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T; VjANVl.S^r^îV909. Tome XLI U'
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de L'ESTOURBElVtON, Virecti
• ' MM. U V** Ci^aEs DE cXrTCNTSccrctfthL^régionft] poar nil^-VUtint. — René
BLANCH^^^^pour W L^e-bif4rij||r^^Lc Chanoiit»n!Yi^ON,pour IcFinistèrc.
— AVEN£A<pB LA GRANCll
CLEU^fOtTrpeut* Uy Côtes-du-
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HONORE CHAMPION
LISItAIItt-BOITniR
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V V. M. 1>E OAULT •/
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1 *^_ ^^ ^^^ S'adceiser pour la Rédaction et Ten voi des majiiiscrits à' M. le G** RIl^ de ^-^G WE ,
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audif(te^j>^ Bahurel^ par Redon ; pour rApMrfSTRATiON, MM, LM^pttET' frères
platie^oes Lices " ^
SOMMAIBE
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I. — Andri betiltei (Lé Béros de Nancy)» — E. Hbrpik. . • . • 5
II. — La Paroitse de la Henaudiêre en 1683. — F. Uzuaeau . . 21
III. — Contes de Crand^Mêres (suite) — A. D. Roazoun. ... 27
IV. -i CarUlom diglhes et Rouet de fortune. — V»« Hsi^vé du
Halgoubt 44
V. — ii travers la Bretagne, — R. dk L 51
CONDITIONS D'ABONNEMENT
France, un an 12 fr.
Etranger, — 15 —
On 8*abonne soit chez M le cgmte i>b Laigce, château de
Bahurel, par Redon, soit chez M. Lafolte, imprimeur à Vannes.
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tn chef de la Revue*
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REVUE
de Bretagne
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5* Série —8« Année
JANVIER ,909. Tome XLI
REVUE
de Bretagne
REVUE ^ REVUE
de Bretagne et de Vendée ^ Historique d£ tOue^
RÉUNIES
imnm MEntsuEUM
M»* de l'ESTOURBEILLON, Directeur
C RemÉ de LÂIGUE. Hédaetmr «n cA^
tLBUZIOU, peur lu Cote- du- Nord. — Oliv«« o< GOURCUFF. pour P,rt,.
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ÉDITEURS
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1, Place du LJeo
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76. R«f Siint-G^Tmiin
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«du,«u de B.hu«l, p»r Redon ; pour W'^.^-nu.nor,, MM. LAFOLYE, frè«
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ANDRÉ DESILLES
(LE HÉROS DE NANCY)
Quand on suit la grande route qui conduit de Saint-Malo à
Gancaie^ on voit, sur la droite, à l'entrée de la petite commune
de Saint-Coulomb, une avenue d'arbres séculaires, au fond de
laquelle s*oùvre, dans un majestueux cadre de verdure» une
lourde porte charretière.
Poussez celte porte. Vous entrez dans un vaste jardin que
domine un ch&teau flanqué de deux pavillons carrés formant
avant-corps, et surplombant le logis principal. Derrière, un parc
anglais qui a remplacé le jardin d'autrefois — un jardin à la
française, ^vec de grands carrés bordés de buis et fleuris de
roses, un frais potager, une charmille ombreuse, un étang où
nageaient des cygnes. ,
Au début de la Révolution, cette propriété appelée la Fosse-
Hingant (1) appartenait à la famille Dasilles, d'ancienne cheva-
lerie, dont les armes étaient d argent^ au lion de sable^ armé et
lampassé de gueules (2).
La fatiiille Desilles était d'origine normande. En 1666, voulant
bénéficier du droit que la coutume de Bretagne accordait à la
noblesse de pouvoir faire le négoce, sans déroger, elle était
venue se fixer de Granville à Saint-Malo (3).
(1) Anjoard*hai Nermont.
(2) La matatenae de nobiaMe de GhamillarJ, eo 1666, coattaiit six branches de
cette famille des llles, oa des Isles, Celle à laquelle appartient le héros de Nancy
Agure tous la catAgorie des eeignears reconnds par Montfaalt» en 1643. comme
nobles d'er traction dont Vorigine se perd dans la nuit des temps. A partir de
la loi du 19 juin 1790, qui aupprima les titres de nobleas» et la particule, le nom
s'AcrÎTit DeaiUes.
(3) Telle est. du moins, la raison fort plausible que donne à ce changement
de .domicile M*' Odsohamps du Manoir (N* 4, tome t«, année 1994, Revue de
VAvranchin).
Le savant historien ajouta :
« Anciennement, Us rapports par mer de QranTilU afec Saint-Malo étaîoot
cealinnols et plus faciles qa*avec les TiUes de riatérieur, eu égard att mau
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Jfesv.
6 RETUB DE BRETAGNE
Marc-Antoine Deôilles (1), châtelain de la Posse-Bingant, au
moment où se passent les dramatiques événements que noas
allons relater, avait épousé, le 7 février 1765^, Jeanne-Rose-Mi-
chelle Picot de Glorivière, fille d'un ancien maire de Saint-
Malo ; et sœurdu Père de Glorivière, de la Compagnie de Jésus(2).
Suivant la mode des riched armateurs inalouins, la bénédiction
nuptiale leur avait été donnée à Saint-Malo, rue du Bé, dans la
chapelle Notre-Dame de Toute-]Puissànce(.3) par messire Joseph-
Alexandre Goret- Villepepin, chanoine et doyen de la cathédrale.
Les-témoins furent, pour le mari, messire Louis- Antoine-Daniel
et messire Joseph de.Gesril, seigneur du Papeu (4). Pour la jeune
fille, son frère, écuyer Je^n Michel, et son oncle le sieur de
la Deveze. Parn;ii les invités figuraient Loquetde Ghftteau d' Assy,
Jolif deGesril, AvicedeBeaubriand, delà Bouquetière fils,Hugon
de Gamberon (5).
Les jeunes époux établirent leur domicile (}e ville au deuxième
étage du vaste hôtel Lefer du Flachçt (6). Mai^ suivant la
coutume de toutes les familles. aisées, ils allaient résider à la
campagne, dès les premiers beaux jours.
Gette campagne fi,!it d'abord Pleurtuit, où se trouvait la maison
étot dêf rouiei. Plusieurs OrauTillais résidaient à Saint^Malo et à SaiDt-Ser?an,
au XVÙI* siècle, tels que les Hugou des Domaines, les Pigeon de la Chapelle, de
Grandclos et de Qramont, etc.. Françoise Le Vezais, fille du Malouin J»-B. LeHoj
de Kerannion était nièce h, la mdd» de Bretagne de M"* des Ules. Ces relations
famUiales purent amener Tabandon complet de la Normandie.
(1) Son père^ lientenant^colppel au régiment de Vermandoia arait .eu trois en-
fants : Mare-Antoine, né en 1733, sieur de Cambernon, de SîUy et de la Fosse-
Hingant; Charlotte et Oertrade-Elisabeth, entrées religieuses au couvent des
' Ursulines de Sainte- Anne, h Saint-Bfalo, en 1746 et 1762. .
(2) Voir V Histoire du Père df -Clorivi^re^ de la Compagnie de Jésas, par le
Père Jacques Terrien de la même Compagnie. Paris, librairie Poussielgue, 15, rue
Cassette, 1895.
(S) Sur la chapelle N.-D. de Toute-Paissance, voir notre litre La Côte d^Eme-
raude, Saint-Malo, Ses souvenirs, Caillière, éditeur. Rennes.
(4) Père de Joseph-Prançois-Anne Qesril du Papeu, né h Saint-Malo, le 23 fé-
Trier 1767, qui fut le camarade d'enfance de Chateaubriand, et. nouveau Regulus,
s'immortalisa à la bataille de Quiberon, en se jetant à la nage pour prévenir les
Anglais de cesser le feu, et en retournant ensuite se constituer prisonnier. Il fut
fusiUé, le 24 août 1795. (Voir notre livre : Saint-Malo sous la Terreur. Silhouettes
•flkoées, 1909. Saint-Servan, Saint-Uaize, éditeur.
(5) Saint-Maïo. Registres de l*Etat civil, 1765.
(6) Cet hôtel, situé rue des Cimetières, servit.de piaison d'arrêt, pour les
hommes, 1^ Tépoque de la Révolution. A la fin des mauvais jours, les abbés
hUigerran, Vislle et Jean de la H^i^Q^ 7 fondèrent le coUègt de Saint-Malo. ,
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ANDRÉ D£SILLES 7
patrimoniale de la famille de Glorivière, alors habitée parle
frère de M»« Desilles.
Plusieurs enfants ne tardèrent pas à venir cimenter leur
bonheur.
Le 16 avril 1766, comme ils se disposaient à quitter Saint-Malo,
en raison de la venue prématurée des beaux jours, M«* Desilles,
surprise par les douleurs de l'enfantement, donna le jour à
Julie-Michelle, qui, à T&ge de dix-huit ans, épousa Augustin
Dufresne, sieur de Virel.
L'année suivante, un second enfant vint combler tous leurs
vœux. C'était un fils. On l'appela André (1). De la rue des Cime-
tières, la famille Desilles avait alors transporté son domicile,
dans un superbe hôtel de ta rue de l'Epine (2).
Quatorze mois après la naissance d'André, le 27 mai 1768, na-
quit Marie-Thérèse qui devint M»« d'Allerac. Enfin, le 16 mai
1769. vint au monde Angélique-Prançoise. C'est elle qui épousera
M. de la Fonchais et périra «nr l'échafaud (3), dans des circons-
tances si particulièrement tragiques.
Aussi bien dans le bel hôtel de la rue de l'Epine, aux lambris
de chêne rehaussés d*or, qu'à la Fosse-Hingant, la vie coulait,
paisible et heureuse.
Là, dans un petit atelier contigu au salon, le père, obéissant
à la mode du temps, charmait ses loisirs en forgeant le fer. —
Angélique, dans l'embrassure d'une fenêtre» se plaisait à jouer
(t) André Joseph-Marie DeaiUet, filf d'éenyer Mar^-Françoit DétiUaf ti de
dame Jeanne-Rose-MioheUe Picot, son épouse, né le it mars 17f7. baptisé du
même jour par moi soussigné, subcuré. Â été parrain, écuyer André Levesqne,
tieur de la Souquetière, et marraine dame Marie-Richarde-Hélène Porter, épouse
de Messire Joseph Michel Troblet de Nermont» conseiller honoraire du parle-
ment de Paris, représenté par demoiselle Marie-Julienne Graré, Létesque, Marte
Desilles, Kenée-Marie-Julienne Gravé qui signent, et le père. Souctière, Lo-
quet de Ch&teau d'Assy, de la Souquestière, Desilles, 7.-B. Gaultier, subeuré.
(Registres de TEtat civil. Saint-Malo).
(2) Une plaque commémorative indique que, dans cet immeuble, naquit le
héros de Nancy.
(S) Acte de baptême :
« Angélique-Prançoise Desilles, fille d*écuyer Blaro-Pierre-Françoit Desillaa,
seigneur de Cambernon et de Jeanne-Rose Michelle Picot, son épouse, née le
li mai 1769, baptisée le jour suivant par moi, soussigné, subcoré; et a été par-
rain écuyer André- Krau^ois Lévesque de la Souctière, et marraine demoiselle
Marie-Charlotte Desilles de la Philber, qui lignent et le père.
«c Marie Desilles, Philber, de la Souctière fils, Deiaperohe, DetiUes, J.«B. Gaul-
tier, subcuré.
Archives municipales de Saint-Malo. Registres de rfltat>oi?iU SBnée I7I9.
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8 RBVUB DB BRETAGNE
de la harpe. Quant à André, il étudiait sous Pœil paternel, et la
sage direction d'un précepteur. li courait aussi les grèves, et se
plaisait à aller s'asseoir aux environs, dans les ruines du vieux
château du Plessis-Bèrtrand^dont la sauvage grandeur évoquait
en lui le souvenir de Bertrand du Guesclin .
Est-ce l'attrait de cet imposant castel et la gloire du bon con-
nétable qui firent naître, si promptecnent, dans rame de cet
enfant aux yeux bleus et aux ^h-^veux blonds, l'amour des
armes ? On aime à le supposer. Toujours est-il que le plus grand
bonheur d'André était d'assister aux exercices des soldats de
la garnison de Saint-Malo, et que, malgré le désir de son p&re, il
préféra la carrière militaire à celle de marin.
D'après Les Souvenirs de ta baronne du Montet(i), André, de-
venu adolescent, était de petite taille; un vrai Breton trapu.
Son visage n'était pas régulier ; ses épaules étaient trop larges.
Mais s'il n'avait pas exactement le physique d'un héros de ro-
man, il avait mieux, il en avait l'âme.
Tel est aussi son portrait, d'après une précieuse miniature que
sa fiancée/ Victoire du Montet, devenue la baronne de Bœsner,
légua en mourant à son filleul, M. de Genouillac.
Au moral, André était pieux, attentif et studieux. S'il aimait,
comme nous l'avons dit, à rôder sur nos plages, il aimait aussi,
quand Angélique jouait si bien de la harpe, dans Tembrasure du
salon, se plonger délicieusement l'esprit, dans un ouvrage d'his-
toire ou de science.
Arrivée l'âge de se faire une carrière, il sollicita son admis-
sion à l'Ecole Royale militaire, instituée en 1751, par Louis XV,
à la persuasion de la marquise de Pompadour.
Il s'y fit remarquer par son intelligence ouverte aux sciences,
et sa remarquable aptitude à l'art militaire. C'est pourquoi, en
sortant de l'Ecole, il fut envoyé au régiment de Roi-Infanterie,
tenant garnison à Nancy, où il ne tarda pas à être promu lieu-
tenant (2).
Ce régiment, le premier sur la liste de l'armée, jouissait de
divers privilèges et n'était commandé que par des ofiBciers de
haute naissance et de grande fortune. A sa tête, était alors M. de
Baliyière.
(1) Pion, éditeur, Paris.
(2) Voir La Vicié de POuest, 16 jniUet tt4t, André DesiUêt, par Ganat (Bi-
bliothèque municipale de Saint-lfalo).
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ANDRE DBSILLES 9
Ddpuîs quelque temps, les évéoements inqaiétaieat vivement
DesiUes père. BUit-ce comme ua mystérieux pressentimeat des
malheurs qu'ils allaient déchaîner sur son foyer ?
Le 22 août 1789, l'Assemblée, générale de la commune et da la
municipalité de Saint-Mlalo avait envoyé à l'Assemblée nationale
sa pleine adhésion à la nouvelle politique, et de nombreux gen-
tilshommes du Clos Poulet lui avaient envoyé uae adresse ana-
logue. Ainsi, Louis Ragon de Garcaradec. Poatual de la Villere-
vault, de R^bien, Goret de la Orandrivière^ Magon de Lépinay
de Pennelô, Magon de la Villehuchet, Perron de la Perronnais,
Charles de Bussy... (1)
DesiUes, au contraire, blâmant les nouveaux décrets, écrivait
directement à l'Assemblée nationale :
« Messieurs, j'ai reçu la lettre dont vous m'avez honoré, en
« date du 9; je me hâta d'y répondre : étant jaloux de vous faire
« connaître messentiments,etvousas8urerdetoutlerespectetla
« déférence que j'ai pour votre Assemblée, au sein de laquelle
« je proteste authentiquement et jure â la face du ciel et delà
« terre, respect, fidélité au Roy et à la Natioo, et fraternité inal-
« térable avec la cdmmane et particulièrement avec la ville de
« Saint-Malo ; à laquelle je suis attaché avec tous les liens du
« sang et de l'amitié. '
<' Voilà, Messieurs, quels sont et seront toujours tnes senti-
« ments. Il me reste à vous convaincre du profond respect avec
<c lequel je serai toute ma vie, Messieurs, votre très humble et
« très obéissant serviteur.
« DesiUes, à la Fosse Hingant, le 11 Novembre 1790 (2).
A Nancy, habitait M""® du Montet qui avait un fils âgé de qua-
torze ans, ainsi que deux filles Antoinette et Victoire.
Bien vite, André s'éprit de cette dernière qui unissait un
charme délicieux, aux plus profondes qualités de l'esprit et du
cœur. Suivant l'expression môme de M"»" du Montet recueillie
par sa belle-fille dans de précieuses notes : « Elle était belle parmi
les belles, et parfaite parmi les parfaites ».
Hardi devant le danger, André était si timide devant la gentille
(I) Archives de Saini-Malo, série II, 2-67 et 6S. ^
(t) Ibidem, série 2-71.
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.••Cf^lo
10 REVUE DE BRETAGNE
Victoire cra'il n'osnit presque jamais lui causer. Il préférait s'a-
dresser à sa FŒur, ou à son jeune frère.
Cependant, André soumis et respectueux avait fait ses confi-
dences à son père qui s'était empressé de demander, pour son
flls, la main de Victoire.
M"^ du Montet donna son consentement, mais en raison de la
jeunesse de sa flile, il fut convenu qu'on attendrait/ avant de lui
faire part de la demande en mariage.
Tandis que chez M"'* du Montet s'esquissait cette idylle, couvait
en ville un germe de révolte qui allait bientôt éclater, comme un
coup dp foudre. Longtemps hésitante, la population avait fini par
pactiser* avec la garde nationale, qui à son tour avait gagné à ses
idées les trois régiments de la ville : Roi-Infanterie, Mestre de
camp- cavalerie^ et Suisse Château- Vieux (1).
Le 31 août, était parvenue-à l'Assemblée Constituante la nou-
velle de cette insurrection, mais Robespierre, conseillant la clé-
mence, avait seulement fait voter l'envoi à Nancy de deux com-
missaires enquêteurs (2).
Le jour même de cevote^ne pouvant plus temporiser,le lieute-
nant-général,marquisdeBouillé,avait dûfaire approcher la troupe
des port'^s de la ville que défendait une cohue où les haillons se
mêlaient à l'uniforme rouge dps Suisse8,à celui gris blanc de Roi-
Infanterie et à l'habit bleu de Mestre de camp.
Cependant, au milieu des rebelles s'agite André qui, adoré de
ses soldats, essaie de les ramener au devoir.
— Vous, Français, leur dit-il, allez-vous donc tirer sur vos
frères î '
Vains efforts I
Alors, Bouille fait approcher ses troupes à trente pas du mur
d'enceinte. Il est quatre heures de l'après-midi. Trois appels de
trompette retentissent: ce sont les sommations légales.
Groupés en face la porte Sainte-Catherine, derrière deux pièces
de 24, braquées sur des affûts improvisés, les rebelles répondent
par des cris de mort.
(t) Sar l'affaire de Nancy, joir Manitetir universel, année 1790. Déposition des
officiera de la Garde nationale de Nancy, p. 1008.' — Bouille à Guerre, lettre rap-
port du ^•' septembre 1790. p. 1022. ^Déposition de Louvain-Pescheloche, p. 1010.
-~ Edouard Frampain, Un Ualouin, André Desilles, le Héros de Nancy, Paris,
Pion, Nourry et C*. 1906.
(2) Archives nationales. Procès- ver baux de TAssemblée carton, G. 44 et carton
a 40. Dossiers G. 1. 104 et 487.
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•W^4^^i' '
ANDRÉ DBSILLB8 il
A. ce moment, un jeune officier, l'épée au poing, se jette à U
bouche des doux canons.
^ Tirez I crie-t-il à des soldats Suisses qui le couchent en joue ;
je ne quitterai pas la place :
' Trois coups de feu l'atteignent à la jambe.
— Lumière, pièce/ feu I
Le bruit du oanon se joint maintenant au crépitement de la
fusillade.
' Puis, la fumée monte 6n diadème, couronnant le héros ensan*
glanté.
Un jeune volontaire, nommé Hœner, s'élance alors h 3on se-
cours, le charge sur son dos eti'emporte.
A ce moment, une quatrième balle l'atteint, mais s'amortit
sur un trousseau de clefs placé dans la poche de son habit.
' Pour soigner le héros, on a fait venir deux médecins :
MM. Valentin et Le Moynes.
Ce dernier est partisan de l'amputation de la jambe. L^avis
contraire de M. Valentin l'emporte, et au bout de peu de temps
la guérison semble certaine.
Au chevet d'André se tiennent, jour et nuit, M"»* du|Montet»
qui le soigne comme une mère, et M. des Illes, père, accouru de
Saint-Malo, aussitôt l'annonce de l'événement qui fait la gloire
de son nom et le désespoir de son cœur.
André, puisqu'on assure qu'il va guérir, fait déjà des rêves
d'avenir.
— Oh I n'est-ce pas ? j'ai bien mérité la main de Victoire. Dites-
lui maintenant que je l'aime. Croyez-vous qu'elle voudra bien
de moi ?
Cependant, le 3 septembre 1790, sur la motion de Mirabeau,
l'Assemblée nationale avait émis 6e vote : a M. Desilles est re-
mercié pour son dévouement »(1).
Louis XVI avait chargé son ministre de lui remettre la croix
de Saint-Louis et le président de la Constituante, M. Jessé, lui
avait adressé la lettre suivante (2) :
A Monsieur Dbsillbs,
« L'Assemblée nationale, Monsieur, a appris avec une juste
« admiration, mêlée d'une douleur profonde, le danger auquel
(1) Archives nationales. Procès-verbaux précités.
(2) Arehives natioiMles, Procés^vsrbauz préoiiés.
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_Éfc_
12 REVUE DE BRETAGNE
« VOUS a exposé votre dévouaient héroïque. J'affaiblirûs, en
« voulant le peindre, rattendrissement dont l'Assemblée aatio^
(' nale a été pénétré. Un trait de courage et de civisme aussi sus
« blime est au-dessus de tous les éloges. Uae récompense plu*
« douce et plus digne de vous vous est assurée : vous la trouve-
« rez dans votre cœur, et dans Téternel souvenir des Français.
« L'Assemblée nationale apprendra avec satisfaction que vous
« êtes réservé encore longtemps à jouir de la gloire dont vous
« venez de vous couvrir. G*est au nom de l'Assemblée que je
c vous fais part de ces sentiments. Je me félicite d'être son
« organe.
« Je suis, etc.
ASaint-Malo, plus encore qu'à Paris, l'héroïsme d'André a
excité le plus vif enthousiasme, et un service solennel a été
décidé pour le 26, pour le repos de l'âme des victimes de l'affaire
de Nancy (1).
Au jour dit, à dix heures du matin, un massier sort de la
cathédrale et vient prévenir de la fln de la grand'messe. Mes-
sieurs du District quiattenient à la macison commune. Alors,
ceux-ci traversent la place, entrent à l'église, et prennent place
dans Iq. chœur. Le clergé arrive à son tour. Puis, l'évoque,
M*' de Pressigny. Les cloches sonnent, et le cortège se dirige
vers les Nielles de Rochebonne, où se trouve le Champ de
Mars. C'est là^ à onze heures précises, que doit être célébré te
service funàbre.
Au-dessus d'une plate-forme à laquelle on accède par cinq
marches, se dresse une haute pyramide, tendue de draperies
noires. A ses pieds, un catafalque, orné d'une double rangée de
peupliers. Aux quatre coins, de jeunes soldats qui tiennent des
flambeaux.
Toute la troupe est massée à l'enlour : le régiment de Forez, la
légion de Saint-Malo, des détachements de gardes nationaux venus
de Saint-Servant» Paramé, Saint-Ideuc, Gancale, Plergaer...
Le clergé des piroisses environnantes est égaiem^^nt là, avec
ses croix qui brillent dans le ciel clair, et ses bdunières qui
flottent au vent.
Les cloches de la Cité-Corsaire tintent des glas. Le canon tonne.
C'est M. l'abbé Ghédeville, aumônier de la légion de Saint-Malo,
{i) Archives municipales. StÀni-Unlo. DéiihéTtAion:
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, ANDRÉ DBSILLB» 13
fui eliante la grand'messe. A TEvangile, discours émouvant de
Monseigneur.
A llssue de la cérémonie, un dernier De Profundis est chanté
à la Cathédrale.
Le lendemain, la Conseil général de la commune écrivit, au
nom de la cité malouine,une lettre de sympathie à la municipalité
de Nancy, et une lettre de félicitations à Hœner qui, au péril de
sa vië^ avait arraché André DesilhBs à la mort (i).
«... Lia distance qui nous sépare »^ est-il dit, dans cette lettre,
« ne nous permet pas. Monsieur, de ceindre votre tête d'une
« branche de chêne, mais çiu moins devons-nous rendre hom-
« mage à votre patriotisme, admirer votre intrépidité, et vous
« assurer de la reconnaissance de tous les Malouins.
« C'est avec plaisir que nous acquittons une dette aussi sacrée. )»
Cependant, voici inopinément l'état d'André qui s'aggrave,
contre toutes les prévisions de la science. La suppuration s'est
mélangée au sang, et la mort qu'on croyait écartée plane main-
tenant sur le visage du héros.
En pleine connaissemce, il reçoit les derniers sacrements, et
expire doucement, pendant la nuit, en murmurant le nom de sa
fiancée. Il avait vingt-trois ans. C'était le dimanche 17 octobre
i790.
Très calme dans sa profonde douleur, le père vient de sortir
de la chamlpre funèbre, quand il se trouve soudain face à face
avec Victoire.
Alors, en présence de cette radieuse jeunesse, monte de son
cœur une déchirante explosion de douleur. II pousse des cris de
désespoir.
C'est ainsi que Victoire apprend le rêve qu'avait caressé,
jusqu'à son dernier soupir, le héros de Nancy.
Les funérailles furent aussi solennelles que pour un prince.
Elles furent présidées par W^ de la Fare qui prononça l'éloge
funèbre du héros de Nancy (2) dont le corps, après avoir été
(t) Copie de lettrée. Registre D. l, L. L.
(2) L'Evêque développa ce texte : Brgo ne Jonathas morieiurqui fecit salutem
hane in Israël, (11 sera donc perdu pour noue ce Jonathas dont la Taleir a sauTé
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• *i*-?^.^^-i,*-v '5r^*^"?»f3t*;'^j^"-«'r^^ "" ' ' ""■** ^ '■'*'■' z-'--- T'*'^-^^r.^
14 RBVUE DB BRETAGNE
exposé sur le pérystile de THôtel-de- Ville, futlQhuméi à la oatbé*
drale, dans le caveau. des Primats de Lorraine.
Kn face ce caveau, les jours qui suivirent l'imposante céré-
monie, Marc Desilles fut s'agenouiller, au bras de celle qu'il ne
cessa dès lors d'appeler : « ma chère fille. »
Un des premiers qui voulut lui envoyer l'expression de ses
condoléances, fut le roi Louis XVL
La lettre qu'il lui adressa s'exprimait ainsi (1) :
« Pour ne pas renouveler votre douleur, je ne vous parle point,
« Monsieur Desilles; de l'action héroïque de votre fils, et de la
« perte que nous avons faite. Vous savez combien j<» partage
« votre peine et je voudrais pouvoir l'adoucir» si les circons-
« tances s*en pirésentent. Je veux que vous me les indiquiez, et
« vous me trouverez disposé à vous donner des marques de m^
X bienveillance ».
« Louis ».
Avant de rentrer à Sainl-Malo, Marc Desilles voulut aller
remercier le roi.
— Malheureux père, lui dit celui-ci en l'apercevant, que vous
ôles dODC intéressant ! et il lui demanda ce qu'il désirait.
— Sire, répondit Dessilles, votre portrait et celui de la Reine.
La mort du héros de Nancy ne fut connue à Saint-Malo que le
15 octobre, au soir. Lé courrier qui apportait la triste nouvelle
portait un crêpe au bras^ et un crêpe aussi voilait la large
cocarde tricolore de son chapeau. \
Dès le lendemain matin, se réunit le Conseil général de la
Commune qui fit placarder sur les murs de la ville l'adresse
suivante (2) :
« Le héros de Nancy n*est plus. Desilles est mort.
« Nous sentons, par nous-mêmes, en l'annonçant, que vos
« cœurs sont profondément affligés^ que des larmes coulent de
« vos yeux.
« Pleurez I et ne plaignez pas son .sort, Desilles, à l'&ge le plus
« tendre, s'est dévoué pour sa patrie, son nom est immortel.
« Si la France est fière d'avoir eu en son sein un citoyen aussi
(1) L*original de cette lettre fat brûlé, le 30 décembre 1793, par ordre de
Le Carpentier, le joar de la fête de la déesee Raison, avec lee titres féodaux dé-
posés à la Commune.
(?) Archives municipales. Saint-Malo. Registre D. LL. 32.
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ÀNDRi DBSILLES 16
« généreux, combied la ville qui l'a vu naître ne doit-elle pas s'en
« glorifier I
« Ce n'est plus, hélàs I qa*à ses cendres que nous pouvons of-
« frir le tribut de notre reconnaissance. Joignez-vous tous à
« nous, chers Concitoyens, en prenant les vêtements lugubres,
« symboles de la douleur.
« Ce soir, les cloches et l'artillerie vous annonceront la perte
« que nous avons faite. Mardi prochain, 3 novembre, on célé-
€ brera en l'église paroissiale un service solennel où sera pro-
« noncée l'oraison funèbre de notre vertueux concitoyen.
« Puissent, d'âge en âge, sa mémoire et son exemple repro-
€ duire le patriotisme sublime qui Ta conduit au tombeau et à
« l'immortalité I »
Le 28 octobre, une messe fut célébrée, à la chapelle du châ-
teau, pour le repos de l'âme du héros.
Le 2 novembre, de quart d'heure en quart d'heure, depuis
trois heures jusqu'au coucher du soleil, la batterie du bastion
Saint-Philippe tira le canon en son honneur.
Le lendemain, dès Taube, voici tous les navires du port qui
mettent leurs vergues en croix et les pavillons en berne.
Les glas tintent dans le ciel gris de novembre, et le canon
tonne de quart d'heure en quart d'heure, sur le mur Saint-
Vincent.
Il est dix heures. La foule des fidèles remplit la vaste cathé-
drale de Saint-Malo dont le frontispice porte cette inscription :
Mémento mihi Detts in bonum secundtim omnia qusBfeci populo
huic.
Au milieu du transept, se dresse, étincelant de lumières, le
symbolique catafalque sur lequel brillent la croix de Saint-Louis
et des insignes d'officier. A ses quatre angles, des légend )S
puisées dans les Saintes Ecritures : A l'angle droit, le plus voisin
du chœur, ce passage des Machabées {i): Alors il y eut un
grand deuil parmi le peuple, et dans tout le pays la terre fut
toute émue de la désolation de ses enfants et toute la maison fut
couverte de confusion.
A l'autre angle, dû môme côté : Nous avons voulu nous donner
nous-môme comme modèle, afin que vous nous imitassiez.
A l'angle gauche, opposé au premier : La colère du Tout Puis-
Ci) Vigie de VOuest, précitée.
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16 REVUE DE BRETAGNE
sant qui est tombée justement sur tout notre peuple finira à ma
mort et à celle de mes frères.
Au quatrième angle, ces paroles de l'apôtre saint Jean : Per-
sonne ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie
pour les siens (1).
Au long de la nef^ d'un côté, les grenadiers de Forez ; de
l'autre, un détachement de la garde nationale.
Dans les stalles du chœur, à droite, les administrateurs du
district ; dans celles de gauche, MM. du conseil gépéral, les no-
tables et les officiers municipaux.
C'est M. Le Saout, curé de la paroisse, qui officie, entouré d'un
nombreux clergé. Après l'absoute, il monte en chaire et pro-
nonce réloge de rhéroîque défuut que pleure la France entière,
et que Thistoire nommera « le héros de Nancy » (2).
Cependant, se multiplient les témoignages d'admiration.
Dès le 27 octobre, la municipalité de Saint-Malo s'était empres-
sée d'écrire à M'"* Desilles (2) :
Madame,
« La mort d'un héros citoyen n'est pas seulement un sujet d^af-
« fiiction pour ses parents et ses amis, c'est un malheur public.
« Toute la France est en deuil ; toute la France pleure M. votre
« fils. Permettez-nous de môler nos larmes aux vôtres. S'il a ho-
« noré sa famille, il a également honoré son pays et son siècle.
« L'univers entier lui doit des regrets. Ah I si au prix des plus
V pénibles sacrifices, nous avions pu lui sauver la vie, n'en dou-
« tez pas, Madame, il n'en est aucun que nous n'eussions fait
a pour lui, et nous partagerions avec vous le bonheur de possé-
« der ce digne émule de d'Assas. Comme lui, il s'est dévoué pour
« la patrie. Il s'est sacrifié pour épargner le sang de ses frères et
« pour leur éviter des crimes. Quelle vertu sublime à vingt ans I
« Puisse cette idée si touchante se présenter souvent à votre
« souvenir et à celui de son^malheureux père I Puisse-t-elle vous
« aider l'un et l'autre à supporter votre douleur et vous fournir
« les consolations dont vous avez besoin I
La municipalité de Nancy, de son côté, écrivait à celle de Saint»
Malo:
V
(f) Serrice fanèbre du Héros de Nancy. Registre D. i, LL. 22.
(2) Copies de lettres. C. 1, octobre 1770. Registre D. 2^ LL. 39^
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f- M'
xUdré dbsillès ij
« Nous avons suspendu de vous exprimer nos sentiments dans
« Tespérance que l'Eternel qui, jusqu'alors, avait veillé d^une
« manière si signalée sur des jours aussi précieux rendrait à nos
« VŒUX et à ceux de tous les bons citoyens le libérateur de notre
« cilé.
« La Providence en a disposé autrement... Permettez qu'en
« épanchant nos cœurs dans les vôtres sur la perte que fait
« notre ville, et que, en félicitant la vôtre d'avoir donné le jour à
« cet Immortel, nous vous représentions que nous n'avons fait,
a Messieurs, que ce qu'eussent fait tous vrais citoyens qui se
« fussent trouvés à notre place, trop heureux de seconder les
*< généreux efforts de cet officier qui voulait, en sauvant Thon-
« neur de son régiment, épargner la vie à des milliers de braves
«soldats qui votaient à notre secours, et celle de nos concitoyens
« dont les jours eussent couru le plus grand risque, si malheu-
« reusement notre garnison eût eu le dessus.
Quand à Hœner, il répondit, dans ces termes, à la lettre que
lui avait adressée la municipalité de Saint-Malo (1) t
«C'est à juste titre que vous vous enorgueillissez d'avoir M. De-
« silles pour concitoyen. Autrefois les villes les plus célèbres de
« la Grèce prétendaient tirer leur gloire d'avoir donné naissance
« aux héros d'Homerre (sic). Que ne m'est-il pas donné de
« peindre M. Desilles, lorsqu'arraché à la bouche d'un canon, il
€ se précipita sur la lumière des deux à la fois, les rougit de son
« sang, et ne s'en sépara que quand les forces lui manquèrent.
« Je l'^i vu, ce trait d'un dévouement jusqu'alors inouï et je sens
« qu'il n'est aucune expression pour le rendre...
<x Sans l'héroïsme de M. Desilles, toute l'avant-garde de
« M. de Bouille était détruite; nous eussions infailliblement péri.
« Surtout nous qui étions au premier rang. Je lui dois la vie,
« ainsi que mes braves compagnons. »
Il importait aussi de perpétuer l'image du héros.
Un jeune artiste de Saint-Domingue, de Mulnier, t[ui était son
ami et l'avait assisté durant sa maladie, s'était empressé, après
le décès, de « mouler sa tête chérie de la main qui pansa ses
plaies n.
. Ce moulage lui servit à faire un buste, et étant à la veille de
retourner dans son pays, il le remit à Le Barbier, peintre du
(I) Liasie DesiUes. A. 3 bis LL. 90. Pièce 1&2.
JMvier 1909 i
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KVl
U R&VUB DE BREtAGNE
roi, qui avait été envoyé à Nancy, atin de recueillir les docu-
ments nécessaires pour perpétuer sur la toile le haut fait du
« martyr des lois »«
De retour à Pariai Le Barbier offrit ce buste à TÂssemblée
• nationale.
La remise en fut faite, le 26 janvier 1791^ par six cents
bommes, (grenadiers, chasseurs et fusilliers du bataillon «le
Montmartre.
Ils décorèrent ce buste, dont ils avaient reçu le précieux dépôt,
de la CTQix de Saint-Louis, lui donnèrent comme piédestal un
bouclier orné de drapeaux, et sur un faisceau de lances, mu-
sique en tfite, allèrent le déposer en pleine séance, sur le bureau
des secrétaires.
A Tarrivée du cortège, toute TAssemblée se leva, et debout,
tdtQ nue, écouta Tair : Un guerrier par un coup funeste.
Alors, le député Le Barbier couronna de lauriers Teffigie du
héros malouin. Les soldats défilèrent devant elle, lui faisant
toucher, comme à une relique, la lame de leurs sabres. Enfin,
.séance tenante, l'Assemblée décida que ce buste serait désor-
mais conservé aux archives, et que le tableau commandé au
peintre Le Barbier ferait pendant au Serment du Jeu de Paume,
de David (1).
Quelques jours avant cette apothéose^ le 12 janvier, la muni-
cipalité de Saint-Malo ayant demandé à Desiiles un bubte ou un
portrait de son fils, celui-ci lui avait répondu de la Posse-Hin-
gaut : « Le Barbier, peintre du roi a été envoyé à Nancy par
« l'Assemblée nationale, afin de prendre sur les lieux les ren-
« seigoements nécessaires pour peindre la malheureuse action
a du 31 août. Il a de plus obtenu un buste de mon fils dont il m'a
« ditqu'il comptait tirer peu d*exemp]aires : un pour le roi qui
« a eu la bonté de le demander, un pour l'Assemblée Nationale,
« un pour la municipalité de Saint-Malo. et un pour moi » (2).
Qu'est devenu le tableau de Le Barbier ? Je l'ignore. 11 a dis-
paru, mais quelques-unes des gravures destinées à le vulgariser
existent encore,au moins chez les vi illes familles de Saint-Malo.
Quant aubuste de l'Assemblée Nationale, Le Barbier en sculpta
une copie qu'il offrit à la ville de Saint-Malo, où elle arriva en
morceaux, en avril 1701.
(t) Archives nationales, Procèt-verbauz, carton C. 47, précité» dossier C, 0487«
(S) CopiM de letiros. MumoipaUté de Saint-Malo à M. Dessilles.
k
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-■.^ -Uf^.^J . .^V-^'
» ANDRÉ DESiLLES Itf
De retour à Saint-Domingue, Mulaer en flt une réplique pour
la ville de Gap, où elle fat inaugurée» au mois de mai 1790.
L'image touchante de Desiïies devint du reste à la mode et
inspira une vraie légion d'artistes. Ainsi, Julien, autre peintre
du roi, Tilly,Godeffroy, Laurent qui la gravèrent sur cuivre»
Le It janvier 1791, un nommé Martit, se disant sculpteur du
prince de Condé, proposait à la ville de Saint-Malo un bas-relief
de cire, avec cette légende : M, de BouUli entre à la tête de l'ar-
més^ la Vicioire l accompagne^ Desiïies développé sur le canon
fixe les Suisses et attend la mort en Brelan, La discorde plane sur
tes mulins et les excite au combat « (1).
Le 18 janvier 1700, la citoyen Palloy, « le raseur de la Bastille»
avait annoncé à la municiputlité de Saint-Malo l'envoi d*ane
caisse de forme plate, peinte l'n noir qui contenait : < une de ces
pierres dures provenant de ces cauhots affreux que noua avons
eu le bonheur de démolir,., et réservée pour y graver rhisloire
de Desilles^ mort des blessures dont ii a été couvert en se dé-
vouant pour sauver sa patrie du fléau d'une guerre civile-*- »
« Je vous prie, disait le citoyen Palloy, de remettre cette pierre
■ dans le sein de sa famille rassemblée, vous verrez sur cette
« pierre une copie très exacte de la lettre que je lui ai écrite le
« 8 septembre dernier et, derrière le tableau, l'écrit qui sera sur
ti Tepitabe (jic/qui va lui être élevée à Nancy et dont j'ai fait
M Thommage à l'Assemblée Nationale, m La lettre se terminait
par une apologie de Onsilles et des Bretons, dans le style pom-
peux et emphatique de l'époque ('2).
Girard dessinait l'apothéose d'André Desille que Minerve, dans
les Champs-Elysées, présentait à Henri IV,
Le Théâtre Itaîien donnait \b Nouveau dAssas, et celui des
Nations (3) le Tombeau de Desilles, pièce de DesfontaineS; qui
faisait pleurer tous les yeux (4).
(1) Voir lettr« de Marti t, place 163. Lia«ie DeBUIe*,
{1} Lettre de Pdloy, pièce 164.
(3) Le Théitit! Fraoçaia.
(4) Le k mars, quand furent tlécouvêrte, au châl«?au de la FoMe-Hiogant, U
papiers concernant la conspiration de La Kouëne^ Marc D€'aHleti parvint à «é-
ekapper h Koilit''neuf, u'où il ^agna Jeraey.
La mort de «a fiUe, M'*' de Ja Kouctials, sunren&nt aprèii ceUa d^André dont il
ne «'était pas consolé, ébranla «a raison.
Pour eaaajer de ramener le cfiliue dani snn esprit, aes amîs résolurent de ïe
faire vayager, et avec lui a'^mbarquèrent pour rAn^^leterrc.
Le navire périt eorpa et biens, etdiins ce tragique événement l'étôiguit le iionj
héroTqua dsi UeiiUei.
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20 REVUE DE BRETAGNE
BieDtôf, ia tourmente révolutionnaire emporta toutes ces apo-
théoses, ces élégies, ces peintures et ces marbres.
Au retour de la royauté, Louis XVIII reçut, comme un présent
digne d'un roi^ Tépée de Desilles. Mais, il oublia toujours de
faire ériger dans la cathédrale de Nancy le mausolée qui devait
remplacer la dalle sous laquelle repose toujours, dans l'oubli, le
héros malouin.
La ville de S^int-Malo s'est contentée du portrait tout fantai-
siste qui, depuis 1838, orne son panthéon qu'on appelle la salle
des Grands Hommes*
C'est donc seulement une toute petite miniature pieusement
conservée par la fiancée du héros de Nancy, qui, aujourd'hui en
réalité, perpétue son 'image. Quant à son nom, il n'est plus
porté que par une croix de granit (i) qui se dresse, sur le revers
d'un fossés au bord de la route allant de Paramé à Saint-Coulomb.
E. Hbrpin.
(I) La eroix des lUes.
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•T^^;s£3s:^:z:^.'::^^::p::^:rD':&-:iii^-^^ ^^it^7^:.\ Utt>-.A^:i^L!i:s sr^-rgca ii^ivi^ " T'7i !°&'^^
LA PAROISSE DE U RENAUDIËRE
EN 1683.
La paroisse de la Renandiôre et sa trêve, Le Planty, firent partie du
diocèse de Nantes jusqu'au 6 juin 1802» jour de l'installation du
premier évéque concordataire d* Angers. Le Planty avait cessé d*6trê
paroisse au XV** siècle. La paroisse de la Renaudière appartient
aujourd'hui au doyenné de Montfaucon-sur-Moine.
Le mercredi 12 mai 1683, Mavin-Antoine Blnet, grand archidiacre de
NanteSy fit la visite canonique de la Renaudière, assisté de Messire
Charles Richard, son promoteur, et de maître Etienne OroLLeau, secré-
taire. Voici le procès-verbal de la visite (1) :
Le 2 mai i683j sur les neuf heures du matin^ visite de t église
paroissiale de Notre-Dame de la Renaudière, en la province
d'Anjou, contenant 400 communiants, en la présentation de l'abbé
dp Saint-Jouin-de^Martie^ et du seigneur de la maison de la Thé"
viniérey qui est aujourdhui M, du Plessis de Geste, chacun à son
tour et rang. Le seigneur de Geste, sur la démission gu^a faite
Messire Jacques Adam, ci-devant curé de cette cure, entre les moins
du Pape, et en faveur (Tun autre particulier^ y a nommé Messire
Jean Moussay, qui fait à présent les fonctions curiales. Ayant été
reçu en la manière qu'es précédentes visites par le sieur Moussay,
et ayant fait les mêmes prières et oraisons, nous avons visité le
tabernacle. Le Croissant du soleil n'est point doré ; les chaînons
de la lampe de cuivre qui est au-devant et le lamperon sont usés
et ne valent plus rien. Nous avons été informé que feu Messire
Charles Couturier^ recteur de cette paroisse (2), a donné à la
fabrique ÔOO livres pour entretenir cette lampe ardente, et cette
somme a été colloquée par un chapitre de la paroisse en deux con-
trais de constitution, aont l'un est de 8 livres sur la famille
(l) Archives de la Loire-Inférieure, G. Bî.
(3) Prédécesseur de M. AdaxD» devenu curé de Craon (Mayenne).
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22 REVUE DE BRETAGNE
Boissière, et Vautre de 17 livres sur feu Michel Guillet. Après la
mort de ce dernier y les fabriqueurs se sont emparés^ par sentence^
d'une maison et de cinq boisselées de terre hypothéquées pour cette
rente, et ils (es ont affermées 49 livres. Ils pàie?it 25 livres à
Michel Dabin pour Ventretien de la lampe, par un marché fait
avec lui. Messire Jacques Cotolleau, ci-devant recteur de Saint-
Jean-de'Montfaucon, et grand nombre de paroissiens se sont
plaints que Dabin n'entretenait pas la lampe toujours ardente et
ne se servait que d'huile puante de poisson. Sur ce, nous avons
ordonné de ne se servir que d'huile d'olive et de tenir toujours la
lampe allumée. — Il n'y a point de dais au-dessus des fontSy
tampoiile gui sert à porter les saintes huiles aux malades est
usée^ et il en faut une neuve d'argent, autant que possible, avec
une bourse violette à grands cordons pour passer au cou des
prêtres. Le cimetière est malpropre, rempli d'épines et mal clos.
L'église est fort belle et bien lambrissée mais mal carrelée ; elle
n'est point consacrée, et il y a dans la nef deux autels sans orne-
menis. Dans la sacristie, il y a point d'armoire pour serrer les
ornements, l'encensoir de cuivre est entièrement usé, il y a une
patène qui n'est point dorée, il n'y a point de fallot à porter
devant le Saint-Sacrement, il n'y a point de coffre pour les
archives. La plupart des papiers des archives ont été emportés par
le précédent curé. Il n'y a point d'inventaire de ces papiers ni des
meubles de l'église^ et les fabriqueurs n'en sont point chargés
dans les formes.
Lesdites choses visitées, nous sommes ailés prendre nos places
sur le marchepied du grand autel, à la manière ordinaire, où le
sieur recteur nous ayant présenté son brevet de visite, notre secré-
taire en a fait l'évocation comme il suit :
Becteurs : Messire Jacques Adam^ Messire Jean-Baptiste
Moussay, se disant pourvu de la cure. — Prêtres : Messires
François Ripoche, chanoine de Saint Julien d'Angers, Louis
GuérÎD^faisant les fonctions de vicaire. -^Fabriqueurs précédents :
Macé Jamio, François Garreau. — Boîtier des trépassés : Pierre
Coiffard, qui l'estdepuis deux ans. —Témoins synodaux : Jacques
Boissière, notaire, Michel Courbet, Jacques Chevallier^ Jacques
Boissinet, Macé Ripocbe, Jean Ripoche.
Obligations du sieur recteur. — Il déclare être obligé à l'admi-
nistration des sacrements, aux catéchismes et prônes en chaire,
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1,-R-HH^^ *>.J ,
LA PAROISSE DE LA RENAUDIÉRB 23
aux processions, grandes messes, vôpres, et de plus à Matines,
Laudes et Gomplie aux fêtes solennelles, et une messe par semaine
à jour non limité en Téglise paroissiale et une autre messe basse
tous les dimanches matin, en la chapelle de Notre-Dame du
Planty outre la grande paroissiale, à Tofflee entier en cette cha*
pelle aux fêtes de l'Assomption et de saint Laurent, le tout ainsi
qu'il est justifié par les anciennes visites. — Son revenu consiste
en sa maison presbystérale, jardin et pré se joignant, terre la-
bourable et autre pré proche le bourg, plus un quartier de vigne
près Montfaucon, une borderieau Planty, et en 17 septiers de blé
de rentes reqaérables dûs par plusieurs particuliers, et en ce qu'il
lève de dîmes dans la paroisse qui peuvent valoir 45 septiers de
blé et 6 pipes de vin,' outre les menues dîmes. Le tout de la cure
peut aller à environ 1.000 livres.
Chapelle paroissiale. — Celle de N.-D* du Planty, dont il sera
question plus loin. Plusieurs des paroissiens se sont plaints de
ce que la messe due par le recteur en cette chapelle n'a point été
dite depuis deux ans.
Chapelle domestique. — Celle de la maison noble de la Mâche*
foUière, appartenant à M""* de Senonnes, laquelle est belle et
grande, bien propraet garnie de tous ornements. On y a trans-
porté la chapellenie de Sainte Catherine, fondée en l'église pa-
roissiale et à la présentation des propriétaires de cette maison,
consistant en 6 septiers de blé de rentes, chargée de deux messes
par semaine. Dame Marguerite Racappé, dame de cette terre et
de Senonnes, y a ajouté 50 livres de rente, à la condition que
Tune des messes soit dite le dimanche.
Chapellenies fondées dans Véglise paroissiale. — Celle fondée
par feu Mathurin Huteau, consistant en 3 septiers 14 boisseaux,
de rente et en 28 sols de rente, chargée de deux messes par se-
maine, possédée par messire Pierre Ripoche, aumônier de Mgr
l'Evêque d'Angers et doyen de Saint-Julien d'Angers. Le frère
du chapelain, M. Jean Ripoche, a déclaré que ce service a été
réduit l'année du grand jubilé par Tofficial de Nantea à une messe
par semaine, qui a été exactement servie et l'est encore par
messire Louis Guérin. — Celle fondée par feu Mathurin Barraud et
augmentée par messire Etienne Porchet, prêtre, à la présentation
de la famille Boissière, consistant en là moitié d'un grand logis,
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IV REVUE DE BRETAGNE
pn ee bourg, avec son jardin, et en la moitié par indivis de deux
oi]ciiesconteDantl2boisselées, la moitié de 5 boisseaux de blé
et la moitié d'un autre logis et jardin sis au village de TEcluzeaux,
Bien la moitié de trois septiers de blé, le tout valant 50 livres,
chargée d'une messe par semaine, possédé par ledit sieur Ri^
poche et servie par ledit sieur Guérîn, vicaire.
Légats fondés dans Véglise. — Celui fondé par Michel Barraud
et augmenté par ledit siear Etienne Porchet, à la présentation
de la famille Ri poche, consistant en l'autre moitié de tous les
revenus de la chapellenie ci-dessus, chargée d'une messe le
jêudifpossédé par Messire François Ripoche, curédela Varenne,
en Anjou, mais du diocèse de Nantes. •» Celui fondé par Pierre
Brejon et Jeanne Morioière, qui n'est pas encore homologué,
à la présentation de la famille Ripoche, consistant en 12 livres
de rente et 2 journaux de vigne, chargé de deux messes par
Autres fondations faites dans l église, ~ Une messe tous les
quinze jours à l'autel de sainte Anne, fondée par demoiselle
Jeanne Gourdon, dame de la Rallière. pour rétribution de laquelle
elle a affecté une maison et jardin appelé la Baroterie, sis en ce
bourg, desservie par les prêtres. — Un service de 3 messes
chîmtées fondé par la môme, pour rétribution 45 sols. — Plus
4 messes chantées fondées par la famille Barraud, dont la rétri«
bution est de 3 livres 15 sols.
Fonds de la Fabrique. — Quatre livres de rente pour quatre
messes. Une messe fondée par Jeanne Robichon, dont le fonds
consiste en 12 sols. Une rente de dix boisseaux de blé. Une rente
de 28 sols. Quarante sols de rente sur le logis appelé les Prairies,
qui est joignant le presbytère. Il revient 9 livres 10 sols du
marché des sacristains. Plus, le droit pour chaque fosse de ceux
qui veulent se faire enterrer dans l'église, droit qui n'est point
encore fixé : nous avons ordonné qu'avant un mois il sera tenu
chapitre dans les formes par la paroisse pour fixer la somme. On
porte par l'église durant les offices la boîte des trépassés, et une
messe est dite tous les lundis depuis la Toussaint jusqu'à Pâques ;
le surplus est employé à l'entretien de la fabrique.
Confrairie. — Celle du Saint Rosaire fait acquitter une messe
L
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LA PAROISSE DE LA RBNAUDiÈRE 35
par mois, et procession après vêpres Içs jours des fêtes de la
Vierge. Son fonds consiste en la boîte du Rosaire et offrandes qui
se font à t'autel. Les deux prévôts de.ceUecoiïtrairie sont Jean
Ripoche et Pierre GoiEfart.
L'évocation terminée, tous les paroissienà nous ont remontré
que le prône et le catéchisme n'étaient point faits du temps du
précédent curéy et que les ordonnances synodales n'avaient point
été lues ni la plupart des services faites ou on ne savait quand,
d'autant qu'il ne les avait jamais indiqués à ses prônes et qu'il
liy en avait aucun tableau dans l'église. Nous avons ordonné que
les fabriqueurs, prévôts de la confrairie et boîtiers^ qui n'avaient
pas rendu leurs comptes depuis 29 ans, malgré les ordres qu'ils
avaient reçus lors de la dernière visite de le faire devant le feu
recteur de Tilliers, iraient les rendre à Vévêché de Nantes dans
trois mois.
Ce fait, nous sommes entré à la sacristie avec notre secrétaire
pour recevoir, en la manière ordiyiaire, les déclarations des
témoins synodaux et autres qui voudraient se présenter.
Après quoi, nous sommes retournés au presbytère : après avoir
vu l'approbation du vicaire et lui avoir donné ainsi qu'au recteur
les avis que nous avons jugé ^nécessaires, le recteur n'étant pas
encore meublé, nous en sommes partis avec le recteur et les prêtres
pour aller à la maison de la Mâche follière, où la dame de Senon-
nes nous avait convié d'aller dîner. Incontinent après, nous som-
mes partis pour aller faire la visite suivante.
Avant d'arriver à Téglise paroissiale de la Renaudière, le grand
archidiacre de Nantes avait, dès 7 heures du matin, fait la visite de la
chapelle de N.-D. du Pianty, « feuillette de l'église de la Renaudière, et
éloignée de demi-lieue d'icelle ».
Nous avons été reçu, au soa des deux cloches, par Messire Louis
Guérin, vicaire delà Renaudière. Après nos prières faites à la
Sainte Vierge, nous avons vu que cette chapelle est belle et
grande, composée d'un chœnr et d'une nef. La maçonnerie est
dégarnie de chaux en quelques endroits, à cause de l'humidité
du lieu où elle est bâtie. Les fenêtres sont fort petites. La cou-
verture en tuile est fort vieille mais assez bien entretenue. Il y a
trois autels, et pour toute parure une image en bosse de la
sainte Vierge attachée à la muraille. Le sacristain et autres
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' ■-*■■'
36 REVUS DE BRETAGNE
présents nous ont dit qu*il y avait eu autrefois des fonds et que
M. }e curé de la Renaudière était obligé de faire dire en cette
chapelle une messe basse tous les dimanches ; et aux fôtes de
TAssomption et de Saint-Laurent, Matines et Laudes, grandes
messes, Vôpres et Complies. Ils se sont plaints que cette messe
baBse n'avait point été acquittée par le curé défunt depuis deux
ans.
M. Moussay, qui Tenait d'arriver dans sa paroisse» mourut le 2 sep-
tembre 1706. 11 avait résigné saoure à son neveu, quelques années
auparavant. Nous devons cette oommunication à M. TabM Hautreux,
curé du Champ (Maine-et-Loire).
F. UZURKAU,
Directeur de VAnfou Hiiioriguê.
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w'.i^*o Ti^ ■" • . . • • , * , '.-■'■.'"**•■•/ ' ^' ■ > ^;' ^V .
. CONTES DE GRAND'MÉRES
(Suite) (1).
LE MARQUIS DE CHAPOLORYS
. Au temps passé vivait au fond des bois/ dans un vieux manoir
délabré, le marquis de Ghapolorys.
Il avait été longtemps un des plus puissants seigneurs dU'
royaume, mais des courtisans, jaloux de la faveur dont il jouis^
ssit.auprès du roi, avaient trouvé tnoyen de mêler son nom à un
gmve complot, et le pauvre marquis, brusquement disgracié,
avait été exilé de la cour sans pouvoir se défendre.
Tous ses bieos ayant été confisqués, il ne lui restait qu'un
petit castel perdu dans une vaste forêt. Il y vivait pauvrement
avec sa femme et ses trois filles, conservant malgré tout l'espé-
rancede voir un jour ses calomniateurs démasqués.
Au moment où commence notre histoire, il y avait déjà bien
des années que le marquis de Ghapolorys attendait la justice du
roi. Sa femme était morte, il ne lui restait plus que ses trois filles
devenues avec le temps grandes et belles.
Arthémise et Oriane, les deux aînées, se rappelaient la vie
opulente d'autrefois et regrettaient amèrement la disgr&ce de
leur père, disgr&ce qui les tenaient éloignées de la cour, sans
même l'espoir d'y rentrer par quelque riche mariage.
(I) Voir la Rwue de décembre 1908.
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ife*-. •
w
28 REVUE DE BRETAGNE
C'est bien la pp.ine d'élre faites comme nous pour mener
pareille vie^ disaient-elles souvent avec dépit.
Le pauvre marquis, fatigué de leurs incessantes récrimina'
tions, disait parfois en soupirant: — Ah! si j'avais un fils III pour^
rail présenter ma défense au rui et mon innocence serait peut
ôlre reconnue... A ceci les deux péronnelles ne manquaient pas de
répondre qu'elles étaient bien marries en effet de n'être que des
filles obligées de garder la maison au lieu de courir le monde à
leur guise.
Isabelle, la plus jeone, ne ressemblait en rien à ses sœurs.
Elle aimait tendrement son père et mettait tous ses soins à
adoucir ses ennuis. Elle l'entraînait à de grandes promenades
dans là forêt ou passait avec lui de longues heures dans la vieille
bibliothèque, et quand il était avec sa chère Isabelle le vieux
marquis oubliait presque ses chagrins. Il s'occupait à l'instruire
et lui avait enseigné tout ce qu'une fille de qualité doit savoir, et
même un peu plus, car elle aimait l'étude et il lui plaisait d'y
employer son temps, tandis que ses sœurs ne rêvaietit que coif-
fures nouvelles et ajustements au dernier goût.
Cependant la jeune fille sentait bien que son père n'était point
résigné à son injuste disgrâce. Elle s'en affligeait pour lui et
rêvait à son tour aux moyens d'amener le roi à connaître la
yérîLé.
Un jour que le marquis exprimait» pour la centième fois
peut-être, le regret de n'avoir pas un fils pour le charger de sa
défense :
— Mais pourquoi ne prendrais-je pas sa place? dit tout à cou
IsabedeJe merendrais à la cour sous un déguisement,et je trou
veraiâ bien là quelqif'un de vos amis d'autrefois pour me donner
accès auprès du roi et me procurer le moyen de lui présenter
votre défense.
Le marquis ne put se garder de sourire.
^ Je ne vois pas très bien mon Isabelle jouant le rôle d'un
hardi cavalier, dit il.
— Et pourquoi donc, mon père? Grâce à vous je sais monter
à cheval et tirer l'épée, ce sont accomplissements de gen-
tilhomme; mes sœurs me traitent souvent de page en ju-
pons, j'en revêtirai le costume et ainsi équipée j'écarterai tous
les soupçons.
— Hélas ! mon enfant, fit le marquis ému, la cour n'est point
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, CONTES DE GRAND'MÉRES 29
telle que tu Timagines, Tiotrigue y est puissante et les fldàles
amitiés rares. Il ne m'est pas possible d'autoriser une démarche
qui serait sans doute inutile pour moi et non sans danger pour
toi.
Ce refus ne découragea point Isabelle> elle insista près de son
père, le suppliant de lui laisser tenter le sort, et fit tant et si
bien que sans dire positivement oui, il ne disait plus absolument
non.
Arthémise et Oriane, en apprenant ce projet, se récrièrent
hautement et raillèrent à Tenvi la présomption et Taudace
de leur sœur. Celle-ci, sans s'émouvoir, leur expliqua tout au long
son id<^e et les moyens qu'elle comptait mettre en œuvre. Elles
changèrent alors d'avis, mais prétendirent qu'une telle démar^
che revenait de droit à Talnée de la famille et don à la plus jeune,
et pressèrent tant le marquis que, de guerre lasse, il finit par
autoriser Arthémise à se rendre à la cour.
L'orgueilleuse jeune flile. qui voyait surtout dans ce voyage
une diversion à la vie monotone dont elle se plaignait, flt prépa-
rer un équipage aussi complet que le permettaient leurs modi-
ques ressources et, métamorphosée en un page élégant, partit
un beau matin suivie d'un vieux domestique qui avait servi le
marquis de Ghapolorys au temps de sa faveur et Tavait accom-
pagné dans son exil. Le vieux Bertrand était aussi prudent que
fidèle, c'est pourquoi son maître l'avait chargé de veiller sur
sa fille.
Ils chevauchaient depuis plusieurs heures et la belle Arthémise,
habituée surtout aux longues flâneries devant son miroir, com-
mençait déjà à trouver le chemin long, quand un écart de son
cheval faillit la désarçonner. Elle réussit à reprendre son équi-
libre et aperçut une vieille femme toute déguenillée, dont l'appa-
rition inattendue avait effrayé sa monture.
La mendiante la salua humblement et pria « le beau seigneur »
que la Providence avait conduit vers elle de la prendre en pitié
et de lui venir en aide. Sa brebis était tombée dans la fontaine
d'où elle ne pourrait réussir à la retirer et cette brebis était sa
seule ressource.
— Eh I répondit dédaigneusement la jeune fille, j'ai autre chose
à faire que d'alleï^ repécher un mouton, passez voire chemin, la
vieille.
Mais la femme s'était redressée : -^ Allez» mademoiselle, dit-elle
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Z9 RBVUJB DB BRETAGNE
d'une voix sévère, et soyez sûre que vous ne réussirez pas dans
votre entreprise.
Ces paroles jetèrent le trouble dans l'esprit d'Arthémise. Si
une simple mendiante devinait son déguisement^ ce n'était pas
la peine de continuer sa route pour s'exposer aux quolibets des
seigneurs de la cour. Elle se décida donc à revenir sur ses pas et
rentra au logis iàsse et confuse.
Oriane, apprenant sa mésaventure, la railla de son peu de
persévérance et se déclara décidée à tenter le sort. Les prépa-
ratifs ne furent pas longs et, à quelques jours de là, elle partait
à son tour revêtue du costume de page et suivie du Adèle Bertrand.
Elle se promettait de profiter de l'expérience de sa sœur et de ne
point refuser son assistance aux vieilles mendiantes qui la lui
démanderaient. '
Ce ne fut point une vieille mendiante qu'elle rencontra près de
la fontaine, mais une jeune paysanne pauvrement vêtue qui vint
la prier timidement de l'aider à relever son &ne tombé dans on
bourbier d'où, malgré tous ses efforts,il ne parvenait pas à sortir. '
— Vous me la b&illez belle avec votre &ne embourbé, répondit
Oriane, croyez- vous que je m*eo soucie ? J'ai bien autre chose en
tdtCf Et elle se disposait à continuer sa route quand la paysanne
Tarrôta d'un geste :
— Allez, mademoiselle, dit-elle gravement, et soyez sûre que
vous ne réussirez point dans votre entreprise.
A ces mots où se retrouvait l'écho de la malédiction jetée à
son atnée, la cadette perdit contenance et s'en retourna la tête
basse, disant qu'il était bien inutile d'espérer imiter les allures
d'un noble cavalier quand on avait passé sa vie enterrée dans les
bois.
L'échec de ses sœurs ne découragea pas Isabelle. Sans rien
dire elle s^occupa d'ajuster à sa taille le costume de page qui
devait lui permettre de paraître à la cour puis, quand tout fut
prftt, elle annonça son intention d'aller trouver le roi.
Arthémise et Oriane ne perdirent pas cette occasion de railler
la « pécore » qui avait la prétention de réussir alors que toutes
deux avaient échoué au premier pas. La jeune fille les laissa dire.
Elle avait le consentement de son père, cela lui suffisait. Elle par-
tit donc de grand matin, comme ses «œurs, sufvie du fidèle Ber-
Ir^nd qui l'avait vue toute petite et lui avait souvent servi d'écuyer.
lU allaient bon train et se trouvèrent bientôt près de la fontaine
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-«^lB»ftW^ «Vf:
CONTES P£ GRAND'MÉBES 3^
qui avait été le terme du voyage de«i deux atoées. Une toute
petite Rl\e était assise sur le bord, pleurant à chaudes larmes.
Aussitdl la bonne Isabelle s'arrêta pour lui demander la cause
de son chagrin, et Tenfant ayant répondu que son agneau était
tombé dans le doué voisin, où bien sûr il allait se noyer, elle
appela son domestique et tous deux retirèrent de l'eau la pauvre
bote qu'ils réussirent à ranimer. Puis la jeune fllle se remit en
selle tandis que la petite bergère ne cessait de lui répéter : — Dieu
vous bénira, mon beau seigneur^ et vous fera réussir dans toutes
vos entreprises.
— Que le ciel t'entende, mon enfant, répondit. Isabelle heu*
reused'un souhait qui lui semblait debon augure; et elle s'éloigna
rapidement pour rattraper le temps perdu.
Les voyageurs arrivèrent enfin à la ville où résidait le roi. Le
marquis de Ghapolorys avait remis à sa fllle quelques lettres
adressées à d'anciens amis auxquels il recommandait son filé
« le chevalier Robert », qui venait à la cour pour la première
fois et aurait sans doute besoin de leui;> appui.
Hélas l plusieurs des amis du marquis étaient morts, d'autres
avaient pris parti pour ses ennemis et s*étaient enrichis de ses
dépouilles, d'autres enfin avaient quitté la cour. Isabelle com-
•mençait à désespérer quand ^ bonne étoile lui fit rencontrer un
vieux duc^ veuf et sans enfants, qui vivait fort retira avec sasœur>,
une respectable chanoinesse encore plus &gée que lui.
Les deux vieillards firent très bon accueil au jeune chevalier.
{^e duo montra d'abord quelque surprise, il avait toujours cru,
disait-il, que le marquis de Ghapolorys n'avait que des filles ;
mais sa sœur la chanoinesse lui fit observer fort à propos que
ses souvenirs n'étaient pas toujours bien fidèles. La bonne
dame connaissait par le menu le nobiliaire de France et de^Na-
varre et se piquait d'énumérer tous les décès et toutes les nais*
sauces survenues dans sa famille sans se tromper d'un jour.
Elle déclara se fort bien rappeler la naissance et le baptême du
Jeune Robert et donna môme à l'appui certains détails qui fai-
saient le plus grand honneur à la sûreté de sa mémoirCf affirma
le duc. Avec de pareils répondants^ il n'était pas à craindre de
yohr élever le moindre doute sur la personnalité du chevalier
Robert de Ghapolorys, dont les manières courtoises et respec-
tueuses eurent vite gagné le cœur du noble duc, aussi bien que
celui de sa sœur.
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S3 aEVUE DE BtlÈTAi^Nfi
Le vieux seigneuF présenta iui-mdme au roi le Aïs de son
ancien ami. Son attitude modeste et digne produisit la plus
favorable impression, sauf peut-être sur les courtisans qui s'é-
taient partagés les dépouilles de son père ; mais ceux-ci ne s'en
montrèrent que plus aimables.
Cependant Isabelle ne se pressait point de remplir la mission
dont elle s'était chargée ; elle attendait de s'être assurée des pro-
tecteurs puissants avant de tenter la démarche décisive.
Tous les soirs le Adèle Bertrand avait un long entretien avec
sa jeune mattresse et lui rendait un compte exact de ce qu'il avait
vu et entendu. Le rusé compère avait retrouvé plus d'une
vieille connaissance parmi »les serviteurs de ce palais dont il
connaissait tous les détours et, pour écouter plus aisément, il
se prétendait sourd, ce qui lui permettait à la fois d'éviter les
questions indiscrètes et d'apprendre une foule de choses intimes
dont on parlait devant lui sans méfiance. Grâce à son strata-
gème Isabelle connut bientôt tous les ennemis du marquis, ainsi
que les rares amis qui lui étaient restés fidèles et pouvaient la
seconder.
Elle accompagnait souvent le vieux duc à la cour où elle rece-
vait un très gracieux accueil de la Reine et surtout du prince
royalf Celui-ci s^était senti attiré vers le chevalier de Chapolorys*
qui, murmurait-on déjà, n'était sorti' de sa province que pour
venir plaider la cause de son père.
L'audace d'une telle démarche chez un si jeune homme lui
avait plu et lui avait donné le désir de le connaître. Il s'était inté-
ressé à la conversation de ce simple gentilhomme aussi intelli-
gent qu'instruit, et ne perdait pas une occasion de s'entretenir
avec lui.
Le nouveau venu ne cherchait point à dissimuler le plaisir que
lui causaient les avances du prince Henry; mais, sans jamais
s'écarter du respect dû à son futur souverain, il gardait dans ses
manières une fierté et une indépendance qui charmèrent l'héri-
tier du trônei un peu blasé sur les adulations des courtisans de
tout &ge.
La Reine, qui veillait sagement sur son fils, remarqua cette
sympathie naissante. Le prince ne lui cacha point l'attrait singu-
lier qu'il éprouvait pour ce JQune homme si différent de ceux
qu'il avait rencontrés jusque-là. Elle ne s'en montra pas mécon-
tente. Le duc n^avait pas manqué de faire l'éloge de son protégé>
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:P-"''t
CONTES t>B GtlAND'MÈBBS àS
6i elle en était venue à penser que la société du chevalier serait
utile à son flts, un peu trop gâté par les complaisantes Batteries
de son entourage.
Isabelle et le duc, son conseiller, pensèrent enfin que le mo*
me;it était venu de présenter la défense du marquis deChapolorys.
Sa cause avait maintenant un avocat dévoué auprès du roi.
Celui-ci. toujours prévenu contre l'ancien favori, répondit sim*
plementqu'itexaminerait plus tard cette affaire ; mais il- engagea
le chevalier à attendre à la cour le résultat de l'enquête.
Le prince Henry fut enchanté de cette combinaison qui le
rapprochait de son nouvel ami. Tous les jours, dans les entretiens'
familiers qu'il avait avec sa mère, il s'étendait longuement sur
les talents' et les mérites de ce modèle des fils qu'elle, de son
côté, étudiait sans en avoir l'air.
Bile av^it remarqué chez lui une réserve extrême, rare chpz
les jeunes gens de cet âge. Cette remarque avait été bien*
tôt confirmée par les confidences du prince. Jamais, disait-iU
jamais sous aucun prétexte le fils du marquis de Chapolorys
ne s'écartait de cette réserve. Jamais la moindre incorrection
dans 8on langage ni dans sa tenue. Quelques instances qu'on
pût faire il ne buvait que de l'eau et, bien qu'il se montrât gai et
d'humeur enjouée, jamais un mot hasardé ne s'échappait de ses
lèvres.
La Reine d'abord s'amusa de ces allures si différeptes de celles
en usage à la cour. Peu à peu elle s'en étonna, une foule d'in-
dices qui lui avaient d'abord échappé lui revinrent à l'esprit ;
bientôt elle vint à soupçonner la vérité.
Elle ne parla point au roi de ce soupçon, préférant le tenir
caché jusqu'au jour où elle serait fixée, mais s'en ouvrit secrè-
tement à son fils qui se récria aussi fort que le respect le lui
permettait.
— Vous n'y pensez pas, ma mère 1 Une fem me, le chevalier Ro-
bert I Le plus infatigable des compagnons, toujours prêt à se'
livrer aux plus' folles chevauchées et qui tire l'épée comme un
mousquetaire l
li est vrai qu'il conserve môme alors cette parfaite correction
de tenue que vous avez remarquée, et j'ai plus d'une fois' insisté'
pour le faire se mettre à l'aise ; mais son père ne souffrait,
paratt-il, aucun laisser-aller et l'a si bien accoutumé à ces ma-
nières qu'il ne saurait s'en départin
Janvier 1909 " s
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M RIVOR DS BRETAGNE
-^ Tout cela est bel et bon, mon fils, et il se peut que le mar-
quis de Ghapolorys qui était, si je ne me trompe, un gentilhomme
de vieille roche ait habitué son fils à une austère discipline ;
néanmoins je garde mon idée. Il ne tient d'ailleurs qu'à vous
de connaître la vérité.
*- Et comment cela, ma mère, dit le prince interdit, comment
pourrai-je laisser paraître un tel soupçon ?
— Ah ! reprit la Reine, que les jaunes gens d'aujourd'hui ont
peu d'invention ! Mais vous avez mille et une façons de tout
savoir sans rien demander. Voyez ces superbes roses, les aviez-
TOUS jamais regardées ? J'en doute car les hommes font peu de
cas des plus jolies fleurs ; mais les femmes ne pensent pas de
môme, une fleur les ravit, surtout quand elles sont rares et
belles. Aussitôt qu'on leur en offre une elles l'admirent, la res-
pirent avec délices, souvent môme rattachent à leur corsage
pour la conserver plus longtemps près d'elles.
Conduisez donc votre ami dans cette serre, offrez-lui une des
plus belles roses et vous verrez quelle est son attitude. Si je me
suis trompée votre présent sera sans doute bien accueilli, mais
vite oublié et, pour peu que la conversation soit animée, la rose
ira bientôt tomber dans la poussière. Demain, sans plus tarder,
il faut tenter cette épreuve.
— - Il sera fait comme vous 1^ désirez. Madame, répondit le
prince. Et tous deux s'éloignèrent sans remarquer le fidèle Ber-
trand, vôtu en jardinier, qui travaillait près d'eux et n'avait pas
perdu un mot de la convt rsation.
Quand Isabelle apprit les soupçons de la Reine elle se prit à
trembler. — Qu'arrivera-t-il, mon Dieu, s'écria-t-elle, si on dé-
couvre ma supercherie !
— Basic, dit Bertrand, ce n'est pas cette fois qu'on ladécouvrira
puisque nous savons de la Reine elle-môme le moyen d'y parer^
Vous profiterez de l'occasion pour presser le prince d'obtenir du
roi l'examen de votre mémoire. Que l'innocence de votre père
soit d'abord reconnue, ensuite il sera temps d'aviser.
Le lendemain Isabelle se rendit au palais à l'heure accou-
tumée. Elle avait l'air si préoccupé que le prince faillit oublier
la recommandation de sa mère.
Celle-ci ne manqua pas de la lui rappeler et suivit des yeux les
deux jeunes gens qui se dirigeaient en causant vers le^ serres.
Us en sortirent bientôt, parlant avec animation. Robert tenait à
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GONTfiS DB GRANJ)'MÈRBS 35
la main tiae superbe rose qu'il tournait machinaldinent entre ces
doigts et qui s'effeuilla sans qu'il y prît garde.
Ils rentrèrent ensuite et le prince alla faire part à sa mère du
résultat de l'épreuve.
— Je sais, dit-elle un peu songeuse, j'observais de loin votre
ami, mais n'avez- vous rien remarqué dans son attitude quand
vous lui avez donné cette fleur ?
— Il m'a reo^ercié courtoisement, selon sa coutume, mais
riea de plus. Il avait d'autres pensées en tôte \ il s'afflige devoir
le temps passer sans rien chani^er à la situation de son père et
je lui ai promis d'obtenir du roi que sa supplique soit examinée.
Ne joindrez-vous pas vos instanci^s aux miennes ? Aussi bien il
me semble que vou^ lui devez réparation.
^^ Soit, dit la Reine. Et le Roi^ pressé par ses prières et celles
de son flls^^ consentit enfin à prendre connaissance du mémoire
déjà presq n'oublié.
Cependant les soupçons de la reine n'étaient point dissipés.
— Notre épreuve çst arrivée mal à propos^ dit-elle à son flls,
votne ami était trop préoccupé da son père quand vous lui avez
offert la fleur, il faut essayer autre chose» Que ne l'emmenez-
youji chasser dans nos bois de Verviers ? Il s'y trouve un petit
-pavillon qui ne contient qu'une chambre habitable^ Vouspro-
' longerez la chasse de fdçon à être contraint d'y coucher et vous
/inviterez le chevalier à partager avec vous cette unique chambre.
S'il est ce qu'il prétend il acceptera après quelques façons, mais,
si j'ai deviné juste, vous vous en apercevrez vite à son émotion
et à ses refus obstinés.
— Il sera fait comme vous le désirez, Madame, dit le princci
et ii ^e mit à la recherche de Robert pour lui annoncer que les
pièces du procès de son père étaient enfin aux mains du roi et
' pour organiser la partie du lendemain.
Mais comment dire l'effroi de la pauvre Isabelle quand Bertrand
qui avait surpris les paroles de la reine lui eût appris l'épreuve
qui Tattendait 2 La première émotion passée, elle se mit à
. réfléchir auf moyeu de sortir d'embarras.
^-n Si seulement le prince pouvait dormir, (lit-elle enfin.
r- Rien n'est plus facile, répondit Bertrand, je connais près
d'ici un certain apothicaire dont le concours m'est acquis d'avance,
en appuyant la demande de bons écu? sonnants. C'est un habile
homme qui a plu9 d'une fois fai^i être pendu etil saura mesurer
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36 KBVUE DB BRRTAÛNÈ
I
si exactement la dose que ie prince s'endormira à la mionte
dite.
— Surtout qu'il prenne bien garde, dit Isabelle. J^. ne veux
pas risquer de rendre le fils du roi malade, ni môme de Tincom-
moder.
— N'ayez crainte Je vous réponds de mon apothicaire comme
de moi-môme ; il n'est pas homme à faire un mauvais coup sans
proAt.
Le lendemain matin la jeune fille équipée en chasseur partait
avec ie prince Henry pour les bois de Verviers. Elle cachait dans
son sein une petite flole dont le contenu devait, après un
temps fixé, amener un sommeil assez profond pour lui éviter
tout embarras.
Le gibier était abondant, et, quand les deux chasseurs pleins
d*entrain arrivèrent au pavillon où le dîner les attendait depuis
longtemps, il était trop tard pour songer à regagner la ville.
— Nous allons coucher ici, dit en riant le prince, et vous
partagerez avec moi Tunique chambre du logis.
— Il ne convient pas que j'occupe la môme chambre que
Votre Âitesse, je coucherai sur un matelas dans le corridor et j'y
dormirai le mieux du monde. A la guerre comme à la guerre.
Le prince insista et le chevalier se laissa persuader d'accepter
sans façons un honneur qui, dit-il, lui ferait des envieux ; pois
il semitgatmentà table avec son compagnon et versa habilement
dans son verre le soporifique préparé.
Tous deux firent honneur au repas et s'attardèrent ensuite à
causer près de la vaste cheminée.
Isabelle prolongeait à dessein la soirée pour laisser au narco-
tique le temps de produire son effet... Enfin le prince bâilla lon-
guement.
— Si nous allions nous coucher, dit-il, et il se dirigea vers
sa chambre suivi de la jeune fllle qui avait peine à dissimuler
son émotion.
Le prince se sentait gagner par un invincible sommeil. Il eut
bientôt fait de se mettre au lit et railla le chevalier qui ne
parvenait pas à dénouer les aiguillettes de son habit de chasseur;
mais quelques instants s'étaient à peine écoulés qu'il dormait à
poings fermés.
Isabelle poussa un soupir de soulagement et s'étendit dans un
fauteuil où elle reposa jusqu'au matin. Secouant alors son en«
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CONTBS DB GRANDlfÈRBS 37
gpurdissementt elle se leva et feignit d'achever sa toilette, tout
en surveillant le sommeil de son ami que ses allées et venues
finirent par réveiller.
^ Si vous ôtes lent à vous mettre au lit, dit celui-ci, vous ôtes
prompt à en sortir.
— C'est vrai au moins pour aujourd'hui, je dormais si mal
que, de guerre lasse, j'ai pris le parti de me lever; mais je crois
que vous avez eu plus de chance que moi et avez passé une
bonne nuit.
— En effet; j'ai dormi si profondément que je ne vous ai en-
tendu ni vous lever ni môme vous coucher.
— Je n'en suis pas surpris, reprit le faux Robert, et j'ai envié
votre sommeil, Monseigneur; puis rompant les chiens, que
vous semblerait-il d'une petite promenade dans la forât 7 Le
temps est superbe.
Le prince ne demandait pas mieux, et la promenade se pro-
longedy ai bien que le chevalier prenant prétexte de l'heure
avancée rentra directement à son logis pour s'y reposer des
fatigue? physiques et morales de la nuit précédente.
La reine attendait son flis avec impatience.
— Eti bien î dit-elle dès qu'elle l'aperçut.
-r- Eh bien, ma mère, tout s'est passé le plus simplement du
monde. Robert a d'abord voulu refuser l'honneur que je lui
faisais, mais il n'a pas été trop difficile à décider et n'a fait de
façons que tout jubte.
— Alors, insista la reine, vous l'avez vu procéder à sa toi-
lette ?
— Mais oui... c'est-à-dire tant que j'ai pu rester éveillé,
ajouta-t-il un peu embarrassé. Nous avions couru toute la journée
et j'avôis tellement sommeil que je me suis endormi en posant la
tête sur Toreiller^ alors qu'il en était encore à détacher son
habit. 1»
— Et ce matin ?
— Ce matin, l'enragé chasseur était déjà presque habillé et
prêt à partir, quand j'ai ouvert les yeux, car il est aussi matinal
que lent à s'njuster. Je l'ai môme un peu raillé à ce sujet.
— C'est trop fort, Uiis^ez-moi vous dire, mon fils, que vous
n'êtes qu'un sot, en trois lettres, d'avoir laissé échapper une
telle occasion. Vous avez dormi quand vous auriez dû veiller et
vous n'en s avez pas plus long qu'avant.
\L
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38 RSVUB DE BRETAGNE
— Vraimcnl, dit le prince interdit, vous me semblez, Madame;
en proie à un étrange parti pris. Je vous répète que Robert
n'a paru nullement troublé par ma proposition et vous recon-
naîtrez qu'il ne pouvait compter sur ce sommeil venu si mal à
propos.
— Qui sait, dit la Reine I.;. Mais, ajoùta-t-elle, il est impos-
sible de répéter cette épreuve et il faudra trouver autre chose.
En attendant j'observerai moi-môme.
Le lendemain, Isabelle déjà reposée se rendit de bonne heure
àia cour où le prince l'attendait avec une joyeuse impatience.
Il la conduisit auprès du Roi qui avait enfin achevé l'examen, du
mémoire du marquis de Ghapolorys.
— Vous aviez raison, chevalier, dit-il, votre père a été vic^
time d'une odieuse machination et il convient que, sans plus
tarder, nous réparions Tinjustice commise à notre insu. Sachez
donc que dès aujourd'hui le marquis de Ghapolorys est remis en
possession de tous ses titres et de tous ses droits. De plus j'en-
tends qu'il revienne au plus vite à la cour pour y recevoir les
marques éclatantes de la faveur qui lui est rendue.
Isabelle, ivre de joie, tomba aux genoux du roi en balbutiant
des remerciements. Il la releva en souriant.
r- Vous devez être doublement heureux, dit-il, car c'est bien
à vous que votre père doit sa réhabilitation. Nous avions de
fortes raisons d'être prévenu contre lui et, sans les instances de
la Reine et celle de mon Ois que vous aviez su intéresser à votre
cause, nous aurions trouvé fort inutile d'examiner à nouveau les
pièces de ce procès.
 ce moment la Reine entra et félicita Isabelle qui lui exprimé
sa reconnaissance en termes émus.
— Il s'agit maintenant, dit la Reine, de faire parvenir au mar-
quis une nouvelle qu'il doit attendre avec impatience.
— Mais si Votre Majesté le permet, j'irai moi-môme la porter.
Voilà bien longtemps que j*ai quitté mon père et il me tarde de
l'embrasser.
— Ah que non pas I interrompit la Reine, puisque le Roi
mande le marquis de Ghapolorys à la cour, il vous faut l'y atten-
dre. Assez longtemps vous avez vécu loin de la société qui con-
vient à votre âge. N'est-il paa vrai, mon fils î ajouta-t-eile en se
tournant vers le prince enchanté d'une solution qui lui permettait
de garder un ami de jour en jour plus cher.
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CONTCS PB.6RAND'MtR«S 39
Isabelle hasarda quelques timides objections. Le Roi TarrAta
d'un geste.
— Telle est la volonté de la Reine, dit-il, et il congédia la
jeune 611e interdite qui se demanda^lt avec inquiétude comment
finirait cette aventure.
Plusieurs jours s'écoulèrent* Le prince Henry ne quittait plus
son cher chevalier pour lequel il faisait mille projets. 11 le voyait
déjà pour le moins capitaine de la garde royale et officiellement
attaché à sa personne.
Cependant la pauvre Isabelle avait codifié son embarras au
fidèle Bertrand qui la tranquillisa de son mieux et lui conseilla de.
se préparer à partir au premier signal. Une occasion peut se
présenter, dit-il, soyons prêts à la saisir.
La Reine se montrait toujours aussi gracieuse avec l'ami de son
fils. Elle se plaisait à le faire parler de son père, de son enfancei
de sa vie passée ; mais ces conversations qui augmentaient encore
son estime pour lui ne dissipaient point le doute qui Tobsédait.
Un beau jour elle le fit appeler : —Je sais que vous êtes ^n
excellent nageur et qu'on peut compter sur vous ep toute circons*
tance ; aussi vais-je vous charger d'une mission de confiance. Le
prince a le projet de se baigner dans la rivière qui coule au pied
du coteau. Elle est profonde en cet endroit ; aussi lui ai-je fait
prqmettre de ne pas vous quitter, car il est fort imprudent et
parfois sujet aux crampes. Il est donc nécessaire qu'une personne
capable de le secourir en cas de besoin se tienae près de lui.
A ces paroles inattendues Isabelle pensa défaillir. Elle se remit
pourtant et répondit à la Reme que sa réputation de nageur
l^tait très surfaite ; mais elle fut congédiée avec ces paroles
ambiguës :
;.-* Allez, chevalier, nous vous connaissons mieux que vous
ne le pensez, et sachez qu'il nous appartient de juger comment
nos sujets doivent nous servir.
Plus paorte que vive la malheureuse s'éloigna sans mot dire.
Cette fois, pensait-elle, la Reine a deviné la vérité. Je n'ai plus
qu'à implorer sa clémence, car rien ne saurait me.sauver.
. -^ Ne désespérez point, dit une voix bien connue, et Isabelle
^perçut Bertrand qui, rôdant sous les fenêtres du palais, selon
ya coutume» avait tout entendu.
— Il vous faut, dit-il, obéir à la Reine et vous rendre au bord
de la rivière. Je serai caché tout auprès, et quand le prince aura
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40 HBVUB DE BRETAGNE
commencé à se dévêtir, je vous crierai que votre père se meurt
et vous attend. Gomme le prince ne sera pas en état <le vous
suivre, vous aurez le temps de gagner les bois où vous me
trouverez avec les chevaux. Une fois auprès de votre père, vous
n'aurez plus rien à redouter.
Isabelle, un peu rassurée, put affronter sans trop de trouble
les joyeux propos du prince Henry ravi de la partie organisée
par sa mère, et tous deux gagnèrent ensemble le bord de Teau."
Pendant que le prétendu chevalier procédait à ses préparatifs
avec une lenteur qui ^excitait la verve de son ami, celui-ci se
déshabillait rapidement et il était prôt à se mettre à Peau quand.
un cri retentit :
— Ghapolorys I tu te divertis et ton père est à l'agonie l.^
~ Vous entendez. Monseigneur, s'écria la jeune fille. Mon
père^e meurt, il m'appelle, il faut que je parte. Adieu I Elt, ce
disant, elle s'enfuit vers le retrait où l'attendait Bertrand avec
les chevaux équipés.
Le prince interdit perçut bientôt le bruit des cavaliers gui
s'éloignaient à tpute bride.
It se revêtit au plus vite et s'en fut conter à sa mère cette
singulière aventure.
-- Sans vous flatter, mon fils, dit la Reine avec humeur» vous
êtes le roi des maladroits. Qu'aviez-vous à faire de vous presser
si fort à vous mettre à Teau. Votre soi-disaot ami court main-
tenant la poste et Dieu sait si nous retrouverons la péronnelle
qui nous a si lestement joués Vous êtes maintenant, j*aime à
le croire, suffisamment fixé sur son sexe en dépit de ses strata-
gèmes habiles, et il vous faut reconnaître enfin que j'avais^
raison.
— Il se peut, Madame^ répondit le prince assez déconcerté...
Mais je vous jure ma foi que si c'est une femme elle sera mienne
ou nulle autre ne le sera.
— Tout beauy mon fils, vous allez vite en besogne. Savez-
voas seulement si cette... amazone n'est pas quelqu'habile mtri^
gante qui, se voyant devinée, s'est empressée de disparaître. ?
— Vous avez raison, ma mère, il importe avant tout de re-
trouver celui ou celle que j'ai appelé mon ami et de savoir quel
est son nom. Avec votre permission c'est un soin que je prendrai
inoi-môme«
Sur ces mots, le prince prit congé de sa mère. Quelques ins-
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!*^J-^-.»: '. ■ — - 71 . T'.--î .^-p
CONTES DB^GIUNDIIÈRBS 41
tant8 «près ilparlait à cheval suivi d'un seul écuyer et s'élançait
sur les traces du fugitif.
Il 8*était imaginé le rejoindre facilement t mais il s'aperçut
bientôt que la t&che n'était point aisée. Les passants^ auxquels
il s'adressait, souvent n'avaient rien vu ou rien remarqué, et
leurs renseignements étaient si vagues que le prince s'égarait en
d'inutiles poursuites. Il commençait à désespérer quand un ba^
sard le mit enfin sur la bonne voie. Il interrogea un vieux pay*
San qui travaillait au bord du chemin.
— J'ai bien vu passer deux cavaliers, répondit le bonhomme,
il y en avait un blond tout jeune, et qui chantait en passant le
pont.
— Quelle chanson, demanda le prince?
— Ma foi, une drôle de chanson... Il disait comme ça :
<c Pont, pont, joli pont,
« Tu m'as pAsâée pucelle,
« Tu me repasses encore pueeiie. »
Le prince en savait assez. II récompensa royalement le paysan
ébahi et poursuivit rapidement sa route.
Cependant la Reine n'avait pas* vu le départ de son fils sans un
peu d'inqniétude. Elle redoutait un coup de tôte et s'empressa de
faire part au Roi de tous ces événements. Celui-ci l'engagea à se
rendre en personne chez le marquis de Chapolorys où se trou*
vait sans nul doute le mot de l'énigme.
Elle partit donc en toute diligence et pressa si bien les postil-
lons qu'elle arriva au but de son voyage plusieurs heures avant
son fils.
Isabelle racontait pour la dixième fois ses aventures à son père,
quand le vieux Bertrand, tout ^ffaré, vint annoncer l'arrivée de
la reine. Le marquis se précipita à sa rencontre. Elle l'accueil-
lit en le félicitant d'avoir regagné la faveur du Roi et, sans rêvé-*
1er le motif de son voyage, lui exprima le désir de connaître sa
famille.
Arthémise et Oriane aussitôt appelées se présentèrent avec
empressement. La Reine leur dit quelques mots de bieaVwUue,
puis se tournant vers son hôte: —Veuillez faire venir aussi votre
fils Robert, il est parti sans prendre congé de nous et se préten-
dant rappelé par un père mourant ; or je vois avec plaisir qu'un
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' ^^IÇl
42 RBVtJ£ DK BRETAGNE '
tel malheur n'e&t pas à oraindre. el je veux l'explication de cet
étrange procédé.
Le pauvre marquis, tremblant pour sa flUe chérie, cherchait
en vain queiquVxcuse ; mais tout-à-coup la. porte s'ouvrit et on
vit entrer Isabelle qui avait repris ses vêtements ordinaires.
Elle se jeta aux pieds de la Rine qui la regardait sévèrement
sans mot dire, et lui conta simplement les motifs de sa conduite.
Comment les regrets de son père de n'avoir pas un fils pour le
défendre lui avaient donné Tidée de ce déguisement, et comment
le hasard lui avait permis de sortir victorieuse de toutes les
épreuves.
— Maintenant, ajouta-t-elle, le chevalier Robert n'existe plus
et Votre Majesté daignera, je l'espère, pardonner à la pauvre
Isabelle qui, du fond du couvent où doit s'achever sa vie, ne ces-
cera de la bénir.
— C'est fort bien, dit la Reine touchée au fçnd du cœur, mais
gardant néanmoins son air sévère ; je vois» mademoiselle, que
vous avez songé à fout... sauf à mon fils dont vous n^gnorez pas
l'affection pour ce chevalier Robert que vous faites si aisément
disparaître.
— Ah ! madame, s'écria naïvement la jeune dlle. Dieu m'est .
témoin pourtant que je donnera'is ma vie pour lui épargner une
peine-
— Voilà une parole que je vous rappellerai peut-être quelque
jour, fit Sa Majesté en souriant, et elle congédia les trois
sœurs qui s'éloignèrent ensemble. Ârtbémise et Oriane ne per-
dirent pas cette occasion d'accabler Isabelle de compliments iro-
niquen sur ses succès à la cour et sur le lendemain qui leur était
réservé.
Pendant ce temps, le Sis du Roi arrivait & son tour. Ce fut sa
mère qui le reçut et lui dit, en riant de sa surprise :
— Je vais vous apprendre un proverbe nouveau : « rien ne sert
de courir, il faut savoir où l'on va ». C'est une précaution que
vous avez négligée et cela m'a permis de vous devancer. Puis,
reprenant son air sérieux.
— Vous BkVPZ fait, mon fils, un voyage inutile. J'ai vu votre
anc\en ami, le chevalier Robert. Je dis bien votre ancien ami,
appuya- t-el le, car vous ne le reverrez plus. Entraîné par une
vocation subite autant qu'irrésistible, il a renoncé au monde pour ,
s*enfermer dans un monastère dont le nom m'est inconnu. Vous
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GOKTBS DE GRANDIfÈRBS 41
n*ayez donc plus rien à faire ici et il ne vous reate qu'à prendre
congé du noarquis de Ghapolorys et de ses filles que nous rever-
rons. bientôt è la cour.
Le prince attôré ne répondit pas. fl regardait ivec une doulou-
reuse surprise le visage impassible de sa mère et cherchait à
pénétrer If) mystère qu*il, pressentait à travers ses paroles. Ses
réflexions furent interrompues par Ventrée du marquis et de set
filles que la reiqe avait fait ipmder,.. Et le prince Henry, levant
les yeux, aperçut Isabelle rouge, confose et d*Autant plus jolie.
— Ah l ma mère, s'écria-t-il, en se précipitant au devant it
la jeune fllle, vous me disiez que je ne reverrais plus mon ami !
— Je disais vrai, mon fils, le chevalier Robert n'existe plus ;
mais en revanche la <)harman te Isabelle nous accompagnera à la
cour où nouf Iqi avons réservé une place. On ne saurait trop
honorer une piété filiale comme celle dont elle a donné ('exem-
ple, et j'ai id^e que cette mesure de justice sera approuvée de
tous ses amfs.
La reine n'en dit pas davantage, mais il faut croire que son
sourfro parlait pour elle, car le prince se jeta à son cou, tout
comme s*il n'avait pas été filscte Roi.
k t • • • ..•.,•,
Peu de temps après la cour célébrait les plus belles noces du
iponde, l'amour étant de la fête* Je veux parler des noces dq
prince Henry et de la douce Isab^^lte dont tous, pauvres et riches*
vantaient la beauté, la bonté et le charme.
Arthémise et Qriane. flères et humiliées à la fois^ portaient la
queue du manteau de la nouvelle mariée. Elles avaient un air si
hautain et ai maussade qu'aucun seigneur n'eut envie de les
épouser, et qu'elles durent se résignera coiffer sainte Catherine.
. Le prince Henry et la princesse Isabelle vécurent longtemps
pour 1^ bonheur de leurs sujets et, ainsi qu'il était d'usage en
ce temps-là, ils furent très heureux et eurent beaucoup d'enfants.
{A suivre) A. D. Roazoun.
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CARILLONS D'ÉGLISES
J T
ROUES DE FORTUNE(')
Les carillons d^églises connus, en Bretagne, sous le nom de
roues de Fortune, ne sont pas si répandus que tout le monde ait
eu l'occasion d'en rencontrer dans ses excursions. Je dirai même
qu'ifs sont plutôt rares, et l'on n'en retrouve actuellement que
dans quelques vieux sanctuaires, églises ou chapelles de Basse-
Bretagne.
Représentez- vous une roue, ffoit en bois, soit en fer forgée d'un
mètre environ de diamètre. Sur le cercle extérieur sont fixées
des clochettes ; une manivelle» passant par Taxe et d*où pend
une corde, si la roue est scellée à une certaine hauteur de la
muraille, sert à donner le mouvement de rotation, dont Teffet
est d'une sonorité plus bruyante qu'harmonieuse.
A vrai dire, l'usage en est maintenant presque perdu, s'il n'a
pas été détourné de son sens primitif, et celles de ces roues qui
subsistent sont conservées bien plus à titre de curiosité, que
comme objets rituels. Cependant, elles ne constituent point une
particularité de notre provnicp, comme on le croit généralement ;
anciennement toute la chrétienté en possédait, et l'on peut en
trouver encore des exemples intéressants dans plusieurs paye
étrangers à la France.
Nous avons cru bon et utile de jeter un rapide coup d'œil sur
le passé et le présent de ces instruments, qui ont été, de nos
jours, Tohjet de conjectures trop imaginaires ; la conclusion que
nous en tirerons sera la résultante d'observations personnelles
au cours de différents voyages effectués en Europe, en môme
temps que de Tétude d'auteurs anciens et modernes.
(1) La aa congrèt de TAstoeiation Bretonae, taaa à Foagères^ en 1908.
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CARILLONS D'BGLiSBS ET ROUCS DE FORTUNE 45
Un archéologue des plus distingués, M. Oaido^^ professeur
h la Sorbonne^ séduit par l'appellation de nos earillons en
Bretagne (1), a cru devoir les faire entrer dans le cadre d'un ,
travail intitulé: Le dieu Gaulois du Soleil et le symbolisme de
ta roue (2). Pour lui, pas de doute possible^ les Bretons con-
servent encore dans leurs églises le souvenir du culte de la
Fortune, et il s'appuie sur une longue citation de Luzel, qui a
recueilli quelques vagues échos sur le sujet des roues. Malheu*
reusement, ces échos ne sont que des « on dit » et des « je crois »,
et nous nous étonnons qu'un auteur aussi sérieux que M. Oaidoz
ait fondé une opinion sur des bases aussi chancelantes.
La seule roue, dont se soit rendu compte de visu l'honorable
M. Luzel, est celle de Pouldavid, près Douarnene^. « Une bonne
sœur, dit-il, qui priait dans l'église et que j'interrogeai sur la des^
tinationde la roue, me dit tout simplement, qu'on la faisait tour-
ner aux jours de fêtes, pendant la procession, pour donner plus
de solennité à la cérémonie» (3) et ne pouvant admettre* comme
naturelle, la simplicité de cet usage, il ajoute : « évidemment Ul
encore s'était perdu le sens de la pratique superstitieuse », pra-
tique, qu'il vehait de retracer dans les lignes précédentes en par-
lant de la roue de N.-D. de Gonfors en Meillars, à laquelle noua
reviendrons plus loin.
Il est incontestable que [certaines fêtes chrétiennes se sont
substituées à des solennités païennes, et le christianisme en se
répandant accepta plus d'une fois du polythéisme ce qui ne con-
trariait nullement ses dogmes sacrés ; mais, est-il nécessaire de
généraliser absolument cette théorie ; de voir, par exemple, le
symbole du Soleil ou de la Fortune dans tous les objets de forme
sphérique ou circulaire servant au culte ? Ainsi M. Oaidoz se sou-
viënTavoir rencontré dans certaines églises des lustres en forme
de coqronne et il n'hésite pas à rattacher leur origine à celle des
roues. Au sortir du sanctuaire, il s'en va faire un tour de foire ;
(1) Le terme de carillon est oommuDément employé pour désigner les
sonneries dont retentissent les beilrois des Flandres, mais nous l'employons ici,
n'en trouTant pat de plus eiact. Il faut cependant distinguer. Dans les beffrois,
les cloches raisonnent d*ttn mouvement rythmé et conventionnel ; dans les
édifices religieux, les clochettes montées sur roue sonnent à Tunisson, bien que
de timbres variés.
(2) Retue Archéologiqtie, 1884-1885.
(I) Cette rouè de Pouldavid n^existe plus.
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M RBVUK DB BRftTAONB
grande est sa joie, car là encore ii reûcoatre des roues servant
aux jeux, du hasai^d, et pour hii, instruments de musique, d'éélai*
rage, de dîTination laï(|ue, doivent ôtre confondus, quant à leur
origine.
Le Bavant professeur ne oonnatt point d'autres exemples de ces
carillons que ceux cités par Luzel, il Tavoue lui*mdme ; et c'est
pourqtioi il attache tant d'importance à cette appellation païenne,
découverte en Bretagne, que nous, nous attribuons, non pas à la
pôri/istance d'une survivance antique^ mais à des pratiques* su-
psrstitieuses survenues fortuitement. Du reste, M. Qai^oas, se fut-
it tant soit peu enquis des roues carillons dans notre province,
{l'eut appris que la dénomination particulière donnée par certains
ne remonte point en deçà de notre époque et que le nom consacré
par les traditions locales est simplement, « er rod y^, la roue.
Si à Saint-Laurent de Ploamel (Morbihan), le carillon est corn-
munément appelé, roue de saint Laurent, c'est qu'il se trouve sous
la patronage* du saint auquel cette chapelle est dédiée ; de ni^me
qu'à OoUeville (Manche), la sonnerie est dite rouet de saint, Mar^
tin parce que saint Martin préside aux destinées de la paroisse^
D'où vient qu'eo Sicile, où nous avons rencontré de ces ins*
truments^ rappèllation est simplement, ruoda^ la roue, si ce n'est
encore de l'évocation même de la forme ?
En Espagne, on dit indifféremmenti le carillon ou la roue. Ail*
leurs^ ont-ils peut-être d'autres dénominations. Toujours est-il
que nulle part, malgré nos recherches consciencieuses^ nous
n'avons pu trouver le nom de roue de Fortune dans le langage
populaire.
M. Latrouette, professeur d'histoire à la faculté de Gaen, quia
connu le rouet du saint Martin (OoUeville), nous fit part en 1834
de ses conjectures très savantes (1). Il découvrit que le cercle de
la roue se rapportait au culte d'isis répandu en Gaule par les
Druides, ou pouvait encore représenter TUniversalité des choses,
symbolisée chez les Egyptiens par un serpent se mordant la
queue. Quant aux clochettes, elles évoquent les tuyaux sonores
qui ornaient les statues de Mercure ; à moins toutefois, comme
permet de le supposer leur nombre douze, qu'elles soient la re-
présentation des signes du Zodiaque.
L'année suivante, M. Tabbé Delamare, vicaire général de Cou-
(1) Mémoire! de la Société des AnUquairM de Normandie. Tome il*
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!lîf"!*H|";-.
CARILLONS OlSGLtSBS BT ROUBS DE FORTUNB 47
taoees, répliqua à son collègue de la Société des Antiquaires de
Normandie (1). Sa thèse est du plus hlBiut intérêt, car il nous ap-
prend qu'avant la Révolution plusieurs rouets étaient conservés
dans son diocèse ; outre celui de Golleville, il en existait un à
Gouville, près Cherbourg, deux à Presville, près Valognes.
M^ Delamare n'a pas cru devoir s'en tenir à une explicatioDi
tirée des connaissances de Tantiquité. La tradition, négligée par
M. Latrouette, lui a fourni les plus précieux reaseigaecnents ; en
recueillant les faits, en interrogeant les vieillards judicieux, il est
amené au^conciusions suivaotes : les roues du diocèse de Goa^
tances ne jportaient point d& dénomination particulière, aucune
idée superstitieuse n'y était attachée, l'usage remontant au-delà
du christianisme n'est étayé par aucune donnée orale ou écrite.
Parlaot de Fresville qui, comme nous venons de le voir, pos-
sédait deux rouets, l'un dans l'église paroissiale (celui-ci avait
20 clochettes), l'autre dms la chapelle Saint-Sulpioe, il dit : « On
ne sonnait ces clochettes qu'au Sanctus, à TÉlévation, à la Com-
munion du prêtre et à celle des fidèles ».
