
suspects  —  3  décembre.  De  Dorlisheim,  il  expédie  à  Mainoni 
le  Jammx  Blessig  qui,  dit-il,  ne  s'attendait  pas  à  ma  visite. 
Il  y  en  a  encore  plusieurs  de  ces  êtres  dans  les  environs;  je 
les  découvrirai,  ils  augmenteront  le  nombre  de  ceux  qui 
contribuent  à  nourrir  les  pauvres,  détenus  au  Séminaire  — 
7  décembre.  Il  expédie  sept  autres.  A  cette  époque,  comme 
procureur-syndic  provisoire  du  district  de  Strasbourg,  com- 
missaire général  du  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté 
générale  du  Bas-Rhin  pour  la  levée  des  taxes  révolution- 


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426  REVUE  p'aisace 

naires,  il  fournit  un  état  des  contributions  forcées  à  lever 
par  ordre  des  représentants  du  peuple  et  dudit  Comité  dans 
les  communes  du  district  de  Strasbourg,  montant  à  trois 
millions  281,000  livres,  lesquelles  ont  produit  1,372,560 
livres  —  8  décembre.  Il  est  désigné  pour  établir  une  infir- 
merie au  Séminaire.  Les  médecins  et  chirurgiens  détenus 
seront  obligés  de  soigner  les  malades  —  9  décembre.  Com- 
missaire pour  instruire  l'affaire  dénoncée  par  le  Comité 
central  de  Colmar;  à  quel  effet  il  ira  à  Benfeld  sans  retard 
—  10  décembre.  Procureur-syndic  du  district  de  Strasbourg, 
la  municipalité  doit  lui  fournir  cent  cinquante  charpentiers 
pour  démolir  les  étages  supérieurs  de  la  caserne  dite  Finck- 
matt  — 12  décembre.  U  examinera  toutes  les  lettres  qui  ont 
été  interceptées  et  en  fera  rapport  —  13  décembre.  Weiss. 
en  rendant  compte  comme  greffier  du  tribunal  révolution- 
naire du  Bas-Rhin,  porte  50  livres  payées  aux  musiciens 
qui  ont  joué  devant  la  famille  Stamm.  On  sait  que  Sarah 
Stamm,  sœur  de  notre  Daniel,  épousa  Schneider,  le  13  dé- 
cembre 1793  —  15  décembre.  La  commune  d^Avolsheim 
l'accuse  d'avoir  touché  5000  livres  en  se  qualifiant  de  tré- 
sorier du  tribunal  révolutionnaire.  Il  a  affirmé  n'avoir 
jamais  reçu,  ni  touché  à  Avolsheim,  encore  moins  avoir  pris 
la  qualité  ci-dessus.  On  doit  vérifier  le  fait  —  17  décembre. 
L'affaire  est  renvoyée  aux  papiers  d'Euloge  Schneider  — 
Deux  officiers  municipaux  de  Schiltigheim  se  présentent 
au  Comité  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin  pour  déclarer 
que  le  16,  J.  Fix,  de  Dossenheim,  agent  nommé  par  Stamm, 
s'est  présenté  à  la  maison  commune  réclamant  25,000  livres 
dans  les  vingt-quatre  heures.  Fix  sera  arrêté  —  On  le  charge 
d'interroger  Wûrtz,  Wohringer,  Lieber  et  autres,  et  d'exa- 
miner les  demandes  de  mise  en  liberté  au  Séminaire  — 
23  décembre.  Il  défend  au  commandant  du  Séminaire  de 
ne  laisser  entrer  aucune  espèce  de  mangeailles  ou  boissons, 
sans  un  ordre  exprès  de  Monet  -—  25  décembre.  Avant  de 
se  dissoudre,  le  Comité  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin 
ordonne  de  lui  payer  ses  appointements  sur  le  pied  fixé  et 
le  recommande  pour  être  maintenu  agent  national  du  dis- 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  427 

trîct  de  Strasbourg  —  6  février  1794.  Monet,  en  le  qualifiant 
d'ex-agent  national  du  district  de  Sélestadt,  Tinforme  que 
la  translation  de  son  district  a  été  arrêté  le  5,  et  que  Séles- 
tadt  sera  le  chef-lieu.  Puis  il  ajoute  :  les  gros  marchands  de 
Barr  vont  dire  que  les  progrès  de  la  Révolution  diminuent 
avec  leurs  écus  —  9  avril.  Agent  national  du  district  de 
Benfeld,  séant  à  Sélestadt,  il  se  disculpe  vis-à-vis  des  Barrois, 
d'avoir  contribué  au  transférement  à  Sélestadt  du  district 
qu'eux-mêmes  avaient  enlevé  à  Benfeld  -—9  juillet.  En  cette 
qualité,  il  mande  à  Monet  que  c'est  à  lui,  et  non  à  la  muni- 
cipalité de  Barr,  que  l'agent  de  Strasbourg  aurait  dû 
s'adresser  pour  obtenir  l'arrestation  du  pasteur  Fritz,  que 
la  Société  populaire  de  Barr  prend  maintenant  sous  sa  pro- 
tection. Puis  il  clôture  sa  lettre  en  ouvrant  son  cœur  à 
Monet  : 

Juge  de  là  à  l'esprit  du  peuple.  Jnge  des  Argos,  que  j'ai.  Consulte 
mon  âge  et  vois  moi  abandonné  de  tous  les  côtés.  Sans  pilotes,  sans 
aide,  sans  ami.  Ah,  sans  doute.  Tu  seras  tenté  à  me  sauver  de  ce  pur- 
gatoire, dans  lequel  vous  m'avez  flanqué. 

Dans  ce  mois,  il  fit  arrêter  huit  pasteurs  protestants  et 
six  rabbins  du  district  de  Benfeld,  lors  du  passage  du  géné- 
ral Dièche,  allant  dans  le  Haut-Rhin  — 14  août.  D  informe 
Monet  que  les  Colmariens  l'ont  indignement  traité  au  Club: 
«Tu  es  le  Catilina  de  l'Alsace,  tyran  qui  captive  la  volonté 
des  représentants  du  peuple,»  etc.  —  25  octobre.  D  est  radié 
de  la  Société  des  jacobins  —  16  juin  1795.  Il  figure  sur  la 
liste  supplémentaire  des  émigrés  du  district  de  Sélestadt. 

Etienne  Barth. 

(A  suivre.) 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


I 

Correspondance  politique  adressée  au  Magistrat  de  Strasboni^ 
par  ses  agents  à  Metz  (1594-1683),  tirée  des  archives  mnnicipales  de 
Strasboarg  et  publiée  pour  la  première  fois,  avec  notes  explicatÎTes 
et  tables,  par  MM.  E.  de  Booteiller  et  Extoènb  Hefp  —  Paris, 
imprimerie  de  Berger-Levrault  et  C®,  éditeurs,  1882  —  1  vol.  gr.  in-8® 
de  XVII-463  pp.  —  Prix  10  fr.  à  la  librairie  Berger-Levrault  et  O», 
5  rue  des  Beaux-Arts,  Paris. 

La  maison  Berger-Levrault  a  donné  des  soins  particuliers  à 
l'impression  de  ce  recueil:  beaux  caractères,  beau  papier, 
tirage  irréprochable  font  de  ce  volume  un  des  plus  cossus  et 
des  plus  élégants  de  nos  oUatiques,  On  le  découpe  avec  pré- 
caution et  on  y  touche  avec  les  égards  qui  sont  dûs  à  la 
typographie  artistique.  Avant  de  le  placer  dans  sa  collection, 
l'ami  des  livres  concernant  l'Alsace  aura  soin  de  lui  procurer 
une  reliure  assortie  et  respectueuses  des  marges  que  les  pro- 
cédés mécaniques  outrageraient  d'une  façon  regrettable.  Au 
point  de  vue  matériel,  le  livre  a  droit  à  ces  recommandations. 
Qu'en  est-il  des  documents  que  ce  volume  renferme  et  des 
notes  qui  suivent  les  documents?  MM.  de  Bouteiller  et  Hepp 
ont  pensé  que  si,  au  premier  aspect,  quelques-unes  des  pièces 
paraissent  n'avoir  qu'une  portée  historique  discutable,  il  ne 
leur  était  pas  permis  de  les  élaguer  d'une  collection  formant 
un  tout  homogène,  une  série  complète  des  informations  diplo- 
matiques dont  la  vigilante  République  de  Strasbourg  tenait  à 
s'entourer.  Dans  les  archives  de  ce  genre,  il  y  a  en  eflet,  entre 
toutes  les  pièces  qui  y  sont  conservées,  une  connexité  si 
étroite  qu'elle  ne  saurait  être  bien  comprise  qu'à  la  suite 
d'une  étude  détaillée  et  suivie  de  l'ensemble  des  documents. 
Il  faut  donc  louer  les  éditeurs  de  n'en  avoir  exclu  aucun  du 
beau  volume  offert  aux  amis  de  notre  histoire  locale. 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  429 

Ces  pièces  sont  au  nombre  de  trois  cent  vingt,  embrassant 
une  période  qui  commence  le  16  avril  1594  et  qui  finit  le 
12  juin  1683,  c'est  à  dire  un  siècle  presque  complet.  Elles  sont 
dues  à:  Jacques  de  Saint-Aubin,  de  Flavigny,  Paul  Lallement, 
Bongars,  Jehan  Durant,  un  anonyme  et  Jalon.  Elles  se  rap- 
portent à  peu  près  toutes  à  des  faits  extérieurs  sur  lesquels  la 
République  de  Strasbourg  avait  besoin  d'être  renseignée.  Ce 
fond  constitue  donc  une  partie  intéressante  des  archives  diplo- 
matiques de  la  ville  pendant  le  siècle  qui  a  précédé  le  retour 
de  Strasbourg  à  Tancienne  Gaule. 

Quarante  et  une  pages  d'annotations,  suivies  de  deux  excel- 
lentes tables  des  matières,  terminent  le  volume.  Les  annota- 
tions répondent  strictement  aux  exigences  d'une  publication 
de  ce  genre;  mais  elles  auraient  pu  être  plus  complètes  si 
MM.  Hepp  et  de  Bouteiller  se  fussent  fait  aider,  dans  cette 
partie  de  leur  louable  travail,  par  une  personne  s'étant  plus 
particulièrement  occupée  de  l'histoire  de  la  métropole  de  la 
province.  Nous  aurions  aimé  encore  qu'au  bas  des  pages,  de 
brèves  indications  eussent  donné  un  trait  de  lumière  qui 
aurait  permis  au  lecteur  de  s'orienter  instantanément  sur  les 
faits  extérieurs  auxquels  les  correspondants  de  la  République 
font  allusion  dans  leurs  missives. 

Ces  réserves  ne  portent  aucune  atteinte  au  mérite  réel  du 
volume  que  nous  venons  de  décrire  et  qui  se  recommande  par 
lui-même  à  la  sérieuse  attention  des  historiens  français  et 
alsaciens. 

Dans  leur  avant-propos,  MM.  Hepp  et  de  Bouteiller  nous 
donnent  un  aperçu  fort  lucide  sur  l'organisation  communale 
de  Strasbourg  depuis  ses  origines  jusqu'à  l'avènement  du 
régime  nouveau.  Mais  n'y  a-t-il  pas  contradiction  dans  cette 
remarque  :  qu'à  l'époque  où  Strasbourg  dans  tout  son  éclat  de 
ville  libre,  relevant  immédiatement  du  Saint-Empire  germa- 
nique, formait  une  véritable  république  sans  lien  de  sitzerair 
neté  d'aucune,  sorte  f  Par  le  fait  seul  de  son  immédiateté, 


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430  REVUE    d'alsàce 

comme  d'autres  villes  de  la  décapole,  le  lien  de  suzeraineté 
politique  la  rattachait  au  Saint-Empire.  Cela  est  si  vrai  pour 
toutes  les  villes  libres  d'Alsace,  qu'aussitôt  élu,  le  roi  des 
Romains  devenait  presque  toujours  lieutenant  de  l'empereur 
dans  la  province.  Ce  qui  n'empêcha  point,  il  est  vrai  encore^ 
le  Magistrat  de  Strasbourg  de  savoir  sauvegarder  ses  anciens 
droits  et  privilèges  locaux  avec  une  intelligence  et  une  fer- 
meté qui  ne  se  rencontraient  point  ailleurs  et  qui,  à  la  longue, 
surtout  au  xvi"*  siècle,  lui  créèrent  une  situation  comparable 
à  celle  de  la  souveraineté,  «sans  lien  apparent  de  suzeraineté 
d'aucune  sorte». 

.     II 
Mémoires  de  la  Société  d'émulatioii  de  Montbéliard  — 

XIII«  volume  —  1881  —  Montbéliard,  imprimerie  de  Barbier  frères, 
1881  —  1  voL  in-80  de  86  pp.,  avec  VIII  planches  et  2  cartes. 
Les  matières  qui  composent  ce  fascicule  offrent  un  intérêt 
particulier  se  rattachant  aux  origines  de  la  Société,  à  son 
développement,  à  l'esprit  qui  n'a  cessé  de  l'animer,  au  but 
qu'elle  veut  atteindre,  aux  travaux  qu'elle  a  réalisés,  aux 
richesses  qu'elle  a  réunies  et  aux  vues  qu'elle  cultive  pour 
l'avenir.  Il  y  a  chez  les  personnes  qui  se  succèdent  dans  la 
direction  des  études  un  ensemble  de  ressources  convergentes 
qui  caractérisent  cette  association  et  qui  témoignent  d'une 
louable  persévérance  dans  les  voies  que  la  tradition  a  ouvertes 
aux  intell^ences  de  l'ancienne  principauté.  On  seraconvaincu 
de  l'exactitude  de  ces  remarques  lorsqu'on  aura  lu  les  rap- 
ports de  MM.  Jeanmaire,  Ebersolt  et  Séguin  sur  les  travaux 
de  la  Société  pendant  les  années  1877,  78,  79  et  80,  et  surtout 
la  lettre  de  M.  le  président  de  la  Société  à  M.  le  ministre  de 
l'instruction  publique,  en  réponse  à  la  circulaire  du  11  juil- 
let 1880.  Ces  documents,  avec  quelques  autres  d'ordre  secon- 
daire, remplissent  la  première  partie  du  fascicule.  La  seconde 
partie  est  occupée  par  deux  mémoires  concernant  l'histoire 
locale.  Le  premier,  qui  est  dû  à  M.  Trouillet,  capitaine  du 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  481 

génie,  est  une  étude  topographique  et  militaire  ayant  pour 
but  do  déterminer  le  lieu  où  Jules  César  et  Arioviste  se  ren- 
contrèrent et  où  se  livra  la  bataille  qui  pui^ea  Tancienne 
Séquanie  de  Foccupation  Allémane  et  mit  la  rive  gauche  du 
Rhin  sous  la  domination  romaine.  Cette  question,  souvent 
traitée  par  les  historiens  et  sur  laquelle  le  dernier  mot  sem- 
blait avoir  été  dit  dans  la  ViedeJides  C&ar,  par  Napoléon  111, 
est  reprise  en  sous-œuvre  par  M.  le  capitaine  Trouillet,  qui 
pense  l'avoir  élucidée  au  moyen  de  ses  recherches  topogra- 
phiques et  d'une  minutieuse  discussion  des  points  de  repère 
recueillis  dans  les  Commentaires.  La  conclusion  de  ce  travail 
aboutit  à  la  rencontre  des  deux  armées  dans  la  plaine  ondulée 
de  la  Haute-Saône,  dont  Arcey,  Saulnot  et  Corcelle  sont  les 
extrémités  triangulaires.  Le  monticule  où  se  trouve  la  vierge 
de  Saulnot  serait  le  point  où  eut  lieu  l'entrevue  des  deux  chefs 
avant  la  bataille.  L'étude  est  bien  conduite  et  sa  lecture 
attentive  dispose,  un  peu  laborieusement,  il  est  vrai,  l'esprit 
du  lecteur  à  admettre  la  conclusion.  Mais,  à  l'aspect  .de  l'iti- 
néraire tracé  sur  la  carte,  on  ne  peut  disconvenir  que  l'auteur 
a  dû  prêter  au  Druide  Eduen  Divitiac  et  au  général  romain 
toutes  les  ressources  de  la  stratégie  moderne  pour  faire 
prendre  à  l'armée  victorieuse  le  chemin  qui  devait  la  mettre, 
après  sept  journées  de  marche,  en  présence  des  envahisseurs 
dans  la  plaine  de  Saulnot.  Cela  ressemble  quelque  peu  à  la 
tactique  de  Turenne  se  dérobant,  après  la  bataille  d'Entzheim, 
derrière  les  Vosges  sous  le  prétexte  d'y  prendre  ses  quartiers 
d'hiver,  et  apparaissant  inopinément  à  Belfort,  Mulhouse,  et 
finalement  à  Turckheim  où  il  culbuta  les  impériaux  et  les 
chassa  définitivement  de  l'Alsace.  Quoi  qu'il  en  soit,  la 
méthode  inductive  de  M.  le  capitaine  Trouillet  aura  servi  & 
donner  de  la  précision  à  une  conjecture  historique  exprimée 
depuis  longtemps  par  d'autres  écrivains  :  selon  qu'on  se  pro- 
noncera pour  l'une  ou  pour  l'autre  version  des  Commentaires, 
qxiinqm  ou  quinquaginta,  la  plaine d'Arcey-Saulnot  en  Franchc- 


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432  REVUE    D' ALSACE 

Comté  et  la  plaine  d'Ensisheim-Cernay  en  Haute-Alsace 
demeureront  seules  en  concurrence  pour  revendiquer  le 
souvenir  d'un  événement  mémorable  du  siècle  qui  a  précédé 
Père  moderne. 

Les  notes  du  très  regretté  Henri  L'épée  sur  les  dernières 
fouilles  exécutées  par  lui  aux  environs  de  Montbéliard,  ter- 
minent rintéressante  publication  de  la  Société.  Les  objets 
découverts  dans  ces  fouilles  sont  décrits  avec  une  compétence 
parfaite  dans  les  notes  et  le  dessin  en  est  bien  reproduit  sur 
les  huit  planches  qui  accompagnent  les  notes.  Nous  en  comp- 
tons six  en  silex  et  os  trouvés  aux  abris  du  ChataiUony  quatre 
en  silex  de  la  caverne  d'AUondam,  quatre  de  même  nature 
de  la  caverne  de  Boche-Dane,  quatre  pointes  de  flèche  en  silex 
et  deux  monnaies  gauloises  du  camp  de  ChataiUofi^  le  même 
nombre  de  pointes  de  flèche  et  deux  haches  de  pierre  du  camp 
de  Desandans,  deux  pointes  de  lance,  deux  épingles,  une 
pointe  barbée  de  flèche,  un  hameçon  et  autres  objets  en  pierre, 
en  bronze  et  en  fer  de  la  caverne  de  La  Baume,  divers  objets 
en  bronze  trouvés  à  Atidincourt  L'avant-demière  des  planches 
représente  le  camp  du  CHemont  et  les  sépultures  que  M.  L'épée 
y  a  ouvertes,  tandis  que  Tultime  reproduit  en  grandeur  natu- 
relle les  divers  objets  en  fer,  etc.,  que  l'inventeur  a  sortis  des 
tombes.  M.  Henri  L'épée  était  un  travailleur  éclairé,  un  ami 
du  passé  et  du  présent  de  son  pays,  une  nature  aimable  et 
dévouée  aux  travaux  de  l'esprit  et  de  la  Société  d'émulatioD, 
dont  il  fut  l'un  des  principaux  auxiliaires.  Un  des  premiers,  il 
a  compris  que  le  sol  couvre  ses  archives  et  un  des  premiers 
encore  il  les  a  interrogées  avec  amour  et  sagacité.  En  éditant 
ses  notes  posthumes  la  Société  lui  rend  hommage  en  même 
temps  qu'elle  rend  service  à  la  science.  On  trouvera  dans  les 
notes  qui  nous  occupent  la  trace  exacte  et  indiscutable  des 
diverses  étapes  de  l'humanité  préhistorique  au  pays  de  Mont- 
béliard. 

Frédéric  Eurtz. 


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LEHRES  INÉDITES 


DE 


P.J.  PBOIIDHON  A  SON  Ail  JOOVENOT 


Un  aimable  professeur  de  rUniversité  a  bien  voulu  nous 
faire  communiquer  cinq  lettres  autographes  de  P. J.  -Proudhon, 
devenues  la  propriété  de  M.  Ch.  Boilley,  d'Arbois  (Jura).  De 
son  côté,  M.  Boilley  a  eu  la  gracieuseté  d'autoriser  la  Bévue 
d'Alsace  à  les  publier  in-extenso.  Nos  lecteurs  s'associeront  à 
nous  pour  remercier  ces  messieurs  de  leur  bienveillante 
attention.  Quel  que  soit  le  point  de  vue  ot  l'on  se  place 
pour  apprécier  les  lettres  de  Proudhon,  elles  ne  manqueront 
pas  d'offrir  beaucoup  d'intérêt  pour  notre  histoire  contempo- 
raine. 

Jouvenot,  à  qui  ces  lettres  furent  écrites,  était  composi- 
teur d'imprimerie  chez  M.  Javel,  imprimeur  à  Ârbois,  ob 
Proudhon,  simple  ouvrier  imprimeur,  était  allé  pour  la  com- 
position d'une  édition  estimée  de  l'histoire  du  comté  de 
Bourgogne  par  Dunod  et  publiée  par  Javel.  C'est  là  que 
Proudhon  et  Jouvenot  se  sont  connus  et  liés  d'amitié.  Ils 
prenaient  ensemble  leurs  repas  dans  une  modeste  auberge 
tenue  par  la  famille  C...  et  l'on  a  conservé  à  Ârbois  le 
souvenir  que  Proudhon  avait,  sans  qu'il  s'en  soit  probable- 
ment jamais  douté,  inspiré  un  amour  profond  à  l'une  des 
filleB  de  la  maîtresse  de  pension. 

Ainsi  qu'on  le  verra  à  la  lecture  des  lettres  qui  suivent 

NoayeUe  Séne.  —  il"*  année.  38 


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434  REVUE    D'ALSACE 

Proudhon  n'oublia  jamais  ceux  qui  avaient  été  ses  premiers 
compagnons  de  travail. 

Note  de  la  Direction. 


Besançon,  10  féTrier. 
Mon  cher  Jouvenot, 

Si  les  ouvriers  alloient  au  gré  de  mes  désirs,  vous  auriez 
reçu  ma  réponse  deux  heures  après  la  réception  de  votre 
lettre.  Vous  êtes  bien  négligent  avec  vos  amis;  mais  il  ne 
s'agit  pas  de  cela. 

J'ai  fait  voir  votre  lettre  à  Plumey;  je  l'ai  lue  à  Trimaille, 
qui  a  travaillé  plus  de  six  mois  chez  M.  Simon,  en  qualité  de 
prote  et  de  correcteur,  et  l'avis  de  chacun  est  que  vous  alliez 
chez  ce  M.  Simon.  Il  ne  me  reste  plus  qu'à  vous  donner 
quelques  renseignemens  sur  l'homme. 

D'après  tous  les  rapports,  ce  M.  Simon  serait  une  espèce 
d'original,  peu  prévenant,  point  affable,  assez  intéressé,  et 
d'une  humeur  bourrue  et  difficile. 

Autant  que  j'ai  pu  juger,  Trimaille,  qui  lui  convenait  pour 
tout  le  reste,  lui  a  laissé  à  désirer  pour  la  correction  des 
épreuves.  Le  Père  Burdin  qui  remplaça  Trimaille,  ou  plutôt 
le  supplanta,  comme  vous  vous  en  doutez  d'avance,  fit  encore 
pis.  Il  paraît  aujourd'hui  que  le  successeur  à  tous  deux  ne 
fait  guère  mieux.  J'ai  même  appris  que  l'on  avait  renvoyé 
pour  12,000  fr.  de  ballots  au  s' Simon,  à  cause  de  l'abominable 
correction  des  épreuves.  Et  pourtant  il  ne  fait  que  des  réim- 
pressions d'auteurs  classiques. 

Or,  sous  tous  les  rapports,  vous  pouvez  faire  aussi  bien 
d'une  part  que  Trimaille,  pour  ce  qui  regarde  le  matériel 
d'une  imprimerie,  et  mieux  que  tous  vos  devanciers  pour  la 
correction.  Hardi,  donc,  mon  cher;  Trimaille  avait  obtenu  de 
Simon  100  fr.  par  mois,  le  père  Burdin,  de  60  à  80;  réglez- 
vous  là-dessus. 


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LETTRES  DE  PROUDHON  435 

Je  sais  de  plus  que  Simon  n'est  pas  un  homme  fort  habile, 
ni,  comme  Ton  dit,  capable  de  vous  en  remontrer;  mais  je 
sais  aussi  qu'il  n'entend  pas  trop  raillerie  sur  les  noces,  les 
rioled;...  ceci  soit  dit  sans  intention  de  vous  faire  une 
épigramme. 

Adieu,  mon  brave;  si  vous  ne  vous  arrangez  pas  avec 
Simon,  toujours  faut-il  que  vous  vous  dirigiez  sur  Besançon 
otL  je  compte  vous  voir  avant  8  jours. 

Votre  ami, 

P.-^.  Phoudhon. 

P.  S.  —  Jugez  du  plaisir  que  j'ai  à  vous  écrire,  par  mon 
griffonnage  :  on  n'est  guère  mattre  de  sa  main  en  pareil  cas. 

Stiscription 
Monsieur,  Monsieur  Jouvenot,  compositeur  chez  M.  Auguste 
Javel,  imprimeur  à  Arbois  (Jura). 

N.  B.  —  Le  timbre  de  la  poste  donne  Tannée  à  laquelle 
cette  lettre  fut  écrite:  11  février  1835.  Arrivée  à  Arbois  le 
môme  jour. 


Paris,  3  août  1839. 

Mon  cher  et  ancien  collègue. 

J'ai  des  torts  envers  vous:  je  ne  me  pardonnerais  pas  de 
vous  avoir  si  longtemps  négligé,  si  je  ne  trouvais  mon  excuse 
dans  la  multitude  de  mes  occupations  et  de  mes  ennuis.  Vous 
croyez  sans  doute  que  j'ai  cessé  d'être  homme  parce  que  je 
suis  apprenti-savant,  et  qu'au  milieu  des  bibliothèques,  j'ou- 
blie les  bords  du  Doubs,  et  mes  anciens  confrères  :  vous  vous 
trompez  du  tout  au  tout.  Vous  serez  surpris  quelque  jour,  de 
me  voir  rentrer  dans  la  condition  de  correcteur  d'épreuves, 
de  laquelle  je  ne  devais  jamais  sortir.  Je  n'aime  point  la 
science,  je  méprise  les  savants,  je  hais  les  gens  de  lettre. 


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436  RBYUB    B^ALSACB 

j'abhorre  tout  ce  qui  de  près  ou  de  loin  sent  PAcadémie  et 
rUniversité.  Je  tâche  de  m'arranger  pour  redevenir  un 
homme  de  rien  ;  car  on  n'est  à  son  aise  que  dans  le  néant 

J'ai  passé  une  année  exécrable:  travaillant  et  correspon- 
dant, méditant  et  écrivant,  sans  récréation,  sans  plaisir, 
fatigué  des  hommes,  de  l'étude  et  de  moi.  Je  suis  vieilli  de 
5  ans:  le  mauvais  régime,  le  jeûne,  oui  le  jeûne,  la  fatigue  et 
les  affaires  m'ont  épuisé.  H  est  possible  que  je  ne  revienne 
pas  à  Paris  l'année  prochaine;  tant  ce  séjour  me  fait  horreur. 
Je  prends  en  grippe  jusqu'à  ceux  qui  le  louent  et  qui  s'y 
plaisent 

Vous  n'aurez  jamais  peutrêtre  le  malheur  de  vous  faufiler 
avec  l'espèce  que  l'on  nomme  littérateurs  ou  savants;  vous 
serez  heureux  de  ne  voir  pas  l'humanité  par  son  côté  le  plus 
laid.  Voulez-vous  estimer  vos  semblables?  allez  à  Mesmaj,^ 
levez-vous  à  3  h.  du  matin  avec  les  paysans,  travaillez  tout  le 
jour  et  couchez-vous  à  10  ou  11  h.  Le  dimanche,  dormez 
entre  messe  et  vêpres  sur  la  pelouse,  à  l'ombre  d'un  vieux 
pommier;  et  le  soir  buvez  une  pinte  de  plus.  Voilà  ce  que 
j'appelle  une  vie  de  sanctification;  les  hommes  dont  je  parle, 
au  contraire,  sont  une  engeance  perverse  qu'il  faudrait 
enterrer  dans  du  fumier  de  cochon. 

Votre  compatriote  Javel  '  m'est  venu  honorer  de  sa  visite: 
il  était  dans  une  débine  comparable  à  celle  de  notre  père 
Adam  sortant  du  paradis  terrestre.  U  est  reparti  avec  le 
j^roduit  d'une  petite  collecte.  Je  l'avais  adressé,  avec  une 

^  Mesmay,  viUage  rapproché  d'Arbois  où  Ton  récolte  d'exceUentTin. 

'  Javel  revint  à  Arbois,  où  nonB  le  retrouTons  en  1846.  C'eat  en  cette 
année  qu'il  imprima  et  édita  la  nonveUe  édition  des  Mémoires  histori- 
ques de  la  république  séqucmoise  et  des  princes  de  la  FrcMche-Comté  de 
Bourgogne,  par  M.  Lots  Gk)LLT7T,  avocat  au  parlement  et  professeur  de 
littérature  hxtine  à  ^université  de  DÔle,  inA?  sur  denx  colonnes  de 
XXIV--2089  p. 


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LBTTRB  M  PROUDHON  437 

lettro»  aa  baron  Delort,  le  pb<8  obligeant  des  hommes,  surtout 
pour  les  Ârboisiens.  Javel  a  été  reçu  comme  un  chien,  et 
presque  mis  à  la  porte.  Les  grands  obligent,  oui;  mais  c'est 
quand  il  y  a  pour  eux  de  Thonneur  et  du  profit  à  obliger.  Le 
général  Delort  ira  parlera  Louis-Philippe  en  faveur  de  la  ville 
de  Besançon:  il  laissera  périr  un  misérable  faute  d'une  che- 
mise ou  d'une  pièce  de  100  s. 

Ces  considérations  sur  les  grands  se  multiplient  chaque 
jour,  et  j'en  tiens  registre.  Je  vous  avoue  que  si  Barbes  avait 
jeté  dans  la  Seine  les  Tuileries,  le  Palais  Bourbon,  le  Luxem- 
bourg, la  Préfecture  de  police,  et  les  cinq  académies,  il 
m'aurait  fait  plaisir.  Il  aurait  fallu  avec  tout  cela  brûler  tous 
les  journaux  et  bâillonner  tous  les  écrivassiers.  Barbes  eut 
été  alors  le  premier  homme  du  monde.  Mais  il  n'a  pas  moins 
eu  l'estime  des  contemporains,  qui  lui  tiennent  compte  de  ses 
efforts.  La  volonté  était  bonne. 

Je  viendrai  bientôt  au  secours  de  ces  pauvres  prolétaires, 
de  cette  canaille  qui  n'a  rien  et  à  laquelle  nous  appartenons, 
vous  et  moi  Ils  n'ont  pas  encore  trouvé  d'avocat  La  cause 
est  pourtant  belle.  Mais  il  n'y  a  pas  d'honoraires,  et  les  juges 
sont  gagnés. 

Mon  plaidoyer  est  commencé,  et  j'y  travaille  tous  les  jours. 
Ce  sera  un  beau  tapage.  Mais  il  n'y  aura  ni  oh  ni  ah  :  Galilée 
prouvant  le  mouvement  de  la  terre  n'avait  pas  mieux  raison. 
Encore  un  peu  de  temps  ! 

J'ai  reçu  de  vos  nouvelles  de  temps  en  temps  par  ma  mère  : 
je  vous  remercie  de  ne  l'avoir  pas  tout  à  fait  négligée  :  elle  ne 
se  loue  pas  autant  de  gens  que  l'on  aurait  crus  m'ètre  plus 
attachés  que  vous.  Je  suis  sûr  que  vous  avez  déjà  grogné 
contre  moi:  tant  mieux,  cela  est  une  preuve  que  vous  ne 
m'oubliez  pas.  D'ailleurs  vous  n'êtes  pas  le  seul  qui  vous 
soyez  plaint:  ce  qui  n'empêche  pas  que  je  n'aie  écrit  plus  de 
cent  lettres  cette  année. 


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438  REVUE    D  ALSACE 

Après  tout,  vous  êtes  de  tous  ceux  à  qui  j'écris  et  qui  se 
plaignent  de  moi,  celui  à  qui  j'ai  le  plus  d'obligation:  ils  me 
demandent  des  lettres  ;  vous  ne  me  donnez  pas  signe  de  vie. 
Je  vous  reconnais  là  :  eh  bien,  c'est  moi  qui  viens  vous  pincer 
l'oreille,  quand  vous  n'y  comptez  plus,  et  au  moment  de  partir 
de  la  capitale.  Encore  un  mois,  un  grand  mois  de  31  jours,  et 
je  secouerai  la  poussière  de  mes  pieds  contre  ce  gueux  de 
Paris,  où  je  ne  souhaite  pas  de  vous  voir. 

Ceux  qui  m'écrivent  me  donnent  en  général  fort  peu  de 
détails  sur  ce  qui  se  passe  à  Besançon  parmi  les  personnes 
de  ma  connaissance.  Comme  vous,  mon  cher  Arboisien,  ils  me 
font  l'honneur  de  me  supposer  indifférent  à  tout  ce  qui  peut 
affecter  le  pays  et  les  hommes.  On  croirait  agir  sottement  de 
me  raconter  des  détails  qui  m'intéresseraient  pourtant  beau- 
coup ;  et  lorsque  j'espère  me  raffraîchir  lé  sang  en  ouvrant 
une  lettre  timbrée  de  Besançon,  je  ne  trouve  souvent  que  des 
détails  chagrinants  sur  mes  affaires,  ou  des  conversations 
littéraires,  politiques  et  scientifiques. 

Vous  ne  m'écrirez  pas  cette  année;  car  avec  votre  prompti- 
tude ordinaire,  vous  n'avez  plus  assez  de  30  jours  pour  faire 
une  lettre  :  J'irai  donc  chercher  la  réponse  moi-même. 

Dantine  m'a  dit  que  Plumey  avait  été  malade,  et  qu'il  était 
convalescent  Je  l'ignorais  absolument.  Je  voudrais  bien 
savoir  ce  qu'il  va  devenir.  Depuis  que  je  suis  à  Paris,  j'ai 
faim  et  soif:  si  je  déjeûne  deux  fois  de  suite  au  restaurant,  je 
prends  un  dégoût  horrible  :  il  n'y  a  que  la  famine  qui  puisse 
me  contraindre  à  manger.  Plus  d'une  fois  je  suis  tombé 
évanoui  de  besoin  avant  de  me  décider  à  aller  dîner.  Après 
cela,  croyez  que  je  fais  l'amour,  et  que  je  m'occupe  de  iilles. 
Bon  Dieu  I  je  ne  saurai  bientôt  plus  de  quel  sexe  je  suis.' 

Adieu:  n'engraissez  pas  trop;  n'allez  pas  mourir  d'excès  de 
santé  :  et  quand  vous  buvez  du  meilleur,  pensez  quelques  fois 
que  je  n'ai  pas  même  de  l'eau  de  bonne  qualité.  C'est  ainsi 


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LETTiBS  DE  PROUDHON  439 

qu'on  recommande  aux  bons  chrétiens  de  prier  pour  les  tré- 
passés dans  les  moments  de  réjouissance. 

Vanitas  vanitatum,  et  onmia  vanitas,  prœter  menducare  et 
biberef 

Votre  toujours  le  m6me, 
P.-J.  Pboudhon. 

P.  S.  —  Le  bonjour  à  votre  collègue,  M.  Priemier  :  et  dites 
lui  que  j'espère  bien  qull  ne  me  garde  pas  rancune. 

Suscription 
A  Monsieur,  Monsieur  Jouvenot,  correcteur  d'imprimerie, 
maison  Cbalandre,  Grande  rue,  à  Besançon. 


LE  PEUPLE  Conciergerie,  15  juin  1851. 

de  1850  "^ 

iBil  pmlsfitnt  tims  Ibis  ptr  scmiiiie 

BUREAUX 
Rue  Coq-Héron,  S  *-.  .  -  ^ 

A  Paris  Mon  vieux  coufrère, 

PRIX  DE  L'ABONNEMENT 

PARIS  ET  DÉPARTmBNTS 

^^v wfr-  Pendant  que   suis    en   train,    aujourd'hui 

wsmou...^^. 6  «        dimanche,  fête  de  S**  Trinité,  de  mettre  à  jour 

Adrttier  lettres  et  mandau         ma  Correspondance,  et  d'écrire  aux  Bisontins, 

wuuico  âa  Géram  . 

je  viens  frapper  à  la  porte  de  votre  mémoire, 

et  vous  demander  ce  que  vous  faites. 

Comment  avez-vous  passé  la  Révolution  de  1848?  —  Et 
avant  toutes  choses,  car  je  suis  bien  aise  de  savoir  à  qui  je 
parle,  êtes-vous  des  rouges  ou  des  blancs?  Signez-vous  la 
pétition  pour  la  révision,  ou  celle  contre  la  révision?  Où  en 
est  enfin  votre  baromètre  politique  ? 

Vous  sentez  bien  qu'un  révolutionnaire  de  ma  trempe  ne 
peut  pas  se  compromettre  à  la  légère,  en  écrivant  du  fond  de 
sa  prison  à  d'anciennes  connaissances,  qui,  depuis  trois  ans, 
à  travers  tout  ce  gâchis,  auraient  pu  sans  crime,  prendre  leur 
estomac  pour  leur  conscience  et  crier.  Vive  V Empereur!  en 


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440  EEYUB    D'ALSAGB 

B'imaginant  crier  Vive  la  Nation/  Cela  est  arrivé  à  ô  millions 
et  demi  de  Français.  La  typographie  bisontine  estrelle  tou- 
jours, comme  la  parisienne,  Télite  et  la  fleur  des  patriotes? 

Nous  sommes  bien  mous,  bien  flasques,  bien  mats.  Voilà 
L.  Rollin  et  ses  rouges,  qui,  voyant  venir  1852,  et  couchant 
en  joue  la  Présidence,  flagornent  la  bourgeoisie  et  se  mettent 
à  bêler  les  plus  tendres  pastorales,  a  Nous  sommes  des 
«  hommes  d'ordre;  nous  ne  voulons  point  d'anarchie;  la 
«  famille,  la  religion,  la  propriété  ;  pas  de  loi  agraire!  b  Bref, 
c'est  à  qui,  en  ce  moment,  se  fera  le  plus  conservateur  et 
miton  mitaine.  Nous  tombons  en  république  honnête  et 
modérée  de  plus  belle.  Tas  d'intrigants!  Tas  de  jongleurs! 
Ecoute  citoyen  Jouvenot  :  dans  51  semaines  je  suis  libre  :  ils 
auront  encore  de  mes  nouvelles. 

Eh  bien!  me  voilà  marié,  père  de  famille;  je  peux  dire, 
comme  le  premier  bourgeois  de  Paris,  avec  la  même  solennité, 
nos  femmes  et  nos  enfants  t  C'est  un  état  comme  un  autre. 
Dans  toutes  les  positions,  le  mal  et  le  bien  se  compensent  Je 
crois  que  dans  la  jeunesse,  jusqu'à  30  et  35  ans,  le  célibat 
absolu,  la  virginité  complète,  est  l'état  qui  comporte  le  plus 
de  bonheur  réel;  —  et  que  ce  temps  passé,  il  y  a  des  jouis- 
sances particulières  au  mariage.  J'ai  voulu  vivre  ma  vie 
entière,  je  suis  un  peu  marié  sans  l'être;  en  ce  sens  que  si 
j'ai  ajouté  à  mes  soucis  et  à  mes  charges,  j'ai  peut-être 
augmenté  ma  liberté  et  affermi  mon  caractère.  Si  vous  voulez 
mon  opinion  sur  le  mariage,  la  voilà.  Et  vous? 

Conmie  vous  êtes  enjésuités,  embéguinés,  encanaillés! 
pauvres  Bisontins!  Quand  donc  est-ce  que  la  sociale  viendra 
nettoyer  cette  écurie  d'Augias?  Ah!  que  de  vérités  il  reste  à 
dire  !  Et  que  le  pauvre  peuple  a  encore  besoin  que  le  citoyen 
Proudhon  lui  dessille  les  yeux  !  Je  n'y  manquerai  pas  ;  je  vous 
en  avertis. 

Voyez-vous  mon  ami  Huguenot?  comment  se  tire-t-il  d'af- 
faire? Pourquoi  nVt-il  pas  accepté  l'impression  du  journal 


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LETTRU  DB  PROUDBON  441 

démocrate?  Enfin,  parlez  moi  un  peu  de  tout  et  de  tous: 
depuis  trois  ans  les  petites  filles  sont  devenues  grandes,  les 
vieux  ont  dû  s'éclaircir  encore  et  le  personnel  bouzebot  se 
renouveler.  Trouverais-je  encore  quelque  vigerou  (?)  au  petit 
battant  qui  me  reconnût? 

Mon  cher  Jouvenot,  je  suis  épuisé,  usé,  calciné  :  je  me  sens 
tirer  à  la  fin,  bien  que  la  mine  soit  excellente,  et  que  je 
paraisse  plus  frais,  jeune  et  vigoureux  que  jamais.  J'ai  trop 
fait  travailler  la  cervelle,  et  trop  laissé  engourdir  mes  mem- 
bres. Je  ne  vaux  plus  rien  :  il  n'y  a  que  le  vieux  rouge  qui 
m'attache  à  l'existence.  Je  vous  avoue  mon  faible;  c'est  peut- 
être  à  cela  que  tient  l'amitié  particulière  que  j'ai  toujours  eue 
pour  mon  père.  Mais  vous  ?  on  dit  que  vous  n'êtes  plus  de 
votre  pays,  que  vous  êtes  sage,  réglé,  tempéré  comme  un 
maître  d'études.  Est-ce  que  vos  épreuves  auraient  déteint  sur 
votre  âme,  par  hasard?  Et  à  force  de  lire  des  Mois  de  Marie, 
auriez-vous  fini  par  prendre  le  scapulaire?  Porteriez-vous  les 
sacrés  stigmates  ?  Ce  serait  un  crime  que  je  ne  pardonnerais 
jamais  à  la  librairie  Chalandre,  vous  pouvez  le  dire  à  votre 
patron,  qui,  pour  son  compte,  s'en  fiche  pas  mal  !  — 

Adieu  mon  vieux  camarade.  Conservez  soigneusement  votre 
position  ;  vivez  en  paix  dans  la  médiocrité  d'Horace,  et  hors 
le  cas  d'absolue  nécessité,  ne  faites  point  parler  de  vous.  Sur 
ce  je  prie  Bachus  et  Comus  de  vous  avoir  en  leur  sainte  et 
digne  garde 

Votre  tout  dévoué, 

P.-J.  Proudhoh. 


Paris,  19  noYembre  1855. 
Mon  cher  Jouvenot, 
Je  viens  vous  demander  un  petit  service  de  camarade. 
C'est  d'hier  seulement  que  je  sais,  par  Denirier,  qu'il  existe 
dans  la  dernière  édition  dxLlHctionnaire  théologiquedeBtBBiKR, 


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442  RSVUB  d'alsagb 

par  M.  Chalandre,  deux  ou  trois  articles,  soit  notes,  soit 
articles  de  texte,  à  mon  intention  particulière,  et  dans  les- 
quels je  ne  ne  suis  pas  trop  bien  traité. 

Auriez-vous  l'obligeance  de  me  dire  quels  sont  ces  articles, 
quelle  en  est  la  substance,  qui  les  a  écrits?  s'il  s'y  trouve 
quelques  lignes  qui  méritent  que  vous  les  citiez,  faites-en 
l'extrait,  et  envoyez-les  moi.  Ou  mieux  encore,  si  ces  articles 
n'étaient  pas  d'une  longueur  excessive  et  ne  demandaient, 
par  exemple,  qu'une  journée  ou  deux  de  travail  pour  en  faire 
la  copie,  chargez-en  quelqu'un;  je  vous  ferai  remettre  aussitôt 
ce  'que  vous  aurez  jugé  à  propos  de  donner  de  gratification. 

Je  possède  une  édition  de  Bergier,  publiée  par  la  maison 
Chalandre,  et  c'est  ce  qui  m'empêche  de  me  procurer  la 
dernière.  Mais  mon  exemplaire  porte  la  date  de  1843,  et  je 
n'y  ai  rien  vu  qui  me  concernât  personnellement 

Quelque  fois  on  trouve  de  ce  qu'on  appelle  imperfection 
d'une  librairie,  de  quoi  satisfaire  un  curieux  qui  ne  cherche 
qu'un  texte  à  recueillir.  —  Si  c'était  le  cas  pour  vous,  vous 
pourriez  mettre  la  feuille  en  question  sous  enveloppe,  et  me 
l'adresser. 

Enfin,  je  me  confie  à  votre  obligeance  pour  ce  renseigne- 
ment, qui  me  sera  utile,  et  que  j'ai  besoin  de  recevoir  sous 
huit  jours,  au  plus  tard. 

Je  pars  du  25  au  30  et  pour  la  Belgique,  où  je  vais  faire 
éditer  un  ouvrage  qu'il  n'y  aurait  pas  pour  moi  sûreté  de 
publier  à  Paris,  et  dont  au  surplus  personne  ne  veut  se 
charger.  Répondez-moi  d'ici  là,  sauf  empêchement 

Comment  êtes-vous  avec  M.  Chalandre?  En  1852,  vous 
m'avez  paru  satisfait  de  votre  position  ;  y  trouvez-vous  tou- 
jours les  mêmes  avantages  ?  Je  ne  vous  chaire  pas  de  mes 
salutations  pour  votre  patron,  malgré  la  bienveillance  qu'il 
m'a  témoignée  à  plus  d'une  reprise:  je  craindrais  qu'il  ne  prît 
cette  liberté  de  ma  part  pour  une  familiarité  indiscrète. 


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LBTTRBS  DB  PROUMON  443 

Mais,  à  défaut  da  chef,  parlez-moi  de  ceux  que  j'ai  connus, 
Joufiroy,  Jobar,  etc. 

J'ai  appris  la  mort  de  ce  bon  Thouré,  par  son  frère  qui  est 
venu  à  Paris  faire  une  grande  musicienne  de  sa  fille,  et  qui 
a  dépensé  pour  cela  ses  dernières  ressources.  Le  pauvre 
homme!. .  .• 

On  dit  que  Plumey  est  la  cheville  ouvrière  de  la  munidpar 
lité  bisontine  et  qu'il  gouverne  la  ville,  comme  le  iils  de 
Thémistocle  gouvernait  Athènes.  Si  vous  le  voyez,  vous  lui 
souhaiterez  le  bonjour  de  ma  part  Je  voudrais  savoir  ce 
qu'est  devenu  son  fils  :  il  a  dû  aller  en  Crimée. 

