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Full text of "Revue de Bretagne de Vendée & d'Anjou"

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3* Séria, *^ 6* Année -_ v i 



V-NOVBMBftE 1007. TQme XXXVIll \ 



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(C** M PALI^B* Secrétaire rég 
r h LoIre-lVirieure. — Le ClJ 
"^LA GRANChE, pour le 
( CAM-dUi-N^ — Ouvwr 




hiitorique de tw^^0-^ 



àr^^l[pURhE\Li^f\^Direcfi 



»ur ^]ne-et-Yfl|U;^^^l«a^«lMNCH3 

irFInlitèèr:^: AVENEAl 
— Alain RAISON dm CLEUZIOU, ^ ^^ 
RCUFF, pour Pvto, 





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3* Skci?. .^ ^ AnfȎe 

y""">..NOVBMfflB« 1907.' Tome XXXV}]] 



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SOMMAIRE 



l. — La Bretagne à la fin du Moyen- Âge, — André Lbsort . . a33 
II. — Le Congrès Breton de 1907. — C*« RsNft de Laigub. . .246 
' ^H. ^ Buai sur V Administration générale dun District pendant la 
Révolution. Le District de Roche fort (Morbihan), i" Juil" 

" .^ . Ut S790-W mai 4795. — P. Merlbt 254 

IV. — Paimponi. Il*" Partie : Abbaye, Eglise et Chapelles. — Abbé 

Louis Gervt 276 

V. — Notices et Comptes- Rendus 294 



CONDITIONS D'ABONNEMENT 

France, Un an 12 fr. 

Etrangler, — ... ^ ... . 15 — 

On s*abonne soit cbez M. le comte de Laigue, chÀteau de 
. Bahurel, par Redon, soit chez M. Lafoltg, imprimeur à Vannes. 

Les abonnements partent du 1*' janvier ou du l«r juillet de 
l'année en cours. — Il n'est pas vendu de fascicules isolés, sauf 
pour les abonnés. 

Les travaux comprenant au moins 16 pages de texte sont seuls 
tirés à part. 50 exemplaires sont offerts aux auteurs. 



Nota. — Il sera rendu compte de tout ouvrage dauienr breton ou in- 
téressant la Bretagne, dont un exemplaire aura été adressé au Rédacteur 
en chef de la Revue. 



\ 



REVUE 

de Bretagne 



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3* Série. — 6* Année 

jUiLLET Î907. TomcXXXVJir 



^* Ja ^A^ 



REVUE 



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de Bretagne 

REVUE 4- REVUE 

de Bretagne et dt Vendée ^ HAfortque de rOueii 

RÉUNIES 



j^ruE jiŒTmœixB 



M'- de l'ESTOURBEILLON, Directeur 

C*- UtLNé PB LA] GUE. Rédacteur «n cj&c/ 

MM. Le C*" DE PALY5, SccrètAJrt tig\&nM\ pour VUlt^^uV iW\nt. -^ Rbmû BLAKCHARD 
peur k t<ihM.^lnU(\tmt,^ Le Owiol)^ PEYRON, povr le Flnltlèrc. — AVENEAU 
M u GRANC]£R£, pour le Morbihvi, — Alaim RAISON du CLEUZlOU, fow 
b Cftlu-du-Nord, -^ OuviMM D« G OURCU FF, p«ia PêrU. 



f 



VANNES 

LAFOLYE FRERES 

BDITEURS 

1. PllilCt d€i L'iCti 



PARIS 

HONORE CHAMPION 

LEBRAIRE-ÉUIT&UR 
5. Quu Mabquiii 

NANTERRE 
M, LE DAULT 

7a, Rue Sjunt-GenAHJn 



MDCCCCVJI 



S^adrMscr pour la Kèuacti^on et V envoi iîes minuscrftsâ M, 1c O" Rfcst i>l LAIGUE. 
AU château 6c Ualmn:!, par Retion ; pour rAD^CTiSTHAnoN, MM. LAFOLYE, (kt^, 
place ilnï Lkcîk, VhIriia;^^ 



(RECAP) 

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DEUX ÉYENEHENTS DU RÎGNE D'ÀLÂIN LE GRAND 



Les fêtes si brillantes, par lesquelles l'Uûioa Régioaaliste Bre- 
tonne vient de solenniaeràQuestembert le souvenir de Téclatant 
triomphe remporté par un de nos plus grands princes sur les 

envahisseurs puïens de notre sol, ont rappelé à l'attention 
des chercheurs une époque encore très imparfaitement connue. 
Je soumets au lecteur le résultat des recherches auxquelles je 
me suis livré sur deus points du règne d'Alain le Grand. 



Lk CounONNdUSNT ûWUAlN. 

Une chérie du Cartulaire de Redoïi datée du 12 juin 879, date 
dont le contexte indiqua clairement la fausseté et que tout le 
monde est d'âccord pour remplacer par celle du 12 juin 878, nous 
raconte comment Alain restitua à Tabbaye de R'sdon la paroisse 
d'Arzon Jadis donnée à ce monastère au tempsdeLnuis le Débon- 
naire, probablement par Nomenot^, et qui depuis avait été reprise 
par des chefs qu'Alain n'indique pas^ mais qui étaient très pro- 
bablement ses prédécesseurs dans le comté de Vannes. Il dit 
dans cette pièce qu'il a été frappé par la main de Dieu, qu'il est 
tombé dans une grave maladie, mais que le Seigneur est enfin 
venu à son aide et lui a rendu li santé ; de sorte que la restitu- 
tion d'Arzon paraît bien la conséquence d'une sorte de promesse 
faite par le prince bretoLi au moment le plus cfri tique de sa ma- 
ladie pour obtenir saguérison. Or, parmi les témoins de cet acte, 
dressé dans la paroisse d'Aliaire près de Vé^\\^%, juxta ecdesiam^ 
figure ré vêque de Nantes Armeagari us I <t quiibi aderat ei eum 



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# REVUE DE BRETAGNE 

sacTG QÏËO unclionis illa die unxity qui se trouvait là, et qui ce 
jour oignit Alain de l'huile sainte. » 

De ce dernier passade la plupart de nos historiens ont tiré la 
conclusion que Tévôque Ermengar avait sacré Alain. « Depuis 
tt le cDuronnen>ent de Nominoë, dit M. de la Borderie, c'est en 
w Bretagne, n notre corinaissance, le seul exemple d'un prince 
a faisant sacrer son autorité au nom de Dieu. Ce n'était donc pas 
n une bannie formalité : Alain annonçait par là son désir de re- 
w cunslituer è son profit la royauté, la monarchie bretonne de 
« Nomino6j et Ton doit voir là le début de la lutte acharnée entre 
« les deux princes (Alain et Judicaël) si fatale à la Bretagne. » 

J'avoue qu'il ne m'est pas possible de voir dans le texte que 
j*al cité (a mention de la cérémonie du sacre et que je crois beau- 
coup plus vraisemblable d'y voir le fait que l'évoque de Nantes. 
aurait apporté à Alain TExtrême-Onction. On ne s'explique pas 
en efTet qu'un évoque de Nantes vienne en territoire de Vannes 
sacrer un comte de Vannes^ alors qu'il existe un évoque de Vannes 
et que c'est justement la mention de Tépiscopat de Kenmonoô, 
évèque de Vannes, qui est un des éléments par lesquels la charte 
est datée. 

Qu'esl-ce d'ailleurs que cette cérémonie? Alain se fait-il cou- 
ronner comte de Vannes ? On n'a pas d'exemple qu'an comte se 
soit fait sacrer. Se fait-il couronner roi de Bretagne? Nullement, 
puisque ce n'est qu'une douzaine d'années après qu'il prend le 
titre royal. M. de la Borderie remarque lui-même qu'il est le seul 
prince breton qui se soit fait sacrer. On le voit, il faudrait un 
texte bien démonstratif pour nous amènera passer sur toutes ces 
invraisemblances. 

AdmeUons au contraire que l'huile sainte dont il a été fait 
usage en cette circonstance est Thuile de l' Extrême-Onction et 
non l'huile du sacre et toutes ces invraisemblances disparai&sent. 
On comprend fort bien alors qu'on se soit adressé au prélat qui 
se trouvait le plus à proximité de la résidence du chef breton et 
ce pouvait Atre à ce moment l'évoque de Nantes. Tout ce récit 
de grave maladie et de guérisoti inespérée par lequel débute la 
charte amène t«eaucoup plus naturellement à mon avis l'idée 
d'Extrême^Onction que l'idée de sacre. 



DEUX ÉVÉNEMENTS DU RÈGNE D'ALAIN LE GRAND 7 

II 

Date et phtsionobclb de là bataille ob Questembbrt 

Les annales contemporaines, Annales de Saint-Vaast et An- 
nales de Al^/i^, rapportent à Tannée 8901a campagne,dont la mort 
de Judicaôl,comte de Rennes, et la victoire décisive d'Alain,comte 
de Vannes, sont les deux épisodes principaux. Or M. de la Bor- 
derie a cru devoir reporter ces événements à Tannée 888 et scin- 
der en deux le récit des chroniqueurs contemporains, de ma- 
nière à y retrouver les éléments de la double invasion de la 
Bretagne par les Northmans en 888 et 890 dont il croyait trouver 
l'indication dans le texte de notre vieil historien Pierre Le Baud. 

Le raisonnement qui a conduit M. de la Borderie à ne pas 
tenir compte de l'autorité des annalistes contemporains s'appuie 
exclusivement sur la comparaison de deux chartes du cartulaire 
de, Redon. Dans U première datée, du l"""^ août 888, Alain ne prend 
d'autre titre que celui de comte du pays de Waroch, c'est-à-dire 
de comté de Vannes. 

Dans la seconde, datée par M. de la Borderie du 8 novembre 888, 
Alain se dit a chef de tout le pays de Bretagne » ayant rétabli, 
avec Taide de Dieu^ la paix dans toute l'étendue de son empire 
et ayant fait cesser toutes les guerres par sa soumission au ser- 
vice du Christ. 

L'émiaent historien en a conclu qu'au moment où a été rédigée 
la seconde charte, la Bretagne avait cessé d'être divisée en deux 
comtés, et que par conséquent elle était postérieure à la mort de 
Judicaël et à la victoire d'Alain. Attribuant à cette charte la date 
de 888 il en a déduit que ces deux événements s'étaient passés 
dans le cours de cette année. 

Son raisonnement eut été exact si la date de la seconde charte 
avait été certaine. Or, les éléments qu'elle renferme se contre- 
disent les uns les autres. La donation qu'elle rapporte aurait eu 
lieu y est-il dit Tan 888 le 6 des ides de novembre» la troisième fé- 
rié et la onzième lunaison. Le 6 des ides de novembre (8 no- 
vembre) ne tombant pas en 888 un mercredi, il s'ensuit qu'il faut 
corriger soit la date de la férié, soit la date de Tannée. M. de la 
Borderie a corrigé la première, contre laquelle il n'y avait cepen- 
dant aucune objection; il a conservé la seconde, à laquelle on 



8 REVUE DE BRETAGNE 

pouvait cependant reprocher de mettra cet acte en contradiction 
avec le témoignage des ch^'oniques contemporaines. En tout cas 
ce n'est pas sur une base aussi fragile que l'on peut sérieusement 
s'appuyer pour s'inscrire en faux contre des documents auten- 
thiques et sérieux. 

Ce changement de date une fois admis par M. de la Borderie 
Ta conduit à se représenter les péripéties de. la campagne sous 
un jour qui ne paraît pas exact. Les annalistes contemporains 
nous montrent à la fin de 889 les Northmans échouant une fois 
de plus dans leur tentative pour se rendre matlres de Paris et 
abandonnant les rives de la Seine pour se jeter sur le Gotentin 
où ils s*emparèrent de Saint- Lô à la fin de 889 ou au commence- 
ment de 890. De là, continuant leur route vers l'ouest, leur flotte 
et leur armée se prêtant mutuellement main-forte ravagèrent 
tout le littoral breton jusqu'à Tembouchure du Blavet. Judicaël, 
comte de Rennes, et Alain, comte de Vannes, qui pendant ce 
temps se faisaient une guerre acharnée^ ne s'occupaient pas des 
pirates. Le premier sentait sa capitale trop loin de la mer pour 
être exposée à un coup de main. Le second ne pensait pas que 
les Northmans poussassent leurs incursions jusque dans ses 
domaines^ et ce ne fut que lorsqu^il les vit apparaître sur sa fron- 
tière, à l'embouchure du Blavet, que se sentant directement me- 
nacé il fit la paix avec son rival et convint avec lui de tourner 
toutes leurs forceis contre l'ennemi commun. Pendant qu'ils se 
préparaient à celte lutte décisive, les Northmans avaient naturel- 
lement continué à avancer. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce 
qu'ils fussent près d'arriver sur les bords de la Vilaine, ayant dis- 
persé chemin faisant les troupes de Judicaël et tué leur chef 
lorsqu'Alain, accourant probablement de sa résidence de Rieux^ 
leur barra la route aux environs de Questembert et leur infligea 
une retentissante défaite dont l'écho parvint jusqu'aux monas- 
tères de la France du nord et de l'est. 

M. de la Borderie, distinguant à tort la prétendue campagne 
de 888 et la campagne de 890, a donné pour point de départ à la 
première, non pas le Gotentin, mais les bords de la Loire. Pour 
lui, les Northmans auraient d'abord en 886 tenté un coup de main 
sur Nantes et obligé l'évoque Landran à se réfugier à Angers, 
événement qui, comme je Tai démontré ailleurs, est de quelques 
années antérieur à cette date; de là ils auraient traversé tout le 




L 



DEUX ÉVÉNEMENTS DU RÈGNE D'ALAIN LE GRAND 9 

pays nantais, franchi la Vilaine, ravagé le pays de Vannes et se 
seraient répandus jusqu'au BlaveL C'est alors que Jiidicaôl se 
serait fait tuer en essayant de les empêcher de pénétrer en Cor- 
nouaille, pendant qu'Alain les aurait pris en queue et les aurait 
écrasés à Questembert. Or, toute cette stratégie, qui a contre 
elle le témoignage des écrivains contemporains, se heurte de plus 
à d'assez fortes invraisemblances. Pourquoi le comte de Rennes 
s'en va-t-il courir jusque sur la frontière occidentale du Vanne- 
tais, au lieu de faire sa concentration avec son allié? Pourquoi 
lesNnrthmans, après leur victoire sur Judicaôl, ne continuent-ils. 
pas leur marche en avant et reviennent-ils sur leurs pas à tra- 
vers un pays déjà dévasté, pour livrer bataille à un nouvel en- 
nemi, ce qui est absolumenten dehors de toutes leurs habitudes? 
M. de la Borderie ne semble pas d'ailleurs avoir eu sur la phy- 
sionomie de la batailleune opinion bien précise; dans le récit qu'il 
donne des événements il nous montre Alain arrivant de Péaule à 
Questembert, c'est-à-dire marchant du sud-est au nord-ouest à la 
rencqntre d'un ennemi qui nécessairement arrive de l'ouest. 
Dans un des appendices de son volume, il admet les conclusions 
de M. de Kerenflech, pour qui ce sont au con traire les Northmans 
qui marchent sur Questembert par le chemin de Péaule et de 
Lîmerzel, venant du sud par conséquent. La première opinion, 
comme nous l'avons vu, est de beaucoup celle qui pjratt la plus 
probable, en remplaçant toutefois Péaule par Rieux comme étant 
le point de départ probable de la marche d'Alain. C'est à la même 
conclusion que l'examen attentif du terrain a conduit mon ami 
M. deLaigue (1). 

Vicomte Ch. de Galan. 

(1) Voir le Nouvelliste de Bretagne du 15 arril 1907. 



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fcÂL: 



CHARLES LE GOFFIC 

ET LES '( GENS DE MER t> 



Notre émînent compatriote Charles Le Goffic et Téditeur bien 
connu Ernest Flammarion ont été heureusement inspirés en 
nous donnant une nouvelle édition de Sur la Câtê. Nous ne 
saurions trop les en féliciter, 

Aussi bien celte nouvelle édition sMmposait-elie.On se souvient 
du succès qu'obtint, lors de sa parution, il y a dix ans, le 
vûtume de notre ami (1), Mais Le QofHc éprouvait le besoin d*y 
ajouter « un supplément d^informations et une mise au point 
des différentes éludes *, C'est précisément par quoi se recom- 
mande la nouvelle édition, et aussi par le fait qu'on y a joint 
deux études qui ne flguraienl pas ddns Tédition originale : les 
FavcheuTS de ta Mer et la Crise sardinière, publiées en 1906 et 
1907 dans la Revue des Deux-Mondes. 

Je lis à la fin de l'Avertissement placé en tête du livre : « On 
s'est étonné de la prépondérance accordée dans ces études à la 
Bretagne- On s'en étonnera moins, si l'on veut réfléchir que les 
statistiques du Ministère de la Marine portent à 216,440 pour 
Tensemble du Uttoml et à 110,934 pour le seul littoral breton 
(soit un excédent de 5,428 sur toutes nps autres provinces 
réunies), le chiffre de la population maritime* tant inscrits que 
cinquantenaires et réformés au 10 octobre 1905. * 

A ce propos, il me paraît intéressant de donner ici on docu- 
ment qu*on ne trouve pas dans le livre de Le Goffic, je vtfux dire 
un extrait du tableau officiel de répartition, au 10 octobre 1905, 
de la popuiation maritime par quartier d'inscription, 

( () G en* de Mm'* Sur la ÇâiBi tel «a At&it U tttiv, lora de la pr«miârfl édition. 






CHARLES LB GOPPIC 



il 



Voici donc la partie du tab'eau concernant les quartiers bretons. 



QUARTIERS 



Cancale ....... 

Saint-Malo 

Dinan 

Saint-Brieuc 

Binic 

Paimpol 

Tréguier 

Lannion. ...... 

Moplaix ....... 

Roscoff 

Le Gonquet 

Brest 

Camaret 

Douarnenez 

Audierne 

Quimper 

Goncarneau 

Lorient 

ItedeGroix 

Auray 

Vannes *. 

Belle-Ile-en-Mer . . . . 
Le Groisic . . . . . 

Saini-Nazaire 

Nantes 

Paimbœufet Pornio (PréfMil). 



INSCRITS 



PROVISOIRES 



Agés 

d« moins 

de 

i8 ai 



710 
250 
479 
440 
230 

1.097 
491 
436 
430 
190 
374 
399 
335 

1.160 
562 
741 
860 
880 
215 
798 
464 
173 
312 
230 
183 
9 



Agés 
de plus 

i8 ans 



340 

480 
402 
425 
180 
251 
190 
726 

40 
170 
277 
210 
142 

41 
217 
136 
188 
275 

20 
170 
128 

53 

6 

382 

335 

20 



DÉEFINtnFS 



Agés 
de 18 

à 
20 ans 



197 
162 
210 

431 
207 
381 
125 
240 
232 

83 
290 
198 
186 
316 
304 
261 
297 
295 

50 
241 
383 

58 

107 

134 

193 

4 



Agés 
de iO 

50 ans 



1.741 
2!9ll 
3.101 
2.094 
2.151 
5.202 
2.580 
2.091 
2.003 
2.061 
2.358 
6 541 
2.120 
2.740 
2.753 
2.172 
'.'.817 
6.270 
846 
2.602 
1.753 
861 
902 
1.351 
1.383 
96 



Hors 

de 

Service 

Cin({uan- 
Icnaircft 

el 
réformés 



540 

1.120 

623 

577 

213 

1.565 

638 

492 

534 

770 

938 

1.548 

1.010 

1.000 

918 

743 

1.063 

1 783 

460 

1.634 

1.350 

604 

585 

1.117 

1 470 

102 



TOTAL 



3.528 
4.923 
4.815 
3.967 
2.981 
8.496 
4.024 
3.985 
3.239 
3.274 
4.237 
8.896 
3.793 
5.257 
4.754 
4 053 
5.225 
9.503 
1.591 
5.445 
4 078 
1.749 
1.912 
3.214 
3.564 
231 



Dans une tbèse pour lediictoralen droit soutenue en mai 1906 
devant la Faculté de Paris, un jeune Pinistérien, M. Louis Ro- 
pers, cite des chiffres curieux tirés des statistiques publiées par 
le Ministère de la Marine en 1904, pour l'année 1902 (1). 

(1) Exposition de la Condition Economique et Sociale du Pécheur Sardinier y 
Paris,. Impr. Bonvalot- Jouve, 190C. 



'V^\ 



il 



REVUE DE BRETAGNE 



PORTS SARDINIERS 


^1 

2£.| 

-2 S-S 




PORTS SARDINIERS 


^1 

lit 

'1 


1%Ï 


par ordre d'ini)K>rtance 


^1 


-ir 


par ordre d'importance 




DouarneDez. . . 


5.000 


4.500 


Le Croisic . . . 


'740 


360 


Concarneau. . . 


3.517 


3.240 


Larmop .... 


360 


360 


Qulmper(c.-à-d.I!e 




» 


Le Palais . . . 


•335 


335 


Tudy,Penmarcb. 






SauzoQ .... 


304 


304 


LeGuilvinec). .* 


2.480 


1.870 


Noirmoutier . . 


968 


260 


Camaret. . . . 


2.572 


1.316 


Morgat .... 


558 


280 


Audierne . . . 


3.0(56 


1.400 


Trébeurden. . . 


182 


. 182 


Etel 


1.875 


l.?B5 


Perros Guirec t?) . 


178 


178 


Port-Louis . . . 


2.430 


1.170 


Port-Joinville . . 


592 


140 


R08C0fr(?) . . . 


1.642 


957 


Lorient .... 


120 


120 


Les Sables dO Ion ne 


1.977 


800 


Lannion. • . . 


120 


120 


Doôlan .... 


1.325 


650 


Locquémeau . . 


91 


91 


LaTurbalIe. . . 


645 


635 


Quiberon . . . 


304 


90 


St-Gilles-sur-VIe . 


696 


600 


Le Pouliguen . . 


160 


80 


Saint-Brieuc (?) . 


710 


498 


Groix. .... 


1.875 


68 



Remarquons, avec Ropers, que Tindustrie sardinière « de Tré- 
beurden jusqu'aux Sables-d'Olonne met en mouvement 150 
usines, plus de 160 ateliers de presse et salaison, fait vivre l'équi- 
paiçe de 3,500 barques, soil 21,000 pêcheurs, emploie un personnel 
de 15,000 femmes, de 1,500 à 2,000 ouvriers soudeurs, plus de 600 
manœuvres et ouvriers divers, versé annuellement aux pêcheurs 
de six de nos départements de TOuest de 10 à 12 millions de 
salaires, procure bon an mal an 2,500,000 fr. aux soudeurs, 
3.000,000 aux femmes, 300,000 aux autres ouvriers, faisant ainsi 
subsister environ 40,000 familles, soit une population de 200,000 
indiviclus. 

Ajoutez à cela que le degré de prospérité de cette industrie, 
dont la production moyenne peut atteindre 9 à 10 millions de 
kilos de conserves, retentit inévitablement sur d'autres indus- 
tries corrélatives, d'une part à la pêche : construction des 
barques, commerce des agrès, cordages, voiles, rogues, etc. ; 
d'autre part, à la fabrication des conserves : étain, fer blanc, 
huiles, transport, épiciers en gros et détaillants; et qu'enfin, 
toujours par les effets de la solidarité économique, le bien-être et 



U 



'yf^ 



CHARLES LK GOFFIC 13 

la VL6 matérielle d'une diz&ine de groupements sardiniers comp- 
tant plusieurs milliers d'individus, dépendent essentiellement 
ou même exclusivement du rendement de la pêche de la sardine, 
puisque pour ces agglomérations la source principale de ri- 
chesse est constituée par ce poisson et que la population mari- 
time ;qui ne se livre pas à la pêche vit indirectement mais né- 
cassairemedt de la pêche. 

Et ces intérêts considérables et vitaux sont soumis aux irré- 
gularités de la production, aux aléas du chômage, ou encore de 
La surproductioû, aux crises locales ou générales, se présentant 
non pas selon une loi régulière et connue qui permette de tes 
prévoir, et peut-être d'en atténuer tes effets, mais de façon sou- 
daine, inattendue, mystérieuse, brusque ou prolongée : tous Içs 
sept ans, tous les trois ans, pour une période d'une année, de 
deux années, de trois années, de quatre années 1 ! n 

On devine tout l'intérêt que présente une question telle que la 
Crise Sardinière traitée par un économiste et un écrivain de la 
valetirde Chartes Le Goffic. On comprend combien elle intéresse 
les Bretons surtout. 

L'avenir d'une grande partie de notre population n*ast-îl pas 
enjeu? 

De 1830 à i906, la population des ports pratiquant la pdche de 
la sardine a triplé, quadruplé et môme quintuplé, a Ainsi Ca- 
maret-sur-Mer a passé de 912 habitants à 2,360 ; Douarnenez, 
de 2,018 à 13,607 ; Audierne, de 1,317 à 4,706 ; Penmarch, de 1,605 
à 5,677; Loctudy de 1,288 à 2,550 ; îlle Tudy de 348 à 1,230 ; Con- 
carneau^ de 1,555 à 7,789. 

De véritables villes se sont fondées sur remplacement de 
maigres hameaux : Le Guilvinec et Tréboul sont pour ainsi dire 
sortis du sol en l'espace d*une génération et comptent aujour- 
d'hui 3,759 et 5,046 habitants (1), » 

Il paraît que cette multiplication prodigieuse et continue des 
individus sur le littoral breton provient non seulement de l'excé- 
dent des naissances sur les décès, mais aussi et surtout de l'é- 
migraltion des campagnes vers les ports. 

i* Ainsi tandis que le nombre des habitants de rarrondîssement 

agricole de Châteaulm augmentait d'un tiers entre 1830 et 1901 

' (passant de 89^352 à 124j 375} celui de l'arrondissement presque 

(1) Rù^ûTë^loc, cii. 






f. 



14 REVUR DE BRSTAGKË 

exclusivement maritime de Quimper a plus que doublé (pussant 
de 95,952 à 193,939) pendant la môaae laps de temps (1). * 

Eil^ pousse vigoureusemeai, sur nos côtes bretonnes» cette 
Graine de Matelot, chiinLée par Léon Durocher dans une de ses 
exquises Channom de Là Haut et de Là Bas (2) l 

Mais ce n'e^t p9S seulement le nombre des pécheurs qui a 
augmenté dans les trois départements des Gôtes-du Nord» du 
Finistère et du MorbihaQi c'est aussi la consommation de Talcool 
qui, de 1358 à nos jours, y a plus que doublé. 

Méditez sur tes lignes suivantes de Roper^ >< Nous pouvons 
afiïrmer sans aucune exagération que la consommation d'alcool 
absorbe un quart du gain Hu pécheur; tout matelot, sans être un 
ivrogne, consomme anntteliement pour 150 francs d'aicooL 

Ceci ne représente en effet que trois ou quatre gouttes par jour 
ce qui n'est évidemment qu'un minumum. » 

Voici un tableau dont les cliilîres donnent matière à réOexion. 

Pccbeurs Marchands d'alcool 

Côt€S-ili->rord. ,.....,, 7,558 7.133 

Finistère. ,...,,.,., 13,499 8,211 

MorbibpB 7,993 7,223 

K D'après une statistique du docteur Mével.raugmentdtion des 
cabarets» dr; 1&89 à 1899, aurait été de 43 k Douarnenez, de 35 à 
Conearneau, de 16 & Audierne.». En dix ans aussi, laconsomuia- 
tton de l'alcool pur aurait augmenté de près d'un quart dans les 
deux premierâ de ces ports et ne serait restée à peu près slation- 
naire qu'à Audierne, où il lui était difficile d'augmenter, ayant 
atteint, dès 1892, 19 lit. 45 par habitant. » 

Lisez ia description émouvante de Le ûoffic: « Ils sont là, ces 
cabarets, alignés en rangs d'oignoni le^ong des quais, tous sem- 
blables les uns aux ciutrest tous aussi fétides les uns que les 
autres, malgré la diversité de leurs enseignes: A PAbri de U Tem- 

(t) Ropen, ioc* c^L 

Gratne j«iée au ^«ia du flot 
rousse, 

PociMe^ graiûe d^ Matelot I 
Furti, Ei. Fl&mm&rion. 



CBARLBS LB GOFFIG 15 

péUj AU BetQur du Pêcheur y à la Descente des Marim^ etc ; ils 
montent la garde devant le port ; ils surveillent le mouvement 
des'bateau;^^ prôts h happer leur proie, sitôt qu'elle a pri« terre n. 

Le Ooffic n'est pas tendre pour ceux qu'il appelle les ignobles 
usuriers du prolétariat maritime. Voyez plutôt le portrait de 
Paotr-ar-Chop « notant d'une grosse écriture tremblée, sur un 
registre crasseux, les chopines vendues et les menues sommes 
avancées aux équipages ». 

Ah ! que notre ami a raison de flétrir avec vigueur quiconque, 
empoisonne ou exploite les ^ gens de mer )>. 

Il faut lire son étude sur V Hôtesse et son compèru le Marchand 
d'Hommes^ il faut lire aussi les lignes éloquentes qui suivent, sur 
les ravdges causés par Talcoolisme che^ nos pécheurs : « Dimi- 
nution dans la natalité, augmentation dans la mortalité des en- 
fants de à un an, augmentation parallèle du chiffre des réfor- 
més, au point que la moyenne des dix dernières années est deux 
fois plus forle que celle des dix dernières années précédentes, 
voilà les effets de cette triste incurie de TKtat & Tégard de nos 
populations maritimes et en particulier de cette funeste loi pour 
la liberté du commerce des liquides qui a été le signal de notre 
décadence physiologique. 

Et il faut bien le reconnaître, dans cette décadence, les usiniers 
et les mareyeurs, en ce qui regarde au moins les pêcheurs de la 
côte bretonne, pouvaient revendiquer jusqu'ici une assez large 
part de responsabilité. Leur rôle n'était pas moins démoralisa- 
teur que celui des aubergistes, et il n'avait pas comme lui^ l'excuse 
de l'ignorance. Usiniers et mareyeurs avaient pris la funeste ha- 
bitude, « connaissant la propension du marin sardinier pour l'al- 
cool, de se faire concurrence, non à coups de pièces d'argent mais 
à coups de chopines et de bouteilles d'eau-de-vie... Chaque an- 
née, dans les trois ports d'Audierne» de Goncarneau et de Douar- 
nenez^ il était distribué de la sorte par les mareyeurs et les chefs 
d'usine pour 75,000 francs d'alcool pur I » 

J'ai insisté beaucoup sur la Crise Sardinière, parce que c'est 
une question extrêmement importante et d'une actualité doulou- 
reuse. Mais les autres chapitres sont à lire, ceux que Le Goffic a 
consacrés à des spécialités qui ont disparu déjà ou qui sont à la 
veille de disparaître (U Hôtesse et le Marchand d'Hommes, les Der- 
niers Baleiniers, les Terreneuvas)^dAXSBi bien que Vigiles des Morts, 
Les Faucheurs de la Mer^ Visite à Vile de Sein, etc.. 



16 REVUE DE BRtETAGNE 

Personoellement, je sais gré à Le Qofflc de m'aVoir reporté 
aux jours presque lointains déjà de mon enfance écoulée au mi 
Heu des pécheurs. Je me souviens que^ dans mon pays natal de 
Belz, j'assistai à une translation de reliques. C'était en octobre 
iSSOj au cours d'une missibn prôchée par de3 religieux delà Com* 
pagnie de Jésus^: les RR. PP. Rivalain, Caudal et Larboulette. 

Combien de fois ai*je accompagné mon père, sur les bords de 
la rivière d'Etel, près de Saint-Cado ou du Pont-Lorois, lorsqu'il 
allait voir la coupe du varech r 

Je suis aussi reconnaissant à Le Goffic de m'avoir, par la des* 
cription de sa traversée d'Audierne à Tlle de Sein, rappelé le 
souvenir des vers d'un de nos bons amis communs, j'ai nommé 
Auguste Dupouy, le chantre éloquent dePartances (1). 

Vous rappelez-vous le matin, 
Le matin où nous abordâmes 7 
Si moribonde était la flamme 
Où s'annonçait le jour prochain 
Que nous en avions ftroid à Tàme. 

Nous avions su, cette nuit-là. 
Toute Tangoisse des ténèbres, 
Bt de quel obsédant éclat 
L*œil fixe de Qorlébella 
Explorait l'espace funèbre. 

Des spectres d'un|vers détruits ^ 
Hantaient le champ de nos pensées ; 
Nuits à venir et nuits passées, 
"On eût dit que toutes les nuits 
Endeuillaient notre traversée. 

Où donc, là-bas, fuyait le port ? 
Sur rocéan d*uQ autre monde 
N'allions*nou8 pas à d'autres bords ? 
On songe aux pays de la Mort 
Les nuits sans lune où leRaz gronde. 

Mais soudain un frisson d*éveil 
Courut dans l'heure matinale, 
Bt ce fut comme une Is très pâle 
Lasse des siècles de sommejl. 
Qui surgit des eaux sépulcrales. 

(l)P»rit, Lemerre, 1905. 



i 



mmm^^^^Ê^^ 



Tfrm^ 



CHARLES LE GOFFIG 



17 



Et j'ai redit un sonnet d'un poète de talent que je vénère; 
Adolphe Paban, Tauteurdes Roses de Kernéii) et û\iu Bord de 
la Mer Bretonne {2}. 

A L1LE DR SEIN 

Sizunn, pardonne-moi, si devant toi me hante. 

Le souv^enir charmant des jardins de Beg-MeiJ, 

Dm vergers du cap Coz^ inondes de soleil. 

Ici règne toujours un esprit d'épouvante. 

Que le matin le dore ou le soir l'ensanglante. 

Ici jamais le Ilot n & connu le sommeil, 
^Maîs éternellement, et d'un rjthme pareil, 

11 assourdit la terre avec sa voix hurlante. ^ * 

Ton yietl oracle est mort, mais dans Tombre et Je vent 
* Un dieu pourvoit encor Nerroth ou Gouelvan, 

Un dieu sombre pour qui le meurtre est nécessaire ; 

Ah I malheur au batean qu'il pousse vers ton bord; 

Implacable génie, il le suit et Tenserre 

Dans les enchantements terribles delà Mort! 

L'incorrigible amateur de poèmes que je fais ! Je me suis 
laissé entraîner par révocation de vers qui me chantent dans la 
mémoire, et je n*ai guère essayé de dire combien, pour les per- 
sonnes qui voudraient cheminer sur la Côte, Le Gofflc est un 
guide éminemment sûr. Je n*ai pas lait la moindre allusion à la 
langue savoureuse et forte de l'écrivain, a retendue de soa in- 
formation, à son imparlialité qui lui permet de dire que son 
livre n'est ni une apologie ni un réquisitoire. 

11 est incontestable, en effet, que ia sympathie de Le ûoffic pour 
les tt gens des mer » ne l'empt^che point de reconnaître leurs 
excès ou leurs fautes. IJe même, il ne se laisse pas égarer par 
la considération qu'il est Breton et, s'il aime ses compatriotes, 
il ne se contente point de célébrer leurs mérites, il avoue leurs 
torts ou leur donne de bons conseils. 

Amsi» Le GolTîc prouve, une fois de plus, qu'il est, comme 
homme et comme écrivain, un sincère. Et, pour ma part, je ne 
m'étonne pas du tout de l'amitié véritable qu'il témoigne au^t ma- 
rins. 



(1) ParU, Maison n eu T«, 1899. 



If 



REVUS DE BRETAGNE 



Ils est né au tord de la mer bretonne. Lorsqu'en 1889 ou 1800, 
le ministre Ta envoyé au lycée du Havre, pour y enseigner i'ins- 
toire, — dans ce grand port de commerce où ses compatriotes 
sont si nombreux. Le GorTic, se souvenant de ses origines, s'est 
mis àétadier rémigration bretonne (1) et les questions maritimes. 

Etudes consciencieuses et approfondies qui lui ont permis d'en- 
treprendre de bienfaisantes campagnes de presse et d'écrire de 
beaux et bons livres. 

En août 1900, le décret paru au Journal Officiel, qui annonçait 
sa nomination au grade de chevalier dans Tordre de la Légion 
d*Honneur, signalait, au nombre de ses titres, les services qu'il 
avait rendus par ses campagnes maritimes. Et ce n'était que 
justice. N'est-ce point LeGofRc qui a proposé et fait adopter la 
fondation des Maisons du Marin î 

NVt-ïl pas contribué beaucoup au succès de VŒuvre de la 
Côte Bretonne, rœavre des Abris du Marin, comme on dit plus 
familièrement, fondée en 1899 par M. de Thézac 7 Vous savez sa 
définition: « Qu'est ce qUR l'Abri? — L'Abri, c'est l'auberge en 
mieux et sans alcool, « Vous savez aussi que des Abris du 
Marin existent maintenant au GuilvïneCj à Audierne, à Concar- 
neau, au Palais, à Gamaret, au Passaga-Lanriec, à Sainte-Marine , 
et à rUe de Sein. Vous n'ignorez pas non plus la confldeace mé- 
lancolique d'une débitante du Passage-Lanriec : « Depuis huit 
mois que l'Abri est ouvert, j'ai perdu plus dti 1,000 francs 1 » 

Je pitrïais à Tinstant de la croix de la Légion d'Honneur décernée 
à Charles Le Gofflc. Il a obtenu d'autres distinctions ; il a été 
plusieurs fois couronné par TAcadémie Française, et c'est la 
première édition de Sur la Côte qui lui a valu un de ses succès 
académiques si pleinement justifiés. Mais il est une autre ré- 
compense qui lui semble réservée. C'est à cellôWà que Léon Du- 
rocher faisait allusion dans la Liberté du 28 février 1907. 

Parlant du Pardon annuel d'Anne de Bretagne, à Montfort- 
FAmaury, il écrivait; « Le poète Ch- Le Gofflc défile en ce cos- 
tume noir de Saint-Paul de Léon qu'une fée de la forôt de Brocé- 
jlande changera quelque jour en babit à palmes vertes..* n 

Depuis, M. Roger-Ballu» ancien inspecteur des Beaux-Arts re- 
prenait cette même idée que partagent nombre de bons esprits. 

Je me rapelle que Paul Bourget disait à André Theuriet, le 



(t) £a Payi^t Pari«, À. Colin, 1897. 



r 



CHARLES LE GOPf IC 19 



9 décembro 1897, en le recevant à l'Académie: * Etre d'an pays l 
Quelle simple formule, si simple qu'elle semble au premier abord 
presque dépourvue de sens ! * * 

Charles le Gofftc, iui, en sait tout le sens, et j'imagine que le 
jour viendra où un prince des lettres ayant à recevoir le poète 
du Bais Dormant (1), le romcincier de La Payse, le critique de 
VA me bretonne {%), le félicitera d'avoir été de son pays, El ce jour- 
là yera jourde fôte en Argoat, comme en Armor, au cœur de la 
BreLtigne comme sur la côte,., 

PlKRHS LAUaifiHT. 

I 
(!) Paris, Lemerre, 1900, 
{i) ParJa^ Champion, 1902. 




ife. 



k 



\ 



AR BUGEL HAG AR BARZ 



D'am mignon Per Guivarch. 
(A c*hêU beza hanei war don : Plac*hio 

EN£Z EUSA^ 

Lavar d'in'ta, va migaoDik 
A be vro oud-te gîDidik 7 

Ar Buqk[* 

E) Breiz-Izel sur ou n ganet, 
Ar c*haera bro zo war ar bed> 

Ar Barz 

làyard'in, paotr ar meazîou, 
Petra ganez en da zoniou ? 

Ar BuasL 

Km zoniou me f^an bro Arvor i 
Evidoun dudiuaa envor 1 

Ar Barz 

Lavar d*in c'hoaz, paotr an Are, 
Petra rez-te war ar mené f 

Ar Bugbl 

E keit ha ma peur va denved. 
Me goun en amzer dremenetn* 

Me goun en amzer dramenet, 
P'edo Breiz en be brasa sked. 

Hag e klevan bekieo trouzus 
Amzeriou^all meurbed eurus. 



} 



^ 



AR BUGgL HAG AR BARZ ti 

AR Bahz 

Ha petra lavar d*az kalon, 
BugeL pofillek, ô gwir Vreton ^ 

Ar Buqbl 

Lavaret a ra d'am c halon 

Eo dleel d'in ar frankïi ^irion, 

Fr&nkis evit karet Ta yez, f 

D'be c'homz dinec'h hag^ hep tamm niez. 

Frankiz da veTa gwir gnsten, 
Hervêz Doua bag e iézen. 

Frankiz da ?iret giziou ko2 
Va zadou, herrei va mennoz. 

Ar Bakz 

Larar din, ù mab an Drouiied, 
Gant pion oud-ie bet ketennet ? 

Ar Buûsl 

Skoliat oun bet gant Bur mestr maJ, 
Eu2 ar TTO-ma, enr gwir Vreizaî. 

ÂE BAR2 

Laka ez kalon a YUgéï 
E Bava da vro Breiz-IzeL 

H or bro garet sur a gavo. 
Ar peoc'hf eun amzôr a vezo^ 

Kendalc'b, va faotr, da Teza fur 
Ha Barz eun deiz te vd asur* 

Hag e pr^zêgl d'az proiz. 
Karantaz bro goz an Droniz, 

Klaoda 
Lann-Thivisiù, 25 a viz Eoit iQOâ. 



^^ 



NOTES 



DE 



BIBLIOGRAPHIE LITURGIQUE BRETONNE 



I 

BRÉVIAIRES ET MISSELS DES EGLISES ET ABBAYES 
BRETONNES DE FRANCE ANTÉRIEURS AU XVII* SIÈCLE • 

La Sf)ciélé Archéologique dllle-et-Vilaine compte à peine une 
centaine de membres, mais l'élite des archéologues bretons a 
figuré sur ses listes et successivement MM. Audren de Kerdrel, 
Arthur de la Borderie, Guillotin de Corson et Lucien Decombe — 
pour ne citer que ceux-là— se sont fait un honneur de la pré- 
sider. Le zèle de ses travailleurs lui a conquis une des premières 
places parmi les sociétés savantes de France, et son dernier vo- 
lume de Mémoires (t. XXXV), particulièrement, est un remar- 
quable et riche recueil de documents bretons. Tandis que M. Bar- 
thélémy Pocquet continue ailleurs, par le IV' volume de V Histoire 
de Bretagne^ l'œuvre de M. de la Borderie son prédécesseur à la 
présidence, M. Paul Banéat poursuit sur le Vieux-Rennes ses 
travaux analogues à ceux de M. le chanoine Durville, à Nantes, 
et M. l'abbé Anger, la publication de son Cartulaire de V Abbaye 
de Saint-Sulpice-la-Forêt, 

Ce volume contient de plu9 la continuation posthume du tra- 
vail du regretté chanoine Guillotin de Corson sur les Petites sei- 
gneuries du Comté de Rennes et surtout le travail de M. Tabbé 
iJuine sur les Missels et Bréviaires des Eglises et Abbayes bre- 
tonnes ae France antérieurs au XVIP siècle. C'est de ce dernier 

• A propos du travail de M. l'abbé P.-iipiNB, (Mémoires de la Société Arçh. 
d'Ille-et-YUaine, t. XXXV, 1906. pp. 1 à 221 ; — et tirage à part de 50 ex. 
Prost, Rennes, 1906, in-8% 236 p.) 



NOTES DE BrBLIOGHAPHÏE LÏTURGIQtJE BRETONNE 2Ï 

travail que je demande, au lecteur Ib. permission deTentretenir, 
m'autorisanl d'une faible collaboration à la partie Nantaise pour 
examiner rapidemment les limites de ce travail, sa méthode, et 
me permettre quelques conclusions plus spécialement suggérées 
par ce qui concerne notre diocèse (cliap- IV). 

L — C'est volontairement que M. Tabbé Duine a restreint les 
limites de son travail sous le double rapport de l'espace et du 
temps. Depuis plus de vingt ans que cet opiniâtre érudit par- 
court Î0S bibliothèques publiques ou privées de la France et de 
Tétranger, la presque totalité des livres liturgiques bretons a dû 
lui passer entre les mains. Rien ne l'empêctiait d'étendre son 
enquête aux pays Celtiques d'Outre-Manche, — dont U possède 
à fond THagiographie, — et de la poursuivre jusqu'à l'époque 
moderne. Rien, —sinon que M* Tabbé Duine n'a pas coutume 
d'entreprendre des travaux de seconde matn et sans utilité 
immédiate. 

En Bretagne, dans les diocèses <* crottés *, comme on dési* 
gnait alors les plus pauvres, les ancit^ns bréviaires furent dêftni- 
Uvement abandonnés dans le premier quart du XVIP siècie, — 
et par question d'économie semble-t-il, — pour \e pianum ou 
breviairtî Romain réformé de Pie V en 1568. « Les Messes eu 
Thonneur des Saints de la Province perdent leur cachet propre 
et leurs anciennes hymnes. Les antiques leçons des Nocturnes, 
taillées à même ie*a vieux Légendaires, sont abrégées et leur la- 
tin transfoîmn. Les calendriers qui abondaient en personnages 
locaux délaissent les petits saints des aïeux pour adoptt^r des bien- 
KeureuE dn réputation plus brillante. Ainsi l'imgiographe n'a-t-il 
rien à tirer de ces nouveaux documents, "(1) Ils ne relèvent que 
de rhistorien de notre liturgie provinciale qui est encore à trou- 
ver et du bibliopbile qui peut y suivre les progrès considérables 
dans le développement de rimprimerie Bretonne, 

Des raisons toutes diiïérenles ont retenu M. Tabbé Duine dans 
Textensionde son étude -ux pays Celtiques, Depuîâ le grand 
mouvement liturgique qu ■ <ioterminail, en ISiO, la publication 
des Institutions Liturgirp^f^s de dom Guérangpr et que signalait 
immédiatement la vigoureuse polémique de M^' Fayet, évêque 
fi'Orléans, les liturgies provinciales st^ sont ralliées au rite ro- 
main : Saint-BrieuCj Vannes et Rennes, en 1S48î Quimper, en 

(1) DmwB. Op. cï^tP- '- 



ita 



L. 



If 



24 REVUE DE BRETAGNE 

1852 ; Nantes, en 1858. L'érudition la plus méticuleuse et la cri- 
tique là plus scrupuleuse se sont attachées à cette question et, 
sous la direction de dom Cabrol, les Bénédictins de France ont 
entrepris de la codifier et de résumer les résultats de 60 années 
de travaux dans un gigantesque Dictionnaire d'* Archéologie et de 
Liturgie^ comme ils savent les faire. Et cependant, parmi tant de 
travailleurs et d'érudits, c'est-à-peine si les liturgies provin- 
ciales peuvent reven iiquer un défenseur et s'honorer du labeur 
du chanoine Ulysse Chevalier. La quantité d'hymnes inédites 
mises à jour en Allemagne par M. Clément Blume et Guide, 
Dreves est prodigieuse ; en Angleterre, les vieux bréviaires 
d'York et d'Abersdeen, les Missels d'Hereford, de Westminster, 
de Robert de Jumièges, évoque de Londres, de Léofric, évoque 
d'Exéter ont trouvé de soigneux éditeurs, et des savants ont mis 
tout leur talent à la publication des vieux calendriers ecclésias- 
tiques d'Ecosse et des Martyrologes Irlandais (i). La part était 
assez belle en Bretagne Française pour M. l'abbé Duine sans 
qu'il son'geât à chercher chez les voisins, où son éruHîtion eût, 
je n'en doute pas, trouvé encore à glaner. Cette limitation volon- 
taire dans un champ si riche et encore pour ainsi dire inexploité 
est une marque de méthode et de continence scientifique qu'il 
fallait signaler. 

IL — Le scrupuleux travail de préparation analytique auquel 
s'est livré M. l'abbé Duine lui eût donné droit de nous dévelop- 
per des aperçus généraux sur l'hagiographie bretonne et de 
construire s^nthétiquement quelque théorie définitive. On peut 
regretter qu'il n'ait point entrepris ce travail et qu'il ait voulu se 
borner aux limites d'un répertoire excessivement documenté. 
Il ne reste donc à examiner au point de vue de la méthode que 
les procédés d'investigation et de distribution des documents 
recueillis, analysés et vérifiés. 

Le nom de M. L'abbé Duine et son passô de travailleur 
donnent toute confiance et les lecteurs de V Hermine, de la Revue 
des Traditions Populaires et des Saints de Brocéliante savent ce 
que vaut cet éloge. D'une érudition généralement très informée, 
il sait critiquer et, pour m'exprimer ainsi, donner aux sources 
qu]il utilise un coefficient de crédibilité généralement exact. Je 
ne ferai qu'une légère réserve pour l'abbé Travers, qui semble 

(I) DuiNi. Op, cit , p. 10. 



^ 



NOTES DE BIBLIOGRAPHIE LITURGIQDB BRETONNE 25 

admis bien facilement en si savanteet si impeccable compagnie. 
La critique de sincérité ne trouve pas plus à redire ici que celle 
d'exactitude : j'en citerai comme exemple la façon courageuse 
dont l'auteur dit leur fait aux obstinés partisans de la légende 
de Tapostolicité de l'église de Nantes (1) (p. 28) et dont il malmène 
romans archéologiques à thèse de dom Plaine (p. 137 et alias). 
Le travail de M. Tabbé Duine se compose de cinq parties : 

1* Une Préface indiquant les limites de son étude, la question 
de l'unification liturgique et l'intérêt onomastique des Calen- 
driers. 

2*» Un corps d'ouvrage divisé en neuf chapitres correspondant 
à ce qu'il y eut d'évêchés bretons: au diocèse moderne de 
Rennes fl) auquel ont été rattachés l'ancifin archevêché de Dol (II) 
et l'é vôché de Saint-Malo (III) ; — au diocèse de Nantes (IV), le plus 
ancien de Bretagne ; — au diocèse de Vannes (V), d'origine Gallo- 
Romaine ; — au diocèse de Quimper (VI) avec lequel s'est fondu 
celui de Saiot-Pol-de-Léon (VII); — pour finir avec celui de 
Saint-Brieuc (VIII) qui ne fut constitué qu'au IX* siècle et qui de- 
vait s'aggrandir à la Révolution de l'évôché de Tréguier (IX). 

3° Une Postface où l'auteur examine l'origine des Bréviaires 
et des Missels, diverses questions d'archéologie liturgique» et dis- 
cute l'opifiion de M. de la Borderie sur l'origine Bretonne du 
Manuscrit latin N"" 3 de la Bibl. Nat. dans lequel l'éminent archéo- 
logue croyait reconnaître la Bible déposée au IX* siècle par le 
machtiern Anowareth sur l'autel de Saint-Maur-de-Glanfeuil 
(p. 203). 

4* Un Appendice composé d'Errata et d'Addenda complétant 
très heureusement les documents sur l'histoire de l'Imprimerie 
en Bretagne, contenus dans le^ reste du travail. 

5* Une Table analytique qui est pour les curieux de liturgie, 
d'imprimerie ou d'hagiographie bretonnes^ un indispensable ins- 
trument de bibliographie. i. 

III. — La distribution un peu confuse du volume (certaines 
parties de la Préface auraient demandé à éti'e rapprochées de la 
Postface ; d'autres à être rejetées en Appendice : les Calendriers, 

(1)11 7 a deux' ans (octobre 1905) un miMionn&ire diocésain racontait encore 
dans la chaire de la cathédrale de Nantes la piense histoire du « disciple de 
Saint-Pierre, » et cela tout en connaissant PinTraisemblance de cette légende, mais 
parce que « le père Gahour » TaTait enseigné. Ce fait se passe de commentaires ! 



fe**. 1 



Ll 



2fi ■ REVUE DE BRETAGNE 

p. 9, et les pp. 195 et 203} et sa composition fragmentaire eussent 
gagnées à être fondues dans un ordre plus clair et plus métho- 
dique. Un critique sévère pourrait regretter ]*abondance de cer- 
tains détails et lui reprochert au nom du manque d*unité, le ca- 
ractère de « Miscellanées i» qu'indiquent les sous-tilres. Ne nous 
en plaignons point. C'est un peu, paraît-il, le défaut des érudits 
de dire tout ce qu'ils savent ou .du moins tout ce qu'ils savent 
sur la question. Quand les détails qu'ils nous donnent sont iné- 
dits, gros d'intérêt, sur un sujet des plus attrayants et des plus 
neufs» il serait mal venu de s'en plaindre. Ce serait la pire ingra- 
titude contre [e courageux érudit qui a épigrapliié le résultat de 
Vingt ans de recherches de l'admirable et trop rare précepte d'ab- 
négation qu'enseignait Mabillon (il est vrai qu« c'était Mabil- 
lonî): « Travaillons pour îes autres I ï* 



If 
M13SKLS, BRÈVÏAIRKS CT RITUELS N XNTAÏS 

(Sommaire ChfùnQ-Hibîiographiquf*). 

Dans la i>r(^ûéJeute étude, en même temps que nous signalions 
la limitation volontaire de M, Tabbé Duine dans ses investiga- 
tions sur les livres liturgiques de Bretagne, nous indiquions Tin* 
térêt qu'il y aurait pour un érudit compétent à se faire l'historien 
de notre liturgie provinciale. La liturgie» INiagiographie et Tar- 
citéologie sont sœurs et h::urs destins sont môles. Il ne nous a 
pas semblé oiseux de nous demander pour quelles raisons une 
étude aussi intéressante, aussi grosse de résultats, avait été si 
longtemps différée. Il nous a semblé en trouver les raisons dans 
ce fait que les historiens désignas, liturgistes ou théologiens, sa 
trouvaient le plus souvent chargés d'un lourd ministère ou d'un 
enseignement exigeant leur laissant trop peu de temps pour une 
recherche minutieuse et patiente des documents de leur œuvra 
future. Il nous a semblé également qu'il serait possible à des 
érudits désintéressés de condenser leurs observations etde réu- 
nir les documents qu'ils peuvent avoir pour préparer un travail 
dont les conséquences semblent à l'avance si heureuses. Nous 
avons cru aussi ne pouvoir donner plus de poids à celte remarque 



u 



NOTES DE RTBUOGRAPHIK LITURGIQUE BRETOraE 27 

qu*en dressant une liste sommaire des livres lUurgigiques du 
diocèee de Nantes, en indiquant le lieu de leur dépôt, et les prin- 
cipaux travaux qui les ont relatés.... travail bien incomplet, nous 
le savons, mais qui, nous ï'espérons aussi, ne sera point un obs- 
tacle aux travailieura compétents dans le domaine desquels il ne 
veut point entrer en intrus; — travail incomplet dont la seule 
prétention est d'être premier en date (!) et la seule ambition 
d*être complété. 

L'office divin remonte aux premiers siècles deTÉglise. Tertul 
lien en marque l'ordre des prières et au Vl" siècle, sous Gélestin^ 
rorjlce de Rome reçoit sa constitution définitive et serôpand dans 
VilgWsB, Au VIl^ siècle la France le possède, au IX** siècle il y 
parvient h son apogée : son texte intégral ost constitué et le point 
culminant de son fiéveloppement historique atteint. De cette pé* 
riodôde **ph>nfii'ur noire i iturgie provinciale nt^ nous a rien laissé» 
rien que des ritess ancienarecueiliisdans les ouvrages postérieurs- 

Au XIII" siècle, sont portées les premières atteintes à Tonice 
basiUcaU Une bulle de Grégoire ÎX, en date du 7 juin 1241, au- 
torise un abrégé de l'ofïîce, bréviarium porlaiilinm. C'est à cette 
époque que remonieni nos plus anciens livres liturgiquefi 
NaDtai« connus. {Missel de Barbechat^ Ordinaire de 1263). 

Malgré les relations nouées entre la Bretagne ot Rome dès le 
XV* siècle, notre liturgie, en raison de la distance sans doute et 
d'une opiniâtreté traditionnelle, se préserve des réformes huma- 
nistes patronnées par Nicolas V, Pie 11 et Léon V, auxquelïes 
venait tieureusement mettre un terme ta prise de Rome par 
Charles-Quint en 1527. La réforme du Bréviaire par le G-irdlnal 
de Quignoneu, sous le Pontifical de Clément VU qui avait repris 



(I) Toute r^er Te e«t faite évîilemtnent pouc Ih lieau IrnvàLl dis M. Tabbé Oui ne 
qui s'Atead^ pour ia partis Nantaise^ à 10 manuâcrlL^ (j Bréviairei et & Miiaeh^ et 
à S imprimé» (4 UrévifLirea et i Mi^b^U/. -^ Pour aimpli&^c le» référtïncûs nous 
indiquons par D, ]«s tijutoîb aux Bré maires et Missels des Eff lises ei Abbayes 
breionnns dû France antérieurs au XVII* siûcie de M. l'ab&é Oui ne (Rennes» 
1 90H)« et par P, oeux au T. i du Catatotjae Méthodique de la tiibl. de Nantes par 
Ml iîjf, Pbbant (Nante», I8i§)* Les numëro^ correapondurtl aux cote* da clauia- 
ment portés p^f les volumes dans ces deux catafo^ue:^. 

A consulter (jncoro : MisSiv et o/ftda propria diœcesis Nannetetuis {KAtiUit^ 
1S57); — Idr RicHAfin, Etude sur la Lé(jend& liturgique de saint Clair {^^niûw^ 
\êBb); — LkA BoRDiais, Arufnnes du BibUophiU Bretont t. i, cb. a.., l'Imprime' 
Hç <X IÇantes au XVP siècle {H^naa^, ISSLi) ; — M"^ vb^ Granobb i>a Suuûiiais. 
Le* Imprimeurs Naniais (Paria^ 18^8) ; — Travers. Bistoire de Nanies^ (ATtc 
flîtdoDspeation et loui réserves de contrÛIe) ; etc» 



28 REVUE DE BRETAGNE 

le projet de Léon X, fut trop éphémère pour avoir eu un écho 
jusqu'en nos liturgies. Imprimé en 1536, ce bréviaire était déjà 
abandonné en 1558. 

Le concile de Trente s'occupe activement de la réforme du Bré- 
viaire. Paul IV fait la réforme si désirée en 1568. Pie V eo achève 
l'édition. En 1602, dément VIII fait reviser les textes ; Urbain VIII 
modifie les hymnes et les leçons; Léon XII établit les règles de 
translation des fêles et institue des offices votifs. La rivalité de 
la liturgie Nantaise et du rite Roqpain et la prédominance labo- 
rieuse de ce dernier devra faire ro|3Jet d'un des plus intéressants 
chapitres de la future histoire de fa liturgie Bretonne. 

Une autre période également curieuse sera celle de IMn- 
fluence Janséniste et de la réaction Gallicane contre l'influence 
Romaine. Dès 1680, François de Harlay réforme le Bréviaire pa- 
risien dans un esprit gallican qui influe sur celui du Bréviaire de 
Cluny de 1686. Puis, dans un esprit Jailséniste de plus en plus 
accentué en 1727. le Bréviaire de Poissard, ceux de Sens, 
Auxerre, Rouen, Orléans, Lyon, en 1736, celui de Paris réformé 
par l'archevêque Vintimille: mouvement dont les derniers efforts 
aboutissent aux Bréviaires de Toulouse, de Chartres et à celui de 
Poitiers réformé par le Lazariste Jacob. A ce dernier, se rallie 
le diocèse de Nantes sous l'épiscopat de M«' de ia Laurencie jus- 
qu'à la réforme de M^ Micolon de Guérines en 1836. 

L'église française de l'abbé Chatel eut dans le temple du Sani- 
tat des partisans assez nombreux et obstinés. Nantes fut un 
centre ardent de prosélytisme et plusieurs volumes de cette pré- 
tendue liturgie nationale y furent, croyons-nous, imprimés. 

En 1853, M*^ Jacquemet réunissait une commission liturgique 
sous la présidence de M^ le Cardinal Richard, alors Vicaire général 
du diocèse de Nantes En 1857, le travail était achevé, ses conclu- 
sions publiées, et le diocèse de Nantes rattaché au rit Romain. 

Tels sont, à brèves étapes, les rapports de la liturgie Nantaise 
avec l'histoire de la Liturgie ; résumé qui n'a d'autre but que de 
relier un peu, pour le lecteur, le sommaire chronologique suivant 
aux grands courants liturgiques. Des raisons, purement maté- 
rielles sont causes de la distribution arbitraire en Bréviaire et 
ses parties (B) auquel ont été rattachés les Heures et les Propres, 
les Psautiers et les Vespéraux; - Missels et ses parties (M), Gra- 
duels;"— et Bituels (TR), Processionnaux, Ordonnances et Man- 
dements (du moins ceux qui présentent un intérêt liturgique 



NOTES DE BIBLIOGRAPHIE LITURGIQUE BRETONNE 



29 



réel). Il nous a semblé inutile de faire rentrer dans cette biblio- 
graphie les Manuels et Paroissiens modernes (Bibl. de Nantes, 
!!•* 11.972. 11.973, 11.975), les OrdoSy les publications liturgiques 
particulières : Bénédiction des saintes-huiles. Réceptions dévêque 
(Bibl. de Nantes 11.976 à 11.978, — 11.964), les Hymnaires ou 
Cérémoniaux monastiques, [Cérémonial à Vusage des reli- 
gieuses de Tordre de Sainte- Claire de Nantes. Nantes, Henry de 
Graeff, 1681, in-8*», P. 1368; — Recueil d'Instructions des Dames 
du Calvaire de Nantes^ P. 1366 ; — delà Grande Providence. . . etc. .), 
les publications protestantes, [Recueils de cantiques, hymnes etc. 
Nantes, Brun, 1812, in-8**,etc...) qui n'auraient avec l'histoire de la 
liturgie proTinciale qae des rapports éloignés et sans grand intérêt. 

SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE DES LIVRES LITURGIQUES 
DU DIOCÈSE DE NANTES 



B. 


M. 
XII* 8. 

XIV«S. 


R. 

1263 


XIV 8. 




^ 


XIV 8. 







Missel de Barbechat. — Bibl. Nationale^ 
ms. lat. 1890 des nouvelles acquisi- 
tions. — (D, 39 ; — et J. Angot, Le Mis^ 
sel de Barbechat, Nantes, Dugas, 1907, 
in-8*) 

Nannetensis ecclesie Ordinarium, dit 
Ordinaire du chantre Elie. — Paris, Bi- 
bliothèque Sainte-Geneviève, ms. 1251. 
(D, p. 83 ; — M«^ Richard, op. cit. 
p. 13-20 ; — Hist. Littéraire de la 
France, t. xxix, p. 606-612, souB la 
signature de L. Delisle.) 

Bftissel de Barbechat > dit Missel des 
chantres. — A la Fabrique de Barbe- 
chat. - (D, 40.) 

Breviarium ecclesie Nannetensis. — 
Bibl. de M. le chanoine Ulysse Cheva- 
lier. — (D, 30.) 

Breviarium ecclesise Nanneentsis. 
Fitzwilliam Muséum de Gam bridge, ms. 
31. Bréviaire dit de Raoul Trial (proba- 
blement Tuai), chanoine de la collégiale 
Notre-Dame de Nantes et confesseur 
de François II. — (D, 31.) 



30 



REVUE DE BRETAGMj: 



Sommaire chronologique des Livres liturgiques (suiie) 



N" 


B, 


M, 


H. 






1427 

1 

1 
1 






Breviarum secundum usum ecclaaie 
Sancti Petri Nannetenais. — BibL. de 
Xaatefip ms. lathi 25. Brévi&ire dit da 
1400 par les auteurs du travail litur- 
gique de Id^l : Missae et officia propna* 
n'' 105 — (D, 32; — et P, 1:^8^0 


1. 


1470 




k 


Breviarium secundum usum eodesw 

If annetensis or dinar ium .— Bréviaire 
dit de i470 par les auteurs du N" 105. 
Bibl.de Nantes, ms. lat.26. — (D.33;— 
et P, 1290). 


8. 




xy«8. 




Missel des Carmes de Nantes. — Col- 
lection Henry Yates Thomspson. — (D, 
41.) 


9. 




XV«s. 




Missel de Nantes. — Bibl. du Qrand- 
Séminaire de Nantes. — (D, 42.) 


10. 


? 






Office manuscrit de Saint-Viaud.^Cité 
par Albert-le-Grand ; pas d'exemplaire 
connu. — (D, 34.) 


11. 


? 






Bréviaire manuscrit de l'abbaye de Saint- 
Gildas-des-Bois. Cité par les Bénédic- 
tins bretons. — (D, 35.) 


12. 


? 






Blissel manuscrit des Chartreux de 
Nantes. 


13. 




XVI« 8. 




Bfissel de Nantes. — Bibl. du Mans. ms. 
223. - (D, 43.) 


14. 


1480 






Bréviaire de Nantes. Imprimé à Venise 
par ordre de Pierre, du Chaffault, 
évoque de Nantes. — Pas d'exemplaire 
connu. — (D, 36.) 


15. 




1482 




Missel de Nantes. Imprimé & Venise 
par ordre de Pierre du Chaffault. — 
Bibl. de Nantes. — (D, 44 ; — P, 1276 ; 
etTra,YeTS,Hist.de Nantes, t.n, p. 180). 


16. 


1498 






Heures à Tusage de Nantes, imprimées 
chez Ernest Larchier à Nantes. — (P, 
1315.) 


17. 






1498 


Manuel de Jean de rEspinai(?)— (Travers, 
Elit, de Nantes, t, u, p. 366.) 



NOTES DE BIBUOGRÂPUIE UIURG1Q0E BEKTONISË 



31 



Souunaire chronologique dea Livres liturgiques (suile) 



N- 


B. 


M. 


R. 




m.- 


XV" B. 






Bréviaire de Nantes, en Z vol. (?}, im- 
primé sur peau de velm par Est. L&r- 
chier. D'après Armand Cigongne. — 
(P, 1290.) 


19. 


y. 


1501 




Missel de Nantes, imp. par Gnîtlattme 
Larchier. Révision du Missel de Pierre 
Ducbaffault de 1482, par ordre de l'é- 
irôque Guillaume Guéguen. — Men- 
tionné par Travers ; pas d'exemplaire 
connu. — ( D, 45 ; — La Borderie, Arch. 
du Bibliophile Brêtan, t. i, pp. 44, 46, 
47, 107, 117 ; Travers, Bist. de Nantes, 
t n, p,255.) 


20. 


1502 






Heures à Tusage de Nantes « imp. à Paris 
pour Simon Vostre. — (P, 1315.) 


21. 


1517 






Heures à Tusage de Nantes. — La Bor- 
derie, Arc^. duBibi. BrMon, X, i, pp. 
45, 49, 118.) 


22. 


1518 


1 




Breviarium secimduna eccleBÎae naune* 
tensis ordinarium, 2 vol. in- 12, par 
ordre de Tévèque Fratiçois Hamon et 
du consentement du chapitre, Paris^ 
1518." Bibliothèque de Më^ le cardinal 
Richard, ancien président de la Com^ 
mission Liturgique de 1857.— (D, 37 ; 
et Travers, Hist. de Nantes, t. u, 
p. 2790 


23. 




1520 




Missel de Nantes, in^'', imprimé à 
Nantes ùhëz Mart Morin. - Bibl. Na- 






1525 




tionale, Réserve, Inventaire B, 1814. 
— (D. 460 
Missel de Nantes, sans mention du cha- 
pitre, sous le nom de l'évoque François 
Hamon et avec ses armes ce qui est 
sans précédent, ^ [Travers, Bût. de 
Nantes, t. it, p. 283). 


24. 






1525 


Rituel à 1 usage de N^mtes. — (Travers, 
Hisi, de Nantes U n, p. :^40, 



32 



REVUE DE BRETAGNE 



Sommaire chronologique des Livres liturgiques [suite) 



N«- 

25. 



26. 



27. 



28. 
29. 
30. 
31. 

32. 



33. 
34. 

35. 



1555(3) 



1556 



1582 



1598 
1611 

1611 



1588 



R 

1554 



1556 
1560 
1562 



Mani^el de Antoine de Gréqui, évéque 
de Nantes. Imprimé vers 1554, à Paris, 
par Jean Le Blanc, pour Mathurin Pa- 
polin et Gabriel Le Plat. In-8». — Bibl. 
de Nantes. — (P. 1.319; — Travers, 
Hist. de Nante^t, ii, p. 376 ) 

Bréviaire de Nantes, en deux volumes, 
mentionné par Albert le Grand. — (D, 
38 ; — Travers, Eist. de Nantes, t. u, 
p. 366-367.) 

Bréviaire de Nantes, imprimé à Paris, 
chez Yolande Bonhomme, aux frais de 
Mathurin Papolin et Guillaume Le Plat. 
Partie d'été. — BibL de Nantes, nou- 
velles acquisitions. — (D, 38*^.) 

Manuel. Nouvelle édition du n» 24. — 
(Travers, loc. cit., p. 366.) 

Processioxmal.f — (Travers, op, et ^ , 
p. 366.) 

Processionnal. — Nouvelle édition du 
précédent. 

Heures de Notre-Dame à Tusage de 
Nantes, imprimées à Paris, chez Nie. 
Chesneau. - - P, 1315.) 

Missel de Nantes» Nantes. Vincent Hu- 
cet, in-fol. — Bibl. de Nantes. (D, 47; 
— P, 1.277; — La Borderie, op. cit., 
p. 77, 82, 118; — Travers, op, cit,, 
t. m. p. 15.) 

Heures à rusage de Nantes, imprimées 
à Nantes, par P. Dariou. — (P, 1315.) 

Bréviaire de Nantes. — Bibliothèque de 
M. Boismen, président de la Commis- 
sion de la Bibliothèque de Nantes. — 
(D, p. 93.) 

Propre de Nantes, « accommodé » à 
Tusafre de Rome par ordre de Mg' de 
Bourgneuf. — (Travers, op, cit., t. in, 
p. 166.) 



KOTES DR BIBLIOGRAPHIE LITURGIQUE BRETONNE 

Sommaire chronologique des Livres Jiturgiques (mite) 



33 



» 



36. 
37. 
38. 



B. 



39. 

40. 
41. 
42. 



1615 



1613 



1617 



43. 



1622 

1622 

1623 

1631 (?) 



1638 



44. ' 1639 



45. 

46. 



1642 



1644 



Juillet t$07 



I^rocessionnal , par ordre de Mgr de 

Bourgneuf. — (Ihid.) 
Propre des Messes, par ordre de Mgf de 
Bourgneuf. — (/ôid.) 

Rituel Romain de Paul V, imprimé par 
ordre de Mgr de Bourgneuf en rempla- 
cement de celui d'Antoine de Créqui de 
1554 [no 24]. - Bibl. de Nantes. — (P. 
i319 ; — Travers, op. cit., t. m. p. 166.) 

Bréviaire de Nantes. — Bibl. Mazarine, 
à Paris dans un volume intitulé : Li- 
turgiae diversae et rittis diversi; cote 
11.846. — (D,p. 93.) 

Proprium Sanctorum, de Vincent Char- 
ron, chanoine. 

Bréviaire de Nantes, musée BollaDdien 
de Bruxelles. — (D, p. 93.) 

Petit office du très auguste et très 
Saint-Sacrement, avec les statuts et 
règles de la vénérable archiconfrérie 
dudit Saint- Sacrement érigée à Nantes 
dès l'an 1462. — Première édition sup- 
posée. — (P. 1310.) 

Réimpression du Propre de Vincent 
Charron, (n° 40), sous Mr de Cospéan. 

Propre, réimpression du précédent. — 
(Travers, op. cit. t. m, p. 301.) 

Propre, réimpression du précédent. — 
[Travers, op, cit. t. m, p. 311.) 

Graduel de Guillaume Le Boucher, 
chapelain de l'église de Nantes, édité 
sous Mgr Ch. de Bourgneuf et ensuite 
Mgr Gabriel de Beauveau. Un curieux 
exemplaire appartient à la Fabrique 
de la Chapelle-sur-Erdre. Frontispice 
orné, première page armoriée et do- 
nation de Guillaume Libor du 28 mai 
1651, dates de réparation. Sur d'autres 
pages quelques notes intéressantes 

I 



_Lê_. .i 



REVtJB DI BRETAGKE 



Sommaire chronologique deà Livras Htorgiqtieà (saiti:} 



K-' 


B. 


M. 


R. 


Ènr iBt Graïid9-Ch&ntr€s de la Collé- 
giale et leurs charges, — Cf. Semaine 
Rêligl&use de Nantes , 1895» pp. Ii65< 


47, 
1 ' 


1666 






L office de la Semaine Sainte, par F. 

Gailldu. Nantes, André Querro. —BlbL 










de Nantes. — (P, 1309.) 


48. 




1668 




MêBSea propres, éditées par ordre de 
Cb. de Bourgneur. Nantes, Pierre 
«itierro. — BibL de Nantes. — (P, 1278). 


49. 


1675 


1 




Propre de Nantes, rèéditioTî des Propres 
de Charles de Bourgneuf et de Gabriel 
deBéativêau par /T^^gidius de la Baume 
Le Blanc, chez Pierre Querro, in-8«. — 
BitfL de Nantes et du Grand-SémiDaire. 

' - (P. Là98.) 


m, 


1675 






Officia proprîa pltmxnornm aancto- 
f mn. . . Nan tes » Pierre Querro, pet. m-8. 
- BibK de Nantes. ~ (P. 114S.) 


• 51, 




1682 




Uîssae de plurlbus sanctis a summis 
Fontîficibus con cessai. Vantes, cbez 
Michet Mareschal, in-ïol. — Bibi. de 
Nantes, — (P, 1279,) 


52. 






1691 


Ordre des processions générales du 
diocèbe de Nantes aux temps de 
Pâques, Rogations et la Pentecôte. 

— Nantes, Pierre Querro, pet, iiï-l2, 

— BîbL de Nantes. — (P, 12840 


53. 


Ifîîe- 

17D0 






XV anne^tes du propre de UHS (n* 49), 








imprimés à Nantes, chei Joseph * de 










ilenquevnie (P, IS98)> bous le titre 


1 








Supplemmia. 1695. — (P, 11-971) 


54. 


1604 






Troisième édition du n"* 42. Nantes, 










Querro et Nie, Bailly, pet. in- 12. — 
Bïbt. de Nantes, — (P, 1310.) 


55. 


1721 






Propre de Nantes. — BibL du Grand 
Séminaire de Nantes. (P, p* 93,) 


&6. 


1725 






NouTetle édition des n"** 42 et 54. Nantes^ 
Nie. Verger, pet. in- 12. — Bjbl- de 










Nantes. — (P, 1311.) 



I 



NOTÉS DE BIBLIOGRAPHIE LITUKOIQUK BRETONNE 



35 



Soibitlai^é chrdttoïogiqub des LiTres liturgiques (suile) 



S8, 



m. 



eo. 



62, 



63. 



64. 



65. 



m. 



tj7. 



68. 



1726 
1728 



1729 



1730 



1733 



1733 



1737 



1737 



1733 



1740 



1730 



1733 



17i6 



Offlma fîfb^i Sanctoràm de hoto 
co0GeBsa(... Nantes, Nié, Verger, Ï0- 
î£. — BitL de Nantes. — (P, 1 147.) 

Livre d'églilé Selon le romain à Ttisage 
de NflDtes^ imprime, atir Tordre de 
Mgr Chr.-LoTiiB de San»»y» chez Nie. 
Verger, Z toI. pet iu-l£, — BibL de 
Nantes. "(P. 1313.) 

Ofâde de la Semaine Sainte à lusage 
de Rome selon le nouveau Bréviaire. 
NânléB, P.'lsaao Brun, in-lâ. — Bibi. 
de NantéB. —(F, 1, 1^^.) 

Lanneutatioiiea Jèremi^, Nantes. Nie. 
V6rgerJ730.— Bibt.de Nantes.— (P,ll&6)- 

Diumal. Nantes, 1730. — (La Bordeii©, 
Arch. du BM. Breton, t. i, p^ 1320 

Noutelie édition du Propre de 1675 
(n° 49) suf rdrdre de Ms^ Chr.- Louis 
Turpin Crissé de Sansay. Nantes, Nie. 
Verger, in- 12. — Bibl. dé Nantes et du 
Grand Séminaire. — (P, 1299.) 

ÏUtuale parvum, par ordre de M^ de 
Sansay. Nantes, Nie. Verger, pet. in- 
1-3. — Bibh de Nantes. -- (P, 1323.) 

Graduale et Vespéral Proprii sanoto- 
rum Nanuetensium. Nantes, Nie. Ver- 
ger. -- BibK de Nantes. — (P, 11.969.) 

Heures & Tusage de Nantes. Nantes, 
Nie. Verger, in-8". — Bibï. de Nantes. 
— [p, 1315.) 

âorSt ditim» Bretiàrii Romani. — 
Nantes, Mie. Verger, in-l6. — Bibl. de 
Nantes. — (P, 1137.) 

Missœ in agenda defunctorum, Nîci 
Verger, Nantes, 1740, in-4^ — BiW, 
de Nïtntea. - {P, U S^O 

Manuale ordiuandorum... Nantes, Nie. 
Verger, 1746, in- 12. — Biil* de Nantes. 
^ (P, ie07.) 



JL 



u 



tlBVUfe DE BRETAGNE 



Sommaire chronologique des Livres liturgiques (saite) 



N" 


B. 


M. 


R. 


^ 


e». 






1749 


Processions générales. Nantes, V^e Va- 
tar, pet. in-l2. — Bibl. de Nantes. — 
(P, 11968.) 


70. 






1755 


Nouvelle édition du Rituel de 1733 (n* 63) 
par Mgr Pierre Mauclerc de la Muzan- 
chère. Nantes. Jos. Vatar, in-12. — 
Bibl. de Nantes. -(P, 1323.) 


71. 


• 




1756 

1 


Ordre des processions générales du 
diocèse de Nantes. Nantes, 'Jos. Va- 
tar. pet. in-12. (Cf. hoi9.) — Bibl. de 
Nantes. - (P, 1285.) 


72. 






1767 


Deuxième édition du Manuale ordinan- 
dorum (n' 68.) — Bibl. de Nantes. — 
(P, 1208.) 


73. 




? 




Missae propriae ad usum diocesis Nan- 
netensis. Nantes. Busseuil aîné, in-fol. 

,(P, 1279) (1). 


74. 






4772 


Troisième édition du précédent. — Bibl. 


• 








de Nantes. (P, 1209.) 


75. 


1773 






Manuel de Saint-SimiUen. Nantes, Va- 
tor, fils aîné, in-12. — Bibl. de Nantes. 
- (P, 1312). 


76. 


1775 






Journée du Chrétien. -^ Nantes, Vatar, 
aîné, in-12. — Bibl. de Nantes. — 
(P, 1171). 



(1) Les Tolames suiTanU ont été en usage dans le diocèse de Nantes jusqu'au 
renouTsUement des lirres liturgiques entrepris en 1837 par Mr Mieolon de Quéri- 
nes. N"* 93, 94, 95. 



A. 

B. 
C. 



M. 

1767 



1788 



R. 



1771 



Missale Piotavienr.e, imprimé par ordre de 

Ml' M.-L. de Beaiipoile de Saint-Aulaire. 

Poitiers, F.^« Faulcon, in-fol. — Bibl. de 

Nantes. - (P. 12&7.) 
Proceasional du diocèse de Poitiers. 

iWd..., — Bibl. de Nantes. — (P. 1Î59.) 
Graduel du diocèse de Poitiers. Ibid. 

Poitiers, F. Barbier, in-12. — Bibl. de 

Nantes. — (P. iîb$.) 
A la fin du Missel m^ trouve en supplément 

le n* 73 ci-dessus. 



H 



w 



NOTES DE BIBLIOGRAPHIE LITURGIQUE BRETONNE 



37 



Sommaire chronologique des Livres liturgiques [suite) 



H» 


B. 


M. 


R. 


T7. 






1776 


78. 






1777 


79. 






1779 


80. 






1782 


8t. 


1782 
1782 






82. 


'} 






83. 

( 


9 






84. 






1782 
1782 


85. 


1789 







Rituale Nannetense 'Nantes, Jos. Vatar, 

in-12. — Bibl. de Nantes. — (P, 1221.) 
Nouvelle édition du précédent chez J.-B« 

Despilly, in-12. — Bibl. de Nantes. — 

(P, 1322.) 
Excerpta ex Rituaii Nannetensi^Nantes. 

Jos. Vatar, pet. in-12. — Bibl. de Nantes. 

- (P, 132). 
Nouvelle édition du précédent. Nantes, 

Despilly, in-12. — - Bibl. de Nantes. ^ 
(P, 1326.) 

A. Nouvelle édition du Propre de 1675 
(no» 49 et 62) par ordre de Mp Prêtât 
de Sarra. — Nantes, Despilly, in-12. 

— BibL de Nantes. — (P, 1300.) (1). 

B. Edition du même, Itnd. (BibL de Nantes 
n<> 66-469). 

Officia propria quorumdam sanctorum 

recentium... (annexé au précédent.) 
Supplementum ad horas diumas pro- 

prii SS. Nannetensium, s. 1. n. d. 

(Nantes, XVIll^ siècle.) — Bibl. de 

Nantes. — (P, 1301). 

A. Troisième édition du Manuale ordi- 
nandorum (n<> 68). Nsintes, Brun aîné, 
in-12. — Bibl. de Nantes. — (P, 1210). 

B. Quatrième édition du même. Ibid. — 
Bibl. de Nantes. ~ (P. 1211.) 

Heures de Notre-Dame. Nantes, Oigou- 
geux, pet. in-12. — Bibl. de Nantes. — 
(P, 1163.) 



(1) M. l'abbé Ch. Gaignard, (1735-1801), principal da collège d'Ancenis, a laiMé 
de curieux manuscrits liturgiques. Dans l'un d*euz (Fautes à corriger dans les 
hymnes du Bréviaire de Paris) se trouvent quelques très curieuses pages sur 
un Projet d'un bréviaire général du Royaume sur le modèle de celui de Bourges. 
Un autre travail : Remarques sur le nouveau Propre Nantais (daté du 22 août 
1787) intéresserait particulièrement les travailleurs de notre diocèse quoique 
Tauteur se soit plus attaché à des critiques de formes qu*à un examen liturgique 
ou hagiographique du nouveau Propre. 



I 



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Rfivi7B w Bmufim 



SQvimm» pî»i»Mî«gifiLu» *e» y^m ^msmm^ (w» 



8Ç. 



87. 



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9fi, 



91. 



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93. 



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95. 



96. 



«7. 



B. 

171» 1 



1800 



m^ 



1828 



1836 



m 



1800 



1837 



1837 



1837 



R. 



1^ 



t8^ 



Rj^^û^i^ Nannetense, par or(^^ de 

Mgr di.-Butr. de la Laurençie. Ver- 

j9^1[p^, ^b.rD. Pierres, in-12. — pibl. 

4g Nantes. — (P. 1291.) 
Missel ft Bréyiaire romain à Tusage 
'^^ Ipigjl^. Nanteç, Vve l^aj^ssis, 

iSDp, iD-18. — Bibl. de Nantes. — 

(P. 1172). 
Pl*^f8f ?8F ^®* prpcessions g^né- 

ri^s^ Nantes, M"»*» Malassis, in-8*. — 

Bi^l. de Nantps. — (P, 1286.) 
NouyelJ^ éditiop du précéjlent, ibjd. — 

Qibl. de Nantes. — (P, 1287.) 
IJquypll^ éditiop du n« 81. Nantes, F.-C. 

ilellinpt-Mal^sis, in- 18. — Bibl. de 

Njptgf. ~(P, 1173.) 
C[yxp^e9 des vêpres (traduites). Nantes, 
' '^ef|iijpt, Malasgis, 18^. ift-12. — ^ibl. 

jièiyai^tes. — (P, 1144.) 
S^cgfPta ex RitualiNaxmetpnsi.N^qtes, 
"^^f^inpt. — Ifalassis, in-12. — Bibl. de 

^çi^tei|. — (P,66.470.) 
Pr^l4ar|u]n Npinetenpe, par prdre de 

M^r Jos.-^. Micolon de Ouéripes. 

ÎJ^nte8,Mersqn,in-12.^Bibl.de Nantes. 

-(p, 1292.) 
Ypf péf ^ ^|*i;)8^e du diocèse deNantes, 

PfLr ordre dç Me^ Jop.-M. Micolon de 

JJu^lfiijes. Naïf tes, Merpoi{,in-12. — ^ibl. 

fjgîjantes. — (P, 1294.) 
Ijlisgi^e Nani^etense , par o^rdre de 

Mgr Micolon de Guérines. Nantes, Mer- 
son, in-fol.— Bibl.de Nantes.— (P, 1280.) 
I^|ibriçae Mipsalis Naimetensis.Nant€|8, 
' Jijftrpofj, in-S*^. — BiH. de Nant«8- — 

(R, 1281 Qt 66-468.) 
Graduel à Tusage du diocèse de Nantes. 

Nantes, Merson, in-12. — Bibl. {le 

Nanteg. — (p,'j282.)' 



NOTES ÙB BIBLIOGijiAPIiip HTMSÛIQUK BBETOSNIS || 

Sommaire cjirojiolpgiqjjp d^s U^vfm Iit^rgjfl^e9 (*Wf(rt 



r 



100, 

103. 



1838 



tB39 



1Û4< 



105, 



1845 



Î845 



1847 



1845 



ï*i?7 



fSil 



1867 



|TrqcQ^siQiiD4l à l'usagée du dioc^sâ de 
Nantes. Nantes, Merson, in- 12. — 
Bijbl. de Nantef . — {P, 1288,) 

y^ppë^a}. Extrait du n*» 1.294 de la ^ibl. 
de Nantes, 1829. — (P, 1 1 .953.) 

Qré7i4ire laïc dû Nantes. Nantes, Ju- 
gu&t^Bifsseuil iimp^ Merson), in- 12, — 
6it)). de Nantô^. ^ (P, 1314.) 

I^fittrp c^culaîre de U^^ de Heroé au 
mjet des liifrea iitturgiquôs, (s. 1- n. d.) 
(Naotes, imp. V*"^ C, MelLinet, in-4'*).— 
BibL de Nantes. —(P. 1304.) 

Graduel à Tusage du diocèse de Nantes. 
NantâlB, Merson» gr. in-fol. — BibL de 
Nfrntes. ~ (P, 1283). 

A* Vp^péjp^al à 1 usage ^u diocèse de 
Nantes. Nantes. BourgiDe, Maneaux 
^t G'\ gT. in-fol. — BibL de Nantes. 
-^ (p, 1295). 

B. Supplément au . vespéral If^pt^fl^ 
If anuacntdi^ X[K«^ièpleiii-8% i^paff9|. 
" (P, 129^ ; — ^fs. façc. Z7 de \^, Biy. 
de Nantes). 

Psautier à l'usage dudîpcèse de Nantes. 
NanteSp Bonrj^ina Maneaux et C**. in-fol, 

— BibL de Nantes. — (P, 1293.) 
Missae et ofâcia propria diœcesis 

Nannetensis. — Nantes, V^<' Mellinet* 
grand in-4\ Traraii de la commission 
liturgique instituée par M^^ Jaquemêt 
et présidée par Ms^ F. Richard, alors 
vicaire général (l), — Blbl. de Nantes, 

— (P, 1302), 



(I) Mgr Richnrd a traduit une partie des Adnatatûmes Prev^i^ doAt il avait 
fait précéder ce travail» dans aon Etude sur la l^^gende liturgique de Saint-Ciair 
(op. cit, p. S^29}. On y trouve â^ ncïinbt^tii renseignemenia lur \ Ordinaire de 
2n, leH Bréviaïreâ de 140 Ci, UTO» Iblfietc, 



40 



REVUE DE BRETAGNE 



Sommaire chronologique des Livres liturgiques (suite) 



106. 
107. 



108. 



M- 



109. 



R. 

1858 
1858 



1858 



1858 



Ofûcia propria diœoesis Nannetensis. 
Tours, A. Marne, in-12. — Blbl. de 
Nantes.— (P, 1303.) 

Mandement de Mg^^ Jacquemet pour le 
rétablissement de la liturgie romaine 
dans son diocèse, 28 février 1858. — 
Nantes , V^« C. MeUinet- — Bibl. de 
Nantes. — (P, 1305.) 

Lettre circulaire de Mgr TEvêque de 
Nantes au sujet du rétablissement de 
la liturgie romaine, 28 avril 1858. — 
Nantes, V'° Mellinet. —Bibl. de Nantes. 
— (P, 1306.) 

Lettre circulaire de Mg^ l'Evèque de 
Nantes sur diverses questions rela- 
tives au rétablissement de la liturgie 
romaine, 31 mai 1858. — Nantes, V^« C. 
Mellinet. — Bibl. de Nantes. —(P, 1307. 



Ce travail présente bien des lacunes ; nous le savons. Nous es- 
pérons qu'il soulèvera des critiques qui ne peuvent venir que du 
public compétent, malheureusement trop indiiTérent à cet ordre 
de questions et— à part de nobles exceptions. — souvent doulou- 
reusement sceptique à l'égard des travailleurs auxquels il laisse 
prendre sa place. Ces critiques seraient bien venues ; elles 
seraient une collaboration indirecte et inattendue au travail de 
collection de documents d'une future histoire de notre liturgie 
provincial. C'est là tout notre désir et il suffisait à légitimer ce 

travail! 

Joseph Anqot. 




HISTORIQUE D'UNE SUCCESSION 

DONT LA LIQOIDATIOlf MU 35 iNNÉES 

B APRÈS LES ARCHIVES DU HOURMELIN 



Le marquis Je Qusrhoent (1) Coetanfao (2). Sire de KfiRGouR 
nadeg'h (3)^ flls cadet de Messire François de Querhoeiit, sei- 
gneur rie GoetanfcLO et de damûîselle Anne de Ketonzéré» était 
lieutenant des chevau-légersde la garde, lieutenant général des 
armées du roi, chevalier d"honncur de M"" la duchesse de Berry, 
fiHe du Régent. Il avait épousé la fille d'un conseiller au Parle- 
ment, petite-flile de M""" de Molteville si connue par ses mé- 
moires, qui était dame de la duchesse de Berry. Elle mourut en 
i715, laissant tout ce dont elle pouvait disposer (500.000 livres) 
au duc de Saint-Simon, lequel comprit, sans autre indication» 



(1) Ou Kepc*bûant on Kerho«nt ' 

{%) Coâiaafao : viâiilti famUle bret^ane /otidu« dans Plœtic et la branche do 
eellé-ci dafli Quarlio^tit. , 

(A) Kergourna^dee^h, ausii trèi vieiUe t'amiUe bretonne fondue au XYl* sièola 
d&ns Qutirhoent pîir le mariage de Jeanne, &Ue de noble et puissant Français de 
KergournadtiC^h, aëiiiçneiir dadil lieu et de CoetquelTen, dame da Lanivinoia avec 
noblfj tft puiaflaat Alain dd Ker^^oent, seigneur de Troheon. Suivant une tradi- 
tion rapportée p^r Albert le Orand, cette famille aurait pour auteur un jeune 
l^errier de Cledt^r, nommé Nuz, Qui combattit au Vl' aiècie un dragon qui dé- 
solait Le Léon et à qui Guitar, lïomte du pajSr donna en récompense la terre 
qui, en mémoire de iou exploit, fut appelée Ker-gour-na-dech (la maison de 
rbomme qui ne fuit pas) (Courcj), Cette branche des Querboent portait pour 
armes : Losange d'argent et de sabUt écartelé de Kergoumadéù^h et de Coetan^ 
fao. Devise : < Sur mon bonneur- » 



42 REVUE DE BRETAGNE 

que ce n'était qu'à titre de fidei commis, et qui, après un procès 
suivi de conciliation avec les héritiers devant le Parlement de 
Rouen, en fit la restitution au marquis de Querhoent, son mari. 
En reconnaissance de Thonorable procéda du duc, le marquis 
de Querhoent lui offrit pour 20.000 écus de « belle et bonne vais- 
selle » à ^§s armes (1). 

Le frère du marquis de Coetanfao» Rolland François de Quer- 
hoent était évêque d'Avranches et mourut en 1719. 

Voici ce que dit Saint-Simon du lieutenant général, marquis 
de Goetanfao. 

« Il était riche, vivait à l'armée et partout fort honorable- 
ce mei^t et 4^it lie^teq^pt çéxi^v%\, i|içtip|sru^ pap $6? actions et 
« par son désintéressement, et adoré et très estimé dans la mai- 
a son du roi, où il était premier sous-lieutenant des chevau- 
« légers de la Garde. Je Ss devant moi donner parole par M. le 
« duc d'Orléans, Régent alors, de le faire chevalier de l'Ordre à 
« la première promotion qu'il y aurait, le régent n'en fit pas 
« faire (2).... » • 

Il mourut £ans enfants en 1721 laissant ses biens à son neveu 
Jean-Sébastien de Querhoent de Goetanfao, sire et comte de Pen- 
hoet, brigadier des armées du Roi, gouverneur des villes et châ- 
teau de Morlaix (3). ^ 

Gelui-cl avait épousé Innocente de Rougé, fille de Jean-Gilles 
de Rougé, marquis du Plessis-Bélière, héritière indivise avec 
Louis de Rougé, marquis du Plessis-Bélière, son frère, de Ga- 
therine de Rougé, veuve de François de Gréqui, maréchal de 
France, mort en 1687 (leur grand'tante). 

M">« de Querhoent se remaria au prince d'Elbeuf (4) le 2 mai 
1746 et périt sur l'échafaud pendant la Révolution à l'âge de 
88 ans. Elle habitait le château de Moreuil (&) près d'Amiens. 



(i)Voip Mémoires de Saint-Simon^ pages 215, 218, 217, 218 et 219, to- 
Inine XXIII. 

(2) Mémoire$ du duc de Saint'Sin^n (TomQ xq, p. 1 J9). 

|[3J U était flls <f^ haut et puissant Sébastien de Querho^at, fnarquis de ppé- 
taufao, marié par contrat du 20 mars 16&4 à demoiselle Marje-Renée de Kergpe^, 
fille aînée, héritière principale et noble de messire ^fançois ef dçpnoiselje Marie 
de Loheac, seigiiei^r et dame du Quilly. 

([4) Cft4^t d<^ 1^ ^f^i$0^ de Lorraij^e-Gpisp. 

(^) P^ chiteaH fft^ oo|ftpr»8 Terf 1^98 dapu )e l^gp ipipp|rtap^ l^jpsé p§r \^ 
Waçqifi^a du i'leMiç-^é^}^^:e ^ S. ^. Léon XHI ^^ dppfja lî^fi ^ an piWbfe ppoc^f 
plaidé par M. Waldeck-Rousseau, procès qui o'4)fp^0t pas, H^^ P9R9iUl^iPfï 



v«i 



\. ■ 



HÏSTOftïQUg UNE 3UCÇpSSlO?î 



19 



Suivaat les Mémoires de la marquise de Gréqui : « Le ociarquis 

rt de Querhoent Goetanfao fut créé duc héréditaire en 1730, mais 
« il fut arrêté poar prêter serment par je oe sais quel scrapuel 
« et quelle formalité qui se rattachaient aux franchises de sa 
« province dont il exigeait le maintien, d'où vient qu'il resta 
« simple marquis (tome I). » Il mourut le 19 avril i744 à Paris, 
sans faisser d'enfants. 

Par testament du 21 septembre 1742, déposé cheï M* Alleaiïpae, 
DOtaire à Paris, voulant favoriser le nom de Querhoent et en de- 
hors de ses hêrilîerâ naturels, il institua comme héritier de tous 
ses effets mobiliers et de ia quatrième partie de ses immeubles 
Louis-Joseph de Querhoeût, guidon des gendarmes de Bour- 
gogne^ et Jean de Querhoent, cornette au régiment du Rumen, 
son fllleulj tous les deux fils de Louis-René de Querhoent (1), 
comte de Locmaria, son cousin issu de germain, et de Marie- 
Thérèse de Ramer ^ (2). 

Sur ce legs, il devait être prélevé les sommes nécessaires pour 
acheter à chacun un régiment ou autre charge de guerre et le 
surplus dudit legs en faveur des aînés dans la ligne masculine 
de chacun des légataires, avec substitution, à défaut de descen- 
dance masculine des deux légataires, à la famille de Querhoent 
de Boisruault, établie à Plo^rmel en Bretagne, branche cadette 
détachée de l'aînée depuis déjà plusieurs siècles. 

Le 14 mai 1745, Jean de Querhoent, Tun des héritiers, ex-cor- 
nette au régiment du Rumen, sous-lieutenant de la gendarmerie 
(rang de mestre de camp), dont ta charge lui avait coûté 
150-000 livres, mourait des suites de ses blessures reçues à Foa* 
tenoy et son frère Louis-Joseph restait seul héritier- 
La succession de Coëtanfao se décomposait ainsi : 



étant ÎDtQrrenQa entra las héritiers et la Cour pontiflcala. ^ Le ch^tean de Mo- 
reui] f^t danaér croyons-nouA, par la marquise du [^l«sji«-04Uèrt3^ ^ nm çb^p^- 
Uiq ^t il fut CQpprif dai^s le r^loar k ^ famiM^. 

(0 Lpuia-Itei^^ d«Qfterbo^fit, fîé Iq ^| septembre H22, ^)b ^ U.&nf et de M^rie 
Gui Hier de KerÛllj, comtfl et comtes >*â de Loc maria, 

(f) Rameru : Tiailïe famille, établie en Bretagne «a I6a&, nrigini^ire de Cham- 
pagne, dont noDfl pos.sédonB une ji^énialogie m^nu^ctiti' re montant à la fin du 
Xl'|ièçle> Mai'itï-Thérèi^ de Rameru iiirai^ âpoiicé Loui^-Reaé t|e j^erJK^ent, i^omta 
de Loc maria par contrat du 'SQ avpil HH paa^é h. pQjjiivji: ej ^^. «ûeijf L^jii^e do 
fla!?ieri|, 4pûif»^ par pofi^ri^tdu a fi^are t7t&, mesqjr^ Frai^çoi^y^G^t^r[û^ |j$ ^^J^fatir, 
cheraLier^ seigneur du HourmeLin, 



44 REVUE DE BRETAGNE 

!• Masse mobilière r • • 368.731 li7res(l) 

2^ Caisse des Etats de Languedoc 240.000 

3* Office de Secrétaire du Roi 50.000 

40 Actioas de la Compagnie des Indes (177 à 1930 

livres Tune) • 341.610 

5^ Marquisat de Montoire, près Vendôme • . 270.400 
(Création en juin 1743 sous le nom deQuerhoent.) 

6« Terres de Bretagne 573.192 

V Rentes diverses . 45.000 

Total 1. 888. 93« livres. 

La part de rhéritier du nom de Querhoent, Louis-Joseph de 
Querhoeut, cousin germain du comte du Hourmelin et de M"" dô 
Lourmel, se monta à 848,625 livres 2 sols 7 deniers. 

Le marquis laissait, en outre, des héritiers naturels, les en- 
fants de sa sœur, Julienne de Querhoent, morte le 22 décembre 
1734, qui avait épousé Messire Yves-Charles Le Vicomte, 
comte du Rumen, dont Je nom s*est éteint au XIX* siècle dans 
les seigneurs de la Villegourio (paroisse de Morieux, Côtes- 
du-Nord). 

Il aurait désiré que les Hls de sa sœur cédassent le ch&teau et 
marquisat de Coetanfao à Talné des Querhoent, et» dans ce cas, 
il réduisait son legs à ceux-ci du 1/4 au 1/5 des immeubles ; ils 
n acceptèrent pas et entrèrent en possession du reste de la suc- 
cession estimée 845 942 livres. 

Charles-Yves Le Vicomte, comte du Rumen, marquis de Coe- 
tanfao, comte de Penhoet, seigneur châtelain de Coetcodu, fils 
aîné de Yves-Charles et de Julienne de Querhoent, devint briga- 
dier des armées du Roi, mestre de camp d'un régiment de son 
nom en 1740, et gouverneur de Morlaix. Il avait épousé le 20 mai 
1739, demoiselle Reine-Marie-^arguerite Butaut de Marzan, 
sœur de la comtesse de Lorges, et se remaria le 17 novembre 
1746, à Constance-Simone-Plore Rouault de Gamaches (2), fille 
du marquis de Gamaches et Pomponne^ maréchal des camps et 
armées du Roi, et de feue Catherine-Constance-Emilie-Arnaud 
de Pomponne. 



(1) Moitié à la Princesse d'Elbeuf (Innocente de Rougé) et 10.000 liTres pour 
son deuil. Son douaire était de 12.000 livres. 

(2) Rouault de Gamaches anobli à la fin du XIV* siècle (premier anoblissement 
connu)« 



2 



^^ 



HISTORIQUE D'UNE SUCCESSION 45 

/ 

L'héritier du nom de Querhoent^ dont il est ici question, Louîs- 
Joseph de Querhoent, marquis de Querhoent Montoire (1), bri- 
gadier des armées du Roi, chevalier de Tordre royal et militaire 
de Saint- Louis; sous-lieutenant des gendarmes d'Anjou dont il 
paya la charge 90.000 livres (2), brevet deretenue de 40.000 livres, 
fils de Louis-René de Querhoent, seigneur de Locmaria, et de 
Marie-Thérèse de Rameni, mourut à Paris le 26 mai 1782, sans 
laisser d'enfants de demoiselle Félicité de Lopriac, fille de Guy- 
Marie, comte de Donges; marquis d'Assérac, et de Marie-Louise 
de la Rochefoucault, fille du duc d'Ëtissac. 

Il fit par testament quelques legs particuliers dont nous par- 
lerons et le règlement de sa succession fut fait suivant les clauses 
du testament du 21 septembre 1742, du marquis de Coetanfao en 
ce qui concerne la substitution et suivant les usages. 

Son exécuteur testamentaire fut le marquis de Crussol d*Am- 
boise, maréchal des camps et armées du Roi à qui il donna 
lO.OOO livres. 

Le montant de la substitution prévue dans le testament du 
21 septembre 1742, du marquis de Querhoent de Coetanfao, passa 
à la branche du Boisruaulfr, en la personne de Pierre-Louis de 
Querhoent (3), seigneur du Boisruault, près Ploôrmel. Le mon- 
tant primitif de 848.625 livres 2 sols 7deniers était grevé de 154.383 

(i) Montoire (Loir-et-Cher), arrondissement de Vendôme, érigé en marqaisat 
sous le nom de QaerhoentrMontoire en faveur de Jean-Sébastien de Querhoent 
en juin 1743. Ce Marquisat s'étendait sur les paroisses de Saint-Laurent de 
Querhoent alias Montoire, de Saint-Oustrelle, de Savigny-sur-Bray, de Saint* 
Quentin, de Lunay, de Villavard, des Roches, de Lannières et de Montrouveau. 
(Loir-et-Cher). 

(2) Factum imprimé contre les héritiers du Hourmelin et de Lourmel (Ârchires 
du Hourmelin) : 

<« Sans doute une sous-lieu tenance de gendarmerie (maison du Roi) n'arait 
rien de trop élevé pour le marquis de Querhoent, issu d'une des plus anciennes 
et des plus illustres maisons de la province de Bretagne, d'une maison qui re- 
monte avec éclat jusqu'au VII* siècle, qui depuis 1200 occupe les places les plus 
distinguées dans TEglise et dans TËpée^ qui tient par ses alliances aux maisons 
de Donges, de Rougé, du Plessis-Bélière, de Léon, de Dinan, de Rohan.... » 

(3) Le marquis Pierre-Louis de Querhoent Boisruault laissa 5 fils : 

1* Jean-Sébastien, marquis de Querhoent, seigneur du Boisruault, demeure en 
son château du Boisruault, près Ploërmel. 

2» Noël-Xavier, comte de Querhoent, rue Traversière, n« 21, Paris* 

80 Marie-Joseph^ baron de Querhoent à Dinan. 

4« Hervé-Salomon de Querhoent, chanoine de Vannes où il demeure. 

5» Henri, vicomte de Querhoent demeure au village de Frenois près Mon tmédy 
en Lorraine (lettre du 24 mars 1790). 



L. 



4^ HBVUE DB fiftBti&GNB 

livrés 15 sdlâ 5 deniers de chargea diverses et de 60.000 livrés 
pùtit \ihé charge militafrcf tion comprise dans la siibstitution. 
Le6 héritiers forent condamnés, par sentence du 17 juillet 1784, 
à reélittier S la substitution un total de 644.241 livres 7 sola^ dont 
le fflafquièai de Querhoerït qui tdi ftit délivré par sentence du 
10 septembre 1703 et, entre autres, 09 actions de la Compagnie 
des Indè^. 

h&É hërttlërâ naturels furent, du côté paternel, les deaced* 
dalits de Julienne de Querboéût et de Marie-Reilée de Querhoént, 
filles de Messire Bertrand-Rëllé de Qberhoeiït, comte dé Loc- 
maria, et de Marie Odilliér de KerflUy, sœurs de son père, LouU- 
René de Quel*hoent, comté de Locmaria. 

La bratlehe dé Julienne de Qiierhoént qui af ait épousé Mes- 
sire du Brell, chevalier, seigneur de Rays et de Pennelan^ 

fut représentée au moment de la succession par le^ eiffants de 
Me^sife Joâchicb-âimon, comte de Trogoiïî épùu^t de sa cousine 
germaine, Claire-Renée du Breil de Rays. 

L'a branche de Marie-Renée de Querhoént, qui avait épouâé 
Me^stre Maurice-Jérôme Picot, chevalier, seignêbf do Coethual; 
fdt repFésetitée par les descendants^ de son bousin germain, 
Clacrde-Maurice Picot de Coethual, représentés alors par Mes- 
sire Hyacinthe Le Borgne, seîgtieur du Pédquer, Jdliett-Joseph- 
Marie de la Haye, seigneur du Cartier, François -René-Louis de 
La Touche, seigneur de Porman et Jean du Faye, et par les des- 
cendante dans la ttlôme branche de sa cousine germaine Thérèse- 
Antoinette Picot deCoetftuâl, épousé de Mésâlrë Bernàrd-ïïtàrie 
Le Jar, seigneur du Clesmeur, chef d'escadre des armées na- 
vales, chevalier de Saint-Louis. 

Du ôôté métërnél, ses héritiers f tirent : 

1** Sylvestrine-Louise de Rameru, épouse de Messire iean de 
Liichat (1), capitaine de dragons, chevalier de Saint-Louis, sa 
côusitfe germaine (2). 

2* iVlessire Piei;re-Gabriel-Prarîçojs-Joseph Le Metaôr, cheva- 
lier, comte du Hourmelin, maréchal des camps et armées du 
Roi, chevalier de Saint-Louis (3), son cousin germffin. 

3*» Les enfants de sa coctsine germaine Anriè-Siarie Le Mètaôr 
du Hourmelin, morte le 18 octobre 17Ô0, et mariée le 8 février 

(1) De Luohat, fàiDille du Limoutin. 

(2) Mortir S. H. à Ponti^y le 20 nivôte an X. 

(3) Mort sans héritiers à Paris, le 14 février 1796. 



p 



iiisTOftfQtJè ti'vm stfccgSsioN 4? 

1754, àMessire Françoid-Aimé le Normandi chevalier, seigneur 
de Lanrmef, 

4*^ Sainte Le iMôtaôr du Hourmeliû, religieuse à Tabbaye de la 
Jdie (1). 

Le marquis de Qiierhoenl laissa en outre, par testament du 
i2 mai 1772 (2), divers ]egi montant ensemble à là somme de 
188.600 livres, pluâ 15.000 livres d'dnè créance aux colonies- 

Utie In tire dn 22 juin 1782, adressée & M"** de Loordïël, par 
M. de Milly, docteur en droit, procureur ati Ghâtelet, donne des 
détails irïtéreSsanls : 

u Madamb, 

n Monsieur le Comte du HourcneUn vient de me remettre 
" votre procuration pour l'inventaire de Monsieur lé Mar- 
» quis de Querhoent, et pour les opérations relatives à là H- 
u quidalion de âa sdccésâiori,.. dans rinvènlaîre que nous avons 
t déjà commencé â Paris nous avons trouvé 100.600 Hvres en 
B argent comptant, une quantité de diamants et de bijoux et 
» 800 marcs de vaîssel te d'argent (390 kgs) . Outre ces 106.600 livres 
ïî on a trouvé 4.000 livres, en S paquets de 25 louis chacun, sur 
n lesquels it y avait écrit de fa main du défunt « argent des 
» pauvres ». Les domestiques! ont déclaré que le défunt faisait 
« beaucoupd'aumô'n6setqu*il était dans l'usage de préparer ainsi 
ti l'argeut qu*il destinait aux pàuvr&s, l[ paraît que M"^* de Quer- 
» hoent consent à faire doûoer aux pauvres ces 4.800 livres, mai s 
n comme elle ne peut le faire sans le consentement des héritîérâi 
» vous éLcs priée, Madame^ de me faire connaître vos int entions 
n à ce sujet, 

* Vous savez, Madame, qu'il y ë dans la succession deui fà, 
n meox châteaux oia M. et M"* de Querhoent aUaient souvent, 
» l'un est celui delà Ribochère, et Tautre celui de Chambray, 
j> nou^ allons y faire la perquisition des papiers et de Tétat de ce 
j) qui s*y trouvera, etc. etc-.- » (3). 

(1) L'abbaye de la Joie à PontÎTj, 

(S) Teeiftm^Ql dti M" de Querhofiiit (Archïves du Hourmclin), 
(3) Au château ilfl Querhoent (Moutoire) on trouva f 4.000 livre* <l*î tienjeri 
comptant et poor 4a 000 livre» d$ vaiaseire d'aqjent, le tout <1épofté eAtrf* Te» 
mains de M"« de lu Guichsrderiei femme de M. Le Moiite de lii Guicharderiê 
prooarear fiscal du Marquisat. (Lettre du 10 août 1712. Aréhitèa dû HottrUteUil) 



..JL.^ 



48 REVUE DB BRETAGNE 

La comtesse de Polignac et la marquise d'Usson, morte pen- 
dant la Révolution, fille et pelite-fllle de Charles-Yves Le Vi- 
comte, comte du Rumen, dont nous avons parlé précédemment 
comme héritier naturel du marquis deCoetanfao, eurent un don 
de 150.000 livres. 

Le gendre de la comtesse de Polignac, le comte de Ghambors, 
(famille bretonne de la Bouexière), ancien colonel du régiment 
d'Autmarie, député aux Etats-Généraux, lieutenant général, 
gentilhomme d*honneur de Charles X, mort en 1840 à 84 ans, 
remboursa à la famille de Lourmel 16.000 livres que le comte 
du Hourmelin avait prêtées à son beau-père le comte de Polignac 
et dont la famille n'avait aucune connaissance. 

Son père le comte de Chambors, écuyer du dauphin, père de 
Louis^VI, fut tué par lui à la chasse en 1756. 

Elles étaient petites-filles de Julienne de Querhoent, sœur du 
marquis de Coetanfao, auteur du testament de 1742. 

Cette succession Querhoent, ouverte le 26 mai 1782, fut défini- 
tivement liquidée par un jugement rendu par le tribunal civil 
de première instance du département de la Seine à Paris, le 
1* avril 1817. Certte liquidation avait duré 35 années. 

La marquise de Querhoent, née de Lopriac, mariée à Louis- 
Joseph de Querhoent, par contrat du 11 juin 1752(1), laissa de son 
côlé une grande fortune. Elle mourut sur Téchafaud, le 9 thermi- 
dor an IL Une vieille note de nos papiers dit : « Le domicile de 
la citoyenne Querhoent est fixé par la VII' liste des condamnés 
à Evreux(à cause de sa terre de Ghambray près Evreux)(2). Elle 
est désignée dans cette liste, dont la publication est arrêtée et 
suspendue , sous le nom de « Lopriac Douze » (3) s^u lieu de 
Donges. 

Une lettre adressée au citoyen Gelhay, homme de loi, rue du 
faubourg Saint-Honoré, n**435, dit : Paris, ce 15 vendémiaire an 
IV. «Citoyen, — j'ai l'honneur de vous prévenir que le juge de 
paix de la section de l'ouest a apposé ses scellés chez la feue 
citoyenne Querhoent un de ces jours derniers. — Salut et fra- 
ternité, » 

Signé : Bouchez. » 

(1) EUe arait eu 400*000 lirrôs de dot 

(2) Saint-Martin de Ghambray en Normandie près Paoy^sur^Eure, terre poi- 
fédée par le duc de Broglie actueUement. (Vieille note.) 