Rapprochons cette attestation d'une citation empruntée à
M. Latrouette : « Cette roue, dit celui-ci, à propos de GoUeville,
est'suspendue^ à six pieds d^élévation, au mur latéral de droite
dans le sanctuaire. Aux fêtes solennelles, pendant que l'on
chante le Gloria in excelsis^ le Magnificat, le Te Deum^ le rouet de
Saint-Martin est mis en mouvement, et aussitôt le son aigu et
perçant des douze clochettes vient se mêler aux grosses voix
assourdissantes des bons villageois. » Quoi qu'en pensent
MM. Luzel, Gaidoz et Latrouette^ nous sommes obligé de tenir
compte de cet usage commun à plusieurs régions différentes ; et
que pourront-ils opposer à la tradition du vieux monde chrétien,
si celle-ci vient confirmer les pratiques locales ?
L'usage des cloches dans le catholicisme est très ancien. L'idée
de ce signal est venue, à n'en pas douter, du crepitaculum ou du
tintinnabulum des Romains. Le crepitaculum était surtout un
hochet symbolique qui accompagnait les défunts dans la tombe
mais Le tintinnabulum (dont le nom dérive de tinnitus^ son
métallique)^ était un instrument bruyant, garni de clochettes^
servant à annoncer l'heure des bains, des marchés et dçs
réunions publiques.
(I) Mémoires de la ûkdme Société.
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48 REVUE DE BRETAGNE
La sonnette introduite dans le^ sanctuaires, soit pour seryir
à Ja convocation des fldèles, soit pour avertir des instants les
plus solennels durant les cérémonies du culte, on* chercha à en
rendre la sonorité la plus agréable à Poreille. Dans certains pays
on conserva la sonnerie uniforme et simple^ modulée i>ar la
clochette unique ; ailleurs on chercha l'harmonie des sons au
moyen de diverses combinaisons.
Les archéologues ayant étudié l'architecture religieuse au
mayen*ftge s'accordent à reconnattre que les carillons à forme
de roues étaient souvent employés pour un des usagps que. nous
venons de mentionner, a Les cloches ne furent dans leur origine
que des sonnettes, qui se plaçaient autour d'un cercle de bois^
à fa porte de Téglise », dit M. Chevalier dans son Guide (V Archéa-
iùgie sacrée (1). En 798, Ângilbert, gendre de Charlemagne, fit
placer, dans chacune des deux tours du monastère de Saint-
Hiquier» des carillons à quinze cloches, qui ne pouvaient être à
cette époque que des clochettes.
A l'intérieur môme des églises, les exemples sont plus
communs. Ecoutons M. Blavignac qui, remontant à l'origine de
notre ère^en s'appuyant de la documentation la plus sérieuse, a^
fait un ouvrage considérable sur La Cloche (2) : <* Si Ton entend
par carillon un simple instrument de musique composé de
pièces sonores de différentes grandeurs, on peut remonter aux
temps antiques; pareils instruments étaient bien connus au
moyen-âge, témoin, le curieux chapiteau de Saint-Georgns de
Boschervilie, où l'on voit deux musiciens touchant sur cinq
petites cloches suspendues à une tringle métallique. Ce monu-
ment nous reporte au XP siècle ».
Du reste, il suffit de compulser les manuscrits monastiques
de la Bibliothèque Nationale pour retrouver dans les minia-
tures (3) la représentation de ces carillons transformés en ins-
truments musicaux; nous nous souvenons en particulier d'un
texte manuscrit (m. fr. 8500 f. 40) classant les instruments de
musique religieuse en trois catégories : les instruments à cordes
ou psaltérions, les instuments à vent, espèces d'orgues à tuyaux,
(f) ï&i il ajoute: « La tradition primitive s*est maintenue dans la province
eccléaîastique de Ljroq dans Téglise rurale de Moathelon, au diocèse d'Âutun. »
Nou^au Guide d'Archéologie sacrée, 1877, 2» édit. p. 54.
(2) La Cloche^ par Jean Daniel Blavignac, 1877.
(3) Jiioiaturef originales ou calques de M. de Bas tard (B. N* msi.)*
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CARILLONS D'ÉGLISES ET ROllES DE FORTUNE 49
et leis instruments à frappe. La fine peinture jointe au texte re-
présente, comme type de ces derniers instruments, un cercle
garni de clochettes qu'une femme fait raisonner avec de petits
maillets.
Mais il faut reconnaître que ces instruments harmoniques
étaient le plus souvent fixés à un pilier de l'édifice ou au-d^sus
d'une arcade dans le chœur, et mis en mouvement au moyen
d'une corde donnant le branle général. Avec le temps même
l'instrument à frappe disparaîtra^ tandis que ce dernier appareil,
d'une simj^icité extrême^ se répandra jusqu'aux églises rurales
et subsistera jusqu'à nos jours.
Ailleurs, l'auteur de La Cloche nous rappelle cette roue sus-
pendue dans les églises : « Usage bien ancien, dit-il, puisque
l'inventaire du trésor de l'abbaye dé Prum, diocèse de Trêves,
mentionne déjà son existence en 852, « coram altarependet rota
cum tintinnabulis fabricata », et il continue : « le plus beau
rouet du moyen-âge qui soit encore conservé est celui de l'ancienne
abbaye de Fulde, çn Allemagne. M. Gailhabaud en a donné un
beau dessin dans son Architecture du T® au XVlb siècle. C'est
une étoile à quatorze rayons, toute en bronze travaillé; elle est
garnie de plusieurs centaines de clochettes et de grelots. Cette
machine suspendue au milieu du chœur a vingt-quatre pieds de
diamètre ; on la met en mouvement par un treuil placé sur les
voûtes. Elle date de 1415, suivant l'inscription circulaire qui suit
la base des rayons stellâiires ».
Du Gange aussi signale la « rota cum tintinnabulis » servant
au moyen-âge dans les églises, et il en cite une en Angleterre
dont le bruit des sonnettes indiquait le moment de l'élévatioui
moment, qui dans le culte d'aujourd'hui est indiqué par la clo-
chette du clerc servant la messe.
Un de nos informateurs d'un bulletin documentaire (1) nous
fournit quelques textes contemporains, spécialement propres
à faire connaître le véritable nom et la destination des mômes
appareils. En 1568, il s'agit d'un rouet que l'on sonne à l'élévation
du corpus Domini (Arch. hospital. de Paris, I, 123) ; en 1576,
dans les comptes de fabrique de Saint- Vivien de Rouen (Arch.
de la Seine-Inférieure, G. 77.5S) il est longuement question d'un
rouet « avec douze moyennes clochettes pour sonner quand
(1) Intermédiaire des chercheurs et curieuw, 10 mai 1908.
JtMvier 1909 4
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Eti/..
M REVUE DE BRETAGNE
on lève le corpus Domini de la grand-messe » et ces comptes se
poursuivent jusqu'en 1633. Nous retrouvons donc ici Tappella-
tion relevée par M. Delamare dans le diocèse de Goutances et
Tusn^e maintes fois signalé par nous.
Kn Orient môme; les carillons ont été employés dans les églises
et se sont perpétués jusqu'à noire époque. Si nous mettons
encore M. Blavignac à contribution, il nous apprendra que « les
Arméniens se servent de cymbales garnies de sonnettes, dont
quelques-unes montées sur une hampe sont de véritables cha-
peaux ehinois. Ces instruments ne sont pas toujours circulaires,
rUn^nt en offre des formes très variées, et, comme leur poids ne
permet pas toujours de les porter à la main^ on les suspend
souH les arcades du porche des églises et sous celles des cloîtres. »
Dans son Architecture monastique^ M. Lenoir a donné des
dessins de plusieurs timbres qu'il a copiés au Panar, quartier
gre^: de Gonstantinople, où ils sont suspendus comme nous
Venoos de le dire. Ces timbres, ornés de croix grecques, ont la
forme d'un carré, d'un rectangle, d'une portion de circonférence.
A ce témoignage ajoutons celui de Tournefort, qui écrivait à
la ï)n du XVII* siècle: « Les Grecs suspendent par des cordes
@ur des branches d'arbres des lames de fer semblables à ces
bandes, dont les roues de charrettes sont revêtues, courbes,
épaîÀïies d'environ un demi-pouce sur trois ou quatre de largeur,
percées de quelques trous dans leur longueur. On carillonne sur
ces lames avec de petits marteaux de fer, pour avertir de venir
è r*.giise. j» Voici plus d'un point de ressemblance avec les
sonneries d'Occident, instruments à frappe ou autres.
(A suivre), V^ Hervé du Halgouet
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A TRAVERS LA BRETAGNE
A la demande presque générale de nos abonnés, nous avons
décidé de leur donner tous les deux mois à partir de ce numéro
une chronique qui portera pour litre : A travers la Bretagne; ils
y trouveront, avec le récit des principaux événements intéressant
directement notre petite patrie, une analyse des œuvres artis-
tiques, littéraires et sociales de nos compatriotes.
Nos amis ayant fait appel à notre patriotisme breton, nous
n'avons pas cru pouvoir leur refuser la création de cette nouvelle
rubrique. Ils voudront bien l'accueillir avec induigence et en
excuser les faiblesses, car elle ne contiendra rien qui ne soit
dirigé vers la plus grande gloire de la Bretagne et de nature à
développer son amour au cœur de ses enfants.
La Revue de Bretagne^ qui occupe depuis cinquante ans le
premier rang parmi les organes historiques de notre province,
aura ainsi une vie plus active et plus conforme aux aspirations
de la génération actuelle.
Pourquoi faut-il que notre première chronique s'ouvre sur
une page de deuil? Les lecteurs de la Revue de Bretagne ne
trouveront plus dans nos colonnes la signature de notre vénéré
et érainent collaborateur M. Trévédy, et c'est pour eux qu'il
aura écrit sa dernière étude historique : Attentats des Penthièvre
contre le duc Jean V dont il corrigeait encore les épreuves la
veille de sa mort. L'œuvre de M. Trévédy est immense et son
nom faisait autorité en Bretagne. Il avait particulièrement remis
en lumière et sous son véritable jour le pèlerinage du Tro Breiz
(Tour de Bretagne) ou des Sept Saints de Bretagne ; ses travaux
sur les Angtiipèdes bretons, sur Préron et sa famille, sur les
sergents féodés, sur la séparation des Lépreux, sur Reoon et
Concarneau, sur le titre de Noble Homme furent particulièrement
remarqués.
Petit à petit les érudits qui échafaudèrent notre histoire
nationale, disparaissent fauchés par la mort. Après La Borderie,
Guillotin de Corson, René Kerviler, Trévédy, il va rester bien
peu de survivants de cette illustre pléïade à laquelle nous devoiiS
le grand mouvement breton dont les» progrès se dessinent de
plus en plus chaque jour. Aussi V Association Bretonne, où se
groupèrent nos maîtres si regrettés, s'est-elle émue à juste titre
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52 RBYUE DE BRETAGNE
et vient-elle d'adresser un chaleureux appel aux a jeunes ». Où
les pères ont passé, dit-elle, il faut que les enfants passent, car
a nous ne sommes pas les derniers des Bretons ». Cet appel sera
enlendu, nous en sommes persuadés^ et une nouvelle et brillante
phalange va venir combler les vides que la mort a causés dans
les rangs de V Association qui forma à son école tant d'historiens,
d'archéologues et de distingués agriculteurs. La Revue de
Bretagne ne saurait assez engager ses amis à se compter sous
son drapeau.
Lb Jeunesse Catholique Bretonne a saisi tout l'intérêt qu'il y avait
à obtenir l'appui de la puissante Associatioîi Bretonne. On sait que
les jeunes Catholiques Bretons sont d'excellents régionalistes et
que fa décentralisation fait partie de leur programme. Ils se sont
affligés delà platitude — disons, (de la nullité — du répertoire des
scènes des patronages et des Cercles catholiques, et ils ont décidé
d'ouvrir un concours de pièces en langues française et bretonne
sur dâs sujets tirés de notre histoire nationale et locale et de nos
légendes. Les conditions de ce concours que ['Association Bre-
tonne a accepté de patroner officiellement (elle sera représentée
au jury par un de ses membres), sont indiquées dans le numéro
de la Jeune Bretagne de novembre dernier.
Le théâtre, l'enseignement primaire, les conférences sont d'ail-
leurs les meilleurs moyens à employer pour mettre en honneur
rhistoire de Bretagne et pour sauver le vieil idôme celtique
qu'apportèrent en Ârmorique les émigrés d'outre-mer aux V* et
VI* siècles. C'est ce qu'ont parfaitement compris MM. Le Moal
et Bûcher dans la partie occidentale des Gôtse-du-Nord qui
jadis composait l'est de l'évôché de Tréguier, et voilà pourquoi
ils ont fondé un Comité de propagande bretonne qui est en
train de révolutionner ce pays où Kroaz ar Vretoned a déjà
jeté la bonne semence.
« Ce comité, dit V Indépendance Bretonne^ pénétré de cette idée
que la clé du cœur et de l'esprit de l'enfant breton est sa langue
maternelle, se propose, au moyen d'une organisation spéciale, de
réaliâêr, par la presse bretonne, les concours de lecture, de
cKant, de traduction bretonne, d'histoire de Bretagne, dans la
partie bretonne du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, une
sorte de patronage volant destiné à suppléera l'insuffisafnce de
rmstruction et de l'éducation au point de vue breton. La première
réunion tenue le lundi 11 février à Pommerit-Jaudy, dans le
r
l
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A TRAVERS LA BBBTAGNB 53
parc de M. le sénateur Le Provost de Launay, ayant été couron-
née du plus grand succès, le comité fait appel à Tappui de tous
les amis de l'enfance bretonne^et chrétienne ; il ouvr« dès main-
tenant, dans les colonnes de Kroaz ar Vretoned^ boulevard
Gharner à Saint-Brieuc, une souscription permanente à l'effet
de réunir les sommes nécessaires pouf les concours bretons.
L'idéal serait d'atteindre 12 paroisses par an, à raison de 2 con-
cours par paroisse» un par semestre, ce qui exigerait une mise
de fonds de 600 fr. au minimum. Mais le bien qui en résulterait
compenserait infiniment la somme d&pensée ».
A Paris, M. Yann Morvran-Goblet, examinateur à llnstitut
Commercial, a fait pendant Tannée scolaire 1907-1908, tous les
samedis, un cours de renaissance celtique à l'Ecole des Hautes
Etudes. Bien que nous soyons absolument opposé au Pancel-
tisme qui, s'il n'était une chimère, ne tendrait à rien moins qu'à
jeter dans Tinternationalisme une partie de la Bretagne, nous
devons convenir que M. Goblet a professé son cours avec un art
consommé et qu'il y a beaucoup à prendre dans son enseigne-
ment au point de vue littéraire et commercial.
Mais ce n'est pas seulement en Trégor et à Paris que l'idée
bretonne est en marche. Voyez ce qui se passe à Saïgon :
« Le dimanche 9 juin 1907, dit un journal de chez nous» se
sont réunis pour la première fois, dans Tune des salles de l'Hôtel
de Ville de âaïgon, les membres de l'Amicale bretonne de
Gochincbine le Biniou, Une centaine de Saïgonnais, commis de
TArsenal, capitaines des Messageries fluviales, colons, fonction-
naires, et tous originaires de la Bretagne, assistaient à la
réunion. M. Drouino, avocat, lit et fait aidopter un projet de
statuts. Un comité provisoire est nonamé et est ainsi composé :
Président, M. Drouino, avocat ; vice-président, M. Labbé, élec-
tricien ; trésorier, M. Perlié, commerçant; secrétaire, M. Madec,
professeur au collège ; commissaires, MM. Duchâteau, capitaine
de port. Jacquemart, directeur de l'Inscription maritime,
Legendre, juge de paix. La Société se propose, par des réunions
périodiques, de créer entre tous les Bretons membres de l'Asso-
ciation des relations amicales et des sentiments ^e solidarité.
L'exposition d'aquarelles de notre ami et collaborateur
Donatien Roy s'est close à Nantes, salle du Phare, au milieu de
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64 REVUS pE BRETAGNE
décembre. Quel délicieux coloris, quelle exactitude de tons et de
nuancps possède cp charmant aquarelliste et comme il sait rendre
le cachet tantôt lumineux et tpntôt brumeux de son pays 1
Celle de M. de Broca, chez Sylvestre, à Nantes également, est
à signaler. Les connaisseurs se sont arrêtés particulièrement
devant un type de paysan breton et une vue du golfe du
Morbihan tout à fait remarquables.
Le Musée Breton de Paris, fondé par M. Rouet, a été inauguré
par un joli concert où Ton a applaudi notre ami le vicomte de
Gourcuff dans sa Complainte de la Duchesse Anne et M. Ségalen
dans V Angélus de la Mer. Situé 66 rue des Saints-Pères, il com-
prend entre autres une fort belle exposition de dentelles, de bro-
deries et de costumes bretons.
A Rennes, il nous faut mentionner deux manifestations d«^ la
plus grande importance. D'abord les conférences de M. Paul
Banéatsur le Vieux Rennes qui ont attiré dans le grand amphi-
théâtre de la Faculté des Lettres une foule énorme. ïlnsnite, le
premier concert de la Société A rtistique et Littéraire qui fut donné
le 23 novembre et auquel on entendit des poèmes de M. le Braz
mis en musique par MM. Guy Ropartz, directeur de Pécole
de musique de Nancy, membre du Conseil supérieur d'ensei-
gnement du Conservatoire de Paris, BourgauU-Ducoudray, l'au-
teur de Thamara, et J. B<^eseau. On a apolaudi h tout rompre
la Berceuse d'Armorique, les Cloches de Pâques, Dans la grande
Hune, etc.
M. Brydon nous montrait l'autre jour dans VAbbé Guérande un
prêtre dont la vocation a été forcée. Le Cloarec de M. Tiercelin
(Le Cloarec, par Louis Tiercelin ; Paris, E. Sansot et G**, 7, rue
de l'Eperon, 1908. Prix : 3 fr. 50) n'est que séminariste ; plus
heureux que Tabbé Guérande il a pu s'arrêter avant de franchir
le:pas définitif, il épouse la douce Gwennola, et l'instrument du
bonheur des jeunes gens n'est autre que M. le Recteur dont Tau"
teur de la Bretagne qui chante a tracé le caractère d'une sûreté
de main et d'une sincérité de cœur et d'âme que seul, dans le cas
présent, uh Breton, et un bon Breton comme lui, était capable
d'avoir. Le roman, très intéressant avec les poésies — il y en a
en langue bretonne — qui le fleurisse nt comme font les violettes
sur les gazons au printemps, avec ses descriptions et son parfum
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A TRAVKRS LA BRETAGNE 65
de Bretagne, comptera parmi les meilleures œuvres de M. Tier-
oeiin.
Le Collège du Plessix, ou Plessix Sorbonne, fut fondé en 1322
rue Saint-Jacques à Paris par Geoffroy du Plessix-Balisson, se-
crétaire du roi Philippe le Bel, qui appartenait à une ancienne
famiUede l'évô^hé de Saint-Malo. Par son testament de 1332. il
déclara vouloir que six des bourses créées par lui à ce collège
fussent attribuées à des élèves du diocèse de Saint-Pol-de-Léon,
et sept à ses plus proches parents dans celui de Saint-Malo. Eu
1740, M** de Launay, dont le mari représentait une branche de la
maison du Plessix, employa tous les moyens en son pouvoir pour
faire rétablir ces bourses alors tombées en désuétude. C'est le
sujet du nouvel ouvrage de M. Joiion des Longrais (M"* de Launay
et les Bourses de Travail au Collège du Plessix-Sor bonne, par
P. Joûon des Longrais ; Rennes, Prost, 1908), ouvrage tr es curieux
et qui contient un mémoire généalogique de dom Morice jus-
qu'ici inédit.
Quoiqu'on puisse dire de Cohon, il est impossible de ne pas con-
venir qu'il fut un des personnages les plus en vue de la première
moitié du XVII* siècle; orateur remarqué, précepteur «ies neveux
de Mazarin, prédicateur duRoi^ ce Manceau,quiueâtque passer
à Tévéché de I>ol, était un grand patriote mais aussi un absolu-
tiste centrahsateur. M. Duioe {Avant Bossuet : Cohon, évêque de
Nîmes et de Bol, par F. Daine ; Paris. Champion, 1908) a étudié
en lui Thomme et Torateur et terminé son livre par un appendice
renfermant des exemples tirés de ses sermons et par un lexique
de la langue qu'il employa. Cette monographie est très complète
et le fruit de recherches patientes et prolongées.
C'est un recueil peu banal que cette correspondance de La
Tour d'Auvergne {Correspondance de La Tour d'Auvergne,
recueillie et annotée par L. Buhot de Kersers ; Bourges, Tardy
Pigelet, 1908). M. de Kersers, possesseur de tout le dossier, a eu
l'excellente v^ée de la publier in extenso et de l'accompagner de
notes qui en facilitent singulièrement la lecture, d'ailleurs tou-
jours attachante. Rien de ce qui touche, de près ou de loin, le
premier grenadier de France ne peut être indifférent,, surtout à
des Bretons ; mais on trouvera aussi dans sa correspondance
des renseignements sur les familles en relations d'amitié ou de
circonstance avec lui. Une table des noms cités simplifie les
recherches et le tout est très bien et surtout très clairement
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56 REVUE DE BRETAGNE
présenté. Jl serait à souhaiter que nos propriétaires d'archives
voulussent bien suivre l'exemple que vient de leur donner
M. de Kersers et faire connaître au grand public, autant que
possible, les anciennes lettres qu'elles renferment.
La seconde partie du Finistère Pittoresque. {Le Finistère
Pittoresque, sites et monuments,, par G. Toscer : IL La Comouaille.
Brest, Kaigre, 1908) ne s'est pas fait attendre et nous en avons*
reçu le premier fascicule qui comprend les cantons dHuelgoat,
Garhaix et Ghâteauneuf du Faou. Beaucoup d'illustrations très
soignées, texte excellent. La Comouaille ne sera pas inférieure
au Léon, et nous engageons nos lecteurs à souscrire au Finistère
Pittoresque {i fr. 50 le fascicule). Le volume comprendras fasci-
cules et il en paratt un par trimestre.
Le discours prononcé par M. l'Abbé Millon à l'occasion du
douzième centenaire de l'apparition de l'Archange Saint Michel
à saint Aubert, évêque d'Avranches, se vend au profit de l'œuvre
(Rennes, Edooeur^ 1908). On y trouve toutes les qualités de
méthode et de style qui caractérisent l'auteur de la Foi en
Bretagne,
Le rapport sur les archives départementales, communales et
hospitalières d'Ille-et-V Haine ^ par André Lesort, archiviste du
département (Rennes, Caillot, 1908) montre à quel point le
dévoué archiviste s'occupe de tous les dossiers confiés à ses
soins, et comme il s'applique à surveiller notamment les
archives communales si exposées dans les petites mairies.
A lire dans la Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine
(tome IX, pp. 241-258 et 325-347) un article sur l'Assemblée Cons-
tituante et la <c mise en vacances i» des Parlements (novembre
1789-janvier 1790), par Henri Carré. En ce qui concerne la Bre-
tagne il y est prouvé une fois de plus que son Parlement fut un
des derniers défenseurs de ses libertés et privilèges. Rappelons
que ces libertés furent abandonnées par les députés bretons du
Tiers (la Nobesse et le Clergé n'avaient pas député aux Etats
Généraux de 1789) mais à condition que les Etats de Bretagne
ratifieraient cet abandon. Les Etats n'ayant rien ratifié, les dites
libertés ne sont pas abolies.
R. DE L.
Le Gérant : F. Chbvalibr.
Vannée. — lmprimeri« Lafoltb Frères.
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LES BLEUS EN CAMPAGNE
(1796)
ÉPISODE DES GUERRES DE LA RÉVOLUTION
Il a été longtemps de mode, et il Test encore aujourd'hui chez
certains, d'accuser les Chouans d'être les auteurs de tous les
crimes et forfaits dont le souvenir revient, vague etconfus^dans
la mémoire du peuple, à chaque fois qu'on évoque devant lui
cette sombre et rouge époque de notre histoire intérieure qu'on
appelle la Révolution. Ils en ont commis, c'est indéniable; et ils
ne pouvaient pas ne pas en commettre, s'ils voulaient vivre et se
défendre. — Ils pillaient : la vérité est qu'ils rançonnaient,
comme les Républicains réquisitionnaient; les uns et les autres
délivrant en retour aux intéressés des reçus ou bons qui les ren-
voyaient à se faire rembourser plus tard, à la paix. Us avaient
môme plus de droits i ou vent de prendre que les Bleus, parce que
c'était de leurs biens Injustement et odieusement mis sous se-
qij^stre, ou livrés, pour de misérables assignats, à ces voleurs
déguisés qu'on appelle les acquéreurs des biens nationaux. — 11»^
tuaient : à vrai dire> ils se défendaient etse faisaient justice tout
comme les autres, et, faut-il le dire, beaucoup plus humainement
que les autres. Les^ gens qu'ils malmèQent,ce sont les mouchards
de l'époque, les dénonciateurs, ceux qui ne cessaient de dévoiler
leurs retraites ou de livrer leurs secrets, ou ceux qui ont usurpé
leurs biens ou livré leurs parents à l'échafaud.
En aucun temps>^ comme on sait, on n'a été tendre pour les
espions, les traîtres. C'est de la guerre sauvage, de la guerre
atroce sans doute ; il ne faut pas s'en étonner, puisque c'est de
la guerre civile* Mais la plus grande responsabilité enretombet
Février f9Ç9 5
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58 REVUE DE BRETAGNE
non pas tant sur les Chouans qui oui plutôt tout fait pour l'évi-
ter, que sur ceux qui, dans leur rage de légiférer, n'ont tenu au-
cun compta de la justice et de la liberté, et surtout sur ceux qui,
par leurs massacres et leurs violences, ont révélé au monde
comment ils entendaient et pratiquaient la nouvelle fraternité.
Le grand tort des Chouans.^ on peut même dire leur unique
tort, est d'avoir été vaincus ; leur mémoire a pâti du vœ victis. Ils
ont échoué dans leurs elTorts, sinon pour la défense de la liberté
religieuse, du moins poar le retour des Bourbons. Le gouverne-
ment étant devenu régalieret légitime, et s'étant fait accepter de'
la plupart, ils ont perdu leur qualité de défenseurs de Tordre (1).
Si Louis XVIII était rentré plus tôt, qu'il fût venu en place de
Bonaparte, il n'y aurait pas eu pour les Chouans cette solution
de continuité, et le tilie de rebelles et d'msurgés serait peut-
être définitivement resté aux révolutionnaires.
Cest qu'en effet pour juger les Chouans, on se place le plus
souvent au point de vue de la légitimité du régime républicain,
qui en fait ne s'est trouvée acquise que par la suite des événe-
ments. Les Chouans, eux, ne le considéraient pas ain^i, et comme
le temps ne lui avait pa.-^ encore donné la consécration du droit,
on comprend leur manière de voir. L'historien qui les condamne
ne le fait donc que parce qu'il voit, lui^ la suite de l'nistoire, et au
nom de pgràncipes qu'il était impossible même aux Chouans les
plus scrupuleux d'admettre.
Quoi qu*il en soit de ces questions théoriques sur lesquelles les
avis sont et resteront longtemps partagés, il est un fait certain,
el qu'il serait puéril de chercher à nier^ c'est que les Chouans
qu'on les qualifie de chevaliers du droit et de la liberté, ou de
Ixrigands et de rebelles, n^ont pas été les seuls pendant la Révo-
lution à commettre des méfaits, et que sur ce point les Bleus
leur tiennent tMe, et avec avantage. On ne sait pas encore assez
— et pourtant l'histoire impartiale finira bien par le dire un jour
— eequ^xnt fait en ce genre les Colonpes h^fernales de Vendée
ai tristement célèbres.
Mais il n'est pas nécessaire d'aller si loin. I>ans notre pays
môme de Bretagne où les Chouans, dit-on» auraient fait tout le
(1) La Chousnoerie De tut pas désarmer à temps ; sa réputatioa sauflre d'un
excès de fidélité à ses principes. Après la pacification du Consulat, ses procédés
n'étaient plus de saison, et elle ouvrait trop facilement ses rangs à des gens
•MU aT«a, %i en marge* d« tonte société.
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ly ij^M.--.— y- ---^-T^^'T^J^-* ™~ --çp - '..a-^ ^^ ' T^n - ^--î"'- *" ; ^-vr^ .-.ta^ ■^— r- - ^ ■T.t.„wiy-iV*'; V--'"'-'-*'ri?---^'>ll=lOT?i?W|^^^*
LES BLBUS EN CAMPAGNE B$
mal (1), en pleine période du Directoire, alors pourtant que la
rouge et sauvage Terreur de Robespierre était passée^ ious la
direction du plus humain et du plus pacifique des généraux ré^
Volutionnaires, Hocbe^ les colonnes républicaines en campagne
ne sont guère édiflantes, et présentent plutôt l'aspect de bandes
féroces et pillardes que de soldats réguliers et dlsoipUnés (2).
L'épisode qu'on va lire en est un exemple (3).
I. — AUX TROUSSES DES CHOUANS
Lils Chouans db la vallée dk l'Aff. — La bande de Clbus*
MADBua — La qolonnb Simon bt Crububr. — La pillaob
EN MONTBRRBIN BT CaRO.
C'était en 1796, Tannée d'après l'expédition de Quiberon. Le
lamentable échec des Emigrés n'avait ni découragé ni désorga-
nisé les Chouans, comme on aurait pu le croire. Ils tenaient tou-
jours la campagne ; et Hoche, si habile dans la grande guerre,
ne voyait d'autre issue à cette lutte d'escarmouches et de gué-
rillas qu'un accord avec l'ennemi, à qui on accorderait ce à quoi
il tenait surtout, l'amnistie et la liberté religieuse. II ne cessait
d'agir en ce sens près du Directoire, cependant que ses colonnes
s^épuisaient à la poursuite de bandes fantômes, tantôt les ren-
contrant de façon inattendue et désagréable, tantôt les perdant
de vue alors qu'on semblait définitivement les tenir.
Vers la fin de l'hiver, un détachement cantonné à Malestroit
(1) Cett M qii1iT»ac«, pvt exemple, M. LéMi Dnbremil, à la fin d*aii6 éiode gttF
le district de Redon (Aonales de Bretagne, novembre 1906, p. d8). • U fessort <lé
tous les documents, dit-il, que les pillages furent dus essentiellement aux Chouans,
et pourtant, chose étrange f les révolutionnaires en portèrent la peine, i» Ce
quïl 7 a de plus étrange encore, c^est que les archives da district de Reden soient
si muettes sur les excèt et déprédations des troupes républicaines, alors qme ka
archives des autres districts en regorgent. Une simple visite aux archives dépar-
tementales du Morbihan convaincrait vite M. Léon Oubreuil que, sous le rapport
du brigandade, les Bleus n'ont rien à envier aux Blancs.
(t) Sur cette question de l'indiscipline dans les armées de la Révolution, voir
un article de M. P, Bliard, dans la Revue des Questions Historiques^
!•' janvier «902.
(3) Les documents utilisés proviennent à peu près tous des Archives départe-
mentales du Morbihan, série L. Leur cote sera exactement indiquée, au fur et
à matura qu*ilf sa présenteront.
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6) REVUE DE BRETAGNE
s'empara» dans une reconnaissance, d'an chouan de la commune
de Rufflac, nommé Yves Madouas. Celui-ci, pour se tirer d'affaire,
donna des renseignements très précis et très détaillés sur une
bande que commandait aux environs le sieur de Gleusmadeuc.
Il indiqua le nom des chefs^le nombre approximatif des enrôlés,
les jours et les lieux de rassemblements ; il livra le nom de ceux
qui leur donnaient asile et cachaient les dépôts d'arme^. Voici
cette déppsition qui constitue un document curieux pour l'his-
toire de la Chouannerie.
« Le 20 ventôse an IV (1), la colonne mobile du détachement
en cantonnement à Malestroit, ayant fait la prise d'un individu
nommé Yves Madouas, âgé d'environ dix-huitjans; flls de Yves
et de Mathurine Guimard» natif du village du Fresne en Garo,
demeurant actuellement au village de la Rivière en Rufflac, en
qualité de journalier, travaillant ordinairement chez le nommé
Noblet, notaire, propriétaire de la maison de Belangeard, ledit
Madouas a fait les déclarations suivantes.
« Il a déclaré avoir été, mais par force, avec les Chouans, et a
nommé tous ceux qu'il connaissait.
a C'est à savoir M. de Cieusmadeuc (2), chef du canton de
Rufflac, Caro, Saint-Nicolas, Réminiac, Monterrin, La Chapelle,
Ploërmel, Augan, lequel a présentement pour monture le cheval
qu'ils ont pris, le 26 pluviôse, sur la route de Ploôrmel, au ci-
toyen] Pierre Thétiot, marchand tanneur de Malestroit, l'ayant
fait mourir le 28 dudit mois dans un bois entre la Fresnaie et
Réminiac, où ils l'ont enterré. Un chouan de Guer, dont le décla-
rant ne sait pas le nom, en est muni et porte ses vêtements.
« Comme chefs de chouans, il y a le marquis de Guer, son flls,
son domestique ; M. de la Motte, M. du Coôtbo, Louis Noblet de
Belangeard, &gé de 21 ans, demeurant chez son père, qui doit
ôtre nommé capitaine ; Caro, capitaine en Rufflac, Du Bouays,
frère de celui de Caro, capitaine.... (suit une trentaine de noms
de chouans de Rufflac, Caro, et Monterrein (3).
(1) 10 mars 1796.
(2) Victor Urvoy de Cleosmadeuc fut chef des chouans dans la région de
Ploërmel, en 1796, pendant une maladie du chef habituel, Louis-Hippolyte Du
Bouays du Couébout (Histoire manuscrite de Ploërmel de M. le comité de BelleTue).
(S) Voici ces noms à titre de curiosité : Math. Frapsauoe, Math. Bellamy,
Math. BaTou, du rillage de la Rivière en Ruffiac; Math. Coquet, du Tillage de
la Halnais en Ruf&ac ; le talet de Daniche au Petit^Madou en RuflQac ; Simon,
nommé le Janne, du Tillage de Degois, en Ruffiac ; François Radigonais, autre
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^■^iï^
LES BLEUS EN CAMPAGNE
61
« M. Jouanneaux du Lobo, en Garo, capitaine de chouans, fait
faire son service par un des Plautards du village de la Gajal en
Garo, afln de ne pas tant paraître et faire connaître ce qu'il est.
a II y a au quartier de M. de Sol (1) Nicolas Malinge, et Mau-
rice, fils cadet, de Malestroit.
« Le nommé Goquerel, prôtre r^fractaire, ex-recteur de Ruf-
flac, se retire au village du Haut-Trio, en Ruffiac. Lui, et Alexis
Gayet, et Louis Vellet^ autres prêtres réfractaires, ne quittent
pas la paroisse de Rufflac et sont marchands d'absolutions.
a Hervé de la Provostaie, demeurant à Goôttion, reçoit chez lui
journellement la cavalerie des Ghouans, ils sont au nombre de
30, tous bien montés ; ils attendent de devenir un plus grand
nombre, et disent être un cept complet ; ils font chez ledit Hervé
bonne chère, le fricot ne leur manque pas.
« M. de Gastel retira et reçoit les Ghouans aussi bien que
M. Hervé, et ils y sont fort souvent.
« Le nommé Davalo, du Rocher, en Tréal, distribue les fusils
les jours de rassemblements, et les remet dans un magasin,
quand les Ghouans se retirent chez eux.
« Les rassemblements tant de cavalerie que d'infanterie se font
tous les vendredis de chaque semaine, et durant trois à quatre
jours suivant l'exigence des circonstances. Ges rassemblements
se font ordinairement au Pré-Glos, au Rocher, au Binio. Les
petits rassemblements sont de 300 hommes. Quand tout le can«
ton est rassemblé que commande M. de Gleusmadeuc, ils sont
au nombre de 1.500. Leur cavalerie porte une espèce d'uniforme
de housard.
« Le nommé KerhoAnt, du Bois-Ruaud, fait de sa maison un
dépôt de Ghouans.
EUdigoaaiB, aux Landes» en Raffiac ; le fils aloé de la Brunet, le fils de Kafort,
da bourg de Rufflac ; les deax Plantard^ Louis Bodigoet, le fils du Moine, le
nommé GaUais, du village de la Gajal, en Garo ; Gilles Rigoét, Pierre Rigoôt, de
la Ville-Eon, le fils de Lorget au Bignon, le fils de Henrio, oordier au Grand-
Village, en Garo ; le grand valet de François Tatard, au Petit-Madou, en Ruffiac ;
U valet de Coliniau, en Ruffiac ; le fils du métayer de Saint-Gonan, en Garo ; le
valet du nommé Béquille, tailleur près le Petit-Lobo, au village de la Haute- Vay
eor Garo ; Yves Ayoult ; un sabotier dont il ne connaît pas le nom, le nommé
Loho, cordonnier de la réquisition, de Monterrein ; le nommé Bernard de Males-
troit se retire chez sa tante an village de Poupreu, près Belangeart, en Rufflac ».
(I) Oe Sol de Grisolle (Louis), de Quérande, ancien olficier de marine, chef
des chouans dans la région de Rochefort et de Redon, en 1795, après la mort de
Cacqueray de Lorme.
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TT^^fl
et RE VUE DB BRBT If
« Ledit du Bouays, gendre de Tressan, demeure aoiuellement
au Thé en Garo ; c'est un embaucheur, et il a proposé à l'inter-
rogé de l'enrôler pour les Chouans.
c Loîzel du Patis, demeurant à Qlainville, en Réminiac, capi-
taine, fait de sa maison un très fort repaire de Chouans.
« Le vieux La Ruée, son fll8,et son domestique, sont capitaines
de Chouans.
« Tels sont ses dires et déclarations... Signé. Le commandant
de la place en état de si&ge, Séguin. Bains, commandant la garde
nationale » (i)*
Bn même temps qu'elle recevait ses précieuses indications,
Tautorité militaire était avisée de différents autres côtés que les
Chouans étaient nombreux à la lisière du Morbihan et de rille*et-
Vilaine, c'est-à-dire dans toute la longueur de la vallée de TAff,
de la forôt de Paimpont aux marais de Redon. Dès le 2 frimaire
an IV (22 novembre 1795), le commissaire de la municipalité de
Quer avait signalé au district de Ploôrmel, demandant du se-
cours, la présence de 2.000 chouans à la Ghapelle-Bouexic, et 4 à
500 à la Bourdonnaye. « Ils ne cessent d'enlever les grains de la
République et méditent de nous attaquer » (2).
De son côté, le district de Rochefort signalait, dans iine lettre
au département, que les brigands s'aggloméraient autour d'eux,
que leur nombre montait à plusieurs milliers (4000 environ), et
que les voitures transportant les fonds publics ne pouvaient cir-
culer qu'escortées par des détachements d'au moins 600 hommes.
Il songeait même en cas d'attaque à jeter leur caisse dans les
puits du Gh&teau (3).
Le pays,d'aillear8,se prêtait à merveille à cette guerre de guéril-
las où s'entendaient si bien les Chouans. Raviné^ sillonné de cours
d'eau, avec son fouillis de vallons profonds et de collines
abruptes, ses vastes étendu:!8 boisées se reliant entre elles, ses
immenses landes désertes où se perdent et se croisent les sen-
tiers sous les ajoncs épineux, il offrait des ressources et pour
l'attaque et pour la retraite. Vers le nord, la forôt de Paimpont
réservait ses fourrés impénétrables, en cas de besoin ; et, au
sud, les marais de Redon, des cachettes sûres et inaccessibles.
On se résolut en haut lieu à briser cette barrière chouanne qui
(0 Areh. Morb., «érie L, 1214.
(«) iWd., L. 1227.
(S) L. 1963.
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LES BLKUS EN CAMPAGNE 6a
menaçait de se consolider et de couper sérieusement les commu-
nications entre Rennes et Vannes, Déjà les Chouans avaient au-
dacieusement attaqué un détachement à Guer, le 10 pluviôse
(29 janvier 1796), et quelques jours après, à Boven ils recom*
mençaient.
Dans les premiers jours de Qoréal an IV (avril-mai 1796), une
colonne mobile de 12 à 1500 hommes partit de Rennes, sous les
ordres des adjudants-généraux Simon et Grublier. Quelques
pelotons de cavalerie éclairaient sa marche. Du 10 au 18 Qoréaî,
la colonne parcourut les communes de Guer, Beignt)n, Gampé-
néac, Augan ; et, pour se venger de ne point rencontrer les
Chouans, elle se mit à piller. Mais ce n'était là qu'un début,
qu'un exercice d'entraînement, histoire de se faire la main ; les
Bleus allaient bientôt opérer en grande et de façon méthodique
et sérieuse» ^
Des détachements ayant été laissés en observation vers Guer,
le gros de la colonne continua sa marche dans la vallée de rA£f.
Le 19, au matin, elle se heurta à une bande de Chouans, au châ-
teau de la Bourdonnaye en Carentoir. C'était sans doute celle de
Cleusmadeuc. Les Chouans étaient nombreux, 7 à 800, semblaient
bien commandés, montraient de la cohésion. Une trentaine
d'entre eux étaient à cheval. La colonne républicaine n'osa atta-
quer: et^ chose curieuse, les deux troupes se suivirent sans
échanger un coup de feu durai t toute la matinée, passant par
Réminiac, Caro, arrivant ainsi jusqu'au château de la Haute-
Touche en Monterrein. Tantôt elles se perdaient de vue, tantôt
elles se trouvaient tout près, au point de se toucher et de pouvoir
se parler. Les Chouans allaient d'un pas des plus modérés, ils
faisaient bonne contenance et semjlaient attendre Tattaque ;
leurs cavaliers parfoisvoisinaientavccles hussards républicains.
Sur la lande du Ghône-Tord^nlre Caro et Monterrein, le combat
faillit s'engager, mais Tavant-garde républicaine se sentit troj^
avancée et rétrograda. A la limite de Monterrein et dePloôrmel,
la poursuite cessa définitivement, et les Chouans échappèreht
dans la direction de Saint- Jean de Villenart et Gourhel, évitatit
la place de Ploôrmel. Le lendemain, ils passaient au Bois-de-la-
Roche, et arrachaient les plombs des toits du château pour s'en
faire des balles (1).
(I ) Ceci expliquerait peut-être pourquoi les Chouans s*étàieiit laisséd poùrstiiV^é,
toute une matinée, sans tirer un coup.de fusil ; ils manquaient de munitions.
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64 REVUE DE BRETAGNE
Quand ils furent partis, le 21 floréal (10 mai), le jardinier fer-
mier de la maison du Bois-de-la- Roche, Jean Bertlielot, alla faire
la déposition suivante à la maison commune de Néant. « Ledit
Berthelotnoiu a déclaré, à nous soussignés Joseph Heuzel, agent
national, et Vincent Dandin, adjoint, rendus au lieu ordinaire de
nos séances sur sa réquisition, que, le 20 floréal, il est arrivé au
lieu du ^Bois-de-la-Roche, une troupe armée d'environ 1000 à
1200, dont plusieurs à cheval^ lesquels ledit Berthelot n'a pu re-
connaître^ Après avoir entouré Tendroit de toutes parts, ils sont
entrés chez lui à main armée, ils lai ont volé un bœuf et enlevé
tout ce qu'il y avait de pain et autres provisions de bouche. Ils
se sont ensuite portés vers la maison du Bois de la Roche,
dont ils ont en partie découvert le toit et enlevé tout le plomb,
en outre tous les fers et grillages des fenêtres avec les balcons
et les fers du pnits»dont ils ont démoli le contour. Ledit Berthelot
nous a déclaré qu'ils étaient partis environ les 5 à 6 heures du
soir. Fait et arrêté pour être adressée copie au commissaire du
pouvoir exécutif près le Tribunal civil du/départ<)ment pour en
faire les suites qu'il verra bon ôtre. Joseph Heuzel, agent na-
tional. Vincent Dandin (1). »
Le district de Plodrmel en ayant informé celui de Josselin re-
çut, le 25 floréaL la réponse suivante. « J'ai reçu, citoyen col-
lègue, votre lettre d'hier^ p^r laquelle vous me prévenez de l'en-
lèvement fait par la colonne de Guillemot (2) de fers et de plombs
qui se trouvent dans le ch&teau du Bois de la Roche. J'en ai fait
passer aussitôt une copie au commandant de la place qui, de
concert avec le général Mermet qui se trouve ici actuellement,
pourra concerter des mesures militaires pour découvrir le re-
paire où les Chouans cachent les objets les plus précieux. 11 sera
peut-dtre difficile de découvrir le lieu qui leur sert de dépôt,
parce que toutes les communes de notre district protègent le gé-
(1} L. mi.
(?) Joftelin met ce méfait aa compte de Oaillemot. Il lemble platôt qae ce eoit
la bande de Cleutmadeao qoe nous aToni tu échapper à la colonne Simon. Dam
la lettre dn diitrict de Josselin, il y a dans la minute les mots par les C?iouant
qni sont effacés et remplacés par ceaz-ci par la colonne Guillemot. Le district
ponvait n*étre pas bien renseigné, et il était porté d'ailleurs à tout attribner an
terrible Gnillemot dont il eut tant à soaftrir. An surplus, il est possible qu'une
bande dàê Chouans de QuUlemot soit Tenue jusque-là, et ait rejoint la bande de
Cleusmadeuc. Les documents signalent, en effet, le passage de Chouans par Mohon,
Blénéac, Ters cette époque.
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LBS'BLEUS VN CAMPAGNE 65
Béral du parti rebelle ; il peut partout trouver retraite et un asile
&ûr contre toutes perquisitions. On nous promet encore et sous
peu des forces bien imposantes; mais si nous devons les dési-
rer pour éteindre entièrement le chouannage, nous devons en
craindre les suites, si les généraux ne répriment les excès af-
freuxquenous voyons se commettre journellement, et qui jettent
les cultivateurs paisibles dans le désespoir. Salut et fraternité.
Soyer (1). »
De son côté, le général Simon rendait ainsi compte de la jour-
née du 19 au commandant de la place de Ploôrmel. Evidemment,
comme nous le verrons plus loin par les dépositions de témoins
nombreux, il arrange les choses à sa façon, et n'avoue pas qu'il a
volontairement laissé échapper les Chouans.
« J'ai poursuivi, ce matin, les Chouans depuis le château de la
Bourdonnaye,communedeCarentoir,jusqu'au villagedela Haute-
Tourhe, commune de Monterréin, ;sans que la rapidité de leur
course m*ait permis de les atteindre, et sans que j'aie pu leur
tuer qu'un seul homme. En quittant la Haute-Touche, ils ont pris
sur la droite en se rapprochant de la grand' route de Ploôrmel à
Plélan^ et je présume qu'ils ont pu la traverser pour se porter
au-delà du côté du Bois de la Roche. La troupe ne m'a pas paru
excéder 300 bu 400 hommes, et une vingtaine de cavaliers. Cette
nuit et demain matin je parcourrai les environs de Réminiac et
d'Augan, en me portant sur Guer, d'où un fort détachement que
j'y ai laissé poussera aussi des patrouilles dans cette partie. J'in*
vite le commandant de Ploôrmel à me seconder, si les forces qu'il
a à sa disposition le lui permettent, en faisant sortir quelques
troupes qu'il dirigera, ainsi que la connaissance qu'il a des lo*
calités le lui fera juger nécessaire. Simon » (2).
Cette lettre fut reçue à huit heures du soir par le commandant
de la place ; elle lui fut remise par une escorte qu'il avait donnée
l'après-midi pour reconduire trois soldats de la colonne Simon
qui s'étaient égarés jusque vers Ploôrmel.
Quand le général Simon donna Tordre de cesser la poursuite
il était environ midi. L'heure di^ repas, sinon du repos, était
arrivée. Mais une autre raison, plus impérieuse, le faisait cesser
un jeu qui aurait pu mal tourner pour lui. C'est qu'à mesure
(1) L. t234.
(9) L. 291.
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M REVUS DB BRBTAONB
qu'il aTançait, il sentait ses troapes s'égrener le long de la route«
Piller, voler, maltraiter d'inoffensifs paysans, effrayer et bruta-
liser de faibles femmes, telle était en effet la besogne à laquelle
se livraient depuis le matin ses soldats^ et qu'ils préféraient aux
dangers d'une lutte avec des Chouans déterminés. « Les gaillards,
disaieot-ils en parlant d'eux, ils semblaient nous attendre ; ils
ne marchaient qu*au pas. » Aussi aim'aient-iis mieux se ré*
pandre dans les fermes et se livrer à leurs habitudes de brigan-
dage, On peut les suivre à la trace de leurs méfaits et de leurs
pillages ; de nombreuses dépositions et de longs procàs«-verbaux
BOUS en ont conservé les détails.
Le général lui*môme, bien digne d'ailledrs de commander pa-
reille troupe, se laissa gagner lui aussi par l'app&t du butin. Ces-
sant délibérément de poursuivre les Chouans, il ordonna de ré-
trograder sur Monterrein et Garo, et de piller en r^gle ops deux
communes. Une réquisition militaire de 60 bœufs leur fut im*»
poséO) sous prétexte de pourvoir aux besoins' de la troupe :
c'était la ruine pour des cultivateurs. Les. soldats s'en donnèrent
à cœur joie. Dans la soirée et pendant toute la nuit, ils serépan^
dirent dans les campdgnes, frappant aux portes, réveillant les
gens. Les malheureux paysans furent forcés» à coup de crosse
de fusil, d'amener eux-mômes leurs botes h Qaro, et même de
les conduire de là jusqu'à Plélan. Ceux qui s'y refusaient étaient
assomméa. Mais si sensible que fut le coup pour des laboureurs,
là ne ae borna pas le pillage. Les Bleus vidèrent littéralement
les maisons, et promenèrent partout le ravage et la dévastation^
quand 09 n'était pas la violence et le meurtre* Tout leur était
bon à emporter, argent, linges, provisions de bouche* Les ar-
moires sont brisées, les charniers renversés^ les lits éventrés,
les coffres saccagés, les barriques défoncées. Ils prennent les
mouchoirs au cou des femmes, les souliers à leurs pieds, les
bagues à leurs doigts, fouillent dans leurs poches» leur prennent
ce qu'elles peuvent avoir d'argent ou de menus objets, Tout cela
est accompagné de menaces, d'insultes grossières, d'apostrophes
ordurières, de propositions cliques, et, si l'on résiste, de coups
de baïonnettes et de crosses de fusU. Pour faire les gens leur
donner T^rgeut qu'ils leur supposent^ ils les menacent de mort,
les percent de )a pointe de leurs baïonnettes, les traînent hors
de leurs maisons et les couchent en joue ; ils menacent de jeter
les enfants au feu. Les bagues d'argeut ne sortant pas asse^ vite
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■ ^^r':^
LES HtEUS BN CAMPAGNE 67
dQ doigt des femmes, its les boarrent de coups, et de leurs
baïonnettes leur tailladent les mains. Un cordonnier se Vit com-
plètement dévalisé, soutiers, cuirs, outils, tout lui est enlevé ;
bien plus on lui brûle l'oreille gauche avec des ptnced rougiès
au feu, on lui donne des coups d'alènp, on menace de lui crever
les yeux. Une femme, qui veut s'opposer au pillage de sa maison,
est prise à la gorge, renversée, rouée de coups et a le bras cassé.
Des femmes enceintes sont maltraitées à coups de crosse de fu-
sil ; d'ignobles attentats sont commis sous la menace des armes.
Les pfttres que rencontre la colonne sont poursuivis, fouillés et
maltraités. Un homme de Monterrein reçoit d'un cavalier un coup
de mousqueton, tombe, et de plus est labouré de cinq coups do
sabre ; on lui prend son chapeau, sa ceinture et 40 sous dans sa
poche.
Le pillage n'épargna pas les propriétés publiques ni les biôns
de la commune. A Monterrein et à Caro, des soldats pénétrèrent
dans l'église, brisèrent les statues, saccagèrent tout, et se firent
UH Jeu de brûler ou jeter au vent les actes de l'état civil et les
rôles des contributions. Ce quMls né pouvaient emporter Ou oe
qu'ils pensaient ne pas devoir leur servir, ils le détruisaient
pour le plaisir de détruire. C'est ainsi encore qu'ils mirent au
pillage la bibliothèque du château de la Haute-Touche, pour lé
plaisir de Joncher de livres et de papiers les chemins creux d'a-
lentour (1).
Pour se donner un prétexte à piller, les soldats accusaient les
paysans d'ôiré chouans; et, pour en avoir la preuve indéniable,
ils glissaient des cartouches dans les armoires et dans les coffres
et s'indignaient ensuite de pareilles découvertes.
Le général Simon voulut de môme colorer sa réquisition, en
prétendant que les communes avaient donné asile aux Chouans.
La voici, la môme pour Caro et pour Monterrein. ^
« Armée des Côtes de l'Océan, 19 floréal. Je soussigné, adju-
dant général, commandant une colonne mobile, attendu que les
habitants de Caro (Monterrein) se sont prêtés, dans la matinée
(1) Les chefs eux-mêmes ne s*en pmaient pas. C'est ainsi que Tan d*eax (Simon
sans doute) fut accusa plus tard d'avoir laissé les gens de sa suiie emporter des
violons et autres instruments de musique, et lui-môme de s'être emparé d'un
grès livre in-folio, la Qéographie universelle, de Tavoir laissé à son logement ohes
la oitojen AusqueiWKerouas à Plélfin en le priant de le lui faire passera fteaaM*
(L. 1284).
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68 REVUB DB BRETAGNE
de ce jour, à donner asile aux Chouans poursuivis depuis le châ-
teau de la Bourdonnaye par les troupes à mes ordres, et se sont '
çtnpressés à les soustraire aux recherches qui en ont été faites
iOTs du passage des troupes républicaines dans leur commune;
attendu également qu'il est constant que la majorité des habi-
tants de la commune de Garo est habituellement avec les
Chouans, et qu'ils se portent aux rassemblements de ces der-
niers ; en vertu des instructions et des pouvoirs à moi confiés
par le général en chef de Tarmée des Côtes de l'Océan, ai imposé
la commune de Caro à me remettre d'ici à demain, 2 heures du
matin, en forme d'amende la quantité de 30 bœufs, qui seront
employés à la subsistance des troupes républicaines, déclarant
aux habitants de la commune de Caro que, faute par eux d'obéir
de suite à la présente sommation, je les y contraindrai par la
force des armes. Caro, le 19 floréal an IV. Simon (1). »
Le pillage organisé dura deux jours, le 19 et le 20. La troupe
88 replia ensuite sur Guer et Plélan, chargée de butin, sinon de
gloire (2). EUe laissait derrière elle la dévastation, le vide, le dé-
sespoir et la mort. Elle n'avait respecté ni les biens, ni les per-
sonnes , n'avait reculé devant aucun attentat. Bref, elle s'était
comportée vis|-à-vis de compatriotes comme elle ne l'eût pas
fait envers des étrangers.
La troupe partie, les agents des communes de Caro et de Mon-
terrein résumaient ainsi le bilan de cette sinistre journée pour
leurs pays. « Nous, soussignés, François Plisson, agent national
de la commune de Caro, et Jean Perrichot, adjoint, certifions
qu'une troupe de Chouans, au nombre d'environ 1000, parurent
à Caro, environ vers les 10 heures du matin, du 19 de ce mois,
où ils restèrent un quart d'heure. Ils avaient des cavaliers à la
découverte qui vinrent annoncer que les républicains appro-
chaient. Ils partirent, les républicains arrivèrent, qui poursui-
virent les Chouans sur la lande du Cnône-Tord, laquelle lande
peut avoir environ trois lieues de tour. Ils étaient à portée de
fusil les uns des autres, et il ne fut pas tiré un seul coup de fusil,
Bi ce n'est sur les poules du bourg, il y a plus de 60 témoins du
(&\L
(t) L. 291.
{2} Le 20 floréal, en ■*ea retournant et en passant inr la lande de MonteneuC
la colonne trouvait encore moyen d'enlever plat de vingt tétea de bétaU d'nne
valeur de S à 4600 franc*. — L. 1197.
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rKT"
LES BLBUS EN GAMPA6NK 69
« La troupe, composée d'environ 800 hommesi après s'être
promenée sur la lande, rentra dans le bourg de Gaxo» et dit à
tout le monde : Les bougres étaient bien commandés ; il semble
qu'ils nous attendaient ; ils ne marchaient qu'au pas.
« Les républicains couchèrent à Caro, oii ils laissèrent dans
chaque maison des cartouches.
L'un d'entre eux voulut violer la domestique du citoyen Goué,
réfugié à Vannes, et le crime eût été. consommé si un capitaine
ne s'y fut opposé. En partant ces hommes dirent aux habitants
du bourg et autres : Nous vous laissons les yeu^ pour pleurer,
c'est assez pour vous. Nous reviendrons bientôt vous revoir
pour les noces, ceci n'est que le mariage (i). »
L'agent de Monterrein se borne à fatre remarquer « qu'il n'est
pas possible que la commune ait donné asile à des chouans dans
le moment même où 800 républicains leur donnaient la chasse :
c'est pourtant sur quoi est fondée la saisie militaire de 30 bœufs. »
Ces deux rapports parvenaient le 21 floréal à l'administration
du district de Ploôrmel, où nous allons voir maintenant cette
affaire se continuer.
J. ROUXEL.
(il suivre)
(1) L, 29i.
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^V'^'''3i^F-TÎ7«*^WP^*
CARILLONS D'ÉGLISES
liT
ROUES DE FORTUNE^*)
Après cet aperçu sur l'antiquité, voyons ce que sont devenus
de nos jours les carillons.
Un peut en rencontrer encore quelques spécimens dans les
édifices religieux remontant au moyen-&ge. Les cath<^drales de
Palerme et de Montreale» en Si:ile, qui datent du XII* siècle, ont
chacune une roue garnie de clochettes suspendue à droite du
chœur (2). Gefle de Montreaie est particulièrement belle; elle est
formée de deux cercles concentriques, portant l'un 26, l'autre
12 clochettes ; maintenue par deux supports perpendiculaires au
diamètre, elle tourne parallèlement à la muraille. Le prôtre qui
nous servait de cicérone à Palerme nous a certifié que les roues
carillons étaient, en Sicile, un privilège des cathédrales ; mais
nous n'en sommes point convaincu, pour la raison qu'à Taor-
mine, au pied de l'Etna, nous avons remarqué, à la porté d'une
élégante habitation de la colonie étrangère, une roue à clochettes
de petite dimension, utilisée pour le service domestique. A n'en
pas douter, ce carillon sortait de Tarrière- boutique d'un bro-
canteur de Taormine, qui lui-môme, l'avait tiré d'une église de
la campagne Sicilienne (3). Ne serait-ce pas le cas de dire : autres
temps^ autres usages ; ce que nous exprimerons tout à Theure,
en d'autres termes, parlant de la Bretagne.
En Espagne, il y a mieux encore qu'en Sicile ; ce pays catho-
lique par excellence a consacré les roues à clochettes par des lôtes
(1) Voir la Revtie de janTÎer 1909
(2) Elles font mises en mouTement à TéléTation, et à la bénédiction dn Saint-
Sacrement. A Naples, nous a-t-on dit, se retrouvent l'instrument et Tnsage
précités.
(3) Tout le commerce de Taormine^ du reste, se réduit à la revente et à la
liquidation de t ieiUeries.
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1
CARILLONS D'iGLISBS BT RÔUBS DB PORTONS 71
dites oarilloBDéQs. Les somptueuses eathédrales gothiques^ qu
évoquent le souvenir des Ages héroïques, les utiliseat à certains
jours solennels. Pour nous autres, Teffet inaccoutumé de ees ca-
rillons est parfois surprenant ; voici Tim pression d'un Français,
de passage à Barcelone le jour de la Pentecôte ; « Je me trouvais
à la grand'messe, lorsqu'au moment de Télévation mes oreilles
furent toute coup frappées, désagréablement je Tavoue, par uo
bruit cacophonique, étrange, strident au point de dominer la
voix de Torgue et la sonnerie des cloches, bruit de clochettes tin-
tinnabulant, non pas toutes à la fois, mais au contraire Tune
après l'autre, à des intervalles extrêmement rapidesi mais ré«
guliers ; ce qui semble indiquer que les sons étaient procluits à
l'aide d'un appareil rotatoire.... » Ce intamare assourdissant pro-
venait effectivement d'une roue à elochettea, qui soudain se mâla
au tonnerre des orgues, sans doute pour imiter le bruit que le
Saint-Esprit fit en descendant sur les apôtres.
Nous sommes porté à croire qu'anciennement les fêles caril-
lonnées étaient consacrées par la liturgie et célébrées dQ cette
façon, du moins dans TÔoeident catholique.
Lies carillons des cathédrales sont parfais très ornementés et
d^n véritable travail artistique; nous reproduisons par la gra-
vure celui de Tolède qui est d'une grande richesse dd ferroa-
nerie.
Nous l'avons vu« en Frauoe. Bretagqe qu Normandie (1), la note
bruyante du carillon frappe la voûte des églises, lorsque TpCO-
{ï) Qo poiit avait signalé également 4ea roues oa? iUoiia dans le% Pjréaéea« entre
autres» àk Saint-Beat^ près Eagnères deLaohon. Le ouré doyen de cette localité
noQS a informé qu'il n*a jamais dû en exister dans sa paroisse, et, du reste, il n'en
connaît aucune dans la région, si ce n'est de Tantre côté de la froi^tière, à So».
sost (HiSpagne). CeUe-ei est reléguée kiabituellement dans la sacristie et se^ d^ns
certaines cérémonies. Au cours de sa Promenade archéologique dans le Val
d^Aran^ M. Jules de Laurière a décrit une roue du même genre, dans l'église
d'Bscugnau, parée pompeusement du nom à'erifue» et se tronvsnt enferasée
da«e un bufiet dm XV* siècle. Ce Aom caractéristique nous remet en i»^oire
ropi,nion d*un humble desserrant de paroisse bretonne, lequel, questionné sur
Torigine probable de ces appareils, nous répondit a?ec simplicité et non sans
justesse : « Ma foi ! je n'en sais rien, mais je me figure que les roues carillons
ont été les premières orgues de ^os égUses. »
IVaprès certains auteurs (M. Peigné DelacourtetM. Tabbé Pierrot) la catbédralede
Noyoïi et l'église Saint-Jacques de Dieppe auraient possédé des roues à sonneries.
\\ envient aussi de signaler, dans l'église de Blécourt ^Haute-MarneK Tossatore
d'une ancienne roue encore suspenctas )^ i0pJt mèt^ea de luiutffnc^
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72 REVUE DE BRETAGNE
ciant entonne certains cantiques, comme le Magnificat et le Te
Deum ; mais le plus souvent aux instants de la messe marqués
habituellement par le tintement de la clochette du clerc.
Dansées occasions, ce genre de sonneries doit-il nous sur-
prendre? Les riches églises de nos villes^ ne remplacent-elles pas
souvent la sonnette au son aigrelet de nos sanctuaires ruraux par
des bourdons ou des carillons .formés d'un hémisphère métal-
lique, groupant plusieurs timbres dont les sons se fondent har-
monieusement ? '
C'est d'un instrument du môme ordre, dont M. Delamare parle
comme étant en usage dans beaucoup d'églises de la Flandre
française.
L*idée même de flxer au mur, près de Tautel, ces sonneries, est
venue naturellement de la recherche des effets sonores et de la
commodité pour la mise en mouvement. Nous nous souvenons
avoir vu à la cathédrale de Florence un choriste servant ta messe,
faire usage d'une clochette suspendue à la muraille, côté de Té-
pitre ; il l'actionnait de sa place au moyen d'une corde et suivant
les besoins de l'office (1). Détachez cette simple cloche, mettez à sa
place un cercle garni de clochettes maintenu par des rayons, et
vous aurez la « rota cum tintinnabulis » de du Gange, ou la roue
de Fortune de Gonfors et de Locarn en Bretagne.
N'ôtes-vous point encore suffisamment édifié sur le rôle des
roues carillons ÎTransportez-vousàSaint-Nicotas de Priziac, dans
l'ancien Guémené ; après avoir admiré le remarquable jubé, vous
pourrez constater que la chapelle possédait une roue portative,
qui, à la main, pouvait être maniée par le servant de l'office (2).
Mais nous voici de nouveau en Bretagne, en face des objections
que ne manqueront pas de nous opposer quelques savants archéo-
logues .Nous prétendons effectivement que là, dans certaines pa-
roisses, l'usage des roues à clochettes a été détourné de son sens
primitif et que les pratiques superstitieuses qui s'y sont attachées,
leur ont donné une fausse signification.
L'&me bretonne, si mystique dans sa nature, est pétrie de su-
perstitions ; le surnaturel est une nécessité pour elle, aussi, celui-
(1) « Ri«n ii*e«t plus commun, dit M. Delamare, de Toir une sonnette suspendue
auprès de Tautel. Cest ce qu*on remarque à l'église Notre-Dame de Gaen ».
(2) Lorsque les roues carillons sont suspendues dans le milieu de la nef, c'est
le sacristain, ou un notable, qui en est chargé. La roue de Saint-Nicolas de Pri-
ziao est en très mauTais état de conserration.
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^•^A ,•'. •
BOUE-CAlilLLUN DE LA CAT11ÈDFL\LE DE TOLÈDE (ÊsPAiiNï)
Février iM09
h
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ri
74 REVUB DE BRETAGNE
ci n'a-t-il pu tenir dans les limites de la religion, c Les objets les
plus familiers, les faits les plus simples, ne sont pour le Breton
que dei agents de l'au-delà, de ce merveilleux étrange, qui anime
et vivifle tout*» (1). C'est pourquoi chez nous, dans ses maaifiis-
tations extérieures, la religion comporte des pratiques populaires
acquises souvent par l'effet des circoustances fortuites, ou bien
nées de Texagération même du sentiment religieux fondé sur
l'ignorance, comme certaines coutumes féodales, qui nous pa-
raissent aujourd'hui ridicules et grossières, ont tiré leur origine
d'une manifestation excessive de l'autorité^
En outre^ l'ancienneté illimitée d'une pratique ne peut être
établie par sa singularité. Que dirait-on si nous allions prétendre
que l'homme de la période néolithique s'est plu à ériger les dol-
mens de Locmariaquer, aflt^ de permettre aux campagnardes
de se livrer à de périlleuses glissades sur la partie charnue de
leur individu, dans l'espoir de devenir un jour mères ?
La Providence possède assurément des trésors de bonté et de
mansuétude ; mais cependant, pouvez-vous concevoir qu'elle ait
envoyé parmi nous saint Nicolas, comme tant d'autres saints,
pour que les jeunes filles, en mal d'époux, pussent à loisir tor-
turer son effigie de coups d'épingles 7 (2).
Dans le cas particulier qui nous occupe, nous n'avons aucune
raison sérieuse de rapporter les pratiques bretonnes à la survi-
vance d'un culte païen, à travers quatorze ou quinze siècles. Le
(1) L*AbbéMinoa.
(2) 0i«z, plutôt, ce qai le passe an pardon de SaiajtrNicolas en Tredanec :
L'effigie du saint est suspendue à la TOûte par une corde glissant sur un
anneaa. Se présente une postulante au mariage, la TieiUe femme préposée à
la corde laisse descendre le saint qu'une autre commère maintient immobile
par les pieds pour qn*il ne gigote pas, pendant que la postulante précitée l'em-
brasse tendrement et le coiffe en lui enfonçant le plus possible une épingle dans
la tête, afin de lui remémorer le plus cher de ses désirs. La jeune fille ensuite
retire son épingle afin de faire place à une autre de ses camarades. Dans Tinter-
▼aile, le saint a prestement regagné la voûte pour redescendre, être embrassé et
repiqué à satiété pendant toute la journée. Une offrande de 10 centimes est an
préalable déposée dans une assiette voisine du lieu de l*opération.
M. Faudacq, de Ploubazlanec, à Tobligeance duquel nous devons ces renseigne-
ments, et qui s*est rendu compte par lui-même de cette curieuse coutume ajoute :
« A cette aimable occupation les joues du saint, devenues lisses comme des billes
de billard, empiètent sur le nés qui a disparu sous le frottement des baisers. A
regard du reste de la tête, c'est une pitié de voir ce que les coups d'épingles plus
ou moins accentués en ont fait. La boUe crânienne a disparu et c'est au cerveau
que ces vierges enragées s'attaquent sans merci pour épouser les trois quarts du
temps un vil poohard ».
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^ *« «^■«ataw/»'^ 1-'
'^V^ 1*
CARILLONS D ÉGLISES ET ROUES DE FORTUNE
75
symbole de la roue, universellement connu, aura suggéré à
certains esprits avisés Vidée de baptiser^ roues de fortune, ces
appareils servant de hochets à la superstition des habitants de
nos campagnes. Encore convient-il de ne pas généraliser et de
discerner les bornes de ces pratiques superstitieuses.
Dans Tenquêle minutieuse à laquelle nous nous sommes livré,
pour connaître l'usage fait en Bretagne des roues de Fortune,
nous n'avons trou-
vé de pratiques con-
traires aux princi-
pes liturgiques que
dans deux sanc-
tuaires.
A N.-D. de Con-
fors, en Meillars,
lieu de pèlerinage
très suivi de laCor-
nouaille, « les mères
de famille deman-
dent à sonner le
carillon d'honneur,
dans le but d'ob-
tenir, pour l'un de
leurs enfants lent à
parler, le don de
langue, ou plutôt te
don de la parole.
Aussi est-ce avec
une dévotion tou-
chante que ces
mères font tourner
le carillon par le bras débile de leur enfant. Plusieurs per-
sonnes viennent demander qu'on leur fasse l'échange d'une
pièce d'argent contre la valeur correspondante en billon, se
proposant ainsi de mettre en face de l'enfant de quoi faire
une offrande à la bonne Madone ; tout le billon que l'enfant
peut saisir en une seule fois de sa petite main est religieu-
sement déposé par la mère dans le tronc (1). »
(1) Communiqué par M. Rolland, rectear de Meillarji.
LA ROUE DE N.-D. DE CONFORS EN MEILLARS
(Finistère)
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7« REVUE DE BRBTAGME
Eh bien, sàvez-vodd quel esprit divin intervient dans cette
pieuse coutume ? C'est Bouddha lui-môtne. La Vugarisation
seienti/tqtle du 15 juillet 1907 nous l'apprend, si nous osons
rignorer : ^ A Téglise de Oonfors est une véritable roue Boud-
dhiste... etc.^ etc. » et le chroniqueur retrace ensuite la scbne
à sa façon, montrant les fidèles venant consulter l'oracle en ti-
rant la corde. Pas un mot de l'intention particulière des mères
de famille ; cependant il note que les clochettes sonnent pour
tous^ pendant la messe, au moment du Credo. La vertu atta-
chée aux clochettes ne contrarie donc point l'usage ordinaire.
La simplicité naïve des Cornouaillais, croyant invoquer plus
efficacement le ciel, en se servant d'un instrument fait pour sa
gloire, ne doit pas nous étonner ; nous la trouvons aussi touchante
que celle qui attire les parents en foule, autour du sanctuaire
de Saint-Gilles (canton de Mûr), le jour du pardon. Là, les
marmots viennent puiser le courage et la vaillance que doit
leur transmettre uh coq ; dans les bras ils promènent le vo-
latile autour 4e l*église, puis 4e donnent en offrande au saint
vénéré.
Actuellement je ne crois pas qu'il existe d'autre sanctuaire
que la chapelle de 1^ Trinité de Quéven près Lorient, où
s'exercent sur un carillon des pratiques palehnds. Voici les
renseignements tels qui nous ont été transmis par M. Plunian,
ancien recteur de Quéven : « Ici dit-il, leé superstitieux Lorientais
viennent consulter la fortune par l'entremise de la roue. S'ils
réussissent à la faire tourner sans arrôt» la fortune sera favo-
rable, c'est-à-dire l'avenir heureux. Si elle s'arrôte brusquement,
la fortune sera contraire. Ils lui font les mêmes questions
et lui donnent les mômes significations qu'aux tables tour-
nantes ï> (1).
Luzel 8ignale,dans la commune de Saint-Thégonnec(Piaistère),
une « roulette de chance y> mise sous le patronage d'un saint ;
ce n'est qu'une roue à clochettes servant à consulter le destin (?)
pendant la messe ; mais faisons des réserves car cette informa*
tion est tirée d'un volume de poésies.
(1) Marne à la Trinité de Qaéyea, oq n^emploie jamais d*auire appellation que
« la roue ».
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lTiiiiitiiîf">"
CARILLONS D*$GLIS£S RT ROUES DE FORTUNE 77
A Laniscat (canton de Gouarec) la roue est mise seulement en
mouvement h Toocasion des baptêmes ; à Magoar (canton de
Bourbiac)et àN.-D. du RioUon (près Saint-Nioolag du Pelem)
nn notable la sonqe à rélération^ au Magnificat et aux baptômes ;
à Locarn (près Maôl*Garhaiji) on la fait fonctionner pour les bap-
têmes, les fêtes solennelles, le Te Deum, Des débris gisent sans
honneur dans un coin de la belle chapelle de Quilinen en Lan-
drévarzec (Finistère) et à Saint-Nicolas de Priziac (Morbihan) ;
mais ailleurs, à Quimperven et Pouldavid, aux chapelles de
Saiot-Derrien et de Trévarn (Finistère), à Saint-Tugdual de Bulat
(Cotes-du-Nord), tout vestige a disparu. Assez répandues, sans
douté, il y a quatre ou cinq siècles (1), les roues se font très
rarçs, et il est à prévoir malheureusement que, d^ns un avenir
peu éloigné, elles soient perdues pour la Bretagne, à moins tou-
tefois que les desservants de nos paroisses apprennent à res-
pecter les souvenirs qui ont guidé la foi de nos ancêtres et à
sauver leurs restes,
Nous rattachons aux carillons fixés à la muraille le cercle garni
de clochettes qui devient, comme à N.-D. de Gonfors en Berbet
l'attribut d'un saint, a Le ^aint à la roue, est à droite de l'autel ;
au moyen d'une cigogne que l'on fait mouvoir de l'intérieur de la
sacristie, il semble faire tourner une roue presqu'aussi grande
que lui et toute entourée de clochettes qui produisent un étour-
dissant carilloh quand la roue est en mouvement, ce qui a lieu
d'ordinaire pendant l'élévation ». Nous sommes obligé d'em-
prunter cette information à Jollivet qui écrit en 1855, car
depuis, comme pour corroborer ce que nous avancions tout à
l'heure, un recteur de Berbet a fait disparaître le curieux au-
tomate (2),
Qu'il s'agisse d'un automate ou d'un appareil simple, nous ve-
nons de le constater, les cercles garnis de clochettes sont appelés,
(1) D'après d*anoient comptei, la Fordt-Fouesnant (Finiitère) poisédait une
rose en 1610 (communiqué par M. lé Chanoine Peyron) et Saint-Herbot (près le
Hi|el(j;oat) iivaii encore la sienne au XVlll* siècle (Archives du Finistère).
{l) Qe^te disparition ne ise produisit pas sans l'énergique protestation des pa-
roissiens, Ceux-ci furent si mécontents qu'ils firept une chanson sur M. Bricquir
(le secteur en question) emporti^ot le saint à la roue, très populaire dans toute la
région. L*un des habitants de Confort composa même un autre saint semblable
à Tantique et le mit k la place de celui-ci à la satisfaction de tous, du recteur, ,
excepté, qui le fit disparaître de nouyeau.
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i
78 REVUE PE BRETAGNE
par rharmonie des sons, à marquer la pompe de certaines céré-
monies et à remémorer aux fidèles les instants les plus solennels
des mystères sacrés. Pouvons-nous rester indiSTérents à cette
coïncidence marquée du sceau de Tancienneté, qui rattache les
roues de Bretagne, à celles des autres provinces françaises^
même à celles des pays étrangers à la France ?
En Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Espagne, nous avons
retrouvé les mêmes instruments, nous avons vu leur principe
admis dans toute la chrétienté, nous pouvons aujourd'hui encore
nous rendre compte de leurs effets bruyants dans certaines cathé-
drales; nulle part des pratiques païennes n'ont été notées.
Ajournons donc les explications les plus ingénieuses, quant au
lieu de sortir naturellement des faits constatés, çlles ne reposent
que sur des analogies trompeuses. Le paganisme ases symboles,
c'est vrai ! L'univers peut tenir dans ces symboles en les élar-
gissant plus ou moins ; mais faut-il en conclure que chaque forme
donnée par l'esprit humain à la matière est une manifestation en
faveur de Jupiteir, d*lsis, du Soleil ou de la Lune ? (1)
En réalité, à part le nombre des clochettes et leur mode de
suspension autour d'une monture circulaire, les carillons autre-
fois scellés & la muraille dans quelques églîses ne se différen-
ciaient pas autrement des sonnettes ordinaires de l'autel. Ce
n*est que très exceptionnellement qu'ils ont pu servir à des
pratiques superstitieuses, pratiques relevées uniquement en
Bretagne, où le caractère des habitants est éminemment spiri-
tualiste.
Laissons donc aux dieux de l'antiquité leurs symboles, laissons
aux Thibétains leurs roues à prières (2), aux Bohémiens les
roues du devenir, aux forains les roues du hasard, et réservons
l'appellation de roues de Fortune aux représentations de l'évolu-
tion humaine dont la cathédrale d'Amiens et l'église Saint-
(1) Da reste, point n'est besoin d*avoir recours au paganisme pour imaginer ane
explication fondée sur analogies. Le nombre douze des clochettes qui se retrouve
assez souvent et, si Ton veut, la forme de la monture supportant celles-ci*
peoTent assez naturellement représenter les apôtres, faisant entendre leur toîx
jusqu'aux extrémitésdu globe.
(2^ Oa n*a pas manqué, en effet, de dire des roues de fortune» quVUes étaient
des tourniquets à prière.
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■V- \
CARILLONS D'ÉGLISBS ET ROUES DE FORTUNE
79
Etienne de Beauvaisoffrenides exemples curieux; ces allégories
sur pierre n'ont rien à voir avec les instruinents sonores qui
servent aux offices religieux.
En terminant, souhaitons que les derniers carillons de Bretagne
restent longtemps encore attachés à la muraille de nos vieux
sanctuairesj et qu'ils sonnent avec une énergie passionnée pour
nSaintenir en éveil au cœur des Bretons la foi des ancêtres.
{fin).
V* Hkrvê du Halgoukt
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DINARD
Dinard n'est plas le bourg, solitaire et sauvage,
Habité seulemeut par de simples pécheurs :
Séduits par son aspect, artistes et rêveurs
Un jour ont attiré les oiseaux de passage...
Chaque année, en été, sur les rochers déserts
Que l'algue et le varech sans cesse ont recouverts,
Voyageors fatigués, vous les voyez s'abattre
Pour contempler la mer, et goûter le repos.
Soudain vers les galets que )a vague vient battre.
Ils courent en }ouant lutter avec les flots.
Laissant loin, derrière eux, les baigneuses timides
Qui marchent en tremblant sur les sables humides.
En se donnant la main.
Spectacles ravissants.
Que Je vis autrefois des grottes de la grève ;
Quand j*y songe aujourd'hui, ce n'est plus qu'un doux rêve
Qui m'apparait noyé dans la brume du temps.
Quand TrouviUe, Btretat, n'étaient que des villages,
L'éminent écrivain Karr, un jour s'y rendit ;
Il y passa l'été, — Clotilde, y fût écrit —
Bt l'on vit arriver des baigneurs sur ces plages.
Mais à son tour Dinard a chftlets et villas.
Le chardon a fait place aux odorants* lilas ;
Partout Ton aperçoit, au versant des collines,
Par de petits sentiers à travers les moissons.
Les gracieux essaims de jeunes pèlerines
Qui s'en vont en chantant, chasser les papillons,
Les ébats sont ioyeux de ces tendres fillettes
Courant sur les rochers, plus folles que mouettes
Au milieu des récifs.
Spectacles ravissants.
Que Je vis autrefois des grottes de la grève ;
Quand j'y songe aujourd'hui, ce n'est plus qu'un doux rêve
Qui m'apparaît noyé dans la brume du temps.
Adolphe Orain.
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i^w
LE PASSAGE DE U CHAIHE DES FORÇATS
A RENNES EN 1886
Le vendredi 2Q juillet 1836, à trois heures de Taprès-ipidi, 1a
chaîne des condamnés dirigés mxr le bagQe de Brest arriva à
Rennes, venant de Paris. Depuis plus de deux heures» upe
afQuenpe de persQpnes, appartenant à toutes les classes de la so-
ciété, se pressait dans les rues que devait parcourir la chaîne, et
jusqu'à Textrémité du faubourg de Paris. Cett^ curiosité était
surtout surexcitée par le désir de voir la forçat appelé Frauçois,
le hideux complice de Lacénaire.
Ils étaient deux cents condamnés aux Ogures sinistres, l^e
dégoût le plus profond saisit la foule quand elle entendit ces
misérables entonner gatment, en traversant la ville, des cou-
plets dont les refrains joyeux contrastaient avec leur po9iti\)n,
et qui accusaient chez ces hommes rejetés du sein de la société
une insensibilité complète.
Les forçats logeaient au Manège, près du Mail, école d'équita-
tion qui vécut de 1782 à 1830. Une rue' de Rennes, par son nom,
en rappelle le souvenir.
Cette école d'équitation était tenue par un M. Duchesne, marié
et père de famille. Les dames Duchesne, très pieuses, très cha-
ritables^ faisaient en sorte, avec d'autres dames de la ville,
lorsque la chaîne des forçats devait passer, de se procurer tous
les vieux chapeaux de feutre hors d'usage et dont elles s'em-
pressaient d'enlever le fond.
Ces chapeaux ainsi défoncés, et dont il ne restait guère que
les bords, étaient passés autour du cou des forçats pour que leur
chaîne pût reposer sur le feutre et ne pas leur meurtrir les
épaules.
Pendant toute la journée du samedi |28 juillet une foule avide
de contempler les condamnés séjourna aux abords du Manège.
Le lendemain dimanche, à trois heures^ la chaîne se dirigea vers
Brest, au milieu de nombreux spectateurs et au grand désap-
pointement de beaucoup d'autres qui, ignorant l'heure du dé-
part, arrivèrent trop tard pour voirie défilé.
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82 , REVUE DR BRETAGNE
Les condami.és traversèrent le faubourg de Brest à pied» in-
juriaot et apostrophant des plus grossiers propos les gens qui
les suivaient.
La physionomie du prisonnier François exprimait la bassesse
et la férocité. Toujours portant la tôte penchée, il avait les mou-
vements brusques de l'animal carnassier. Cet homme, le plus
dangereux du convoi, était l'objet d'une surveillance spéciale.
Il avait été condamné à perpétuité, et à l'audience il s'était mo-
qué de ses juges en se vantant d'avoir commis de nombreux
assassinats.
On remarquait aussi trois jeunes gens parmi ces forçats :
Théophile Gaucher, âgé de 20 ans, Ulbach, 24, et Michel 27.
La famille Gaucher était célèbre parmi les voleurs pour le
dévouement que ses membres avaient les uns pour les autres,
et l'adresse avec laquelle ils se facilitaient leurs évasions. Tan-
dis que le père, condamné à mort comme complice d'assassinat,
attendait à la conciergerie la décision de la Cour suprême, Théo-
phile et son frère lui procurèrent le moyen de percer le plafond
de son cachot situé au-dessous de la boutique d'un cartonnier.
Cette tentative échoua ; mais sa peine ayant été commuée, il fut
conduit à Brest, où ses fils, assistés de leur mère, parvinrent à
assurer sa sortie du bagne et le conduisirent en Belgique.
Un marchand forain, ancien voleur, protégea leur fuite, et pour
l'en remercier, les frères Gaucher, à leur rentrée en France, ten-
tèrent de l'assassiner. En Belgique, le père Gaucher fut con-
damné à dix ans de réclusion, de sorte qu*au moment du pas-
sage de Théophile à Rennes, toute la famille élait dans les
prisons.
Ulbach était le frère de l'assassin de la bergère dlvry ; voleur
de profession, il avait subi de nombreuses condamnations.
Michel au contraire, avant de mériter la peine de mort, n'a-
vait été condamné qu'une seule fois pour vol. Ce fut quelques
jours après sa libération qu'en compagnie d'un nommé Valade,
il assassina un marchand de vin. Il avait obtenu une commuta-
tion de peine. Sa famille était des plus honorables : son père
occupait un grade élevé dans Tarmée, et son frère était un des
officiers les plus distingués de la marine française. •
Ad. Orain.
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SAINT-MARS-LA-JAILLE
ET SES ANCIENS SEIGNEURS
' {Suite)
LA DESCENDANCE DE RENÉ LE PORC DE LA PORTE.
Baron db Vbzins.
Du mariage de René le Porc de la Porte, avec Anne de Maillé
de la Tour Landry, naquirent :
1*> François le Porc de la Porter baron de Vezins seigneur de la
Noiie-Briord, comme représentant de Claudine de la Noue (en
1623) (2) seigneur de la Tour-Landry. Il épousa Françoise de Gou-
laine^ et moarut sans enfants.
2* André, né en 1593, décédé en 1632, évoque de Saint-Brieuc,
dont nous avons donné la biographie.
^ Marthe, qui, par suite du décès prématuré de son frère
François, porta la baronnie de Vezins dans la maison d'Andigné
par son mariage conclu le 23 janvier 1618 (3), avec messire
Charles d'Andigné, à condition que celui-ci prti et transmît à ses
enfants le nom et les armes de la Porte (4).
4» Charlotte, qui, le 15 février 1618, épousa Jacques de la Ton-
chcy seigneur de la Touche Griffant et de la Vergne (5).
(i) Voir la )?cua« de décembre 1908.
(a) Abbé Guillolin de Gorson, Les Grandes Seigneuries de Haute- Bretagne .
i3) Archives de la Loire- Injérieure, E. 683.
(4) De ce mariage paqult au moins un fils, Charles d'Andigné, baron de
Vexins, qui épousa Marie CoUin, d'où François d'Andigné, dit le père de
Vezins, prêtre de l'Oratoire, décédé à Paris, le 17 avril 1737. (Archives de la
Loire-Injérieure, E. 683.
(5) Archives de la Loire-Inférieure, E, 683. De ce mariage naquit Charles
de la Touche, marié le 2 janvier 1669 à Marie- Madeleine Le Petit de la Chaas-
serais ; d'où Louis-Jean-Charles-Urbain de la Touche, marié, par contrat du
6 septembre 1686 à Marie de Charbonneaa, dame de GrifTaux ; d'où Marie-
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84 REVUE DB BRETAGNE
5» Anne, qui épousa Hector Lé[Petit de Verno, seigneur de la
Chausserais. (1).
6*» Madeleine-Marie, mariée à Jean Pidon de la Roche fatou, sei-
gneur de Vassé (2).
Aucun des enfants de René Le Pote de la Porte- Vezins ne pos-
séda le domaine de Sain>Mars-]a-Jail le, qui, après la mort de
Jacques Le Porc, fut attribué à la fille du second mariage de ce
dernier, Marquise Le Porc de la Porte. Ce ne put donc être que par
acquêt que cette terre appartint, ainsi que vous le verrons parla
suite, à Henri Le Petit de Vemo, marquis de la Chausserais, qui
en était possesseur en 1656.
(C'est à tort que plusieurs auteurs, dont Tabbé de Corson, in-
diquent René comme ayant été seigneur de Saint-Mars-la-Jaille,
et sa veuve comme en ayant joui après lui, en douaire durant
quelques années. S*ils avaient possédé cette terre, Tun de leurs
enfants en aurait hérUé. Or, Marquise la possédait déjà en 1606,
et, cependant, François Le Porc, fils de René, vivait encore en
1623, ainsi qu'on l'a vu plus haut.)
DE BOURIGAN DU PÉ D'ORVAULT
« De gueules à trois lionceaux d^ argent i? (3).
Cette maison, d*abord coqnue sous le seul nom de Bourigan,
fut reconnue d*£^ncienne contraction chevaleresque, avec onze
générations,. à lï^ Réformatiqn de 1669. Qn la trouve, dès le
XIV" siècle, dans les paroisses de Treill^res, évôcjié de Nantes,
Madeleine de la Touche- Griffaux^ mariée à Messire Josué- Augustin de la Taste.
{Arch. de la Loire-Injèrieure, E, 683. Documents touchant les maisons
Le Porc de la Porte, d'Andigné, de Maillé, etc...^
(i) Ibid. Du mariage d'Anne Le Porc de la Porte, avec //. Lf Petit de Vçrno
de la Chausserais, naquirent ; i<* Louis-Marie-Antoine ; a» Anne, qui épousa
messire Louis-Marie, sgr de ChassonvilU; 3° Marie-Madçleine, qu| épousa
Charles de la Touche, (ie la Vergae-Griffanx ; 4® iV., mariée au seigneur 4^ la
Girardière. (Arch, de la Loire^lnférieure, E, 683).
De Louis- Uari^' Antoine Le Petit de Verno, naquit Marie-Thirès^^ morte
sans postérité à- Paris. Nous trouvons la descendance de René l.e Porc, a^nsi
indiquée en vue 4'étabUr les droits respectifs de la dan^e de la Taste et dç
Charles de Bourrigan du Pé à la succession de François d'Andigné, dit le
père de Vezins, décédé^ Paris, le 17 avril 1737, dernier héritier de Martti^ de
la Porte-Vezins, épouse de François d'Andigné.
(a) Archives de la Loire-Inférieure, E. 683-
(3) P. Potier de Gourcy, Nob. et Arm, de Bretagne.
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SAINT'MARS-LA-JAILLB fit SES ANCIENS SEIGNEURS 85
et Noyal-8ur- Vilaine, évôché de Rennes. Parmi ses membres
les plus marquants, nous citerons :
Alain Bourigan, dit duPé, qui, en 1360, épouse Alix de la Lande,
dame d'honneur de Marie de Bretagne, duchesse d'Atijou et
i^eine de Sicile, d'où :
!• Jean, auteur deâ seigneurs d'Orvault et
2® i4/am, seigneur du Boisorcant, dont les descendants, établis
en Bourgogne en 1504, ont formé les marquis de Louesme et les
barons de Tonnerre (1).
Hervé de Bourigari du /^^, chevalier, seigneur d*Orvault qui
vivait en 1460 (2).
Guillaume du Pé, en 1497 (3).
N. du Pé^ pannetler de la Reine, en 1519 (4).
René du Pé^ seigneur d'Orvault, du Perray et du Plessis-de-
JoUé, capitaine dô cinquante hommes d'armes, gouverneur des
ville et château de Guérande, sous l'autorité du ducde Mercœur,
en 159^ (B) capitaine du Croisic(6) et gentilhomme de la Chambre,
en 1605 (7). Il avait épousé Nicole Rouxely fille de Jean Rouxel,
seigneur de la Galmelière, et de Anne Gybouault (8), et eut pour
fils et héritier :
Claude de Bourigan duPé, seigneur d'Orvault, de la Chapelle-
sur-Erdre, de la Gascherie, de la Jaille^ de Saint-Mars et autres
lieux époux, en 1596, de Marquise Le Porc de la Porte, dame
de Saint-Mars et de la Jaille, fille et unique héritière du second
mariage de Jacques Le Porc de la Porte avec Louise de Mailléde
Lathan. Marquise apporta dans la maison des seigneurs d'Or-
vault lâî chàtellenie de Saint-Mars et de la .Taille qui faisait partie
de son patrimoine {%), C'est ainsi que Claude du Pé en est
seigneur dès 1606 (10). Marquise en fit hommage, en 1620, au
baron d'Ancenis (11).
(i) P. PoUer de Courcy, Ibid, .
(q) Ogée, Dictionnaire de Bretagne, t. ii, art. Orvaalt,
(3) krth, de la Loire-InJérUare, E, 469.
(4) P. Potier de Courcy, Nob, elArtn. de Bretagne,
(6); Archives de la Loire-Inférieure, E. 469.
(6) P. Potier de Courcy, t(ob, et Arm, de Bretagne.
(7) Ibid.
(8) GuUlotin de Gotton, Les Grandes Seignearies de Haute-Bretagne.
(9) Arch. de la Loire' Injérieare, E, 684-
(10) Titres de la famiUe Robert de Garboucbet.* Aveux de Carbouchei.
. de lé Loife-Inférieure, aSi.
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86 KEVUË D£ BHETAGNfi
Claude du Pé et Marquise^ sa compagne, n'habitèrent pas le
château de Saint-Mars-la-Jaille, qui avait été totalement ruiné
durant la Ligue, et dont la forteresse fut rasée, vers 1598, par
ordre du roi. Mais, dès le rétablissement de Tordre, ces seigneurs
se firent rendre aveu par leurs vassaux, et tentèrent^sans grand
succès du reste, de faire reconnaître leurs droits et rentrer leurs
redevances. Le pays, ayant été complètement ravagé par les
soldats des deu^ partis, ne présentait que peu de ressources pour
la vie. Claude et Marquise se retirèrent donc au château de la
Gascherie (i) où naquit leur fils Charles^ dont nous parlerons
tout-à-l'heure.
Ce château de la Qascherie, précédemment possédé par la
maison de Lespervier, puis, par alliance, passé dans celle de la
Noue, est situé dans la paroisse de la Chapelle-sur-Erdre. Il était
possédé durant la Ligue par le célèbre La Noue, Bras-de-Fer,
aussi ardent huguenot que hardi capitaine, qui y établit un quar-
tier général protestant. Vers 1598, Odet de la Noue, son héri-
tier, vendit la[ seigneurie de la Qascherie à Claude de Bourrigan
du Pé qui s'empressa d*en faire hommage au roi, le 27 avril
1600(2). Claude vivait encore en 1621, puisqu'il figure à cette
date en qualité de parrain sur le registre des baptêmes de la
paroisse d'Orvault (3).
Du mariage de Claude du Pé et de Marquise Le Porc de la
Porte, naquit au moins un fils :
Charles db Bourigan du P£, seigneur d'Orvault, de Liancé,
du Plessis, de Saint-Mars-la*Jaille, etc., baptisé, le 9 février
1603, en Téglise de la Chapelle-sur-Krdre, par Charles de Bourg-
neuf, évèque de Nantes. Il eut pour parrain Charles de Cambout,
baron de Pontchftteau, et pour marraine Claude de Saint-Ama-
tour, épouse de Gilles le Vicomte, dame de Saint-Ouen (4). Il
épousa, par contrat du 11 novembre 1530, Prudence Boutin{b),
(i) Registres des baptêmes, mariages et sépultures de la Chapelle-sur-
Erdre, Archives de la Loire- Inférieure, E, 8067 et suivants.
(2) Archives de la Loire-lnjérieure^ B, 1009. Guillotin de Corson, Les
Grandes Seigneuries de Haute- Bretagne y art. La Gascherie, p. 54.
(3) Archives de la Loire- Injérieure, E, 8067. L*abbé Guillotin de Corson le
dit donc, à tort, mort vers 1617. (Les Grandes Seigneuries de Bretagne,
1. m, p. 54).
(4) Archives de la Loire-Injérieure, E, 3067.
(5) Archives de la Loire- InJ ér leur e, E, 680. On la trouve également signant
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SAINT.MAHS-LA-JAILLB ET SES ANCIENS SEIGNEURS 87
veuve de Christophe Lingier, seigneur de la Rondellière, et
reçut, en 1Ô32, la seigneurie de Saint-Mars des mains de sa
mère. Marquise Lé Porc de La Porte.
Les deux époux habitèrent le Plessis, en Orvault, château où
naquirent leurs enfants, parmi lesquels :
1*» Armand, chevalier, seigneur d'OrvauU, de Saint-Mars et la
Jaille, de Liancé, des Salles, du Plessis-Tourneuve, qui épousa
Claude-Louise Viau, dame delà Ghotardière(l). Il signe, tu qua-
lité de parrain, aux registres de baptêmes d'Orvault, en 1090 et
1694 (2). Il eut pour flils Louis-Armand seigneur d'Orvault.
2^" Marie^ baptisée le 17 octobre 1648, à Orvault, eut pour par-
rain et marraine G. Drugeou et Pr. Douillard « pauvres men^
diants » (3).
2^ Anne qui épouse le 15 octobre 1669, Vincent du Bot^ écuyer
seigneur du Grégo, « fils de feu Ch. du Bot et de Jeanne du
Boderu » (4).
4* Eugénie^ qui eut pour parrain, le 29 août 1657, Eugène Ro-
gier^ chevalier, comte de Villeneuve, marquis de Kerveno, grand
prévôt des Ordres du Roi et maître des cérémonies ; et pour mar-
raine, Catherine Noblet, épouse de Louis Paris, chevalier, lieu-
tenant civil et criminel au siège de Nantes (5).
Charles de Bourigan du Pé, seigneur d'Orvault, possédait en-
comme marraine à Orvault, le aS décembre i64a (Archives de la Loire^
Inférieurey E, ?io5).
<c Au cours de Tannée i673, Madame d'Orvault (Prudence Boutin) donna
à N.-D. des Anges (en Orvault) une cloche qui fut baptisée avec grande so-
lennité et dont voici Tinscription : « parrain' et marraine, Messire Matkarin
Deban, sieur du Pis-Durand^ recteur dOroaali, Haute et Puissante Dame Pru-
dence Boutin, compagne de Messire Charles du Pé, chevalier, seigneur dOr-
vault.,., la Salle et le Plessis^Tourneuve ». Et plus bas : « Fait par moi Jean
Niget 1673.
Cette inscription prouve que lès deux époux vivaient encore en 1678
(V. Notre-Dame des Anges en la paroisse d'Orvault, par le baron Gaétan de
Wismes).
(i) Archives de la Loire* Injérieure, E, 68o-683.
(a) Ibid,, £, 8109. Nous n'avons pu trouver la date de son décès.
(3) Cette pratique touchante de faire tenir les enfants de grands seigneurs,
sur les fonds du baptême, par de pauvres mendiants, était fort usitée à cette
époque. Ce baptême est enregistré à Orvault. (Archives de la Loire- Jnjé^
rieure, E, 3io5).
(4) Archives de la Loire-Inférieure. Registres d'Orvault, E, Sic;.
(5) /6id., Registre d'Orvault, E. 3io6.
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88 RBVUB DE BRETAGNE
core Saint-Mars et la Jaille en 1040^ comme le prouve l'acte d'af-
féagement de la forêt de Saint-Mars, le u 18 septembre 1640> fait
à Messire Michel Le Lou de la Retiaudière, par Messire Charles
du Pé d'Orvault, seigneur de Saint-Mars- la-Jaille (1), a moyens-
nant un denier de rente par journal et une paire d* éperons dorés » .
Il vivait encore en 1673 (2)*
Nous ignorons la date de son décès. Son fils Armand lui suc-
céda dans la possession a des mêmes terres » parmi leltquelles
celle de'Saint-Mars (3). Il n'habitait pas Saint-Mars, qui ne fut
que plus tard relevé de ses ruines, mais nous ignorons à quelle
date Armand de Bourrigan du Pé se défit, de cette terre. De son
mariage avec Louise de la Chotardiëre naquit croyons-nous :
Louis de Bourigan du Pé, écuyer seigneur d*Orvault qui épousa
Marie-Ambroise Le Texier de Beliebat (i) . Il ne posséda jamais
Saint-Mars-la-Jaille.
Un document de 1642 nous montre le château de ce nom oc*
cupé par François Gottrel^ sieur de la Fleurançais Ki résidant pour
le présent au château de la Jaille » (5). Peut-être en qualité d'in-
tendant de Charles du Pé ?
(i) Archives de la Loire-Inférieure ^ E, a6o.
(â) V. Noir e-Dame-des- Anges en la paroisse dOrvaalt, par le baron Gaétan
deWismes, p. 8.
(3) Archives de la Loire-Inférieure, E, 469.
(4) Registres dOrvaulL Le 17 mars 1715, baptême à' Armand- Louis- René
du Pé, fils de Louis du Pé, écuyer» seigneur d'Orvault et de Marie-Ambroise
Le Texier. {Archives de la Loire Inférieure^ £, 3iii). Il épousa Charlotte de
Réals de Mornac*
Louis du Pé eut également une fille, FMieilé^ mariée le 3 janvier 1746, à
François-Louis de la Marche, chevalier, seigneur de Kerfor. Dans cet acte»
Louis du Pé est dit marquis d'Orvault. Nous ne poursuivrons pas plus loin
la descendance des Bourrigan du Pé qui ne possèdent plus Saint-Mars-lâ-
Jaille en 1666.
(5) Papiers de la Jamille Robert de Car bouchât, échanges de terres à Car-
bouchet, aveux, etc. . . Remarquons ici que plusieurs documents désignent
le château de Saint -Mars par ces mots « La Jaille en Sainl^Mars dadit La
Jaille. Gela établit bien, ainsi que nous l'avons dit plus haut, la distinctiou
des deux tiefs^ Tun paroissial, l'autre féodal.
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^s^^y.-
SAINT-MARS-LA-JAILLË BT SES ANQIBNS SEI6NBURS 89
HENRI LE PETIT DE VERNO, Sbignbur db Saint-Mars, it
Marquis Db la Ghaussbbàis.
« De, sable à la bande d'argent chargée d'uri lion de gueules ar-*
mi et lampassé d'or ? (Originaire d'Anjou).
C'est, croyons-DOus, à cette maison Le Petit qu'appartenait ce
personnage que nous trouvons possesseur, en 1656, de la terre
et chfttellenie de Saint-Mars-Ia-Jaille.Nons le croyons descendant
d'Anne Le Porc de la Porte, épouse d'Hector Le Petit de Verno
de la Chausserais, et fllle de René Le Porc de la Porte et d'Anne
de la Tour-Landry.
Un document ainsi conçu nous le montre, en 1656, possesseur
de SaiDt-Mars : « . . . . Messire Jan Menôt ^prestre Recteur de
Sai^t-Mars dudit La Jaille, et légataire du légat de fondation de
défunt vénérable et discret missire Jan Blanchei vivant, prestre
et recteur dudit Saint-Mars, lequel en qualité de légataire dudit
légat s'estant submis au pouvoir seigneurie et obéissance de
notre ditte Cour quanta tenir et accomplir ce quy résulte, con-
Boist et confesse par ses présentes, qu'il est homme subjet et
estager de Haute puissante seigneur missire Henri Lepetit de
Verno, chevalier, seigneur de Chausserays, LaNoiie-Briord.......
(illisible) la grande Vernais, la Hauguinière, Le Saz (?) La Grise
(?) la terre et la chdtellenie de Saiiit-Mars-la-Jaille, et confese et
avoue tenir prochement, roturièremeot etc.... (1).
Henri Le Petit de Verno est évidemment de la même maison
que celle dont nous avons parlé ci-dessus (2). Il posséda la terre
et château de la Noiie-Briord après François Le Porc de la Porte,
fils de René et de Anne de Maillé de la Tour-Landry, et la reven-
dit, en 1675, à Henri de Bastelard, seigneur de la Salle-en-
Presnay (3).
Tels sont les renseignements, hélas I aussi peu complets que
possible, que nous avons pu recueillir sur Henri Le Petit de
Verno. Il ne posséda pas, du reste, pendant longtemps la chfttel-
lenie de Saint-Mars, que nous trouvons^ dès 1661, aux mains de
Claude de Santo-Domingo, seigneur de Villeneuve.
(i) Papiers de Xajamille Robert de Carbouchet Ce document est trèâ mai
écrit.
(a) Voir Tarticle concernant les descendants de René Le Porc.
(3) Guillotin de Corson, Les Grandes Seigneuries de la Haute- Bretagne^ art.
La Noûe-Briord*
Février 1909 7
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à
i
90 HBVDE DE BRETAGNE
DE 8ANT0-D0MING0 .
Orioinairb ob BuRGoa
« D'azur à la bande dCor, engoulée de deux têtes de dauphin de
mime »(1).
Celte maison remonte à des marchands espagnols, venus de
Burgos et établis àNan'es à la fin du XV^ siècle, ou au commen-
cement du XVI®. Nantes- possédait, à celte époque, une importante
colonie espagnole, composée de riches négociants, dont bon
nombre se firent naturaliser Français et obtinrent même des
lettres de noblesse. Citons comme exemples : les Despinoza
{d'Espinoze), les Miranda (de Miranies), les Compludo {de Com^
plude), les Ruys, etc.... Plusieurs de ces familles étaient
d'ailleurs alliées entre elles. C'est ainsi que nous voyons, en
1578, André de Ruys et son épouse, Isabelle de Santo-Domingo,
constituer une rente de 150 livres en faVeur des Cordeliers de
Nantes, aHn d'avoir une chapelle privative, un droit d'enfeu et
des messes de Requiem (2).