Le  fils  de  Plumey  me  fait  penser  au  fils  d'Huguenet,  qui 
était,  je  crois,  de  la  réserve.  Est-il  aussi  parti,  celui-là?  Quand 
donc  est-ce  que  le  Minotaure  bonapartiste,  avec  ses  blagues 
de  gloire^  de  liberté  des  nations,  d'équilibre  européen,  sera 
saoul  de  chaire  humaine  ? 

Le  prêtre,  le  soldat,  le  capitaliste  :  voilà  la  triple  puissance 
du  jour,  et  l'objet  de  ma  triple  haine. 

Mais  j'oublie  que  vous  êtes  correcteur  d'une  imprimerie 
ecclésiastique;  et  je  ne  voudrais  pas  vous  compromettre. 

Mon  cher  Jouvenot,  si  vous  pouvez  vivre  décemment  dans 
votre  position,  demeurez-y,  et  gardez-vous  cP écrire. 

Je  vous  serre  la  main,  et  vous  prie  de  me  croire  toujours, 
comme  en  1832,  1834,  et  dans  tous  nos  plus  mauvais  jours, 
votre  fidèle  et  dévoué  collègue, 

P.-J.  Pboudhon 
rue  d'Enfer,  83. 

Paris,  25  décembre  1855. 
Mon  cher  Jouvenot, 
Je  vous  remercie  des  épreuves  et  renseignements  que  vous 
m'avez  envoyés.  J'en  ferai,  vous  pouvez  croire,  le  plus  discret 
usage,  d'autant  mieux  que  je  n'ai  pas  la  moindre  envie  de 
donner  de  l'illustration  au  curé  Vincent 


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444  U¥UB    D  ALSACE 

Je  VOUS  avais  annoncé  mon  départ  pour  la  Belgique:  Je 
n'en  ferai  rien,  j'espère.  J'ai  trouvé  plus  utile  de  mettre  mon 
livre  sur  un  pied  tellement  respectable  que  ni  jésuite  ni 
grippeminaud  n'y  puisse  mettre  la  griffe. 

Il  y  a  dans  votre  lettre,  mon  cher  Jouvenot,  un  mot  fort 
joli,  c'est  quand  vous  me  dites  que  le  petit  service  que  vous 
me  rendez  vous  rend  tUUe  pour  la  première  Jois  de  votre  vie. 
De  la  part  d'un  homme  qui  a  passé  sa  vie  à  lire  des  épreuves 
dans  une  imprimerie  ecclésiastique,  c'est  on  ne  peut  plus 
édifiant  Mais  rassurez-vous;  nous  sommes  solidaires,  et  ce 
que  j'ai  appris  du  grimoire  de  ces  messieurs,  en  même  temps 
que  vous,  ne  sera  pas  perdu.  Jamais  l'église  n'aura  été  à 
pareille  fête;  et  j'espère  que  la  lecture  de  mon  bouquin  vous 
dédommagera  en  une  fois  de  toutes  ces  théologiques  insipidités. 

Mais  ce  qui  m'a  particulièrement  touché  c'est  la  bouteille 
de  vin  blanc  doux  que  vous  avez  bue  à  ma  santé  avec  Plumey; 
et  vous  ne  sauriez  croire  quelle  délirante  envie  elle  m'a 
donnée  de  prendre  le  chemin  de  fer,  et  d'aller  reconmiencer 
avec  vous.  Il  y  a  si  longtemps  que  je  n'en  ai  goûté  de  ce  vin 
blanc  doux!  et  j'ai  eu  tant  de  mal  avec  ces  parisiens  qui  ne 
savent  pas  boire  le  bon  vin  ! ...  • 

Gomme  je  tiens  essentiellement  à  ne  pas  me  brouiller  avec 
M"*  Plumey,  dont  je  connais  \e^  fureurs,  je  vous  serai  obligé 
d'aller  la  revoir  une  fois  encore,  et  de  lui  remettre  l'induse, 
qui  est  du  reste,  bien  entendu,  pour  son  mari  et  pour  elle.  Je 
ne  sépare  pas  ce  que  Dieu  a  joint. 

Si  ma  publication  a  le  succès  que  j'en  attends,  je  me  pro- 
pose, courant  avril  ou  mai,  d'aller  goUarder  une  quinzaine 
là-bas;  ma  cervelle  en  a  besoin. 

Bonjour  et  bonne  année, 

Votre  ami, 
P.-J.  Pboudhok. 

(Cimmmiiieation  de  M.  L.  Mbunibr,  profutmr  de  edmen  noêméOm.) 


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L'ALSACE  ARTISTIQUE 


Suite  ^ 


HELWAND 

ET  LES  CALLiaBAPHES-MIKUTURISTEB  DE  L'ABBATE  DE  LUGELLE 

(xn«  siècle)* 

L'ancienne  abbaye  de  Lucelle,  de  l'ordre  de  Citeaux,  située 
aux  contins  du  Sundgau  (Haute-Alsace)  et  de  la  Suisse,  fut 
fondée  au  commencement  du  xu*  siècle  par  des  nobles  du 
comté  de  Bourgogne,  les  sires  de  Monfauçon  près  de  Besancon. 
Suivant  les  documents  de  l'époque,  saint  Bernard  vint  en 
personne  poser  en  1123  la  première  pierre  de  ce  monastère, 
qui  fut  vendu  comme  bien  national  pendant  la  Révolution  et 
démoli  en  1804.  Lucelle,  où  mourut,  en  1787,  l'historien 
Grandidier,  qui  était  allé  faire  des  recherches  dans  ses  riches 
archives,  fut  l'asile  de  plusieurs  hommes  distingués.  C'est  là  que 
le  Bâlois  Jean  Démétrius,  mort  en  1319,  écrivit  plusieurs 
traités  de  théologie;  que  Conrad  Holtzacker,  originaire  de  la 
même  ville  et  décédé  en  1443,  rédigea  les  Actes  du  CancUe  de 
Trente;  que  Nicolas  Amberger,  vice-chancelier  de  l'empereur 
Frédéric  III,  mort  en  1467,  composa  ses  Dissertations  histo- 
riques sur  les  antiquités  de  Lucelle;  que  Bernard  Buchinger, 
né  à  Eientzheim  (Alsace)  en  1606,  abbé  de  Pairis,  puis  de 

^  Voir  la  livraison  du  dernier  trimestre. 

*  Onvrages  consnltés:  GArabd,  I,  p.  90  et  sniT.;  Bâoqvol  bt 
BisTBLHUBBB,  VAlsoce  ancienne  et  moderne,  article  LuceUe  ;  et  sortent 
(DoiqiTEBas,  BouBOABD  d'Asosl,  L  p.  51, 162  et  sniv. 


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446  REVUE  d'alsacb 

Lucelle,  écrivit  l'histoire  de  ces  communautés  religieuses, 
ainsi  que  celle  du  pape  alsacien  Léon  IX. 

Parmi  les  artistes  calligraphes  ou  miniaturistes  de  Tabbaye 
de  Lucelle,  il  faut  citer:  le  frère  Hélinand,  qui  vivait  à  la  fin 
du  xii*  siècle;  Guillaume,  qui  appartient  au  xuT  et  dont  la 
mention  suivante  se  trouve  dans  le  nécrologue  de  Tabbaye  de 
Pairis  :  c  Â  la  mémoire  de  frère  Guillaume,  moine  de  Lucelle, 
qui  écrivit  avec  beaucoup  de  soin  un  missel  pour  notre  grand 
autel»;  l'abbé  Bourcard  de  Landscron  (1298-1303),  qui 
rédigea  un  terrier  ou  urbaire  intitulé  :  Auro  daudendus  Uber; 
et  au  xvnr  siècle  Bernardin  Walch,  originaire  de  Winckd 
(canton  de  Ferrette),  qui  fut  pendant  de  nombreuses  années 
moine  à  Lucelle  et  y  mourut  en  1760.  Il  était  préposé  à  la 
garde  des  archives  du  monastère  et  s'occupa  de  les  classer. 
Il  nous  a  laissé  plusieurs  manuscrits  fort  curieux,  dont  le  plus 
important  est  son  Missellanea  Lticiscellerma,  en  deux  volumes 
in-folio,  auquel  il  travailla  plus  de  quarante  ans,  comme  il 
nous  l'apprend  dans  sa  préface.  C!et  ouvrage  renferme  non- 
seulement  l'histoire  de  Lucelle,  mais  encore  celle  des 
nombreux  monastères  qui  en  dépendaient,  et  il  Ta  illustré  de 
plans,  de  dessins,  d'armoiries,  de  portraits,  de  sceaux,  etc. 

Hélinand,  le  premier  calligraphe-miniaturiste  connu  de 
l'abbaye  de  Lucelle,  vivait,  comme  nous  l'avons  dit,  dans  la 
seconde  moitié  du  xir  siècle.  Il  s'était  rendu  célèbre  par  son 
talent  de  peindre  de  magnifiques  missels  écrits  sur  pardiemin 
blanc,  enrichis  d'or  et  d'azur,  de  pourpre  ou  de  sinople,  ornés 
d'oiseaux,  de  poissons,  d'anges,  de  démons,  de  saints,  de 
damnés,  enfin  de  tout  ce  qu'il  était  alors  d'usage  de  peindre 
dans  les  livres. 

Parmi  les  ouvrages  d'Hélinand,  les  archives  de  Lucelle 
nous  ont  conservé  le  souvenir  d'un  superbe  missel  qu'il  avait 
peint  en  1196  et  que  l'abbé  de  ce  monastère,  Conrad  de 
Batolsdorf,  envoya  deux  ans  après,  à  titre  de  prêt,  à  Conrad 
de  Biederthau,  abbé  de  Saint-Urbain  (canton  de  Luceme), 


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l'alsacb  artistiqub  447 

qui  venait  d'être  fondé.  Il  accompagna  cet  envoi  d'une  lettre 
que  Walch  a  reproduite  dans  son  MisêéUanea  LucisceUensia:  * 
«  Réjouissez-vous,  disait-il,  de  pouvoir  chanter  dans  une 
pareille  œuvre  un  nouveau  cantique  en  l'honneur  du  Seigneur.  • 
Cet  acte  curieux  fait  voir  combien  les  livres  étaient  rares  à 
cette  époque  et  combien  on  estimait  ceux  qui  les  avaient 
écrits.  Aussi,  ne  doit-on  pas  être  surpris  que  Walch  raconte 
naïvement  qu'alors  les  moines,  qui  savaient  à  peine  lire, 
étaient  presque  tous  des  saints,  et  qu'à  présent,  qu'ils  ont 
entre  les  mains  un  grand  nombre  de  livres,  ils  ne  sont  plus  ce 
qu'ils  étaient  dans  ce  temps  fortuné  où  Dieu  répandait  ses 
miséricordes  sur  l'aridité  de  leurs  âmes.  Cet  auteur  rapporte 
aussi  qu'un  jour  saint  Bernard,  évéque  de  Maurienne,  ayant 
imposé  en  confession,  pour  pénitence,  à  la  supérieure  du 
monastère  de  Béton,  l'obligation  de  se  procurer  les  commen- 
taires  de  saint  Augustin,  cette  religieuse  consulta  son  fils,  le 
bienheureux  Pierre,  évèque  de  Tarentaise,  et  par  surprise 
obtint  de  lui  le  livre  qu'elle  désirait  ' 


GUTA 

Galligraphe  (zu«  siècle)  * 

C'est  principalement  dans  les  monastères  de  fenmies  que  la 
calligraphie,  qui  exige  du  goût,  de  la  dextérité  et  de  la 
patience,  fut  cultivée.  L'histoire  signale  le  couvent  de 
Schartzenthann,  près  de  Marbach,  fondé  en  1149,  dont  les 
religieuses  excellaient  à  transcrire  des  livres  de  chœur  et  les 
anciens  manuscrits.  On  cite  parmi  elles  la  chanoinesse  GhUa, 
dont  l'abbaye  de  Marbach  possédait  encore  lors  de  la  Révolu- 

^  Tome  n,  p.  403. 

*  Waloo,  MiseeUanea  Lucised.,  T.  I,  p.  68. 

*  OuTrage  consulté:  Gébabd,  les  Artistes  de  V Alsace  au  moyem  âge. 
T.  I,  p.  67  et  siiiT. 


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448  RB?irB  d'alsaci 

tion  un  magnifique  manuscrit,  exécuté  en  1154.  Suivant 
Gérard,  il  contenait  le  martyrologue  d'Usuard,  la  Règle  de 
saint  Augustin,  le  commentaire  de  Hugues  de  saint  Victor 
sur  cette  règle,  les  anciennes  constitutions  de  Marbach  et  un 
Homéliairo  pour  toute  Tannée.  C'était  un  grand  volume  in- 
folio de  282  feuillets,  enrichi  de  miniatures  par  un  religieux 
de  Marbach,  nommé  Sintram.  Ce  manuscrit  portait  la  note: 
Scriptum  est  hoc  opuseiihim  ah  eadem  predida  Chda,  anno  àb 
incamatione  Dei  verbo  MCLI  F.  Sistram  était  le  contemporain 
deGuta. 

Gérard  a  cru  que  ce  manuscrit  était  perdu;  il  n'en  est 
cependant  rien.  Suivant  Ignace  Chauffbur,  '  il  se  trouve 
actuellement  dans  la  bibliothèque  du  grand  séminaire  de 
Strasbourg.  Il  consiste  en  un  volume  en  parchemin  in-folio, 
dont  on  a  arraché  quelques  feuillets,  mais  assez  bien  conservé. 
En  tête,  se  trouve  une  miniature  qui  ne  laisse  aucun  doute 
sur  la  nationalité  allemande  de  la  religieuse  qui  Ta  écrit  On 
la  voit  représentée  à  genoux,  vis-à-vis  de  l'imagier  Sintram, 
oflhrant  ensemble  à  la  Vierge  le  livre,  fruit  de  leur  travail 
commun.  La  légende  porte  d'un  côté  : 

Sintrammi,  virgo  !  memor  hujvs  pauperis  esta 
de  l'autre,  du  côté  de  la  religieuse: 

Fer  te,  stirps  Jesse,  quod  dicor  (Outa)  deprecor  esse. 

Ce  manuscrit  ne  comprend  pas  seulement,  comme  l'afiirme 
Gérard  d'après  l'abbé  Grandidier,  le  martyrologue  d'Usuard, 
la  règle  de  saint  Augustin,  les  commentaires  de  Hugues  de 
saint  Victor,  les  anciennes  constitutions  de  Marbach  et 
l'Homéliaire;  mais  encore  un  obituaire,  avec  les  noms  de  tous 
les  bienfaiteurs  recommandés  aux  prières  de  la  communauté, 
et,  ce  qui  est  plus  curieux,  un  manuel  d'hygiène  approprié  à 
tous  les  mois  de  Tannée.  Les  préceptes  y  sont  exprimés  en 

^  Bibiiogra^hie  d$8  Artistes  de  V  Alsace  pendant  le  moyen  âge,  Beeue 
d'Alsace,  année  1878. 


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L'ALBACB  AEnBTIQUB  449 

vers  latins,  an  pen  construits  au  hasard.  Ils  semblent  contenir 
sur  la  matière  médicale,  usitée  en  Alsace  au  xa*  siècle,  des 
détails  très  intéressants,  surtout  en  ce  qui  concerne  l'emploi 
de  certains  simples  qui  jouent  encore  de  nos  jours  un  grand 
rôle  dans  la  médication  populaire. 


ALBERT  DE  STRASBOURG 

Architecte  (xin«  siècle)  ' 

Les  traditions  des  loges  maçonniques  de  l'Allemagne  attri- 
buent l'invention  du  style  gothique  à  Albert  de  Strasbourg. 
Suivant  les  livrets  professionnels  (Steinmetz  huchlein),  celui-ci 
était  originaire  de  Strasbourg  et  moine  dans  un  couvent  de 
bénédictins  de  cette  ville;  son  existence  remonterait  au 
xr  siècle  et  c'est  pendant  un  voyage  que  le  pape  Léon  IX  avait 
fait  en  1050  en  Alsace,  qu'il  aurait  été  chargé  par  ce  dernier  de 
reprendre  les  travaux  de  la  cathédrale,  interrompus  en  1028 
à  la  mort  de  l'évêque  Werinhaire.  Mais  aucun  document 
authentique  n'établit  que  Strasbourg  possédait  d'abbaye  béné- 
dictine proprement  dite  et  que  Léon  IX  eut  confié  à  Albert  la 
direction  des  travaux  de  la  cathédrale.  Il  n'est  pas  plus 
démontré  que  cet  architecte  est  l'auteur  du  style  ogival;  en 
effet,  personne  ne  l'a  inventé,  il  est  sorti  naturellement  du 
plein-ceintre;  quand  celui-ci  eut  cessé  de  répondre  à  l'idée 
du  beau  et  aux  aspirations  du  sentiment  religieux,  il  fut 
remplacé  par  le  gothique,  beaucoup  plus  gracieux,  plus 
élégant  et  plus  élancé.  Albert  de  Strasbourg  n'a  pas  vécu  au 
XI*  siècle,  conmie  le  rapporte  la  tradition  ;  il  est  venu  plus 
tard  dans  la  première  moitié  du  xm*  siècle,  où  l'ogive  avait 
détrôné  le  plein-ceintre.  Il  est  permis  de  dire  que  cet  archi- 
tecte fut  le  contemporain  des  maîtres  qui,  en  France,  élevèrent 

^  Oavrage  consulté  :  GAbabd,  Ub  Artûtes  de  VAIêoce  au  moffen  âge. 
T.  I,  p.  154  et  Boiv. 

NoayeUe  Série.  —  il-  année.  39 


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450  REYUB    D*ALSACB 

Notre-Dame  de  Paris,  la  Sainte-Chapelle,  les  cathédrales 
d'Amiens,  de  Chartres,  de  Laon,  de  Noyon,  etc. 

Un  auteur  allemand,  HeideloS.  ^  a  émis  Topinion  qu'Albert 
de  Strasbourg  n'était  autre  qu'Albert  le  Grand,  qui  séjourna 
quelque  temps  dans  cette  ville,  et  qu'il  aurait  iq>pliqué  ses 
connaissances  architectoniques  à  la  cathédrale  naissante  de 
Cologne.  Cette  hypothèse  n'a  rien  de  fondé. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'Albert  de  Strasbourg  a 
existé  et  qu'il  est  probable  qu'il  a  vécu  au  commencement  du 
xnr  siècle,  sinon  plus  tard.  Ce  fut  l'un  des  premiers  archi- 
tectes qui  réunirent  en  corps  de  doctrine  les  principes 
d'architecture  que  connaissaient  seuls  les  initiés,  c'est-Â-dire 
un  petit  nombre  de  moines,  et  qu'il  les  transporta  du  domaine 
sacré  des  loges  religieuses  des  monastères  dans  le  domaine 
laïque  des  associations  bourgeoises. 

Feu  Gérard  '  a  donné  le  résumé  suivant  des  doctrines  de  ce 
grand  architecte,  telles  qu'elles  nous  ont  été  transmises  par 
les  traditions  des  ouvriers  tailleurs  de  pierre.  On  verra  que 
cette  doctrine  repose  sur  des  principes  scientifiques  que  l'art 
moderne  respecte  encore,  mais  qu'elle  a  été  revêtue  de  formes 
singulières,  mystérieuses  et  cabalistiques  par  les  anciennes 
corporations,  qui  considéraient  l'architecture  comme  un  art 
sacré  et  secret,  auquel  le  profane  ne  devait  pas  être  initié. 

«  Dieu  est  la  source  de  l'art  religieux  par  excellence,  de 
l'architecture.  La  beauté,  la  puissance,  la  majesté,  l'harmonie 
des  conceptions  de  cet  art  dérivent  de  la  vertu  et  de  la  com- 
binaison des  nombres  saints.  La  science  des  nombres 
harmoniques  forme  une  géométrie  sacrée,  une  mathématique 
divine,  qui  gouverne  l'architecture  comme  toute  la  création. 
Pythagore,  Platon,  Hermès,  Trismégiste  en  avaient  découvert 
les  lois.  —  La  croix  de  l'église  est  déduite  de  la  figure  par 

'  Bauhatte  des  Mittdalters. 

*  Artistes  de  VAlsace  au  moyen  âge,  T.  I,  p.  160  et  siiiv. 


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L'ALSACE  ARTISTIQUE  451 

laquelle  Euclide  construisit  le  triangle  équilatéral.  Ce  triangle 
est  le  générateur  de  l'ogive.  Les  nombres  trois,  cinq,  sept,  dix, 
douze  dominent  dans  les  diverses  parties  de  Tédifice  sacré; 
leur  application  n'est  point  arbitraire  ou  conventionnelle, 
mais  imposée  par  la  vérité  religieuse  et  les  lois  de  la  nature. 
Le  nombre  trois  représente  la  sainte  Trinité;  cinq  est  le 
nombre  des  doigts  de  la  main  humaine,  le  plus  parfait  instru- 
ment de  la  création;  sept,  celui  des  planètes  de  l'ancienne 
astronomie,  des  jours  consacrés  à  l'œuvre  de  la  création  du 
monde,  des  Sacrements,  des  dons  du  Saint-Esprit;  dix  est  le 
nombre  parfait;  douze,  celui  des  signes  du  zodiaque,  des  mois 
de  l'année,  des  apôtres,  etc. 

«  Le  cercle,  symbole  antique  de  l'unité  de  Dieu  et  de  son 
éternité,  qui  contient  à  la  fois  la  force  et  la  solidité,  est 
l'instrument  le  plus  puissant  de  l'architecture  positive.  Com- 
biné avec  le  carré,  emblème  de  l'inébranlable,  de  l'immuable, 
Albert  en  dérive  l'octogone,  qu'il  prit  pour  principe  fonda- 
mental du  style  et  de  l'art  de  bâtir.  Son  système  se  fondait 
sur  les  propriétés  intrinsèques,  sur  les  vertus  qu'il  attribuait 
au  nombre  huit,  qui  fut  toujours  considéré  par  les  philosophes 
comme  le  nombre  par  excellence.  Huit  est,  en  effet,  le  double 
du  nombre  divin  quatre;  quatre  est  la  signature  de  Dieu  dans 
le  monde  visible,  le  tétragramme  saint  qui  figure  le  nom  de 
Dieu  dans  presque  toutes  les  langues,  le  nombre  des  évan- 
gélistes,  celui  des  saisons,  celui  des  côtés  du  carré  qui 
symbolise  Dieu  dans  l'Ecriture  sainte. 

a  Le  triangle  rectangle  et  le  triangle  isocèle  sont  la  moitié 
du  carré.  Le  triangle  équilatéral  engendre  l'hexagone;  un 
point  au  milieu  produit  le  nombre  sacré  sept 

«  A  ces  idées  fondamentales  correspondaient  des  applications 
pratiques.  Quand  les  côtés  du  chœur  sont  engendrés  par 
l'octogone,  le  nombre  huit  se  reproduira  dans  toutes  les 
parties  de  l'église;  elle  comptera  huit  travées,  huit  piliers; 
avec  l'hexagone,  le  nombre  régulateur  sera  six;  avec  le  penta- 


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452  REVUE    D'ALSACE 

gone,  cinq;  avec  le  dodécagone,  douze;  si  la  terminale  du 
chœur  offre  trois  pans,  les  fenêtres  présenteront  trois  divi- 
sions verticales  et  trois  divisions  horizontales  ;  il  en  sera  de 
même  pour  les  autres  figures  et  nombres. 

a  Les  parties  inférieures  du  temple  dérivent  du  carré  et  se 
subdivisent  en  octogones;  les  parties  supérieures,  dominées 
dans  le  triangle  mystique,  se  rarifient  en  hexagones,  en  dodé- 
cagones. 

a  L'intérieur  du  monument  a  aussi  ses  proportions  sacrées. 
La  largeur  principale  doit  être  égale  à  la  hauteur;  l'élévation 
des  bas-côtés  ne  doit  pas  dépasser  les  deux  cinquièmes  de  la 
largeur  totale  de  l'église;  la  largeur  de  la  nef  centrale  est 
dans  le  rapport  de  deux  à  sept  avec  sa  hauteur,  et  celle  des 
nefs  latérales  dans  le  rapport  du  tiers. 

«  Tout  l'ensemble  comme  les  détails,  se  multiplie  ainsi 
par  des  nombres  mystérieux  et  harmoniques:  les  croisées,  les 
colonnes,  les  piliers,  les  arcades,  les  chapelles,  les  autels,  les 
portes,  etc.  » 

Telle  est,  en  abrégé,  la  doctrine  d'Albert  de  Strasbourg, 
laquelle  a  subi  des  modifications,  des  déformations  dues  à  la 
crédulité,  à  la  superstition  des  associations  des  tailleurs  de 
pierre  des  temps  anciens.  Albert  a  certainement  cru  à  la 
vertu  mystique  des  nombres  réputés  sacrés,  mais  sa  doctrine, 
en  traversant  les  âges,  a  perdu  de  sa  pureté  artistique  et  a 
contracté  cette  forme  cabalistique  et  symbolique  qui  nous 
étonne  et  qui  est  peu  compréhensible  pour  nous. 


LA  STATUAIRE  SABINE 

(xm«  siècle)  * 
Lorsqu'on  entre  dans  la  cathédrale  de  Strasbourg  par  le 

'  Ouvrages  consultés  :  Gâbabd,  les  Artistes  alsaciens,  etc.  T.  I,  p.  100 
et  suiv.;  —  ScHiraxaANs,  Sabine  (Bemie  d'JUaaotf),  1850  et  1861).  etc. 


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L*ALSAGB  ARTISTIOOE  458 

portail  méridional  de  Phorloge,  les  yeux  sont  frappés  par  deux 
belles  statues  de  femmes  qui  se  trouvent  en  avant  et  de 
chaque  côté  du  perron.  Celle  de  gauche  représente  le  Judaïsme, 
celle  de  droite  le  Christianisme.  La  première  a  sur  les  yeux 
un  bandeau,  emblème  de  son  opiniâtre  aveuglement;  la  cou- 
ronne qu'elle  avait  sur  la  tête  gît  à  ses  pieds;  '  elle  porte  dans 
sa  main  droite  la  hampe  brisée  d'un  étendard;  son  bras 
gauche,  pendant  et  débile,  laisse  tomber  les  tables  de  Tan- 
cienne  loi.  L'attitude  de  la  femme  qui  représente  le  Christia- 
nisme est  pleine  de  grâce  et  de  majesté  ;  son  regard,  assuré 
et  presque  souriant,  atteste  qu'elle  a  remporté  la  victoire  sur 
l'ancienne  loi;  elle  porte  une  couronne  sur  la  tête;  sa  main 
droite  tient  une  croix,  emblème  de  la  foi  nouvelle,  sa  gauche 
le  calice,  symbole  de  l'Eucharistie.  Ces  deux  statues,  par  le 
calme  sévère  et  la  régularité  de  leur  visage,  par  l'harmonie 
des  proportions,  la  largeur  du  modelé  et  l'ampleur  des  dra- 
peries qui  laissent  deviner  la  forme  du  corps,  rappellent  les 
chefs-d'œuvre  de  l'antiquité,  quoique  appartenant  à  l'art 
byzantin  par  l'arrangement  et  la  composition.  Aussi,  depuis 
des  siècles  fontrelles  Tadmiration  des  connaisseurs. 

Ces  statues,  de  même  que  tout  le  portail  méridional  tel 
qu'il  était  avant  la  Révolution,  remontent  à  la  première  moitié 
du  xnr  siècle.  C'est  l'opinion  de  tous  les  auteurs  modernes 
qui  ont  traité  ce  sujet.  * 

Quel  est  l'auteur  de  ces  chefs-d'œuvre?  La  réponse  à  cette 
question  se  trouve  dans  les  deux  vers  latins  suivants  gravés 
sur  le  rouleau  que  tient  saint  Pierre,  l'un  des  douze  apôtres 
qui  ornaient  le  portail  de  l'horloge  et  qui  avaient  été  sculptés, 
comme  le  Christianisme  et  le  Judaïsme,  par  le  même  artiste  : 
Chratia  divinœ  pietatis  adesto  Savinœ 
De  petra  duraper  quam  mm  fada  figura. 

'  Cette  conronne  fat  enlevée  pendant  la  Terreur. 
*  Sghnbbgass,  Violbt-lb-Duo  {DicUonnaire  d'airchitecture)^  Gbrabd, 
etc. 


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454  REVUE   o'alsacs 

Ce  qui  veut  dire  :  «  Que  la  grâce  de  la  miséricorde  divine 
assiste  Savine,  par  laquelle  de  pierre  dure  je  fus  formée  en 
statue.  »  Ainsi,  c'est  Savine  ou  Sabine  qui  elle-même  inscrivit 
son  nom,  apposa  sa  signature  sur  son  œuvre. 

Mais,  par  suite  d'une  fausse  interprétation  des  mots  petra 
dura  faite  par  l'ingénieur  Specklé,  celui-ci  les  traduisit  par 
l'expression  allemande  Steinhach,  et  en  conclut  que  Sabine 
était  la  fille  d'Erwin  de  Steinbach,  l'un  des  architectes  de  la 
cathédrale.  Cette  opinion  était  tellement  préconçue  chez  lui, 
qu'il  ne  s'aperçut  pas  même  que  c'est  le  mot  Hartmstein  qui 
est  la  traduction  littérale  en  allemand  de  petra  dura,  et  non 
Uteinhach  qui  signifie  pierre  du  ruisseau.  Cette  grossière 
erreur,  qui  donnait  pour  père  à  Sabine  un  homme  qui  vécut 
longtemps  après  elle,  fut  cependant  acceptée  aveuglément  par 
Schilter,  Schœpflin,  Grandidier,  Schweighauser,  Strœbel,  etc., 
et  se  propagea  jusqu'à  nos  jours.  C'est  L.  Schneegans,  ^  savant 
aussi  modeste  qu'éclairé,  qui  rendit  aux  mots  latins  de  l'ins- 
cription leur  sens  véritable,  qui  démontra  d'une  manière 
irréfutable  qu'Erwin  n'était  pas  le  père  de  Sabine  et  que  les 
œuvres  de  celle-ci  étaient  d'un  siècle  plus  anciennes  que  les 
travaux  de  son  prétendu  père. 

Mais,  alors,  quel  était  le  père  de  Sabine,  à  quelle  famille 
appartenait-elle,  de  quel  pays  était-elle  originaire  ?  Sa  nais- 
sance est  restée  inconnue  et  on  en  est  réduit  à  des  con- 
jectures. Il  est  probable  qu'elle  était  la  tille  d'un  architecte 
de  l'œuvre  Notre-Dame  de  Strasbourg,  qu'elle  apprit  la 
sculpture  dans  les  ateliers  de  cette  cathédrale,  dont  l'école 
artistique  exerça  une  influence  considérable  en  Alsace  et 
dans  les  contrées  voisines  pendant  les  xir  et  xiit*  siècles. 

Schneegans  pense  que  Sabine  eut  pour  père  l'architecte 
Herrmann  Auriga  qui,  à  la  tin  du  xii*  siècle,  agrandit  les 
fortitications  de  Strasbourg  et  reconstruisit  les  transepts  et 

*  Ouvrage  déjà  cité. 


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l'alsacb  artistique  455 

le  chœur  de  la  cathédrale  qui  avait  été  détruite  par  plusieurs 
incendies. 

Toutes  les  sculptures  et  les  statues  du  portail  méridional 
étaient  dues  au  ciseau  de  Sabine;  malheureusement  la  plu- 
part furent  presque  détruites,  comme  tant  d'autres  en 
France,  par  le  marteau  révolutionnaire  (4  frimaire  an  II).  La 
cathédrale  de  Strasbourg  perdit  235  de  ses  statues  (dont  168 
furent  brisées),  et  il  n'est  resté  de  Tœuvre  de  Sabine  que  les 
figures  du  Judaïsme  et  du  Christianisme,  la  scène  représentant 
la  mort  de  la  Vierge  et  deux  figures  du  couronnement  de  la 
mère  du  Sauveur.  Le  portail,  tel  qu'il  se  trouve  actuellement, 
a  été  restauré  par  des  artistes  du  xix*  siècle  qui  ont  tâché, 
sans  y  réussir  toujours,  d'en  reproduire  fidèlement  le  dessin 
primitif. 

Louis  Schneegans  a  donné  de  Tœuvre  de  Sabine  une  des- 
cription complète,  résumée  comme  suit,  par  Gérard.  «Le 
portail  méridional  de  la  cathédrale  de  Strasbourg  est  formé 
de  deux  portails  byzantins  accostés.  Dans  l'évasement  de 
chacun  de  ces  portails,  Savine  avait  placé  les  douze  apôtres, 
trois  à  trois  de  chaque  côté.  Voici  quelle  était  leur  disposi- 
tion :  au  portail  de  droite,  la  rangée  gauche  comprenait  saint 
Pierre  muni  de  la  clef  symbolique,  saint  Paul  et  un  apôtre 
ordinaire  ;  dans  la  rangée  de  droite,  saint  Luc  faisait  face  à 
saint  Pierre  et  était  suivi  de  deux  apôtres  sans  désignation 
précise  qui  puisse  les  faire  reconnaître.  La  statue  qui  repré- 
sentait saint  Paul  tenait  le  phylactère  sur  lequel  était  gravé 
la  fameuse  inscription.  C'est  à  tort  que  la  plupart  des  écri- 
vains ont  cru  reconnaître  dans  cette  statue  saint  Jean  et  ont 
indiqué  le  disciple  bien-aimé  comme  porteur  du  phylactère. 
Saint  Jean  se  trouvait  dans  le  portail  de  gauche;  il  commen- 
çait la  rangée  sénestre  dans  laquelle  il  occupait  la  place 
d'honneur,  comme  saint  Pierre  de  l'autre  côté.  L'on  n'aurait 
jamais  dû  se  tromper  sur  cette  figure.  Elle  était  la  seule  qui 
eut  le  caractère  de  la  jeunesse  et  de  la  grâce,  type  qui  con- 


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406  UTUB   D*AUA€8 

vient  exclusivement,  d'après  la  tradition  de  TEglise,  à  l'apôtre 
saint  Jean.  A  côté  de  celui-ci  se  trouvaient  deux  apôtres 
innommés.  La  rangée  droite  était  formée  de  saint  Mathieu  et 
de  saint  Marc  ayant  le  douzième  disciple  entre  eux.  Tous  les 
apôtres  non  évangélistes  tenaient  à  la  main  le  livre  des 
Evangiles,  emblème  de  leur  œuvre  de  prédication  ;  les  évan- 
gélistes, suivant  le  symbolisme  consacré  par  Part  byzantin, 
avaient  Tévangéliaire  placé  debout  sur  la  poitrine.  Ils  avaient 
tous  la  tête  nimbée,  et  cet  ornement  faisait  corps  avec  le  mur. 

a  Le  pilier  séparatif  des  deux  portails  offrait  l'image  de 
Salomon  assis  sur  son  trône,  tirant  de  la  main  droite  le  glaive 
du  fourreau  qui  repose  sur  ses  genoux,  et  accomplissant  sa 
fonction  de  juge.  Au-dessus  du  roi  des  Juifs  se  trouvait  le 
buste  du  Sauveur  ayant  le  globe  dans  la  main  gauche  et 
bénissant  avec  la  main  droite  levée. 

«  Chaque  tympan  reçut  aussi  son  ornementation  sculptée 
en  bas-relie£  Le  champ  supérieur  du  tympan  gauche  contenait 
la  mort  de  la  Vierge.  Elle  est  expirée;  le  Christ  a  reçu  son 
âme  sous  la  forme  touchante  d'un  petit  enfant  qu'il  tient  sur 
le  bras  gauche  ;  il  bénit  sa  mère  de  la  main  droite.  Les  douze 
disciples,  dans  l'attitude  de  la  douleur,  entourent  le  lit  funé* 
raire  de  Marie,  sur  le  devant  duquel  Marie-Madeleine  prie  et 
pleure  prosternée.  Dans  la  partie  inférieure  du  tympan,  on 
voit  les  funérailles  de  la  Vierge.  C'est  le  simple  et  austère 
enterrement  des  chrétiens  du  premier  âge.  Deux  hommes 
portent  sur  leurs  épaules  un  brancard  chargé  d'un  cercueil 
que  recouvre  un  drap  mortuaire  ;  quelques  apôtres  accom- 
pagnent le  modeste  convoi.  A  côté  du  drame  de  la  mort 
terrestre  de  Marie,  dans  le  tympan  du  portail  de  droite,  était 
représentée  la  scène  de  la  glorification  céleste,  le  spectacle  de 
l'apothéose  de  la  mort  du  Christ  Dans  le  champ  d'en-bas,  on 
voyait  l'Assomption;  deux  groupes  d'anges  adorants  se 
tenaient  sur  les  côtés  ;  au  centre,  deux  chérubins,  un  pied 
appuyé  sur  la  demi-sphère  du  monde,  emportaient  la  Vierge 


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L^ALSAGB  A&TKTIQUE  45t 

dans  une  flottante  draperie.  La  partie  supérieure  du  tympan 
figurait  le  couronnement  de  la  Vierge.  Le  Christ,  couronné 
et  entouré  du  nimbe  sacré,  était  assis  sur  un  trOne  avec  sa 
mère;  il  couronnait  Marie  de  la  main  gauche;  deux  anges 
encensaient  le  groupe  central.  Le  Christ  et  la  Vierge  ont 
seuls  été  sauvés  de  la  destruction  de  Tan  II.  A  l'exception  de 
ces  deux  figures,  tout  ce  que  je  viens  de  décrire  a  été  refait 
par  des  artistes  modernes  d'après  d'anciens  dessins.  » 

On  reproche  à  Sabine  d'avoir,  dans  les  deux  statues  du 
Judaïsme  et  du  Christianisme,  traité  d'une  manière  imparfaite 
le  corps  humain,  autant  qu'on  peut  le  deviner  sous  les  amples 
vfitements  du  xn*  siècle.  Mais  comme  le  fait  observer  fort 
judicieusement  Schneegans  :  a  L'artiste  strasbourgeoise  n'a 
fait  que  partager  le  vice  radical  de  la  sculpture  du  moyen 
âge  en  général.  Mais  ce  reproche  s'adresse  plutôt  à  l'époque 
qu'à  l'artiste.  Habitués  à  ne  voir  le  corps  humain  que  revêtu 
de  draperies  qui  en  marquaient  plus  ou  moins  les  formes  et 
les  mouvements,  les  artistes  chrétiens  étaient  hors  d'état, 
pour  la  plupart,  de  le  représenter  dans  sa  beauté  idéale, 
comme  le  faisaient  les  artistes  de  l'antiquité  classique  qui, 
sous  le  beau  ciel  de  la  Grèce  et  de  l'Italie,  voyaient  l'homme 
se  mouvoir  devant  eux  tel  qu'il  sort  des  mains  du  créateur. 
Comment,  dès  lors,  pourrait-on  exiger  d'artistes  placés  dans 
des  conditions  si  différentes,  vivant,  outre  cela,  à  des  époques, 
dans  des  idées  et  dans  des  tendances  si  différentes,  d'arriver 
au  même  résultat,  au  même  degré  de  développement  et  de 
perfection,  sous  le  point  de  vue  en  question  ?  D'un  autre  côté, 
le  génie  de  l'art  chrétien  en  général,  de  l'art  byzantin  et 
roman  en  particulier,  ne  portait  guère  les  artistes  vers  la 
beauté  corporelle  idéalisée  dans  sa  forme  et  dans  son  appari- 
tion extérieures.  La  manière  dont  le  moyen  âge  et  l'église 
dominante  avaient  résumé  et  fixé  la  pensée,  les  dogmes  et  les 
préceptes  du  christianisme,  poussait  plutôt  les  artistes  à  sub- 
ordonner, à  sacrifier  même  la  beauté  corporelle  et  matérielle 


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466  &BTUE  d'alsagb 

à  ridéal  spiritualiste  qu'ils  s'efforçaient  avant  tout  d'atteindre 
dans  leurs  œuvres.  De  là  ces  corps  amaigris  et  frêles,  souvent 
difformes  et  contournés,  tels  qu'on  les  retrouve  dans  les 
sculptures  de  Sabine. 

«  Mais,  ajoute  Schneegans,  ce  que  je  sais,  c'est  qu'en  dépit 
de  tous  ces  défauts,  il  y  a  dans  les  deux  statues  de  Sabine 
quelque  chose  d'indicible,  d'indéfinissable,  quelque  chose 
d'inexprimable  pour  la  parole,  qui  attire  mon  regard,  qui  me 
charme  et  m'absorbe;  qu'à  côté  de  tous  ces  défauts,  et  bien 
au-dessus  d'eux,  domine  quelque  chose  de  tout  idéal,  quelque 
chose  de  profondément  senti  et  de  profondément  artistique 
qui,  dans  ces  statues,  me  touche  bien  plus  vivement  que  tous 
les  défauts,  quelques  considérables  qu'ils  puissent  être,  quel- 
que chose  qui  par  un  de  ces  mystères  de  la  nature,  provoque 
et  réveille  en  moi  comme  un  écho  tout  harmonieux,  et  élève 
pour  ainsi  dire  mon  sentiment  à  la  hauteur  et  à  l'unisson  de 

celle  de  la  chaste  et  pieuse  statuaire Malgré  ces  défauts, 

on  sent^  en  contemplant  les  sculptures  du  portail  méridional, 
que  l'artiste  qui  les  a  créées  portait  en  elle  un  idéal  qui  l'ins- 
pirait et  la  dominait  tout  entière,  un  idéal  comme  l'était  celui 
que  Cicéron  définit  quelque  part  dans  des  termes  si  nobles  et 
si  élevés  en  perlant  des  chefe-d'œuvre  de  Phidias  et  de  l'idéal 
dont  ils  étaient  les  sublimes  effets.  » 

Nous  ajouterons  que  les  sculptures  de  Sabine  attestent, 
non  seulement  un  génie  artistique,  mais  encore  une  grande 
adresse  pratique.  Les  draperies  sont  traitées  avec  une  vérité, 
une  grâce,  une  légèreté  de  touche  qu'on  rencontre  rarement 
dans  les  œuvres  du  moyen  âge.  Le  costume  est  d'une  grande 
simplicité  ;  il  consiste  en  une  robe  tombant  jusqu'à  terre  et 
serrée  par  une  ceinture  à  la  taille.  La  statue  du  Christianisme 
seule  porte  en  plus  un  manteau  jeté  dessus  la  robe  et  tenu 
sur  l'épaule  par  une  agrafe  fixée  sur  la  poitrine.  Les  visages 
des  deux  femmes,  qui  ont  une  expression  naïve  et  candide,  ne 
trahissent  ni  effort,  ni  recherche  de  la  part  de  l'artiste»  Sauf 


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L^ALSACE  ARTICTIQUE  459 

les  doigts  de  la  main  droite  du  Judaïsme  et  le  manteau  du 
Christianisme,  qui  ont  été  fracturés,  ces  statues  sont  assez 
bien  conservées. 

Sabine  a  dû  laisser  d^autres  témoignages  de  son  génie  dans 
la  cathédrale  de  Strasbourg.  On  lui  attribue  les  quatre  évan- 
gélistes  et  les  anges  sonnant  de  la  trompette  qui  ornent  le 
pilier  sur  lequel  repose  la  voûte  du  bras  méridional  du 
transept;  la  belle  figure  au  cadran  solaire  placée  dans  la 
niche  du  contrefort  occidental  du  portail  sud  ;  la  femme  cou- 
ronnée et  portant  un  phylactère,  qui  se  trouve  dans  une 
niche  au  troisième  étage  du  flanc  oriental  de  la  tour  du  sud. 
Ces  figures,  par  les  caractères  particuliers  qu'elles  ofirent, 
doivent  avoir  été  sculptées  par  Sabine. 


ERWIN  DE  STEINBACH 

Architecte;  son  œuvre  et  sa  famille  (1273-1318)  ' 

Le  plus  beau  monument  de  l'Alsace  et  l'un  des  plus  admi- 
rables du  monde  entier  est,  sans  contredit,  la  cathédrale  de 
Strasbourg.  D'abord  humble  église  en  briques  et  en  bois  sous 
Clovis  et  les  Mérovingiens,  elle  fut  remplacée,  sous  le  règne 
de  Charlemagne,  par  une  construction  en  pierre  qui  fut 
détruite  en  1002  par  un  incendie  allumé  par  les  soldats 
d'Hermann,  duc  d'Alsace  et  de  Souabe.  Werinhaire  de  Habs- 
bourg, évêque  de  Strasbourg,  la  reconstruisit;  mais  elle  fut 
de  nouveau  brûlée  en  1007  par  le  feu  du  ciel.  Le  même  prélat 
la  réédifia,  d'après  le  style  roman  (1007-1028);  puis  elle  fut  de 
nouveau  incendiée  en  1130,  1140,  1150  et  1176,  et  sa  crypte 
seule  fut  épargnée. 

'  Ouvrages  consultés  :  Gérard,  les  Artistes  de  V Alsace  au  moyen  âge. 
T.  I,  p.  190  et  suiv.  —  Louis  Schnebqans,  Essai  sur  la  cathédrale  de 
Strasbourg,  —  Piton,  îa  Chthédràle  de  Strasbourg,  etc. 


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400  RETUE    D'ALSACE 

L'architecte  Hermann  Aiiriga,  le  père  probable  de  k 
statuaire  Sabine,  en  reconstruisit,  à  la  fin  du  xn*  siècle,  les 
transepts  et  le  chœur,  qui  a  été  restauré  au  xix*  siècle  par 
Gustave  Klotz.  L^œuvre  d^Auriga  est  de  style  roman,  mais  on 
y  remarque  déjà,  surtout  dans  les  voûtes,  quelques  traces  de 
Togive  qui  allait  bientôtrégner  exclusivement  dans  les  édifices 
religieux.  Vers  le  milieu  du  xm*  siècle,  un  architecte,  dont  le 
nom  est  resté  inconnu,  commença  la  construction  des  nefs 
qui  furent  à  peu  près  achevées  vers  Tan  1273  et  qui  étaient 
de  style  gothique. 

Le  corps  de  la  cathédrale  était  ainsi  presque  terminé,  le 
chœur  roman  était  réuni  au  vaisseau  central  gothique  appuyé 
sur  ses  deux  nefs  latérales,  lorsque  Conrad  III  de  Lichtenberg, 
devenu  évêque  de  Strasbourg  en  1273,  conçut  le  beau  projet 
de  donner  à  ce  qui  existait  déjà  une  façade  monumentale,  dont 
il  confia  l'exécution  à  Erwin  de  Steinhach. 

De  quel  pays  cet  illustre  architecte  était-il  originaire? 
Selon  Topinion  la  plus  accréditée,  il  était  né  dans  le  village 
de  Steinbach,  margraviat  de  Bade,  où  on  lui  a  élevé  de  nos 
jours  une  statue  due  au  ciseau  du  sculpteur  strasbourgeois 
Friederich,  et  fut  Tauteur  de  la  flèche  de  Fribourg  en  Brisgau, 
ville  dans  laquelle  l'évêque  Conrad,  attiré  par  sa  très  grande 
réputation,  serait  allé  le  chercher  pour  lui  confier  l'achève- 
ment de  la.  cathédrale  de  Strasbourg.  Mais  on  doit  remarquer 
que  la  tour  de  Fribourg  était  déjà  terminée  du  temps  de 
Conrad  I,  comte  de  cette  ville  (1236-1272)  et  qu'Erwin  ne  put 
prendre  part  à  son  édification. 