(3) Archires du Hourmelin* 



HISTORIQUE D UNE SUCCESSION iVJ 

Bile était fille de Guy-Marie de Lopriac, comte de Donges, mar- 
quis d'Assérac et de Marie-Louise de. La Rochefoucauld, fille 
cadette du duc d'Estissac. Elle n'avait qu'uu frère, Guy-Louis 
de Lopriac, marquis de Donges^ colonel du régiment de Soisson- 
nais, mort à 23 ans, à Briançon, le 25 juillet 1747, d'une blessure 
reçue à l'attaque des retranchements prôsd*Exeles? — Ce fût, 
croyons-nous, le dernier du nom. 

Elle avait une sœur aînée qui épousa le comte de Champagne, 
lequel était veuf en premières noces de la sœur de son père. Elle 
n*eut qu'une fille Marie-Judith de Champagne^ mariée en 1761 et 
morle à 18 ans, le 23 mai 1763. Elle avait épousé le marquis de 
Montmorency Fosseuse, capitaine-lieutenant des gendarmes de 
la Reine ; elle ne laissa qu'un fils mort en bas-âgé et dont la 
marquise de Querhoent hérita d'environ 200.000 livres de rentes, 
suivant une lettre du Comte du Hourmelin. 

Après la mort tragique de la marquise de Querhoent, la fa- 
mille de Lopriac étant éteinte, sa succession passa aux descen- 
dants du frère de sa mère, le duc d'Estissac (1) et aux descen- 
dants de la sœur aînée de sa mère, la comtesse de Clermont- 
Tonnerre. Celle-ci n'eut qu'une fille qui épousa le comte de 
Lannion. 

Ses héritiers furent : 

l*' Le duc de Liancourt, de son chef, sa mère étant sœur du duc 
d'Estissac. 

2* M"*» de Lannion, épouse divorcée du duc de Liancourt ci- 
dessus, héritière de son chef comme fille d'une demoiselle de 
Clermont-Tonnerre. 

3*^ M'^® de Lannion, non mariée. 
, 4** M"*» de Lannion, comtesse de Pons (2). 

5'' Le comte de Cambout de Coislin. 

(I) Charles de la Rochefoucauld de Koye, comte de Blansac et duc d'ESstissac 
avait un fils et deux fiUes. U est graad-père du duc de Liancourt. 

L*alnée de ses filles a épousé le comte de' Clermont-Tonnerre, dont la fille 
aînée avait épousé le comte de Lannion qui a eu deux filles Mesdames de Lian-^ 
court et de Pons. 

lia cadette des filles du duc d'Estissac avait épousé le comte de Lopriac de 
Donges, elle a eu deux filles. L*alnée, mariée au comte de Chimpagne, dont une 
fille mariée au marquis de Montmorency-Posseuse^ dont un Ûls mort jeune. La 
seconde, au marquis de Querhoent, morte sans héritiers. 

Le comte de Champagne avait épousé en premières noces la sœur du comte de 
Donges et en deuxièmes noces la nièce de sa première femme. (Note manuscrite.) 

{i) Leur ^lle, M'^* de Pons> épousa le marquis de Tourzel. 

Juillet 1907 * 4 



1 



M H£VUE DK BHEfXAGNt: 

Note : « Le ey devant comte de Cambout de Coislin^ militaire 
porté sur la liste des émigrés de Toulouse à la date des 24 juin 
etl0juiiîeti792(l). 

Par son testament, la marquise de Querhoeat, légua sa terre de 
Cîiambray près Evreux à la Comtesse de Pons et tous ses dia- 
mants à M^'"' de Pons, actuellement épouse de M. de Tourzel (2). 

Bîiron F. p» LounuEL du Houhmkuin. 



(t) Nt>tê Mainmcrite. 
{1} And«nâ<i notr) 




NOTICES ET COMPTËS-REMDUS 



SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES BRETONS 
KT DE L HISTOIRE DE pBETAGNE 



Séance du f 9 juin 1907, 
Présîdence de m, rousse, vice-phésident* 



La Saciété des Bibliophiles Bretonî^ a tenu séance le mercredi 
12 juin 1907, à deux heures^ aux Archives municipales de la YÎlle 
de Nantes. 

Présents: MM. Roussci vice -président, Blanchard et Gaétan 
de Wismes, secrétaires, Heraery et le comte Gousset. 

Le procès- verbal de la précédente réunion du 26 novembre 
1906 est lu et adoptée 

ADMISSION 

Est reçu membre de la Société : 

M- le vicomte Henri du Bohehil, au château duMolant,par 

Mordellcs (Ille-et-Vitaine), présenté par MM. Ch* de Calan et 
R. Blanchard. 

ÉTAT DES PUBLICATIONS 

En l'absence de M. de Calan, président, retenu à Rennes et qui 
s'était excusé, il est donné lecture d'une lettre de celui-ci faisant 
connaître l'état actuel de nos publications. 

L'impression de la Correspondance des contrôleurs généraux re~ 



52 REVUE DE BRETAGNE 

lalive à t àdministralion de la Bretagne sur la. fin du règne de 
Louis XIV, éditée par M. Letaconnoux, est fort avancée; 
200 pages en sont tirées et l'ouvrage pourra être terminé dans le 
courant de juillet. Il sera distribué, sitôt prêt, aux sociétaires. 
L'Histoire inédite des Bretons par Pierre Le Baud, dont M. Ch. 
de Calan est l'éditeur, est également sous presse. 48 pages du 
tome I" sont imprimées ; ce volume sera achevé en octobre ou 
novembre, et la date de sa distribution fixée à la prochaine 
réunion. 

Il est donné connaissance d'une lettre de M. Charles Simon, 
courtier à Nantes, annonçant qu'un Congrès de la Ligue Mari- 
time française se tiendra dans la Loire-Inférieure, au courant de 
Tété 1908. Des séances et des fêtes auront lieu à Nantes, Saint- 
Nazaire, Pomic. Le Comité de la Ligue Maritime demande son 
avis sur la réalisation de ses projets à la Société des Bibliophiles 
Bretons, Celle-ci, dont le concours financier, d'ailleurs non solli- 
cité, ne pourrait êtr^ accordé, est toute disposée à provoquer des 
communications quant au rôle de la marine bretonne à travers 
les âges, sur les hauts faits des officiers de ses vaisseaux de 
guerre et de ses 'corsaires, sur le commerce de ses armateurs. 
M. Hemery émet Tidée que la Ligue pourrait préparer une sé- 
rie de cartes postales, avec légendes explicatives, où seraient re- 
produits des portraits de marins et des gravures figurant des 
scènes glorieuses des annales bretonnes. Etant donnée la vogue 
actuelle de la carte illustrée, la proposition de notre collègue est 
bien accueillie. MM. de Wismes et Gousset sont désigtiés pour 
s'entendre avec les autres sociétés savantes de Nantes, en vue de 
répondre aux desiderata de la Ligue Maritime. 

OUVRAGES OFFERTS 

Par le Ministère de l'Instruction publique : Catalogue géné- 
ral des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Reims^ 
t. II, 1906, in-8^ 

Par M. Trévédy, ancien président du tribunal de Quimper: 

Lettres sur la géographie et l'histoire de la Bretagne et du Finis- 
tère, 1887. 



^^i 



NOTICES KT COMPTES-RENDUS M 

y^oijveffes htire^ xur Ia géographie et i histoire de la Bretagne ei 
da Finistère, 1887. 
Le Connélabie de Richemont (le dac de Bretagne Arthur lîl)^ 190(1. 
SeignearSj seigneurie, paroisse et coMmune de Carno^t {Côtesdu- 

Réponse à taulenr de VEs^saisur l* Histoire de U commune de C^r^ 

noëi, 1901. / 

Pordic esl-iUe Poritu^ Ilius de César '^iBùi. 

Quelques mots à propos de Pordic, 1902. 

Le Traverseur {JehAn Bouchet), poète et historien {î 47 i^ 15 ^5)^ 
1902. 

Sur le titre de Noble homme, 1902. 

Notes sur Frêron et ses cousins Roy ou, 1902, 

Quelques légendes relatives à La Tour d' Auvergne-Corret , 1902* 

Deux Jésuites oncles de la Tour d'Auvergne-Corret, le Premier 
Grenadier, Itm. 

Le premier rtoluuie du cours d'hixloire professé à Bennes par M. de 
là Borderie, 1903, 

Le port de Bedon. Prospérité et décadence {X!V* et XV* sièclesjj 
190:î. 

Acquisition de la noblesse pAr la possession des fiefs nobles , 1903. 

La Croix et le traité d' A uc fer, 1903, 

Charles de Blois au siège de Qaimper {J 344}^ 1904> 

La Séparation des lépreux et leur coridition, notamment en Bre~ 
tagne, lï>04 

Les Caquins de Bretagne. Arrêt du Parlement {20 mars i 6H i j^ 1904. 

/^ To ur d' A u ce rgne. Co rre t fu i- il noble ? 1 IK)4 . 

Anne, comtesse de Laval, Jacques d'Espinag^ évêque de Bennes et 
Pierre Landais^ trésorier de Bretagne, 1904. 

La Bataille de Formigny [io avril iffôO), 1904. 

Le duc Jean IV, baron de Beiz^ et Jeanne Chabot^ dite la Sage^ A*- 
ronne de Retz^ 1905. 

La Vicomte de Bennes, 1905. 

Inventions bretonnes adoptées en France^ 1905 ; (et suite 1906)* 

ie* quatre sépultures de Du Gue^tin, 1905. 

Un portrait du Connétable de Bichemont^ 1905. i 

Du Guesclin et Richemont^ 1906. 

La Tap is se rie de Forn i ig n // ^ d il e tap i sserie de Fo n ta ineblea u , i 9(.HJ . 

La Campagne des Anglais en France en /.175, 1906v 

Tous ces ouvrages sont de M. Trévédy. 



^ ;^:^çf|i^? 'p^^^^^?f^y^^- ;^^^î^*T.»f .»3^^f^^T,^ -"■ ^, "^^^1^^% i^:^ " 




54 HEVUB DE BRETAGNE 

Fétei anniversaires du ^i janvier 1 79^, par Ch. Audren. Rennes, 
1893. 

Une exécution capitale en présence de la Convention, par Ch. 
Audren. Rennes, 1893. 

Par M. Rousse : 

Félix Lionnet, peintre^ par Joseph Bridon, 1907, in-4'». 

La séance est levée à 3 h. 1/4. 

Le Secrétaire, 
René Blanchard. 



Lïîs Sources dr l'Histoire de France depuis 1789 aux 
ARCHIVES nationales, par Charles Schmidt, ancien ar- 
chiviste départemental, archiviste aux archives natio- 
nales, docteur ès-lettres, avec une lettre-préface de 
M. A. AuLARD, professeur à l'université de Paris. Les 
demandes de recherches ; — la salle de travail ; — les 
inventaires ; — les sources de l'histoire d'un départe- 
ment, d'un arrondissement, d'un canton ou d'une com- 
mune aux Archives nationales ; — les séries départe- 
mentales. Beau volume in-8^, 5 fr. 

« Votre manuel n'est pas seulement utile : il est indispensable 
et il n'y a pas besoin de lui souhaiter bon succès, puisque nul 
\historien de la France moderne^ apprenti ou maître, ne pourra 
s'en passer.., » Ce témoignage de Tun des maîtres de l'histoire 
contemporaine, M. Âulard, est assurément la meilleure garantie 
.que le volume de M. Schmidt comble ujoe lacune et rendra de 
grands services. 

Les conseils qu'il renferme sur la manière dont on a accès et 
dont on fait une demande de recherches ^ux Archives nationales, 
les renseignements qu'il doi^e sur la Salle de travail^ l'énoncé 
qu'on y trouve des différentes séries à consulter pour l'histoire 
politique, administrative, religieuse, économique et sociale de 
la France depuis 1789^ l'énumération qu'il fournit des séries dé- 
partementales actuellement classées et communicables, tout 
cela en fait un instrument de travail c indispensable ». L'his- 



I^BW 



NOTJCKS Kl IJOMPTSS RK^DUS bl 

toire locale et rhîsloire générale, les monographies régionales 
et les travaux d'ensemble sur la période contemporaine seront 
singalîèrement facilitées par ce manuel commode et pratique. 
Ajoutons qu'il contient toutes les^ indications relatives non seu- 
lement aux départements actuels: mais encore à lous les dépar- 
tements étrangers — allemands, belges, hollandais, italiens, 
suisses — qui ont formé l'Empire français au temps de sa plus 
grande extension. Ainsi que Técril M* Aulard, grâce à cet excel- 
lent guide; " fout iravaillettr saura ce qu'il peut trouver et ce 
quil doit demander aux Archives nationales. » 




Le Givrant : F. CheV ailier. 



Vumiei. — fmjinmerïu LAFOLVK Frkmf.s. 2, plute den Lice», 



CHEMIN DE FER D'ORLÉANS 

TRAIN DE PLAISIR LES dIÂÏHëS^T JOURS DE FÊTES 

'De Redon, Pontivy, Vannes et Lorient sur Plouhamel- 
Carnac, Saint^Pierre de Quiberon et Quiberon 





soir 


Qaiberon . . . . 


6.20 


Saiit-PierrcHle-QaiberM 


6.t9 


Piouharnel-Caroac 


6.46 


Auray. . . . 


7.6 


PluYigner . . . 


. 8 51 


Lambel-Camors. 


9.8 


Baud .... 


9.16 


Saint-Rivalain . . 


9 3t 


Saint-Nicolas . 


9.89 


PontiTj . . . . 


9.&8 


Landévant . . 


8.41 


Henoebont . . 


. 8.57 


Lorient . • . 


9.9 


Sainte- Anne. . 


7.50 


Vannes . . . 


8.9 


Redon. . . . 


. 9.21 



La Compagnie du Chemin de Ter de Paris à Orléans a rhonneur de 
prévenir le public qu'un train de plaisir au départ de Redon, Pontivy, 
Vannes et Lorient pour Plouharnel-Carnac, Saint-Pierre de Quiberon 
et Quiberon sera mis en marche tous les dimanches et jours de fôtes 
à partir du 21 juillet jusqu'au 8 septembre inclus. 

Ce train sera exclusivement composé de voitures de 2<' et 3* classes. 

ALLER RETOUR 

matm 

Départ de Redon. . » . . 5.50 Départ de 

— Vannes . . . ' . 7 9 

— Sainte-Anne. . . 7.28 

— Aura? 8.37 ArriVée £t 

~ Pontivy .... 4.43 

^ Saint-Nicolas . . b.2 

— Saint Rivalain . . 5.9 

— Baud 5.23 

— Lambel-Camors. . 5.34 

— Pluvigner . . . 5.46 

— Lorient .... 5.8 

— Hennebont ... 6 20 

— Landé?ant ... 5.37 
Arrivée à Plonharnel-rnrnac . 8.58 

— Satit-Pierre-^-QoiberiD • 9.15 

— Qaiberon. ... 9.23 

PRIX DES PLAGiSS 

de Redon : 2« classe 4 fr. ; 3« classe 3 fr. —de Pontivy, Pluvigner et des 
stations intermédiaires : 2« classe 3 fr., 3« classe 2 fr. 50. — de Vannes, 
Lorient, Auray et des stations intermédiaires : 2« classe 2 tr. 50, 3< 
classe i fr. 50. 

Billets — La délivrance des billets commence le mardi de chaque 
semaine. Ces billets devront être utilisés à Taller et au retour par la 
même personne. Ils ne pourront servir que pour les trains ci-dessus 
indiqua. Tout voyageur qui ne pourra présenter son billet à l'arrivée 
devra payer le prix de sa place au tarif général. 

Enfants — Il n*est fait en faveur des entants aucune réduction sur 
les prix ci<-dessus. 

Bagages. ~ Les voyageurs porteurs de billets de train de plaisir 
n'auront droit au transport d*autres bagages que ceux qu'ils pourront 
conserver avec eux sans gêner les autres voyageurs. 

Toutefois les bicyclettes et tandems sans moteur mécanique à l'exclu- 
sion des tricyles, seront admis à l'enregistrement des bagages moyen- 
nant une taxe de 1 franc (aller et retour compris), les droits d'enregis- 
trement étant perçus en sus. 

Les machines devront être présentées à l'enregistrement une demi- 
heure au moins a^ant l'heure ûxée pour le départ du train d'aller ou de 
retour. Cet enregistrement sera effectué sur la production pour chaque 
bicyclette d'un bulletin spécial que chaque voyageur devra retirer a la 
gare de départ au moment de la délivrance du billet du train spécial à 
prix réduits. La délivrance de ce bulletin donnera lieu à la perception 
de la taxe de 1 franc axée ci-dessus. La gare de départ apposera, au 
moment de l'enregistrement, son timbre '' Bagages *' sur le bulletin 
spécial qui sera rendu au voyageur pour lui permettre de faire enregis- 
trer sa machine au retour. \ 

Ce bulletin sera retiré des mains du voyageur au moment de Tenre-^ 
gistrement pour le train de retour. 



_u^' 



illl\ ABOMS iV COLLABORATEliRS 



DE LA 



REVUE DE BRETAGNE 



Depuis le i" janvier 1907 la ^evue de Bretagne e&t entrée dans 
sa cinquantc-ct-unièmc année. K05 amis ont pensé que les Noces 
d'Ok de la Revue qui a tant fait pour rHîstoirc de Bretagne 
devaient être célébrées dans une réunion intime au moment du 
Congres de l'Association Bretonne. Nous avons donc Thonneur de 
prier les abonnes et les collaborateurs de la T^t-out de "Bretagne 
d'assister à cette réunion qui aura lieu à Lamballe le mcrcredi 
4 SEPTEMBRE à 5 HEURES DE L*ApRès-MiDï SOUS la présidence de 
M, le O" de Palys, directeur de la section d'archéologie de 
l'Association Bretonne, et nous leur demandons de vouloir bien y 
venir en plus grantt nombre possible. 

A 7 heures, Banquet par souscription. Prix ; g francs (ij, 

M" DE L'ESTOURBEILLON, 

Directeur de la T^evue de Bretagne, 

C*' René de Laïque, 
Rédacteur en CheF de h 7(^evue de 'Bref&gnt^ 



(j) Les pcrionnu désire UHt dic ^Itt partie du Dunituct sont prica d'cnv^cr Uut» notnt 
ivint ïe 3 r soiil * M . k Rtdtcttyr tn Chef de la 7{eifUi J<r BÈ-ëtagnr. 



ii^i^ 




REPONSE 



AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT 

CONTRE MES ECRITS 



* Barjt ar fiouei da baiUrig al laùu -* 

^ Tav (Vtign ! iap eur gribt ha chitaou ; 
Gioeït (xr wiriane 'xiid ar gaou. 

Le Bardis du Gouet à un gamin pouilletix : 

— Atiéjc de lottii^fl I pr^ndi un p«)gae^ et écoati : 

La Térité vaut mi eux qu« le menionge, 

1. J'ai lu avec stupaur dans la Revue des langues romanes, 
Montpellier. 1906, les pages platement diffamatoires (547 et suiv-) 
oti, sous prétexte de rendre compte de mes Causeries sur téty- 
molùgié, M. Maurice Grammoat déclare que mon râle est essen- 
tiellemeni celui d'un mauvais éducateur de poux bas^ bretons ; ré- 
pugnante ineptie qu'il développe à satiété 111 y joint d'autres 
censures acrimonieuses ; Le tout est de nature à jeter une décon- 
sidération ridicuïe sur moi, sur mes travaux littéraires, sur mes 
recherches linguistiques, et sur leur objet principal, qui est la 
langue bretonne. Monsieur le mauvais plaisant, au titre même 
de ma première publication (i), il y a plus de trente ans, j'ai fait 
profession d'un égal amour pour la Bretagne et pour la science ; 
et malgré vos sarcasmes, je n'ai à réagir d'aucun des travaux (2) 
que m*a inspirés depuis un entier dévoûment à ces deux nobles 
causes, qu'on affecte en vain de tenir pour inconciliables. Laissez 

(i) Btf ^urgence ^m%ê exploration phitolo^que €n Bretagne, ou la Bretagne 
dsûani la science , avec cette épigraphe imitée d'Homère : ''Atiftii b^^K ^iTiéuv, 
dajii Xm Mémoires de la Société d^Smuiaiion des Câtef^u-Nùrd de 187* {tirage 
à part, Sain t-Bri eue, 1677 ). 

{2) Sur ma bibliographie, m odieiiaement dâfl^ur^e par un frotetque parti* 
pria de dâDÎgr^mnntf on peut voir dei reaieignenienta sommaires au doi de ma 
brochure ; Françaiâ parlé et français éerii^ ou le Procès de l'Académie conire 
r< orîùçrafe ». 1* éda. liïOO^ des notices plus complctes se trouv«nt daoi le Ré- 
pertoire de Bio-bibliographie kretomtej par K, Kervîler» XIII, i39-2a9, «tdans ie 
IHetiùnniire biographique et Aihutti de la Vienjêei p- ^.^»-ïO^ 



kÉPONSE AUX ATTAQUES bB M. GRAMIIO^ CONTRE MBS ÉCRITS 5) 

donc les hoonôtes gens travailler honnêtement, les Bretons bre- 
tonner de leur mieux^ et tâchez voxis-môme d*acquérir un peu de 
leur honnêteté et de leur breton, au lieu de me faire là-dessus 
une leçon par trop gasconnante : je la trouve mauvaise ! 

9. Chargé, depuis 23 ans, d'un enseignement partiellement 
littéraire à la Faculté des lettres de Poitiers, j'ai consacré à la 
poésie la plus grande partie de mes cours. La grammaire com- 
psrée et spécialement la philologie celto-bretoone m'ont valu le 
diplôme de docteur, et m'ont fait.trois fois couronner par l'Ins- 
titut au concours de linguistique. Plus qu'à ces titres, je tiens à 
ce4ui d'ami de la vérité et de la justice, deux grandes idées qui se 
confondent dans la devise des bardes bretons : Ar gwir eneb ar 
hedy le « vrai « ou le « droit » en face du monde. Aussi n'ai-je pu 
qu'être choqué de voir un petit confrère cadet m'interdire cava- 
lièrement, sans rime ni raison, de faire de$ incursions dans la 
lUUraiure^ dans l9^ poésie pour r intelligence de laquelle je lui pa- 
rais doué comme un aveugle pour la peinture, dans la grammaire 
comparée, et surtout dans la linguistique bretonne; cette der- 
nière prétention de ma part a tout particulièrement le don de l'hor- 
ripiler : 

AlorSj certes, alors sa colère s'allume 

Et le ûel à longs flots s*écouie de sa plume. 

Pour ne pas me rendre aux désobligeantes injonctions de 
M. Orammont, je pourrais invoquer des témoignages privés ou 
publics d'estime que j'ai en mains, et qui sont signés, enire 
autres : pour mes poésies françaises et bretonnes, par les re- 
grettés H. Violeau, H. de la Villemarqué, O. Milin,|et par MM. L. 
Tiercelin, F. Plessis, F. Mistral ; pour mes travaux de linguisti- 
que, par V. Henry, l'éminent collègue que nous venons de perdre» 
et d'aulres savants comme G. Paris^ MM. L. Havet, Ant. Thomas» 
A. Jeanroy, les celtistes Wh. Stokes, H. Qaidoz, J. Loth, L. Ghr. 
Stern,etc., et quatre parmi les cinq maîtres à qui M. Grammont 
a dédié sa thèse fraiiçaise : MM. Bréal. de Saussure; d'Arbois 
de Jut>ainville' et Thurneysen. Des suffrages si honorables di- 
minuent mon regret de voir M. Grammont me refuser aigrement 
le sien ; 

Et Je le supplîrai d'avoir pour agréable 
Que je me fiMse un peu grâce sur son arrêt, 

qu'il n'a pas môme essayé de motiver I 



60 REVUE DE BRETAGNE 

3, Quand môme je me trouverais seul en face de cefte inso- 
lente provocation ; quand je serais le dernier des derniers par- 
mi ceux qui, «attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils re- 
muent avec une opiniâtreté invincible », piochent obscurément 
un petit coin des vastes champs deia science, j'aurais encore 
le droit de sommer mon élégant chanteur de pouilies d'appli- 
quer à mon égard la vieille règle de Lhomond : « Le sage n'as- 
sure rien qu'il ne prouve, sapiens nihil affirmât quod nonpro- 
bei. » J'ai déjà eu l'occasion de l'y renvoyer {Causeries sur Vé- 
tymologie, A6), fort inutilement. C'est là un exemple de «l'in- 
succès répété de mes efforts » signalé par lui ; mais je n'en suis 
ni « aigri » ni « jaloux » : non equidem invideo, miror magis. 
Il y a lieu de s'étonner, en effet, qu'il faille tant batailler pour 
obtenir de ce singulier juge un peu de discussion sérieuse avant 
une condamnation en masse. 

Après avoir présenté en faveur des autres cetle simple re- 
quête, je la réitère à mon profit. Si maie iocutus sum, testimo- 
niumperhibe de malo; montrez ce que j'ai dit de mal ! c'est la 
protestation évangélique du 'bon droit et du bon sens contre 
une voie de fait sottement brutale. Le critique, fût-il « arrogant 
comme un pou », comme on dit dans le^Midi (arrotigant coume 
un pesou) ne saurait avoir ni autorité, ni influence utile et fé- 
conde, s'il se contente d'émettre des jugements en l'air, suivant 
sa passion dominante ou la lubie qui lui passe par la tôte. Il 
doit mettre les points sur les i, ne fût-ce que par respect pour 
ses lecteurs : c'est traiter ceux-ci comme d'imbéciles gobe- 
mouches, que de les priver de tout moyen de contrôle sur les 
bourdes qu'on leur débite. Ce qui n*est pas prouvé ne prouve 
rien, sinon l'outrecuidance de l'avantageux personnage qui pro- 
digue à la légère ses affirmations vaines et vaniteuses : autant 
en emporte le vent! 

4. Qu'est-ce que cette aventure du lion qui, à propos de poux, 
naturellement — M. Grammont ne pouvant se défaire de ces vi- 
laines botes, que ne protège pourtant pas la plus connue des lois 
Grammont — m'aurait gratifié d'un coup de patte si écrasant? 
Je l'ignore. Allumez votre lanterne, que diable! les références 
n'ont pas été inventées pour les chiens. Faites donc votre profit de 
la critique qu'à ce sujet notre judicieux collègue, M. Rigal, 
adressait dernièrement à M. Faguet, dans la Revue des langues 



L 



RÉPONSE AUX ATTAQUES DB M. GRAMMONT CONTRE MES ÉCRITS 1 

romanes (1906, p. 98); et les citations expéditivès de M. Paguet 
sont des prodfges de clarté, auprès des allusions ténébreases de 
votre noire rhétorique : 

Vos écrits auraient besoin 
D*un devin qui les explique. 

Le noble animal qui m'a, para!t-il, si rudement donné la 
patte, ne m*a point fait entendre sa voix ; si je l'ai attaqué à tort, 
je lui présenterai des excuses^ étant disposé môme à lui dire 
poliment : « Bien rugi, lion ! » (l) 

5. Comme je récrivais, Glossaire moyen^breton, 2* édition; 
p. xxvmje n'ainxe pas mes propres erreurs plus que celles d'au- 
trui. L'aversion profonde pour tout ce qui est faux, avec efforts 
constants pour le démasquer et pour chasser cet intrus du do- 
maine scientifique, est à mon .sens, inséparable de l'amour sin- 
cère et de la patiente recherche du vrai. Platon a dit dans la Eépu- 
blique (485, livre vi),que les philosophes aiment naturellement la 
science d'un amour constant, lAaôiifxaTdç y* àt\ JprT><Tiv,et qu'il leur faut 
aussi éviter tout mensonge et en avoir horreur : dlvxY*ïi ixtvt.,, div 

dl*{/euSctav xai to êx<^vTot(; Jvai fx.7)Saai|j irpo^Sé^ç^cèrOai to t];cûSoç, dXXà fAtcctv. 

C'est cette qualité d'ennemi de Terreur, (AKnyfeu^/jç, qui m'a fait 
écrire tant de pagesde controverses linguistiques. Aux reproches 
inattendus que me vaut ce zèle persévérante servir l'intérêt de 
la science, je réponds comme l'humble serviteur antique, que je 
m'honore de les avoir mérités : 

^ Je n'ai, d'ailleurs, jamais contredit personne avec la scanda- 
leuse légèreté dont M. Grammont fait preuve d'un bout à l'autre 
de son factum pseudo-critique. Mes incessantes chasses à l'er- 
reur ne m'ont rendu ni injuste envers les devanciers qui nous 
ont ouvert la voie, ni envieux de leurs successeurs actuels, soit 
qu'ils suivent la même direction que moi, soit qu'ils en aient pris 
une différente, suivant les circonstances de leur carrière, ou la 
nature de leurs goûts et de leurs aptitudes. <c De ce qu'on fait 
chacun de son côté ce que l'autre ne ferait pas, est-ce une raison 

(1) Uattaque à laqueUe je réponds ici — et qui n^est pas un coup de pied de 
lion — m'a été connue tardivement ; elle eût pu m'échapper aussi, M. Grammont 
n'ayant pas pris la peine de m'en informer. Le procédé est moins digne de la 
Civilité puérile et honnête que du Guide du diMlliste indélicat. 



m mwB m RfiRTAnNR 

pour se détester ? i a dit Sainte-Beuve {Nf>uveaux iuudis^ tUj 52, 
53). Je n'aipoiut hésité & louer M. Grammont, Cmaeries sur Vé^ 
iymohgie, 47^ pour ce qu'il a fait de louable. Mais je me refuse 
à lui appliquer le mot de V. Hugo sur Shakespeare: « J'admire 
tout, comme une brute ». Et mes éloges auraieot-ils le moindre 
prix, si je les lui distribuais à tort et à travers, comme lui-môme 
me distribue brutalement ses blâmes gratuits? Non, je n'ai pas 
approuvé qull se soit jeté avec une fureur aveugle sur tous ceux qui 
ont composé des dictionnaires bretons, alors quMI pourrait dire, 
assurément: cJ'ai peu lu ces auteurs». Les a^ant compulsés avec 
oiu soin plus scrupuleux, j*ai eu assez souvent à les malmener* 
quand ils étaient en faute, pour être autorisé à prendre leur déf*inse 
contre un fantaisiste agresseur. Je ne l'ai pasfait en lui portant des 
coups dans Fombre, avec la sombre allure d'un chevalier de Fétei- 
gQûir; mais j'ai montré clairement que ce farouche ennemi des 
lexicographes bretons avait agi contre eujc avec autant d'injustice 
que de prétentieuse incompétence: voir Causeries surVéifjmO' 
logie, 45-48; Revue Celtique, XXV, 60-63 ; XXVII, 246-247. 

En frtuçaia, en breton, en rjmds oomme ea prose, 
lia peasée au grand jour tau.ioura s'offre et B*6ipo&e. 

6. Â cette démonstration nette et explicite. M, Grammont 
réplique par des allégations de nébuleuse calomnie, ravalant au 
rang de prétendues rivalités de boutiques et d'imaginaires que- 
relles de personnes ce qui, pour moi comme pour mes confrères 
en celtologie, n*a jamais été que discussion consciencieuse et 
courtoise de problèmes scientifiques, essentiels pour Thistotre 
des idiomes bretons, et parfois intéressant aussi des domaines 
voisins, surtout la linguistique romane. -Les insinuations qu'il se 
permet à mon sujet, usurpant le rôle de directeur de conscience 
« pour lequel il paraît doué comme un aveugle pour la peinture », 
sont d'une fantaisie bassemeut inconvenante: je les lui laisse 
pour -compte, en m'élonnant qu'il ait a trouvé le placement de 
produits » si pitoyables dans les feuillets d'un recueil scientifique. 

Quant h ses jugements sur mes études bretonnes, ils sont 
d'une enfantine niaiserie. Mettant malicieusement la I umière sous 
le boisseau, M. Grammont a soin de ne pas dire la seule chose 
qui importe à la science, : quels sont ces rarissimes travaux qui 
trouvent grâce & ses yeux, et pourquoi tous les autres sont nuls 
et non avenus — pour M. Grammont. En attendant qu*il daigne 




RiPONSE AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT CONTRE MES ÉCRITS 63 

citer un article sous ma sigaature où je n'aie pas eu resppir fondé 
de rendre quelque service à la science, je lui signale un des siens 
qui, si on le prend au sérieux, fera faire un pas énorme -* en 
arrière — à la science, au bon sens et au bon goAt: c'est celui 
où il remet impertinemment en question tous les résultats de mes 
études, sans avoir Télémentaire probité d'en réfuter, ni même 
d'en désigner une seule à la condamnation des celtisteSj juges 
naturels 'du débat. C'est par les faits qu'on loue; c'est par les 
faits qu'on blâme aussi : critiquer autrement, c'est cracher en l'air 
sur son propre nez. 



7. Lorsque j'ai cru devoir blâmer M. Grammont, qui m'accuse 
bénévolement (p. 549} de n'avoir pas de méthode, je me suis gardé 
de le faire avec le sans-gène, si peu méthodique, de M. Gram- 
mont. Je ne me suis pas contenté {Causeries sur Vétymologie^ 45 et 
suiv.) de discuter théoriquement les inconvénients d'un emploi 
exclusif iie son système de synthèse simpliste : j'ai ajouté des 
exemples précis, des chances d'erreur qu'il court en jetant à la 
hâte, d'uhe vertigineuse hauteur, son coup d*œil d'aigle effaré 
sur de menus objets que j'ai tenus avec une tout autre constance 
sous ma loupe ou mon microscope. 

tt L'auteur tranche ici un peu vite, comme il lui arrive quel- 
quefois^ et il est dans l'erreur )». Ainsi s'exprimait le regretté 
maître de la philologie romane, G. Paris, appréciant au point de 
vue roman la t^ièse de M. Grammont, dans le Journal des Sa- 
vants (1898, p. 88). Ce recueil étant l'un des trois ou quatre mar- 
chés (!) où je trouve assez bien le placement de mes produits^ au 
grand dépit de M. Grammont — qui ne sait point compter sur 
ses doigts, quoiqu'il ait de l'esprit jusqu'au bout des ongles — 
j'aurais pu y critiquer de môme quelques-unes des bévues que 
ce ceitologue en herbe nous a lâchées étourdiment. Ainsi quand 
j'ai noté (n" d'août 1897, p. 487 )une étymologie erronée de Leib- 
niz amenée par la méconnaissance du changement d'i?? ep t;, ré- 
gulier, en gallois dans certaines conditions grammaticales, je 
pouvais ajouter que l'auteur de la Dissimilation consonantigue 
était tombé dans des erreurs semblables, en expliquant (p. 36 et 
84) trois formes bretonnes de façon à prouver une superbe igno- 
rance des premiers éléments de cette langue (cf. ma Petite Qram- 
maire bretonne^ p. 6) ; ce qui lui est moins pardonnable qu'au 
philosophe « précurseur de la celtologie ». 



I K 



t. 



(i4 REVUE DE BRETAGNE 

Je Sf^rais en droit de signaler bien d'autres fautes chez mon 
rigoureux censeur. Si la postérité n'a, pour la renseigner sur le 
celtique, que ce fier génie, elle sera fièrement dupée I Elle lira, 
par exemple, Dissimil,,conson, 37, 38, cf. 189, une grave disserta- 
tion sur le sens du nom gaulois GUmomaros^ lequel n'existe pas ; 
p. S6, 71 (à propos de tabarlanc et boulom)y des confusions entre 
le breton ancien et le breton moderne, montrant que M. Gram- 
moat n'a pas mftme su copi'er intelligemment les renseignements 
que Je me tue à recueillir avec exactitude et à rédiger avec pré- 
I .«. cision ; etc. De même, dans les Mémoires de la Société de linguis- 

I tique do 1906, il enrichit le breton moyen des mots dazré (p. 183), 

fraez, subst. (186) ; le gallois, de la forme armoricaine /ra^:;, adj. 
(181) et du mot baeloc (182). Les subst. fraez, moy. bret. et baeloc, 
ê galL, sont dos faits importants dans la question qu*il traite (la 

diphtongue ae) ; mais le premier mot a pu ne pas exister, ou être 
différent, par exemple * fraes; l'autre est de la fabrique de 
M. Qrammont; simple barbarisme (pour bagloc ou balawc). 

Qui lui sert de témoin * 
Bt qui jure pour lui lorsqu'il en a besoin. 

Et c'est ce déplorable informateur, si peu soucieux de ne pas 
égarer la science par ses faux témoignages, qui vient s'opposer 
violemment à ce qu'on fasse des errata officieux aux ouvrages les 
plus recommandables, comme si c'était leur rendre un mauvais 
service, et que leurs auteurs dussent les aimer pour leurs défauts 1 
Il faut encore rappeler au magistral critique une phrase du 
bon vieux Lhomond : Pater amat suos liberoSy at eorurri vitia 
ùdiL 

Écoutons ce que pense de ce dénicheur du secret de l'absolu 
un autre romaniste éminent, M. Ant. Thomas (Romanta, 1907, 
p* 138; 139) : « Il m'est impossible de me défendre d'un sentiment 
d'eiïroî en présence de l'assurance avec laquelle M. G. trace aux 
phénomènes qu'il étudie l'inflexible loi du devoir. » Et il relève 
^ quelques-uns des résultats singuliers auxquels est conduit 
Tauteur par son désir immodéré de tout régenter. » C'est, en 
eiïelf un cas bizarre d'impérialisme scientifique, ou plutôt anti- 
scientîflque. M. Qrammont n'admet point que ses lois linguis- 
tiques soient sujettes à revision ; si vous lui indiquez des faits 
contraires à ses affirmations, ce sont les faits qui auront tort, et 
vous aussi; et pouryous punir de montrer des vérités qu'il a 



RÉPONSE AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT CONTRE MES ÉCRITS 65 

contredites, il vous transformera en montreur de poux ; c'est un 
puissant enchanteur I ^ 

8. Malgré moi je reviens, ma plume 8*y résigne, 

à cette question de poux que M. Grammont me jette si déli- 
catement à la tôte, ce qui n'est pas moins idiot que dégoûtant. 

L'art de Téducation du pou, qu'il décrit complaisamment avec 
détails circonstanciés, si bien qu'on jurerait qu'il l'a observé de 
très près et pratiqué avec succès lui-même, est une pure imagi- 
nation de M. Orammont : ce sale animal n'a aucune ^es qualités 
qui rendent la puce susceptible d'éducation. Osez me démentir, 
en spécifiant où, quand, dans quelles circonstances vous avez vu 
de pareilles botes savantes! Citez vos auteurs, ou vos témoins, 
et tâchez cette fois de ne pas les inventer ; pour un si grand des- 
sein, dépouillez, dépouillez votre horreur des références — Aor- 
resco referensl — Jusque après exhibition de ces preuves, je sou- 
tiens que vous pouvez prendre un brevet d'invention pour votre 
idée géniale de phtiropédie intensive — et offensive. 

9. Serai-je battu sur ce point d'histoire naturelle ? Cela me sur- 
prendrait ; car 

Je suis &ne, il est vrai, j'en conviens, je Tavoue, 

mais je ne suis pas assez... serein dans mon ànerie pour parler 
de ce que j'ignore, sans avoir fait effort pour me renseigner 
auprès de ceux qui savent. Enfin, si mes renseignements sur la 
question tranchée à sa façon par le terrible phtirologue qui m'a 
pris à partie sont démontrés par lui inexacts, je m'empresserai 
de rendre hommage à une vérité nouvelle, en reconnaissant 
que les poux savants de M. Grammont, ses grands chevaux de 
bataille contre moi, sont moins chimériques que Glunomaros, et 
ses autres dadas savants. 

S'ensuivra-t-il qu'il y ait la ressemblance prononcée qu'iV 
affirme hautement, entre ses poux et mes études linguistiques? 
Pas le moins du monde : pour être frappé de cette prétendue 
anafogie entre choses si disparates, iJ faut être en proie à ub fu- 
rieux accès d'assimilation délirante. J'aurais moins d'inquiétude 
sur la mentalité d'un lecteur de M. Grammont chez qui sa veni- 
meuse « comparaison à queue » éveillerait l'idée du scorpion de 
Montpellier {Buthus oecitanus). 

(A sttivre). E. E^inault. 



^ 



MU 

LES ORIGINES DU NOM DE SAINT- HiRS-LÂ-J AILLE 

Par^J. B au dry 



4t L« ïïaignatir & subslitaé «et pro- 

m pretMOi'U à 108 di€uif il a manî- 
» f«8té l«i di«ui comme périiAiitbUa 
]« «t H a attribué Uar honoeut à 
t* BAI morts. 

iGraec. afféct. eur. Sermù Vlli^ 
0- G., t. LXXXlIlh 



AVANT-PROPOS 



Au cours des recherches que nous âvons entreprises dans te 
but de recoustituer rhistoire de Saint^Mars-la-Jaille et de ses 
anciens seigneurs, une question intéressante, mais jusqu'à pré- 
sent irrisoLue^ a tout d'abord sollicité et retenu notre attention: 
celle de l'origine du nom de cette localité. 

Environ quatre-vingts communes ou paroisses^ en France, 
placées, pour la plupart, sous le vocable de Safnt-Médard, por- 
tent les divers noms de Saint^Médard^ Saint^Méard,Saint-Mards, 
Saint-Mars, etc. 

Quatorze localités au moins portent ce dernier nom, dont trois 
des paroisses de la Loire-Inférieure : Saint-'Mars de Coûtais (1), 
Saint-Mars du-Désert [2) etSaint-Mars^laJaille (3). 

(!) Cftnion d«MachecoiiT, ai7ûQdii««meatdeN&At«s. 
(£> C«Dtoa de Nort, «rrooditeemeiit d« CbftlAaubma4, 
(S) CftHUiB d« ç« ndm, arroadiu«meDt d'Ajic^oia* 



I 



jâL 



f 

l 



ÉTUDE SUR LEfi ORIGINES DU NOM DE SAI^T SfARS-LA-JAlLLE R7 

En ajoutant à ces trois paroisses eelles de Saint-Médard de 
Poulooi près de Nantes et de^Petil-Mara(l), nous avons, croyons* 
^us, Tensemble des localités de Taocien comté Nantais qui se 
rattachent à notre sujet par une similitude de nom ou de patro- 
nage. 

Le Patron des paroisses de Saint-Mars est saint Médard, le 
très illuitre évoque de Noyon et de Tournay (2), qui, né à Salen- 
cy, près de Noyon, en 457, frère jumeau de saint Gildard, évoque 
de Rouen, mourut évoque de Noyon et de Tournai, en l'an 545. 
Ses reliques furent transportées à Soîssons, par les soins du roi 
Clotaire qui, en son honneur, construisit une superbe église au3i 
portes de cette ville. Ce riche sanctuaire devint le noyau de la 
célèbre abbaye de Batnt-Médard de Soissoni. 

Très favorisé par les rois mérovingiens, le culte de notre saint 
se répandit rapidement dans toute la France et nous le trouvons 
à Angers dès le Vil* siècle (3). Il se propage au VIU* siècle, au 
plus tard, dans le Comté Nantais. C'est donc à cette époque que 
Ton peut faire remonter Torigine de nos premières chapelles ou 
églises, ensuite devenues paroisses» placées sous Tinvocation do 
saint Médard. Cependant nous ne les croyons pas antérieures 
au IX* siècle. 

Mais pourquoi les localités formées autour de ces églises sont- 
elles appelées, de nos jours, Saini-Mars^ et non Saint-Médard , 
B,\ors surtout que ces paroisses, dans tous les actes offlcîels, ont 
continué, à travers les siècles, à s'appeler en latin << SanctiiS' 
Médardus »--.? 

Il y a là un problème que nous voulons approfondir, sans tou- 
tefois nous flatter d*en apporter ici une solution définitive, nos 
arguments se bornant, pour ta plupart, hélas I à des hypothèses 
plus ou moins acceptables. Plusieurs solutions, d'ailleurs, ont 
déjà été proposées pour le résoudre, D'éminents écrivains s'en 
sont occupés avant nous, avec une autorité et une compétence 
que nous nous plaisons à saluer ici, et qui, sans doute^ eussent 
dû nous interdire de Taborder après eux (4). 

(1) Canton de Nort, arrondisiement de Ch&teaubriand. 

(3) 81 npa de Boîgsona, comme Tant écril oertaint aaUnrt. 

(S) « 11 est avéré que l'abbaye de Saiaii-Sevge d*An«era, fondée par Clovie^ éiait 
eoue llnyocation 4n SauiViMédard da^e le principe (Léon Maître : Lç Çidiê de 
8€dnt Médard dans le diocèse de Nan^ et dans VQuest), 

(4) Léon Maître : Le CvUte deeaint Médard dam le dieeète de Nantes eêdans 






68 REVUE DE BRETAGNE 

Mais, dans le champ où, déjà, le moissonneur a passé, empor- 
tant une abondante moisson, il est permis aux glaneurs de péi^é- 
trer après lui, dans l'espoir d'y recueillir quelques épis oubliés I 
Cet humble rôle est celui que nous ambitionnons, dans le champ 
fertile de Thistoire, et c'est dans cet esprit que nous avons osé 
soumettre les lignes qui suivent à la critique, toujours pleine 
d'indulgence, de nos savants collègues de la Société Archéolo- 
gique de Nantes et de la Loire-Inférieure. 



Mars et Méoard sont bien un seul et même nom. 

M. de la Nicollière Teijeiro pense que les paroisses du 
pays nantais, du nom.de Saint-Mars, ont eu, comme premier pa- 
tron, un saint Mars, évoque de Nantes au IV* siècle, dont il est 
question dans la vie ile saint Melaine, évêque de Rennes, patron 
' plus tard remplacé par saint Médard (1). 

De môme, M. l'abbé Tréveaux croit à ce patronage, mais pré- 
sente ce saint Mars comme vivant au IV* siècle (2). 

Quant à M. Léon Maître, il voit simplement, dans le nom actuel 
de Saint-Mars^ une déformatioa de celui de Saint-Médard, « dé- 
foT*mation aussi naturelle, dit-il, que le chdLagemenide Médéricus, 
en Saint'Mérry, de Saturnus, en Sernin, de Désidérius, en Di- 
diery» (3). 

Pour accepter l'hypothèse de MM. l'abbé Tréveaux et de la 
Nicollière, il faudrait admettre le même patronage d'un saint 
Mars, dont l'existence, comme évêque de Nantes, est à peine 
prouvée pour les onze paroisses de Saint-Mars qui sont situées 
en dehors de notre diocèse, et dont l'une est dans le département 
de Seine-et-Marne ! Il faudrait encore trouver quelque document 
dans lequel, avant le XII* siècle. Tune au moins de ces paroisses 
fut désignée sous le nom de Saint-Mars. Or, M. de la Nicollière 
n'en cite aucun, et, en ce qui concerne notre paroisse de Saint- 
Mars-la-Jaille, il mentionne la seule charte de 1243, dont nous 

l'Ouest^ M. TAbbé Trévaux : VEglise de Bretagne etc. ,• et T. de la Nicollière 
Teijeiro : Saint Mars évêque de Nantes (527-531). 

(1) £)«) la Nicolière Teijeiro : Saint Mars, évêque de Nantes. 

(?) L*abbé Tréveanx : VEglise de Bretagne^ etc. 

(3) Léon Maître : Le Culte de saint Médard^ etc. 



1 



ÉTUDE SUR LES ORIGINES DU NOM DE SAINT-MARS-LA-JAILLE 69 

parlerons plus loin, charte qui porte bien « Sancto Medardo l OH' 
verr> ei non Saini Mars lOlioier, traduction inexacte présentée 
par l'auteur de « Sùint Mars, évêque de Nantes » (1) pour appuyer 
sa thèse. 

Celle de M, Léon Maître est, au contraire, très vraisemblable, 
et nous nous rangeons d'autant plus volontiers à son avis que la 
transformation du nom latin, Médardus, en la dénomination 
Mars, est facile àexpliquer, pour quiconque a quelque peu appro- 
fondi rétude de la formation de notre langue française. 
. Chacun sait, en effet, comment, du V* au IX* siècle, le latin 
populaire, importé en Gaule par les soldats de César, devint, 
successivement, le bas-latin galo-romain, puis le bas-latin mé- 
rovingien, qui, par l'adjonction successive de quelques mots 
ibériens, celtiques, grecs et par un large emprunt fait aux dia- 
lectes tudesques, importés par les tribus barbares venues de 
Germanie, forma la langue romane, mère de notre français actuel. 

A la suite de l'invasion des Francs, la ruine des écoles, si 
prospères dans la Gaule, durant Toccupation romaine, porta un 
coup mortel au latin écrit, ou latin littéraire, qui bientôt ne fut 
plus accessible qu'aux clercs et à un petit nombre de lettrés. 
Dès lors, l'Eglise elle-même, pour évangéliser le peuple, dut se 
résignera lui parler le seul langage qu'il comprît ; le bas-latin, 
de plus en plus corrompu, dont le pape saint Grégoire enjoignit 
aux apôtres chrétiens de se servir dans leurs prédications. Plus 
tard les conciles de Tours (813), de Strasbourg (842), et d* Arles 
(851) banùirent le latin lui-môme de Tinstruclion donnée au 
peuple, et imposèrent au clergé, dans ses rapports avec les 
fidèles, et jusque dans les offices et les chants de l'église, l'usage 
de la langue vulgaire, de ce roman d'où devait sortir, peu à peu, 
la langue française, noble et harmonieuse, l'un des plus parfaits 
instruments de la pensée et de la parole humaine (2). 

Le roman se composait de deux branches distinctes : la langue 
du midi ou langue (foc, la langue du nord ou langue d'oïl. C'est 

(1) De la Nicollière Teijeiro : SaintMars^ évêque de Nantes (Retue Historique 
del'Oaest, 1099;. 

(2) Certains témoignages nous montrent le roman comme une langue distincte, 
dès le VU" siècle, mais ses premiers monuments authentiques connus, le 
Glossaire de Reichenau, les Serments de Strasbourg^ «lont du Vlll' et du IX* 
siècle. (Voir, pour plus de détails, les intéressants travaux de Laporte et Raguet 
sur rhistoire de la langue française, où nous avons puisé une partie de ces 
indications.) 



to RBVuE DB BHSTAGNii 

cette dernière qui se parlait dans notre région^ ainsi que dans 
l'Anjou, le Poitou, la Saintonge, le Maine, le Perche et la 
Normandie. Cette région était le domaine du dialecte nor- 
mand (1). 

Il n'est pas douteux que les diverses transformations de la 
langue aient influé tout autant sur les noms propres de per- 
sonnes et de lieux que sur les noms communs d^objets, de 
plantes, d'animaux, etc.» et le nom de Médardus, comme tout 
autre nom d'homme, à cette époque, dut subir Taction des lois 
qui présidèrent à la formation progressive de notre langue. 
Parmi ces lois il en est une qui domine toutes les autres ; loi 
capitale, base de notre étymologie, que Ton a nommée la loi de 
persistance de f accent. Elle s'applique à fous les mots de forma- 
tion naturelle et populaire, et consiste en le maintien dans le 
mot nouveau, de l'accent tonique du mot latin dont il est sorti. 
Cet accent tonique que comportait tout mot latin — surtout dans 
le latin populaire qui se parlait et ne s'écrivait pas — consistait 
dans l'élévation de la voix sur une des syllabes, et donnait, fc 
chaque mot, sa physionomie distincte, son cachet» pour ainsi 
dire, individuel. L'accent tonique portait sur l'avant-dernière 
syUabe du mot, si cette syllabe était longue, ou sur la syllabe 
qui précédait Tavant-dernière, si celle-ci était brève. Par oppo- 
sition à cette syllabe accentuée, les autres, moins sensibles, se 
nommaient syllabes atones. 

La prononciation en relief de la syllabe tonique passe dans les 
termes d'origine latine qui composent, en grande majorité, les 
langues romanes, tandis que la voyelle atone, qui» en latin, 
suit» ou précède, la syllabe accentuée disparaît, en général, 
dans le mot latin devenu français. Il en est de même de la 
consonne médiate^ c'est-à-dire de celle qui est placée entre deux 
voyelles, dont la seconde est tonique. Cette consonne médiate 
est généralement supprimée dans les mots de formation popu- 
laire. A ces trois règles il faut ajouter la suppression, ou 
ra$êotÊ$^éii$emeniy en français d« la finale atone, qui ne se 
prononçait guère dans le latin lui-même. 



(I) RanMtvqoofw «n p«mnt qiM 1m pAmnots iiidiqliéêt ot-<i«tfus«OBUM ttita* 
IWPet dn ëimlocto aonMvd mit pvéoMaeoi Mlles où MÎMuii M^M^dlimi 1m 
oommnnet de SainUMars et ceUM de Saint-Mards. Les Saint-Médard to»t pUrtAi 
répandue dans le midi et le centre et le8 Saint*Mapd dans Fest. 



f 



ETUDE SUk LES ORIGINES DU NOM t>E SAINT-MABS IA-JAJLLE 1i 

Tel est l'exposé très sommaire des lois de la transformation 
des mots latins, entrés dans le domaine du français par le procédé 
popalaire, les seuls qui toucheot à notre sujet (1). 

Appliquant ces règles au nom d'homme MedardttSt latin de 
Médard, commençons par supprimer la consonne médiale d 
placée entre la voyelle brève, E, et la voyelle tonique, a, Il nous 
restera : Mbardus. Supprimons encore la syllabe finale atone 
BUS et nous aurons Mae. La conservation de r a finsl qui se 
trouve à la suite, dans Mars, ne saurait nous surprendre, et 
Qlnflrme en rien notre démonstration. Elle s'explique, en effet, 
par la suppression ineomplête ou assourdissement de la syllabe 
terminale dus, dont le d est conservé dans Mard^ Meard^ etc.., 
et Ts dans Jtfctrs. Car c'est ainsi que s'expliquent également lea 
autres formes prises par « Médardus » dans la langue populaire. 
Ces diverses transformations, toutes basées sur les mêmes lois, 
s'opérèrent, au plus tard, au VllI* siècle, et sont, par conséquent 
antérieures à la fondation de la plupart des églises consacrées à 
saint Médard. Nous insistons à dessein sur ce point, le nom de 
Médardus, comme nom d'homme, devait être porté par d'autres 
personnes que l'évéquo de Noyon, et se traduisait en tan§:ue 
populaire par Mars, Maars, Meard^ Mard^ Mards, eîc., selon lea 
dialectes de la langue romane. En conséquence il est à croire 
que les églises et paroisses fondées en Thonneur de saint Médard, 
«. S&njùius Médardus » aux siècles suivants ont pu, dés tmir 
origine^ être désignées par te peuple sous les noms de Sainh 
Mars y Saint-Meard^ etc..- (2)< 

Nous ajouterons même qu'il est vraisemblable que, dans plus 
d'une localité, ces églises furent, en vertu d'une substitution qui 



(t) V* Laporte et R&gnet : Hûtoire de ta Langue Françaiâe* 

(2) Quicherat, l'iliiutre profeiaeur de TEcole des Chartet, écrirait à ce tujat : 
dans son «avant ouTra^e m De la formation française des anciens Twmi de 
Ueum • (Pari», Franck, 18«7, in-8). 

« Lea noms de Saint li fréquenta daas la nomenclature topo^raphique peuvact 
deTonir aimai Tobjet de grandes difAcaUéa» parce que tels dVntre ena ont 
éprouTé dea tranâformattona étranges et qn'il aepait impnaaible dv retrouTer les 
lieux anxqueli ili .^^e rapportent^ ai on rendait le latin par réqutralent franc^U 
coniaerâ dana TE '^se. Je ?ais iadiquer lea principaux accidenta de cette eapèce : 

« Fleseions différentes d'un même nom* — El lea aoot le produit dea différeùti 
dialecte»; par example : Sanctua Médardus^ %9Xu\r Médarâ^ S^int^Afârd, Saiat- 
Mars, Saint-Afjer<< ■►. (P.-P, fi& et ftfi) * ..* Il y a un Sai n t*-j\f ar j, étjuiTalent da 
Saint- W(*</«n' • l\ 1^3) etc.. 




7â REVUE DE BttEtAGNte 

n'est pas sans exemple, établies tur des lieux qui, avant leur 
fondation, portaient déjà le nom de Mars. 

Tel est le cas que nous allons étudier, en ce qui concerne 
Saint-Mars-Ia-Jaille. 



II 
Saint-Mars-la-Jaille d'abord appelé terre de Mars 

Le territoire de la commune actuelle de Saint-Mars-la-Jailie 
s'est appelé à Torigine terre de Mars, et portait encore ce nom 
au XP et au XII* siècle puisque nous pouvons établir, par des 
documents authentiques, que tel était alors celui de ses seigneurs. 

Gauscelinus de Marcio, vers 1070 (1). 

Februarius de MartiOy vers 1110 (2). 

Viviantis et frater ejus Februarius et filius ejus Hugo (1132, 
1142) (3). 

Viviano de MarZy en 1183 (4), 

Gaudinus de Sancto-Maarso (Entre 1 ITT" et 1192) (5). 
Tels sont les premiers possesseurs de la terre de Saint-Mars, 
et non de Petit-Mars, ainsi qu'on Ta cru à tort. Nous trouvons 
ces seigneurs aux XI et XII® siècles, attestant, avec leurs voisins 
les sires de Pannecé, Mesangfer, Riaillé et Varades, etc. les 
donations desl^arons d'Ancenis, ou des seigneurs de Vritz, et 
faisant eux-mêmes des libéralités confirmées par le seigneur de 
la Ghapelle-Glain et les barons d'Ancenis, leurs suzerains. 

Les personnages cités ci-dessus n'ont rien de commun avec 
Pelit-Mars, possédé à cette époque par les Hux^ seigneurs de la 
Musse, fondateurs, vers 1200, de la maison seigneuriale du lieu, 
le château de Ponthus (6). Ce château est la première demeure 
féodale mentionnée au Petit-Mars. 

D'ailleurs, s'il est indiscutable que cette localité doit sou nom 
à un établissement romain, dont les ruines existent encore sur 

(1) Dom Morioe, Eût. de Bret., Pr, I, 437. 

(2) Ibid. 1. 524. 

(3) Ibid. I. bîi-âCc-hSo. 

(4) Ibid. I. 696. 

(5) Arch, de la Saulaie. Communication de M. le marquis de L'Bsperonni^rà , 

(6) Voir GuiUotin de Corson : Les Grandes Seigneuries de Haute- Bretagne ^ 
et Ogée : Dictionnaire de Bretagne. 



ÉTUDE SCTR LES ORÎGmES DU NOW DK SAlTfT-HARS-U-JÂlLLfi 7t 

800 territoire, il ne s'en suit nullement que ce territoire, setil^ 
ait pu porter le nom de terre de Mars et avoir des seigneurs de 
ce nom. 

Le qualificatif Pefii qui le précède semble supposer, au con- 
traire, qu'il exista ua autre Mars plus important. D'ailleurs^ où 
trouver à Petit-Mars, ou dans ses environs, quelques traces d'un 
château de Mars, d'un fief, d'une seigneurie do Marsl Ce bourg 
était jadis un village, oh se trouvait la chapelle de Patience, 
devenue, par la suite* Téglise paroissiale de Petit-Mars, tandis 
que te Vieu?c-Bourg, situé près des marais de MazeroUes, était 
abandonné. 

Si les seigneurs mentionnés plus haut étaient seigneurs du 
Petit-Mare, leurs libéralités consisteraient en donatious déterres 
situé s dans leurs domaines, et non dans les proches environs 
de Saint Mars-la-JaiUe, de Bonnœuvre et de Riaillé, lieux qui 
firent, de tout temps partie, de la châlellenie de Saiot-Mars-la- 
Ja lie. 

Enfin ces donations, faites par des seigneurs de Petit-Mars, 
seraient, selon l'usage des XI* et XIP siècles^ attestés par des 
^fidèles n ou vassaux de ces mêmes seigneurs, et non par les 
seigneurs des fiels relevant de Saint-Mars'la-JaiUe. 

De même, ces donations seraient confirmées par des suzerains 
des seigneurs de Petit-Mars, et non par Raoul de ta Chapelle ou 
Motte-Glain suzerain de la châtellenie de Saint-Mars, alors terre 
de Mars. 

Or les terres données au « servitmir de Dieu » nommé Daniel, 
par Vivien et Février de Mars et Hugo, fils de Février, sont 
toutes située.^ dans un rayon de quelques kilomètres de Saint- 
Mars ; La PoUevinière {enive Bonnœuvre et RiaiUé), Les Champs- 
Bernard (aujourd'hui Champs-Morin, près de Bonnœuvre), Le 
Moulin (peut être le vieux moulin à eau de Bruère, dont It* nom 
seul subsiste encore, touchant les Champs-Morin), Le Ronzerai 
(joignant la Haie-Daniel, antique terre noble qui touche le bourg 
même de Sain{-Mars)> la terre Guedguet, {aujourd'hui Vivelle 
entre Bonnœuvre et Saint-Mar>)^ le Breuil d*Allucion (ou. Breuii- 
aux-Moines) qui, en 1745, apparlenait encore au prieuré de 
Bonnœuvre. En ajoutant à ces terres le moulin de VEpinaijy 
donné à Daniel, nous dit la même charte, par GuillaumB d'Au- 
vernéj et situé également près de Bonnœuvre^ nous avons 
l'ensemble des biens apportés par ce Daniel aux moines du 
Août mi « i 



mjL_ 



7k RBVUB DE BRETAGNE 

Saint^Florent^ possesseurs de Tantique prieuré de Boanœuvre, 
dès là début du XI« siècle. 

Peut-être trouvons-nous également, dans cette donation, l'ori- 
grine de la dépendance de ce prieuré, vis-à-vis de la Ghàtellenie 
de Saint-Mare-la-Jaille, de laquelle il relevait prochement, de 
temps immémorial, « à simple obéissance et outre à charge de 
remémorution des seigneurs de cette cour au service divin (1). » 

Seul, le dernier des seigneurs de Mars fait précéder son nom 
du qualificatif ; sancto. Nous croyons expliquer cette particula- 
rité par Tusage dans lequel étaient les seigneurs de cette époque, 
qui ajoutaient fréquemment à leur prénom le nom de leur 
paroisse^ dont ils étaient souvent les fondateurs. On sait qu'au 
Xll" siècle les noms de famille n'existaient pas encore : on se 
désignait par un prénom, un surnom ou un nom déterre. 

Or, la charte où nous trouvons l'attestation de Gaudin de 
Sainl'Mars ou JHaars est précisément la première où il soit fait 
mention d^téglisede Saint-Médard^qm, dès cette époque, comme 
nous Tavons vu, devait être nommée par le peuple Téglise de 
Saint-Mars ou de Saint-Maars. Ce n'est, du reste, qu'en sa quali<« 
té de possesseur du fief de Mars que Gaudin atteste la donation 
faite par Olivier de Vritz à Tabbaye de Melleray, de dix-huit sous 
de cens annueL Cette somme devait être prélevée sur les terres 
àela Poterie^ la Bauterie, la Rembergère, Charbocet, la Moliref 
les Places, le Chorai, le Forcin, Mongrison, LermitrèrCy la Doer- 
nère^ Berlaie et Champ-Ernautd^ noms parmi lesquels nous re- 
trouvons, intacts ou à peine altérés, ceux des vieux villages 
environnant Saint-Mars-la-Jaiile et Bonnœuvre (2). 



m 

Pourquoi Saînt-Mars-la-J aille s'est appelé « Terre de Mars ». 

Mais pourquoi cette appellation de terre de Mars appliquée, 
selon nous, à notre territoire ? Nous pouvons l'expliquer par 
plusieurs hypothèses, ou circonstances, applicables peut-être à 
plus d'un autre Saint-Mars. 

1* Le territoire qui forme la commune actuelle de Saint-Mars- 

(1) Réforma tiOD de 1745. Archives de la Loire-Inférieure^ E 260. 
C?) Celta ch&rte, qaï noiu a été commaniquée par M. le Marquis de L'fiStperon- 
nière, fait pai-Ue dei préeiootef archivet de la Saulaie. 



L 



ÉTUDE SUR LES ORIGINES DU NOM D£ SjIINT-HAAS-LA-JALLLE T& 

la-Jaille occupe Textrôme limite de la Bretagne et de TAnjou, 
situation qui en faisait jadis la frontière, la lisière, dupagusNam- 
netensisetdu pagus Andegaveneis, Le premier viHage d'Anjou, à 
1 kilomètre environ de Saint-Mars, se nomme encore la,Bêlisiê7'e 
ou Belle- Lhièr e{i)^i ledernierde ta Bretagne, sur Taucien grand 
chemin de Candô, est la Champellière ou Ckapdlière dont le nom 
indique, assurément, remplacement d'une antique chapelle, le 
premier édifice religieux, peut-être, élevé dans notre localité avant 
mâme que parût Téglise dédiée à saint Médard. Il est du moins 
certain que cette chapetle, disparue de temps immémorial^ fut 
un bénéfice ecclésiastique desservi par un chapelain jusqu'à la 
Révolution. Or le mot froniîère, /wf^re de territoire se traduit 
en langue celtique par marz d'où sans doute est venu le mot 
marche pour indiquer le territoire limitrophe qui borde une pro- 
vince. La terre ou flef de Saint-Mars pouvait donc, de ce chef, 
s'appeler terre de Marz^ ou territoire frontière, et cela plusieurs 
siècles avant la fondation de son église* 

T Ce territoire, situé dans ta vailée de TKrdre, n'était autrefois 
qu'un vaste marais, bordé par des coteaux, alors seuls habitables. 
Ofj marais se désigne par les mots marsht marish et marscken, 
eu anglais et en langue germanique, langues àTorigine mélangées 
avec celles de nos ancêtres, par suite de Tinvasion des barbares, 
en bas latin, mariscum et en vieux français marex. 

3^ Enfin une tradition prétend qu'au temps de l'occupation 
romaine, notre localité possédait un temple de Mars. Une tradi- 
tion c'est peu de chose, nous en convenons, pour qui cherche 
Texactitude historique, cependant toute tradition naquit, assuré- 
ment d'une vérité plus ou moins dénaturée par le temps, comme 
toute fumée, répandue dans les airs, eut, pour point de départ 
assuré^ un foyer quelconque, bien humble souvent, mais, parfois, 
singulièrement lumineux. Une tradi^tion doit être respectée et 
peut entrer en ligne de compte, non pour prétendre établir une 
certitude historique, à laquelle elle ne saurait servir de base, 
mais pour appuyer une hypothèse vraisemblable, et à défaut de 
documentation écrite. 

La tradition de l'existence d'un temple de Mars, qui aurait 
donné son nom à notre territoire, esld*autant plus acceptable que 
Pannecé, situé tout près d'ici, fut incontestablement une station 

* ». 

(1) Cékatiû Port, Bict. de Maine-^t^Loire. 



l lâib.. 






7i REVUE DE BRETAGNE 

romaine. Ceci est prouvé par des fouilles ayant donné lieu à la 
découverte de vestiges non équivoques de l'occupation de cette 
localité par les vainqueurs de la Gaule(l),substructions,médailles, 
débris de poteries en terre rouge, briques à rebord, scories de 
verre, etc... (2). 

Pannecé, ou plutôt la « Bordineria » qui était jadis la principale 
agglomération de Pannecé, dont elle n'est plus qu*un village (la 
Bourdinière), était d*ailleurs situé au point de jonction de deux 
voies antiques de premier ordre : celle de Béré à Ancenis, et 
celle d'Angers à Nort et à Blain, puis d'un grand chemin romain 
s'embranchant sur ces voies, et les reliant, en passant par Saint- 
Mars, à la voie d'Angers à Rennes qui traversait la ville de 
Candé (3). 

Ënfin^ selon nous^ le nom même de Pannecé se rattache au 
souvenir de cette station romaine : pan ou pann^ en celtique : 
endroit, pays, contrée, canton ; «é, abréviatif du nom de César : 
contrée, canton de César, c'est-à-dire des Romains, en vertu de 
Tusage qui attribuait, d'une façon générale, le nom de César à tous 
les empereurs romains, et, par extension, à toutes les créations 
du peuple vainqueur, d'où les Ponts-de-Cé, ou ponts de César, et 
nombre de camps, de chaussées, de tours, de cités etc.. du 
même nom. 

Il est permis d'affirmer que rétablissement romain de Pannecé 
étendit son influence sur ses proches environs, de même que le 
pouvoir des vainqueurs avait implanté leurs mœurs, leur religion 
et leur industrie, dans toute la région que nous habitons, contri- 
buant, pour beaucoup, à la civilisation de notre pays, aux progrès 
de notre agriculture. Plusieurs verreries romaines étaient ali- 
mentées par les bois de la forêt d'Ancenis, dont celle de Saint- 
Mars faisait alors partie. La Verrerie en Riaillé, la Verrerie en 
Pannecé, et peut-être celle de Vivelle près de Saint-Mars remon- 
tent à cette époque, ainsi que plusieurs autres établissements, 

tels que des fonderies, etc.. Dans un quartier ainsi peuplé et 

-^ 

(1) « Des fouiUes pratiquées à Pannecé, en 1142, amenèrent la découverte de 
Tuiatê cnrieuses que Ton croit de construction romaine » (Ogée : Dictionnaire 
dû Bretagne^ art. Pannecé^ %. II). 

(Î1 Notamment un bronze de Oallien et deux pièces à l'effigie de Salonine 
femma dd de môme empereur (260 après J.-C.) (Maillard, Hist. d'Ancenis et de 
êêt bartmê). 

(3) Voir U carte des voies romaines et grands chemins de la baronnie d'Ancenis, 
oarte 4rMsé« par k. Léon Maître, qui a bien voulu nous la communiquer. 



l 






ÉTUDB SUR LES ORIGINES DU NOM DE SAINT-MARS-LA-JAILLE 77 

exploité par les Romains, la présence de temples, oti de monu- 
ments> élevés en Thonneur de leurs divinités s'expliquerait 
aisément. 

D'ailleurs on sait que le dieu Mars^ autrefois Mavors, dieu de 
l'Agriculture, dont les Romains ont fait le dieu de la guerre, 
était également une divinité fort en honneur chez les Celtes, 
nos ancêtres. Sous les divers noms de Meurth^ en celtique ; 
Mawrth, en gallois ; le dieu de la guerre était l'objet de l'ado- 
ration des Gaulois^ avant môme l'invasion romaine (1). Pour- 
quoi nierait-on Texistence en ces lieux d'un temple de Mars ? 

Or, de même que nos églises chrétiennes ont imposé à nos 
communes, à nos cantons, à nos arrondissements, le nom de 
leurs saints patrons, il est admissible que les temples voués aux 
divinités païennes ont pu, eux aussi, marquer le souvenir du 
culte qui leur fut rendu, des monuments qui furent élevés en 
leur honneur, par la dénomination du territoire où ils étaient 
situés. 

Saint-Mars-Ia-Jailie, de ce chef encore, a pu s'appeler terre de 
MarSy au même titre que le Petit-Mars, Martio « localité antique, 
pleine de ruines romaines, où le culte de Mars était en hon- 
neur » (2). M. Maître explique par cette circonstance « pourquoi 
cette paroisse porta le nom de Mars{S). » Nous citerons également : 
Les Mars, dans la Creuse (4), Mars-la-Tour (Meurthe-et-Moselle), 
Mars'sur-Bourg (Ardennes), Mars-sur- Allier (Nièvre), Cinq-Mars- 
la-Pile (Indre-et-Loire) (5) comme territoires du nom de Mars, 
sur lesquels on a relevé des traces du culte du dieu de la guerre, 
et paroisses dont plusieurs ont, comme la nôtre, pour patron, 
saint Médard, évoque de Noyon, nommé saint Mars dans le 
langage populaire du V* au IX* siècle ^ 

Des observations qui précèdent, nos lecteurs concluront cer- 
tainement, comme nous, à un rapprochement évident entre ce 
nom de Mars, donné au territoire, et ce patronage de Saint-Mars 
choisi par les paroisses et églises fondées dans les lieux qui con- 

(t) « Mars a été très honoré en Ganle dans les forêts », rappeUoM. Maître dans 
sa Géographie historique et descriptive de la Loire-Inférieure, 

(2) Léon Maître : Le Culte de saint Médard, etc. 

(3) Ibid. 

(4) Cette paroisse a ponr patron saint Médard. 

(5) Le yiUage qui porte ce nom fat également consaoré à saint Médard ainii 
qne nous le dirons tout à l'henre* 



> 



?» REVUE DE BRETAGNE 

servent, ou conservèrent longtemps, des traces non équivoques 
du culte païen de Mars. Ce choix de nos évangéUsateurs 
chrétiens n'est pas un efTet de. hasard, ou de simple coïncidence. 
Il y a ici une substitution noidue pour faciliter le passage, la 
transitions du paganisme romain aux croyances du christianisme 
appelées h ie remplacer. 



V7 

GOHUSNT h\ TERHK DE MaRS £ST DfiVSNUË SaIMT-MaRS 

Quand, au VI* ou au VIP siècle, les apôtres du Christ, venant 
des cités où la religion chrétienne était déjà prospère, appor- 
tèreolï, au fond de nos campagnes, les premières lueurs de la 
foi évangélique, ils ne se trouvèrent pas en face d'un peuple 
areligieitx, A la fin de Toccupation romaine, en effet, nos 
ancêtres étaient en proie à un paganisme bizarre, mélange 
hétéroclite d'un reste de traditions druidiques et de superstitions 
romaines. Le culte des divinités imposées aux Gaulois par la 
volonté des vainqueurs, avec leurs lois et leurs moeurs, survécut 
même fort longtemps à leur domination anéantie. C'est ainsi 
que le concile de Tours, en 567^ jugeait encore nécessaire de 
défendre, expressément» la célénratîon des calendes de janvier 
sur le Mont-Janus, aujourd'hui Mont-Jean (1). 

On sait que les Romains^ et César en particulier, constatant 
qu'il était plus facile de réduire les Gaulois par la ruse que d6 
les soumettre par la force, ne se posèrent pas en persécuteurs 
de la religion du peuple conquiSi mais latinisèrent les noms des 
dieux gaulois et les assimilèrent pour ainsi dire à ceux do la 
Rome païenne, aOn d'imposer insensiblement ceux-ci à nos 
ancêtres. De même, les missionnaires chrétiens, arrivant dans 
notre pays, se gardèrent bien de heurter de front les supersti- 
tions et les préjugés populaires, qu'ils rencontraient à chaque 
pas. Greffant, en quelque sorte, l'arbre de vie, sur la plante 
sauvage et amère de la superstition et de Terreur; fondant 
Tavenir sur les ruines accumulées du passé, le prêtre chrétien 
substituait habilement, au culte déjà ébranlé des faux dieux, 
celui des premiers saints de l'Eglise catholique* 

{1) Dom Morice. 



ÉTUDE SUR LES ORIGINIS OU IfOlT DE SA rNT-MAHS-U>J AILLE ^9 

Détournant, canalisant, ponrhinsi parler, le flot de la dévotion 
populaire, l'apôtre du Christ le conduisit bientôt, du temple de 
ridole, à la basilique chrétieana ; ou mieux encore, transformant 
en église le temple même de la divinité en honneur dans la 
région, il substitua, à ce culte païen, celui d'un saint du même 
nom qui recueiUit^insi Thérita^e de la vénération du peuple. 

Cette substitution est un fait historique, depuis longtemps 
constaté, et dont on peut citer de nombreux exemples. L'archéo- 
logie est redevable à cette tactique des fondateurs du culte 
catholique en France, de la conservation de plus d'un monument 
précieux qui, sans elle, eut été irrémédiablement détruit. 

C'est ainsi que les cultes nouveaux de saint Bach^ de saint 
Eletitkêre^ de saint Denis, de saint Jacques lui-mômCj purent 
remplacer parfois^ dans ses propres temples^ celui de Baechus, 
également désigné par les anciens sous les noms de Denis et 
û'Eleuthêre, et, par les Bretons, sous le sobriquet de lacchus. 
C'est ainsi que le Mûni-Janus devient Mont-Jean^ et que^ dans la 
môme commune, la fontaine sacrée nommée « Fons-Maïanus n, 
consacrée à Maïa divinité celtique, déesse de la terre, nourrice 
par excellence, devint le fontaine de Saint-Méen « Sanclus 
Maïanus ", Nos ancêtres gaulois attribuaient à cette source de 
ïfaerveilïeuses et salutaires vertus. Au lieu de détruire la fontaine, 
objet de la superstition populaire, qui amenait en cet endroit de 
nombreux visiteurs, le christianisme transforma bientôt ceux-ci 
en pèlerins, et, sous Tégide du bienheureux saint Méen, apôtre 
du pays de Mau^e, Tan tique v Fons Maïanus n^ sans même 
changer de nom. continua à opérer des merveilles ! La dévotion 
avait remplacé la superstition ï Et l'on vint chercher, en ce lieu 
désormais christianisé, la guôrison du <i mal (fe Saint-Méen » 
la.,, gale, « puis qu'il faut rappeler par son nom (1} ». 

C'est d'aprfesce même principe de substitution — dont nous 
pourrions multiplier les exemples — que Ton peut, sans crainte, 
affirmer que plus d'une église, placée sous le vocable de saint 
Mards, de saint Mard, de saint «Mars, c'est*à-dire saint Médard, 



(1) Ce IkU nauB est gignalâ par M, te marquis da Briiay, d^apr^ l*intére««uit 
ouvrage de M» l'ahbé AUard ■ Notes sur Mont-Jstt" et ses seigneurs*. Cétar, daPB 
■fis ComTneniaireSf (Cèeur l-VI) parlas de h\ Yénéraiion des Celtea pour Mma dout 
ïos Homam^'ï avaient fait la mère de Mercurs^ dieu du commârcé, également eu 
grand honneur chez les Celtt^a. Sîaïa futla nourricf d^Arcas et son nom^ pour léi 
Gallo-Komaiaa» signifisiit» an eJîet, « nourrice u ou mSme >* a^ge-femme a. Celte 
antique foutaina est située dan» Taucienne parois«a de Chàteuupaun^ ea Anjoa. 



90 REVUE DE BRETAGNE 

OU encore sous celui de saint Mamert occupe l'emplacement, ou 
le voisinage, d'un temple, ou d'un monument, jadis élevé en 
l'honneur du dieu de la guerre» Mars^ appelé par les anciens 
Mavors, Mamers^ Meurth, ou Mawrth^ ainsi que nous l'avons dit 
ci-dessUs. De même le culte de Saturne a fait place à celui de 
saint Saturnin^ ou Semin premier évoque de Toulouse, martyr 
du III<^ siècle, (en latin Saturninus). 

A Tappui de notre thèse, nous pouvons encore invoquer 
l'opinion de MM. de Gaumont et de la Saussaye (1) relativement 
au singulier édifice de la Pile-Ginq-Mars que ces distingués 
archéologues s'accordent à considérer comme un monument de 
construction romaine, élevé en Thonneur du dieu de la guerre 
« soit en souvenir d'une importante victoire, soit comme marque 
limilalive d'une province (2) ». Or, au moyen-âge féodal, le 
terrain avoisinant cette Pile, se trouvait occupé par les moines 
de Saint-Julien etde Saint-Martin et ainsi désigné : endib^^ terra 
Sancti Medardi » ; en 1012 a Ecclesiade Pila Beati Medardi » ; 
en 1070 « Prioratus Sancti Medardi ». Le domaine rural qui s'était 
créé autour de la Pile portait le nom de la « Salle César de la 
Pile. » Ce domaine contenait des constructions aux murailles de 
cinq pieds d'épaisseur. Les ruines, encore apparentes en 1762, 
d'un de ces édifices antiques se nommaient « le Temple ^ (3). 
Peut-ôtre un temple de Mars ?... 

Jean de Marmoutiers, écrivant au XIP siècle, nous a conservé 
la description d'un monument de môme nature que la Pile Saint- 
Mars ou Cinq-Mars. Il existait dans le camp romain d'Amboise, 
également sur les bords de la Loire et se composait d'une tour 
de pierres et « d'une maison de bois, sur le côté de laquelle César 
plaça une salle de pierre ». La tour était surmontée d' a une 
statue de Mars d'une grandeur merveilleuse » (4). 

Enfin, deux autres piles, de môme origine que les précédentes, 
s'élevaient au lieu dit « Port de Piles » sur la Creuse « Portas qui 



(1) Notice archéologique sur la Pile Cinq-Bfara (Mag. Pi t. 1845). 

(2) Ibid. et Carré de Busseroles, à propos de la Pile Cinq-Mars. 

(S) Notes oommaniquées par M. le marqais de Brisay, que nous en remercions 
ici. 

(4) Lib. de Cûmp. eastri abasiae o. I. Sulpice Serère, parlant, dans la rie de 
saint Martin, d*une idole de Mars, que ce saint détruisit à Amboise, il j a tout 
lieu de croire qu'il s'agit de celle dont Jean de Marmoutiers nous a oonserré le 
^•uTenlr. 



ÉTUDE SUR LES ORIGINES DU NOM DE SAlNT-MARS-LA-JAILLE SI 

est ad Pilas a. « Pilae juxta (luvium Crosa » (XI* siècle)^ ^ Il y 
avait deux piles, uae de chaque côté do la chaussée romaine 
allant de Poitiers à Tours, au point où elle franchissait laCreusej 
rive gauche- De l'autre côté de la riviàre, dans la paroisse de la 
Selle Sainl-Avent, dont le clocher se dresse à 1 kil au Nord du 
pont, se trouvait un « Campus Sancii Medardi » cilé sous ce 
nom dans une charte de rabhaye de Noyers, vers 101W, Sur le 
terrain qui faisait face aux piles, les moines de Noyers élevèrent 
une chapelle dédiée à sainl Médard (1). 

' Voiià, nous semble4-il, un nombre assez considérable d'exem- 
ples de la st^&stiiution voulue, par les premiers ministres du 
christianisme, du culte des saints au culte des faux dieux, et, 
notamment, du culte de saint Médard h celui de Mar$^ théorie 
par laquelle nous expliquons le nom de notre bourgade. Ce 
principe a4-il été pour quelque chose dans le choix du patron de 
notre paroisse ?... Nous sommes d'autant plus disposé à le croire 
que la substitution était plus facile ici qu'ailleurs, la terre por- 
tant déjà le nom de terre de Mars, ou de Marz, nom qu'avaient 
pris ses seigneurs. Toutefois nous ne voulons rien affirmer, lais- 
sant à nos lecteurs le soin de tirer eux-mêmes les conclusions de 
cette étude sur les origines du nom de Saint-.Mars-la-Jaille< 



If I 

Les autres noms de Saint* Mars 

Après s'être appelée terre de Mars^ puis de Saint-Mars, la sei- ( 

gneurie de ce nom^ devenue le domaine des Olivier^ seigneurs i 

de Vritz, dès le XII' siècle, est bientôt désignée sous le nom de . '^ , 

Saint-Mars ou Saiot-Médard V Olivier, appellation venant, sans ^ 

doute, du nom de ces seigneurs et que la paroisse conserva fort '* 

longtemps. ï 

C'est, croit-on, à la fin du XIII* siècle, que le fief de Saint^Mars . 
devint la possession des Yvon, seigneurs de la Jai7^e> en Anjou. 
L'un d'eux, Y von XII de la Jaille, possédait cette terre, avant 
1369, époque où il en fit, à grands frais, reconstruire la forteresse, 
faisant de son château une place remarquablement forte. C'est 
donc avec une fierté très légitime que ce chevalier, déposant à 

(i) Nolceduea à roblig«ance de M. U marquis de Ërîtaj. . 




sa HKVUE DE BRETAGNE 

J'enquôte da procès de canonisation de Charles de Blois, aux 
côtés duquel il avait combattu, se déclare hautement u Dominus 
Castri SancH-Marsi » (1) (1371). 

A la suite de cette reconstilutioo de sa forteresse, Saint-Mars 
devint Saint-Mars de la Jaille, le château est même parfois dési- 
gné comme a château de la Jaille », circonstaoce qui établit la 
distinction entre les deux flefs, réunis sous la domination du 
môme seigneur ; l'un paroissial, Vautre féodaL Toutefois, en 1745 
encore, la paroisse est ainsi désignée <î Saini-Mars-de-Ia-Jaille» 
anùiennement appelé Saint-Mars Lollivier » (2)- 

De nos jours on dit et on écrit Saint-Mars-la-Jaille, bien que la 

Révolution, elle-même, ait tenté, à son tour^ de dénaturer, et 

même de changer le nom de notre pauvre commune, nom déjà 

torturé par tant de vicissitudes !... En effet u pour se dégager du 

fanatisme » les officiers de notre municipalité, le 24 germinal, an II 

(13 avril 1794) « ont changé le nom de leur commune en celui de 

commune d'Erdre, nom de la rivière qui passe dans le bourg (3)* » 

Cette motion géniale fut-elle sanctionnée par le département et 

la Convention 7-» Toujours est-il qu'elle ne devait pas recevoir la 

consécration des siècles, Saint-Mars conserva, ou reprit, son 

nom de Sain t-Mars-Ia-Jai lie qu'il gardera, espérons-le» jusqu'à la 

fin des temps.*, de notre temps, tout au moins- Car il est peu 

probable, étant donné les idées progressistes et émancipa trices 

de notre XX" siècle, que, tout désireux qu'il soit, lui aussi, de se 

« dégager du fanatisme *, il en arrive à rétrograder au point de 

faire reprendre à notre commune son nom primitif de terre de 

Mars. Le nom d*un dieu! et da dieu de la guerre / / / « Que saint 

Médard nous en préserve ! diront les moins « fanatiques ■ de no« 

concitoyens, et que Saint-Mars-la^aille reste Sa int-Mars-la- Jaille 

è jamais. 

J. BÂUDRY. 



<!} Dam Morice, Pr. T. U, col. 31. 

(î) EéfonnAtïon daj terres ot rfintflS de 1& «étgneurî* an I7i&, ÂroK de It 
Loi re-lD férié DTâ, £ SÔD. 

(5) Journal det Délibérations du Club de Vincent la Montagm de Nfiiite&, 
(MttUard, Hist> ût la Baronniê dTAntêniM)* 



I ^ 



\ 



I 



ÉTUDE SUR LES OElftimES DU NOM DE SATNT-MARS-LA-JAILLE â3 



PIÈCES COMPLÉMENTAIRES ET JUSTIPIGATIVES 



î 

Donation de Quihinog d'Angeîïis aux moines de Maemûuïiers 
[Vers la fin du XP iiécle^ i070 environ.) 

Que tous préienta et à venir sachent que moi^ Guihénoc» 
d'Aocenifl, je suis tombé malade autrefois et, après avoir de- 
loandé un soulagement de mes mau^ à Dieu et aux frères de 
Marmoutiers^ il plut au vénérable Barthélémy, alors abbé de 
ce lieu, sur ma demande, d'ordonner k Tun de ses frères^ habile 
en niédecine, nommé Tetbert, de venir me secourir. Celui-ci 
traita ma maladie pendant si longtemps, et avec tant d'habileté 
que, grâce à son talent, je parvins à me guérir. C'est pourquoi je 
leur ai fait remise sur les navires grands et petits qui portaient 
sur la Loire les choses appartenant au monastère de Saint-Martin 
de la taxe que j'avais coutume de percevoir, etc.. Et afin que 
cette charte acquiert une durée inaltérable ; moi-môme je l'ai 
confirmée, par le toucher de ma maio, et le signe de la croix et, 
dans le môme but, je Tai oonHée aux mains de mes âdèlâs dont 
les DOms suivent : 

(Parmi ces noms :) Payen, frère de Guihénoc, Simon, son 
neveu, Hugo, frère du même Simon, Origone, mère de Guihénoc, 
Agnès sa femme et Quihénoc, Gauscelin de Marcio, etc, 

(Charte latine citée parDom Morice, Pr. I, 437.) 

En outre de cette pièce et de celles qui suivent, voir ; 

Pour Tattestation de « FebruaHus de Mariio », vers 1110, Dom 
Morice, Pr, I, 524. 

Pour celle de « Yiviano de Marz » la donation faite par Bonabes 
de Eougé à l'abbaye de Melleray, en 1183 (Dom Morice, 
Preuves /, 69fi). 

Pour une autre attestation de Vivien et de son frère Février en 
1142 : voir la Fondation de l'abbaye de Melleray par Hamon le 
Bigot et AJain de Maisdon (Dom Morice^ Pr. /, 585^586.) 



I?. 



84 REVUE DE BRETAGNE 

. Il 

Donation a Saint-Plorbnt conpirmôb par Gubthrnog d'Ancbnis 

•— Puisque, etc.. Le seigneur Guihenoc, fils de Maurice 
Hl'Ancenis et Geoffroy, héritier du susdit Guibenoc, et ses héri- 
tiers, ont, d'un commun accord donné à Daniel, de leur forât, 
ce que Vivien, son frère Février et son flls Hugo, lui avaient 
donné en aumône, savoir : la Poitevinière, le Champ-Bernard, 
le Moulin, le Ronzeray, la terre Guedguel et le breuil d'Alucion, 
etc... De cette cession de Guihenoc sont témoins : Hamon de 
Pannecé, Olivier le Sueur, Breton de Mouzeil, Roger le Tort, 
Hildebert le Borgne. 

Cette donation de Vivien fut confirmée par Raoul de la Cha- 
pelle, son épouse, et Renauld leur fils. En plus Guihenoc donna 
la terre de Killic, comme lui-môme la tenait de Dieu et du Comte. 
Mais son flls, intervenant dans Théritage de son père, chercha 
chicane, etc. Sont témoins : Guibert de Pannecé, Alain Guihenoc^ 
Mathieu de Riailié, Malo de Modtfriloux. 

De plus, Guillaume d'Auverné, sortant de la corruption de ce 
monde pour embrasser la vie monastique, donna à Daniel le 
moulin de Tfipinay. Toutes ces concessions furent ratifiées par 
Raoul, son flls, Godfroy, son frère, Judicaôl de Pesatio, son 
neveu et Léon de la Vallée, son neveu. Témoins : Hervé et Hugo 
de Bésiel, etc... Cette donation fut ratiflée par Haimon le Bigot 
et Alain flls de Clarambaud de Maisdon. 

Tous ces biens, le susdit Daniel, serviteur de Dieu, les donne 
ainsi que lui-môme, avec l'assentiment des sus nommés, à 
l'Eglise de Saint-Florent, afln d*ôtre compté au nombre de ses 
enfants. 

{Titres de Saint-Florent). 

(Document latin extrait de Dom Morlce, Preuves, 1. 1, 565), 



^^ 



Sl?.«(*:r-- 



ËTUDB SUR LES ORIGINES DU NOM DE SAINT-MARS-LA-JAILLE 85 

111 

Donation faite par Olivur de Vritz a l'abbaye de Mbllbray. 

(FRAGMENT) 

{Entre iill et ii92.) 

Post decessum vero sororis sue Leigrat, pro ejus anima 

dédit eidem domui duos solides quos habebat in feodo Herde- 
berti Le Monner. Hujus rei testes sunt : uxor Oliverii que hoc 
donum concessit ; Oaufridus abbas de Mellereyo ; Simon de 
Heric, Robertus Crespin, Gaudinus de SatictoMaarso, 

Dédit etiam ipse Oliverius portionem illam décime sue, que 
eum contingebat de Sancto scilicet Medardo excepta décima sue 
iDedietarie. 

Dédit etiam unum sextarium frumenti io molendino quod 

est an te ecclesiam Sancti Medardi in anniversario patris et matris 
sue quod fit octavo decimo calendas februarii 

TRADUCTION 

Après la mort de sa sœur Leigrat et pour le repos de 

l'âme de celle-ci, il [Olivier de Vrt/zJ donna à la même abbaye 
deux sous qu*ii tenait en flef de Herdebert Le Monner. Les 
témoins de cette donation furent : l'épouse du dit Olivier qui 
donna son consentement, Geoffroy (de Beaumont)^ abbé de 
Melleray , Simon de Héric , Robert Grespin , Gaudin de 
Saint-Mars. 

Le même Olivier donna aussi la portion de dime qui lui revenait 
à Saint'Médard excepté la dime de sa métairie. 

II donna également, sur un moulin qui est devant Viglise 

de Saint'Médardj un selier de froment pour l'anniversaire de 
son B^re et de sa mère^, qui est le 15 janvier. 

(Charte latine faisant partie des précieuses archives de la 
Saulaie (près Candé). Communication et traduction de M. le 
marquis de L'Esperonnière, propriétaire de ce château; à qui 
nous en exprimons nos remerciments). 



8« REVUE DE BRETAGNE 



IV 

' Donation faite par les seigneurs de Vriz a l'abbaye pb 
Melleray en 1243. 

(FRAGMENT) 

Universis présentes lltteras inspecturis Ghotardus de Veris 
miles, salutem in Domino. Gum dominus Oliverius de Veris primo 
genitus dederit in perpetuam elemosinam abbatie de Mellereyo 
vigenti solidos annui redditus in pedagio de Sotncto-Medardo TO- 
liver, postea BeatriX) filia et beres dicti Uliverii uxor domini Ûaa- 
fridi de Bello-Morterio, similiter dederit in perpetuam elemosi- 
nam dute abbatie et fratribus ibidem. Deo servientibus, quidquid 
ipsa habebat in pedagius et coustumiia cheminorum de Sancto- 
Medardo roiiver et deBordineria... etc 



traduction 

A tous ceux «iui ces présentes lettres verront, Go tard de Vriz, 
chevalier, Salut dans le Seigneur. Messire Olivier de Vriz mon 
frère aîné a donné en aumône perpétuelle à Tabbaye de Melleray 
vingt sous de rente annuelle sur le péage de Saint-Médard 
rOlivier, et dans la suite, Béatrix, ûlle et héritière dudit Olivier et 
femme de Messire Geoffroy de Beaumortier, a donné pareille- 
ment en aumône perpétuelle à la dite abbaye et aux frères qui y 
servent Dieu, tous les droits qu'elle avait sur le péage et les 
chemins de Saint-Médard TOlivier et de la Bordinière... (i) etc.. 

Donné Tan du Seigneur 1243. 

(Archives de la Saulaie. Gommunication et traduction de 
M. le Marquis de l'Espeironnière) (2). 

Gette donation est confirmée par Ghotard ou Gotard qui, en 
1243, la transforme en une rente annuelle de six livres de 
monnaie courante. 

(1) La Bourdinière en Panoteé. Cette 'première donation a lieu yert lîiO. 

(2) Ce mdme document existe en copie aux Archives de la Loire- Inférieur e^ 
H 75, maie incomplète et inexacte, comme nous avons pu nons en conrainere en 
la rapprochant d« o«Ut de la Saulaie dont noue ne donnona oi-deMu« qm'ns 
fragment. 



L'ÉVOLUTION DES CELTES 

EISTEDDFOD DE CARNARVON 
1906 



Il en est des races comme des iodividus dont elles se compo- 
sent : la liberté les développe, Toppreçsion les étouffe ; dans la 
lutte les unes plus faibles succombent» ainsi leslbères^les Qoths, 
les Incas dont il ne reste plus que le nom dans Thistoire ; d'au- 
tres^ plus fortes, comme les Celtes, se redressent et finissent par 
reprendre leur place au milieu des nations. Ces dernières 
conservent pendant des siècles une somme d'énergie invincible 
que rien ne peut entamer^ Dans la mêlée souvent dure et vio- 
lente^ si leur corps fléchit, leur âme n'est pas atteinte ; elles 
offrent une résistance opiniâtre, purement intellectuelle et 
morale,qui est le plus éclatant indice de leur supériorité. Quel que 
soit le coin du globe où les hasards de la guerre les poussent^ 
elles emportent des traditions autour desquelles elles se rallient, 
qui entretiennent leur vitalité. Elles adaptent leur génie au 
territoire oti les circonstances les forcent à se flxer ; loin d'être 
absorbées par les éléments hétérogènes, comme cela arrive pour 
les peuples qui sont morts ou qui meurent, ces races se les 
assimilent en leur infusant leur sang et leur esprit. Elles eii;ercent 
une domination qui tôt ou tard vaincra. Contre elles la tyrannie 
sous toutes ses formes n'a qu'un temps, si forte soit-elle ; leur 
droit à l'existence libre Suit par l'emporter sous Tinfluence et à 
Taide d'idées puissantes. 

La race celtique est en voie de faire triompher ce droit. Acca- 
blée par des guerres séculaires» elle connut toutes les affres de 
la défaite ; trop indépendante d'esprit et trop rêveuse, elle ne 
sut pas s'organiser pour la résistance ; mais son âme se ressai- 
sissait chaque lendemain de bataille perdue ; toujours vaincue 
et toujours renaissahte, elle se cabrait contre ses vainqueurs 
marchant sans défaillance à la poursuite de son idéal, Oardienne 



^J -- 



88 REVUE DE BRETAGNE 

jalouse de ses traditiojis/ ne perdant rten du patrimoine intel- 
lectuel et moral des ancêtres, elle attend patiemment et avec 
une admirable ténacité sur le sol où elle s'est fixée, au milieu des 
bruyères de Bretagne, derrière les sommets de Galles, à l'abri 
des côtes escarpées d'Irlande ou au fond des glens d'Ecosse 
l'heure où l'évolution nécessaire des choses et des événements 
lui rendra ses libertés. 

Les Celtes forment maintenant au milieu de autres nieitions un 
ensemble ethnique avec lequel il faudra de plus en plus compter. 
Venus d'Orient comme toutes les grandes familles humaines, ils 
ont leur berceau sur le plateau asiatique et aux environs delà mer 
Caspienne. L'archéologie et l'histoire suivent pas à pas leur mi- 
gration vers l'Occident : on les rencontre sur les bords de la mer 
Noire, le long du Danube qu'ils remontent, d'où ils se répandent 
dans l'Allemagne du Sud» au nord de l'Italie, et sur le territoire 
de l'ancienne Gaule, qu'ils occupent presque entièrement entre le 
Rhin, les Alpes, les Pyrénées et l'Océan; la toponymie atteste 
partout leur séjour séculaire. Vaincus par les armées romaines 
et plus tard par les Anglo-Saxons ils se réfugièrent sur les rivages 
de l'Atlantique dont les groupes les plus denses peuplent Mcore 
aujourd'hui les lies et les péniâsules. En Ecosse, en Irlande et en 
Galles la race est demeurée à peu près pure de tout élément hété- 
rogène ; pure aussi elle est restée dans la vieille Armorique, 
jadis ruinée et presque dépeuplée par le fisc romain, ou d'autres 
Celtes de l'île de Bretagne vinrent se fixer aux V* et VP siècles de 
notre ère plutôt que de subir le joug barbare des Anglo-Saxons. 

Jusqu'au déclin du Moyen-Age le peuple Celte vécut en paix 
avec ses voisins : ëon génie put alors s'exercer librement, il mar- 
cha vite dans la voie des progrès intellectuels et matériels. Acces- 
sible à toutes les idées fécondes, d'un esprit largement ouvert, le 
Celte accepte avec enthousiasme le christianisme qui lui apporte 
la civilisation. A la voix de saint Patrick l'Irlande se convertit et 
devient un foyer de lumière, une pépinière de saints. Un des plus 
illustres enfants d'Erin, saint Colomba fonde la célèbre abbaye 
dlona et proche l'Evangile en Ecosse. Dans toutes les régions 
celtiques s'élèvent des «monastères qui deviennent des centres 
non seulement de piété ; mais aussi de science, de littérature, de 
poésie et d'art: tels sont en Galles LandafT fondé par Dubricius, 
Lancarvan par saint Gadoc, Bangor par saint Ideuc ou Iltut; en 
Irlande Clonard par saint Finîan, Monasterboyce par saint 



LÉVOLUTION DES CELTES 89 

Builhe, Darrow et Derry par saint Colomba, Glendalough par 
saint Kievin ; en Armorique Landevenec par saint Guenolé et 
saint Méen qui a conservé le nom de son fondateur. L'énuméra- 
tion de toutes ces fondations serait trop longue ; elles se chififrent 
par centaines. Les moines défrichaient la terre, amélioraient le 
bien-ôtre des populations qui les entouraient, tandis que d'autres 
les instruisaient. Le patrimoii\p intellectuel était non moins large- 
ment cultivé ; un grand nombre s'adonnait à l'étude de l'Ecriture 
Sainte et des auteurs anciens ; ils ornaient leurs manuscrits de 
ces élégants entrelacs qu'on peut toujours admirer dans les mu- 
sées d'Ecosse et d'Irlande et sur les croix de pierre. La corporation 
des Bardes, devenue chrétienne avec Patrick et surtout avec Co- 
lomba, s'adonnait à la musique et à la poésie^ chantait les gloires 
de la nation et composait ces immortelles triades qui excitent tou- 
jours l'enthousiasme universel. Chaque prince, chaque monas- 
tère avait son barde chargé de la garde des généalogies et de la 
rédaction des annales. La littérature légendaire berçait douce- 
ment les douleurs de l'humanité ; les cycles héroïques, Arthur, 
Ossiau , le roman de la Table Ronde, les récits de la vie des Saints 
celtes et de leurs miracles pénétraient jusque dans les masses 
profondes du peuple ; sa mémoire s'exerçait à les raconter ; 
avec leur aide il s'instruisait et son intelligence s'ouvrait à toutes 
les connaissances divines et humaines. 

Dans l'ordre administratif et judiciaire les Celtes possédaient 
un ensemble de lois qui les régissaient^ uniquement inspirées 
par l'esprit de la race, en dehors de toute influence de Rome ou 
de la Germanie, réunies dans un recueil nommé Senckus Mor 
autrement dit « monument de la Sagesse antique » ; saint Patrick 
les revisa à la lumière de l'Évangile. On jugera de l'élévation et 
de la noblesse de cette législation par les deux sentences sui- 
vantes tirées du Senchus Mor : « il y a quatre dignitaires d'un pays 
qui peuvent être dégradés : un roi injuste, un évoque scandaleux, 
un poète cupide, un chef pillard (1). » Des trois objets de la loi: 
le gouvernement, l'honneur et l'âme, le gouvernement appartient 
aux chefs, l'honneur et l'âme appartiennent à tous (2). De môme 
la Combrie avait ses lois ; rien ne peint mieux l'esprit de liberté 



(t) Senchus Mor, p. 55. — Cf. MonUlembert» Les Moines d'Occident, U III, p. 37, 
(2) Jules de Lasteyrie, Etude sur le Senchus Mor dans Revue des Deux-Mondes, 
15 nofembre 1865. 

Août 1907 7 



'•■y^v.ff^tic.'^ — 



90 REVUK m: HHKTAGNK 

et du respect de la personoequi les oaractérisent que cette dispo- 
sition qui défend aux exécuteurs de la loi de saisir chex un Gallois 
trois eboses : « son épée, sa harpe et son livre » ; la harpe et le 
livre parce qu'en temps de paix il considérait la musique et la 
poésie comme la plus noble oecupation d*un homme libre (1). 

Les Celtes ne gardèrent pas pour eux seuls les bienfaits de la 
civilisation chrétienne. Revenant en arrière vers des contrées que 
leurs ancêtres avaient jadis habitées saint Golumban, son dis- 
ciple saint Gall et à leur suite beaucoup d'autres missionnaires, 
leurs compatriôtes^Arent reluire la lumière de l'Evangile sur des 
régions où les invasions barbares avaient semé le désordre et les 
ténèbres : Luxeuil en Gaule, Bobbio en Italie^ Dissentis et saint 
Gall en Suisse s'élevèrent comme des phares projetant au loin 
leurs rayons lumineux. 

La civilisation celtique étendait ses bienfaits sur tout l'Occident 
de l'Europe, quand toul-à-coup vers la fin du XI* siècle fondit du 
nord, sur elle, un orage terrible qui ravagea ses institutions : ce 
fut le commeneemcnt d'une éclipse qui dura longlemps.Les hordes 
normandes s'abattirent d'abord sur la Bretagne Armoricaine* 
Elle venait de reconquérir son indépendance sur les Francs avec 
rintrépide Nominoë; à 2>eine cinquante ans après les hommes du 
Nord arrivèrent pillant et saccageant tout sur leur passage, au 
point que de vastes territoires auparavant fertiles et très habités 
devinrent des déserts (2) ; ils brûlèrent les églises et les monas- 
tères; des belles abbayes comme Landevenec, Rhuys, Redon. 
Saint-Méen,Saint-Melai(iede Rennes il ne resta plus que des rui- 
nes ; les moines s'en allèrent au loin emportant leurs précieuses 
reliques. 

Avec Alain le Grand les Bretons reconquirent leur indépen- 
dance ; mais des troubles , des guerres incessantes dont la 
péninsule fut le théâtre, toujours en proie aux convoitises des 
voisins, suspendirent pendant des siècles son évolution complète- 
Néanmoins la Bretagne fut la première à proclamer l'abolition 
du servage ; plus tard l'assise du comte Geoffroy octroya une 
large liberté eu peuple breton. Finalement elle s'unit loyalement 
à la France en sauvegardant toutefois ses libertés, par exemple 

(1) Triades de Dymwall Moëlmand, 64 apud Walter, p. 315. 

(2) La toponjmU conserve encore des traces de cette destructtoo sauvage, 
ez. : le G<ut et le Désert qui s'étendaient sur totite la partie centrale du dépar- 
tement d'Il!e-et- Vilaine. 



L'ÉVOLUTION DBS GBLTBS 91 

le consentement de Timpôt, par un contrat (1532) dont celle-ci 
s'efforça de nç jamais remplir les clauses. N'importe, elle 
demeura âdèle à sa parole. Si au moment de la Révolution elle 
prit les armesrce fut pour défendre sa foi, et nullemeat pour se 
séparer de la grande patrie. Avec le régime constitutionnel et 
centralisateur elle vit disparaître les derniers vestiges de son 
indépendance. 

Les autres rameaux du tronc celtique furent encore plus 
atteints par la barbarie. Du XI* au XIII* siècle les chevaliers anglo- 
normands pénétrèrent en Galles; leur épée meurtrière s'appe* 
santit lourdement sur ce malheureux pays. En place des écoles 
et des institutions libres ils bâtirent des châteaux-forts dont 
rénorme masse, comme celles de Garoarvon et de Gonway 
écrasa la liberté des vaincus. Armés et bardés de fer les chefs 
normands sortaient de leurs repaires pour piller les fermes, 
dévaster les cultures, accabler le pauvre Gallois sous les impôts 
et le réduire au servage. 

L'Irlande, envahie par Henri II, roi d'Angleterre, à la fin du 
XII* siècle, se vit soumise au régime d'extermination. Les vain- 
queurs s'attaquèrent à la race qu'ils voulaient anéantir : ils 
chassèrent les Irlandais de tous les ports et les parquèrent dans 
l'intérieur de Tlle aux moyen du pale ; défense fut faite aux 
Anglais de fusionner avec eux, d'en adopter les lois, les mœurs 
et le costume ; ils furent exclus des corporations municipales et 
des emplois publics. Ges mesures iniques demeurèrent ineffi- 
caces ; l'élément celtique absorba l'élément anglais. Mais trois 
siècles plus tard la réforme protestante surgit avec tout son 
cortège de violences ; l'Irlande resta catholique, d'où la haine 
farouche et la plus cruelle des persécutions que le monde ait 
jamais connue. Le catholique irlandais fut dépouillé de ses 
biens ; il ne put être ni électeur, ni éligible ; pour lui plus 
d'accès aux charges, plus de droit à l'héritage ; on lui prend 
môme son cheval s'il vaut plus de cinq gainées. Les tenan* 
cierjB devinrent la proie d'une landlordisoae rapace; chaque jour 
se dressa devant eux Thorrible spectre de l'éviction qui Ids^ chas- 
sait eux et leur nombreuse famille hors de la misérable masure 
qu'ils habitaient et les forçaient à coucher des semaines et de9 
mois dans des carrières abandonnées, dans des trous de la mon- 
tagne ou dans les fossés au bord de la route. On lui enleva ses 
églises ; ceux de ses prêtres qui se refusèrent à prêter un odieux 



L^abiLik- 



93 



REVUE DE BRETAGNE 



serment furent marqués au fer rouge sur la joue. Le pauvre Ir- 
landais n'était plus qu'un parias. 

L'Ecosse, indépendante jusqu'au règne de Jacques I, vit son 
autonomie disparaître peu à peu après l'événement de son roi 
sous le nom de Jacques VI au trône d'Angleterre en 1603; elle 
devint une humble vassale de la couronne. Une malheureuse 
politique abolit son parlement au XVIII'' siècle ; les lords anglais 
s'emparèrent de la terre ; les pauvres Highlanders furent traqués 
jusque dans leurs glens; ils émigrèrent par centaines de mille à 
la fois. 

Les émigrations des Celtes ne sont pas faites pour déplaire à 
leurs opresseurs ; ceux-ci poursuivant évidemment un but que 
TAnglelerre et mftme parfois la France n'ont pas désavoué : 
Tanéantissement de la race. Si^ depuis un siècle environ, ils 
n'osent plus employer la violence, ils s'attaquent à ce qui cons- 
titue son âme au moyen de la machine centralisatrice. Quels 
efforts n'ont pas été faits au cours du XIX'' siècle dans la Bretagne 
française et même encore de nos jours pour l'amener à oublier sa 
vieille langue. Le temps n'est pas loin où dans les écoles primaires 
l'instituteur affublait d'une espèce de bonnet d'&ne(l)tout enfant 
surpris à parler breton soit en classe, soit en récréation; il ne 
pouvait s'en débarrasser que lorsqu'un de ses petits camarades 
commettait la môme faute (?). Des prêtres du diocèse de Saint- 
Brieuc se flattaient d'avoir débretonisé une île toute entière, Tlle 
de Brehat. Les fonctionnaires étaient presque tous choisis en 
dehors de la Bretagne ; on envoyait ses enfants dans des 
garnisons lointaines afin de leur faire perdre le sentiment 
national et l'amour de leur pays. Tous les gouvernements qui se 
sont succédé ont entassé circulaires sur circulaires pour inter- 
dire à l'église comme à Técole Tusage de la langue bretonne. 

Dans les pays celtiques d'Outre-mer l'administration centrale 
ne se montra pas moins acharnée contre l'idiome national : le 
Welsh, l'Irish, le Gaëlic, tous dérivés du celtique, furent partout 
poursuivis par la couronne anglaise. Le pape lui-môme, pour 
ne pas déplaire au roi, nomma constamment des évoques 
d'origine anglaise aux divers sièges de Galles et d'Irlande. La 
Réforme ne modifia rien à cet état de chose : Henri VIII et ses 
successeurs s'attachèrent à prendre leurs hauts fonctionnaires 

(1) Appelé le symbole dans certaines écoles. 



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L'EVOLUTION DES CELTES • 93 

ecclésiastiques anglicans en dehors de Galles, dlrlande et 
d'Ecosse. Il défendit la traduction en langage celtique des livres 
de prières et surtout de la Bible ; si la reine Elisabeth en autorisa 
une version galloise *C6 fut à condition de mettre en regard le 
texte- anglais de manière à ce que le lecteur pût l'apprendre. 

Si tous les ennemis de la race celtique ont mis tant d'acharne- 
ment à poursuivre sa langue, c'est qu'il n'ignore pas que pour un 
peuple sa langue c'est son âme, c'est tout ce qu'il a de plus sacré, 
c'est le dernier rempart de sa force et de son unité. Mais on avait 
compté sans le tempérament fortement trempé du Celte, sans la 
qualité mattresse qui le distingue, la ténacité ; il est resté lui- 
môme avec son idéalisme ; les siècles se sont succédé sans l'en- 
tamer ; son corps a subi la force, son âme ne s'est jamais donnée. 

L'âme celte, abîme d'idéal, se réfugie dans ses créations poé- 
tiques. Faisant appel à la sauvagerie de ses côtes, aux fureurs 
de l'Océan, au vague infini de son horizon, comme à la mystérieuse 
obscurité de ses forêts, à la solitude de ses vallons rocailleux, 
à l'aridité de ses landes^ elle prête aux choses un langage inter- 
prète de ses douloureux et toujours mélanco^liques sentiments. 
Les êtres invisibles qu'elle évoque, revenants, farfadets, korri- 
gans, sont les habitants d'un monde dans lequel elle vit en rêve ; 
ils personnifient ses souvenirs, ses regrets, ses douleurs. Pour 
elle ils revivent le passé ; ils animent la ferme, la vieille armoire, 
le lit clos ; ils sont le lot des espérances pour ravenir. 