Les Santo-Domingo devinrent seigneurs de la Provostiëre, de
la Bouvrais (paroisse du Pin) de la Villeneuve, du Bois, de Saint-
Lazare, de la Petite-Rivière, d*Urbé (3), du Plessis, en Varades (4).
Leur noblesse fut reconnue à la réformation de 1668 et con-
firmée, par lettres, dès 1655 (5). Plusieurs d*entre eux furent
receveurs des finances de Bretagne.
François de Santo-Domingo était déjà établi en Bretagne, en
1533, quand il épousa Elisabeth de la Plesse. Nous trouvons
ensuite (6). «
habille mariée, avant 1578, à André de Ruys (7).
(!) P. Potier de Courcy, NobiL et Arm, de Bretagne,
(i) Archives de la Loire- In fêrieare, H. a84. Cette rente était hypothéquée
d'abord sur une maison de la Grande-Rue, puis sur une autre de la rue de
firiord, et enfin convertie en un constitut sur les Btats de Bretagne.
(Z] Archives de la Loir e^lnjér leur e^ E, laii et P. de Courcy. Nob, et Arm.
dt BreL
(4) Archives delà Loire- Injérieare, E. laii.
(5) P. Potier de Courcy, iYo6. et Arm. de Bretagne,
{%) Ibid.
(7j Arch-delaLoire-InférieurejH, a84.
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^ SAINT-MÂRS-LA JAILLB £T SBS ANCIENS SEIGNEURS 91
Jean de Santo^Domingo, échevin de Nantes,! en i587^,époasa
Marie Marques (1)*
Yves, trésorier et receveur des Finances de Bretagne, qui
épousa Marguerite Bidé (2).
Claude dr Santo-Ûomingo, seigneur de Villeneuve, conseiller
du Roi^ receveur général des Finances de Bretagne, chevalier de
Tordre royal et militaire de Saint-Lazare et de Notre-Dame du
Mont-Carmel, naquit vers 1623 et mourut en Sainl-Ëtienne de
Rennes, âgé d'environ 60 an? le !•' avril 1683 (3j. Son acte de
sépulture le qualifie « chevalier » et « messire... « seigneur de
Villeneuve r>. Il avait épousé dame Marie de Rocheran^ avant 1639^
époque où celle-ci est dite « épouse de Messire Claude de Santo-
Domingo, seigneur de Villeneuve et de la Bouvraye, demeurant
avec lui ordinairement en la ville de Rennes, paroisse de Saint-
Etienne » (4j. Marie de Rocheran, a pour son époux ,adéclaréestre
sujette de V : et D : missire Guillaume Le Comte, prestre, prieur,
curé, baron, seigneur^ spirituel et temporel de la paroisse de
Rochementru (5) et de lui tenir prochement et roturièrementet à
devoir de rente la quantité de prés ci-après, étant au-dedans de
la seigneurie de Rochementru, ladite prée étant dépendante
dudit lieu de, la Bouveraye scituée paroisse de Vriz » (6).
Cet aveu n'empochera pas Claude de Santo-Domingo d'avoir,
en 1678, des démêlés au sujet de ces prés avec « vénérable et
discret missire François Bernard, prestre, prieur, curé et seigneur
de Rochetru » et messire de TEsperonnière, seigneur de Vritz,
qui, tous deux, prétendaient que lesdits prés relevaient de leur
juridiction. Claude de Santo-Domingo est dit à cette époque
(l678) demeurer <c en sa maison de Richebourg paroisse Saint-
Clément » à Nantes (7).
Il acheta le 7 octobre 1661 la cnâtellenie et terre de Saint-Mars-
(i) P. Potier de Gourcy, Nobiliaire et Armoriai de Bretagne.
(a) Arch. de la Loire-Injérieure, B. 38o, E. 68i.
(3) Note due à la bienveillante communication de M. le Conseiller P.
Saulnier que nous en remercions ici.
(4) A.veu fait au prieur de Rochementru, pour les prés de la Bou vrais.
(5) Rochementru, aujourd'hui en la paroisse du Pin, jadis prieuré-cure
très important^ dont le titulaire se qualifiait même < baron » ainsi qu*on le
voit dans >cette pièce.
(6) Documents communiqués à l'auteur par M. E. Colas, propriétaire
. actuel de la Bou vrais. Qu*U veuille en agréer nos remerciements.
{l)Ibid.
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/
4i RBVUE DE BRETAGNE
1a-Jaill0(l) qu'il ne posséda que pendant dix ans, car nous la
trouvons en 1671 entre les mains de Jacques de Constantin, époux
de Marie François, qui en était devenu acquéreur (2).
Du mariage de Claude de Santo-Domingo et de Marie Rocheran
naquit au moins un flls :
Louis-Armand de Santo Domingo^ chevalier, seigneur de Vil-
leneuve, marié en Saint*Etienne de Rennes, le 24 juillet 1685, à
Françoise-Jacquetle Valeillac (ou de Valeillac). De ce mariage:
Céleste de Santo-Domingo^ née vers 1692 et mariée en la pa-
roisse de Saint-Laurent de Nantes, le 5 février 1720, avec Louis
Letoupt seigneur de la Roberdière. Elle mourut en la paroisse de
Saint-Vincent de Nantes, le 25 avril 1721, après la naissance de
safltie unique (3).
Nous trouvons ensuite sans pouvoir affirmer d'une manière
certaine le lien qui les unit aux précédents :
Jean-François (que nous croyons fils de Louis-Armand ci-
dessus) écuyer, seigneur de la Bouverais en 1703 (4).
César de Santo-Domingo, chevalier, seigneur du BoisHue
époux de Françoise de Quatre barbes, dame du Bois-Hue. Il dé-
céda avant 1733, puisque, à cette date sa veuve se remarie, le
30 avril, avec Jacques de Seurey, chevalier, seigneur du Ronce-
ray (5). Du premier mariage étaient nés :
!• Prudent de Santo-Domingo, bdiptisé h Varades le 8 novembre
1718 (6), personnage que nous trouvons ailleurs désigné sous les
prénoms de César-Antoine-Prudent (7) et de Prudent-César (8).
(î) Àrch. de la Lotre'InJ.^ E, 17&8 : « Le 7 octobre 1661» Claude de Sanio-
Domîngo, chevalier, teîgneur de Villeneuve et de Saint-Mars-la-Jaille, tré'>
soricr des finances de Bretagne, a pris possession de la terre et seigneurie de
5i!nl-Mars-la-Jaille et de toutes les prérogatives qui s'étendent sur Fouillé
à rabon de la chàtellenie de Fouillé, en présence des notaires Lucas et
Cherrier, du greffier Macë, du recteur du Maz et de plusieurs autres té-
moins. (Inventaire sommaire des Archives départementales de la Loire-Inf,,
par L. Maître).
(s) Ainsi qu'on le verra plus loin, dès 1670, Jacques Constantin est qua-
lifié seigneur de Saint-Mars la-Jaille.
(31 Communication de M. le conseiller Saulnier.
(4) Archives de la Loire-Inférieure , B, i454-
(5) Ibid., E, âo84, et E, 9086. Registres de Varades.
($1 Ibid., E, ao84, Registres paroissiaux de Varades.
(7) Ibid , E, 9ogi, Registres paroissiaux de Varades.
(B) Ibid., E, lait, « Vente de la terre d'Urbé en la paroisse d'Antoigné
(^nmntiepàT Prudent-César 4e Santo-Domingo, chevalier seigneur du Flessis
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SAINT-MAaS-LA^AILLE ET SES ANCIENS SEfONEURS 98
Il était seigQeur du Plessis en Varades et épousa, eu 1746,
Perrine-Victoire de L'Esperonniôre (!)•
Prudent, ou Gésar-Antoine-Prudent de Santo-Domingo, mou-
rut et fut inhumé à Varades le 31 août 1781. Il est dit seigneur du
Plessis, de la Petite-Riviëre, de la Roche-Bardoul et autres
lieux (2).
2» Anne de Santo-Domingo^ qui épousa René des Champneufs,
chevalier, seigneur de la Jarrie et du Port-Boussinot (3).
Du mariage de Prudent de Santo-DomiDgo, seigneur du Plessis,
et de Perrine-Viotoire de TEsperonnière naquirent une fille et un
fils:
V Sophie- Anne-Jacqiiine deSanto-Domingo^bBipiisée à Varades
le 30 novembre 1746, qui eut pour marraine Anne ci-dessus, sa
tante, et pour parrain Jacques-Thomas de rEsperonnière, che«
valier seigneur de Vritz (4).
2® Antoine de Santo-Domingo^ chevalier seigneur du Plessis
et de la Petite-Rivière, capitaine au régiment de Gonti (dragons),
qui, le 27 novembre 1786, échange promesse de mariage avec
Françoise-Marie Roger de Gampagnolle, fille d'Armand Roger,
chevalier, seigneur de la Réauté, de la Rocbe-Pommerieux, de
Brissarthe et autres lieux, ex-enseigne des vaisseaux du Roi, et
de Ghariotte-Marie Poisson de Montaigu (5).
Ainsi qu'on le voit par cette notice sur les Santo-Domingo, un
seul membre de cette maison, Claude^ seigneur de Villeneuve
et de la Bouverais, fut possesseur de la terre et chftteau de
Saint-Mars-la-Jaille^ Gette ch&tellenie fut-elle vendue, ou passa-
t-elie aux Constantin par une alliance entre les deux familles 7
G'est ce que, jusqu'à ce jour, il ne nous a pas été donné de déter-
miner. Ce fut, en tous cas, avant 1671, et du vivant de Claude
de Santo-Domingo, que cette terre fut transmise aux Constantin,
et nous n'avons trouvé nulle trace de parenté entre les deux
maisons. Celle des Santo-Domingo est aujourd'hui éteinte.
eu Varades) en 1701, épouy de Victoire de rEperonnièrei comme appert)
par contrat de 1746. {Inventaire sommaire des Archives de la Loirè-lnfirieare),
(1) Archives de la Loire-In/êrieure, E, laii, E, 2087, E, aogi.
(a) Arch. de la Loire-Injérieure. Registres de Varades, E, 2091.
(3) Ibid,, E, 2087. Registres de Varades.
(4) Ibid., E, 3087. Registres de Varades.
(5) Archives de la Lolre-Injérieare^ E, aoga, Registres de Varades.
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94 REVUE DE BRETAGNE
MAISON CONSTANTIN DE MONTRIOU
Sbi«nbur8 de Saint-Mars-la-Jaille
« D'azur à un rocher d'or mouvant (Tune mer d'argent >> (1).
Devises : « Sans reproche. — Mediis immota periclis (Inébran-
lable au milieu des dangers) (2).
Maison d'origine malouine, fixée au pays d*Anjou^ maintenue
dans la noblesse que lui avaient value les charges importantes
remplies par ses membres, avec génération, dans le ressort
de Nantes, à la réformation de 1670. Les Constantin, seigneurs
de la Praudière, de Montriou, d'Aubray, de Saint-Mars-la-Jaille,
de Yarennes (3), de la Loire (4) comptent parmi leurs membres
plusieurs personnages remarquables que nous allons passer ra-
pidement en revue (5).
I. — Hugues Constantin^ écuyer, seigneur de la Praudière, de
Miniac et de Montifaut, au diocèse de Saint-Malo, vint se fixer,
vers 1550« en Anjou, où il devint conseiller, puis lieutenant gé-
néral au présidial d'Angers. Il eut trois fils :
1*> André, mort sans postérité ;
2» Robert qui suit ;
3* Hugues, chanoine de Saint-Martin d*Angers (1608).
II. — Robert'Constantin, écuyer, seigneur de la Praudière, de
Montriou, de la Porée, Conseiller du Roi, Conseiller au Présidial
d'Angers, auteur de quelques vers gracieux mis en tête de Y An-
thologie de Pierre Breslay (1574),chanoine de Saint-Maurice d'An-
gers (6), acquit de Philippe du Pont, seigneur de Marans, la
métairie de Basse-Roche, mouvante de la dite seigneurie, par
acte passé à Angers le juillet 15S4. Il épousdiJacquine Rousseau
(i) p. Potier de Courcy, Nobiliaire et Armoriai de Bretagne.
(a) Gommunication de M. le marquis de TEsperonnière.
(3) Jacques-Constantin de Montriou devint possesseur de la Varenne»
TiUon, commune de Savennière, par acquêt du a nov. i634. (Célestin Port.
Dictionnaire géogr, et biogr, de Maine-et-Loire).
(4) P. Potier de Courcy, Nob. et Arm. de Bretagne.
(5) Nous devons d'avoir pu établir la filiation qui suit à Taimable colla-
boration de M. le marquis de l'Esperonnière. à qui nous exprimons une
fois de plus notre gratitude de son bienveillant concours. Nous y avons
ajouté quelques détails complémentaires puisés à différentes sources, aussi
sûres que possible.
(6) Célestin Port, Diclionnaire du Maine-et-Loire précité.
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SAINT-MARS-LA-JAILLB BT SES ANCIENS SEIGNEURS 95
et mourut avant 1608, puisqu'à cette date, sa veuve donne quit-
tance d'un quartier de rente au receveur des tailles de réleotion
d'Angers, le 14 août 1608 (1).
De leur union naquirent :
1® Jacques^ qui suii.
2* Gabriel^ écuyer, seigneur de la Praudière, qui épousa Marie
Lasnier. Conseiller au Présidial d'Angers, Conseiller au Parle-
ment de Bretagne, Conseiller du Roi en ses conseils d*Etàt et
privé, par lettres du 31 octobre 1649^ doyen du Parlement 'de
Rennes, il entra dans les ordres après son veuvage, et devint
abbé de Saint-Jean-du-Val^ au diocèse de Chartres, et grand doyen
de l'église d'Angers. Il mourut à Rennes et y fut enterré, le 10
juillet 1661, âgé de 78 ans. Son épitaphe existe encore à Saiafc^
Maurice d'Angers dont il avait été élu doyen le 11 octobre 1624.
Il y est comparé à l'empereur Constantin. De son mariage avec
Marie Lasnier naquirent :
1<* Robert, docteur en Sorbonne. (2)
2^ Gabriel, qui, au moment d'être nommé avocat général se fit
capucin, sous le nom de P. Jean-Baptiste, et, plus tard, prôoha à
Angers (3).
3^ CAar/o//tf, qui, en 1640, épousa messire César de Langan,
baron du Bois-Pévrier, chevalier de l'Ordre du Roi et gentil-
homme ordinaire de s^, Chambre.
III. — Jacques Constantin, 1" du nom, écuyer, seigneur dé
Montriou et de la Varennes, commune de Savennière (Maine-et-
Loire), dont il fit l'acquisition en 1634, Conseiller du Roi, maître
ordinaire en sa chambre des Comptes, puis Conseiller d'Etat et
privé, en 1659, épousa, en second mariage. Jeanne Martineau. Il
mourut avant 1670, car, le 3 février de cette môme année, sa veuve
Jeanne Martineau fonde la chapelle seigneuriale du château de
Varennes, avec obligation dç résidence pour le titulaire. Elle y
mourut le 30 décembre 1684, laissant de son mariage avec Jac-
ques Constantin.
1* Jacques qui suit ;
^ Robert Constantin, écuyer, seigneur de Montriou, Conseiller
au Parlement de Bretagne, qui vivait en 1658 ;
I
(i) Bibliothèque Nationale, Piècez originales, reg. 84o.
(21 Géiestinr Port, Diclionnaire de Maine et- Loire,
(3) Ibid.
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96 BEVUE DE BRETAG^KE
S"" Gabfiel^ dont Tarticle suivra celui de son frère aîné.
IV.— Jacques Constantin, II* du nom, écuyer, seigneur
d'Aulnay et de Saint-Mars-la-Jaille, né en 1624, reçut de son
père, par acte du 24 mai 1652, la charge de Conseiller au Par-
lement de Bretagne dont il était pourvu. Le prix de pette cession
fut de 45.000 livres. Il fut, ainsi que ses frères, maintenu dans
sa noblesse par la lettre suivante du 26 août 1670 :
u Arrest de Is^ Chambre établie par le roy pour la Réformation
ft de la noblesse en Bretagne, rendu à Rennes, le 26'' août 1670,
a par lequel messire Jacques Constantin^, chevalier, sieur de
a Saint-Marc de la Jaille (1), conseiller en la Cour ; messire
« Robert Constantin, chevalier, seigneur de Montriou, aussi
a conseiller à (a Cour^ messire Gabriel Constantin, chevalier^
M SLEur de Varennes, aussi conseiller du roy et correcteur en la
u Chambre des Comptes de Bretagne et messires Gabriel, Joseph
^ et Jacques Constantin, ses enfants, après avoir déclaré qu'ils
(t portaient pour arme3 ; d'azur à un rocher d'or posé sur une
u mer flottante de sa couleur, sont déclarés, ensemble leurs des-
à cendants en légitime mariage, nobles et issus d'extraction
«I noble et comme tels il es^ permis aux dits Jacques Gonstçintin,
^ Siint-Marc et Robert Constantin (2) de prendre les qualités
< é écuyer tiA^ chevalier et aux autres de prendre celle 6! écuyer^
<c etc..
Signé : Le Clavier (3) ».
Jacques Constantin, le seul du UQm qui ait possédé Saint-Mars-
la-Jaille, époxihdi Marie François (4) dont il n'eut que deux filles
dont nous parlerons tout à l'heure. Il mourut avant 1696.
ÏV(bis)— Gaiîrte/ Constantin, frère du précédent, le premier du
nom de Gabriel, écuyer seigneur de Varennes et de la Loire, fut
pourvu, le 5 janvier 1646, d'un office de Correcteur en la Chambre
(i) CJe qui prouve que, dès 1670, cette terre était la possession des Cons-
tantin.
[3] (labriel, le dernier des trois frères» est oublié à la fin de Tacte, alors
quli Ugiire au commencement. Erreur de scribe, sans doute.
(3) Bibliothèque Nationale. Carré» d'Hozier, t. igg, fol. a66.
(4) Françoit (Le) sr. de la Fraudièrede la Garenne, de la Vignauderie, de
la Courtière et de la VieuvUle en Roua as, év. de Naates <i Bchiqaeié cTor et
(fazurà trois coqs de sable posés en pal brochant. » (Arm. 1696) (P. Potier
de Gûurcy).
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•^ ^^^■ " ^.-1
SAINT-MARS<LA-^AILLB PT SBS ANCIENS SBIGMBURS 97
\
des comptes de Bretagne, charge qu'il exerçât pendant S^ans, Il
fut^ en outre, grand prévôt d'Anjou, de Touraine et du Maine^
et élu à TAcadémie des Belles-Lettres d'Angers^ le 27 mars 1686,
Installa le 2 janvier 1687, il y prononça, le 17 m^i 1Q90» Téloge
du Roi. Son élection produisit quelque émoi dans le monde
littéraire, si Ton en croit la chanson. conservée par Ballain fl)-
Par con tract du 9 décen^bre 1652, i^eçu par Des Mazières,
notaire à Angers, il épousa demoiselle Anne Le Pelletier (?) flUe
de René Le Pelletier, sieur de La Lorie (3), conseiller maître
d'hôtel du Roi, et de Jacqueline Baalt. De ce mariage naquirent
neuf enfants :
1*» Gabriel qui suit ;
2p Joseph, prieur de Saint-Mars-la-Jaille, puis graqd dpyen de
Téglise d'Angers, mentionné dans un acte de 1700(4). Ce fut lui
qui, le 24 mai 1691, posa la première pierre du Collège d'Anjou»
Il fut nommé doyen à la cathédrale le 16 janvier 1697, sur la rési-
gnation de Claude Deniau, son cousin, mais se démit bientôt de
eette dignité, et mourut à Angers; près la Croix-Hannelou,
le 26 novembre 1741, âgé de 80 ans.
3° Erasme^ chanoine de Sainte-Croix de la Bretonnerie:
4^ Jacques^ capitaine au régiment de la Marine, tué au siège
de Barcelonne ;
5"" Madeleine, baptisée à Paris le 19 décembre 1659, mariée à
X^utVé/e;aMo//e,seigneurd'AubignéetdePontvieux en Bretagne;
6<^ Anne, baptisée à Paris, le 6 décembre 1660« morte sans
alliance ;
7^ Marie, religieuse à l'Abbaye de Saint-Qeorges à Rennes ;
8<^ Ja^ï^ame, baptisée le 18 octobre 1664 ;
9* Catherine, mariée le 29 janvier 1689, en l'église Saint-Pierre
à Angersf, à François de l'Esperonnière^ marquis de la Roche-
(i) MsB. 867, p. 5i4. GélesUn Port. Dici. de Maine-et-Loire,
(a) [468 Le PeUetier portaient : « De ucUr à un chevron d'hermine brochant
sur le toat, »
(3) Ce château, situé en la Ghapelle-sur-Oudon, appartenait, dès la fin
du XVIe siècle, à la famille Pelletier, qui, très nombreuse, devint une des
premières d'A^njou. Il tomba par alliance dans la maison des Constantin.
^Là, Lorie passa ensuite aux Marmier et aux Fitz-James èl enfin, par acquêt,
au comte H. de Saint-Genys, propriétaire actuel. On y voit encore le por-
trait d* « Anne Le Pelletier, dame de la Lorie, mariée à Gabr. Constantin,
en i66a >. {G. Port).
(4) Marquis de l'Ësperonnière.
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M lUlVTJB DK BABTAGNB
BardouU seignebr de Vritz, du Breil, de la Saulaie, etc. Lieute-
oaqt de la Oraode Véuerie de France. De ce maridj^e naquit^
antre autres enfants, Anne-Sophie, devenue religieuse de la Visi-
tation, en 17Q7) et fondatrice de la maison de cet ordre à Madrid^
décédeeenl759(i).
V. — Gabriel Constantin, !!• du nom, écuyer, seigneur de la
Loire, de Marans et de Daillon, fut baptisé à Angers, le ^ juillet
1665. Il servit d'abord dans les gardes françaises et devint plus
tard grand prévôt d'Anjou, par lettres de la Grande Chancellerie,
du 5 mars 1683, et fut ensuite nommé lieutenant criminel de
robe courte au Présidial d'Angers, par lettres de provisions du
29 juin 1685. — Il épousa, par contrat du 8 janvier 1688, Perrine-
Renée Le Clerc, fille de Jean Le Clerc, écuyer, seigneur des Em-
mereaux (2) et de Renée Chariot. Gabriel Constantin eut| entre
autres enfants :
VL — Gabriel-Félix Constantin, seigneur de la Lorie, de Dail-
lon et autrea lieux, né le 18 novembre 1688, qui fut reçu le 27 mars
1704, page du Roi en sa Grande Ecurie, après avoir fait ses
preuves de noblesse devant Charles*René d*Hozier, généalogiste
du Roi (3).
De Jacques ConstantiUt II* du nom, et de Marie-Françoise
étaient nées deux filles seulement :
. 1* Marib-Annb GABiUBLLBy Tslnée, qui épousa, par contrat du
23 mars 1697, Pis rrb-J acquis Pbrron, écuyer, seigneur de la
Ferronnays, en Calorguen« évdché de Saint-Majo, colonel d'un
régiment d'infanterie, chevalier de Saint-Louis. Ce mariage porte
la terre de Saint-Mars dans la maison des Ferron de la Ferron-
naySfOù elle est demeurée jusqu'à nos jours.
2<> Marie^Constance-Gqbrielle, mariée le 25 mars 1704 h Fran-
çois de Guersany écuyer^ seigneur de Guersan, Conseiller au Par-
lement de Rennes.
Jacques Constantin mourut avant 1696, ainsi que nous l'avons
dity et Marie-François décéda le 19 janvier 1705 (4).
(i) Annie Sainte de la Visitation (Lyon, 1S70), t. x.
(9) M D'azur aa chevron dor, accompagné en pointe dun croissant dargeni
et an chef dargeni chargé de trois molettes d éperon de sable ».
(3) Voir d'Hosier, Armoriai, reg. II*, i'* partie.
<4) Tommunications de M. le conseiller Saulnier. Signalons encore,
comme appartenant à cette maison des Ck>nstantin, PaatrPéHx'^HugaeS'
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r^T^T^fr
SA1NT-MARS-LA*JAILLV ET SES ANCIENS SEIGNEURS ( $i
' Avabt de retracer l'histoire des Perron de là Ferroni3ay9, mai-
son qai, la dernière, t)088édà la chfttëllenie de' Saint-Mars-lap
Jaille, étudions ici, d'après les documents authentiques, en quoi
consistait cette magnifique seigneurie, et quelle était l'étendue
de ses fiefs. La Réformation de 1745» conservée aux: Archives
départementales» facilitera ootre tâche et nous' apportera plus
d'un détail curieux et inédit sur les antiques redevances de cette
terre.
IV. -^ Droits et dépendances de la ohâtellenie de
Saint-Mars-la-Jaille au XVIII* siècle,
La seigneurie de Saint-Mars-la-Jaille, ainsi que nous l'avons
vu plus haut^ peut ôtre considérée comme ch&tellenie d'ancien;
neté, relevant « procheinent et à debvoir de foi^ hommage et ra^
chapt, de la baronnie d'Ancenis ». Ses fiefs s'étendaient en huit
paroisses, dont deux, Saint-Mars-Ia-Jaille et Bonnœlivrè, en
dépendaient entièrement, et les six autres seulement en partiel
Ces six autres étaient: Fouillé^ Mésanger, Teille, Trans, Ri^illé;
et Maumusson (i).
La chfttellenie de Saint-Mars avait, sous sa suzeraineté, la
cure et le prieuré de ce lieu, et celui de Bonnœuvre, à bimplé
devoir d'oraison (2) ; la chàtellenie de la Ouibourgère, en Teille,
« à devoir, chacuue feste de la Magdeleine d'un gant senestre dé
cuir de cerf, housse pour porter oiseau ».
Les seigneuries de Pannecé, en Riaillé. des Sables en Mésaui-
gèr et la haute justice du Houssay en Trans, étaient également
tenues de la chfttellenie de Saint-Mars-la-Jaille (3).
La seigneurie de Fouillé, les droits de fondation et de patro-
nage de l'église paroissiale de Fouillé, ceux de la chapelle de
Saint-Barthélémy, sise audit bourgs apparteaant, en tout ou en
Adolphe-Alexaridre sfeur de MontHou, né à Angers le si juin 1799, décédé à
Rome le 94 août 1777, au moment où il aUait être nommé évéque U 7 est
inhumé dans le caveau de Sai nt- Pierre- du-Mont. Il fut. de son vivant, cha-
noine de Saint-Maurice d'Angers, membte de TAcadémie des Belles* Lettres
d'Angers, vicaire-général du diocèse. C'était un orateur très distingué.
(i) Déclaration de Saint-Mars-la-Jaille en 1745. Archives de la Loire-Injér.
(9) Ibid.
(3) Ibid.
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fDO REVUE DE BRETAGNE
partie^ au sire de Saiat«Mars-la-JaiUe, puisque celui-ci y tenait»
chaque année, une foire le jour de la Saint-Barthélémy et y levait
tontes les coutumes.
Le bourg de Pouillé, y compris la cure, relevait du môme
seigneui* qui avait « à cause de sa dite seigneurie, droit de con«
traindre ses vassaux à venir à ladite foire de Saint-Barthélémy
avec leurs bestiaux, pour la renire fréquentée... droit de quin-
taine(l} sur les nouveaux mariés dans tout le fief de PouUlé et
présentacion par iceux mariés d'une soûle (2) de bois de la gros-
seur d'un homme, laquelle doibt estre frappée le lendemain de
Noël feite de Saint-Etienne, chaque année, d'un billard de bois^
(i) La qaintaine (du latin quintana, emplacement dans le camp, et, par
çitenslon, poteau servant à des exercices militaires) était une sorte de jeu
au d'exercice militaire, qui consistait à frapper adroitement bn poteau ou
un mannequin . Celui-ci était dressé sur un piveau et armé d*un bâton,
d'un fouets d*une épée, ou d'une arme quelconque, qu'il tenait de la main
droite. La gauche portait un bouclier^ souvent aux armes du seigneur. Il
fallait frapper ce mannequin d*un coup droit, en pleine poitrine, sous peine
de )e faire tourner sur son piveau, et de recevoir un coup de Tennemi ima-
gli^airq, pour prjix de sa maladresse, au grand amusement de la galerie. Les
seigneurs qui avaient « droit de quintaine » fixaient le temps et le lieu de
cet exercice, qui était considéré comme une réjouissance pubUque et entre-
tenait l'adresse des jeunes gens de la seigneurie, en vue des services mili-
taires qui pouvaient en être exigés.
La quintaine s'exerçait à pied ou à cheval, à terre et parfois même dans
L'eau, soit à la nage, soit en bateau, contre un pilier enfoncé au mUieu de la
rivière, pilier qu'il fallait frapper d'une lance ou d'une perche, de manière
à rompre sa perche, ou sa lance dans le poteau de quintaine, sous peine
d'amende.
Le mannequin dont celui-ci était généralement agrémenté s'appelait
qaintan ou faqain, d où peut-être lorigine de ce terme méprisant defaqain,
(9) La foule était un jeu d'un autre genre, spécial à la Bretagne. C'était
une boule en bois, ou une balle de cuir, bourrée de filasse, ou de jsciure de
bois, qu'à jour marqué celui qui la fournissait, ou le sénéchal du seigneur,
iaùçail d'un lieu élevé, ou du milieu d'une plaine. Deux camps étaient for-
niés dans Tassisiance, l'un dans le but de pousser la soûle de proche en
proche, soit du pied, soit d'un maillet de bois pour l'amener au lieu déter-
ininéi l'autre pour ealraver le premier et s'emparer de la soûle. Gomme on
h pense, il y avait là matière à maintes bousculades, et même à des luttes
qui, parfois, dégénéraient en véritables mêlées, surtout quand les deux
camp j étaient formés des jeunes gens de deux paroisses ou de deux fiefs
voisins, qui faisaient de la victoire une question d'amour-propre et de la
lutte une rivalité de clocher. Aussi dut-on interdire, dans plus d'en endroit,
cette réjouissance aussi antique que barbare.
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SAINT-HARS-LA-JAILLE ET SES ANCIENS SEIGNEURS 101
par celui qui la fournit avec le congé du seigneur ^ soubs peine de
3 l. et un sol d'amende » (1).
Le domaine proche de Saint-Mars était Vës important et se
composait d'abord du châfeau de ce nom, construit à peu de dis-*
tance du bourg, par les premiers possesseurs de cette terre et
reconstiroit, ainsi que nous l'avons déjà vu, vers l'an 1360, par
Yvon XII de la Jaille, qui la possédait à cette époque. Le château
de Saint*Mars-la- Jaille devint^ dès lors, une place tr^s forte. Ses
seigneurs possédaient encore, dans la paroisse, la fordt de la
Rouillée, contenant 600 journaux de terre, les pourpris et retenue
du chftteau, bois, étang, prairies, le moulin à eau de Saint-
Mars (2), les moulins à vent de la Moulinière et des Basses-
Places; les métairies de la Moulinière, la Grée, Beausoleil,
Belair,la Servière, la Gadoire(d) et l'Echelle, enfin les closeries
du Bourg et de la Haye-Daniel, etc.
Aux seigneurs de Saint-Mars-la-Jaille appartenaient «efrot/ de
« haute, moyenne et basse justice^ droit de chassé à tous gibiers,
<x forest bois et garenne, étangs, moulins à grain et à drap, dis-
« troits d'iceux^ moutte et moutteaux, droits de grurie et toute
Cl juridiction contentieuse ; gardes de chasses, eaux^ bois et fo-
« rests, foires et marchés, tous les samedys, au bourg dudit
« Saint-Mars-la-Jaille et coustumes, tant audit bourg que autres
« passages, sous l'étendue de cette chastellenie, mesures à grain
« et à vin ; poteaux, carcans, prisons et fourches patibulaires et
« droit de police^ taux et amendes ; ch&teau et forteresse audit
« Saint-Mars et droit de guet a^iquel château tous les hommes
a vassaux de la dite seigneurie, sont tenus de faire la garde, à
« tour de rang, et en nombre suffisant quand il plait au sei-
« gneur....»» (4),
(A suivre). i. Baudrt.
(i) Déclaration de 1745.
(2) Aujourd'hui remplacé par celui de la Charlotte, mais pas tout-à^fait
sur le même emplacement, pensons- nous. Il devait primitivement exister
près du vieux pont de la Ghampellière.
(3) La Cadoire ou Cadaire est située à côté du ch&teau actuel et fait partie
de ses dépendances. Nous croyons que ce nom vient du mot breton Kador
qui signifie : siège, chaise, chaire, trône et que ce lieu était le siège de la
juridiction de la seigneurie, l'auditoire, le tribunal où s*exerçaU cette juri^
diction dans les temps les plus reculés.
(4) Ces indications se trouvent dans le texte de la Réformation de 1745.
Areh. de la Loire-Injérieure, E, a6o, ainsi que nous le verrons tout-à-rheure*
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à
UN INCIDENT
DB LA
FAILLITE DE LA BANQUE GUÉMENÉ
178 1 (l)
ËQ 1778, Messire 'Jean-Louis de Kerguz de Troffagant, cheva-
lier, seigneur d«5 Penquer, conseiller au Parlement de Bretagne,
cherchait à emprunter une somme de 8 000 livres pour éteindre
les iatérdts d'une somme dont il devait le remboursement.
he 22 juin 1778, Messire Michel-Jean-Baptiste de Kergadiou,
chevalier, seigneur de Tromabian, gentilhomme de l'évâché de
Léon, lui prôta cette somme de 8.000 livres, sans aucun iotérét,
à nulle autre condition que celle de la rembourser dans là
4* année (1782) à la dite époque^du 22 juin.
L'acle obligatoire fut passé par devant notaire et contracté 16
23 juin 1778.
Au mois de juin 1780, M. de Kergadiou mourait, laissant pour
unique héritière Marie-Qabriellc^Charlotte-Anne, qui avait épou-
sé Messire François-Philippe du* Bois des Cours, chevalier, mar-
quis de la Maisonfort, ancien lieutenant des vaisseaux du rof,
chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint^Louis, sire dé la
Maiâonfôrt, seigneur de Bttry, Argenon, Suez, etc., résidant au
château de Montchevreau, paroisse de Cosne-sur-Loire.
A la mort de son beau-père, le marquis de la Maisonfort vint
en Bretagne, il vit M. de Kergus qui lui promit d'être exact à
payer la somme de 8.000 livres à l'époque de son échéance.
Sur cette affirmation, M. de la Maisonfort, dont certains biens
de la succession de son beau-père relevaient du Comté du Chas-
iel appartenant aux Princes de Rohan-Guémené/ prit Tenga-
(t) Daai Texposé de oetta affaire nom eoosarvoDi à peu prèa U lijlê de notrt
4loiaiec (arohives du Hourmalin).
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• y f' T — ' : . " ■ "■ . ■; . .; — . ' " .> .^ ■ _. ^ ' . — . ^ ■ .., ,. ■ n^ - ^j .. . ^^ ■ — " ,,;".'~;.^^ . '■' ^. ^"i ■
UN INCIDENT DE U FAILLITE DE LA BANQUE' GUfiMBNE 109
gement avec M. du Gouédic^ receveur général du Comté du
Gbaatel, résidant à Brest^ de payer son rachat montant à environ
2.000 livres sur les fonds à recevoir (i) de M. de Kerguz.
Le 20 avril 1782 une lettre de M. du Gouédic réclame à M. de
la Maisonfort le paiement du rachat»
Le 10 juin 1782 M. de Kerguz écrit au marquis de la Maison-
fort, faisant i*aveu de son impuissance à remplir ses enga-
gements à récbéance du 22 juin, mais ajoute qu'il prend les
mesures pour une solution la plus prompte possible.
Le 23 juin M. de la Maisonfort répoi^d à M. de Kerguz la lettre
suivante que nous reproduisons car elle fut l'origine de la con«
fusion qui causa des difficultés qui ne furent solutionnées
qu'en 1789.
« Il m'eut été plus doux, Monsieur et cher cousin, de vous
« rendre le service plus en entier en prenant par moi-même les
« moyens de pouvoir vous attendre tout le temps que vous
4 auriez désiré. »
« Rappelez-vous qu'à mon passage à Rennes, il y a 18 mois,
« vous eûtes la bonté de me promettre la plus grande exacti-
« tude de paiement à l'échéance de votre billet ; c'est d'après
« votre engagement que j'en ai pris de certains avec M. du
« Çouédic, receveur général du Comté du Ghastel, qui demeure
« à Brest, pour payer de votre môme argent le rachat dont j'ai
« à m'acquitter,
(( C'est également à la Saint-Michel que les receveurs bretons
« les reçoivent, si ce temps vous est convenable, je consens
« bien à vous attendre à cette époque, mais je ne puis la pro-
« longer plus longtemps. »
a Je vous offre un second moyen, c'est que votre homme d'af-
a faire, qui je crois est le recteur de Plouargat, aille trouver à
<c Lambézellec M. Mesliau mon receveur ; qu'ils trouvent eu-
a semble les moyens de reculer les paiements de mes rachats,
« en prenant en votre nom des engagements directs avec les
« receveurs du Chatel, alors, mon cher cousin, je ferai passer
a votre effet à Brest et vous n'entendrez plus parler de moi.
(1) n est un droit en Bretagne aèqnis à tous les seigneurs suzerains, c'est qu'à
la mort de tout propriétaire de fief. Tannée du revenu est dû à titre de rachat.
Ce droit ordinairement, au lieu d'être payé en nature, s'évalue à une somme
quelconque que Ton paie en un ou plusieurs termes selon la vigilance des pré-
posés aux recettes et la bonne volonté du propriétaire...* (Note du dossier).
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i04 REVUE DE BRETAGNE
« ieme répète encore^ si je ne peux pas faire en ce moment
« d'«titre chose, c'est que j'ai trop fort compté sur votre parole,
« je vous prie tl*en être convaincu. »
^ J'ai l'honneur d'être, mon cher cousin, votre très humble
« et très obéissant serviteur. '
« Signé : du Bois des Cours de la Maisonfort* »
M. de Kerguz né fit aucune réponse, mais loyalement prit
les mesurés proposées par la lettre de M. de la Maisonfort.
Il est bon de savoir qu'à cette époque le prince de Guémené,
fienri-Louis Mériadec dé Rohan, époux de la fille du maréchal
dtfSoubise, pour faire face à ses énormes dépenses de grand
seigneur, avait depuis plusieurs années fondé, avec différents
membres de sa famille, une banque qui rayonnait sur tout le
Finistère, ayant même une succursale à Lorient, et le 2 octobre
1782 il fit une faillite dont le passif monta à 33 millions de
livres — chiffre énorme pour l'époque. — Ce fut une calamité,
àurto'ut pour la ville de Brest.
A la suite de cette faillite, les princes de Rohan-Guémené
furent destitués de toutes leurs charges à la Cour, ils émigrèrent
pendant la Révolution et se fixèrent en Autriche, où leur des-
cendance existe encore actuellement.
M. de Kerguz donnant une interprétation trop large à la
lettre ci-dessus de M. de la Maisonfort^ se rendit à Brest et dé-
posa le 1^ octobre 1782 à la Banque Guémené, non seulement le
rachat des biens de NS.de K^rgadion , environ 2.000 livres,
mais la somme totale de 8.000 livres dont il était redevable. Il
le fit d'autant plus légèrement que dès le 28 septembre précé-
dent la faillite des princes était notoire, ils avaient déjà, à cette
date^ obtenu un arrêt du Conseil de surséance et leurs agents
étaient en fuite. Aussi ne trouva-t-il à la banque qu'un simple
commis qui porta en marge d'une expédition de Tacte du 22 juin
1778 : « Nous avons reçu de M. de Kerguz de Trufagan en acquit
de M. le marquis de la Maisonfort la somme de 8^0 livres
dont nous ferons raison.
Brest, le 1«^ octobre 1782.
Par procuration de Messieurs du Couedic et Bastien.
Signé : Lb Cornbc*
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£,.^0^
UN INCIDENT DE LA FAILLITE DE LA BANQUE GUEHENfi 105
Le lendemain 2 octobre la faillite des princes de Guémené
était déclarée officiellement.
M. de la Maisonfort n'accepta pas cette solution, sa lettre
n'ayant autorisé que le paiement à M. du Couédic, du rachat des
biens dus à la seigneurie du Chatel, et quoique la bonne foi de
M. de Kerguz ne fut pas en cause, les conseils de M. de la Mai-
sonfort furent d'avis que la remise faite par M. de Kerguz des
8.000 livres à la banque des Princes n*avait pu lé décharger de
sa dette que jusqu'à concurrence du rachat dû à la seigneurie
du Chastel et que M. de Kerguz devait payer les 6.000 livrea
restantes à'M. de la Maisonfort sans attendre TéVénement de
la liquidation de cette créance.
Après des pourparlers qui durèrent longtemps sans aboutir,
M.wde Kerguz fut arrêté et gardé à vue par 4 archers à sa cam-
pagne, puis enfin transféré à la prison de Saint-Malo par lettre
de cachet du roi de novembre 1783 (1). Après environ 2 mois de
détention, il réussit à s'échapper et laissait dans sa prison une
procuration datée du 16 décembre par laquelle il acceptait l'arbi-
trage proposé par les conseils de M. de la Maisonfort, avec droit
en cas de partage d'opinions» d'appeler tel autre avocat qu'il
leur plaira de choisir, avec condition toutefois, que, s'il était
condamné, on lui accorderait 4 ans pour payer de nouveau lôs
6 000 livres, car il était acquis par une lettre du 2 décembre 1783
de M. Pays, agent général des princes à Paris, que le Conseil de
la direction de M. le prince de Guémené avait décidé le 2 sep-
tembre 1783 qu'il était juste de tenir compte & M. de la Mai-
sonfort du droit de rachat qu'il doit à la seigneurie du Chastel
sur les 8.000 livres qui avaient été versées à son compte à la
Banque.
Sur ces entrefaites M. de Kerguz fut repris et enfermé au
château de Saumur.
La conclusion de cette affaire fut encore retardée par l'ab-
sence de M. Garnier de l'Hermitage, principal conseil de M. de
Kerguz, puis enfin par le décès du marquis de la Maisonfort
survenu au château de Monchevreau le 7 mai 1784.
En 1788, l'affaire n'était pas terminée et des pourparlers con-
tinuaient entre Etienne François-Denis, comte du Goetlosquet,
(1) Cet empriflOQoement eut aans doute pour cause la plainte d'autres créan-
ciers, car le marquis de la Maisonfort y fut étranger.
Février 1909 -* ê
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106 BiEYUE DB fiKETAGNE
capitaine de cavalerie, époux de Françoise-Nicole-Marie du Bois
des Cours de la Maisonfort et porteur de procuration de son
beau-frère et belles-sœurs (1) et le chevalier de Kerguz de Trof-
fagant (2), capitaine au régiment de Vermandois, frère et procu-
rateur du Conseiller au Parlement. M. du Coetlosquet^ que ses
fonctions militaires retenaient hors de Bretagne, donna sa pro-
curation à M. le vicomte de LourmeU son beau-frère, pour
suivre l'affaire.
Celui-ci la termina le 8 mai 1789 dans les conditions arrêtées
par les arbitres en 1783^ par le paiement, croyons-nous de
6.000 livres par M. de Kerguz, notre dossier s'arrôtant subite-
ment et mentionnant simplement la liquidation de l'affaire sans
entrer dans les détails (3). . *
Baron dk LéOUriUl du Hourm^um.,
(1) Louis du Boit des Cours, marquis de la Maisonfort, maréchal de cjunp et
ministre en Toscane où il eut Lamartine comme secrétaire, mort sans hoirs
en 1827, la Comtesse de Changy et M"« de Lurieu.
(t) Louis de Kergas de Troffagant, capitaine au régiment de Vermandois,
orginaire de Toussaint de Rennes, flls de Messire Gabriel, chef de non et d*armes
et de Jeanne-Oilonne Blaudet, épousa h, Vitré le 19 janvier 1790 demoiseUe
Jeanne Daniel.
(3) Cet article de quelques pages, pris au hasard parmi de nombreux dossiers,
démontre l'extinction rapide de la noblesse en France, tout en nous laissant la
consolation de constater de nos jours sa reconstitution non moins rapide. Les
familles de Kergadiou, de Kerguz, qu*il ne faut pas confondre avec Kergu éteinte
récemment elle-même, de la Maisonfort, n*ezistent plus depuis longtemps et la
famille du Coetlosquet sur le point de disparaître elle-même.
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ETUDE DOCUMENTAIRE DE L'INDUSTRIE
EN ILLE-ET-VILAINE
Alors que Tindustrie française prenait sous l'impulsion d'in*
ventions multiples un essor vigoureux, la Bretagne semblait
vouloir se cantoner dans les procédés anciens et ne marcher qu'à
regret dans la voie du progrès industriel.
Le département d'Ille-et- Vilaine, dans lequel se trouve la capi
taie de la Bretagne, s'est fatalement ressenti du caractère routi-
nier propre à nos ancêtres. Ce n'est que lentement qu'il a suivi
l'évolution industrielle qui a fait la richesse et la renommée de
certains départements.
A chaque page que nous consacrerons à l'industrie dans le
département d'Ule-et- Vilaine les faits nous obligeront à consta-
ter le caractère routinier dont nous parlons plus haut. Dès l'ap-
parition de quelque invention nouvelle, appelée à rendre service
à l'industrie, le département d'IUe-et- Vilaine, qui continuait
malgré tout la fabrication à la main, se laissait vite dépasser par
d'autres départements. C'est cette routine qui fut cause de la
disparition de toutes les industries qui autrefois faisaient la ri-
chesse du département. C'est ainsi que disparurent tour à tour
les fabriques de toiles^ les fabriques de papiers etc. etc.
MÉTALLURGII, MiNES ET GARRliSRBS
Ces industries ont, depuis quelques années, subit d'importantes
modifications tant au point de vue de la science que de la légis-
lation. Depuis quelques années de nombreuses inventions sont
venues modifier les rouages de ces industries. Des lois d'intérôf
général et de sécurité pour les travailleurs ont été votéeis. L'ap-
plication de ces différentes modifications a permis d'exercer
d'une façon plus intelligente et moins dangereuse les travaux
périlleux auxquels se livrent ces différentes industries.
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iÛA REVUE DE BRETAGNE
MiTALLURGIB
Certains ouvrages concernant la Bretagne signalent vers 1804
des forges importantes à Paimpont, Martigné et Liffré. L'usine
métallurgique de Paimpont comprenait : une grande et une
pelîte forge, un martinet et un haut fourneau. L*usinede Mar-
tigné avait ua haut fourneau, deuxafflneries, une fonderie et un
martinet.
Vers 1826 les forges de Paimpont^ — les pluâ importantes de
Bretagne — comprenaient deux hauts fourneaux, une grosse
forge ayant deux afflneries, unechaufferie et deux marteaux, une
grande fonderie, un tour pour tourner, forer et polir les mé-
taux, un martinet, un laminoir double propre à forger et à tirer
les fers en barre et fendre toute espèce de verge et fabriquer des
tôles* Il existait également à Serigné, commune de la Bouexière,
un haut fourneau pour la fusion des minerais de fer et un ate-
Her pour la fabrication de la fonte moulée.
Quelques années, plus tard, en 1829, Tusine de Paimpont prit
une plus grande extension et possédait en plus des hauts four-
neaux et des 3 feux d'affinement : 1 marteau cingleur, 2 fours à
fudler, 1 squezer et un train de laminoir. Comme décrépisseur
elle disposait de 6 fours à réchauffer, 1 laminoir et 4 trains.
A côté de Tusine métallurgique proprement dite, se trouvait des
attelions de tour, de menuiserie, de maréchallerie et d'ajustage.
Environ 100 ouvriers étaient occupés dans les ateliers et 200 au
dehors. La fabrication des clous occupait environ 170 ouviers.
La production annuelle de l'usine de Paimpont était environ
1 200000 kilogrammes.
En 1821 le Préfet dllle-et-Vilaine dans son rapport au conseil
général dit que les forges de Paimpont sont en pleine activité et
que les fers provenant de cette usine ont une grande renommée
car ils sont, dit-il, doux, nerveux, et faciles à travailler.
Gomme l'usine de Paimpont les forges de Serigné se virent
obligés en 1831, d'installer un fourneau à la Vallée qui fabri-
quait de la fosite et du fer provenant \àe vieilles ferrailles.
En 1853 l'industrie métallurgique avait pris une grande exten-
sion. La production annuelle était évaluée 1 4 500 000 kilogrammes
de fer laminé ou forgé, ce qui ireprésentait une valeur de
1 5ÛO0O0 francs. L'usine de Paimpont, qui recev^t des étangs une
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ETUDE DOCUMENTAIRE DB LINDUSTRIE 10»
force hydraulique de plus de 100 chevaux, était en 1857 desservie
par plus de 400 ouvriers. Cette usine, qui avait suivi tous les
progrès de l'industrie métallurgique, fabriquait des produits qui
«rivalisaient avec ceux de la Suède ». L'année 1859 ne fut pas
favorable à cette branche de Tindustrie dans le département et la
production fat de beaucoup inférieure aux années précédentes.
En 1861 les usines métallurgiques étaient .au nombre de cinq
possédant six hauts fourneaux qui utilisaient une force hydrau*
lique ou à vapeur de 180 <phevaux. La production annuelle était
d'environ 6000 tonnes, consistant en fontes moulées ou petits fers
martelés ou laminés. En 1866, l'industrie métallurgique a presque
complètement disparu du département. Toutes les usines étaient
fermées à Texception de la forge de la Vallée.
Il ne restait plus en 1871 que l'usine de Paimpont — qui avait,
été, vers la période qui va de 1886 à 1853 le modèle du genre, —
qu'une petite forge au charbon de bois ot était fabriqué du fer
avec des ferrailles. L'industrie puissante que nous avions ren-
contrée avait totalement disparu privant un grand nombre de
bras de leur gagne pain.
Quelques années plus tard, en 1875» l'industrie de première
élaboration reprit de son activité passée et comptait à cette époque
environ 330 ouvriers. Ce n'est qu'en 1879 que Guy réinstalla^
pour l'exploiter, le haut fourneau de Paimpont. Malheureuse*-
ment une nouvelle crise frappa l'industrie métallurgique du dé-
partement vers 1882 juste au moment où elle semblait devoir
prendre un nouvel essor. C'est dans le courant de cette môme
année que cessa de fonctionner le haut fourneau de Saint-Nicolas
de Redon.
Dans l'espace de 4 ans cette branche de l'industrie disparut
presque complètement et en 1886 on ne trouvait plus que des
culibots de seconde fusion. Ils étaient encore au nombre de six^
qui la grande majorité du temps ne fonctionnait pas. La compa-t
gnie des Chemins de l'Ouest possédait un four et une forge«
pour réchauffer et utiliser les ferrailles des vie\ix wagons,
qu'elle supprima en 1903.
A l'heure actuelle il n'existe plus d'usine métallurgique dans
le département* d'Ille-et-Vilaine. C'est à peine s'il y a encore
quelques fonderies à Rennes, Saint-Malo et Serig^pé,
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Ifli RBYUB DB BRETAGNE
GARRiiRBS
Vers 1812 le département dllIe-et-VilaiDe possédait un cer-^
tain nombre de carrières d'ardoises. Pontpean avait une carrière
de pierres à chaux. Dans la commune de Bourg-des-Gomptes
ron trouvait un grès argileux d'un grain fin et serré qui pouvait
servir à faire dés « pierres à aiguiser ».
On comptait, en 1852, environ 200 carrières à ciel ouvert (ca«
riëres de granit, de grès, d'ardoises, etc.). Ces carrières étaient
réparties dans 12 communes et occupaient environ 1800 ou-
vriers, lies carrières d'ardoises étaient particulièrement nom-
breuses dans les arrondissements de Redon et Vitré ; presque
toutes étaient exploitées par un certain nombre d'ouvriers qi;i
livraient eux-mêmes leurs produits au commerce. Quatre ar-
doisières seulement, en 1853, étaient pourvues d'une machine à
vapeur. Ces quatre carrières occupaient à elles seules environ
100 ouvriers.
Vers 1860 l'industrie ardoisière était en progrès* La produc-
tion qui était en 1859 de 24.072 000 ardoises s'élevait en 1860 à
28.144.000. L'extract'on de l'ardoise occupait^ à cette époque,
environ 450 ouvriers. Les carrières de l'arrondissement de
Redon étaient exploitées par des associations d'ouvriers com
prenant parfois jusqu'à trente ouvriers. Seul le manque de
capitaux empêchait de donner un grand développement à leurs
exploitations.
En 1871 le département ne comptait plus que 13 carrières oc-
cupant environ 235 ouvriers alors qu'en 1865 elles étaient Iblu
nombre de 22 occupant 293 ouvriers. La production qui avait été»
en 1809, de 15,740,000 ardoises d'un valeur de 104,800 francs
n'était plus en 1871 que de 6,950,000 ardoises d'une valeur dé
66,300 francs.
Cette diminution de l'exploitation des carrières s'explique en
partie par la perturbation que jeta dans l'industrie la guerre de
1870. La guerre terminée, l'exploitation de carrières reprit peu à
peu de son activité et en 1874 un rapport de l'ingénieur des mines
constate que 16 carrières occupaient 260 ouvriers. Malheureuse-
ment cette nouvelle activité fut de courte durée, puisqu'en 1876
tes mômes carrières n'occupaient plus que 185 ouvriers. Durant
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ETUDE DOÇiHlBintAlBB DB L'iMi^USTRlB tti
l'année 1878 Texploitation des joarrières souffrit beaucoup de la
pauvreté des gites et de leur absence de régularité.
Les ardoisières du Plessis en Coôsmes qui avaient été âban-*
données au mois d'avril 1875, furent remise en exploitatioû au
mois d'avril 1877. Â cette date les ardoisières étaient au nombre
de 77 et occupaient environ 512 ouvriers. A côté de ces carrières
de quelque importance, on comptait environ 150 petites carriè^ea
occupant environ 1,200 ouvriers.
Le Préfet d'Ille-et-Vilaine dans son rapport (année 1870, page
432) signale l'emploi des femmes dans les travaux pénibles des
carrières. Elles étaient occupées dans certaines carrières à
creuser des tranchées ou à transborder des matériaux.
De 1879 à 1882 l'exploitation des carrières fut à quelque chose
près la môme. L'ardoisière du Plessis en Goôsmes, qui était la
plus importante, occupait à cette époque environ 160 ouvriers.
Les ardoisières de l'arrondissement de Redon étaient presque
complètement abandonnées et c'est à peine si l'on rencontrait,
çï et là, quelques petites excavations, sans profondeur, exploip
tées par quelques ouvriers associés.
Par ailleurs on comptait environ 308 carrières exploitant le
granit, le grès, etc. Les exploitations de granitdu nord du dépar-
tement prenaient chaque année une importance plus grande et
les carrières de schistes de Pontréan fonctionnaient avec une
grande activité. Les grandes carrières de calcaire de Lorman-
dière et la Gh^ussairie étaient ei^ploitées dans de bonnest
conditions et donnaient d'excellents résultats. L^s carrières
de calcaire cristallin des communes de Saint-Aubin-du-
Cormier et de Saint-Thurial oocupaâeqi un grand nombre
d'ouvriers.
En 1894, on comptait dans le départemenjb d'IUe-et-Vilaine près
de 600 carrières occupant près de 9,000 ouvriers* Ge9 carrièreB
d'une certaine importance étaient au nombre de 119 se répartis-
sant comme suit :
Ardoisières 8 dont 1 souterraine
Garrièresdegranitpourpierres de taille. . . 57
^ granit-grossier pour moellons. . 5
— Gneiss, phyllades, etc. .... 19
~ Grès } . 7
— Schiste pourprés et schiste noir. . 14
^ Calcaire 9 dont 4 souterraines
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t^ • RBVUE DE BRBTAONB
Les autres carrièpes étaient d'une exploitation peu importante
et occupaient rarement plus d^2oa3 ouvriers. Dans la com
mune de Poligné se trouvait une carrière de pierre noire à
crayons.
Bn 1901 le d'îpartemeot dlile-et- Vilaine comptait 7 carrières
souterraines dont la plus importante était celle du Plessis en
Goes mes. Les carrières à ciel ouvert étaient au nombre d'envi-
ron 300 et occupaient approximativement 3.200 ouvriers.
En 1906 il existait environ 7 carrières souterraines en activité
occupant environ 11 ouvriers au fond et 159 au jour. La plus
importante était toujours celle du Plessis en Goësmes qui dès
1905 comprenait un puits de 116 mètres de profondeur desser-
vant quatre chambres exploitées en remontant. Les travaux de
cette carrière sont éclairés à Télectricité. Le nombre des ou-
vriers occupés à cette importante exploitation était de 61 au fond
et de 133 au jour. Les carrières de pierres à chaux des com-
munes de Bruz et Chartres n'occupent qu'un nombre restreint
d'ouvriers. Le nombre des carrières à ciel ouvert était de
600 occupant environ 2800 ouvriers. Ces carrières n'étaient
guère exploitées que d'une façon temporaire.
En 1907 il y a 7 carrières souterraines en activité. Elles oc-
cupent environ au total 229 ouvriers. Les carrières à ciel ouvert
au nombre d'environ 620, occupent près de 3.000. Les deux tiers
de ces carrières qui ne fournissent que des matériaux d'empier-
rement, ne sont exploitées que d'une façon temporaire.
En résumé) à part la carrière d'ardoises du Plessis en Goôsmes,
et quelques carrières de granit, l'exploitation de cette branche
de l'industrie n'est pas très développée dans notre département;
Quoique cela, environ 3.500 ouvriers trouvent dans ce travail le
nécessaire à la vie. La production annuelle de l'industrie ardoi-
sière est en moyenne de 300.000 francs*
{A suivre). J. Çoupel.
Le Gérant : P. Ghbvallikr.
Vannes. Imprimerie Lafolte Frères, 3, place des Lices
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LE NÉODRUIDISME
Il est peu de sujets sur lesquels ou ait répandu en France, au
XIX* siècle, autant d'erreurs que sur le druidisme en général.
Le malheur^ c'est que ces idées fausses portent Testampille de
noms connus; aussi sont-elles aujourd'hui fortement ancrées dans
beaucoup d*esprits et il faut un réel courage pour les combattre.
Parmi ceux qui ont écrit sur ce sujet, Gh&teaubriand a pour
excuse d'avoir intercalé au milieu d'un roman, Les Martyrs^ l'é-
pisode non moins romanesque de Velléda ; il a eu, cependant, le
tort déplacer en Armorique les aventures de cette prêtresse de
Germanie et d'en faire l'héroïne de scènes druidiques de haute
fantaisie. Pour Jean Reynaud, il laissa, en écrivant L'^spnï (/^
la Gaule, libre cours à sa féconde imagination, surtout en ce qui
concerne « la religion druidique ». Un mot, un seul mot est, par-
fois pour lui prétexte à des divagations et à des digressions sans
fin. Son système consiste, le plus souvent, à tirer telle ou telle
conclusion à^ probabilités ^oni son esprit fait immédiatement des
vérités^ aussi son œuvre est-elle antiscientiflque quoiqu*écrite
avec une grande conviction qui le fera juger sans trop de sévérité.
Henri Martin, ami de Jean Reynaud, est tombé dans les mômes
errements que lui. Ge futaussi un puissant imaginatif servi parune
érudition plus vaste que celle de Jean Reynaud. Aussi la critique
a-t-ôlie aujourd'hui beaueoupà reprendre dans le livre lidu tome
I*' de son Histoire de France^ qui traite du génie des mœurs et
des croyances des Gaulois, ainsi que dans son étude si prolixe
sur Le Mystère des Bardes de Vile de Bretagne (1). Mais, à lui
comme à Jean Reynaud, il sera beaucoupjpardonné parce que sa
bonne foi égalait son imagination toujours fertile quand il s'a-
gissait de glorifier ceux qui nous précédèrent sur le territoire des
Gaules.
La Villemarqué, à son tour> qu'il publie Les Bardes bretons du
(1) Renue archéologique^ 1868. p. 82 9, 430 ; 1869, p. 27*
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114 REVUE DE BRETAGNE
F f siècle ou qu'il interprète et commente une interminable 5ci>
publiée dans le Barzaz-Breiz, se laisse, comme Jean-Reynaudet
comme Henri-Martin, emporter par sa fougueuse imagination^
servie par un beau talent d'écrivain. Dans Les Bardes bretons,
notre illustre compatriote me parait avoir été suir^estionné par
la lecture de la Vindieation of the genuiness of the ancient bri-
Hsh bords de Scharon Tarner. Quant à la scie à laquelle, je fai-
sais allusion ci-dessus, il s'agit, on Ta sans doute deviné, de la
pièce intitulée par La V llemarqué Ar RanriLU (Les Séries). Or,
il est avéré aujourd'hui que cette espèce de rimodel où La Ville-
marqué a voulu trouver Texposé du druidisme ancien n'était
qu'un exercice de mémoire probablement à Tusage des enfants.
Il est certain que celui qui arrivait à répéter jusqu'au bout ces
formulettes incohérentes avait droit à un prix de récitation; mais
il ne faut pas chercher de druidisme dans ces Séries qui n'en
sont pas, puisque, sur les nombreux points de la Ba^se-Bretagne
où on les chante, on les .appelle toujours Gomperoii ar Haned.
(Les Vêpres des Grenouilles) nom qu'elles portent, du reste,
dans la paroisse de Saint-Urien, d'après Tabbé Henry, cité pai^
l'auteur du BarzaZ'Breiz (i).
Les idées exposées par les écrivains précités ont été pendant
assez longtemps admi:ses comme des vérités incontestables; il
n'aurait pas fait beau toucher aux hér(^sies couramment débitées
au sujet du druidisme ancien ; il n'aurait pas fait beau nier la
continuité de la tradition bardique en Grande-Bretagne depuis
l'Antiquité jusqu'aux temps modernes. Aus^r le mémoire de Le-
flocq sur Le Mystère des Bardes de file de Bretagne (2) parut-il à
Henri Martin d'une hardiesse qui méritait une réplique ; on ne
peut pas dire que Leflocq, malgré son intention de le faire, avait
complètement démoli l'édifice élevé par TEcole Imaginative, mais
il avait, en face d'elle, jeté les bases d'une Ëcole Positive pas du
tout disposée à se contenter de fictions et d'à peu près. Gela n'é-
tait pas tolérable pour les partisans de l'Ecole Imaginative, et le
mémoire posthume de Leflocq nous en valut un autre d'Henri
Martin, paru sous le môme titre, dans le môme recueil et trai-
tant du môme ftujet. J'ai déjà dit ce que je i^ettsais de l'indigeste
compilation produite en cette occasion par Henri Martin : son
(t) Barzai'Breiz, p. 2.
(}} Re9ue archéologique^ i86i, p. t03.
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. I
Lïi IfftODRUimSMC 115
étude ne convaincra aucun esprit ayant pénétré à fond la question.
Il me semble, d'ailleurs, que ces travaux de polémique historique
n'ont pas eu beaucoup de retentissement ; ils seraient même
complètement inconnus de la génération à laqelle j'appartiens
si M. le professeur 0. Dottin n'avait pris soin d'en parler et d'en
donner la bibliographie dans son Manuel pour servir à V étude de
V Antiquité celtique.
Cependant la question du druidisme fut reprise et étudiée av6c
soin, et dans un esprit scientifique par plusieurs de nos meilleurs
celtistes ou historiens. M. le professeur Henri Gaidoz publiait
son Esquisse de la religion des Gaulois; notre illustre compatriote
le professeur A. Benrand réunissait en unvolume ses leçons sur
La religion des GauloisJ{i); M. le professeur d'Arbois de Jubain-
ville donnait successivement les différentes parties de son Cours
de littérature celtique ; l'auteur consacrait le tome premier à l'his-
toire du druidisme ; deux autres tomes» dûs à la collaboration
de M. le professeur J. Loth, traitaient des Mabinogion et don-
naient, en môme temps^ d'utiles détails sur les fameux manus-
crits, the four ancient books of Wales, et en particulier sur les
dates des versions que nous en connaissons, dates fort utiles à
connaître pour les historiens du néodruidisme.
R. De^ jardins, de son côté, publiait sa Géographie historique et
administrative de la Gaule romaine, et attaquait avec beaucoup de
science, dans le tome II de cet ouvrage, les théories édifiées, sur
le druidisme par les sectateurs del'Ëcole Imaginative.
Etïttn,\e Manuel pour servir à t étude de l'Antiquité Celtique,
accueilli avec faveur par tous ceux qui savent discerner la science
véritable et le mérite réel, vint, tout récemment, combler une
lacune en nous offrant le résumé aussi complet que possible de
tout ce que l'on connaît sur cette question.
Remarquons pourtant que dans cet ouvrage, si utile à tant de
points de vue, l'histoire, du néodruisdisme est assez écourtée
évidemment à cause du peu de place dont disposait l'auteur, c'est
ce qui m*a donné l'idée de l'étudier à mon tour, avec le plus grand
soin, et c'est le résultat de mes recherches qui fera l'objet du
présent travail. Les études dont il est le couronnement, je les ai
faites sans parti-pris, dans un esprit scientifique, lisant le pour
(l) Ce lÎTre reste une ooayre scientifique, quoique certains ohapitTM laissant
trop de place aux hypothèses.
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RBVUB DB BRETAGNE
et le contre et ne concluant définitivement qu'après avoir com-
pulsé plusieurs ouvrages importants qui traitent de la matière
druidique, qu'après avoir tout pesé et tout mûri. Mon opinion,
que je vais tout à l'heure étayer sur de solides preuves, est, en
fin de compte, que le druidisme ancien» avec ses trois ordres dans
leur parfaite stabilité, ne dépassa guère en Irlande le temps de
saint Patrice ; que les deux druides du roi Loégairé prononcèrent
la prochaine déchéance de cette célèbre institution le jour où ils
prophétisèrent :
< Ticfa talcend
Tar muir mercend ;
A brat toUcend,
A cbrand cromcend;
A mias in âirthair a thige ;
Frisgerat a muinter.uile :
Amen, amen (1). »
(Il viendra un homme à la tète de hache [polie comme une hache]
à travers la mer orageuse ; son manteau a un trou pour la tôte ;
.son bftton a le bout recourbé ; sa tabfe est à l'orient de sa maison ;
tous ses gens répondront : amen, amen).
Cet homme au crâne poli comme une hache (talcend), annoncé
par les druides du roi Loégairé, ce fut saint Patrice, le grand
apôtre des Irlandais, celui-là môme qui, au nom de la foi catho-
lique, lança aux derniers druides l'anathème bientôt suivi de leur
décadence. Mon opinion est aussi qu'en pays de Galles le drui-
disme fut atteint avant le druidisme d'Irlande. Quoi de plus si-
gnificatif, en effets que le témoignage des vers 106 et 107 de la
pièce du Livre de Taliésin intitulée Gwawt Lud y Matvr (Pané-
gyrique de Lud Le Grand) :
« Dysgogan Deruydon
Tra mor tra Brytbon» >
Ces vers, fait remarquer M. d'Arbois de Jubainville (2), doivent
s'expliquer ainsi : « les druides prédisent au delà de la mer, au
delà des Bretons » et t le contexte ne permet pas de rendre ces
mots comme on l'a fait souvent : « tant la mer, tant les Bretons »
(1) D*Arbou di Jubaintills, Littérature eelHqus, 1. 1, p. 290« — Winpisoh,
Irisehe Tevte^ p. 20.
(2) Cotars de lUtérature eeUique^ 1. 1, Toir p. 236-239 q«
k.
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LE NfiODRUIDlSMB 117
{ira mot, ira Brython). S'il y avait encore ea alors des druides
en Pays de Galles^ il aurait éjté inutile de rappeler qu'ils « pré-
disent au delà de la mer, au delà des Bretons », c'est-à-dire en
Irlande. On voit, d'après ces citations, que mon intention est
d'insister aussi sur l'état de désagrégation du corps druidique en
Paya de Galles à une époque déjà ancienne, et d'établir ainsi une
première preuve de la non continuité dudruidisme ancien et du
néodruidisme.
Voici, d'ailleurs, l'ordre que je me propose de suivre au cours
de cette causerie sur le néodruidisme.
Je considère qu'il est utile d'étudier l'institution druidique
dans le passé avant de l'étudier dans le présent ; aussi mon
premier chapitre sera-t-il consacré à une histoire générale des
trois ordres du druidisme.
Le néodruidisme prétend s'appuyer sur une littérature et des
traditions dites bardique^. Je montrerai dans un second ehapitre,
quelle est la valeur réelle de cette littérature et de ces traditions.
Enfin, le néodruidisme se manifestant surtout par des cérémo-
nies, je rechercherai sur quels fondements anciens sont basées
ces cérémonies et ma conclusion sera que les cérémonies néo-
druidiques ne doivent presque rien à l'Antiquité, mais renfer-
ment, au contraire, de nombreuses particularités décelant chez
les premiers ordonnateurs du néodruidisme Tignorance non seu-
lement de l'Antiquité, mais encore de tel fait beaucoup plus
rapproché d'eux.
PREMIER CHAPITRE
LffS TROIS 0RDRB8 DU DRUIOISMEB.
Le druidisme ancien comprenait trois ordres de membres : au
sommet de la hiérarchie étaient les druides ; venaient ensuite les
bardes et les vates. Les noms des druides et des bardes ont été
conservés par le néodruidisme, mais les i;a^e$ y sont devenus des
ovates ; cette nouvelle forme est, nous dit M. G. Dottin, un bar-
bariârae fabriqué par « les érudits du siècle dernier (1). » Le nom
des ovates est, en effet, une transcription du mot grec qui cor-
(1) 0. DoTTiN, Manu^, p. 267.
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U$ RBTUS P« BRSTAGHB
respondaii au l^iin vates. Nous conserverons cependant le terme
ovate et eon féminin ovattesse puisqu'ils sont consacrés par
rusage^mais nous nous rappellerons qu'ils sont tous deux de for-»
mation irrégulière. Il f*st vraisemblable que les manieis de Dio*
dore de Sicile et les euhages d*Ammien Marcellin étaient iden-
tiques aux vates (1), mais aucun de ces deux noms n*a prévalu
dans le néo^druidisme.
 quel moment a pris naissance le druidisme ancien 7 La ques*
tionestloind'ôtreélucidée. Sans vouloir, en efTet,dater l'apparition
des druides de l'an 53 avant Jésus-Christ, époque où Jules César
en parle le premier (2) d'une manière certaine, il faut bien recon-
naître que son existence n'est nullement prouvée aux siècles
précédents. M. d'Arbois de Jubainville fait observer seulement
que chez les Galathes, peuple gaulois établi en Asie Mineure,
au troisième siècle avant notre ère, il y avait, d'après Strabon (3),
un Sénaide trois cents membres qui sejéunissaient dans un lieu
appelé Drunemeton (Temple de Drn), et y jugeait les mômes
causes que les druides de Gaule dans leurs bois sdcrés ; que Tins-'
titution de ce tribunal aurait pu être issue du druidisme existant
en germe chez les Gaulois du continent, au Iil« siècle avant
Jésus-CJhrist. Pour moi, je ne crois pas à cette identité ; elle est
possible, mais non démontrée. Il en est de môme des allusions
aux druides ou à la religion gauloise contenues dans des traités
que l'on a attribués à Pytbagore. Ce dernier philosophe, qui vi-
vait au VI* siècle avant Jésus-Christ, n'a, probablement, rien
écrit et les <( livres qui ont.circulé sous son nom sont évidemment
l'œuvre de phythagoriciensd'un âge bien postérieur (5). » Diogène
Laôrce nous dit, cependant, avoir compilé la Succession des phi^
losophes^ de Sotion, et le Traité de la magie, attribué à Aristote,
et avoir puisé dans ces lectures ce qu'il raconte sur les druides.
Mais si l'ouvrage de Sotion, qui vivait deux cents ans avant
notre ère, est authentique, le Traité de la Magie est apocryphe
et, comme nous ignorons dans laquelle de ces œuvres, Diogène
Laôrce a puisé ses idées sur le druidisme, nous ne pouvons pas
utiliser les documents qu'il nous fournit. Nous ne sommes pas
(1) G. Dorrat , Manuel, p. 267.
(2) J. Ciià», Dâ Bello gallieo, liv. VI, XIII, XIV, XVI, XVU.
(3) bTEABOll, Ut. XII. V, § I.
(I) D'Arbois^ Littérature celtique, I, p. 112.
(S) D*Aabou. Littérature eeUique, I, p. 84-89.
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LS NÉOORUIDISMB lit
plus iostraits par le passage de Tite-Uve où il nous parle des
pontifes et des prêtres [sacer dotes, antitistes) des Gaulois cisalpioSt
à propos d'événements qui se passèrent en 216 avant Jésus^
Christ (1). Ces prêtres étaient^ils des druides? Nous ne le savons
et ne le saurons jamais. Ce que Ton peut affirmer, c'est que^
d'après Jules César loi-môme, Tinstitution druidique avait eu, au
moment où il écrivait le De Bello gallico^ une oertaine durée ; il
nous dit, en effet ; « druides a bello abesse consuerunt «^ les,
druides d'après la coutume sont affranchis do service mili-
taire (2). Mais, cette coutume constatée par l'écrivain latin ne
nous permet pas, non plus, de reculer indéfiniment Torigine du
druidisme. Cependant, on doit ajouter, pour dire complet, que
les iaftf^^ existaient au deuxième siècle avant Jésua-Ghrist« du
temps du roi Louemios et de son fils Bituitos (3).
Quoi qu'il en soit de ses origines, nous rencontrons le drui«
disme en Qaule et en Qrander Bretagne au cours des cinquante
années qui ont précédé la venue du Christ. Faut-il ajouter que
la Religion Druidique n'était pas encore inventée h cette époque?
Il existait bien unephilosophie druidique dont les auteurs anciens
nous vantent l'élévation d'idées (4), mais les auteurs anciens
nous fofit comprendre également que la religion des druides con*
sista simplement à respecter les divinités et les superstitions dês
peuples au milieu desgw Is ils vivaient ; en bon français, cela ne
s^appelle pas dn la religion mais de la diplomatie et cette manière
d'agir prouve que les druides étaient des gens fort malins» S'ils
assistaient aux sacriflcps, môme à ceux où Ton immolait de9 vic-
times humaines, c'était parce que le peuple pensait que la pré-
sence de ces augustes philosophes à de semblables cérémoniee
était agréable aux dieux* Ne croyez pas surtout que, lorsque le
druiiisme était à l'at^ogéé de son éclat, les druides se soient ja-
mais servi de dolmens pour y égorger ou pour y faire égorger
(1) TiTB-LrfB, liv. XXIIT, XXIV.
(?) J. Gédar, De Bello gaUi.o, VI, XIV, § f. — Comme le MX remarquer
M. D*ÀRmBoii DB JuBAiNviLLB, LiU/^dlure celtique, X i, ceci n'eat pM «saot; 1«
irnïde OivitiacDi allait à la guerre ; de même, plus tard, les dmidey irlandWi
furent, en mdme temps, des soldats.
(3) O. DoTTiN, Manuel^ p. î«6.
(4) « Une gloie du Senchus Mor.,, nous apprend que les druides îplimdlûf
disaient que c*étaient eux qui avaient fait le ciel, la terre, la mer, le soleil, la
lune, etc.. et il est possible que ce soit là le dernier mot de cette cosmogonie
druidique dont, sans la connaître, on s*est plu à vanter Is pPOfpD49UV VOifPti-
flqne ». (G. Dottin, Manuel, p* 281).
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iSO RBYUB 0Ë BRETAGNE
qui que ce soit D'abord^ il y a tout lieu de penser que ces an-
cieas druides n'ont jamais vu de dolmens. L'étude de la préhis*
toire nous permet, en effet, d'affirmer que l'érection des dolmens
est bien antérieure à la civilisation celtique au milieu de laquelle
on admet que le druidisme a pu se développer, et que ces àoU
mens, qui furent toujours des tombeaux, étaient cachés sous une
couche épaisse de terre ou de pierres formant un tumules ou un gai-
gai, lesquels tumulus ou galgalsontété conservés si souvent in-
tacts jusqu'à Torée du XX* siècle de l'Ere chrétienne, qu'il est
permis de les considérer comme ayant dérobé les dolmens aux
regards des druides et des populations qui les entouraient. Cette
légende des dolmens-autels se trouve dans tous les livres d'his-
toires (avec un 5, s'il vous platt) à l'usage de la jeunesse et de
t'âge mûr. Il n'est que temps de la remplacer par des idées saines
ùi je le fais d'autant plus volontiers que j'ai été moi-même un
des adeptes et des propagateurs de ces hérésies que je combats
aujourd'hui.
Je ne veux pas entreprendre une histoire détaillée du drui-
disme ancien ; ce serait sortir du cadre où je tiens à renfermer
cette étude ; aussi je renvoie ceux qui sont curieux de s'ins-
truire' à ce sujet aux ouvrages de MM. H. Gaidoz, A. Ber-
trand, D'Arbois de Jubainville et G. Dottin. Cependant je jetterai
un coup d'œil sur les étapes de la décadence du druidisme.
En Gaule, les druides atteints successivement par les édits de
Tibère et de Claude, ne prolongèrent qu'en cachette l'existence
misérable d'un ordre condamné à périr. Pomponius Mêla nous
les montre enseignant dans une caverne ou dans les bois (1).
Quant aux bardes gaulois, M. G. Dottin fait remarquer, d'après
Poseidônios et Appien, que ce sont « des sortes de griots qui
vivent aux dépens des grands (2) » et rappelle fort justement, à
titre de preuve, la célèbre scène, souvent citée, du barde et du
roi Louernios. Le barde arrive au festin auquel il comptait as-
sister, une fois celui-ci terminé. Mais il chante quand môme en
rbonneur du roi et dit ses regrets de n'avoir pas assisté au ban-
quet. Louernios ravi par ses chants jette un sac d'or au barde qui
courait après lui : a celui-ci le ramassa et de nouveau se mit à
chanter, disant que les traces laissées sur la terre par son char
(1) 0. Domir, Manuel, p. 27S.
(2) O. Dottin, Manuel, p. 265.
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LE NËODRUIDISME 121
produisaient aux hommes de Tor et des bienfaits (1). » Appien
nous montre, de môme, un barde dont Tunique fonction paraît
avoir été de ciianter et de louer les faits et gestes de son maître
Bituitos, fils de Louernios (2) et de ses commensaux ou amis.
En ce qui concerne les votes, Strabon les considère comme des
sacrificateurs et des augures. Leur rôle dans le druidisme paraît
avoir été assez effacé.
Dans les Iles Britanniques, d'où il avait été, semble-t-il, importé
en Gaule, le druidisme avec ses trois ordres dura plus longtemps
que sur le continent ; mais cette durée ne fut pas la môme dans
tous les points de Tarchipel, et ce fut jn tément chez les popula-
tions kymriques (Gallois actuels), là ou le néodruidisme affirme
l'existence d'une tradition ininterrompue que les trois ordres du
druidisme ancien furent le plus vite disloqués'ou détruits.
Relativement à la disparition des anciens druides en Grande-
Bretagne, proprementdileetplus spécialemenlen Pays de Galles,
il me suffira de rappeler les deux vers du Livre de Taliésin, cités
plus haut. Il est de toute évidence, je le répète, qu'un barde gal-
lois ne se serait pas donné la peine d'écrire que <( les druides
prédisent au delà de la mer, au delà des Bretons », c'est-à-dire en
Irlande^ si, de son temps, il avait existé des druides dans le pays
des Bretons proprement dit.
En outredu mot gallois deruid ou daruid, pluriel deruidon, nous
trouvons la vieille forme darguid qui paraît avoir été créée par
les Gallois pour désigner des druides venus avec les Scots, les-
quels, depuis le IV* siècle de notre è; e, faisaient des incursions en
Grande-Bretagne. Le darguid %q confondrait donc avec le deruid
ou daruid.
 ceux qui voudraient, malgré la citation ci-dessus, affirmer la
non disparition des anciens druides dans l'Ile de Bretagne et,
partant, la continuité des traditions et des initiations, je ferai
remarquer, avec M. d'Ârbois de Jubainville, que les anciennes
lois galloises, si minutieuses cependant, « ne [parlent pas des
druides. Le druide-barde, derwydd'Vardd,[Aoni il est'question
dans les textes légaux les plus récents du Pays de Galles est de
fabrication moderne, comme ces textes mômes, dus à l'esprit
inventif d'un archéologue trop zélé pour la gloire de son pays » (3).
(1) Q. DoTTiN, Manuel, p. 266.
(1) Appibn, Histoire romaine, IV, 12.
(3) Voir à ce sujet, d*Arboi8 de Jubainyillb, Littérature celtique, I, p. 236-239.
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122 RETUB DR BRETAGNE
Les anciens bardes de lllé des Bretons, dont le rôle paratt avoir
été analogue h celui des bardes gaulois, subirent fartement, eux
aussi, le contre-coup de la décadence des druides. Je n'essaierai
pas, évidpmment, de nier l'existence des bardes bretons après
la chute de Tempire romain et après la conquête de la Grande-
Bretagne par les Saxons; je citerai môme desténaoignages di-
vers se rapportant à eux; mais je soutiendrai pourtant que pen-
dant plusieurs siècles, entre l'invasion saxonne et l'an 1300 oii les
bardes auraient ^lu le premier arcbidruide (?) nommé, dit-on,
Trahaiarn Mor, ces bardes, loin de former un corps puissant et
indépendant, ne furent que des individualités* vivant surtout en
parasitpsdans les palais des rois et des grands du palais. Qu'im-
porte, en effet, que le barde occupe le huitième rang parmi les
fonctionnaires de la cour royale, dans le code vénédotien, et le
onzième dans le code dimétien; qu'importe qu'il s'asseoie à la
table du roi (1) ; qu'importe que le chef des bardes ne soit pas at-
teint par la mesure ennuyeuse eij qu'au contraire des autres com-
mensaux, il puisse boire à sa soif et mansrer à sa faim (2); du mo-
ment qu'il est fonctionnarisé, il n'est plus guère, dans les plus
hauts postes auquels il parvient, qu'une espèce d*esclave auquel
le pouvoir a mis des chaînes dorée^). Qu'importe que le barde
pourvu de chaire, e-bart kadeyrianc ait le pas sur le barde du
palais et paraisse jouir d'une plus grande indépendance ; ne sont-
ils pas tous deux astreints aux mômes obligHtions auxquelles ils
ne peuvent su dérober ? Â la première réquisition, il faudra chan-
ter trois chdnl^ pour le chef du palais ; trois chants d'amour, à de-
mi voix, pour la reine, trois chants pour un noble ; main à la re-
quête d'un paysan, il faudra chanter « jusqu'à l'épuisement (8). »
Ainsi donc, à mon avis, c^s burdes qui ont survécu à la chute
de l'empire romain et à la conquôte saxonne» cesburdre dont
les anciennes lois galloises parlent de loin en loto, ne repré-
sentent que les débris de l'ancien corps bardique, tout aussi
parasite qu'autrefois et de plus en plus fonctionnarisa^. Aussi
je ne saurais admettre la thèse de Tauteur des Bardes bretons
(<) Pour lea bardes gaUoù, corniguet et bretona, consulter : d'Arbois db Ju-
BAiNTiLLB, Littérature celtique^ t. i, chap. IV, p. 68-69.
(2) Th. ob la ViLLBif arquA, Les Bardes bretons du VI* siècle^ introdmotion,
p. XXXII.
(3) Th. de la ViLLBMARQui, Les Bardés bretons du F/« siècle, istpedue^on,
p. XXVUI, XXIZ.
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j^^^-f ".^"-?r-'..TT
T^^^TT^î-^i^^^^^mmi^^^W^^^^'^ ~
lE NÉOWtlDISMB 123
du Vf siècle, thèse d'après laquelle il se reforma obe? les Bre-
tons et les GaSIs de nouvelles associations bardiques après la
chute de Tempire romain (1). Nous ne possédons aucun texte
ancien où il 8oit*question de semblables associations.
Les plus anciens bardes de la Gornouaille anglaise dont il soit
fait mention paraissent avoir été d'assez piètres personnage^
auz yeux de leurs contemporains. Il suffit, pour s'en convaincre,
de consulter le vocabulaire du XIP siècle découvert dans la Cot"
tonian Library, et publié par Norris à la suite de ses Ancient
Cornish Dramas. Nous y relevons : « tubicen- Jar^A hirgorn; mi-
mus vel scurra-ftar/A ». Jl y avait donc, en Gornouaille, deux es-
pèces de bardes; las uns, rappelant les aveugles modernes,
joueurs de clarinette ou de flageolet, soufflaient dans le hirçorn;
les autres, plus fidèles aux anciens usages, disaient des vers (2).
En Bretagne-Armorique, le mot Barz (sous la forme Le Barzé)
existe comme nom de famille en 1284, dans une çhartrede l'Ab-
,baye de Beauport ^archives départementales des CôtesHlu^Nord)
et les noms de Barz et de Le Barz se continuent jusqu'à nos joqrS;
avec un féminin Barxa (3). au XII" siècle, dans le Gartulaîre de
Redon* D'un autre côt^, le nom de barde est mentionné dan^ le.
CcUhoUcon (fin du XV" siècle) (4). Mais, dans ce pays, la situa*
tion des bardes ne peut aucunement se comparer à ce qu'elle
était en pays de Galles» Les bardes n'occupaient aucune èi^us-
tion officielle en Bretagne*Armoriqae ; ils vivaient môme dans
une telle obscurité que nous ignorons le nom des premiers au-
teurs de la plupart des chants populaires si nombreux dans notre
pays.
Quant aux vates ils avaient disparu avec les druides, dans
nie de Bretagne comme sur le cantinent^et ils n'ont reparu, sous
le nom à'ovales, que dans le néodruidisme.
La décadence du druidisme ancien s'accomplissait en Irlande
comme dans les autres pays celtiques, mais non de la môme
manière. Les druides jouèrent un grand rôle dans la vie pu-
blique et privée, sous les anciens rois d Irlaade. Souvenons-
(I) Tp. Di LA ViLLSMARQuift, Lôs Barde$ hr^t^ns du VI* êièele, introduction
p. XXIhXXlII.
(V) D'A&Boi8 j>9 JuBAiNviLti, Littérature oeltigue, t. i, p, 47-68.
(3) Je ne parle pas ici den druidesseï et des bardeiMi ; j'aurai^ en effet, Toeca-
•ion de traiter e«t^ qi|«4tioo a^ troiiième ctiapitre oi^ eUe trpy v^ra qa(4râl|e>
ment place.
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' ''''W I
124 HBVUB DE BRETAGNE
nous à ce sujet du druide Gathbad dont il est question dans une
épopée irlandaise, L'Enlèvement des vaches de Cuaingé. Souve^
nons-nous de ce druide, qui parlait avant le roi, « car telle était
la règle en Ulster : défense aux Ulates de parler avant le roi, dé"
fense au roi de parler avant son druide (1). »
Les progrès du christianisme et Thostilité des druides irlan-
dais vis-à-vis de la nouvelle religion préparèrent la chute de
Tordre des druides : nous avons vu plus haut qu'ils se main-
tinrent cependant plus longtemps en Irlande qu'en Pays-de*
Galles. Malheureusement, ce que nous en savons doit être bien
incomplet, ainsi que ce que nous savons sur l'Irlande païenne.
Il ne faut pas nous dissimuler, en effet, que le christianisme a
expurgé sans merci les traditions irlandaises de tout ce qui ne
lui paraissait pas très orthodoxe et ce, au grand dam des cher-
cheurs modernes qui voudraient reconstituer l'histoire de l'An-
tiquité celtique.
Le nom de barde, en gaélique bard, pluriel baird (2), se trouve
çà et là dans la littérature irlandaise. Ces bardes, dont les compo-
sitions s'appelaient des bairtne étaient pf^u considérés. Nous ver-
rons que la suprématie des ^/^, troisième ordre du corps drui-
dique, fut la cause de ce mépris. Dans les anciennes lois irlan-
daises, les bardes sont placés au-dessous du dernier rang des
filé^vec l'appréciation suivante : <r le barde n'a besoin de rien
savoir ; son intelligence naturelle lui suffit. » {Bard dno cin
dliged fogluime achtaindtleacht fadeisin) (3). Voici une autre ci-
tation, extraite du Livre de Leinster, qui ne ménage pas, non plus
l'ordre des bardes : « les filé, y est-il dit, dégénèrent, à tel point
qu'ils ne seront plus que des bardes. » (Dichlannaigfiter filid idon
co-na-biat filid acht baird namna).
« Ainsi, conclut M. d'Arbois de Jubainville, les bardes tiennent
dans la société irlandaise une très petite place. Il ne paraît pas
probable qu'ils en pussent en Gaulf» Mne plus considérable. »
M. d'Arbois de Jubainville fait remarquer que les bardes du
(1) D'Arbois db Jubahivillb, Littérature celtique^ 1. 1, p. 190 etsuiv. ; G. Dottin,
Manuel^ p. ?83-84 : is amlaid rahatar IMaid : geiss d-Ultaib labrad r^n^a-rig :
geis-ion-rig lahrad ren-a-druidib (extrait de lain bô Cuailnge^ texte rétabli).
(l) Relativement aux bar.les irlandais, consultrtr IVArbois de Jubainville, Lit^
(érature celtique, t. i, p. 69-7f<, dont je résume ici les principales indications.
(3) Ancient Laws of Ireland, t. iv, p. 360.
(4) Livre deLeinster, p. 188, col. 5, (texte rétabli) / (D'Abbuw, lÀtUr, CeU,^ î,
p. t77.)
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-•TTwvr-*^^
LE NEODRUIDISME 125
Pays de Galles ont tiré un grand profit de l& disparition du reste
du corps druidique ancien ; en Irlande, ce ne fut pas à l'ordre
des bardes, mais à celui des filé^ que profita la décadence des deux
autres ordres du druidisme. Ces filéy que Ton peut comparer aux ,
vates.ne se contentèrent pas d'être de simples devins : ils furent
des poètes, comme les bardes ; faisant alliance avec le catholicisme,
ils continuèrent assez longtemps à vivre et à prospérer pendant
que le reste du druidisme disparaissait autour d'eux. On les con-
sultait et on les écoutait comme devins ; on les craignait à cause
de leurs satires dont les effets étaient réputés terrifiants. Mais je
neveux pas m'appesantir sur l'histoire des filé dont on trouvera
un exposé substantiel dans le tome premier du Cours de littéra-
ture celtique de M. d'Arbois de Jubain ville : ce que j'ai tenu à faire
constater en Irlande, comnie dans l'Ile de Bretagne, comme sur
le continent, c'est la décadence qui atteignit le druidisme ancien
à l'époque de la domination romaine et dans les premiers siècles
du christianisme. Les bardes et les filé subsistèrent seuls plus
longtemps, dernières épaves d'un passé condamné à disparaître
sous des mœurs nouvelles bien différentes de celles des siècles
écoulés (1).
{A suivre.) h' G. A. Pigqubnard.
(1) Rien ne prouve quelasebte des blancs dont parle M. E. Parbnt dans son roman
Le Château de Tement, comme existant sur les confins des départements de
Sadne-et-Loire et de l'AUier, dérive, en quoi que ce soit, du druidisme ancien» Je
n'admets pas non plus, naturellement, Topinion de M. H. IUcinbt, qui écrit, en
parlant des blancs : « en dépit des édits royaux, des conciles et de toutes les inno^
vations de Tesprit moderne, il j a encore en France, au début du XX* siècle... des
druides, de vrais druides, qui se cachent la nuit, dans les bois, pour célébrer leurs
fîtes, dont la principale se tient aux environs de la Clayette (Sa6ne-et-Loire). »
Les blancSf d*après ce qu'on en raconte, ne sont pas précisément communicatifs
et je doute que, s'ils se croient des origines druidiques, ils se soient amusés à
faire à ce sujet des confidences à des contemporains non initiés. Voir, au sujet
des blaneSf les n*" 13 et 19 du Fureteur Breton^
mè^m
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LES BLEUS EN CAMPAGNE
(i79«)
I
(Suile^ )
ÉPISODK DES GUERRES DE LA RÉVOLUTION
II. — LENDEMAIN DE VICTOIRE
Lbs dépositions au oistrigt db Plokrmkl. — Quelques PAoofts-
Verbaux. — Ls Bilan des perths.
Les malheureux campagnards, pillés, ruinés, maltraités,
n'eurent d'autre ressource que d'aller se plaindre au chef lieu de
leur district. Ce fut un défilé lamentable, à Ploôrmel, du 20 au
30 floréal. Encore sous le coup de l'éisotion, ils racontent naïve-
ment leurs malheurs, détaillent sommairement leurs pertes; et
l'administration enregistre les plaintes et doléances qui, à me-
sure qu'elles se multiplient, s'allongent et s^aggravent.
Egréneî* ce chapelet de misères et d'horreurs serait trop long
peut-ôlre pour le lecteur, et fastidieux (2). II suffira, pour qu'il
en ait une idée suffisante, que nous en détachions quelques-unes
au hasard.
a An IV, 20 floréal. — Mathurin Simon, fermier de la Ville-au-
Voyer, en la Chapelle, déclare que hier, environ midi, il arriva
chez lui environ 40 républicainsflfui dirent : Nous sommes à
la suite des Chouans, ce sont eux qui sont la cause que nous
sommes ici. Il n*y avait chez lui que sa femme, son frère, sa
(1) Voir la Revue de février 1909.
(2) L. 1 197. — Ce« dépositions comprennent près de 80 pages d'un registre & grand
format, le registre même des délibérations du district.
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r-T
LÈS BLKUS EN CAMPAGNE 127
servante et ses deux enfants. Ils enfpncent ses armoires, les
pillent, enlèvent le lard du charnier, du beurre, des œufs, et vou-
lurent forcer son frère à détacher les bœufs, en lui donnant des
coups de crosse de fusil. Il s'échappa d'eux, et s'en fut à la Ville-
Déné. Lui^ il était à Bezons à gager un domestique. De retour, il
trouva chez lui des chemises sales, à la place de celles enlevées.
Il ajoute que tous les habitants de son village ont été pillés
comme lui, que ses quittances d'impositions ont été volées et
déchirées.-
c Jean Guillemot et Marguerite Le Ray, sa femme, du village
de la Grée en la Chapelle, déclarent que, hi«^ r vers midi^ une co-
lonne de républicains arriva chez eux, pilla, vola 300 livres en
assignats, but et mangea tout. Ils emmenèrent une de leurs
nièces, Jacquetle Guillemot, 17 ans, dans une cruyire de blé, avec
menaces de la violer. La femme du déclarant courut aux cris de
sa nièce. Quatre citoyens lui tinrent lô fusil armé sur elle décla-
rante, et un cinquième tenait sa nièce couchée sur la cruyère et
lui ôtait ses souliers. Aux cris de la déclarante, il la laissa se
sauver, et le volontaire lui emporta ses souliers seulement. Ils
ont perdu plus de 40 livres et leurs papiers.
^ Marie Brierf, femme de J. Hedan de Iji Ville-au-Voyer, en la
Chapelle. Hier, chez elle, vers midi, 40 volontaires ont pillé,
mangé tout, forcé son mari à conduire deux bœufs, enlevés à
leur voism Yves Martin, jusque sur ta lande du Chône-Tord.
a Mathurin Orhand, de la Québois en Monterrein. Chez lui.vers
8 heures du matin dudit jour, une colonne a enlevé ses bœufs et
l'a forcé à les conduire jusqu'à Uaro ; là il s'est échappé, tt est
venu à Ploôrmel directement.
« Mathurin Rigois, de la Ville-au-Voyer, en la Chapelle. Hier,
vers 11 heures du matin, des soldats républicains chez lui lui
prirent ses souliers aux pieds et ceux de son fils, et ddus sa
poche son couteau et 40 sous; ils enfoncèrent les armoires à
coups de hache.
« 21 floréal. —Jean Havard, du bdurg de Monterrein, dit que,
le 19 de ce mois, 10 à 12 volontaires ont pillé chez lui, et en par-
tant disaient : Lorsque nous reviendrons, nous te décollerons.
Il en revint hier vers 7 heures du matin. Lui s'était renfermé
dans sa maison. Us enfoncèrent la couverture, parvinrent à la
chambre où il était, et lui demandèrent du cidre.
« Reine GémiOt veuve Charpentier, demeurant au bourg de
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128 RBVUB DE BRETAGNE
Monterrein avec sa fllIe.^Le 19, à 10 heures du matin, 12 soldats
entrèrent chez elle : Allons, b. . .^ tu as du cidre, il faut que tu
nous en donnes. Elle leur répondit qu'elle n'en avait pas. Ils ou-
vrirent ses armoires, pillèrent, prirent môme à leurs cous, à elle
et à sa fille, leurs mouchoirs, lui donnèrent un coup de pied
dans le ventre, lui portèrent la baïonnette sous la gorge pour lut
faire donner de l'argent, et fouillèrent dans ses poches.
« Jean Doudard, fils, demeurant au bourg de Monterrein,
vient déclarer que, le 19, 50 volontaires sont entrés chez lui vers
10 heures, ont pillé, défoncé les armoires, enlevé des souliers à
son père à ses pieds, et pris des mouchoirs de col à femmes à
leur cou. Us lui demandèrent : As-tu vu les Chouans passer 7 II
lui répondit : Oui, les voilà dans le bourg. Et il les leur fit voir,
etf au lieu de les suivre, ils restèrent à piller.
«c Jean Taupinel, agent national de la commune de.Monterrein.
Le 19, à 11 heures, arriva dans le bourg^ une colonne républi-
caine. Une partie entra dans la ci-devant église, brisa la porte de
la sacristie, enfonça les coffres et^armoires, où il n'y avait que
les registres de naissances, mariages et décès> les brisèrent par
morceaux dans le cimetière. Ils allèrent chez lui, l'emmenèrent
à Garo, exigèrent 15 couples de bœufs, le firent indiquer sons
menace de mort ceux chez qui on les trouverait. Ils le gardèrent
avec eux jusqu'au lendemain, le firent aller chercher et prirent
les bœufs désignés. Ils ont pris ses|deux|bœufs à lui, et pillé sa
maison. Il estime les 15 couples à 7.715 livres.
« François Plisson, agent national de Caro, a été pillé le 19 vers
10 heures et demie. Même on a pris des effets appartenant à son
beau-frère, J. B. Mailly, volontaire] au 3« bataillon dlIle-et-Vi-
laine. Il estime ses pertes à 4.500 francs.
« J. Perrichot, adjoint de Caro, a été pillé, le 19, vers 10 heures,
et a perdu 42 livres en numéraire.
« 22 floréal. — Pierre Roguet, fermier à la Minière, en Réminiac.
Le 20, vers midi, 200 soldats pénètrent dans la maison, battent
le domestique et la servante, enlèvent à l'un ;es souliers, [à
l'autre son mouchoir de cou,!boivent son cidre, emmènent ses
bœufs.
« Mathurin Dubois, au Soleil, en Réminiac. Le 20, vers 9 heures,
on a pillé chez lui et voulu violer^Perrine Pierrette, 26 ans, sa
servante, qui leur criait qu'on la tuerait plutôt.
« Jeanne Dubois, femme de Mathurin Joubin, du village de
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-^rj
LES BLEUS EN GAltPAâNE 120
Tréblan en Réminiac. Le 20, vers 9 heures, 50 volontaires pil-
lèrent chez enx. Ils conduisirent son père, 62 ans, trois fois à la
porte pour le fusiller, sur les observations qu'il leur faisait de ne
pas piller ses enfants.
« Jacques Houeix, de Bauchoo, en Garo. Il fut pillé^ le 19, v'ërs
4 heures du soir. Ils moulurent sa femme de coups^ attendu
qu'elle se refusait au viol qu'ils voulaient lui faire. Il ajoute que,
étant dans une bande de guér6ts,il vit, vers 10 heures du matin,
une grande troupe de gens vêtus de différents costumes et armés
de fusils, sur la lande du Ghône-Tord, entre Garo et Monterrein ;
ses voisins lui dirent que c'étaient des Ghouan$. Il vit aussitôt
une grande colonne républicaine qui n^archait sur eux ; il n'y
avait de distance entre eux que d'environ une portée de fusiL
mais il ne s'engagea pas de combat.
« Jean Meunier, boucher et marchand au bourg de Garo, pillé
le 19, vers 10 heures du matin. Il ajoute que le dit jour il y avait
sur la lande du Ghêne-Tord environ 15 à 1000 Ghouans, armés,
qui avaient passé un quart d'heure avant l'arrivée de la colonne
républicaine. Lui et les autres du bourg dirent aux républicains :
Suivez vite, voilà le chemin où ils viennent de passer, et vous
allez les prendre avant qu'ils soient au bourg de Monterrein.
L'avant-garde sortit du bourg et s'arrêta jusqu'à ce que le gros
de la troupe fut arrivée. Ils continuèrent le chemin. Il fût même
des habitants les conduire jusqu'au village du Gormier, d'où ils
voyaient très bien les Ghouans, qui n'étaient p6ts à plus d'une
portée de fusil d'eux. Les Ghouans passèrent dans un bois, et pro-
bablement les républicains les perdirent. Environ deux heures
après, les volontaires rentrèrent dans le bourg outils pillèrent.
« Pierre Qravelais, au Gros-bourg en Garo. Il a conduit ses
boeufs au bourg, le 19, vers 8 heures du soir. On l'a renvoyé
après lui avoir pris ses souliers.
« Marie Morice, femme de Mathurin Quého, sabotier au
Petit-Lobo. Le 19, vers 9 heures du matin, des volontaires
chez elle volent, glissent dans un coffre des cartouches :
Vois donc, voici des cartouches que nous trouvons dans ton
banc. A quoi la déclarante répondit : A qui parles-tu, coquin ?
Nous venons de te les voir y mettre. Ge que voyant, ils tombent
sur elle déclarante, son mari, sa belle-mère, et les rompent de
coups de plat de sabre. Nous reviendrons, disaient-ils, nous te
fusillerons et nous mettrons le feu dans ta maison.
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« Françoise Réminiac, servante du citoyen Jouanneaux, au
Qrand-Lobo,lei9verB 10 heures du matin, a été volée de 105 livres,
dans son banc; la cuisinière de 100 livres, et la gardeuse de
vaches de 6 livres, dans leurs bancs défoncés.
« 23 floréal. — Glaire Abraham, femme de Joseph Fournard,
de la Ravraye en Caro, a été pillée le 20, vers 9 heures du ma*
tin. Elle ajoute que Tun d'eux ferma la porte sur elle et fit son
possible pour la violer, mais que ses cris et ceux de ses enfants
Fen empochèrent, joint à la grande résistance qu'elle montra.
« Jeanne Berthelot, femme Chotard, du Bézy en Garo, s'en
retenant de la foire de Guer où elle avait été pour acheter une
vachlB, rencontra deux hussards montés qui descendirent, la
fouillèrent et lui volèrent son argent.
« Louis Derieux, fern^ier du Bézy, en Garo^ le 19, à 5 heures
du malin, vit passer devant sa porte une grande colonne de gens
armés, des Ghouans, et après^ une colonne républicaine qui lui
demanda : As-tu vu les Ghouaas passer? Il répondit : Les voilà
qui traversent la lande, e' il parait qu'ils vont passer par Garo
Pendant qu'il renseignait la tête de la colonne, daqs un petit
domaine près de son village, on le pillait en sa nfiaison.
« 24 floréal. — Louis Roulleau, du Grand-Village, en Garo. Il fut
pillé, le 19, vers 10 heureF, et sa femme maltraitée par une co-
lonne à la poursuite des Ghouans. Ils la firent mettre deux fois à
genoux, lui disant qu'elle allait mourir à coups de sabre ; ils la
rompirent de coups.
« Jean Henrio, du Grand-Village, en Garo, a vu les deux co-
lonnes. Les républicains avaient au moins 50 cavaliers. Il vit les
deux colonnes à moins d'une portée de fusil, sans entendre aucun
coup. La colonne chouanne prit le bas, et il la perdit de vue ; la
colonne républicaine suivait, mais d'un pas des plus modérés.