Une  autre  version  donne  pour  berceau  à  Erwin  le  village 
alsacien  de  Steinbach,  près  de  Thann.  Une  troisième  opinion  le 
fait  nattre  à  Mayence  ou  dans  les  environs  de  cette  ville. 
Enfin,  Gérard  prétend  qu'il  était  un  maître  français  venu  très 
jeune  en  Allemagne  et  ayant  transformé  son  nom  A'Hervè, 
Hervieu,  Erpuin,  ou  Herpmn,  de  Pierrefont,  depuis  plusieurs 
siècles  assez  commun  dans  l'Ile  de  France,  en  celui  d'Erwm 


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L'ALSACE  AftTISTIQUB  461 

de  Steinbach  qui,  jusqu'alors,  avait  été  inconnu  en  Allemagne. 
Cet  auteur  base  son  opinion  sur  le  caractère  éminemment 
français  qu'offrent  les  parties  de  la  cathédrale  de  Strasbourg 
qui  sont  Tœuvre  d'Ërwin,  et  sur  certaines  sculptures  qu'on  y 
remarque,  telles  que  les  fleurs  de  lis,  les  armoiries  de  saint 
Louis  et  de  Blanche  de  Castille,  les  statues  équestres  de 
Clovis  et  de  Dagobert.  Gérard  ajoute  que  ce  ne  fut  pas 
seulement  à  Strasbourg  qu'Erwin  grava  sur  la  pierre  certains 
emblèmes  qui  lui  rappelaient  la  France,  mais  aussi  sur  les 
murs  de  l'église  du  monastère  d'Haslach,  dont  il  commença 
en  1274  la  reconstruction,  qui  fut  interrompue  par  un 
incendie  arrivé  en  1287,  et  qui  fut  reprise  en  1295  par  son 
fils  Jacques,  mort  en  1330. 

Quel  que  soit  le  lieu  de  sa  naissance,  Erwin  ne  peut  être 
diminué  ni  dans  ses  œuvres  ni  dans  sa  gloire,  car  le  génie  n'a 
pas  de  nationalité,  il  appartient  à  l'humanité  tout  entière. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  monuments  qui  ont 
rendu  son  nom  immortel  se  trouvent  sur  le  sol  d'Alsace,  et, 
sous  ce  rapport,  il  peut  être  rangé  parmi  les  hommes  illustres 
de  cette  province. 

Avant  de  commencer  la  construction  de  la  façade  de  Notre- 
Dame  de  Strasbourg,  il  en  acheva  les  ne&  (septembre  1275), 
comme  cela  résulte  d'un  document  qui  se  trouvait  dans  la 
bibliothèque  de  WolfenbûtteL  '  L'année  suivante,  il  posa  les 
fondements  de  la  façade,  et  en  1277  il  en  commença  la 
construction  extérieure,  d'après  ce  que  nous  apprend  ime 
inscription  qui  exista  jusqu'en  1720  sur  le  portail  gauche: 
Anno  Dom.  MCCLXXVII  in  die  heati  Urbam  hoc  gloriosum 

^  Anno  Dom.  MCCLXXV,  7  id.  9ep,  vigtlia  naiivitiUis  becUœ  Virginie 
comjpieta  est  structura  tnedia  testudinum  superiorum  et  totius  fabricts 
prœter  turres  anteriores  ecd&iia  argentinensis,  régnante  Budolfo  Borna- 
norum  rege,  regni  ^u»  secundo,  qui  annus  électionis  ejus  secundus  est 
terminatus  et  èlapsus  feria  secunda  proxima  post  nunc  instana  festum 
MichaUis. 


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462  REVUE    D'ALSACE 

optis  mcoavit  magister  Erwinm  de  Steinbach.  Dans  cette  œuvre, 
Erwin  adopta  franchement  le  style  ogival  qui  Hérissait  alors 
en  France. 

Il  travaillait  sans  relâche  à  l'édification  du  portail,  lorsque, 
le  14  août  1298,  un  incendie  terrible  détruisit  tout  le  quartier 
de  la  cathédrale  et  endommagea  une  grande  partie  de  celle-ci. 
Ervrin  fut  obligé  de  rebâtir  la  partie  supérieure  des  nefe,  et 
ce  travail  retarda  tellement  la  construction  de  la  façade,  quïl 
mourut  sans  pouvoir  l'achever,  et  que  ses  successeurs  y 
apportèrent  de  si  grands  changements  qu'ils  dénaturèrent  la 
belle  conception  de  son  génie. 

D'après  les  plans  d'Erwin  qui  se  trouvent  encore  dans  les 
archives  de  la  maison  de  l'œuvre  Notre-Dame  (Frauenliaus),^ 
la  façade  devait  avoir  deux  étages,  dont  le  premier  compre- 
nait les  trois  portails,  et  le  deuxième  la  grande  rosace  centrale 
avec  les  deux  fenêtres  majestueuses  des  tours.  Deux  flèches 
jumelles  et  semblables  devaient  surmonter  les  portails  laté- 
raux. Cette  conception  générale  était  conforme  aux  idées  et 
au  style  de  l'époque  ;  elle  avait  été  admise  pour  la  cathédrale 
de  Cologne.  Les  deux  flèches  de  Strasbourg  eussent  probable- 
ment ressemblé  à  celle  de  Fribourg  et  présenté  la  forme 
pyramidale  qu'affecte  cette  dernière.  Au-dessus  de  la  rosace, 
on  eût  vu  émerger  le  pignon  et  la  toiture  de  la  grande  nef. 
L'aspect  de  l'édifice,  dans  ces  conditions,  n'aurait  peut-être 

^  Parmi  les  dix-huit  plans  se  tronyant  dans  ces  archives,  les  pins 
anciens  seraient  de  la  main  d'Erwin  on  auraient  été  exécutés  sous  ses 
yeux.  En  voici  la  description  sommaire  :  I,  esquisse  du  côté  gauche  de 
la  façade  ;  U,  vue  intérieure  des  deux  étages  inférieurs;  III  et  IV,  deux 
esquisses  représentant  ces  étages  à  l'intérieur.  On  est  frappé  de  trouver 
dans  ces  quatre  plans  primitifs  la  façade  réduite  aux  deux  étages  infé- 
rieurs. V  et  YI,  deux  esquisses  conçues  dans  un  système  analogue  à 
celui  des  dessins  précédents,  paraissant  appartenir  à  peu  près  à  la 
même  époque,  mais  provenant  d'un  artiste  inférieur  à  Erwin.  Les  douze 
autres  plans  appartiennent  à  des  époques  postérieures,  c'est-à-dire  aux 
XIV®  et  xv«  siècles.  (Voir  Gérard,  ouvrage  déjà  cité,  1. 1,  p.  231  et  suiv. 


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l'alsacb  artistique  463 

pas  été  aussi  surprenant  que  celui  qu'il  ofire  à  nos  yeux,  mais 
les  formes  auraient  été  plus  harmonieuses  entre  elles,  mieux 
proportionnées  avec  la  nef  et  plus  conformes  au  style  ogival. 

Erwin  put  achever  les  deux  étages  de  la  tour  méridionale 
et  seulement  le  premier  étage  de  la  tour  septentrionale  ;  quant 
à  la  rosace  de  la  façade,  ce  n'est  pas  lui  qui  la  construisit, 
car  elle  ne  put  Tètre  qu'après  Tachèvement  du  deuxième  étage 
de  la  tour  septentrionale  sur  laquelle  il  fallait  nécessairement 
qu'elle  s'appuyât,  aussi  bien  que  sur  celle  du  midi.  Ce  furent 
ses  iils,  Ertvin  H  et  Jean  dit  WMin  qui  continuèrent  son 
œuvre. 

Erwin  est  l'auteur  de  plusieurs  autres  édifices,  ou  tout  au 
moins  des  plans  d'après  lesquels  ils  furent  construits.  C'est 
lui  qui,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  commença  en  1274  (et 
peut-être  déjà  en  1273)  la  reconstruction,  d'après  le  style 
gothique,  de  l'église  du  couvent  d'Haslach,  construction  qui 
fut  continuée  en  1295  par  son  fils  Jacques,  qui  mourut  en 
1330,  en  tombant,  dit-on,  d'un  échafaudage  de  la  tour  dont  il 
voulait  surmonter  ce  beau  monument 

Erwin  avait  préludé  à  son  œuvre  capitale,  la  construction 
de  la  façade  de  la  cathédrale  de  Strasbourg,  par  plusieurs 
ouvrages  exécutés  dans  l'intérieur  même  de  cette  basilique. 
On  lui  attribue  la  décoration  de  la  belle  colonne  du  transept 
méridional,  appelée  le  pilier  des  anges  ou  la  colonne  d!Ervnn. 
Mais  ce  n'est  qu'une  supposition  ;  nous  avons  vu,  en  parlant 
de  la  statuaire  Sabine,  que  les  statues  qui  ornent  ce  pilier 
doivent  appartenir  à  cette  femme  artiste.  On  attribue  encore 
à  Ervrin  le  transept  septentrional  et  la  balustrade  orientale 
de  la  croisée;  mais  c'est  Hermann  Auriga  qui  en  fut  l'archi- 
tecte. 

Erwin  est  l'auteur  de  la  chapelle  de  la  Vierge  ou  de  la  vide, 
qui  fut  achevée  en  1316  et  détruite  en  1681  ;  c'était  la  merveille 
de  la  cathédrale  ;  elle  était  ornée  de  statues,  de  bas-reliefs, 
de  sculptures  et  de  peintures  admirables. 


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464  RBYUB    B'ALaAGB 

On  a  prétendu  qu'il  créa  le  magnifique  jubé  qui  s^aniit 
les  prêtres  du  chœur  des  laïques,  et  qui  eut  la  même  destinée 
que  la  chapelle  de  la  Vierge  ;  mais  c'était  l'œuvre  de  l'archi- 
tecte des  nefs. 

Nous  avons  vu  que  c'est  par  erreur  qu'on  a  cru  qu'Erwin 
était  l'auteur  de  la  flèche  de  Fribourg  en  Brîsgau.  Il  ne  le  fut 
pas  d'avantage  de  l'église  Saint-Thiébaud  de  Thann,  dont  la 
construction  remonte,  il  est  vrai,  aux  premières  années  du 
xiv  siècle,  mais  à  laquelle  aucun  titre  sérieux  ne  rattache  le 
nom  d'Erwin.  La  nef  de  cette  église  ne  fut  conmiencée  que 
quatorze  ans  après  la  mort  de  cet  artiste;  et  si  la  construction 
de  ses  beaux  portails  remonte  à  l'époque  où  il  vivait,  rien  ne 
dénote  son  style  ni  son  génie.  La  première  mention  que  la 
chronique  des  Franciscains  de  Thann  fait  d'un  architecte  de 
Saint-Thiébaud  se  trouve  seulement  sous  la  date  de  l'an  1386: 
c'est  maître  Jean  Werlin.  La  flèche  de  cette  église,  qu'on  a  le 
tort  de  comparer  quelquefois  à  celles  de  Strasbourg  et  de 
Fribourg,  ne  leur  ressemble  point  et  remonte  au  xvi'  siècle. 

Il  est  présumable  que  c'est  Erwin  qui  reconstruisit  ou 
restaura  les  fortifications  du  chftteau  épiscopal  d'Isenbourg  à 
Roufiach  (1278),  et  celles  de  la  ville  de  Lichtnau;  qu'il  fournit 
les  plans  du  monastère  de  Rhinau  (1290-1294),  qui  fut  englouti 
par  le  Rhin  au  xti*  siècle,  et  ceux  du  mausolée  de  l'évêque 
Conrad  de  Lichtenberg,  qui  fut  tué  en  1299,  mausolée  qui  se 
trouve  dans  la  chapelle  Saint-Jean-Baptiste  de  la  cathédrale 
de  Strasboui^. 

Il  peut  se  faire  encore  qu'Erwin  ne  soit  pas  resté  étranger 
à  la  construction  ou  à  l'agrandissement  de  certaines  égUses 
de  Strasbourg,  telles  que  Saint-Guillaume,  qui  fut  bfttie  de 
1300  à  1306,  Saint-Pierre-le-Jeune,  dont  la  nef  fiit  renouvelée 
en  1290  et  le  chœur  achevé  en  1319  ou  1320,  l'église  des 
Dominicains  ou  Temple-Neuf,  dont  le  chœur  fut  construit  de 
1308  à  1345.  n  a  peut-être  aussi  dirigé  la  construction  du 
chftteau  et  de  l'hôpital  de  Molsheim  (1316). 


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L^ALSACB  ARTISTIQUE  465 

Erwin  de  Steinbach  mourut  à  Strasbourg,  le  17  janvier  1318; 
c'est  ce  qui  est  établi  par  son  épitaphe  qui,  avec  celles  de  sa 
femme  et  de  Jean  Erwin,  se  trouve  gravée  sur  le  contrefort 
oriental  de  la  chapelle  de  Saint-Jean  :  Anno  Dom.  MCCCX  VIII 
XVI  Kl.  fehruarii  0  magr.  Ermnus  giAernator  fahrice  ecdie 
argnt  T. 

Il  légua  à  la  cathédrale  son  cheval  et  une  rente  de  quatre 
onces  pfenning,  monnaie  de  Strasbourg.  Sa  femme  Husa, 
appelée  aussi  Gertrude  par  certains  documents,  l'avait  pré- 
cédé dans  la  tombe  le  12  des  calendes  d'août  (21  juillet)  1316J 
On  a  cru,  d'après  un  auteur  strasbourgeois,  *  qu'elle  était 
statuaire  et  qu'elle  aida  son  mari  dans  ses  travaux;  mais  elle 
ne  fut  rien  moins  qu'artiste  ;  elle  était  prosaïque,  positive  et 
méchante,  blasphémant  contre  le  génie  de  son  époux  et 
maudissant  ses  nobles  aspirations. 

Erwin  fiit  enterré  dans  le  petit  cimetière  qui  se  trouve 
entre  la  chapelle  Saint-Jean-Baptiste  et  le  grand  séminaire, 
cimetière  qui  paraît  avoir  été  spécialement  affecté  comme 
lieu  de  repos  aux  architectes  et  tailleurs  de  pierres  de  la 
cathédrale.  On  y  voyait  jadis  les  pierres  funéraires  de  Jean 
Hultz  le  jeune,  qui  acheva  la  flèche  de  la  cathédrale,  et  de 
Jacques  de  Landshut,  l'auteur  du  portail  Saint-Laurent 
Aujourd'hui  il  ne  s'y  trouve  plus  que  les  épitaphes  d'Erwin, 
de  sa  femme  Husa  et  de  Jean  Erwin. 

On  a  cru  longtemps  que  ce  Jean  Erwin  était  le  fils  d'Erwin; 
on  se  basait  sur  l'inscription  suivante,  gravée  sur  le  contre- 
fort oriental  de  la  chapelle  Saint-Jean-Baptiste:  Anno  Dmi 
MCCCXXXVIIl  XV KL  apprilis 0. magist&r  JohannesfiliuB 
JBrwini  magri  opris  ujus  ecce;  ce  qui  veut  dire:  En  l'an  du 
Seigneur  1339,  le  15  des  calendes  d'avril,  mourut  maître  Jean, 
fils  d'Erwin,  maître  de  l'œuvre  de  cette  église.  L.  Schneegans 

^  Anno  Dcm.  MCCCXVÎ  XII  Kl,  augugH  0  dna  Husa  uxor  magri 
Erwini  (épitaphe). 
*  M.  DB  ExsTtssawBL,  Choses  mémorables  du  vieux  temps, 
MoQTeUe  Sèrte.  -  li-  aoDéê.  30 


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466  REVUE    D'ALSACE 

et  Gérard  ont  démontré  que  ce  Jean  n'était  pas  le  fils  d'Erwin, 
mais  son  petit-fils,  et  qu'il  avait  pour  auteur  Erwin  II,  fib  et 
successeur  d'Erwin  I. 

Gérard  établit  ainsi  la  généalogie  d'Erwin  I:  Erwin  II,  qui 
mourut  après  l'an  1339  et  qui  eut  pour  fils  maître  Jean  Erum 
cité  dans  l'inscription  susdite  ;  Jacques,  qui  continua  la  cons- 
truction de  l'église  d'Haslach,  commencée  par  son  père,  et 
qui  mourut  en  décembre  1330,  comme  le  témoigne  l'inscription 
de  son  tombeau  qui  se  trouve  dans  le  cloître  d'Haslach;  enfin 
Jean,  dit  Winlin^  le  plus  jeune  des  trois  frères,  qui  décéda 
vers  l'an  1348  et  laissa  deux  enfants,  Jean  et  Oertrude. 

On  ignore  si  Erwin  I  eut  des  filles  ;  ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'est  que  la  statuaire  Sabine  ne  descendait  pas  de  lui,  puis- 
qu'elle vécut  plus  d'un  siècle  auparavant. 

Selon  Schneegans,  *  Erwin  U  et  Jean,  dit  Winlin  furent 
investis  simultanément  des  fonctions  d'architecte  de  la  cathé- 
drale après  la  mort  de  leur  père.  Gérard  prétend,  au  contraire, 
qu'Erwin  II  dirigea  seul  la  continuation  des  travaux  de  cet 
édifice,  et  que  ce  fut  seulement  après  sa  mort  que  son  frère 
Jean  lui  succéda  dans  sa  maîtrise. 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  deux  frères  édifièrent  le 
deuxième  étage  de  la  tour  du  nord  et  la  rosace  centrale  de  la 
façade  (1318-1348).  Quant  au  troisième  étage  des  deux  tours 
et  de  la  façade,  qui  n'aurait  pas  dû  exister  si  l'on  avait  respecté 
les  plans  d'Erwin  I,  il  doit  être  attribué  aux  successeurs  des 
fils  de  celui-ci.  C'est  ainsi  que  le  troisième  étage  des  tours  est 
dû  à  Gerlach  (1348-1355)  et  à  Hultz-le-Vieux,  de  Cologne 
(1355-1365).  Une  fois  cette  œuvre  terminée,  on  put  songer  à 
exécuter  le  massif  central  qui  surmonte  la  rose  du  grand 
portail,  et  c'est  Cuntz  (1382-1383)  et  Michel  de  Fribourg 
(1383-1390)  qui  en  furent  chargés. 

Schweighauser  (Vues  pittoresques  de  la  cathédrale)  a  pré- 

^  Ëpitaphe  d'Erwin. 


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L'ALSACB  AETKTIQim  467 

tendu  que  l'idée  d'élever  sur  la  plate-forme  de  la  cathédrale 
la  flèche  prodigieuse  qui  la  surmonte,  appartient  aux  fils 
d'Erwin.  Mais  peut-on  accepter  cette  opinion  ?  La  piété  filiale 
et  Tadmiration  qu'ils  devaient  avoir  pour  leur  père,  leur 
imposaient  le  devoir  de  suivre  fidèlement  les  plans  qu'il  avait 
laissés,  et  chercher  à  les  mener  à  bonne  fin  devait  ôtre  un 
but  assez  élevé  pour  leur  ambition. 

L'idée  d'ériger  une  flèche,  peut-être  deux  flèches,  sur  la 
plate-forme,  n'a  été  conçue  que  vers  l'an  1355  et  doit  revenir 
à  Hultz-le- Vieux,  Mais  ce  n'est  pas  lui  qui  construisit  la  tour 
octogone  qui  seA  de  base  à  la  flèche  pyramidale  ;  cette  tour 
n'a  été  érigée  que  dans  la  dernière  partie  du  xrr  siècle. 
Specklé  place  la  construction  des  quatre  tourelles  à  l'année 
1384;  Wimpheling,  la  fermeture  de  la  coupole  à  1405,  et 
Jérôme  Guebwiler  donne  la  même  date  à  la  quatrième  voûte 
qui  termine  la  tour  octogone. 

Il  restait,  pour  compléter  l'œuvre  entière,  à  construire  la 
pyramide.  En  1429,  on  fit  venir  de  Cologne  Jean  Hultz  le 
Jeune,  qui  termina  la  flèche  en  dix  années  et  l'inaugura  le 
24  juin  1439. 

Le  magnifique  portail  septentrional  de  la  cathédrale,  dit 
portail  Saint-Laurent  à  cause  du  martyre  de  ce  saint  qui  y 
est  représenté,  fut  construit  de  1494  à  1505  par  Jacques  de 
Landshut  ;  le  baptistère,  œuvre  de  Jost  Dotzinger  de  Worms, 
remonte  à  l'an  1453;  enfin  la  chaire,  chef-d'œuvre  de 
Hamerer,  fut  sculptée  en  1486  et  illustrée  pendant  quatorze 
ans  par  l'éloquent  prédicateur  Jean  Oeyler,  de  Eaysersberg. 


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468  REVUE    D'ALSACE 

LE  COUVENT  DES  DNTERLINDEN  DE  COLMAR 

et  868  oalligraph68  Oatherine  de  (ïebesweiler,  Gertrude  de 

Bbeinfelden  et  Adélaïde  dŒpfig 

(xm«  et  yjy  Biècles)  ' 

Au  moyen  âge  Colmar  a  possédé- un  couvent  de  Dominicaines 
renommées  pour  leur  ascétisme  et  leur  mysticisme,  lesquelles 
cultivèrent  aussi  avec  succès  Part  de  la  calligraphie  et  de  la 
miniature.  Les  Vnterlindenj  tel  est  le  nom  de  ce  monastère, 
furent  construits  de  1252  à  1269,  sur  remplacement  d'une 
maison  ombragée  de  tiUeids.  Il  n'en  reste  plus  que  le  clottre 
et  la  chapelle  qui  sont  occupés  de  nos  jours  par  le  musée  et 
la  bibliothèque  de  la  ville. 

Parmi  les  prieures  de  ce  couvent  il  y  en  a  eu  une,  Catherine 
de  Gebesweiler,  morte  vers  Pan  1330,  qui  a  laissé  un  manu- 
scrit, propriété  de  la  bibliothèque  de  Colmar,  intitulé  de  Vitis 
primarum  sororum  monasterii  liber,  petit  in-folio  de  141 
feuillets  à  deux  colonnes.  Il  a  été  publié  d'abord  par  dom 
Bernard  Pez  dans  sa  bibliothèque  ascétique  (tome  VIII,  p. 
1-399),  puis  traduit  en  allemand  par  le  chartreux  Mathias 
Thanner,  enfin  réimprimé  en  1863  à  Ratisbonne  par  Louis 
Clarus.  Ce  manuscrit  ne  présente  aucun  caractère  artistique; 
il  n'a  d'importance  qu'au  point  de  vue  de  l'histoire  du  mysti- 
cisme au  moyen  âge,  car  il  contient  le  récit  des  extases  des 
convulsionnaires  des  XJnterlinden;  il  mentionne  en  outre  les 
noms  de  deux  calligraphes  de  ce  couvent 

L'une  d'elles  est  Gertrude  de  Rheinfelden  qui,  pendant  de 
longues  années,  transcrivit  avec  un  zèle  et  une  merveiUeuêe 
habileté  des  livres  de  chœur  et  beaucoup  d'autres  ouvrages, 
et  se  fit  singulièrement  remarquer  dans  ces  travaux,  sans 

'  Ouvrages  consultés:  Rxstelhub&b,  V Alsace  ancienne  et  moderne, 
article  sur  Colmar.  —  Gâbabd,  les  ArHstee  de  f  Alsace  au  «M^yen  âge, 
T.  I,  passim  ;  etc. 


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/ 


l'aIiSACb  artistioub  469 

toutefois  négliger  ses  devoirs  de  religieuse.  Suivant  dom  Pitra,' 
elle  copia  des  livres  et  les  enlumina  d'ors,  de  lettres  ornées 
au  minium  et  décorées  d'arabesques  d'azur.  Elle  vécut  dans 
la  seconde  moitié  du  xiii*  siècle  et  au  commencement  du  xiv*. 

Est-elle  l'auteur  de  certains  des  manuscrits  provenant  des 
Unterlinden  de  Colmar  et  appartenant  à  la  bibliothèque  de 
cette  ville?  C'est  probable,  même  certain,  car  tous  ont  été 
écrits  et  enluminés  par  les  religieuses  de  ce  couvent,  mais 
aucun  ne  peut  lui  être  spécialement  attribué. 

Nous  ne  parlerons  pas  des  récits  légendaires  qui  ont 
entouré  le  nom  de  Gertrude  de  Rheinfelden,  récits  qui  donnent 
une  idée  exacte  du  mysticisme  excessif  qui  régna  sur  les 
Dominicaines  de  Colmar  ;  on  peut  se  reporter  à  cet  égard  au 
livre  de  M.  Gérard.  * 

La  seconde  artiste  calligraphe  des  Unterlinden  de  Colmar 
mentionnée  par  Gertrude  de  Gebesweiler  est  Adélaïde  d'Epiig, 
qui  vécut  dans  la  seconde  moitié  du  xnr  siècle  et  au  com- 
mencement du  xrr.  Elle  entra  au  couvent  dès  sa  plus  tendre 
enfance  et  s'occupa  à  transcrire  avec  une  grande  élégance 
plusieurs  ouvrages,  principalement  des  livres  liturgiques  à 
l'usage  du  chœur.  Malheureusement  elle  a  oublié,  comme  son 
émule  Gertrude  de  Rheinfelden,  de  signer  ses  œuvres  qui 
doivent  se  trouver  parmi  les  manuscrits  de  la  bibliothèque  de 
Colmar. 

Adélaïde  d'Epfig  a  laissé,  comme  presque  toutes  les  nonnes 
des  Unterlinden,  une  trace  profonde  dans  Thistoire  du  mysti- 
cisme catholique.  Sa  supérieure,  Catherine  de  Gebesweiler, 
a  raconté  sa  vie  ascétique  et  remplie  d'extases,  dans  l'une 
desquelles  elle  avait  appris  l'heure  exacte  de  sa  mort 

*  Lettre  an  père  Lacordaire  sur  le  couvent  des  Unterlinden,  1864, 

*  Ouvrage  cité.  T.  I,  p.  269  et  sut. 


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470  REVUE    D'ALSACE 

LES  WURMSER 

PeintreB  (1300-1360)* 

Dans  les  dernières  années  du  xm*  siècle,  un  peintre,  dont 
le  nom  n'est  connu  que  par  celui  de  ses  fils,  Wurtneer,  quitta 
Strasbourg,  sa  ville  natale,  et  alla  s'établir  en  Bohême.  H 
emmena  avec  lui  son  fils  Ountzel,  dit  le  Bohême,  frère  de 
Nicolas  le  'peintre.  Ce  dernier  était  resté  en  Alsace  et  n'alla 
que  plus  tard  se  fixer  à  Prague. 

Si  Cuntzel  est  surnommé  le  Bohème,  ce  n'est  pas  parce 
qu'il  naquit  dans  cette  contrée,  maïs  parce  qu'il  y  fut  élevé  et 
qu'il  en  adopta  la  nationalité.  Cuntzel,  dont  la  profession 
était  celle  de  peintre,  fut  chargé  par  l'empereur  Charles  IV 
de  décorer  les  édifices  qu'il  avait  fait  construire.  Lorsque  son 
frère  Nicolas  alla  le  rejoindre  à  Prague,  il  travailla  avec  lui 
aux  peintures  murales  du  Earlstein;  mais  il  est  difficile  de 
connaître  celles  qui  sont  de  sa  main.  C'était  un  très  bon 
peintre,  et  c'est  surtout  dans  les  portraits  qu'il  excellait 

C'est  en  l'an  1348  que  Nicolas  Wurmser  alla  se  fixer  à 
Prague,  où  l'empereur  l'avait  appelé  pour  concourir,  avec  son 
frère  Cuntzel  et  d'autres  artistes  à  la  décoration  du  chftteau 
du  Earlstein  et  des  églises  de  la  ville. 

On  n'a  aucun  renseignement  sur  Nicolas  avant  son  départ 
de  Strasbourg,  où  il  exerçait  sa  profession  de  peintre.  Il  n'a 
laissé  dans  cette  ville  aucune  œuvre  connue;  mais  sa  réputa- 
tion devait  déjà  avoir  acquis  une  certaine  notoriété,  puisque 
Charles  IV  l'attira  en  Bohème.  C'est  seulement  à  partir  du 
moment  qu'il  travailla  aux  peintures  du  Earlstein,  que 
l'histoire  parle  de  lui.  Il  devint  l'un  des  peintres  favoris  de  ce 
monarque  qui,  le  6  novembre  1359,  lui  accorda  le  privilège 
suivant:  c  Nicolas  Wurmser  de  Strasbourg,  peintre  de  l'em- 

^  Ouvrages  consultés  :  Gébabd,  les  Artistes  de  V Alsace  au  moyen  o^ 
T.  I,  p.  344  et  suiv.  —  E.  Muntz,  de  quelques  monuments  de  fart  otei- 
den  oonaervis  à  Vienne  {Bévue  d* Alsace,  1872). 


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l'alsacb  artistique  471 

pereur,  en  considération  de  son  art  et  de  ses  soins  diligents 
pour  décorer  les  lieux  et  les  ch&teaux  dont  il  a  été  chargé, 
pourra  disposer  de  ses  biens,  faire  des  legs  ou  des  donations, 
instituer  des  héritiers,  comme  il  le  jugera  convenable  et  sans 
aucune  considération  du  droit  en  vigueur,  des  us  et  coutumes» 
ni  des  règlements  futurs.  » 

L'année  suivante,  Charles  IV  Paftranchit  de  tous  cens  et 
impositions  sur  la  maison  et  les  terres  qu'il  avait  acquises 
non  loin  de  la  ville,  près  du  domaine  de  son  mattre  et  ami 
Théodoric  de  Prague,  Tun  des  fondateurs  de  Técole  de 
peinture  de  la  Bohème.  Dans  le  diplôme  où  il  lui  accorde 
cette  faveur,  Tempereur  l'appelle  notre  cher  et  familier  peintre 
Nicola»,  et  ordonna  à  ses  ofiiciers,  sous  peine  de  disgrâce,  de 
ne  point  lui  réclamer  d'impôts. 

  partir  de  l'an  1360,  on  ne  trouve  plus  trace  de  Nicolas 
Wurmser;  on  ignore  la  date  de  sa  mort,  s'il  revint  en  Alsace 
ou  s'il  termina  sa  carrière  en  Bohême. 

Lui  et  Thomas  de  Modène,  qui  se  trouvait  à  la  même  époque 
à  Prague,  produisirent  une  révolution  importante  dans  l'an- 
cienne école  allemande  de  Cologne,  en  y  introduisant  le 
sentiment,  les  procédés  et  les  innovations  de  l'art  italien.  Les 
œuvres  que  ces  deux  peintres  ont  laissées,  prouvent  qu'ils 
étaient  presque  des  artistes  italiens. 

Nicolas  Wurmser  a  exécuté  de  nombreux  travaux  en 
Bohême  ;  il  a  orné  de  peintures  plusieurs  châteaux  impériaux, 
principalement  le  Earlstein  qu'il  décora  de  concert  avec  son 
frère  Cuntzel  le  Bohême,  Théodoric  de  Prague  et  Thomas  de 
Modène.  Mais  il  n'est  pas  facile  de  distinguer  l'œuvre  de 
chacun  de  ces  artistes.  Suivant  les  auteurs  qui  se  sont 
occupés  de  Nicolas  Wurmser,  *  les  peintures  qu'on  peut  lui 
attribuer  sont  les  suivantes  :  Dans  la  collégiale  du  Karlstein  : 

^  GiBÀBD,  ouYrage  cité,  1. 1,  p.  353  et  stdv.  :  PBnossBB,  Wiener  Jahr- 
bûdier,  p.  114,  et  Naouib,  KûnsUer-Lexilcm,  XXII,  p.  132. 


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472  RBYUB    D*ALSACE 

V  Charles  IV  présentant  à  son  iils  atné  Wenceslas  une  croix; 
2"  Charles  IV  offrant  une  bague  à  son  fils  Sigismond  ;  3""  Tem- 
pereur  agenouillé  et  prosterné  devant  un  autel,  revêtu  de 
ses  ornements  impériaux  et  couronne  en  tête.  Wagen  ^  attri- 
bue ces  peintures  à  Cuntzel  ;  é""  une  femme  apocalyptique 
debout  sur  la  lune  et  portant  un  enfant  nouveau-né  dans  ses 
bras.  Cette  fresque,  qui  est  un  des  principaux  morceaux  du 
Karlstein,  doit  d'autant  plus  être  attribuée  à  Wurmser,  qu'elle 
ne  présente  dans  la  composition  et  l'exécution  aucune  ana- 
logie avec  les  œuvres  de  Théodoric  de  Prague  et  de  Thomas 
deModène; 

Dans  la  chapelle  Sainte-Catherine  du  même  château  :  V  une 
fresque  représentant  les  bustes  de  l'empereur  Charles  IV  et 
de  sa  fenmie;  les  époux  tiennent  des  deux  mains  une  croix 
d'or  volumineuse,  rehaussée  de  pierres  précieuses  et  se  ter- 
minant aux  extrémités  par  des  feuilles  de  roses  quadrilobées. 
Les  têtes  sont  ceintes  d'une  riche  couronne  d'or  parsemée  de 
joyaux.  L'artiste  a  représenté  l'empereur  sans  le  flatter,  avec 
sa  nature  lourde  et  épaisse,  ayant  une  barbe  imposante  et  de 
longs  cheveux;  son  manteau  est  do  drap  d'or,  fort  raide,  sans 
aucuns  plis  et  orné  çà  et  là  d'aigles  brodés.  Par  contre,  l'im- 
pératrice est  très  belle  de  visage,  douce  en  même  temps  que 
majestueuse;  une  riche  et  longue  chevelure  ondoie  sur  ses 
épaules  couvertes  d'un  manteau  écarlate  fermant  sur  la  poi- 
trine et  enrichi  de  broderies  d'or.  Cette  fresque,  très  bien 
conservée,  est  dominée  par  une  ogive,  et  le  fond  de  la  peinture 
est  en  or  et  formé  d'un  quadrillage  parsemé  de  roses  qui  imite 
un  tapis  de  brocard;  2^  sur  le  mur  de  gauche  se  trouvent  sept 
têtes  représentant  les  images  des  patrons  de  la  Bohême;  ces 
figures  sont  très  détériorées  et  ont  subi,  il  y  a  environ  deux 
siècles,  des  restaurations  déplorables;  3"*  dans  une  niche 
d'autel  se  trouve  la  Vierge  avec  l'enfant  Jésus,  accostée  de 

^  Hiitaire  de  la  pemhure,  1. 1,  p.  61. 


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l'alsacc  artistique  473 

Pempereur  et  de  Timpératrice.  Cette  peinture  est  très  en- 
dommagée. 

Dans  l'église  Sainte-Oroix  du  même  édifice  les  peintures 
qui  s'y  trouvent  n'appartiennent  pas,  suivant  les  auteurs 
précités,  à  Wurmser.  Eugler,  ^  au  contraire,  ainsi  que  Waagen,' 
attribuent  à  cet  artiste  les  grandes  fresques  peintes  aux 
voûtes  des  fenêtres  et  reproduisant  les  scènes  et  les  person- 
nages suivants  du  Nouveau  Testament  :  V  TEternel  assis  sur 
son  trône,  entouré  du  chœur  des  anges,  tenant  les  sept  étoiles 
d\uie  main,  et  de  Tautre  le  livre  aux  sept  sceaux;  2^  Tadora- 
tion  de  l'agneau  par  les  vingt-quatre  vieiUards  ;  3"*  l'Annon- 
ciation ;  4"*  la  Visitation  ;  5**  l'adoration  des  Mages;  G'*  le  Christ 
avec  Marthe  et  Marie;  7""  Madeleine  aux  pieds  du  Sauveur; 
6^  le  Christ  au  jardin  des  Oliviers  ;  9*  la  résurrection  de 
Lazare.  Ces  peintures,  qui  révèlent  un  génie  créateur,  un 
sentiment  profond  du  beau  et  une  habileté  de  main  considé- 
rable, sont  presque  entièrement  détruites.  Sur  les  murailles 
de  l'escalier  qui,  dans  la  grande  tour,  conduit  à  la  chapelle 
de  la  Sainte-Croix,  se  trouvent  des  fresques  très  détériorées 
retraçant  la  légende  de  saint  Wenceslas  et  de  sainte  Lumille; 
mais  il  est  peu  probable  qu'elles  soient  de  Wurmser,  car  elles 
n'offirent  pas  la  largeur  et  la  puissance  de  composition  qui 
distinguent  les  oeuvres  de  cet  artiste. 

Dans  la  cathédrale  de  Prague,  les  fresques  décoratives  de 
saint  Wenceslas  sont  attribuées,  en  partie,  à  Nicolas 
Wurmser.  Ces  fresques  forment  deux  séries  ;  la  supérieure  qui 
reproduit  les  scènes  de  la  vie  de  ce  saint,  n'a  pas  été  peinte, 
suivant  les  meilleurs  critiques,  par  notre  artiste;  la  série 
inférieure,  représentant  les  actes  principaux  de  la  vie  du 
Christ,  ont  un  tel  rapport  de  parenté  avec  les  meilleures 
œuvres  du  Earlstein,  qu'on  peut  sans  craindre  de  se  tromper, 

^  Klekiê  Behriftem,  H,  p.  498. 
*  Onvrage  déjii  cité,  I,  p.  62. 


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474  RBTUB    D'ALSACE 

leur  donner  Wormser  pour  auteur.  Certaines  sont  masquées 
par  Tautel  et  d'autres  objets  mobiliers  ;  celles  qui  sont  visibles, 
au  nombre  de  sept,  représentent  Jésus  devant  Pilate,  le 
Crucifiement,  la  Mise  au  tombeau,  la  Résurrection,  PAscen- 
sion,  la  Pentecôte,  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Dans  la  Résur- 
rection, la  figure  du  Christ  est  empreinte  d'une  expression  de 
grandeur  que  les  outrages  du  temps  n'ont  pu  altérer.  La 
scène  de  la  Pentecôte  office  l'image  touchante  de  la  Vierge, 
entourée  des  apôtres,  la  tète  inclinée  vers  la  droite,  les  mains 
jointes  pour  prier.  Les  images  de  saint  Pierre  et  saint  Paul 
sont  empreintes  de  la  force  de  caractère  et  de  la  puissance 
intellectuelle  que  possédaient  ces  deux  fondateurs  de  l'église 
chrétienne.  Ces  fresques  sont  entourées  d'un  encadrement  de 
pierres  précieuses  d'une  grosseur  remarquable,  enchâssées 
dans  une  suite  de  chfttons  qui  forment  un  cordon  étincelant. 

On  ne  connaît  de  Nicolas  Wurmser  qu'un  seul  tableau 
mobile,  le  Christ  en  croix,  qui  se  trouve  dans  la  galerie  du 
Belvédère  à  Vienne;  il  porte  la  date  1357  et  provient  de  la 
chapelle  sainte  Catherine  du  Earlstein;  les  victoires  de 
Napoléon  P'  en  avaient  enrichi  le  musée  du  Louvre,  et, 
après  1815,  il  fut  restitué  à  l'Autriche. 

M.  £.  Muntz,  ^  qui  a  vu  et  étudié  cette  peinture  en  parle  de 
la  façon  suivante  :  a  C'est  un  tableau  sur  bois  de  six  pieds 
sept  pouces  de  hauteur,  sur  quatre  pieds  neuf  pouces  de 
laideur.  Le  Christ,  fixé  sur  la  croix  par  trois  clous,  laisse 
pesamment  retomber  sa  tête;  à  sa  gauche  se  trouve  sa  mère, 
qui  joint  les  mains*  et  prie  avec  ferveur  et  résignation; 
de  l'autre  côté,  saint  Jean  appuyant  sa  joue  sur  sa  main 
droite  par  un  de  ces  gestes  naïfs  et  câlins,  si  chers  à  l'école 
de  Bohême.  L'aspect  de  cette  peinture  est  boueux,  terne  et 
lourd,  et  l'emplacement  qu'elle  occupe  entre  deux  fenêtres  et 
à  contre-jour  ne  contribue  pas  à  lui  donner  plus  d'éclat  Sa 

*  Onyrage  déjà  cité. 


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V 

\ 


L'ALSACE  ARTISTIQUE  475 

couleur  contraste  singulièrement  avec  le  ton  clair  et  trans- 
lucide des  autres  tableaux  de  la  môme  époque  et  de  la  même 
école,  que  renferme  le  Belvédère,  notamment  avec  le  Saint- 
Augustin  et  le  Saint-Ambroise  de  Théodoric  de  Prague.  Le 
dessin  n'est  pas  moins  défectueux;  les  draperies  sont  d'une 
exécution  sommaire  et  boursoufflée;  les  mains  et  les  pieds 
massifs,  grossiers,  informes  comme  s'ils  étaient  de  bois;  les 
figures  rondes  et  vides.  Mais  l'ensemble  ne  manque  pas  d'une 
certaine  grandeur,  et  les  habitudes  de  la  peinture  murale  et 
monumentale,  plus  familière  à  l'artiste  que  la  peinture  sur 
bois,  peuvent  expliquer  et  en  quelque  sorte  atténuer  ces 
imperfections.  » 

On  est  unanime  pour  reconnaître  que,  malgré  ses  défauts, 
Wurmser  doit  Ôtre  rangé  parmi  les  plus  grands  peintres  de 
l'Allemagne.  Dans  ses  œuvres,  il  a  fait  preuve  d'une  habileté 
d'exécution,  d'une  puissance  de  création  et  d'une  indépen- 
dance qui  en  font  un  mattre  original,  auquel  l'Alsace  doit 
Ôtre  fière  d'avoir  donné  le  jour. 


ULRICH  RITTER 

Architecte  (ziv*  siècle)  ^ 

Ulrich  Ritter,  né  à  Strasbourg,  au  commencement  du  xiv* 
siècle,  reçut  son  éducation  artistique  dans  les  ateliers  de 
cette  ville  sous  la  direction  du  célèbre  Erwin  de  Steinbach 
ou  de  ses  fils.  Sa  renommée,  comme  architecte,  s'établit 
promptement  en  Allemagne  et  pénétra  jusque  sur  les  bords 
de  la  Baltique.  Ludolphe  Eœnig,  seigneur  de  Weitzau,  grand 
mattre  des  chevaliers  teutons,  qui  résidait  à  Marienbourg, 
avait  résolu  dé  construire  à  Dantzig,  tombé  en  1310  au 

'  OnYrages  consultés:  Hibsch,  die  Ober-Ffainkirche  van Sanct-Marim 
m  DamUig,  1843  ;  GiRABD,  I,  p.  281  et  382. 


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476  BEVUE  d'àlbacs 

pouvoir  de  son  ordre,  une  église  sur  le  plan  de  celle  de 
Sainte-Sophie  de  Constantinople.  Dans  ce  but,  il  chargea 
Ritter,  en  1341,  d'aUer  dans  cette  ville  pour  y  étudier  Par- 
chitecture  de  sa  basilique  et  lui  en  rapporter  des  plans  exacts 
et  détaillés.  Notre  Strasbourgeois  passa  deux  années  dans  la 
capitale  de  Tempire  grec,  et  à  son  retour,  en  1343,  il  commença 
la  construction  de  Sainte-Marie  de  Dantzig,  Tune  des  plus 
vastes  et  des  plus  belles  églises  de  TEurope.  Entièrement  en 
briques,  cette  église  a  cent  vingt  mètres  de  longueur,  qua- 
rante-quatre de  largeur,  et  sa  voûte,  de  quarante-un  mètres 
d'élévation,  est  soutenue  par  vingt-six  piliers  d'une  légèreté 
et  d'une  hardiesse  étonnantes.  Elle  renferme  cinquante  cha- 
pelles placées  sur  des  caveaux  funéraires. 

Bitter  n'eut  pas  le  temps  d'achever  son  œuvre;  c'est  à  peine 
s'il  put  la  voir  s'élever  au-dessus  du  sol.  Elle  ne  fut  terminée 
qu'en  1503,  sous  le  règne  des  rois  de  Pologne.  On  ignore 
l'époque  de  la  mort  de  cet  artiste. 


WOLVELIN  OU  WŒLFELIN 

Sculpteur  (xiv*  siècle)  ^ 

Le  plus  illustre  sculpteur  de  l'Alsace  au  xrv*  siècle  fiit 
maître  Wolvelin,  de  Rouffach.  D'abord  tailleur  de  pierre  et 
maître  de  l'œuvre  de  la  belle  église  Saint-Arbogast  de  cette 
ville,  il  alla  s'établir  vers  l'an  1341  à  Strasbourg,  où  il  fut 
reçu  membre  de  la  bourgeoisie  et  exerça  jusqu'à  la  fin  de  ses 
jours  la  profession  de  sculpteur.  On  ignore  l'époque  de  sa 
naissance  et  celle  de  sa  mort;  il  résulte  de  certain  document, 
qu'il  ne  vivait  dé:jà  plus  le  10  octobre  1355. 

On  ne  connaît  de  Wolvelin  que  deux  monuments  qui 
portent  sa  signature  authentique.    L'un  est   le  tombeau 

*  Ouvrage  consnlié  :  GiiuiiD,  tome  I,  p.  322  et  siiiv. 


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l'âuacb  AAUsnouB  477 

d*Irmengarde,  veuve  d^Hermann  Y  de  Bade,  qui  se  trouve 
dans  l'église  de  Tabbaye  de  Lichtenthal  qu'elle  avait  fait 
construire  en  1245.  L'autre,  qu'on  peut  voir  dans  l'égUse 
Saint-Guillaume  de  Strasbourg,  est  le  mausolée  d'Ulric  de 
Werde,  landgrave  de  la  Basse-Alsace,  et  de  son  frère  Philippe, 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Strasboui^.  Wolvelin  le  sculpta 
en  1344.  «  La  dalle,  dit  Gérard,  qui  recouvre  le  tombeau  des 
deux  frères,  présente  l'effigie  en  relief  de  Philippe,  les  mains 
jointes  et  recouvert  de  ses  habits  sacerdotaux,  ayant  un  chien 
couché  à  ses  pieds.  Deux  lions,  assis  aux  deux  bouts  de  la 
dalle  tumulaire,  supportent  une  table  funéraire  exhaussée, 
sur  laquelle  est  couchée  la  statue  du  landgrave  Ulric  en 
costume  de  guerre,  le  morion  en  tète,  la  cotte  de  mailles  au 
corps;  &  son  côté  droit  est  l'épée  nue,  ainsi  que  les  gantelets, 
symboles  de  la  puissance  nobiliaire  et  militaire;  deux  lions 
sont  &  ses  pieds.  Sur  le  lit  de  pierre  où  repose  le  landgrave, 
on  lit  :  Meister  Wolvelin  von  Bufach  ein  burger  zu  Strasburg 
der  het  dis  Werck  gemackt.  Ce  monument  est  l'un  des  plus 
beaux  morceaux  de  la  sculpture  alsacienne  au  moyen  ftge  ; 
le  meilleur,  peut-être,  par  la  vigueur  du  dessin,  la  correction 
de  la  forme  et  la  sûreté  du  coup  de  ciseau.  Il  révèle  un  sta- 
tuaire de  forte  trempe,  unissant  la  sévère  précision  de  l'idée 
&  la  vive  expression  de  l'image.  » 

P.-E.  TXTEFFBBD. 
fLa  mite  prochainemmt.) 