Quand les chevaliers anglo-normai|ds eurent éparpillé sur le 
territoire de la Vieille Cambrie leur 126 châteaux-forts ; quand fut 
conquis le Gwinedd, le dernier refuge de l'indépendance et que 
le roi d'Angleterre eut proclamé son fils prince de Galles du haut 
de la tour de Carnarvon, les vainqueurs se crurent les maîtres, 
ils se trompèrent. Ils purent prélever la lourde dîme, l'âme 
celte leur échappa ; elle se réfugia dans les vallées, dans les 
retraites profondes des montagnes, dans les gorges du Snow- 
don (1). La tyrannie n'éteignit point l'inspiration des bardes ; 
la harpe nationale continua de vibrer mélancolique et triste, 
projetant toutefois dans l'air des notes pleines d'espérance. 
Pendant les longues soirées d'hiver, au cours de nuit de 
siècles où la nation semble anéantie « les pères de famille 

(t) Le plus haut Mommet du pays de Galles. 



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n REVUE DB BABTAGNE 

racontent à leurs enfants dans la langue des ancdtres les souve- 
nirs glorieuK de la raoe, les prouesses du roi Arthur ; non, le 
roi Arthur n'est pas mort, il dort seulement d'un long sommeil ; 
il soulèvera un jour la pierre qui le recouvre, il ohassera les 
oppresseurs de la nation et lui rendra ses traditions et ses 
libertés. Un môme souffle énergique et vigoureux anime cette 
race généreuse et ûère ; tout ce qui est beau et grand, la poésie, 
les arts^ les légendes la soutiennent dans cette lutte non moins 
longue que persévérante. 

Une institution issue de l'âme celte, la corporation des bardes, 
qui survécut à la ruine du druidisme en se faisant chrétienne 
contribua puissamment au maintien du sentiment national ; 
elle incarna les deux passions dominantes que le Gallois nourrit 
pour la musique et la poésie. En des assemblées, connues dans 
le dialecte du pays sous le nom d'Eisieddfodau^ les bardes 
célébrèrent à Tenvi les qualités supérieures de la race celtique, 
son culte pour les aïeux, la mémoire des héros et de leurs hauts 
faits, son amour pour la patrie, sa générosité, son désintéresse- 
ment, son infatigable hospitalité dont nulle part on ne retrouve 
un pareil exemple, son ardeur passionnée pour tout ce qui est 
élevé et noble. 

La réunion de Galles à la couronne anglaise en 1284 rendit les 
Eisteddfodau plus difficiles et diminua leur fréquence ; néan- 
moins elles paraissent s'être succédé sans de trop longs inter- 
valles jusqu'au XVII* siècle. A cette époque elles reprirent un 
nouvel essor. Le clergé non conformiste, sorti du peuple, parlant 
la langue nationale, s'y mêla très activement ; c^était un moyen 
de propager ses doctrines religieuses. Son geste fut compris ; 
il souleva un grand enthousiasme chez les Gallois dont il favo- 
risait les aspirations. Dans tous les grands centres de la Prin- 
cipauté, môme dans de pauvres hameaux se formèrent des 
Eisteddfodau particulières qui se rattachaient à YEisteddfod 
générale ; celle-ci, sous la direction du Gorsedd Beird, Ynys 
Prydain (trône des bardes de Bretagne) tint des assises annuelles 
à partir de 1810. La dernière a eu lieu au mois d'août 1906, dans 
ia ville Garnarvon, ancienne capitale de la Cambrie. 

Au dire des Gallois, des Anglais eux-mêmes , des délégués de la 
grande famille celtique, c'est une des plus remarquables par son 
ampleur, sa solennité et aussi par l'affluence des visiteurs, qu'on 
ait vue depuis longtemps. Que les lecteurs de la Revuf de Breia- 



^^^^^^ 



L'EVOLUTION DKS CKLTE^ 91 

gne nous permettent d'en donner un court aperçu ; ils jugeront 
de Tesprit celtique qui* anime ces fôtes annuelles. 

Lia petite ville de Garnarvon, assise à la base du dernier con- 
trefort des montagnes de Qalles, baigne coquettement ses murs 
dans une anse de la mer d'Irlande. Son château avance son impo- 
sante masse à Tembouchure de la rivière d'A.von comme pour 
surveiller la terre etrOcéan ; on a l'impression qu'il fut redouta- 
ble. Ses remparts démantelés, aes tours échancrées n'inspirent 
plus la terreur ; mais il reste Juste ce qu'il faut de ce colosse pour 
montrer le détail de son architecture, immense squelette d'un 
corps qui fut glorieux et puissant, dont le règne est fini. 

Garnarvon fut le dernier boulevard de l'indépendance galloise; 
en 1284, elle entendit annoncer la fin des libertés nationales. Ge 
souvenir du passé rendait assez piquante la présence dans 
Tenceinto de la vieille forteresse du Gorsedd Beird, incarnation 
vivante des antiques traditions et de révolution libre de la race 
celtique : c'est sur la plus haute terrasse du château qu'il tint ses 
solennelles assises ; c'est dans le grand pavillon bâti au-dessus d6 
la ville, dont le faite dépasse le sommet de la tour de l'Aigle que 
TBisteddfod avait ses séances poétiques et musicales. M. Lloyd 
George, mioisU*e du commerce anglais^ Tun des principaux 
membres de la représentation galloise au Parlement britannique, 
disait dans le discours qu'il prononça en prenant la présidence 
du troisième concours de musique: « Si l'Archidruide, il y a 
quelques siècles, avait pénétré dans le château comme ce matin 
avec sa éuite, lui et les siens auraient tôt connu la nuit des 
cachots ; aujourd'hui le grand pavillon domine la forteresse, 
la bannière de Galles ornée du drapeau rouge flotte librement au 
sommet de la tour de KAigle. » 

L'Sisteddfod s'ouvrit le mardi 22 août et dura quatre jours. 
Des la veille une foule considérable se pressait dans les rues de 
la ville, dont les maisons et les monuments publics étaient 
pavoises ; aux fenêtres flottait l'étendard de Galles auquel se 
mêlaient les drapeaux des^ations sœurs ainsi que les hermines 
de Bretagne. Les représentants d'Ecosse, de Man, d'Irlande et 
de la Bretagne française étaient reçus par M. Darbeshire. maire 
de Garnarvon, qui leur offrit pendant tout leur séjour l& plus 
gracieuse et la plus cordiale hospitalité, rappelant ainsi l'une 
des plus glorieuses traditions celtiques. Le lundi soir on 
inaugurait les fêtes par la représentation d'un drame gallois 



r" 



96 REVUE DE tfRETAGNB 

écrit dans la langue nationale, Caradog, le héros de la résistance 
à rinvasion romaine. 

Le lenden^ain le Gorsedd tenait sa première séance dans la cour 
du château. C'est à tort qu'on veut voir dans cette cérémonie une 
religion renouvelée de l'antiquité ; le chef de cette association n'a 
de l'ancien druidisme que te titre. Le Gorsedd, très populaire en 
Galles, n'a ni doctrine, ni dogmes, ni philosophie ; il a pour but 
la conservation des U'aditions de la race, de sa langue, le progrès 
et l'évolution de la littérature, de la poésie et des arts celtiques- 
Dans la prière, que récite un des bardes il n'y a aucune invoca- 
tion à une divinité quelconque, on demande seulement la paix 
universelle : la paix « Heddw »•, c'est le cri de ralliement que 
poussentlles affiliés. 

De l'Hôtel-de- Ville le Gorsedd se r^nd au château. En tôte du 
défilé marche un bataillon de la milice royale des fusiliers gal- 
lois, suivi de la musique militaire, puis du maire de Carnarvon, 
du lord maire de Londres, de celui de Dublin, enfin des druides, 
des bardes et des ovates revêtus de leurs costumes traditionnels; 
devant eux on porte leurs insignes, la riche bannière du Gorsedd, 
la grande épée d'Arthur, le HirlosHorn^ et la nouvelle harpe que 
vient d'offrir un généreux donateur. Plusieurs milliers de spec- 
tateurs attendaient dans l'intérieur du château. Sur la plus haute 
terrasse de la cour on avait dressé le mystique cercle de pierres, 
au milieu duquel on avait placée uoe plus grosse roche, dite 
pierre de Logan, c'est le trône de l'Archidruide. Dans l'intérieur 
du cercle prennent place les druides, les bardes et les ovates 
entourés de leurs insignes. Chaque objet a sa signification. Le 
cercle de pierres symbolise la paix. Dans l'antiquité, lorsque des 
clans (étaient en guerre, le druide rétablissait la paix et la procla- 
mait du milieu d'un Cercle identique. La robe blanche des druides 
est le symbole de la vérité; celle des bardes, bleu comme le ciel, 
celui de la poésie et de la littérature. La couleur verte des ovates 
ou savants ressemble à celle des herbages dont les vertes pous- 
ses signifient le progrès indéfini de la science. 

La première séance du Gorsedd offrait cette fois un intérêt par- 
ticulier : l'arch'druide Hwfa Mon était mort dans le courant de 
l'année précédente ; Mr. Dyfed avait été élu pour lui succéder ; 
ce jour-là môme on procéda à son installation. Le nouvel archi- 
druide attendait à l'entrée du château ; tout le Gorsedd va à sa 
renconftre et le conduit dans le cercle de pierres. Avant qu'il 



^^'^^^^^" 



'■'m^'" 



RÉVOLUTION DBS CELTES 97 

monte sur le trône de Logan, le plus ancien druide, Cadvan, lui 
pose des questions : — Voulez- vous, lui dit-il, défendre les droits 
et les privilèges du Gorsedd Beird Ynis Prydain, appliquer ses 
lois selon toute justice, répudier l'injustice, exalter au plus haut 
degré la moralité, la bonté et l'amour de la nation ? 

« Je le veux», répond l'élu- 

Se tournant ensuite vers l'assemblée des bardes, Cadvan leur 
demande: Voulez-vous soutenir Télu dans ses hautes fonctions, 
obéir à ses ordres en ce qui concerne les coutumes de notre fra- 
ternelle société, l'assister en tout dans l'accomplissement de ses 
devoirs ? 

« Nous le voulons », répondent les bardes. 

Enfin s'adressant à la foule Cadvan ajoute : a Au nom des 
bardes de l'île de Bretagne je proclame Dyfed archidruide de 
notre Gorsedd. Ce dernier monte aussitôt sur la pierre de Logan. 
Au milieu des applaudissements Cadvan pose sur sa tête la 
couronne de feuilles de chêne en bronze et sur sa poitrine le 
pectoral d'or. Un barde lui présente le Hirlas Rom, sorte de 
corne d'abondance, symbole de l'hospitalité celtique, qu'il porte 
à ses lèvres. La cérémonie de Tinstallation terminée, Tarchi- 
druide remercie tout en faisant l'éloge de son prédécesseur et 
en exposant le but de l'association. 

Pendant la durée de l'Eisteddfod le Gorsedd tint deux autres 
séances qui furent principalement consacrées à la réception de 
bardes, d'ovates et de membres honoraires. Chacun reçoit un 
nom sonnant dans la langue celtique. Les adhérents se comptent 
par milliers ; les lords y coudoient leurs tenanciers, les bourgeois 
et les paysans fraternisent, jirôtres et fidèles s'y retrouvent 
ensemble, la grande dame à côté de l'humble Galloise. Le roi 
Edouard VII et la reine, alors prince et princesse de Galles, 
reçurent le ruban vert avec le nom symbolique à l'Eisteddfod de 
1894 qu'ils honorèrent de leur présence. Une môme volonté, une 
môme aspiration, un môme idéal animent tout le Gorsedd : 
l'amour de la patrie celtique, la mémoire du passé glorieux de 
la race, la conservation de ses traditions, ses progrès, ses libertés. 
Tout sela est symbolisé dans le bouquet qu'une dame de qualité 
présente à Tarchidruide au cours d'une des séances du Gorsedd ; 
le bouquet est fait de plantes et de fleurs sauvages, de feuilles de 
chênes et d'herbes médicinales, principalement de verveine ; 
chacune a un sens mystique : les plantes sauvages expriment 



98 RKVL'E DE BKKTAGNE 

l'amour du sol ; le chêne, la force et la vigueur de la nation ; la 
verveine, les soins hospitaliers. 

Le peuple gallois aime son Gorsedd, car il personnifie son àme 
avide de poésie, de littérature et d'art. Sitôt après les cérémonies 
bardiques la foule se transportait au Grand Pavillon uniquement 
coDslruit par les séances eisteddfodiques de musique et de 
poésie ; huit à dix mille spectateurs s'y entassaient pour assis- 
ter aux différents concours. La matinée était consacrée à l'audi- 
tion de chants gallois, de duos, de récits d'oeuvres poétiques et 
littéraires ; 1rs gagnants recevaient des prix de cinq, dix ou 
vingt livres sterling qu'un jury leur décernait sur-le-champ après 
,ivoir fait publiquement la critique ou l'éloge des concurrents. 

Les concours de sociétés chorales avaient lieu dans l'après- 
midi. Ces sociétés se composaient les unes d'hommes exclusi- 
vement, les autres de femmes, comptant chacune de quatre- vingts 
à cent exécutants ; enfin des chœurs des deux sexes réunis 
dépassaient chacun le chiffre de deux cents. Plusieurs prix, 
dont le premier variait entra cinquante et soixante livres, étaient 
attribués aux sociétés victorieuses. 

Le concours portait sur quatre œuvres choisies parmi celles 
des grands maîtres dont quelques-uns de célèbres compositeurs 
de nationalité galloise, par exemple : Dieu dans Vouragan ; le 
Seigneur est Dieu ; la Tempête, etc ; ce dernier, morceau, œuvre 
d*un Gallois, souleva l'approbation universelle par sa beauté su- 
blime et son ampleur. Dans le concert de clôture, la société cho- 
iFale de Garnarvon qui l'exécutait fut rappelée plusieurs fois, à 
chaque reprise cette foule de dix mille auditeurs l'écouta avec 
\ le même religieux silence. Ces centaines de voix d'hommes 
et de femmes chantaient avec un tel ensemble, avec une mesure 
si bien rythmée qu'on se figurait le vent s'élever peu à peu, 
grandir, puis souffler en tempête. On aurait cru entendre des 
plaintes douloureuses dans les grands pins de.Llanberis, de 
aourds gémissements sous les hautes futaies de Betws-y Goedd ; 
parfois on saisissait les sifflements aigus de la bise sur les 
sommets dénudés du Snowdon, ou le reflux des vagues sur 
la côte orageuse ; on aurait dit l'&me des légendes et des 
épopées celtiques courant à travers les vallons par dessus 
les montagnes. 

Le Gallois est naturellement un musicien doublé d'un poète; 
aussi est-ce avec une égale ardeur qu'il se passionne pour !es 



» 

i 



L'ÉVOLUTION DES CELTES m 

concours de poésie. Toute la sympathie se portait vers le jour où 
serait proclan^é Theureux gagnant de ce concours, fixé à la 
troisième séance de TEistedd/od. Ce n*est plus une simple céré- 
monie mais une véritable apothéose. 

Le vainqueur reçoit un grand fauteuil en bois de chône sculpté, 
œuvre d'ébénisterie du plus bel art, sortie cette année des 
ateliers de la maison Mappe et G*. 

A rheure Axée la foule a déjà envahi l'immense pavillon ; dix 
mille spectateurs soot là, haletants, désireux de connaître « the 
chaired bard ». Le fauteuil est apporté sur l'estracje ; les bardes 
en robe se rangent autour avec les délégués des autres nationa- 
lités celtiques. Lord Mostyn préside entouré de la représentation 
de Galles ou Parlement et des autorités du pays, des maires de 
Garnarvon et de Dublin. L'archidruide Dyfed explique les cir- 
constances du concours. Gette année le choix du sujet de poésie 
a été laissé à la liberté des coLourrents ; c'est une heureuse 
innovation qui a donné les meilleurs résultats, car depuis long- 
temps on n'avait pas reçu d'œuvres aussi remarquables. Le 
poème devait être écrit en langue galloise et ne pas dépasser 
800 vers. Quatorze poètes se sont mis sur les rangs. Le 
vainqueur a choisi pour sujet de son poème : La Lune. Son 
œuvre est de beaucoup supérieure à toutes les autres qui sont 
cependant très belles. Dyfed en lit quelques passages que la 
foule écoute dans un religieux silence. La facture poétique en 
est forte et harmonieuse ; la langue claire et limpide. La 
lecture de l'ode donne l'impression d!un mystérieux saisisse- 
ment ; on croirait voir dans la lumière blafarde des nuits 
les rayons de la lune se balançant du sommet des montagnes 
au fond dés vallées. Dyfed arrête sa lecture, il annonce le nom 
du vainqueur; celui-ci a signé: Meudwy'r ilfor, de son vrai nom 
J.-J. Williams, de Pentre, Rondda Valley. Il est là, dans un 
coin de l'immense b&timent, debout, pâle: la foule le cherche un 
instant, quand elle l'aperçoit, elle se lève d'un mouvement spon- 
tané; elle applaudit, elle éclate en hourrahs frénétiques ; on sent 
que c'est yon poète ; son barde national. Dyfed traduit ce senti- 
ment en répondant à quelqu'un qui désirait savoir la^religion du 
vainqueur : « il n'y a pas de secte ici, c'est notre barde, notre pro- 
priété nationale » ; sa réplique fut couverte de bravos. Deux 
délégués vont le prendre à sa place et l'accompagnent sur l'es- 
trade ; on l'asseoit dans son fauteuil ; Mrs. Darbeshire, mayoresse 



ti^O REVUE DE BRETAGNE 

de Carnarvon, l'investit dans sa nouvelle dignité ; deux bardes 
tiennent suspendue au-dessus de sa tête la grande épée d'Arthur 
pendant que les autres lui présentent leurs félicitations. 

La musique et la poésie, bien qu'au premier rang dans les 
Eisteddfodau, n'en sont pas les seuls éléments. Les meilleures 
œuvres en prose sur l'histoire et la littérature nationales reçoivent 
des récompenses. Les arts plastiques, la sculpture, la peinture, 
le dessin^ les dentelles, les broderies ont des expositions parti- 
culières ; des jurés compétents décernent les prix. Toutes les 
industries de Galles furent représentées à Carnarvon : le cpn- 
cours des tailleurs d'ardoises, si nombreux dans le pays, ne fut 
pas des moins intéressants. 

L'esprit celtique anime au pius haut degré toutes ces assem- 
blées ; on y sent comme un courant puissant qui entraîne les 
plus froids, Tactivité d'une race supérieure, consciente de sa 
force, trop longtemps opprimée, qui maintenant déborde de vie. 

Revenons au mouvement de renaissance celtique dont Galles 
a donné l'exemple dans ses Eisteddfodau; depuis trois quarts 
de siècle il est indéniable. Une immense évolution vers le droit 
à l'existence propre, au libre exercice des intérêts matériels et 
Intellectuels et à leur défense, se produit chez les nationalités 
soeurs, partout où la race se meut et travaille; c'est un formi- 
dable concert d'action dont les échos se répercutent des rochers 
granitiques de la Bretagne française aux rivages de l'Ecosse et 
des Hébrides, des montagnes de Galles et dlrlande aux vastes 
plaines de l'Amérique du nord, aux Etats-Unis et au Canada où 
les Irlandais et les Ecossais émigrés ont créé de nouvelles pa- 
tries sœurs de celles du vieux monde. 

Pendant que les autres nations restent à peu près station- 
naires au point de vue du chiffre de la population, la race cel- 
tique .<»e multiplie, considérablement. Environ vingt-cinq mil- 
lions de Celtes sont répandus sur la surface du globe, groupés 
en communautés sf rrées sur divers points du territoire, princi- 
palement sur les rivages des mers, dont ils paraissent s'être 
approprié Télément en partage; de récentes statistiques dignes 
de toute créance en font foi. On compte 3.000.000 de Bretons Ar- 
moricains, 1.750.000 Gallois, 4.700.000 Irlandais, 5.000.000 d'Ecos- 
sais, 12.500 Manx, 300.000 Gallois et 10.000.000 d'Irlandais fixés 
au Canada et dans les Etats-Unis, principalement dans les états 
de Pensylvanie» de New-York, de l'Ohio, du Wisconsin, de Pro- 



L 



L'ÉVOL H DES CËLTË& i|y| 

vidence et de Californie, et environ 300 000 en Australie, dans 
les Iodes elàCeylan. Nous ne parlons pas des nombreuses colo- 
nies bretonnes disséminées dans tous les ports de France ; les 
Bretons entreraient pour un tiers dans la population de la seule 
ville de Toulon ; il y en aurait près de deux cent mille à Paria et 
dans la Banlieue. Ces chiffres ne sont-ile pas éloquents ? N'est-ce 
pas une preuve de l'extraordinaire vitalité de la race ? Qui ose- 
rait soutenir après cela qu'elle est usée et finie f 

Ces nombreuses communautés celtiques ne vivent pas isolées 
comme on pourrait le croire ; des associations, des revues, des 
journaux entretiennent entre elles des communications cons- 
tantes. Dans [& Bretagae française, à côté de V Association bre- 
tonne qui étudie son histoire, ses mœurs et ses traditions, s'est 
formée la jeune Union Régionaîisie Bretonne; celle-ci étend 
plus loin son champ d'action et le modernise; elle s'occupe de la 
conservation de la langue et de la littérature bretonnes, de Tart, 
de la poésie etdû leur évolution ; elle embrasse tout ce qui con- 
cerne les intérêts de la Bretagne au point de vue administratif, 
économique et social. En Irlande ïe Ferz-Ceoii, la Gaelic union^ 
la Celtic litterary soctety, la Society for the préservation ofthe 
irii^k ianguaget la Gaelic leagne.elc ; en Galles le Gorsedd Beird 
Ynis Prydahu le Cymrn-Fidd, le Cymrodorion, ïe Folk-Song, etc, ; 
en Ecosse, le Mod, la Gaelic Society of hiverness, la Gaelic asso- 
ciation de Londres ; le Guiid festival de Man, poursuivent les 
mêmes fins non moins pratiquement que spéculativement» Plu- 
sieurs de ces ligues et sociétés ont fondé des sections en Amé- 
rique, au Canada et en Océanie, qui entretiennent des relations 
continues avec les sœurs d*Europe. Au-dessus de toutes les 
autres s'est greiïée la Ligue panceltique qui se compose de 
membres de tnutes les nationalités celtiques ; chez chacune 
d'elles elle tient périodiquement ses grandes assises. Toutes ces 
associations se consacrent activement d'un bout du monde à 
l'autre à la préservation et à révolution progressive de tout ce 
qui constitue le patrimoine de la race. 

Une de leurs principales préoccupations se porte vers le 
maintien et le développement de la langue celtique dont le Bre- 
ton armoricain, llrish d'Irlande, le Welsh de Galles, le Gaelic 
d'Ecosse sont des dialectes dérivés. Cette languei respectable et 
vénérable par sa noblesse et son antiquité, n'est pas un patois^ 
comme certains^ qui Tignorent* voudraient Tlnsinuer; c'est une 



•Tr^^-iy'^T^mfT^ •■'• 



102 HKVUK DK lîRETAGNK 

"langue véritable, armée de tout l'organisme philologique, qui a 
sa grammaire, sa syntaxe, son accent, sa poésie, son thé&tre, 
qui sert d'instrument à toutes les conceptions de l'esprit humain. 
Près de cinq millions d'individus la parlent ; depuis des siècles 
elle n'a pour ainsi dire pas perdu de terrain là où elle s'est flzée 
depuis plus de deux mille ans, dans la Bretagne française, en 
Irlande, en Galles, en Ecosse ; par contre elle en a beaucoup ga- 
gné aux Etats-Unis, au Canada et dans TOcéanie où elle est d'un 
usage courant. Des statistiques ont été faites dont les chiffres 
varie peu ; M. Gh. Le Goffic dans un article des plus intéressants 
paru dans la Revue des Deux-Mondes les donne très impartia- 
lement (1); nous en reproduisons les grandes lignes en y ajou- 
tant quelques renseignements personnels. Notre Bretagne pos- 
sède le groupe le plus considérable parlant la langue des an- 
côlres : 1.370.000 Bretons en font un usage courant; 1. 100.000 
Gallois s'expriment en Welsh, 800.000 Irlandais en Irish ; 35.0000 
Highlanders d'Ecosse en Gaélic; il y aurait lieu d'y ajouter 60.000 
habitants des Hébrides et des Orcades (2) ; 3000 habitants de l'tle 
de Man en Manx. En Amérique 116.000 Ecossais et près d'un 
million dlrlandais émigrés se servent de la langue nationale 
dans les relations de la vie (3). De môme au Canada 50.000 
Highlanders et autant de Gallois en Océanie parlent la langue 
maternelle. Ajoutons les Bretons de France, dispersés sur les 
côtes et dans l'intérieur qui continuent de s'entretenir dans leur 
langue en dépit des sarcasmes dont ils sont parfois l'objet. 
Qu'ils n'en rougissent pas ; ils sont plus forts que ceux qui les 
raillent, leur idiome est un des plus anciens du monde^ de plus 
ils possèdent deux langues, la bretonne et la française, avec cela 
on vit deux vies. 

Du haut au bas de l'échelle sociale, dans toutes les régions où 
la langue celtique est courante, on la parle. En Bretagne elle re- 
prend sa place d'honneur dans les salons ; la classe lettrée, l'aris- 
tocratie, la bourgeoisie, le commerce, l'industrie en usent ; on 
ne croit plus su rabaisser en faisant un discours, une confé- 
rence, ou en soutenant une discussion en breton. Le temps est 
déjà loin où des recteurs du Léon allant proposer la candidature 

(1) Gh. Le Coffic, Le Mouvement panceUique (Revue des Deuos^Mondês^ 
1*1' mai t90U). Nous lui avons empruoté beaucoup d'informations. 

(2) The Rev. John Oray Saint-Peier's Hector Edimbourg. 

(3) Renseignements reoueiUis & l'Bûteddfod de CArnarTon, 



/ 
L ÉVOLUTION DKS CKLTKS 103 

Ugislative à ua évoque du Midi lui tenaient Textraordinaire 
.propos qu'il passerait pour savant {sic) aux yeux de ses électeurs 
en ignorant le breton. Les circulaires du gouvernement fran- 
çais l'interdisant dans la chaire ou au catéchisme 3ont restées 
lettre morte ; ta loi de séparation a tué la dernière on date qui 
fit un peu plus de bruit que les autres. Le clergé bretoù, dont 
trop de membres combattirent la langue nationale, se ressaisit; 
c'est en breton qu'il fait la prière en commun et qu'il enseigne 
les vérités de la foi. Beaucoup de prôtres cpmposent et font joaer 
des drames en breton aux jeunes gens de leur cercle^ tous pro- 
fondément attachés à la langue des ancêtres. Bientôt tous les 
évoques de la province seront Bretons : ce fut avec un enthou- 
siasme indescriptible qu'on reçut à Rennes, l'an dernier, le 
métropolitain qui parle breton et que Tancien Concordat avait 
rélégué à Moulins, loin de sa patrie. 

Les autres pays de race celtique ont de môme rendu à la 
langue ses légitimes honneurs. Trop longtemps elle ne fut 
parlée que par le peuple ; on s'en servait en cachette, sous le 
chaume ; aujourd'hui elle est rentrée dans toutes les classes 
sociales; à Tégliôe^ au temple, .à l'école, dans les prêches en 
plein air on s'exprime dans un des dialectes celtiques selon les 
contrées; pendant TEisteddfod de Carnarvon le public récla- 
mait toujours le gallois, de nombreux discours furent prononcés 
dans cet idiome. 

Mais une langue qui n'est que parlée manque de certains 
éléments de force ; elle faiblit malgré tout dans la résistance et 
dans la lutté ; elle retrouve sa puissance du jour où elle est 
écrite, enseignée, imprimée et offerte à la lecture. Toutes les 
régions celtiques l'ont compris ; aussi sont-ils innombrables les 
journaux et les revues qui partout mènent le bon combat pour 
la défense de la race et la conquête de ses libertés. En Bretagne 
paraissent depuis plusieurs années ,un certain nombre de jour- 
naux et de revues soit en breton exclusivement, soit en breton 
ou en français ; citons parmi les journaux : Kroaz ar Vrftoned, 
Ar Bobly le Courrier du Finistère, le Réveil breton, Ja Résistance, 
les Lizéro Breuriez ar feiz... etc.. ; parmi les revues : Ar Vro, 
Dihunamb, Kloc'hdi Breiz (Clocher breton), Bretoned Paris, la 
Paroisse bretonne de Paris, Feiz ha Breiz... etc. 

Les Bretons, qui par suite de leur situation topographique ne 
s'expriment plus dans la langue des ancêtres^ n'en sont pas moins 



*^ r^ -^ 




04 REVUE DE BRETAGNE 

d'ardents défenseurs de la nationalité ; de nombreux journaux 
quotidiens ou hebdomadaires, des revues, des bulletins : \e jour- 
nal de Rennes^ le Nouvelliste de Bretagne, VArvor, l'Indépen- 
dance... etc.; la Revue de Bretagne^ les Annales de Bretagne, 
l'Hermine, le bulletin de TAssociation bretonne, les bulletins des 
Sociétés archéologiques des cinq départements bretons^ sou- 
tiennent ridée bretonne. Tous ces organes, par des moyens qui 
peuvent différer, ont un but commun : les glorieuses traditions, 
les progrès, révolution de la race bretonne. Nous ne saurions 
oublier la Revue Celtique^ où MM. d'Arbois de Jubainville, 
Gaidoz, Loth et Dottin animent d'une vie puissante tout ce qui 
concerne le passé et le présent de la langue. 

En Galles quatre grands quotidiens, et pas moins de six jour- 
naux semi-quotidiens ou hebdomadaires : y Banner Cymru fia 
Bannière de Galles) ; y Werin (le Peuple) ; y Genedl (la natiooj.. 
etc.. pénètrent dans toutes les classes de la Principauté. Deux 
revues remontent jusqu'au XVIIl^ siècle : le Trysorfa Gwybor- 
daeih (Trésor de la science kymriquej fondé en 1774, et le 
Cylchgrawn Cymraeg en 1794; il y en a plusieurs autres qui sont 
les organes de l'Université et des écoles galloises ; la plus large 
partie du texte est en Welsh. Le Fainne an Lae (Poi et Loi) ex- 
clusivement rédigé en Irlandais, et d'autres grandes feuilles bi- 
lingues, Ylrish daily independent, le Tullamore and King's C* 
inrfepenrf^n/^entretiennent vivant Tesprit national ; ils consacrent 
des colonnes entières à la littérature celtique, à des nouvelles 
écrites en Irish, imprimées avec les antiques caractères na- 
tionaux. La Revue Amelaideamh Soluis (Le glaive et la lumière) 
est une des plus répandue dans l'île. La propagande ^est encore 
plus active chez les Celtes d'Amérique et d'Océanie; de nom- 
breux journaux comme Banner America (le drapeau d'Amérique), 
y Drich (le miroir) etc. diffusent partout l'esprit de la race, ses 
souvenirs, ses aspirations ; ensemble ils ne comptent pas moins 
de 600.000 lecteurs. Tous sont rédigés dans le texte purement 
irlandais. 

Quant aux livres, brochures et imprimés de toute sorte édités 
chaque année chez les Celtes df s deux mondes, dans les quatre 
dialectes, ils sont légion ; rénumération en serait longue et fas- 
tidieuse ; qu'il suffise de dire que toutes les productions de 
l'esprit humain : religion, philosophie, littérature, roman, 
poème, drame, histoire, science, môme la politique et l'économie 




HPiy^yBwga^lggwK ^.fKmp ■ g y^^T^^ a i yBii -gtggase-»* "' ■^^tT'.;^,^^^ ' 



L'ÉVOLUTION DES CELTES 



i(» 



sociale trouvent leur expression dans le langage celtique. 

Pendant trop longtemps le Celte ne fit que parler une langue, 
il ne savait pas la lire ; par suite elle était fatalement vouée à la 
corruption et à la décadence. C'était une lacune qu'il fallait né- 
cessairement combler. Le pays de Galles donna Texemple, le 
clergé non conformiste institua des écoles du dimanche pour 
la connaissance de TEcriture sainte ; il se trouva que la Bible 
était traduite dans un gallois excellent ; sous la direction des 
pasteurs, d'autant plus aimés qu'ils sortaient de son milieu, le 
peuple apprit à l'épeler, à le lire^ à l'écrire tout en se pénétrait 
de la doctrine religieuse. Désormais le langage Welsh, avec ses 
règles et sa syntaxe fut fixé ; il n'était plus susceptible que de 
l'évolution inhérente à toute langue. Au cours du dernier siècle 
il est entré dans l'enseignement primaire ; il n'est plus un col- 
lège qui ne possède une chaire de gallois ; l'université de Galles 
en a créé plusieurs. 

Pendant plus de trente ans la Society for the préservation ofthe 
irish languagey la Celtic litterary Society, etc., luttèrent pour 
faire entrer 17mA dans les écoles d'où il était sévèrement banni. 
Tout d^abord les instituteurs obtinrent l'autorisation de se ser- 
vir de 17mA pour apprendre l'anglais à leurs élèves : quelques 
années après il devenait matière libre d'examen ; tous les 
maîtres qui le firent passer avec succès reçurent une gratifica- 
tion d'une demi-livre sterling par candidatreçu. Le nombre des 
diplômes s'accrut d'année en année ; aujourd'hui il approche 
de deux mille. De l'école primaire Vlrish a passé dans l'ensei- . 
gnement secondaire et supérieur ; depuis 1889 il fait partie des 
examens de l'université. 

L'Ecosse est on voie de réaliser les mômes espérances que sa 
sœur d'Irlande. Grâce à la Société gaélique d'Inverness^ qui en- 
couragea de toutes ses forces l'enseignement de l'idiome natio' 
nal par des primes en argent et en livres, le gaè'lic est devenu 
officiel dans toutes les écoles qui en font la demande ; mainte- 
nant il est sur le point d'être régulier et obligatoire partout. 

Les sections américaines de la Ligue gaélique et de la Society 
for the préservation of the irish language s'efforcent de maintenir 
Vlrish parmi les émigrés ; elles le propagent activement. Au- 
jourd'hui il est entré dans le programme des écoles primaires. 
Deux grandes universités américaines, celles de Harvard et de 
Baltimore, possèdent des chaires gaéliques. 

Axytii 1907 i 



106 HEVUE DE BRETAGNE 

Le breton n'est pas eapore entré dans l'enseignement officiel 
en France i cela vieiidra par la force des choses ; le pouvoir 
central toujours hanté du spectre de la réaction^ qui après tQut 
n'a rien à voir en ces sortes de xnati^e, sera obligé de céder 
devant la poussée populaire Mieux vaut l'enseigner rationnelle- 
ment (1), comme dit M. Ouieysse qu'on ne saurait taxer de 
réactionnaire, et s'en servir pour apprendre le français aux 
enfants des écoles qui, faute de ce secours, n'ayant parlé et ne 
parlant jamais que l^reton en dehors des classes, quittent l'en- 
seignement primaire ignorant presque totalement la langue 
française. L'Association Bretonne, après elle l'Union Hégionaliste 
s'émurent de ce double inconvénient ; la preçnière créa un comité 
de préservation du celtique armoricain, celui-ci aidé de la seconde 
institua des concours facultatifs de rédaction en langue bretonne 
et décerna des prix aux meilleurs travaux. M. ErnauH composa un 
abécédaire et un dictionnaire élémentaire qui fut mis aux mi^ns 
des élèves ; avec le manuel du frère Gonstantius, on possédait les 
instruments pour enseigner le breton. Des institutions libres 
donnèrent l'exemple et créèrent des chaires ; il y en a dans les 
collèges ecclésiastiques de Guingamp, de Saint-Charles, de Plou- 
guernevel, etc.. En d'autres villes et bourgs de Basse-Bretagne 
on enseigne le breton dans des cours du soir. Chaque année 
V Union Régionaliste Bretonne où se coudoient toutes les opinions 
politiques et religieuses, sans se heurter sur le terrain de la 
Bretagne, accorde des récompenses aux meilleures correspon- 
dances écrites en breton^ et encourage de toutes ses forces l'en- 
seignement pratique de la langue. 

En disant que renseignement du celtique n'est pas officiel nous 
faisons une petite erreur. Le doyen de la faculté des lettres de 
l'Université de Rennes, M Loth, un vrai Breton, a créé une 
chaire où il le professe lui-môme ; M. Ernault en a fait autant à 
Poitiers. Au collège de France, M. d'Arbois de Jubainville est 
titulaire de la chaire de Celtique, ainsi que M. Gaidoz de celle 
des Hautes-Etudes i^ la Sorbonne. Dans tous ces cours les études 
sont très suivies ; il en sort des thèses et d'autres travaux sur la 
linguistique, la grammaire et la littérature celtique. 

Dans le mouvement actuel des nationalités celtiquesi la con- 
servation de la langue et le respect des traditions ne par^aissent 

(1) L% Gofic, 0. e. inpra. 



ren- fr-<i 



L'EVOLUTION DES CELTES \%1 

plus le seul objet des desicferata de la raoe. Si Ton en juge par 
ce qui se passe en Irlande» en Galles, en Ecosse et môme en Amé- 
rique» elles tendent à une certaine autonomie ; eo matière de reli- 
gion, d'enseignement et d'œuvres sociales elles réclament leur 
indépendance, la libre gestion de leurs interdis économiques, 
industriels et administratifs. Un grand pas fut fait dans le cours 
du dernier siècle, 

yirlande, opiniâtrement attachée à sa foi. a flni par triompher 
de ses oppresseurs. Après une lutte homérique dont l'histoire 
retrace les phases inoubliables» dans laquelle les 0' Gonnell, les 
0' Briens et les Parnell jouent le grand rôle. l'Angleterre leur a 
enfin reconnu le droit de vivre, La séparation de l'église épisco- 
pale et de Tétat est un fait accompli, l'Irlandais catholique est 
éligible, il choisit ses députés ; les fonctions civiles et militaires 
lui sont ouvertes. Le LandBill autorise le rachat des terres et 
lui permet d'ôtre propriétaire. Le pays des Galles paie encore la 
dîme au clergé anglican qui n*a que 250.000 fidèles contre plus 
d'un million et demi de non^conformistes ; espérons qu'il ne tar- 
dera pas i obtenir la dis establishment que la Chambre des com* 
munes a déjà voté* Les Ecossais exercent librement le culte de 
leur choix. A la suite de l'agitation agraire le Crofters holdings 
act leur a donné la légitime possession du coin de terre. Les te- 
nanciers Gallois vont bénéficier d'un droit analogue. Les Celtes 
d'Amérique jouissent depuis longtemps de la liberté religieuse 
la plus étendue ; ils possèdent l'autonomie qui est la basse essen- 
tielle de la constitution fédérale. 

Les communautés celtiques d'Europe voient se lever l'aurore 
du jour où cette même autonomie leur sera octroyée, L'Irlande 
et le pays de Galles possèdent des conseils de comtés élusi qu'on 
pourrait assimiler à nos assemblées départementales, mais avec 
des attributions beaucoup plus étendues et une indépendance 
bien plus grande vis-à-vis du pouvoir central. L'Ecosse n'a pas 
cette faveur et ne semble pas la réclamer pour le moment ; elle 
nourrit d'autres prétentions qu'elle partage d'ailleurs avec Erin 
et Galles, qui se résument dans le Home-rule. 

\j\\% de Man possède déjà son parlement, nommé Court of 
Tynwald; il se compose de deux Chambres : la Chambre Haute 
et la House of Keys (Chambre des clefs). « Celte Cour est souve- 
raine. Ses décisions sont promulguées comme autrefois, en 
vieux manx, devant le peuple, sur la colline sacrée de Tynwald ; 



108 REVUE DE BRETAGNE 

il suffit que le gouvernement anglais leur ait donné sa sanction. 
Les vingt-quatre députés de la Chambre des clefs sont élus par 
les propriétaires et les tenanciers de llle sans distinction des 
sexe depuis 1880 (1). » Sans doute encouragés par cet exemple 
l'Ecosse, rirlande et Galles réclament de leur côté un parlement 
indépendant qui légiférerait sur les affaires intérieures, la religion, 
renseignement, les travaux publics, le commerce, l'industrie et 
dont les décisions seraient édictées dans la langue nationale. La 
réalisation de ces désirs aux yeux des Anglais eux-mômes n*est 
plus qu'une question de temps. Dans son dernier discours du 
trône, Edouard VII annonça un gouvernement plus libéral pour 
rirlande ; après la lecture un député irlandais s'écria : l'Irlande 
ne sera satisfaite que lorsqu'elle aura son parlement autonome. 
Sa parole ne souleva aucune protestation parmi ses collègues. 

La Bretagne française peut aujourd'hui caresser les mômes 
espérances ; le projet de loi Beauquier, sur la décentralisation 
administrative et la division de la France en régions, lui donne à 
peu près satisfaction ; en février dernier, après avoir été élabo- 
ré par une commission spécialement nommée à cet effet, il fut 
déposé sur le bureau de la Chambre des députés. Espérons qu'il 
ne dormira pas trop longtemps dans les cartons. Ce projet 
donne bien lieu à certaines réserves de la part des Bretons ; d'a- 
bord il distrait de là Bretagne ceux des siens qui habitent une 
partie du département de la Loire-Inférieure, dont quelques 
groupes parlent la langue des ancêtres ; ensuite il soumet à une 
approbation trop étroite toutes les décisions de l'assemblée ré- 
gionale. Pourquoi cette restriction dès lors que les lois orga- 
niques de la France ne seront pas en cause ? Ne serait-ce pas re- 
tomber dans les errements centralisateurs? Il faut espérer que 
la représentation bretonne en fera prompte justice aujour de la 
discussion ; d'ailleurs toutes les futures régions de la France y 
sont directement intéressées. 

La confraternité de toutes les communautés celtiques est 
maintenant un fait acquis. L'Eisteddfod de Cardiff, en 1899, et le 
congrès panceltique de Dublin, en 1900, réunissaient leurs dé- 
légués; la Bretagne française, Tlrlande, l'Ecosse, l'Ile de Man, la 
Cornouaille anglaise, lés Etats-Unis, le Canada^ l'Australie, la 
Nouvelle-Zélande et les Indes en envoyèrent ; l'accueil chaleu- 

(t) Ch. L« Goffic, 0. c. p. 146. 



L'ÉVOLUTION DES CELTES 109 

reux qui leur fut fait par les Gallois et les Jrlandais démontre 
qu*un même sang coule dans leurs veines, qu'ils ont les niêmes 
goûts artistiques et littéraires et de communes aspirations. 

Dans ce mouvement certains voudraient apercevoir un germe 
de séparatisme ; aucun Celte n'a et ne peut avoir cette arriore- 
pecisée; tous les faits prouvent le contraire. La Principauté de 
Galles, rirlande elle-même, TEcosse entendent demeurer fldôles 
à la couronne de Grande-Bretagne. La Bretagne française est et 
restera loyalement unie à la France ; elle aime sa petite patrie 
dans la grande. Maintes fois elle lui a prouvé son attachement 
bien que \À France n'ait pas toujours usé de justice à son égard* 
Quand un ministre français osa demander du haut de la tribune 
si la Bretagne était en France, son odieux point d'interrogation 
souleva dans toute la péninsule une réprobation universelle. 

Donc ni les unes ni les autres des nationalités celtiques ne 
tendent à ronapre le lien qui les unit h leur patrie respective ; 
elles réclament seulement l'usage de leurs libertés ; elles veulent 
avoir le droit de penser conformément à leur mentalité, évaluer 
suivant leur génie propre dans une certaine autonomie Lii 
centralisation, avec son esprit de nivellement, est un système 
contre nature ; elle détruit des forces psychologiques et morales 
que l'humanité a le devoir de conserver, jamais on ne fera qa'un 
Breton soit hâbleur comme un Marseillais, qu'un Flammand 
pense comme un Gascon, un Normand commej un Méridionaf ; 
tout s'y oppose : le climat, la nature du sol, l'horizon, le ciel : 
autant de causes qui caractérisent et différencient le tempéra- 
ment d'une race, et donne à son mode de conception et à son 
action dans l'histoire une physionomie particulière. Les intérêts 
matériels sont également divers, sinon contraires, le système 
centralisateur les confond à plaisir. Entre les mains d'une oli- 
garchie exploiteuse, dont la France donne au monde le triste 
spectacle, la centralisation est un instrument de tyrannie servile 
et ruineuse ; elle paralyse le commerce et le travail ; elle apporte 
une extrême lenteur dans toutes les affaires. Un Conseil muni- 
cipal veut-il changer la direction d'un bout de chemin rural, qui 
serait à la convenance de toute une commune, il devra attendre 
pendant six mois Tautorisation du gouvernement central. La 
centralisation multiplie nécessairement les fonctionnaires ; elle 
crée des parasites ; la France se meurt aujourd'hui de cette 
pléthore qui ruine les contribuables sans aucun profit pour ta 



un • REVUE DE BRETAGNE 

république. Cet état de chose dure depuis trop longtemps ; il est 
temps d'y mettre une fin. Kn France la division ûctuelte en dé- 
partements basée sur Tarbitraire est tout ce qu*il y a de plus 
contraire à la nature du sol et à l'ethnographie; une nouvelle 
division en régioris diminuera les charges du budget et répon- 
dra mieux aux aspirations sociales de toute sorte. Nous aurons 
ainsi une constitution fédérale, que les Celtes s'efforcent d'at- 
teindre, et qui sera, à rencontre des rôves de l'internatioDa- 
lisme, le seul gouvernement possible des sociétés futures. 

Abbé F. Bossabd. 






J 



\L. 



LES VILLAGES PKÉROMAINS 

DE LA BKETAGNE OCCIDENTALE (i) 



Au Congrès de l'Asiociatlon Bretonne, en 1902, à Redbti, j'aVaifi 
préaetité un mémoire relatif aux habitations préhistoriques (S). 
C'était le premier travail d'ensemble suf la question. J'avais en 
outre le plaisfr d'y relater la découverte d'un certain nombk*é de 
villages que je venais d*explorer. 

Mes observations furent bien accueillies par la plupalrt des pré- 
historiens. Désormais il fut établi que seules les sépultures ne 
témoignaient pas des civilisations primitives de la terre armori- 
caine, mais qu'il y avait également des vestiges d'habitations 
agglomérées qui devaient être, elles aussi, reeherohées, fouillées 
et étudiées avec soin. La question de l'habitation primitive ar- 
moricaine était soulevée. C'était un pas de fait, et Je remei^cie 
las éminents savants qui ont bien voulu prendre en considéra- 
tion rexposé de mes recherches et de mes réflexions. 

Déjà en 1808, au Coogr6s de l'Association Frahcaise à Nantes^ 
J'avais eu l'occasion, en parlant de l'&ge du bronze en Bretagne- 
Armoriqae d'en dire quelques mots. Je Venais de découvrir le 
premier village préhistorique de la région de Pontivy, et Je com- 
mentais une découverte analogue faite, par notre éminent col- 
lègue M. du Ohatellier, dans le Finistère, en 1896(3), au cours de 
ses explorations dans les montagnes d'Arrhées. 

Voici, du reste, la description qu'il donne. Bile peint ^Hmira- 
blement tous les vestiges analogues découverts en Bretagne. 

Dans le voisinage d'un certain nombre de tumulus, v un peu 

(1) llémdire la au ConaMs Préubtoriqub »■ Franob, sMiion de Péi gueBs, en 
1905. 

(2) Bulletin Archéologique de V Association Bretonne, 1 90?. 

(3) ÂTBitBAtf 0* LA Qrakoièrb, (^uêlques obseroations sur Vàge du brome en 
Bretagne- Armorique. ~~ Les monuments et les dépôts de bronze. — Kztrait 
du Bulletin de VAssoeUtHùH française pour Vat>ancement deé sdences, 1898 
p. 602, et pour les Villages, p. ((18. 



H2 REVUE DE BRETAGNE 

sur la déclivité du coteau (1), au-dessus d'un cours d'eau limoide, 
on voit de nombreux petits talus, dans la garenne dite Goarem- 
ar-Poulenou (2), ce sont des restes d'habitations très anciennes, 
légèrement creusées en terre. L'emplacement de chaque habita- 
tion est entouré d'un talus en terre, quelquefois mâlée de pierres, 
simplement posées les unes sur les autres, pour empêcher la 
terre des talus de glisser à l'intérieur de Thabitation. Ces talus 
ont 1"',25 à 1",75 de haut. Les habitations, carrées ou rectangu- 
laires, ont en général 2 mètres à 2">,10de côté. La plupart ont une 
orientation est-ouest, dans !e sens de la longueur, avec ouverture 
au sud. Elles étaient sans doute recouvertes de branchages, 
nous n'avons pas trouvé les traces de la couverture. Au milieu de 
chacune des trente et quelques habitations fouillées {S),7îous avons 
rencontré un foyer attestant un long usage. Le sol à cet endroit 
était profondément brûlé, réduit à Tétat de brique. Autour de ce 
foyer, «dans quelques habitations, étaient rangées, enfoncées .lé- 
gèrement dans le sol, des pierres fortement calcinées, en forme 
de pyramide, de (V",iO de haut et O^^^OS d'épaisseur à la base, lé- 
gèrement arrondies par un frottement au sommet. Elles ser- 
vaient sans doute à soutenir sur le feu les vases dans lesquels on 
cuisait les aliments. C'étaient des sortes de trépieds. 

« Les petits fragments de pot( rie recueillis dans ces habita- 
tions sont grossiers, pleins de sable et micacés, ils présentent 
tous les caractères d'une poterie très primitive. Ces habitations 
sont, sans doute, celles des peuplades qui ont enterré leurs guer- 
riers dans les monuments que nous venons de fouiller sur la mon- 
tagne voisine », no craignait pas d'écrire notre distingué col- 
lègue. 

Ce village possédait aussi une maison plus importante, proba- 
blement celle du chef, et un petit parapet l'entourait, serv fini 
d'enceinte d^ défense en cas de surprise. Ce n'est pas tout. A 
peu de distance de ces antiques demeures, le savant explorateur 
du Finistère a reconnu, sur le versant opposé du môme coteau 
« les traces d'un village non moins ancien, dans lequel il a 
compté un nombre aussi considérable d'habitations. » Il ajoute : 
« Ces deux villages étaient $ans doute habités par des popu- 
lations d'un même clan qui surveillaient les deux vallées. » Un 

(1) Je souligne toas les passages caractérisant les villages préromaîns. 

(2) Village de Coatmoeun, au Huelgoat et Brennilis. 

(3) 11 7 en avait quarante et quelques. 



J 



LES VILLAGES PRËROMAINS DE LA BRETAGNE OCCIDENTALE IIS 

« camp placé sensiblement à égale distance des deux groupes 
d'habitations, en cas d'attaque, donnait refuge à leurs habi- 
tants (1). » 

La découverte de M. du Ghatellier^ dont on connaît la grande 
expérience et la prudence, nous a servi à identifier toute une 
série de vestiges d'habitations agglomérées que nous avons dé- 
couvertes au cours de nos fouilles dans l'arrondissement de 
Pontivy, et dont l'exploration a donné lieu aux mêmes obser- 
vations. 

Mais avant de les mentionner, et puisque j^ai parlé des villages 
explorés dans le Finistère^ je dirai que, dans ce même départe- 
ment, j'ai moi-mdme constaté l'existence d'antiques vestiges 
d'habitations préhistoriques à Pluguffan (2), près des villages de 
Kervenou61 et de Kerinic et dans le voisinage de tumulus. De 
très nombreuses poteries, en pâte grossière et quartzeuse, des 
meules à concasser le grain, une hache en pierre polie, des grains 
de colliers, etc., tous ces objets recueillis dans les substructions 
mômes le prouvent surabondamment. 

Ces villages ont tous entre eux une frappante analogie ; aussi 
doonerai-je une brève description de ceux que j'ai découverts 
et exployés dans la région de Pontivy (Morbihan). Les voici. 

En Malguénac, au sommet du haut plateau d'Ordilly, tout près 
de neuf tumulus que j'ai explorés, j'ai découvert, sur une étendue 
de plus de 50 ares, de nombreuses substructions, de forme rec-, 
tangulaire, dont la dimension moyenne est de 3",50 sur 2",20. 
Les murs, maçonnés avec de petites pierres, ont encore i^.dO et 
même plus au-dessus du sol, dans plusieurs endroits. L'aire de 
ces habitations est faite d'argile battue; à l'intérieur j'ai retrouvé 
le foyer parfaitement caractérisé par la terre profondément 
rougie par le feu. Ces cabanes ont donné des fragments de po- 
terie très grossière et très primitive. A 200 mètres au sud, j'ai 
également fouillé des substructions identiques et à peu près 
de la môme importance. Ces deux villages, ainsi que les tumulus 
qui les avoisinent^ sont entourés d'une enceinte. 

En Guern, à un 1 kilomètre au nord de la belle chapelle ogivale 



(1) p. DU Chatblliir, Finistère : Bjsplorations sur les montagnes d'Arrhées et 
leurs ramifications, années 1895 et t896, p. 30, 31 et 32. 

(2) Pluguffan, du canton, et à 8 kilomètres k Touest de Quimper. 



lU REVUE 1)K BRETAGNE 

de Qiielven, sur le sommet d'une colUnep môme constatation* 
mais sur une étendue d'environ deux li(3ctar6s. Les habitations, 
la plupart rectangulaires, quelques-unes rondes, étaient légère- 
ment creusées en terre. Les murs, construits en petites pierres, 
servaient de base, à un cïayonnage dont on retrouve parfois 
quelques vestiges. Une enceinte^ aujourd'hui très afTaissée* les 
entourait. Dans chaque habitation, j'ai rencontré le foyer sou- 
vent légèrement creusé ^t entouré de grosses pierres brûlées ; 
des cailloux usés et calcinés étaient aussi à côté. 

Sur la môme colline, à peu de distance des habitations, j'ai 
exploré dix tonibelles, de différentes grandeurs, analogues à 
celles que j'ai fouillées dans le voisinage des villages préhisto- 
riques de Malguénac. Tumulus et cabanes ont donné exacte- 
ment les mêmes fragments je poterie qui caractérisent Ift 
première époque du fer. 

Au Sourn, près de Pontivy, sur un mamelon, j ai examiné 
un certain nombre d'habitations, légèrement creusées en terre, 
comme les précédentes. J*ai retrouvé les méme^ murs Jes mêmes 
foyers, parfois quelques pierres disposées en trépied, e^ par- 
totït au milieu delà couche archéologique des cabanes, les mêmes 
fragments de poterie grossière mélangée de grains quartzeux. 

En Melrand,à 1500 mètres au sud du bourg, au sommet d'une 
colline elcarpée, dite Lan gouh Mdrani^ c'est-à-dire Lande du 
vieux Melrand, au pied d^laqueUe coulé un ruisseau torrentueux, 
se dressent de toutes paris des monticules et des substructions 
à demi eusevelies. Les fonilles que nous y avons faites ont 
amené exactement les mêmes constatations : trace du foyer, 
orientiiion est-ouest avec entrée au sud, dimensions à peu près 
semblables. Seule une habitatioQi située presque au centre de 
ragglomératîon, était beaucoup plus grande. C'était sans doute 
la demeure du chef. J'ai recueilli, au milieu de ces antiques ves- 
tigest urr^ grande quantité de pierres brûlées, de charbon^ de 
cendrd^ de scories, de fragments de meules à concasser le grain, , 
des p jiBriei, ainsi que des percuteurs 6t un peson en granité dn 
taillé ^1). Encore & Meïrand, près du village de Kerheury, sur 
uneél;^valion en partie boisée» dite Coët-Kerven, —aujourd'hui 

^1) A' . ^u Ds LJL GEt^ANciÈ^in Le préhiticrique elles époques gaulûisii,çtillo- 
rûmaù ^ tt méro-ûingienne dam te centre de ta Bretagne- Armorigite, avec 
47 gravui-H ai 3 cartes. (Extrait du fiuttetin de la Saciété Potymathiquâ du 



f 



LES VILLAGES PRÊROMAlNS DK LA BRETACNK OCCIDENTALK lit 

défrichée — j*ai découvert des restes d'habitations s'élendant sur 
une superficie de près de 2 hectares. Ils m'ont donné une belle 
hache polie en diorite, une meule» des débris de vases à pâte noi- 
râtre avec oraements à la pointe en creux, et enfin un superbe 
couteau en fer, bien conservé, qui mesure 34 ceotimëtres de la 
poignée à la pointe. C'est bien là le type du couteau du premier 
l^e du fer {!). Aux briques à rebords et à certains vestiges, j'ai 
également reconnu le passiigedes Romains en ce lieu, mais sur^ 
tout dans le voisinage. 

Avant de mentionner deux nouveaux villages découverts 
assez récemment en la commune de Malguénac» je dois parler 
de découvertes d'habitations préhistoriques faites sur le rivage 
de l'Océan. En effet, non loin de Kerhiilio, en Erdsven (Mor- 
bihan), sur lesdones de la falaise d'Éleià Quiberon, M, Le Rouzic, 
te conservateur gardien du Musée Miln, a reconnu, de concert 
avec notre éminent collègue, M. d'Aftlt du Mesnil, sur une 
étendue de plus de 800 mètres de longueur et sur 120 mètres de 
largeur, une série de buttes semblant indiquer la place d*habi* 
talions qui, fouillées, ont donné des poteries grossières, d'autres 
lustrées et plombagîoées, d'autres en terre noire, jaune et môme 
rouge dont la pâte, la cuisson, les formes et les ornementations 
indiquent l'époque du fer. 

M. Le Houzic, qui a particulièrement bien rouillé deux habi- 
tations en donne la description suivante : <f la base de la muraille 
M repose sur le sable, formée par des pierres de différentes di- 
^ mensions, qui ne semblent pas avoir été taillées, mais qui toiltes 
^( ont subi l'action du feu et sont noyées dans l'argile qui, par 
M endroits» a été cuite. Le parquet de ces habitations^ qui sont à 
tf peu près circulaires, mesure 3 mètres environ de diamètre» est 
M fait d'une légère couche d'argile qui, par endroits, est égale- 
■ ment cuite, sur laquelle se trouve une couche de terre noire 
« contenant des quantités de tessons de poierie... Au centre de 
1^ rhabitation, quelques pierres plates placées verticalement ou 
* sur champ forment, sans aucun doute, des foyers près dea- 
(I quels ta poterie et les rejets de cuisine sont plus consldé- 
tt rabtes (2). » M, Le Roussie parle aussi des a fondations d'une 

(i) CeU« décûafarl6 a été robjet d'un travail ipAcial. 

il) Bulletin de /a Société Polymathique du Morbihan, t9û3, p. 2b%, 'i&7. 
La Rduzio, Cariiac : FouiU&s faites datis la région, i902^î903y Habit&titiDi 
|ftulaliei ^4ï la «taiioEi de Kerhillio. 



116 REVUE DE BRETAGNE 

« autre maison ayant 3",80 de longueur sur 2",20 de largeur, 
« formées d*un muret ayant encore trois assises de pierres 
« grossières sur une hauteur moyenne de 0",46. » II a recueilli 
dans ces dernières substructions — peut être aussi la demeure 
d*un chef — des quantités de débris de poterie en terre rouge, 
très mince (1). Enfin il conclut ainsi : « Ce qui est particulière- 
« ment remarquable, c'est la présence, dans certaines buttes de 
« cette station, de vases absolument semblables aux poteries 
« que j'ai mises à jour dans les allées couvertes du Luffang 
« (Crach) , de Mané-er-Loh (Locoal-Mendon) , Mané-Roul- 
« larde (Trinité-sur-Mer), et môme dans quelques dolmens, 
« ainsi que dans les camps ou oppida que nous avons dans cette 
région. » Et il ajoute avec raison : a Cette station n'est donc pas 
« un camp et n'est pas romaine, mais bien gauloise ou vé- 
nète (2). » Je serai moins afflrmatif que M. Le Rouzic en ce qui 
concerne l'époque, car ^lle me semble, d'après les indications 
qu'il donne, remonter plus haut. 

Enfin, id avant de terminer, je mentionnerai les deux nou- 
veaux villages préhistoriques que j'ai étudiés il n'y a pas encore 
bien longtemps dans le centre de la presqu'île armoricaine, 
à Malguénac où j'en avais déjà exploré deux autres. 

C'est en avril 1905 que j'ai trouvé le premier, situé somme 
les autres sur le sommet d'une colline, nommée Le Ouerno (3) 
— nom significatif — à 100 mètres à l'est de la ferme de la Ville- 
neuve et è proximité d'un cours d'eau. Ce village, admirable- 
ment conservé, couvre plus d'un hectare. Cette importante dé- 
couverte sera l'objet d'un travail spécial. Toutefois je puis dès 
maintenant dire que j'y ai rencontré des vestiges très intéres- 
sants, des poteries, des lames en silex rouge (provenance Grand- 
Pressigny?), un b au fragment d'un anoeau en jadéitetel qu'on 
en a trouvé dans un dolmen de Carnac accompagné d'une hache, 
et enfin la tôte en granité, malheureusement fruste, d'une statue 
très primitive. 

. J'ai découvert en juillet 1905 le second village, environ à 
700 mètres au sud-ouest du premier, caché dans la lande et les 

(1) Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan^ 1903, p. 243. 

(2) Ihid.y p. 264. 

(S) Le GuernOyC:*i%i-'^-à\T9 Village du Fer, Il m^avait été obligeamment indiqué 
par M. [^ Cunff, inttitutear, à Malguénac, auquel j'adresse tous mes remerciements. 



LES VILLAGES PRÉROMAINS DE La BRETAGNE OCCIDENTALE 117 

# 

broussailles, également sur uue montagne et non loin d'un ruis- 
seau. Les talus, les creux marquant Taire des habitations, les 
poteries, les pierres calcinées, etc, tous les vestiges caractérisent 
bien une agglomération préhistorique. 

Je termine. L'exploration des huit ^villagiîs que j'ai découverts 
dans la région de Pontivy m'a vivement frappé. J'y ai reconnu 
les mêmes caractères signalés par M. du Ghatellier dans le Finis- 
tère. Plusieurs d'entre eux se trouvent dans le voisinage d'un 
groupement de tumulus. Et, ne l'oublions pas, les unes comme 
les B,\xiTes, habitations ei sépultures^ ont donné les mêmes poteries^ 
caractéristiques de la fin de l'époque du bronze et du début de 
rère du fer, les mêmes cailloux roulés et brûlés. De plus, des en- 
ceintes les entouraient. Ces villages ont été construits sur un point 
élevé et escarpé , k proximité d'une source ou d*un cours d'eau. En- 
fin, souvent, à quelques cents mètres, un retranchement se trouve 
à leur portée, où Ton trouve les mômes poteries grossières, les 
mêmes pierres à concasser le grain ; et parfois, à l'intérieur, des 
habitations analogues à celles des villages mômes. En somme» il 
existe une analogie complète entre tous ces antiques villages 
explorés, soit dans le Finistère, soit dans le Morbihan. 

D'après nos explorations, celles de nos collègues et nos propres 
observations, nous pouvons dire que les peuplades armoricaines 
préromaines — exception faite des tribus côtières — vivaient sur 
le sommet des collines ou le flanc des vallées, toujours à proxi- 
mité de retranchements fortiflés où elles devaient se réfugier en 
cas d'alerte. La concordance du mobilier retrouvé dans les se- 
pulturesj les habitations et les enceintes en sont un témoignage. 
M. du Ghatellier n'hésite pas à voir^ dans les quarante et quelques 
habitations qu'ilaexplorées à Goatmocun, en Brennilis(Pinistère), 
des vestiges de villages de Vépoque du bronze (1). 

Ceux que nous avons explorés se trouvent absolument dans 
les mômes conditions : est-il donc téméraire de penser qu'ils re- 
montent à une époque antérieure à l'invasion romaine? Nous ne 
le pensons pas. 

Aussi, nous basant seulement sur le rapprochement des po- 
teries que nous avons rencontrées également dans les tumtilusj 
les villages et les enceintes, poteries qui caractérisent par/ou^ la 

(1) p. DO Chatbllisr. op. laud. p. 31. 



nt REVDE DE BRETAGNE ^ 

fin de l'époque du bronze ou le premier âge du fer, — civilisation 
qui, nous le croyons fermement, semble, dans la région centrale 
de l'Armorique, s'être prolongée fort longtemps, sinon jusqu'à 
notre ère, — nous croyons que toutes ces habitations ainsi 
groupées remontent à cette époque, et que, dans plusieurs cas, 
elles ont succédé à d'autres fiabitations plus anciennes encore. 

Grâce à ces diverses explorations et observations nous con- 
naissonsdonc maintenant ce qu'étaientleshabitationsdes hommes 
de l'époque du bronze et de celle du fer en Armorique. Con- 
naîtrons-nous jamais celles des hommes de la pierre polie, des 
hommes des dolmens armoricains ? 

Les recherches avenir rapprendront peut-être un jour. Mais 
an attendant, il est permis de penser que les habitations que 
noue explorons ont succédé à d'autres plus anciennes sur le 
même emplacement, et c'est ce qui expliquerait la découverte 
anormale, dans ces villages des époques du bronze ou du fer, 
d'objets remontante la période néolithique. D'autre part, il y a 
vraisemblance que quelques tribus côtières armoricaines de Té- 
poque des dolmens établissaient leurs habitations sur pilotis, 
dans les lagunes aujolird'hui pour la plupart envahies par la mer. 

Quoi qu'il en soit, les poteries — sans p'irler de la situation 
toujours caractéristique — sont particulièrement les principaux 
documents pour identifier les villages avec les tumulus et les 
enceintes explorés dans leur voisinage. Les explorations de 
MM^ duIUhatellier et Le Rouzicet les nôtres ont démontré que la 
concordance en était p&rfaite. Il serait donc à souhaiter, mainte- 
nantque Texistence de villages préromains est bien prouvée^ que 
de nouvelles recherches soient faites, particulièrement en Bre- 
tagne, car des observations générales, de la concordance du 
mobilier, principalement des poteries, dépend l'histoire d'une ou 
plusieurs époques connues seulement jusqu'à ce jour dans cette 
province par les tombeaux. 

AVKNKAU 08 LÀ QaANGlÈflK* 



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BIBLIOGRAPHIE 



A u profil du Ùtaier du CuUe. 

MiBceUaiié€& firetonnea [2'' iérié). 

Jfl suU h«ureuî d'annoncer auï lecteur» delà Revue de Brêkign* la publî- 
caUon en voluma dea articles donnée dint la Semaine reiigieuëe de Kennea 
par M. le chanoine Guillotin de Corson, depuis igo4* 

Le* articles antérieurs de mon vénéré prédécesseur avaient paru iou» les 
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kisloriquêMf i " et a^ séries ; — MUœllanée^ Brêfonnes. 

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Tous couï qui ont lu les études »i savantes ^ M intéressantes dû M. le 
chanoine Guillotin de Gorson feront bon accueil à ce livre posthume. 

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vente sera verst^ h la Caisse du denier du Culte du dlocèao do Hennés. Ce 
sera un étément de plus au succès de cette puhlicatton^ 

En vente cht^i tous les Libraireis catholiques au prii de 1 fr, 50- 

Joseph MiiTnunjN. 

Anciens Registres Parois.naax de Bretagne, par l'Abbé Paul Pahis- 
Jallodert. — Continuateur : M. ne Gurrnt. 

Sur la demande d'un grand nombre de [wrsûnnes^ la publication dea 
Anciens Reghtres paroissiaiiT de Bretagne. înterrompue â la mort du 
regretté abbé Paul Pdru-JaihbArt, va reprendre incessamment sous ia 
direction d& M. du Gwfrny. 

M. du Guerny est bien préparc pour <jette tâche, jeune encore, et il y a 
tout lieu d'otpÉrer quHl mènera a bonne Jln cette puhiicaUon, qui rend 
tant de services aux familles einsî qu'aux travailleurs bretons. ^ 

Une seule modification sera apportée au mode de publiclléj qui sera 
feoiastrielie au lieu de trimestrielle, tout en sauvegardant Viinpor tance des 
niatières livrées chaque anni^e. 

Un certain nombre de Paroisses (une soixantaine environ; restaient pré- 
parées pour l'impression. Kous commençons par Saint-Servan (i''^fascicule)i 
Fercé et Pktder. Sitàt parus, ces fascicules seront adressés aux souscripteurs. 

f^ea éditeurs : }. Fj.iuon et L. Hdumaic, 
ru^ Motle-Fabieij à. 



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Ite REVUE DE BRETAGNE 

Imprimerie- Librairie L. Bauon-Rault, 17-19, rue Le Bastard. Rennes. 

L'Eglise du Calvaire de Rennes 

L<i monument qu'abrite le Dôme de la Place du Garthage est ignoré des 
Bcnnaîs eux-mêmes : pourtant il est l'un des plus curieux et des plus artis- 
tiques de Bretagne. 

La publication, absolument inédite que j'entreprends, a pour but de le 
faire connaître et admirer, de conserver son souvenir s'il venait à être 
détruit, de procurer enfin, aux archéologues, un excellent sujet d'études, 
aux architectes et aux sculpteurs, de bons modèles de l'époque Louis XIV . 

Cette publication se présente sous le haut patronage de la Société A^chéo" 
logique d'Ille-et Vilaine, M. Banéat, son Président, a bien voulu la recom- 
mander 

liHlustration de Falbum comprendra trente photocollographieSy un 
plan et une coupe, exécutés avec la dernière perfection sur les dessins et les 
clichés de M. D. Fenant, Téminent artiste bien connu par ses travaux et 
inventions photographiques. Le texte historique et descriptif sera écrit par 
M. J, Mathurin, auteur de remarquables et nombreux travaux d'histoire 
el cl archéologie bretonnes et successeur, comme historiographe du Diocèse 
de tiennes, du savant et regretté M. Guillotin de Gorson. 

Les belles épreuves de M. D. Fenaut, reproduites en photocoUographie, 
seront montées; selon le goût actuel, sur papier gris artistique, les unes en 
*i3 X 2/j, les autres en 9 x 1 2/ En regard de chaque planche, seront imprimées, 
sur papier Japon, les notes explicatives de M. J. Mathurin. Une couverture 
de Euïe complétera l'album : Texécution en a été réservée à V Imprimerie Ar- 
iUiiquefGUlLLEMUi et VOISIN. Inutile d'ajouter qu'imprimeur moi-même en 
même temps qu'éditeur, je veillerai tout spécialement à l'exécution matérielle 
de Touvrage : aussi je veux espérer que ce travail, parfait comme fond et 
aussi parfait que possible comme forme, sera favorablement accueilli par tous. 

J'ai tenu en effet à mettre cet album 

en souscription au prix minime de 8 fr. ( 1 ) 
aQn qu'il soit à la portée de toutes les bourses. 

La souscription sera close dès que cent adhésions me seront parvenues : 
ii sera alors immédiatement procédé au tirage de a5o exemplaires tooi 
numérotét. 

Les Rennais, admirateurs de leur cité, les historiens, les bibliophiles, les 
archéotogues, les artistes voudront enrichir leur bibliothèque du magnifique 
album que je leur présente aujourd'hui. 

Comptant que vous voudrez bien, par votre adhésion, contribuer à cette 
manifestatioii artistique. 

Veuillez agréer, M. , avec mes remerciements anticipés, l'assurance 

de* ma très respectueuse considération. L. BAHON-RA.ULT. 

(j) t^e prix de l'ouvrage, une fois la souscription close, sera porté de 8 à i5 francs. 

Le Gérant : F. Chevalier. 

Vunnes. — Imprimerie LAFOLYE FKbiKKH, 2, place des Lices. 



i..^ 



LE PRÉSIDIAL DE NANTES k REDON 



V Association Krfionnf. tenait son Congrès annuel h Rennes en 
mai 1897, Le 28 de ce moi?, elle entendît ta lecture d*an Tnémoire 
très intéressant du regretté Paul Parfouru, l'érudit et si obligeant 
archiviste d'IUe-et^Vilaine (l). 

Il s*8gi3sait û^Qm<i livres de raison. Le -dernier dans Tordre 
des dates était celui de Fraaçoi>^ Lorier, sieur de la Riaudaye, 
notable bourgeois de Redon. 

En 1597, Lorier fut nommé capitaire-enseîgne d'une des deux 
compagnies de la vilie; il devint procureur syndic de la com- 
mun aulé, de 160Ô & 1608, et, cette année, il fut député aux Rtats 
tenus à Rennes. ' 

M. Parfouru présentait ce document comme un ^t livre de rai* 
son ou plutôt un journal ». Il a en efTet ce double caractère ; 
Livre de raisan, en ce qu'il constate des faits personnels concer- 
nant Tauteur, sa famille et ses amis (2) ; Journal t en ce qu'il 
mentionne nombre de faits intéressant radmînistrationdtméme 
rhistoire de la ville. Pour ma part, jo regrette bien sincèrement 
de n'avoir pas connu le livre de Lorier, quand, en 1S93, j'écri- 
vais trop hâtivement Y Histoire militaire de Redon. J'engage bien 
vivement les Redonnais curieux de l'histoire de leur ville à lire 
le livre de leur ancien procureur syndic. — Je ne puis aujour- 
d'hui en signaler qu'un seul pnssage. Le voici i 

<t Le 27* janvier 1597, la court et siège présidial de Nantes a 
commencé à tenir en ceste ville de Redon, par Mons' le Sénés- 

(f) Bull. ÀrtK, de VAssociation BrÉtonne. Congrèa de Prenne», 1807. P.4Ej8-170. 

(^) Un fiil persannet mériU rattention : Lorier écrit non tans complaisance 
(p. 459) : w Le ^7* mai ihdh, yé abalu le jûvau de Tarquebiiae; le 2"' mai toST, 
* yé ftbata le pappgaud iJs Tarbalaiilre. Le ZQ* mm 1597, sire Pierre Marcel a 
m. abata le papegaud de Tare n. — U écrit papegmtd isu lieu de fapegaut. 

11 noB» apprend aïnai qu'en I59â et 07t li l'arquebuse était Tarme à la mode, 
quelques- uns let lui-m^me) ne dédatgnaieni par Tarbatète passée de mode dans 
lea armâes, bien pluii que Taro abaolumant démodé gardait encore dei p>rti- 
aani arrîéréa. 

$€pteTnbr9 IBQI f 




422 REVUE DE BRETAGNE 

chai dud. Nantes, suivant la transfération dud. sîùge estably par 
le Roy et par arrest dé la court de parlement de Bretaigne séant 
à Rennes ; à cause que la ville de Nantes est possédée par les 
rebelles au Roy. » 

Ce transfert du présidial de Nantes à Redon, peraonae n'en 
avait parlé : il apparaît co en cne une révélation, il ne resta au^ç 
archives du Parlement aucune trace de l'arrêt qui l'ordonna (1), 
Impossible pourtant de douter du fait ni de sa date; et la date 
suscitera tout de suite cette objection : combien ce transfert était 
tardif! La ville de Nantes n'était-elle pas au pouvoir de la Ligue 
depuis la rébellion et la destitution du duc de Mercœur comme 
gouverneur dfr Bretagne (10 avril 1589)? On dira, il est vrai, que, 
depuis le môme temps» Redon étaità Mercœur, sous le gouver^ 
nement de François de Talhoôt. Mais, depuis Tabjuratioa du roi 
(25 juillet 1503), Talhoët s'était détaché de Mercœur, et avait 
écouté les propositions du maréchal d'Aumont, Ueutenant-géné- 
ral du roi en Bretagne. En juin 1595, il avait fait sa paix avec le 
roi, qui, le 20 janvier 1596, le confirmait dans le gouvernement 
de Redon. 

Ainsi le transfert du présidial de Nantes à Redon aurait pu se 
faire dès le milieu de Tannée 1595, ou du moins en janvier 1506, 
c'est-à-dire dix-huit mois ou un an plus tôt. En 1597, cette me- 
sure avait moins grand intérêt. « Tout s'acheminait k la pai^ gé- 
nérale ^, qui, signée par le roi à Angers le 20 mars Î59S, accep- 
tée par Mercœur, le 23, était publiée à Redon le 30 du môme mois. 

A cette date, Lorier écrit une note que M. Parfouro a ainsi ré^ 
sumée : 

« Le 30 mars 1598, on publie les articles de la paix eï du traité 
entre le Roi et le duc de Mercœur. Des feux de joie sont allumés 
à la croix de Saint-Sauveur (2) et par les carrefours de la ville. Le 
Te Deum est chanté en présence des habitants sous les armes. 
Les soldats font plusieurs belles escopeteries(3j, et fores coups 
de canon sont tirés. » E2t Tauteur conclut par ce vœu patriotique : 

(1) Nnl doute que M. Parfoarn n*ait recherché Tarrét, sanale trouver^ Députa, 
80Q successeur, M. Lesort, Ta cherché, avec un soin dont je ne saurais trop le 
remercier, aux tables des matières, aux tables chronologiques et mdrne aux 
registres des arrêts en 1596 et janvier lb97. 

(2) « Sans doute une croix près de la tour de l'église, comme aajoard*huL • 

(3) Décharges d*armes à feu. Du moi escopette,Bori9 de carabine port'^e en baa^ 
doulière par la caralede, de Charles Yill à Louis XIII, mais qui n'était plui 
d^usage en 1597. 



iiâ 



LE PRÉSIDIAL DE NANTES A REDON 123 

« Dieu nous fasse la grâce que la paix soit de longue durée et 
qu'il nous ^conserve notre Roy. » 

.Quand on voit ce transfert accompli si tard qu'il n'a plus 
beaucoup d'opportunité, on se demande si, longtemps aupara- 
vant, pendant que Redon était au pouvoir de la Ligue, le roi et 
le parlement n'auraient pas transféré le présidial de Nantes en 
quelqu'autre ville voisine soumise au roi. Gela se fit en d'autres 
provinces où des villes, selon qu'elles étaient au pouvoir du roi 
ou de la Ligue, furent, comme à tour de rôle, sièges de prési- 
diaux (1). 

Rien de semblable ne paraît avoir été fait dans le ressort du 
présidial de Nantes qui comprenait à peu près le département 
de la Loire-Inférieure, sauf quelques paroisses avec la ville de 
Ghâteaubriant. 

De la phrase citée plus haut il résulte bien clairement que 
c'est de Nantes qu'est parti avec ses collègues le sénéchal arri- 
vant à Redon le 27 janvier 1597 (2). 

Nous avons dit ailleurs (3) qu'en avril 1589, Mercœur perdit la 
ville de Rennes. Il sembla renoncer à la reprendre et Nantes 
devint sa capitale. Une de ses premières préoccupations fut d'y 
assurer l'exercice régulier de la justice : il s'empressa d'y appe- 
, 1er le parlement, en môme temps qu'il appelait le présidial de 
Rennes à Dinan. Mais il n'obtint l'obéissance que d'un cinquième 
environ des officiers du parlement et de moins encore de ceux 
du présidial de Rennes ; et il se vit contraint de créer un parle- 



(1) Nous allons voir tout à Theure des exemples de ces transferts. 

(2) On explique le non-transfert en disant : « Le ressort du présidial de 
Nantes n*avait qu*une ville pouvant recevoir le présidial, Anoenis, — car Ghâ- 
teaubriant était du présidial de Rennes ; or, Ancenis appartenait en propre k 
Mercœur. » Cette raison ne suffit pas. Des justices royales et même des prési- 
diaux siégèrent dans des bourgades. 

Je citerai des exemples. Par lettres données au camp de Jargeau en juin 1589, 
Henri III transfère k Sainte-Suzanne, le présidial, la sénéchaussée, Téleetion, la 
prévôté, la recette des tailles, le grenier à sel du Mans, et les juridictions de 
Mayenne et de Sablé. Ces lettres sont rapportées par d'autres données au camp 
d'Alençon en décembre 1589, par Henri IV. 

Sainte Suzanne est aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de 
Laval, 417 habitants agglomérés. 

Nous allons voir le' présidial d*Ângtirs siégeant h Craon, aujourd'hui chef-lieu 
de canton de Tarrondissementde Chàteau-Gontier, 3199 habitants agglomérés. 

(3) Présidial de Dinan. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, (1895) et bro^ 
cliure 1907. 



ti'^MMBil ■ 



lâi RSVUë de BRETAG^fE 

ment à Nantes, et un secood présidlal de Rsnn^s qui alla siéger 
à Dinaa, 

Mais la présîdial de Nantes n'ayant pas reçu du roi l'ordre de 
se transporter ailleurs continua de siéger à Nantes ; et Mercœur 
, ne se plaignit pas de sa présence. Pendant les années qui 

I allaient passer de 1589 à 1537, plusieurs des offlciers mou- 

rurent, d'autres résignèrent leurs c^la^K^s, pauUôtre — qu'en 
âavons-nous? — d'autres en furent chassés; et MercoBur ne 
manqua pas de disposer de ces charges en faveur de ses fidèles 
que le parlement ligueur installa (1). 

Au temps on Mercœur appelait le présidial de Bennes à Dlnan^ 
le duc de Mayenne^ lieutenant général du roi Charles X, appe- 
lait à Graon le présidial d'Angers; n^iais il n'obtint pas Tobéis- 
eance de fous les orflciers, notamment ct^lle du lieutenant-géné- 
ral (2). h pourvut de ct^tle charge ie procureur du roi, et le prô- 
sidial fut installé (3). Mais il stî trouva mai à Craon, et, le 2 sep^ 
tembre 1689, Mayenne décidait que « jusqu'à ce qu'il plaise à 

(t Dieu de réduire Angers au parti de VUnîon, tontes les jnri- 

^« dictions royales d'Anjou seraient exercées à Châteaugontier (4). 

Le présidial siés^ea-lnl sans intermittence à Ghâteaugontier 

jusqu'à 1595. C'est ce que nous ne pouvons dire ; mais 

nous le voyons rendre jugement dans cette ville en juin et 

juillet 1595 (5]. 
Nous voyons aussi Mercœur appelant (nous ne savons à quelle 

date) le présidial d'Angers à Nantes. Mais cette résidence loin* 

taine ne dut pas être de longue durée; et Mercœur renvoya son 



(I) Le traité de paÎK de 1^98 qii« fions irerrons plus loin parle de vstcaaces 
réeulUnt de « décèa^ résignation ou atitrement u. I^i» mot auti'emi^Dt semble ayp* 
pQier la destitutioa au du mains la démission conlrainU, 

(i) Lelii^utenant-générat élatt le aacanii ofdcter du prâftidial, le préf id«Qt élanl 
le chef. — Fin BreUg-ne, les Heui preinifïra ofÛcjer» étii^ritr le séfiécKal et le 
pféftident, 11 ; eul Houvent dahîil t^ntre eux aur la pré^iéiince, et, pour j couper 
court, le m^ioe acquérait âouTtiiit lt*« deux cbar^ei. (Hln^^mple d'Aryen tré. PrA^- 
aidi:il de fUnan, p. 11). On 9di\ qu». enUrtaUgae, leafténécb^iux ftojit offlcien de roàe 
longue. { Lettres de Charles IX, t4 mai l&6ô. Marice , Pr. JIJ. r>49) tandis 
qu'iLilleurs iU étaient de robe courte. 

(3) Il j est encoceen septembre 1590. Arcb. de la Mayenne Q, fonds de Satnb- 
Nlcolmt de Craoa, t. VUI, p. 70^71. 

(0 Chroniques Craonnaiaes, par M. de Badard de la Jacopïfti'e, p. 3lb-3IC, 

{%) Arch. de la M:iydnn?. Ponds de Saint-^ticoUs dé. Craoa, R. lU, ll^i, tùQ, 
3Qt, 2ùl. (Comm, de l'érudit arubiviste^ M. Laurain). 




LE PRESiDUL DE MANTES A HEDON iH 

prémdial siéger à RicheforUaur- Loire dont le chftleau apparte- 
nait à La Houssaye Saint-OCfange, son zélé partisan (1). 
t Voilà cornaient Nantes fut pour un temps te siège de deux pré- 

sidiauz. 
Mais revenons ao présidiaf de Redon. 

Lorsque, en janvier 1597, ie roi ordonna au préai'iîal de Nantes 
de venir siéger à Redon» ia plupart des officiers, sinon toûs, 
I obéirent avec leur chef le sénéchal; et Mercoaur eut à constlluer 

à Nantes un présidial que le parlement ligueur de Nantes s'em- 
pressa d'iûslaller. Nous avons la preuve de ce fait dans la no- 
mination, au mois de juillet 1597, d'un conseiller « au présidial 
de Nantes siégeant à Nantes (2) ». 

Ainsi, après le transfert du présidial de Nantes à Redon, en 
janvier J5Ô7, il y eut deux présidiaux de Nantes, Tua à Nantes, 
Tautre à RedoD, comme, depuis 1589, il y avait deux présidiaux 
de Rennes, Vna k Rennes, l'aulre à Dinan, 

La nomination faite en juillet 1597, nous montre que, à celte 
date, le présidial de Nantes fidèle au roi siégeait encore à Redon, 
Combien de temps allait-il yreater? Peut-être jusqu'à la paix 
signée ; mais il semble que, le 30 mars 1598, jour où elle fut pro- 
clamée à Redon, te présidial n'était plus là* Gomment François 
Lorier aurait-il omis de signaler sa présence au Te Deum so- 
lennel dont il nous a rendu compte. 

Le sénéchal et les officiers du présidial» venus par obéissance 
et peut-être un peu contraints à Redon, s'empressèrent d'exécuter 
on peut-être prévinrent Tordre de retourner à Nantes ; et la ville 
de Redon plus modeste et plus sage que Dinan n'eut pas la pré- 
tention de deveuir pour toujours ville présidiale. 



Quelques observations générales me paraissent trouver place 
ioi. 
Les transferts des sièges de justice et les nominations faites 

(l) Gft traDBt«ri du prèaidiat d*AQf«ra k Nant«a et de là à Rach«fort-iur^Loirfl 
DOiii eit apprt» par r&rticl« du traité de p&ix qu^ nouv v«rroni plui lotn. 

Rochefori-âur-Loire, ftujouril'lim commune du canian dis Cbalonnea, à quelque! 
kilomètres irAnger«. 

^(ï;Arcb.iiu parJement. Parlement eU la Ligue à NftDtvi. Keg. f^ âS, v*, juine 
1307. Nommatioa de Jesin ritin^ti coiuŒtr i^onseiller au pré«iUUl. 



TTff 



126 REVUE DE BRETAGNE 

par Mercœur donnèrent Heu à plusieurs articles du traité de 
paix de 1598 (1). 

Un article concerne les officiers du Parlement qui obéissant à 
Mercœur sont allés siéger à Nantes. Henri IV leur pardonne, 
bien plus : il les tient pour « ses bons et fidèles serviteurs », à 
une condition qu'il leur' sera facile de remplir : v qu'ils prêtent 
serment de fidélité. » — Ceux d'entre eux qui auraient été rem- 
placés par Mercœur reprendront leurs charges et dignités 
(Article II). 

Des offices de justice sont devenus vacants par mort, résigna- 
tion, ou autrement (2), dans des villes au pouvoir de Mercœur et 
rendues par lui au roi ; et Mercœur a pourvu d'autres officiers. 
Le roi annuUe les commissions données par Mercœur ; mais 
maintient en charge les officiers nommés par lui, à la seule con- 
dition de prendre « des provisions nouvelles, r* sans payer « au- 
cune finance ni supplément de finance. » (Article IV). 

Mais des officiers restés fidèles au service du roi ont été 
remplacés par Mercœur, « au cas d'aosence (3) ou de décès ;les 
officiers nommés p?»r Mercœur quitteront leurs charges, sans 
avoir pourtant à restituer les émoluments perçus par eux du- 
rant leur exercice. (Article IV in fine). 

Ces articles touchent surtout à des intérêts privés ; mais voit;! 
un article du traité ayant un intérêt général : « Les sentences, 
jugements, arrêts, et tous actes émanés (du parlement de Rennes 
siégeant à Nantes), toutes lettres de grâce des ducs de Mayenne 
et de Mercœur sortiront leur plein et entier effet entre per- 
sonnes qui volontairement ont subi leur autorité et juridic- 
tion ; et le môme (effet) aura lieu pour tout ce qui a été fait par 
les présidiaux de Rennes à Dinan et d'Angers à Nantes et Ro- 
chefort (4), et partout ailleurs (5), etde tous autres qui ont exercé 
les dites juridictions inférieures. » 

(1) Morice. Prêwoes lU, 1657-1658. —Plusieurs des dispositions qai vont saivre 
s'appliquent aussi aux officiers de finances, dont nous ne nous occupons pas. 

(2) Autrement.... par exemple (ce ne peut faire de doute) par destitution de 
Mercœur. 

(S) Absence»,, c'est-à-dire qu'ils ont de plein gré ou plutôt contraints et forcé 
abandonné leurs fonctions. 

(4) Cest cette phrase qui nous rérèle le transfert du présidial à Rochefort. 

(5) Article X. Les moit partout ailleurs %q rapportent assurément à des trans- 
féra de justices royales inférieures. Ce sens résulte des derniers mots de la 
phrase. 



^ 



LE PRESiDtAL DE NANTES A REDON 127 

Quand le roi traitait avec Mercœur, celui-ci était écrasé, trahi 
par ses prétendus alliés les Espagnols, abandonné par ses prin- 
cipaux officiers qui Tun après l'autre faisaient leurs paix parti- 
culières avec le roi : on pourrait môme dire que plusieurs se ven- 
daient au roi, qui les payait très cher (1). Supposez Mercœur 
ayant encore une armée à mettre en ligne devant l'armée 
royale victorieuse, aurait-il osé démander de meilleures con- 
ditions ? 

La politique de Henri IV lui prescrivait des ménagements ; 
mais le roi devait bien savoir que ses anciens et fidèles servi-» 
teurs n'approuveraient pas les faveurs souvent injustiQéesdont 
il allait combler ses adversaires de la veille mieux traités que 
ses amis (2). 

Or une femme, calviniste déterminée, veuve de deux officiers 
calvinistes, se chargea de porter au roi l'expression du mécon- 
tentement que soulevaient les faveurs accordées aux anciens 
ligueurs. Mais elle ne prit pas le ton grave ou grondeur des 
doléances ; elle donna à ses reproches la forme du pamphlet ou 
môme du persiflage. — Je veux parler de Catherine Larchevôque, 
fille de Jean, seigneur de Parthenay. 

Née en 1554, Catherine fut mariée très jeune : elle avait à peine 
dix-huit ans quand son mari^ Charles duQuélénec, baron de Pont- 
TAbbé, attaché au roi de Navarre, fut tué la nuit de la Saint-Bar- 
thélémy. Catherine, lettrée, auteur de poésies et môme d'une 
tragédie, pleura son mari en plusieurs élégies ; puis, en 1575, elle 
épousa René, vicomte de Rohan, qui mourut en 1586. 

Il laissait deux fils et deux filles. L'atné des fils fut le célèbre 
Henri de Rohan, en faveur duquel la vicomte fut érigée en 
duché-pairie (1603), gendre de Sully, grand homme de guerre, 
écrivain ipilitaire, chef reconnu des calvinistes h leurs prises 
d'armes sous Louis XIII. 

Le second fils. Benjamin, seigneur de Soubise, combattit pour 
la môme cause avec beaucoup moins d'éclat que son frère. En 
1627, lors du siège de La Rochelle, il vint s'enfermer dans la place, 



(1) Y. commo exemple (Morice, Pr, III, tlSO-1656) les conditions accordées 
à La Hoassaye d'Offange, seigneur de Rochefort, nommé pins haut, p. 125. 

(2) Comment par exemple les paysans bretons dont les parents avaient été mas- 
sacrés sans pitié par LaPontenelle auraient-ils admis Tamnistie d*abord accor- 
dée à cet homme horrible^ dont le nom^ après trois sièoles> est encore parmi eux 
one sanglante injure f 



128 REVUE DE BRETAGNE 

OÙ sa mère, plus que septuagénaire, était r&iiie de la résistance. 
Il refusa Tamnistie et passa en Angleterre, où il mourut. 

Catherine, Taînée des deux filles, est connue par sa flère ré- 
ponse à Henri IV : « Je suis trop pauvre pour être votre femme 
et de trop bonne tnaison pour ôt^^e votre maîtresse. » Bile devint 
duchesse des Deux-Ponts. — Anne, sa sœur, ne se maria pas ; 
lettrée^ comtne sa mère, elle lui tint fidèle compagnie; et elle 
était auprès d'elle au siège de La Rochelle. 

On a dit que M»* de Rohan ne pouvait pardonner à Henri IV» 
épris de sa fille Catherine, de Tavoir dédaignée comme épouse. 
Cest difficile à croire. L'animosité de la duchesse contre le roi 
tenait à d'autres causes et plus anciennes. En efifet, la réponse 
de sa fille au roi ne peut se placer qu'entre le 17 décembre 1500 
(dissolution du mariage avec Marguerite de Valois) et le 10 dé- 
cembre 1600 (mariage du roi avec Marie de Médieis). —A cette 
date, Catherine de Rohan, née en 1584, était dans sa seizième 
année. 

Mais c'est en 1596, quand sa fille avait seulement douze ans, 
que M°^ de Rohan composa son Apologie du roi Henri IV sur àe 
qu'il fait plus de bien à ses ennemis qu'à ses amis. — C'est une 
piquante satire, qui était une critique du présent, et, ce à quoi 
Tauteur ne songeait pas, fut comme une critique anticipée de 
gouvememenls postérieurs. 

J. Tr*védy, 

Ancien Président du tribunal de Quimper. 




k 



A PROPOS DE - DD CDESCLIN ET RICflEMONT 



A la fin d'une brève étude consacrée au connétable de Riche- 
mont et que voulut bien accueillir la Revue de Bretagne (1), 
je ni'étais attaché à rechercher quelques-unes des causas deTiiri- 
popularité da ce grand homme. 

La plupart des raisons que j'avais proposées ont été l'objet 
d'une judicieuse critique de M* Trévédy qui, dans un long article 
intitulé Du Guesclin et Sichemont {2) reprit une à une mes con- 
clusions pour les combattre, du reste le plus courtoisement du 
monde. 

Tout en m'inclinant devant plusieurs des critiques de M. Tré- 
védy, je demande à mon tour la permission de présenter ma dé- 
fense, de soutenir quelques-unes de mes affirmations, de main- 
tenir l'esprit de certaines d'entre elles dont mon honorable con- 
tradicteur s'est surtout étudié à réfuter la lettre. Suivant la mé* 
ibode employée par lui, je reprendrai un par un les p^3ints en 
litige pour les examiner à nouveau* 

I 

M- Trévédy commence par me contester l'exactitude de ct^tte 
phrase sur Du Guesclin : Il était un peu un parvenu, écuyer de 

petite noblesse « L'auteur, dil-il, amoindrit la maison i\p. Dn 

Guesclin- Elle n'était pas de petite noblesse, puisqu'elle avait la 
chevalerie. » (P- 334) 

Me serais-je trompé dans mon affirmation qu'en tous cas la 
raison invoquée pour démontrer mon erreur m'étonne, surtout 
sous la pluma d'un écrivain aussi versé dans Thistoire du 
Moyen-âge- 

En quoi la chevalerie a-t-elle jamais été une preuve de grande 

(t) Revtœ <U Bretagjie^ n" de dâceinbrd 1904* 

{2) Eetfue tîe Bretagne^ n^' d& noTembrâ et décembre 1905. 

Septembre i9Û7 iO 



130 REVUE DE BRETAGNE 

OU de pelite noblesse ? Il est de fait que lout le mou Je et luôme 
le premier vilain venu pouvait être armé chevalier. Ai-je besoin 
de renvoyer au beau livre de Léon Gautier pour démontrer la 
vérité de celte assertion ? La chevalerie était ouverte à touc. Il 
n'était pas toutefois également facile à tous de chausser les épe- 
rons d'or. Alors que le damoiseau de haut rang recevait l'adou- 
bement de droit, pour ainsi dire, et souvent à un âge encore 
tendre, il fallnit aux autres besogner durement avant d'être ad- 
mis à l'honneur de la veillée des armes. Beaucoup n'y arrive- 
raient pas et devaient se contenter toute leur vie de la simple 
qualification d*Ecuyer. Ce fut le cas du bisaïeul de notre conné* 
table (1) et il faut voir dans ce petit fait une preuve que la mai- 
son des DuGuesclin, tout en étant de la plus ancienne noblesse, 
ne prenait point rang parmi les premières du Duché. — Au reste, 
celte opinion n'est pas seulement la mienne, et j'aime à me cou- 
vrir, pour la défendre, de l'autorité de l'homme de France qui a 
le mieux parlé de DuGuesclin et de son époque : j'ai nommé 
Siméon Luce. 

Voici ce qu'il écrit au sujet des origines de la liaison de notre 
héros avec le maréchal d'Audrehem : « Issu d'une famille du 
Boulonnais, d'assez petite noblesse, le sire d'Audrehem était c^ 
qu'on appelle un officier de fortune.... L'humilité relative de leur 
originey leur passion pour la guerre étaient autant de traits com- 
muns propres à inspi'er à Arnoul une vive sympathie pour l'é- 
cuyer breton (2). 

Et plus loin, à propos de la promotion deBerlrand dans l'ordre 
de la chevalerie : « De pure forme, ou à peu près, pour les princes 
du sang et les grands feudataires, le titre de chevalier était au 
contraire fort difficile à obtenir pour les nobles d'wn rang infé- 
rieur. On ne s'expliquerait pas autrement la promotion tardive 
d'un homme de la valeur de Du Guesclin alors âgé d'environ 
trente-qualre ans (3). 

L'on objectera peut-être que la cause decelte difficulté qu'é- 
prouve Bertrand à obtenir la dignité de chevalier fut sa pauvreté ; 
car, tout en étant Talné de sa famille, il était de branche cadette. 
Certes, cette pauvreté contribua à lui rendre les débuts difficiles, 



(l)Cf. Père Anselme F/, p. 184 

Ci) S. Luce. Histoire de DuGuesclin, p. It9. 

(3) Ibid, p. 128. 



A PROPOS DE « DU GUESCLIN ET RICHEMONT » 



131 



mais si Du Guesclin avait été de haute maison, ii n'eut pas été 
si pauvre, bien que ca!det. Richemont n'était-il pas cadet lui- 
môme ? On dira encore : Pouvez-vous comparer Richemont, né 
sur les marches du trône ducal, au fils de Robert Du Guesclin ? 
Voilà justement où j'en voulais venir. Richemont était un véri- 
table grand seigneur, Du Guesclin n'en était pas un (1). 

Pour nous en mieux convaincre, arrôlons-nous aux débuts de 
Du Guesclin dans la guerre de succession de Bretagne. Sans sou 
ni maille, obligé pour solder ses quelques gars de crocheter l'ar- 
moire maternelle, n'ayant pour monture qu'une jument de labour 
empruntée à Tétable de la Motte et pour arme défensive qu'une 
sorte de mauvais bouclier appelé taloche, heureux souvent, pour 
apaiser sa faim, d'accepter dans la chaumière de quelque paysan 
une hospitalité qu'on ne lui refusa jamais, tel. nous apparaît le 
futur connétable (2). Quelle différence entre ce pauvre diable d'é- 
cuyeret le brillant comte de Richemont que nous voyons dès 
1410, (il avait dix-sept ans) amener aux Armagnacs assiégeant Pa- 
ris un renfort de 6000 chevaux m dont l'arrivée hâta vraisembla- 
blement la conclusion de la paix (3). » 

Si, comme le dit M. Trévédy, le « parallèle incite à exagérer les 
rapports de dissemblance h ce n'est pas le cas ici. La dissemblance 
existe, très sensible, et je n'ai pas eu besoin d'exagérer pour la 
créer. Cette existence menée par Du Guesclin au débutde sa car- 
rière contribua sans doute à accroître son penchant à la bon- 
homie, nul du reste ne lui conteste cette qualité que je n'ai pas 
cru devoir accorder à Artur de Bretagne. Mais parce que j'ai écrit 



(I) Ca^elier, qui écrivit son poëme entre 1380 et 1387^ connnt les compagnons 
d'armes de Bertrand et fut particnlièrement informé de tout ce qui touchait à 
son héros, lui fait dire au prince de GaUes : 

« Je suis un chevalier povre et de petit non, 

« Et ne suis pas aussi de telle ettraccion 

« Là où je puisse avoir finance à grand foison. • 

Guvelier, vers 13590 et Seq. 
Bd. Chairièri 

Que l'on objecte pas que Du Guesclin cherche à se rabaisser pour obtenir des 
conditions meiUeures. Son caractère, le prix auquel il se taxe démentent cette 
hypothèse. Peut-être n*a-t-il môme pas prononcé ces paroles, mais le trouvère 
les eût-il inventées, elles nous fixent sur l'opinion contemporaine au sujet de la 
famille et des origines de Bertrand. 

(?) Cf. 8. Luce, chap, VI, passim. 

(3) Cogneau, p. 18. ' 



L 



132 REVUS DE BRETAGNE 

plus loin : Richemonl se montra toujours plein de mansut^lule 
^|! pour le peuple. M. Trévédy m'accuse de contradiction car, ajoute 

^fe^ t-il : « qui dit mansuétude dii débonnaireté^ bonhomie n, {P. 335). 

Il me semble toutefois qu'entre ces trois mots, il existe des 
nuances sensibles* Mansuétude est synonyme de bonté alTec- 
tueuse et pleine de sollicitude, débonnaireté de bonté faible, bon- 
homie de bonté familière. Richemont posséda la première de ces 
qualités* Gruel nous l'assure, les deux traits rapportés par 
M. Trévédy, des sièges de Dax et de Saint-Sever suffisent pour 
nous en convaincre. Il ne fut pourtant point débonnaire. Son sur- 
nom de «Justicier» nous est une preuve qu*il sut se tenir à l'abri 
de toute faiblesse. M. Trévédy a trouvé pour le caractériser une 
expression qui le peint admirablement : « Il fut, dit-^îl on bourru 
bienfaisant ». Un bourru peut être un brave homme, un bon ' 
homme (en deux mots) il manquera toujours de cette familiarité 
qui est la caractéristique de la bonhomie. Bonhomme* un facétieux 
exempt de toute débonnaireté peut râtre, témoin Louis XI qui fut 
bonhomme à sa manière et môme quelquefois faux bonhomme. 
Bonhomme, nul ne le fut p^us que le « bon Roi René » et la preuve 
que bonhomie et mansuétude ne sont pas synonymes, M. Tré- 
védy nous la donne lui môme quand il écrit au sujet de ce prince : 
~ « il est resté le type de la mansuétude et de la bonhomie i^^p. 34S. 
Ou il existe une nuance entre les deux mots ou l'auteur fait ta 
uoe tautologie, et je n'y puis croire. 

Je conviens très volontiers en revanche que l'expression « jeter 
les écus du haut de son distrier » est vraiment trop i magnée pour 
une étude historique où l'exactitude s'impose. Pourtant, je ferai 
remarquer que dans les grandes cérémonies, au couronnement 
des ducs en particulier,la foule, massée sur le passage du cortège, 
criait : Bretague-Malo ! et ne trouvait pas du tout « injurieux » 
qu'on lui jetât pièces d'argent ou de cuivre à la volée. En tous 
cas la dissemblance que je voulais signaler subsiste : DuQuescIin 
put faire l'aumôue de sa main, ce qui, suivant la juste remarque 
de M. Trévédy (p. 336.), dût être rarement possible à ArLur de 
Bretagne. 

II 

J'avais cru voir une cause d'impopularité dans les fréquentes 
impositions qu'Artur de Bretagne se vit dans la nécessité d'in- 
fliger au peuple: « Comme Richemont, objecte M. Trévédy, Du 



k PROPOS DE « DU GUESGLIN ET RTGHEMONT *> 133 

Guesclin fut souvent obligé de recourir aux réquisitions de toutes 
sortes. Elles n*ont pas nui à sa populs^rité «>, et il cite plusieurs 
faits à Tappui, dont je n'ai gardé de disconvenir (p. 336). 

Je remarquerai pourtant que Du Guesclin dût é^re, beaucoup 
mrfns souvent qu'Artur de Bretagne, forcé de recourir aux impo- 
sitions. Les coffres de Charles V n'étaient certes pas inépuisables 
et le roi put se voir parfois dans la nécessité de mesurer les sub- 
sides à Bertrand, mais il l'aida toujouri dans la mesure du po3- 
sibb, ne le voyons-nous pas, dès 1365, à une époque où les af- 
faires du Royaume étaient loin d'être relevées, donner à Du Gues- 
clin, prisonnier de Chandos, 40000 livres pour sa rançon (1) ; peu 
de temps après, il lui permet de disposer des sommes considé- 
rables afin d'emmener les grandes Compagnies vers la Gastille. 
Plus tard, il avancera encore partie des 100000 florins (2) fixés 
par Du Guesclin lui môme au Prince Noir pour prix de sa liberté. 
Du reste, le héros breton eût-il grevé les populations plus 
qu'il ne le (tt encore, cela n'eut point nui au développement de sa 
popularité. Elle était solidement établie bien avant qu'il ne cei- 
gnit Tépée de connétable et Du Guesclin en est si bien convaincu 
qu'il répond au prince de Galles étonné : « Prince Henry me 
« prestera la moitié de ma rançon et le roy de France, Taultre, 
« et si ne pou voie aler devers ces deux, si le gaingneroient à filer 
b toutes les fiUeuses qui en France sont, que ce que je demou- 
« rasse plus entre vos mains » (3). 

Voilà une belle assurance et bien permise à l'homme qui se 
sentait appuyé par Charles V et par tout le peuple de France. Pa- 
reille confiance, Richemont odieux au roi qui le laissait « dans 
une pénurie d'argent continuelle (4) «, calomnié près du peuplct 
n'aurait pu jamais l'avoir. 

Quel chroniqutfur, môme ennemi,eut osé écrire sur Du Guesclin 
ce que le Bourgeois de Paris allègue contre Richemont? <r Brief, 
« ne lui challoit ne de roy, ne de prince, ne du commun, ne de 
tt ville, ne de chastel que les Anglais preissent ; mais qu'il eust de 
« l'argent, ne lui challoit du demourant, ne de quel part. » 
Encore une fois, calomnies, dira-t-on. Je lé veux ; mais,comme 

(t) Cette rançon montait à 100000 livres, le reste en fat payé par le Pape et 
Henri de Transtamarre. (Proissart 1, 198.) éd. Buchoa« 
(2) Il prêta 30000 doubles d'or à Bertrand. 
{}) Ménard, Hist, de Messire B. Du Guesolinj p. 302. 
(4) Çosneau^ p. 261. 



134 REVUE DE BRETAGNE 

aipute M. Gosneau, après avoir cité ces paroles : « 11 est certain 
que ces accusations ne sont pas seulement le fait de deux chro- 
niqueurs (1), il est certain que la crédulité populaire les accueil- 
lait, comme il arrive toujours en pareil cas, qu'elles étaient 
répétées de tous côtés, et queRichemont en devait beaucoup sijuf- 
frir(2). » 

Sa réputation en souffrit beaucoup aussi et Ton peut dire en 
résumé, que si les contributions levées par Artur de Bretagne 
ne furent pas une cause directe de son impopularité, elles contri- 
buèrent à accréditer les calomnies dont i} fut Tobjet de la part 
de certains. 

Remarquons encore ceci : alors que Ou Guesclin, môme au plus 
haut degré de sa fortune, était toujours à court d'argent person- 
nel, par suite de ses généreuses prodigalités. Richemont, géné- 
reux aussi mais sachant compter, passait pour un des plus riches 
seigneurs de. France. A une époque de misère générale comme 
le milieu du XV° siècle, la jalousie et la haine ont vite fait de 
prononcer le mot de concussionnaire : quelques années aupara- 
vant le fastueux Olisson en avait su, lui aussi, quelque chose. 



III 

C'est avec juste raison que M. Trévédy critique cette phrase : 
« Richemont préféra souvent refuser le combat que de risquer 
une défaite. » J*ai mal exprimé ma pensée; ce qui, du reste, n*a 
pas empoché M. Trévédy de la comprendre. « Je ne sais si je me 
« trompe, écrit-il, mais il me semble que l'auteur en représen-* 
« tant Richemont comme refusant le combat à entendu opposer 
« cette prudente hésitation (3) à l'intrépide promptitude avec la- 
« quelle Du Guesclin engageait une bataille? » (P. 241) 

C'est à peu près ce que je voulais dire. Il existe, à mon avis, 
une différence essentielle entre les tempéraments militaires de 
nos deux connétables. Du Guesclin fut et restera pour la posté- 
rité le type du général « En avant », prudent certes, habile à pré- 
parer patiemment une manœuvre stratégique et à la mener à 
bien, rusant au besoin, mais excellant dans les coups de sur- 

(1) Le second chroniqueur est Cagnj. 

(?) Cosneaut p. 988. 

(3) On Tient de parier de la jotirnée de SHU. 



A PROPOS DE « DU GUESCLIN ET RICHEMONT « i35 

prise, les attaques à fond conduites avec la plus belle énergie, 
quil s'agtt d'enlever une place d'assaut ou de tomber sur l'ad- 
versaire en plat pays. Je n'ai jamais soutenu pour cela qu'il fût 
incapable de résister à la tentation de combattre.^. Trévédy me 
cite triomphalement la campagne de 1393 dont je n'ai jamais 
songé à contester le mérite et conclut : « Vais-je nuire à la popu- 
« larité de Du Guesclin en publiant que pendant trois mois il a 
« presque chaque jour refusé le cofibat ? » (P. 343). Non certes, et 
cette campagne doit compter parmi ses plus beaux titres de 
gloire aux yeux des connaisseurs ; mais, ou je me trompe fort 
ou elle a moins contribué à le rendre populaire que la prise du 
château de Fougeray, par exemple, ou que son duel avec Tho- 
mas de Canterbury (1). 

Cette Jougue qui rendit toujours Bertrand irrésistible, soit qu'il 
combattît seul et corps à corps, soit qu'il opérât à la tête de ses 
gens, fit défaut à Artur de Bretagne. Il ne fut pas un entraîneur 
d'hommes à la manière du héros de Broons. Brave soldat, bon 
capitaine^ conscient de sa responsabilité, il avait, je le répète, 
comme une répugnance à: tenter les coups de fortune. Dans l'af- 
faire du 10 avril 1436(2), il est facile de s'expliquer la raison 
qui le fit passer outre aux conseils de l'Isle-Adam. Le connétable 
était alors en négociations avec certains bourgeois de la capi- 
tale pour obtenir l'ouverture d'une des portes de la ville. Un 
avantage remporté sous les murs de Paris pouvait être décisif, un 
échec, au contraire, pouvait tout compromettre. 

Mais remarquons que le Bourgeois et ses trois cents fourra- 
geurs sont déjà aux prises avec les 700 à 800 hommes de Thomas 
de Beaumont. Si Richemont n'intervient pas, c'est l'écrasement 
de cette petite troupe, ou au moins la fuite, le recul devant un 
ennemi qui ne manquera pas de se targuer de ce faible avantage, 
de l'exagérer au besoin. L'effet moral redouté par Richemont 
sera produit. 

Que risque-t-il du reste à se porter en avant ? Il a avec lui 5 à 
6000 hommes ; en admettant que la position des Anglais soit trop 
forte pour qu'on essaie de les déloger, la présence d'une troupe 
nombreuse permettra aux escarmoucheurs de se dégager et, 

(1) Voir au sujet de cette campagne le chap. VI de V Histoire de Clisson par 
M. Liefranc, Tauteur reporte sur Olivier le mérite de la nouvelle tactique adoptée 

, par les Français. 

(2) M. Trévédy donne par erreur la date du 10 février. 



^w^ 



m REVUE DE BRETAGNE 



une fois sur le terrain, le connétable pourra juger par lui-même 
de la véracité du dire de TIsle-Adam. Agir autrement. eut été 
montrer plus que de la prudence et je ne voi^ pas que cette af- 
faire puisse passer pour un bien grand coup d'audace. 

