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REVUE
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DE
CHAMPAGNE
ET
DE BRIE
HISTOIRE — BIOGRAPHIE
ARCHEOLOGIE - DOCUMENTS INÉDITS — BIBLIOGRAPHIE
BEAUX-ARTS
TOME QUINZIEME
HUITIEME ANNElî — PREMIER SEMESTRE
ARCIS-SUR-AUBE
[ Lkox FRÉMONT, Imprimeur -ÉDiTKL'ii |
^ Place de la Huile
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SOMMAIRE DE LA PREMIERE LIVRAIS >N
DE LA HUITIÈME ANNEE
G. Hérelle
Ernest Choullier
De Villef osse
A. Roserot
Cte E. de Barthélémy.
Arsène Thévenot
Lacordaire
Grignon
Nécrologie
Bibliographie
Chronique
Répertoire général et analytique des principaux fonds an-
ciens conservés aux archives départemomales de la
Marne 5
Les Trudainc 12
Histoire de l'abbaye d'Orbais, par Dom Du Bout 17
Inscriptions du département de l'Aube 34
Le Retour de Varennes à travers la Champagne 45
Faits et accidents météorologiques survenus à Troyes et
aux environs avant 1790 49
Bourbonne autrefois et Bourbonne aujourd'hui 53
Folle équipée 59
M. Louis de Baudricourt. — M. Edouard Fleury 67
Dictionnaire paléoethnologique de l'Aube 68
Famille de Gruthus de Grandham. — Sur les droits pré-
tendus par les habitants du Chesne-le-Populeux, vas-
saux de l'abbaye de Saint-Remy. — Généalogie et pa-
piers historiques de L. Levesque de la Ravalière. —
Une lestre de M. Lévêque de la Ravalière. — L'éduca-
tion des enfants abandonnés à Reims. — Chambre
ardente à Reims. — Prix J. Barotte. — L'église de
Bourcq (Ardenncs). — Varia. — Le salon de Paris. . . 69
Les Epreuves doivent être retournées dans un délai MAXIMUM de
huit jours. Passé ce délai, les Corrections sont faites d'office^et il est
passé outre.
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ET
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ARGHÉOLOGIE^ DOCUMENTS INÉDITS — BIBLIOGRAPHIE
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Prix de l'Abonnement 12 fr. par an
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30, Rue Jacob, 30
Et chez tous les Libraires des deux Provinces
1883
Juillet 1883. — Première Livraison. — Huiiième année
SOMMAIRE DE LA DEUXIÈME LIVRAISON
DE LA HUITIÈME ANNEE
Cte E. de Barthélémy.
Ernest ChouUier
David de Riocourt . . . .
A. Daguin
Barbât de Bignicourt.
Arsène Thévenot
De Villefosse
Grignon
Bibliographie.
Chronique
Cinquante ans do souvenirs d'un ancien Préfet 81
Les Trudaine 97
Les Archives (ies actes de l'Etat-civil do Chàlons-sur-
Marne 104
Les Registres baptistaires 112
Les Conventionnels de la Marne ' 118
Faits et accidents météorologiques survenus à Troyes et
aux environs avant 1790 125
Histoire de l'abbaye d'Orbais, par Dom Du Bout ... 129
Folle équipée 1 46
Histoire de l'abbaye d'Igny. — L'imprimerie et la librai-
rie dans la Haute-Marne. — Notice sur Corbeny. —
Table des travaux de l'Académie de Reims depuis sa
fondation 152
Bibliothèque de Bourbonne-Ies-Bains. — Le Tournoi
d'Ecry. — Le Mérite agricole. — L'église de Mouzon.
— La Verrière de la chapelle du Séminaire de Sainte-
Memmie 155
Les Epreuves doivent être retournées dans un délai )1AXIMU.H de
huit jours. Passé ce délai, les Corrections sont faites d'office et il est
(>assé outre.
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HISTOIRE — BIOGRAPHIE
ARCHÉOLOGIE — DOCUMENTS INÉDITS — BIBLIOGRAPHIE
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Août 1883. — Deuxième Livraison. — Huiiiènie année
SOMMAIRE DE LA TROISIÈME LIVRAISON
DE LA HUITIÈME ANNÉE
A. de Gourgault
J. Chardron
L. Grignon
A. Daguin
Arsène Thévenot
A. Lacordaire
Cte E. de Barthélémy.
Nécrologie
Bibliographie
Chronique
La vie du maréchal de Schulemberg ICI
Lo premier pape français. — Gerbert, archevêque de
Reims 178
Historique de la corporation des apothicaires-épiciers de
la ville de Chalons-sur-Marrie 195
Les Registres baplistaires 203
Faits et accidents météorologiques survenus à Troyes et
aux environs avant 1790 215
Bourbonne autrefois et Bourbonne aujourd'hui, 1780-1880 223
Lettres de M. de Dinteville 1589-1597 239
Mgr le comte de Chambord. — M. L.-S. Fanard. —
Mgr Lion 245
Guide du voyageur et de l'Etranger dans Reims. —
Chartes de départ et de retour des Comtes de Dara-
pierre-en-Astenois, IV« et V« croisades. — Deux
Artistes champenois. — Publication artistique et ar-
chéologique de Reims. — Annales de Reims de 1789
à 1802. — Correspondances de la marquise de Balleroy. 246
Madame de Tourzel. — L'enlèvement de M"e de Sal-
lenove, etc.
Les Epreuves doiveni être retournées clans un délai MAXIMUM de
huit jours. Passé ce délai, les Corrections sont faites d'office et il est
i)assé outre.
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ET
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HISTOIRE — BIOGRAPHIE
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Septembre 1883. — Troisième Livraison. — Huiiicme année
SOMMAIRE DE LA QUATRIEME LIVRAISON
DE LA HUITIÈME ANNÉE
J.-B. Gillant
J. Ghardron
L. Grignon
Ernest ChouUier.
A. Lacordaire —
Nécrologie
Bibliographie. . . .
Chronique
Translation d'une relique de saint Didier 257
iLe premier pape français. — Gerbert, archevêque de
Reims 266
Historique de la corporation des apothicaires-épiciers de
la ville de (Ihâlons-sur-Marne 276
Les Trudaine ; 285
Les seignevrie et féavltez de Bovrbonne 294
Marquis Colbert-Chabannais. — Edmond Bertherand. . . 308
Recueil des chartes de Notre-Dame de Cheminon. — Ca-
talogue de la Bibliothèque de la ville de Troyes. — Le
siège de Sézaune, Barbonne, etc 309
Renseignements pour Chùlons. — Carte générale de la
Champagne. — Abbaye de Saint-Basles. — Extrait du
catalogue des manuscrits de la reine Christine en ce
qui concerne l'histoire de la Champagne. — Inscrip-
tions antiques de Reims. — Une lettre de M. Lacor-
daire. — Sépultures mérovingiennes de Dormans. —
Notes sur la paroisse de Fromentières, etc 310
Les Epreuves doivent être retournées dans un délai MAXIMUM de
huit jours. Passé ce délai, les Corrections sont faites d'office et il est
passé outre.
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Octobre 1885. — Qualriènie Livraison. — Huitième année.
SOMMAIRE DE LA CINQUIÈME LIVRAISON
DE LA HUITIÈME ANNÉE
Baron J. de Baye
L Grignon
X*'
A. Thévenot
De Villefosse
A. Lacordaire
X
B
Nécrologie
Bibliographie
Chronique
Notes sur le château do Montmort 321
Historique de la corporation des apothicaires-épiciers do
la ville de (Ihàlons-sur- Marne 334
Cinquante ans de souvenirs d'un ancien Préfet 343
Faits et accidents météorologiques survenus à Troyes et
aux environs 348
Histoire de l'abbaye d'Orbais 369
Les seignevrie et léavitez de Bovrbonne 3SG
Idée du véritable homme de lettres 400
Madame Adélaïde à Louvois 406
M. Gustave Rigollot. — M. le comte Drouet-D'Erlon. —
M. le vicomte Jessaint. — M, Amédée Varin 409
Gallet et le Caveau. — Les Allemands à Reims en 1870-
1871. — Le cimetière gallo-romain de la fosse Jean
Fat à Reims, etc., par M. Nicaise 411
La Maison des Magneux, rue de la Peirière à Reims. —
Discours sur le prix des choses en 1574. ' — Plaidoyer
en faveur du chapitre Saint-Etienne de Châlons. —
Vers du chanoine Maucroix. — L'église du prieuré de
Montmort. — Acte de naissance de la mère de Lafon-
taine. — Bas-reliefs provenant du château du duc de
Guise. — Buste en marbre de Gerson. — Découverte
à Dampierre, etc 413
Les Epreuves doivent être retournées dans un délai MAXIMUM de
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Novembre 1883. — Cinquième Livraison. — Huitième année
SOMMAIRE DE LA SIXIÈME LIVRAISON
DE LA HUITIÈME ANNÉE
Docteur E. Bougard
Albert Babeau
Baron J. de Baye
X"*
Anatole de Barthélémy.
O. de Gourgault
Bibliographie
Chronique
Los Trois Sièges fie la Mothe (1G34-1G42-1645), par Clé-
ment Macheret il7
Comment on voyageait dans la Champagne méridionale
en 1577 432
Notes sur le château de Montmort 437
Cinquante ans de souvenirs d'un ancien Préfet i45.
Notice historique sur la maison de Grandpré 454
La Vie du maréchal de Schuleraberg 461
Gallet et le Caveau. — Géographie physique, agricole,
commerciale, industrielle, administrative et historique
de l'Aube. — L'imprimerie et la librairie dans la
Haute-Marne. — Notes de M. de Caumartin sur la
recherche des nobles de la province de Champagne. —
Sciences et vérités, par le docteur Décès, de Reiras. —
Mémoires de la société académique de l'Aube. — An-
nuaire de l'Aube 465
Le combat de l'Intrépide, commandé par le marquis de
Vaudeuil, bisaïeul de Madame la comtesse de Cler-
mont-Tonnerre. — La terre de Vauchamp, près Mont-
mirail. — Le tombeau de Claude de Lorraine. —
Chanson sur Mk'- l'Evèque de Reims et le citoyen Diot,
— Notes diverses sur le diocèse de Langres. — Statue
à Alexandre Dumas à Villers-Cotterets, etc., etc 471
Les Epreuves doivent être retournées dans un délai MAXIMUM de
huit jours. Passé ce délai, les Corrections sont faites d'office et il est
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CHAMPAGNE
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DE BRIE
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Décembre 1885. — Sixième Livraison. — Huitième année
DP
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DE CHAMPAGNE ET DE BRIE
Arcis-sur-Aube. — Imprimerie l.éon FRÉMONT.
s
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CHAMPAGNE
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DE BRIE
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ARCHÉOLOGIE — DOCUMENTS INÉDITS — BIBLIOGRAPHIE
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TOME QUINZIEME
HUITIÈME ANNÉE. — PREMIER SEMESTRE
PARIS
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1883
DC
t.r
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DE
CHAMPAGNE ET DE BRIE
RÉPERTOIRE
GÉNÉRAL ET ANALYTIQUE
DES PRINCIPAUX FONDS ANCIENS
Conservés aux Archives Départementales de la Marne
CARMÉLITES. — « Inventaire des titres et chartes du monastère do
l'Incarnation des Religieuses Carmélites de Reims, de la réforme de Sainte
Thérèse, fondé en l'année 1633. Fait par Pierre Camille Le Moine, avocat
en Parlement. 1786. » — In-folio de 165 pages cotées. Ce fonds ne contient
pas de titres anciens.
CHATRICES. -- « Inventaire des titres et papiers de l'abbaye de Cha-
trices. Du 20 juin 1776, etc.. » — Dressé pardevant notaires. Double
expédition. Cet inventaire ne donne ordinairement que la cote de la liasse
et le nom de la propriété qu'elle concerne ; le plus souvent les dates font
défaut.
HAUTE-FONTAINE. — ^< Inventaire ou Répertoire sommaire des tiltres,
Chartres et aultres enseigoemens qui se sont trouvez dans la ciiartrerie et
sacristie de l'abbaye deNostre-Dame de Haute-Fontaine. ..dans le quel inven-
taire sont aussi transcripts les anciens tiltres pour y avoir recours et servir ce
que de raison. Fait es mois d'octobre et de novembre 1686. » — In-folio de
83 feuillets co!és, relié en parchemin. On trouve à la fin une liste des
abbés, extraite des litres. Le classement actuel du chartrier ne répond pas
au classement de l'inventaire. Nous adoptons les cotes nouvelles dans notre
Répciloire ; néanmoins ou pourra sans peine recourir au manuscrit, qui
donne de bonnes copies d'un grand nombre de documents aujourd'hui perdus
ou illisibles ; car les titres y sont rapportés dans l'ordre alphabétique des
noms de lieux.
• Voir page 179, tome XIII, de la lievue de Champagne et de Bric.
(î RÉPERTOIRE GÉNÉRAL ET ANALYTIQUE
IGNY. — « Inventaire ou répertoire sommaire des cliartres, liltres,
papiers et euseigneniens qui se sont trouvez dans la chartrerie de l'ahbaye
N. D. d'Igny en Tardenois, de l'ordre (Je Giteaux, au diocèse de Reims. »
— In-folio de 138 feuillots cotés; table à la fin du volume (xviii" siècle).
Divisé en l.'i chapitres, qui contiennent eux-mêmes plusieurs liasses.
LONGUEAU. — « Inventaire des chartes et titres du prieuré de N. D. de
Longueau, ordre et membre de Fontevrault, transféré en la ville de Reims"
Fait par C. J. F. Le Moine, fils et élève de Fauteur de la Diplomatique
pratique. 1780. » — In-folio de 507 pages cotées ; table à la fin du
volume. Divisé en 13 boîtes, et subdivisé eu 42 liasses ; le numérotage des
liasses est continu.
LOUVOIS. — « Inventaire des litres du marquisat de Louvois, terres et
seigneuries de Tauxières, Germaine, Sarbruchc, Vertuelle^ BuUon, La
Neuville-en-Chalois, Verzenay, Gbigny, Rilly, Vausillon, Vaudemande,
partie de Ludes, les trois quarts de Mutry, Ville-en-Selve et Bisseuil.
1738. » — In-folio de 211 feuillets cotés ; table au commencement du
volume. Il semble que ce manuscrit donne souvent des dates erronées ; de
plus, chaque liasse (numérotage continu] paraît contenir bien des titres
étrangers au lieu par lequel elle est désignée.
MACHERET. — « Inventaire des titres de l'abbaye de Mâcheret, donné
par moi soussigné et ci-devant titulaire de lad. abbayo, à messieurs les
adraiiiistratcurs du district de Sézaune, conformément aux décrets de l'as-
semblée nationale. » — Cahier de il pages in-folio. Inventaire très-som-
maire, en 9 liasses.
MINIMES. — « Inventaire des tiltres appartenants au couvent des Pères
Minimes de Sainct-Remy d'Espernay. 1650. » — In-folio de 112 l'cuillels.
Les liasses sont cotées par lettres ; nous n'avons relevé que la pagination.
MONTCETZ. — « Inventaire des titres et papiers de l'abbaye de Moncels,
ordre de Prémontré. Du commandement de M" François Duriez, prêtre
docteur en Sorbonne, abbé de Moncels. 1752, (avec additions). » — In-folio,
Numérotage continu des liasses,
NEUVILLE (la). — « Inventaire des titres, papiers et enscigneraens de
la Commanderie de la Neuville-au-Temple et Maucourt son annexe, fait à
la diligence et par les soins de illustre et religieux seigneur M" Charles de
Picot de Dampierre, chevalier de l'ordre de Saint Jean de Jérusalem, com-
mandeur de lad. commanderie, en l'année 1774. » — Gros volume in-folio ;
table au commencement. Deux exemplaires. Numérotage continu des liasses.
N. D. DE VITRY. — « Inventaire général des tiltres de la fondation
du chapitre do l'église royalle et collégialle Nostre Dame de Vitry-le-
François. et de ceux des biens qu'il possède, des lettres pattentes, arrêts du
Conseil d'Etat du Roi, du Parlement, ordonnances, etc.. Fait en l'année
1752. » — In-folio de 161 feuillets, avec une table séparée, formant un
cahier de 7 feuillets. Numérotage continu des liasses.
SAINT-BASLE. — « Inventaire des titres et chartes de Saint-Basle.
ordre de Saint-Benoît, montagne et diocèse de Reims, par Pierre Camille
Lemoine de Paris, avocat en Parlement, archiviste à Reims, membre des
Académies de Rouen, Metz et Chàlons, auteur de la Diplomatique Pratique,
pour Messieurs les prieur, religieux et couvent. 178P. » — In-folio do 254
pages cotées. Numérotage continu des liasses.
DES l'RlNCIPAUX FONDS ANCIENS 7
SÂINTE-BÂLSAMIE. — « Inventaire des pièces et titres qui se trouvent
dans le churtrior de Sainte-Balsamie, rédigé par ordre alphabétique. 1730.»
— Cahier iu-folio de 31 pages cotées. Numérotoge continu des liasses.
SAINT-DENIS. — « Table alphabétique des titres qui sont arangés et
brochés par ordre cronologique dans les 15 volumes des archives de l'abbaye
de Saint Denis, de l'ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin, de
la Congrégation de France, dans la ville do Reims, oîi l'on a mis les
extraits de ce qu'il y a de plus important dans les titres originaux. > —
Sans date. Paraphé en 1790. Très gros in-folio du commencement du xviu*
siècle. Cet inventaire donne la date et l'analy.se des actes sans renvoi au
volume ou ù la liasse qui les contient. Le fonds ne se retrouve ni à Châ-
lons, ni à Uoims.
SAINT-ETIENNE. — « Inventaire des chartes et titres de l'église cathé-
drale Saint Etienne de Chaalons..., par M" Pierre Camille Le Moine,
avocat en Parlement et archiviste de plusieurs célèbres églises et abbayes
de France, membre des Académies de Rouen, Metz et Chaalons-sur-
Marne. MM, Blondeau et Coquart, chanoines archivistes. 1777. » — Six
gros volumes in-folio, comprenant : le I"", Spirituel ; le 2', Ville et Tem-
porel ; le 3«, Censives sur les maisons de la ville ; le 4", Villages de A à
C ; le î)«, Villages, de C à R ; le G», Villages, do M à V. Dans chaque
volume , le numérotage des liasses forme une série indépendante et
continue.
SAINT-JACQUES. — < Ancien inventaire des Chartres et tiltres de
Tabbaye de Saint- Jacques » de Vitry. — Registre in-folio du commence-
ment du xviii» siècle, avec quelques additions. Cet inventaire ne paraît ni
très complet, ni très méthodique,
SAINT-NICOLAS. — « Chartulaire du chapitre royal de Saint Nicolas
de Sézanne. » — Registre in-folio de 373 pages cotées ; il est indiqué
comme appartenant à la 34° liasse du fonds. L'inventaire est divisé en
9 chapitres, et subdivisé eu nombreux articles. Nous renvoyons aux
pages du registre.
SAINT-PIEEEE. — « Inventaire des Chartres et titres de l'abbaye de
Saint Pierre au.x Monts de Chàlons, ordre de Saint Benoît, congrégation de
Saint Vanne et de Saint Hudulphe, fait en 1844 par Alexandre de Osiccki.»
— Copie. Grand in-folio de 208 pages. Cet inventaire est cocçu sur un
plan compliqué, divisé en boîtes, subdivisé en chapitres et en liasses. Nous
renvoyons à la page du manuscrit. Ajoutons que la transcription est défec-
tueuse, que beaucoup de dates sont fausses, que beaucoup de noms parais-
sent défigurés. Mais les analyses des titres sont bien faites et sulfisamment
détaillées.
SAINT-REMY. — « Inventaire des chartes do l'arcbimonaslère do Saint-
Remy (de Reims), fait par M" Pierre Camille Lemoine, avocat en Parlement
et archiviste, membre des Académies de Rouen, Metz et Chûlons. 1783. »
— Quatre gros volumes in-folio, comprenant : le !•"■, \ ille de Reims, Spi-
rituel et Temporel, Seigneuries et Villages, de A à C ; le 2", Villages, de
D à V ; le 3', les Prieurés unis aux biens de manse ; le 4", le Pelit-Couvent
et les Offices claustraux. Le numérotage des liasses forme une série
continue dans les 4 volumes, de 1 ù 415.
SAINT-THIEERT. ~ « Inventaire des chartes de l'abbave de Saint
8 RÉrERTOlHE GÉNÉRAL ET ANALYTIQUE
Thierry près Reims, réunie, savoir : la manse abbatiale à l'aichevêchc Je
Reims en lôttî), et la manse conventuelle et offices claustraux à la mause
conventuelle Je Saint Remy en 1777. Fait par P. C. Le Moine, archiviste
et avocat, membre des Académies de Melz et Je Chàlons, auteur de la
Diplomatique Pralique 1782. » — In-folio de 692 pages cotées. Tables au
commencement. Numérotage continu des liasses.
SÉMINAIRE. — (( Inventaire sommaire Je tous les papiers, titres et en-
seignemens concernaus la fondation, dotation et construction du séminaire
de Chaalons en Champagne, établi en lad. ville. » — In-folio Je 168
feuillets cotés, xvii;« siècle.
TOUSSAINTS. — Inventaire Je l'abbaye de Toussainls en l'Isle, de
Cliâlons-sur-Marne ; sans titre. Dressé en 1770.
TBINITAIRES. — « Inventaire général Jes litres, pièces et papiers de
la maifon de l'orJre Je la Sainte-Trinité KéJemplion Jes captifs de Chalons-
sur-Marne, fait par M. Delaplanche, ministre de la ditte maison, en 17V2,
1743 et 1744. » — In-folio Je 680 pages. Table au commencement. Beau-
coup Je feuillets blancs. A Jéfaut Je cotes, nous avons relevé la pagination.
TEINITE. — (( Inventaire des titres et papiers concernant les rentes et
revenus de Messieurs les chanoines de l'église collégiale de la Sainte Trinité
de Châlons. u — Dressé après 1613 par M° Nieol Lafrique, prêtre chanoine
et sous-chantre de Châlons et aussi chanoine Je laJite église ; avec aJJi-
tions faites en 1722 par M» Charles-Memraie Guillaume, chanoine Je laJ.
église. In-folio Je 118 feuillets cotés, écrit avec beaucoup Je soin. Analyses
détaillées
TEOIS-FONTAINES. — a Inventaire des Chartres et titres de l'abbaye
de Trois-Fontaines, ordre de Citeaux, par C. J. F. Leraoine, archiviste et
feudisto do plusieurs chapitres, 1787. » — In-folio. Inventaire fait avec
beaucoup Je soin. Numérotage continu Jes liasses.
UNIVERSITÉ. — « Inventaire des chartes et litres du collège des Bons-
Enfants de l'Université Je Reims, avec les réunions Jes prieurés Je Saint-
Maurice et de Chaude-Fontaine, après la .suppression du collège Jes Jésuites,
eu l'année 1764. Fait par Pierre Camille Le Moine Je Paris, avocat en
Parlement, archiviste de Monseigneur l'archevêque Je Rei.ns, membre Jes
AcaJémjes Je Rouen, Metz et Châlons. 1785. » — lu-'olio Je 414 pages
cotées. Numérotage continu Jes liasses.
VIDAMÉ. — « Inventaire Jes titres concernans la propriété et les Jroits
du viJaiiié de Châlons, avec les fiefs qui en sont mouvans. » -^ In-folio de
95 feuillets. Deux exemplaires.
VITRT. — Inventaire Ju fonJs Ju bailliage Je Vitry, Jressé sur fiches par
M. Bouchot, élève Je l'Ecole Jes Chartes. Le fonJs analysé est très eonsi-
Jérable, et cependant le Jépouillemenl n'est pas encore complet. En outre,
les liasses cataloguées n'ont pas reçu (le numéro Jéfinilif, ce qui nous oblige
à en signaler l'existence sans autre indication.
II
Inventaires non analysés dans le Répertoire.
i" « Inventaire sommaire des titres de l'Archevêché de Reims, des papiers
DES PRINCIPAUX FONDS ANCIENS 9
iGiTiois et pluns d'hérilages dépendant tant de l'archevêché, de l'abbaye de
Saint-Uemy que du chapitre métropolitain de la même ville. ■>> Dressé eu
1791 par l'administrateur du Directoire du district do Reims. lu-folio de 10
feuillets. Nous avons dépouillé l'inventaire de 1782.
2" « Inventaire des tiltres, lettres, papiers et enseignemens concernans
les droicts, revenus et domaines de celte abbaye Nostre-Dame de Chemi-
non, " Petit in-quarto de 10 feuillets. On n'y trouve ni cotes ni analyses
de pièces. D'ailleurs, nous avons dépouillé le fonds. — H y a aussi un
ripertoire du xiii« siècle, divisé en 24 chapitres (2 feuillels de parchemin
in-folio).
3° « Inventaire des titres de VEvêché de Chûlons. » Fin du xva« siècle.
Cahier de 46 feuillets in-folio. Pas de divisions.
i" U autvillcrs . «. Inventaire général des titres et papiers de l'abbaye
royale de Saint-Pierre d'HautvilIers. » In-folio de 410 feuillets cotés et
paraphés. Dressé pardevanl notaires. Commencé le 1" février 1788. Cet
inventaire fort long est confus et peu utile pour notre objet.
5» « Inventaire des lettres, tiltres et papiers justi6catifs des droicts et
revenus du couvent dos religieux Minimes, eslablis en la ville de Viclry-
Ic-François. Faict de l'ordonnance du Révérend Père Nicolas Liessant, pro-
vincial, faisant ses visites, le 3" juin 1C2-4. » Gros in-quarlo. Pas de cotes.
Pas de pièces anciennes. Confusion.
6° « Inventaire des titres du couvent des Minimes de l'itnj. 1703. » lu-
folio de 14-0 pages ; tables. Peu d'intérêt.
7" « Inventaire des tiltres du couvent des Minimes de Saint Remy de la
ville d'Epernay. 1728. » Gros registre in-folio, dont la plus grande partie
est restée en blanc. Nous avons dépouillé l'inventaire de 1650.
8° « Inventaire des titres de la commanderie de la Neufville et Maucourt,
fait par les soins de religieux seigneur frère Jean Ferdinand de Ricard,
chevalier de l'ordre de Saint Jean de Hiérusalem, pour obéir au décret du
19 mai 1704. » In-folio de 68 feuillets. Nous avons dépouillé l'inventaire
de 1774, beaucoup plus détaillé.
9» N. D. de Reims. « Inventaire sommaire des chartes et litres du
chapitre métropolitain de l'église N. D. de Reims et de la fabrique de lad.
église. 1830. » In-folio de 1 "51 pages cotées. Cet inventaire ne donne pas l'ana-
lyse des pièces ; on trouve dans Varin, page 171 et s., l'anaU-se de l'in
ventaire de Le Moine.
10° « Inventaire sommaire des titres de l'abbaye de Saint Memmie, de
l'ordre de Saint Augustin. » Cahier de 5 pages. C'est la « table alphabé-
tique des communes sur les terroirs desquels sont situés des immeubles pro-
venant de l'cx-abbaye de Saint-Mommie-lès-Chàlous, » avec une sim[de
énumération de 17 liasses de titres.
11» a Inventaire des chartes et tiltres de l'abbaye et monastère do Sainct
Pierre aux Monts de Cbaalons, qui sont de présent en ceslc année 1551 . . .
Et fut faict led. inventaire au temps de Mer ^jro Jhéro.-mc Rurgen?is,
conseiller du Roy en Parlement et abbé commendatairc de lad. abbaye de
Sainct Pierre. » Nous avons dépouillé l'inventaire de 1844.
12° Saint Pierre aux Monts. « Inventaire des tiltres d'Esclaron, Pos-
sessc, Saint-Quentin, Vaulciennes, le ban l'Evêque cl autres lieux, le tout
dépendant de la manse conventuelle. » Cahier in-quarto do 108 pages. Cet
invent;iire partiel a été écrit vers la lin du xvi ou au xvii" siècle.
10 RÉPERTOIRE GÉNÉRAL ET ANALYTIQUE
13» « Componcliosum repertorium litulorum, lillorarum, omnium heredi-
tatum, acqufstiiim ecclet^ie Omnium Sanctorum in Insula, ordine alphabe-
tico. » Polit inventaire du xvi" siècle, transcrit à la png»! 61 d'un cartulaire
du XII" siècle. Nous avons dépouillé l'inventaire de 1770.
14" (( Inventaire des titres et papiers de Messieurs les chanoines de
l'église collégiale de la Sainte Trinité de Chûlons-sur-Marne, contenant
leur fondation, la consécration de leur église, l'augmentation de leur nombre
par l'union des quatre chanoines de Saint Nicolas..., la translation do
l'église paroissiale de Saint Barthélémy..., les privilèges des chanoines
contre les paroissiens..., tirés du chartrier desd. sieurs chanoines, en l'année
1760, par M. Pierrc-Mémie Plouvié, alors chanoine de lad. église de la
Sainte Trinité, et transcrit par M. François Dcvigne, son confrère et secré-
taire delà compagnie, en l'année 1703, » In-folio de 426 pages cotées. 11
comprend : 1" une sorte de chronique de l'abbaye (pages 1-o6) ; 2" une
analyse des Liens possédés hors de la ville, mais disposée de telle sorte que
c'est moins un inventaire proprement dit qu'une collection de matériaux
préparés pour écrire une histoire (p. 57-3l2) ; 3" un « inventaire par ordre
alphabétique de tous les titres des censives, lods et ventes, caritez et mai-
sons appartenantes à MM. les chanoines » Nous avons dépouillé l'inven-
taire de 1722.
15" « Summarium chartarum que spectant ad prioratum de Ulmeto,
vulgo Ormoij, in diocesi cathalaunensi, olim sanctimonialium et monacho-
rum monasterium. » Petit inventaire latin de 3 feuillets in-4".
16" Inventaire de l'abbaye de Notre-Dame de V^ertus, dressé en 1669.
Les titres y sont répartis en 10 liasses. Le classement actuel ne répond
plus à celui de cet inventaire.
17° Inventaire de l'abbaye de Saint-Sauveur de Vertus. Nous no l'avons
pas eu entre les mains.
18" Inventaire sommaire de l'abbaye Notre-Dame d'Argensolles. Nous
ne lavons pas eu entre les mains.
19. Inventaire du chapitre dj la collégiale de Pleurs. Nous ne l'avons
pas eu entre les mains, et il paraît qu'il ne se retrouve point ' .
TABLE DES FONDS SANS INVENTAIUË
DÉPOUILLÉS DAN.S LE RÉPERTOIRE ANALYTIQUE
1" Prieuré de Bel val.
2" Abbaye N.-D. de la Charmoie.
3° Abbaye de Gbemiuon.
1 . Nous ne pourrions assurer que les deux listes précédentes sont abso-
lument complètes. Peut-être existe-t-il dans les boîtes ou cartons quelques
inventaires qui no sont point parvenus à notre connaissance, et qu'un
di''pouille[nonl ultérieur des fonds fera déoomrir.
DES PRINCIPAUX FONDS ANCIENS 11
A" Evêché de Châlons \
li" Abbaye d'IIuiron.
6° Abbaye de Montiers-en-Argonne.
l'' Abbaye N.-D, de Vertus.
8" Paroisses '.
9" Abbaye N.-B. du Reclus.
10" Goinmauderie de Saint- Arnaud.
11" Prieuré Saint-Eugende de Sermaize.
12' Prieuré Saint- Julien de Séz unie.
13° Abbaye de Saiut-Memmie-lùs-Châlons.
14" Abbaye de Saint-Nicaise de Reims.
15" Seigneuries*.
10» Seigneurie de Tours-sur-Marne *.
17" Fonds de Torcy.
18" Prieuré d'Ulmoy.
[A suivre.) G. IIérelle.
1 . Fonds considérable, sur lequel nous n'avons pu prendre que des noies
incomplètes.
2. Les fonds des églises paroissiaies et chapelles sont fort nombreux ;
mais la plupart ne se composent que de quelques pièces modernes. Nous
avons relevé seulement les articles où se trouvent au moias des titres du
xvn^ siècle.
3. Peu de documents anciens dans cette collection de titres féodaux.
4. Appartenant au chapitre métropolitain de Tours en Touraine.
LES TRUDAINE-
Le 27 germinal an II (10 avril 1794), Micault de Courbeton,
président au Parlement de Dijon, beau-père de Trudaine, tom-
bait sous la hache révolutionnaire, accusé « de tentative d'émi-
gration et de semer l'argent dans les campagnes pour se faire
des amis sous le masque de la charité. « L'ordre d'arrêt portait
aussi le nom de Micault fils aîné. Celui-ci avait pu, jusque-là,
se dérober aux poursuites, quand les inquisiteurs imaginèrent
de l'aller chercher à Monligny, où l'on pouvait penser qu'il
avait pu trouver asile, près de M""" Trudaine, sa sœur.
Un arrêt du comité révolulionnaire de la section de Bondy,
pris le 2f> floréal an II, dit : « qu attendu que Micault de Cour-
beton vient d'être frappé du glaive de la loi, son fils Micault et
son gendre Trudaine de Monligny sont suspects et doivent être
traités comme tels », et nomme deux de ses membres pour
aller solliciter auprès du comité de sûreté générale leur arres-
tation.
Les salelHles se mettent donc en campagne et arrivent à
ilonligny, munis d'un mandat d'arrêt. Trudaine leur déclare
qu'il n'a chez lui que le jeune Micault, âgé de dix-sept ans, et
qui n'est sûrement pas celui qu'on cherche ; qu'il ignore ouest
l'aiué, le seul dont il puisse être question dans le mandat.
Désespérés de manquer une de leurs proies, les agents veulent
à toute force emmener le jeune homme en disant « qu'il leur
faut un Micault. » La résistance de Trudaine le sauva ; on le
laissa cependant comme otage, avec Trudaine de la Sablière,
sous la surveillance de la Municipalité.
Le nom de la Sablière n'éiait pas sur le mandat d'arrêt, mais
sa tendre aiiîitié pour son frère ne lui laissait pas la possibihté
d'en demeurer séparé lorsqu'il le voyait en danger. « Je n'ai
jamais quitté mon frère, dit-il aux officiers, je ne puis vivre
sans lui et je vous demande au moins, si vous ne m'emmenez
pas avec lui, de venir me rechercher et d'en obtenir l'ordre du
Comité de Sûreté. »
Voir page 465, tome XIV, de la Revue de Champagne et de Brie.
LES TRUDAINB 13
M™' Trudaine témoin de ces tristes scènes et quittant son
mari, qu elle ne devait plus revoir, demande à ces hommes si
elle ne pourra pas lui envoyer quelques subsistances en prison.
— « On verra cela, lui répondent-ils, mais ne soyez pas in-
quiète, ce n'est pas de faim qxCon meurt à Paris. «
Cependant, les habitants de Moutigny-Lencoup ne voyaient
pas sans peine l'arrestation de Trudaine, qu'ils aimaient et
estimaient ; plusieurs vinrent lai offrir d'enlever les hommes
envoyés pour l'arrêter. Mais il refusa, en leur représentant les
dangers d'une telle entreprise, et partit escorté de ses deux
gardes.
Arrivé à Paris le 13 prairial (l*"" juin 1794), Trudaine est jeté
et tenu en chartre privée jusqu'à c(3 qu'on puisse remplir cer-
taines formalités pour le traduire dans une prison. Dans cet
intervalle, on parvient à découvrir Micault aîné qui. sorti de
Paris par un ordre de passe, et relire à Ghalou, est réuni à
Trudaine de Monligny. De là, leurs deux gardiens refusant de
les laisser aller à l'hôtel du Dreneuf, où leur section consentait
à les faire déposer, après avoir tiré de leurs prisonniers tout
ce que ceux-ci avaient d'assignats, les conduisirent à Saint-
Lazare \
Chaque jour, Trudaine écrivait à sa femme des lettres em-
preintes de la plus vive, de la plus tendre affection* ; il cher-
chait à la consoler, à la rassurer sur son sort. « Ton frère est
avec moi depuis hier, lui disait-il, nous sommes tranquilles
tous deux. Tranquillise-loi, aussi, chère amie, tranquillise
mon pauvre frère ; dis-lui que je lui demande comme une
preuve de son amitié de se bien porter et de ne pas se tour-
menter. Si nos concitoyens et nos voisins (les habitants de
Montigny-Lencoup), pensent toujours quelque bien de moi,
il faudra les engager à attester ma conduite depuis la Révolu-
tion, non par la forme de pétition qui ne vaut rien. Mais des
faits tout simples, sans réflexions, attestés par ceux qui ont
été témoins, sont le moyen le plus honnête elle plus simple et
le plus digne de bous citoyens. Tu les feras parvenir à quel-
qu'un qui les présentera au Comité de sûreté générale. Tu con-
nais ma conscience comme la tienne, tu dois être aussi tran-
1. Mémoire déjà cité, attribué à l'abbé MoielWl.
2. Ces lettres sont conservées par M. Adolphe Dupré, ancien percepteur
à Bray- sur-Seine, qui les tient de M"" Compagnon, so tante, dame de con-
fiance de M™" Trudaine.
14 LES TRUDAINE
quille que moi, un homme qui u'a rieu à redouter. Il n'y a
que Ion absence, celle de mon frère et de notre famille qui ma
chagrine, sans cela je serais heureux, celte pensée m'arrache
des larmes, mais je reprends courage en pensant combien serait
doux l'instant de notre réunion et combien il paierait notre
souffrance... » (17 prairial.)
Bientôt l'amitié fraternelle obtient le droit d'acconqilir le
sacrilice qu'elle avait offert et, sans imputation motivée,
comme pour punir un tel acte de tendresse et de générosité,
on envoie arrêter, à Montign3% Trudaine de la Sablière qui
arrive à Saint-Lazare et partage le sort de nos deux prisonniers.
Dans une lettre à M'"*^ Trudaine, datée du quarante-deuxième
jour de leur captivité, chacun d'eux lui prodigue de touchantes
paroles de consolation. Trudaine, son mari, la remercie da
soin qu'elle prend de lui adresser, ainsi qu'à ses compagnons
d'infortune, les vêtements indispensables, mais il la dissuade
de lui envoyer des fruits de ses jardins, la sévère consigne de
la prison en interdit l'entrée. Il lui donne ensuite de sages
conseils pour l'exploitation de leurs récoltes et l'engage tou-
jours à la patience et à la résignation.
M. de Courbeton s'adresse à sa vieille mère, à sa sœur, à
son jeune frère et les prie de prendre courage et d'espérer
dans l'avenir.
Trudaine de la Sablière prend un ton moins triste mais tout
aussi affectueux : a II me semble, dit-il à M'"*^ Trudaine, qu'il
y a bien longtemps que je n'ai écrit à ma petite sœur, et long-
temps, si longtemps que je ne l'ai vue. Les momentt? coulent
lentement dans l'absence des personnes chères. Il est très vrai
que je travaille et toujours pour toi. J'ai fait un tableau et
deux petits médaillons ; il ne me manque qu'une occasion de te
les envoyer. Je n'ai ici d'autre occupation, d'autre consolation
que mon métier. Robert ' demeure vis-à-vis, dans un superbe
1. Hubert Robert, né en 1733, mort eu 1808, entra à l'académie de pein-
ture en 1767 et fut nommé garde des tableaux du roi. A l'époque de la
Révolution il perdit toutes ses places et fut jeté en prison ; le hasard seul
lui sauva la vie ; un prisonnier qui portait le même nom que lui monta, à sa
place, sur l'échafaud. Le 9 thermidor lui rendit la liberté ; il devint, en
1801, Conservateur du Musée du Louvre. Dans les premiers jours de sa
captivité, il peignait sur le« assiettes de la prison. Un peu plus tard, il eut
la facilité d'exécuter 53 tableaux qu'il distribuait à ses compagnons d'infor-
tune. Il est l'auteur du portrait que le poote Roucber envoya à sa femme la
veille de sou supplice.
K
LES TUUDAINK 1
atelier. Il entre tous les soirs eu quillaul sou ouvrage pour
voir le mien el réciproqueraeut ; mais il fait un tab'eau à l'heure
et, auprès de sa diligence, ma lenteur me désespère. Je quille
pour t'écrire un fort beau tableau d'Q'idipe et d'Autigone, que
je suis occupé à copier, et lu penses bien que cette copie t'est
aussi destinée. Je prends plaisir à te rendre compte de l'emploi
de notre temps, il est bien uniforme et n'est varié que par le
moment du réfectoire. 11 y a de la société ici el môme de jolies
femmes, mais j'aime mieux être en imagination avec mes vieux
et bons amis, qu'en réalité avec les plus aimables gens du
monde. Qui pourrait dédommager des privations de l'amitié?
Il \aut encore mieux en souffrir que s'en consoler. Vous
regretter, c'est toujours penser à vous et je ne veux pas me
distraire de mes chères rêveries, même quand elles sont aussi
tristes qu'à présent. Adieu rappelle-moi au souvenir de la mère,
du frère, de la cousine, je les embrasse tendrement ainsi que
la chère aveugle'. Adieu encore une fois, chère petite sœur,
reçois l'assurance de mon tendre attachement. Mes co-cham-
bristes (c'est comme cela qu'on s'appelle quand on demeure
dans la même chambre) , s'ennuient comme moi d'être loin de
vous ; leur santé se soutient. »
Les frères Trudaine prévoyaient bien l'avenir qui leur était
réservé. Un ancien ami de leur père s'efforçait pourtant d'é-
carter le danger. Il va solliciter en leur faveur un membre du
Comité de sûreté générale, un ardent révolutionnaire, le pein-
tre David. Protégé autrefois par les deux frères, David se mon-
tra ingrat à leur égard, non-seulement il refusa de s'intéresser
à ses anciens amis, mais il alla jusqu'à menacer le solliciteur
de le faire arrêter lui-même s'il continuait de l'importuner. A
la veille du jour fatal, Trudaine de la Sablière lui adresse une
lettre où, en lui rappelant avec délicatesse leur ancienne liaison,
il se retranche à le solliciter pour son frère. Point de réponse
et point de démarche de David \
En vain, les habitants de Montigny-Leucoup envoyèrent à
Paris demande sur demande pour obtenir l'élargissement des
frères Trudaine. Robespierre ennuyé de ces réclamations, pria
Fouquier-TinvilledeTen débarrasser. Ce fut un arrêt de mort.
1 . Il s'agit d'une je.une fille aveuglo recueillie et dlcvée par Madame
Trudaine.
2. Mém. attribu'J ù Morellct, p. 70-80.
10 LES TRUDAINE
11 était dit que tout ce qui avait encouragé le formidable mou-
vemeut du dix-huitième siècle y serait englouti.
André Chénier était aussi détenu à Saint-Lazare ; les frères
Trudaine éprouvèrent, dans leurs derniers jours, les charmes
de cette vive amitié qui les unissait au poète. Ils devaient,
hélas, se séparer bientôt et pour la dernière fois. Le G ther-
midor, Chénier fut extrait de Saint-Lazare, les charettes
étaient restées pendant plusieurs heures exposées aux yeux
des prisonniers ; il y eut là un moment bien douloureux. Les
adieux furent déchirants, André se jeta dans les bras des deux
frères, qui devaient peu lui survivre, et partit pour la Concier-
gerie où siégeait Fouquier-Tinville. Ces faits ont été rapportés
par leur excellent ami, le peintre Suvée qui a fait, dans la
prison, deux admirables portraits de Trudaine et de Chénier \
MM. Trudaine ne se faisaient plus d'illusions sur le sort
qui les attendait, lorsqu'ils apprirent la condamnation de leur
ami, ils demandèrent la faveur de périr avec lui; mais on les
avait réservés à l'exécution du lendemain. « Les bourreaux,
dit M. de Latouche, s'applaudissaient alors quand la victime
pouvait reconnaître le sang de ses amis à la place où elle allait
verser le sien ". »
[A suivre). Ernest Choullier.
i. Michaud, Biogr. univers, t. XXXXVI. — Morellet. — Mém. déjà
cité.
2. Latouche — • Poésies d'André Chénier — Notice,
HISTOIRE DE L'ABBAYE D'ORBAIS
PAR
dOjM du bout
Le bieu et domaine de ce petit bénéfice consistent en terres
qui sont presque toutes en friche et en savarts '; ledit Gauvain
en a fait défricher quelques arpents. Il y a aussi un petit bois
au milieu duquel étoit l'ancienne chapelle. — Ce bénéfice ne
paye ni décimes, ni don gratuit, ni subvention.
NOMS DE QUELQUES PRIEURS DE SAINT-THIBAUD OU DE
MARLAIX DONT ON A CONNOISSANCE
1554. — Dom Pierre Oudiuet, religieux de St-Pierre d'Or-
baizen 1554.
1670. — Dom Henry de Roquemont, prieur de St-Denis de
Sézanne en 1G70.
1G70. — Dom Félix Mauljeau, premier prieur des religieux
réformez de Saint-Pierre d'Orbaiz et de Saint-Thibaud en
1070.
1G75. — Dom Guillaume Jamet, religieux d'Orbaiz en
1075.
1099. — Mathurin Gauvain, clerc séculier en 1099.
g second
PETIT-COUVENT
Le petit-couvent n'est autre chose que le revenu qui pro-
vient communément des fondations, donations faites depuis
rintroduction des commandes dans nos monastères, ou des
biens acquis de nouveau, ou qui ayant été par M" les com-
* Voir page 417, lomc XIV, de la licvuc de la Champagne cl de Brie.
1. [Nom, en Champagne, des terres crayeuses pauvres.]
2
18 HISTOIRE DE l'abbaye d'ORBAIS
manddlaires aliénez, vendus ou engagez, oui clé depuis reli-
rez, revendiquez et dégagez par la sage œcouomie, ménage el
peliles épargnes des religieux.
Le revenu du pelit-couventde Sainl-Pierre d'Orbaiz consiste
à présent en plusieurs petites rentes presque toutes rachepta-
bles à prendre sur divers pariiculiers, comme on l'observera
dans la suile de quelques-unes. Lequel revenu dudil petit-
couvent n'entre jamais en partage avec le reste du revenu des
abbayes, mais est uniquement administré, reçu el possédé
par les religieux et couvent à l'exclusion des abbez commen-
dalaires, comme il est expressément dit, ordonné et déclaré
dans l'arrest duGrond Conseil du deuxième jour d'avril 11)74,
en la prononlialion du seizième may 1375, cy-dessous Irans-
cript tout au long, sous le titre de Nicolas de La Croix,
obtenu contre luy par les religieux de ce monastère :
«... Le tout sans comprendre les deux estaugs et leur reser-
« voir dont par cy-devant lesdits religieux ont accoutumez de
H jouir, ensemble les fondations des anniversaires et autres
« menues rentes accoutumées d'être levées par lesdils reli-
« gieux ; et les biens et revenus affectez audit prievu", cham-
« brier et autres officiers de ladite abbaye dont lesdils reli-
« gîeux, officiers et couvent jouiront ainsi qu'ils avoienl ac-
« coutumez du lems des précédons abbez. »
Le total du revenu du petit-couvent peut aller, année com-
mune, à cinq à six cens livres, et vient en partie de la ferme
Ferme du Trem- du Tremblay, paroisse d'Orbaiz, qui fut réunie au domaine de
roî^e"(rOr- ^^ communauté des religieux ou petit-couvent par sentence de
baiz. réunion du vingt-deuxième jour de juin 1677. Ladite sentence
consentie par les Verroiiillards, qui, étant redevables de plu-
sieurs sommes considérables, et ne pouvant y satisfaire, tant
ausdits religieux qu'aux sieurs Richard et Rondeau, consen-
tirent à ladite sentence et abandonnèrent leur dite ferme du
Tremblay aux religieux qui se chargèrent, à la décharge des-
dils Verroiiillards, de paj'er et rembourser audit sieur Richard,
de Chàleau-Thierry, quatre-vingt-dix livres sort principal* de
quatre livres dix sols de rente annuelle créée sur ladite ferme,
et remboursée par ledit R. P. Dom Pierre Mongé le viugl-
deuxiéme jour de décembre 1692. Le R. P. Mongé remboursa
encore en la même année cent soixante livres à Rondeau pour
le sort principal d'une rente de huit livres créée sur ladite
1. [Capital dune renie.]
HISTOIRE DE l'aBBAYE d'ohBAIS 19
ferme el lerre du Tremblay. — Celle ferme a élé donnée à
renie foncière à Pierre d'Autroy pour la somme de soixante-
dix livres par chacun an au pelil-couvenl.
Les bois sur le pendant des Roches- Jean-Yàche acquis par Bois sur le pm-
le H. P. Dom Pierre Moii'-;é, prieur, et la commun.iulé, de leurs '^^"^ ^'°/ ^^°~
o ' i ' ^ ches - Jean -
deniers, eu mil six cens soixanle-dix-ueuf. Vache.
Les biens cl hérilages de Nicolas (jodard el sa femme, de
Boursaull-sur-Marne, redevables de i)lusieurs sommes ausdils ^'î'"^ acquis a
' ' . 15 o u r a a u 1 t
religieux, furent acquis de leurs deniers el réunis au domaine dontonapuyé
dudil pelil couvent 1( 14 juillet ICHo, sous le nom de François '/«o/''^'*'^^ *^''
■i ■> ' * lo'Ji; en ver-
Aubert, servent de la justice d'Orbaiz, et lesdits hé- lu d'un édit
rilages donnez ensuite à renies racheptables à plusieurs par- m^ois t['aoat
ticuliers dont les religieux retirent par an soixante-seize livres 1693 ei dun
seize sols, six deniers, de rente foncière. Le treizième août lt)94 seif d'Etat du
on paya vingt livres pour lesdits héritages, comme allodiaux 29 septembre
ou en franc fief, suivant la quittance de Henri, commis de
Jacques Koyhier, dudit jour 13'' août IG'J'i (dans lechar-
trier) .
Le treizième jour d'août 168'.), les religieux acquirent de Le huitième du
leurs deniers la huitième partie du moulin-Winetle sous le nom |^e°te'"~ ~
du sieur Estienne Cousin, bourgeois de Paris, et frère utérin
dudit R. P. Dom Pierre Mongé, moyennant la somme de cent
cinquante livres, par conlract passé à Paris lesdits jour, mois et
au. On eu a payé les droits d'amortissement et de nouveaux
acquesls en 1701.
Le trentième jour de décembre 1G9U, Antoine Pinart tt sa Hcntede34 liv,
femme, laboureurs, demeurans au Bezil, reconnurent et créèrent sur Antoine
une rente de trente quatre livres par an au profit desdits reli- ^n"
gieux, à cause de leur petit-couvent, remboursable de six cens
quatre-vingt livres, payable audit 30 décembre, par conlract
passé par-devant Mathurin Gauvain, u(;taire royal à Orbaiz,
lesdits jour, mois et an.
Le onzième jour d'avril lODi , madame de Courcelles a fait Renie de 6 liv.
transport ausdils religieux de six livres de rente annuelle à sur le sieur
prendre sur les biens el héritages de la damoiselle de Saint j^ Colibert.
Germain à Coribert, pour demeurer quitte el déchargée envers
lesdits religieux de la somme de cent soixante livres à eux due
par lailite dame ; ledit transport fait pardevant ledit (jauvaiu
lesdits jour el an. — Cette petite rente a été depuis reconnue
par le sieur de Maucreux qui jouit à présent dudil bien en la
qualité de neveu el héritier de ladite défunte damoiselle do
Saint Germain,
20 niSTOïKL; de l'adbayio dorbais
KeniLMie2;') liv ^^ seizième joLU" de may 10'J2, ladite dame de Courcellcs el
par Nionsieiir messieurs SOS eiifaus ont constitué une rente de vingt-cinq
les ' ~ livres par chacun an au profit de la communauté, remboursable
de cinq cens livres. Et comme lors de la passation dudit con-
Iract pardevant ledit Gauvain, monsieur de Gourcelles, fils de
ladite dame, étoit à l'armée, il a depuis ratifié ladite constitu-
tion et reconnu ladite rente de vingt-cinq livres pardevant
ledit Gauvain, notaire.
MaisondeGuil- Le vingt-quatriéme jour d'avril 1G04, ledit R. P. D. Pierre
Grand.^ ^ Mongé et les religieux acquirent la maison des héritiers
Glaude Langeliu, laquelle ils ont donnée à rente foncière à
Guillaume Legrand, charpentier, moyennant vingt-cinq li-
vres de rente par chacun an. Ou y a aussi joint les aisncs ^ du
pressoir.
Eiann-dela Li- ^® dixième jour de juin audit an, lesdits religieux acquirent
narderie. aussi l'étang de la Linarderie des héritiers de feu M. Blauje,
vivant marchand de poissons d'eau douce à Paris, moyennant
cinq cens livres; il en a bien coûté encore trois cens pour le
faire labourer, rétablir la chaussée, creuser le bassin et le
mettre en état d'être rempoissonné. Le contracL de celte acqui-
sition n'est que sous signatures privées des traitans.
MaisonsdeLaa- ^'^ ^^ même année 1604, lesdits prieur et religieux se nii-
^6^- rent en possession et réunirent à leur domaine les maisons de
Landel situées rue Saint-Prix d'Orbaiz, comme héritages ab m-
donnez et faute de droits et devoirs non rendus. On y a fait
pour soixante livres de réparations d'abord pour les rendre lo-
geables, et on en relire onze livres de loyer par an.
Maison d'fi - Le viugt-sixiéme jour dc février 1 695, lesdils prieur et re-
quinj. ligieux acquirent la maison de la veuve Hocquiny seize à
l'Echelle, paroisse d'Orbaiz, moyennant soixante-dix livres; on
y a fait des réparations pour être en état d'àlre louée.
Rente de 5 liv. Le trentième jour d'octobre audit an 16'Jo, lesdils prieur
sur Luc de ... •*. r ■. ^ i i ■
Crahange. et religieux acquirent une rente tonciere de cent sols du sieur
Jean Julien, dit du Maine, cy-devant notaire royal, et de. . . .
Rossignol, sa femme, à prendre et recevoir de Luc de Crahange
à cause de si maison seize à la Ville-sous-Orbaiz.
1. [lîésidu des pressoirs.— Le mol Aisne vient probublumcnt de Achnit,
en passant par la l'orme Accina citée par Ducange. Cf. le lexique de For-
ccllini, éd. de Vit, v» Admis : « Quasi qui colligil acinos posl vindc-
« mialores, proverbialiter dietum apud Vulg. tnlerpr. Eccl. 'Xi, 10, de iis
« qui residuum colligunt ab aliis ucgleclum vel derelictuni, »]
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
21
Le dix-neufviéme jour de décembre 169G, lesdils prieur et
religieux acquirent ou prirent en payement des eufans d'un
nommé Pierre Prévôt la ferme de la Bufferie avec tous les hé-
ritages qui en dépendent. Ou y a fait beaucoup de dépenses,
tant pour réparations, augmentation et construction de grange
et autres bâtimens, que pour faire marner les terres laboura-
bles. Ces dépenses montent à plus de trois mille livres jusqu'à
l'année 1701.
Le neuvième jour de may 1G99 ou peu auparavant, lesdits
R. P. Dom Pierre Mongé, prieur, et religieux, acquirent de
leurs deniers la maison de Didier Gharton, marchand drapier,
joignant le monastère proche le portail de notre église, et si-
tuée dans la rue aux Arches, moyennant la somme de cinq
cens livres payées aux créanciers dudit Char ton sur la fin du
mois de décembre audit an 1699. Le contract de vente et
d'achapt fait pardevant ledit M. Gauvain lesdits jour, mois et
an. Les droits d'amortissement et de nouveaux acquêts ont été
payez en 1701.
Le 27 septembre audit an 1699, les religieux, prieur et cou-
vent acquirent di leurs deniers de la fabrique de la paroisse
Saint-Prix d'Orbaiz la maison, dite Turaterie, située rue aux
Arches joignant le monastère, moyennant la somme de cent
livres par contract passé pardevant ledit Gauvain lesdits jour
et an. Les droits d'amortissement et nouveaux acquêts payez
en 170L
Le 2S novembre audit an 1699, lesdits religieux, prieur et
couvent acquirent de leurs deniers la maison de Charles Geor-
gin, serrurier, situéti rue aux Arches proche celle qui fut au-
dit Didier Gharton, pour la somme de quatre cens livres par
contract passé pardevant ledit M. Gauvain lesdits jour et an,
pour validité et sûreté duquel aehapt ledit Charles Georgin et
sa femme de luy authorisée ont hypothéqué une maison du
chef de ladite, située à Villenoce, suivant les contracts conser-
vez dans notre chartrier. L'amortissement a été payé en 170L
Ces trois dernières maisons (et celle de la veuve Gilles Ga-
rand, dernière de la rue des Arches, acquise le 1 1 avril en
1681 et démolie en 1701), acquises ou retirées sont de l'ancien
domaine et enceinte de l'abba^^e, et les autres du même rang;
mais ayant été autrefois données à baulx emphytéotiques,
les minutes étant perdues ou déchirées et supprimées d'un re-
gistre de minutes ((ue le R. P. Mongé a vu chez le sieur Ma-
lliiu'in Gauvain, il a fallu les rachepter pour y fain^ unt^ grande
Ferme ilc
Ouirerie.
Maison de Di-
dier Cliarlon,
Maison de la
Turaleric- rue
des Arches.
Maison de Char-
les Georgin,
serrurier.
22 HISTOIRE DE l'abbaye d'ORBAIS
court, le mur de clôture, et l'enlrée du monastère un peu au-
dessous du grand portail de notre ég'lise vers le septentrion.
Ferme de ta Le douzième jour de juin 1701. lesdils religieux, prieur et
te. ' ' couvent acquirent de Sébastien Crépin et de Jeanne Déceds,
sa femme, la moitié de la petite ferme de la Croix-Marotte, pa-
roisse de la Chapelle-sur-Orbaiz, moyennant dix-sept livres
dix sols de rente annuelle racheptable en deux payemens
égaux, de trois cens cinquante livres de sort principal, par con-
tracl passé pardevant ledit Gauvain lesdits jour, mois et au.
Ladite communauté desdils religieux avoit déjà auparavant
réuni à son domaine l'autre moitié de ladite ferme faute de
payement de cens et rentes, droits et devoirs seigneuriaux non
rendus. Après cette dernière acquisition, on y construisit
à neuf et on couvrit de tuiles une belle grange, l'ancienne
étant trop petite. Cette acquisition donnera lieu de faire valoir
une grande partie des terres de l'ancienne ferme de la Cha-
pellotte abandonnées et en savarts depuis plus d'un siècle
pour la plupart. On a fait cette acquisition dans cette vue.
§ troisième
OFFICES CLAUSTRAUX
Il y a quatre offices claustraux dans cette abbaye, sçavoir :
1" la thrèsorerie ; 2° la prévôté ; 3° la cellererie ; A° la cham-
brerie.
Les offices ^^^ quatre offices claustraux sont éteints, OU plutost réunis
claustraux à la mcuse conventuelle des religieux d'Orbaiz, en faveur de
se conven - l'introduction de la Réforme, et eu vertu des bulles d'érection de
tuelle par les la Congrégation de Saint-Maur par le pape Grégoire ijuiuzième,
^ "' du dix-septième jour de may mil six cens vingt et un, qui dit
à la fin de sa bulle : « Volumus autem quod officia claustralia
« suppressaetextinctasint, ctcsseceuseanlur », et par la bulle
de confirmation de ladite congrégation par le pape Urbain hui-
tième du vingt et unième jour de janvier mil six cens vingt
sept', qui dit à la fin : «Volumus autem quod resignationes prio-
« ratuum etaliorum beneficiorumecclesiasticorum,non tamen
« officiorum clauslralinm permonachos non reformates obtcn-
« lorumetc... »,lcsdiles bulles homologuées aux Parlements*.
1. [Le Bullairo, in cniislilut. Urban VIII, ilonne la date de IG'28.]
2. I/arrest du Grand Conseil du 1G may luT.'î rapporté cy-aprés sous h.
nom de N. de La Croix, abbé, maintient lesdits religieux « dans la joûis-
« sance des revenus desdils offices claustraux et petit-couvent, y> qui sont
séparez et n'entrent point du tout en parlng'^ avec les abbez, eu vertu des
bulles d'érection et de confirmation de nolro congrégation Saint-Maur.
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
23
Ces quatres offices claustraux out chacun leurs prérogatives,
droits, domaines, revenus, etc., spécifiez dans les registres et
papiers de recepte qu'il faut consulter. Mais tous ces
droits, domaines et revenus s'exercent, se reçoivent et se con-
somment au nom et par la communauté qui en jouit en vertu
de l'union cy- dessus, et non pas les particuliers ; ils sont aussi
taxez séparément pour les décimes, dons gratuits, capitation,
etc.
LA THRÉSORERIE
Le prêtre de Suisy-le-Franc proche d'Orbaiz n'est que
vicaire perpétuel, et le thrésorier de cette abbaye a droit de
prendre et de recevoir les deux tiers des offrandes les quatre
jours uolaux et fêtes solennelles de f église paroissiale de
Saint-Remy dudit Suisy-le-Franc, comme il paroit par les
procédures faites contre maître Claude Payen, prêtre et vicaire
perpétuel dudit Suisy-le-Franc, en mil six cens quarante-trois
et quarante -quatre.
Le revenu de cet office est d'environ seize livres à prendre
sur les prez appeliez le pré de Prix de Laleau, et le pré de
Dame-Heleine, sur les dixmes de Margny, Verdon, la Ville-
sous-Orbaiz, la Chapelle-sur-Orbaiz, Montigny, Orbaiz pour
les cires.
LA PRÉVÔTÉ
Sous le nom et authorité du prévôt, un juge séculier appelle
bailly ou lieutenant, nommé par les abbez et religieux, exerce
la justice dans Orbaiz, la Ville-sous-Orbaiz, la Chapelle-sur-
Orbaiz, Margny etc. le mardy et saraedy de chaque semaine ;
desquclz juges les appellations ressortisseiit par devant le
bailly de Vitry, ou sou lieutenant-général à Chasteau-Thierry.
Il y a un p-tit clos au-delà de l'église paroissiale de Saint-
Prix, appelle communément le Clos du Prévôt, qui appartient
à cet oftice, et qui ne paye ni doit dixmes. Gel office a encore
une petite rente de cent sols, à prendre sur une petite vigne au
terroir et vignoble d'Orbaiz, contenant un quartier, comme il
est dit et spécifié sur la fin de la déclaratiou des biens
présentée par Dom Pâquicr Chatlon, le 21 décembre 1547.
Les offrandes
dues au thré-
sorier .
LA CELLERERIK
Les deux tiers des menues dixmes appartiennent à cet office
24
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
dans loule retendue du territoire de la paroisse d'Orbaiz sur
les prez, jardius, clos, mazures et même sur les étangs, lors-
qu'on y sème quelque grain que ce soit, n'y ayant jusqu'à
présent aucune novale reconnue pour telle dans tout ledit ter-
roir. Cet office a aussi les deux tiers desdites menues dixraes
dans les paroisses de la Chapelle-sur- Orbaiz, de la Ville-sous-
Orbaiz, Suisy, Verdon, Margny et Montiguy. Le tout montant
et estimé environ cinquante-sept livres.
Le rélaLlisse-
ment du clo-
cher de Fére-
Champenoise
coûte au
chambrier,
avec les frais
d'un procez,
1500 liv.
Différend ter-
miné à l'amia-
ble entre les
religieux
d'Orbaiz , le
prieur de
Plancy et les
abbesse et re-
li g le u à es
d'Andecy.
LA CHAMBRERIH
La moitié de la dixme du village ou bourg de Fére-Champe-
uoise, diocèse de Chàlons, appartient à cet office claustral.
L'autre moitié appartient au prieuré de Nôlre-Dame-sous-
Plancy, diocèse de Troyes.
Le clocher de la paroisse de Saint-Timothée de Fére-Cham-
penoise étant tombé, et par sa chute ayant causé beaucoup de
réparations, les habitans mirent en justice Dom Jean Le Gen-
dre, chambrier, ou les religieux d'Orbaiz, et Messire Nicolas de
Mommiguon, curé de Saint-Nicolas- des-Champs de Paris et
prieur commendataire de Nôtre-Dame-sous-Plancy, qui, en
qualité de gros décimateurs, furent condamnez à faire faire un
clocher à neuf et les autres réparations, et aux dépens du pro-
cez, en mil six cens soixante-douze. Lesdits religieux d'Orbaiz
et prieur commendataire furent condamnez à payer chacun au
moins quinze cens livres, tant pour rétablissement dudit
clocher et réparations, que pour dépens et frais de justice
envers les habitans.
En mil six cens quatre-vingt-dit-sept, le procez que dame
Françoise Groiset, abbesse, et les religieuses de l'abbayed'An-
decy, ordre de Saint-Benoist, diocèse de Ghâlons, avoient
intenté, prétendant qu'une partie desdixmes de Fére-Ghampe-
noise leur appartenoit à l'encontre du chambrier d'Orbaiz et
du prieur de l'Abbaye-sous-Plancy, fut terminé à l'amiable
par une transaction passée entre les parties le neuvième
jour d'aoust audit an mil six cens quatre-vingt-dix-sept, par
laquelle lesdits religieux, au nom du chambrier, ei ledit prieur
s'obligent de payer chacun an à perpétuité ausdites dames
abbesse et religieuses, au jour de saint Martin d'hyver, chacun
la somme de quatre livres dix sols, comme on leur avoit tou-
jours payé auparavant, moyennant laquelle somme de neuf
livres lesdites dames renoncèrent pour toujours à toutes autres
prétentions sur lesdites dixmes de Fére-Ghampenoise.
HISTOIRE DE l' ABBAYE d'ORBAIS 25
Lesdites religieuses auvoient été déboutées de toutes leurs
demandes, perdu leur procez et condamnées aux dépens de
Tinstance si M. Rossignol, conseiller cl rapporteur, ami de
M. Groiset, président en la quatrième des enquêtes, qui voyoit
les demandes des religieuses mal fondées, ne leur eût conseillé
de transiger à l'amiable. Ce procez a coûté huit à neuf cens
livres aux dames d'Andecy.
Cet office a aussi le quart desdixmes de Gondé ; item environ
le quart des dixmes de Fére-Briange ; item les deux tiers des
dixmes de Morin ; item un préciput de trois septiers de seigle
et quatre septiers, huit boisseaux d'avoine à prendre chaque
année sur les dixmes de Goursemain : le total valant par an
environ 1,000 livres.
Le viut-huitiéme jour de janvier mil six cens quatre-vingt- Les offices
six, les religieux de Saint-Pierre d'Orbaiz donnèrent procura- claustraux ta-
, X6Z excessi-
lion passée pardevaut Malhurin Gauvain, notaire royal à Or- vemeut en
baiz à Me N Quinquet, procureur au Présidial de Sois- L-abba °e fût ta-
sons, pour, en leur nom, former opposition par requête parde- xéc à 1600 1,
vaut Messieurs de la Ghambredu Clergé de Soissons à la taxe Ç°"j ^'^ P^""'
° du doa gra-
excessive du don gratuit, faite et assignée par lesdits sieurs de tuit accordé
la Chambre du Clergé sur les offices claustraux de ladite abbaye °^ ^^^^' ^°'^
° «^ compris les-
et notamment sur la cellererio, la prévôté et la thrésorerie dits offices
taxées, scavoir : la cellererie à soixante livres, la prévôté à seize claustraux la-
' • ' ^ xez séparé-
livres, et la thrésorerie à quarante-huit livres. Quoique lesdits mentetexces-
offices n'ayent, comme on a observé dans leurs articles, sçavoir : En'Ttns"' elle
la thrésorerie qu'environ seizelivres, chargéedu luminaire, livres fut taxée
du chœur, cordes des cloches, pain, vin pour les messes, linges,
blanchissages, etc. . ., la cellererie environ cinquante-sept li-
vres, et la prévôté onze livres dix sols.
En rail six cens quatre-vingt-quinze ou seize on imposa par
tout le royaume de France la capilaliou ou taxe par tête sur
toutes les personnes laïques, et la subvention sur tout le clergé
séculier et régulier, pour la première fois depuis l'établisse-
ment de la monarchie françoise, pour aider le Roy à soutenir la
guerre contre Léopold-Ignace ', empereur d'Allemagne; les
sept électeurs de l'empire; Charles second du nom, roy
1. [Léopold I, arciiiduc d'Aulriclio, empereur il'Allomnpne (H'iDS-l'O,»},
fils et successeur do FcrdiiKuid III.]
920 liv.
20
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
Taxe appelléo
capitalion im-
fosée sur les
a ï q u e s , et
subvention
sur le clergé
séculier et ré-
gulier pour
rétablir Jac-
ques second,
roy d'Angle-
terre, sur son
trône usurpé
par son neveu
et son gen-
dre.
Subvention de
cette abbdve.
On ôte lesdites
subvention et
c ap itation
après la guer-
re.
Don gratuit ac-
cordé au Roy
en 1700, de
4,000,000 de
liv.
d'Espap^ne; Guillaume de Nassau, prince d'Orange, slathou-
der ou ge^néralissime des armées de Hollande, appelle depuis
Roy d'Angleterre sous le nom de Guillaume troisième, aprez
avoir délrùné et chassé Jacques second, son oncle maternel et
son beau-pere, roy d'Angleterre, pour la défense et le réta-
blissement duquel le roy de France, Louis le Grand, a sou-
tenu pendant plus de dix ans une rude et sanglante gueri'e,
luy seul contre les susdites puissances alliées et jointes encore
contre la France aux Etats Généraux ou République de Hol-
lande et à Yictor-Amédée, duc de Savoie.
Les Religieux de ce monastère qui n'étoicnt que trois de la
Réforme, y compris le supérieur, furent taxez en particulier à
cinq cens livres par chacun an, payables en deux termes, février
et octobre, scavoir : deux cens cinquante livres pour la manse
conventuelle ; pour la chambrerie et cellererie cent cinquante-
trois livres ; pour la ihrésorerie et la prévôté dix livres ; et le
surplus sous d'autres litres et noms.
M. l'Abbé fut taxé pour subvention à deux cens cinquante-
cinq livres, pour le ternie d'octobre 169G.
Le Roy ayant fait la paix avec toutes les puissances sus-
dites, Sa Majesté fit cesser la levée desdites capitation et sub-
vention en 1699, comme Elle en avoit donné sa parole royale
en l'imposant par nécessité.
L'assemblée générale du clergé de France s'étant tenue à
Paris aux mois de juillet, août et septembre mil sept cens, à
laquelle Messire Charles Maurice Le Tellier, archevêque duc
de Reims, présida au commencement aux premières séances,
et ensuite aux dernières Messire Louis Antoine de Noailles.
archevêque de Paris, et depuis fait cardinal par Innocent XH,
pour accorder au Roy un don gratuit de quatre millions, l'as-
semblée du clergé de Soissons se tint ensuite et taxa, pour sa
part dudil don gratuit, l'abbaye d'Orbaiz à la somme de deux
mille dix livres payables en cinq termes, scavoir :
La manse abbatiale ou M. l'Abbé à quinze cens livres.
La manse conventuelle ou les Religieux séparément de M.
l'Abbé à deux cens livrer.
Le chambrier à la somme de deux cens vingt-cinq livres.
Le cellerier à soixante-quinze livres.
Le prévôt à cent sols.
Le thrésorier à cent sols.
HISTOIRE DE l'ABBAYE d'oRBAIS 27
Le vingtiesme jour de juia mil sept cens un, [les prélats] s,jKye„,iQ i
s'élant assemblez extraordinairement à Paris par ordre du Roy, l,50i),oooiiv.
accordèrent par forme de subvention à Sa Majesté à lever sur *° ^'^^•
le clergé la somme de quinze cens mille livres payables au
premier jour d'octobre de ladite année mil sept cens un.
Les députez et syndic du clergé de Soissons s'étans assem-
blez les seize et dix-sept de septembre audit an 1701, taxè-
rent l'abbaj^e d'Orbaiz pour sa part desdils quinze cens mille
livres, sçavoir :
Monsieur l'Abbé à cent soixante et une livres cinq sols.
Les Religieux à quatre-vingt-dix-liuit livres quinze sols.
Le chambrier à quarante-cinq livres.
Le cellerier à la somme de quinze livres.
Le thrésorier et le prévôt, chacun quarante-cinq sols.
Etdeplus, pour leur partdesquatre millions accordez au Roy 4,000,000 de
par forme de subvention par lesdits prélats assemblez audit l'v- en 1702.
mois de juin 1701, et suivant le contract fait avec Sa Majesté et
le clergé le onziesme juillet et les lettres patentes du dix-neu-
viesme dudit mois de juillet 1701, payables par chacun an aux
deux termes de février et octobre mil sept cens deux et les
années suivantes tant que la guerre durera, pour subvenir et
contribuer aux frais d'icelle, entreprise pour maintenir et cou-
server la couronne de toute la monarchie des Espagnes, royau-
mes, souverainetés, terres, pays et domaines en dépendans, à
Philippe de France, duc d'Anjou, second fils de Louis Dau-
phin et de Victoire Christine de Bavière, et petit-fils de Louis
le Grand : ledit Philippe de France appelle, reconnu et dé-
claré par Charles d'Autriche, second du nom, Roy de toute la
monarchie des Espagnes et domaines qui en dépendent par
son dernier testament du . . octobre 1700 ' pour son seul, uni-
que, véritable et légitime héritier et successeur, et par tous les
Etats, grands, seigneurs, prélats desdits royaumes, officiers
et peuples, pour jouir, posséder, gouverner et administrer
ladite monarchie et royaumes en dépendans sans division ni
démembrement aucuns, (et proclamé l\oy à Madrid le 24 no-
vembre 1700). liCsquelles couronnes et monarchie des Es-
pagnes luy ont été disputées par Léopold-Ignaco d'Autriche,
empereur d'Allemagne, prétendant qu'elles appartenoient à
(Charles*, archiduc d'Autriche, son fils puiné, qu'il a fait pour
ce sujet proclamer Roy d'Espagne sous le nom de Charles 111,
1. [2 octobre 1700.]
2. [Devenu plus lard Icmpcieur Charles VI, père de Mario-Thérèse. J
28 HISTOIRE DE l'aBBAYE d'ORBAIS
à Vienne le 12 septembre 1703, et qui, après avoir passé par la
Hollande en Angleterre, s'y embarqua, liL le trajet et mit pied
à terre à Lisbonne en Portugal qu'il a mis dans ses inlérests le
septième jour de mars mil sept cens quatre '.
^"Sbayë 'en ^'abbaye d'Orbaiz pour sa part desdils quatre millions fut
1702. taxée, pçavoir :
Monsieur l'Abbé à quatre cens trente livres.
Les Religieux à deux cens soixante-trois livres.
Le chambrier à six-vingt livres.
Le cellerier à quarante livres.
Le thrésorier et le prévôt chacun six livres.
§ quatrième
DFS CURES DÉPENDANTES DE CETTE ABBAYE
La Cure d'Orhak
La cure du bourg d'Orbaiz (dont saint Prix, Prœjedus, évo-
que et martyr deClermout en Auvergne, est titulaire et patron)
est à la nomination des abbez et religieux de cette abbaye qui
.en sont aussi curez primitifs ; le prêtre qui l'administre n'en
est que le vicaire perpétuel, comme il paroît par plusieurs
transactions faites entre les religieux de l'abbaye et lesdits
vicaires perpétuelz confirmées par plusieurs sentences et arrests
conservez dans le chartrier de cette abbaye.
Droits de l'ab- Lesdits abbez et religieux, en qualité de patrons et curez pri-
baye sur la i^^itifs, jouissent de tout tems de plusieurs droits honorifiques,
paroisse et •" ^ n '
église Saint- comme de donner dans ladite paroisse la bénédiction au prédi-
^'■'^- cateur, quel qu'il soit, avant qu'il monte en chaire, pendant
l'Avent et le (barème, en présence même dudit vicaire perpé-
Bénédiction aux , i /, i •. i i , v ii -^ i-i 7 a
prédicateurs, tuel. t^e di'oit S exerce non-seulement par 1 abbé, S il est prê-
tre, le prieur, mais par tout autre religieux prêtre et conven-
tuel actuellement de cette abbaye. Les transactions faites avec
M" Nicolas Chevalier, ne parlent ni d'Avent ni de Carême, mais
en général. Le supérieur ou autre religieux monte au maitre-
autel, reçoit l'étole des mains du serviteur d'église, et donne
la bénédiction au prédicateur à genoux au pied de l'autel.
Processions gé- Les religieux, en la susdite qualité, indiquent audit vicaire
nérales. perpétuel l'heure qu'il est obligé de leur venir demander pour
les processions de saint Marc et des Rogations; ils y président,
1. [Cf. Succession d'Espagne, Louis XIV el ClUitlaumc III, par Hermilo
Keynald, doyen de la faculté des lettres d'Aix, 2 vol. in-8», Paris, Pion,
1883.]
HISTOIRE DIS l'aBUAYK d'oRBAIS 29
enlounent loul ce qui doit ùlre clianlô, et célébrenlla sainte
Messe dans l'église où la procession est indiquée.
Le jour de saint Marc ledit vicaire perpétuel, précédé de sa
croix et de son clergé, vient prendre les religieux dans leur
église, d'où il les conduit dans la paroisse Saint Prix, mar-
chant toujours luy, son clergé et son porte-croix devant la
croix de l'abbaye, et les religieux les derniers, en sorte néan-
moins que ces deux corps paroissent n'en faire qu'un.
Le lundi des Rogations ledit vicaire perpétuel attend les
religieux au haut de la rue du Lys, proche la porte de Saint-
Pierre, et on marche, comme le jour de saint Marc, en proces-
sion à l'église de la Ville-sous-Orbaiz. Le mardi des Boga-
lions ledit vicaire perpétuel attend les religieux vers les cinq
heures au moulin du Pont, pour marcher dans l'ordre du jour
précédent à l'église de Saint- Keniy de Suisy-le-Franc. Le reste
est marqué au long dans le cérémonial local. Le mercredi des
Rogations toutes choses s'observent comme il est dit cy-devant
le jour de saint Marc.
Ces différentes paroisses doivent cinq sols les jours qu'on y
va en procession.
Lesdits religieux assistent et président aux convois des . • , „ „»
" i Assistance e t
morts, quand ils veulent ou qu'ils sont invitez par les pareus présidenco
et amis, et chantent ce qu'il faut chanter jusque dans la j"^ mor"s^°'^
paroisse. Le vicaire perpétuel, son clerc et sa croix marchent,
comme dans les processions, devant les religieux; le supérieur
y porte l'étole pendante.
tt Outre ces processions de saint Marc et des Rogations, les-
« dits vicaires perpétuels devroient encore assister à toutes
«< processions générales, tant ordinaires et commandées par l'é-
« glise catholique, comme celles de saint Marc et des Rogations,
« comme en toutes autres extraordinaires qu'il convient faire
« selon l'occurrence du tems, com7nepourle Roy nôtre JSire, la
« Paix et les Biens de la terre » dit la transaction faite entre
les religieux et M" Pierre Vinuot, vicaire perpétuel de Saint-
Prix, le vingt-septième jour de janvier mil cinq cens quatre-
vingt-dix-sept, confirmée par une sentence du vingt-sixième
juillet mil six cens vingt-deux, qui se conservent dans
notre charlrier.
On pourroit aussi obliger lesdits vicaires perpétuclz d'assister
aux processions du Très Saint Sacrement et du jour de l'As-
somption de la Très Sainte Vierge établie pour le vœu du roy
Louis XIII, en 1638, laquelle se fait après vêpres dans tout ce
30 HISTOIRIO DE l'abbaye d'oKBAIS
diocèse en vertu du mandemcnl, de Messire Fahio Brulart de
Sillery, évèque de Soissons, du seizième jour de juin mil sept
cens, rapporté cy-aprés, comme duxTe Deuni, et àlouverlure
des jubilez ; Messieurs les anciens religieux y obligeoient les
vicaires perpétuelz qui vcnoienl prendre le jour et l'heui'e des-
dils religieux.
Si les religieux réformez de la congrégation de .Saint Maur
n'ont j)as encore fait valoir ces droits de l'abbaye, il le faut
attribuer à leur ))etit nombre réduit à deux ou trois pendant
I)lus de trente ans, depuis leur introduction dans Saint-Pierre-
d'Orbaiz ; mais à présent qu'il y a un nombre plus considéra-
ble, ils doivent se remettre en possession.
Droits portez Tous ces droits bonorifiques et de préséance ont toujours
S'^IpS^S- ^^"^^ ^^^*' ^ ^*'^^^ '^"^ vicaires perpétuelz de Saint-Prix ; ils
res perpétuelz ont de tenis en tems fait tous leurs efforts pour secouer le joug
"''' de l'abbaye, particulièrement les sieurs M'' Pierre Vinnot en
mil cinq cens quatre-vingt-seize, M*" Claude David en rail six
cens vingt-deux, M" Joacliim le Guay en mil six cens soixante-
cinq, M'' Louis Milsan en mil six cens soixante et dix-neuf,
luy qui avoit été nommé curé sur la présentation du R. P. Dom
Pierre Mougé et autres religieux réformez. M'' Remy Pru-
d'homme ensuite ; mais plus opiniâtrement et avec plus de
passion que pas un, M'^ Nicolas Chevalier, doyen d'Orbaiz,
successeur dudit David, puisqu'il a chicané les anciens reli-
gieux pendant plusieurs années et à différentes reprises, et sou-
vent même au préjudice des transactions faites de concert entre
luy et les religieux, dans lesquelles il reconnoissoit de bonne
foy les droits, prééminences et prérogatives desdits religieux,
cependant, à la pi'emiére occasion, il troubloit l'ordre des pro-
cessions, et faisoit du scandale ; mais luy et les autres mutins
ont toujours succombé sous le poids, la force et lauthorité des
sentences et des arrests qui tous ont confirmé lesdils religieux
dans leurs anciens droits de curez primitifs, et condamné les-
dils vicaires perpétuelz aux dépens.