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LES 

EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVËCHÉS 

METZ — TOUL —VERDUN 
1552  —  1790 


S¥iU^ 


Abbaye  royale  de  Saiat-Arnonid 

Liber  Sancti  Armîlfi,  Metensis  urbis  epkcopi;  aufermH 
sit  anathema  (xi*  siècle). 

Liber  Sancti  Amidfij  si  quis  abstulerii  anathema  sit.^ 

lÀber  est  Sancti  AmiUphi. 

Arguai  ArnuJphus  raptorem  codids  hifjus. 

Monasterii  Sancti  Amuiphi  metensis. 

Ex'libris  Sancti  Amuiphi. 

Begalis  Abbatiœ  S.  Amuiphi  Metensis,  1759. 

Sancti  Amuiphi,  1764. 
Les  religieux  s'étaient  acquis  «de  nouveaux  droits  à  la 
reconnaissance  publique»,  car,  non  contents  d'avoir  publié 
rhistoire  de  Metz,  pour  laquelle  ils  avaient  reçu  de  la  ville 
600  livres  pour  les  aider  à  faire  graver  les  planches,  ils  avaient 
résolu  de  rendre  publique  leur  belle  bibliothèque,  dont  la 
salle,  située  au  premier  étage,  avait  soixante-huit  pieds  de 

^  Voir  les  livraiBoiiB  du  dernier  trimestre  1881  et  des  premier»  second  et 
troiflième  trimestres  1882. 

'  Puis  MarcmaHha,  id  €8tpereaàin9ecmidoadomiUêl)<mmd{msL  IX), 
on  màiedictus  ni. 


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LB8  BX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÈjiCBÊS  479 

long,  trente-quatre  de  large  et  dix-huit  sous  plafond.  Cinq 
grandes  fenêtres  en  plein  cintre  Téclairaient.  Elles  avaient 
quinze  pieds  de  liant  et  sept  de  large.  L'entrée  à  gauche 
était  surmontée  des  armoiries  de  Tabbaye  avec  le  millésime 
MDCGLIII.  Cette  salle  servit  plus  tard  pour  le  même  usage, 
lors  de  la  création  de  la  bibliothèque  de  Técole  d'application. 
Un  catalogue  en  avait  été  dressé,  le  21  février  1769,  et  il  se 
trouve  &  la  bibliothèque  de  Metz  (manuscrit  n»  908).  Les 
manuscrits  &  cette  époque  étaient  au  nombre  de  cent  cin- 
quante-deux, et  déjà  bien  des  raretés  avaient  disparu;  cent 
deux  in-folio  et  le  reste  de  divers  formats  étaient  inscrits.  Dès 
le  XII*  siècle,  on  citait  les  Armales  Metenses  qui  furent  prêtés 
au  père  Sirmond  qui  ne  les  rendit  pas.  Ce  codex  est  encore 
indiqué  comme  étant  à  Tabbaye  dans  la  Oéographieuniverseliey 
par  Jean  Hubner,  Bftle,  1757,  t  1,  p.  279.  Mais  c'est  une 
erreur  copiée  sur  d'autres  ouvrages  de  ce  genre.  M.  Prost 
parle  des  manuscrits  vendus  à  Paris  avec  la  bibliothèque  du 
collège  de  Glermont,  en  1764,  et  transportés  avec  d'autres 
manuscrits,  de  Metz  en  Angleterre,  ob  ils  passèrent,  dans  le 
cours  de  ce  siècle,  aux  enchères  par  suite  du  décès  du  posses- 
seur.' D'après  Bégin,  la  bibliothèque  avait  quinze  miUe 
volumes,*  mais  on  verra  par  le  procès-verbal  de  1790  qu'il 
faut  rabattre  de  ce  chiffire. 

Les  moines  ouvrirent  donc  leur  bibliothèque  en  1787,  et 
VAlmanach  de  Metz  pour  1790  donne  quelques  extraits  du 
règlement:  elle  était  ouverte  au  public  les  mercredi  et  vendredi 
de  chaque  semaine,  de  neuf  heures  à  cinq  heures,  sauf  de 

*  M.  G.  Chartener  possède  dans  sa  riche  bibliothèqne  le  petit  cartn- 
laire  de  Saint-Amonld  (znr®  siècle)  richement  relié;  il  provient  de 
M.  de  Ghazelles.  La  bibliothèqne  de  Yerdnn  (l9  84)  a  des  commentaires 
snr  l'Apocalypse  venant  de  M.  de  Nothomb,  puis  de  M.  de  Dattel.  La 
bibliothèqne  de  Metz  a,  d'après  M.  Prost,  cent  dix-huit  manuscrits  de 
Saini-Amonld. 

'  Amuaire  de  la  MùèéOt,  1884, 173. 


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480  EB¥III    D*àLSAGB 

midi  à  deux.  Tété;  Phiyer  elle  se  fennait  &  quatre  heures  du 
soir.  Nécessairement  elle  était  fermée  les  jours  de  fête.  Dom 
Maugérard  et  Dom  Delté,  assistés  du  garde-bibliothèque,  don- 
naient à  tour  de  rôle  les  livres.  Les  manuscrits,  les  ouvrages 
hétérodoxes,  les  in-8*  et  autres  petits  formats  n'étaient  confiés 
qu'à  des  personnes  connues.  Les  livres  ne  pouvaient  être 
prêtés  que  dans  des  circonstances  exceptionnelles  et  pour  un 
temps  très  court  et  en  déposant  le  double  de  la  valeur  du 
bouquin.  Nécessairement  le  silence  devait  être  gardé  dans  la 
salle  de  lecture. 

L'historien  Valladier,  qui  fut  présenté  pour  être  évoque  de 
Toul,  a  fait  imprimer  Thistoire  du  monastère,  dont  il  était 
conmiendataire.  Voici  son  fer  de  reliure: 


Le  11  mai  1790,  l'inventaire  des  livres,  fait  par  ordre  de  la 
Nation,  indiqua  deux  mille  cent  trente  in-folio,  deux  mille 
trois  cent  soixante-treize  in-4^,  mille  trois  cent  quatre-vingt- 
trois  in-8^  trois  mille  quatre  cent  vingt-sept  in-16;  au  nombre 


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Goosle      1, 


LES  BX-LDRB  OAMB  UB  TROIS  ÉVÉGHÊS  481 

de  ces  livres  étaient  les  Actes  des  apdtres,  en  grec;  le  tout 
fonniiit  on  total  de  neuf  mille  trois  cent  treize  volumes  et 
cent  soixante-dix  manuscrits.'  Le  catalogue  in-folio,  relié  en 
6arton>  de  cent  quarante^uatre  pages,  fut  de  suite  coté  et 
paraphé.  On  ne  compta  pas  une  foule  de  journaux,  de  bro- 
chures politiques  sur  la  réunion  des  notables,  sur  l'assemblée 
provinciale,  les  états  généraux,  les  questions  du  temps,  etc. 
Le  9  mai  1791,  on  transporta  les  livres,  les  manuscrits  et  les 
archives  &  Tlntendance*  U  y  avait  la  fameuse  charte  de  1552 
avec  le  sceau  en  or  du  duc  de  Guise;  Dom  Calmet  en  avait  eu 
une  copie,  gvftee  à  l'obtigeance  du  prieur  Dom  la  Coine.^ 

On  ne  sait  ce  que  devinrent  les  cuivres  des  trente-deux 
planches  de  la  Vie  de  saint  BetuM,  par  Sébastien  le  Clerc,  que 
conservaient  les  religieux.  Us  ne  furent  pas  perdus,  car 
on  en  a  des  épreuves  modernes*  Quant  aux  monuments  con- 
servés dans  le  clottre  et  collectés  par  Dom  Maugérard  et 
avant  lui  par  Dom  Cajot^  dans  les  fouilles  du  vieux  Saint- 
Ârnould  extra  nrnros,  ils  furent  brisés,  d'après  M.  Ohabert,  en 
1793,  par  une  populace  ignorante.  La  gare  de  Metz  s'élève  sur 
remplacement  de  Tancien  couvent  On  voit  au  musée  archéo- 
logique une  petite  stèle  funéraire  avec  inscription,  trouvée 
lors  des  fondations,  et  les  débris  d'arcatures  de  style  flam- 
boyant qui  gisaient,  en  1865,  dans  les  fossés  de  la  porte  de 
France  et  qui  furent  donnés  au  musée  par  <M.  Rossel,  lieute- 
nant du  génie»^  (n®  420),  pourraient  bien  provenir  de  Téglise 
détruite  lors  du  siège  de  1552. 

^  Le  29  ayril  1791,  les  religieux  réclamèrent  à  la  Municipalité  des 
converts  d'argent,  comme  leur  appartenant,  pour  leur  nsage  personnel. 
Mais  tont  porte  à  croire  qu'on  ne  fit  pas  droit  à  cette  juste  demande. 

'  Le  sceau  avait  disparu  dès  Tan  YI. 

'  La  bibliothèque  de  Verdun  possède  le  Catalogue  des  plantes  de 
Dom  CoQOt  le  jeune  (Autog.  n»  285). 

*  Le  Journal  de  la  Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  mentionne 
d'antres  dons  de  ce  malheureux  officier. 

NouTelle  Séné.  —  It**  année.  31 


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482  REVU!  d'alsàcb 

Dom  Tabouillot,  un  des  auteurs  de  VHietoire  de  Metz,  his- 
toire écrite  avec  une  critique  et  une  érudition  bien  supérieure 
à  l'ouvrage  de  Dom  Calmet,  V Histoire  de  Lorraine,  était  moine 
de  SaintrArnouId.  Les  livres  et  les  manuscrits  qu'il  laissa, 
sont  marqués  d'une  étiquette  oblongue 
Ex'Manuscriptis 
D.  NICOLAI  TABOUILLOT 
Monachi  Benedictitd  Congregationia 
S.  S.  Vitoni  (è  Hidolphi 
entre  trois  filets  enguirlandés/ 

M.  Dommanget  a  publié  une  notice  sur  Dom  Tabouillot. 
Voici  une  pièce  importante  sur  ce  religieux  et  qui  est  restée 
inconnue  à  Tancien  bâtonnier  du  barreau  messin.  C'est  la 
déclaration  faite  à  la  Municipalité,  par  ce  religieux,  de  son 
intention  de  quitter  le  couvent  par  suite  des  décrets: 

«Aujourd'hui  vingt  six  juin  mil  sept  cent  quatre  vingt  dix 
est  comparu  par  devant  Nous  officier  de  la  Municipalité  de 
Metz  Commissaire  en  cette  partie,  Dom  Nicolas  Tabouillot, 
Religieux  bénédictin  de  la  Congrégation  de  S'^Vanne  et  l'un 
des  membres  de  la  Maison  conventuelle  de  Saint  Arnould  de 
Metz.  Lequel  nous  a  dit  que  ses  infirmités  le  portaient  à 
profiter  du  bénéfice  du  décret  de  l'Assemblée  Nationale  sanc^ 
tionnée  par  le  Roy,  et  qu'en  Conséquence  il  déclarait  qu'il 
abdiquait  le  cloitre  et  entendoit  dès  cet  instant  fixer  son 
domicile  chez  M'  Le  Doux  son  neveu  garde  du  parc  d'artil- 
lerie, isle  de  Chambière  à  Metz,  Delaquelle  déclaration  il  nous 
a  requis  acte  que  Nous  lui  avons  octroyé  et  a  signé  avec  nous. 

^  La  bibliotbèqne  de  Metz  a  pltLsieurs  mannscrits  de  ce  religieux 
traitant  de  l'histoire  locale  et  qui,  en  1802,  loi  Tinrent  da  notaire 
Quelle,  n  y  en  a,  entre  autres,  la  Fouillé  manuscrit  du  diocèse  de  Mets, 
que  M.  Henri  Lepage,  l'érudit  archiviste  de  Meurthe-et-Moselle,  allait 
terminer  de  publier  lorsque  l'incendie  de  l'imprimerie  Rousseau-Pallex, 
de  Metz,  détruisit,  en  1871,  toute  l'édition.  Heureusement  que  M.  Lepage 
en  avait  conservé  un  exemplaire  en  bonnes  feuilles. 


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LBS  EX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉYÉCaÉS  483 

Ordonnons  que  le  présent  acte  sera  annexé  à  l'inventaire  par 
nous  formalisé  à  Tabbaye  de  S^Arnould  le  onze  May  dernier 
pour  y  recourir  au  besoin  et  servir  à  telles  autres  fins  que  de 
raison,  j'approuve  deux  mots  rayés  nuls. 

«Rekauld.  D.  N.  Tabouillot.»* 

Dom  Tabouillot  avait  changé  d'avis,  car  dès  le  premier  jour 
de  l'enquête,  il  avait  déclaré  avec  le  prieur  Dom  Pierron, 
Doms  des  Ruisseaux,  Laurent,  Maire,  Millot,  Sonis,  Guillaume 
et  François  Bemier,  qu'il  attendait  les  décisions  de  l'Assem- 
blée nationale;  le  doyen  Dom  Marionnelz,  Doms  Petitjean, 
Huguenin,  Agnus,  de  leur  cdté,  voulaient  se  retirer  dans  leurs 
foyers.  Le  procès-verbal  ne  mentionne  pas  ce  que  dirent  le 
sous-prieur  Groiqelet  et  Dom  Robert,  le  plus  ftgé  des  religieux, 
il  avait  67  ans,^  et  0  avait  travaillé  aux  preuves  de  V Histoire 
de  Metz;  quant  à  Maugérard,  cet  illustre  savant,  il  «  refusa  de 
sortir,  &  moins  de  force»  !  D  émigra. 

L'église  conventuelle  renfermait  aussi  bien  des  choses  pré- 
cieuses: des  tombeaux,  entre  autres,  celui  de  Louis  le  Débon- 
naire, si  souvent  reproduit  et  dont  quelques  fragments  sont  au 
musée  archéologique.  Le  sculpteur  Tenel,  qui  l'avait  acquis, 
en  1794,  ne  pouvant  le  vendre  au  ministre  de  l'intérieur,  en 
1799,  le  débita  en  l'an  VIL  Un  des  grands  collectionneurs  du 
temps,  M.  Paguet,  rue  du  Pontifroy,  sauva  la  tète,  les  mains 
et  un  fragment  représentant  le  passage  de  la  mer  rouge.  Le 
mdme  amateur  eut  encore  d'autres  souvenirs  de  Saint- 
Amould,  l'olifan  de  Gharlemagne  qui  était  suspendu  &  la  voûte 
de  l'église;  il  fut  adjugé  à  Paris,  le  8  février  1867,  pour 
2350  francs.  Le  total  des  enchères  de  la  vente  de  cet  heureux 

*  Il  aTÛt  alors  56  ans,  et  était  paralysé  d'nn  bras  dès  1786;  il  moa- 
rut  chez  sa  nièce,  le  4  prairial  an  VU. 

'  Le  prieur  avait  été  membre  du  comité  municipal;  il  avait  alors 
46  ans  et  Dom  J.-B.  Maugérard  55.  Les  pins  jennes  moines  avaient 
32,  28  et  26  ans. 


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484  REVUE  d'alsagb 

collectionneur  monta  à  la  somme  de  6000  francs.  Le  trésor  de 
Saint-Arnould  contenait,  entre  autres,  la  chasse,  le  chef  du 
saint  en  vermeil,  une  main  et  un  bras  en  argent,  etc.  D  y 
avait  douze  cloches,  y  compris  celle  du  dortoir;  Toi^e  neuf, 
construit  en  1785,  avait  coûté  plus  de  30,000  francs.  Le  balda- 
quin du  mattre-autel  était  soutenu  par  quatre  colonnes  d'une 
seule  pièce  chacune;  une  balustrade  de  marbre  fermait  le 
sanctuaire;  Tautel  entier  et  le  tabernacle  étaient  en  bois 
doré;  le  chœur  était  garni  de  vingtrdeux  sièges  en  bois  de 
chaque  côté:  près  de  Tautel,  il  y  avait  deux  tables  couvertes 
en  marbre... 

A  l'hôtel  abbatial,  le  salon  avait  une  glace  et  quatcNne 
tableaux  ou  portraits,  etc.^ 

Les  bénédictins  ne  voulurent  pas  se  laisser  dépouiller  aussi 
violemment  sans  essayer  de  sauver  quelque  chose.  Mais  la 
nation  veillait.  Le  prieur  de  Saint-Arnould,  Dom  Pierron  et 
Dom  Maugérard  cherchèrent  k  envoyer  chez  le  curé  Auth,  de 
Saint-Martin-de-Cologne,  chanoine  de  Saint-Pierre  de  la  même 
ville,  quelques  débris  de  leur  ancienne  opulence.  Des  orne- 
ments d'église  et  des  livres  furent  emballés,  les  uns  dans  une 
caisse,  enveloppés  d'une  vieille  nappe,  les  autres  dans  un 
panier.  Mais  l'envoi  fut  saisi  et,  le  15  novembre  1790,  les  deux 
moines  furent  invités  k  venir  s'expliquer  à  la  municipalité  et 
à  assister  à  l'ouverture  des  colis.  On  ouvrit  la  caisse  en  leur 
présence  et  on  y  trouva  deux  tuniques,  deux  étoles  et  trois 
chappes  d'or  sur  fond  blanc  et  une  chappe  velours  noir  avec 
franges  d'argent;  dans  le  panier,  quarante  volumes  in-folio: 
les  œuvres  de  saint  Augustin,  treize  volumes;  les  œuvres  de 
Dom  Martène,  neuf  volumes;  les  œuvres  de  saint  Jérôme, 
cinq  volumes;  le  Recueil  des  conciles,  douze  volumes;  un 
Droit  canon,  un  volume.  Dom  Maugérard  soutint  que  les 
ornements  et  les  livres  lui  appartenaient;  mais  on  lui  fit 

'  Archives  déparUmmtaUs,  Q,  S,  65. 


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LBS  EX-LIBRB  DANS  LES  TROIS  ÉVÉCBfiS  485 

observer  que  ces  derniers  portaient  encore,  quoique  presque 
entièrement  raturées;  des  mentions  qui  contredisaient  son 
dire  ;  on  pouvait  encore  distinguer  6^.  Vincentii,  ordinïs  S.  Bene- 
didi,  Cong.  8.  3.  Witoni  et  Hpdulphi  sur  le  premier  ouvrage 
dté;  8.  Amtdpki  sur  le  second,  8.  démentis  sur  le  troisième 
et  sur  le  cinquième.  Les  assertions  du  bénédictin  paraissaient 
donc  fausses;  aussi  la  saisie  fut-elle  maintenue. 

Des  élèves  aspirans  d'artillerie  étaient  en  pepsion  à  Saint- 
Amould  et  à  Saint-Clément 

Abbaye  royale  de  SajptrVinoent 
8ancti   Vincentii   Metemis   Congregatianis»    Sandorvm 

yUoni  (è  HydulpkL 
Ex  monasterio  S.  Vincentii  metemis  1660. 

«  Il  y  a  une  bonnç  bibliotilièque,  dit  Dom  Calmet,  et  elle  se 
periectionne  tous  les  jours.  Sigisbert  de  Gemblours  a  long- 
temps présidé  aux  écoles  de  ce  monastère  et  on  a  de  lui 
quelques  manuscrits.  « 

Une  descriptioB  de  Téglise  porte  que  le  chœur  était  séparé 
diB  la  nef  pfur  un  jubé  1^  Qoloimes  de  marbre  et  trois  grilles  de 
fer.  «  Le  portail  magnifique  a  été  bâti  depuis  peu;  il  a  deux 
tours  dans  lesquelles  sont  douze  belles  cloches.  » 

Le  11  mai  1790,  le  son  de  celles-ci  annonça  aux  religieux  la 
fin  de  leur  paisible  existence  claustrale.  Le  catalogue  de  la 
bibliothèque  fut  coté  et  paraphé  ;  on  marquait  onze  cents  in-f", 
mille  soixante-dix  in-4%  cinq  cent  quatre-vingt-treize  in-8% 
deux  mille  quatre  cent  soixante  in-12  et  trois  cent  vingt  in-16, 
formant  le  total  de  cinq  mille  cinq  cent  quarante-trois  volumes. 

En  1792,  Tabbaye  fut  transformée  en  prison. 

L'incendie  du  1*'  septembre  1705  ruina  le  monastère,  la 
bibliothèque  riche  de  onze  mille  volumes  fut  brûlée;  on  sauva 
cependant  quelques  épaves.*  Pour  réparer  l'église  et  con- 

^  Entre  antres  le  volume  anx  armes  de  l'évêque  Psanme  dont  la 
gravnre  a  été  donnée. 


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486  REVUE  d'alsace 

struire  le  nouveau  portail,  on  fit  argent  de  tout  Le  bronze 
des  six  colonnes  du  baldaquin  du  maître-autel,  du  grand  aigle 
du  pupitre,  des  candélabres  et  de  la  lampe  fut  sacrifié; 
l'argent  que  Ton  en  retira  servit  aux  nouvelles  constructions, 
ainsi  que  les  pierres  d'un  jubé  dentelé,  qui  fut  impitoyable- 
ment rasé. 

Abbaye  royale  de  Saint-Symphorien 

Ex  fronccsterio  8.  Simphoriani  Metensia. 
S.  Symphoriam  Met.  1769. 

Les  bénédictins  de  ce  couvent  continuaient  depuis  1768  le 
collège  tenu  par  les  Jésuites  supprimés.  Ils  tenaient  un  pen- 
sionnat 

Le  12  mai  1790,  Tarchitecte  Fontaine  etTavocat  Juzan  de  la 
Tour,  commissaires  nommés,  arrivèrent  &  la  porte  du  cou- 
vent; ils  furent  reçus  par  le  prieur  et  les  moines,  qui  les  con- 
duisirent dans  toute  la  maison.  Dans  Téglise  ils  virent  une 
châsse  revêtue  de  lames  d'ai^ent,  contenant  des  reliques  du 
saint  patron  placées  sur  le  maître-autel;  dix-sept  tableaux 
furent  mentionnés. 

A  la  bibliothèque  ils  feuilletèrent  quelques  manuscrits, 
entre  autres  un  fort  beau  pontificat  * 

On  estima  les  livres  à  près  de  quatre  mille  cinq  cents  volumes. 
Il  n'y  avait  pas  d'ordre  à  la  bibliothèque,  car  elle  était  trop 
étroite  depuis  qu'en  1768  on  y  avait  placé  les  livres  provenant 
des  Jésuites.  Beaucoup  de  volumes  étaient  sur  les  rayons, 
d'autres  pêle-mêle.  Depuis  longtemps  les  bénédictins  son- 
geaient à  créer  une  nouvelle  bibliothèque  plus  spacieuse.  On 
remit  aux  commissaires  deux  catalogues  :  celui  du  couvent  de 
308  pages,  relié  en  veau,  de  format  in-folio,  et  un  second,  un 
peu  plus  petit,  relié  en  parchemin,  contenant  ce  qui  avait 

^  M.  Pagaet  avait  de  ce  couvent  des  vitraux  datés  de  1524  et  lôsfô. 


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LES  BX*LIBR18  DA!fS  LES  TROIS  ÉYÉCHÉS  487 

appartenu  aux  Jésuites.  On  ne  garantissait  pas  la  quantité 
portée,  rien  n'y  ayant  été  fait  depuis  1768,  et  beaucoup  de 
livres  classiques,  d'histoire  et  de  littérature,  ayant  été  prêtés 
aux  professeurs  et  aux  élèves,  et  bien  d'autres  étaient  perdus. 
On  compta  ensuite  six  cent  treize  in-f ,  huit  cent  cinquante- 
cinq  in-4*'  et  trois  mille  cinquante-un  de  divers  formats;  il  y 
avait  dans  la  bibliothèque  deux  globes  montés  de  18  pouces 
de  diamètre,  l'un  terrestre,  l'autre  céleste. 

Après  avoir  consulté  le  Registre  de  vêture,  les  religieux 
furent  interrogés  s'ils  entendaient  quitter  le  monastère.  On 
remarque  la  déposition  de  Dom  Amiot,  préfet  des  classes  et 
professeur  de  philosophie,  32  ans;  de  Dom  Colmar,  professeur 
de  troisième,  40  ans;  de  Dom  Reibell,  régent  de  cinquième, 
34  ans,  qui  «  entendent  ôtre  citoyens  et  prêtres  séculiers.  » 

Les  bénédictins  messins  avaient  formé  la  Société  Uttéraire 
germano-bénédidine,  dont  le  siège  central  était  dans  leur  ville; 
le  secrétaire  était  Dom  Jean  François  et  Dom  Tabouillot  en 
fut  élu  membre  le  4  mai  1789.  Cette  académie  archéologique 
et  linquistique  avait  été  fondée  en  1752.  Sa  devise  était  : 

Quod  Sapimos  Conjungat  Amor. 
Elle  avait  pour  symbole  une  Minerve  assise,  au  pied  de 
laquelle  on  lisait  ces  mots  :  • 

Puhlica  Commoda, 
puis  deux  génies  portant  une  ruche  devant  un  arbre  pour  y 
recueillir  un  essaim  d'abeilles;  aux  quatre  côtés  du  dessin  se 
trouvaient  les  inscriptions  suivantes  : 

AXIOO  VODXSB, 
VIHTUTJI  &  DOOT&UTA, 

VU  UNITA  XàJOB 
HOO  MONBTBANT  YIAM. 

Le  programme  était  en  latin.  La  Sociéité  littéraire  germano- 
bénédictine  fut  emportée  par  la  Révolution.^ 

^  DoMMAKOBT.  Dom  TabouiUot  (Société  d'archéologie  et  d'histoire  de 
la  MoÊéOe),  Mets,  1868, 116. 


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488  BJSVUB    D'ALftâCB 

AbbajB  royale  de  MnteHGHoflBiBde 

De  Vobbbaye  de  Sainte-Glossinde. 
Ce  livre  apartient  à  Vabheie  de  Sainte-CHossinde  de  Metz. 

Ce  foreat  le  chaiioinô  Nioehe  et  lé  docteur  Marchand,  offi- 
ciers, muaicipaux,  qui  eurent  la  triste  midsiM  d'aller  inven- 
torier chez  les  dames*  de  SaintenGlossinde.  le  17  mai  1790,  de 
slpfonner  de  leur  â^  eft  de  leur  demander,  si  elles  voulaient 
rester  religieuses,.  •..:..,/ 

La  bihUoth^que  ^tait  située  .«u  {urcmier  étage,  près  des 
appartements  abbatiaux;  eîle  eontenjùt  des  livres. de  piété  et 
les  meilleurs  autf^ur^  wcieiiS  et  m^erniss::  cinquante  volumes 
in-f  et  ciiiq  cents  volumes  .^editersJonnato»  Il  y  avait  beau- 
coup de  livres  liturgiques  à  l-uâage  4e  la  maison^  réimprimes 
par  ordre  de  Tabbesse,  M"^  Hottman,  morte  en  1762.  Sur  le  titre 
il  y  avait  ses  turwiiries.  L'inventaire  devait  renfermer  bien 
des  curiosités  :  un  grand  plat  antique  plaqué  en  émail,  une 
vierge:  en  poterie,,  un  pied  de  reliquaire  avec  ^moides  en 
argent,  etc. 

L'abbessQi  M"*  de  Qboiseul-Beaupré^  déclara  être  &ée  lé 
6  mai  1720.  Jiiletz  était  terre  bénite  pour  «  les  filles  p  de  cette 
illustre  maison.  Une  at^tre  oomtessé  de  Ghoiseul  était  abbesse 
à  Sainfr-Louisi  oU  se  trouvait  comme  ehanoinesse .  M**  de 
Ghoiseul-Mwse  et  comme  coa^jutriees  Adrienne  «t  Félicité 
de  Choiseul  et  Sidonie  de  Qioiseul-Gottffier.:.  ... 

Le  manuscrit  du  Livre  de. chant /particulier  de  Tabbaye 
Sainte-Glossinde  est  à  la  Bibliothèque  publique  (n*  714, 
xvnrS.). 

Lors  de  rétablissement  des  Capucins,  l'abbesse  leur  donna 
un  gros  volume  décoré  sur  les  plats  de  ses  initiales  en  grée 
au  milieu  de  deux  branches  de  lauriers;  sur  le  titre  on  lit  : 
Le  l^'^féwi&r  1608,  Af~  de  CandaUej  coo^jutrice  de  8.  CHoê- 
sinde,  a  donné  ce  pnt  livre  aux  capudns  de  Metz.  On  trouve 


"» 

^ 


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LBS  EX-LIBR»  AAlfS  LES  TROIS  ÉYÉCHÉS  489 

dans  la  oôrrespondamce  dé  Paul  Ferry  une  lettre  adressée  à 
Louise  de  Foiz  de  Gandale. 


M.  Guigard  a  donné  le  blason  de  Louise  de  Nogaret  de  la 
Valette,  abbesse,  fille  naturelle  du  duc  d'Epernon,  morte  en 
1647.  Ses  armoiries  sont  entourées  d'une  couronne  et  sur- 
montées d'une  crosse  abbatiale.  Aux  angles  on  voit  deux  A  A 
entrelacés  (Louise  de  la  Valette).  (Volumes  à  la  Bibliothèque 
nationale.) 

Le  16  décembre  1792,  on  brûla  sur  la  place  de  la  Loi  (place 
d'Armes)  le  portrait  en  pied  de  Louis  XV  qui  était  à  Thôtel 
de  ville  et  qui  avait  coûté  800  livres  ;  beaucoup  de  livres  trai- 


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490  REVUE    D*ALSACE 

tant  du  blason  ou  de  généalogies  nobiliaires  eurent  le  même 
sort  Le  citoyen  Trotebas,  membre  du  district,  accompagné  de 
Tarchiviste  Léman,  avait  été  les  trier  k  Tlntendance.  Un 
Moveri  et  la  Oénéalogie  de  lafamiUe  de  Vergy  furent  pris 
dans  le  tas  de  Sainte-Glossinde.  Les  abbayes  de  bénédictins, 
et  surtout  Saint- Arnould  (un  Dom  Pelletier),  fournirent  aussi 
leur  contingent  pour  cette  inepte  cérémonie,  dont  le  procès- 
verbal  est  cité  in  extenso  par  M.  Chabert 


Antonistes 
Ex4ibr%B  domtis  8^  Antomj  Metensis. 


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LES  BX-LIBRIS  DANS  LES  TROIS  ÉVÊCHÉb  491 

Le  prieur  de  cette  maison,  M.  Charvet,  avait  publié  dans  le 
Mercure  de  France,  en  1760,  un  mémoire  sur  les  limaçons.  Il 
avait  aussi  quelques  pétrifications  provenant  surtout  de  Bar- 
le-Duc,' 

Aug^nstins 

Ex-libria  conventos  fraJtrum  Eremitarum  Ordims  Sancti 
AugusHni  ccBnobii  metetisia. 


Ds  étaient  aumftniers  de  ThOtel  de  ville  et  les  colonnes 
antiques  du  portail  de  leur  église  furent  transportées  dans  les 
jardins  de  la  Malmaison.  La  visite  officielle  eut  lieu  le  14  mai 
1790;  la  bibliothèque  avait  1168  bouquins,  dont  266  in-folio, 
205  id-4?,  615  in-8*,  22  in-12  et  50  in-16. 


Conventus  metensis  Capudnoru.  Catalogo  inscriptua. 
JEx'hibliotheca  Cap  cinorum  Conv.  metensis. 

Leur  fondateur,  Tévôque  de  Basilite,  Antoine  Foumier, 

'  Bnchoz  cite,  comme  amateurs  de  fossiles  et  de  minéraux,  l'ingé- 
nieur de  Montlibert,  seigneur  de  Secourt,  qui  forma  son  cabinet  à 
Nancy  et  le  transporta  ensuite  à  Metz;  le  conseiller  au  Parlement 
Antoine  recherchait  les  mêmes  séries,  mais  son  départ  pour  Tlle-de- 
France  entraîna  l'abandon  de  son  cabinet. 

Sons  le  Directoire,  le  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  militaire, 
Gorcy,  né  à  Pont-à-Mousson,  étudia  les  fossiles  des  environs  de  Metz; 
il  avait  les  deux  coquiUages  dits  le  Coq  et  la  Fùule,  et  un  tibia  qu'il 
prétendait  être  d'un  homme  de  plus  de  huit  pieds.  Ses  collections  ont 
été  dispersées. 


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49S  REVUE    d' ALSACE 

su&agant  àeMete^  leur  laissa  à  sa  mort,  eu  160%  sa  beUe 
bibliothèque,  qui  fut  encore  àu^entée  dans  la  suite  par  des 
dons  particuliers.  Linventaire  indique  en  effet  cinq  cents  in-f , 
quatre  cent  dix  in-i*"  et  deux  mille  cinq  cent  soixante-dix  de 
diverses  grandeurs. 

Les  capucins,  les  récollets  et  les  sœurs  Colettes  recevaient 
annuellement  des  secours  de  la  ville.  ^  •. 

Un  noôl  '  imprimé  à  Metz^.  montre  les  enfants  de  saint 
François  allant  adorer  le  divin  enfant 

Les  capncins  quoique  nuds  pieds 
Ne  laisseront  pas  d'y  aUer, 
On  pourra  les  faire  quêter 
Pour  faire  à  l'Enfant  la  bouillie, 
Vive..... 

(Sur  rair  :  Frère  André  disaU  à  Grégoire.) 


GrandB  GusxeB 
Carmeli  antiquioris  metensis. 

D'après  l'armoriai,  les  Carmes  avaient  pouir  blason  de  sable 
chappé  d'argent 

Leur  bibliothèque  était  des  plus  médiocres,  dit  Dom  Dieu- 
donné.  Les  commissaires,  en  1790,  déclarèrent  qu'il  n'y  avait 
point  de  salle  de  bibliothèque;  on  y  trouva  cependant  deux 
mille  cent  quatre-vingt-sept  volumes  de  toute  grandeur  et,  en 
outre,  un  lot  de  vieux  livres  non  catalogués,  puis  la  Clef  du 
cabinet  et  jcurnal  de  Luxembourg,  etc.;  on  indique  ensuite 
cent  douze  in-f,  soixante-neuf  in-é"",  quatre  cent  quarante  in-d* 

^  Comment  se  fait-il  que  tous  ces  recueils  de  noéls,  imprimés  à 
Nancy,  et  Saint-Mihiel,  à  Neufchateau,  à  Metz,  etc.,  se  ressemblent 
tous?  Tous  Yosgiens!  mais  pour  comprendre  le  patois  des  montagnards 
vosgiens,  il  faut  avoir  résidé  dans  leur  pittoresque  pays.  Tous  ces 
noêls  doivent  provenir  de  Troyes,  sauf  ceux  essentiellement  locaux,  et 
ceux-là  sont  très  rares;  il  est  plus  facile  de  toujours  copier  la  même 
rengaine  imprimée  que  d'aller  puiser  aux  sources.  Fiat  ktx! 


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LES  KX-LIBKIB  DAVS  LES  TROIS  ÉVÉCHâS  493 

et  cent  cinquante-huit  in-12.  DansPéglise,  trois  tableaux,  dont 
deux  servent  de  retable.  La  bibliothèque  a  deux  manuserits 
des  Carmes* 

M.  de  Bouteiller  a  raconté  les  pérégrinations  de  Pautel  des 
Carmes,  qui  se  trouve  actuellement  au  château  de  Mont- 
r£ vaque,  près  de  Senlis;  une  faible  partie  est  au  chftteau  de 
Gueuzlin,  près  de  Douai/ 

M.  Paguet  avait  collecté  quelques  vitrauii  des  églises  des 
Carmes  et  de  Saint-Georges.  On  a  conservé  sur  place  quel^ 
ques  débris  de  Téglise;  on  peut  encore  se  rendre  compte  de 
la  légèreté  des  fenêtres,  ogivales. 

La  ville  payait  tous  les  ans  une  redevance  aux  carmes, 
parce  qu'ils  étaient  obligés  de  dire  les  messes  pour  le  repos 
des  ftmes  des  suppliciés.  Ces  religieux,  avec  les  dominicainâ 
et  les  récoUets,  étaient  souvent  inscrits  au  budget  municipal 
comme  prédicateurs  de  TAvent  ou  du  Carême  h  la  cathédrale. 

Petits  Oarmes 


^  Le  Musée  archéologique  a  aaasi  quelques  débris  de  ce  grand  antel, 
une  des  luenreilleB  de  Mets  ancien. 


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494  REVUE    D*ALSAGB 

Ex4ibn8  formé  par  une  découpure  dans  une  feuille  de 
cuivre  sur  laquelle  on  frotte  un  tampon  noirci. 

Leur  bibliothèque  fut  en  peu  d'années  bien  fournie  et  ils 
eurent  des  tableaux  de  quelque  valeur. 

Charles,  peintre  du  duc  de  Lorraine,  changea  une  toile 
italienne  représentant  Jupiter,  assis  près  de  son  aigle,  menor 
çant  Semelé  en  un  Christ  assisté  d'un  ange  donnant  à  Semélé 
Thérèse  un  clou  de  la  croix.  Ce  fut  dans  ce  couvent  que 
Sébastien  Leclerc,  devenu  depuis  si  célèbre,  grava  sa  planche 
de  saint  Eloi,  évoque  de  Noyon. 

Le  couvent  avait  onze  chambres  de  religieux  et  trois  cham- 
bres d'hôte. 

L'inventaire  du  10  août  1790  porte  sept  cent  dix-sept  in-f , 
deux  cent  quarante  in-4''  et  quatre  cents  divers,  et  livres  à 
Vindex  cinq  cents.  L'ex-chanoine  François  Nioche  et  le  docteur 
Hubert  Marchand  inventoriaient 

L'église  est  aigourd'hui  la  bibliothèque  publique  et  le  cloître 
servit  longtemps  de  musée  d'antiquités.  Ces  vieux  débris,  qui 
paraissent  un  peu  fades  quand  on  a  vu  les  galeries  du  Vatican, 
étaient  bien,  dans  ce  demi-jour,  mystérieux.  S'ils  n'avaient 
pas  pour  eux  la  beauté,  ils  avaient  l'immense  avantage  d'être 
topiques;  c'est  ce  qui  les  rendait  aussi  intéressants  que  cette 
multitude  de  marbres  du  Musée  Pio  Clementino. 

On  a  estimé,  sans  exagérer,  à  plus  de  soixante  mille  volumes 
le  nombre  des  bouquins  mis  sur  le  pavé  grâce  au  démeublement 
des  couvents  et  à  la  confiscation  des  biens  des  émigrés.  Comme 
partout  ailleurs,  la  négligence  amena  bien  des  pertes  dans  cet 
immense  amas  déposé  dans  les  salles  du  rez-de-chaussée  de 
l'Intendance;  on  commença  à  en  dresser  un  catalogue  qui  ne 
fut  pas  terminé  et  ils  furent  timbrés  de  ces  mots  :  District  de 
Metz;  a  des  ventes  faites  après  décès,  dit  Begin,  dévoilèrent 
bien  des  turpitudes.  »  Le  catalogue  de  Grisel,  on  1792,  était  à 
peine  commencé,  lorsqu'on  ordonna  de  former  une  bibliothèque 
pour  l'Ecole  centrale,  puis,  à  l'organisation  du  culte,  on 


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Lin  BX-LIBRIS  DANS  LBS  TROIS  ÉVâCHÉS  495 

permit  ^  et  c^était  justice  —  à  Tévêque  et  au  directeur  du 
séminaire  de  choisir  les  livres  à  leur  convenance  pour  les 
bibliothèques  épiscopale  et  du  séminaire.  Quelques  émigrés 
rentrés  obtinrent  la  restitution  de  leurs  livres  non  brûlés  (??). 
Enfin  le  total  des  bouquins  de  1790  avait  subi  une  très  forte 
diminution,  lorsqu'on  songea  à  approprier  Téglise  des  petits 
Carmes.  En  1812,  le  catalogue  portait  vingt-un  mille  neuf  cent 
quatre-vingt-onze  volumes.  Le  comte  de  Jaubert  avait  rem- 
placé, en  1804,  Thonnête  Duhamel  S  qui  avait  commencé  à 
mettre  un  peu  d'ordre  dans  ce  fouillis  et  qui,  comme  biblio- 
thécaire départemental  en  1795,  avait  opéré  le  transfert  des 
livres  au  gouvernement  (palais  de  justice).  En  1803,  la  biblio- 
thèque devint  communale  et  elle  ne  fut  ouverte  au  public 
qu'en  novembre  1811. 

Par  suite  de  Tinexécution  des  décrets  de  l'Assemblée 
nationale,  un  grand  nombre  d'ouvrages  et  de  manuscrits  pré- 
cieux disparurent;  mais  nous  laissons  à  d'autres  le  soin  de 
faire  connaître  si  les  pertes  irréparables  qu'éprouvèrent  le 
département  et  la  ville  doivent  être  attribuées  à  une  économie 
mal  comprise  ou  à  l'incurie  des  hommes  chargés  de  veiller  à 
l'exécution  des  mesures  si  sages  prescrites  par  l'Assemblée 
nationale.' 

La  circulaire  suivante  montre  qu'à  Paris  on  avait  quelque- 
fois tort  : 

Paris,  le  21  frimaire  an  VIL 
Citoyen, 
Tons  les  cartulaires  des  cidevant  instituts  religieux  qui  se  trouvent 
disséminés  dans  les  diTers  dépôts  littéraires,  bibliothèques  et  archives 
de  la  République  doivent  être  réunis  à  Paris.  Ces  titres  fruits  des 
siècles  barbares,  se  lient  trop  essentiellement  à  leur  histoire  pour  en 
être  distraits.  Il  faut  qu'ils  attestent  et  la  postérité  ce  que  l'ambition  et 
l'avarice  des  corporations  privilégiées  ont  obtenu  de  la  crédule  igno- 

*  n  resta  sous^bibUothécaire. 

'  K  Sauibb.  La  MosOle  adminittraUve,  1859,  675. 


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496  RVV1»    D'AIfAGB 

rance  de  nos  pères  et  qa'ils  leur  fassent  apprécier  lliflxtraase  jréiohi- 
tion  qni  s'est  faite  dans  l'esprit  humain. 

Vous  voudrez  donc  bien  faire  rechercher  tout  ce  gne  les  dépôts  de 
TOtre  département  possèdent  en  ce  genre  et  l'adresser  à  Paris  au 
conserratenrs  de  la  Bibliothèque  nationale,  rue  de  la  LoL  Je  m'en 
repose  sur  totre  edle  pour  l'exécution  de  cette  mesure  et  je  sois 
persuadé  ^e  la  confiance  qu'il  m'inspire  ae  sera  pas  déçue. 

Salut  et  fraternité, 

François  ds  Neufohatxau. 

Far  suite  de  cet  ordre,  beaucoup  de  bibliothèques  départe* 
mentales  perdirent  ce  qu'elles  possédaient  de  plus  riire>  à  la 
grande  satisfaction  des  chercheurs,  parisiens.  (y«  le  Gàbinet 
M  torique,  Paris,  1856,  t  II,  p.  129)- 

Oélestins 

CèlesUnorvm  de  Métis 

Célestinomm  metensium  G.  91. 

Iste  volumen  est  Conventics  Béate  Marie  Celestinorum  de 

Métis, 
Cest  livre  apertient  aux  frères  Célestins  de  Mets. 

Us  furent  supprimés  en  1774.  Ils  avaient  les  plus  beaux 
jardins  de  la  ville.  En  1760,  le  père  Perette  était  un  fleuriste 
éraérite*  £n  1771,  r^lecteuii  (te: Trêves»  prince  de  Saxe,  vint 
avec  sa  sœur,  Pabbesse  de  Bemiremont,  admirer  le  jardin  des 
récollets;  il  leur  paya  500  francs  le  caleu  d'une  magnifique 
tulipe. 

M.  de  Bouteiller  a  écrit  l'histoire  de  ce  couvent  L'arsenal 
du  génie  le  remplaça.  On  voyait  dans  celui-ci  l'aérostat  qui 
avait  servi  lors  de  la  bataille  de  Fleurus. 

Le  docteur  Morlanne  recueillit  la  miraculeuse  Vierge  des 
Célestins  et  en  fit  don  à  l'église  de  Saint-Clément  Quelques 
inscriptions  funéraires  et  des  fragments  provenant  de  l'égUse 
sont  au  Musée  archéologique  de  Metz. 

D'après  M.  Prost,  ce  sont  les  célestins  qui,  après  les  béné- 


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LBS  BX-LIBR»  DAMS  LIS  TROU  ÉV£CHÊ8  497 

dictiiis,  fonrnîrent  le  plus  de  manuscrits.  Il  y  en  a  quarante- 
trois  à  la  bibliothèque,  dont  quelques-uns  viennent  de  Saint- 
Clément.  Par  suite  du  legs  Dattel,  il  y  a  Verdun  De  Imitatione 
Christi  (xt*  siècle),  manuscrit  anciennement  aux  Gélestins  de 
Metz. 

Chanoi&eB  réffoliors  et  Oollégo 

Canoniœ  metensis. 

Collège  royal  de  s.  Loxns. 

Papillon  inv.  &  sculp.  1755.  Armes  de  France  entourées  du 
cordon  des  ordres  du  roi  et  de  palmes,  livres,  globe,  etc.,  et 
surmontées  de  la  couronne  royale;  au-dessus,  sur  une  bande- 
role, l'indication  ci-dessus. 

Cette  gravure  sur  bois  servait  en  outre  à  décorer  les  certi- 
ficats des  prix  décernés  aux  élèves  du  collège  royal  établi 
dans  les  bâtiments  du  prieuré  depuis  1775.  Douze  jeunes 
gentilshommes  étaient  élevés  gratuitement 

Les  chanoines  réguliers  étaient  très  instruits;  plusieurs 
furent  membres  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de 
Metz.  Us  firent  graver  à  leurs  frais  une  belle  vignette  pour 
V Atlas  de  Buchoz,  qui  les  cite  souvent^  Le  prieur  et  principal 
Michelet  avait,  d'après  lui,  un  beau  cabinet  minéralogique. 
A  sa  mort,  sa  collection  fut  négligée.  Plus  tard,  le  prieur 
GîUet  eut  un  herbier;'  il  créa  un  jardin  botanique  dans  la 
maison  et  fit  construire  une  fort  belle  serre  pour  les  arbres 


*  Beaucoup  de  Messins  les  imitèrent  :  M.  de  Brye,  secrétaire  de  la 
Tîne;  de  Montigny,  chanoine  de  la  cathédrale,  etc. 

'  Les  apothicaires  Thirion  et  HiUaire  avaient  anssi  des  herbiers;  le 
premier  fit  des  conrs  publics  de  chimie,  qni  Ini  valurent  une  pension 
de  600  liTres  de  la  ville.  Puis  venaient,  en  fait  d'amateurs  de  bota- 
nique, le  major  de  la  citadeUe  La  Mothe,  le  docteur  Michel  du  Ten- 
Nonvelle  Série.  —  il-  année.  33 


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498  REVUE    D'ALSACE 

exotiques.  Les  chanoines  avaient  en  outre  quelques  pierres 
gallo-romaines,  entre  autres  un  bas-relief  trouvé  k  Metz  et 
décrit  par  Emmery. 