A Pormigny, Richemont aurait pu sans doute arrêter l'action 
au moment où son apparition et l'envoi de son avant-garde déter- 
minèrent chez les Anglais un vif mouvement de recul. L'hon. 
neur était sauf, la journée restait indécise. Pareille conduite 
n'eut pas manqué, je crois, de provoquer de vives protestations 
de la part du comte de Glermont et de Brézé. 

Ceux-ci avaient tenu tête pendant trois heures aux 6000 Anglais 
de Kyriel, luttant avec acharnement, certains que l'arrivée du 
connétable leur permettrait de reprendre l'offensive. Richemont 
survient avec 1800 hommes de troupes fraîches (l) qui égalisent 
d'autant mieux la partie que, dans leur fuite rapide vers les re- 
tranchements, beaucoup cT Anglais ont été pris ou tués (2) Brézé 
du reste ne doute pas une minute que la bataille continue ; il vient 
de suite demander au connétable la permission d'attaquer par 
la droite. Celui-ci la lui donne après avoir réfléchi quelques mi- 
nutes. Le seul Goôtivy exprime la crainte de voir les Anglais res- 
ter dans leurs retranchements, mais qui donc « a osé prédire la 
défaite » ? 

Tels sont les deux combats dans la conduite desquels Riche- 
mont s'est montré le plus audacieux. 

En revanche, nous le voyons maintes fois rappeler à la pru- 
dence ses soldats, ses lieutenants emportés par une trop vive 
ardeur. C'est, lors de la tentative sur Pontoise en juillet 1438 : 
« Les Français avaient déjà gagn^ une des plus fortes tours de la 
ville et, quand il vit que Ton besognait si ftprement, il fit tout 
laisser, s'enfuit à Paris et dit qu'il ne voulait pas faire tuer les 
bonnes gens ; et pour certains le peuple qui avec lui était jurait 
que, s'il ne les eutjpoint laissés, à très peu de temps, ils eussent 
gagné la ville et le cb&teau (3). » 

C'est, durant le siège du Marché de Meaux. Les Anglais ont 
massacré un détachement qui occupait une petite tle de la 

(1) EUef ont franchi, il est vrai, une distance de 24 kilomètres mais U faut 
songer qae la majeure partie de ce renfort est montée et ne peut être fatiga4e 
par cette courte étape. 

(2) Cosneau, p. 41 i. 

(S) Bourgeois de PariSt cité par Gosnean, p. 281, 



A PROPOS DE 1" DU UUESCUX ET RrCHKMONT * i0 

Marne ; La Hire veut s^éfancer contre les ennemis, d*auire3 cher- 
chcml â (luitter la ville, mais le connétable fait garder les pories 
par les gens de sa maison (1), 

G*est encore au moment de rexpédition que Sommera et tenta 
en 1443j contre TÂnjou et le Maine. Richemonl s'efforce en vain 
d'arrêter Lohéac, Brézé, tes de Bueil trop pressés de marcher ù. 
l'ennemi et qui d'ailleurs furent mis en déroule complète (2), 

Est-ce dire qu'il faille blâoaer Richemont, est-ce dire, comme 
m'en accuse M. Trévédy^ qu'il fut un ■ chef militaire hésitant, 
ayant peur de la responsabilité et ne combattant qu'à coun sur n, 
(P. 340) Loin de là: prudence n'est pas synonyme d'hésitation, 
l'on peut avoir conscience de sa responsabilité sans en avoir 
peur, répugner aux coups de fortune sans prétendre ne cora * 
battre qu'à coup sûr. Richemont posséda les plus solides, les 
plus indispensables des qualités militaires, il manqua peut-être 
des plus brillantes. Du GuescUn, homme deguerrocomplet, les 
eût toutes en partage, voilà pourquoi il a passé en renommée 
Artur de Bretagne* 



L*histoire, au dire de M, Trévédy, n'a conservé aucun mot de 
Bertrand Du Guesclin, L'histoire a eu tort, car la chronique plus 
avisée nous en a transmis plusieurs qui mériteat de passer à la 
postérité. J'en citerai deux qui mettent bien en lumière le carac- 
tère de rhomme dont les Anglais disaient : Il ne s'ébahit de 
rien, # 

C'est d'abord une répartie au d uc de Lancastre, Le duc exprime 
la crainte qu'avant la fln de la querelle de succession il en coûte 
la vie àplus décent mille hommes : ^ Eh bien I s'écrie Bertrand, 
tant mieux pour les survivants, leur part d'héritage en sera plus 
belle (3) w. 

Une autre fois, c'est Edouard 111 lui-môme que notre héros 
cingle d'un mot si fier qu'il faillit le payer chèrement. Le roi veut , 
faire jurer aux seigneurs bretons venus à Londres d'observer 
fidèlement la trâve ; ceux-ci se taisent^ embarrassés ils se mé- 



{\) CosnenH, p. m, 

(9) LmC9, p. ZOS. 



138 REVCE DR BRETAGNE 

fient de la foi anglaise. Alors Du Guesclin élevant ta voix : « Sire, 
nous TobserveroQs comme vous l'observerez et a*il vous arrivait 
de Tenfreindre, ainsi ferons-nous (1). » 

Combien de mots prétendus historiques ne valent pas ces deux- 
là? Je les ai choisis entre plusieurs parce qu'ils peignent bien 
Texcessive hardiesse de Bertrand, ce fond de philosophie insou- 
ciante et railleuse qui contribuèrent à faire de lui un franc com" 
pagnon ennemi de toute tristesse. Sur ce point encore, il con- 
traste avec Artur de Bretagne. 

En dépit des exemples cités, je ne puis me résigner à concé- 
der à Richemont une humeur bien gaie. Qu'il fût lippu, la chose 
est très possible; il faut rendre hommage à la perspicacité de 
M. Trévédy qui, deux ans avant la publication de i^ouvrage 
deM.Lair, interprétait aussi judicieusement la signature de la 
« vielle lype ». Le portrait de la collection Gaignières, les des- 
sins des tapisseries corroborent son assertion. I( reste à savoir si 
ces images sont plus ressemblantes que la gravure publiée par 
dom Lobineau et dom Morice. Cette dernière est t^xécutée dia- 
prés une peinture originale; les autres sont de provenance dou- 
teuse» mais elles ont le nombre pour elles ; à notre époque de suf- 
frage universel, cela est quelque chose; puis Jean Chaperon, le 
graveur ordinaire des Pères Bénédictins, fut-il un artiste très 
soucieux de la ressemblance ? Il est permis de se le demander 
et d'en douter. Aussi je comprends très bien que M. Trévédy 
n'ait pas hésité à préférer Timage de Gaignières et je serais bien 
tenté de faire comme lui si... mais îl faut que je m'excuse d*a- 
bord de rapporter ici un souvenir personnel. 

Il existedans ma famille un vieux portrait d'Artur de Bretagne 
auprès duquel j'ai grandi. Je l'ai regardé si souvent ce guerrier 
bardé de fer et tant admiré, bien qde sans être lippu» il ne fût 
pas beau, qu'il me chagrinerait d'être obligé de me figurer autre- 
ment et plus laid encore, celui qu'il représente. 

Comme ces considérations sont essentiellement dénouées d'es^ 
prit critique, j'ajoute bien vite que la peinture en questionne 
manque pas d'intérêt. Elle fut achetée, voici une quarantaine 
d'années, par un mien grand-oncle dans un couvent de Nantes 
où elle avait été retrouvée quelque temps auparavant, cachée 
derrière le maître-autel. Par malheur, je n'ai jamais pu savoir le 

i\)Luce,ip. 135. 



* 



A PROPOS DE « DU GUESCLIN ET RICHEMONT « 139 

nom de ce couvent. La toile était en mauvais étal et dul être for- 
tement r(^ parée ; le fond surtout a beaucoup souffert et c'est dom- 
mage car une devise s'y dôtaciiait dont seul un fragment de- 
mture (1). La manière très soignée dénote un artiste habile; par 
le souci du détail, l'exactitude avec laquelle est traitée la moindre 
pièce du costume de guerre, elle rappelle beaucoup le faire du 
bon peintre Jean Poucquet. Comme Jouvenel des Ursins (2), Ri- 
chemont dépasse de tout le haut du corps une sorte de barrière 
recouverte d'une riche étoffe ; la pose, le costume sontles mêmes 
que dans la gravure des Bénédictins, mais les traits plus accen- 
tués, l'air plus maussaae donnent à la physionomie un relief qui 
fait totalement défaut à l'œuvre de J. Chaperon. 

Etant donnée la provenance du tableau, il est fort probable que 

nous nous trouvons en présence sinon de l'original (3), au moins 

i d'une copie ancienoede la peinture primitive. La bontéde l'œuvre 

i permet de supposer que l'auteur était capable de faire ressemblant. 

Aurait-il voulu embellir son sujet ? Je ne le crois guère. Il suffit 

I de regarder les portraits de Charles VII et de Jouvenel des Ur- 

[ sins au Louvre, celui du roi René, dans le triptyque de Froment, 

f à Aix, pour se rendre compte que les portraitistes du XV^ siècle 

ne flattaient pas leurs modèles, même royaux. Malgré tout, je 

ne prétends pas trancher la question, j'apporte simplement un 

[ document nouveau, l'avenir nous fixera peut-être sur la longueur 

: de la lèvre d'Artur de Bretagne (4). 

I Quoi qu'il en soit, si la lippe donnée par let nature n'est pas la 

preuve d'un caractère morose, elle n'est pas non plus le signe 
d^une humeur joviale. M. Cosneau se contredit un peu puisqu'ad- 
mettant pour sa part, chez Richemont, une disposition habituelle 

( I } Voici ce fragment : 

VBVLLE : OVl ; QVELE : VbVLLE : OVE : Q... 

Je propose, à défaut d*ane autre meilleure, la reconstitution suivante : Veuille 
qui qu'elle veuille, que qu'elle veuifle. Elle pourrait désigner la France ou la 
Religion..?? 

Le tableau en question est actuellement la propriété de M. le commandant de 
Richebourg à Senlis. 

(2) Tableau de Foucquet, au Louvre. 

(3) Je présume que Toriginal a dû être exécuté sur panneau. 

(4) 11 existe encore un portrait de Richement en costume d'apparat dans c l*Ar- 
• morial du hérault Berry » exécuté vers 1450 et conservé à la Bibliothèque Natio- 
nal. Il a été reproduit dans l'édition illustrée de Jeanne d*Arc par H. Wallon* 
La lèvre inférieure n*y est pas accusée. 



140 REVUE DE BRETAGNE 

à faire la moae» il écrit ailleurs : Il ne faudrait pas croire que sa 
gravité d*esprit le rendit morose. 

Dana une étude que vient de publier la Reoue de Paris (1), 
M. Anatole France (admottant l'interprétation de M. Trévédy) 
nous présente Richî^mont dti cette manière pittoresque ; « A leur 
approchei un piitit homme noir, renfrogné, lippu^ descendit de 
cheval ^j. Renfrogne, voilà bien le mol qut convient k notre héros 
et tel on levait passer à travers le règne de Charles VIL Avouons 
qu'il eût de bons motifs pour Tôtre^ toujours en balte à de perpé- 
tuelles tracasseries, toujours obli^féde se défendre et de sévir. — 
S'ensuit-il qu'il ait été réfractaire au moindre éclal de rire, qu'il 
n'ait pu, de temps à autre, trouver plaisir à voir jon^rler des ba- 
teleurs ou batifoler des jeunes gens. La nature prend toujours à 
un moment donné sa revanche. Artur de Bretagne eut une fllle 
naturelle, pourtant il a gardé la réputation d'avoir été un des 
princes les plus ciiastes de son époque. Il a bien pu de môme 
s'amuser A jouera son barbier quelque tour de basochien sans 
posséder pour cet i un fonds de caractère folâtre» 

Du Guesclin, prisonnier à Bordeaux, n'ayant pas en poche le 
premier florin de sa rançon avait emprunté une assez grosse, 
somme que ses amis s'étonnaient de voir en très peu de temps 
dissipée : Mais qu'en avez-vous fait. Bertrand ? J'en ai bu, man- 
gé, donné, joué aux dés!,. Voilà un véritable trait de bon vivant. 
Que dans toute la vie de Richemont on m'en cite un pareil! 



ft Un soteii brillant^ au lieu d'effacer les objets, les met en 
« pleine lumière. Celle règle physique s'applique à certains c03i- 
pagnons de Jeanne d'Arc » et M. Trévédy cite La Hire, Danois, 
Sainlrai^les <f qui furent pour quelques jours compagnons delà 
o Pucelle. Le même titre n'appartient-il pas au connétable? » 

Il y a pourtant une notable dilTérence. Danois, La Hire, Siin- 
trailles Turent pour Jeanne d'Arc des compagnoas non ^'^as de 
quelques Jours, nia^s d^ tous les jours, ponrrail-on dire^ pendant 
la trop courte période où elle combatUt pour U France {avril 



0) Revue de Pari^ de« 15 janvier, if e% 1& février I9&ft. — J^a Bataille de Pataïf 
$t la Campagne du sacre^ par A. France. 



A PROPOS DE DU « GUESCLIN ET RIGHEMONT » 141 

1429 à mai 1430). Dunois la suivit presque partout (1). La Hire 
fut également un de ses plus fidèles, elle avait pris sur lui un 
tel ascendant qu'elle Tavait décidé à ne plus jurer. Saintrailles 
partagea jusqu'au bout sa fortune et se fit prendre avec elle de- 
vant Compiègne. Est-il étonnant que la gloire éclatante de Jeanne 
ait rejailli sur les capitaines dont les noms furent môles au sien 
en tous ses jours de triomphe ? Sans elle, La Hire, Saintrailles 
n'eussent laissé qu'un souvenir pareil à celui des chefs de rou- 
tiers contemporains, de Du Guesclin, un Eustache d'Auberchi- 
courtou un Armand de Cervolle. par exemple ; grâce à elle, ils 
vivront dans la mémoire de la postérité qui oubliera môme leurs 
détestables rapines. Dunois, homme de guerre distingué,gardera 
de ce compagnonnage uneauréole dont Téclat a contribué à faire 
p&lir la gloire de Richemont, et cela parce qu'à Richemont il a 
manqué le contact un peu prolongé de l'héroïne. Grâce à sa téna- 
cité, il parviendra bien à la joindre, à combattre à ses côtés, mais 
que l'entrevue fut courte ! 

Il arrive le 16 juin, livre bataille le 18 et, le 19, fait ses adieux à 
Jeanne qui se dirige sur Orléans où elle espère trouver le roi et 
obtenir la grâce du connétable. On sait que toutes ses supplica- 
tions furent inutiles. 

Non, on ne peut pas dire qu'Artur de Bretagne fut, au môme 
titre que les autres, le compagnon de la Pucelle. On l'a trop main- 
tenu dans Tombre, pendant que brillait le soleil^ pour qu'il n'ait 
pas fatalement, bien qu'injustement, perdu en renommée, ce que 
les Dunois, les La Hire, les Santrailles ont dérobé de gloire au 
contact journalier de Jeanne d'Arc (2). 



(1) Wallon, p. 141. 

(2) M. Trévédy cite l'incroyable erreur de Bonillet attriboant à Dunois la tIc- 
toire de Formigny. Je relève une énormité du même genre non pins dans une 
œuvre de compilation comme un dictionnaire m historique, » mais dans un ou- 
vrage spécial, réputé à juste titre, travail critique faisant foi en la matière qu*il 
traite : le livre de Lecoy de la Marche sur « le Roi Kené', sa vie, son administra- 
tion, ses travaux ». 

Or l'auteur écrit (page 260, tome I.) : « Ils (c*est-à-dire Charles VII et René), 
écrasèrent l'ennemi en bataille rangée à Formigny ! » 



er 



W REVUE DE BRETAGNE 



VI 



Retenante première cause d'impopularité proposée par moi (1), 
M, Trévédy en indique une autre : sa qualité de Breton qui le fit 
favoriser ses compatriotes, leur donner les places d'honneur dans 
les cruïibats. « Lps Français ne vont-ils pas leur envier les hauts 
faiU dont la France a le profit ? » (p. 417.) 

U ùsL certain que cette faveur accordée par le connétable aux 
Bretons dut susciter bien des jalousies. La phrase du chroniqueur 
Cagny en est une preuve. Mais peut-on considérer ces rancunes 
comme une véritable cause d'impopularité? M. Trévédy nous 
convainc lui-môme du contraire, lorsqu'il écrit à la page suivante : 
^t Klciiemont employait les Bretons, parce qu'il savait ce qu'il en 
pouvait attendre. Du Guesclin avait fait ainsi et la France ne s'en 
trouva pas mal. » 

Oui, Du Guesclin avait fait ainsi, Du Guesclin était lui aussi 
Breton ; sa popularité en est-elle demeurée naoins grande? 

Pour résumer toute cette discussion et en écaï*tant les motifs 
SLibsiiiaires qui ont pu contribuer à accroître Timpopularilé de 
Rloiiemont, mais n'étaient pas assez forts pour la créer, je crois 
pouvoir ramener aux suivantes les causes pour lesquelles cette 
grande figure est restée dans un effacement presque complet. 

r L'antipathie du Hoi et 1^ jalousie des courtisans. 

2'' Le tempérament militaire d'Artur de Bretagne très différent 
de CL4m de Du Guesclin et aussi sa mauvaise fortune qui ne lui 
peroijrent jamais d'accomplir une de ces prouesses éclatantes qui 
Jixenl le souvenir d'un héros dans la mémoire des peuples. Il lui 
manqua aussi d'être chanté. Qui parlerait aujourd'hui de Roland, 
dont rhistoire à peine a retenu le nom, si le poème de Turoldus 
D avait immortalisé Tobscur combat de Roncevaux ? 

Cuvelier, surnommé le dernier des trouvères, contribua forte- 
mtiuL à la formation d'une légende autour du nom de Du Guesclin. 
Sans lui, nombre d'exploits de Bertrand, et les plus populaires, 
auraient été perdus pour la postérité et la renommée du héros en 
eut, élô amoindrie. 

3" Knfln, et j'insiste sur ce point, le fait d'avoir été tenu en 

1) Autipathie du roi Jalousie des courtitans. 



A PROPOS DE « DU GUESGLIN ET RICHEMONT « 143 

dehors des affaires durant toute la missioa de Jeanne d'Arc. Le 
souvenir de la Pucelle domine l'époque, Tannée où elle parut 
rejette dans l'ombre les hauts faits des ans qui suivirent; elle 
rehausse d'un éclat plus que mérité les figures de ceux qui beso- 
gnèrent alors. 

Ce fut Tacte principal dans le grand drame du siècle, les acteurs 
y prirent aux yeux du public une telle importance quMls la con- 
servèrent aux actes suivants. Le passage de Richemont sur la 
scène, lors de la bataille de Patay, avait été trop rapide pour qu'on 
y prît garde et d'ailleurs trop de ses ennemis^ôtaient intéressés à 
fomenter sur ce fait la conspiration rfw siY^wce 

M. Trévédy a trop bien fait ressortir l'impossibilité du mariage 
d'Anne de Bretagne avec un Rieux, un Laval ou un Rohan, pour 
que je songe à discuter ses observations. Je n'avais du reste pas 
étudié si la chose était faisable. Ces noms étaient venus sous ma 
plume pour étayer l'hypolhèse d'une Bretagne conservant son 
indépendance. 

La question que je me posais impUcitement élait celle-ci : étant 
donnés les services de tous temps rendus par la Bretagne à la 
France, nos rois ont-ils eu avantage à réunir à la couronne. cette 
flère et dévouée vassale ; et, considérant es qui aurait pu se passer 
en 1793, je penchais vers la négative. J'avais tort, peut-ôtre ; 
peut-être, à l'heure où leurs successeurs sont bannis du sol héré- 
ditaire, l'avenir donnera-t-il raison à la politique des Valois ! 

Dans l'allocution qu'il a prononcée dernièrement à la Société 
d'Etudes -historiques et littéraires de Lyon, pour la conférence 
du Marquis de Rosanbo, M. Lucien-Brun a dit ces magnifiques et 
flatteuses paroles : 

<c La Bretagne pouvait-elle ne pas être la plus française des 
« provinces de France après s'ôtre donnée? et pouvait-elle donc 
« ne pas se donner elle-même? elle avait déjà tant donné ; son 
<c sang en abondance et la fleur de sa chevalerie ; elle avait don- 
if né Du Guesclin ; elle avait donné Thonneur toujours et souvent 
« la victoire... » 

Oui, la Bretagne a donné tout cela. J'ajoute, car on ne saurait 
trop le répéter, elle peut, elle doit donner encore. 

Durant les heures néfastes que nous traversons, au moment 
où la persécution religieuse se déchaîne dans toute sa fureur, les 
yeux sont fixés sur elle. A celle des vieilles provinces qui est 
restée la plus française parce que la plus traditionaliste, et la plus 



..m.^UML^.J 



m 



REVUE DE BRETAGNE 



catholique, il appartient de prêcher l'exemple; aux fliade Tan- 
cleDue Armorique de montrera tous les Frauçais comment on 
sait lutter et mourir au besoin pour sa foi et pour Thonneur des 
ancêtres ; aux descendants de ces éternels batailleurs contra 
Toppression de donner le signal du mouvement grandiose, qui dé- 
livrera le pays et fera refleurir sur tout le sol delà Gaule les 
croyances et les institutions qui ont fait la force el la gloire du 
passée 

J. Urvoy de Closmadeug, 

Membre régional deVAccadémie 
d'Aix en Provence. 




LES TRADITIONNISTES DE BRETAGNE 



*. ^ r '^aj "r^ 



De 1825 à 1827, un jeune étudiant de la FacuUé de droit de 
Rennes parcourait, le havre-sac au dos, les divers pays de Tré- 
gv'mr, de Léon, de Comouailles, de Vannes, allant de village en 
viïlage, decabanti en cabane, couchant dans Iei foin du grenier, 
sur la paille de Vétable, vivant de galette et de pain noir, pour 
écouter le soir, aux veillées des paysans, les légendes et les 
contes fantastiques de ces contrées superstitieuses. 

Ce jeune homme n'était autre qu*Kmile Souveatre, le premier 
Folk loriste breton. 

Il n'oublia pas la mystérieuseet poétique forêt de Brocéliande. 
Il alla s'asseoir au bord de la fontaine de Baranton, à la place 
obj selon la légende, venaient jadis l'euchaûteur Merlin et la 
fée Viviane. 

Souvestre rapporta de cette excursion des contes ravissants 
qui, joints à ceux de la Basse-Bretagne, formèrent bientôt un 
superbe livre qui s'appela « Ls Fgyer breton » et qui fit la Joie 
de toute une génération. 






Après Souvestre, Brizeux dans son poème <* Les Bretons » 
chanta merveilleusement la jeunesse, les jeux, Tamour^ lesHan- 

cailles* les noces, les coutumes et les usages des paysans du 
Pinislôre- Il parcourut, lui aussi, l'antique forât de Brocéliandé 
et nous dit, dans ses beaux vers, qu'à Tépoque des Rogations, 
le clergé de Concoret se rendait eu procession à travers la 
laode du même nom, (Kon-Kored, vallée des fées) jasq'à la fon- 
l:iine de Baranton, pour prier Dieu d'accorder un temps propice 
aux biens de la terre. 



146 REVUE DE BRETAGNE 

« Des hauteurs d'Héléan, des vallons de Gaôl, 
Voyez vers Baranton, à travers les bruyères. 
Avec les croix d^argent s*avanoer les bannières, 
Tous y tremper leurs mains, et les processions 
W;^^ Intonner à l'entour Tair des Rogations I » 

Plus tard ce fut le tour du barde Luzel qui, chaque soir à la 
veillée, dans le manoir natal de Kerambôrn (Côtes-du-Nord), 
réunissait autour de Faire les conteurs et chanteurs populaires, 
les hôtes de passage, mendiants et vagabonds, leur offrait une 
hospitalité tout écossaise, et notait en breton leurs récits qui, 

p ' traduits en français, ont fait Tobj et de trois superbeâ volumes 

f^. / édités par Maisooneuve» sous le titre de Contes populaires de la 

^ . Bùsse-Bretagne. 

La publication des « Mystères de sainte Tryphine » appela sur 
lui l'attention du gouvernement qui le chargea d'une mission 
pour rechercher les manuscrits des vieux mystères. Il en décou- 

^f : vrit près de cinquante qui ont été déposés à la Bibliothèque natio- 

nale. 

Mais la grande œuvre de Luzel, c'est la réunion et la publica- 
tion des Chants populaires rec^illis de 1868 à 1890, et qui forment 
quatre gros volumes de cbi^ts épiques et lyriques. 



r**' 









I 



Le docteur Alfred Fouquet, savant archéologue, né à Redon en 
1806, publia à Vannes, en 1837, chez Cauderan, libraire éditeur, 
un petit volume in-i2, ayant pour titre : « Légendes^ Contes et . 
Chansons populaires du Morbihan. » 

^Ce petit volume dont Tédition est épuisée depuis longtemps, 
a comme sous-litre : « Lettres d'un Breton à un Breton. » 

En effet, sous forme de lettres, le docteur Fouquet raconte à 
son ami M. de Kerhallet, capitaine de vaisseau^ des contes 
charmants, et termine par des chansons curieuses dont les airs 
sont parfaitement notés. 



Un autre petit volume, plus rare«ncore que le précédent pa- 
L ' rut en 1861. Il contenait une monographie de la commune de 



^ 



LBS TRADITIONNISTBS DE BEETAGNE 147 

Saint-Suliac et 14 contes fantastiques, tous plus màoabres les 
uns que les autres, et qualifiés malgré cela de légendes. L'auteur 
était une dame Elvire de Gerny mariée à un receveur des douanes 
en résidence dans cette localité. 

Cette brochure, intitulée «c Saint-Suliac et ses traditions », est 
aujourd'hui introuvable. Il n'y a que quelques bibliophiles & la 
posséder. 



M. Paul Sébillot a eu la bonne fortune de recueillir, sur les 
bords de la Manche, les récits des marins et pécheurs qui ont 
un cachet tout particulier et très original. Ils ne ressemblent 
nullement aux contes de l'intérieur des terres. 

Il a recueilli aussi, au château du Bordage, dans la commune 
d'Ërcé-près-Liffré, les coutumes populaires de cette partie de 
la Haute-Bretagne et des contes extrêmement intéressants. 



Les chansons populaires recueillies dans le département d'Ille- 
et-VilainO; avec la musique, par Lucien Decombe, conservateur 
du Musée archéologique de Rennes, parurent chez Caillière, li- 
braire éditeur en 1884. C'est un des recueils les plus conscien- 
cieux des chansons de la Haute-Bretagne. 



L'inventaire des Monuments mégalithiques sdu département 
cTIlle-et-Vilaine fait, en 1888, par M. Bézier, Inspecteur primaire, 
(Caillière, éditeur), contient sur ces pierres de nombreuses lé- 
gendes. 



M. Anatole Le Braz^ qui a vécu dans l'intimité du barde Luzel,^ 
et qui a été pour ainsi dire son disciple, a continué l'œuvre du 
maître, et a publié non seulement de beaux vers sur les tradi- 
tions du Finistère, mais aussi de charmants contes. Sa Légende 
de la Mort est une œuvre magistrale qui a déjà eu deux éditions. 



14S REVDB DE BRETAGNE 






* M. Herpin^ avocat à SaJnt-Malo, a publié en l&Oi, dans la Bi- 
btiolhèque bretonne, chez Caillièreiéditeurà Rennes, un volume : 
Au pays des Légendes, qui n'est autre que la tradition des choses 
d'aatreroisde l'arrondissement de Sainl-Malo. Comme le dit l'au- 
teur « ce sont les précieuses reliques dont la vieille Bretagne 
semble vouloir avec sa ténacité proverbiale, conserver encore 
rarchaïque cachet et la pittoresque saveur* n 

M. Herpin, sous le pseudonyme dft Noguetie, a publié de tr&s 
intéressants articles de traftitions populaires dans difTérenls jour- 
neaux du pays. Il vient de faire paraître un volume ïa-iZ, inti- 
tulé Noces et Haptémes en Bretagne, chez PU h on et Hommay, à 
Reones- 






. Dn savant abbé qui se cache, lui aussi, sous le pseudonyme de 
H, de Karbeuzec, publie présentement, et depuis plusieurs an- 
nées déjà, les contes, légendes, glossaire et traditions du pays 
de DoE dans Tarrondissement de Saint-Mato. 



M* Masime Âudouin, le romancier bien connu, a recueilli et 
publié diverses légendes de la Haute Bretagne, et notamment 
La Grotte des Korrigans^ qui se trouve près le Pouliguen (Loire- 
Inférieure). 

ËnEln i*auleur de ces lignes a, depuis quarante ans, parcouru 
les communes de Tllle-et- Vilaine et recueilli 150 contes et autant 
de chnnsons. 

G-" fut dans la forêt de ft*inne;ï, au mois de juin 1880, que j'en- 
te nrii a clianler « Les Sabots d*Anne de Bretagne a. J'envoyai cette 
chaTison, avec sa mélodie, à un journal illustré de Paris qui la 
fit paraître aussitôt. M. Bourgault-Ducoudray, professeur au 
Con5îervf»loire nafional de musirfue, m'écrivit : <i Vo% sabots 
tJ^Anne de Bretagne ont ici un véritable succès, i» 



"^ 



LES TRADmOBÎNTSTES DE BRETAGN8 l# 

L'idée me vint d'aller, à mon tour^ errera L'aventure dans les 
grands bois da Brocéliande, de suivre les sentierâ capricteux 
du Val sans- Retour et de Folle-Pensée, de parcourir les rives 
&t;uries de rétaog du Pas-du-Houx. de visiter le ciiàteau de Gom* 
per où le vieux maréchal d'Aumont fut blessé à mort, de décou- 
vrir le tombeau de Merlin et les fontaines de Jouvence et de 
B ara n ton. J'y recueillis mes plus beaus contes : La Bâche ifor^ 
La Fée aux trois dénis, Le Géant de la forêt. J'y entendis tes chan* 
sons composées jadis par un ouvrier des forges ; Les Filles des 
forges de Paimpont^ Le grand Loup des dois, Le gars Mathurin. 

Il ne faut pas croire que tout a été recueilli. Nun, tas contes et 
les chansons sont des sujets inépuisables comme la nature elle- 
même. 

Le paysan breton est resté superstitieux et il aura toujours des 
récils à conter. Tout l'eiïraie la nuit dans la campagne ; le cri 
des orfraies dans les pommiers, le frissonnement d*un buisson, 
les plaintes du veut en hiver, le bruit dans le bois des çharpenteSi 
les brouillards de la Toussaint. 

Quant aux chansons, pour les connaître, il suffit d'écouter la 
vieille femme Hlant sa quenouille, le p&lrd ramenant le soir son 
troupeau à Tétable, le meunier dans son moulin, le jeune gars con- 
duisant ses cbevaus&rabreuvoir, les lavandières prbsiadôué^ 
le laboureur aux champs, le bûcheron dans la forêt, le sabotier 
dans sa hutte, et le paysan attardé par les chemins creux, 

AOOLPHB On AIN. 



*T* 



^*s*,>c^^ 



DEUX LËÏÏRES miHS DE FililMOE LA MENNA18 

CONCERNANT LES LETTRES D'ATTIGUS 

(1825) 



Je publiai en janvier 1906 dans la Revue de Bretagne (p. 21-36) 
des souvenirs de Dubois de la Loire-Inférieure concernant les 
deux frères Félicité et Jean -Marie de La Meanais, avec le texte 
d*une lettre inédite de ce dernier. 

Une heureuse fortune — c'est bien le cas de le dire— m'a mis en 
présence de deux nouvelles lettres de Félicité de la Mennais. On 
recherche aujourd'hui avec passion les reliques de celui qui fat 
eh France legrand créateur du mouvement ultramontain, comme 
le prouve encore le récent livre de Feugère (1). Nous croyons 
donc que les deux lettres qui suivent seront lues avec plaisir. 

filles se trouvent renfermées dans le dossier d*un frère lai ca- 
pucin^ Fr. Martinien du Lude, dossier bien curieux, possédé à 
l'heure actuelle par Tunde sesarrière-reveux, M. Fabbé Georges 
Landron^ curé de Gombreux (Loiret). Le Fr. Martinien du Lude 
(François Lion) était né à LaChapelle-aux-Choux (Sartlie)le 24 juin 
1759 ; profès à Morlaix le 25 juillet 178(5, émigré à Lisbonne en 
1791, puis à Jersey en 1815, il recevait en 1815 la décoration du 
Lys, le 24 novembre, et en 1820 une pension sur la liste civile 
du roi. Il était à Paris en 1825, portant sans doute Thabit ecclé* 
siastique, car il est plusieurs fois qualifié du titre d'abbé (2). 

C'est probablement à ce capucin que F. de la Mennais écri- 
vait ses deux missives, puisque^s nombreuses lettres de la 
môme liasse ont toutes pour destinaire le môme Fr. Martinien 
du Lude. 

Ces deux lettres de F. de la Mennais ont trait à une publica- 
tion connue dont les bibliographes (Quérard^ Barbier) donnent 

(t) La maiioa Didot prépare une édition de laxe des Paroles cTun croyant, 
{%) Dossier de M. Qeor^es Landron. Le Fr. Martinien moarat en 1130 à Orléans. 



DEUX LETTRES INÉDITES DE FÉLICITÉ DE LA MENNÀlS 151 

la mention, mais qai ne semblent pas avoir beaucoup frappé les 
historiens, pas môme M. Guibert,datis son Réveil de catholicisme 
en Angleterre au XIX* siècle (Paris, 1907, In-12 de 384 p.) 

Il s'agit des Lettres cTAtticus ou Considérations sur la religion 
catholique et le protestantisme; par un anglois protestant... 
Paris, Au bureau du Mémorial catholique (1), rue Cassette, 
n^35; et à la librairie ecclésiastique de Rusand,rue du Pot de Fer 
Saint-Sulpice, n^" S, 1820, in-12, de 194 pages (Bibl. nat. Paris, Z, 
53534). 

Ces lettres, au nombre de cinq, avaient pour auteur Lord Ri- 
chard Fitzwilliam, septième vicomte de Meryon, né en 1745, 
mort subitement le 4 février 1816, après avoir fondé le musée 
Fitzw^illiam à Cambridge {i). Elles constituaient une apologie 
pleine et entière de la religion catholique romaine. La seconde 
était une défense des ordres religieux. Publiées d'abord séparé- 
ment et à diverses dates, elles furent réunies sous nom d'auteur 
à Londres en 1802 (in-12) puis en 1811, puis en 1814 toujours à 
Londres par Tabbé Vinson qui y joignit les Pensées d'Atticus (8). 
L'auteur en avait donné un exemplaire à Louis XVIII et aux 
évéques français réfugiés en Angleterre. 

Félicité de la Mennais^ qui propageait les livres d'apologétique, 
fut alors prié de réimprimer les écrits de lord Fitzwilliam. Il 
avait achevé son Essai sur Vlndifférence en 1823. Il avait été à 
Rome en 1824. L'école de la Chênaie avait pris naissance en jan* 
vier 1825. Le maître rentrait alors d'un voyage à Paris quand il 
écrivait cette première lettre : 

<c  la Chênaie, par Dinan (Gdtes-du-Nord), 28 juin 1825. 

« J'ai lu, Monsieur, le petit ouvrage que vous m'avez remis à 
Paris le jour de mon départ et je crois, comme vous, qu'il seroit, 
bon de le réimprimer en France ; mais la dif Acuité est de trouver 
un libraire qui s'en charge, l'intérêt de la religion étant d'ordi- 
naire de bien peu de poids près de ces gens-là. Je serois assez 

(1) Journal de la Mennais paraissant chaque mois depuis le 15 janvier 1824, par 
fascicules de 64 pages in-8*. Voir le Mémorial de 1826. 

(2) JHct. of national hiography XIX. 229. 

(3) Une note dn P. Martinien (Dossier Landron] cite une édition sur papier 
fin satiné (3 fr. âO) et une sur papier vélin satiné (5 fr &0 parla poste), mais je 
ne sais pas à quelle édition il fait allusion. Barbier eite une édition de 1802 à 
Brentfort. P. Horb^ry, in-12. 




ifiS lOSVUB DE BRETAGNE 

disposé à faire s'il le faut, les frais d'une édition ; mais alors 11 
faudroit que vous fissiez le sacrifice de votre exemplaire pour 
lequel je vous en rendrois une demi-douzaine de Tédition nou- 
velle. Si vous agréez ce projet, mandez-le moi, et veuillez aussi 
m'envoyer un© note sur l'auteur. Je serois bien aise d'avoir 
promptfment votre réponse, que vous pouvez remettre à M. l'ab- 
bé Boitrel^ où, en son absence, à M. J.-M. Martin, rue de Bour- 
bon, n** 2(1), Elle me parviendra sûrement par celte voie. 

« Recevez, Monsieur, l'assurance de mes sentiments avec 
lesquels j'ai l'hODueur d'être votre très-humble et obéissant 

serviteur, 

« F. DE hk Mbnnais ». 

La seconde lettre est ainsi conçue : 

A la Chênaie, le 16 juillet 1895. 

* « Je persiste h croire» Monsieur, que la réimpression des. 
Lettres à Atiicus {Z) peut ôtre utile à la Religion, et c'est Tunique 
motif qui me décide à en faire les frais^ que je ne retirerai pas 
peut-être. Cest par erreur que vous pensez que ce livre n'a pas 
été vendu ; s'il n'eut été que donné, on n'en eût pas fait trois édi- 
tions^ et Tauteur lui-même dit dans laPréface : Le public a daigné 
les Juger intéressantes (3). Or on ne donne pas un livre au public. 
Au reste^ si l'on en place assez d'exemplaires pour couvrir les 
dépenses, je me ferai un plaisir véritable de vous en offrir une 
douzaine d'exemplaires. 

d L'ouvrage sur le Concordat (4) est tout différent des lettres 
& Atticus, et n'a aucune liaison avec le sujet traité dans celles- 
ci. Il ne seroitfiropre d'ailleurs qu'à rappeler des questions qui 
ont assez longtemps troublé quelques esprits. J'en extrairai un 
seul morceau qui me paroit mériter d'être conservé. 

« J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus affectueux^ 
Monsieur, votre très-humble et obéissant serviteur. 

« F. DE LA MeNNAIS iv 

(1) HôUl d« H Gr«ndd Aamdnerie où l'abbé Bottrel était employé. L*abbé 
Jean-Hariede la M^anais en était grand Tioaire. 

{l] Lh Mennaii derrait dire : Lettres cTAtticui. Jj%9 Lettres (de Cioéron) à At- 
ticMB aTaïeutea di« éditions françaises en 1691, 1701 et 1709. 

(3) LêUret d*Aiticu$, éd. 1826. p. 97. 

(4) Le Conwrdai esspliqiié, du même FitiwilUam, parât en 1801, 



k ML 



DEUX LETTRES (ffËDlTES DE PeLICfTÉ DE LA MENNAfr; t53 

L'édition des LeHres (fÂiiicus parut en effet avec la dédicacs k 
Louis XVI II et un fragment du Concordat expliqué encastré dans 
rinlroductioo* Nous avons donné plus haut le titre complet, sauf 
Fépjgraphe. Le verso du faux4itr6 portait la mention que ce vo- 
lume était dû à la Société pour la réimpression deâ bons livres. 
Il sortait des presses de Lachevardière, fils, rue du Colombier, 
no 30 (aujourd'hui rue Jacob). 

C'est sans doute à ce livre que faisait allusion Félicité de la 
Mennais en écrivaut dans ses lettres au comte de Stenfft (15 et 
27join 1826) et en lui annonçâut Tenvoi des Lettres d'un Anglican 
aune anglicane (l). 

Quant au « vénérable ecclésiastique n dont parle La Mennais 
(Lettres ftAiticus, p. 9), c'est le frère Martinien du Lude. 

L'empressement de Tapologiste à publier ces Lettres d'Atticus 
s'explique par leur contenu dont voici le résumé ; « Il est im- 
possible de former un gouvernement quelconque qui puisse être 
permanent et avantageux, à moins qu'il ne soit appuyé sur la 
religion catholique romaine (:â) ». 

L'année suivantep 1827, une version anglaise était mise en li- 
brairie avec le nom de l'auteur cette fois. Mais malgré son zèle, 
Félicité de la Mennais ne voyait pas l'avenir en beau : u Btentôtr 
écrivait-il le 24 avril 1825, si cela continue, toutes les lettres des 
cathohqnes seront datées de la Force ou de Sainte-Pélagie (3) » 

P. UbALD D'ALBNÇnN. 



\\) CorretpOTtdance^ AditîoD Forgafts, 1863, t. I, p. iSS. î&9. 
(1) Lettre d*Ai(içus, édition I8-20, p. nij. Cf. p. fS9-te4, 
(3) Correspondance^ édition Forgaei^ IBÙZ^ t I, p. îiS. 



^ 



^ 



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RÉPONSE 



AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT 

CONTRE MES ÉCRITS 
(Fin *). 



10. Comme M. Grammont, je suis partisan de la réforme de 
l'orthcigraphe française; mais je n'admets pas avec lui qu'il ait 
trouvé d'un seul coup toutes les pies au nid, et que ses mirifiques 
systèmes soient intangibles et irréformables. 

Uù réformateur doit réformer réellement tant qu'il peut, se 
réformer lui-môme quand il faut, et ne jamais rien déformer. 

Or, M* Grammont se montre aussi peu réformateur que pos- 
sible, en écrivant poux avec un x dans son orthographe préten- 
due réformée. En cela il est académicien, c'est-à-dire conserva- 
teur à outrance d'un ordre de choses suranné. Que dis-je, aca- 
démicien ? Mais il est pis qu'académicien, puisqu'il ne bouge non 
plus qn*un terme, quand l'Académie elle-même a commencé à se 
mettre en branle — quantse molis erat! Elle tolère aujourd'hui 
poHs, conformément à la raison. Si les réformateurs ne profitent 
pas de cette bienheureuse tolérance, ils donneront de terribles 
armes contre eux-mômes. C'était bien la peine à M. Grammont 
de suivre avec tant d'acharnement cette jlgure pédiculaire, si 
fauisse et d'un mauvais goût si extravagant, pour se tromper 
lourde ment sur laformomômedu nom de son insecte favori I (2). 

(!) Voir la Revue d'août 1907. 

(2) Lh pluriel pous se lit dans le vers Punaises^ pous, puces et pucerons de La 
Chanfeloupée ou la guerre des puces, poème badin de Barthélémy, Tautenr du 
Vù^fiXtje du jeune Anacharsis {Œuvres diverses, Paris, an VI, 1, 188). On trouve 
au iJng^^ulier poux dans La contrepuce de Kapin (La pvce ov ievs poetiqves... 
Composer. ... aux Grands Jours de Poictiers... Paris... M. DC. X, p. 651, 653) et 
dani Histoire générale des insectes... par Jean Swammerdam, Utrecht, 1862, 
p. 65, i^:^ t7?, 175, etc.. (poux aussi au pluriel, 67, 68). Si jecomplète sur ce point 
les iiicti/>naaires français, même ceux que nous devons à des savants que je ré- 
TÈre, cVat qu'il n*y a pas plus d*irrévérence à y faire des additions que des correc- 
tions; l'eisentiel est qu'elles soient iustiflées. 



RÉPONSE AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT CONTRE MES ÉCRITS 155 

11. M. Grammont est encore académiciea au plus mauvais 
sans du mot, quand mutilant, par exemple, hasard en asard 
(p. 540), il s'obstine, sans motif avoué, dans une erreur person- 
nelle qui est cootraire au sens commun et à Tintérêt de tous, 
comme je l'ai démontré à plusieurs reprises {Sur le langage 
poétique^ 1904, p. 7 ; Français parlé et français écrite 6-8). Encore 
un fâcheux exemple de Tinsuccès répété de mes efïorts. Mais on n'a^ 
pas pour rien une tôte de Breton ; je continue, comme le nègre, 
au risque d'ôtre'pris encore par M. Grammont pour... une tête 
de Turc I ' 

Je dis donc qu'en employant obstinément sa cacographie ar- 
bitraire, M. Grammont fournit, de gaîté de cœur, aux réaction- 
naires de l'orthographe, des verges pour fouetter les soi-disants 
réformateurs qui, sans plus de respect pour la raison que pour 
la tradition, déforment récriture et la langue au gré de leurs 
caprices. En notant avec lui les asards comme les arts, on expose, 
sans l'ombre d'un avantage, le lecteur à commettre deux fautes 
inverses, soit qu'il dise les zasards^ soit qu'il se détermine pour 
les harts ; il ne manquera point d'étrangers, ni môme de Fran- 
çais, pour .en laisser le choix aux asards de l'inspiration. 

M. Grammont tranche a un peu vite» la question de l'aspi- 
ration. L'ancienne prononciation aspirée s'entend encore sou- 
vent, par exemple en Bretagne, en Lorraine, et même à Paris. 
Et ceux qui suppriment radicalement cette aspiration française 
en ressentent de si graves inconvénients, que M. Grammont 
lui-même n'a pas pu s'empêcher de l'avouer. 

« Nous éprouvons tous », dit-il {Mémoires de la Société de lin- 
guistique, viu, 88), « une hésitation et une sorte de malaise lorsque 
nous sommes obligés de dire : une longue halte, une grosse 
hache, etc. » M. Grammont est de ces doucereux qui sont ainsi 
gênés à chaque instant pour prononcer de bon français, parce 
qu'ils ont renoncé à un élément essentiel du français, et disent : 
« II hait le maître » si tendrement, qu'on entend: « Il est le 
maître. » Cette gêne ridicule et nuisible est une conséquence 
naturelle de ce renoncement ; mais que dire du renoncement lui- 
même ? est-ce la conséquence d'un vœu ? 

Pour ma part, je n'éprouve pas le moindre embarras à dire 
en bon français, avec mes compatriotes bretons : « C'fst une 
honte»; par exemple, quand je vois énerver ainsi et entraver 
misérablement notre belle langue, pour le plaisir de suivre les 




160 REVUE DE BRETAGNE 

successeurs des doitceeux incoyables Païsîens qiii juaieni leu 
paole pafumée. Ceia me disposerait à riodulgence envers ceux 
qui, par un abus contraire, bretonnent en français et prononceat 
[unejhkonte comaie le breton f^tir) €hont{\in compt^). Cepen- 
dant, réprouvant tous les excès, je m'en tieos àlarecoarque for- 
mulée parHindret au XVII* siècle : « Les Bretons.-, ne manquent 
gueres à prononcer les h qui doivent être aspirées : mais quand 
ils les prononceroient un peu moins fort, ils n'en feroient que 
mieux » (voir le Fureteur Breton de février-mars i907, p. 122^ 

123). : , • 

Quels motifs si puissants engagent donc M. Grammont, non 
seulement h subir en parlant français cette gêne matencon- 
ireuse, mais encore à vouloir faire souffrir la môme contrainte 
à nous tous qui en sommes restés exempts? Quare discipuH tui 
transgredhmtur tradiiionem seniorum ? 

Contre ia prononciation de Vh aspiré, il invoque deux griefs : 
1** sa provenance germanique, et non latine; 2^ les contradic- 
tions et anomalies «îe son emploi. Mais si l'on élague du fran- 
çais tout élément non latin, et spécialement germain, cet « uni- 
versel abatis » vaudra celui du philosophe seythe 

Tronquant notre verger contra toute raison i 

Sans observer temps ni saison. 

Quant aux contradictions et anomalies , lorsqu'elies font 
partie intégrante d'une langue le grammairien est chargé de les 
constater et de les expliquer, non de les détruire. Le héros^ thé- 
roïne; pas de honle, pas d'contê ne forment point des groupes 
plus déraisonnables que le cheval, la cavale ou ta jument; ma 
chère amie, mon amie ou ma mie. Et tant qu'à changer, un gram- 
mairien régulièrement Investi de la dictature que s'arroge 
M* Grammont ferait œuvre plus rationnelle en modelant le dé- 
rivé sur le simple : le héros ^ * la héroïne^ comme le Hollandais^ la 
Hollandaise. 

L'auteur pense que « par les grammaires» par les diction- 
naires, par l'enseignement ^^ on arriverait assez facilement à 
supprimer Taspiralion, ce qui ne ferait pas u beaucoup de mé- 
contents », En tout cas, il peut m'inscrire parmi les opposants à 
sa tyran nique fantaisie. 



BÉPONSE AUX ATTAQUES ÛK U GR^MMONT CONTRE MES ÉCRITS 1&7 

12, Sans attendre qu'il aU achevé ee bel ouvrage, et chassé 
Taspiration da la proaonciatioa française, M. Grammont nous 
impose une autre réforme à rebours qui va encore plus loin 
dans l'arbitraire malfaisant. Il bannit de son orthographe le 
srgae de cette aspiration initiale qui, môme à ceux qui n'aspirent 
pas habituetiemeot, fournissait de précieux indices dans la ques- 
tion» trèi pratique, des liaisons. Il élimine aussi l'A dans les 
composés de ces mots aspirés» et entre voyelles. 

Voici un exemple des exercices qu'il faudra, en conséquence, 
inaugurer dans les classes, pourenseigner la lecture du français* 
Puisse cet édifiant spécimen de son système faire à Tauteur 
lui-même, comme il récrit Revue des langues romanes, 1006, 
p. 644, <t jeter les auts cris » i 

LE VERTIGE DES AUTEURS 
i 

ou 

LES TARTARINS DU GRAND MONT 

EXERCIGB OB LSGTnRB SUA LES LIAISONS DANOBREUSE8 
d'uNK ORTHOORÂPHS PBRFEGTIONMâK. 

Gftrdez qu'une conaonne ^ courir trop àtée 
Ne «oh d'uQ esprit rude avâQgléQi«nt«arlâe.. 

YDHOPOTil LsiM&Ktoi 

L Deux frères jumeaux, riches, élBtent fiers d'un grand nom 
qui dans le cours des siècles s'était môle à ceux des Amitton, des 
Owerd, des Mac-Maon, des Roan, des Absbourg-Absbourg, des 
OenzoUern, des Oenloe, des auts et puissants seigneurs de 
Craquefort, alliôà lafamilfed'Abraam^ età bien d'autres. Un de 
leurs arrière-grand s-oncl es à la mode de Bretagne était le premier 
moutardier du pape Pîe-Qutint. Un gentilomme de leurs an- 
cêtres, le glorieux Érisson du Mnntperrier, surnommé le Utin, 
remarquable par ses aines vigoureuses contre ses aînés, fut un 
maître à manier la pique; il leva un régiment de grognards 
arpailleurs> et se dist'^gua au camp d'Agramant. 

Son écu timbra portait : en chef, sur un aut pic breton de 
sable qui pique un ciel d'azur, un pic éployé de sinople qui pique 
un chêne du môme, tandis que des piquenrs de pierre piquent 
de leurs pics les flancs du pic autain, où sont cachés les trésors 



15H REVUE DE BRETAGNE 

des poulpiquets; — à dextre, des piquets de dragons poilàs, 
avec des grenadiers d'une grosseur épique ; ils ne sont pas ydro« 
piquiis, et forts en Tart ippique ils piquent des deux, dans une 
course olympique à travers la Champagne pouilleuse et la 
Pout[le,toutprôtsà pousser jusqu'aux tropiques; — en abîme, une 
agace de pie-grièche qui agace les mouches à miel picorant sur 
le mont Ymette, et vient picoter leurs autes ruches; agace de pie- 
grièche, gara aux piqûres ! ce paisible et laborieux insecte, Ta- 
beiUe des auteurs, a de quoi piquer et repiquer qui le picote ; — 
à senestre, un pique-nique de piquiers picards et de lanciers de 
gueules, attablés dans le fourmillement des piques et des lances 
piquées enterre, près de fleurs de pourpre qui piquent l'épais- 
seur des blés d'or; ils piquent des assiettes pleines de lançons ou 
anguilles de sable d'argent, et de bœuf piqué de lard bretpn salé 
comme du pic, et vident des coupes de vair, en regardant les 
ciilbiiles de gamins du Midi qui font dans la poussière des siour- 
napicsy et le combat d'un céraste ou bisse cornue et d'un aspic- 
contre un porc-épic érissonné ; puis lanciers et piquiers également 
lancés, s'étant piqué le nez avec de la piquette de Pouilly, se chan- 
tent pouilles, disent pis que pendre les uns des autres, s'appellent 
larrons de besants, chipeurs de picaillons, pickpockets, grecs, 
voleurs d'argent; leurs mots de gueule font couler du sang du 
m^me, car ils s'entre-piquent de leurs lances et de leurs piques, 
i[u'its ont dépiquées; tout cela parce que le chef des piquiers, un 
petit vieux blanchi sous le arnois, sec et raide comme un piquet, 
s'était piqué d'ôtre plus fort que le chef des lanciers au piquet, 
et de l'y faire pic, repic et capot; la pique vint surtout d'un as de 
pique qui tomba à pic dans le jeu de l'omme à la pique ; — en 
pointe^ un joyeux tailleur de Picpus qui pique des poux-de-soie sur 
un poudreux abit à queue de pie, embrochant sur le tout un liston 
avec celle devise : 

PIK-DIBIK, 
PIKER LAOU LOST-PIK- 

Cette inscription a mis sur les dents plusieurs érauts d'armeSf 
fait rompre maintes lances, courtoises ou non, et couler des 
flots d'encre de sable. Ainsi le romanesque romaniste Picrochole, 
ûii aussi Cholopicre, a flairé dans son premier mot un pur radi- 
cal romain, avec un p dissimulé; Pictet, la croyant picte. Ta 



'ïÉL. 






/ 1 







<«"•* 



160 REVUE DE BRETAGNE 

interprétée en erse des Autes Terres ; un bonhomme à moitié 
bretonnant, qui a dépouillé bien des pouillés, la traduit : 
a Pique l'un, pique Tautre, tu feras aler la machine o ; ce que je 
n'approuve qu'à demi, le tout s'appliquerait bien à un cocher 
ou à un laboureur, mais non à un tailleur de Picpus qui pique 
des poux-de soie sur un abit à queue de pie qui poudroie^ 
en chantant comme un pouillot et en brochant sur le tout un 
brocard à trois pik. 
On est allé jusqu'à émettre des doutes sur la régularité et Tau- 
, thenticité de ce piquant blason. Mais sa réalité istorique est 
établie par les savants mémoires de Pickwick ; et Pic de la 
Mirandole, dans sa philippique contre les obscurantistes enne- 
mis des références et citations topiques, a montré que ces ar- 
moiries étaient, pour la riche simplicité picturale et la rude 
convenance typique, à cent piques au-dessus des vagues em- 
blèmes qui encombraient le bouclier d'Achille, d'après la des- 
cription de son éraut épique. 

II. Ces deux obereaux, qu'il est inutile de nommer — deman- 
dez à la terre I — furent enivrés des ommages dé leurs Qatteurs. 
Ils devinrent musiciens et poètes. Ils faisaient des arpèges sur 
leurs arpes et leurs lyres éoliennes. 

De leurs autbois soutenant leurs chansons 

Ou bien de flûtes à neuf tons, 
A tout asard ils célébraient les êtres 

Qui poussent aux séjours champêtres : 
L*orme touffu, les érables, les ôtres, 

Les chônes et leurs annetons, 
Thyrsis* Phyllis, Pierrots et Jeannetons^ 

Doux bergers aux durs oquetons^ 
Cygnes, canards, canes et canetons, 
Prés fleuris, chers à la tendre musette ; 
Filles des ameaux 
Gardant leurs agneaux 
Sur répaisse erbette, ^ 

Sans chien, sans oulette, 

comme madame Desouliëres ; villageoises âlées peinant pour 
remplir leurs uches, leurs armoires et leurs baiits; paysans tra- 
vaillant dans des angars où les vents engouffrés sifflent par des 



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plOLinul Vi>-,.' 






Septembre 1907 




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lea REVUE DE BRETAGNE 

ais mal joints, ou biôn aaaant au deors, sans un siège pour s'as- 
seoir, à tailler dûs aies, à labourer la terre avec des oues, des 
oyaux, des erses et autres outils aratoires; puis arassés, après 
tant de labeurs utiles à eux-mômes, à nous tous — et aussi, élas! 
aux mulots, aux aoasters et aux charançons —, regagnant d'un 
pa'i âtîf leurs uttes enfumées ; 

petits rustres dont les souaits 

Ne visent point les paisibles onchets 

Ou rellénique jeu de l'oie, 

Préférant à tous les ochetq 

Des sifflets bruyants, et des fouets 

Qu1ls claquent sur la peau d*un plus faible avec joie ; 

sans piliô pour leurs rivaux en divers genres^ les grinçantes ci- 
gales, les annetons&nonnants et les écolier^ à Tespritdoux, qu'ils 
ous pli lent; exterminant les innocents iboux et nourrissant les 
autres animaux que l'Académie a permis dernièrement d'écrire 
en ous; — cela fait perdre à ces insectes de leur importance ca- 
pitale dans les écoles, mais ils en ont acquis une nouvelle aux 
yeux du naturaliste philosophe» 

Depuis qu'un savant en us 
Observateur très onnéte, 
Le docteur Phtirologus, 
Un fier réformeur d*abus 
Qu'aucun scrupule n*arrète 
Bt qui doit au clair Phébus 
Le goût des sombres rébus. 
Dans la thèse qu'il a faite 
Fort exacte et fort complète 
De pouillis et pucibus 
Adversuê Brilonibus, 
S'étant bien gratté la tète, 
A dit : — « Le pediculus 
Dont avec zèle je guette 
Jour et nuit, par ma lorgnette 
Les coutumes et les us, 
Vraiment, a fait ma conquête ; 
C'est pour mes yeux une fête : 
Cette intelligente béte 
A s'instruire toujours prête 



^liL 



RÉPONSE AUX ATTAQUES DE H. GRAMMONT CONTRE MBS ÉCRITS IBS 

Autant que la pace, et ping 
Que moi-méïtie eo une enquête, 
Dans ion ardeur inquiètô 
Sana cesad à fouiller e'entétf. 
Se cramponnant mordicas 
Auï principes d'Kçictète. » — 

IIL D'autres fois, leurs ymnea satiriques oonissaient les bra- 
conniers qui dépeuplaient leurs eaux et leurs boiâ, cherchant 
partout des proies, même en temps proibé. Cas genséontés ne 
vatent pas les arts qui devraient les pendre. Leur métier a des 
auts et des bas^ mais ils sont si industrieux dans leurs arts mal- 
faisants I Ils pèchent dans les étangs ou les avres, avec des ame- 
nons ou des avenets» guettent les alouettes, les albrans, les arles, 
les échassiers érodiens comnie les érons aux uppes noires, dé- 
ciment les ardes de cerTs et ^'ont pas onte de commettre des as- 
sassinats odieux, n'épargnant pas même les ases pleines. 

Nouveaux Pindares, Ils célébraient encore sur un mode grave, 
avec le rauque fracas de la voix des aras, les courses et les andi- 
caps pour lesquels ils avaient pris dans leurs écuries et leurs 
aras, non pas ces arideUes aux flancs arides qui traînent des 
aquets, ni desaquenées richement enarnachées, avec des ousses 
commodes où s'élancent les amazones alertes après avoir vidé 
dans les grands ails des manoirs les anaps ciselés, ni des chevaux 
ongres ; mais des étalons ardis, aux ongles solides^ aux yeux ar- 
dents; ces coursiers — si Ton peut les nommer ainsi sans of- 
fenser Ugo, en invoquant le chantre du passage du Rhin, qui 
parle du coursier de Grammont — ces coursiers sont ennuyés 
du repos, ils ennissent et accourent dès qu'on les uche, et quand 
on leur dit : ue 1 font feu des quatre pieds. 

Nos auteurs improvisés dirent aussi les doux triomphes où les 
avait conduits Ëros. Mais surtout ils furent les trompettes et les 
éros des auts faits c'.ccomplis par eux non loin des rives de la 
Garonne, contre des loups urleurs aux regards aineux, des san- 
gliers effrayants avec leurs ures érissées, des urus, ou de grands 
monstres inumains comme Glutomacros, l'ogre de i*Atlanlide, 
qui à cheval sur un mammouth sillonnait le sol du bout de ses 
bottes à la ussarde ; ou le famoux Macrocôlopityocamptès, guer- 
rier né dans le pays des Gaules, qu'un témoin très véridique, qui 
pensa tomber de son aut, a vu, disaient- ils, 



) 164 REVUE DE BRETAGNE 

-) 

I ; Les pieds dans le vallon s'asseoir sur la montagne 

[; Et de son souffle au loin casser les peupliers... 

^ ; Maleureusenoent, si leurs flatteurs les flattaient toujours, exal- 

\\ tant dans leurs flatteries runiverselle maîtrise de ces petits- 

j I maîtres, les connaisseurs n^ virent pas en eux. 

y De sublimes auteurs 

\ \ Qui du noble art des vers ont atteint les auteurs, 



I ; 



I; mais des âbleurs autains et ignorants, et les appelèrent, l'un 

jî « maestro en fausses notes », Tautre « grand rodomont ». 

'^ , Ils résolurent alors de parcourir les auteurs. 

I IV. Ils tenaient avaixt tout à faire connaissance avec le Grand 

) Mont où, suivant un auteur dont toutes les paroles sont articles 

{ de foi, le géant gaulois Macrocôlopityocamptès prenait des aigles 

^ ; dans ses mains, en les appelant ses oiseaux-mouches, ses petits 

I uppe-cols. Longtemps ils furent antés de la pensée de renouveler 

;: ' ces prouesses du géant istorique; puis ils s'enardirent, et ten- 

ij tèrent de réaliser leur désir véément. Entreprise très ardue et très 

t: ardie ! Mais quelles ne sont pas les ardiesses des artistes en tout 

|! genre? On a vu un rapin qui, furetant dans les baraques où l'on 

exibe des animaux féroces, peignait les lions, les brossant ardi- 

ment, et caressant le fauve indompté dans sa cagie avec ces vers 

i' inspirés du poète léonin : 



Maure issu des grands monts du Saara, tu rentres, 

Roi superbe, en leurs antres 
Comme au manteau d*un gueux on voit, repus, les poux 

Fiers^ regagner leurs trous. 

S'etantdonc bien arnachés, cesasardeux alpinistes quittèrent 
les allées antées des promeneurs, les arbres entés par la main 
des jardiniers, pour se frayer avec des aches un chemin à travers 
des oux épineux, des orties, des chardons aux ouppes aimées de 
l'animal qui fait i-an, et des ailiers épais où fourmillent toutes 
sortes (le bêtes ideuses : des érissons égoïstement renfermés en 
eux-mêmes comme de châtaignes irsutes, des ordes de saute- 
relles qui font op I au nez des gens ; des puces aux bonds désor- 
donnés ; d'épouvantables scorpions alignant leurs queues veni- 
meuses, comme des Basiles rêveurs noircissent des lignes avec 



pr#v'.=^7^îp^ c^îWîTT^i^i^ 



F+gT^*-VÇi7Z^rWN- 



RÉPONSB AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT CONTRE MBS ÉCRITS 165 

leurs plumes baveuses, pour éclabousser les innocents qu'ils ar- 
cèlent à la façon des Avpies, conûactuque omnia fœdant Immundo. 

Au milieu d'un grand brouaa 
hs ayancent caïa-caa, 
Suant d*aan, criant : —Al a! 
AU right ! bravo 1 och! och I çaa 1 — 
Comme ,un voleur saute un aa. 
Comme un prisonnier p&le, à A 

ou au fort de Âm, s'enfuit âtiveoient, ils se précipitent ors 
d*a1eine; leurs pourpoints, leurs aut-de-chausses , tous leurs 
abits sont acbés et deviennent des aillons ; sans souci d'attraper 
des ernies. 

Toujours en aut, aeurtés, 

Ainsi que des dératés 

Ils se &tent tant qu'ils peuvent, 

L'un contre l'autre eurtés 

Au moindre oquet qu'ils trouvent. 

G^s eurts ne diminuent ni leur âte, ni leur bonne entente. Ils 
n'échangent à cette occasion aucun mot risqué ou aigre: à mon 
avis, c'est un exemple à proposer à tel magister qui, pour 
reausser sa propre importance. 

Daube un confrère sans justice ni justesse r 

Et même sans politesse, 

comme dit la chanson. Eux, après s'être entre eurtés accidentel- 
lement, ils s'entr'aident fraternellament : le plus alelant se fait 
aler par le plus alerte, celui qui est allé moins vite est issé par 
l'autre ; se souvenant quMls sont issus du môme sang, ils conti- 
nuent à s'encourager mutuellement dans toutes les langues 
classiques. 



/ 



On est en automne, il fait chaud ; 
N'importe : en aut, toujours plus aut t 
Bxcelsior! dit l'anglais de Bary Longfellow. 



V. Enfin leurs faces âves percent les nues. Ils s'écrient : — 
A I nous avons surmonté le Grand Mont ! qu'il est aut, ein ? Nous 



L, ,1 



166 , RBVUE DE BRETAGNE 

sommes aes vainqueurs, ses seigneurs et maîtres. Faisons slle; 
siégeons au-dessus du trône orageux de Jupiter tonnani;, 

Et fondons, tnalgré les tiées> 

Un tel empire à notre nom 

Que JéoTah dans les nuées 

Soit jaloux des sieurs du Grand Mont t 

Ils ochent leurs tôtes altières ; leurs yeux agards sont agrandis 
par l'orreur sucrée, comme ceux des chats-uants, des ulottes ou 
des uettes qui volenten olant dans la nuit. Pareils à des mousae^i 
agiles qui, grimpés aux aubans, s*accrochant aux ampes des 
uues, aux vergues utlées ou aux boute^ors, planent en aut sur 
les eaux salées, bien au-dessus des simples passagers caotés 
dans leurs amacs ou se promenant, enveloppés de leurs amples 
ouppelaodes, dans des cabines étroites faiblement éclairées par 
des ublots, nos Tartarins contemplent un océan de brumes 
oulâuses s'étendant sous leurs pieds à perte de vue ; chacun, de 
son câté« clame des vers incoérents : 

— Ip 1 ip l ourra ! 
Ourra, ourra, cent fois ourra 
Pour le Grand Mont Nec-plusuLtraî 
Le globe dans la ouïe 
Làrbas sous toi roule, 
ma boule I 
Làrbas, là-bas sous toi grouille i*ignoble foule. 
Je suis le Très-Aut, le Grand Manitou ; 
Comme Élios je vois tout, j'entenJa tout; 
J'en sais plus que le Je sais tout I 
Quand mon foudre sur lui s'écroule 
J'écrase un Titan comme un pou. 
Des vùlE d'alérions que j*abats d'un seul coup 
Me sont rapportés par Béémolh, mon toutou. - 
Quel onneur de planer 1 je ais Tignoble foule 
Dont la vie à peiner obscurément s'écoule, 
Faignants, collés au sol comme au rocher la moule, 
Cancres, ères et pauvres boucs 
Non inscrits aux erd-books ; 
Cependant que mon front sourcilleux.*. 1 ma boule 
Comme ce grand fouehtra 
De Bouddha 



r 



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REPONSE AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT CONTRE MES ÉCRITS 167 

J'ai qitelqile chose, là! 
. Olà I 
Je suis Attila 
L0roi detf Uns et Tempereiir des autres. «. 

Ild en auraient dit bien davantage; mais la tète leur tourne 
tellement, qu'ils aspirent à descendre et ne peuvent que dégrin-^ 
golei* en urlant : Boufre l 



Vt. Nos galants manquèrent bien y laisser leurs ouseaiix, 
comme dit le bonomme. Quand on les rapporta à leur gentitom- 
mière, c'étaient vraiment des obereaux albrenés. Ppu après» re- 
venus à eux, dans leur ome, môles de nouveau aux gens du 
ighiife et aux simples umains, ils ument l'air, ils s'écrient 
encore : — Ma boule I Quel onneur de planer I je ais Tignobte 
foule ! — ils eussent la tôte, et montrant du doigt les cieux, 
disent tout pâtes : — J'en arrive I Je suis géant, et aut de cent 
mille coudées! — Agités et frétillant comme des ochequeues, 
ils s'empressent défaire claquer tous les eurtoirs des portes, qû 
disant : — Apportez en toute àte à Nos Autesses vos ommages, 
vos aubades, vos eaumes, vos âuberts et vos aubergeons! — 

Courant comme des méaris 

A travers de grands ôurvaris. 
Des ohailts de gamins pottilleui et leurs auts cris, 

Us arrâehent leâ allebardes 

Aux mains des suisses atiris ; 
Leurs penbas aux Bretons, tt leurs arpes aux bardes. 

Marchant d'un pas allègre derrière un ofâdier au brillant 
ausse-col, ils font ep I et quand il se détourne lui dérobent âon 
épée ; ils sont acharnés à enlever leurs aches aux sapeurs et aux 
charpentiers, en disant : — Nous sommes les érauts d'armes du 
Tribunal de La Aye, nous âtons le désarmement universel : paix 
générale^ celte fois I -^ L'omme a ri| le voilà désarmé. 



VIL Ils ont surtout avec les auteurs modestes des auteurs in- 
supportables : ils cherchent à les arrêter par leurs ardes pour 
les dépouiller, à leur donner des orions, à les éreinter; ils 



ir>8 REVUE DE BRETAGNE 

prennent contre eux des oussines et des airs arrogants, comme 
cos roquets argneux aboyant contre un promeneur inoffensif, 
qui finit par les envoyer promener, xiv TrpojxTov iroSl Ttafwç. Ils 
disent à ces travailleurs paisibles : — Je vous ai dans le nez, je 
vous ais ! Ou ! oui allons, ouste! — Ils crient : — I-an ! — aux 
plus érudits; — Pauvres ères, leurs bijoux sont des appe- 
lourdes l — aux plus uppés, qui se font imprimer par Laiire et 
éditer chez Achette, touchant des uit ou neuf cent mille livres, 
saqs parler de leurs brillantes actions du Pactole, du Onduras 
et du trésor de Crésus; ils ognent et grognent contre tous, les 
uantavec des oquets de fureur. C'est ainsi qu'en allant aux ailes 
pour acheter des uîtres ou des anchois, excellents ors-d*œuvre, 
ou des anguitles, des arengs, des écrevisses, des omards, bons 
plats de résistance, ou bien pour étudier les figures de rhéto- 
rique et enrichir ses caiers d'expressions choisies, on entend 
parfois des arangueurs populaires et des arengères, beaux types 
de la femme forte en gueule, les poings sur les anches, s'astico- 
ter d'injures omériques, en se donnant des noms d'oiseaux dis- 
gracieux, et d'insectes qui causent des démangeaisons ideuses ; 
cependant les chiffonniers ébaïs lâchent la proie qu'ils arpon- 
naient de leurs avets adroits pour la mettre dans leurs ottes ; et 
las paveurs qui faisaient : an I sur la place pleine /ie colie, lais- 
sant en paix leurs demoiselles pour écouter ces dames, accordent 
un peu de répit aux maleureuses pierres qu'ils eurtaient depuis 
des eures, s'appuient sur leurs ies, et font : i 1 i ! il 
Ces auteurs avaient le vertige des auteurs. 

VIII. La foule, lasse de leurs âbleries agressive^, et peu flattée 
d'être appelée ignoble par nos deux obereaux, finit par se fâcher 
tout rouge; ils furent ués. 

Des gardiens de la paix élés accoururent, les appèren tau collet, 
et les amenèrent chez un ermite de l'Armor, le Frère Laurent, de 
l'ordre des Furcherien ar gwir. Celui-ci les examina avec atten- 
tion à travers ses lunettes, quoiqu'ils s'en défendissent vivement, 
disant que des astres comme eux ne devaient ôtre étudiés qu'au 
télescope, que leurs auréoles étaient des alos, et criant : — Aro 
sur le fureteur breton ! insecte lillipucien, il se môle de toiser 
des ypergéants! — L'umble ermite, tout en chantonnant son 
refrain favori : 



SlM^ 




l^-JI-^esIî: 



170 REVUE DE BRETAGNE 

Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable ; 
Le faux est aïssable, Ion, la, 
Le faux est aïssable, 

n'en continuait pas moins ses études consciencieuses. EnBn, 
aprfïs des ocbaments de tôte, des em ! om I des um ! des eu ! il fit 
ses réflexions tout aut. 

— Vous avez bien mauvaise langue U.. Voyez cette tôle. A 
pouah ! Quelle barbe papoue I Pas étonnant si ça vous démangCy 
et si vous ôles, suivant Texpressiori de Ruy Blas, 

Triste comme un lion mangé par la vermine ; 

car Maître ChLcaneau a beau dire : les lions n'aiment pas ces 
bêtes- là. 

Et ce vilain esprit chimérique! Où avez- vous pris ça ? Estrce à 
Arlem, dans la fumée des pipes oUandaises, en buvant avec la 
liqueur des oublons le doux oubli des soucis de la vie ? dans les 
ouillères du Aioaut ou du Anovre, vestibules du sombre em- 
pire, où passent les ombres errantes des ercheurs et des pauvres 
ercheuses ? Vous arrivez donc des pays les plus extravagants, 
où les ours sont professeurs d'umanités et de politesse? De la 
ûapitalh! du peuple caméléon, où le beau sexe change tous les 
jours de teint sans le secours du fard, du enoé ni du koeul ? Ou 
de chez les ommes célestes dont les générations se succèdent 
comme celles des feuilles mortes; qui boivent les flots du blond 
Oang-o, quand ils peuvent rattraper d^ns son lit; car ce Vieux 
découcheur k barbe limoneuse déjoue souvent toutes les pour- 
suites : les DBÎ&des du Oeï-o, celles du Oaï-o et ses autres tribu- 
taires, ne le trouvant pas à leurs rendez-vous près du mont Oa- 
chan, se demandent s'il s'est fâché encore avec TAmphitrite du 
Oang-aï, et si, lassé des rayons jaunes^ il est allé dans l'autre 
monde rendre visite au Père des eaux, et aux belles nymphes 
qui rougissent sur les bords de l'Oio. Ou bien descendez-vous 
des monts de la Lune, où Pierrot danSe avec les ouris des arems 
ottentots, aux grâces épanouies dignes, de la plume des Zola et 
des Eine? Ah I ce idéux espfitde visions cornues et de mensonge 
pernicieux, où diable avez-vous attrapé ça? 

Est'ce chez les Urons ? chez les Tompinambouô ? 

C'est à Pais !,..Ein?quoi? vous êtes les aigles celtiques du Gratid 
Mont? Éï voilà le ici c'est le tic de Yypsomanie phtiriasiqûe^ 



■JlBUBW.Iii r 




172 



REVUE DE BRETAGNE 



quippocrate appelle aussi phtiriasis ypsomaniaque, qui vous apris 
sur ces auteurs. Leur air sublime vous a tourné la tdte et le cœur , 
joint à des feuilles de rudiments bretons mal digérées, rudis indi- 
gestaque moles. Ce que c*est que de nous ! Nous sommes si faibles ! 
Tous, oui tous!... Ne regimbez pas contre Taiguillon! Le texte 
est formel : Omnes fragiles sumiis. Ce n'est pas une mauvaise 
drogue que la science, non estculpania scientia; mais il faut sa- 
voir la prendre, en y mêlant un grain de bon sens, avec deux ou 
trois scrupules de patience. Une toute petite dose de science ava- 
lée de travers, et nous voilà engoué de nous-môme, et démesu- 
rément enflé ; scientia inflat! Omnis repletio ma/a, xevo8o$oiTCciStiac 
autem pessima. Tel un enfant gâté, qui vient de dévorer des ari- 
cots, se jette avec fougue sur un pâté de foie gras monstrueux 
qu'il avale des yeux, et dont il veut parcourir à la fois tous les 
recoins; s'étant trop âté, il s'engoue dès les premières bouchées, 
et ne peut continuer du môme train, comme il Taurait fait en ne 
s'empâtant pas tant. Pauvre Tantale, il voit encore passer sous 
son nez les succulents achis, les savoureux ochepots, le far déli- 
cieux des Auts- Bretons, dont le génie du grand Ugo a fait du fur; 
et il a la mortification suprême d'être privé de dessert sans gagner 
aucun mérite par cette abstinence. 11 pâlit, il étouffe; il vomit sa 
bile contre son gouverneur, àiroêXuCwv ^v vr,iti6iri àXeyeiv^, et dans son 
délire, se glorifie d'avoir accompli un exploit d'Achille, l'ingrat I 
Mon Dieu oui, Achille en fit autant; mais ce n'est pas ce que ce 
fameux éros a fait de mieux, et quand il revenait à lui, il en était 
tout onleux... — 



IX. Le vieil ermite, en causant ab oc et ab ac, semait ses 
arangues d'istoires plus ou moins ad oc, qu'il avait prises de ip 
et de ap. Il commenta le vers du portrait o^ Delille a peint « des 
fils du ameau le mentor pédantesque » : 

Rien n'est vil pour le sage ; un sot est dédaigneux. 



Il cita la réflexion de Brillât-Savarin chez les Bernardins abi- 
tant une des plus autes montagnes de son pays de Belley : 
« Ceux qui ne sont jamais contents de rien sont presque toujours 
des ignorants, qui ne tranchent ardiment que parce qu'ils 
espèrent que leur audace pourra leur faire supposer des con- 
naissances qu'ils n'ont pas eu le courage d'acquérir. » Il conta, 



k 



RÉPONSE AUX ATTAQUES DE M. GRAMMONT COMTRE MES ÉCRITS i73 

d'après Catulle, l'aventure d'unardi déformiste latin qui, devan- 
çant son siècle et dérobant un de ses lointains neveux, avait dé- 
claré la guerre à tout signe d'aspiration : armé d'un*grattoir, il 
poursuivait jusque dans l'ombre des palimpsestes lesastes et tous 
les traits maudits de ce monstrum orrendum^ comme il l'appelait. 

Et tum sperabat se mirifice fecisse, 

Cum Fugit ora^ aut cum scripserat : le vir ic est. 

Misaus in Hesperiam est : omnes oculi requierant, 
Cum subito adfertur nuntius horribilis : 

Hesperios fluctus, oum illuc Grammontius isset, 
Jam non Hesperios esse, sed Esperiosl 

J'en passe, non des meilleures, mais des pires, suivant le con- 
seil d'un philosophe éclectique dans son traité sur Tart de bour- 
rer les avresacs. Bref, comme traitement, le Fr. Laurent n'or- 
donna ni Teilébore des Ellènes, ni le dangereux achisch par 
lequel les adjis arabes remplacent le vin défendu aux maométans, 
ni le^haud ammam qu'ils prennent drapés dans ufl léger aïk, ni 
l'application des sangsues, des aires ou des disciplines : il guérit 
les jeunes malades en leur lavant convenablement la tôte avec 
un savon de sa composition, tout en marmottant son vieux gri- 
moire : ... Noti altum sapere... Si tibi videtur quod multa scis et 
satis bene intelligis, scito tamen quia sunt multo plura qux nescis. 

Le grand anonyme clérical a beaucoup de ces pensées antipé- 
dantesques et umiliantes; il a poussé l'umilité jusqu'à les écrire 
avec de solécismes orribles, occasion de scandale pour les païens, 
les uguenots, et môme les petits griipauds orthodoxes, qui dé- 
bitent sans broncher le Credo Deum esse sanctum de Lomond. 
Une phrase pleine de ces vérités incorrectes fut cause que l'un 
des patients s'impatienta et eut une petite rechute. Il fit un aut- 
le-corps^ — Peut-on ainsi offenser la grammaire et les grammai- 
riens? dit-il en se fâchant. Cet animal est très méchant ! — Mais 
pour le calmer, l'autre reprit : 

— Tout doux ! 
Il nous a fait perdre nos poux î — 



13. Pour les raisons qu'on vient do lire, je ne saurais acceptei* 
la leçon de mon jeune collègue, quoique par goût comme par 
devoir professionnel je sois toujours disposé à m'instruire. J'aime 



174 REVUE DE BRETAGNE 

mîeax tomber quelquefois dans le travers de couper inutiletnent 
UQ cheveu en quatre, que perdre tout le temps qui me reate, çt 
en faire perdre beaucoup aux autres travailleurs sérieaxt en ap- 
prenant de M, Grammont l'art futile d'éblouir les bonnes gôiïi 
par dea galéjades de tranche-montagne. 

NOTE COMPLÉMENTAIRE 

14» Cette réponse aux attaques de M. Grammont a paru daas 
\b. Revue des langues romanes, mars avril 1907, p. 184-190, sous 

une forme différente et bien moins complète, ne contenant pas, 
par exemple, Le vertige des auteurs. Elle se terminait par un Épi- 
logue poétique (1), geste courtois et secourable à l'adresse de 
l'adversaire tombé. Mais M. Grammont n'a pas voulu se relever ; 
il a continué à patauger, en grommelant comme cet animal de 
l'Année Terrible qui s'attira une si sanglante riposta : 
Le grand lion clément lui griffa le visage 
Et réborgnaï Bt biea que Taurg, devant témoins, 
Eut la hûute de plus avec un œil de moins. 

Je ne cherche pas à éborgner les gens, fussent-ils querelleurs 
comme des ours mal léchés, mats au contraire à leur ouvrir les 
yeux; surtout quand ils sont comme le personnage doni parlent 
les Mémoires de Grammont (chap. vi) : Il pensa tout gâter. « Ce 
n'est pas qu'il manquait de capacité, mais il avoit encore plus de 
présomption- *> — Essayons donc encore î 

<t La plupart des lecteurs de la Bévue des Langues romanes », 
dit M* Grammont (p. 190)» u n'ont jamais lu une ligne de M. Er- 
nault, et nous de saurions les en plaindre ni les en blâmer, v — 

(I) Voio^ à lilM de document, cette conclasioti, 
APRÈS LA PEiaNÉÊ 



Bona ftec sua quUque recuset. 
Oviiïc. 

^fl dépose mon G«sl«f et non pas ma tanoane : 

Dieu merci, je n^en eus jamais. 
Eâlève-toi, mon bon \ plufl dû lutte importune; 
TravaiUone en paix, l'œil ûxé ver» les aommeta, 
A pousser le char du Proj^rès : 
Nos d«ux forcée feront niieiix qti'tine ! 
KH\hK Ernault 
{Bar:; ar Oûuet) 
Frofeiseur à la Faculté des ï«itres d& Poîtieri, 
trois fuia lauréat de rJnstltutAu coneour? de linguiatiquej 
Tun des Directenrs de la Rer}ua CeUique, 



RÉPONSE AUX ATTAQUiES PB M. GRAMMONT CONTRE MES ÉCRITS 175 

Pour moi, je plains ces lecteurs de M. GramoQOtitqui, sans avoir 
jamais lu una ligne de moi, souscriraient à sa conciamnaLioa de 
tout ce que j'ai écrit, juraht aveuglément sur la parole du maître ; 
fit quel mattre? un homme qui, sur le point de commettre un 
criant déni de justice, a, dit-il, « failU ôtre arrêté par un scru- 
pule t>l E3t je blâme ceux qui, voulant parler d*nae question spé- 
cialement étudiée dans mes ouvrages^ omettraient de les consul-» 
ter parce qu'il a plu à ce maître tyran nique de les proscrire en 
masse, sans autre forme de procès^ 

Quoi! monâieurf Bans jugfëâ, s&ns témoinst 
Sans verdict du jur>\ sans loi, ^ans procédure ?. .• 
Uhis enfin êtes* voua, par mauidat spécial, 
Une cour de justice, un conseît martial?... 
Sayez-vous seulement le breton pour juger» 
Confronter les témoins et les interroger? 
Sur des teites formels bien asseoir la sentence?... 
Les mots sont importants en tout k déflnir- 
Tyrannus non judex, le tyran n^est point juge. 

C'est ainsi — à deux mots près — qu'un' docteur formaliste 
proteste, dans Croimtell, contre des procédés illégitimes comme 
ceux ilont M. Grammont abuse envers moi. Quelques défauts 
qu^il puisse découvrir dans mes œuvres, — qu'il a fort mal lues, 
comme je Tai prouvé — je suis prêt à les reconnaître, à les re- 
gretter et à les corriger; mais il n'ava[ice point du tout cette 
utile besogne, avec son Fiat nox! d'éteignoir. 

Que dans ces études if ait trouvé — suivant la triste figure 
qu'il aime tant — plus de poux que de clieveux, je le défie de 
i'établir pièces en main. Je m'y suis « documenté avec amour ^>^ 
comme il dit; oui, avec Tamour du vrai, et la haine du faux; 
aussi contiennent-elles, quoi qu'il en veuille faire croire, des 
éléments « sérieux ■ de discussion, et elles méritent d'être, au 
besoin^ combattues autrement que par des injures baroques et 
de fallacieuses insinuations (1), auxquelles j'aurais été en droit 
de répondre simplement : 

A tout bout de ctiamp vous mentes comme un diable t 

Telle est Topinion, non seulement des celtisles, mais aussi de 

(Ij Par exemple, ti Von «*8ii rapporte à rinsinuaût auleyr, mon opinion ne 
(loït avoir aucune valeur quand jtni* attaque au^ plus grands poètes^ Le faît est 
que je n'îii jam[iia attaqué p^rsonn<^ : sisulement, antieus lltigo^ sedmaffis atniûa 
Veritas, J'cLi défiaaiîtL Im droits supérieurs de la vérité^ contre les plus grmodi 
éo ri Tain s et les plus Qars arctucH tiques. Indu irm* 




176 REVUE DE BRETAGNE 

savants bien connus dans le domaine propre à la Revue des 
langues romanes y qui ayant lu plus d'une de mes lignes, et 
môme de mes pages, croient si t}eu y avoir perdu ieur temps, 
qu'ils y ont renvoyé leurs lecteurs; entre autres tout rt^cem- 
ment MM. Ant. Thdmas, Romania, juillet 1906, p. 495 ; H. Schu- 
chardt, Zeiischrift fur romanische Philologie/janyïtàv 1907, p, 21, 
29. Appréciant, dans le Polybiblion d'avril 1907, p. 312, ctîs Cau- 
series sur Vétymologie que M. Grammont ne juge pas bonnes à 
jeter aux chiens, M. Marins Sépet conclut : et On y prend avec 
agrément des leçons de àaine méthode, et nous soufmîterions 
que, surtout parmi les lettrés ou demi-lettrés, trop autodidactes^ 
de nos provinces, ces agréables variations sur un fond solide 
trouvassent beaucoup d'auditeurs. » 

D'après M. Grammont, je suis atteint d'une « infirmité men- 
tale » qui m'oblige « à parler de tout à tort et à travers ». Selon 
moi, « sa prétendue réponse » ne répondant rien sur aucun des 
faits que j'ai pris la peine d'opposer à ses offensantes divaga- 
tions, M. Grammont se trompe quand « il a rinconscience de se 
figurer qu'il a fait œuvre de linguiste » et de critique, alors qu'il 
a simplement étalé coraw /)Ojow/o un mal hideux: délire delà 
pA/iromani> persécutrice, avec photophobie mentdie aiguë, ou 
horreur des éclaircissements les plus indispensables. — Au 
lecteur sensé de décider lequel de nousdeux est, comme on dit 
dans mon pays, estropié de jugement, 

M. Grammont croit qu'où croit tout ce qu'il imagine. « Nos 
lecteurs », dit-il, « ... savent maintenant combien noire article, 
dont chaque membre de frase contient une allusion, était juste 
et modéré. » Cette assertion gaillarde a-t-elle un seul gobeur, en 
dehors du maîtfe gabeur qui se gobe si' magistralement lui- 
môme? Je voudrais le voir pour le croire. Elle ne pourrait être 
justifiée que dans ces jours prédits par un grand visionnaire 
[Napoléon le Petit, II, 8) où, le Wi/^ triomphant impudemment, 
« tout s'avalera; l'hiatus du public sera prodigieux. Toutes les 
énormités passeront. Les anciens gobe-mouches disparaîtront, 
et feront place aux gobe-baleines. » 

Di meliora plis ! A yaou ! 
Gwell ar wirione 'vid ar gaou. 

Rien n'est beau que le vrai ; le faux est liaïssable. 
(Fin.) E. KïiNAULT. 

Le Gérant : F. CHËVALIBH. 

Vannes. — Imp. Lafolyb Frères, 2, place des Lkcs» 



Y EUT-IL VRAIMENT QUATRE BRETONS 

A FIGURER AU COMBAT DES TRENTE 

AU MILIEU DES ANGLAIS 



Noua connaissons les détatls du Combat des Trente par un 
vieux poème contemporain dont deux copies sont parvenues 
jusqu'à nous. L'une de ces copies, faite en Picardie, figure à la 
Bibliothèque Nationale (ms, fr- 1555), et a été imprimée par Cra- 
pelet en 1827 et en 1835. Nous rappellerons Manuscrit Crapelet. 
L'autre, appartenant aussi elle à la Bibliothèque Nationale (nouv. 
acq. fr. 4165), est rœuvre d'un Breton; elle est encore inédite, 
mais nous comptons la publier bientôt avec Taide de la Société 
des Bibliophiles Bretons. Nous lui donnerons le nom de Manus- 
crit Inédit^ 

Le ManmcTii /^i^{/t7 possède une supériorité incontestable sur 
le Manuscrit Crapelet en ce qui concerne les noms des combat- 
tants bretons, el le fait n'a rien de snrprenant puisque cette co- 
pie à été faite en Bretag'ne. Au contraire le Manuscrit Crapelet 
l'emporte de beaucoup sur le Manuscrit Inédit pour ce qui est 
des partisans Anglais: Anglais, Allemands ou Brabançons {aliàs 
Brt^tons). 

C'est donc ce dernier qui va nous guider. 

Que dit*îl sur les quatre derniers combatlauts du parti anglais: 

<r Et quatre Brebenchona, par le corps saint Godart. 

Cl Perrot de Commelain, QuiLlemin le gaillart 

a Et Raouist d'Aspremont. Dardaine fut le quart, a 

Et plus loin : 
* 
i( Trente furent par nombre et de trois nations, 

tf Car XX Anglois y oust hardis comme Uona 

€ Si VI bons Alemans et quatre Brebenchons* » 

Octobre mi t$ 



178 REVUE DE BRETAGNE 

Au contraire, voyons le Manuscrit Inédit : 

« Quatre Bretons y furent, par le corps saint Leoart, 
« Perrot de Comellan et Hamon le gaillart, 
M Raoulet du Primant, Dagorne Renouart. ut 

Et plus loin : 

« Trente furent par nombre et de trois naciODS, 
« Car. vingt Anglois y eust hardis comme iyons 
(c Avecq six Almans avoit quatre Bretons. " 

Ce dernier manuscrit estropie horriblement les noms des 
vingt Anglais et des six Allemands. 11 y a bien des chanaes 
pour que les quatre derniers ne soient pas plus corrects* D'ail- 
leurs l'duteur en commençant a soin de dire : 

<c Messire Robert Brambroch a choisy d*aultre part 
« De trente compaignons dont il avoit grant tart. 
« Je ne scay pas leurs noms, mais le cœur si m'en art 
« Mais o luy f ust Grolles, Tavarilay, etc. 

Nous ne saurions trop le répéter : dans la question qui nous 
occupe, il nous faudra de toute nécessité nous en tenir au Ma- 
nuscrit Crapelet^ et par suite adopter avec lut le terme 'le Bra- 
bançons qu'il donne aux soi-disant Bretons du Manuscrit inédit* 

La Borderie, adoptant l'opinion de Pol de Gourcy, en tient pour 
les quatre Bretons : « Les noms des quatre derniers combattants 
du parti anglais, dit-il, (Comonan, Gaillart, d'Apramont, 
d'Ardaine) ne sont pas des noms brabançons, mais des noms de 
familles bretonnes, là-dessus tout le monde est d'accord » (1). 

Non, tout le monde n*est pas d'accord là-dessus^ et La Borderie 
ne Test pas avec lui-môme puisqu'on 1881 il exprimait une toute 
autre opinion : 

« Depuis Jean de Saint-Paul, écrivait-il (2}, tous les auteurs 
qui ont parlé du Combat des Trenie affirment, comme lui, que 
Bembro avait dans sa troupe quatre Bretons du parti db Mont- 
fort. Le fait n'est pas certain. L'une des versions du poème du 
Combat des Trente, celle que semblent avoir connue d'Argenlré 
et Saint-Paul et qui aujourd'hui est représentée par le manuscrit 
encore inédit sorti de la bibliothèque de M. Ambroise Firmin- 

(1) Histoire de Bretagne, UI, p. 517. 

2) Chronique de Bretagne de Jean de Saint-Paul, publiée par Arthur de la 
Borderie (p. 102). 



.^y_ 



Y EUT-IL VRAIMENT QUATRE BRETONS 179 

Didot, — cette version termine ainsi Ténumëration des compa- 
gnons de Bembro : 

« Qaatre Bretons y furent, par le corpH saint Lenart, etc. 

a Mais dans la version. de ce môme poème représentée par le 
manuscrit de la Bibliothèque Nationale édité en 1827 (par Gra- 
pelet), les vers correspondants sont ainsi conçus : 

(c Et quatre Brebenchons par le corps saint Grodart, etc. 

<c Laquelle des deux versions a raison sur la nationalité des 
quatre derniers compagnons de Berabro? Sans traiter à fond cette 
question, nous ferons observer que Proissart nomme, comme 
ayant pris part au combat des Trente, un chevalier de Flandre 
on de Brabant appelé Enguerrand d'Hesdin (Proissart, édit. Luçe' 
t. IV, p. XLv-xLvi, 115 et 341) ; ce qui prouverait que Bembro 
avait bien sous ses ordres des Brabançons, et môme — étant 
données les altérations que le poème se permet vis-à-vis des 
autres noms — ce nom d'Hesdin ou du Edin pourrait, sans rien 
forcer, ôtre assimilé au Dardaine de la version imprimée du 
poème. 

« Dans ce cas, il faudrait renoncer à trouver des Bretons dans 

le bataillon de Bembro et chercher en Plandre ou en Brabant la 

patrie de ses quatre derniers compagnons. Cette question ne 

pourra toutefois ôtre complètement traitée que lors de la publi- 

^cation du manuscrit de M. Pirmin-Didot ». 

C'est le cas qui va se produire. 

Examinons donc attentivement chacun des noms cités comme 
étant brabançons d'après le Manuscrit Crapetet et bretons d'après 
le Manuscrit Inédit, en prenant les' formes données par le Ma- 
nuscrit Crapelet. 

Perrot dk Commblain. — C'est sans preuve aucune queCourcy, 
La Borderie, Couffon, L'Estourbeillon, etc.^ le rattachent à la fa- 
mille de Comenan du pays de Redon. Le Manuscrit Inédit le 
nomme Perrot de Comellan ; la Chronique de Jean de Saint-Paul : 
Perrinde Caymelon ; et d'Àrgentré : de Caraaiéon ou Commelain. 

GuiLLBMiN, surnommé « le gaillart ». Courcy, La Borderie, 
Couffon font de ce surnom un nom de famille sans s'apercevoir 
que dans la môme laisse le poème qualiHe d'autres combattants 
anglais des épithètes « le gaillart », « le veillart », d le contart ». 
Il reste Guillemin tout court. Le Manuscrit Inédit dit : Hamon, et 



1$0 REVUE DE BRETAGNE 

d'Argentré : Jean. La Chronique de Jean de Saint-Paul répôte : 
GuiUemin. 

RuouLET d'Asprbmont. Il n'est nullement démontré que ce 
personnage soit le môme que Raoulet d'Aspremont, seigneur de 
Renac, lequel, en tout cas, n'était pas breton. Une famille d'Aspre- 
monl est originaire de Brabant, des Flandres, de la Picardie. 
MM. de Courcy, de la Borderie, de Couffbn me semblent avoir 
f^mis une opinion bien hasardée en en faisant un Breton. Le 
Manuscrit Inédit l'appelle Raoul du Primant ; Jean de Saint- 
Paul : Roullet du Provost ; d'Argentré, RaouUet Prévost. 

D'Ardaine. Je ne partage pas plus l'avis des mêmes auteurs 
en ce qui concerne. d'Ardaine. M. de Courcy, qui va plus loin, le 
nomme Guillaume, alors que le poème ne lui donne aucun pré- 
nom. Le Manuscrit Inédit en fait Dagorne Renouart; Jean de 
Saint-Paul et d'Argentré : Dardaine. 

U devait y avoir dans l'original : d'Ardaine le Couàrt (d'où 
le quart Qi Renouart). 

U a existé une famille d'Ardenne en Brabant. 

Je terminerai par un dernier argument en faveur de la natio- 
nalité brabançonne des quatre derniers combattants du parti 
anglais: 

Le poème dit : 

« Trente furent nommez des gents roy Edouart. 

« Bretons deiConfironts'WzivoMYQïii en leur art, 

<c Et concquerront Bretaingne jusquez cbasteau Dynart. b 

L'auteur se serait-il, exprimé ainsi, s'il s'était trouvé des Bre- 
tons parmi les Anglais et les Allemands ? 

R. DE Laigub. 




LA PAROISSE DE CHAMPTOCEAUX 

EN 1 683 



Les paroîss4ïs stiivant^a qui font partie du diocèse d'Angers depuh le G juin 
180A, appartenaient avant le Concordat au diocèse de Nanteâ : CEiampto- 
ceaui, Drain, Lo Fuilet, La ode mont et sa trêve Saint- Sauveur de Lande- 
mont, Lire, Notre-Dame de Montfaucon, Saint-Jàcquca de Montfaocon, 
Saint-Jean- Baptiste de Monlfaucon^ Ja Benaudiére et sa trêve Le Pianty, 
Saint-Christophe- la-Cou perle, Saint-CreËpin, Saint -Germain^ Sai nt- Laurent- 
dea-Autelflf TiUier», la Yarenne ; il faut egoute^ deux autres paroisses sur la 
rive droite de la Loire : la Cornuaille» Freîgné et sa trêve BeauHeu (1). 

Le lo mai i6S3, Messire Antoire Binet, grand archidiacre de Nantes, abbé 
de Melleray, Jicendc èâ droits, fit la visite canonique de Champtoçeaux, assiste 
de messîre Charles Richard, docteur en théologie et es droits, en qualité de 
promoUur, et de maître Etienne GroUeaUf praticien, comme secfèiaire. Voici 
le procès-verbal de la visite (a) : 

Le mercredi iO mai i 6 êS^ sur les dix heures du matin, visite 
de r église paroissiale de la Madeleine de Champtoceaux, en la 
province d'Anjou, en la présentation de tAàbé de MarmoutierSt 
contenant S 00 communiants. Ayant été reçu en la manière gués 
précédentes visites par le sieur Claude Marin, recteur dHcelle, et 
ayant failles mêmes prières^ nous avons visité le tabernacle. La 
lampe est entretenue allumée Jour et nuit : le fonds de cet entretien 
consiste en 20 livres de rente et en un contrat de 400 livres de 
principal sur le sieur Papin^ de la vUle^ donné par feue Dlle Per- 

(i) ft Toute la chât^UeDia de Champtoceaux eat d^s eiielav«i« du paji d* Anjou, 
qnoiqu^au spirituel elle soit sujette de l'évéquii de Nantea ; c'est ce qui a donné 
lîea au viaut c^uolibet de oei quartiers: là nom sommes au Dieu de la Bretagtie 
^t au Diable d^ Anjou : d^autant que les habitants ds cei marcbes, comme étant 
d'AnjQU) paient rimpiVt du ael dont les Bratona sont exempta. » {Deacription de 
VAnjou^ par Bartiiélemj Kog^ei^,) 

(2) ArehivBi de la Loir 0- Inférieure, G b2, Ohamptoceaux est aujourd'hui l'an 
des 34 chefs-lieux de canton du département de Maine-et-Loire. 






182 REVUE DE BRETAGNE 

fine Bossard et Dlle Michelle Bossard veuve de feu Hirondelle^ plus 
en 30 sols de rente sur une terre située à la Vnrenne possédée par 
plusieurs particuliers^ plus J25 sols de rente foncière due sur un pré 
appelé le Pré aux Ladres sis en la grande prée de Champtoceaux^ 
plus deux pintes d'huUe de rente due sur un canton de vignes ap- 
pelées Les Gulllotières en cette paroisse. Le couvercle du bassin des 
fonts baptismaux est percé, il le faut refaire à neuf. Il n'y a point 
d'autels consacrés, lors les deux qui sont dans les deux chapelles 
de la Bretesche qui sont sans aucune parure ni ornement, et celui 
de Saint-Julien qui est tout décarrelé. Le grand cimetière est en 
bon état, et dedans se trouve une chapelle dédiée d Saint- Pierre-aux- 
Liens, qui est en passable état, fors que la latte de la couverture 
est pour la plupart pourrie et que l autel n'est paré que et une image 
en bosse de la Sainte Vierge tout dépeinte et de nappes d autel. Le 
petit cimetière joignant Vautre est bien clos, fors dun côté où il y a 
une haie dépendant de la pièce de terre de la chapellenie de Saint- 
Nicolas, par où il passe quelquefois des bestiaux. A la sacristie, il 
y a un calice et deux patènes qui ne sont pas dorés en dedans, il 
n'y a point d'archives ni de coffre pour les mettre, il n'y a point 
de tableaux contenant les bénéfices aux fofidations de V église et les 
noms de ceux qui les doivent requérir. 

Les dites choses visitées, nous sommes allés à la manière ordi- 
naire prendre nos places sur le marchepied du grand autel, où le 
sieur recteur nous ayant présenté son brevet de visite, notre secré- 
taire en a fait l'évocation comme il suit : 

Recteur : v4nérable et discret messire Claude Morin. — 
Prêtres : Messire Gilles de Ruais, vicaire, messire Jean de Van- 
nière, absent, messire Mathieu Davy. — Clercs :Messire Guy 
Pérille, messire Pierre Dugué, messire Jean Lenormand, mes- 
sire du Serisier, tous absents. — Fabriqueurs de l'an passé 
Messire René Dugué, chirurgien, et Jacques Amproux. —Fa- 
briqueurs de l'an présent : Messire René Chappeau, mort, 
et Jacques Sagot. — Témoins synodaux : le sieur de la Marion- 
nière, absent, le sieur Dugué, avocat^ le sieur Morice, Jean du 
^ Haut-Brunet. 

Obligations et revenus du sieur recteur. — Il déclare être obli- 
gé à radministration des sacrements, aux vôpres et grandes 
messes toutes les fêtes et dimanches, à faire le catéchisme à la 
^ première et le prône à la grande, et aux matines les fêtes 80« 



.iL 



LA PAROISSE DE GUAMPTOGEAUX EN 1683 183 

lennelles de dévotion. Il déclare que sa rectorerie consiste en sa 
maison presbytérale, jardins et enclos, et en 4 quartiers de pré 
en la prée de Drain, et un peu plus d'un tiers de dîmes de la pa- 
roisse. Il a dit que le tout pouvait valoir 600 livres par an. 

Prieuré, — Le pi*ieuré de Saint- Jean, ordre de saint Benoist, 
à la nomination de Tabbé de Marmouti'irs, consiste en maisons 
et domaines, métairies, dîmes et rentes à Champtoceaux, la Va- 
renne, Landemont, Saint-Sauveur, le Puilet, Drain, etc., valant 
environ 2.000 livres de rente, toutes charges portées. Le prieuré 
est chargé de 9 boiseaux de seigle à distribuer chaque semaine 
aux pauvres depuis la Saint-Martin jusqu'à la Saint-Jean, des 
vêpres tous les samedis de Tannée, et d'une grand'messe chaque 
dimanche (entre la première et la grande de paroisse), et de deux 
messes basses le mercredi et le vendredi de chaque semaine au 
grand autel de la chapelle du prieuré. Ce prieuré était ci-devant 
possédé en règle, il est à présent uni à la mense de la maison de 
Marmoutiers, dont les religieux ne font acquitter qu'une messe 
basse le lundi. 

Chapelles paroissiales, — La chapelle de Saint-Lazare, sise au 
bourg et entièrement ruinée, a été fondée par les seigneurs de 
Champtoceaux et de la Varenne, d'une messe tous les samedis à 
Tautel de Notre-Dame de cette chapelle ; elle est à la présentation 
de l'abbé de Marmoutiers, le fonds est perdu et le service n'est 
point acquitté. — Dans cette chapelle a été fondé un légat par de- 
moiselle Patrice Gouy vivante dame de la Hamelifiière ; il est à la 
présentation du seigneur de la Hamelinière et consiste en biens 
perdus ; il est chargé d'une messe par semaine, qui n'est point 
dite. — La chapelle de Saint-Pierre-aux- Liens, située dans le 
grand cimetière, fondée par feue honnôte fille Renée Dugué, esta 
la présentation des parents de la fondatrice, représentée aujour- 
d'hui par le sieur sénéchal d'Oudon ; le fonds consiste en terres 
ou rentes valant environ 40 livres ; elle est chargée d'une messe 
basse le vendredi, de 4 messes chantées aux fôtes de Saint-Pierre- 
aux-Liens, de l'Assomption, de Sainte-Claire et au jour anniver- 
saires du décès de la fondatrice, avec l'office des morts les veilles 
de ces quatre jours, et d'un Libéra qui se doit aussi chanter dans 
cette chapelle, lorsqu'on fait la procession tous les dimanches; 
elle est possédée par Messire du Serisier, clerc, à présent enrôlé 
dans une des compagnies des cadets, qui la fait servir par mes- 



ië6 REVUE DE BRETAGNE 

valant 10 livres ; il est chargé d'une messe tous les quinze jours, 
et est possédé et servi chaque mois par le sieur recteur. — Le 
légat des Ménard, fondé par feue honnête fille Madeleine Ménard, 
à la nomination du recteur et des procureurs de fabrique, qui le 
doivent présenter au plus proche parent de la fondatrice, con- 
siste en terres et rentes valant 30 livres ; il est chargé d'une 
messe basse par semaine, et est possédé par messire Dugué, 
clerc tonsuré, qui le fait acquitter par messire Gilles de Ruais, 
prêtre. 

Autres fondations faites dans C église. — 12 livres de rente pour 
quatre services,chacun de trois messes chantées avec Tofflce des 
morts, fondation faite par messire Jacques Le Manceau , cetle 
fondation est acquittée par le recteur et ses prêtres. — 15 livres de 
rente pour une messe basse tous les quinze jours, fondation 
faite par le 'sieur Jacques Le Manceau et acquittée par messire 
Gilles de Ruais. —" Une messe tous les quinze jours fondée par 
feue Aubine Leroy, consistant en 100 écus d'argent qui sont en- 
tre les mains du sieur recteur de la Varenne jusqu'à ce qu'ils 
soient placés ; cette messe est acquittée par le sieur recteur. 

Bevenus de la fabrique. — Une rente a été fondée par le susdit 
Jacques Le Manceau pour entretenir le luminaire aux services 
ci'dessus fondés par lui. 

Confréries. — Il y a la confrérie de l'Adoration perpétuelle du 
tri.'s Saint Sacrement. 

L'évocation terminée^ le recteur nous a remontré que, quoiqu'il 
ait pu faire, il se présente toujours des gens pour se marier plus 
tard que les heures réglées par les Ordonnances, et en compagnie 
desquels se trouvent quelquefois des gens pris de vin. — // ?ious 
a encore remontré que les prêtres continuaient à aller dire leurs 
messes dans les chapelles domestiques pendant les grandes messes^ 
et ils les disent même aux fêtes solenrielles. — Il nous a encore 
remontré que malgré V ordonnance faite lors de la précédente visite 
qui enjoignait de rendre devant lui les comptes des 29 dernières 
années, personne n'en avait reniu ni avait fait des ddigences pour 
faire payer tes rentes dues à la fabrique, qui sont lu plupart per- 
dîtes par leur négligence. — Sur quoi, notre promoteur ayant 
demandé si personne n'avait des comptes prêts à rendre, personne 
ne s'est présenté. 



L\ PARÛliiSE DE CUaMPTUCI^AUX E?i 16B3 187 

Surieaçtiteîli^s remontrances ^ avu ei n^cesHtés leantus pressantes, 
nous avons été ft/jiigé de faire les ordonnances contenues au livre 
d*iceiles, fir^qudles nous avons envoyé copie au sieur recteur pour 
être incessamment puùliées ei exécutées. 

Ce fait y nous nous sommes retiré à la sacristie avec notre secré- 
taire pour recevoir en la manière ordinaire les déclarations des 
témoins synodaux et d'autres qui se sorît présentés. 

Après quuij nous sommes retourné au presbytère^ où incontinent 
après le diner nous avons vu les approbations et exedta des susdits 
prêtres, et leur avons donné aiusi qu'au recteur les avis que nous 
avons Jayé nécessaires^ puis nous sommes allé visiter le prieuré de 
Saint- Jean. 

La chapelle du prietiri^ est vieille et trèf^ ffrande, assez hien en- 
tretenue; le grau t ^Jutf'l ^^i pusmàletnent bien entretenu et est 
consacré ainsi quf' hs deux autels *e la nef: il nt/ a dessus autre 
parure qu'un tableau sur chacun. Elle ^st (/uj^nie d'ornements puur 
dire la sainte messe. Le- logemenls du prieuré qui sont autour ne 
la chapelle, sont osiez bien f^nt retenu s quoiqw* fort vieux* 

Ce fait^ nous sommes retourné au presbytère, d*ou le lendenvun 
nous sommes partis en ajuip fjnie de messire lie né Orthion^ rec- 
teur de Landemont, qui était véun au-devant de nous^ pour nous 
vonduire et faire la visite suivatite* 

Le \^^ mai i6â3, le grand archidiacre de NanLes avaïL visité la paroissB de 
TiUieis. Le {Jrocèa-verbaL de celle vbite u éLé publiée à^u^ \ Anjou Historique 
{n° de rnuî ujoti). ^ious devons cette communication à M, L'abbé iiautreui, 
curé du Champ (Mai ne -et- Loire). 

I F. UZUKEAU, 

Directeur de VAnjou Historique. 



^m 



\ 



LA CKISE DU CHAPEAU BRETON 

AU PAYS DE VANNES 



î , L'6sprit centralislbi du sièclii qui veut runirormilé en tout et 
pour loua suit une marche calculée et progressive pour arriver à 
détruire le costume nalionDai breton. Il a d'abord commencé par 
substituer aux gracieux brageu ber et aux riches àragett bras que 
portaient nos pères les hideux pentalons pékin, qui font ressem- 
bier les jambes d'un homme à deux pattes d'éléphants. Ils s'est 
ensuite attaqué à nos chupens gjirnis de velours et à nos gilets 
couverts de mille broderies et parés de boutons de métal vif : et 
I nous avons rnçu 6n échange les piilelols u modem chic » et les gi- 

lets * smari v, dénués de toute grâce et prosaïquement camelote et 
bourgeois* Toutefois, du moins jusqu'à ces derniers temps, ij 
n'a pas osé s'en prendre à nos tokeu-plad, à ces beaux chapeaux 
de feutre noir ou de paille blanche, aux larges bords tout garnis 
et enrubannés de riches velours. Au pays de Hedon, au pays de 
Josseîin et de Ploërmel, et dans tout ïe pays gallo en général, 
depuis très longtemps le costume de styîe breton est tombé en 
désuétude, mais on y porte encore le tok-plad. Mais voilà que le 
vandalisme moderne s^apprête à le faire disparaître à son tour. 
Aussi LB n'est pus sans émotion que tous nos amis régionalistes 
liront ces quelques lignes, court résumé des constatations etdes 
enquêtes que nous avons faites au pays dp Vannes dans le but 
de découvrir et les causes et les effets de la crise que traverse 
en ce moment notre respectable couvre chef breion^ 

Le si vulgaire rentre mou» le béret basque à aspect sinistre» 
la casquette russe ou nipponne, le jockey anglais, et le riilicule 
melon du bourgeois parisien et cosmopolite (bien atUrement beau 
était le bonnet de coton bleu que portait quelquefois mon grand- 
père I) font irruption dans nos contrées et pénètrentmême jusque 
dans les hameaux las plus reculés de VArgoed^ et ce, au grand dé- 
triment du tok-piad. Uo fabricant de chapeaux de Lyon, dont la 
principale clientèle se trouve dans le pays de Vannes, nous disait 
récemment que la vente du chapeau brelon avait baissé dans sa 
maison d'au moins 20 à 25 pour cent durant les deux dernières 
années, et qu'il counaii^sait d'autres chapelleries Lyonnaises nù 
la mévente de cet article avait dépassé 40 pour cijnt. D'autre part 
plusieurs chapeliers du pays Vannfltais, fabriquant en atelier fa 
miilal le chapeau breton (ces petites chapelleries campagnardes 



jifit: 



tA CRISE DU GHAPEALT BRETON AU PATS DE VANNES iS9 

deviennent de jour en jour moins nombreuses, et c'esl k peine ai 
dans le Morbihan on bq peut encore compter une douzaine, qui 
luttent désespérément contre la concurrence que leur font les 
grandes chapelleries Lyonnaîsea; de plus elïes ne prennent plus 
d'apprentis et les ouvriers chapeliers deviennent rares) plusieurs, 
chapeliers du pays de Vannes, disions-nous, se sont laissés à dire 
en notre présence que, si Tinvasion des articles de chapellerie 
parisienne persiste, avant dix ans le tok-plad aura vécu en Bre- 
tagne. Déjà nombre de paysans de ta côte Morbihannaise, à Sar- 
zeao, à Auray, à Quiberon, à Belz se p^kinhent de plus en plus 
et abandonnent peu a peu leur pittoresque costume national ; 
déj.'i ils se font forts de porter des coiffures modernes avec leurs 
habits à la Bretonne. Le port du béret basque et de la casquette 
russe, concurremaient avec le chupen et le gilet bretons, semble 
désormais consacré et entré dans le doinaine des choses à la 
mode^ Nous avons même vu un jour un brave campagnard du 
paya de Belz, vêtu du superbe costume de son canton et coiffé 
d'un non moins superbe..... melon ! Et notez que Ton n'était pas 
en temps de carnaval, que l'individu, si bizarrement accoutré, ne 
passait pas pour une cervelle détraquée et que la chose paraissait 
à tous la plus naturelle du monde, 

Cette crise de la coiffure masculine au pays Vnnnetais devient 
donc très inquiétante ; et malheureusement les causes en sont en 
apparence du moins très raisonnablf^s et très logiques. 