€ 25 floréal. — Marc Quily, au bourg de Réminiac, fut pillé le
19, de 7 à 8 heures du matin. On a battu sa femme, et on lui a
failles propositions les plus atroces. Ils suivaient une colonne
d8 Ghouans qui venait de passer entre Tréal et Réminiac, à si
peu de distance qu'ils devaient se voir. »
Pour achever d'édifier le lecteur sur la manière dont se com-
poptaientles troupes républicaines en campagne, nous lui mettons
soiis les yeux le détail des dégâts faits aux ch&teaux de la
Haute-Touche en Monterrein, et delà Grée-de-Galac en Aogan, et
une lettre touchante que reçut le district de deux vieilles fliles
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LES BLBTJS BH CAMPAGNE 134
infirmes du boar g de Caro, chez qui était passée la hord^ dévjBts-
tatrice.
« Le 22 floréal, an IV, a comparu au district la eltoye»ae An-
gélique-Perrine Marnière, femme Boisbaudry, demeurant ac-
tuellement à Ploërmel, propriétaire de la niaison de la Haute-
Touche en Monterrein, laquelle a déclaré que le commissaire
du pouvoir exécutif de son canton lui remit un billet, il y a
quelque temps, par lequel il déclarait que les meubles contenus
dans la maison de la Haute-Touche, et dans ce momeiat sous les
mains de la nation, devaient être respectés ; que quand la ci-
toyenne Boisbaudry apprit la dévastation qui venait d'vroir lieu
dans sa maison le 19, vers 11 heures du matin, par une colonne
de républicains, elle s'y est transportée, et, après y être entrée,
la première chose qu'elle a aperçue, fut ce billet q«(i avait été
foulé aux pieds, et tous ses meubles pillés et dévastés, et dont la
teneur suit :
1*) Deux bandes de scellés apposées sur une armoire dans le
cabinet, et dont la porte a été enfoncée, ont été brisées, et les pa-
piers enfermés sous ledit scellé ont été déchirés et foulés aux
pieds.
2*) La porte-fenêtre de la maison principale a été brisée.
3'') La porte de la cuisine forcée et très endommagée.
4'') Toutes les armoires forcées et les serrures levées, et plu-
sieurs dont les planches des battants sont brisées et enlevées.
5*) Il a été emporté 15 mouchoirs de cou à femme.
Q"*) 100 bouteilles de verre cassées, dont 40 pleines de vin.
T) 15 bouteilles de tabac brisées, et le tabac en' partie jeté
dans les jardins.
8^) Ils ont pris 40 chemises de maître à usage d'homme.
9*) 24 à usage de femme.
10^) 17 paires de drap fin.
Il"") 15 douzaines de serviettes.
12^) Une douzaine de nappes.
Id"") 9 paires de draps de domestiques.
140) 5 douzaines de mouchoirs de poche.
ib"") 3 lits de plume dont ils n'ont emporté que les couettes,
la plume ayant été jetée tant dans la cour que dans la chambre.
16*) 3 pièces de toile, de 60, 18 et 24 aunes.
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L
112 REVUE DE BRETAGNE
17"") 50 livres en numéraire qu'elle avait laissées pour l'usage
de la maison.
IS"") Dans la basse-cour» les armoires brisées, et pour les autres
les serrures enlevées, et on a pris 20 chemises d'homme aux
domestiques*
19") Une veste neuve de drap.
20^) 3 paires de bas neufs.
21'') Une paire de souliers de femme.
22^) 20 mouchoirs de cou à femme.
23'') 10 chemises aux servantes.
24<') 10 coiffes aux mêmes.
25'') 2 paires de guêtres de cuir.
26") Une gibecière.
270) 72 écus appartenant à Mathurin Billaud, domestique, et
uu chapeau neuf.
28o) Deux barriques de cidre qu'ils ont bues sur les lieux.
Le total des dégâts se monte à 1.977 livres. — Marnière Bois-
baudry » (1).
Pour le château de la Grée de Calao» le relevé des dégâts fut
dressé par le juge de paix lui-môme. C'était également un bien
mis sous séquestre» pour fait d'émigration.
c Le 25 floréal an IV, a comparu (au district) Yves Delameulle,
notaire public à Campénéac, lequel au nom du citoyen Le Luel,
juge de paix du canton de Campénéac, pour donner connaissance
à l'administration de ce district du bris de scellés qu'il avait ap-
posés sur les meubles et effets d' Alexis-François Du bot, père
d'émigré, décédé à la maison de la Grée de Calao, commune d'Au-
gan, lequel a représenté un procès-verbal signé Le Luel, dont
l'extrait suit :
€ Le 22 du présent mois, environ les 11 heures du matin, nous
y avons trouvé la citoyenne veuve Dubot, à laquelle parlant, nous
avons déclaré le sujet de notre transport. Et ladite veuve Dubot
nous a déclaré que, dimanche, 19 du présent mois, environ les
10 à 11 heures du matin, il entra une troupe de soldats armés de
fusils et en uniforme bleu dans la maison de la Grée, qui com*
mencèrent par fouiller, insulter, maltraiter ses domestiques. En-
suite de quoi, une partie montèrent dans la chambre où elle se
trouvait lors, sautèrent sur elle, la fouillèrent et lui arrachèrent
(t)L, 1197.
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LES BLEUS EN CAMPAGNE 133
de force une montre d'or qu'elle avait à la ceinture, lui prirent
dans ses poches environ 24 à 25 livres en argent, une petite malle
d'écaillé argentée» deux paires de ciseaux, un couteau aussi à
pied d'écaiile argenté, un flacon rempli d^aiguilles ; et ils lui don-
nèrent plusieurs coups de pied et de poing. Ensuite ils descen-
dirent et sortirent dans la cour. Les ayant suivis et s'étant plainte
au commandant des vols et insultes qu'elle venait de recevoir,
elle et ses domestiques, ce dernier lui demanda Si elle connais-
sait les voleurs, et qu'au surplus, elle n'avait qu'à envoyer quel-
qu'un de sa part aux moulins de Bréhaut où il allait se rendre
avec sa troupe, que là il eût fait fouiller tous ses soldats et rendre
tous les objets volés. Ensuite de quoi, ils partirent ; et ayant prié
ses domestiques de se rendre audit lieu de Bréhaut pour y récla-
mer les objets volés, aucuns ne voulurent y aller dans la crainte
d'être fusillés. .
a Le lendemain, te 20, environ les 9 à 10 heures du matin, en-
trèrent sept hommes armés de fusils et de bayonnettes et habillés
de bleu, qui fouillèrent ses domestiques et leur prirent tous les
objets dont ils se trouvaient munis. Ensuite de quoi, ils mon-
tèrent dans sa chambre^ y déchirèrent la bande de scellés apposée
sur la serrure de l'armoire à gauche en entrant, forcèrent la ser-
rure, prirent tous les effets qui leur convenaient le mieux, et no-
tamment quatre sacs remplis d'argent de différente monnaie,
un mantelet de taffetas noir garni de dentelles, disant que cela
était bon à faire des cravattes, et plusieurs autres effets, tels que
mantelets d'indienne, de mousseline, robes, tabliers, bas de soie
et de coton^ tant à son usage qu'à celui de son mari ; en un mot,
ils remplirent leurs sacs et prirent la fuite, et s'en furent re-
joindre leur corps qui était à Monteneuf.
« Ensuite de quoi, ladite veuve Dubot nous a conduit dans sa
chambre, pour vérifier nos scellés ci-devant apposés sur la fer-
meture des deux volets de l'armoire à gauche en entrant. Nous
avons trouvé la bande de scellés enlevée, la serrure de l'armoire
défoncée et tombée en dedans d'icelle ; nous avons remarqué
également que la serrure d'un petit coffre portatif, et qui se
trouve dans la dite armoire, a été forcée, dans lequel coffre se
trouvent différents papiers... Nous avons recloué la serrure en
présence de la dite veuve Dubot, et apposé une bande de scellés,
et nous nous sommes resaisi de la clé.
Duquel procès-verbal le dit Delameulle s'est resaisi, et a requis
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1^4 ; RBVUI DB BRKTAGlfB
acte ^de renregistrement ci-dessus, et a signé DelameuUe (1) ».
Les chaumières, nous Tavons vu, n'étaient pas plus respectées
que les châteaux. La maladie et les infirmités ne trouvèrent non
plus grâce devant ces sauvages. La lettre suivante en fait foi,
plainte touchante et naïve d'une vieille infirme qui, assurément,
elle du moins, n'était pour rien dans la résistance des Chouans.
« Citoyen, on m*a dit que c'était vous qui receviez la déclara-
tion des plaintes justes qu'on porte pour la journée du 19 floréal,
où la troupe républicaine passa soi-disant à la suite des Chouans
pour les combattre. Six de la République, en y allant, entrèrent en
notre maison. Ma sœur se présentant pour les y recevoir, ils
s'élancent sur ses poches pour la fouiller. Ne sachant ce qu'on
lui voulait, elle fait résistance pour les en empêcher. On lui
donne un coup si fortement qu'elle en demeure toute interdite,
sans pouvoir dire où on Tavait frappée. On lui coupe le lacet de
/ ses poches qu'on emporta, où il y avait une petite cuiller <d'ar-
I .y^ gent, une tabatière d'un louis, couteau, ciseaux, peigne^ ainsi
du reste des petites choses qu'on ne peut préciser en détail. On
nous prit environ 60 mouchoirs de poche et de col, un de col
qui coûtait 60 livres en papier ; peut-être y avait-il pour plus de
10 écus en fil blanc. Environ vers 2 heures de l'après-midi jus-
*, qu'au lendemain vers 9 heures, il fut fait feu, en cinq cheminées,
de notre bois, gros et fagot; encore en emporta-t-on ailleurs.
, Je ne puis vous en dire la quantité; nous en avions pour le mois
d'octobre, qui se trouve brûlé. II est des plus rares dans
cette paroisse, ayant peine d'en trouver, ce qui le rend plus
cher. Il faut compter encore trois mouchoirs bons qu'on prit à
' notre domestique. Vint un moment que nous croyions qu'il ne
fût demeuré dans notre maison que les murailles ; on dégrama-
Usa tous nos greniers et chambres, pour y chercher apparem-
ment des trésors, qu'on n'y trouva pas, n'en ayant point, ne
trouvant que la misère au lieu des richesses qu'ils cherchaient.
Si leur visite avait été nécessaire, nous ne compterions pas tout
ce qu'on leur donna, à plus de 30 ou 40, de ce qu'il leur fallait
pour Tarrangement de leur fricot, comme beurre, oignons^poivre,
ainsi du reste. Il faut compter de plus 2 bons tabliers de mous-
seline blanche. Encore n'avons-nous pas eu le courage de visiter
partout leur dégât et pillage qu'on n'a considéré qu^en gros,
(1) L. 1191.
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im BLB0S EN CAMPAQNB 13t»
ma sœur ayant été obligée de s'en eoucher plusieurs fois, et moi .
qui n'en peux plus depuis plusieurs années : ce qui nous em-
poche d'aller vous faire notre déclaration verbalement. Nous
chargeons Lefort de vous la présenter, n'ayant qu'une servante*
Elle ne peut nous quitter, étant trop malades. Je me gàne pour
vous récrire. Excusez-en les défauts ; il s'en trouve. Je erois
la mettre dans la vérité. Je diminue notre dommage au lieu de
l'augmenter. Marie-Anne Le GhautT, Garo> le 26 floréal. Dana la
triste situation où je me trouve, je ne puis aller en ville, mon
mal étant trop grand qui ne peut me permettre de voyager (1) ».
Plus tard, des informations officielles furent faites sur tous
ces dégâts et pillages par le^ juges de paix des cantons de Plodr-
mel-oampagne, Caro, Ouer et Gampénéac, dans le but d'établir
le bilan des pertes, et de déterminer pour chacun le montant des
Indemnités. Leurs rapports et procès-verbaux montrent claire^
ment la connivence et la complicité des officiers. Au lieu de
contenir leurs hommes, ils les laissent faire, quand ils ne les
encouragent pas. « Laissez-nous tranquilles, disaient-ils aux
paysans qui se plaignaient ; nous ne pouvons^ nous y opposer»
nous n'en sommes pas les maîtres. Il faut que les frais de la
guerre se payent » (2).
Dans un procès-verbal des dégâts faits en leur commune, les
agents municipaux de Saint-Malo-de-Bèignon le constatent avec
étonnement et tristesse.
« Nous, Malo Morin et Pierre Le Tort, agent et adjoint muni-
cipaux, certifions que, le 16 et 17 floréal, il a passé et resté dans
notre commune la colonne mobile commandée par l'adjudant
général Simon, composée d'environ 12 à 1.500 hommes, dont la
majeure partie a logé ici, où ils ont pillé, volé et écrasé cet endroit,
malgré les représentations honnêtes des commandants et les
nôtres, quoique ayant obéi aux réquisitions qui viennent de nous
être faites par Tadjudant général Simon et son adjoint Martin, sui-
vant son bon de ce jour 17 floréal. Outre cette réquisition four-
nie, les soldats ont fait un tort irréparable sur notre commune,
et mis lies habitants hors d'état de pouvoir vivre, ni faire leur
labeur, parles vols, pillages et enfoncements qt^'ili^oqt faits ppur
(1) Uttre au diiiriei, 26 floréal an IV (Il mai 1796). L. 1294.
(2) Information faite par le juge de paix du canton d« Caro, eoptina^d H' l^
j«ge de paix de Gampénéac, Le Luel, du 21 messidor an IV, L., 1294.
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13« RBVUE DB BRKTAGNB
ainsi dire dans tous les endroits, en disant qu'ils se f.. .aient
4es commandants et de nous, que tout leur appartenait, et que
ce qu'ils ne pouvaient pas emporter, ils allaient le brûler, et
mettre le cidre à courir, s'ils ne pouvaient pas le boire. Ce qu'ils
ont fait (1) ».
Ce procès-verbal énumère ensuite les pertes, et apprécie le
dégât, dans la seule petite commune de Saint-Malo de Beignon,
à plus de AMO livres.
L'exemple d'ailleurs, pour les officiers, venait de haut. Le gé-
néral Simon, quand on allait se plaindre, se mettait à rire et à
plaisanter, ou se fftchait tout rouge contre l'importun. « Con-
naissez-vous ceux qui vous ont volé 7 Non t Alors... Voilà ce
que c'est que de loger des Chouans. — De quoi te plains-tu 7 On
ne t'en a pas encore assez fait? » Il menace un plaignant, Plisson,
l'agent national même de Caro, « de lui arracher la chemise de
dessus le c. . . en disant qu'il se f...ait d'eux et du district (2). »
Cependant, bon prince, quand il jugea que Caro était assez pillé,
il donna ordre de partir. Les soldats disaient : « Vous avez bien
du bonheur qu'on vous laisse les yeux pour pleurer ; si nous re-
venons, nous vous les tirerons (3). »
En somme (4), sans compter les violences, les blessures et les
attentats de toute sorte, les pertes subies par suite du passage
de la colonne Simon, dans le pays de GKier et de Caro, se chiffrent
par milliers de francs. Les déclarations reçues au district de
Ploermel du 20 floréal au 2 prairial sont au nombre de 116, et la
série n'est pas close. Une première évaluation, hâtive et incom-
plète, parle déjà de 32.000 francs de dégâts, et encore n'y sont
pas compris quantité d'objets d'un grand prix non évalués, ni
les dédommagements. A cela^ il faut ajouter les 30 paires de
bœufs enlevés par la réquisition militaire aux communes de
Monterrein et de Caro, et estimés au moins 15000 francs (5).
(1) L. im.
(2) L. «tl4. Information da jngo d« paix de Gampénéac.
(S) L. 1234, Ibid.
(4) Pour avoir nno idée complète de la façon dont le pays fut pillé et pres-
raré, U faudrait aussi tenir oompte des réquisitions et fournitures forcées pour
le serricedela troupe, pain, Tiande, avoine, fourrages, etc..
(5) Sur les SO boeufs enlevés & Monterrein, 19 furent rendus, pour Caro, 26. Les
15 boeufs non rendus, y compris un boeuf de Réminiac, restèrent estimés à 3.525 liv.
U faut dire que, pour les avoir, les paysans furent obligés d'aUer les chercher &
Rennes, et de pajer qui S livres, qui 6 livres, qui 30 et même 40 livres, sous
prétexte de nourriture et entretien. — L. 1234.
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LES BLEUS EN GABfPAGNE 137
Les procès- verbaux des juges de paix apprennent que les pil-
lages se sont exercés du 11 au 21 floréal, dans les communes de
Ploôrmel, La Chapelle, Monterrein, Garo, Aogan, Réminiac, Mon-
teneuf, Ouer, Saint-Malo-de-Bignon, et Beignon, où le seul
village de Launay en est à lui seul pour 800 francs de pertes.
Deux procès-verbaux particuliers nous révèlent que les soldats
républicains ne respectaient même pas les propriétés des fonc-
tionnaires de TEtat (1), ni celles des patriotes que la peur des
Chouans faisait se réfugier dans les villes (2). A Gaer, ils pillent
(1) Sar réquisition da citoyen Fabre, juge au tribunal du Morbihan, procès-
Terbal des dégâts faits en ses métairies de Choisel de Haut et Choisel de Bas
(cette dernière, bien national acquis) par Charles Haguet et Julien Arthur, agents
municipaux de Quer. 300 hommes de ceux qui étaient logés à Goétbo y vinrent
piller le 18 floréal, et y commirent pour près de 800 francs de dégâts. — 1234.
(t) a 12 floréal an IV. Nous, Charles Haguet, agent national de Guer, et y de-
meurant, et Julien Arthur, adjoint, demeurant au village de la Desmardais, à
requête de Barbe Kouxel, femme de Charles Jan Desmardais flls, et belle- fille du
citoyen Charles Jan père, réfugiés à> Rennes, et d'eux chargée de veiller à leurs
droits et conservation de leurs propriétés, demeurant en Tenclos de cette ville,
nous sommes descendus en la maison dudit Charles Jan, père« rue Qurval, au
derrière de la ci-devant église, pour constater les délits et dégradations commis
par la troupe aux ordres des généraux Simon et Crublier, le 11 et 12 floréal.
Assistés de deux menuisiers experts, Pierre Le Bourgeois et Lucien Jambut de
Guer, avons examiné la porte de la cuisine ; le battant droit a été fracturé, le
battant gauche enlevé, et, perquisition faite d'icelui dans la dite maison sans le
trouver aucunement, présumé brûlé.
Ladite cuisine examinée, avons vu qu^il n'y existe plus qn*un derrière de buffet
dont les battants et ferrure sont enlevés totalement, un mauvais dressoir, et
une ancit>nne msuvaise table toute fracturée.
Pour le salon, la porte au couchant de la cuisine enlevée et pas retrouvée, la
fenêtre au midi dévastée, de quatre petites armoires d'encoignure deux ont les
battants enlevés.
DsKns le cabinet, au nord du salon, portes enlevées et brûlées, fenêtres dégar-
nies de leurs panneanxetde leurs bois, armoire où Charles Jan père renfermait
son étude, vide, et les papiers répandus dans ledit appartement et le salon.
Audit salon, les planches de la boisnre brisées à coups de bayonnettes, la
porte do couchant enlevée, les ferrures trouvées dans les cendres du foyer ; à la
fenêtre au midi ancuns vitrages, les petits bois et le volet droit enlevés.
Dans la chambre au nord, au haut du premier escalier, la fenêtre au levant
a «a croisée enlevée; la porte vers le cabinet au midi enlevée et brûlée.
Dans ledit cabinet, la fenêtre au couchant enlevée.
Dans les chambres de la seconde volée, portes enlevées, fenêtres brisées, vi-
trages et petits bois sautés.
> La porte entrant sur un grenier au couchant enlevée et trouvée dans la chambre
Toisin^, près du foyer d'icelle. Dans ledit grenier, une infinité de bouteilles cas-
sées, et beaucoup de papiers épars ; fenêtre au midi cassée et brisée ; au joi-
gnant du foyer, deux battants de porte avec la moitié d^un derrière d'armoire,
deux mauvaises chaises avec une planche sur icelles à vis la cheminée ; dans
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4S8 HEVUB DB BRBTA6IfS
les propriétés d'un juge au tribunal du Morbihan, et commetient
toute espèce de dégâts en la maison d*un citoyen déjà fort en-
dommagé du fait des Chouans^ et qui avait eu un de ses fils as-
sassiné par ces derniers.
L'on arrive ainsi à un total approximatif d'au moins 200 mai-
sons, fermes ou ch&teaux,visitées, pillées, vidées par la fameuse
colonne aux trousses des Chouans, et à plus de 50.000 franq^ de
dégâts, ce qui revient à dire, en monnaie actuelle, de 100 à 200.000
francs. Pour une expédition, on voit que oe fut une expédition...
fructueuse.
Nous en avons dit assez, croyons-nous, pour montrer qu'il
n'est pas prudent de délivrer, sans contrôle, un brevet de vertu
et un certificat de bonne conduite aux troupes républicaines en
campagne. Et qu'on ne nous accuse pas de généralisation hâtive,
ni de tirer nos conclusions de faits exceptionnels et isolés. Les
documents qui signalent des pillages analogues, et pires encore,
fourmillent, pour ainsi dire, dans les archives qui concernent
cette époque (1). Paudrait-il donc croire que le gouvernement
ladite cheminée, plnsieun planches de fûts et barriques à moitié brûlées ; dans
la dite chambre plusieurs papiers répandus çà et là, et le plancher dUcelle im-
bibé de miel.
Dans le cabinet au nord, les fenêtres entièrement brisées.
Dans une autre chambre à cheminée au couchant à la 3* Tolée, aucun meuble
dans leur intégrité, beaucoup de papiers et de pailles répandus, le plafond tombé
près de la fenêtre, les barrasseauz et coyauz ayant été enleTés.
Dens le grenier au midi, porte cassée, mur de refend ébranlé.
Dans le grenier au couchant, couverture démolie, ardoises tombées dans le«
dit grenier.
Dans la cave, ruches vidées depuis peu de leur cire et miel, et fûts entièrement
▼ides.
Porte de l'écurie enlevée et jetée au dedans de la dite écurie.
Nous étant transportés à la maison de la Gallerie, rue Rencontre, avons tu
la porte de la grange, ouverte et forcée avec bayonnettes, et dedans ladite ^ange
7 barriques remplies de miel, fors la 4* qui, sondée, a paru avoir été tirée par la
bonde et fausset jusqu'à la concurrence de la moitié.
De tout quoi avons fait, rédigé, et conclu le présent procès-verbal dans ladite
grange de la Gallerie. Ainsi signé, Haguet, ayant national. Julien Arthur, ad-
joint. Kouxel, femme Jan. Louis Jambut, menuisier. P. Le Bourgeois. Ilahé se-
crétaire provisoire. » 1234.
(1) Citons pour le seul district de Pioôrmel et pour la même époque :
An III, brumaire, pillages à Sérentpar des volontaires du 7* bataillon du Jura*
Mot de l'un dVuz : c Quand nous savons les Brigands d'un cdté, nous allons à
l'opposite. »
An m, messidor, pillages et violences à Sérent.
Aa IV» ▼•ndémi&ire, pillages et violences à Lézoanet en Loyat, par un déta^
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LBS BLEUS EN CAMPAGNE 139
républicain lui-môme s'est amusé — ce qui ne se comprendrait à
la rigueur s'il s'agissait des Ciiouans — à inventer et à grossir
ces excès, pour le plaisir de déshonorer ses propres soldats ?
J. ROUXBL.
{A suivre).
chôment de la 107* demi-brigade, qni tae un homme, ane femme, et en blesse
une autre grièvement.
AnlV, vendémiaire, un cultivateur deRéminiao. un patriote, fusillé dans son
champ. Le district proteste contre cet assassinat.
An IV» vendémiaire, pillages au Roc Saint-André; en pluviôse, pillag/as k
Gampénéac arec violences et meurtres.
An IV, floréal, pillages à Quilj ; prairial, excès et violencec^ k Bodiel, en Tau-
pont ; messidor, à Beignon, fructidor, à Gampénéac... etc.. •
Ces attentats, pillages^ et violences, sont' commis aussi souvent, sinon plus, au
détriment des patridtes. « Nous avons confiance dans les chefs, écrivait le 7 ni-
vôse an IV, le Département an district, mais ce dont nous aurons longtemps à
gémir, c'est Tindiscipline de la troupe, ce sont les excès auxquels elle se livre.
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ATTENTATS DES PENTHIÈVRE
CONTRE LE DUC JEAN V
(1420-1422 •)
■■'NAAAAAAAAAAAA^vi^i i
EXPÉDITION DU SIRE DE LAIGLE
A l'exemple de nos historiens, j'ai suivi uniquement la dépo-
sition d'Alain Taillart ; mais il faut venir à un autre récit,, jus-
qu'à présent inédit, qui complète ou môme rectifie le récit d'Alain
Taillart. Ce second récit, auquel j'ai fait allusion plus haut, ne
serait pas démenti par Alain Taillart : c'est la déposition de son
père, Maurice Taillart, reçue dans une information faite en Tan-
née 1423 (y. st.). c'est-à-dire avant le 23 avril qui commença l'an-
née 1424 (v. st.^.
Maurice Taillart (2) dépose que, « au mois de mai 1422, il était
avec Jean, sire de Laigle, embusqué dans les bois de l'abbaye
fie Beauporl, dit bois de Plouezeuc, et qu'ils attendaient le pas-
sage du due Jean V. En leur compagnie étaient Guillaume de
Goudelin, Yvon de Ker.-aliou et Roland Péan, chevaliers (3),
et une suite d'hommes armc^s «le cuirnsses, bassinets, lances,
épées, arcs et floches au nombre de cent environ ».
Une première observation : Le chiffre cent exprime-t-il le
nombre de « la suite d'hommes »> amenés par les trois cheva-
liers? — Il semble permis de répondre affirmativement, car l'ar-
mement que Taillart a décrit n'est pas celui des hommes du
(1) Voir la Revue de novembre 1908,
(2) Maurice Taillart est compris comme complice de Toncle de sa femme, Jean
Boschafonf dans une information privée contre Tabbô de Beauport ; et c'est sans
doute par exception qu'il est entendu en qualité de témoin^ comme il fut fait pour
«ou fils.
(3) C'est par erreur que Taillart donne le titre de chevalier à Eon de Kersa-
Uoa. Postérieurement, il est dit écujer banneret.
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ATTENTATS DBS PENTHIÈVRB 141
site de Laigle. D'après Maurice Taillart, la troupe embusquée
dans les bois de Plouezec aurait donc compté environ cent qua-
rante hommes. S'il reste un doute, comptons seulement cent
hommes en tout : le renfort amené par les trois gentilshommes
nommés plus haut aurait été seulement de soixante hommes
armés comme dit le témoin.
Cent quarante hommes ou seulement cent, le chiffre n'im-
porte guère ; mais vo^i des observations qui ont un tout autre
intérêt.
Le fait révélé par Maurice Taillart est capital : il change, si
Ton peut employer Texpression, la physionomie de l'affaire.
Selon^Alain Taillart, le sire de Laigle compte que le duc vien-
dra à Tabbaye, et c'est là que le sire de Laigle le frappera : il ne
laissera ce soin à personne. La troupe est restée au bois parce
qu'elle est trop nombreuse pour entrer dans l'abbaye; mais, si
elle est embusquée sur la routq que suivra le duc, ce n'est pas
pour l'arrêter, encore moins pour le frapper : elle est là pour
surveiller la marche du duc, annoncer son arrivée à Beauport.
Selon Maurice Taillart, le plan paraît tout autre; pourquoi tant
de monde, et des hommes armés en guerre ? N'est-ce pas pour
engager un combat dans le bois même de Plouezec? Combat dé-
loyal entre une troupe armée et supérieure en nombre, et
quelques hommes non armés qui ne pourront môme pas se dé-
fendre et qui peuvent être frappés de loin par les flèches des ar-
chers... Dans ces conditions, le sire de Laigle ne peut s'assurer
que le duc tombera sous sa main.
C'est ici que nous voudrions savoir quelles confidences le sire
de Laigle a fait à ses fidèles du Goello, pour quel acte il a de-
mandé leur assistance.
Leur a-t-il annoncé qu'il venait pour enlever le duc? Il n'est
pas probable. Ils auraient fait la même objection que nous avons
supposée faite par l'abbé de Beauport : en tout cas, ils auraient
jugé que quarante hommes suffisaient à cet enlèvement.
Aurait-il parlé d'un combat à livrer à l'escorte du duc sur la
route de Beauport? Ce combat déloyal, parce qu'il était inégal, au-
raitil été accepté par les trois gentilshommes qui amenèrent sur
le terrain leurs hommes armés? mais aurait-il déplu à d'autres
comme Guillaume Perrien, Thomas de Chef du Bois^ Prigent de
Kernechriou et autres qui sont venus saluer le sire de Laigle et
puis disparurent ?
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T-;r^
142 RirVTJB DB BRBTAOHB
Enfin, le sire de Laigle aurait-il déclaré nettement aux gentils-
hommes qu'il venait pour mettre le duc à mort, qu'il le frappe-
rait lui-même? mais pourquoi, en ce cas, réclamer leur assis-
tance armée? Est-ce pour que toute résistance soit impMsib4e
et que le duc soit livré è ses coups?
Je ne puis croire que ce dernier projet ait été expressément
communiqué aux Bretons.
Tout considéré, je serais porté à m'arrftter à l'idée d'un com-
bat. Cette hypothèse explique mieux que les deux autres la né*
cessilé du rassemblemi ni d'un si grand nombre d'hommes.
Quoi qu'il en soit, Guillaume de Ooudelia, Roland Péan, Boa
de Kersaliou venaat en armes escorter le sire de Laigle, Tassis-
taient dans un acte de violence projeté contre Jean V, et se fai-
saient complices du sire de Laigle.
Nous allons voir quelles furent pour aux la suite de cette
affaire.
INFORMATIONS CRIMINELLES
Voilà ce qui se passait en Bretagne^ au mois de mai 1422. Qua-
rante hommes armés auraient pu traverser le duché de la fron-
tière d'Anjou à Beauport et retourner à la frontière. Par deux
fois, ils avaient passé auprès de deux villes fortes et longé une
ville épiscopale, sans attirer l'attention des officiers du duc. Et,
ce qui peut^tre encore plus surprenant, l'expédition du sire de
Laigle connue de plus de cent personnes resta sécrète pendant
vingt mois I
C'est seulement en janvier 1424 que l'affaire s'ébruita, peut-
être* par l'indiscrétion de quelques officiers du sire de Laigle ren-
trés en Bretagne (1). Aussitôt le duc fit commencer deux infor-
mations : l'une par ses officiers contre les complices laïques du
sire de Laigle, l'autre par les juges ecclésiastiques contre se^
complices clercs.
Il importe de bien distinguer ces deux informations.
Lobineau n'a signalé que la première ; il écrit que les complices
du sire de Laigle furent enfermés au château de Moncontour et
(1) Un de 068 indiscrets ne serait-il pas Alain Taillart? On le croirait quand
on le Toit pris et aussitôt conduit devant le juge qui Tinterrogea lui-même
Ci-dessus p. 6.
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ATTENTATS DES PBOTHIKVRE
143
à Lamballe, et que le duc leur donna huit commissaires, dont il
rappelle les noms (1).
Que nous aimerions mieux savoir les noms des complices du
sire de Laigle pris et poursuivis 1 Nous en connaissons deux : Alain
et Maurice Taillart. Lobineau en nomme un autre; mais un seul.
« Le barbier du comte de Penthiôvre, écrit-il, Tun des prisonniers,
mourut en prison ; on ne sait ce que devinrent les autres r> (2j.
Lobineau et Morice — qui le copie en l'abrégeant — ne men-
tionnent pas l'enquête faite par les juges d'Eglise contre les accu-
sés clercs. Par contre (3), d'Argentré ne mentionne que cette
seconde information. Il écrit cette phrase citée plus haut : c Pro-
cès fut fait par les évoques de Rennes, Doi et Saint-Malo à un
moine de Tabbaye de Beauport, nommé Jean Boucher, et à
quelques abbés et clercs. »
L'indication de Rennes, Dol et Saint-Malo est-elle exacte? Du
moins est-elle incomplète, car il reste à Nantes plusieurs pièces
d'tmtt ou plusieurs enquêtes confiées à i'ofâcial ou à l'archidiacre
de Nantes (4).
D'autre part, Jean Boschier, signalé par d'Argentré comme
moine de Beauport^ est assurément l'abbé, plus compromis que
son neveu de môme nom, moine dans la môme abbaye ; avec ces
deux clercs, nous n'en voyons que deux autres qui aient pu être
inquiétés : Guillaume Grignon, abbé de Boquen, et un de ses
moines Bertrand de Vaucou leurs.
D. Morice qui, dans son £ft5/ot>^, n'avait pu mentionner cette in-
formation, nous renseigne dans son Catalogue des abbés de Bre-
tagne, — A l'article de Beauport, il relate la démission de
l'abbé Jean Boschier en 1442, et sa mort le 11 mai de l'année
'>-^
" ■" t-
,.)■■, ;^.
(1) Nous rappellerons sealement ceux de Roland de Saint-Pou, chevalier et
chambellan, et de Jean Doguet, procureur général.
(%) Lobineau, Hist.^ p. 5S6. — Morice, HisL, I, p. 485, donne aussi les noms
des commissaires ; mais il ajoute aussitôt : « On ignore le résultat de la commis-
sion. »
(S) Ce qui peut surprendre, car c'est d*une de ces enquêtes ecclésiastiques
qu'est extraite la déposition d'Alain Taillart, résumée par Lobineau et publiée
malheureusement abrégée par Morice (Pr. II, lOOt-1003). Ces historiens ne
donnent que la partie de la déposition écrite en français, ce qui fait croire à
une déposition reçue en français par les commissaires ducaux; mais nous l'a-
vons vu plus haut, le procès-verbal est dressé en latin, sauf les mots repro-
duisant la déclaration d'Alain Taillart, faite devant le duc.
(4) Je donnem in fine la liste ei une biève description de cet cinq pièces.
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r
144 REVUE DE BRETAGNE
suivante, et il écrit : k Son attachement à la maison de Pen-
thièvre le rendit suspect au duc Jean V, qui le fit arrêter en 1424
et nomma des commissaires pour entendre les témoins assignés
contre lui; mais il se justifia des accusations et fut renvoyé à
son abbaye » (1). Â l'article Boquen^ Morice ne mentionne pas
de poursuite exercée contre l'abbé Guillaume Grignon ; mais il
dit sa mort dans son abbaye, le 16 avril 1434 (2). C'est dire que
Tabbé, s'il fut poursuivi, fut, ainsi que Jean Boschier, renvoyé à
son abbaye, et ce fut justice,carGuillaumeGrignon s'était, comme
nous Tavonsva, montré plus prudent que l'abbé de Beauport.
L'acquittement de Tabbé de Beauport a pour nous une sérieuse
signification.
Quand il parle de « l'attachement de Tabbé à la maison de Pen-
thiëvre, Morice ne laisse pas soupçonner la gravité des faits qui
lui furent imputés ; nous les avons dits plus haut, et Morice les
avait ainsi résumés dans son histoire :
« Jean de Blois prit la résolution de tuer Jean V dans l'abbaye
de Beauport... L'abbé de Beauport, ayant su que de Laigle était
dans le bois de Plopzeuc, alla le saluer et l'emmena à l'abbaye
avec quelques gentilshommes, b
Présenter ainsi les faits, c'est faire de l'abbé le complice du
meurtre prémédité. Voilà ce que nous n'avons pas admis ; mais
l'abbé avait commis une faute. Ne pouvant détourner le sire de
Laigle d'un mauvais dessein ni le décider à partir, il devait lui
répondre : je consens à ne pas vous dénoncer, puisque je n'y
suis pas contraint comme clerc, mais je ne vous recevrai pas et
ne vous donnerai aucune assistance, puisque c'est mon dev.'^'r.
Et môme était-ce tout son devoir ?
Du renvoi de l'abbé de Beauport à son abbaye, nous conclu-
rons volontiers l'acquittement de tous les autres clercs, moins
compromis que lui,., si môme, ce que nous ne savons pas, ils
ont été poursuivis.
Mais quel fut le sort des prisonniers laïcs ? En mentionnant
la mort du barbier en prison, Lobineau dit d'un mot : « On ne
sait ce que devinrent les autres. » En se rapportant à Lobineau
et Morice, La Borderie a pu écrire : « Le barbier mourut en pri-
(1) Morice, Eist,y II, in fine, Beauport, p. CXXXVI.
(2) Morice, HUt.^ Boquen.
(3) Morice, Hist., II, Catalogue des abbés, p. CXXXVI. — Dans son Histoire, l^
p. 48S, il dit, comme Lobineau : « On ignore le rôtaltat de rinfarmatioo.
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ATTENTATS DES PENTHIÉVRB 14&
son, les autres furent relâchés; l'abbé de Beauporl entre autres,
le plus compromis de tous, mourut tranquillement dans son lit»
en 1143 » (1). '
Oui, à l'époque où l'éminent historien écrivait, c'était vrai : — de
rignorance sur lesort des prisonniers laïcs, de laraiseen liberté
de l'abbé de Beauport, « le plus compromis de tous, »on pouvait,
semble-t-il, conclure en assurance le renvoi de tous les autres.
Mais aujourd'hui, quand les révélations de Maurice Taillart
nous montrent des jg^entilshommes «plus compromis» que l'abbé,
cette conclusion est-elle encore permise ?
Puisque les historiens d|e cette affaire n'ont rien su du sort des
prisonniers séculiers, cherchons ailleurs quelques indices du
résultat des informations faites par les commissaires du duc.
La nomination de huit commissaires, le dépôt des accusés en
deux prisons permettent de présumer que les prisonniers étaient
nombreux ; parmi eux étaient sans doute les sept gentilshommes
du Goello dont Alain et Maurice Taillart nous ont livré les noms.
Ces sept gentilshommes ne paraissent pas, il s'en faut, égale*
ment compromis. Nous allons les ranger en deux catégories. Il
est clair que les quatre qui ont seulement salué ou môme reçu
et hébergé le sire de Laigle, ont encouru une moindre responsa-
bilité que les trois qui, en compagnie du sire de Laigle et de sa
troupe, sont allés attendre le passage de Jean Vau bois de Ploezeuc.
Je mets Kernechriou, Chef-du-Bois, Perrien et du Châtelier
dans la première catégorie. Quel a été leur sort ?
1® Prigent de Kernechriou (Pleudaniel, canton de Lézardrieuxj,
fut un des mandataires de la comtesse de Pan thièvre, chargés de
ratifier en son nom le traité conclu, le 8 avril 1410, entre le duc
Jean V et le comte de Penlhiôvre (2).
Avec d'autres dont les noms sont inconnus, il a salué le sire
de Laigle à Beauport.
2* Thomas de Chef-du-Bois était du voisinage, seigneur de
(1) HUt., IV, p. 2^8.
(2) Actes de Jean V, t. v, p. 139, n* 1104. — On trouve à la mâme époque quatre
Kernechriou : Olivier tst sénéchal des Regaires de Tréguier en 1418 et 142d
(Actes de Jean V, n'* 1299 et 1546 his) ; Roland et Philippe (frères) et Alain,
leur oncle, sont nommés également. Le duc ordonne une information contre
eux sur la plainte du commandeur de la Feuillée : N'avaient-ils pas imaginé
d'enlever dans Téglise de Runan les armoiries de la commanderie, pour y subs»
tituer celles de Kernechriou ? (Actes de Jean V, n* 2371 t. vi, p. ^18*220.)
Mmrê f9C9. tl
i^
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146 REVUE DE BRETAGNE
Ghef-du-Bois en la paroisse de Pommerit-Jaudy ou de Kerlouet,
I paroisse de Quimper Gaézennec.
Sa famille avait été attachée aux Peathièvre; en 1407« au
temps des hostilités entre Jean et les Penthièvre, ceux-ci avaient
donné à Olivier de Chef-du-Bois, chevalier, la garde de leur châ-
teau de la Roche-Derrieo. Comme Kernechriou, Chef-du-Bois a
seulement salué le sire de Laigle.
3* Guillaume de Perrien est un des deux de ce nom qui accep-
tèrent la capitulation de Guingamp, en 1420, promettant d'être
fidèles sujets du duc. Il vient saluer le sire de Laigle à Goudelin.
4* Jean du Cbâtelier, seigneur de Pommerit-Ie- Vicomte et de
Gommenech, a juré les termes de la capitulation de Guingamp.
Alain Taillart ne signale pas sa présence ; il ne le nomme même
pas ; mais nous savons qu*il était seigneur de Gommenech. Si
Jean du Châtelier n'était pas là, il a donné ses ordres; le châ-
teau de Gommenech est ouvert au sire de Laigle, à son premier
passage et au retour; et il est fourni a grande foison de vivres.»
Guillaume de Perrien et Jean du Châtelier, en tant que signa-
taires de la capitulation de Guingamp, étaient plus compromis
que Kernechriou et Chef-du-Bois. Ils ont pourtant échappé à
toutchâtimf^nt, cela n'est pas douteux.
Passons à Goudelin, Péan et Kersaliou, dont la situation est
tout autre.
Non seulement Goudelin et Péan, étant sur la route deBeauport
ont donné asile au sire de Laigle et Tout ravitaillé, comme a fait
Jean du Châtelier; mais, de plus, avec Eon de Kersaliou ils se
sont faits les complices armés du sire de Laigle.
Parlons d'abord de Péan et de Kersaliou.
Leurs antécédents diffèrent. Roland Péan n'a pris aucun en-
gagement particulier envers le duc; mais lia suivi le sire de
Laigle à Tembuscade du bois de Ploezeuc. Voilà un fait bien ca-
ractérisé de rébellion envers le duc, quand môme il ne s'agirait
pas d'un pieurtre prémédité mais d*un nouvel enlèvement.
Pourtant, si Péan a été poursuivi et condamné, le duc lui a
fait grâce. La preuve la voici :
Sept ans après l'information de 1424, c'est-à-dire en 1431, nous
trouvons Péan dans Parmée ducale au siège de Pouancé ; en 1437,
il prêta serment de fidélité au duc avec des chevaliers de Tévêché
de Tréguier.
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k^
ATTENTATS 0B6 PENTHIÉVRE 147
Son fils, chevalier comme lui, sera seigneur banneret de la
Roche-Jagu et de Grand-Bois (1), en 1451 ; et il tombera sous la
bannière bretonne à 8aint-Aubin-du-Cormier (1488).
La situation d'Bon de Kersaliou est encore moins favorable.
Qu'est-il advenu de lui ?
Défenseur de Guingamp, en 1420, il a obtenu le bénéfice de la
capitulation, en se déclarant « vrai sujet fidèle et obéissant au
duc y> (3 mars 1420) (2).
En 1421, il sert dans la compagnie de Jean de Tournemine,
sous le titre d'écuyer banneret, avec 29 écuyers et 4 arctiers (3).
Nous le voyons en mai 1422, dans le bois de Plouezeuc ; — et
le 27 de ce mois il est reçu avec 39 écuyers et 4 archers, à Beau-
gency, dans Tarmée du Régent, par Tanneguy du Châtel, maré-
chal des guerres (4).
Après Tassistance qu'il vient de donner au sire de Laigle, il
aura jugé prudent de s'éloigner de Bretagne et au plus vite.
Mais il y revient sans retard ; et, après les enquêtes faites, le
6 octobre 1424, engagé dans la compagnie de Tamiral de Penhoet.
il est du voyage du comte de Richemont à Anger» (5).
L'année suivante, dans la compagnie de Jean de Keromellec, il
accompagnera le duc au voyag^^ d'Amiens (5).
Après, nous le retrouvons de proche en proche dans l'armée
ducale, gratifié par le duc d'un cheval, en 1427, 1431 (7) ; prê-
tant serment de fidélité avec les nobles de Tréguier (1437) ; char-
gé de la garde du ch&teau do Pornic (8) ou des châteaux de la
baronnie de Retz remis en gage au duc (1438).
Voilà donc Bon de Kersaliou investi de la confiance de Jean V.
Il était mort avant le 25 mai 1451 (9). .
(1) dvand-bois, aajoard'hui canton de Landebaron, commune de Bégard.
En ce qui concerne Roland Péan, ou a écrit :
« U flgart comme témoin dans la déposition d* Alain TaiUart, page du comte
de Penthièvre, lors de la prise du duc » (Ck>u88on de Kerdallech, C?ievalerie Bre^
tonne, II, 373]. Voilà encore la confusion entre les deux attentats de 1420 et I4t2.
(t) Capitulation de Guingamp. Morice, Pr., II, 1004.
(3) Quittances de gendarmes. Id., Pr., II, 1080. Couffon, 1, p. 62.
(4) Morice, Pr,, U, 1122.
(5)Morice, Pr., II, 1148.
(6) Morice, Pr., II, 1174.
(T) Morice, Pr., II, «06 ; —Actes de Jean V, n<» 1743, t. vi, 200 ; - Morice, Pr.,
II, i234-3b.
(8) Actes de Jean V, n» 2320, t. vu, p. 196 ; Couffon, I, p. 407.
(9)Son fils, nommé Guillaume, est à. ce moment pourvu d*un curateur quUl a
encore en 1453. Morice, Pr., Il, 15S9-1630.
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**'«■
l
14S REVUE DE BRETAGNE
Dans les Actes de Jean V^ où le nom d'Ëon de Kersaliou ap-
paraît souvent, il n'est question pour lui de condamnation ni de
grâce. II était plus coupable que les autres connus de nous : de
ce qu'il n'apparaît en ce qui le concerne de condamnation ni de
grâce, nous présumons que les autres moins compromis que
lui n'ont pas été condamnés. On peut croire que tous, plus sages
que les Penthièvre, en 1420, auront demandé et obtenu leur
pardon avant toute sentence.
Reste Guillaume de Goudelin. En 1422, de même qu'en 1420 à
Guîngamp, il ne peut reconnaître une faute, encore moins de-
mander au duc « grâce et merci ». Nous l'avons vu, à Guingamp,
revendiquer, en cas de guerre entre le duc et les Penthièvre, le
droit de choisir entre les adversaires î Condamné, en 1420, à
une détention et à la confiscation, il a été gracié par le duc, et il
jouit de ses biens.
En 1422, Jean de Penthièvre entre en armes dans le duché ;
Guillaumede Goudelin saisit l'occasion de lui montrer sa fidélité.
Tournant contre le duc la grâce que celui-ci lui a faite et qu*il
n'a pas refusée, il reçoit Jean de Penthièvre à son château qu'il
tif ni de la grâce de Jean V et il l'accompagne au guet-apens du
bois de Plouezec. Que le duc arrive et qu'un combat s'engage!
pourquoi Goudelin ne frapperait-il pas le duc, son bienfaiteur?
Il accomplira ainsi son devoir envers les Penthièvre!
Après la grâce accordée en 1420, voilà donc Goudelin récidi-
viste en 1422; échappera-t-il à un«^ poursuite et à la condamna-
lion en 1424?
La réponse à cette question nous est donnée par le duc dans
sa lettre du 26 juin 1422, dont nous avons cité les premières
phrases et que voici en entier (1) :
<« Jehan, duc de Bretagne, etc. . .
« Comme Messire Guillaume de Goudelin, nostre subgit, soit
faoûteur, séquence^ complice et adhéré de noz adversaires de
Blays en commectant crime de lesse majesté, traysùn et ingra-
titude envers nous, pour lequel crime il a esté condempné par
nostre justice qu'il doit souffrir pugnition corporelle, ses hoirs
privez de sa subcession, et ses meubles et héritages à nous con-
fisquez et acquis, et en pouvons disposer ainsi que bon nous
semble...
I
(i) Actes de Jean V, t. vi, p. 88-89, n« 1528.
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r"
ATTENTATS DES PRNTHIEVRE
149
« Savoir faisons que nous, à la supplication 6e nostre bien
amé et féal chevalier, messire Yvon de Kaerrimel, considérans
les bons services que tousdis nous a faitcz à rencontre de nos
dits adversaires,., attendu mesme qu'il estoit hoir dudit Gou-
delin en sa ligne paternelle en défaut de hoirs de sa chair^ si ne
fût ladite confiscation ;
« A iceluy avons donné. . . toutes et chacunes les terres et
rentes par deniers et par blés, droits héritaulx et seigneuries
quelxconques que ledit Godelin soûlait avoir et tenir en sa
ligne pat'îrnelle et dont ledit Kaerimel eust été hoir principal, si
il (Goudelin) n'eut commis ledit crime... pour qu'il en jouisse en
perpétuel ainsi qu*il eust peu faire après le déceix de Godelin de
par avant avoir commis le dit cas et le dit héritage non confisqué,
et comme si oncques ledit Godelin n'eust commis ledit crime.. »
On le voit, c'est après bientôt deux années écoulées que le duc
dispose des biens de Goudelin en faveur de Kerrimel. Pourquoi?
Est-ce pour punir Goudelin de sa complicité avec Jean de Pen-
thièvre? Non le duc ne saura cette seconde faute de Goudelin
qu'en janvier 1424 !
Il s'agit de toute autre chose.
De certains termes du mandement, on peut conclure que, pour
disposer des biens confisqués, le duc a attendu que la succession
de Goudelin fût ouverte.
Remarquons en effet qu'avant la mort du maître, l'héritier
dan§ la langue du temps est dit « hoir présomptif et attendant » ;
or, le duc qualifie Kerrimel « hoir, si ne fût la confiscation ».
C'est au vrai la situation de Kerrimel, au lendemain de la mort
de son parent : il est hoirxie celui-ci; mais la confiscation met
obstacle à l'exercice d'un droit qui s'est ouvert inutilement pour
lui.
Autre observation. Le duc statue « sur la supplication » de
Kerrimel. Allons-nous croire que celui-ci, parent dénaturé, a
« supplié » le duc de dépouiller son vieil oncle à son profit? Le
duc aurait repoussé cette requête impie. Mais, quand Kerrimel a
demandé sa part dans la succession ouverte, le duc va-t-il reje-
ter sa requête ?
Par grâce, le duc n'avait pas exécuté la confiscation contre
Guillaume de Goudelin, complice de rébellion. Par justice, il ne
peut faire que la confiscation porte préjudice à Kerrimel qui lui
a rendu de bons services. G*est pourquoi il statue que Kerrimel
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ISO REVUE DE BRETAGNE
« jouira des biens de Guillaume de Goudelin» comme si ce der-
nier était mort avant la confiscation ».
Guillaume Goudelin vivait au milieu de mai 1422 : il est mort
avant le 26 juin, et mort sans doute impénitent: je veux dire atta-
ché obstinément aux Penlhièvreetennemiduduc.Quen'a-t-il vécu
jusqu'en 1424 I Poursuivi, très justement condamné, il eût encore
été gracié par le bon duc. Peut-être serait-il resté quelque trace
de cette seconde grâce ; et le duc ne serait pas accusé aujourd'hui
d'avoir fait mettre Goudelin à mort I
IV
ORIGINE DE LA LÉGENDE DU SUPPLICE DE GOUDELIN
Revenons maintenant à la légende qui, récemment reproduite
avec des développements nouveaux, a donné occasion à cette
étude.
Demandera-ton comment est née cette erreur certaine, mais
qui, acceptée sans examen, publiée et réimprimée, élevée déjà
au rang de tradition, va devenir avec le temps, comme beau-
coup d'autres^ un mensonge vérité? J'ai dit plus haut que cette
prétendue tradition du supplice de Guillaume de Goudelin au
lieu qu'on indique n'était pas ancienne. Qu'il me soit permis
d'insister sur ce point, et d'essayer à trouver la genèse de cette
nouvelle historique.
Après avoir cherché beaucoup, un peu partout, inutilement, je
crois pouvoir marquer le point de départ.
Le baron de Courcy {Nobiliaire, V* édition, 1846) a écrit :
fc Guillaume (de Goudelin) décapifé en 1420, pour avoir trempé
« dans la conspiration des Penthièvre contre le duc, marié à
« Marie de Treveznou. »
Ce renseignement est répété mot pour mot par Jollivet (Les
CôteS'dU'Nord, Art,, de Guingamp (1856), III, p. 323).
Gaultier du Mottay [Géog. des Côtes du-Nord, 1862, p. 522) est
moins affirmaiif. Il décrit la tombe et ajoute : « On donne à cette
figure le nom de Marie de Goudelin, qui se serait fait représen-
ter près du cercueil de son époux, mis à mort, ajoute-t-on, pour
« s'ôt^-e révolté contre son suzerain. ^ Lequel et à quelle date? '
Gouffon de Kerdellec'h [Recherches sur la chevalerie Bretonne^
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ATTENTATS DES PENTHIÉVRE
151
1879, II, p. 378) : « Guillaume de Goudelin» vicomte de Béhédel,
« trempa dans la conspiration des Penthièvre contre le duc qui
a lui fit trancher la tête en 1420... »
Enfin les auteurs ds la Géographie historique des Côtes-du-
Nord (1800, p. 304), qui d'ordinaire reproduisent Gaultier du
Mottay, plus affirmatifs que lui, écrivent : « Guillaume de Gou-
« delin, décapité en 1420 pour avoir trempé dans la conspiration
« des Penthièvre contre le duc de Bretagne, Jean V. »
Toutes ces indications sont postérieures au renseignement
donné par le baron de Gourcy ; et les phrases publiées dans
les quatre ouvrages cités plus haut et que réédite la Revue de
Bretagne^ semblent, s'il est permis de le dire, la reproduction de
la phrase du Nobiliaire.
Invoquera-t-on la tradition qui marque môme le lieu de l'exé-
cution : « l'avenue du château de Treveznou »? Mais cette tradi-
tion est-elle si ancienne? Ne serait-elle pas née depuis 1846, date
de la première édition du Nobiliaire'! ou môme depnis 1856? A
cette date, l'auteur des Côtes-du-Nord recueillait à Goudelin une
tradition tout autre. Je copie :
« Qu*é4ait Marie de Goudelin?... Nul ne le sait bien précisé-
ment. On racoMte que c'était une grande dame, hautaine à Tezcès,
colère et tellement qu'elle tua de sa main le recteur de Goudelin
qui s'était refusé à un acte de soumission exigé de lui. Elle mal-
traitait ses vassaux, sans compassion et sans pitié pour eux. .\
Elle avait irrité le ciel et elle fut punie.. La mort vigita sa mai-
son et choisit au milieu de tous son mari passionnément aimé...
Inconsolable,. . . elle recueillit ses restes dans un cercueil gardé
dans son château; et, après un temps de souffrances horriljles,
on la trouva un jour étendue sans vie auprès du cercueil. Elle
avait recommandé son tombeau tel qu'on le voit encore. »
L'auteur rejette cette tradition : il a bien raison. Je la rejette
aussi en ce qui concerne le caractère odieux de Marie de Gou-
delin.
Au XV' siècle, les grandes dames bretonnes avaient pour
modèles la duchesse Jeanne de France, se faisant la garde-ma-
lade de saint Vincent Perrier ; et plus tard, Françoise d'Am boise,
élevée par elle, amie des lépreux et servante des pauvres. Les
Bretonnes n'étaient pas des furies sanguinaires.
Mais, me dira-t-on^pourquoi rééditer cette odieuse historiette?
Voici : en rejetant la tradition cruelle et injuste pour Marie de
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/
I5t ' RBVUE DE BRETAGNE
Goudelin, j'en retiens un seul point : c'est que son mari est mort
dans son lit, entouré des soins de sa femme. Or, la tradition
que Joliivet a recueillie en 1856 était, à ce qu^il semble, la seule
ayant cours à cette époque, puisqu'il la publia seule. ,
Si Qoudelin est mort dans son lit, il n'est plus question de son
supplice.
Si, comme je crois, ce dernier argument est superflu, je fais
volontiers amende honorable pour la reproduction du portrait
de Marie de Trevezoou. Mais je ne puis rien retrancher des faits
articulés contre Goudelin, Olivier et Jean de Penthièvre. . . et ce
sera la conclusion de cette élude.
V
CONCLUSIONS
Il faut finir cette étude qu'on pourra trouver trop longue, et
qui pourtant est incomplète.
Il est bien démontré que Guillaume de Goudelin n'a pas été
condamné et mis à mort en 1420; que, condamné à un emprison-
nement et à la confiscation de ses biens, il a obtenu du duc
Jean Via remise de Tune et l'autre peine; enfin, qu'ayant ac-
cepté cette grâce et sans aucune reconnaissance envers le duc,
il s'est fait, en 1422, le complice de Jean de Penthièvre, venu en
Bretagne pour mettre Jean V à raort.
Ces deux faits rapprochés donnent à Guillaume de Goudelin
une flgure à part et heureusement unique dans la noblesse
bretonne.
Serons-nous condamnés à croire que le sire de Laigle avait
fait confldence à Goudelin de ses projets homicide^ et obtenu
sa complicité? Goudelin, par fidélité aux Penthièvre, quand il
suivit le sire de Laigle jusqu'au bois de^Plouezec, avait-il arrdté
que, le cas échéant, lui-mdme frapperait le duc ?
Bn ce cas, il nous apparaîtrait comme un monstre d'ingrati-
tude envers le souverain qui lui a laissé la liberté et la jouis-
sance de ses biens.
Nous voulons croire que les Bretons qui venaient saluer le
sire de Laigle, lui faisaient accueil ou même se joignaient à lui,
étaient abusés par lui, et qu'ils croyaient sur sa parole qu'il s'a-
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Il_
ATTENTATS DES PENTHIEVRE 153
gissait d'un enlèvement. Mais prêter assistance à Tenlôvement
du duc, n'était-ce pas se faire complice d'une rél)ellion?
Mais, pour Goudelin se montrer adversaire du duc, c'était ac-
complir son devoir de fidélité aux Penthiôvre. Après son obsti-
nation à Guingamp,, en 1420, son zèle pour Jean de Penthièvre
en 1422, nous ne pouvons plus voir en lui qu'un malheureux
atteint d'une sorte de démence, incapable de s'assurer où est le
devoir.
Aussi, ne pouvons-nous admettre ces phrases où Ton a tenté
non seulement de justifier, mais de glorifier Guillaume de
Goudelin.
« Déclarécoupablede haute trahison, Guillaume fut condamné
à être décapité. Il versa son sang pour une noble cause. Le
sang versé, dit le proverbe, est le plus haut degré de l'honneur
du vaincu. »
Le proverbe n'a pas d'application ici, et ponr deux raisons
dont la première suffit: l'^le sang de Goudelin n'a pas été versé
en 1420; 2*» si Goudelin eut été condamné à mort et exécuté,
c'eût été en punition d'une rébellion... et par sa faute, par suite
d'une obstination déraisonnable, puisque le pardon lui était
offert aux conditions acceptées par tous.
Olivier et Charles de Penthièvre restent dans le souvenir
comme deux rares figures de fourbes et de traîtr*>s. Leur frère,
le sire de Laigle, fut moins coupable que son aîné dans l'affaire
de 1420; mais son entreprise de 1422 était « encore, comme on
l'a écrit, plus criminelle que la première », parce qu'il se pro-
posait un assassinat au lieu d'un emprisonnement; et encore
pour un autre motif tout différent : parce que, à ce moment
môme, le duc, persistant dans sa pensée declémence, empdchait,
depuis des mois, la déclaration de forhan ei laissait aux Pen-
thièvre Idftemps de résipiscence.
Enfin, chose odieuse 1 Pour accomplir cette entreprise, il và
sans hésiter tromper un ami, l'abbé de Beauport, et le compro-
mettre en tuant dans l'abbaye même le duc, hôte de l'abbaye,
dont lui-même est l'hôte 1
Voilà les deux frères de Penthièvre I
En regard d'un malheureux atteint d'une sorte de démence,
qui est sa seule excuse, de deux fourbes et d'un parent prêt à
verser le sang d'un parent qui lui offre un généreux pardon,
plaçons le duc Jean V. Le peuple breton l'a nommé le Bon, au
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tSil REVUE DE BRETAGNE
sens de clément, magnanime, miséricordieux^ et ce surnom
mérité est populaire.
Sa patience, sa longanimité obstinée envers les^Penthièvre
fut une faute ; et le sire de Laigle tenta et manqua de Ten punir
en le frappant à mort.
Dans le préambule d'une de ses constitutions, le duc avaitécrit:
« Nous, désirant faire ce que Dieu nous a commis, c'est-è-dire
justice... » En 1420, quand les Penthièvre repoussaient le pardon
offert par le duc, il fallait que le duc s'inspirât de cette grande
pensée'. Assurer la paix du duché contre les intrigues des Pen-
thièvre, c'était faire justice. Le duc, s*obstinant à Tespoir de par-
donner, manqua à son devoir de souverain.
Les Penthièvre étant softis de Bretagne, le duc pour la paix du
pays devait les empêcher d'y rentrer ; il en avait un sûr moyen :
îl suffisait de laisser le parlement rendre l'arrôt de forban.
Les neuf défauts réglementaires ordonnés par Tarrét du
7 février 1421 ont été constatés avant la fin de cette année ; que
le forban soit prononcé avec la peine de mort contre les forban-
nts, et le sire de Laigle ni un autre Penthièvre ne rentrera
jamais en Bretagne! Pourquoi? Parce que le forbanni ne peut
se montrer à personne sans risquer d'être dénoncé. Ne pas le
dénoncer, c'est le « soutenir » et encourir les peines portées
contre le forbanni.
Du moins cette longanimité exagérée de Jean V devrait-elle
le sauver de l'accusation de cruauté ! Non I Le voilà représenté
comme un tyran sanguinaire, exerçant en 1420 de « cruelles
représailles », se vengeant par des « exécutions capitales » avec
ou sans jugement ; et l'exécution de Ooudelin n'est lùentionnée
qu'à titre d'exemple. On écrit et toute la France a pu lire :
Au mois de novembre 1906, le Journal des Débats piÂjiajit sous
le titre : Un curieux tombeau au XV^ siècle^ une n^- disant : •
« Lors de la conspiration des Penthièvre contre le duc de Bre-
tagne Jean V, Guillaume de Goudelin fut au nombre de leurs par-
tisans. Ayant recouvré sa liberté, le duc se vengea p^r de cruelles
représailles, confiscations et exécutions capitale». Guillaume
de Ooudelin eut ses biens séquestrés et fut exécuté en 1420... »
Cette note était assurément partie de Bretagne.
Soyons prudents. Gardons-nous d'affirmations téméraires,
^luand nous savons par expérience qu'elles seront acceptées
:^ans vérification.
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ATTENTATS DESPBNTHIEVBE ISh
On a VU plus haut l'obligeante communication qui m'a été
faite de quelques mots d'une information conservée aux archives
de la Loire-Inférieure ; el'e m'a permis d'ajouter un fait nouveau
aux récits faits jusqu'ici de la venue du sire de Laigie en Bretagne.
Mais le récit d^^ cette aventure ne sera complet que par la publi-
cation entière de plusieur^autres pièces d'information conser-
vées également aux archiva de ia Loire-Inférieure. Ce sont des
fragments des informations criminelles ordonnées par le duc
Jean V, en 1424.
Nous avons vu plus haut que le duc avait nommé des commis-
saires pour informer contre les inculpés séculiers, et que d'autre
part il avait saisi des juges ecclésiastiques en ce qui concernait
les inculpés clercs.
Il ne reste rien, semble-t-il, des procédures édifiées par les
commissait*es ducaux. Il en est autrement des informations
ecclésiastiques :
1* Une pièce a été publiée en partie par nos historiens béné-
dictins : c'est la déposition d'Alain Taillart, citée plus haut :
La Borderie (Hist., IV, p. 236, note 9 in fine de 235) a signalé
une seconde pièce « un acte de l'official de Vannes contre Jean
Boschier, abbé de Beauport,.. du 11 mai 1434. »
Enfin, outre la déposition d'Alain Taillart, Daru (Hist,, II, p. 169,
note 3 de la page 168) signalait en 1424 deux commissions ecclé-
siastiques données contre le môme Jean Boschier « touchant la
prise du duc ». Je présumai une confusion des faits de 1420 avec
ceux de 1422 : il est clair que, en 1424, la prise du duc ne pou-
vait être l'objet spécial d'une information.
Ces quatre pièces étaient indiquées aux archives de la Loire-
Inférieure.
Des rec|j[rches opérées par des mains aussi expertes qu'obli-
gea^îtes ont fait retrouver ces quatre pièces plus une cinquième,
celle à laquelle est empruntée la déposition dp Maurice Tail-
lart.
Voici l'indication des références avec une brève description
due à M. de Berthou :
Arch. de la Loire-Inférieure, E. 76.
1*»9 avril 1423 (1424 n., st., l'année 1424 ancienne n'ayant com-
mencé qu'à Pâques 23 avril). Enquête de l'archidiacre de Nantes
contre divers, notamment l'abbé de Beauport, Maurice Taillart,
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Â
1S6 REVUE DE BRETAGNE |
etc (1). (Cahier de papier, petit in-4® de 4 folios écrits recto et
verso).
2* 22 mars 1424. Commission de Tofflcial de Nantes pour in-
former contre Jean Boschier, abbé de Beau port (signalée par
Daru}. (Magnique pièce sur parchemin ; 37 lignes de 36 cent, de
longueur. Très bien écrite).
3» 11 mai 1424. Enquôlo de Tofficial de Vannes contre Jean
Boschier. (Parchemin, 23 lignes de 23 centimètres, signalé par La
Borderie).
4» Conclusions du promoteur de Nantes, Guillaume Grimaad,
contre Jean Boschier. (Cahier de papier, 4 folios écrits reclo et
verso et l folio recto seulement, signalé par Daru).
E. 160.
5* Déposition d'Alain Taillart. (Cahier de papier, format grand
in-4% 13 folios écrits recto et verso, bien lisibles. Cahier en très
bon état).
Ces pièces ont un intérêt historique de premier ordre et, à ce
titre, ne peuvent être communiquées qu'aux archives mômes.
Leur transcription sera un travail quelque peu pénible de trois
ou quatre semaines.
Ce n'est pas de quoi effrayer un homme de bonne volonté^.^ et
paléographe. Il se trouvera, il publiera in extenso toutes ces
pièces et il contera, mieux q.ue je n'aurais pu faire, l'histoire
complète de l'expédition du sire de Laigle en Bretagne.
J. TaévÉDY,
Ancien président du tribunal de Quimper-
I) Maurice TaiUart bien qa'iacalpéest, pareiception, entenda comme témoin
nous avons va son fils inculpé comme lui entendu aussi comme témoin.
{Fin).
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A TRAVERS LA BRETAGNE
tiO Pays d'Arvor consulte en ce moment ses abonnés et ses
amis sur la question, toujours brûlante, de Tutilité et deToppor-
tunité du Bardisme.
Pour ma part, voici mon avis, avis que je sais partagé par la
très grande majorité des Bretons de Haute et de Basse-Bretagne,
et même par beaucoup de chefs du mouvement bretonnant. Le
Bardisme, en tant que Collège des Bardes défenseurs des tradi-
tions et de la langue nationale, est parfait, et Ton ne saurait trop
seconder son action patriotique et sociale. Les Bardes qui, se
faisant apôtres de leurs idées, de ces idées que tous les bons
Bretons doivent avoir et professer, s'en vont semer la bonne pa-
role dans les écoles, les patronages et les pardons ; qui, se fai-
sant journalistes, essaient de convertir leurs adversaires; qui,
se faisant charitables, vont tendre la main en faveur du déve-
loppement de l'esprit breton ; — ces Bardes-là sont tout simple-
ment admirables. Honneur à eux I
Mais où le Bardisme devient tout à fait réjouissant, c'estquand
il s'affuble de costumes burlesques sous prétexte que les Gallois
en font autant. On se rappelle l'immense éclat de rire dont les
Briochins saluèrent la cérémonie druidique qu'on leur servit sur
des dolmens en carton. Tout récemment à Brest pareil succès
aiïcueillit le second acte de la pièce. Je sais ce qu'on va me dire :
Sn Pays de Galles on no se moque pas des cérémonies du Oor-
sedd. A quoi je réponds : Nous ne sommes pas ici en pays
de Galles. Depuis que les émigrants gallois ont débarqué sur
nos côtes d*Armorique, il s'est écoulé 1400 ans ; leurs descen-
dants mélangés aux Armoricains et aux Gallo-Francs ont
eu le temps de se refaire un esprit nouveau tout particulier,
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158 REVUE DE BRETAGNE
absolument différent de celui d'outre-mer. Ces Druides, ces
Bardes, ces Ovates (?) qui s'agitent, le glaive à la main et la
trompe aux lèvres sur des tombeaux — en pierre ou en carton —
car les dolmens sont des monuments funéraires — n'inspirent
plus que le sourire.
Par exemple, le Bardisme estdangereux et à combattre quand
il proche le Panceitisme, ce Panceltisme n'étant au bout du
compte qu'une forme de l'Internationalisme. A force de flirter
avec les sujets de S. M. le Roi de Grande Bretagne, d'Edbsse et
d'Irlande, on finira par prendre le tout pour la partie et par s'a-
mouracher complètement d'Albion. Les Irlandais sont très sym-
pathiques, les Gallois parlent la même langue que nous. Et après?
Sans s'en douter, nos Panceltistes sont des Sans-Patrie^ et le sé-
paratisme laisse timidement percer le bout de son oreille en leur
compagnie. Or les Bretons de Haute et de Basse-Bretagne sont
bel et bien des Français, ou^ pour parler plus exactement, des
Britto-Armoricains fondus de tout cœur et de toute âme dans la
grande patrie française. Comme j'aimerais mieux voir les Pan-
celtistes abandonner les chimères dont ils se nourrissent et les
plats creux qu'ils nous servent, pour exiger du gouvernement
de la France les libertés et franchises de ta Bretagne auxquelles
nous n'avons jamais renoncé 1
Voici deux citations pour appuyer ce qui précède. L'une (tirée
de y Indépendance Bretonne) de notre excellent ami Charles Le
Goffic à qui — entre parenthèses — l'Académie Française vient
de décerner sa plus haute récompense littéraire, le prix Alfred
Née, comme auteur de l'œuvre la plus originale pour la forme et
la pensée. L'autre de Raymond de Chanron (dans la Gazette de
France.)
« On voit, dit M. Le Goffic, que les fonctions archidruidicales
ne sont pas simplement honorifiques de Tautre côté du détroit.
Que n'en est-il pas de même chez nous? Car nous avons aussi
un archidruide, bardiquement vocité : Alc'houéder-Tréger (l'A-
louette du Trégor).
« Cette « Alouette du Trégor i est Tingénieur-poète Yves Ber-
thou qui a remplacé dans les fonctions archidruidicales Mab-ar-
Guillerm, de son vrai nom Jean Le Fustec, descendu, je ne sais
pour quelle cause, au simple rang de druide. Il faut reconnaître
d'ailleurs que le « Gorsedd » breton n'a pas encore fait l'unani-
mité autour de lui comme le « Gorsedd » gallois. Cela tient à
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A TRAVEHS LA BRETAGNE 131^
plusieurs raisons, et d'abord à ce que le « Oorsedd » de Bre-
tagne est d'institution relativement récente (20 septembre 1901),
puis à ce qu'il ne répond à rien de bien national.
« Le mot « Oorsedd » est inconau des Bretons, et je crois
môme que le motu drouiz » (druide), ne date chez eux que de
la Villemarqué, qui l'emprunta aux Gallois. Sans doute Bretons
et Gallois ont une origine commune, mais, en douze siècles, les
lois de révolution historique et le contact de deux civilisations
aussi différentes que la civilisation anglaise et la civilisation
française ont profondément modifié la physionomie morale des
deux races sœurs.
«c C'est de quoi n'ont pbut-ôtre pointassez tenu compte les zélés
fondateurs du Gorsedd breion : ils eussent pu s^inspirer dé l'ins-
titution galloise en l'adaptant à la mentalité bretonne ; ils ont
préféré la transporter toutevive et telle quelle en Bretagne, sans
plus s'inquiéter des différences confessionnelles et politiques qui
séparent les deux peuples. Là, je crois, fut leur erreur, et là est
le vice secret d'une institution fort louable et fort intéressante
en soi, mais qui, par son caractère exotique, aura quelque peine
à s'implanter en Bretagne et y rendre les mômes ^services qu'en
Galles. »
M. de Ghanron entre dans le vif de la question régionaliste :
« Le mouvement régionaliste, dit-il, a déjà pris une grande
extension dans certaines provinces. Il est surtout nécessaire en
Bretagne, où la race celte est demeurée pure.
ce Mais cette race a subi, à travers les &ges, une discipliae na-
tionaliste, de telle sorte que les Bretons peuvent revendiquer
contre la centralisation des libertés politiques et traditionnelles.
C'est pour eux un terrain réel de résistance, celui des intérêts les
plus profonds. Le régionalisme devrait s'y tenir, et d'ailleurs il
se suicide en le quittant. Cependant, il y a chez les « Bardes » un
mouvement panceltique sous couleur de régionalisme. On lit
dans leur journal le Pays breion, des choses vraiment stupé-
fiantes. On se contenterait de sourire s'il n'y avait pas dans leur
chimère un germe antipatriotique.
« Le panceltisme est un système basé sur une appréciation
toute fantaisiste des faits. Il fait table rase de l'histoire et môme
de l'Europe contemporaine. « Le rôle historique de la France et
de l'Angleterre est terminé. C'est, il y a trente-huit ans, au lende-
main du traité de Francfort, que la France et l'Angleterre au*
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I
f KBVUË DE BRETAGNE
raient dû comprendre qu'elles devaient se transformer, évoluer,
pour opposer, sur les rives de l'Atlantique, un Pan quelconque
au Pan-Germanisme grandissant. Quelle résistance pourraient
opposer à la marche du Pan- Germanisme, deux vieilles frégates
en bois comme la France et TAngleterre ? Quan<i ie Pan-Germa-
nisme donnera sérieusement de Téperon dans ces vieilles car-
casses vermoulues, il n'en restera plus que les morceaux qui
serviront de bois à Texpànsion germanique pour faire bouillir
sa marmite. »
« Le t3n est à la fois lyrique et insolent. L'idée rappelle Tillu-
sionnisme de ce Napoléon III qui fit contre la France l'unité de
l'Italie et celle de l'Allemagne. Le danger est moindre. En effet,
si le Hohenzollern est devenu l'empereur d'Allemagne, c'est qu'il
y avait historiquement une confédération germanique. Si une
monarchie s'est constituée en Italie, c'est que l'unité politique y
^ fut singulièrement favorisée par les conditions géographiques et
économiques, bien qu'elle semble d'abord avoir quelque peu con-
trarié la nature. Quoi qu'il en soit, dans l'un et l'autre cas, la race
fut servie par la formation de nations sœurs, pouvant se con-
fondre plus ou moins facilement. Dans le panceltisme, rien de
semblable. L'histoire n'a pas connu une « Geltie », comme une
Allemagne ou une Italie. Les clans bretons de l'Armorique et
ceux de la Grande-Bretagne se sont respectivement agrégés à
des nationalités très différentes. Notre Bretagne, en particu-
lier, est devenue province de France, et, comme l'a si bien
montré M. A. du Cleuziou dans son courâ sur l'annexion de la
Bretagne à la France, à l'Institut d' Action Française, l'unité
môme de la Bretagne s'est faite sous l'inQuence de nos Rois et
par la suzeraineté de la France. Le mariage de Charles VIII
avec la duchesse Anne fut le couronnement d'une politique de
formation nationale où le régionalisme était respecté. Chez
nous, Bretons il correspond à une race nettement caractérisée;
mais que la Bretagne ait fait, fasse encore, et doive toujours
faire partie d'une patrie française, il devrait être superflu de
le rappeler, comme il est, au fond» impie d'en douter.
« Le rêve d'un panceltisme à opposer au pangermanisme rap-
pelle celui des prophètes qui nous annoncent très sérieusement
la formation des Etats-Unis de l'Europe. En attendant, il y a
toujours une France et une Angleterre, n'en déplaise à certains
Bardes. Seulement celle-ci est prospère, dirigée par une poli-
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A TRAVERS LA BRKTAGNB 161
tique avisée, par un monarque prévoyant ; celle-là est au con-
traire en décomposition. Et tout ce qui h&tera la décomposition
de la nationalité française — l'idée panceltique aussi bien que
la propagande antimilitariste, sans comparer d'ailleurs les dé-
fenseurs de Tune avec ceux de l'autre — - se fera au profit de
l'Angleterre. C'est un résultat fatal.
« Mais certains Bretons sont devenus si oublieux de la France
qu'ils la traitent d'étrangère, voire d'ennemie. A leurs yeux,
entre la France et la Bretagne il y a un antagonisme irréduc-
tible de race et de oivilisation. Ils écrivent gravetnent : « La
question régionaliste en Bretagne est une question sociale. »
Encore une fois, dans cet état d'esprit, l'absurde le dispute à
Todieux. Il manifeste l'oubli de l'expérimentation religieuse
comme celui de la formation historique. Dans le monde chré-
tien, il n'y a qu'une sociologie ; elle dérive de l'Evangile, et pour
tout catholique l'Eglise en définit les lois qui sont universelles
comme l'Eglise môme. Donc point de sociologie bretonne oppo-
sée à la sociologie française.
« La question du régionalisme est uniquement politique, au
sens le plus profond du mot ; elle ressortit à l'administration
du pays par soi-môme, sous le contrôle du gouvernement. Sans
doute, elle se double en Bretagne d'une question de race, mais
la tradition provinciale, dans la formation française, empochait
ce dualisme de race de tourner à l'antagonisme. Autrement dit,
il s'agit pour la Bretagne de revendiquer ses anciennes fran-
chises contre la tyrannie d'un gouvernement sans foi ni loi, ni
moralité d'aucune sorte, mais non pas de sortir de la nationalité
française. Gela serait un crime de lèse-.patrie, peut-être incons*
cient, mais qui serait puni ; car la fraternité séculaire dans la
vie commune et l'étroite parenté dans la physiologie nationale
ne doivent pas être trahies au profit de la communauté d'une
lointaine origine.
« Malheureusement, ces considérations pèsent trop peu pour
des esprits chimériques et hantés par l'idée fixe. On en trouve
un curieux exemple dans le compte-rendu du Congrès de la Jeu-
nesse Catholique, tenu dernièrement à Vannes, compte-rendu
publié par le Pays Breton et dont nous avons extrait notre der-
nière citation. L'auteur espère que TA. C. J. F. fera du bon ré-
gionalisme parce que a M. Zamanski, vice-président de cette
association, est^ comme son nom l'indique, un slave dWigine
àUrê tH9 iS
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162 REVUE DE BRETAGNE
pure et par conséquent plus h môme qu'un métèque d'apprécier
la race celtique des Bretons ». Le « métèque » ici, c*est le Fran-
çais... en France I
a II y aurait beaucoup à dire sur un tel dajet. Régionalistes,
nous déplorons que d'autres, sous cette épith )te; fassent de l'in-
dividualisme et par contrecoup — car encore une fois il existe
une Europe — de Tinternationalisme. Sans médire des anciens
« clans bretons » fondus dans les paroisses <ie la province fran-
çaise«nous déplorons Tesprit de clan érigé en système politique.
Très différent des revendications si légitimes des droits et des
intérêts locaux ou régionaux, il est le frère en sociologie du Dé-
mo(»*atisme pur. Chez les Celtes anglais, il s'accommode parfai-
tement du libre examen, c'est-à-dire de l'esprit de secte ».
Deux Bretonnes viennent de disparaître qui contribuèrent
puissamment^chacune dans sa sphère, à la diffusion de l'Histoire
de Bretagne et à l'étude de sa vieille littérature celtique. J'ai
nommé la Sœur Anne de Jésus et Mac'harit Fulup.
M"* LeBastard de Mesmeur, en religion Sœur Anne de Jésus,
est morte le samedi 30 janvier^ à 85 ans, supérieure de la maison
des Filles du Saint-Esprit à Crozoo. Ce n'est pas de sa piété,
de son intelligence, de la solidité de ses convictions politiques
qu'il sera parlé ici : chacun sait qu'elle fut reçue bachelière il y
a 65 ans, et qu'il faillit lui arriver sous l'Empire une histoire dé-
sagréable grâce à sa foi royaliste. Mais la Revue de Bretagne
tient à rappeler qu'elle était l'auteur de la fameuse Istor Breiz ou
Histoire Populaire de la Bretagne en breton et en français, ra-
contée en 36 veillées par un pauvre chercheur de pain. Ce livre
de S28 pages, portatif pourtant, qu'elle avait dédié à sainte Anne,
patronne de la Bretagne, et dont il a paru jusqu'à quatre éditions,
a fait pénétrer notre histoire nationale dans bien des maisons où
elle était ignorée ; l'un de ses principaux mérites fut d'avoir été
écrit dans les deux langues, quoique j'eusse préféré deux ver-
sions bien distinctes et séparées, l'une en français, l'autre en
breton. La Vénérable Sœur Anne de Jésus a droit à la reconnais-
sance de ses compatriotes.
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A TRAVERS LA BRBTA6NE 16^
A l'autre bout de l'échelle sociale, Mac'harit Fulup (Margue-
ritté Philippe) occupait une vraie place en Bretagne. Sa mémoire
merveilleuse lui avait donné de retenir 300 chansons que ses
parents lui avaient apprises. Luzel las a relevées, et les re-
cueils de ce dernier ont été dictés en partie par cette vieille Bre-
tonne, au type celte pur, que Dieu vient de rappeler à lui et dont
la perte sera vivement sentie dans les milieux intellectuels et
vraiment patriotes.
La charrue relève à tout instant en Bretagne des vestiges des
premiers siècles de notre ère. L'autre jour c'était une voie an-
tiqaeen Moustérus près la ferme de Beuzeilliei' (nom signifi-
catif) ; puis une villa, — la troisième — à Garnac. On a mis à jour
à Ploudalmézeau des sarcophages des IV* et V® siècles. Que l'on
fouille tout cela, c'est parfait mais qu'on laisse autant que possible
en place ce qui peut être conservé.
A ce propos, il faut déplorer le vandalisme qui règne en maître
ici : malheureusement Tad-mi-nis-tra-tion n'est pas la première
à donner le bon exemple et je pourrais citer tel coin d'ille-et-
Vilaine où le menhir se vend 20 francs pièce pour l'entretien
des routes ! Aussi, est-ce à juste titre que les habitants de Saint-
Père en-Retz jettent le cri d'alarme que nous transmet VEcho
de P'fiméœuf :
« A propos d'une route et d'un menhir. — Une route va être
construite prochainement dans la commune de Chauve, qui va
desservir plusieurs villages jusqu'ici presque inaccessibles, la
Haute-Massérie, la Croterie, la Pierre-Lematz, etc.
« Ce coin du pays est un des plus riants etdes plus pittoresques :
la petite route projetée, longue de 8 kilomètres à peine, traverse
quatre vallées ombreuses et profondes, et monte quatre fois sur
les coteaux d'où la vue s'étend sur une région assez accidentée,
depuis la Flachousière jusqu'au coteau de Prigny qui domine
la baie de Bourgneuf .
« Il y avait là autrefois, dans ce site sauvage, au fond des fo-
rêts, un centre druidique très important qu'attestent les nom-
breuses pierres : menhirs et dolmens, éparses çà et là.
« La plus connue de ces pierres est le menhir de la Pierre Le-
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164 REVUE DE BRETAGNE
mat. qui a donné son nom au village. Un dolmen de grande taille
encore Imposant, quoiqu'éboulé, existé sur le chemin actue)
de la Croterie, mais les plus grosses pierres se trouvent de
Tautre côté de ce village, sur remplacement de la route à cons-
truire.
« Il y a là un menhir d'assez grande taille^ remarquable par sa
situation au sommet d'une colline d'où la vue est assez belle et
d'où il pourrait être aperçu de toute la région. L'autre pierre est
une pierre couchée dont la surface porte ces rainures que les
archéologues appellent polissoirs. Je ne sais si ces poussoirs
ont servi à polir les haches de pierre des anciens, mais elles
servent souvent encore h polir la pierre à faux des moisson-
neurs.
« Malheureusement, ces pierres vont se trouver .sur la ban-
quette de la route et il est à craindre que l'administration com-
pétente ne les trouve gênantes et les condamne à mort. Pour-
tant, elles n'empiètent pas sur la chaussée et ne généraient
guère le passage : le gôneraient-elles un peu qu'on devrait les
conserver coûte que coûte.
« Tout ce qui constitue la beauté d'un pays ou qui contribue à
son attrait devrait être respecté. Ces grosses pierres n'ont au-
cune beauté par elles-mêmes sans doute; mais elles sont cu-
rieuses et intéressantes; elles font partie de l'histoire du pays.
Nul doute qu'elles seront visitées, quand la route sera faite, par
de nombreux touristes et amateurs des sites agrestes.
« Je demande vivement et je serai heureux que tous ceux qui
partagent mon sentiment se joignentà moi, pour que les pierres
de la Croterie soient respectées, — qu^elles soient classées, s'il
le faut, comme monuments historiques, ou au moins signalées
à l'intérêt de la Société Archéologique de la Loire-Inférieure.
D. J. M. »
Il y a heureusement à Nantes deux grandes Sociétés savantes :
on peut compter qu'elles vont prendre des mesures pour em-
pêcher un véritable désastre.
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-J --^T" --[-
A TRAVERS LA BRETAGNE i65
Le mouvement artistique breton prend une extension de plus
en plus grande. Les Briochins, entrant carrément dans la voie
décentralisatrice que nous ne cessons de réclamer depuis des
années, viennent de fonder une Société cTInitiative Artistique
pour encourager les artistes régionaux et organiser des ex-
positions d'art. La première exposition aura lieu cet été à Saint-
Brieuc, et Ton s'adresse pour avoir des renseignements à
M. Brandt, conservateur du musée de Saint-Brieuc.
C'est à Saint-Brieuc aussi que du 5 au 12 juillet dernier on\
courut visiter avec tant d'empresseqaent l'exposition des œuvres
d*Etienne Bouille,' le peintre de la mer; on y admira les belles
toiles si franciiement bretonnes: Entrée des gorges de Poulancre,
le Vœu : Chapelle de Port-Blanc^ Dans le Port de Camarety Baie
de Saint-Brieuc, Ile Bréhat, Les Bords du Trieuc, A Cancale^ etc.
Peu de temps auparavant un autre Breton, M. Pierre Boy^'-,
remportait à Paris, au Salon de la Société Nationale des Beaux-
Arts un légitime et franc succès avec sa Sortie de l'Eglise de
Penmarc'k ;M. Jean Boucher, statuaire, né à Rennes en 1871,
ancien élève de TEcole des Ëeaux-Arts de cette ville, obtenait la
médaille d'honneur au Salon des Artistes Français.
L'année 1Ô09 s'ouvre sur la brillante exposition de la Société-
des-Amis-des-Arts de Nantes — la 18* depuis la fondation. A
côté des vieux maîtres toujours aimés et retrouvés toujours avec
plaisir, nous sommes heureux d'y voir percer cinq jeunes gens,
cinq Nantais, MM. Le Pot, Baillergeau, Pierre Roy, Bonnamy
et de Wismes. Mais ne quittons pas Naotes sans déplorer la perte
que l'art breton a faite cette année par la mort de M. Emerand
de la Rochette, décédé au Croisic après une longue et doulou-
reuse maladie. Son buste de Lesage a été placé sur la Rabine à
Vannes et au foyer de l'Odéon à Paris. Très bretonnes d'art et
de style, ses œuvres étaient directement inspirées par l'amour
qu'il ne cessa d'avoir pour sa petite patrie.
ARennes,r Association-Artistique-et-Littéraire deBretagne tient
de plus en plus à justifier son titre. Lundi 25 janvier M. Anatole
Le Braz a fait sous ses auspices une charmante causerie sur
r« œuvre bretonne » de Simon d'Avaugour, dont les livres
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IM RBVUB DE BRETAGNE
doivent être classés au premier rang parmi les productions de
l'année dernière. François Simon dit « Simon d'Avaugour « est
né à Gaingamp rue de la Pompe; son oncle. 1 abbé Marc Mahé
qui réleva, a su en faire un Breton devieilleroehe,mais un Breton
original aussi, ennemi des vieux clichés que Ton a coutume de
débiter Sûr nous. La Bretagne qu'il décrit, c'est la Bretagne pure»
la vraie Bretagne, celle de tous les Jours.
Enfin la Société des Concerts a donné le 7 février un festiva^
Ropartz, oii le maître breton, qui dirigeait l'orchestre et les
chœurs, a présidé à re]iLécution de quelques-unes du ses œuvres
les plus belles. ^
m »
C'est avec le pïus grand succès aussi que TOpôra a repris Tha-
mara^ l'cBuvre superbe de notre compatriote BurgauU-Ducou-
dray, La scène se passe sur les bords de la Mer Ciispienne, à
Bakou, et l'on est empoi^^né tout de suite par le chœur du début
du premier acte où les habitants pleurent sur le sort de leur ville
envahie par les soldats de Nour Eddin. Celui-ci a conservé au mi-
lieu des camps une vie frivole et efféminée ; on en profl'era* Une
femme, Thamara, ira jusqu'au prince pour le frapper. Elle pé-
nètre jusqu'à sa tente^ mais son cœur parle et arrête son bras ;
NourEdJm l'admire et l'adore, et le final du second acte est
un long et charmant duo d'amour rempli de phrases au tour
harmonieux et chHtntant. Thamara se ressaisit pourtant et elle
plonge son poignard au cœur de kV.nnemt aimé pendant son
sommeil ; puiîi elle revient à Bakou et se tue devant le peuple
qui la saluait d'acclamations enthousiastes- * Patrie, il te fallait
du sang î » s'écrte-t-elle, et le troisième acte se déroule et
se termine sur des chœurs magnifiques et délicieusement ins-
pirés.
M, J. Baudry nous montre dans « Devant tOàstacle (Paris,
Lethielleux, 1907), combien la faute d'un père peut rejaillir sur
ses enfanta innocents. Us brisent carrière, bonheur, avenir
contre cet obstacle qu*est la tache du nom, le déshonneur par
conséquent dont Tombre se dresse à tout instant devant leurs
yeux. Victime du mal qu'il n'a pas commis, le flls se résignera
dans la première partie du livre ; dans la seconde il se révoltera;
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A TRAVERS LA BRETAGNE W
enfla, dans La troisième^ il essaiera de racheter la faute, il luttera
et remportera ta victoire. Il ne m^appartient pas ici de conter les
détails palpitants du roman de M. Baudry ; écrit d'un style cou-
lant et \m^gé,j)fmr tous, ii ne pourra que donner à tous des idées
d'honneur et dt^ patrioti-me.
On u'admirera jaoaais assez le sang-froid et le courage des
rudes 'gars de chez nous qui s'exiîent dans les phares au milieu
de l'Océan pour gagner un maigre salaire. On vit de leur vie
dans Le Phare de M. Paul Reboux {Paris , OHendorft, 1907.
Prix : 3 fr, 50), on s'intéresse à leur$ gestes. L'auteur qui aurait
pu tomber dans la monotonie, a écrit au contraire une de ces
études dont il est difficile de s'arracher. Le lecteur tremble avec
les gardiens pendant les naufrages, s'attriste sur la mort d'un
papillon, 9*indigne môme pour un petit nid d'oiseau violé ; les
plus petits détails prennent dans ces tours perdues de géantes
proportions et il faut peu de chose pour y transformer un inci-
dent en drame. Les hommes des phares ont trois merveilleux
interprètes en MM, Le Braz, Le Gofflc et HebouK*
La librairie Plihon et Hommay, de Rennes, ouvre une sous-
cription pour la continuation de la publication des Ancieiis ré-
ffistres paroissiaux de Bretagne: diocèses de Quimper, Saint-Pol
de Léon, Saint-Brieuc, Tréguier et Vannes, Publication semes-
trielle fixée à 10 fr. par an, dont MM. le chanoine Peyron,
le comte Dedons de Pierrefeu et, le comte de Laigue se sont
chargés.
La librairie Bahon-Rault, de Rennes, qui a publié La Bretagne
ei tes Bretonsau XVI* siècle^ parle vicomte de Calan (prix ; 16 fr.)
dont nous avons donné le compte-rendu, fait paraître aussi
V Eglise Conventuelle du Calvaire de Cttcé » à Bonnes , par
M* l'abbé J. Mathurin ^prix : 15 fr.), et a ouvert une souscription
pour la publication dn Notices biùgraphiqnes sur les Saints de
Bretagne (Prix de la souscription : en provision 5 fr.)» celle-ci
sous la direction de M. le comte de Laigue et avec le concours
de tous tes érudits bretons, les premières de ces notices devant
paraître incessamment. Les personnes qui prendraient ces trois
publications ne paieraient que 26 fr. au lieu de 36 fr.
A signaler : YAlmanach de t Union Régionaliste Bretonne^ pour
1909 (Rennes, Simon, et partout en Bretagne. Prix : fr. 15),
160 pages. Nullement inférieur aux précédents, et excellent ou-
vrage de propagande bilingue.
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1
Ite HKVDE D£ BR£TaGNK
Annuaire officiel (tllle-et-Vilaine, 77* année, administratif,
industriel et coEnmercial, contenaat une foule de renseigne-
manta de toutes sortes. Edition Simon à Rennes. Prix ; 2 fr. ;
franco, 2 fr. 85- Pour les autres départements ; 4 fr. ; franco,
4 fr. 85.
Petit Indicateur Simon (Simon, Rennes). Prix : fr. 20. Abon-
nement annuel : 1 fr. ; 225 pages.
Indicateur général de Bretagne. Petit indicateur Bahon (Bahon-
Rault, Rennes). Prix : fr. 10. Abonnement annuel : fr. 50 ;
100 pages.
R. Dû L.
Le Gérant : F. Chbvalibr.
Vannes. Imprimerie Lafoltk Frères, 2, place des Lices
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▼ wf ^^
i^
ARMORICAINS ET BRETONS
AVANT-PROPOS ^
U étude qui est présentée aujourd'hui au public est née d'une
controverse au sujet du langage celtique parlé en Basse-Bretagne^
et qui pour les uns ne date que du T' siècle de noire ère, époque
où il aurait été importé dans la péninsule armoricaine par les
Emigrés àretons, tandis que pour les autres il n'aurait cessé d'être
l'idiome parte de temps immémorial par les habitants de ce pays,
L' auteur f qui n*a aucun parti- pris à ce sujets s'est fait une
opinion^ après avoir lu attentivement les écrits tant anciens que
modernes gui ont traité de ces questions. C'est îe résultat de ses
recherches qu'il soumet au public dans les pages suivantes, avec
la pensée que les 'lecteurs bretons pour lesquels elles ont été
spécialement écrites^ n'y verront que son désir de démontrer par
l'histoire l'antiquité de leur race et ta persistance, à travers les
siècles^ de leur vieille langue nationale.
Albkrt Travers.
CHAPITRE PREMIER
Lorsque, il y a à peine deux ou trois nns, je fis paraître mea
deux opuscules sur le CeHique en Basse Bretagne (1) j'étais loio
de me douter que ces modestes ouvrages feraient « un tapage
assez étourdissant » pour troubler la quiétude de M. le doyen de
la Faculté des Lettres de Rennes et Tobliger de descendre dans
la lice, afin d'imposer silence à Taudacieux qui se permettait d'a-
voir une opinion différente de la sienne. Tout arrive : Tenlri^e
0) De la psriistaficede ia lungtte celUgue en liasse- Bretagne (1906) et Les
hucriptiotis gatUoUes et le celtique de Basse-Bretagne (1^07),
Âvrii (Bm. ' I»*
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170 RBVUB DE BRETAGNE
en scène de l'éminent Uniyersilaire sur un si petit théâtre en
est la preuve.
Mais, puisque ces « questions historiques et linguistiques
étaient d^pyja lon^tçipps jpp^ées et trapçt^ée^ n (1), pourquoi
M. Loth a-t-il épreuve le besoin de les juger et de les trancher à
nouveau? il semble qu'il y a ià une certaine contradiction. Se
serait-il aperçu, un peu tardivement, qu'il n*y a rien de déRnitif
en histoire, et que les questions historiques ne se résolvent
pas absolument d'après les mêmes règles que les problèmes de
géométrie xm d'algèbre T
Il BQU8 dit, il est vrai, qua « e'est à son grand regret qu41 se
« voit foreé d-interveair, maia qu'il efoirait manquer d'égards
€ epv^ps la pémoire de son mattre çt ami, M. de la Bor^eria,
« «n se taisant plus longtemps. »
Je ne vois pas oe que la mémoire ^e cet historien viaat
fair^ ici ; maia, si elle a quelque ehose à craindre de la publica^
tion de mas deux (^chures, elle le devfa surtout aux scrupules
de apQ disciple.
M. de la Barderie relève, comme tout autre écrivain, de Topi*
niqn publique dont le jugement est toujours libra et i^dépan-r
dant da toute camavaderie ou coterie. Q'est en* vertu de ea prip-
cipe et sans aucune pnévention qu \ j*ai lu le premier volume de
sop Hi$$aiH (h Bf0téi§ne, qui me paraît contenir c|as erreurs et
des contradictions semblant dénoter ui^ partirpria incompatible
avec rimpartialité, qui est le preoiier devoir d'un historien.
Je sais gré à M. le doyen d'avoir vaincu la répugnance qu'il
avait c d'entrer en discussion avec un homme manifestement in-
« compétent, en particulier sur le terrain où il se place, le tar-
it rain linguistique (9). «
Malheureusement pour mon contradicteur, c'est précisément
ce terraiq aur leqq^I je me défends de me placer. « C'est 8^r*
tout n. flis-^jci d^ps li^ In^cripti^fi^ gaulme^j^ B» 86, « c'est surtout
« hi l'histoire qu'il faut eypir recours pouiréclaircir les questions
« du geure de celle qui ngus occupe ».
GeUe opinion est égalpiQ<^Pt aelle de M. Qeorges Dottiu quii
dans sou HcWAcl paur servir é t étude de l'Antiquité ç^ltiqvL^
déclare, pages 5(lb-^i, qu^ << l'histoire seule nous met QU cQutact
(t) Bulletin de la Société Archéologique du département d'Ille-et^Vi^aig^e,
tome XXXVm (f pa]rtie^ 1908, p. SOI.
(%) BulUtin de la Société Archéologique du département d'Hier- Vilaine,
lom« XXXVni (f partie) 1908. p. SOI.
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ARMOmCAINS BT BRETONS 171
avec 068 peuples » (les peuples celtes). Il ajoute que, « si nous ne
« voulons pas risquer d'errer au hasard, il faudra nous ré-
n soudre à ne nous servir de la linguistique, de l'archéologie et
« de l'anthropologie que comme de sciences auxiliaires de rhis"-
« toire et ne faire intervenir les renseignements qu'elles nous
« fournissent que pour commenter et vivîfler les textes histo-
« riques ». Mais tel n'est pas Tavis de M. Loth qui, à Toccasion
de l'histoire des émigrations bretonnes des V* et VI* siècles,
dit que « ce sujet relève essentiellement de la linguistique cel-
« tique et de la linguistique romane » [Le Nouvelliste de Bre-
logmc, 29 septembre 1908). Je laisserai ces deux linguistes tirer
entre eux cette affaire au clair. Quant à moi, je partage l'opinion
de M. Dottin dont le confrère, en prétendant régler exclusive-
ment par la linguistique les destinées des peuples, me semble,
mettre, inconsciemment ou non, la charrue devant les bœufs.'
Rien de plus facile cependant que d'élucider cette question de
la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne, laquelle,
^oit dit en passant, bien qu'elle dût faire le principal objet du
Wmpte-rendu de M. Loth, a été laissée de côté dans le factum,
fort peu pertinent, comme on dit au Palais, auquel le Bulletin de
la Société Archéologique d'ille-et- Vilaine a donné rhospitalilé.
Rien, dis-je, de plus facile que de résoudre ce problème : il suffit
d'ouvrir les yeux et de regarder ce qui se passe autour de soi en
Basse-Bretagne, sans perdre toutefois de vue que, pendant la pé-
riode gallo-romaioe> l'organisation du pays^ son éloignement de
Rome» la difficulté des communications et les événements favo-
risaient, beaucoup plus que de nos jours dans la Péninsule
armoricaine, le maintien, chez les habitants^ de la langue natio-
nale.
Sans compter l'indifférence hautaine des Romains pour les
langues parlées par leurs sujets et qui contraste souvent avec
la mesquinerie des procédés des divers gouvernements sous les-
quels la Bretagne a vécu pendant les temps modernes, sans
compter cette largeur d'idées qui, sous tant de rapports, ren-
dait le Peuple-Roi si digne de son rôle grandiose, le nombre des
fonctionnaires, en Armorique^ était sous le Haut-Empire, par rap-
port au chiffre de la population, peut-être dix ou quinze fois moins
élevé qu'aujourd'hui, et encore ces fonctionnaires étaient-ils
presque tous du pays. Quant aux troupes, là où nous entretenons
actuellement des milliers de soldats, il n'y avait que « quelques
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172 REVUE DE BRETAGNE
« miliciens indigènes chargés d'un service de police sous les
« ordres des Duumvirs » (1).
Les désordredu Bas<Empire et les in vasionsdes Barbares rnodi*
fièrent sans doute cet état de choses et ruinèt*ent le pays, mais
pas dans les proportions déplorées, avec une évidente exagéra-
tion, par M. de la Borderie ; car la Péninsule armoricaine fut une
des régions de la Gaule les moins éprouvées par ces calamités.
Les théories de cet historien, répandues à profusion et ampli-
fiées, sll est possible, par M. Lothavec l'appui deilnstitutet
des Sociétés savantes, sont généralement acceptées par la foule
des lecteurs qui aime les opinions toutes faites et par conséquent
d'une compréhension facile. Ces lecteurs bénévoles acceptent
d'ailleurs aisément tout ce qui leur est présenté et se laissent
volontiers bercer par des rêveries qu'une certaine science encou-
rage mais que le bon sens et le patriotisme repoussent. Ces rêve-
ries n'ont heureusement pas pénétré dans la masse du peuple
breton qu'elles effleurent à peine et qui, si elles prenaient une
forme plus tangible, finiraient par dénationaliser la Bretagne.
Le peuple ignore ou dédaigne ces vaines disputes et,
Plus fort que la science et ses bras étouffants (2),
se contente, pour éclaircir ces questions de race et de langue, de
son instinct qui est pour lui le guide le plus sûr. Dites à un Bas-
Breton de la campagne ou des côtes que, pendant trois ou quatre
siècles, ses ancêtres ont cessé de parler breton pour se servir
d'une langue apportée par un peuple conquérant sorti d'Italie,
vous verrez avec quel air de ipépris ou de raillerie votre allé-
gation sera reçue. Il ne vous répondra pas ; il se contentera de
hausser les épanles, et continuera à labourer son champ ou à
conduire sa barque.
Malheureusement, il existe des vulgarisateurs qui, satisfaits de
copier, sans les contrôler, les découvertes faites depuis un
demi-siècle sur les origines de la Bretagne, se sont donné pour
mission d'éclairer les populations en répandant parmi elles des
« erreurs » qui, pour ôtre nouvelles, n'en sont pas moins déplo-
rables et même dangereuses. Les braves gens qui par hasard
(1) Voir De la persistance de la langue celtique en Basse-Bretagne, pages !&•
17,2ft-St et 56-&8.
(2) Briieux, Marie,
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ARMORICAINS ET BRETONS 173
Jisentces élucubrations n'entendent absolument rien atout ce
qu'on leur raconte. Ce qu'ils y voient de plus clair, c'est que leurs
ancêtres auraient abandonné leur vieille langue celtique pour
parler un latin plus ou moins baroque, ce qui leur semble ab-
surde ; que d'autres aocôtres, qui étaient également ceux des
Gallois, venus d'Angleterre, les auraient débarrassés de ce la-
tin indigeste, et leur auraient rapporté le breton^ ce qu'ils jugent
absolument impossible; que ces derniers aïeux auraient été
chassés de leur pays par des bandes de pirates, ce qui leur donne
la sensation désagréable d'avoir eu pour pères, dans les temps
passés, des hommes sans cœur et sans courage congédiés par
des maîtres impitoyables ; que ces mômes aïeux auraient fui
devant les Anglais, ce qui est pour nos Bretons le comble de la
lâcheté. Puis confondant tous ces noms de Gallois, Angles,
Saxons, Celtes insulaires qui habitant l'Angleterre ne sont pour
eux que des Anglais, et perdus au milieu de tout cet enchevêtre-
ment de races et de langues, ils croient comprendre, à leur grande
indignation et non sans peine, qu'ils descendraient des Anglais.