M"' Pierre Da- M'^' Pierre Davaux, qui administre aujourd'huy la paroisse de
pasteur et' pa- Saint-Prix, et qui a été honoré de la qualité de doyen rural
' cifique. d'Orbaiz, est un très digne et excellent pasteur tout occupé des
fonctions de son ministère, considéré de sou évêque, vivant
dans une parfaite intelligence avec les religieux qui se font un
vray plaisir de l'aider dans les occasions, enfin estimé, chéri et
honoré de ses confrères et de toute sa paroisse, autant ami de
la paix et ennemi des procédures, que ses prédécesseurs étoieut
brouillons et chicaneurs, comme on le peut voir dans les dif-
HISTOIRE DE l'aHBAYH d'ORBAIS 31
fért'ules procédures faites eonlrc eux eu se délendaut, qui se
conservent encore dans notre chartrier.
L'abbaye jouit aussi de la moitié de la grosse dixme à cause La moitié des
de la susdite qualité de curé itriuiitii", et des deux tiers des B^os^e-^ '''■'-
'■ , . . ^'^^^ '^ 1 alj-
menues dixmes à cause de rutlico claustral de cellerier, dans baye.
toute l'étendue de cette paroisse, et même sur les étangs, quand
on les laisse à sec, qu'on les laboure et qu'où y sème de l'a-
voiue, et le même s'entend des clos, prez, jardins, mazures,
lorsqu'on y sémc quehpie grain que ce soit, n'y ayant jus(|u'ù
présent aucune novale i-econnue pour telle. L'autre moitié de
la grosse dixme, et le tiers des menues, ont été abandonnez
aux vicaires perpétuelz.
Messieurs les anciens religieux s'étoient anciennement Droits peidus
réservé le droit d'administrer l'extrêmc-onciion aux parois- par uéghgeu-
1 ce ou trop
siens malades, de bénir l'eau des i'oats baptismaux les veilles grande l'aci-
de Pâques (ît de Pentecôte de ladite paroisse Saint- Prix, (et ^^^^'
lesdits vicaires perpétuelz précédez de leur clergé et de la croix,
et suivis de leurs paroissiens, venoient dans notre église assis-
ter à la bénédiction des Piameaux par Messieurs nos abbez régu-
liers, ou les prieurs claustraux, et en recevoieut de leurs mains
après tous les religieux de Saint-Pierre) et plusieurs autres
droits qu'ils ont relâchez ou laissé perdre, parce que l'exécution
demandoit un peu d'assiduité et de diligence de la part des
anciens religieux. On sçait cecy par une tradition (ju'ils con-
servoient entre eux. Ou trouvera quelque jour l'occasion de
faire revivre ces droits, ou du moins ceux qui ne seront pas si
onéreux.
Le siège abbatial de Saint-Pierre-d'Orbaiz étant vacant (par domination de
la mort de Pierre de Séricourt, seigneur d'Esclainvilliers, arri- M' Claude
vée le quatorze ou quinzième jour d'août nul six cens soixante- cured"orLaiz
dix-huit, à la bataille de Saint-Denis proche de Mons en Hai- par les reli-
naut, comme on verra plus au long, dans la suite, dans le 5e vacant par
catalogue des abbez) et M" Jean Caillet, nrélre et vicaire per- la mort de
-, 1 1 .1 • . T-, • -, . , ^- ■ • x < Pierre de Sé-
petuel de bamt-Prix, étant mort sans avoir resigné, la corn- neourt abb^.
munauté des religieux reformez nomma pour remplir et admi-
nistrer ladite paroisse en ({ualitè de vicaire perj)étuel, M^' Claude
Milsan, prêtre du diocèse de Soissous, suivant les lettres de
nomination et présentation datées du dix-septième jour de
janvier mil six cens soixante et dix-neuf, dont voicy la copie :
« lUuslrissimo ac reverendissimo in Christo Patri 1). i)o-
« mino Episcopo Suessiounensi, seu veslro in spiritualibus et
« temporalibus vicario generali.
« Humilis prior et couvenlus iucliti mouasterii Sancli Pctri
32 HISTOIRE DE l' ABBAYE DORBAIS
« Orbacensis, ortlinis Sancli Beuodicli, couL^riîgalionis Sancli
« Mauri, vcslra,' diœcosis, cum paiTochialis ecclesia iSancti
« Pncjccli de Orbaco, cujus nominalio et preeseulatio, Sede
« abbat'tali vacante, ad nos capitulumque iioslrum ralione
« dicli nostri monaslerii ab anLiquo secundum cauones devol-
« viluret pciiinet, per ol)itura raagislri Joannis Caillel, ultimi
« possessoris pacilici, vacaverit et adprœsens vacet, dilectum
« magistrum Glaudium Milsau, presbiterum diœcesis 8ues-
« sionnensis, tauquam suflicientem et idoncum ad ecclesiam
« parrochialem Sancli Prcejecli de Orbaco obtineudain, regcn-
« dam et administmndam vobis prœsenlamus et nominamus,
« vos rogantes qualenus eundem magistrum Glaudium Mil-
« san recipere et adniittere dignemini, eique prœdictam eccle-
« siam parrochialem donare et conferre velitis (salvo vestro et
« quolibet alieno jure) enixeque deprecantes Deum allissi-
« mum, ut paternitatem vestram diu feliciterque pro meliori
« bono tolius diœcesis custodiat atque conservet. In quorum
« fidem et testimonium bas prceseutes litteras manu propria
« subsignatas per magistrum Ludovicum Gauvain regium no-
a tarium Orbaci commorantem. vices secretarii ex commissione
« ad robur preesentium obeuntem, subsignari et sigillo nostri
«' conventus muniri jussimus. Datum in capitulo nostri mouas-
« terii Sancti Pétri Orbacensis, anuo Domini millesirao sex-
« centesimo septuagesimo uono, die vero décima septima
« mensis januarii, prœsenlibus boneslissimis viris magistris
« Hieronymo Juguin ballivo, Ludovico Marotte procuratore fis-
« cali et Joanne Jacob, ejus substituto, in diclo Orbaco degen-
« tibus testibus ad praemissa vocalis, ac nobiscum et notario
« prœdicto subsignatis. Signé : FraterPetrus Mongé, prier Or-
« baci, frater Guillelmus Jamet, H. Juguin, Marotte, J. Jacob,
« et plus bas : De mandate dicti conventus seu capituli, nota-
«I rius et ex commissione secrelarius preedictus Gauvain, avec
« paraphe, et scellé à côté du sceau dudit chapitre. Et sur le
« dos est écrit : Lettres de présentation et nomination à la
« cure d'Orbaiz du 1 7 janvier 1 ti79 sur lesquelles ladite cure a
« été conférée par Monsieur du Tour, grand vicaire de Mgr
a l'évoque de Soissons, audit M" Glande Milsan. »
Cette présentation des religieux d'un bénéfice, le siège ab-
batial vacant, et collation faite par Tévêque ou sou grand vi-
caire, prouve et établit le droit de présenter aux bénéfices par
les religieux en pareils cas.
En mil six cens quatre-vingt-dix, les habitans de ladite pa-
roisse de Saint-Prix d'Orbaiz ayant pris entre eux la résolution
HlSïOIltlC DK l'aBHAYK DOKHAlS o3
cl aviiiil l'ail reculer daus la nèfle criicilix, les bancs cl la j„(],.,„„i^; ^j^,;,
balustrade et fermeture qui séparenl le chœur d'avec ladite haljiur.s d'Or-
nef, pour la dccoraliou et agrandissement du chœur, et leur ^^J'^ religieux
commodité particulière, ce qui étoii tout à fait préjudiciable et pour avoir (ait
d'une p^rande conséquence pour les religieux grosdécimateurs, i7,'s^'irafh' dû
attendu que le clocher et une partie de la nef deviendroient à chœur dans la
leur charge, le R. P. Dom Pierre Mongé, prieur, forma au J,^J^_^° ^''"^
nom de rabba3'e, son opposition audit changement et augmen-
tation du chœur, cl lit assigner au mois de décend)rc de la .
même année 1690 par Nicolas Mercier, huissier royal, Hubert
Tilloy, procureur syndic, et tous les habilans d'Orbaiz et au-
tres paroissiens de St-Prix à comparoilre par devant le bailly
de Château-Thierry ou son lieutenant général, pour se voircon-
damner à remettre ladite balustrade, qui sépare le chœur-d'avec
la nef, ensemble ledit crucifix qui est au-dessus, au lieu où ils
ont été de tout tems, c'est-à-dire entre les deux maîtres gros
piliers vers le grand autel ; si mieux n'aiment lesdits syndic
et habilans donner aux abbé et religieux gros décimateurs une
décharge et indemnité en bonne forme par-devant notaires,
avec protestation de tous dépens, dommages et inlérests.
{A suivre).
INSCRIPTIONS DU DEPARTEMENT DE L'AUBE
TROISIÈME SÉRIE *
BARBEREY-AUX-MOINES
Suv une cloche, de fonte, dans la propiiété de M. Roserot :
79. — Sancte Reniigi ora pro nobis, Margueiite Villame, Jean
BoUengeat. 1612.
BLAINCOURT
ÉGLISE
Sur une clocJie, on lit en lettres gothiques :
80. — Jey esté bénilte par M^ Pierre Méra, prieur de
M"- Gabriel de Hénin Liéiait, h»" de Blaincourt et autres lieux, fils
deffuncl M^ Anthonne Hénin Liétart, s"" de Blaincourt ; damoiselle
Anne Legras, fille de M* Nicolas Legias, conseillier du roy, inten-
dant et lectaire de la roinu'', H' en partie de Vaubercey et autres
lieux. M""*^ Jean Simonnot, Anthoinne Badoist, marguillier. 16i5.
Sur uue autre cloche :
81 . — XPS vincit, XfS régnât, XPS imperat, XPS ab omi {sic)
nialo Messiro Jehan Jumekot, prieur de ce lieu.
Sur une pierre tombale, dans le chœur :
82. — Cy gist dame Guyenne de Gavne, vivante femme de mes-
sire Anthoinne de Hennyn de Liétart, escvyer, seignevr de Bkin-
covrt et avitres lievx, qui décéda le 29 aovst de l'an 1669. Prié Diev
povr elle.
BOUILLY
ÉGLISE
Au bas du ruailrc autel, datant de la Renaissance et surmonté
d'un magnifique rétable de la même époque, on lit en lettres
gothiques :
83. — Anno Domini 1556, die vero 4a augusti, lapis iste positus
fuit per me Radulphum Parchemin, presbyterum et curatum
hujus ecclesie '.
' Voir les deux preniieis articles, t. IX, p. 3(j'î, et XI, p. 28'J.
1 1 Celte inscription a déjà été publiée ptr M. d'Arbois de Jubaiuville
dans le Rrperloire archéologique du départanent de l'Aube.
INSCRIPTIONS DU DÉPARTEMENT DE l'aUBE '.\[\
CIIESSY
ÉGLISE
Sur une pierre fixée à un pilier de la nef principale :
84. — Deo op» mx" laus sempiterna. — Louis de Barbuat-
Maison Rouge, écuyer, seigneur de Bois-Gérard, lieuten' de dra-
gons, et dame Maiie-Anne de Barbuut de Maison-Rouge, épouse
d'Antoine de Saugy, écuyer, seigneur de Vezmnes, garde du roy,
ont donné à la fabrique de Clicssy le 2 novembre 1733
pour le repos des âmes de dellV P". de Barbuat, écuyer,
s*" de Maison-Rouge, et de dame (lolombe Guiard Desforges, leurs
père et mère
DAVREY
ÉGLI.sE
Pierre tumulaire, dans la chapelle de Saint-Nicolas.
85. — Cy gist le corps de noble home Edme Guiar, escuyer,
sieur des Forges, âgé de 80 ans, qui décéda ie 21 octobre 1709. —
Requiescat in pace.
80. — Hic jacet Joannes Baptista Guyarddes Forges, presbyter,
baccalaurens theologus, qui, vita verè sacerdolali exacta, animara
suo reddidit Creatori mense junii, œtatissuée anno novigesimo oc-
tavo et reparatuj salutis millesimo septingentesimo. Requiescat in
pace.
EPAGNE
ÉGLISE
Sur la cloche.
87. — L'an 1788 j'ai été nommée Claude Edouarde par messire
Claude Edouart Bajot d'Epagne. seigneur d'Epagne, et seigneur
pour sept parts on onze de ladite terre, seigneur de hante, moj'enne
et basse justice dudit lieu, ot demoiselle Marie Madeleine Piot,
dame de Courcelles et Fresnoys. — Edme Nicolas Cogniasse-
Desjardins sindic municipal.
ERVY
Sur une plaque de plomb appartenmt à M. Adolphe Paillot.
88. — Angularem januée lapidem domus avit:eponi cu»"avit Clau-
dius Poterat, eques, tricliniarches legius, militum protribunus,
turmœ Aurelianensis equestris qutcstor, ordinis regii et militaris a
Sancto Ludovico necnon ordinis a Sancto Lazare dicti eques, uxor
ejus amantissiraa dom. Anna-Elisabeth Paillot, dilectissimi liberi
eorum Peirus, Claudius et Abraham Poterat Ludovico deciuio
quinto post Etriim Meninuni, Fiunam epugnatum, fugante trana
Rhenura Germanos, anno salutis MDCCXXXXIV.
36 INSCRll'TIONS
Sur une pierre tuniulaire appartenant au même :
89. — Cy gist damoiselle Edmée Paillot, femme de noble homme
et sage maistre Louys de La Ferlé, conci- du Roy et son procureur
au bailliige et siège présidial, prévôté et aultres juridictions de la
ville de Tioycs, laquelle décéda le quatorziesme may 1624.
Priez Dieu pour son âme.
Sur une ardoise provenant du château de Saint-Fal, appartenant
également à M. Adolphe Paillot.
90. — Esto nobis Domine turris fortitudinis a facio inimici in
honorera superexcellentissime et individue Trinitatis, et in laude
beatissiraaî Yirginis Maria-, matris Domini nostri .Ihesu Christi.
Amen. — Par Anne de Vauldrey, chevalier de l'Ordie du Roy, sei-
gneur de Sainct Fale, bailly de Troyes, le 16 de décembre 1575.
LENTILLES
Sur l'une des cloches de l'église, en lettres gothiques :
91. — S. Jacobe et Philippe orate pro nobis. L'an mil V* LXL
Sur une autre :
92. — L'an 1777 jay été bénite par M"" Charle de , desser-
vant de Lentilles et nommée Marie par Mr^^ Louis- Antoine de Coucy,
seigneur du Moncet, ancien officier d'infer.terie, et par damlle Marie
de Conygham, son épouse.
MAISIÈRES
ÉGLISE
Chapelle de la Sainte-Vierge.
Sur une pierre tombale de marbre noir :
93. — D. 0. M. — Cy git haut et puissant sgr mess" Antoine
du Ban, chevalier, marq^ de la Feuillée, sgr de Maisière, Valenti-
gny, Humégnil, Chaumont-le-Bois, etc.. mestre de cavalerie, etc....
Il mourut le 24 février 1759. — Priez Dieu pour son âme.
Autre pierre tombale, aussi de marbre noir :
94. — D. 0. M. — Cy git haute et puissante dame Madnme Hé-
lène-Thérèse de Sercey, épouse de haut et puissant sgr mss"^" An-
toine du Ban, eh"", marquis de la Feuillée, mestre de camp de
cavalerie, sgr de Maizières, Valentigny, Hume.'^gnil, Chaumont-le-
Bois, etc. Sa mort etc. . . — Elle arriva le 9 octobre 1747. — Priés
Dieu pour son âme.
Sur une cloche :
95. — En 1771, au mois d'octobre, j'ai été bénie (sic) par Mgr
DU DKPARTEMENT DIS L'aUISK 37
rill'"e et révérendm« archevêq" de Toulouse, Etienne-Charles de
Loménie-Brienne, et nommée Marie-Anne par haut et puissant
seigr Mons»'' Louis-Marie-Athanase de Loménie, chevalier, comte
de Brienne, sgr de Maizières et autres lieux, maréchal des camps
et armées du loy, et pur haute et puiss'" dame Madame Marie-Anne-
Etieimette Fizeaux de Cléinont, comtesse de Brienne, dame de Mai-
zières et autres lieux.
Sur une autre cloche : '
06. — Jésus. Maria. — L'an 1717 j'ay été bénite par M'''^ Charles
de Creney, curé de Maizières, écuyer, sgr en partie du Petit-Mesnil
et Choménil, et nommée par hault et puissant seignevr messire
Edme du Ban de la Feuillée, chevalier, baron de Morvilliers, sei-
gneur de Vanerre et autres lieux, colonel d'un régiment de cavale-
rie, et haulte et puissante dame Madame Iléleine de Sercey de la
Feuillée.
MATHAUX
ÉGLISE
Sur chacune des trois cloches :
07. — L';in 1732 j'ay été bénite par Mr Pierre de Brienne, curé
de Mathavlt, et j'ay eu pour parrain M"' Gédéon-Etienne-Maurice
Le Petit, et pour marraine Marie-Françoise-Charlotte Le Petit de
Lavaulx, fils et (ille de W>^ Gédéon-Claude Le Petit de Lavaulx,
chevalier, baron de Mathault, et grand bailly du Bassigny.
MONTAULIN
D.VNS LE CIMETIÈRE
08. — Ici repo.se Monsieur .lacques Paillot de Montabert, écuyer,
décédé en son clifiteau le l'r février 1816, à l'âge de 83 ans. — De
profundis.
99. — Ici repose M ■• Victor Paillot Deloynes, ch"'' de l'ordre royal de
la légion d'honneur, ancien maire de la ville de Troyes, ancien dé-
jtiité de l'Aiilie, ancien pré.sidcnt du Conseil général, né à Troyes
le 16 novemijie 1767, décédé le 20 avril 1812. — l.)e profundis.
MONTFEY
ÉGLISt;
100 — C'y gist le corps de messire Timotée de la Rue, seigneur
de Montfey La Broce et autres lieux capitaine d'une -"S
compagnie de chevaux légers de monseigneur le marquis de Clé-
rambaux décéda le 2" nov. . . . 1683, âgé de — l'riez
liieii pour le repos de son âme.
38 JiNSCRIPTIONS
MONTMORENCY
ÉGLISE
Sur une plaque de marbre noir appliquée à l'un des piliers
du chœur.
101. — D. 0. M. Cy gisent honorables personnes Pierre Adam,
seigneur du Châtelier, Ormont, Ghassericourt et Rambécourt, bailly
et lieutenant général de ce duché, qui décéda le 11 avril 1725, âgé
de 63 ans;
Marguerite Pothier, son épouse, qui décéda le 14 février 1724,
âgée de 55 ans ;
François Adam, leur fils, seigneur des mêmes lieu.v, écuyer, con-
seiller secrétaire du roy, bailly et lieutenant général et gru)'er de
ce duché, qui décéda le 10 ?vril 1761, âgé de 66 ans,
Et Elisabeth Navelet, son ôpouse, qui décéda le 17 ianvier 1725,
âgée de 25 ans,
Lesquels ont fondez dans cette église chacun un service à perpé-
tuité le iour de leur décès.
Requiescant in pace.
Sur le socle d'une statuette de la Sainte-Vierge :
102. — Cette image miraculeuse de la Sainte-Vierge a été trans-
férée, avec permission de Monseigneur 1 evêque de Troyes, de la
chapelle des religieux Minimes de Villiers en cette église, par
Mr Mony, curé de cette paroisse, en l'année 1775, le 4 novembre, à
trois heures après midi.
NOGENT-SUR-SEINE
ÉGLISE
Sur une plaque de pierre blanche fixée au mur d'une chapelle :
-103. — Du règne de Louis Xlil, roy de France et de Navarre,
coste première pierre a esté posée à l'église du couvent de ceste
ville de Nogent-sur-Seyne par haulte et puissante dame Marie de
Brageloigne, femme et espouse de liault et puissant seigneur Mes-
sire Claude Boiithillier, ron*^'' du Roy en ses conseils, surintendant
des Finances de France, secrétaire d'Estat et grand Trésorier des
ordres de Sa Majesté, seigneur et gouverneur de la ville etchasteau
dudit Nogent, fondateurs dudit couvent, l'an de grâce M VI" XXXIX,
le III""^ jo-^de .sept'",
Dans la chapelle des fonds.
Sur une pierre fixée au mur.
104. — Epitaffe des enffans de Anthoine du Rocheret, escuyer,
maistre des eaues et forest, pour le roy, du duché de Nemoux,
DU DÉPARTEMENT DE i/aUBE 39
conseiller et secrétaire d'Estat de monseigneur et de madame les
duc et duchesse de Lorraine.
Nature ayant formé deux beaulx pelitz enffans,
Charles du Rocherel et Anlhoine son fVèrc,
Alropos prévoyant qui seroyent triwmphans,
Jalouze de leur bien, inexorable et fière,
De leur tendre jeunesse a couppé le fillet '.
PEL-ET-DER
ÉGLISE
Sur une cloche ;
■105. — J'ai été bénite par M. Laignier, curé de Finey, promoteur
et trésorier en dignité de l'église royalle de St Maclou de Bar-sur-
Aube. Mon parrain, M. Jean François et Magdeleine Chifflet
de Neuville, fille du sieur Clément, seigneur des Grands-Jardins,
conseiller du roy et é!eu en l'él ction dudit Bar-sur- Aube .
1752.
Sur une antre cloche :
106. — J'ai eu pour parrain le sieur Jacques Rozière, exempt
des gardes en la Varenne [sic] du Louvre, à Paris, demeurant à
Pailaider, et pour mareiniie M irie-Edmée de Ligny, sa petite-fille.
4752.
PRÉCY-SAINT-MART TN
ÉGLISE
Sur une des cloches -.
107. — L'an 1787 j'ai été bénite par M'" Etienne Mony, prestre
et curé de ce lieu, it nommée par très haut et très puissant sei-
gneur François-Alexandre-Antoine, vicomte de Lomcnie, mestre de
camp en second du régiment de Vivarais-infanterie, et par très
haute et très puissante dame Emélie Le Prestre de Lesoimette-
Picot, marquise de Dampierre.
Sur une autre cloche :
108. — L'an 1787 j'ai été bénite par M'^" Etienne Mony, prostré
et curé de ce lieu, et nommée par très haut et très puissant sei-
gneur messire Louis-Marie-Ath;:nasc de Loménie, baron de Pougv,
sgr de Précy-Saint-Mnrtin et aulres lieux, lieutenant général des
aimées du roy, chevalier de l'ordre royal et militaire de St Louis,
et par tiès haute et liés puissante dame Klisabeth-Louise-So{)hie de
Vergés, vicomtesse de Loménie.
1 . Suivent 5 autres vers, aujourd'iiui illisibles.
40 INSCRIPTIONS
RANGE
ÉGLISE
Pierre tumulaire.
•109. — Cy gist messire Jacques Le Maistre (?) ', chevalier, sei-
gneur de Lunart (?) (ou Unsar? ) en Champagne, qui décéda le 8"
jour d'octobre mil cinq cens trante cinq. — Priez, etc.
Sur une autre tombe -.
110. — Cy gist messire Jacques des Boucs en son vivant cheva-
lier, sgr de Rance et de Courcelles, et secrétaire (?) de la maison
du roy nostre sire, qui trespassa le XXXllI" jour du mois de sep-
tembre, l'an mil D XXX. Priez Dieu, etc.
Sur une des cloches -.
111. — Cette cloche a esté béniste en l'an 1690 par Mr Joseph
Buglet, prestre, curé de Bance, et eut pour parrain M'' Jean-Bap-
tiste du Metz, esctiyer, seigneur dud. Rance, Corbeil et autres lieux;
pour marraine demoiselle Magilelaine du Metz, fille de M'^ Jacques
du Metz, chevalier, seigneur de St fJtin et autres lieux, et do dame
Antoinette de la Veufve, ses père et mère, M^ René Nérot estant
pour lors prévost dudit lieu, noble h. Paul de Villette, Mr A. Belin
procureur fiscal, Gilbert Boussenat greffier, Pierre Belin, marchand,
et Pierre Besanson, marguilliers. — Mr François Mutel et Jean Mil-
lard m'ont faict.
Sur une autre cloche :
112. — L'an 1771 j'ay esté bénie [sic) par M" Nie. Coffinet et
nommée Geneviève par haut et puissent seigneur Cl. Gédéon-Denis
du Metz, cher, comte de Rosnay, seigneur de Rance et autres lieux,
et h" et puissante dame Madame Geneviève Pairet de La Blegnièro,
son épouse. — Vox Domini ; per sonitum ejusetTugiant ignita jacula
inimici, percussio fulminum, impetus lapidumet lœsiotempestatum.
— Huet, conL»" du roy, Nicolas Prévost, Hémart procureur fiscal^
Guilbert notaire. Billot marguiller, Vincent sindic, Bilin, Bayeux,
Veaulthier, Petit, Los Loiselets, Chaput.
ROSNAY
ÉGLISE
Sur une plaque de pierre encadrée dans un mur du pourtour :
113. — Cy gist messire Louis Berbier du Metz, fonseiller, aumos-
1. De Rartcp, suivant M. d"Arbois de Jubainvile, Répertoire archéologi-
que du dcpartemenl de l'Aube, colonne 40, Les caractères sont aujourd'hui
à peu près complètement eiracés.
DU DÉPARTEMENT DE l'aUBE 4t
nier du Roy, abbé de St Martin de ITuyron etdeSte Croix de Guin-
guant, prieur de ce lieu de Rosnay et de celuy de Chalette, cy
devant doyen de St Maclou de Bar-sur-Aube, lequel après avoir
toujours mené une vie innocente et ?age, vint mourir le 7 novêbre
1G99 au lieu où il estoit né le 12 may 1618, ayraé de ses parens
qu'il honoroit, cbéri de ses amis qu'il respectoit, et regretté généra-
lement de tous Priez Dieu pour lui. — Messire Gédéon Berbier du
Mets, chlier, conte de Rosnay, coner du Roy en ses conseils, prési-
dent en ta chambre des Comptes, a fait poser cette épitaphe en
mémoire de son cher frère.
Sur une plaque de marbre noir :
■114. — A 11 mémoire de messire P. CL. B. du Metz, lieutenant
général d'artillerie, gouverneur de Gravelines, né à Rosnay en
1638, tué à la bataille de Fleurus en 1690 et rnis au rang des hom-
mes illustres du siècle de Louis XIV. Il éta<t frère de Gédéon du
Metz, comte de Rosnay, et de l'abbé du Metz. — Priez Dieu pour le
repos de son âme.
Dans une chapelle, sui" une plaque :
115. — Cy gist messire Lovis Berbier du Metz, abbé de St Martin
de Huyron, prieur de ce lieu, décédé le 7e novembre 1699.
ROUILLY-SAINT-LOUP
ÉGLISE
Tombe de marbre noir, sous le porche. '
116. — Ci git Pierrc-Jean-René Pictory, baron de Sormery,
maire de Rouilly-St-Loup, décédé le 19 avril 1819, âgé de 42 ans.
— Souvenir de son petit-fils Théo|»bile-Pierre-Louis Pictory, b"" de
Sormery.
TENNELIÈRES
ÉGLISE
Sur l'une des cloches.
117. — L'an 1821 j'ai été bénite par M'' Roizard, desservant de
cette commune, et nommée Louise par M. Jean-Baptiste-Jacques
Camusat des Carests, juge d'instruction près le tribunal civil de
Troyes, et par Mad" Louise Leféron, épouse de M. Nicolas de Mau-
roy, chevalier de la légion d'honneur, ancien officier de cuirassiers,
demeurant à Troyes ; M. Malatrat, maire de Thennelières.
TROYES
Au musée. Fragment de pierre tumulaire de marbre noir.
118 — .... Robert de Chantaloe, en son vivant escuyer, sei-
gneur de damoiselle Katherine [Dorigny], sa femme, Icsquelz
42 INSCRIPTIONS
trespassèrent, savoir, led. escuyer le. . . . jour d'avril mil cinq. . .
. . .te cinq, et la dicte damoiselle le vingt cinquiesme jour
1530.
VALENTIGNY
ÉGLISE
Chapelle de la Sainte-Vierge.
Sur une pierre tombale -.
119. — C'y gist damoiselle Lovise de La Rve, vivante femme de
honoré seigneur Anthoine do Bretel, escvyer, seignevr de Vallanti-
gny, Aulnay et Crespy en partie, qvy décéda le 24« octobre 1647,
âgée de 38 ans. Prié Diev povr son âme.
Autre tombe :
120. — Cy gist raessire Anthoine de Bretel, chevalier, seigneur de
Valantigny, Avlnay etavtres lievx, capitaine dv dvché deBeaufort et
premier commandant dv régiment de Renel, qvi décéda le cinquies-
me octobre 1072.
Autre tombe.
On lit autour, en lettres gothiques :
121. — Cy gisse honoré seigneur Pierre de Bretel, escuier, sei-
gneur de Vallantigny, aagé de ving neuf ans, qui trépassa le 24in''
januier 1029, et Pierre de Bretel, son fils, aagé de 43 jours, qui
trépassa le dix septiesme octobre 1029. — Prié Dieu pour leurs
âmes.
Sur les cloches.
(Inscriptions communiquées par M. le Curé).
Sur la petite. Un lettres gothiques :
122. — J. H. S. Maria.
Marie par droit suis réclamée,
Avecques mes sœurs bien accordée ;
D'icy la tempeste chassere ;
A Dieu servir je sers.
MilV^ XXX.
Sur la moyenne. En lettres gothiques :
123. — I. H. S. Maria.
Je suis Supplie, bien appelée,
Car icy hault fais mes esbas.
Et suis de matière fort alïinée,
En résonnant hault et bas.
Mil V' XXX.
DU DÉPAHTEIMKNT DE l'aUBK 43
Sur la grosse :
124. — Jésus. Maria, — L'an 1702 je fus bénite par M" François
Marc Antoine J. B. curé de ce lieu et nommée par messire Antoine
du Ban de la Feuillée, chevalier de St Jean de Jérusalem, capitaine
de cavalerie au régiment de Dauphin-étranger, et par demoiselle
Marie-Angélique de La Grange, de Villodonné, fille de che-
valier, seigneur deDompremy, Corinononclc, Sassay ' et autres lieux,
capitaine d'une compagnie de chevaux légers pour le service de Sa
Majesté, et de dame Madeleine de Bretel, dame desdils lieux etd'Aul-
nay. — M. Michelin m'a faite. (Suivent les noms desmarguilliers).
VER moïse (Château de).
Sur une plaque de marbre blanc :
125. D. 0. M.
Hic jacet
Petrus AntoniusThiesset, Cadusianus,
Doctor magister in universitate Monspessulana
CoUegii medicine civilis magistratus, Nosocomiorumque
Medicus antiquior
In arte sua totus
Ut civium saluti consuleret ;
Doctrinâ, liberali consuetudine, morum suavitate,
Bonis gratissimus,
Intolerandus malis
Quorum insidias apertcà virtute discussit,
Quam ab aliis toties mortem depulerat
Hanc lento gradu sibi minitantem
Christianâ fortitudine excopit impavidus
Neque alienro salubritatis vel m extremo
Spiritu mimemor,
Hoc in sepulcreto humari .se jussit
Vocemque hanc suam tumulo inscribi.
Ut qua si ultimo prrcscripto medicus
Admoneret posteros ;
Hune elegi locum sepeliendo cadaveri
Ne, qui vivus, quibus potui, profueram,
Quibus noilem, nocerem mortuus,
Obiit die 8' Martis anni 177.5 rotat's sure 59.
R I. P.
Uxor ac filius mœrentes posuere.
1. Sacc}^, commune do Rouill^-Saccy.
4} INSCRIPTIONS DU DEPARTEMENT DE L AUBE
VERRIÈRES
Au dos d'un portrait au pastel, dans la maison de Madarae
de Lu llupproye :
126. — Dame Nicole Vigneron, veuve de Mr Louis-Claude Huez,
seigneur de Vermoise, Pouilly et autres lieux, c"'' du Roy, 1* par-
ticulier aux bailliiige et siège présidial de Troyes, née à Troyes,
paroisse Sainte-Madeleine, le 11 juin 1092, décédée le 20 février
1790. — Peint en 1787 par Baudement, au mois de juin.
VILLERET
Au bas d'une verrière du chœur, en lettres gothiques :
127. — Messire Macé Le Maire, vicaire de céans, a doné ceste
verrière l'an mil cinq cens et XIII.
Nous avons visité les soixante-quatre églises ci-après et nous
n'y avons pas trouvé d'inscriptions à relever, soit qu'il n'y en
eût pas d' intéressantes ù notre point de vue, soit qu'il n'y en
eût pas du tout.
Nous devons répéter ici que nous n'avons pas vu un bon
nombre de clocbes.
Aillevillc, Arsonval, Barberey-Saint-Sulpice, Bercenay-en-
Othe, Blignicourt, Biiennc-la-Vieille, Brienne-le-Gbâteau,
Bucey-en-Othe , Enchères , Chappes , Charny-le-Bachot ,
Gbaudrey, Chavanges, Colombé-la-Fosse, Dival (commune de
Villenauxe), Dolancourt, Estissac, Foùchèi'es, Jessaint, Ju-
vanzé, La Rothière, La Saulsotte, Lassicourt, Laubressel,
Lépine (commune de Saint-Germain) , Lesmont, Lusigny,
Maraye-en- Othe, Mergey, Mesnil-Saint-Pèrc, Montiéramey,
Mouipothier, Les Noes, Nozay, Payns, Perthe-en-Piothière,
Piney, Pout-Sainte-Made, les trois Riccys, Ruvigny. Saint-
André, Saint-Aveutin (commune de Verrières), Saint-Christo-
phe, Saint-Etienne -sur-Barbuiso, Saint-Germain, Saint-Léger-
sous-Brienne, Saint -Mards - en-Olhe, Sainte-Maure, Saint-
Mesmin, Sair.t-Nicolas, Sainte-Savine, Torvilliers, Trannes,
Thuisy (commune d'Eslissac), Trouan-le-Grand, Trouan-le-
Petit, Vauchassis, Vaupoisson, Véricourt, Villa^erf, Viile-
moiron, Villemoyeune, Villenauxe, Voué.
A. ROSEROT.
LE RETOUR DE VARENNES
A TRAVERS LA CHAMPAGNE'
Voilà à coup sûr l'une des plus importantes publications
pour l'histoire des dernières années de la vie de Louis XVI et
de Marie-Antoinette. On ne peut se défendre d'un sentiment
d'émotion respectueuse en songeant que l'auteur a été le cou-
rageux témoin de ces scènes lamentables de la Terreur et que
tout ce qui est raconté a été vu ou entendu par Madame la
duchesse de Tourzel, une de ces femmes vraiment fortes dont
la parole ne peut un instant être mise en doute. Elle fut appe-
lée au périlleux honneur de la charge de gouvernante des En-
fants de France, quand la duchesse de Polignac dut émigrer,
et en l'installant la reine lui dit : « J'avais confié mes enfants
à l'amitié, je les confie maintenant à la vertu. »
M. le duc des Cars rend un véritable service à l'histoire eu
publiant ces mémoires dont il possède le manuscrit autographe
et tout le monde voudra lire ce récit si simple, si vrai, si dra-
matique du calvaire de la famille royale. Nous ne prétendons
pas ici résumer ces souvenirs, qui rectifient plus d'une erreur,
qui éclairent plus d'un point. Nous nous contenterons de nous
arrêter sur la partie qui concerne la (Ihampagneetqui prouve,
détail ignoré, ce nous semble jusqu'ici, que c'est à Cliàlons
que Louis XVI reçut le dernier accueil sympathique de ses
sujets. Le souvenir est trop honorable pour que nous nous
empressions pas de le noter tout particulièrement.
On sait (ju'après quelques embarras au départ de Paris, le
voyage s'effectua très bien. Louis XVI ne cachait pas sa salis-
faction et répétait souvent (|u'une fois après avoir passé Châ-
lons, il n'y aurait plus aucun danger à craindre.
« Nous passâmes Châlons sans être reconnus. » — Là Ma-
dame de Tourzel se trompe, car Viot, maître de poste, recon-
nut le roi, mais reprima sa surprise et ne dit mot. On arriva
sans encombre au pont de Sommevesle, où la falaUté prouva
1 . Mémoires de Madame la duchesse de Tourzel, gouvcnianlo des Yi'/i-
fants de France, publiés par M. le duc des Cars, î vol. iii-8'. Parie, Plou
1883.
46 LE RETOUR DE VARENNES
que la France ne j)ûuvail être sauvée. Les embarras dont nous
venons de parler au départ de Paris ayant amené un retard de
deux heures, M. de Ghoiseul qui commandait le poste placé en
ce lieu, ne réfléchit pas qu'un pareil relard n'était rien pour
une aussi longue route ; il s'en tint à la lettre de sa consigne
et se replia sur Montmédy, croyant à un ajournement. Tout
était dès lors perdu. On continua cependant d'avancer. A
Orbeval le poste s'était également replié. A Saiute-Menehould,
Drouet reconnut le roi et courut à francs élriers sur Varennes.
On sait le reste ; mais ce récit écrit par Madame de Tourzel
dépasse par sa simplicité dramatique tout ce qu'on a pu lire
sur ce néfaste événement.
En revenant, le roi put se rendre malheureusement compte
de l'état des esprits. Près de Sainte-Menchould, « nous enten-
dîmes tirer des coups de fusil, dit Madame de Tourzel, et nous
vîmes courir dans la prairie une foule de gardes nationaux .
Le roi demanda ce qui se passait. — Rien, lui répondit-on,
c'est un fou que l'on tue. » Ce fou était le comte du Val de
Dampierre, qui avait quitté son clmteau de Hans pour venir
saluer le roi et l'assurer de son dévouement et de celui de tous
les honnêtes gens. La famille Royale avait dîné à Sainte-Me-
nehould où le roi dut subir les remontrances du président du
district au sujet de sa tentative de fuite. Louis XVI les réfuta
eu l'assurant qu'on trompait le peuple sur ses véritables
intentions. Le repas fut court ; on avait hâte d'arriver pour
coucher à Châlous « qu'on savait être dans des dispositions
toutes différentes. Cette ville était loin de partager les senti-
ments de celles que le Roi venait de traverser ; les habitants
voyaient avec peine la triste situation de la famille royale.
Leur contenance respectueuse et la tristesse peinte sur leurs
visages manifestaient clairement les sentiments qu'ils n'osaient
exprimer. La réception qu'ils firent au Roi et les harangues
des autorités constituées se ressentirent de ces dispositions. »
La famille royale logea à l'Intendance — où vingt-deux ans
auparavant la Dauphine avait été reçue avec un si vif enthou-
siasme ; — des personnes qui avaient assisté à ces fêles vin-
rent saluer la reiue en pleurant, des jeunes fdles lui apportèrent
des fleurs et plusieurs d'entre elles tirent le service auprès
d'elle. Les autorités même témoignèrent eu secret leur douleur
de ne pouvoir délivrer les augustes prisonniers. Plusieurs
habitants — détail inconnu jusqu'ici et bien honorable pour
Chàlons — offrirent de sauver le roi pendant la nuit par un
escalier donnant dans la chambre où couchait le Dauphin et
LK RETOUK DE VARENNES 47
qu'il était impossible de découvrir quand on nu le connaissait
pas. Comme le roi seul pouvait profiter de celle courageuse
proposition, il craignit les représailles contre les siens et
refusa.
La l'amille royale aurait bien voulu prolonger son séjour à
Chàlons, sous prétexte de s'y reposer un peu, en attendant
l'arrivée des commissaires de l'Assemblée, mais les forcenés
qui depuis Varennes accompagnaient la voiture, effrayéti des
bons sentiments des Cbàlonnais, tirent venir en bâte de Reims
une troupe de bandits qui arriva le lendemain malin à dix
beures, en poussant des cris effrayants. C'était le jour de la
Fête-Dieu. Le roi entendait alors la messe à l'Intendance. Ces
misérables entrèrent dans l'bôlel et forcèrent le prèlre à
cesser l'otTice, quand il n'était encore qu'au Sanctiis ; ils exi-
gèrent qu'on déjeunât h. J'inslant et qu'on alteiàt la voilure.
Louis XVI craignant des mallieurs se soumit, tout en faisant
remercier ceux qui lui avaient témoigné de si loucbantes sym-
pathies. Ces misérables suivirent le carrosse qui dut se mellre
au pas ; plusieurs se plaignant de la faim, la Heine leur fit
donner des provisions qu'elle avait avec elle. Une voix s'éleva :
« K'y touchez pas. on veut nous empoisonner ! » Le roi indi-
gné en mangea et tous, alors un peu calmés, l'imitèrent.
Mauvais accueil à Epernay ; population exallée et violente.
Le maire présenta les clefs de la ville au Roi et le président du
district accompagna celte remise de récriminations aigres et
insolentes. Pendant le diuer le Roi dut se déranger pour se
présenter à la foule et l'on entendit un des assistants dire à
son voisin : « Cache-moi bien pour que je lire sur la Reine,
sans qu'on sache d'où le coup est parti. » Cazotte avait heu-
reusement pris le matin même le commandement de la Garde
Nationale, sur les instances de son père, habitant alors Pierry,
qui lui avait dit de tout risquer, même sa vie, pour sauver la
famille royale. Madame Eli.sabeth le connaissait; le voyant à
la tète de ces forcenés, elle ne put s'empêcher de dire : « Et
vous aussi, Cazotle l — Je ne suis ici, répondit-il, que pour
vous servir et il est essentiel que vous n'ayez pas l'air de mo
connaître. » A la fin du diner la foule eut une panique et elle
força les augustes voyageurs à remonter brusquement en voi-
ture. Madame de Tourzel courut de sérieux dangers auxquels
elle n'échappa que par l'énergie de (>azotte (jui lui oll'ril le bras
et la fit passer à travers tous ces misérables.
Entre Epernay et Dormans on renconira un pauvre curé lié
sur un cheval de gendarme ; au môme moment survinrent les
48 LK RETOUU DK VAKENNES
Commissaires de rAssomblêe ; le roi pria aussitôt Barnave de
sauver la vie à ce malheureux prêtre ; il le promit et tiut pa-
role. On coucha à Dormans, mais la nuit fut cruelle à cause
des cris de la foule, surtout pour le dauphiu qui fut tellemeut
effrayé qu'il eut une cruelle crise.
La royale caravane poursuivit sa roule par une chaleur tor-
ridc qui augmentait singulièrement les souffrances de chacun.
On dina à la Ferlé-sonc-Jouarre où le Maire, M. Renard fit à
la famille royale un accueil dont elle eut une douce consola-
tion. On coucha à Meaux chez l'évèque constitutionnel « qui
reçut le roi de son mieux. »
Nous nous arrêterons là. Nous avons voulu seulement faire
connaître les incidents du voyage de Varennes, très nouveaux
et dont quelques uns sont très honorables pour nos compa-
triotes. Il nous reste cà ajouter encore une fois que la publica-
tion due à M. le duc des Cars, est véritablement précieuse entre
toutes et prendra désormais la première place parmi les mé-
moires consacrés à l'histoire de la Révolution Française.
C^" E. DE Barthélémy.
FAITS ET ACCIDENTS METEOROLOGIQUES
SURVENUS A TIIOYES ET AUX ENVIRONS AVANT 1790
( Etat des Récoltas, Prix des Denré'-s et Etat sanitaire
AVANT-PROPOS
I
r.c globe leiTi3striî cl l'atmosphère qui l'enveloppe sont le
siège dun grand nombre de phénomènes du plus grand inlérêl,
dont la plupart sont relatifs à l'eau, à l'air, à la chaleur, à la
lumière et à l'électricité. La Météorologie Q?X\di. partie de la phy-
sique relative à l'étude d: ces phénomènes et en particulier à celle
des météores ou apparitions lumineuses, accompagnées ou non
de détonations. Parmi ces divers phénomènes, les uns se repro-
duisent fréquemment ; les autres, à des intervalles plus ou
moins éloignés ; les uns. enfin comme les éclipses et quelques
comètes, sont prévus et annoncés longtemps à l'avance ; les
autres, comme les orages, les bolides, les Irondjes, survien-
nent souvent à l'improviste,
En 18(3;>, des commissions météorologiques ont été établies
sur divers points de la France, pour constater l'apparition et la
marche des orages ; aujourd'hui, des stations d'observation,
munies des principaux instruments nécessaires, existent dans
les principaux centres de population, et sont conliées à des
honnnes compétents (fui correspondent régulièrement avec le
bureau central météorologique de Paris. Aussi, la science
météorologique lait-elle chaque jour des progrès sensibles.
Mais les anciens qui n'avaient ni nos connaissances spéciales,
ni nos instruments de précision pour mesurer la chaleur,
l'hygrométrie, la densité de l'air, la vitesse du vent, etc., se
l)ornaient à tirer de l'observation des astres des inductions
plus ou moins fondées sur la probabilité des temps.
II
Pénétré de l'utilité et de l'iiilérèt (pie peut offrir un sem-
4
SO FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
blable travail uous avons soumis au Sénat, en 1861, une
pétitioii ayant pour objet de demander qu'il fût établi dans
toutes les mairies de la France des registres à' E jMmérides
sur lesquels seraient consignas tous les faits importants qui
viendraient à se produire dans chaque commune, soit au point
de vue météorologique, soit sous le rapport des événements
ou accidents d'une autre nature. Cette pétition fut renvoyée au
bureau des renseignements, et le projet à la fois si simple et
si pratique dont elle renfermait les éléments attend encore sa
solution en France, tandis qu'il est appliqué eu Belgique
depuis 1863.
Mais, si le vœu que nous avons exprimé, il y a plus de
vingt ans, n'a pas encore reçu de satisfaction officielle, ce n'est
assurément pas à cause des difficultés qu'il peut présenter
dans la pratique, puisque la mesure que 'nous voudrions voir
appliquer d'une manière générale et régulière a été prise déjà
bien des fois, isolément et séparément par d'anciens chroni-
queurs, qui notaient, au jour le jour, tous les événements
venant à leur connaissance. On trouve aussi dans plusieurs
des registres de Tétat-ci/il qui, avant la Révolution, étaient
tenus exclusivement par le clergé, des notes et observations
générales ou particulières sur les phénomènes météorologi-
ques qui s'étaient produits dans l'année, l'état des récoltes,
les prix des denrées, les épidémies ou autres fléaux qui avaient
sévi, etc. '
Or, sans prétendre tirer aucune conclusion de ces observa-
tions, il nous a semblé qu'il ne serait pas sans intérêt de
relever et de coordonner dans leurs ordres chronologiques les
principaux faits et accidents météorologiques particuliers à
Troyes et ses environs avant 1790 j ces phénomènes ayant, du
reste, une influence directe sur la richesse et la santé publi-
ques, c'esl-à-dire sur le bien-être ou le malaise général de la
population. Ces notes sont extraites pour la plupart textuelle-
ment des anciens manuscrits des chanoines Breyer, Hugot et
Tréniet, collationnés et complétés par l'avocat Sémiilard, et
conservés à la Bibliothèque de Troyes.
m
A une époque où la science météorologique était encore
1. Notamment à Dampierro, de 1781 o 1791 ; à Nogent-sur-Aube et
Mesnil-Letlrc pour diverses minées.
SURVENUS A TROYES ^1
dans l'enfance cl où la foi religieuse tenait lieu de tout autre
préservatif, il était d'usaye d'adresser au ciel des prières
publiques et de faire des processions solennelles pour conjurer
toutes les calamités. A Troyes, notamment, pour demander la
pluie ou le beau temps, le chapitre de Saint-Pierre promenait
et évo(jiiait les reliques de saint Loup et celles de sainte
Hélène; celui de Saint-l'^tienne réclamait l'intercession de
sainte Hoïlde et celui de tS;unt- Urbain exposait la Sainle-
Epine, envoyée de Constantiuople par tiarnier de Traînel en
riOy.
Pour éloigner les orages, on sonnait aussi les cloches à
toutes volées ; ce qui, loin de diminuer le danger, ne faisait au
contraire que laugmenter, en ajoutant par les vibrations de
l'air, un élément de plus à. la perturbation atmosphérique.
Aussi la chute de la foudre sur les églises étail-elle très fré-
quente, puisque, dans l'espace de cent soixante-quatorze ans,
le clocher de la cathédrale de Troyes fut frappé neuf fois et
finalement entièrement détruit pour n'être plus rebâti, le 8 oc-
tobre 1700. Mais il ne faut pas oublier que la principale cause
du danger venait surtout du clocher lui-même qui, en raison
de son élévation et de le croix de fer dont il était surmonté,
attirait nécessairement la foudre, comme le fait un paraton-
nerre.
XII" SIECLE
1181. — L'été de celte année fut si sec que plusieurs
puits, rivières et fontaines tarirent ; ce qui fut cause que des
villes et villages furent misérablement brûlés, notamment
Troyes, où un incendie éclata le 22 juillet, pendant qu'il s'y
tenait une foire.
1 l'Jl . — Celle année, il plut tant pendant les mois de juin,
juillet et août, que les céréales germèrent dans les épis.
XIII' SIÈCLE
1201). — Au mois de décembre, après la Saint-Nicolas, il y
eut à Troyes une si grande inondation (ju'on n'en avait jamais
vu une pareille, et qu'elle causa de grands dommages dans
toute la vallée de la Seine, entraînant les maisons, les moulins
et les pouls (jui étaient sur cette rivière. Le clergé fit des pro-
cessions à celle occasion, et la Seine rentra dans sou lit.
0'2 VAITS KT ACCIDliiNTS MKTEOKOI.OGlnUES
1227. — Lo rond-point de la cathédrale de Troycs, en
construclion, est fortement endommagé par un tourbillon de
vent.
1284. — Le 24 novembre, il s'éleva de si grands vents
qu'ils renversèrent plusieurs maisons, abattirent les clochers de
plusieurs églises et arrachèrent beaucoup de grands arbres.
12"JG. — Pendant la troisième semaine de décembre, la
Seine crut si fort qu'elle emporta, comme en 121)0, les moulins
et les ponts qui étaient sur son cours.
XIV» SIÈCLE
1301 . — Cette année, on vit tous les soirs une comèle dont
la queue était tournée vers l'orient.
1304. — Au mois de mars, commença une famine qui
dura presque un an, et pendant laquelle le setier de froment
fut vendu ii et G livres '.
130o. — L'été fut extrêmement sec.
1306. — Après un froid rigoureux, la neige et la glace
ayant commencé à fondre avant que les eaux fussent écoulées,
il eu résulta une inondation qui causa de grands dégâts,
surtout à cause des énormes glaçons charriés par les eaux qui
brisèrent les ponts et les bateaux.
1300 . — Le 30 novembre de cette année, un grand vent du
sud-ouest renversa plusieurs maisons et clochers, et arracha
de très gros arbres.
131 S. — Du 15 avril à la fin de juillet, il plut presque tous
les jours, et il fit si froid que les blés et les fruits ne pouvaient
mûrir ; « ce qui porta le clergé et le peuple à recourir à Dieu
« et aux saints, et à faire de dévoles processions, nu-pieds,
« jusqu'à cinq ou six lieues de leurs églises. » — Cette année
on ne fit point de vin dans toute la France ; ce qui n'élait
jamais arrivé.
131G. — Famine générale en France, par suite du défaut
de récoltes de l'année précédente ; beaucoup de malheureux
moururent de faim. Le froment valait 50 sols le setier, l'orge
30 et l'avoine 18.
[A suivre). Arsène Thévenot.
i. Le setier de froment, à cette époque, correspondait à lîi6 litres, et In
livre d'argent au pouvoir actuel valait 11 fr. 50.
BOURBONNE AUTREFOIS
ET
BOURBONNE AUJOURD'HUI
1^:^80- 1880
A la HévoluLiou, les conslruclioas furent vendues par par-
celles ; seule, l'église des Capucins fut conservée d'abord
comme oratoire, puis réparée et aménagée pour servir de lieu
de réunion aux assemblées du corps de ville.
Après la dispersion des moines, il n'en resta que deux à
Bourbonne — l'un qui étant paralysé ne put quitter la ville oii
il fit usage des eaux et l'autre qui fit les fonctions de vicaire
— tous deux demeurèrent dans le pays sans èlre inquiétés. Il
y avait en outre un ci-devant bénédictin dont le civisme et le
répîiMicimisme étaient, parait-il, très reconnus et qui profes-
sait gratuiiemeût les mathématiques et donnait des leçons à
tous ceux qui se présentaient.
Ce dernier, mérite une mention toute particulière; voici à
(juel sujet.
En 17*J2 l'administralion nuniicipale de Bourbonne avait
sollicité et obtenu l'autorisation de prendre possession des
volumes des bibliothèques de Morimond et de Vaux-la-Douce.
Une décision du *J frimaire de celte même année, fixait l'em-
placement du précieux dépôt dans le chœur de l'église des
Capucins, aménagé à cet effet par un sieur Nicolas Gérard,
menuisier, requis par la municipalité.
Le local étant préparé, restât à y transporter les nombreux
ouvrages des deux bibliothèques.
C'est alors que le sijur Antoine Jourdez, le religieux dont
nous venons de parler et qui, à la sup[)re.-sion du couvent de
bénédictins dont il faisait partie était venu de Pont-à-Mousson
se réfugier à Bour])onne, se proposa pour recueillir les livres et
les amener dans cette ville. Sa proposition fut acceptée il s'oc-
cupa de cette lâche difiicile avec un zèle qui fut bien mal
* N'oir pape 471, lome XIV, de la Itfi^ric de ( hdmfKiguo cl île lUir.
b4 ItOURUONNR AUTREFOIS
récompensé, car eu l'an IV, nous le voyons adresser aux admi-
nistrateurs du département une rcquèle ainsi conçue :
« Citoyens administrateurs,
« Le citoyen Antoine Jourdez expose qu'il a été chargé par
« l'administration du cy-devant district de Bourbonne-les-Bains
0 de procéder aux inventaires et recollemens des livres trouvés
« dans le domicile des émigrés de l'arrondissement, ainsi qu'à
« l'arrangement par ordre des livres de tout le dépôt littéraire,
« consistant en plus de 8,000 volumes ; que dès 1702, il a fait
« plusieurs voyages à Morimond pour procéder au transport
« des livres de la bibliothèque de ce lieu ; que le défaut de local
« pour les mettre l'a forcé plusieurs fois d'en faire le déplace-
« ment pour les garantir de l'humidité et d'autres causes do
« dépérissement jusqu'à ce qu'il y ait un lieu destiné à les
« recevoir; que toutes ces opérations ont exigé de sa part des
« travaux énormes, pénibles, longs et même dispendieux.
« L'administration du district, invitée par la commission de
« l'instruction publique, comme il conste par lapièceci-jointe,
« à cru l'indemniser en lui accordant une somme de treize cent
(( quatre vingt francs en assignats et eu lui confiant au 8 plu-
« viôse de l'an III, la garde et l'administration de la biblio-
« thèque avec espoir d'un traitement annuel dont il a seule-
« meut touché pour un trimestre de l'an III, la somme de 450
« hvres en assignats. Mais, citoyens administrateurs, la somme
« accordée en indemnité s'est trouvée par le retard du paye-
« ment réduite à très peu de chose, puisque le pélilionnaire
« n'a retiré de ces 1830 livres en assignats que la somme
« de QUINZE LIVRES cu numéraire. (!!) Il ne réclame cepen-
« dant pas sur ce peu, il vous prie seulement de le prendre en
c( considération et vouloir bien hii accorder pour les 3 années
« pendant lesquelles il a rempli les fonctions de bibliothécaire,
a une somme de 400 fi'. Le besoin où se trouve le pélition-
« naire a pu seul le déterminer à faire cette pétition à l'égard
« de laquelle il se repose entièrement sur votre équité, en
« vous assurant de son dévouement à la chose publique.
« Signé A. Jourdez. <^
Il va sans dire que la pétition resta sans réponse. On croit
qu'après la Révolution, Jourdez qui avait vécu jusque-là do la
charité publique, obtint de 1 Empire une cure pour laquelle il
quitta Bourbonne.
La bibliothèque de Morimoud resta dans l'église des Gapu-
ET BOURBONNE AUJOURD'HUI 55
cins jusqu'en 1816, époque à laquelle ordre vint d'en réin-
tégrer les volumes à Ghaumonl et à l'abbaye de Port-du-Salut ' .
Cette dernière devait recevoir les ouvrages liturgiques, les
autres furent expédiés au chef-lieu du département. Un seul
des envois fait, à cette occasion, comprenait 1247 volumes
in-folio, 218 volumes in-quarlo et 749 volumes de plus petite
dimension, au total 2214.
Chaque année, le lendemain de l'Ascension, avait lieu devant
le couvent des Capucins, un rapport très fréquenté " et auquel
venaient assister toutes les populations des environs.
Le seigneur de Bourbonue était obligé de faire faire la police
de la fête par le guet et les officiers de sa maison, lesquels pour
cette circonstance, étaient placés sous les ordres du prieur. En
revanche ce deinier offrait à ces agents un souper plantureux
et remettait à chacun d'eux 20 sols d'argent et une poignée de
chandelles.
Celte coutume se perpétua jusqu'à la Révolution.
Prieuré ISaint-Laurent
11 ne reste de cet établissement religieux que les bâtiments
qui appartiennent actuellement au sieur Maillard, propriétaire
et une magnifique cave dont l'Etat jugea à propos de s'empa-
rer vers 1793-04 (la date n"est point précise), pour remplacer
les celliers que seuls, la nature du sol sur lequel est assis l'hô-
pital militaire avait permis d'y établir jusqu'alors.
Les constructions du prieuré et les jardins qui l'entourent
furent-elles plus considérables que ce que l'on voit de nos
jours? Nous le pensons, mais nous ne saurions l'affirmer; aucun
plan, aucun document n'a pu nous fixer à cet égard. La date
même de la fondation n'est point exactement connue. Suivant
les notes qui nous ont été communiquées par M*" Gaschon. le
prieuré eût existé antérieurement à 1 140 et la preuve en serait
que Hugues II et Hugues III qui fondèrent l'abbaj-e de
St-Vincenl, sous le patronage de lafiuelle était placé le prieuré
i . Célèbre abba^ye des environs tic Luval.
2. On nommait ainsi et on nomme encore aujourd'hui dans certaines loca
lilés iiCs fêtes à dévotion, qui donnent lieu à des réjouissances pul)li(]'.ies.
sortes de pèlerinages ayant tous les dehors d'une foire ou kennes.so bien ((iie
le but principal soit essentiellement religieux.
56 BOURBONNE AUTREFOIS
de Bourhoniie, donnèrent ce prieuré et ses dépendances pour
un des fonds de Tabbaye.
Les actes de confirmation constatent ce fait et les arche-
vêques llumbcrt, en 1 1 40 et Villerme, en 1 250, donnent et con-
cèdent aux abbés de St-Vincenl la chapelle de l'ielnmont ;
(Plani montis) en 1181, Luce III y ajoute l'église de Bour-
bouue et la chapelle de Pleinmont avec ses dépendances.
Nous possédons du reste dans notre collection plusieurs
documents relatifs au prieuré, documents qu'on lira aux pièces
justificatives et parmi lesquels se trouve la donation faite le
septième jour des ides d'août 1173 par Ponce, seigneur de
Senaide, au prieur de Bourjjonne et à l'abbaye de St-Vincent,
de toutes les dîmes qu'il prélevait en ce pays.
Une autre note, qu'on pourra lire in extenso dans le premier
fascicule de notre étude sur Coifi"y ' , indique que le prieuré
était sous l'in vocation de Si-Laurent, du diocèse de Besançon
et du doyenné rural de Faverney ; qu'il y avait une image de
la Vierge qui était en grande dévotion dans le pays et que de
tous côtés on venait implorer.
Cette statue de la Vierge est encore eu grande vénération
dans Bourbonne où ou l'appelait alors Notre-Dame de Plein-
mont, en raison du coteau sur lequel était construite la cha-
pelle.
C'est là que la Ste-Vierge fit de nombreux miracles, on en
voyait les témoignages par les bâtons et les béquilles des mal-
heureux estropiés qui les suspendaient à la voûte en lémoi-
gnage de la puissance de la Mère de Dieu, consolatrice des
affligés.
« Je m'étonnai, dit un chroniqueur de l'époque (Constance
Guillot, historien de Si- Vincent), je m'élonnai lorsque je pris
possession, de voir tant de crosses et de béquilles et on nie dit
qu'il y en aurait eu un nombre bien autrement considérable,
si les peuples les y laissaient; mais qu'il arrivait souvent que
la foi des infirmes les portant à croire qu'il y avait une espèce
de vertu dans les apuys (sic) dont u&aient les gens guéris de
leurs infirmités, lorsqu'ils les avaienl suspendus dans la cha-
pelle en signe de leur gratitude, ils les enlevaient pour s'en
servir eux-mêmes dans leurs besoins lorqu'il plairait au Sei-
gneur de leur envoyer quelqu'infirmilé.
1. Les cliasleav cl citadelle de Coëdy-le.-Cbaslel — l'' fascicule page
Chez I>allet, éditeur, Laiigres.
ET 150URB0NXK AUJOURD'HUI 57
« Lorsque je pris possession du prieuré, en 1720, on com-
muniqua la pièce suivante ' .
« Nous Claude et Antoine Berlhod, prêtres et chapelain du
prieuré St-LaureuL de Bourbonne et vicaire au dit lieu, cer-
tifions que parmi le grand nombre de malades qui sont arrivéy
cette année en cette ville, pour cliercher le soulagement dans
les eaux, il est arrivé depuis huit jours un soldat nommé
Jacques Ormoy^ dit l'Eveillé, âgé de 4u ans, servant le Roy
depuis l'âge de 25 ans, du régiment d'infanterie de M™ le che-
valier d'Entragues, compagnie de Pujol, avec congé signé de
son capitaine ; lequel soldat éloit accablé d'une paralysie sur
les jambes, reconnue telle par les médecins. En sorte qu'il ne
pouvait marcher qu'à l'aide de deux crosses et n'aurait pas fait
quart de lieue par jour, tant le mal l'affaiblissait. 11 étoit obligé
de s'arrêter de tems en tems, ou le voyoit trembler comme un
roseau .
« Il est arrivé à Bourbonne avec son congé signé de son colo-
nel, du 25 may 1724, avec un passeport moulé du sieur Rohin
subdélégué tant à Metz, en Lorraine, que Luxembourg et de
lui signé, pour l'absence de M. S. Cointet intendant des dites
provinces. Ordre aux communautés de fournir au dit soldat un
chevalet une voiture poiu'lc conduire aux bains de Bourbonne,
avec adresse au bas du dit passeport où les dites voitures
devaient lui être fournies ainsi qu'en ce lieu, sans quoi il
parait impossible que le dit soldat y eut pu arriver; son passe-
poit est daté du 3 may 1714.
« Ce soldat, après avoir pris un bain seulement, a3'anl appris
qu'il y avait près de ce lieu une Notre-Dame qui faisait des
miracles, ce soldat ayant toujours eu une très grande dévotion
à la très Sam te- Vierge, sortit de son logis, passa auprès d'un
de ses camarades aussi malade que lui et lui témoigna avoir la
volonté d'aller à la chapelle du prieuré y prier devant l'image
de la Vierge. Son camarade se moquait de lui, disant que ce
ne serait pas ce jour-là qu'il y arriverait à cause de sa grande
incommodité. Il n'y a qu'un quart de lieue " . Sur quoi il répon-
dit que quand il devrait mourir en chemin, il irait faire sa
prière en celte chapelle.
« Ilconlinua son chemin cty arriva avec peine. Ayant fait sa
1. Conslaïuc Guillot iiil pri<Mii- <lf! Bourijoniic en 1720.
2. Ici il y a oxafrérnlioii, la ilislancc est h poiiio dt- 200 inMi'os dcpui
lliOliilal.
1)8 BOURBONNE AUTREFOIS
prière, il sentit de grandes douleurs ; après quoi sentant lout-
à-coup ses forces revenir et ses jambes se forliiier, il aban-
donna les béquilles, les laissa à la chapelle et s'en revint à
pied, sans aucun secours, ce que chacun a regardé comme une
chose extraordinaire et miraculeuse.
0 Une guérisou si prompte, ajoute l'écrivain, ne pouvait
venir des eaux de Bourbonne, on n'a jamais vu un malade
guérir pour une seule fois d'une maladie aussi fâcheuse.
u Le tout arriva le 12 juin au soir, et le 13 au matin il est
retourné à la chapelle avec un petit bâlon pour remercier le
Seigneur et sa sainte mère, où il a assisté à la messe qu'il a
fait célébrer.
« Au milieu de la messe, le soldat souffrait encore de grandes
douleurs, qui lui ont causé même une espèce de faiblesse, et
un moment après il a déclaré se sentir entièrement guéri, et
est retourné de suite chez son hôte sans secours étranger.
« Cela est arrivé eu présence d'une infinité de personnes de
toutes conditions qui ont assisté à cette messe, qui ont veu ses
incommodités auparavant et sa guérisou subite. Ce qui a fait
croire à tous qu'il y a là du miracle.
« J'atteste la chose telle, moi prêtre chapelain que dessus. »
Nous croyons devoir ajouter à ce récit la déclaration sui-
vante, faite par M. le doyen actuel de la paroisse.
« Je soussigné ayant exercé les fonctions de vicaire à Bour-
bonne, du 14 juin 1851 au 5 avril 18;Jo, atteste que la statue
miraculeuse de N. D. du Prieuré, conservée à l'église parois-
siale, était alors en grande vénération, et toujours considérée
comme miraculeuse. C'est à elle que la piété aimait à s'adres-
ser dans les calamités publiques. Je n'oublierai jamais l'ex-
plosion de larmes, de cris de joie et de confiance que produisit
la vue de cette statue, portée en procession et déposée sur un
reposoir dressé dans la rue de Gray , pendant le choléra de 1 854 ,
à l'endroit le plus éprouvé de la ville par le fléau.
Nommé curé de Bourbonne, le l*'' octobre 1876. j'ai retrouvé
cette statue entourée des mêmes hommages de vénération, de
piété et de confiance.
Signé : F. Raschox, chan. bon.
Curé de Bourbonne. »
[A suivre). A. Lacordaire.
FOLLE ÉQUIPÉE
— Avicenue en fit rexpérience à Tenderah, reprit l'apothi-
caire, sur la tête d'un sphinx colossal dont les traits disparu-
rent après une seule application, et il ne resta du tout, qu'un
gros ulobe de pierre sans reUef aucun, ainsi qu'il est rapporté
au chapitre : de e/fectu.
— Et parquet moyen pourra-t-on porter ce liquide sur le
point oîi il doit opérer, fit encore le barbier.
— Kh! Tairii, répliqua Etienne Foirol, en lui montrant du
doigt certain instrument de projection en étaiu dont les apothi-
caires faisaient alors un t';ès fréquent usage, avec ceci, tout
simplement. Il vous faudra préparer deux objets de cette sorte
— mettre un pistou de chanvre neuf bien savonné, le tout un
peu dur à la manœuvre et exigeant certain effort; les instru-
ments ainsi disposés, le jet atteindra à plusieurs toises de-
hauteur, ce qui est suffisant.
— Bon! bon ! dit le barbilonsor, demain matin j'y songerai,
et n'ayez crainte, je m'arrangerai pour leur donner une bonne
portée. — Et, ajouta-l-il, n'est-il point de prescription formelle
quant au jour favorable cà uue telle opération.
— Bien entendu, dit l'apothicaire, le choix du jour n'est
point arbitraire, cet article est important. L application doit
être faite au décours de la lune au nionient de son lever et dès
qu'elle projette ses premières clartés. Or, nous sommes à l'é-
poque convenableet, demain, la lune se levant vers huit heures
du soir, il serait bon de procéder à celle œuvre une demi-
heure avant.
— Eh bien! dit le barbier, soyons ici tous demain à sept
heures et à sept heures et demie nous nous mettrons eu
marche.
— Allons! c'est convenu. »
— Maintenant maître, ajouta le barbier, il est une question
qu'il importe de régler dès à présent, quel })rix mettez-voLi? à
vos services, préparations, soins et peines.
— Mon Dieu! dit Etienne Foirol qui semblait avoir prévu
* Voir page 477, tome XIV, de la Revue de Champagne et de lirie.
60 FOLLE ÉQUIPKK
la question, ce u'esl point là une œuvre d'apothicaire, s'il eu
était ainsi, la chose ne pourrait être prisée bien haut, car la
modération des apothicaires est connue, que dis-je, elle est
proverbiale; mais il s'agit ici d'une œuvre d'alchimie qui a
nécessité des recherches, des tâlonnemenls, des opérations pré-
paratoires délicates et nombreuses, et, . .
A ce moment, Etienne Foirol s'interrompit pour élernuer,
après quoi il lira son mouchoir pour accomplir l'acte de pro-
preté complémentaire qui était d'usage.
Le barbier n'augura rien de bon de ce long préambule, non
plus que de cet éternuement intempestif; il se dit avec effroi :
— Si les pris habituels de l'apothicaire sont dépassés, combien
va-t-il donc demander ? — Il en conçut pour sa bourse des
craintes tellement grandes qu'il ne songea point, impardon-
nable oubli, à saluer l'apolliicaire loi'squ'il éternua.
— Dieu vous bénisse! merci ! fit ensuite celui-ci, donnant
ainsi le salut et la réplique habituelle, non sans y mettre une
pointe d'ironie.
— Pardon ! fît le barbier.
— Il n'y a pas de mal— au contraire ! fit l'apothicaire, €t je
disais, ou voulais dire continua-t-il, que j'adopte entièrement
l'opinion de maître Simon Birague, le savant alchimiste de
monseigneur de Bourgogne, lorsqu'il déclare que l'alchimie
enseignant les moyens de faire de l'or ne peut être payée
qu'avec de Tor. Il dit mieux encore, et se montre plus précis
lorsqu'il affirme que nul ue doit préparer et délivrer aucune
œuvre indiquée en la Chrisopée, à moins d"uu aguel d'or au
coin du roy notre sire.
A ces mots, le barbitonsor sursauta.
— Unagneld'or, fit-il avec étonncment, y songez-vous maître?
qui donc pourrait ici, vous donner une pièce si rare, c'est
monnaie de prince qui représente bien des livres tournois,
comme vous le savez.
— Je ne l'ignore pas, mais un aguel n'est point un prix trop
élevé, ni pour moi, qui ai fait bien de la dépense et pris
beaucoup de peine, ni pour vous qui avez dans votre bourse
trois ou quatre de ces pièces qui ne sont point si rares, puisque
uaguères vous me les avez montrées.
Le barbier fil la grimace et essaya d'obtenir queLjue réduc-
tion, mais Eiienue Foirol se montra inllexible.
— Simon Birague ce grand maître, cet homme de bien entre
FOI-LE ÉQUIPÉE 61
tous, dit plus encoro, repril l'apolliicaire, il ajoute que l'agnel
d'or cioit être payé comptaul, de bon gré, sans force ni con-
trainte, elles parties satisfaites, faute do quoi la préparation
peut manquer son effet.
Lors(]ue le barbilonsor fut assuré ([lu; toute insistance nou-
velle serait inutile, il lira sa bourse, y prit une de ces pièces
dont il paraissait ne se séparer qu'à regret et la mit sur la
table.
L'apothicaire la saisit, en examina attentivement l'empreinte
et la pesa afin de s'assurer qu'elle était bien de 60 au marc,
puis il la déclara valable et de bon poids et finalement, linséra
dans son aumônière.
C'est à ce moment que Michel Chantemerle complètement
renseigné sur l'audacieux projet du barbier prit congé d'Alizon,
— Adieu mignonne! et merci lui dit-il en lui serrant afïec-
tueusemenl la main, je n'oublierai jamais que ce soir vous
vous êtes privée de votre repas pour l'offrir à un affamé.
— Taisez-vous donc Michel! Cela n'en vaul pas la peine, ne
faut-il pas s'entr'aider quand on le peut.
— C'est une bonne action dont je garderai le souvenir.
— Bah ! à quoi bon parler de cela, notre main gauche ne
doit-elle pas ignorer ce que donne la main droite"?
— Que la charité est douce! dit Alizon lorsque l'organiste
fut parti, pauvre garçon! il n'avait pas mangé depuis hier. —
Que ne suis-je assez riche pour donner, celui-là ne manquerait
de rien.
CHAPITRE X
La folle équipée.
Les conjurés réunis chez l'apothicaire altend;iienl l'heure
favorable et recevaient de lui les dernières instructions.
Tout était prêt. — Ij' infaillible dissolvant était là renfermé
dans un vase de grès hermétiquement bouché; deux de ces
instruments d'artillerie humide décrits par Molière, soigneu-
sement essayés au préalable, reposaient côte à côte sur l'une
des tables de la boutique.
— • Enfin! s'écria le ])arbitonsor sur un ton déclamatoire,
demain au lever du soleil, celle image honteuse, 'produit de la
méchanceté des hommes aura disparu.
02 FOLLK KgUIPÉK
Puis d'uu geste superlie il saisit luu des iustruments et le
plaça sous son bras.
Le fournier s'empara de l'autre.
L'apolhicLiire prit le vase conleiiaut le liquide terrible,
transport qu'il s'était expressément réservé, affirmant qu'un
déiaut de précaution pouvait avoir les plus funestes consé-
quences, car, disait-il, si le vase venait à être brisé par un choc
quelconque, il pouvait se produire une épouvantable déto-
nation.
Le sombre cortège se mil eu marche.
Pour déjouer leur tentative, l'organiste avait tout simple-
ment prié le cordonnier de l'accompagner et de suivre ses ins-
tructions. Peu d'instants auparavant ils s'étaient placés à
l'entrée du (^loitre, se dissimulant chacun derrière un des bat-
tants de la porto, après avoir disposé dans la largeur de l'entrée
une forte corde dont ils tenaient chacun une extrémité. — Le
plan était simple. — Au moment où les conjurés seraient sur
le point de franchir la porte du Cloitre, la corde serait tendue
à un pied du sol environ et il n'était pas douteux qu'en raison
de l'obscurité profonde, les trois coupables ne tombassent dans
le piège et ne lissent une chute qui ferait avorter leur projet.
L"oreille tendue, attentifs au moindre bruit, ils entendirent
bientôt les pas des trois complices, bien que ceux-ci gardant
un silence absolu, n'avançant quavec des précautions infinies,
inquiets, craintifs, fissent aussi peu de bruit que possible. —
Arrivés près de la porte du Cloitre, il y eut parmi eux comme
une courte hésitation, puis ils prirent un ipas plus décidé. La
corde se tendit et tous trois, trébuchant dans l'obstacle, tom-
bèrent en avant, comme l'avait prévu l'organiste.
Dans sa chute, Polycarpus Grasmolet avait laissé échapper
l'instrument qu'il portait si vaillamment sous le bras; il en fut
de même du fournier. Cet accident était inévitable, car on sait
que le premier mouvement d'un homme qui tombe est celui de
tendre les mains en avant.
— Misère ! dit le barbitousor en entendant celte arme dan-
gereuse frapper violemment le pavé, elle va être bossuée et ne
pourra plus servir.
L'apothicaire avait eu moins de chance encore, l'élément
essentiel de l'entreprise était perdu. Dans sa chute le pot s'é-
tait brisé et l'horrible liquide, résumé des plus horribles secrets
de l'alchimie, coulait sur le pavé et répandait une odeur nau-
séabonde.
FOLLE ÉQUIl'ÉE C3
— Pourvu qu'il ne se produise pas d'explosion? fit-il eu se
relevant péniblement.
Cache derrière un battant de jtorte, l'organiste gardait le
silence commandé par la circousiance, mais il n'en fut pas de
même de son compaing Chausselaine ([ui, bouche fermée
cependant, riait à se tordre. Le rire contenu a quelquefois d'é-
tranges effets, car bientôt le cordonnier n'y tenant plus, porta
les mains à sou ventre où devait se produire certaine conilagra-
tion et il s'en échappa un biuit crépitant si violent que de
mémoire d'homme le pareil n'avait été entendu.
Le Cloitre tout entier en retentit.
— Ça éclate! exclama Etienne Foirol, l'apothicaire, trem-
blant de mâle peur, nous sommes perdus! — Sauve qui peut!
Et s'étant remis sur leurs pieds, abandonnant tout sur le
terrain, ils firent volte-face et s'enfuirent.
Sons s'être donnés le mot, l'organiste et le cordenuier se
mirent à leur poursuite, non pour les atteindre, mais pour aug-
menter leur panique. Se sentant poursuivis, les trois complices
n'osèrent point rentrer chez l'apothicaire, afin de dépister ceux
qui les poursuivaitnt. Ils comptaient sans doute prendre assez
d'avance et profiter de l'obscurité pour regagner leur domiciles
après quelques détours.
Ce fut une course folle depuis la porte du Cloitre jusqu'au-
delà du pont de Nau. Jehan Machepaiu, qui tenait la tète,
arriva à hauteur de la rue du Change, il comptait pouvoir là
tourner à droite, prendre la place du Marché, la rue des
Cloutiers et celle des Cordcliers et rentrer au Cloitre par cette
voie, mais arrivé au puits au Uhange, il heurta dans sa course la
femraedeRemy Yvouuet, le boulanger, qui se trouvait occupée
là à tirer de l'eau destinée à rafraichir les levains, le choc fut
tel qu'elle lâcha la corde du puits et tomba à la renverse. Le
fouruier trébuchant tomba sur elle; la fenmie cria à l'aide, au
meurtre, au ravisseur; le mari sortant de la maison en toute
hâte, aperçut une ombre devant lui, c'était le barbitonsor arri-
vant second, sans demander d'explications, Uemy Yvounet le
saisit à la gorge, le renversa et lui plongea le plat du dos dans
le sein du ruisseau, puis plaçant ses deux genoux sur lui, le
laboura de coups de poiug ; tous deux criant comme écorchés;
— le geindre, compagnon boulangi.'r de la maison, saisit un
manche de pelle et sortit à son tour pour aller porter secours à
son maître, il aperçut quelqu'un courant, c'était l'apothicaire
arrivant troisième; le geindre fut assez habile pour lui passer
(')-5 l''OI.LK KQUll'KK
le maiiciic de pelle daus les jambes et Elieinie Fuirol s'aJiaUil
comme une masse.
Aux cris poussés par les comballanls, l'oi'.q'anisle et le cor-
(lonni"r convaincus qu'il élail survenu ([uelijue complication
imprévue, avaioul suspendu leur poursuilc et s'étaient prudem-
ment arrêtés vers le pont de Nau sinou pour voir, car on n'y
vo^^ait guère, du moins pour entendre ce qui allait se passer.
Les cris redoublèrent. — Des buveurs encore attablés à lau-
berge des Quatre Fils Aymon et à celle d'en face qui portait
pour enseigne : A l'Escuelle d'Estrdn, sortirent en faisant
grand bruit. — Uuelques-uns avançaient chancelants, avinés,
et sans savoir de quoi il s'agissait, ils criaient, au larron ! au
tire-laine l
— Si ce n'est pas pour ça, dit un des plus avisés, c'est cer-
tainement pour autre chose.
A ce tumulte les marchands de la rue de Marne qui n'étaient
encore couchés, mirent le nez à leurs lucarnes; quelques-uns
descendirent.
Plus haut, c'est-à-dire près de l'église Saint-Germain, des
marchands forains et des gens des environs de la ville, logés à
l'auberge de la Pomme-Rouge, se réunirent et arrivèrent sur
le lieu du tumulle. L'obscurité les empêcha dese reconnaître
et croyant l'un l'autre avoir affaire au parti ennemi ils se jetè-
rent les uns sur les autres et ce fut bientôt une épouvantable
mêlée où chacun frappait à l'envie et était frappé à son tour;
des ciis et des hurlements sans nom s'échappaieat de ce groupe
frénétique.
Des marchands et des bourgeois de la rue du Change, de la
rue de l'Etape, de la rue du Gantelet, accoururent encore à
ces cris d'alarme et bientôt il y eut cinquante, cent, deux
cents personnes et plus, se' frappant avec un acharnement
d'autant plus vif qu'aucune ne savait de quoi il était question,
ainsi que cela arrive dans les émotions populaires.
Un bourgeois de la rue du Change crut à autre chose qu'à
une attaque de tire-laines et de mauvais-garçons, il imagina
que les Anglais — la guerre de Cent-Ans avait commencé —
après avoir échelle les murailles, envahissaient la ville, et il
cria :
— Alerte! Alerte! Sus à l'Anglais !
Ses cris furent entendus par le chef ([uartenier qui gardait
l'hôtel du Saint-Esprit, alors hôtel nuuiicipal. Il assembla ses
FOLLE ÉQUIPÉE 65
hommes à la hâte et envoya prévenir le poste du Marché au
Blé.
Qui envoya prévenir le poste de Cliauteraiue ou Château du
Marché !
Qui envoya prévenir le Cloître!
Qui envoya prévenir le guetteur de Saint-Etienne, lequel se
mit bientôt à frapper la cloche d'alarme à coups redoublés.
Le guetteur de l'abbaye Saint-Pierre entendant la cloche de
la cathédrale se mit à frapper aussi.
Toute la ville fat sur pied!
Les bourgeois équipés à la hâte, longue épée au côté, per-
tuisanne sur l'épaule, casque en tête, se rendaient aux lieux
de réunion indiqués, selon les quartiers, et ils se demandaient
chemin faisant pour quelle cause ils étaient dérangés ce que
personne ne pouvait dire.