Un jeune paysan, à qui nous reprochions de substituer le béret 
basque au tok-plad^ nous fit cette très nette réponse : « Je ne de- 
« mande pas mieux de voua être agréable, et dp porter un tok- 
« plad comme mon père ; mais ma bourse me le défend» J'ai ut^ 
*t béret en effet pour deux ou trois francs ; tandis que les meil- 
« leur marché des tok-plad se paient tout garnis huit et di^ 
francs. » Le bon marché de ceui-làetla cherté de ceux-ci, voiîa. 
Id grande cause de la des truc lion du tok-plad breton. 

Mais il y enii encore une autre non moins redoutable mode 
En général ce n*est pa?, comme d^aucuns Tont quelquefois pré- 
tendu, le bon goût qui la crée» celle-ci: elle a pour raison une 
nécessité commerciale : la fabrication de nouveaux articles ou la 
création de nouveaux débouchés. Il existe à Paris (centre de tout 
nalurellement) une société de beaux messieurs et de grandes 
dames, qui à l'ap proche du printem ps et de l'automne se concerlent 
pour dicter Vrbi et Orbi, ce qui sera de bon ou de mauvais goût 



HIT R.-ÎVUE DE BRETAGNE 

tant aux hommes qu'aux femmes de porter comme vêtements ou 
comme coiffure durant es saisons: c'est /e syndicat de la mode. 
El 06 tyranneau, fils bâtard de l'esprit centraliste et uniformiste 
moderne et de la nouveauté artistique ou factice, a lui au8f?i sa 
part de responsabilités dans la destruction du tokplad breton ; 
car quoi qu'on dise, l'exemple, surtout le mauvais exemple, est 
toujours contagieux et pernicieux. Le paysan, je parle surtout du 
paysan un peu instruit et un peu à Taise, le paysan à force de voir 
et (ie fréquenter les messieurs, à allure chic et ultra-parisienne j 
aspire à les singer et se décide volontiers a en adopter les mœurs 
le v^ ement et... la coifYure. De plus, ce paysan a peut-être été, 
(711 iiid il était jeune dans un collège ou lycée où iladû porter des 
pipds à la tôle un uniforme, qui sans être absolument le rêve de 
l\M*^^anc^, lui a paru au moins commode et surtout sortant du 
commun. Il a peut-être fréquenté des écoles où seul la port de la 
casquette d'ordonnance était de rigueur. D'abord, il s'est soumis 
•\ pnntre-cœur à remplacer son toh-plad par une Crisquette à vi- 
sière de carton et galonnée d'or ; puis il s'est résigné ; enfin il en 
a consacré l'usage. 

Nous nous souvenons avoir va des jeunes pensionnaires de 
rînternat des Saints-Anges de Pont'vy, vêtus des gracieux 
f^htfpens blancs des moutons de Pontivy ou des élégantes vestes 
aux cent boutons de Guémenée,et coiiïé delà casquette règlemen- 
iaire de TEcole. L'ensemble était d'un mauvais goût rare, et nous 
ad savons pas laquelle de ces deux choses était la plus ridicule, ou 
►ebizirreaccoutrPjjg^ent de ces jeunes gens ou la maniaque sévérité 
df^ ceux qui avaient conçu et appliquaient d'aussi sots règlements ! 
Quoi qu'il en soit, cherté des /o/c/>/tfrf, modes de Paris, exemples 
funestes des bourgeois, toutes ces choses aidant, ne nous éton- 
iifiTis plus de voir chaque jour notre traditionnel chapeau breton 
tomber en désuétude dans nos régions vannetaises. Toutefois il 
serait curieux et très utile de rechercher s'il n'y aurait pas par 
hFisard un moyen de remettre le tokplad à la mode et de 
fombattre l'esprit uniformiste qui en a décrété la destruction. 
I serait également curieux et très utile de rechercher s'il n'exis- 
terait pas un moyen pour combattre efficacement le bon marché 
de a ciiapeiierie camelotte de Style parisieîi^ par le bon marché 
ûamelotte également, mais de Style breton^ cette fois : c'est ce que 
nous nous eilorcerons de faire dans un prochain article. 

Auray, 20 sentembre 1907, Epplam KoBO-SKAii 



-Jl 



''^^^^^^^^^^^ 



LA LEGENDE DE SAINT MELAINE 



*^m^^ 



La lande de Bagaron, dans la paroisse de Pléchâtel, était jadis 
immense ; elle s'étendait depuis le bois du Coudray, qui ost à la 
porte delà petite ville de Bain, jusqu'au village de Brémalin 
près de la rivière de Vilaine. 

Lorsque le socle de la charrue l'eut entamée, on vit apparaître 
une quantité considérable de scories de fer dont voici la prove- 
nance. 

A une époque très éloignée de nous, tout ce pays n'était qu'une 
forêt dans laquelle existait un gisement de minerai de feri Aussi 
des forgerons vinrent s'y fixer et abattirent les belles futaies. 
Ils élevèrent une chapelle en l'honneur de leur patron saint Eloi. 
On peut encore voir, au village de Bagaron, la porte ogivale de 
ce petit sanctuaire transformé en étable, et dont les ruines rap- 
pellent le XI* siècle. Derrière celles-ci est un terrain couvert de 
broussailles qui fut le cimetière des ouvriers de la forêt. 

L'un de ces derniers, originaire de Normandie, allant boire à 
une fontaine s'y noya, et c'est à la suite de cet accident que ceUe 
fontaine fut appelée la Fontaine au Normand. 

Elle est située non loin dj village de Brémalin, et est l'objet, 
dans le pays, de la légende suivante : 

Au dire des habitants de Pléchâ^el, saint Melaine, qui fut 
évoque de Rennes, au commencement du VP siècle, serait né chez 
eux. 

Son enfance, assurent-ils, ne fut pas heureuse. Sa mère, non 
seulement ne le gâta point, mais fut avec lui d'une sévérité ex- 
cessive. Elle le fouaillait d'importance, avec une branche de ge- 
nêt, pour la plus petite peccadille, et l'envoyait, dès le lever du 
jOur, sans le débarbouiller ni le peigner, garder les porcs dans 
les sentiers de la forêt. 

Le pauvre petit, qui avait une chevelure abondante et, paraît- 



192 REVUE DE BRETAGNE 

il, très peuplée, priait chaque matin les filles de Brémalin qui, 
pendant les mois de sécheresse, s'en allaient puiser de l'eau 
dans la vallée, aux fontaines de Bre8lon,de vouloir bien lui démê- 
ler les cheveux. Mais les jeunesses folâtres riaient de lui et ne 
l'écoutaient pas. 

Un jour cependant, Tune d*elles, malgré les moqueries de ses 
.camarades, en eut pitié. Elle alla s'asseoir au pied d'un chêne, 
mit la tête de Tenfant sur ses genoux, et lui fit sa toilette. 

Comme elle terminait sa pénible besogne, elle s'écria tout à 
coup : « Mon Dieu ! comme je vais être en retard, voici les filles 
qui reviennent. » 

— Non, répondit Melaine, ta seras rendue chez toi avant les 
autres, regarde plutôt : Et il enfonça en terre la gaule de saule 
qu'il avait à la main, puis il la retira et Teau jaillit en abondance. 
La jeune fille put remplir ses deux seilles jusqu'au bord. 

Le pâtre enfonça de nouveau sa gaule en terre, à la même 
place, et l'y laissa, disant à son amie : « Tu n'auras plus besoin 
d'aller jusqu'à Breslon chercher de Venu. Il te suffira, pour en 
avoir, de retirer la gaule de terre, et toi seule pourras le faire. y> 

En effet, les autres jeunes filles qui, de loin, avaient vu ce 
qui venait de se passer, voulurent arracher la branche et n'y 
parvinrent pas. 

Ce ne fut que beaucoup plus tard que l'on creusa la terre, h cet 
endroit, et qu'on fit une fontaine où se noya un ouvrier des 
forges. 



Non loin des fontaines de Breslon, et près du ruisseau qui ali- 
mente l'étang de la Huais, l'on découvre sous des chônes^au mi- 
lieu des buissons, les ruines d'une vieille chapelle dédiée jadis à 
saint Melaine. 

Tout rappelle, en ces lieux, la dévotion que l'on avaii pour ce 
saint. 

Chose curieuse, une fontaine coule sous la muraille du chevet 
de la chapelle» au-dessous même de l'ancien autel sur lequel 
est encore un moriseau de bois, dernier débris de la statue de 
saint Melaine. 

A l'époque des grandes chaleurs et de la séoheretsef les 



■•^^■^^^^^■^"^^•r 



LÀ LÉGEKDE DE SAINT MELAINE Jifâ 

paypans y allaient en pèlerinage pour avoir de la pluie. Un 
vieillard, du nom de Gilles Gislais, qui avait assisté à ces proces- 
sions, nous a fait le récit suivant ; 

« Après certaines prières de circonstance, le plus ancien dea 
hommes présents trempait, dans la fontaine, une branche de 
genêt et aspergeait la statue en disant : 

« MouUle, mQuUle ma 
Comme j'te mouillât '> 

Le bon saint ne pouvait rester iasf*nsib1e à cela, attendu qu'a- 
yant été battu avec des genêts, par sa mère, dans son enfance, il 
conserve toujours une vive antipathie pour cet arbuste. 

Les pèlerins, dit en terminant le vieillard, n'étaient pas rentrés 
ctiez eux que la pluie tombait à torrent, rafraîchissant ia terre 
desséchée par un soleiî brûlant. 

Adolphk Oraïn. 







ÉVOCATION 



L'ANNEAU 



--i^oViXT-^- 



Au Caire, aTril iB99. 

Le coude sur la table de mon ami, Hugo Kpr^aour, entre îe Là 
Bas d'Huysmans, et le Drame des Poisons de HrentRno, je regar- 
dais miroiter la bague bizarre qui ornait la main (u jeune in- 
génieur, allongée sous la lampe^Pt maniant des maniiscrîl?. 
Depuis trois ans nous vivions aux antipodes : Paris et la pro- 
vince, le )30ulevard et les champs, et avions tout à nous dire, t 

— « D'où te vient cet anneau. » 

— « D'une fouille. » 

— « Précieuse. » 

— « Inestimablement pour moi. » 

Je connaissais jusqu'au tréfonds mon camarade dVnfance, un 
Breton, devenu incroyant et souffrant de ne plus croire. Sa pâ- 
leur, son œil bleu, subitement noirci, m'en disaient îong. 

Je n'insistai pas. Cependant, suggestionné moins par mon 
désir inexprimé, que parce besoin d'aveu, irrésistible à cer^ 
taine^ heures chez les plus contenus, il dit, brusquement : 

— « Tu veux savoir ? Ecoute. » 

Et du verbe imagé qui fait parler, écrire en poète ce mathé- 
maticien, il conta : 

— « L'époque? Trois ans passés. Le décor 7 Un lac nubien. 
Sur les berges, quatre statues colossales, déesses à tête de lion, 
se tiennent, immobiles, les mains aux genoux. Un peu déjetées 

. par le glissement jdes sables, elles se penchent vers Teau épaisse 



EVOCATION - L'ANNKATT 195 

et mirent lonr face rugueuse, assombrio d'une tristesse plus 

morne que celle du temps Ce fut là Récemment ouvertes, 

des fouilles bouleversaient les environs. Bien menées, elles 
exhumaient des temples, des colonnades, des blocs énormes 
surmontés de gigantesques figures, dont la masse écrasait 
l'homme, ce pygmée qui les avait dressés et violait leur sépul- 
ture. Couples royaux assis côte à côte, impassibles sous les 
chlamydes, les hautes tiares; bustes expressifs de princesses 
aux longs yeux, aux lèvres charnues, coiffées du hennin de gra- 
nit; objets usuels; plus artistiques et non moins approprias 
que les nôtres; momies, enfîn, rangées en cercle autour d'un 
sarcophage, tout venait au jour, faisant battre d'orgueil le cœur 
*du ?avant qui avait flairé cho trésors. J'étais son élève, presque 
son fils, par celte hérédité d'idées, de goûts, plus intime que 
l'autre, puisqu'elle est de choix. C'est à lui que je dus d'être 
chargé d'inventorier les trouvailles. 

Nombreuses, intéressantes elles rentraient cependant dans le 
genre connu. Et si le sarcophage n'eût réservé des surprises, 
le membre de l'Institut n'aurait pu écraser l'Anglais, son rival, 
opérant un peu plus loin. Mais là, entre les quatre sphynx, dans 
sa cuve de marbre rose, dormait une momie semblable à une 
princesse de légende... Voilée de tissus translucides, engatnée 
d'opaques éloffeâ, chargée de gemmes, entourée de ces bibelots 
féminins si pareils aux nôtres : flacons, boas emplumés, mi- 
roirs, éventails, on Ttût prise, sans etTort, pour Sarah Bernhard, 
endormie dans son cercueil capitonné. » 

— « Et la tête? » interrompis-je, voyant monter la fantasma- 
gorie de l'idéal dans cette imagination que l'eurythmie des 
chitTrf s avait rendue artiste. 

— « Presque vivante, admirable I Elle prit, à la lueur des 
cires, — car nous ouvrîmes le mausolée de nuit, avec respect, 
cérémonial, comme s'il s*agissait de réveiller la Belle au Bois- 
Dormant, — elle prit donc, cette petite tôte aux raides cheveux 
noirs, fleurant de subtils parfums, un ton d'agate et les traits, à 
peine fondus, se moielèrent nettemeni, avec le type égyptien, 
affiné par le sang bleu de tant de despotes, accroupis sur les 
peuples^dans la pose implacable du Memnon écrasant les sables. 
Pressant la poitrine, grillagée d'or, les mains patriciennes of- 
fraient les mômes méplats jaunes, satinés, et leurs phalanges 
restées souples, s'enrichissaient de pierres finement gravées. 



196 REVUE DE BRETAGNE 

« Que tu es belle, Taï, dis-je à la momie, l'apostrophant du 
nom de la reine de Ramsès, reine dont elle rappelait le buste 
énigraatique et connu, vraie Joconde d'un art fruste, mais 
parfois expressif. 

« Qu'il était doux de t'aimer sur les terrasses et sous les cieux 
fleuris ! » 

<' Pour madrigaliser je m'étais penché vers la momie et il me 
s»'mbla qu*un étrange rictus plissait les lèvres charnues, décou- 
vrant les dents intactes, petites dents cruelles des mangeuses 
de cœurs. 

— « Allons ! Monsieur, fit le vieux contre-maître de l'équipe, 
rangeons tout ça. Demain il sera temps de cataloguer cette dame . 
si bien nippée. La nuit avance. Une fois le veilleur posé pour 
empêcher tous ces défunts, trop gaillards, de décamper ou de 
conter fleurette à la belle, nous ferons bien d'aller dormir. Toi, 
surtout, petite, ajouta-t-il, s'adressant dans un idiome de sa 
composition, intelligible cependant aux gens et aux botes, à une 
jeune fellah qui rôdait depuis les fouilles autour de nos tentes, 
la cruche »ur l'épaule, prête à la pencher vers nos lèvres brûlées 
de poussière, avec le sourire soumis de sa misère opprimée. 

« Comment nous avait-elle suivis? Sans doute par curiosité, 
cette passion primordiale de toute fille d'Eve. Et bien que Sib, 
— c'était son nom, — parût généralement indifférente et regar- 
dât les ouvriers français du même œil morne que les chameliers 
qui niaient la connaître, et la traitaient comme une de celles que 
ne protège môme plus ce dernier respect de la femme : la ja- 
lousie, ce soir-là, ses prunelles s'élargissaient, çon masque s'ani- 
mait d'un étrange émoi, accroissant sa beauté déjà si frappante. 
Car Sib était belle, très belle, malgré ou plutôt à cause de sa 
sveltesse, défaut capital pour ses compalrioit^.s. 

Longue, plutôt que très grande, souple et ronde, ses bras fu- 
selés et charnus, ses épaules, ses hanches tombantes, son cou 
mince et plein, ses poignets, ses chevilles secs, sans décharne- 
ment, faisaient de sa silhouette un poème de lignes chantantes. 
Très clair, pour sa race, son visa^^e pâlissait encore du contraste 
des cheveux bleuâtres dont les lourds bandeaux, séparés sur le 
front bas, se prolongeaient en coulée sombre parmi les plis sor- 
dides de^sa pauvre tunique. Immenses, ses yeux cerclés de bistre 
et brûlant de tous les soleils bus par leurs larges orb^s, parais- 
saient longs même de profil. Distants de la racine du nez, sous 



wm 



ÉVOCATION ^ L ANNEAU |f7 

Tare velouté des sourcils droits, ils encadraient l'arôte mincu 
aux narines éebuncrées, comme pours'éloignerdes lovres rortBë 
nù toute la passion de ce visaee semblait s'être K^fugiée noar 
former le baiser et le recevoir sur leur pulpe humide. 

ti J'admirais Sib presque autant que le^ fragments journelle- 
ment découverts» J'acceptais ses oranges, ses pastèques, payés 
d'pQ merci, d'une piécette. Jamais elle ne m'avait adn^s$é de 
question qui valût sa réponse. Aussi fus-je surpris de Ja décou- 
vrir dans un coin delà crypie, alors qu'ayant éaoncé l'intention 
dédoubler le veilleur de Ventrée, près du sarcophage, mes com-* 
pa^nons, non sans étonnement, mVurent souhaité; «bonne 
nuit* » 

« Peut-être rôdait-elle, prête au larcîn, ses convoitises éveillées 
par les étoffes, les bijoux. Je m'étais promis une veille poétique, 
seul avec cette morte royale, parfumée d'essences aux émana- 
tions d'outre-tombe, parée comme une icône et dont le vUuge 
d'or pâle m'olTrait l'attrait singulier du déjk vu, dn connu, in^ 
saisissable. 

fl Sib me i^rênait- La chasser paraissait brutah Une parole mé- 
prisante fait souvent plus miil qu*un coup de bâton, et bien qu6 
la fellah fut endurcie aux deux il m'en coûtait d'augmentar Tan- 
goisse de ses yeux, puits profonds d'eaux amêres, 

« StiDS paraître la voir, sculpturale et suggestive, pourtant, ac- 
cotée à un stèle, ses bras relevés encerclant sa tôte découverte, 
le buste cambré, un pied nerveux saillant des plis hiéraliqc^â 
de sa grossière draperie, je m'affairais autour des fragmenU 
épars. Bah l fatiguâe de mon mutisme elle s'éloiè^nerait bient6\ 
Ktje m'approchai du sarcophage, Béaut, miis recouvert d*uu 
léger burnous blanc, il semblait une coucha nuptiale ou, parmi 
ses richesses* la princestse, l'œil inquiet et mi-clos, guettait l'ap- 
proche de l'époux 

« D'un geste un peu hésitant j'allais soulever le ïinceul, et 
pour occuper la longueur d'une nuit, si brillante de constella- 
tions au dehors, si opprei^sante sous ces voûtes ruineuses, inven- 
torier la cassette de la royale tiaocée. Une main posée i*ur mon 
épaule me fit tressaillir de cet involontaire sursaut de la nuit, du 
silence, de la solitude. Cette main pourtant n avait rien de ma- 
cabre. Elle brûlait à travers ma vareuse, et, toute frêle fut-elle, 
me forçait de me retourner. J'envisageai Sib. Ses yeux, splendi- 
dement vagues comme le départ et non moins pleins de mirages. 



i««>i£r»- ^-^^1 




198 REVUE DE BRETAGNE 

s'appetissaient, se fonçaient dans une contraction de la prunelle 
dardant un regard aigu, fouilleur, qui, loin de refléter, s'emparait. 

— « Veux-lu la voir? dit-elle, découyrant dans un pourpre 
éclair ses dents blanches, cruelles comme celles de l'autre^ la 
mangeuse de cœurs. 

i< Toute son attitude était changée. Rien de la femme sans 
maître, sans tente, de la paria, jouet des pires instincts. Hau- 
taine, le corps raidi dans un vouloir autoritaire, elle me repous- 
sait et soulevant elle-môme le voile, glissait ses doigts agiles 
'parmi les plumes, les gazes, pour prendre à Tannulaire^e la 
momie cette bague au large chaton. 

Et sous la lampe, au doigt du narrateur, l'opale pierre à pâ- 
leur de morte, à phosphorescence de feu-follet, miroitait, telle 
un coquillage empli et toujours sonore des soupirs du flot. 

J'étudiais mon ami. Comme hypnotisé, il continua : « Avant 
que j'eusse pu le prévoir, Sib saisit ma main, y glissa l'anneau. 
A ce double contact, une chaleur parcourut mes veines, élargit, 
prolongea ma vision. Et une chose étrange s'opéra. 

« Sans transition, comme sans, bruit, les parois reculèrent. 
Inscrit dans l'éloignement d'un jardin de rêve, sur l'indigo du 
ciel ftnbrasé de soleil, un portique s'érigea. Il précédait un 
temple dont je détaillais fort bien les statues, les jaspes, les por- 
phyres, les revêtements polychromes, les dallages multicolores. 
Pour y accéder une large avenue de gigantesques sycomores 
s'alignait, gardée par des sphynx au bonnet phrygien, aux 
griffes aiguës, auxcroupes infléchies et toutes roses des veines 
saignantes du granit neuf. Glabres, rusés, des prêtres circu- 
laient à pas muets et des gardes massés aux abords, offraient 
un seul profil, une seule lance, un seul casque, tant leurs rangs 
étaient pressés, leurs traits, leur taille, leur costume identiques, 
leur immobilité, leur silence complets. Invisible, car, assuré- 
ment, ma présence passait inaperçue, je m'émerveillais moins 
de cette merveille,. la plus étonnante de toutes, que de ce fée- 
rique décor, de cette millénaire et vivante évocation. Mes senti- 
ments mômes étaient d'accoriavec mes sensations. Et tout en 
circulant parmi le peuple, les pontifes, les guerri( rs, je parta- 
geais leur attente. Une attente, un désir planaient, en effet, sur 
cette scène extraordinaire. Un désir violent qui faisait pâmer les 
corolles, tournoyer les colombes, bramer/les gazelles, meuiçler 
les bœufs attelés, deux à deux, aux char^ bas dont les roues 



■A. '^ 



EVOCAliÛN — L'ANWliAU 4f| 

pleines écrasaient i* herbe odorante sous leur faix de palmes, de 
couronnes festives. 

^t SourJain le soleil tomba, la lune s'épanouit. 

tt Très large, effeuillée au ciel nacré conome un calice trop 
ouvertj elle dérouïa un long sillon, tapis inconaparable Lissé 
d'ombres et de clartés sidérales sous les pieds de celle qui allait 
venir, 

* Elle vint 

H Et, splendide en sa chair ardente, c'était Taï, la momie 
royale revivifiée I 

tt Klle vint 

M Précédée du chant des cinnores, des tymbales, des flûfes» 
du susurrement des voix, du soupir des poitrines. Impérieuse 
et fatale, parmi l'essîiim d^-s suivrint^s aux voi'es légers^ aux 
corps d'onyx éclairés de massifs bijoux, aux yeux longs, fixes 
t't durs sous les mèches plaquées et luisantes» Balancée sur un 
pa(anquîn, au pas accordé de ses noirs porteurs, vêtus de lin, 
dont le rire s'élargissait comme celui du tigre prêt à bondir, Taï 
se renversait sur les coussins lamés, très pâle» très brune, le 
profil finemeiît busqué, la lèvre renflée, le sourcil droit, la pru- 
nelle tapie derrière ies longs cils, dont rombre, mieux qu'un 
fard savant, noyait te rehaut des pommettes. Et ainsi que chez 
la fe!hah, toute l'ardeur de son sang semblait s*étre concentrée 
dans la courbe rouge des lèvres charnues et provocantes, en- 
tr'ouvertes sur les dents fines et crueUes, f'Ioraisons de moindre 
splendeur, enguirlandant le fotus sacré, ses suivantes agitaient 
de laïgRs flabellums et jetaient à pleines mains des pétales que 
le vent roulait en tourbillons parfumés autour de la litière d'où 
pendait un pied nu, aux orteils crispés sous les bagues, 

u Proche du temple, le palanquin, d'un mouvement simultané^ 
s'abaissa, et, déesse quittant son nuage, la princesse apparut. 
Très haute, fuselée, sa tête petite redressée par ïe poids de ses 
cheveux, poudrés de diamants et amassés en tiare, claire comme 
une perle polie par ïa vague» elle planait chargée de tissus bro- 
dés d*hiératiques symboles. Ses épaules, ses bras luisaient sous 
les gazes et le zodiaque de pierreries, ceinture de ses reins, se 
cambrait, allongeant les lignes impei^cables de son corps divin. 

« Prostt^rûée, la foule appelait son geste. Taï le fit, souverain, 
bienveillant, et prenant la coupe des mains du pontife de Baal 
but, avec un rengorgement de son cou de colombe. Alors, tral- 



i 



200 REVUK DE BRETAGNE 

nant ses robes elle pénétra dans le temple. A >^ a suite, rassis* 
tance s'engouffra entre les colonnades et je fus séparé du groupe 
princier etsacerdotal. Tandis que les mystàress^acoomplissaient» 
derrière le voile d'Iris, je restais, le front contre le flanc d'un 
sphynx rêvant, sous les astres à cet astre huœain plus mystô" 
riaux que la lune, plus brillant que les étoiles. Dans des vagues 
d*encens, de mélodies, le cortège reparut, s'orientant vers )e 
palais. Cyclopéen, bien qu'harmonique, il éclatait entr^ les jets 
grêles des palmiers, les grappes roses des tamaris, les dards 
mouchetés de l'aloès, les raquettes fleuries du cactus et deux 
pyramides allongeaient leur ombre funèbre jusqu'au seuil crû- 
ment colorié de fresques naïves. 

« Toujours inaperçu et porté par le remous de la cour, oar 
le menu peuple demeurait au dehors accroupi autour des mar- 
mites à Todeur pimentée, je franchis le seuil interdit. Gompre~ 
nant sans entendre, comme je voyais sans être vu, je connus la 
victoire de Ramsès dont Taï, entourée de son peuple en liesse, 
venait de rendre grâces aux dieux. 

« Les rites accomplis, la reine cherchait le repos du gynécée 
inviolable. Dans le sillage d'une' ample négresse, nourrice ou 
confidente, — car Ta! lui soui^iait et les autres esclaves fuyaient 
son œil fauve, —je gagnai les appartements intérieurs. 

« Etendue, maintenant, sur une couche d'or massif en accord 
avec les parois peintes, les métaux incrustés, les bois précieux, 
creusés en sièges, ausèi usuels et plus fastueux que nos meubles ; 
entourée de coffres remplis d'étoffes, mieux teintes ; plus adroi' 
tement tramées que les nôtres; choisissant la parure du jour 
au fond de coupes emplies des plus rares joyaux; caressée par 
les ailes d'oiseaux aux plumages de fleurs; enivrée de corolles 
aux plumages d'oiseaux; flattant la crinière rousse d'un lion 
adulte, dont la langue rugueuse injectait sa main frôle, Taï se 
livrait à ses femmes; 

« Le vainqueur, l'époux approchait. Vieux, jaloux, abreuvé 
de sang, repu de carnage, il aimait pourtant d'un juvénile 
amour, la vierge royale se sœur et son épouse ; mais Toï, irra- 
diée de sa gloire, gorgée de 5 es trésors le haïssait et se réchauf- 
fait dans son sein comme l'aspic qui siffle et va piquer. Et fout 
cela je le lisais dans le cœur de la princesse, devenu de cristal 
sous les rayons révélateurs du merveilleux anneau luisant, 
phosphorescent et magique, à mon doigt. 



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ÉVOCATION. - L ANNEAU ^1 

' « Bientôt les tresses soyeuses, déroulées sous des doigts ex- 
perts, couvrireat les épaules nues; It^s bijoux s'incrustèrent 
autour des extrémités fines ; les molles soieries, les gazes révé- 
latrices modelèrent les formes exquises; tandis que des danseuses 
charmaient l'heure trop rapide d'une attente^ vide de désir. Les 
unes, gravesi majestueuses, engainées de draperies rigides, tra- 
cèrent les paa réglés des danses sacrées. D'autres, moirées du 
sang chaud aftluant k leur peau d'ébène, tordirent leurs torses 
longs, leurs bras minces et frappèrent les dalles de leurs crânes 
laineux, puis, s*enlaçant, évoluèrent en cadences voluptueuses. 
Blasé, indifférent l'œil en amande de Ta! glissait sur ces choses 
pareilles : art, animaux, âtres humaiaSj jouets de sas caprices- 
Etsaas môme consulter le miroir que sa nourrice, agenouillée, 
dressait, elle permettait à ses suivantes d'efitourer son col d'uQ 
collier de scarabées, d'enrouler la vipère d'or dans ses boucles 
ondulées, de suspendre des goutelettes de diamant aux lobes de 
ses oreilles, étroites et hautes. 

a .„ Pas plus que ses femmes elle ne semblait m'apercevoir. 
Debout, dans l'embrasure d'une baie, découvrant une suite de 
jardins suspendus, je jouissais de l'inoubliable spectacle, aussi 
étranger à la crainte d'être découvert, que la princesse semblait 
inconsciente de mon audace. Cependant l'opale serrait mon 
doigt; machinalement j'étendis la main pour la retourner et il 
me sembla que l'œil de Taï, magnétiquement attiré, s'ouvrait 
enfin sur le talisman, puis, pesait sur moi, brûlant, impérieux. 
Hardimf^nt, mon regard répondit au sien. 

«A Debout, palpitante, elle écarta ses esclaves Comme pour écou" 
ter les cris, les appels, les piaffements pressés, les stridences des 
cuivres qui, subitement, éclataient, s'enflaient, roulaient au de- 
hors, elle pencha la tôte, et marcha vers la terrasse. Je vis alors 
que ce balcon aérien, encombré de végétations prodigieuses sur- 
plombait une cour, en forme de puits. Plus étroite que large, en- 
cadrée d'inaccessibles, murs lisses, obscure sous le vélarium du 
ciel nocturne clouté d'étoiles, cette fosse était un charnier^ une 
géhenne* Dans un angle* des t^^s de mains coupées : dans un 
autre, des têtes décapitées, grimaçant TalTre, la fureur; partout 
des torses écorchés, des supplices pires encore. Tantôt ui^jus 
tantôt désespérés, toujours pitoyables, dos appels montaient du 
goutTre, fondas par la distance en un intraduisible gémis^^Pme^L 
« Vivants trophées envoyés par le Ph^raiin* ft^s capUfi s'y t^r- 



202 îlfcVUE DE BRETAGNE 

dftieût, broyés de toutas les tortures inventées par ces peuples 
assis à l'ombre du Serpent. Et, cruauté suprême, le patn, Teau^ 
jetés à leur misère la prolongeait. Bestials, de féroces bourreaux, 
les muscles dégouttants d'une rutilance noirâtre, Semblaient 
humer le Carnage, plus odorant que les vian<JeB ôu le via à leurs 
narines dilatées et chantaient en déchirant leurs victimes. 

« Hérissé, je détournai la vue, mais Taï, que j'étais presque It 
toucher, bien que son regard abaissé parut ne plus me voir, Taf , 
remplissait ses yeux sereins des terreurs de la fosse sans qa*un 
pli creusât son front bas et plat, sans qu'un souffle plus court 
ouvrît ses lèvres, fit battre plus vite son sein apaisé. Au contraire, 
un sourire courait sur ses dents cruelles et je crus revoir le 
double et pareil rictus de la fellah et de la momie, mangeuses de 
cœurs. 

Cependant les fanfares tonnaient, les soldais du Pharaon gra* 
vissaient les degrés et très auguste encore, sous la pesante ar- 
mure, répoux accourait aux parfums de là bieti-almée. Pudiquie, 
tirant son voile, Tal se déroba, puis, provocante, reparut ausôi 
belle que Tanit écartant le Zaimps. Les bras ouverts, Ramsès, de 
son pas alourdi, la barbe anneléB et teinte, venait entre ses 
gardes, qui la lance droite^ le bouclier tendu, Tenserraient Et 
les buccins, les cymbales, entonnaient Tépithalame : alors Taf 
oflrlt son front aux lèvres arides, tandis qu'audacieuse, sa mam 
cherchait, pressait la mienne et de cette caresse, de ce contact, 
m'inondait, à la fols d'amour et de jalousie. Jelé hors de moi par 
cette muette et enivrante promesse, dont je sentais !e danger, le 
leurre, non moins que Tatlrait irrésistible, la mortelle langueur, 
j'arrachai son dard au poing d'un guerrier et pour enlever, au 
maître, à l'époux, celle qui ne pouvait m'appartenir, entre les 
plaques d'émaux qui le protégeaient, je frappai Taî au cœur. 
^ * Elle tomba., fleur ravie par le vent envieux aux baisera du 

soleil, et Un cri poignant, prolongé, répondit aux cris d'agonie 
du charnier. Ce cri me réveilla t-il ou le sortilège était-il accom- 
pli? Mais je me retrouvai dans ia salle voûtée qu'une torche, re- 
tenue par les bandeletles d'une momie, éclairait vaguement. Le 
sarcophage béait, tout blanc sous ses voiles, et j'entendais au 
bout du couloir le pas cadencé de l'ouvrier narguant le som- 
meil. C'était bien la crypte, les fouilles, la couche funéraire de 
réponse du Pharaon. 

« Avais-je rôvé ? Mon pouls agité, la courbature de mes 



EVOCATION — L'ANNEAU 203 

membres, mieux que tout, Pandeau resté à mon doigt, me fai- 
saient redouter d'être le jouet d'une de ces sorcelleries, vieilles, 
en leur fond, comme le mal, variables, en leurs formes, et que, 
Breton devenu sceptique, j'admettais avec cette dernière toi des 
incrédules : la superstition. L*horreurde ce cri humain surtout 
me poursuivait. Et je me mis à fuir plutôt qu'à marcher entre les 
colonnes tronquées, les sphinx immobiles, presque tenté de cher- 
cher sur mes mains, comme Lady Macbeth, la tache qui ne s'ef- 
face plus. J'étais seul. De la fellah nulle trace. Sans doute avait- 
elle gagné le gîte sordide des heures fraîches pour reparaître, 
aux heures chaudes, la cruche poreuse sur la hanche, de la nos- 
talgie plein ses yeux d*émail. 

Moi-môme après la première bouffée d'air libre et le bonjour 

de Touvrier, je me sentis déchargé du poids de mon cauchemar. 

Longuement j'aspirai la joie de vivre en face de ce ciel laiteux où 

f. la lune se dissolvait avec son cortège d'étoiles ; tandis que Tau- 

■ rore nuançait déjà les collines vaporeuses de légers nuages prêts 

à verser leur fraîcheur sur les sables aplanis. Une veille des 

Mille et une nuits pensai-je. N'est-ce pas le pays deSchézétazade. 

Et je m'étendis sur ma pile de coussins pour chercher un tardif 

• et prosaïque repos. 

, « Au réveil, j*étais l'ingénieur positif, le chiffre pensant. Afin 

[ d'achever la tâche, je distribuai les outils. L'un deux frappa To- 

= pale que, malgré mes efforts, je ne pouvais glisser sur la pha* 

I lange. « Diable », fls-je, in petto, cela ressemble à un larcin. Garde 

! qu'on n'accuse ces pauvres gens f> et je tentai à nouveau, de 

f l'enlever, meurtrissant la chair gonflée. « Je le ferai scier », dé- 

i cidai-je. « En attendant avouons tout au patron 1 « et comme le 

[ professeur commençait sa ronde, je l'accostai. Avec la gouaille- 

rie du jour sans terreurs, qui fait nier celles des nuits, je lui 
contai mon.... aventure. — « Une Vénus d'il le », railla-t-il, un 
large rire éclairant sa face de sylène, baptisé par la science. Ne 
t ^ marie surtout pas sans t'ôtre défait de cette alliance-là, « Con- 
tinua-t-il, aniusé », mais, comme l'opale est énorme et très pure, 
garde-la. Tu l'as certes, gagnée. Aussi bien la sorcière qui te Ta 
donnée, saura, seule, te l'enlever. Cherche Sib et.... ta déli- 
vrance. 
Je cherchai, tous cherchèrent Sib. 

« En vain, la fellah avait disparu sans laisser plus de traces 
que le sabot léger de la gazelle ; sans qu'on put constater de vol 



804 REVUE DE BRETAGNE 

sans qu'aucuû de ses compatriotes vint la réclamer par huma- 
nité. On parcourut (es fouilleâ, les alentours, les vagues de sable 
incessamment bouleversées. Qien; ni corps, ni voiles, ni cercles 
de cuivre, ni cruche fêlée. Au reste cette disparition devait se 
noyer dans les ennuis de l'entreprise qui, au moment du succès, 
tournait court. Un ordre du gouvernement la fit abandonner. 
L'Anglais avait vu un casus belli dans quelques coups de pioche 
éraflant aa concession. L'empire britannique se soulevait derrière 
lui. Encore une fois la France recula. On redressa les momies, 
on numérota les bustes, les stèles; on referma le sarcophage, 
on mit les scellés sur le tout et on attendit le renouveau des 
temps où l5s coups d*éventailsse payaient d'une capitale, 

■ Chargé en ma qualité dt! favori de rendre à la momie royale 
sa pose un peu dér^ingée par Tinventaire des bibelots, ce ne fut 
pas sans un certain émoi que j*appuyai la tête brune sur les 
coussins; que je ramenai les cheveux raides et crépitants au 
long des joues d'agate; que je croisai les mains sur la poitrine. 
Que mon cœur battit» qtie mon fronL se couvrit de sueur quand 
il me sembla voir les lèvres tirées sur les dents aiguës, rœii al- 
longé au-dessus des pommettes renflées, les narines frémissantes 
traduire une diabolique menace, toi-mâme n'en eusses pas été 
surpris, surtout si, entre les plaques niellées couvrant le cœur 
tu avals aperçu un trou rond, perforant la chair lisse, bourrée 
d'aromates. 

(c A ceux qui ne croient plus, la superstition reste, cendre^ 
aveuglantes du flambeau éteint. Rejeter un mystère, c*est s'en 
poser d'autres^ plus inaccessibles et moins consolants. L'homme 
est ainsi fait. En outre, de race, de tempérament^ j*étais un mys- 
tique dévoyé dans Toccultisme. Cet incident exagéra ma pente. 
Te dirai-je que» depuis cette aventure, trois ans passés, j'ai fré- 
quenté les pontifes du spiritisme^ trompés ou trompeurs, mais 
toujours dangereux, car ils veulent avec les armes du temps, 
du fini, arracher son secret à Téternel, à Tinflni, et n'arrivent 
qu'à nous dégoûter de l'un sans nous dévoiler Tautre. Peut-être 
que, demeuré mon comident, tu m'eusses retenu dans les bornes 
de la saine raison. Conflué en ton domaine par des désastres 
agricoles, je ne te voyais plus que rarement, Ajouieraî-je que 
ce maudit anneau* jamais quitté, malgré mes résolutions de 
m'en défaire, semblait le foyer de toutes mes agitations ; qu'à 
contempler sa tueur fatale je perdrais la notion du réel et que j'en 



ta. 



#■ 



EVOCATION — L'ANNEAU Î0& 

étais venu à croire que la fellah et la momie ne raîseient qu'une 
et me possédaient, ou, tout au moins, m'obsédaient. Femme per- 
Vf^rse, troublée dans son séculaire et infernal repoa, la momie 
avait repris nne vie passagère et vêtue de la semblance de Sib- 
peresprii de son corps demeuré intact, s*était emparée du 
violateur de son tombeau et Tenvoûtait de ses attraits satani^ 
ques. 

t£ Humilié par cette emprise, longtemps j'ai lutté» cherchant à 
■ panser mon chagrin secret avec de la boue, à la manière des 
hommes sans Dieu. Les excès ne m'exorcisaient pas et, chose 
inavouable» le courage me manquait pour me délivrer du talis- 
man source de mes hontes^ de mes déchéances, car, pareil à To- 
plum, U me plongeait dans des paradis artificiels* Cependant la 
foi, qui est un héritage, est souvent un atavisme ; la communion 
des saints qui permet un échange, une substitution de mérites 
me valurent, apparamment, une grâce de retour. Ma mère, mes 
sœurs priaient- Je rougis de ma lâcheté* Et sans croire encore, 
mais espérant déjà, je résolus d'user de ces remèdes familiers à 
mon enfance ; l'eau lustrale, les cérémonies du culte, la confes- 
sion, peut-être, concurremment, avec les douches, les traitements 
électriques, à Taide desquels plusieurs praticiens prétendaient 
guérir une neurasthénie dont je cachais la cause initialei plus 
psychique que physique, 

M Et c'est dans cet état d*esprit que tu me retrouves après ces 
trois ans de correspondance banale, privée d'eiTusion, Prêt à me 
débarrasser de Tanneau magique, à reprendre ma volonté, ma 
gouverne, à revivre enfin. Une heureuse coïncidence semble 
m'aider. Les fouilles se rouvrent. Le môme érudit les dirige. Il 
m'appelle à lui. Demain je pars et dès Touveriure du sarcophai^^e 
je restitué l'opale à ma fiancée macabre* trouvant la chose plus 
prudentH que de la garder d-ins ma cassette, de la donner ou de 
la vendre avec ces dangereux efûuvts ». 

-^ a Et après », 

— « Oh I après l n Le soupir qui dégonfla la poitrine d'Hugo, 
tandis que la bague luisait sous la lampe, traîtresse comme un 
marais sous la luoe, en disait long. 

« Après?.,. C'est encore une femme », Religieusement presque 
il baissa la voix. « Une enfant de chez nous, 

Une Vierge en or fin d'un livre de légendes. 



206 REVUS DE BRETAGNE 

de celles qui flattent les monstres de leur main de lis, enchaînent 
la tarasque avec un fil de la Vierge, blanchissent de leur blan- 
cheur les âmes les plus souillées ». 

— ' « Je la connaisv dis-je, Anne de Sônhan ? N'est-il pas vrai? 
Toi ou le cloître... Un rachat ou un sacrifice... Depuis trois ans 
elle t'attend. Elle t'accueillera... mais les bonheurs étant jumeaux, 
tu auras, en sus, celui de me posséder comme camarade d'exode. 
Mon médecin m'ordonne, au sortir de tant de saisons de giboulées 
picardes, des bains de soleil, de sable. Je t'accompagne en Egypte, 
tu me montreras ta momie et je te serai témoin, devant les Pha« 
raqns, de la remise de la bague ». 

« Le voyage fut moins réconfortant que je ne Teapérais. Par- 
fois, fébrilement causeur, Hugo retrouvait sa verve pour retom- 
ber au plus profond de ses absorptions de neurasthénique, d'en- 
voûté. Souvent, les yeux rivés à son anneau, une fois les wagons, 
les paquebots quittés pour les véhicules primitifs de ces pays som- 
nolents, où les heures sont des années et les années des siècles, 
il ne semblait voir ni les bouquets de palme, ni les villages à toits 
plats, ni les minarets blancs, ni toute cette paisère splendide 
pailletée de soleil. Et à travers Teau lente, labourée par la barque 
grossière à la voile carrée, il retrouvait sa hantise avivée de lu- 
mière, de souffles errants, d'odeurs brûlantes et subtiles. 

« Il me tardait d'arriver. Tout but s'atteint. Le nôtre apparut 
un soir, que la silhouette énorme des trois déesses accroupies 
près du lac, les mains aux genoux, tachait le couchant flam- 
boyant de sa masse sombre. 

Plein d'accueil le vieil ingénieur reçut, avec cordialité, Télôve 
favori et son camarade, le modeste agricole. Dans son robuste 
équilibre de matérialiste, il riait des psychoses, des émotivités, 
bien plus du mysticisme, de l'occultisme et eût volontiers raillé 
Hugo sur son air fatal, sa mine défaite, s'il ne Teût senti, avec 
l'instinct des bons cœurs, sérieusement atteint et redevenu ce 
que la souffrance fait de tout homme : un faible, un enfant. Cette 
intelligence jadis si saine dans un corps si sain serait-elle ané- 
miée par contre-coup? Une vague inquiétude le prit. Il connais- 
sait la mère d'Hugo. Bretonne, plus que pieuse, exaltée ; son 
père, musicien écrasé tout jeune par l'échec de son œuvre, échec 
suivi d'un de^ces succès posthumes qui ne ressuscitent p^a les 
morts et font pleurer les vivants. De l'atavisme, enfin, d'âmes 
inquiètes, de nerfs ébranlés. Si c'était ça, l'air des fouilles serait 



^j 



^?'?WPRF'*^ 



ÉVOCATION. — L ANNEAU 207 

bon. L'activité, la fièvre des découvertes, la joie du triomphe sur 
rennemi héréditaire, car TAuglais n'avait fait aucune trouvaille 
difzrne du Muséum, On se remit au travail. Et dès le troisième 
jour j'étais admis au grand lever de Taï. Il fut impQsà«t, Les sta- 
tues frustres, les momies conservées. lui formaient une cour et 
les torches mouvantes donnaient un semblant de vie à tout ce 
peuple quatre fois millénaire. 

(( Mais ces impressions très vives, très suggestives, n'étaient 
pas pour moi seul. Un Père Blano, amené par son apostolat 
proche du campement, les partageait Hôte passager des ingé- 
nieurs, il avait plu dès Tabord au membre de Jlnstitut car tous 
deux se touchaient par une vertu commune : humilité chez le 
moine, modestie chez le savant. Il plut aussi à mon ami. Hugo 
parvenait-il à cette crise qui fit s'épancher La Voisin, la Brindil- 
liers et amène tant d*aveux sur des bouches scellées aux tortures. 
Ou sa foi de Breton triomphait^elle. L'un et l'autre sans doute. 
Mais je ne fus pas surpris de le voir tenir avec le religieux de 
longs conciliabules et, la veille du jour où je devais assister à la 
restitution de l'anneau, de le surprendre sortant très tard de la 
façon de cellule, formée parle Père avec des couvertures tendues 
entre deux fûts découronnés. Discrètement je me détournai, non 
sans noter, toutefois, son front éclairci, son œil humide, son 
attitude raffermie. 

« Dès Taube les leviers firent leur œuvre. Maniés, avec respect 
les tissus s'écartèrent révélant Taï, parmi les bibelots de sa 
royale corbeille, endormie sur sa couche de marbre rose. Depuis 
trois ans la reine avait bien vieilli! Ses traits s'étaient fondus, 
sa peau tannée, ses cheveux appauvris. Cependant je saisis en- 
core les lignes busquées du profil, la cout)e de Tœil, le renfle- 
ment des pommettes, des lèvres; surtout ce sourire étrange, vo- 
luptueux et dur qui courait sur les dents intactes et cruelles. 

« A la surprise des initiés Tanneau, 91 adhérent au doigt de 
l'ingénieur, qu'il eût fallu scier l'un ou l'autre pour les disjoindre 
la veille, glissa sans peine. Mais, comme Hugo voulait le remettre 
à la main encore souple de Taï, les phalanges crispées résis* 
tèrent et, ne pouvant les séparer, mon ami posa l'opale sur la 
poitrine cuirassée d'escarboucles, juste à l'endroit oh un trou 
noir perçait la chair ambrée, bourrée d'aromates. 

— « Enfin! » s'exclama-til avec un éclat de joie, répercuté 
en écho railleur par les voûtes profondes. Vivement il se retourna. 



K^-P)rt;p^ ■?mwp',-'L'.^-.;_-^i''V".' 



208 REVUE DR BRETAGNE 

Dans ce geste brusque son épaule heurta le soutènement d'une 
Assure oienaçante et une corniche aiguë, subitement entraînée, 
s'abattit, frappant te jeune ingénieur au front. Il tomba. De la 
tempe un mince filet rouge, aussitôt bu par Tépaisse poussière, 
coulait doucement. Sa rigidité était complète. Surle dos, les yeux 
ouverts, les bras étendus, il était effrayant de beauté, de vie bru- 
talement figée» suspendue. Nous écartant, la religieuse s'age- 
nouilla. Aucun souffle n'errait sur les lèvres, aucun battement 
ne soulevait la poitrine. Longuement IcPère insuffla de l'air, 
ausculta, puis, se relevant : 

— a C'est fini », dit-il. Et à la fois, avec ce mépris pour le 
corps, instrument de chute, et ce res pect pour l'enveloppe purifiée 
qui attend l'âme, qu'ont les saints, il couvrit notre ami du même 
fin linceul blanc qui pendait, intact encore, hors du sarcophage. 

— « Bénissons Dieu », ajouta-t-il. « Il a permis que l'être dia- 
bolique et homicide acharné à la perdition d'une de ses créa- 
tures, livrée en son pouvoir par une imagination, un désir sans 
freins, n'ait rien pu contre l'âme libérée par le repentir, mais 
seulement contre la chair victime expiatoire qui attendra, dans 
les déchéances chrétiennes du tombeau, l'heure prédite, et glo- 
rieuse, de sa propre résurrection ». 

« Profondément ému, tête découverte, rangés autour de notre 
camarade, plus d'un, à l'exemple du vieux savant, pleurait. Tout 
à coup un souffle violent s'engouffra dans les couloirs, courut 
sous les voûtes, souffleta la face des statues, flt osciller les mo- 
mies, vaciller les torches, entrechoqua les débris ; puis, s'abattant 
sur le sarcophage, il emplit la cella d'un vol de cendres à l'acre 
parfum d'aromates, tandis que les Sphinx ironiques semblaient 
sourire... 

a D'un gedte machinal je soulevai le chef d'Hugo pour essuyer 
son visage obscurci et, jetant les yeux sur la cuve de marbre rose, 
à ma grande surprise, je U vis vide, absolument. La momie 
bourrée d'essences, les bijoux, les tissus, tout s'était dissolve en 
poussière et, son œuvre de mort accomplie, Taï, Tinferoale, avait 
rendu à l'air les éléments dangereux de son être maudit, conden- 
sés, pour suivre encore, en mortels simouns, en riants mirages, 
perfides aux longues caravanes. 

C**"* DB Pesquidoux. 



/ 



NOTICES ET COWTES-RENDUS 



SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES BRETONS 
ET DE L'HISTOIRE DE BRETAGNE 



SéAnce du 4 septembre 1907. 
Présidence dç M. le V** DE CAL AN, Président- 



A l'occasion du Congrès de T Association Bretonne à Lamballe 
la Société des Bibliophiles Bretons a tenu une séance dans la 
grande salle de la mairie de Lamballe le mercredi 4 septembre, à 
10 heures du matin. 

Présents ; MM. de Calan, président, M^* de lEstourbeilion, 
vice-président, du Cleuziou, Joùon des Longrais, C^* de Paljs, 
C'^ de Laigue, O* Lanjuinais, Plihon, Oheix. Un certain nombre 
de personnes étrangères à la Société assistent également à la 
séance. 

•' ADMISSION 

Est reçu membre de la Société : 

M. Gaston de la Vieuxville, à Saint- Cas t(Côtes-du-Nord), pré- 
senté par MM. de Calan et de Paljs, 

ETAT DES PUBLICATIONS 

M. le V^ de Calan, après avoir donné un aperçu sur l'origine 
et le but de la Société, fait connaître l'état de ses publications 

La Correspondance des Intendants de R reing ne jpuhViée par M. Le- 
taconnoux, n'a pu encore être distribuée par suite de divers contre- 
temps, mais rimpression en est terminée, sauf les tables. Ce vo* 
lume sera donc très prochainement dlstribi^é. 



210 REVUE DE BRETAGNE 

Dans le prochain exercice on donnera: le tome I de Vilhloire 
inédite des Bretons par Pierre Le Baud, éditée par M. de Calan, 
L'impression est conduite jusqu'à la page 96 et le volume sera 
distribué en octobre : une feuille est mise sous les jeux des 
membres présents; le second ouvrage donné pendant lo même 
exercice sera le Recueil de documents inédits sur les Etais de Bre^ 
lagne du XVI'' siècle, publié également par M. de Calao. 

L'exercice 4908 comprendra le tome II de Le Baud et les Pro- 
cès-verbaux des Etais de la Ligue, publiés par M. Jouon des 
Longrais. 

Enfin plusieurs publications sont en projet. L'une serait le 
Catalogue des actes des souverains bretons depuis Nom inoë jusqu'au 
XIP siècle ; M. Oheix, qui se chargerait de ce travail, est invité 
par M. de Calan à étudier cette question et sa mise à exécution. 
— M. leC^ de Laigue entretient la Société de l'impression de la 
version inédite du Poème sur le Combat des Trente ; le manuscrit 
de cette publication qui pourrait prendre rang parmi celles de la 
Société des Bibliophiles serait prêt dans six mois. 

M. Plihon, éditeur des Reformations et Montres, publiées par 
M, de Laigue et dont la Société a déjà distribué le tome T à ses 
membres, émet le vœu que cette publication ne soit pas trop re- 
tardée. M. de Laigue demande un crédit de quelques années. 

EXHIBITIONS : 
f 
Par M. A. Raison du Cleuziou. 

1* Des autographes du duc de Penthièvre. de César de Ven- 
dosme, de Henri IV, du Père Aimé de Lamballe, de M*"* de 
Créqui, du P. Ange de Proust. 

2** Une invitation à assister au service public pour leD^de Plélo. 

3° Un calque pris sur la rosace de la cathédrale de Chartres re- 
présentant Pierre Mauclerc (XIIP siècle). On peut presque con- 
sidérer cette reproduction comme un portrait. 

Par M. JouoN des Longrais. 

V Un imprimé gothique de deux feuillets (155 sur 105 millim.) 
ayant pour titre : Deffaicte des Flamens devant la vilue 

ET I CHASTEAU DE ChEREBOURG; CUYOANS LES PICTS ^ FL,AMIi>î& 



U 



NOTICES BT GOMPTES^RENDUS 2U 

PRENDRE BT ABORDER DEUX PETIS NAVIRES BrETONS MARCHANS, . 

Commençant : le 14» jour du moys de feburierl543 (1544, N.-S.). 
Le récit est suivi d'un rappel de la glorieuse histoire de Tancrède 
de Hauteville et d'une iûvitation à lire les Chroniques de Nor- 
mandie. L'imprimeur prend pour marque les armes pleines de 
France supportées par deux anges 

On ne peut guère douter que cet imprimeur ne soit Jean 
L'Homme de Rouen. Cet imprimeur, dont on ne connaît aucune 
autre meo-que, avait précisément en 1543 et 1544 la spécialité de 
courtes plaquettes de ce même petit format énumérées par Bru- 
net, d'après le catalogue de la fameuse vente Cailhava, dont les 
titres so^^t généralement : La dé f aide des Anglais ; La défaicte 
des Anglais Bourguignons, etc. La digression qui termine celle- 
ci peut être considérée comme une réclame en faveur de l'associa- 
tion des libraires Jean Macé de Rennes, Richard Macé de Rouen, 
Michel Angier de Caen, qui éditaient et rééditaient alors les 
Grandes Chroniques* de Normandie. Quant à Tépisode relaté 
dans cette pièce, on n'a aucune raison de révoquer en doute son 
authenticité. 

2<* Discours | véritable de | la prise du com- | te de Sois- 

SONS, avec I LA DEFFAICTE DE SES TROUP- I PES ET CEI^I^ES DE | 

Lavardin. I par Monseigneur le duc de Mercure. A Paris | che? 
Nicolas Nivelle, rue Saint-Jacques | aux deux colonnes | 
MDLXXXIX, avec privilège. 

Nouveau tirage avec la marque de Nivelle, du même discours 
édité par Nivelle et Robin Thierry, 16 p., in-8\ 

3**. La I Réduction | de la Duché de | Bretagne a l'union des 
VILLES I catholiques par Monseigneur le | Duc de Merceuj". 

Avec une lettre d'un bourgeois de la ville de Han- \ nebon en Bre- 
tagne, touchant la réduction dudit Pays 

A Paris, | chez Michel loûin. rue Saint-Jacques, | à la Souche, 
1589, avec privilège fl2 p. in-8^). 

Cette pièce n'a de valeur que comme témoignage de la joie cau- 
sée aux Ligueurs par les premiers succès de leur cause, de Ten- 
thousiasme que provoquait alors Mercoeur dont le nom seul, dit 
l'auteur, vaut une armée de cinquante mille hommes, Le style en 
est pompeux, mais les faits manquent absolument. 

Quel est ce Bourgeois d'Hennebont à prétentions littéraires qui 
signe C. T. et écrit à un notable bourgeois de Paris ï Quel est ce 
dernier qui possédait une maison à £[ennebont où habitait son 



Ifs REVUE DE BRETAGNE 

cofrespondant ? Nous n'avons pu résoudre entièrement ce petit 
problème peu important sans doute. Le signataire nous paraît 
être Jean Carré sieur de Talhouet, alloué d'Hennebont, député 
aux £tats ligueurs de 1594. 

4^ Deffaictb I DE l'armée du I PRINCE DE DoMBEs | au pajs et 
duché de Bretaigne, | par Monseigneur le duc de Merciieur. 

A Lyon | par Jehan Pillehotte, | libraire de la S aincteVnion^ | 
1500, avec privilège de Monseigneur le duc de Majenne^ (17 oc- 
tobre 1589), 14 p. in-8^ 

A la p. 3, titre de départ : Brief récit de la deftaicte, etc. ; c'est 
la réimpression de la pièce parue à la fin de 1589 chez Nivelle et 
Thierry. Tous les faits se rapportent à Tannée 1589. C'est un vé- 
ritable petit document par son exactitude et par 1 apport de 
quelques faits nouveaux, notamment sur la prise d*Auraj et 
celle de Tréguier. 

5^ Discours | de la 0effai | cte de l*ab | mée du Prince 
DE I Dombes, I avec le nom des villes, et chasteaux | prins sur 
tes Hérétiques \ en Bretagne, par Monseigneur le Duc de Mercure. 

A Lyon | par Loys Tantillon, | avec permission | 1590, {in-8" 

13 p.)- 

Cette production peut servir à démontrer combien il faut se 
défier des renseignements historiques fournis par ces petits im- 
primés rares du temps de la Ligue. L'auteur de celui-ci invente 
sans sourciller un siège, une prise de ville, une grande bataille; 
pour mettre le comble à sa scélératesse il rédige son petit canard 
les yeux sur son alpianach. Vérifiez cette première date, écrite en 
toutes lettres à la page 7, le Mercredi Saint 18" d*avril 1590, et la 
trouvant exacte vous vous demanderez si Saint-Malo n'a pas été 
pris le Jeudi Saint à deux heures après midi comme vous le dît 
ringénieux Tantillon. Or, ce qu'il y a de vrai dans le narré q ui pré- 
cède et qui suit : la prise de Châteauneuf, le séjour de Mercœur 
k Dinan pendant les fêtes de Pâques,serapporteàl689. En 1590, à 
la date indiquée, il était à Nantes, et loin de mettre une garnison 
à Saint-Malo il venait d'apprendre que les habitants en prenant 
le château se promettaient de le garder eux-mêmes. On pourrait 
pardonner à un éditeur Lyonnais d'appeler Pontivy : Pontigny 
et Saint- Armel des Boscaux près Rennes : Saint-Amoud des 
Boisseaux, s'il ne nous en imposait pas vraiment par trop ai^ec 
sa terrible bataille du 8 mai 1590 aux Trois Maries (Corps-Nuds) 
près Saint- Armel. Mercœur et Saint-Laurent, accourus daredare 



4^ 



NOTICKS ET COMPTfiS-HKKDUS 2lâ 

de Pontivys vinrent tuer au Prince de Dombes plus de 800 
hommes et 25 gentilshommes. Tout cela se réduit sans doute 
à un tout petit engagement à Saint- Armel mentionné par Pichart 
sous le 24 avril 1590, où Mercœur n'assistait pas- 

L'étude de cette pièce nous ayant bien fait voir de quoi ce Tan- 
tîUon était capable ; c'est le moment de démontrer le néant his- 
torique d'un autre produit de ses presses : VAdvU de la. de/fAÎcle 
des Angiois ei Autres hérétiques venus en BreÎRgne poar le roy de 
Navarre près Ckasleaahourg par Momeignear de Mercure {le 5 oc- 
tobre 1591). 

En rencontrant Texeroplaire unique de cette plaquette conservé 
à la Bibliothèque Nationale (Lb^" 375 Supplément), un historien 
breton a cru faire une découverte rare et s'est empressé en 1893 
d'en donner une réédition intégrale. Il ne lui eût sans doute pas 
fait cet honneur, avec son sens critique si remarquable, s'il eût 
suivi de plus près les guerres de la Ligue, car il eût constaté fa- 
cilement que YAdvis était une œuvre d'imagination, et la grande 
bataille de Chàteaubourg apocryphe, ainsi que dès 1857» M. Gré- 
goire, un des plus sérieux historiens de la Ligue en Bretagne, 
Tavait pressenti. 

Qu il y ait eu du côté de Chàteaubourg une rencontre de 
quelque petit corps Anglais détaché des troupes de Norris, alors 
campé dans le Maine, après la prise de Chatillon en Vendelais 
par les royalistes (août 1591), pour se refaire ou plutôt pour assis- 
ter à la destruction de ses forces par la maladie ; que les Ligueurs 
aient dispersé ce détachement, c*est très possible quoique aucun 
autre document ne mentionne ce fait. En tout cas, un incident de 
peu d'importance, où le nom de Chàteaubourg aurait été prononcé, 
a servi au correspondant de Tanti lion pour bâtir un récit absolu- 
ment mensonger. 

Qu*on juge de ses assertions : il nous montre d'abord Mercœur 
privé de la majeure partie de ses forces pour les avoir envoyées 
au duc de Mayenne au siège de Paris ou en Lorraine ; cê qu'on 
sait pertinemment qu'il ne fit jamais. Malgré la faiblesse de son 
armée, il n'hésite pas à s'en aller lui-même au devant des royaux 
et des anglais sortis de Vitré et campés à Saint- Jean-sur-Vilaine 
près Chàteaubourg, et supérieurs en nombre. Il était accompagné 
de son frère le marquis de Chaussin et de d'Aradon, Or, à ce 
moment, Mercœur était certainement à Nantes, Chaussin à Ce- 
sembre où il attendait le bon plaisir des Malouins pour passer en 



214 REVUE DE BRETAGNE 

^ortoandiè, d*Aradon à Hennebont (1). Ce dernier qui note si mi- 
nutieusement ses déplacements ne connaît pas plus une aifaire 
aussi importante pour son parti que Montmartin ou Pichart de 
Rennes. Même silence probant dans le bon récit des événements 
composé par Pierre Biré, Tapologiste de Mercœur, dès 1593, et in- 
séré aux Alliances généalogiques de la maison de Lorraine. 

Ces trois personnages, Mercœur, Chaussin, et d*Aradon, d'a- 
près Tantillon, arrivés en présence de Tetinemi, n'en tiennent pas 
moins conseil de guerre sur l'opportunité de l'attaque d'un ad- 
versaire muni de forces supérieures. Ici une véritable joute ora- 
toire en style indirect vient nous montrer les connaissances clas- 
siques de l'auteur. Une antithèse ingénieuse rend plus piquants 
ces discours: C'est Chaussin prince de grande expectative jqu 
plaide pour Tattaque ; c'est l'impétueux d' Aradon qui veut la 
retraite. Mercœur se range à l'avis de Chaussin. On court à Ten- 
nemi. L'habile Lorrain par une fuite simulée l'attire dans une 
embuscade et, au prix de trois cents des siens, obtient une vic- 
toire complète, plus de 1200 hommes restent sur la place, la plu- 
part des autres sont massacrés par les paysans, sauf 60 prison- 
niers que l'on envoie à Nantes, un nombre infime s'enfuit à Vitré* 
Si Ton pouvait penser qu'un tel anéantissement d'une armée ait 
échappé aux annalistes, qu'on se reporte aux pertes subies dans 
les grandes batailles de la Ligue, celle de Craon en 1592, par 
exemple, et aux effectifs minuscules des plus grandes armées que 
Ton vit alors sur le sol breton. 

Tout cela est signé et daté avec une grande précision. Un cer- 
tain de Saint-Maixent qui, de Nantes, aurait rejoint le corps de 
d^Aradon avec 600 hommes, envoie cette relation à Tantillon du 
camp de Châteaubourg, le lendemain même de la grande victoire. 
On ne retrouve ce Saint-Maixent dans aucune des énumérations 
connues des capitaines de Mercœur. Il donne une liste de roya- 
listes qui y laissèrent la vie ; elle ne comprend que cinq noms ; le 
jeune d'Avaugour, huguenot, qui est inconnu comme le sieur de La 
Fons ; le jeune La Hunaudayene peut être le fils alors âgé de sept 
ans du Lieutenant-Général, niTournemine de Camsillon qui n'é- 
tait plus jeune et mourut en 1597 ; le capitaine La Planche, il y a 
bien un capitaine royaliste portant ce nom de guerre, mais il vi- 

(1) Mercooar& Nantes, Cf. Travers, III, p. 61. — Pour Chaussin V. Mémoires de 
Protêt de la Landelle, p. 435, sous le 16 octobre 1S91. — D* Aradon, ap. D. Taillan«* 
dier II, CCLXXI. 



^- tp.'Jt.-^-CV ip;; 



NOTICES ET COMPTES-RENDUS 215 

f 

vait encore en 15^ ; quant au dernier, le sieur de Rosimont^ 
lieutenant du gouverneur de Vitré, nul jusqu'ici n'en a entendu 
parler. 

Nous avons rencontré cependant au ccJurs de cette pièce le 
nom d*un personnage réel, celui du commandeur Moreau, qui 
n*est autre que Frey Juan Moreo, délégué du roi d'Espagne près 
de Mercœur qui résida plusieurs années à Nantes. Comme il 
né peut guère avoir été connu que d'un habitant de Nantes, 
c'est, nous semble-t-il , un indice de l'origine nantaise de 
cette pièce qu*il faut décidément rejeter comme document his- 
torique. 

6^ Discours véritable de | la défaite de | l'armée des Princes 
de Conty, | et de Ûombes | le 23 de May | 1592. 

Par Monseigneur le Dnc de Mercùeur devant là ville de Craon, en 
Anjou 

Avec la coppie d'une lettre de | Madame de Laverdih escrite à 
Monsieur son mary, | et un autre des Maire et Esche- | vins de 
la ville du Mans | audit sieur. 

A Lyon, | par Jean Pillehotte» | libraire de la saincte Vnion» 
1592, avec privilège. 

Nous signalerons cet exemplaire parce qu'il est un nouveau 
tirage de celui de la Bibliothèque nationale imprimé à Paris par 
G. Bichon et Robin Thierry (Lb=** 41 6j, et qu'il contient de plus 
les d^ux lettres intéressantes adressées è Lavardin après la ba-^ 
taille deCraon. 

7* MiROVER I CATHOLIQUE | REPRESENTANT LES MOYENS | pOUT 

retenir le peuple de la \ Bretagne au Saint- Party de l'Union ; 
etluy I faire détester l'impiété des | Politiques,., 
avec une belle probation, etc. 

MDLXXX. Sans nom d'imprimeur, in-4°, 165 m. sur 
100, 211 p. Cet ouvrage dont on ne connaît pas jusqu'ici d'autre 
exemplaire est purement dogmatique, ce qui en diminue l'intérêt, 
n n'en est question nulle part, croyons-nous. Il provient de la 
bibliothèque si remarquable de M- Lesbaupin, de Rennes, vendue 
en 1883. Lors de la vente on Tattribua à l'Evêque de Saint-Brieuc, 
Langelier, auteur de VEscripl d^ l'Evesque de Saint-Brieuc, Dinan^ 
Aubinière, 1593. 11 est en effet comme VEscripi dirigé contre les 
politiques. Mais c'est le thème le plus ordinaire des polémistes 
ligueurs. Nous proposerions volontiers le théologal de Vannes, 
F.Marcellin Cornet,que nous avons antérieurement fait connaître 




216 HSVUE U£ D^KTAGNE 

pour l'auteur du Discours spologéiiqae de5 Ma]ouitlâ(i), et dont 
des publications récentes démontrent de plus en plus le rôle im- 
portant. L'impression alors serait de Jean Bourrelier,de Vannes, 

Nous ne voulons pas abuser de votre amabilité en prolon- 
geant ces exhibitions. Nous les terminerons en vous présentant 
une de ces raretés de valeur réelle par leur contenu^ qu'un Bi- 
bliophile breton voit toujours avec plaisir : 

Les observations de d[ verses choses, de Régna ult Dorléans» 
imprimées à Vannes, chez Bourrelier en 1597, 

Nous vous soumettrons encore un portrait daté de 1555, dû à 
Texcellent graveur G. Mantouan, de François Douaren Je fameux 
jurisconsulte né à Moncontour en 1509. Nous rappel erons à ce 
propos, que son frère Louis Douaren^né sans doute dans la même 
ville, fut un des compagnons de Jacques Cartier. 

Enfin voici une plaquette, non signalée, absolument rare. C'est 
une cantate formant 4 pages in^'^îimprimée à Rennes, chez Julien 
Vatar, imprimeur des Etats» en 1746, en l'honneur du duc de Pen- 
thièvre et de la duchesse Marie de Modène qu'il venait d'épouser 
peu de temps avant de venir pour la première fois présider les 
Etats de Bretagne, —Et un autographe du même prince. 

Far M* Anuré Oheix i 

1* Office de la Sainte Vierge, nctanuscrit latin du XV"" siècle « 
120 X 86™"', 71 ff, de parchemin. Sur le premier feuillet enlumi- 
nure fort endommagée. 

Ce manuscrit, ainsi qu'il ressort des noms des saints invoqués 
dans les litanies(#ârn£ GuiUaume, saint Yves) a été fait pour T usage 
du diocèse de Saiut-Brieuc, et peut-être plus spécialement pour 
un paroissien de Quintin, lieu d'où il provient d'ailleurs. 

2"* Combat de Saint-Cast, gravure de N. Ozanne, 

M"' la vicomtesse de la Ruharaye, dont le bisaïeul. Gui André 
Bernard de' Cour vil le, commandait au combat de Saint- Cast, si- 
gnale le cuivre d'une gravure différente aujourd'hui en la posses- 
sion de M, Etienne Bernard de Courville. 

*6°Extrëîldu Procès-verbal de t' Assemblée électortiie du département 
des CiUes- du -Nord Jeune en ta ville de I^mballe le i f novembre {792 
et Jours suivants^ aox fins de la loi du i 9 octobre précèdent . pour ie 

(1) Dtsaovrs Apolùgéiiqtie, tbBO, &vfo une notîoti «ur l'auttiur, HeDD«3, L« 
Roy, îSS3. 



NOTICES ET i^OMPTES-RENDUS 217 

renouvellement des administrateurs et des membres du tribunal cri- 
minel du département. A Saint-Brieuc, chez J.-M. B^auchemin, 
imprimeur du département des Côtes-du-Nord. In-12, 24 pp. sans 
titre. 

4^ Délibération de la Ville et Communauté de Moncontour du 29 no- 
vembre 088. A Saint-Brieuc, De rimprimerie de L. J. Prud'- 
homme, Imprimeur du Roi et de la Ville. M.DCC.LXXXVIII. 
Petit in-4**, 8 pp. y compris le titre. 

5° Arrêtés des Communes de Moncontour, et Protestations contre les 
Délibérations de la Communauté de la m^me ville.' S. 1. n. d. Petit 
in-S**, 44 pages sans titre. 

&" Délibérations des Communes et du Comité permanent de la ville 
de Moncontour. A S. Brieuc, chez L.-J. Prud'homme. Impri- 
meur-Libraire place du Martrai. In-12, i6pp.y compris le titre. 

7** Adresse aux François par la Société des Amis de la Cons- 
titution de Moncontour. A Rennes, chez R. Vatar, fils, impri- 
meur de la Correspondance de Rennes à l'assemblée nationale, 
rue de l'Hermine, n° 791, au premier étage. M.DCC. XCI. — - 
In-12, 26 pp. y compris le titre. 

Par M. J . Plihon : 

Devoirs et fonctions des aumosniers des Evesques. Divisez en deux 
parties : oii l'on trouvera toutes les cérémonies épiscopales tant ordi- 
naires qu' extraordinaires avec la pratique qui est la plus en usage ; 
et les psaumes et prières sans renvoy^ dont on te sert dans ces céré- 
monies, et aux saluts qui se font durant Vannée. Par M. Allain^ 
chanoine de .Saint- Brie u. Paris, Belaulne, 1701, in-d2 de J82 et 
231 pages, sans compter les liminaires. 

• Réimprimé, ou plutôt reparu, en 1703, avec un nouveau titre : 
Abrégé du pontifical roniain et du cérémonial des Evesques, où Von 
trouvera,., (le reste comme ci-dessus). M. Plihon exhibe égale- 
ment un exemplaire de cette réimpression. 

L'ouvrage est dédié à M»'' de Cotëlogon, qui fut évêque de 
Saint-Brieuc de 1684 à 1705. Le but de l'auteur est « de donner 
au public la véritable manière de bien faire les cérémonies épis- 
copales », cérémonies dont ious les détails devaient être réglés 
et préparés par l'aumônier principal de l'évêque. Il contient une 
description minutieuse, exacte et curieuse de cette partie impor- 
tante de la liturgie. 

Guillaume Allain, sieur de Beaulieu, d'abord aumônier de 

Octobiw f907 /.» 



t)| R|SVUK DE BRETAGNE 

Mr de Prqrpentièr^3, évêque c('4^^^^ P^î^ chanoj^e 4e Saiï|t- 
Brj^i4Cj ^rchjdi^crç de Goêllp, recteur fie Plérin, prieur de Sqjp^: 
^arthélemi de Lan^b^Ile. chapelain d^ plusieurs chapellerie^, 
officiai et juge ordinaire du diocèse en 1709, etc*, a composé un 
Terçier (te VEvéçkè d^ Sfiint-^rifuc, dpnt il y a de ^ombreux ex- 
treijts aux deux premiers volumes des Anci&ns êvéchês de ^f€- 
t^gnp (et vpyez Jplljyet, le^ C^tes-du-I)/ord, J^ p. 15 à 2Ï}). 

M. l'abbé Fa vé communique la pièce suivante qu'il a rencoïitrée 
daT]s les archives du Finistère et qui offre de Tintérêt pour l'his- 
tûire de riraprimerie en Bretagne. 

1.4 RÉPUBLIQUE OU LA MORT- 

LAlSTïERNEAUt LE 6 THERMmon, AN 2* DE LA RÉPUBLIQUE. LeS 
COMMISSAIBKS-ADMINISTRATÇURS DU DEPARTEMENT DU FiNJStÈRE 

AUX Citoyens coi^nitssAtB&s dk l'aqencb de l'entvôî des lois- 
» Citoyens, 

Nous avons reçu votre lettre du ^^ mesçjfiQr cppteqapt les Ré- 
ponses satisfaisantes que vous donnez aux questions que nous 
vous avons faites par notre missive du 11 du même mois. Mais 
nous y avons vu avec suprise une erreur que nou^ nous em- 
pressons de relever. 

On s'est tronipé, citoyens, lorsqu'on vous a dit q^e les carac- 
tères typographiques généralement en usage daqs la République 
ne ^pnt pas connus dan^ les cjépartements ou se parlent la langue 
celtique» I^îpus vous assurons au contraire que les caractères 
français sont tes seuls connus, et que !a connaissance de^ ca- 
ractères gothiques, allemands ou autres, est une espèce d éru- 
dition qui se rencontre très rarement désormais dans tous |es 
cantons où la langue d^te Bretonne ou celtique est en us^ge. 

A coup sûr, les administrateurs qui ont pu vous induire en 
erreur se sont mal expliqués et opt ypulu dire, s^ns doute, toute 
autre chose, par exemple que les caractères it^fiques ue sont pas 
très familiers à nos concitoyens, ce qui est vrai, 

La séance est levée à 11 heures. 

Le jccr ^ Uirepa^f int èr iip. , 
4.NDR^ QwsfX. 



COMMENTAIRE ÉTYMOLOGIQUE 



pm 



« Notices sua les Rues, Ruelles, Cours, Impasses, Quais^ 
Ponts, Boulevards, Places et Promejtades de la Ville 
DE Nantes, par Edouard PIEp ; Nantes Imprimei^ie A. 
puGAs ET 0^ 1906, I volume ia-Çt* de ¥111^2 pages! « 



Fouiller les archives^ scruter lea histoires locales, écrire des lettres et taîre 
de» visites aux c-oncitoyens âusceptiblea d* élucider un point douteui, puis, 
sans crainte des mésaventures de plus d'un f^enre, expiorer le» ruelles mal 
famées, les passages sinistres; les cours sordides, les culs-de-sac rébarbatifs 
d'une ville étendue et populeuse, cnPn, dresser, contrôler et mettre en ordre 
des centaines de ficbes, telle fut, durant de longs mois, la vie ardue et te^ 
nace de M. Pied, qui vient de Caire cadeau aux l^antaîs d'un mervciUeui: re- 
gistre de naissances et de baptêmes des votes publiques de leur clière cité- 

i'aî parlé de mésavcnturcfi ; mon vénéré et sympathique collègue affirme 
n'en avoir jamais été victime ; par contre, il s'est parfois diverti au cours de 
ses pérégrinations, témoin cette anecdote amusante. 

Une rue lui était signalée en un quartier perdu. Avec méthode et sagacité 

il gajine ce territoire sauvage et interroge le» hahilants ; ceuï-ci jurent leurs 

grands dîeui que cette rue n'existe pas ; M. Pied va se retirer bredouille 

^ quand son regard investigateur découvre sur une maison le nom cherché, et 

il éprouve la joie maligne de montrer celte inscription aui indigènes ébahis. 

L'ouvrage dont je parle comporte deux éléments connbinés : Thistoire de 
chaque rue ; son étymologie. 

Sur le premier point je m'enfermerai dans un silence admiratif et pru- 
dent. Bur Fautre. je crois utile de fournir un certain nombre de renseigne- 
ments complémentaires et quelques menues rectifications. L'auteur, j*en suis 
sur, pe le pardonnera, puisque, avec sa simplicité coutumiere, \\ le solli- 
cite â la fin de son avant-propos. 



_fcBt... 



220 REVUE DE BRETAGNE 



Omettant à dessein un assez grand nombre de ruelles ou de cours dont 
rétymologie, à supposer qu'on puisse la trouver, offrirait un faible intérêt, 
Je parlerai d*abord des noms au sujet desquels M. Pied garde un mutisme 
complet et je les répartirai en trois catégories : ceux pour lesquels je ne me 
sens en mesure d'offrir aucune explication ; ceux dont Torigine pourrait ae 
rattacber à un élément plus ou moins éloigné ; ceux enfin en faveur des- 
quels je m'estime en droit de présenter un parrainage probable. 

La première catégorie comprend : chemin des Ghapellières ; rue de la 
Chapellerie ; cale Gordoue ; rue des Herses ; rue de l'Industrie ; rue Mondé- 
sir ; place de la Paix ; rue de Pilleux ; rue du Pipay ; rue de la Piperie ; rue 
de Plaisance ; rue de la Ripossière ; île Sainte- Anne ; passage Saint- Ântoine- 
de-Padoue; rue du Mont-Saint- Bernard ; rue Sainte-Elisabeth (i) ; chemin 
des Trois-Ormeaux ; rue Saint- Joseph ; rue Sainte-Marthe ; passage et rue 
Saint-Tves ; rue, quai, passerelle, île de Versailles et impasse et rue Ouche 
de Versailles (dans le quartier de Barbin) ; cour de Versailles (quai Gassard). 

Je range dans la seconde catégorie : rue d'AUonville : d'après d'Arbois de 
Jubainville Alon serait identique à Aelon, Ailon, Alanus et dérivé d*Aêl (en 
gallois : sourcil.) Allonville viendrait donc de : AUxni Villa. Mais de quel Alain 
serait-il cas ? — rue des Arts : sur la couverture de VAlmanach Nantais 
pour Vannée 1839^ je lis que les voitures publiques pour Redon partent de 
l'hôtel des Arts ; et dans les Etrennes Nantaises de i8UU (page 207) on dit 
que les voitures pour Redon sont à la Poste aux Chevaux rue des Arts ; — 
prairie du Balagué : il y a une localité s'appelant Le Balagué dans le Gers 
et un moulin du même nom dans les Basses- Pyrénées ; — prairie de Blesse ; 
rue Grande- Biesse, rue Petite-Biesse : on trouve dix endroits de ce nom 
dans divers départements ; dans le vieux français hiez signifie règle, mesure ; 
il désigne aussi un canal qui renferme et conduit des eaux dans quelque 
élévation pour les Caire tomber sur fei roue d'un moulin ; — rue Courtine : 
la courtine est la partie du rempart située entre deux bastions, ce mot 
vient de cortina, petite cour de paysan entourée de murs ; courtiner, en 
vieux français, signifie entourer ; Kerviler cite plusieurs Courtin, mais au- 
cun du pays nantais ; — rue Didienne : Didia était le nom d'une famille ro- 
maine ; — rue Dos d'âne : dos d'âne est un corps à deux surfaces inclinées 
Tune vers l'autre qui aboutissent en pointe ; en jardinage c'est une couche 
ou planche élevée en forme presque ronde pour l'écoulement des eaux ; 
on peut citer Doda, sœur de Lambert comte de Nantes, qui fut abbesse de 
Saint-Clément au 1X« siècle ; — rue Dubois : Kerviler cite plusieurs Du- 

(1) Je regretU) beaucoup que Ton ait débaptisé récemment la place Sainte- 
l^lisabeth; cette suppression est d^autant plus blâmable que la maison occupée 
par les Dames de Saiate-Elisabeth existe encore ; elle est habitée par M. Peignon, 
costumier. 



^XK'fnT^l 



NOTICES ET COMPTES-RENDUS 221 

bois du pays nantais aux XV«, XVI® et XVIII» siècles ; — ruelle Dumée : 
Kerviler cîte un Dumée (ou Dume) sieur de Ghapifeu, à Fougères 
(XVIIe siècle) et un marin à Basse-Indre ; — rue de l'Ëchappée : dans le 
vieux français échappée voulait dire escapade ; il désignait aussi Tespace 
ménagé sous un escalier pour placer la descente d'une cave ; — rue 
de Flandre : ce peut être une allusion au «commerce fait avec le 
pays flamand ; ce peut être aussi un hommage rendu à Jeanne de Flandre, 
rhéroïne du siège d'Hennebont ; — rue de la Rangrège (citée à la rue 
de Flandre) : en vieux français rengréger signifie augmenter le mal et 
s'emploie aussi au sens moral : Telle colère se rengrège lorsqu'on pense ra- 
doucir : — impasse Gaudine : Jean Gaudine, sieur de Sandric, origi- 
naire de Rennes, se marie à Gorps-Nuds en 1609 ; Kerviler cite beaucoup 
d'anciens Gaudin au pays nantais; en vieux français gaudine signifie forêt'; 
plusieurs localités du nom de Gaudine dans divers départements ; — rue 
de Gorges : Kerviler dit que c'est un nom additionnel porté par les Dorson 
et que Dorson est une famil|e de Haute -Bretagne qui s'est appelée Dorson 
de la Choltière (la Gholtiére est située à quelques lieues de Nantes).; — ruelle 
des Margains ; on trouve Les Margains dans la Charente- Inférieure et dans 
l'Isère ; — rue Misery : on rencontre Misery dans la Somme, en Seine-et- 
Oise et dans l'Yonne ; — ruelle de Moquechien : il y a des localités du nom 
de Moque-Dieu, Moque-Rat, Moque-Soucis ; — place Neptune : au vieux 
blason de la cité nantaise, si gracieux et si chrétien avec sa belle devise : 
Oculi omnium in le sperant Domina, on substitua un vilain blason avec la 
devise inepte : Favet Neptunas eanii ; en outre la statue en marbre blanc 
qui domine la fontaine de la place Royale symbolise la ville de Nantes te- 
nant dans les mains le trident du dieu de la mer ; — chemin de TOuchette : 
en vieux français une ouche est une terre labourable close de fossés ou de 
haies ou un jardin fermé de haies et planté d'arbres fruitiers sous lesquels 
on sème quelquefois des légumes ou du chanvre ; — rue de la Poignée : 
en vieux français poignée signifie bataMle ; — rue dU Port-Cassard : Kerviler 
cite des Cassard au pays nantais depuis le XV» siècle ; — ruelle du Pré- 
Saulzaie : en vieux français le terme saulzaie ou saussaye signifie un lieu 
planté de saules; — rue Haute-Roche ; la situation de cette rue au sommet 
de deux pentes assez raides laisse supposer qu'elle fut ouverte à travers 
un coteau rocheux ; — rue des Vignes : Kerviler cite Jean Des vignes gref- 
fier des prisons de Nantes en i635 ; dans la Description de la ville de Nantes 
ou Nantes au XVIII* siècle^ par Greslan, Hubelot et D***, on trouve la rue 
du Quartier des- Vignes; -^rue de la Ville-en-Bois : d'autres parties de Nantes 
portent les noms pittoresques de Ville-en-Pierre et Ville-en- Paille ; ce sont 
des souvenirs, sans doute, du mode de construction des premières habita- 
tions de ces quartiers; — enfin les rues du Petit- Bacchus, des Trois-Barils, 
du Vert- Bâton et le chemin des Trois-Rois doivent peut-être leur baptême 
à d'anciennes hôtelleries. 



J'âitive à la troisième catégorie. Place, qtiai et rué dd Boiillay : Iti. l'abbé 
Sëblllëàu a donné aii Pays d'Arvàr (octobre, novenibre et décèsriibre 1^66) 
dhè bdtiiéditè et rëtiiar()aablë dissërtdiibh iiir i'ôH^inè de Ce nbiii bizarre. En 
fbici là côdblustbti ; leit beffrois; oh tours mobiles d'attardé, tidtés t)our les 
tiéges foireiit coddas ÛàAi rahilqdité ; plds tkrd ce fdreht ddssi dé^ totirs de 
dëfeb^ od riièdië Mhipléméht d'bbsëfvatiod ; léâ Latins appelaient ce inonu- 
ibënt l^èrtëfrèâûk ; les Soldais dé Césdi* apiiôl'tèrèdi chbsë el iioHi fed dkfale ; 
à Nantes, ad éodfldbht dé la Lotrë éi de TErdrë, siSleva, iani ddute. udë tour 
de bdii ^ub l*bb^Hâtion ; elle fui remplacée nllêriéurémëdt par dHé tour 
galld-t-bthâine, démolie ed i848, él au Xl« siècle dbus Id trôdvbHs désignée 
liar rapt)èlitttlon bèfflredam, tnautAise lecture dîs hhjjtredàih ; bliffi-eduMy ^dl 
a le mèdië lieds que belfredas (beffirdi) a entendre bùfeiùm, b^feto, bbujfiilH 
bôoffay ; ain^ le Éoaffhf de notre ville rappelle; sdiVant ràltnablë et érudit 
t^i-dfessedr dé 8&int-Slanisla^. rëxistëncë Ibihtdinë d'ud b'ej^oi ad tour d'ob- 
«Hâtibii, ^ i^dë Gdichéd : la vlelUe famille bretoddè dii Bbdêxlc; ddbblle 
étl iSt)5, tt t^l'Oduit des bradcties Imbdrtântes, enti-e autres celle de bdibhên 
â tâqdelle àt)bàrtiennént lé célèbre conité de txuibbëH, lieutèdarit géhéfél 
déÉl artnée» navales eh 1779 el chevalier du âaldt-EstiHt, i^ dedt fili, ofâ- 
ctërs dé màrîlië, tdés dkds des conibats s\ït hier (le dddi de Gdiched i étë 
dbdhé à dn âvi^io de la hlaridë inilltâii'ë), ses deux frères, ofbcieH de tei-ffe, 
son tieted, enseigne de vaisseau. fdsiUé â Qulbei-od, et dn codsih, liedteniiii 
de taiâseau ; — rdë dei Béhibrquedrs : à là pé^e ûo^ des Êtreriné^s NantaiiH été 
5844 je ti-ouve l'indication sdivâdte : UJhdàsirle et lé P^bgrlès, bateaux dits 
Remorqueurs; de Nante^ à Angers. Bdt-èttd et edibarcadëtë, Irué dë Eëiddt- 
qdedr^; ^raii-ië de Madves; — pont RodsséUdet place de Podt-Hduâsëàu : le 
premier ^nt ed bbiâ fut cohstruil ttd XT1« siècle par dn nonimé Hbdssëad ;. 
— tde tiàùte-SAdlzâië et tdë Basse-Sadlzaie : ce nbdl vient dé lii désl^dbtion 
primitive de Tile FlE^ydead que Ton appeldit grève de Ik Sàdlibie ; j*fil dit 
pldS baut lé iens en vieut Mnçâis du tttot Saulzaie ; — rdë Sbdi-dëab : Til- 
luàtre blaiSon bretonhe dé Rieni a fbrdié pldsiëdl>â bràrictiëâ au Hbdibrë 
desquelles fdt celle de Sourdéëc qdi commença à Redé de Itledt (i5S8-i698 , 
Lieutenadl Général au Gbuvërnetnent de Breta^rië et Gbuverneui' de bttài 
et ofdcier remarquable ; sd postérité l'étëignit dan^ son arHèrë pétit-fils 
Rene-Lodis, comte de Riëut; mort, ed 1713; satiii enfâdts d'Adde-Ellâabetb 
Nivelle son épouse ; — i-ue Saint-François : cë nbtti rapi)ëilë salht Flançois 
dé Piulë qdi y a tbus les droits .comme on va le voir ; en 1468, Wàn^ié 11, 
duc de Bretagne; bâtit dans les jài-dids de la conciergerie dd ëhfttéâd. à peu 
dé dISladcë dd Château Gaillard, [irès de Richëbourg, la chapelle dé àaint- 
iintoifoe-dé-Padoue et la fonda de cin(| messes par sêmaihe ; peu àprèà il 6f- 
frlt ce sanctdatrë à silnt François de Paule, instituteur des Midimes, tnais ie 
saint homihe refusa cë cadeau ; les Mibimes s'installèredt à Fiantes jilu^ de 
cent aris Apihi et là chattellë; érigée par le duc, prit le dodi de CUapëllë des 
Minimes ; la rue qui y conduit s'appela fort longtemps rue del Nlhinlëi ; de 



■"*^HpiW^i**'^ 



NOTICkà ET b'OMPTfes-RÈNDUS 228 

nos joun le Mâ8ttiàité dé saint Frahçdlk est ëBfiiitt i6\iÈ ië ^bciUlë ik OïA^ 
peHe dé rimmâclilée-Conceptioii bt la rué i été Baptisée rii'e Màlhei>i>ë ; &{)r6s 
a bataille de Saint-Àiibin, c'est âàiBt Prknçdis de ï^aule ttUt cibiëiltk le ihà- 
riâgë d'Àhtle dé BreU^tié àVec bhaHëk Vllî; detëHuë ré^ôîiké Ai Ldiitk Xtî, 
Anne tomba dangërèdSémIiHt iUatidë et; MÏ guëtie t>^ir lé idtldJilèiir des kU 
iiidies ; irdîs àëniklties aprèk li ÀôH de sàltit FràU^is, Âbné liil ^boi éà elle 
Claude qui éUit atteinte de la bèVtë ôl '()iii bteiltôk tè&ki^tà la kitiië ; ëilfaii; 
lorsque t*i-àH^oiâ de t>âuie ihBurtit (i5b8) en soii couvëHl de Plè&siï-léz- 
tours. Aiiilë dé Brëtàgrhe ëiivd^a Jëâil ttourdiciioh, son pei&tfë en tilrë 
à'btece, faite le |[ibHralt dti Saint; ce ^brtrâit filt ëliiédl^ ^tl fikpë Lëon^ 
qui prononça la cïihonisalidii ilë François ëti i5ig ; — rtlë Sâintë-JOkriê : 
kti îiiiiiëu du derUiër siècle èl dùlrkhl d'kâsez lohgUës années^ il i ëtit uii éia- 
bii^sëiiiëiii de SûbîlU dé charitë iltiçs de l^aibtë-KtkHé. 



Voici maintenant une' douzaine dé noms pour iësqùeb U. Pied propose 
tout hasard une origine quelconque. 

Rue Balen : « Serait-ce Henri van Balen, peintre hàiilkna (iSBo-iëSà)? » 
Kerviler {ISio-bibUographie krèionne) au nom Balen dit : « Nom dé fanillle 
qdi ihë paraît dërivé d'ABàVen, >i Je hié demande si Bâien ne serait pas uiie 
orthographe dëtiglii-ée dé Éàlan, car ce nom a été porté à Nantes et dàhs \ei 
eti^itons par plusieui's personnages de marqué P 

Âvéïiue dé là Béraùdiëré : « Nous avons entendu prononcer, à ptofios de 
cette appellation, le hohi dé la Béraudière, condamné pàrcontùixiàce comme 
l'un des chefs de l'insurrection de ià32 et acquitté en i^ij pkr le jiiry sié- 
^eadt â Orléans. » Kerviler a\i nom de là Béraudière dit : î* Noiiî d'uhë fa- " 
mille originaire du Poitou... dont une brahcnë était établie en Brëtagiie i là 
an dd XVl» siècle et a porté les titres de baroii bu marquis dé l'Ile Rouët, 
dé vtcomlë de Lescouet, etc. Elle s'est fondue dins la Îiotirdonnàyé-Mbnt- 
luc. Philibert-Emmanuel de la Béraudière, marié à Jeanne dé Tourne - 
inine, fut gouverneur de boricàrneau en i6a6, maréchal dé camp en i65b ; 
oh Itbuve sa t)log:raphie au Dict. des aén. fr. par Gourceiles. Trois dé là Bé- 
raudière ont ëté officiers supérieurs des armées vendéennes. >> 

Rué Bias : « Ce nom réveille- t-il le sbû venir de Tanciën sage de la Gricë, 
et pourquoi l'a-t-on choisi P Nous ne nous chargeons pas d'y rëpondre » 
Moi, ndh jpiîiis. 

Rue de Blois : « Il faudra* trouver l'explication de ce hbiii. Ne seralt-bii 
pks autorisé à penser qu'il fiit destiné à conserver le soiiveilif dé là famille dé 
Blois 1 1) Kerviler dît au nom Blois : « Nom d'une famille originaire de Pi- 
cardie, maintenue de noblesse en Champagne en i668... Une bfànclié, por- 
tant le titre de sieur de la Calande, s'établit en feretagnë au commëiicemënt 
du XVill» siècle par le mariage d'un ofÂcier dé mariné, conipagnbn dé Du- 



:i\ REVUE DE BRETAGNE 

guay-Trouin, Timotbée de Bloîs, mort en 17 19 des suites de ses blessures. 
Cette famille a produit de nos jours en Bretagne une brillante pléiade dJof- 
fiders et d'écrivains. » Ne pourrait-on aussi attribuer le parrainage de cette 
voie au«célèbre duc de Bretagne. Charles de Blois, que nous sommes heureux 
de saluer^ depuis^uelques années, du titre de Bienheureax ? 

Rue du Bois-Tortu : « Elle était sinueuse comme le bois de la vigne, et 
de là lui serait venu son nom ». Si non e vero... 

Rue du Bourgneuf : « Son nom veut peut-être marquer l'opposition d'ua 
bourg neuf à un bourg vieux sur lequel la voie aurait été établie ? » Sur 
la puissante famille bretonne de fiour^neur, anoblie en 1490, qui a produit 
ijfde foule de grands personnages , entre autres deux évèques de Nantes, et 
sur le nom additionnelda Boarg neuf porté par de nombreuses familles de 
notre province, on trouvera des renseignements étendus dans la Bio-biblio^ 
graphie bretonne. 

Rue Columelle : « D'où ce nom, et pourquoi a-t-il survécu aux héca- 
tombes des dénominations de tues en 1818? Mystère. On cite Columelle, 
agronome distingué, au l**" siècle. » Le Dictionnaire de Trévoux (II. col. 
1017) dit : Columelle. Terme de fleuriste « Tulipe rouge-blanche. » Tout 
cela ne me satisfait guère. 

Rue Emery ou de Lemery : « A titre de simple indication, nous citerons 
Nicolas Lemery, chimiste français (16^5-1715). » Moreri {Gr. Dict. histor,, 
IV, 97), parle du cardinal Emeri, de Chalus, qui fut évêque de Chartres au 
XI V'^ siècle. Le même auteur donne de longues biographies du chimiste 
Nicolas Lemery et de son fils le médecin Louis Lemery, membre de T Aca- 
démie des Sciences. Vapereau [Dict. des lUtéraiures) parle de Michel Particelli 
sieur d*Emery homme d'Etat français, mort en i65o, et du fameux abbé 
Emery (i73a-i8ii) qui rétablit Saint-Sulpice. Les pères ne manquent pas à 
cette pauvre rue. Quel est le vrai ? 

Rue Belle-Image : « On trouve ce nom, sous forme d'enseigne, sur une 
hôtellerie à une époque déjà ancienne. » Pourrait'On voir l'origine de cette 
appellation dans la statue vénérée de Notre-Dame de Bon-Secours? 

Rue Monteil : <c Elle fut dénommée en i856, et on lui attribua le nom 
d*Adhémar de Monteil, évêque du Puy-en-Velay, dd XI« siècle. On peut 
aussi songer à Thistorienr-du même nom, qui vécut de 1769 à i85o. >» J'avoue 
que, sauf meilleur avis, je pencherais pour le célèbre auteufi de V Histoire 
des Français des divers étais. 

Rue Rose : « J.-B. Rose, docteur en théologie et savant, naquit à Guin- 
gey (Doubs) en 1714 et mourut en i8o5. » Moréri (Gr.*OicL histor., IX, 367) 
cite trois autres personnages de ce nom : Guillaume Rose, évêque de Seu- 
ils, fougueux ligueur, D. François Rose, né en Normandie, Bénédictin, 
poète à ses heures, et Salvator Rose, Napolitain, peintre estimé. Enfin n'au- 
rait-on pas créé la rue rose, à l'instar de la rue noire 'jfc 

Rue Sarrazin : u Nous pensons qu*il n'y a pas de famille bretonne de ce 



pj,>.-'4V'j^.V;--;^»-. ^ ■ ■ ■'■:^-,^-)|fc;*?.<v;'>^i,^^?H»vV-f'>.'.v#«-.*-' .^>f * i^--.-r,f«t;^;.i# -■. ^hN-^r^^^sç^ • 



NOTICES F/r COMPTl.S-UE.VDrS 225 

nom ; y aurait-il lieu de rapprocher rappelluiion de la rue du nom de Té- 
crivain du XVIl« siècle, Jean-François Sarrazin P » La supposition de 
M Pied me semble probable ; toutefois je tiens à signaler le sculpteur 
Jacques Sarrazin (mort en 1660) et le chroniqueur Jean- Pierre Sarrazin* 
chambellan de saint Louis; 



Pour trois rues je me permettrai d'élargit le débat. 

Rue du Chêne d'A.ron : « La ruelle appelée autrefois rue du Chêne, dit 
un acte officiel, fut aussi désignée sous le nom de ruelle de dessous le 
Chêne et au XVtII<> siècle on aurait ajouté le nom d'un propriétaire. Daron. 
Il y avait un gros chêne ; on nous a aussi signalé un dessin dans lequel se 
voyait ce chêne. Ces détails serviront-ils à fournir Tétymplogie du nom ? » 
Kerviier [B. B. £.) offre les renseignements ci-dessous : n Aron (Louis d') 
figure, en i5i3, aux Ane. Ré/, de Saint-Mah. Plusieurs négociants portent 
de nos jours le nom d'Aron à Vannes, à Nantes, etc. — Aaron (saint), soli- 
taire qui vivait sur le rocher d'Alethau Vi« siècle, évangélisa les bords de la 
Rance et/onda un monastère dans cette région. — Daroriy nom de famille de 
Haute- Bretagne. » La Curne de Sainte- Palaye [Dici. histor. de rancr larig, 
fr.) dit : « Daron, fief, domaine ; ce mot est souvent répété dans le même 
sens. On trouve aussi « le cbastel du daron » pour le manoir seigneurial. » 

Rue du Marchix : « On a fait dériver le nom de Marchix de marchié, 
marché, du latin mercatwn. » Je note en passant l'hypothèse que le fau- 
bourg du Marchix rappellerait Marchill, chez des Saxons, vaincu par Budic 
au V« siècle. Mais voici qui est plus sérieux ; La Curne de Sainte-Palaye 
[Dicl. kistor, de Vanc. lang. fr.) s'exprime en ces termes : « Marchiez marche, 
frontière ; Marchit^ commandant de marche, marquis ; Marchis^ bruit de 
pas » Au lecteur de se prononcer. 

Rue Casimir-Périer : « Cette voix privée a été ainsi désignée par M. Le 
Lasseur qui créa le quartier sur une partie de sa propriété de la Saulzinière. 
Les premiers habitants de cette rue, à qui revient Tidée, voulurent aussi 
fixer le souvenir de J. P. P. Casimir-Périer, né à Paris en 1847, élu Prési- 
dent de la République le 27 juin 1894, et qui démissionna le 1 5 janvier 1895. » 
La rue en question ne portant de plaques un doute est permis quant à son 
parrainage et voici pourquoi. Le baron Charles Le Lasseur, mort en i884, 
propriétaire de la terre de la Saulzinière, avait épousé, en i843, Octavie 
Périer, fille de And ré- Jean- Joseph Périer régent de la banque de France 
et député, et nièce du célèbre Casimir-Pierre Périer. banquier. Président de 
la Chambre, Président du Conseil, mort du choléra, à Paris, en i83a. J'incline 
donc à croire que M. Lasseur a voulu glorifier les illustres ascendants de sa 
femme et non Téphén^ère Président de la République qui vient d'emporter 
dans la tombe le lecrei de sa mystérieuse démission. 




S26 RKVUE DE BRETAGNE 






Pour les noms suivants je ne crois pas inutile d'ajouter Quelques éclair- 
cissements : 

Bue de la Bléterie : » Elle a pris son nom de la nature des marchands 
qui y habitaient et qui était en général des marchands de blé. » Dans les 
Elrennes Nantaises de ÎSÙU, sur a4 marchands blétiers et grainetiers, i a sont 
indiqués comme demeurant daiis cette rtie. 

Pont de la Bellc-Croil : « Il reçut ce nom, en i635, des artioies et inscrip- 
tionâ étant sur la pyramide de la Belle-Croix, aii joignant d'tine maison 
appartenant à THÔtel-Dieu. C'est eii i75ci t^u'oii détiiolit la « Belle-Croix », 
à laquelle lé pont devait son nom. » 11 est bon d'âjbuter que, au cours du 
XlX* siècle, deu:» artistiques iréverbêres en fontô ont été placée au milieu 
dés balustrades du pont, qu'ils sont ornés d*une Sainte Viërgë. et d'une 
girafi^e de raisin et que le réverbèi'e d'aval se termine en une belle croix. 

ftue de Briord: « Au ri« 9; Thôlel, dit dé Brioi-d, bâti ëti 1478 par Pierre 
Landais, servit, aux XVI« et XVIl« siècles, de logement au Gouverneur du 
Château; plus tard, en 1671, lès Pères Jésuites s'y iHslallèretlt: L'immeuble 
flit vendu en 1776, djirès leur départ. >> La belle terre de BHôrd, èh Port- 
SalHi-Fère, appartehait à l^iërre Làildais; c'éii elle qiil donhd ^oit tidm au 
logis tiantais. 

Bue des Cadeniers : a 11 y avait bne tenue de Gasie Deniers, dit utl acte 
de i63o. Est -ce là l'origine du noiii de la i-ue qiië lious atdtis voulu rap- 
procher de celui des gâste-dëriiers, c*est-à-dit>e dei portefaix ? b'aùtrès ont 
voulu y voir un dérivé dé cadètie (chaîne) et, jiar suite, dëi cadefiiers (fabri- 
cants de chalneà). Il i^ut [Parfois savoir ne pas trop préciser: » La Description 
de là ville de Nantes ou Mantes au XVIÏI^ siêtlè, ëciltë {idi- Grëslàh, Hub^lot et 
D"* en 1766, donne : rue Gaste - Deniers. Danè le Dit t. de Ti-èvoûx (IV, col. 
95) au liiot Gagne-denier on lit : Offtcier de ville qui est ct-éë polir tasser et 
mesurer le bois dans les membrures en présence des juréà. C'est àtissi en 
général un homme de peine ou crocheteur qui sert à pdi-ter deit fai^deaux 
par la ville. » L'ouvragé de J.-J.Le Cadre {Notes sur l.i Ville de Nantes ; Nantes, 
Mangin fils, i8a4, page 5o), propose cette solution : « QdàUl aui cadeniers, 
ce mot ne présente-t-il paé une altération de quatre c/enf^h^, autre ex t)ression 
des indigents qui habitent les quartiers retirés, ou plutôt ne serait-ce pas la 
désignation de quelque ancienne barrière des droiti^ de ville. Nos vieillards 
appellent, encore, bureau des Quatre-Deniers le carre Ibur dés tues de Ta- 
lensac, de Coutance et de Bel-Air. » 

Bue Cardine : •< Nous n'avons aucun renseignement Èxir l'origine de ce 
nom. 11 y a bien une famille Cardin, dont le nom ëét i-épaiidu dans toutes 
les parties de la Bretagne. » Aii nombre des Cardin signalés par Keriller 
je remarque Jean Cardin sieur des Nouhes, greffier ëri cliël' de la Chaiilbt'ë 



k 



NOTICES ET bbMPTES-RfeNDUS '^27 

dès Gbmptës en 1769. Le Dict. de Trévoux (II, col. 345 et a5o) pàHe d'une 
déesse, fille de Janus, qui présidait aux gonds des portes et que Ton nom- 
mait Cardea ou Cardinea. 

Avenue Coquebert : « C'est le nom d'une vieille famille nantaise ; nous 
ttotivohs cités en 1728 un Coquebert cbhime capitaine d'une compagnie ; 
un Benjamin Coquebert, rafflneur, rue Gassendi ; un autre, payeur, ûgure 
sut ùti des tableaux de Sâblët. » Rerviler dit : <' Coquebert, nom porté par 
de nombreux titulaires de Tévéchë de Heniiës àti XVlI« siècle et par une filil- 
Ciénné fatnilie, originaire de Champagne, établie à Nâiités en 1733 » et il 
cite, eritre autres : un ofQfciër de la milice de Naritës ëH 1728» François Co- 
quebert de Neuville, né à Nort, clerc torisuré eri 1787, Louis- Stanislas C, né 
à Nort, juge de paix à Nantes en mars i83o, un brigadier-fourrier des 
gardes d'honneur à Nâtites pour le voyage de Napoléon en 1808, Félix C, né-^ 
gociant, juge eu Tribuhal de Commercé de Nantes en 1828, Wilfried G., né 
à Nantes, médetin, puis éditeur, iirmahd C. de Neuville, deux fdis bâton- 
nier du barreau de Nantes, inort en 1898. L'Annuaire du Conseil Héraldique 
de France, de 1906, a publié une généalogie fort complète des Coquebert 
depuis le XI*" siècle. 

Rue de Coutances « : Une famille de ce nom figure dans un acte de 1689, 
et aiissi au XVÎII« siècle, dans iln acte de vente. » A la Bio, hibl. feré^ j'em- 
prunte les lignes suivantes : « Coulantes {de) », famille Originaire de l'ou- 
raine, dont une branche, établie au pays nahtais au XVIl'^ siècle, fut dé- 
clarée noble d'ancienne eitrciction par arrêt du a4 janvier 1669, et codipte 
un des i32 l^dntaii envoyés par Carrier au tribunal révolutionhali-ë de Pa- 
Hs. Yalentiii de Coutances, lieutenaiit du dUb de Moiitbazdh au t;hàtéau 
de Nantes, achète la maison noble de la Bouteillerie ëh t6i5 ; Hàrddhlh de C. 
la vend, en 1661, aux Chartreux, il est sei;^neur de la BduVat-diète eii Saint- 
Hêrblain ; Christophe de C, sieur du Vignau en Saint-Eliehhe de Mont-Luc, 
décède à la Bouvardlère en 1781, laissant pour fils Louis de C, marquis de 
là Celle, qui eut poiit- fils Amaury de C, baptisé à Saint-Herblain en 1767 
fet l'un des i32 Santals ; etc. 

Rue des Ecachoirs : « Le nofai pourrait provenir du genre d'indtislrii» 
pratiqué en cet endroit. Or, on dit comthunément écaëhet le raisin au 
lieu d'écraser, el, comme tout le quaHieb se composait de vignes, il y au- 
rait «tiiëlquë raison d'en faire provenir le riom. » Ecachfer ne s'apipliquë pas 
seulement aU raisin, ainsi qu'en téihoigrie le Dicl. de Tr'êv6Û± (lU, col. ^SS) : 
*' Èeacherh^nt, frbissure, contusion, brisure de quelque cbrjis dur, enfonce- 
ment, ou plutôt enfonçiire faite avec violence. Ecacher, presser, ajilatir, 
firoisser. écraser , oh écachè du sucre, dU sel, des mihéradx, lorsqu'orl les 
égiru^e iiu'on les réduit en ^oudl-e. » 

Avenite et rue de Luzançay : « Un comte Pierre-Antoine de Luzançay 
Officier^ sbpéHéur de matinë, fiit adjoint ail maire dans 1^ mairie Ber- 
*tWhd-Geilin ; il était rié au cHâiëâd du Faou (^fbrtlHànji eil ^766. Est-ce 



228 REVUE DE BRETAGNE 

à lui qu'il faut reporter la dénomination ? » Kerviler dit. que le nom Carre 
apjpartieni à une faniîHe de vieille noblesse originaire d'Ecosse, dont une 
branche acclimalée en Bretagne sous le nom Carre (et non Carré) de Luxan^ 
cay a été maintenue de noblesse à l'Intendance en 1708 ; et il cite, du début 
du X.VIIl'' siècle à nos jours, de nombreux personnages de marque apparte- 
nant à celte famille. 

Eue Mont-Foulon : « Cette rue a emprunté son nom à une tenue dite Mont 
FelJon. » Félon d'après le Dict de Trévoux (lU , col. i/ibo signifie vassal qui 
ne veut pas reconnaître son seigneur ou qui viole le serment de féodalité 
qu'il lui a juré ; il signifiait aussi cruel et inhumain et il s'est dit en général 
pour coupable ; on trovive dans de vieux auteurs terre félon nesse, pour terre 
stérile Feionnie vient de Je lo ou feîlo^ hm peut-être de l'allemand ye^/^n 
(rdillir.. Nicot le tire du latin /<«;/ (fiel et colère, et écrit ye//oa eijellonie,. 