Si bien que maintenant on est acculé à la nécessité de rectifier
parmi les populations bretonnes une pareille conception aussi
regrettable qu'erronée. « Nous ne sommes pas », lit-on^ en effet,
dans une publication populaire (1), «c nous ne sommes pas des
descendants d'Anglais, comme le disent quelques-uns. » — « Nos
pères, « ajoute le môme organe, sont venus de la Grande-Bre-
« tagne chassés de leur pays par les Anglo-Saxons. » Et puis
toujours ce mot chassés qui se trouve à chaque instant sous la
plume de tous ceux qui s'occupent des émigrations bretonnes.
Quel idéal pour un peaple que Ton dit fler et chatouilleux sur le
point d*honneur i
Je lis encore ce qui suit dans un journal publié en breton (2)
et qui, je dois le dire, fait les efforts les plus louables pour main-
tenir, répandre et épurer cette vieille langue : « Rak, evel ouzoc'h,
« eus a Oambri eo e teuas hon tadou koz, o deus savet Breiz-
« Izel, pa rankchont tec'hel rak ar Zaozon. » — « Car, comme
a vous le savez, nos pères sont venus de Cambrie (pays de
<c Galles) ; ce sont eux qui ont fondé la Basse-Bretagne, quand
ils durent fuir devant les Saxons. » Or, les Emigrés bretons
(i) La Paroisse bretonne, Paris, octobre 190S.
(1) Kroaz ar Vretoned, 27 septembre 1908.
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174 RBYUB DB BRETAQNB
Vinrent surtout des autres régions de la Grande-Bretagne s il
ne vint de Cambrie dans la Péninsule armoricaine que des mis^
sionnaires poussés par l'esprit de charité et d'évangélisatioti*
La théorie de MM. Loth et de la Borderie, si elle était admise
par les Bretons» aurait les deux conséquences suivantes :
Les uns croiraient que leurs ancêtres ont été chassés de chét
eux par les Anglo-Saxons et ont fui devant les envahisseurs dé
ieur patrie, et alors, ils devraient, par respect pour la vérité> en
prendre leur parti, mais la rougeur au front et l'humiliation au
cœur ; les autres^ surtout parmi la masse du peuple breton^ ne
voyant, à toute époque, en Angleterre, que des Anglais, se croi'*
saient, comme ils commencent à le faire^ paralt^il, de face an^
glaise^ et dans ce cas, notre patriotisme aurait lieu de s'alarmer
devant ce véritable périls en présence des suites terribles que,
dins certaines circonstances, cette idée néfaste pourrait avoif
pour la patrie française^
Mais ce qui, pour le présent, est navrant, c'est de se dire qu6
cette doctrine inconnue il y a à peine quelques années et si con-
traire à la vérité et à Tidée que Ton se fait du caractère original
o( tenace des Armoricains, nous la devons à la science qui, à forcé
d approfondir des problèmes qu'elle a d'avance rendus elle-même
insolubles, a creusé de ses propres mains un fossé où risque
de sombrer la vraie nationalité bretonne.
Pour revenir aux Gallois, ce peuple, on le sait, n'ab'ndoDna
Jamais ses foyers et opposa toujours la plus vive résistance aux
Aoglo-Saxons qu'il vainquit souvent dans de glorieux com-»
bats. « La portion la plus résistante de la race bretonne », écrit
M. de la Borderie (1), cette fois-ci mieux inspiré qu'il ne Tett
d'habitude sur ces questions, <c c'est ce groupe intermédiaire de
u tribus et de petits royaumes désignés sous le nom de Cambtie
't et que représente encore maintenant dans la monarchie an*
« glaise la principauté de Galles. Formés en masse compacte,
« protégés de trois côtés par la mer et du quatrième par la Sa-
it verne, ces Bretons défendirent intrépidement^ pendant plus de
M six cents ans, après la bataille de Wimvaêd, leur fière indé-
fi pendance, qui vit tomber la puissance, môme l'existence
- nationale des Anglo-Saxons, et ne succomba qu'au XIII* siècle
^' sous les coups irrésistibles de la monarchie anglo-normande. »
I) histoire de Bretagne^ tome I, p. 245.
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AftMOfttGAINH BT MIBTONS 175
Ce quï a fait croire à be&ueoiîp èi k Taiiteur mâme du passaga
Ci^dessus qu'un grand nombre d'émigrés étaient d'origine cam-
brieaue c'est que a rinvasion laxonne^ poussant ios indigènes
* bretons vers l'Ouest, obligea ceux d*entr6 eux qui voulaient
« s'expatrier à s'embarquer sur la côte occidentale de ille (1). >*
Or, cette cette côte occidentale comprenant surtout les rivages
de la Cambrie, on prit pour des Catnbriens les fugitifs bretons
qui venaient de ces parages.
On sait, d'autre part^ que » les cnoineë arriva^en^ souvent, en
« Armorique, par troupes avec leurs aoais, leurs oiiants/ leurs
* serviteurs *• (2), Beaucoup de ces moines étaient Gambrion!*,
mais j) ne faudrait pas hs confondre avec les fuyards venant des
autres parlies de 111*^ de Bretagne, t le désir de se sanctifier
« dans la Bolittide et de travailler à révangélisation de la nouvelle
« Bretagne étant, nous dit M. de la B:)rd6rié parlant d'après
« les hagiographes, le motif de leur émigration »,
La plupart des auteurs sont d'ailleurs d'accord pour reconnaître
que l'énergique race cambrienne, fidèle à son glorieux passé,
ftot toujours tenir tôte aux hordes anglo-saxonnes, et défendre
avec succès contre leur rapacité le vieux sol anceslral^ parfois
envahi, mais jamais occupé.
Si ces héroïques Gallois étaient réellement teuf s ancêtt*el, nos
Bretons pourraient, à défaut des Armoricaîtis, leurs véritables
àîeUx, non moins valeureux tii moins tenaces que les Oambriens>
de montrer fiers de descendre de cette noble race ri'outre-mer dont
la gloire rejaillirait sur eux. Mais il nV*n est pas ainsi* On leur
donne aujourd'hui pour pères, non pa^ les Bretons do la
Grande-Île qui surent, en héros, mourir pour ItîUr patrie, lea
aii^mes à la tnâin, non pas même ceux qui, après plus de deux
sifecles de luttes sanglante?, durent, non sans avoir fait plus
d'Une fois reculer les féroces envahisseurs, subir* à ta fin, la
mort dans Tâme, la loi du vainqueur; mais ie rebut de ces va-
leureui^es populations, les faibles^ les poltrons, les anti-palriotes
dont le devoir était de rester à leur poste et d'y succomber au
besoin, mais qui préférèrent s'entasser dans des barques et
déserter précipitamment leur malheureux pays, qui avait tant
besoin des bras de tous ses enfants. Et ce sont ces fuyards dont
(1) A de la Borderif, BUtmre d» flreOign^, toni» I, p. 247.
(%} A. de la Borderie, Histoire dû BreUgne, t.. I, p. Î82,
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|T6 REVUB DE BRETAGNE
le seul mot d^ordre était le Sauve qui peutl des l&cbes qu'on nous
représente aujourd'hui comme « se taillant, en Armorique, une
« nouvelle patrie en dépit des attaques continuelles des rois Méro-
« viogiens et Garoliolg;iens, et seuls, en Qaule, triomphant, après
« « de tragiques péripéties, des Scandinaves (1) ». Ce sont ces
mêmes fuyards qu'on nous montre encore « installant tripmpha-
« lement avec eux leur vieille langue nationale sur 4e sol
« armoricain^ d'où ils chassent bientôt le latin i*ustique (2) ».
Ainsi ces gens, véritables déserteurs, à peine outils touché
du pied le vieux soi Gaulois^ qu'ils se transforment, comme par
un coup de baguette magique, en guerriers invincibles venant
au secours de l'empereur d'Occident et en habiles diplomates,
traitant de paix avec les rois voisins. Entre-temps ils dé-
pouillent de leurs biens leurs hôtes et amis, s'emparent de leur
pays que, cette fois-ci, eux qui n'ont jamais su que fuir devant
les Saxons dans leur propre patrie, ils défendent victorieusement
contre les Francs de Glovis et de Gharlemagne, et enfin, comme
don de joyeux avènement, gratifient les anciens habitants de la
Péninsule armoricaine du dialecte celtique parlé outre-mer, dont
ils n'avaient d'ailleurs que faire, ayant toujours continué à se
servir de l'antique idiome de leurs aïeux.
Voici la récompense que vaut aux Armoricains l'hospitalité
. donnée par eux à ces fugitifs étonnants. Il est vrai que cette
récompense, ils ont mis treize ou quatorze siècles à la recevoir,
. et il a fallu les efforts combinés de MM. Loth et de la Borderie
pour la leur accorder.
Aussi est-il grand temps de réparer envers les Gaulois de la
Péninsule armoricaine le tort qu'on leur a fait au profit d'intrus,
et de dépouiller des plumes dont on les a ornés les geais préten-
tieux qui n'ont d'autre gloire que celle de s'être laissé parer des
mérites et des vertus d'autrui. Tel est le but de cette étude que
nous devons à la Bretagne, victime d'une incroyable erreur his-
torique, qui, si elle venait à s'étendre, ternirait son hermine,
jusqu'à présent rester sans tache.
{A suivre).
Albert Travers.
(1) J. Loth, Les Mots loHns dans Us langues bHttaniques,
(2) A. de la Borderie, Histoire de Bretagne, tome I, p. 279.
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ÉTUDE DOCUMENTAIRE DE L'ipUSTRlE
EN ILLE-ET-VILAINE
(SuUe).
Mines kt Minières.
La mine la-plus importante du département fut longtemps celle
de Pontpéan. Elle fut mise en exploitation vers t^année 1730 et
abandonnée en 1797. ^n 1809,rauteur d'un ouvrage statistique sur
le département d'Ille-el-Vilaine écrivait « que la mine de Pont-
péan ne pourrait rouvrir sans des frais considérables ». Vers la
même époque se trouvait des mines de fer, exploitées à ciel
ouvert, dans Tarrondissemenlde Vitré.
L'exploitation de la mine de Pontpéan fut reprise vers 1829 et
quelques années après elle occupait environ 200 ouvriers des
communes voisines. La journée de travajl commençait à 7 h. 1/2
du matin pour se terminer à 6 heures 1/4 du soir. Si Ton consi-
dère que le travail des mineurs est des plus malsains et des plus
fatigants, la journée de travail était à cette époque relativement
longue, mais cependant moins que celle des ouvriers des autres
industries. Malgré ces longues journées les salaires n'étaient
guère élevés et le gain journalier pour un homme ne s'élevait
pas au-dessus de 1 fr. 25 et pour les enfants il variait de 0,30
à 0,70.
En 1853 près de 300 ouvriers étaient occupés à l'exploitation de la
mine de Pontpéan et les salaires payés àces ouvriers d^ns le cou-
rant de cette môme année s'élevaient à la somme 110.000 francs,
ce qui faisait une moyenne de 366 fr. 66 par ouvrier et par an.
En 1866 la direction fut obligée de concentrer les travaux entre
les puits de la République et celui du Midi, c'est-à-dire dans une
partie restreinte de la mine. Le minerai extrait contenait beau-
Ci) Voir la Rtme de février 1909.
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I
\
178 REVUE PE BRETAGNE
coup plus de blende que de galène, ce qui obligea de rechercher
de nouveaux filons. Les recherches donnèrent quelques résultais
et au cours de cet^te même année deux galeries nouvelles furent
crausées. Trois maohînes d'Une fdrCe de 300 chevftux assuraient
l'assèchement des travaux exécutés dans ces nouvelles galeries.
En 1809 sont seules en activité ta mine de Pontpean et les mi-
nières de Paimpont et de Pléchatel. Dès le début de la guerre
franco-allemande l'exploitation des mines cessa complètement
et ne reprit, pour quelques mines, seulement, que vers le mois
d'avril 1871. En 1875 les ouvriers occupés à la mine de Pontpéan
étaient au nombre de 420 dont 212 à rintériear et 208 à l'exté-
rieur. Les travaux menés avec une grande activité occupaient
environ 212 ouvriers de plus qu'en 1852 et 112 de plus qu'en Tan-
née 1853, ce qui prouve, malgré l'arrêt subit au moment de la
guerre, un réel progrès de cette industrie. Les minières en acti-
vité dans le département^ au cours de cette même année, étaient
au nombre de 13 occupant environ lâO ouvriers. Les ouvriers
occupés dans le département par cette branche de l'industrie
étaient au nombre de 550.
Durant la période, qui va de 1875 à 1879 la mine de Pontpéan
fut exploitée avec une grande activité. Pour l'année 1879 la pro-
duction de cette mine atteint les chiffres suivants :
Oalène 3902 tonnes.
Blende 2854 id.
Pyrite 519 id.
Vers la même époque, exactement le 23 décembre 1879, une
mine de plomb argentifère située à la Touche fut mise en exploi-
tation. Cette mine n'y prit que peu d'extension et en 1881 elle n'oc-
cupait que 8 ouvriers et n'avait produitdurant cette même année
que 35 mètres cubes de minerai brute. Par contre à Pontpéaû
les travaux marchaient ayec une grande activité. Le nombre des
ouvriers occupés en 1881 à l'exploitation de cette mine la plus
importante du déparlement s'élève à 692 dont 279 ouvriers du
fond et 413 de l'extérieur. Le chiffre de production s'éleva à 3760
tonnes de galène; 1485 tonnes de blende et 1240 tonnes de pyrite,
soit une extraction totale de 6.485 tonnes. L'exploitation des mi-
nières de fer fut peu active durant cette période.
La mine de la lande de Paimpont produisit en 1881 environ
1900 tonnes qui furent employées pour l'alimentation du hant
y
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STUDE DOCtIAfENTAlRÊ DS LINDUSTRIE 0i
fourneau de cette locâliié. Pendant cettô mSme année les mines
de 8aint*Sulplce des Landes produisirent environ 5.200 tonnes àê
minerai. En 1882 elles cessèrent d'être exploitées à la suite de la
disparition du haut fourneau de Saint-Nicolas de Redon.
En 1888 la mine de Pontpéan continuait stis travaux de re-
cherche. À cette date les puits républicains avait 300 mètres 50
de profondeur. Les ouvriers i5taient au nombre de 905 dOnt 405
à rititérieur et 49 au jour. Ce personnel se répartissatt ûommé
suit : 317 hommes, 143 r^-mmes et 35 enfants. De 1881 h lâSg le
personnel occupé à Pontpéan avait par conséquent augmenté
de 208 unités. La mine de la Touche^ qui avec celle de Pontpéan
étatedUes seules concessions minières du département, de pro-
cédait à cette époque qu'à des iravaux de recherche auxquels
3 ouvriers seulement étaient occupés.
En 1896 il existait trois concessions des mines dans le dé par-
temenl, dont celle de la Touche qui avait cessé d'être exploitée eû
1894. La mine de Pontpéan, continuant à développer son ex-
ploitation^ occupait 955 ouvriers dont 656 au fond et 299 au jOUr,
Depuis 1884 il n'existait plus de minières en activité dans le dé-
partôment
En 1901 il existait deux mines de plomb et zinc argentifères :
Pontpéan et ia Touche. Une miùe d^antimoioe était égalemeflt
en exploi lotion au Semnon. A Pontpéan le nombre des ouvriers
était de 952 dont 587 employés ati fond et 365 au jour. La mine
de la Touche occupait un total de 196 ouvriers dont 80aa fond et
116 au jour. La mine d'antimoine du Semnon n'occupait que
3 ouvriers.
En 1906 3 mines sont en exploitation : la mine de plomb et zinc
argentilères de la Touche, la mine d'antimoine du Semnon et l4
mine Wolfram de Montbetleux. La mine de Pontpéan a arrêté son
exploitation au mois d'août, privant fa presque totalité des habi-
tants des environs de la commune de Bruz du travail qui était
leur seul gagne-pain. La mine du Semnon, dans laquelle i) n'a
guère été fait que des travaux de recherche et d'entretien,
occupe peu d'ouvriers. La mine de MonLbelleux a extrait du
l"mai 1905, date de la concession au 31 décembre de la même
année, environ 4,093 tonnes déminerai brut qui ontdootié25
tonnes de Wolfram une valeur de 59.315 fr. Cette exploitation
oticupatt 93 ouvriers dont 49 au fond et 44 au jour. La mine de la
Touché qui symblait devoir prendre une certaine importance oc-
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180 REVUE DE BRETAGNE
cupait en 1906 environ 329 ouvriers dont 173 au fond et 156 an
jour. L'extraction du minerai à la Touche fut en 1905 de 12.406
toûces.
Lts minières à. ciel ouvert étaient en 1905 au nombre de
quatre ; les minières de Paimpont et de Teillay et celles de
Ey6i commune de Bain et de Groppé, commune d'Ërcée en
Lamée. Ces deux dernières furent ouvertes dans le courant de
cette mdme année 1905. Les ouvriers employés à ces minières
étaient au nombre de 230, dont 155 à Paimpont; 40 à Teillay;
15 à la Rye et 20 à Groppé. Le total des salaires payés par ces
exploitations à leurs ouvriers, durant Tannée 1905, s'élevait à la
somme de 161.733 fr., soit une moyenne de 703 fr. 18 par ouvrier.
En 1907 la mine de Pontpéan a été de nouveau concédée k
la Société des Mines de Pontlaouen.
Paisse-t-elle bientôt revoir les jours d'activité passés, et les
nombreux ouvriers, qui ont été obligés de s'exiler loin de leurs
famille*-, trouver une occupation qui les fasse vivre.
La mine du Semnon, à laquelle il n'a été fait que des travaux
d'entretien, n'a donné aucune production et n'employait qu'un
ouvrier occupé à l'épuisement des licous. Le nombre d'ouvriers
employés par les 3 mines de la Touche, du Semnon et de Mon-
belleux a été de 288 se répartissant ainsi :
La Touche 156 dont 75 au fond et 81 au joir
Le Semnon 1 Id.,
Montbelleux 131 dont 70 au fond et 61 au jour
Le nombre des journées de travail à ces trois mines s'est élevé
à 80.^1 et les salaires payés à 256.919 francs, ce qui donne une
moyenne 3486 par journée de travail. En 1906 les salaires étaient
las stutvants :
r m t. l ouvriers du fond. . . . 3*503
La Touche ] . . ^^.,
( — du jour. . . . 2,941
, ^ S ouvriers du fond. . . . 2,991
Le Semnon < - ^ ^ ^ , aoo
/ ouvriers du fond. . . . 4,022
Montbelleux ouvriers du jour 3,023
A Montbelleux du 15 mai 1907 jusqu'au 31 décembre il a été
êxticiit 5.035 tonnes des minerai brut d'une valeur totale de
127.448 francs. Kn 1907 MM. Lemarchand, Bouffort et Rollin ont
fait une déclaration par laquelle une carrière exploitée à Ghâ«
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ETUDE DOCUMBNTAIRR DE L'INDUSTRIE 181
tillon en Vendelais contiendrait du zinc, du cuivre et des mé-
taux précieux.
Les minières à ciel ouvert exploitéesen 1907 étaient au nombre
de 8 : PaimpontjTeillay, Saint-Malo, Croppé, en Er'cée en Lamée
La Rye, en Bain La Tinelais, en Saint- Sylpice des Landes, Le
Lorais, au Grand Pougeray, Le Trobert en Renac. L'ei^ploitation
des minières de Paimpont, du Lorais et du Trobert a été aban-
donnée dans le courant de 1907. .
Pendant l'année 1906 la production a été la suivante :
Paimpont .... 34.681 tonnes
Teillay 15.112 —
Croppé. .... 7.066 —
LaRye 4.155 —
Le Lorais .... 12.180 ' —
Le Trobert. ... 715 —
Le nombre totlal des ouvriers occupés par ces 8 minières s'é-
levait à 198 ; le total des journées à 59.320 et les salaires à
172.463 francs, ce qui fait une moyenne de 2.906 par jour.
FABRIQUE D'INSTRUMENTS ARATOIRES
M. Bodin, qui avait fondé une ferme école, entreprit, vers 1838,
la fabrication des instruments perfectionnés dont il préconisait
remploi par son exemple (1). Cette production industrielle fut
d'abord lente, malgré le dévouement et l'activité de M. Bodin il
ne sortit de la ferme école durant la période de 1831 à 1841 que
491 instruments divers. Le Préfetd'Ille-et- Vilaine dans son rapport
au conseil général donne comme motif du peu de développement
dans le département de cette branche de l'industrie, malgré la
tentative d'installation de différents fabricants, le manque d'ins-
truction dans nos campagnes qui a engendré une routine diffi-
cile à faire disparaître.
De 1838 à 1858, c'est-à-dire dans une période de vingt années,
M. Bodin lança dans nos campagnes 4.136 charrues perfection-
nées (dont 558 en 1857); 278 herses Valcour ; ,157 moulins à
pommes (dont 30 en 1857) ; 172 coupe-racines ; 134 battoirs ; 119
herses Bodin ; 95 pressoirs ; 61 hache. paille et en tout 6.617 ins-
(1) Ra|iport de la chambre de commerce.
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m flEVUE PE BRRT4GNE
truments perfectionnés. I^'atQli^ de M* Bodin comptait plu9 de
t6 forges en continuelle activité, de nombreux toyr$ et métaux
et m outillage de toute çorte, mu par une machine à vapeur. Les
ouvriers occupés par M- Bodin étaient au nombi^ede 180,
M. Bodin fut le constructeur qui contribua 1q plus au lance-
ment (tes instrumenta aratoires dans les campagnes du départe-
ment d'IUe-et- Vilaine, mais il ne fut pas le seul et en 1858 la fa^
brication des instruments agricol^^ dépassa 900.000 francs dans
\n département. Vers la même époque il se monta une fonderie
è Rennes qui prôta un puissant appui à l'industrie de la méca*
nique agricole. Les constructeurs qui s'occupaient de la fabrica-
tion des instruments agricoles étaient en 1800 au nombre de
quarante dans lu département. Vingt machines h battre mues
par la vapeur fonctionnaient dans le département.
En 1863 dix copstrueteurs de machines agricoles étaient éta-
blis à Rennes et étendaient leur production sur toute la région.
Cette industrie qui progressait amena la concurrence et eu 1868
presque tous les arrondissements avaient un ou plusieurs méca-
niciens-constructeurs. Cest ainsi que Tarrondissemeut de Vitré
avait un constructeur de machines à battre et l'arrondissement i^
de Fougères, possédait trois mécaniciens et constructeurs de ma-
chines agricoles. En nous reportant à l'année 1879^ c'est-à-dire
il ans après, nous trouvons que le nombre des maisons va en
augmentant de môme que l'importance des fabriques est plus
grande. A Rennes alors qu'en 1863 les constructeurs mécaniciens
étalent au nombre de dix, en 1879 ils ne sont plus que six. Par
contre Tarrondissement de Fougères,qui ne possédait que3cons-
tfuoteurs en 1863, en avait 5 en 1879. L'arrondissement a cinq
mécaniciens et constructeurs de machines à battre. L'arrondis-
sement de Redon n'avait toujours, comme en 1863, qu'un fabri-
cant.
Bn 1882 Rennes possède six mécaniciens constructeurs d'ins-
truments agricoles. Quelques-unes de ces maisons prennent
chaque jour une importance plus grande et fournissent du tra-
vaHà un grand nombre d'ouvriers. Les arrondissements de Fou-
gères, Redon, Saint-Malo, etc., renferment de nombreuses fa-
briques.
 l'heure actuelle le nombre des fabricants a sensiblement di-
minué mais, par contre,ceux|qui continuent la fabrication des ins-
truments aratoires occupent un personnel plus nom^hraux et fft-
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ETUDB DOCUMENTAIRE DE L'INDUSTRIE 1«3
briquent des machines du dernier perfectionnement. Rennes
possède entre autre» une maison importante qui occupe un
nombre relativement élevé d'ouvriers et que la nécessité a obli-
gé à s'adjoindre une fonderie.
En résumé» il existe peu de fermes de quelque importance
qui q^ pos|èd0nt qqe qu plusieurs tnacbîue^ ag^ricoles, Gapenr
dant encore presque partout la même machine à battre sert pour
plusieurs fermes. Au contraire de pas mal d'industries du dépar-
tement, la fabrique des instruments agricoles a conUnuelîement
été en augmentant parce que se mettant toujours à niveau des
progrès et des inventions nouvelles.
{A suivre).
4^
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LES BLEUS EN CAMPAGNE
(1796)
{SuUe) (1).
PROTESTATIONS ET RÉCLAMATIONS
Les 0ÉMAROHS8 ou district. — Les BoeuFa rknuus. — Le mauvais
VOULOIR DB Plélan.
«
Les administrateurs du district, il faut le reconnattre, ne res-
tèrent pas indifférents en face de ce véritable désastre pour
leur pays ; ils en furent indignés, et ils mirent fout en œuvre,
avec une inlassable persévérance, pour faire rendre justice à
leurs malheureux subordonnés.
Ils écrivirent aux généraux responsables, Simon ( t Crublier,
pour se plaindre de ces excès et demander raison de ces réqui-
sitions extraordinaires ; ils en informèrent le général en chef
de l'armée des Côtes de l'Océan, Hoche, le général Quantin^com-
mandant le Morbihan^ le général La Barolière, commandant
la Grande Division de Rennes ; ils mirent au courant de ces abo-
minations les autorités départementales du Morbihan et de Tllle-
et-Vitaine, leurs députés à Paris, les ministres de la Guerre et
de rintérieur, enfin le Directoire lui-môme. Ils essayèrent môme
de la voie de la presse. Ce ne fut pas assez pour obtenir justice.
Au reçu des premières dépositions, le district^ étonné, indigné,
en écrit vivement aux généraux Simon et Crublier à Guer.
€ Ploérmel, 20 floréal an IV. — Citoyens, nous ne pouvons
concevoir par quel motif et par quelle fatalité vous avez porté
la désolation dans la commune de Moirterrein. Vous ignorez sans
doute qu'elle a acquitté ses contributions, payé son emprunt
(1) Voir la Rame de fénier et mars 1909.
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LES BLEUS £N BRETAGNE 185
forcé presque en totalité et sans contrainte, fourni des réqui*
sitions en tous genres ; et pour la protection que la loi leur aci>
corde, vous y avez fait enlever 15 couples de bœufs, indépen-
damment des pillages et des vols sans nombre qui ont été faits.
Sans doute, les hommes rebelles aux lois, les brigands, doivent
être poursuivis et subir la peine due à leur révolte et à îeurs
forfaits. Mais ruiner Tagriculture, punir des hommes paisibles
et soumis aux lois, ce ne peut être et ce n'est point l'intention du
gouvernement, ce ne peut être les ordres de vos généraux. Nous
vous invitons, citoyens^ à restituer les bestiaux formant plus
des 3/4 des bœufs de la commune. Nous vous prévenons que
nous intruisons le gouvernement, le ministre et le général en
chef, de cet acte étrange. Ce qu'il y a de plus étrange encore,
c'est qu'on nous \a rapporté que vous avez fait cette levée en
notre nom. Sincèrement attachés à la République, nous ne to^
lérerons jamais des acteis propres à ruiner le gouvernement et
il propager le désordre. Nous nous attendons que vous vous em-
presserez de réparer ces actes autant qu'il sera en vous, en ren-
dant les bœufs qui ont été pris par vos ordres, et en veillante
ce que la troupe cesse les pillages. Nous nous occupons de les
recueillir afin de les envoyer à qui de droit, ceci est relatif à toutes
les communes que vous aurez parcourues. Vous voudrez bien
nous accuser réception de la présente, qu'un citoyen, veut bien
porter. Nous vous prions de lui donner assistance, sûreté et
protection. Salut et fraternité. ColUn, Robert, Gaillard, procu-
reur-syndic (1) ».
Le lendemain, la réponse arrivait, brutale, impertinente, oppo-
sant une fln de non-recevoir.
« Aux administrateurs du district de Ploërmel, V adjudant gé"
néral Simon, — Guer^ 2 1 floréal, an IV.
tt Je ne sais, citoyens,^ si pour obtenir les éclaircissements que
votre lettre d'hier semble exiger, il était nécessaire d'employer
le ton impératif et menaçant qui y règne. J'y réponds cependant.
« L'intention du gouvernement est de punir les rebelles par-
tout où ils se trouvent, et les instructions dont je suis porteur
m'autorisent et m'ordonnent d'employer, pour y parvenir, lés
moyens qui semblent les plus efficaces et les plus prompts.
<( Dans la journée du 19, les habitants de Monterrein se sont
. (t) AiCh. Morb. Série L. Liatse 291,
Avril fÙOO U
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IS6 REVUE DE BRETAGNE
empressés de cacher beaucoup de Chouans dont je poursuivais
une troupe, et j*ai la certitude que plusieurs de ces habitants
étalent avec eux. Le âls du nommé Taupinel, agent municipal, a
été arrêté au milieu de Chouans, à une portée de fusil du village.
J'ai, en conséquence, imposé cette commune d'une amende de
30 bœufs pour la punir de sa rébellion.
« Voilà, citoyens, les raisons qui m'ont décidé à prendre des
bœufs dans la commune de Monterrein et quelques autres en-
vironnantes, raisons dont je rendrai compte au général en chef,
qui lui-môme en rendra compte au Directoire exécutif.
« Quant à votre nom, dont vous prétendez que je me suis
servi pour lever cette amende, j'ai l'honneur de vous certifier
que je n'en avais pas besoin, et que le mien seul suffisait pour
celte affaire. Vous pouvez vous en convaincre, en lisant l'ordre
que j'ai remisa l'agent de Monterrein*
H Je protégerai toujours, autant qu^il sera en moU les habU
Lants paisibles et soumis aux' lois. Je vous salue fraternellement.
Bimon (1) *>.
Mais déjà, comme il le disait au général Simon, le district en
avait référé à l'autorité supérieure, militaire et administrative.
Le jour môme où il recevait les premières plaintes, le 20 flo-
réalj il écrivait cette lettre véhémente au général Hoche, dé-
ni andant justice et vengeance.
u Citoyen général, vengeance et vengeance éclatante, ou notre
pays est livré à toutes les horreurs de la Vendée 1
« Vous nous aviez, à votre passage ici, promis deux canton-
nements pour Guer et pour Mauron ; ils eussent suffi pour as-
surer la tranquillité du pays, et détruire môme le germe de Tin-
surrection. Eh bien, vos ordres n'ont point été exécutés. Au Heu
de cette force protectrice et salutaire, notre district est inondé
d'hommes sans discipline et sans frein, qui, sous le nom de co-
lonnes mobiles, parcourent au nombre de 12 à 1500 des pays où,
avec 25 ou 30 hommes, on a fait jusqu'ici toutes les opérations.
H Sans aucun concert ni avec nous, ni avec le commandant de
la force armée, ils ont dévasté des communes qui depuis plus
d un an fournissent sans paiements, au premier appel, toutes
les réquisitions de grains^ harnais, bestiaux, fourrages et autres
objets que nous ne cessons de leur demander, qui ont payé de
1] Liaifê 291.
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LES BtBUS EN BRETAGNE 18)
même leurs contributions, leur emprunt forcéi etc., et aux-
quelles, d'après l'assurance que vous nous en avez formellement
donnée par vos proclamations, nous avons promis la protection
la plus spéciale de la loi (1).
« Pourriez-vous vous persuader, citoyen général, que c'est
dans ces communes, qu'on ti^aite d'insurgées, que les adjudants
généraux Simon et Crublier viennent d'ouvrir une campagne ;
et croiriez-vous qu'au lieu de détruire les Chouans qu'ils avaient
chassés devant eux, qui étaient à vue et à une petite portée de
fusil, qu'au lieu de les attaquer, quoique à peu près égaux en
nombre, et les tenant sur un terrain coupé par des rivières et
à une lieue et demie des trois cantonnements de Malestroit^
Roc-Saint- André, et Ploôrmel, la troupe les a abandonnés, quoi-
qu'elle les tenait sur une lande avec près de 200 hommes de ca
Valérie ? Elle a perdu la plus belle occasion qui se soit peut-être
présentée de les anéantir. Elle s'e&t livrée plutôt au pillage, à la
dévastation, et à toutes les horreurs de la licence la plus effré-
née. Dans la seule petite commune de Monterrein, à une lieue et
demie de Ploôrmel, on a enlevé 15 couples de bœufs qui for-
maient plus des 3/4 de ce qui en existait; on a brisé les portes,
les fenêtres, les meubles de bois, volé le linge, l'argent et les
principaux effets, enlevé la viande et le beurre de provision, et
tous les autres plus précieux comestibles ; enfin on a réduit des
familles entières à manger du pain sec, à rester sans vêtements
et à ne pouvoir continuer la culture de leurs terres. Il en est de
même des communes de Caro, Guer, Monteneuf et autres, que
les. colonnes dévastatrices ont parcourues. Elles ont porlé par-
tout la dévastation et commis de nombreux désordres, et ajouté
même le viol et le meurtre à leurs autres forfaits.
« Ce district a toujours été le plus paisible du département ;
mais il ne faut que deux ou trois expéditions de ce genre pour
porter le désespoir à son comble, pour occasionner une insur-
(1) « Nous allons être contraints d'employer de toute» parts la force desannefl.
N'en concevez aucune inquiétude. Les cultivateurs paisibles ne doivent pas
craindre l'approche des troupes destinées à les protéger ; leur marche ne les
concerne pas, et n*a pour objet que la répression du crime et des actes contraires
au bon ordre. Les propriétés seront respectées ; et si des méchants commettaient
envers eux quelques pillages, qu*ils nous les dénoncent sans crainte, nous pro-
voquerons la punition de leurs auteurs et la restitution des pertes. Telles sont
les intentions du gouvernement et aussi les nôtres. » Circulaire du district, du
25 prairial, anlll. — Liasse 1217.
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!88 REVUE DE BRETAGNE
rection générale, et pour vous faire perdre, ainsi qu'aux admi-
oistrations et au gouvernement même^ la confiance du peuple.
« On ne peut plus se le dissimuler; les brigands sont au-
jourd'hui plus disciplinés que les troupes républicaines. Ces scé-
lérats .semblent vouloir s'en faire un titre, poi:jr captiver la con-
fiance du peuple et pour saper plus sûrement les fondements de
la République.
« Toutes ces mesures extravagantes et outrées sont autant de
menées contre-révolutionnaires c[\ie vousavezà punir. Surveillez,
citoyen, surveillez les manœuvres liberticides ; c'est par elles
que, depuis deux ans, on a entravé vos opérations, et qu'on ap-
plique, en sens contraire, presque tous les remèdes qui devaient
assurer la tranquillité du pays et concourir au salut public.
« Il n'est plus besoin d'administrations, si sans les consulter,
sans connaissance locale, sans aucun principe de justice et par
pur arbitraire,on se joue ainsi des propriétés, de la sûreté des per-
sonnes, et des droits les plus sacrés. Faites donc un exemple écla-
tant, ou il devient imposssible de maintenir le calme, de conser-»
ver môme l'ombre d'un gouvernement, et il ne nous reste plus
qu'à nous envelopper de nos manteaux.
« Nous joignons ici le tableau de partie de ces horreurs, pour
vous mettre à même de poursuivre les coupables, et nous en
adressons copie au Directoire exécutif, aux ministres,et aux auto-
rités civiles et militaires, chargées de concourir avec nous au
maintien de l'ordre et des lois. Salut et fraternité (1). »
Le 22 floréal^ le ministre de la Guerre et le commandant de la
division de l'armée à Rennes étaient mis au courant des mômes
faits, avec pièces à l'appui. La lettre au ministre est une simple
indication avec demande de justice. Dans celle qu'ils adressent
à Rennes, les administrateurs du district font un véritable ré-
quisitohre contre le général Simon, etdiscutent, d'une façon ser-
rée, la raison dont il s'est servi pour ordonner la réquisition
des bœufs sur Monterrein.
« Citoyen général, comme c'est à vous qu'on va conduire
une partie du fruit des vols et pillages qu'on vient de commettre
dans nos environs, c'est à vous que nous croyons devoir adresser
nos premières plaintes, pour en obtenir la restitution et une ré-
paration authentique. Nous sommes certains, citoyen, que vous
(I Uasae 1234.
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LBS BLEUS EN BRETAGNE 189
ne recèlerez pas le gain injuste et liberticide, et que vous allez
commencer par faire rendre aux cultivateurs que nous envoyons
vers vous réclamer justice^ le troupeau de bœufs dont on les a,
par une supercherie atroce et contre tout principe, dépouillés.
« Le général Simon a livré au pillage toutes les communes
sur lesquelles il a poussé les Chouans; il a levé sur chacune d'elles
30 bœufs comme amende, pour leur avoir donné asile. Quoi 1 II
a poursuivi les Chouans depuis la Bourdonnaye à vue; ils se jer
taient en foule sur ces communes. Quel asile pouvaient-elles leur
donner? Quelles forces avaient-elles à opposer ? Quel crime peut-
on leur imputer? — Mais on a arrêté Taupinel, le flls de l'agent
de Monterrein. — Quoi ï On ne s'est pas battu avec les Chouans^
et on a arrêté celui-ci au milieu d'eux, et on n'a pris que lui! Quoi?
parceque les Chouans passaient auprès de sa demeure, parce qu'il
ne s'est pas enfui avec eux, parce que,n'ayant rien à craindre, il a
été saisi sans résistance et qu'il a été reconnu innocent, puis-
qu'on le laisse en liberté, on veut en faire un crime à la com-
mune, on veut en prendre prétexte pour dévaster le pays, pour
détruire l'agriculture, et pour réduire au désespoir l'homme pai-
sible et soumis aux lois ! C'est ainsi qu'on a formé la Vendée,
C'est ainsi qu'on abuse des mesures les plus salutaires pour se
gorger de butin, pour se targuer de faux exploits, pour voiler
les prévaricatioiis, et pour^ sous l'emblème du patriotisme, bou-
leverser Tordre social et saper les fondements de la République.. .
« L'insurrection n'est en grande partie alimentée que par
des atrocités de ce genre, qu'on voit à chaque instant se re-
produire, et par l'indiscipline de la troupe, qu'on prend trop peu
soin de réprimer.
« II ne passe pas ici un détachement de Rennes qu'il ne se
débande dans la campagne, qu'il ne pille et ne commette une
infinité d'excès dans les communes deCampénéac, Beignon, et
autres. *
« P,'S. Nous vous dénonçons de plus que l'anljudant général
' Simon a retenu, toute la nuit, en chartre privée dans l'église de
Caro, les deux agents de Caro et Monterrein, et que les habitants
sont encore effrayés des menaces qu'on leur a faites de re-
venir (1) ».
Le 28 floréal, dans une longue lettre au Directoire même, le
(1) LÎEMe 1234.
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1«0 REVUS DÉ BRETAGNE
district ne se cache plus ; il accuse formelieroent le général Si-
mon, uon plus seulement de complicité et d6 lâcheté, mais de
trahison envers la République. Il raconte comment il a laissé
échapper la colonne de Chouans, dénonce le pillage avec pièces
à l'appui, et il suggère au gouvernement les mesures qui lui
paraissent plus pi^opres à ramener le calme et éteindre Tinsur-
rëction : remplacer les colonnes mobiles par des cantonnements,
et surveiller les nobles. De cette longue lettre nous ne détachons
que les extraits suivants, qui nous intéressent plus particuliè-
rement.
« Les administrateurs du district de Ploërmel au Directoire
Exécutif.
4c Citoyens directeurs, notre devoir est de vous démasquer
les traîtres. Nous allons le remplir. Depuis lont^temps, nous nous
apercevons qu'en feignant de poursuivre les Chouans, on évite
tes principales occasions de les combattre, qu'on ne cherche qu'à
soulever le pays, qu'à grossir le nombre des mécontents et à
faire des départements de l'Ouest une seconde Vendée. La lecture
des pièces que nous joignons ici vous en fournira la preuve
(Suit le récit de Texpédition de la colonne Simon que nous con-
naissons).
« Le district de Pioërmel a toujours été le plus paisible du dé-
partement du Morbihan. Nos administrés ont payé sans con-
trainte et avec tant d'affluence leurs contributions que plus de
8.000 quintaux de grains sont tombés dans les magasins de la
République, que beaucoup ont été obligés d'attendre de huit à dix
jours leurs quittances des gardes-magasins et collecteurs. De-
puis plus d'un an il a été fourni de môme, quoique sans paiement,
des réquisitions sans nombre de grains, de bestiaux, fourrages,
charrois^ de journées d*hommes, et de tous autres objets que
les besoins d'une armée, d'un grand passage, de nouvelles forti-
fications et de toutes les autres parties du service public exi-
geaient. Le commandant de la force armée, étonné de l'exacti-
tude et de la soumission de nos administrés, a fait tout ce qui
était en lui pour alléger leurs fardeaux, et avait, ainsi que nous,
assuré les communes de toute la protection de la loi. Eh bien,
citoyens, ce sont ces communes que Tadjudant-général Simon a
traitées comme insurgées....
« Frappez, citoyens Directeurs, frappez tous les traîtres, de
quelque marque qu'ils veuillent se couvrir. Rendez prompte-
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LES BLBUS BN BRETAGNE Ifl
ment à ces communes la justice qui leur est due* Calmez leur
douleur. Vous acquerrez leur confiance et vous préviendrez leur
désespoir (1) ».
Toutes ces plaintes et protestations étaient accompagnées de
pièces et preuves à Tappui. Dès le 22 QoréaU le district en adres*
sait à Rennes au général divisionnaire, et à Paris au Ministre de
la Guerre ; sa lettre du 28 au Directoire, nous l'avons vu, en fait
mention ; le 29, nouvel envoi fait à Rennes de copies de déposi-*
lions reçues à Ploërmel au nombre de 108 ; et enfin le prairial
arrive un dernier relevé, comprenant 118 articles et accusaot un
pillage de plus de 36.000 francs.
Le Département dllle-et- Vilaine (2) servait dlntermôdaiM pou?
ces réclamations près de l'autorité militaire de Rennes, et TAd-
ministration centrale du Morbihan pour les plaintes et proteste-
lions à Paris près des Ministres et du Gouvernement.
Le district, en effets avait, dès les premiers moments, mis
l'autorité départementale au courant de l'affaire. Le 21« il lui
racontait les premiers méfaits de ia colonne SinK>n, et, à cette
occasion, il ne lui cacha pas qu'il était déconcerté et découragé.
«Nos cœurs sont naVrés de douleur et de mécontentement.»...
Si de tels crimes, car on ne peut qualifler autrement les actes
de cette nature, ne sont pas réprimés, il n'est plus de gouverne*
ment; l'anarchie s'empare des hommes, et bientôt la République
n'offrira plus que des ruines et des tombeaux... Citoyens, tous
les fonctionnaires, tous les vrais républicains sont consternés.
Quant à nous, nous ne pouvons espérer faire le bien jnos soins^
nos veilles sont inutiles. Ecouter les plaintes et cris de nos admi*
nistrés, partager leur douleur, gémir sur le sort de notre patrie,
telles sont les seules ressources qui nous restent (3). »
Le Département lui promit un appui énergique, et de fait il ne
le lui ménagea pas, transmettant toutes les réclamations^ inter-
venant près des ministres, du Directoire, du général Hoche près
duquel il croyait avoir quelque crédit. Il s'appliqua de plus à re-
lever le moral des administrations du district de Ploôrmel. « Nous
(1) Liasse 1234.
(î) t Nous ayons reçu, citojens, votre lettre da 21 et vos dépêches pour le gé-
néral commandant la grande division de TOuest. Les détails qu'eUes renferment
nous ont retracé ce qui se passe depuis longtemps sur notre territoire, 23 prairial
an IV. Les administrateurs du Département d*Ille-et- Vilaine. » — Liasse 1234.
(3) Lettre du district à l'Administration centrale du Morbihan, tl floréal an IV.
— Liasse 291.
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192 REVUE DE BRETACrNE
écrivons une lettre pressante au général en chef. Nous nous
joignons à vous pour demander une prompte et éclatante justice'
de tous les coupabled^ quels qu'ils soient. Nous allons étayer
près du gouvernement vos trop justes plaintes. Jamais vos admi-
nistrés n'ont eu plus besoin de vos soins. Redoublons décou-
rage et de zèle ; ayons toujours présent le serment que nous
avons fait d'attachement à la République, et sauvons le Mor-
bihan (1) ^,
Un premier effet de cette énergique intervention du district en
faveqr de ses malheureux administrés fut de faire rendre les
60 bœufs enlevés aux communes de Caro et de Mouterrein. Dès
qu'il eut été touché, en effet, des premières réclamations et
plaintes, le général divisionnaire à Rennes donna Tordre de re.
l&cher les bœufsqui restaient — il en manquait déjà 17 — , et per.
mit aux paysans de venir les reprendre. Les pauvres gens, dont
plusieurs avaient suivi la colonne jusqu'à Rennes, dans le vague
espoir qu'on leur rendrait justice, purent ainsi rentrer en posses-
sion d'une partie de leurs biens. L'affaire pourtant n'al'a pas
toute seule. La plupart des bœufsavaient été emmenés à Rennes;
pour ceux-là, moyennant force démarches et quelques frais, les
paysans purent assez facilement les reprendre. Mais d'autres
étaient restés en route, entre autres 6 à Plélan. L'administration
de ce canton refusa longtemps de s'en désaisir, pour avoir d'au-
tant moins, sans doute, à fournir aux réquisitions militaires. Il
s'en suivit entre les deux administrations de Ploërmel et de
Plélan un échange de propos aigre-doux dont voici quelques
échos.
« 26 floréal, an IV, Le district de Ploërmel à l'administration
du canton de Plélan,
« Nous avons appris que vous aviez été, ainsi que nous, indi-
dignes de la conduite qu'a tenue la colonne Simon et Grublier,
dans l'équipée qu'elle est venue faire sur notre territoire, et des
atrocités qu'elle s'est permises contre les habitants de Garo et
Monterrein.Nousne pouvons vous dissimuler que nou3 avons été
surpris aussi de vous voir ajouter à l'infortune de ces malheureux,
en retenant en réquisition des bestiaux que nous venions de leur
faire rendre... Au nom de la justice et de l'égalité distributive,
(t) L'Adminiatration centrale du Morbihan et le commissaire préposé du Di-
rectoire exécutif au district de Ploérmel, ^6 floréal IV. — 1234.
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LES BLEUS EN BRETAGNE I'J3
qui est l'essence de la Goûstitution, nous vous prions de rendre
les 6 bœufs qu'on a retenus à Guer » (1).
« L'adminisiratiô7i municipale du canton de Plélan et commis-
saire du Directoire exécutif, aux citoyens administrateurs du
district de Plo^rmelje 50 floréal an IV.
« Nous avons été, comme vous, sensiblement affectés des dé-
sordres qu'ont pu commettre les colonnes aux ordres des adju-
dants généraux Simon et Grublier. Mais, en môme temps, nous
ne pouvons que plaindre les communes pour lesquelles vous ré-
clamez, et les engager à ne plus favoriser ces rassemblements
journaliers qui les leur ont attirés. Si, dès le principe, on y avait,
à votre exemple, poursuivi les ennemis de la chose publique, si
les prôtres réfractaires n'y avaient pas été reçus, accueillis, par la
majorité, nous ne verrions point aujourd'hui vos malheureuses
contrées en proie aux horreurs de la guerre. Mais non : muet sur
les attentats des Chouans, on ne voit, on ne pirle que des dé*
sordres qui sont domme inséparables des mouvementés militaires.
Ce n'est point ainsi, citoyens, que nous parviendrons à terminer
la guerre qui nous consume. Attaquons le mal dans sa source.
Poursuivons sans relâche et les Chouans et tous ceux qui les
alimentent. Que ces derniers fournissent aux besoins de nos ar-
mées ; et vous les verrez bientôt dénoncer eux-mêmes et chasser
ces monstres qui désolent notre patrie.
« Quant aux bestiaux que vous réclamez au nom des citoyens
deCaroet Monterrein, partie ont été tués pour la subsistance des
dites colonnes, et l'autre a été gardée en remplacement de ceux
qu'elles avaient déjà consommés. Outre qu'en cela nous ne
voyons qu'une mesure nécessitée par l'urgence du service, nous
vous répondrons : cet enlèvement s'est fait militairement, et le
commandant de la place a jugé néceissaire de retenir les bœufs
dont est cas, pour alimenter ses troupes, qui sans cela se fassent
trouvées au dépourvu. /
M Nous vous le répétons, ceux qui, seuls, ont occasionné et
formentë la guerre, doivent en faire les frais.
« Salut et fraternité. Rivière, com" du D. E. Chevalier (2) ».
« Le district de Ploërmel au canton de Plélan, le 2 prairial .
« Il a été volé par Si mon et Crublier et la troupe sous leurs ordre s
(1) Liasse 1214.
(2) Liasse 1294.
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194 RBVUK DE BRETAGNE
des bœufs et une inflnité d'autres effets. L'injustice de cette saisie
a été évidemment reconnue, les ordres, en conséquence^ ont été
donnés pour que les bœufs fussent rendus, et vous les retenez.
C'est ainsi qu*on fait des Gtiouans au lieu de les détruire. L'incul-
pation que vous faites, d'avoir donné asile et prêté concours aux
Chouans, contre ces communes que voua nepouvez connaître que
superficiellement, est déjà jugée ; c'était le prétexte dont Simon
et Crublier avaient voulu voiler les vols et pillages ; mais !a restitu-
tion des bœufs a été ordonnée, et le gouvernement, sous les yeux
duquel cette affaire est actuellement portée, leur rendra, nous
l'espérons, une justice plus éclatante... D'ailleurs les habitants
de ces communes fussent-ils coupables, vous n'avez pas le droit
d'exercer sur elles des réquisitions... Si les brigands rencontrés
à laBourdonnaye avaient été poussés sur votre territoire, comme
ils l'ont été sur ces communes, pourriez-vous en répondre, et
trouveriez- vous juste qu'on vous traitât comme fauteurs de ce
rassemblement que vous eussiez, ainsi qu'eux, ignoré ? Rendez
donc les bœufs dont ils sont injustement privés... Préposés pour
leur rendre justice et pour la leur faire obtenir, nous ne cesse-
rons nos réclamations, jusqu'à ce qu'ils soient pleinement indem-
nisés (1). »
Le canton de Plélan ne se rendit nullement à ces raisons, et
fit abattre les 6 bœuf^ pour les besoins de la troupe.
Voici en quels termes, le district racontait l'épilogue de cette
affaire dans une lettre du 9 prairial, et se plaignait, près de l'ad-
ministration départementale de rille-et-Vilaine, de la conduite du
canton de Plélan. « Vous vous rappelez sans doute, citoyens, que
vous avez, il y a quelques jours, obtenu aux malheureux habi-
tants de Caro et Monterrein la restitution de leurs bœufs qu'on
avait injustement enlevés. Une partie de ces bœufs avaient été
laissés à Plélan. L'administration de ce canton, au lieu de saisir
cette occasion de rendre justice, a, malgré les ordres du général,
fait choix de 6 des plus beaux bœufs, et, en dépit de nos réclama-
tions réitérées, on a tué quatre de ces bœufs; et elle ne s'est enfin
déterminée à enrendre deux que parce que le particulier auquel ils
appartenaient les a remplacés par deux génisses. C'est un abus
de pouvoir ; c'est ajouter à l'atrocité des actes arbitraires de Si.
mon et Crublier, c'est opiniâtrement et sans droit opprimer des
(1) Liaaae «214.
\
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LBS BLEUS EN BRETAGNE l95
»
Opprimés. Nous vous prions, citoyens, de rappeler cette adminis-
tration à son devoir, et aux senLi/nenls de justice et d'humanité
dont elle n'efit jamais dû s'écarter* et de fdire payer et indemni-
ser les particuliers qu'etle a iniquement vexés par U privation
de leurs bœufs, et par tes dépenses louitipUées et courses qu'elle
leur a occasionnées (2). n
Aucune suite, évidemment, ne fut donnée àcette affaire, et Tad-
ministraiion de PléJan ne fut jamais inquiétée.
J. Rot;xBL.
{A suivre).
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I i
LE NÉODRUIDISME
iSuUe) (1)
DEUXIÈME CHAPITRE
Les doctrines bardiques procèdent-elles d'une tradition
ININTERROMPUE DE l' ANTIQUITÉ AU NÉODRUIDISME?
J'ai montré dans le chapitre précédent comment se produisit
Teffritement du corps druidique ancien dans les Iles Britanniques
et sur le continent. Et, cependant, voici qu'on nous présente,
comme dérivant de TAntiquité druidique, un corps de doctrines
dont la conservation est, dit-on^ due aux bardes gallois. Gomment
ces bardes ont-ils pu nous transmettre ces écrits?
Je répondrai que les écrits en question n*ont pas eu beaucoup
de mal à venir jusqu'à nous puisque, loin de remonter à l'Anti-
quité, ils ont été compilés depuis quatre siècles au plus par de
zélés bardes gallois.
Mais, répliquera-t-on, ces triades et toute une littérature bar-
dique existaient déjà quelque part puisqu'on a pu les compiler et,
alors, quelle est leur origine ? A cette observation je répondrai
que l'ensemble de cette littérature dont le néodruidisme s'est
tellement enorgueilli dérive en partie de manuscrits aujourd'hui
bien connus et dont la date est parfaitement établie. Les manus-
crits nommés « Les quatre anciens livres du Pays de Galles » (2).
(Thefour cmcieut book,of Wales) s'échelonnent duXIIl^ siècle,
jusqu'au commencement du XVII* d'après Topinion solidement
étayée de M. G. Loth dont on connaît la prudence, la perspica-
cité et la vaste érudition et ils doivent dater dans leur ensemble
de la fin du XIP siècle (3). D'autres ont pu exister qui ne sont pas
(1) Voir la Revue de mars 1901».
(2) Voir Th. de la Villemarqué, Les Bardes bretons du VI* siècle, avant-pro-
pos ; D*ÂRBOis i>B JuBAiNviLLB. Littérature celtique, tome I, p. 238, note.
(3)0. Loth. Mabinogion, tome, I, introduction, p. 23.
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LE NEODRUIDISMB 1^'
parvenus jusqu'à nous, mais ce que je crois, c'est qu'aucun
d'eux ne remontait à une époque bien reculée car de? birdesdu
XVP siècle, par exemple, qui n'étaient pas des philologues, la
philologie datant d'hier, n'auraient riencompris à des manuscrits
vraiment anciens. N'oublions pas, non plus, la part d'imagination
que les néobardes ont pu introduire dans la littérature dite tra-
ditionnelle du néodruidisme. Tout boa Gallois est doublé d'un
fameux Imaginatif ; aus« peut-on affirmer que les néobardes, en
découpant dans des manuscrits les parchemins qui manquaient
au néodruidisme, les ont enjolivés de festons, de guirlandes et
d'arabesques de leur crû. De l'avis de M. G. Dotlîn, qui fait auto-
rité en la matière, aucun des documents dont Edward Williams
(lolo Morganwg) et Edward Davies ont tiré leur doctrine néo-
druidique ne remonte à Taliésin, comme on Ta prétendu, et le
Mystère des Bardes de l'Ile de Bretagne (Cyfrinach Beirdd Ynys
Prydain) se compose de textes « manifestement créés au
XYIIP siècle. Qu'on (1) me permette, en outre, pour appuyer
mon opinion, de citer deux passages du mémoire de Leflocq
sur Le Mystère des Bardes de Vile de Bretagne où cet auteur
raconte les origines du Barddas. La lourde et pénible réfutation
qu'Henri Martin a entrepris, sous le même titre, des idées de Le-
flocq, n'a pas du tout affaibli la justesse et la portée des asser-
tions de ce dernier et c'est ce qui me pousse à faire cette citation*
« L'ouvrage que nous possédons, dit Leflocq, est le résultat
d'un travail de révision fait par Edward Davydd qui mourut en
1690. Dans quelle mesure cet écrivain a-t-il respecté ou modifié
les textes antérieurs? Il est impossible de nous prononcer sur ce
point avec quelque certitude ; mais, du moins, nous ne sommes
pas sans connaître les sources et le caractère de ce travail.
Davydd déclare lui-môme, dans son avertissement^ qu'il a « ar-
rangé » des matériaux tirés par lui de plusieurs ouvrages qu'il
cite et notamment d'une collection (2) célèbre de Llywelyn Sion.
Il est vrai qu'il se flatte d'avoir fait sanctionner « son arrange-
ment » par un congrès tenu en 1681 a sous l'autorité du lord
gouverneur» et qu'il reproduit la signature de quinze bardes qui
se portent garants des matimes contenues dans le recueil. Il reste
(1) 0. DoTTiN, Manuel, p. 202.
^2) n Collection d*écrits plus ou moins authentiques », dit M. G. DorriN', Manuel,
p. 21*2.
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m REVUE DE BRETAGNE
acquis pourtaDt que ce livre est une refonte et non une repro-
duction des documents antérieurs; qu*il est, dans une ^certaine
mesure, Toeuvre personnelle de Davydd ; enfin qu'il ne représente
rien par lui-même qu'un système de doctrines agréé par une so-
ciété bardique à la fin du XVII* siècle. »
A propos de Llywôlyn Sion (barde de 1580 à 1616), Leflocq
écrit : « faut-il croire que lui-môme avait exactement reproduit
lé texte consacré d*u ne ancienne tradition? Quand on voitcombien
les érudits gallois de nos jours sont encore étrangers à toute cri-
tique philologique, on a peine à s'imaginer qu'un barde du XVP
siècle ait pratiqué ce respect scrupuleux des textes qui est devenu
chez nous comme une religion littéraire. D'ailleurs Llywelyn
avoue lui-même qu'il a extrait « à peu près » tout ce qui est
dans son livre d'une compilation de Meiryg Davydd. Encore a-
t-il soin d'ajouter qu'il n'are produit que les préceptes; quant aux
exemples qui les accompagnent, il les. a puisés a çà et là »
dans les œuvres de différents bardes et même il a composé de sa
propre inspiration et « du mieux quMl a pu ». Voilà bien des
raisons de suspecter l'autorité traditionnelle de cette composi-
tion. Maïs, de plus, Llywelyn nous retrace lui-même l'histoire
antérieure du système qu'il expose, et son récit n'est pas fait
pour diminuer nos doutes.
« Le livre de Meiryg Davydd étaU;un recueil fait par le barde
à la requête de son seigneur Sir Edward Lewis. Ici encore il est
impossible de déterminer la part d'invention personnelle que Té-
crivain avait mise dans sa rédaction. Mais du moins il se prévaut
d'une autorité qu'on peut croire considérable, celle du canon fixé
de son vivant, en 1529, dans le congrès de Caerdyv. Il faut, de
plus, reconnaître qu'en remontant depuis cette époque jusqu'en
l'an 1450, nous voyons la tradition du bardisme protégée, dans le
pays 'le Glamorgan, non plus par le zèle plus ou moins discret
de quelques écrivains, mais par l'autorité collective des bardes
réunis en sociétés générales. Faut-il donc croire que, durant cette
période, nous suivons la trace d'une tradition nationale confiée
à la garde vigilante d'une espèce de sacerdoce? Il n'en est abso-
lument rien. Le code bardique fixé dans rassemblée de Caerdyv
n'est que la règle d'une école de bardes (1), rivale de la société
plus célèbre et plus ancienne de Gaermarthen »«
(1) L'Ecole d« Qlamorgaa.
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LE NËODRi:iD]SME II®
Ainsi donc, pour M, DotUo, pour LetlocQ, comme pour moi.
Ton ne peut reculer bien loin l'origine des doctrines bardiquesriu
néodruidisme. Le tissu de ces doctrines ressemble quelque peu
à un manteau d'arlequin et, en résumé, les néobariea successifs
qui ïes ont fait connaître les ont empruntées à des manuscrits
antérieurs, mais non anciens, en y mélangeant succi^ssivement
une part d'invenlion personnelle. Enfin, la mise au point et Ta-
doplion de ces doctrines eurent pour point de départ la rivalité
des Ecoles bardiques de Glamorgan et de Caermarthen. Remar-
quons en passant, avec L^^flocq, qu'Edward Davies, auteur de la
Mythologie ceiiiqus et défenseur de l'école de Gaermarthen, con-
testait déjà toute valeur aux traditions de TEcole de Glamor^an,
Le néodruidisme, à ses débats, nous apparaît donc tomme un
chaos qui cherche péniblement à s'organiser. Est-ce qu'il en au-
rait été ainsi s il était sorti d'un ensemble imposant de traditions
ininterrompues et parfaitement établies? Malgré tout, Ton com-
prend comment, à notre époque» Tidée d'une tradition bardique
ininterrompue a pu ^'enraciner fortement dans les esprits quand
on se trouve en présence d'affirmations à la Scharon Tnrner,
Aussi, avant d'aller plus loin, je tiens à citer un aperçu des as-
sertions de cet autçur ; j'emprunterai, pour cela, une dernîère ci-
tation k Leflocq : « Dans quelle mesure le Livre du Bardisme nous
t a-t-il transmis les croyances des druides, il est impossible au-
" jourd'hui de le déterminer; mais tout porte à croire que les
<( doctrines des bardes dérivent de la source druidique* » Cette
idée, jetée en passant par ScharonTurner(l), a pria de nos jours
la consistance d'un système historique »* (2),
En ce qui concerne plus spécialement les Triades philoso-
phiques, voyons, avant de clore ce chapitre, ce qu'une imagina-
tion sans frein a inspiré à Jean Reynaud dans les pa^es qoMi
consacre à la glorification de la littérature bardique. Notre au-
teur s'exprime ainsi au sujet du texte de ces triades : «i il est im-
possible de savoir au juste quel en est i'aoteur ni môme à quel
siècle il remonte (3). »> Puis, à la page suivante de son livre, sans
s*apercevoir qu^îl a oublié de démontrer la continuité du drui*
(1) ScHARON TuRNBn, VîndicaUùn of the genuiness of the ancieni briiUk
bartfg, p. 3&Q-â7,
(1) L^rLQGQ, L& Mystère des Barder ; fil, p^ \IQ : dei doctrinaa neligiauses
d«a Bardes),
(:i) JsA» K«YNAO0, L'Eiprii de la Qaule. p. 309.
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îtDfD REVUE DE BRETAGNE
disme ancien et du néodruidisme (1), il s'écrie : de ce fond (sic)
dont l'authenticité est ainsi attestée par une chaîne traditionnelle
non interrompue y procède le texte dont nous parlons ; et sa va.
leur^ en raison de ces circonstances, ne dépend, comme on le
voit, ni de la main qui a eu le mérite de la mettre par écnt, ni de
Tépoque à laquelle il a pu contracter sa dernière forme. » Ici
Jean Reynaud de plus en plus» persuadé que la haute antiquité
des Triades philosophiques est démontrée, enfourche à nouveau
son dada : « ce qui y respire par-dessus tout, c'est tesprit des
bardes du moyen-âge, qui eux-mêmes étaient les derniers dis-
ciples de cette corporation savante et religieuse, qui, sous le
nom de druides, domina la Gaule durant la première période de
son histoire. » C'est encore, on le voit, le système de la chaîne
d'atUrmations qu'emploie ici Jean Reynaud, mais, quoique lui
suggère son awen (ou inspiration bardique), il ne peut faire pas-
ser pour des vérités incontestées ces afTlrmations sans preuves ;
en bon français, nous faire prendre les vessies pour des lan
ternes. Druidomaniaque enthousiaste, enveloppant toutes les élu-
cubrations galloises dans une même admiration, il ne s'aperçoit
pas que ses beaux élans jettent souvent le ridicule sur cette lit-
térature « druidique » qu'il prétend louer et glorifier. Je ne m'at-
tarderai donc pas à reproduire toutes les élucubrations de forme
ternaire citées par Jean Reynaud et qui, par leur remarquable
incohérence, nous font diagnostiquer une triadomanie endé-
mique qui a commencé à sévir depuis longtemps sur les cer-
veaux gallois (2). Ce qu'il y a de certain, malgré les affirmations
de Jean Reynaud, c'est que la littérature philosophique du néo-
druidisme est non seulement faite de pièces et de morceaux em-
pruntés à quelques manuscrits relativement peu anciens, mais
qu'elle contient, comme nous l'a montré Leflocq, des idées
propres à chacun des bardes qui s'en sont tour à tour occupés.
De plus je ferai remarquer, avec Leflocq et contrairement à l'opi-
nion d'Henri Martin^ que le christianisme des néobardes éclate
(1) Il a affirmé cette continuité» mais une affirmatioriy surtout de Jean Rey-
naud, n*e8t pas une démonstration.
i2) Jean Reynaud prétend que les tercets gallois pourraient être <• en quelque
Korte des hiéroglyphes parlés dont il resterait aux érudits à découvrir la clef »,
J« crois pour mon compte que la forme démente de certains ttrcets, cités par
Jt!an Reynaud, vi«nt de ce que leurs auteurs, triadomanes ioTétérés, ont tenus
Jt mettre en triades toutes les pensées sans lien, toutes les niaiseries même, qui
leur traversaient l'esprit.
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LI NÉODRUtlHSME 20t
dÀDs les triades philosophiques où Ton ne devrait pas en trouver
trace si la doctrine des triades était d'origine franchement drui-
dique, c Les bardes du XVII* siècle» dit Leflocq, entichés de pré;
tentions et affolés de pédantisme, se persuadaient que Tordre
bardique avaient exercé de tout temps un sacerdoce incontesté
dans les pays bretons* Tous pleins des souvenirs imaginaires de
cette grandeur passée, professant, comme le mattre de mu-
sique de M. Jourdain, que Tharmonie du chant est le principe
de l'harmonie des mœurs, ils s'arrogèrent le droit de gouver-
ner la morale comme « une dépendance de la poésie ». C'est
ainsi qu'ils enfermèrent, dans le vaste cadre de leur proso-
die (i), un corps de maximes à la fois banales prétentieuses
sur les devoirs de l'homme et les sentiments du chrétien, sur
les conditions de la vertu dans la vie présente et du bonheur
dans la vie future. On ne peut voir sans surprise avec quel pué-
rile emphase les rédacteurs du Barddas proclament que l'art du
chant embrasse « tous les principes de la science »et que les régu-
lateurs de la poésie sont aussi « les maîtres du savoir et du juge-
ment «.Notons, à côté des influences chrétiennes, une forte dose
d'esprit pythagoricien qui occupe une place d'honneur dans les
Triades philosophiques. De môme qu'Ammien Marcellin qui cite
une triade, druidique, selon lui, a pu donner l'idée de la forme
ternaire aux érudits gallois, de môme Diodore et Valère-Maxime
qui comparent la doctrine de Pythagore et celle des Gaulois (2)
ont pu aussi inspirer aux néobardes Tidée de reprendre pour leur
compte la doctrine de Pythagore. Et pourquoi pas? Si, à l'instar
de Jean Reynaud, je lâchais les brides de mon imagination,
n'arriverai-je pas à prouver (I) que Pythagoras étant un nom cel-
tique [11) celui qui le portait était digne d'être une espèce de
druide (If!) à l'instar de ceux de Gaule ou des Iles Britan-
niques (1!!1)
Je ne « blague » pas autant que vous pourriez le soupçonner ?
que lisons-nous, en effet, à la page 221 de Lesprit de la Gaule ?
Voyez vous-mômes : « peutôtre, sans attacher toutefois à cette
étymologie plus de valeur qu*il ne convient, est-ce le cas de re-
marquer que le nom de Pythagoras a des racines tout à fait si-
gnificatives dans les langues celtiques. Pyth-agoras, ainsi qu'on
(1) Le Barddas.
(2) Cette comparaison n*est pas justifiée selon M. d'Arbois d9 Jubaintillb, Lit-
térature celtique, tom« I, p. 85.
AvrU 9909 §i
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^f^
toi REVUE DE BEETAfîNE
l'a fait remarquar dès l«s premiers temps des études celtiques
sig^niflç monde-oui>€rt et c'est bien là, en ^fîet.le caractëre de la
philosophie de Pythagore, Ge prand cas ne serait it donc qn'un
surnom, etc.. » Vous ne vous en seriez pas doutés, n'est-ce pas?
Le nom de Pyth^gofas signfle mûndû'9UV€ft\ Remarquez seu-
lement le traitement qu'un philologue d'occasion a fait subir à
deux termes celliqors pour y trouver Tétymologie du nom de
Pythagoras : pyth est pour byd mot gallois dotit l'équivalent bra-
ton-armoricain est bed (gaulois bitu - ) ; agoras est une déforma-
tion du participe passé comique agerys \k supposer que y cor-
nique se prononçait e, l'ensemble du composé se serait prononcé
bedageres {avec un g dur), ce qui ne ressemble guère à Pythago-
ras, Il est vrai qu'on a découvert cette étymologie « dès les pre-
miers temps des études celtiques »; maintenant il faudrait en
rabattre ; on ne sauterait pas ainsi à pieds- Joints par-dessus les
règles les plus élémentaires de la phonétique celtique et on n'eût
même pas songé à tùrturer des termes briloniques modernes pour
en faire iortir un mol augïen. Mais, en ce temps-là, sans doute,
l'on voyait le fils engendrer son père et le poussin pondre l'œuf
d'on sortait sa mère. N*appuyons pas.
En résumée Texamen des doctrines philosophiques du néodrui-
disme nous montre que ces doctrines ne lui sont pas venues do
l'ancien corps druidique, mais qu'elles ont été constituées depuis
quatre siècles au plus par des érudits gallois. Une partie de ces
doctrines est empruntée à des manuscrits dont le plus ancien,
parmi ceux que nous connaissons, n'est pas antérieur au XUU
siècle ; une autre partie est due à Timagination des néo-
bardes ; une autre dérive du christianisme et une autres enfin,
porte l'estampille de Tesprit pythagoricien.
TROISIÈME CHAPITRE
Les cÉRiMONiEs ny NÉODEurnisMH
Si nous passons en revu© l'ensemble des pompes extérieures
du néodruidisoae, nous y découvrons, daprès plusieurs caraC'
lères, qu elles ont été réglées et arrangées depuis la renaissance
bardique par des ordonnateurs ignorants (ou à peu près) de tout
ce qui touche au druidisme ancien /Il s*eD suit que le cérémonial
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actutl pst, pour ainsi dire» dans son ensemble, Tœjjivre d'esprits
imagioatifi.
Je commence par le dolmen* La cérémonie publique annuelle
doit se dérouler partie sut un dolmen, partie à l'entour, et ce
dolmen doit être, autant que possible, au milieu d'un cercle de
12 menhirs (cromlech). Il est proclamé, en effet, dans presque
tous les livres d'histoires (n'oublions pas Vs final, s'il vous platt)
à Tusage de la jeunesse, etc..., que les druides ^ tri^els et san-
guinaires » accomplissaient leurs cérémonies et sacrifiaient leurs
victimes sur les dùlmenjs- On montre encore les cuvettes et les
riffolês (! 1 1 !) « destinées à recevoir le sang des pauvres vic-
times » immolées aux divinités variées dont Chateaubriand et
Jean Eleynaod, sans compter les autres^ ont peuplé TQlympe
druidique. Or, toutes ces histoires de sacrifices et de cérémonies
mr les dolmens sont des contes à dormir debout ; on aurait pu,
sans danger pour la vérité historique, qe les jamais produire au
grand jour, pas plus, d'ailleurs, que le mot dolmen lui-môme
qui, sur deux syllabes^ ne renferme que deux barbarismes et qui,
puisqu'il a la prétention de signiAer « table de pierre » devrait
s'écrire taolvean (Léon), tolven (Cornouaille et Trégqier) ou taul-
ven (Vanoetais) des deux mots bretons taol, table, et mean,
pierre, an composition vean. Mais, puisque le terme de dolmen
est admis depuis longtemps, conservons cette appellation incor-
recte comme pendant au vocable « ovate », et voyons à quoi ont
servi les dolmens et les allées couvertes qui dérivent des dol-
mens. J'ai déjà effleuré cette question sommairement mais ile£t
ojécessaire d*y revenir. Quiconque a un peu le, ou un peu ob-
servé Mit que le dolmen ou l'allée couverte était, en réalité, une
chambre plus ou moins longue placée au seio d'une butte de
terre rapportée, & contour oblong ou circulaire, communément
désignée sous le nom de tumulus. Le mAme tumulus peut re-
couvrir plusieurs doimetis ou allées couvertes. L'énorme butte
artiflcielle dite le Mont Saint-Michel, à Gamac, est dans ce cas et
pffrje, de plus, une particularité que l'on retrouve ailleurs, par
exemple au Mané er hroek : elle est composée de blocs de pierre
amoncelés formant un galgal. D^autres fois, il y a, dans lacoas'
tion du tumulus. superposition d'une calotte de pierres et d'une
calotte de terre ou de vase ; la calotte de pierre conserve, en ce
cas, le nom de galgal et rensemble du monument celui de tu*
mulus. Les dolmens et les allées couvertes étaient toujours des
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204 REVUE DE BRETAéNB
caveaux funéraires ; à côté des ossements ou des restes ipciné;
rés, on y a retrouvé les objets caractéristiques de l'époque de la
pierre polie et de répoque du bronze. Ce ne seraient donc pas
des monuments celtiques (1) puisque, d'après les archéologues,
doivent être considérés a comme Celtes les peuples qui ont pro-
pagé la civilisation des époques d'Hallstadt et de La Tène^ c'est-
à-dire du premier et du second âge du fer (2) », âges qui sont
postérieurs & Tépoque du bronze et, par conséquent, à l'érection
des dolmens.
Vous savez aussi bien que moi que de nombreux dolmens et
ailées couvertes sont parvenus jusqu'à nous, non-seulement à
l'état de monuments complets, mais môme au sein de leur tu-
mulus. Ces amoncellements de terre^de vaseoude pierres étaient
donc élevés pour durer longtemps et Ton est en droit d'admettre
qu'à l'époque de la constitution du corps druidique, leur extérieur
était encore suffisamment intact pour cacher entièrement les
dolmens et les allées couvertes qui s'y trouvaient (3). Les dol-
mens n'étant pas visibles, comment les^ druides auraient-ils pu
y faire leurs sacrifices, y accomplir leurs cérémonies? Du reste,
pour en finir avec la question des dolmens-autels, qu'on me cite
une phrase d'un écrivain ancien^ ayant connu les druides^ où il
soit dit explicitement que les dolmens servaient aux sacrifices ou
aux cérémonies druidiques : cette phrase est encore à trouver et
le mutisme de ces écrivains à ce sujet nous permet de supposer
qu'eux-mômes ne connaissaient pas les dolmens (4).
(1) A propos des monuments mégalithiques M. G. Dormi fait remarquer (Ma"
nueîf p. 291-92} que les rêveries archéologiques « dues à Térudit anglais Stuke-
ley ne tardèrent pas à pénétrer en France. En 1805, Cambry exposa dans les
Monuments celtiques Texplication druidique des monuments mégalithiques. Les
dolmens seraient le signe des traités passés entre les peuples, Temblème de
i'tinion, de la stabilité de Timmatabilité. Les positions respectives des astres et
ieur correspondance avec telle ou telle partie de la terre seraient figurées par
des pierres disposées, de manière à donner Tidée de ces positions dans le ciel
«1 on ne peut douter que ces monuments symboliques n'aient été les premiers
t«mples. Tous les peuples, auraient imité les monuments druidiques à des époques
variées. L'historien Henri Martin adopta avec plus d'enthousiasme que de cri-
tique les théories aventureuses des savants anglais ». (Voir Hsnri Martin, i?fu(ftf#
d'Archéologie celtique, Paris, 1872.)
(2) G. DoTTiN, Manuel,^, 2.
(3) Relativement aux dolmens et aux menhirs voir P. du GBATXLLiBa,Ldj Époques
préhistoriques et gauloises dans le Finistère, 2* édition, 1907, introduction.
i4) M. le chanoine Abgrall m'a fait remarquer que certains de nos dolmens,
situés dans des endroits où le roc se montre à nu, paraissent n'avoir jamais été
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LE NEODRUIDISME
205
En résumé, on peut affirmer, d'après la préhistoire, que /es rfo/-
mens sont <ïune époque antérieure aux Celtes et aux Druides,
corps savant qui vécut au milieu des peuples celtiques; qu't75
n^ont rien avoir avec le druidisme et avec les peuples celtiques ; q u*t75
leur sont antérieurs, très antérieurs meniez et qu't75 n*ont pu être
connus des peuples celtiques et de leurs druides puisqu'à cette
époque ils étaient dissimulés sous des tumulus ou des galgals. Et
la conclusion des observations précédentes, c*est que le dolmen
ne rappelant en aucune façon le passé druidique, ni même celtique,
n'aurait pas dû être introduit dans les cérémonies néodridiques (1).
D'ailleurs, les monuments mégalithiques, en général, et les dol-
mens en particulier, étant répandus dans les pays divers les plus
éloignés les uns des autres^ il faudrait, si on les considère comme
druidiques, admettre qu'il y eut des druides unpeu partout, alors
qu'on n'en constate l'existence d'une manière certaine que dans
Textrôme ouest de TBurope.
Les seuls autels que les anciens druides de Gaule ou de Grande-
Bretagne ont pu connaître, ce sont ces petits autels monolithes,
plus ou moins sculptés, épigraphes ou anépigraphos, consacrés
à des divinités celtiques : Esus, sur Tautel de Paris ; CernunnoSy
sur Tun des autels du Musée de Gluny ; Sucellos, sur Tautel de
Trêves, etc.. (2) Ce sont des autels de ce genre donit vient peut-
larmontéf d'un tumulus. Je crois, pour mon compte, que ces dolmens aiaient
été érigés, couverts de leur enveloppe de terre, au milieu de forêts dont la des-
truction peut être attribuée aux Bretons qui peuplèrent notre pays quand ils
furent obligés de quitter le leur, au moment des invasions saxonnes ; les intem-
péries, en enlevant la terre qui entourait ces dolmens, auront terminé le travail
de dévastation que nos ancêtres avaient commencé. — Voir^ au sujet des dol-
mens non construits en pleine forât, c'est-à-dire n'ayant jamais pu être des autels
druidiques, l'intéressante étude de M. B. Pri^aubbrt sur Les Stations préhistoriques
palustres en Anjou dans le Bulletin de la Société d'Etudes Scientifiques d'Angers»
1906, p. 173.
(t) Il va sans dire que les inhumations dans les dolmens, par les druides,
chantées par les poètes modernes, n'ont pu avoir lieu pour la bonne raison,
toujours, qu'il n'y avait pî»s de druides à l'époque de l'érection des dolmens. Si
les druides ont présidé à des inhumations sous tumulos de restes incinérés, ce
fut à l'époque du fer ; mais, à cette époque, les tumulus sont de simples buttes,
ne renfermant pas de dolmens. Quand, par hasard, dans nos pays, on a constaté
dans une sépulture très ancienne (dolmen), de l'&ge de pierre ou de l'ftfe il h
bronze, une violation également ancienne, ce sont des débris gaUo-romain^
qu'on y a trouvés et non des vestiges nous reportant aux temps de la splend«'ur
des druides.
(2) A. Bbrtrani», la Religion des Gaulois^ p. 313-380*
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tO% ^ RBVUl DS BUXTAGNE
I
être nous parler Tacite comme existant en l'an e/Z de notre ère
à llîe d'Anglesey (i).
Il en est des menhirs comme des dolmens : ils ont été éleyés,
le plus sotiYetit, pour abriter des sépultures et ceiles-ci sont de
l*époque néolitliique (2). Quant aux aligoements mégalithiques
et aux cromlechs^ si ce sont des temples datant de l'époque néO"
lithique, on peut afflrmer, comme pour les menhirs, qu'ils n'ont
rien de druidique. Les vrais temples druidiques* nous le sa-
vons par le récit de Pline, clétaient les bois sacrés de chênes
rouvres (8). J'ajoute que Tédiflcatioi des cromlechs remontant
à la préhistoire, il est impossible de prouver scientifiquement que
ce sont des temples et même de leur assigner un usage quel qu'il
soit. Aussi, je ne saurais admettre ce qu'écrit M. Tabbé Bosswrd
ao sujet du cromlech qui, aux cérémonies bardiques de Caernar-
von, en 1900, entourait « la pierre de Logan » ou « trône de
Tarchidruide i*. Je crois que notre distingué compatriote a sim-
plement reproduit l'opinion de quelque Gallois enthousiaste, rê-
veur et gdbeur, comme ils le sont presque tous (4). Pour M. Tab-
bé Bossard « le eercle de pierres symbolise la paix. Dans Vanti^
quUi^ lorsque les dans étaient en guerre, le druide rétablissait
la paix et la proclamait au milieu d'un cercle identique (5) ». Or^
aucune assertion relative à un pareil usage des cromlechs n'existe
dans les historiens anciens et elle ne peut avoir germé que dans
l'esprit d'une espèce de Jean Reynaud dont M. l'abbé Bossard
aura suivi l'opinion, sans penser qu'on l'induisait en erreur.
Passons maintenant aux trois catégories qui composent' le
corps druidique et posons-nous une question. Pourquoi les
membres du corps néodruidique ont ils été revêtus ; les druides
de toges blanches ; les bardes de toges bleues et les ovales de
toges vertes? Est-ce qu'il est question de ces couleurs distinctives
dans les écrits de ceux qui ont connu les druides, comme
Poseidônios, César, Diodore de Sicile, Timagène, Tacite et Pom-
(1) Tàoitk, Annales j XIV, 30 : « ezciti luci amfiê fap«r«titioniba8 sacri,
efflorê eapiivo adolere aras et hominam fibris eoninlere deos fas habêbant. »
(2) Du CflATiLLiSR, Les Epoques préhistoriques et gauloises, introdacuoo.
(3)PLnni, XVI, Î49-251.
(4) Le Galloif,«ii etfot, est faaUemént léjoué^ d'nne impaliion qui moûtreches
lui un manqué de sens critique : c*est à cette cause que Tod doit rattacher le
mouTement irraisonné connu sous le nom de réveil dont le Pays-de-Oalles a été
le théâtre Ces dernières années et dont les jonrnanx d*outre-mer ont longnement
raconté les différentes phases.
(5) Âbbé Bossâkd, L'Evolution des Celtes, p. 16,
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|*E SEODSUIDISME gOÎ
ponlus Mêla ? Tout au plus, peut-oo admettre que les droides,
encer laines circonstances, portaient un vêtement Mane. Pline le
dit positivement à propos de fa cueillette du gui (1). Mais nulle
part on ne lit que les ovates et les bardes du druîdisme ancien
portaient des tuniques ou des togei, vartes pour les premiers ;
bleues pour les seconds. Quant au Jéiail du costume des trois
ordres du corps druidique ancien, on rignor6(t). Cependant
Fou trouve dans Martial le mot bardo-cucuîius (capuchon de
barde) {B). Aussi doit-on regarder la tenue officielle des trois
ordres du néodruidisme comme arbitraire. M* 1 abbé Bossard, il
est vraij a tenté de donner de ces couleurs rexplication Suivante :
« la robe blanche des druides est le symbole de la vérité ; celle
des bardes, bleue comme le ciel, celui de la poésie et de la litté-
jature* La couleur verte des ovates ou savants ressemble à celle
des herbîiges dont les vertes pousses signifient les progrès indé-
fînis de la science f^ (4). J'ignore le nom et fa qualité de Tinsu-
lalre qui a fourni à M. Tabbé Bossard les éléments de cette
théorie ; mais je suis forcé de reconnattre que, malgré son ingé-
niosité, elie est tout à fait insufdsante.
Il va sans dire que les positions respectives des druides, bardes
et ovates au cours des cérémonies néodruidiques ne sont pas,
non plus, empruntées à des documents ou à des témoignages
anciens.
C'est à tort également, selon moi, que Ton n'admet guère les
femmes qu'à titre d'ovalesses dans le corps néodruidique. 11 n'est
pas question d'ovatessesdans les historiens grecs et latins, mais
il y est parlé de druidesses et de poitesses^ Les premières sont
désignées dans la vieille lilt^'^rature irlandaise sous le nom de
ban-drui, tandis que les ovatesses y reçoivent le nom de èan~
filé [5).
Notez que je ne crois pas à la qualité de druidesses des neuf
vierges {jjaliizenm) dont parle Pomponius Mêla comme hnbitant
dansunt^ îlu de la merde Brat&gnCp vis-à-vis des côtes desOsis-
(1) Plink. XXI, 95,
(i) Et ponrUat il ne manque p&i d« compoiîtian^ modernei repréientaDt dat
druidfsa ou d«a flcènea dniidiquei,.,
(4) Abbé Bpsisard, VEr^ùluiiùn dés Celtu, p* 96. '
(5) 0. Dottum. Manuel, p, îB6.
*^
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• «
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.—F
s
ton RBVUB DB BRBTAGNB
mi (1). Quant aux prétendues druidesses (les dryades) consultées
en Qaule par Alexandre Sévère, Aurélien et Dioclétien, c'étaient
de simples diseuses de bonne aventure. Celle de Tongres, qui
aurait promis l'empire du monde à Dioclétien, était une auber-
giste (2). Pour les prétresses du culte bacchique qui, selon Po*
seîdônios, vivaient dans une île à l'embouchure de la Loire, il
n'est dit nulle part que ce fussent des druidesses.
Quoi qu'il en soit, il y a eu des druidesses et des bardasses dans
le druidisme ancien : pourquoi donc les ordonnateurs du néo-
druidisme ont-ils mis des restrictions à l'accès des femmes aux
deux degrés les plus élevés de la hiérarchie druidique qui leur
appartenaient sans conteste, et créé, à leur place, un degré infé-
rieur d'où on ne les sortira que par une espèce de faveur ? Ici en-
core^ le manque d'érudition véritable des ordonnateurs du néo-
(iruidisme se manifeste avec éclat.
Passons k la bannière néodruidique. Elle devrait être blanche
(couleur druidique) sans adjonction d'une bande verte et d'une
bande bleue et, de plus, sans aucuns motifs d'ornementation, tels
que: le dolmen, qui n'est pas druidique, comme je l'ai démontré ;
le symbole des trois-rayons et celui des cercles de l'existence et
du non-étre qui sont d'origine néodruidique. Tout au plus, cette
bannière devrait-elle porter le nom du groupement auquel elle
appartient, mais le mieui serait de la supprimer, car, en aucun
passage des écrivains contemporains des druides, il n'est dit que
ceux-ci marchaient à la suite d'une bannière.
Au contraire, la harpe, y delyn, paraît avoir été adoptée avec
raison par les bardes gallois. A l'exclusion de tout autre instru-
ment de musique, les bardes de l'antiquité, nous apprend Dio-
dore^ se servaient d'une espèce de lyre. M. d'Arbois de Jubaio-
vtlle (3) suggère que c'est peut-être la crotia dont le nom se trouve
dans un vers de Fortunat, au VP siècle de notre ère :
. . . Chrotta Britanna canat. (4)
C'est d'autant plus possible que le nom de la crotta se trouve
dans un manuscrit du XI* siècle de Trinity Collège, à Dublin,
manuscrit dont Toriginal datait du VI* siècle :
^1) PoMPONius BiiLi, Chrorographia^ III, 6, 18.
(2) G. DoTTiN, Manuel, p. 284-28H.
(3) D'Arbois db Jubàiiiyillb, Littérature celtique, tome, 1, p. S5.
Ik) FoRTUlfÀT, VII, 8.
4.
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LK IfÉODRUIDISMB 300
Is croit cen cheis, i$ chell cen abait. (C'est une crotia sans ceis,
c'est «in monastère saifs abbé) (i).
Il n'est pas, non plus, question, dans les auteurs anciens, de
l'emploi du korn-hirlas, ou coupe à boire, dans les réunions drui-
diques. Quant au gui, dont on met des fragments dans le kom-
hirlas, son rôle a été dénaturé par des légendes dues à des écri-
vains modernes. Son emploi n'avait rien de particulièrement drui-
dique et, de plus, il n'était pas spécial à la Gaule. Je laisse à ce
sujet la parole à notre illustre compatriote A Bertrand (2) :
<x bien des folies ont été écrites à ce sujet (3j. Le mot n'est mal-
heureusement pas trop fort... M. Henri Gaidoz a fait justice de
ces rêveries dans un spirituel article paru dans la Revue de V His-
toires des Religions j t. II, p. 68-81. Je vous le recommande :
La cueillette du gui « est, dit-il, un fait de mythologie bota-
« nique auquel les croyances populaires de tous les peuples offrent
« de nombreux parallèles. Le gui jouissait en Germanie du même
« prestige qu'en Gaule ; il n'appartenait donc pas en propre au
« Gaulois. »
Conclusion : l'usage du gui n'étant pas particulier aux anciens
druides, le néodruidisme ne devrait pas s'en servir. Je crois de-
voir citer à ce propos l'intéressant passage où Pline nous décrit
la cueillette du gui (4). « Il ne faut pas oublier, dit-il, l'admira-
tion que les Gaulois ont pour cette plante. Aux yeux des druides
(c'est ainsi qu'ils appellent leurs mages) rien n'est plus sacré que
le gui et l'arbre qui le porte, si toutefois c'est un rouvre; le rouvre
est déjà par lui-même Tarbre dont ils font les bois sacrés; ils
n'accomplissent aucune cérémonie religieuse sans le feuillage de
cet arbre, à tel point qu'on peut supposer au nom de druide une
étymologie grecque (5). Tout gui venant sur le rouvre est re-
(1) D'Akbois dm Jubainyillb, lÀUéraiure celtique^ tome, I, p. 56.
(2) A. Bbrtrand, La Religion des Gaulois, p. 134 et 13^.
(3) Voir, notamment, les théories mystiques d*HBNRi Martin au sujet du gai
dans le T. I. de son Histoire de France.
(4) Plinb, Histoire naturelle, XXI, 95.
(6) M. G. DoTTiN écrit à ce sujet (Manuel pour servir à l'étude de Vantiquité
celtique, p. 268) : « le nom de druide n'a pas trouTé une explication satisfaisante
dans les langues celtiques (voir toutefois une étjmologie de R. Thurneysen chez
H. d'Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique, t. VI, p.9S, note). Il est
probable que les auteurs grecs qui écrivent druidai ont transcrit le nom latin
druid», L*étymolog*e par le grec drus « chêne », qui faisait des druides « les
hommes des chênes » a tenté bien des éoivains depuis Pline TAncien. On pour-
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tu
REVUB DE BRBTAaN£
gardé comme envoyé du ciel ; ils pensent que c^est un aigne de
rélecUon que le dieu même a faite de Tarbre. Le gui sur le rourre
est extrêmement rare et, quand on en trouve, on le cueille avec
un très grand appareil religieux. Avant tout» il faut que ce soit
le sixième jour de la lune, jour qui est le commencement de
leurs mois, de leurs années et de leurs siècles qui durent trente
ans ; jour auquel Tastre, sans être au milieu de son cours, est déjà
c'ans tonte sa force. Us l'appellent d'un nom qdi signifie remède
universel. Ayant préparé, selon les rites, sous Tarbre^ des sacri-
fices et uu repas, ils font approcher deux taureaux de couleur
blanche, dont les cornes sont attachées alors pour la première
fois. Un prêtre vêtu de blanc monte sur l'arbre et coupe le gui
avec une serpe d'or; on le reçoit sur une saie blanche ; puis on
immole les victimes en pritot que le dieu rende le don qu'il a
fait propice à ceux auxquels il raccorde. On croit que le gui pris
en boisson donne la fertilité atout animal stérile et qu'il est un
remède contre tous les poisons, tant d'ordinaire les peuples ré-
vèrent religieusement des objets frivoles. » J'ai tenu à reproduire
ce passage de l'auteur lalin parce que, s'il nous indique les vertus
du gui en médecine vétérinaire et en médecine humaine, il ne
nous dit pas que sa précieuse macération (ou infusion?) ait été
employée au cours des cérémonies druidiques. Mais ce qu'il
nous dit et ce que les premiers ordonnateurs descérémonies néo-
druidiques paraissent avoir quelque peu oublié, c'est que « le
rouvre... est l'arbre dont ils font les bois sacrés; ils n'accom-
plissent aucune cérémonie religieuse sans le feuillage de cet
ardre». Dans ces conditions, le néodruidisme aurait dû adopter
comme plante sacrée le cuÈNttau lieu duom. OrTarchidruide^^
est couronné de chône : c'est insuffisant et tous les membres du
corps néodruidique auraient dû, au moins, en porter un rameau,
dans les cérémonies, pour se rapprocher de la vérité historique.
De même l'enceinte sacrée aurait dû être limitée par des chênes
et non par les pierres d'un cromlech.
Mais les premiers ordonnateurs du néodruidisme n'ont- ils pas
oublié autre chose? Où est, en effet, la serpe d'or dont se servait
un prêtre vêtu de blanc pour détacher le gui du chêne nourri-
cier ?
rait songer à une tradnoiion ou nne étymologie populaire grecque d*un nom
celtique ignoré ai le mot drui n*apparaiMait pas dans le a textes les plui anciena
de la littérature irlandaise. •
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LE l4E0DRUm)SH£ 211
Parmi lesobjeU employés dans les cérémonies publiques du
néodruidisme» il me reste à parler dû glaive. C'est encore le
néodruidisme qui a introduit daas les cérômoaies bardiques ce
glaive qui est, d'ailleurs, une épie. Si les druides fautois sont
allés à la gaerre de boD gré, mais saos obligation ; si les druides
irlandais ont été astreints au service militaire, i'épée n'était pas,
pourtant, un attribut essentiel du corps druidique, mais bien de
la chevalerie, A langueur, oo pourrait supposer quVlie jouait tan
rôle dans les sacrifices humains^. Mais 11 faut en rabattre de ce
que nous racontent, à propos des sacrifices humains, lesmauuels
d'histoires (toujours avec un s) à Fusage de la jeunesse, etc.*.
Jules César nous dit bien que les Gdulois immolent des
victimes humaines et q je *( les druides leur servent de ministres
dans ces sacriflces (1) » ; mais, par contre» Tacite» parlant des sa-
crifices humains accomplis dans i1le actuelle d'Âoglesey (2), ne
dit pas du tout qu'ils étaient ofTertg par les druides et nous sa-
vons qu'en Qiule, d'après Diodore de Sicile, ils étaient laissés
aux soins des devins {mantÊis)[Z]. Mais les Gallois eux-mêmes
ont pris soin de montrer que le « gïaive » du néodruidisme n'é-
tait pas celui des anciens druides. N'est-ce pas des Gallois qui^
en 1902 et en 1006, ont dit à M. Le Fustec, d'une part, à M. l'abbé
Bossard» de l'autre, que ce f< glaive » était « le glaive d'Ar-
thur (4) » et « ia grande épée d'Arthur i> (5)* Ce héros illustre ne
s'attendait pas, lui qui n'avait rien d'un druide, à voir sa célèbre
Caledvtoich, (la bien trempée), la Durandal bretonne, devenir un
attribut du néodruidisme! Mais l'assimilation du ^ glaive ^> ac-
tuel à r « épée » ou au t glaive d'Arthur » est d'autant plus inad-
missible quB, comme nous l'apprend le roman La élort d'Ârius^
après la défaite de « Salebière » h prince breton, désespéré, fit
jeier dans un lac smi épée Caledvwkh. A ce moment, ajoute le
récit, une main mystérieuse brandit trois fois la fameuse épée
hors de Tonde ou, finalement, elle disparut à jamais (6), Com-
(f ) G. Oi«A^, De Bello Gallico, VI.
(i) Tagiti, Anmtteâ, XIV, 30.
(3) Dioi>oe.B DB SioiLB, V, 3, I Sp
(4) G. Lb Fustbc, Le Rév&il de la ram^ p. 113,
(5) Abbé BoasARD, VEmluiion dei Celtes, p. &6.
(6) On lir& avec intérêt et proQt, au sujet d'Arlbur, le chapitre V du tome 1*'
de La FùTii de BréchëHani oeuvre conaidêrabk due k mon reg-ratU maître, le j
profeusnr E'\ Bbllj^mt, d& rUnÎTeraité d« Rânaes, im eus meilleurs etpriU que I
le XtX* sîèeie ait donné à la BreUgae, un rrai BretoEi dont i« aa¥oir égalait la
mode! tie et qui avasl étudié Boigneusement le c|oLe art iiu rien.
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3iS< RJSVUB DE BRETAGNE
ment, dans ces conditions> le oorps néodruidique pourrait-il la
posséder encore, d'autant plus qu'on ignore le nom du lac où fut
jetée cette épée?
Je n'insisterai pas sur le rituel suivi dans* les cérémonies pu-
bliques du néodruidisme : ses premiers ordonnateurs, en effet,
n'en trouvant aucune indication dans les écrits] de l'Antiquité,
ont dû I^ créer de toutes pièces au gré de leur imagination de
Gallois : de leur manque de critique et de leur enthousiasme est
sorti ce rituel.
Résumons maintenant cette étude sur les cérémonies du néo-
druidisme.
F^n fait d'éléments empruntés à l'Antiquité nous y trouvons la
couleur blanche du vêtement des druides, la harpe, le chêne et
le gui. Pour l'habillement des druides, si la couleur est tradi-
tion ne!le, la forme est néodruidique. Le chêne, nous l'avons vu,
était l'arbre sacré des anciens druides et parait avoir joué dans
leurs cérémonies un plus grand rôle que dans le néodruidisme.
Quâotau gui, s'il était employé du temps des anciens druides,
on sait que son emploi n'était^pas exclusif et qu'il était usité chez
les Germains qui n'avaient pas de druides.
Mais, h côté de ces quelques éléments plus ou moins emprun-
tés à l'Antiquité, les cérémonies néodruidiques renferment des
unachronismes, des invraisemblances, des innovations et offrent
aussi des lacunes qui nous empêchent de les faire remonter au
druidisme ancien.
Parmi les anachronismes, je note l'usage que fait le néodrui-
disme, du dolmen, des menhirs et du cromlech. J'ai bien démon-
tré, je crois, queces monuments Eqégalithiques datant de l'âgede
la pierre polie ou de l'époque du bronze ne pouvaient être rap-
portés aux populations celtiques apparues beaucoup plus tard,
aux épogùes de Hallstadt et de la Tène, c'est-à-dire au premier
et au second ftge du fer(l). J'ai rappelé tout particulièrement
que les dolmens et allées couveries étaient des caveaux funé-
raires ; qu'ils avaient été cachés parles populations néolithiques
f t de l'époque du bronze sous des tumulus, des galgals ou des
galî^als-tumulus qui leur avaient permis de braver les injures
du temps; que, puisqu'ils étaient ainsi dissimulés au temps où
(I) Cm populations ont élevé des tumulus dits de l'âge du fer» mais on n'y
rea contre rien qui rappelle les belles chambres des mégalithiques ou à eôtés ma-
çon nés de Tàge de la pierre polie ou de Tépoque du broDse.
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LE NÉODRUlDlSlfJB 213
se développaient les populations celtiques et le, druidisme, ils
n'avaient pu servir à des cérémonies ou à des sacrifices ; et que,
d'ailleurs, ils ne caractérisaient pas le druidisme puisqu'on les
rencontrait dans les contrées les plus' diverses et les plus
éloignées, en des pays où il y avait eu des druides, comme en
d'autres où les druides étaient inconnus. J'ai, enfln, i:appelé que
les vrais autels gaulois, ceux que^ les druides ont connus,
étaient monolithes^ plus ou moins sculptés et ne ressemblaient,
par conséquent, en rien aux dolmens. Voilà pour les anachro-
nismes.
Gomme invraisemblance, j'ai noté la présence aux cérémonies
néodruidiques de 1' a épée » ou glaive d'Arthur » ; j'ai rappelé le
passage absolument catégorique du Roman d'Arthur où il est
dit qu'après la défaite de Camlan, le héros fameux fit jeter dans
un lac sa célèbre épée Caledvwlch. Depuis si longtemps il est à
présumer qu'il n'en reste rien.
Les innovations néodruidiques ont porté sur le costume des
trois ordres, sur la bannière et, enfin, sur le rôle des femmes
dans le néodruidisme.
Les couleurs distinctives de Tordre des bardes et de celui des
ovates sont, en effet, nous l'avons vu d'origine néodruidique, de
môme que la coupe du costume des trois ordres sur laquelle les
auteurs anciens ont négligé de nous renseigner, sauf en ce qui
concerne le capuchon de barde [bardo-eucullus).
Elle est également une G^uvre de fantaisie cette bannière néo-
druidique qui, à la couleur blanche des druides, joi^t les couleurs
bleue^et verte des bardes et des ovates du néodruidisme et qui
s'orne, en outre, du dolmen, du Symbole des trois rayons, des
cercles de l'existence et du non-étre, objets, symboles et signes
que nous ne trouvons pas dans le druidisme ancien.
Innovation, enfin, cette tendance du néodruidisme à rytreindre
pour les femmes l'accès aux rangs de bardesse et de druidesse
que le druidisme ancien leur attribuait cependant, alors qu'il n'y
est pas question d'ovatesses.
En dernier lieu, je rappelle ici les lacunes des cérémonies
néodruidiques. Au lieu du cromlech ou de tel autre « temple »
d'une authenticité douteuse et, en tout cas, inutile, il aurait
fallu pour cadre au néodruidisme des bois sacrés de chônes
rouvres qui étaient, nous le savons, les seuls temples du drui-
disme ancien. Lacune encore, cette restriction à l'emploi du
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t14 RBVUB D8 BRETAGNE
feuillage de ehèoe rouvre qui, au contraire de ce qui se passait
dans le druidisme ancien, ne sert plus qu*à couronner l'archi-
druide dans lenéodruidisme. Lacune encore, l'absence de cette
faucille d'or, qui jouait pourtant un certain rôle dans la seule
cérémonie du druidisme ancien dont la description détaillée soit
parvenue Jusqu'à nous.
Bst-ceque ces anachrooismes, ces invraisemblances, ces inno-
vations et ces lacunes que nous observons dans les cérémonies
néodruidiques ne nous démontrent pas clairement, à leur tour,
la non continuité du druidisme ancien et du néodruidisme, en
même temps que l'ignorance, la fantaisie et le maiique de critique
des premiers ordonnateurs du néodruidisme ?
Au total, nous avons vu le druidisme ancien traîner une exis-
tence misérable et disparaître en Gaule à la suite des édits de
Tibère et de Claude. Dans Tlle de Bretagne, les druides disparu-
rent, eux aussi, d'assez bonne heure, avant ceux d'Irlande. Les
bardes subsistèrent disséminés et très effacés en Gornouaillt^
anglaise ^t en Bretagne-Armorique ; en Irlande ce fut pire et on
les méprisa ; en Pays-de-Galles, malgré les honneurs qu'ils re-
çurent, ils vécurent pendant des siècles dans un état de servitude
mal dissimulé ; leur principale et même leur unique fonction
était de servir à Tamusement des rois^ des grands et, plus encore,
/des paysans ; ce ne serait y\ne vers ISOO qu'ils se seraient
réunis en une assemblée qui aurait élu le premier archidruide (?)
nommé dit-on Trahaiarn Mor et aurait jeté par là même les
bases du néodruidisme pour lequel les bardes du XVIII* siècle,
en particulier, prépareront des parchemins. En Irlande, pendant
que les druides disparaissaient, que les bardes étaient accablés
de railleries, Tordre des filé acquérait un éclat que ne connurent
jamais les vales gaulois ou bretons : néanmoins ils disparurent
à leur tour, et avec eux, ce qui restait du druidisme sur le^ sol
d'Erin.
Nous avons vu ensuite que le corps de doctrines sur lequel
s*appuie le néodruidisme n'avait pas de profondes racines dans
le passé du peuple gallois et encore moins dans Tantîquité cel-
tique. En ce qui concerne les triades philosophiques nous y avons
trouvé une juxta-position d'éléments disparates : aux idées py-
thagoriciennes s'y mêlait l'esprit chrétien. Nous avons reconnu
qu'il existe entre le druidisme ancien et le néodruidisme une in*
terraption de plusieurs siècles.
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Lt NÉODRUlDtSME Îl5
pour terminer nous avons éttidté le cérémonial da néodrui-
disme et constaté que ses éléments dénotaient une ignorance à
peu prt s complète des écrits des contemporains concernînlls
druidisma ancien^ avec, & côté de cala, des iovraisemblaT^ces^
des anaohfonismes et des innovations qui nous témoignent de la
non continuité des traditions entre le druidisme ancien et le néo-
druîdisme.