Le sire dArzillières, capitaine de la ville était accouru des
premiers, suivi de son escorte de douze archers. Il envoya aux
portes, lit doubler les sentinelles placées de distance en dis-
lance sur les murs ; celles-ci interrogées, déclarèrent avoir fait
bon guet et bonne garde et n'avoir rien remarqué d'insolite à
l'extérieur de la ville. On put constater eu effet à la pâle clarté
de la lune qui se levait dans un lointain nébuleux, qu'à portée
de vue à la ronde, les environs étaient dans le calme le plus
complet et que jamais nuit plus tranquille n'avait enveloppé la
cité châlounaise.
Toutes précautions prises de ce côté, le sire d'Arzillières se
porta sur le lieu du tumulte. Il fit placer une forte escouade
au haut de la grande rue, une autre tournant l'obstacle, car la
rue se trouvait complètement obstruée, vint se placer en
arrière, c'est-à-dire près du pont de Nau et eufm une troisième
garda la rue du Marché, de façon qu'aucun ne put échapper.
Des hommes portant des torches vinrent éclairer la scène.
Un lamentable spectacle s'offrait à la vue. C'était un amas;
un amoncellement de tètes, de bras, de jambes tellement enla-
cés et si confus qu'il était douteux que l'on parvint jamais à le
démêler et que chacun pût y retrouver son bien. — U s'en
échappait des gémissements, des cris étouffés, des appels déses--
pérés, des cris do colère, des vociférations, des jurements, des
imprécations en si grand nombre (jue l'on se fût certainement
cru en présence d'une légion de démons et de damnés plongea
dans l'abime éternel.
66 VOIA.K ÉQUIPÉK
On procéda ;iu déblayement. Les hommes du guel relevèrent
tous CCS gens un à un ot les remirent péniblement sur leurs
pieds. Quelques-uns étaient sanglants et la plupart meurtris,
souilles et les vêtements en lambeaux, ce qui prouvait que la
lutte avait été vive. Des sergents de la prévôté accourus au
bruit, enregistraient les noms. Le plus grand nombre se com-
posait de gens de la ville, marchands, bourgeois et artisans, il
y avait bien quelques forains des environs, venus ce jour-là
pour leurs affaires, mais bien connus, pouvant au besoin
trouver des répondants et honorable caution. En somme tous
gens de bien.
C'était à n'y rien comprendre. — Comment! pas uc larron,
pas un espion, pas un perturbateur du repos public, pas un
homme douteux qui pût être soupçonné, arrêté, emprisonné!
— Aucun non plus qui pût donner quelque renseignement sur
le début de l'affaire, sur les causes de cet émoi? Personne ne
savait rien, ou du moins n'avançait que des suppositions
improbables et auxquelles il était impossible de s'arrêter.
Il faut dire que l'on ne trouva dans le tas aucun de ceux qui
auraient pu parler, c'est-à-dire ni l'apothicaire, ni le barbi-
tonsor, ni le fournier, ni Remy Yvounet, ni sa femme, ni le
mitron et encore moins l'organiste et Pernet Chausselaine, ces
deux derniers s'étaut mis à l'abri et ayant promptement rega-
gné leur domicile lorsqu'ils virent que l'affaire prenait des pro-
portions inattendues.
En ce qui concerne les premiers combattants, voici ce qui
qui s'était passé : lorsqu'ils entendirent certaine rumeur,
d'autres cris poussés, des bruits de pas, ils ne se soucièrent
pas d'être mêlés à une nouvelle bagarre.
La femme du boulanger qui avait eu plus de peur que de mal
se releva et appela son mari ; celui-ci lâcha le barbier, auquel
il avait du reste administré quelques bons horions, notamment
un maître coup de poing sur le visage, revint dans sa bou-
tique; le mitron qui s'était borné à renverser l'apothicaire,
ramassa le manche de pelle dont il s'était servi dans cette
habile opération, rentra également et tous trois désormais à
l'abri, tinrent la maison soigneusement close.
(il suivre). L. Grignon
NÉCROLOGIE
Nous ne pouvons j^as laisser passer inaperçue la mort de M. Louis
de Baudicourt, arrivée le 15 mai dernier, et qui a eu une carrière
volontaire si noblement remplie. Frère d'un honorable conseiller à la
Cour de Paris, il avait pour père un des collectionneurs d'estampes les
plus connus des savants, pour ayoul un ancien maire du V'-'arrondis-
dissement de Paris ; sa mère était Mlle Le Blanc de Closmussey, d'une
ancienne maison de Sainl-Dizier, et lui-même, né en 1815, passa la
plus grande partie de sa jeunesse au château de Marnaval, apparte-
nant aujourd'hui à sa sœur, Mme Becquey. Louis de Baudicourt ne
voulut pas prendre de carrière à la chu^c des Bourbons, se voua
dès lors aux œuvres religieuses et entra des premiers dans l'œuvre des
conférences de Saint-Vincent-de-Paul, dont il fut pendant trente ans
le secrétaire général. Cela ne suffisait pas à son activité, et il se rendit
en Algérie, pour fonder près de Blidah une petite colonie catholique
qui ne fut pas sans une saine influence sur les Arabes du voisinage
II cherchait aussi à établir des Maronites dans notre colonie et ce
projet plut singulièrement à Mgr le duc d'Aumale ; mais 1848 arrêta
cette fondation. Dès lors, M. de Baudicourt se consacre aux Maro-
nites, en donnant une vie nouvelle à l'œuvre de Saint-Louis du Liban;
il en fut encore le secrétaire général, dirigea ses Annales et ne né-
gligea rien pour conserver dans ces pays lointains le respect de la
France.
Nous apprenons avec peine la mort de M. Edouard Fleury — • le
frère de Champfleury — qui fut longtemps rédacteur en chef du
Journal de V Aisne, qu'il ne quitta qu'i-n 1862, pour se livrer à des
travaux littéraires.
M. Ed. Fleury a écrit un très grand nombre de brochures et il
avait entrepris la publication d'un grand ouvrage sur les antiquités et
les monuments du département de l'Aisne, lorsque la mort est venue
surprendre ce travailleur infatigable : quatre volumes ont heureuse-
ment déjà parus et constituent l'un des travaux archéologiques les
plus remarquables île notre temps.
L'exposition qui devait s'ouvrir le 8 i^e ce mois à Laon et qui s'est
trouvée fatalement retardée, sinon irrémédiablement compromise, était
Eon œuvre, et il en surveillait l'oi-ganisation avec ardeur.
Enlevé par une all'ection intestinale, qui avait nécessité une opi'Ta-
tion des plus graves, M. Fleury était entré dans sa 00" année. Il
était chevalier de la Légion-d'llonneur, correspondant du ministère de
l'Instruction publique, oITicier d'Académie et président de la Société
académique de Laon,
BIBLIOGRAPHIE
lie nouveau volume des mémoirea Je la Sociélé acaiiémique de
l'Aube (loiiie 46) est en grande partie formé par le Dictionnaire
paléoelhnologique de l'Aitbe, par M. Ph. Salmon, dont nous
avons récemment parlé avec éloge. Nous citerons ensuil;e : a La lutte
de latin et de français au collège de l'Oratoire de Troyes, » par M.
Carré ; la « Notice sur le prieuré de Sainte-Thuise, » par M. l'abbé
Masson ; Un fragment des « Mémoires inéilits de la vicomtesse de
Loménie, » publié par M. Le Glert, fort curieux pour l'histoire de
Hrienne et de l'Aube avant et pondant la Révolution ; enfin, un excel-
lent travail de M. Bàbeau, « les Correspondants de Grosley. »
>fous signalons avec plaisir une nouvelle Revue qui conquerrera
facilement une bonne place dans le monde lettré. La Revue des
chefs-d'œuvre anciens et modernes, fondée par M. du Parc ', dans le
but de populariser les œuvres remarquables peu connues du public et
répandre davantage les chefs-d'œuvre incontestés. C'est une œuvre
originale et intéressante qui mérite do réussir et nous croyons en la
recommandant fiire à la fois acte de justice et èlre agréable à nos
lecteurs.
i . Paraît par livraisons mensuelles de 200 pages in-S", Paris, 4. rue
tîaulefteuille : dépaitemeuts, 2î francs par an: 12 francs pour six mois
1 francs pour trois hiois.
I
CHRONIQUE
Famille de gruthus de guandham'. — Parmi les familles nobles
de la Champagne qui, dans les siècles derniers, ont habité le Clermon-
tois, on trouve la famille De Gruthus de Grandham.
Les anciens registres de la paroisse d'Auzéville, fournissent sur une
branche de cette noble famille, dos renseignements qui peuvent com-
pléter la généalogie donnée par Caumartin.
I. En 1641, messire Anthoine de Gruthus, écuyer, seigneur de
Grandham, La Malamise, etc., capitaine d'infanterie, fds de François
de Gruthus de Grandham^ et de Anlhoiaettô du Châtelot, vint s'éta-
blir à Ciormont et à Auzéville par son mariage avec damoiselle
Claudine Gervaise (fdle de Jean Gervaise, écuyer, procureur-général
du bailliage de Clermont, seigneur de Froides, Montbiainville et Char-
pentry, et de Jacqueline Thomas), — Mariage célébré le 17 mars
1G41 \
De ce mariage sont nés à Auzéville :
1« Alliaume de Gruthus, baptisé le i5 mars 1658 ;
2" André-Gervaise de Gruthus, baptisé le 23 août 16G0 ;
3" Claudine de Gruthus.
H. André-Gervaise de Gruthus, écuyer, soigneur de Grandham,
Charpentry et Froides, né à Auzéville en 1G58, mort à Auzéville le
23 d(''cembre 1724. — Avait épousé damoiselle Claude-Anlhoinette
de Bournon (fille de Jean-Baptiste de Bournon, écuyer, et de Claude
Le Mosleur, tous deux demeurant à Auzéville).
De ce mariage sont nés à Auzéville les cinq enfanis qui suivent :
l" François de Gruthus, mort très jeune ;
20 Charles-Anthoine de Gruthus, né le 19 mai 1G9I ;
3" Marie-Anne de Gruthus, baptisé le 15 mars 1604;
4" Jean-Bapliste de Gruthus, baptisé le 9 décembre 1G96, dont il
sera question ci-après III ;
1 . Armes : D'argent à l'aigle de gueules à la tête couronnée, becquettée
et membres d'azur, chargée sur restomac d'un écusson d'argent à la face
d'azur.
2. François de Grulhus, seigneur du Cliàlelet, était lui-même lils de
Jean de Grultius et de Bonne de Toully et petit-lils de Godefroy de Gru-
thus et de Françoise de Ligny.
3. Anthoine de Gruthus mourut à Auzéville le H juin 1693, et lut inluim,^
dans l'égli.se. — 11 habitait la vieille maison seigneuriale de Jean Gervaise,
Son b;au-père. — Cette maison, avec son vieux colombier, existe encore
aujourd'hui et appartient à M. Baudot, rentier à Auzéville.
7U CHRONIQUE
5" Frixn(;ois de Gruthus, né en 1700.
UI. Jean-Haptiste rfe Gruthus de Grandham, écuyer, soigneur de
Gramlliam, Cliarpentry et Froidos, n6 en l(j )(), mort avant 1703, —
était prûvùt de Clermont en 1732-1737. — li avait épousé damoisello
Claude de Chastel ', dont il eut entre autres enfants :
1° Marie-Jeanno de Gruthus de Grandham, morte jeune à Cler-
mont, le 26 juin 1735 ;
2" Louise-Claude Gruthus de Grandham, née à Clermont. Elle fut
mariée en 1758 à messire Francois-Joachini Beaudouin de Gaule,
écuyer, demeurant à Chùlons en Chamiiagne -.
La maison et la ferme que la maison de Gruthus de Grandham
possédait à Auzéville, furent vendues le 28 mai 17G3 à M. Jean-
Baptiste Labrosse. — Elles étaient alors la propriété, pour une
moitié, à Mme veuve de Gruthus de Grandham, demeurant à Froidos,
et jiour l'autre moitié à M. Beaudouin de Gaule et Bonne-Louise-
Claude de Gruthus, son éjiouse.
J.-B. Cillant
Curé d'Auzéville.
*
* *
Sur les droits prétendus par les habitants du chesne-le-poi-u-
LEux vassaux de l'abbaye de SAINT-REMV ;
Reims, 12 mars 1747.
Diverses alTaires m'ont mis dans l'impossibilité, Monsieur, de vous
envoyer plus loi les éclaircissements que vous m'avez fait l'honneur
de me demander.
M. Godefroy a été mal instruit quand il a dit que les habitans du
Chesne-le-Pouilleux s'esloient acquis le droit d'escorter la Sainte-
Ampoule au sacre de nos Rois, parce qu'ils l'avoient recouvrée sur les
Anglais du temps de Charles VIL On voit par un procès-verbal, qui
est au Cartulaire de la ville de Reims, qu'au sacre du roi Jean et de
Jeanne de Boulogne, sa seconde femme, célébré à Reims, le 2(5 sep-
tembre 1350, vingt arbalétriers du Chesno escortèrent de l'église de
Saint-Remy en celle de Notre-Dame, la Sainte-Ampoule portée sous un
dais dont les quatre bâtons estoient tenus par le chastelain de Bar,
par Ogier d'Unchair, baron de Terrier, par Jacquemin, baron de
Villers, autrement dit le chevalier de Bellestre, et par le représentant
du baron d'Autry.
Les haliilanls du Chesnc-le-Pouilleux sont les principaux vassaux
4. Claude de Chastel était probablement la fille de Nicolas de Chast.l,
écuj'cr, avocat au Purlemcut, prévôt de Clermont [Mil-il^]) et seigneur
de Lu Grangc-le-Comte.
5. La Revue de Champagne et de Urie dans sa livraison de juin 18S2,
page 462, a parlé de ce mariage.
CHRONIQUE 7 1
de r.ibbaye de Saint-Remy et c'est sans doute en celle (|iiali(i' qu'ils
sont mandés pour escorter la Sainte-Ampoule.
M. GodelVoy n'est pas mieux renseigné des droits des habilans sur
la haquenée de l'abbé ou plutôt du grand-prieur. Ils n'ont pu jamais
justifier leurs prétentions par aucun litre et par tous les procès-
verbaux qui sont au Cartulaire de Reims et à l'abbaye de Saint-Remy,
cette haquenée ne leur a jamais été cédée qu'au sacre de Louis XIII
en IGIO : ce ne fut pas sans coup férir, Les moines s'escrimèrent,
longtemjis de la croix avec autant de bravoure i|ue Jean des Enlo-
meures -, ils n'eurent pas le même succès : les vassaux furent les plus
forts, et ils prièrent Dom Lépagnol, grand-prieur de Saint-Remy, de
descendre de sa haquenée et de la leur abandonner. Ils ne purent
s'en emparer au sacre de Louis XIV. Enlin, au sacre de Louis XV, il
fut décidé la veille par le roi que la haquenée appartenoit au grand
prieur de l'abbaye. La preuve est dans le procès-verbal dressé par
les officiers du bailliage de l'abbaye de Reims, le 25 octobre 1722.
Nous devons ces recherches à M. Bidet, lieutenant des eaux et
forêts, et j'espère dans quelques temps vous en envoyer encore de plus
détaillées.
Je me trouverois fort heureux. Monsieur, si vous voulez bien me
procurer souvent l'occasion d'entretenir un commerce qui me sera
toujours infiniment précieux.
J'ai l'honneur, elc. Pouilly.
*
GiiNÉALOGlE ET PAPIERS HlSTOniQUES DE L. LEVESQUE DE LA.
RAVALiÉuE. — Tout uu volumc de la collection de Champagne à la
Bibliothèque nationale (n" 142) est composé de quelques lettres du
savant académicien, de nombreuses lettres à lui adressées sur des
sujets concernant l'histoire de la Champagne, mais dont peu sont
intéressantes, et de notes et documents sur sa famille.
D'après ces notes, pour la plupart écrites de sa main, sa famille est
de l'Aube et remonte à Jean Levesque, écuyer, sieur du fief de Rouil-
leret, pour lequel il fit son hommage en 13G4. En ti79, Pierre, Henri
et Jean Levesque furent convo(iués à l'arrière-ban et au commence-
ment du xvi" siècle, Guiot Levesque, co-seigneur deRouilleret avec ses
cinq frères, épousa Etiennette Perrotey, dame de Vougrey, et forma
la branche de ce nom, tandis que colle de Rouillerot continuait en y
demeurant. Nicolas Levesque, écuyer, sieur de Vougrey, indiqué
comme habitant Rouilleret, éjtousa Mlle Bertrand, de Troyes, laissa :
1. Jean, religieux de l'ordre de Grandinont, dont il écrivit les
annales ;
2. Di'uis, ayeul de racadéiuicien ;
.3. Nicolas, marié à Marguerite Pajot, greffier de la juridiction
cumulaire à Troyes, mort h; 1,3 décembre 1(J!)8 et enterré dans l'église
des Cordeli'-rs. Il fut père di; :
72 CHRONIQUK
l" Nicolas Lovesquo, s'' de Vougrey, chef dos fourrievs du roi, mort
en 1703, marié à Claude Devert, de Troyes, d'où naquit Anne, mariée
à son cousin Levesque et mère de l'académicien et Nicolas, lieutenani
au régiment Colonel-Général (cavalerie), mort au fort de NieuUc eu
1716, laissant de Louise Michelin: 1" Nicolas, s'' de Vougrey, marié
à N, Doniol, d'où Mme Piètre, à Paris ; 2° Claude, garde du corps du
roi ; 3" un autre fils qui se maria à Nevers et eut plusieurs filles ;
4° N. . ., femme do Jean Thiénot, greffier de la prévoté de Troyes.
Pierre-Alexandre Levesque, s"" de la Ravalière, épousa Catherine
Le Roy d'Argenson : né à Troyes en 1097, il mourut en 1702 ; ayant
été reçu en 1753 à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres dans
les mémoires de laquelle il a donné j)lusieurs bons travaux. Il a éga-
lement publié une édition dos Poésies de Thibaut de Champagne
(1743), et donné un assez grand nombre de lettres historiques dans le
Journal des Savants et ailleurs. Travailleur infatigable, ses notes
remplissent plusieurs volumes de la Collection de Champagne, hlaBi-
bliolhèque nationale, et sa grosse écriture est facilement reconnaissable.
Le tome 127 renferme toute une histoire du comté de Champagne, par
son père, greffier de l'Election de Troyes, et daté de 1710. Le tome
128, une histoire des mémos comtes écrite par le R. Le Pelletier et
coniée par M. de la Ravallière. Les tomes 130, 131 renferment un
projet d'histoire du comté de Champagne, avec notes nombreuses, enfin
la rédaction complète de ce travail occupe les tomes 132, 133, 134,
135, 136, entièrement de la main de l'auteur, avec titre préparé por-
tant la date de 1752. Il y a joint cette note : « Je présentois ce som-
maire à feu M. le duc d'Orléans qui s'étoit retiré dans la maison de
Sainte-Geneviève, et lui demandois la permission de lui dédier cette
histoire : il en accepta la dédicace ; sa mort qui survint pfu après en
. empocha l'exécution. » I^ tome 139 conliont, toujours de la main de
La Ravallière, des extraits dos cartulaires de Monliéramey, Pontigny,
Langres, etc., et dos tables com])lètes des Feoda Campante, du cartu-
laire de Champagne et de celui dit de la Bibliothèque du roi. Il serait
digne de l'Académie de l'Aube de choisir dans ces papiers ce qui paraî-
trait mériter d'en élre extrait. L'histoire du comté serait certainement
digne d'être publiée.
La Ravallière n'eut qu'une filli\ Anne-Eslhor, en faveur do la no-
blesse de laquelle il obtint, du bailliage do Troyes, une sentence
recognilive du 20 juillet 1759. — Armos: d'azur au lion d'or, armé et
accompagné de gueules, tenant de la patte dextre une épée d'argent
surmontée d'une étoile d'argent, avec une rose d'or, au dessous du
pommeau, en pointe.
*
U.SE I.UTTnE DE M. LÛVÉQrE DE I.S. nAVALlÈRE ' :
A M. Lancoloi, à Nancy.
Puisque vous emploiez. Monsieur, quatorze heures de la journée à
1. Bibliothèque nationale, Coll. de Champagne, vol. 142.
CHRONIQUE 73
travailler, il n'est pas surprenant qu'il ne vous reste point de temps
pour écrire des lettres. Je me plaindrois bien volontiers de votre
silence, ce seroit un soulagement pour moi, mais je suis forcé de me
taire en un si beau sujet de parler.
Si vous étiez encore touché de ce qui se passe ici. je vous conterais
quelque chose des aventures qui font du bruit dans le public. La plus
curieuse regarde M. l'abbé de Seignelay. Vous savez qu'il a vendu au
Roy ses manuscrits. On apprit par hazard à la Bibliothèque qu'il en
avoit encore quelques uns dont il cherchoit à se défaire. Il étoit en
marché à raison de 7 à 8000 livres avec M. Maigret, lequel apporte à
M. l'abbé Sévère le catalogue à examiner, le priant d'y mettre le prix.
M. l'abbé Salier vit ces catalogues et reconnut que c'étoit une suite
des manuscrits que le Roy avoit acheté auparavant. M. le cardinal en
a été instruit et aussitôt il a envoyé à Liniere où étoit M. de Seignelay
une personne chargée des ordres du Roy pour revendiquer ces manus-
crits et les apporter à la Bibliothèque. M. de Seignelay étoit absent de
chez lui, ce qui n'a pas empêché de mettre les ordres du Roy à exé-
cution. Les manuscrits ont été amenés dans trois caisses à la biblio-
thèque du Roy. Le public n'a point manqué de prendre parti dans
celte affaire. M. Tabbé de Seignelay et ses partisans disent qu'il
n'avoit vendu au roy qu'une partie et non la totalité des manuscrits,
suivant le catalogue qu'il a fait. A quoy MM. di la Bibliothèque
répondent, et ont pièces en mains pour le prouver, que M. de Seignelay
vendit, dans le temps, la totalité sans aucune réserve. Il y a toujours
l'argument du catalogue auquel le public s'arrête. L'affaire tombera
comme les autres et lus manuscrits demeureront au Roy, sans qu'on
puisse lui imputer de rien enlever à M. de Seignelay.
M. de Sens et M. de Troyes écrivent d'estoc et de taille, l'un contre
l'autre pour l'affaire du Missel troyen. Le roy cependant, par un arrêt
du 11 juin, s'étoit réservé la connaissance de cette affaire. M. de
Troyes a donné depuis un mandement contre celui du métropolitain.
La querelle n'en demeurera pas là a|)paremment. Ecrivez, messei-
gneurs, ce sont autant de documents pour moy,
Le procès de M. de Richelieu fut plaidé avant-hier ; il y aura encore
trois ou quatre séances avant la lin des plaMoieries. Si M. de Riche-
lieu étoit jugé par ie public, il no gagneroit ])as son procès. On a
répandu contre lui un mémoire anonyuie qui peut servir de suite à
ceux que l'abbé de Morgues écrivoit contre le cardinal, dans lequel
l'écrivain a affecté un contraste sensible du désintéressement de M. le
cardinal de Fleury contre l'avidité démesurée du duc de Richelieu.
Suivant la résolution prise contre les romans, il n'en paraît plus
aucun. Mlle de Lunan avoit présenté au sceau la suite de ses anecdotes
de Philippe Auguste, et l'abbé Prévost celle du doyen de Kilcrine, l'un
et l'autre ont été rejettes. J'ai entendu les plaintes amères de l'aimable
de Luçan. Dieux qui les avez entendues aussi, aurez-vous toujours un
cœur de bronze ?
74 CHRONIQUE
Los curieux de beaux meubles ont de quoy se satisfaire à l'inven-
taire de M. le duc d'Antin, Petit Bourg sera absolument déserté, puis-
qu'on en vend les ameublements.
En vérité. Monsieur, je sens que voilà du bien petit, auquel je
m'arrache pour avoir le plaisir de causer avec vous. Il faut cej)endant
avant de vous quitter que je vous arrête encore par la manche un
instant, et que je vous représente qu'un travail aussi assidu et aussi
excessif que le vostre peut intéresser les lorces du corps. Il vaut
mieux travailler quelques heures de moins par jour (10 heures ne suf-
firoient-elles pas ?) pour estrc en état de servir le roy et le public un
plus grand nombre d'années. Paroles perdues, j'ai tout dit, vous n'en
irez pas moins votre train. L'amour de l'étude est une passion, je vous
l'ai dit plus d'une fois, qui attire, qui emporte le cœur sans mesure,
comme le fait tout autre objet, « auriculum apponis sic te servabit
Apollo. 1)
Je suis, etc.
Le\es(}ue de la Ravalliére.
*
* *
Au moment où les écoles congréganistes de Reims, tenues par les
religieuses, viennent d'être laïcisées, nous croyons intéressant de
publier la note suivante :
En 1677, M. Rolland, chanoine théologal du Chapitre de Reims,
réunit quelques jeunes filles pieuses dans le but de les consacrer à
l'éducation des enfants abandonnés. Il les installa dans la maison que
les Sœurs occupent encore aujourd'liui, rue du Barbùtre.
Trente orphelins pauvres furent confiés à leurs soins ; de là le nom
de maison des orphelins.
Bientôt, sous rins])iration du Vénérable de La Salle, le fondateur
de l'Institut des Frères, les Sœurs se livrèrent à l'instruction des en-
fants du peuple, après avoir rendu les orphelins à riIôpital-Général.
Elles ouvrirent quatre écoles de filles dans les différents quartiers
de Reims et plusieurs autres dans les villages voisins.
En 1G79, la congrégation fut autorisée par des lettres patentes de
Louis XIV.
Les Sœurs continuèrent sans interruption à remplir leur noble mis-
sion, jusqu'en 1792. A celte époque, comme les autres communautés
religieuses, la Congrégation de l'Enfant-Jésus, malgré les services
qu'elle avait rendus pendant près d'un siècle, fut supprimée et ses
biens confisqués furent attribués au domaine national.
Les Religieuses se dispersèrent; cependant, quelques-unes d'entre-
ellca ayant renoncé à porter le costume di; leur ordri-, continuèrent à
tenir leurs classes dans la ville. Celles-ci furent rejointes par leurs
compagnes; aussitôt que le calme fut un peu plus rétabli en France,
elles repriroHt toutes ensemble huirs travaux d'ensignement.
CHRONIQUE 75
Le Conseil de la commune leur vint hienlnt en aide, et, par difTé-
rontos délibérations, dont une du Î9 pluviôse an YIII et une autre du
8 mai 180G, il sollicita du Gouvernement le rétablissement de la
communauté.
Par la dernière, il demandait formellement que l'établissement
affecté autrefois au logement des Sœurs et à l'éducation des jeunes
fd les fût rendu à sa première desiination.
Au mois de juin 1808, le Bureau de bienfaisance, qui était devenu
propriétaire de la maison des Orphelins, fut autorisé par le Préfet do
la Marne à la mettre à la disposition des Sœurs. Enfin, le 7juin 1851,
le Bureau de bienfaisance vendit à la Ville 900 mètres du terrain
faisant partie de l'ancienne jiropriété de la Congrégation, p(jur y
établir une école communale.
* *
Il fut créé à Reims, en 1741, une commission dite Chambre Ardente,
pour la répression des contrebandiers. Ses jugements étaient sans
appel. Son fonctionnement souleva une vive irritation et de plus elle
était très mal vue de la Cour des Aides sur laquelle elle empiétait sin-
gulièrement. En 1758, on commença à s'occuper de sa suppression :
des mémoires furent rédigés pour et contre. M. Calleau, commissaire
à Reims, la défendit naturellement avec vivacité, dans un travail
envoyé le 12 juillet 1759 au contrôleur général, mais ce dernier ne se
laissa pas convaincre et il ajouta en marge qu'il y avait lieu de la sup-
primer à cause de sa non utilité et de sa forme de procéder. Ce qui
eut lieu, (Bibl. Nat , coll. Moreau, n" 40.)
3k. *
Prix J. BAROxrE. — Par son testament en date du 25 mais 1875,
M. François-Jules Barotte. décédé à Brachay (Haute-Marne), le 1er
mars 1878, a légué à la Société historique et archéologique de
Langres une somme de cinq mille francs, dont les revenus, capitalisés
d'années en années, doivent servir, lorsqu'ils auront atteint la somme
de mille francs, à décerner un pri.x. de cette somme à l'auteur du
meilleur travail historique ou archéologique sur le département de la
Haute-Marne, qui aura été publié, ou se sera produit pendant ce laps
de temps.
La Société, étant pour la première fois en possession de celte somme
de mille francs, ouvre le concours ainsi institué par M. Barolte.
En conséquence, les auteurs de travau.x historiques ou archéologi-
ques sur le département, qui désireront y jirendre part, sont invités à
faire parvenir leurs ouvrages, édités depuis la mort du fondateur, ou
leurs manuscrits, non encore publiés, francs de port, à M. le secré-
taire de la Société avant le l"" janvier 1884.
Les ouvrages publiés aux frais ou avec lu pai ticipation de la Société
ne pourront prendre part au concours.
76 CHRONIQUE
Les exemplaires imprimés ou manuscrits des ouvrages présentés au
concours resteront déposés aux archives do la Société, qui statuera sur
le résultat du concours dans les trois mois qui suivront.
La Société est autorisée à délivrer lo prix intégralement, ou par
parties, suivant le mérite des travaux j)résentés.
Langres, 4 juin 1883.
Le Secréfaire, Ilonry RnocARD.
* *
BouRCQ, village des Ardennes, possède une église dul xme siècle
dont le chœur l'ut refait au xviio et porte la date de lG90 : quatre
fenêtres en plein cintre éclairent le chœur ; le clocher est une tour
carrée au-dessus du porche d'entrée. On y trouve ces inscriptions :
Chapelle de la Vierge : « Cy pose un noble home mesir Pier Simô
pbre en son vivat dem. Bourque le quelle a fondé II messes el II
vigiles à dires chacun an perpétuellement desquelles lune se dira au
quatres temps de Noël et l'autre se dira au quattre temps de caresme
et pour ce a charge III quartes de prez seàt sur le ban de Savigny
royes pion Chossô et les eritios PoUetes Pychoto, et la part d'une
maison asise audit Bourcq portant contre Pion Symon lequelle tres-
passa le XVII d'ault mil VcXXXl. Priez Dieu pour son âme et pour
tous les trespasses,
0 L'autre porte cette inscription : M, Paul Deherq curé de Bourcq
ma fait faire, 1690.
Près de là est Mars qui possédait le château fort de Monplaisir,
avec chapelle, détruit en 1751. Eglise du xiii" siècle à nef unique :
cl^œur voûté avec chapiteaux à grappes de raisin, fenêtres ogivales,
contrefort. Frajmars d'un vitrail de Saint-Laurent (xvi'^ siècle;.
Varia. — Nous devons à M. Armand Bourgeois, quelques rensei-
gnements intéressants. Dans le tome de l'année 1768, du Journal
politique publié à Bouillon, il a relevé ces trois mentions ;
Marie-Françuiso Pajiparel de Vilry, épouse du vicomte de Saint-
Vallier, mestre-de-camp de cavalerie, est morte de la petite vérole, le
20 avril, dans son château de Vauchams en Brie, âgée de 33 ans.
Dans lo même journal :
T-a princesse de Beauiïremont-Listenois, lillo du prince de BeaulTre-
mont, dame de la Croix-Etoilée, a été reçue dernièrement, avec la
permission du Uoi, Grand'Groix de l'ordre de Malle par le bailly de
Fleury, ambassadeur de la Religion auprès de S. M. Cette dame héri^
tera, ainsi que sa postérité, du droit de nommer à la commanderie de
Saint-Jean Diacelto, en Toscane, droit qui a été transmis à la prin-
cesse de Beaufl'remont, sa mère, comme descendante de la brancha
des ducs d'Atry, qu'elle représente ; celte branche, établie en France,
CHRONIQUE 77
et éteinte dans le siècle dernier, a été fondue dans les maisons d'An-
glure, de Bouiiemont, du Bellay, de Gramont et de Ténarre, lesquelles
ont constamment nommé à la cûmnianderie de Saint-Jean Uiacetto.
Dans le même journal ;
Le sieur Sabathier, professeur au collège de Cliàions-sur-Marne,
eut l'honneur de présenter, le 8 août, au Roi, à Gompiègne, le
4'^ volume de son Dictionnaire pour l'intelligence des auteurs clas-
siques, grecs et latins.
Puis, au sujet de Perrot d'Ablancourt et des intrigues amères diri-
gées contre lui à propos de l'inlidélité de ses traductions, par M. Ame-
lot de la Iloussaye, dans son livre la Morale de Tacite (in-r2. Ams-
terdam, tome m, de la Bib. univ. et liist, l'année 1(386), M. Bourgeois
signale un livre peu connu aujourd hui : M. Perrot d'Ablancouit
vengé ou Amelot de la Houssaye convaincu de ne plus parler fran-
çais et d'expliquer mal le latin (in- [2. Amsterdam, Wolfgang, 1G8G).
On y relève ce passage piquant : « au lieu que M. d'Ablancourt sacri-
fiait le mot au sens, M. de la Houssaye, pour ne pas mettre ses traduc-
tions à fond perdu sacrifie le sens aux mots. » Nous reviendrons un
jour sur ce livre.
*
* *
Le salon de Paius de 1883. — Liïs autistes de notre riîgion,
(Siiile et fin)
Les SeuLi'TEURS
Uri de nos concitoyens, M. Charles Dagohof, expose dans celte sec-
tion un buste d'homme, d'une grande vigueur de touche et qui, je
pense, doit être d'une ressemblance réussie.
Un artiste de Reims, M. Mulotita de Mérat, a envoyé également
deux bustes, l'un en terre cuite, l'autre, celui de Beethoven, le grand
symphoniste, auquel l'artiste a donné un cachet au moins étronge.
Son Beethoven fait une moue pleine de dédain et de mépris. A qui en.
veut-il? .\u public? A la vie? A sa musique? A part cola, l'œuvre ne
manque pas de talent, mais le type pouvait être pris autrement. À si-
gnaler encore un buste d'homme, par Léon Ghavaillaud, de Reims
également.
M. J.-B. Germain, de Fismes, expose un groupe, la Fée semant
des roses sur un nouveau -né endormi dans un berceau. L'cllet en est
gracieux, il le serait davantage si le dessin était mieux observé, entre
autres celui de la jambe gauche dont le galbe affecte une forme dé-
pourvue de souplesse et de charme. M. Gustave Germain, également
de Fismes, a fait un bon buste, portrait d'homme, très vivant et d'un
réel cachet familial.
Les bustes abondent, du reste. M. André Xassoulle, d'L'pernay, a
fait celui d'un monsieur qui ne doit pas ouvrir sa bouche mal à pro-
pos, car il la tient fermée avec une assurance voisine de l'obslination,
et celui d'un petit garçon t intelligemment modelé et très expressif. Kt
enfin M. P. Puteaux, de Sermiers, en a deux également dont l'un,
/8 CHRONIQUE
repri-soiiUint lus tr.uts d'Elioiino M.ircel, prcvùl des marchands, de-
venu siil)itenif'nt à la modo depuis deux ans, gagnerait à être traité
moins froidement.
Parmi les sculpteurs de la llaute-Marnc, je citerai : M. A. Péchiné,
de Langres, avec un Pointer en arrêt do belle posture et d'un ex-
cellent efFet, et avec un médaillon, portrait d'un abbé, qui me paraît
bien réussi ; le médaillon en bronze do M. Edmond Ménestricr, égale-
m'mt de Langres, et ceux de M. Christophe Rougeron, de Récourt,
deux prolils de jeunes filles, dessinés avec grâce et talent.
Pour le département de la Meuse, je trouve M. Léon Bohn, de Bar-
le-Duc, avec un type caraclérisque, le Marabout, buste en terre
cuite d'un très sérieux travail. Le serviteur d'Allah a la bouche grande
ouverte, il appelle sans doute ses coreligionnaires à. la prière. Le
morceau est bon et fait de l'effet. M. Gabriel Sthème, de Verdun, a
fait le buste de notre confrère Paul Foucher, du Natiotial, et M. D.
Fosse, de Nanlilloi?, celui d"un monsieur dont il a essayé de tirer tout
le parti possible. Enfin M. Prosper Lecourtier, de Gremilly, expose
une Chienne en bronze préposée ta la garde d'un éventail et d'un
bracelet, travail très bien venu et apprécié par les connaisseurs.
Ceux de l'Aube ne sont pis moins goûtés. Je mentionnerai d'abord
un groupe considérable, V Amour filial, par Alfred Boucher, de No-
gent -sur Seine : c'est une femme qui apporte le lait de son sein à son
vieux père mourant de faim dans une prison, légende déjà bien res-
sassée; mais l'artiste a su la rendre intéressante encore par la pose
de ses personnages et la valeur réelle de l'ensemble ; ce groupe est
acquis par le ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.
M. Baquet, de Villcnauxe, expose un buste colossal de Danton,
dont les enfants se sauvent, mais que les grandes personnes remar-
quent pour sa touche énergique et la rudesse voulue du dessin et du
modelé.
M. Désiré Briden, de La Chapelle-Saint-Luc, a fait une statue du
baron Taijlor, à demi couché sur son fauteuil, et examinant attenti-
vement la statuette de la Muse de l'Histoire. C'est d'un bel effet et
d'une grande harmonie de lignes; — Mlle Mathilde Thomas, de
Troyes, a deux envois, une statue. En vedette, représentant un ca-
valier fouillant l'horizon, la main devant les yeux, très habilement
travaillée, et le buste de Labiche, le spirituel vaudevilliste, qui méri-
tait d'être pétri avec moins de lourdeur.
Mlle Clarisse Puteaux, de Nogent-sur-Seine, a fait et réussi le
profil en médaillon de notre confrère Henri de Lapommeraye, et M.
Eugène Lapayre, de Boulages, a un saint Labre qu'on peut mention-
ner honorablement.
Enfin, c'est au Salon de cette année que M. Suchetet expose le
marbre de sa Biblis, qui, vous le savez, obtint le prix du Salon, il y
a deux ans. Je l'aimais mieux en plâtre, le marbre donnant à cette
œuvre si soui)le et si gracieuse quelque chose de froid et de sévère
qui en altère l'effet.
CHRONIQUE 79
Les Dessinateurs
Voire concitoyen, M. PierroAmciléo Varin, expose dans ceUe sec-
tion un dessin réussi du Don Pasteur, d'après M. Palton, mais c'est
à la gravure qu'il a son envoi le plus important. Nous le rencontrons
donc plus loin.
Trois dessinateurs de Reims sont à signaler : M. Frédéric Seillière,
avec une aquarelle, une Ruse de modèle^ c'est-à-dire une femme qui,
un instant seule à l'atelier, en profite pour avancer l'heure à la pen-
dule ! Sujet banal, mais assez bien travaillé, représentant un fouillis
d'accessoires d'un heureux elîet.
M. J.-L. Laurain, avec un Souvenir du bal de l'Opéra, soit quel-
ques habits noirs et quelques dominos s'abîmant tous ensemble dans
un empâtement noir de l'effet le plus négatif, et Edmond JDaux, que
je préfère infiniment comme peintre.
Pour le département de la liaule-Marne, il y a M. Alphonse Morlot,
déjà cité à la peinture, avec une aquarelle, une Cour à Mcudon,
d'une rare vigueur de coloris, et très juste d'observation et de relief,
et Mlle Estelle Monnet, do St-Dizier, avec une vue du Clos-Mortier,
site local que l'artiste a dessiné au fusain avec un talent auquel je
m'empresse de rendre hommage.
Deux dessinateurs également pour la Meuse, M. L. Maréchal, de
I3ar-le-Djc, avec un pastel, les Moines défricheurs -. un père supé-
rieur prononce devant des novices l'oraison dominicale, pour consa-
crer leur travail, pastel de grand format, remarquable de dessin et de
coloris, et M. A.. Lalire, de Rouvres, avec la Première Lettre, lue
par une jeune fille sur la terrasse d'un jardin, assez bien composé,
mais d'effet un peu terne.
Les Graveurs.
Les envois de MM. Eugène, Pierre-Adolphe e' Pierre-Amédée Va-
rin sont très remarqués dans cette section. Le premier a gravé VOrage
d'après Coq et a su rendre toute la délicatesse maniérée de ce tableau
de boite à bonbons. Le second a deux portraits au burin d'un fin ca-
chet artistique et le troisième expose la gravure du beau tableau,
Patrie ! de Georges Bertrand, qu'il a détaillé et mis en relief avec un
goût et une vigueur dont l'artiste peintre a lieu d'être satisfait.
Dans cette section, nous retrouvons M. Armand Beauvais avec la
gravure des Noyers des Augis, que j'ai citée plus haut à la peinture,
— M. Lance'ot, de Sézanne, avec le château d'Anet en 1870, très
intéressant motif, Mlle Marcelle Lancelot, avec une bonne élude
d'après Janson et M. Germain, de Fismes, avec un cadre de six gra-
vures bien choisies, mais un peu froides d'aspect.
Les AugiiitecTes.
Votre département est très bien représenté à la section d'archilec-
80 CHRONIQUE
ture qui, cette année, est très fournie et remarquable sous tous les
rajjports.
Je citerai l'envoi de M. Henri Chalmandrier, né à Châlons, mais
demeurant à Reims. C'est le relevé d'une grille du XIII'' siècle, qui
appartient à la calhodrale de cette dernière ville. Le travail est fin,
admirablement détaillé, et il rend le chef-d'œuvre du passé avec une
précision irréprochable.
M. Eugène Rouyer, de la Neuville-au Pont, expose, à côté de plu-
sieurs concurrents, un jjrojet do Hcconstntction de la Sorhonne.
C'est d'un grand effet, dans !e genre des superbes palais de la Re-
naissance, avec cour et péristyle monumental. On le remarque beau-
coup.
M. Albert Tissandier, d'Anglure, a pris le Portail de la façade sud
de Notre-Dame de Paris, tombant dans l'axe de la rue Pavée, et rien
de plus pittoresquement curieux que cette échappée d'art ancien dans
le cadre de nos constructions mod-îrnes.
Enfin M. Lucien Etienne a dessiné en couleur le Pavillon des Forêts
à l'Exposition universelle de 1878, ce joli chef-d'œuvre en bois ouvré
que vous avez admiré comme moi et que M. Etienne a rendu avec un
goût exquis et une pleine réussite. » A. G.
{Journal de la Marne).
Nous avons à ajouter aux peintres champenois qui ont pris part aU
Salon de 1883 que nous avons publié dans notre livraison de juin :
M. Léon Lhermitte de Mont-Saint-Père qui, après avoir exposé
l'année dijrnière une toile magistrale, placée depuis par l'Etat au
Musée national du Luxembourg (la Paie des Moissonneurs), expose
cette année un autre tableau également remarqualjle (Scène des Mois-
sonneurs) et une étude extrêmement vigoureuse d'une paysanne filant
au rouet le chanvre de sa récolte.
M. Henri Pille d'Essomes dont l'éloge n'est plus à faire ; et M. Fré-
déric Henriet, de Château-Thierry.
Le Secrétaire Gérant,
LÉON Fkémo.nt
CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
D UN
ANCIEN PRÉFET'
I
Enfance. — Révolution. — Jeunesse, — Mon séjour à Mayence.
Eu Vcappelant les souvenirs de mou enfauce, je sais que, mê-
me pour ma famille, ils ne peuvent avoir qu'un intérêt médio-
cre. Ils sont nécessaires cependant parce que plusieurs faits
caractérisent l'époque de la Terreur. Tout ce que je vais écrire,
d'ailleurs, je l'ai vu ou entendu. Mais avant de commencer, et
sans m'attarder à une plus longue préface, je crois devoir dire
quelques mois de ma famille.
Nos papiers en établissent l'existence, à Langres, dès le
milieu du xiv° siècle. Mon bisaïeul , Claude , épousa en
1713 sa cousine Agnès Le Gros, de Bourboune, dont l'une
des sœurs se maria avec M. Pavée de Provenclières qui occu-
pait une position élevée dans l'administration de la guerre
et jouissait d'une fortune très considérable. Cette situation lui
permit de faire entrer dans la même carrière ses deux neveux
et, grâce à lui, de bonne heure, mon grand oncle, Jean-Baptiste,
et mon grand'père, Claude, furent investis des fonctions de di-
recteur des services militaires, l'un à Landau, l'autre à Belfort,
où mon père est né en 1768 et moi le 8 mars 1787. M. Pavée,
dont une rue de Paris porte le nom, était un homme d'affaires
d'intelligence et d'esprit : il était, de plus, parent dévoué. Son
1 . 11 nous a paru intéressant de recueillir les souvenirs d'un de nos com-
pntrioles qui a exercé de hautes fonctious administratives et dont la carrière,
commencée en 1806, au cabinet du Préfet d'Aix-la-Chapelle, s'est prolongée
jusqu'en 1848. On y trouvera des détails piquants sur les hommes cl sur
les événements pendant celte longue période. Au point de vue de l'étude
des mcjours adminislrutives d'une époque encore si voisine de nous, et cepen-
dant déjà si différente de celle où nous vivons, ces souvenirs auront pour le
lecteur un intérêt réel. Chacun au moins apprendra à connaître plus particu-
lièrement le caractère droit et loyal d'un homme dont les fils sont heureux
de constater lo souvcuir respecté partout où il a passé.
0
82 CINQUANIE ANS DE SOUVENIRS
petit-lils Pavée de Veùdeuvres, est devenu baron sous lEm-
pire et ensuite pair de France après avoir été longtemps (Jéputé
de l'Aube.
Mes premières années furent attlrisléespar des pertes cruel-
les : ma mère enlevép par la variole au mois de septembre i7'Jl ,
et dont lïmage est toujours demeurée présente à mon sou-
venir, malgré mon jeune âge ; elle avait vingt- six ans ; elle
était petite, un peu grasse, mais sa figure était remarquable-
ment jolie et son teint charmant. Six mois après, mon grand-
père était enlevé presque subitement; c'était le tj^pe de l'hom-
me de bien, pieux, bienveillant, intègre, de manières parfai-
tes ; il était excessivement aimé et estimé, et j'ai pu constater,
dans ces dernières années, que sa mémoire n'était pas perdue
à Belfort.
En 1 792, j'habitais à Langres, chez mon grand-père maternel,
Claude-Hyacinthe du Boys, avec lequel je passais chaque an-
née une partie de l'aulomne. Les Prussiens venaient d'entrer
en Champagne d'où la canonnade de Valmy devait promple-
ment les repousser. Et les Langrois effrayés, malgré la dislance,
et croyant à la prochaine irruption des ennemis, eurent f idée
originale, pour tout préparatif de résistance, de faire effacer les
numéros des maisons, persuadés que les Prussiens seraient
dans un extrême embarras pour trouver les demeures qui se-
raient indiquées sur leurs billets de logement. Ils n'eurent heu-
reusement pas à faire l'expérience de l'ingénieuse idée de leurs
fonctionnaires municipaux.
Peu après, mon père se remaria avec M"*^ de Michelet, fille
d'un ancien membre du Conseil souverain d'Alsace, gendre de
M. de Noblal ancien subdélégué de la province et pro-
priétaire du chtàteau de Senevans, où le mariage fut célébré
secrètement dans une cave. Au retour de la belle saison, mou
père alla présenter sa jeune femme à son grand-père ; j'étais
du voyage. Et revenant de Coifïy — où M. du Boys passait la
saison d'été — à Bclforl, nous fûmes arrêtés à Jussey par les
municipaux et ce fut à grand peine que mon père obtint de
ces zélés républicùns la permission de continuer sa roule.
L'attachement de ma famille à la religion et à la monarchie
était notoire; aussi tous ses membres étaient-ils tenus pour sus-
pects. Au mois de septembre 1793, mon père et mes deux oncles
furent arrêtés : ceux-ci obtinrent promptemcnl leur liberté, ou
du moins la tolérance d'aller et venir : mais mon père fut gardé
à vue par un surveillant, à ses frais ; il ne recouvra la hberté
que dix mois plus tard , à la chute de Robespierre.
d'un ancien préfet 83
Toutes les démarches faites à Paris par les mieûs furent inuti-
les, bien qu"ou s'adressât à une personne toute puissante, en
ce triste temps, et qui u'a eu, plus tard, que mon père pour la
secourir.
Je me rappelle ces alternatives d'anxiété et d'espérance
qui agitaient ma famille, suivant la nature des nouvelles qui ar-
rivaient de Paris ; les exclamations suggérées par la lecture du
journal qui apportait chaque matin la liste des victimes livrées
au bourreau ont laissé une impression encore plus vive dans
ma jeune mémoire. Les craintes trop fondées qu'inspiraient à
ma famille la surveillance à laquelle elle était soumise et la
prolongation de la détention de mon père, amenèrent, bien
malgré eux, mes parents à quelc[ues concessions aux folies de
l'époque. Ainsije lis partie du cortège d'enfants, qui marchaient
devant le char de la déesse de la Raison le jour de la proclama-
lion du culte de l'Etre suprême : nous étions vêtus de blanc,
portant suspendue au cou une corbeille remplie de feuilles de
rose, comme pour la procession de la Fête-Dieu, et nous en
lancions de temps en temps des poignées à la déesse.
Après le 9 thermidor, la Convention envoya par toute la
France des délégués chargés de vider les prisons. Le représen-
tant Foussedoire, homme relativement modéré, quoique régi-
cide, débarqua à Belfort (1794), et mon père fui promptement
mandé devant lui. Vers 1 1 heures du soir on me réveilla et
ma belle-mêre m'expliqua à la hâte et le mieux qu'elle put
les diverses pièces composant un jeu d'échecs : elle me recom-
manda de répondre, quand on m'interrogerait, que j'avais reçu
récemment un jeu d'échecs que m'aurait envoyé F'abbé Gazez
comme Jouet. Je fus conduit dans la maison où le représen-
tant était descendu et j'y trouvai mon père, entouré des prin-
cipaux membres de la société populaire. Foussedoire était de
taille ordinaire, maigre et pâle. La large écharpe tricolore qui
entourait son chapeau rond lira mon atlnnliou. Il me prit sur
ses genoux et me demanda avec douceur si un jeu d'échecs
m'avait été donné : je répondis affirmativement, en indiquant
tant bien que mal la forme îles pièces : on me fit sortir, puis
après mon père vint me prendre : il était libre et rentra dans
sa maison en me portant sur ses bras. Voici l'explication de
cet incident : mon père était lié depuis longtemps avec l'abbé
Gazez, jésuite, sur lequel même il avait des vues pour mon
éducation. I^'abbé ayant refusé de prêter le sermeat couslitu-
tionjael, avait dû quitter la France. Retiré à BàJie, il avait
84 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
adressé à mon père une leltre lui auuonçant l'envoi d'un jeu
d'échecs pour mon amusement, cl faisait allusion, au moyeu
de phrases à double sens, aux opérations militaires sur les
Lords du Rhin. Cette lettre tombée entre les mains des Jaco-
bins était plus que suffisante pour motiver l'arrestation de mou
père et l'exposer à être envoyé à Strasbourg ou à Paris d'où
l'on ne revenait pas. Ce simple récit ajoute, ce me semble, un
trait caractéristique de ce triste temps à tous les faits histori-
que que nous en connaissons. C'était en effet une idée bien
digne de celte époque que celle de réveiller pendant la nuit
un enfant de sept ans pour l'appeler en témoignage contre
son père. Je n'accuse ici que le temps, nullement Fous-
sedoire dont les intentions étaient favorables à mon père.
Foussedoire avait à remplir sa mission sur un théâtre bien
plus important que la petite ville de Belfort : celait à Stras-
bourg où les prisons étaient tellement remplies, que sans les
exécutions quotidiennes auxquelles présidait l'impitoyable
Schneider depuis longtemps, il n'y aurait plus eu de place.
Foussedoire, auquel mon père avait plu, apprenant que la
famille de ma belle-mère habitait alors Strasbourg et y occu-
pait une situation considérable, s'adjoignit mon père comme
secrétaire. Singulier hasard ! celui qui la veille encore était
prisonnier et gravement menacé, devenait le lendemain une
puissance par la confiance qu'il avait inspirée ; il concourait,
quelques jours plus tard, à ouvrir, comme il se plaisait à le
dire, les portes des prisons k deux battants, en faisant metlre tous
les détenus en liberté. Peu après, Foussedoire, reconnaissant,
fil nommer mon père commissaiie-général des services adminis-
tratifs de l'armée du PJiin avec rang de général de brigade : il
remplit ces fonctions pendant deux ans et il eut la satisfaction
de remettre partout l'ordre, singulièrement compromis avant
lui, et d'assurer le ravitaillement de l'armée. Le 17 janvier 1795
il écrivait d'Al/ey : « J'ai enfin réussi à faire substituer aux
moyens révoltants des réquisitions ceux des achats. L'armée
allait manquer : j'en ai prévenu le Comité de salut public qui
s'est empressé d'envoyer ici Gox avec des ])Ouvoirs illimités
pour moi. Je lui ai soumis mon plan et aujourd'hui j'ai gagné
ma cause. Cette opération m'est d'autant plus agréable que
je puis me flatter d'avoir sauvé l'armée. »
Nous nous installâmes ensuite à Dommartin, près de Toul,
dont mou père avait acheté le château. Tous les ans j'allai à
Coiffy-le-llaut, chez mon grand-père du Boys, homme de bien
d'un ancien préfet 85
et d'esprit, dont J3 conserve un doux souvenir ; sans lui je
n'aurais jamais su^e que c'était que d'être un peu gâté. On
l'appelait « le beau du Boys », et ce n'était pas sans raison. Je
vois encore la grimace qu'il faisait quand on lui rappelait ce
surnom, alors que les années n'en avaient laissé subsister que
le souvenir.
Coiffy est un gros bourg situé à l'extrémité du plateau,
long et assez étroit, d'une côte escarpée qui est un prolonge-
ment des montagnes des Vosges, à quelques kilomètres de
Bourbonne-les-Bains. La position est très pittoresque : un
large vallon suit au nord et au midi le pied de cette espèce de
promontoire et le sépare des hauteurs en partie^boisées qui se
relèvent au-delà, tout en laissant à l'ouest une large échappée
qui permet de distinguer les clochers de Langres. Les flancs de
la côte de Coiffy forment un vignoble assez estimé. Les habi-
tants de Langres étaient en assez grand nombre propriétaires
dans ce bourg et y possédaient des maisons où ils venaient
passer la belle saison. Dans ce village les familles Besancenet,
des Barres, MoreauduBreuil,de8aiut-Germain, Legoux, Bar-
thélémy, Maignien, du Boys, Chauchart, Clergé, Lacordaire
constituaient une société nombreuse : les réunions étaient fré-
quentes et gaies : c'étaient des amis qui se recevaient simple-
ment ; tout le monde s'y traitait de cousin. Cette familiarité
n'allait pas jusqu'au sans-gène : elle se conciliait avec cette po-
litesse, cette bonne éducation dont j'ai vu les derniers repré-
sentants. Il y a encore aujourd'hui beaucoup de personnes
bien élevées assurément, mais elles le sont autrement et ne me
rappellent en rien le type que me représente mon souvenir.
Si la révolution n'avait pas encore détruit les bonnes relations
entre les familles que je viens de citer, les divergences d'opinion
les avaient cependant altérées. Très peu des habitants de Coiffy
approuvaient les errements de la Convention et du Dn^ectoire,
mais beaucoup se faisaient remarquer alors par leur prudence.
Ils n'imitaient pas mon grand-père, qui, malgré les menaces
de la loi, ne craignit jamais de recevoir et même de garder
chez lui les prêtres fugitifs et ne dissimulait pas ses opinions
religieuses et politiques.
Rien de plus difficile que l'éducation d'un jeune honuue,
alors qu'il n'y avait pas d'autre établissements d'instruction que
les lycées dont les professeurs, généralement dépourvus d'ins-
truction, étaient d'une;inoralité déplorable. Mes parents résolu-
rent de me conserver auprès d'eux, (;u me plaçantsous la direo-
86 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
tion d'un jeuue prêtro, nommé Renard, originaire de Damblain,
dont le frère acheta à Bourbonne une habitation occupée encore
aujourd'hui par ses descendants : l'un d'eux a été député sous
le gouvernement de Juillet. L'abbé Renard qui avait été or-
donné par l'évoque constitutionnel de la Haute-Marne, était
rentré dans le giron de l'église, car M. du Boys n'aurait jamais
agréé un prêtre « jureur. » Il avait 27 ans : sa piété, sa mora-
lité, ses bonnes intentions étaient incontestables, mais il ne
suffit pas d'être un homme de bien pour remphr la luission
dont il s'était chargé ; quand il me quitta, au bout de cinq
ans, je savais un peu de latin, très imparfaitement l'orthogra-
phe, passablement l'arithmétique, à peine l'algèbre, mais nul-
lement les mathématiques, malgré mes efforts personnels,
puisque mes parents songeaient à me faire entrer à l'École
Polytechnique, ni l'histoire : quant à la littérature, à peine
savais-je que Racine était un poëte tragique et Molière un
comique.
L'abbé Renard me quitta à l'automne de 1802 pour être
vicaire du curé de Lunéville auquel il succéda plus tard. Pen-
dant près de cinquante ans, il y exerça les fonctions sacerdo-
tale avec une piété, un zèle et un dévouement qui lui conci-
lièrent l'estime universelle. Il a fondé des établissements
utiles et son souvenir durera longtemps. Il est mort
plus qu'octogénaire après avoir reçu la croix de la Légion d'hon-
neur.
Je n'ai pas voulu interrompre ces détails sur mon éducation
afin de ne plus avoir ày revenir. Je vais dire maintenant quel-
ques mots de ce qu'était alors la société d'une petite ville
comme Toul, où nous passions les hivers.
On peut affirmer que, pendant la Terreur, on n'avait respiré
ni vécu en France. Tout changea sous le Directoire et le besoin
d'écarter de douloureux souvenirs, en rentrant dans les condi-
tions ordinaires de la vie sociale, était ressenti par tout le
monde. Dans cette disposition d'esprit, la société française
chercha à s'amuser à tout prix, mais eu subissant l'influence
des mauvais exemples qui partaient d'en haut. On la vit ne
pas s'arrêter au plaisir, mais aller jusqu'à la licence et subs-
tituer à sa politesse proverbiale, cette liberté de manières, de
langage, de coutume, ce sans-gêne dans les relations des deux
sexes qui caractérisèrent si tristement celle période.
A Toul, les réunions étaient fréquentes, surtout chez la
marquise de Maguac qui s'y élait lixée depuis quelques au-
d'un ancien préfet 87
nées avec son mari, ancien officier de cavalerie : elle était fille
de M. de la Framboisière, lieutenant du roi à Vaucouleurs.
J'ai vu peu de femmes plus attrayantes et dont le charme fut
plus persistant : son empire sur tous ceux qui l'approchaient
était irrésistible. Chez elle, les dîners, les bals, les pique-
niques se succédaient sans interruption : une semaine ne se
passait pas sans quelques distractions bruyantes. Sa maison
était le rendez-vous de ceux qui voulaient s'amuser : on y ve-
nait de Nancy et de Bar. Dans cette société, les hommes ne dis-
simulaient pas leur désir de plaire et ils n'avaient pas lieu de se
désespérer. Le langage était leste et même les femmes les
mieux nées ne se privaient pas de souligner leurs récits d'une
expression énergique : l'exhibition de leurs charmes était
complète, grâce à leurs robes au^si étriquées qu'aujourd'hui elle
l'est avec l'ampleur des toilettes. Je remarquai un danseur
infatigable qui est devenu depuis un grave magistrat, M. T.,
toujours vêtu à la dernière mode : culotte de satin noir, bas de
soie blanc, gilet de couleur, assez court pour qu'une bande
delà chemise parût entre les deux vêtements. L'apparition de
ce tissus de fine toile fut trouvée dii meilleur goût et j'ai en-
tendu les dames s'extasier sur cette suprême élégance que à
Paris, adolescent, je trouvais absolument ridicule.
Cette joyeuse existence à quelques pas de la maison pater-
nelle — mes parents avaient un hôtel sur la place Dauphine —
et dont mon père et ma belle-mère prenaient volontiers leur
part, devait naturcllementy exercer son influence. Mes parents
recevaient la même société, mais les fêtes bruyantes y étaient
plus rares et il faut reconnaître que le ton y était meilleur ;
aussi s'y amusait-on beaucoup moins.
Le premier événement important qui me frappa vive-
ment fut la nouvelle de la bataille de Marengo. Le bulletin
de cette grande victoire est le premier que j'ai lu et 1" im-
pression que j'en ai reçu n'est point encore effacée : elle fut
même telle qu'elle me donna subitement le goût de la lecture
et particulièrement la curiosité de l'histoire qui m'a étési utile
dans ma jeunesse et que je suis si heureux d'avoir conservée.
Je n'avais pas encore quatorze ans : mes parents se préoc-
cupaient déjà d'une carrière pour moi Après avoir renoncé à
l'Ecole polytechnique, on me parla de m' engager dans un régi-
ment de cavalerie. J'y répondis en déclarant consentir si on
me promettait un brillant avancement ou une mort glorieuse ;
et la netteté de ma réoonse a clos ma carrière militaire. Un se
88 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
souvint alors des relations intime de la famille de ma belle-
mère avec M. Heiset, qui, à la création des receveurs généraux
avait été nommé à Golmar et dont le fils obtint peu après le
poste important de Mayence, chef-lieu du département de
Mont-Tonnerre. Ce dernier m'agréa volontiers pour travailler
dans ses bureaux.
Mes préparatifs furent promptement faits. Mon père me
donna de longs et affectueux conseils et, le 30 germinal an xi,
je pris place dans la diligence qui devait en deux jours me
conduire d'abord à Strasbourg. J'étais fortement ému, mais le
mouvement changea heureusement le cours de mes idées : je
remarquai un de mes compagnons qui m'adressa la parole avec
bienveillance. C'était un homme d'une trentaine d'années,
bien de sa personne, de bonne façon, causant agréablement et
avec réserve. Il me conta qu'il était émigré et qu'il venait de
rentrer en France dans l'espoir d'épouser une de ses cousines
qu'il aimait. Nous descendîmes à Strasbourg, à l'hôtel du Cor-
beau, où il ne restait plus qu'une chambre à deux lits. Nous
nous y installâmes. Deux jours me séparaient du départ de
la diligence de Landau : je le passai agréablement, grâce aux
nombreux parents et amis de ma famille. Je me souviens
d'une véritable humiliation que j'eus à subir à dîner chez
M. Hermann, maire de la ville. A cette époque en Allemagne
on ne mangeait presque pas de pain ; on m'en donna donc un
morceau gros comme un œuf: il disparut vite : j'en demandai
un second, puis un troisième, tous d'aussi menue dimension :
découragé, je n'osai plus recourir à l'obligeance des domesti-
ques et, faute de pain, je me trouvai dîner fort mal.
Cependant j'avais à peine vu mon compagnon de voyage : il
ne paraissait même pas me rechercher, rentrait tard, et me
regardait avec une attention embarrassée. Je no le vis pas
avant mon départ et en arrivant à Mayence ayant voulu rendre
compte de l'argent que j'avais reçu de M. Charles de Michelet,
frère de ma belle-mère en comptant chez M. Reiset, je m'a-
perçus que cinq des vingt-cinq louis que j'avais serrés dans
mon gousset avaient disparu. Pendant bien des années je n'ai
pas douté que M. P. de P. n'eût abusé de mon imprudence ;
depuis l'idée me vint qu'un auti'e aurait bien pu s'introduire
dans notre chambre, c'est pourquoi je ne désigne pas le nom
de mon compagnon. En 1813 il fut placé dans les douanes en
résidence près de Lunebourg dont j'étais alors sous-préfet : il
se présenta à moi avec une lettre de M. Fortin qui avait épousé
d'un ancien préfet 89
une cousine-germaiue de ma belle -mère et dont je parlerai plus
tard. Je le reconnus parfaitement :je raccueillis, il revint et je
le priai à diner. La pensée d'amener, au dessert, la conversa-
tion sur l'aventure de Strasbourg me traversa l'esprit, mais je
la repoussai, ne pensant pas que je puisse aborder ce sujet du
moment où j'avais admis M. P. cà ma table. Sous la Restaura-
tion je le rencontrai plusieurs fois chez M. Fortin : il était alors
capitaine-adjudant du Palais, décoré de Saint-Louis, de la
Légion-d'honneur et du Lys : son uniforme était neuf, ses
épaulettes brillantes et son aplomb sans mesure.
M. Reiset me reçut avec une grande bienveillance et m'ins-
talla dans ses bureaux. Je copiai des correspondances, je
tenai les registres d'arrivée et j'expédiai les états de comptabi-
lité. Ce travail, joint à l'étude de la langue allemande, absor-
bait presque tout mon temps. On me traitait bien , ainsi qu'on
l'avait promis, comme un membre de la famille : je faisais
souvent la partie d'échecs de M. Reiset ou de son beau-frère
M. Levasseur qui lui servait de caissier. Le premier était mil-
lionnaire et ne laissait aucun repos à son violon ni à mes oreil-
les : son coup d'archet me faisait réellement l'effet d'un cousin
qui voltige sans cesse autour de moi. M'"° Levasseur jouait
du piano médiocrement, mais continuellement, Enfin M'"'-
Martellière, femme d'un inspecteur aux revues et sœur ainée
de M. Reiset, très forte musicienne, venait trop souvent
exercer sur le piano de sa sœur sou infatigable vigueur. J'ai
toujours attribué au temps que j'ai passé dans ce milieu trop
harmonieux, mon peu de goût pour la musique : là, j'en ai été
rassasié pour toute ma vie.
Je tenais les écritures particulières de M. Reiset : je puis
donc constater facilement qu'à cette époque il ne possédait
pas persounellement plus de 30,000 francs. J'ai passé trois
ans et demi avec lui : quoiqu'il fût très intéressé, il a toujours
fait preuve de la plus sci-upuleuse délicatesse, mais cela ne
l'a pas empêché d'amasser une grosse fortune. Trente ans
environ plus tard, il est mort receveur général à Rouen, lais-
sant, dit-on, plus de six millions après en avoir eu davantage.
Il était aussi laborieux, aussi habile en affaires, aussi intelli-
gent qu'il était honnête.
Au mois de septembre qui suivit mon installation je com-
mençais à faire par le bateau de fréquentes courses à Franc-
fort pour y aller changer des louis d'or, bien que ce fût
défendu par la loi ; on bénéficiait ainsi de liO à 00 centimes
90 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
par louis, et M. Reiset m'en remettait ordinairement deux
mille chaque fois. Du reste, malgré les prohibitions, cela était
parfaitement toléré et, souvent, le receveur principal me prit
dans sa voiture pour me faire traverser le pont et m'éviter
tout risque d'une visite indiscrète de ses agents. Un jour que
je revenais, je me trouvais sur le bateau avec trois jeunes étu-
diants de Gottingue ; l'un deux m'adressa la parole en me disant
qu'ils étaient de Mayence, qu'ils venaient passer leurs vacan-
ces dans leur famille, et aussitôt on me demanda si, depuis leur
départ, il ne s'était pas passé quelques petites aventures dans
cette ville. Il y avait alors à Mayence une famille dont le chef
M. de M... avait été conseillé aulique du dernier Electeur et
qui avait épousé une veuve aimable el remarquablement belle ;
très débonnaire, il laissait sa femme donner librement carrière
à ses galanteries dont on n'était plus à calculer le nombre et qui
étaient le sujet de toutes les conveisations. Parmi ses heu-
reux adorateurs avait figuré mou oncle quand il était secré-
taire de la légation de France à Mayence. Je ne me permets
de mentionner son assiduité auprès de madame de M . . .
que parce que lui-même n'en faisait aucunement mystère. A
la question de ces jeunes gens, plus d'une belle mayencaise me
vint à la pensée, mais le nom de madame de M... fut la pre-
mière. Aussi je répondis à mon compagnon de suite que je
savais sans doute plus d'une historiette, mais qu'il y en avait
une dont l'héroïne était plus particulièrement en renom.
Pressé de la nommer, je sentis tout d'un coup que j'allais
peut-être commettre une grave imprudence : je me tus, et je
sus résister aux instances dont je fus littéralement et longue-
ment assaiUi. Bien m'en prit, car au moment de nous séparer
j'appris que ces jeunes étudiants étaient, tous les trois, fils de
M""' de M... Je les ai connus plus tard et fus bien accueilli
par leurs parents.
Au mois de novembre, je perdis à Coiffy ma grande-tante
Gabrielle et mon grand-père du Soys : je ne pus aller leur ren-
dre les derniers devoirs : je les aimais tous les deux et je n'ai
jamais oublié ce qu'ils ont été pour moi.
Ma position chez M. Reiset me fit admettre dans la société
des fonctionnaires et aux réunions habituelles de l'hiver ; on
n'avait pas oublié les qualités sérieuses de mon oncle et j'en
recucilUs le bénéfice par les plus flatteuses relations. Je ren-
contrai à cette époque, à Mayence, trois régicides qui présen-
taient trois types bien divers : Albitte, sous-inspecteur aux
d'un ancien préfet 91
revues, dout l'air mélancolique semblait nettement indiquer
les remords : Duliem, médecin on chef mililaire, dont la figure
jacobine et la rudesse annonçaient un sentiment très opposé ;
enfin Jean Bon-Saint-André, préfet du département, homme
d'esprit, orateur discret, gracieux et ne songeant qu'à se sir
gnaler par un dévouement sans limite à l'Empire dont il devait
bientôt devenir l'un des premiers barons. Il était beau-frère du
sénateur Sers, père de ceux que nous avons vu préfets sous le
gouvernement de Juillet. Ma liaison avec le baron Sers,
préfet de la Gironde, remonte à cette époque ; il était attaché
au cabinet de son oncle.
Il y avait alors, dans les pays conquis, des agents chargés
pour la caisse d'amortissement de la vente des biens de main-
morte, appartenant au clergé ou à l'Etat. A Mayeuce, c'était
un M. Godefroy, honnne âgé, très fin, très rusé môme, et du
commerce le plus agréable. Il remarqua les goûts mélomanes
de M, Reiset, étudia son caractère et se promit d'en tirer parti
au profit de sa fille unique, jeune, peujolie, assez minaudière,
qui jouait du piano et chantait médiocrement. Il la fit venir et
elle fut bien reçue par la sœur de M. Reiset. Celui-ci avait
34 ans et sa conduite était d'une austérité extraordinaire; aussi
à peine eut-il vu la jeune fille habilement stylée par son père,
qu'il en tomba amoureux : la musique fit le reste. Je vois
encore ce couple devant le piano : M. Reiset jouant une parti-
tion, M"' Colette l'accompagnant : tout d'un coup le sentiment
l'emportait : ils s'interrompaient sans s'en apercevoir et chan-
taient pendant quelque temps, devant tout le monde, des pa-
roles qu'on n'entendait pas, mais qu'on devinait facilement. Ce
spectacle était réellement divertissant, car mon chef était petit
et laid , la jeune fille guère mieux ; jamais amoui'eux ne
furent plus épris. Il ne fut plus question que de fixer le jour
de la noce. M. Godefroy pour exciter plus encore la passion de
M, Reiset, emmena brusquement sa fille à Paris, mais celui-
ci se hâta d'aller l'y rejoindre et le mariage eut lieu peu après.
Cet événement amena un notable changement dans mon
existence : à sou retour M. lleiset me prévint que je devais
chercher un logement en ville, désireux de demeurer seul avec
sa femme qu'il adorait de jjIus en plus. On m'en indemnisa en
me confiant le travail de la recette particulière de l'urroiidisse-
ment avec r3oU fr. de traitement. Je crois devoir placer ici
quelques lignes d'une lettre écrite par moi à mon [n'ia pour
lui donner des détails demandés par lui, sur le séjour de Tem-
92 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
pereur à Mayenco (10 mai 1804), d'où il partit pour aller vain
cre à Aubterlilz.
« J'ai vu l'Empereur trois fois : j'ai trouvé comme tout le
monde qu'aucun de ses portraits ne lui ressemblait : il est très
engraissé et promet un long règne. Toutes les autorités cons-
tituées lui ont été présentées et il a fait à chaque chef d'admi-
nistration des questions si singulières et si peu prévues sur sa
partie qu'ils ont tous été fort embarrassés de répondre. Ainsi le
préfet Ta été beaucoup quand l'empereur lui a demandé le
nombre des mines qu'il y a dans le département. Il en existe
en effet, mais le préfet y avait attaché peu d'importance. Puis
il veut qu'on établisse partout des raffineries à sucre, afin de
n'être plus à la discrétion des Anglais. Tous les petits princes
allemands sont venus ici lui présenter leurs hommages : il leur
faisait faire antichambre et, lorsqu'ils avaient trop peu d'im-
portance, il leur refusait audience. L'Impératrice est partie
hier pour Strasbourg et l'Empereur partira demain. Le spec-
tacle français est ce qui m'aie plus frappé. Phèdre, Androma-
que et les Horaces joué par Lafond, etc. C'est à une de ces re-
présentations que j'ai vu l'Electeur palatin, archevêque d'As-
chauffembourh, (ancien électeur de Mayence) assister en
costume ecclésiastique de ville, debout, derrière le fauteuil de
l'Empereur.
c( L'Empereur a fait faire dimanche de grandes manœuvres
aux troupes : elles ont été sous les armes depuis 9 heures du
matin jusqu'à 7 heures du soir. L'Empereur a reçu une foule
de pétitions qui toutes ont été payées de bonnes paroles ; nous
en verrons l'effet. »
Au commencement de 1800, M. Reiset m'attacha à son ca-
binet et me remplaça à la recette particulière. Ce changement,
accompli brusquement et sans me prévenir, me déplut extrême-
ment et je le lis connaître irès nettement à mon père. Je restai
cependant à mon nouveau poste. Au mois de septembre je
revis à Mayence l'Empereur qui quelques jours après écrasait
les Prussiens à léna. L'effet de cet événement fut immense et
quand je me rappelle l'enthousiasme qu'il excita et celui qui
se manifeste de nos jours, je trouve celui-ci bien faible en com-
paraison de ce qu'on ressentait autrefois.
II
Aix-la-Chapelle. — Je suis nommé attaché au ministère de l'intérieur. —
L'Auditorat au Conseil d'Etat.
Mon séjour à Mayence touchait à sa fin. Le 1 4 uov. 1 800 mon
D UN ANCIEN PREFET
9:ï
père me préviiil que le général Alexaudrede Lainelli, préfet de
la Roëre, lu'admcUait dans ses bureaux, faveur que je devais à
M. de Michelel, depuis peu nommé président du tribunal civil
de Coblentz. J'étais satisfait de ce changement qui parut sur-
prendre désagréablement M. Reiset. Le 27 j'étais à Aix-la-
Chapelle où le général m'accueillit avec une extrême bienveil-
lance ; son intérêt affectueux pour moi du reste ne se démen-
tit jamais : ce sont ses excellents conseils qui m'ont amené à
combler les lacunes de mon instruction et par conséquent
c'est à lui que je suis redevable de ce que je puis valoir et de
ma carrière. Je n'ai rencontré personne qui eut l'air plus
digne, plus grand seigneur même, avec une éducation complète
et des manières simples. Il avait alors 47 ans, et quoi-
que plus fatigué que cet âge ne le comporte, il était
encore bien de sa personne. Son esprit était plus judi-
cieux que brillant : sa parole réservée et gracieuse, son carac-
tère bon et loyal inspirait la confiance. Il aimait les jeunes
gens et se plaisait à en avoir autour de lui, à les diriger, à les
protéger et à en faire connue une pépinière administrative :
O'Donnel, La Tourette, Montozon habitaient la préfecture :
Groneau et moi, nous étions eu ville. Cette différence de situa-
tion n'excitait ni jalousie, ni envie, mais au contraire une véri-
table confraternité s'établit entre nous et elle ne s'est jamais
démentie. La nomination de La Tourette à une sous-préfecture
et celle de notre chef à la préfecture de Turin en 1808 nous
ayant séparés, nous nous sommes toujours recherchés avec
empressement, revus avec plaisir et traités comme des amis.
Nous formions un faisceau que la bonté, puis le souvenir de
M. de Lameth a enqDÔché de se rompre, La Tourette a été
préfet comme Croneau. Montozon pair de France sous le
gouvernement de Juillet, O'Donnel, conseiller d'Etat.
Je fus placé au bureau des contributions directes et du ca-
dastre comme sous-chef avec 1200 fr, d'appointements: mon
père y ajoutait 800 fr. par an.
L'accueil de M. de Lameth me procura les meilleures rela-
tions : tous les salons nous étaient ouverts : il n'y avait pas de
bals, pas de fêtes sans nous; les distractions ne m'empêchaient
pas de m'appliquer à mes nouvelles occupations et M. de La-
meth eu témoigna sa satisfaction à mon père dans une longue
lettre où il l'engageait à me pousser vers la carrière des finan-
ces. Un jour même qu'il était seul avec moi, et me félicitait
de mou zèle, il ajouta, avec une bienveillance toute paternelle,
yi CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
qu'il l'ullail, si je voulais me créer sérieusement une carrière,
que je travaillasse à combler les lacunes de mou êducaiion : il
m'indiqua ce ([ue j'avais à faire, les livres que je devais lire : il
finit par nu; dire que pour me laisser le temps d'étudier, il me
dispenserait de m'astreiudre exactement aux heures des bu-
reaux en s'en rapportant à moi de l'emploi de mon temps.
Prorondémont louché de celle sollicitude, je me suis mis ardem-
ment au travail ; je repris le latin, je repassai mes classes, je
relis mon hisloire en dressant un tableau synoptique général.
J'appris à connaître nos auteurs classiques, nos philosophes
du dernier siècle : souvent je restai ainsi à travailler chez moi
jusqu'au milieu de la nuit : pendant 28 mois que je passai à
Aix, je ne me suis pas écarté un jour de la ligne que M. de
Lameth m'avait tracée. Souvent quand nous étions seuls, il
s'informait de ce que je faisais, se rendait compte de mes pro-
grès et in encourageait par les conseils les plus utiles et les
plus affectueux.
J'allai beaucoup alors chez M. Gay, receveur général. Sa
femme, Sophie de la Vallette, après avoir divorcé avec un
M. Lioter dont elle avait eu deux filles, avait été avec M'"'^'' de
Beauharnais, llameliu, Récamier, etc. une des « déesses du Di-
rectoire, » et s'était remariée ensuite avec un savoisieu colossal
nommé Gay, d'une figure agréable, mais aussi épais de corps
que d'esprit, que la belle recette dont il était titulaire mettait
à même de mener grand train l'été à Aix et l'hiver à Paris.
Cette existence était fort goûtée par M"'° Gay : elle s'abandon-
na trop à sa passion pour le luxe, car pendant un séjour que
M""' Bonaparte fit à Aix, sous le Consulat, cette dernière ue vit
pas sans jalousie un pareil faste qui semblait effacer la distance
existant alors entre les deux anciennes amies. M™" Bonaparte
avait accepté cette égalité à la cour de Barras, mais à cette heure
les rôles étaient bien changés et la femme du premier consul
n'oublia jamais la blessure faite à son amour-propre féminin
en cette circonstance. Du reste si M""-' Gay a manqué de tact
dans sa conduite avec Joséphine, le jugement lui fit également
défaut pour la gestion de sa fortune, car ses dépenses empê-
chaient son mari de faire aucune réserve pour l'avenir et les
événements de 1814 trouvèrent ce fastueux méuage dans une
grande gène.
Madame Gay, quand j'arrivai à Aix, avait 35 ans, à ce
qu'elle disait elle-même. Sa physionomie vive et mobile pétil-
lait d'esprit, mais d'un esprit plus mahn que tin. Sa taille était
d'un ancien miÉFET 95
belle, sa figure régulière, sou aii" impérieux, le ton décidé,
la parole prompte , la réponse vive , l'allure un peu
masculine n'aurait pas été goûtée à la cour de Louis XIV. Elle
animait ses salons, mais amusait plus qu'elle n'attirait à elle.
Sa maison était ouverte tous les soirs : la société y était nom-
breuse et de belle humeui. On y jouait au whist, au quinze et
à la bouillotte : à onze heures, quand les personnes sérieuses
s'étaient retirées et ({u'il ae restait plus que les intimes, c'est-
à-dire M. de Lameth et son état-major, dont je faisais partie,
quelques amis venus deParis, comme M. de Pontécoulant; lors
qu'enlin le maître du logis était allé se coucher, alors commen-
çait la seconde, la vraie soirée qui se prolongeait au moins
jusqu'à deux heures et que nous trouvions toujours, grâce à
Fentrain de M'"^ Gay, trop courte, (j'était des anecdotes vive-
ment contées, des chansonnettes, dos petits vers, souvent pas-
sablement gaulois ; puis on mettait les tajjles de jeu l'une au
bout de l'autre pour installer un souper fort simple où chacun
se plaçait à sa guise, mangeant, riant et causant à qui mieux
mieux. Je me rappelle deux couplets composés et chantés par
madame Gay dans ces réunions intimes : si je les cite, ce n'est
certes pas pour les présenter comme modèle^ de style et de
goût, mais pour donner une idée d'une société présidée par une
déesse du Directoire. J'ai parlé plus haut de M. de Montozou :
originaire du midi, il avait l'imaginaLion vive de son pays,
l'accent un peu gascon et il aimait à conter des histoires peu
vraisemblables. Un soir une chanson en cinq ou six couplets
retentit tout à coup dans le salon : en voici deux :
En passant pur l'Estramadure,
Ea franc amateur du gibier,
On avait mis sor la voiture
D'œufs de perdrix uu plein panier.
Mais la chaleur était horrible :
De chacun sortit un petit.
Eh! messieurs, ce n'est pas possible!
C'est Moiilozon ijui me l'a dit!