Les  commissaires,  le  30  octobre  1790,  reçurent  le  catalogue 
de  la  bibliothèque,  contenant  huit  pages  in-folio;  on  y  remar- 
quait l'histoire  de  Luxembourg  en  huit  volumes,  les  œuvres 
de  Bufion,  de  Rousseau,  de  Voltaire,  etc.;  plus,  il  y  avait  trois 
cents  volumes  non  catalogués  à  cause  de  leur  peu  de  valeur. 
La  clef  de  la  bibliothèque  était  perdue  ;  les  commissaires  char- 
gèrent le  serrurier  Caillot  d'en  faire  une.  Les  armoires  en 
sapin  de  la  bibliothèque  avaient  chacune  onze  tablettes.^  On 
compta  cinq  cent  soixante-seize  volumes  in-f",  trois  cent 
soixante-douze  in-é"",  mille  sept  cent  cinquante-un  in-8%  mille 
quatre-vingt  dix-huit  de  divers  formats  reliés  et  sixin-f ,  vingt 
in-4'',  cent  cinquante-sept  in-8''  et  deux  mille  huit  cent  soixante- 
seize  volumes  divers  non  reliés,  formant  le  total  de  trois  mille 
volumes. 

netar,  Dupré  de  Geneste,  le  pharmacien  Bécœur.  Les  sieurs  Lerminiat, 
Hian  et  PerioUes  étaient  des  «  fleuristes  »  de  renom,  dit  Bnchoz.  Le 
bailli  de  Tschady,  le  président  de  Chazelles,  la  présidente  de  Nenvron, 
morte  retirée  chez  les  Carmélites  de  Paris,  avaient  des  jardins  enchan- 
teurs à  Colombey,  Lorry-devant-le-Pont  et  Arry. 

Herpin  et  Buchoz  ont  donné  la  vne  de  ces  deux  derniers  jardins.  On 
trouve  également  dans  VAthu  de  Buchoz  la  vue  de  Fristo  et  le  jardin 
de  Bouflers,  charmante  gravure  de  Fontaine  qui  demeurait  rue  de  la 
Princerie.  Bégin  a  parlé  longuement  de  MM.  de  Tschudy  et  de  Cha- 
zelles.  En  1775,  les  pépinières  de  Simon  sont  déjà  citées.  L'horticulture 
fut  toujours  en  honneur  et  Metz,  et  on  ferait  un  curieux  opuscule  en 
traitant,  avec  tout  l'humour  que  mérite  le  siyet,  l'histoire  de  ses 
fameuses  mirabelles  confites,  offertes  à  tous  les  souverains  de  passage 
et  envoyées  annuellement  en  étrennes  à  la  Cour. 

L'abbé  d'Huart,  sous  M.  de  Saint-Simon,  avait  la  surveillance  des 
magnifiques  jardins  de  Frescati  et  y  cultivait  les  plantes  les  plus  rares. 

*  Le  sous-principal  avait  dans  sa  chambre  VEncj^aiopédie^  des  recueils 
académiques  et  des  cahiers  d'histoire  naturelle. 


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LES  RX-LIBRIS  DAKS  LBS  TROIS  ÉVâCHÉS  499 

Un  second  incident  marqua  la  descente  nationale  :  le 
libraire  Marchai,  par  suite  de  ses  fournitures,  avait  fait  saisir 
le  cabinet  de  physique  et  les  scellés  y  étaient  apposés  à  la 
venue  des  commissaires. 

Tous  les  livres  donnés  en  prix  étaient  décorés  sur  les  plats 
des  armes  royales  de  France. 


Jésuites 
Collegii  Metensis  Societdtis  Jesu. 


Le  collège  datait  de  1622  et  il  devint  de  suite  très  florissant; 
jusqu'à  Tépoque  de  la  révocation  de  Tédit  de  Nantes,  les 
jeunes  réformés  messins  en  suivaient  les  cours  et  disputèrent 
avec  succès  les  palmes  à  leurs  camarades  de  la  communion 
romaine.  La  ville  donna  de  nombreux  secours  aux  Jésuites  et, 
jusqu'au  moment  de  leur  expulsion,  elle  payait  367  livres 
10  sols  pour  les  deux  régents  de  philosophie. 

Les  Jésuites  eurent,  malgré  Tappui  de  la  bourgeoisie,  à 
souffirir  la  mauvaise  humeur  du  duc  de  Coislin,  qui,  comme 
son  illustre  voisin  de  Verdun,  leur  ôta  le  pouvoir  de  confesser. 
Puis  vinrent  contre  eux  les  sourdes  attaques  du  Parlement  et 
leur  chute  éclatante. 

Un  grand-vicaire,  doyen  du  chapitre,  Henri  d'Haraucourt, 
eut,  en  1657,  Tingénieuse  idée  de  faire  les  frais  d'une  distri- 


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500  tSfXm   D'ALSàCB 

butioQ  de  prix  et  de  donner  des  livres  à  ses  armes.  Df  avait 
été  en  1643,  avec  Pévêque  de  Madame,  un  des  témoins  de 
l'installation  des  R.  R.  P.  P.  dans  la  rue  de  la  Chèvre,  oii  ils 
demeurèrent  jusqu'aux  décrets  d'expulsion.  Les  volumes  aux 
armes  des  généreux  bienfaiteurs  se  trouvent  difficilement;  ils 
sont  généralement  très  bien  reliés. 


Le  catalogue  Henri  (Paris,  octobre  1863)  en  indique  un. 
D'après  VEx-libris,  c'était  un  don  du  chanoine  de  Saint- 
Sauveur,  Âubertin,  aux  récollets;  le  volume  avait  passé  de  la 
bibliothèque  de  ces  derniers  dans  celle  de  M.  d'Haraucourt 
L'élève  couronné  se  nommait  François  André  et  le  préfet 
Jean  le  Clerc  (sceau),  29  août  1757  (n*»  109,  20  fr.) 

Le  chanoine  Henri  d'Haraucourt  est  enterré  h  la  cathédrale. 

La  ville  de  Metz  fournit  aussi  aux  frais  de  la  distribution 
des  prix,  et  on  peut  attribuer  aux  Jésuites  l'écusson  suivant, 
représentant  les  armes  de  la  ville  surmontées  de  la  Pucelle. 


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LBS  RX-LnRB  DàMS  LBS  TROIS  ÊTÉCHÉ8 


aïK 


Le  président  au  Parlement,  Louis  Fremyn,  mort  en  1669, 
fit  en  1663  les  frais  de  la  distribution  des  prix.  Les  armoiries 
frappées  sur  les  plats  indiquent  que  les  livres  proviennent  de 
sa  bibliothèque/ 


^  L'exemplaire  de  la  bibUothèqae  de  la  TiUe  fat  donné  en  prix  le 
80  août  1663  à  François  Granet  An  bas  de  l'attestation  latine  il  y  a  le 
scean  du  collège  et  la  signature  du  préfet  Nicolas  Flenry.  Le  portrait 
du  président,  tiré  à  tonte  marge  par  Sébastien  Leclerc,  fait  pendant  an 
titre. 


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502  RBVUB  d'alsagb 


En  1670,  Tarchevêque  d'Embrun  donna  aussi  des  livres 
ornés  de  ses  blasons.  Le  jour  de  la  distribution,  on  joua  une 
tragédie  latine  :  Mors  CoriolanV 

Neuf  manuscrits  provenant  des  Jésuites  sont  à  la  biblio- 
thèque de  Metz.  Les  bénédictins  parisiens  virent  chez  eux,  en 
1709,  l'histoire  manuscrite  des  évoques  de  Metz  par  le  fL  P. 
Benoît,  ouvrage  que  le  duc  de  Coislin  défendit  d'imprimer. 

^  YiAirsoN.  Histoire  du  premier  collège  de  Metz,  (Mém.  de  l'Acad.X 
Metz,  1874,  223. 


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LBS  BX-LIBR15  DANS  LES  TROIS  ÊTÉCHÉS  503 

Les  bénédictiiis  de  SaintrArnottld  et  d'autres  couvents  héri- 
tèrent des  dépouilles  des  Bévérends  Pères. 

Ex  hibliotheca  nùnimomm  metensiiim. 

Minimorum  metensium. 

De  la  Bibliothèque  des  Minimes,  C.  200. 

Les  religieux  eurent  une  singulière  affaire  à  la  lin  du 
xYn*  siècle  :  un  quidam,  nommé  Claude  Carré,  les  accusa 
d'avoir  touché  à  Venise,  en  son  nom,  une  somme  de  vingt 
millions  provenant  d'un  oncle  décédé  dans  cette  ville,  et 
d'avoir  déchiré  une  feuille  d*un  registre  de  paroisse  de  Verdun. 
Un  de  leurs  manuscrits,  les  quatre  Evangiles  (xv*),  avait 
appartenu  aux  dames  de  Vergaville,  près  de  Dieuze  :  Ex- 
monasterio  monalium  B.  Mariœ  de  Vergaville,  1688.  Il  s'en 
trouve  encore  cinq  autres  à  la  Bibliothèque  publique.  Vers 
1750,  ils  obtinrent  la  fermeture  de  la  ruelle  fioudat,  rendez- 
vous  des  soldats  pour  se  battre  et  des  filles  de  mauvaise  vie. 

Le  père  Jean-François  Le  Membre,  bibliothécaire,  reçut 
les  commissaires  :  l'architecte  Fontaine  et  l'avocat  Juzan  de 
la  Tour,  qui  arrivèrent  le  12  mai  1790.  Il  leur  présenta  un 
catalogue  in-folio  sur  parchemin,  qui  fut  de  suite  coté  et 
paraphé;  il  comprenait  trois  mille  quatre  cent  quatre-vingt 
volumes,  mais  il  y  en  avait  en  réalité  dans  la  salle  quatre 
mille  cent  soixante  ;  parmi  les  manuscrits,  deux  étaient  iUi- 
sibles  (n-  62  et  647). 

Les  religieux  déclarèrent  vouloir  être  citoyens  et  prêtres 
séculiers. 

LaBaristes 

Ex-libris  Congregationis  Missionis  domus  Metemis, 
Ex'libris  Congregationis  domus  et  seminarii  Metensis. 

Les  lazaristes  tenaient  le  séminaire  Sainte-Anne  et  fai- 


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d04  RBVUB  d'ai^acb 

saient  des  missions  à  la  campagne.  Quatre  de  leurs  manus- 
crists  sont  à  la  bibliothèque  de  la  ville^  Nous  en  avons  déjà 
parlé. 

Dominieains 

DE  LA  BIBLIOTHBQVE  DES 
FBBBB8  PBBGHBVBS  DE  HBT2 

Armoiries  de  Tordre,  placées  sur  un  manteau  hermine  sur- 
monté de  la  tiare  papale,  entre  un  chapeau  de  cardinal,  une 
mitre  et  la  crosse;  autour  on  lit  : 

aa  IV  8i9iioxHïbAa  aas  juaaa  daaoHaAas  aa  Maxr 
avec  le  rosaire  pendant  et  quatre  fleurs  de  lis. 
Hauteur,  0",69;  largeur,  0*,72. 

On  trouve  encore  ces  mentions  : 
Frères  prêcheurs  de  Mets 
A  la  Bibliolhéque  des  Jacobins  de  Mets 
Ex  Chmmimi  hibUotheca  fratmm  predicatorum  metensium, 

La  ville  donnait  annuellement  400  livres  pour  la  pension 
de  deux  régents  de  philosophie. 

Les  religieux  présentaient  aux  commissaires  un  cahier  de 
trois  feuilles,  dont  dix  pages  écrites  contenant  le  catalogue  de 
quatre-vingt-dix-sept  volumes  in-f*  et  neuf  cent  cinquante-cinq 
autres,  formant  toute  leur  bibliothèque.  Trois  manuscrits  sont 
à  la  bibliothèque  de  Metz. 

BéooUets 

Ex-libris  F.  F.  RecoUect.  Conventus  Metensis. 
Ex  Bibliotheca  RecoUedorum  Convent.  Metensis. 

En  1775,  d'après  le  catalogue  Emmery  (1849,  311),  il  parut 
des  épigranmies  sur  les  livres  brûlés  aux  Récollets. 
Les  statues  de  saint  Christophe  et  de  saint  Jacques  de 


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LES  BX-URRIS  MLMB  LRS  TROIS  ÉVËCHÉS  506 

l'église  paroissiale  de  Saint-Simplice  venaient  de  ces  reli- 
gieux, qui  avaient  dans  leur  couvent  vingt-sept  cellules  et 
trois  chambres  d'hôte. 

Le  21  mai  1790,  ils  déclarèrent  n'avoir  ni  médailles,  ni 
mobilier  précieux;  ce  qui  «  a  paru  exact  en  examinant  le 
local  »,  disent  les  enquéreurs.  Comme  partout  ailleurs,  on 
demanda  le  registre  de  vêture  pour  demander  si  on  voulait 
rester  ou  quitter. 

Un  manuscrit  des  Récollets  est  à  la  bibliothèque  de  Metz. 
Les  Trinitaires  n'en  fournirent  pas  plus.  Le  Musée  archéolo- 
gique a  deux  statuettes  de  l'église. 


TrinitaireB 

Domu8  Sanctœ  Trinitatis  Metensis. 

Le  couvent  contenait  douze  cellules. 

Claude  Bail,  membre  du  Directoire,  se  rendit  chez  les 
Trinitaires  le  29  janvier  1791.  Il  vit  dans  leur  église  un  buste 
de  bois  doré,  deux  statues  en  couleur,  etc.  La  bibliothèque 
était  chétive;  on  n'y  trouva  que  cent-vingt-quatre  in-f ,  quatre- 
vingt-quatorze  in-4%  quatre-vingt-dix-sept  in-8*  et  six  cent 
vingt-quatre  in-12.  Un  manuscrit  est  à  la  bibliothèque  de 
Metz.  Ils  avaient  quatre  grandes  tapisseries  de  18  pieds  de 
long  sur  11  de  large. 

Vers  1776,  Charles-Gaspard  Dorvaux,  docteur  eu  Sorbonne, 
ministre  de  la  maison  de  Metz,  provincial  de  Champagne,  et 
le  procureur  général  de  la  Rédemption,  rachetèrent  à  Tunis 
et  à  Alger  bon  nombre  d'esclaves  chrétiens,  les  tirèrent  des 
Stats  barbaresques  et  les  ramenèrent  en  Corse. 

La  bibliothèque  a  un  manuscrit  provenant  des  bénédictins 
de  Sainte-Barbe;  c'est  leur  Missel  (xv*  siècle).  Ce  livre  appar- 
tient à  l'église  Sainte-Barbe. 


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506  RBVUE    D'ALSACE 


Congrégation  Notre-Dame 

Le  monastère  était  bâti  sur  des  constractions  antiques.  La 
bibliothèque  ne  contenait  que  deux  rayons  :  trente-trois 
volumes  sur  le  premier  et  quatre  cent  quatre-vingt-sept  sur 
le  second,  reliés  en  veau,  en  parchemin  ou  brochés. 

Gomme  presque  tous  les  couvents  de  femmes  à  Metz,  les 
religieuses  tenaient  un  pensionnat^ 

On  trouve  à  la  bibliothèque  de  Metz  trois  de  leurs  manus- 
crits (xviu*  siècle). 

Dans  un  nod  de  Collignon  (Metz,  1824)  : 

Les  dames  Angustines 

En  congrégations, 

Pour  former  leur  doctrine, 

Reçoivent  les  leçons 

De  ce  divin  Enfant 

Qui  ne  fait  que  de  naître; 

Leur  constitution,  don,  don, 

Auront  bien  de  l'éclat,  la,  la. 

Venant  d'un  si  bon  maître.' 

L'inventaire  des  Carmélites  ne  figure  pas  aux  archives.  Un 
recueil  de  cantiques  (xviii*  siècle)  qui  leur  avait  appartenu  a 
été  versé  au  dépôt  de  la  bibliothèque,  et  quelques-uns  des 
ornements  de  leur  église  se  voient  au  trésor  de  la  cathédrale. 


*  Les  sœurs  Collettes,  de  la  Madelaine,  du  Refuge,  de  la  Visitation, 
de  la  Doctrine  chrétienne;  celles-ci  tenaient  en  outre  des  écoles 
publiques,  ainsi  que  les  Ursulines  et  les  sœurs  de  la  Propagation  de 
la  foi. 

'  Sur  l'air  :  Les  Bourgeois  de  Chartres, 


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LES  BX-LDRB  DAEfS  LIS  TROIS  ÊYÉCHÉS  507 

Dominioaiiies 
Du  monadère  des  sœurs  précheresses  de  Metz. 

Le  15  juillet  1790,  on  catalogue  cent  volumes  à  l'usage  des 
religieuses,  ouvrages  de  piété  et  d'histoire.  Les  archives 
étaient  dans  une  petite  chambre  donnant  sur  le  jardin;  il  y 
avait  en  outre  deux  petites  armoires  fermant  à  trois  clefs, 
contenant  les  titres  de  propriété  et  de  rente  sur  l'hôtel  de 
ville  de  Paris. 

Le  5  mars  1793,  on  avertit  la  municipalité  que  l'on  venait 
de  trouver  cinq  pièces  de  tapisseries  en  laine  dans  une 
cachette  sur  le  grenier  de  l'église:  on  ordonna  le  transfert  au 
district,  après  procès-verbal,  car  jamais  on  ne  verbalisa  tant 
qu'à  cette  époque  où  la  vie  d'un  homme  comptait  pour  si  peu. 

BénédiotineB  de  Montigny 

Les  pérégrinations  des  livres  de  ces  humbles  religieuses, 
fondées  par  Tévèque  de  Madaure,  sous  l'invocation  de  Saint- 
Antoine  de  Padoue,  termineront  les  notes  sur  les  couvents  de 
Metz.  Les  libraires  Joseph  Barbier  et  Adam  arrivèrent  dans 
la  commune  le  27  novembre  1790  pour  estimer  la  bibliothèque 
du  couvent;  cent-vingt-deux  volumes  furent  déclarés  de  nulle 
valeur  et  le  reste  encore  moins  ;  deux  bibles  se  trouvèrent  cotés 
2  f.  10  sols.  On  trouva  parmi  les  bouquins  les  Commentaires  de 
CaMn,  le  Catéchisme  de  Louis  de  Grenade,  les  Chroniques  de 
Saint-Benoît,  etc.  Le  charron  Etienne  Beauchène,  bon  citoyen, 
fut  institué  gardien  ;  mais  le  monastère  ayant  été  loué,  on  jugea 
à  propos  de  transporter  chez  lui  la  bibliothèque.  Dès  qu'on 
apprit  à  Metz  ce  premier  voyage  des  livres,  en  s'empressa  de 
se  rendre  à  Montigny  et  de  les  retirer  de  chez  le  charron 


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506  REVUE    D*AL8AGB 

pour  les  jeter  sur  une  charrette  après  un  second  procès- 
verbal,  et  on  les  conduisit  à  Saint- Arnould,  où  le  citoyen 
Gobert,  préposé  à  la  bibliothèque,  en  donna  reçu. 

ÂRTHUB  BbITOIT. 
(La  8î4ite  pro^MtnemmL) 


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LITTËRÂTDRE  POPULAIRE  DE  L'ÂLSÂGE-LORRÂINE 


BAVARDAGES 


DB 


iBSDÂlEs-ns-GODn  OB  mmm 

entremêlés  de  quelques  autres 
COMMÉRAGES  ALSACIENS 


Fin' 


XVII 


NOUS  AURONS  LA  FÊTE* 

Sais-tu,  petite  Brigitte,  le  maire 

M'a  dit  qu'on  allait  avoir 
Fête,  malgré  le  curé,  sa  colère, 

Malgré  son  mauvais  vouloir. 
Et  si  dimanche  il  va  tonner  en  chaire. 
Ça  ne  pourra  rien  changer  à  l'affaire, 

^  Voir  les  livraisons  des  1»  2*  et  3«  trimestres  1882. 

'  Cette  chanson,  d'an  inconnu,  transmise  par  tradition  orale,  a  été 
publiée  par  M.  An^^ste  Stœber  dans  des  articles  dn  SamstagiblaU, 
réanis  pins  tard  en  brochure  sous  le  titre  :  Der  Kocheraberg. 

C'est  une  description  très  fidèle  des  fêtes  de  yiUage  en  Alsace,  et 
une  chanson  favorite  des  jeunes  gens  de  Eochersberg. 


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510  IKVUB    d'aLSACB 

Car  de  nos  danses  le  pauvre  a  profit  : 
Riche,  indigent,  chacun  s'y  réjouit 

Bientôt,  dimanche,  on  va  louer  la  fête 
Comme  on  faisait  autrefois. 

Que  le  curé  gronde,  crie  et  tempête  ! 
Croit-il  nous  faire  des  lois? 

Gare  au  sermon!  il  nous  va  dimportance 

Laver  la  tête  à  propos  de  la  danse  ! 

Mais,  sans  quitter  notre  livre  des  yeux. 

Ecoutons-le,  d'un  air  silencieux, 

Ah!  maintenant  U  faudrait  qu'on  prépare 

De  beaux  habits  pour  ces  jours, 
Car  pour  le  bal  on  s'attife,  on  se  pare. 

Chacun  met  ses  beaux  atours. 
Les  gars  ont  fleurs  aux  chapeaux,  et  les  belles 
Plis  empesés  aux  chemises,  dentelles, 
Tabliers  blancs  contenant,  ô  bonheur  1 
Les  pains  d'épice  offerts  par  le  valseur. 

Faut  souliers  fins  afin  d'être  légères  ; 

(Les  miens  sont  déjà  tout  prêts.) 
Jolis  bas  blancs  bien  tirés,  grande  affaire! 

Et  tous  les  autres  apprêts. 
Quand  à  la  danse  on  arrive  bien  belle. 
L'on  trouve  vite  un  cavalier  fidèle  : 
Chaque  garçon  avec  vous  veut  valser. 
Et  l'on  ne  reste  jamais  sans  danser! 

A  notre  auberge  chacun  se  régale. 
Sans  grande  peine,  à  sauter. 

Mais  au  poteau  du  milieu  de  la  saUe, 
Il  ne  faut  pas  se  heurter. 

Tu  la  connais  :  Léne,  de  chez  le  maire, 

S'y  cassa  presque  le  nez,  triste  affaire! 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'AI^ACE-LORRAINB  51  i 

Et,  me  heurtant,  me  fit  faire  un  faux  pas, 
Et  toi,  beau  coq,  hélas  !  tu  m'échappas  ! 

Chère  fir^tte,  ne  va  pas  répandre, 

Mais  garde  bien  le  secret 
Si  quelque  fille  le  pouvait  apprendre, 

Bien  trop  tOt  on  le  saurait! 
Et,  vois-tu  bien?  moi,  je  connais  les  filles 
Qui  voudraient  être  qui  les  plus  gentiUes, 
Mel,  Lise  et  Léne  viendraient  se  dresser 
Devant  nous  autres  pour  nous  éclipser. 

Mais  pour  danser  il  nous  faut,  ma  Brigitte, 

Choisir  d'habiles  valseurs. 
Promets  au  tien,  afin  qu'il  ne  te  quitte. 

Un  joli  bouquet  de  fleurs  ! 
Moi!  mon  valseur  est  de  belle  prestance. 
L'un  est  lourdaud,  l'autre  raide  à  la  danse  : 
Oui!  Mais  le  mien  sait  si  bien  m'enlever! 
Pareil  valseur  ne  se  peut  retrouver. 

Le  bal  prend  fin.  Avant  qu'on  ne  reparte, 

A  table  chaque  garçon 
Offre  du  vin  bien  sucré,  quelque  tarte. 

Un  bon  rôti,  du  poisson! 
Chaque  valseur  reconduisant  sa  belle 
Lui  fait  la  cour.  Bientôt  devant  chez  eUe 
La  sérénade  qu'elle  entend  lui  fait 
Plaisir  extrême,  en  fermant  son  volet 

Haguenau,  26  septembre  1881. 


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518  RBWB    D^AISÀGB 


xvni 
CHARLES  BERDELLÉ 


LE  REPAS  DE  NOCES  RUSTIQUE 

de  CaiheTme'Man(m'de-<kez4*andm'm^^ 
Jacques  de  Niederschdffolsheim,  raconté  par  la  Marie-Odiie- 
de-chez-Jean'Pierre'Vandenr^j(nnt'4e-Batzend^ 

Qu'il  faisait  donc  bon,  la  semaine  de  Pâques, 
Aux  noces  de  la  Catherine-Manon- 
De-chez-1'ancien-maire-Jean-de-chez-JeaQ-Jacques* 
De  NiederschsefiolsheimJ  Jamais  1  oh!  mais  non  ! 
Jamais  on  n'a  fait  de  plus  belle  bombance: 
On  servit  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  tin. 
Quels  beaux  repas  !  vraiment!  si  beaux  qu'à  la  fin 
Nous  étions  d'avis,  tous,  que  l'on  recommence! 
Tu  voudrais  apprendre  ce  que  nous  mangions? 

Laissons  les  bouillons, 

Bouillis,  cornichons! 
Parlons  des  saucisses  et  des  saucissons, 

De  maint  plat  qui  fume 

D'excellent  légume 
Couvert  d'un  lard  de  fort  engageant  aspect 
Âpres  du  boudin  l'on  nous  sert  du  civet, 

^  Niederschœifblsheim  et  Batzendorf  sont  deux  villages  voisins  Piia 
de  Fautre  da  canton  de  Hagnenan.  Les  mots,  qu'an  mépris  de  Portho- 
graphe  ordinaire  nous  rénnissons  par  des  traits-d'union,  traduisent 
chaque  fois  un  seul  mot  du  texte  alsacien. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DB  L*ALSACE-LORRAIMB  513 

Des  pommes  de  terre  avec  beaucoup  de  caisse, 
Puis  du  bon  filet  si  bien  garni  de  lard 
Et  si  bien  rôti  que  personne  n'en  laisse 

Le  moindre  brin  !  du  mouton,  du  canard, 
Du  veau,  du  poulet  suivi  d'une  grosse  oie. 
Et  maints  bons  flacons  qui  nous  mettent  en  joie, 
Des  tartes,  des  Kouguelhoupfs^  et  des  gâteaux 

Aussi  bons  que  beaux, 

Pas  faits  à  la  hâte  : 
Trois  heures  la  mère  en  travailla  la  pâte, 
Et  pendant  trois  heures  ne  reposa  pas! 
Eh  bien  donc!  que  dis-tu  d'un  pareil  repas?* 
Fallait  voir  surtout  combien  la  compagnie 

Etait  bien  choisie! 
On  y  trouvait  nos  plus  gros  cultivateurs. 
Tous  gens  très  huppés,  et  les  instituteurs, 
Et  l'appahteur,  et  l'adjoint,  et  le  maire, 
Tous  pleins  du  louable  désir  de  bien  faire: 

En  efifet  chacun, 
Pour  être  plus  frais  à  pareille  bataille. 

Arrivait  à  jeun. 
Tout  prêt  à  se  bourrer  de  la  boustifailla 
Ah!  c'est  que  les  paysans  ne  sont  pas  sots. 
Les  gens  de  la  ville,  beaucoup  plus  nigauds. 
N'ayant  apporté  ni  cuillers  ni  fourchettes, 
Comme  on  le  fait  pourtant  à  tout  grand  repas. 
Pendant  qu'on  s'empressait  de  vider  les  plats 

^  Le  Eougaelhopf  ou  Eongaelhonpf  ÇL&  prononciation  varie  suivant 
les  localités)  est  une  pâtisserie  faite  arec  de  la  farine,  des  œnfk,  dn 
beurre,  dn  lait,  des  raisins  secs,  dans  des  moules  d'une  forme  particu- 
lière. Cette  p&tisserie  est  très  aimée  en  Alsace. 

*  Cette  tirade  est  prise  presque  textuellement  de  la  bouche  d'un 
paysan  qui,  dans  les  années  30,  parlait  de  son  repas  de  fête. 
NooTelle  Séné.  —  11"*  année.  83 


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514  REVUE  d'alsacb 

Penauds  regardaient  le  fond  de  leurs  assiettes 
Jusqu'à  ce  que  Jean  vint  à  leur  procurer 
De  chez  les  voisins  des  outils  à  bafirerJ 
François-le-pansu-de-chez-le-gros-Jean-Geoj^e 
S'en  faisait  passer  (fallait  voir!)  par  la  gorge, 
Liquides,  solides!  car  «on  ne  fait  pas> 
(Pensait  le  gourmand)  «un  aussi  bon  repas 
A  toutes  les  noces.  Il  faut  qu'on  profite, 
Surtout  quand  un  homme  cossu  vous  invite!» 
Ainsi  faisait-il.  Un  voisin  délicat 
Pour  oflrir  du  bœuf  lui  présente  le  plat. 
Le  bœuf  était  vraiment  d'apparence  exquise! 
François-le-pansu  lui  répond  :  «Oh  la  la! 

Faut-il  donc  manger  tout  cela?» 
Tout  en  regardant  d'un  air  de  convoitise 
La  pièce  de  viande.  Voyant  sa  méprise 
Ses  voisins  lui  disent:  «Prenez  le  morceau 
Et  mangez-le,  car  ce  ne  serait  pas  beau 
De  faire  un  afiront  à  celui  qui  régale. 
Manger  ce  bouilli?  ce  n'est  qu'un  jeu  d'enfant 
Pour  vous!»  Il  le  prend,  le  découpe  et  l'avale 
Aux  huit,  neuf  dixièmes,  puis,  presque  étoufiant. 
Il  dit:  «Le  morceau,  fichtre!  est  un  peu  trop  grand!»' 
Mais  ça  ne  l'empêche  d'avaler  le  reste, 
Et,  quand  les  plats  passent,  de  bien  s'en  servir. 
Deux  fois  plutôt  qu'une.  Rien  n'est  indigeste 
Pour  lui,  car  il  a,  l'on  doit  s'en  souvenir! 
Un  grand  appétit  et  le  veut  assouvir! 
Il  dit  à  la  fin,  se  tapant  sur  le  ventre  : 
«Que  mon  sac  est  plein  et  tendu  !  plus  rien  n'entre! 


*  Arrivé  à  on  repas  de  noces  à  Niederschœffolsheim  dans  les  années 
1830. 


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"A 


LITTÉRATURE  POPULAIRE  DB  L'ALSACB-LORRAIME  515 

Ahl  si  je  pouvais  avaler  pour  demain, 

Je  ne  céderais  pas  encor  le  terrain!»*  y 

Alors,  au  milieu  d'un  rire  épouvantable, 

L'on  quitte  la  table, 

L'on  va  plaisanter. 
Et  sauter,  et  chanter. 

Par  les  sauts,  la  danse, 

Dégonflant  leur  panse, 
Les  gens  de  la  noce  de  très  bon  matin 
Sont  tout  prêts  à  recommencer  le  festin. 
On  mange  poissons,  et  légumes  et  viande! 
François-le-pansu,  pas  malade,  demande 
Et  mange  à  lui  seul  un  énorme  poulet. 

Pendant  ce  temps-là  chacun  s'ingurgitait 
De  mets  variés  une  telle  montagne 
Qu'aux  gens  de  la  viDe  vraiment  ça  fit  peur! 
Et  près  de  nous,  simples  gens  de  la  campagne. 
Plus  d'un  beau  Monsieur,  plus  d'un  fier  ricaneur, 
Malgré  son  esprit,  son  orgueil  put  apprendre 
Comment  des  gens  bien  éduqués  vont  s'y  prendre 
Aux  repas  de  noces  pour  y  faire  honneur. 

Rioz,  22  mars  1880. 


^  ArriTé  dans  les  dernières  années  du  règne  de  Louis-Philippe  dans 
un  *diner  électoral. 


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616  RBTUB    D  ALSACB 

LE  GATEAU  DE  FOffiE 

(Histoire  arrivée  à  Hagaenaa  à  la  foire  de  Saint-Martin  de  1858)^ 

Je  vais  vous  raconter  une  très  belle  histoire 
Dont  je  fus  le  témoin  autrefois  à  la  foire 
De  Saint-Martin.  Bien  sûr  ça  vous  amusera 
Et  ma  petite  histoire  au  cœur  vous  touchera! 

Un  tout  jeune  homme  là,  par  fille  très  majeure 

Se  trouva  retenu,  peut-être  un  bon  quart  dlieure 

Auprès  d'une  boutique,  où  la  marchande  offrait 

Au  public  des  gâteaux.  La  fille  désirait 

S'en  faire  payer  un.  Mais  auprès  de  \k  tente 

Le  garçon  restait  coi,  se  laissant  cajoler 

Par  la  fille,  qu'hélas!  il  ne  veut  régaler. 

Que  n'est-elle  plus  jeune!  Elle  l'arrête  et  tente 

L'impossible,  espérant  enfin  le  décider, 

A  force  de  prier,  eiyoler,  minauder. 

Mais  la  marchande,  qui  voit  où  le  bat  les  blesse, 

Veut  tirer  le  garçon  de  sa  grande  détresse. 

Et  lui  dit  :  <  C'est  honteux  pour  un  garçon  si  beau, 

«  Si  jeune,  de  ne  pas  offrir  un  seul  gâteau 

<  A  cette  vieille  fille!  » 

Et  la  sotte  pécore 
Rougit,  pâlit,  se  sauve,  et  court  peut-être  encore. 

Rioz,  31  janvier  1881. 


^  L'auteur  et  traducteur  fut  présent  à  la  séance  comme  spectateur, 
et  il  en  garantit  l'exactitude. 


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LirrÊRATURB  POPULAIRE  DE  L' ALSACE-LORRAINE  517 

HISTOIRE  D'ALMANACH 

Dédiée  à  M.  BeçukOo. 
Vraiment  arrivée  en  1859^ 

C'est  dans  Uhlwiller  qu'une  drôle  d'histoire, 
Amis,  se  passa.  Si  vous  voulez  m'en  croire, 
Prêtez  moi  l'oreille,  et  veuillez  m'écouter  : 
Dans  tous  ses  détails  je  vais  la  raconter. 

C'est  l'appariteur  remuant  sa  sonnette 

Qui,  dans  le  village,  à  tous  les  coins  répète  : 

«  Grelin!  Klin!  Grelîng!  Klinklin!  je  vous  fais  savoir 

«  Que,  pour  presque  rien  le  public  peut  avoir 

«  Là-bas,  à  l'auberge,  au  bout  de  ce  village, 

a  Fichus  et  rubans!  On  se  montrera  sage 

«[  D'en  prendre,  car  tous  ces  objets,  on  les  dit 

«  Terriblement*  beaux!  Le  marchand  fait  crédit!  » 

Dans  tout  le  village  aussitôt  on  s'enflamme! 

Les  filles  de  lockel;  la  sœur  et  la  femme 

De  Klaus;  Lenel,  Ksethel  et  Nann  aussitôt, 

£t  Gréte,  et  bien  d'autres  vont  prendre  d'assaut 

L'auberge.  Le  nez  que  vous  fait  l'aubergiste 

Ne  peut  se  décrire.  Il  s'étonne,  il  résiste 

Aux  flots  en  disant  :  a  Que  diantre!  aucun  marchand 

a  Ne  loge  chez  moi!  non!  personne  n'y  vend 

«  Rubans,  ni  fichus,  ni  semblables  articles!  » 

^  L'auteur  de  la  farce  était  M.  Regnlato,  préparateur  de  chimie  en 
congé  dans  le  vlUage.  Le  texte  allemand  Ini  fat  dédié  et  parut  dans  le 
ExvM  im  Sdinockeîoch,  numéro  du  1^  avril  1861,  avant  de  paraître 
dans  le  Becueil  de  poésies  publiées  par  l'auteur  en  186ô. 

'  Terriblement  beau,  horriblement  joli.  Associations  de  mois  très 
familières  aux  paysans  du  canton  de  Haguenau. 


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518  REVUE    D'ALSACE 

Les  femmes  d'abord  lui  répondent  qu'il  ment 
Mais  alors  Taleule,  mettant  ses  besicles, 
Prenant  Talmanach,  fait  cesser  leur  babil 
Par  ce  simple  mot  :  «  C'est  le  premier  avril!  » 

L'histoire  nous  montre  que  lorsqu'à  nos  belles 
L'on  parle  de  robes,  rubans  ou  dentelles, 
De  jupes,  chiffons  ou  corsages,  l'on  peut 
Les  mener  sans  peine  partout  où  l'on  veut, 
Et  que,  si  Ton  veut  leur  dresser  des  embûches, 
Les  meilleurs  appâts  seront  les  fanfreluches. 


AU  RETOUR  DE  LA  FONTAINE 

Histoire  arrivée  à  Phalsboarg  le  26  mai  1859 

Voyez  donc  ces  deux!  qu'elles  sont  bien  en  train! 
Car,  l'une,  tenant  une  cruche  à  la  main 
Et  l'autre,  portant  sur  la  tête  une  seille. 
Racontent,  bavardent!  vraiment!  c'est  merveille! 
Si  longtemps  debout!  ça  doit  les  fatiguer! 
Alors  un  brave  homme  \  pensant  les  narguer, 
Vint  leur  apporter  à  chacune  sa  chaise 
Et  leur  dît  :  «  Mes  belles,  mettez-vous  à  l'aise!  » 
Mais  elles,  de  rire,  pis  que  chez  Guignol  : 
«  Vous  êtes  bien  bon  !  mais  le  soleil  nous  gène. 
«  Monsieur!  voudriez-vous  vous  donner  la  peine 
«  De  nous  apporter  encore  un  parasol  !  » 

Rioz,  le  22  février  188L 


^  L'auteur  ettradnctenr  de  ce  conte  fut  lui-même  le  «  brave  homme» 
en  question.  Le  texte  alsacien  fut  rédigé  le  jour  même  où  lliistoire 
arriva. 


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UTTÉRATURB  POPOUIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINE  519 

LA  VEILLÉE  DES  PILEUSES 

Soèno  rusticjiae  alsaoienrie 

La  scène  représente  le  poêle  de  la  Meï-Léne  de  chez  Ham-ler 
Mercier.  Un  cercle  déjeunes  ^paysans  d  de  jeunes  paysannes 
y  tiennent  la  conversation  suivante  : 

JâEl'LÈKR 

Voyez  cette  fraîche  guirlande 
De  filles,  de  jeunes  garçons. 
Chacun  a  porté  sa  provende 
D'histoires,  de  belles  chansons! 

C'est  ici  que  chacun  habille 
Son  prochain!  c'est  notre  métier! 
Sur  quel  dos  verra-t-on  l'étrille 
Passer,  sans  le  faire  crier? 

FBAITTZ 

Commençons  nos  rengaines, 
Mironton,  mironton,  mirontaincs! 
En  parlant  des  fredaines 
De  ce  fameux  Jeannot. 
Il  est  louche  et  pâlot, 
Boiteux,  et  surtout  sot! 

Pourtant  il  voudrait  plaire! 
Lui  si  laid,  lui  si  sot  vient  nous  faire 
La  cour.  On  le  fait  taire 
En  lui  disant  nigaud. 

BJERWBLÉ 

Avant  tout,  moi  je  vous  signale 
L'homme  à  quatre-z-yeux  qui  près  de  nous  s'installe 
Le  petit  Français,  l'employé  des  tabacs 


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5S0  REVUE  d'ai^ace 

Qui  près  de  nous  filles  vient  perdre  ses  pas 
Et  parle  si  mal  qu'on  ne  le  comprend  pas! 
Au  lieu  de  danser  avec  nous  villageoises 
Aux  fêtes,  à  Brumath,  U  prit  des  bourgeoises 

Des  belles  portant 

Un  énorme  volant, 
Des  bandeaux  bouffants,  la  robe  à  crinoline. 
Qu'à  nous  il  revienne,  et  lui  faisant  la  mine 
Nous  dirons  :  Eh  bien!  allez  donc  courtiser 
Les  belles  que  vous  sûtes  faire  valser. 

FBAITTZ 

Quoi!  tu  voudrais  te  pendre 
Pour  un  si  piètre  amant! 
Moi,  l'on  pourrait  me  prendre 
Un  pareil  inconstant, 
Sans  que  je  ne  me  mette 
A  le  redemander 
Par  tambour  ni  sonnette  : 
On  pourrait  le  garder. 

MEl-LISE 

Ah!  c'est  de  la  même  façon 
Que  Mel  regrette  ce  garçon 
Qui  fait  son  tour  de  France. 
Pourquoi  te  livrer,  ma  belle,  à  la  souffrance. 
Au  deuil?  Ne  trouve-tril  là-bas 
Des  filles,  et  n'aurais-tu  pas 
Maints  garçons  au  village 
Pour  te  rendre  volage? 

MBi 

Que  ton  discours  m'est  odieux! 
Ah!  que  n'as-tu  vu  ses  adieux! 
Tu  changerais  de  gamme. 


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LirrÉRATuaB  popdlairx  de  l'alsace-lorrainb  531 

c  n  m^embrassa,  dit  :  <  Mon  trésor, 
c  Mets  au  doigt  cette  bague  d'or!  » 

D'amour  mon  cœur  s'enflamme 

Quand  il  y  pense  encor! 

<  Viens,  ma  belle  »,  dit-il, 
c  A  ma  loi  »,  me  dit-il, 

c  Sois  fidèle!  »  dit-il, 
c  Comme  moi!  »  me  dit-il, 
«  Moi  je  t'aime  »,  dit-il, 
c  Cest  écrit!  »  me  dit-il, 
c  Fais  de  même!  »  dit-il, 
M'a-tril  dit! 

c  Quoiqu'il  faille  »,  a-t-il  dit,  <  quitter  ce  coin, 

<  Oui!  ce  doux  coin, 
c  Je  te  serai  fidèle, 
c  Trouve-tron  séduisants  minois  au  loin, 

a  Minois  au  loin, 

<  Tu  restes  la  plus  belle! 

c  Veux-tu  m'attendre?  »  m'a-t-il  dit, 

D'un  son  de  voix  si  doux, 
c  Le  cœur  plus  tendre  »,  m'a-t-il  dit, 
4  Au  rendez-vous 

c  Je  serai  ton  époux!  »  * 

Tu  voudrais,  après  ce  discours 

Que  je  sois  infidèle? 
Oh  non!  à  lui  sont  mes  amours, 

Je  ne  suis  pas  cruelle. 
Et  puisqu'il  m'a  voué  son  cœur. 

Malgré  toute  distance 

^  Les  répétitions  des  dit-^  mV<-i7  dit,  sont  du  pins  pnr  réalisme. 
Je  ne  dirai  pas  de  la  couleur  locale,  car  ces  répétitions  oiseuses  d'nne 
même  phrase  doiyent  se  retroayer  un  peu  partout  —  C.  B. 


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52S  RBVUB  o'alsace 

Moi  je  veux  faire  son  bonheur 
Aussi  par  ma  constance. 

MEl-KiBTH 

Tu  fais  très  bien!  Ah I  si  le  mien 

Etait  aussi  fidèle! 
Il  ne  supporte  aucun  lien, 

Court  après  chaque  belle. 
De  la  blonde  à  la  brune,  Jean 

Voltige  et  les  courtise 
L'une  après  l'autre.  En  moins  d'un  an, 

Le  village,  il  Tépuise. 

Mais  je  veux  le  laisser  courir 
Dès  sa  première  frasque! 

Dieu  me  préserve  de  m'unir 
A  mari  si  fantasque! 

Si  je  prends  un  homme,  ma  foi! 

Je  veux  qu'il  ne  soit  que  pour  moi, 
Non  pour  un  autre  masque. 

HAirs 

Tais-toi  donc,  car  moi  je  pourrais 
Chanter  une  autre  note. 

Disant  que  femme  au  grand  jamais 
Ne  doit  porter  culotte, 

Ni  jamais  traiter  de  soulard 

Son  mari  rentrant  un  peu  tard 
Comme  fait  mainte  sotte. 

MEI-LISE 

Ici  vous  voyez  le  mépris 
Que  font  de  nous  nos  bons  maris. 
Pendant  que  la  femme  travaille, 
Son  mari  sort,  et  fait  ripaille 


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LITTÉRATURB  POPULAIRE  DB  L^ALSACE-LORRAINE 

A  l'auberge!...  Il  ne  se  méprend 
Ce  vieux  proverbe  qui  prétend  ; 

«  Le  nôtre, 

«  Le  vôtre, 
«  L'un  est  tout  comme  l'autre.  » 

HANS 

Allons,  les  femmes!  Taisez-vous! 
Vous  faites,  comme  nous,  vos  coups. 
De  l'argent!  Le  café,  sans  doute, 
Comme  le  vin,  la  bière,  en  coûte. 
Et  la  parure  en  coûte  plus! 
On  sait  que  pour  en  faire  abus, 

«  La  nôtre, 

«  La  vôtre, 
«  L'une  est  tout  comme  l'autre!  » 


Cessez  de  tant  vous  disputer. 
Car  j'ai  de  quoi  vous  raconter  : 
L'on  étendit  de  la  litière 

De  la  porte  de  Jean 
Au  volet  de  la  cuisinière 

Qu'il  voit  depuis  un  an!  * 

TOUS 

Quels  grands  yeux  ont  dû  faire 
Ce  beau  couple  d'amants? 


'  Dans  certains  villages  de  Basse- Alsace,  les  amateurs  de  scandales 
font  quelquefois  à  de  pauvres  amants  la  mauvaise  farce  de  joncher  de 
paille  et  de  feuiUage  le  chemin  qui  va  de  la  porte  du  garçon  «  au  volet  » 
de  la  fille  (an'a  Làdd). 


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524  REVUE    D'ALSACE 


Mais  ils  ne  devraient  guère 
Attendre  plus  longtemps! 

MEl 

C'est  que  Françoise  n'ose 
Plus  sortir  en  plein  jour, 
Parce  que  chacun  glose 
Sur  Jean  et  son  amour! 

MEI-LISB 

Ah!  si  j'étais  Françoise, 
Je  ferais  autrement. 
Malgré  ce  qu'on  dégoise. 
J'irais  vers  mon  amant, 
Disant  :  a  En  diligence 
«  Fais  afficher  mes  bans, 
«  Pour  réduire  au  silence 
«  Un  tas  de  médisants!  » 

TOUS 

Foin  de  la  médisance 
Et  de  tous  les  méchants! 

HAJ<rS-LE-CHABBON 

Ça  bâillonnerait  mainte  bouche 
Parlant  des  malheurs  des  voisins. 
U  faudrait  que  chacun  ne  mouche 
Que  son  nez,  non  ceux  des  prochains. 

SEPP  de  chez  sefp-lb-chabbon 

Qu'on  balaye,  en  ville,  au  village 
Devant  chez  soi,  mais  pas  plus  loin, 
Malgré  vents,  neige,  pluie,  orage 
U  fera  propre  en  chaque  coin. 


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LITTÉRATURE  POPULAIRE  DE  L'ALSACE-LORRAINB  535 

TOUS  (en  chœnr) 

Qu'on  balaye,  en  ville,  au  village, 
Devant  chez  soi,  mais  pas  plus  loin! 

KSTH 

C'est  que  les  garçons,  en  Thonneur  de  Françoise, 
Ont  fait  plus  d'un  pas  de  boucher! 