Rue du Mont-Goguet : « On trouve cité le nom dans un titre de 1517. » 
Kerviler nous éclaire ainsi : « GogaH, nom de famille qup je rencontre de- 
puis Jehan Goguet, licencié ès-lois, secrétaire du connétable Arthur de Ri- 
chemont en i448et du ducen 1458. » 

Pont dç la Motte-Rouge : « Le nom actuel lui fut attribué, le a5 juin 1891, 
en souvenir du général de ce nom, qui av>iit commandé à Nantes pendant 
douze ans et qui se distingua au combat de Ma|;enta. » Les plaques portent : 
Pont G*^ de la Motte-Rouge. L* Annuaire de la Noblesse de France [1887) con- 
tient une petite généalogie de la famille de la Motte Rouge, d'ancienne che- 
valerie de Bretagne, ramage de la maison de Montafilant vicomtes de Dol 
t?L de Dinan, dont le premier auteur est Théobald de la Motte 11373); ses 
descendants ont figuré dans toutes les réformations de i4a3 à i535 et ont été 
maintenus dans leur noblesse d'ancienne extraction, en 1669. sur preuves 
de neuf générations. 

Rue Pagan : « Cette rue reçut son nom du comte Biaise-François de Pa" 
gan, ingénieur et astronome, né à Marseille en i6o4. mort en i665. » Mo - 
rrri {Gr. Dict, histor^ Vi[l<^, i'6) donne une biographie complète de Pagan, 
qu'il fait naître à Avignon, et qui fut d abord un militaire aussi brave 
qu'intelligent ; c'est après avoir perdu la vue qu'il consacra son temps à des 
ouvrages scientifiques du plus haut mérite. 

flue du Roi-Baco : « La rue porta plusieurs noms, celui actuel d'abord, 
dont rétymologie courante nous semble bien voisine de la légende, puis, en 
i-fipf Montplaisir, plus tard Républicaine, puis redevint rue du Roi-Baco. » 
Lëj^ende ou non, voici Tanecdote telle que je la trouve dans les Noies sur la 
vilte de Nanies, par Le Cadre (pages 49-60) : : Un jeune marin, de Nantes, 
>i embarqua, vers l'an i5oo, à Lisbonne, sur ^expédition de découvertes. Il 
\^ arriva et resta aux Indes Orientales, d'où, au bout d'une vingtaine d'années, 

il rapporta une fortune immense, dont ne sachant que faire il eut la fan- 
taisie d'être bienfaisant et choisit ses anciens camarades pour objets de sa 
philanthropie. Au modeste lieu de sa naissance, sur le rocher de THermitage,* 



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NOTICES BT COMPTES-RENDUS 229 

il fit bâtir une mabonnette pour chaque famille de vieux marias qui se 
présentait, et la réunion de ces refuges forma bientôt une vaste cour. 11 fit 
plus, il fournit les vivres, en commun, et traitait, dit-on, avec une magni- 
ûcence toute royale. De là, la Cour du roi Baco. Mais quelque opulent qu'il 
fût, il ne put secourir tous les malheureux, et ses voisins malencontreux 
nommèrent leur quartier, par opposition, le coteau de Miseri. » 



Au sujet de quatrè^rues, je désire ajouter quelques mots. 

Rue Affre. Ce nom rappelle l'intrépide archevêque de Paris blesssé mor- 
tellement sur une barricade au cours des sanglantes journées de juin i848. 
Ce m*est un devoir bien doux de reproduire les lignes suivantes tirées de 
Lépiscopàt nantais à travers les siècles par M. J. de Kersauson de Pennen- 
drefl : « U«^ Affre s'attacha labbé Jaquemet, comme grand vicaire. Tout le 
monde connaît le drame de la rue Saint-Antoine... Tout le monde sait aussi 
que M. Jaquemet, qui accompagnait le prélat, eut son chapeau percé dedeux 
balles, et que ce fut lui qui reçut dans ses bras son corps chancelant. Ce fut 
lui encore qui entendit la dernière confession de son archevêque mourant, 
lequel, peu d'instants avant de perdre connaissance, lui remit son annea^ 
et sa croix pastorale, circonstance que le vicaire général tint cachée autant 
que possible, parce que c'était, en quelque sorte, une désignation tacite pour 
un siège épiscopal. La noble et courageuse conduite de M. Jaquemet, en 
cette circonstance, fit jeter sur lui les yeux de Tévèque de Nantes (Mk^ de 
Hercé) qui le demanda et obtint pour successeur. » Le vaillant compagnon 
de la sainte victime de la guerre civile gouverna le diocèse de Nantes de 
1849 ^ 1S69, avec autant de zèle intelligent que de piété ferme et féconde. 
Une^rue Jaquemet serait le digne pendant d'une rue Afifre, en notre ville si 
crftholique. 

Rue Germain Boffrand. On n'ignore pas les œuvres admirables exécutées 
par notre éminent compatriote à Nancy, à Lunéville et dans d'autres loca- 
lités lorraines ; avec une joyeuse fierté je signale à Nancy une place Grermain 
BofTrand. 

Rue Gresset : Le charmant poète n'avait-ii pas tous les droits à posséder 
sa rue chez nous, puis qu'il a situé les scènes les plus divertissantes de 
son impérissable chef-d'œuvre, Vert-Vert, dans un monastère nantais. 

Rue Dubreil ou du Breil : « Cette rue, dit M. Pied, fut dénommée le 27 
octobre 1887, en mémoire de Michel Le Loup du Breil, maire de Nantes 
pendant les années 1673 et 157^. Cette vieille famille du Comté Nantais a 
fourni entre autres Jean Le Loup du Breil, échevin en i564* Michel Le 
Loup du Breil, doyen des maîtres des comptes de Nantes, ci-dessus nom- 
mé, Yves Le Loup du Breil, maire de Nantes de i6o3 à i6o5 et députe de 
notre ville aux Etats de Rennes en i6o3. » Les dires de M. Pied sont c^-. 



tà^ ÏIBVUB DE BRETAGNE 

firmiif par toute? |ea présqiD plions. Mais alofs pp^rg^ol, ^ l'heure où 
j^écrlsja vieille plaque (Je cette voie e*t-fille prtliograpbjéc : t>u Bbeil. et 
ta nouyette : Dubueil'j Up peu d'u|iifqrtïiitê ^ et ai^ besoin ^oe dpte^ m 
s^r^fent pas 4^ luxe. 



Mon sr distingué et aimable cûltêgue ne m'en voudra pâs. je Tespêre^ de 
reclifler quelques menues erreurs, bien naturelles âu cours d'une œuvre 
si complexe. 

A ta page a 53, je Lis duchesse du Bary : Mafie-JqanifeGpipard de Vauber- 
nier, avait épousé le comte du Barry ; etle ne Ait jamais titrée duchesse^ 

Bue de Clisson; M. Pied ajoute : ^^ Jl faudrait dire rue Olivier de Ctia- 
son. M Or Ipa quatre plaque* de cette courte rue portent i ^pz Ouvifiii de 
CLii^sox (i336-i4o7K 

Elue Colombel : M. Pied dit : f^ Le nom tuî fut attribué (iSâ6], e^i souvenir 
de pvariste-Jean Colombel, né en 18 j3, mort à Nantes en i856. Avocat 
distingué, il fut nomipé maire iesi mars i848 et demeura en fonctions 
jiisqu*en i^à?. Son tlls peorges-EvanstÊ-Eugèno, également^ avocat, occupa 
le mêpe poste de i8§i à 188& et mourut en 1894- Leurs buslça ornent le 
monument élevé en leur mémoire au cimetière de )a Bouteillerie. » Cette 
derpière phrase est erronnée : l'un de.» bustes pn questîoa est bien celui 
d'Kv^riste ColoT^ibeL paire de Nantes de i@4& & iSàa ; mais Tautre repré- 
sente Hyacinthe Colom bel t ué à Foug^r^^ eq i7îJï, avocat h Nantes, Prési* 
dent du tribunal civil ^ Conseiller général de la Loire- InrérieureT mort dau^ 
ngfre ville en iH5j (Voir mon étude : Le$ personnages scuiptês de ta vUle 
de iWatUçs, pages ây^o et page GS). 

Page }3^, parlant de la célèbre Ffptre- Dame do la Délivrance de \% rue i^^ 
CarmeSf ^'a liseur dit ; ^ Selon une croyance populaire, cette Vierge H^{i 
l'objet d'une vénération toute particulière de la part des femmes, qj} cep" 
t^pç^ circonstances de |a vie, et on y yolt encore souvent de modesf^a 
bouts de cires brûlés autour du piédestal qui la soutient. » On m'a afftfmé 
que celte déyofion est soujours très vjvace et que l'or^ fait brûler do nom- 
\ breui cierges aux pieds de la protectrice des femmes en gésine. 

Pttge ^6^ : M, Pied raconte que. dans une cavf de la rue du Passage du 
Sanitat, on lui a montré le^ traces de remplacement de Tau tel, ^|ors que 
cette pièce avait servi de l^^u de réunion pour la célébratiqp 4m '; culte 
de» Catboliques Fi-ançaia, connue sous le nom de Petite £gli^ ^t cpl(e 
qui s'y pratiquait encore entre 18^0 et i84?- t^e cplte des C^tboliqiies 
ipn^aÎ!j^ !^c^isme qui sombra dans le ridicule et que I on rêve en vain de 
ressusciter de nos jour^, fut cojmu sutis le nom ■ d'Eglise Fran^^aise ". La 
" Petite Eglise >j se composait des catholiques intransigeants qui ne vou- 
laient pas reconnaître le Concordat et se montraient plus papistes que te 
Pape. 






KOTÏCES ET COMPTES^RENDUS 



■n\ 



^}iâ Plerirç tandais : parlant de ce penqnt^^gp» M. Pied dit : ^i \\ ^ut 
a^^lever rapidament aux honneurs qu'il mérita, 4>i reste, par une ^dpinls- 
tratioii de ifingt-cînq ans réellement remarquable. Les leigneura taretona, 
jalfiui de son pouvoir, conspirèrent contre lui, et, pour éviter la révolte, 
le Pue préfora leur sacrifier son fldèlp serviteur qui fut arrêté et condamné 
à ^tre pendu, b J'avoue franchement que je ne «aurai! m'asaocier à cat 
étoge dii célèbre trésorier dont lu fortune immense eut une origine 
plutôt suspecte : je ne puis oublier que par orgueil et Jalousie il cfilompia 
Guillaume Giiauvin et le ûi mettre dans une prison où il mourut de cha- 
gpn, tandis que la Qlte de Tintégre ctiancelier en clail réduite à mendier 
son pain; euQu, craignant les justes reaion Iran ces des seigneurs, Landais 
tes accusa de conspirer contre ie Duc et obtint çontr^ ces innocents upe 
sentence pour crime de lèse-majesté. Au surplus, c'e^t à Vinsa de Fraftçois U 
que ie fam^ui tr^âorier Tut pendu, k. mon sens, 1b besoin d'une rue Pierre 
i.andais ne se faisait nullement sentir. 

Rue du Pont^le-Sauvetout : l'auteur a négligé de rappeler que l'on de- 
vrait écrire Sauve tour et non Sauve tout. 



Je termine par l'adjonction de troti noms que je n'ai pas trouvés dans ie 
catalogue de M- Pied. 

Bue Emile- Loubet : elle s'ouvre entre les n" 34 et 36 du boulevard Le 
Laascur. 

Avenue du Grand -Clos : elle s'ouvre pntre les n<»' 56 et 58 du boulevard 
Le Lasseur. 

Avenue de TUnion : elle s'ouvre entre les n^' i35 et iS^ de la rue des 
Hauts- Pavés. 

Enfin, je note que au cours de la séance du ifl janvier 1907, le Conseil 
municipal a débaptisé le quai Ile-Videment pour rappeler quai Fernand 
Crouan \v\i k Nantes, riche propriétaire» grand négociant, vice-président de 
la Chambre de Commerce, et*;.), et qu'il a décidé de donner à des rues nou- 
velles les noms de : Mexandre Dumas, Otit^ve Feuillet, Alfred de Musset, 
George Sand, 



L'ouvrage de M. Pied est un modèle du genre. Aussi ai -je cru bon de 
publier ce long commentaire dans la Hevue de Brêiagna, pour lui rendre 
un hommage mérité el pour déterminer des travailleurs intrépides à écrire 
riiistoire des rue;» de toutes les grandes villes de notre Province. 

Artésien d'origine, Breton par alliance, Nantais par la carrière^ M, Pied 
occupe noblement sa très verte vieillesse à mieux Taire connaître sa seconde 
patrie. 



aaa kkvue de Bretagne 

Déjà^ outre plusieurs éludas piquantes et instructii^s^ il a publié un tra- 
vail gigantesque : Les anciens corps daris et métiers de Nantes, (3 volumes 
îii-8''), auquel rinslihit aurait décerné avec justice une récompense ; il nous 
donne aujourd'hui ses !^oiices sur les raes de .Xanies ; et sous peu, con^plé- 
tant 5û Table des àO preniières années i859 à 1898, il va doter ses chers col- 
iègue3 de ta " Société Archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure >• 
d'une table de tous \e^ ren^ieignements contenus dans les procès- verbaux 
da* Bulletin pour la même période. 

Daigne la Providence conserver de longues années ce savant courtois, 
ser viable et modeste, qui ne connaît que des amis dans les Sociétés qui 
s'honorent de le compter parmi leurs membres et dont le nom restera sy- 
nonyme de labeur obAliné et d'œuvre utile ! 

B»" GaBTA^ de WlSMËS. 




/.e Gérant ' F. Chevalier. 



Vfinnefl. — Imp. LAFOLiYE Frères, 2, phue des Licea. 



LA BRETAGNE A LA FIN DU MOYEN-AGE 



ll(l) 



La période qui s'étend depuis le milieu du XIV* siècle jusqu'au 
début du XVI* n'appartient déjà plus au moyen-âge ; caserait 
cependant une erreur que de la considérer comme faisant 
déjà partie des temps modernes, dont elle diffère aussi bien par 
la mentalité des hommes que par les organismes politiques et 
administratifs. Ellf> est essentiellement une époque de transition, 
durant laquelle nons voyons s*alrophier et mourir les institu- 
tions du moyen-âfip, tandis que naissent et se développent celles 
qui formeront la base des Etats modernes. 

Pour rhislorien qui, non content d'exposer sèchement la série 
des événements ou de conter agréablement de piquantes anec- 
dotes, veut encore: saisir l'enchaînement des faits, suivre l'évo- 
lution des idées et des institutions, la fâche offre sans doute 
un intérêt plus passionnant, mais combien aussi elle est plus 
considérable ! Sat s doule, plus proche est de nous le passé qu'il 
s'attache à faire revivi'e, plus abondants et plus explicites sont 
les documents qui recèlent les secrets de ce passé; mais cette 
abondance môme est encore une cause de difficultés, et nul ne 
pourrait se vanter d'avoir épuisé les sources d'information. Les 
collections publiques, de plus en plus largement ouvertes^ de 
mieux en mieux connues par les publications d'inventaires d'ar- 

(l) Histoire de Bretagne, par Arthur Lb Motne db la Borobrib, continuée 
par Barthélémy Pocqubt, tome iV (1364-1515); Hennés, Plihon et Hommay, 1906, 
ia-4*, 655 pages. 

Novembre 1907 10 



234 REVUE DE BBETAGNB 

chives et de catalogues de bibliothèques, laissent encore aa cher- 
cheur le plaisir de faire bien des découvertes ; d'autre part, la 
richesse des matériaux permet d'étudier un règne ou une iusti- 
tutioD à des points de vue inâniment variés, mais par suite, il 
devient nécessaire, avant d'en écrire l'histoire^ d'éluctder par des 
monographies particulières toutes les questions de détail. Est-ce 
à dire qu'il faille renoncer à publier des éludes d'ensemble sur 
l'histoire générale et provinciale jusqu'au jour ou le terrain sera 
entièrement déblayé ? Autant vaudrait renoncer pour jamais à 
publier de telles éludes, car de nouveaux problèmes se posent 
tous les jours devant les yeux des érudits. Il est au contraire 
utile, il est môme nécessaire que, de temps à autre, des savants, 
renonçant délibérément à la prétention de faire œuvre définitive, 
entreprennent le travail délicat de grouper en un tableau synthé* 
tique, harmonieusement composé, les résultats particuliers ac- 
quis par l'opiniâtre labeur des érudits,et, par là-même, signalent 
les doutes à éclaircir et les lacunes à combler. 

Ardue entre toutes — et pour de multiples raisons — était la 
tâche d'exposer dans son ensemble VHistoirede Bretagne, et il ne 
fallait pas moins que l'immense érudition, le labeur acharné et la 
sagacité critique d'Arthur de la Borderie pour oser Tentrepren- 
dre. En 1896, il en donnait le premier volume, et « il en poursui- 
vit la publication avec une activité et une ardeur de jf^une hom- 
me, comme s'il avait voulu gagner de vitesse la mort dont il devi- 
nait l'approche » (1); ses forces le trahirent, mais quand il suc- 
comba (17 février 1901), l'éminent historien avait déjà atteint, avec 
la fin du troisième volume, la bataille d'Aiiray (29 septembre 
1364), qui, en terminant la guerre de Blois et de Mootfort, et en 
mettant la couronne ducale sur la tête de Jean de Montfort, 
terminait aussi pour la Bretagne le moyen-âge proprement dit. 

Le monument élevé avec tant de science et tant d'amour par 
Arthur de la Borderie à la gloire de sa province natale ne pou- 
vait demeurer inachevé ; lui-môme avait réuni pour les époques 
suivantes une masse considérable de matériaux, il avait publié 
quelques années plus tôt dans la Revue de Bretagne une fort 
bonne étude sur le règne de Jean IV (2), et la rédaction du 

(1) Discours de M. le comte de Lasteyrie à T Académie dea laicrîptioni et 
BeUes-Lettres, le 22 février 1901. 

(2) Arthur »■ la Bordsris, Le Règne de Jean IV, duc de Bretagne^ d&nt i% 
RevfAede Bretagne, de Vendée et d^ Anjou, année 1Ë^3. 



--^WH 



LA BRETAGNE A LA FIN DU MOYEN-AGE 235 

tome IV de son grand ouvrage était déjà fortement amorcée, mais 
quel érudit assumerait la redoutable charge de continuer cette 
œuvre si personnelle, de discerner aussi judicieusement la vérité 
à travers tes enjolivements et les diatribes passionnées des chro- 
niqueurs ou les formules arides des pièces administratives» de 
décrire avec une aussi scrupuleuse exactitude et de juger avec la 
môoae franchise, exempte à la fois d'indifférence et de partialité, 
les hommes et les choses de ce siècle et demi qui sépare de la 
bataille d'Auray le moment où la Bretagne voit mourir, avec la 
bonne duchesse Anne, son indépendance nationale ? 

Confidente admirablement dévouée et éclairée de tous les 
travaux, de tous les projets, de toutes les pensées de son mari, 
M°* de la Borderie n'eut pas de peine à trouver l'ami et le 
savafit le plus capable de reprendre la plume que la mort venait 
de briser après un labeur de plus d'un demi-siècle au service de 
l'histoire bretonne. Les travaux de M. Barthélémy Pocquet sont 
trop connus et trop unanimement estimés pour qu'il soit besoin 
de dire quelle méthode sévère, quelle vaste érudition, quel talent 
d'écrivain il apporte dans la continuation de Y Histoire de Bretagne^ 
et, si Ton est parfois tenté de lui chercher chicane sor tel ou tel 
point de détail, si Ton s'étonne quelquefois qu'il ne se réfère pas 
à certains livres récents ou qu'il n'ait pas exploré certains dépôts 
d'archives assez riches en documents précieux pour l'histoire de 
la diplomatie des derniers ducs, on ne doit cependant oublier ni 
le but qu'il se proposait, ni les conditions dans lesquelles il devait 
composer son œuvre. Les meilleures sources imprimées ont été 
consultées et utilisées avec critique, les archives de la Chambre 
des comptes de Nantes et celles des principales villes bretonnes 
ont été dépouillées avec soin, et, à l'aide de ces informations, nous 
pouvons déjà nous faire une idée exacte de la physionomie des 
ducs et de l'évolution politique, économique et administrative de 
leur duché depuis 1364 jusqu'en 1515 ; on pourra, par exemple, 
étudier plus complètement la diplomatie active de François II, 
ses relations et celles de ses prédécesseurs avec la cour de Rome, 
avec l'Angleterre oq avec la Bourgogne, mais il est peu probable 
que les grandes lignes de ce quatrième volume de Y Histoire de 
Bretagne s'en trouvent sensiblement modifiées. 



236 REVUE DE BRETAGNE 



La transition du régime féodal au régime moderne semble 
s'ôtre accomplie en Bretagne plus facilement qu'ailleurs. Peut- 
dtre en faut-il chercher l'une des raisons dans le petit nombre des 
princes qui gouvernèrent le pays durant la seconde moitié du 
XIV' siècle et le XV* siècle tout entier, et dans la longueur du 
règne de plusieurs d'entre eux ; en effet, si l'on excepte Prançois.I 
et Pierre II, qui régnèrent respectivement huit et sept ans, et le 
connétable de Richemont (Arthur III), qui porta quinze mois à 
peine la couronne ducale, les ducs Jean IV (1364-1399), Jean V 
(1399-1442) et François 1(1458-1488) présidèrent assez longtemps 
aux destinées de la Bretagne pour pouvoir réaliser de grandes ré- 
formes et suivre à loisir l'accomplissement de vastes desseins po- 
litiques.Il n'est pasjusqu'à la dernière et populaire souveraine de 
la Bretagne indépendante^ la duchesse Anne, dont les vingt-sept 
années de règne n'aient été l'un des grands facteurs de l'union de 
son duché à ta grande patrie française : qui pourrait dire^ en effet, 
ce qui serait advenu si elle n'avait pas vécu assez longtemps pour 
assurer successivement la transmission de ses pays aux rois 
Charles VIII, Louis XII et François I? 

Au fond, Jean de Montfort et ses descendants ne diffèrent 
guère les uns des autres ; le premier est plus brave que son fils 
Jean V^ lequel est rien moins qu'un paladin^ et François II n'est 
pas un foudre de guerre, mais tous, en hommes de leur siècle, 
ils prisent la force plus que le courage, la ruse plus que la force, 
et le succès plus que tout. Dans leur attitude extérieure, ils pa- 
raissent manquer d'esprit de suite et de persévérance : étudiez 
avec soin leur politique, vous les verrez reprendre par une voie 
détournée l'œuvre qu'ils semblent avoir abandonnée, vous cons- 
taterez que tous leurs principes se résument en un opportu- 
nisme utilitaire et toute leur méthode en un habile et parfois 
savant jeu d'équilibre entre les partis et les puissances dont 
ils veulent obtenir des avantages ou dont ils redoutent la 
convoitise. 

Si d'ailleurs ils exercent incontestablement sur la politique 
générale de leur duché un rôle direct et personnel, il s'en f^ut 
de beaucoup que leur influence soit aussi grande sur la desti- 
née de leur peuple que l'est, en France, celle du roi à la mdme 



LA BRETAGNE A LA FIN DU MOYEN-AGE 837 

époque. Gomme en France, plus même qu'en ]^rance\ la 
noblesse perd peu à peu de son influence prépondérante : 
de la guerre de Blois et de Montfort, les familles féodales 
sortent épuisées ou môme complètement ruinées. La générosité 
chevaleresque n*a pu résister aux haines de parti. Une seule 
autorité, celle du duc, si faibre qu'elle soit, a survécu à 
cette anarchie, et tous sentent qu'elle seule est capable de 
rétablir Tordre, et avec Tordre la prospérité. Pour y parvenir 
le duc, qui ne trouve plus dans le revenu de ses domaines des 
ressources suffisamment abondantes, doit lever des impositions 
sur ses sujets, mais il lui faut pour cela le consentement des 
Etats, auxquels il se trouve ainsi conduit à rendre compte de son 
administration. Pour que l'impôt consenti par le pays suffise à 
faire face aux charges publiques, il faut que lamatiëre imposable 
soit assez considérable et, par suite, que Tagriculture, Tindus- 
trie, le commerce soient assez floHssants ; aussi bien les ducs 
favorisent-ils leur développement,* ménagent-ils les villes de 
négoce comme Nantes et Saint-Malo, et contribuent-ils^ par le 
fait môme, à l'accroissement de la puissance du Tiers, le seul 
des ordres de TEtat qui soit productif de richesses. En môme 
temps^ le pouvoir ducal revendique pour lui seul le droit de lever 
des impôts^ de quelque nature qu'ils soient, et ses vassaux 
laïques ou ecclésiastiques ne peuvent plus désormais percevoir 
de taxes ou de dîmes sans son autorisation (ordonnance du 
!•«• février 1386). * 

Dans la seconde moiliédu XIV* siècle, il fait énergiquement re- 
connaître son autorité sur les plaças fortes du duché, et il exerce 
dans sa plénitude le droit, vainement revendiqué par Pierre 
Màuclerc au siècle précédent, de permettre ou d'interdire à ses 
vassaux la construction des forteresses, qu'il entend faire con- 
courir à la garde du pays et où il peut désormais entrer â son 
plaisir; plus tard (ordonnance du 14 février 1452), Pierre II 
réglemente dans le/ détail les obligations militaires de la no- 
blesse. Affaiblie par les guerres civiles, amoindrie par la prédo- 
minance toujours plus forte du gouvernement ducal, cette 
noblesse perd encore de son prestige et de sa force par l'irrésis- 
tible ascension de la riche bourgeoisie qui, malgré les ordon- 
nances, achète des terres nobles, et par l'anoblissement de plus 
en plus fréquent de roturiers, comme le changeur gônios 
D;^ragonnys ou le charpentier du château de Plaisance, dont, 



338 REVUE DE BRETAGNE 

faute d'argent dans le trëBor, le duc récompense ainsi les 
services. 

En face de cette décadence de la noblesse* il est intéressant de 
suivre les progrès de la bourgeoisie. La paix intérieure règne à 
peu près continuellement ; la guerre de Cent ans, les luttes entre 
les Armagnacs et les Bourguignois, entre Louis XI et Charles 
le Téméraire, causent en Bretagne infiniment moins de ravages 
qu'en France et occupent la diplomatie des ducs bien plus 
qu'elles ne touchent à ses sujets. Aussi le commerce et l'industrie 
prennent un magnifique essor : les négociants de Nantes et de 
Saint-Malo entretiennent des relations suivies avec les ports du 
golfe de Gascogne» de la Biscaye et de l'Angleterre, ils ont des 
comptoirs à l'île de Ré, ils fréquentent les foires de Paris et des 
Pay8*Bas, et c'est à leur suite sans doute qu'un enfant de Pipriac, 
Jean, appelé là-bas « le Breton », est allé s'établir vers 1440 
comme tt maître-écrivain »& Tournai, qu'il quitta bientôt pour 
fonder le premier atelier typographique de Bruges. En même 
temps, les corporations naissent, se développent et deviennent 
des organismes puissants : tel ce corps des marchands de 
Nantes, qui prend à sa charge Tentretien du chenal de naviga- 
tion que Jean IV avait fait creuser dans la Loire. La flotte com- 
merciale est nombreuse et bien équipée: pour la protéger contre 
les attaques des ennemis et des pirates, Jean IV crée par son 
ordonnance du l*'' juillet 1372 le « convoi de la mer », institution 
que son fils accroît et réorganise en 1431, en en faisant une véri- 
table « armée de mer ». D'ailleurs, des traités de commerce sont 
conclus avec la Castille, la HjUande, la Hanse germanique, les 
consulats de Bordeaux et de Bayonne ; d'un commun accord 
avec l'Angleterre, les lettres de marque sont supprimées entre 
les deux pays. 

A ces progrès du commerce correspond nécessairement un 
grand développement de l'organisation municipale. Nantes perd 
en 1365 les quelques libertés dont l'avait gratifiée Charles de 
Blois, mais en 1307, Jean IV accorde à ses habitants une part 
assez importante dans l'administration de la cité, surtout au point 
de vue de la gestion des deniers levés sur l'ordre du duc pour 
l'entretien des fortifications ; sous Jean V, la communauté ur- 
baine est réellement devenue une personne morale, qui gère ses 
intérêts et qui défend ses droits par l'organe de son « procureur 
des bourgeois ». Au début du XV*" siècle, Nantes, Rennes, Saint- 



LA BRETAGNE A LA FIN DU MOYEN-AGK 239 

Malo, DinaD, Guingamp, Saint Pol ont un budget et une orga- 
nisation communale au moins rudimentaire ; sous Pierre lï 
(1450-1 457], le nombre des villes députant aux Etats passe de 
quatorze à vingt-cinq, et, dès avant la mort d'Anne de Bretagne 
(1514), toutes les villes possèdent des institutions municipales 
assez complètes. Ce n'est pas, tant s'en fâut^ Tindépôndance 
presque absolue que s'étaient donnée trois siècles plu^ t6t les 
cités du Nord, mais c'est déjà une certaine part d'autonomie 
locale, indice et consécration d'une grande activité économique, 
d'une expérience consommée des affaires et d'une juste entente 
des nécessités et des méthodes de l'administration. 

Entre les villes et le pouvoir ducal, les Etats forment le véri- 
table gouvernement ; dans leurs sessions, qui se tiennpnt 
presque chaque année, ils ne se bornent pas à consentir Timpôt 
demandé pour la défense du pays, ou à accorder des subsides 
aux princes et à leurs proches ; ils entendent encore la proclama- 
tion des grandes ordonnances ducales sur la justice, le domaine, 
les finances, et, en les approuvant, ils leur donnent plus de force 
et d'autorité aux yeux du peuple breton. A chaque session, ils 
élisent dans leur sein une commission composée de barons^ de 
prélats, de jurisconsultes, présidée par le duc ou, à son défaut, 
par le chancelier, siégeant autant qu'eux-mêmes et jugeant en 
dernier re&sort les causes sur lesquelles ont déjà prononcé les 
autres juridictions du duché. A la fin du XI V^ sièclCt cette com- 
mission est dirigée par un chef que Ton appelle « président du 
Parlement » ou « président de Bretagne î>, et qui, sous Jean V, 
entre au conseil ducal ; c'est de cette commission des Etats qu'un 
mandement de François II fait, le 22 septembre 14S5, le Parle, 
ment de Bretagne. 

Faut-il prendre, en de difBcîïea conjonctures, une détermina- 
tion grave? Leduc veut auparavant connaître l'opinion de ses 
Etats ; et si la décision intervenue lui paraît de nature à susciter 
le mécontentement de quelque puissance rivale ou alliée, il est 
tout heureux de dégager sa responsabilité personnelle en s'abri* 
tant derrière la délibération des Etats. Nous n'en rappellerons 
que quelques exemples: quand, après avoir conclu à Sablé, le 
8 mai 1421, un traité d'alliance avec le Dauphin (le futur Charles 
VII), le duc Jean V reçoit du roi d'Angleterre une ambassade 
chargée de le faire renoncer à celte alliance, c'est aux Etats 
qu'il confie la mission de répondre aux envoyés britanniques ; 



240 RBVUE DE BRETAGNE 

Tatinée suivante, obligé de s'absenter pendant plusieurs mois 
pour s'occuper de négocier la paix entre la France et l'Angleterre, 
il remet aux Etats Tadministration du duché et la garde de sa 
femme et de ses enfants ; en 1424, alors qu il est redevenu Tallié 
dG l'Angleterre, il veut consulter les Etats avant de répondre 
à son frère Arthur de Richemont, qui sollicite de lui l'autorisa- 
tion d'accepter Tépée de connétable de France; en 1455, Pierre 
11 tient à faire approuver par les Etats le projet de Mariage de 
sa nièce Marguerite, flile de François I et héritière du duché, 
avec son cousin François d'Etampes. Il ne se passe donc 
aucun événement important pour les destinées de la Bretagne, 
sans que les Etats soient appelés à formuler leur avis , sans 
qu'ils exercent sur la décision du prince une inQuence pré- 
dominante. 

On peut dire, sans aucune exagération, qu'ils représentent 
véritablement l'opinion publique. Est-il étonnant d'ailleurs qu'il 
y ait dès lors un esprit public? Dans la noblesse, la guerre de 
Biuis et de Montfort avait créé des partis profondément divisés, 
et UQ parti n'a pour raison d'ôtre que la défense et la propagande 
d'une opinion ; la guerre civile terminée, la noblesse, tenue plus 
ou moins éloignée des affaires, ne se prive pas de juger et de 
critiquer les actes du duc, voire de s'insurger contre lui comme 
le font les Penthièvreen 1420, le maréchal de Rieuxen 1484 et en 
1439; il y a donc dans son sein des courants <i opinion avec les- 
quels il faudra compter. Dans les campagnes, où le servage est 
détïûilivement aboli par François II en 1486, li est peu probable 
que les populations aient eu sur les événements de leur temps 
des idées bien précises, et Ton peut facilement croire que la foule 
dt^s paysans qui, en 1487, vint au secours des Nantais assiégés 
par les troupes de Charles VIII, avait moins suivi son impulsion 
spontanée que le mot d'ordre de ses seigneurs. Dans les villes, 
au contraire, la bourgeoisie •pulente, habituée à la pratique des 
atTaires, intéressée directement à la prospérité du pays, ne peut 
voir d'un œil indifférent ses ducs conclure la paix ou engager 
les hostilités avec les souverains des régions où elle écoule les 
produits de son industrie ou d'où elle tire les objets de son trafic. 
Au prince, elle fournit des serviteurs expérimentés, comme le 
grand trésorier Pierre Landais, ou des défenseurs dévoués, 
cumme ce négociant de Quimper, Michel Marion, qui, en 1487, 
aliène une notable partie de sa fortune pour armer un navire 



^ 



LA BRETAGNE A LA FIN DU MOYEN-AGE 241 

destiné à combattre la France, alors en guerre avec la 
Bretagne. . 

Il est bien curieux de suivre dans Touvrage de MM. de la Bor- 
derie et Pocquet les fluctuations de bette opinion publique et ses 
conflits avec les ducs, tout particulièrement en ce qui touche la 
rivalité franco-anglaise. La tendance personnelle de Jean IV < t 
de la plupart de ses successeurs, principalement de Jean V et de 
François II, est nettement favorable à TAnglelerre. Jean IV avait 
épousé en secondes noces Jeanne Holand, dont la mère était 
elle-même la seconde femme du prince Noir, lequel aimait la 
duchesse Jeanne comme sa propre fille; après la mort de Jeanne, 
Jean IV épouse Jeanne de Navarre, fille du roi Charles le Mau- 
vais, l'un des ennemis les plus acharnés de la France. 

Rien n'autorise à douter de la sincérité des intentions de 
Jean V quand il cherche à négocier la paix entre les belligérants « 
mais son éducation et ses goûts le maintiennent toujours atta- 
ché à la cause de l'Angleterre : s'il se réconcilie secrèteobent 
avec le roi de France, il se garde bien de rompre ouvertement 
avec les Anglais,et s'il reprend un jour « très ostensiblerpent en 
toutes circonstances sa place naturelle de grand feudataire de la 
monarchie française», c'est qu<3 les Anglais ont été enfin chassés 
du soi de la France et que Paris a reconnu Charles VII pour son 
souverain légitime. Louis XI, qui redoutait leâ Anglais peut-ôtro 
plus que les Bourguignons, ne cessa, durant tout le cours de son 
long règne,de se défier des tendanc as anglophiles de François II : 
on ne saurait lui en faire un reproche quand on connaît la cor- 
respondance échangée entre François II et le roi Edouard IV, ce 
môme souverain qui. lors de la conférence de Picquigny, décla- 
rait à Louis XI n'avoir a en sa nécessité jamais trouvé si bon 
amy » que le duc de Bretagne. 

La nation bretonne est au contraire, d^nsson ensemble, réso- 
lument dévouée à la cause française ; nous en avons d'innom- 
brables témoignages. Sans doute, elle a au plus haut point le souci 
de son indépendance, qu'elle entend défendre avec la der- 
nière énergie : pour répondre à l'arrôt du Parlement de Paris qui 
avait prononcé (18 septembre 1378) la réunion de la Bretagne à 
la France, les E^.ats rappellent Jean IV, qu'ils avaient chassé 
« pour crime d'anglomanie et de soumission servile aux Anglais», 
elles Bretons Tacclament avec enthousiasme quand il débarque 
sur la plage de Dinard le 3 août 1379. Six ans plus tôt les Nantais, 




242 REVUE DE BRETAGNE 

tout eD se déclarant « bons Françaîs » et en ouvrant leurs portes 
aux troupes de DuguescUn, avaient cependant mis cette condition 
expresse quMIs voulaient demeurer fidèles à leur duc et que le roi 
devrait lui pardonner tous ses torts dès qu'il se serait détaché de 
l'Angleterre. Quand, un siècle plus tard (1472), Louis XI pénètre 
par force en Bretagne, il trouve les populations assez bien dis 
posées en sa faveur. L'Aoglelerre trouve bien en Bretagne des 
partisans ardents, parfois môme très puissants, comme le grand 
trésorier Pierre Liandais, mais elle est le plus généralement, de 
la part de toutes les classes de la société, l'objet d'une haine 
violente. On connaît les reproches adressés à Jean IV par ses 
sujets et rapportées par le chroniqueur Guillaume de Saint- 
André : 

Trop avez d'Anglois pntour vous ; 
Ne peuvent pas bien estre o vous, 
Ils ne nous aiment poay ne grant, 
Nous les haïoDS mortellement. 

Dans l'hiver 1380-1381, les troupes de Buckingham. qui vien- 
nent d'échouer dans le siège de Nantes etauxquelles Jean IV fait 
prendre leurs quartiers en Basse-Bretagne, sont contraintes de 
se loger dans les faubourgs d'Hennebont, de Quimper et de 
Quim perlé, parce que les habitants de ces villes refusent de les 
recevoir dans leur enceinte. Les Malouins exècrent les Anglais^ 
et ils ne consentent à rentrer sous l'obéissance du duc qu'après 
le second traité de Guérande (avril 1381), qui avait réconcilié 
Jean IV avec Charles VI. Les Etats de 1421 se prononcent nette- 
ment pour une intervention militaire de la Bretagne en faveur du 
dauphin de France ; ceux de 1424, en autorisant Richement à 
remplir auprès de Charles Vil la charge de connétable, marquent 
encore leur syrapalhie pour la cause française. 

Que ce soit par intérêt commercial et par nécessité économique, 
ou par affinité naturelle et par généreux attachement, la bour- 
geoisie des villes, surtout celles des villes où le n(^goce est le 
plus actif, manifeste à Tégard de la France des tendances très 
nettement favorables. Quant à la noblesse, elle fournit aux 
armées royales des bataillons valeureux et d'illustres chefs, tels 
que Du Guesclin, Clisson, Richement, le maréchal de Lohéac, 
Tanguy du Chastel ; fréquemment alliée à des familles françai- 
ses, elle est encore fascinée par le prestige de la cour^ où plusieurs 



LA BRETAQffE k LA FIN DU HOYÊN-A&E ^ 

des siens trouvent à remplir des charges importantes. Les ducs 
doivf^nt compter avec ce courant à la fois francophile et anglo- 
phobe de leurs sujets, devant lequel leur sentiment personnel 
est «ouvent coûtraintde capituler ; on en a déjà vu plusieurs 
rois la preuve, mais en voici un témoignage plus fort peut-être 
encore, puisqu'il émane de Jean IV lui-même* Tandis que, dès 
Tongine du grand schisme, l'Angleterre avait reconnu l'obédience 
du pape de Rome, la Bretagne s'était, comme la France, placée 
sond celle de Clément VII; attiré par ses sympathies anglaises, 
pressé par les sollicitations de Richard II, Jean IV était naturel- 
lement porté vers Urbain VI, mais la craînle d'une insurrection 
de ses sujets le force à reconnaître l'autorité de Clément VÏI, et, 
croyant sans doute mettre ainsi sa conscience en repos, il rédige 
le 30 mars 1383 un acte secret, dans lequel il rejette la rospon* 
sabilité de sa conduite sur- ce fait que « le clergé^ la noblesse? 
le peuple, grands et petits, tous se sont déclarés, tant en 
France qu'en Bretagne^ pour le pape d'Avignon et croient en aa 
légitimité! (1), 

La politique de « la plus jrrande France », que, depuis Philippe 
le Bel, les roia suivaient avec une tt^nace persévérance, une 
inlassable énergie» une incroyable unité de vues^ devait néces^ 
sairement chercher à tirer profit de cette maniseste sympathie 
des Bretons pour le trône Ûeurdelisé, et l'on peut penser que tes 
organes essentiels de cette politique «umpérialiste » et centralisa- 
trice» la Chambre des comptes et le Parlement de Pans, ne se 
firent pas faute à'tn jouer toutes les fois qu'ilîs le purent : en 1378, 
on brusque trop les choses et la proclamaïion brutale de Tan- 
nexion du duché soulève l'indignation populaire, mais le Parle* 
ment de Paris ne se prive pas d'accueillir des requêtes contre le 
duc ou des reliefs d'appels de sentences rendues par des juridic- 
tions bretonnes. Sur ce point, toutefois» des protestitions sont 
toujours énergiquement formulés et la Bretagne put conserver, 
même après sa réunion à la France, sûn indépendance judiciaire; 
les tentatives des juristes français n'en sont pns moins intéres- 
santes à relever. Ils ne négligent d'ailleurs aucune occasion de 
faire valoir les « droits du Roi «, fût-ce à propos de Texercice de 
la régale de l'évôcbo de Nantes ou de la forme du« chapeau 
dueal ». 

(t \ No41 V4XOII, La France ei l^ grand schUmê <£* Occident ^ If ZhQ'^Sl «t II, 



244 REVUE DE BRETAGNE 

De part etd'autre> la nature da lien féddal qui unit la Bretagne 
à la France est l'objet de discussions sans fin. Jusqu'au sein du 
concile de Bftle, la question soulève des tempôtes (1), et c'est une 
véritable comédie qui se renouvelle au début de chaque règne 
pour la reddition de l'hommage, le roi prétendant recevoir un 
hommage lige et le duc ne rendre qu'un hommage simple : pour 
en finir, chacun déclare agir comme Tont fait ses prédécesseurs, 
tfif par mesure de sûreté, fait formuler par son chancelier toutes 
les réserves et protestations que de droit sur ses privilèges intan- 
faibles et imprescriptibles. 

L'influence royale se manifeste d'ailleurs d'une façon de plus en 
plus profonde : en 1449, Charles VII fait don à François P' d'un 
hôtel à Paris et l'attire ainsi davantage dans la socit-tédes grands 
seigneurs français et dans l'orbite de la cour; en 1455, c'est à la 
demande même du duc Pierre II qu'ilsanctionnede son autorité 
souveraine les dispositions du traité de Guérande (1^^ avril 1365) 
réglant l'ordre de succession à la couronne ducale. Trente ans 
plus tard, les destinées de la Bretagne sont entièrement entre les 
mains des Français: les seigneurs français soulevés contre la 
dame de Beaujeu trouvent asile à la cour de François ÎI^ tandis 
que les grands féudataires bretons, révoltés contre le trésorier 
Landais et contre le duc qui le soutient, se laissent gagner par 
les habiles encouragements delà régente et concluent avec elle 
\e traité de Montargis (22-28 octobre 1484), qui, à défaut d'héri- 
liers mâles dans la lignée des Montfort, reconnaît à Charles VIII 
la succession de François II. 

A la mort de ce dernier petit-fils du vainqueur d'Auray, la 
guerre civile ravage de nouveau la Bretagne, déchirée entre les 
partisans des deux ministres de la jeune duchesse, le maréchal 
de Bieux et le chancelier Philippe de Montauban. L'archiduc Ma- 
xiiuilien d'Autriche, les rois d'Angleterre et de Castille, Alain 
d*Albret se disputent le duché : il n'y avait cependant qu'une 
seule combinaison qui pût rétablir la tranquillité à l'intérieur, 
assurer la paix avec la France et débarrasser le pays de l'ingé- 
n^nce étrangère. Cette combinaison était souhaitée par le peuple ; 
le duc d'Orléans (le futur Louis XII), délivré par Charles VIH de la . 
prison où il expiait, depuis la défaite de Saint-Aubin-du-Cormier, 



(!) Vaucblle, La Bretagne et le Concile de Bâtè^ d^nê les Annales de Sainte 
Louis-des- Français, n* de jaillet 1906. 



r 



1 
k 



LA BKETAGNE A LA UN DU «OYËN-AGE 4k^ 

son atliaoce avec François IL, employait au profil de cette solu- 
tion libératrice le crédit dont il jouissait auprès de la noblesse 
bretonne et la lui faisait accepter. De fait, la paix est signée aux 
faubourgs de Rennes le 15 novembre 1491 entre Charles Vlll et 
Anne de Bretagne, et, le 6 décembre suivant, la duchesse épouse 
le roi de France* La Bretagne garde son autonomie, mais elle est 
désormais « réunie » au royaume, vers lequel elle était depuis 
longtemps portée par une ardente sympathie. 

Andbé LESORT. 




LE CONGRÈS BRETON DE l!)07 



Arthur de la Borderie, dans une de ces causeries dont il avait 
le secret, dièait il y a cinquante ans : 

« En quoi consiste l'attrait de nos Cariferès, et qu'est-ce que 
VAssodation Bretonnet Laréponse exigerait Irop de dévploppe- 
ment pour une simple lettre: Je gagR que vous ne devinerie:î 
jamais la définition originale qu'en a donnée quelque part un ga- 
lant homme dont on m'a rapporté le mot sans m'apprendre son 
nom, au dire duquel notre Association serait une société de fort 
honnêtes gens (Très bien jusqu'ici), qui se rassemblent, chaque 
année, en divers lieux de la Bretagne, pour faire de bons dîners. 
(Textuel). 

« Le malheureux I On voit bien qu'il n'a jamais mis le pied au 
Congrès ni mangé à certaine table d^hôteque je pourrais nom- 
mer. Plût à Dieu qu'il eût dit vrai ! Notre société compleraîl sans 
doute bien plus d'adhérents dans un siècle où les intérêts du 
ventre comptent tant de partisans. A ceux qui sont de ce parti, 
Y Association Bretonne y malheureusement, n'offre rien de bien 
appétissant, car elle est tout simplement une réunion d'honnêtes 
gens, bons Bretons et bons Françtiis, vrais patriotes, piqués sur- 
tout du désir d'aider de leur mieux, dans la sphère modes'e qui 
leur est laissée, au bien commun du pays, et de défendre, suivant 
leurs forces,, dans le passé comme dans le présent, rintérêtet 
l'honneur de la Bretagne » (1). 

N'est-elle pas tout simplement délicieuse cette petite critique 
que l'auteur de V Histoire de Bretagne ^\\t^^^bM aux hôtels de sa 
jeunesse ? Aujourd'hui, après un demi-siècle^ les taules d'hôte 
bretonnes sont incomparablement supérieures, et les Congres- 
sistes ont pu s'en assurer encore cette année dans la petite ville 
de Lamballe qui avait été choisie avec un rare bonheur pour être 
le siège du Congrès Breton annuel* 

(1) Revue de Bretagne, 1* année 1857, 2' lem^stre, pp. 413, 414 



I 



LE COKGRÈS BRETON DE 1907 »T 

Mfïis on ne saurait rien changer à la déflnilion que fit La 
Borderie en 1857 de ['Association Bretonne. Elle est resîéfi le 
^roupem nt de^* vrais Bretons, aussi prorondémeni attaclit^s à la 
petite patrie qu'ils le sont à la grande patrie rrançai:^ei désireux 
de travailler sérieusenoent et sans aucune excentricité pour le 
bien de la Bretagne^ défenseurs delà foi, des droits et des libertés 
de celle-ci, de sa langue, de ses costumes, de ses coutumes 
séculaires, ayant pris à tâche d'étudier son histoire» de la dévul- 
guer et de la populariser, mais convaincus que Tesprit breton 
armoricain, produit de l'union dtis Galles avec les Gallo-Francs, 
est absolument dilTérent de l'esprit gallois qui, lui, est saturé 
d'anglnis et de s ixon. C'est ce qui fut limineusemeot exposé par 
M* le chanoine de la Villerabel, président du Congrès, le ven- 
dredi 6 septembre, aux applaudissements chaleureux de Tau- 
ditoire. 

Le bureau de VAssociation Bretoiine ne pouvait choisir une 
locblité plus intéressante que Lamballe, un pa' s plus curieux 
que le l^enthièvre, pour y tenir les assises de 1907. Le château, 
de la fin du ^ siècle, démoli en 1420 par Jean V à la suile du 
complot de Margot de Clisson et de ses fils, reconstruit en i555 
par le duc d'Elampes, appartenait au ntomerit Û,'. la Révolation 
française au prince do Lambdlle dont la femme, amie intime 
de la reine Marie-Antoinette, fut assassinée en 179^ dans les 
tristes circonstances que Ton sait. Sur sa place on a installé une 
promenade publique. — L'^*gliâe Sdint-Jean, paroissiale» n*a 
rien de remarquable sauf un beau bénitier da XV" siècle avec 
ioscription et des vitraux modernes représentant les principales 
scènes de la vie du patron, saint Jean-Baptiste. Il en est 
autrement des églises Notre-Dame et Saint-Martin, Nclre- 
Dame, ancienne chapelle du château dt^ Lamballe, fut érigée en 
collégiale par le duc Jean Y en 1435, mais elle date de la fin du 
XI l' siècle, ainsi que Ton peut s'en assurer en examinant les 
porches du Nord et de TOuest ; le chœur est plus récent. Tout 
Tensemble est magnidque, et certainement cette colli^giafe 
est TuD des monuments les plus intéressants de la Bretagne. 
A signaler quelques anciens enfeus et une Vierge romane 
que Ton a repeinte à neuf dans le style de la rue Saint-Sulpice. 
Nous émettons le vœu qu'on la remette au plus vile dans son état 
naturel, — Saint-Martin» prieuré de l'abbaye de Marmoutier, 
fondé en 1083 par Geoffroy P^ comte de Lamballe, est roman 



248 R£VUE DE BRETAGNE 

■s 

aussi, mais, hélas I le badigeon y a fait tout récemment sod 
œuvre néfaste : il couvre tous les murs et môme les boiseries. 
Les dalles tuihulaires ont été alignées dans un ordre parfait,mais 
combien regrettable, le long d'un mur ! Cette restauration est 
tout bonnement du vandalisme. 

La vieille foi catholique faisant partie intégrante de Tidée 
bretonne, ce serait une erreur de la bannir du programme of- 
flciel d*une réunion de Bretons. Aussi le Congrès sjouvrit-il le 
lundi matin 2 septembre, par la messe du Saint-Esprit célébrée 
par M. le chanoine du Bois tie la Villerabel, vicaire général de 
Monseigneur Tévéquede Saint-Brieuc et membre de V Association 
Bretonne, lequel prononça une allocution superbe où vibrait le 
plus pur patriotisme breton. Après avoir constaté que les 
membres de V Association Bretonne, en défendant les traditions 
séculaires de la Bretagne, se montrent les dignes fils de leurs 
pères, il les loua de commencer leurs travaux par la messe du 
Saint-Esprit et par une prière qui sera certainement exaucée. 
Puis il déclara que M^' Morelle, évoque de Saint-Brieuc, s*est fait 
le défenseur de la langue bretonne et n'a pas hésité à diviser son 
diocèse en deux parties, Tune de langue française et l'autre de 
langue bretonne ; que dans celle-ci il souhaite de voir rensei- 
gnement du français se faire par le breton. 

A deux heures eut lieu la séance solennelle d'ouverture. Après 
les discours de MM. le comte Lanjuinais, directeur de VAssocia' 
tion Bretonne, Boby de la Chapelle, directeur de la section d'agri- 
culture, le comte de Palys, directeur de la section d'histoire et 
d'archéologie, les bureaux arrêtèrent l'ordre des travaux et clas- 
sèrent les mémoires apportés qui se sont trouvés beaucoup plus 
nombreux que les autres années. 

Le lendemain mardi, séance du matin tenue dans la grande 
salle de l'Hôtel-de- Ville sous la présidence de M. Tabbé de la 
Villerabel qui avait à ses côtés MM. le maire de Lamballe^ le M^* 
de TEstourbeillon, le C*' de Palys et André Oheix. 

M. André Ohbix établit que saint Melaine n'est pas né à 
Plélauff, prèb Hostrenen, ainsi qu'on a essayé de le prouver 
ces temps-ci, mais bien à Brain-sur- Vilaine près Redon. 
MM. DB Laïque et DE L'EsTOURBBiLLON soutiennent l'opinion de 
M. Ohbix. M. de l'Ebtourbbillon cite plusieurs jolies légendes 
des bords de la Vilaine ayant trait à la vie du grand évoque 
de Rennes. 



f-tf^K-;-^ ^o->*rjKvr'^»"is^f -fi :-^"""r'jr*^«' '-""^r-. *r.-L 



LE CONGRES BRETON DE 1907 249 

M. Dtt Bbrthou lit un très remarquable et très intéressant 
travail |ur rarchitecture du château de Clisson à travers les 
âges. 

M. I'Abbé Pavé amuse beaucoup l'assistance avec deux anec- 
dotes du temps passé. L'une concerne les gens de justice de 
Garnoët à qui Ton défendait en 1694 de tenir auberge; Vautre 
à la mauvaise réception que firent les habitants du même pays 
au maître d'hôtel du roi Jacques II qui était venu à la recherche 
démines de plomb sur les dires d*un baron allemand. 

M. Tâbbâ Millon communique une étude de M. Delhommbau 
sur les Romains à Uinan. L'auteur semble y émettre une opinion 
bien hardie et bien hasardée en déclarant que Dinan fut la capi- 
tale des Unelles. 

M. DE Laigub essaie de démontrer que les quatre derniers 
champions du parti anglais au Combat des Trente, désignés 
souvent à tort comme des Bretons, sont en réalité des Braban- 
çons. Il en résulterait que la bande conduite par Bembrone com- 
prenait que des Anglais, des Allemands et des brabançons. 

Les deux séances du soir ont eu un éclat tout particulier. 
Assistance très nombreuse et dans laquelle on comptait beau^ 
coup de dames. La première réunion était présidée par M. Tabbé 
de la Villerabel. Au bureau : MM. le G^® Lanjuinais, le G^ de Pa|ys, 
Anne-Duportal, de Villers, le maire de Lamballe et le chanoine 
Fouéré-Macé, ancien recteur de Léhon, restaurateur de Téglise 
du prieuré de Saint-Magloire,que la mortdevaitfaucher quelques 
jours plus tard. 

M. Alain du Gleuziou étudie la construction des maisons ru- 
rales aux pays de Saint-Br ieuc, Gornouaille,Léon et Tréguier. Sa 
causerie très originale et traitant un sujet dont on ne s'est 
jamais occupé jusqu'ici est très applaudie. 

M. JouoN DBS LoNORAis coutc les voyages de Rennes à Lamballe 
en 1564 et 1565 de Gharles BusneU maire de Rennes, et fait res- 
sortir tous les peîils incidents caractéristiques de ces déplace- 
ments, les difficultés, les prix des hôtels etc. 

M. RouAULT DE LA ViQNB, uu jeuue savaut dinanuals, donne la 
monographie du docteur Lavergne, médecin à Lamballe au 
XVIIL' siècle, qui réussit à implanter la pomme de terre dans le 
pays et trouva un moyen de guérir la rage. M. René Rouault 
DELA ViQNE, ost uu uouveau venu à l'Association Bretonne, sa 

Novembre 1907 • 17 



^■''*ls "''"-' ■-■'""■ " ■ ^—^^ ^ \ ■- "r- ' --■-^' -^^.-u '■'■ |- •.■■/—---■■•r-'.r\-^-:-f--f.i^rr-rfi^i.^^v:ni/»^f^i 




250 • REVUE DE BRETAGNK 

conférence a été de tout point réussie et nous croyons que la 
Bretagne est en droit de beaucoup attendre de lui. 

Cette monographie amène une discussion sur l'introduction de 
la pomme de terre en Bretagne. 

M. l'Abbé Pavé fait remarquer que M^ de la Marche, le der- 
nier évoque de Léon, prit tellement à cœur la diffusion du tuber- 
cule cher à Parmentier, qu'il fut surnommé Escop ar Paiatez, 

M. Annb Duportal clôt la séance par une étude approfondie 
sur les droits et les coutumes des poissonniers de Saint-Brieuc» 

A huit heures la salle était comble. Les Lamballais avaient ré- 
pondu avec empressement à Tappel de VAssociation Bretonne. 

M. l'Abbé de la Villbrabel, en ouvrant la séance, fait ressor- 
tir les gloires religieuses du comté de Penthièvre : Charles de 
Blois, qui sera canonisé, et pour lequel M^ Morelle a demandé 
au Pape un office particulier qui a été accordé ; saint Vincent Per- 
rier, le P. Maunoir, le P. Aimé qui apporta à Lamballe le corps 
dé saint Amateur, le P. Proust et les dames de Saint-Thomas«*de- 
Villeneuve, Tabbé Cormeaux, etc. 

M. DB Palys présente bien spirituellement un petit travail 
du regretté La Borderie sur la défense de laisser entrer les chiens 
dans les églises 

M. DE Calan fait ensuite une vraie conférence sar Jean de 
Brosse et Sébastien de Luxembourg, l'oncle et le neveu, dont 
l'un fut le dernier comte de Penthièvre et l'autre le premier duc 
de ce nom au XVI* siècle. 

• M. DB L'BsTouRBGiLLON entretient le Congrès delà question du 
rapetissage des coiffes bretonnes qui sont en train de devenir 
ridicules par leur taille et ne tarderont pas à disparaître. Il dis- 
tribue dans la salle un tract destiné à arrêter le mal et que tout le 
monde se met à lire avec le plus vif intérêt. II ajoute que le mou- 
vement breton bat son plein et que depuis quelques années 
quarante troupes de théâtre populaire breton ont été fondées* 

M. l'abbé Pavé veut laisser l'assistance sur une note gaie et 
l'amuse énormément avec le récit des doléances d'un braconnier 
en l'an III. 

Le mercredi 4 octobre, Lamballe présentait une animation 
extraordinaire. Tous les propriétaires et une grande partie des 
cultivateurs des environs étaient réunis. Par toutes les routes 



LE CONGRÈS HRETON DE lUU? 251 

arrivaient des animaux de toutes races. Le grand concours 
agricole de V Association Bretonne allait avoir lieu. 

En attendant, la section d'histoire et d'archéologie tient sa 
séance à huit heures du matin sous les présidences successives 
de MM, les abbés de la Villerabel et Fouéré-Macé. 

M* PuHONj l'éditeur rennais bien connu, lit quelques notes sur 
rimprimerie à Lambal le avant et pendant la Révolution, La com- 
-pétence de lauteur, ilntérêt du sujet font que cette lecture rem- 
porte un légitime et vif succès, 

M. DE Laïque, dans une brève étude qui doit parallre dans 
a Bévue de Bretagne^ explique combien il y aurait utilité pour 
toutes les anciennes familles de Bretagne à refaire une nouvelle 
édition de V Armoriai de Pol de Courcy revue avec soîn, corrigée 
et conforme aux exigences de la critique contemporaine, cet 
armoriai contenant une foule d'erreurs et d'inexactitudes. 

M. DE BttRTiiou recherche la date de construction de Téglise de 
Saint Philbert-de-Grandlieu. Le R, P» de la Croix prétend que 
c*est une ancienne construction gano-romaine remaniée. M» Léon 
Maître affirme au contraire qu'elle est toute entière du IX* siècle. 
C'est ce dernier archéologue qui est dans le vrai, 

M, DE Laïque reprend la parole pour exposer un projet d'éphé- 
mérides brelonnes contenant pour chaque jour le nom du saint 
ordinaire^ celui du saint breton avec quelques notes, enfin cinq 
ou six lignes d'histoire de Bretagne, Le prix de ces éphômérides 
serait minime et Ton en ferait une œuvre de vulgarisation. 

M, DE Palys donne communication d*un travail de M. Trêvédy 
sur les voies romaines des Côtes-du-Nord entre Yfflniac et le 
Mort}ihan. Armé de ces notes on pourra constater rfe visu but 
le terrain si toutes leurs suppositions sont fondés. 

A rissue de la sénnce a eu lieu celle de la Société des Biblio- 
philes Bretons dont la Bevtœ de Bretagne a donné le compte- 
rendu officiel dans son numéro d'octobre. 

Le concours agricole a été superbe. Remarqué tout particu- 
lièrement les lots de M°'* la duchesse de Feltre et de M* Fernand 
Després, le premier avec sept animaux durhams purs. De l'avis 
des connaisseurs, ce fut un des plus beaux concours de l'Asso- 
ciaiion Bretonne. L'élevage breton est décidément en grand pro- 
grès- 

Le lendemain jeudis excursion archéologique au camp vrtrtOé 



252 REVUE DE BRETAGNE 

de Péran et à Moncontoar, et visite à la curieuse chapelle de la 
Comtnanderie des Templiers de Quessoy, à celle de Saint-Nico- 
las, aux églises de Plédran, Saint-Carreuc, Hénoa. A Moncon- 
tour quelques aimables habitants ont promené les Congressistes 
sur les remparts et à la tour de Gilles de Bretagne ; puis M»"" et 
M""Coroller les ont menés à Notre-Dame-du-Haut et à Trédaniel. 

Le vendredi matin, à huit heures, M. l'abbé de la Villerabel a 
célébré à Saint-Jean la messe pour les membres défaots de 
V Association Bretonne. Tous les membres du Congrès y assis- 
taient ainsi que beaucoup de personnes de la ville. 

Au début de la séance d'histoire, un travail de M. dk Laigue 
sor r « Esprit Breton » a été la cause d'une vive et intéressante 
discussion. Finalement, M. de la Villerabel, président du Con- 
grès, a mis les choses au point en constatant^ contrairement à 
Topinion de certains bardes bretons, que resprit breton-armo- 
ricain est maintenant absolument dissemblable de Tesprit gal- 
lois où Vêlement anglo-saxon est entré pour une grande part. 
Ces paroles ont été couvertes d'applaudissements, 

M. Saobrbt donne un rapport très clair et très étudié sur un 
livre récent de M. A. Travers, qui tend à démontrer que !a 
langue bretonne actuellement parlée en Basse-Bretagne n'est 
autre que la langue celtique qu'on parlait dans la péninsule 
armoricaine avant les invasions bretonnes. 

M. L*ABBÉ Hblubt lit d'excellcntes notes sur Lambalfe et ses 
environs. 

A la séance de l'après-midi, M. db Palys lit, en les analysant 
finement, quelques poésies populaires du XVIII* siècle pour ou 
contre le duc d'Aiguillon et qui reflètent bien les sentiments de 
l'époque. 

M. JouoN DBS LoNGRAis examine l'œuvre d'un artiste lambal- 
lais qui exécuta entre autres un beau retable pour l'église de 
Saint-Potan. 

M. Alain du Clbuziou, à la demande du bureau, consent à 
lire une page de VHistoire de Bretagne qu^il prépare et qui paraî- 
tra bientôt. Il choisit les Invasions Normandes. Celte lecture 
captive au plus haut point l'assistance qui remplit la grande 
salle de la mairie. 

M. DB LAiGUis raconte la vie de saint Gwennolé, un enfanl de la 



LE CONGRES BRETON DE 1907 253 

Domnonée Armoricaine puisqu'il naquit à Ploufragan près Saint- 
Brieuc, et le premier abbé de Bretagne. 

Samedi 7 octobre, c'est la séance solennelle de clôture. M. Li- 
mon, député, préside^ ayant pour assesseurs MM. le comte 
Lanjuinais, Tabbé de la Villerabel, Boby de la Chapelle^ de 
Villers. 

M. DB LaiguB! fait le récit ()e Texcursion archéologique de jeudi, 
et M. DB Palys lit un travail de M. Aveneau db la Grancièrb 
sur les encQintes en terre qu*on appelle communément Camps 
Romains. 

Puis M. Limon prononce le discours de clôture. Après avoir 
remercié tous ceux qui ont contribué à en assurer le succès^ 
il s'étend sur le concours agricole. « On ne saurait assez blâmer, 
dit-il, certaines manœuvres qui ont risqué d'empêcher les culti* 
vateurs du Finistère d'envoyer leur animaux au concours en 
laissant croire que la Bèvre aphteuse régnait à Lamballe, ce qui 
est faux ». 

M. LB coMTB Lanjuinais adressc ensuite ses remerciements à 
M. rabbé de la Villerabel^ à la ville de Lamballe, à son maire, à 
M. Boby de la Chapelle qui dirige avec un dévouement inlassable 
les destinées de la section d'agriculture, à M. Houitte de laChes- 
nais son digne collaborateur, au toujours jeune M. Le Bihan. Il 
annonce officiellement que le Congrès de 1908 se tiendra à Fou- 
gères et qu'il commencera le dimanche matin au lieu du lundi. 
Puis la clôture générale est prononcée et les congressistes se 
séparent. 

Ainsi que nous Tavons déjà dit, le Congrès de 1907 a été l'un 
des plus intéressants et des plus mouvementés auxquels il nous 
a été donné d'assister. Les travaux, les rapports et les confé- 
rences ont été plus captivants les uns que les autres, et Ton peut 
affirmer, sans crainte de se tromper, que V Association Bretonne , 
animée comme elle l'est du meilleur esprit breton, dégagée de 
toute influence étrangère, a devant elle une grande et belle car- 
rière à parcourir. 

Vive la Bretagne 1 

Vive la France ! 

C^ René ob Laïque. 



Essai sur V administration générale d'un District 
pendant la Révolution. 



LE DISTRICT DE ROGHEFORT 

(MORBIHAN) 

!•' JUILLET 1790 — 20 MAI 1795 



DOCUMENT PRINCIPAL 

Notes textuelles de M. Tabbô Piéderrière empruntées en 1865 au 
Journal des délibérations du Directoire du district de Rochefort, dépo- 
sées aux archives de la fabrique de Saint-Grave (Morbihan)* 

Les autres documents secondaires auxquels nous avons puisé seront 
indiqués k leur place respective dans le corps du récit. 

Ouvrages relatifs à la Bretagne consultés : Dubreuil. Le District de 
Redon, à Rennes, chez Piichon et Hommay, 1903 ; de Kerdrel, Notice tur 
Saint^Gravè, à Vannes, chez Lafolye, 1906. 

P. Mbrlbt. 



Chapitre I 
FORMATION DU DISTRICT DE ROCHEFORT 

Les lettres patentes du 4 oiars 1793 données à'Paris par le roi 
sur les décrets de TAssemblée nationale des 15, 16 et 26 février 
1790. ordonnaient la division de la France en 83 départements, 
et établissaient que ces départements seraient subdivisés en 



l^r^Stm-i^' î^i' 



LE DISTRICT DE ROCHBFORT 255 

districts dont lô nombre ne pourrait excéder neuf. Le départe- 
ment du Morbihan comprit donc neuf districts, dont ]es chefs- 
lieux furent Vannes, Lorient, Pontivy, Ploôrmel, Rochefort, 
Malestroit, Josselio, La Roche-Bernard» formant ainsi des cir- 
conscriptions territoriales moins étendues que ne le sont celles 
des arrondissements actuels. 

Le district de Rochefort était limité à TEst par le district de 
Redon et la Vilaine/ au Sud par la Vilaine et le destrict de la 
Roche-Bernard, à TOuest par le district de Vannes, au Nord par 
celui de Malestroit. 

La carte de France divisée en 83 départements et subdivisée 
en districts (1), présentée à l'Assemblée nationale en 1791 par de 
Belleyme, donne à ce district une configuration tortueuse. 

Si Ton jette un coup d*œil sur la carte administrative du dépar- 
tement du Morbihan, il est aisé de constater que deux villes 
seules pouvaient avoir l'honneur d'ôtre choisies comme chef-lieu 
du district de Rochefort : Questembert et Rochefort. Aussi, les 
communes, consultées à ce sujet en 1700, optent pour Tune ou 
pour Tautre de ces deux viltes. Un projet anonyme, pfésenté le 
16 juin 1790, songe à faire de Redon le centre d'une région nou- 
velle (2). On prendrait aux départements voisins les communes 
les plus rapprochées de Redon que de leur chef-lieu actuel, 
Rieux, Allaire, Saint- Vincent et sa trêve, Saint-Perreux, Glénac 
et sa trêve, La Gacilly, Garentoir et ses trêves au Morbihan. Il ne 
semble pas que Ton ait pris ce projet au sérieux : les communes 
que Ton avait proposé d'enlever au Morbihan lui restèrent 
affectées. 

Ce fut le 28 février 1790, que la ville de Rochefort fut choisie 
comme chef-lieu du district de préférence à Questembert parce 
qu'elle était plus centrale d'après l'avis émis par le plus grand 
nombre des communes. Il comprenait les communes de Roche- 
fort, Gaden, Limerzel, Malansac, Pluherlin, Questembert^ Berric, 
Larré, Molac, Le cour de Molac, Bohal, Pleucadeuc, Saint-Mar- 
cel, Missiriac, Saint-Laurent, Saint-Gongard, Saint-Grave, Saint- 
Martin-sur-Oust, Garentoir, La Gacilly, Gournon, Glénac, Les 
Pougerêts, Tréal, Peillac, Allaire, Saint-Vincent, Saint-Perreux, 
Saint-Gorgon et Saint-Jacut^ en tout 30 paroisses. 

(1) Voir Ch.-L. Chassin, ha Vendée et la Chouannerie, XI« vol. 

(2) Cf. Dubrenil» District de Redon, p. 19 et 20 et Archives de Rennes, A. D. 
I.-V. 15 M 15. 



256 REVUE DE BRETAGNE 

D'une manière générale, les habitants sont mécolitents de 
l'arrondissement des cantons : Ils trouvent la justice éloignée et 
coûteuse : ce qui leur occasionnent des dérangements fréquents et 
des dépenses à jet continu. 

Le registre du Directoire est rempli des requêtes des com 
munes, désireuses d'acquérir quelques villages dont la pos- 
session est incertaine. Mais» dès la fin de 1792, on ne s'occupe 
plus de ces questions. Sa résignation est ^nérale en pré- 
sence des difficultés qui vont croissant de plus en plus et Ton 
vit dans un état énervant de crainte et de* surexcitation con- 
tinuelles, et les municipalités ont mieux à faire que de demander 
le transfert du chef-lieu de canton et de se disputer quelques 
villages. 

Conformément au décret du 22 décembre 1789, on procéda à 
l'élection de& assemblées communales et on recruta ses membres 
parmi les personnages les plus influents et les plus instruits des 
paroisses. 

La municipalité d'Allaire, pour citer un exemple de ces corps 
constitués, compta neuf membres et élut maire, Jean Voisin de 
Ghez-Méhaud. 

Voici la liste complète de ses membres : 

Jean Voisin deChez-Méhaud, maire jusqu'en 1813. 
Jacques Gauthier du Vaubily. 
AiméHéry, de Deil. 
Guillaume Bloyet, buraliste. 
Joseph Noôl, de Trouhesnel. 
Laurent Mahé, de Peudu. 
Jean Rivière... 

Le Lièvre, président de la commune. 
Chédalleux, officier public à Saint-Gorgon. 
Pierre Paris est aussi agent municipal en 1796, et Julien Che- 
vilier en 1799 (actes d'A'laire). 

De môme les citoyens actifs élurent curés tous leurs anciens 
prêtres auxquels ils étiient extrêmement attachés. Ceux-ci eurent 
dès lors beau tonitruer contre la Révolution qui naissait, les cam- 
pagnards ne s'en émurent pas autre mesure. Ils avaient encore 
leurs prêtres et c^la leur suffisait. C'est encore ce qui passe exac- 
tement de nos jours. Les paysans ne sortirent de leur indifférence 



LE DISTRICT DE ROGUEFORT 257 

que quand ils virent leurs recteurs et leurs vicaires condamnés 
à mort. 

L'élection des juges de paix causa parfois de sérieux embarras. 
Chaque parti voulait faire nommer à tout prix Thomme qu'i 
croyait devoir lui être dévoué^ qui n*hésiterait pas au besoin à 
prostituer la justice en la faisant servir, ses rancunes et ses ami- 
tiés personnelles ; d'où manœuvres électorales frauduleuses et 
déloyales. 

Le Directoire de Rochefort était tout dévoué à l'état politique 
créé par la nation, mais les municipalités, excepté celles de Missi- 
riac et de Saint-Marcel, étaient conservatrices. Pour agir conire 
elles le Directoire ne pouvait pas se fier au procureur général de 
la commune, mais toujours il aura à se féliciter d'avoir eu con- 
fiance dans le juge de paix de canton. 

Il nous est impossible de donner une idée exacte de Torgani- 
sation du district et de Tadministration du Directoire élu car 
tous les papiers de Rochefort furent brûlés par les chouans au 
mois de mars 1793. 

Le 6 février 1793, Dayot, ancien procureur fiscal de Saint- 
Gorgon et du Vaudepierre en Allaire et sénéchal de Rieux, est 
élu procureur-syndic du Directoire du district de Redon. Il fut 
chargé spécialement de faire des comptes des biens des béné- 
dictins de Saint-Sauveur. Ce Dayot était au fond un ennemi du 
régime nouveau. Sa conduite, le 20 mai 1791, dans l'affaire Ker- 
sauson, le prouve surabondamment. Kersauson était un ecclé- 
siastique de Redon, ancien curé de l'église tréviale de Saint- 
Jean-la-Poterie, et dénoncé au Directoire de Redon. Ce prêtre 
« se répand journellement, dit la dénonciation, en présence des 
ouvriers et du public en propos les plus indécents et les plus 
atroces, tout contre l'assemblée nationale que contre les divers 
corps administratifs et les personnes attachées à la constitution 
du royaume ». 

Le Directoire de Redon y répondit par un arrêté énergique et 

anticlérical du bon cru : « Le Directoire regrette d'avoir à se 

plaindre des ministres d'une religion de paix et de charité 

mais ne pouvant se dissimuler les dangers de la conduite qu'on 
reproche à cet ecclésiastique, dangers d'autant plus grands que 
Son ministère lui donne plus d'influence et d'ascendant sur l'es- 
prit de la multitude rem.et la dénonciation & l'accusateur 

public. >» 




258 REVUE DE BRETAGNE 

Or, Taccusateur public, Dayot, déclara, en public, avec des 
propos malveillants pour le dénonciateur, qu'il ne voulait pas . 
poursuivre cette affaire. Le Directoire, irrité, envoya le dossier 
au département (1). Le 11 mars 1793, l'affaire Dayot éclate à 
Redon. Ce procureur-syndic n'était révolutionnaire qu'en appa" 
rence, en réalité il se montrait très favorable aux prêtres inser- 
mentés. Il agissait sans énergie contre les chouans et les me- 
neurs des campagnes. Le 11 mars, sa conduite fut mise en pleine 
lumière II avait été dénoncé par le directeur Bellouard au comité 
de sûreté générale qui envoya à Redon le citoyen Martin, 
membre du Conseil général du département. Celui-ci prouva que 
l'administration de Redon était entravée constamment par l'iner- 
tie du procureur-syndic. Dayot fut suspendu et sortit de la salle 
des séances. 

LA TERREUR A ROCHEFORT 

Les 5, 11 et 30 juillet 1792, TAssemblée législative lavait dé- 
crété la patrie en danger et la levée en masse. Le contre-coup de 
ces décrets ne tarda pas à se faire sentir dans les communes du 
district de Rochefort. Des attroupements furent tenus un peu 
partout. Redon fut violemment agité au mois de mars 1793. Un 
curé constitutionnel et trois gendarmes y furent môme assassinés. 
La ville faillit être enlevée par les chouans et ce n'est que grâce 
à l'activité du général Beysser, qu'elle dût de rester à la Répu- 
blique (2). 

Les causes de ce ^mouvement insurrectionnel dans le district 
de Rochefort se ramènent à deux principales : le refus du service 
militaire et la défense des prêtres insermentés. La chouannerie 
eut plutôt pour motif l'ingérence du clergé réfractaire qui pro- 
voqua l'insoumission de presque tous les jeunes gpns. C'était 
d^ailleurs le meilleur moyen de lutter contre la Révolution que 
de la priver des bras dont elle avait besoin en suscitant une 
rébellion violente. 

Le mouvement commença en mars 1793, et une de ses pre- 
mières manifestations fut la sanglante écriauffourée de la Roehe- 

(1) Arch. Rennes. Dioc, de Redon, A. D. I. V. 2 L 8|b . 

(2) Cf. de Closmadeuc, Les Débuis de Va chouannerie dans le Morbihan, 
Révol. franc. 1901. 



LE DISTRICT DE ROCHEFORT SSft 

Bernard, où Joseph Sauveur, justicier impitoyable envers les 
prêtres insermentés» fut tué par les paysans ; ia Convention 
donna à la Roche-Bernard le nom de Roche-Sauveur, en guise 
de protestation, celui du président du district avec lequel pé- 
rirent : 

Lefioc'h, du Cosquer, procureur syndic, 
Lefloc*h-Lahédaie, aîné et cadet, neveux du précédent, 
Galland, gendarme^ à la résidence de la Roche-Bernard, 
GabrieLLubin, brigaiieràla résidence de Muziliac, 
François Bertho, gendarme id. 

Girard, gendarme id, (1). 

Lamarre, sergent; Amelin, Robillard, Pieï, Poireaux, CoU 
Vibaux. GallaiSj Brunet, fusiliers du 109* régiment. 

Le 15 mars, Redon ordonnait de payer 600 livres à la munici- 
palité de la ville pour maintenir sa sûreté « menacée par les bri- 
gands répandus dans les paroisses voisines et limitrophes, à la 
distance d'une^ de deux ou trois lieues (2) »* Le 16 mars Degonsée^ 
curé assermenté à Redon, est nommé commissaire vers le dé- 
partement pour obtenir 400 hommes et deux pièces de campagne» 
car un grand nombre de faclieux sont répandus aux abords de 
Redon où ils veulent incendier le lieu des séances et massacrer 
les fonctionnaires publics. En réalité, le péril était imminent. 
L*insurrection était prête à éclater et à enh^ver ia caisse des assi- 
gnats* " Ces' brigands portent la cocarde bianclie,leur but est de 
la faire prendre à touâ les citoyens^ et d'immoler ceux qui refu- 
seraient de porter ce signé de rébellion, d'infamie et d'esclavage. 
Les soldats, las de ia situation intenable qui leur est faite, 
bouclent leurs sacs pour rentrer à Rennes malgré leurs chefs. La 
guerre civile menace. Les districts de Blain, Savenay, Roche- 
Bernard, Rochefori sont infestés de chouans (3). 

Le général Beysser arriva à temps et délivra cette place stra- 
tégique de premier ordre, véritable clef de tous les districts 
Tenvlronnant. Rochefort fut occupé par les paysans, le 16 olars 
17Û3^ et trois bleus payèrent^e leur vie ïeur ressentiment : 

Lucas, Jeune, administrateur du district, 

(l)Cf. Notice sur Saint-Oravè, par de Kerdrel^^ p. 53. 
(ï> lienne«t Arch. départ. A. Ù. L-T,, 2 L Sî", 
(3) Arck. départ. aeiiae«, k. D. L*V. 2 L. Bî*, 



260 REVUE DE BUETAGNE 

Dicqqéro, secrétaire du district, 
Dénouai, chirurgien à Peillac. 

Ce fut la raison de la nouvelle appellation de Roche-des-Trois 
que prit Rochefort. La veuve Dicquéro reçut un secours provi- 
soir de 600 livres. 

Par arrêta des représentants du peuple, Malliaad et Guer- 
meur, en date du 1*^ mai 1793, il fut accordé à la veuve Dénouai 
un secours de 50 livres. 

Les blancs, ayant gardé Rochefort en leur pouvoir, l'adminis- 
tration fit m archer contre eux toutes les forces qu'elle avait à sa 
disposition, mais elles durent se replier. Renforcés par des se- 
cours venus du Finistère, les républicains eurent enfin le dessus 
le 27 mars et se portèrent ensuite sur Roche-Sauveur, accompa- 
gnés des commissaires Lucas et Chàignant. 

Des massacres en suivirent. On enleva les cloches des églises, 
qui servaient à rallier les chouans dont les principaux chefs 
étaient, dans le district de Rochefort, Montméjean, Chevalier, 
Gardon, Briend,Dondel, le général de Sol de GrissoUes. Leur tête 
fut mise à prix : 600 livres furent promises à ceux qui livreraient 
Montméjean, de son vrai non DupuisMontbrun ; 300 livres à 
celui qui saisirait Chevalier. Le Journal du Directoire racontait 
les faits de la manière suivante, le 2 avril 1793 (1), « au commen- 
« cément du mois de mars dernier, tout paraissait tranquille 
« dans les limites du district, les impositions se payaient et plu- 
« sieurs municipalités les avaient entièrement acquittées ; plu- 
« sieurs avaient môme fourni Targenterie de leur église. Le 
« contingent demandé à chaque commune pour le recrutement 
« se complétait. Soudain, le 15 du mois dernier, à l'heure de 
« midi, le procureur de la commune de Questembert, arrivant 
« brusquement, entra dans la salle du Directoire, porteur d'une 
« lettre des officiers de la commune par laquelle ils annonçaient 
« que les jeunes gens de la paroisse étaient assemblés dans la 
« ville, armés de bâtons, menaçant d'abattre l'arbre de la Li- 
€ berté qu'ils frappaient et que, pendant la nuit, ils<levaient mar- 
« cher sur Rochefort ; qu'aux exhortations qu'on leur a faites, 
« ils ont répondu qu'ils allaient se rendre à Noyal-Muzillac pour 
« voir comment on y tirait à la milice. 



(1) Lei discours qui suivent, ainsi que le comple-rendu de la prise de R<iche- 
fort, ont été empruntés littéralement aux notes de M. Piéd-rnère. 



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LE DISTRICT DK ROCHEFORT , 261 

« Sur cet avis, oq délibéra de convoquer la municipalité et la 
« gendarmerie. Le lieuteuant des gendarmes fut nommé com- 
« mandant. On prit la résolution de faire bonne contenance, de 
« veiller pendant la nuit et de lancer des patrouilles sur les cam- 
« pagnes. Un détachement du 109« régiment était à Garentoir 
« pour faire payer les contributions, on l'envoya immédiatement 
« chercher. Gomme la lettre venue de Questembert ne renfermait 
« qu'un écho des bruits qui couraient, on crut que ces mesures" 
« provisoires étaient suffisantes. 

« Dans la nuit du 15 au 16 mars, une patrouille saisit deux $^ 

rii hommes placés sur la butte de la chapelle Saint-Pirfc're, à 
« quelques centaines de pas au sud de la ville. Ils venaient à 
« Rochefort. Leurs réponses équivoques firent penser qu'il serait 
« prudent de leô arrêter. On les mit en prison. Le matin du 
« 16 mars, on annonça que le tocsin sonnait à Malansac, Gaden, 
<( Limerzel, et dans toutes les paroisses voisines. Aussitôt on 
o envoya des hommes de tous côtés prendre des informations, 
« on écrivit aux administrateurs de Questembert et du départe- 
« ment, .nais on ne trouva ni hommes ni chevaux pour porter la ,?i 

« dépêche. Gomme le tocsin continuait, on ne douta plus que les 
(c attroupements allaient se porter sur Rochefort. On ramassa 
« vite les papiers du district ainsi que l'argenterie des églises 
u qu'on avait mise en pièces pour en retirer tout métal étranger. 
« On mit le tout dans des sacs et on les ramassa dans les appar- 
« tements les mieux fermés du château où l'on était décidé à se 
« retirer si on y était forcé. 

a On fit battre la générale, et on eut le chagrin de constater que 
« fort peu de citoyens se rendaient à son appel. Les pierriers 
« et tout ce qui restait de cartouches furent transportés au 
château. 

« A midi, un attroupement arrivait par la porte de l'étang. Le 
f< citoyen commandant, accompagné de 5 ou 6 patriotes fut au- 
« devant de lui. On tira quelques coups de fusil, et deux brigands 
« furent tués sur place. Mais le nombre des révoltés grossissait 
u sans cesse et les 5 ou 6 républicains ne pouvaient plus leur te- . 
u nir tôle. Ils se replièrent sur le château où se trouvaient envi- 
« ron 20 citoyens, armés de fusil. De là,"on apercevait la cam- 
« pagne, et de tous côtés, on remarquait des bandes dé 2 à 300 
« hommes, armés de fusils, de haches, de bâtons, etc., arriver 
* et entrer en ville. Sur la butte de Saint-Piacre> un groupe con* 



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262 REVUE DE BRETAGNE 

« sidérable portait un drapeiiu blanc, et il devint évident à tous 
« que la résistance était inutile, et on résolut de partir et d'aller 
« au-devant du détachement de troupes qu'on attendait de Ga- 
« rentoir. 

a En conséquence, quelques citoyens prirent la porte du petit 
« parc» et, pendant leur sortie, quelques coups de fusil furent tirés 
« à travers la grille qui était fermée. Les autres résolurent de res. 
«i ter et d*aller au devant des brigands. pour leur adresser la 
a parole et les exhorter à ne pas commettre d'excès. Le procureur 
a syndic, François Le Clainche, fut député. Il rencontra dans la 
i< première cour un groupe de 40 à 50 hommes qui, d'après la 
a promesse qu'il leur fit de leur délivrer les munitions^ lui dé- 
« clarôrent qu'ils ne feraient aucun mal et ne se livreraient pas 
ce au pillage. Plus loin, sur la rampe de l'escalier qui descend en 
« ville, il rencontra de 20 à 30 hommes qui demandaient la poudre 
« et l'argenterie des églises qu'ils savaient avoir été transportées 
« au château. Môme prbmesse de part et d'autre. Ils s'avancèrent 
« alors vers le château et trouvèrent environ 150 cartouches dans 
« la cuisine. Pendant ce temps-là, une foule considérable assaillait 
« le procureur pour lui montrer, disait-elle, l'endroit où l'on 
« avait caché la poudre. Cependant les cours du château se rem- 
« plirent de brigands, ils montèrent dans les appartements et 
« pillèrent, dévastèrent tout. Les citoyens qui y étaient restés 
« furent roués de coups ; la femme du régisseur, M. du Perron, 
« fut obligée de livrer l'argenterie des églises et les papiers du 
u district. La nuit arriva, et les administrateurs, en grande 
M partie se sauvèrent à la faveur des ténèbres, pendant que le 
« pillage continuait. 

^« Durant là journée du 17 mars, les brigands trouvèrent des 
« complices en ville, et, grâce à leur concours surtout, ils mirent 
tf en prison les républicains qui n'étaient pas morts. Les troupes 
« arrivées de Carentoir furent battues ou faites prisonnières, ou 
c< se replièrent sur Malestroit, avec les bons patriotes échappés 
« de la ville. 

« Nous voudrions nous exempter de rappeler à votre souvenir 
<c la mort des citoyens Lucas^ Dicquéro et Dénouai, qui ont suc- 
« combé dans la journée du 16 mars ;mais, si nous sommes af- 
« fligésde leur perte, nous avons la consolation de savoir qu'ils 
« sont tombés en véritables républicains. En effet, ils ont tou- 
« jours crié « vive la République » sous les coups de bâtons et 



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LE DISTRICT DE ROCHEFORT 263 

a autres instruments, malgré toutes les voix qui voulaient les 
« forcer à crier « vive le roi ». 

« Une copie de ce rapport fut a Iressée aux administrateurs du 
« département et une autre à la Convention nationale. . 

« Depuis longtemps, les esprits étaient surexcités et cher- 
V chaient une occasion propice pour se soulever. La réquisition 
« fournit aux jeunes gens le moyen de se réunir. Ceux de Berric 
« commencèrent le mouvement insurrectionnel. Ils s'adjoignirent 
« leurs camarades de Noyal-Muzillac, de Péaule et de Questem- 
« bert, et le soulèvement général s'opéra comme une traînée de 
a feu au son du tocsin. Montméjean et Chevalier de Garentoir se 
« mirent à la tôte de ces attroupements et les commandèrent 
« sous les murs de Rochefort. Les insurgés décidèrent de con- 
« server en leur pouvoir la ville et le château de Rochefort. Les 
« plus déterminés, ceux qui avaient des armes, restèrent au 
« poste. Mais les républicains reçurent des volontaires de Ma- 
« lestroit et d'ailleurs. 

« Une première attaque fut repoussée. L'officier Dubois, com- 
« mandant le S"* bataillon du régiment de Mayenne et Loire, ar- 
« riva du Finistère. D'autres miliciens» auxquels s'adjoignirent 
« des patriotes, vinrent de Redon avec du canon. Chemin faisant, 
^i ils exterminèrent les paysans de Saint-Perreux qui vinrent 
u leur barrer la route auprès du pont du vieux bourg. 

« Le 27 mars, tout était fini. Une partie des paysans a pris la 
u fuite, les autres sont tombés sous le choc des balles républi- 
<( caines ou sabrés dans la mêlée, un grand nombre furent faits 
<i prisonniers. Des commissions militaires les expédièrent rapi- 
<( dément et les maisons qui les renfermaient sont bientôt 
« vides • 

« Combien périt-il d'hommes dans toute cette affaire ? Une 
« page demeurée blanche sur le registre du Directoire de Roche- 
« fort garde ce secret. On aurait pu y écrire ces quelques mots 
«c que j'ai lus sur une feuille analogue : « Ici, il n'y a pas de 
« joie ». La tradition est sévère à ce sujet et accrédite que les 
« représailles exercées par les révolutionnaires furent d'une 
« cruauté inouie et indigne de soldats français. 

« Le brigadier de la gendarmerie de Rochefort, nommé Roque, 
« fut dénoncé comme ayant pris parti pour les rebelles. II dispa- 
« rut. Sa femme et ses enfants furent immédiatement obligés 
« de quitter leur maison qu'on remit à la disposition du com- 



26'i REVUE DE BRETAGiNE 

u mandant Dubois, pour y loger ses soldats malades ou 
blessés. 

« Réinstallée dans ses locaux, l'administration directoriale de 
tt Rochrfort dans un but de pacification lança la proclamation 
« suivante, le 3 avril 1793 : « Des brigands, réunis au cri du 
« fanatisme, sont venus porter dans les murs de cette ville la 
« désolation et la mort. La hache d'une main, et le crucifix de 
« l'autre, Tenfer dans le cœur, les scélérats ont ravagé nos pro^ 
tt priétés et massacré nos frères. Hommes faibles des campagnes 
« qui avez été arrachés à vos demeures et à vos paisibles tra- 
ie vaux poub participer à ces désordres, si de pareils méfaits 
« n'ont pas sufïi pour vous instruire, vous arracher aux sugges- 
« tions de vos ennemis, écoutez au moins la voix de vos magis- 
« trats, vos seuls véritables amis. 

« Pendant les jours de deuil qui ont affligé Rochefort, le mot 
« religion a souvent frappé vos oreilles. Des monstres qui pro- 
u fanaient ce nom sacré, n'ont pas cessé de commettre sous vos 
« yeux des attentats qu'elle défend et réprouve. Vos ministres 
« d'un Dieu qui expira en priant pour ses bourreaux, vous 
« commandaient d'aller tremper vos mains dans le sang de vos 
« frères. Des émigrés venaient pour vous ravir des droits 
« acquis par quatre années de peines, d angoisses et de tra- 
« vaux, ils venaient pour rétablir les corvées, les banalités de 
f< four et de moulin, les droits féodaux^ les domaines con- 
« géables, toilt ce qui pesait naguère particulièrement sur 

vous. Ils voulaient, sous prétexte de religion qu'ils n'ont 
« jamais connue ni pratiquée, vous ôter vos libertés, vous en- 
u voyer comme de vils animaux^ à vos charrues, en un mot, ils 
a voulaient de nouveau vous rendre esclaves I Et vous avez -eu 
« la faiblesse de ne pas les repousser I Vous avez même marché 
« sous leur bannière ! connaissez donc^vos intérêts et résistez à 
a des discours empoisonnés et liberticides. La révolution est 
« faite. Vos intérêts sont consignés dans la charte des droits de 
« l'homme. N<^ les perdez pas par votre faute, ou vous et votre 
« postérité serez à jamais malheureux. 

« Par vos cris, vous redemandez un roi qui, tous les ans, en- 
tt levait vos biens en dépensant 40 millions. La Convention, 
a pleine de sagesse^ tend tous les jours à vous procurer le bon- 
heur, à diminuer vos impositions, malgré une guerre coûteuse 
u entreprise contre les brigands. Elle vient de supprimer la 



LE DISTRICT DE ROCHEFORT 265 

« royauté, et, vous voulez la rétablir, et, vous vous exposez à 
« la peine de mort en la redemandant 1 aveugles ! Respectez 
« enfin les autorités que vous avez vous-mêmes établies, fiez 
« vous en leurs lumières, consultez-les, et elles ne vous trom- 
« peront jamais. 

« Vous redemandez vos prêtres !... des hommes qui, au lieu 
« d'obéir aux lois émanées delà volonté générale [la constitu- 
« tion civile du clergé] ont abandonné leurs troupeaux au mo-* 
« ment où ils avaient le pJus besoin d'eux et de leurs secours: 
« des hommes qui, pour leurs intérêts personnels, se sont 
« opposés à ce que vous fussiez heuretix ; des hommes qui se 
« sont associés aux nobles pour rentrer dans leur- dîmes et leurs 
« anciens privilèges ; des hommes enfin qui vous ont plongé 
« dans l'état déplorable où vous êtes réduit?, 

« Vous vous êtes choisis des chefs dont vous auriez rougi en 
« temps de calme. Ils étaient, ils sont encore vos ennemis, et, 
<( vous Vous êtes laissés séduire par eux? Aussi, les lâohes, 
« après vous avoir soulevés, le moment du danger venu, ils vous 
ff ont abandonnés entre les mains des soldats ! 

<i Habitants des catnpagjnes^ aujourd'hui vos crimes vous font 
ce honte, vous font frémir. Vous réparerez vos torts. En consé- 
« quence, nous vous enjoignons, et, nous mettons ces mesures 
« sous la responsabilité personnelle des officiers municipaux de 
a chaque commune du district : 1** de descendre, des clocher^ 
« des églises et des chapelles, toutes les cloches du district et de 
« les amener à Rochefort [toutes les cloches, le 15 et 16 mars, à 
• Texceplion de celles de Saint-Marcel et de Missiriac gardées 
« par les patriotes de Malestroit, avaient sonné le tocsin]. 2^ De 
« livrer les chefs des attroupements venus à Rochefort et tous 
« les prêtres réfractaires qui désolent les campagnes par leurs 
« discours fanitiques. 3® De désarmer tous les particuliers et de 
« conduire leurs fusils et autres armes au chef-lieu du district. 
« 4* De dénoncer les plus mutins de chaque paroisse et tous 
« ceux qui ont le plus contribué à vous soulever contre les au- 
« torités constituées. 

« Votre bonheur et votre tranquillité dépendent du prompt 
a accomplissement de nos ordres. Nous vous invitons donc à 
« rentrer dans vos foyers cultiver vos terres, à fréquenter les 
« foires et les marchés que vous désertez, et, dans ces conditions, 
« nous vous promettons secours et assistance ». 

Novembre f907 fê 



266 REVUE DE BRETAGNE 

« Les administrateurs de Rochefort i>romirent aussi une prime 
« de 600 livred à<;elui qui livrerait Montméjean, et une autre de 
« 300 livres à celui qui prendrait Chevalier. 

« MM. dQ Francheville, de Silz, de Sol, de Grissolles avaient 
« aussi organisé et commandé les attroupements, et le Directoire 
<c statua contre eux : 1"^ que tout citoyen était autorisé à les ar- 
« rêter, et que, si on ne pouvait les arrêter, on pouvait les mettre 
« à mort. - 2® Que quiconque serait convaincu de les recevoir 
« ou les séjourner sur soa territoire, sans les avoir dénoncés, 
« serait condamné à 300 livres d'amende solidaire. 

<( Chevalier fut pris par des soldats accompag^nés d^un com- 
« missaire longtemps après et aussitôt fusillé. Ces soldats reçu- 
« rent les 300 livres promises (1). 

« Les gens des cai^pagnes,après la prise de Rochefort.s'étaient 
c probablement livrés au pillage et à des excès commis surtout 
« dans les maisons des patriotes qu'ils regardaient comme res- 
« ponsables deTétat actuel des choses et de leurs maux. Parmi 
« ceux-ci, à côté des hommes mus par des raisons d'ordre religieux 
« et politique, il y en avaient d'autres dont les instincts étaient 
« pervers. Aussi dès que le Directoire eut promis des indem- 
« ni tés à ceux qui avaient souffert dans la ville, les réclamations 
« se multiplièrent. Des demandes en armes lui furent même 
« présentées. Nous avons so|is les yeux ces demandes particu- 
le lières que nous voulons taire. Quelques-uns reçurent de fortes 
tt sommes de 10 000 à 20 000 fr. Mais, en général, le civisme no- 
« toire des réclamants fut la base de cette répartition. 129293 li- 
« vres 19 sous furent distribuées aux quémandeurs de Rochefort 
« dont les convictions étaient à la hauteur de leurs porte-mon- 
« naies. Cette somme d'argent fut prélevée sur les communes 
« dont les citoyens avaiei^tpris part à l'insurrection. 

« Les communes furent imposées de la manière suivante : 

Caden condamnée à verser la somme de 10.000 livres. 

Limerzel — 7.600 — 

Malanzac — — — 9.600 — 

Pluherlin — - — 7.600 — 

Carentoir — — -7 9.000 — 

Tréal — — — 1.800 — 



(1) Cf. Notice sur Saint'Oravé, pardd Kerdrei, p. Ib. 



Jlk 



LB DISTRICT DE ROCHEFORT «î 

Glônac condamace à verser ta somme de 2.200 — 

LesFougerÔts _ _ _ 3. 200 — 

Saint-Martin — — — ■ 7.6OO — 

Peillac _ „ _ 7.600 — 

Aliaire _ _ _ 7.6OO — 

Saint-Jacut _ _ _ T.tiOO — 

Saint-Gorgon _ — ^ 1.000 -- 

Saint Gravé — _ _ 4.000 — 

Saint-Perreux — — — 2,000 — 

Saint-Vincent _ _ ^ 5.854 — 

Pieucadeuc — — — i 5,050 

Saint-Gongard ^ _ — 2,750 — 

QuestemberL -_ _ ^ 13,000 — 

Berric _ _ _ 6,140 — 

Larré — — — - - 2,000 — 

Molac ; ^ — — 5.500 ^ 

ïi Les paroisses de Rochefort, La Gacilly» Cournon, Saint-Mar- 

^^ cel, Missiriac, Saint-Laurent et Bohal, considérées comme ayant 
« fort peu pris part à l'insurrection et à la prise de Rochefort, 
(* furent exemptées d'impositions. Il faut aussi noter que ces 
a sommes furent levées sur les gens suspects des paroisses. Les 
t^ citoyens rpconnus pour leur civisme furent exonérés* Si tes 
u habitants refusaient ces cotisations, une garnison militaire 
a allait s'installer dans les localités aux frais des communes, 
<* pour opérer leur recouvrement- Avant la fin de 1793, ces im po- 
(* sitions vexatoires avaient été acquittées. 

Ainsi avait été écarté un dangerimmédidt mais tout était encore 
à redouter. Le Directoire de Redon vint au secours de celui de 
Rochefort» et le 4 avril i793j il envoyait Le Batteux, Bastide et 
Gentil avec ia force armée pour « désarmer les paroisses de 
Saint-Jean-des^Marais etd'AUaire(l). jï Le général Avril arrivé à 
son tour pour veiller sur Redon, rappela la force armée de Ro- 
chefort dont Tadministration se retira à Malestroit..* 

« Maîtres de Rochefort, les républicains n'eurent rien de plus 
rt pressé que d*en démolir îe château ; ce travail fait du 18 avril à 
ff la fin de mai, coûta à l'adminiâlration 1364 livres 7 sols 6 de- 
« niers (2). Ce château^ élevé comme un nid d'aigle sur sa colline 

(t) Gb, Dubr«ail, Le District de RedoUt p. 92, 

(2) Compte d« l'adminifit ration di] dêfï&rtemeni du Morbihan, ftoDée 1793 



268 REVUE t>È ^RËtAGNE 

« parles sires des Rieuxet d'ËI bœuf, existait depuis des siècles, et 
« avait va plusieurs fois de vigoureux combattants au pied de ses 
« murailles, la dernière fois pendant la Ligue, au XV!"" siècle (1). 
c Nous avons vu les membres du Directoire s*y retirer le 
« 16 mars avec tout ce qu'ils avaient de plus précieux et décidés 
u à s'y défendre. M. des Nétumières, qui en était le propriétaire, 
« était absent et M. du Perron, son régisseur présent, n*avait 
« pas d'énergie. Il fut pris et repris par les troupes républicaines 
« et il fut endommagé par le canon et la fusillade. Sous rinfluence 
« de la peur et de l'épouvante que les événements venaient de 
<x surexciter, l'administration directoriale décida la démolition de 
« ce château-fort. Un architecte vint de Vannes, pour y présider 
« et le Directoire lui enjoint Tordre de prendre las moyens les 
« plus rapides et les plus économiques pour arriver à cette Sa. 
« Il mit à la disposition de l'ingénieur Jéhanne la fourniture des 
<K outils et autres instruments à remettre aux mains des ouvriers . 
«c M. du Perron, membre de TÂdministration et maire de la ville, 
« demanda la conservation des édifices neufs de TOuest, des gre- 
« niers et des écuries au-dessus, mais on ne lui accorda que la 
« seconde partie de sa demande. L'administration départemen- 
« taie fut appelée à juger en dernier ressort. 

« Les patriotes, accourus à la reprise de Rochefort, deman- 
« dèrent aussi sa d3structioQ, et, à leur gré^ on n'allait pas assez 
<c vite. Le 18 avril, ils montèrent sur les toitures et les rava- 
« gèrent en forcenés. Les décombres furent précipitées au pied 
« des remparts dans le plus complet désordre. 

<c L'ingénieur se plaignit qu'au lieu d'avancer son travail, on le 
a retardait, qu'on créait des dépenses nouvelles au lieu de les 
<x diminuer. Sa plainte fut prise en considération. Mais les volon- 
« taires voulurent faire la loi, et leur commandant, le capitaine 
« Dubois^ dût accepter leur volonté comme des injonctions, et 
a le 19 avril, de grand matin, il lisait sous les fenêtres du Direc- 
« toire et affichait une proclamation incendiaire. Les adminis- 
a trateurs se crurent visés et affirmèrent que leur civisme était 
« à la hauteur de celui du capitaine Dubois, de ses troupes et de 
a ses volontaires ; ils louèrent leur zèle et leur ardeur patrie- 
a tiques auxquels il manquait cependant un peu d'obéissance à 
« la direction et à l'ingénieur chargé de présider aux opérations 

(1) Ce récit %»i emprunté teztaeUement aux notM de M. Piédernère* 



I 



LB DISTRICT DE ROCHE FORT 269 

« de la démolition du château, et ils prièrent le commandant 
« Dubois, de publier la proclamation suivante : 

« Volontaires, la démolition du château est confiée à la surveil- 
a lance des administrateurs du district. Ils ont improuvé, hier 
« soir, le trop grand empressement que vous aviez montré pour 
il accélérer ce travail et ménageries finances de la République, 
c Ce travail est étranger à votre service militaire, et votre com- 
ff mandant, tout en applaudissant de nouveau à votre zèle et à 
« votre patriotisme, vous invite à ne plus vous en occuper. S'il 
« y a besoin de votre concours, il vous en avertira. En atten. 
« dant, soyez tranquilles dans l'accomplissement de vos fonc- 
« tions militaires. » 

• <c A partir de ce moment, les volontaires s'occupèrent peu du 
« château. On appela de nombreux ouvriers et on se servit de 
(i moyens énergiques de destruction, et, à la fin de mai et au 
'< conimencement de juin, le vieux manoir avait cessé d'exister. 
« Il n*y a plus que des ruines lamentables. 

« Le 5 avril, Rochefort célébra sa délivrance. Une proclama 
«. tion affichée le 8 en faisait le récit suivant (1) : 

<c Un jour de joie et d'allégresse a terminé enfin les longs jours 
« d*une oppression sanglante. La fête la plus touchante a été cé- 
« lébrée dans, des lieux naguère souillés par les excès les plus 
a monstrueux. Les expressions de bonheur et les larmes d'at- 
« tendrissement ont succédé aux hurlements des cannibales, aux 
cc' gémissements des citoyens, les étreintes de la fraternité ont 
<( remplacé l'acharnement de scélérats forcenés ; des hommes 
« libres, des frères ont rempli la même enceinte qui, peu de 
« jours auparavant, ne contenait que des esclaves, des bourreaux 
(( et des victimes. Le serment d'être fidèle à la République, de 
a maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir en les défendant, 
« a été prononcé au sein des murs qui avaient entendu des 
« imprécations contre elles. 

« Un peuple nombreux a prononcé ce serment auguste sur 
«. les lieux où la mort a été donnée à plusieurs d'entre nous et 
« promise à tous les autres. L'arbrejde la liberté avait été abattu 
« par les brigands, les patriotes devaient le relever. » 

Le Directoire prît des mesures à cet égard, et une circulaire 
« fut envoyée à toutes les municipalités de son ressort pour leur 

(l) Cf. Journal du Direotoire de Rochefort, et notes de M. Piéderrière. 



i 



m 



s--' 



I; 



270 RBVUE DB BRETAGNE 

« annoncer la plantation (i'un nouvel arbre (}e la liberté et d'ua 
« autre dédié à la fraternité. Le matin de la fête, une proclama- 
« tion en expliquait le but, les idées qu$ ces insignes devaient 
« représenter, Tordre à observer, et invitait toutes les citoyennes 
« à rehausser la fête par l'éclat et le charme de leur présence. 
« Biles avaient partagé les alarmes, il était juste qu'elles partiel-^ 
« passent aux joies communes. 

« A 2 heures du soir, un grand roulement de tambour annonçait 
« le moment fixé, 2 heures 1/2. La compagnie du 3*" bataillon de 

^' a Mayenne et Loire se rendit à la porte de la maison directoriale, 

i:.K ^ tt 'et les oflflciers civils prirent place entre les rangs de ces braves 

^ a militaires. Tous ensemble, et portant le bonnet de la Liberté, 

a parfaitement orné de verdure^ de rubans aux couleurs natio. 
« pales, se rendirent dans les cours du château qui offraient un 
% espace favorableau développement de la solennité/« Ces cours, 
« souillées par des brigands, étaient maintienant occupées par des 
a libérateurs. » IJn nombreux bataillon de volontaires, rangés 
ff en ordre de bataille, fit des évolutions dans la cour intérieure ; 
« les cours extérieures servaient aux troupes qui, après plusieurs 
« défilés, vinrent se placer face aux corps constitués des membres 
tt du Directoire, de la municipalité de la yille et de celles de toutes 
« les communes du district, tous décorés de l'éçharpe de leur 
« ordre. Les citoyens tant de la ville que des campagnes se 
a rangèrent sur deux rangs à l'instar des troupes. «Nous eûmes 
« alors, dit le registre des administrateurs, un beau moment : 
« toutes les troupes firent de nouvelles manœuvres, et, pendant 
<c une heure, elles étonnèrent tous les spectateurs par la variété 
« et la précision de leurs mouvements militaires. Ces exercices 
c terminées, les corps administratifs reprirent leur place entre 
« les deux lignes des grenadiers; les citoyens de la ville et des 
a campagnes se placèrent sur deux rangS; et, suivis par les 
ce soldats et les autorités^ ils se rendirent, tambour battant sur 
n la place de la liberté. Là, les troupent formèrent un carré au 
« milieu duquel se placèrent les corps administratifs. L'ordre de 
« la Liberté fut élevé et un discours fut prononcé par le com- 
«1 missaire du département et le serment, qui terminait ce dis- 
« cours, fut répété parles assistamts, 

« De là, on se rendit sur la place du Prétoire, et l'arbre de 
« TEgalité y fut élevé au cri, cent fois répété, de « vive la Repu- 
« blique 



LE DISTRICT DE ROCHBFORT 371 

f Le commandant militaire adressa aux paysans un discours 
« simple mais éloquent. Dans oe discours, comme dans les deux 
% autres qui l'avaient précédé, rien ne fut omis pour leur -faire 
ft comprendre les avantages du nouveau gouvernement sur Tan-* 
ce cien» raccord des principes sacrés de la nature et de la religion 
« avec ceux de la liberté et de l'égalité, là dissonance de leurs 
a demandes et encore plus de leurs actions avec ces principes, 
« leurs intérêts et leurs devoirs. Il leur fut montré combien il 
« était facile à la loi de trouver des moyens de répression contre 
« les rebelles. 

n Le citoyen Dubois ajouta qu'il était nécessaire pour eux de 
« délivrer au glaive de la justice les fanatiques qu'ils avaient 
m séduits, les chefs qui les avaient soulevés et conduits dans la 
« voie des. atrocités, à une punition qu'il ne tenait qu'aux vain- 

« queurs de rendre terrible que maintenant ils n'avaient 

a qu'une chose à faire : vivre paisiblement et fraternellement, 
« faire le .serment de ne' plus jamais écouter ces fanatiques, 
« d'être sourds à toutes les suggestions de ceux qui les avaient 
<» trompés, de ne prendre désormais les armes que contre les 
« perturbateurs du repos public et les ennemis du dehors. 

« Ces paroles mirent l'enthousiasme dans toutes les âmes et 
« le serment demandé fut répété par toutes les voix de la multi- 
a tude. L'hymne des Marseillais fut aussitôt entonnée par un 
« groupe de citoyens et de citoyennes, et te refrain chanté par 
f tous les assistants. 

<c Sur rinvitation qui lui fut faite de partager les joies des 
tt citoyens, la troupe déposa les armes, et tous ensemble vinrent 
a prendre des rafraîchissements présentés par les corps admi- 
a nistratifs. Des danses, vives et ammées, ont terminé cette fête 
<c heureuse qu'un beau jour a éclarré, qu'aucun accident, qu'au- 
« cune rixe n'a troublé. 

c La Convention nationale et Tadministration départementale 
« furent gratifiées d'une copie de ce chef-d'œuvre de littérature. 

« Cette joie apparente n'était qu'à la surface et n'existait que 
tt dans une localité. Plusieurs môme de ceux qui assistaient 
<c n'accordaient qu'un sourire forcé, leur âme était triste, ulcérée 
« de chagrins et de douleurs. Aussi, comme toutes les fôtes^ 
« celle-ci ne dura qu'un jour. 

« Ce procès-verbal était à peine signé que plusieurs membres 
« de la commission administrative selèvent pour déclarer que plu- 



272 REVUE DE BRETAGNE 

« sieurs chpf S du soulèvement du 18 mars sont sur le territoire de 
« la commune de Garentoir à la tête de nombreux partisans. On 
« dééréta sur-le-champ que, pendant la nuit du 8 au 9 avril, 80 
« hommes du bataillon de Mayenne et Loire iraient à leur pour- 
« suite et feraient Timpossibie pour les aipener à Rochefort. 
i< D'autres membres présument que de nouveaux soulèvements 
a s'organisent dans les campagnes, et leurs soupçons se basent 
« sur le bruit qu'il serait d'Sfendu d'entrer dans les églises sous 
u peine de massacre. Le comité rédigea et expédia la proclama* 
« tion suivante : 

<f Habitants des campagnes, voi ennemis, qui sont les nôtres» 
ce cherchent encore à vous égarer. Vous avez le droit de faire vos 
« prières où vous voudrez, comme vous voudrez, pourvu que 
« Tordre public ne soit pas troublé. » 

« Pendant tout le mois d'avril il est continuellement bruit de 
« nouvelles révoltes. Le Directoire ne se croit plus en sûreté à 
« Rochefort, et envoie, le 20, un commissaire à Malestroit dans 
« le but de préparer les locaux nécessaires à son établissement. 
« Le môme jour, Tordre est intimé à la municipalité d'Allaire 
« d'avoir à fournir immédiatement la liste de tous les hommes 
<i de 18 à 40 ans, capables de servir, ainsi que ceux de son con- 
« tingect pour la réquisition, sous peine, dans le délai de 3 jours, 
« d'avoir aux frais de la commune une garnison de 100 soldats. 
« Le 21 avril, le conseil d'administration apprend que la veille, à 
u Gaden, la réquisition avait été troublée gravement et que des 
« excès furent commis sur les agents de la loi. On décida d'y 
« envoyer un commissaire et 100 hommes de troupe dont la 
« mission sera de prendre des informations sur les auteurs des 
« troubles, le recrutement, d'amener en prison les fauteurs, sur- 
« tout Pierre Provost, Yves Loiier et Julien André ; de réunir 
« tous les hommes sujets au recrutement et conduire à Roche- 
« fort ceux qui tombaient au sort; de désarmer tous les parti- 
« culiers, connaître les. greniers de froment et diriger sur 
u Rochefort les armes et les grains. 