{Pin), i D^ C. A. Pigqubnard,
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LES ÉLECTIONS DU TIERS-ÉTAT
DANS LES PAROISSES ANGEVINES
' DU DIOCÈSE DE NANTES
(1789)
Im-
m
ï
Avant la Révolution, les 17 paroisses suivantes relevaient au
spirituel du diocèse de Nantes, mais faisaient partie au civil de
la province d'Anjou : Ghamptoceaux, la Gornuaille, Drain^ Frei-
gné et sa trêve Beaulieu, Le Fuilet, Landemont et sa trêve Saint-
Sauveur, Lire, Montfaucon (Notre-Dame), Montfaucon (Saint-
Jean), Montfaucon (Saint-Jacques), la Renaudière et sa trêve le
Plantis, Saint-Christophe-la-C3ouperie, Saint-Crespin, Saint-Ger-
main-sur-Moine, Saint-Laurent-des-Âutels, Tilliers, la Varenne-
sous-Champtoceaux.
Au point de vue ecclésiastique, toutes ces paroisses dépendaient
du doyenné de Glisson, excepté la Gornuaille et Freigné qui si-
tuées sur la rive droite de la Loire faisaient partie du doyenné de
Ghàteaubriani^. Il en fut ainsi jusqu'au 6 juin 1802, jour de l'ins-
tallation du premier Bvêque concordataire d'Angers. A partir de
ce jour, ces paroisses furent annexées au diocèse d'Angers. Les
trois paroisses de Montfaucon-sur-Moine furent lors de la réorga-
nisation du culte réunies en une seule ; par contre, Saint-Sauveur-
de-Landemont fut érigé en paroisse indépendante.
Depuis leGoncordat^ Ghamptoceaux, Drain, Landemont, Lire,
Saint-Ghristophe-ia-Gouperie, Saint-Laurent-des-Autels , Saint*
Sauveur-de-LandemontetlaVarenneont fait partie du canton ec-
clésiastiquedeDrain;enl906,ces8paroissesontétécomprisesdan8
le doyenné deGhamptoceaux. Depuis 1802 jusqu'aujourd'hui, la pa-
roisse du Fuilet dépend du canton ecclésiastique ou doyenné de
Montrevault. Le canton ecclésiastique ou doyenné de Montfaucon
comprend depuis le Goncordat les paroisses de Montfaucon, la Re^
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LBS ÉLECTIONS DU TIEHS-ÉTAT ^17
naudière, Saint-Crespin» Saint-Germain-sur-Moine et Tilliers.
La paroisse de> la Gornuaille relève du canton ecclésiastique ou
doyenné du Louroux-Réconnais depuis 1802. Enfin la paroisse
de Freigné a toujours fait partie du canton ecclésiastique ou
doyenné de Gandé depuis le Concordat.
Au point de vue judiciaire, toutes les paroisses dont nous nous
occupons, relevaientde la sénéchaussée d'Angers. Ghamptoceaux,
Drain, Le Puilet, Lire, Saint-Ghristophe-la-Gouperie, Saint-Lau-
rent-des-Autels^ Saint-Sauveur-de-Landemont et la Varenne ont
dépendu du tribunal deBeaupréau de 1790 à 1859, et depuis cette
époque elles font partie du ressort du trit»unal de Gholet. Mont-
aucoUyla Renaudiôre, Saint-Grespin, Saint-Germain-sur-Moine
etTilliers on fait partie du ressort du tribunal de Gholet (1790-
1795), du tribunal de Beaupréau (1795-1859), et enfin du tribunal
de Gholet (18691909). La Gornuaille a successivement relevé du
tribunal d'Angers (1790-1797), du tribunal de Segré (1797-1800) et
du tribunal d'Angers (1800-1909). Au contraire, Preigné a toujours
été dans le ressort du tribunal de Segré.
Au point de vue administratif, toutes les paroisses angevines
du diocèse de Nantes dépendaient de Télection d'Angers (1). Lors
de la création du département de Maine-et-Loire, le 4 mars 1790,
ces paroisses furent partagées entre quatre districts. Ghampto-
toceaux, Drain, le Fuilet, Lire, Saint-Ghristophe-la-Gouperie, Saint-
Laurent-des-Autelg, Saint-Sauveur-de-Landemont et la Varenne
firent partie du district de Saint-Florens-le- Vieil. Le district de
Gholet comprit Montfaucon, la Renaudière, Saint-Grespiq, Saint-
Germain-sur-Moine et Tilliers. La paroisse de là Gornuaille fut
flînnexée au district d'Angers, et enfin Preigné à celui de Segré. —
Supprimés en 1795. les districts furent rétablis en 1800 sous le
nom d* arrondissements. Ghamptoceaux, Drain, le Puilet, Lande-
mont, Lire, Montfaucon, la Renaudière. Saint-Ghristophe-la-Gou-
perie, Saint-Grespin, Saint-Germain-sur-Moine, Saint-Laurent-
des Autels, Tilliers et la Varenne ont fait partie de l'arrondisse-
ment de Beaupréau depuis 1800 jusqu'en 1857, et depuis lors elles
dépendent de Tarrondissement de Gholet. La Gornuaille relève
(1) L'élection d'Angers ayant été partagée en six districts à la fin de l'année 1787,
tontes ces paroisses firent partie da district de Beaupréau, excepté la Cornnaille,
qui releya du district de Saint-Georges-sur Loire» et Freigné qui fut compris
dans le district de Segré.
Avril 1909 le
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âi8 hbVub de ûrbtàgnb
de Farrondissement d'Angers depuis 1800, et Freigné de celai de
Segré depuis la même année.
Voici les cantons dont font partie depuis 1790 les paroisses an-
gevines du diocèses de Nantes. Champtoceaux^ Drain et la Va-
renne sont compris dans le canton deChamptoceaux depuis 1790.
La Cornuaille dépend depuis la môme époque du canton du Lou-
roux-Bécoonais, et Preigné de celui de Candé. Le Puilet relève
également depuis 1790 du canton de Motrevault. Lire a fait partie
du canton de Bouzillé en 1790, et dès Tannée suivante cette pa-
roisse était comprise dans le canton de Champtoceaux. Mont-
faucon-sur-Moine, Saint-Crespin et SaintGermain-sur-Moine
sont du canton de Montfaucon depuis l'origine. La Renaudière^
d'abord du canton de Villedieu (1790-1791) et du canton de Saint-
André-de-la- Marche (1791-1801), fait partie depuis 1801 du canton
de Montfaucon. Saint-Ghristophe-la-Gouperie, SaintJ^aurent-des-
Autels et Saint-Sauveur-de-Landemont (1), d'abord du canton de
Saint-Ghristophe-la-Gouperie (1790-1791), appartiennent depuis
1791 au canton de Champtoceaux. Enfin Tilliers fit partie du can-
ton de Villedieu de 1790 à 1791 et depuis lors de celui de Mont-
faucon.
Le 24 janvier 1789, parut la lettre royale pour la convocation
des Etats généraux. Louis XVI y avait annexé un règlement,
qui entrait dans tous les détails des élections pour les trois ordres.
Le soin de faire publier en Anjou la lettre et le règlement de Sa
Majesté incombait au grand sénéchal d'épée ; mais ce dernier
n'avait pas un titre légal et régulier, ayant négligé la formalité
dispendieuse de Tenregistrementdes lettres patentes. G'était au
lieutenant général de la sénéchaussée principale de la province
à remplacer le grand sénéchal; or depuis la mort de M. de
Marcombe, en 1780, cette charge était demeurée vacante à
Angers, et le lieutenant particulier, M. Milscent, en remplissait
les fonctions.
Le 14 février, une ordonnance du lieutenant particulier de robe
longue de la sénéchaussée principale d'Anjou enjoignit au pro*
(l) Landemoni et Saini-Sanvenr-de-Landemont ne formaient à Torigine qu^nne
■eule paroisse au spirituel comme au temporel. Le che(-lien de la commune ap«
partial h Landemont k partir de 1800. Maïs Saint-SauTeur-de^Landemont a éU
érigée en commune indépendante en 1824.
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LES ÉLECTIONS DU TIERS-ETAT 210
cu^eur du roi de publier la lettre et le règlement du souverain
en môme temps que son ordonnance, dans les villes, bourgs,
villages et communautés du ressort de la sénéchaussée d'Angers.
Voici les dispositions relatives au tiers-état, le seul ordre dont
nous ayons à nous occuper ici.
Les maires, échevins et autres officiers municipaux des villes,
bourgs, villages et communautés^ devaient ôtre sommés par un
huissier royal de faire lire et publier au prône de la messe pa-
roissiale, et aussi à la porte de l'église après la messe^au premier
jour de dimanche qui suivrait cette notification, la lettre du roi,
le règlemeat y annexé et l'ordonnance. Au plus tard huit jours
après ces publications, tous les habitants du tiers-état, âgés de
25 ans, domiciliés, et compris aux rôles des impositions, étaient
tenus de s'assembler au lieu accoutumé. On y devait d'abord
procéder à la rédaction du cahier de plaintes, doléances et re-
montrances qu'ils entendaient faire au roi. Cette opération faite,
les membres du tiers devaient élire à haute voix, parmi les plus
notables du bourg ou de la communautés un nombre de députés
déterminé par l'article 31 du règlement. Les députés étaient
chargés de porter le cahier de plaintes et de doléances à une
assemblée préliminaire tenue au chef-lieu de la sénéchaussée. A
cette assemblée, les députés des paroisses devaient fondre tous
les cahiers en un seul, puis désigner le quart d'entre eux pour
faire partie de l'Assemblée générale.
Ces nouveaux élus étaient chargés de porter le cahier de la sé-
néchaussée à l'assemblée plénière des trois Etats, qui avait été
fixée à Angers, le 16 mars. — L'ordre du Tiers, réuni en séance
particulière, procéderait ensuite à la rédaction d'un seul cahier
pour les cinq sénéchaussées, et élirait enfin les députés aux
Etats-Généraux.
En conséquence, des huissiers signifièrent leurs exploits dans
les derniers jours de février et les premiers du lùois de mars.
Les paroisses de la sénéchaussée d'Angers firent leur réunion
le dimanche 1*' mars ou le dimanche suivant, et le 9 mars les dé-
putés, munis des cahiers et deslprocès-verbaux constatant leurs
pouvoirs^ se présentèrent à l'assemblée tenue dans l'église abba-
tiale de Saint-Aubin d'Angers.
Voici les noms des députés des paroisses qui appartenaient au
diocèse de Nantes. Chaque paroisse devait avoir au moins deux
députés, troi&au-dessusûe 200 feux, quatre au^dessusdeSOOfeox^
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-T
^?n REVUE DE BRETAGNE
Champtoceaux. — Pierre-Jean-Louis Chetou, bourgeois ;
Robert-Louis Michelin, médecia ; Yves Morin, notaire.
La Cornuaille. — Louis Gigault de 'la Giraudais, bourgeois;
François Godard, marchand ; Julien Albert, marchand.
Drain. — Louis-François Métivier, marchand ; André Pequin ;
Pierre Renou.
Freigné. — Jacques Juin, médecin ; François Gaudin de la
Mazur, négociant ; René Bongerard.
Le Fuilet, — Charles OUivier; René Lépine ; Pierre Boiziau.
Lire, — Jean-Julien Duchône, notaire ; Jacques Terrien, mé-
tayer; Julien Jouis, fermier.
Montfaucon. — Joseph-René-Léonard Radigon de la Verderie,
notaire; Alexandre Girard, procureur fiscal.
La Renaudière. — André Bretaudeau ; Mathurin Dabin.
Saint-Christophe-ta-Couperie. — François Petiteau; Louis Coi*
gné.
Saint'Crespin. — Simon-Charles Clémot-Delahaye, avocat;
Joseph-Pierre Gourdon.
Saint'Gèrmaifi'Sur'Moine — François Chauveau, meunier ; Jo-
seph Raffegeau, sabotier.
Saint'Laurent'deS' Autels. — Jean Goguet, marchand de vin ;
René Javelot, marchand tisserand ; Julien Cussonneau, métayer.
Saint-Sauveur-de-LandemonL — Pierre-Henri Papin, notaire;
Louis Housset ; Jacques Samson.
Tilliers. — François Brouard, bourgeois ; Pierre Papin ; Joseph
Fleurance.
La Varenne. — Jacques Mainguy^ marchand ; Jean Pauvert,
métayer; Pierre Rondeau, marchand.
Après le discours du président, eut lieu la vériScation des
pouvoirs. Puis tous les membres prêtèrent serment de procéder
avec fidélité à l'élection de ceux qui représenteraient la séné-
chaussée d'Angers à TAssemblée générale, et à la réduction de
leurs cahiers en un seul^. Voici parmi nos députés ceux qui furent
désignés par les suffrages pour faire partie de l'assemblée du
16 mars : Chetou, Michelin et Morin^ de Champtoceaux ; Gigault
da la Giraudais, de la Cornuaille ; Métivier, de Drain ; Juin et
Gaudain de la Mazur, de Freigné ; Duchéne, de Lire ; Radigon
de la Verderie et Girard, de Montfaucon ; Clémot-Delahaye, de
Saint-Grespin ; Papin, de Saint-Sauveur-de-Landemont; Brouard,
de Tilliers. On nomma ensuite une commission de 26 membres
k.
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LES ÉLECTIONS DU TlERS-ÉTAT 221
chargés de réunir en un seul tous les cahiers des paroisses. Par-
mi ceux qui furent désignés était Girard, procureur fiscal à Mont-
faucon. La rédaction du cahier de la sénéchaussée particulière
d'Angers fut arrêtée le 15 mars.
L*assemblée générale des trois ordres de la sénéchaussée
d'Angers, Baugé, Beaufort, Château-Gontier et la Flèche s'ouvrit
le 16 mars dans la cathédrale d' Angers. Commencée le 18 mars,
rassemblée générale du tiers-état se termina dès le 21. On réunit
en un seul les cahiers des cinq sénéchaussées, puis on procéda à
rélection des 8 députés de la sénéchaussée d'Anjou aux Etats
Généraux. Aucun d'eux n'appartenait aux paroisses dont nous
nous occupons. {Anjou Historique^ n" de septembre-octobre 1903).
Les archives départementales de Maine-et-Loire possèdent
(série B) les cahiers de doléances rédigés au mois de mars 1789
par les paroisses de la Gornuaille, Le Fuilet, Lire, Montfaucon
(3 paroisses réunies), La Renaudière, Saint-Ghristophe^la-Cou-
perie, Saint-Crespin, Saint-Germain-sur-Moine; Saint-Laurent-
des-Autels, Saint-Sauveur-de-Landemont^ Tilliers et la Varenne.
Les cahiers de Cham pinceaux, Drain et Preigné n'ont pu être re-
trouvés.
P. UZUREAU,
Directeur de V Anjou Historique,
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•■'mi mtjoimK'
NOTICES ET COMPTES-RENDUS
Lb Gloarec, roman, par Louis Tîercelio, — B. Sansot et
€*•, éditeurs, 7, rue de l'Eperon, Paris. j
Cest, pour tous ses fidèles amis, une surprise — une heureuse
surprise — qu'un roman de Louis Tierceiln. Connu du grand public
comme auteur dramatique et comme poète, apprécié, pour ses trop
rares articles de liltérature, comme un critique de tout premier ordre,
il ne nous ayait guère donné, en prose, qu'une œuvre de jeunesse, des
nouvelles, quelques portraits ; avec Le Cloarec, il diètruit une fois de plus
le. préjugé cher au public, lequel se plaît trop souvent à Classer les
écrivains par catégories, comme si chacun d'eux ne devait exprimer sa
sensibilité qu'en une toujours même forme, primitivement élue.
Le Cloarec est le roman d'un petit Bre^n, élevé « par charité »> dans
la ferme où sa mère est servante et que la u vieille Kergoz >, la mûtre«ise
de la terre, destine à faire un prêtre. Elle meurt, les années se passent,
et l'ftme du Cloarec — une ftme de poète — oscille entre-le monde et le
sacerdoce.
Je ne vous raconterai pas le livre : Tidylle si délicate, si touchante
et poignante à la fois, ne veut pas être déflorée ; elle noue comme un
fil d'or les caractères du drame intime, tous bien bretons, quoique si dif*
férents. Ily a le « Vieux Kergoz », le maître têtu, orgueilleux de sa nts*^
ticité, patriarcal et charitable ; Alain Kerprat qui a fait son service en
Algérie et à Vincennes. et qui, dès l'arrivée « sanglé dans son complet
gris, un peu bou(fi> un beau brun pourtant », regarde en « amateur »
les grâces sauvages de Monik, laûlle dû sonneur. Puis cet ineffable son-
neur ivrogne, auquel le cidre fait voir Saint-Ténénan et qui s'endort
à la belle étoile, dans l'auge du Saint, d'un sommeil béat.
Le Cloarec est une fresque en lignes douces. avec, toutefois, des accents
nets et forts : — lisez le retour d'Alain Kerprat dans la cuisine, où
grille l'andouille, et le pardon de Kerandour, où l'on subit si fort la
chaude griserie des foules.
Dans cette fresque, trois figures s'inscrivent au premier plan : Ar-
mel, le Cloarec, Qwennola Kergoz, 1' « héritière ». et Glauda, la ser*
vante. Entre toutes, peut-être, celle-ci est belle : tenace, sévère, forte
d'une fidélité obstinée ; bous l'avons rencontrée dans le Léon, vêtue de
sa robe sans ornement* coiflée de mousseline unie, laissant voir à peine
ses cheveux, et, dans la gravité de son automne, jeune encore par la
robuste souplesse de ses attitudes.
Le Cloarec, c'est la Bretagne, comme Mireille est la Provence r la
poésie en demeure vraie, l'exactitude en reste noble. Entre les paysans
de 6. Sand et ceux d'fi. Zola, il y avait une étude à faire, des procédés
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hM.
NOtiCBS ET COMPTES-RENDUS m
à trouver, des Yérités à mettre au jour : Louis Tiercelin résout le pro-
blème, malgré qu'il soit poète, ou plutdt, je le crois, à cause de cela.
Il a vu dans sa race la fermeté, la fidélité et cette sorte de sensualité
chaste qui on caractérise les rêveries ; il a vu beau sans doute, il a vu
grand, mais ce sont-^Ià ses plus sûrs éléments de vérité, car la vie existe,
vis-à-vis de chacun de nous, par les seules impressions que nous re-
cevons d'elle, et si le tableau n'est pas le même pour tous, nos meilleurs
maîtres demeureront toujours ceux qui nous en- auront indiqué les
plus nobles lignes.
Petit Cloarec qui, du séminaire de Kemper, écrivez des chansons au
lien d'approfondir les Pères de l'Eglise, jolie héritière entêtée, qui
voulez, de toute votre tendresse, amener à vous l'enfant sans vocation,
contraint par une reconnaissance excessive et maintenu par la rude
volonté maternelle, votre idylle attendrie traverse les villages marins,
pleure avec les larges brumes d'octobre« mais ce sont des larmes sur
des fleurs — les fleurs de M"^' Marie des Rochers, — et la jeunesse, et
le printemps finiront par les sécher d'un sourire.
J'ai parié du roman, parierai^e de l'écriture? Peu d'écrivains ont
une grammaire aussi serrée, une connaissance aussi complète de la
langue que Louis Tiercelin ; dans Le Cloarec il a — pour en rehausser
la couleur, ~ semé chaque page de locutions du terroir, de jolies taches
expressives ; l'impeccable parnassien n'hésite point à assouplir sa ma-
nière, il l'adapte exactement à la simplicité du sujet ; ses dialogues
très nombreux, très vivants, ont toute la spontanéité, la saveur qui
rendent un livre € facile à lire y», et Le Cloarec est appelé à un gros
succès de librairie, puisqu'à côté de ses haute» et solides qualités d'art,
il a cette fortune bien rare, de pouvoir être mis entre toutes les mains.
Ce livre répandra la pensée du maître breton parmi ceux — rebelles
aux vers sans doute — qui connaissaient son nom sans avoir lu tous
ses poèmes, et, à Tentendre louer, nous aurons de la joie, nous, les
poètes venus à l'Hermine en notre timide, en notre hésitante jeunesse,
et témoins de ce que fit cette maison pour la plus grande gloire de l'art
et de la Bretagne.
Il faudrait, en nii long article, dire les soirées du faubourg de Fou-
gères, où le maître allait de la harpe au piano, disait ses vers, chantait
sa musique ; il faudrait des pages émues pour évoquer les silhouettes,
les petits manuscrits posés sur la table Loui£( XVI, et ce que nous trou*
?ions là : conseil, encouragement, fidélité dans l'appui, loyauté dans
l'amitié 1 Plusieurs déjà ont disparu, d'autres ont oublié peut*être, mais
beaucoup 3e souviennent et, me lisant, se joindront à moi pour envoyer
à l'hôte de Kerazur, au bon maître Louis Tiercelin, le double et joyeux
hommage de la reconnaissance et de l'admiration.
JaAMMB PER1>RIEL>>VAI8SIBRB.
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224 REVUB DE BRETAGNE
:. \
Les Bourgeois du Roi, par César Ghabrun, Chargé de confé-
rences à la Faculté de Droit de l'Université de Paris. — Paris,
Arthur Rousseau, i90S ; in-S^' 200 pages.
Dire que depuis cinquante ans Thlstoire du droit et des institutions
de la France a été renouyelée ce serait répéter un lieu commun. Il reste
cependant encore bien des affirmations à rérïÈe^, bien des opinions à
contrôler qui sont* admises par beaucoup d*iiistoriens du droit jusqu'à
nouvel ordre. Ce qui concerne les Bourgeois du Roi est précisément
beaucoup moins connu qu*on aurait pu le croire : M. Ghabrun rend
donc un service signalé aux historiens en apportant sur cette matière
incomplètement explorée les résultats d'une enquête sérieuse et pleine
de difficultés. . .
On entend ordinairement par Bourgeois du roi : « 1* des bourgeois
originaires d'une ville royale^ qui, après l'avoir quittée, se seraient éta-
blis sur les terres d*un seigneur autre que le roi, tout en conservant
leurs droits dans leur ville d'origine ; 2« des sujets d*un seigneur qui,
sans avoir quitté les terres de ce seigneur, seraient devenus sujets du
roi, ses Bourgeois. » Cette dernière catégorie de bourgeois ou bourgeois
forains, aurait eu, a-t-on dit, sous forme de bourgeoisie personnelle, une
influence importante sur d'autres institutions juridiques, en servant
d'instrument au pouvoir royal contre les juridictions seigneuriales.
C'est sur ce point que M. Gb. a (ait porter son travail. Après avoir
dans son introduction examiné l'institution depuis ses origines connues
jusqu'au milieu du XIll" siècle, Tauteur étudie dans un premier chapitre
la période de 1250 à 1287,etdansun second la période delt87à GharlesV.
Le chapitre III est consacré aux Bourgeois du Roi en Champagne.
En appendice M. Ch. a publié divers textes, parmi lesquels les pièces
du procès de Bernard Manant sur lequel le chapitre de Brioude pré-
tendait exercer sa juridiction alors que celui-ci se réclamait de la justice
royale. L'éditeur, qui a établi ses textes de la manière la plus rigou-
reuse, s'est souvenu que d'après un écrivain anglais « un ouvrage sans
table est une maison sans escalier », et il a ajouté Tindex des noms
de lieux et de personnes contenus dans les appendices. On ne peut que
l'en remercier, mais les travailleurs lui auraient su gré davantage s'il
avait étendu la table à tout son texte (1).
(1) Page 03, note 1, M. Ob. reproduit les lettres de Philippe le Hardi et de Jean
le Roux, duc de Bretagne (1275). — Nous avions en Bretagne, dans le Léon, sons
le nom de Convenant flranc au due^ une institution qni a quelque ressemblance
aTec la bourgeoisie foraine du roi. (Cf. A. de la Borderie, Hist, de B., t. III,
p> 199-140).
Le Gérant : F» Chevalier
Vannes. -^ Imprimerie Lafoltb Frères. 2, place des Lices.
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SàINT-MARS-LA-JAILLE
ET SES ANCIENS SEIGNEURS
(Suite \}.
RÉFORMATION DES ROLES RENTIERS DE LA
SEIGNEURIE DE SAINT-MARS-LA-JAILLE EN 1745
En 1745, Messire Jarques- Pierre- Louis- Auguste Perron de la
Ferronnays fit faire une réformation et un recensement de tous
les biens, redevances et droits tant utiles que purement hono-
rifiques, dépendant de sa seigneurie de Saint-Mars-la-Jaille.
Nous avons ci dessus énoncé les principaux de ces droits et de
ces biens, auxquels se joignaient des redevances que, de temps
en temps, les seigneurs avaient coutume de faire reconnaître et
avouer à leurs vassaux, afin d'en empêcher la prescription.
Trois dimanches consécutifs, à Tissue de la grand'messe, « en
le cimetière e t avis delà grande porte de Téglise du dit lieu »
de^MMiMiffs-la-Jaille, flourdeau, sergent de la juridiction sei-,
gneuriale, assisté de deux témoins, publia la bannie qui fut en
outre, répétée un autre dimanche, au prône de la messe parois-
siale, par M. Milau, recteur ; le tout à la requête du procureur
fiscal de la seigneurie, alors nommé Gicqueau, sieur de la
Bruyère qui fit contrôler ces publications à Saint- Julien-de-Vou-
vantes.
Le 30 août 1745, un lundi, vers neuf heures du matin, ledit
Gicqueau, le sergent Hourdeau et ses assistants Moreau et
Chaillot se réunirent pour procéder à la réformation annoncée
et firent serment de remplir loyalement leur mission. Les autres
témoins choisis pour les assister, tous notables de la paroisse^,
prêtèrent le môme serment « de dire vérité et se bien et fi-
(i) Voir la Revae de décembre 1908.
hUi 1909 il
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SSe REVUE DE BRETAGNE
dèlementcomporter aux fins de leur commission. » Ces témoins
étaient :
« Mallre Jean Terrier, notaire et procure^ur, â^é de 33 ans.
Honorable homme Jan de Laubiuiëre, âgé de 58 ans.
Honorable homme Charles Robert, âgé de 45 ans.
Honorable homme Jan Bourgeois, âgé de 43 ans.
Honorable homme René Hourdeau, âgé de 29 ans.
Et Jan Garreau, âgé de 53 ans. »
Après la prestation de serment des témoins a le procureur du
seigneur fait l'appel et évocation de tous et chacun les vassaux
de cette seigneurie, en général, pour estre présents et assister
à laditte RefTormation, chacun en son endroit, à peine de cha-
cun trois livres quatre sols d'amande, aux termes des dittes
bannies, à quoy il conclut, en cas de deffaut, qu'il soit néan-*
moins passé outre ». Il a encore « évocqué tout prétendant droit
et intérest en opposition à cette RefTormation, pour déduire
leurs moyens, si aucuns ils sont vallables, faute de quoy il con-
clut à ce qu'ils en soient déboutlés, déclarés déchus et for-
clos (1). De tout quoy il a requis acte et a signé, Gicqueau ».
Alors commencent les opérations de la Réformation qui se
poursuivent durant un mois et que nous allons analyser ici.
Elles nous donnent une idée, aussi exacte que possible, du^ieux
Saint-Mars, alors composé d'une demi-douzaine de maisons,
groupées autour de Téglise et du Prieuré, et de quelques vieilles
demeures de tenanciers répandues aux alentours.
L'ordre suivi dans l'énoncé de ces tenues devait être calqué
sur la précédente réformation, laquelle avait eu lieu près de
ceot ans auparavant^ en 1654 (2).
Le premier article a pour objet « La Barbottinbrib » ta mai-
son anciennement nommée /a BarboUinière sur le chemin qui
conduit de Téglise au château ; cette maison doit, chaque année,
au terme d'Angevine (3), « cinq sols monnoye » suivant « Taf-
(i) Déboutés, exclus du droit d*en faire production en justice, fkute deiV
▼oir fait en temps utile. On disait aussi /ordof.
(a) Archives de la Loire- Inférieure, E, aSo.
(3) Grandes foires très anciennes, qui se tenaient au Marillais (Maine-et-
Loire), atUrant un concours considérable de pèlerins et de marchands. Ui
terme appelé V Angevine était le 8 septembre, époque d'une de ces trois
grandes foires de ce nom qui avaient lieu en mars, en mai, et en septembre •
oelle-d élAii U principale.
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SAIKT-MARS-LA-UILLB ET SES ANCIINS SSIGr^EURS âîT
féagement du 2 mari 1548 > (l)et I& rapport des témoins» payables
par M^'* Hodée, veuve de François Bidon^ défaillante, qui possède
en ce moment /« Barboitinerie.
Artiolb 2. — <t L'AuB«nGB, » maison située « au devant et
au midyduPresbittaire de cette paroisse " {2) joignant, du côté
orient, une petite maison dépendant du bénéfice de la chapeHenie
de /a CAam;i^//tere autrement du château (3) et devant chacun an.
au terme d'Angevine, 2 sois monnoye payables par Charles Ro-
bert et MathurJoe Terrier son épouse.
Article 3. — « La Csksib H erre au n située au bourg de Saint-
Mars, se composant de trois maisons, jardins et issues vers mîdi
jusqu'à la rivière et bornée, d'autre part, par le mur du cime-
tière (4) les jardins du prieuré^ les terres de la Masure (5) et les
logements rues et issues de la métairie de l'Echelle, sans préju*
dice du chemin qui passe devant, et non compris Tabreuvoir qui
est public et se trouve vers l'orient, vis-à-vïs le cimetière.
La Sansie Herreau devait « par chacun an, au terme d* Ange-
vine, 6 sols monnoye »>, Cette rente était payable par Robert,
Charles* et ses consorts qui étaient <^ Escuyer Louis de Dieusye(6),
Nicolas Letort et Jacquine Trillot sa veuve delîaillants.
(i) Bérormation de 1745. Archives de ia Lùlre-Inférieure, E, 560,
(a) Il s'agit ici, bien entendu, de l'ancien presbytère, voisin de l'église, au-
jourd'hui encore appelé « la vieille cure ».
(3) Le titulaire de ce bénéfice élait alors mesalre Julien DoUird prêtre,
(i) Le cimetière, à celte époque, entourait en parlie Téglise^ au midi.
(5) Ma$urê du latin mansara^ demeure. En généfal ce terme désignait tin
enctosplanté et cultivé contenant ThabUationdu tenancier et grevé d'un cens
appelé masurage. Ménage, mènii, manoir, man$e ont la même origine, d'oii
vient encore le ma$, ou bameau des Lyonnais, le ma^ de terre, qui est, en
quelques endroits, te labour de deui b^^ufs, Mas ou mmarê répond à peu
prè^au vilU des Normands {villa) au A>r des Bretons» au courU des Picardi
{car(ii) au hem ou ghem final df>B Flamands et au mot de tel ileçtum) usité
en quelques endroits comme ioîl, en synonyme de maison, demeure. Tous
ces mois signifient un bien de campagne avec ses dépendances, Parrois on
appelle improprement masurcM les clos ou cloîseaui, même les morceau» dâ
terre qu*on sème et qu'on dépouille tous les ans,
(6) fc Du Dietjsie, originaire d'Anjou, seigneur dudîl lieu paroisse de Saint-
James ; de la Roche, paroisse de Mésanger; de la Varenne. — Eitraciion ré-
formation de 1669, sept générations, ressort de Nantes, » Cette maison,
très ancienne, ainsi qu'on le voit par cet extrait de V Armoriai. d« Cûuncy,
portait H D*^rgênl au /ion dé êôbk armi, lttmp(î9sd M eomrw^né é* gmeuhâ, m^
€ompaffni de S meUtteê de iable. »>
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338 REVUE DE BRETAGNE
Article 4. — Cure. La maison presbytérale de cette paroisse
avec tous ses logements etc. « dépendant de cette seigneurie
avec les dixmes (1) aux deux tiers de tous les gros fruits crois-^
sant par labeur en laditte paroisse, l'autre tiers appartenant au
prieur dudit Saint-Mars h l'exception des novalles (2) qui appar-
tiennent au Recteur. Le tout tenu à simple obéissance et à
charge de prières nominales au seigneur de cette cour aux
grandes messes, les dimanches et les fêtes, comme seigneur
fondateur, patron et seul prééminent de Téglise de cette pa-
roisse y>. Le recteur possesseur actuel de la cure est « Missire
Jan Millau prestre ».
Articles. — « Prieuré. Le prieuré dudit Saint-Mars consistant
en de petites maisons adjaçantes à l'égiise et y attachées au côté
de septemtrion «joignant du côté d'orient le jardin du sieur de
Dieusy et la Censie Herreau « et en partie à l'enfeu des seigneurs
de cette cour, aussi attaché à Téglise » Vers le nord le prieuré
joignait le champ de la Masure. Il se trouvait donc à peu près à
(i) On devait donc au curé les dixmes « aux deux tiers » et au prieur
« Tautre tiers » sur les produits de tous les fonds ensemencés delà paroisse,
à part les parcs ou jardins particuliers et d agrément qui en étaient exempts.
On entendait par gros Jrails, les principales productions de la paroisse,
aussi bien les choux, navets, raves, oignons, lins, chanvres, que blés,
agneaux, foin, vins et bois, etc.. La quotité de cet impôt dépendait de Tu-
sage de la paroisse sur laquelle il se percevait. Un curieux document de
i447, V^^ nous avons en ce moment sous les yeux, nous apprend ce que les
laboureurs de la paroisse de Saint-Mars devaient à leur curé : « Sçavoiresi :
la douzième gerbe de tout blé^ le douzième aigneaUj le douzième cochon ei la
douzième part du vm, raisins^ et autres Jrails croissant et naissant en grand
air au général dicelle paroisse » (Papiers de la famille Robert de Carbouchet).
Ces dixmes se percevaient avant toutes choses, et. en ce qui concerne le
blé. on ne devait régulièrement commencer la moisson qu'après un ban
ou annonce faite au prône de Téglise paroissiale, ni lever les grains, ou fruits,
qu'après avoir fait appeler les dixmeurs pour compter les gerbes et lever
leur dixme, par trois cris différents. Une heure de délai était accordée après
le dernier de ces trois cris, à moins qu'il n'y eût éminent péril de pluie,
orage et tonnerre, en quel cas on pouvait enlever, même les dimanches et
fêtes, le blé des champs où demeurait seulement la quantité de. blé due au
décimateur. Celui-ci, en dehors de ces cas d'urgence, avait le droit de choisir
ses gerbes, en commençant par tel bout du champ qui lui convenait, mais
en suivant le rang jusqu'à la fin et en plein jour, en présence de celui au
quel apartenait le blé.
(s) Les NovaleSy étaient les terres nouvellement défricbées et mises en
Cttliur».
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SA)NT-MARS.( A-JAILLE ET SES ANCIENS SEIGNEURS 229
remplacement occupé aujourd'hui par l'église, la route de Candé
et V Hôtel des Voyageurs,
Ce prieuré était tenu « à simple obéissance sous la proche mou-
vance de la seigneurie » et possédé à cette époque « par Missire
Neveu, chanoine de la ville du Mans ». Le procureur Gicqueau fait
observer en cet endroit que l'église et les cimetière, chapelle, sa-
cristie et en feu de l'église sont dans le proche fieï de la seigneurie
et que tous les droits honorifiques en appartiennent à son sei-
gneur à Texclusion de toute autre prétention.
Article 6. — « La Cbnsib du Clos » composée de « 44 bois-
selées sur le chemin conduisant de Saint-Mars au moulin de la
Champellière » s'étenjant jusqu'à la chaussée du dit moulin etc.
devait par an, au terme d'Angevine, 16 sols dix deniers tournois,
payables par Jean Terrier, notaire et procureur et ses consorts,
héritiers de Mathurin Terrier, notaire, leur père etc..
Article 7. — « La Prise Meslier » située au village de la.
Haye-Daniel, maisons, logements, terres, etc, partie au sieur de
Dieusie, partie au seigneur de cotte cour, cette tenue devait par
Chacun an au terme etc, 7 sols 3 deniers tournois.
Articles. — « La Censib de Ronzebay (1) » appelée sur la
Noue du Ronzeray lande et noiie non close rejoignant vers l'occi-
dent, les terres de la Leverie, etc... et, vers le nord, le chemjn
conduisant de Bonnœuvre à Candé. Cette terre tenue partie par
le seigneur, partie par le sieur de Dieusy et René Bongerard, fils
de Bongerard, sieur des Places, le > enfants et héritiers de Nicolas
Letort, dont Jacques Letort est présent, les autres défaillants,
doit par chacun an etc... 25 sols 3 deniers tournois.
Ahticle 9 — « La Masure dks Places » (2) savoir : L*héberge-
(i) Le Ronzeray figure dans la donnation que firent au Xîl* siècle Vi-
vien et Février de Mars au serviteur de Dieu^ Daniel, qui se faisait moine à
Saint -Florent (Dom Morice, Hist. de Brei. Preuves, l, 565). On entendait par
noue (fioa) un lieu de verdure formant pâture commune aux habitants du
lieu. (Dom M.)
(a) La masure des Places est une des plus anciennes. Nous trouvons son
nom parmi ceux des terres grevées par Olivier de Vritz, entre 1177 et iiga,
d'une rente au profit de l'Abbaye de Melleray. Au XVII« siècle cette « tna-
sure » appartenait aux Bongerard, sjeurs des Places. Les seigneurs de Saint-
Mars on de Vrilz y avaient droit d hébergement, c'est-à-dire d'y être reçus et
nourris avec leur suite et leurs animaux, cbiens, chevaux, etc., sans doute
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M âiTUK DE BREtAGNE
ment DSB Menèts (1) mx Bassss-Plaqbs, le fief de la Tuadsrii,
beonier sur lequel est dû par chacun an etc.. boisBeaux d'a-
Votne menue, et par argent, sept sol a trois deniers tournois,
plus une oye et une poule, quand il en est nourri sur le flef.
« De plus » vingt biens à bœufs (2) ou quarante à bras (3),
lorsqull est nourri des « bœufs sur ledit flef. Lesquels biens
^ sont dubs entre la décollation de Saint- Jean-Baptiste et la
^< Nativité du mes me saint estant fait sçavoir aux vassaux aux
« prosne^ et issues des grandes messes le dimanche pour chaque
M semalae. lilt il est dub à chaque hon^me falsaut lei dits biens
« deux denrées de pain à chaque bien, de quioEe au boisseau
*. mesure de la Jailte(4). Et chacun bien doit estre de quatre
« heures par jour pour le bien à bras. Et pour le bien à bœufs
fl quatre denrées de pain de quinze au boisseau, ditte mesure
« de la Jaille.
« Et pour le charroy de Loyre doit eetre Ancenis, Ingrande,
« Varades ou à Oudon, parce que quatre flefs bienniers se
• doivent assembler pour faire lesdits charroys qui sont dix
n charroys eu tout pour quarante fiefs bienniers qui se trouve*
* ront employés au présent rôle, tant en nette paroisse de
« Saint-Mars qu'en celle de Bonnœuvrei et il est dub par chacun
quand ils venaient y chasser, ou s'y faire rendre hommage et aveux pat
leur» YâssauiL*
(i) Les MenéU, ce mot est breton et signifie les montagnes, les coteaus.
(>) Un bien signifie la journée plus ou moins longue de travail personnel
que devait le vassal à son seigneur ; le bien à 6 ce u/s^en tendait de Thomme
avec son attelage de deux bœufs, charrette ou cbarrae, et un bien à braë
s*enlendaU d'un homme seul, donnant les heures requises. Tout le monde
ne possédait p3s d attelage, d'où la distîncLlon que noui trouverons plun
loin établie entre les iabaiirears à bmafs et les iabaareurs à bras. Quant aux
cbevauï ; c'étaient des animaux de luïe ou de guerre, nos campagnards
n'en possédaient pas, ou fort peu à cette époque.
(3) Uni dinrée signilkit une ration, un repas, c'esl-à-dlte environ une
livre (5oo gr.] de pain.
(4) La me^are de la Jaille, en usage à Saint- Mars, était de la boisseaux au
Êêptier : or un iepHer de blé, non moulu, pesait ordinairement a4o livres
(laokgr.)donc le bots%eaa élait de lo livres fio blJog). La mcjurcdes Ponts-
de-Cé était de U moiiié de celle de la Jaille. Les règlements de Tépoque
(XVIll* siècle) en ce qui regardait les vivres de l'armée, comptaient que le
boisseau de blé de ao livre? devait produire douze à quinze rations de pain
cuit de Ylngt-qnatre once (730 grammes) chacune.
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SAINT-MARS-LA-JAILLB BT 8BS ANCIENS SEIGNEURS Sai
« des dits charroys à ceux qui les font cinq spis monnoye payables
« par ledit seigneur aux dits vassaux. »
Ici les vassaux en question firent observer au procureur qu*ils
avaient l'habitude de s'acquitter en argent de cette obligation de
charrois et de corvées à raison de 3 sols par chaque bien* De
môme qu'ils avaient coutume de payer huit sols au lieu d'une
oie, et 5 sols au lieu d^une poule, la liberté du paiement en nature
restant d'ailleurs réservée aux deux parties.
Les lignes qui suivent sont consacrées àl^obtigalion commune
à tous les vassaux d'aider au fauchage, fourrage» ratelage et
foulage des foins du seigneur ainsi qu^au bûchage des bois de
chauffage et à leur transport au château. Ce devoir incombe éga-
lement aux estagers (1) de Çaint-Mars et du Clos qui sont enrol-
lés à ce devoir en vertu de la réformation de 1654.
Mais pour ces travaux le seigneur doit à chacun de ces vas-
saux « la dépense, à raison pour le fourrage de deux denrées de
pain par personne ; pour le rattelage quatre denrées de pain
(de quinze au boisseau) « pour le fauchage et le charroy est dub
la nourriture aux hommes raisonnablement ».
Les tenanciers de la Turderie sont les sieurs Terrier et Bour-
geois et, déclarent comme consorts, Marguerite Justbn veuve
Hourdeau, Renée thoumin, veuve Henri Blanchet.
Article 10. — La masure de la Bibttièrb comprenant plu-
sieurs fiefs bienniers, parmi lesquels celui de la Fritaudièrb
jadis possédé par René Terrier^ et devant comme rentes 6 bois-
seaux d'avoine menue mesure etc et par argent neuf sols
tournois <t Plus un tf^usseau de foin qui est ce que deux hommes
« en peuvent lever sur un autre, ledit foin (stant amassé et lié
« ensemble de sorte que l'homme sur lequel il est levé le puisse
« porter seul neuf pas :
Cy Un trousseau de foin. »
Voilà une mesure qui ne manque point de pittoresque et qui
porte le cachet d*une haute antiquité l
( i) Bilagersy ou habitants « des maisons du bourg et du Clos n devait s'en-
tendre de ceux qui n'étaient pas cultivateurs do (erres ou tenues. Le tnot
eiiage eu vieux français signiflait une résidence : Lige eslage. réaidenoe obli-
gatoire du yaasal lige ches le seigneur pour le défendre ; élager, prendre sa
résidence.
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Jl^
21? REVUE DE BRETAGNE
Article il. — Carbouchet (1). La masure de ce nom com-
prenait ce village et celui du Tertrï, maisons, rues, issues,
viviers, abreuvoirs, pré?, vergers, jardins, etc.. puis le fief
GuiLLOT DU Tertre tenu par Missire Julien Douard, titulaire de
la chapellenie du Tertre à Carbouchet etc..
Article 12. — La Porest de Saint-Mars-la-Jaille, consis-
tant en les Baughbs et enceintes de la Rouilles. « Laditte fo-
rest, suivant l'acte d'afféàgement du 18 septembre 1640, fait à
diessire Michel Le Lou de la Renaudière (2) par messire Charles
(i) Carbouchet est un de nos plus vieux villages. Ainsi que nous l'avons
dit, dans les premières pages de cette étude, nous attribuons à ce nom une
étymologie celtique: Ker(\\e\x habité) Boalc'het (les boucs) le village des boacs,
appellation qui pouvait être prise au propre ou au figuré. On sait que. dans
les lieux jadis consacrés au culte de Bacchus, on célébrait chaqueannée des
fêtes au cours desquelles on immolait des boucs en Thonneur de cette divi-
nité, de quoi nous ne prétendons pas, assurément, conclure que Carbouchet
fût jadis un de ces lieux de débauche et de bacchanales !... Faisons, en pas-
sant, cette singulière constatation que, de mémoire d'homme, il y a toujours
eu, dans ce village, un ou plusieurs boucs, et c(ue les enfants de Carbouchet
sont accusés par leurs camarades de Técole de « puer le bouc ». Ce rappro-
chement est tout au moins amusant.
Nous pensons môme que ce village fut l'un des premiers christianisés de
notre région, car il possédaitjune très ancienne chapellenie, et nous voyons,
en i447, l®* habilanls laboureurs et teneurs de cette masure de Carbouchet
discuter avec le curé de Saint-Mars, au sujet de la dixme due à celui-ci et
que les paroissiens de Carbouchet prétendaient ne devoir payer qu'au vingt-
quatrième, et non au douzième^ comme les autres laboureurs de la paroisse de
Saint- Médard' L'Olivier.
Le différend fut porté devant la juridiction épiscopale de Nantes, et, le
26 décembre i447, il fut tranché par la cour et l'offlcial de ce diocèse. Les
gens de Carbouchet furent condamnés à payer la dixme *< au douzain de tous
et chacun leurs fruicls croissants aadict tennement de Carbouchet » mais d'autre
part le curé et ses successeurs seront tenus célébrer, ou faire célébrer, le len-
demain du jour des dejfunclz, Vigilles des Morls en neuf leçons, une messe de Re'
quiemet de prier et faire Commémoration et prières pour les âmes des trépanez
et en spécial des âmes des laboureurs du tenement de Carbouchet, et à la fin de
la messse, vespres des morls, avecque un Libéra ou un Recordare devant le
Crucifix, etc.. » La prétention des habitants de Carbouchet et le privilège
d'une messe spéciale et d'un service solennel qui leur sont accordés par la
juridiction épiscopale, ont, sans doute une raison d'être que nous ignorons.
{Papiers de la famille Robert de Carbouchet).
(a) Michel le Loup de la Renaudière appaii^neiM à la maison des Le Loup,
seigneurs du Breil, de la Rabinais, de la Biiiais, de la Renaudière, de la Civel-
Hère, de la Roberdière de la Moite-Glain etc., maison qui remonte à Jean
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SAINT-MARS-LA-JAILLB ET SES ANCIENS SEIGNEURS 233
du Fé d'Orvaux (l) seigneur de Saint Mars-la-Jaille. au rapport
de Bernard nottaire royal à Nantes, nous représenté en cet en-
droit par ledit Gicqueau, procureur du seigneur, ledit acte par
collationoéde Gendron et Alexandre nottaires royaux à Nantes,
le 14 février 1696, controllé le même jour par Chevalier, doit
contenir le nombre de huit cents journaux (2) y compris les bois
taillis des Renardières et du Ghampmorin, qui sont en la pa-
roisse de Bonnœuvre,... a le tout sous le proche fief de cette
seigneurie à titre de foy hommage et rachapt (3), » lequel ra-
chapt est abonné à une payre d'Ëprons (éperons) dorés. En outre
à charge et devoir d*on denier de rente féodale par chacun jour-
nal payable par chacun an, au 18 septembre, entre les mains
des receveurs des rentes de cette seigneurie, à la charge d'i
preneur de s^enroUer à la première relTormation, ce qu'il ne
paroist point avoir fait Lesquels bois et forest sont actuel-
lement possédés par Dame Louise-Prai^çois- Pélagie Le Lou de
la Motte-Glain, fille et héritière de feu me?sire Michel Le Lou,
seigneur de la Rênaudière Le Lou, afféagiste de laditte forest et
bois, la ditte dame Le Lou à présent veuve de Messire Joachim
Robineau, seigneur de la Rochequairie (4), sur tous lesquels bois
Le Loup, chevalier, vivant en 1 167. Les armes dés Le Loup, sont « De gueules
à deux fasces d'argent chargées de cinq étoiles de sable. » {Arm. de Guy Le
Borgne). Michel f e Loup était conseiller au Parlement, seigneur de la
Motte-Glain et de la Haye-Mahéas et avait épousé Sébastienne Paignon.
(1) Voir plus haut notre notice sur cette maison.
(2) On comptait par journal en Bretagne, en Bourgogne et en Lorraine.
Le journal de Bretagne était autrefois composé de 3 a sillons un tiers, de
chacun sii raies. La raie contenait deux gaules et demie, et la gaule était de
12 pieds. Les étymologisles disent que le journal était la mesure de la quan-
tité de terre qu'un homme pouvait labourer en un jour. Quoi qu'il en soit
\e journal, encore usité en Bretagne, est évalué à 48 ares.
i3) Le droit de rachapt ou de relief élail celui que le vassal devait à son
suzerain lorsque le fief passait, par héritage, à un autre propriétaire. C'était
une sorte de droit de mutation. Il se payait en argent, ou par l'abandon au
seigneur de la jouissance d'une année du revenu du fief.
(4) Joachim Bobineau. seigneur de la Rochequairie. appartenait à une
maison originaire du Poitou et maintenue dans sa noblesse au ressort de
Nantes, avec six générations, en 1670. Les armes de Robineau sont : « De
gueules à la croix ancrée d'argent au chef de même chargé de cinq tourteaux de
gueules. » (P. Potier de Courcy), Nob, et 2\.rm. de Bretagne.) Il avait épousé
par contrat du 3 août 1712, Louise Pélagie Le Loup et mourut en septembre
1788. {Archives de la Loire-lnjérieure, E, 2759.)
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tl4 MVUB Dl BRETAONB
il appartient au seigneur de cette cour outre les susdits divoirs
tous droits honorifiques et féodaux, tout droit de chasie à cor
et à cry, etc.. »
Le procureur conclut à « l'enroUement » de la dame Robineail
et la condamne a à payer Tarriéré de ses rentes et rachapts ioil
3 livres 6 sols 8 deniers par an pour 22 années échues... »
Article 13. — A La Skrviêrb, la Prise Pierre Haye^ la Sauva-
gère, etc.. devant 1 livre 3 sois2deniers et deux chapons, le tout
payable par Jacques Pousneau et « la Thiévin sa femme » sauf
pour la partie tenue par le seigneur.
Artiglb 14. — « Sur le village de la Skrvièri autrement les
Blandbaux est dub de rentes par chacun an 3 sols tournois. Te-
neurs : Marguerite Ju^too, veuve Hourdeau et Perrine Crespin
veuve Gérard »
Artiglb 15. — Les Bois Frappins et les Boisqauoinb situés
près du village de la Servière, vingt journaux devant par chacun
an 4 sols 6 derniers tournois.
Article 16. — Lbs Nouinbaux db la Sbrvibrb, dont un pré
sur lequel « est dub dix-huit deniers tournois à la fabrique
de cette paroisse pour Tentretien de la lampe de Téglise ». (Reff.
du 14 septembre 1654).
Article 17. ^ La Censie des Pbrribrs « au-dessus du vil-
lage de Torterel » joignant les bois ci-dessus désignés... 3 sols
tournois, etc.
Article 18. — Le village de Tortbrkl, à devoir de foy hom-
mage et rachapt. Suivent les débornements de cette terre, ot il
est fait mention de Tétang du môme nom, aujourd'hui desséché,
etc. (1).
Article 19. ~ La Levbrib (2) qui appartient aux enfants de feu
(i) Nous igoorons Tétymologie du nom de Torlerel^ qui pourrait être d*o-
rigine bretonne, car, en ce même village, nous trouvons deux pièces de
terre (fi<>» 3^8 et 3^9 du Cadatire iection D) qui portent cette désignation : Ch-
teau ei pré de Peigne pouU, mots dans lesquels il n'est pas difficile de recon-
naître une altération du nom purement breton de Pen poul, la Ole om U
chef de l'éiang. Ces terres sont diluées proche, sinon à la place même de
l'ancien étang de Torlerel, aujourd'hui desséché.
(3) La Leoerie était une terre noble très ancienne. Nous avons eu roccasion
d'en parler au sujet de la prise du château de Saint- Mars pendant la Ligus»
C'était, dit-on, le lieu d'iiabitatioa de la mère des deux Malaguet. Las proter
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SAINT-MARS-LA^JAILLB fiT SBS ANCIENS SEIGNEURS tH
Mathorin Terrier, ea sou vivant notaire, à titre noble à la charge
de foy, hommage, rachapt, tenu t>rachement de cette seigneurie
audit devoir suivant aveu du 17 février 1656, rendu au seigneur
de cette cour par Eacuyer Claude Daillon (1) et le rapport des té*
moins dont ledit M* Jean Terrier Tun desdits témoins est fils et
héritier dudit feu Terrier^ présent qui areconnu ledit devoir etc..
AaTiQLB 20. — Dans le champ de Sous-lb-Bos, une boisseîée de
terre noble dans le milieu de laditte pièce, etc.
Les article 21, 22, 23 etc.. ne présentent aucun intérêt parti-
culier.
« Artiglb 28. — Une pièce appelée Lb Poustbau a la Logbttb
près de la Croix de la mission, etc. (2) Possédée a devoir de foy
et hommage par Letort, Bongérard,etc. sauf une partie deladite
pièce appartenant au seigneur. »
Article 29. — La Hayb Daniel. « La maison principale et
noble de la Haye- Daniel (3) avec sa cour au devant vers occident/
jardin au derrière vers orient, verger au pignon, vers midy conte-
nant environ deux boisselées, le tout appartenant au sieur
Pierre Bongerard, et prochement tenu de laditte seigneurie, à
foy hommage et rachdpt, lequel est enroUé aux dits devoirs sui-
vant les anciens tîtres de cette seigneurie et les rapports desdits
témoins ».
tants y ont laissé des souvenirs de leur séjour : une pièce de terre, qui fut
leur cimetière, d'après la tradition, se nomme, aujourd hui encore, le
« Champ des Huguenots ». V^ le plan cadastral section D, w* 544) et près de
là passe le chemin des Huguenots.
(i) Ecuyer Claude Daillon appartenait à une maison originaire d'Anjou,
s*armant « D'azur à la croix engreslée d'argent » dont l'un des membres,
François fut connétable de Nantes et capitaine du château de Pirmil,en iô6o.
Les comtes de Lude, en Anjou, portaient les mêmes nom et armes.
(s) Le Pousleau près de la Croix de Mission... Cette pièce de terre, restée
terre noble, et en partie au seigneur, pourrait rappeler par son nom : u le
Pousteau » un des lieux marqués pour Texécu lion des criminels. Ces empla*
céments des anciennes potences furent souvent choisis, dans la suite, pour y
ériger des croix, symboles de la divine Rédemption.
(3) La Haie-DanieU dont nous avons déjà parlé appartenait, en i4oo, à
Marguerite de la Jaille, qui épousa Hardouin de la Porte, baron de Vezins.
Peut-être ce domaine doit-il son nom au nommé Daniel qui possédait le Ron-
leray et les terres voisines, dès ii3o, environ et se lit moine de Saint-Flo-
rent ? (V. page. 129 '^ete i)
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236 RBVUE DE BRETAGNE
Article 30. — Une autre tènement de maisons aiidît village de
la Haye D iniel » etc. « appartenant tant aux enfants veuve et
héritiers Nicolas Letort et ledit Bongerard. » Le pré du Pous-
ieau près de la Chesnaie^ la pièce de la Fillière, les pièce des
Hautes et Basses Blanchat^dières y la pièce de la Lande du Moulin
la Haute Pionnière^ proche, la croix du Clos, etc. Le tout terres
nobles.
Article 31. — Un canton de terre, en cour et jardin, dans
leiquel il y a un appentis, situé au bourg de Saint-Mars, derrière
la métairie de V Echelle ^ic, terre noble appartenant aux héritiers
Letort, à devoir de foy hommage et rachapt etc..
Article 32. — La masure de la Bretonnièrb (1), comprenant
les flefs Lodier, de laNou^, Riquet, Joulain etc. Nous avons vu
plus haut que la Bretonnière existait déjà au XII* siècle.
Article 33. ~ « Le village de Vivelle (2), en la paroisse de
Saint-Mars « où estoit une ancienne verrerie consistant en plu-
sieurs et différentes maisons bourgeoises et autres, écuries, tou-
teries (?) et cranges... etc.
« Les maisons et tènements de l'ancienne verrerie qui fut à
Escuyer Bonnaventure Jan Lepetit et demoiselle Perrine Plé-
diguel et depuis à demoiselle Jeanne Ferré et Escuyer Jan Gé-
(i) La Bretonnière est du nombre des anciennes terres d'Olivier de Vritz
dont nous avons parlé. Elle est la première nommée dans la charte consentie
par ce seigneur à Tabbé de la Melleray. Le nom de ce village indique quil
dut être occupé à l'époque de sa fondation par quelque Breton d^origine ou
de nom.
(a) Vivelle existait à la même époque, et même plus tôt encore, si, comme
nous le croyons, c'est bien celle même terre qui est désignée dans les chartes
sous le nom de Guedguel, dans la donation do Vivien, et de Février de Mars
vers ii3o. La verrerie qui y était établie, et dont on a trouvé des traces qui
en indiquent l'importance devait être d'origine ^allo-romaine. Vivelle est,
en effet, situé au croisement de deux anciennes voies romaines. La verrerie
de Vivelle fut plus tard exploitée par des gentilshommes verriers, tels que
ceux qui sont cités dans la Réformation.
Jan Lepetit a, sans doute de ce chef le litre d'écuyer et les Gérard^ sieurs
de la Rivière, en Saint- Vincent des Landes, de la Censie et de la Tulinière
en Bonnœuvre étaient les descendants de Guillaume Gérard, gentilhomme
verrier en 1698. (V. ce nom dans Gourcy) dont les armes furent « d azur à
dtfux (alias trois) bandes d'or accompagnée de trois fleurs de lys d'argent ». Le
métier de Verrier était 1 un de crux que tout noble pouvait exercer sans
déroger et qui valait aux roturiers qui l'embrassaient Texemptionde la taille
et autres impôts roturiers et le titre de gentilshommes verriers.
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SAINT-MARS-LA-JAILLE ET SES ANCIENS SEIGNEURS J37
rard, etc.. surquoy estdub à chacun an, au terme d'Angevine,
un ducat d'or qui a coutume de se payer à la somme de dix livres
tournoys, et en outre à charge et devoir de foy hommage et
rachapt «.Teneurs : Jan Labbelle, Jubin, Husteau, RenéHeluard
et sa femme etc.
« Le Logis qui fut à demoiselle Jeanne Ferré », la prise Clair-
bois, la baillée Biaise Ferrée, etc. (î).
« Une quantité de terre, où il y a une grange située au dit
village de Vivelle contenant 60 cordes, surquoy est dub de rente,
par chacun an au terme de Sainte-Croix dermay, un trais de Limier
de corde de poil de cheval de sept brasses et demie de long et un
collier à Lit^ier de trois doigts de large garny de boucles^ qui se
paye ordinairement à 3 livres tournois. En outre à charge de
loger les relôts, charettes et toille, et toute la chass'e du seigneur
de cette cour, lorsqu'il lui plaira chasser, où faire chasser en sa
fores t.
La prise des Bois Tranchais, autrement le Bruslis (contenant
25 journaux de taillis) joignant du côté d'occident Za bauche du
Chesne à l'argent qui est des bois des Renardières.,, doit 5 sols
tournois et un chapon.
Article 34. — La Haye Papklin en Saint-Mars-la-Jaille...
Artxglk 35. — La masure dn la Poterie (2), La Talonnièrb etc.. .
Nous avons vu qu'il est fait mention de cet antique village de
la Poterie comme faisant partie, au XII® siècle, des domaines du
seigneur de Vritz. et gr3vé par celui-ci d'une redevance en fa-
veur des moines de Melleray. Une partie des rentes mention-
nées ci-après remontait probablement à cette lointaine origine.
La masure de la Poterie, en 1745, devait, par chacun an, au
terme d'Angevine, 2 livres 18 sols tournois de rente appelée
taille féale (3), dix-huit boisseaux d'avoine menue de rente ap-
(i) LesFerrét originaires du Poitou, s'armaient « de gueules à la bande dor
accompagnée de trois fleurs de bjs de même ». A remarquer l'anologie qui
existe entre les armes des Gérard et celles des Ferré, familles dont les
membres b*étaient alliés et qui exerçaient la profession de Verrier.
(a) La Poterie est aussi anci^înne que les deux villages indiqués ci-dessus
et figure de même dans la cbaite dOlivier de Vritz. La poterie qui lui a
djonné son nom devait être établie bien anciennement : on n'en a pas trouvé
de trace à. ma connaissance. Mais le village parait avoir été très important.
(3) La rente ou redevance appelée taille féale remonte à l'époque la plus'
aaciemie : celle où le possesseur d*une terre, la reçut directement de son sei-
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S«« MVVR M BBSTikOHB
pelée mangés ; plus 22 deniers tournois appelés coutume
payables « par les sieurs de Laubinière et Terrien, témoins pré-
sents qui ad vouent et confessent etc... »
A quelques observations des témoins au sujet de ces rentes»
le procureur réplique « que les 22 deniers tournois appelés cou^
tume ne sont pas pour l'exemption aux dits vassaux de payer la
coutume pour leurs bestiaux aux foires et marchés de celte sei*-
gneuriCi mais bien pour l'entretien des ponts et chaussées du
bourg de Saint-Mars, au moyen de quoy les vassaux peuvent y
passer leurs denrées, sans payer autres plus grands droits ; et
qu'à regard dela/ai7/6 féale et rente appelée mangée (i)^ oe sont
des renies très anciennes, dont on ne connaît l'origine et qu'elles
sont de pureille nature que les autres rentes cy-dessus... etc. •
Articles 37-38. — Masure des Champs Esnault, près Torterel,
et aféagemenl André Blanchet compris dans cette masure, tenue
par Laubinière et Garrcau et devant 18 boisseaux d'avoine me-
nue. Cette masure figure, ainsi qu'on Ta vu, dans la donation du
seigneur de Vrilzsous le nom de CampiErnault^ au XII* siècle (2),
comme devant payer 9 deniers à la Melleray. Il en est de môme
de Tarticle suivant.
Article 39. — «t Le fl&f Fourcin, biennier sur lequel est dub de
rente 18 boisseaux d'avoine menue, mesure de la seigneurie. Par
argent 2 livres 8 sols tournois, plus une oie et une poule, quarante
biens à bras ou vingt à bœufs et le quart du charroy de Loire,
comme il est dit à Tart. de la Turderie ; plus un sol tournois
de rente appelée coutume. »
gneur en échange de sa promesse de fidélili et d^ohéitsanee^ d*où les noms
fie fi et fèaly obéissance très étroite à l'origine, devenue, par la suite, pure
formalilé, et'à laquelle se joignait une rente foncière proportionnée à Tim-
porlance du ûef concédé. La taille féale se distingue, en cela, des redevances
ajoutées de siècle en siècle par les seigneurs, dans le but d^aider à l'entre-
tien des routes, chaussées, ponts, etc., et de tous les autres droits à tort ap-
pelés /^odoiuc.
(i) La rente appelée mangée provient du droit de mangeriam, qui consis-
tait, pour le vassal, dans Tobligalion de recevoir son seigneur, quand 11 te-
nait dans le village, do loger et héberger^ lui, son escorte, ses chevaux, ses
chiens, ses faucons, de servir un repas aux hommes et donner à manger aux
bètea. Ce droit fut plus lard converti en une taxe annuelle, que nous Yoyons
ici évaluée à i8 boUuaux d'avoine menue. Cette obUgation du vaaaal et oe
dsoit du seignaur sont aussi nomméa kébewgêmenu
{%) AuJ^nrd'hvii ks Q to»y» J— n aad tu .
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SAINT-tfARSLA -JAILLI IT SBS ANQUNS SEIGNEURS tit
En plus, la somme de cent sols monnoye de rentes dues à la
chapellenie de la Champellière sur les logis, jardins et terres du
village de le Champellière, enclavé dans le dit flef du Poursin,
etc. Ce flef contient 72 journaux pour les terres closes et culti-
vées, sans y comprendre les landes... etc. Il est tenu par de nom-
breux tenanciers parmi lesquels les sieurs de Laubiniôre, Ter-
rier, Bourgeois témoins etc..
Le village de la Champellière (1) et ses dépendances sont « en-
clavés dans ledit Fief Foursio « de laquelle tenue de (a Cham*
pellière les témoins ont dit ne savoir les débornements en parti-
lier et ne pouvoir les distinguer d entre les terres dudit fief du
Foursin »... La Champellière doit « la somme de cent sols mon-
noye faisant celle de six livres tournois appartenant au chape*
lain titulaire de la chapellenie du môme nom ».
Le procureur fait observer « que ces cent sols monnoye sont
originairement rente féodale qui ont été fondées et léguées par
les seigneurs de cette cour au profit du chapelain de laditte cha-
pellenie, laquelle rente doit tenir pareille nature que les autres
rentes féodales... etc. » La Champellière est dite relever pro-
cbement de la seigneurie. Le chapelain n'a aucun fief ni juri-
diction et le seigneur de Saint-Mars est « patron et présenta-
teur > de laditte chapellenie, dont les dépendances sont :
« Une maison à chauffage » située au bourg de Saint-Mars
« au bout d'orient de laquelle maison il y a un four, ouvrant
dans la cheminée d'ycelle et abouttant dudit côté vers orient au
chemin de ce bourg qui passe le long du cimetière, avec issues
au derrière de laditte maison, vers sept^zntrion, jusqu'à moitié
(t) Dans ce village de U Champellière , ou Chapellière, situé dans le ôef
Fourcin, nous voyons une fort ancienne chapellenie. Par là passait un très
vieux chemin et on y avait établi un pont, qui existe encore de nos jours,
près de là aussi se trouvait le moulin seigneurial de Saint- Mars. Il est à re-
miirquer que les possessions de la chapellenie de la Champellière sont situées
en deux endroits : i^ près d*une antique cbapelle aujourd'hui disparue et
dont le nom du village est Tunique trace, et a** près de Téglise paroissiale
actuelle de Saint-Mars-la-Jaille. La chapelle de la Champellière ne fut-elle
pas la première église de Saint-Médard que U charité d'Olivier de Yrilz nous
montre voisine d*un moulin ? (V. p. i5o). Le premier titulaire de cette cha-
pellenie ne fut-il pas un moine établi en ce lieu, au bord du grand chemin,
à côté du pont, pour recevoir au nom des religieux de Melleray, les péages
et içoutumea à eux donnés par le seigneur de Vritz ? Peut-être est^^x là le
premier ^abltoem^nt reiigj9ux de Spiot^l^^dard rc^ivie^ t
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340 REVUE DE BRETAGNE
chemin devant la cure avec jardin au devant de la ditte maison
vers midy allant jusqu^à my ray de la rivière d'Krdre, joignant
du costé d'orient au chemin çl au bout des ponts dudit bourg de
Saint-Mars, et, du côté d'occident, au jardin desdits Robert et
femme. »
La chapellenie de la Ghampellière possédait encore:
u Une quantité de jardin située au pignon d'occident et en
partie au devant vers midy de la maison appartenant à la de-
moiselle Renée-Françoise Hodée veuve Bidon etc. » Cette der-
nière maison, ainsi qu'on Ta vu plus haut, se nommait La Bar-
bottinière ou Barbottinerie,
a Outre trois boisselées de terre labourable, situées dans la
Champagne appelée « La Mazure » joignant d'occident les murs
du jardin de la cure du bout de midy au chemin qui conduit du
bourg au château, vers septemtrion les terres de la ditte Cham-
pagne dépendant de cette seigneurie ».
d Pour raison de tout quoy ledit Chapelain doit la simple
obéissance à cette seigneurie et acquitter les messes et autres
charges qui sont portées et contenues dans Pacte de fondation et
titre primordial de la dite chapellenie... » dont le titulaire actuel
est Missire Julien Doiiard.
Les tenanciers de la Champellière et de ses dépendance
étaient en 1654, Marie Collin, François et René Le Roy, Michel
Bernard, Jan de Launay, Michel Pleurmeau. Jan Georgel, Fran-
çois Legendre, Françoise Pastourel, René Gautier, Georges
Clément, Pierre Gautier, Julien et René Olivier; et elles sont ac-
tuellement possédées, d'après le rapport des témoins par les
mineurs de feu Pierre Guittard ; Pierre et Médard Gautier,
Pierre Pleurmeau et Jacques Le Roy, défaillants ».
Ils sont enrôlés à payer et servir la dite rente de 6 livres tour-
nois au profit de Missire Julien Doûard et de ses successeurs.
A cet endroit figure la signature « de J.-B. Dupé, Monsieur le
Sénéchal ».
Le fief Fourcin s'étendait jusqu'au ruisseau de la Bellizière
faisant séparation entre TAnjou el la Bretagne, et jusqu'au vil-
lage du Fossé en Anjou, depuis le village de la Champellière et le
moulin du même nom qui appartenait à la seigneurie.
Article 40. — La Poullettêrib. La censie de la Poulletrie
pré contenant 3 journaux, situé dans les landes de Croissel,
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SAINT-MARS-LA-JAILLE ET SES ANCIENS SEIGNEURS 241
proche la fontaine du Prasteau et devant, chaque année au
seigneur, comme rente dix-huit ppulets» moitié à Pâques^ moitié
à la Pentecôte. Payables par Perrine Grespin, veuve Gérard, la
veuve Julien Grespin, etc.
Artiglb41. — Lkfibf des Rbantières, consistant en les mai-
sons, rueS; issues jardins, prés, terres labourables et autres, etc.,
tenues par le sieur de Laubinière.
Article 42. — La Gensie de la Basse-Goudrais audit lieu des
RêantièreSy sur laquelle est dû de rentes annuelles, 6 boisseaux
d'avoine menue et un trousseau de foin. Teneurs : les sieurs
Bongérard et Goupil et femme.
Article 43. — La masure de Monorison et la Hamb. (Nous
avons va Montgrison figurer dans la donation d'Olivier de Vritz
au XII" siècle). Gette masure est composée des fiefs et articles
ci-après : « les villages de Mongrizon^ la QuintraiSy Tartifume la
Harie (1) et terres en dépendant entre les débornements ci-après,
et terres près le bourg ».
(i) Une tradition place aux environs de la Harie la léproserie dépendant
autrefois de la paroisse de Saint-Mars-la-Jaille, et indique, comme l'ancien
cimetière des lépreux^ les champs du Paradis situés non loin de là, au bas du
coteau.
Cette tradition est confirmée par les noms très caractéristiques que portent
plusieurs pièces de terre du voisinage et par le nom même de ce village. On
fait que la principale industrie dont Texercice fût permis aux lépreux ou
caqaeux était la corderie. La corde, dans le langage de nos pères, se nom-
mait fréquemment la u hart » d'où « mériter la hart » pour dire « mériier
d'être pendu ». Une corderie s'établissait généralement le long d'un grand
chemin, en l'endroit où celui-ci était rcctiligne sur une certaine étendue.
Or, les pièces de terre qui bordaient, près de la Harie, le vieux chemin de
Saint-Mars à Ancenis, bien droit en ce parcours, se nomment les pièces de
la Harlière, et nous y voyons un nom synonyme de corderie^ de même que
la Harie a fort bien pu être le lieu d'habitation des fabricants de harts. Un
érudit, à qui nous soumettions récemment cette idée, nous déclara avoir
rencontré ces appellations et celle de ÏAUardière, en des lieux où la tradition
et les documents établissaient également l'existence d*anciennes léproseries.
Ajoutons, comme confirmation de notre thèse, que le vieux plan cadastral
nous montre les terres de la Harlièreet celles de la Harie divisées en une foule
de petits clos ; or, on sait que les léproseries rurales étaient ainsi organisées,
chaque lépreux ayant sa maisonnette et son jardinet qu'il cultivait lui-même ;
les morcellements du \ieux cadastre peuvent remonter à cette origine, de
même que le vieux moulin à vent existant jadis en ces lieux.
On sait aussi que ces malheureux bannis, en proie à d'atroces souffrance!!
\tui 1909 fS
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^S REYUE de: BRETjLQNE
« MonoBizoN, fief brennier sur quoy est dub de rente peur
chacun an terme d'Angevine : six boisseaux d'avoioe menue,
meiure de cette seigneurie ; — Par argent, six sols tournois ; —
Un trousseau de foin ; — Une oye et une poule ; — Quarante
biens à bras et le quart d'un charroy de Loire comme il est dit
cy-devant. Plus, pour taille féale, l sols^ 5 deniers tournois et 1
sol tournois appelé coutumt. Plus 4 livres de beurre, j»
Les teoeurs étaient : le sieur « de Laubiaière témoin présent^
qui ûomme à consorts les sieurs Reaé Mégret et ses enfants, la
demoiselle Hodée veuve Bidon, le sieur Charles Robert et femme,
la veuve et enfants de Nicolas Letort ; Pierre Maunoir, acqué-
reur de Pierre Chevalier; Jan Hamon et consorts ; les enfants
de feu Jan Robin, André du Fresfie ; les enfants du sreur Con-
neau les enfanls Julien Crespin, Thomas du Pont et autres dé-
faillants.
{A suivre).
S. BAiiuar,
physiques et morales, appelaient souvent de leurs vœui rhcure de la déli-
vrance et que la mort était pour eux m le ParadU s* nom qu'ils donnaient à
leurs cimetières. Le voi^nage des chctmps du Parafit^, auxquels conduit un
petit chemin, à quelques centaines de mètres de la Harlière, est donc un
indice qui n'est pas à dédaigner pour appuyer la tradition que nous avons
tenu à mentionner ici. Notons encore que ces noms de Harlière et ïlartene
se trouvent dans aucune des très anciennes chartes que nous avons étudiées
plus haut. Ces terres portaient donc alors un autre nom.
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LES BLEUS EN CAMPAGNE
(1796)
(Suite) (1).
IV. — JUSTICE RÉVOLUTIONNAIRE
L'Affairb et lb gouvbrnbmbnt. — Lbs démarchbs db la
députation du morbihan a paris. — lj» rôle ob hoghb. —
l' affaire est enterrée.
Plus encore que ces restitutions et indemnités, ce que pour-
suivait le district, c'était la punition des coupables, à coiqimencer
par les chefs responsables. Pour y arriver, il mit tout en œuvre.
Il fit, entre autres, appuyer ses plaintes à Paris par la députation
du Morbihan.
Par ses notables rompus aux affaires, par ses hommes de loi
entendus dans l'administration pour s'dtre trouvés au centre
d'une ancienne et vaste sénéchaussée, Ploôrmel avait joué un
rôle important et très actif dans le mouvement révolutionnaire.
Les Gaillard, les Goaesbe, les Brue, les Perret, le3 fabre...
s'étaient imposés, pour ainsi dire, dans toutes les brçLnches de
l'administration nouvelle, qui eut à régler, comme on sait, tant
et de si difficiles opérations pour liquider l'ancien régime, et ins-
taller la nouvelle Constitution. Dans la députation, naturelle-
ment, ils tenaient aussi leur place, et aux différentes législatures
Pio^rmel se trouva largement représenté.
En cette année 17d6, comme député aux Cinq-Cents, se trouvait
Perret. D'une vieille famille bourgeoise, de la ville^ dès 1789 la
confiance de ses compatriotes l'avait investi de l'honneur de les
représenter aux Etats>Généraux; il n'avait cessé depuis d'être
investi de fonctions publiques.
Averti un des premiers, dès le 21 floréal, il prit à cœur l'affaire
du pillage de Caro et Monterrein, et y intéressa tout le corps de
(!) Voir la i^evue d*avril i90y. •
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144 REYU£ DE BRETAGNB
la députa tion morbihânnaise. Celle-ci insista vivement auprès
des pouvoirs public» pour que juâtice fût readue. Voici commentî
à la date du 14 prairial. Perret mettait ses compatriotes au cou-
rant de ces démarches.
« J*ai appris, avec cha^^rin, les excès auxquels s'est livrée la
troupe qui a parcouru et désolé une partie du district de Plo5r-
mel. Une lettre particulière m'avait transmis le récit révoltant
de toutes les horreurs qui ont été commises par des hommes qui»
au lieu de cultiver l'olivier de la paix et d'offrir aux hoonéles
citoyens la protection qu'ils ont droit d'attendre, les pousseat au
désespoir et à la haine du gouvernement par des atrocités et
par tous les genres de vexations ni d'injures qui surpassent le
brigandage des chouans. Cette ïetlre annonçait celle de Tadmi-
Distration» que nous attendions avec impatience pour réclamer
justice auprès du gouvernement. Aussitôt que la députation s*est
trouvée muniede pièces offlcielles, elle n"a pas perdu un moment.
< Hier matin, nous allâmes instruire le Ministre de la Police
Générale, à qui nous remîmes les pièces, et il promit d'examiner
promptement cette affaire. Il proposa d'abord de la renvoyer au
Ministre de rintérieur, croyant que notre démarche avait pour
objet une réclamation d^indemntté. Nous lui observâmes que
nous ne venions l'instruire du désordre que sous le rapport qu'il
avait avec son ministère de police générale. Dans la conversa-
tion, il nous rappela qu'il avait f^té envoyé près des armées, qu'il
connaissait jusqu'à quel point était poussée l'indiscipline du sol-
dat, mal payé, mal vêtu, et poussé au pillage par tant d'autres
véhicules. Quand on lui nomma les chefs de la colonne dévasta-
trice, en entendant le nom de Simon, il nous dit qu'il connais-
sait l'homme, et qu'il n'était pas surpris de sa conduite. Il fut
étonné queTautre chef se fut pareillement oublié. Enfin il nous
a promis son attention à cette affaire. — Mais son observation
ou proposition de renvoi au Ministre de [Intérieur me fait pen-
ser qu'il pourrait être à propos que l'administration recueillît,
autant que possible, les réclamations d'indemnité des parties
lésées, les joignît à une pétition qui comprît le tout, et que l'on
se mît en mesure du poursuivre celte indeaanité. Je sais que cet
objet éprouvera des difficultés, des lenteurs, et n'aura pas tout
le succès que l'exacte justice devrait lui girr^ntir Mais la tenta-
tive ne coûta rien, et nous ferons ici tout ce qui dépendra de
noua pour arracher quelque chose du trésor public, et obtenir
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LES BLEUS EN CAMPAGNE 24»
quelque dégrèvement sur ce qui serait ultérieurement exigé des
communes dévastées.
« En sortant de chez le Ministre de la Police, nous allâmes chez
celui de la Guerre, qui avait reçu directement le double des pièces
remises à la Police. Il nous assura qu'il avait déjà agi, et qu'il
avait donné des ordres au chef d'état-major de Tarméede TOcéan
de faire poursuivre les chefs et auteurs des brigandages, et les
lâches qui avaient refusé de combattre les Chouans pour piller
les communes ; quMl avait sofumis cette mesure et toutes celles
qu'il prenait à cet égard à l'approbation du Directoire, et qu'il ne
doutait qu'elle ne fût accordée de suite. — Ainsi on doit espérer
que justice sera faite. Mais par qui ? Je pense qu'il est impos-
sible de faire saisir tous les coupables, de prouver à chacun son
délit. C'est aux chefs qu'il conviendrait de s'attaquer; car il n'y
a jamais désordre aussi général qu'ils n*en soient fauteurs, et
qu'ils n'en doivent par conséquent être coupables. Mais qui leur
fait exercer cette resposabilité ? Un conseil militaire. J'en ai vu
s'expédier de ces conseils^ et ils ne m'ont point inspiré beaucoup
de confiance. C'est bien là où les barbiers se rasent Cependant
cela dépend i peu près de l'esprit qui anime le général. S'il est
enclin à la justice, on peut l'espérer ; s'il penche vers l'abus de
l'effrayant pouvoir dont le gouvernement a cru indispensable de
l'investir, que de moyens sont à sa disposition I Mais il ne faut
pas se livrer à de telles préventions, et cependant accélérer le
plus possible l'établissement du régime constitutionnel que la
cessation du chouannage donnerait à notre pays (1) ».
Les espérances d'obtenir justice étaient, comme on le voit,
bien frôles ; Perret ne le cache pas.
Cependant, comme il l'avait promis aux députés, le gouverne-
ment se décidait à agir. Le 20 prairial, le Directoire portait à leur
connaissance que le 14 il avait ordonné au général Hoche de
poursuivre l'affaire, et approuvé la mesure du Ministre de la
Guerre qui chargeait le général La Barolière de Rennes de tra-
duire les coupables devant un conseil militaire.
Le 18 prairial, le général Hoche lui-même avisait le district des
mesures prises par le gouvernement, et lui promettait que « jus-
tice serait exactement rendue à qui il appartiendrait (2) ».
(t)L.I284.
(2) L. 29i.
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246 RBTUE DB BRETAGNE
La formule ne laissait pas d'ôtre énigmatique, et, si le district
en avait tiré quelque espérance que ses démarches et protesta-
tions ne resteraient pas inefficaces, il ne devait pas tarder ft les
voir s*évanouir« et à être fixé sur les intentions du général en
chef. Hoche passa à Ploôrmel le 22 prairial. L'administration du
districtcrut de son devoir de se présenter à lui pour lui offrir
ses marques de déférence, et aussi l'entretenir de l'affaire. Elle
fut froidement reçue. Nous laissons la parole aux Administra-
teurs eux-mêmes^ racontant leur mésaventure à rAdministration
du Morbihan.
<< C'est avec doaleur, citoyens, que nous vous entretenons de
la conférence laconique que nous eûpaes hier, à son passage ici,
avHC le général en chef. Il était 10 heures ; il arrivait. Notiè |>en-
s^àmes que nous devions le voir, et lui parler de la situation de
notre pays. Nous le trouvâmes à la porte de son logement, qui
sortait entouré de ses aides de 0amp. Nous le saluâmes, en lui:
aunonçarit qui nous étions. Sans nous répondre et sans nous
donner le temps de parler, un officier général, qui probablement
e^t Tun de ceux qui se trouvent inculpés dans le pillage et l'en-
lève ment des bestiaux des communes de Garo et Monterrein, dé^
buta avec un ton arrogant par nous injurier, en nous disant qu'il
était un de ceux à qui nous avions écrit une lettre insolente et
malhonnête, que nous avions fait contre lui des dénonciations
iniques, qu'il nous venait... Le général Hoche lui ordonna de se
taire. [Js marchaient à grands pas, et nous ne crûmes pas devoir
les suivre, ni leur répondre sur la rue. D'un côté, il paraît que le
général était mécontent de nos plaintes, de Tautre que l'officier
général, que nous présumons être Grublier, se prépare à la ven-
geance. Nous sommes bien éloignés de la craindre, mais nous
devons vous informer de ces faits, afin que vous rappeliez cette
affaire au général Hoche, et qu'il juge plus favorablement les
administrations.
u La loi prononce des peines contre les commandants et offi-
ciers qui laissent commettre des délits, qui n'en punissent pas
les auteurs. Ils en sont môme responsables. Elle charge les
adaiinistrationsde surveiller et de s'en plaindre. L'intérêt de la
patrie le commande, et, quand on le fait, on est exposé à des
boutades, à des injures, à des menaces. Ceci ne peut être toléré ;
sans quoi, il n'est plus de fonctionnaires, publics qui puissent se
charger d'administrer, qui puissent faire leur devoir. Nous
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LES BLEUS EN CAMPAGNE 24?
sommes disposés à informer le gouvernement, par la vqîz de la
députation, de ces circonstances. Mais l'estime et la confiance
qne nous avons dans le générail en chef, et la (certitude où nous
sommes que vous lui rappellerez cette affaire, nous déterminent
à suspendre jusqu'à Votre réponse. Il est bien dur pour des fonc-
tionnaires publics qui sacrifient leur existence et leur tranquil-
lité pour la Révolution depuis 6 ans, de se voir molester et inju-
rier par les généraux qui devraient les protéger et les défendre,
et qui semblent «e roidir contre eux pour assurer aux coupables
rimpunité. Salut et fraternité. Robert, CioUin. Gaillard, procu-
reur-syndic (1) ».
L'administration centrale du Morbihan ne put leur offrir que
ses condoléances (2).
D'ailleurs une lettre de Perrety du 22 prairial môme^ avait
déjà fixé le district sur l'impartialité et la sincérité des conseils
militaires. « Le gouvernement veut que justice soit faite des
coupables, et qu'un exemple arrête le torrent dévastateur. Agis-
sez donc pour mettre le conseil militaire, qui est saisi de l'affaire,
à lieu de connaître les délinquants. Je sais combien il est diffi-
cile d'obtenir entière justice dans ces tribunaux, en pareille ma-
tière, et contre de tels accusés, i moins que des preuves acca-
blantes ne les mettent au pied du mur. Mais il ne faut pas plier
sous le sabre qui n*est confié au militaire que pour protéger le
citoyen, et non pour l'assassiner et assurer le brigandage (3) »•
Le générel Romand qui lui écrivait vers ce môme temps, à la
date du 10 prairial, à Toccasion de pillages récents et étrangers
à l'affaire que nous étudions, li}i répondait exactement dans le
môme sens : des conseils de guerre, il n'y avait rien à attendre.
« J'ai reçu votre lettre dû 14 prairial, et je n'ai pas lu sans indi<*
gnation la plainte portée par les habitants de Beignon contre les
détachements qui y commettent si souvent des dégâts. Croyez
que les officiers généraux qui commandent dans la Grande Di-
vision de r Ouest, ne négligent rien pour réprimer tant de dé-
(1) Lettre du 23 prairial. -< L. 291.
(2) m S mesaidor IV. Houi sommes comme tous affligés que tous, p'ayex pas
obtenu plus de justice du général en chef. Mais, comme nous sommes les protec-
teurs naturels de tous nos administrés, nous prenons le parti de faire passer au
Ministre de l'Intérieur copie de votre lettre. Nous écriTons aussi au général en
okef. » L. 1294.
(3) L. 1234.
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248 RBVUE DE BRETAGNE
sordres ; comme VOUS, j'en gémis. J'ai toujours employé pour
ramener Tordre t9ute la force de Tautorité que m'a donnée la loi,
et si des coupables échappent au châtiment qu'ils méritent, c'est
quâ très souvent il ne parvient que des dénonciations vagues,
qui ne conduisent point à faire connaître les vrais auteurs des
délits. Leur im^punité provient encore de la faiblesse de certains
officiers subalternes, et môme du mode des jugements pronon-
cés par les conseils militaires, où quelquefois la partialité et la
conscience môme des juges, qui peuvent se trouver coiipables
des mômes délits, détournent le glaive de la loi, et sauvent des
malfaiteurs qu'elle devrait frapper (1) ».
Ce qu'il était facile de prévoir arriva. Le général Hoche donna
un blanc-seing à tout ce qu'avaient fait Simon et Crublier, et
annonça au Directoire que l'affaire était réglée, et les coupables
punis. Le Directoire s'empressa de^ communiquer la bonne nou-
velle au district. « Citoyens administrateurs, le général Hoche, à
qui le Directoire avait renvoyé votre lettre du 22 floréal avec les
pièces qui y étaient jointes, en lui prescrivant les plus promptes
mesures pour la poursuite et la punition des coupables, rend
compte au Directoire de l'exécution de ces mômes mesures. Les
auteurs de ces délits ont subi la peine qu'ils avaient méritée;
ils ont été d'ailleurs désignés à ce général par les adjudants
généraux Simon et Crublier, dont il atteste la moralité et* la
bonne conduite. Constamment jalo-jx de maintenir la disciplina
militaire tant pour Tintérôt de la troupe que pour celui des ci-
toyens patriotes qu'elle doit protéger et défendre, le Directoire
ne néglige rien pour obtenir ce but important (2) ».
Le^ députés du Morbihan furent aussi, et à peu près dans les
mêmtas termes, avisés des mesures prises. Ils se permirent dâ
douler que la justice fût entière, eût atteint tous les coupables
et réparé tout le mal, et ils risquèrent quelques dernières ob-
servations. « Citoyens Directeurs, la députation du Morbihan
est aussi sensible à l'attention du Directoire que surprise d'ap-
prendre, par cette lettre, que le général en chef rend un témoi-
gnage avantageux de la moralité et des principes des adjudants
généraux, sous les ordres de qui des horreurs de tout genre ont
été commises, par qui une autorité constituée a été traitée avec
(1) L. US4.
(2) L. f iS4. Uttre da 4 mMtidor.
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à
LES BLEUS BN GA.MPAGNB »9
\
le mépris et le dédain qu'elle ne devait pas attendre de ceux qui
sont armés pour faire respecter les citoyens, leurs propriétés,
les lois et leurs organes. Est-il un témoignage qui puisse dé-
truire des faits constatés, faire évanouir des évidences qui sont
sous vos yeux ? Nous apprenons avec une satisfaction bien sin-
cère que le chouannage touche à sa fin. Puisse notre malheureux
pays en être délivré, et être au plus tôt replacé sous le régime
constitutionnel, dans lequeril tarde aux bons citoyens de se re-
poser, et de se consoler de tout ce qu'ils ont souffert et du mal et
du remède i Perret, Bachelot, Boallé, Rouault, Corbel(l) ».
L'annonce de ces mesures anodines et dérisoires n'étonna
nullement le district. Il s'y attendait. Depuis longtemps, il avait
perdu toute conflance dans la justice militaire. Hoche, ils le sen-
taient, se moquait d'eux. Ils avaient perdu patience et, ne vou-
lant pas qtie de tels crimes passent inaperçus, ils avaient porté
à la connaissance du public les horreurs dont leur pays avait été
le théfttre, et cloué au pilori de Topinion les auteurs respon-
sables de ces atrocités. Le 30 prairial, en effet, le Journal des Pa-
trUtes des 89, un journal de Paris, publiait l'entrefilet suivant.
^ lies administrateurs du district provisoire de Ploôrmel, dé-
partement du Morbihan, au citoyen Real, rédacteur du Journal
des Patriotes de 89.
« Citoyen^ nous vous prions d'insérer dans votre prochain nu-
méro la note suivante : nous certifions la vérité des faits. Le
gouvernement, ladéputation du Morbihan, les généraux ea chef
et autres autorités supérieures en sont plus particulièrement in-
formés... » Après avoir raconté en termes indignés ce que nous
connaissons, à savoir la poursuite des Chouans jusque sur la
lande du Ghône-Tord et celle du Petit Saint-Méen, et les méfaits
de la colonne Simon à Garo et Mooterrein, l'article concluait
ainsi : « Nous devons signaler tous ceux qui s'écartent ainsi de
leurs devoirs, et abusent des pouvoirs qui leur sont confiées.
Salut et fraternité. Gollin, Robert, Gaillard. ».
Cette manœuvre du district ne fut pas approuvée des députés.
Perret écrivait en effet, à la date du 4 messidor : « Nous avons
vu hier, dans le Journal des Patriotes de 89, la lettre que vous y
avez fait insérée, pour donner de la publicité à votre dénoncia-
tion, et nous craignons que vous n*ayez pris un moyen d^humi*
(1) L. 1234. Uttr« du 7 m«Midor.
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250 . REVUE DB BRETAGNE
lier les coupables, qui ne soit pas exempt de quelques inconvé-
nients (1) ». &i les inconvénients qu*il leur signale» c^est d*avoir
mal choisi leur journal, un journal opposé au gouvernemeoft ;
c'est de commencer une polémique qui pourrait tourner à leur
désavantage, d'indisposer l'autorité militaire par cette dénon-
ciation publique, et enfin de donner aux malintentionnés occa-
sion de dénigrer Tarmée et le gouvernement.
Le 6, le môme député leur annonce que ce qu*il craignait que
n'amen&t leur article, est arrivé, o Vous voyez comme vous êtes
gagnés de vitesse par les généraux, qui ont senti de boone heure
ou allaient aboutir la publicité et vos réclamations. Ils se sont
bàlés de faire une petite oblatron à la justice, et d'en prévenir
promptement le Directoire, pour lui faire attester leurs principes
et leur moralité par le général en chef. Je crois que des attesta-
tions ne détruisent pas des faits contraires. S'il en existe, vous
devez bien les connaître... Je douté bien aussi qu*il y ait eu des
réparations, des restitutions^ et je crois que je vous avais an-
noncé d'avance ce qu'on pouvait attendre de la justice militaire.
Jt5 m'en réfère à ma première lettre sur les mesures à prendre
pour t&cher d'obtenir quelques réparations en indemnités, ou
EQirement, aux communes qui ont àouffert. Vous verrez, au sur-
plus, ce qu'il convient de donner de poursuites h cette affaire, et
I T) « Nous a?on8 unanimeiDent pens^ que tous avies mal choisi le cadre de
tM*it« lettre; car le Journal des Patriotes a, depuis longtemps, cessé de mériter
h> titre qa*il prend. 11 estici beaaooap décha dans le jugement de tous les amis
4^ l'ordre, qui ont remarqué que, depuis que le gouTernement a retiré à Méhée(T),
rédaicteur de cette feuille, les souscriptions qu'il lui payait, et depuis qu*il a été
enK^gé à se retirer des bureaux du Directoire par de pressantes considérations^
ee (euilliste était deveiiu un apôtre de Tanarchie, et Tun des détracteurs du
gouvernement, dès l'instant qu'il avait senti sa justice.
t Nous craignons que la honte bien méritée de ceux que votre dénonciation
eonc^rne n'excite leur ressentiment, et ne les porte à adresser au même jour-
nuliste des calomnies qu'il s'empresserait de publier contre tous, sur la lettre
a a premier soldat à qui il prendra fantaisie d'écrire.
» N'est-il pas également k craindre que cette publicité n'aigrisse et n'indis-
pQm les chefs militaires, à qui vous avez continuellement affaire ^
« Knfln ne peut-elle pas prêter quel(|ue moyen aux aristocrates et suppôts dé
cticïuanDage, qui s'emparent de toutes les fautes de nos troupes^ et les présentent
h, leurs partisans comme un système de vexations, adopté et autorisé par la Ré-
publique, contre laquelle ils ont grand soin de diriger toutes les animosités et
tons les ressentiments qui peuvent alimenter et prolonger la guerre civile? Cette
di^rnière considération nous avait empêchés de rien publier à cet égard.»
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LES BCBUS EN CAMPAGNE S5i
VOUS nous trouverez toujours disposés à appuyer les justes ré-
olamations de vos concitoyens (1) ».
Ainsi donc le district avait échoué dans ses efforts. Ses dé-
marches en faveur de ses administrés étaient restées vaines ou
à peu près; ses tentatives pour obtenir justice restaient lettre
morte. Les grands coupables, les chefs, échappaient au châti-
ment. Quant aux autres, aux simples soldats, la déclaration la-
conique de Hoche laisse à penser que la correction — si correc-
tion il y eût — fut douce et légère.
Cependant, Tenquéte ordonnée parle gouvernement, et confiée
au général La BÀrolière, avait reçu un commencement d'exécu-
tion. Le 25 prairial, ce dernier, aux mains de 'qui avaient été
remis tous les procès-vérbaux des plaintes et dépositions faites
à Ploërmel, demandait au district de lui désigner les cou-
pables (2). La demande était plus que singulière. Aussi le dis-
trict, déjà éclairé sur la valeur de la justice militaire par Taccueil
que lui avait fait le général Hoche le 21, se borna-til à lui ré-
pondre<iue la chose n'était pas facile, que les témoins étaient
nombreux sans doute, mais qu'il pourrait se faire qu'ils ne re-
connussent pas les soldats, et qu'il était inutile en conséquence
de leur imposer un voyage long et coûteux.
On SB rendit à Rennes à ces raisons ; et le !•' messidor, le gé-
néral Desbordes, désigné comme rapporteur en cette affaire,
donnait commission pour informer. Les juges de paix des can-
tons de Ploërmel-campagne, Guer et Gampénéac (celui de Garo
(1) Lettre de Perret et Gaillard. — Le mdme jour, la députation écrivait de
son côté : « Nous doutons, citoyens, que la justice qui a dû être faite soit en-
tière, qu*elle ait atteint tous les couDables, et réparé tout le* mal. La connais-
sance particulière que vous ave2 des faite vous mettra à bien de nous instruire
ultérieurement, et de réclamer contre toutes les surprises qui seraient faites k
l'autorité supérieure. Vous nous trouvères toujours disposés à vous seconder, et
à servir notre pays et nos compatriotes, avec le zèle qu'ils ont le droit d'attendre
de leurs représentants, de leurs «.mis et de leurs frères composant la députation
du Morbihan. Le Malliaud, Perret, Boullé, Bachelot, Rouault, Chaignart. —
L. 1234.
(2) « Le ministre de la guerre me charge de vous inviter à désigner ceux des
militaires de la colonne Simon et Crublier contre lesquels vos plaintes sont
partioulièrement dirigées. Dès qne vous m*aurez donné sur cet objet les ren-
seignements que vous avez» et que de mon c6té j'aurai pris ceux qui peuvent
garantir l'exactitude des faits que vous alléguez, je ferai traduire au tribunal
militaire les soldats qui se sont rendus coupables des délits dont il est ques-
tion. » 25 prairial an IV. Le général La Barolièr^ au district de Ploérmel. »
L. 12S4.
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ȕ REVUE DE BRETAGNE
manquant), furent désignés. Leurs procès-verbaux (1) furent
prêts le 22 thermidor, et expédiés le 23 au jury militaire.
Mais depuis longtemps l'affaire élait enterrée ; Hoche avait j?im-
pliflé les délais de la justice.
Néanmoins le district laissa faire, et se prê!a même à la trans-
mission des dossiers, dans l'espoir qu'ils pourraient, comme
l'avait insinué le député Perret, servir à établir une demande
d'indemnités (2).
Plus tard, en effet, il s'efforça d'en ti rrr parti. Mais là encore,
son échec fut lamentable. Tout ce qu'il put obtenir, ce fut une
légère indemnité pour les bœufs enlevés par ordre de Simon et
qui ne furent pas rendus. L'expertise pour la perte montait, nous
l'avons vu^ à 3525 francs. On accorda 1500, et encore fallut-il
l'appui fortuit d'une loi récente (3).
La correspondance suivante, qui est comme l'épilogue de la
navrante histoire que nous venons de raconter, ne laisse aucun
doute sur le résultat final des démarches du district en cette
matière. Cette somme de 1500 francs fut déduite du montant des
contributions ; et cette année-là, quelques paysans de Monterrein
et Garo eurent quelques sous de moins à verser dans les caisses
de l'Etat. Voilà à quoi se réduisit l'indemnité escomptée, et tout
le dédommagement (fleurent jamais, de la justice révolution-
naire, les populations que la colonne Simon et Grublier avait
écrasées, pillées, violentées aux sombres journées de floréal
en l'année 1706.
Non sans tristesse^- ledistrict, à la date du 9 brumaire an V,
dans une lettre à l'Administration Centrale du Morbihan, consta-
tait ce résultat. « Citoyens, nous vous avons instruits, dans le
temps, des vexations inouïes qui ont éprouvé les communes de
Garo, Monterrein, Réminiac et autres circonvoisines, parles in-
cursions des colonnes Simon et Grublier. Nous en avions môme
(t) Ce sont cet procèa-verbaux dont nous ayons parlé plus haut, et qui con-
firment les dispositions laites au district.
(2) « Gardez-bien nos états de pillage; ces originaux (les informations des
juges de paix) pourraient nous servir pour aToir des indemnités. » Le district
au chef du jury militaire, le général Desbordes, chef de Tétat-major d'artiUerie
de rarmée des côtes de l*0céan, 23 thermidor an IV. ^ L. 1234.
(S) Le prix des réquisitions exercées depuis le !•' brumaire dernier, sur les
contribuables, pour le serrice des armées de la République, sera précompté
aux citoyens sur le montant des contributions antérieures à Tan IV, et subsi-
diairemant sur celles de cette année mime. — Loi du S vendémiaire an V, art. 1.
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LES BLEUS EN CAMPAGNE 253
lors porté nos plaintes au gouvernepient^ et vous les aviez
étayées. Croiriez-vous qoa toutes nos réclamations n*ont encore
produit aucun résultat, et que les bœufs de ces citoyens oppri-
més ne sont pas encore payés? C'est la moindre de leur perte. Ne
leur faisons pas attendre davantage le remboursement le plus
légitime. Nous Tavons réduit au taux le plus modique pour évi-
ter tout retard et difficulté, quoique les bestiaux fussent alors
beaucoup plus chers. Nous vous prions, en exécution de la loi du
3 vendémiaire dernier, d'ordonnancer» pour être passé à compte
des contributions, l'état ci-joint et de le faire expédier par cou-
pons pour faciliter la comptabilité. Nous attendons prompte
expédition, et c'est justice (1) ».
Le 14 brumaire, le Département s'exécutait et rendait enfin
justice. «Vous recevrez incessamment, citoyens, 12 bons en fa-
veur des citoyens compris dans Tétat joint à votre lettre, et mon-
tant ensemble à la somme de 1502 francs, qui leur sera précomp-
tée sur leurs contributions de l'an IV, conformément à la loi du
3 vendémiaire dernier; mais nous ne pouvons leur accorder
l'indemnité de 50 francs que vous demandez pour chacun d'eux,
attendu que la loi ne nous en fournit pas les moyens » (2).
Cette longue parodie de la justice avec ces renvois et ces refus,
ce lamentable échec des plus généreuses illusions, c'est peut-être
ce qu'il y a de plus triste en toute cette histoire. Avoir entretenu
ces pauvres gens dans l'espoir que réparation leur serait accor-
dée, et les payer finalement en paroles creuses et vaines, c'était
pour ainsi dire les piller, les dépouiller deux fois. Quant aux ad-
ministrateurs du district qui avaient cru que, cette fois, le scan-
dale était trop éclatant, et le pillage trop étendu pour que le
gouvernement pût se dérober à toute satisfaction, ils virent
leur confiance diminuer peu à peu et disparaître, et durent
se dire qu'ils avaient eu tort de croire à la justice de leur pays.
Demander aussi qu'on indemnise ceux qu'ont pu ruiner des
colonnes républicaines, qu'on punisse les maraudeurs et les pil-
lards de l'armée, n'était-ce pas vouloir vider les caisses publiques
et condamner la plupart des soldats ? Ils étaient trop pour qu'il
fut possible de sévir efficacement. Hoche sentit bien le danger
qu'il y aurait à céder! Il n'hésita pas, et, sans s'embarrasser de
plus de scrupules, il sacrifia résolument la justice.
(1) L. 1234.
(2) L. 1234.
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2$k
REVUE DE BREXAGMB
CONCLUSION
Il eut mieux valu, peut-être, laisser dorroir, dans la poussière
, des archives, ces menus faits d'histoire, qui sonï^ comme chacun
sait, l'accompagoement ordinaire et, pour ainsi dire, obligé
de toute guerre, surtout des guerres civiles* Que des troupes
portent le pillage et la violence en des pays qu ailes considèrent
comme ennemis, et rançonnent des gens qui, pour elles, sont
des vaincus, il n'y a rien là qui doive étonner. Il n'y a rien là non
plus qui puisse intéresser et instruire. A quoi bon, par consé-^
quent rappeler aux Français d'aujourd^hui ce qui a pu diviser
leurs pères, et raviver d'anciennes haines que le temps doit em-
porter avec lui ? N'ont-ils pas assez déjà de sujets de discorde ?
C'est vrai ; et nous n'aurions sans doute pas songé à le faire,
s'il n'existait comme un certain parti-pris chez beaucoup de s'en
aller partout répétant que les Chouans seuls sont coupables» que
eux seuls sont les auteurs des crimes et des violences de la Ré-
volution en notre pays de Bretagne. Haro sur le baudet 1 tel est,
semble-l-iK le mot d'ordre, tel est le r*^frain habituel. Les
Chouans en ont» certes, à leur actif, plus que l'âne du fabuliste
peut-être. Mais ne doit-on pas à la vérité de faire remarquer
qu*ily en a d'autres qui ont eux aussi^ et |ilus môme, pratiqué la
vengeance, odieusemeut abusé de la force, id promené» comme
■à plaisir, dans nos contrées, la guerre sauvage et atroce ?
* C'est ainsi qu'on fait des chouans », disait radministrateur
du district de Ploôrmel, et rien n*est plus vrai. On peut se figu.
rer ce qu^après des expéditions pareilles à celle que nous avons
racontée, — et Dieu sait s'il y en a eu 1 —, fl devait couver de
haines, se ruminer de vengeances, se préparer de représailles
chez des gens ruinés, piétines, réduits au désespoir. Si la chouan-
nerie a poussé chez nous des racines si profondes, et a esisté Sj
longtemps, ne pourrait-on pas dire que la faute en est, pour une
bonne part, à la façon dont opéraient les armées révolutionnaires
en campagne.