Chacun  d'eux  par  suite  contre  elle  en  dégoise, 
Eux  qui  voulaient  se  l'arracher  ! 

FIUNTZ 

Vous  filles,  voyiez  d'un  esprit  jaloux 
Les  garçons  manquer  à  leur  rendez-vous 
Pour  faire  la  cour  à  votre  rivale; 
Aussi  chacune  de  vous  la  ravale. 

Mais  le  monde  est  instruit,  hélas! 

Des  causes  d'un  pareil  fracas 
Et  n'en  fait  pas  grand  cas  ! 

HEl-LiinB 

Assez  médit,  les  garçons,  et  vous  toutes, 

Il  commence  à  se  faire  tard. 
Si  vous  le  voulez,  nous  casserons  des  croûtes. 

Trêve  à  l'esprit  bavard. 
Voici  du  pain  bis,  du  bon  marc  et  des  pommes.^ 
Eh!  qu'on  s'en  régale,  les  filles,  les  hommes, 

L'on  entend  le  crieur  de  nuit 
Qui  dit  :  «  Ecoutez,  il  sonne  neuf  heures  !  » 

Faisant  trêve  à  tout  bruit, 
Entonnez  des  chansons,  et  de  vos  meilleures, 

1  GonflommatiouB  par  lesquelles  on  conclat  ordinairement  les  velUées 
Bons  le  nom  Ninerbrod  on  Zèhnerbrod  (pain  de  neuf  heures,  —  de  dix 
heures). 


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526  REVUE   d'alsacb 

Les  filles  tout  haut.  Chaque  garçon  fera 
La  basse.  La  chanson  nous  reposera 
Des  tracas  du  jour.  Puis  nous  pourrons  nous  dire  : 
a  Bonsoir!  demain  nous  nous  remettrons  à  rire! 
«  Bonsoir! 
«  A  revoir!  » 

Haguenau,  le  17  juin  1881. 


SATYRE  CONTRE  LES  GARÇONS 

(Février  1862) 
Faite  snr  la  demande  d'une  jeune  fille  ^ 

0  garçons,  vous  vous  acharner 

A  nous  faire  sans  cesse 
La  cour,  quand  par  le  bout  du  nez 

Nous  vous  menons  en  laisse. 

Oh!  combien,  nous  filles,  nous  aimons  vous  voir 

Nous  combler  d'un  tas  de  tendresses, 
Chercher  à  nous  plaire  du  matin  au  soir 

Et  nous  accabler  de  caresses. 
Vous  nous  répétez  les  propos  les  plus  doux  : 

a  Mon  cœur,  mon  bijou,  mon  amie!  » 
Et  nous  cependant  nous  nous  moquons  de  vous 

Et  rions  de  votre  folie. 

0  garçons,  tous  vous  acharnez 
A  nous  faire  sans  cesse 

^  Au  bal  de  carnaval  1862,  à  Phalsbourg,  une  jeune  fiUe  B'étant 
plainte  à  l'auteur  de  ce  qu'il  ne  parlait  que  des  femmes  et  des  filles 
dans  ses  poésies,  il  fit  aussitôt  et  lui  dédia  le  texte  alsacien  du  poème 
ci-dessus. 


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LITTÉRATURE  POPULÂIRB  DB  L'àLSACK-IX)RRAINB  537 

La  cour,  quand  par  le  bout  du  nez 
Nous  vous  menons  en  laisse. 

Aux  fêtes,  vous  aimez  bien  nous  régaler 

De  vin  doux  et  de  pain  d'épice,  i 

Pensant  de  la  sorte  nous  afirioler 

Et  saisir  un  moment  propice. 

Mais  nous  avalons  pain  d'épice  et  vin  doux 

Sans  souffrir  que  Ton  nous  embrasse, 
Puis  nous  vous  quittons  et  nous  rentrons  chez  nous 

En  riant  de  votre  grimace. 

0  garçons,  vous  vous  acharnez 

A  nous  faire  sans  cesse 
La  cour,  quand  par  le  bout  du  nez 

Nous  vous  menons  en  laisse! 

Rioz,  le  28  janvier  1881. 


UN  BON  CONSEIL 

(Texte  alsacien  inédit) 

Chaque  localité  possède  de  ces  langues 
De  vipères,  sachant  épicer  leurs  harangues, 
Des  journaux  ambulants,  distillant  le  venin 
Et  le  mensonge  aussi,  pour  nuire  à  leur  prochain. 
Ce  sont  de  vrais  balais,  pas  pour  ôter  l'ordure 
Devant  les  portes,  non  !  pour  la  mettre  en  peinture, 
Four  en  souiller  le  seuil,  la  maison  du  voisin. 
Qui  ne  pourrait  ici  les  nommer  par  douzaines 
Ces  bavardes  prenant  pour  très  bonnes  aubaines 


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538  RBVUB    D*ALSÀCB 

De  ravaler,  flétrir  la  réputation 
D'honnêtes  gens,  ou  bien  de  briser  l'union 
Dans  un  ménage  heureux,  d'exciter  des  affaires 
Entre  de  bons  amis.  0  funestes  mégères! 
Qui  pourrait  calculer  et  dire  exactement 
Tout  le  mal  qu'ont  causé  vos  langues  de  serpent? 
Aussi  défiez-vous  des  méchantes  femelles, 
Biche  ou  pauvre,  enfin  tous,  citadins,  paysans, 
Ne  les  suivez  jamais  à  la  chasse  aux  nouvelles, 
Mais,  sans  crainte  traitez  leurs  discours  de  cancans. 

Rioz,  !•'  mars  1881. 

Ch.  Bebdellê. 


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NOTES  BIOGRAPHIQUES 

SUB  LES 

HOMMES  DE  U  RÉVOLUTION 

STRASBOURG  ET  LES  ENVIRONS 


SwU 


STAHL  (Georgb-Frédémg). 

Né  en  1757  à  Bischheimau-Saum  —  Avant  1789.  Bras- 
seur à  Strasbourg  —  1790.  Cafetier,  rue  du  Jeu-des-enfants 
—  Janvier  1791 .  De  la  Société  des  amis  de  la  constitution  — 
7  février  1792.  De  celle  des  jacobins  —  3  octobre  1793. 
Nommé  du  Conseil  municipal  ^  8  octobre.  Membre  sup- 
pléant du  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté  générale  du 
Bas-Rhin  —  8  octobre.  Maintenu  notable  de  la  commune  — 
22  octobre.  Trésorier  du  Comité  de  sûreté  générale  du  Bas- 
Rhin,  Monnet  lui  délivre  un  mandat  de  6000  livres  dont  il 
aura  à  tenir  compte  —  2  novembre.  Il  approuve  une  liste 
de  deux  cent  quaranle-huit  suspects  à  incarcérer  —  5  no- 
vembre. De  nouveau  élu  notable  --  14  décembre.  Il  lève  les 
scellés  chez  Laurent,  ex-vicaire  épiscopal  —  21  décembre, 
n  sert  d'intermédiaire  à  Schneider,  enfermé  à  TAbbaye,  à 
Paris  —  24  décembre.  Au  Séminaire,  il  examine  les  pétitions 
et  reçoit  les  réclamations  des  prisonniers  —  25  décembre. 
Avant  de  se  dissoudre,  le  Comité  de  surveillance  et  de 
sûreté  générale  du  Bas-Rhin  lui  ordonne  de  régler  les 
comptes  —  30  janvier  et  23  avril  1794.  Confirmé  notahle  — 
25  octobre.  Encore  aux  Jacobins  ^  1797.  Administrateur 

Nonyelle  Séné.  —  41-*  année.  34 


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530  REVUE    D  ALSACE 

municipal  sous  la  présidence  de  Démichel  —  1798.  Admi- 
nistrateur municipal  sous  la  présidence  de  Grand-Mougin. 

STAMPF  (Jean-George). 
Né  en  1759  à  Strasbourg,  où  il  était  militaire  avant  1789. 
Comme  tel  il  est  reçu  à  la  Société  des  amis  de  la  constitu- 
tion, en  juillet  1790  —  En  février  1793,  de  celle  des  jacobins 
—  Septembre  1793.  Au  Club,  il  figure  dans  une  dispute  où, 
sur  l'invitation  du  président,  il  arrête  un  jacobin  qui  trou- 
blait la  Société  —  3  janvier  1794.  Il  sert  de  témoin  à  J.-G. 
Schwartz  contre  Baldner  ~  25  octobre.  Encore  aux  Jacobins. 

STARCK  (Jean-Jacques). 
Né  en  1758  à  Strasbourg,  où  il  était  tabletier-toumeur 
avant  1789  —  15  mars  1791.  De  la  Société  des  amis  delà 
constitution,  qu'il  ne  quitta  qu'en  juin  1792,  à  l'Auditoire— 
30  janvier  et  23  avril  1794.  Elu  notable  de  la  commune,  sous 
Monet  —  26  avril.  Reçu  membre  de  la  Société  des  jacobins, 
où  il  est  encore  inscrit  le  25  octobre  suivant  —  En  1824,  il 
était  encore  tourneur  rue  des  Hallebardes,  n""  5. 

STEMPFEL. 
Avant  1789,  aubergiste  à  la  Charrue,  au  Faubourg-de- 
pierres  —  1791.  I)e  la  Société  des  amis  de  la  constitution— 
14  novembre  1791.  Elu  notable  du  Conseil  municipal  de  la 
commune  —  7  février  1792.  Il  eut  bien  aimé  faire  partie  des 
deux  Sociétés;  mais  aux  termes  du  règlement,  il  fut  rayé 
de  la  liste  des  Jacobins  et  n'y  rentra  plus — 3  juillet.  Comme 
notable,  il  signe  l'adresse  de  la  municipalité  à  l'Assemblée 
nationale,  lors  des  troubles  du  20  juin,  à  Paris  —  21  août. 
Camot,  Prieur  et  Rilter  le  nomment  membre  de  l'adminis- 
tration du  Bas-Rhin  —  11  novembre.  A  l'élection,  tenue 
dans  l'église  Saint-Jean  à  Wissembourg,  il  est  élu  scruta- 
teur du  bureau  pour  l'élection  des  membres  de  l'adminis- 
tration départementale  du  Bas-Rhin,  et  à  cette  occasion, 
Schneider,  dans  son  Argos  du  27,  fait  une  furieuse  sortie 
contre  lui,  le  traitant  d'homme  portant  l'eau  sur  les  deux 
épaules,  appartenant  à  tous  les  partis  et  à  aucun  —  31  oc- 


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Google         J 


LB8  HOmiS  DE  LA  RÉfOLUTION  631 

tobre  1793.  Imposé  par  Saintr Just  et  Lebas  à  5000  livres,  qu'il 
a  réglé  les  6  et  7  novembre  suivant  — 1834.  Aubergiste  à  la 
Chasse  royale,  foubourg  de  Saveme. 

STERN  (Jean-Georqe). 

Menuisier  à  Strasbourg  avant  1789  —  Février  1792.  Mem- 
bre de  la  Société  des  jacobins  —  6  décembre,  18  janvier, 
8  octobre,  5  novembre  1793  et  80  janvier  1794,  il  est  élu  par 
le  peuple  notable  de  la  commune  —  23  avril.  Officier  muni- 
cipal —  26  et  30  mai.  U  approuve  et  ordonne  l'arrestation 
de  passé  cent  de  ses  concitoyens  qualifiés  de  suspects  — 
13  juin.  Les  mesures  révolutionnaires  proposées  par  Bier- 
lyn  sont  de  son  goût,  il  faut  les  appliquer  —  24  juillet.  Au 
Club,  il  ouvre  une  liste  de  souscription  pour  confectionner 
un  vaisseau  de  guerre  contre  la  perfide  Albion  —  2  août. 
D  félicite  la  Convention  nationale  de  la  fermeté  déployée 
contre  Robespierre,  Couthon,  Saint-Just  et  Lebas  —  25  oc- 
tobre. Biffé  des  Jacobins  —  27  novembre  et  10  décembre. 
D  assiste  à  Tinventaire  des  effets  de  Tex-maire  Monet. 

STIERLING  (Michel-André), 
à  l'Eléphant,  Finckwiller,  n*»  12. 

Né  en  1739  à  Saint-Esprit.  Il  arriva  après  1770  à  Stras- 
bourg comme  écrivain  —  En  1789.  Procureur  fiscal  de  Qua- 
tzenheim,  Brûschwickersheim  et  Wintzenheim.  En  même 
temps  procureur-vicaire  au  Magistrat  de  Strasbourg— 1790- 
1792  Commis-greffier  assermenté  du  tribunal  du  district  de 
Strasbourg  —  Mai  1793.  Membre  de  la  Société  des  jacobins, 
il  était  alors  employé  au  département  du  Bas-Rhin  —  1"  oc- 
tobre. Il  dénonce  au  Comité  de  surveillance  permanent  des 
Jacobins,  Bella,  receveur  du  séquestre  des  princes  étrangers 
—  25  octobre  1794.  Il  est  encore  aux  Jacobins  — 1797  à  1805. 
Greffier  du  tribimal  criminel  du  Bas-Rhin  —  9  avril  1798. 
Scrutateur  du  bureau  définitif  de  TAssemblée  électorale 
tenue  à  TAuditoire  —  1798.  Elu,  par  Strasbourg,  membre 
des  Assemblées  primaires  du  Bas-Rhin. 


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Ô32  RBYUB    D'ALSACE 

STŒBER  (Elie-Louis)  père. 

Dès  1784,  greffier-adjoint  de  la  Chancellerie  de  Bischwiller 
—  Greffier  du  6  mars  1787  à  avrU  1791,  époque  à  laquelle  il 
prit  le  titre  de  notaire  —  11  décembre  1790.  Secrétaire  du 
duc  de  Deux-Ponts  —  En  1790,  membre  du  district  de 
Haguenau  —  26  août  1791.  En  cette  qualité  il  est  élu  membre 
de  l'administration  du  département  du  Bas-Rhin,  laquelle 
s'étant  constituée  peu  après,  le  nomma  membre  du  Direc- 
toire sous  la  présidence  de  Victor  de  Broglie — 3  juillet  1792. 
Il  signe  l'adresse  du  Directoire  à  TAssemblée  nationale,  lors 
des  attentats  du  20  juin  —  21  août.  Maintenu  par  Camot, 
Prieur  et  Ritter  —  12-14  novembre.  A  Télection  tenue  à 
Wissembourg,  il  sort  le  quatrième  comme  administrateur 
du  Bas-Rhin,  fonctions  auxquelles  il  fut  maintenu  jusqu'à 
l'arrivée  de  Saint-Just  et  Lebas,  en  octobre  1793  —  2  nov. 
n  est  arrêté,  conduit  à  l'hôtel  de  ville  et  de  là  à  Metz,  jus- 
qu'en août  1794.  Commencement  de  1795,  sur  sa  demande, 
il  est  relevé  de  ses  fonctions  d'administrateur  du  district  de 
Haguenau  —  1797  à  1804  Receveur  général  du  Bas-Rhin,  à 
Strasbourg,  promenade  de  l'Égalié,  atgourd'hui  Broglie  — 
De  1800  à  1805.  Du  Conseil  général  du  Bas-Rhin. 

STOLZ.* 

25  novembre  1793.  Ministre  de  la  religion  luthérienne,  il 
abjure  et  se  déclare  n^avoir  été  qu'un  charlatan  salarié;  aussi 
la  Société  des  jacobins  arrête  que  son  nom  sera  transcrit  au 
procès-verbal  de  la  séance. 

STODHLEN  (François-Joseph). 

Né  en  1739  à  Molsheim  —  Avant  1789.  Licencié  en  droit» 
puis  avocat  postulent  au  Conseil  de  régence  à  Saveme,  et 
finalement  trésorier  de  la  Tour  aux  pfennings  à  Strasbourg 
—  Septembre  1791.  Du  Conseil  général  d'administration  du 

^  Je  n'ai  pas  trouTé  de  ministre  protestant  de  ce  nom  ;  mais  an  curé 
catholique,  à  Dorlisheim,  en  1792. 


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LB5  HOmiBB  DE  LÀ  RÉVOLUTION  583 

district  de  Strasbourg  —  3  juillet  1793.  Reçu  membre  de  la 
Société  des  jacobins  —  3  octobre.  Destitué  comme  protec- 
teur des  aristocrates  et  principal  auteur  des  mesures  inci- 
viques dont  Padministration  du  district  s^est  rendu  coupable. 
Wagner,  de  Mutzig,  le  remplace  — 14  octobre.  Sa  réclusion 
au  Séminaire  est  ordonnée  par  le  Comité  de  sûreté  générale 
du  Bas-Rhin  —  31  octobre.  Imposé  par  Saint-Just  et  Lebas 
à  10,000  livres  —  6  novembre.  Il  paie  cette  somme,  et  quel- 
ques jours  après,  il  est  mis  au  Séminaire  —  21  novembre, 
n  réclame  sa  liberté,  mais  le  Comité  de  sûreté  générale 
décide,  qu'avant  de  se  prononcer,  il  sera  encore  une  fois 
discuté  sur  son  compte.  La  chute  de  Schneider  le  mit  en 
liberté,  et  il  resta  aux  Jacobins  jusqu'aux  25  octobre  1794 
17  janvier  1795.  —  Bailly  le  nomme  juge  suppléant  au  tri- 
bunal civil  du  district  de  Strasbourg  —  De  1797  à  1799. 
Commissaire  des  guerres  à  Strasbourg.  D'après  la  nouvelle 
organisation  de  1800,  il  ne  resta  plus  qu'un  seul  commissaire 
des  guerres  pour  tout  le  Bas-Rhin,  le  citoyen  Ducrot.  Dans 
les  places  autres  que  Strasbourg,  les  maires  étant  chargés 
du  service  courant  —  1805.  De  nouveau  commissaire  des 
guerres  à  Strasbourg  et  membre  du  Conseil  d'administra- 
tion de  l'hôpital  militaire. 

Sous  la  Restauration,  il  avait  créé  un  cabinet  d'affaires, 
rue  des  Hallebardes,  à  Strasbourg. 

STRIFPLER  (Françsois-Ignace). 

Avant  1789,  homme  de  loi.  Tout  en  habitant  Barr,  il  était 
affilié  en  1793  au  Club  des  jacobins  de  Strasbourg  —  16  dé- 
cembre. Le  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté  générale 
du  Bas-Rhin  le  propose  à  Saint-Just  et  Lebas  pour  le  Direc- 
toire du  département  —  1"  janvier  1794.  Nommé  à  ces  fonc- 
tions, il  ordonne  l'établissement  provisoire  d'une  école  gra- 
tuite de  langue  française  dans  toutes  les  communes  de  la 
Basse- Alsace.  D  est  à  déplorer  que  cette  heureuse  idée  n'ait 
point  été  poursuivie  par  les  administrations  qui  se  sont 
succédé  —  5  octobre.  Vice-président  du  Directoire  du  dis- 


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584  REYCB    d'ALSAGB 

trict  —  25  octobre.  BiflFé  aux  Jacobins  —  3  janvier  1796.  No- 
taire à  Obemai  jusqu'au  14  novembre  1826. 

STROHL  (Jean-Daniel). 

Natif  de  Brumath  — 1792.  Aide  du  maître  d'école  Mer,  à 
Dorlisheim  —  19  novembre  1793.  n  dénonce  Jean-Jacques 
Fischer,  pasteur  protestant  à  Dorlisheim,  pour  avoir  entravé 
les  progrès  de  la  Révolution,  lequel,  âgé  de  61  ans,  est  con- 
damné à  mort. 

STUBER  (Jean-George). 

1750.  Pasteur  à  Waldbach,  Ban-de-la-Roche  —  De  1768  à 
1793.  Paateur  de  Téglise  collégiale  de  Saint-Thomas,  à  Stras- 
bourg —  8  février  1790.  Elu  notable  de  la  commune  — 
2  novembre .  La  Société  des  amis  de  la  constitution  lui  vote 
une  lettre  de  remerdment  pour  le  sermon  patriotique  qu'il 
a  prononcé  le  31  octobre  dernier  à  Téglise  Saint-Thomas, 
Pinviter  à  continuer  un  si  beau  zèle  et  lui  témoigner  le 
plaisir  qu'elle  éprouverait  de  le  voir  assister  à  ses  séances 
—11  novembre.  Elu  notable  — 30  novembre.  Membre  de  la 
Société  des  amis  de  la  constitution  —  27  mars  1791.  Membre 
de  la  municipalité,  il  arrête  que  Jaeglé,  curé  de  la  paroisse 
de  Saint-Laurent,  sera  mis  en  état  d'arrestation  pour  rébel- 
lion contre  Pévôque  constitutionnel  Brendel  —  7  février  1 792, 
n  passe  aux  Jacobins  —  22  novembre  1793.  Dans  le  temple 
de  la  Raison,  il  abjure  en  ces  termes  : 

Becevez,  citoyens,  la  déclaration  d'an  vieillard  qui,  ayant  passé  sa 
yie  à  chercher  la  vérité  et  à  combattre  pour  elle,  ose  se  donner  le  nom 
sublime  de  philosophe.  Les  obstacles  que  le  fanatisme  et  la  superstition 
m'opposèrent  constamment  quand  je  m'efforçais  d'enseigner  à  mes  con- 
citoyens une  morale  saine,  pure,  en  un  mot  philosophique;  ces  obstacles 
ne  sont  plus.  Je  bénis  le  jour  où  le  soleil  de  la  vérité  est  venu  se  livrer 
sur  le  sol  des  Français. 

J'ai  voué,  citoyens,  et  je  voue  encore  une  haine  étemelle  au  fana- 
tisme et  à  l'imposture,  surtout  à  celle  de  la  prêtrise.  —  Et  la  liberté 
qui  vient  d'écraser  le  fanatisme,  son  plus  cruel  ennemi,  affermira  de 
jour  en  jour  les  bases  de  la  République  !  Qu'elle  vive,  qu'elle  triomphe 
à  jamais! 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  535 

Le  même  jour,  au  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté 
générale  du  Bas-Rhin,  présidé  par  Monet,  on  arrête,  que 
renonçant  à  la  superstition  du  culte,  il  sera  recommandé  à 
la  municipalité  pour  subvenir  à  sa  nourriture. 

Bien  avant  le  25  octobre  1794,  il  est  biffé  de  la  Société  des 
jacobins. 

SULTZER  (Jean-Michel). 

Né  en  1740  à  Strasbourg.  Serrurier  avant  1789,  place  de  la 
Cathédrale  —  24  mai  1793.  De  la  Société  des  iacobins  — 
18  janvier  1793.  Notable  de  la  commune  —  8  octobre.  Main- 
tenu —  10  octobre.  Du  Comité  de  surveillance  de  la  Société 
des  jacobins  —  30  janvier  1794.  Officier  municipal  —  7  avriL 
il  fait  appel  à  ses  concitoyens  pour  obtenir  des  effets  et 
chaussures  pour  l'armée  du  Rhin  —  23  avril.  Elu  de  nou- 
veau officier  municipal  —  26  et  80  mal  II  approuve  l'arres- 
tation de  passé  cent  suspects  de  la  ville  —  13  juin,  n  adhère 
aux  mesures  de  sûreté  générale  proposées  par  Bierlyn  — 
24  juillet,  n  est  pour  la  confection  d'un  vaisseau  de  premier 
rang  contre  la  perfide  Angleterre  —  2  août.  D félicite  la  Con- 
vention nationale  pour  les  mesures  énergiques  employées 
contre  Robespierre  et  autres  —  5  septembre.  Maintenu  offi- 
cier municipal  sous  le  maire  André  —  25  octobre.  Présent 
aux  Jacobins  —  27  novembre  et  10  décembre.  Il  assiste  à 
rinventaire  de^  effets  Monet. 

TACHET  (Nicolas)  ou  DACHERT. 

Avant  1789,  menuisier  à  Strasbourg  —  1792,  du  Club  des 
jacobins  —  27  décembre  1793.  Devant  le  tribunal  criminel- 
révolutionnaire  à  Strasbourg,  présidé  par  Mainoni;  il  dépose 
avec  Louis  Rooss  contre  JeanMichel  Schauer,  pelletier,  dont 
la  maison,  Marché-aux-Poissons,  76,  fut  rasé.  Sous  les  deux 
noms,  il  n'est  plus  aux  Jacobins  le  25  octobre  1794. 

TAFFIN  (Charles),  originaire  de  la  Savoie. 

Un  ex-chanoine  de  la  cathédrale  de  Metz,  puis  curé  de  la 
paroisse  de  Saint-Georges  à  Haguenau,  et,  en  dernier  lieu, 


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586  BfiVUB    D  ALSACE 

vicaire  apostolique  de  Tévèque  Brendel  — 1792.  De  la  Société 
des  jacobins  —  21  juin  1792.  Au  Club,  il  signe  une  circu- 
laire aux  Sociétés  affiliées,  pour  leur  peindre  la  situation 
politique  des  frontières  —  24  juin.  Il  est  cité  devant  le  juge 
pour  cette  adresse  incendiaire,  et  la  salle  des  lectures  des 
Jacobins  est  fermée  par  la  police  —  En  mars  et  avril  1793, 
président  du  Directoire  du  district  de  Haguenau;  lors  des 
troubles  du  Eochersberg,  il  se  transporte,  avec  Schramm, 
dans  les  communes  du  même  district  —  5  mai.  Nonomé 
président  du  tribunal  révolutionnaire  du  Bas-Rhin,  qui  ne 
fonctionna  que  cinq  mois  après —23  juin.  Encore  prteident 
du  Directoire  du  district  de  Hagueau  ;  il  assiste  à  une  séance 
de  la  Société  populaire  de  Saveme  et  saisit  cette  occasion 
pour  y  faire  la  définition  du  patriotisme,  et,  après  avoir 
engagé  les  citoyens  à  voler  à  la  défense  des  frontières,  il 
dot  son  discours  en  disant  qu'il  saurait  leur  inculquer  le 
patriotisme,  si  ce  n'est  par  la  voie  de  la  douceur,  du  moins 
par  celle  de  la  force. 

L'auteur  auquel  j'emprunte  ce  récit  ajoute  que  ce  langage 
brutal  fut  vivement  applaudi  par  l'assemblée. 

Quelque  temps  après,  le  Comité  de  surveillance  de  la 
Société  républicaine  de  Haguenau  adresse  aux  membres  du 
Directoire  du  Bas-Rhin  une  plainte  contre  TafiOn,  qui,  par 
sa  fousseté  reconnue  et  ses  indignes  cabales,  a  chassé  des 
employés  capables  pour  en  mettre  d'autres,  à  peine  capa- 
bles de  dire  oui  et  non  en  affaires  d'administration.  Cinq 
messagers  du  district,  des  maîtres  d'écoles,  des  marquilliers, 
remplissent  les  nouvelles  fonctions.  Taf&n  est  le  plus  grand 
intrigant,  aussi  tartuffe  qu'un  moine  de  rancien  régime; 
enfin  un  homme  bas  et  vil,  qui  a  promis  d'avilir  et  de  per- 
sécuter les  patriotes  de  Haguenau  aussi  longtemps  qu'il 
pourra.  Nous  demandons  sa  suspension,  celle  de  son  secré- 
taire et  ami  Hallez,  et  le  remplacement  de  ses  créatures  — 
15  octobre.  Neuf  représentants  du  peuple  présents  aux 
armées  de  Rhin-et-Moselle  créent  un  tribunal  révolution- 
naire à  la  suite  de  l'armée,  et  les  membres  de  celui  du  4  mai 
étaient  naturellement  désignés  pour  le  composer — 23  octo* 


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LES  HOMMIS  DB  LA  RÉVOLUTION  587 

bre.  A  la  séance  extraordinaire  des  Jacobins  et  du  Comité 
de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin»  il  est  proposé  pour  juge  du 
dit  tribunal.  D  en  fut  le  président  —  24  octobre.  Saint-Just 
arrive  inattendu  à  Strasbourg,  et  dès  le  lendemain  il  le 
somme  de  lui  dire  combien  de  tètes  il  avait  déjà  fait  tomber. 
Aucune,  fut  sa  réponse;  le  temps  nous  a  manqué,  et  depuis 
vingt-quatre  heures  que  noussommes  institués,  nous  n'avons 
fait  que  vérifier  les  dossiers  et  travaillé  à  faire  respecter  les 
assignats,  c  Gomment,  répliqua  Saint-Just,  depuis  deux  fois 
vingt-quatre  heures  en  fonction  et  point  encore  fait  sauter 
vingt-quatre  tètes?  Va  dire  à  ta  commission  que  si  elle  ne 
veut  pas  faire  tomber  de  tètes,  je  ferai  abattre  les  leurs,  et 
cela  sans  retard.  Vous  n'avez  pas  été  nommés  pour  forcer 
le  cours  des  assignats  et  vérifier  des  dossiers,  mais  pour 
exterminer  les  aristocrates  dont  ce  département  fourmille.» 

Cependant  on  n'était  pas  resté  inactif,  car  le  procès-verbal 
de  la  première  séance  du  Conseil  d'administration  de 
l'armée  révolutionnaire,  signé  Taffin,  président,  et  Weiss, 
secrétaire,  nous  apprend  qu'il  partira  dès  aujourd'hui, 
28  octobre,  une  force  armée  de  trente  cavaliers,  avec  un 
nombre  proportionné  de  sansculottes  armés  à  pied,  pour 
enlever  des  villages  les  plus  menacés  et  les  plus  suspects 
toutes  les  denrées,  bestiaux,  etc.,  pour  les  transporter  der- 
rière l'armée.  C'est  Helmstetter,  de  Bergzabem,  connaissant 
les  localités,  qui  est  chargé  de  l'exécution  —  26  octobre  au 
27  décembre.  Ce  tribunal  prononça  près  do  250  condamna- 
tions, dont  31  tètes  ont  roulé  sur  l'échafaud  — 14  novembre. 
Il  prend  l'arrêté  suivant  : 

«  Les  amendes,  le  poteau,  les  galères  n'ont  pu  jusqu'ici 
c  forcer  les  assignats  et  faire  respecter  la  loi. 

«  Le  premier  qui  sera  convaincu  d'avoir  enfreint  la  taxe 
«  ou  avili  les  assignats,  en  les  prenant  avec  perte,  sera  puni 
c  de  mort 

c  Si,  dans  les  deux  fois  vingt-quatre  heures,  les  bouche- 
c  ries  ne  sont  point  garnies  de  la  viande  nécessaire  pour  la 
<  substentation  de  la  ville,  et  surtout  de  porc,  les  plus 


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538  REVUE   d'àlsàce 

«  riches  des  bouchers  seront  arrêtés,  déportés  et  leurs  biens 
c  confisqués  » 

20  novembre.  Comme  président  du  tribunal  révolution- 
naire, il  assiste  à  la  fête  de  la  Raison,  tenue  dans  la  cathé- 
drale, et  du  haut  de  la  chaire  il  déclare  à  la  multitude  avoir 
toujours  porté  la  soutane  avec  dégoût  et  horreur,  mais  que 
le  moment  étant  venu,  il  s'est  empressé  de  s'en  débarrasser. 
«Tai  eu  le  malheur  d^étre  un  serviteur  de  TEglise,  mais  je 
ne  Fai  été  que  pour  la  démembrer,  car  je  puis  me  flatter 
avoir  porté  plus  d'un  coup  mortel  au  pape,  aux  évoques  et 
aux  prêtres.  J'abjure  donc  officiellement  et  je  lacère  mon 
brevet  de  prêtrise — 28  novembre.  Il  lance  l'arrêté  suivant: 

<  Tout  individu  qui  sera  convaincu  d'avoir  caché  ou 
t  !^oustrait  des  biens  ou  effets  appartenant  à  des  personnes 
t  condamnées  à  mort  et  à  la  confiscation  de  leurs  biens,  ou 
«  à  des  émigrés,  sera  regardé  comme  traître  à  la  patrie  et 
«  puni  comme  tel.  » 

Dans  le  compte  que  son  greffier  rend  au  district  de  Stras- 
bourg, nous  trouvons  en  dépense  :  35  livres  au  tailleur  qui 
a  fait  un  pantalon  au  président  Taffin  ;  300  livres  données 
audit  président  en  dehors  de  ses  appointements;  36  livres 
pour  une  paire  de  pistolets  pour  le  même  —  7  décembre. 
Il  fait  payer  90  livres  à  Chrétien  Pfeiffer,  procureur 
de  Dambach,  qui  a  verbalisé  contre  F. -M.  Ancel,  de 
sa  commune,  pour  propos  anti-révolationnaires  —  7  décem- 
bre. Conjointement  avec  Schneider,  il  se  justifie  au  Comité 
de  sûreté  de  la  convention  des  jugements  rendus  par  le 
tribunal  révolutionnaire  du  Bas  Rhin  —  15  décembre- 
Mainoni  le  fait  arrêter  et  Mougeot  l'interroge  au  Séminaire 
— 16  décembre.  C'est  en  vain  qu'il  cherche  dans  son  inter- 
rogatoire à  couvrir  un  de  ses  vols,  de  l'aulorité  du  départe- 
ment. On  lui  met  sous  les  yeux  :  1**  L'arrôé  qui  porte  que 
les  rebelles  dans  Tex-préfecture  de  Haguenau  paieront  les 
frais  de  déplacement  de  la  force  armée,  mais  après  qu'ils 
auront  été  jugés  tels  par  le  tribunal;  2""  Un  second  arrêté, 
qui  casse  l'armée  révolutionnaire  qu'il  avait  levée  de  son 
chef,  lui  orlonnant  de  rendre  compte  d'une  somme  de 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  539 

33,000  livres  illégalement  perçue  et  non  restituée,  et  lui 
défendant  d'imposer  d'ultérieures  taxes.  Ces  pièces  l'eurent 
bientôt  convaincu,  et  Thypocrite,  paraissant  céder  à  la 
violence  du  remords,  comme  si  un  prêtre  de  sa  trempe 
pouvait  sentir  des  remords,  prétendait  avoir  agi,  dans 
presque  toutes  les  circonstances,  contre  le  vœu  de  son 
cœur,  avoir  été  iorcé  de  céder  à  l'ascendant  impérieux 
de  Schneider,  dont  il  craignait  le  caractère  violent  et 
vindicatif,  et  s'était  &it  un  principe  constant  de  ne 
jamais  le  contrarier,  mais  de  suivre  aveuglement  l'impul- 
sion de  sa  volonté.  L'instruction  sgoute  :  «  Quel  aveu  dans  la 
bouche  d'un  homme  qui  faisait  alors  les  fonctions  de  j  âge, 
qui,  à  toutes  heures,  prononçait  sur  la  fortune,  sur  la  vie  de 
ses  concitoyens  t  »  — 19  décembre.  Demain,  20,  il  sera  trans- 
féré aux  ci  devaot  Petits-Capucins,  et  moyennant  12  livres 
on  lui  fournit  du  magasin  deux  paires  de  bas  de  laine  ^ 
20  décembre.  C'est  à  l'hôtel  de  Darmstadt  qu'il  fut  transféré 
et,  de  sa  prison,  il  s'adresse  au  président  et  aux  membres 
du  Comité  de  sûreté  générale,  pour  leur  dire  que  l'exhibi 
tion  des  pouvoirs  de  Gerst  les  convaincra  de  la  réalité  de 
l'existence  de  ceux  accordés  par  les  représentants  du 
peuple  Lacoste  et  Mallarmé,  à  Schneider,  d'organiser  dans 
les  premiers  jours  d'octobre  un  Conseil  d'administration  de 
l'armée  révolutionnaire,  et  qu'en  sa  qualité  de  président  du 
dit  Conseil,  il  devait  signer  les  extraits  du  procès-verbal 
délivrés  aux  commissaires  envoyés  de  sa  part  dans  les  cam- 
pagnes, et  comme  la  justification  dépend  de  la  production 
de  l'original  existant  chez  Schneider,  il  a  indubitablement 
le  droit  d'assister  à  la  levée  des  scellés  et  à  l'inventaire  qui 
en  sera  fait  Après  avoir  donné  copie  des  pouvoirs  en  ques- 
tion, il  termine  en  disant  :  <  Cette  preuve,  ajoutée  à  celle  que 
vous  a  fourni  l'ordre  dans  mon  travail,  doit  vous  convaincre 
que  tout  ce  qui  dépendait  de  moi  se  faisait  bien,  autant  bien 
qu'il  était  donné  à  un  apprenti  des  fonctions  dont  peu  de 
jours  avant  je  n'avais  pas  les  premiers  rudiments.  >  Et  par 
post'Scripttifn  :  «  J'ai  déclaré  dans  mon  interrogatoire  qu'Eloge 
Schneider  m'avait  chargé  de  faire  pour  lui  la  demande  en 


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540  REVUB    D' ALSACE 

mariage  de  la  citoyenne  Stamm.  »  Quelques  semaines  après, 
il  mit  fin  à  ses  jours  en  se  tirant  un  coup  de  pistolet  dans  sa 
prison,  hôtel  de  Darmstadt,  à  Strasbourg. 

TÉTEREL  (Louis)  aîné). 

Né  en  1758  à  Lyon.  Militaire  avant  1789  —  1*'  avril  1793. 
De  Paris,  son  frère  Antoine  lui  adresse  ime  lettre  à  remettre 
à  la  Société  des  jacobins  de  Strasbourg.  Il  était  alors  aide- 
de-camp  du  général  Dièche,  et  c'est  avec  ce  grade  qu'il  est 
reçu  membre  des  sansculottes  en  mai  suivant  —  34  déc. 
Au  Club,  il  s'inscrit  le  premier  pour  faire  partie  d'un 
bataillon  de  gardes  nationaux,  composé  des  jeunes  gens  les 
mieux  exercés  et  les  plus  vigoureux,  pour  rejoindre  l'armée 
du  Rhin  —  10  janvier  1794.  Chez  le  général  Dièche,  il 
déclare  à  la  femme  Massé  que  son  mari  n'a  jamais  été  répu- 
blicain —  3  février.  De  Dijon,  Massé  répond  à  cette  accusa- 
tion :  t  II  sied  bien  à  ton  aide-de-camp  Téterel,  à  cet  imbécile, 
à  ce  patriote  de  deux  jours,  de  faire  un  pareil  outrage  à  un 
homme  qui  le  dédaignerait  même  pour  son  valet  dans  sa 
prison.  Qu'il  apprenne,  ce  héros  d'antichambre,  à  se  battre, 
penser,  à  lire  et  à  écrire,  avant  de  se  constituer  juge  du 
patriotisme!  »  —  25  octobre.  Encore  inscrit  aux  Jacobins. 

TÉTEREL  (Antoine)  cadet,  dit  TÉTEREL-DE-LETTRE. 

Né,  dit-on,  à  Lyon,  en  1759,  dune  famille  noble.  Il  a 
étudié  la  prêtrise.  Au  commencement  de  1789,  il  arriva  à 
Strasbourg  comme  professeur  de  français  et  de  mathéma- 
tiques. En  1790,  membre  de  la  Société  des  amis  de  la  con- 
stitution, mais,  sur  sa  demande,  rayé  du  tableau  des  socié- 
taires le  23  novembre  1790  —  22  mai  1792.  Du  Comité  des 
Jacobins;  il  informe  toutes  les  sociétés  affilîées  du  procès 
£Edt  au  frère  Laveaux,  et  leur  donne  des  renseignements  sur 
la  situation  politique  de  nos  frontières  —  10  août  Chaud 
patriote  qui  a  voté  à  Paris  et  a  combattu  au  10  août,  mais 
toujours  de  mauvaise  humeur  de  se  voir  en  si  mauvaise 
compagnie  —  21  août.  De  retour,  Camot  le  nomme  admi- 
nistrateur provisoire  du  Bas-Rhin  —  12  novembre,  à  Télec- 
tion  qui  eut  lieu  à  Wissembourg,  il  est  élu  membre  du 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  541 

Directoire  du  Bas-Rhin,  malgré  une  brochure  portant: 
c  Méfiez-vous  de  Téterel,  un  aventurier  de  l'intérieur,  dont 
Torigine  n'est  connue  de  personne,  à  sa  rencontre,  le  bon 
Dieu  en  aurait  peur  et  honte  de  l'avoir  créé.  »  —  21  nov. 
Ph.  Simond,  député  à  la  Convention  nationale,  est  enchanté 
de  cette  nomination.  —  23  décembre,  il  est  à  Paris  et  an- 
nonce au  Club  l'envoi  de  nouveaux  commissaires  de  la  Con- 
vention, et  à  cette  occasion  il  a  eu  une  petite  altercation 
avec  des  députés  qui  prétendaient  qu'il  fallait  envoyer  à 
Strasbourg  des  hommes  conciliants.  «  Je  leur  ai  dit,  avec  le 
ton  que  vous  me  connaissez,  quand  je  vois  la  patrie  en  dan- 
gers :  Législateurs,  ou  vous  ne  connaissez  pas  mon  départe- 
ment, ou  vous  ignorez  la  langue  française,  il  ne  faut  pas 
concilier  quand  il  s'agit  de  traîtres,  il  faut  casser  et  recasser 
jusqu'à  ce  que  la  République  soit  sauvée,  je  parle  plus  phy- 
siquement que  moralement,  entendez-vous,  mandataires 
d'un  grand  peuple  !  » 

En  mars  1793,  Liebick  et  Lauth,  dans  leur  précis  sur  la 
situation  de  Strasbourg,  présenté  à  la  Convention  au  nom 
des  douze  sections  de  la  ville,  ne  se  gênent  pas  de  le  peindre 
comme  n'ayant  aucune  connaissance  de  l'administration, 
ne  sachant  pas  un  mot  d'allemand,  dont  l'usage  est  indis- 
pensable à  un  administrateur  du  Bas-Rhin,  qui,  malgré  cela, 
a  été  porté  au  Directoire  par  ime  cabale,  au  grand  étonne- 
ment  et  avec  la  plus  vive  indignation  de  tous  les  gens  de 
bien.  Les  faits  qui  le  distinguent  le  plus,  sont  ses  fréquents 
voyages  à  Paris,  il  y  est  venu  solliciter  des  commissaires  et, 
en  dernier  lieu,  il  y  est  encore  venu  calomnier  la  commune 
de  Strasbourg,  ce  sont  ses  seuls  travaux  connus  dans  l'ad- 
ministration —  1""  avril.  Il  charge  son  frère  de  la  remise 
d'ime  lettre  aux  Jacobins,  dénonçant  Dumouriez,  Boumon- 
ville  et  Custine,  comme  traîtres.  La  liberté  court  de  grands 
dangers,  Rûhl  protège  aujourd'hui  ceux  qu^il  a  poursuivi  il 
y  a  quelques  jours.  Le  peuple  à  Strasbourg  est  propre  au 
patriotisme,  seulement  il  y  a  cinquante  tètes  pour  la  guiUotine. 
Veillez  jour  et  nuit  que  tout  soit  en  permanence.  Avertissez 
notre  brave  Dièche.    Dites  à  cet  officier  sansculotte  de 


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542  REVUE   D'ALSACE 

tout  voir,  s^assurer  si  les  balles  et  les  boulets  sont  de  calibre 
et  la  poudre  bonne  —  8  avril.  Il  commence  à  respirer; 
Dumouriez  ne  détruira  pas  la  République  et  de  la  part  de 
Custine  il  n'y  a  rien  à  craindre;  cependant  il  recommande 
de  nouveau  aux  Jacobins  de  veiller,  puis  il  tombe  à  bras 
raccourcis  sur  le  député  Rûhl,  et  termine  en  déclarant  que, 
dans  le  département  même,  pour  sauver  son  pays,  il  aurait 
le  courage  dUmmoler  les  traîtres  —  Vice-président  de  la 
Société  des  jacobins,  il  parait  à  la  barre  de  la  Cionvention, 
demandant  le  rapport  des  décrets  des  17  mars  et  l*'  avril, 
et  le  maintien  de  Couturier  et  Dentzel,  ajoutant  que  le  sang 
était  prêt  à  couler  à  Strasbourg  si  les  mesures  qu'il  propo- 
sait n'étaient  point  adoptées.  C'est  en  vain  que  Liebich  et 
Lauth  ont  cherché  à  prouver  le  contraire  dans  la  séance  du 
lendemain  —  4  avril.  Il  informe  le  maire  Monet  : 

Paris  est  fort  tranquille  ;  on  se  met  en  mesure  pour  en  repousser  les 
ennemis,  qui,  ensuite,  payeront  de  leur  tête  leurs  scélératesses;  cela  est 
si  vrai  que,  faute  de  cette  mesure,  nous  n'en  finirions  pas. 

Je  TOUS  envoie  une  seconde  copie  du  décret  du  3  avril;  Dietrich  doit 
être  jugé  ;  quant  à  l'émigration  par  le  département,  il  était  donc  impor- 
tant de  renvoyer  les  patriotes;  les  choses  sont  changées  et  ça  ira. 

Tous  les  brigands  de  feuillants  tremblent  à  Paris;  je  n'entends  pas 
les  affaires  :  je  dis  que  cela  ne  suffit  pas. 

Tout  est  ici  en  permanence;  je  dois  retourner  à  mon  poste  et  je  par- 
tirai à  minuit. 

Rûhl  a  eu  peur,  et  il  nous  a  vendu;  il  croyait  que  tout  était  perdu; 
il  voulait  se  sauver.  Je  crois  que  les  étrangers  à  Strasbourg,  comme  le 
disent  les  Feuillants,  ont  autant  de  courage  et  de  vertu  que  les  gens  à 
B&le  d'or;  nous  ne  sommes  pas  encore  sauvés,  mais  nous  vaincrons,  au 
bien  nous  tramerons  avec  nous  les  traîtres  dans  la  tombe;  voilà  mon  ser- 
ment et  j'y  tiendrai.  BentaboUe  nous  a  bien  servi  hier,  quoique  ROhl 
ait  dit  que  je  ne  devais  pas  me  mêler  de  gouverner,  mais  essayer  de 
faire  des  figures  géométriques. 