Une autre fois encore les tables à jeu étaient alignées et le
souper servi. Je pris place au bout; madame Gay se mit à
gauche et un intime de la maison à droite : des regards sym-
pathiques s'échangèrent aussitôt entre mes deux voisins et je
sentis un petit pied effleurer mon pied gauche en môme temps
qu une pareille attaque s'effectuait à ma droite. Je ne fis mine
de m'en apercevoir, mais pendant assez longtemps je répon-
dis à ces tendres pressions : les intéressés ne s'apercevaient
96 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
de rieu, quand au milieu d'un rire général provoqué par je ue
sais quelle saillie, je me levai en retirant ma chaise de façon
à ce qu'ils vissent clairement que j'étais eu tiers dans leur petit
manège. Ils se regardèrent d un air surpris, jetèrent sur moi
un coup d'œil qui n'indiquait aucune mauvaise humeur, et de
fait ils ne m'en gardèrent pas rancune \
Cette vie de plaisir ne m'empêchait pas de travailler et même
de manière à satisfaire pleinement M. de Lameth qui écrivait
le 20 mai 1808 à mon père : « Sa conduite, disait-il en parlant
de moi, est parfaite : il travaille avec assiduité et s'est rendu
assez capable pour être chef dans la partie du service que je
lui ai confiée : il ne voit qu'une bonne compagnie et il a su se
couciHer l'affection et l'estime des personnes les plus recom-
mandables de la ville. »
(A suivre).
] . Je rappellerai un mol de M""' Gay eu réclamant l'indulgence pour
sa verdeur. Revenant de Paris, j'avais été chargé de rapporter un paquet et
une lettre à M"" L... Il paraît que la lettre devait être remiss particulière-
ment à sa destination : je n'y vis pas malice et déposai le tout sans retard
au logis du ménage. Cela occasionna un orage des plus violents : M"" Gay
me tança de la belle façon, en me disant avec un air que je n'ai jamais
oublié : « J'aimerais mieux coucher avec quatre hommes que d'écrire une
lettre ! »
LES TRUDAINB*
Le leudemaiu, eu effet, les frères Trurlaiue et Micault de
Courbetou reçurent l'ordre de comparaître, à leur tour, devant
l'horrible tribunal, comme complices d'une conspiration dmis
les prisons de Saint-Lazare. L'ainé demanda la parole pour
solliciter la grâce de son frère, disant que lui seul devait périr,
ayant seul laissé voir sa haine pour les injustices et les cruautés
qu'on commettait journellement, qu'il s'était démis de sa place
de chef de bataillon lorsqu'il avait vu s'annoncer les horreurs
du 2 septembre et celles qui ont suivi ; tandis que son frère,
qu'une faible santé avait écarté de toute fonction publique, qui
avait vécu paisible et uniquement occupé des arts, ne pouvait
être atteint d'aucune condamnation, puisqu'il n'était arrivé
dans la prison que dix-huit jours après le prétendu complot.
(t Tu n'as pas la parole, lui disent les juges-bourreaux. —
fie n'est pas la parole que je prend;5, dit-il, c'est le cri de la
nature. »
Condamnés sans que leur authenticité ait été régu-
lièrement constatée, ils furent, le soir même, compris dans
une « fournée » de vingt-trois victimes et exécutés à la
Barrière-Renversée '. ■ (Barrière de Vincennes.)
* Voir page 12, tome XV, de la Revue de Champagne et de Brie.
\. Morellet. — Mém. déjà cité. — Didot, nouvelle Biographie générale
t. XXXXV.
Cinquante-sept personnes furent condamnées, eu deux heures, par doux
tribunaux. Le .S thermidor donna au tribunal révolutionnaire une troisième
et dernière fournée de vingt-cinq personnes. Sur ce nombre, les numéros
16 et 2.'J furent seuls acquittés. — Trudaine de Monligny n'avait que
29 ans. son frère 28 ans, M. de Gourbcton 2" ans. (Archives nationales,
W. 433, dossier 971.)
Cette préteniluc Conspiration de Sainl-fMzarc avait été habilement in-
tentée, organisée par d'iril'ùnics agents. C'était un projet d'évasion des pri-
sonniers qui, une lois lii>res, devaient, IjiiMi eiilen(iii, assassiner les membres
du Comité de Salut public. (H. Wallon. — Histoire du Tribunal révolu -
iionuaire, t. V, p. 134.)
Nous tenons <le l'obligeance de M. Alfred Maury, directeur général des
Archives nationales, une copie du jijgt»mcnt du 8 thermidor, en ce qui con-
cerne les frères Trudaine et Micault de Courbeton.
08 LES TRUDAINE
Celait le 8 thermidor. Un jour plus lard, la chute de Robes-
pierre leur eut ouvert les portes de la prison.
Trudaine de Monligny n'avait pas d'enfants ; son frère était
célibataire. Avec eux finit celte aimable famille dont le nom
respecté depuis plusieurs générations, rappelait constamment
le souvenir de la probité sévère, de l'amour du bien, de la jus-
lice, de Tordre et de toutes les vertus.
Dans ses derniers moments, Trudaine de la Sablière avait
composé les vers suivants :
« La fleur laissant tomber sa tète languissante,
Semble dire au zéphir : Pourquoi m'éveilles-tu ?
Zépliir, ta vapeur bienfaisante
Ne rendra point la vie à mon front abattu.
Je languis : le malin à ma tige épuisée
Apporte vainement le tribut de ses fleurs ;
Et les bienfaits de la rosée
Ne ranimeront point l'éclat de mes couleurs.
Il approche, le noir orage ;
Sous l'effort ennemi d'un souffle détesté,
Je verrai périr mon feuillage.
Demain, le voyageur témoin de ma beauté,
De ma beauté sitôt flétrie.
Viendra pour me revoir : ô regrets superflus !
11 viendra, mais dans la prairie
Ses yeux ne me trouveront plus ! '
Comme André Chénier, ce malheureux jeune homme, plein
de talent et d'esprit, regrettait en mourant de n'avoir pas eu
le temps de se rendre utile, de n'avoir rien fait pour la posté-
rité. Il nous a laissé un touchant témoignage de ses regrets ;
avant de marcher au supplice, il avait esquissé sur les murs
de sa prison un arbre jeune encore avec cette devise :
Fruclus malura tulissem ! -
V
Le surlendemain, 10 thermidor, la nouvelle du supplice
arriva comme un coup de foudre dans le canton de Donuemarie.
Aucune condamnation de l'époque n'avait causé autant d'émo-
tion dans le pays.
i . Die. hist. suppl. par Cbaudon et Dclaudine t. XIII, V" Trudaine do
la Sablière. — Michelin. Essais hist. de Seine-et-Marne, V" Montigny-
Lcncoup.
2. L'abbé Morellct — méra. déjà cilé — Michaud, Biographie univers,
t. XXXXVI.
LES TRUDAINE 99
D'après l'ordre du Comité do salul public, les scellés furent
apposés au château de Moutiyuy, Les biens des frères Tru-
daiue furent séquestrés.
Un seizième des biens de Trudaine do Montigny, revenant
à l'Etat, fut adjugé à sa veuve, le 19 pluviôse an V, pour une
somme relativement minime. Un sentiment pénible avait
affecté les bons citoyens, et personne n'eut la pensée de lui
disputer la succession de son malhcuieux époux.
Un partage administratif, fait entre l'Etat et les héritiers,
attribua notamment le surplus du château et des dépendances,
à M"'« Adélaïde- Agnès-Bouvard de Fourqueux , femme
d'Etienne Mayuon d'iuvau ', seule héritière dans la ligne
maternelle de MM. Trudaine, ses neveux. L'autre moitié de la
succession fut partagée eutre les divers membres de la ligne
paternelle, représentée par les familles de Bragelongne, de
Ganclaux, de Bélhune-SuUy, de BayleusdePoyane deBroglie
de Lignerac-Gaylus et de Rougé.
Madame Trudaine ne put résister à tant de douleur, sa santé
eu fut sérieusement ébranlée. Elle habita encore quelques
années le château, puis malade, languissante, elle alla mourir
à Genève, à l'âge de trente-trois ans. Son corps fut ramené à
Moutigny-Lencoup et inhumé dans le chœur de l'église, auprès
de celui de Philibert Trudaine, son beau-père '.
En 1803, eut lieu à Paris, à la requête de M. de Courbetou
jeune, frère de M'"" Trudaine, la vente du mobilier du château
de Montiguy, Sur le catalogue de la bibliothèque dressé par
Bluet, Hbraire, figurait le fameux manuscrit des Historiettes
de Talkment des Réaux ; il y était ainsi désigné sous le nu-
méro 1G77 : « Recueil de pièces intéressantes pour servir à
l'histoire de France^ sous Henri IV et Louis XlII, in- fol.
vol. » Cette désignation était suivie d'une note : « Manuscrit
1 . Elionno Maynon d'Iiivau, seigneur de Serbonnes, Gisy el Villeinano-
che, ConseilIiT d'Etol, Contrôleur Général des Finances, puis Ministre
d'Etat en 17GS. — Armes : d'azur, à trois gerbes de blé d'or.
2. Elle mourut le 11 Hrumaire an XI. — Sa mère, Marie -Françoise
Trudaine, veuve Micault de Gourbeton, décédéo à Paris, lo Sfi janvier IHO-i,
fut, d'après .sa recommandation exjjrcsse, inhumée dans la mémo sépulture,
où reposait aussi sa llllc cadette, Charlotte-Joséphine Micault de (Courbe-
Ion, décédée au châl(;au de Monligny lo '6 l'ruclidor an VI. (Keg. de l'Etat-
civil de Moutigny-Lencoup.)
lUU LES TKUDAINB
sur papier co7itenaut sept cent qualte-vingt-dix-huit pages;
Recueil rempli de faits curieux et peu connus et accompagné
d*une table des matières. »
Ce manuscrit, conservé depuis près d'un siècle dans les
archives de Monliguy, avait été légué, en 1718, par Elisabeth
de Rambouillet de la Sablière, veuve de Gédéon Tallement des
Réaux, à son exécuteur testamentaire, Charles Trudaine,
Conseiller d'Etat, époux de Renée-Madeleine de Rambouillet,
sa petite-nièce \ Il l'ut acquis à vil prix par M. de Châteaugi-
ron qui le publia, trente ans plus tard, avec Faide de
MM. Moumerqué et Taschereau, Paris, 1833-1835, 6 vol.
in-8o -,
La riche et remarquable collection d histoire naturelle et
d'instruments de physique formée par Philibail Trudaine avait
été donnée par M™" Trudaine à l'abbé Sieyès, l'un des amis de
son mari.
Madame dTnvau, décédée en 1811, laissa sa terre de Mon-
tigny à sa fdle adoptive, Elisabeth-Françoise Bouvard de Four-
queux. Cette dernière, fille naturelle de Trudaine de la Sa-
blière et d'une demoiselle de La Luz..., avait épousé le comte
de Balivière, officier supérieur de cavalerie.
En 1822, M'"*^ de Balivière, devenue veuve, vendit celte
terre au comte anglais Georges de Stacpoole, moyennant la
somme de 1,S66,000 francs. (Acte Delacour, notaire à Paris,
du 27 avril 1822).
Après avoir été possédé ensuite par sou fils, Richard-Fitz-
Georges, duc de Stacpoole, le château de Montigny fut vendu
en 1852, à une société de spéculateurs qui le démolirent afin
de tirer profit des matériaux.
Du magnifique château construit par Daniel Trudaine, il ne
reste plus aujourd'hui que les débris d'un pont qui donnait
accès sur la cour d'honneur, les caves et les soubassements
d'un ancien pavillon d'angle \ Seul, le cèdre du Liban, présent
1 . Testamenl du 15 mars 1714. — (Archives de Seine-et-Marne, E. 1,100).
2. Firmiu-Didot. — nouv. biogr. générale, V» Tallement des Réaux,
t. XXXXIV.
3. Nous sommes heureux de témoigner ici toute notre gratitude à Ma-
dame la marquise d'Oyron qui a bien voulu nous adresser cinq raagniliques
vues du l^arc et du Château de Montigny, ancienne résidence de M. le duc
de Stacpoole, son père.
Nous remercions également M. Ch. Millon de Montherlant, auteur du
dessin des armes des Trudaine, que nous reproduisons d'après la gravure
de M. Hotelin.
LES TRUDAIXE 101
de Bernard de Jussieu, se dresse encore majestueusement et
semble avoir survécu à tant de ruines pour rappeler le souve-
nir de ces excellents seigneurs qui, de génération eu génération,
marquèrent leur passage par de nombreux bienfaits.
Le cèdi^ de Montigny l'emporlc de beaucoup sur celui du
Jardin des Plantes de Paris, « son frère jumeau » ; la nature
libérale à son égard, s'est plu à lui assurer la prééiuineuce. Il
est grand, bien fait, imposant; ses rameaux immenses, touffus,
largement étalés par étages borizontaux, lui donnent un aspect
pittoresque et sévère au milieu du cercle de sapins qui l'en-
tourent. Sa circonférence étant de sept mètres quarante centi-
mètres à un mètre du sol, il est certainement en ce genre, le
plus fort exemplaire qui existe en France. Malheureusement il
a perdu une de ses plus belles branches et a beaucoup souf-
fert des rigueurs de l'hiver de 1879. Bien que ses forces vitales
paraissent moins actives, il se couvre encore, chaque année,
de cônes fertiles '.
Ajoutons à la louange des habitants de Moutigny-Lencoup,
qu'ils en ont fait l'acquisition, au moyen d'une souscription,
pour le soustraire au vandalisme de la spéculatior). Cette sous-
cription, qui s'étendit au département de Seine-et-Marne,
produisit 6,002 fr.; la commune devint propriétaire, moyen-
nant 8,002 fr., d'un espace de 1 hectare 64 ares 75 centiares
de terrain, sur lequel le cèdre, et d'autres arbres résineux,
forment une agréable promenade publique '.
1. Voici quelles sont aujourd'hui ses dimensions exactes :
Circonférence au ras de terre 8 mètres 30 cent.
— à 0 m. î)0 c. du sol 7 — 65 —
— à 1 m. — 7 — 40 —
— à2m. — 7 — 90 —
— à 3 m. 20 c. 8 — 9a —
La hauteur totale do l'arbre est de 32 mètres.
Au couronnement de la tige (3 m. 20 du sol), les trois liranches principales
formant la tête, mesurent :
La première, 0 mètres 35 cent, do circonférence.
La deuxième, î* mètres 05 cent. id.
La troisième, 4 mètres 80 cent. iil.
De ces branches partent de nombreux rameaux dont beaucoup ont déjà la
dimension de frros arbres.
Les plus grandes branches horizontales allcignont une louf^ueur do 20
mètres ; le périmètre d(! l'espace couvert est donc de plus do 10 ares. Il
était beaucoup plus considérable avant les dégâts causés au branchage jiar
le terrible hiver de 1878-1879.
2. Acte devant Vallée, notaire à Donnemarie, du 2 mai \8hi.
102 LES TRUDAINE
De uos jours, uu poC'te originaire de Donneinarie, a célébré,
dans ses vers, le cèdre de Montigny et rappelé les souvenirs
historiques se rattachant à ce roi des arbres '.
Des importantes créations industrielles des Trudaine, trois
tuileries occupent encore à Moutigny un petit nombre d'ou-
vriers. Des terres de l'ancien domaine, une partie est restée en
fermes ; la portion divisée, notamment l'enceinte du parc, a pu
venir en aide aux cultivateurs, mai.'? n'a guère profité à la
classe ouvrière qui est demeurée dans un malaise contre lequel
elle essaie d'appeler l'industrie à son secours.
La population de Montigny a conservé le souvenir de ses
anciens bienfaiteurs. En 1824, le Conseil municipal donnait à
M'"'' de Balivière « un témoignage public de gratitude et de
profonde reconnaissance », en décidant qu'il serait placé, aux
frais de la Commune, sur la belle fontaine de la place du Mar-
ché, don de Philibert Trudaine, une plaque de marbre noir
portant cette inscription ' :
A LA FAMILLE TRUDAINE
LES HABITANTS DE MONTIGNY-LENCOUP RECONNAISSANTS
Tour à tour Magistrats, Intendants de Province, Conseillers
d'Etat, Prévôt des Marchands de Paris, Intendants Généraux
3. Hector de Saint-Maur. — Le Dernier Chant, recueil de poésies cou-
ronné par l'Académie-Française, Paris^ in-S". — tes Deux Cédns,
page 69 :
« Je sais dans la vallée un cèdre au front superbe
Si je te loue et chante, ô mon cèdre inconnu.
C'est que dans ton feuillage un grand aigle est venu :
— André Chénier — ce nom de l'ami des Trudaine
Evoque à Monligny sa vision soudaine
— Là sur sa lyre d'or ou ses pipeaux légers
11 a chanté l'Aveugle et les jeunes bergers,
La Nymphe au pied d'argent, la fraîche hamadryade,
Les coteaux d'Erymanthe et le jeune malade.
Là peut-être — qui sait? — sous le rêve plongeur
Il a senti bondir l'ïambe au fouet vengeur
Et futur Archiloquc, en un cœur qui s'elfare
Entendu Némésis lui crier : Saint-Lazare ! »
1 . Ce marbre était en partie brisé, lorqu'en 1877, la Municipalité, dési-
reuse d'assurer l'exécution de la délibération de 1824, vola l'acquisition
d'une plaque de fonte reproduisant, en lettres d'or, la même inscrijjtion.
LES TRUDAINE
103
des Finances, Directeurs du Commerce et des Ponts-et-Cliaus-
sées, les Trudaine rempliront, pendant près d'un siècle, un
rôle vraiment distingué dans les affaires de la France. Habiles
administrateurs, économistes profonds et hardis, ils favorisè-
rent puissament l'Industrie et l'Agriculture ; ennemis des abus,
ils s'appliquèrent, avec une constante énergie, à répartir d'une
manière équitable, entre les diverses classes de la société, les
impôts et autres charges qui pesaient plus particulièrement
sur le peuple des campagnes. Guidés par un sentiment de
sagesse et d'humanité, ils montrèrent toujours, dans la vie
publique comme dans la vie privée, cet esprit droit et juste, ce
caractère ferme et impartial qui dénotent l'homme de mérite
et le grand citoyen ; dévoués à leurs devoirs, aimant avec
simplicité la patrie, ils ont rendu des services et donné des
exemples qui inspirent l'estime, la reconnaissance et une
sorte d'affection.
En esquissant à grands traits la biographie des Trudaine,
nous sommes forcément resté, nous le sentons, au-dessous de
notre tâche. Pour aborder un tel travail, il eut fallu une expé-
rience autre que la nôtre, un véritable talent d'historien. Notre
seul mérite, et nous sommes heureux de l'avouer, c'est d'avoir
exhumé de l'oubli, qui atteint si vite le présent, et à plus
forte raison le passé, les principales circonstances de la vie de
ces hommes utiles, en rappelant leurs titres au souvenir du
pays.
[A suivre). Ernest Choullier.
LES ARCHIVES DES ACTES DE L'ETAT-CIVIL
DE
CHALONS-SUR-MARNK
Paroisse Sainte-Margruerite
ler REGISTRE (1602-1603)
1. Le 16 janvier 1602, b. Jacqueline, 1'. de M. Morillon. P. M.
Charron, Trésorier.
2. Le 9 avril 1603, h. Jean, f. tle M. Jean Le Febure, Recepveur
(les Tailles.
3. Le 8 may 1603, b. Jacquette, f. de Jehan Sébille. P. M. Louys
Parchappe .
4. Le 20 décembre 1603, b. Claude, fille de M. Daniel Pinteville,
Greffier.
5. Le 31 may 1604, b. Claude, fils de Jehan Sébille. P. Claude
Rosnet .
6. Le 7 décembre 1604, b. Charles, f. do M. le Recepveur Le Fe-
bure. Parrains : M. de Plagny et M. Le Charron, Recep-
veurs.
7. Le H janvier 1605, b. Anne, f. de M. Le Truc, Procureur à
Chaalons.
8. Le 18 aoust 1606, b. Louise, f. d'honorable homme François
d'Aoust, Seigneur de CoUus. Parains : Estienne Le Febure,
Esleu, et Geoffroy Gourlier, Maraines : Louise de Bar et
Jeanne d'Aoust.
9. Le 10 décembre 1606, b. Perrette, f. de noble homme Daniel de
Pinteville et de damoiselle Claude Chastillon.
10. Le 2 may 1607, b. Hugues, f. de Simon J-traux et de Jacquette
Vary .
H. Le 14 juin 1608, b. Rlanche, f, de M. Morillon.
12. Le 15 aoust 1610, b. Marguerite, f. de noble homme Jacques
Jolytain et de damoiselle Charlotte des Forges.
13. Le 23 septembre 1610, b. Jacqueline, f. de M. Claude Rosnet
et de Catherine Deschamps.
• Voir page 441, tome XIV, de la Revue de Champagne et de Brie.
LES ARCHIVES DES ACTES DE L'ÉTAT- CIVIL lOô
14. Le 3 janvier IGll, b. Ilicrosme, f. de M. Jacqac'S True, Procu-
reur pour le Roy et do lleleino François.
15. Le 13 février IGll, b. Charles, f. du capitaine Iliérosme, do
nation égyptienne, et de Françoise, sa femme.
IC. Le 9 février 1G12, b. NicoUe, f. de M. Truc, Procureur pour le
Roy et de Heieine François.
17. Le 6 may 1612, h. Marie, f. de M. Hugues Ijallemant et de
Marie Mathé.
18. Le 9 septembre 1012, b. Jacques, f. de noble liommn Jacques
Jolytain et de Charlotte des Forges.
19. Le 3 juin 1613, b. Nicolas, f. de Claude Rosnct et de Catherine
Deschamps.
20. Le 6 aoust iGl'i, b. Marguerite, f. do M. Hugues Lallemant et
de Marie Mathé .
21. Le 25 décembre 1614, b. Marie, f. de Claude Deya et de Marie
Braux.
22. Le 2 aoust 1615, b. Jean, f. de Pierre Le Duc, Seigneur de
Compertrix et de Marie de Bar. P. Monsieur le Baron de
Conflans.
23. Le 5 aoust 1G15, b. Marguerite, f. de Jean I)eu et de Anne
Gargan.
24. Le 24 octobre 1G15, b. Mario, f. de noble homme Jehan de
Morillon. P. Monsieur Thomas Braux, abbé de Moromont. M.
Dame Louyse Le Charron.
25. Le 14 janvier 161G, b. Jehan, f. de Jacques Seneuze et de Marie
Arnoult.
26. Le 15 mars IGIG, b. Holeine, f. de M. Jacques Truc, Procureur
et de Heleine François.
27. Le 25 mars 1616, b. Hugues, f. de Hugues Lallemant et de
Marie Mathé.
28. Le 28 juillet 1616, b. Jehan, f. de Jehan Dcu et d'Anne
Gargam..
29. Le 19 décembre 1616, b. Marguerite, f. de Claude Deya et de
Marie Braux.
30. Le 25 janvier 1G17, b. Marguerite-Charlotte, f. de messire René
Potier, Comte de Tresme, Conseiller du Roy en ses Conseils
d'Etat et privé, Bailly et Gouverneur de Vallois, Capitaine de
la première bande Françoise dos Gardes du corps du Roy,
Vuidame et Lieutenant-Général en Champagne et Gouverne-
ment de Chaalons et de haullo t^t puissante Dame Marguerite
de Luxembourg, sa femme. Parains : les Lieuhînants et gens
du Conseil de ladite ville. Marraine : Dame Marguerite Potier
pour et au nom de Marguerite-Charlotte de Luxembourg.
31. Le G may 1617, i). Thiéry, f. de M. Hugues Lalh-mant et de
Mario Mathé.
106 LES ARCHIVES DES ACTES DE l'ÉTAT-CIVIL
32. Lo 28 septembre 1G17, b. Pierre, f. de noble homme Pierre de
Monchy, Seigneur de la Neufville et de damoiselle Jeanne
Chedel.
33. Le l" octobre 1617, b. Anlhoinelte, f. de noble homme Pierre
le Duc, Seigneur de Compertrix et de damoiselle Marie de
Bar.
34. Le 20 febvrier 1018, b. Aljiin, f. de .lelian Deu et de Anne
Gargam .
35. Le 27 juin 1018, h. Jean, f. de M. Huguos Lallemant et de
Marie Mathé.
3G. Le 10 juillet 1619, b. Elizabclli, f, de Claude Rosnet et de Jac-
quette de Nou.
37. Le 11 mars 1620, b. Jehan, f. de Jehan de Pinteville, Esleu et
de Andriette Lallemant.
38. Le 20 apvril 1620, b. Louys, f. de Jacques Seneuzo et de Mario
Arnould.
39. Le 25 octobre 1620, b. Anne, f. de Louis Guissolteet de Jeanao
Vuary .
40. Le 21 octobre 1621, b. Marie-Madeleine, f. de Pierre Braux,
Seigneur de Saint-Vallery et de damoiselle Marie Hocart.
41. Le 9 novembre 1G21, b. Louyse, f. de Didier Deu et de Margue-
rite Ytam. P. Claude Deya, Seigneur de Germinon. M. Louyse
Ytam .
42. Le 7 fel)vrier 1623, b. Louys, f. de Jehan de Pinteville, Esleu et
de Andriette Lallemant.
43. Le 18 apvril 1623, b. Martin, f. de noble homme Martin Nau,
Seigneur de Clos et de Marie Mauclerc.
44. Le 17 octobre 1623, b. Pierre, f. de Pierre Braux et de damoi-
selle Marie Hocquart.
45. Le 3 apvril 1626, b. Germain, f. de noble homme Germain
Godet, Seigneur d'Escury, Baron d'Elize et de damoiselle Jac-
quette Morillon.
46. Le 7 may 1625, b. Claude, f, de no])le homme Jehan de Pinte-
ville, Esleu et de Andriette Lallemant.
47. Le 27 juillet 1625, b. Louise, f. de noble homme Nicolas Braux,
Seigneur de Saint-Vallery et de damoiselle Mane Hocart.
48. Le 4 mars 1626, b. Claude, J. de M. Pierre Ytam, Advocat pour
le Roy et de Anne Truc.
49. Le 27 juillet 1627, b. Jacques, f. de M. Pierre Ytam, Advocat
pour le Roy et de Anne Truc.
50. Le 14 may 1628, b. Pierre, f. de Jehan de Pinteville, Esleu et
de Andriette Lallemant.
51. Le 8 juillet 1628, b. Pierre, f. de noble homme Germain Resche-
fer et de damoiselle Mario de Paris.
DE CHALONS-SUR-MARNE 107
52. Le 4 septembre 1028. b. Marguerite, f. do noble homme Robert
Jolytain et de dame Marguerite d(>. Bar.
53. Le 7 mars 1629, b. Pierre, f. de noble homme Pierre Braux et
de dame Marie Hocart.
54. Le 10 mars 1020, b. Louyse, f. de M. Pierre Ytam et de Anne
Truc.
55. Le 9 octobre 1029, b. Quentin, f. de Claude Cocquart et de Ni-
colle Lallemant.
56. Le 24 octobre 1029, b. François, f. de Jehan Sébille et de Eliza-
beth Phili]ipe.
57. Le 28 mars 1030, b. Thiery, f. de noble homme Germain Bes-
chefer et de dame Marie de Paris.
58. Le 5 novembre 1630, b. Claude, fils de Pierre de Monchy et de
Jeanne Chedel.
59. Le 9 décembre 1030, b. Marguerite, f. de noble homme Pierre
Braux, Esicu pour le Roy et de Marie Hocquart.
60. Le G juillet 1031, b. Claire, 1". de Pierre Guillaume, Seigneur
Vidame de Chaalons et de Claire Lespaniol.
61. Le 14 octobre 1631, b. Marguerite, f. de noble homme Pierre
Braux et de damoiselle Marguerite Lasnier.
62. Le 10 janvier 1032. b. Elizabelh, f. de noble homme Germain
Beschefer et de damoiselle Marie de Paris.
63. Le 16 may 1033, b. Nicolas, f. de noble homme Pierre Guil-
laume, Seigneur et Vidasme de Chaalons et de damoiselle
Claire Lespagnol.
64. Le 19 septembre 1033, b. Perrette, f. de noble homme Pierre
Braux et de dame Marie Ilocart.
65. Le 20 juin 1034, b. Marie, f. de noble homme Pierre Braux,
Seigneur de la Pagerie et de damoiselle Marguerite Lasnier.
66. Le 30 juin 1634, b. Germain, f. de noble homme Germain Bes-
chefer et de dame Marie Paris.
67. Le 20 octobre 1034, b. Claude, fils de M. Claude Cocquart, Ad-
vocat pour le Roy et de damoiselle Nicole Lallemant. P. Mon-
sieur Antoine le Dieu, Lieutenant au Bailliage de Vertus.
08. Le 13 novembre IG3i, b. Jacques, fils de M. Pierre Beschefer et
de Marie Quillart. P. Jacques Beschefer, Conseiller en la Pré-
vosté de Sainte-Maniîhould. M. Damoiselle Jeanne D'Origny,
sa femme.
69. Le 16 novemljre 1034, 1). Ileleine, f. de M. Pierre ue Monchy
et de Jeanne Chedel.
70. Le 29 mars 1035, b. Mathieu, f. de Jacques Guillaume et de
Perrette Lespagnol.
71. Le 25 octobre 1635, b, Nicolas, f. de Pierre Braux, Seigneur de
la Pagerie et de damoiselle Marguerite Lasnier.
108 LES ARCHIVES DES ACTES DE l'ÉTAT-CIVIL
72. Le 1«"' avril 1636, b. Nicolas, f, de noble homme Germain Bes-
chefer et de damoiselie Marie de Paris.
73. Le 14 avril 1637, b. Jacques, f. de Jacques Braux, Escuyer,
Lieutenant criminel en l'Election de Chaaions et de damoiselie
Perrette de Bar.
74. Le 14 avril 1637, b. Jacques, f. de noble homme Germain Bes-
chefer et de damoiselie Marie de Paris.
75. Le 6 may 1637, b. Charles, f. de noble homme Pierre Beschefer
et de Marie Quillart.
7G. Le 12 may 1637, b. Marie-Madeleine, f. de noble homme Fran-
çois de Bar et de Marie-Magdeleine, sa temme.
77. Le 1"' octobre 1637, b. Anne-Suzanne, fille de noble homme
Claude Lignage, Seigneur de Rosay et de damoiselie Charlotte
de Noël. P. Messire Thomas de Braux, abbé de Morimont. M.
Damoiselie Anne de Poully.
78. Le 6 octobre 1637, b. Jacques, f. de Jacques Guillaume et de
Perrette Lespagnol.
79. Le 16 janvier 1638, b. Pierre-Artus, f. de noble homme Pierre
Guillaume, Vuidasme de Chaaions et de damoiselie Claire Les-
pagnol. P. Noble homme Artus Guillaume, Seigneur de Saint-
Eulien, Trésorier général de France.
80. L3 25 juillet 1638, b. Agnès, f. de .lacques Braux et de damoi-
selie Perrette de Bar.
81. Le 2 juillet 1639, b. Jean, f. de noble homme Jean de Morillon,
Conseiller du Roy au Parlement de Metz et de damoiselie An-
thoinette Rochereau. P. Noble homme Denis de Rochereau
d'Hauteville.
82. Le le'- septembre 1639, b. François, f. de Claude Linage, Sei-
gneur de Rosay et de damoiselie Charlotte Noël.
83. Le 2 octobre 163 9, b. François, fds de noble homme Pierre
Guillaume, Vidasme de Chaaions et de damoiselie Claire Les-
pagnol.
84. Le 19 novembre 1639, b. Thomas, fils de noble homme Germain
Beschefer et de damoiselie Marie do Paris.
85. Le 13 may 1648, b. Jean, f. de Jacques Guillaume et de Per-
rette Lespagnol.
86. Le 6 mars 1641, b. Marie, f. de Germain Beschefer et de demoi-
selle Marie de Parip.
87. Le 9 mars 1642, b. Louis, 1. <le Louis Domballe, Sergent royal
et de Marie Ytam.
88. Le 24 mars 1642, b. Marguerite, f. de Jean Pinteville de la
Motte et de. damoiselie Jeanne Loisson.
89. Le 25 juin 1642, b. Jacques, f. de noble homme René Lagneau,
Recepveur général au Grenier à sel et de damoiselie Marie
Langaut.
DE CHALONS-SUK-MARNE 109
90. Le 19 juillet 1642, I). Nicolas, f. de nolilo homme Germain lics-
chefer et de damoiselle Marie de Paris.
91. Le 5 novembre 1G42, b. Claude, lils de Jacques Guillaume et de
Perrette Lespagnol.
92. Le 8 novembre 1G42, b. Nicolas, f. de noble homme Jacques
Braux et de damoiselle Perrette do Bar.
93. Le I G janvier 1G43, b. Catherine, f. de noble homme Claude
Lignage, Escuyer, Seigneur de Piosay et de damoiselle Fran-
çoise de Neufville.
94. Le 19 janvier 1643, b. Anne, f. de noble homme Pierre Besche-
fer, Conseiller du Roy et de damoiselle Marie Qnillart.
95. Le 18 janvier 1643, b. Cosmc, f. de noble homme Claude
Lignage, Escuyer, Seigneur de Rosay et de deffunte damoiselle
Charlotte de Noël, lequel est né le 6 novembre 1640. P.
Claude de Noël, Seigneur des Conardins.
96. Le 21 janvier 1643, 1). Suzanne, 1". de noble homme Pierre Bes-
chefer et de damoiselle Marie Quillart.
97. Le 20 juillet 1643, b. Jean, f. de noble homme Jean de Pinte-
ville le Jeune, Soigneur de la Motte, et de damoiselle Jeanne
Loisson .
98. Le 23 août 1613, b. Perrette, f. de noble homme Germain Bcs-
chefer et de damoiselle Marie Paris.
99. Le 13 septembre 1643, b. Perrette, f. de Claude Rosnet et de
Claude Ytam . P. Noble homme Jean d'Andresson, Escuyer,
Seigneur de Livry. M. Damoiselle Perrette du Molinet.
100. Le 19 mars 1644, b. Joachim, f. de noble homme Claude Li-
gnage, Escuyer, Seigneur de Rosay et de damoiselle Françoise
de Neufville.
101. Le 21 août 1644, b. Marie, f. de noide homme René Lagneau,
et de damoiselle Marie Langaut.
102. Le 18 septembre 16ii, b. Claude, fils de noble homme Fran-
çois de Bar et de damoiselle Catherine Angenoust.
103. Le 20 octobre 1644, b. Claude, fille do noble homme Jean de
Pinteville le Jeune, Seigneur de la Motte et de damoiselle
Louise Loisson. P. Noblo homme Claude Loisson.
104. Le 3 febvrior 16'i5, 1). Madeleine, fille de noble homme Pierre
Beschefer et de damoiselle Marie Quillart.
105. Le 6 febvrier 1045, b, Claudf, fils diî noble homme C1an<le Li-
gnage, Seigneur de Rosay et de damoiselle Françoise de
Neufville.
106. Le 17 may 1645, It. François, f. de Jacques Guillaume et de
Perrette Lespagnol.
107» Le 24 septembre 1645, 1». Marie-Madeleine, fille df noble
homme Jacques Hraux et de damoisello Perrette de Bar.
110 LES ARCHIVES DES ACTES DE l' ÉTAT-CIVIL
108. Lo 31 octobre 1C45, b. Ilierosme, f. de noble homme Jean de
Pintevillc le Jeune, Seigneur de la Motte ot de damoiselle
Louise Loisson.
100. Le 17 novembre 1G45, b. Françoise, f. de noble homme Ger-
nijin Beschefer et de damoiselle de Paris.
110. Le 7 janvier 1G4G, b. Louis, f. de noble homme François de
Lar et de damoiselle Catherine Angenoux.
111. Le 18 avril 1G46, b. Pierre, fils de Mathurin Lespagnol et de
Malhurin Cabrillon.
112. Le 21 janvier 1G47, b. Louise, f. de noble homme Germain
Beschefer et de damoiselle Marie de Paris.
113. Le 27 janvier 1647, b. Nicolas, f. de noble homme François de
Bar et de damoiselle Catherine Angenoux.
114. Le 4 avril 1G47, b. Louise, f. de noble homme Ciiarles Deu,
Seigneur de Saint-Remy et de damoiselle Louise de Joibert.
P. Jacques de Joibert, Escuyer, Seigneur d'Aulnay-le-
Chastel .
115. Le 21 juillet 1G47, b. Louis, f. de noble homme Jacques Braux
et de dame Perrettc de Bar.
116. Le 3 febvrier 1648, b. Jean, f. de noble homme Philippe Dom-
balle et de damoiselle Philippe Le Moyne.
117. Le 25 mars 1648, b. Gabrielle-Claude, fille de noble homme
Edouard Larcher, Conseiller du Roy en son Grand Conseil de
Paris et de dame Gabrielle de Loubert.
118. Le 7 avril 1648, b, Gilles, f. de Claude Gocquart et de damoi-
selle Nicole Lallemant.
119. Le 7 juin 1648, b. Pierre, f. de noble homme Charles Deu,
Seigneur de Saint-Remy et de damoiselle Louise do Joibert.
120. Le 1'='' décembre 1648, b. Marguerite, f. de noble homme Jac-
ques Braux et de damoiselle Perrelte de Bar.
121. Le 1 1 janvier 1G49, b. François, f. de noble homme François
de Bar et de damoiselle Catherine Angenoux.
122. Le 2 septembre 1G49, b. Anne-Françoise, âgée de trois ans,
f. de Monsieur de Vaubecourt, Gouverneur de Chaalons pour
le Roy et de Charlotte de Vergeur. P. Messire François Pous-
sard. Marquis de
123. Le 19 décembr.'i 1649, b. Estienne, f. de noble homme Fran-
çois Rosnay et de damoiselle Marguerite Le Febure.
124. Le 2 lévrier 1650, b. Marie, fille de noble homme Edouard
Larcher, Seigneur de Pocancy et de dame Gabrielle de Lou-
bert.
125. Le 23 février 1650, b. Claude, f. de noble homme Jean de
Pinteville, Contrôleur au Grenier à sel et de demoiselle Louise
Loisson.
DE CHALONS-SUR-MARNE 111
1Î6. Le 22 jaillct 1650, h. Jacques, f. d'honorable homme Louis do
Bar et de damoisolle Catherine Angenoux.
127. Le 15 septembre 1G50, b. Jean, fds de noble homme Claude de
Pinteville, Conseiller du Roy au siège présidial de Chaalons et
de damoiselle Cécile Le Mire.
128. Le 17 octobre 1G50, b. Gabriele, (ille de Antoine Godet, Escuycr,
Seigneur de Souday et de dame Marie de Goujon. P. llierosme
de Goujon, seigneur de Thuisy.
129. Le 21 novembre 1051, b. Pierre, f. d'honorable homme Fran-
çois de Bar et de damoiselle Catherine Angenoux.
130. Le li janvier 1652, b. Cécile, f. de noble homme Claude de
Pinteville et de damoiselle Cécile, sa femme.
131. Le 12 juin 1G52, b. Henry, f. de Jean de Pinteville, Escuyer,
Seigneur de la Motte et de damoiselle Jeanne Loisson.
132. Le 20 octobre 1G52, b. Hélène, f. do François Rosnet et do
Marguerite Le Febure.
133. Le 30 aoust 1653, b. François de Pinteville, f. de M. de Pinte-
ville et de damoiselle Jeanne Loisson .
134. Le 30 septembre 1653, b. Claude, f. de noble homme M. Louis
de Bar, Seigneur de Vitry-Ia-Ville et de Catherine Angenoux.
135. Le 11 octobre 1653, b. Louis, f. de François Papillon, Seigneur
de Couvrot et de damoiselle Marguerite de Noël.
13G. Le 26 janvier 1654, b. François, f. de noble homme François
Mathé, Seigneur de la Poterie et de Coupéville, et de damoi-
selle lléleine de Nugot. P. Laurent de Nugol, Seigneur de
Saint-Aubin.
137. Le 14 octobre 1654, b. Jeanne, f. de Claude de Pinteville, Es-
cuyer, Seigneur do Montcetz et de damoiselle Cécile de Mirrhe.
P. Pierre de Pinteville, Escuyer, Seigneur de Dommartin.
138. Le 20 novembre 1654, b. Marguerite, f. de noble homme M.
Louis de Bar et de Catherine Angenoux. P. Nicolas de Bar.
M. Damoiselle Angenoux, la grand-mère.
130. Le 31 décembre 1654, b. J*ierre, f. de noble homme Jacquesde
Pinteville et de damoiselle Jeanne Loisson.
140. Le 24 avril 1655, b. Anne, f. de noble homme Jacques Braux
et de damoiselle Perrette de Bar.
141. Le 24 avril 1655, b. Pierre, f. de noble liomme Pierre Ilandel
et de damoiselle Anne Lasson.
142. Le 2'J juin 1655, b. Perrette, f. do François Rosnay et de Mar-
guerite Le Febure.
[A suivre). Gi« D. de K.
LES REGISTRES BÂPTISTAIRES
Louis XV, roy de France, aagé de douze ans, fut très dangereu-
sement malade les premiers jours d'aoust 1721. Sa convalescence
réjouit extraordinairement toute la France'.
M. l'abbé Dubois, minisire des affaires cstrangères, fut nommé
archevesque de Cambray ; il fut ensuite fait cardinal, puis archevesque
de Rlieims' .
Le prince Bracciano, italien, eut dispense du pape Innocent XIII
pour espouser en secondes nopces la sœur de sa première femme ;
chose inouye parmi les catholiques^.
La peste quitte Marseilles et Toulon, et fait des progrès dans le
Gévaudan ' .
* Voir page 37S, tome XlV, de la Revue de Champagne et de Brie.
1. Louis XV tomba mfiUifle le 31 juillet; cinq jours après il entrait en
convalescence.
2. Guillaume Dubois, né à Brives, le (5 septembre 1650, ministre des
affaires étrangères, depuis le 24 septembre 1718, fut nommé à l'archevêché de
Cambray en mars 1720. Il reçut tous les ordres le même jour à une messe
basse en vertu d'un bref ad hoc et d'une permission de l'archevêque de
Rouen ; le 9 juin, le cardinal de Rohaii, assisté de Tressan, évêque de
Nantes, et de Massillon, évêque de Clermout, le sacra au Val-de-Grâce.
Innocent XIII nomma Dubois cardinal dans le Consistoire du 16 juillet 1721.
Quant à l'archevêché de Reims, vacant depuis la mort du cardinal Fran-
çois de Muilly, 13 septembre 1721, le duc d'Orléans l'offrit à Fleury qui le
refusa, et qui, prié par le régent de désigner le titulaire, fit nommer l'abbé
de Guemcnée, Armand-Jules de Rohan, lequel fut sacré le 28 mai 1722.
Fleury reçut en échange l'ubbaye de Saint-Elicnne de Caen qui rapportait
7(»,000 livres.
3. Ballhasar Erba^ duc de Bracciano par héritage de son oncle maternel,
Livio Odescalchi, avait épousé en premières noces, le 7 janvier 1717, Fla-
minie-Marie-Françoise Borghèsc qui mourut en couches le 6 décembre 1718;
le 10 décembre 1721, il se remaria avec sa belle-sœur, Marie-Madeleine
Borghèsc. — Rappelons un cas inverse qui avait eu lieu quelque temps
auparavant : Vingt-six mois après la mort de son premier mari, Edouard
Farnèse, Dorothée-Sophie do Bavière, épousa, le 8 décembre 169."i, son beau-
frère François Farnèse.
4. La peste fut apportée dès 1720 à Marvejols, dans le Gévaudan, par
des marchands venant de Marseille; ses ravages y furent considérables. En
1721, elle se déclara à Avignon, atteignit La Ganourge et Alais.
LES REGISTRES BAPTISTAIKES 113
1 ^SS
Cotte année 1722, Louis XV, roy do France, espousa par procura-
tion l'infante d'Espagne, fille de Philippe V, oncle de Louis XV ' .
A pareille jour. Mademoiselle de Montpcnsier, fille du duc d'Orléans,
régent, espousa le prince des Asturies, son cousin ".
La peste cessa en Provence celte mesme année, et recommença
comme auparavant à Marscilles et à Avignon.
M. le marquis de Dinteville, l'aisné, rerut brevet de capitaine dans
le régiment de la Cornette blanche. M. de Hiigny, son frère, fut
nommé cornette au mesme régiment'' .
Je fus nommé e.xécuteur testamentaire des derniesres volontés de
défunt ISL Crevel, ancien curé de Sylvarouvre, le 31 janvier 1722*.
Au mois de mai 1722, on obligea tous les habilans, sans exception,
d'aller pionner et rétablir les grands chemins; ce qui estoit quelque
chose d'affreux, attendu que les paroisses estoiont pi'esque aban-
données et les pauvres habitans obligés d'emporter de quoi se nourrir,
eux et leurs bestiaux, estant éloignés la plupart, de sept à huit lieues
des travaux publics: ce qui duroil tout l'été.
M. de Dinteville et M. de Bligny entresrent à l'Académie le l^^'
juillet 1722 = .
Cartouche, le plus insigne voleur qui ait jamais j)aru, fust exécuté
à la (îreve à Paris; et pendant le cours de celte année, on ne cessa
de pendre et rompre ceux de sa suite".
1. Piir une des clau.ses du traité de Madrid, l'iulaute, Maric-Anne-Vic-
toire, iille de Philippe V et de sa seconde femme, Elisabeth Farnèse, fut
fiancée à Louis XV, tandis que le prince des Asturies, dom Louis, l'était à
Louise-Elisabeth d'Orléans, dite Mademoiselle de Moutpensicr. Le 9 janvier
1722, on fit l'échange des deux princesses dans l'île des Faisans. L'infante
arriva à Paris le 2 mars; renvoyée en Espagne en 1725, elle quitta Ver-
sailles le 3 avril.
2. Le mariage eut lieu à Lerma, le 20 janvier. M''" de Montpe.nsier devint
veuve en 1724 ; l'année suivante, le roi d'Espagne, ayant été avisé du renvoi
de l'infante, fit reconduire à la frontière la veuve de dom Louis, Elle mourut
au Lux(!rabourg, à Paris, le 16 juin 1742, âgée de 33 ans.
3. Ce sont les deux aînés des enfants alors existant de Guillaume Le
Brun, marquis de Dinteville, et d'Elisabeth Quentin de la Vienne : Bernard
né ei: 170G ou 1707, el Charles, né un an plus tard.
4. Louis Crevel, mort âgé de 77 ans, était déjà curé de Sylvarouvros en
1678.
ij. Nous ignorons de quelle Académie (de province sans doute), il s'agit
ici.
0. IjOuis-Domiui(jue Carlouche fut rompu vif en Grève, le 28 novembre
l721. Notons au sujet de sa bibliographie, un fuit curieux : comme ou
8
I I 4 LES REGISTRES BAPTISTAIRES
Les b-iurgoois de Chauniont, par crainte de la pcsle, cessèrent de
nourrir des vaciies, des ijrebis et auxtres .inimaiix dans ladite ville.
Le Seigneur aflligeu ma paroisse par la chute de la greslc qui fusl
d'une grosseur extraordinaire, telle que jo n'en avois jamais vu de
pareille, et qui perdit absolument tous lus caresmages avec la plus
grande partie des vignes et bleds. Toutes les feneslres de l'église de la
paroisse furent cassées, les oiseaux tués sans compte et les animaux
dont on ne s'aperçut pas.
Le 18 aoust, messieurs Mureschal IVèrus de Langres enlevesrent
mademoiselle Fèvre.
Louis XV fust sacré à Rheims, le 2,") octobre 1722, par Mgr de
llohan, archevesque de Rheims. Mgr l'évesque de Langres n'y assista
pas pour cause de maladie ' .
Louis XV, roy de France, fusl décloié majeur le 10 février 1723
aagé de treizo ans^'.
Le mardi 19 mars 1723, un loup enragé mordit une infinité de per-
sonnes aux environs de Vandœuvre ; il y en eut six dont la peau de
la teste et les cheveux furent entiesrement arrachés et défigurés à
Bligny : ce qui estoit horrible à voir. Une femme morte de la rage,
plus douze autres personnes.
Le vendredi saint 2ij mars, le valet de chambre de M. Maclo,
maistre des eaux et forests, assassina M. .louy, procureur au Parle-
ment de Paris; il fui arrêté et romjm vil à Paris.
11 lit une seicherossc extresme cette année, à commencer le 15 mars
sans qu'il ])arût de la pluie jusqu'au mois de juin; la disette parut
extraordinaire, surtout des foins et menus grains. La pluie ne dura
point et les chaleurs augmcntesrcnt la seicheresse pondant le mois de
juin jusqu'au 20.
demandait de tous côlés le portrait du célèbre voleur, on ne trouva rien de
plus expédilif que de mettre le mot Cartoin he, sous les tètes du dessinateur
Aubert et du bibliophile Le Gallois, qu'on venait de graver et dont la res-
semblance, cependant, était bonne.
Nous lisons dans une lettre de la mère du régent (30 juin 1722J: « on n'en-
tend plus parler que de meurtres et de vols. On a trouvé dans une chapelle,
adicbés sur les murs et jusque sur l'autel, des placards annonçant que, si on ne
cesse de roueretde poudre, le feu sera misauxquatrecoinsde Paris. » En juillet
1722, dit Micbelct, il y avait encore cinq cents complices de Cartouche au
Châtelet.
1 . Armand-Jules de Rohan. dont il a é'é question dans une note précé-
dente, fut archevêque de Reims du 28 mai 1722 au 28 août 1762.
2. Le lit de justice pour la déclaration de la majorité se tint le 22 février.
Louis XV était ne le 15 février 1710.
LES re;gistres BAPTISTAIRES 1 1 îi
M. Huche, seigneur de Lanty, fit faire cette année une forge, au
lieu dit le Fourneau, au grand préjudice des habitans de Dinteviile.
Mgr le prince de Courtenay mourut à Paris au l«'' de mai 1723; il
avait ospousé en secondes nopces la mère do M. le marquis de Dinte-
viile; dont sortit une demoiselle (jui espousii M. le marquis de BautVe-
mont, colonel de dragons' .
Arrest qui d 'fend au mois de juin 1723 à tous particuliers de vendre
aucun grain, excepté dans les marchés publics où l'on doit le conduire
à peine trois mille livres d'amende. Mais il n'eut pas d'ellet et on con-
linua à vendre chez soi.
Messieurs de. Dinteviile, capitaine, et de Bligny. cornette, se ren-
dirent à leur régiment de la cornette blanche, le 29 mars 1723, pour
la première fois.
Le 20 de juin, ua garçon de Juvancourt, demeurant à Lanty, se
noya à. la fosse Gringalet allant pescher des écrevissos.
Plus de vingt familles prirent le remède Saint-Hubert par précau-
tion pour avoir mangé d'un veau soupçonné de la rage^. On n'a
jamais tant vu d'accidents des bestes enragées que cette année : Made-
moiselle d'Arragebois, sœur de mesdames Bonnet, fut mordue d'un
chien enragé et mourut à son retour huit jours après, en juillet 1723.
Le 14 juillet 1723, j'ai posé la première cheville de l'emjjalement
au-dessus de la forge du lourneau bastie par M. Huche, secrétaire du
roy et seigneur de Lanty.
Le 4 aoust, mourut le cardinal Dubois, premier ministre del'Estat;
il estoit fils d'un apothicaire; il fust archevesque de (lambray; il avoit
sur son corps six abbayes^.
1. Louis-Charles, prince de Courtenay, ne mourut pas le I*'' mai, mai.s
le 28 avril I723, et fut inhumé le 30 dans la chapelle Saint-François de
Salles, à Saint-Suipice. Né le 24 mai 1640, il avait épousé en secondes
noces, le 14 juillet 1688 Hélène de Besançon, veuve de Jean Le Brun, pré-
sident ail grand conseil, et tille de Bernard, seigneur du Plessis et do Louise
d'Amphoux. Hélène de Besançon qui mourut le 3't novembre 1713 eut une
(ille : Hélène de Courtenay, née le 7 avril IGS^i, mariée le 5 mai 1712 à
Louis- Bénigne de Bauifremonl, marquis de LislenoisfI'où descend la branche
des BaulFremont-CQurtenay.
2. Nous ifrnorons l'espèce do ce remède Sainl-Hui)ert ; toutefois nous
renverrons le lecteur aux ouvrages suivants où il est question de.s neuvaines
à Saint-Hubert et des oiéralions relif-deuses telles que tailles, marques, etc.,
faites sous riuvocaiioii de v.o saint contre lu r:ige : Ilisloire critique des
piatiques superstitieuses, liv. 4, cbap. 4; Traite des superstitions, par
Thn-rs, liv. 6. cbap. 4. Pèlerinage de Saint-Iluberten Ardennes, pur l'abbé
Bertrand (Namur 18"j5) ; Iraditwns et Légendes de la Belgique, parle
baron de Keiiisberfr-Diirinsgfeld (Bruxelles 1870;, tome H, p. 245-2ÎJ1 ;
Mflusine (Paris 1878), col. 373-374 ! etc., etc.
3. Dubois mourut k Versailles, le 10 aofit et fut inhumé le l'J en l'église
Saiut-Houoré de l'aris. Il jouissait d'un revenu annuel que Saint-Simon
1 I T) LES REGISTRES BAPTISTAIRES
Abondance do l'ruils partout celte année qui ne purent se consorver.
Les incendies, surtout de villes et de bourgs, furent communs en
Franco depuis six mois.
Le roy Louis XV exigea liuil millions du clergé i)Our son joyeux
avènement à la couronne.
Mademoiselle de Sylvarouvre, fille de M. le marquis de Dinteville,
prit riiabit de novice à Montigny-les-Nonnes, chapitre du comté de
Bourgogne, le 15 octobre 17"23; ce fut la quatiiesme sœur dans la
mesnie maison ' .
Philippe, duc d'Orléans, régent, mourut enfin comme il avoit vescu
sans sacrement, le 2 décembre 1723.
On demande au royaume cinquante millions pour le joyeux avène-
ment. Beaucoup d'assassins à Paris.
L'argent diminua de la neufviesme partie, ce qui causa une perte
irréparable.
L'hiver fut extrêmement doux, sans neige, ni gelées, ni pUiye, sinon
à la fin de février et en mars 1724.
estime c au rabais » à 1,.534 mille livres ainsi réparties : la penaion qu'il
recevait d'Angleterre, à 24 livres la livre sterling, 960,000 livies; la charge
de grand-maître et surintendant général des courriers, postes et relais de
France (depuis le 15 octobre 1721), 100,000 livres; celle de principal et
premier minisire d'Etat (depuis le 22 août 1722), 150,000 livres; l'arche-
vêché de Cambrai, 120, OfO livres; l'abbaye d'Airvaux, diocèse de La
Kochelle, (depuis 1G90), 12,000 livres ; celle de Saint-Just. diocèse de
Beauvais, depuis 1693) 10,000 livres; celle de Nogect-sous-Coucy, diocèse
de Laou, (depuis 1705) 10,000 livres; celle de Bourgueil, diocèse d'Angers,
(depuis 17191 12,000 livres; celle de Cercamp, diocèse d'Amiens, (depuis
1721) 20,000 livres ; celle de Bergues-Saint-"Viuox, diocèse d'Ypres, (depuis
1722) 60,000 livres; enfin celle de Saint-Berlin, diocèse de Saint-Omcr,
(depuis 1723) 80,000 livres. Saint-Simon croit que Dubois touchait encore
20,000 livres du clergé comme cardinal. Malgré ce revenu que Duclos porte
à deux millions et dans lequel ne figurent ni « l'argent comptant, ni le
mobilier immense en meubles, équipages, vaisselles et bijoux de toutes
sortes », Dubois « quand il mourut, cherchait à s'emparer des abbayes de
Citeaux, de Prémontre et d'autres chefs-d'ordre (Duclos). »
1 . Ces quatre sœurs sont ; 1" Louise-Hélène, née à Paris, paroisse Saint-
Sulpice, le 29 janvier 1709; 2° Elisabeth-Agnès, dite do Bhgny, née aussi à
Paris, même paroisse, le 17 février 1710; 3° Marie-Thérèse, dite de Juvan-
courl, et plus lard de Dinteville, née au même lieu que les précédentes, le 1 1
avril 1711 ; 4° enfin Elisabeth-Agnès, dite de Sylvarouvres. Elles entrèrent à
Montigny en 1722 et 1 723. En 1789, la deuxième et la troisième étaient encore
chanoine.sses de celte abbaye; la dernière était probablement décédée, car nos
recherches à son égard sont restées vaines; quant à la première, elle s'était
mariée au comte d'Orlick, maréchal de camp et colonel du régiment alle-
mand de Royal-Pologne.
LES REGISTRES BAPTISTAIRES 117
Les denrées de toules espèces sont d'un prix exhorbilaul.
Philippe V, roy d'Espagne, al)di([ii;i le royaume et le remit entre
Ii>s mains de son fils, prince des Asturies, qui avoit espousé la prin-
cesse d'Orléans. Ce roy n'estoit aagé que de quarante-un ans; et on
ne sait au juste si la dévotion si opposée aux: roys, ou la maladie
furent le mobile de cette extraordinaire abdiquation Un empereur
romain, nommé Dioclétien, fit la mesme abdiquation dont il se repentit
bientôt. Celle du roy d'Espagne se fit par décret écrit de sa propre
main, le 15 janvier 1724.
Au mois de mars, mourut François Gloi'inont-Tonnerre, évesque de
Langres, duc et pair de France. M. l'abbé Dantin, fils du duc Dantin
ot petit-fils de madame de Montespan fut nommé évesque de Langres.
Cet évesque s'appelle Pierre Pardaillan ' .
Il y eut une diminution du cinquiesme de l'argent le l""" avril 1724.
En 1723, le 28 de mars, il y eut partout des asperges, et l'an 1724,
il n'y en avoit aucune le 20 avril, car ce mois fut extresmement froid.
On n'a jamais tant vu de désordres que ceux que causèrent en ces
contrées ces trois années consécutives des loups enragés dont plusieurs
moururent de la rage, tant à Rligny, Lanty, Aulbepierre, Aulnoy et
aux environs. Une infinité de bestiaux et de chiens furent tués.
Il y eut une grande abondance do foin, grains et vin, cette année.
Dom Louis, roy d'Espagne, fils de Philippe V, mourut au mois
d'aoust de la petite vérole, après avoir régné six mois et quelques
jours. Son père, Philippe V, reprit le gouvernement et la couronne du
consentement des grands du royaume " .
Cette année fut remarquable par la quantité de maladies tant de
flux de sang que de fiebvres et de l'abondante récolte des vins.
M. Bernard Le Brun, marquis de Dintcville, mourut à Uole-en-
Comté, le 4 novembre 1724'.
[A suivre). A. Daguin.
1. Frauçois-Louis de Clermout-Tonnerre mourut le Vl mars 1724; on a
pubhé dans la Haute-Marne, Revue champenoise (Chaumont 1850), page
305, le récit de ses funérailles. Pierre do Pardaillaa de Gondriu d'Antiufut
nommé en avril 1724.
2. Dom Louis mourut le 31 août 1724 ; Philippe remonta sur le trône, le
îi septembre suivant.
3. Un an plus lard, jour pour jour, décéda à Paris, son frf're Charles,
cornette au même ré{.'iment. Le curé Parisot, après avoir eiiregi.stré co der-
nier décès, ajoute : « il est à remarquer que M. son frère, aag"é de 18 ans et
capitaine au mesme régiment, mourut l'an 172'i, le 4 novembre, et fut
inhumé à Bligny, estant à Dolo, ville do Comté, et que M. sou frère, cor-
nette, mourut à Pari.s ce mesme jour ayant reeu tous les sacremen.s, le jour
de Saint-Cliarlcs qui esloit son patron, également aagé de 18 ans. Ce (jui
fut un juste motif de chagrin ù M. et ù M""^^ do Dinteville. »
LES CONVENTIONNELS DE LA MARNE
BATTELLIER (de Vilry;
Au bas de la pièce se trouve ratleslalion du maire, affirmant
que la subsistance eu question leur a bien été fournie ; que le
prix des repas est fixé à 12 livres, soit 204 livres pour les six
repas, et les 120 livres pour les 10 livres par jour.
On voit — bien que tout lût compté certainement en assi-
gnats, — ce qu'il devait en coûter à la République pour faire
ainsi opérer ces réquisitions si vexatoires pour les culti-
vateurs.
Beaucoup de ces réquisitions ne s'exécutaient pas volontiers
si l'en en juge par cette contre-pièce de la même liasse, que je
transcris fidèlement avec ses incorrections :
L'agent de la commune de Bassuet invite le citoyen Salmon commis-
saire et juge de paix du canton de Bassuet, etc., pour satisfaire à l'ar-
rêté du 12 frimaire dernier ;
Renvoyez ladite force armée chez ledit Salmon comme étant en
retard d'une demi-voilure à la réquisition du 12 messidor an III.
Et on a ajouté, au bas, d'une autre écriture (celle du signa-
taire) :
Pantaléon Gringuillard étant chez le citoyen Salmon, il nous a
fait réponce que ceux qui nous avaient mis en œuvre n'avez quast
nous nourir et nous payer et que il se f . . . du département et
contre f. . . de l'administration de Vilry, et que il n'agissez que pour
rendre service a Berton qui eltez un quoquint.
Fait le jour ci-dessus.
Signé : Gûr-^rd-Rapinat.
Ces réquisitions étaient exigées en vertu de l'arrête suivant
(qui fait aussi partie delà liasse n*^ 6,) et qui était reproduit
sur les feuilles envoyées aux communes en retard :
* Voii page 454, tome XIV. de la Hcvue de Champagne et de Brie.
LES CONVENTIONNELS DE LA MARNE 110
L'administration municipilo il« Vitry-sup-M.irne, délégué par lo
département do ia Mnrne, et agissant sans son autorité, >^n V'-riu de
son arrêté du 12 brinnai'o d'^rniiir, pour l'.'xécuiion lic. la rûquisiti'm
pour l'approvisionnoment di'S marcliés de ladit» cuuiinune.
Faute par les communes désignées en l'état, d'avoir acquitté lesdiles
réquisitions, requerrora le commandant de la force soldée et non
soldée de Vitry, de diriger une force armée sur ces communes.
Elle s'adressera aux agents ou adjoints desdites communes qui sont
requis, s ms l"ur responsabilité de fournir l'état des citoyens en retard
de satisfiire ladite réquisition. Ladite force armée se divisera, par un
ou deux hommes, ch 'z iesdits cultivateurs en retard, à l'effet de les
contraindra au battage et transport sur le prochain marché de Vitry, des
quantités de graines dm^s par cli icau il'eux.
En cas de refus ou résistance, elle se fera ouvrir Us portes des
maisons par le premier maréchal ou serrurier qu'elle requérera et en
dressera procès-verbal. Elle sera logée et nourrie et ses chevaux par
Iesdits cultivateurs en retard. Il sera foui-ni à chaque homme, par
jour, une livre et demie de pain, une livre de viande fraîche ou une
demi-livre de salée et une demi-bouteille de vin, et par cheval quinze
livres de foin, dix livres de paille et un demi-boisseau d'avoine, mesure
de Paris. Il sera en outre payé, par jour, à chaque homme de garde,
non soldé, vingt-cinq livres et ]iar homme de garde soldé dix livres,
etc., elc.
On voit qu'il était difficile de se soustraire aux exigences
de ces garuissaires.
La liasse n" 9 contient une série de pétitions. La première a
trait à rélahlisscmeut d'une école centrale, que Reims reven-
dique pour sa commune, et qui serait mieux placée, au dire
des pétitionnaires, à Ghâlons. La seconde demande que l'église
Noire-Dame de Vitry, convertie en dépôt de fourrages par un
arrêté de l'ex-Représentant Bô, soit rendue à la piété des
habitants. La troisième est relative à la réorganisation de la
garde nationale.
Cette même liasse contient la copie d'un discours prononcé,
le 21 germinal, lors du remplacement de l'arbre de la LiJjerté.
Une autre pièce contient le témoignage de reconnaissance
des anciens membres de la municipalité, réélus.
Enfin, deux pièces imprimées figurent encore dans cette
liasse (n'ayant pu être rangées ailleurs), et nont plus qu'un
rapport éloigné avec la situation de Vitry. C'est un Mémoire
apologétique de la commune de celle ville, et la proclamation
du le'- Consul lors du Concordat. Ww projet d'adresse à ce
dernier (où les faits d'oppression de Battelier sont rappelés),
figure également dans celte liasse.
120 LES CONVENTIONNELS DR LA MARNE
La liasse n" 10 ne contient qu'une pièce que j'ai cru devoir
garder pour la fin, car elle fait apparaître sous son vrai jour le
caractère de Battelier (que les papiers de M. Deschiens ne font
que trop bien connaître), et jette une lumière véritable sur les
sentiments intimes de l'ancien représentant de Vilry.
C'est une lettre confidentielle adressée par lui à Merlin, mi-
nistre de la justice, à la date du 10 nivôse an IV, et relative à
tous les faits dont il vient d'être question. Bien que la pièce
ne soit qu'une copie, elle porte avec elle son caractère d'au-
thenticité. La réponse se trouve au verso avec une autre lettre
de Battelier.
Ami,
Je l'ai écrit à la hâte ce qui s'est passé le jour de mon installation
dans la place de commissaire du Directoire exécutif près le tribunal
correctionnel de Vitry-sur-Marne.
Dans le compte que je t'ai rendu de quelques-uns des acteurs de
cette farce aristocratique, j'en ai oublié, deux assez importants. L'un
est encore un Dominé Deslandres, ci-devant abbé de Moncey, frère de
l'allié de Dorizy, ei l'autre, encore un inspecteur aux viandes, attaché
à l'armée d'Italie. (Cet inspecteur est le fils d'un pauvre apothicaire
appelé Desroziers.)
Ce jeune homme est à Vitry, je ne sais comment. Il y nourrit deux
superbes chevaux et un domestique : il y mange et y joue beaucoup
d'argent avec tous les chouans auxquels il se rallie. Tu recevras sous
ce pli un projet d'adresse et une adresse de la municipalité de Vitry,
dont Hatot étaitj,le maire (Detorcy le législateur l'a signé, comme
membre du conseil de la commune) et une autre adresse à l'Assemblée
primaire présidée par Hatot (le même Detorcy l'a fait adopter par
l'autre Assemblée dont il était secrétaire). Elles te donneront la
mesure du civisme de ceux qui votent hautement mon assassinat,
parce que j'ai voté la mort de leur maître, et qui pour m'évincèr, re-
produisent, pour la cinquième fois, une accusation sur laquelle, dans
le temps, le Comité de législation a passé deux fois à l'ordre du jour.
Les colporteurs de cette accusation ne faisaient pas fortune; au lieu
de signatures, ils n'obtenaient que des mortifications : «Vous soutenez
donc cet homme, se sont-ils écriés, dans leur enthousiasme, eh bien,
il détruira vos églises -, » et les signatures de pleuvoir.
Ami, tu n'en seras pas étonné, quand tu sauras qu'à Vitry, les gre-
nadiers et les chasseurs vont, tous les dimanches et fêtes (vieux style)
à la messe, en armes, précédés des tambours, de la musique et d'un
officier dont les deux fils sont émigrés. La loi du 3 brumaire n'est pas
exécutée, Grenet. oncle d'émigré, assesseur du juge de paix, siège
encore, à son tour, au tribunal correctionnel. Il y a trois frères d'émi-
grés, au bureau de bienfaisance. (Ils ont substitué au mot de bienfai-
LES CONVENTIONNELS DE LA MARNE 121
sance celui de charité qui avilit (Javantao;e li;s iiialhoureux et relève
d'autant le crédit des chouans.)
Le numéraire républicain et les assignats sont refusés absolument ;
tout est payé en numéraire royal, ou rien n'est vendu ; on travaille le
peuple en cent manières ; une visite de cheminées a été faite, les com-
missaires choisis à cet effet par la municipalité, étaient en même temps
porteur du registre d'inscription des citoyens. « Voulez-vous être enre-
gistrés ? demandèrent ces couimissaires aux ouvriers, cela coûte cinq
livres, mais nous vous conseillons do les garder, ce serait payer trop
cher le droit d'aller perdre votre temps ilans une Assemblée. » Tu
reconnais à ce langage le langage du président de la Municipalité-
Beaucoup s'y sont fait inscrire malgré la perfidie du Clonseil. Cette
nuit encore, la statue de la Liberté a été couverte de boue et son pié-
destal sali d'inscriptions outrageantes pour les patriotes. Tu penses
bien que j'y figurais le premier? On écrit anonymement à tous mes
amis qu'ils seront assassinés s'ils continuent à me voir ; enfin, la
terreur est telle que beaucoup m'ont abandonné !
Citoyen ministre, rien ne m'intimidera. Il y a, à Vitry, des patriotes
vraiment sages et amis de la Constitution républicaine, et si le Direc-
toire m'appuie, j'espère avec de la sagesse y faire respecter la loi.
Mais l'administration municipale est essentiellement mauvaise. Adieu.
N'oublie pas ton vieux camarade. Salut, amitié et fraternité.
Signé : J. Baïtelier.
P. -S. Le tribunal n'a rien pour frayer aux petites dépenses néces-
saires, telles que le bois, la chandelle, la rétribution du concierge. Le
greffier et son commis ne sont pas assez payés ; le premier a mille
livres et l'autre 500. Tu sens bien, mon ami, que ce n'est pas assez?
Prononce, mais prononce vite, car nos besoins sont pressants. S'il te
faut un mémoire détaillé, aie la bonté de me l'écrire. Encore une fois,
souviens-toi de ton vieux camarade.
Voici la réponse du ministre Genissieux, qui avait remplacé
Merlin, à Battelier. Elle est du 13 pluviôse au IV :
Je me propose, citoyen, de mettre sous les yeux du Directoire exclu-
sif, les trois imprimés que vous avez adressés à mon prédécesseur, et
votre lettre du 10 nivôse où vous dites que le citoyen Detorcy, au-
jourd'hui législateur, a signé l'adresse à la Convention nationale
comme membre du Conseil de la commune et qu'il a fait adopter le
projet d'adresse par l'assemblée primaire dont il était secrétaire. J'ai
remarqué que l'arrcMé do l'assemblée primaire de Vitry-en-Perthois
est signé de Charles-Maxime Detorcy. Do ces trois faits, il y en a deux
que je ne puis conciliiir.Il me semble que le citoyen Detorcy niî pouvait
pas être à la fuis domicilié dans la commune de Vitry-sur-Marne et
dans la commune de Vitry-en-Perthois ; qu'il ne pouvait pas être membre
du Conseil général de la première et secrétaire de l'Assemblée pri-
maire formée dans la seconde ? E.xpliquez-moi bien tout co qui le
122 LES CONVENTIONNELS DE LA MAENE
regarde. Il serait fâcheux que le Directoire provoquât une mesure
vigoureuse si quelques-uns des faits que j'ai lus dans votre lettre ue
pouvaient pas être constatés.
No douiez pas que le Directoire exécutif n'y donne la plus grande
attention et ne transmette les trois imprimés au Conseil des Cinq-
Cents, s'il est constant que le citoyen Detorcy les a signés.
J'ai dénoncé au ministre de l'intérieur les trois frères d'émigrés,
membres du bureau de bienfaisance delà commune qu'ils ont travesti
en bureau de charité. Je ne doute point qu'il ne provoque les mesures
que la loi commande pour rendre cette admis! ration à la pureté des
principes de son institution et pour la remettre à dns amis surs de
la République.
Donnez-moi sur ces trois individus et sur la ten-nir df ce bureau,
tous les renseignements que vous pourrez vous procurer. Je propo-
serai moi-même, si je suis le premier bien informé, la destitution de
ces trois parents d'émigrés.
Dès le 21 pluviôse, le commissaire Battelier répond au mi-
nistre de la justice :
Citoyen-ministre,
Je me rappelle parfaitement comment j'ai donné li-iu à vos doutes .
Au moment où je scellais ma lettre du 12 nivôse, on m'apporta le
procès-verbal de l'Assemblée primaire. Je l'enfermai sous la même
enveloppe avec les autres pièces qu'elle contenait sans aucune expli-
cation, mais elle est simple.
Le citoyen Maxime Detorcy, président actuel du canton de Vilry-
en-Perthois, où il réside, était le secrétaire de l'Assemblée primaire de
ce canton, et c'est ce Detorcy, frère du législateur, qui a signé les
arrêtés pris par cette Assemblée primaire dont vous me parlez dans
votre lettre du 13. Detorcy, le législateur, était secrétaire et a signé
les procès-verbaux de l'Assemblée primaire, section du levant, canton
de Vilry-sur-Marne.
J'ai adressé au citoyen Merlin, votre prédécesseur, et à vous, ce
procès-verbal et celui de la section du midi, je vous ai transmis celui
de la section du midi, avec ma dernière lettre ; et pour vous éviter des
recherches, je vous transmets encore celui de la section du levant.
Indépendamment de ce procès-verbal, Detorcy, législateur, a été
l'un des rédacteurs et encore a signé l'adresse municipale dont vous
avez vu un exemplaire. L'état des registres de la commune que je
joins à cette lettre vous le prouvera.
Je vous assure, citoyen-ministre, que cette lettre a fait bien du mal.
Répandue avec profusion dans les campagnes, elle a tout corrompu ;
par elle, beaucoup de cantons ont rejeté les décrets. Le canton de
Thiéblemont a rejeté la Constitution et les décrets et celui de Cloyes
s'explique ainsi : « En considérant le bon esprit qui règne dans
LES CONVENTIONNELS DE LA MARNE 123
l'adresse de la municipaliti'i de Vitry, l'Ass^mliléo primaire du canton
do Cloyes déclare qu'elle est en iierman^nce. »
Je vous observe que tous les individus et notamment les citoyens
Chauré (de Toulongeon) et Guillemin occupent des places. Ce n'est pas
l'intention de la loi. Stimulez l'activité des commissaires.
Salut et fraternité.
Signé : J.-C. Battellier.
IV
J'ai fini ce trop long exposé. Les papiers de M. Deschiens
jettent une lumière vive sur l'état des esprits à Vitry, avant,
pendant et après la Terreur. La mémoire de Battelier ne
saurait gagner à leur étude approtoudre. En revanche, il
ressort de l'examen même de toutes les pièces, qu'il se trouva
alors dans notre ville, des hommes d'énergie et de cœur, enne-
mis du despotisme et amis de la liberté vraie, qui ne craigni-
rent pas de se montrer fermes et de braver, dans l'intérêt de
leurs concitoyens qui les avaient nommés, les colères de ceux
que les circonstances avaient seules rendus puissants.
J'ai dit que Battellier avait voté la mort du Pvoi. Il est peut-
être utile de rappeler ici en quels termes, il motiva sou vote ;
le voici :
« Si je n'étais pas convaincu, je le serais en jetant les yeux
« sur le territoire entier de mon département. J'y verrais les
« campagnes ravagées par des satellites armés au nom de
« Louis, des filles violées, des enfants immolés dans le ber-
« ceau. Un tel tableau, et il n'est que trop réel, n'est pas fait,
« sans doute, pour apitoyer sur le tyran qui veut rétablir sa
« domination absolue et provoquer tant de crimes. Je vote
« pour la mort. »
Ce triste vote n'a pas besoin de commentaires ; il est dou-
blement odieux lorsqu'on le rapproche de la tranquillité rela-
tive dont jouissait notre arrondissement, dans les premières
années de la Révolution ; on a mèn;ic le droit de se demander
s il fut émis de bonne foi et s'il ne dénote pas, au contraire,
une conscience coupable qui cherche à se tromper elle-même
en invoquant des arguments absolument inexacts.
Appelé à se prononcer sur la question du sursis à lexécu-
cutionde Louis XVI, Battellier répondit: non.
Comme tant d'autres sectateurs ardents des idées révolu-
tionnaires, bientôt convertis au despotisme, — comme Drouet,
124 LES CONVENTIONNELS DE LA MARNE
Thuriot. Deville, Lacroix de Constant, ses collègues dans la
Marne — Baltellier devait finir fonctionnaire de l'Empire.
Nommé procureur impérial, à Vitry môme — chose à peine
croyable — il y mourut, en 1808, dans l'exercice de ses fonc-
tions'.
A. Barbât de Bignicourt.
1 . Drouet fut iiommé, sous l'empire, sous-préfet de Sainte-Meiiehould ;
Thuriot, substitut du procureur général près la cour de cassation ; Deville,
inspecteur des forêts à Reims ; Lacroix de Constant, préfet à Marseille et à
Bordeaux. Tous, hélas ! étaient régicides ; tant est vrai le mot de M Beau-
vallet appliqué à Drouet : « Homme de révolution prêt à servir un dic-
tateur. » N'est-il pas vrai que tous les démocrates sont un peu de ce tem-
pérament ?
FAITS ET ACCIDENTS METEOROLOGIQUES
SIRVEMS A TROYES ET AlX ENVIRONS AVANT 1790
( Etat des Récoltes, Prix des Denrées et Etat sanitaire
132b. — L'hiver de cette année fut très rigoureux ; la
Seine gela si fort, par deux fois, qu'on la traversait sans
danger sur la glace, à pied et en voiture avec des charges.
Quand elle dégela, la glace rompit la plupart deg ponts de bois
qui se trouvaient au-dessus. — L'été suivant fut si sec que,
pendant quatre mois, il ne plut pas l'espace de deux jours, et
quoique la chaleur fut très grande, il n'y eut ni tonnerre, ni
éclairs. On ne récolta point de fruits, mais en revanche, on fit
de très bon vin.
1330-1 331 . — Pendant tout le mois de novembre, il fit de
très grands vents, et, depuis le mois de décembre jusqu'au
mois de mars, il plut presque tous les Jours ; ce qui fit extrê-
mement grossir les rivières ; après quoi il survint une grande
sécheresse qui rendit la terre si dure qu'on ne put la labourer
en plusieurs endroits.
1333. — L'été fut chaud et sec, et l'on récolta beaucoup
de très bon vin qui ne se vendit qu'un denier le selier ' .
1334. Disette de blé en France et mortalité du bétail par
suite de l'humidité de 1 hiver et de la sécheresse de lété.
1350, — Il y eut une très grande fécondité de femmes
cette année en France ; presque toutes devinrent enceintes et
plusieurs même curent deux et trois enfants à la fois. — Ou
ressentit, la même année, pendant le mois d'octobre un assez
fort tremblement de terre.
13G1 . — Pendant la semaine sainte, il gela si fort que les
blés, les vignes et les arbres fruitiers, tels que noyers et
• Voir page 49, lome XV, de la Revue de Champagne et de Bric.
1 . Le selier de vin correspondait à 7 litres et demi et le dénier vainit
environ 5 centimes de notre monnaie.
126 FAITS ET ACCIDENTS JNIKTÉOROLOGIQUES
autres, qui claieut fleuris, furent tous perdus, tant en Qiam-
pagne que dans les provinces circonvoisiaes. Ou ne recueillit,
cette année-là, que de l'avoine, à cause des fréquentes pluies
de l'été. Il fit ensuite si chaud que les arbres relleurirent avant
Noël; ce qui n'empêcha pas de récolter, l'année suivante beau-
coup de blé, de fruits et de vin.
1363. — L'hiver fut horriblement froid, long et pluvieux, il
dura jusqu'à la fin du mois de mars, pendant lequel temps il
gela presque toutes les vignes et les noyers jusqu'à la racine,
et fit mourir beaucoup de brebis et d'agneaux dans les
étables.
1364. — On ne récolta pas de froment ni de vin dans les
environs de Troyes. Le muid de vin se vendait la somme de
six livres '.
1365. — Le mercredi 13 août, un tourbillon de vent ren-
versa le clocher de Saint-Pierre qui était l'ornement de l'église
et l'orgueil de toute la ville de Troyes, et qui causa, par sa
chute, un donmiage considérable aux maisons voisines.
1366. — On récolta du vin en assez grande quantité, et la
pinte se Vendait à Troj'es 5 deniers ohole. — Au mois d'avril,
la môme année, le selier de froment de dîmes a été évalué 45
sols, le setier de seigle 25 sols, et le setier d'avoine 15 sols.
1367. — Au mois de novembre, la pinte - de vin nouveau
se vendait à Troyes 6 deniers.
1 369. — On récolta beaucoup de vin aux environs de Troyes,
où le muid valait h{^ sois.
1374. — Bonne récolle de céréales. Le selier de froment se
vendait 25 sols au marché de Troyes, celui de seigle 12 sols,
celui d'orge et celui d'avoine 1 1 sols chacun.
1375. — Au mois de novembre, le muid de vin blanc et de
via clairet de Bar-sur-Aube ou des environs de Troyes se ven-
dait 3 livres 10 sols, et la pinte 5 deniers. Ladite année avait
été abondante eu vin.
1377. — Année abondante en vin; la pinte se vendait 2
deniers.
137'.'. — Au mois d'août, le setier de seigle se vendait à
Troyes 10 sols, et le setier d'avoine 7 sols et 6 deniers.
1. Le muid (le vin ordinaire était de 22 setiers; mais il y avait aussi la
gros muid qui valoit le double.
2. La piute équivalait à près do 57 centilitres.
SURVENUS A TROYES 127
1380. — Le 19 mai, le selicr de froment a élé vendu à
Troyes 27 sols G deniers.
1383. — Au mois d'octobre, le tonnerre tomba sur l'église
St-Pierre et y mit le feu qui prit ensuite à la robe d'un corde -
lier qui cherchait à l'éteindre.
XV-^ SlÈCLli.