Ainsi, rendre à chacun son dû, et lui faire endosser la part de
responsabilité qui lui revient^ voilà ce que nous avons voulu. On
ne nous saura pas mauvais gré^ sans doute, de l'avoir essayé-
J. RouxiL.
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LES ELBUS EN tàMPAGNE 255
SUPPLÉMENT (A
PdBQES JUmFIOATIVBS PAR ORDRB Dl DATB, BT AYSO LBUR GOTB.
An iV. Fiorèal^Si. — Procès- v«rbal des dégâts faits à Quer chez le
citoyen Destnardais. — L, i234.
i7. — Procè^-yerbal des dégâts commis en Saint-
Malo-de-Beignon. — L, i234.
Î9. — Réquisitoire de 60 bœufs par le générai Simon
sar les communes de Caro et Monterrein. —
L,294.
Lettre du général Simon an commandant de
place dePloôrmel. — X, 29i.
20. — Les premières plaintes et dépositions au dis-
trict de Pioérmel. — L, 1i^7.
Lettre de protestation du district aux géné-
raux Simon et Crublier, — L, î29i.
2i, — Lettre de protestation au général en chef,
Hoche. — L, mu.
Lettre du district au département du Morbi-
han. — Ir, 29i.
Lettre du district au générai Quantin, corn-
r mandant le Morbihan.
Lettre du district au département d'I lie- et- Vi-
laine.
Lettre du district à la dépif tation du Morbihan
à Paris.
Réponse de Tadjudant-général Simoh au dis-
trict. — L, 29i.
Rapports des agents nationaux de Caro et Mon-
terrein. — L, 29i.
Procès-verbal des dég&ts chouans au château
du Bois de la Roche. — L, i23U.
22. — Lettre de protestation, avec pièces à l'appui, au
général commandant la grande division de
rouest à Rennes. — L, i23U.
Lettre de protestation, avec pièces k Tappui, au
Ministre de la Guerre. — L, i23U.
23. — > Béponse du Département d'ille-et- Vilaine.
— X, i254.
24. — Letfare au district de Josselin sur les dégâts
chouans au château du Bols de la Roche.
25. — Réponse du diatriot de Josselin. — L, îi58.
Lettre avec pièces à Tappui au Département du
Morbihan. — £, 29i.
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ftEVOB DE BaKTACtNE
26. — Lettre au district doB sœurs Le Chmuff de Cêr-
Lettre.au canton de Plélaii, à prapos des
bœufs retenus. — L, t2îâ
Eéponse du Département à la lettre du 2U —
Lettre du Département du Morbihan au Mi-
ni s tre de la guerre. — L, 29 i.
28^ — Lettre au Directoire avec pièces à l'appui. —-
29, — Nouvelle lettre, avec pièces à l'appui (105 ar-
ticles), au général commandant la Grande
Division de l*Ouest à Rennes. — L, f2Bii.
» Nouvelle lettre au général Quanti n comman-
dant le Morbihan. — Z, i254.
30. — Réponse du canton de Plél&n. — L, Î2S^.
Pmirial 2. — Seconde lettre au canton de Plélan. — L. î2îà.
S. — Ffocës-^erbal des dégâts commis dan» les mé-
tainea de Fabre, à Guer* ^ i, î^3à,
S. — Réponse du Département du Morbihan à ta
lettre dti 25. — X, Î23à.
Lettre du Département au Ministre de ia Guerre,
#. — Lettre au Département d'I Ile-et-Vilaine. —
£. Î23Ù.
Longue lettre, avec un état des pertes (1 18 ar^
UcleB), à la Grande Division, Et Rennes, —
a. — Etat des bœufs non rendus, — L, t23à.
i$, — Réponse du Ministre de la Guerre, — £, i23ià,
Î4* — Réponse du Département d'Ule-et-Viluine. —
Lettre du député Ferre L — L, Î23à,
Î5, — Réponse de 'a Grande Division de TOuest de
Tarmée des Côtes de lOcéan, — /., î^23h.
iS^ — Lettre de Hocbeau districL — L, ?9i.
2Ù, — Lettre du Directoire à la DéputaUon du Mor-
bihan. "- L, iQ3^.
22. — Lettre du député Perret au district. — Z., J23i.
2S^ — Lettre du district au Département du Morbi-
han sur la visite de Hocbe. — L^ '^9i^
25. ^ Lettre du général La Barolière, commandant
la Grande Division de roneet. -- L, I^Bà.
30, — Lettre de la députation du Morbihan au dis-
tricL — L, Î23£i.
Le « Journal deij Patriotes de 89 ^ publie un
article sur Taffiitre.
MÉJindQr I, — Lettre du rapporteur militaire au district* —
L, 1254,
\
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t
LES BLEUS EN CAMPAGNE 2&7
3, — Réponse du Département du Morbihan àla lettre
du 23. — L, i254f.
Lettre du Département du Morbihan au Mi-
riistre de Tlntérieur. — L,29i.
Lettre du Département du Morbihan au gé-
néral Hoche. — L,29i.
4. — Lettre du député Perret au district. — L, nsu.
; Réponse du Directoire au district, lui disant
que justice est faite. — L, i23ù.
Lettre du Directoire à la députaiion du Morbi-
han, lui disant que justice est faite. —
L, i234f.
. -^ ^. — Lettre de Perret au district. — L, i23â.
Lettre de la députation du Morbihan au dis*
trict. — L, i23U.
7. — Lettre de la députation du Morbihan au Direc-
toire. — L, i254t.
20. — Commission donnée par le rapporteur mili-
taire, le général Desbordes, aux juges de
. paix de canton pour informer sur les faits.
L, 1218.
Thermidor 11. — Procès- verbal du juge de paix d» Ploôrmel-
campagne. — L, i23U.
48. — Procès-verbal du juge de paix du canton de
Guer. — L, i^3U.
21. — Procès- verbal du juge de paix du canton de
Gampénéaç pour Beignon et Saint-Malo-de-
Beignon, et le canton de Garo, vu le défaut
de juge en ce dernier canton. — L, f2d4f.
23. — Envoi au général Desbordes des procès-ver-
baux d'information. — L, 1218.
An y Brumaire 9. — Le district de Ploôrmel à l'Administration Cen-
trale du Morbihan. — L, 1-238.
14. — Le Département du Morbihan au district de
Ploérmel. — L, 123U.
(B
Bien qu'elle n'appartienne pas au dossier de raffaire que nous
avons racontée, nous mettons néanmoins, sous les yeux du lec^
teur, la pièce suivante (1), parce qu'elle nous paraît constituer un
document des plus curieux et des plus suggestifs sur la façon
dont opéraient les Bleus en campagne.
(1) L. 1396.
Mm 1909 19
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? ^»^ ^f^'
m RBVUE DE BRETAGNE
ISÈ MeflBidor An ïfl, — [nventair« dea eiTets remis à l^administpation.
du district de [& Hoclifl- dea -Trois (Rochefort) par le citoyen Gouii, com-
mandant la force armée, leadita effets trouvés sur aeuï volontaires qui
les aT&i6ût voléi :
Un châle de soie lileue,
9 moootioirs de poche tant bons qae mauvais. '
7 mouchoirs de mousseline pour le col.
Un coupon de mousseline rayée.
Une chemise d'homme.
Une paire de bas de soie*
lE morceaux de savon.
Une paire de bas de coton à famme.
Une paire de bas de soie à homme.
Un couteau de table à manche argenté.
12 boutons d* habit à homme.
Une paire de ciseam.
Une pierre et un cuir k rasofrs
6 rasoirs.
Une serviette,
3 livres 4 sous en numéraire*
Une boîte avec son rasoir.
Une paire de boucieg d'argent à femme.
Une paire de boucles de jarretière k diamant.
Une boucle de chapeau à diamant.
Une chaîne de montre en similor.
Une paire de crochets à diamant
3 boucles d^oreille à pierreries.
Un vieux bouton de manche argenté.
Ces effets furent rumis à leur propriétaire, René*.îoseph Boudet, à la
Noôcado, qui #n a fait part k un de ses parents, député k la Convention.
J. M k^ç^h, président administrateur.
(Fin.)
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ARMORICAINS ET BRETONS
(Suite) (l).
CHAPITRE II
La meilleure preuve que le celtique était la langue parlée dans
la Péninsule armoricaine aux V* et VI* siècles de notre ère, c'est
que de nos jours cet idiome est encore en usage dans cette
région. Les Bas-Bretons se trouvent^ à cet égard, exactement
dans la même situationque les Basques.
De môme que dans Pant^quité les Euscariens ont su résister à
l'influence romaine, de môme pendant les quatre ou cinq siècles
qu*a duré dans les Gaules la domination des Romains, les tribus
gauloises de la Péninsule armoricaine « où la civilisation romaine
avait moins pénétré (2) » « ont obstinément conservé leur natio-
« nalité (3) ». La môme ténacité a, chez ces deux peuples» amené
le môme résultat : le maintien de leur langue nationale.
Les Basques des Basses-Pyrénées et les Bretons de Basse-
Bretagne sont les seuls parmi les Français qui ont conservé leur
vieil idiome ancestral; les autres habitants de ta Gaule, qui par-
laient roman à l'époque des invasions, parlent aujourd'hui fran-
çais. Cet état de choses qui existait, il y a quinze siècles, et qui,
pour la Basse-Bretagne et le pays basque, remonte à une époque
bien plus éloignée, n'a pas plus été troublé par les Emigrés bre-
tons des V* et VI* siècles, pauvres fugitifs désemparés et timides,
que par les Wisigoths^ les Burgondes, les Francs et les autres
barbares de la môme période, conquérants aussi fiers qu'entre-
prenants et qui fondèrent plusieurs royaumes dans l'Europe
occidentale.
Tous les auteurs sont d'accord à ce sujet ; les seuls dissidents
sont ceux qui se sont laissé intimider par certains linguistes
dont l'assurance sur cette question n'a d'égale que la fragilité de
(1) Voir la Revue d^arril 1909.
(2) Quizot, Histoire du Gouverneur représentaêif.
(3) Biseul, Des Osismii,
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m ÂBVUIS i)E BRETAGNE
ièur doctrine. M. Loth, qui ne méconnaît pas la « grande valeur >
de plusieurs historiens cités par moi à l'appui de ma thèse, les
frappe pourtant d'ostracisme, quand il leur arrive de s'occuper
de questions critiques, dont Téminent doyen de Rennes s'est
réservé le monopole. Ces historiens, fussent-ils des Henri Martin,
des Mommsen^ des Michelet, des Duruy, des Guizot, des Augus
tin Thierry, il les juge incompétents pour traiter de ces matières,
« étant, dit-il étrangers aux études spéciales qui eussent été
« nécessaires pour des questions d'histoire celtique. »
Ainsi un historien pourra s'assimiler toutes les branches du
savoir humain ; la linguistique seule sera hors de sa portée. C'est
placer réellement trop haut une science qui, au point de vue
historique» n'est, après tout, comme l'archéologie et l'anthropo-
logie, qu'une science auxiliaire de l'histoire.
Tout cela ne résulte que d'un sentiment exagéré de l'impor-
tance que certains savants s'attribuent et que la linguistique
semble, en môme temps qu'une mentalité spéciale, développer
chez quelques-uns de ses adeptes.
Pour écrire Thistoire, il faut d'abord posséder le sens histo-
rique, et savoir ensuite suppléer, soit par l'imagination appuyée
sur d'indiscutables analogies, soit par des déductions tirées de
la connaissance parfaite d'une époque, au silence des écrivains
ou au manque de documents (1). Or, M. Loth ne possède pas tou-
jours le sens historique, comme il est facile de s'en convaincre
en lisant ses écrits, et quand il fait de l'histoire celtique, cette
lacune est encore aggravée par une partialité excessive pour les
Celtes d'Angleterre et un parti pris manifeste contre les Celles
de France.
« Le fait de la disparition du celtique dans tout le reste de la
« Gaule, dit ce savant, au moment des émigrations bretonnes
« est indéniable. M. Travers me permettra de ne pas le supposer
« tellement ignorant en histoire de la langue française, qu'il
« soit besoin de lui démontrer que le français est une langue
« essentiellement latine. Y aurait-il une exception pour la pénin-
(I) n 7 a deux méthodee pour faire connaître le passé : Tune consiste à le
faire retivre sous nos yeux en suppléant par les analogies que fournit la science
ou les Tisions que crée l'imagination au manque de documents; l'autre expose
le plus exactement possible ce que Ton sait, en se gardant de trop ajouter au
témoignage des hommes et à. la description des choses (Georges Dottin, Manuel
pattr sertir à Vétude de V Antiquité celtique , page 50).
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ARMORICAINS BT BRETONS 261
« suie armoricaine due sans doute à son éloignement ? II y a en
<c Gaule, des contrées montagneuses où la population pouvait
« être plus sûrement encore protégée contre la pénétration la-
« tine par les difficultés d'accès de leur pays, et cependant nous
« savons que leur langue n'en a pas moins péri. La civilisation
« romaine n'a pas été moins active en Armorique qu'ailleurs.
a Que M. Travers se donne la peine de parcourir la deuxième
« édition, toute récente, des Époques préhistorique et gauloise
« en Armorique^ de M. du Ghfttellier, il y verra que le sol de la
» partie la plus occidentale de TArmorique, le Finistère, est lit-
u téralement couvert de débris romain (i). »
Si )a langue celtique a disparu dans tout le reste de la Gaule
au moment des émigrations bretonnes, il y a eu certainement
une exception pour la Péninsule armoricaine. Que cette excep-
tion tienne à Téloignement du pays, au caractère des habitants
ou à toute autre cause, elle n'en est pas moins évidente. Gela
ne fait de doute que pour quelques savants qui préconisent des
systèmes dont ils n'admettent pas qu'on s'écarte. D'ailleurs la
disparition du celtique en Gaule» au V^ siècle, n'était pas aussi
ebmplète que le dit M., Loth. L'illustre historien, Victor Duruy,
écrit que « le vieil idiome celtique subsistait, surtout à l'Ouest,
« dans TArmorique (Bretagne); au^nord, dans la Belgique et
« sur les bords de la Moselle; môme au centre chez les Ar-
u vernes, où, au cinquième siècle de notre ère, le plus grand
« nombre des nobles parlait encore la langue de leurs pères (2) ».
Ce qui confirme Tassertion de cet historien, c'est que saint
Germain, évoque d'Auxerre, né dans cette ville qui était com-
prise dans V Armoricanus Tractus et saint Loup, évéque de.
Troyes, natif de Toul, ville située sur les bords de la Moselle,
chargés par le pape Célestin !•' d'extirper de Grande-Bretagne
rhérésie pélagienne, se servirent de la langue parlée dans ce
pays pour s'acquitter de leur mission (429-431).
« A leur arrivée en Bretagne, dit M. Aurélien de Courson,
« d'après la vie de saint Germain de Gonstantius, les deux pf é-
« lats virent les populations du littoral accourir en quelque sorte
« au-devant de leurs pas, et bientôt l'île entière voulut entendre
« leurs prédications. Germain et Lupus, nés tous deux dans
(1) Bulletin de la Société Archéologique d'I Ile-et-Vilaine, tome XXXVIII,
1908, p. 303.
(2) Victor Duruy, Bistoire.de France^ tome I, p. 68(1882).
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^ RBYUB DB BABtAGNB
« rArmorîqoe, annonçaient, 11 est vrai, la parole de Dieu dans
a ridiotne du payd, qui était aussi le leur ; ils le faisaient non-
« seuléilientdans les églises, mais le plus souvent dans les obe«
ce mins, au fond des bois et dans les vallées (1). »
La mission de ces deux prélats prouve irois faits Importants
d'ordre linguistique.
1^ Que les Bretons insulaires avaient, sous la domination
romaine, conservé leur langue nationale, ce qui est égaleàient
Tdpinion de M. Loth (2) ;
2» Que la langue des Oaulois était la même que celle parlée en
Grande-Bretagne (3) ;
3* Que cet idiome était encore en tisage, au V^ siècle, dans
plusieurs parties de la Gaule, y compris, bien entendu, la Pé-
ninsule armoricaine (4).
Si la langue celtique a, pendant quatre ou cinq siècles, Conti-
nué à être parlée dans cetraines parties de la Gaule, malgré la
diffusion du latin, cela ne tient nulletnent aux difficultés d'accès
plus ou moins grandes présentées par ces régions. Les mon-
tagnes, pas plus que la mer, n*ont jamais opposé d'obstacle
sérieux à l'extension de la langue latine. Sillonnées par de
nombreuses voies romaines, elles s'imprégnaient aussi facile-
ment que la plaine, de la culture italienne, par suite des passages
continuels de troupes et de voyageurs se rendant d'un pays
dans un autre.
Les Alpes et les Pyrénées n'ont pas empoché le latin de se
répandre en Gaule et en Espagne, tout en retenant pour leurs
habitants ce qui leur était nécessaire pour leur commerce et
leurs relations avec les peuples voisins. Les contrées monta-
gneuses ne protégeaient donc pas, plus sûrement que les autres,
les populations contre la pénétration latine. A part l'Auvergne,
les pays où la langue gauloise s'est conservée le plus longtemps,
étaient plutôt des pays plats ou discrètement ondulés, comme
la Belgique et les bords de la Moselle. La Péninsule armori-
caine où l'idiome celtique n'a jamais cessé d'être parlé depuis
un temps immémorial, n'est pas non plus une région de hautes
montagnes. Eofln le Pays basque où la langue euscarienne
(1) Aurélien de Goarson, Histoire des peuples bretons^ tome I; page 269.
{1) Loth, Les Mots latins dans les langues brittoniques.
(S) D*Arbois de Jdbain ville, Revue Celtique (1835), page 278-279.
(4) Victor Daraj, Histoire de France^ tome I, p. 08.
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ARMORICAINS BT Bf(etC»««S 96»
règne encore de nos jours, n'appartient pas aux passifs pyré-
néens les plus inaccessibles. « On sait, dît Elisée Reolus, que,
«t par un remarquable phénomène historique, les populations
'4 ont gardé leur langue ibérique, d'ailleurs bien transformée,
« non dans les régions les plus ftpres, dans les vallons les plus
« fermés de la chaîne pyrénéenne, mais au contraire dans les
<( vallons d'accès facile qui séparent les ' grandes Pyrénées des
« massifs de la côte cantabre(i). ^
Le phénomène historique constaté par Elisée Reclus au pied
des Pyrénées existe également en Basse-Bretagne, dont les ha-
bitants sont toujours restés fldèles à la vieille langue celtique
reçue de leurs ancêtres Armoricains.
Quant à prétendre que « )a civilisation romaine n'a pas été
« moins active en Armorique qu'ailleurs )», c'est vraiment trop
présumer de la crédulité du lecteur que de le supposer capable
d'admettre une pareille assertion sans se récrier* « Tout homme
sensé », pour me servir de l'expression de M- le doyen, se refu-
sera à reconnaître que les arts, les sciences et les lettres bri^
laîentd'un aussi vif éclat à Darioritum (Vannes), Vorganium ou
Vorgium (Garhaix), Gesocribate (Brest), Condevincum (Nantes)
et roômfe Condate (Reonesj, qu'à Bordeaux, Narbonne, Nîmes,
Arles, Vienne, Lyon, Autun, Reims, Trêves, etc. Comme termes
de comparaison entre la culture latine dans la Péninsule armo-
ricaine et les autres parties plus policées de la Gaule on peut,
d'un côté, prendre la Vénus d'Arîes et de l'autre la Vénus de
Quinipily ; on se fera ainsi à peu près une idée de la façon dont
ces différentes populations comprenaient la civilisation romaine.
C'est grâce à cette simplicité toute primitive et à la ténacité
des habitants de ce canton isolé de la Gaule, qui persistaient à
vivre selon leurs mœurs, que les Bas-Bretons doivent la con-
servation de leur vieille langue ancestrale transformée, il est
vrai, aujourd'hui, et cette originalité qui les distingué encore
des populations voisines.
M. du Châtellier dont, sur le conseil de M. Loth, je viens de
lire l'ouvrage La Poterie aux époques préhistorique et gauloise en
Armorique, n'a pas mieux réussi que le doyen de Rennes et
M. de la Borderie, à modifier mon opinion bien arrêtée au sujet
du manque absolu d'aptitude des Armoricains à s'assimiler la
(!) Elisée Reclus, Nouvelle Géographie universelle, La France, page 85. .
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364 KBVUE DE BRETAGNE
civilisation romaine. Je dirai môme que les poteries du savant
archéologue m'ont plutôt confirmé dans mon idée que les Celtes
de la Péninsule armoricaine n'avaienl pas besoin du concours
des Romains pour progresser dans l'art de la céramique et se
confectionner les vases et les ustensiles qui suffisaient à leurs
besoins.
Le soi du Finistère est, paraît-il, « littéralement couvert de dé-
bris romains », ce dont on ne s'aperçoit pas à premire vue. De
quels débris s'agit-il ? S'il s'agit de restes de poteries, cette ava-
lanche de tessons s'expliquerait par ce fait que, la fabrication
indigène ne suffisant plus à la consommation^ les habitants du
pays se seraient, pour y suppléer, adressés soit à l'Italie, soit
aux contrées de la Gaule mieux pourvues que l'Armorique de
produits romains. Mais il ne résulterait pas de là que, pour
prendre leur repas dans des écuelles ou des marmites de fabri-
cation latine, les Armoricains eussetHr été complètement roma-
nisés et eussent parlé latin, pas plus que nous ne nous considé-
rons comme Chinois et ne nous croyons de parfaits sinologues»
parce que nous prenons notre thé dans des services fabriqués
par les sujets du Céleste-Empire.
CHAPITRE III
Bien que M. le doyen de la Faculté des Lettres de Rennes pré-
tende démontrer directement et mathématiquement par la lin-
guistique, qu'à l'arrivée des Kmigrés bretons dans la Péninsule
armoricaine au V* siècle la langue parlée était le roman, il ne
néglige cependant pas de produire d'autres preuves plus à la
portée du commun des mortels, pour leur persuader qu'à cette
époque la langue celtique avait été complètement délaissée par
les habitants de cette presqu'île.
Ces preuves sont :
1® Le grand nombre de voies romaines dont la Péninsule était
sillonnée, ainsi que les ruines que l'on trouve dans une foule de
localités et qui donnent « Timpression d'un pays non seulement
complètement dompté, mais môme complètement assimilé (1).
2® Les solitudes qui régnaient dans l'Armorique péninsulaire
et qui laissent la sensation d'un pays peu habité.
(1) J, Loth, VEmiçraHan bretonne en Armoriqite, p. 72.
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ARMORICAINS ET BRETONS 265
Ed ce qui concerae les ruines et les vestiges de voies rotnaiaes,
il en çxiste assurément en Bretagne, beaucoup moins toutefois
que dans certaines régions de la France. Mais avec cet enthou-
siasme particulier aux Celtes,^ surtout quand ils parlent de leur
pays, les archéologues ou du moins certains archéologues bre-
tons s'extasient devant le moindre moellon gallo-romain ou de
vieux pans de murs de la même époque, et reconstituent dans
leur esprit, avec tous les monuments dont elles devaient être
ornées,*d'antiques et vastes cités qui^ souvei^t, n*ont existé que
dans leur imagination (1).
Le voyage de M. de la Borderie à travers les cités gallo-
romaines de la vieille péninsule est suggestif à cet égard (2) ; on
croirait Visiter avec lui les ruines de nombreuses Pompéi armo-
ricaines. D'étonnantes épithètes jaillissent de sa plume aussi
facilement que « les débris antiques jaillissent du sol, dès qu*on
« y jette la sonde ». Le qualificatif important, ne lui suffit pas, il
ne lui faut pas moins que l'expression considérable répétée à pro-
fusion et qui à Darioritum (Vannes) s'élève jusqu'au superlatif
absolu, pour proclamer son admiration à la vue de ces vénérables
reliques. Et dire que, dans ma jeunesse, au début de ma car-
rière, j'ai habité Vannes pendant plus de trois ans, et que, à part
quelques parties de murailles remontant à l'occupation romaine,
je ne me doutais pas de l'existence de toutes ces merveilles \dont
personne d'ailleurs ne parlait autour de moi! Peut-être aussi les
monuments et surtout les remparts pittoresques du Moyen-âge
faisaient-ils tort aux vestiges effacés de la période gallo-romaine.
Aujourd'hui, et après plus de quarante années d'expérience
dont quelques-unes passées en Orient et en Extrême-Orient, je
(t) Beaucoup de villes antiques en Bretagne dont Tezistence serait encore
aujourd'hui attestée par de vieilles substructions, des médailles^ des débris de
poteries et autres vestiges dont M. de la Borderie nous donne la description,
n'étaient autres que des établissements militaires plus ou moins importanis, et
selon toute apparence, fondée à partir du III* siècle de notre ère, à l'époque où
à la paix romaine succéda en (îaule une pt^riode de plus de deux siècles ensan-
glantée par les guerres intestines et extérieures, les discordes civiles et les inva-
sions. Quant aux voies romaines, une grande partie d'entre elles n'étaient que
des roates militaires destinées à desservir les établissements en question, ainsi
que des postes ou camps d'observation. (A. T.)
(Voir J.Me la Passardière, Note sur Inoccupation militaire de VArmorique
par les Romains. Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, années
1904, 1905).
(2) Histoire de Bretagne, tome I, ch. III.
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26B REVUE DE BRETAGNE
persiste de plus en plus dans mon opinion que les ruines ou les
vieuâ édifices laissés par des peuples conquérants^ eux-mêmes
disparus ou forcés d'abandonner leurs conquêtes, sont lojn
d'avoir l'importance qu'on leur donne pour dél-erminer les langues
parlées par les populations indigènes à des époques plus ou
moins anciennes. Ce sont, en dehors de la linguistique dont le
concours, à cet égard, peut être précieux pour confirmer les
données historiques, d'autres témoins qu'il faut interroger afin
d'arriver à la vérité.
Je ne puis que répéter ce que je disais Tannée dernière sur le
, môme sujet : « Les ruines de constructions, aqueducs, temples,
« voies romaines, ne suffisent pas non plus pour prouver que
« l'Armorique avait été romanisée et parlait latin. 8i, par suite
« d'événements ou de conflits en Extrême-Orient, la. France,
« après avoir dépensé des centaines de millions et abandonné
« les ossements d'une multitude de ses enfants, était obligée
M d'évacuer l'Indo-Chine, elle la laisserait couverte de pa-
« lais, de routes, de casernes, de voies ferrées, de ponts, d'é-
« glises, d'établissements civils et militaires, constructions dont
« la solidité défierait le temps et attesterait notre passage long-
« temps encore après nous Et cepemiant, à part ces pierres,
« il ne resterait de nous qu'un souvenir lointain, et les Indo-
« Chinois devenus Japonais ou Chinois, continueraient à parler
« annamite, absolument comme sous notre domination. »
Malgré la confivince que MM. Loth et de la Borderie paraissent
avoir dans l'existence de ruines plus ou moins nombreuses,
afin de prouver à une distance de quatorze ou quinze siècles la
romanisation complète de la Péninsule armoricaine, ils ne sont
cependant, au fond, qu'incomplètement rassurés sur la solidité
de ces antiques vestiges pour étayer leur thèse.
Ce qui leur semble surtout important pour expliquer le nou-
veau changement d'idiome d'un peuple qui avait déjà quitté son
'ancienne langue pour en prendre une nouvelle, c'est là dispa-
rition môme de ce peuple. Il est bien évident, en effet, que là où
il n'y a plus personne, les nouveaux et derniers arrivants impo-
seront forcément leur langue.
C'eût été d'ailleurs excessif et sans exemple d'exiger en si
peu de temps, de toute une nation, une pareille versatilité de
langage. M. Loth met, il est vrai, certaines formes pour dépeu-
pler la péninsule ; quant à l'historien breton, son cœur est fermé
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AaMORlCAlNS ET BRETONS 267
à toute pitié, et il extermine la population d'une manière njé-
thodiqve mais impitoyable. Pard'habibs gradations destinées
à préparer l'esprit du lecteur, il arrive à le faire assister, sans
trop de surprise, à la suppression des trois quarts des habitants
de la Presqu'île armoricaine, et, devant ses yeux, noie le reste
dans le flot de l'inondation bretonne (1).
Nous nous occuperons, dans un autre chapitre, du système
employé par M. de la Borderie pour dépeupler ainsi cet infor-
tuné pays ; mais, en attendant, nous allons aborder plusieurs
questions qui trouvent ici leur place tout indiquée et dont Texa-
men ne sera sans doute pas inutile.
{A suivre),
Albert Travers.
(1) A. de la Borc^rie, HisMré de Bretagne^ p. 249, 256.
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A TRAVERS LA ^BRETAGNE
Il pleut sur le dolmen I
Les membres du Gorsedd s'agitent et le glaive d*Artur es-
quisse un geste de détressfe! Les druides, les bardes et les
ovates (?) croyaient avoir la Bretagne avec eux, et voilà qu'ils
restent seuls... avec leur archidruide d'Outre-Mer. Le Gofficles
raille ; le Comte de Lantivy, d'abord sous le pseudonyme de
Raymond de Ghanron, dans la Gazette de France^ puis sous son
véritable nom dans la Revue Critique des Idées et des Livres.leur
adresse des critiques irréfutables ; M. Loth, Téminent doyen de
la Faculté des Lettres de Rennes, dans son discours d'ouverture
du Congrès des Sociétés Savantes, prouve une fois de plus l'ina-
nité de leurs chimères panceltiques et dolméniques ; Mgr l'évoque
de Vannes adresse à leur journal un avertissement officiel cktns
la Semaine Religieuse du diocèse avec menaces de mesures plus
graves ; le Pat/s d'Arvor ouvre une enquête qui tournera inévi-
tablement à leur confusion ; enfin le modeste travailleur qui signe
cette chronique a reçu, à l'occasion de la campagne anti-druidique
qu'il a entreprise, des encouragements venus des quatre coins
de la Bretagne, et môme de TU. R. B. Cette dernière a hâte de
se soustraire au ridicule qui l'enveloppe.
J'ai eu le plaisir de causer ces jours-ci avec le Comte de Lanti-
vy. Personnellement, m'a-t-il dit, je suis décidé à aider l'offensive
bretonne sur le terrain des libertés provinciales, c'est à-dire ad-
ministratives, et à l'aider de toutes mes forces car j'y vois le seul
terrain réel d'une rénovation bretonne en môme temps que
l'exemple le plus utile pour la France entière. Il est temps de
passer de la parole aux actes et de ne plus se payer de mots.
Mais les bardes, si fertiles en idées absurdes, feraient volontiers
la conspiration du silence sur une organisation vraiment tradi-
tionnelle et féconde ayant pour but la restauration des Etats.de
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A TRAVERS LA BRETAGNE 269
Bretagne selon les besoins modernes, c'est-à-dire avec la repré-
sentation intégrale des intérêts et des droits. Je crois que TU. R. 6.
compte de bons éléments qui pourraient se rallier à ce pro-
gramme- En attendant, la réponse que vous a faite le Pays Breton
ne porte pas, mais elle contient tous les éléments nécessaires
pour la condamner. Afin de justifier la rêverie du panceUisme^
Fauteur de l'article invoque le panslavisme, c'est-à-dire la plus
grande Russie, et le pangermanisme c'est-à-dire la plus, grande
Allemagne {Usez Prusse). La Russie et la Prusse sont des réalités
politiques individuellement intéressées à défendre chacune les
systèmes ethniques susnommés. Qui aura un intérêt politique à
défendre le panceltisme^ On répond : la France et l'Angleterre ;
et c'est trop, car ces deux Etats ne sont pas encore — Dieu merci !
— confondus. Le panceltisme, en admettant que son principe
réponde à quelque chose de solide^»— ce qui n'est pas puisqu'on
ne saurait nier en France la formation gallo-romaine, — favori-
sera- t-il la plus grande France ou la plus grande Angleterre?
Toute la question est là, au point de vue patriotique. Or, dans
l'état des choses, étant donné la mentalité bretonne, la propa-
gande anglaise sur nos côtes, enfin notre gouvernement et celui
de l'Angleterre, la réponse n'est pas douteuse. Le panceltisme
sera favorable à l'Angleterre; de toutes manières et par des in-
fluences très subtiles, son résultat sera de corrompre chez nous
l'esprit de nationalité française. Ses adeptes pourront agir in-
consciemment, leur rôle n'en sera pas moins dangereux. Je re-
proche au rédacteur du Pays Breton d'opposer au vrai régiona-
lisme qu'il a bien soin de réclamer pour toutes les provinces de
France, les « franchises et libertés de la Bretagne » bonnes à
réclamer,dit-il,pour des « archéologues ». Depuis l'annexion de la
Bretagne à la L^Yance, les franchises et les libertés bretonnes
n'impliquaient pas souveraineté mais bien autonomie adminis-
trative. C'est là qu'il en faut revenir pour toutes les provinces, et
la Bretagne se trouve dans une situation privilégiée pour lutter
contre VEtatisme^ puisque ses libertés administratives ont été
reconnues par un contrat solennel. Il y aurait un beau mouve-
ment provincial à créer en Bretagne : la France tout entière y
trouverait l'exemple, je le répète. Un petit groupe d'hommes,
d'accord sur les principes et poursuivant les revendications ré-
gionalistes, en montrant l'accord de la tradition bretonne avec
les nécessités de la décentralisation moderne et de la représenta^-
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270 REVUE DE BRETAGNE
tion professionnelle, aurait chance d*obtenir beaucoup. En dehors
des blocards, il aurait pour ennemis les insouciants et les bardes.
Je me permets de comparer les premiers à des paralytiques ti
les autres à des songe-creux. On pourrait donc se passer d'eux.
Que répondront les bardes au comte de Lantivy ? Rien, ou pas
grand chose
M. Jaltrennou n'est pas seulement le barde-héraut (?) du Oor-
sedd ; il est aussi l'enfant terrible de la troupe. Lors du Congrès
de ru. R. B. à Ro&trenen, il avait déjà trouvé le moyen de glis-
ser dans le programme officiel l'annonce de sa chère petite cé-
rémonie do'méciique, ce qui lui avait attiré une réprimande.
Cette fois il s'est dit informé par M. le'Président de TU. R. B. que
le grand Congrès d'été aurait lieu à Ponlrieux, et a ajouté que les
Trécorrois seraient heureux de voir chez eux les «joyeux
bardes » (sic). Le Pays Breton proteste dans son numéro du 18
avril, a Pardon I s'écrie-t-ll avec raison, le Pays de Tréguier
sera enchanté de recevoir les Régionalist'es bretons qu'il ne faut
pas confondre avec (f les bardes », coqime à plaisir. A chacun le
sien. »
Quand je vous disais qu'il pleut sur le dolmen I
Un comité s'est constitué à Saint-Brieuc pour la publication,
sur Toriginal, du procès de canonisation de Charles de Blois.
A cette occasion, Tun de ses membres a adressé aux journaux
de Bretagne une lettre des plus intéressantes, où il établit que le
glorieux vaincu d'Auray se montra régionaliste et traditiona-
liste, véritablement fidèle à la coutume de Bretagne, alors que
Jean de Montfort appuyait ses droits sur la coutume de France
en admettant l'amputation des institutions bretonnes. D'ailleurs^
sauf deux ou trois exceptions, h part le pays de Guérande, toute
la Bretagne se rangea du côté de Blois : le fait est prouvé his-
toriquement.
Le grand salon Rennais organisé par VAssociation Artistique
et Littéraire de Bretagne a ouvert ses portes le samedi 13 mars
en la salle des Fêtes de la Mairie de Rennes. On n'attendra pas
de mol un compte-rendu détaillé de cette exposition — la XVII*
depuis la fondation, -- car les organes de notre capitale bretonne,
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A TRAVERS LA BRETAGNE 271
notamment le Journal de Rennes, en ont donné de très bonnes
et très exactes analyses. Maià je^ tiens à dire combien j'ai été
heureux de voir nos af-tistes prendre de plus en plus leurs mo-
dèles et leurs inspirations autour d'eux. Nous sommes en Bre-
tagne, ristons-y. Citons donc: A Saint-Servan, de M. Moulton ;
Un Matinà Pontréayi, de M. Bdlleroy ; Marais dAucfer, de M. Ro-
sot ; La Baie du Prieuré de Dinar d, de M. Jean Gautier ; Gros
Temps à DamgaUi de M*"" Danard Puig ; Coin de Remparts de
Saini'Malo, de M^'* Deplanche : l'admirable Maternité, de L. Ro-
ger, le clou du Salon ; Scène de Pardon, de Lemordant ; le Passage
de la Teignouse, de M. Jules Ghesnais ; Prairies an bord delà
Vilaine, de M. Balleroy ; la Vilaine au Grand Boulay, de M. Ba-
zire ; Baptistère de tHospice Saint- Melaine, de M"* Jos-
seaume ; etc...
En somme, très bonne manifestation d'art breton. La môme
Association donnait le 7 avril dernier une audition musicale
exclusivement consacrée à la Bretagne avec un programme com-
posé d'œuvres de Bourgault-Ducoudray, de Ropartz et de
mélodies bretonnes et galloises. Yann Nibor avait bien voulu
clôturer la séance en disant quelques-unes de ses chansons les
plus populaires. ^
C'est à Rennes aussi que s'est tenu — la semaine sainte î —
le Congrès des sociétés savantes. Malgré tes efforts du Comité
d'organisation, malgré les rapports fort intéressants qui y ont
été présentés, ce Congrès a piteusement échojé par la faute de
la mairie de Rennes qui avait cherché à y introduire la politique.
La Société des Bibliophiles Bretons vient de refhettre à ses
membres un nouveau volume, et ce volume nous le devons en-
core à la .plume de son infatigable président M. le vicomte de
Calan. Après le cours si remarqué qu'il fit à la PacuFté des
Lettres de Rennes sur notre histoire au XVI* siècle, M. de Calan
était mieux documenté que tout autre pour nous parler de nos
Etats provinciaux depuis l'union avec la France jusqu'à la mort
d'Henri III, roi de France et dernier duc de Bretagne. Ses Z>ocw-
ments inéiits relatifs aux Etats de Bretagne de 1491 à 1589
(Tome P*", Société des Bibliophiles Brelons, 1008), comble une
lacune regrettable ; grâce à lui, nous suivrons désormais pas à
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272 REVUE DE BRETAGNE
pa^\ pour ainsi dire, les tenues annuelles où se discutaient les
intérêts du pays^^'nous saurons la ville qui leur servait de siège,
Aous connattrons souvent les noms des membres présents. En
voyant le Soin qu'apportaient les Trois Ordres dans Taccomplisse-
ment de leur devoir patriotique,on pourra juger combien il serait
utile de rendre à la Bretagne une institution à laquelle d'ailleurs
elle a droit et qui fit pendant des siècles sa prospérité et sa gloire.
Le merveilleux travail que M. E. W. Dahlgren a entrepris sur
le commei;ce français aux côtes de l'Océan Pacifique, intéresse
au plus haut point Thistoire de Saint-Malo et de ses armateurs
(Les Relations commerciales et maritimes entre la France et les
Côtes de VOcèan Pacifique au commencement du XVlll^ siècle.
Tome i»'. Le Commerce de la mer du Sud jusqu'à la Paix d'Utrecht.
Paris, Champion, 1909). On y trouvera les débuts des Compagnies
de la Chine et de la Mer du Sud, le rôle important joué par Da-
nycan de TEspine, ses tentatives pour usurper la direction de la
Compagnie de Paris ; le plan de Magon ; l'expédition du capitaine
Alain Porée ; la fameuse histoire des 30 m/llions soi-disant prêtés
à Louis XIV par les Malouins, qui ne serait qu'une légende
Ce gros volume de 740 pages est accompagné de 7 cartes dont
6 remontent aux débuts du XVIIP siècle. C'est ce que l'on a
écrit jusqu'ici de plus complet sur les premiers rapports com-
merciaux de la France avec les « Indes ».
Le Dictionnaire des Lieux Habités de la Loire-Inférieure
(Nantes, Durance, 1909. Prix: 3 fr.) que vient de faire paraître
l'éminent archiviste de ce départemt'nt et qui comprend la liste
des communes, des villages, des hameaux, des châteaux, des
fermes et des écarts du Pays Nantais, n'est que l'embryon du
grand dictionnaire topographique que M. Maître nous doit et
que nous ne Cesserons de lui demander. En attendant ce travail
dont l'intérêt sera très grand au triple point de vue historique,
toponomastique et linguistique (n'oublions pas que dans tout
l'ouest de la Loire-Inférieure on a parlé breton), Jous voilà en
possession d'un excellent petit répertoire qui vient rajeunir,
simplifier et éclaircir celui que publia l'agent-voyer Pins en 1857.
Personne ne connaît mieux l'histoire du Nantais que M. Maître :
on consultera donc son dictionnaire provisoire en toute sécurité
et avec la confiance absolue qu'on doit avoir en la personne de
son auteur dont la science et la compétence ont été déjà maintes
fois éprouvées.
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I
A tRAVBÂS LA BRETAGNE 273
On né connaît pas encore très bien Tétat d'esprit des villes de
Bretagne aux débuts de la Révolution Française. Aussi MM. L.
Esquieu et L. Delourmel ont-ils été bien inspirés en publiant
certains documents inédits qui viennent jeter une lumière toute
nouvelle sur les événements qui se passèrent à Brest depuis le
8 mai 1789 jusqu'au 22 mars 1791 (Brest pendant la Révolution;
documents inédits. Correspondance de la municipalité avec les
députés de la sénéchaussée de Brest aux Etats Généraux et à
t Assemblée Constituante. Brest, Société de l'Union Républicaiae
du Finistère, 1909). De la lecture de cette correspondance il se
dégage très nettement que les Brestois se montrèrent toujours
très modérés jusqu'au jour où les délégués fanatiques de la Ter-
reur, venus de Paris^ les poussèrent à des actes de sauvagerie
inqualifiables. Nous regrettons que MM. fisquieu et Delourmel
n'aient pas adjoint à leur livre une table qui aurait facilité les
recherches que tous les historiens bretons ne manqueront pas
d'y faire.
Le Déist de Botidoux a-t-il trahi les députés girondins pros-
crits? (Paris, Champion, 1909). Telle est la question que pose et
résout M. P. Hémon dans un opuscule qui sera l'un des meil-
leurs articles de ses notes et documents sur la Révolution en
Bretagne. Non, Le Déist ne fut pas un traître : M. Hémon le
prouve surabondamment, pièces en main. S'il conseilla aux
douze députés girondins qu*il rencontra à Moncontour de rester
dans les Côtes-du-Nord au lieu de fuir vers le Finistère, ce fut
pour leur bien. La lettre qui les dénonça et qu'on lui attribuait
jusqu'ici, n'est pas de lui, mais bien de Launay-Allain, député
à la Législative.
M. G. Toscer continue sa magnifique publication, le Finistère
Pittoresque (Brest, Kaigre, 1909. Prix du fascicule : 1 fr. 50), avec
le troisième fascicule de la seconde partie (Gornouaille), lequel
comprend Daoulas,Rumengol, Plougastel, Landevennec,Grozon.
Nous aurons ensuite Douarnenez, Pont-Croix, etc. Toujours la
môme sûreté d'érudition, les mêmes jolies illustrations^ les
mêmes détails* Décidément le Finistère Pittoresque de M. Toscer
comptera parmi les meilleures publications bretonnes de notre
temps.
La chapelle de Kermaria-Nisquit est située en Plouha, sur le
bord de la route de Plouha à Pléhédel. Elle doit sa réputation à
ses peintures înurales parmi lesquelles figure une Danse Ma-»
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274 REVUE DE BRETAGNE
cabre qui peut remonter à 1460 et se trouve être ainsi li pliis an-»
cienne de toutes celles qui existent encore en France. L'état de
conservation de Kermaria-Nisquit est tel que dans peu de temps
tout aura disparu. Dans le but de la sauver de la ruine, M. Lucien
Bégule vient de lui consacrer une étude illustrée que la maison
Champion a éditée avec le plus grand luxe {La Chapelle de Ker-
mariaNisquU et sa Danse des morts. Paris, Champion, 1909.
Prix : 8 fr.) On ne saurait trop admirer la netteté du texte et la
beauté des illustrations qui raccompagnent. Puisse la monogra-
phie de M. Bégule, amener la conservation d'un monument
unique en son genre.
M. le vicomte Hervé duHalgouet, dont les premiers ouvrages
sur le Porhoët ont été si remarqués, et que l'étude sur les Roues
de Fortune parue ici-môme a classé au premier rang parmi les
érudits bretons, a pensé à juste titre que la publication des ar-
chives des ch&teaux de Bretagne, entreprise jadis par M. le
marquis de TËslourbeillon, devait être continuée : il s'«st mis ré-
solument à la tâche, et son Inventaire des Archives du ehdieau de
Trégranteur i 400-1 830 (Sainl-Brieuc, Prudhomme, 1909), est un
véritable chef-d'œuvre. Partant de ce principe que « l'histoire est
basée tout autant sur l'étude des institutions que sur la présen-
tation des faits n, il a analyse la plupart des titres présentés par
lui et les a groupés en trois séries dans un ordre rationoel et lo-
gique : Titres de famille, titres de seigneuries^ affaires du Par^
lement. Une table très claire et très complète clôt cet inven*
taire. L'auteur ne s'arrogera pas en si beau chemin» et il' nous
promet celui des archiver de Trédion (Morbihan).
Je viens de recevoir un Guide d'Ille-et-Vilaine que les auteurs,
MM. le vicomte Frotier de la Messelière et J. des Bouillons, dé-
tient au Touring Club de France et aux habitants du département
(Guide pittoresque et archéologique d'Ille-et-V Haine, sites et monu*
ments. Rennes, Simon, 1908). Il contient 98 dessins et gravures
et une carte routière du département. Personne ne voudra s*en
passer. On y trouvera des reproductions d'armoiries, de pierres
tombales, d'églises, dechâteaux,de croix, de cheminées, des vues
de paysages, etc. Je me permettrai pourtant de signaler quelques
erreurs. Ainsi, en ce qui concerne Redon, le tombeau cité
comme celui du duc François I**" est celui d'un seigneur de la
Rouardaye; le chœur de l'église n'est pas fortifié extérieurement;
la maison dite « Logis de la Bogue » n'est pas du XVI* siècle
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A TRAVERS LA BRETAGNE 275.
mais du XV* ; Beaurepaire n*est pas ua ch&teau mais un village.
Tout cela n'empSche pas le mérite de Tœuvre que nous recom-
mandons vivement.
Les nouvelles bretonnes intitulées Sous le ciel gris y dont nous
avons déjà rendu compte, avaient mis en vedette le nom de
M. Simon Davaugour. Cette fois nous avons encore le plaisir de
constater que la pléïade des écrivains régionalistes et patriotes
bretons a fait une recrue remarquable en lui. Son nouveau livre :
Les Fronts Têtus (Paris, Nouvelle Librairie Nationale. Prix : 2 fr.)
porte comme sous-titre : Contes du pays cfArmor, Rien de plus
captivant que ces contes qui nous transportent à Paris, au milieu
des étudiants bretons en proie au mal du pays, et dans les Gôtes-
du-Nord dont est originaire M. Davaugour et où son esprit ob-
servateur et doué d'une admirable justesse a su analyser T&me
' de ses compatriotes et en révéler les qualités, voire les défauts,
qui sont souvent l'exagération de celles-ci. Gageons qu'avant
peu M. Davaugour, qui marche hardiment sur les traces de
MM. Le Braz et Le Gofflc, occupera l'une des premières places
dans le monde des Lettres Françaises et Bretonnes.
Encore deux nouveaux livres qui viennent grossir les rangs
de la bibliothèque régionaliste bretonne. Sous les titres Mablouis,
' scènes de la vie bretonne et Ecorchous et Carabins {suite de Atab-
louis) (Paris, Pierre Qodefroy, 1909. Prix de chaque ouvrage :
• 3 fr. 50), M. François Prima nous conte d'abord le roman de
terroir d'un jeune Breton, ses impressions sur son pays, avec
des « tableaux » de Bretagne dont le coloris est digne du cadre.
— Puis ce sont des détails sur la vie de l'étudiant en médecine
obligé de quitter le toit paternel pour l'air moins sain des villes
d'Université, M. Prima a remarqué tout cela et Ta fort bien noté.
Le Voymge en Orient de M. l'abbé P. Martin (En vente chez
l'auteur à Goncoret (Morbihan), et chez tous les libraires, 1908.
Prix : 4 fr. net) se trouve être pour le pays gallo ce qu'est pour
la Bretagne bretonnante Ma beaj Jérusalem de M. l'abbé Le
Clerc, c'est-à-diré un livre intéressant, instructif, édifiant, en
môme temps qu'un récit mouvementé et tout nouveau d*un pè-
lerinage aux Lieux Saints. M. l'abbé Martin a déjà reçu beaucoup
de félicitations pour son ouvrage : la Bévue de Bretagne est heu-
reuse, en y joignant les siennes, de le recommander à ses
lecteurs.
La Forêt des Songes par M. J^an Houillot (Paris, Tassel,
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276 REVUE DE BRETAGNE
Prix : i fr. 25) est accompagnée d'une lettre de F. Mistral «t d'une
préface de notre ami J. Baudry. Dans ce recueil de poésies on
sent vibrer l'amour du pays avec ce je ne sais trop quoi de triste
et de pur à la fois qui constitue le caractère celtique et en fait la
saine originalité. M. Jean Houillot est ijn vrai poète de chez
nous ; ses vers coulants et expressif âf** sont charmants et
Ton voudrait connaître la Forôt qui lui inspira d'aussi jolis soôges.
Les Boterel de la Villegeffroy, alliances et seigneuries par M. le
vijcomte Hervé du Halgouet (Saint-Brieuc, F. Guyon, 1908). Par-
faite étude féodale et généalogique sur une famille originaire
de Saint-Donon, évêché de Saint-Brieue, qui essaya de se faire
passer pour juveigneure de Quintin.
A Travers le Département dl Ile-et-Vilaine (Rennes, Simon) et
Devant VAtre (Paris, Champion, 1908), par M. Ad. Orain. Deux
recueils de récits 6t contes intéressant la Haute-Bretagne dont
nos lecteurs ont pu apprécier le second dans la Bévue de Bre-
tagne.
Brest, Tête de ligne des Courriers transatlantiques (extrait
de la Bévue économique internationale^ mars 1909). M. Y. M. Qo-
blet, examinateur à l'Institut commercial de Paris, y traite l'une
des questions qui ont le plus de vogue en Bretagne.
Bé formes Postales (Teoyes, Patonj 1909) où M. Albert Travers,
inspecteur général honoraire des Postes et Télégraphes, exa-
mine le tarif dégressif des lettres, l'abaissement du droit de
recommandation des lettres et la réforme du contentieux.
Au Son des Glas de Bretagne (extrait du Clocher Breton, jan-
vier 1909) par M. À. Masseron. Pèlerinage de la « Charrette de
la Mort B aux ossuaires et charniers du Finistère : récit très
original et en même temps très « vrai ».
Aux membres du Syndicat Pomologique de France (février
1909). Poésie de notre ami, M. F. Le Bihan, où étincellent l'esprit
et l'humour.
Elisa Mercœur, discours prononcé à la séance solennelle de la
Société Académique de Nantes le 23 décembre 1908 par son pré-
sident M. le baron G. de Wisme^, où notre sympathique et
éminent collaborateur esquissa la physionomie de la jeune
enfant trouvée dont on va célébrer le centenaire.
Plages et Campagnes de la Presqu'île Guéraniaise, par M. le
Docteur Charles Bidan (en vente chez l'auteur, villa Marjolaine
i La Baule-sur-mer. Prix : fr. 75). Etude économique et démo-
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A TRAVERS LA BRETAGNE 277
graphique avec 3 cartes et 2 graphiques où M. le docteur Bidan
passe en revue les courants circulatoires de région à région à
améliorer ou à établir. Idées très justes et h propager pour établir
entre La Baule, Guérande et la Roche-Bernard un lien qui ac-
tuellement n'existe pas et dont un seul exaUnen sur la carte
prouve la nécessité. Les plages et les campagnes delà presqu'île
guérandaise sont en plein développement : aidons-les et
ne piétinons pas sur place.
R. DB L.
FtoÂRATiON DBS ETUDIANTS BRKTONS de Reoues^dS, ruc Nantaise.
La Fédération des Etudiants Bretons de Rennes remercie bien sincè-
rement tous les écrivains Bretons — peu nombreux, hélas ! — qui ont
bien voulu faire le sacrifice d'un ou plusieurs exemplaires de leurs
œuvres en faveur de sa bibliothèque. Quelques-uns, que la crainte de
blesser leur modestie nous empêche seule de nommer, n*ont pas hésité
à nous adresser la plupart de leurs œuvres ; qu'ils yeuillent bien trouver
ici Texpression de notre gratitude.
Mais, à côté de ces dons généreux, que de lettres restées sans ré-
ponse ! Bt pourtant la Fédération des Étudiatots Bretons mérite moins
de dédaib, nous semble-t-il, de la part des écrivains de Bretagne. Ne re-
présente-t-eile pas Télite intellectuelle de la jeunesse Bretonne ? Ne cons-
titue-t-elle pas la Bretagne de demain ? Il semblerait donc naturel qu'un
des premiers soins des écrivains Bretons, lorsqu'ils lancent dans le do-
maine public une œuvre nouvelle, fût d'en offrir un exemplaire à la Fé-
dération des Etudiants Bretons, comme ils le font pour certaines per-
sonnalités, pour un grand nombre de Journaux et de Revues. Ce serait
pour eux un excellent moyen de faire connaître et apprécier leurs ou-
vrages.
Puisse ce souhait se réaliser I Nous remercions d'avance tous les écri-
vains qui répondront à cet appel par renvoi de leurs œuvres. Nous as-
surons également de toute notre reconnaissance les personnes géné-
reuses qui consentiraient à diminuar leur bibliothèque de quelques
livres pour nous les offrir.
Le Comité de la Fédération des Etudiants Bretons.
Pour paraître incessamment : Lb brston bn 40 lrçons. •
Petite méthode pratique permettant d'apprendre la langue bretonne*
vite et sans maître.
Ce nouveau livre de 200 pages de M. François Vallée ne fait pas
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27» REVUE DE BRETAGNE
double emploi avec les grammaires. C'est une série de leçons faciles
comprenant à'ia fois des règles simples, des mots usuels, et des exer-
cices, qui permet d'arriyer en quelques semaines à une connaissance
pratique de la langue, suffisante^ pour la conversation et la lecture des
ouvrages en breton.
Nul doute que les amis de la Bretagne ne fassent bon accueil à cette
ii^itiative qui comble une véritable lacune. Jusqu'ici nous avions des
méthodes analogues pour l'Anglais, TAllemand, Tltalien, et la plupart
des langues vivantes ; il n*y avait encore rien de tel pour le breton.
Ce petit livre deviendra bientôt indispensable en Bretagne.
Un prix de faveur est fait a^x souscripteurs.
3 francs^ franco.
Ce prix sera augmenté de fr. 25, Touvragé mis en vente.
Les souscriptions sont reçues dès maintenant à Tlmprimérie Saint-
Guillaume, 27, Boulevard Charner, St-Brieuc.
Ecole des hautes Études sociales, 16, rue de la Sorbonne. — Ecole
soGiALB. — La Renaissance celtique de Vlrlq,nde. (Les origines)
par M. Y. M. Goblbt, Examinateur à l Institut Commercial
de Paris.
Les Samedis à 5 h, i lf,é partir du Samedi 16 janvier.
A) V Irlande Celtique. — 1. Le pays et la race {16 janvier), — 2. La
vie celtique de l'ancienne Irlande (23 janvier).
B) La Déeeltiaation. — 3. La lutte [30 janvier). — 4. L'Union (6 fé-
vrier). — 5. Ck>nséquences intellectuelles et sociales : le u West Brito-
nisme » {i3 février). — 6. Conséquences économiques : le désert d*herbe
(20 février).
C) La Renaissance. — 7. 'Les essais politiques (27 février). — 8. Le
réveil de l'esprit celtique au XX<> siècle (6 mars).
Union Régionaliste Bretonne. — Kbvrbdigez broadus Brbiz.
— G0NGOUR8 DB l'annéb 1909.
Concours réglementaires. ^ Section de Langue et Littérature bre-
tonne. Concours de Qwers : 100 francs de prix (sujets libres).
Concours de Prose bretonne : 100 fï*ancs de prix aux meilleurs contes,
nouvelles ou récits inédits. (Longueur maximum : 10 pages papier écolier).
Concours de pièces ou comédies bretonnes (vers ou prose). — Un prix de
50 francs, — un prix de 30 francs, — un prix de 20 ft'ancs. — aux meil-
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/.
A TRAVERS LA BRKTAGNE 279
leures pièces ou comédies^ de préférence en prose^ pour cercles ou pa-
tronages. — Sujet libre, mais sujet breton traité en langue bretonne.
Concours libres.— Priœ Gwenc'hlan ou de la Jeunesse. — Quatre prix
de 20 fr., 15 fr., 10 fr., et 10 fr. offerts par M. de rEstourbeillon, direc-
teur de ru. R. B., aux quatre meilleures lettres, en breton, sur les 8u«
jets suivants, au choix.
1<* Les costumes bretons : nécessité de les conserver.
2o La Tie rurale, ses joies, ses préoccupations, ses ayantages*
Ce concours est ouvert entre toutes les jeunes filles et les jeunes Bre-
tons &gés de moins de 21 ans et qui devront justifier de leur âge.
Prix Hervé de Kerouartz, ^ Prix unique de 100 francs institué par
M™*' la comtesse de Kerouartz, en mémoire de son fils Hervé, accordé à
la meilleure Vie populaire de Saint Salomon, roi de Bretagne.
PrixBoirel. — Deux prix de 25. francs chaque, accordés par le chan-
sonnier Théodore Botrel aux meilleures chansons anti-alcooliques, en
breton et en français.
Prix Saint^Patrice ou des Ecoles, — Troix prix de 50 fr., 30 fr. et 20 fr.,
offerts par M. de PEstourbeillon,. aux trois meilleures ptéc^^.ou comédies
en prose, rédigées en français ou de préférence en patois gallo,. sur un
sujet breton ou une question de VHistoire de Bretagne,
Prix Taliésin. — Nombreux ^ix en nature, accordés par les amis de
ru. R. B. aux meilleures chansons bretonnes inédites, en langue bre-
tonne chantées dans un concours spécial pendant le concours de 1909.
Les concurrents devront en remettre le texte écrit, et, autant que pos-
sible, la musique, à la commission compétente avant le concours.
Prix des Pardons. — Soixante-quinze francs de prix accordés par
H. M. Hescot (Mab Ronan), au concours de coiffes nationales bretonnes
de la Région où se tiendra le Congrès de 1909, et dans un rayon de
10 lieues. Pour ce concours qui est un concours de coiffes et non de cos-
tumes^ les prix seront attribués par un iury spécial aux coiffes les plus
iolies et les plus régulières, les moins déformées par la sotte manie du
rapetissage^ et portées ordinairement par des jeunes filles de la Région.
Section économique. — Cîoncours de 1909, 100 fr. de prix
offerts par TU. R. B.
f . Brest" Transatlantique et le Développement économique
de la Bretagne.
NOTA, — Le développement du port de commerce de Brest» outre
ses conséquences générales, aura un? grande importance régionale.
Les concurrents devront mettre en relief cette importance au point
de vue breton ) et s'attacher à Tétude :
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280 REVUE DE BRETAGNE
A) des améliorations à apporter aux voies de commttiiicatioQ (chemins
de fer et canaux) aboutissant à Brest ;
B) du développement et de Inorganisation de Tagricuiture et de Tin-
dustrie qui doivent donner aux transatlantiques le ft*et de luxe qu'ils
réclament.
Un mémoire pourra être limité, à la rigueur, à Tun de ces deux points
de la question.
2. La lutte économique contre Vèmigration.
NOTA. — Nous avons étudié l'émigration et montré ses conséquences
désastreuses. Le vrai remède consiste à retenir les Bretons au p%ys en
leur donnant les moyens d'y prospérer. Etudier lorganisation de la lutte
économique à entreprendre dans ce but.
N. B, — Les mémoires doivent être adressés avant le i«' juillet, dernier
délai, à M. Jean CHOLBAU, secrétaire de la Section Economique, 46^
rue Poterie à Yitrép qui les transmettra avant la fin dudit mois au
Président de l'U. R. B. avec le rapport les concernant.
Note très importante
Les manuscrits des Concours réglementaires et des Concours libres»
excepté ceux de la Section Economique, devront parvenir à M. le Prési-
dent de ru. R. B., 3, boulevard Montmartre, à Paris, avant le i*^ juillet,
dernier délai.
Les personnes prenant part aux divers concours sont instamment
priées de ne rédiger leurs manuscrits que sur le recto des feuillets dont
ils se serviront.
Chaque concurrent pourra concourir pour tous les concours, mais
seulement pour une pièce dans chaque concours.
Conformément à une décision du Comité en vigueur depuis trois
années, ceux qui auront obtenu un premier prix dans Tun quelconque
des concours seront placés hors concours pendant trois années.
Lvs concurrents qui ne font pas partie de l'Union sont informés.qu'ils
seront inscrits d'olfice à la Société, s'ils sont lauréats d'un prix supérieur
à 10 fr. et qu'il leur sera retenu alors le montant de la cotisation de
Tannée sur leur prix.
Le Président : de l'Astourbeillon.
Les Secrétaires : L. Le Bbrre. Les Trésoriers : A. Mbllac^
L. HiCRRIEU. Vérant.
£. COROLLER.
Le Gérant : F. CHEVALIER.
Vannes. — Imprimerie Lafolye frères, 2, place des Lices.
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# A
LA FIN D'UN EVECHE
Jusqu'à la Révolution, le radieux pays que la vogua balnéaire
a baptisé du symbolique vocable /a Câte dEmeraude^ sa nommait
le Clos Poulet (1).
Tant au point de vue de la civilisation que dii christianisme, le
premier berceau, Ta/ma ma^er de ce Clos Poulet, fut la cité d'Atet,
ville gallo-romaine, édifiée face à la meft à Temboucliure même
de la Rance, sur cette partie du territoire de Salnt-Servan, qui
en souvenir du passé s'appelle aujourd'hui ia Cité (2).
I En réalité, l'origine d'Alet demeure voilée d'un impénétrable
mystère. Des évoques, dont ni Thiatoire ni la tradition ne
peuvent préciser les noms, durent Tévangéliser, à Taube du
Christianisme, avant le VP siècle, époque de ta venue de Tévêque
Malo, qui doit ôtre considéré comme son premier pontife.
Après saint Malo, sur le siège d'Alet^ se succéda une lignée de
46 évoques, parmi lesquels saints Gurvalj Armel (3), Enogât (4),
et le Bienheureux Jean de Ghâtilloo, appelé populairement
saint Jean de la Grille, à cause delà grille qui entourait autrefois
son tombeau, dans ia cathédrale de Saiot-Malo.
En Tan 1144, Jean de Ghâtillon, sacré évêque par le pape Lucell^
transporta son siège épiscopal sur le rocher voisin, — le rocher
(1) Clos Poulet, corniption des mots Plou oti Pl^u tt AUt^ p&yi du dîatrici
d'Alet.
(2) La Cité est nn fort dont les plas anciennes canstructions dateot de 1759.
Au cours de Tété de 1908, M. le chanoine Campion a procédé à det fonnUs qui
ont amené la découverte d*une grande partie deraûcienne eiic«inl« d'AleL
Quelques vestiges de sa cathédrale subsistent encore^ «t 1« plan de celle-ci a
pu être reconstitué, il 7 a quelques années, par Mi' DuchesDe, membre de rinsti-
tut, directeur de l'Ecole Française, à Rome.
(3) Saint Armel, patron de PloÔrmel.
(4) Saint Bnogat, patron de la commune de c» nom. Le aiège de ceu« com-
mune qui se trouvait primitivement à Saint-Ënogat a été transporté à Dinard^
et c*est en souvenir de ce passé que la nouvelle commune d« Dinard s'appelle
Ihnard'Saint'Bnogat,
Juin 1909 U
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282 RBVUK DB BRETAGNE
de saint Malo -^ dont la situation plus propice à la navigation
attirait chaque jour, en plus grand nombre, les habitants -
d'Alet(l).
A partir de sa mort, surdon siège qu'avaient illustré ses hautes
vertus, se déroula une glorieuse succession de pontifes. Parmi
ceux-ci, il faut au moins citer Geoffroy, à qui la ville de Saint-
Malo doit son premier Hôtel-Dieu (1230-1252) ; Josselin de Rohan
(1375-1388), et Robert de la Motte tous deux intrépides champions
des libertés malouines ; Guillaume de Montfort (1300-1423), dit
« le cardinal de Saint-Malo » ; Jean TBpervier (1450-1486)^ le
premier qui consentit à reconnaître la suprématie des ducs de
Bretagne, sur la ville de Saint-Malo ; Guillaume le Gouverneur
(1610-1630), qui appela les Ursulines en Bretagne ; Vincent Des-
maretz (1702-1739), célèbre par ses procès contre son insigne
chapitre qui lui disputait ses prérogatives de co-seigneur tem-
porel de Saint-Malo; Antoine-Joseph des Laurents (1767-1786),
qui, revenant de l'Assemblée du Clergé, mourut subitement sur
le Sillon (2) en prononçant ces paroles : « Je te revois enfin,
6 mon cher Saint-Malo » ; enfin, Gabriel Cortois de Pressigny,
dernier des trente-neuf pontifes qui, depuis le Bienheureux Jean
de Châtillon, gouvernèrent le diocèse.
Né à Dijon, le 11 décembre 1745, M^ de Pressigny avait été
sacré évoque de Saint-Malo, le 6 novembre 1788. C'était un pon-
tife de jugement éclairé, de bon sens pratique, et de saine doc-^
trine. Il avait été formé à Taustère école de son oncle paternel,
révoque de Belley, et aussi du cardinal de La Luzerne dont il
avait été le vicaire général. Il était de mœurs graves, et sa sim-
plicité savait s'allier à une incontestable distinction.
Borné au nord par la mer, à l'est par le diocèse de Dol, au sud
par celui de Rennes^ à l'ouest par ceux de Saint-Brieuc et de
Vannes^ le diocèse de Saint-Malo, qui était le plus important de
la Haute Bretagne^ se divisait en deux archidiaconnés :
P Varchidiaconné de Dinan, qui comprenait les quatre
(1) Vie du Bienheureux Jean de Châtillon, par Tabbé M anet, Saint-Malo,
imprimerie Maoé.
(Z) Jetée de pierre qui originairement reliait, seule» Saint-Malo à la terre ferme.
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LA FIN D'UN EVfiCHB 383
t
doyennés de Poulet (11 paroisses) ; de Bécherel (22 paroisses) ; de
Plumaudan (25 paroisses) ; et de.Pou-Douvre (1) (24 paroisses).
Les onze paroisses du doyenné de Poulet étaient : Saint-Malo,
Saint-Servan, (autrefois Alet), Cancale, Ghàteauneuf, la Goues-
nière, Paramé, Saint-Benplt des Ondes. Saint-Jouan desGuérets,
Saint-Méloir des Ondes, Saint-Suliàc et Saint-Pàre-Marc-en-
Poulet.
IP Uarehidiaconné dePorhoët qui comprenait également quatre
doyennés : de Beignon (22 paroisses^ ; Lanoué (14 paroisses) ;
Lohean (14 paroisses) ; et Montfort-sur-Meu (26 paroisses).
Outre ses pérogatives spirituelles^ qui embrassaient le vaste
diocèse dont nous venons de préciser les limites, l'évoque de
Saint-Malo — Monsieur de Saint-Malo — partageait, depuis Té*
piscopat de Jean de Ghàtillon, avec son insigne chapitre, la sei-
gneurie do sa ville épiscopale et de son territoire immédiat (2),
qu'on appelait pour cette raison la seigneurie commune ou co<-
seigneurie.
Entre Monsieur de Saint-Malo et son insigne chapitre, cette
co-seigneurie motiva môme des procès sans fln ; chacun voulant
s'arroger, autant que possible, Texclusive propriété des droits
rémunérateurs qui en dépendaient.
Cette lutte épique avait môme eu son Homère, aveugle comme
celui de V Iliade. Ce fut le chanoine Duparc-Porée qui consacra les
dernières années de sa vie à dicter un volumineux mémoire (3)
destiné à combattre l'historien breton Dom Lobineau (4), et à
(1) Pou douxre ou Povi-dou, pays dei eaux. Le siège de ce doyenné était
Saint-Enogat, d*où dépendait le village de Dinard, devenu la reine des plages
bretonnes. Pleurtuit, Plouôr, Gorseul, Ploubalay, LaBcieux, Saint-Lunaire
étaient ses principales paroisses.
L'appellation Pou-douvre a disparu. Toutefois, dans Tanciene Poulet, le lan-
gage populaire désigne encore sons le nom de « Vautre bord de Veau », la déli-
cieuse côte dinardaise.
(2) La seigneurie ecclésiastique de Tévéque et du chapitre s'étendait jusqu'à
la Hoguette, limite de la juridiction du Plessis-Bertrand.
Dernièrement, sur la digue de Hochebonne, a été réédifiée, sur sen emplace-
ment priofiitif, la croix qui limitait les deux «eigneuries. Le socle de cette croix
porte encore des armoiries très frustes. D*un cdté, c'est le navire d*0r qui est du
chapitre. De Tautre, c*est Vaigle à deux têtes qui est du GuescUn et Plessis-
Bertrand. ^^^
(3) Histoire de la seigneurie ecclésiastique de Saint-Malo, Mss. G. G. 293.
Archives de Saint-Malo.
(4) Décédé à l'abbaye de Saint-Jacut, le 28 juin 1727. Ce monastère vénérable,
qui remontait à quatorze siècles» fut détruit par la tourmente révolutionnaire.
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3S4 RBVUB DE BRETAGNE
établir, durant quelle longue suite de siècles, la seigneurie ma-
louine n*avait relevé que du pape seul, conformément à sa hau-
taine devise : Bomagium soli papse debetur.
Et l'évoque et le chapitre plaidaient toujours — celui-ci
voulant alors faire juger qu'il avait seul l'administration des
biens communs, tels que droits de greffe et de marché, de cou-
tume, de lods et vente — quand le sinistre tocsin de la Révolution
vint mettre tout le monde d'accord.
fin effet, la nuit du 4 août, l'abolition des droits féodaux, la
nouvelle organisation de l'impôt et de la justice, avaient enlevé
à M. de Saint-Malo et à son insigne chapitre, comme du reste à
tout le clergé de France, leurs privilèges et leurs exceptions, y
compris môme les registres de l'état civil.
Le décret du 2 novembre suivant avait en outre dépouillé le
clergé de tous ses biens, remplacés désormais par une simple
indemnité pécuniaire. Et le clergé s'était soumis à la situation
nouvelle.
Alors, la Constituante était allée plus loin. Non contente de ne
plus reconnaître le catholicisme comme religion d'État, d'avoir
aboli les vœux et les ordres monastiques, elle avait voulu,
obéissant à ses inspirations gallicanes et philosophiques, cons-
tituer « l'Eglise de France ».
Sans l'aveu du pape, elle avait modifié le Concordat de 1516 et,
sous prétexte de mettre les institutions ecclésiastiques en
harmonie avec les institutions politiques, elle avait changé, de
sa propre autorité, la circonscription des diocèses.
Aux 134 diocèses existants, elle en avait substitué 83 nouveaux,
groupés en 10 métropoles, et ayant les limites des départements
nés des anciennes provinces.
Elle avait décidé môme quelesévôques seraient élus désormais,
par les électeurs du département (élection au second degré), et
les curés, directement, par les citoyens du district.
Evidemment, l'assemblée avait fait acte du pouvoir spirituel»
en supprimant ainsi 51 sièges et en modifiant les circonscrip-
tions territoriales des autres. Evidemment, elle avait empiété
sur les prérogatives de l'Eglise, en s'arrogeant aussi le droit de
donner l'institution canonique. C'était là préparer le schisme.
Mal conseillé, Louis XVI avait sanctionné cette constitution
civile du clergé (24 août 1790).
Par suite de l'organisation nouvelle, les cinq départements de
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LA FIN D'UN ÉVECHÉ 285
Bretagne devenaient chacun le siège d'un évèché. Quant à l'an-
tique siège épiscopal de Saint-Malo, il se trouvait démembré^ au
profit des nouveaux évôchés d'Ille-et- Vilaine, du Morbihan et des
Côtes-du-Nord,
Interprètes du mécontentement public, les administrateurs
du district protestèrent. Vaines doléances I La loi était formelle.
Ahl sans doute, jusqu'alors les bourgeois de Saint-Malo avaient
trouvé excessifs les droits temporels de Tévèque et du chapitre.
Sans doute, la Communauté de Ville n'avait jamais manqué,
surtout dans les derniers temps, la moindre occasion de les
battre en brèche. Mais, de la saignée à la décapitation complète,
il y avait par trop loin, sauf pour la lie du pv^uple et les bandes
de gens sans aveu, qui, venus. on ne sait trop d'où, pullulaient,
à Saint-Malo, depuis l'aube des mauvais jours.
Maintenant, dans les salons (1), avec une mélancolique amer-
tume, on se plaisait au contraire à évoquer les grandes luttes
d'autrefois, et on trouvait que^ somme toute, l'évèque et le cha-
pitre avaient toujours vaillamment combattu, pour défendre les
prérogatives du glorieux rocher de Saint-Malo.
Le 11 octobre 1790, l'émeute grondait en ville, provoquée par
la cherté du grain, dont souffrait toute la Bretagne, depuis 1786.
— Cette cherté, hurlaient les mécontents, n'était-elle pas
due à l'ancien régime, dont l'évoque et son chapitre étaient tou-
jours les représentants ?
Décidé à faire comprendre à ses anciens seigneurs qu'il était
désormais le maître, le peuple se rua vers le palais épiscopal.
Pour arriver à ce palais, dont il ne subsiste plus aujourd'hui
aucun vestige, il fallait d'abord traverser le pourpris du cha-
pitre, clos à ses deux extrémités par deux arcades, ou voûtas,
que surmontaient les logements des chasubliers, des ciriers et
des massiers.
L'une de ces voûtes subsiste encore, à gauche du chœur^ au bas
de la rue des Halles... L'autre, située dans la cour de la Chanterie,
à hauteur de la chapelle actuelle du Sacré-Cœur^ a été démolie, il
y aura bientôt un demi-siècle.
(1) Ms8. p«r Pabbé Toury. (Souvenirs du vieux SainUMalo^ icrïXa tom U
dictée de «a mère, à la fin de la RéTolution).
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S8I RBYUE DE BRETAGNE
Sous chacune de ces voûtes était une porte de fer, qui seulement
depuis 1649 s'ouvrait au public, le matin à la fin de Laudes, pour
se fermer à la tombée de la nuit.
C'était, dans cette ville close, renfermée elle-même dans cette
autre ville close, qui s'appelle Saint-Malo, qu'habitaient les cha-
noines, à l'exception du grand chantre. C'était Ih aussi que se trou-
vaient la Psalette(l), la Pénitencerie (2). la Théologale (3) et le
Doyenné (4).
Le peuple envahit cet asile de recueillement et de prière et s'a-
charna à briser à coups de marteaux les armes du chapitre (5).
Les chanoines épouvantés se barricadèrent dans leurs
demeures.
Alors, poussant des cris de mort^ la foule se précipita vers le
manoir épiscopaL
Quand le touriste, sortant de la cathédrale, regarde la place de
la Paroisse, il voit à droite, dans le prolongement de celle-ci, la
petite place de la Mairie.
Avant la Révolution, un long mur s'élevait à cet endroit. Dans
ce mur, s'ouvrait une porte : c^était celle du manoir épiscopal..*
Cette porte donnait accès dans la cour d'honneur où se trouvaient
à gauche en entrant la Porterie et la maison du Pavillon. A droite,
deux celliers et diverses boutiques appartenant aux cha-
noines.
De la cour d'honneur^ on passait dans une seconde cour, longue
et étroite, en forme de rue. A droite, se dressait une rangée de
bâtiments appartenant aux chanoines. Au sud, des celliers, les
remises, l'office, la cuisine et le secrétariat. A droite, contre le
(1) Aetaellement, rue TouUier, n« f.
CO Aotacllement, me Touiller, n* 2.
(3) Le théologal éUit, depnii 1769, Jacqaet Metlé de Grand-Clot, chanoine
depuis 1760, et archidiacre depuis le 20 juin 1760. Nommé en il 61 abbé de
la Cnaune, il touchait à ce titre une pension de 2700 liires, sur l'éTéohé de
Grenoble, mais abandonnait aux pauvres le revenu de tous ses bénéfices.
Vicaire général de Me de Pressigny, qnand éclata la Hévolution, il passa en
Angleterre, où il rendit les plus grands services aux prôtres émigrés
Après la Terreur, il irevint à Saint-Malo. Il mourut en 1812. Il était alors
▼ioaire général et chanoine honoraire du diocèse de Rennes. 8a théologale était
au n* 3 de la rue Touiller.
(4) Où se trouvait jusqu'aux années dernières, rexiemat des Dames de la
Providence.
(5) BUes étaient d'azur, au navire cToTt voffuani sur Us andês de même.
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LA FIN DTJN ÉVÉCHfi ÂiT
couvent des Béifédictins (1), les Archives, la Bibliothèque, les fa-
neries (2), le colombier et l'auditoire (3).
Enfin, complétant le quadrilatère, voici le palais de révoque,
d'où se détache la chapelle, et que surplombe un haut donjon (4).
Il s'ouvre sur deux jardins, reliés par une avenue.
On pénètre dans le palais, par un large vestibule qui donne
accès à Tescalier du donjon et au grand salon. C'est ce palais que
la foule veut attaquer. Déjà, elle recommence la cérémonie du
Pourpris, saccage les jardins, et brise les armes de l'évèque.
Heureusement, la Garde Nationale accourt à ce moment et
arrive i la refouler, jusqu'aux portes du Pourpris.
Les portes sont fermées, et l'émeute finit par s'apaiser.
*
* ■*
Trois jours après, le jeudi 14 octobre 1790, vers dix heures du
matin, à la fin de Sexte, une commission municipale, composée
des nommés Saint Verguet, premier officier municipal, et Gau-
tier, procureur de la Commune, se présente dans le chœur de la
cathédrale, et signifie à l'évoque et au chapitre l'ordre de cesser,
le soir même leurs fonctions (5).
Aussitôt, M^' de Pressigny se retire dans son palais épiscopal,
et dans le courant de la journée accuse réception pure et simp]^
de la pièce reçue.
Quant aux chanoines, ils se rassemblent sur-le-champ dans
leur^salle capitulaire où, le cœur brisé, ils rédigent la proteâtation
suivante (6) : "^
« Mbssiburs,
« Quelqu'affligeants que soient pour nous les ordres supé-
« rieurs que vous nous avez intimés, nous ne perdrons jamais
¥ de vue que les ministres des saints autels doivent fléchir sous
(i) Aajoard'hni, la Régie des tabaei.
(2) Âujoard'hni, la Mairie.
(3) Aajoard'hui, le tribunal de commerce.
(4) Reconsti talion d'après un plan de Tépoque. {Archives de Saint-Ualo).
(5) L'Assemblée de Commnnaaté de Ville « après mûre délibération, tu c« qnî
résulte de l'article 20» titre l*r des offices ecolésiaftiqaes, a nommé MM, Saint-
Verguet, 1*' officier ministériel et Gautier, procureur de la commune, à l'effet dé
remettre officiellement à M. ré?êque et i MM. du Chapitre de cette Tille^ daoa
la personne de M. Qoret« doyen, à chacun un exemplaire de la susdite procla*
mation, afin qu'ils s'j conformeront (Registre des délibérations de la commune
de Saint'MalOy du i* mars 1790 au !•' fémer I7«i).
(6) Située, ainsi que la Bibliothèque, près U cour de la Ghanterie.
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i
288 REVUE DE BRETAGNE
« le poids de l'autorité, non seulement sans résistance active
« mais encore avec résignation. Nous avions des devoirs sacrés
« à remplir: les augustes fonctions du culte divin nous étaient
<c confiées. Dans la personne de notre Doyen^ nous étions revêtus
« du pouvoir spirituel, pour exercer les fonctions de la juri-
« diction épiscopale, pendant les vacances du Siège. Chargés du
# précieux dépôt des traditions de notre Eglise, nous formions
c le conseil ordinaire et habituel de ses Pontifes. La justice la
« plus étroite nous imposait un service de chaque jour pour que
« les précieuses intentions des fondateurs ne soient pas frustrées.
« L'impossibilité la plus absolue de satisfaire à ce concours
« d'obligations pourra seule, Messieurs^ soulager notre cons-
« cience ; et nos principes nous la montrent dans la défense que
« nous font les décrets de l'Assemblée Nationale. Dans ce
« moment, ces principes nous prescrivent impérieusement de
c vous manifester toute l'amertume de nos regrets, non sur la
« perte de notre Etat, et des honneurs qui pouvaient y ôtre
« attachés, mais sur la privation d'un ministère que nous avons
« toujours cherché à remplir avec dignité et édification. Nous
« devons encore vous manifester notre désir extrême, que vous
«( preniez les mesures convenables, pour que toutes les fon-
« dations de notre Eglise continuent d'ôtre acquittées^ et nous
« vous prions de vouloir bien consigner l'expression de nos sen-
« timents dans votre registre, comme un mouvement de notre
« attachement le plus fidèle aux obligations que nous avions
^ contractées, et en môme temps de notre respectueuse sou-
« mission à la Nation.
« La douleur la plus amère nous suivra jusqu'au tombeau, et
« elle ne pourra, MM., ôtre tempérée que par le souvenir précieux
« que nous emportons, et qui nous restera, de n'avoir cédé qu'à
« l'autorité, et d'avoir donné à nos concitoyens l'exemple de
« l'obéissance la plus prompte, au prix du sacrifice le plus
« rigoureux.... »
Pour le Chapitre :
OoRBT, doyen, J. Doublet, secrétaire.
Assurément, voilà un langage plein ide dignité et d'abnégation.
Mais combien il est différent de celui des grandes luttes épiques
contre le pouvoir central ! Où est-il le temps où Josselin de Rohan
ripostait par une sentence d'excommunication au duc Jean qui
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T-?^
LA FW D'UN ÉVËGHÉ 289
lui réclamait, ainsi qu'à l'insigne Chapitre malouin la foi et
l'hommage, quMls ne prétendaient devoir qu'au Pape (1).
Une fois celte protestation rédigée, les chanoines quittent leur
grande salle capitulaire, où tant de siècles ils disputèrent, si éner-
giquement, leurs hautes prérogatives que la duchesse Anne
disait « répugner à sa hautesse et principauté 9, et qu'eux autres
affichaient orgueilleusement aux portes de la ville, telles qu'elles
avaient été arrêtées par d'Argentré (2).
Déjà, d'ailleurs, l'ordonnance fatale est placardée à tous les
carrefours, etle tambour de ville la bannitàtous les coins derue.
A la nuit tombante, la commission municipale envoie fermer
les grilles du chœur.
A cette époque, vivait à Saint-Malo un riche armateur qui s'ap-
pelait Pierre-Louis-Robert de la Mennais. Il armait pour Terre-
Neuve et le long-cours, faisant aussi un important commerce
de toile.
C'était un philanthrope, en même temps qu'un armateur. En
1782, alors que le boisseau de blé, en raison de la disette, valait
douze livres, il avait pu s'en procurer, à l'étranger, quinze mille
boisseaux, au prix de dix livres, et les avait revendus à huit.
Il s'était approvisionné également d'une énorme quantité de
fourrages qu'il avait généreusement rétrocédée au prix d'achat.
En récompense, le 26 septembre 1786, les Etats de Bretagne
avaient sollictlé pour lui des lettres de noblesse qui lui avaient
été délivrées à Versailles, le 12 mai 1788 (3).
Continuant à se dire négociant-armateur, et à se faire appeler
Robert-Lamennais, il partageait, comme la plupart des bourgeois
de Saint'Malo, les illusions et les espoirs qui'auréolaient le nou-
veau régime, et, leSOseptembre 1789, il avait contribué, avec son
frère, pour 40000 livres, ^ la souscription des dons volontaires,
destinés à soulager la misère publique.
(i) Sentence da 30 août 1982.
(2) Bdit de 1513.
(3) Voici le règlement d^armoiries fait alore par d'Hozier, cheyalier, juge
d'armes de la noblesse de France : « Un éeu de sinople à un chevron d'or oc-
compagne en chef de detuo épis de blé de méme^ et en pointe â*une ancre d'ar-
gent, ledit éeu timbré d'un casque de profil orné de ses lambrequins d^or^ de
sinople et d'argent. »
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290 RBVUB DE BRETAGNE
Habilf^ négociant et charitable citoyen, Robert de la Mennait
était également un excellent père de famille. Il avait épousé
Gratienne Lorin, morte à l'&ge de 37 ans, dans le cours de l'an-
née 1787.
Il en avait eu six enfants. L'un s'appelait Félicité, mais en
famille on le désignait sous le nom de Féli (1). Un autre, moins
ftgé, s'appelait Jean-Marie (2).
Féli avait le visage malingre, le tempérament nerveux et
impressionnable à l'excès. Jean-Marie avait la tôte carrée, le
front large, les yeux bleus et la bouche souriante. C'était le por-
trait de son père.
En hiver, Robert de la Mennais habitait un superbe hôtel, à
l'imposante façade, s'ouvrant sur une vaste cour d'honneur et
flanquée de deux ailes, s'avancent jusqu'au bord de la rue
Saint-Vincent.
Au printemps, après le départ des bateaux pour le Grand-
Banc, il habitait la Ghesnaie (3).
La Ghesnaie, qui a été si délicieusement décrite par Maurice
de Guérin, est aujourd'hui une sorte d'oasis, au milieu des landes
de Bretagne.
Devant le château, coiffé d'un toit aigu, percé de mansardes,
s'étend un vaste jardin avec une terrasse plantée de tilleuls.
Au fond du jardin, une petite chapelle. Des arbres à perte de
vue, des arbres emplis d'oiseaux qu'attirent la verdure sans fln^
et deux vastes étangs pncaissés de superbes frondaisons.
G'est à M. Robert La Mennais que M«' de Pressigny, dont la
vie à Saiût-Malo n'était plus en sûreté, avait confié le soin de
préparer sa fuite.
Le lendemain des événements que nous relations ci-dessus, le
15 octobre 1790, le pieux évéque malouin arrivait à la Ghesnaie.
Après le repas du soir, on passe au salon.
G'est une pièce de modeste dimension, qui fait face à la salle
à manger, et s'ouvre de plain pied sur un superbe parc que do-
mine, au premier plan, droit comme le grand mftt d'une frégate,
un haut chône séculaire.
Dans ce salon qui, tnnt de fois, plus tard, retentira du verbe
(1) Né à 8aiiit-M«lo, le 17 juin 1782.
(2) Né à Saintriialo, le 8 septembre 178f .
(S) Près Pleugueneue, eantonlde TinUniac.
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p*
LA FIN D'Ull BYBGHB 291
génial de Félicité, et servira de cénacle à cette célèbre école me-
naisienne, dont l'éclat a immortalisé la vieille gentilhommière
bretonne, la conversation, pleine de tristesse, ne roule que sur
les graves événements qui bouleversent la France.
Avant de se retirer, dans la chambre qui lui a été préparée,
Mf' de Pressigny manifeste le désir de célébrer sa messe, le
lendemain matin, avant son départ (1).
^ Mais qui me la répondra, dit le prélat, en regardant autour
de lui.
~ Moi, s'écrie Jean-Marie qui alors n'a pas encore dix ans.
— Tu sais donc répondre la messe, mon enfant ?
— Oui, Monseigneur.
— Et ton catéchisme^ le sais-tu bien aussi ?
— Oui, Monseigneur, je le sais tout entier.
Alors, les yeux du pieux pasteur s'abaissent sur le jeune enfant :
— Ecoute 1 mon petit Jean, lai dit-il, après ra:voir interrogé.
Je vais partir. Je ne sais s'il me sera donné de revenir jamais.
Puisque tu sais si bien ton catéchisme, prie bien le bon Dieu, et
je te confirmerai demain, et je te ferai faire ta première com-
munion.
Le lendemain est venu.
La petite chapelle du chftteau a revêtu ses ornements de fête.
Toute la famille est présente, ainsi que les domestiques.
Le pieux évêque célèbre le Saiot-Sacrifice. G*est la messe de
Pexil, la dernière peut-être qu'il célébrera sur la terre de France.
Pour Jean-Marie, le futur fondateur de TOrdre des Frères de
llnstruction chrétienne, c'est la belle fête de la première com-
munion et de la confirmation, célébrée dans une circonstance
trop émouvante pour qu'elle ne se grave pas à jamais dans son
cœur ardent.
La cérémonie est finie. Monseigneur, maintenant, fait en toute
h&te ses derniers préparatifs A tous ceux qui l'entourent, les
yeux mouillés d^ larmes, il fait ses adieux.
— Mais où donc est Jean -Marie? dit-il tout-à-coup.
On appelle Jean.
L'enfant arrive, portant sous son bras, quelques vêtements et
ses livres de classe.
(1) s. Herpin, Vabbé J.^M. de la Mennais, ses grandes idées^ ses grandes
œutres. Ploérmel, imprimerie Saint-Yves.
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292 REVUE DE BRETAGNE
— Mais, mon enfant, s'exclame son père> où vas-tu donc?
— Avec Monseigneur, pour lui répondre la messe.
— Mon cher enfant, dit Tévêque tout ému, je te remercie, mais
je ne sais pas quand je reviendrai. Je ne puis donc t'emmener (!)•
Lors, Jean se met à pleurer, et au milieu de ses larmes :
— Monseigneur, dit-il, avec vous je n'aurai pas peur. Emmenez-
moi, je serai votre enfant de chœur.
Lors, Tévèque ouvre ses bras au généreux enfant et l'embras-
sant longuement :
— Si j'ai besoin de quelqu'un, lui dit-il, je te demanderai. En
attendant apprends bien le latin, et quand je reviendrai je te
ferai prêtre.
Puis le saint Evèque monte en voiture, et sa voiture disparaît
bientôt au tournant de la route. Il se rend en Suisse et de là il ira
en Bavière.
Plus de chapitre I Plus d'évêqué I L'antique seigneurie ecclé-
siastique de Saint-Malo et le séculaire diocèse de Saint- Jean de
la Grille sont morts à jamais I
Désormais, quand l'antique cathédrale, après la Révolution,
ouvrira à nouveau ses portes, Tune d'elles restera toujours fermée.
C'est celle qui s'ouvrait primitivement chaque fois que M. de
Saint-Malo, sortant de son palais épiscopal, se rendait officier
dans sa belle cathédrale. C'est celle qui, depuis lors, reste tou-
jours close, par une sorte de respect du passé mort et que les
Maiouins appellent encore « la Porte à VEvêque (2) ».
E. Hbrpin.
{Fin)
(1) Ouvrage précité.
^2) Curieuse colacidence ! C'eat cette porte, toujours close, qui fut brisée, à
Tépoque des inyentaires prescrits par la loi de la séparation de l'Uglise et de
l'Etat, pour pénétrer dans la cathédrale de Saint-Malo.
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MÉLANGES HISTORIQUES
(Suim) (1).
XXIII. — L'Invasion Anglo-Saxonnb dans l'Ilb de Brbtaonb
Eq détruisant la fable de Gonan Mériadec et.en établissant sur
une base solide cette vérité historique que les émigrants bretons
venus en Armorique avaient quitté Tîle de Bretagne pour échap-
per aux ravages de l'invasion anglo-saxonne, nos modernes éru-
dits bretons ont naturellement fait de l'histoire de cette invasion
l'introduction nécessaire de notre histoire nationale. Il est donc
utile de revenir de temps en temps sur cet épisode, d'autant qu^il
intéresse également Térudition anglaise et qu'il est bon de se
tenir au courant des résultats acquis par les savants d'Outre-
Manche.
Deux faits du môme genre, se succédant à quelques années
d'intervalle, ont été le point de départ de la désorganisation mili-
taire qui facilita aux Saxons la conquête de Ttle de Bretagne.
En 383 un général romain, Maximus, fut proclamé empereur
parles légions romaines en garnison dans Ttle, passa avec elles
en Gaule, et après différents succès, fut battu et tué en 388 par
l'empereur d'Orient Théodose. En 407 les môme légions procla-
mèrent un nouvel empereur, Gonstantinus, qui après ôtre lui
aussi passé en Gaule et s'en ôtipe emparé, périt en 411 sous les
coups des généraux de TempereurHonorius. Sur ces faits, sur
ces dates, tout le monde est d'accord. Mais que s'est-il passé en-
suite ?G'est ici que le désaccord apparaît. Les chroniques con-
temporaines^ les Chronica Gallica (2) et celles qui s'en sont ins-
(1) Voir la Revue de décembre 1908.
(2) Cette chronique était autrefois attriouée à Prosper Tyro, et c'est sous ce
nom qu'elle est insérée dans les Monumenia historica britannica de Pétrie. Le
titre de Chronica Gallica lui a été donné par Mommsen qui Ta publiée dans la
collection des Monumenia QermanÙB historica, série des Auctores Antiquissimi^
tome IX, pages 456 et 460, et qui la considère comme composée en 4b2.
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SM R£VUB DE BRETAGNE
pirées, ne relatent que deux faits : en 410 « le ravage des Bre-
tagnes par les Saxons », en 442 « la conquôte de la Bretagne par
les Saxons après une série de vicissitudes diverses ». A ces deux
textes positifs la plupart de nos érudits n'attachent que l'impor-
tance d'un on dit, d'une rumeur plus ou moins exacte circulant
à ce moment en Qaule. J'avoue qu'ils me semblent au contraire
devoir être tenus par nous comme un point de départ assuré,
puisqu'ils émanent d'un document contemporain. On ne saurait
attribuer en effet ce caractère au plus ancien ouvrage historique
où nous soient racontés en abrégé les principaux événements de
l'histoire bretonne. Je veux parler de l'opuscule généralement
attribué à S. Gildas, et rédigé par conséquent au VI* siècle.
Oildas ne date d'ailleurs aucun des événements qu'il raconte.
C'est seulement un siècle et demi après, vers l'an 700, que l'his-
torien anglais Bède entreprit de grouper chronologiquement les
faits racontés par Gildas, suivant un système que beaucoup de
modernes ont adopté. Or si Bède est une autorité historique de
premier ordre pour les événements qui suivent la venue en An-
gleterre de S. Augustin de Gantorbéry, il n'a pour la période
qui précède que la très mince autorité d'un écrivain postérieur
de près de trois siècles aux événements qu'il raconte et qui n'a
eu presqu'aucun document à sa dispositioa pour interpréter le
texte fort obscur qu'il avait sous les yeux. Pour juger de la
valeur de son système, il suffit d'ailleurs de remarquer qu'il
place entre 449 et 455 les deux voyages de S. Germain d'Auxerre
dans 111e de Bretagne, alors que les chroniques contemporaines
placent formellement le premier en 429. Lors donc que les inter-
prétations de Bède sont en contradiction avec les affirmations
positives d'un document annalistique, c'est à ce dernier qu'il ne
faut pas hésiter à se référer. C'est ainsi que Gildas mentionnant
après la mort de Maximus l'envoi successif dans 111e de Bre-
tagne de deux corps de troupes romaines, M. Skene (1) a eu par-
faitement raison d'identifier ces deux envois avec ceux que
mentionnent les documents contemporains en 895 et 405, et que
nos modernes érudits ont eu tort de s'imaginer avec Bède qu'ils
étaient postérieurs au départ de Gonstantinus et de les placer
hypothétiquement entre 417 et 423 ; de môme, ce n'est pas une
raison parce que les Annales de Camàrie sont postérieures d'un
(1) Celtie Scotland^ tome 1, p. 105 à ItS.
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MÉUNGES HISTORIQUES 295
•
siècle et demi à Bède pour que^ lorsqu'il s'agit de fixer la date hl
laquelle les Saxons ont été appelés dans Tlle de Bretagne par le
roi breton Vortigern, on adopte la date de Bède (449) et Ton
rejette la date des Annales de Cambrie (428), alors que la pre-
mière date n'a pour elle qu'un raisonnement toujours sujet à
caution, tandis que la seconde se présente à nous avec tontes
les garanties désirables» puisqu'elle est pourvue d'un synchro-
nisme consulaire, qu'elle concorde avec les récits postérieurs,
notamment avec ceux de VHistoria Britonum pour qui le voyage
de S. Germain est postérieur à l'arrivée des Saxons , enfin
qu'elle s'accorde avec les Chronica Gallica, œuvre contempo-
raine, qui, plaçant en 442 la conquête de Ttle par les Saxons,
suppose nécessairement qu'ils y ont été appelés avant cette date.
Ce qui a sans doute décidé Bède à adopter son système chro-
nologique, c'est que Gildas parle d'un appel adressé par les Bre-
tons à Âgitius trois fois consul comme étant antérieur à rappel
adressé aux Saxons. Or comme Bède identifie Agitius et Aétius
et comme ce dernier ne fut consul pour la troisième fois qu'en
446» il s'est trouvé tout naturellement amené à reculer l'arrivée
des Saxons jusqu'au règne de Martien et de Valentinien (449-
455). Ce raisonnement aurait quelque valeur s'il ne se heurtait
pas aux textes positifs que je viens de cite^, notamment à celui
des Chronica Gallica, Du moment où il faut corriger un texte
par TautrC; ce n'est évidemment pas chez un contemporain et
chez un annaliste que se trouve Perreur ; c'est donc le texte de
Qildas qu'il faut corriger, et on peut le faire de deux manières,
ou bien en corrigeant Agitius, non pas en Aétius, mais en un
autre nom de consul romain de la même époque, ou bien si l'on
tient absolument à l'identification d' Agitius et d'Aétius, en
admettant que Qildas, écrivant plus d'un siècle après les événe-
ments^ a pu confondre les péripéties des diverses attaques bar-
bares dirigées contre la Bretagne.
Il n'y a enfin aucune raison pour rejeter la date assignée par
les Annales de Cambrie au règne d'Ambrosius, placée par elle
douze ans après celui de Guortigernus, c'est-à-dire en 436 ou
peut-être en 438, la façon dont l'auteur de ces annales entend la
computation laissant à ce sujet quelques incertitudes. Pour re-
porter à 460 la date de ses exploits,comme on le fait généralement»
il n'y a pas en effet d'autre raison que la volonté de tout faire
cadrer avec le système chronologique imaginé par Bède, système
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r
396 RBVUE DE BRETAGNE
chronologique dont je viens de montrer toute la fragilité.
Je sais bien que certains érudits prétendent étayer Tautorité
de Bède par Tautorité de la Chronique Saxonne. Le malheur est
que ce dernier document, a'ayant été rédigé que vers Tan 900,
ne peut prétendre, vu sa date relativement récente, à constituer
un témoignage d'un poids indiscutable. Sa valeur est encore
réduite du fait aujourd'hui admis par la plupart des érudits an-
glais que pour toute la partie antérieure au milieu du VI* siècle,
c'est un document purement légendaire^ que les noms des pré-
tendus chefs saxons, fondateurs des royaumes de Sussex et de
Wessex, ont été fabriqués de toutes pièces pour expliquer les
noms d*un certain nombre de localités anglaises, que beaucoup
ne sont pas germaniques, mais celtiques ou môme latins, que
Gissa fils d'Ella doit son existence à une fausse étymologie du
nom de lieu Cissanceaster, que Witgar a été inventé pour ex-
pliquer le nom de lieu Wihtgarasbyrig, lequel signifie en réalité
la ville du pays de Wight, que Natanleod n'est qu'un nom de
lieu transformé en nom d'homme, de même que Port, lequel
n'est autre que le latin portus, enfin que si le nom propre Gerdic
entre réellement dans la composition de noms de lieux tels que
Cerdicesora, Gerdicesford, ce n'est pas un nom germanique,
mais un nom celtique, et que par conséquent celui qui le portait
n'a pu être un chef saxon. Il est donc téméraire d'invoquer cette
chronique comme une autorité contre lé témoignage de docu-
ments auxquels on ne peut pas reprocher de pareilles erreurs.
Le système chronologique de la Chronique Saxonne ne mérite
pas plus de confiance et quand on voit que les premières dates,
449, 455, 457, données comme étant celles du débarquement des
SaxonS; de la bataille d'Ailesford et de la bataille de Graiford,
correspondent exactement aux grandes dates de l'histoire ro-
maine de cette époque, avènement de l'empereur Martien, mort
de l'empereur Martien, niort de l'empereur Valentinieri, avène-
ment de l'empereur Léon, on se demande si quelques-uns des
événements qui suivent n^ont pas été datés d'une façon auss^
arbitraire.
J'admets donc avec M« Skene que le premier envoi des troupes
romaines doit être placé en 396 elle second en 406, que le dé-
part définitif des légions coïncide avec le départ de Constantinus
en 407 ; mais tout en croyant comme lui qu'il y a pu y avoir une
confusion entre le rôle joué par Gerontius et le rôle joué par
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MELANGES HISTORIQOES 297
Vortegirnus, qui tous les deux appelèrent les Barbares à leur
secours, et en retrouvant un écho de cette confusion dans la
biographie légendaire de Vortegirnus, telle qu'elle nous est
fournie par Gaufroi de Moumouth, je n'oserais affirmer que le
/yr£znn2/5 dont parle Gildas soit Qerontius et que les interpola-
teurs aient eu tort en Tidentifiant avec Vortegirnus. Quatnt à la
victoire que d'après Gildas les indigènes auraient remportée sur
les Barbares, victoire qui aurait mis fin à la troisième invasion,
j'admets très volontiers avec le m6me auteur qu'il faut l'idônti-
iBer avec Tépisode tout à fait analogue que nous raconte Thisto-
rien Zosime aux environs de l'an 409.
A prendre au pied de la lettre le témoignage des Chronica
Gallica, les événements de Tan 442 constitueraient une conquête
de nie de Bretagne par les Saxons. Ce texte contredit formelle-
ment l'opinion courante, d'après laquelle l'installation des popu-
lations de race germanique en Angleterre se serait produite sous
forme d'apparitions successives de huit grandes bandes guer-
rières qui en un siècle et demi auraient constitué huit royaumes
distincts : Kent, Sussex, Wessex, Essex^ Estanglie, Mercie,
Duirie et Bdrnicie. Il y a là une illusion dont l'auteur de la
Chronique Saxonne est en grande partie responsable. Il ne
s'aj^it pas bien entendu de prétendre que tous les habitants
anglo-saxons de Ttle de Bretagne y soient arrivés en une fois
et qu'il ne se soit pas produit d'immigration anglo-saxonne pos-
térieurement à la conquête de l'île. Il s'agit de savoir si ces
immigrations sont venues se fondre dans un cadre préexistant
ou ont constitué les unes à côté des autres une série de cadres
distincts ; il s'agit de plus de savoir si parmi les huit royaumes
il n'y en a pas qui soient un démembrement de royaumes pré-
existants. En faveur de l'opinion qui admet la création succes-
sive des royaumes anglo-saxons, on ne peut citer aucun auteur
plus ancien que la Chronique Anglo-Saxonne dont j'ai déjà si-
gnalé la date relativement récente et le caractère en grande
partie fabuleux, et qui d'ailleurs ne mentionne que la création
de cinq royaumes. Etl^ ne dit rien des débuts des royaumes
d'Essex, d'Estangiie etde Mercie.
Or d'après le Liber Sancti Germani, antérieur d'au moins un
siècle à la Chronique Anglo-Saxonne, l'Essex aurait été primiti-
vement une province du Kent, ce que confirme la façon dont
Bède raconte l'évangélisation successive des royaumes de Kent
Juin i9Q9. 91
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198 REVUK DB BRETAGNE
et d'E8«ex; et les termes dans lesquels Henri de Huntingdoo
(XU* siècle) raconte la fondation du royaume d'Essex s'applique
tout aussi bien à Thypothèse d'un royaume formé par un
démembrement que d'un royaume formé par une invasion
nouvelle.