17  mai.  Membre  du  Directoire,  il  s'inscrit  oonmie 
volontaire  pour  aller  combattre  en  Vendée,  d^où  il  est 
revenu  au  plus  vite  pour  accepter  le  mandat  de  visiter 
les  Sociétés  populaires  du  Bas-Rhin,  leur  dire  que  le  patrio- 
tisme n'existe  plus  en  Alsace,  que  Strasbourg  n'est  composé 
que  de  contre-révolutionnaires,  qu'en  foit  de  patriotes  il  n'y 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  543 

a  que  lui  et  Monet,  qu'il  faut  y  envoyer  des  révolutionnaires 
éprouvés,  des  hommes  capables  de  régénérer  la  société, 
mais  qui  ne  se  mettraient  en  rapport  qu'avec  Monet  et  les 
représentants  du  peuple  présents  dans  cette  ville  — 10  août 
S'adressant  aux  jacobins,  toujours  sur  le  même  ton,  il 
entend  qu'à  l'exemple  de  Paris,  le  peuple  strasbourgeois, 
c'est-à-dire  les  ouvriers,  fassent  tomber  sans  pitié  les  têtes 
des  traîtres,  et  cela  par  principe  d'humanité,  afin  de  con- 
server en  entier  le  peuple  souverain.  Tel  est  son  vœu  le 
plus  cher,  telle  est  sa  prof ession  de  foi— 3  octobre.  Membre 
du  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin 
jusqu'au  35  décembre  suivant  —  23  octobre.  Ledit  Cemité 
et  la  Société  des  jacobins  le  proposent  pour  composer  un 
certain  Conseil  demandé  par  les  représentants  du  peuple 
alors  à  Strasbourg  —  2  novembre.  SaintJust  et  Lebas 
cassent  l'administrateur  du  Bas-Rhin,  mais  il  est  maintenu 
pour  former  une  Commission  provisoire  —  3  novembre. 
Quatre  autre  terroristes  lui  sont  adjoints  —  25  novembre. 
L'un  des  cinq  membres  du  Comité  de  surveillance  des  Jaco- 
bins, qui  se  réunira  demain,  26,  à  celui  de  la  Propagande  — 
Déjà  avant  l'arrêté  de  Saint-Just  et  Lebas  du  25  novembre, 
ordonnant  d'abattre  les  statues  de  la  cathédrale,  il  avait 
proposé  la  démolition  de  sa  flèche,  qu'il  qualifiait  de  con- 
traire à  l'égalité.  Dans  les  derniers  jours  de  novembre  1793, 
sur  la  proposition  du  représentant  Baudot,  il  est  nommé 
membre  d'un  comité  pour  Tépurement  et  l'organisation,  non 
seulement  de  tous  les  Comités  de  surveillance,  mais  aussi  de 
la  Société  des  jacobins;  c'était  préparer  le  triomphe  du  parti 
français  et  la  perte  de  celui  allemand  représenté  par  des  étran- 
gers — 16  décembre.  Après  la  chute  de  Schneider,  Saint-Just 
et  Lebas  établirent  à  Strasbourg  un  tribunal  criminel,  dont  il 
fut  assesseur  sous  la  présidence  de  Mainoni.  Il  siégea  pen- 
dant environ  deux  mois  et  ne  fut  pas  aussi  cruel  que  celui 
du  5  mai  1793  — 19  décembre.  Aux  Jacobins,  il  s'élève  avec 
beaucoup  de  chaleur  contre  la  proposition  de  Bouillon,  qui 
demandait  la  mort  des  suspects  qui  seraient  légalement 
convaincus  d'attentats  révolutionnaires  —  21  décembre.  Le 


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544  REVUE  d'àlsacb 

nouveau  tribunal  dont  il  est  assesseur  ordonne  à  tous  les 
juges  de  paix,  commissaires  de  police,  adjoints  et  commis- 
saires des  rues,  de  se  rendre  à  Taudience  pour  renseigner 
sur  ceux  qui  ont  conspiré  en  faveur  de  Tennemi  et  de  Taris- 
tocratie  à  Strasbourg  et  dans  le  département — 25  au  27  déa 
D  condamne  à  14^0  livres  d'amende,  avec  exposition  aa 
poteau  de  la  guillotine,  une  épicière  et  deux  jardiniers  de  la 
ville.  Peu  avant  le  10  janvier  1794,  en  compagnie  de  Monet  et 
de  propagandistes,  il  fit  une  tournée  à  Landau  et  incarcéra 
dans  cette  ville  soixante-douze  des  meilleurs  patriotes. 
  son  retour,  il  ordonne  d'arrêter  Butenschœn,  son  com- 
pagnon en  Vendée,  accusé  d'avoir  cherché  à  rétablir  la  per- 
manence des  douze  sections  —  10  janvier.  Au  soir,  aux 
Jacobins,  il  prit  la  défense  du  sansculotte  Massé,  connu 
par  son  dévouement  patriotique  et  laissant  une  nombreuse 
famille  qui  a  besoin  de  secours;  mais  Massé,  du  château  de 
Dijon,  repousse  cette  avance  :  <  Teterel,  cidevant  De  Lettre, 
a  longtemps  porté  le  masque  du  plus  pur  patriotisme;  mais 
depuis  les  mesures  révolutionnaires,  il  a  quitté  son  déguise- 
ment; il  s'est  montré  poltron,  méchant  et  ambitieux.  Il  bit 
en  ce  moment  la  coar  aux  hommes  dont  il  a  dit  le  plus  de 
mal,  parce  que  ces  hommes  régnent  et  qu'ils  le  protègent  » 
—  30  janvier.  Ex-juge  du  tribunal  criminel,  il  est  élu  officier 
mimicipal-— 4  février.  Témoin  d'un  versement  de  23,736  livres 
fait  à  Labaume,  trésorier  des  Jacobins  —  19  février.  H  est  à 
Paris,  probablement  pour  se  laver  des  accusations  portées 
contre  lui;  car,  à  la  séance  des  Jacobins  du  6  avril,  U  est  dit 
qu'il  a  été  calomnié  par  le  bataillon  de  l'Union  à  la  barre 
de  la  Convention  nationale;  on  lui  a  reproché  des  £sdts 
aussi  absurdes  et  faux  que  perfides  de  la  part  de  ses  enne- 
mis .  On  fait  la  motion  d'écrire  à  la  Convention  pour  établir  k 
vérité.  Ouit  Teterel  fut  toujours  la  terreur  des  intrigants, 
des  modérés  et  des  fédéralistes.  Ses  frères  d'armes  qui  l'ont 
vu  en  Vendée,  assurent  qu'il  s'est  montré  digne  partout  de 
la  réputation  dont  il  jouit.  On  arrête  une  adresse  à  la  Con- 
vention et  au  Comité  de  salut  public  pour  assurer  sa  con- 
duite patriotique  et  énergique,  tant  à  Strasbourg  qu'en 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  545 

Vendée  —  7  avril.  Avec  la  municipalité  il  tait  appel  à  ses 
concitoyens  pour  obtenir  des  effets  pour  Tarmée  —  23  awil. 
Maintenu  officier  municipal  —  l*'  mai.  Signataire  d'ime  pro- 
clamation aux  Strasbourgeois,  à  Poccasion  d'un  cri  odieux 
qui  se  fait  entendre  et  dont  les  expressions  criminelles  s'en 
retracent  chaque  nuit  sur  les  murs,  celui  de  :  Vive  le  roil  — 
25  mai.  Du  Ciomité  de  surveillance  des  jacobins,  il  envoie  à 
celui  de  la  commune  une  liste  de  passé  cent  suspects,  qui 
forent  arrêtés  les  26  et  30  suivant  —  13  juin.  Il  partage  les 
vues  de  Bierlyn  et  approuve  les  mesures  de  rigueur  propo- 
sées —  2  août.  Lors  de  Farrestation  de  Robespierre  et  de 
ses  complices,  il  s'empresse  de  signer  l'adresse  de  la  muni- 
cipalité à  la  Convention  nationale,  et  fut  chargé  de  la  porter 
au  représentant  Duroy,  alors  à  Strasbourg  —  9  septembre. 
Destitué  par  Fouasedoire  —  25  octobre.  Il  n'est  pas  sur  la 
liste  des  membres  du  Club  des  jacobins — En  décembre,  lors 
de  l'arrivée  de  Bailly,  il  quitta  la  ville,  en  même  temps  que 
Monet,  pour  ne  plus  y  revenir. 

THOMAS. 
Un  des  90  propagandistes  arrivé  à  Strasbourg  en  octobre 
1793  — 19  décembre  1793.  Au  Club,  il  vote  la  mort  des  sus- 
pects reconnus. 

TISSERAND  (Nicolas-Joseph). 
Né  en  1756  à  SaintrDié  (Vosges)  —  Avant  1789,  maître 
d'écriture  française  à  Strasbourg,  place  d'Armes,  41.  H  en- 
seignait aussi  les  parties  du  commerce  —  1"  septembre  1790. 
De  la  Société  des  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792. 
De  celle  des  jacobins  —  Eu  1792.  Avoué  au  district  de  Stras- 
bourg —  Après  le  10  août  1792.  Procureur-syndic  du  district 
de  Strasbourg,  en  place  de  Popp  —  8  avril  1793.  En  cette 
qualité  il  dénonce  à  Monet,  un  nid  d'environ  quatorze  coquins 
de  prêtres,  chez  A.  Mathis,  boulanger  au  Metzgergiessen, 
et  donne  les  instructions  pour  leur  arrestation  —  18  avril, 
de  Molsheim,  Nestlin  le  dénonce  aux  Jacobins,  comme  en- 
nemi juré  de  la  République  —  12  juin.  H  informe  Jung, 
municipal,  qu'Ammerschwille,  ex-préfet  du  Collège  national 

NoQTelld  Série.  *  II"*  aonée.  85 


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546  REVUS   d'albacb 

et  prêtre  de  Tancien  régime,  est  logé  chez  FaristocrateMen* 
net,  négociant  —  6  juillet  II  requiert  Jung,  de  demander  à 
Durr,  sellier,  s'il  n'a  pas  en  dépôt  des  vins  d'émigrés,  d'ecdè- 
siastiques  et  notamment  de  Tabbaye  de  Marmoutier  — 
18  octobre,  n  assiste  à  l'Assemblée  générale  des  autorités  et 
des  sociétés  populaires  dans  le  temple  de  la  Raison  — 
30  octobre.  Dans  une  tournée  avec  Tannée  révolutionnaire, 
il  impose  138  particuliers  des  communes  de  la  Bruche  à 
1,570,000  livres,  Barr  seul  à  300,000,  et  dans  une  seconde 
tournée  sept  communes  à  967,000.  Outre  le  prélèvement 
de  ces  taxes,  il  était  encore  chargé,  avec  Nestlin,  d'arrêter 
tous  les  suspects,  saisir  leurs  papiers,  numéraire,  chevaux, 
bestiaux  et  denrées,  et  de  faire  conduire  le  tout  à  Stras- 
bourg —  13  novembre.  Secrétaire  des  sausculottes,  il  signe 
une  adresse  aux  sociétés  affiliées  : 

La  jnstice  nationale  et  le  salut  de  la  Répabliqne  sont  enfin  à  l'ordre 
du  jour,  nous  ayons  juré  la  République  une  et  indiyisible  :  qu'elle 
triomphe,  ou  que  nous  périssons  tous  1 . . . .  Son  salut  tient  en  bonne 
partie  au  sort  de  cette  frontière  ;  c'est  donc  ici  où  il  &ut  que  les  amis 
de  la  chose  publique  se  réunissent.  Venez,  frères,  sauTons  ensemble  la 
chose  publique,  ou  sachons  nous  ensevelir  sous  setf  décombres,  etc. 

Peu  de  jours  après  il  se  retirait  de  la  Société  des  Jacobins, 
mais  pour  peu  de  temps  —  16  novembre.  Il  informe  le  Co- 
mité de  sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  que  Guttler,  huilier, 
peut  être  imposé  et  payer  800,000  livres  —  22  nov.  Ck>mme 
procureur-syndic,  c^est  aux  jui&  qu'il  en  veut,  et  sur  aa  ré- 
quisition la  Commission  provisoire  du  district  arrête  : 

La  circoncision  sur  l'enfant  m&le  leur  est  interdite,  ainsi  que  le  port 
de  la  barbe  longue.  Ils  abandonneront  aussi  une  langue  qu'ils  ne  con- 
naissent  pas,  et  de  leurs  livres  hébreux,  et  principalement  du  Talmnth, 
il  en  sera  fait  un  autodafé. 

C'est  à  cette  époque  et  après  avoir  été  pendant  longtemps 
Tami  de  Schneider,  qu'il  tomba  en  disgrâce  auprès  de  celui-ci, 
qui  le  &it  citer  en  justice  avec  de  riches  aristocratea  comme 
malfedteurs.  La  Commission  révolutionnaire  du  Bas-Rhin 
le  condamna  à  la  privation  des  droits  de  citoyen,  à  l'expo- 
sition au  poteau  de  la  guillotine  et  à  l'emprisonnanifint  jus* 


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LES  HOMMBS  DB  LA  RÉVOLUTION  647 

qu'à  la  paix  —  7  décembre.  Schneidf^r,  dans  sa  justification 
à  la  Ck)nvention,  attaque  vivement  Tisserand,  pour  les  rai- 
sons qui  suivent  : 

Lors  de  la  réquisition  ponr  l'approTisionnement  de  l'armée,  les  cam- 
pagnards fanatiques  cherchèrent  à  les  empêcher  on  à  les  anéantir,  et 
des  administrateurs  publics,  dont  le  doToir  était  de  faire  exécuter  les 
ordres  relatifs  à  la  réquisition,  favorisaient  au  contraire  leur  audace, 
en  ne  livrant  point  au  glaive  de  la  justice  ces  malfaiteurs,  et  en  faisant 
des  rapports  diamétralement  opposés  aux  pouvoirs  constitués.  Tisserand 
se  trouvait  de  ce  nombre  :  comme  depuis  longtemps  par  sa  liaison  avec 
les  riches  aristocrates,  par  sa  démission  de  la  Société  populaire  dans 
les  moments  les  plus  critiques,  par  son  indulgence  envers  le  ci-devant 
Directoire  du  district,  dont  il  ne  dénonça  jamais  les  menées  contre- 
révolutionnaires,  généralement  regardé  comme  un  homme  vénal  ;  la 
Commission  l'a  condamné  à  la  privation  du  droit  de  citoyen  et  à  l'em- 
prisonnement jusqu'à  la  paix.  U  n'ignore  point  que  ce  jugement  a  déplu 
à  quelques  personnes  à  qui  les  localités,  les  personnes  et  la  cause  elle- 
même  est  inconnue  ;  mais  qu'importe  !  La  Commission  a  donné  un 
exemple  salutaire  et  cela  suffit  pour  tranquilliser  sa  conscience. 

Par  haioe  contre  Schneider,  il  s'allia  aux  ennemis  de 
celui  qui  Pavait  déshonoré  et  devint  un  de  ses  plus  acharnés 
accusateurs;  on  prétend  même  qu'il  est  le  rédacteur  du 
Résumé  des  interrogatoires  subis  par  les  complices  de  Schneider, 
dont  les  pièces  sont  déposées  au  Comité  de  sûreté  générale,  et  qui 
contribua  pour  beaucoup  à  sa  condamnation  à  mort,  quoi- 
que portant  la  signature  de  Mainoni.  Cette  pièce  futimprimée 
le  3  janvier  1794  par  ordre  de  la  Société  populaire  —  Après 
la  chute  de  Schneider,  15  décembre  1798,  il  recouvrit  sa 
liberté  et  rentra  dans  Fadministration  provisoire  du  district 
de  Strasbourg  —  23  décembre.  Sa  pétition  au  Comité  de 
sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  pour  faire  rendre  compte  à 
Nestlin,  sera  remise  à  Slieser  (un  nom  estropié)  pour  en 
faire  son  rapport  au  Comité  —  28  janvier  1794.  Il  lève  les 
scellés  sur  les  caves  renfermant  les  vins  mis  en  réquisition 
—  4  fév.  Témoin  d'un  versement  de  23,736  liv.,  effectué  à 
Labaume,  caissier  des  Jacobics  —  28  août.  Au  Comité  de 
sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  il  est  nommé  d'une  commis- 
sion pour  examiner  les  incessantes  réclamations  de  mise 
en  liberté  de  Noisette  et  Burger,  enfermés  au  Séminaire  — 


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548  REVUE  D'ALSACE 

3  septembre.  D'une  autre  commission^  cliargée  de  présenter 
la  liste  des  chefs  de  la  faction  Dietrich  —  25  octobre,  n 
figure  sur  la  liste  de  la  Société  des  jacobins,  avec  la  qualité 
d'adjudant-général  de  la  garde  nationale  de  Strasbourg.  H 
était  alors  procureur  du  district  de  Haguenau  —  En  1797. 
délégué  pour  une  enquête  contre  André  Weinum,  de 
Haguenau. 

TISSERT. 

Membre  delà  Propagande,  venu  pour  régénérer  les  Stras- 
bourgeois  —  19  décembre  1793.  Au  Club  des  jacobins,  ap- 
pelé à  se  prononcer,  il  vote  la  mort  des  suspects  reconnus, 
c'est-à-dire  la  totalité. 

TŒRDEL. 

Membre  de  la  Propagande,  venu  en  octobre  1793  pour 
relever  l'esprit  des  Strasbourgeois  —  18  décembre.  Au  Club 
des  jacobins,  appelé  à  voter,  il  se  prononce  pour  la  mort  de 
tous  les  gens  suspects,  après  qu'une  Commission  populaire 
aura  été  établie  par  la  Convention  nationale. 

TOUSTAINT  (Pierre). 
Né  en  1747  à  Paris  —  Avant  1789  commis  aux  admini- 
strations publiques,  à  Strasbourg  —  1790.  Employé  aux 
fourrages  militaires  de  la  place  —  Mai  1790.  Reçu  membre 
de  la  Société  des  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792. 
De  celle  des  jacobins  —  28  octobre  1793.  Au  Comité  de  sur- 
veillance et  de  sûreté  générale  du  Bas-Rbin  —  5  novembre. 
Il  informe  ce  Comité,  que  Vigne,  rue  du  Dôme,  2,  a  pour 
marteau,  à  sa  porte,  une  belle  fleur  de  lys,  et  qu'il  peut  être 
imposé  à  200,000  livres  —  15  novembre.  Il  lève  les  scellés 
cbez  le  libraire  Treutel  et  déclare  n'avoir  rien  trouvé  de 
suspect  dans  les  papiers,  au  contraire,  une  correspondance 
d'un  bon  civisme  —  23  novembre.  Le  Comité  le  charge  de 
se  renseigner  sur  RoUin,  vicaire  épiscopal  de  Nancy,  qui 
réclame  un  certificat  de  civisme  —  29  novembre.  Chargé  de 
l'inventaire  des  caves  de  Rondouin  —  12déc.  Sur  d«s  ouver- 
tures faites  par  Blanier,  le  Comité  de  surveillance  et  de 
sûreté  générale  du  Bas-Rhin,  considérant  que  le  Comité 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  549 

secret  de  Tarmée  du  Rhin  est  composé  de  gens  qai  ne  mé- 
ritent pas  la  confiance  de  la  République,  étant  presque  tous 
des  étrangers,  il  arrête  que  les  représentants  du  peuple,  le 
général  en  chef  de  l'armée  et  le  citoyen  Magnier  seront  in- 
vités de  prendre,  sans  délai,  les  mesures  les  plus  promptes, 
pour  épurer  le  Comité  secret  des  membres  suspects;  qu'ils 
seront  remplacés  aussitôt  par  des  sujets  dignes  de  la  con- 
fiance de  la  République,  et  que  Toustaint  se  rendra  dans  la 
journée  de  demain  près  le  général  en  chef  de  l'armée  du 
Rhin  pour  Tinstruire  des  mesures  que  le  Comité  vient  de 
prendre  — 15  décembre.  1\  interroge  Nestlin  et  Martin,  en- 
fermés au  Séminaire  —  18  décembre.  Il  interroge  Clavel  — 
25  mai  1794.  Du  Comité  de  surveillance  des  jacobins,  il 
adresse  à  celui  de  la  commune  de  Strasbourg  une  liste  de 
gens  suspects  avec  invitation  de  les  faire  incarcérer;  ce  qui 
eut  lieu  les  26  et  30  mai,  au  nombre  de  passé  cent— 28  août, 
n  est  nommé  pour  faire  connaître  aux  représentants  les 
crimes  de  Burger  et  Noisette,  qui  demandent  leur  liberté 
—  25  octobre.  Encore  membre  de  la  Société  des  jacobins. 

TOUZAY  (Michel),  aîné. 
Né  en  1742  à  Bleret,  district  d'Amboise.  —  Militaire  avant 
1789  —  Arrivé  au  commencement  de  1794,  comme  chef 
d'escadron,  à  Strasbourg,  il  fut  reçu  membre  des  Jacobins 
le  4  août  —  Le  25  octobre  suivant,  il  y  est  encore. 

TOUZAY  (Louis),  cadet. 
Né  en  1756  à  Amboise,  militaire  à  Strasbourg  avant  1789 
— 1792.  Lieutenant  de  gendarmerie  nationale,  lorsqu'il  se 
fit  recevoir  membre  du  Club  des  jacobins,  le  3  janvier  1793, 
et  où  il  est  encore  le  25  octobre  1794. 

UHLENHUT. 
Un  Allemand  — 1792.  De  la  Société  des  jacobins  — 3  déc. 
1793.  A  midi,  il  vient  au  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté 
générale  du  Bas-Rhin,  pour  y  déposer  une  lettre  adressée 
de  TAllemagne  à  Holtzapfel,  de  Strasbourg.  Il  n'est  pas  dit 
ce  que  cette  trouvaille  renfermait.  Quelques  mois  après,  il 
était  radié  des  Jacobins. 


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550  REVUE  D^ALSACB 

ULRICH  (André). 
Avant  1789.  Batelier  à  Strasbourg  —  Mars  1792.  De  la 
Société  des  jacobins  —  18  janvier  1793.  Nommé  notable  de 
la  commune  par  Couturier  et  Dentzel  —  8  octobre  et  5  nov. 
Maintenu  notable  —  23  novembre.  Au  Club  des  jacobins,  il 
demande  à  Saint-Just  et  Lebas  la  suppression  de  la  perma- 
nence des  douze  sections  de  la  ville  et  Tépurement  des 
comités  de  surveillance,  entachés  d'aristocratie  et  de  modé- 
rantisme  —  30  janvier  et  23  avril  1794 .  Notable — 25  octobre. 
H  n*est  plus  membre  du  Club. 

ULRICH  (Jean-Daniel). 
Avant  1789.  Homme  de  lettres  à  Strasbourg,  où  il  est  né 
en  1749  —  1791.  Second  commis  de  comptabilité  au  Secré- 
tariat du  district  de  cette  ville.  Membre  de  la  Société  des 
amis  de  la  constitution  —  8  août.  A  Télection  au  Château, 
il  est  nommé  membre  de  radmioistration  du  Bas-Rhin  — 
7  février  1792.  De  la  Société  des  Jacobins  —  21  août.  Sus- 
pendu par  Camot— 31  octobre.  Secrétaire  dans  les  bureaux 
du  district  de  Strasbourg  —  3  octobre  1793.  Guyardin  et 
Milhaud  le  nomment  au  Directoire  du  district  de  cette  ville 

—  16  décembre.  Proposé  à  Saint-Just  et  Lebas  pour  remplir 
les  fonctions  d^administrateur  du  département  du  Bas-Rhin 

—  1"  janvier  1794.  Membre  du  Directoire  du  Bas-Rhin,  il 
ordonne  rétablissement  provisoire  d^une  école  gratuite  de 
français  dans  toutes  les  communes  du  Bas-Rhin  —  2  juillet 
Il  demande  au  représentant  Hentz  que  les  adhérents  des 
prêtres  soient  chassés  de  toutes  les  fonctions  publiques;  que 
la  gloire  d'être  comptés  parmi  les  membres  des  Sociétés 
patriotiques  leur  soit  enlevée;  que  leur  existence  même 
devienne  étrangère  à  la  République;  qu'enfin  ils  soient 
tellement  surveillés,  circonscrits,  que  jamais  leurs  souffles 
ne  puissent  atteindre  l'atmosphère  de  la  République  — 
5  juillet.  Il  ratifie  les  ordres  de  l'agent  national  Mainoni 
à  Gueffemme,  chef  d'escadron  de  gendarmerie,  de  fouiller 
les  villages,  ramasser  tous  les  suspects  et  les  conduire  en 
prison  à  Strasbourg  —  23  juillet.  Il  signe  :  président  du 


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LSS  HOMMES  DE  hk  RÉVOLUTION  661 

Directoire  da  Bas-Rhin  —  25  juillet  II  demande  à  Hentz  de 
provoquer  Tordre  de  la  démolition  de  tous  les  clochers  de 
FAlsace,  exceptés  ceux  le  long  du  Rhiu,  reconnus  utiles  aux 
observations  militaires,  et  celui  du  temple  dédié  à  TÊtre 
suprême  à  Strasbourg»  monument  aussi  hardi  que  précieux 
et  unique  de  Tancienne  architecture  —  3  août.  Il  félicite  la 
Convention  nationale  de  sa  fermeté  au  milieu  des  abîmes 
creusés  par  Robespierre  et  ses  complices  —  29  août.  Encore 
président  du  Directoire  du  Bas-Rhin  —  25  octobre.  Encore 
membre  des  Jacobins  —  31  octobre.  Administrateur  — 
9  décembre.  Président  de  cette  même  administration  — 
17  janvier  1795.  Bailly  le  nomme  commissaire  de  police  du 
2*  arrondissement  de  Strasbourg  —  30  janvier.  Membre  du 
Ciomité  de  la  Société  populaire  régénérée,  il  prend  part  à  la 
rédaction  du  nouveau  règlement  —  1798.  Gomme  ex-com- 
missaire de  police,  il  est  élu  membre  des  assemblées  pri- 
maires du  Bas-Rhin  pour  le  canton  de  Strasbourg. 

VALENTIN  (Ignace). 
Janvier  1792.  De  la  Société  des  amis  de  la  constitution 
jusqu^au  27  juin  suivant,  jour  de  la  fermeture  de  Tauditoire 
—  1792.  Sergent  de  la  justice  de  paix  du  2*  arrondissement 
de  Strasbourg  — 1793.  Membre  de  la  Société  des  jacobins  — 
8  octobre  1794.  Greffier  de  la  justice  de  paix  du  2*  arrondis- 
sement, il  appose  les  scellés  chez  Monet  —  25  octobre.  H 
n'est  plus  membre  du  Club  des  jacobins  — 1798.  Huissier 
près  le  juge  de  paix  du  2*  arrondissement  de  Strasbourg  — 
1800-1805.  Greffier  du  môme. 

VERTUS  (Jean-Fkédéric). 
Né  en  1733  à  Strasbourg,  où  il  était  fabricant  de  peignes 
avant  1789  —  1790.  De  la  Société  des  amis  de  la  constitu- 
tion —  7  février  1792.  Il  reste  avec  les  Jacobins  au  Miroir  — 
25  octobre  1794.  D  y  est  encore. 

VERNIER  (François). 
Né  en  1735  à  Besançon.  AiTivé  à  Strasbourg  comme  adju- 
dant général  à  Parmêe  du  Rhin,  il  est  reçu  membre  de  la 
Société  des  jacobins  en  décembre  1793  —  25  mai  1794.  hQ 


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552  REVUE  o'àlsâcb 

Comité  de  surveillance  des  Jacobins  le  porte  sor  une  liste 
de  suspects,  en  le  qualifiant  de  major  de  place — 25  octobre 
1794.  n  est  encore  aux  Jacobins. 

VIALARS  (Sgipion). 

Né  en  1746  à  Montpellier.  Militaire  avant  1789;  c^est  ainsi 

qu'il  arriva  à  Strasbourg  fin  1790  — Janvier  1791.  De  la 

Société  des  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792.  D  passe 

à  celle  des  jacobins,  où  il  est  encore  inscrit  le  25  octobre  1794 

VIENNE. 
Membre  de  la  Propagande;  venu  de  Nuits  en  octobre  1793 
—  2  décembre.  Il  signe  l'adresse  de  cette  bande  révolution- 
naire aux  habitants  de  Strasbourg  et  des  départements  du 
Rhin. 

VINCENT. 
L'origine  de  ce  propagandiste  est  inconnue.  Il  arriva  à 
Strasbourg  en  octobre  1793  — 19  décembre.  Aux  Jacobins» 
il  vote  la  mort  des  contre-révolutionnaires  et  des  suspects. 

VISSANT  ou  WAISSAND  (Jean  Daniel). 

Né  en  1737  à  Strasbourg,  où  il  était  orfèvre  avant  1789  — 
1790-1792.  Essayeur  à  la  Monnaie  de  Strasbourg  —  Octobre 
1792.  De  la  Société  des  jacobins  — 16  novembre  1793.  Nommé 
aux  pesées  et  vérifications  des  matières  d'or  et  d'argent, 
livrées  au  département  du  Bas-Rhin  par  les  quatre  districts 
du  ressort  —  3  février  1794.  Il  procède  à  une  pesée  en  détail 
et,  le  5,  en  bloc,  d'où  il  résulte  1  marc  6  onces  or,  139  marcs 
argent  et  vermeil,  et  1485  toques  en  or  et  en  argent,  esti- 
mées 12,994  livres  le  tout,  transporté  de  suite  au  secrétariat 
du  district  pour  y  être  emballé,  en  attendant  l'envoi  à  la 
Convention  nationale.  Mais  d'un  extrait  présenté  plus  tard 
par  Weiss,  greffier  du  tribunal  révolutionnaire,  les  1485 
toques  se  trouvent  réduites  à  404.  Les  rats  avaient  rongé  le 
restant—  25  octobre.  Il  est  encore  membre  de  la  Société  des 
jacobins  —  1797-1805.  Conducteur  principal  des  ponts  et 
chaussées  à  Haguenau. 

VITASSE  (Jean-Baptiste). 

Né  en  1751  à  Metz,  où  il  exerçait  la  profession  de  doutier 


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LES  HOMMES  DB  LA  RÉVOLUTION  553 

avant  1789.  Arrivé  à  Strasbourg  comme  militaire  à  la  com- 
pagnie des  ouvriers,  il  fut  reçu  membre  de  la  Société*  des 
jacobins  en  décembre  1 793.  Il  y  est  encore  inscrit  le  25  octobre 
1794. 

VIX  (Jean-George). 
Né  en  1750  à  Strasbourg,  où  il  était  commis  avant  1789  — 
1790.  Premier  commis  de  comptabilité  au  secrétariat  du 
Directoire  de  district  de  Strasbourg  —  Décembre  1790.  De  la 
Société  des  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792.  De 
celle  des  jacobins  —  22  novembre  1793.  Au  Club,  il  demande 
aux  représentants  du  peuple  la  suppression  de  la  perma- 
nence des  douze  sections  et  Tépurement  des  comités  de 
surveillance  —  25  octobre  1794.  Présent  au  Club. 

VIX  (Jacques). 
1789.  Habitant  du  village  de  Dossenbeim,  canton  de 
Bouxwiller  —  1792.  Il  est  reçu  membre  de  la  Société  des 
amis  de  la  constitution  à  Strasbourg.  Après  le  7  février  1792, 
il  passe  aux  Jacobins,  qui  le  firent  nommer  en  1793  com- 
missaire du  canton  d'Oberhausbergen  —  11  octobre  1793. 
Anstett,  administrateur  du  Bas  Rbin,  informe  le  Comité  de 
sûreté  générale  du  département  que  Riebl,  ex-prévôt  de 
Kûttolsheim,  est  caché  chez  Vix,  commissaire  de  ce  canton. 
Clavel  est  envoyé  pour  l'arrêter  — 15  décembre.  Agent  de 
Stamm  pour  la  levée  des  taxes  révolutionnaires,  il  accuse 
une  recette  nette  de  29,149  livres  dans  neuf  communes  de 
son  canton;  mais  n'ayant  versé  au  payeur  Blanchot  que 
26,559  livres,  il  en  résulte  un  découvert  de  2590  livres  dont 
aucune  trace  —  17  décembre.  Il  requiert  la  municipalité  de 
la  commime  de  Schiltigheim  de  lui  payer  dans  les  vingt- 
quatre  heures  25,000  livres  pour  contributions  forcées.  Le 
maire  ayant  remarqué  que  les  chiffres  du  bordereau  étaient 
altérés,  ses  pouvoirs  insuffisamment  constatés,  on  fit  venir 
le  juge  de  paix  et  le  collecteur  mis  en  sûreté  à  Phôtel  de 
Darmstadt.  Après  s'être  justifié,  il  fut  relâché  —  1797-1798. 
Commissaire  du  Directoire  exécutif  du  canton  d'Oberhaus- 
bergen. 


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554  RBYUE    D'ALSACaS 

VOGT. 

Avant  1789.  Fourbisseur  à  Strasbourg  — 1791.  Ganonnier 
de  la  garde  nationale  de  Strasbourg,  rue  des  Juife,  6  — 
15  lanvier  1792.  De  la  Société  des  amis  de  la  constiution  — 
7  février.  Il  reste  au  Miroir  avec  les  Jacobins  —  80  mars 
1793.  Le  Comité  révolutionnaire  le  dénonce,  lut  et  sa 
femme,  pour  avoir  tenu  des  propos  aristocratiques  et  dit, 
en  outre,  qu'il  comptait  bientôt  être  fait  colonel  par  le  pou- 
voir exécutif  —  22  novembre.  Aux  Jacobins»  il  signe  la 
demande  aux  représentants  de  la  suppression  de  la  perma- 
nence des  douze  sections  et  d'ordonner  Tépurement  des 
comités  de  surveillance  —  19  décembre.  Au  Club,  il  vote  la 
mort  des  suspects  après  triage  fait  Plus  tard,  il  a  été  incar- 
céré, car,  le  13  mars  1794,  la  Société  des  jacobins,  examinant 
la  liste  des  reclus,  le  signale  comme  un  patriote  consommé 
et  le  recommande  au  représentant  Rougemont,  qui  le  fit 
mettre  en  liberté  —  25  octobre.  Il  est  encore  inscrit  aux 
Jacobins. 

VOLCK. 

Poissonnier  à  Strasbourg  a  ^ant  1789  — 1791.  De  la  Société 
des  amis  de  la  constitution  —  7  février  1792.  n  passe  aux 
Jacobins  —  5  janvier  1794.  Membre  du  nouveau  Comité  de 
surveillance  de  la  commune  de  Strasbourg,  formé  par  Bar 
~  20  mai.  Il  invite  le  Comité  de  surveillance  du  l**  canton 
de  Colmar  de  faire  arrêter  Lemp  et  le  transférer  à  Strasbourg 
—  21  mai.  Pareille  invitation  à  celui  de  Bordeaux  d'incar- 
cérer Siccard,  ancien  commissaire  des  guerres  sousLafayette, 
et  le  faire  conduire  dans  la  maison  d'arrêt  de  Strasbourg. 
Enfin,  le  5  juin,  il  donne  des  renseignements  à  mots  cou- 
verts sur  deux  bommes  audacieux  qui  ont  menacé  la  liberté 
publique  dans  Strasbourg  (qui  doivent  être  Saint-Just  et 
Lebas)  —  25  octobre  1794.  Plus  aux  Jacobins. 

VULLIER  (J.). 
1792.  Procureur-syndic  du  district  de  Sarrebourg.  Arrivé 
à  Strasbourg  dans  les  premiers  jours  d'octobre  1793,  sur 
l'invitation  de  Monet,  pour  faire  partie  de  la  Propagande 


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LBS  H0M1IC8  DE  LA  R&VOLUTION  Ô55 

révolutionnaire.  Aucun  nom  n'a  été  autant  estropié  que  le 
sien  —  18  octobre.  C'est  ainsi  quMl  assiste  à  rassemblée 
générale  des  autorités  et  des  sociétés  populaires  dans  le 
temple  de  la  Raison  —  20  novembre.  Il  demande  à  Lémane 
et  Baudot  le  temple  de  Saint^Thomau,  Tancienne  salle  de 
spectacle  allemand,  rue  Sainte-Hélène»  n^étant  plus  assez 
vaste  pour  la  réaoion  des  sansculottes.  Peu  de  temps  après, 
il  s'adresse  aux  mêmes  représentants  pour  obtenir  le  temple 
réformé,  Grande  rue  du  Bouclier  —  2  décembre.  Signataire 
de  l'adresse  de  la  Propagande  révolutionnaire  aux  habitants 
de  Strasbourg  et  des  départements  du  Rhin.  Quelques  jours 
après,  dans  une  séance  des  Jacobins,  où  Schneider,  parais- 
sant revenir  d'une  erreur,  mêlait  ses  applaudissements  à 
ceux  de  la  Société,  qu'il  avait  cherché  un  instant  auparavant 
à  entraîner  dans  une  conspiration  dont  il  tenait  les  fils  et 
dont  l'exécution  était  sur  le  point  de  s'opérer,  Vallier  et 
autres  propagandistes  ne  lui  dissimulèrent  plus  leur  opinion 
sur  sa  conduite  et  ses  projets  : 

Nous  sommes  venns  ici,  Ini  dirent-ils,  par  l'organe  de  Ynllier,  avec 
ridée  que  tu  étais  un  bon  citoyen;  nous  n'avons  pas  tardé  à  nous 
désabnser;  nons  voyons  aujourd'hui  ton  cœur  à  découvert,  nous  en 
sondons  les  replis  les  plus  cachés;  le  moment  n'est  peut-être  pas  encore 
venu  de  te  faire  connaître  au  peuple;  dans  peu  tu  seras  un  monstre  à 
ses  yeux,  tu  l'es  déjà  aux  nôtres. 

Dans  la  nuit  du  14  décembre  Schneider  était  arrêté. 

WAGHETTE  (Jean-Jacques),  père. 
Né  en  1741  à  Strasbourg,  où  il  était  ramoneur  avant  1789 
—  Avril  1791.  Membre  de  la  Société  des  amis  de  la  consti- 
tution —  7  février  1792.  Il  passe  aux  Jacobins  —  7  février 
1793.  Président  du  Comité  de  surveillance  de  cette  société, 
il  reçoit  les  dénonciations  contre  la  famille  Thiebold  — 
11  mars.  Rayé  du  Comité  de  surveillance  des  Jacobins,  pour 
avoir  traité  ses  collègues  de  jeanfoutres  dont  il  se  fout  — 
3  octobre.  Officier  municipal  —  8  octobre.  Confirmé  dans 
ses  fonctions  — 10  octobre.  Chargé  d'une  visite  domiciliaire 
chez  Mertz,  du  Marché-Neuf,  5  —  25  novembre.  Membre 
d'une  commission  pour  présenter  les  moyens  d'opérer  la 


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556  REVUE  D'ALSACE 

levée  des  citoyens  du  Bas-Rhin  —  6  décembre.  Au  Qob 
des  jacobins,  traité  de  protecteur  d'aristocrates,  on  demande 
sa  radiation.  Il  convient  de  ses  torts,  prie  la  Société  de  n'at- 
tribuer ses  fautes  qu'à  une  erreur,  proteHte  de  son  républi- 
canisme et  réclame  Tindulgence  de  ses  frères.  Il  demande 
que  si  le  jugement  de  la  Société  lui  est  défavorable,  on  exa- 
mine ses  comptes  pour  les  dons  patriotiques  et  les  coUectea 
Sa  justification  est  appuyée,  et  Ton  ajoute,  qu'il  est  un  des 
anciens  membres  de  la  Société,  plein  de  zèle,  de  sensibilité, 
qu'il  a  toujours  cherché  à  maintenir  l'harmonie  entre  les 
patriotes,  et  que  s'il  s'est  un  peu  écarté  du  sentier  du  répu- 
blicanisme, c'est  par  la  faiblesse  ;  mais  cette  faiblesse  est- 
elle  même  un  grand  défaut  dans  un  moment  comme  ce- 
lui-ci, où  il  faut  de  la  force  et  de  l'énergie  pour  terrasser 
l'hydre  toujours  renaissant  du  fanatisme  et  de  l'aristocratie. 
On  demande  l'ajournement  jusqu'à  ce  qu'il  se  soit  fortifié 
davantage  dans  les  idées  du  jacobinisme  —  8  décembre. 
Plarr,  teinturier,  proteste  contre  cet  ajournement.  Il  consi- 
dère Waghette  comme  indigne  de  faire  partie  du  nombre 
des  vrais  sansculottes,  n'étant  pas  capable  de  faire  changer 
la  façon  de  penser  de  sa  femme  et  de  sa  famille  ~  30  mai 
1794.  Sa  femme  est  incarcérée  comme  aristocrate  et  fana- 
tique —  30  juin.  Du  Comité  de  surveillance  de  la  Société 
populaire  —  5  octobre.  Aux  Jacobins,  il  est  proposé  à  Bailly, 
pour  membre  du  département  du  Bas-Rhin  —  7  octobre. 
Du  Comité  de  surveiUance  des  hôpitaux  militaires  de  Stras- 
bourg —  25  octobre.  Il  est  encore  membre  du  Club  — 
90  janvier  4795.  Membre  du  Bureau  de  conciliation,  établi 
près  le  tribunal  du  district  de  Strasbourg. 

WAGNER  (Jean-George). 
Né  en  1743  à  Mutzig,  où  il  était  cultivateur  avant  1789  — 
En  1792.  Notable  de  la  commune  à  Mutzig  —  3  octobre  1793. 
Membre  du  Conseil  général  du  département  du  Bas-Rhin 
—  16  décembre.  Proposé  à  Saint-Just  et  Lebas,  pour  admi- 
nistrateur du  Bas-Rhin  —  1"  janvier  1794.  Membre  du 
Directoire  du  Bas-Rhin,  il  ordonne  rétablissement  d'une 


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LES  HOMMES  DE  LA  RÉVOLUTION  657 

école  gratuite  de  français  dans  toutes  les  communes  du 
Bas-Rhin  —  26  février.  Avec  ses  collègues,  U  signe  une  lettre 
au  Comité  de  salut  public  de  la  Convention  nationale,  en 
réponse  aux  impostures  publiées  par  Schneider,  alors  à 
TÂbbaye  —  24  avril.  U  informe  la  Convention,  que  le  Bas- 
Rhin  n'a  point  de  suppléant  vaccant  pour  remplacer  à 
rassemblée  le  traître  Simond  —  29  juillet  Reçu  membre 
des  Jacobins  -- 1*'  août.  De  Paris,  Lacoste  informe  la  Société 
des  jacobins  de  la  chute  de  Robespierre.  Waguer  et  ses  col- 
lègues du  Directoire  arrêtent,  que  la  lettre  sera  imprimée 
pour  lui  donner  la  plus  grande  publicité;  le  Club  s'étant 
abstenu  —  3  août  II  signe  à  cette  occasion  la  lettre  de  féli- 
citations, adressée  par  le  Directoire  à  la  Convention  natio- 
nale —  25  octobra  Encore  membre  des  Jacobins  —  9  dé- 
cembre. Egalement  en  fonction  —  1798.  Elu  aux  assemblées 
primaires  du  Bas-Rhin  pour  le  canton  de  Molsheim. 

WAHÉ  (François-Jose3>h). 
Monet  dit,  qu'il  était  vicaire  à  Strasbourg,  quand  il  abjura 
en  novembre  1793,  pour  se  faire  recevoir  au  Club  du  Miroir. 

WASNER  (Jean-Thomas). 
Né  en  1751  à  Strasbourg,  où  il  était  sculpteur  avant  1789 
—  1791 .  De  la  Société  des  amis  de  la  constitution  —  7  février 
1792.  De  celle  des  jacobins  — 18  novembre  1793.  Sansculotte, 
père  de  famille,  il  est  allé  renforcer  Tannée  du  Rhin  — 
20  septembre  1794.  Du  Comité  de  surveillauce  de  Strasbourg, 
il  informe  celui  de  la  sûreté  générale  à  Paris,  que  Saum  fils 
est  justiciable  du  tribunal  criminel  du  Bas-Rhin  —  25  oc- 
tobre. Encore  aux  Jacobins  —  En  1824.  Sculpteur»  rue  des 
Faisans,  à  Strasboiirg. 

WEILER  (Jean-Henri). 
Né  en  1740  à  Strasbourg.  —  Avant  1789,  boucher,  rue  du 
Déme,  il  succède  à  son  père,  lequel,  en  1783,  était  sénateur 
de  la  tribu  de  cette  corporation  —  2  sept.  1789.  Dans  une  réu- 
nion des  échevins  il  propose  la  suppression  du  titre  de  pré- 
teur, de  le  remplacer,  comme  à  Paris,  par  celui  de  chef  de  la 
bourgeoisie»  ou  de  maire  élu  par  la  commune»  qu^il  désire  voir 


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568  RSVUB  D'ALaiCB 

déférer  à  Fréd.  de  Dietrich  —  8  janvier  1790.  Au  Poêle  des 
cordonniers,  il  prend  part  à  la  fondation  de  la  Société  de  la 
Révolution,  qui  se  constitua  le  15  suivant  ;  mais  le  11  février 
elle  prend  le  nom  de  Société  des  amis  de  la  constitution, 
ce  qui  n'était  pas  de  son  goût  —  8  février.  Elu  notable  du 
Conseil  de  la  commune.  Cependant,  le  15  juillet,  il  se  fiait 
recevoir  membre  de  la  Société  des  amis  de  la  constitution 

—  11  novembre.  Maintenu  notable  —  14  novembre  1791. 
De  même  —  14  janvier  1792.  Il  passe  officier  municipal;  de 
Dietrich  étant  encore  maire  —  24  janvier.  Â.  la  Société  des 
amis  de  la  constitution,  on  dénonce  une  brochure  dans  la- 
quelle il  est  dit  : 

Quelle  honte  pour  Strasbonrg,  d'être  gonyemée  par  on  tas  de  bon- 
chers,  brasseurs  et  cafetiers  ;  par  des  Weiler,  etc. 

7  février.  Il  reste  au  Miroir  avec  les  Jacobins  —  3  juillet 
Comme  officier  municipal  il  signe  Tadresse  de  la  mairie  i 
TAssemblée  nationale,  demandant  d^ordonner  des  pour- 
suites contre  les  auteurs  de  la  journée  du  20  juin  —  22  août 
Il  est  exlu  de  la  municipalité  par  Camot,  Prieur  et  Ritter 

-  30  oct.  1793.  Imposé  par  Saint  Just  et  Lebas  à  5000  liv., 
qu'il  paie  le  11  novembre  —  7  octobre  1794.  Nonuné  officier 
municipsl,  il  logeait  alors  rue  de  la  Nuée-Bleue,  21  —  7  oc- 
tobre. Du  Comité  de  surveillance  de^  hôpitaux  militaires  de 
Strasbourg  —  25  octobre.  Il  est  encore  aux  Jacobins  — 
17  janvier  1795.  Bailly  le  nomme  notable  de  la  commune 
—  1805.  Inspecteur  des  boucheries  de  la  ville. 

WEILLER  (J.) 
Avant  1789,  licencié  en  droit  à  Strasbourg  —  30  septem- 
bre 1790.  De  la  Société  des  amis  de  la  constitution  — 12  mars 

1791.  Envoyé  avec  Laurent  et  Rivage,  pour  révolutionner  le 
Palatinat  —  7  février  1792.  Il  reste  au  Miroir  avec  les  Jaco- 
bins -—  25  octobre  1794.  U  n^en  est  plus  membre. 

WEINUM  (André). 
Avant  1789.  Médecin  à  Haguenau  —  Janvier  1791.  De  la 
Société  des  amis  de  la  constitution  à  Strasbourg  —  7  février 

1792.  De  celle  des  jacobins  au  Miroir  — 19  décembre.  Nommé 


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LES  HOMMBS  DB  LA  RtyOLUTION  559 

chef  du  Cionseil  municipal  à  Haguenau  —  1793.  Trésorier 
du  tribunal  criminel  révolutionnaire  du  Bas-Rhin  —  8  déc. 
1798.  Le  Comité  de  surveillance  et  de  sûreté  générale  du 
Bas-Rhin  approuve  son  certificat  de  civisme  —  31  décembre. 
11  soumet  son  compte  de  recettes  et  de  dépenses,  d'après 
lequel  il  est  reliquataire  de  118,919  livres  —  25  octobre  1794. 
Il  n'est  plus  aux  Jacobins  du  Miroir  —  20  avril  1795.  Son 
compte  est  appuré  par  une  différence  de  7668  livres,  dont  il 
n^a  aucune  justification  —  1795.  Président  du  Conseil  muni- 
cipal de  Haguenau  — 1797.  Lui  et  ses  collègues  de  la  muni- 
cipalité sont  accusés.  11  se  retire  — 1797.  Entrepreneur  des 
fortifications  à  Haguenau  —  1800.  Le  premier  consul  le 
nomma  acyoint  municipal. 