1417. — Plusieurs chroniqueurs rapportent sans en préciser
le jour, que celte année-là il s'éleva aux environs de Troyes un
orage terrible qui ne dura pas moins de quatorze heures et détrui-
sit toutes les récoltes de la terre qui furent foudroyées et bat-
tues. Plusieurs personnes furent tuées ou plus ou moins griè-
vement contusionnées par la grêle '.
1425. — Le lundi 13 août, il s'éleva un grand orage de grêle
et de tonnerre qui endommagea beaucoup les vignes et les
blés sur les fmages d'Isles, de Piamerupt et des environs.
1437. — Au mois de juin, une horrible famine sévit à
Troyes comme dans tout le reste de la France. Elle était occa-
sionnée, tant par la stérilité de celte année et des années pré-
cédentes que par les incursions et les pillages des soldats non
payés, dont les uns se nommaient les Ecorcheurs et les autres
les Retondeurs, qui, comme des enragés, désolaient les cam-
pagnes. De sorte que les paysans s'étaient retirés dans les
villes, et le labourage étant délaissé, il s'ensuivit une grande
famine, suivie dune peste encore plus terrible, surtout à
Trou au où elle fit de grands ravages.
1439. — La première semaine du mois d'août il survint un
orage de grêle qui occasionna de grands dégâts sur les finages
d'Orvilliers, de Vallaut-St-Georges, des Grandes-Chapelles, de
Ramerupt et villages circonvoisnis.
1440. — Au mois de mai les vignes furent gelées aux en-
virons de Troyes.
144o. — Celte année, on récolta peu de blé dans l'arrondis-
sement d'Arcis, el point de vin dans les environs de Troyes.
144G. — 11 y eut celte année beaucoup de bruine dans les
blés de la haute Champagne et peu de vin à Troyes.
1 . Histoire de Charles VI pai' Juvénal des Ursins, page 338 ; flisloiro
de Troyes par Théophile Bouliot, lome II, page 3G'J-370.
128 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
1447. — Beaucoup de bon vin aux environs de Troyes. On
en vendit 8 inuids pour 20 livres à Bouilly.
1448. — Grand orage de vent et grêle qui sévit particuliè-
rement sur les fmages de Balignicourt et Donnement.
KiCiO. — On ne recueillit presque point de Lié dans les envi-
rons de Troyes et d'Arcis.
1461. — La plus grande partie des moissons ont été perdues
sur pied par l'humidité dans les environs d'Arcis.
1403-1464. — Récoltes médiocres eu céréales diverses,
1 465. — Au mois de février, le setier de froment de dîmes a
été amodié à Troyes à 1 0 sols.
1466. — Les blés ont été gâtés par les pluies aux environs
de Troyes. — Le froment de dîmes a été évalué à 20 sols le
setier, celui de seigle à 10 sols, celui d'orge à 6 sols, et celui
d'avoine à o sols.
1471. — Au mois d'avril, le boisseau de froment de dîmes a
été amodié à Troyes à la somme de 10 deniers. — Au mois de
mai les blés furent fourrages en vert par les soldats pour
nourrir leurs chevaux ; principalement dans les environs
d'Arcis où il en resta fort peu, parce qu'il n'y avait presque
pas d'herbe dans les prés.
1472. — La récolte en blé a été médiocre. Au mois de sep-
tembre, le setier de froment de dîmes se vendait à Troyes 10
gros celui de seigle 5 gros, et celui d'orge ou d'avoine 4
gros.
[A suivre). Arsène Thévenot.
HISTOIRE DE L'ABBAYE D'ORBAIS
PAR
DOM DU BOUT
Sur lesdites oppositiou, assignation et protestation des
religieux faites aux sj^ndic et habitans, les paroissiens de
Saint-Prix s'assemblèrent tous en corps, au son du tambour,
sou.s la grande halle, en la manière accoutumée pour délibérer,
et résolurent entre eux de donner aux abbé et religieux
gros décimateurs les décharge et indemnité par eux de-
mandées, ce qui fut fait à l'instant par acte public passé par-
devant Malhuriu Gauva.n notaire royal à Orbaiz, le dimanche
seizième de décembre audit an mil six cens quatre-vingt-dix,
dont voicy la copie tirée sur celle qui est dans notre chartrier
et la minute chez ledit Gauvain :
u Ce joLird'huy dimanche seizième jour de décembre mil six Acte de l'iu-
« cens quatre vingt-dix, nardevaut Mathurin Gauvain, notaire ilemnite don-
« royal, tabellion garde-note héréditaire au bailliage et prévôté ginux gros
« de Chàteau-Tierry, résident à Orbaiz, soubsigaé, en présence
« des témoins cy-aprés nommez, sont comparus en leurs person-
« nés : Hubert Tilloy, procureur syndic des habitans et commu-
(I nauléd'Orbaiz.maistre Jérôme Juguiu.baillydudit lieu, Louis
« Julion, Gharles Maloiseau, Pierre Baudouin, Edmc le Dieu,
« Jean Baudouin, Louis Munantei'iil, Pierre Cruchet, Nicolas
« Mercier, Michel Rousseau, Antoine la Rive l'ainé, Antoine
a la Rive le jeune, Vincent JuUion l'aîno, Vincent Jullion le
« jeune, Jean le Roy, Louis Marotte, Didier Charlon, Gharles
* Voir page 17, lotnc XV, de la Revue de la Champagne el de Brie.
9
décimateurs
d'()rbaiz.
130 HISTOIRE DE l'aBBAYE d'oRBAIS
« Morel, Michel Sassier, Pierre des Troux, Nicolas Buffry.
« Charles NoUon, Hubert la Rive, Jacques Tilloy, Michel. . . ,
« EustacheGuillard,Viuceut Baudouin, Pierre Monnera, Claude
« Biverin, Nicolas Qarand, Louis Thibaud, Hubert Mera, Jean
« Courlaillé, Louis le Roux, Jeau CoUin, Nicolas Lilourneau,
« Louis 'Ihibaud, Pierre Carpenlier, Jeau Chevallier, Jean
« Thomé, Nicolas Pasquet, Pierre le Long, et Jean Chalier.
« Tous faisans et représeutans la plus grande et saine partie
« des habitans dudit Orbaiz, assemblez sous la halle dudit
« lieu au son du tambour, à la manière accoutumée, sur la
« requête dudit Tilloy, syndic, qui a représenté ausdits habi-
« tans que le changement du crucilix et de la fermeture du
« chœur de l'église parroissiale de Saint-Prix, quia été jugé
« nécessaire, tant pour la décoration de ladite église que pour
« la commodité desdits habitans, ne s'étant pu faire à l'insçù
« des sieurs décimateurs de cette parroisse, ils y auroieut for-
« mé opposition signitiée audit Tilloy par Mercier, sergent,
0 le des présens mois et an, avec assignation aux ha-
« bitaus pardevant monsieur le bailly de Château-Thierry ou
« monsieur son lieutenant général et les gens tenans le siège
« présidial audit lieu, pour se voir condamner à remettre la
« ballustrade qui sépare le chœur d'avec la nef, et ensemble le
« crucifix qui est au-dessus, au même endroit, où ils ont été
« de tout tems, c'est-à-dire à l'endroit des deux premiers pil-
« liers vers l'autel, si mieux n'aiment lesdits habitans leur
« donner une indemnité pardevant notaires eu bonne, forme,
« avec protestation de tous dépens, dommages et intérests ;
« et qu'il s'agit présentement de résoudre à la pluralité des
a voix si l'on remettra ladite ballustrade et le crucifix au lieu
« où ils ont toujours été, ou si ils veulent donner préseute-
« ment" ausdits sieurs décimateurs une indemnité pardevant
« notaires, par laquelle la communauté des habitants déclare
K et reconuoisse que ladite ballustrade et le crucifix qui est
« posé dessus ont toujours été posez vis-à-vis les deux pre-
« miera pilliers du chœur vers fautel, que le chœur do toute
tt antiquité a toujours été terminé par lesdits premiers pilliers,
« et par conséquent tout l'espace qui se trouve au-delà des-
« dits premiers pilliers, dans lequel est le clocher, nest point
« et n'a jamais été à la charge desdils sieurs décimateurs,
(I mais bien à la charge desdits habitans. Lesquelz habitans
tt et procureur syndic ont tous d'une commune voix dit et de-
nt claré que la vérité est l'exposé cy-dessus, et que si ils ont
« fait mettre lesballustrade et crucifix au droit des deux seconds
HISTUTRE DE l' ABBAYE d'oRBAIS 131
« pilliers vers l'autel de ladite église, où ils sont à présent, ce
« n'a été que pour la décoration do ladite église et pour leur
« commodité, ([ue ledit reculenienl de ladite fermeture du
« chœur et du crucifix ne 2:)uisse nuire ni préjudicier en au-
« cune manière ausdits sieurs déciinatcurs, et que le clocher
« de ladite église n'est nullement à la charge desdits sieurs
« décimateurs, ains à celle desdits habitans, comme faisant
cr partie de la nef conformément aux clauses et conditions cy-
(I dessus, voulant et consentant que le présent acte serve de
« pleine et entière indemnité ausdits sieurs décimateurs pour
« leur servir et valoir en tems et lieu ce que de raison, et que
« copie leur en soit lournie incessamment par ledit syndic ou
« marguilliers de ladite église; dont et tout ce que dessus a été
« donné le présent acte par moy notaire susdit, ce requérants
« lesdits habitans, et dont etc. . . si comme etc. . . promettant
« etc. . . obligeant etc. . . renonçant etc. . . ■ — Fait et passé à
« Orbaiz, les jours et an susdits, et ont lesdits syndic et
« habitans signé, ceux qui scavent signer, et les autres dé-
« claré ue sçavoir signer, do ce interpellez en présence de Jean
« C.oursean, laboureur, demeurant à Champ-Aubert, et Da-
a niel des Arsis, laboureur, demeurant à Coursemont, par-
« roisse de Suisy-le-Fraucq, témoins, qui ont signé au deffaut
« d'un connotaire en la minutte des présentes demeurées vers
« et en la possession dudit Gauvain, notaire royal soubsigné ;
« signé Gauvain avec paraphe. »
Eu mil sept cens, Messire Fabio Brulart de Sillery, évoque Etablissement
de Soissons, publia un mandement par lequel il ordonna que sion après vê-
tous les ans, le jour de l'Assomption de la très sainte Vierge, P'"'^,^ '^ j°"^
• . , , , r / . . , (le l'Assomp-
quinziemb d août, on tera après vêpres une procession dans tion de la
toutes les églises de son diocèse pour les raisons reprises dans samie Vierge
1 , . , ^. ^ en 1700.
son mandement dont voicy la copie :
« Fabio Brulart de Sillery, par la miséricorde de Dieu évêque
« de Soissons, doyen et premier suffragant de la province de
« Reims, à tout le clergé séculier et régulier de notre diocèse,
« Salut et Bénédiction. Après que le ciel a donné tant d'assû-
« rances de sa protection à ce Uoyaunie, nous n'avons plus rien
« à craindre que de les oublier. Gar si nous mancjuions à faire
« remonter par de continuelles actions de grâces les bienfaits
« que nous avons reçus jusqu'à leur source, nous la taririons
« pour nous cette source, toute intarissable qu'elle est par
« elle-même ; et dcstitue/j de ces secours si prétieux et si ué-
« cessaires qui nous ont été donnez en toute rencontre, il n'y
132 HISTOIRE DE l'aHBAYK d'oRBAIS
« auroiL sorte de malheurs dont nous ne dussions nous alleu-
« dre d'èlre accablez. Noire gralilude au conlrairc tiendra tou-
« ]oiu3 ouverte sur nous la main de notre Père céleste qui est
« riche en miséricorde, et nous attirera sans cesse de nouvel-
(I les grâces et avec d'autant plus d'abondance que nous au-
« rons été plus soigneux de les rendre. C'est dans ces vues et
« ces sentimens de religion que notre monarque (Louis quatorze
« dit le Grand) nous ordonne de faire exécuter ponctuellement
« par tout nôtre diocèse la Déclaration de mil six cens Irente-
« huit par laquelle le feu Koy (Louis treize dit le Juste) ' se
« consacra, avec tout son royaume, à la grandeur de Dieupar
« Jésus-Christ son fils abaissé jusquànous, età ce fils adorable
« par sa mère élevée jusqu'à luy. sous la protcclion de laquelle
« il mit sa personne, ses Etats, sa couronne et ses sujets. —
« Suivant donc les pieuses et saintes intentions de Sa Majesté,
« nous ordonnons que tous les ans, le jour et feste de l'As-
a soraption de la Vierge, après vêpres, on fera une procession
« dans toutes les églises de nôtre diocéte, soit collégiales,
« soit parroissiales, soit des monastères, soit des communau-
« lés ecclésiastiques ou religieuses de l'un et de l'autre sexe ;
« qu'avant de commencer cette procession l'on chantera à ge-
« noux le Veni sancte spiritus, avec le verset et la collecte
« Dens qui corda fidelium, qu'ensuite on chantera debout
« l'antienne Sancta Maria succurre viiseris, après quoi l'on
« commencera la procession, eu chantant les litanies des
« Saints, ainsi qu'elles sont couchées dans le proces-
« sionuol de nôtre diocèse, folio deux cens trente-deux ;
« qu'au relour on chantera dans l'église Sub limm prœsidiwm
« avec le verset Dignare me, et la collecte Concède misericors
« Deus, puis Domine salvum fac regem trois fois, le verset
« Nihil proficiat, et les collectes Q,i((rsnnius omnipotens Dens
« ul famulus et Deus cvjus imvcrium et Dens a quo sancta
« <?«^î</<?n'«, etc.. comme elles sont renseignées folio 3^2 du
« même processionnal. Donné à Soissons le seizième jour de
« juin mil sept cens. Signé Fabio Brulart de Sillery, évèque
« de Soissous, et j)lus bas, par monseigneur, du Quesnay. »
1 . Le l'ameux père Joseph do Paris (tlil l^'rançois le Clerc du Trembloy),
capucin, cn'i;agea Louis XIII qui éloil alors à Compiégnc à faire le 10»
lévrier 1638 une Déclaration par laquelle Sa Majesté met sa personne, sa
famille et son ro3'aumo sous la protection de la Vierge et promet de cons-
truire le grand autel de Téglise cathédrale de Paris. Louis XIV a l'ait tra-
vailler à cet autel en ITOO, et les auaées suivantes.
HISTOIRE DE l'abbaye d'oRBAIS 133
Cette procession se fit après vêpres autour du chœur et
dans notre cloître seulement par les religieux, mais, suivant
les transactions, sentences et arresls cy--dessus citez
les sieurs vicaires perpétuel/ de Saint-Prix devroient y assis-
ter et marcher devant la croix des religieux et .les accompagner
non seulement dans leurs église et cloître, mais dans tout le
bourg, et les reconduire chez eux. Le même se doit entendre
des processions du Trés-Saint Sacrement, et toutes autres gé-
nérales, comme dit la transaction du 27 janvier 1597.
La cure du village de la Chapelle- siir-Orhaiz
La cure da village de la Ghapelle-sur-Orbaiz, dont saint Pierre
apùtre, est patron titulaire, est à la nomination et présentation
des abbez et religieux d'Orbaiz qui jouissent de la moitié de
la grosse dixme et des deux tiers des menues dixmes en qua-
lité de curez primitifs ; l'autre moitié de la grosse et le tiers
des menues dixmes ayant été abandonnés au prêtre qui admi-
nistre la cure eu qualité de vicaire perpétuel.
La cure du village appelle la Ville-sous-Orhaiz
La cure du village de la Ville-sous-Orbaiz, dont saint Martin,
archevêque de Tours, est patron titulaire, est à la nomination
et présentation des abbez et religieux d'Orbaiz qui jouissent
de la moitié des grosses dixmes, en qualité de curez primitifs,
et des deux tiers des menues dixmes, à cause de l'office claus-
tral de cellerier. M" Pierre Pougeois qui l'administre à présent,
jouit de l'autre moitié de la grosse et d'un tiers des menues
dixmes, en qualité de vicaire perpétuel, comme ses prédéces-
seurs aussi vicaires perpétuel/.
La cure de Suisy-le-Franc
La cure de Suisy-le-Franc, dont saint Remy, archevêque de
Reims, est patron, est aussi à la nomination et présentation des
abbez et religieux d'Orbaiz, qui jouissent à présent de toute la
grosse dixme, et payent ou donnent trois cens livres de pension
congrue à M'- François Pinson, vicaire perpétuel et doyen
rural du doyeiuié d'Orbaiz, (\m a opté ladite pension congrue
en vertu dii la DéciaiMlion du Roy du 20 janvier 1G8G (jui ad-
juge aux cuicz ou vicaires pcrpétuelz ladite somme de tiois
134 HISTOIRE DE l'aDDAYE d'ORBAIS
cens livres, en abandonuant aux gros décimateurs ou curez
primitifs leur part et portion des grosses et menues dixmes
de leur paroisse.
Le thrésorier de l'abbaye a droit de prendre et recevoir les
deux tiers des offrandes et oblations, les quatre jours nolaux
ou ff^tes solennelles, de ladite église paroissiale de 8uisy-le-
Franc \ comme il paroît par les procédures faites contre M^'
Claude Payen, vicaire perpétuel de Suisy, en mil six cens qua-
rante-trois cl quarante-quatre.
Nous n'avons trouvé aucun mémoire ni titre qui nous
apprenne par qui, ni en quel lems les cures de Saint-
Prix d'Orbaiz, de la Ville-sous-Orbaiz, de la Ghapelle-
sur-Orbaiz et de 8uisy-lc-Franc ont été données et laissées
à la nomination de cette abbaye. Celles de la Ville-sous-
Orbaiz et de Suisy-le-Franc ne sont qualifiées que comme
des vicaireries dans le pouillé ou catalogue des bénéfices du
diocèse de Soissons; elles étoient peut-être ancienuemment, et
dans leur première fondation, des annexes ou églises succur-
sales dépendantes de l'église paroissiale de Saint-Prix d'Or-
baiz, comme l'église de Mareuil proche d'Orbaiz, laquelle a été
érigée en église paroissiale en mil sept cens par ledit Messiro
Fabio Brulart de Sillery, évèque de Soissons, (à la sollicitation
de dame Françoise de Nargoune, dame dudit Mareuil, épouse
eu secondes noces de Charles de Valois ", duc d'Angoulème, fils
1 . [La paisible paroisse de Suisy-le-Franc a été, au milieu du siècle
dernier, le théâlre d'un crime tra/ïique. M* Pierre Andriou, écu^'er, ancien
avocat au Parlement, ancien échevin de la ville de Paris, seigneur de Suisy,
Maucreux et autres lieux, fut assassiné le 9 septembre 1754 à la porte d'une
ferme située à Courcemont, par Michel de Ruxton, geulilhomme d'origine
irlandaise. L'événement fit du bruit à raison de la qualité de la victime et
de celle du meurtrier. I^'avocat Barbier, dans son Journal (tome IV, p. 46
et s.) nous a conservé les détails du crin;e de Courcemont. Il en attribue la
cause à une dispute de la part de Ruxton qui voulait avoir le pain bénit
avant le seigneur. Ruxton fut rompu vif on pince de Grève L'arrêt
du Parlement de Paris, qui prononça sa condamnation, ordonna de
placer dans l'église de Suisy-le-Franc une épitaplie commémoralive du
crime, de la soulence, et de la fondation d'un service annuel et jierpéluel
pour le repos de l'àme de M* Andrieu. Cette épitaphe existe encore aujour-
d'hui. Elle a été publiée par M. L. C.ourajod : IJ.hiscriplion de Véglise de
Suisy-le-Franc, Paris, Menu, ISVT), in-8".]
£. [L'exemple de Charles de Valois olfre une preuve des abus causés par
l'introduction des conimendes. 11 fut nommé abbé de la Chuiso-Dicu, en
Auvergne, à ITige do treize ans. En L'ion, quoique marié depuis longtemps,
il to\ichait encore les revenus de l'abbaye de Saint-André de Clermont. —
Charlotte de Montmorency, sa première femme, mourut en 1636, et il
épousa Françoise de Nargoune en l(j.'i4.]
Fonts baptismaux de l'Église de Verdon
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
137
naturel do Charles IX, roy de France, et de Marie Touchct)
d'église succursale de la paroisse de Coribert, qu'elle éloit
auparavant, et l'égiise de Coribert a été réduite à la qualité
d'église succursale dudit Mareuil.
La cure de Verdon
La cure de Verdon, dont saint Malo est patron, est aussi à
la nomination et présentation des abbez et religieux d'Orbaiz
qui en sont les curez primitifs, et jouissent de toute la grosse
dixmo, depuis que M* P'rançois Le Normand, vicaire perpétuel,
a abandonné sa pari de ladite dixme ausdits religieux, qui luy
donnent trois cens livres de portion congrue depuis son option
en vertu de la susdite Déclaration de 1686. Ils jouissent aussi
des deux tiers des menues dixmes à cause de l'office de celle-
rier, et de l'autre tiers depuis l'option dudit vicaire perpétuel.
L'église du hameau de Margny est comme succursale et
dépendante de celle de Verdon, et est administrée tantôt par le
vicaire perpétuel de Verdon qui, en ce cas, bine les dimanches
et fêtes, tantôt par un prêtre vicaire amovible ad nutum epis-
copi, résident à Margny. Lesdits religieux jouissent de toutes
les dixmes, et donnent à celuy qui administre ladite église de
Margny cent cinquante livres conformément à la dite Décla-
ration du 29 janvier 1686.
Les églises de Verdon, de Marguy et de Montigny au- Eglises ou cu-
dessus de Condé, ont été données par échange aux abbez et ^^,f écba"n'^e
rehgieux d'Orbaiz par les abbez et religieux ou chanoines avec d'autres
réguliers de l'abbaye de Saint- Jeau-des- Vignes de Soissons, nîes'Vtc. '^~
en l'an mil deux cens quatorze, au mois de janvier, comme
on voit dans la chartre ou acte d'échange approuvée par
l'évoque de Soissons nommé Haymard, que nous rapporterons
après l'article suivant.
La cure de Montigny
La cure du village de Montigny (au-dessus du petit bourg
et principauté de Condé en Brie vers le midi) dont saint Eloi
est patron, est de la nomination el patronage desdils abbez et re-
ligieux d'Orbaiz, qui en sont curez primitifs. Ils jouissoient aussi
des dixmes ; mais M" de Fontaines, vicaire perpétuel, ayant
fait signifier qu'il abandonnoitlapartqu'ilyavoit et demandoit
qu'ils luy fournissent sa portion congrue, ils luy abandonnèrent
entièrement leur part desdilcs dixmes pour eu jouir sa vie du-
138 HISTOIRE DK L'ABBAYE d'oRBAIS
rant, et acquilor tontes les charges et faire les réparations du
chœur et autres charges ordinaires. On a dit cy-devant que
cette église a été donnée par échange. Voicy l'occasion
de cet accord ou échange, comme nous l'apprenons
du Livre des chroniques (\.q l'abbaye de Saint-Jean-des-Vignes,
pages cent trente et cent trente et une, composé par M. Pierre
le Gris ', chanoine régulier de cette abbaye : « Orta est etiam
« conlentio anno Domini raillosimo ducenlesimo decimo quarto
« inter abbatem de Orbaco et ecclesiam nos tram super jure
« patronatus de Maregny et Vuardon. Tahs fuit concordia :
« Abbas ille (Orbacensis) - patronatus jus quod habebat apud
<i Courboûin et Morancelle cum redditibus eorum nobis reli-
« quit libère. — Gœnobium vero noslrum quidquid habebat in
« ecclesia de Gondeto et jus patronatus inecclesiade Montigny
(( cum decimis et oblationibus ei concessit. Tgilur post multas
« approbationes nobis à domino Haymardo iraperti tas, multa-
« que prœclare ab eo gesta, inter quae fundalio collegii sive
« hospitii Sancti Nicolai Suessionnensis corroborata anno Do-
« mini millésime ducentesimo decimo quarto, confirmatur. »
Ge Livre des chroniques, d'où nous avons tiré et pris cet ex-
trait, nous a été communiqué fort obligeamment par le Révé-
rend Père ou M. Daniel Aubry, chanoine régulier de Saint-
Jean-des-Vignes et prieur-curé de Beaune.
Copie de Vacle d'échange faite entre les abbayes d'Orhaiz ei
Saint'Jean-des-Vignes de Soissons, et approuvée
, « Haymardus Dei gratia Suessionnensis episcopus, omni-
ceUe échange « bus in perpcluum. Noverint univetsi quod ecclesia sancti
par^Haymard ^^ Johaunis iu vincis Suessionnensis, et ecclesia sancti Pétri de
éveque de i . i-
Soissons. « Orbaco, de voluntate et assensu nostro hujusmodi commu-
« tationem fecorunt. Ecclesia sancti Pétri de Orbaco quittavit
« ecclesiee sancti Johannis jus patronatus quod habebat in
« ecclesia de Gourboûin, et in ecclesia de Moi'eacelles. et quid-
« quid habebat in majori décima cum graugia et tractu, et
« quidquid habebat in minutis decimis et oblationibus, et
« quid(|uid habebat in villa de Courboûin, iu hospitibus,
1 . [Clironicon abbalialis canonicœ S. Johannis apud Vitieas Stiasion-
nensis P. Pctro Le Gris, 1019, Parisiis, L. Sevcslrc, in-8°.]
2. On ne sçait pas In nom de cet abbé d'Orbaiz qui fait cet échange.
Gilles éloit abbé en 1220. Mais Saint-Joan-des-Vigues avoilalors, en 1214,
pour abbé Raoul, premier de ce nom, selon la chronique de Saint-Jean, aa
lieu d'où cet extrait est tiré.
HISTOIRE DE L' ABBAYE d'oRBAIS 139
« censubus et costumiis et avena, et totam terrum quam ibi
« habebat, et quidquid in omni jure videbatut' habero in
« illis duobus locis. Ecclesia autem sancti Johauuis quittavit
« ecclesiae de Orbaco, quidquid habebat in décima et triagio '
« de parrochia de Coudelo, cl jus palronatus in ecclesia de
« Montigny, et in ecclesia de Vardon, et in ecclesia de Marre-
« gny, et quidquid habebat in majori décima et minori et
B oblationibus de Montigny et graugiam de Vardoîi, et quid-
« quid habebat in minori décima de Vardon, duas partes vide-
« licet, excepta illa sexta parte quam ab antique ecclesia de
« Orbaco tam in duabus partibus sancti Johannis, quam in
« parte presbyleri habebat et habebit in perpetuum. Quitla-
« vit eliam ecclesia sancti Johannis ecclesia' de Orbaco quidquid
« habebat in minuta décima et oblationibus de Vardon. Ouid-
« quid autem spectabat ad ecclesiam sancti Johannis de ma-
« Jori décima de Marregny, et quidquid exspectabat habere
« seu auctoritate privilegiorum suorum, seu jure alio, velaliis
« quibuslibet modis in terris cultis etcolendis, quittavit eccle-
« sise de Orbaco in perpetuum.
« Nos autem hujusmodi commutationem laudamus et con-
a firmamus. Diclœ ecclesiœ de Orbaco et sancti Johannis sibi
« invicera promiserunt super istis garandiam portare contra
« omnes qui juri parère noluerint. Quod ut ratum et firma-
« tum permaneat, prscsentes litleras sigilli nostri munimine
« fecimus conhrmari. Actum Suessione, anno dominiez In-
« carnationis millésime ducentesimo quarto decimo, mense
« januario. » L'original de cette chartre se conserve encore eu
parchemin dans le chartrier de Sl-Pierre d'Orbaiz.
CHAPITRE CINQUIEME
Des fondateurs et bienfacteurs dont on a connoissance, et de
leurs bienfaits.
Saint Règle, vingt-septième ai'chevêque de Reims, a toujours Saiut Réole,
été reconnu pour le premier autheur et fondateur de cette ab- prenuei- fon-
'■ ^ '■ auteur u (Jr-
baye, puisque c'a été luy qui, avec la permission du roy baiz.
Thierry, premier du nom, et du consentement d'Ebroïn, maire
du palais de ce roy, a fait jetler les premiers fondemens et
édifier le monastère au heu que ce roy luy avoit donné, comme
1. [Tringc ou terrage.]
haye.
140 HISTOIRE DE l'aBBAYE d'oRBAIS
nous l'apprenons de l'Histoire de Flodoard, livre second, chapi-
tre dixième. « Hic veuerabilis episcopus (Reclus) construxit
« monasterium Orljacense in loco quem promeruil douo régis
« Thcodorici, per ipsius licentiam, suffragante Ebroïno majore
« palatii. d
Thierry I" don. TuiERRY, I''' du nom, l'oy de Neuslrie ou de la France
no lo fond. occidentale, dit Mezeray, donna le fond et domaine sur lequel
saint Réole fit bâtir ce monastère, suivant la remarque de
Flodoard : « Construxit monasterium Orbacense in loco quem
« promeruit âono régis Theodorici. » Cette donation faite par
Thierry a toujours fait considérer cette abbaye de fondation
royale; elle est ainsi qualifiée dans la déclaration des biens,
domaines, droits et revenus temporelz, présentée à la Cham-
bre des Comptes de Paris le vingt et uuiesme décembre mil
cinq cens quarante-sept par dom Paquier Chatlon, prévôt de
St-Pierre d'Orbaiz, prieur d'Oiselet, et procureur d'Alexandre
de Carapegge, abbé commeudataire, et des religieux d'Orbaiz.
Childebert II Childebert, II" du uom, fils de Thierry premier, et roy
Ç^^tégelab- ([q \.^ France occidentale, honora celle abbaye de sa protection
royale ; car le vénérable Leudemar, noire premier abbé, ayant
été injustement dépossédé et chassé par force de cette abbaye par
un certain Odon , après la mort de saint Réole premier fondateur,
il le rétablit dans son abbaye et dans sa charge et dignité ab-
batiale. « Leudemarum nomine in eodem loco abbatem consti-
« tuit, qui rexit idem monasterium, donec vixit : nam, licetab
« Odone quodam fuerit expulsus, a Childeberto tamen rege
« poslea restitutiis est. » (Idem Flodoard, libro secundo, capile
decimo, ubi supra.)
Charle.s le Chauve, roy de France et empereur d'occident
(suivant les;'paroles rapportées dans l'appendice ou supplément
de Flodoard vers la fin, pages 408, 409, folio verso) donna vers
l'an 860, la vingtième année de son régne, à l'abbaye d'Orbaiz le
village, terre, ou seigneurie dite en latin Noviliacum., qu'il
avoit fait confisquer sur Gozelin fils et Landrade, sa mère, et
veuve d'un certain Donat à qui Charles l'avoit donnée en fief,
ou par récompense \ parce que cette veuve, Gozelin et ses au-
1 . Charles nyant été vaincu par Louis lo Jeune, son neveu, fils de Louis
le Germanique, à la bataille de Mej^uin prez d'Andernac le 7 d'octobre 876,
donna les bénéfices ou biens des églises à plusieurs seigneurs, surtout aux
Lorrains, pour les attacher à son service. Dupleix, Ilist. de France, tome 1,
page 488, n° Vil, et page 489, q" I. [Edit. 1G39.]
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
141
très enfans avoient manqué de fidélité à co prince pour se
jetter dans le parti des ennemis de TEtat. « Dédit Garolus Do-
« nato in beneticium Noviliacum. Processu deuique temporis
« commendavit Douatus liliiun suuin Gozelum Carolo régi,
« cui in i^encticium dedil (larolus villam Noviliacum cum ap-
« penditiis suis. Deinde Landrada, uxor Donati, sed et filii
« eoruin, peryeulo Carolo rege ad obsideudos Nortmannos, qui
« in insula qute dicitur Oscellus ' residebanl, cum aliis defe-
« cerunt. Quorum honores et proprietates à Francis auterri et
« in (Iscum redigi judicalic sunl. Unde Landrada et Hlii ejus
« eateuus auctoritatom Caioli régis non obtinuerunt. De
« quibus rébus anno vigosimo regiii sui Garolus villam fisca-
« lem pra?cepto suo quod liabemus, Orbacensi monasterio
« dédit. »
Mais il est à croire que l'abbaye d'Orbaiz ne jouit pas long-
temps de cette donation, puisque cette Landrade, veuve de
Douât, trouva moyen de s'emparer et d'usurper cette terre, et
qu'après plusieurs chicanes de ce siècle, cette terre retourna
par le grand crédit de llincmar de Reims auprès de Gharles, à
l'église de Reims, c'est-à-dire à k cathédrale;et cà l'abbaye de
Saint-Remy qui avoient et qui jouissoienL de leurs biens en
commun et par indivis, ce qui est bieu à remarquer.
On ne connoît plus ni le nom de cette terre, ni le lieu de
sa situation. M. Marlot dit que c'est inpago Urliiisi, mais cela
ne fait conuoilre ni le nom françois, ni l'endroit de cette pos-
session *.
VuLFAEKJS, archevêque de Reims, prélat d'éminente vertu,
digne successeur et fidèle imitateur du zèle des saints Remy,
Nivard,. Rèole etc., pour la fondation des monastères,
(sachant avec quel soin notre bienheureux père saint Benoist
ordonne dans sa sainte règle, chapitre 48, que ses religieux
s'occupent aux travaux manuels, comme les apôtres) laissa par
son testament des fonds, héritages et autres biens au monas-
Orbaiz ne jouit
pas longlems
de cette dona-
tion. Landra-
de l'usurpe,
et Notre-Da-
me et Saint-
Remy en
jouissent par
indivis.
Vulfarius don-
ne des biens
pour le tra-
vail des reli-
gieux d'Or-
baiz.
1. Oissel, isle sur la rivière do Scyne. — [[,a ville d'Oissel est aujour-
d'hui dans le canton do Grand-Couronne (Seine-lnferieure), arr. de Rouen.]
2. [Noviliacum doit être Neuilly-Saint-I''ront, aujourd'hui chef-lieu de
canton de l'arrondissement do Château-Thierry. Flodoard l'ait mention do
celle localité dans son Histoire de l'église de Keims. liv. II, ch. 17, cl
liv. III, ch. 10 : « Villam Sijvilliacum in pago i'rtiiisc sita)ii... » Cf. Mar-
'ot, Melropolis liemensis llistoria, t. I, p. 3^8 et 31.2. Le pagux Urtinsin,
mieux désigné sous le nom du paçjus IJrcensis, ou Orxois, était voisin des
pagi Suessionicus el Vadensis CValois). Il lirait son nom do la rivière
de rOurcq (L'rcus). — Adrien de Valois, Nolitia Galliarum, p. 624.]
142
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
1147. Donation
faite aux ab-
Lé et reli -
fieux d'Or-
aiz par les
doyen et cha-
noines d e
Châlons.
Donation de
Thibaud, com-
te de Cham-
pagne.
tore d'Oi'baiz snflisaus pour y occuper ses roligieux*au travail
des mains, suivant le témoignage de Flodoard, livre second,
chapitre dix-huitiéme rapporté par Dom Guillaume Marlot,
tome premier, livre troisième, chapitre dix'-huiliéme,dontvoicy
les paroles : « Vulfarius lîi calendas septembris auno 816,
« vel, ut alii volunt, obiit t) junii 817. Autequam expiraret,
« propriœ salulis memor, multa paupci'ibus in eleemosynam
« distribucnda curavit, qute leguntur apud Flodoardum, libro
« 2, cap. 18 in fine : Ad opus quoque fratrum Orbacensis cœ-
« nobii quantum siif/iceret eis. Unde datur intelUgi in majo-
« ribus quoque locis mulio plura tune fuisse dispensata. »
On ne sçait aujourd'huy en quoy cousistoit cette dona-
tion.
Radulfus (Raoul), doyen de l'église cathédrale de Saînl-
Estienne do Chàlons-sur-Marne, et les chanoines de la Sainte
Trinité de la même ville donnèrent à Baudouin abbé et aux
religieux d'Orbaiz ce qui leiu* apparteaoit au village d'Oiselet
à certaines conditions repiises dans le titre en parchemin
de l'an mil cent quarante- sept, rapporté cy-devaut en
traitlaut de la chapelle ou prieuré d'Oiselet, où il faut avoir
recours pour sçavoir en quoy consiste la donation et à quelles
conditions.
Thibaud, IP du nom, comte de Champagne et de Brie,
célèbre dans l'histoire de France, et grand ami de saint Ber-
nard, remet aux religieux d'Orbaiz certaines coutumes et au-
tres droits qu'il avoit accoutumé de prendre dans la ville d'Or-
baiz, et les leur abandonne, à la charge de luy payer par
chacun an, cent dix sols. Voicy une copie coUationuée et vi-
dimée des lettres ou de la charte de ce comte Thibaud •.•
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront et oiront,
« Pierre d'Essommes, garde du scel de la prévôté de Chastel-
« Thierry, salut. Sçachent comme par nous, l'an de grâce mil
« trois cent vingt et deux, le mercredi après les brandons venus,
« viies lettres scellées du scel du comte Thibaud, si comme il
« aparoîtpar la teneur desdites lettres contenaus cette forme :
« lu uomine saucliB et indlviduie Trinitatis, ego comes
(I Tetbaldus notum volo esse omnibus tam prresentibus quam
0 futuris, quod monachi sancti Pctri Orbacis deprecati sunt,
« quod consuetudines quas in loco illo habebara illis dimit-
« tercm, scilicet dimidium lelonei mcrcati ilhus villa', et di-
« midium Madimouiorum duellorum, et insuper decimam
« partem consuetudinis carrorum silvœ et commendatiouem
HISTOIRE DE LABUAYE d'ORBAIS 143
« hominuin supradiclœ vilko at([ue raedielatem bannorum,
0 quorumjjpetilionibus adquievi pro remcdio auimarum meo-
« ruiii autecessorum, mea-que uxoris alque tilioruin meo-
« rum, eu scilicet tenore ut nemo adveua vel albanius in su-
ce pradicta villa habitaus liomiuiuni vel commendationem
a alicui nisi soli tauluijiraodo ecclosiio faciat, el ut uec ego,
« nec aliquis deinceps ex mca parte in loco illo vi aliquid ac-
« cipiat, sedjCuni ibi perveuero, spoule iuomiiibus sumptibus
« me recipere debeut prœter annouam equorum ; et, ut iu iui-
a lium quadragesinite. per singulos aunos centum et deccm
« solides mibi persolvaut : ceutuni scilicet pro debilo supra-
« diclaruiu consuetudiiium, et decem pro commendaliouibus
a bominuin, salvamea advocatioue ; et ut hoc ratum et incou-
c cussum iu perpetuuui permaueat, et ne ab aliquo successo-
« rum meoruni iu posteruni violari potuisset, sigilli mei auc-
« toritate muniri et corroborari prœcepi, subscriplis teslibus
« laudaulibus et contirmantibus. Siguum f Tetbaldi coraitis.
« Signum f Adelaïdis comitissse. Hujus firmameuti lestes
« sunt Engeliauus arcbidiacouus Suessorum, Tetlmldus tilius
« Milonis vice-comitis, Gilduiuus de Blesis, Gaui'ridus de
0 Castellodunis, Fulco de Basilicis, Gautberus de Luzarchiis,
« Aruulphus pucposilus, Wido cubicularius. — En témoins de
a laquelle chose, nous Pierre d'Essommes dessus dit avons mis
« le scel de ladite prévôté de Chas tel-Thierry en ce présent
« transcript qui fut fait l'an eljour dessus dits.» Au bas de cette
copie il y a la queue où peudoit le sceau qui est perdu. Il n'y
a point de signatures selon l'usage de ce tems-là et des autres
siècles précédeus.
Cette charte icy vidimée n'étant point datée, ce n'est que
par conjecture qu'on l'attribue à Thibaud second, à cause
qu'Adélaïde ou Alix, comtesse de Crépi et de Valois, qu'on croit
avoir été son épouse, parce que ce nom se trouve dans ladite
charte, vivoit vers l'an onze cent. D'autres lui donnent pour
femme Mahaud ou Mathilde, fille d'Engilberl troisième duc de
Carinlhie.
Noire Thibaud succéda aux Etals de Champagne et de Brie
en 1 lui et les gouverna jusqu'en mil cent cinquante-
deux qu'il mourut. Ce prince est fort célèbre pour sa vertu,
son grand courage et son attachement à saint Bernard, abbé
de Clairvaux, qui luy a écrit plusieurs lettres '.
i,
[On doit rejeter la coujccluro pur lui[Uello Dont Du liuul ulliibuo ù
14'i HISTOIRK DE l'abbaye D'ORBAIS
Echange faite Henry, I""' du iiom, comte Palatin' de Champagne et
avec Henry de Brie, surnommé le Riche, le Large, ou le Libéral, qui se
rL?,?!!ll!,.l'^ croisa lan mil cent quarante-huit avec Louis septième, dit le
L.nanipague. ^ t^ '
Jeune, roy de b'rance, passa avec luy en Palestine, et y mou-
rut eu 1173 "'. Avant sa mort, en mil cent soixante-cinq, il
bailla et octroya aux religieux, abbez et couvent d'Orbaiz,
droit d'usage par toute la forest de Vassy ' à prendre bois vifs
tant pour bâtir que pour le chauffage indifféremment, re-
conuoissant ledit comte Henry que lesdits religieux, abbez et
couvent luy avoient cédé, quitté et abandonné une partie de
ladite forêt de Vassy, qui leur appartenoit ; mais on ne sçait
aucunement qui est le Roy de France, ou le comte de Cham-
pagne, ou autre prince qui avoit auparavant donné à celte ab-
baye cette partie de la forest de Vassy.
Cette échange faite entre le comte Henry et noire abbaye
étoit reprise et expliquée dans un acte public, ou litre écrit eu
latin, qui ne se trouve plus. On sçait seulement que Christophe
de Gomer, soy-disant chevalier seigneur du Brenil, maître des
eaux et foresls de Château-Thierry et Chàlillou-sur-Marne,
dans sa sentence ou ordonnance du douzième février mil cinq
cens soixante et un dit, déclare et reconnoit aoow' vu certaines
lettres et chartes écrites en latin données par Henry, comte
palatin de Champagne, de l'an mil cent soixante-cinq.
Ce Christophe de Gomer, ennemi irréconciliable de celte
abbaye, réduisit par sa susdite ordonnance ou sentence du 12
Thibaut II la charte sans tltite dont le vidimus de 1322 nous a conservé la
copie. Le Bénédictin a commis ici plusieurs erreurs. Thibaut II recueillit les
Etats de Champagne et de Brie non pas, comme le dit le texte du manuscrit,
en 1101, mais bien on 1125, à la suite de l'abdication de son oncle Hugues, il
naquit en 1093, et épousa en 1123 Malhilde, fille d'Engelbert, duc de Carin-
thie. Adélaïde ou Alix de Valois fut la seconde femme de son grand-père,
Thibaut I ((0G3-1089) ; e'.le était déjà mariée à ce prince en 1061 et on croit
qu'elle devait être morte dès 1100. Il faut donc reconnaître Thibaut I
comme Tauleur de la libéralité faite à l'abbaye d"Orbais par la charte vidi-
mée que rapporte Dom Du Bout, et dont la date pourrait se placer vers
i'au 1080 ou environ.]
1 . M. du Cangc, dans ses notes sur Joinville, prouve que, comme les
comtes rendoicnl ia justice dans les villes, celui de Troyes, capitale de
Champagne, étoit appelle Palatin, parce qu'il exerçoit la jurisdiction sur les
officiers de la maison du Roy.
2. [L'auteur se trompe. Henri 1='^ mourut à Troyes, le IG mars 1181, au
retour de sa seconde expédition en Terre Sainte.]
3. [Il ne s'agit pas de la forêt de Vassy (Haute-Marne), mais de celle
qui se trouve conliguë à la forêt d"Enghuien,dans l'arrondissement d'Epcr-
uay, entre Igny-le-Jard, Orbais et le Baizil.]
HISTOIRE DE l'aUBAYE u'oHBAIS 1 'i-'>
Icvriei- l."i()l ce droit de l'abbaye, donné en échange par le
conilc Henry, à cent cordes de bois et à quatre milliers de
fagots. En parlant de Nicolas de la Croix, abbécommeudataire,
on verra plus au long celte réduction qui se fil de son tems
par Gomer.
,-, ,,, T-. 1 Ti r. 1 .1 < < Confirmation de
L.HARLES IX, Roy de trance.connrma par ses lellres-pateni.es Charles IX.
données à Saint-Maur des Fosaez le quatrième jour de may
mil cinq cens soixante-sept et vmgt-cinquiéme aoust
soixante-huit, ce droit d'usage de notre abbaye réduit ainsi
par ledit Gomer à cent cordes et quatre milliers de fagots.
Dans lesdites lettres-patentes le Roy dit : « Les religieux et
« abbez et couvent d'Orbaiz nous ont fait remontrer qu'en
« l'année 1 16o, par accord fait avec Henry, comte de Ghampa-
« gne, reconnoissanl qu'ils luy avoiont cédé et abandonné une
« partie de la forest de Vassy, il leur avoit accordé droit d'u-
« sage par toute ladite forest à prendre bois vifs tant pour
« b.Uir que pour le chauffage indifféremment, etc. » Voyez le
reste dans lesdites lettres-patentes qui sont dans le chartrier,
obtenues par Nicolas de la Croix, abbé commendataire,eldeux
fois ambassadeur en Suisse pour le roy Charles IX.
{A suivre).
10
FOLLK ÉQUIPÉE
Nos trois complices so voyant libres et craiguaut de ne plus
l'être quelques instants plus tard, se glissèrent comme ils
purent jusqu'au coin de la rue du Change, ils s'aidèrent, et
frôlant les murs ils passèrent devant l'église Sainl-AIpin, pri-
rent à droite au bout du marché, la rue des Cloutiers et la
Boucherie. — Ils étaient sauvés. — Le fournier put rentrer
chez lui avant la fermeture des portes du Cloître et avant que
l'alarme eut sonné; quand au barbitonsor il était si mal
arrangé, si déconfit qu'il dut s'arrêter chez l'ajjothicaire qui
passa deux heures à lui appliquer divers baumes et un nombre
considérable de vulnéraires.
Le lendemain, le prévôt, les échevins, les sergents,
les greffiers et autres suppôts de justice furent mis en cam-
pagne afin de procéder à une enquête sur celte étrange aven-
ture dont il fallait absolument connaître les causes.
Tous les gens trouvés sur le lieu du tumulte furent succes-
sivement appelés en l'auditoire de la Loge, où se rendait la
justice, pour être interrogés et leurs dires soigneusement con-
signés par écrit. — Jean le Houssetas, maître chaussetier,
prétendait avoir vu deux larrons chargés de butin, se sauvant
à toutes jambes. — Adam Papon, hôtelier des Quatre fils
Aymon disait au contraire que les deux fuyards étaient deux
hommes d'armes lourdement équipés à l'anglaise. — Michel
Gorju, le chanvier disait avoir vu le démon poursuivi par saint
Michel archange son patron et terrassé par lui, comme il se
voyait eu la grande verrière de l'église de la Trinité, peinte par
Jehan Cadenelle, mais la longue station qu'il avait faite, avant
l'émeute, au cabaret de l'Escuelle d'Estain avait dû lui troubler
la vue ce qui rendait son témoignage fort suspect.
Nicolas Grospois^ marchand regrattier bien connu dans le
quartier pour son humeur débonnaire, ne savait rien des causes
et du début du tumulte ; la seule chose dont il était sûr, c'est
qu'il avait reçu dans la mêlée d'innombrables coups, ainsi
qu'en témoignait son visage meurtri et couvert d'ecchymoses^
— Denis le charpentier, homme robuste qui mettait volontiers
♦ Voir page bO, lomb XV^ ùe la Revue de Champagne et de Brie.
FOLLK ÉQUIPÉE 147
eu pratique celle maxime populaire : — Lallons-nous d'abord,
on s'expliquera après, — témoiguait qu'il avait entendu crier :
Sus! Sus! Alerte! et qu'il avait tapé dru sans s'enquérir
davantage. — Pernet le cirier prétendait que le tumulte no
pouvait être attribué qu'à un homme malicieux qui avait dû
jeter un foie de loup dans la rue ce qui, ainsi qu'en témoi-
gnaicntceutexemplcs, pouvait causer de soudaines paniques et
émotions étranges. Il ajouta aussi que le trouble de la vedle
provenait peut-être du passage du Moine-Bourru, auquel cas
l'on ne pouvait incriminer personne ni chercher à en savoir
davantage, car ce personnage mystérieux et ennemi des
honnnes était insaisissable.
A cette déclaration terrifiante, car on savait que le passage
du Moine-Bourru pouvait causer de grands maux , le
prévôt, les échevins, les sergents, le greffier et tous les témoins
réunis en l'auditoire se signèrent et Jacques Colelle, clerc
tabellion récita trois fois le verset: Exurge Domine... qui
avait le pouvoir d'éloigner les dénions et de conjurer les
maléfices.
Les témoignages furent nombreux, mais hélas! tous insuf-
fisants, confus, contradictoires, sans netteté, sans lien entre
eux et rien ne faisait espérer que l'on pût y saisir un fil con-
ducteur pouvant, dans celte ténébreuse affaire, mener à la
découverte de la vértté.
CHAPITRE XI
Comment Miclul Clunitemerlo, l'oi-gauiste trouva ses repas assutéâ
à loiisjuur.s.
Pendant que la justice séculière procédait à cette minutieuse
enquête ([ui ne devait point abouti'', on se livrait dans le
Cloilre à une singulièie coustatatiou.
Dès la première heure Jacques ('ornu, l'ostiaire du Chapitre
avait été prévi'uu par l'un de;, portiers, que deux instruments
que nous n'avons plus à désigner gi.saient sur le sol près de la
porte d'entrée.
C'étaient évidenunent les deux armes (juo la veille le barbi-
lonsor et le fournier portaient si vaillamment sous le bras et
qu'ils avaient laissés sur le terrain au moment de leur déroute.
Jacques Cornu ne songeait certainement pas à rattacher
celte particularité aux troubles de la veille, car ces deux ins-
148 FOLLE ÉQUIPÉK
Irumenls ne présentaicut aucune similitude avec ceux doul ou
faisait usage dans les attaques à main armée. Cepeudaiit, par
prudence et afiu de ne rien négliger, il attendit jusqu'à neuf
heures; ce délai passé et personne ne s'étant présenté pour en
revendiquer la propriété, indice (jui n'était pas sans impor-
tance, il lit appeler un sergent qui dressa procès-verbal de cet
abandon, où lurent soigneusement consignés tous les détails
utiles touchant leur forme, situation, état, usage probable,
sans rien omettre; et le tout fut envoyé à M. le Promoteur, qui
le reçut vers midi, au moment où il allait se mettre à table.
— Hum ! . . . fil M" Guillaume Grinchard en prenant con-
naissance de l'envoi; qu'est-ce que cela? hum ! ... je n'ai nul
besoin de ces attirails ; Dieu merci 1 hum ! . . . je n'ai pas l'in-
testin malade... huml... et l'on pouvait, ce me semble,
choisir un autre moment pour me les adresser. . . hum !. . .
Pierre Macabre, le clerc de M. le Promoteur, qui en toute
affaire avait en vue les cinq sols d'amende auxquels il avait
droit « si le cas y échet » comme disaient les pièces de procé-
dure ; ce qui, à son gré, n'arrivait pas assez souvent, rédigea
après le dîner un long rapport dans lequel il accumula les
hypothèses et les suppositions, il établit d'ingénieux rappro-
chements entre les faits connus et ceux qui ne l'étaient pas et
par induction, tira de fort logiques conséquences de choses que
personne ne savait encore et que selon toute vraisemblance on
ne parviendrait point à découvrir.
Pierre Macabre n'était encore que clerc et pourtant dans la
rédaction do ce rapport il fit preuve d'un talent digne du pro-
cureur le plus retors. Cet acte était capable d'émouvoir les
magistrats et de mettre en mouvement toute l'armée des sup-
pôts de justice si l'on y eût ajouté foi.
— ria leur mettra la puce à l'oreille, disait-il d'un air
satisfait.
M. le Promoteur signa ce rapport en maugréant, ce qui était
un peu dans ses habitudes, et le tout l'ut envoyé à l'OlTicial.
Là ou se borna à paraphraser et à condenser en latin usuel
les documents parvenus, et comme il était question d'émotion
populaire et de sûreté de la ville, ce qui n'était point du ressort
de rofticial, procédure et pièces de conviction furent trans-
mises à l'échevinage.
Cet envoi et surtout la lecture du rapport de M. le Promo-
teur causèrent un certain émoi parmi les échevins. Bien que
l'on ne vit pas très clairement quelle relation il pouvait y avoir
FOLLE KQUIl'ÉK 149
entre l'abandon des deux objets en question fait à la porte du
Cloître et le tumulte survenu dans la soirée du 28 septembre,
cette supposition eut pour effet de donner aux recherches une
nouvelle activité.
Après quatre jours d'informations supplémentaires, le Prévôt
convoqua les échevins eu séance générale, au cours de laquelle
il fut dit de fort belles choses. M'' Colart le Parent, rapporteur
de l'enquête, exposa avec une merveilleuse clarté, que, mal-
gré l'avis de M. le Promoteur, il n'y avait nulle apparence que
la* découverte faite dans le Cloître, eût quelque rapport avec le
tumulte qui avait troublé la cité. — Que l'abandon des deux
instruments ne pouvait provenir que d'un cas fortuit inexpli-
cable. — Qu'il était sans précédents qu'une ville eût jamais
été attaquée par des armes semblables. — Que ces deux objets
déposés sur le bureau du greffier et exposés aux yeux de tous,
ne présentaient dans leur contexture et disposition rien que de
parfaitement normal et que leur maniement n'avait révélé
aucun mécanisme secret pouvant offrir quelque danger, ainsi
du reste que l'avaient affirmé un potier d'étain et un apothi-
caire, experts appelés par l'écheviuage, tous deux habitants de
la cité et gens de bien.
Les deux experts vinrent témoigner de la sincérité de cette
déclaration parfaitement conforme à leurs dires. Par un zèle
très louable, l'apothicaire crut, en outre, pour mieux appuyer
son témoignage, devoir proposer à celui de Messieurs les éche-
vins qui voudrait bien se prêter à l'opération de faire l'essai
des deux instruments en pleine séance, déclarant qu'il n'en
éprouverait aucun mal, sinon les effets ordinaires.
M" Colart le Parent déclara alors que toute enquête, recher-
che et information sur ce sujet était close et qu'il y avait lieu
de faire remettre à l'hôpital les deux objets trouvés, où ils
pourraient rendre d'utiles services, ce qui fut adopté.
On se souvient que Polycarpus Grasmolet, assez mal accom-
modé dans la bataille, avait pu cependant regagner le logis de
l'apothicaire et que celui-ci, après un rapide examen de son
état avait jugé nécessaire de l'enduire de baumes et de vulné-
raires variés. — Il dut y passer la nuit, et le lendemain malin
sa situation ayant empiré, il fallut le reconduire à son domi-
cile.
Bientôt la fièvre survint et avec elle le délire. — Tous les
déijoires qui lui étaient survenus depuis trois semaines : son
affaire avec la P,ouillarde, les gargouilles, l'alchimie, sou projet
150 FOLLE ÉQUIPÉE
avorté, la bataille, les coups reçus, envahirent son cerveau
troublé; il eut des visions pénibles qu'il repoussait du geste,
il divagua et tint les discours les plus incohérents, au milieu
desquels venaient se placer certains épisodes que nous con-
naissons et notamment l'agnel d'or que son avarice naturelle
lui faisait réclamer à grands cris.
On appela en toute hâte M'' Nasulus, le médecin le plus eu
renom de la ville, qui examina le malade à trois reprises diffé-
rentes et déclara son état grave — très grave — et extrême-
ment grave. — Il parla de céphalée intense, d'inflammation
mézaraïque, de strangurie et opilation et finit par conclure à
un accès de maie- rage.
Il déchu'a qu'il fallait faire appel à la médecine rationnelle,
à THippocratique et à la Galéuique, et même aussi à la Sur-
naturelle, Thurgique, Mathématique, Passique, Courtique,
Adamique, Empirique, Diétaire, Monique, Talismanique,
Philtrique, et même à d'autres s'il en était besoin.
Il cita comme remèdes propres ta combattre le mal, les cho-
lagogues, les ménalologues, les hydragogues, les phelmago-
gues, les hypagogues, les panchymagogues et quelques autres,
et finalement, il n'ordonna rien, sinon que pour éviter tout
danger, l'on mît au patient une muselière laite de lanières de
cuir entrelacées, de façon qu'il ne pût mordre personne.
Les voisins et surtout les femmes présentes à la consultation,
frémirent en entendant cette triste prescription ; elles se dirent
que dans un jour ou deux il faudrait certainement étouffer le
barbier entre deux matelas, moyen auquel on avait alors
recours pour la guérison de la rage.
L'apothicaire qui savait que le barbier n'avait pas été
mordu .et qui connaissait les causes de son mal, accourut aus-
sitôt et se montra plus clairvoyant et plus sage; il ne vit dans
l'étal du malade qu'une sorte de frénésie occasionnée par les
événements de la veille et peut-être par quelque apostume
formé dans les panicules du cerveau. Il lui fit prendre un cal-
mant qui ne tarda pas à modifier sa situation et remède sou-
verain, lui plaça dans la narine gauche une feuille de nénu-
phar et de mélisse mouillée au préalable.
Ces moyens eurent un excellent effet, le patient se calma
peu à peu ; mieux encore, il dormit, et finit par dormir si bien
qu'il ne se réveilla ni ce jour-là ni les jours suivants. — Il ne
pouvait désirer une mort plus douce.
M le Grand-Ghanlre du Chapitre, consigna ce décès sur son
FOLLE ÉQUIPÉE \b\
obituaire, en donnant au défunt les qualités que tout le monde
lui connut de son vivant. On lit en effet dans cet obituaire la
mention suivante :
« Pridie Kalendas octobris — Obiit Polycarpus Grasmolet, barbi-
tonsor qui, eo vivente, fuit ignarus, superbiens, garrulus, avidus,
gulosus, quoDStuosissimus, sordidaî avaritiœ, libidinosus, et qui quasi
invitus dédit nobis quadraginta solidos redditùs, percipiendos singulis
annis super quamdam domum sitam in Campo borandi. »
Cet événement eut certaines conséquences qu'il n'est pas
inutile de rapporter. Le barbier laissait du bien et Alizou sa
nièce était seule héritière. L'inventaire de la succession fut
dressé par Pierrre Gotelle, tabellion Juré de la Loge, assisté de
Michel Chantemerle, Torganiste, qui intervint dans l'acte, non
plus comme simple témoin, mais comme porteur des pleins
pouvoirs de l'héritière. — Il fut constaté que Polycarpus Gras-
molet laissait en propriétés de différente nature, un revenu
annuel de 263 livres tournois, plus une pièce de terre, sise au
terroir de Fagnières, louée six setiers de blé et deux chapons
vifs et bien en plumes, payables chacun an au jour de la Saint-
Martin d'hiver, ce qui au total, formait un assez beau revenu
pour l'époque.
— Eh bien! dit Alizon, lorsque l'organiste lui eut rendu
compte du résultat de l'inventaire, voulez-vous voire part de
cette bonne fortune inespérée, car vrai, je n'y comptais guère.
— M'amie, répliqua Michel, l'an passé j'étais trop pauvre
pour vous épouser, aujourd'hui vous êtes trop riche.
— Voilà un singulier raisonnement ; je suis sûre que si
vous aviez été dans une position meilleure vous m'eussiez
offert de la partager, — j'eusse accepté — et parce que la
chance vient à moi, vous refuseriez? Ça n'est pas juste!
L'homme n'est donc jamais content, ajouta Alizon avec viva-
cité.
— Allons mignonne, ne nous fâchons pas; j'exposais mes
scrupules, mais je me rends. Apaisez-vous, dit Michel en lui
prenant affectueusement la main, puis-je refuser une femme
selon mes goûts et selon mon cœur et. . ,
— El quoi encore? fit Alizon.
— Et qui de plus, ajouta l'organiste, m'apporte de quoi
diner tous les jours.
L. Grignon
BIBLIOGRAPHIE
Histoire de l'abbaye d'Igny (ordre de Citrauk), par M. l'abbé Péche-
narfl, \'ic^ire-général de l'archi-diochse de Reims, 1 vol. gr. iu-S",
Reims 1883.
Ce travail considérable et complet est l'un des meilleurs ouvrages
historiques qui aient depuis longtemps paru en Champagne. Rien
assurément n'est plus intéressant que la monographie d'une abbaye
aussi intéressante que celle d'Igny, à la fondation de laquelle saint
Bernard prit une part notable. Ce qui rend le sujet encore plus digne
d'attention, c'est que Igny est reconstituée depuis 1876, grâce au zèle
de Mgr Langénieux, archevêque de Reims, qui y a réinstallé les fils
de Citeaux, rendus à leur ancienne occupation : la culture du sol.
M. l'abbé Péchenard a consulté toutes les sources auxquelles il
pouvait recourir pour rendre son travail complet et il peut certaine-
ment avoir la conviction d'avoir atteint son but.
Igny était l'une des abbayes les plus importantes du diocèse
de Reims. Saint Bernard, ayant par sa sage influence appaisé des
troubles fâcheux survenus dans ce diocèse, l'archevêque Renaud do
Martigny voulut en témoigner sa reconnaissance en y appelant en
souvenir une colonie de l'ordre de Citeaux. La charte de fonda-
tion et celle de confirmation royale sont de l'année 1128. Toute
sa vie, saint Bernard s'occupa avec un soin constant du nouveau
monastère et il ne contribua pas peu à en assurer l'installation et à
en activer le développement, en stimulant le zèle charitable des sei-
gneurs du voisinage. Igny eut le bonheur d'avoir pour second abbé
(1138-1157) le bienheureux Guerric, dont la piété et le savoir étaient
également considérables.
Nous ne prétendons pas dans ce rapide article rendre un compte
détaillé de l'œvre de M. l'abbé Péchenard ; nous y rtviendrons certai-
nement, mais nous voulons, sans tarder, la signalercomme présentant
un double intérêt ; non-seulement l'auteur traite un sujet impor-
tant pour l'histoire de la Champagne, mais aussi pour l'histoire géné-
rale des institutions monastiques, en faisant connaître à fond l'ordre
de Citeaux et la règle de la Trappe, qu'on se plaît si volontiers à exa-
gérer. C'est un véritable tableau de la vie monastique, telle que la
pratiquèrent les Cisléciens en prenant l'abbaye d'Igny comme cadre.
Les documents des archives sont considérables et M. l'abbé Péche-
nard s'en est très habilement servi. Il reste cependant encore un
travail à publier, c'est le Cartulaire lui-même, conservé à la Biblio-
thèque Nationale. M. l'abbé Péchenard le signale avec raison comme
une entreprise digne de tout le courage d'un érudit et qui rendrait ù
BIBLIOGRAPHIE 1 53
l'hisloire locale un réel service. Nous croyons que son vœu sera pro-
chainement exaucé, bien qu'il ne faille pas dissimulor que M. l'abbé
Péchenard laisse une tâche bien ingrate à celui qui se dévouera à cette
œuvre, car ce dernier n'aura absolument rien à faire qu'à éditer les
chartes sans pouvoir espérer rien découvrir do nouveau sur le monas-
tère dont, dès aujourd'hui, l'histoire est faite si bien et si complètement.
Ct« E. de B,
L'imprimerie et la librairie dans la Haute-Marne et dans l'ancien
DIOCÈSE DE Langres, par deux membres correspondants de la Société
historique et archéologique de Langres. — Brochure iu-S». Paris, H.
Champion et Laugres, Firmin Dan^nen, 1883.
MM. Arthur Daguin et F. Asclépiade, membres correspondants de
la Société historique et archéologique de Langres, viennent de
publier des notes historiques fort intéressantes sur l'Imprimerie et
la librairie dans la Haute-Marne et dans l'ancien diocèse de
Langres.
C'est dans le dernier bulletin de celte Société que je les avais lues
d'abord, avant d'en avoir reçu le gracieux hommage sous la forme
d'une brochure que les auteurs ont eu la bonne pensée de faire tirer
à part, mais à un nombre d'exemplaires trop restreint, je crois.
Mon intention n'est point d'analyser, dans ses différentes parties,
un travail qui a exigé des recherches aussi longues que patientes. Le
tableau historique des imprimeurs et des établissements de typogra-
phie dans nos contrées, depuis la fin du xv" siècle, était à faire, et
l'on doit féliciter nos studieux compatriotes de n'avoir pas reculé
devant les difficultés qu'il i)résentait.
Cette esquisse, comme les auteurs l'appellent modestement, est divi-
sée en trois parties :
La première comprend les imprimeurs, libraires et bibliophiles, nés
dans l'ancien diocèse de Langres, qui ont concouru, à des degrés
divers, aux progrès et à la propagation de l'imprimerie en France et à
l'étranger.
La seconde fait connaître liîs localités du diocèse en'général, et de la
Haute-Marne en particulier, où des imprimeries ont été fondées, ainsi
que l'époque de leur établissement.
Enfin la troisième et dernière partie est réservée exclusivement aux
imprimeurs et libraires qui ont exercé ilans la Haute-Marne avant lo
xix« siècle.
J'en demande bien pardon à nos doux érudils, mais cette disposition
ne me semble pas très heureuse, car elle leur a imposé l'obligation de
revenir sur les mêmes sujets à quelques pages de distance. Delà une
sorte de confusion qu'ils auraient évitée facilement en adoptant un
plan beaucoup plus simple.
Cette légère critique faite on passant, je me conlonterai de souligm-r
1 54 BIBLIOGRAPHIE
à grands traits les passages qui ont le plus spécialement fixé mon
attention.
En tôle (les imprimeurs plus ou moins connus, appartenant aux
siècles derniers, figure naturellement, ])ar droit d'ancienneté d'abord,
Nicolas Jenson, le plus fameux do tous.
Jenson est-il né à Langres, comme l'ont prétendu, sans preuves
sérieuses, quelques historiens do la Haute-Marne?
Nous serions fiers de pouvoir revendiquer comme un des nôtres
cette illustration française ; malheureusement, ainsi que je l'ai dit
déjà ' , rien n'est moins certain que l'origine langroise du célèbre
typographe, et c'est à cette regrettable conclusion que nos deux écri-
vains ont été également conduits après de laborieuses recherches.
La bibliothèque de (]haumont a la bonne fortune de posséder la
bible latine de Nicolas Jenson, imprimée à A^'enise en 1476, livre rare
et fort recherché des curieux, dit de Bure dans sa Bibliographie
instructive.
Après Jenson, nous arrivons à Jean Febvre ou Lefèvre (en italien
(Fabri).
MM. A. Daguin et F. Asclépiade lui accordent une célébrité égale
à celle de l'inventeur des caractères romains, ce qui me paraît un peu
exagéré.
Jean Febvre ou Lefèvre est un vrai Langrois, qui alla fonder à
Turin le premier établissement d'imprimerie. A la liste de quelques
ouvrages sortant des presses de ce typographe distingué, et cités par
les auteurs de la brochure, j'ajouterai la Chronique martinienne,
Turin, i477, in-A", rarissime, et qui passe pour un de ses chefs-
d'œuvre. Elle est mentionnée dans Brunet, tome III, colonnes 1504-05.
A la si^conde partie de leur travail, nos deux auteurs rendent compte
des recherches qu'ils ont faites en vain pour connaître les dates
exactes des premiers établissements d'imprimerie à Langres et à
Chaumont.
Dans son Traité des plus belles bibliothèques de l'Europe, Le
Gallois s'est évidemment trompé en faisant imprimer à Langres, en
1483, le livre de Torquemada Expositio super psalterium. 11 existe
une édition de cet ouvrage imprimée à Turin par Jean Febvre, et c'est
la qualification de Lingonensis, à la suite du nom de l'imprimeur, qui
lut, pour Le Gallois, la cause de cette erreur.
J'ai trouvé aussi la date de 1491 dans un autre petit volume intitulé
Notice historique sur la typographie, par Tramaux-Malhet , typo-
graphe, Paris 1842. Il est certain que l'auteur a été également mal
renseigné, et que la date de la première imprimerie et du premier
ouvrage imprimé à Langres reste inconnue.
En ce qui concerne Chaumont, le même point est encore à éclaircir.
1. Bevne de Champagne, lomc 12, page '601.
BIBLIOGRAPHIE 155
Impossible do trouver trace d'un étahlissomcnt typograpliiquo dans
cctto ville avant rimprcssion, par Quentin Mareschal, dus Artifices de
feu et autres instruments deguerre, i\u langrois Boillot, in-4'^, avec
figures, i598. Livre rare, dont nous avons ici un exoniplalrc avec
titre imprimé, et non gravé comme l'indique Brunet.
A propos de Claude Ilugard, qui adù succédera Qucntin-Mareschal,
je citerai un volume pou commun, je crois, imprimé chez lui en 1628,
et que notre bibliulhèquc possède également : c'est le Tombeau de la
Ter^w, par Jacques Gaucher, bachelier en théologie, qui fut le premier
professeur de philosophie à Chaumont. Tel est le titre qu'il donna à
son discours sur la mort de Mme Anno de Saint-Belin, baronne de
Neuilly; curieuse oraison funèbre, précédée de diverses poésies non
moins singulières, inspirées par le môme sujet, et dont nous avons
détaché jadis une ode et un sonnet pour les lecteurs de la Revue de
Champagne ' .
Dans les quelques lignes consacrées à Claude Personne, l'impri-
meur langrois, il y a un point d'interrogation :
« Nous avons relevé dans un ouvrage bibliographique l'indication
« suivante : Institut des hermites du diocèse de Langres sous l'in-
« vocation de Saint-Jean-Baptiste. — Nouvelle édition. — Lan-
« gros, Personne, i680, in-i2. Cette indication est-elle exacte? »
Le titre est exact, mais la date est fausse. En effet, le petit livre
dont il s'agit a paru, pour la première fois, en 1680. Quel en a été
l'imprimeur ? je l'ignore -, je sais seulement que Claude Personne en a
publié une seconde édition en 1697, et une troisième en 1725. Un
exemplaire de celle-ci est à la Bibliothèque de Chaumont. I^e titre
porto nouvelle édition, mais pas de date. C'est par l'imprimatur que
j'ai pu connaître l'âge du volume.
.le ne m'étendrai pas plus longuement sur cette première et cons-
ciencieuse étude, déjà fertile en renseignements bibliographiques. Il
me suffisait de la signaler pour faire a])précier les utiles éléments
qu'elle renferme au point de vue d'une future histoire de rimiinmnrie
et de la librairie dans la Haute-Marne, continuée jusqu'à nos jours.
Notre département, en ell^t, est loin d'être resté étranger aux progrès
considérables de la typographie depuis le commencement du siècle.
De superbes impressions et d'importants ouvrages sont sortis de
nos presses locales, grâce à l'intelligente aclivit(j de plusieurs de nos
modernes imprimeurs, si supérieurs i leurs devanciers. C'est pourquoi
je considère les [)récieuses notes de MM. A. Daguin et F. Asclé-
piade comme les iiremières assises d'un édilice qui attend son cou-
ronnement. Emile VoH.i„\itD, bibliolhécaire do C'Iinumont.
*
* *
1 . Revue de Champagne, tome II, page 321 .
1 5fi BIBLIOGRAPHIE
Notice son ConsENY, son prieuré et le pèlebinage de saint Marcoud»
par M. Tabbé Ledoublé, 1 vol. in-S" avec plans et gravures, Soissons'
18S3.
Voici une monographie très intéressante et très complète sur une
localité de l'Aisne, qui intf^resse surtout la Champagne; le prieuré de
Corbeny était une des dépendances importantes de l'abbaye de Saint-Remy
de Reims et le pèlerinage se rattachant entièrement à la cérémonie du
sacre de nos rois. M. le chanoine Ledoublé n'a rien négligé; dans une
première partie il s'occupe du bourg depuis son origine et dans tous
ses détails jusqu'à nos jours. La seconde est consacrée au prieuré et
l'auteur a su mettre en pleine lumière la vie des religieux et nous les
montre pour ainsi dire la main de l'œuvre. Un troisième traite du
pèlerinage et do la vie du saint, M. l'abbé Ledoublé étudie l'efficacité
des attouchements. Dos pièces justificatives bien choisies com.plètent
avec d'intéressantes gravures cet ouvrage.
Nous nous étonnons seulement — c'est à peine une critique — que
l'auteur ait paru ignorer l'existence du travail publié sur le prieuré de
Corbeny, en Î87G, par M. E. de Barthélémy ' : il n'est pas même cité.
* *
Une bien excellente publication est celle des Tables des travaux
de VAcadémie de Reims depuis sa fondation (1841-1882), par
M. Jadart, son secrétaire général. (Un vol. ïn-S", Reims, Renart.'»
C'est un travail complet sur un plan tout nouveau, car cette table
contient non-seulement le répertoire alphabétique et analytique des
documents inédits, annales, séances et travaux de la compagnie, mais
des renseignements bibliographiques sur l'ensemble des publications-,
la liste des lauréats au concours, ce'ile des planches et cartes jointes
aux mémoires et une excellente élude sur l'histoire de l'académie.
1 . Ce travail a été récompensé par une médaille de vermeil de la Soniété
académique de Saiut-Quentin.
CHRONIQUE
L'intéressante élude de M. Lacordaire sur Bourlionne-les-nains
renlermc, au sujet de l;i Bibliotlièijue de celte ville, des inexac-
titudes que je vais me permettre de reclilier, en com])Iélant le récit du
laborieux écrivain haul-marnais'.
En 1792, les livres, archives et objets d'art des abbayes de Mori-
mond et de Vaux-la-Douce furent transférés à Bourbonnc i)ar les soins
du district de cette localité.
D'après le catalogue dressé à la même éi)oque, la bibliothèque de
Morimond, plus importante que celle de Vaux-la-Douce, renfermait
5,000 volumes, dont une dizaine de manuscrits. Parmi ces manuscrils,
signalons le superbe Missel de Giteaux, gr. in-d", en deux volumes,
sur velin, en belle écriture gothique, avec enluminures et lettres
majuscules rehaussées d'or. Il est à la Bibliothèque de Chaumont.
Lors de l'installation de l'Ecole centrale, qui eut lieu le 20 avril 1798
(!*'■ lloréal an VI), le bibliothécaire de cet établissement, M. Sarazin,
reçut de l'administration l'ordre d'aller à Bourbonne pour choisir, dans
ledéjjôt du ci-devant district, les livres utiles à l'instruction publique.
Il y retourna au mois d'août suivant, et, dans ces deux voyages, il fil
procédera l'enlèvement de 2,133 volumes la première fois, et de 1,214
autres volumes la fois suivante, ne laissant sur les rayons que des
ouvrages de théologie qui ne pouvaient servir ù l'enseignement, et
d'autres en double, incomplets ou dépareillés, de peu de valeur.
En 1815, Dom Chautan, le dernier abbé de Morimond, ayant fondé
un monastère de trappistes près de Laval, obtint du maire de Bour-
bonne la remise des livres liturgiques provenant de son ancien cou-
vent, et qui n'avaient jias été compris dans l'inventaire de la Biblio-
thèque.
L'année suivante, le préfet de la Haute-Marne était saisi de deux
demandes prescjue simultanées : l'une du maire de Bourbonne solli-
citant l'autorisation de vendre les débris des anciennes bibliothèques
de Morimond et de Vaux-la-Douce « enfermés dans une chambre saine
de la municipalité dont le secrétaire a la clef ». Sur l'invitation de la
préfecture, un catalogue de ces livres fut immédiatement dressé. M. le
curé de Bourbonne se chargea obligeamment de ce travail, et évalua à
900 francs les volumes catalogués. Un habitant de la ville en offrait
000 francs.
L'autre pétition émanait de Dom Chautan qui prioil l'administration
de vouloir bien disposer de ces volumes en faveur des religieux de la
Trappe.
Ce fut l'ancien abbé de Morimond qui obtint gain de cause.
1 . Voir page 53 du présent volume.
1D8 CHRONIQUE
Par un arrùlé en date du l'-r juillet 1810, le préfet lui fit remettre
tous les ouvrages mentionnés au catalogue, à l'exception de 37,
marqués d'un astérisque, et formaot environ 50 volumes qui furent
envoyés à la bibliothèque de Chaumont.
Tels sont les faits concernant la Bibliothèque de Bourbonnc, d'après
des documents officiels.
Emilr3 Voir.LARD,
Bibliothécaire de Chaumont.
* *
Dans un grand nombre de publications, et des plus sérieuses, on parle
du tournai d'Ecry, en décembre 11 'J9, comme d'une assemblée dans
laquelle les chevaliers champenois prirent la croix. L'étude attentive
du texte de Villehardouin, page 2 de l'édition de la Société de l'His-
toire de France semble indiquer le tournoi d'Ecry comme une date
signalant l'année oîi nombre de Champenois, résolurent de prendre
part aux expéditions de Terre-Sainte, sans donner à penser qu'il y
eut à Ecry môme une décision prise par ceux qui assistaient au tour-
noi. Il y aurait lieu de rechercher les moindres renseignements qui
peuvent fournir des détails précis sur ce fait historique.
* *■
î)epuis le 10 juillet la France possède un nouvel ordre de chevalerie,
l'ordre du Mérite agricole. Il est destiné, comme son nom l'indique, à
récompenser les agriculteurs et les personnes qui rendent des services
à l'agriculture. La décoration consiste en une croix émaillée de vert
avec un ruban vert à bordure amaranlhe. L'un des premiers décorés
est M. Aumignon, vétérinaire du département de la Marne, membre
de la Société d'agriculture qui a constamment rendu de sérieux ser-
vices dans les épizoolies.
*
Les palmes académiques viennent d'être accordées à M. Texier,
professeur de mathématique à l'Ecole des Arls-el-Métiers de Chàlons.
La Commission des monuments liistoriques vient d'accorder un
secours inq)ortant pour la restauration de la belle église de Mouzon
(.ordonnes). Elle a vivement insist('! auprès du gouvernement^ sur le
rapport de M. du Sommerard, jjour qu'on prenne des mesures eh vue
d'assurer la conservation des tapisseries de Saint-Remy de Reims,
qu'elle trouve exposées dans un endroit humide — la galerie haute de
l'église — et loin de la vue des curieux. On pourrait en effet les sus-
pendre le long des basses-nefs comme à la cathédrale, Tentretien
serait plus facile et chacun jiourrait les voir et les étudier facilement.
* .
CHRONIQUE 159
BouRCQ ET Mars, près Vouziers (Burgum, Bouy, Bey). Ce village se
forme autant du château qui appartenait au xii" siècle à Beaudoin Ju
Bourq, second fils de Hugues I't, comte de Retiiel, qui se croisa avec
Godefroy de Bouillon. L'abhaye de Saint-Symphorien de Reims y avait
des biens en 1119 (charte confirmative de l'archevêque Raoul). —
1245, hommage au comte de Champagne par Jean, comte de Rethel.
— En 1G52, Turenne campa sur ce territoire.
Le cliâteau parait avoir été détruit vers 1G55
Bourcy était le chef-lieu de prévôté à laquelle ressorlissaient trente-
neuf paroissses avec mairie prévôtale et prison.
L'église date du xm° siècle : le chœur fut refait et porte la
date de 1690; le cliœur est éclairé par quatre fenêtres à plein ceintre.
— Le clocher est une tour carrée au-dessus du porche d'entrée.
Inscriptions : — Chapelle de la Vierge : « Cy pose un noble home
mesir Pier Simâ pbre en son vivat dem. à Bourque le quelle a fonde
1 1 messes et 1 1 vigiles a diver chacun an perpétuellement desquelles
lune se dira au quatres temps de Noël et l'autre se dira au qualtre
temps de caresme et pour ce a charge III quartes de prez seat sur le
ban de Savigny royes pion Chossô et les erities Pollete Pychot, et la
part de une maisnn assise audit Bourcq portant contre Pion Symon
lequelîe trépassa le XVII d'ault mil Vc XXXI. Priez Dieu pour son
ame et pour tous les trépassés.
L'autre porte cette inscription : « M. Paul Dehercq curé de
Bourcq ma fait faire 1690. »
Le village de Mars possédait le chàteau-fort de Monpiaisir avec cha-
pelle détruite en 1791. L'église est du xiu^ siècle à nef unique, chœur
voûté avec chapiteaux à grappes de raisin, fenêtres ogivales, contre-
forts. Fragment d'un vitrail de S. Laurent.
* *
La. Verrière de la chapelle ou sé.minaihe de Saint - Më.m.mie. —
De nouveaux vitraux, dus au pinceau de Mademoiselle Liénard, ont
été placés dans cette chapelle, depuis ceux dont M. l'archiprêtre
Emor a parlé dans une excellente brochuri; et (jui étaient consacrés à
la vie de samt Memmie.
Les deux rosaces de transsept l'cpréseiitent l'une le couronnement
de ia Vierge, d'après le tableau d'Ange di; Fiésole, l'autre la mort de
saint Joseph. Quatre fenêtres de la nef ont repu des vitraux à rin-
ceaux du fond et grisaille. Au portail sont figurés dans les deux
étroites fenêtres surmontant la basse porte et dans les deux baies ac-
coui)lées. A la tribune, saint Jean-Baiitisle, saint Jean l'évangéliste,
l'adoration des mages, le baptême du Christ, les noces de Cana,
l'élection des apùtres, la Jjénédiclion des deux enfants, la Cène, le
crucifiement, la résurrection, la tradition des clefs à saint Pierre, la
descente du saint Esprit. Dans l'ombre, au-dessus de deux baies ac-
160 CHRONIQUE
couplées. Dieu le père bénissant à droilo et à gaucho les écussons de
NN'. SS. de Priliy et 13ara, qui ont commencé et achevé le petit sémi-
naire avec le généreux concours de M. l'abbé Loyson de Guinaumont,
doyen du cliapitre.