« Le 23 avril, le boulanger des troupes constate qu'il lui man- 
« que du grain et de la farine. On envoya prendre les grains de 
a Le Mailler, de Ghassouville^ du Brossais en Saint-Grave. Ce 
« môme jour on congédia les volontaires et les gardes nationaux 
« de Malestroit qui étaient demeurés à Rochefort depuis sa 
a reprise, on leur adressa des louanges exagérées puis on les 



LE DISTRICT DE ROCHEFORT 273 

u renvoya dans leur garnison. On expédia aussi à Vannes 
« 18 marcs d'argent doré, 48 marcs d'argent, 211 livres de cuivre 
« et 8 cloches, le tout volé aux églises du district. 

« Le 30 avril les chefs du Directoire de Rochefort se concertent 
« avec ceux de la Roche-Bernard, pour contraindre les communes 
«y de Berric^ Noyal-Muzillac et Péaule à fournir leur contingent 
« à la réquisition. 

« Le Directoire de la Roche-Bernard peut mettre en avan^ 
« 210 hommes de troupe. Celui de Rochefort considère avec 
« prudence qu'il est urgent de soumettre à la loi des communes 
€ coalisées pour en empêcher l'exécution; que celles de Berric, 
« de Péaule et de Noyal-Muzillac ont été les premières à donner 
« le signal de l'insurrection au mois de mars; qu'on désire à 
« tout prix étouffer dans ces localités l'esprit de rébellion et 
« d'insubordination contre-révolutionnaire ; voyant cependant 
« que demain a lieu la foire de Kergo£f, sur les limites de Ber- 
ce rie, foire considérable où beaucoup d'hommes seront rassem- 
« blés qui pourraient reprendre les armes; qu'ensuite les vivres 
« ne seraient pas prêts pour la troupe, arrête que, vendredi 
« 3 mai, le commandant Dubois, accompagné de 200 hommes et 
« d'un commissaire, ira dans les trois communes, y joindre les 
« troupes envoyées de la Roche-Bernard, et aura à faire rentrer 
« dans Tordre les malveillants qui y sont répandus, faire exécuter 
« la Toi du recrutement, désarmer tous les habitants et fairo 
« toutes les recherches pour retrouver les objets pillés à Roche- 
« fort, le 1(5 mars dernier. 

« Les registres de la municipalité de Noyal-Muzillac cons- 
a talent que le jour fixé, 3 mai, une garnison arrivait, imposait 
« son entretien aux habitants, levait le double des contributions 
« mobilières et mettait des impôts extraordinaires sur les pa- 
« rents des réfractaires. 

« Le même jour, le pain manquait à Rochefort : on perquisi- 
ft tionna chez les boulangers du district. Le Directoire, en con- 
« sidération de la conduite patriotique de la citoyenne Horce, 
« nièce de René Gabriel, ex-curé de Questembert, déporté et en 
ft exil, lui accorda un bail de la cure de Questembert, en se 
a réservant toutefois les greniers, les chambres et la salle, appar- 
tements destinés à servir d'entrepôt aux grains des émigrés 
« du voisinage. 
« Le 4 mai, le commissaire de retour de la maison de la Bour- 



« 



274 REVUIE DE BRETAGNE 

<c donnaie eo Garentoire, entre dans la salle du conseil et rend 

a compte de sa mission : Citoyens, dit-il, conformément à la 

« mission que vous m'aviez confiée, j'ai fait l'inventaire des 

« meubles du château de la Bourdonnaie, la vente de ceux du 

a chef des brigands Montméjean, et de ceux de son complice, 

« Chevalier ; j*ai poursuivi ces deux hommes pendant huit jours 

a et huit nuits, mais toutes mes fatigues et mes veilles ont été 

u inutiles. Ces deux scélérats qui avaient ensanglanté Rochefort 

<i au 16 mars errent maintenant dans le département d'Ile-et^ 

« Vilaine. J'ai mis les scellés chez le sieur Bayon, maître d'école, 

<c qui a toujours refusé de prêter le serment et chez lequel j'ai 

a trouvé différents objets qui ont appartenu au ci-devant 

« doyen de Carentoir. Il a montré la plus mauvaise volonté 

« pour avouer les objets trouvés chez lui ; il mérite la surveil- 

« lance de l'autorité. J'ai séquestré les meubles du ci-devant 

« maire de Tréal. J'ai découvert chez le nommé Esnaud, fermier 

« au Bois-Jumel en Carentoire, trois vaches appartenant au ci-de- 

« vaut doyen^ et je les ai fait vendre. Cet homme est sous le coup 

n de la loi et ne mérite aucun égard. Je requiers Tadministration 

« de prendre des mesures immédiates contre lui ». 

<c Le 10 mai, en présence du peu de zèle que mettent certaines 
« municipalités à donner un état satisfaisant des biens des émi- 
« grés, le directoire envoie des commissaires qui seront payés 
u aux frais des officiers municipaux à raison de 6 livres par jour, 
« Le bruit se répand que des propos contre-révolutionnaires 
« ont été tenus à Peillac. On y envoie des soldats prendre des 
« informations et arrêter les auteurs et complices de ces propos. 
« Le 13 mai, M^^^ de Kermasson de Rochefort, demande une 
« indemnité pour les dég&ts faits dans sa maison le 16 mars. Il 
« lui est répondu que les brigands n'attaquaient pas les person*' 
« nés connues par leur incivisme, que du reste, sa qualité de 
« tante du brigand dé Silz, chef des révoltés, est pour elle une 
« raison d'exclusion. 

c Le 16 mai, on envoie un commissaire avec des troupes à 
« Carentoire, afin d'y faire payer des contributions arriérées et 
« d'obtenir l'argenterie de l'église. Ces 70 soldats seront payés 
« chaque jour par la municipalité. Ils feront des recherches rela, 
a tivement àMontméjean, caché dans cette commune avec des 
c( complices. De fait, dans la nuit du 25 au 26 mai, Montméjean 
« Chevalier. etDuvalo se portèrent à la tête de 25 à 30 hommes 



LE DISTRICT DE ROCHEFORT :275 

« sur le corps de garde du bourg de Garentoîro OÙ ils étaient déte- 
V nua, depuis la venue de la troupe avec une quinzaine de déser- 
« leurs qu'on devait conduire le matin suivant à Rochefort. Ils 
ti désarmèrent la garde, délivrèrent les détenus et emmenèrent 
et avec eux le patriote Hoéo. Le Directoire envoya un renfort de 
ïi 60 hommes à Carentoire. A partir de cette date, le séjour de 
<ï Rochefort esta charge aux administrateurs qui ne s'y trouvent 
fi plus en sécurité à cause des révoltes qui renaissuieat saua 
t* cesse. Ils décidèrent de se réfugier à Malestroît. 

{A suivre.) Abbé Msrlbt. 




PAIMPONT 

W PARTIE (1) 

ABBAYE, É&LISE ET CHAPELLES 



L'ABBAYE DE PAIMPONT 

« L'abbaye de Notre-Dame de Paimpont, dit M. Tabbé Brune, 
chanoine de kennes, fut fondée par saint Judicaêl,dans la première 
moitié du VII'' siècle, et soumise à celle de saint Méen; mais, en 
12li,Tadl, qui en était alors prieur, ayantété transféré à Tabbaye 
de Saint-Jacques de Montfort, obtint du pape Innocent III d'y 
établir des chanoines réguliers de Saint-Augustin et Tenleva 
ainsi à la juridiction des a))bés de saint Méen. Dans l'interyalle de 
1407 à 1452, Olivier Guiho, l'un de ses abbés, fit reconstruire 
presque tous iesédifices qui étaienttombés en ruines; et, en 1649, 
Bernard' de Sariac y introduisit la réforme de sainte Geneviève 
qui a subsisté jusqu'à la Révolution (2). » 

On entre encore dans Tancie/ine abbaye par son vieux portail 
de pierre pourvu d'un bénitier. A côté, se trouve rhôttllerie, où 
Ton recevait les étrangers. De ce portail, l'antique chemin pavé 
conduit toujouis à travers Tenclos jusqu'à l'église de Notre- 
Dame, jadis abbatiale et paroissiale à la fois^ aujourd'hui 
paroissiale seulement. 

« L'aspect de celte abbaye et de ses dépendances, dit encore 
M. Brune, a quelque chose de triste et de solennel tout à la fois. 
L'étang^ qui baigne ses murailles, la forêt de Brécilien toute 
pleine encore des souvenirs fabuleux qu'y ont attachés, nos 

(I) Voir la Kevue de juin 1907, t. XXXVII, p. 344 : Paimpont, i'*'parlie,'Un 
Grand Pèlerinage. 
( ) Archéologie religieuse, p. 321 et 3.*?. 



PAIMPONT 277 

' romanciers du moyen-&ge« et dont les immenses contours Ten- 
yironnent et lui servent de ceinture; son isolement au milieu 
d*un paysage de pierres, de landes, d'étangs et de bois ; son vaste 
enclos dont les portes ne se ferment plus, et dont les murs 
noircis par le temps s'écroulent de plus en plus chaque hiver ; 
son jardin trop grand aujourd'hui pour être soigneusement 
cultivé; enfin, sa vieille église encore toute humiliée des mutila- 
tions que l'impiété et la fureur des révolutions lui ont fait subir, 
et pourtant flère encore de ce qui lui reste de beauté et de 
richesses, tout cela présente un ensemble de grandeur et d'abais- 
sement, d'opulence et de misère, de vie et de mort, qui rappelle 
à la fois les bénédictions que le Ciel a répandues longtemps sur 
ses premiers habitants, et les fléaux que méritèrent plus tard 
leurs successeurs dégénérés ; tout cela excite l'intérêt et la 
curiosité, mais cause aussi à Tâme une impression de mélancolie 
et de tristesse (i). » 

De l'ancien monastère, du vieux cloître, il n'existe plus rien. 
Le grand b&timent actuel a été construit, au XVIP siècle, pour 
abriter les religieux réformés en 1649. Il sert aujourd'hui de 
presbytère, de mairie et de salle pour Técole laïque des garçons. 
Uans la partie de l'abbaye actuelle qui sert de presbytère, 
rétranger visite toujours avec bonheur, au rez-de chaussée» 
l'immense salle qu'on appelle quelquefois la salle du chapitre 
>3t, au premier étage, le vaste corridor (2) qui mesure de 40 à 
50 mètres de long sur une hauteur d'environ 4 mètres et une 
largeur de près de 3 mètres. Ce corridor donne vue sur l'étang 
de Paimpontet ouvre un certain nombre de chambres, ou plu- 
tôt de cellules étroites, froides et peu souriantes pour les 
membres du clergé séculier et les frères qui les habitent. 

Deux petits clottres sans style et fermés se trouvent accolés à 
la nef de l'église; mais des débris de jolies colonnettes qui ont 
appartenu à l'ancien cloître semblent indiquer que ce dernier 
fut l'œuvre de l'abbé Olivier Guiho. 

Des recherches, faites en juillet 1886, ont amené à découvrir 
une de ces jolies colonnettes, qui semblerait remonter au 
XlIP siècle. C'est la seule, selon toute apparence, qui ait sur- 
vécu à la ruine. Grâce à cette découverte* il sera désormais 

(1) Archéologie, p. 322 et 323* 

(2) Longaear : 42 m. 25 ; hauteur :3m. 72 ; largeur : 2 m* 45i 



278 RfiVUB DE BRETAGNE 

facile de recoilstruire par la pensée l'antique colonnade du 
clottre nord, qui conduisait à Tabbatiala. 

Quant au manoir abbatial, c^est Une demeure insignifiante du 
XVII* siècle. II est maintenant occupé par les religieuses de la 
Charité de Saint-Louis de Vannes» qui tiennent Técole des 
filles. 

Le sceau de l'abbaye de Paimpontnousa été conservé appendu 
à' l'acte d'adhésion que fit» en ISOS, C6 monastère au procès du 
pape Boniface VIII. Ce sceau est rond et représente un bras 
mouvant à senestre et tenant deux clefs aux pannetons adossés ; 
légende : t S, Capituli Be. Mar. Panispoiis {Sigillum capitul 
Béate Marie Panisponiis) (1) dans le champ^ on Ht en outre : 
ad cas {ad causas). 

Quant aux armoiries de l'abbaye, nous les retrouvons seule, 
ment sur le plan du XVIP siècle, dont nous avons précédemment 
parlé. C'est un écusson d'hermine plein, soutenu de deux palmes 
et timbré d'une mitre et d'une crosse. Il se voit encore tristement 
mutilé, sur la façade de la maison des religieuses, ancien loge- 
thent des abbés de Paimpont. 



II 
EGLISE DE NOTRE-DAME DE PAIMPONT 

Le grand monument de Paimpont sera toujours l'église de 
Notre-Dame. M. Brune la cite parmi les premières églises en 
style ogival de la Bretagne. Voici, du reste, comment il s'exprime 
à la IQS'^ page de son Archéologie religieuse : « Malgré le reproche 
fait assez fréquemment à la Bretagne de n'avoir adopté que 
tardivement le style ogival, nous pouvons présenter^ dès le 
XIIl^ siècle, nos églises de Dol, de la Guerche, de Saint-Méen, 
de Redon, de Paimpont, de Saint-Malo. » 

Cet édifice présente la forme d'une croix latine, sans collaté- 
raux^ sauf une espèce de clottre peu élevé et sans caractère ar- 
chitectural; qui règne de chaque côté de la nef et sert d'entrée 

(I) Le nom de Paimpont, d'après cette écriture, Tient de la situation du bourg 
à la tête du pont ou chaussée où les moines distribuaient le pain de la charité 
aux pauTres du pays. 



PAIMPONT 279 

latérale, au midi. Au nord, le passage se fait par le clottre et le 
transept qui communique ainsi avec l'ancien qionastère. 

Les voûtes du chœur et de la croisée sud sont en pierre. Celle 
de la croisée nord était en môme matière, quand sa chute immi- 
nente la fit remplacer, en 1809, par une voûte en bois. À 4 mètres 
environ au-dessus des voûtes actuelles^ se voit toujours un se- 
cond lambris en plein-cintre assez bien conservé par endroits. 
Il est couvert de pentures assurément très anciennes et rappelle 
celui de l'église de Notre-Dame de Rennes. 

La tour de forme carrée qui domine Tédiflce est tronquée et 
terminée par un toit conique du plus vilain effet, malgré les 
quelques ouvertures qui sont venues rompre uq peu l'uniformité 
de cette masse. S'il faut en croire la tradition locale> le clocher 
aurait été détruit par la foudre, il y a longtemps. En 1798, il sup- 
portait quatre cloches qui furent descendues par un serrurier 
dont nous tairons le nom et transportées à Montfort-la*Montagne. 
On ne conserva que la moyenne destinée à servir de timbre à 
rhorloge. 

Ce fut le 17 germinal an II de la République que fut accomplie 
cette spoliation sacrilège. 

L'ensemble de Tédifice, sauf peut-être le chevet, semble appar- 
tenir au XIII'' siècle. Il est probable que le restaurateur du mo- 
nastère, l'abbé Olivier Quiho, se contenta de remanier quelques 
parties de son église, notamment le chevet, et qu'il y plaça les 
lambris qui tiennent lieu de voûte. La fenêtre principale du 
chœur, en effet, se raccorde péniblement avec les pierres d'appa- 
reil qui l'encadrent, et l'arcade qui en forme le contour n'a ni la 
grAce ni l'élancement des baies de la bonne époque du style 
gothique. 

« Le portail occidental, dit M. Brune, est la partie la plus soi- 
gnée de tout le monument, quoique d'une extrême simplicité. 
Deuk légères colonnettes supportent de chaque côté les voussures 
de Tarcade en tiers-point, formées de tores et de scoties bordées 
de filets. Le centre est percé de deux ouvertures trilobées, entre 
lesquellesune forte belle statue de la Vierge, tenant Tenfant Jésus, 
s'élève sur un léger piédestal, et foule aux pieds un monstre qui 
expire en se repliant sur lui-même. Dans le haut du tympan, un 
petit dais en saillie abrite la tête de la madone, mais les vandales 
de 93 ont décapité la mère, l'enfant et les deux charmants petits 
anges qui s'inclinaient devant eux, de ckaque côté de larcade. 




280 REVUE DE BRETAGNE 

Espérons que ces précieuses sculptures seront bientôt restaurées 
par les enfants de ceux qui, dans un moment de terreur, n'osèrent 
pas se lever pour les défendre (i). n 

Le vœu du savant est réalisé. La restauration si désirée a été 
faite, non par les flls des « briseurs », mais par les soins de M. le 
recteur de Paimpont qui a eu l'heureuse inspiration de s'adres- 
ser, pour celte œuvre d'art, à un véritable artiste de Rennes, 
M. Savary, bien connu des amateurs du beau. L'habile sculpteur 
a utilisé, à merveille, la tête de la madone qu'on avait eu la bonne 
chance de retrouver quelque temps auparavant. Il a, par une 
étude sérieuse, reconstitué les traits effacés par le temps ou 
mutilés par la rage et conservé à son travail de restauration le 
cachet de Torif^inal. Encore un peu, et la blancheur de la jeunesse 
se confondra, soius les injures de Tair, avec les sombres couleurs 
de la vétusté et les rides de Tâge. Du reste, depuis qu'elle est 
achevée, son œuvre n'a encore trouvé, parmi les nombreux visi- 
[^/ teurs, que des admirateurs enthousiastes. C'est, nous semble- 

t-il, un éloge qui a son prix. 

Cette noble simplicité de style qui dénote le XIII'' siècle, se 
retrouve dans les fenêtres de Tédiflce. Pourquoi faut-il que les 
plus belles et les plus grandes d'entre elles soient à moitié bou- 
chées par le cloître méridional que Ton. serait heureux de voir 
abaisser pour faire place à un toit plat en zinc? Ce travail s'im- 
pose, mais le nerf de la guerre manque. Presque toutes ces 
renôtres sont de belles lancettes géminées surmontées d'une 
Wr< simple rosacé. 

1^ Le transept méridional est éclairé d'une assez large rose formée 

P de petites arcades en trilobés que soutiennent des colonnes 

f:* rayonnant autour d'un cercle polylobé. Au jugement de M. Brune, 

rf c'est la seule qui existe dans le diocèse, au moins d'une forme et 

I j d'un caractère aussi anciens. 

ïà'^ Dans la fenêtre placée au midi du chœur apparaissent en ban- 

M ■ nîère les armoiries des Montmorency-Laval, comtes de Montfort 

% et seigneurs supérieurs de Paimpont. 

l^': Ces armoiries sont celles de François de Laval, flls de Guy XVI, 

^*: comte de Laval, et de Anne d'Espinay, qui prit possession de 

^> l'abbaye de Paimpont le 11 novembre 1530. Il était déjà évêque 

^t^- de Dol et trésorier de la Madeleine de Vitré. Il devint encore 



m 



(I) Archéologie teligieutty p. S24. 




PAIMPÔNT 281 

abbé commendataire du Tronchet. Il mourut le 2 juillet 1554 et 
fut inhumé dans la cathédrale de Dol. 

A l'intérieur, la nef, le transept et le chœur sont décorés de 
boiseries d*une ornementation riche et exécutée avec on soin e^ 
un talent remarquables ; des bustes et des médaillons sculptés en 
chône^des guirlandes de fleurs et de fruits, ainsi que de grosses 
moulures profondément fouillées annoncent le XVIP siècle, 
qui a produit tant de beaux travaux en bois. Les revêtements 
des murs et les meubles de la sacristie sont^ en grande partie, 
dans le môme genre, élégance en plus. 

L'autel principal, de forme singulière, laisse voir entre les con- 
soles de son majestueux couronnement une statue très vénérée 
de Notre-Dame, la statue miraculeuse (1). On bon nombre d*ex 
volo, laissés par les pèlerins en présence de cette pieuse image, 
rappelaient, il y a quelques années, la dévotion et la confiance 
que les fidèles ont toujours eued pour elle, ei qui se manifestent 
surtout aux fêtes de la Pentecôte, comme nous l'avons dit en par- 
lant du pèlerinage de Notre Dame de Paimpont. 

C'est à la Grotte, flisions-nous, que sont portées les plaques de 
marbre de la reconnaissance et de Tamour. 

M. Brune affirme n'avoir pas vu de pierres tombales dans l'é- 
glise de Paimpont. Il se demande s'il n'existait pas anciennement 
un caveau commun pour les membres de la communauté ou bien 
si les révolutionnaires n'avaient pas voulu effacer jusqu'aux noms 
des religieux, en brisant les dalles où ils étaient inscrits....???... 

Deux anciennes statues du XV siècle, de saint Judicaël (saint 
Giquel) et de saint Méen, la première en pierre, portent sur la 
plinthe de leurs bases les armoiries de l'abbé Olivier Guiho. 
I' ^oest lui-même représenté deux fois, agenouillé^ la crosse ^n 
main. A côté de lui figure son écusson orné d'une crosse posée 
en pal et portant : un chevron accompagné de trois annelets. 
C'est à cet abbé, désormais connu de notre lecteur, que l'on doit 
une partie de l'église actuelle de Notre-Dame de Paimpont. 

Une statue de sainte Monique, placée à l'avant-chœur du côté 
de répître, et représentant la sainte pleurant, sans doute sur la 
conduite de son Augustin, dont la statue fait le pendant, est, pa- 
rall-il, admirable d'expression. 

Nous ne dirons rien de la chaire, regardée comme un chef- 

(I) Voir : !'• partie, IV, page 23. 
2iovembrf 1907 ^ t9 



238 REVUE DE BBBTAGNE 

d'œuvre par tous les connaisseurs. Il est à regretter seulement 
qu'un apprenti badigeonneur ait caché sous le vernis la teinte 
toujours si belle du vieux bois travaillé. 

Quelques visiteurs ont trouvé beaucoup de vie à la statue de 
sainte Marguerite^ 

Outre les chapelles de Saint-Jean et de Saint-André, on voit 
souvent mentionnées la chapelle de Bonne^Encontre ou Bonne* 
Rencontre* Qui nous dira où était cette chapelle ? 

Les anciens registres mentionnent plusieurs autels qui ont 
disparu : saint Joachim^ sainte Anne^ sainte Barbe, saint Ni- 
colas, saint Jacques, saint Sébastien, du GruciQx, des Reliques, 
ainsi que la chapelle du Rosaire. La chapelle de Saint-Mathurin 
sert actuellement de sacristie de décharge. 

En 1806, l'ancien chœur fut démoli et la table de communion, 
en bois et très belle, au rapport des anciens, reculée d'un mètre. 

Voici les dimensions de Tédiflce dont nous venons d'analyser 
les principales beautés : 

Longueur du chœur 10 métrés 

Longueur de la nef. 34 — 

Largeur du chœur et de la nef .... 8 — 20 

Profondeur des bras de la croix, ... 8 — 70 

Largeur des bras de la croix 6 — 30 

Hauteur actuelle 12 — 50 

Hauteur ancienne 15 — 50 

Un dernier vœu, avant de quitter l'église. Quand donc ver- 
rons-nous, à la place de ces accidents qui menacent, à chaque 
instant, le pied du curieux absorbé dans la contemplation, un 
solide pavé de granit, et, au lieu de ces losanges en verre trop 
commun^ des vitraux d*un goût sérieux?... Le vieux temple, 
tout en gardant la sévérité de son style, présenterait une physio- 
nomie plus séduisante. Nous attendons que la Providence nous 
envoie des ressources. 

Enfin, y aurait-il folie à rêver, pour un avenir plus ou moins 
éloigné, la construction d'un clocher qui couronn&t dignement 
ce groupe original de bâtiments et permit à la jolie sonnerie 
actuelle de produire tout son effat sur les échos de l'étang, les 
flancs aujourd'hui déboisés de la colline et les capricieux con- 
tours de la vallée??... 

Polie> si vous voulez..» Cette folie m'est chère I ! 1..% 



^^ 



PAIMPONT m 

TRÊSÛR DE LA SACRISTIE ' 

En entrant dan» la sacristie, l'étranger (ombé ëô admiration 
dôvant ïa ridie botgerie qui couvre deux côtés de cette pièce car- 
rée* Hélas ! la moitié de ce beau travail des ancêtres a été enle- 
vée, on ne sait trop en queMes circonstances. Qui osera comibler 
cette ïacune et concourir avec les illustrations des siècles passés 
En attendant, îo vestiaire et les quelques armoires qui rem- 
placent rameublement disparu amènent le murmure aux lèvres 
par le pénible contraste entre tant de misère succédant et tou- 
chant à tant de magniflcence. 

Puî», les yeux s'arrêtent avec délices sur un gracieux bouquet 
en coquillages qu*un globe préserve de la poussière et protège 
contre l'indiscrétion. On lit à la base : ^ donné par Berhaul de 
Thélouet,lS61. n 

Les dames, les demoiselles surtout se înettent l'esprit & la tor- 
ture pour essayer de comprendre comment on a pu réussir à 
imiter si bien^ avec les jouets de rocéan, les plus belles fleurs, 
ou plulôt les plus ravissants sourires de la belle saison, les plus 
riches toiles de la nature.» 

Peudantce temps, Taimable successeur des moines a ouvert 
avec un sérieux qui tient du mystère le précieux placard. Il 
montre d'abord avec indifférence un petit morceau d*élofTe plus 
ou moins orientale qu'il dit sorti du vêtement de la bienheu- 
reuse MHrie : de vesle Béate il/arze porte rinscription. On admire 
plus facilement le reliquaire qu'on arrive à prouver rauthenticitô 
de la reNque.*. 

Mais voici un reliquaire d'argent qui renferme une relique 
insigne de saint Judicaël, et non de saint M<^en, comme récrit 
M, Tabbé Guillotin dans son Poinllé historique. Ce curieux reli- 
quaire a la forme d'une main avec l'avant-bras, tenant un livre 
à fermoirs, dont les ciselures sont dorées. Sur les côté? , on voit 
gravé l'écusson de Bretagne* avec la devise : <^ A ma vie,/V/7î«m t>^ 
et un ^t gothique majuscule dessiné au milieu des rinceaux 
qui ornent le revêtement du bras- 

La tradition en fait un don de la duchesse Marguerite de 



2S4 REVUfi DE BRETAGNE 

Bretagne, épouse de François II (1457). Il n'a pas été épargné 
par les vandales de 93, qui, tout en respectant la relique, ont 
enlevé Tor et les pierres précieuse? du cadeau royal. 
Voici Tauthentique renouvelé de cette insigne relique : 

tf Nous, vicaires généraux du diocèse de Rennes, ayant reçu 
de M. Bigot, curé de la paroisse de Paimpont, en notre diocèse, 
un reliquaire en forme de bras contenant un ossement qui, de 
temps immémorial, a été exposé à la vénération publique dans 
la dite paroisse, sous le nom de relique de saint Judicaëlv avons 
fait la vérification dudit sépulcre, que nous avons trouvé sans 
sceau, sans garde et sans authentique. Après en avoir fait Tou- 
verture, nous y avons trouvé un os de bras déposé sur un mor- 
ceau d'étofid de soye cramoisie ; cet os a été enchâssé dans un 
morceau de bois revêtu de lames d'argent, de manière qu*il nous 
a paru constant que la relique n*a pu être extraite de la châsse 
depuis qu'elle y fut déposée, sans une fracture du bois qui la 
renferme et du revêtement qui la couvre, fracture dont nous 
n'avons pu trouver aucun signe ni indice. Ce considéré, nous 
avons reconnu la relique dite de saint Judicaêl comme authen- 
tique et avons fait fermer l'entrée du sépulcre d'un châssis d'ar- 
gent, long d'environ cinq pouces et large de deux pouces six 
lignes, dans lequel est inséré un verre au milieu duquel est 
appliqué un carton portant le sceau de Monseigneur^ qui y est 
apposé sur les deux extrémités d'un cordon de soye de couleur 
noire, qui fait aussi la ceinture de la relique. 

« En conséquence, nous permettons à M. le curé de Paimpont 
d'exposer à la vénération des fidèles le précieux reste du corps 
de saint Judicaël. 

« Donné & Rennes, le i2« jour de juillet 1811. 

Bbrthault, vie. gén. 
Grapfart, vie. gén. 

Le trésor de notre trésor, la perle de nos richesses, c'est un 
magnifique Christ en ivoire, véritable chef-d'œuvre d'un artiste, 
inconnu, qui fait l'admiration de tous les voyageurs et attire 
dans nos murs presque tous les officiers de l'armée française 
campés à Goëtquidam, à deux lieues seulement de Paimpont. 
Gomme tout le monde, je sens que cet objet est beau, je dis qu'il 
est beau, parce qu'il^ est beau. Pour ce qui est d'exprimer ce 






PAIMPONT 285 

genre de beauté, je m'y refuse absolument, me voyant obligé 
d'avouer mon incompétence. Je l'espère, un autre, un connais- 
seur fera ce travail, et sa description artistique guidera l'étranger 
dans ses appréciations et empêchera l'œil trop habitué à contem- 
pler ces merveilles de se blaser et de tomber dans la plus inju- 
rieuse des indifférences.... 



IV 
CHAPELLES. — PRIEURÉS 

On lit dans le Ponillé M. de Saint-Malo (1739-1767) : « La pa- 
roisse de Paimpont est divisée en sept frairies, auxquelles se 
rapportent les différents villages, au nombre de vingt environ, 
et qui ont chacune leur chapelle, excepté les trois qui sont plus 
proches de l'église. » Il n'y a plus aujourd'hui que trois chapelles 
de secours desservies par le clergé paroissial, la chapelle domes- 
tique de Tallouet ayant été abandonnée. 

Citons les anciennes chapelles, nous terminerons par les 
chapelles actuelles. 

I. — La Chapelle de Gaillarde, dédiée à saint Jean^ est 
actuellement démolie. Elle, fut fondée par François de la Gorbi- 
nière, propriétaire de la maison de Gaillarde, à charge pour le 
chapelain de quatre messes par semaine. 

II. — Chapelle du cimetière. — Dans le cimetière, on voyait 
encore, il y a quelques années, une chapelle dédiée à sainte 
Anne. Elle avait été fondée de messes et possédait un desservant 
spécial. Sainte Anne est encore signalée en 1790, et môme en 
1823, comme l'indique une « délibération relative à la réparation 
de la chapelle du cimetière ». Aux termes de cet acte, la chapelle 
est regardée non-seulement comme d'utilité, mais même comme 
de nécessité publique « pour recevoir les cadavres qu'on serait 
forcé d'y déposer dans certaines circonstances... » 

III. — La chapelle de saint Mathurin, attenant à l'église, 
sert depuis quelques années, on l'a dit plus haut, de sacristie de 
décharge. 



280 REVUE DE BRETAGNE 

IV. -^ La chapelle de Hacheloop, est mentionnée au oooa- 
mencement du XVU? siècle- BUe sert actuellement de maison 
d'habitation h une famille. 

V. — Chapelle du château d'isaugouët. — Le ch&teau de 
i'Isle-au-Gouôt, nommé quelquefois château de Choucan, était 
situé sur une petite élévation à la queue de Tétang du moulin 
d'isaugouët. Il était entouré de douves : c'est pour cela qu'on 
rappelait le château de Tlsle. On distingue enco'-e remplace- 
ment de ce château qui dût être abandonné avant 1600. Quoi qu'il 
en soft, lechâteau d'isaugouët avait une chapelle, dont on voit 
encore quelques traoes proche de la chaussée de Tétang de 
Choucan. On croit qu'elle était dédiée à saint Marc, et que c'est 
pour cette raison que les maisons voisines de l'emplacement de 
cette chapelle s'appellent : La Maise*Marc. 

VI. — Chapelle des Forges de Tellouet. — Il y a quelques 
années à peine, on y célébrait quelquefois, mais rarement, la 
sainte messe, du vivant de M. Abel Vallée, son propriétaire. Il 
ne nous appartient point d'écrire son histoire. Disons seulement 
que, dédiée à saint Laurent, cette chapelle fut fondée par le tes- 
tament de M. François de la Gorbinière, sieur des Forges, le 
môme qui avait déjà doté Gaillarde de sa chapelle (9 avril 1599). 

VII. — ' Chapelle de Barenton. — D'après une tradition locale^ 
Guillaume, seigneur de Montfort, aurait, vers Tan 1145, obtenu 
de Saint'Jean-de-la-Grille, évêque d'Aleth, la translation d'un 
petit couvent de religieux de la paroisse de Concoret en celle de 
Paimpont. Ce seigneur établit les moines dans un vieux château 
qu'il possédait près de la merveilleuse fontaine de Barenton, 
dont le perron magique a excité la verve poétique de tant de 
trouvères du moyen -âge, 

l,es religieux furent très mécontents de cette translation, et 
leur supérieur, nommé Eon de TEtoile, en fut tellement affecté 
qu'il tomba trois ans dans un complet dérangement d'esprit. Il se 
mit à prophétiser et à débiter mille extravagances, se disant fils 
de Dieu et juge des vivants et des mo-'fs, par une grossière allu- 
sion de son nom d|Eon avec ces mots du Rituel : Per <r Eum » gui 
venturus est judicare vivos etmorluos. L'évoque d'Alelh se vit 
obligé de supprimer la communauté de Barenton, qui soutenait 
son prieur dans ses folies. Pris et conduit au concil*» d'^ Rniois, 



P.VJMPONT ' 3i«; 

Eoa fut enfermé dans un monastère pour le reile de ses 
jour» (ii48). 

Après Vespulaion des religieux de Barenlon, leur m&ison fut 
démolie, et les matériaux furent employés, prétend^on, & b&ttr^ 
quelque distance de là, le village de FoUepensée, dont le nom 
semble rappeler tes égarements d'Eon de TEtoile. 

Mais la chapelle construite à Barenlon resta debout, car 
Chresiien de Troyes, mort en iiôl, et auteur du romao d'Yvain 
vX la dame Brécilian, en parle en ces termes : 

A la Fontaine trouveras 
Un perron tel comme tu verras, 
Et d'autre part, une ohapelle 
Petite, mais elle est moult belle. 

Le clergé de Concoret avait coutume de se rendre procession- 
nellement à cette chapelle dans les temps de sécheresse, pour 
demander de la pluie. Lorsque ce petit temple tomba de vétusté» 
on éleva sur ses ruines une simple croix et les proceasions conti- 
nuèrent de s'y rendre j usqu'à la Révolution. D'après les croyances 
du moyen-âge, il suffisait de mouiller le perron de Barenton 
avec Teau de la fontaine, pour faire immédiatement éclater 
l'orage et tomber la pluie à torrents, 

La fontaine de Barenton e;it sur les limites de Coucorel et de 
Paimpont, mais la clvapelte se trouvait dans cette dernière 
paroisse- 



Après ces notes que j*ai voulu courtes sur les aneiënnes cha- 
pelles, un mot également sur les ouAPeiLLBS de secours agtuellks. 

L^ — Saint-Mathurin de Beauvais, chapelle frairienne. Il en 
est fait mention dès les siècles derniers. Celte chapelle est située 
dans un pays beau à voir, comme Tindique le nom du vîllagfj 
auquel elle appartient. Les travaux d'agrandissement et de res- 
tauration, commencés au mois de juin i886, sont aujourd'hui 
complètement terminés, en attendant d^autres réparations non 
moins nécessaires. Le propriétaire actuel du domaine de Paim- 
pont en a couvert à peu près tous les frai?. 

ÎL — Saint-Jacques de Coganne. — Sur une des potitrelles 
qui soutiennent la charpente, on lit rinscription suivante ; 
** M. Jacques Saulnier^ sieur de la ViU<^*aubry, greffier de Bréci- 



•:88 REVUE DE BRETAGNE 

lien et Plélan, mari, et honorable femme Jeanne Guyon, ont fait 
bâtir au propre de luy et fondé cette chapelle 1620 Tas décembre. » 
Par autorisation de l'ordinaire, le Très-Saint-Sacrement est 
conservé dans cette chapelle, pour satisfaire la piété des reli- 
gieuses des Chênes de Paramé, qui dirigent l'école mixte du 
village. Cette chapelle, très propre, mais insuffisante, aétéag- 
grandie par les soias deM.Théaudin, recteur de Paimpont, qui a 
été aidé par les habitants de Goganne ^t de Saint-Péran, tous 
désireux de pouvoir priera leur aise dans cette chapelle. 

III. — Saint-Eloi des Forges. — Cette chapelle, considérée 
jadis comme chapelle domestique^ est maintenant à la disposi- 
tion du public. Reconstruite aux frais de son propriétaire, elle 
est desservie le dimanche et le jeudi par un vicaire de Paim- 
pont, faisant Toffice de vicaire chapelain, qui reçoit son traite- 
ment de M. Levesque. 

Cette chapelle^ la plus belle de Paimpont et des environs, est 
admirablement pourvue d'ornements et de tous les objets du culte. 

Elle est, du reste, assise au milieu d'un paysage extraordinai- 
rement pittoresque et dans le voisinage des plus charmantes 
habitations du pays. Mais je rêva un chapitre sur cet enfant gâté 
de la nature. 



Il y avait aussi, anciennement, sur le territoire de Paimpont, 
deux PRIEURÉS, Saint-Samson de Thélouet et Saint-Barthélémy- 
des-Bois. / 

I. — Saint-Samson de Thélouet. —Le Prieuré de Saint-Sam- 
son de Thélouet, en la paroisse dé Paimpont, au diocèse de Saint' 
Malo, fut fondé en 1124 par Raoul, seigneur de Montfort, en 
faveur des sœurs et frères de l'abbaye de Saint-Sulpice. qui 
commençait elle-même à s'élever à cette époque. Il nous reste 
une traduction (du XVI* siècle) de la charte de la fondation de ce 
prieuré, où Ton donne « aux servants en l'église de Saint-Samson 
de Thélouet » le nom de religieuses et de frères de « Notre«Dame- 
de-Nid-de-Merle (1) ». 

(1) Antique statuette trouvée dans un nid de merle, dans la forêt de Renne 
et dont la chapelle fntle berceau deTAbbaye de Sain t-Sulpice-des- Bois, de la Règle 
de Fontavranlt (Robert d'Arbrissel). Rlle fut remise aux Sœurs de Saint- Vincent 
de Paul de la rue du Griffon à Rennes, par les dernières religieuses de Saint-Sul- 
pice, pendant la R'^volution. BUe se troave encore dans leur cbapeUe. — J. M. 



* 



PAIMPONT 389 

On y voit trois chapelles ou églises trêviales confiées au zèle 
pastoral des religieux, et tout un territoire donné à la prieure 
qui, suivant la règle de SaintSulpice, avait, en matière tempo- 
relle, la souveraine autorité, même sur les moines. Mais cette 
organisation du prieuré de Thélouet ne tarda probablement pas 
à se modifier. Bientôt, les prêtres séculiers des environs rempla- 
cèrent, au'service des chapelles, les religieux Sulpiciens, jusqu'à 
ce que, en 1146, le Pape Eugène III crût devoir prendre sous sa 
protection le prieuré de Thélouet et toutes ses dépendances : 
« In episcopatu Alethensi Ecclesiam 5. Samsonis de Telois cum 
pertinenciis ejus » (1). 

En 1385, le prieuré de Thélouet comprenait : une chapelle sous 
l'invocation de saint Samson ; — une maison priorale avec cour 
et jardin, — une métairie au proche ; le tout se joignant et con- 
tenant 40 journaux deHerres. En plus, certaines redevances dans 
le détail desquelles je n'ai point à entrer ici (2). 

Le monastèrô de Saint-Samson de Thélouet semble avoir 
été ruiné & Tépoque des guerres de la Ligue : « Pendant que les 
troupes de la Ligi;e et du Roi occupaient le château deComper 
(1593-1596), dit une ancienne feuille de Goncoret, les religieuses 
de Thélouet furent obligées d'abandonner leur monastère. » 
Cependant la prieure Andrée Le Provost y résidait encore e:i 
1597, et, malgré le rappel fait, en 1621, par Tabbesse de Saint- 
Sulpice de toutes les prieures non conventuelles à la maison-mère, 
celles de Thélouet occupèrent Saînt-Samson jusqu'au 15 septem- 
bre 1729, époque où le prieuré de Thélouet fut définitivement uni 
à la mense de Saint-Sulpice. 

Aujourd'hui l'on retrouve, dans une clairière de la forêt de 
Paimpont, les restes du prieuré de Saint-Samson de Thélouet. 
L'arcature en plein cintre et les simples tailloirs de la chapelle 
en ruines indiquent bien la très ancienne origine de l'édifice et 
remontent à l'époque de la fondation du monastère. La maison 
de ferme voisine n'est autre chose elle-même que le manoir 
prioral rebâti au XV' siècle. Dans ce îogis, apparaissent aussi 
des cellules de religieuses et une vaste salle à charpente ornée 
et très élégante. 

Enfin, tout rappelle encore, à Thélouet, le souvenir déjà loin- 
Ci) Dom Morice, Preuves de VHist, de Bret, I, 598. 

(2) Voir: Arch. dép. d^llU-et-^Vilaine. ' 



ÎSO REVUE DE BRKTACNfi 

taip des pi9U9e^ seryaotes du Christ cachées au moyen»4ge dans 
la vastQ solitude de ta mystérieuse forêt de Bréciliep. 

II. ^ 8aiiit*Barthéiamy-daa*-Boia. — * Ce prieuré était admi* 
rablement posé au sommet d'une haute colline, vers la lisière de 
la forêt, et sous de grands ombrages. De cet emplacement, on 
domine tout le pays à bien loin et Ton jouit d'un horizon splen-^ 
dide. Eien de majestueux comme de contempler, de là, les tira 
du camp de Goêtquidam, surtout quand le bruit du canon s'har^ 
monise avec la grande voix de la foudre. 

Ge prieuré remonte aux commencements mêmes de l'abbaye 
de Paimpont^ dont il dépendait déjà en 1190. 

La chapelle prioriale de Saint-Barthélémy était très vénérée 
de temps immémorial. Une assemblée se tenait à ses portes le 
jour de la fête patronale, et le 30 octobre 1614, le Pape Paul V 
accorda des indulgences à tous ceux qui voudraient visiter ce 
temple.. De leur côté, les ducs de Bretagne^ François I*' en 1446 
et Pierre II, en 1452, exemptèrent d'impôts et de redevances 
tous ceux qui vendaient vins et autres breuvages à cette ohré* 
tienne assemblée. 

Je ne parlerai pas des droits et privilèges très étendus du prieur 
de Saint-Barthélémy. 

Dans les derniers siècles, il y eut, à la célèbre assemblée, des 
abus, des violences dont je n'ai point ici à tracer Thistorique. En 
1785, il n'y avait plus qu'une chapelle abandonnée, tombée en 
ruines, et dont la porte ne s'ouvrait même plus. 

Aujourd'hui, du prieuré de Saint^Barthélémy-des^Bois, il ne 
reste plus que la métairie, remplacement de la chapelle» où gisent 
encore une pierre d'autel et une vieille statue de saint Barthé- 
lémy, qu'on vient de restaurer,, et, au bas de la prairie, dans 
laquelle se tenait jadis rassemblée, Tantique fontaine du saint 
Apôtre avec un nouvel entourage. 



Nous venons de le voir, avant la grande Révolution, le sol de 
Paimpont était, pour ainsi dire, couvert de temples SBintl, de 
pieuses fondations, qui attestent le passé religieux de cette 
paroisse. Ces bienfaits, à qui nos pères en furent-ils redevables? 
Aux prêtres, aux moines et aux s igneurs, les véritables boule- 
vards de cette soci''! é si vilipendée depuis par la rac ? de» juifs, des 



francB^maçons, de» persécuteurs, par tous ces enfants de Ô3, dont 
le but infernal est toujours de flatter les basses passions d*un 
peuple crédule sans chercher à améliorer son sort et de lui enlever 
jusqu'à 1& c vieille chanson n da Tespérance chrétienne qui ber- 
çait aulrefûia si doucement sa misère. 

Ne trouvant plus d'asile dans des monastères en ruines m de 
protection h Tombre de châteaux passés en d'autrtîs m^ins, le pau- 
vre vagabonde, maudisaaat le riche, maudissant l'indigent «on 
frère, maudissant la société, maudissant Dieu, ei n'attendant, 
comme la béte fauve, que le moment de fondre sur sa proie-, li 
faut au moins la terre à qui on enlève le Ciel I 

Qu'on me pardonne celte obsession, mais, malgré moi, le der- 
nier couplai du cantique me revient : 

' « Vivons de la grâce 
« Comme nos aïeux; 
« Marchons sur leur trace, 
« Marchons vera les Dieux! ï m 



LES FORGES 

Rieo n'est aussi varié que les goûts. Tel, parmi les habitants 

de nos grandes cités, recherchera, aux beaux jours, le sable doré 
de nos grèves et la promenade sentimentale dans les déchirures 
des côtes, à la crête des falaises si capricieuses de rOcéau ou de 
la Manche. Un autre rêvera, pour ses vacances, une ext^urslon 
dans les gorges profondes et sur les borda des lacs de la char^ 
mante HeWélie, tandis que son collègue ne soupirera qu'après 
le moment ou il lui sera donné d'escalader, h dos de mulets, nos 
plus hautes montagnes. A Tun, il faut une ligne, à Tautre le fusil, 

à un troisième le grand bâton de voyage que sais-je? 

Il est des proraeneursi plus nombreux qu'on nç le pense, qu'at- 
tire Tair pur et sain des bois^ qiii préfèrent aux foules houleuses 
des stations de bain, la solitude rêveuse des rives de l'étang; le 
tapis de verdure, à Tazur des flots ; aux humides baisers de la 
mer, la sieste sur Therba émaiîlée de nos prairies; la plainte 
mélancolique du sapin, le murmure du ruisseau, ^ la grande 



292 REVUE DE BRETAGNE 

voix de Neptune; la vue d'un troupeau, au bondissement de 
récume; le tertre de mousse, à la montagne de neige. 

A ceux-là, je proposerai de venir se reposer quelques heures 
dans ce berceau de la belle nature qu'on appelle les Forges. 

Après un succulent repas servi dans les appartements sous la 
tonnelle ou à l'ombre du grand arbre de la Cantine, qu^ils chot* 
sissent un point d'où ils pourront embrasser d'un coup d'œil le 
plus pittoresque des étangs dominé par le plus élégant des 
Pavillons et baignant presque les pieds du plus confortable des 
Chalets. Quels magnifiques rideaux d'arbres forme cette réunion 
des plus fiers rejetons des géants de Brécilien ! Quelle riche 
pelouse I Tout> jusqu'à cette route en lacets qui monte vers 
Paimpont, élève l'âme, la jette, pour ainsi dire, hors d'elle-même 
en la ravissant et lui procure l'une des jouissances les plus 
douces que puisse goûter l'homme cultivé. Songez qu'à votre 
gauche apparaît, jîour d'autres regards, perctié, en nid d'aigle^ 
perdu dans le feuillage, le château du Pré-Joly. 

Encore un pas. Voici l'ancienne chapelle qui semble reculer 
devant le visiteur pour mieux laisser apercevoir sa jeune sœur 
au teint plus délicat, à la taille plus svelte, plus élancée, à la 
chevelure abondante formée par des arbres remarquables. 

Rien ne manque au tableau pour être complet. Tout y est à sa 
place, jusqu'à ce groupe d'habitations basses dont l'apparence 
modeste délasse la vue. 

Plus loin, au fond de la vaste cour, tout près âe la grande 
maison blanche, se voient, adossées à la chaussée de l'étang dont 
l'eau leur sert de moteur, les fameuses Forges de Paimpont. Ces 
Forges, autrefois si renommées, remontent à 1633. Elles ont 
appartenu successivement aux familles de Montfort, de Rieux, 
de Coligny, de La Trémouille, aux princes d'Orléans, et sont 
aujourd'hui la propriété de la famille Levesque. 

Au temps de leur splendeur, les Forges ont fourni le travail et 
l'aisance à plusieurs centaines d^ouvriers. Aujourd'hui, de l'im- 
mense atelier quelques pièces seulement sont égayées par la 
présence des fils de Vulcain. Avant queTimportation ne fut aussi 
favorisée, on extrayait du sol même de Paimpont le minerai 
dont on tirait, aux Forges, un si intelligent parti. Les bras étaient 
occupés, les visages souriaient, le Cannée regorgeait d'habitants, 
les marchés du Gué, puis de Plélan étaient fréquentés par les 
familles de ceux qui. voyant leur travail rémunéré, prétendaient 



PAIMPONT 293 

\ 

vivre grassement, au jour le jour... et sans souci du lendemain. 
Pour être juste, disons qu'une des causes de la déchéance des 
Forges consiste dans la difficulté des communications, difficultés 
qui s'est fait sentir surtout lorsque les autres centres ont trouvé 
dans le voisinage des chemins de fer un écoulement facile, peu 
coûteux et rapide de leurs produits. 

En suivant le ruisseau de Tétang, on arrive des Forges Hautes 
aux Forges BcCsses, dont le gros inarteau paraît humilié d'en- 
tendre près de lui murmurer le petit torrent sans pouvoir battre 
la mesure avec ses coups retentissants. 

Quelle que soit l'espèce de dégradation qu'aient dû subir les 
Forges de Paimpont, elles conservent toujours, grâce à leurs 
ouvriers moins nombreux, mais tout aussi habiles, leur vieille 
réputation de travail solide et d'excellent fonctionnement dans 
les machines. C'est encore à elles qu'on s'adresse, dans le pays, 
pour approvisionner d'instrumerfts aratoires avantageux et du- 
rables les magasins et les fermes. 

Périssent elles, avec la prochaine arrivée du tramway, retrou- 
ver leur ancienne vigueur, leur prospérité d'antan, et donner de 
l'ouvrage à tant d'hommes occupés au bois, faute de pouvoir 
encore travailler à un fer qui leur rapporterait, comme autrefois, 
l'argent et l'abondance ! M 

Abbé Louis Gbrvy. 
(A suivre), * 




NOTICES ET COMPTES-RENDUS 



M. Paul Eenimel, un jeune poète qui aurait sa place dans nue nouvelle 
édition du Parnasse Breton, a publia récemment (à la librairie Bretonne de 
Maurice LeDault),deUl poèmes, donl Vun, Gurwanfl rappelle, avecnneam- 
pleur qui ne va paa sans quelque dliTusion^ le geste du héros breton défiant 
Tarmée normande et né IrouTant personne pour répondre à son défi. Tatme 
miâUK son autre poétnfe, VUUation, où sur wn fond de ftymboHsme obtcur se 
détacbi une figure dt tierge martyre, M. Renimel a de* qualités de forme 
qui fie développeront dans aea œUvrei future». 






£rudit infatigable autant qu'aimable écrivain^ le baron Gaètin de Wî&m«a 

a retrouvé lei traces, en 1860, d'une viMtocl d une réception a Nantes du cotn- 
modore Paul Jones, cet Eco^saÎE devenu béro^i Américain, dont le gouverne- 
ment français a restitué solennellement Ica règles aux Etats- Uni». Le baron 
de ^Visme& publie deux autres jntéreft^nies brochures, Mobilier et Garde - 
robe d'ane dame bretonne au \T/7/' siêde, et i'oaltjmes de mai en Bretagne 
qui enrichiront rhistoire anecdottque de notre province. 



Les Poèmes élégiaqaes (Â la librairie du Mercure de France) qui renfer- 
ment, £Ous une forme définitive. la partie élevée et durable de Tœuvre de 
Laurent TaiEhade. ne sont pas sans af fini Lés avec la iîretagnc. L'auteur est 
a&surément pluîi Lutin que Celte, muis de ses séjours ^ur la côte bretonne il 
a rapporté un long poème en prose, Le hliracle de Saint Gwenolé où s'affirme, 
dans des phrases d'une impeccable pureté, la rçî^pcctueuse évocation du 
mer vei lieux breton. 

A noter dans le charmant et instructif Aimanach des Spectacles, de M, Al- 
bert Soubies 'années 1906^ tome XXWI', la contribution des Ibéâtrea bre 
tons» surtout de celui de Nantes, a la production théâtrale de Tannée dernière 
et le nom de Th. Botrel, dont la première grande œuvre d ramai [que* Noir^ 
Dame Gaeitctin, a paru d'abord sur la scène de Nancy. Si Ton songe que Vic- 
tor Hugo esta demi SanfaiSj le joli IronlUpice, une eau-for te de Laiauie, tirée 
d'Angelo^ ne paraîtra même pas indifférent k la Bretagne. 



I 

NOTICES KT gOilPTîCH-RESDLÎS 



Le fasdeule i6 du Répertoire de Bw- Bibliographie Bretonne dé M. Rânéde 
Kerviler, a paru quelques ^maineâ avant la mort du grand érudit. On a 
loué ici même et très dignement M. de Kerviler ; on n'a pu dire tout le bien 
que nous penson!! d un bomme, dont ïa vielitLéraire entière vouée au bien 
et au beau a eu la Bretagne pour objet. Oe faiicicule où rayonne l'illustre 
famille de Goulaine, oii le marin Gougeard voisine avec lea GoulHti, oil 
j*ai le grand honneur de figurer e^ bonne place, me laisse des souvenirs 
attendris et l'émotion j au moment oùje voudrais louer l'iiomnie et TcBuvrer 
fait tomber la plume de mes mains, 

OliyI£^ de Gourcuff, 



Je me trompais en écrivant que le fascicule 46 de Îb Bio- Bibliographie 
bretonne serait le dernier de la série ; M. Eené de Kerviler avait pu, avant de 
mourir, corriger ies épreuves du fascicule 47, et aller ainsi presque jusqu'à 
la fin de la lettre G^ une des plus importantes de son immense pu* 
blication. Félicitons- no us de posséder de sa main les notices sur de si tiauts 
personnages que Graslin, créateur du plus beau quartier de Nantes, 
M*"^ Graverandj un des prélats émlnents du diocèse de Quimper et de la 
Bretagne entière, ou même le roi Gradton, encore qu à demi légendaire. Et, 
que d*intéres9anles figures passent sous nos yeui^ depuis Les Gouvello, si 
bien représentés de nos jours par le biographe du Père Maunoir et le pro- 
tecteur vénéré des enfants d'Alsace- Lorraine, jusqu'aux La Grée de très an- 
cienne extraction bretonne, jusqu'au prince actuel de Monaco ! J'aurais aimé 
m*arrèter devant un Nantais qui se fit un nom dans les lettres parisiennes, 
et demeurera Tun des plus ralïlnés artistes en style de notre époque. J'ai 
nommé Georges Grassal, (Hugues Rebell), mon ami de vieille data sur qui 
M. de Kerviler a dit tout ce qu'il y avait à dire. Quelques jugements cri- 
tiques se mêlent même î une revue presque complète de Tœuvre du poète 
des Chants de ta pluie et da soleil^ une des jeunes ombres les plus attacbaEiiea 
de ce siècle si vite oublieux. 

L'auteur k jamais regretté de la Bio- bibliographie bretonne n'a pas 
mentionné à IWticle « Gradlon un très beau drame non représenté mais 
imprimé, de M. Léon Michaud d llumiac. Ce littérateur très distingué, ori- 
ginaire de Morlaix, noua envoie une autre pièce^ qui celle-là a vu Je feu de 
la rampe f ou plutôt le soleil de 1 arène. Le d/ttège d^Akibiade a été joué 
avec un grand succès, les ti et t5 août, au Théâtre de lu .\aiure de Gham^ 



296 REVUE DE BRETAGNE 

pigny. C'est un Ubleau vif et animé encadré dans des vers délicieux île 
rÂ.thènes de Périclès et de Socrate, quand Alcibiade y régnait par le prestige 
de la gloire et de la beauté, et que les envieux, comme le marchand de lampes 
Hyperboles^ usaient leurs dents contre lui, tel le serpent &ur la lime. 

0. Di G, 



Triades des Bardes de l'Ile de Bretagne^ traduites du 
Gallois par Jean Le Fustec et Yves Berthou. — Une 
plaquette de luxe. Prix : 2 fr. Librairie Bretonne 
M. Le Dault à Nanterre (Seine), ou à la Revue '' L'Oc 
cident ", 17, rue Eblé, Paris. 

Ces triades, traduites du Barddas, comprennent la partie relative aux 
Trois Cercles de l'Existence. Elles résument admirablement ta théologie des 
Druides. 

Elles s^adressent à tous et offrent à tous le même intérêt, quelles que 
soient les opinions en matière philosophique ou religieuse. Il e«t pour le 
moins indispensable que les descendants des Celtes qui peuplent encore Je 
sol de la Gaule soient renseignés sur la mentalité de ceux qui ont fondé la 
civilisation occidentale. 

L'intérêt de cette nouvelle publication s'accroît du fait de la traduction 
en langue bretd^ne placée en regard de la traduction française. Cette tra- 
duction bretonne suit mot à mot le texte gallois, elle donne donc à 
ceux qui connaissent la langue bretonne le précieux avantage de saisir les 
moindres nuances qu'on a pu faire passer du gallois dans la tangue 
sœur, le Brezonek. Mais les traducteurs, par leur connaîâ^ance par- 
faite de Tesprit et des tournures celtiques, ont pu également donner une 
traduction française d'une exactitude absolue . 

Cette plaquette a été éditée luxueusement par la Revue ^* L'Occident *' , 
Elle a été tirée à un très petit nombre d'exemplaires et surtout pour les 
Bardes, membres du Gorsedd de Bretagne. Elle deviendra bientàt introuvable 
C'est donc une édition de bibliophile qu'il faut se hâter de se procurer. 



Le Gérant : F. Chevalier. 



Vannes. — Inipriuicrie Lafoi.ye Frères, 2, place dta Lice** 



"^■ 



HOHENLINDEN 



J*ai éprouvé quelque hésitation, fdut-il l'avouer, à placer dans 
ce recueil un récit de la victoire d'Hohenlinden bien que Thon- 
neur de ce fait d'armes revienne tout entier à un Breton. 

C'est que ce Breton s'appelle Moreau, que, pour la plupart de 
ses contemporains comme pour nous-mêmes, Moreau est un 
traître dont le nom ne doit pas être prononcé. A jamais souillé 
par une mort infamante reçue dans les rangs ennemis, il est de 
ceux que Thisloire semble devoir placer dans le voisinage détes- 
table des connétables de Bourbon et de Goriolan. Mais on tombe- 
rait dans labsurde en mesurant la valeur d'un événement bis- 
torique à rélévation morale de son auteur. L'importance des 
srrvices rendus par Talleyrand au Congrès de Vienne n'est pas 
diminuée du fait que le caractère de ce grand diplomate ne s'im- 
pose guèra au respect des hommes. Dans un même ordre d'idées 
on ne saurait s'étonner de voir le règne de Louis XI provoquer 
l'admiration des historiens et celle de tous les bons .Français. 
L'infamie morale du vainqueur d'Hohenlinden — en admet- 
. tant même qu'il soit équitable d'accoler une épithète aussi écra- 
sante au nom de Moreau — ne diminuerait en aucune façon la 
grandeur du service rendu à la France par un Breton, même in- 
digne. Ajoutons qu'une étude impartiale de la vie et des actes de 
r.otre malheureux compatriote amène à tenter un appel « a mi- 
nima » de la sentence d'indignité portée contre lui. L'opinion 
publique est souvent moutonnière, presque loujours ignorante, 
et THistoire, en général très sévère à ceux qui n'ont pas réussi. 
Lamartine Ta dit : « On marche aisément sur ce qui tombe ». 

Dvcfmhre id07 iO 



298 KEVUÈ m îiREtAG^K 



Moreau fut — et cela ne peut être discuté — un général de 
très grand talent, « l'un des meilleurs de l'Europe à une époque 
où s'en révélèrent beaucoup d'excellents (1) ». Avant dB mettre 
le sceau définitif à sa réputation dans la clairière d'Hohenlinden 
il avait obtenu déjà de tneaux succès. Sa renommée commencée, 
dès 1704, au cours de cette campagne immortelle de Hollande^ 
où nos soldats déployèrent tant de vertus, s'affermit dans la 
célèbre retraite de 1796 à travers la Forêt^Noire, où il acquit le 
titre de Xénophon moderne, puis quand on le vit, en 1709, l^oir 
tête, avec une poignée d'hommes, à l'impétueux Souwjrof, Les 
habiles et savantes manœuvres par lesquelles il sut enfermer 
dans Ulm Tarmée du général Kray Taccrurent encore. Son re- 
nom était grand dans le pays quand Tannée 1800 le mit, avec 
100000 homtnes, en face dé rarchiduc Jean qui commandait une 
armée égale en nombre. Mêlas, battu à Marengo par le Premier 
Consul, venait de s'engagera évacuer le nord de Tltalie, mais il 
fallait que l'armée du Danube, par un succès équivalent obleria 
en Allemagne, amenât la cour de Vienne à transformer en traité 
définitif ce qui n'était encore qu'une simple convention mi- 
litair*c. i 



Le plateau sur lequel Moreaui déjà vainqueur à Hochitedt et 
Neabourg, attendit son adversaire» le 3 décembre 1800, se ronfle, 
non loin de Munich, entre llsar et Tlnn, affluents de droite du 
Danube. Couvert par des marécages et des bois, profondément 
échancré sur la face tournée vers Tennemi par des ravins 
ereux et difficiles, il n'était abordable en somme qu'à Faide de 
trois routes venant du Nord par R-itbofen, de TEst par Miihldorf 
du Sud-Est par Albaching et qui se rejoignaient à Hohpnlinden 
au centre d'une clairière ouverte dans la grande forêt d*Et>ersberg- 

L'archiduc résolut de nous attaquer sur trois colonnes. La 
principale, commandée par lui, devait suivre la chaussée de 
Miihldoff resserrée, pendant une ptntie de son parco'^rs, dans 

(1) Histoire du Consulat, Thiers, 



1 

_JL_ 



HOHENLfNDBN 299 

un étroit défilé bordé de sapins; il Ta^vait dotée d'ane foi^te pro- 
portion de cavalerie et d'artillerie : 40 escadroos et cent bouches 
à feu, 

A. sa gauche par Albaching, il fit marcher le général Riesch 
avec une douzaine de mille hommeg. A droite BaiUetLatour 
devait dessiner sur notre aile gauche une diversion puissante à 
la léte dt: 28 escadrons et de douze bataillons d'infanterie. 

Moreau, dont les forces étaient trop disséminées, donna immé- 
diatement des ordres propres à les resserrer et à constituer en 
face de chacune des colonnes ennemies une masse qui la tint en 
haleine. Il confia, en même temps, aux généraux de division 
Decaen et Richepanse, placés à notre extrême droite» une mission 
qui fut l'idée maîtresse de la manœuvre d*Hohenlinden et dont 
la réussite entraîna le succès. Si le mérite de son exécution doit 
être attribué à Ténergie de Richepanse et à la bravoure de la 
48* brigade, l*honneur de sa conception échoit tout entier au 
général en chef qui sut, âpUtude rare à la portée d'un très petit 
nombre, saisir Toccasion fugitive» et aussi choisir les collabo* 
râleurs les plus propres à assurer, au prix des plus grands efforts^ 
la bonne exécution d'un plan dont il est temps d'indiquer la 
contexture. 

i 

• *'**' 

L'archiduc était tenu de suivre, pendant une partie de sa 
marche, une gorge étroite commençant d'un côté au village de 
Mattenboôîp finissant de l'autre à l'entrée de la clairière d'Hohen- 
lindeo. Moreau résolut de le contenir, au débouché, avec deux 
bonnes divisions et de le prenire à revers et sur ses derrières 
pendant qu'il serait encore en partie comprimé dans le défilé de 
Mattenboët. Paralysé par Tétroitesse môme de la gorge, dans 
Timpossibilité de s'y déployer, le prince pouvait se trouver acculé 
à une situation extrêmement critique à condition toutefois que 
le reste de Tarmée françiise fût prête à profiter immédiatement 
du désordre et de Tômotion de l'adversaire. 

L*entreprise, confiée à Dôcacn et Richepanse, offrait do grandes 
difficultés. Le temps était très froid, il neigeait, un vent vif 
fouettait an visage des flocons épais et aveugtants. Pour con- 
duire une colonne composée de trois armées à travers de véri- 
tables fondrières, lutler contre les intempéries, comme aussi 



300 REVUE DE BRETAGNE 

faire tôle au besoin à la*coIonne de gauche autrichienne, la 
maîtriser et rester maître de remplir sa mission, il fallait un 
chef d'une rare énergie et un soldat éprouvé, plein d'endurance 
de souplesse^ confiant en lui-môme et bon manœuvrier. La 
division Richepanse olTrait du chef jusqu'au dernier combattant 
les aptitudes nécessaires. A la réception de Tordre, le général 
réfléchit un instant. Un rapide calcul — le calcul joue un grand 
rô'eà la guerre — lui montra qu'il ne pouvait attendre la divi- 
sion Decaen stationnée plus en arrière. Il risquait, s'il le faisait, 
de voir l'ennemi le devancer dans le hameau de Saint-Christophe^ 
bâti à l'embranchement et de la route suivie par le corps Riesch 
et du chemin qu'il devait prendre lui-môme. Il partit donc, sans 
retard, traînant après lui six bouches à feu à travers des terres 
inondées et défoncée?. 

Quand il atteignit Saint-Christophe, Riesch en était si près 
lui-môme que notrç première brigade avait à peine franchi les 
maisons, quand la tôle de la seconde fut attaquée par Tavant- 
garde autrichienne. Avec une résolution qui lui fait le plus grand 
honneur, Richepanse prescrivit au général Drouet de la brigade 
do queue de tenir dans le village jusqu*à la dernière extrémité 
tant pour donner à D.caen le temps de rejoindre que pour lui 
permettre à lui-môme de s'éloigner avec la brigade Walther. 
Son détachement se trouvait réduit du coup à 6.000 hommes ; 
Ihs 48* et 3* demi-brigades, le 1*"^ chasseurs et 6 canons. 

Par des chemins détrempés et glissants, au prix d'une dé- 
pense de force considérable, la petite colonne réussit à joindre 
Matienbo^t où la grande route suivie par l'archiduc se dessina 
enfin devant elle. Mais lennemi, Tapercevant, détacha immédia- 
tement à sa rencontre huit escadrons de* bonne cavalerie et 
a'jtant de canons. Nos chasseurs chargèrent. Inférieurs en 
nombre ils furent bientôt ramenés derrière notre infanterie 
rangée en bataille. Un instant Richepanse put croire le succès de 
sa division compromis, mais cette fois encore il montra par son 
audace, sa clairvoyance et sa bravoure, que le général en chef 
ne s'était pas trompé en l'honorant de son choix. Laissant de 
nouveau derrière lui canons, cavaliers et 8® demi- brigade pour 
tenir tôte aux escadrons autrichiens et laissant le commande- 
ment de cette troupe à son second brigadier le général Walther, 
il se jeta, avec Tunique 48% dans la forêt d'Ebersberg. De sa di- 
vision groupée en trois tronçons il ne lui restait plus, comme on 



jl 



HOHENLINDEN 301 

le voit, qu'une seule unité. En chef expérimenté il avait su se 
conserver la meilleure, la mieux commindée, la plus remplie 
d'abnégation et de zèle. 

Héritière des traditions d'honneur de l'ancienne armée où 
son ancêtre Artois avait tenu une place glorieuse, enrichie depuis 
Tamalg^me des éléments, pleins d*ardeur, que lui avaient ame- 
nés deux excellents bataillons de volontaires, la 48* comptiit 
dans ses rangs des soldats intrépides : un Jean Bulot par 
exemple, décoré d'un fusil d'honneur pour avoir tué deux cui- 
rassiers sur cinq qui l'assaillaient et mis les trois autres en 
fuite, un tambour, Richard, illustre parmi ses camarades depuis 
le combat de Kirchberg et battant désormais la charge avec des 
baguettes d'ébène ornée^ d'argent, don de la Nation à son valeu- 
reux soldat (1). 

Richepanse, en cet instant critique, mit Tépée à la main et 
conduisit lui-même ces braves gens dans l'épaisseur de la forêt. 
Soudain trois bataillons hongrois accoururent au pas de charge. 
Il fallajt passer sur le venti-e de ces gêneurs. Se retournant vers 
sa troupe, il la vit pénétrée de cette même résolution froide et 
généreuse dont il était lui-même animé : « Grenadiers de la 48% 
s'écria- t--il, quedites-voûs de ces gens-là ! d — « Ils sont morts », 
reprit la demi-brigade de tous ses rangs et, prompte comme la 
foudre, elle se précipita tête baissée (2). 



Pendant ce temps Moreau, placé au centre de sa formation, 
s'efforçait, par une action lente et méthodique, de relarder, sans 
trop s'engager lui-même, l'entrée en ligne des unités de l'archi- 
duc auquel les à-coups, inévitables dans une colonne profonde, 
en marche sur une seule route, créaient déjà de très grandes 
difficultés 

Peu à peu cependant, au prix d'une fatigue considérable les 
Autrichiens débouchaient dans la vaste clairière. C'étaient de 
bonnes troupes bien commandées par des officiers ayant Texpé- 
rience de la guerre. Elles employaient tous leurs efforts à faire 
plier nos lignes dont elles sentaient la faiblesse numérique. 

(1) Historique du 48" régiment (Vinfanterie^ p. 316. 

(2) Historique du 48; p. 23, et Histoire de Fmnç9 d^ Bonnechose, toI. Il, 
p. 323. 



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302 ' REVUE DE BRKTAGNE 

Mbîs celles-ci résistaient et leurs chef^, qui n'étaient pas eux 
non plus (Tune essence ordinaire, — c'étaient Grand jean et 
Ney — suppléaient par une bonne et judicieqse organisation 
k l'insuffisance de leurs forces, et se multipliaient d'ailleurs 
de leur personne. 

Le général en chef se montrait également très actif. Il /parcou- 
rait sa ligne de combat monté sur un cheval blanc, sa belle 
figure, ombragée du' haut bicorne, le cou pris dans le col élevé 
légèrement brodé, la taille ceinte de la large écharpe des géné- 
raux de la République, tel enfin que le représente le tableau 
du musée de Versaiiles. Il allait, s'informait, contrôlait les 
Informations reçues, se montrait à des subordonnés qui l'ai- 
maient pour sa grande bonté (1) et la simplicité de ses nciœurs 
et lui avaient donné leur confiance. 11 n'ignorait point qu'il 
doublait ainsi leur courage et leur communiquait une partie de 
' son calme. 

Indécis et perplexe dans la conduite des affaires ou lorsque ses 
intérdts privés étaient en jeu, Moreau acquérait, en {A*ésenoe 
de Tennemi, une résolution nette^ un courage moral rare. Cet 
homme que Ton accusa souven^ et non pas toujours à tort, de 
manquer de caractère, se transformait sur le champ de bataille, 
répondait à tout, fais^ait face à tout, n'y marquait aucune irréso- 
lution, et, dans les situations les plus compliquées, dégageait, avec 
décision et justesse, la bonne solution. Il savail de plus l'imposer 
à ses généraux^ son caractère froid l'empêchant de se laisser 
éblouir ou influencer par les nouvelles, bonnes ou mauvaises 
si souvent exagérées, qui assaillent le chef suprême pendant 
une action de guerre. 

En cette journée du 3 décembre, il écoutait avec attention le 
bruit du combat qui se livrait sur ses ailes, et son regard allait 
des troupes autrichiennes employées à battre la digue solide que 
dessinaient les deux divisions françaises, à celles qui ne cessaient 
de sortir du défilé. A la guerre, où nous l'avons vu, le calcul joue 
un grand rôle, rien cependant ne peut se calculer à l'avance avec 
certitude. Il attendait, avec impatience qu'il parvenait à dissi- 
muler, qu'un indice quelconque lui montrât que le détachement 
jeté sur la gauche ennemie avait réussi. Tout à coup on le vit 

(t) On l*app«lait le bon Iforean. CominaBdant Pic^rfl, Bonaparte ei MartaUy 
p. 1Q. 



te-v 



■^-T^" 



regarder avec plus d'atteation puis s'élancer au galop du côté du 
Ney, la jote la plus vive et une grande émotion se peignaient sur 
ses traits. Il articula quelques ordres clairs et précis durant que 
ses aides d6 camp se lançaient de leur côté à toute allure sur les 
différents points du champ de bataille^ 

Un certain flottemf^nt, une agitation, peu visible pour tout 
autre, venaient de lui révéler que Richepause était en train de 
mordre serre dans le flanc de Tarchiduc. Avec cette rapidité de 
décision qui l'avait si bien servi dans la Forât*Noire et quand 
il avait franchi le Khin, en plein jour, à la vue des troupes en^ 
Demies rangées en bataille sur la rive opposée, il prescrivit à 
Ney de se former en colonne, d'attaquer et de refouler les Autri- 
chiens dans le long corridor d'où ils n'étaient sortis qu'en partie- 

Ney obéit, avec sa vaillance et son ardeur coutumièrea, et 
produisit sur l'ennemi une poussée formidable. Pressé d'avant' 
en arrière et d'arrière en avant, accablée sur son front, attaquée 
en queue, la colonne autrichienne se disloqua et déborda dans 
la forêt- Richepanse et Ney traversant cette confusion, où il ne 
restait plus qu'à cueillir prisonniers, canons et bagages, s'em- 
brassèrent ivres de joie. 

Harassés mais oublieux de leur fatigues, consciente du rôle 
iniportant qu'ils avaient joué, les soldats de la 48% le bicorne au 
bout du fusil poussaient des acclamations de triomphe. On te 
pressait autour du grenadier Ductiâtel qui avait fait prisonnier 
le général autrichien Decey, du sergent Loleu qui s'élançant spr 
une batterie, au milieu du feu> avait tué deux canonniers et pris 
une pièce de huit, du grenadier Revel qui, à lui seul, avait cap- 
turé plusieurs prisonniers et une bouche à feu (!]. Quand tes 
tronçons W^iUher et Drouet, lorsque la division Decaen, rejoi- 
gnirent tour à tour ce furent de nouvelles félicitations, de nou- 
velles embrassadtîS- Moreau jouisbait pleineaientde ce spectacle. 
Le le^ndemaîn, en apprenant l'étendue de sa victoire qui avait 
coûtd 20.ÛO0 hommes à l'ennemi. S? canons et presque tous ses 
gros bagages, il goûta la plus grande joie qu'il soit probable- 
ment permis à un homme de savourer. Il avait rendu un im- 
mense service à son pays ; les grandes ailes de la gloire le sou- 
levaient jusqu'aux cimes rayonnantes. Agé de 37 ans seulement, 
il allait vivre désormais an milieu des plus rares honneuri* Son 

(I) Historique du 1S\ p. 316 et 317, 



30'i REVUE DE BRETAGNE 

nom devenu Torgueil des siens*sepviraitd*exemple8 aux généra- 
tions avenir. Quel éblouissement I Il avait atteint, tout jeune, 
jusqu'au sommet des prospérités humaines ! 

Aucun génie familier ne lui souffli sans doute à Toreille. dans 
ces heures enivrantes, que tout cela devait bien vite s'évauouir; 
qu*il serait réduit, quelques années plus tard, à errer loin de sa 
patrie ; qu'il trouverait une mort ignominieuse dans les rangs de 
ces mômes ennemis qu'il venait de combittre et d*humilier, que 
son nom deviendrait pour ses compatriotes et pour tous les siens 
un sujet d'exécration et de honte. 



Le malheureux^ qui devait si bien connattre toutes les extré- 
mités de la fortune et l'affreux mensonge des rôves humains» 
mérite-t-il, dans toute son horreur, l'opprobre dont il est couvert 
aujourd'hui? Fut-il ce tratlre souillé du plus exécrable des for- 
faits? Fut-il même cet ambitieux vulgaire, ce jaloux de Bona- 
parte, dénué de caractère, livré complètement à des influences 
familiales fâcheuses ou à celles d'un état-major intrigant et tou- 
jours prêt à l'exciter contre le premier Consul? 

Certes Moreau ne fut point parfait. Homo sum ! pouvait-il 
dire, hélas I comme chacun de nous, dans le secret de sa cons- 
cience, se voit forcé d'en faire l'humble et mélancolique aveu; à 
côté de ses grandes qualités, il avait de nombreux défauts. 
Parmi les traits de caractère qu'on lui attribue certains valent 
d'être retenus. Mais, à moins d'être le dernier des hommes, 
on ne trahit point sa patrie par manque de caractère ou parce 
que la jalousie vous tourmente. On cède à de plus puissants 
motifs : une ambition démesurée^ la soif du pouvoir, celle des 
richesses. Le vainqueur d'Hohenlinden fut-il jamais animé de 
pareils sentiments? Eut-il un caractère faux et bas, de furieux 
sentiments d'enVie, de vils instincts ? 

Pour nous fixer sur ce point, rien n'est meilleur assurément, 
que les appréciations de ses contemporains. M. le commandant 
breveté Picard vient d'en réunir quelques-unes, très dignes 
d'attention, dans un livre rempli d'intérêt (l). « On ne pouvait 
voir une figure plus honnête que celfb de Moreau, et en même 

(1) Bonaparte et Moreau, 



Ji 



) 

HOHENLINDEN 305 

temps plus agréable, dit raateur d^Un hiver à Paris sous le 
Consulat (i), les yeux regardaient droit devant eux avec une 
loyauté saisissante. » Que si Ton est tenté de voir dans ce témoi- 
gnage celui d'un de ces républicains appliqués à exalter Moreau 
dans le secret dessein de Topposer à Bonaparte, il est difficile 
de récuser celul-:i qui émane de son rival lui-môme « Moreau 
était naturellement loyal (2). » 

A eett^ grande droiture le vainqueur d'Hohenlinden joignait 
encore une abnégation méritoire. Ecoutons déposer Thiébault, 
Thiébault à la dent dure, si sévère la plupart du temps dans ses 
appréciations sur autrui. « Peu de temps avant la bataille de 
Tourcoing un colonel fit une proposition qui frappa tous les as- 
sistants par l'importance des avantages qu^elle semblait assu- 
rer ; toutefois, il semblait impossible que la destruction d'une 
partie de la division du général Moreau n'en fût pas la consé- 
quence. Un moment de silence succéda à la péroraison du colo- 
nel» mais il fut rompu de suite par Moreau en ces termes « Il 
faudrait un bonheur sur lequel on ne doit pas compter pour que 
Ja moitié de ma division et moi nous ne fussions pas sacrifiées 
d'après ce plan, mais il n'en est pas moins le meilleur qui puisse 
être proposé et par conséquent celui qui doit être adopté ». 

A la fin de 1796, le Directoire décida que l'armée du Rhin en- 
verrait des renforts à Bonaparte. Moreau désigna deux divisions 
choisies et équipées avec soin et non éprouvées par la défense 
iCHuningue (3J. 

Moreau l mon cher Fabius ! que tu fus grand en cette cir- 
constance, s'écria Carnot, que tu fus supérieur à ces petites riva- 
lités de généraux qui font encore échouer quelquefois les meil- 
leurs projets !... que les autres t'accusent, mon cœur proclame 
un héros ! • 

Sont-celà procédés d'envieux, de jaloux ? 

a Quand il s'agit de réorganiser l'armée du Rhin, Moreau 
éprouva des ennuis etdes difficultés de tout genre, de véritables 
tourments même. « Il montra dans ces circonstances une pa- 
ît tience, une dignité, une réserve qui lui font honneur. Il eut 
<i trouvé parfois l'occasion d'accuser Bonaparte de précipitation 
a ou de négligence et se garda de toute intempérance de km- 

(1) Reichardi, p. !46, 147, 216. 

(2) Mémoires de Montholon, vol. I, p. 50. 

(3) EJ. Picard, Bonaparte et MorjaUy p. 3. 



300 KEVUE DE BRETAGNE 

« gage (1). Il prouva qu'il savait subordonner les intérêts de 
« Tarmée qu*il commandait à ceux de la République ». 

Ces traits paraissent devoir absoudre Moreau d'avoir nourri 
de furieux sentiments d'envie à Tégard du premier Cionsui, mais 
celui-ci le gênait peut-être ? Ainsi que Bonaparte il caressait 
sans doute des projets d'une ambition démesurée? Nous l'avons 
laissé sur le champ de bataille d'Hohenlinden dans Tenivremeat 
du triomphe^ retournons un instant à ses côtés. Nous le verrons 
vaincre le 16 décembre à Heinsdof, le 17 à Frankenmuk, le 18 h 
Schwanstadt, le 19 à Lambach, le 20 à Kremsmunster, franchir, 
sans coup férir, la Traun, l'Ëms l'Ips et s'arrêter enfin à vingt 
lieues de la capitale, ayant conquis quatre-vingt-dix lieues de 
pays. Ses lieutenants l'engageaient à pousser jusqu'au cœur de 
la monarchie. San^ se laisser éblouir par tant de succès, il sut 
résister dit Thiers à la tentation d'entrer dans Vienne et de se 
donner la gloife qu'aucun général français n'avait eu encore. « Il 
vaut mieux noua arrêter, répondit-il, et nous contenter de la paix 
car c'est pour elle seule que nous combattons (2). » C'étaient là 
dosages et louables sentiments qui seront toujours étrangers, 
semble-t-il. à un ambitieux décidé à tout fouler aux pieds pour 
l8 satisfaction de ses appétits. 

Ses appétits quels étaient-ils d'ailleurs? Son mépris des ri- 
chesses était notoire. « Moreau et tous ses officiers sont ren- 
trés en France les mains nettes comme ils étaient venus dit 
Reichardt. » — Ses mœurs simples, ses vertus civiques lui conci- 
liaient l'estime et le respect, affirme Chélard (3). « Sa mise avait 
le caractère de simplicité de sa personne^ renchérit Tbibau- 
deau (4). 

On en conviendra, ce faisceau de témoignages est des plus 
honorables pour Moreau. De leur interprétation il ressort qu'il 
était bon, probe, animé de sentiments d'honneur, capable de 
beaucoup d'abnégation. 

Sa mauvaise fortune fit qu'il incarna l'esprit républicain au 
moment oîi celui-ci était, peu à peu, battu en brèche par 
Bonaparte, qui préparait son avènement au trône. Car républi- 



(1) Bonaparte et Moreau^ p. 100. 

(2) Histoire du Consulat, 

(3) Picard, Bonaparte et Moreau, p. 8, 9 et passim. 

(4) Thibeaudau, Mémoires, V. II, p. 287. 



HOIIKNLIN'DE.V SO? 

cain, il l'était sans aucun retour. Dès ses débuts daus la vie 
I^Mblique, on l'avait vu présider à Pontivy la Fédération ange- 
vine et bretonne. Général, il avait fait de son armée comme le 
refuge des idées démocratiques et s'était montré» sur ce point, 
en opposition eomplèle avec Bonaparte. 

Les circonstances, les gens, ses convictions intimes, la fatalité 
enfin le dressèrent en rival devant plus fort que lui II «'avait 
que de très grands talents. Son adversaire était doué d'un puis- 
sant génie. Il devait succomber. C'est ce qui advint* 

Aigri par les di^ceptions, les malheurs, un long extl, Tomer- 
tume d'une vie manquée, il ne sut pas résister au désir d'as- 
sister» de contribuer peul-êlre à rabaissement de Taufeur de 
ses maux. Par une impardonnable faiblesse il prit rang au 
milieu de nos ennemis. Ce crime pèse très justement sur sa mé- 
moire qu'elle privera, pour toujours, des témoignages de grati- 
tude que méritaient ses grands, services et ses éclatantes vic- 
toires. Mais il a droit à eette pitié que Ton accordée des victimes 
du sort ou de leurs passions beaucoup moins intéressantes certes 
que le vainqueur d'Hohenlinden. Puni de sa forfaiture par des 
tortures morales ou physiques qui furent» dès cette vie même, 
l'expiation méritée de son égarement d'un înslant. Po.ursuivi 
jusque pendant son agonie si longue, par une fatalité impla- 
cable , il mérite de ne point trouver che2 nous des juges 
inexorables. L'homme auquel ses conlemporaîns virent t faire 
souvent des choses sublimes sans qu'il y attachât aucun prix », 
doit être rangé au nombre des grandes vie' i mes du sort. 

Il a connu tes maux sans nombre dont parle Elschyle. Sa chute 
fait penser à ces victimes pathétiques des tragédi^^s grecques, 
coupables certes, dignes' de pitié cependant, sur lesquelles 
s'acharnent une puissance supérieure, victorieuse des hommes 
et des dieux, persécutrice des humains trop prospères ; le 
destin. 

Commandant de Malliiray. 



TREGARANTEC ET TREGRANTEUR 

LA FAMILLE DE CE NOM <') 



Au milieu des riants vallons qui creusent la région de TOust, 
non loin de Termitage de Saint-Gobrien, et presque à l'ombre 
que profilent sur le pays les vieilles tours de Josselin, se ren- 
contre Tune des plus anciennes seigneuries du Porhoôt ; terre 
»noble, érigée sans doute en souvenir de services rendus aux 
premiers titulaires du Comté, par ia famille autochtone qui porta 
elle-même le nom de sa terre (2). G^tte seigneurie a pris nais- 
sance sur les lieux d'une antique frairie qui lui a donné son nom. 

Tregarantec ou Tregaranteuc, est la forme primitive de. Tre- 
granteur. Essentiellement breton, ce nom se traduit textuelle- 
ment par : trêve de Caranlec; treb, trefipar adoucissement tre) 
ayant presque toujours signifié, habitation, dans le sens de 
subdivision de' plou (3). 

Faut-il voir dans Céirantecun personnage quelconque, ou un 
saint? Chacune de ces hypothèses peut être soutenue. 

M. A. Dagnet écrit au sUjet dé Carantee, localité située à Tem- 
bouchure de la Penzé, en face de Saint Pol-de-Léon : a Ce pays 
aurait eu pour fondateur un saint plus ou moins apocryphe de 

(1) Ce tratail eât lire d'une étude intitulée : Une Seigneurie du Porhoët, 
laite sur les familles qui ont passé à Tregranteur (paroisse de (luégon) et siix 
la terre de ce nom. Les archives du château, qui ont fourni les principaux ma- 
tériaux, seront publiées prochainement sous foime d* « Inventaire » et lorme- 
ront le complément de cette publication. 

(2) Le comté de Porhoët, qui avait pour capitale Josselin, s'étendait au sud 
de rOust jusqu'à la Claie. Cette portion, laisant partie de Tévéché de Vannes, 
prenait le nom de fief de Kemenet, autrement d*0utre-rEau, et comportait 
quinze paroisses ou trêves. Quégon, l'une des plus importantes paroisses dJ^%i\ 
deux trêves : Tregranteur et Coëtbugat. 

Voir notre onvrage : Essai sur le Porhoet. 

(3) Chrestomathie Bretonne^ par M. J. Loth, p. 934. 



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TREGRATKC ET TREGARANTEUR 309 

ce nom, qui veut dire » plein d'amour » de Karet, aimer. Saint 
Carantec n'a pas sa statue dans Téglise, mais un rocher en mer, 
qui représente vaguement la figure d*un moine, s'appelle saint 
Carantec (t). » Il convient en outre de remarquer, qu'à une 
courte distance également de Saint-Pol, mais dans le voisinage 
de Lesneven, se trouve une très vieille paroisse du nom de Tre- 
garantec. 

Serions- nous ici sur les traces d'un des apôtres qui, de la 
Grande Britannia, vinrent semer 16 christianisme sur le sol Ar- 
moricain... Carantec n'est- il pas plutôt une évocation de saint 
Caradec(2)...? 

Nous laisserons aux savants le soin de discuter ce point et 
nous nous en tiendrons à l'étude étymologique du nom. 

Peut-être y eut-il dans la Cornouaille ou le Léon d'autres pa- 
roisses ou trêves de ce nom, mais en tous cas il n'a jamais existé 
qu'une seule famille de Tregaranlec. 

A Mellionnec, dans l'ancien évôché de Vannes, se trouve un 
troisième Tregarantec, cheMieu d'une seigneurie, mais comme 
nous le verrons plus loin, ce n'est qu'une simple implantation 
faite par la famille du Porhoêt. 

Nous ne devons nullement nous étonner de l'altération qu'a 
subie, uniquement dans le Vannelais central, le mot Tijegarantec 
(pour devenir Trégranteur). L'émigration bretonne aux V® et 
VP siècles occupait tout l'Ouest de l'Armorique. Peu à peu elle 
avait débordé des limites du Comté de Bro Weroc (Vannetais 
Occidenta»), et la langue celto- bretonne gagnant jusqu'à la Vi- 
laine avait conquis une grande partie du territoire gallofranck. 
Mais lorsqu'après l'immense ébranlement causé par les invasions 
normandes au commencement du X*" siècle, la société bretonne 
cherche à se reconstituer, la situation se trouve toute différente; 
il s'est produit dans la langue bretonne un grand recul vers 
l'Ouest. MM. de la Borderie et Loth s'appuient sur diverse 
hypothèses pour expliquer ce mouvement rétrograde : bretoni- 



(!) M Coins de Bretagne «, VHermine^ tome XXX VI. 

(2) Pour ce qui concerne Tregaranttsc en Gaégon, nous ne pouvons identifier 
Carantec aTec oaint Caradec. Celui-ci, en effet, n'est point fénéré d'une façon 
particulière dans le Porhoêt méridional et il n^est pas vraisemblable que le sain 
ermite ait été choisi primitivement comme patron de ceite trêre. L'église est 
sous le vocable de saint Melee, dont le culte est de plusieurs siècles plus ancien 
que celui de saint Caradec. 

4 



il«i ttevuft DK BRËtAONB 

éatiôn mëiQs complète, dispersion de Télétnent des marehes^ 
immigration française^ etc.. Qu'il nous suffise de reconnaître le 
fait : à la âuite des invasions barbares» la langue indigène a re- 
|)rië le dessus dans le Vannetais Oriental et le breton s'est retiré 
de^rièi^e une ligne imaginaire, Vannes^ Saint-Jean-Brévelay, 
Hééionsloîr; Hmite qui n*a presque pas varié depuis. Ainsi 
voyons-nous Tregurantec en Guégon et les paroisses avoisi- 
avoisinatites ayant fait partie du domaine breton, perdus peur 
lui à partir de cette époque. Le gallo vint prendre sa revanche, 
et tout en refoulant le breton, défigura et adoucit la consonance 
(ks noms laissés au solpar les premiers occupante (1). 

Plus d'utie famille devait passer à Tregranteur et y faire ré- 
gner avec la justice, la bienfaisante administration seigneuriale. 
Verà le milieu du XVP siècle, faute d'élément mâle, les premiers 
ëeignours Originaires se'foddaient dans les Quelen du Broutay-; 
ceux-ci cédèrent leurs droits de propriété auk Bonin de la Ville- 
bouquais, dont la race s'éteignit. C'est alors que les Poulpiquet du 
Halgouet recueillirent l'héritage des Bonin. Abordons d*abord 
rhistoire de ces familles; puis nous pourrons suivre révo- 
lution du domaine seigneurial et étudier en détail les terres qui 
s'y rattachèrent, soit par acquôts^ soit par suite de différents 
héritages. 

Famille de Tregranteur, — Les Archives du château de Pen- 
hoët près Josselin, gardent la copie ancienne d'une charte d,u 
milieu du XIII'' siècle, très instructive sur la famille de Tregran- 
teur. Elle comporte une exemption de rachat, pour les juvei- 
gneurs de la maison de Tregaranteuc^ tige de Pengréal. En voici 
la teneur : Alain, vicomte de Rohan fait savoir qu'il octroie à 
Raoul deTregaranteuc, à Alain son frère et à leurs, héritiers les 
« baez » (2) de la terre qu'ils tiennent de lui dans la vicomte de 
Rohan et en Porhoôt. Alain de Rohan s'engage, lui et ses héritiers, 
à ne jamais rien réclamer et à ne protester contre aucun testa- 

(1) Ces changements ne se firent que très progresslTement et très lentement. 
Pour Tregranteur l'on trouTe enco^e souvent an XV* tiècla Tregaranteuo en 
même temps que Tregaranteur. 11 n'est pas téméraire d'avancer qu'aujourd'hui 
même nous ne èommes pas à la dernière forme, il y a une tendance marquée à 
àupprimer Vr pour en faire Treganteur. 

(î) Le mot « Baez » a été, aux Etats de Nantes, l'an 12 75, changé eh « rachat », 
par le duc Jean, du consentement de tous les seigneurs de Bretagne. Le droit 
de Baez correspondait donc au droit de rachat. 



trk<;ara!1teo et theorakteur 9tl 

ment ni partage au stjjel de ces baez. Si Alain ou Haout de Tre- 
garanteuc, ou l'un de lewrs héri tiers meurt aans testament ni par- 
tage» les hommes nobles de leurs terres éliront un de leurs amis 
pour administrer la terre au profit deg héritiers du défunt, etc* 
Le comte de Bretagne veille^a à f&ire observer ces engage- 
ments. Snfln le vicomte de Hohan atteste que Raoul et Alain 
ont acquitté les bafiz en toutes leurs terres et qu'ils en seront 
dE:''Sûrmais exempts eux et leurs héritiers. — Donné à Noyai, 
h samedi 17 juillet 1264 (1). 

Cet acte de générosité et de bonne administration lui était 
inspiré certainement par l'estime acquise aux Tregaranteuc et 
j^ar le rang que cette maison occupait dans le pays, A lire entie 
les lignes, celle-ci devait jouir déjà d'i r^ichat, car dans la charte, 
aucun motif réel de cette distinction n'apparaît et il semble que 
le vicomte de Rohan accorde Jà un droit naturel aux juveigneurs 
de Tregaranteuc* 

Le rachbt était une des plus importantes sources de revenus 
pour te haut suzernîn et l'exempiion ne s'en octroyait que très 
rarement. Quelques années plus tardt une question du même 
genre, devait soulever une vive discussion entre Clisson et le 
duc de Bretagne. 

Les Pengréal même eurent plus d'une fois des difficultés à 
défendre leurs droits, établis cependant sur des litres inatta- 
quables. Nous aurions tort aujourd'hui de nous en plaindre, les 
requêtes des héritiers d'Alain et de Raoul sont, avec deux copies 
d'actes conservées par d'Hozier, les seules pièces authentiques, 
ayant rapport à la maison de Tregaranteuc, parvenues jusqu a 
nous. M. de l'EstourbeiUon nous les a fait connaître dans son 
Inventaire des archives 4e Penhoèi ; elles nous ont été d*uo pré- 
cieux secours et permettront en particulier d'établir une généa- 
logie directe de la branche de Pengréa'. 

L'arrêt du Parlement de Bretagne, décrété le 20 mars 15S5 en 
faveur de Jeanne de Pengréal, et dont nous avons tiré l'acte qui 
précède, nous fournit encore ta preuve absolue que ïes Pengréal 
Étaient bien juveigneurs de Tregarenteuc* 

En septembre 1278 le chef de nom et d'armes s'exprime en ces 
termes ; a A tous les fidèles du Christ qui verronl ou entendront 

(1) Alain de Rohan vanaU ûe rBCuHiltir. de ^a mère AJiénorde Porliot^tL û'iïïà^ 
T&nis biens aitn^s dans Le Comié d« ce njasxt^ entre autres In Trinité, doûi Pen- 
greaL en Pi unaieux dépendait. 



f- 



312 REVUE DE BRETAGNE 

lireles présentes lettres, PierredeTregaranteucécuyer, salut éter* 
nel en Notre Seigneur. Sachent tous que nous avons reçu comme 
vassal {nos recepimus in hominem), Alain de Tregaranleuc écuyer, 
pour toute la terre sise en la paroisse de Plumyeuc qu'il passé- 
dait du fait de son héritage (1). En témoignage et corroboration 
de cet acte, nous avons délivré audit Alain les présentes lettres 
scellées de notre sceau. — Donné Tan dû Seigneur mil deux cent 
soîxante-dix-huit, au mois de septembre. » Une note explicative 
mise en marge nous apprend qu'Alain dont il s agit ici, seigneur 
du Broutel-Guyost, reçut en partage de son frère Raoul, soit que 
celui-ci fut mort, soit qu'il n'eut point d'héritier direct « le lieu et 
fief de Pengréal ». Il venait donc faire acte de soumission respec- 
tueuse vis-à-vis du chef de sa famille, en se présentant devant loi 
comme homme-lige» ce qui, du reste, ne diminuait en rien les 
devoirs qu'il devait à son suzerain le vicomte de Rohan (2). 

Puisqu'il ne nous est pas permis de remonter plus haot^ nous 
fixerons donc sur les têtes de Pierre et d'Alain îa descendance 
des Trégaranteuc et des Pengréal. 

De la môme époque nous aurions peut-être pu retrouver un 
autre acte de soumission consanguine, si réloignement n'avait 
complètement séparé les intérêts; et rompu les liens qui devaient 
unir les difTérentes branches d*une même famille. 

Nous voyons en effet qu'un Alain de Tregarantec apposait son 
sceaucommesénéchaldeRobertdeBeaumer, chevalier, seigneur 
de Kemeneh-Guingant(Guémené), au bas d'une donation de 1251 
faite à l'abbaye de Bonrepos (D M. T I. — c. 950). 

Cet Alain avait donc quitté tout à fait le territoire de ses pères- 
Est-ce lui^ ou l'un de ses ascendants, qui, conduit par les h^isards 
de la fortune, ou attiré pas une donation, avait abandonné le 
Porhoët, pour aller plus loin, vers l'extrémité Nord-Ouest de 1 é vô- 
ché de Vannes, se fixer dans la paroisse de MelUonnee, à quel- 
que distance de Kemeneh-Guingant ? Nous ignorons ce point d^ 
l'histoire des Tregranteur. 

En tous cas, nous partageons l'opinion de MM* de rEstourbsil- 

(1) Nous retrouvons fréquemment au moyen âge ce genre de vaMelage. Du 
reste, la coutume au titre 12 des successions s*exprime ainsi : et Tauirti ilert sera 

baillé aux puînés et le tiendra chacun desdits pulnéi comme juveigneur 

d*alné en partage et ramage dudit aîné. » 

• (2) Si Ton avait encore des doutes sur l'origine des Pengréal, il siUrirait de i« 
rapportera lejirj armes qui sont celles de Trégaranteuc^ chatgée^ d'un lamb^l, 
distinction spéciale aux uveigneurs. 



J 



TREGARANTEG ET tREGRANTEUR 3 13 

Ion et Baudry, qui attribuent à la maison de Tregarantec en Mel- 
lionnec, une origine commune avec celle des seigneurs de Trega- 
rapteuc en Guégon^ Nous avons montré précédemment comment 
rorlhographe du nom propre se transforma peu à peu, par Tim- 
mixlion dugallo et du breton. Les deux noms sont si bien les 
mômes, que les habitants du pays de Mellionnec emploient par- 
fois : Tregranteur et Tregaranteur pour Tregarantec; nous- 
mêmes avons relevé aux archives départementales du Morbihan, 
dans le fonds de cette juridiction seigneuriale (1) : Tregarantec 
(1700-1720) ; Treguerantec (1715) ; Tregaranteur (1792). 

Les seigneurs de Mellionnec surent se rendre utiles à leur 
nouvelle patrie et atteindre de bonne heure les' plus hautes situa- 
tions ; telle, la charge d'alloué du vicomte de Rohan « AUocatus 
victus (2) de Rohan », occupée dignement par un représentant de 
l'an 1261. Alloué désignait ordinairement Tofllcier subalterne du 
sénéchal ou bailli, et cette désignation convenait à tout officier 
lieutenant, comme ici, ce mot semble désigner le lieutenant du 
Vicomte : A tous ceux qui verront et orront ceste présente lettre, 
Alen de Tregaranteuc, écuyer, alloué en la vicomte de Rohan.... 
salus en notre seignor. Sachent etc. (DM. TI, col. 982). Là, 
comme ailleurs (col. 1024-1095), il opère au lieu et place du 
Vicomte son maître. 

Ne laissons pas passer inaperçu ce titre d'écuyer que portent 
les Tregaranteuc ; à cette époque les plus grands seigneurs 
n'en avaient point d'autre, avant d'ôlre parvenus à la cheva- 
lerie. 

Les données que nous possédons sur la descendance de Pierre 
de Tregaranteuc sont malheureusement rares. Çà et là nous en 
trouvons; traces dans les Preuves de dom Lobineau et de dom 
Morice, aux montres et revues d*armes. Il nous eut été impos- 
sible cependant^ d'établir parmi les membres de cette famille une 
filiation exacte, si la Bibliothèque Nationale (Cabinet des Titres) 
ne nous avait fourni deux pièces sur lesquelles Ton peut s'ap- 
puyer avec garantie. La première est unn portion de la gén^^alo- 
gie des « Tregranteuc » établis en Guégon, que précisémeijt nous 
cherchons. Elle est curieuse, parce qu'elle nous révèle un grand 
nombre de puînés, et fut sans doute rédigée anciennement, car 

(i) iLlle flgtre comme cbâtellenie av«c Sénéchal. 
(2) Victus pour ▼icecomitatus. 

Décembre i907 U 



"^ 



314 RBYUB DE BRETAGNE 



elle s'arrôte à Jean, vivant au oommencement du XVI*^ièole (1). 

L'autre pièce eit la copie d'une enquête faite en 1658 par Jan de 
Kerbutso, lieutenant et juge ordinaire en la cour de PorhoëU à ia 
requête de demoiselle Jehanne de Tregaranteuc, dame dudit lieu 
et du Olos, (2) Divere témoins viennent déposer sur la famille de 
lademanderesse et dans leurs déclarations remontent aussi loin 
qu'ils peuvent vers les origines. Ils sont certainement dignes 
de foi, cependant la mémoire leur fnit défaut lorsqu'ils veulent 
percer jusqu'au commencement du XV® siècle. Les aveux qui 
nous ont (^galem^*nt servi pour fixer d'une manière définitive 
cette généalo>î:^e, nous ont permis de corriger une errt^ur, ou plu- 
tôt un oub'i (3). 

Dans les documents qui sont parvenus jusqu'à nous, les atnéa 
sont ordinairement et depuis le XV® sièclC; qualifiés seigneurs de 
Tregaranleuc, du Clos et de la Gtiesnaye. Le Clos, dont il a'agit 
ici, e9t une seigneurie et un fief en St-Aubin (paroisse de Piunce 
lec), qu'il convient de ne pas confondre avec le Clos ou le Clos- 
llazays près Ploôrmel. Nous ne contestons pa& que la famille ait 
possédé un certain temps cette dernière terre ; la preuve indiscu* 
table (»n e$tdans la Héformation de 1513 àPloermel» qui porte ; 
Ç'rançois-Pierre siôur de Treganteuc, à la maison du Clos-Hazayi ; 
mais ce François-Pierre est probablement un cadet, et en tous 
cas c'est le seul qui figure aux Réformations de Ploêrmel (4). 

Alain de Tregaranieuc fut prévôt féodé du duc à la fin du 
XIV® siècle. Est-ce en cette qualité qu'il put rendre service à Clis- 
son ? Toujours est-il, que le Connétable, par testament, le grati- 
fiait d'un don de trois cents livres. 

Jacques ou Jaequet son fils, fut gouverneur pour le duc des 
ehftteau et ville de Josselin. Jean VI en 1436 te nomma dépoai* 
taire conjointement avec Olivier de Rohan seigneur du Ou''-de- 
rileet Jean de Quelen seigneur du Broutay, d'une somme de 

(1) t)os8ier8 Bleus, 645-17094. 

(2) Carrés d'Hozier 608, fol. 277. 

(3) Jacques l*', père de Pierre. 

(4) Ifi nom du Clos est extréaiemeRt répandu en Bretagne, il sa pe«t qu^Uy ait 
eu deux dames du Clos qui soient entrées dans la l'amille de Tregranteur; lesdat^ 
permeltent c«lte supposition. C'est sans doute préctséfiient à cause deTusage trèfl 
commun de ce nom* que les Tregaranteuo, vraisemblablemeat aussi propnétairat 
d i Hazays en Flanguenoual (év. de baint-Brteuc) — il ne semble pas que la famiUe 
de la Hazajs ait eUe-méme possédé le Clos — distinguèrent leur seigneurie de 
Pioôrmel en la baptisant : le Clos Hazays. Cette adjonction des nomt de terrea se 
remarque parfois dans les Reformations. 



-mif^m^' 



\ 

TREGARANTEC Et TREGRANTBUR 315 

34.000 éOus d'or, en at^endani l'accomplissement des mariages de 
Marguerite de Rohanavdc le comte d'Angoulôme, et d* Yolande de 
Laval, petite flUe du duc, avec Alain de Rohan, vicomte de Léon. 
Ce n'était certes pas une mince preuve de confiance et un mo- 
des te titre d'honneur pour le seigaeur de Tcdgarfnteuc, d'être ainsi 
disiUngtt.é parmi tint d'autres serviteurs dévoués, et choisi comme 
dépositaire de la dot des héritiers de Rohan. 

La lignée des aînés devait prendre fin au milieu de X VP siècle. 
Le 15 janvier 1525, Pierre de Tregaranteuc épousait demoiselle 
Madelein i de Lanvaux. A la suite d'une transaction entre celle-ci 
et son frère Olivier, pour clore les contestations nées des succès* 
sioQs d'Olivier de Lanvaux et Perrine de Montauban, seigneur et 
dame de Bnaulieuet du Mas, leur père etmère, etd'aprè laquelle 
ledit Olivier s'engageait à servira sa sœur une renie de iOO livres, 
plus un capital de 400, à la « vestir de bons et honnestes veste- 
ments comme damoiselle de bonne maison et de bon état», le 
mariage fut conclu. Les parties signèrent l'acte au manoir de 
Kernoisel en présence de « nobles gens : Louis du Val, seigneur 
de Coesblt ; Jacques de Lentivy, seigneur de Kernezel ^François 
de Lentivy ; Guillaume de Lentivy ; Jean Budes ; W Guillaume 
Thomas, recteur -de Oaégon ; dom Jan Ândon, sous-curé de 
Radenac; et Jan Rollan, seigneur de la Perrière » (1). 

Dd cette illustre alliance (2) naquirent seulement deux filles : 
Jeanne, la principale héritière, qui épousa en 1544 Pierre de Que- 
len du Boutay, et Marie qui devint la « femme etcompaigne » 
de Robert le Sénéchal de Garcado Ainsi faute d'héritier maie, 
s'éteignit cette très ancienne et n ible famille de Tregaranteuc . 
La branche de Mellionnec s'était fondue un siècle auparavant 
dans les La Forest. 

Quant aux Pengréal, nous les suivons presque sans interrup- 
tiod|à travers les montres et les requêtes au sujet du rachat de 
leurs terres, jusqu'à la mort de Jeanne, dern'ère du nom, 
dame de Lorveloux vers 1600, celle même qui appela sur e'ie 
i'arrôt du Parlement de Bretagne. 

L'un d'eu'x, noble écuyer Louis, rendait aveu au vicomte de 
Rohan, le 4 juin 1551, pour ses « terres et manoir de Pengréal, » 



(1) Carrés d'Hozier. 608, fol. 279. 

(2) Olivier de LanTaux était issu des barons de Bretagne de ce nom et Perrine 
de Montauban des sires de Montauban puînés de Rohan. 



316 REVUE DE BRETAGNE 

et déclarait « avoir enfeu, escabeau et tombe en Téglise parois- 
siale de PlumieuCt contenant neuf tombes, près et au devant 
rimaige Notre-Dame, pour lesquels il doibt à la fabrique 2 solz 
de rente annuelle et un autre enfeu prohibitif en l'église de la 
Trinité au chanceau d'icelle, pour lequel enfeu est dû 10 solz de 
rente à la fabrique de la Trinité, dont ses prédécesseurs ont jadis 
baillé assiette à ladite fabrique ». Si le manoir en question a 
disparu de longue date, le village de Pengréal qui constituait 
jadis la terre noble existe toujours. 

A Tregrahteur môme, le nom n'a pas seul persisté. L'&me des 
premiers seigneurs est toujours là ; nous les sentons encore 
parmi nous dans cette petite église romano-gothique qui remé- 
more un passé de plusieurs siècles; ils peuvent assister à nos 
élans de foi qui groupent autour du sanctuaire, aujourd'hui 
comme jadis, les hommes des champs et les ch&telains unis dans 
une même confiance et un môme esprit traditionnel. Ces fiers 
chevaliers des &ges glorieux sont endormis sous les dalles que 
foulent nos pas; il y a peu de temps encore, envoyait près 
de la balustrade une pierre tumulaire représentant leur enfeu (1) ; 
récusson de leurs armes : a' azur à trois pals d'argent ^ est en- 
castré dans le mur et surmonte une colonne,' placée autrefois 
juste en avant de rentrée principale (2). 



(1) U. le Mené, qui écrit en 1831, nous signale cette pierre tumulaire « repré- 
sentant un chevalier avec une épée au cdté et deux éoussons à la tête. Le tout 
tr^s frustre ». Hélas I une main indélicate n'a pas craint de jeter au vent ces 
souTenirs sacrés, en faisant à neuf le dallage de Téglise. 

('/) Quoi qu'en pense le regretté M. le Gall de Kerlinou (Blasons Bretons), noat 
sommes certain de ces armoiries que portaient les différentes blanches de la 
famille. 



■^^ 



TREGARANTEC ET TREGRANTfiUR aiS 



MAISON DE TREGARANTEG 

(Branche cadette élahlie en MellioDoee (aoig-neane de Tre^arantetï), éviiché 

de Vannas. 



Liste interrompue. 



^A^Làtn 0B TascîARANTSc, écuyer, sénéchal de Guemenet-Quingaat (Gué- 

mené) en (iSi {D. M,,T, I.)- 

ïfc. alloué du vicomte de Bohanezi ia6i (D. M.}, 

Ità* plaide k Vannei contre Alain et Geon'roy de Lan- 

vaui en 136D (D. M.). 

Jb* tenancier du vicomte de Hohan dans une vente, 

en 1371 (D. M,;, 

In* appose son sceau [3 paU dargeni) dans un retrait 

fait par Josselîn de Ho ban en 1190 (D. M,]« 

Raoul DS Trègaranteuc, dont le sceau est mis au bas d'un contrat d*échange 
entre Olivier, vicomte de Rohan et Guillaume 
de Sève en i3i6 (D- M.)* 

kh/LVH ùB TftEGARA^iTELc, qui rend hommage au vicomte de Koban â Pontivy 
en iS^ti (D. W.). 

Celte branche, d'après M. de rEstoarbeilloa (Armoriai de Bre- 
tagne), se serait Toadae au XV° siècle daas lamaisondelaForest. 
Celle-ci occupa la seigneurie de Tregaranlec (Reformations de 
1427 à 153Ô)f qui passa ensuite aux Car m an , aux Plusquellec, aux 
Maillé. Elle fat achetée en 1Ô'33 par les Perrieo, ils la portèrent 
en 1670 auxSainl-Noays, ceux-ci aux Jégonde KerviiUoet Jégou. 
du Laz, qui la gardèrent jusqu'en 1801. 



I 



220 



REVUE DE BRETAGNE 



MAISON DE TREQARANTEC 



TIGE DE PENGRÉAL 
(Établie àPeng^éal, paroisse de Plnmieuc, évéché de Satnl-BH«iic), 



Liste interrompue 



pals li'trgf^iil burcLi&iyê^ 
d'un Umbfll dor* 



Raoul db Tregarantiuc, exempté du droit de rachat pour ses terres, 1 364 

(A. P.). 
Alain dr Tbegahantbcg, eiempté avec Raoul son frère, ia64. 