Henri de Huntingdon est encore le premier à nous parler de
la fondation des royaumes d*Estanglie et de Mercie et il est
évident que pour lui il y a eu d'abord dans ces deux régions,
entre 527 et 530, une série d'immigrations germaniques, mais
sans qu'elles aboutissent à la constitution de royaumes, leurs
différents chefs ne méritant pas le nom de roi : le royaume
d'Estanglie n-aurait commencé avec Uffa qu'entre 571 et 577, et
le royaume de Mercie avec Crida qu'entre 584 et 592. Or, !<> la
généalogie des rois d'Estanglie, insérée dans la compilation de
Nennius , par conséquent plus ancienne, place vers le milieu du
V* siècle Ouercba; le premier roi d'Estanglie ; 2® un appendice
de la chronique de Florent de Worcester dit que la fondation du
royaume d'Estanglie est postérieure à celle du royaume de Kent,
mais antérieure à celle du royaume de Wessex et contemporaine
de celle du royaume d'Essex; 3"* la Chronique Northumbrienne
insérée dans la compilation de Nennius fait de Pendale premier
roi des Merciens et dit que ce royaume est un démembrement
de la Northumbrie et non pas un Etat constitué aux dépens des
Bretons.
Des cinq autres royaumes, celui de Sussex est représenté par
le Liber tiancti Germani comme un démembrement du Kent; et
comme ce qu'en dit la Chronique Anglo-Saxonne est manifes-
tement fabuleux, il n'y a pas à en tenir compte; l'existence du
Sussex a d'ailleurs été très courte, et sa dynastie royale est in-
connue des chroniqueurs. Le royaume de Bernioie doit certai-
nement sa fondation à Ida (547 ou 548), mais tandis que Henri
de Huntingdon semble en faire un chef venu de Germanie,
Guillaume de Malmesbury son contemporain ne le considère
que comme le premier chef indépendant de l'établissement fondé
cent ans auparavant dans le nord de l'Angleterre par le frère et
le fils de Hengist. Le royaume de Deirie est formellement repré-
senté par les généalogies insérées dans la compilation de Nen-
nius comme un démembrement de la Bernicie. Enfin les débuts
du royaume de Wessex, tels que les raconte la Chronique Anglo-
Saxonne, sont tellement remplis de détails fabuleux et contra-
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MÉLANGES HIST0R1QU£S 29P
dictoires qu'il est plus prudent de n'y attacher aucune valeur et
d*avouer qu'on ignore absolument comment il s'est fondé.
Il résulte donc de cette étude que le récit des origines du
royaume de Kent est le seul historique. Je ne m'arrête pas à ce
qu'en rapporte Bôde, car il n'ajoute que fort peu de chose au
récit de Gildas : il se borne à nous dire que le chef breton qui
appela les Saxons s'appelait Wortigerius, que les chefs des
Saxons avaient nom Hengist et Horsa, enfin que dans les
guerres qui s'en suivirent Horsa trouva la mort dans une ren-
contre et que l'on montre encore son monument funèbre dans la
localité du Kent où il périt.
L'histoire des rapports du roi breton Guorthigernus et du roi
Saxon Hencgistus sert de cadre dans le Liber sancti Germani à
un certain nombre de récits annexes. C'est d'abord une histo-
riette destinée à flatter la dynastie régnante des Powisi, en don-
nant comme motif de l'élévation au trône de Gatel Durnluc^ pre-
mier roi de cette dynastie, la bienveillance qu'il aurait témoignée
à S. Germain persécuté par le roi Benli. C'est ensuite un récit
destiné à rattacher à cette n^ôme région le Breton Faûstus,
abbé de Lérins, évoque de Riez à la fin du V* siècle, disciple
plus ou moins authentique de S. Germain, en le faisant fils
de Guorthigernus. C'est enfin l'adaptation à la rivalité plus ou
moins historique de Guorthigernus et d'Ambrosius du conte des
dragons et de Tenfant sans père» adaptation très maladroite
puisqu'Ambrosius y est représenté comme un enfant après
avoir été indiqué plus haut comme un des adversaires de Gi]|or-
thigernus contre lesquels il aurait appelé les Saxons, et que dans
la suite ce prétendu enfant sans père déclare être le fils d'un
consul romain, adaptation galloise en tout cas, puisque le par-
tage de l'Ile entre Ambrosius et Guorthigernus se réduit au par-
tage du pays de Galles dont le premier prend le nord et dont le
second garde le sud ; aussi est-il peu probable que ce partage
ait un fondement historique ; et la base doit-elle en être cherchée
dans la présence d'un Dinas Emrys en Nord-Galles et d'un Gaïr-
Guortbigern en Sud Galles dont on a identifié les fondateurs
avec plus ou moins de raison à i' Ambrosius et au Guorthigernus
du V siècle ?
Ambrosius, est-il dit plus haut, était originaire d'une localité
appelée Campus Èlleti au pays de Gieguissing. Si l'on en croyait
les commentateurs, ce pays serait situé dans le comté anglais
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300 REVUE DE BRETAGNE
de Monmouth et se trouverait par conséquent, non pas en Nord-
Galles, maisen Sud-Galles. C'est possible, mais je croirais bien
plus volontiers que ce pays est un pays fabuleux et qu*il tire son
nom du dieu Glevos, un des personnages de la mythologie cel-
tique. Guorthigernus, disent les modernes, était roi du clan cel-
tique des Silures. C'est en effet sur le territoire de cet ancien clan,
dans le comté actuel de Hadnor, que se trouve situé le cymmwd
ou canton gallois de Guorthigerniaun qui, dit-on, tire son nom de
Guorthigernus. Mais d'abord, encore une fois, rien ne prouve que
le fondateur du royaume de Guorthigerniaun soit notre Guorthi-
gernus. De plus le chef de la dynastie qui y régnait à la fin du
VllI* siècle, Pascent, représenté dans le Liber sancti Germani
comme le fils de Guorthigernus, est dit dans une vieille généa-
logie galloise fils de Catel Durnluc, roi de Powys, ce qui est
beaucoup plus vraisemblable, puisque le Guorthigerniaun est
une partie du Powys. Enfin à côté de cette tradition, il en existe
une autre, d'après laquelle la principale résidence de Guorthiger-
nus serait Caïr Guorthigern sur la rivière Teibi au pays des
Démets, d'où il faudrait conclure» si Ton voulait' tenir tous ces
renseignements pour historiques, qu'il régnait à la fois sur les
clans des Silures et des Demetae.
Il est impossible de tirer quelque conclusion du fait que le
Liber sancti Germani ào\\ïiQ(j\Q\yji fondateur de Glocester, comme
bisaïHul de Guorthigernus, car Gloiu, est un personnage mytho-
logique, sous la protection duquel la ville de Glocester a pu ôtre
mi>e, ma*s par qui certainement elle n'a pas été fondée. Il n'est
pas possible non plus d^ tirer unn conclusion géographique du
titre de consul Gennisseorum ou G wisseorum donné par
Gaufroi de Monmouth à son Wortegirnus, car on est probable-
ment ici encore en présence d'un nom primitivement mytho-
logique. Gegwis, dit l'historien anglais Asser, est le noni
que les Bretons donnent au peuple de Wessex dont les rois se
prétendent issus de Gegwis, descendant de Woden, et de fait les
Annales de Cambrie donnent au roi Alfred le titre de rexGivoys.
Ne nous hâtons pas cependant de conclure que ce nom est syno-
nyme de Sixon, mais seulement de peuple étranger ou hostile,
puisque Gewissa est dans Gaufroi de Monmouth le nom de la
fille du fondateur de Glocester identifié ici à l'empereur romain
C audius, et que le roi breton Octavius est désigné comme
ayant été d'abord duc des Wissei ou Gewissei, si bien qu'on se
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MÉLANGES HISTORIQUES :m
demande s'il ne faut pas voir le mdme pays dans le Gunwessie,
Guenesie ou Gunnis, qù le Liber sancti Germani place Gair
Gaortigern.
C'est encore par un raisonnement que B^de a placé le sièg<» du
mons Badonicus en 493. Or un raisonnement ne saurait pré-
valoir contre un texte positif, surtout quand ce raisonnement a
pour base Tinterprétation d'un passage aussi obscur que le pas-
sage de Gildas dont il est ici question et pour point de départ une
date inexacte comme celle de 449. Mieux vaut donc s'en tenir
purement et simplement à la date de 516 que donnent les Annales
de Cambrie, et dès lors il n'y a pas lieu, comme le fait quelquefois,
d'enlever au roi Artur l'honneur d'avoir été dans cette glorieuse
journée lô chef de l'armée bretonne, alors que là encore les
Annales de Cambrie lui en attribuent positivement le mérite.
Sur ce qui s'est passé dans le nord de Ttle de Bretagne à par-
tir du milieu du VI* siècle, nous avons le témoignage de la Chro-
nique northumbrienne insérée dans la compilation de Nennius,
rédigée à la fin du VIP siècle, mais interpolée depuis à plusieurs
reprises par les rédacteurs de la compilation, et fort maladroite*
ment interpolée. C'est ainsi qu'on y trouve mentionnée, sous le
règne du roi northumbrien Friodolguald (579-585). la conver-
sion du roi de Kent au christianisme, événement postérieur
d'une dizaine d'années à la mort de ce prince. C'est ainsi égale-
ment que la lutte du roi northumbrien Déodric contre le roi
breton Urbgen est placée sous le règne de Hussa (585 592), alors
que ce môme Déodric est mentionné plus haut comme ayant
régné de 572 à 579. On peut donc simplement en conclure que
le règne du roi northumbrien Ida (548-560) est à peu près con-
temporain du règne des rois bretons Dutigirn et Mailcun, et
que le roi northumbrien Hussa (585 592) a lutté contre les rois
bretons Urien, Ryderchen, Guallauc et Morcant. Le passage re-
latif à la lutte de Déodric contre Urbgen me paraît d'ailleurs
avoir été interprété inexactement par la plupart de nos histo-
riens. Déodric, y est-il dit, combattit vigoureusement contre cet
Urbgen et contre ses fils... ; lui-môme les assiégea trois jours et
trois nuits dans l'tie de Metcaut, etc. Pour tous nos érudits lui-
même c'est Urbgen; pour moi c'est Déodric. Il suffit en effet de
comparer ce passage avec ceux où il est question d Oswdld, d'Os -
guid, etc.. pour voir que le mot lui-même désigne toujours
dans la pensée de Fauteur un roi northumbrien, ce qui n'a rien
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30fl REVUS DR BRBTAGTfE
d'éfcODnant, puisque Tauteur est très probablement du môme
pays. Ce n'est paR une raison en effet parce que son œuvre a été
insérée dans une compilation bretonne pour qu'on y voie unt
œuvre bretonne. Tout comme les généalogies anglo-saxonnes
qui la précèdent, elle est due à l'origine à une plume anglo-
saxonne.
A partir de la conversion du roi de Kent au christianisme,
c'est-à-dire à partir de la fin du VI" siècle, l'œuvre de Bède prend
^une valeur de premier ordre : elle a presque l'autorité d'un té-
moignage contemporain. Aussi les érudits modernes n'hésitent-
ils jamais, lorsque les affirmations de Bède sont en contradiction
avec celles de tel autre document postérieur, à lui donner la pré-
férence; tout le monde s'accorde par exemple à placer avec lui la
mort d'Ëdwin en 633 e( la mort d'Oswald en 042, bien que les
Annales de Cambrie placent la première en 630 et la seconde en
644* Mais dès lors une question se pose. Faut-il corriger égale-
ment les dates que sont seules à nous fournir les Annales de
Cambrie pour des événements qui paraissent connexes à ceux
dont d'après Bède nous corrigeons la date ?
Les Annales de Ckimbrie Tdipporieni par exemple sous^ la date
de 629 le siège soutenu par Gatguollaun dans l'île Glannauc.
Paut-il conserver cette date ? Faut-il au contraire, étant donné
que pour les Annales de Cambrie le siège de Qlannauc est anté-
rieur d'un an à la mort d'Etguin, corriger la date du premier de
ces événements comme on corrige la seconde et le placer en
632? J'attache beaucoup moins d'importance au fait que toutes
les batailles de cette époque portent un nom différent chez h9s
auteurs saxons et chez les auteurs bretons. Il n'y a pas lieu de
s'en étonner et de chercher à y voir deux batailles différentes,
puisque de nos jours encore la môme bataille est parfois dési-
gnée sous deux noms différents, tel auteur militaire appelant
bataille de Mont-Saint-Jean ce que tel autre appelle bataille de
Waterloo.
L'intérêt historique du VP siècle se concentre presque tout
entier sur l'histoire des rois de Northumbrie et de Mercie. Or
nous la connaissons non-seulement par Bède, par la Chronique
Saxonne, par les Annales de Cambrie, mais encore par la Chro-
nique norihumbrienne insérée dans Tœuvre de Nennios. Seule -
mf^nt ici encore il faut se défier des interpolations qui déparen
le t'-xte de cette dernière. Leur caractère adventice se trahit au
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MÉLANGES HISTORIQUES 303
premier coup d'oeil lorsqu'on voit par exemple la^ mort de Catgua-
lart(682) placée sous le règne d'Osgnid (642-670), l'histoire de
Penda placée sous le règne d'Ecgfrid (670 679), la durée du règne
de Penda réduite à dix ans alors qu*il a régné au moins le double
de ce temps, enfin le récit du massaôre des chefs bretons par
Osguid interrompu fort mal à propos par une phrase sur la
capitulation d'Osguid, qui devrait logiquement être placée aupa-
ravant. Lors donc qu'il y est dit que le roi northumbrien Ead-
fered ^égna douze ans en Bernicie et douze ans en Deirie, il
faut comprendre qu'il régna en tout vingt-quatre ans, puisque
telle est la durée que Bède assigne à son règne. Lorsque dans
la môme chronique la défaite du roi breton Geretic est at-
tribuée à Ktguin, il faut encore tenir cette attribution pour erro-
née et rapporter le mérite de cet exploit, à Eadfered, puisque
les Annales de Cambrie placent la mort de Geretic en 616 et
l'avènement d'Etguin en 617. Enfin, lorsque cette chronique fait
périr Pantha dans le strages Gaiicampi, elle commet là encore
une erreur, puisque les Annales de Uambrie placent ce strages
en 656 et la mort de Pantha en 657, et que cette façon de voir
semble bien confirmée parle récit de Bède, diaprés lequel Penda
paraît bien avoir été tué, non pas dans la grande défaite que lui
infligea le roi northumbrien son adversaire, mais un peu de
temps après. Ge n'est donc pas là, comme on l'a cru quelque-
fois, un document ancien et de premier ordre.
(A suivre,)
V** Ch db la Lands db Galan.
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SAINT-MARS-LA-JAILLE
ET SES ANCIENS SEIGNEURS
(Suite ').
Le fief Renaud Gendron brennier situé à Grizon, etc.
La censie de la Hautb Coudrais et Charbonnerie, situées près
le village de Mongrison, deux pièces de terre qui doivent 9 poules,
dont 4 à P&ques et 5 à la Pentecôte.
La censie de la Sulpigièrb à Tartifume^ 2 sols 5 deniers tour-
nois.
La censie de la Quintrais» près le village de ce nom^ 4 bois-
seaux d'avoine menue et un demy-trousseau de foin. Ces deux
censies tenues par Pierre Maunoir acquéreur de Pierre Gtie-
valier-
La censie de la Vignetterie^ vigne située près du bourg, 4 sols
10 deniers tournois, payables par les enfants de feu Mathurin
Terrier, ledit Jan Terrier fils, présent qui avoue etc.
La prise des Bauches qui fut à Pierre Poirier^ qui contient dix
journaux et est située au-dessous et au septdmtrion du bois de
la Houssaye, « surquoy est dub de rentes, etc... 16 sols 10 de-
niers tournois — deux chapons. »
Teneurs : le sieur de Laubinière, fils ; laditte demoiselle Hodée,
veuve Bidon, et ladite Crespio, veuve Gérard^ défaillante.
« Les hoirs Jane Botiduceau, près des Paslures, près le bourg,
tenus par « les enfants de Pierre Guittar ; Nicolas Letort, fils,
pour les enfants de son mariage avec la Buffé. »
« Les héritiers Jan Bidéy près la rivière d'Erdre, au midy
d'ycelle, proche les prés de /a Pasture^ surquoy est dub de rente,
par chacun an, au terme d'Angevioe, 1 sol sept deniers tournois,
payables par lesdits Charles Robert et femme.
^i) Voir la Revue de mai 1909.
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SAINT-HARS.LA-JAILLB BT SES ANGlANS SEIGNEURS 20i
« Le Courtil Durand^ devant la Harie.i. » 2 sols tournois,
payables par René Hourdeau, témoin, avouant.
« Les Vignes de la Basse Barie, à présent en terres labourables,
près te lieu du Breil et de la Harie, qui furent possédées par
Guillaume Ménard, en 1054, surquoy est dub de rente huit sols
tournois » payables , par « Marie Bodinier, veuve de Vincent
Terrier, seule tenancière ».
« La Baillée de M* Pierre Leroy, près la Harie. » 3 sols 8 de-
niers tournois payables par ledit Laubinière, témoin présent,
seul tenancier.
« Le fief aux Gémeaux k la Harie, sur lequel est dub'etc... »
2 solsl 5 deniers plus une oye et une poule, payables par ledit
sieur Hourdeau (René), témoin « à cause de ladite de Laubinière,
sa femme, et ladite Bodinier veuve Terrier. . » etc.
« Uafféagement fait à feu René Hourdeau^ par lé seigneur de
cette cour, d'une quantité de terres joignant la métairie de la
Vachonnière, au village de la Harie, contenant environ trois
boisselées... trois sols tournois, par ledit Hourdeau témoin, etc..
Uafféagement fait à feu Nicolas Letort par le seigneur de cette
cour, le 10 mai 1721, par acte au rapport de Tavenard, notaire,
controUé et insinué à Pannecé, le 12 dudit mois, d'un canton de
terre contenant deux boisselées^ à présent en prés, aurdessus et
joignant la chaussée vers occident de Saint-Mars, abouttant vers
septemtrion à la rivière d'Erdre, surquoy est dub de rente par
chacun an etc.. trois chapons et trois poulets ». — Ce pré est
nommé « le pré Genouîl, et situé dans Ûef Genouîl ci-après. » La
rente en est payable par la veuve et les enfants de Nicolas Letort,
seuls tenanciers.
Le Fief Genouîl, entre le bourg et la Harie »... 9 boisseaux
d'avoine menue... dus par le témoin Hourdeau à cause de sa
femme etc.. le sieur de Laubinière, son beau-frère, etc..
« Le Fief Goûinier, biennier, surquoy est dub 9 boisseaux d'à*
voine menue, parargent six sols tournois, une oye et une poule,
quarante biens à bras et le quart du charruy de Loyre, comme
dessus » Teneurs : les enfants du sieur René Mégret, la demoi-
selle Hodée, veuve Bi(Jon le sieur de Dieusy, le sieur d'Argogne-
Ceibron, les héritiers de Jan Robin, André du Fresne, Nicolas
Letort, la sieur Chirles Robert et femme, les enfants de Julien
Gosneau et Pierre Maunoir défaillants. Tous lesquels etc.
« Le Fief au Feuvre de Moquehan... 9 boisseaux d'avoine
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306 REVUE DE BRETAGNE
menue et par argçnt, six sols cinq deniers tournois. Teneurs :
ladite Juston, veuve René Hourdeau, les enfants de feu Jan
Rabin, André du Fresne, les enfants de feu Nicolas Letort. et
« Le flef Thohaisnière^ à la Harie, flef biennier sur lequel est
dub... huit boisseaux d*avoine menue, par argent 18 sols six
deniers, un trousseau de foin, une oye et une poule, huit livres
de beurre, quarante biens à bras et le quart de charroy de
Loyre », payables par le sieur de Laubinière. « Le flef de la
Remeliére situé à la Basse-Harie » devant 5 boisseaux d'avoine
et 6 sols tournois,. payables par les sieur et demoiselle Chemîllé
Bouchard, etc.. »
« Le Fief de la MoUinière^ biennier... 16 boisseaux d'avoine ;
3 livres 6 sols, 5 deniers ; un trousseau de foin une oye et une
poule 40 biens à bras ou vingt à bœufs et le quart du charroy de
Loire, comme est dit ci-dessus », Tenanciers les enfants dudit
sieur Mégret, la demoiselle Hodée etc..
« Le Fief Guillot Le Feuvre, brennier situé à laHarrie... »9
boisseaux d*avoine menue, 25 sols trois deniers, un trousseau de
foin, une oye et une poule, quarante biens à bras, ou 20 à bœufs,
et le quart du charroy de Loire. Teneurs : « Hourdeau, témoin, à
cause de sa femm^ et à consorts : ta dite Juston veuve Hourdeau
Pierre .Thievin de la Prise, François Guérin et consorts cause
ayants de Ménard Leray ; Jan Hamon et consorts ; Jan Prod*
homme, la demoiselle Chalumeau, la veuve Aillery, veuve Mi-
naud, le sieur et demoiselle Ghemillé Bouchard deffaillant... »
« La Noue Bauche, qui est une pièce de terre labourable et pré
contenant trois journaux^ située au joignant du chemin qui con-
duit de Saint-Mars à la Chèze^ joignant vers orient et du costé de
septemtrion à terres de la Chèze, d'un bout au ruisseau qui des-
cend de la Harlière au gué aux Oùeilles, d'autre bout vers sep-
temtrion, aux Champs de Saint-Mars, laquelle était possédée en
1654* par le propriétaire de la maison de la Chèze^ surquoy est
dub etc.. six sols tQurnois, payables par le sieur d*Argogne-
Cesbron. propriétaire de la maison de la Chèze seul tenancier...
« Les champs de Saint-Mars^ abouttant vers midy à la Noue
Bauche ci-dessus ; vers occident à autres pièces appelées les
Champs de Saint-Mars^ qui est comprise en la masure de Bel-
lette (1) vers septemtrion aboutte sur les prés ds Laubergére qui
( I ) Mentionnée lout le nom de BellaU dans la donation d'OUYitr ds Vritz
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SAINT-MARS-LA-JAILLB ET SES ANCIENS SEIGNEURS 307
sont de ladite masure de BelUtte, vers orient, joignant terres
dudit lieu de la Ghëze. Sur quoy est dub etc.. 7 sols 3 deniersi
payables par ledit sieur d'Argogne-Gesbron déflaillant etc.
autre défaillants, lesquels etc.. »
« En outre est dub sur la totalité de laditte masure de la Harrie
par chacun an, de rente au terme d'angevine 19 sols trois deniers
tournois appelés /atï/^/iéâ/e, égaillables, entre tous lesteuan*"
ciers et habitants dudit lieu. »
« Laffiagement de Laubmiire par le seigneur de cette cour,
par acte du 25 octobre 1742, au rapport dé Qicqueau, notaire, con-
trôlé et insinué à Vouvantes, le 28 dudit mois, et à Ancenis, le
30 janvier 1743, contenant un journal de terre, les haies, fossés
outre, situé en la Noue de la Harrie, proche la mare de la Houssaye
sur le ruisseau de Morillon qui descend à Tétang de la Rigau-
dière... sur lequel est du de rentes par chacun an, etc... 4 me-
sures d'avoine grosse, mesure d* Ancenis payables par ledit
Hourdeau, témoin, présent à cause de sa femme.
Suit le débornement de la miasure de Mongrisoh et la Harrie^
qui comprenait toutes les terres ci-dessus, et rejoignait celles de
la Ghèze, lieu noble, « tenu à foi, hommage et rachapt, de la sei-
gneurie de Saint-Mars, les terres de la métairie de TEchelle, la
rivière d'Brdre, le ruisseau de Groiselle, les Ghesneauz, etc.. etc..
Ici les témoins, pour eux et les autres vassaux de la seigneu-
rie, renouvellent leurs observations relativement aux « noiles,
pastys, chesnayes et terres vagues » qu'ils disent leur apparte*
nir et être indivis entre eux, « pour cause des tailles féallesei
rentes appelées mangées qu'ils payent sur leidits flefs et ma-
sures ». Les va^isaux ajoutent que « le seigneur ne peut rien
prétendre dans les dits communs aux fins de leurs titres anciens
aveux et regaux en quoy ils requièrent à ôtre maintenus et de
quoy ils ont requis acte.
« A quoy ledit M. Oicqueau, procureur du seigneur, a répon-
du que les regaux de flefs ne sont point contradictoires avec le
seigneur et, par conséquent, sont des titres domestiques aux
vassaux qui ne peuvent iuy préjudicier et que quant à leurs an-
ciens aveux, il proteste de nullité contre, en ce qu'ils ne sont
pas revôtus des formalités requises, et qu'il ne parolst pas qu'ils
ayt esté communiqués au soutien dans leur temps, ni qu'il y en
ayt esté fourny de double à la seigneurie, d'autant qu'il ne s'en
trouve aucuns aux archives, et qu'il y a des aveux postérieurs
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^08 REVUE DE BRETAGNE
rendus par les vassaux de cette seigneurie, du temps du sei-
gneur de Constantin, qui sont dérogatifs à ceux dont les dits
vassaux reulent se servir, et, au surplus, déclare adhérer à ses
précédents dires, fins, et conclusions, cy-devant couchés, tant
pour la masure des Places que pour celles de la Brelonniëre,
dont il a requis acte et conclu à débouttement des prétentions
des dits vassaux. De tout quoy etc.
Sur ce la Réformation terminée, en ce qui concerne la paroisse
de Saint-Mars, est signée par les témoins, par « G. Dupé mon-
sieur le Sénéchal w, Gicqueau, procureur du seigneur^ et Esnoul
greffier. »
On procède, les jours suivants, à la réformation dans les pa-
roisses voisines relevant, en tout ou partie, des seigneurs de
Saint-Mars-la-Jaille. Nous dirons seulement quelques mots de
celle de Bonnœuvre.
BONNOEUVRE
RCtPORIfATION DBS 9-10-1 1-13- 14 RT 17 SEPTEMBRE 1745.
Le sieur Gicqueau, procureur de la seigneurie et ses témoins,
se réunissent au bourg de Saint-Mars-la-Jaille, en la maison où
demeure la veuve Gesbron, « faute d^auditoire en ce bourg »
environ les 9 tieures du matin, le jeudi 9 septembre 1745, pour
prêter le serment d'usage et procéder à la Réformation en ce
qui concerne Bonnœuvre. Les témoins comparaissent et prêtent
serment. Ce sont :
Jacques Bouger, maréchal en œuvres blanches (1), 32 ans;
Guillaume Cottineau, marchand, 43 ans ;
Pierre Thiévin^ du village de la Prise, 44 ans, laboureur à bras;
Julien Landais,^ de la Haye-Papelin, laboureur à bœufs, 41 ans;
Jean Hamon,de Béllette, laboureur à bras, 36 ans.
En ce qui concerne Bonnœuvre, afin d'éviter d'allonger par
trop cette étude, nous nous contenterons de donner ici la no-
menclature des principales terres qui appartenaient alors au
prieuré de Bonnœuvre, lequel, avec ses dépendances, relevait
prochement de la seigneurie de Saint-Mars-la-Jaille.
(i) Autrement dit armurier.
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SAINT-MARS-LA-JAILLE BT SES ANCIENS SEIGNEURS 309
« Article 50 : Prieuré de Bonnoeuvre ». — « Le prieuré, fief
et juridiction de Bonnœuvre, appartenant au sieur Curé Prieu
dadit Bonnœuvre, ayant Moyenne et Basse justice sur ses
hommes et vassaux en Teslendue de son dit flef, avec les rentes
féodales en dépendantes, consistantes^ tant en biens, chapons,
gelines, bécasses, que par deniers au désir de ses rôles rentiers,
lequel fief est sitaé, tant en partie dudit bourg qu'aux villages de
la Bretaudry (Bretaudière) et de la Come-de-Cerf ei le lieu de la
Prise et terres aux environs desdits lieux, et partie delà CAa/>e/-
lette.ôans lequel fief il y a plusieurs terres sujettes à rachapt dont
les droits appartiennent audit Prieur Curé, iceluy fief enclavé en
lesdits fiefs de celte châtellenie, borné du midy par la masure
de Bellette et le ^Qf duPetU-E/nnai/ qui le borne mesme en partie
du costé d'occident, et, en autre partie, borné du mesme costé
par les villi^ges et fiefs du Doussay.Pinaudières et Marchandières^
les Renardières^ la Gadillonnière Bi le Champ-Morin ^ui le borne
mesme vers septemtrion, et, du costé d'orient^ par la masure
de la Bretonnière st par la Censie des prés Rougers^ maisons,
jardins et terres des Cabannes qui sont tenues de cette seigneu-
rie à devoir de rachapt.
« En outre, le moulin à eau, chaussée et bassin de r étang dudit
bourg de Bonnœuvre, avec les mouteaux dudit moulin, le taillis
du Bardas situé entre le bourg et la Chapelette^ borné, du costé
d'Occident, par le flef du Petit Epinay, avec les champs et pièces
de terre labourable qui sont vers orient dudit taillis, le chemin
qui conduit à la Chèze entre deux avec les perrières qui sont au-
dessus desdits champs et au midi de laditte rivière d'Erdre, et
autre prés au-dessous de laditte chaussée et dudit moulin, au
septemtrion des flefs des Grand et Petit Epinay, la rivière entre
deux. Les champs et pièces de terre, labourable et autres, qui
sont au septemtrion de fadite rivière et au-dessus desdits prés,
taillis et sutres terres dépendant dudit Prieuré avec les bois de
futayes, Tun appelé le Bois-du-Breil et l'autre le Bois-au-Moine,
qui sont entre les Renardières et le Champ'-Morin^ et tout le tem-
porel de laditte Cure.
« Tout quoy ledit sieur Prieur tient prochement et noblement
de cette seigneurie de Saint-Mars, à simple obéissance et outre
à charge de rémémoration des seigneurs de cette Cour au service
divin.
« Cy. . . Rémémoraiion.
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^r-7
310 SiUNT-MAAS-LA-JAlLLB
\
« Pour cause duquel flef et juridiction tous les vassaux dudit
Prieur doivent solidairement de rente à cette seigneurie » au
terme d'Ângevine« 5 sols monnoye égaillables entre eux et
payables aux mains des receveurs de cette Cour, ce qui fait
lût %oU tournois^ cy. 6 s. t.
« Plus ledit Prieur possède un journal de terre en pré, dans
les prés Rougers, près ledit bourg de Bonnœuvre, joignant du
bout de midy le Ray d'Erdre et des deux costés les prés du
mesme nom, qui furent aux Ârambourg laquelle quantité de
prés est à devoir de foj/, hommage et rachapt et tenue proche-
ment et noblement de cette seigneurie.
« Gy RcLchapt. »
« Toutquoy se justifie par les aveux de servitude des prieurs
dudit Bonnœuvre, rendus aux seigneurs de cette Cour, par
Frère Pierre de Paige, Jacques Meslet et Hom Charles PouUain
de Tramain^ les tous prieurs et curés dudit Bonnœuvre, en date
du 20 septembre 1617, 8 février 1684, et 3 octobre 1694, et par
une transaction passée entre ledit Lepaige (sic) en saditte qua-
lité et demoiselle Jeanne Martin, veuve Gérard, le 11 juin 1618.
Lesquels actes ledit M* Gicquau , procureur du seigneur de
céans, a représentés en cet instant, aux fins de quoy il a conclu
à ce que missire Joseph Brossais, prestre^ prieur-curé actuel du-
dit Bonnœuvre soit enroUé pour lesdittes choses et aux dites -
charges et devoirs et pareillement tous ses hommes et vas-
saux etc., et aussi conclut, à ce que ledit sieur prieur et ses
vassaux soient solidairement condamnés au payement de vingi-
neu farinées de laditte rente de six sols tournois, eschue le 8 de
ce mois, sans préjudice de la courante et autres à eschoir à per-
pétuité ; que ledit sieur soit, en son privé nom, et par provision,
condamné de payer au seigneur de cette cour le rachapt de ladite
quantité de pré contenant un journal, ledit rachapt dub par le
décès du feu sieur de Beaussain, son prédécesseur, prieur^uré
dudit Bonnœuvre, décédé en 1742, lequel rachapt il a évalué à
la somme de six livres, si mieux n'ayme ledit sieur Brossais en
abandonner la jouissance pour Tannée présente au seigneur de
cette cour, pour disposer, pendant un an, des foins et paccages
dudit pré et du revenu dUceluy au terme de la Coutume réser-
vant, au surplus, à luy faire rendre aveu et déclaration par dé-
nombrement spécifique détaillé et débornement, etc... » A l'effet
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SAINT-MAKS-LA-J AILLE ET SES ANCIENS SEIGNEURS 311
de quoy il a fait appel et évocation tant dudit sieur prieur que
de tous ses vassaux
«t A laquelle évocation ledit sieur prieur a laissé défaut, et il
a été dit par les témoins qu'il est absent, estant actuellement à
Gh&teaubriand pour ses affaires, à l'endroit de quoy lesdits
Pierre Thiévin de la Prise, Mathieu Thiévin et Jacques Roager^
nos témoins, ont reconnu estre vassaux dudit sieur Brossais, en
qualité de prieur-curé dudit Bonnœuvre et ont confessé ladite
rente de six sols tournois dubs au seigneur de cette Cour tant par
eux que tous les autres vassaux dudit Prieur. »
« En conséquence de tout quoy nous avons décerné acte, etc... »
Ici le sénéchal intervient pour enroller le sieur Brossais à
payer le rachapt dont il est question ci-dessus, et, solidairement
avec ses vassaux, les 29 années d'arriéré de la rente, due au
seigneur de Saint-Mars, signé « G. Dupé Monsieur le Sénéchal. »
Sbrqbntisbs.
Enfin la Réformation se termine par le rappel fait au nom du
seigneur, par son procureur^ du droit qu'il a c d'establir par
chacun an un sergent receveur féodé pour la recepte de ses
rentes, contenues en ses rôles rentiers, sçavoir un par chacun
an, en chacune des paroisses de Saint-Mars et de Bonnioeuvre,
lesquels! sergents féodés sont tenus et obligés de faire la recepte
et payement des dites rentes à tour et rang, comme il appert
de ladite ancienne Réformation k la date du 25 septembre ltS54,
pour cause de la propriété des héritages cy-après qui auraient
esté anciennement donnés et abandonnés par les seigneurs de
cette cour, à certains particuliers, à charge et condition de faire
ladite sergentise, d'où il s'en suit qu'il n'y a que les propriétaires
et possesseurs desdits héritages qui y soient sujets, et non les
autres vassauX; la teneur desquels terres et héritages il s'ensuit :
Rachapts et sergbntisbs.
* « Dix journaux de terre tant en prés que labeurs, en un tenant
appelé les Champs des Arambourgjes Champs des poiriers rouges,
le pré Trichet.
« Les Champs des Noyers, autrement le Petit et le Grand Clos
du Grand Chemin ; les prés des Martinières, joignant la rivière
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^■j-r^t^^?^
312 REVUE DE BRETAGNE
d'Erdre vers midy, du septemtrion aa chemin qui conduit de Bon-
nœuvre à Saint-Mars, le tout en la paroisse de Bonnœuvre.
« Le pré Prévost scitué aux Noës de la PoCterie, contenant un
journaljoignant de septemtrion le chemin qui conduitde la Cheon-
nerie au marais Landelôii bout de midy à la Cencie Causet, d'autre
bout le chemin de Saint-Mars au Janneau.
« Une otiche (1) contenant cent cordes en terre labourable et
prés, scitués aux Hautes-Provostières (2), joignant vers midy le
chemin qui conduit del^ Haute-Provostière à la lande de Lépinay;
du bouta d'occident le chemin et communs de la Haye de la
Provostière.
« Une autre ouche, joignant vers midy le dernier article, con-
tenant 70 cordes, appelé le petit i?cat/6t//, et jardins de Ganteaume,
d'autre bout le champ Chaussée.
« Quatre journaux de terre en landes scittu^es au haut, vers
midy de la lande de VEpinay, vers septemtrion, le chemin qui
conduit de la Chapellette à la HatUe-Provostière, d'autre bout le
chemin qui conduit de la Chapellette à la Houssaye de Piaillé, des
costés d'orient et occident les communs des Provostières.
« Au Landreau de Ganteaume, quatre journaux de t^rre en
lande, joignant vers occident le ruisseau qui descend de la fon-
taine de Ganteaume diVL Mortier, d'autre costé le chemin qui con-
duit du Perray au bourg de Bonnœuvre, vers occident les com-
muns de la Provostiêre.
« Le pré Chantreau, contenant un journal et demy joignant du
septemtrion les jardins du village de la Haute-Provostière^ d'autre
costé le pré de la maison et jardin abouttant au chemin qui con-
duit de la Provostiêre d laBourdinière, d'orient et occident le Cu-
laguz.
« Dix cordes en prés et chaintres ou jardin, joignant, vers
midy les causes ayants de Pierre Blanchet, d*autre costé les jar-
dins de la Haye.
« Quatre journaux de terre nommés les Perriers Arambourg,
Vignes, Forgeron et Clos Gauguet, sciltués au village de la Haute-
Provostiêre^ joignant, vers septemtrion, le chemin cfui conduit
à la Chapellette^ vers occi ient au chemin qui conduit à la Bour*
diniére, vers orient, la doussaye appelée la Planchette,
(i) Ce mot désigne un verger clos et planté d*arbres fruitiers.
(j) Près de là se trouvait une verrerie exploitée par lea Saroldoau X. VU* tiède.
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SAINT-MARS-LA-JAILLâ Et SBS ANCIBNà SEIGNEURS 313
« Tous lesquels héritages estoient, lors de la ditte Refforma-
tion, possédés par Jeamie Sensier, veuve Bruneau ; les héritiers
de M* Pierre Macé, Guillaume Gorbard, Lorent Bodier, Simon
Vachon, Jan Blanchet, M* Pierre Le Roy, Julienne Mézangé,
Estienne Ethève» René Legendre, Michelle du Ghesne, Pierre du
Ghesne, Olivier Gordeau, Françoise Pastorel, Nicolas Deshayes,
Françoise Del... (illisible), Jan Minaud, Gilles Pasquier, Mathu-
rin Letanneux, les héritiers de Guillaume Gautier, Julien Le Ray,
les héritiers de Julien Gauguet, le prieur de Bono œuvre, René
Salmon, René, Louis, Ârtur et Marguerite les Gérard: le sieur
Jan-Marie Saroldo et sa compagne, à cause d'elle.
« Pour cause desquelles terres et héritages, il est aussy dub
au seigneur de cette Gour, par les possesseurs d'iceux, le Ra-
chapt quand le cas y advient et pour raison de laquelle sergentise
n'a esté faite^ en Tune, ni en l'autre des dittes paroisses, faute
de connoislre lesdifs propriétaires des diltes terres, pourquoi
les receveurs et officiers du seigneur ont esté forcés de le faire
par eux-mômes; il a réservé pour la seigneurie à faire les infor-
mations nécessaires pour le recouvrement des dittes terres que
les propriétaires d'icelles et réserve de les faire contraindre, à
l'advetiir, à faire les dittes sergentises et tous autres droits féo-
daux ; dont il a requis acte et a signé ainsy : signé : Gkqueau^
procureur du seigneur.
De laquelle Remontrance, Réquisition et Reformation nous
avons décerné acte... etc..
(A suivre^. ^
J. Baudrv.
Jain I9ùê H
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ARMORICAINS ET BRETONS
(Suite) (1)
CHAPITRE IV
Jusqu'au oommencement du dix-huitième siècle, époque à la-
quelle Dom Lobineau publia sou Histoire de Bretagne (1707), on
avait généralement admis, avec Bouchard, Le Baud, d'Argentré,
du Pas, Baronius, Bollandus^ du Ghesne, Mabillon, etc., réta-
blissement de Bretons dans la Péninsule armoricaine, avant
rinvaiion de la Grande-Bretagne par les Anglo-Saxons vers 450.
Quelques historiens dont les seuls à noter sont Eginhard, Vi*
gnier et l'abbé de Vertot (2) s'étaient pourtant écartés de cette
thèse et attribuaient exclusivement à cette invasion l'émigration
bretonne à l'extrémité occidentale de la Oaule. A l'exemple de ces
écrivains, Dom Lobineau avait adopté cette doctrine, mais sans
enthousiasme, ou du moins en sntourant son opinion de formes
courtoises, parfois trop négligées de nos jours. « Gomme il seroit
« ridicule, dit ce savant bénédictia, de se flatter d'avoir décou-
« vert certainement la vérité, quand il s'agit de tems si éloignes;
« après avoir mis tous nos soins à la découvrir autant qu'il a
(1) Voir la iitfou« dé mai 1909.
(2) L'abbé Qallet^ dans ses Mémoireêj fait remonter à Tépoqae de Caransins
(287-t93), rémigration des Bretons, mentionnée par Bginhard. Les raisons données
par ce critique prolixe mais consciencieux sont plausibles ; le texte d*Bginhard
peut très bien s'appliquer à cette époque, d'autant plus, comme le fait remarquer
l'abbé Qallet, qu'il n'est plus question au V* siècle, en Armorique, de Vénètes
ni de Guriosolites dans le pays desquels Eginhard fait émigrer les Bretons
fuyant devant les Angles et les Saxons.
Quant à Vignier qui ne conteste pas, en 469, l'établissement de longue date, de
Riothime arec ses troupes, sur les bords de la Loire, il se met, par cela même,
en contradiction, arec sa propre thèse. En ce qui concerne Tabbé de Vertot, lit-
térateur élégant mais critique médiocre, il ne peut être classé parmi les histo-
riens sérieux. (A. T).
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ARMORICAINS ET BRETONS 815
« été possible^ nous nous en rapportons à ceux qui croiront avoir
<c d'assez bonnes raisons pour juger des faits contestez autre-
« ment que nous^ et pour rétablir Gonan Meriadec et quelques
« rois qu*on lui donne pour deçcencjians ; ou du moins pour
« faire voir que Gonan Meriadec est le môme que HiwaI, ce qui
« a esté l'opinion d'un homme de lettres (M. Gagnard), attaché à
« la maison deRohan
« Il n'est pas donné à tout le monde de voir clair> dans ces
« antiquitez, ni de prendre pour des découvertes solides, de
« simples rapports de noms et d'étimologies » (1).
Près d'un demi-siècle après la publication de l'histoire de
Dom Lobineau, parut (1760) l'Histoire civile et ecclésiastique de
Bretagne de Dom Morice^ qui était également religieux béné-
dictin. Cet historien, en possession de toutes les pièces du pro-
cès, et utilisant judicieusement les données qui lui étaient four*
nies par l'histoire romaine, put se prononcer dans cette question
avec toute l'autorité que donne le savoir joint à un jugement
logique.. C'est pour la thèse des Le Baud, des d'Argentré^
des Bollandus, des Mabillon qu'il opta, thèse qui fut adoptée en-
suite par les auteurs de VArt de vérifier les dates, et par MM. de
Roujoux^ Daru, Manet.
M. Âurélien de Gourson qui, livré à ses propres inspirations,
pçirtageait la môme opinion, s'est plus tard laissé influencer par
la théorie contraire. On ne peut que déplorer de voir un écri-
vain de cette valeur ne pas se montrer plus ferme dans ses con-
victions ; mais en vertu de la liberté de penser et d'écrire, s'il
est permis d'en concevoir des regrets, on ne saurait lui en faire
un grief. Aussi n'en suis-je que plus heureux de reproduire ci-
dessous les lignes que traçaitcet écrivain avant son revirement,
(c Les premières descentes des insulaires bretons dans l'Armo-
<( rique, disait M. Âurélien de Gourson, paraissent remonter au
« troisième siècle. Elles eurent pour cause les troubles qui sui-
« vifentla révolte d'AUectus. Plus tard des calamités nationales
K amenèrent de nouvelles aolgrations. Or, on sait déjà quels
« rapports de parenté et d'alliance existaient entre lès popula-
« tions de l'Armorique et celles d'une grande partie de l'île de
« Bretagne. Sans doute il n'était pas dans les destinées de la
« Grande-Bretagne ni de la péninsule gauloise d'échapper au
(1) Dom Lobinaan, Histùire de Bretagne^ tome I, p. • et 7.
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316 REVDfi bB BRETAGNE
« joug des Romains ; mais elles pouvaient ne pas imiter l'em-
« pressement des autres peuples de la Gaule à embrasser leur
« civilisation. Toutes les deux, nous l'avons dit, opposèrent IV
« mour de leurs antiques croyances à Téclat de brillantes nou-
« veautés, et n'appartinrent à l'empire que par la soumission
n de leurs chefs devenus tributaires (1).
Voici, d'autre part, ce que nous dit M. Loth dans son livre,
VËmigraton bretonne en Armorique du V^ au VU* siècle de notre
ire (p. 72) : « Partout- se montre la main des Romains; Tétude
« de la péninsule armoricaine donne à l'archéologue Timpression
« d'un pays non-seulement complètement dompté, mais même
« complètement assimilé. Tout confirme cette impression. )»
« Et plus loin (p. 92-93).
« En résumé, la péninsule armoricaipe au V* siècle, comme le
o reste du Tractus armoricant/^, est un pays romanisé. Gouvernée
« par les Romains depuis cinq siècles déjà, au moment où elle
c va recevoir une population nouvelle, sillonnée de toutes parts
« de voi«s romaines, couverte de constructions par les conqué-
« rants et fortement occupée par eux, elle n'a rien conservé de
ff celtique. i>
Quelle différence entre le fier et véridique langage de M. Auré-
lien de Gourson et le triste tableau que nous fait M. Loth d'un
peuple perdant sa nationalité. Quoi qu'on en disccette nationalité
il Ta heureusement conservée et transmise à ses descendants.
Mais le point sur lequel, jusqu'à la publication des ouvrages da
MM. Loth et de la Borderie, presque tous les auteurs étaient
d'accord, quelle que fut leur opinion sur l'époque, rimportdnce et
la durée des émigrations bretonnes, c'est l'attachement des habi-
tants de la péninsule à leur vieille langue ancestrale. Le docteur
Halléguen lui-môme qui, au sujet de l'époque où commencèrent
les émigrations bretonnes, partage Tavis des deux professeurs
de la Fdcuité des Lettres de Rennes, est catégorique sur la langue
parlée par les Armoricains à l'arrivée des Emigrés bretons.
« Vers le milieu de ce siècle (V«), dit cet écrivain, des Bretons,
« chassés de leurtie par les Anglo-Saxons, avaient commencé à
« se réfugier dans l'extrôme Armorique, où ils avaient trouvé
« asile auprès de compatriotes Gaulois et Romains^ auxquels ils
(1) Auréli«a dt Coaraon. E$$ai tur la langue^ Vhùtoire €l les instUuHofis de
la Bretagne armarieaénê^ p« t%5.
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ARMORICAINS ET BRETONS 317
€ étaient liés par le sang» par la langue, par la même foi (1). »
Contrairement à l'avis de M. de la Borderie, le docteur Halle-
guen prétend que les Armoricains comme les Bretons étaient
chrétiens. En c|Bla, je crois, il se trompe.
Le même historien écrit encore : « Leur sainteté attirant à eux
a la foule, ils (les évoques, prêtres et moines bretons) se mirent
« à prêcher dans la langue qui leur étcHt commune avec les Ar-
« moricains (2). »
J'ai d^jà dit (3) que nos grands historiens nationaux ne met-
taieht pas en doute que les Gaulois de la Péninsule armoricaine
ne fussent restés fidèles à la langue de leurs ancêtres. Mais s^
Henri Martin, Augustin et Amédée Thierry, Michelet. Duruy, les
géographes Elisée Reclus et Ernest Desjardios, le célèbre histo-
rien et philologue Mommsen^ TAnglais Hume ne manifestent au-
cune hésitation à cet égard, il n'en est pas de même d'historiens
plus récents, d'une science indiscutable, il est vrai, mais qui, au
point de vue celtique, expriment, à des époques différentes, des
opinions contraires. M- Ernest Lavisse, par exemple, écrit dans
l'Histoire générale du IV* siècle à nos fours, tome I, ch. VIII, § 3,
que « l'ancienne Armorique s était repeuplée par une émigration
« venue de File de Grande Bretagne, ayant sa langue, ses lois,
a sa manière d'être religieuse et ecclésiastique. » Dans YHistoire
de France, tome 1, 1. III, p. 380» publiée sous sa direction, le même
historien dit tout le contraire : « Quant à notre Bretagne, lit-on
« dans cet ouvrage, il paraît bien démontré aujourd'hui que le
« dialecte celtique dont elle fait encore usage, dans ses cantons
« les plus reculés, au lieu de remonter à l'âge de l'indépendance
u gauloise, n'est qu'une importation due aux Bretons insulaires^ .
« fuyant devant les Saxons, du V* au VU* siècle après Jésus»
« Christ. » Un reqvoi au bas de la page indique que cet avis est
tiré du livre de M. Loth U Emigration bretonne en Armorique.
M. Fustel de Goulanges, de son côté, endosse également, dans
un modeste renvoi de son Histoire des institutions de l'ancienne
FrancCj la Gaule romaine^ p. 132 la théorie Loth-La Borderie.
« A peine est-il besoin de dire, écrit cet éminent historien, que
u ridiome celtique, qui est encore parlé dans notre presqu'île de
« Bretagne y a été importé par les Bretons de Ttle. On n'a aucun
(1) Dr Halléguen, Armorique et Bretagne, (t879), tome I, p. 4U-416.
(2) Dr Hallégueo, Armorique et Bretagne, {iSll) tome I, p. 19.
(3) De iM perêiitancâ de la langue eeUique en Basee^Bretagne, p. 46.
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318 REVUE DE BRETAGNE
« iadice que ce petit pays, placé très loin de la capitale, mais
« percé de voies romaines, couvert de villes romaines et de villse
u romaines, dont les vestiges se retrouvent souvent, ait été ré-
« fractaire au latin et ait conservé sa vieille langue. »
S'il n'y a aucun indice que la presqu'île armoricaine ait été ré-
fractaire au latin, il y a, par contre, une preuve sérieuse et irré-
futable qu'elle a conservé» autant que le temps et sa situation le
lui ont permis, la vieille langue gauloise ; c'est qu'elle parle en-
core aujourd'hui un dialecte celtique qui en dérive, malgré de
nombreux mélanges latins et français.
Quand M. Fustel de Goulanges a écrit ce renvoi, il venait sans
doute de' parcourir, comme M. Lavisse, le premier volume de
VUiitoire de Bretagne de M. de la Borderie, et l'Emigration bre-
tonne de M. Loth(l). Ce qui semble surtout avoir frappé M. Fus-
tel de Goulanges comme indice de la disparition temporaire du
celtique dans la vieille péninsule gauloise, ce sont les ruines lais-
sées par les voies, les villes et les villœ romaines. On a dit plus
haut ce que valent de pareils vestiges comme moyen de déter-
miner la langue parlée dans une région à une époque éloignée.
Je ne sais si M. de la Borderie a fait le stage de dix ou vingt
ans, jugé indispensable par M. Lolh pour pouvoir causer d'his-
toire celtique ; mais ce qui est certain, c'est qu'il a recours à
d'autres moyens que le vocalisme ou le consonnantisme, Tassi-
bilation ou le traitement des ténues doubles ou interVocaliques,
pour essayer d'expliquer la disparition de la langue des indigènes,
laquelle avait déjà, suivant sa doctrine, disparu une première fois,
et son remplacement par celle des émigrants. « Pour opérer un
« tel changement, dit l'auteur de VHistoire de Bretagne, il faut
<c autre chose qu'un groupe insignifiant d'insulaires versé dans
« la masse gallo-armoricaine, comme le veut le système anti-
« breton. Il faut môme autre chose qu'une conquête : ni les
« Franks de Glovis, ni les Normands de Guillaume le Conquérant
« ne purent imposer leur langue ni à la Gaule, nia l'Angleterre.
« Pour annihiler ridiome d'un pays et le remplacer de toutes
« pièces par un autre, il faut dans ce pays la survenance, l'éta-
« blissement d'une population nouvelle, capable par sa supério-
c< rite numérique de fondre en elle la race indigène, et par là
(1) V Histoire dê$ InstittUions politiquei de V ancienne France 2k été rtmaniée
par M. Pastel <!• Goulanges, de 1888 à 1891.
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ARMORICAINS ET BRETONS 310
« même d'absorber sa langue. Ce fait à lui seul suffirait pour
c détruire la thèse du système anti*breton (1). » La question est
de savoir si ce fait s'applique bien à TArmorique ; c'est ce que
nous verrons un peu plus loin. « Mais, écrit M. Loth (2), le fait
i< même de Témigration, a été nié par trois archéologues dis-
<^ iingués : M. Bizeul, en Bretagne, connu surtout dans sa pro-
a vince ; M. Wright, en Angleterre, et M. Viocenzo de-Witen
« Italie.... Pour M. Wright... la chaîne ininterrompue, du nord-
« ouest au ^ud-ouestde la Grande-Bretagne au VI* après l'arrivée
« des Saxons, de populations de race et de langue bretonne, c'é-
(' tait le résultat, au V* siècle, d'une invasion armoricaine I
J'avoue sans difficulté et sur ce point je suis» d'accord avec
M. Loth, que M Wright me semble avoir poussé un peu loin le
paradoxe. Mais comme contraste avec l'exagération, en sens eon*
traire, de M. de la Borderie> la thèse de M. Wright ne manque
pas de piquant Tout cela n'est pas très sérieux ; on se demande
môme si ces savants n'ont pas voulu sinon s'amuser un peu aux
dépens de la galerie, du moios se distinguer par leur originalité.
Guizot dont le caractère austère n'admet pas même le sourire,
et dont l'esprit précis et méthodique sait condenser en peu de
mots les idées contenues dans plusieurs volumojB, nous dit que
les Bretons furent à peu près détruits; les uns se retirèrent dans
le pays de Gornouailles ou dans celui de Galles, ou dans TAr-
morique ; les autres furent dispersés ou réduits en servitude (3).
Elton, dans ses Origines de r histoire anglaise, écrit ceci : « De
u la conquête (anglo saxonne) elle-même il ne reste aucun do-
it cument précis. La version généralement admise est basée en
« partie sur des récits contenus dans les histoires de Gildas et de
« Nennius, et en partie sur des chroniques ayant elles-mêmes leur
« source dans des poèmes perdus qui célébraient les exploits des
« chefs anglo-saxons.
c Les poèmes Gallois ne jettent que peu de lumière sur les
« événements de cette époque. Les bardes se contantent| pour
a la plupart, de retracer les désastres dans des esquisses con-
te fuses et d'indiquer par une allusion l'issue fatale d'une bataille
« ou la mort de quelque célèbre guerrier. Leurs poèmes, tout
(l) A. deJa Borderie, Histoire de Bretagne^ tome I, p. 240.
[t) Loth, L'Émigration bretonne en Annorique de F» au VJl* siècle de notre
ère. Introduction, p. XIV, XV.
(S) Guizot, Histoire du Gouvernement représentatif.
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-ï-r-,^ itrr^
320 RKYUE DB BRETAGNE
« au moins dans la forme où ils nous sont parvenus, sont trop
« obscurs pour être utilisés par l'histoire » (i).
John Richard Green, Thistorien anglais bien connu, résume
ain5?i le sort des Bretons insulaires : « La victoire d'Ayiesford
« fit plus que de donner le K^nt oriental aux Anglais : elle in-
«c dique dès l'abord quel serait le caractère de la conquête de la
« Bretagne. Le massacre qui suivit la bataille montra combien
f serait farouche et impitoyable la lutte qui venait de commen-
« cer. Tandis que les riches propriétaires du Ksent s'enfuyaient
« terrifiés au-delà des mers, les pauvres paysans Bretons ne
« trouvaient d'autre ressource que de se cacher sur les collines
« ou dans les forâts, jusqu'à ce cjo^e, poussés par la faim hors de
« leurs retraites, ils fussent massacrés ou asservis par les con-
tt quérants. C'était en vain qu9 quelques-uns cherchaient un
« abri dans les murs de leurs églises : la rage des Anglais sem-
« blait s'dtre surtout déchaînée contre le clergé* Les prêtres
« étaient massacrés au pied des autels, les églises brûlées, et les
« paysans n'échappaient aux flammes que pour périr par le fer.. .
« Après deux siècles de guerres acharnées, la soumission
tt n'était faite qu'en partie ; mais, si la lutte fut particulièrement
« longue et cruelle, la conquête fut aussi plus complète que ne
« l'avaient été les autres conquêtes des Barbares. Lorsqu'elle
« fut terminée, la Bretagne était devenue l'Angleterre, la terre
u lies Anglais et non plus celle des Bretons. Peut-être quelques
« survivants du peuple vaincu restèrent-ils comme esclaves dans
u les demeures des conquérants, introduisant dans la langue
u quelques-uns de leurs mots^ si toutefois ceux-ci n'y furent pas
u apportés plus tard (2). »
Ce sont les chefs de ces mêmes Bretons fugitifs, exterminés
ou réduits en esclavage, d'après l'historien anglais, ce sont ces
Chefs que M. de la Borderie nous montre en Armorique, quel-
ques années à peine après linvasion de la Qrande-Bretagne, en-
tourés de guerriers et de conseillers, fondant des royaumes et
des évêchés^ ayant des demeures princières, érigeant des
églises, jouissant, en un mot, d'un prestige et d'un pouvoir que
seule la longue et prospère possession d'un pays peut donner.
Or, d'après M. Georges Dottin, à Tépoque où M. de la Borderie
(1) Charles I. Enton, Oriçins ofEnglish history^ ch. XII.
(2) John Richard Green, Hisioire du peuple anglais (trad. Aagiute lloAod),
tomei, p. 10.
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J
ARMORICAINS BT BRETONS 321
nous fait un tableau si brillant de la puissance des rois bretons
en Armorique et de Timportance des émigrations dans cette
contrée, à l'époque où l'empereur d'Occident Anthémius de-
mande à un roi breton le secours de ses armes contre son plus
formidable ennemi (469), celte péninsule gauloise n'avait encore
vu aucune bande insulaire aborder ses rivages. « Ce ne fut
« qu*au Vi* siècle, dit M. Georges Dottin, que les Celtes chassés
a de Grande-Bretagne par l'invasion saxonne débarquèrent en
« Armorique par petites troupe3-(l). »
M. Loth qui suit à peu près la thèse de M. de la Borderie,
quanta l'époque et à l'importance des émigrations bretonnes,
s'en écarte absolument, quand il s'agit de la manière' dont s'est
fait l'établissement des Bretons dans la presqu'île armoricaine.
M Nous nous séparons de M. de la Borderie, dit le doyen de
i< Rennes, en ce qui concerne la façon dont les émigrants se sont
tt établis en Armorique ; pour nous leur établissement s'est fait
« violemment, et nous avons des Bretons envahisseurs une
« autre idée que lui (2) ».
Et plus loin: « Les Bretons, peuple belliqueux, habitué à la
«• guerre, jaloux par-dessus tout de leur indépendance, p^»
« raissent avoir dompté prumptement toute résistance dans la
u péninsule armoricaine dégarnie de troupes et dont la popula-
M tion assez clair semée ne pouvait opposer une résistance sé-
« rieuse (3) ».
Quant a M. de la Borderie, son opinion est « qu'il n'y a pas
« eu de conquête » et que « les Emigrés se sont établis tran-
u quillement dans ces terres désertes, domaine acquis sans obs-
« tacle au premier occupant (4) ». Il dit encore, T. I, p. 292 de son
Histoire de Bretagne : a Dans la partie de l'Af^mortque occupée
« par les Bretons émigrés, nulle trace d'un conflit quelconque
« entre eux et les inligèaes : ±'oCi il faut conclure que la coloni-
a sation bretonne de la péninsule armoricaine s*est faite pacifi-
« quement par l'accoril et la fusion d^s deux races. »
Suivant le docteur Hilléguen qui se base sur « l'opinion au-
torisée » d'anciens jurisconsultes, Dunarz-Poullain et Baudoin^
f on donna des terres aui fugitifs d*Outre-mèr à certaines con-
(1) Georges Dotiin, Manuel pour servir à Vétude<te V Antiquité celtique^ p. 106.
(2) J. Loth, V Émigration bretonne en Armorique, Introluction.p. XXI.
(3) J. Loth, V Émigration bretonne en Armorique, p. 170*U7.
(4) A. de la Borderie, Histoire de Bretagne^ tome I, p. 249 6t2&€.
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322 REVUB DE BRETAGNE
« ditions ; et les émigrés gardèrent leur posHioa antérieure
« d'hommes libres ou de serfs Des convenants forent passés
« entre les Bretons insulaires et les propriétaires de TArmorique,
« qui profitaient de ce surcroît de population pour faire défricher
« leurs terres (1) ».
L'historien italien Gantù nous montre les Bretons de la partie
méridionale de Ttle, fuyant leur patrie, dès les premières inva-
sions saxonnes et se réfugiant auprès d'autres émigrés de
Grande-Bretagne, fixés depuis longtemps déjà sur la terre hos-
pitalière d'Armorique. ^
Sir Francis Palgrare nous dit que de tous les Bretons, les
Kymri de Gambrie furent les seuls qui ne se laissèrent pas enta-
mer parles Anglo-Saxons; quant aux autres insulaires, ils s'en-
fuirent au-delà de la mer ; il n*y eut que les habitants des cam-
pagnes qui restèrent dans leurs foyers.
D'après OliTier Goldsmiih, la fuite était presque impossible.
« Cependant^ ajoute cet écrivain^ il y eut un assez grand nombre
« de personnes qui parvinrent à quitter cette lie désolée. Les fu-
« gitifs cherchèrent un asile en Armorique, appelée depuis du
« mime nom de Bretagne ; ils s'établirent dans ce pays où ils
u furent accueillis avec hospitalité, et 1\ ils trouvèn nt des mœurs
« semblables aux leurs et un langage qui avait quelque rapport
a avec leur idiome national ».
Robert Ross dans ses Outlines of English history se demande ce
que devinrent les anciens Bretons et répond ainsi à cette question :
« Beaucoup d'auteurs pensent qu'aussi longtemps que la lutte ne
« fut qu'un long combat à mort, les Saxons firent une guerre
« d'extermination, mais que, quand la nécessité s'en fit moins
« sentir, on épargna les indigènes pour les faire travailler à la
« terre. D'autre part, on prétend que si les Saxons avaient épar-
« gné un grand nombre d'indigènes, notre langue en fournirait la
« preuve ; une partie des Bretons restèrent en possession du
(( Strat-Gluyd et de la Cumbrie, depuis Dunbarton jusqu'à la li-
u mite Sud du Lancashire, et séparés du Northumberland par
« les Apennins britanniques. Une autre masse de populations
.tt bretonnes continua à occuper la Damnonie, ou Devon, avec sa
« dépendance, la Gornouaille, que les Saxons appelèrent du nom
« de Galles occidentale. Beaucoup, dans la suite, s'enfuirent au-
(1) D* B. Hallégnen, Armarique et Bretagne, tome I,p. 18.
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J
ARMORICAINS ET BRETONS S23
/
« delà de la mer jusqu'en Armorique. Les plus nobles toutefois
« se maintinrent dans la Gambrie ou Pays de Galles, et bien que
« leur pays fût plus d'une fois envahi par les Anglo-Saxons et les
ic Merciens, ils gardèrent leur indépendance pendant de nom.
« breux siècles ».
Un autre auteur anglais, Greasy» suppose que tous les hommes
des régions conquises furent exterminés ou chassés» mais que
les femmes devinrent les épouses des conquérants. « Cette by-
« pothèse, dit cet écrivain^ explique aussi la différence qui, sans
« aucun doute, existe entre nous et les Allemands, tant au point
« de vue physique que moral. L'Anglais conserve rindépendancé
« d'esprit, la probité, la fermeté, les vertus domestiques et IV
« mour de Tordre qui distinguaient nos aïeux germains, tandis
« que rélément celtique de notre nation nous a doués d'une plat
<c grande dose d'énergie et d'esprit d'entreprise, de mobilité et
« de qualités pratiques qu'on n'en trouve dans les populations
« modernes d'origine purement teutonique ».
Enfin l'illustre Macaulay, parlant d'une période où s'agitent
tant d'opinions différentes, dit qu'il n'y a qu'en Angleterre où l'on
voit un siècle de fables séparant des siècles de vérité.
« Odoacre et TotilSt écrit ce grand historien, Euric et Thrasi-
« mond, Clovis, Frédégonde et Brunehaud sont des personnages
« historiques. Mais Hengisl et Horsa, Vortigern et Rowena, Ar.
u thur et Mordred sont des êtres fabuleux dont les aventures
« peuvent être classées parmi celles d'Hercule et de Romu-
cc lus(l) ».
Il n'est pas impossible, pour peu qu'on ne se laisse pas séduire
par la crédulité insinuante des uns, ou circonvenir par le scepti-
cisme moqueur des autres^ ni égarer par les laborieuses et inter-
minables démonstrations de savants spécialistes fourvoyés sur
un terrain glissant et où ils ne peuvent qu'à grand' peine gafder
l'équilibre, il n'est pas impossible, dis-Je, de mettre un peu d'ordre
dans cette confusion, en prenant simplement l'histoire et le bon
sens pour guides, et en suppléant par des analogies acceptables
aux lacunes que peut présenter cette période. C'est ce que je vais
essayer de faire.
(I) Macaulay, Introduction à Vhiêioirê d^Anflêlerre .
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-Tr-T*
324 R£Vt£ DE BRETAGNE
CHAPITRE V
Tout d'abord, mon opinion bien formelle est qu'il y eut des
établissements de Bretons insulaires dans la Péninsule armori-
caine, bien avant les invasions saxonnes de Grande-Bretagne
qui commencèrent vers le milieu du V' siècle. Non-seulement les
événements qui, depuis 1(^ III* jusqu'au V* siècle, signalèrent la
Gaule et ta Grande-Bretagne, me confirment dans cette opinion,
mhis encore je suis lom de faire fl, suivant (a mode actuelle, des
af testations de différents auteurs du Moy n-&ge moins classiques,
il est vrai, que les auteurs grecs ou latins^ mais qui ont pu puiser
à des sources aujourd'hui disparues, par suite des guerres, des
révolutions et aussi de Tiocurie ou de l'ignorance, parfois plus
désastreuses que ces calamités.
On peut admettre, en règle générale, que les mêmes causes
sont suivies des mêmes effets. Si, dès les premières invasions
saxonnes du V* siècle, des Bretons malgré plusieurs succès qui
devaient les encourager à la résistance, s'empressèrent de tra*
verser la Manche avec une h&le qui n'avait rien d'héroïque, pour
chercher un refuge sur la terre armoricaine, à plus forte raison
doit on admettre que des groupes de fugitifs et des familles de
cette môme race aient, à des époques précédentes, quitté leur
pays en proie à l'anarchie et ravagé par de féroces barbares (1),
pour se mettre sous la protection des populations de la Pénin-
sule armoricaine renommées pour leur courage et leiir hos-
pitalité.
Des causes d'une nature différente déterminèrent l'établisse-
ment d'autre Bretons en Armorique : ce fut lorsque, sous Gons-
tantin-le- Grand, les soldats bretons qui servaient en gr^nd
nombre dans ses troupes et qui l'aidèrent puissamment à battre
Maxence, reçurent, en récompense de leurs servicess des terres
dans un pays dont ils parlaient la langue et dont ils avaient à
peu près les mêmes mœurs (2;.
D'autres légionnaires bretons se fixèrent également sur le con-
(1) Carautint et AUeciat, uturpateara, 287-296; inoartions inUrmittontef de
Pictes, det Scobs et des Saxons.
(2) Quillaame de Malmesbury. Zosime^L. II.
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ARMORICAINS BT BRBTONS 3S&
tinent, ud demi-siècle plus tard, vers 383, dans des conditions
absolument identiques, quand Maxime, proclamé empereur par
son armée composée presque exclusivement de soldais d*origine
britannique, partagea entre tes survivants, après la défaite et la
mort de Gratien^ des terres situées dans la péninsule armo-
ricaine (1).
Ces distributions de terres, absolument conformes aux lois
romaines, n'étaient pas plus extraordinaires sous Constantin
et sous Maxime que sous Auguste, Trajan^ Adrien, Septime Sé-
vère, etc.; elles étaient mémeauIV* siècle tout à fait dans Tordre,
car le droit de cité ayant été accordé par Giracalla à tous les
habitants de Tepapire (212), rien ne s'opposait à ce que les Bre->
tons insulaires qui servaient dans les légions de Gonstantin-le-
Orandetde Maxicèe reçussent comme citoyens romains et à
titre de colons militaires, des concessions de tefifritoires, dans
la Péninsule armoricaine.
La première colonie de Bretons en Armorique avait été établie
par Ck)n8tance Chlore, père de Constantin-le Grand ; c'est sur le
territoire des GuriosoHtes et des Vénètes qu'elle avait été trans-
portée pour y cultiver des terres inoccupées ou en friche (305).
« Il n'existe », dit M. Aurélien de Couraon au sujet de ces éta-
blissements, sous diverses formes, de Bretons insulaires en Ar-
morique, <x il n'existe aucun témoignage contemporain qui at-
<( teste clairement que toutes ces premières transmigrations aient
« eu lieu (2), mais elles sont relatées dans la plupart des auteurs
(t) D'après le vénérable Bède et Guinaame de Malmesbnry» les troupes bre-
tonnes qui avaient accompagné en Qaule Constanttn-le-Tjran, cherchèrent, après
la mort de cet empereur, un reiuge auprès de leurs compatriotes établis en Âr»
morique (4tl).
(1) De pareils témoignages n*existent peut être pas. mais on peut déduire de
certains documents que les choses n*ont pas dû se passer autrement, du moins
en ce qui concerne Maxime. Théodose ayant, en effet, rapporté les lois promulgées
et les jugements rendus par celui-ci (Coda Théod. XV, 14, 6 et 8), fut contraint,
dit Duruy (Histoire des Romains, tome VU, ch. CIX, p. 479, 4s ), pour ne pas
compromettre Tordre social qui risquait d'être ébranlé par de semblables mesures,
« d'excepter dd cette abolition générale les conventions loyalement faites entre
« les parties, les donations transmises, les affranchissements accordés. » 0r,au
nombre des donations en question devaient sans doute se trouver, pour une
grande partie, les concessions de tsrres faites aux soldats bretons de Maxime,
lesquels virent ainsi non seulement garantir les possessions terriennes qu'ils
tenaient de la libéralité de cet empereur, mais encore sanctionner tous les actes
faits par eux en leur qualité de propriétaires, tels que ventes» achats, affras^
ehUsémants et conveations de tontes sortes* (A. T.^
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dS6 aEVUB DE BRETAGNE
« du moyen-ftge; et, pour infirmer tant d'assertions positives, il
« faudrait, suivant la règle de critique posée par Mabillon et par
ft Fréret, fournir la preuve directe et certaine qu'elles sont
« fausses ; or c'est ce que nul n*a fait encore, et ce que nul ne
c pourra faire, puisque les historiens contemporains gardent le
<c silence sur ce point, comme sur beaucoup d'autres bien plus
« importants encore.
« Ce dont on est bien certain, par l'autorité de Sitoine Apolli-
« naire, dit un historien philologue qui fut le digne rival de notre
« Abel de Rémusat, c'est que les Bretons étaient déjà puissants
« à la fin du V* siècle sur les bords de la Loire. Les auteurs eeclé-
« siastiques et les légendaires qui écrivaient avant le XI* siècle
« fournissent sur ces émigrés des détails très circonstanciés. Il
a est impossible de croire qu'ils sont tous con trouvés ; je regarde
« donc comme constant ce que les auteurs rapportent des éta-
« blissements faits dans la Oaule au IV* siècle par les Bretons
« insulaires. »(M. de Saint-Martin, notes à Lebeau, tomeIV.p.l89-
140) (i).
(A suivre). Albert Travers.
(1) Aorélien de Courson, HUtoiredes peuples bretons, tomêl, p. 211-212
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LA MORT DE PHILOMÈLE
Pleurez petits oiseailS: des bois,
Vous ne verrez plus Philomèle ;
Quand viendra la saison nouvelle,
Philomèle sera sans voix.
Naguère encore an point du jour,
Tout près du péril qu'elle ignore,
Elle soupirait à l'aurore
Une douce chanson d^'amour.
Près d'elle vous chantiez aussi,
Vous vous disiez : comme elle est belle.
Lorsque, soudain battant de Taile,
Elle tomba poussant un cri.
Olissez et ne reparaissez plus
Gomme son bourreau s'approchait,
La pauvre petite mourante
iiui dit, d'une voix expirante :
« Homme cruel que t'ai- je fait ?
Les échos ne'rediront plus
Ses chants doux comme une caresse
Et les buissons, pleins de tristesse,
Silencieux seront émus.
Les feuilles, tombant du rameau,
Voileront le dernier sourire
Le corps mignon de la martyre
Et lui serviront de tombeau.
Pleurez petits oiseaux des bois,
Vous ne verrez plus Philomèle,
Quand viendra la saison nouvelle
Philomèle sera sans voix.
P. Lb Bihan.
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NOTICES ET COMPTES-RENDUS
m
■i^.
HisTOias DU MONASTÈRE DB Saint-Bbnoit (Ordre dudit Saiat-Benotk
et Congrégation de Saint-Maur) situé en la ville de Saint-Malo.
Manuscrit des Archives municipales de Saint-Malo, publié et
annoté par M. Riéger. Saint-Servan, impr. J. Haize, 1909, in-8*
de 127 p.^ orné de 4 photogr. et de 3 plans.
L'établissement des Bénédictins en la ville de Saint-Malo a des affinités
avec rhistoire du catholicisme en Angleterre an temps où, en ce pays,
prêtres et moines ne pouvaient apparaître, sans être immédiatement
traqués et mis à mort. C'est au débat da XVII* siècle qne trois on
quatre membres de la Congrégation Anglo-bénédictine, récemment re-
formée, eurent l'idée d*installer sur ce point du littoral breton une sorte
de pied-à-terre, d*oti ils pourraient facilement pénétrer en leur mal-
heureuse patrie et correspondre avec leurs coreligionnaires. L*œuvre
eut pour principal promoteur William Qiffard, — en religion Dom Gabriel
de Sainte-Marie * mort archevêque de Reims. La population malouine
fit le meillear accueil aux religieux anglais. Messieurs du Chapitre, au
contraire, semblèrent prendre à parti de les tracasser sans mesure ni
raison et ils firent si bien, qu'après un demi-siècle de séjour, (161 1-1660)
leurs victimes finirent par décamper, après cession du monastère de
Saint-Benoit à la Congrégation de Saint-Maur, en ce temps-là à l'apogée
de la prospérité.
Aux débuts pénibles se succèdent alors pour cet établissement la pé«
riode d'accroissement puis celle du complet achèvement. Les Mauristes
étaentgens avisés, prudents, industrieux. Plus de difficulté avec le
Chapitre. Par leur régularité, leur zèle pastoral ils surent de même sa
concilier très vite l'estime et l'affection des Malouins. Rien de touchant
à lire comme rénumération des témoignages d'intérêt dont ils furent
l'objet — et ces témoignages sont nombreux.
VHittoire du monastère de Saint-Benoti est rédigée sous forme de
chronique journalière. A part une allusion au bombardement de la ville
par les Anglais en 1693 et le récit de la visite du duc de Pentbièvre (jan-
vier 1747). il n'y a guère de faits généraux à glaner dans l'ensemble.
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?ïOîtCES ET COMPTES^RËNDUS 3î9
Cest avant tout une page dhïstoke intime — on© »orte âû Livre d©
raison, pI j'osais dire — où les Malopinsdes XVII* et XVI! I' siècles ont
réellement un beau rôle. Plusieurs rèdaËteurs ont coda bore à foeUTre
— sept au moîrîS — mais on ne peut que soupçonner leurs noms^ Une
lacune èiiste dans le manuscrU entre les années 1747 et 1788 ; Téditeur
ne croit pas à une suppression de texte et ïes raisons qu'il donne pa^
raissent pârômptoiras. Un chapitre supplémentaire De la Résolution à
nos jours nous fait connaître les vicissitudes par lesquelles est passé le
monastère de Saint-Benoit, avant de devenir oe qu'il est actuellement :
HD entrepôt général de tabacs.
Il faut savoir gré à M. Rléger d'avoir tiré de i^oubli cette Histoire d'an-
tan et de s'être appliqué à ïa comm«^nter et à ta compléter, Son labeur^
qu'il le sache bien, a réjoui plus d'un lecteur.
0. L. GunxoaBkt}.
Le grand apôtre celte, le saint qui naquit en Ecosse, évangèlisa la
Grande-Bretagne et rirîande, mais s'anacba surtout à notre Bretagne
Armorique^ fonda Fabbaye de Rais, vécut dans la grotte du ,6lavet^
muîUpiia les prédications et les miracles sur le rqI breton où it mourut,
Saint ùildas n'avait pas encore trouvé son historien, ou plutôt il fallait
chercher les éléments de son histoire dans les vies anciennes, dans les
histoires géoérales de Bretagne ou de modernes brochures. M. le
chanoine Fonsiagrivep} en prenant sur ses rarf s loiblrs et ses veilles le
temps nécessaire^pour combler cette lacune, s'est acquis la recon-'
naissance de tous les Bretons d^origine et de cœur, qui connaisBent le
rôle joué par saint GUdas dans les annales de leur province, f I a fait un
livré de foi et aussi un livre de science qui s'appuie sur des données
sérieuses et n'étudie pas le vieil écrivain avec moins de complaisance
que le grand t]^aum»1ur^e. Son livre Sainù Gildas de fiui$ et la Société
ifreionne au V/" ji(?c^e(pHri8, Vve Poussielgue, 1908), aurait paru à notre
gi re^reité Arihur de la Bordene, qui en a souvent ïourni les bases et
inspiré L'esprit, une des plus utiles contribt lions k cette Hisloirê deê
Sa, nU de Bretagne ou le sens critique d*un Lobineati s^allierait. sous la
ptume d'un de nos contemporains éminents. à Tonction religieuse d'un
Albert- le*Grand.
L'out'rage de M. Tabbé Fonssagrîves? est divisé en deui livres : celui
de la Grande, celui de la Petite Bretagne. Dans l'une, comme dans
Tautrê^ Tauteur a fait des monastères bretons du Vt* siècîe et spéciale-
ment de ce qa'il appelle, sans les eon fondre, la vie cénobl tique, ta vie
éréfflitique. des descriptions qut ne paissent point à côté de celles de
Montalembert, d^ns sou grand ouvrage <f Les Moines d'Occident *. La
foi chrétienne^ le patriotisme breton animent le biographe de saint
Gildas qui possède auËSi. avec la connaissance de son sujet et l'amour
de son héros, de fort enviables qualités d'écrivain , un style alerte et
lain f»ûi. f4
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330 REVUE DE BREtAGNË
pittoresque. Quant à la yaleur historique du livre, elle est solidement
établie par des pièces justificatiyes^ au premier rang desquelles Ajourent
les Ties anciennes (de source anglaise et armoricaine) les mentions
tirées d'anciens bréviaires, calendriers et missels. Des gravures et des
cartes ajoutent à Tintérét du texte. Parmi ces documents graphiques
j'ai surtout remarqué la reproduction en fac-similé de la première page
du manuscrit d'Avrancbes du De Excidio BrUanniae. On sait que Saint
Gildas trouva dans son cœur breton d'éloquents accents pour écrire ce
Ltber Querulus » fait de pleurs, comme il le dit lu)-môme, plus que de
plaisirs » . Cet aspect de l'historien patriote devait trouver place dans
l'idéale Vie de Saint dont je n'ai pu dire qu'une partie du bien que j'en
pense.
* *
Sous une forme plus modeste, plus populaire aussi et destinée au
grand public, vient de paraître, un premier fascicule d'une collection :
« Les Saints Bretons », éditée à Rennes chez M. Bahon-Rault, sous la direc-
tion du comte de Laigue. Ce fascicule consacré à, saint Hervé, Termite
aveugle que la Bretagne vénère, est l'œuvre de M. de Laigue lui-même,
qui a traité son sujet avec toute la simplicité désirable, mais aussi avec
une science discrète et sans laisser prendre à la légende le pas saf
l'nistoire. Après un récit émouvant, puisé aux meilleures sources,
l'érudition. i*archéologie môme (ont l'objet d'un appendice. L'illustration
bien documentée comprend la reproduction d'une image naïve et des
vues des sanctuaires de Saint-Hervé.
Tiré à quelques exemplaires pour les amis de Taùteur, le' nouveau
livre de M. Paul Budel : « Hivernage en Algérie » est un recueil de
notes de voyage, un ensemble de choses vues. Mais, dans sa simplicité
sans apprêt^ il en apprend plus sur l'Afrique française que tel ouvrage
à prétentions scientiûques. Alger, sa mer, ses mosquées, ses cafés, ses
habitants, même les Aissaouas et les Ouled-Nail défilent sous nos yeux,
un peu comme au cinématographe, avec une intensité de vie singulière.
La prose pittoresque de fauteur se comp'ète parfois et s'accentue à
Taide des croquis spirituellement expressifs de sa nièce. M»* Graponne-»
Budel. La date de Thivernage est déjà un peu reculée, décembre 1895
à août 1896; mais les privilégiés, qui le suivront à distance, trouveront
qu'il n'a paa plus vieilli qu'un voyage en Italie de Jules Janin ou un
voyage en Espagne de Théophile Gautier. Je n'ai pas à rappeler que
M. Paul Eudei, sans être Breton, a bien des affinités bretonnes et que
son long séjour à Nantes, dont il aime à se souvenir sur le sol africain.
Ta presque naturalisé Nantais.
J'ai signalé, ici-même, une revue anthologique de poésie française.
Les Argonautes, que dirige avec beaucoup de vaillance et une très vive
perception de l'art un jeune littérateur breton, M. Camille Lemercier
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NOTICES ET COMPTRS-RBNDUS :W
d'Srm. Des vers du directeur des Argonautes, insérés dans sa revue,
m'avaient frappé par l'élévation de la pensée et la richesse de la forme*
Je les retrouve, avec d'autres qui les valent, dans le recueil de poèmes
« Les Exils > que publie aujourd'hui M. Lemercier d'Ërm (Librairie
Sansot).
L'auteur place son livre sous l'égide de Jean Richepin et le fait pré-
céder d'une préface de Charles Le Qofflc, d'un prélude de Louis Tiercelin.
Ce sont d'illustres patronages, mais le filleul fait honneur à ses parrains.
Di^ns les exils, qui sont de trois sortes, exils du pays, exils du cœur,
exils de l'esprit, il a mis quelques pièces réellement belles : « Rochers
sculptés >, (c Dans la brume », < Pour celle qui ne viendra pas »,
surtout « Les bergers du désert ». C'est un début plein de promesses
qui sont déjà tenues plus qu'à moitié.
Les Poêles du Terroir, publiés par M. Ad. Van Bever à la Librairie
Delagrave, ne sont pas une anthologie ordinaire. C'est un recueil, com-
posé et présenté avec l'esprit le plus judicieux, des meilleures poésies
que Tamour du sol natal, ou l'attachement à leur province d'origine
ont inspirées, depuis le XV* siècle jusqu'à nos jours, aux poètes français.
La Bretagne figure ici en bonne place — on peut même dire, sans exagé*
ration d'araour-propre* à la première place. — Car aucune province Ue
surpasse ou n'éj<ale celle qui a proluit, en ce siècle seulement, un
Chateaubriand, un Brizeux^ un La Villemarqué, un Souvestre, un La
Morvonnais ; sans parler de contemporains immédiats comme Le Braz»
Le Goffic, Le Guyader. Tiercelin. M.. Van Bever a fait, aux œuvres de ces
poètes et de beaucoup d'autres, les plus heureux emprunts et son
érudition lui a permis de chercher dans les temps passés, à travers les
Lunettes des Princes de Meschinot, les Cantiques du P. Grignion de
Montfort, les Amitiés, Amours et Amourettes de Le Pays, etc., de pré-
cieuses allusions à la Bretagne. Le sens critique de l'éditeur le trompe
bien rarement et lui dicte des notices biographiques et littéraires qui
n'ont rien de la banalité habituelle ; il lui permet de rendre la plus
éclatante justice au grand arde La Villemarqué, dont les vieux lauriers
troublent toujours le sommeil de certains envieux, et lui fait distinguer,
entre beaucoup de femmes poètes, celle qui avait le plus d'àme et de
style, Elisa Mercosur. Je voudrais que la partie bretonne des Poètes
du Terroir fût détachée de l'ensemble, ce serait an de nos livres de
chevet.
Je viens d'é?rire le nom d'Ëlisa Mercœur ; les Poètes du Terroir citent
son Ode à Chateaubriand, peut -être son chef-d'œuvre, une inspiration
très remarquable, avec des pensées et des expressions qui étonnent chez
un poète de vingt ans. Notre ami>le baron QadtaQ de Wismes, président
de la Société Académique de la Loire-Inférieure, prépare, à Nantes» la
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r
»pv,'V »^
U2 RBVUK DE BRETAGNE
célébratioi] procbarne du centenaire dû câtte p&uTre fliïe, qui avait
iBieui que da talent (1). ÏL a retrouvé dans les archivai de la Société
Académique et a publié Le puème sur l© Combai des Trente, dont l8
succès décida la Toiiatlan d'ELlaa et noua donne ie plaisir de lire, en
brochure, la conTéreuce chaleureuse et ingénieuse qu'il lui & consacrée.
Le baron de WiSmes prouve à k\ vUle de Nautea qu'elle a les meilleures
raisons d'encourager ta poésie. M a-t-elie pas eu une fille illustrât la
ducUesae Anne, qui aimait les vers, et une fille char mante,E Usa Mercœur,
qui ea taisait de très beaux ?
Vicomte bb GoTmcurF.
société; des bibliophiles bretons et
de l histoire de bretagne
SéMnce da / 7 ^vril i9Ù9.
Présidence de M. le V^^'' DECALAN, président
La Société des Bibliophiles Bretons a tenu séance le samedi
17 avril 1909i à deux heures, aux Archives municipales de la
ville de Nantes,
S'étaient excusés par lettre : MM. le comte de Bréchard, l'abbé
Corbière et le comte Gousset,
M, de Cal an dit qu'il a reçu de M, Joseph Rousse, ancien con-
servateur de la Bibliothèque de Nantes, une lettre lui annonçant
qu'ayant pris sa retraite et quitté la ville de Nantes, il ne croit
plus pouvoir remplir les fonctions de vice-président de notre So-
ciété. Le Président rend un hommage mérité aux qualités de
notre érudit confrère auquel son extrême bienveillance avait fait
beaucoup d'amis.
Il est procédé à son remplacement. M. le baron Gaétan de
Wi^mes, secrétaire-adjoint, est élu pour succéder à M. Rousse.
Pour remplacer M. de Wismes comme secrétaire-adjoint, les
membres présents ont porté leurs suffrages sur M. le comte de
Laigue*
[[} Noat célébr«roiiB égal«i&etit ce centenaire à Parii, le -'7 jiin procÏLUD.
Google .
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i
NOTICES BT COMPTBS-RRMDUS 333
ADMISSIONS
Ont été reçus membres de la Société :
L^ Bibliothèque publique de Saint-Brieuc, présentée par
MM. Prosper Hémon çt Ch. de Calan.
La Bibliothèque publique d'Angers, présentée par MM. Ch.
de Calan et de Laigue.
M. l'abbé Bourdeaut, vicaire à Nozay (Loire-Inférieure), pré»
sente par MM. René Blanchard et Ch. de Calan.
M. Tabbé Mathurin, vicaire à Saint Etienne de Rennes» pré-
senté par MM. Ch. de Calan et de Laigue.
M. Charles Oberthûr père, faubourg de Paris, à Rennes, pré-
senté par les mêmes.
M. Honoré Champion, libraire-éditeur, 5, quai Malaquais, k
Paris, présenté par les mêmes.
ETAT DES PUBLICATIONS
Depuis la dernière réunion, les sociétaires ont reçu le tome i*'
des Docamenls inédits relatifs aux Etats de Bretagne de i4if / k iô89^
formant le tome xv des Archives de Bretagne^ publiés par notre
président M. le V^ Ch. de la Lande de Calan.
Le tome ii et dernier de cette publication est actuellement
sous presse ; 176 pages, soit un peu plus de la moitié de Tou*
vrage, sont tirées. Ce volume fera partie de l'exercice en cours.
Celui-ci serp complété par la nouvelle édition que prépare
M. le C^ René de Laigue du poème sur le Combat des Trente, On
sait qu'il nous est resté deux versions de cet épisode célèbre
dans nos Annales. L'une publiée par Crapelet dès 1827, avec
une seconde édition en 1835, l'autre inédite qui, après avoir fait
partie des collections Firmin Didot, est actuellement à la Biblio-
thèque nationale. Les deux leçons présentent des divergences
notables, surtout pour les noms des combattants. Afin d'éclairer
s(on texte, M. de Laigue publiera, avec la version inédite, celle
qui déjà a été imprimée, d'ailleurs devenue fort rare. Le
tout formera un volume in-S** de peu d'étendue. Le manuscrit,
avec les notices biographiques sur tous les chevaliers bretons
ayant pris part à la lutte, est prêt pour l'impression. On espère
pouvoir joindre à l'ouvrage ia reproduction de la miniature du
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.r}4 R»VUE DE BRETAGNE
manuscrit Didot, surtout si nous voyons se continuer le mou-
vement ascensionnel du nombre de nos membres, qui s'est
manifesté depuis un an ou deux. 11 est bien évident, en effet,
que, si les anciens sociétaires s'attachaient à en recruter de nou-
veaux, les ressources communes augmentées de ce chef per-
mettraient plus aisément d'accroître'et d'illustrer nos textes.
Pour Texercice suivant, M. de Calan prépare le second volume
des Cronicqaes et Ystoires des Bretons de Le Baud, dont il nous a
donné le tome !•' en 1907.
On 7 doit joindre des Notes et documents sur la Révolution à
CsLthàix que publiera M. Hémon. L'intérêt dé cet ouvrage né
sera pas purement local, comme on pourrait le croire de prime
abord, car les agissements des Terroristes de Carhaix ont arrêté
le mouvement fédéraliste dans tout le Finistère.
l)-autres travailleurs ont des ouvrages en préparation ; mais
comme, en tout cas, il^ ne paraîtraient qu'à une date déjà un
peu reculée et que les circonstances pourraient les retarder, il
serait pour l'instant prématuré de ies annoncer plus explicite-
ment.
Les sociétaires recevront prochainement une nouvelle liste,
miiie à jour, des membres de la Société. Ce petit travail devenait
urgent.
La séance est levée à 3 heures 1/2.
Le secrétaire^
Ren6 Blanchard.
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TABLE ANALYTiaUE ET ALPHABÉTIQUE
TOME XLl — PREMIER SEMESTRE
BA.UDRT (J.). Saint«^ra-La-Jaille et ses Anciens Seigneurs. Y. Février. 83.
VI. Mai. aa5 — VII. Juin. 3o4.
Le Bihan (F ). La Mort de Piiilomèle. Juin. 8)7.
De Calan (Vt« Gliarles). Mélanges historiques. XXIII. L'intasion Anglo-
Saxonne dans 1*1 le de Bretagne. Juin. agS.
GouPEL (J.). Etude documentaire de Tlndustrie en lUe-et- Vilaine. I. Février.
107. — IL Avril. 177.
De Gourcuff (V*« 0\MeT), Sainl-Oildas de Rais et la Société Bretonne au
VI* siècle, par le chanoine Fonssagrives; Collection des Saints Bretons,
Saint- Hervé f par le G^* de Laigue ; Hivernage en Algérie^ par Paul
Eudel ; Les Eçtih, par G. Lemercier d'Erm : Les Poètes du Terroir^
par Ad. Van Bever ; Elisahtercceur, par le baron G. de Wismes. Juin.
GuiLLORBAU (D; L.) Histoire du Monastère de Saint- Benoît, situé en la ville
de Saint-Malo p9r,M. Hiéger. J.uin.
Du Hausoubt (Vt« Hervé). Garillons d'églises et Roues de fortune. L Janvier.
44. — IL (Fin). Février. 70.
Herpin (E.). André Desilles (Le Héros de Nancy). Janvier. 5. -^ La fin d'un
évèché. Juin. 381.
De Laigue (Gte René). A travers la Bretagne : Gbronique' de Bretagne \
Janvier. 5i. — Mars. 167. — Mai. a68, — Le Cloarec, par Louis Tier-
celin ; Mme de Launay et Us Bourses de Travail au Collège du Plessis
Sor bonne, par F. Joûon dés Longrais ; Avant Bossaet : Cohon évéqae
de Nimes et de Dot, par F. Duine ; Correspondance de La Tour d Au-
vergne, par L. Buhot de Kersers ; Le Finistère pittoresque y Sites et
Monuments : IL La Cornouaille.pw G. To^cer ; Discours prononcé par
Tabbé Miilon à Toccasion du douzième centenaire de Tapparition de
Saint Micbel à Saint Aubert ; Rapport sur les archives départemen-*
tales^ communales et hospitalières dlUe-et -Vilaine, par André LesorI \
La mise en vacances des Parlements, par Henri Garré. Janvier. — Tha*
maruj opéra de BourgauU-Ducoudray ; Devant CobstacUf par J Bau-
dry ; Le Phare, par Paul Reboux ; Les anciens registres paroissiaux de
Bretagne, publication ; Uèglise conventuelle du Calvaire de CuU, par
TAbbé J Mathurin ; Notices biographiques sur les Saints de Bretagne ;
Almanach de F Union Régionaliste Bretonne ; Annuaire oJUciel d^IUe-et-
Vilaine; Petit indicateur Simon ; Indicateur général de Bretagne Bahon^
Mars. — Documents inédits relatifs aux Biais de Bretagne de i^9i à
J589 ^Tome I), par le Vie Gh. de Galan : Les Relations commerciales
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3m REVUE DE BRETAGNE
et maritimei entre la France et les Cites de tOcéan Paeiflqite an commen-
eemeit du XVtW siècle. Tome /. Le commerce de la mer du Sud jasqa'à
la Paix d'Utrecht, par E -W. Dahlgren ; Dictionnaire des lieux habités
de la Loire- Inférieure par L. Maître ; Brest pendant la Révolution par
L. Esquieu et L. Deiouroiei ; Le Déist de Bolidoux a-t-il trahi les dé^
pâtés girondins proscrits ?, par I^. Hémon ; Le Finistère pittoresque, par
G. Tosœr ; La Chapelle de Kermaria-Nisquit et sa Danse des Morts, par
L. Bégule ; Inventaire des archives du Château de Trégranteur, par le
Vte Hervé du Halgouet ; Guide pittoresque et archéologique d^llle^et*
Vilaine f sites et monumenU, par le Vte Frotier de la Messelière et J .
des Bouillons ; Les Fronts Têtus, par Simon Davaugour ; Mablouis,
par François Prima ; EcorcHous et Carabins, par le même ; Voyage en
Orient, par l'Abbé P. Martin ; La Forêt des Songes, par Jean Uouillot ;
Les Boterel de Ifl VUlegeffroy, alliances et seigneuries, par le Vte Hervé
du Halgouet ; A Travers le Département d'Ille-et- Vilaine, par A. Orain;
Devant VAtre, par le même : Brest, tête de ligne des courriers transat»
lantiques, par Y. M. Goblet ; Réformes postales, par k. Travers ; Au
son des glas de Bretagne, par A. Masseron ; Aux membres du syndicat
pomologique de France, par F. Le Bihan ; Elisa Mercœur, discours
prononcé par le .baron G. de Wismes à la Société Académique de
Nantes ; Plages et Campagnes de la Presqu'île guérandaise, par le
docteur Charles Bidan. Mai.
Db Loubmbl du Hourmelin (Baron). Un Incident de la Faillite de la banque
Guémené (1781]. Février. loa.
Ohsix (André)» Les Bourgeois du Roi, par César Chabrun. Avril. 3a4.
OftAin (Adolphe). Dinard, poésie. Février. 80. — Le passage de la Chaîne
des forçats à Rennes en i836. Février. Si.
Pbrdrtel-Vaissière (Jeanne). Le Cloarec, par Louis Tiercelin. AvriL asa.
PiGQUBNARn (D' C. A.). Le Néodruidisme. I. Mars. ii3. — U (Fin). Avril. 196.
RoAZOUif (A.-D ). Contes de grand* mères. III. Janvier. 37.
RouxBL (J.). Les Bleus en Campagne (1796). Episode des guerres de la Ré-
volution. I. Fé/rier. 67. — H. Mars. laô. — 111. Avril. i84. — IV.
(Fin). Mai 943
Travers (Albert). Armoricains et Bretons, l. Avril. 169. — H. Mai. sBg. —
m. Juin. 3i4.
Trâvbdt (J.). Attentats des Penthièvre contre le duc Jean V (j4ao-i4aa).
IV. (Fin). Mars. i4o.
UzDRBAtJ (F.). La Paroisse de la Renaudière en i683. Janvier, ai. — Les
Elections du Tiers-Etat dans les paroisses angevines du diocèse de
Nantes (1789). Avril, a 16.
Chronique des Bibliophiles Bretons. Juin.
Le Gérant : K. CHEVALIER.
Vannes. — Imprimerie Lafolti frères, 2, place des Lice»,
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REVUES BRETONNES
yHsHinifi : 19* ann. Mensuel. 1 an 12 fr. Union postale 15 fr.
Le numéro 1 fr. 25. Les abonnements partent du 20 octobre.
Directeur : Louis Tiercelin, à P^amé (Ille-et- Vilaine).
Lss Annales de Bretagne : 23* ann. Trimestriel. 1 jan 10 fr.
Union postale 12 fr. 50. Publjiées par la Faculté des Lettres de
Rennes. Rédacteur: G. Dotti^, 37, rue de Fougères, Rennes.
Le Clocher Breton : 15* ann Mensuel, 1 an 5 fr. 50. Directeurs :
René Saib et Madeleine Desroseaux. Bureaux. 29, rue Belle-Fon-
taine, Lorient.
Bulletin de la commtssiqn diocésaine d'archttectijre et d'archéo-
logie DU diocèse DE OuiBip^R ET DE LÉON .* 7« Rim. Tous les deux
mois. 1 an 5 fr. Ouimper.
La Revue Morbihaniiaise : 12» ann. 1 an 5 fr. Directeurs :
J. BuLÉON, V*« de la Gr^ncière, E. Sageret. Chez Lafolye, Vannes.
La Paroisse Bretonne de Paris : 10* ann. Mensuel, 1 an, 2fr. 25.
Directeur : M. l'abbé Cadic, 13, rue Littré, Paris (Vl« ar').
La Jeune Bretagiite: 6* ann. mensuel, 1 an, 2 fr. pour la Bre-
tagne, 2 fr. 50 pour If reste de la France. Bulletin d'études et d'ac-
tion sociales. Rennes, 30, rué Hoche.
Feiz ha Breiz : 9« année. Tous les mois. 1 an 3 fr. Les abonne-
ments partent du J«' janvier. S'adressera M. Cardinal, recteur de
Saint- Vougay, par Plouzévédé (Finistère),et pour les^ abonnements
à M. Caroff, vicaire aux Carmes, Brest (Finistère).
Bretoned Paris. Bulletin de la Société c< La Bretagne », 5* année.
1 an, 2 fr. 50. Direction : 40, rue du Cherche-Midi, Paris.
Revue du Pays d*Aleth : 5» année, mensuel. 1 an, 3 tr. Dirc».-
teur : Jules Hfiize, rue Jacques Cartier, Saint-Servan.
Le Pays d'Arvor : 3« année, 1 an, 5 fr. Directeur : Jacques Pohier,
& Ancenis (Loire-Inférieure). Administration et Bureaux, 25> Haute
Grande Rue, Nantes.
Revue pu Traditioknisme. — Bev, intern. du folk-lore — mens.
1 an, 10 fr. N", 1 fr. -- Directeur : M. de Beaurepaire-Froment,
Paris, 69, quai des Orfèvres.
, Revue 'du BAS-Porrou, 21* année, trimestrielle ; 1 an : 8 fr.
N» 2 fr. 50. — D' M. René Yallette, à Fontenay-le-Comte.
L'Anjou historique. — 8* ann. tous les 2 mois. 1 an : 6 fr. D* :
M. r^bbé Uzureau,' aumônier, à Angers. Edit^ : M. Siraudeau,
4, Chaussée Saint-Pierre, Angers.
Revue des Traditions populaires, 23* ann. mens. 1 an. 15 ft*.
No ( fr. 50. Direct. M. Paul Sébillot, HO, boulev. St-Marcel, Paris.
La Revue Bleue, 15, rue des Saints-Pères, Paris.
La Vendée historique. — (Revue de la Vendée militaire). Tous
les quinze jours ; 12« année. — Edit. sur papier fort, 6 fr. 50 ; édit,
,9rd. 5 fr. — D' Henri Bourgeois, à Luçon (Vendée).
Revue de l'Anjou, 58« année, 12 fr. par an. — Librairie Germain
et Grassin, Angers.
La Revue Héraldique, fondée en 1862. Mensuel, Directeur,
V*« de Mazières-Mauléon. Bureaux : 8, rue Daumier, Paris
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'année par ses Wes^.et boreaj^r <i^ Ville dd^^ad^t d^ bolets dVM
^n de I'« et de 2^<4?'|8efr;^Uftlè9^iou~rXatix prixirè^vrédaiU i
\ ' " \ e6]iranca. j^a::^H^cîh9s^ et^BoWnÎÉ en 2« o^
" "rt^iJe faire le tour de la presq^^tf^iretonne.
«*.«: Rennes, Sain t-Malo-Saint^Sej^an, Dinard-Sajijjt-Enogat, ,^^^^
p^çwtof Saint-Brieuc, Guiniyramp, Lani^iorî, xfif orlaîi, Ro^coff, Bre^t, L.^
^imper, Douarnenez, Pont-rabbé, CjHî^trnea«y-l.»fîetot, Aoray,/
ûitieron, Vannes, Savenay, J^e^Groi»)c, eTiéra«d«^''§ki^^
Pont-Cbâteau, Etedçu^, Renae's.^
Ces billet)? peuvent ôtréH»t^loiJg&
Ces btilet)? peuvent etr^H^^loi^és trois rois qunejpeîio^ de
10 jours^ mc^ennani^è'-T^aifiinô»*; 1)our chaque prol^HgcGop; d*aii
sunpiémeït f e 10 o/o oiKftiiix jîprilitif. . > -" / {
M &^t déUv^é, en môme temps que le billet cir^lâ^, un tn)i*^ ^
paicours gomplémentaîre peràettant jW, r^p^ndr^Vitln^
Yoyiv^ cipbalaire et compgrtaDi une :)?éidubtion deiO <*/,.
du taHfgéiiéral. { / / / ^ -'/
La mêiie réduction estVjfeordé^ j;^cur8Umnyrte après l
plisseme|it du voyage circtaWre;'p«tlr rentier à,, son point de départ
ou se reMre sur toute autrj^^re des rés^^iu^ l'Ouest âUilûcléans.
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.,6ffÉMINS DE PER D'ORLËANB"
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StiripNS THERMÂliS Et UIVjEftJ
des^ ï|trébée% 4ii ûhplfe de Gascogire ^ft| du Rpussill^» .
.ArcachOQ} Çiarritz,* Dax; Pau, SaKdé-d<^B)èarp, Vemez}-le^
\ \
f^o^iles iH^tiâ^s thennftidi
Bs les ^rèi do réieati> .
^n et coiQiiortant une*^'
2* et 3« dif sse. /■'
BUletsd'aller>£tYet<Hijrïacn«idu<, _
.et hivernales, déli^reM toute l'aifné^de.
valableft-23.4MiK d.vee' faeullé^'de prolociRi
réd^eUuu Ub S5 «/o en 1" classe et de^O ^fkJèA 2' ôt 3« difsse. /""^.n
^liets d'aller et retour de fam^ll^tipur les stations tbermale»^ -^
et hivernales, délivrées toute l'année q^toif^^es statt6ps du réseattV''
80US condition d'un minimum de parc/;idvajl£^ntr{:nometr aller jA'
' retour, -réduction de 20 à. ^O'^'j'». suivant le nombre de* pMsoMOT,
validité. 35 jours a'^c lacult^d^ pifî^ïongation. j^^
Billets d'excursion délivrée toute Tannée au dépaH'^ée Paris
avec 3 itinéraires différents, ~xi}d Bordeaux ou JTonlfnMéy petbiettant ^
de visiter Bordeaux, Arcaébon, Dax, BaviMe^ <8iarrittj ^ Pau,
Lourdes, tuchon, etc., validHé 30 jours afeoT^nlté ae prolbpxàiion
PrVx,l *' el 3« itinéraire ; l'^ classe, 1^ tf. 50 ; 2«/b/as9e, |
Prix, 2* itinéraire : 1" clçss^ 164 ir- 5(>; 2« cla^irèy 122 it
«^W.~
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Vannes. — Imprimvri^ IxAtOLYB ivhrpt, 2^{yiaco des Lices,
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