Il n'y a plus que huit grisailles à poser pour compléter toute la fe-
ncstration de la chapelle. Avis aux chrétiens généreux.
Tout dernièrement on a également posé dans la chapelle Sainte-
Pudentienne, au fauljourg de Marne, à Chàlons, une verrière, encore
de M""" Liénard, représentant la sainte visitant et consolant dans les
catacomI)es de Rome les confesseurs de la foi.
Le Secrétaire Géraul,
LÉON Fukuont
LA VIE
DU MA.RÉCHA.L DE SCHULEMBERG
Comte de Montdejeu, Chevalier des Ordres du Roy,
Ancien Gouverneur de la ville et cité d'Arras, Grand Bailly d'Artois,
Gouverneur du Berry, Capitaine du Château de Madrid
et de la Varrane du Louvre, etc.
La vie du maréchal de Schulemberg que uous allons publiei"
est iuédile, mais elle n'est pas inconnue. Déjà Fontelte l'avait
signalée, et « elle parait, dit-il, avoir pour auteur M. de Voi-
« gnon qui avait élé, sous le maréchal, commandant de cava-
a lerie. Elle est intéressante principalement pour ce qui regarde
« les défenses de Cobleulz et d'Hermeistein eu 1635 et celle
« d'Arras eu 1654, car c'est eu quoi s'est distingué M. de
a Schulemberg ; il est mort en 1671. L'original est dans le
« cabinet de M. l'abbé d'Estoquois de Schulemberg et une
« copie dans la bibliothèque de M. le marquis de Paulmy. »
L'édition que uous dounous est tirée du manuscrit de la col-
lection de dom Grenier à la Bibliothèque Nationale.
Un autre manuscrit se trouve à la bibliothèque d'Arras et
c'est d'après lui que M. E. Lecesne a publié chez A. Coutin,
en 1877, une brochure relative au siège de cette ville.
M. le barou Albéric de Galonné a aussi publié dans les
Mémoires de l'Académie d'Arras, 11^ série, tome VII, 1876,
uuc notice sur Françoise-Madeleine de Forcevillc, maréchale
de Schulemberg et comtesse de Mont-de-Jeux. G'est un récit
des violences exercées envers elle par le maréchal, sou mari,
et quelle expose à la reine-mère dans une lettre devenue fort
rare avant celte réédition.
Les détails biographes contenus dans la Vie du maréchal
sont généralement exacts et concordent avec ce qu'eu ont dit le
P. Anselme et Gaumarlin.
L'abbé Bouillot, dans la Biographie a^'dentiaise, se borne à
aualyser le manuscrit que nous publions et qu'il a connu.
Dans VAlmanach du département des Ardennes (JoUy, Char-
11
1G2 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBEUG
leville, 18/2), le savant arciiiviste, M. Sénemaud, a donné sur
la i'amillc du maréchal (juelques renseignements puisés d;ins
des titres originaux. Il constate que ce lut à la suite du ma-
riage d'Aloph deSchuIemberg, homme d'armes des rois Louis XI
et Charles VIII, naturalisé en 1488, avec Jehanne d'Eslaires,
fdle de Ferry d'Eslaires, seigneur de Montgon et de Margue-
rite de liournon ville, que celte famille se iixa dans le Rethé-
lois.
Le maréchal de Schulemberg mourut le mercredi 25 mars
1671 au château de Mont-de-Jeux et les registres delà paroisse
de Saint-Lambert constatent qu'il ne fut inhumé que le di-
manche 8 novembre suivant en une chapelle assise audit lieu
de Mont-de-Jeux, en présence de M. Eslienue, prebtre, curé de
Charbogne et de J. Compagnon, maistre d'escole.
Cette cérémonie fut plus que modeste, et nous ne voyous
pas qu'aucun de ses héritiers y ait assisté; il est probable qu'il
mourut dans l'isolement et presque abandonné dans son châ-
teau ; la rudesse de son caractère et peut-être aussi le maigre
héritage qu'il laissa à ses collatéraux suffisent à tout expliquer.
Il avait eu deux frères, on ignore leur destinée, on sait seule-
ment qu'ils n'existaient plus dès 1GG6, lors de la recherche
des nobles de Champagne ; il n'eut point d'héritier de son titre
de comte de Monl-de-Jeux. Sa sœur Philippine avait épousé
1® Anchelin de Villers,écuyer, seigneur de Villers en Wœpvre,
deBinarville en partie et de Day-les-Voucq, lequel mourut en
1625, 2" en 1629, Jean de Roland, seigneur de Singly, dont
elle était veuve en 1672. Elle habitait Binarville à cette époque.
Il nous a semblé que c'était un devoir pour IsiMevîie de faire
sortir de l'oubli cette vie d'un des plus glorieux enfants de la
Champagne. Si les grands noms de Turenne et de Gondé ont
rejeté notre héros au second plan, il serait injuste de ne pas lui
tenir compte des services qu'il a rendus à la France, de Fin-
domptable énergie qu'il a déployée à servir les vues de Richelieu
et de Mazarin. S'ils ne furent pas ingrats envers lui, il nous
appartient aussi de ne pas laisser périr sa mémoire.
Celui ([ui a retracé la vie du maréchal appartient à
notre pays. M. de Wagnon est un des derniers représentants
de la vieille famille des Launois, seigneurs de Jandun, de
Wagnon, etc., qui s'éteignit k la fin du xvii'* siècle. Sou style
est un peu solennel et l'on pourrait lui reprocher un parti-pris
d'éloge constant, mais la situation qu'il occupait suffit à le
LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERG 103
jutslilier, d'autant mieux ([uil u'a presque jamais sacrifié la
vérité historique à ]a vive amitié qu'il avait pour sou chef.
0. G.
AVANT-PROPOS
A quelque point de grandeur et d'élévation que la France
ait vu la gloire de ses héros sous les Glovis et les Charles, et
sous les plus heureux des Valois, elle n'a jamais porté plus
loin la réputation de ses forces, ni plus haut la valeur de ses
généraux et la sagesse de ses ministres que sous les règnes de
ce dernier siècle. L'envie qui s'est soulevée pendant la vie, et
déchaînée après la mort des deux éminences qui ont successi-
vement soutenu la fin du règne de Louis-le-Justo et la mino-
rité de son invincible, successeur Louis-le-Grand, n'a pu
jusqu'ici rendre odieuse la mémoire de leur ministère, sinon
peut-être dans quelques familles, ou chez quelques nations
limitrophes, dont les intérêts particuliers ont dû être néces-
sairement sacrifiés au bien de l'Etat. On ne sauroit leur con-
tester la gloire d'avoir naturalisé la politique militaire dans la
Gour de France, eu y introduisant uue couuoissance parfaite
des véritables intérêts de la Couronne, en accommodant à ces
intérêts la défiance réciproque, ou plutôt la jalousie incurable
des Princes et des créatures des Ministres, et en affranchissant
même (si cela se peut dire) laRoiauté de mille dépendances qui
l'assujettissoient avant eux depuis plusieurs siècles à des
égards indignes d'une autorité et d'un gouvernement monar-
chique. C'est ainsi que nous .'rommes redevables de la plusparl
des découvertes et des inventions à des gens d'un caractère
tout opposé à l'usage ou à l'établissement de ces choses inven-
tées ou renouvellées ; et qu'on doit par exemple l'invention de
la poudre à un moine, celle de l'impression à un homme de
guerre, et l'ouverture de l'un des commerces les plus lucratifs
des Indes à une société de gens qui ont fait vœu de pauvreté.
L'application en est aisée à faire au changement que ces deux
fameux Ministres ont apporté dans le gouvernement de la Mo-
narchie franroise. Qu'ils aient bien ou mal fait, et que les
grands ou que les peuples leur en sçachent bon ou mauvais
gré, ce n'est pas du sujet de celte histoire. Il me suffit de faire
remarquer à propos du dessein que j'ai d'écrire ici la vie d'un
illustre Maréchal de France, que l'Etal n'a jamais été pourvu
104 LA. VIE DU MARÉCHAL DE SCHULËM13ERG
d'officiers géuéraux plus braves ni plus habiles que sous ces
deux miuistres cardiuaux, Saus paiiei- d'un prince de Condé
et d'un Monsieur de Turenne dont la i^lo'wc est au dessus de
tous les éloges qu'on a essaie d'en faire, et en qui tous les
siècles avenir trouveront des modèles ineffaçables du parfait
héroïsme ; il n'est point de vertu militaire dont nous n'aions
des exemples signalés, et même de très singuliers dans les
grands hommes qui ont vu de leur tenq)s, et peut-être avec
eux leurs glorieux services honorés d'une réputation univer-
selle et récompensés des premières dignités du Roiaume.
Le Maréchal de Schulembcrg est sans difficulté l'un de ceux
qui se sont le plus distingués loin de la cour, et dont les héroï-
ques qualités méritent à plus juste titre d'être proposées à
imiter pour arriver par les voyes les plus légitimes de l'hon-
neur au dessus de la fortune et à ce point de gloire où toutes
les grandes âmes aspirent naturellement.
On ne trouvera pas en lui, à la vérité, un homme nourri
dans les intrigues, quoiqu'il eût l'esprit très fécond en expé-
diens, et doué d'une sagesse naturelle et cavaUière à l'épreuve
de toute surprise, il a toujours regardé les courtisans comme
des politiques intéressés, et plus occupés de leurs propres
avancemens que des véritables intérêts de l'Etat.
Non, ce n'est pas sur sa conduite qu'on pourra apprendre ici
à se fraier des routes secrètes à la faveur. Ce sont ordinaire-
ment les plus courtes, mais elles sont impraticables aux génies
élevés, et à un mérite supérieur du caractère de celui du Ma-
réchal de Schulemberg, qui ne sçutde sa vie ramper, ni fléchir
le genouil aux pieds des idoles de la fortune. Il fut toujours si
éloigné de mettre en usage les industries, que les plus désin-
téressés sont souvent obligés de pratiquer comme les autres
pour faire jour à leur mérite, qu'il ne parut à la cour tout le
temps de ses services, que pour s'y défendre d'une trop
prompte et trop éclatante faveur.
S'il n'a donc point eu de part aux négociations du cabinet,
ni aux autres ressorts secrets du ministère do son temps, il
n'eu a pas été moins utile à l'Etal, et les motifs de son éléva-
tion n'en sont que plus glorieux à sa mémoire. Quoique les
écrivains modernes ne lui aient pas encore rendu toute la jus-
tice qu'il mérite, sa vie a trop de liaison et un trop nécessaire
rapport à l'histoire générale pour ne pas en faire partie, lors-
qu'on l'écrira sans partialité et avec exactitude. Il y auroit de
l'ingratitude à y laisser ignorer que la France lui est toute re-
LA VIE DU MARKCHAL DE SCHULEMBERG 165
devable du calme heureux qu'elle vit succéder par sa valeur
aux troubles qui out divisé si longtemps les cœurs des François
pendant la dernière régence. Taudis qu'on aura quelques
égards aux sacrifices qu'un homme de cœur est capable de
faire de toutes ses commodités dans les exercices fatiguans de
la guerre sans jamais se relâcher, et de sa propre fortune et
môme de la vie dans les plus périlleuses occasions, sans au(re
iulérest que celui de sa patrie, ou tout au plus pour se
faire un nom dans l'histoire auprès de celui de son souverain,
le souvenir des services considérables que le Maréchal de Schu-
lemberg a rendus par ces belles voies à l'Etat sera précieux en
France ; non pas pour avoir fait tout ce qu'il auroit été capable
de faire en de plus heureux temps pour son Prince et pour sa
patrie ; mais pour n'avoir jamais rien laissé à faire de ce qu'on
pouvoit attendre de sa résolution, do sa sagesse et de son in-
trépidité, et pour avoir triomphé en toutes les rencontres où
il a paru des dangers et des obstacles que sa fidélité et sa va-
leur ont eu longtemps à combattre. Ainsi je crois rendre un
service considérable ou faire du moins un plaisir très-utile cà
une infinité de braves gens qui sans être distingués de près
comme ils mériteroient s'ils étoient emploies sous les yeux du
souverain auquel ils se sacrifient, se sentent quelques heu-
reuses dispositions à se tirer de la foule, où ils sont peut-être
trop long temps oubliés, et à s'élever avec une liberté martiale
par quelques nobles efforts d'une émulation semblable à celle
qui a produit et soutenu le Maréchal de Schulemberg par lui-
même depuis sa première jeunesse jusqu'au bout de sa car-
rière.
LIVRE PREMIER
Quoique le Maréchal de Schulemberg n'ait jamais cherché à
se faire valoir par sa noblesse et par le mérite de ses ancestres,
il n'a jamais cependant perdu de viie les exemples domestiques
de la valeur qu'il en avoit comme héréditairement reçus avec
la vie, ni le nom et la ré[)ulation qu'il avoit à soutenir pour
n'en pas dégénérer, ce ne seroit donc point assez, le faire con-
noitre que de taire ici son illustre origine.
Son surnom, f[ui fait d'abord juger que cette origine étoit
étrangère, et de même que celui des Comtes de Schulemberg
aines de celte maison du pays de la Mark, en Allemagne, où
166 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERCi
elle a fourni depuis plusieurs siècles des généraux à l Empire,
aux Rois de Bohème, et à la Suède, Jean de Schulemberg troi-
sième du nom, dont j'écris ici rhisloire,n'étoil connu en France
comme ses aieuls que sous le surnom et la qualité de Comte
de Mondejeu, depuis l'acquisition que fit en France de cette
terre Jean de Schulemberg, premier, écuyer, dit le Page, pour
avoir été élevé à la cour en cette quaUté sous Louis Onze, dit
vulgairement le Politique. Ce fut co premier Comte de Mont-
de-Jeu, qui naturalisa en lui une branche de sa maison de
Schulemberg en France, en vertu des lettres de naturalité qui
lui furent offertes on 1 588 par le roi Charles Neuvième de ce
nom et que la Chambre des Comptes de Paris enregistra la
même année sans qu'il en fit aucune dépense, en considération
des signalés services qu'il avoit rendus à l'Etat, tant sous ce
Roi Louis que sous Charles son fils. Ce bon Prince crut l'ac-
quisition de cet étranger si nécessaire aux intérêts de la Cou-
ronne, qu'il voulut l'y engager par tous les endroits les plus
touchans, par rapport à ses inclinations, en lui donnant une
place d'homme d'armes dans la Compagnie des gens d'armes
du sire d'Orval, honneur qui n'étoit point alors au dessous des
princes, et en lui faisant épouser Marie de Dampierre dont
l'alliance le mit d'abord au rang des plus qualifiés seigneurs
de toute la Champagne. Il est vrai qu'il mourut sans enfans,
mais son frère Alophe abandonna sur la nouvelle de cette
mort l'établissement qu'il avoit dans le Luxembourg, où il
n'étoit que sur le pied des gentilshommes cadets de Picardie
et de Gascogne, pour venir recueillir en France la succession
du comte de Mont-de-Jeu son puisné. Il eut la dessus quel-
ques difficultés avec la veuve sa belle-sœur, mais elles se ter-
minèrent bientôt à l'amiable et à son avantage en conséquence
de quelques sentences favorables du bailliage de Vermaudois,
où il prit alliance dans la noble maison D'Eslaire. Les differens
qu'il eut sur cette même succession avec son neveu Guillaume
de Schulemberg lui firent plus de peine. G'étoit un fils éman-
cipé de l'ainé en qui subsistoit la branche de cette maison
établie dans le Luxembourg depuis que ce pays appartenoit au
môme seigneur que le pays de la Mark dans le marquisat de
Brandebourg. Ce Guillaume de Schulemberg, qui servoit sous
François premier en qualité d'homme d'armes dans la compa-
gnie d'ordonnance du Sire de Florange, laissa en mourant les
biens qu'il avoit acquis, et ceux qu'il prétendoit en France
échus par droit d'aubaine au souverain, qui en gratifia suivant
l'intention de ce gentilhomme étranger Abel le Vasseur par
LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBEEG 107
lettre dattée à Dijon en 1521 ; mais Raoiiliu de Schulembcrg
comte do Mont-de-Jeu et de Ploiraut, fiis d'Alophe, dont on
vient de parler, mérita par ses services la préférence sur ce
concurrent, et réunit en lui par la faveur du môme souverain
François premier les successions de son père Alophe, de Jean
son oncle, et de Guillaume son cousin avec une confirmation
des lettres de uaturalilé accordées, comme il a élé dit, à Jean
de Scbulemberg premier comte de Mont-de-Jeu, qui furent
ainsi rendiies propres et héréditaires dans la maison de Raoù-
lin son neveu par lettres patentes données à Paris en 1539 et
vérifiées en la Chambre des Comptes, où l'on voit que Sa Ma-
jesté le qualifie homme d'armes de ses ordonnances sous le
commandement du Seigneur de Sedan. Il en fut depuis ho-
noré de la charge de capitaine des cinq cents hommes de pied
en Champagne, où il épousa Catherine de Berles qui le fit père
de plusieurs enfants. Il mourut cependant à la fleur de son
âge, après s'être acquis une réputation de valeur qui l'egaloit
aux plus vieux officiers, sous Henri second. Son fils Jean de
Schulomberg, plus connu sous le surnom de Comte de Mont-
de-Jeu, lui succéda, et entra eu 1580 dans l'ancienne et noble
maison d'Averhoult en se faisant par là des aUiances dans les
plus considérables familles de l'Artois, de la Lorraine et de la
Champagne.
Comme il fut le père du Maréchal dont il s'agit en cette his-
toire, et que ses glorieuses alliances le fout toucher de divers
côtés jusqu'au sang illustre des Moumoroncy. de Joyeuse, de
Sarcbruce, de Roussy, de St Simon, et môme du sang roïal
de France et des princes de Lorraine par les comtes de Chali-
gny et les Damoiseaux de Commercy ; elles ont été fort exac-
tement vérifiées par Messieurs de Ste Marthe, par M. le La-
boureur et depuis par M. d'Osier auxquels je renvoie les cu-
rieux Je généalogie.
Jean do Schulembcrg troisième du nom, comte de Mont-
dc-Jeu, maréchal de France, dont j'écris l'histoire, naquit sur
la fin du seizième siècle au château de Guincourl en Verman-
dois et fut nommé sur les sacrés fonts à Reims, comme son
père qui venoit de paier de son sang l'honneur qu'il avoit de
commanler le R<'gimcnt de Champagne à la tète duquel il fut
tué au siège d'Amiens à l'occasion de la retraite de l'Archiduc
Albert; la comtesse douairière de Mont-dc-Jeu dont l'esprit et
toutes les manières soutenoient gloriciusement réclatanle no-
blesse, et qui n'iuspiroit à ses fils, dont l'éducation lui fut
confiée, que des senlimens dignes de sa naissance, eut la salis-
108 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERCf
faction de lui voir répondre de si bonne heure à ses hautes in-
tentions qu'elle se crut obligée de l'abandonner plutôt qu'elle
ne l'eût souliailté h l'ardeur empressée qu'il se sentoit de ma-
nier les armes avant qu'il en eût les forces. Eu l'embrassant
au moment de son départ, elle lui fit en peu de mots une leçon
qu'il n'oubha jamais et qui mérite aussi qu'on en conserve le
souvenir. Souvenez- vous, mon fils, lui dit-elle, que vous êtes
formé d'un sang qui ne s'est jamais ménagé, où il s'est agi de
le répandre pour la gloire du nom que vous portez ; mais ne
vous en souvenez point aussi trop, et comptez toujours moins
sur l'honneur que vous avez hérité de vos aieuls, que sur celui
que vous leur ferez en leur ressemblant. Il se défit ainsi de
son précepteur et se sépara de la Comtesse de Mont-de-Jeu à
l'âge de douze ans, c'est-à-dire le plutôt qu'il put, pour entrer
à l'Académie de Sedan, où il se forma si bien l'esprit et le
corps, et se perfecdonna si heureusement dans tous les exer-
cices de son état, en deux ans de temps, qu'il y acquit une
force et une adresse fort au dessus de son âge. La manie des
duels étoit en ce temps-là si accréditée qu'on se proposoit
l'épreuve comme inévitable, et par conséquent pour la plus
nécessaire à un gentilhomme, et à quelqu'autre personne que
ce fut, destinée au parti des armes. Aussi s'en faisoit-on une
étude continuelle, et il u'étoit gueres de vertu ni de réputation
qui prévalût alors à celle da la bravoure, quoique le terme n'en
ait commencé d'èlrc françois que sur le déclin de cette mode
sanguinaire et meurtrière, qui entretenoit en France depuis
tant de règnes une espèce de guerre civile parmi tous ceux qui
y étoient le plus en droit de se piquer de cœur et d'émulation.
Rien n'étoit plus du goût du comte de Mont-de-Jeu.
G'étoit alors le nom qu'il portoit, rien ne flattoit aussi plus
agréablement son humeur vive et intrépide que les applaudis-
semens qu'il recevoit à cette occasion de toute part sur son
agilité de corps, sur la justesse, la force et la vitesse du poi-
gnet et sur l'assurance et la souplesse du jaret, qu'on lui re-
marquoit à pied et à cheval. C'en étoit trop pour le borner plus
longtemps aux^exercices de l'académie ; il en sortit à quatorze
ans après s'être présenté au Maréchal duc de Bouillon, prince
de Sedan, et lui avoir demandé de l'emploi dans l'armée qu'il
levoit sur ses terres pour se joindre au prince de Condé, au
duc de Longuevillc et au duc de Mayenne, dans le temps que
la cour fit le voiage de Guiennc, pour le mariage de Sa Majesté
Louis treize. Ce prince à qui il n'étoit pas inconnu, et qu'il
trouva même tout prévenu en sa faveur, sur la réputation qu'il
LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERG IfiO
s'étoit déjà acquise dans le pays d'un gentilhomme plein de
cœur, et du plus vigoureux jeune homme dont il fut parlé de
sou temps, se fit un plaisir de contribuer aux premières démar-
ches de sa naissante ardeur. Ainsi le comte do Mont-de-Jeu
en eut d'abord l'agrément pour l'enseigne colonel du régiment
Flechel dont le colonel étoit son parent. Il fit bientôt voir dans
ce premier poste de quoi il seroit un jour capable, il y parois-
soit si fort ennemi du repos, qu'on eût dit qu'il lui étoit con-
traire pour sa santé, comme il l'étoit à son humeur. Il alloit
avec un empressement, qui auroit passé pour téméraire s'il
eût été moins heureux, au devant des occasions telles qu'elles
fussent, au moindre jour qu'il voioit d'exercer sa force et sa
valeur.
Quoiqu'il soit difficile d'éviier le soupçon de flatteur ou de
panégyriste en parlant ou eu écrivant d'abord des vérités si
peu communes, on ne soauroit en dire moins sans faire tort à
la mémoire d'un si grand homme. De si beaux commencemens
inspiroicnt à tous ceux qui en étoient témoins des pressenti-
mens justes de ce que seroit dans la suite le Comte de Mont-
de-Jeu, L'une des vertus qui le faisoient déjà le plus estimer,
étoit la générosité de sa gratitude. On en pourra remarquer
de signalés témoignages dans la suite de ses actions. Il ne
croioit jamais avoir assez fait pour ceux à qui il avoit quelque
obligation, jusqu'à ce qu'il eût risque pour eux sa propre vie.
Ces sortes de sentimens d'une âme parfaitement reconnoissante
sont pour ainsi dire la base de l'héroïsme. Il n'y a ni fidélité ni
bonne foi dans un guerrier méconnoissant de quelque politi-
que dont il suive les maximes : et l'on est accessible à tous
les défauts du cœur du moment qu'on est capable de tomber
dans celui de l'ingratitude. Quel plaisir ne fit pas au Roi la
résolution de son digne petit-fils Monsieur le duc de Bourgogne
lorsqu'il le vit dans ses premières années exposé aux brouil-
lards d'une matinée d'hyvcr, avec son hausse col et le sponlon
à la main, en posture de défendre sa nourrice de lui être enle-
vée comme lui en avoit osé faire peur une personne qui étoit
auprès de ce jeune prince pour le divertir, en lui représentant
qu'il n étoit pas bienséant aux enfans des héros, et surtout au
petit-fils du plus grand lloi du monde d'avoir une nourrice et
d'être élevé parmy des femmes, lui qui étoit destiné à paroitre
et à commander à la tète des armées ; la reconnoissance toute
naturelle dont il donna des marques en cette occasion est un
préjugé favorable de la justice des recompenses sur lesquelles
on pourra compter un jour à son service, si quelque mauvais
170 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCIIULEMBERG
conseil ne s'y oppose, ou n'en détourne les libéralités par des
canaux secrets au préjudice de ceux à qui elles seront
dues.
Le Comte de Mont-de-Jeu que je retiens peut-être trop
longtemps à son entrée dans le service, s'y vit d'abord attaché
par sa situation à deux personnes auxquelles il méuageoit
aveuglement dans les rencontres ses devoirs et toutes ses re-
connoissances. Ce généreux attachement l'engagea si avant
avec Monsieur de Flechel son colonel dans les intérêts du ma-
réchal duc de Bouillon, père de l'illustre Monsieur de Turenne,
qu'il se trouva par là fort innocemment dans le party des
princes et des seigneurs françois révoltés avec la plus grande
partie du roiaume sous la régence de Marie de Médicis et le mi-
nistère fatal de l'indigne maréchal d'Ancre.
Après le mariage du Roy et son retour à Paris, le prince de
Gondé fut arrêté prisonnier au Louvre par le maréchal de
Thémines sur les bruits qui couroient des desseins de ce prince
pour monter sur le trône, et dont la plus forte preuve étoit
fondée sur le mot familier de barre à bas qui se disoit le verre
à la main parmi les gens de son parti pour exprimer qu'on
vouloit ôter le bâton péri en bande qui est dans les armoiries
des princes de Gondé pour les lui faire porter pleines sans bri-
sure, ce qui désignoit la couronne à laquelle on le faisoit aspi-
rer. Geux des princes et des grands qui comptoient sur un
oubly de leur révolte après une amnistie générale dont le ma-
riage de Sa Majesté fut suivi, craignirent d'être surpris comme
le prince de Gondé et d'être sacrifiés au crédit du maréchal
d'Ancre. Le maréchal duc de Bouillon qui venoit à Pans saluer
Sa Majesté, retourna sur ses pas se fortifier à Sedan, où il fut
secouru par le duc de Nevers après avoir écrit au Roi et à la
Reine les raisons qu'il avoit pour prendre ses sûretés, sans en
avoir moins de respect et d'obéissance pour Sa Majesté, ni être
moins fidèle à ses devoirs. Le duc de Nevers qui vit que le Roi
n'avoit pas fait mention expresse de ce prince, on veut dire du
duc de Bouillon, dans l'exception qui fut faite des personnes
qu'on sçavoit être intéressées dans la cause du prince de Gondé,
et que cependant on recounoissoit innocent, crut qu'il y avoit
eu du dessein dans cette omission et demeura ferme avec le
maréchal sur ses terres. Ainsi le marquis de Fléchel et le
comte de Mont-de-Jcu n'obéirent point aux ordres qui furent
publiés pour tous les françois armés contre le Roi de rentrer à
son service sur peine de la vie. Le comte de Mont-de-Jeu te-
noit alors la campagne avec son colonel en attendant aux en-
LA VIE DU MAÏIÉGHAL DE SCHULEMBERG 171
virons de Mouzon les ordres du prince de Sedan pour se retirer
auprès de lui ou pour se joindre aux troupes du Roi. Dans cet
intervalle il fut entouré et mallieureusement surpris et fait
prisonnier par quelques detachemens de l'armée du maréchal
de Thémines qui commandoit alors en Champagne en la place
du duc de Nevers à qui en appartenoil le gouvernement. On
conduisit le comte de Mont-de-Jeu à Attigny-sur-l'Aine entre
Rethel et Stenai. Du moment que le sieur de Vaubecourt qui
y commandoit eut informé la Cour du nom et de la qualité de
son prisonnier, le maréchal de Thémines eut ordre de le faire
transférer à Reims pour lui être son procès fait et parfait,
comme à un sujet désobéissant et rebelle. Cet ordre ne fut
point tenu secret. On avoit même intérêt, ce semble, à le ren-
dre public, pour rappeller ceux qui différoient encore de Se
ranger à leur devoir. Un officier de l'armée du Roi en aiant
confié la nouvelle à un autre plus jeune que lui, et qu'il sça-
voit être de la connoissance du Comte de Mont-de-Jeu, dont
ils plaignoient ensemble le sort et la jeunesse ; ce généreux
ami du prisonnier touché vivement de cette disgrâce ne perdit
point de temps pour entreprendre un coup des plus hardis, qui
étoit de l'enlever. Il lui faUut pour cela se déguiser et inspirer
son dessein et sa résolution à 25 ou 30 autres amis qu'il eut
bientôt disposés à tout risque. Le comte avoit eu de son côté
l'adresse de gagner un soldat de sa garde par lequel il pouvoit
recevoir des avis du dehors. Comme il ne pouvoit pas se per-
suader qu'il eût fait une faute capitale en demeurant par un
attachement de reconuoissance dans un parti désobéissant à
son premier souverain, il eut de la peine à donner les mains
au secours qu'on lui fit offrir pour l'enlever, avant qu'il fût
traduit à Reims, il ne sentit le péril où il étoit, et la nécessité
d'un prompt remède que lorsqu'il oiiit à l'entrée de la nuit
veille du jour auquel il devoit être transféré, un grand bruit
et une émeute générale dans les prisons, au moment d'une ir-
ruption violente qui y fut l)rusquement faite par une troupe
d'inconnus qui lui facilitèrent aiusi son évasion, il refusa d'en
être escorté de peur d'attirer quelque détachement de l'armée
voisine, et prenant sur lui seul révénement de sa fuite en re-
mettant k une autre fois les actions de grâces qu'il devoit à de
si fidèles amis ; il traversa à la nage la rivière d'Aine, à la
faveur de la nuit, sans être apperçu ni accompagné jusque
chez le sieur de Liry son parent, où il se mit en sûreté contre
les recherches qu'il prévit bien qu'on feroit aussitôt de toute
part de sa personne. Pendant qu'il laissoit dissiper l'orage, son
172 lA VIE DU MARÉCFIAL DE SCHULEMBERG
parent, chez lequel il étoit à couvert, en alla porter la nouvelle
au maréchal duc de Bouillon qu'il en trouva dcja tout informé
d'ailleurs. La joye de ce prince fut en cette rencontre un té-
moiu:uagc de l'estime qu'il faisoit de rattachement et de la va-
leur du comte de Mont-de-Jcu, auquel il facilita par inclina-
tion autant que par honneur les moiens de le venir joindre. Il
ne le vit pas plutôt en sûreté auprès de lui qu'après mille dé-
monstrations obligeantes d'une estime toute singulière, il le
lira du régiment d'infanterie où il étoit pour le faire cornette
de sa compagnie d'ordonnance. Cette évasion du comte de
Mont-de-Jeu fut le sujet de bien des conversations, ou elle
étoit racontée fort différemment. Il se trouva des gens qui
fyent passer le secours qu'il reçut pour une galanterie. Ce
sont de ces gens qui veulent que l'amour soit de tous les évé-
nemens et de toutes les intrigues. Comme on raisonnoit un
jour sur ce principe à l'occasion du comte de Montdejeu dans
une compagnie où il étoit en but, aux douceurs et aux desseins
de quelques dames usées qui le fatiguoient à force de lui dire
qu'il avoit fait des merveilles, et qu'elles perdroient leur temps
à entreprendre sur sa liberté, puisqu'il sçavoit si bien la ga-
rantir et l'affranchir de toute surprise, Mes Dames, leur ré-
pondit-il sèchement, la plus grande merveille que j'aie faite, si
c'en est une, est d'avoir apporté ma tête plus loin que St Denis
ne porta la sienne, et de n'avoir eu besoin d'aucun miracle
comme lui pour m'en servir. La mort du maréchal d'Ancre
rendit cette année là même le calme à la France, une espé-
rance prochaine de la liberté au prince de Gondé, et les bonnes
grâces du Roi à tous ceux à qui les desordres du ministère les
avoient fait perdre ; le maréchal duc de Bouillon fut ainsi bien-
tôt justifié et reçu à faire part de sa nouvelle faveur à tous les
officiers de son parti.
Le duc de Savoye avoit envoie demander du secours en
France contre les Espagnols qui étoient commandés par leur
gouverneur dans le Milanois, Dom Pedro de Tolède. Le comte
d'Auvergne eut le commandement de ce secours qui fut aus-
sitôt envoie et accordé au duc auquel le Roi destinoit Madame
Christine sa sœur en mariage. Ce secours composé de divers
corps de cavalerie et d'infanterie, fut soutenu de la compagnie
d'ordonnance du prince de Sedan. Ainsi le comte de Montdejeu
eut ordre de partir pour aller en Piémont peu de temps après
sou évasion qui fut en 1610. Les Espagnols s'étoient emparés
de A^erceil pendant les troubles de la Cour de France, et ils
menaçoieut déjà tous les environs de Turin d'une désolation
LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERG 173
générale, lorsque les Frauçois qu'on croioit Irop occupés chez
eux, leur tombèrent dessus et les rcduisirent à la seule def-
fense de la ville dont ils s'étoieut emparés sur ce duc. Il avoit
été surpris eu se reposant sur le traité d'Ast dont le Roi do
France s'éloit rendu garant, et contre les conditions duquel
l'Espagnol Dom Pedro faussoit làcliement sa parole. La sur-
prise de Verceil avoit coûté bien du sang répandu aux Frau-
çois et aux Espagnols, mais celte yille eu coûta beaucoup plus
pour être rendue à son légilimo souverain. Les B^rançois eu
firent leur affaire et le comte de Montdejeu qui soupiroit de-
puis longtemps pour une occasion d'éprouver et de distinguer
son courage naissant, ne laissa pas échapper celle-ci. Il se
trouva le seul et par conséquent le premier oflicicr de la cava-
lerie françoise commandée à ce secours, qui entra dans la place
et qui en chatsa vigoureusement les Espagnols. Le duc Char-
les-Emmanuel sçut faire une distinction si particulière de
l'obhgation qu'il avoit à ce jeune officier françois, qu'il lui fit
présent d'une enseigne enrichie de diamans de la valeur de
quinze cent ducatons. De si beaux commencemens furent d'un
heureux présage au comte de Montdejeu. Il ne pouvoit plus
attendre les occasions de se signaler, elles venoient toujours,
ce lui sembloit, trop lentement, c'étoit à lui de les chercher.
Pour ne pas donc demeurer oisif, il s'offrit au maréchal duc
de Bouillon au retour de cette campagne de Savoye pour aller
en Allemagne avec le secours que ce prince envola au Roi de
Bohème, Ferdinand Second d'Autriche, empereur, successeur
de Mathias. Leshabitaus de Prague s'étoient révoltés du vivant
de Mathias, et avoient voulu établir parmi eux un gouverne-
ment aristocratique. Ils furent soutenus dans leur révolte contre
Ferdinand, après la mort de Mathias, par une ligue protestante
(|ui élut pour nouveau Roi de Bohème Frédéric Electeur Pa-
latin du Rhin, père de Madame la duchosse d'Orléans, seconde
femme de Monsieur frère unique de Louis le Grand et mère
delà duchesse de Lorraine. Onregardoit rem[)creur Ferdinand
Second comme le légitime souverain de Bohème et l'Electeur
Palatin comme un injuste prétendant, quoiqu'au fond le
roiaume de Bohème non plus que celui de Hongrie ne soit pas
originairement et de droit plus héréditaire à la maison d'Au-
triche que l'Empire. Cela ne peut être lévocjuc en doute que
par ceux qui ignorent l'histoire et les Aéritables intérêts des
princes. Quoiqu'il en soit, le parti de l'Empereur fut secouru
de toute part, tant du côté des François que du côté des prin-
ces allemands, dont la jalousie mutuelle concourt opiniâtre-
174 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERG
meut depuis longtemps à l'élévation de la maison d'Autriche
au jH'éjudice même de leurs propres inlérôls. Il est vrai qu'à
l'occasion de cette dernière révolte de Bohème suivie de celles
de Hongrie par l'entremise du Trausilvaiu Bethléem Gabor, il
y eut de la perfidie de la part des sujets naturels de l'Empe-
reur, contre la rébellion desquels il étoit d'un intérêt commun
de le secourir, quoique la France ne fût pas alors sans trouble,
par l'inquiétude de la Reine mère qui ne pouvoit souffrir la
faveur où étoit parvenu le duc de Luynes qu'elle faisoit servir
de prétexte aux chagrins où elle étoit de u'avoir plus de part
au gouvernement, et d'avoir le prince de Coudé à ménager.
Le maréchal duc de Bouillon qui teuoit sa petite cour à Sedan
fort tranquille depuis l'entière liberté du prince de Coudé, ne
voulut point se rengager dans d'autres intérêts que ceux du
Roi. Le comte de Montdejeu en eut ordre de répoudre en allant
en Allemagne, au marquis de la Vallette qui commandoit alors
dans Metz, qu'il n'étoit pas en état d'écouter ses propositions
ni d'entrer dans le nouveau parti des princes mécouteus sans
sujet, et surtout en un temps auquel toute l'Allemagne éloit
en feu et nos frontières en armes. Cette nouvelle campagne de
Bohème ne fut ni moins périlleuse, ni moins heureuse au
comte de Montdejeu. Ilavoit été fait capitaine de chevaux lé-
gers à sou retour de Piedmout; ce fut en cette qualité qu'il se
trouva à la tête de sa compagnie à la sanglante bataille de
Pragues en 1G20 qui se termina au seul avantage de l'Empe-
reur dont il soutenoit le parti, et à celui de Maximilien duc de
Bavièros qui y fut enrichi des plus honorables dépouilles du
Comte Electeur Palatin, c'est-à-dire du droit et de la dignité
d'Electeur avec le titre de Vicaire de l'Empire. Le titre élec-
toral a depuis été divisé, en le restituant au Palatin, il fut
conservé au prince (V) Bavière qui tient une huitième place
dans le collège des électeurs de l'Empire et qui y est devenu
le premier des séculiers.
Celte même année le Pioi avoit pardonné à la Reine mère et
à tous ceux qui l'avoient secondé dans ses injustes méconten-
temens, de sorte que tout promettoit ce semble une tranquil-
lité parfaite. Ce n'étoit pas ce qu'il falîoit à l'impatiente ardeur
du comte de Montdejeu. Le duc de Bouillon ne pouvant le re-
tenir, lui promit d'aller s'offrir au Roi avec sa compagnie, et
(quelques autres troupes pour être d,u voiage que Sa Majesté
mcdiloit de faire à l'entrée du printemps de l'année suivante
dans les provinces les plus infectées d'hérésie et prêtes à se
révolter. Il joignit la cour à Fontainebleau et suivit avec sa
LA VIE DU MARÉCHAL Dli SCHULEMBERG 175
compagnie l'armée du Roi en qualité de volontaire, tout le
reste de la campagne. Il fut avec le comte d'Auriac sous le
commandement du duc de Brissac à la première attaque de
Si Jean dAngely, où commandoit le prince de Houbize pro-
tecteur chef des protestants. Le comte de Mouldejeu voiant
qu'on attaquoit de trop loin cette place, fut d'avis avec quel-
ques autres gentilshommes volontaires et surtout avec le baron
de Bouleville, de s'approcher des murailles pour attirer hors
de la place les plus hardis de la garnison. Il y réussit, car aus-
sitôt il en sortit vingt cinq mousquetaires soutenus de cin-
quante maîtres bien armés et bien montés qui avoieut la con-
tenance de gens qui couroient au defi. Le marquis de Lauzières
fds du maréchal de Themines, à la tète de quinze ou seize
gentilshommes eu pourpoint, enviant le poste des volontaires
prêts à donner sur ceux de la place qu'on vit aller à eux, fran-
chit avec cinq ou six seulement 1j fossé qui servoit do retran-
chement à ces volontaires, et voulut les obliger à leur céder
leur poste ; mais on le pria de se contenter d'être de la com-
pagnie et d'accepter le commandement de la troupe, comme
étant le plus qualifié d'entre eux. Sans le comte de Mouldejeu,
la jeunesse qui l'avoit suivi dans cette approche, cédoit au
marquis de Themines et la place et l'honneur de l'entreprise ;
mais ce comte aussi jaloux de sa gloire que fier à l'égard de
ceux qui la lui disputoient sans titre, sçut en cette rencontre
apprendre au marquis de Lauzières qui il étoit, et qu'il n'avoit
pas ébauché une entreprise pour la laisser finir à un autre.
Les assiégés qui étoient sortis si résolus en apparence, ne ju-
gèrent pas à [)ropos de s'engager avec eux à un combat, ainsi
après une prompte décharge ils se retirèrent aussitôt. Le comte
de Montrevel s'étaut ensuite posté dans le fauxbourg de Tail-
hourg avec le régiment de Champagne qu'il commandoit et le
régiment de Piedmoiit, il facilita aux troupes du Roi l'appro-
che de la place jusqu'aux barricades des ennemis. Le Roi ne
parut pas plutôt dans le camp que le logement du fauxbourg
fut poussé jusqu'aux deuxiesmes barricades des assiégés; il y
eut plusieurs personnes de distinction tuées et encore plus de
blessées dans cette hardie entreprise ; le comte de Montdcjeu
n'y fut heureusement atteint que sur ses habits, car il y étoit
eu pourpoint comme la plupart des jeunes seigneurs qui vou-
lurent par là se faire remarquer. Il lui fut conunandé i)ar le
harou de Thermes de s'armer, s'il voulait appuier, comme il
lit, l'attaque qui se fit le lendemain d'une tenaille, où les en-
nemis se trouvèrent si bien retranchez qu'un grand nombre des
176 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBERG
plus appareus qui eurent l'ambition de se signaler en celle
rencontre restèrent morts sur les brèches ou dans les fossés,
cl les autres furent vigoureuscmcul repoussés. La fortune du
comte de Mouldt\jeu qui le tiroil de toutes ces périlleuses
épreuves, ibrlifioit de jour en jour son intrépidité ; ou eût dit
qu'il étoit fâché de n'avoir pas été tué, lorsqu'après l'assaut
général qui fut donné à celte place le 13 juin sous le comman-
dement du vieux duc d'Epernou, où la plus grande partie des
volontaires de l'armée périrent, il s'aj^perçut qu'on ne louoit
que les morts et les blessés, comme s'il avoit fallu y être du
nombre des malheureux pour être remarqué. La place s'élant
eulin rendue à composition, et le prince de Soubize aiaut mé-
rité par sa soumission le pardon du Roi, dont la bonté se ré-
pandit jusques sur ses plus infidèles sujets, l'armée eut ordre
de marcher à Pont en Xaintonges, et de là en Guienne où elle
s'arrêta au siège de Glérac. Cette place fit une vigoureuse et
téméraire résistance, qui coûta la vie à un grand nombre des
meilleurs officiers de l'armée. Ce fut pour cela que le duc de
Lesdiguières refusa d'accorder une capitulation aux proteslaus
assiégés, de sorte qu'ils se défendirent encore quelques jours ;
mais à la fin ils députèrent vers Sa Majesté un ministre bien
accompagné qui harangua Sa Majesté avec autant d'esprit que
de soumission en sorte quïl en obtint le pardon pour tous les
habitansde Glérac, aux conditions que cinq des plus factieux
soroient pendus et qui la garnison en sorliroit le batou blanc
à la main. L'un de ces cinq factieux qui se trouva êlre méde-
cin, et par conséquent, si le proverbe en est vrai, assez indif-
férent en choix de rehgiou, obtint sa grâce à la sollicitation des
médecins du Roi. Ou alla ensuite former le siège de Moiilau-
ban après s'être assuré de toutes les places voisines qui pou-
voient donner du secours aux religiounaires de cette place. Il
ne s'éloil vu depuis longtemps en France de place plus vigou-
reusement attaquée ni plus opiniâtrement defîendûe. Il se fit
de part et d'autres des actions de valeur dignes de l'admiration
où en étoit alors toute l'Europe. Le comte de Montdejeu fit si
bien son profil d'une infinité de traits singuliers quiontéchapô
aux historiens, qu'il se rendit le plus habile homme de son
temps en fait de siège et de defîeuse de place, comme on le
verra dans la suite. Il y eut très peu de rencontres hasardeu-
ses, à l'occasion de l'attaque de Monlauban, où il ne se fil re-
marquer par sa vigueur infatigable et par son intrépidité. On
lui a oui raconter qu'une vieille femme de Montauban suivie
de quelques autres de même âge étant sortie par une brèche
LA VIK DU MARÉCHAL DE SCHULEMUEUa i77
pour aller mettre le feu aux gabions des assiégeaus avec des
mèches et de la paille, dout elles s'étoieul chargées, elles furent
surprises avant l'exécution de leur dessein à la pointe du jour,
mais que la figure de ces bonnes vieilles aussi hideuses que
des spectres aiant effraie ceux qui les avoieut arrêtées, et jette
d'abord une espèce de fraieur dans les premiers qui s'en aper-
çurent, il y accourut, sur le bruit d'une sorliexle sorcières, et
s'étant emparé de la plus vieille, il lui lit avouer pour tout
éclaircissement la résolution où elles étoient. Laissez-nous
aller, lui dit-elle, nous sommes vieilles, nous avons assez
vécu, et nous ne sçaurious finir plus glorieusement nos jours
qu'en nous sacrifiant pour conserver la vie des jeunes gens
que vous avez à combattre et à vaincre avant de vous rendre
maîtres de notre ville et de nos consciences. Le comte de Mont-
dejeu à qui on avoit voulu faire croire que des signes de
croix étoient les meilleures armes qu'on pût emploier contre
ces squelettes animés, eut autant de pitié de ces femmes que
d'indignation contre la terreur panique des sentinelles et des
gardes avancés ; et comme il vit qu'il ne pouvoit tirer aucun
éclaircissement utile de cette troupe de vieilles plus propres à
affamer la ville qu'à la servir ni la vendre, il les y fît rentrer
quoiqu'avec bien de la peine, après en avoir donné avis et en
avoir fait approuver le dessein.
(Â suivre] 0. de Gourgault.
i2
LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
GERBERT
ARCHEVEQUE DE REIMS
Vers 940, daus une humble chaumière de l'Aquitaine, au
village de Belliac, près d'Aurillac ', naquit un enfant dont le
nom devait briller de la doubltj auréole de la science et de la
vertu. D'une famille obscure " et dépourvue des biens terres-
tres, il avait pour père un roturier nommé Agilbert. Cet en-
fant était Gerbert, qui devait illustrer la France et la chrétienté,
Gerbert, dont un chroniqueur devait dire que « la Gaule voyait
resplendir comme une lampe ardente devant le Seigneur un
homme d'admirable génie et d'une merveilleuse éloquence,
Gerjjert, que la Providence dans un dessein de miséricorde
avait envoyé à nos contrées ". « .
Successivement écolàtre de Reims, secrétaire d'Adalbéron
et d'Arnould, archevêque de Reims, puis de Ravenne, et enfin
pape sous le nom de Sylvestre II, Gerbert se vit, malgré sa
grande piété et à cause de sa science, en butte à l'envie et à la
calomnie. Signalons en passant, pour les stigmatiser, les noms
de quelques-uns de ses lâches détracteurs, tels que Sigebert
1 . Les auteurs ne sont pas d'accord sur le lieu de la naissance do Ger-
bert. Les uns, confondant les noms latins d'Aureliacum et d'Aurelianum, le
font naître à Orléans ; d'autres, à cause probablement de son long séjour à
Reims, prêtent à cette ville Ibonneur d'avoir été son berceau ; mais
l'opinion qui paraît la seule véritable, indique le village de Belliac, près
d'Aurillac.
2. « Obscure loco nalus », dit Hugues, abbé de Flavigny, dans sa ChrO'
nique. — Abraham Bzovius imagina de le faire descendre de la famille de
Cœsia, issue elle-même des rois d'Argos (Vie de Sylvestre II, Kome, 1629,
in-4'', ch. II, IV); mais tous les auteurs sérieux rejettent cette origine.
3. Richer, Histor. Lib. III, cap. XLIH. Patrol. lat. T. CXXXVIII,
col. loi. — Ricber, moine de l'abbaye de Ssint-Remi de Reims, composa
une Histoire des Français, dédiée à Gerbert, archevêque de Reims ; cette
histoire s'étend jusqu'à l'année 993.
LE PREMIER PAPE FRANÇAIS 179
de Gémbloux, Hugues de Flavigny, le schismalique Beuiion,
le moiue Jeau de Latran, Guillaume de Malmesbuiy et Albéric
de Trois-Foulaines. Mais si la mémoire de Gerbert a été atta-
quée, elle a eu aussi d'illustres défeuseurs, parmi lesquels
nous metlrous au premier raug le savaut coatroversiste Jacques
Gretzer'. L'Académie de Reims en metlaut, eu 186J>, ce sujet
au concours, a voulu contribuer, pour sa part, à relever la
gloire d'un de ses illustres devanciers dans la carrière des
sciences-. Aussi notre siècle, à qui l'on doit déjà tant de
réhabilitations, a vu s'élever, en 18G3, une statue de Gerberl
sur l'une des places d'Aurillac.
Voué, dès sou enfance, à l'état ecclésiastique, etadmis k l'âge
de douze ans à l'abbaye d'Aurillac, il devint bieutôt l'enfant
adoplif de l'abbé Géraud de Sainl-Céré. La direction de l'école
était alors confiée au célèbre Raymond de Lavaur, qui y ensei-
gnait ce que l'on appelait alors le Trivmm, cest-à-dirc la
grammaire, la rhétorique et la dialectique, et y joignait des
leçons sur la musique.
Voyant les dispositions admirables de son disciple privilégié,
l'abbé Géraud l'envoya en Espagne pour développer ses con-
naissances et en acquérir de nouvelles. Il profila du voyage
que fit alors à Aurillac, Borell, comte d'Urgel, chargé du gou-
vernement de l'Espagne citérieure, et lui confia Gerbert.
Borell, pour accomplir les desseins de l'abbé d'Aurillac, remit
la direction des études du jeune religieux à Hatlon. évêque de
Vie ou plutôt d'Ausone ', l'homme le plus distingué de l'Espa-
gne, sous la direction duquel Gerbert fil de rapides progrès.
Ce voyage donna occasion au chroniqueur Trilhème M' avancer
que Gerbert jeta le froc aux orties pour suivre sou nouveau
1. Jacques Gretzer, jésuite, naquit en 1561, à Marckdovf en Souabe, pro-
fessa longtemps avec distinction dans Tuniversité (i'Ingolstadt et mourut
dans cotte ville en 1625. Ses ouvrages forment 17 volumes in-folio imprimés
à Ratisbonnc on 17o4.
2. M. E. de Barthélémy a publié en 1866, chez Lecoffre, une étude sur
Gerbert, cOuroDuée par l'Académie, et suivie de la traduction de ses lettres.
3. La ville d'Ausone, après avoir été ruinée par les Sarrasins, fut réta-
blie, mais comme elle n'approchait pas de son ancienne splendeur, on la
nomma le bourg d'Ausone, vicus Ausoneusis, d'où l'on a formé le nom de
Vie.
■'i. Tritlième Jean, naquit dans le village lif TriLenheini (d'où il prit son
nom), à deux lieues de Trêves, en 1462. Il se fil religieux bénédictin et
devint abbé de Spanheim, au diocèse de Moyence, puis abbé de Saint-
Jacques à Wurzbourg, et mourut en loKî II écrivit beaucoup d'ouvrages
d'histoire, du morale et du philo-sophie.
]^[) LE PREMIKR PAPE FRANÇAIS
protecteur, mais cette calomnie n'a pas plus de fondement que
les autres. Elle est suffisamment démentie par la vie tout en-
tière de Gerbert, et par les bons rapports qu'il conserva tou-
jours avec l'abbaye d'Aurillac.
(Vest aussi à l'occasion de ce voyage, que Guillaume de
Malmesbury, auteur anglais du xii'^ siècle, reproduisant dans
son deuxième livre de l'histoire des rois d'Angleterre, les
calomnies du schismatique cardinal Bennon, accuse Gerbert de
s'être initié parmi les Arabes aux sciences occultes et k l'astro-
logie, et même de s'être emparé, au moyen d'un soporifique,
d'un manuscrit précieux de son maître, et de s'être dérobé à
sa poursuite après avoir donné son âme au diable '.
Le séjour de Gerbert en Espagne fut probablement de quatre
années, durant lesquelles il s'adonna h l'étude de l'arithméti-
que, de la géométrie ', de l'astronomie, de la mécanique, de la
musique dans ses rapports avec la physique et même de la
médecine, comme on le voit par les conseils qu'il donna à
Adalbéron, évêque de Verdun'. Ses éludes le mirent en rela-
tion avec les savants ije la Catalogne, et il contracta une
étroite liaison avec Guarin, abbé de Saint-Michel de Cusan.
Mais bientôt la Providence allait produire Gerbert sur un
théâtre plus vaste et plus digne de lui. Borell, qui allait à
Rome avec Hatton, se fit aussi accompagner par Gerbert. Le
trône pontifical était alors occupé par le pape Jean XIII, dont la
fermeté était si nécessaire à celle époque de troubles. Chassé du
Vatican par une émeute populaire (décembre 96ti). il venait
d'être rétabli par l'empereur Othon qui avait châtié sévèrement
\. • Ihi per incanlatione.s, diabolo accersilo, perpetuum paciscilur domi-
iiiuni. » (Malmesbury, lib. II, cap. X.) — « Iste galliciis natioue, dit Bennon,
dictus a quibusdam philosophus, verè fuit ncgromanlius Hic juvenis....,
dimisso inonastcrio, diabolo homagium lecit, ut sibi omnia ad vola succédè-
rent, quod diabolus promisit adiniplere. » Ces calomnies ont été insérées
dans le Codex reyius, fol. 128, 129.
2. Gerbert lai-même fait nieulion dans .ses lettres (24 et 25) du Traité
des nombres do l'espagnol Joseph, et du Traité d'astrologie que Lupilo tra-'
duisit en latin à Barcelone.
3. « Quant à ce qui regarde eu particulier mon frère, malade de la pierre,
je le satisferais pleinement si je pouvais rechercher ce qui a été prescrit par
nori devanciers. Maintenant contentez-vous d'une petite dose de l'antidote
pliiloanlinopos et de la recette qui raccompagne.... Ne comptez pas sur
mes conseils pour remplir le rôle de médecin, car si j'ai eu beaucoup de
goût pour leur science, j'ai toujours eu de l'aversion pour leur profession. »
(Lettres de Gerbert, coU, d'André du Chesnc. lettre 164", dOlieris, 151« )
aSRBERT
181
les rebelles. Frappé de la science du jeune moine d'Aurillac,
et d'après le conseil de l'empereur Othon, le Souverain-Pontife
le retint à Rome et lui confia le soin de l'éducation du jeune
fils de l'empereur. Gerbert, sans se laisser éblouir par cet
honneur, y consentit avec peine, et à la condition expresse
qu'on lui laisserait des loisirs suffisants pour s'adonner à
l'étude de la logique, science qu'il désirait vivement acquérir.
C'est ce désir qui le porta à s'attacher à Gérard, archidiacre de
Reims, homme recommandable par sa connaissance approfon-
die de cette science, et qui avait été envoyé en Italie par le roi
Lothaire, en qualité d'ambassadeur. Mais comme la mission de
Gérard finit avant que Gerbert eût complété son instruction,
ce dernier obtint de l'empereur la permission d'accompagner
son maître à Reims.
Cette métropole de la Gaule-Belgique possédait une école
déjà célèbre sous Hincmar, au ix'' siècle, et dans laquelle les
disciples d'Alcuin avaient introduit la méthode d'enseignement
du célèbre directeur de l'école du Palais. Remy d'Auxerre
l'avait illustrée, mais après son départ pour aller fonder à
Paris les cours publics qui furent le berceau de l'Université,
cette école était bien déchue de sa splendeur. Ce fut en vain
qu'elle essaya de se relever sous les efforts d'Hildebrode le
grammairien, de Bhduseet d'Abbon de Fleury. Il était réservé
à Gerbert de lui rendre son ancien éclat. Il y arriva doux ans
après la mort de Flodoard, et fit de rapides progrès sous la
direction de Gérard qui était son ami plutôt que son maître, et
à qui il communiqua aussi eu retour les connaissances qu'il
avait acquises. Odalric occupait alors le siège de Reims, et quand
Adalbéron lui succéda en 970, Gerbert était déjà si célèbre par
son enseignement, que ce prélat le plaça à la tête de l'école de
Reims et en fit son secrétaire.
Ce fut à cette époque de sa vie qu'il fixa la synthèse des
diverses sciences et les divisions que l'on pouvait établir
entre elles pour les étudier avec fruit et méthode. Ce fut cette
classification qui donna lieu à la célèbre controverse avec
Otrick. La renommée de Gerbert qui se répandait au loin, alla
troubler dans sa chaire de Magdebourg cet illustre savant de
l'Allemagne. Frappé de la méthode avec laquelle Gerbert divi-
sait ses sujets, désireux de l'approfondir et môme de relever
quelques erreurs, Otrick s'efforça d'obtenir ces divisions des
élèves qui fréJiucntaient les cours de Reims ; mais ne pouvant
réussir à en surprendre le secret, il envoya dans ce but uu
Saxon à l'école métropolitaine. Ce disciple se trompa grave-
182 LE TREMIEB PAPE FRANÇAIS
ment sur la synthèse des diverses branches de la philosophie,
et transmit à Otrick ses notes erronées. Gerbert plaçait la
physique sur la même ligne que les mathématiques, tandis
que le disciple d'Otrick comprit qu'il la subordonnait à celle-
ci, comme le genre à l'espèce. Content de rencontrer cette er-
reur, Otrick fit part de sa découverte à l'empereur qui
refusa d'y croire. Mais profitant d'un voyage de Gerbert
qui accompagnait Adalbéron à Rome^ il les mit en présence
à Ravenne, sans eu prévenir Gerbert : « L'empereur, dit
Richer, qui nous a conservé les détails de ce tournoi
littéraire, voulut que Gerbert fût mis à l'improviste aux
prises avec Otrick, afin que, surpris par l'attaque, il dé-
ployât une plus grande vivacité et cédât à un entraînement
plus puissant ' . » La séance qui dura « un jour presque
entier », s'ouvrit par un discours de l'empereur, ensuite eut
lieu le débat sur la classification incriminée. Gerbert, animé
par la discussion, s'éleva à une si grande hauteur, qu'il excita
l'admiration universelle, et sortit victorieux de la lutte. Après
avoir discuté ce premier point, Gerbert s'occupa de la création
du monde, de ce que toutes les causes ne sont pas de nature à
être exposées en un seul mot, de la cause de l'ombre et de la
différence entre le raisonnable et le mortel. Cette victoire
augmenta la réputation de Gerbert. Othon le combla de lar-
gesses, et, avec l'agrément du pape, le pourvut de l'abbaye de
Bobbio, dans l'Italie septentrionale ". Mais pour quiconque
connaît l'acharnement avec lequel les savants du moyen-âge
se poursuivaient au sujet de leurs discnssions scientifiques ou
doctrinales, il est permis de croire que cet incident augmenta
le nombre des ennemis de Gerbert.
A peine installé dans cette célèbre abbaye de Bobbio, s '
pleine des souvenirs de saint Colomban, et qui conférait à ses
abbés la dignité de comte de l'empire, l'ancien écolàtre de
Reims voulut implanter en Italie les études qui, grâce à son
génie, étaient devenues si florissantes dans les Gaules, mais la
1. Richer. Histor. Lib. III, cap. LVIII-LXV, col. 106, 109.
2. Quelques autours prétendent, que ce fut l'empereur Othon II, sou élève,
et non Othon I"% qui le pourvut de l'abbaye de Bobbio, après son avènement
au trône, et que la lutte do Kavennc, que l'on fixe généralement à l'an 980,
eut lieu tandis qu'il était abbé do Bobbio.
L'abbaye de Bobbio qui fut fondée par saint Colomban, donna naissance
à la ville qui porte ce nom ; celte abbaye était une des plus considérables
d'Italie.
GERBBRT 18&
position que lui avait faite la faiblesse de son prédécesseur, ne
lui permit pas de réussir dans co louable projet. Par son éner-
gie à faire respecter ses droits, Gerbert s'attira des ennemis qui
l'abreuvèrent de peines. Abandonné de tous, et apprenant la
mort de son protecteur Othon-le-Grand, il quitta son abbaye
sans la résigner, et revint à Reims auprès d'Adalbéron, où il
reprit le cours de ses leçons. C'est de cette phase de sa vie que
datent ses ouvrages les plus remarquables.
La période de temps qui s'écoula entre 973 et 989, fut l'apo»-
gée de la gloire de Gerbert comme professeur. Cependant son
existence fut loin d'èlre la même pendant tout ce temps ; elle
peut se diviser en deux époques bien distinctes. La première,
qui s'étend de 973 à 984, est une période de calrne et de tran-
quillité, dans laquelle, uniquement adonné à ses études, il ne
s'occupa que de son enseignement. La méthode qu'il suivit
était celle d'Alcuin qui divisait toutes les connaissances hu-
maines en sept grandes catégories, comprises sous le nom de
Trivinm et de Quadrivmm. Ce fut à cette époque qu'il composa
8on célèbre traité intitulé: Abacus, da.ns lequel sont consignées
toutes les règles de l'arithmétique. Il s'occupa ensuite de la
mesure de la sphère, fit un traité de géométrie, s'attacha à
l'astronomie, dont il avait rapporté les règles de la Catalogne,
sans négliger la musique. On lui doit la construction d'orgues
dans les églises « Outre une horloge, nous dit Guillaume de
Malmesbury, Gerbert établit dans la cathédrale de Reiras des
orgues, dans les tuyaux desquelles il faisait pénétrer des jets
de vapeur qui, passant par les nombreuses ouvertures de ces
tubes de cuivre, rendaient sous la main de l'artiste des sons
harmonieux qui ravissaient tous les assistants \
L'ignorance était alors bien grande, même parmi certains
membres du clergé. Adalbéron de Laon la llétrit en disant
qu'on rencontrait des clercs qui savaient seulement compter
sur leurs doigts les lettres de l'alphabet*. Ou sentait le besoin
de s'instruire, aussi la renommée de Gerbert s'étendait de
plus en plus, et il voyait se grouper autour de sa chaire les
noms les plus illustres ; c'étaietit : saint Héribert, plus tard ar-
1. « Apud ecclesiam oxlant organa Iiydraiilica, ubi mirura in modiim por
aqiiîB caleCacta; violetiliam vonlus eincrgcns implet concavitatein barbili, et
per imilliforaliles transilus xrciv. fistuliu inodiilalos cliiiiioros cmitluiit. »
(Lib. II, cap. X.)
2. « Alphabelum sapiat taiitùiu ili(/ilo iiumcrarc. » (Alberonis cuimcn,
vers. 40.)
184 LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
chevêque de Cologne ; Leulhéric, archevêque de Sens ; Adhel-
bold, évêque d'Utrecht, auquel il dédia son Traité de la sphère:
Jean, écolàlre d'Auxerre ; Adalbérou, évêque de Laon ; Bru-
non, évêque de Langres ; Gérard de Cambrai ; Ingon, abbé de
Saint-Germain-des-Prés ; Herbert, abbé de Lagny ; Francon,
évêque de Paris ; Fulbert, évêque de Chartres, l'homme le
plus savant du xi® siècle. Les monastères d'Italie, de Lorraine
et d'Allemagne lui envoyaient leurs sujets les plus distingués ;
Rotovic, abbé déMithloc, au diocèse de Trêves, lui confia ses
deux plus savants religieux, Nithard et Remy. Ainsi, à cette
époque d'ignorance, le clergé, toujours fidèle à sa mission
d'éclairer les esprits, était le dépositaire de la science, et Reims
était la source principale à laquelle venaient s'instruire et se
nourrir d'une saine doctrine les intelligences d'élite.
La deuxième période de la carrière enseignante de Gerbert,
qui s'étend de 984 à 989, est plus agitée. Son ancien élève,
Othon II, venait de mourir en 983, laissant un fils âgé de trois
ans, sous la tutelle de sa mère l'impératrice Adélaïde. Lothaire,
roi de France, était entré dans les vues de Henri de Bavière,
qui s'était constitué le chef d'une ligue contre le jeune prince,
et cherchait à lui ravir la couronne. A ce moment, Gerbert
déploie toute son activité ; ses lettres sont un monument de
sa fidélité au malheur, il n'épargne rien pour protéger le fils de
l'empereur défunt. Il appelle les comtes lorrains aux armes, les
console dans leurs échecs, les tient au courant des événements
et les dirige ; il écrit à Adalbéron, évêque de Verdun, son an-
cien élève, puis le somme de se joindre au parti d'Othon ' ; et
au miheu de cette fiévreuse activité, il ne se dissimule aucun
des périls auxquels sa conduite l'expose : « Sommes-nous
dans cette affaire, sécrie-t-il, quoique périlleuse pour quel-
qu'un, comme dans une période de repos et de tranquillité '. »
Cependant ces préoccupations ne font pas oublier à Gerbert les
soins de la prudence, il cherche à se concilier des amitiés et
des protections puissantes : « Lolhariui rex Franciœ, écrit-il,
prœlatus est solo nomine^ Hugo vero non nomme, sed actu et
oiure \ » et au même moment, il insinue encore à Adalbéron,
son archevêque, cette doctrine qui devait avoir pour résultat
1 . « Repentiaus casus ne nos terreat, filio Caesaris fidem quam promi-
sislis, inviolobilcm servato. » (Epist. ad Adalb. Vird.)
2. « An simus in hoc negolio, quamvis alienis periculoso, et in tulo otio,
quae molimina, quivo impetus hac ratione conquieverint, non est facile dictu.»
(LcUro 41» )
GERBERT 18o
l'élévation de Hugues-Capet : « Uœ sunt rerum vices, et initia
quibus sceptra in alios devolvuntur. » Gerbert eut le bonheur
de réussir dans cette lutte, où évidemment le bon droit était
de son côté, et on peut dire que ce fut à son énergique persé-
vérance qu'Othon III dut la couronne.
Par suite des événements politiques de la substitution d'une
nouvelle race à celle de Charlemagne, et dans laquelle Adal-
béron est appelé à jouer, comme métropolitain, un rôle prépon-
dérant, Gerbert, son secrétaire et son ami, se trouva entraîné
malgré lui, à jouer aussi un rôle politique. Avec la mort de
Lothaire, en 986, s'éteignit, pour ainsi dire, la famille de Char-
lemagne, puisque son fils Louis V, dit le Fainéant, ne régna que
quelques mois; et encore ce fut grâce au concours de Hugues-
Capet, cousin-germain de son père qui, en embrassant son
parti, entraîna à sa suite la plupart des seigneurs. La mort de
ce prince, arrivée à Gompiègne, le 21 mai 987, fut suivie du
fait capital du x" siècle, l'avènement de la famille capétienne .
Cette substitution d'une race à une autre se fit sans secousse,
grâce à la sage prudence d'Adalbéron, appelé par ses contem-
porains le Père de la Patrie. A propos de ce changement de
dynastie, Adalbéron émit cette maxime <r que le trône ne s'ac-
quiert point par droit héréditaire. » Ce n'était pas une opinion
nouvelle, car Hincmar avait dit « que la noblesse paternelle
ne suffît pas pour assurer les suffrages des peuples aux enfants
des princes, car les vices abrogent les privilèges de la nais-
sance, et l'on dégrade le coupable, non-seulement de la no-
blesse de son père, mais de la liberté même ^ » Hincmar ne
niait pas par là les droits de l'hérédité, mais il les subordon-
nait à la dignité du sujet qui en était investi. Nous allons
emprunter à une Revue moderne le récit de ce fait si impor-
tant :
« On fit à Lothaire de magnifiques funérailles ; son corps
enveloppé d'un vêtement de soie et d'uue robe de pourpre
ornée de pierres précieuses, fui déposé sur un lit d'apparat au
milieu des insignes de la royauté. Le lit fut porté par les
grands du royaume, précédés des évêques et du clergé, une
foule immense suivait en pleurant. Lothaire fut enterré à
Reims, au monastère de Saint-Remi, où reposaient son père et
sa mère *. C'était le deuil de la monarchie carlovingienne que
1. Opéra I, 696.
2. Lothaire fut inhumé à l'entrée du sanctuaire, du cûté de l'Evangile,
sous les marches qui le séparaient du chœur. Ses rcstos furent déplacés au
186 LE PREMIBR PAPE FRANÇAIS
l'on conduisait ainsi en grande pompe. Depuis longtemps déjà,
suivant l'expression de Gerbert, Lothaire n'était roi que de
nom, Hugues-Capet, sans en porter le titre en remplissait les
fonctions.
« La sève de l'arbre carlovingien était épuisée ; il ne restait
de la race de Pépin et de Gharlemagne qu'un héritier débile
qui ne fit que passer sur le trône, et qui mérita de la postérité
lo titre de Louis V le Fainéant. Il mourut à l'âge de dix-neuf
ans, empoisonné, dit-on, par sa femme, et ne laissant d'autre
héritier que son oncle Charles, duc de Basse-Lorraine et
second fils de Louis d'Outremer.
0 Tous les regards se tournaient vers le duc de France ; les
légendes prédisaient à Hugues-Capet sa future élévation. On
racontait que Saint Valéry était apparu en songe à son père,
Hugues-le-Grand et lui avait parlé ainsi : c Transfère mes
reliques et celles de Saint Riquier, et par mes prières tu seras
roi des Français, tes héritiers posséderont ce peuple jusqu'aux
dernières générations \ » Trois fois déjà, la race de Robert-le-
Fort s'était assise sur le trône en vertu de la loi de la. capacité,
encore vivante, et malgré la loi de Vhêrêdité, toujours remise
en question. La mort de Louis V ouvrait encore une fois la
succession au trône.
milieu du xviu" siècle, et transportés près du mausolée de Garloman, sous
la première arcade de la nef collatérale, du côté de la sacristie. La statue qui
avait été placée sur sa tombe, fut laissée à sa place primitive ; elle fut brisée
à la Révolution.
Lothaire était représenté assis sur un trône de pierre, posé sur un socle
de môme matière. Le siè^re avait un dos qui s'élevait au-dessus de la tête
royale qu'il abritait à l'aide d'un toit à deux versants : il portait au fronton
de sa toiture une fleur de lys et deux antres fleurs. La couronne de Lothaire
était un cercle surmonté de quelques fleurs: une autre fleur, assez semblable
à un lys, était au haut de son sceptre. Il portait une tunique et par dessus
une chlamyde attachée sur son épaule droite. A ses pieds était une figure
d'enfant ou de nain qui avait l'air de le chausser.
Montfaucon, dans son précieux ouvrage sur les monuments de la monar-
chie française, nous a conservé le dessin de celte statue, tome I, page 346.
1 . L'auteur que nous citons n'a pas traduit ici littéralement lo texte
latin, le voici : « To fore regcm, prolemque tuam Fraucigenarum stirpem-
que tuam rogimen tenero usque ad septem successionos. n Le texte ne parle
pas de générations, mais bien do successions, que l'on peut entendre de
sept changements de branches de la familh^ capétienne. Or jusqu'ici, ces
successions dans la dynastie de Hugucs-Gapct sont au nombre de six, sa-
voir : 1" Branche des Capétiens dirccls (987-1328) ; 2" Branche des Valois
(1 328-1 4',)8); 3" Branche des Valois Orléans et Augoulême (1 498-1 589J ;
4° Branche des Bourbons (1589-1793) ; 5° Branche aînée des Bourbons
(1814-1830) ; 6° Branche des Bourbons Orléans (1830-1848).
GERBERT 187
« Uu plaid général s'était alors réuni à Gompiègne pour
juger l'archevêque de Reims, Adalbéron, accusé de trahison.
Hugues-Gapet fit déclarer par l'assemblée qu'il était innocent,
et celui-ci, ainsi justifié, prit la parole sur la question qui
préoccupait tous les esprits.
« Il me semble, dit-il, que le choix doit cire difléré jusqu'à
ce que nous soyions tous présents. En attendant, lions-nous
par serment à l'illustre duc, et promettons de ne nous occuper
eu rien de l'élection d'un chef jusqu'à la prochaine assem-
blée. » Get avis fut adopté, et le plaid se sépara (mai 987). >
« Dans l'intervalle, Gharles de Lorraine se rendit à Reims
auprès d' Adalbéron pour faire valoir ses droits à la couronne :
« Tout le monde sait, vénérable père, dit-il, que par droit
héréditaire, je dois succéder à mou père et à mon neveu. Il n&
me manque rien de ce qu'on doit exiger avant tout de ceux
qui doivent régner, la naissance et le courage. » Gharles, on
le voit, invoquait en même temps que sa naissance, les condi-
tions de la capacité germanique. Mais Adalbéron se contenta
de lui répondre : « Tu t"es toujours associé à des parjures et à
des sacrilèges, comment peux-tu, avec de tels hommes, récla-
mer le souverain pouvoir. »
L'évêque le renvoya aux grands du royaume sans lesquels
il ne voulait rien entreprendre.
« Gharles repartit fort triste pour Gambrai, et il n'osa se
rendre à l'assemblée dont il prévoyait les dispositions hostiles.'
Elle se tint à Senlis au milieu d'un immense concours de sei-
gneurs. On y voyait des Français, des Bretons, des Normands,'
des Aquitains, des Gascons, et jusqu'à des Goths et des Espa-
gnols, représentants de nationalités différentes qui devaient un
jour se fondre dans la grande nationalité française.
« Adalbéron ouvrit le débat par un discours longuement
préparé: « Gharles, dit-il, a ses partisans qui prétendent que
le trône lui revient par la naissance. Mais le royaume ne
s'acquiert point par droit héréditaire, et l'on no doit élever à
la royauté que le plus illustre, non-seulement par la race,
mais encore par la sages.se, la foi et la grandeur d'âme. Peut-on
trouver ces qualités dans Gharles que la foi et l'honneur ne
guident pas, et qui n'a pas rougi d(! servir un roi étrang(;r, de
choisir une femme parmi ses vassaux. Décidez-vous plutôt
pour le bonheur que pour le malheur de l'Etat. Si vous voulez
son malheur, créez Gharles souverain ; si vous tenez à sa
prospérité, couronnez Hugues, l'illustre duc do France. » Ge
188 LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
discours produisit l'effet qu'en attendait son auteur. Hugues-
Capet fut proclamé roi de France du consentement de tous ; on
se rendit ensuite à Noyon, où le métropolitain et les autres
évoques sanctionnèrent par le sacre, l'élection des seigneurs et
du peuple. Cette cérémonie eut lieu le l*"" juillet 987 ^ La
dynastie carlovingienue avait régné deux cent trente-cinq ans.
Désormais, le morcellement féodal, héritage des traditions
germaniques, va remplacer le fantôme de l'unité romaine ; il
faudra de longs siècles et de grandes luttes pour ramener à
l'unité tant d'éléments épars : ce sera l'œuvre de la monarchie
capétienne '. »
En nous étendant sur cet événement important, qui parait
plutôt rentrer dans le domaine de l'histoire générale que dans
celui d'une biographie particulière, nous n'avons pas cru sortir
du cadre de cette étude, car il ne faut pas oublier qu'il fat
l'œuvre de Gerbert qui fit d'Adalbéron l'arbitre de la couronne,
et dont la valeur politique et l'élévation de caractère inspi-
raient à tous une égale confiance. M. Michelet résume ainsi
le rôle que joua Gerbert dans cette circonstance, en disant que
* ce fut une grande chose pour les Capets que d'avoir pour
eux Gerbert, car il aida à les faire rois ^ » Adalbéron fut, en
récompense de ses services, nommé grand chancelier, et c'est
de là, disent certains auteurs, qu'a pris naissance cette haute
prérogative de premier pair dont les archevêques de Reims
sont en possession. Sans rejeter ce sentiment, il nous semble
qu'il vaudrait mieux l'attribuer au privilège du sacre des rois
de France attaché au siège de Reims. Hugues, pour assurer le
trône à son fils, le fit ensuite couronner à Orléans, le l^"" jan-
vier 988. Adalbéron, qui fut chargé de cette cérémonie, mourut
deux ans après, à Reims, le 23 janvier 990, en désignant
Gerbert pour son successeur.
Les désirs d'Adalbéron ne furent pas immédiatement accom-
plis. Cédant à des vues politiques, Hugues, qui désirait forti-
fier sa royauté nouvelle, fit élire archevêque de Reims,
Arnould, fils naturel du roi Lothaire, et alors chanoine de
Laon ; mais comptant peu sur sa fidélité, outre le serment
d'usage qu'il lui fit prêter, il lui en fit encore signer un autre
1. Hugues-Capet fut couronné à Nojon au mois de juin, et sacré
Reims le 3 juillet suivant.
2. Hevue du Monde catholique, t. XXX, n» 54, p. 821.
3. Histoire de France, II, 1i3.
QERBERT 1 89
pour le tenir davantage sous sa dépendance ' . Contrairement à
ses engagemcnis, Arnould fut infidèle à Hugues, et il le trahit
en livrant la ville de Reiras à son oncle Charles de Lorraine.
Malgré sa trahison réelle, Arnould qui avait conservé des
dehors de fidélité au roi, le trompa encore quelque temps par
une apparence de soumission. Mais il n'en fut pas de même
de Gerhert , qui rompit alors ses rapports avec son archevê-
que par la lettre suivante, qu'il lui adressa en quittant Reims
pour se rendre à la cour des rois Hugues et Robert : « Après
avoir réfléchi longtemps sur le malheureux état de notre ville,
et ne pouvant prévoir d'autre ternie à ses maux que la perte
des gens de bien, j'ai pris enfin une résolution où je trouve à
la fois un remède aux calamités présentes et une garantie à
offrir à mes amis pour l'avenir '. »
Hugues, ayant acquis la certitude de la trahison d' Arnould,
convoqua les évêques de la province do Reims en concile, et
somma Arnould d'y comparaître, mais celui-ci répondit avec
raison, qu'en qualité de métropolitain, il n'avait d'autre supé-
rieur que le pape, que c'était de lui seul qu'il voulait être
entendu, et il refusa de comparaître ^ Gomme la ville de Reims
se trouvait encore au pouvoir de Charles, il n'y avait aucun
moyen de le contraindre (989j. Le roi, de concert avec les
évêques, écrivit alors au pape*. Les lettres furent confiées à
des députés que le roi envoya à Rome avec mission de les
remettre au Souverain-Pontife, mais sans attendre sa réponse.
On voulait seulement, pour donner une apparence de légalité,
avoir consulté le pape ; et comme la promptitude du retour de
1 . « Ego Arnulphus, gratiâ Dei prrovenientc, Remorum Archiepiscopus»
promitlo Regibus Francorum Hugoni et Roberto me fidem puiissimam ser-
valurum, cousilium cl auxilium secundùm ineuin scire et nosse ia omnibus
negotiis prœbiturum : iniraicos eorum uec consilio, nec auxilio ad eorum
infidelitatem adjuturum. Hsec in conspectu divinaj Majestatis et bcalorum
Spirituum, et tolius Ecclesiœ assistess promitlo, pio beuè servalis luturus
pra;mia œleroa; beucdiclioais : ai vero (quoJ nolo et quod absit) ab bis devia-
vero, omnis beoediclio mea convertatur in malediclionem, et fiant dies mei
ptuci, et Episcopatum mcum accipiat aller, recédant a me amici mei, sint-
que pcrpetuo inimici, Huic ego chirograpbo, a me edito in testimonium
bcnedictionis vel raalediclionis meee subscribo, Fralresque et Filios meos, ul
subscribant, rogo.
« Ego Arnulphus Archicpiscopus subscripsi. » (D. Marlot, II, iO.)
i. Lettre 185», col. d'André du Cbesne.
3. Baron. Ann. 991, n- 1.
4. Conf. apud Labbe, t. H, p. 1Z1.
190 LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
ces députés pouvait être mal interprétée, on cherclia dès
prétextes pour l'expliquer.
Sur ces entrefaites, Hugues, après avoir ravagé les environs'
de Reims pour couper les vivres à l'enneiui, marcha contre la
ville de Laon, dans laquelle le prince Charles et Aruould
s'étaient retirés. ALdalbéron, évèque de Laon, qui avait été
chassé de son siège par Charles, résolut de se venger. Voyant
que la place résisterait aux efforts du roi, il demanda une
entrevue à Arnould, feignit une réconciliation avec lui, sut
endormir ses défiances et, par cette ruse indigne d'un evêque,
amena l'archevêque à aller trouver le roi qui l'admit à sa table.
Adalbérou, étant rentré à Laon, sut capter la confiance de
Charles, mais c'était pour le trahir plus facilement. Après le
souper du dimanche des Rameaux (989) qu'ils prirent ensem-
ble avec Arnould, et après qu'ils se furent retirés dans leur
chambre, Adalbéron y pénétra, enleva leurs armes pendant
leur sommeil, éloigna la garde qui les protégeait, et se
plaça lui-même à la porte du prince, une épée nue à la main.
Durant ce temps, des affidés de Févêque ouvraient la porte
aux soldats du roi qui pénétrèrent jusque dans la chambre de
Charles. Le duc, à peine éveillé, cherchait la cause de ce bruit,
quand Adalbéron triomphant lui cria : « Vous m'avez enlevé
cette place forte, et vous m'avez forcé comme un misérable
exilé à chercher ailleurs un refuge, maintenant c'est votre
tour. . . » Charles s'élança furieux, cherchant ses armes pour
punir le parjure ; mais la trahison était consommée, une troupe
d'hommes armés se jeta sur le duc, et après l'avoir étroitement
garrotté, le conduisit dans une prison où il resta détenu avec
sa famille et l'archevêque Arnould. Un seul de ses fils, âgé de
deux ans et portant le même nom que lui, fut soustrait par
de fidèles serviteurs à !a vengeance de l'ennemi.