Id. écuyer. Reçu comme homme lige par son frère 

aîné Raoul 1278 (A. P.). 

Alain de Trbgaranteuc, dit de Pengrèal, ia88 (A. P.). 



ALAIN DE PENGRÉAL. écuyer, 

vivait en 1879 (A. P.). 

rend hommage au vicomte de Rohan, 1396 (D M.}. 

I 

JEAN, écuyer y 

rend hommage au vicomte de Rohan, 1896 (D. H.), 

fils d*Alain, lioa (A. P.). 

I 

EON, écuyer, 

âls de Jean (A. P.), i4io-i433. 

figure parmi les nobles de Rofaan et Porho^t 

qui font serment au duc en iA36 (D.M). 

requis pour la garde du château de la Ghèze, 1489 (D. M.]. 

I 

GUILLAUME, écuyer. 

mentionné dans le compte de Guinot, receveur général, t43o (D. M,), 

figure dans la maison militaire du duc, i43i (D. M.). 

vivait i432 1489 (A. P.), 

éponse Guiile mette Dréan de Rouessan. 

I 

LOUIS, écuyer, 1/I68 (A. P.). 



TRBGARANTEG ET TREGRANTBUR 



321 



JEHA.N, écuyer, 
aveux pour diverses terres en Plumieuc, i5i6 (À. P.). 



CHRISTOPHE, écuyer, 

fig. dans règlement d héritage, i524(A..P.), 

ép. Catherine db la Teetrbe. 



Jbannk, 
ép. Charles db Gubhbreuc, 



GUILLAUME, 
fig. Arch. Penh. 



LOYS 
aveu au V'« deRohan pour Pengréal, i55i (A.. P.), 
ftg. dans une vente, i55o (A. P.). 
ép. Isabeau db Timadbuc. 

— ™»^ "■ !V — ^ ^ 



Jehannb. 

ép. PaSGENT 

DU Baudiez 
écuyer du 
vicomte de 
Rohan. 



JEHAN 
aveu lui est 
rendu en 1 569 

(\. p.). 

meurt sans 
enfants vers 
i583. 



JEHANNE, 
dernière héritière du nom, 
épouse Gilles Lorvbloux. 
L'exemption du droit de ra- 
chat lui est reconnue par 
arrêt du Parlement 30 mars 
i585 (Pl. p.). Aveu lui est 
rendu en 1699 (A. P.). 



Yvonne, 
ép. Charles 
DE LA Mottb 
(de la paroisse 
de Mohon). 
Meurt le 2 mai 
i6a8. 



Jehanne de Pengréal, héritière de son frère Jehan, est la der- 
nière qui ait porté lenoindePengréal(À. P.). Elle laissa une flile, 
Jeanne Lorveloux, mariée àJe'an LePebvre, seigneur de Cham- 
ponnière. Cette famille Le Febvre resta possesseur de Pengréal 
Jusqu'à la fin du XVIP siècle; àoette époque, l'ancienne i^eigneu- 
rie des juveigneurs de Trégranteur passa au Le Ouennec, puis 
aux Rolland du Noday. 

Signé : V» Hervé du Halqoubt. 






■:^ 



PAIMPONT 



0) 



III« PARTIE 



LA FORÊT DE PAIMPONT 



I 

L'ANTIQUE BROGÉLIANDE 
ET LA FORÊT DE PAIMPONT 

Dans les temps les plus reculés, une forêt immense couvrait à 
peu près la moitié du sol armoricain. Elle s'étendait de l'est à 
l'ouest et commençait à lariviàredu Mou, sous Tâleasac, pour 
se prolonger, à ^occident, jusque vers la mer. Elle nexisle 
plu8,aujourd*hui;dans son ensemble, mais il est encore facile d'en 
suivre les contours et les lambeaux sur une carie de géographie. 

On ne connaît pas l'époque où la grande Forêt Bretonne a subi 
ce morcellement. Les Romains, qui ont occupé notre péninsule 
pendant 450 ans à peu près, Tauraiônt-ils détraîle? A-t-e!le été 
ravagée par des incendies? Est-elle tombée de vétusté ? Atitaol 
de questions sur lesquelles Tl^Listoire garde un silence absolu. 
Tacite rapporte, seulement, que les Romains firent disparaître, 
dans rile de Man^ des forêts au sein desquelles les habitants 
avaient dressé des autels et répandaient le sang des captifs. 

Quoi qu'il en soit, la plus grande portion qui nous est restée 
de cette forêt a porté les noms de Brocéliaudei Brocélian, Bréci- 
lien : elle s'appelle aujourd'hui la forêt de Paimpont. 

Au IX" siècle, le cartulaire de rjibbaye de Siint-Sauveur de 

(1) Voir les R^tuçs de juin 1907, p. 344 et de novembre 19Û7. p. 93. 






1 



Redon désignait lo pays environnant cette forôt sous le nom de 
Ponirecoël, de trois mots celtiques qu'il traduisit par ces termes 
de îa langue latioe : pagus trans sUvam ; pays ou canton au-delà 
de la forêt. 

Les druides avaient fait leur séjour dans cette forêt qu'ils 
comptaient parmi leurs bois sacrés. C'est en s*adressant à ces 
prêtres que le poète Lucain dit : œ vous habitez de liaulss forêts 
et en des lieux écartés*., uemura alla, remotis iiicolUis iocis^ » 

« Les arbres de ces forêts étaient sacrés parce qu'ils étaient 
arrosés de sang humain ; « Omnis et kumanis lustraia cruori^ 
busarboT «, 

<x Outre les boist les Druides avalent des autels grossiers et 
faits sans art; « arte carent.. Sacra lieum, structa sacris ferali- 
bus ara w... 

On trouve dans les environs de cette forêt des pierres répan^ 
dues çà et là qui ont servi an culte druidique- 

Quoique les conciles eussent ordonné de faire disparaître ces 
objets de superstilion ou des insensés couraient acquitter des 
vœux et porter des chandelles^ cette fausse religion se conserva 
longtemps encore dans le peuple, môme aprbs sa conversion à 
la vraie foi- Dans ce paya, comme dans beaucoup d'autres, le 
ti grand enfant " qu'on appelle la foule a toujours plus ou moins 
allié les vieilles superstitions aux pratiques du christianisme ; 
Notre-Dame de Paioapont était Tétoile qui devait dissiper ces 
ténèbres et éclairer tant d'ignorance. 

Profitîint de la passion, du peuple pour tout ce qui s'appelle 
légende, les romanciers et les poètes n'en firent pas moins re- 
vivre^ vers l'époque du rétablissement du sanctuaire de Notre- 
Dame de Paimpont, les traditions qui concernaient la forêt de 
Brocéliande. Elle était mystérieuse et enchantés. Là, coulait la 
fontaine de Baranton, dont les eaux, répandues sur le perron de 
Tenchanteur Merlin, excitaient tes tempêtes; là était le val péril- 
leux, autrement dit le Val-sans-retour ou Vaî des faux amants, 
ainsi nommé parce que tout amant volage qui s'y engageait était 
dans rimpossibilité d'en sortir: comment Taurait-il fait, puis- 
qu'une barrière inpénétrable lui en fermait Tissue p^r le pouvoir 
et la malice de la magicienne Morgane? Souvent, de cette forôt 
sortaient de longs gémissem(?nts, des hurlecnents affreux, des 
voix inconnues; souvent, à Fhorreur du tumulte succédait Thor- 
reur du silence* 



i 



I 



324 REVUE DE BRETAGNE 

D'autres fois, de ces solitudes imuéaétrabiesp fa nuit fuyait, et, 
sans se consumer, les arbres devenaient autant de fldmbeaux 
dont ks lueurs laissaient apercevoir des dragons aiiés, des ser- 
pents, des scorpions ; des fantômes, des spectres apparaissaient 
et montraient leurs ombres* ugubres sur ce fond de lumière; 
mais bientôt tout s'éteignait et une obscurité plus terrible encore 
ressaisissait la forôt mystérieuse... 

L'enciianteur Merlin avait résidé dans ce bois sacré. li y faisait 
encore sa demeure, à Tombre d*une aubépine, non dans un tom- 
beau, car il était vivant^ mais dans un état de sommeil où Tavaf ^ 
réduit sa mie Viviane, ce qui n'empochait pas que quelquefois on 
entendît encore sa voix. 

C'est également dans cette forôt qu'Eon de VEtotle, ce fameux 
« Juge des vivants et des morts », et ses fanatiques partisans 
avaient tenu leurs orgies et exercé leurs brigandlag*^s ; « cre- 
maniur quibusdam inhabilantium gladio et famé peremptis, ei 
alise multx heremitaritm mansiones in Brésilien.,, Lttdo erai 
nomine de pago Lodiacfnse ortus,.. d 

L. Bail dans sa « Somme des conciles », rapporte un long article 
de Guillaume de Neubrige sur Eon de l'Etoile. Je ne suivrai pas 
cet insensé dans ses égarements. 

Les merveilles de Brocéliande avaient un tel retentissement, 
que les poètes et les romanciers les célébraient à l'envl. Ebranlé 
partant de. récits, Wace, poète anglo-normand du Xlh siècle, 
vint la visiter. Voici comment, dans son langage, il raconte son 
voyage : 

« Là alaùjo merveilles guerre^ 
Vis la forest f^^s la terre^ 
Merveilles guis, maiz nés trovai^ 
- Fol m'en revins, fol i alai, 

Fol i alai, fol m'en revins. 
Polie guis, por fol me tins, » 



La forôt actuelle de Paimpont atteint une superflcie de près 
de 8000 hectares. Des 14 étangs qui Tarrosent, les plus grands, 
ceux du Pas-du-Houx et de Paimpont, et le plus pittoresque, ce- 
lui des Forges, méritent de servir de rendez*vous aux prome- 



PAIMPONT 825 

neurs les plus difficiles^ tant à cause de leurs immenses nappes 
d*eau que de leurs capricieux contours. 

Dix gardes-forestiers ont prêté le serment de veiller au res- 
pect du domaine. Leur uniforme le^ signale à raltention des dé- 
linquants ea môme temps qu*il les recommande à la considéra- 
tion des vrais amis de Tordre, des défenseurs du droit sacré de 
propriété. Ils occupent çà et là, dans la forôt, en qualité de bri- 
gadiers ou de simples gardes» les postes qui leur sont assignés 
par l'administration et reçoivent un traitement fixe de la famille 
Levesque, propriétaire de la forôt. 

Que de travaux ont été faits dans cette forêt, depuis les mille 
et mille canaux qu'on y a cireuses, jusqu'à ces nombraux poteaux 
indicateurs qu'on y a plantés, jusqu'à ces lignes d'un ^racé irré- 
prochable qui permettent aux chasseurs comme aux charretiers, 
de parcourir les difîérenfs cantons I ! Paimpont se trouve ainsi, 
aux temps actuels, traversé dans tous les sens par d'excellentes 
routes auxquelles la carrière de Jacob fournit l'entretien. On peut 
donc, sans être aventurier et sans courir le risque de s'égarer, se 
4>ayer facilement le luxe de la plus charmante des promenades 
sous bois. 

A deux fortes lieues de Paimpont, entre les villages du Per- 
tuis-Néanti, de Beauvais et le modeste t>ourg de Tréhorenteuc, 
le touriste trouvera le célèbre Val-sans-retour où restait prison- 
nier tout chevalier traître à sa dame. C'est, avec les Forges et la 
Haute- Forêt, le beau site du pays. Ce val se compose d'une suite 
de monticules d'une rare originalité. De leurs sommets sauvages^ 
Tœil plonge, par un temps clair, à des distances merveilleuses 
et embrasse de vastes horizons. Visiteurs, si vous n'avez à vos 
côtés un guide sûr, gardez-vous de trop vous attarder dans la 
contemplation ; dites adieu à ce labyrinthe, avant la tombée de la 
nuit, sous peine de vous trouver, même sans être de faux amants, 
dans l'impossibilité de sortir d'un val qui serait pour vous c< sans 
retour ». 

On montre encore dans la forêt deux fontaines : celle dô Ba- 
reoton, près de laquelle, je le répète à plaisir, l'enchanteur Mer- 
lin et sa mie Viviane se donnaient rendez-vous ; et celle de Jou- 
vence [Juventus]^ qui avait autrefois le privilège de rajeunir les 
personnes qui allaient s'y désaltérer. 

C'était là, dans l'eau de ces fontaines, que les fées de la forôt 
venaient mirer leqrs jolis minois et lisser leurs blondes cheve- 



326 REVUE DE BRETAGNE 

lures. C*était là aussi quQ les Paladins de la Table-Ronde cou- 
raient, sous la conduite de Messife Artur, chercher des aven- 
tures et accomplir leurs prouesses. 

Enfin, sur une lande rocheuse, tout près de Jouvence en vue 
du robuste clocher de Saint-Malon que Ton aperçoit à quelques 
pas seulement du monument, est un dolmen renversé appelé le 
Tombeau de Merlin. Si l'on en croit la renommée, les habitants 
des villages voisin^ auraient, tout dernièrement, pratiqué des 
fouilles pour essayer de trouver des trésors enfouis sous ces 
blocs de pierre. Peine inutile, hélas ! Merlin n est pas Baa!.L*hôte 
du buisson d'aubépines fut le chevalier de Tamour ; il na sera ja- 
mais le dieu de Tor 

Terminons par ces vers que le grand poète breton a consacrés 
à a BroCéliande » : I 

Chantons tous le chêne, roi des grands bois [ 

Chantons tous, jeunes gens, et chantons les arbres Terts ! 

Cruel est celui qui coupe les chênes : 

Hélas 1 combien d^arbres en Bretagne ont été abattus ! 

Kanomà holl ann dero, roué ar c'hoajou bfaz I 

Kanomh holl, lUd iaouank, ha kanomb ar gwê glà:i 

Kris-èo ann hini a drouc'h ann dervenned : 

Allas ! kémént awèè Breiz zo diskarret ! 4 



II 



MERLIN, DEVANT L'HISTOIRE 
OU MERLIN LE BARDE 

« 11 n'est ni ange nt homme 

<c Qui ne pleure quatiiL chsiattt l« h^rpe. ■ 

M. delà Villemarqué, après de savantes recherches, est par- 
venu à découvrir quelques traits de la première et mystérieuse 
figure dont le souvenir se rattache à la forêt de Broeéliande. Il 
en fait d'abord un barde, et voici comment, dans ses « Poèmes 
des bardes bretons du Vl^ siècle », il dépeint lies fondions et les 
privilèges de ces poètes favoris des rois et des peuples : « les 
bardes, dit-il, occupaient à la Cour un rang assez élevé. On les 
voyait figurer aux côtés du roi, avec ses premiers officierSj quand 




PAIMPONT • ?|» 

le soir, il était assis à table près du feu, dans la salle dô son pa* 
lais de boisa vcûte basse et cintrée, que soutenaient sixcolones 
faites de troncs de chêne» polis avec soin, et qu'éclairaient des 
torches d*arbres résineux, » 

'-1 Le barde royal tenait à la main une harpe^ présent du prince, 
et portait au doigt un anneau d'or rf çu de la reine le jour de son 
admission, et il ne devail ianrtnis se dessaisir de ces objets. Si le 
chef du palais désirait qu'il chantât^ iî devait faire eutenrlre trois 
chants de trois espèces différentes ; sic'était la reioequiTen priait 
et qu'elle le mandât dans sa chambre, il devait se rendre à ses 
vœux, et lui dire trois chanis d'araour, mais à demi voix pour 
ne pîîs troubler la Cour. Trois chants aussi pour le noble ; mais 
* si un paysan l'en prie^ qu'il chante jusqu'à Tépuîsement n, dit 
le législateur, voulant montrer par là que le barde appartient 
bien plus au peuple qu'aux rois, aux reines et aux nobles». 

« Au jour du combat, il devait chanter pendant la bataille 
rhymne national de la domination Bretonne^ et grande était sa 
part aux dépouilles-, ..t. » 

« Il montait un cheval des écuries du roi et logeait chez le pré- 
fet du palais- Son plus beau privilège, dans un temps où la force 
brutale régnait trop souvent sans partage, était de pouvoir ar- 
rêter et conduire au Roi tout homme qui en insultait un autre^ 
et de protéger quiconque manquait de protecteur.., et ce, de- 
puis son premier chant, au lever de l'aurore, jusqu'à son der- 
nier chant du soir, c'est-à-dire con^tamnent -* L'injure qu'on lui 
faisait à lui-même étnit punie s^^vèrement et ?a mort suivie d'un 
châtiment plus grand et d'une amende moîli^é plus forte que 
quand il s'agissait du meurtre du médecin royal, personnage im- 
portant cependant. Lq législateur voulait-il donner à entendre 
que rhomme qui calme de ses chants les douleurs de l'esprit vaut 
deux fois mieux que celui qui guérit de ses dragues les douleurs 
du corps ? Tî 

Bien plus considérables encore élaient les privilèges du chef 
des bardes ; Merlin fut le plus illustre d'entre euK- 

Ambroise, surnommé Merlin ou Merzin c'est-à-dire t^ mer- 
veille n, naquit dans la Cambrie, au V" siècle à Tépoque où les 
Barbares^ après avoir envahi l'île de Bretagne» opprimaient te 
pauvre peuple dont ils avaient gagné te roi, le traître Wortigern^ 
Dieu suscita un libérateur aux Bretons dans la personne du 
vaillant prince Ambroise-Aurélien qui arracha une grande partie 



328 REVUE DE BRETAGNE 

de sa patrie au joug des Saxons maudits. 11 fut secondé dans 
cette œuvre par les véritables tyrtées quis^appelaient les bardes 
Taliésin, Liwdr'ch, Aneurin et surtout Merlin qui, par recon- 
naissance, prit le nom du grand patriote. 

D'après les Gallois, Merlin aurait été baptisé : <« il était sujet 
à cet état extraordinaire d'e^^tase et de catabpsie où les percep- 
tions acquièrent un développement, prodigieux que les Bretons 
d'Armorique appellent mal sacré... attribuant, tous, à ceux qui y 
tombent, le don de révélation et môme d'inspiration divine (i). » 

Ambroise Aurélien mort, Merlin dut sans doute, s'attacher au 
successeur de ce prince, l'immortel Arthur. Ce roi, après avoir 
vaincu les Saxons envahisseurs, tourna ses armes contre les 
Bretons du Nord qui lui refusaient l'obéissance. Le chef df s ré- 
voltés, Hueil, frère de Gildas, trouva la mort dans cette guerre 
civile, tandis que le grand Arthur lui-môme disparaissait mys- 
térieusement, et que Merlin, le barde du roi^ atteint de folie à la 
vue de tant de fratricides, s'enfuyait, dans sa douleur, au milieu 
des forôts, en compagnie des botes féroces. 

Là, toutefois, la harpe console encore fe vieux barde, et rien 
n'est touchant comme le chant de sa vieillesse. En voyant venir 
dans sa solitude son cher Taliésin, Merlin s'écrie : c< Ah ! dans 
quelle mer de douleur je suis! Quelle mer de douleur monte 
jusqu'à moi ! depuis que nos concitoyens ont combattu les uns 
contre les autres! (Vêtait, en plein soleil, un assassinat réci- 
proque ; c'était une trouée de boucliers fraternels ! douleur (2). » 

Après Taliésin, Viviane, sœur du barde infortuné, vint conso- 
ler Merlin ; puis aux doux accents de la poésie, de l'amitié et de 
la fraternité, se joint la voix plus suave encore de la religion 
chrétienne qui, par le ministère de trois Bretons, trois saints, 
Colomban, Kentigern etKadock, vient sécher les larmes du barde 
pleurant ses fautes et réconcilier Merlin avec Dieu : « Le soir 
môme où la Foi, sous la flgure du plus aimable des saints, av^it 
reçu dans ses bras le malheureux barde, on le trouva mort au 
bord d'une rivière ; des pâtres de la race des Pietés avaient tué, 
à coup de pierres, le noble chanteur qu'ils appelaient le « fou ». 
Depuis l'antique Orphée jusqu'à l'Orphée celtique, combien 
d'autres sont morts de môme 1 C'est la lutte éternelle de la force 



(<} Myrdhinn ou V Enchanteur Merlin^ par M. de la Villemarqué, p. 94. 
(t) Myrdhinn. 



K^'ii.t^*(X-m*S^(Jl*m^&>i^',3^- \ -'^'n^i353WÇ>ÇVV^"^#^>Tt''-"«*r^*'ra« ^J^f-KT^m'^^TK^Tit*'^., 



PAIMPONT 32« 

brutale contre l'iiitelUgence, douce et sublime inspirée du ciel 
dont le royaume n'est pas de ce monde (l). » 

Telle est, esquissée à grands traits, 1-histoire de ce personnage 
dont l'existence n'est nullement un mythe. C'est la pure légende 
qui fait venir le fameux barde dans notre Bretagne Armorique 
et vivre dans la forêt de Brocéliande. Quoiqu'il en soit, Merlin 
est resté le prpphëte delà famille Bretonne, depuis les Ecossais 
jusqu'aux Armoricains, de tous les Celtes d'Occident, qu'il aurait, 
dans une dernière prédiction, conviés en masse pour la déli- 
vrance nationale et l'expulsion de la rac^ étrangère. « Mais la 
biographie d'un grand homme a moins d'importance, dit le sa- 
vant auteur de Myrdhinny que l'idée qu'il a représentée ; et^ si la 
vie de Merlin offre bien des incertitudes, on peut du moins affir- 
mer que la foi politique dont il a été l'apôtre, que l'espérance na- 
tionale dont il a été le prophète, que la cause patriotique qu'il a 
soutenue, n'offraient pas p\MS de doutes aux nobles âmes de son 
temps qu'aux cœurs généreux de nos jours ; car cette foi, cette 
espérance et cette cause sont celles de la justice, du droit et de la 
liberté. » 



111 

/ 

MERLIN EN FACE DE LA LÉGENDE 
OU MERLIN L'EN CHANTEUR!!! 

MerliD, Merlin, où allex*voas n ma- 
tin avec votre chien noir '?... * Je 
viens de chercher le moyen de^ trouver 
ici Tœuf ronge, l'œuf rouge du ser- 
pent marin, au bord du rivage dans 
le creux du rocher. Je vais chercher 
dans la prairie le cresson vert et Therhe 
d'or et le guy du chêne, dans le bois, 
au bord de la fontaine... — Merlin, 
Merlin, revenez sur vos pas : il n'y a 
de deyin que Dieu. » 

(Bàrzas Brbiz.) 

Ce fut au IX* siècle que fut composée par un auteur inconnu, 
la légende de Merlin dont nous allons raconter les deux scènes 
les plus remarquables. 

(!) Myrdhinn* 



330 REVUE DB BRETAGNE 

PrkmièJre Scène, que Ton pourrait intituler : Triomphe de la Jus- 
tice sur la force. 

Le tyran Wort'gern veut immoler Merlin, encore tout petit 
enfant, pour arroser de son sang les fondements d'une forte- 
resse qu'il veut rendre imprenable, mais Tenfant échappe à la 
' mort grâce à une science et à une sagesse merveilleuses qui sur- 
prennent le roi et toute sa cour. Elu, de par Dieu, chef de guerre, 
il contribue grandement à la délivrance du peuple breton. 

Deuxième Scène ou : Triomphe de V Intelligence sur la force 
physique. 

Le roi Ambroise Aurélien veut élever à Salisburg un monu- 
mentà la mémoire des Bre'ons massacrés par les Saxons. C'est 
la danse des géants, immenses cercles de pierres fournis par le 
sol irlandais, que Merlin destine à ses compatriotes. Malgré tous 
leurs efforts, les soldats du roi ne peuvent môme ébranler ces 
masses colossales. Merlin prend sa harpe et les pierres prennent 
d'elles-mêmes le chemin de Salisburg, pendant que le barde 
chante rincantation appelée Venchantement des pierreÉ précieuses. 



Les poètes du XII* siècle n'ont guère célébré que les malheurs 
de Merlin, les rides d'un âge très avancé, la fuite en forêts, le be- 
soin de consolation et de soutien. 

Avec Messire Robert de Borron elles romanciers ses-continua- 
teurs, Merlin adopte la langue et le costume français, Tësprit 
gaulois si vif et si malin, et se fait réclamer par tous les pala- 
dins des XIIP et XIV siècles. Puis « le sentiment est chassé par 
le rire, l'esprit moral et grave par l'esprit grivois et goguenard, 
le sérieux par l'amusant. Mais la verve de Rabelais pas plus que 
l'art de Tennyson ne parviennent complètement à vaincre la pi- 
tié qu'inspire cette figure tombante. » (Myrdhinn.) 

On le devine, « pour faire le portrait du barde, chaque siècle 
s'inspire de la tradition primitive et la revêt de son propre es- 
prit. La légende en fait un saint, la poésie un infortuné, le roman 
un vaillant chevalier. Pour tous, c'est un héros, mais un héros 
chrétien, un héros breton, personnifiant tout ce que la grande 
époque chevaleresque jugeait digne de son respect: la religion, 
la patrie, la royauté, l'amour pur, discret, délicat pour cette Vi- 



^IH^Pf^iu jiii I III j M 1 1 1 1 ii,i I '¥>'^™"*=*'^-~^wfT«'r^^r'?7*lf^^^fH[gp^^*»r «^^^^f^P^^Tf^^u*^ '5^*''»^^'^*'^?^*^'''^'^'''^,*^ W*"'?^ "^ 



PAIMPONT 331 

viane que l'histoire nous représente comme une sœur du barde, 
tandis que le roman en fait une amante de Tenchanteur. » 

Qui ne se demandera» après la lecture de ces lignes, lequel est 
le plus admirable, c/u du barde qui^a réalisé un si bel idéal ou du 
peuple qui a conservé une si riche tradition ? 



f IV 

MERLIN L'ENCHANTEUR 
ET LA FÉE VIVIANE, SA MIE. 

Je Tavoue en toute simplicité, mon seul mérite dans ce chapitre 
sera de faire concorder lé récit de Robert de Borron avec les 
pages si curieuses de Myrdhinn. 

« Tandis que Merlin cheminait sous les bois de Brocéliande, 
il trouva une belle fontaine. A cette fontaine, venait souvent 
jouer une jeune demoiselle d'une merveilleuse beauté. Elle 
demeurait dans un manoir, près de \h, au pied d'une montagne. 
Son pète se plaisait parmi les rochers et les bois, les fontaines 
et les ' rivières. Il venait souvent habiter son manoir de Brocé- 
liande poui^ les belles eaux et les beaux arbres de la forêt, 
et il était si gracieux que tous ceux du pays l'aimaient. La 
mère de la demoiselle était une fée de la vallée. A la demande 
de son père, Tenfant avait été douée, le jour de sa naissance, 
de trois vertus si grandes qu'elle devait être aimée de 
Phomme le plus sage du monde : faire faire à cet homme 
toutes ses volontés, sans qu'il pût jamais la forcer à consentir 
aux siennes, apprendre de lui toutes les choses qu'elle voudrait 
savoir, 

« Elle avait reçu de ses parents le nom de Viviane, qui signi- 
fie, en chaldéen, w Je ne ferai rien ». 

<c C'était à l'entrée du mois de mai, au temps nouveau et joli ; 
les oiseaux recommençaient à chanter, les feuilles à s'ouvrir, les 
fleurs à embaumer les airs de leur parfum, les douces eaux à 
murmurer et toute chose à s'enflammer. 

« Merlin cheminait de grand matin, à la fraîcheur, pour éviter 
la chaleur du jour ; et, la pensée lui étant venue de faire comme 
le temps nouveau, il avait pris l'habit et la figure d'un jeune 
écolier en vacances. 

Décembre 1907 S2 



332 REVUE DB BRETAGNE 

c< Pendant qu'il cheminait ainsi sons les bois de Brocéliande, 
il rencontra Viviane près de la fontaine de Baranton ; il la salua, 
et répondant aux questions de la jeune fille : 

— Demoiselle, je suis un éôolier, dit-il, qui va retrouver son 
maître. 

— Et que vous a-t-il enseigné, votre maître ? 

— Oh I bien des choses, demoiselle. 

— Mais, quoi encore? Que savez-vous faire? 

— Je pourrais bâtir, ici, devant vous, un châleau et y meltre 
tant de chevaliers, que ceux qui voudraient l'assiéger ne vien- 
draient jamais à bout de le prendre. Je pourrais encore, par 
exemple, faire couler une rivière où jamais goutte d'eau ne 
coula, et môme je marcherais dessus sans enfoncer ni me 
mouiller les pieds. 

— Certes, dit la demoiselle, vous êtes bien savant, et je don- 
nerais beaucoup pour en pouvoir faire autant. '^ 

— Ce ne sont là que des jeux d'enfant, fit Merlin ; j'en sais 
d'autres pour divertir les plus hauts barons et les rois. 

« Et, comme Viviane s'étonnait, Merlin s'éloigna de quelques 
pas et traça sur la bruyère un cercle du bout de son b&ton. 
Aussitôt, apparut, sur la bruyère, un château magnifique, et, 
devant ce château un jardin délicieux dont les arbres avaient 
autant de fruits que de ûeurs^ et de fleurs que de feuilles, et û'oii 
soufflait un air suave, qu'on respirait de la fontaine. Au bout 
de quelque temps, le château magique disparut de Brocéliande ; 
pour le jardin, à la prière de Viviane, Merlin le conserva, et ils 
rappelèrent le Jardin de joie, 

« A côlé de Merlin et de Viviane, se trouve, dans les vieilles 
traditions, la belle et sainte figure de Biaise, Termite. 

Prévoyant tous les dangers auxquels cette liaison et cet amour 
exposaient le barde breton, l'homme de Dieu le grondait dou- 
cement, lui reprochant ses promenades sous bois, ses visites à 
la fée ; puis, il le recommandait au Ciel, tremblant et priant. 

a Cependant la passion allait s'enracinant dans le cœur de 
Merlin. Un jour, il prit congé du bon ermite: Il faut que je vous 
quitte, lui dit-il, je veux voir Viviane. » 

<c II se passa alors entre le vieillard et le jeun,e homme une 
scène des plus attendrissantes ; Biaise pleurait, Merlin aussi, 
mais on se sépara : <c J'irai, repétait le jeune fou, je le lui ai pro- 
mis, je Taime.... Elle saura tout ce que je sais. )» Le cœur de 



PAIMPONT 333 

rbomme est un oc^an de force, mais aussi un abîme de fai- 
blesses!!... 

« Quand JMerlin revint vers Viviane, les églantiers étaient en 
fleurs, au bord de la forôt, comme au jour oîi il vit son amie pour 
la première fois. Gomme alors, il avait pris sa mine éveillée, ses 
cheveux blonds bouclés, sacotte et son chapeau d'éc\)[ier. Viviane 
le trouva si jeune, si beau, si charmant, qu'elle se désolait à la 
pensée de le voir la quitter encore, et pour toujours. Elle imagina 
vingt moyens : ce fut eavaiu. 

— « Mon doux ami, lui dit-elie enfln^ily a encore une chose 
que je ne sais pas, et je l'apprendrai volontiers. 

— Laquelle ?*demanda Merlin qui avait deviné sa pensée. 

— Doux ami , je voudrais savoir comment emprisonner quel- 
qu'un sans pierres, sans bois et sans fer, et seulement par en- 
chantement. 

« Merlin hocha la tête : « pourquoi soupirez- vous ? dit Viviane. 

— Douce dame, je vois bien ce que vous pensez, et que vous 
voulez me retenir^ mais je me sens si faible que, bon çré, mal 
gré, il faudra que je vous accorde ce que vous demandez. » 

« Il lui apprit donc coipment elle devait s'y prendre, et Viviane 
écoutait ravie. 

a Or, un jour qu'ils se promenaient seul à seul, sous les feuilles 
nouvelles, à Brocéliaride, \U trouvèrent un grand buisson d'au- 
bépine tout chargé de fleurs. Ils s'assirent dessous, à l'ombre, 
parmi l'herbe verte, et Merlin s'endormit. Lorsque Viviane senl«t 
qu'il dormait, elle se leva et tourna neuf fois son écharpe autour 
du buisson d'aubépine fleurie, en faisant neuf enchantements 
que Merlin lui avait appris. Puis, elle revint s'asseoir près de lui, 
pensant que ce qu'elle avait fait n'était qu'un jeu, et qu'il n'y 
avait rien de sérieux dans ces enchantements. 

<c Mais quand Merlin ouvrit les yeux et regarda autour de lui, 
la forêt, le jardin, l'aubépine, tout avait disparu, et il se trouvait 
dans un château enchanté, prisonnier de Viviane. 

« Il l'avait prédit pourtant à son ami^ le vieil ermite : <' Je pars, 
avait-il dit, pour la terre que je dois le plus redouter, si douce 
et si belle qu'elle soit. La louve est là, dans la forêt. Elle liera le 
lion sauvage avec des chaînes qui ne seront ni de fer, ni d'acier, 
ni d'or, ni d'argent, ni d'étain, ni de plomb, ni de bois, ni de rien 
de ce que produisent la terre, Tair et l'eau*, et elle le liera si 
étroitement qu'il ne pourra plus remuer. » 



334 RBYUË DE BKETAGNE: 

a Hélas ! les craintes prophétiques de MerKn et les appréhen- 
sions de Biaise étaient fondées. Encore une fois Hercule venait 
d'être vaincu par Omphale, et Sainson terrassé par Dalila. 

Sous une forme frivole, l'histoire des célèbres amours de la 
forêt de BrocVliande renferme de graves enseignements : 

Enchanteurs Merlin, déflez-vous toujours des Vivianes en- 
chanteresses !...., 



LA DAME DE BRÉCILIEN, ' 
ET OWEN, SON CHEVALIER 

Temps ancien, ô temps sacré! 
Alors on entendait en Bretagne 
Dans ciiaque bois chanter les oiseaux 
Dans chaque ?iUage chanter les bardes. 

(Brizbux, Télen Arvor.) 

A la cour du roi Arthur, le chevalier Owen, flls d'Urien, en- 
tendit, un jour, raconter à son ami Kenon des choses si merveil- 
leuses sur Brooéliande, que, dès le lendemain, il monta son 
coursier et se dirigea vers TArmorique. Il y rencontra une vallée, 
la plus belle qui fût au monde, et, côtoyant une rivière qui arro- 
sait ce délicieux pays, il arriva dans une plaine et fut salué par 
un seigneur qui lui procura, dans son château, une hospitalité 
vraiment royale. Je cherche, dit Owen & son hôte, le guerrier 
que n*a pu vaincre Kenon, le chevalier qui garde la fontaine. Le 
châtelain sourit : « C'est bien téméraire de votre part », fit-il. 
Owen insista, et on lui indiqua la route de la célèbre fontaine 
de Baranton. Cette fontaine appartenait alors à une femme, « la 
plus belle dame du monde^ et la plus chaste, et la plus géné- 
reuse, et la plus sage, et la plus noble d. C'était « la {lame de la 
Fontaine ou de Brécilien ». Elle avait épousé le seigneur de 
Gaôl-Montfort, surnommé le Chevalier Noir, à cause de son 
cheval noir et de son habit de satin noir. Ce guerrier redouté 
défendait l'approche de la fontaine magique et éloignait les tem- 
pêtes des terres de Brocéliande^ en empêchant tout étranger de 
verser de l'eau sur le perron enchanté. 

Le choc fut rude entre Owen et l'intrépide gardien. Les lances 



PAIMPONT 335 

brisées, on en vint à Tépée. « Owen donna un tel coup au che- 
valier qu'il perça son heauaae, son couvre-chef et son cimier, et 
sa peau, et sa chair, et son crâne jusqu'à la cervelle. 

« Le chevalier noir se sentit blessé à mort ; il s'enfuit. Comme 
Owen le poursuivait, il aperçut un vaste et superbe château, le 
château de Gaël. Le chevalier noir put seul y entrer. On laissa 
tonaber la herse sur Owen qui serait mort de dépit sur son che- 
val, dans cette étrange et pénible position, sans l'arrivée de Lu- 
ned,la fidèle suivante de la dame deBrécilien. La blonde jeune 
fille eut pitié du pauvre chevalier: elle lui remit une bague mer- 
veilleuse qui rendait invisible celui qui la portaij;, le chaton 
tourné en dedans, et parvint à le délivrer. 

« Cependant, le chevalier noir mort, la dame de la Fontaine se 
désolait de voir Baranton sans défense. Luned lui persuada de 
prendre le chevalier Owen, de la cour d'Arthur. Cette circons- 
tance peint parfaitement les mœurs primitives d'un peuple ado- 
rateur passionné de la force physique : « Je suis sQre, dit la 
dame de Brécilien, que ce guerrier est le meurtrier de mon 
mari. » 

— Et c'est tant mieux pour vous, Madame, répondit Luned ; 
car, sMl n'avait pas été plus fort que votre seigneur, il ne l'au- 
rait pas tué. On ne peut rien, ajouta-t-elle, contre ce qui est 
arrivé. » 

^ La dame prit l'avis de ses barons, et les noces se célébrèrent 
au milieu d'une grande affluence des habitants du pays et d'un 
certain nombre d'archevêques et d'évôques que la veuve du 
chevalipr noir avait appelés à sa cour pour cette fête. 
. « Et Owen défendit la fontaine pendant trois ans, maniant la' 
lance et Tépée, et occupé & partager entre ses vassaux les dé- 
pouilles et les rançons des agresseurs. 

« Pendant ce temps, Arthur pleurait son fidèle Owen. Il partit 
à sa recherche. Tous ses compagnons furent terrassés par le 
vaillant défenseur delà fontaine. Ce que voyant, Arthur se fit 
reconnaître. Il y eut grande fête au château de Gaël. Avant de 
partir, Arthur supplia la dame de Brécilien de permettre à son 
seigneur d'aller passer avec lui trois mois dans l'île de Bretagne 
pour en revoir les amis et les nobles dames. Elle y consentit, 
non sans peine. 

« Heureux de se retrouver aji milieu des siens, Owen resta en 
Bretagne trois ans au lieu de trois mois. 



ri 

.4 



336 REVUE DE BRETAGNE 

« Un jour qu'Owen était assis à la table du roi Arthur, voici 
venir une demoiselle vêtue d'une robe de satin jaune, et montée 
sur un cheval bai à crinière flottante et couvert d'écume, et la bride 
et la partie découverte de la selle étaient d'or ; elle s'avança 
v^rs Owen, et elle lui arracha du doigt son anneau nuptial et 
dit : « Ainsi mérite d'être traité un trompeur, un fourbe, un 
infidèle, un valet, un imberbe. » Et elle sortit brusquement. 

« Alors la mémoire revint à Owen, qui partit pour TArmorique 
résolu à parcourir, par pénitence, leà déserts et les montagnes. 

« Or, il arriva qu'un jour il trouva emprisonnée dans un cachot 
la fidèle Luned, punie par sa maltresse pour lui avoir fait épouser 
un chevalier traître à sa dame. La suivante n'avait plus que 
deux jours de vie, si le chevalier déloyal ne venait lui-même 
la délivrer. 

«'On devine le dénouement de ce drame, car c'en est un 
véritable : Luned délivrée, Owen retourna avec elle au château 
de la dame de Brécilien. a Et il conduisit la dame à la cour 
d*Arthur, et elle fut sa femme tant qu'elle vécut. » 

« Et on appelle cette histoire : La dame de la Fontaine (1). 



VI ' 
LA FONTAINE DE BARENTON 

ce Est-ce vous. Baranton ? Sur sa pelouse verte 
Que la fontaine sainte est aujourd'hui déserte I 
Les plantes ont fendu les pierres de ses murs ; 
Et les joncs, les fçlaïeuls et les chardons impurs 
Entouré son bassin d'où ses eaux étouflfées 
De ravins en ravins coulent au Val des Fées I 



bois d^enchantements, forôt de Brécilien 
Où dans son fol amour s'est endormi Merlin ; 
Où rois et chevaliers, sur leurs bonnes montures. 
Venaient de tout pays tenter les aventures, 
Bravant les nains hideux, les spectres» les serpents. 
Tous les monstres ailés» tous les monstres rampants, 



(f) Résnmé de plusieurs pages des Romans de la Table Ronde, par M. de la 
Villemarqné. 






f 



PAÏMPONT :J3: 

Br&TAnt fautre péril) le doux reg&rd des fées 
Qui, leurs voiles ku veDt, leurs robes dégrafées, 
Suivaient dans te Talion ^es sons errants du cor 
* Et peif^naient leur cheveu r autour du perron d'or : 

bois d'enchantement, vallon, source féconde 
Où se sont abreuvés tous les bardes du monde, 
Eat-ce vous? Est-ce vous ? Terre morne et sans Toîjt, 
Qui vous reconnaitralt sous vos noms d'autrefois (i)î 

Paisqa'aucuo nom n'est aussi fréquemment môle à nos lé- 
gendes que celui de Baranton, consacrons un article spécial à la 
fontaine féerique du frais vallon et aux traditions merveilleuses 
qui s*y rattachent. 

Dès le XI' siècle, on venait y demander la pltiiej comme Pat- 
te s lent ces vers de Robert Wace : 

La Fontaine de Barenton 
Sourd d'une part lès le perron 

Aller soulaeint vénéor (2) 
A Barenton par grant chalor 
.., (3) leur eor fève (4) puiser ; 
Pour ce soûlaient pluie avoir : 
Issi soûlait jadis pleuvoir 
En la forêt tout environ* 

D'après ce poète, les chasseurs venaient donc, au temps des 
grandes chalearsj puîser de Teau à la fontaine de Baren^ton ; en 
versant celte eau sur le perron, ils obtenaient une pluie qui ar- 
rosait la forêt et ses environs. 

Vers le même iFmps, Guillaume Lb Breton, chapelain de Phi- 
lippe Auj^usle, conflrme ainsi le témoigna^*^ de Robert Wace : 
« Quelles causes^ dit-il, produisent la merveille de Br^chélîanl? 
Quiconque y puise de l'eau et en répand quelques erouttessur le 
bord, rassemble soudain les nues ch?irgées de grêle, fait gronder 
le tonnerre et voit Pair obscurci par d'i^paises ténèbres; et ceux 
qui sont présents et souhaitaient de Tôtre voudraient bien alors 
n'avoir jamais rien vu. tant leur stupeur est grandft, tant Tépou- 

(ï) Briibtji. Les Brefûnë. 

{2) Les chMieurt avaient coa tu m« d'aller. 

(3) Avec. 

(4) t*«aa. 



331 REVUE DE BRETAGNE 

vante les glace d'effroi. La chose est merveilleuse, je l'avoue, ce- 
pendant elle est vraie; plusieurs en sont garants (1). » 

Toujours avant le XII* siècle, le poète gallois auleur du conte 
d'Owen et de la dam€ de Brécilien, met sur les lèvres de Kenon 
s'adressant à Kaï, maître d'hôtel d'Arthur, le récit des choses sur- 
prenantes qu'il a.vues à Barenton : 

« Au milieu de la valléedeKonkoret, dit-il, il y a un grand arbre 
dont les branches sont plus vertes que le plus vert sapin, et sous 
Tarbre, il y a une fontaine, et au bord de la fontaine , il y a un 
bloc de marbre, et sur ce bloc il y aun bassin d'argent attaché à 
une chaîne d'argent pour qu'on ne puisse pasl*enlever. 

a Et je m'avançai, et je pris le bassin et je le remplis d'eau^ et 
je le versai sur le bloc de marbre. Et voilà que le tonnerre gronda 
avec encore plus de fureur qu'on ne me l'avait annoncé, et après 
le tonnerre l'averse ; et en vérité, jeté le dis, Kai\ il n'y a ni 
homme ni bote qui puisse supporter une pareille averse sans 
mourir, car il n'y a pas un seul de ces grêlons qui ne traverse la 
chair et la peau jusqu'aux os. Je tournai la croupe de mon che- 
val à l'orage, et je couvris sa tôte et son cou d'une partie de mon 
bouclier, tandis que je m'abritai moi-môme sous l'autre; et de 
la sorte je soutins l'orage. Mais quand je regardai l'arbre, il n'y 
restait plus une seule feuille. Enfin, le Ciel devint serein \ et voici 
que des oiseaux descendirent sur l'arbre et se mirent à chanter. 
Et en vérité, je te le dis, Kaï, ni avant ni depuis. Je n'ai entendu 
de chant pareil au leur. Mais au moment oh je prenais le plus de 
plaisir à écouter les oiseaux, dans la vallée s'éleva une, voix 
plaintive qui venait à moi : 

« Chevalier, qui t'amène ici? Quel mal t^ai-je fait pour que tu 
agisses de la sorte envers moi et mes propriétés l Ne sais-tu pas 
que l'orage n'a laissé aujourd'hui en vie dans mes domaines au- 
cun des hommes ni des animaux qu'il a surpris ? » 

« Et là-dessus je vis paraître le chevalier au cheval noir, et à 
l'habit de satin, et à la banderolle de toile noire, et nous nous as- 
saillîmes, et l'assaut fut si violent que je ne tardai pas à être 
renversé (2). » 

Au XII* siècle, Girald Le Cambrien écrivait à propos de Baren* 
ton : « Il y a dans la Bretagne Armorique une fontaine où, si 



(1) Philip., VI. . 

(2) Lei Romans de la Table Ronde* 



I 



M 



PAIMPONT 339 

VOUS puisez de Teau dans une oorne de bœuf et que vous la ré- 
pandiez par hasard sur la pierre qui en est proche, à l'instant 
vous aurez de la pluie, quelle que soit la sérénité du temps. » 
- Après 1160, GhrestiendeTroyes, enchérissant encore sur les 
trouvères du moyen âge, ses devanciers, prête à un héros de son 
poème le Chevalier au lion, Galogrenant, cette description de la 
source enchantée : 

A Tarbre vis un bassin peûdre. 

Du plus fin or qui fut à vendre, 

Oncqnes encor en nulle foire 

De la fontaine poez (pouvez) croire 

Qu'elle boiait (bouillait) comme ève (eau) chaude, 

Li perron est d'une esmeraude 

Ainsi percé comme un bohors (bouclier). 

Si ot (il a) un rubis par dehors 

Plus flamboyant et plus vermeil 

Que n'est au matin le soleik... 

Au XlIP siècle, M. Baron du Taya, dans Brocéliande, raconte 
une visite de Huon de Méri à Baranton et détache de son poème 
du Tournoiement de V Antéchrist^ cette description de la célèbre 
fontaine: 

Je la trouvai, dit-il, par aventure ; 
La fontaine n'est pas obscure, » 
Ains (mais) est clère comme fins argens... 
Le bassin, le perron de marbre, 
Bt le verd pin, et la caière (chaire) 
Trouvai en icellemanière 
Gomme la descrit Chrestien. 

À peine eut-il puisé deTeau avec le bassin que s'éleva une tem- 
pête si violente que le Ciel s'ouvrit, ce qui permit au poète devoir 
le Paradis : 

<c Et tout cil (ceux) ki en paradis sont. » 
A la môme époque, Vincent de Beauvais, dans son Spéculum 

(1) Histoire de MontforU par M. Oresre. 



340 REVUE DE BRETAGNE 

naturale, nous parle avec la môme admiration de la fontaine mi- 
raculeuse de la Petite -Bretagne. 

Le XIV* siècle, avec l'auteur de l'Image du monde n'est pas 
moins explicite au sujet des merveilles de Baranton. 



Enfin, aux lecteurs que l'imagination de nos vieux romeuiciers 
ferait sourire de pitié et qui attribueraient au délire ces composi- 
tions plus ou moins fictives, le siècle suivant offre un titre cu- 
rieux, celui-ci sérieux et officiel. Il s'agit, dans les Vsements et 
cousiumes delà forest de Brécilien, rédigés en 1467, de la constat 
tation d'un droit des seigneurs de Mbntfort, propriétaires de la 
fontaine de Barenfon. On y lit textuellement ce qui suit : 

« Item auprès du dit breil il y a un antre breil nommé le breil 
de Bellenton, et auprès d'iceluïy a une fontaine nommée la fon^ 
taine de Bellenton, auprès de laquelle fontaine le bon chevalier 
Ponthus fit ses armes, ainsi qu'on peut voir par le livre qui de ce 
fut composé. 

« Item f oignant la dite fontaine y a une grosse pierre qu'on 
nomme le perron de Bellentouy et toutes les fois que le Seigneur de 
Mont fort vient à la dite fontaine et de Veau dicelle arrose et mouille 
le dit perron^ quelque chaleur temps [qu'il fasse)^ assuré de pluie 
quelque part que soit le vent et que chacun pourrait dire que le 
temps ne serait aucunement disposé à pluie, tantôt et en peu d'es- 
pace, aucune fois plus tôt que ledit Seigneur n'aura pu recouvrer 
son château de Comper, autres fois plus tard, et que que ce soit ains 
que soit {et dans tous les cas, avant) la fin cPicelui jour, pleut au 
pays si abondamment, que la terre et les biens étant en icelle, en 
sont arrosés et moult {beaucoup) leur profite » (1). 



M. de la Villemarqué raconte qu'en 1835 encore, tous les habi- 
tants de la paroisse de Kon-Kored (vallée des fées), qui tire son 
nom du vallon qu'arrose la fontaine (?), s'y rendirent solennelle- 
ment demander au Ciel une pluie, d'abord terrible aux premiers 
siècles, et devenue bienfaisante, à la fin du moyen âge, avec l'a- 
doucissement des mœurs. 

(1) Cttrtulaire de Redon : prolégomèoM. 



PAIMPONÏ 341 

Ce fut dans un autre but que notre Châteaubriant visita, lui- 
aussi, Barenton : « Pieux et sincère Breton, raconte-t-il, j'ai puisé 
de l'eau avec ma main : le bassin d'or m'a toujours manqué. » 

Aujourd'hui, hélas ! pourquoi faut-il lo constater? le bassin d'or 
bu d'argent manque toujours au visiteur: jl n'existe plus que 
dans le pré fleuri où Ta jeté la main du Créateur. La chaîne d'ar- 
gent elle-même a été enlevée. Le bloc de marbre, l'émeraude et 
le rubis du perron, tout cela a disparu, comme au sortir d'un 
rève^ pour laisser apercevoir la surface plus ou moins ridée d'une 
pierre très-commune. Là où chevauchait la fleur des Preux, tra- 
vaille, tête baissée, linfatigable bûcheron. La hache terrasse les 
arbres où se brisaient les lances, où brillait au soleil l'épée des 
chevaliers. Ignorant tant de merveilles^le petit pâtre suit son 
troupeau, au son de la clochette, dans le vallon où résonna le 
cor, et se désole dans une solitude qui a perdu pour lui tousses 
enchantements. Si violentes qu'elles soient, les tempêtes qui s'é- 
lèvent en ces lieux comme sur les autres parties de la Forêt-Bre- 
tonne n'ouvrent plus les portes du Paradis. Plus d'un pèlerin 
cependant, serait heureux d'apercevoir, à la faveur de l'orage, 
au séjour du véritable enchantement, tant de bardes pieux, de 
naïfs trouvères, et tous ces gens du peuple qu'ils égayèrent de 
leurs récits et de leurs chants. 

En revanche, la dévotion à la Vierge, devenue, chez nous la 
plus noble des passions, fait oublier de jour en jour, les pro 
fanes amours de Brocéliande. Des merveilles de Barenton, il ne 
reste plus que quelques verts sapins, quelques aubépines aux 
blanches livrées et une fontaine qui ne se distingue de ses sœurs 
de Paimpont que par une maçonnerie plus soignée et un abord 
plus difficile. 

Et pourtant le touriste aime. encore à venir rêver au passé, au 
bon vieux temps, ^.. à la source féconde 

« Où se sont abreuvés tous les bardes du monde. > 

Mais, hélas I hélas ! ô fontaine magique, pas plus que le chantre 
immortel « des Bretons », nul maintenant 

€ Ne te reconnattrait sous tes noms d'autrefois I » 



342 REVUE DE BRETAGNE 

VII 

LE VAILLANT PONTHUS ET LA BELLE SIDOINE 

En souvenir durable du combal a 
été composa ca chani : i^u'il aoîI 
chanté par l%s botnm^s de la Bre- 
tagne en l'honneur du bon leii^Dear 
Lez-Brejz ! Qu^îl aojl longtemps chan- 
té partout à la ronde, pour réjouir 
les hommes du pavs. 

Sur le bord de la ligne de forôt qui conduit du bourg de Paîm- 
pont au village de Folle-Pensée, dans le canton et près du po- 
teau qui portent toujours le nom du héros resté si populaire, 
on montre encore les derniers vestiges du château de Ponthu%^ 
Quelques notes analytiques sur ce chevalier, immortalisé par le 
pas d'armes de Brocéliande^ curieux extrait du roman de Pon- 
thus, publié, on Ta dit plus haut, par M, Baron du Taya dans son 
intéressant ouvrage : Brocéliande et ses chevaliers cloront à mer- 
veille la série de ce que, le premier, pous avons appelé nos Lé- 
gendes Bréciliennes. 

Il y avait, un jour, un roi de Bretagne qui tenait sa cour à 
Vannes et dont la fille, nommée Sidoine, était la plus belle dti 
monde. Pour mériter par ses exploits !& main de cette noble 
princesse, un brillant chevalier de Tentourage du roi, le vaillant 
Ponthus, se rendit secrètement dans la forêt de Berielien. H prit 
asile dans un petit ermitage <r qui était tout solitaire^ au plus pi o- 
fond de la forôt ». Chaque jour, il entendait la m«sse, jeûnait 
trois jours par semaine. Pour costume, il portail \h haire, afin de 
se préparer par la pénitence aux hauts faits d'armes qu'il rôvait. 

Un jour, il fit venir un nain, l'habilla très bien et l'envoya par 
toute la France publier cette lettre : 

« Lechevaliei^noir aux armes blanches faîtsavoiraux vaillants 
chevaliers de chaque contrée qu'ils le trouveront à la Fontaine 
des Merveilles ou des >4rfr^n/wre5 (la fontaine de Barenlon), en 
la forêt de Berthelien, en un pavillon noir aux armes blanches, 
lous les mardis de Tannée, à l'heure de primei et ils y trouve- 
ront son écu pendant à un arbre, et il y aura un cor qu'un nain 
sonnera, et sitôt qu'il aura sonné, paraîtra une damoiselle an- 
cienne, à un cercle d'or, accompagnée d'un ermite, laquelle 



L 



PAIMPONT 343 

leur dira ce qu'ils doivent faire et les mènera au pré où le Che- 
valier Noir sera armé de toutes armes, lequel joutera de trois 
coups de lance à fer émoussé, et après la joute il combattra à 
l'épée, tranchant sans pointe, jusqu'à outrance, et celui qu'il 
vaincra demandera en bonne foi à tous les chevaliers qu'elle est 
la plus belle princesse du royaume de la Petite Bretagne, et il 
se rendra à elle prisonnier de par le Chevalier Noir aux armes 
blanches. Et est à savoir que tous les chevaliers qui auront 
jouté avec ce dernier, se rendront à la Pentecôte^ dans un an, en 
cette forSt, à une fête qui s'y fera, et celui qui aura le mieux 
jouté aura la lance et le gonfanon et un cercle d'or à margue- 
rites ; et celui qui aura plus dur frappé de son épée aura Tépée 
à franges dorées et la couronne d'or ; et, s'il advient que quel- 
qu'un vainc le chevalier Noir, il le- pourra envoyer prisonnier à 
telle dame qu'il lui plaira, i» 

Le nain parti, Ponthus fit promettre à tous ses gens le secret 
le plus absolu sur sa personne et sa position et fit venir de 
Rennes, alors la Ville flot/j'^, une vieille damoiselle de sa con- 
naissance. Puis il se déguisa en ermite avec un grand manteau 
et une barbe blanche. 

Le mardi suivant accoururent à la fontaine des Merveilles 
bon nombre de chevaliers. Alors du grand pavillon sortit un 
nain motdt laid, et moult camus qui se mit à sonner da cor. 
La vieille damoiselle parut ; elle fît crier que tous ceux qui vou- 
laient jouter devaient pendre leurs écus aux arbres voisins. 

Le nain parla de la sorte : Madamoiselle vous fait savoir 
qu'elle choisira entre tous ces écus, quatre auxquels elle tirera 
une flèche empennée d'or, et celui qu'elle fera premier s'armera 
pour le 1*' mardi, et le suivant s'armera pour sept jours plus 
tard, et le troisième pour le tiers mardi, et ainsi chaque mois 
jusqu'au bout de l'an jusqu'à ce que le chevalier Noir ait été 
vaincu par les armes. 

La demoiselle tira ses quatre flèches et frappa les quatre écus 
de Bernard de la Roche, tenu pour le meilleur chevalier de Bre- 
tagne, de GeolTioy deLusignan, le meilleur du Poitou, Landry de 
la Tour, le meilleur des Angevins et le comte de Morlain le meil- 
leur des Normands. 

Le faux ermite rentra ensuite dans la tente et se dépouilla de 
son froc. Puis il sortit l'épée au poing et l'écu au col, monlé sur 
un grand cheval. Grand et fler, le chevalier « moult fut regardé 



344 REVUE DE BRKTA<^XE 

et remiré, moult se émerveillaient quel il était ^, mais personne ne 
pensait que ce fût Ponthus qu'on croyait k la guerre en Hongrie. 

Bientôt parut Bernard de la Roche « moult richement armé â 
grand foison de trompettes et de ménestriers, tant que tout en 
retentissait. Le Chevalier Noir {)rit une coupe d'or et puisa en la 
fontaine et eu arrosa la pierre, et aussitôt il commença à tonner 
et à grêler et à faire fort temps, et s'émerveillèrent moult les 
étrangers de la merveille, de cette fontaine. » 

Ponthus remonta ensuite à cheval, et le combat commecça. 
Bernard de la Roche fut vaincu. Lora lui dit Ponthus : <« Cheva- 
lier, îe vous laisse aller en la prison d q la plus belle de ce royaume 
et me la saluer de part le chevalier Noir* " L'accord tomba sur 
le nom de Sidoine. Le seigneur de la Roche-Bernard partit donc 
pour Vaones et s'y rendit prisonnier de la plus belle princesse 
bretonne. 

Le second mardi, le sire de Lusignan, bien qu' « à merveille 
bon chevalier », fat également vaincu par Ponthus et gagna à 
«on tour la ville de Vannes. Ainsi des autres. 

Ainsi furent défaits à Brocéliande cinq uante-deuat chevaliers 
des plus adroits et des plus renommés. Citons : les ducs d'Au- 
triche, de Lorraine, de Bar, le comte de Dampmarliûj Henri de 
Montmorency, Robert de Roussillon, le duc de Savoie, le comte 
de Montbélial, le comte de Montfort» messire Guillaume des 
Barres, Hernoult de Hainault et beaucoup d'autres non moins 
illustres. 

Aux fêtes de la Pentecôte, Ponthus fil savuir au roi de Bre- 
tagne, qu'il n'était point en Hongrie, mais à Brocéltande, près de 
la fontaine des merveilles, et l'invita à venir dîner avec ion ai- 
mable fllle, Monseigneur l'EvÔquede Vannes et ses plus grands 
seigneurs et dames. 

Après que l'Évoque de Vannes eut chanté messe sous un riche 
pavillon, l'illustre compagnie se rendit en une vaste salle où le 
RoietSidoine firent de beaux présents. Ponthus, à son tour, par- 
tagea les plus belles curiosités qu'il avait apportées de TOrient 
entre les 52 meilleurs prisonniers de Si'ioine. Pour lui, il oblint 
ce qu'il désirait le plus au monde : la main de Sidoine. 11 y eut, à 
Vannes, une noce telle qu'il n'y en aura jamais de pareille. 

FIN 

Abbé Louia GiïHVY. 



EsssLÎ sur l* administration générale d'un District 
pendant la Révolution, 



LE DISTRICT DE ROCHEFORT 

(UORBIUAN) 

1" JUILLET 1790 - 20 MAI 1795 

[Suite) (1) 



Chapitrb II 



FUITE DE L'ADMINISTRATION DIRECTORIALE DE 
ROCHEFORT A MALESTROIT (2). 

a Le 2 j uiQ 1793, les agents du Directoire de Rochefort arrivaient 
à Malestroit. A leur entrée en ville, le command*ant des volon- 
taires venu à leur rencontre leur adressa la parole : « Arrivez, 
chers compatriotes, nous vous recevons dans Tenceinte de nos 
murs avec la môme sincérité et la môme sensibilité que nous 
avons montrées dans le temps de votre captivité [16 mars et 
jours suivants]. Alors, nous volâmes à votre secours dès que 
nous fûmes instruits de vos besoins. Si, à une première attaque, 
vos ennemis qui furent toujours les nôtres, nous repoussèrent 
grâce à leur position avantageuse dans le château, nous ne re- 
tournâmes à eux qu'avec plus d'ardeur. Vos oppresseurs furent 
terrassés à Taide des troupes de la république, nous enfonçâmes 
vos prisons et brisâmes vos chaînes. » 

« Aujourd'hui, c'est avec une nouvelle joie que nous vous 
voyons arriver dans notre ville. Si la vieillesse et le délabrement 

(1) Voir la Revue de noTembre 1907. 

(2) Notes textaelles de M. Piéderrière prises au journal des délibérations du 
directoire de Rochefort. 



346 REVUE P£ BRETAGNE 

de nos murs ne vous rassurent pas contre les dangers que vous 
avez courus, et que vous pourriez courir encore, nos corps sont 
prôts à vous fournir un rempart plus formidable. Nous vous le 
promettons par tout ce qu'il y a de plos sacré. Nous j,urons aVec 
vous de maintenir Tunité et Tindivisibilité de la république. 

« Citoyens, vos fonctions vous honorent, Vous méritez la consi- 
dération de vos concitoyens en les accomplissant avec exacti- 
tude et sans faiblesse. L'avenir vous bénira. » 

« Un des membres du Directoire lui répondit : « citoyens, l'ac- 
cueil fraternel que nous firent les citoyens de cette cité, lorsque, 
pour éviter les poignards des royalistes et des fanatiques, nous 
y vînmes chercher Thospitalité ; les dangers auxquels ils se sont 
exposés pour briser les chaînes de nos amis opprimés par les en- 
nemis de la liberté ; la crainte trop fondée de voir se renouveler 
à Rochefort les scènes d'horreur du mois de mars dernier, nous 
ont portés à chercher parmi vous un asile. Sûrs de vos senti- 
ments, nous ne redoutons plus ces hordes d'esclaves qui vou- 
draient s'abreuver du sang du dernier des républicains. Ils ne 
pourront rien désormais contre nos efforls réunis. » 

« Le procureur-syndic Le Clainche ajouta : « nous fuyons un 
sol infesté par le souffle du fanatisme, arrosé du sang de nos 
frères et de nos collègues. Nous venons prendre un asile au mi- 
lieu des amis de la liberté. Avec vous, nous formerons une fa- 
mille de frères. Nous voulons, comme vous, vivre libres, ou 
avec vous, nous ensevelir sous vos murs. » 

« Le 3 juin, à peine installés dans leurs nouveaux locaux les 
agents de Rochefort se mettent au travail. « Lorsque le fanatisme 
[lisez Tesprit religieux des populations qui redemandaient le 
culte et les prêtres] arme nos frères ptour détruire les autorités 
constituées à Rochf»fort, et que nous fûmes les victimes de la fu- 
reur de nos administrés, toutes les parties de notre conseil étaient 
en activité et donnaient la satisfaction d'avoir rempli leurs de- 
voirs. Pendant la captivité de plusieurs d'entre nous et la fuite 
des autres^ tout reste dans l'inaction. Rétablis dans nos fonctions 
par les amis de la liberté, de l'égalité et des lois, nous n'avons 
pu les remplir qu'imparfaitement. Nous nous trouvions dénués 
de nos pièces do comptabilité, de nos correspondances, des rè- 
. glements que les insurgés avaient incendiés. Heureusement l'ad- 
ministration du département nous avait envoyé un commissaire 
que son amour du bien public a porté à nous soulager de pesants 



Le DIStRICT DE HOCHEfORT 347 

fardeaux. Il s'est chargé seul pour ainsi dire de la recherche des 
coupables, des prévenus et des suspects. Partout il les a pour- 
suivis et interrogés : partout il s'estexposé au danger et appliqué 
à rétablir l'ordre. » 

« Aujourd'hui, entourés de républicains, amis des lois, nous 
allons redonner toute activité à notre admlnistratioD. En consé- 
qugnce, nous, rhembres du Directoire du district de Rochefort, 
présentement fixés à Maleslroit, arrêtons : « 1* qu'une circulaire 
va être adressée par nous à toutes les communes du district pour 
les informer de la résidence de Tadministration ; 2* que les 
actes administratifs seront envoyés une fois pdr semaine aux 
municipalités ». 

c Deux jours après, les agents envoieiit un commissaire dans 
les communes du district avec de la troupe restée à Rochefort : 
1 1^ afin de saisir toutes les armes qui pourraient se trouver enire 
les mains d'hommes suspects autres que les patriotes ; 2* les 
agents des municipalités sont tenus de lui remettre cas armes 
sous les 24 heures, et çauf à eux de les fournir dans le délai fixé, 
il imposera la commune à 42 livres par arme, en prenant pour 
point de départ le chiffre donné par des citoyens patriotes du 
lieu; et si la somme ainsi imposée n'est pas immédiatement 
livrée, il fera saisir et vendre les biens meubles tles particulier84 
En outre^ les municipalités auront chaque matin à payer 20 sous 
\ chaque soldat sur leurs deniers ». 

« Le 15 juin le Directpflre veut bien accorder aux municipaux 
de Rochefort, sous leur responsabilité personnelle, tous les fusils 
actuellement dans la ville et les autorise à réquérir des munici- 
palités voisines les objets nécessaires pour le casernement de la 
garnison. 

« Depuis le l'"* juin le tribunal de Rochefort n'existait plus 
en fait. Les juges avaient disparu. La peur les avait dispersés 
comme elle avait mit en fuite l'administration directoriale à la 
même époque. Il se reconstitua péniblement à Malestroit. 

« Le 21 juin éclate à Malestroit l'affaire de Pleucadeuc. Les 
communes de Saint-Marcel et de Missiriac avaient déjà mani- 
festé leur sympathie pour l'ordre nouveau des choses. Le 21 
juin à 5 heures du soir, 18 hommes de ces deux localités en don- 
nèrent une nouvelle preuve, ils se présentèrent devaqt le Direc- 
toire à Malestroit et firent la dénonciation suivante : « Ce ma-^ 
tin, nous nous sommes rendus au bourg de Pleucadeuc, chef- 

Décembrc 1907 tS 



348 HËVUB DE BKETAGNK 

lieu aetuel de notre canton pour former rassemblée primaire, 
convoquée pour exprimer son vœu sur l'acte constitutionnel 
présenté par la Convention nationale à l'acceptation du peuple 
français. Là, nous avons trouvé les citoyens des communes de 
8aint->Coogard, de Saint-Laurent, de Bohal, et de Pleucadeuc au 
nombre d'environ 60. Avaut de procéder à la formation régu- 
lière de rassemblée dans l'église de Pleucadeuc, l'ancien sacris- 
tain de la paroisse s'est avancé vers Tautel et d'une voix forte 
et haute a dit qu'il s'agissait d'envoyer pour député à Paris le 
sieur Armand du Bot de la maison de Villeneuve. Un de nous 
lui a imposé silence. Nous avons pu organiser l'assemblée, lire 
l'acte codslilutionnel et demander sa votatioa. Mais aussitôt, la 
majorité s'est écriée qu'il s'agissait avaat tout de nommer un 
député. Nous avons été obligés. de laisser faire. Cependant, au 
dépouiflement nous avons redemandé à l'assemblée d'exprimer 
son vœu sur l'acte constitutionnel. Alors, Jacques Guillonet de 
Pleuoadeuo s'est avancé vers le bureau, et frappant d'une main 
la table, s'est écrié qu'il foulait aux pieds la constitution, et 
tous ceux qui s'en mêlaient. Nous avons dit que l'opinion d'un 
set^l n'était pas celle de toute l'assemblée, qu'il s'agissait de vo« 
ter la constitution et non de tergiverser, qu'en conséquence tous 
eaux qui la voulaient devaient descendre vers le bas de l'église ; 
qu'au contraire les autres devaient se rapprocher de lautel. Im- 
médiatement, une voix s'est écrié : « les chrétiens au pied de 
l'autel » et une autre voix disait : « il faut au moins 40 jours de 
réflexion avant d'exprimer sa pensée sur la constitution. » Ces 
paroles ont éle répétées par la foule qui s'est avancée vers Tau* 
tel et a chanté un cantique dans le but de troubler la séance* 
Après ce cantique, nous avons renouvelé nos demandes et on a 
répondu de nouveau qu^U fallait 40 jours d^ réflexion. 

« Désespérant alors d'un succès favorable, nous nous somnie» 
retirAs pour venir vous faire le présent rapport afin que vous 
avisiea. 

c Le directoire s'émut de ôettcafTaire II vit dans cette manifes- 
tation des chef» de l'assemblée de Pleucadeuc un esprit contre- 
révolutionnaire et décida de s'emparer de Grégoire Joss&, de 
Jacques Ouillonet et de Mathurin Le Gouesbe, et de les livrer au 
glaive de la loi. La gendarmerie reçut Tordre d'aller tes saisir 
immédiatement et de les envoyer à Vannes. » 

Le 30 juin 1703, une réunion plénière et révolutionnaire^ des- 



LE DISTRICT DK HOCHEFORT 349 

tioée à prendre des mesures efficaces contre la chouannerie, se 
tBnait à Redon par le Conseil général, de concert avec les com- 
missions des districts de Rochefort, de Malestroit et de Josselin. 
On décréta pour maintenir la paix et la tranquillité dans les cam- 
pagnes circonvoisines de retenir à Redon 80 hommes des Côtes- 
du-Nord, commandés par le citoyen Berthelot, Elle résolut àcd 
moment d'envoyer, chaque jour, à raidi, un courrier qui se ren- 
dra à Peillacod il trouvera celui de Malestroit, et cela « autant 
que les circonstances critiques nous entourerons (1) ». 

L'assemblée exposa que, si Nantes vient à être soulevée par les 
rebelles, Redon, par sa situation était une ville à conserver pré- 
cieusement ; que, si les rebelles s'en emparaient^ Rennes et le 
Morbihan étaient exposés à leur invasion ; qu'ils pénétreraient 
aisément jusqu'à la côte par différents points ; que Redoiî moyen- 
nant une garnison de i.OOO à 1.200 hommes bien disciplinés avec 
4 ou 5 pièces de position, un pont-levis sur la chaussée de Saint- 
Nicolas, unépaulement ou retranchement sur la prairie d'Aucfef 
(lequel servirait à joindre les deuxirivières) serait dans le cas de 
résister aux chouans; que ce poste enûn étant conservé, il pom^ 
rait môme servir à reconquérir la ville de Nantes f^arce qu'iléon^ 
serverait le moyen de faire venir des troupes par Vannes, Sainl- 
Brieuc et L#orient. 

En fait* Redon occupait une situation stratégique de premier 
ordre en juillet 1793. Il coupait la route de la mer aux Vendéens, 
maltresdu district de Blaio, et c'était encore sur lui que Ton de- 
vait compter si Rennes fléchissait. Le directoire de kedon fit 
appel à Carrier (2 frimaire an II). Le Batleux fut nommé com- 
missaire et pria le Représentant du peuple de prendre toutes les 
mesures et tous les moyens propres à mettre les républicains 
de Redon et des environs en état de se battre et de périr glorieu- 
sement et utilement pour la patrie. 

Le 16 pluviôse, an II, des détachements furent envoyés de Re- 
don à Rochefort et, gr&ce au général Tribourt qui fit rompre la 
chaussée de Saint-Nicolas en deux endroits, Redon fut préservé 
d'un nouvel envahissement. Le 5 germinal an II, la lutte est loca- 
lisée dans les districts de Rochefort et de RochoTSauveur qui 
étaient au plein soulèvement. ÏjB 23 germinal, on apprend qu'un 
détachement de Redon a tué une vingtaine de chouans dont un 

(1) Arch. Rennes, District de Redon A. D. I. V. 2 L 84*, folios «8-79. 



3&0 



REVUE DE BRETAGNE 



chef, ex-capiUine au régiment de Picardie. Les papiers saisis sur 
lui ont appris qu'il y a environ un mois 20 hommes bien montés 
se sont embarqués au Passage-Neuf en Rieux munis de passe- 
ports en règle. » C'était des hommes échappés de Savenay où 
l'armée de Talmont avait trouvé sa fin qui se répandaient et 
soulevaient les campagnes du Morbihan... Les municipalités qui 
leur ont procuré des passes-ports sont scélérates, disait Binel, 
agent national à Redon. De telles craintes étaient fondées et 
le mois suivant, Redon fut presque aussi menacé qu'il l'avait été 
en mars 1793. Jusqu'alors les chouans et les Vendéens avaient 
combattu simultanément, les uns voulant atteindre la mer, les 
autres luttant dans le Morbihan. Le, 3 germinal Tagent Binel 
avait écrit à de Bègues, commandant temporaire de Redon, d'a- 
gir contre les rebelles d'une vingtaine de communes morbihan- 
naises qui s'étaient réunis le matin à Gaden et se portaient sur 
Vannes. Les chouans étaient cantonnés au Ghamp-Mahé en Sain t- 
Gorgon, quartier général du général Chouan de Sol de Grissol,et 
à la Ville-Joie en Caden. Le 13 poréal, les chouans au nombre de 
1000 étaient à Maure et gagnaient Guer, entrée ouverte du Mor- 
bihan, passèrent à Beignon et à Paimpont et entrèrent dans la 
forêt de cette commune. Les gardes nationaux de Paimpont at 
dé Plélan s'efforcèrent de leur couper le passage. Ils furent mis 
en déroute après avoir perdu une trentaine des leurs, tous pères 
de famille (1). 

Le 22 brumaire an II, Carrier, représentant en mission à 
Nantes, nommait comme administrateur du district de Redon, 
devant entrer immédiatement en fonctions, le citoyen Lanoè d'Al- 
laire. Ce François Lanoô était l'ancien notaire des seigneuries de 
la Poinais et la Gras en AUaire, procureur fiscal des mêmes ju- 
ridictions. Il se maria à Allaire en 1779 à Marie-Joseph Voisin, 
de Chez-Méhaud, fille de Joseph Voisin et de Elisabeth Bernard. 
II était originaire de Saint-Martin et fils de Jean Lanoë et de Lau- 
rence Cicquel son épouse. Il prit part à de bien mauvaises me- 
sures. Il eut plusieurs enfants, et le 9 ventôse, an II, il attestait 
que son épouse « avait accouché d'un enfant mâle auquel il en- 
tendait donner le prénom de Généreux Lanoé » (2). Le 29 prai- 
rial, an VI (17 juin 1798), il acheta les Chapellenies du Vaudequip 
et de Saint-Roch de la paroisse d^Âllaire^ et son frère sera assas- 

(0 Arch. de Rennes A. D.L.V. 2 L. 83»> H^ et 95 bis. 
[1) Actes de la mairie d'Allaire. 



J^ 



. JiWI^IIMJi „,.^-»|fi^ 



LE DISTRICT DE ROGHEFORT 351 

siné par les paysans du général de Sol de Grissol. Il gardait chez 
lui Tabbé Le GuéveU vicaire d*AlIaire, dont il s*était fait le pro- 
tecteur. • 

« Le 23 juillet, malgré toutes ces résistances, le Directoire de 
Rochefort proclamait officiellement que tous les cantons du 
district avait voté à Tunanimité la constitution de la république, 
une et indivisible, sans fédéralisme (1). 

« Le lendemain, il revient sur l'affaire de Pleucadeuc et déclare 
que le sacristain Grégoire Josse avait fait une proposition im- 
prudente en demandant de voter pour Armand du Bot, détenu 
dans les prisons de Vannes comme suspect. On admet cependant 
qu'il était libre dans iHostant où il émettait son opinion qui du 
reste n'avait pas eu de résultat fâcheux, et on estime qu'ayant 
expié son imprudence par 24 heures d'arrestation, il pouvait être 
mis en liberté. 

(( Le 3 août de nouvelles rumeurs de soulèvement courent dans 
le district. Les administrateurs prennent toutes les mesures pos- 
sibles pour avoir des troupes prêtes à marcher au premier si- 
\gnal. Des agents parcourent les communes pour prévenir les 
patriotes et une proclamation est affichée partout prévenant les 
paysans que de Silz etMontméjean qui les excitent au nom de la 
religion sont des hommes qui n'en ont pas ; qu'ils les avaient 
déjà trop écoutés au mois de mars dernier; que maintenant le 
Directoire est armé et les attend de pied ferme {sic). 

'< Le 8 août, nouvelles alarmes. Les populations situées entre la 
Roche-Bernard et Rochefort sont les plus menaçantes. Le géné- 
ral Avril qui est dans la première ville envoie 150 hommes de 
troupe, dans la seconde dans le but de la garder et de parcourir 
les campagnes. 

« Le 12 août, les administrateurs Tallé, Guillotin, Le Glainche, 
Jonan,Geslin se plaignent que les assignats,grâceauxmanœuvres 
des ennemis de la république, ont perdu beaucoup de leur va- 
leur et demandent une augmentation de traitement en faveur des 
officiers de l'administration. Les chevaux de luxe pris au châ- 
teau de la Morlais en Missiriac sont remis aux gendarmes. 

(( Le 27 septembre tous les chevaux qui ne sont pas nécessaires 
à Tagriculture et au commerce sont mis à la disposition du mi- 
nistre de la guerre ; et leurs possesseurs sont obligés de les livrer 

(1) Notes textuelles de M. Piéderrière. 



352 REVUE DE BRETAGNE 

à la première réquisition. On rappelle aux autorités constituées 
qu'elles ont la mission d'arrôter toutes les personnes suspectes 
d'incivisme, tout courrier instigateur ou autre malveillant qui 
^ tenterait de pousser à la révolte. ' 

« Les officiers municipaux de Questembert s'étaient plaints 
! . qu'on violait la liberté des opinions religieuses. Le Directoire se- 

j vërement les admoneste « qu'au lieu de gagner leurs administrés 

I aux principes de la Révolution, ils soutiennent leur fanatisme. 

! Ne font-ils pas des actes, ne tiennent-ils pas un langage suscep- 

]- tible de faire croire que l'administration est tyrannique? qu'ils 

I avisent. » 

; « Le 30 septembre, le commissaire envoyé au cb&teau du 

I Bignon en Peillac rend compte da ses opérations dans cette 

maison séquestrée sur l'émigré Du Guesclin. 
i te Le 4 octobre le procureur syndic Le Glainche adresse à ses 

1 collègues la parole : « malgré nos efforts, nos sollicitations, nos 

menaces, nous n'avons pu parvenir à être écoutés par nos admi- 
t nistrés. Leur esprit est tellement perverti par les sourdes me- 

i nées de Taristocratie nobiliaire et sacerdotale que nous ne pou- 

: vons plus rien obtenir d'eux qu'à force armée, et nous n'en avons 

pas à notre disposition. C'est peut-être nous abuser que d'espé- 
rer l'exécution du décret du 11 septembre concernant le maxi- 
mum du prix des grains. Mais si nous ne pouvons pas y réussir, 
n'ayons pointa nous reprocher de n'avoir pas suivi la loi dans 
toutes ses dispositions. L'amour du bien public encore plus que 
la crainte des peines doit nous y porter. Une obligation mius est 
imposée par la loi, celle de donner notre avis sur le maximum 
des meuniers, sur leur mouture. » 

Le district de Rochefort était misérable et avait continuelle- 
ment besoin de secours et d'approvisionements. Si dès 1790, on 
souffrait, il était bien évident qu'en 1793, la situation avait dû em- 
pirer et qu'il se trouvait sous la menace d'une disette. Les admi- 
nistrateurs décrétèrent qu'il était interdit d'envoyer des appro- 
visionnements à Redon. L'agent national Binel de Redon pro- 
testa et les engagea à se conformer à la loi. C'est dans ces 
moments.de pénurie que la loi du maximum fut appliquée à 
Redon et à Rochefort, non sans murmures. Binel maxima en son 
nom les draps de Malestroit et les castos de Pluherlin. Le 21 ther- 
midor an II, il enjoignit aux communes qui avaient l'habitude 
d'apporter à Redon leurs marchandises de ne pas faillir à lesap- 



LE DISTRICT DE ROCHEPORT 3^3 

porter eacore» et cela, en quantité déterminée* Allaire fut taxée 
pour 50 livras de beurre frata, S douzaines d'œufs, S couples de 
vola'lles et 10 demés de grains. Ce n'6tait là qu'un minimum et 
chaque commune pouvait apporter une quantité supérieure de 
dpnrées. Toutes seraient payées au prix maximum. Si les com- 
munes visées par cet arrôté refusaient d'y souscri rebelles seraient 
sur-le-cKamp dénoncées au Camité du saïut public. Il laissait 
aux municipalités le soin d^ faire la répartition à leur gré. 

L'exécution de ce décret ne fut pas immôltate, car le 22 plu- 
viôse an llï, le Directoire de Redon sommait la commune d'AL 
laire d'apporter de huitaine en huitaine les denrées détermi- 
nées par Tarrèlé du 21 thermidor an II (I), Le pays étant conti- 
nuellement troublé et dévasté par les bandes des chouans et des 
soldats républicains, une telle situation critique était inévitable. 
Aussi, conniîissant la misère des habitants, les administrateurs 
de Redon se montrèrent extrêmement modérés en ce qui con- 
cerne les réquisitions. Le 10 octobre, le général Avril, comman- 
dant le corps d'armée des côtes de Brest, annonce qu'il fait por- 
ter de la Roche-Bernard où il se trouve sa force armée dans les 
villes de Çupstemb^rt et de Ro(3hefort et prévient le Directoire 
d'y envoyer des commissaires qui prendront toutes les mesures 
qn*exîge la sûreté publique. Otï envoya des commissaires, 

a Le commissaire nommé pour Questembert reçoit mission de 
ssisir les cloches de Larré et de poursuivre dans les paroisses de 
Questembert, Larré, Berric et Molac tous ceux qui auraient des 
armes et de les confisquer. 

*^ Celui de Roche fort eut pour mission de procurer des vivres 
à la force armée et de Ik conduire à Carentoir pour y saisir à la 
municipalité les fusiU qu'elle n'a pas voulu livrer, 

« Sur Tordre de Biilteux, les 8 et 12 octobre 1793, on opéra tes 
arrestations suivantes : Joyault Jeune, de la Ricardaîe et Aucfer 
en Sainl-Jean-des-Marais, Lardenoir, notaire de Bieux et Dayot. 

tt Lecitoyen d'Aumont, vicaire général de lévêque assermenté 
Le Maale de Vfinnes, avait Hé mnï reçu à Peillac (2). Le maire et 
le procureur-syndic de ta commune^ accusés de manquer 
d'én^^rgie dans la circonstance, furent emprisonnés à Vannes. 
Ils devront y rest»ir, au moins comme otages jusqu'au moment 

(M Ar^h. Ll-intie* A. O. L. V, 2 L. ê'à." 
(13 Nouv(*lle» noti^a île M* Pjéderrièr^. 



S6V REVUJS DE BRETAGNE 

OÙ tous les prêtres réfractaîres qui troublent la pïiix pu)3lique 
dans la localité « en y enseignant le fanatisme, l'intolérance et 
ces excès qui en sont la suite », n'aient été livrés à^la vengeance 
des lois. • r 



Chapitre III 
LE DIRËCTOIKE RENTRE A ROCHEPORT (1). 

Le Directoire s'était enfui à Malestroit sous l'empire de la peur 
et de la couardise. L'administration en avait souffert. Et puis 
cette fugue faisait penser que ses officiers manquaient de cou- 
rage. Ensuite se croyant désormais assez organisés pour résister 
à la chouannerie, les membres résolurent au mois d'octobre 
1793 de rentrer à Rochefort. Cette rentrée ne dut avoir aucune 
solennité. C'est à peine si le registre la signale. 

« Le 6 octobre, des commissaires arrivaient de Redon qui ex- 
posèrent que les citoyens et les troupes de leur ville manquaient 
complètement de viandes de boucherie,. Les bouchers de Redon 
qui avaient coutume de faire leurs approvisionnements de bes- 
tiaux dans les communes situées entre Redon, Rochefort, et 
Roche-Sauveur n'en trouvent plus. Il résulte clairement de leurs 
vaines démarches que les paysans, mal conseillés, veulent les 
affamer. Le directoire envoya immédiatement des patriotes 
chargés de prendre toutes les mesures nécessaires pour obtenir 
des bestiaux. Les tanneurs et les cordonniers furent aussi 
réquisitionnés pour fournir des chaussures aux soldats. 

a Un mois après, le 7 novembre, Louis )t>ouvert et sa femme 
Athalie Gillet vinrent protester contre leur arrestation. L'admi- 
nistration considérant qu'ils communiquaient avec les prêtres 
réfractaires et les ex-religieuses, que les murs d'un de leurs ap- 
partements étaient revêtus de portraits de la famille de Molac 
avec des écussons et autres attributs féodaux, rejeta leur de- 
mande. 

€ Le 8 novembre, une levée déjeunes gens de 18 à 25 ans est 
décidée. Mais comme une première levée avait soulevé dans le 
district tantde mécontentements au mois de marsdernier,le direc- 
toire fit appel à des renforts de troupe avant de commencer ses 

(1) Récit emprunté teztaeUement aux notes de M. Pîéderrière. 



LE DISTRICT DE ROGHEFORT âns 

opérations. Daps ce but, il réquisitionna 3000 dermes d*avoine, 
4000 quintaux de foin, 20 paillasses, 20 matelas, •27 couvertures, 
20 traversins, et 170 draps de lit pour les soldats. 

« Le 18 novembre, Tinsurrection est prête à éclater et tout ce 
qu'on possède d'argenterie est envoyé à Vannes. Le 21, le citoyen 
Régnier, commandant du 3* bataillon,de Maine-et-Loire, déclare 
que le général Avril lui donne 4 jours pour visiter Rochefort et 
les environs en se mettant à la disposition des administrateurs* 
Arrivé à' Rochefort le 19, il doit retourner le lendemain à la 
Roche-Bernard. On lui fait observer qae son arrivée a fait ren- 
trer dans le devoir quelques réfractaires de la première réquisi- 
tion, et qu'en restant un peu plus, (^'autres les imiteraient. Du 
reste, le lendemain, une foira champêtre doit avoir lieu à Saint- 
Fiacre, aux portes de la ville. Or, d'après des renseignements 
une révolte éclatera à cette occasion. Sur ces observations, on 
demanda à la Roche-Bernard de nouveaux ordres au général 
Avril, et on réquisitionne tous les grains détenus aux châteaux 
de Crech en Questembert et de la Rivière en Caden pour la nour- 
riture des soldats qui doivent séjourner plusieurs jours. Le 
30 novembre, la municipalité rochefortaise récUme 10.000 livras 
au Directoire pour faire face aux fraix occasionnés parles troupes. 
Hélas ! il manque d'argent. 

« Le 7 décembre la môme municipalité est sous le coup de la fa* 
mine. Les approvisionnements de la ville exigent chaque se- 
maine 200 livres de beurre, 48 douzaines d'œufs. Or les marchés 
sont abandonnés et elle se trouve à bout de ressources. Le di- 
rectoire imposa à chaque commune l'oblgation d'apporter chaq ue 
semaine aux marchés de Rochefort une quantité déterminée de 
denrées sous les peines les plus sévères contre les officiers mu- 
nicipaux. 

a Pendant les derniers jours de novembre et les premiers de 
décembre, le fameux terroriste de Redon, Le Batteux, agent fie 
Carrier, passait à la tête d'un bataillon, le 5* du Bnis-Rhin, dans 
plusieurs paroisses du district et y mettait tout à feu et à sang. 
Son souvenir y est resté, tpché d'horreur, d'impiétés et d'at^ 
tentats. 

« Le 18 décembre, le citoyen Corbin de Bordeaux arrive récla- 
mant des grains pour approvisionner cette ville. Ce personnage 
profita de son séjour daos ce pays pour acquérir plusieurs pro- 
priétés nationales. 






f 



356 REVUE DE BRETAGNE 

« Le 20 décembre, la maison du citoyen Maien de Aochefort est 
confisquée par oe qu'on a trouvé à Tintérieur un écusson por- 
tant trois bandes horizontales, et on faH afficher dans toutes les 
communes du district un appel aux jeunes gens réfractaires : 
ce citoyens, le patriotisme, la Patrie vous appelont. Seriez-vous 
sourds et insensijDies. Dôcliirée au-decjans par des enfants per- 
fides et rebelles, assaillie au-dehors par des hordes d'esclaves, 
vils suppôts de tyrans, elle a besoin du secours de vos bras pour 
exterminer les uns et foudroyer les autres. Les lui refuseriez- 
vous 7 D'une main elle vous offre des récompenses et des fa- 
veurs, et de l'autre elle ne vous présente que des punitions et des 
méprises. Choisissez! Des républicains peuvent-ils choisir? 
Peuvent-ils balancer un moment entre l'honneur et Tapprobre, 
la gloire et Tmfamie, la liberté et les fers? Levez-vous donc, 
brave et vaillante jeunesse ! Levez-vous et marchez ! l'honneur 
et le devoir vous le commandent. Songez à Timportance de la 
.cause que vous avez à défendre. C'est votre liberté, c'est celle de 
vos concitoyens que vous avez à affermir ; c'est le repos et le 
bDuheor de l'univers qui vous requièrent*. Put-il jamais cause 
plus louable et plus glorieuse ;en fut-il jamais plus capable d'en- 
flammer des cœurs plus généreux ? Donc vivent la liberté, et la 
République, ou la mort. Tel doit être le cri, telle doit être la de- 
vise de tout bon Français. » 

« Le 31 décembre la société républicaine de Rochefort a eu 
une belle pensée pleine de patriotisme. Le directoire, comme cette 
société, se montra jaloux de payer aux mânes des citoyens ver- 
tueux qui périrent au mois de mars précédent, sous la hache des 
révoltés, un tribut de reconnaissance. Rochefort s'appellera dé- 
sormais Roche-des-Trois. 

« Le 1*'^ janvier 1794, le département demanda : !• un état de 
l'étendue du nombre et di rapport des biens des émigrés; 
2* même état dos biens de leurs parents qui sont leurs héritiers 
présomptifs ; 3"^ toutes les argenteries réunies au district. Le 
Directoire répondit : « qu'il était poussé à bout et dans l'angoisse 
et déclara que les travaux faits sur les biens des émigrés avant 
le mois de mars 1793 ont été brûlés par les insurgés et qu'il 
manque de base d'appréciation pour le moment. Mais il va s'en 
occuper de nouveau et accélérer cette œuvre dans toutes les com- 
munes. » 

V Le 11 janvier 1794 les paysans refusent de conduire à Nantes 



LE DISTRICT DK ROGHEFORT 357 

les vivres et fourrages pris sur le district et le directoire admet 
qu'il est difficile de les contraindre à faire un voyage long et coû- 
teux. Ils ont déjà été surchargés de différentes réquisitions, et 
dans le moment, ils sont épuisés par mille et mille charrois faits 
pour le service public tant sur Vannes qu'ailleurs. Si on les re- 
quiert de vive force h mènera Nantes les foins pris et achetés 
sur le district, c'est non seulement les arracher aux travaux des 
champs mais les ruiner. Un gouvernement sage comme celili de 
la république ne doit pas exiger l'impossible. L'administration 
supérieure est priée de permettre que ces foins soient conduits à 
Redon seulement. 

« Le 19 janvier, Tagent national François Le Clainche, dit au di- 
rectoire : e citoyens, vous n'ignorez pas qu'en ce moment la mal- 
veillance emploie tons les moyens pour mécontenter le peuple et 
le réduire au désespoir. Elle cherche à établir la disette, même 
BU sein de l'abondance. Au^si, voiis voyez les marchés absolu- 
ment déserts. Déjà vous avez pris des mesures pour déjouer cette 
manœuvre scélérate. Je vous proposerai, pour la détruire entiè- 
rement, d'employer aussi tous les moyens. Il existe dansles ma- 
gasins du district beaucoup de blé noir provenant des bienç des 
émigrés. Ouvrez ces greniers, faites conduire ces grains aux 
marchés voisins. Parla, vous ménagerez le peuple et en môme 
temps les intérêts de la république. Vous porterez un coup ter- 
rible aux vils égoïstes qui ne calculent que détresse et calamité. 
Je vous demande de nommer des commissaires qui conduiront 
ces grains aux marchés. » 

« On adopta ces conclusions et les grains du presbytère et du 
château d'Erech en Questembert furent conduits aux marchés de 
cette ville. Ceux de la Morlais en Missiriac et de la Touche en 
Saint-Marcel furent amenés à Malestroit ; ceux du Brossais en 
Saint-Grave, du Bignon en Peillac, de Lieuzel, la Morinaye et 
Launay en Pleucadeuc furent vendus à Rochefort. 

« On décida aussi que les étangs des émigrés seront desséchés 
et le poisson vendu. Le 22 janvier 100 soldats en garnison 
à Rochefort sont envoyés à Garentoir, avec un commissaire pour 
rester dans une commune jusqu'à nouvel ordre. Le môme 
jour, Le Glainche écrivait aux municipalités : « citoyens, tous 
les Français se hâtent de venir au secours de la Patrie, toutes les 
communes offrent l'argenterie de leurs églises ; mais, dans 
votre district, nous n'en comptons encore que deux qui se 



"^ 



358 REVUE DE BRETAGNE 

soient débarrassées de pcs hochets superstitieux. LMnfluence des 
mauvais citoyens est cause du retard ou nous nous trouvons ; 
ils dirigent les municipalités, et se servent dupr^exte religieux 
pour arracher à une patrie qu'ils détestent une ressource con- 
séquente. Qui, citoyens, je dois vous le dire, ces hommes sont 
de véritables ennemis de la république^ et soyez assurés que 
celui qui vous détourne de faire porter à la monnaie Targenterie 
qui vous reste, est un contre-révolutionnaire, dont il faut dé- 
livrer la société. S'il vous parle de religion, ce n*est que pour 
vous séduire ; il ne sacrifle pas à une idole aujourd'hui sans autel. 

a Son but est de traverser la marche de la Révolution ; et, si 
pour réussir, il suffisait de renier l'être qu'il dit adorer, vous 
verriez ce qu'il est dans le fond, un déiste décidé. 

« G*est à moi, citoyens, à vous démasquer les scélérats : c'est à 
moi à vous en débarrasser, et en voici les moyens : aussitôt la 
réception de la présente, je vous requiers de vous assembler 
extraordinairement, et de prendre en considération l'envoi 
à la mçnnaie de l'argenterie qui vous reste. Vous distinguerez 
dans votre délibération les nomsetdemeures de ceux qui auront 
voté contre. Démasquez tous les caméléons et forçons-les de 
concourir avec nous au bien-être de cotre chère Patrie ; qu'une 
pareille tâche est douce à remplir pour des républicains I Je 
charge votre responsabilité de m'accuser réception de la pré- 
sente et de m'envoyer sous huitaine la délibération qui doit en 
être la suite. » 

a Le 27 janvier on destine pour Saint-Malo où les subsistances 
militaires font défaut 150 quintaux de froment et 50 quintaux 
de seigle pris sur les grains des émigrés, et les habitants des 
campagnes sont requis pour les transportera Ploërmel. 

» Le 30 janvier, différents objets appartenant à Tex-recteur de 
Caden sont trouvés chez les citoyens Olive Le Chêne et Perrine 
Le Ooff de cette commune, en particulier trois lettres écrites par 
ce prêtre réfractaire. Ces deux femmes furent traduites devant 
les tribunaux criminels. 

« Le !*"• février d'autn s objets trouvés chez la citoyenne Buino 
à Rochefort prouvent qu'elle appartient « à la classe des fana- 
tiques ». Ils serviront de preuves dans la dénonciation faite 
contre elle. 

« L3 4 février les paysans de Missiriac et de Saint-Marcel se 
plaignent de l'administration de Malestroit qui refuse de 



LE DISTRICT DE ROGHEFORT 359 

vendre des grains. Le directoire décréta que les grains pris 
dans les greniers de la Morlais et de la Touche-Hervier seraient 
vendus aux nécessiteux de ces deux communes qui sont bien 
méritantes. 

c€ On remarqua, le 6 février, que la commune de Limerzel, 
depuis la fixation du maximum, n'apporte ptus à Rochefort le 
contingent de denrées déterminées de 49 livres de beurre, 3 dou- 
zaines d'œufs. On ira la contraindre militairement. 

« Le 15 février, on reçut une pétition du citoyen du Bot de Vil- 
leneuve en Pleucadeuc, qui demandait son élargissement des 
prisons de Vannes. Mais le directoire, considérant que si cet 
homme a fait quelques actes de nature à le faire regarder 
comme bon citoyen, l'émigration de son fils, vivant soùsc sa 
férule », doit nécessairement lui être attribuée. Cette conduite si 
opposée fait supposer qu'il désire se rendre favorables les 
patriotes et les aristocrates, se soustraire à ceux qui triomphent. 
Une telle attitude est jugée fort, dangereuse et le directoire 
conclue en disant qu'il n'y a pa% lieu de délibérer. 

« Jeanne Daniel, ex-religieuse détenue à Vannes, demande 
aussi à rentrer dans sa famille à Questembert. L'administration 
déjà trop convaincue que le nombre des fanatiques est con- 
sidérable dans le district, ne peut pas consentir à l'augmenter 
par radmission d'une personne qui ne vivrait pas sous la surveil- 
lance d'un bon patriote, et refuse de faire droit à cette demande. 
Môme refus à la citoyenne Julie Desjardins^ bien que le comité 
de surveillance de Questembert promette de veiller sur elle, a Les 
personnes de cette classe sont bien trop nombreuses dans le 
district. » 

« Le 18 février, un détachement des troupes de Vannes et un 
autre de Rochefort se rejoignent pour parcourir les communes 
insurgées. Le commissaire qui les «accompagne a des pouvoirs 
illimités. Ces deux détachements devaient se rejoiqdreau boulrg 
de Béganne. 

« Le 21 janvier l'administration se félicite d'avoir découvert 
13 calices, 4 ciboires, 2 ostensoirs, en tout 67 marcs d'argent 
qu'elle envoie à Vannes. » 

La police particulière du district de Rochefort (1) nous met 
en présence d'une intervention écrite de la part de la muni« 

(1) Arch. départ. Vannes, année 1793, Diatrictde Rochefort. 



V 

S 



360 RBVUK DE BRETAGNE 

cipalité patriote d'AlIaire, en faveur de Jean et Yves Hidoux, flis 
et père^ âgé l'un de 24 ans, l'autre de 48 ans, tous les deux cordon- 
niers au bourg d'Allaire, qui ont été pris les armes à la main 
dans des attroupements de réfractaires. La note municipale 
vante le républicanisme des détenus. Hidoux, pè\re, a une fille qui 
mérite bien du gouvernement révolutionnaire: c'est une sans^cu- 
lotte admirable, d'un civisme à toute épreuve. Lui-môme est un 
excellent patriote. La preuve en est qu'il a fourni à la garnison 
républicaine de Redon plus de 700 paires de botles ; mieux que 
cela, il a équipé à ses frais un volontaire. 

Interrogés par les juges de Rochefor^ qui avaient pris en con- 
sidéralion la note ci-dessus ils furent graciés. Ils se disculpèrent 
en disant que les chouans les avaient forcés à se joindre à eux 
sous peine de voir leur maison incendiée. Questionnés sur la 
forme gouvernementale de leur choix, ils répondent avec un en- 
semble amusant que leur préférence est évidemment pour le 
régime républicain qui va abattre le despotisme royal. Ils n'é- 
taient pas des traîtres, et ils ne voulurent pas dire s'ils connais- 
laient dans leur commune la résidence de 4 prêtres réfractaires. 
Ce qui fait augurer que tout leur lyrisme républicain était un ex- 
pédient imaginé pour se tirer d'affaire. 

Le môme jour eut lieu l'interrogatoire de Marie Juhel, âgée de 
24 ans, et de Joseph Juhel, son frère, tous les deux résidant à 
Ailaire, arrêtés sous l'inculpation de faire cause commune avec 
les réfractaires. Marie Jahel est une mauvaise citoyenne, car elle 
a refusé de prêter son concours à la capture d'un chef chouan. 
Son frère Joseph est encore plus suspect : il a logé chez lui le 
nommé Briend, chef chouan, et, dans une perquisition faite à son 
domicile, on lui a saisi une correspondance suivie avec les ré- 
fractaires. Le tribunal révolutionnaire de Rochefort veut cepen- 
dant se montrer bénin à leu^ égard, et décide de les relâcher, 
mais il les prévient qu'il tes fera surveiller de près. 

(A suivre.) 

P. Mbhlx.t. 



TABLE ANALYTiaUE ET ALPHAÉÉTIOUE 



TOME XXXVIII — DEUXIÈME SEMESTRE 

Angot (Joseph). Notes de Bibliographie liturgique bretonne. Juillet. 22. 

AvENSAU DB LA Grancière (V^«). Les Villages préromains de la Bretagne 
occidentale. Août. m. 

Bjludry (J.). Etude sur lesorigines du nom de Saint- Mars- La- Jaille. Août. 66. 

BossARo (l'Abbé P.). L'Evolution des Celtes. Eisteddfod de Carnarvon 1906. 
Août. 87. > 

De Galàn (V^^" Charles). Deux Evénements <iu règne d'Alain le-Grand. 
Juillet. 5. 

£ri<iault (Emile). Réponse aux attaques de M. Gramraont contre mes écrits. 

L Août. 58. — II. (Fin). Septembre. i5i, 
^Gervy (l'Abbé Louis). Paimpont. IP Partie : Abbaye, Eglise et Chapelles. 
1. Novembre. 276. — II. (Fin). Décembre. 822. 

De Gourcufp (V*« Olivier). GuruÈinel et Visitation, par Paul Renimel ; Le 
Commodore Paal Jones à Nantes, — Mobilier et garde robe dtane dame 
Bretonne au XVI U^ siècle, — Coutumes de mai en Bretagne, par le 
baron Gaétan de Wismes ; Le miracle de saint Gwenolê, par Laurent 
ïailhade ; ^ /ma/iac/i des Spectacles (année 1906, tome XXXVI), par 
Albert Soubies ; Répertoire de Bio^ Bibliographie Bretonne, ffasc. 46 et 
47), par R. Kerviler ; Gradlon, par Léon Michaud d'Humiac. No- 
vembre. 

Du Ualgouet (V^® Hervé). Tregaranteo et Tregranteur. La Famille de ce 
nom. Décembre. 3o8. 

Klaoda. Ar Bugel hag ar Barz. Juillet. 20. 

Koed-Sk.\u (Efflam). L^ Crise du Chapeau breton au Pays de Vannes. Oc- 
tobre. 188. 

De Laigue {O^ René). Y eut-il vraiment quatre Bretons à figurer au Com- 
bat des Trente au milieu des Anglais ? Octobre. 177. — Le Congrès 
Breton de 1907. Novembre. 246. 

Laurent (Pierre) Charles Le Goflic et les « Gens de Mer ». Juillet. 10, 

Lbsort (André). La Bretagne à la fin du Moyen-Age. Novembre. 233. 

De Louriisl (Baron F.). Historique d*une succession dont la liquidation 
dura 35 années, d'après les archives du Uourmelin. Juillet. 4i. 

Du Malleray (Commandant). Hohenlinden. Décembre. 297. 



"^mn^^'^f^r 



362 REVUE DE BRETAGNE 

M4THUR(N (Joseph). MisceUanées Bretonnes (a« série), par le chanoine Gull- 
lotiu de Corson. Août. 

Merlet (P). Essai sur l'administration générale d'un district pendant la Ré- 
volution. Le District de Rochefort (Morbihan). i«^ juillet 1790-ao 
mai 1795. I. Novembre. a54. — II. Décembre. 345. 

Orain (Adolphe). Les Traditionnistes de Rretagne. Septembre, i45. — La 
Légende de saint Melaine. Octobre. 191. 

Db PssQuiDOUx (Comtesse). Evocation. L'Anneau. Octobre. 194. 

Trévédt (J.). Le Présidial de Nantes à Redon. Septembre. 121. 

Ubald d'Albnçon («p.). Deux lettres inédites de Félicité de la Mennais con- 
cernant les lettres d'Atticus (i8a5). Septembre. i5o. 

Urvoy de Glosmadeug (J.). A propos de du GuescUn et Richemont. Sep- 
tembre, 139, 

UzuREAu (F.). La paroisse de Champtoceaux en 1683. Octobre. 181. 

Dé WisMES (B*^ Gaétan), Commentaire étymologique des notices sur les rues, 
ruelles^ cours ^ impasses ^ quais ^ ponts, boulevards ^ places et promenades 
de la Ville de Nantes, par Edouard Pied. Octobre. 

X. Les Sources de V Histoire de France depuis 1789 aux Archives Nationales, par 
Charles 8chmidt. Juillet ; — Triades des Bardes de l'Ile de Bretagne, 
traduites du gallois par Jean Le Fustec et Yves Rerthou. Novembre. 

Chronique des Bibliophiles Bretons. Juillet et Octobre. 




Le Gérant : F. Chevalier. 



Vanne». — imprimerie LAFOLYE FiiKKts, 2 plucc des Lices. 



•^t^ 



REVUES BRETONNES 



L'Hermiî*e:Î8* ann* Mensuel, 1 au 12 fr. Union postale 15 fr* 
Le numéro 1 fr, 25, Les abonnements parlent du 20 octobre. 
Dtrpcieur : Louis Tiercelin, à Paramé (I Ile-et-Vilaine). 

Lks Annalks de Bretagne: 22* ann. Trimestriel. î an LO ir. 
Union postale 12 fr. 50. Publiée.^ par la Faculté des Lettres de 
Rennes. Hedacteur: G. Dotiin, 37, rue deFoug-ères, Bennes. 

Le Clocher Breton : 14* ana Mensuel. 1 an 5 fr, 50- Directeurs : 

RenéSaib et Madeleine Desroseaux. Bureaux. 29» rue Belle*Fon- 
laine, Lorient. 

Bulletin de la commjsston diocésaine n' a rchitectcrk et d* archéo- 
logie DU diocèse i>E OtJiMPER ET DE Leon i G* ann. Tous les deux 
mois, i AU 5 fr, Ouimper. 

La Revue Morbirannatse : tl« ann. 1 an 5 fr- Directeurs : 
J. BuLÈON, V** de la Grancière. E. Sageret- Chez Lafolye. Vannes. 

La Paeoisse Bretonne de Paris : 9" ann. Mensuel, 1 an, 2fr, 25* 
Directeur : M labbé Cadic. 13, rue Littré, Paris (VI' ar^), 

La Jeune Bketag?ie: 5** ann mensuel. 1 an, 2 fr. pour la Bre- 
tagne. 2 fr» 50 pour le reste de ia France. Bulletin d*études et d'ac- 
tion sociales. Rennes, 30, rue Hoche. 

Feiz ua Breiz: 8* année. Tous les mois. 1 an 3 fr. Les aboune- 
ments partent du 1*' janvier. S'adressera M. Cardinal, recteur de 
Saint- Voufïaj, par PlouzévédécFinistère)^et pour les abonnements 
à M. Caroff, vicaire aux Carmes, Brest (Finistère). 

Bretoned Paris. Bulletin de la Société ^r La Bretagne r\ 4* année, 
i an» 2 fr, 50, Direction : 40, rue du Cherche-Midi, Paris. 

UevcK ntr Pays d^Aleth : 4* année, mensuel. 1 an, 3 tr, Direw 

leur : Jules Haize, rue Jacques Cartier, Saint-Servan- 

Le Pays d'Aryok : 2" année, 1 an, 5 fr- Directeur 3 Jacques Pohier» 
à Ancenis (Loire-Inférieure;, Administration et Bureaux, 26, Haute 
Grande Rue, Nantes. 



Revue du Tradition nisme. — Bei\ inUm. du foîkAort — mens. 
1 an> 10 fr. N^ 1 fr. - - Directeur : M. de Beaure paire-Froment, 
Paris, dO. quai des Orfèvres. 

Revue du Bas^ Poitou, 20* année, trimestrielle ; 1 an ; 8 fr. 
N* 2 fr. 50. — />'' M. René Valette, à Fontenay-le- Comte, 

L'Anjou hîstorioue, — 7" ann, tous les 2 mois. 1 an : 6 fn /)' 
M. Tabbé Uzureau, aumônier, à Angers. Edit^ : M, Siraudeau 
4, Chaussée Saint- Pierre, Angers, 

Revue des Traditions populaires, 22" ann. mens, i an. 15 11. 
N* 1 fr. 50. Direct. M- Paul Se billot, HO, bouiev. St-Marcel, Paris* 

La Revue Bleue, 15. rue des Saints-Pères, Paris, 

La Vendée historique. — (Revue de la Vendée militaire). Tous 
les quinze jours ; 11* année. — Edit. sur papier fort, 6fr. 50; édit. 
ord. 5 fn — D^ Henri Bourgeois, à Luçon (Vendée). 

Revue de l Anjou, 57' année, 12 fr, par an, — Librairie Germain 
et Grassin» Angers, 

La Revue Héraldique, fondée en 1862, Mensuel, Directeur 
V** de Mazières-Maulcon. Bureaux ; H rue Daumier, Paris 




>^<. 




FÊTES DE MEL 1907 ET DD PEE1(1ER DE L'ÀM 1908 




Validité êxceptionneuji: ues billets ArxinrÉf Rk 

k iWaëîon des Fêtes de Noél iqoy et du Premier de 1'^ 

_„ Compagnie d'Orl^ns rendra vambles du Bamedi 2] décemtjre nU 
dernier tram du lun^h t\ janvier, les Billeia aller et retour ordinaires 

3Hî^ré<JUit9, qui auront été délivrés aux pris et conditldUB des 

.rirs Spéclaûi G. V. n'^' 2 et loa. 

Ces différents billets conserveront leur durée noriûàle de vili<Hté, 
loraq u*Nj le expirera après ;« 6 janvieri 




// 



CHEMINS DB Fru IiK I.'OUKST 



CHKTES DÉPARTEPtlTALES DE CIRCULUTION A DEHI-PLACE 



Là Compagnie des Chemins de fer 4e FOXie&t délivre dea csrt«S" 
noiniaativeg tt perso na<3lJes valables pendant 6 moit du 1 an et 
donnant te droit d'obtenir des biltets à demi-tEinf pour dps parcaur^ 
exclusivement Oueit entre toutes les irarf s d'un même départAmentl 

1.68 départements desservli par le réseau de i'Di}€St sont répajiisf 
eu deux caté^^oriés : . -^ yy / 



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\^ lîàtègotïo : 



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j?ado3, 

Ju-Nortï, 

ilaine, 



Oftiô, 

^eine, Setnp-et- 
Oise et Oise» 
Seine- Inîér"^*, 



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2"^ fJat c'-fo rie 



fiore-et-LoJlr, 
Finistère^ 
LoirB-lûfér'^*» 
Malne-ei-Loirt , 



Mayenne, 
Morhillan, 
Sanb^* 



^es cartes sont délivrées pour les dépftrtementa de chaque catC^^ 
Me, moyennant le paiement préalable des prix suivants : 




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A. f— Cartei donnant droit 
à des billets à demi-tarif de 
toutes da^f s pendant 

B. — Cartes donnant droit / 
à des biUetf à demi tarif de î 
2* et 3*^ claÉSes pendant ( 

_ — (Vrtes donnant dr&ït i p, «^i^ 
dei biitéts ;i demi-tïtrir de ^ ^ ^^^^ 
Z« ci^sie s uitmeni pc^nJaut ( ^ ^^ 

»l est perçu, en outre, h, cbanae voyaijf, *^ moitié du prix d'uu 

mtlee ijijnple (place entière) dR la efagso demandée par 4e Tûj?a«etii* 

iiour le ftnr fleurs qu'il veut elTectuer, \ 

pi bKreUràdemi-tarifsont délivrés au tituiaira sur la présen 

*sa carte au gulctiet des ^re^ et haliefi du JApa^tem^Bt qu'j 

'cerne. 




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