WEISS  (Q.-P.). 
Instituteur  à  Strasbourg  en  1788— 1792.  De  la  Société  des 
jacobins  —  Novembre  1798.  Il  adresse  à  Monet  la  déclara- 
tion suivante  : 

DepniB  cinq  ans  je  boIb  instituteur  des  orphelins;  je  lenr  ai  fait 
aimer  les  vertus  civiqnes  et  sociales,  l'bomanité,  les  droits  de  l'homme, 
la  liberté  et  l'égalité  ;  cependant  j'ai  quelquefois  prêché  ;  j'ai  étudié, 
coigointement  avec  la  phUosophie,  la  théologie,  cette  science  qui  a 
causé  tant  de  maux  au  genre  humain,  qui  l'a  plongé  dans  l'ignorance, 
l'erreur  et  la  superstition,  et  qui  jamais  n'aurait  dû  exister.  J'y  renonce 
de  tout  mon  cœur. 

25  octobre,  n  n'est  plus  membre  du  Club. 

Etusknb  Babth. 
(La  mite  à  la  proiûhaêne  Uvraisan.) 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE 


I 

Louis  XIV  et  Strasbourg  —  Essai  sur  la  réunion  de  Stras- 
bourg à  la  France,  d'après  des  documents  officiels  et  inédits, 
par  A.  Lbgbbllb  —  Nouyelle  édition  —  Paris,  L.  Hachette  et  G*, 
éditeurs,  Boulevard  Saint-Germain,  79,  1881.  —  1  toL  in-8o  de 
VIII-424  pp.  —  Prix  7  fr.  50. 

Voici  un  livre  de  saine  raison,  basé  sur  une  étude  scrupu- 
leuse et  éclairée  des  événements  qui  ont  déterminé,  en  1681, 
la  réunion  de  la  République  de  Strasbourg  à  la  France.  Il  est 
digne  d'une  appréciation  critique  que  l'un  de  nos  collabo- 
rateurs voudra  bien  écrire  quelque  jour.  En  attendant,  nous 
devons  le  mentionner  dans  ce  bulletin  et  en  donner  un  aperçu 
qui  suffira  pour  appeler  l'attention  des  esprits  sérieux  sur  le 
sujet  qui  y  est  traité. 
«  Les  termes  les  plus  outrageants  ',  dit  M.  Legrelle  dans 
son  avant-propos,  suffisent  à  peine  aux  Allemands  pour 
bien  exprimer  à  cette  occasion  (la  prise  de  Strasbourg) 
leur  ressentiment  contre  la  France,  et  il  n'est  guère,  selon 
eux,  de  noms  plus  dignes  des  malédictions  de  leur  race  tout 
entière  que  ceux  de  Louvois  et  de  Montclar,  les  deux  prin- 
cipaux auteurs  de  cette  rapide  et  pacifique  annexion.  Les 
admirateurs  des  vieilles  institutions  féodales  y  voient  une 
brèche  fatale,  ouverte  par  la  main  d'un  monarque  français 
dans  un  inviolable  rempart  du  Saint-Empire.  Pour  les 
libéraux,  la  prise  de  Strasbourg,  c'est,  avant  tout  peut-être, 
la  suppression  d'une  de  ces  petites  républiques  autonomes 
qui  auraient  pu  assurer  le  triomphe  de  l'idée  républicaine 

'  Bomb^  Verraih,  Ud>errumpehmg,  8éhanéUh<U,  Frediheit 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  561 

«  sur  le  principe  monarchique,  si  on  leur  eut  permis  de 

•  vivre.  Les  uns  et  les  autres  déplorent  de  concert  dans  cet 

«  événement  un  coup  d'éclat  qui  acheva  de  consacrer  la 

«  suprématie  d'un  simple  royaume  sur  leur  vaste  et  ambi- 

<  tieuse  patrie.  De  là  ces  débordements  d'une  impuissante 
«  colère  qui,  bien  des  années  avant  la  dernière  guerre,  dégé- 

<  néraient,  parfois  aussi,  en  doléances  mélancoliques  et  en 
«  attendrissement  larmoyant 

<  Quoique  Strasbourg,  à  Theure  qu'il  est,  n'ait  plus  que  le 
«  droit,  de  par  la  loi  des  traités,  d'éveiller  une  immense  et 
«  incurable  douleur  de  ce  côté  des  Vosges,  nous  ne  croyons 

<  pas  inutile,  il  s'en  faut,  de  rechercher  la  valeur  exacte  des 
«  accusations  rétrospectives  qui,  à  la  longue,  ont  amené  les 
«  troupes  prussiennes  devant  notre  ancienne  conquête  de 
«  1681  et  donné  satisfaction,  par  la  force,  aux  injurieuses 
«  revendications  de  la  science  germanique 

«  Les  archives  de  notre  Ministère  des  Maires  étrangères 
«  contiennent,  à  elles  seules,  assez  de  documents  inédits 
«  pour  nous  permettre  d'apprécier  le  mérite  des  déclarations 
«  violentes  parties  tant  de  fois  des  Universités  et  des  Cours 
«  allemandes.  » 

Ces  citations  définissent,  mieux  que  nous  n'aurions  pu  le 
faire,  l'objet  de  l'excellent  livre  qui  est  sous  nos  yeux.  Il  est 
divisé  en  neuf  chapitres  qui  intéresseront  au  plus  haut  degré 
ses  lecteurs.  Rien  n'y  est  laissé  aux  déductions  arbitraires, 
tout  y  est  fondé  sur  des  preuves  puisées  aux  bonnes  sources, 
les  archives  de  la  ville  et  celles  des  Chancelleries  étrangères. 
De  l'ensemble  de  ce  beau  travail,  vraiment  impartial  et  scien- 
tifique, il  ressort  que  les  accusations  portées  contre  la  France 
par  la  science  historique  de  la  Germanie,  à  l'occasion  de  la 
prise  de  Strasbourg,  n'ont  aucun  fondement;  que  le  traité  de 
paix  de  Munster  avait  donné  à  Louis  XIV  des  droits,  mal 
définis  si  l'on  veut,  mais  des  droits  positifs;  que  les  événe- 
ments de  1672  à  1679  avaient  clairement  démontré  que  la 

Nouvelle  Série.  —  II"*  année.  36 


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562  REVUE  d'alsàgb 

situation  antérieure  à  1681  devait  nécessairement  aboutir  à 
la  solution  vivement  désirée  par  la  partie  éclairée  du  magis- 
trat et  de  la  population. 

II 

Histoire  abrégée  des  plus  anciennes  bibliothèques  et  des 
premiers  imprimeurs  de  Strasbourg,  dédiée  à  M.  Louis 
SiBBBR,  bibliothécaire  en  chef  de  la  ville  de  Bftle,  par  Gh.  Sohmidt. 
—  Strasbourg,  imp.  de  R.  Schaltz  et  G»,  1882.  —  1  vol.  iii-8<>  de 
U-200  pp.  —  A  Strasbourg,  chez  Frédéric  Bull,  librairie  de  l'Uni- 
versité. 

La  première  partie  des  notices  qui  composent  ce  livre  a 
paru  en  1876  et  1877  dans  la  Eevue  d'Alsace,  sous  le  titre 
de  :  Livres  et  bibliothèques  à  Strasbourg  au  Moyen-Age.  * 
Vivement  sollicité  d'en  donner  une  traduction  allemande, 
M.  Schmidt  a  dû  se  décider  à  livrer  cette  traduction,  à 
laquelle  il  a  pu  ajouter  le  résultat  des  recherches  et  des 
découvertes  qu'il  a  faites  sur  le  même  sujet  depuis  ses 
dernières  communications  à  notre  recueil.  Tel  est  l'objet  de 
la  première  partie  du  livre  que  nous  annonçons,  et  qui  est 
écrit  en  langue  allemande  sous  le  titre  qui  figure  en  français 
en  tête  de  ces  lignes. 

La  seconde  partie  se  compose  de  :  Notices  sur  les  impri- 
meurs  de  Strasbourg  avant  1520.  Ce  nouveau  travail  du 
collaborateur  de  la  Revue  d! Alsace  offre  un  grand  intérêt 
pour  l'histoire  littéraire  de  l'Alsace  au  Moyen-Age.  Nous  nous 
bornons  à  le  signaler  aujourd'hui,  nous  réservant  d'en 
donner  prochainement,  avec  l'assentiment  de  l'auteur,  une 
traduction  qui  permettra  aux  lecteurs  français  de  rester  au 
courant  des  travaux  de  l'un  des  membres  les  plus  éminents 
et  les  plus  estimés  de  notre  ancienne  et  brillante  Université 
française  de  Strasbourg. 
Quand  la  langue  d'un  pays  conquis  est  proscrite  des  actes 

'  Voyez  :  Tome  de  1876,  pp.  433  à  454,  et  tome  de  1877,  pp.  59  à  85. 


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BULLETIN  BIBLIOGRAPHIQUE  568 

publics  et  de  la  vie  parlementaire,  c^est  pour  nous  un  devoir 
de  lui  rendre  l'hommage  qui  lui  est  dû, 

III 
Les  contes  en  vers  d'Andrieuz,  suivis  de  lettres  inédites  avec 

notices  et  notes,  par  P.  Ristblhubeb.  —  Paris,  Gharavay  frères, 

éditeurs,  1882.  —  80  de  XXXV-227  pp.  —  Prix  5  fr. 

Est-ce  le  poète,  le  penseur,  Térudit  ou  seulement  le  biblio- 
phile qui  a  déterminé  M.  Ristelhuber  à  rsgeunir,  dans  une 
charmante  édition,  les  contes  (FAndrieux,  l'académicien  d'ori- 
gine strasbourgeoise  ?  Il  serait  difficile  de  répondre  à  une 
question  aussi  complexe  qui  se  pose  naturellement  au 
premier  examen  du  livre.  Cependant,  en  y  regardant  de  plus 
près,  on  est  porté  à  croire  que  ces  dijBférents  mobiles  ont  eu 
une  part  égale  dans  la  détermination;  car  si,  d'une  part, 
l'édition  a  la  touche  que  le  bibliophile  affectionne  et,  au  point 
de  vue  de  l'annotation,  celle  du  littérateur  érudit,  elle  a, 
d'autre  part,  le  mérite  et  la  portée  d'un  excellent  livre 
d'actualité. 

Journellement  l'on  entend  répéter  que,  dans  ses  évolutions, 
la  société  moderne  engendre  des  vices  et  des  situations  qui 
n'ont  pas  d'analogues  dans  le  passé.  Lisons  le  souper  des  six 
sages  d'Andrieux,  son  épître  au  pape,  la  bulle  d'Alexandre  72, 
thôpital  des  Jous,  le  meunier  de  Sans-Souciy  le  doyen  de 
Badagoz,  etc.,  etc.,  et  nous  verrons  que  les  vices,  les  travers 
et  les  égarements  fustigés  par  le  poète  font  pâlir  les  vices, 
les  travers  et  les  égarements  que  l'on  reproche  à  notre 
temps.  C'est  peut-être  aussi  une  des  raisons  —  non  la  moins 
louable  —  qui  nous  a  valu  le  beau  recueil  que  ces  lignes  ont 
pour  but  de  signaler  aux  lecteurs  de  la  Revue. 

Une  excellente  notice  biogi'aphique  et  littéraire  sur 
Andrieux  et  ses  poésies  a  été  élaborée  par  M.  Bistelhuber  et 
placée  en  tête  du  volume,  qui  se  termine  par  huit  lettres 
inédites  concernant  l'œuvre  théâtrale  du  poète.  Ces  lettres 
ont  paru,  pp.  264  à  273,  de  l'année  courante  de  cette  Revue. 


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564  REVUE  d'alsacb 

IV 

Actes  de  la  Sooiété  Jnrassieime  d'émtilation,  réunie  à  Saint- 

Imier  le  28  septembre  1881.  —  32*  session.  —  Saint-Imier,  imp. 

d'Ernest  Grossniklaus,  1882.  —  Petit  8o  de  345  pp. 

Conformément  au  plan  qu'elle  s'est  tracé  à  son  origine,  la 
publication  annuelle  de  cette  Société  commence  par  un  coup 
d'oeil  sur  les  travaux  de  Tannée  dans  laquelle  a  lieu  la 
session.  Divisés  en  sections,  les  membres  qui  en  font  partie 
s'imposent  le  devoir  d'organiser  des  conférences  publiques 
dans  leurs  districts  respectif  :  c'est  ainsi  qu'en  1881,  la 
section  de  Porrentruy  en  a  donné  trois,  dont  le  roman  du 
renard,  des  expériences  sur  l'électricité  dynamique,  une 
visite  dans  un  musée,  les  jardins  d'enfants,  l'école  enfantine 
Frœbel,  le  jour  de  l'an  dans  l'antiquité  et  une  conférence 
littéraire  ont  fait  les  frais. 

La  section  de  Saint-Imier  en  a  donné  onze,  dans  lesquelles 
les  sujets  suivants  ont  été  traités  :  Les  jeux  au  Japon,  Théo- 
phile Gauthier,  le  nihilisme  et  l'espérance,  les  patriotes  du 
Vallon  en  1733,  Schliemann  et  ses  fouilles  à  Troie  et  à 
My cènes,  les  temps  féodaux  dans  le  Jura,  l'alphabet,  des 
pyramides  k  l'Acropole,  Mirabeau,  l'Irlande  et  la  circulation 
du  sang. 

La  section  de  Bienne  en  a  donné  huit,  alimentées  par  :  Les 
jeux  au  Japon,  un  poète  coiffeur  (Jasmin),  trilogie  de  Richard 
Wagner,  les  Nibelungen,  Yercingétorix,  les  salines  suisses,  le 
docteur  Pugnet,  souvenir  de  la  peste  en  Egypte,  Benjamin 
Francklin,  Schliemann,  ses  fouilles  à  Troïe  et  à  Mycènes. 

Indépendamment  de  ces  conférences,  les  sections  ont  fourni 
des  travaux  sur  l'histoire,  l'archéologie,  la  littérature,  les 
sciences  naturelles  et  mathématiques,  et  enfin  sur  des 
matières  d'utilité  publique,  parmi  lesquelles  nous  distinguons 
un  rapport  de  M.  le  D' Schwab  sur  l'assistance  publique  dans 
le  Jura  et  les  réformes  dont  elle  est  susceptible.  Ce  travail  a 
l'étendue  et  le  caractère  sérieux  que  le  siget  comporte.  Les 


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BULLETIN  BlfiLI0G9lAPHIQUE  565 

réformes  désirables  sont  exposées  avec  précision,  avec  un 
sens  compétent,  et  les  conclusions  sont  formulées  avec  une 
clarté  qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

M.  X.  Eohler,  président  honoraire,  fournit  d'abord  une 
charmante  notice  historique  et  biographique  sur  les  derniers 
maires  de  Saint-Imier  sous  les  princes-évêques  de  Bâle.  L'un 
de  ces  maires  fut  le  célèbre  graveur  B.-A.  NicoUet  II  avait 
sollicité  cette  fonction  et  Pavait  obtenue,  mais  il  n'en  prit 
point  possession  et  démissionna  pour  rester  à  Paris  et  se 
créer  la  célébrité  qu'il  méritait  dans  l'art  de  la  gravure.  On 
lira  avec  amour  la  notice  tout  entière,  et  surtout  l'appré- 
ciation critique  de  l'œuvre  de  Nicollet,  tracée  de  main  de 
mattre  par  M.  Eohler.  On  lira  également  avec  amour,  à  la  fin 
du  volume,  la  notice  nécrologique  que  le  même  auteur  a 
consacrée  à  la  mémoire  d'Auguste  Quiquerez,  «  le  patriarche 
des  études  historiques,  l'honune  de  bien,  le  patriote  libéral, 
le  travailleur  infatigable  qui  était  l'honneur  du  pays  d'Ajoie  », 
ainsi  que  l'ont  qualifié  les  journaux  qui  ont  annoncé  sa  mort. 
La  Revue  d'Alsace,  dont  il  fut  l'un  des  premiers  collabo- 
rateurs, doit,  elle  aussi,  s'associer  aux  regrets  que  la  perte  de 
ce  vaillant  et  inappréciable  chef  de  hle  a  causés  dans  le 
monde  savant  du  pays.  Elle  aura  l'occasion  d'exprimer  ses 
regrets  particuliers  à  propos  de  l'une  de  ses  dernières  œuvres 
qui  vient  de  paraître,  grâce  aux  soins  de  la  Société  juras- 
sienne d'émulation,  et  intitulée  :  Histoire  de  la  réunion  de 
V ancien  évêché  de  Bâle  au  canton  de  Berne  — 1813  à  1818  — 
et  Histoire  de  la  Bévolution  dans  le  Jura  bernois  —  1830 
à  1831. 

Signalons  encore  dans  ce  volume  une  excellente  étude 
historique  et  religieuse,  par  M.  le  curé  Mamie,  sur  Saint- 
Imier  et  sa  légende,  puis  quelques  pièces  de  poésie  :  La 
peinture  et  la  musique,  Vécrin  du  cœur^  les  rires  et  les  larmes^ 
par  Marie  Juillard  et  Virgile  Rossel. 


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566  REVUE  d'àlsace 


Bulletin  de  la  Société  des  soienoes  historiques  et  natu- 
relles de  l'Yonne,  —  Année  1881.  —  35«  yolume.  —  Anxerre, 
imp.  de  G.  Rouillé,  1882.  —  1  vol.  in-8o  de  LVn-173  pp.  —  An 
secrétariat  de  la  Société  à  Anxerre,  et  à  Paris,  chez  G.  Masson, 
libraire,  bonlevard  Saint-Germain,  120,  et  A.  Glandin,  libraire,  me 
Génegand,  8. 

Ce  fascicule  fait  suite  au  premier  que  nous  avons  annoncé, 
page  143  de  la  Revue  (P Alsace  de  l'année  courante.  U  com- 
mence par  une  monographie  critique  sur  Us  chroniqueurs 
senonais  du  Moyen-Age,  Udobanne,  Glabius  et  Geoffroi 
DE  CouRLON.  Dans  les  quatorze  premières  pages  de  ce  fasci- 
cule, M,  Challb  fait  magistralement  la  part  de  ce  qui  peut 
être  consulté  avec  fruit  dans  les  livi-es  de  ces  trois  auteurs  et 
de  ce  qui  doit  en  être  élagué  comme  entaché  des  erreurs 
communes  à  la  plupart  des  imitateurs  des  premières  chro- 
niques du  Moyen-Age.  Une  étude  historique  sur  le  pays 
senonais,  par  M.  E.  Vaudin,  occupe  les  soixante-et-une  pages 
suivantes,  et  fixe  Tesprit  du  lecteur  sur  Tétat  du  pays  des 
Senones  avant  Toccupation  romaine,  sur  les  monuments 
gaulois  dans  la  région,  les  polissoirs,  les  dolmens,  les  crom- 
lechs, les  menhirs  et  les  tumuli  qui  y  ont  été  reconnus.  Le 
chapitre  II  de  cette  étude  traite  de  la  situation  du  pays  après 
la  soumission  de  la  Gaule  à  «  son  antique  ennemie  » ,  du 
développement  de  la  prospérité  qui  en  fut  la  conséquence, 
des  arènes,  des  aqueducs  et  des  voies  qui  furent  établis  par 
les  Romains,  des  villes  et  des  villages  qui  se  formèrent,  des 
premiers  apôtres  du  christianisme  dans  cette  région  et  de 
Tantique  métropole  de  la  Senonie,  Sens,  qui  a  «  gardé  de  son 
antique  splendeur  le  souvenir  que  Thistoire  transmettra  aux 
âges  futurs ,  en  leur  apprenant  à  vénérer  en  elle  l'une  des 
vieilles  gloires  de  la  patrie,  l'un  des  vestiges  sacrés  des 
ancêtres  ».  Du  même  auteur  une  excellente  notice  sur  les 
trésors  d'art  de  Sens,  les  pierres  gallo-romaines,  le  musée  de 


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BULLETIN   BIBLIOGRAPHIQUE  567 

la  salle  synodale,  la  bibliothèque,  les  tableaux  et  le  trésor  de 
la  cathédrale.  A  une  époque  où  renseignement  de  Part  du 
dessin  fait  de  si  grands  progrès,  M.  Yaudin  a  pensé  que  a  le 
moment  était  venu  de  signaler  en  détail  les  trésors  devant 
lesquels  chacun  peut  aller  puiser  une  intelligente  distraction 
et  les  plus  utiles  enseignements  ».  En  quelques  pages, 
M.  Challe  esquisse  ensuite  le  tableau  historique  des  grandes 
voies  de  communication,  des  péripéties  que  subirent  leur 
destruction  et  leur  rétablissement  à  travers  les  âges,  et  enfin 
le  triomphe  de  l'unité  administrative  qui  a  doté  le  pays  des 
grandes  et  moyennes  artères  de  la  viabilité,  correspondant 
aux  développements  du  commerce  et  de  l'industrie  de  nos 
jours.  La  numismatique  tonnerroise  et  un  manuscrit  de  la 
bibliothèque  sont,  de  la  part  de  M.  Jolivot,  l'objet  de  deux 
notes  descriptives  intéressantes.  Même  remarque  rapide  sur 
une  notice  concernant  le  conventionnel  Saint-Fargeau,  par 
M.  Challe^  et  une  note  sur  les  objets  antiques  trouvés  à 
Chatel-Censoir,  par  M.  E.  Pallier.  Une  compilation  bien 
conçue  et  méthodiquement  présentée,  par  M.  Max  Quantin, 
sur  le  comté  d'Auxerre  au  XV*  siècle  fait  suite  aux  travaux 
précédents.  Elle  est  le  fruit  de  recherches  auxquelles  s'est 
livré  l'auteur  dans  les  comptes  de  recettes  et  dépenses  de  ce 
comté,  conservés  aux  archives  de  la  Côte-d'Or.  M.  Quantin 
dit  que  son  travail  est  une  sorte  de  mosaïque  pouvant  être 
utile  à  des  études  générales  quand  on  voudra  les  faire.  Nous 
sommes  de  cet  avis,  et  nous  ajoutons  que,  sans  les  travaux  de 
cette  nature,  l'histoire  se  bornera  à  répéter  ce  que  l'on  sait 
plus  ou  moins  bien  déjà^  sur  la  vie,  les  faits  et  gestes  des 
grands,  sans  rien  nous  apprendre  des  conditions  du  peuple 
dans  nos  duchés,  nos  comtés  et  nos  seigneuries  sous  les 
régimes  passés.  Les  éléments  de  comparaison  que  M.  Quantin 
fournit  aux  écrivains  futurs  et  aux  lecteurs  de  la  Société  des 
sciences  historiques  de  V  Yonne  se  rattachent  :  au  domaine 
ducal,  aux  redevances  dues  au  duc,  aux  officiers  du  duc  de 


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568  RKVUE  D'ALSACE 

Bourgogne,  au  château  d'Auxerre,  à  la  garde  de  Saint- 
Gervais,  aux  redevances  diverses,  à  la  taille  bourgeoise,  au 
droit  de  main -morte,  aux  aides  ou  impôts  indirects,  aux 
gabelles  et  greniers  à  sel,  aux  messagers,  aux  guerres  anglo* 
bourguignonnes,  aux  confiscations,  aux  exécutions  crimi- 
nelles, aux  amendes  pour  délits,  aux  maladies  épidémiques, 
à  la  convocation  des  vassaux,  et  à  des  faits-divers  dans  le 
comté.  Un  roman  d'aventures  de  saint  Jérôme,  par  M.  le 
D'  Ricque,  une  note  sur  les  echinoconus  turoniens,  par 
M.  Cotteau,  avec  une  planche,  une  note  sur  Tétage  turonien 
de  rïonne,  par  M.  Lambert,  avec  trois  tableaux  de  coupe,  de 
répartition  et  de  comparaison,  terminent  le  volume  que  nous 
venons  de  signaler  sommairement 

Le  bulletin  de  1882  nous  arrive  au  moment  de  remettre  ce 
court  aperçu  à  Timprimerie.  La  Bévue  en  parlera  dans  son 
premier  trimestre  de  1883. 

VI 

Mémoires  de  la  Société  historique  du  Cher.  —  3^  Bérie, 
tome  II  —  3«  livraison.  —  Bourges,  imp.  de  H.  Sire,  1882.  —  in-4« 
de  113  pp.  avec  une  carte. 

La  Berne  cP Alsace  a  consacré,  en  1880,  p.  433  à  434,  une 
courte  mention  aux  deux  premières  livraisons  de  la  troisième 
série  des  mémoires  de  la  Société  historique  du  Cher.  La  troi- 
sième livraison  que  nous  venons  de  recevoir  termine  le 
tome  II  des  intéressants  travaux  de  cette  Société.  Tandis  que 
dans  l'Yonne,  M.  Challe  a  jeté  un  coup  d'œil  général  sur 
rhistoire  de  la  viabilité  dans  les  temps  reculés,  M.  Hippolyte 
Boyer  s'est  livré,  dans  le  Cher,  à  des  recherches  sur  les 
anciennes  voitures  publiques  du  Berry.  Ces  recherches  sont 
précédées  d'un  rapide  aperçu  sur  les  voies  gallo-romaines, 
sur  leur  sort  dans  les  Gaules  à  la  décadence  de  l'empire 
d'Occident,  les  dégradations  qu'elles  subirent  aux  invasions, 
et  le  délaissement  dont  elles  furent  l'objet  sous  le  régime 


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BULLBTUI  BIBLIOGRAPHIQUE  569 

féodal.  M.  Boyer  aborde  ensmte  Thistoire  du  relèvement  de 
la  viabilité,  h  mesure  que  le  pouvoir  royal  se  développa  aux 
dépens  des  feudataires.  Cette  belle  étude  permet  au  lecteur 
de  se  faire  une  idée  exacte  des  difficultés  politiques  et  sociales 
qu'il  fallut  surmonter  successivement  à  travers  le  Moyen- 
Age,  pour  arriver  à  une  reconstitution  de  la  viabilité 
publique,  dont  Tétat,  h  la  veille  de  la  Révolution,  n'était  encore 
que  rudimentaire  dans  nos  provinces.  C'est  ainsi  que  Bourges, 
la  capitale  du  Berry,  n'avait,  en  1782,  qu'une  ou  deux  fois  par 
semaine  de  communication  régulière  avec  les  bureaux  des 
autres  villes  de  la  province  ;  mais  le  coche  de  Paris  et  celui 
de  Lyon  avaient  trois  départs,  ce  qui,  eu  égard  à  la  longueur 
du  parcours  et  à  l'état  des  routes,  réduisait  à  une  communi- 
cation régulière  par  huit  jours  entre  ces  deux  villes  et 
Bourges,  en  admettant  que  le  môme  coche  parcourût  la 
distance  en  trois  journées  pour  l'aller  et  autant  pour  le 
retour.  La  situation  n'était  pas  meilleure  dans  les  autres 
provinces,  car  en  jetant  un  coup  d'œil  sur  d'anciens  alma- 
nachs,  voir  même  du  commencement  de  ce  siècle,  on  constate 
que  beaucoup  de  chef-lieux  de  département  n'étaient  en 
communication  qu'une  ou  deux  fois  par  semaine  avec  les 
arrondissements.  C'est  ainsi  que  Belfort,  par  exemple,  avait 
encore,  dans  les  premières  années  de  la  Restauration,  son 
coche,  dont  le  bureau  était  au  Bœuf  rouge  de  Colmar,  et  qui 
faisait  le  service  postal  et  de  messagerie  entre  ces  deux 
villes  le  lundi  et  le  vendredi  de  chaque  semaine.  Les  recher- 
ches de  M.  Hyppolite  Boyer  ont  pour  base  solide  les  sources 
authentiques  qu'il  a  consultées  et  des  pièces  probantes  qu'il 
publie  à  la  fin  de  son  beau  travail. 

Une  dissertation,  due  à  M.  Paul  Moreau,  sur  le  lieu  de 
naissance  du  célèbre  jiirisconsulte  Antoine  Bengy,  des  notes 
sur  le  Kansas,  par  M.  Victor  Rathier,  des  recherches  de 
M.  F.  Dumonteil  sur  l'affaire  ou  l'assassinat  de  sept  per- 
sonnes dans  la  nuit  du  29  au  30  octobre  1796,  et  dont 


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570  REVUE  D'ALSACE 

les  auteurs  sont  restés  inconnus,  terminent  la  deuxième 
livraison. 

La  troisième,  que  nous  venons  de  recevoir,  clôture  le 
tome  II  et  renferme  encore  des  travaux  originaux  importants. 
M.  H.  fioyer  en  ouvre  la  série  par  une  notice  sur  les  origines 
de  Sancerre.  Après  avoir  écarté  une  opinion  erronée  sur 
l'origine  de  cette  ville,  opinion  basée  sur  des  exercices  étymo- 
logiques trop  hardis,  Tauteur  arrive  à  une  conclusion  qui  est 
commune  à  beaucoup  d'autres  villes  et  qui  fait  remonter  leur 
origine  à  une  époque  antérieure  à  la  conquête  des  Gaules.  C'est 
un  peu  la  question  de  V Alsace  celtique  et  gautoise,  ^  (Paprès 
1^  monuments  de  la  plus  haute  antiquité,  que  M.  H.  Boyer 
fait  revivre  à  propos  des  origines  de  Sancerre.  M.  A.  Boulé 
fournit  ensuite  au  bulletin  une  notice  sur  Louis  Marquis 
d'Arpajon,  gouverneur  du  Berry  de  1715  à  1736.  A  cette  notice 
succède  le  catalogue  descriptif  de  nombreuses  séries  moné- 
taires du  musée  de  Bourges.  L'une  de  ces  séries,  composée 
de  trente-deux  variétés  empreintes  de  caractères  inconnus, 
dit  le  catalogue,  et  qui  sont  en  effet  indéchiffrables,  sauf 
peut-être  au  moyen  de  l'alphabet  runique  ;  entin,  le  tome  est 
terminé  par  une  excellente  notice  de-  M.  Hippolyte  Boyer  sur 
le  corps  des  marchands  de  Bourges. 

Frédéric  Kurtz. 


'  Voyez  Bévue  éP Alsace,  1872,  p.  5  à  48. 


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TABLE  DES  MATIERES 

CONTEirUES  DANS  LE  TOHE  XI  DE  LA  NOUVELLE  SÉBIE  —  1882 


JANVIER  -  FÉVRIER  -  MARS 

Pages 

G.-A.  HiBN.  —  La  Vie  future  et  la  Science  moderne  (Fin)  — 
Preuves  qu'apporte  la  science  à  l'appui  de  la  notion  d'une 
vie  future  —  L'existence  d'un  élément  constitutif  intangible, 
impalpable,  élément  animique,  est  indestructible  —  Réfuta- 
tion des  raisonnements  tendant  à  matérialiser  les  phéno- 
mènes de  l'ordre  physique  —  Force  et  matière,  circulation 
de  la  vie,  théorie  vibratoire  de  la  nature  —  Responsabilité 
humaine  —  Elément  pensant  et  animique  —  La  perpétuité 
et  l'immortalité 5-  38 

E.  Gasseb.  -^  La  famille  de  Rosen  —  Aperçu  historique  sur 
le  rôle  qu'elle  a  joué  en  Alsace  -—  Inventaire  des  titres  généa- 
logiques et  honorifiques  —  Arbres  généalogiques  —  Contrats 
de  mariages  —  Testaments  —  Donations,  pactes  de  famille, 
traités,  partages  —  Lettres-patentes,  brevets,  etc.,  etc 39-60 

Abth.  Bbnoit.  —  Les  ex4ibr%8  dans  les  trois  évêchés  —  Toul 
Metz  —  Verdun  —  Bibliographes  et  collectionneurs  toulois 
(Suite)  —  Les  évêques  bibliophiles,  avec  trois  gravures  d'ea;- 
îibris  —  Messieurs  les  chanoines  —  Description  de  leur^ 
ex-libris  —  Bibliothèque  du  séminaire  diocésain 61-85 

Ch.  BbbdbliJ.  —  Littérature  populaire  de  l'Alsace-Lorraine 
—  Bavardages  des  commères  de  Strasbourg  entremêlés  de 
quelques  autres  commérages  alsaciens  —  Conversation  dans 
l'intimité  entre  Ursule  et  Julienne  près  de  la  Maison-Rouge  — 
Conversation  intime  à  la  fontaine  par  quatre  servantes,  stras- 
bourgeoises  —  Conversation  sérieuse  sous  les  Petites- Arcades 
entre  dame  Ursule  et  dame  Salbmé 86-1 11 

X.  MossMÀNN.  —  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  la  guerre 
de  trente  ans  tirés  des  archives  de  Colmar  (SuiU)  —  Dé- 


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572  REVUE   D'ALSACE 

Pages 
marches  de  Golmar  en  Tue.  des  négociations  -  Peu  de  sûreté 
des  routes  —  Nouvelle  apparition  da  duc  de  Lorraine  — 
Colmariens  prisonniers  à  Offenbourg  et  Philipsbourg  -—  In- 
solence des  goavemenrSy  victoire  des  alliés,  reprise  des 
négociations  —  Quel  sort  réservé  à  F  Alsace?  —  Mort  de 
Richelieu  —  Lettre  de  Mazarin  —  Donations  faites  par  la 

Suède  à  la  ville  de  Colmar 112-122 

EnBNira  Babtk.  —  Notes  biographiques  sur  les  hommes  de  la 
Bévolution  à  Strasbourg  et  les  environs  {Suite)  —  Sancy  -- 
Sarez  —  Sauriat  —  Scaer  —  Schatz  —  Schœffter  —  Scherer 

—  Schilling  —  Schlœssing  —  Schmitthenner  —  Schmitz  — 
Schœll  —  Schouler  —  Schnéegans  —  Schneider  —  Euloge 
Schneider 123-137 

Fbéd.  E  jbtz.  —  Bulletin  bibliographique  —  I.  Histoire  d'un 
proverbe  mulhousien,  dW  Fûrsteberger  v^rgesse  =  compter 
sans  son  hôte,  par  Aug.  Stœber  —  U,  Distractions  poétiques 
au  Florival  =  vallée  de  Guebwiller,  par  G.  Gœyelin  —  m. 
La  liberté  des  Cimetières,  par  Gh.  Schmidt  —  IV.  Bulletin 
de  la  Société  des  Sciences  historiques  et  naturelles  de 
l'Yonne  —  Y.  Bulletin  de  la  Société  archéologique  et  his- 
torique de  l'Orléanais 138-144 

AVRIL  -  MAI  -  JUIN 

Abth.  Benoit.  —  Les  ex-îtbris  dans  les  trois  évéchés  —  Toul 

—  Metz  —  Verdun  (Suite)  —  Bibliophiles  et  collection- 
neurs toulois  —  Bibliothèque  des  couvents  —  Abbaye  royale 
de  St-Léon  —  de  St-Epvre  —  de  St-Mansuy  —  Les  capu- 
cins —  Les  cordeliers  —  Les  dominicains  —  Les  domini- 
caines —  du  Tiers-ordre  —  Les  bénédictins  —  Congréga- 
tion Notre-Dame  —  Graveurs  toulois  à^ex-libris  —  Gollec- 
iionneurs  —  Appendices  —  Noël  —  Complaintes  —  Devises 
touloises  —  Deux  ex-libris  reproduits 145-169 

P.-J.  Tallon.  —  Légendes  et  traditions  recueillies  sur  St-Dizier, 
Villars-le-Sec,  Croix,  Montbouton,  Féche-l'Eglise,  Lebetain 
et  le  hameau  du  Val  —  Culte  druidique  —  La  fée  —  Pas 
du  diable  —  Le  Maira  —  Les  fonatines  —  Jean-Maurice 
le  chasseur  •—  La  fosse  aux  Larrons  —  Plateaux  de  Croix 

—  Fauteuil  taillé  dans  le  roc  —  Les  Chamborans  de  1815 


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TABLE  DBS  M  ATIÈIUES  573 

Pages 
—  Fontaine  de  Montbouton  —  Pèlerinage  —  Lepetain  — 
Découvertes  —  La  grotte  —  Les  fontaines  du  Val 170-196 

Ch.  Bbbdellâ.  —  Littérature  populaire  de  l'Alsace-Lorraine 
(Suite)  —  Dame  Kurtzlerer  et  dame  Ziyelmann  pendant  le 
blocus  de  1814  —  Après  le  blocus  -  Les  paysannes  déso- 
lées —  Les  demoiselles  Spitznftsel  et  Erumh&lsel  —  Les 
dames  A.  et  B.  pendant  le  second  blocus  —  Après  le  second 
blocus  —  La  fourrure  de  mariage  —  Les  dames  Dickhans, 
Catherine  et  Suzanne  —  Enigme  —  Solution 197-331 

D.  HOoKBL.  —  Réglementation  d'une  forêt  communale  d'Alsace 
aux  XI*  et  xTi*  siècles  —  Document  B  —  En  76  articles. .  •  232-255 

X.  MossxAinr.  —  Guerre  de  trente  ans  —  Matériaux  tirés  des 
archives  de  Colmar  pour  servir  à  son  histoire  {Suite)  — 
Mort  de  Louis  XTTT  —  Diète  de  Francfort  —  Guébriant  se 
replie  sur  la  rive  gauche  du  Rhin  —  Il  repasse  sur  la  rive 
droite  —  Sa  mort  —  Défaite  de  Tutlingen  —  Arrivée  de 
Turenne  —  Colmar  se  rapproche  de  Strasbourg.  —  Saufs- 
conduits  pour  le  traité  de  paix  —  Moog,  député  à  Paris  — 
Sa  mort 256-263 

Paul  Ristblhitbbb.  —  Huit  lettres  inédites  d'Andrienx  aux 
comédiens  ordinaires  du  roi  et  au  baron  Taylor  —  1825-1831  264-273 

Etirnkb  Babth.  Hommes  de  la  Révolution  à  Strasbourg  et  les 
environs  (Suite)  —  Le  terroriste  Jean-George  Schneider  — 
Ses  faits  et  gestes  —  Samort 274-284 

FnâD.  EuBTz.  —  Bibliographie  —  I.  Histoire  de  l'abbaye  de 
Senones  par  D.  Calmety  id.  F.  Dinago  —  IL  Mémoire  sur  une 
insurrection  à  Colmar  en  1424,  par  X.  Mossmann  —  UI.  La 
vieille  noblesse  de  la  Haute- Alsace,  par  M.  Eindler  de  Enob- 
loch.  IV.  L'archéologie  et  les  beaux-arts  dans  l'arrondisse- 
ment de  St^Dié,  par  Henri  Bardy  —  Y.  Le  chAteau  de  Vie 
au  xvn*  siècle,  par  Arth.  Benoit 285-288 

JUILLET  —  AOUT  —  SEPTEMBRE 

P.-E.  TuBJURD.  —  L'Alsace  artistique  —  Notices  sur  plus  de 
cent  quarante  artistes  alsaciens  des  temps  reculés  et  des 
temps  modernes  —  Ottfrid  de  Wissembonrg,  miniaturiste, 
820  à  869  —  Le  moine  Villo,  orfèvre,  xx*  siècle  —  Herrade 
de  Landsperg,  miniaturiste,  1135  à  lld5 289-313 


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674  RS?IIE  D'ALSACE 

Pages 

Abth.  Bbkoit.  —  Les  ex4îbri8  dans  les  trois  échêvéSy  Mets, 

Tonl  et  Verdun  (Suite)  —  Bibliophiles  et  collectionneurs 

messins  —  Historique  -—  Les  évéques  —  Le  grand  cardinal 

de  Lorraine  pseudo-évéque  —  Le  fils  naturel  de  Henri  lY 

—  Henri  de  Yemeuil  —  George  d'Aubusson  de  la  Feuillade 

—  sa  bibliothèque  —  son  ex-libris  ~  Le  duc  de  Goislin  — 
Claude  de  Saint-Simon  —  Louis-Joseph  de  Montmorency- 
Laval  —  Chapitre  de  la  cathédrale  —  Séminaire  Sainte- 
Anne  —  Les  monastères  de  Metz  —  Abbaye  royale  de  Saint- 
Clément,  avec  deux  gravures 814-335 

Ed.  Gàssbb.  —  Fonds  et  revenus  du  prieuré  de  Saint-Morand 
d'Altkirch  et  de  Ribeauvillé  en  1772  —  Terres  labourables 

—  Prés  —  Vignes  —  Jardin  —  Moulin  —  Dizmes  —  Lau- 
demes  des  dixmes  —  Droit  de  Falh  —  Steinbach  —  Ribeau- 
villé —  Ramersmatt  —  Riespach  —  Spechbach  —  Werentz- 

hausen  —  Wittersdorf  et  Emlingen  —  Hesingen  —  Walheim  | 

Carspach  —  Henflingen  —  Roppentzwiller  —  Heidwiller  —  j 

Tagolsheim  —  Hausgauen  —  Ranspach-le-haut  —  Berentz- 
willer  —  Strueth  —  Aspach  —  Charges  de  prieuré 336-349 

D.  HOOKBL.  —  Document  B,  {Fin)  —  Art.  62  à  76  —  Forge- 
rons —  Bois  de  carbonisation  —  Glandage,  etc.  —  Règle- 
ment de  1585  —  Règlement  de  1595  —  Banlieue  de  Ritters- 
hoffen  —  de  Niederbetschdorf —  d'Oberbetschdorf  —  Règle- 
ment concernant  les  gardes 350-369 

Ch.  Bbbdbllb.  —  Littérature  populaire  de  PAlsace-Lorraine, 
3«  suite  —  L'enfant  monstre  -7  La  serrurière  —  Catherine 
et  Christine  —  La  dame  du  pasteur  —  La  dame  Wemer  — 
Le  meilleur  des  mondes  —  Le  cheval  à  trois  jambes  —  Ma 
préférée  —  Dame  Bûchler  —  L'Alsacien  sur  la  cathédrale 
de  Strasbourg  —  En  route  vers  la  tasse  de  café  au  lait  — 
Ribotte  —  Consolation  —  Carnaval  —  Cancans  —  Madame 
Surpf  —  Licenciés  —  Dames  Babbelmeyer  et  Schnawler  — 
Blanchisseuses  —  Près  de  la  tasse  de  café  au  lait  —  La 
chope  et  la  pipe. 370-409 

Etibnkb  Baath.  —  Notes  biographiques  sur  les  hommes  de  la  ' 

Révolution  à  Strasbourg  et  les  environs  (Suite)  —  Schneller 

—  SchOgler  —  SchuUer  —  Schumacher  —  Schwahn  —  j 
Schwartz  —  Schweighœusser  —  Schwengsfeld  —  Schwind  1 

—  Schwingdenhammer  —  Sengel  —  Séthé  —  Silberrad  — 


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TABLE  DES  MATIÈRES  576 

Pages 
Simon  —  Simand  —  Sommervogel  —  Spangelberg  —  Spéck 

—  Spielmann  —  Stamm  Daniel 410-427 

Fréd.  Eubtz.  —  Bibliographie  —  I.  Correspondance  politique 

adressée  au  Magistrat  de  Strasbourg,  par  Ë.  de  Bouteiller  et 
Eugène  Hepp  —  II.  Mémoires  de  la  Société  d'émulation  de 
MontbéUard,  1881 428-432 

OCTOBRE  -  NOVEMBRE  —  DÉCEMBRE 

L.  Mbumieb.  —  Cinq  lettres  inédites  de  P.-J.  Proudhon  à  son 
ami  Jouvenot,  correcteur  d'imprimerie  —  Février  1835, 
Août  1839,  Juin  1851,  Novembre  et  Décembre  1855 433-444 

P.-E.  ToBVFBBD.  —  L'Alsace  artistique  (Suite)  —  Helinaud  et 
les  calligraphes  miniaturistes  de  Lucelle  —  Guta,  calligraphe 

—  Albert  de  Strasbourg,  architecte  —  Sabine,  statuaire  — 
Erwin  de  Steinbach,  statuaire  —  Calligraphes  du  couvent 
d'Unterlinden  de  Colmar  —  Les  Wurmser,  peintres —  Ulrich 
Ritter,  architecte  —  Wœlfelin,  sculpteur 445-477 

Abth.  Bbnoit.  —  Les  ex-ltbris  dans  les  trois  évêchés,  Metz, 
Toul,  Verdun  (Suite)  —  Neuf  gravwreë  dans  le  texte  —  Ab- 
bayes royales  de  Saint-Amould  —  de  Saint-Symphorien  — 
de  Sainte-Glossinde  —  Antonistes  —  Augnstins  —  Capu- 
cins —  Grands  Carmes  —  Petits  Carmes  —  Claristes  — 
Célestins  —  Chanoines  réguliers  —  Jésuites  —  Minimes  — 
Lazaristes  —  Dominicains  -^  Récollets  —  Trinitaires  — 
Notre-Dame  —  Dominicaines  —  Bénédictines 478-508 

Ch.  BBBDBLiiii.  —  Littérature  populaire  de  l'Alsace-Lorraine 
(Fin)  -—  Commérages  alsaciens  —  Nous  aurons  la  fête  — 
Repas  de  noces  rustique  —  G&teau  de  foire  —  Almanach  — 
La  fontaine  —  Les  fileuses  —  Bon  conseil 509-528 

Et.  Babth.  —  Notes  biographiques  sur  les  hommes  de  la  Révo- 
lution à  Strasbourg  et  les  environs  (/SWt^)  —  Stahl  —  Stampf 

—  Starck  —  Stempel  —  Stem  —  Stierling  --  Stœber  — 
Stolz  —  Stouhlen  —  Striffler  —  Strohl  —  Stuber  —  Sultzer 

—  Tachet  —  Taffln  —  Téterel  —  Thomas  —  Tisserand  — 
Tissert  —  Tœrdel  —  Toustaint  —  Touzay  —  Uhlenhut  — 
Ulrich  —  Yalentin  —  Vérius  —  Vemier  —  Yialars  — 
Vienne  —  Vincent  —  Vitasse  —  Vix  —  Vogt  —  Vullier  — 
Waghette  —  Wagner  f—  Wahe  —  Wasner  -—  Weiler  — 
Weinum  —  Weiss 529-559 


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676  RBYUB  D*AL8ACB 


Pages 


FskDÈBio  EnaTZ.  --  Bibliographie  —  I.  Louis  XIY  et  Stras- 
bourg ;  essai  sur  la  réunion  à  la  France,  par  A.  laGmvLLB 
—  n.  Histoire  abrégée  des  plus  anciennes  bibliothèques  et 
des  premiers 'imprimeurs  4e  Strasbourg,  par  Gh.  Sohxidt  — 
ni.  Les  contes  d'Andrieux  par  P.  Rxstslhubbb  —  IV.  Actes 
de  la  SodéU  Jurasgiemie  éPEmulati<m  à  Porrentruy  —  Y. 
Bulletin  de  la  SocUU  des  sdenees  histûriques  et  naUéréHes  de 
VYonne  •  YL  Mémoires  de  la  BodéU  historique  du  Cher.. .   560-570 

Tablb  DBS  KATiiBBS  de  Tannée  1882 571-576 


•^«» 


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