Le roi était à Senlis lorsqu'on le prévint de la prise de la
ville. Il se rendit aussitôt à Laon et y fut reçu en triomphe.
Les habilanls lui prêtèrent serment et restèrent fidèles à sa
cause. Revenu à Sjnlis, il délibéra avec les seigneurs sur le
sort du duc Charles, Quelques-uns étaient d'avis de lui rendre
la liberté, mais la générosité parut un parti trop dangereux,
et Charles, le dernier rejeton du glorieux Charlemagne, fut
envoyé prisonnier à Orléans avec toute sa famille. Arnould
partagea la captivité de son oncle, malgré sa réconciliation avec
le roi, qui ne fut pas sans doute jugée sincère, quoiqu'il n'eût
rien fait de contraire à ses derniers serments '.
1. Richcr, llistor.
GERBERT 1 9 J
Hugues convoqua alors uu coucile à Reims pour juger
Aruould. Il se liut à S.-13asle eu 991 (XII^' coucile de Reims).
Le résultat do ce coucile fut la coudaumatiou et la déposition
d'Arnould. Le prêtre Adalger, qui avait été le chef apparent
du complot fut aussi déposé ', et Gerbert fut élu par le crédit
du roi pour gouverner l'Eglise de Reims. Gerbert, qui n'était
encore que diacre, n'accepta qu'après de grandes instances,
car il pressentait les difficultés qu'il allait rencontrer à chaque
pas.
Ou a beaucoup écrit sur ce concile, qui fut plutôt une assem-
blée politique qu'un synode, et auquel assistèrent seulement
treize prélats, c'étaient : Guy de Soissous, Ascelin de Laon,
Hervéc de Beauvais, Gotesman d'Amiens, Ratbod de Noyon
et Odo de Seulis, de la province do Reims ; Daibert, archevê-
que de Bourges, Gauthier d'Autuu, Bruno de Langres, Milo
de Màcon, de la première Lyonnaise ; et enfin, de la province
de Sens, l'archevêque Séguin qui fut nommé président, Ar-
nould d'Orléans qui remplit les fonctions de promoteur, et
Herbert d'Auxerre. Ces treize prélats admirent à siéger avec
eux les abbés des divers monastères qui s'étaient rendus à la
convocation, et parmi les(juels on remarquait Jean, écolâtre
d'Auxerre, Romulphe, abbé de S. -Rémi de Sens, et Abbou
de Fleury.Ce n'était pas un archevêque que les Pères condam-
naient en la personne d'Arnould, mais un vassal infidèle à ses
engagements. Par un trait de politique fort, habile, Hugues-
Gapet voulut que tout l'odieux du jugement retombât sur les
évoques, qui se prêtèrent servilement à cette complaisance
qu'ils auraient dû refuser. Les évêques, eu effet, ne pouvaient
condamner un métropolitain sans en référer au pape, et ce
n'était pas au roi qu'appartenait le droit de convoquer le con-
cile. On voit là uu commencement de ces prétendues hbcrtés
gallicanes qui devaient dans la suite faire tant de mal à l'Eglise
de France et la diviser si profondément. Peut-être la circons-
tance particulière dans laquelle se trouvait Jean XVI, qui avait
été obligé de quitter Rome à la suite des persécutions du patrice
1 . Comme !g prêtre Adalger était venu do lui-mônic se soumettre au
coucile, ou lui luissa le choix entre la déposition ou i'aaathême, il prc^Cdi'a
être déposé : « Et Ejjiscopi, disent les actes du concile, nullû miseijtione
circà cum adducti, veste sacerdotali iiiduunt, et mox illi singula ([invque
usque ad subdiaconatuni sine reverentia dctralientes, sigillatim ])er singula
subinferuut : Cessa ab oClicio. Deinde per legitiinam roconeiliatiom-in, Iniciim
illi tanlùm corainunionem concedutit, ac pteniteutiu' subduut ». (Marlot, II.
192 LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
Cresceutius, et qui était par conséquent privé du libre exercice
de son pouvoir pontifical, parut-elle au roi et à ses conseillers,
au premier rang desquels se trouvait sans doute Gerbert, une
raison suffisante pour ne pas recourir à l'autorité du Souve-
rain-Pontife ; mais il est impossible de nier l'irrégularité cano-
nique flagrante de cette conduite. Ou peut cependant ajouter
à leur décharge que les règles de l'Eglise furent complètement
observées, sinon dans la convocation du concile, du moins
dans l'élection et la confirmation de Gerbert par le synode '.
Nous entrons maintenant dans la période la plus agitée de la
vie de Gerbert. Les biens ecclésiastiques étaient la proie des
pillards, le nouvel archevêque convoque un synode à Reims
et lance contre eux l'anathème, et en particulier contre Héri-
berl, comte de Vermandois. Dans ses rapports avec ses suffra-
ganls, il savait allier la douceur à la fermeté. Choisi dans
d'autres diocèses pour arbitre des querelles entre les seigneurs
et les moines, il sait tout concilier, la charité et le respect de
l'autorité. Grâce à sa sage et ferme administration, le diocèse
de Reims jouit de la plus grande tranquillité, ses nombreuses
occupations ne le détournent pas de ses études, il trouve en-
core le temps d'écrire sou Traité sur l'Eucharistie, pour réfuter
l'erreur des stercoranistes % et concilier les opinions de Pas-
chase Ratbert, moine de Corbie, et de Raban-Maur, archevê-
que de Mayence, avec le dogme de la présence réelle.
Le sort d'Arnould, toujours captif à Orléans, excitait la
pitié, et des plaintes étant parvenues au pape Jean XVI, ce
pontife désapprouva le concile de S . -Basle. Gerbert lui ayant
écrit pour se justifier, le pape, dans le concile de Latran, en
993, jeta un interdit sur les évêques qui avaient pris part à la
déposition d'Arnould. Le débat s'engagea à ce sujet, quelques
évêques réunis à (Jhelles par les pressantes sollicitations de
Gerbert, confirmèrent son élection et la déposition d'Arnould.
Ils décidèrent même que, si le pape ordonnait quelque chose
1 . Gcrberl nous a laissé, sous le litre de Acta concilu sancli Basoli, un
ïésumé fort étendu des opérations de l'assemblée. Bien que ce travail ne
soit pas un procès-verbal officiel, il a cependant une importance considéra-
ble, vu l'absence du compte-rendu original qui n'est pas parvenu jusqu'à
nous, parce que, publié par Gerbert en 993, il ne souleva aucune réclama-
tion de la part des Pères du Concile,
2. L'erreur des stercoranistes consistait dans cette croyance que le corps
eucharistique de N. -S. J.-C. était sujet à la digestion et à ses suites*
comme les autres aliments.
GERBEET 193
do conlraire îi leurs décrets, sa décision serait considérée
comme nulle d'après ce canon : « ce qui a été statué par un
concile provincial ne doit être témérairement détruit par per-
sonne ' ».
A cette nouvelle, comprenant toute la gravité du conlUl, le
])ape évoqua l'affaire à son tribunal, et indiqua un concile à
Mouzon. 11 fut présidé par le légat Léon, ab])é de S.-Boniface
à Rome, personnage aussi recoinniandable par sa prudence
que par sou érudition. Malgré la défense du roi, qui avait in-
terdit eu secret aux ôvêques de se rendre au concile, Gerbert,
fort de son nmocence, s'y présenta le 2 juin 995, et sa défense
futsi énergique qu'il fut impossible de prendre aucune décision :
« Il est enfin venu, s'écrie-t-il, Révérendissimes Pères, ce jour
tant désiré pour moi, depuis l'instant où, cédant aux sollicita-
tions des évêques mes frères, j'assumai sur ma tète le fardeau
d'un pontificat si plein de périls. Le salut de tout un peuple
qui allait périr, la considération de votre autorité, triomphè-
rent de mes répugnances. Je me rappelais votre bienveillance
passée, et ce souvenir m'encourageait dans ma laborieuse tâche
lorsque, tout à coup, un revirement subit se produisit dans
l'opinion, j'appris par la rumeur publique que j'avais perdu
votre confiance, et qu'on me reprochait comme un crime ce
qui, en d'autres temps, avait été regardé de ma part comme
un acte de dévouement et de vertu. Ou'ai-je fait cependant, et
quelle fut ma conduite ? Adalbéron, en mourant, me désigna à
mou insu pour son successeur ; les grands et le peuple de
Reims ratifièrent ce choix et me demandèrent pour évoque.
Mais des simouiaques, craignant sans doute de trouver en moi un
homme trop dévoué au Siège de Saint-Pierre, me firent écarter et
promurent Arnould. J'aurais dû peut-être refuser mes services à
ce nouveau métropolitain. Mais le bienheureux Adalbéron, mon
père, m'avait fait jurer de rester, tant que je le pourrais, atta-
ché à l'Eglise de Reims. Je servis donc Arnould très-loyale-
ment jusqu'au jour où, convaincu de sa trahison, il me fallut
l'abandonner. Sa trahison devint bientôt en effet le scandale
du royaume et des honnêtes gens. Il fut déposé à la ibis par
l'autorité du prince et celle des évèques comme parjure, sédi-
tieux et rebelle. Je n'avais trempé dans aucun de ses crimes.
On me força de monter sur le siège archiépiscopal. Je prévoyais
tout ce qui en résulterait pour moi de calamités ; je résistai
3. Richer. Ilisloi, lib. IV, cap. LXXXIX. l'utiol. lut. T. CXXXVIII,
col. 161.
13
194 LE PRKMIÈR PAPE FRANÇAIS
longtemps vl ue cédai eufm que pour rendre quelque trau-
([uillilé à un peuple désolé, à une Eglise bouleversée par tant
d'orages. Si c'est uu crime, je l'ai commis. Ouaut à me repré-
senter comme un euvahisseur, qui se serait emparé à main
armée d'uue métropole, qu'on me dise, à moi, étranger pauvre
et inconnu, où étaient mes soldais, mes affidés, mes complices ?
Mais, objectera- t-on peut-être, cette affaire capitale était
manifestement une cause majeure, par conséquent elle relevait
du Saint-Siège. Pourquoi ne fut-il pas consulté? Est-ce par
ignorance ou par préméditation ? Certes, je le dis hautementy
le Saint-Siège devait être consulté. J'ajoute qu'il le fut. Mais
on attendit en vain durant dix-huit mois, et l'on passa outre.
Toutefois, par respect pour le Siège apostolique, la sentence
portée contre Arnould, fut à dessein mitigée. Après son aveu
spontané, il était impossible de le déclarer innocent. Si en tout
cela il s'est fait quelque chose de contraire aux lois canoni-
ques, ce n est point par uu esprit de révolte contre le Saint-
Siège, mais pour se plier aux nécessités de notre malheureux
temps. En ce qui me concerne, Révérendissimes Pères, c'est
pour un peuple en détresse que j'ai affronté tant de périls et
la mort même. J'ai vu de près les fureurs populaires, la mul-
titude ameutée par la faim, pillant à main armée les magasins
et les comptoirs des marchands. Au dehors, le glaive de l'en-
nemi ; au dedans, les terreurs enfantées par les discordes
civiles, des jours sans repos, des nuits sans sommeil. Votre
autorité seule peut mettre un terme à tant de malheurs, elle
seule est assez puissante pour relever de ses ruines l'Eglise de
Reims. Que dis-je ? l'Eglise des Gaules tout entière plongée
dans une désolation voisine de la mort. Nous attendons ce
bienfait de la miséricorde divine à laquelle s'adressent toules
nos prières et tous nos vœux ^ » .
(A suivre) J. Chardron.
1. Richer. Ilistor., lib. IV, cap. CI-CV. — Concil. Mosom., inter
opcra Gcrl)erli, cd. Ollens, p. 2i0-249. Dom Marlol, II, 52.
HISTORIQUE DE LA. CORPORATION ,
DES
APOTHICAIRES -ÉPICIERS
L\ VILLE DE
CHALONS- SUR- MARNE
— <f=5Û:^3Ha=Ji=o-
Elienne Boileau, prévôt des marcliands de la ville de Paris,
ne donne point dans sou livre des métiers, écrit vers 1260, les
statuts des apothicaires de la capitale ; ou n'y trouve que les
mentions suivautes : (2'^ partie — Droits- du Roi, p. 322).
a Tuit cinei\ tuit pevrier, tiiit apotécaire ne doivent rien
de coîctume pour vendre en leur ostel car il s' acuité au pois le
roy. I)
1 Tuit cirier, pevrier et apotécaire, se il mêlent avant ou
samedi es haies ou marchié, chascun doit obole de coutume, et
en leur olieus néant. »
Eufm l'on trouve à la page 42ij que le métier d'aputhicaife
était au nombre des métiers francs, c'est-à-dire exempts du
guet.
Ce n'est qu'en 14G7 qu'uu édit organisa les épiciers et apo-
thicaires en corporation uni(jue. Plusieurs ordonnauces ren-
dues en 1484, 1514, 1638, confirmèrent cette organisation qui
dura jusqu'en 1777, époque à laquelle les épiciers et les
apothicaires formèrent deux corporations séparées.
A Chàlons les apothicaires n'élaieut obligés à aucune rede-
vance en argent ni en nature envers l'Evêque, comte de Chà-
lons. Ils étaient en môme temps é|)iciers-ciriers ; ils n'y
étaient point obligés cependant, mais pour être reçus maîtres
les apprentis devaient faire acte d'expérience pour l'épicerie el
pour la pharmacie et ils pouvaient exercer concurremment ces
deux industries, deux qui n'étaient examinés (|ue pour l'épi-
cerie n'avaient pas le droit d'exercer la pharmacie ; on les
nommait : Epiciers-simples.
lOG HISTORIQUE DE LA CORPORATION
Il est à remarquer qu'à Ghàlons, les merciers faisaient éga-
lement le cou)merce de l'épicerie, et qu'en 1701, ces commer-
çants se joignirent à la grande corporation des Marchands-
Unis dont tln'ul partie tous ceux qui dans la ville commerçaient
en détail. — Par le fait les apothicaires-épiciers restèrent seuls
ou à peu prés, dès cette époque ; et lors(iu'en 1777 la sépara-
tion de l'épicerie et de la pharmacie i"ut ordonnée, c'était à
Châlons, chose faite depuis longtemps.
Les apothicaires-épiciers de Châlons durent certainement
dans la pratique de leur métier se conformer aux édits et
ordonnances que nous avons cités plus haut, mais hieu qu'une
ordonnance de 1581 et une autre de 1;J97 eût prescrit k toutes
les communautés d'arts et métiers de s'organiser en maîtrises
et jurandes, ils négligèrent cette prescription pendant un
temps assez long et ce n'est qu'eu 1515 qu'ils songèrent à
rédiger les statuts de leur corporation.
Ce sont ces statuts que nous allons reproduire en y joignant
les considérants qui précédèrent leur rédaction.
In nomine Domini, Amen
L'an mil six cent quinze, les apoticaires et espiciers de la
ville de Chaalons, considérant que de toutte ancienneté et par
louttes les meilleures et plus signalées villes de ce royaume
auroit esté establys gardes et maistres en tous estatz et mes-
tiers, spéciallement de la pharmacie et espicerie, excepté en
ceste ville de Chaalons, en laquelle cet ordre a esté jusques à
présent négligé au préjudice et intérest notable de la chose
publique pour les abus qui eu peuvent procéder à faulte de
suffisante condition el pouvoir des personnes qui l'exercent.
Lesditz apoticaires et espiciers non moings curieux de leur
honneur que désireux de l'utililé publicpie et par. une louable
ixtion augmenter la réputation de ceste ville et la rendre plus
célèbre, ont unanimement convenus et accordés entre eulx de
dresser uug règlement ordre et police, cy-après déclaré tou-
chant la maistrise et aultres particulai'ilez bien raisonnables et
nécessaires audit art de pharmacie et espicerie, le tout suyvant
et conformément aux EJitz du roy du mois de décembre 1581
et avril 1597, contenant règlement général pour tous les arts
et mestiers ; et pour ce faire auroient fait élection, nommez et
establiz pour gardes et maistres jurez, deux des plus anciens
de leur communautté, scavoir : Jehan Horguelin et André
Rivet pour, par devant eulx, à cause de leur suffisante et
DES APOTHICAIRES-ÉPICIERS 197
longue expérience audit art, faire chef-d'œuvre et preuve de
leur capacité dudicl art de pharmacie et espicerie, ce qui
auroit esté commencé par Jehan Maupin, Claude Roussel,
Guillaume AUart et Jehan de Serval, comme ayant suffisam-
ment faict paroislre leur art et expérience par l'exhibition de
leurs chefs-d'œuvres qu'ilz ont faictz, comme il appert par
leurs lettres de réception et prestation de serment par devant
M. le bailly de Vermaudois ou son lieutenant audit (^haalons
en présence desdictz maistres jurez, ce qui auroit esté continué
alternativement par les aultres maistres apoticaires et espiciers
par devant lesdicts Maupin et Roussel connue maistres jurez
de leur année, scavoir :
Pierre Horguelin, Pierre Deu, Jacques Noël, i»éné Moyne,
Nicolas Baion, Claude Francoys , Pierre Maupin, lesquels
suyvant leur réception par l'approbation de leurs chefs-d'œu-
vres en présence desdits maistres jurez ont preste le serment
par devant M. le Bailly de Ghaalons, d'autant qu'il y avoit
pour lors contestation de juridiction entre Icsditz sieurs baillis
de Vermandois et de (Ghaalons ; et pour ce faire ont tous una-
nimement pour leur honneur et debvoir se sont volontairement
soubmis et soubniettent tant pour eulx que pour leurs succes-
seurs à l'ordre et police dudict art de pharmacie et espicerie,
suyvant les articles cy-après déclarés.
ORDONNANCE ET STATUTS DES MARCHANDS APOTICAIRES
ET ESPICIERS DE LA VILLE DE CHAALONS
PREMIER
Les deuz maistres jurez eslcuz de leur comnumaulé feront
par l'espace de deux ans la charge de jurez et gardes dudict
art de pharmacie et espicerie ; au bout duquel temps s'assem-
blera le corps dudict art pour en esiire ung aultro au jour et
fesle de sainct Luc, à la place de l'ancien qui sortira. Et seront
les papiers et Chartres, statuts et ordonnances dudict art
d'apothicairerie cl espicerie, rais entre les mais de l'ancien
subséquent, lequel sera tenu, au jour de sa démission, la
remettre par inventaire en la communauté dudict art et ainsy
à l'advenir.
II
Les maistres jurez et gardes seront lenuz une fois l'année,
faire Visitation [)ar les boutiques des aullres maistres apolhi-
198 HISTORIQUE DE LA CORPORATION
caires et ospiciers pour adviser sur les drogues tant simples
que composées à ce que rien ne soit mis en vente et usage, au
préjudice de linterest public. Que s'il se trouve quelque com-
position et simple médicament vitié ou aultremenl altéré, sera
permis ausditz maistres jurez eu la présence d'un médecin a
ce appelle, de soy saisir et emporter ladicte composition ou
médicament simple pour en faire rapport au corps desdicls
maistres et adviser sur ce fait par devant les juges ou en déci-
der en ladicte chambre et corps, ainsy qu'il sera trouvé bon
et équitable par ledict corps assemblé ainsy que de raison. Et
lesdicts maistres apothicaires et espiciers payeront chascun la
somme de cinq solz pour la visite.
III
Et au cas qu'ung des maistres jurez vienne a décedder du-
rant lesdictes deux années en sera esleu ung aultre pour la
communauté pour suppléer de vacquer à la charge durant le
temps de la charge dudict déceddé.
IV
Le dernier maistre desdicts apothicaires sera tenu de servir
de clerc pour faire les semonces et assemblées des maistres
quand besoing sera tant pour les affaires et négoces qui pour-
roient survenir audict art, que pour aultres considérations,
aux jour et heure ordonnés par les maistres jurez.
Suyvant les arrests de la court du Parlement de Paris et
aultres courts souveraines du royaume de France, inhibitions
et défenses sont faictes qu'aucun apothicaire-espicier et espi-
cier-simple ne souffrera sortir de sa liouticle aucuns venins ou
poisons nommez sublimez, arsenicq, réagalles et aultres, ny
les vendre et distribuer purement et simplement aux chirur-
giens, mareschaux ou aultres personnes de quelque quahté ou
condition qu'ilz soy eut, que premièrement ils ne les ayent
meslé et incorporé avec les aultres drogues portées par les
mémoires desdits mareschaux et chirurgiens pour éviter les
inconvéniens qui en pourroient advenir, pour autant que les
poisons et drogues vénéneuses sont nécessaires et servent à la
médecine et d'estat de pharmacie et espicerie pour eu user
quand l'occasion le requiert.
DES APOTHICAIRES-ÉPICIERS 199
VI
Lesdicls maistres apothicaires et espiciers seront tenus de
mettre lesdictes substances closes et enfermées soubz clef,
sans les mettre et laisser en garde à leurs femmes, serviteurs
et enfans, sous les peines portées par les ordonnances et
édits ' .
VII
Lorsqu'il adviendra qu'un espicier forain ou vendeur de
drogues, espèces ou aultres denrées, soit qui entre au corps
humain ou qui s'applique à l'extérieur, soit qu'il soit mar-
chand cogneu et de bonne vie, ou bien qu'il soit coureur,
charlatan, circulateur et imposteur soy disant abstracteur de
quinte-essence, portant drogues simples ou composées pour
les exposer en vente ou distribuer au publique, sera permis
ausdictz maistres jurez, les saisir et arrester pour les visiter et
sceller, venir en faire rapport touchant le défaut d'icellcs pour
y estre pourveu par justice.
VIII
Les maistres apothicaires-espiciers et espiciers-simples ne
recevront aucun aprentif à leur service qu'ils ne sachent qu'il
est de bonne vie et de parentage honorable, lesquelz aprenlifs
pour chascun d'eux payeront à la communauté la somme de
six livres.
IX
Les maistres apothicaires et espiciers ne recepvront aucun
aprentif que premièrement il ne soit examiné par les deux
maistres jurez pour sçavoir et cognoistre si ledict prétendu
aprentif entend suffisamment la langue latine pour estre d'au-
tant plus capable de la cognoissauoe de l'art et entendre les
ordonnances de médecine et livres de pharmacie, comme Nico-
laus Prepositus, Mesué, Sylvius, Luinioare-Majus et aultres
auteurs tclz qu'il plaira aux maistres jurez lui présenter ; et
ne pourront lesdicts maisti'C jurez, l'accepter à moiug dt^ tems
que de trois années, durant lequel tems il ne sera permis au-
. 1. Un autre édit du 31 août 1082, mcnnça de peines draconiennes les
devins, magiciens, vendeurs de philtres et autres, faisant usage de subs-
tances vénéneuses, et n'en ])errait la vente et le débit qu'avec de nom-
breuses formalités.
200 HIljTORIQUE DE LA CORPORATION
dict raaistre apolhicaire-espicier d'en prendre iing aullre, que
sur la fin de la troisième année ; et ne pourra ledict aprentif
parvenir à la présentation de raaistre qvi'il u'aye servi l'espace
de ein(j années après son dict apreutissage en ladicle ville ou
ailleurs, faisant apparoislre ausdicts maistres jurez et gardes
lorsqu'il se voudra présenter à la maîtrise, comme il a bien et
deument parachevé son apprentissage avec attestation des
maistres des bonnes villes où il aura servy, le tout conformé-
ment aux ordonnances portées sur les édits.
Celuy qui désirera et aspirera estre receu en la communauté
desdictz maistres apothicaires et espiciers de Ghaalons ou
espiciers-simples de ladicte ville, se présentera ausdicts
maistres jurez assisté d'un des maistres qu'il prendra pour
conducteur, leur remonstrant son intention qu'il a de bien et
deument servir au publicque, pourquoy faire, leur plaise faire
assembler et convocquer les maistres par le clerc dudicl art
pour eslre examiné et luy présenter et désigner les chefs-
d'œuvres dudict art pour parvenir à ladicle maistrise qui se
fera dans un mois ou environ.
XI
Le prétendu maistre sera examiné en personne, ung méde-
cin ou plusieurs appelles par lesdicts maistres pour tesmoigner
sa suffisance de capacité en la présence desquelz luy sera pré-
senté Mesué, Sylvius, Nicolas Prepositus et aultres qui ont
traité de la composition des médicaments en langue latine
pour cognoistre comme dist est cy-dessus, s'il est grammai-
rien et s'il a la cognoissance des simples et préparation d'iceux
ensemble de leur mixtion.
XII
Après ledict examen luy seront assignez et prescrites par
lesdicts deux maistres jurez, quatre pièces pour chef-d'œuvre
telles qu'ilz adviseront ; l'une pour l'intérieur, l'autre pour
l'extérieur. Lesquelz chefs-d'œuvres seront faicts à bouticles
desdictz maistres jurés et gardes ou aultres ainsi qu'il sera
arresté pour le mieulx ,
XIII
Quand la disposition desdictes pièces sera faicte et dressée
DES APOTHICAIRES-ÉPICIERS 201
on fera advertir lesdicts gardes et jurez, ensemble tout le corps
des maistrcs pour estre de rechef interrogé tant en particulier
sur le choix et élection de chascun simple, qu'en général sur
le modus faciendi de composition, où lesdictz jurez et maislres
assisteront et mesme à la mixtion desdictes compositions
jusques à œuvre pariaicte.
XIV
Lesdicts examens et chefs-d'œuvrcs faicts et parfaictz,
ledict nouveau maistre sera conduict par les niaistres jurez et
aullres maistres si bon leur semble et sera présenté aussi les
compositions par devant M. le bailly de Chaalons ou son lieu-
tenant pour prester le serment d'exercer ledict art bien et
deument, faisant lesdicts maistres rapport de sa suffisance et
capacité.
XV
Les enfans des maistres apothicaires ne seront de rien
exempts ni privilégiés à faire moing que les aultres sinon
qu'ils feront seulement leur composition pour l'intérieur tel
qu'il sera ordonné a telle fin d'oster loutte jalousie qui delà
pourroit naistre et survenir qu'aussy pour donner occasion aux
uns et aux aultres de bien estudier, de ne perdre tems en vain
et soy rendre subject à l'exercice de leur art durant le tems
ordonné.
XVI
S'il advient qu'aucun desdits maistres allast de vie à très-
pas', la vefve durant sa viduité pourra tenir bouticle avec un
serviteur suffisant, lequel sera présenté aux maistres jurez et
examiné par iceux pour cognoistre de sa capacité. Et jouiront
aussi lesdictes vefves do toutes les franchises attribuées
ausdicts arts enpayant et fournissant aux charges comme les
aultres maistres, mais pour moitié de ce que l'un des maistres
est tenu de payer.
XVII
Et pour le regard du mestier d'espicier-simplc et du chef-
d'œuvre d'icelluy qui consiste on ouvrages de sucre, cire et
l. Cette phrase au sujet «le la mort est assez curieuse clans sa Ibrmo rlu-
bitative.
202 HISTORIQUE DE LA CORPORATION
espiceries après avoir fait chef-d'œuvre de pharmacie si tant
est qu'il veuille prendre qualité à exercer ledicl mestier
d'espicerie, luy sera prescrit par lesdictz maistres jurez, trois
pièces d'ouvrages, une pièce de chacune sçavoir : de sucre, de
cire et espice comme dessus, et où il se trouvera aucun qui
voudra exercer l'art d'espicier-simple, sera tenu de satisfaire
au règlement cy-dessus estant subject de subir et endurer les
visitations ordinaires.
XVIII
Lesdictz prétendus maistres soit apothicaires et espiciers ou
espiciers-simples, soit qu'ils vendent tant l'apothicairerie que
l'espicerie ou l'espicerie simple, seront tenus mettre en la
boëte de la communauté la somme de 18 livres ^ pour subvenir
et assister les pauvres compagnons serviteurs soit de la ville
ou aultres, que des affaires dudict art.
XIX
Le prétendu maistre sera tenu payer aux maistres jurez et
gardes pour leurs vacations la somme de 60 solz et aux aultres
maistres la somme de 40 solz et pour le clerc encore pareille
somme de 40 solz.
XX
Pour éviter aux frais excessifs dudict prétendu maistre, il
ne sera tenu de faire frais de bouche ou aultres " que les sus-
dicts, mesme on ne lui prescrira aultres compositions pour
chef-d'œuvre que celles qui sont en usage pour les distribuer
afin de ne pas consommer en frais.
{A. suivre) L. Grignon.
1. En 162ÎJ cette somme lut portée à ICO livres, et les droits dont il est
question dans l'article 19 à 6 livres et 3 livres.
2. Dans plusieurs autres communautés les récipiendaires étaient tenus
de payer un festin, ou pâté.
LES REGISTRES BÂPTISTAIRES*
Mgr l'évesque, duc de Langres, Pierre de Pardaillan de Gondrin
d'Antin, prit possession de la ville et de l'évesché de Langres, le 12
febvrier 1725. Il fut prévenu par trois compagnies à cheval assez près
deRolampont; il fut rencontré par 400 jeunes garçons au-dessous des
Fourches; en la Belle-Allée se trouva le quartier de Champeau, com-
mandé par messieurs Parisot, marchands tanneurs. A la porte Saint-
Didier, qui estoit fermée, sa Grandeur presta serment de fidélité entre
les mains de M, de Courchamp, maire de la ville, et des eschevins.
De là, il fut conduit à l'évesché et salué des canons de la ville et de
la mousqueterie ; et il reçut tous les compliments des corps séculiers,
réguliers et ecclésiastiques. Ensuite, un feu d'artifice avec de grandes
illummations par toute la ville, les lanternes attachées par toutes les
rues de la ville et les tapisseries tendues partout où passa Sa Gran-
deur. Le cortège fut précédé par M. l'abbé Henry, de Dijon, estant cà
cheval. Il y avoit longtems qu'on avoit vu une si belle feste à la villts
ny tant d'ordre et de réjouissance ' .
Cette mesme année, les denrées et marchandises baissèrent de prix,
de plus du tiers ; ce qui enrichit les uns et ruina les autres.
M. de Juvancourt, fds de monsieur le marquis de Dintoville, entre
au collège de Beauvais, et son fils de Sylvarouvres entra au collège de
Juillv à Paris* .
* Voir page 112, tome XV, de la Revue de Champagne et de Brie.
i . Deux récits de cotte entrée ont été publiés : dans Le Messager de la
Haute-Marne, n- dos 5, 8 et 15 juillet IS,"),*) ; et dans Haute-Marne, Revue
champenoise, page 2Gfi. — Claude Boissolier de Courchamp, conseiller au
présirlial, fut maire de Langres de 1724 à 172f). L'abbé Henry est probable-
ment Jean-Donis Henry qui fut dans la suite secrétaire de l'évêché. Quant
à messieurs Parisot, ce sont Jean-François, époux do Claudotto Mvon, et
.son frère Joseph, ou plutôt le (ils de celui-ci, Claude, allié à Marguerite
Mutel.
2. L'un d'eux est Alexandre, cinquième fils de Guillaume Lebrun; .ses
quatre aînés moururent av;int 172G. Alexandre fut. prôlro; licencié ou théo-
logie de la Faculté de Paris, maison et société royale de Navarre; nbbé
commendalaire do l'abbaye royale de Licrpics, diocèse de Boulogne; cha-
noine et archidiacre de Pilhiviors en l'église cathédrale Sainte-Croix d'Or-
léans ; vicaire général d'Orléans et de Meaux ; marquis de Dintevillo, Syl-
varouvres, Juvancourt, Belan et autres lieux; seigneur de Bligny, IJrville,
Couvignon, le Val-Penlu, etc. Il décéda au chûteau ,de Dinteville, le l"
204 LES EEGISTRES DAPTISTAIRES
M. Renard fut nommé à la cure de Sylvarouvres cette mosme année '.
Les moines de Saint-Geosmes, proche Langres, sont obligés do
sortir de l'abbaye et on y place des prostrés séculiers ■ .
Le 12 de juin 1725, le feu, après avoir bruslé le prieuré do Saint-
Martin de Langres, gagna le clo;her de Saint-Martin ; il y a deux
cloches bruslées et fondues, la tour abysméo ; et de là, le feu se porta
en différents quartiers de la ville. Ce qui causa une crainte générale
dans la ville tant par la crainte de l'accomplissement d'une prophétie
qui menace la ville d'une ruyne totale par le feu, que parce que cinq
ou six ans on a vu des villes entiesres détruites par le feu '' .
En mesme tems, les eaux débordèrent si fort que les prairies entiesres
décembre 1782, à l'âge de 69 ans environ, et fut inhumé le lendemain en la
chapelle seigneuriale du lieu.
L'autre est Joseph Le Brun, frère puiné du précédent. Joseph, chevalier,
marquis de Dinteville, de Sylvarouvres et de Juvancourt, baron de Blignj-,
de Couvignon, etc., lieutenant des vaisseaux du roi, mourut à Dinteville, le
3 janvier 1757, âgé de 'lO ans. Il avait épousé en 1754, Françoise de Roche-
chouart, née le 15 octobre 1732, fille de Louis-Victor, baron de Roche-
chouart, seigneur d'Escouart et d'autre lieux, chevalier de Saint-Louis,
capitaine de haut bord des vaisseaux du roi, et de Marie-Françoise du
Motel ; (Françoise se remaria à Henri-François do la Rochefoucauld, com-
mandeur de Saint-Louis, lieutenaul-général des armées navales). Joseph Le
Brun n'eut que deux enfants : 1° Louis-Victor-Casimir, né le 31 mars 1756,
mort à Paris, paroisse Saint-Sulpice, le 31 août 1766; 2" Hélène-Julie, née
posthume à Dinteville, le 20 juillet 1757, baptisée au même lieu, le 17 août
suivant; elle épousa à Dinteville, le 14 septembre 1776, François de Fer-
rières, marquis de Sauvebœuf, capitaine de cavalerie au régiment de comte
d'Artois. C'est par suite de ce mariage qu'en 1789, François de Ferrières-
Sauvcbœuf possédait le marquisat de Dinteville.
1. Claude Renard resta curé de Sylvarouvres jusqu'à sa mort en 1738.
2. La mense du prieur commendataire de Saint-Geosmes avait été réunie
à celle de l'abbesse de Notre-Dame-aux-Nonn.iinsde Troyes, en vertu d'une
ordonnance de Louis XIV de 1704 et d'une bulle confirmative de Clément XI
de 1705. a Quant à la mense conventuelle elle avait été conservée aux cha-
noines pour continuer le service des fondations... Mais la séparation des
deux menses eut une influence funeste sur l'esprit des chanoines qui, se
croyant exposés à être incessamment dépouillés comme leur supérieur, sol-
licitèrent près de l'évêque de Langres pour qu'il voulût les séculariser avec
pension. Après que cette demande leur lut accordée, on essaya d'abord de
transformer la maison en un asile pour les ])rêtres âgés et infirmes ; puis
enfin elle fut érigée en un petit séminaire par une ordonnance de l'évêque
Gondrin d'Antin eu 172G. {Annuaire de la Jlaule-Marnc pour 1852.) »
3. « Sur les cinq heures du soir, écrit le conseiller langrois Gousselin,
.dans les Mémoires manuscrits duquel se trouve la relation de cet incendie,
le vent continuant à souffler avec violence, la flamme du clocher se commu-
niqua à la rue Saint-Amâtre où deux maisons furent brûlées. . . La frayeur
fut si grande que toute celle rue jusqu'en Champ-Beau avait totalement
déménagé. . . v
LES REGISTRES BAPTISTAIRES 205
furent perdues et l'on ne retira que de 1res ni.iuvais luiii. Je ne les
avois point vues si hautes depuis IG ans. On descendit avec toute la
solennité possible à Paris la chasse de Sainte-Geneviève à la fin de juin
1725 pour obtenir du Seigneur la cessation des pluyes qui durèrent
trois mois.
Une femme fut guérie par la foy en Jésus-Christ, le jour du Saint-
Sacrement à Paris. Personne n'en doit doubler. Miracle qui a opéré et
opérera la conversion de plusieurs calvinistes et prolestans. Ce miracle
est avéré après plusieurs procès-verbaux dressés par le Parlement de
Paris, de Mgr de Nouailles, archevesque de Paris, et de tout le peuple
de ladite ville. Heureux ceux qui ont de la foy et qui agissent chres-
tiennement en conséquence de celle vertu si nécessaire à tous les
hommes' .
Cette année a esté fort froide et jiluvieuse; on se chauffiiit au mois
de juillet et d'aoust comme au mois de novembre. Le grain fut fort
cher pendant deux mois. Le 20 aoust, le verjus parut aux vignes sans
pouvoir mûrir.
La pluye continuelle qui commença le 13 aoust causa une perte
horrible aux bleds couppés et moissonnés, et dura jusqu'au 6 sep-
tembre. Il y eut deux débords d'eaux si horribles que tous les habitans
furent obligés de sauver tous leurs bestiaux. On fit porter les moutons
dans les chambres hautes; les charrettes furent enlevées le long du
village, des pierres fort pesantes entraînées depuis le château au vil-
lage. La rivière déborda deux fois-, toutes les gerbes ou javelles de la
vallée furent emmenées ■.
Le 15 aoust 1725, le duc d'Orléans espousa au nom du roy Louis
XV à Strasbourg, le jour de l'x\ssomption, la princesse Marie-Sophie-
Félicité, fille du roy de Pologne, Stanislas, qui fut détrùné par le duc
de Saxe; laquelle reine fut amenée à Fontainebleau, ayant passé par
Savernc, Metz, Verdun, Chaulons, Provins, et de là à Fontainebleau,
1 . Voir pour les détails de cette affaire : « Relation du miracle arrivé le 31
may 172!j, jour de la fête du Sacremcut à la procession de la parois.se de Saiute-
Margnerile, au faubourg de Suint-Autoiac, à Paris, en la personne d'Anne
Cliarlier, femme de François de la Fosse, maître ébéniste, dressée sur les
procè.s-verbaux de la municipalité de Paris, et contenant toutes les circons-
tances intéressantes de ce grand événement (Paris, 1726, in--4"). » Ainsi
que: c Mandement de Mgr le cardinal de Nouilles, archevesque de Paris,
à l'occasion du miracle opéré dans la paroisse de Sainle-Margucrilc, le 31
may, jour du Saint-Sacrement (Paris, 1725, in-4"). »
2. Voir dans les Mémoires du marriuis d'Argcnson ce qu'il a[)pelle avec
raison « l'horreur des calamités que l'on souH'rit en France lorsque la reine
Marie Leczinska y arriva. » Bien que les pluies fines et continues aient
commencé avec le mois d'avril et n'aient cessé qu'en octobre, le volume cfeau
tombée pendant cette année ne fut cependant que de 17 à 18 pouces; de 1750
à 1757 la quantité, année commune, s'élovu à 20 pouces.
20G LES REGISTRES BAPTISTAIRES
OÙ la cérémonie des nopces fut accomplie au mois do septembre
suivant.
Lo 5 septembre le roy espousa et consomma le mariage avec la
princesse Stanislas à Fontainebleau. Pendant ces beaux jours du
mariage du roy, on exigea du peuple la cinquantième partie de tous
ses biens; ce qui mit les peuples en désespoir' .
La misère a esté extresme à Paris, le pain y a valu longtems huit
sols la livre, elle n'a pas esté moindre en cette province* .
La récolte des vins fut très modique cette année ; je ne recueillis de
dixraes que cinq niuids exlraordinairement verds, à n'en pouvoir
boire.
Le nommé Cournot et sa femme et leurs valets furent assassinés et
égorgés sur la fin de novembre par quatre assassins à BlessouviUe où
ils demeuroient et tenoient le cabaret
L'orme scitué sur la place de justice, proche le grand four, l'un des
arbres les plus beaux et les plus aagés de nos forests, fut renversé par
un coup de vent, le 20 décembre 1725.
Les Turcs eslans appelés au secours du roy de Perse qu'un rebelle
vouloit dclrosnor, fircnt^des irruptions si considérables au milieu de la
Perse qu'ils avancèrent jusqu'à Tauris, une des principales et plus
grandes villes de ce royaume ; le siège formé, la garnison en sort sur
les Turcs qui les repoussent, entrent dans la ville pesle-mesle et tous
indifféremment s'égorgent, de sorte qu'il y eut 220,000 hommes de
tués tant dans la ville qu'à la campagne. On n'a jamais vu un tel
massacre ni combat, car le sang ruisselait par toutes les rues de
Tauris. Les Turcs en firent une réjouissance publicque à Constanti-
nople en 1725 que ce massaci'e arriva au mois d'aoust.
Inondation presque universelle au mois de décembre qui causa des
désastres es])Ouvantables.
Au mois de janvier 172G, il y eut une gelée horrible et le dégel
succédant causa plus de trois millions de pertes sur la rivière de Seine
à Paris pour les bateaux chargés qui furent rompus et emmenés par
les glaçons; plusieurs moulins furent aussi entraisnés. La misère est
affreuse à Paris, le piui brun vaut six sols la livre.
1 . Le lit de Justice poui rcurogistremeut de rimpCt du cinquantième sur
tous les biens du royaume pendant douze ans se tint le 8 juin. Cet impôt
impopulaire et vexaloirc fui supprimé par Fleury, le 7 juillet 1727.
2. La misère occasionna une émeute à Paris, le 14 juillet; des désordres
eurent aussi lieu à Gaen, à Rennes et à Rouen, Toulefois, « la cherté des
vivres ne lut pas de longue durée, dit Duclos; la récolte se ht et fui même
abondante ; et le graiu, trop nourri deau u elant pa.g de garde, les blés tom-
bèrent bieulGl au plus bas prix, »
LES REGISTRES BAPTISTAIRES "207
Le papo Benoist XIII n'admet point la pension sur les bénéfices' .
Janvier et febvrier 172G virent la ditniiuition des espèces ce qui
ruina le commerce et les particuliers.
Plusieurs vaisseaux Qrent naufrage l'an dernier.
Le clocher de Gray, en Comté, et celui des Cordcliers de Bar-sur-
Auljje furent renversés et tranjiortés d'un coup de vent, le 10 décembre
1725, au grand estonnement de tout le peuple. Sans vous parler de
mille autres pertes approchantes arrivées le môme jour.
Depuis douze ans que la paix règne en France et que le peuple
devroit en gouster les douceurs, il n'a jamais esté si malheureux. Les
siècles les plus reculés n'ont jamais vu une plus grande cruauté exer-
cée sur les peuples ny ne peuvent en voir de plus terribles causées
par la tyrannie des régents et ministres du France sous le règne de
Louis XV.
Pour exiger uniquement le cinquaniicsme de tous les biens sur tous
les français, on ordonne une milice de soixante mille hommes en temps
de paix. On exempte de la milice ceux qui feront percevoir le cinquan-
tiesmes; ce qui ruine un chacun"".
Un ordonne la réparation des chemins publics faite par les paysans ;
ce qui accable et les fait abandonner la culture des terres.
Madame de Bligny fait profession de chanoinesse à Montigny-les-
Nonnes, en Comté, le dimanche de la Sexagésime 1726^ .
L'argent devient si rare que la misère augmente partout. Les vignes
donnent très peu de fruits. Seicheresse estonnante.
La justice divine éclate sur Mgr le duc, premier minislrc, et sur
tous les Paris fermiers généraux et leurs adhérents. Le roy Louis XV
le fait exiler et toute sa famille, mais trop lard et après avoir ruiné le
royaume * .
1 . Il y avait deux sortes de pensions sur les bénéQces : les convenliou-
nelles ou avec causes, les non couvenlionnellcs ou san.s causes. Les pre-
mières étaient admises par les jurisconsultes ecclésia.stiqaes dans trois eus :
1" pro bono pacis , lors d'une compétition : 2" ne niniium palialur resignans
dispendium, lors d'une permutation ; Ti" proptcr expressam inlentioncm rcsi(j-
nanlis, lors d'une résigualiou. Ce dernier cas fut réglé par les édits de Juin-
juillet K)71 et du 9 décembre 1673. Les pcn.sions non convcaliouuelles
étaient accordées à des personnes qui n'avaient point possédé les bénéfices
et qui n'y avaient aucun autre droit que le bon plaisir du patron, telles celles
que le roi accordait fréquemment sur les bénéfices consislorioux et outres
inférieurs. Esl-co à ces dernières, qui généralement ne couraient qu'après
avoir été admises à Uome (arrêt du conseil du 17 juillet 16711), que fuit allu-
sion le curé Pari sol?
i. « La levée des milices, écrit un auteur du temps, dépeuplait la cam-
pagne des sujets Ir» jdus nécessaires. J'ai vu, dans mou enfance^ ces recrucH
forcées, conduites à la chaîne comme des malfaiteurs. »
3. Voir ci-dessus page IIC note 1.
4. Le minislèie du duc do Bourbon (ul renversé le 11 juin 1726 : on e.xila
208 LES REGISTRES BA.PTISTAIRES
M. de lîeaugccourt, de condition, est bruslô vif à la Gresve pour
sodomie.
Le 19 octobre 1726, il parut un phénomène environ les sept heures
et demie du soir, sur notre horizon, tenant un jjeu du couchant, mais
beaucoup jilus du septentrion -, il fut si cspouvantable que la nature
prit le dessus sur la raison et ([ue tous les hommes qui en furent
témoins en furent extraordinaireuient surjiris. Il parut à nos yeux un
feu éclatant dans l'air, dont la lumière éclairoit comme des flambeaux
tant les maisons que les églises et les endroits les plus obscurs qui lui
estoient opposés. Il s'éleva comme des lumières en l'air et l'on auroi*
pu lire à la lueur de cette lumière si effrayante; un chacun en fut
frappé; tous croyoient que les villes et les villages voisins estoient en
feu, mcsme les (urests. Il n'y eut ])ersonne qui ne tremblât à un tel
aspect. Tous couroient à nos temples sacrés pour implorer la protection
du Seigneur; les cloches sonnoient partout. En un mot, personne ne
se souvient avoir veu pareils feux dans l'air. Ce feu ne dura guère,
mais la lumière qui venoit du costé du septentrion esclaira comme à
midy toute cette province du costé opposé. Plust au Seigneur qu'il
n'arrive rien de sinistre et de fascheux sur le royaume. Je soussigné,
témoin oculaire de ce triste et fascheux phénomène qui arriva ce 19
octobre 1726, à sept heures du soir et qui commença à paraîstre sur
le canton de la ferme des Essarts.
La misère règne plus que jamais par la rareté de l'argent en 1726.
On apprend qu'il y a une tresve entre les princes chrestiens pour
sept ans.
Il y a des assassins extraordinaires dans cette contrée ou aux envi-
rons.
Le 30 juin 1727, une fille de Sylvarouvres communia à la messe de
l'enterrement de sa mère et se maria le lendemain, le tout pour éviter
une curatelle et inventaire. C'est ce que peu de personnes ont vu
arriver' .
La reine de France espouse de Louis XV accoucha pour la première
fois au mois d'aoust 1727 de deux princesses * .
le duc à Chantilly, et la marquise de Prie, son inspiratrice et sa maîtresse,
à Courbépinc, cq Norniamlie. Par « tous les Paris, fermiers généraux », le
curé Parisot désigne les quatre frères Paris dont le plus célèbre, Paris-Du-
vcrney, qui était le confident du duc et surtout l'ami de la marquise, fut jeté
à la Bastille.
1. Le registre de Sylvarouvres pour Tannée 1727 porte: au 30 juin, le
décès de Marguerite Darc, âgée d'environ cinquante ans; et, au l»"' juillet, le
mariage d'Etienne Febvre, recleur d'école à VeuxauUe, avec Marguerite
Brulon, fille de feu Brulon et de feue Marguerite Darc.
2. Le 14 août naquirent : 1" Louisc-Elisàbeth, mariée le 26 mars 1739 à
LES REGISTRES BAPÏISTAIRES 209
Mg;!' It) duc Dantin vint passer six semaines au château de Chàteau-
villaia pendant les vendanges de 1727-, elles furent abondantes celte
année.
Le 5 de mai 1728, veille de l'Ascension, la gelée perdit toute la cote
des vignes qui regarde le village de Dinteville.
Le jour de Saint Pierre, le tonnerre tomba sur la chapelle du châ-
teau de Dinteville, quelques minutes après que le seigneur et les
dames avec le reste du peuple en furent sortis. Preuve indubitable de
la bonté do Dieu sur la lamille de M. le marquis de Dinteville dont la
charité immense envers les pauvres et le bon ordre dans sa maison
lui procura le bonheur de n'estre pas escrasé ou du moins fort endom-
magé par les cflets surprenants du tonnerre qui endommagea une
bonne partie du plâtre et des peintures dans toutes les fasces de ladite
chapelle dont j'ai esté témoin.
t736
Nos vignes surtout celles de la coste furent gelées le 13 et le 1 G de
mai 173G.
L'an 35 et l'an 30, on ne recueillit pas de vin, ce qui causa une
cherté de vin extraordinaire.
Les milices entrent en congé au mois d'avril, et on réforma quinze
commis par compagnie dans les vieux corps ' .
La pai-v. faite et non publiée, on ne laissa pas que de faire payer le
dixiosme de tous les biens ; ce qui accabla enliesrement le pauvre
pcuide * .
M. de Dinteville, le lils, s'embarqua à Hochefort pour servir sur mer
au mois de mars 173G.
Un coupa les Ijois de M. le marquis de iJintcville qui sont attenans
de la route, et ceux du Val-Dinvaux.
Le roy donna cette année le gouvernement de Meudon, maison
royale, à M. de Champcenet, frère de madame la marquise de Din-
teville',
M. Richard, prestre de l'Oratoire et curé de Saint-Amàtrc de Lan-
gres, par une lettre de cachet de la Cour, fut obligé de quitter sa cure
1 iiiCant don l'hilippo, morte à Versailles le ('> décembre 17o'J ; 2" Aime-IIcu-
rielle, morte à Versailles, le 10 février I7ti'2.
1. Les convculions fureul si{,'iiées à Viouiie, le 11 avril 1730.
2. C'est (lu 17 novembre 1733 que date la déclaration pour la levée de
1 impôt du <lixièmc sur tous le.s biens du royaume.
3. Louis Quentin de Uiclicbourg, marquis de CLampcenetz, premier valet
de chambre du roi, fut elleclivement nommé gouverneur des bourgs et châ-
teaux de Meudon, Bellevue et Chaville. li
210 LES REGISTRES BàPTISTAIRES
et d'eslre exilé à l'aage do soixanle-trois ans. M. Rigolot, clianoine
de Langros, subit le mosme sort au sujet de la Constitution ' .
Ayant perçu et levé la dixme sur les héritages scitués au delà du
Val-Réal comme dépondant du finage de Dinteville, et ce pendant l'es-
pace de vingt-sept ans sans interruption, ny trouble, le sieur Renard,
curé de Sylvarouvres, s'avisa d'y envoyer les démons de Sylvarouvres
qui firent violence pour enlever de nouveau la dixme que moi, curé,
venois de lever en leur présence le 29 juillet 173G. La suite fera con-
naître l'événement. Ils allégueront [pour raison des bornes de llnage
qu'il sera à propos de faire lever à leurs dépends, s'ils continuent de
nous troubler.
Le 3 de septembre, il tomba une gresle effroyable suivie d'une inon-
dalion qui eilVaya avec raison tous les habitants et qui emmena toutes
les terres des vignes et des champs en coteaux.
Il n'y a point eu de séminaire l'an 3(J et l'an 37; ce qui desrangea
fort les paroisses ■ .
Au commencement de l'année 1737, le dixiesme fut aboli''.
J'atteste que l'année 1709 n'a pas esté si cruelle dans ces cantons
que l'an 1740. La gresle réitérée par quatre fois au mois de juillet 1740
abysma entiesrement les linages de Dinteville, Sylvarouvres, Pont-la-
Ville, Cirfontaines; les autres villages circonvoisins furent greslés en
partie. Ensuite survint un hiver affreux qui commença en janvier et
so lit sentir jusqu'au 15 mai; pendant les huit premiers jours de ce
mois de mai, on ne vit que neige et greslon avec un froid estonnant.
La disette de paille et de foin fut extraordinaire, attendu que les prai-
ries ne jetoient point encore d'herbes de pré,- les bestiaux esloient
1 . L'évêque de Langres, Montmoriu, « sévit contre les Jansénistes, dit
l'abbé Mathieu, et obtint du cardinal de Fleury des lettres de cachet contre
les ecclésiastiques les plus entêtés de sou diocèse, entre autres contre quatre
curés, qu'on appelait les quatre éoawjélislcs. » Nicolas Richard était né à
Langres en 1673 et Antoine Rigollot à Ligncrolles eu 1688; ils moururent
celui-ci en 1769 et celui-là en 17ji9.
2. Celte vacance du Séminaire fut causée par le retrait qu'on fit de cet
établissement aux Oratoriens; voici comment celte affaire se passa, d'après
l'abbé Mathieu : c( Les Oratoriens qui avaient repris en 1567 la direction
du Séminaire de Langres, étaient imbus des principes deJansénius : dès le
commencement de son épiscopal, Montmoriu avait cherché les moyens d'ar-
rêter la secte. Ne pouvant les attaquer par le droit, parce qu'Us étaient piùs-
samment .soutenus ; de l'avis des jurisconsultes, il s'empare de la maison du
séminaire par le fait et en détail : lorsque l'un des Pères sortait de sa
chambre, on s'y installait aussitôt. Le funil de l'affaire n'a jamais été jugé...
Le prélat remplace les Oratoriens par des'prêtres séculiers qui étaient à sou
choix et SQus sa dépcudanco. »
3. La suppression de l'impôt du dixiesme eut lieu lo !•' Janvier 1737.
LES REGISTRES BAPTISTAIBES 211
affamés. Les vignes furent uno ijrande partie gelées et la plus{)art
couppées et arrachées.
En vérité le sort des habitans de la campagne est fort à plaindre,
car ils n'ont presque aucun repos par la crainte continuelle qu'ils ont
pendant que le vent de galerne est sur pied. La pauvreté que la gresle
avoit causée produisit une misère estonnante et on ne pouvait suffire
à la quantité des pauvres des paroisses de Sylvarouvres et de Lanty.
Que le Seigneur daigne nous préserver dans la suite de pareils
malheurs!
La pinte d'huyie se vendoit trente sols.
Au 12 de mai, ou ne voyoit aucun bled levé depuis les vignes et
au-dessus ; et les bourgeons, le peu qui restoit sur le bois n'estoit pas
encore ouvert. En un mot, on n'a rien vu de si triste depuis plus de
deux siècles. La gelée d'hyver avoit gagné la terre de deux pieds et
demy de profondeur.
La pluspart des habitans de ce lieu furent obligés de vendre leurs
chevaux pour subsister, les autres leurs héritages pour avoir du grain.
Cette année a esté semblable à 1709, la durée de la gelée perdit
entiesreraent les grains, vignes, vergers et jardins dans ces cantons;
ce qui causa une disette cspouvantable. La gresle avoit précédé et
abysmé le 7 de juillet 1740 tout ce qui paraissoit sur la terre, dont je
souffris la perte entiesre du revenu de ma pauvre cure.
Il y eut des ordonnances pour que chaque paroisse nourrit ses
pauvres, mesme des menaces d'emprisonnement pour les estrangers;
le tout fut très mal exécuté.
On n'a jamais vu les rivières si grosses ny qui aycnt causé tant de
désordres et de ruines qu'à Noël 1740.
La pauvreté a esté extresme l'an 1741 tant dans ma paroisse
qu'ailleurs, gansée par la disette et la cherté des grains. On ne peut
s'imaginer la peine où l'on est pour ensemencer les terres en partie
seulement.
Si l'on connaissoit les cruels chagrins que les pasteurs ont à essuyer
tant de la part des passions que dos paroissiens, des parents et
mesme des domestiques, on auroit beaucoup moins d'empressement à
emiirasser l'état ecclésiastique. Mon divin Sauveur, daignez leur
accorder une sainte patience, l'amour de la retraite, la fuite des
assemblées, si ce n'est pas une nécessité d'y paraître! Seigneur!
accordez aux jmuvres curés des campagnes pour supporter le poids du
redoutable ministère et les cruels chagrins qu'ils ont ;ï essuyer de la
part des mauvaises langues et des ingrats !
Si les années do 1701J et 1710 ont esté rcmarquabli'S par la disette
générale des grains et des vins, on peut dire avec justice que 173!) et
1740 nous ont fourni un parallèle encore plus cruoi. Nous voyons ces
212 LES REGISTRES BAPTISTAIRES
doux années dcrniesrcs une affreuse misère surtout en ces (juurtiers.
La grcsle nous causa une perle irréj)arable. La cherté des semences
ne permit pas de jiouvoir ensemencer toutes les terres. La récolte sui-
vante ne rap])orta jias le tiers; il ialloit vivie, on estoit espuisé; la
mesure de Laferté pour le bled se vendoit un escu, la mesure d'orge
trente sols. On estoit dépourvu de toutes choses; point d'argent, peu
de crédit ; réduit la pluspart à vendre leurs chevaux de charrue pour
subsister et n'ayant pas de quoi les nourrir. J'adjoute encore que les
jardins furent gelés et que les graines et oignons se vendoient jusqu'à
sept livres la pinte. Ensuite de tous ces malheurs survint une si
grande abondance d'eau au mois de décembre 1740 que l'on eut tout
lieu de craindre un renversement des maisons et on fut dans l'obUga-
tion de déloger.
Que le Seigneur délivre sou fieuple de semblables fléaux dont je suis
témoin.
L"an 41 fui plus cruel encore : la mesure de bled, mesure de Laferté,
scst vendue jusqu'à cinq livres dix sols. Ou ne le distribuoit dans les villes
que par mesure aux gens de la campagne qui mouroicnt de faim, encore
avoit-on besoing d'un cerlifficat des curés et permisssiou de la police d'eu
faire sortir de la place de Laugres. Les boulaugers ne vouloient pas cuire.
M. i'évesque de Laugres, Moumoiin, fit de grandes charités par tout le
diocèse ou la disette réguoit; il envoya beaucoup de riz et de l'argent dans
toutes les paroisses, on u'y connaissoit plus le vin. Le nombre des pauvres
estoit trop nombreux pour pouvoir les soulager tous. On ne vit pourtant
point de voleurs attroupés en ce pays. Les seigneurs de paroisse se signa-
lèrent par leurs charités.
Grandes dispositions à la guerre au sujet de la nomination de l'empereur
après la mort de Charles VI qui mourut sans héritiers masles. La Pologne
craint avec raisou la succession héréditaire dans la maison de Saxe ' .
En 1709, la viande ne valoitque deux sols la livre, et cette année 1741, elle
se vend quatre sols ; toutes les marchandises à proportion. Le tabac qui ne
se vendoit que quatre sols la livre se vendit alors (|uarante-ciuq sols, prix
qui continua.
M. Laurent Le Brun, appelé M. de Bligny, fils de M. le marquis de Diu-
Icville, mourut à Brest, port de mer, au mois de juillet; il esloit alleint do
la petite vérole et aagé de vingt ans.
Quelques mois après avoir écrit ces dernières lignes , le curé
Parisot devenait aveugle; il n'en resta pas moins à la tète de
sa paroisse jusqu'à sa mort, arrivée le iJ février 1755. Il eut
pour succe?scur Nicolas Friclot qui, en 1702, fut remplacé par
Nicolas Empereur. Celui-ci a consigné dans les registres le ren-
dement des dîmes de Dinteville, le prix des denrées et de la
1. Charles VI mourut le 20 octobre 1740; sa fille, Marie-Thérèse lui suc-
céda, comme ou sait.
LES REGISTRES BAPTISTAIRES 213
main-d'œuvre à diverses époques. Ces derniers renseignements
sont précieux pour l'historien; ce sont de simples chiffres, il
est vrai, mais ces chiffres en disent plus long sur la situation
économique du temps et sont bien autrement précis que les
plus volumineux discours. C'est ce qu'a parfaitement compris
un de nos historiographes locaux, M. G.-E. Pissot : il a ter-
miné son excellente Notice historique sur Douîevant-le-C hâ-
teau\ par un tableau donnant, d'après des inventaires notariés,
les Prix de certains objets à Doulevant et dans les environs
pendant le 17'"*^ et IS""" siècles. A ces documents d'autant plus
précieux que ce sont les seuls, à notre connaissance, qui aient
été publiés sur l'histoire économique du département de la
Haute-Marne, nous ajouterons ceux que nous fournissent les
notes du curé Empereur sur les années 176îi et 1771, années
que nous choisissons de préférence aux autres parce que le
tableau de M. Pissot est peu complet pour la première et passe
sous silence la seconde qui fut cependant une année climaté-
rique remarquable. Nous clorons par là notre travail, persuadé
que ces renseignements en doublent l'intérêt.
En 176fî : la mesure de blé, qui en 1763 se vendait de 20 à
28 sols, vaut 2 livres 2 sols. L'orge, de 14 sols en 1763, s'est
élevé à 16 sols ; l'avoine, de 9 sols, à 13 sols ; le tonneau de vin,
de 1 1 livres 5 sols, à 20 livres ; la poupée de chanvre d'une livre,
de 8 sols, à 9 sols ; le chenevis, de une livre 10 sols, à 2 livres.
La corde de bois de moule vaut 14 livres; celle de charbon-
nette, 10 sols; la banne de charbon, 12 livres. La livre de
viande coûte 4 sols 0 deniers; la livre de tabac, 3 livres 2 sols ;
le minot de sel, 54 livres. Quant aux salaires, on paye : pour
une journée de charrue, une livre 10 sols; pour la façon d'une
vigne. 2 livres 1 0 sols par jour ; pour faucher un journal d'a-
voine, 12 sols; pour moissonner un journal de blé, sans
nourrir, 2 livres ; pour débiter une corde bois, quel qu'en soit
le genre, 4 sols 0 deniers. Un manœuvre demande 10 sols par
jour; une femme, couturière, lavandière, clc, 4 sols. Enfin,
en 170ij, la paroisse de Dinlevillc paya en taille, capilation et
dixième, la somme de 1107 livres.
En 1771, des pluies continuelles et le défaut de chaleur
empêchèrent les semailles d(! réussir; les récoltes furent pres-
que nulles : les grains atteignirent des prix excessifs ; le vin fut
1. Wassy, typographie de J. Gnillemin, \87i. In-8 de 102 paf,"^s avec
lilh. et planche.
214 LES REGISTRES BAPTISTAIRES
très mauvais et en petite quantité. Aux mois de juin et de juillet
il y eut une véritable famine. Aussi voil-on la mesure de blé
se vendre jusqu'à 4 livres 10 sols sur le marché de Bar-sur-
Aube; les prix des autres denrées sont à proportion. La livre
de viande se paye 5 sols ; la livre de morue, 9 sols; le hareng,
4 liards; la livre de beurre, 12 sols ; celle de sucre, 22 sols; le
tabac, la livre rappée, 4 livres; la chandelle, 14 sols; la bou-
teille de vinaigre, 1 5 sols; la livre de laine, 25 sols ; la corde de
bois de moule sur place, 14 livres. Quant aux salaires, ils sont,
à quelques sols près, les mêmes que précédemment.
Arthur Daguin.
FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
SIRVENUS A TROYES ET AlX ENVIRONS AVANT 1790
( Etat des Récoltes, Prix dos Denrées et Etat sanitaire )
1474. — A cause des grandes eaux qui lombèreiU à Troyes
et aux environs depuis le commencement du mois de juin
jusqu'à la troisième semaine de juillet et qui inondèrent les
prés en gâtant toutes les récoltes pendant ce temps-là, on fil
à Troyes, le dimanche 8 juillet, une procession générale pour
demander à Dieu du beau lemps, et ou y porta les quatre
corps saints; savoir : un de chacune dos quatre églises de St-
Pierre, St-Loup, St-Etienno et St-Urbain, avec les reliques
des autres églises et le gros luminaire. L'évoque Louis Ra-
guier accorda quarante jours d'indulgence à tous ceux et celles
qui se confesseraient et communieraient à cette intention.
Malheureusement toutes les récoltes furent gâtées.
1475. — Au mois d'avril, le setier de froment de dîmes a été
estimé à Troyes 3 G sols 2 deniers.
1476. — Au mois de janvier, le setier de froment de dîmes
est évalué à 40 sols, celui de seigle à IG gros et celui d'avoine
à 1 0 gros. — Cette même année la récolte des céréales fut mé-
diocre dans les environs d'Arcis.
1477. — La grande sécheresse fut cause qu'on recueillit en-
core fort peu de blé dans plusieurs lieux du diocèse de Troyes.
— Au mois de novembre, le setier de froment de moisson se
vendait à Troyes 20 gros, et le setier d'avoine 10 gros.
1478. — Grande chaleur et sécheresse qui commença au
mois de mai, échauda les blés et occasionna la peste aux en-
virons de Troyes.
1479. — Bonne année de vin, mais encore une partie des
blés perdus.
1480. — Au mois de février le setier de froment de dîmes a
Voir page 125, tome XV, de la Revue de f'hampagnc cl de Brie.
216 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
été apprécie à 20 sols et le setier de seigle à 10 sols. — La
deuxième semaine de juillet, uq grand orage dévasta le finage
de Chauraout.
1481. — Grandes inondations à Troyes, depuis le commen-
cement de juillet jusqu'à la troisième semaine. Le mauvais
temps fit perdre une partie des récoltes, et le chapitre de St-
Pierre fit faire des processions, depuis le mois d'août jusqu'à
la Toussaint.
1482. — Récolte médiocre et cherté du blé. Peste aux en-
virons de Troyes.
1483. — Le 6 juin, le chapitre de St-Pierre ordonne que le
service divin y serait fait le plus tôt possible tous les matins et
que la grande messe serait dite pour les neuf heures, à cause
de l'excessive chaleur du temps. — Le 3 juillet, un grand
orage de grêle perdit entièrement les menus grains et une
partie des blés.
XVI» SIÈCLE
1522. — Pendant le mois de juillet, la peste sévit à Troyes.
1 526. — Au mois de mai, le tonnerre tombe sur le coq du
clocher de St-Pierre et y cause quelques dégcàts,
1530. — Le 8 août, les chanoines de St-Urbain ordonnent
qu'une procession aura lieu tous les jours avant la grande
messe, à cause de la peste qui sévit à Troyes, et qui y repa-
rait encore l'été suivant.
1537. — Vers le 15 juillet, un violent orage de grêle dévaste
les finages de Rigny-le-Ferron, Fontvanne, Bouilly, Moussey,
etc.
1539. — Récolte extraordinaire de vin aux environs de
Troyes, où la pinte se donne pour un œuf.
1542. — Le jeudi 20 juillet, grand orage qui endommage
surtout les finages de Charment, Ramerupt et Bonnement.
1543. — Le vendredi 20 avril, le chapitre de St-Pierre or-
donne aux chanoines d'envoyer des gens pour ôter les limaces
de leurs vignes, qui y étaient en si grande quantité qu'elles
mangeaient tout.
1546. — Au mois de juin, le pain blanc d'une livre, appelé
Mollot vaut 1 sol et 6 deniers. — Au commencement de juil-
let, et particulièrement le 4, les blés sont échaudés par la très
grande ardeur du soleil, sur les finages de Bierne, Moussey,
Yillemereuil, etc.
SURVENUS A TROYES 217
1548. — Le mercredi H juillet, pendant la nuit, un orage
de pluie et grêle éclate sur les territoires de Macey, Montgueux,
St-Lyé, etc. Des vignes sont eutrainées par les eaux pluviales
jusque dans les prés.
1549. — Vers le 10 juillet, il tombe de la bruine et de la
miellée sur les blés des finages de Moussey et de Villemereuil.
— Vers la fin du même mois, un grand orage s'élève sur le
territoire de Vailly où il perd le quart dos récoltes. — Le 6
août, un nouvel orage do vent, grêle et tonnerre éclate sur
Fontvanne, d'où il s'étead sur Macey, Montgueux, Gharmont,
Ramerupt etDampierre.
1551. — Le soir de la St-Jeau-Baptiste, un orage de grêle
et tonnerre cause de grands dommages sur les finages de
Moussey, Montaulin, Vailly, Brevonne, Le Chêne. Vaucogne,
etc.
1552. — Bonne année de blé.
1554. — Au mois de novembre, la peste fait de grands ra-
vagés à Troyes. — A la St-Martin, le seticr de froment vaut
5 sols.
1556. — Le 25 mai, le tonnerre tombe pour la seconde fois
sur le clocher de la cathédrale et y occasionne d'assez grands
dégâts.
1557. — Le 29 août, il tombe un déluge d'eau ci Ste-Syre.
1558. — Après la St-Jean, les grandes chaleurs font un tort
considérable aux blés des finages de Bierne, Moussey et Vil-
lemereuil.
1559. — Au commencement de juillet, les sauterelles font
de grands dégâts aux orges, avoines et autres menus grains
des finages de Macey, Montgueux, Ste-Syre, Ramerupt, Bon-
nement et Balignicourt.
1560. — Depuis le commencement de l'été jusqu'à la mi-
juillet, le temps fut si pluvieux qu'il causa de grands domma-
ges aux emblaves, et quand la pluie cessa, les vents et la grêle
perdirent ce qui restait.
1561. — Au mois de janvier, la contagion faisait mourir
beaucoup de monde à Troyes.
1562. — Le l*' juillet, les chanoines de St-Pierrc ordonnè-
rent qu'on fit trois fois la semaine, des processions publiques,
h cause de la peste qui sévissait à Troyes et dans les environs.
218 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
Pendant le mois de septembre, cette peste emporta encore
beaucoup de monde dans les rues du Bois et do Cliâlons ' .
Ib64. — Au mois de juin, orage sur les fmages de Vallant,
Ste-Syre, Les Grandes-Chapelles, le Chêne, etc. — Dans la
seconde semaine d'août, autre orage sur Charment, Ramerupt,
Vaiicogue et Dampierre qui furent inondés,
15(56, — Au mois de juin, le pain valait cà Troyes 3 sols 4
deniers, « sans rien rabattre »,
— Pendant la nuit du 21 au 22 juillet, le tonnerre tomba
sur le clocher de St-Urbain et y fit pour 58 livres de dégâts,
1567. — La troisième semaine de juillet, l'impétuosité des
vents endommagea beaucoup les blés sur les territoires de
Chauchigny, les Grandes-Chapelles, le Chêne, Ramerupt, Don-
nement, Balignicourt, etc.
1568. — Le l'^'' ou le 2 juillet, un orage de grêle causa de
grands dommages à Foutvanne, Montgueux, Châtre, les deux
Trouau, etc.
1570. — Les 22 et 25 juillet, orages de pluie et grêle sur
Chauchigny, les Grandes Chapelles, le Chêne et Lhuître.
1571. — Au mois de juin, les blés sont gâtés et échaudés
par de grands vents. — Le 13 juillet, un orage de vent et grêle
ravage le quart des blés sur Chauchigny, les Grandes Cha-
pelles, le Chêne et autres lieux. Le 17 du même mois, autre
orage qui endommage les blés et les vignes sur Macey et
Montgueux.
1572. — Au mois de juin, le pain blanc vaut 4 sols, à
Troyes.
— La troisième semaine de juillet, un orage de grêle fond
sur Macey, Montgueux, Charmont, Chaudrey, Ramerupt et
Dampierre.
1573. — Au mois de juin, le boisseau de froment vaut 36
sols, le seigle 30 sols, l'orge 22, le trémois 18, le sarazin 13,
et l'avoine 10. A la même époque, le setier de froment se vend
40 livres, le seigle 32, et l'avoine 9.
— Le dimanche d'avant la sainte Hoïlde, le boisseau de
froment vaut 30 sols, le seigle 25 et l'avoine 9 sols 6 deniers.
Le mollot se vend 17 deniers. — Le dimanche 3 mai, il est vendu
19 deniers ; le 10, 20 deniers ; et le 24, 23 deniers. A Arcis, à
1 . Aujourd'hui rue Thiers et rue St-Jacques
SURVENUS A TROYES 219
la même époque, le froment valait 45 sols le boisseau, et le
seigle 55.
— Le samedi 8 août, uu orage de grêle éclate sur Torvil-
liers, Vailly, Brévonue, etc.
1573. — La contagion fait mourir tous les novices et la
plupart des religieux de l'abbaye de St-Loup, à Troyes.
1577. — Au commencement de juillet, la grêle dévaste les
territoires de Macey, St-Benoît-sur Seine et le Mesnil-
Vallon.
— Le dimanche 18 août, nue inondation de pluie gâte tou-
tes les emblaves à Ste-Syre.
1579. — Le 29 avril, le tonnerre tombe pour la troisième
fois sur le clocher de la cathédrale où il enlève seulement quel-
ques ardoises.
— Le samedi 18 juillet, la grêle fait beaucoup de ravages
sur les finages de Macey, de Montgueux et du Mesnil-Vallon ,
1596. — En mai, le seig-le vaut 38 sols et l'orge 30 sols le
boisseau ; le pain blanc 4 sols la livre.
— Le dimanche 23 juin, une inondation générale causée par
une pluie torrentielle augmente la disette et la misère.
1597. — Année humide et calamiteuse.
Nota. — Georges Berthier, arpenteur à Pouilly, a laissé des
mémoires manuscrits, s'étendant de 1587 à 1620 et relatant
les difiérents faits locaux ou généraux à sa connaissance. Ces
mémoires sont rédigés eu vers français, ou plutôt en mauvais
bouts- rimes :
Cette écriture n'est sans réplique,
Car n'ay appris la rhétorique ;
Et vigneron était mon père.
Aussi ne say pas la grammaire.
Voici, au reste, comme spécimen de sa vei^sificatiou, ce qu'il
dit à l'année 1594 :
Les gendarmes sont snns police
Et remplis de toute nialico.
Maintenant n'a chevaux ne vache,
N'ûultre chose qui leur échoppe.
Aux pauvres hommes ot aux femmes,
Ils font des choses trop infîlmes.
Maintnnnnt Henry de Hourhon
A succédé au roi do France ;
220 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
Prions Dieu qu'il le fasse bon
Et lui pardonne ses offenses.
On flil qu'il était hérétique.
Mnintenant il est catholique.
A lui les villes sont rendues.
Par ce moyen qu'il soit chrétien,
Il aura bonnes étendues
Si faict chacun jouir du sien.
L'auteur lient un registre assez exact des prix du blé et du
vin pour chaque année.
XYII" SIÈCLE «
1601 . — La veille de la saint-Laurent (9 août), il surviut
un grand orage qui causa beaucoup de dommages à Troyes et
aux environs.
1618. — Le 28 avril, à une heure après midi, le tonnerre
tombe pour la quatrième fois sur la flèche de la cathédrale, et
met le feu à la fenêtre au dessous des crampons, et à une noue
du côté de l'évêché. Le chantre Pierre Dadier l'éteint avec une
seringue de maréchal.
1620. — Au mois de janvier, il gelait si fort que les ou-
vriers ne pouvaient travailler aux préparatifs à faire pour la
réception du roi Louis XIII qui fit son entrée à Troyes par la
porte Groncels, le 25 dudit mois.
1632. — La peste reparait à Troyes où elle emporte 4 à
5,000 personnes. L'année suivante, on fait des prières publi-
ques pour remercier Dieu d'avoir préservé la ville de la conta-
gion ; mais, en 1635, l'épidémie fait encore 1500 victimes que
l'on enterre toutes au cimetière de Sainte-Jule.
1040. — Pendant l'été, des inondations perdent l'herbe des
prés aux environs de Troyes.
— Le 30 septembre, le tonnerre frappe pour la cinquième
fois le clocher de la cathédrale, et y cause des dommages assez
considérables.
IGil. — Les soldats, en garnison à Troyes, arrachent,
pendant leur quartier d'hiver, les paisseaux des vignes de
Preize, pour se chauffer, à cause de la rigueur du froid.
1642. — Les vignes de Preize sont gelées et on n'en tire
rien.
1 . Les mémoires manuscrits du chanoine .Ican Hugot, d'où sont extraits
les notes qui suivent, embrassent la période do 1601 à 1702,
SURVENUS A TROYES 221
1650. — Le 25 septembre, après midi, le tonuerrc tombe
sur le clocher de Saiat-Urkiiu, et ensuite, pour la sixième
ibis sur celui de Saiut-Pierre.
1658. — Le 27 février, la Seine était tellement débordée
qu'elle dépassait le déluge de 1681, que nous n'avous pas
trouvé mentionné précédemment,
1666. — Le 21 mai, les chanoines de Saint-Pierre ordon-
nent qu'on ferait chaque jour la procession avant la grande
messe pour préserver la ville de Troyes de la maladie conta-
gieube qui régnait dans les autres villes.
— Le 30 juillet, après les matines, on descendit, à Saint-
Pierre, la châsse de sainte Hélène qui fut aussitôt portée en
procession autour de la cité, pour demander de la pluie à cause
de l'excessive sécheresse.
— Le 8 août, on la porta de nouveau par la rue Neuve, et,
le 11, les chanoines de Saint-Urbain portaient également eu
procession la Sainte-Epine dans le même but,
1668. — Le jeudi 16 août, après la grande messe de Saint-
Urbain, le reliquaire de la Sainte-Epine fut porté procession-
uellement par la rue Neuve pour détourner de la ville de
Troyes le fléau de la peste dont d'autres villes, et notamment
Reims, étaient infestées.
1669. — Les 17 et 20 juillet, prières et processions pour
demander de la pluie à cause des chaleurs excessives.
1670. — Le 2 août, la Sainte-Epine est exposée à Saint-
Urbain et portée en procession pour demander de la pluie.
1676. — A la Saint-Martin, le froment vaut 24 livres le
setier, le seigle 16 et l'avoine 8.
1677. — Le 6 mars, pendant un grand orage, le tonnerre
tombe pour la septième fois sur le clocher de Saint-Pierre et
le découvre en partie.
— A la Saint-Martin, le froment se vend 30 livres le setier,
le seigle 20 et l'avoine 8.
1678. — Les mômes grains à la môme époque de cette
année sont vendus 21 livres, 1 1 livres et 8 livres.
1679. — Id. 33 livres 22 et 13.
1682. — Le mardi 12 mai, sur les deux heures du matin,
un tremblement de terre dont la secousse dura une demi-
heure, se ût sentir dans une partie de la France, notamment
à Troyes, à Arcis, à Châlons, à Reims, à Provins, à Sens, à
Tonnerre et à Orléans.
222 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
1087 , — Ily eut beaucoup de vins aux environs de Troyes,
mais il ne se garda pas ; les raisins étant à moitié pourris à
cause des pluies continuelles de l'été. Ou remarqua que pour
le conserver, il fallut le soutirer et ne point le laisser sur sa
lie.
1688. — Le 13 août, à 5 heures du soir, un grand orage
fait beaucoup de dégâts à Gieney. à Vailly, à Feuges, à
Gliarmout et lieux environnants.
1689. — Pendant le mois de février, des givres font geler
le bois des vignes.
16'J1 . — Le samedi 1 1 août, à onze heures du matin, après
deux forts coups de tonnerre, et un violent tourbillon de vent,
il survint un grand orage qui éclata principalement sur la ville
de Troyes. Les grêlons étaient si gros et si garnis de pointes
qu'ils pesaient deux tréseaux \ et causèrent un dégât extraor-
dinaire aux vitres qui étaient tournées du côté du vent, ainsi
qu'aux biens de la terre. Les verrières des églises de Saint-
Jean, Saint-Pantaléon, Saint-Nizier et de Montier-la- Celle
eurent particulièrement à en souffrir. Il en coûta 1200 livres
rien que pour réparer celles de Saint-Jean.
1692. — Le 18 septembre, à deux heures et demie après
midi, on éprouva à Troyes deux petites secousses de tremble-
ment de terre, que Ton ressentit beaucoup plus vivement en
Belgique et en Allemagne où elles renversèrent des cheminées.
[A suivre). Arsène Thévenot.
\ , Le Trézeau était Tunité de poids pour la soie et correspondait à un
demi quart d'ouce ou à 3 grammes 8 décigrammes.
BODRBONNE AUTREFOIS
BOURDONNE AUJOURD'HUI
Nomendaim'e des prieurs conmis.
1 480 . Dom Jccau de la Balme.
1431 . Dom Fergeux Brachet.
1477. Dom Bernard de Rochefort.
1554. Dom Gaspard d'Orge.
1607. Dom Nicolas de Scey.
1608. Dom Jacques Simonnin.
Ces derniers prieurs réguliers.
Prie%rs su7' résignation.
8 janvier 1672. Louis de Comble.
1673. Antoine de Comble.
1G76. Arnould de Renusson.
1682. Charles Ghertems.
1704. Claude Dorât, puis François Dorât.
On trouve encore deux autres prieurs, mais les date
manquent.
Baunetou, né à Chaumont.
Et Charlau, né à Chûlons-sur-Marue.
Après la mort de François Dorât, le bénéfice retourna aux
prieurs réguliers.
1700. Jean-François de Grammont, bénédictin.
1726. Constance duillot'.
Aujourd'hui, le prieuré n'est plus (ju une sinq)le maison
d'habitation, mais telle qu'elle existe, cette demeure a encore
* Voir pogo ijU, tome XV, de la Revue de la Champagne cl de Brie.
1 . Archives du Doubs, série II, fouds Sl-Vincerit, carton 8, n" 1,
224 BOURBONNE AUTREFOIS
un bc) aspect et les communs considérables qui l'avoisinent,
le terrain qui l'entoure, attestent encore sou importance
passée.
Ce qui l'ut la chapelle si reuonmiée de la Vierge est mainte-
nant une maison de culture', séparée du corps-de-logis et
placée en face de la porte d'eutrée de ce dernier. On peut voir
encore sur les murailles les traces du portail et des fenêtres de
l'ancien édifice.
Le claàteau
Le château de Bourbonne n'était point à proprement parler,
autre chose que ce que Ton désignait autrefois sous le nom de
Maison-forte, c'est-à-dire fossoyée (entourée de fossés) et for-
tifiée à l'antique, mais pouvant se défendre d'un coup de main;
mais, si les fortifications en étaient anciennes, du moins elles
étaient assez sérieuses pour ranger le castel au premier rang
de ces constructions mi-manoirs et mi-forteresses, qui cou-
vraient en si grand nombre notre pays.
A quelle époque ses fortifications avaient-elles été cons-
truites? il est bien difficile de le préciser. Nous devons sup-
poser, cependant, que, suivant les progrès de fart militaire et
de l'artillerie surtout, elles s'étaient successivement transfor-
mées, améliorées, accrues jusqu'au xVi" siècle, époque à
laquelle il est probable qu'elles avaient reçu la dernière main
et avaient été modifiées selon les besoins et la nécessité de la
défense.
En faisant cette supposition, nous nous basons sur ce fait
qu'avant l'arrivée de la famille de Livron à Bourbonne, les
seigneurs qui possédaient la terre, f habitaient rarement et par
suite, avaient dû prendre moins de souci de la défendre, alors
que le voisinage de la forteresse de Coiffy semblait devoir être
suffisant pour protéger leur domaine.
Les Vergy-Bourbouuc, les de Beauffremont, maisons bour-
guignonnes entre les mains des(juelles la seigneurie passa par
alliance, possédaient de nombreux fiefs, parmi lesquels Bour-
bonne était loin d'être le plus sérieux; les goûts de ces sei-
gneurs, aussi bien que les charges dont ils étaient pourvus les
appelaient à choisir une résidence plus somptueuse, plus sûre
ou plus rapprochée de l'endroit où les appelaient lem^s fonc-
tions. Ghamplilte, Mirebeau, Dijon, Scey-sur-Saône môme,
1 . Le bâlimcnl apparlicut aujourd'hui à un sieur Toussaint.
ET BOURDONNE AUJOURD'HUI 225
étaient pour eux préférables à Bourboune. Bertrand de Livron,
nommé capitaine de Coiffy, après sou mariage avec Françoise
de BoaufTremout, dut forcément s'installer au château d'où il
était à proximité de son commandement, tout en surveillant
son propre domaine .
Il est donc probable qu'à celte époque, à laquelle la France
était en armes et Louis XI préparé à profiter de la lutte qu'il
avait fomentée entre Charles-le-Téméraire et le duc de Lor-
raine, le sire de Bourboune avait, lui, dû prendre ses précau-
tions et en prévision de tout événement faire remparer et appr es-
ter so)i chastecm. Ses successeurs, que les rivalités de voisin à
voisin aussi bien que les menées de la ligue plaçaient dans les
mêmes conditions, durent également ajouter aux défenses pri-
mitives de leur résidence.
Oh trouve bien, dans les dénombrements donnés par les sei-
gneurs de Bourboune la note suivante sur le chastel qu'ils pos-
sédaient : Au dit Bourboune avons un chasteau circuit de fossez
à Ventour o/c il y a un jwnt-fevis pour e?itrer en yceluy chas-
teau ail-devant duquel il y a un jardin fermé de murailles
joindanl à une grande place, en laquelle il y a un colombier et
au bout du dit jardin a un grand cours de maisons, élables,
granges denostre dit chasteau. Mais, de ce que, même dans l'aveu
fourni par M. de Cbartraire en 1750, cette note est reproduite
à peu près textuellement, il ne faudrait pas en conclure que le
château était resté tel. Du reste, il est certain qu'une
partie des constructions avaient été détruites en 1717 et la
preuve en est que dans ce même acte M. de Cbartraire dit: Au
dit Bourboune nous reste la place et masure du chasteau, le
dit cliâleau ayant été en partie compris dans V incendie général
qui ruina la ville.
Sans nous préoccuper de ce qu'avait pu être la fortification
au début, nous nous contenterons d'examiner ce qu'elle était
avant l'incendie ; nous devrions dire ce qu'elle était restée, car
depuis le traité de Vinccnnes (I6G1), la paix qui régna dans le
pays ne permet pas de supposer qu'on ail mis la main aux
murailles du château.
Lorsqu'on y arrivait par l'entrée principale, on devait tra-
verser d'abord une vaste enceinte, située à l'extrémité de l'im-
passe aboutissant au donjon extérieur cl s'étendant sur la
gauche jusqu'au-dessus des maisons de la rue des Paradis
qu'elle dominait. Cette enceinte fermée de murs, avait une
Vô
226 BOURBONNE AUTREFOIS
loni^ueur de bii mèlres environ sur 23 mètres liO de large ^ . Elle
était désignée sous le nom de place delà Halle, (de la Haulle),
parce qu'elle renfermait effectivement l'édifice destiné à abriter
les forains aux jours de marché. Cette construction des plus
primitives, était longue de 28 mètres et large de 13 ; elle était
la propriété du seigneur qui devait l'entretenir, de môme que le
pressoir banal adjacent.
Après avoir traversé cet endroit, on se trouvait en face de
l'entrée principale du château, du donjon extérieur qui existe
encore en partie et dont nos lecteurs ont pu voir le croquis au
commencement de cet ouvrage. Flanqué de deux tourelles
munies de créneaux, meurtrières et mâchicoulis, ce donjon
fermait l'enceinte extérieure de la fortification ; une porte mas
sive et une herse ou barrière formée de gros madriers aiguisés
par le bout en défendaient l'accès.
Sous la voûte, large de ii mètres, longue de 7 et que sou-
tenait une double raiagée de piliers, s'ouvraient deux portes
latérales : l'une, à droite, était celle de l'escalier du donjon et
donnait entrée dans une sorte de logis où se tenait ordinaire-
ment le guet ou poste avancé - ; l'autre conduisait à la tourelle
de gauche et aux écuries. De chaque côté de la porterie^ s'éten-
dait la muraille de l'enceinte extérieure qui, suivant les con-
tours du plateau qu'elle enfermait, s'élevait à pic au nord, à
l'est et au midi, tandis que la partie ouest seule, construite sur
un terrain pour ainsi dire plat, offrait, bien que couverte par
les maisons de la ville-haute, un point d'attaque plus facile
pour l'escalade.
Cette enceinte dont l'élévation était la principale force, cons-
tituait déjà une défense sérieuse, dominant le cours de l'A-
pance ainsi que les coteaux environnants et couvrant toute la
ville-basse. C'était, en réalité, une première escarpe, presque
verticale ou très peu inclinée et les nierions et massifs qui la
surmontaient, destinés à couvrir les défenseurs, étaient séparés
par des créneaux où se plaçaient au besoin les bouches à feu,
bombardes, canons etc., etc. Dans sa plus grande longueur
l'espace qu'elle enveloppait comptait 170 mètres, sur une lar-
geur très variable et qui au point maximum était d'un peu plus
de 100 mètres.
1 . Une portion de cette enceinte est aujourd'hui le jardin de la maison
Gauvain.
2. C'est là qu'est de nos jours le logement du concierge.
ET houhuonnl; aujourd'hui 227
Ce premier rempart était protégé au nord par un bastion
vuide ayant 10 mètres de face et 8 de flanc et dans lequel était
percée une poterne à laquelle aboutissait primitivement la rue
du Faillis ou des Paradis * . C'était par cette poterne qu'en-
traient au château, les pailles, foins et autres denrées néces-
saires à l'approvisiouD émeut. Un escalier situé dans un des
angles du bastion permettait d'arriver au terre-plein du plateau,
beaucoup plus élevé que la fortification. Un peu plus loin, du
môme côté, se trouvait une sorte de redan ou mieux de tour
carrée, où se trouvait également une porte de sortie. Au point
de vue de la défense, cet ouvrage, évidemment construit à une
époque où l'art était encore à l'état d'enfance, n'eût été d'au-
cune ressource parce que sa face étant parallèle aux murailles
de l'enceinte, n'était vue d'aucun endroit de la place et ne
pouvait être défendue.
Après avoir passé la porte que nous avons décrite, on se
trouvait dans une vaste cour que bordaient, à gauche, les
grandes écuries pouvant contenir plus de tiO clievaux et qui, tou-
chant à la voûte de la porte d'entrée et adossées à la muraille,
aboutissaient par une sorte de basse-cour au bastion du Faillis ";
l'étage supérieur était occupé par les greniers et magasins à
fourrages. Un peu plus loin, toujours à gauche et faisant face
au midi, était une seconde écurie, réservée aux chevaux du
seigneur, elle pouvait au besoin en recevoir 2^ à 30 et était très
confortablement installée pour l'époque.
A droite, de vastes communs renfermaient les étables,
granges, vinées et logement des domestiques; puis dans la
partie la plus éloignée du donjon, un unir en pierres de taille,
surmonté d'une fort belle grille, séparait la cour d'une terrasse
conduisant aux jardins.
De la terrasse, on descendait par trois larges escaliers dans
les jardins situés en contrebas. Là, des parterres parfaitement
dessinés, au centre desquels était un bassin avec jet d'eau,
des allées ombragées d'arbres touffus, offraient au promeneur
un coup d'fj^il agréable.
Dans le mur de l'enceinte extérieure qui fermait ces
jardins était percée, à l'ouest, une porte donnant dans le
verger. Celui-ci était situé en dehors du rempart, à droite de
' avenue conduisant au donjon et en face de la place de la
1 . Ce buslioa existe toujours.
2. Ces écuries sont encore tellos qu'autrefois.
228 BOURBONNE AUTREFOIS
Halle ' , il était assez vaste et très productif. Un large bastion
plat et casemate, le dominait et servait 'i défendre ce côté, le
plus faible de la fortification. Une poterne basse était ouverte
dans une des faces de cet ouvrage et permettait au besoin à la
garnison de pénétrer dans l'enclos d'où elle pouvait opérer une
sortie par une baie cachée, pratiquée dans l'angle sud-est de
la muraille extérieure.
Mais revenons à la cour que nous avons un instant quittée.
Au milieu, un peu sur la gauche de l'axe de l'entrée du
donjon, un colombier, bâti en forme de tour, dressait son toit
pointu et élancé, un peu plus loin, une magnifique pièce d'eau
avec un jet très abondant, faisait face à la porte qui s'ouvrait
dans la grille dont nous venons de parler et qui conduisait à la
terrasse.
Celle-ci de niveau avec la cour, s'étendait à droite, jusqu'au
mur de l'enceinte, auquel s'appuyaient en cet endroit deux
constructions, qui subsistent encore, et sont légèrement en
saillie sur le mur qui de ce côté domine toute la ville basse ;
on suppose que ces deux ouvrages étaient, l'un une batterie
couverte et l'autre une sorte de casernement ou de poste de
guetteurs.
De plus, tout l'espace compris entre la muraille extérieure
et le rempart du château, c'est-à-dire dans une largeur de
plus de 1 1 mètres eu moyenne, le sol avait été creusé et for-
mait ainsi un véritable fossé ou chemin couvert si on le pré-
fère, abrité partout par les parapets et les merlons qui lui ser-
vaient de contrescarpe.
On comprend de quelle utilité était, au point de vue de la
défense, ce corridor, comme ou nommait alors les chemins
couverts -, qui permettait à l'assiégé d"y loger des troupes, à
l'abri du feu de l'ennemi et pouvant lui rendre difficile l'ap-
proche de la place. C'est là également qu'il était d'usage d'as-
sembler les détachements destinés à faire les sorties, et en cas
(le retraite, ils y trouvaient un refuge sûr et commode.
Une l>an(iuolte en terre permettait aux combattants de tirer
par les créneaux dont les murs étaient percés; banquettes et
créneaux ont disparu aujourd'hui , mais le mur d'enceinte, nous
1 . Le verger occupait remplacement de la maison Cadet.
2. On appelait aussi Lices l'espace compris entre deux enceintes de l'orti-
fication.
ET nOURBONNE AUJOURD'HUI 229
lavons dit, est resté debout et on peut encore se rendre
compte, en faisant le tour à l'intérieur, de ce qu'était le che-
min couvert que nous venons de décrire.
De la cour on ne pénétrait dans cette partie de la place que
par une seule entrée, fort étroite, située dans l'angle de la
muraille, à l'endroit même ou celle-ci se réunissait, au nord,
au mur de l'enceinte extérieure. Cette issue qui, dit un docu-
ment de l'époque auquel nous empruntons ces renseignements \
« estoit mollit estroicte et voustce de telle fin que formait im
<i 2)assaige aisément de/fendable et arda à Venem.y et venait dans
« wig fossez entre le dict rempart et la muraille lequel estoit
« profond: en derrière le dict fossez estoit lehault rempart du
« chastel qui est moult perse pour tirer parmy ceux qui vien-
« droient au fossez 2iour guigner le o'empart. 'Ta dicte pouvait
« cstre re?nparée et ce n estoit au3sg que muraille fart
(' espaisse ou se pouvait mettre hacqueluttes , pcteraux et
« coulevrines. »
Le passage n'avait en effet guère plus de 1 mètre 70 de large
et la voûte 5 mètres de longueur. Il était défendu par un
mâchicoulis ' .
Au centre de la muraille;, à peu près dans l'axe du donjon
extérieur, se trouvait l'entrée réelle du château ; entrée défen-
due par le fossé que nous avons décrit et sur lequel était jeté
un pont-levis. Celui-ci reposait sur deux murs parallèles,
séparés par un intervalle de 3 mètres environ et qui réunissant
la muraille au rempart intérieur, barraient le fossé et suppor-
taient le tablier du pont-levis, à l'extrémité duquel était la
porte môme du château.
Cette porte était peu élevée, de forme cintrée, elle était pra-
tiquée dans le rempart, qui, en cet endroit avait une
épaisseur de plus de 10 pieds et était soutenu par de
fortes voûtes dans l'endroit qu'elle occupait. Outre une pre-
mière barrière ou tète de pont, composée de ventaux k claire-
voie dont les barreaux avaient 7 pieds de hauteur sur 5 ou 6
1 . Fragment d'un étal descriptif du cbflloau de BourLonnc, pif-ce manus-
crite, S., L. N. I). (de notre collection).
2. On nommait ain.si une sorte de galerie, saillante sur le mur, ouverte
par le bas et soutenue par des consoles ou corbeaux cspacds. Cet ouvrage
placé au-des.sus d'une porte permettait de découvrir entre les intcrv.alles dos
consoles le pied de la muraille, et si l'ennemi s'ca approcbait, on jetait sur
lui par ces ouvertures, «les pierres, de l'huile bouillante, etc., etc., ou on lui
tirait des anjuebusades.
230 BOURDONNE AUTREFOIS
poaces de grosseur, et le pont-levis qui eu se relevant fermait
l'entrée, il y avait au milieu de la voûte des orgues suspendues,
qui au besoin complétaient la fermeture et opposaient aux
assaillants un obstacle formidable ' .
Nous n'avons point l'intention de faire ici une étude de la
fortification de l'époque dans tous ses détails ni de décrire une
à une les défenses du château, sur lequel, du reste, il ne nous
a pas été possible de trouver des indications bien étendues.
Mais cependant, en péuôlraut dans l'intérieur du manoir, nous
donnerons aux lecteurs tous les renseignements qui nous sont
parvenus et qui nous paraîtront dignes d'intérêt.
L'emplacement du château s'étendait sur une longueur de 70
mètres environ sur 60 dans la plus grande largeur. Ce qui, en
supposant la fortification régulièrement établie et formant pour
ainsi dire un quadrilatère complet, donnerait une surface totale
de 3090 mètres. Comme on le voit c'était peu, et la place, mal-
gré les apparences, n'avait qu'une importance très secondaire ;
d'autant plus que les constructions n'affectant aucune forme
régulière, mais constituant un assemblage de tours, de massifs
rectangulaires ou de courtines qui les reliaient, ne couvrait en
réalité qu'une surface moindre que celle dont nous venons de
donner l'étendue.
Les murailles étaient massives, construites en pierre du pays,
(probablement de Serqueux) et d'une épaisseur considérable,
puisqu'en certains endroits et notamment dans la grosse tour
ou donjon qui couvrait le pont et servait à battre, à l'ouest, les
dépendances et la ville basse, elle atteignait plus de 3 mètres
et demi, 12 pieds.
Les murs avaient été élevés dans le système du moyen-âge,
c'est-à-dire qu'on avait dû les conserver tels qu'ils furent à
celte époque, en les augmentant seulement des moyens décou-
verts par la science. Ils étaient sans terrassements, munis de
casemates, de mâchicoulis, de nierions, et les tours ainsi que
1. On appelait ainsi, de très forts madriers, en bois dur, presque jux-
taposés et attachés chacun par une corde à un moulinet, qui les maintenait
à la voûte de telle façon que si, en cas do surprise, on voulait les faire
tomber, s'il se trouvait un obstacle qui en arrêtât quelques-uns, les autres
du moins remplissaient leur fonction, barraient le passage.
Ce genre de fermeture avait remplacé la herse, qu'il était qucbjuefois
impossible de baisser entièremant si le passage était obstrué partiellement,
car alors, les pointes do fer du treillage ne pouvant descendre jusqu'à terre,
laissaient une ouverture qui rendait la herso inutile.
ET BOURBONNE AUJOURD'HUI 231
les endroits les plus faibles, renfermaient des batteries où Ton
pouvait établir de grosses pièces d'artillerie, bombardes ou fau-
conneaux.
On ignore quelle était l'élévation moyenne des murailles,
aucun document n'existe à ce sujet. Mais il est à supposer
qu'elles étaient d'une hauteur respectable, puisque d'après une
note 'que nous avons retrouvée, la bibliothèque du château
était placée au troisième étage du donjon. Tout ce que nous
pouvons dire, c'est qu'en dehors des constructions ordinaires,
il comportait d'abord : le donjon dont nous venons de parler,
lequel avait la forme d'un hexagone irrégulier, ayant près de
20 mètres de face ; puis, à l'est et dominant le cours de l'A-
pance, deux tours très fortes ayant au moins une circonférence
de 38 à 40 mètres, crénelées, armées de canons qui garnis-
saient les nombreuses meurtrières ou embrasures qu'on y avait
pratiquées et reliées entre elles par une courtine d'un peu plus
de 15 mètres; enfin et au nord un grand ouvrage de forme
rectangulaire couvrant une superficie de IliO mètres carrés et
dont on armait formidablement les étages supérieurs, aménagés
en casemates. Il existait encore trois ou quatre tours et tou-
relles, mais destinées cà renfermer les escaliers, elles étaient de
moindres dimensions et beaucoup moins élevées.
Lorsqu'ayant passe le pont-levis on pénétrait dans l'inté-
rieur de la place, on se trouvait dans une avant cour ou petite
place d'armes, encaissée de tous côtés entre les hautes murailles
delà fortification qui la dominait et commandée surtout par une
sorte de tour de construction massive, qui faisait partie adhé-
rente du bastion hexagone avec lequel elle contribuait à
défendre la porte du château et qui ouvrait sur cette cour de
menaçantes ouvertures pouvant à l'occasion foudroyer les
assaillants.
A quelques pas de la voûte était un nouvel obstacle qui
coupait en deux parties la place d'armes. C'était une sorte de
barrière faite de forts pilastres de pierre entre lesquels on ten-
dait d'énormes chaînes en fer, afin de retarder la marche de
l'ennemi et de le laisser plus longtemps sous le feu de l'artillerie
de la tour. C'est dans cette dernière qu'était placé le corps-de-
garde.
Au fond, on avait en face de soi le logis, la demeure
i. Celti^ noti' que nous possédons est mnnuscril(^ et non signée, aussi cri
donnons-nous l'assertion sous toutes réserves.
232 BOURBONNE AUTREFOIS
du sûigaeur, lourd bàtimeul reclaiigulaire, ayant plutôt
l'aspect d'une caserne que d'une habitation seigneuriale.
Pour y arriver, il fallait franchir une nouvelle porte, ouverte
dans l'angle à droite, au fond de l'avant-cour. Celte porte con-
duisait à la grande place d'armes du château, longue de 29
mètres et large de 15 et sur laquelle prenaient jour les fenêtres
dumanoirdont la façade sedressait sombre, regardant le midi et
de tous côtés dominée par les tours , tourelles et constructions de
toute nature et de toute forme qui composaient la fortification
et protégeaient en les enfermant, les édifices habités. Le sol de
la place d'armes étant moins élevé que celui de l'avaat-cour,
un escalier de quelques marches conduisait aux appartements
du rez-de-chaussée, auxquels une petite tourelle qui était
appuyée à l'angle sud-ouest de la maison, servait d'anti-
chambre ; les étages supérieurs étaient desservis par un large
escalier en pierre prenant naissance dans la cour môme et
situé dans une tour qui couvrait une grande partie de la
façade, au-dessus de laquelle s'élançait son toit pointu.
A droite et à gauche du bâtiment, mais en arrière,
deux autres escaliers, l'un partant de l'avant-cour et
l'autre de la grande place d'armes, servaient à monter
aux remparts et aux constructions qui s'y appuyaient. Ces
escaliers aboutissaient à une plate-forme qui, au nord et à l'est
régnait à l'intérieur et donnait accès dans les casernes, case-
mates, magasins placés sur son parcours, et condui-
sait aux deux tours formant le front Est delà fortification. Un
autre escalier, renfermé dans une tourelle, mettait également
celte partie de la place en communication directe avec la cour
intérieure.
Eu face du logis, regardant le nord, étaient les communs,
casernements, logement des hommes d'armes et des serviteurs
du château. Cette portion de l'habitation dont les murailles se
dressaient menaçantes au-dessus de la ville-basse, avait une
porte de communicalion directe avec le chemin couvert, ce qui
permettait à la garnison, en cas d'alerte, de se porter rapide-
ment de ce côté des remparts extérieurs et de surveiller aisé-
ment ce qui se passait dans le bourg et ses environs. Quatre
autres poternes, placées en différents points du rempart,
avaient le même but.
Enfin, adossée au bastion hexagonal, se trouvait la prison,
sorte de tour basse, formée d'épaisses murailles et ne recevant
le jour que par un soupirail placé à la partie supérieure. Un
ET BOURBONNE AUJOURD'HUI 233
étroit passage y conduisait depuis le fossé, mais un couloir
secret, pratiqué dans la muraille, et partant de la cour inté-
rieure, permettait de surveiller, sans être vu, les agissements
des prisonniers qui y étaient renfermés.
Tel était le château au siècle dernier; tel, du moins, nous le
montrent les quelques documents que nous avons pu nous
procurer à son sujet.
Que sont devenues les tours elles murailles? Qu'estdevenule
logis ? Où sont les casemates etles créneaux? — Le temps les a fait
disparaître; l'incendie et la civilisation ont aidé à l'œuvre du
temps. Ce qui fut une forteresse n'est plus aujourd'hui qu'un très
beau jardin, planté à l'anglaise, occupant le plateau tout entier,
au milieu duquel s'élève une habitation toute moderne, placée
en partie sur les parterres d'autrefois et sur le lieu où se trou-
vaient les vinées et granges, à droite de la cour d'entrée; seules
les écuries, dont l'une a été transformée en serre ou orangerie,
le donjon et la casemate qui commandent la ville, au midi, at-
testent que Là fut la maison-forte des seigneurs de Bourbonne.
Les deux tours de l'est on du moins leurs ruines ont été
ensevelies, en 1821, sous les terres qui forment la terrasse
plantée des jardins et l'on pourrait encore en retrouver les
restes* .
Le terrain qui fut la place de la halle est aujourd'hui un jar-
din particulier ; sur l'emplacement du verger dont la superficie
a été distraite de la propriété, on a construit une maison qui
appartint d'abord au Commandant Mercier, puis à M. Cadet
qui la possède encore.
Le château moderne est la propriété do M. Ghevandier de
Valdrôme.
Bibliothèque du chûteau
Eu terminant ce chapitre, nous dirons quelques mots de la
bibliothèque du château, vendue par M. d'Avaux à M. cVîBau-
court, aloi'S coadjuteur de Clairvaux, moyennant la somme de
133,000 livres. Estimée d'abord 382,359 livres 18 sols, elle
avait été mise à prix à 102,939 1. 17 s. G d.
1. Nous tenons ces ronaeignements de la bouche même do M, V' Lalié-
raid, ancien propriétaire du clidlcau, d'après les ordres duquel la terrasse
a été élevée .sur l'emplacement des deux tours dont les ruines onforméos
dans le massif dos terres, soutiennent ces dernières.
234 BOURBONNE AUTREFOIS
Celle importanle collection ne provenait point des anciens
seigneurs de Bourbonne; elle appartenait à M. Bouliier, pré-
sidenl à Mortier, au Parlement de Dijon, membre de l'Aca-
démie française^ après lequel elle passa par alliance à la maison
de Charlraire "^ , puis à M. d'Avaux^ .
La bibliothèque des Bouhier, réputée comme une des plus
riches de l'époque, avait été formée par neuf générations
d'hommes passionnés pour les livres.
Depuis Louis XIJ jusqu'à Louis XV, sept personnages du
nom de Bouhier se succédèrent dans les charges du Parlement
de Bourgogne.
A la mort du sixième Bouhier, la bibliothèque passa entre
les mains de son fils, le dernier et le plus illustre de la famille.
Conseiller au Parlement à 21 ans et à 31 président à Mortier;
il s'était acquis une si grande répulation comme savant et
comme littérateur que l'Académie l'admit en son sein à l'una-
nimité des suffrages, le 16 juin 1727.
En de telles mains, la bibliothèque des Bouhier reçut encore
des accroissements considérables et ne tarda pas à compter
plus de 35,000 voJumes imprimés, offrant dans- tous les genres,
les ouvrages les meilleurs, les plus beaux et les plus rares,
tous très bien reliés, portant tous sur les plats de leur cou-
verture en veau fauve, le veau d'or qui rappelle le nom du
maître " .
Deux mille manuscrits choisis, dont plusieurs étaient du
plus grand prix, complétaient cette magnifique collection que
le Père Louis Jacob dans son traité des plus belles bibliothè-
ques, désignait comme la plus somptueuse du duché de
Bourgogne.
1. Jean Bouhier était ne à Dijon en 1673, il mourut en t736j tour à tour
littérateur, poète, historien et juriste, il a laissé des ouvrages estimes.
2. François-Gabriel Bénigne de Chartraire, seigneur de Bourbonue, épousa
le 7 janvier 1837, la fille du président Bouhier.
3. 1-leinc-Claude de Chartraire fut mariée à 13 ans à M. de Meames
d'Avaux.
4. La note où nous puisons ces renseignements et qui nous a été com-
muniquée gracieusement par M. A. Bonvalletjdc Maizières, fait évidemment
erreur sur ce point; il est bien certain que les livres ne furent point reliés
par M. d'Avaux, qui no songeait qu'à s'en défaire à tout prix, mais bien par
les Bouhier. Le veau d'or frajipé sur le plat des volumes semblerait pourtant
indiquer que M. d'Avaux eu était propriétaire, lorsqu'ils furent revêtus de
CCS armes. Colles des Bouhier étaient d'Azur au chevron d'or, accompagné
en chef d'un Croissant d'argent et en pointe, d'une tête de bœuf d'or.
ET BOUHBONNE AUJOURD'HUI 235
A la morl du président Bouhior qui ne laissait pas de fils,
elle passa par succession à sa fille M'"« de Chartrairc, dont le
mari était également président à Mortier au Parlement de
Dijon. Celui-ci en prit le plus grand soin, continua de l'aug-
menter et l'enrichit de nombreuses acquisitions.
Le fils de M'"" de Charlraire, président au même Parlement,
hérita non-seulement de la bibliothèque de son père, mais
aussi de son zèle à conserver ce précieux dépôt; malheureuse-
ment, il n'eut pas de fils à qui il pût inspirer ses nobles goûts.
Le vicomte d'Avaux, militaire, homme de guerre, plus propre
à manier l'épée que les livres, n'apprécia point le trésor qui lui
fut laissé et chercha par tous les moyens à s'en défaire. Nous
avons vu que le fait d'avoir vendu la bibliothèque est un des
grands reproches dont ou argua dans le procès en séparation
qui lui fut intenté par M"'' de Charlraire sa femme. Il faut con-
venir aussi que la récrimination n'était pas sans fondement ;
car, bien que la somme de 300,000 livres qu'il en avait
demandé tout d'abord, fut bien au-dessous de la valeur réelle,
il céda aux offres de Clairvaux qui lui offrit 135,000 livres
comptant, — La différence était par trop sensible et l'on com-
prend que M'"" d'Avaux, du chef de qui était venue la collec-
tion, ait eu lieu d'être peu satisfaite de voir abandonner à vil
prix, ce trésor de famille'.
A la Piévolution, la Bibliothèque de Clairvaux fut versée
dans celle de Troyes qui, aujourd'hui possède toutes les
richesses qui composaient celle des Bouhier.
H<>pital militaii'C et Bains civils
Il nous reste à examiner les deux établissements thermaux,
mais comme déjà ils ont fait le sujet d'une étude spéciale, aussi
complète que possible " , nous nous bornerons h donner ici des
détails succincts sur leur transformation.
1. La nolerlo laf|ucllo sont extraits les rensein;nemonts que nous donnons
ici, est extraite de l'avertissement mis fu trte du Calalor/uc général des
monumenls, des bibliothèques publiques des déparloncnts, puliliè sous les
auspices de M. le Ministre de l'inslruclion publique, tome II. Paris 1855.
Nota. L'article est signé Haruiaud, conservateur do la Lililiollièque de
Troyes.
2. Notes historiques sur l'hôpital Royal rnililairo do Bourbonne-les-lîains,
avec plusieurs plans et documents enlièremonl inédits sur les thermes de
cette ville, j>ar A. Lacordairo. 1 vol. in-12, Langres, Dallet, 1880.
236 nOURBONNE AUTREFOIS
L'hôpital militaire qui, on le sait, fut construit en 173îi, sur
l'ordre du roi Louis XV, se composait vers 1780 de deux
parties distinctes. L'uue, l'hôpilal proprement dit, comportait
les bâtiments qui, actuellement s'étendent de la rue du Pont-
Bouvard à celle de Borne. Les conslruclions n'ont reçu qu'une
seule modiGcatiou, on a élevé d'un étage toute la portion qui
borde la rue de l'Hôpital, le reste est demeuré tel qu"il était
primitivement.
L'autre, appelée la Convalescence, servait comme son nom
l'indique, au logement et au traitement des militaires en voie
de rétablissement, elle se trouvait en face de la première, à
droite de la rue du Pont-Bouvard et s'étendait jusqu'au bain
Patrice, auquel elle était adjacente. Une cour, un préau cou-
vert et quelques logements, telle était cette annexe do l'hôpi-
tal. Quant au bain Patrice, il était destiné aux malades mili-
taires et civils qui s'y rendaient pendant la saison des eaux.
Connu dès l'époque romaine, il tombait presque en ruines
à l'époque dont nous nous occupons et renfermait une
seule piscine peu étendue, divisée en deux parties par une
cloison; d'un côté baignaient les hommes, de l'autre les
femmes. Eu 1784, on réunit la Convalescence à l'hôpital, en
prolongeant les bâtiments sur la rue, ce qui nécessita l'ouver-
ture d'un passage voûté pour la communication de la rue Pont-
Bouvard. Le préau fut planté, des constructions nouvelles
furent édifiées en façade sur la rue des Bains; enfin, depuis la
Révolution, l'hôpital n'a cessé de subir d'heureuses transfor-
mations qui en ont fait le premier établissement militaire de
ce genre, en France.
Les thermes civils n'étaient, il y a cent ans, autre chose
qu'une sorte de halle, entourée d'un mur k hauteur d'homme
et renfermant deux bassins couverts d'une toiture supportée
par des poteaux en bois. Là se baignaient, pour ainsi dire en plein
air, les malades auxquels leur fortune ne permettait pas de se
faire porter le bain à domicile, cas où ce bain était payé 16 sols.
En 1783, M. d'Avaux résolut de faire changer un si déplo-
rable état de choses, et de construire un établissement plus
convenable. Il mit donc les ouvriers à l'œuvre au commence-
ment de cette môme année, fit démolir une partie des ancien-
nes constructions, les fit rétabhr sur de nouveaux plans, ins-
talla des bains en règle et fit aménager un salon de réunion ;
travaux qui ne furent terminés qu"en 1785. Ces faits .sont
constatés par l'inscription suivante, gravée sur une plaque de
cuivre que l'on trouva dans des fouilles opérées en 1878.
ET BOUKRONNE AUJOURD'HUI 237
LAN M.DCC.L XXXIII
CES BAINS ONT BTTE CONSTRVIT
DES DENIERS DE MESSIRE PAVL D
MESME COMTE d'aVAVX GENTILLO
d'honnevr de MONSBIGNEVR CO
d' ARTOIS, MESTRE DE CAMP DV
REGIMENT DE MEDOC DRAGON
SBIGNEVR MAQVIS DE BOVRBONB
LES BAINS SVIVANT LES PLANS
DE M'" PARIS ARCHITECTE DV ROY
ET DBSSINATEVR DE SON CABINET
SOVS LA CONDVITE DV S»' TÀRRIO
INSPECTBUR.
ET LA RVE COMMIS.
A la mort de M"'* d'Avaux, l'établissement étant revenu à sa
mère, M"^^ de Chartraire, seigneur de Bourbonne, celle-ci le
vendit à lEtal, le 12 septembre 1812.
Une fois propriétaire des thermes, l'Etat les compléta par de
nouveaux travaux; une somme de 2U3,100 fr. fut employée à
acquérir des terrains, maisons, etc., avoisinant les bains pour
agrandir les bâtiments et créer un jardin. Les travaux com-
mencèrent immédiatement ; interrompus par les événements
de 181 'i, ils lurent repris bientôt après et terminés à la fin de
celte même année.
En 1821 , de nouvelles réparations furent faites, car les bâti-
ments étaient déjà en fort mauvais état. Puis enfin, le gouver-
nement se décida à reconstruire en entier l'établissement, très
insuffisant pour les nombreux malades ([ui fréquentent la
station.
Les travaux, commencés vers la fin de 1874, devaient être
achevés dans un délai de trois années, et cependant ils ne le
sont point encore aujourd'hui, en 18831
A quelles causes, à quelles influences fâcheuses devons-nous
ce retard? — nous n'avons point à le rechercher ici — mais
nous déplorons une impardonnabk! incurie et souhaitons vive-
238 BOURBONNE AUTREFOIS
ment (|u'on melle, au plus vile, uu terme à une situation si
préjudiciable à tous.
Souvenirs d'un temps qui n'est plus, ces notes l'auront du
moins fait revivre pour nos concitoyens.
Un jour, espérons-lc, quelqu'aulre viendra, laudator tem-
poris acti, ajouter un nouveau chapitre à ceux-ci et racontera
son tour, à la génération d'alors, ce que fut le passé de Bour-
bonne.
[A suivre). A. Lacordaire.
LETTRI'.S DE M. DE DINTEVILLE*
1589-1597
V
HAUTE-MARNE
1500-1594
I
LANGEE S
Nous croyons utile eu quelques ligues de résumer l'histoire
(le Langres pendant la période à laquelle correspondent les
documents importants que nous publions.
A la mort de Henri III, les habitants se réunirent en assem-
blée générale pour affirmer leur entier dévouement à Henri
IV (12 août 158'J) et ils ne se démentirsnt pas un jour depuis,
malgré les graves périls qui les menaçaient dans un pays où
leur ville seule demeurait fidèle à la monarchie légitime.
L'évêque, Charles des Gars, neutre sous le règne d'Henri III,
se prononça au contraire contre son successeur et mit dans
son château de Montsauljon une garnison qui empêcha les
vendanges dans le Langrois. Il se retira ensuite dans son châ-
teau de Mussy. Au mois de décembre M. de Dinteville s'installa
à Langres et peu après le duc de IN c vers, y étant venu avec
quelques troupes, les habitants en profitèrent pour enlever
Moutsauljou qu'ils démantelèrent, mais pas asseji complète-
ment pour (jue les Ligueurs ne pussent s'y réinstaller forte-
ment. Au mois de mai 1590, l'évêque se soumit au roi et
reçut une garnison avec le sieur d'Autricourt à Mussy.
Toutes ces années furent excessivement malheureuses pour
Langres dépourvu d'argent, privé d'une garnison suffisante
et constamment menacé du dehors d'où les habitants ne pou-
* Voir page 07, lomc XIV, Ue la Kevuc de Champagne cl de Brie.
•210 LETTRES DE M. DE DINTEVILLE
valent presque rien tirer pour leur nourriture. Au mois d'août
1592 les Lorrains faillii-ent, dans la nuit du 19 au 20 août, enle-
ver la ville, comme nous le verrons dans une de nos lettres.
Plusieurs petits mouvements intérieurs aggravèrent encore la
situation. La ville maintenue cependant par Roussat, son maire,
ne laiblit jamais. Au commencement de 1593, les Lorrains
firent encore une tentative et furent rudement battus aux
portes de la ville. Même après l'abjuration du roi, le péril sub-
sista parceque dans ces parages les princes lorrains entretin-
rent aussi longtemjîs que possible une agitation dangereuse.
Au mois de décembre les Langrois jH'ofitèrent de la présence
des Suisses du maréchal de Betz pour reprendre Montsaujon.
Ils échouèrent et la garnison continua encore les plus terribles
excès. Le calme ne se rétablit qu'après la bataille de Fontaine-
Française ; c'est seulement alors que les ligueurs désarmèrent
en Bassigny.
L'honneur de la fidèle résistance de Langres, avons-nous
dit, revient au maire. Jean Roussat appartenait à une famille
noble de Moulins transplantée à Langres au xv» siècle. Entré
de bonne heure au présidial comme lieutenant particulier, il
conquit rapidement la faveur de ses concitoyens et leur dut
l'honneur exceptionnel d'être élu six fois maire de la ville. 11
remplit précisément ces fonctions d'octobre 1.586 à octobre
1590 et d'octobre 1592 à octobre 1593, c'est-à-dire pendant la
durée de la Ligue en Bassigny. Henri IV lui accorda une con-
fiance absolue, comme on peut juger par les nombreuses et
affectueuses lettres qu'il lui adressa et par lesquelles il montre
même qu'il le regardait comme son représentant dans cette ré-
gion de la France. Il était en rapport, probablement à ce titre,
avec Tavanes, commandant militaire en Bourgogne, et avec le
président Frémyot, qui était le chef de la magistrature dans
celte province. Les ligueurs le poursuivaient avec acharne-
ment; ils assassinèrent celui de ses frères qu'il employait
ordinairement pour ses communications confidentielles avec le
roi ; puis ils cherchèrent à accabler Roussat sous de calom-
nieuses accusations, lui faisant reprocher des concussions, fei-
gnant d'entretenir avec lui des relations secrètes pour faire
croire à sa trahison. Nous verrons les sentiments hostiles que
lui portait M. de Dinteville et les accusations qu'il formula
contre lui. Nous verrons aussi les éloquentes protestations du
maire de Langres auquel Henri IV donna toujours raison.
Dinteville ne pouvait supporter patiemment son influence ;
c'est ce qui explique son injustice à l'égard d'un des hommes
LETTKliS L)E M. DE DINTEVILLE 241
qui ouL cortaiucmeut le [)lus honore la Champagne. S'étaul
laigeiaeul endetté pour le service du roi, dans un temps où il
ne pouvait même pas toucher ses revenus, ses ennemis
crurent entin le pouvoir accabler et le voir jetter en prison.
Henri IV prévenu signa une ordonnance pour que les agents
Ilnanciers de la province payassent à Koussat toutes les
sommes qu'il demanderait sans justification, « ne voulant pas
qu'un fidèle sujet du roy se fût ruiné à ses services. » Il ne
l'oublia jamais et Roussat arrivait à Paris pour prendre pos-
session d'une charge de maître de requêtes le jour même du
crime de Kavaillac.
Roussat mourut à Langres en 1613.
Laugres, 11 mai loÙl . Au duc de Nevcrs.
Si celle frontière n'est rapidement secourue d'une forte
armée, elle sera ruinée. Le Conseil de Ville.
Langres, 22 août 1591 . Au duc de Nevers.
« Nous ne vous dirons aultre chose par la présente sinon que
M. de Lorrayne faisant courir le bruit d'aller attaquer M. le
Maréchal d'Aumout, estoit venu en personne pour nous sur-
prendre par les moyens de quelques pétards qu'il vouloit faire
attacher à l'une de nos portes. Mais la prudence de Mgr de
Dinteville, et la vigilance et jugement de M. de Birague qui
est ici avec Monseigneur, faisant la ronde à 2 heures du matin
à la suite des nostres qui recougnurent les pétardiers escortés
des sieurs de Guyoavelle, d'Amblise, Montereul, et il a telle-
ment remédié que lesdits pétardiers suivis de 7000 hommes de
pied et mil chevaulx s'en retournèrent laissant tomber plu-
sieurs de leurs amys, et furent si bien salués de uostre arlille-
rye que si M. de Dinteville eût eu les lOU cuirasses de sa
compagnie, M. de Lorrayne et les siens ne s'en fussent
retournés comme ils estoient venus ^ . »
Le Conseil de Ville.
1 . Le duc de Lorraine ayant appris que les soldats de la garnison
étaieut au (ourrage assez loiu de la ville, résolut de l'eidcver. 11 vint aveu
toute sou armée camper ù 2 lieues, ce dont une i'emmc de la campague vint
prévenir Roussat. Ou ue voulut pas la croire, mais ou redoubla cependant
de précautions. Les Lorrains vinrent pendant la nuit et attaclièrent un pé-
tard à la porte du Marché. M. de Dinteville par un heureux hazurd envoya
M. de Birague l'aire une ronde à 2 heures du mutin. Uirague découvrit les
ennemis, lit tirer dessus ; ils s'eniuirent en désordre et la tentative échoua :
en reconnaissance, une procession fut instituée et se fait encore. Ou
expose ce jour là le pétard de fer à l'Uôlel do Ville. (20 août). 16
242 LETTRES DE M. DE DIN TE VILLE
17 septerabrc 1591. Le Conseil de Langres au duc de Ncvers.
Prière d'empêcher M. de Dinleville de s'éloigner de cette
ville avec sa compagnie au moment où tout menace le pays,
où les ennemis ont pris par escalade le château de Graudseyne
(Grancey) à ij lieues d'ici. On n'a d'espoir que dans les bous
soins du duc ; « la position est désespérante. »
8 novembre 1591. Le Couscil de Laugres au duc de Nevers.
Protestation de fidcUté au roi. Le Conseil avait autorisé M.
de Dinteville à faire entrer une compagnie de 250 Suisses,
mais cela a tellement ému le peuple que le Conseil a sursis en
priant le duc de tenir comjjte du dévouement de la population.
Sauvage, Courtet, Vallelte, Legoux, Mazuret.
Langres, le 12 novembre loOl . M, de Dinteville au même,
Richebourg a du le mettre au courant de la situation ; les
gens de bien croyent que sous ce qu'ont fait le Chastelet, An-
glure et Austrecourt, -a il y avoit autre chose. Il s'en dict et
faict beaucoup de particularités que je ne pais raconter par
escript »
Langres, 29 octobre 1591. M. Roussat à M. de Gesvres.
« Mes ennemis ont maintenant la bouche close et commencent
à reconnaître la faulte qu'ils ont laide. J'espère que Dieu me
donnera la grâce d'en avoir ma raison par justice. Vous y pou-
vez beaucoup et je vous ai supplié, comme je fais par cette
lettre, d en escrire ung mot à Mgr le Président votre frère.
« Les disputes de M. de Chas tellet avec M. de Dinteville con-
tinuent et il y a apparence de quelque fondement de faction
qui s'est jette par deçà sur deux divers sujets, lun sur la reli-
gion, lautrj sur les querelles particulières qui engendrent de
la désobéissance et enfin ne peuvent moins amener qu'un dé-
sordre qui fera congnoistre à S. M. et à vous que je vous ay
escript la vérité. Il est fort aisé d'y donner ordre selon que je
vous escripls, et le pire que j'y vois est trop de licence et au-
thorité que l'on donne au peuple que nous voyons estre la
source de tous nos maux. J'ay entendu que le nouveau maire
avoit escript au roy pour avoir la charge des pacquets d'Alle-
maigne et d'Italie. C'est un fort habile homme jiour le faire ;
il est poussé à cela par ung sien fils qui peut beaucoup s'advan-
cer par ce moyen. Ce sont des catholiques zélés qui pregnent
le salut de la religion par deçà avec son père. »
LETTRES DE M. DE DINTEVILLE 243
Langres, Il novembre 1592. Dintcville au duc do Nevers.
« Je veois ce peuple aller de mal en pis qui me fait beau-
coup craindre l'événement. Les Ghastellets estoient partis
avant hier faisant semblant et disant à chacun qu'ils alloient
trouver le roy. Hier ils retournèrent tout court et passèrent
quasi aux portes de cette ville. Le corps d'icellc vous veult
supplier de faire rentrer les expulsés soubs ombre de l'arrêt
qu'ils ont obtenu. Il me semble que ce seroit toujours ajouter
du bois au feu; mais bien les remettre dans peu de temps que
vous espérez estre icy, et cependant escrire de bonnes lettres à
ceulx de la ville, qu'ils aient à croire les serviteurs du roy,
non les autres. Anglure fait estât d'aller trouver le roi pour le
gouvernement et en a composé à 10000 1. du moins c'est ce
qui se dit. »
Langres, 13 novembre 1591. Diute ville au duc de Nevers • .
II écrit pour représenter l'état iuquiétant de la ville. Les
troupes lorraines sont entre Langres, Goiffy et Montigny. Il y
a urgence à aviser sans aucun retard.
22 novembre 1591 . Le chapitre de Langres au duc de Nevers.
Pour prier le duc de faire revenir cinq chanoines qu'on avait
éloignés, en leur rendant leurs maisons, bénéfices, etc.
Langres, 22 novembre. Dinteville au même.
Vif regret en recevant sa lettre du 30 annonçant que sou
arrivée est retardée. Il lui rappelle que depuis longtemps il l'a
prévenu des pratiques des Lorrains dans cette ville, que
notamment depuis trois mois il ne lui a pas écrit une fois sans
l'en entretenir. Il croit que les lettres d'Espagne ont fait beau-
coup de mal. — Ayant appris que le duc de Lorraine voulait
envoyer quelques troupes à M. de Vaudemont pour entrer en
France, il a vu « comme une preuve de la bouté de Dieu »
que les Suisses étaient encore sous sa main pour pouvoir s'y
opposer. Le colonel avec sou enseigae fut placé dans le fau-
bourg de Langres, du consentement du Coubcil de Ville et de
la plupart des habitants. Le surplus fut réparti entre Coifîy,
Ghâteauvilain, Montiguy et les autres places de la frontière
jus([u"aux ordres définitifs du duc. « Eu même temps les Ghas-
tellets (jui trois jours auj)aravanl vouloieut faire entrer leur
1 . En chiffres.
244 LETTRES DE M. DE DINTEVILLE
père icy qui depuis la mort du feu roy a toujours esté à Nancy
ou eu Lorraiue, uiarchèreut à visage plus ouvert. (J'estois
tombé malade déjà de la fièvre et d'uu grand catare qui me
lesoit tenir le lit), vont aux portes et maisons particulières sur
la muraille la nuit dire au menu peuple qu'ils se gardassent
bien de recevoir les Suisses, que c'estoit leur oster leur liberté,
qu'ils mourroient avec eux pourveu qu'ils les vouloissent
croire. Cela leur fut aisé de persuader et soulever ce peuple
qui ne parlant que de liberté vinrent jusques aux menaces
envers le maire et le lendemain vouloieut empêcher qu'on
portast des vivres aux Suisses. Anglure et Aultricourt ont
esté avec eux. Geste ville est réduite comme divisée, et moy
seul parmy eux, hors quelques gentilshommes qui y sont à
leurs frais, mais c'est peu en nombre, n'ayant pu placer icy
les cuirasses dont il vous a pieu me faire le commandement,
faulte de fonds. » 11 redoute beaucoup que le duc de Lorraine
informé de l'état de la place ne s'en approche. La présence du
duc de Nevers est urgente, « autrement je crains quand vous
y voudrez remédier qu'il n'en soit plus saison. » Il a voulu
placer les Suisses pour les garder à sa portée, mais bien qu'il
les eût payés, le comte de Ghàleauvilain a refusé de les rece-
voir, ce qui a décidé M. de Birague a les <■< enlever » jusqu'aux
faubourgs de Sézanne. — Le président Blancmesnil le réclame
à Chàlons ; le baron d'Aix est à Mussy avec 100 chevaux et
1 50 fantassins, ce qui coûte trop cher. « Ce qui se passe de ce
coslé de nostre province est si désordonné que tel village qui
ne paye que 12 écus de taille par an, en paye 14 par mois. Je
vous assure que si le roy et vous n'y donnez ordre, il est
impossible que ce peuple vive. La guerre ne s'y fait le plus
souvent qu'aux paysans et le commerce s'éteint partout quasi.
Le prince de Parme est prêt à entrer eu France. »
{A suivre).
NÉCROLOGIE
Nous mentionnerons comme grand événement liistorique la mort de
Mgr le comte de Chambord, le 24 août, au château de FrosdoiiT.
N'ayant pas eu d'enfant de son mariage avec l'archiduchesse Marie-
Thérèse d'Autriche-Eslc-Modène, le chef de la maison de France est
aujourd'hui Mgr le comte de Paris. Un service solennel pour le repos
de l'àme de l'auguste défunt a été célébré le 10 septembre dans la
cathédrale de Reims oîi tant de rois ont été sacrés. L'absouto a été
donnée parM. l'abbé Tourneur, vicaire-général. L'assistance était très
nombreuse et comptait des représentants de toutes les classes de la
société. Parmi les personnes présentes, venues de tous les points du dé-
partement, nous citerons : MM. et M'"« Werlé; Henri Paris, président du
comité royaliste; Chandon de Briailles, comte du Fou, colonel de Varen-
nes, baron de Saint-Vincent, baron et abbé de Baye ; marquis, comte
et comtesse de Lesseviile ; comte et comtesse de Maigret, baron et
baronne d'Aubilly, vicomtesse et vicomte de Champeaux-Verneuil,
l'un des zouaves de Gharelte qui a veillé la dernière nuit le corps du
prince ; comte et comtesse E. de Barthélémy, vicomte et vicomtesse
Ch. de Briment. MM. Le Verger, Goulet, vicomte de La Guérinière,
vicomte de Vesvrotte, M. de Muizon, M. Menesson, la comtesse de
Saisseval, général baron et baronne de Susbielle, baron et baronne
de Massias, l'amiral Fabre de La Maurelie, M. Tardif, conseiller à la
cour de cassation, M. Brnnot de Boyer, etc.
*
Un érudit rémois vient de mourir le 5 septembre à Reims. M. L. S.
Fanart laisse de nombreux travaux sur la littérature et la musique
qui ont paru dans les Mémoires de l'Académie, dont il était le der-
nier membre fondateur survivant. Nous citerons parmi ses principiux
travaux la notice sur AlfonsePérin et ses peintures do Notre-Dame de
Loretta; la note sur les morceaux de musique contenus dans le manus-
crit de Jean Pussort ; notice sur un tableau de l'église Saint-Remy et
sur la chapelle pontificale qui y est représentée, etc. Il était né à
Reims en 1807 et se fit connaître de bonne heure comme organiste.
¥ *
Nous apprenons la mort de Mgr Lion, archevêque titulaire de
Damiette ; il appartenait à une honorable famille des environs de Reims
où il était né le 6 juillet 1826. Entré dans l'ordre des Frères Prêcheurs,
il fut envoyé, sur sa demande, à la mission de Mossoul. Le 3 mars
1874, le Saint Père le nomma comme archevêque de Damiette — où
il est mort — , délégué apostolique en Mésopotamie, Kurdistan et
Petite Arménie, et administrateur apostolique de l'archidiocèse de
Babylone, Il avait assisté l'an dernier au Triduum des fêtes de saint
L'rbain, à Reims. C'est à lui que revient l'honneur d'avoir éteint le
schisme en Mésopotriiuie. — Armes : D'nzur au lion, li'iiant une
croix d'or.
BIBLIOGRAPHIE
La librairie Renart vient de publier un excellent Guide du voya-
geur et de l'étranger dans Reims (in-18, avec plan). C'est un travail
complet avec de bonnes notices historiques, d'après les mémoires
plus étendus qui ont composé, l'an dernier, le remarquable volume
consacré à Reims par le Congrès de l'avancement des sciences. Nous
ne saurions trop le recommander, car, bien souvent, on vient à Reims
sans savoir les nombreuses curiosités qu'il y a à y voir.
* *
M. A. de Barthélémy vient de donner aux Archives de l'Orient
latin un travail d'une haute valeur, tiré malheureusement à part à
un trop petit nombre d'exemplaires. Il est intitulé : Chartes de
départ et de retour des comtes de Dampierre-en-Astenois, IV" et
Te croisades. Nous trouvons là vingt chartes inédites, empruntées
aux Archives de la Marne, du plus grand intérêt pour l'histoire des
croisades. Mais M. de Barthélémy y élucide un fait important, l'origine
des comtes de Dampierre, dont les armes ne figurent même pas au
Musée de Versailles, dont aucun généalogiste ne parle avec détail, et
qui, malgré leur illustration et leur haute position féodale, sont restés
jusqu'à ce jour presque inconnus ou confondus avec de nombreux ho-
monymes.
M. A. de Barthélémy, le premier, démontre que les comtes d'Aste-
nois, dont les descendants furent les comtes de Dampierre- le-Ghâteau,
près de Sainte-Menehould, étaient issus d'un cadet des comtes de
Toul. L'Astenois comprenait les paroisses des anciens doyennés de
Sainte-Menehould et de Possesse : son chef-lieu primitif était, d'après
les recherches de M. Longnon, au Vieil-Dampierre.
Ce chapitre de l'histoire d'un croisé champenois est très intéressant.
Renard de Dampierre jusqu'en 1199 n'était connu que par ses géné-
reuses aumônes ; à partir de cette date, ses donations révèlent son
projet de se croiser. Il partit au mois de juin 1202 et il paraît avoir
supporté avec peine les atermoiements apportés par le roi Amaury à
la guerre contre les infidèles. Il se décida alors à se mêler aux luttes
privées en combattant pour Rohémond, prince d'Antioche contre son
neveu et héritier Raymond ; il partit avec un corps levé par
lui ol ayant di'i passer sur le territoire musulman, il fut pris et em-
mené à Alej), pendant que nombre de ses compagnons périssaient l'épée
à la main. Il demeura captif pendant 29 ans et fut ensuite racheté par
les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qu'il indemnisa après son
retour, par d'importantes donations en Champagne. Il mourut au mois
de mars I23'i, ayant trouvé, remarque M. de Barthélémy, qu'en son
BIBLIOGRAPHIE 247
absence, ses enfants avaient usé un peu trop largement de ses domai-
nes dans leurs libéralités ; il formula môme plusieurs revendications
qui se terminèrent par des transactions et des renonciations : ainsi
l'abbaye de Montier dut rendre 600 livres de Provins, 10 vaches et
100 moutons; celle de Cheminon, un cens de 40 seliers d'avoine, etc.
Nous relèverons dans les Comptes des bâtimetits du roy (1528-1571)
publiés par M. le marquis de La Borde dans la collection des Mémoi-
res de la Société de l'art français, (2 vol. in-8", Paris, Baux 1877),
les noms dedeux artistes champenois : Jacques Gonquet, dit de Langres,
maître maçon, employé en 1565 aux travaux de Fontainebleau; et
Nicolas de Lassus, dit do Chaalons. peintre verrier, employé au même
palais lie 1537 à 1540. Cotte dernière mention a (rnntnni plus d'intérêt
que le nom de Lassus ligure dans les comptes de la fabrique de Notre-
Dame de Chàlons, pour ses verrières, en 1552-1553.
La grande publication artistique et archéologique entreprise à Reims
au prix do longs sacrifices, se poursuit avec un grand succès. Cinq
livraisons in-folio ont paru, dans lesquellesse trouvent les monogra]ihies
de l'Hôtel de Ville, du théâtre, de l'Hôtel Ferêt de Montlaurent, le
cloître de la cathédrale, le collège des Bons Enfants, par MM. Louis
Paris, l'abbé Gaillet, Givelet; tous les dessins de M. Leblan sont irré-
prochables. C'est réellement une publication hors ligne et oi!i le texte
mérite également les plus complets éloges.
Vient de paraître à Reims (imprimerie Bugg), une brochure tirée à
petit nombre et du plus grand intérêt : Annales de Reims de 1789 à
1802, par M. le chanoine Cerf. Ce travail résume presque jour par
jour les événements survenus à Reims durant colle triste période.
L'auteur les a surtout tirés d'un recueil fort rare, « la Correspondance-
générale de V Europe », rédigée de 1780 à 1702 par le nommé iîeau-
court dit Cou])el, procureur de la commune deRoims. L'auteury ajoint
les détails lt!S plus intéressants sur los églises de la ville, particulière-
ment sur la cathédrale, en consultant les délibérations des Conseils de
fabrique, conservées à la Bibliolhèque do l'archevêché. On suit là
dans le plus grand détail le progrès des idées révolutionnaires et on en
constate les excès. M. le chanoine Cerf a su donner à ces annales la
prtkîision d'un iirocès-vi-rhal absolument impartial ot par conséquent
indiscutable.
Nous avons à mentionner quelques nouvelles publications, D'.ibord
248 BIBLIOGRAPHIE
les Cor^'espondants de la marquise de Balleroy, par le comte E. de
Barthélémy (2 vol. in-8", Paris, Hachette), recueil intéressant pour
l'histoire intime du premier quart du xviii'^ siècle : il se compose de
lettres adressées ;ï Mm*-" de Baileroy i)ar ses parents qui occupaient les
premiers rangs dans la Société : les Gaumarlin, les d'Argenson, Bre-
teuil, Brancas, Comminges, etc. M. de Barthélémy y a joint des noti-
ces complètes sur les familles de Caumartin et de Baileroy et a eu
àparler longuement, notamment, de M. deCaumartin qui fut intendant
de Champagne et y présida à la Recherche de la noblesse.
Documents inédits sur la famille du chancelier Gerson et sur les
villages de Gerson et de Barbij (.\rdennes). In-8», Reims, Monce. A
petit nombre.
«
* *
Les loisirs d'un curé, in-8°, Chaumont. C'est le rajiport du maire de
Rochefort (Haute-Marne) sur les actes de dévouement, de M. l'abbé
Marchai, curé de cette paroisse, en vue du concours du prix Monlhion.
*
* *
Ancienne et nouvelle discipline du diocèse de Troyes. de 1785 à
1843, quatre volumes in-S", par M. l'abbé Ijalore.
CHRONIQUE
Notre article sur les mémoires de madame de Tourzel contient une
faute d'impression que nous sommes heureux d'avoir commise, car
elle nous vaut une lettre d'un trop haut intérêt pour ne pas trouver
place dans la Revue. E. de B.
Vitry-le-François, 29 juillet 1883.
Monsieur et très-honor6 Collègue,
Permettez-moi de vous signaler une légère faute d'impression qui
s'est glissée dans votre très-intéressante notice sur le Retour de
VareiDies, faute que je vous serai très-obligé de faire rectifier sur le
prochain numéro de la Revue de Champagne et de Brie.
Le maître de poste de Ghàlons (p. i5) ne s'appelait pas Viot, mais
Viet ; c'était en effet Antoine-Nicolas Viet, « l'honnête M. Viet » des
Annuaires de la Marne.
Cet honnête homme, dont Lamartine a dit dans ses Girondins « Le
sang de son roi ne toucha pas cet homme parmi tout ce peuple », est
mort à Châlons le 4 septembre 1806.
C'était le bisaïeul paternel de ma mère, Adèle Viet, encore existante,
et dont le père, négociant à Vitry-le~François, y mourut jeune encore
en 1831. — Avec lui s'éteignit ce nom modeste, mais honorable.
Comme vous, très honoré Collègue, j'avais trouvé, en lisant tout
récemment les Mémoires de madame de Tourzel, que cette fidèle et
dévouée compagne du voyage de Varennes, avait commis une erreur
assez lourde en disant : « Nous passâmes à Châlons sans être recon-
nus. » Cette assertion est contraire à tous les souvenirs locaux et à
ce qui est désormais admis comme vérité historique.
Il paraît même certain, suivant les traditions conservées dans la
famille Viet, que le Roi avait été reconnu à la Poste aux Chevaux qui
précédait immédiatement Châlons, celle de Chaintrix, dont le titulaire
était alors J.-B. de Lagny.
Au passage dos voitures, celui-ci, dont la fille aînée était mariée à
Charlemagne Viet, fils du maître des postes do Châlons, ordonna à
son gendre de remplacer un postillon en montant de suite sur un des
chevaux de la principale voiture et de partir â fond de train ])0ur
Châlons.
Le fait de cotte course précipitée s'accorde d'ailleurs assez l>ien avec
la phrase où madame de Tourzel (tome I, p. 310), dit que les chevaux
de la voiture du Roi s'abattirent deux fois entre Nintre et Châlons,
faute d'imjiression évidente, au lieu de Chaintrix (on j)rononce
250 CHRONIQUE
Chaintry) — puisqu'il n'y a entre ce village et Châlons aucun lieu
dont le nom ressemble à Nintré, — et que d'ailleurs il n'y avait pas
de reiai de poste h Thibie, seul village que l'on traverse i)Our aller do
Cliaintrix à Châlons (20 kilomètres). — Ceci vous sera facile à vérifier
sur une carte de la Marne.
C'est donc Charleraagne Viet qui aurait appris à son père, à son
arrivée à Châlons, quels étaient les voyageurs qu'il venait d'y amener.
Comme souvenir ayant toujours été rattaché au voyage de Varennes,
on a conservé précieusement dans ma famille deux grandes écuelles
d'argent aux armes de France et portant sur leurs anses deux effigies
en relief surmontées de la couronne royale.
Quant à la maison de poste de Chaintrix, qui est encore en notre
possession, elle est restée telle qu'elle était en 1791 ; ma grand'mère,
la veuve de Charlemagne Viet, devenue en seconde noce Mme Mille,
l'habita jusqu'à sa mort en 1851, époque où la création de la ligne de
l'Est plongea dans un calme voisin du marasme, cette route ci-devant
royale, jadis si animée.
Pardon de ces détails sur lesquels je pourrai avoir l'occasion de
revenir avec vous ; mais je sais que rien de ce qui touche à notre
histoire de Champagne ne vous laisse indifférent et je vous prie
d'agréer, très honoré Collègue, l'expression de mes sentiments les
plus distingués.
D'' L. Vast,
Président de la Société des Sciences et des Arls
de Viiry-le-François .
*
L'enlèvement de M"<= de Sallenove. — Tallemant des Réaux a
raconté longuement l'aventure de M"'^ de Sallenauve ' , fille du seigneur
de Guisle et de Perrette Goujon de Thuisy, que M. de Saint-Etienne,
fils de Jean de Beaumont, gouverneur de Château-Renaud, enleva en
plein jour, à Reims. L'affaire fit grand bruit et causa la mort de plu-
sieurs personnes; depuis, l'héroïne épousa M. de Livron, marquis de
Bourbonne qui, dès 1670, était entré dans les ordres.
Nous donnons l'acte de plainte formé devant le prévôt de Mézlères,
que nous devons à l'obligeance de M. le comte 0. de Gourjault. (]e
document est d'autant plus intéressant que Tallemant ne fournit aucun
détail sur l'enlèvement proprement dit.
Les deux autres pièces, cotées aux archives nationales, kk. 10G9,
r 105 et 108 sont relatives au commencement d'instruction contre
M. de Saint-Etienne.
1G44. — Noble homme Gérosme Goujon, sieur de Thuisy, et
1. Historiette, tome VI, page 3S.
CHRONIQUE 251
Claude Goujon, siour de Vaux requièrent le prévôt de Mézièros d'avoir
à faire assister Nicolas de Biaise, serviteur domestique du s'' Claude
de S. Estienne qui est en ceste ville de Mézières pour estre interrogé.
Le 9 mars 1644 vers les 10 ou 11 h. du matin il alla attendre le s' de
S. Estienne dehors la porte de Reims ; il était accompagné d'un petit
laquais dudit lieu. Il vit ledit s' sortir dudit Reims parla porte Mars,
son carrosse attelé de deux chevaux, sept ou huit cavaliers l'atten-
daient, puis d'autres survinrent. Ils étaient en tout 25 environ, cara-
bins du régiment de St-Estienne ; on ajouta 3 ou 4 chevaux au car-
rosse ; ils passèrent près de Witry par Tugny et de là à Pierrepont
près Launois et puis à Sept-Fontaines, sans avoir fait aucune pose ni
délDridé, sinon entre bois de la vallée de Bourdeux et ledit Pierrepont
où ils prirent quelque légère réfection, et arrivèrent audit Sept-Fon-
taines environ une heure après minuit en attendant le point du jour ;
après quoi ledit S. Estienne continua son chemin iirocho Voncy, il
aurait enfilé le chemin du bois qui suit au-dessus de Charloville, et le
déposant étant venu à Charleville pour achepter de la viande, aurait
été arresté. Les chemins étant très mauvais dans la vallée de Bour-
deux, M. de S. Etienne prit la demoiselle on croupe et un des cavaliers
prit également la suivante en croupe.
Interrogé s'il a entendu les dites demoiselles se plaindre, répond
qu'il n'a pu entendre ce qu'elles disaient parce qu'elles avaient la
figure couverte ' .
A. dit qu'elle s'appelle de Sallenove de Cuisle et la suivante du nom
d'Ursule.
Interrogé si le dit S. Etienne n'a pas enfilé le chemin de Clavy, a
dit qu'il n'en savait rien.
Interrogé s'il n'y avait pas quelques gentilshommes, répond qu'il y
avait plusieurs officiers de son régiment ; mais ignore leurs noms.
Le sergent de Reims prétend que MM. de Bezanne et de Nouvion
en estoient.
L'enlèvement de la demoiselle, petite-fllle de M. le président Goujon
lut fait à l'issue de la messe à l'église S. Hilaire de Reims.
(Prévôté do Mézières).
De par le Roy,
Sur la jilainte qui a esté faite à Sa M'^ par les parents de d"o Claude
1 . Saint-Etienne la garda assez longtemps à Château-Renault, mais il
paraît qu'elle se lassa de lui et obtint do se retirer à Mézières, dans un
couvent où la supérieure était la tante du ravisseur. Son oncle Tliuisy la
ramena chez les Cordeliôres de Heiins. La reine ot les princes de Condé s'en
mêlèrent. Au bout d'un ;in, M. d'Eloges conduisit M"" de Sallenove, sa cou-
sine, chez lui ; c'est lui qui lui fit épouser, malgré une vive répuf^nnnce,
son neveu de Bourbonne.
252 CHRONIQUE
do Salnove fille aagée de 15 à 16 ans quelle auroit esté ravie et enlevée
contre son gré le 9 de ce mois sortant de l'esglise St-IIilaire de nostre
ville (lo Reims parle s^de St-Eslienne, 111s du s»" de St-Esliennc, gouv»"
de Chasteau-Renaud accompagné de nombre de cavaliers qui l'ont
menée de conduite par force audit Chasteau-R., et ne voulant qu'une
telle violence demeure impunie et en attendant qu'on en puisse avoir
plus ample oonnoissance pour procéder par les voies de la justice
contre les autheurs et coulpables de ce rapt. Sa Majesté par l'advis de
la royne régente, sa mère, a ordonné au s"" de Melville un des exempts
de ses gardes escossois de se transporter le plus diligemment quil
luy sera possible audit Chasteau-Regnaud et là faire très exprès com-
mandement de par Sa Majesté, tant audit s' de St-Estienne filz qu'à son
père et tous autres commandants en ladite place dt». mettre immédia-
tement ladite d''" de Salnove en possession dudit sieur de Melville, à
peine de désobéissance et de peine exemplaire pour estre aussitost
après remise es mains du s^ de Thuisy son curateur avec escorte suf-
fisante jusqu'en lieu de seureté, faire injonction aux s""» de S. Esticnne
père et fils de venir en Cour rendre compte de ceste action dans 15
jours. Et s'ils fesoient relfus d'obéir au commandement qui leur seroit
ainsy faict de la ])art de sadite M'" ; mande aux gouverneurs et lieu-
tenants-généraux des provinces, gouverneurs particuliers des villes et
autres commandants, gens de guerre, prévosts de mareschaux et autres
officiers d'assister pour donner main forte audit s»' de Melville, en sorte
que force en demeure à la justice ; que si ladite demoiselle avoit esté
emmenée ailleurs, dedans ou dehors le royaume, en informer par ledit
sr deMelviUeet s'y transporter pour se saisir d'elle et de ceux qui l'au-
ront conduite et les amener en ceste ville de Paris. Sa Majesté priant
tous Roys, Princes, Républiques, ses bons amis alliez et requérants,
leurs officiers et magistrats.
Fait à Paris, le 16 mars 1644.
De par le Roi.
yj de St-Estienne. Des parents de d"" Claude de Salnove, fille aagée
de If) à 16 ans, m'ont faict plainte quelle a esté ravie et enlevée contre
son gré le 9n»e de ce mois sortant de l'église de St-Hilaire de ma ville
de Rheims par le s"" de St-Estienne votre filz, accompagné de nombre
de cavaliers qui l'ont menée et conduite par force au Chasteau-Renaud
surquoy je vous escris la présente, par ladvis de la Reine Régente, pour
vous ordonner obéir aux ordres que jay donnez suf ce sujet au sr de
Melville l'un des exempts de mes gardes escossois, pour faire injonc-
tion à vostre fils, à vous et à ceux qui commandent à Chasteau-R., de
mettre à linstant la d"« de Sallenove en sa possession, de me venir
rendre compte de vostre action-, et m'assourant que vous ne manquerez
d'exécuter en cela ce qui est de ma volonté, jeprie Dieu quil vous ayt,
M. de St-Estienne, en sa garde.
A Paris, le 16 mars 1644.
*
CHRONIQUE 253
Monsieur le RéJacleur,
Le but que se propose la Revue de Champagne et de Brie, élant
de recueillir tous les renseignemenis concernant l'histoire locale, je
crois devoir signaler à ses lecteurs, des objets d'art provenant de l'an-
cienne Chartreuse du Mont-Dieu, au diocèse de Reims. Echappées à la
tourmente révolutionnaire, ces richesses ornent maintenant deux de
nos humbles églises de campagne ; Ghémery, du canton de Raucourt,
et les Grandes-Armoises, du canton du Ghesne, paroisses confinant
toutes les deux au Mont-Dieu.
Chémery. Le maître-autel de l'église de cette paroisse provient du
Mont-Dieu. Il a été acheté par îa fabrique, le 15 août 1814, à
M. Soltias, des Grandes-Armoises, pour la somme de 210 fr. Quant au
tabernacle qui l'accompagnait, il a été ensuite revendu à l'église de
BrieuUes-sur-Bar, pour la somme de tGi fr., comme nous l'appren-
nent les Archives de la Fabrique ' . Le tabernacle actuel de Chémery
est en beau marbre gris, avec incrustations en marbres de diverses
couleurs ; il s'harmonise parfaitement avec le corps de l'autel qui est
en beau marbre d'Italie. Si l'on en croit la tradition du pays, ce serait
l'ancien tabernacle du Mont-Dieu qui serait revenu à Ghémery, à une
époque postérieure, mais nous n'en avons trouvé aucune trace dans
les Archives. Cependant celte opinion est assez probable, et l'église
de Brieulles ne possède pas actuellement de tabernacle en marbre. Sur
le gradin de l'autel, du côté de l'Evangile, nous lisons l'inscription
suivante :
MONS DE! IN QVO BENEPLACIT (VM)
EST HAHITARE IN EO. (psal. 67.)
Les huit belles stalles en chêne qui décorent le chœui', viennent
aussi du Mont- Dieu.
A l'entrée du parvis de l'église, en haut de l'escalier qui la séjiare
de la place, on remarque deux pots de fleurs en pierre sculptée, d'un
élégant travail. Ces deux ornements ont la môme provenance. On peut
les confronter avec deux vases identiquement semblables, qui ornent
encore aujourd'hui l'entrée de l'ancienne Chartreuse, et voir la place
qu'occupaient les deux que possède Chémery.
Les Grandes- Armoises . L'église de ■'jetle localité est particulière-
ment riche en souvenirs du Mont-Dieu.
On y remarque surtout six grands tableaux qui, au dire des experts,
ont une véritable valeur artistique. Malheureusement, quelques-uns
sont détériorés, et tous ont reçu, grâce au mauvais goiit de l'épocpie,
une couche de vernis qu'il serait nécessaire de faire disparaître. Le
1 . Registre des Délibérations, \" Registre.
2h4 CHRONIQUE
curé actuel se propose d'elFecluer celle opération et en même temps de
les réparer. L'église des Armoises pourrait ensuite être fière de ces
tableaux que beaucoup d'églises de ville seraient heureuses de pos-
séder.
Les sujets de ces peintures représentent, la plupart, des scènes de
l'Evangile, nous allons les indiquer, en suivant l'ordre dans lequel ils
sont placés :
Côté de l'Evangile ;
1" La Sainte Vierge donnant à mangera l'Enfant Jésus. Ce tableau
est remarquable par le naturel de ses détails.
2" Les disciples d'Emmaûs.
3" Notre-Seigneur lavant les pieds à saint Pierre.
Côté de l'Epître :
1° Résurrection de Lazare.
2o La Sainte Vierge et l'Enfant Jésus, avec des anges en adoration.
3" Visite de la Sainte Vierge à sainte Elisabeth.
Au-:lessus de la porte latérale, on voit une ancienne sculpture sur
bois, représentant Marie, Ja mère de Douleurs, avec un ange en ado-
ration de chaque côté. La parfaite conservation de ce bas-relief permet
de juger de son mérite, et certainement on peut afDrmer que c'est un
magnifique spécimen de l'art à cette époque.
Enfin, on trouve à la sacristie deux anciens reliquaires, dont Tau-
iheuticité a été établie par les soins d'un curé des Grandes-Armoises,
dans un procès-verbal que nous allons citer :
« Moi, Pierre Deleau, charpentier, habitant de la commune des
Grandes-Armoises, et chantre honoraire de l'église de Sainte-Catherine
des Grandes-Armoises depuis soixante -seize ans, certifie avoir vu dans
la chapelle des frères du couvent du Mont-Dieu, les deux reliquaires
qui sont actuellement dans l'église de Sainte-Catherine des Grandes-
Armoises ; l'un, au-dessous de la statue de sainte Barbe, et l'autre
au-dessous de la statue de la Sainte Vierge. Je certifie en
outre que ces deux reliquaires ont été apportés au moment de la
grande Révolution à l'église des Grandes-Armoises et vendus à Antoine
Thomas, qui les a recédés à Jean-François Bezard, aubergiste, et que
M. Jean-Baptiste Vauthier, curé des Grandes-Armoises après le Con-
cordat, les a obtenus de Jeanne Ilusson, épouse dudit Jean-François
Bezard et placés dans l'église de Sainte-Catherine des Armoises, à l'en-
droit où ils sont actuellement.
Les Grandes-Armoises, le 2 octobre 184-4.
« Pierre Deleac. »
Le premier de ces deux reliquaires contient les reliques suivantes :
l" De S. Amulvino ep. ; 2" de Capite XI mil. virg. ; 3" De S. Medardo
ep. ; 40 De Sepulcro Domini; 5" De S. Flora v. et ra.; 6" De S. Béné-
dicte; 7" De Spongia Domini; 8" De S, Aigulpho, ab. et m.
CHRONIQUE 2i)5
Yoici l'énoncé des reliques du second: 1" De S Amulvino op.;
2° De S. Amulvino ; 3» De Capite XI mil. virg. ; 4" De SS. Hova et
Doda virg. ; 5" D3 S. Lamberto ; 6" De S. Bartholom.-oo ; 7» De S.
Nicolao op. ; 8" De Sudario Doraini ' . (Cette dernière relique paraît
perdue).
L'église de -S'//, canton du Chesne, possède un l)eau bénitier en
pierre, ))rovenant également du Mont-Diou. Il est orné de quatre
ligures d'anges sculptées. La colonne du bénitier avait été brisée, et
la coupe servait d'auge à porcs, quand, pour sauver ce souvenir du
Mont-Dieu, on le fit réparer et placer sur une nouvelle colonne afin de
le rendre à sa destination première.
Recevez, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de mes meilleurs sen-
timents.
J. CuARDRON, curé de Chémery.
Signalons dans le département de la Marne la création d'un pri.K
pour une rosière. C'est à Sézanne, petite ville de la Krie oi^i en mou-
rant, il y a peu d'années, le général de division Le Vaillant a constitué
une renie de 1,000 fr. à délivrer chaque année à la jeune fille pauvre
la plus^ méritante et la plus vertueuse du canton.
Comme chaque année, le camp de Ghâlons a été le théâtre d'impor-
tantes manœuvres. Le général marquis de Galliffet a commandé les
deux séries : dans chacune figuraient douze régiments de cavalerie et
tout s'est accompli heureusement, car à la lin, le général en chef a cons-
taté qu'ayant beaucoup exigé, il avait été complètement satisfait. Les
manœuvres se sont terminées par un véritable combat aux environs
de Pogny, entre Chàlons et Vitry. Celte fois, les généraux opéraient à
leur risque et péril et les troupes arrivaient dans les villages sans avis
préalable, comme en temps de guerre. C'est une expérience nouvelle
qu'on ne saurait trop approuver, ce qui habitue les commandants des
régiments à se suflire à eux-mêmes,
La Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du (lé])arlement
de la Marne a tenu le 23 août sa séance publique annuelle dans la
salle du Conseil de préfecture.
Voici la liste des récompenses qui cul été décernées pur la Société
dans les concours de l'année 1883 ;
1. Aich. de la Fabrique. Kcg. de Délihéralions.
256 cHRONiguK
IIisTorHii. — Une médaille d'argonl à M. l'ablié Desjardin, curé do
Malourgues, pour son étude historique sur Jean Wittement, recteur
de l'Université de Paris.
Une mention honorable à M. Cliaillior, do Cliàlons, pour un travail
intitulé : l'Esprit des Champenois sous la Renaissance.
Une mention honorable à M. iJourgeois, de Picrry, pour un travail
intitulé : Une famille noble en Champagne au XVI] h siècle.
Poésie. — Une médaille d'argent (grand module) à M. Miousset, de
Besançon, pour sa pièce de vers intitulée : Souvenirs du jiaijs.
Une mention honorable à M. Chaillier, de Chàlons, pour sa pièce
de vers intitulée : A travers ma persienne.
Un rappel de médaille d'argent à M. l'abbé Cizel, de la Chapelle-
sous-Rougemont (Haut-Rhin;, pour ses deux pièces de vers intitulées :
Dorothée de Jouffroy et le Labarcum.
Le Secrétaire Géiaul,
LÉON FhÉMONT
TRANSLATION DTNE IlELIQUE
DE SAINT DIDIER
DE L'EGLISE DE LANilHES A L'EGLISE DE CLERMONT-EN-ARGO!
LETTRES ET PROCÈS-VERBAUX INÉDITS
Dans les Archives des Notaires de Clermoul, riclics eu vieux
documents ', nous avons trouvé trois pièces inédites relatives
aux reliques de saint Didier que l'Eglise de Langres voulut bien
accorder à l'église de Glermout en 1049.
La lettre des confrères de l'ancienne Confrérie de Saint-
Didier de Langres, et le procès-verbal d'extraction de la reli-
que du saint, intéresseront sans doute ceux qui aiment à étu-
dier l'histoire ecclésiastique du diocèse de Langres.
Le procès-verbal de la translation de cette relique nous
donne une haute idée des grandes cérémonies qui se célé-
braient alors, lorsqu'il s'agissait d'iioiîorcr les reliques d'un
saint patron : cette marche triomphale à travers les chemins
de l'Argonne. ces masses de fidèles allant par groupes à la
rencontre de la relique ;itlendue, ces enfants couronnés de
lauriers ou portant des guidons et bannières devant les statues
di saint Didier et de la sainte Vierge, ces chants sacrés et ces
exhortations chalevu'euses, et d'autre part ces feux de joie, ces
détonations de l'artillerie de la citadelle, ces tapisseries de
Heurs et de verdures ornant les maisons et les rues, tout cela
donnait à la fête un éclat grandiose et majestueux. Et ce qui
montre bien le caractère religieux de l'époque, c'est qu'à ces
manifestations de la foi catholique prenaient part, non seule-
1 . M"^ Simon, Mol.-iiro à Cli'iinont, il'-posit.iir' îles minulL-s île M. lluzy,
a Lien voulu me donuiT, eu sou éluile, couunuuicutioa îles trois docuineuls
<[ui vont suivie.
17
238 TRANSLATION DUNE RELIQUE
ment le clergé séculier el régulier de l ou le la contrée, mais
aussi, avec tout le peuple, les personnages les plus distingués
de la ville : procureur général, lieutenant au procureur, maire
et écbevins, gens de justice, gens de robe et d'épée,
médecins, nobles, roturiers, toutes les conditions, toutes les
classes, se trouvaient très honorées de rendre des hommages
publics aux saintes reliques du Patron et Protecteur de la
ville do Clermont,
Nous n'avons pas à faire ici le récit histoiique de la transla-
tion de la précieuse relique de saint Didier. Les procès-
verbaux qui vont suivre douncut ce curieux tableau des
mœurs si profondément religieuses de l'époque ' .
Lettres des membres de la C on frêne de Saint- Didier, de
Langres, aux Maire et Bchevins de la ville de Clermont.
30 uiui IGil).
Messieurs les Maire, Eclievius et Cominuuauté de la ville de Clermoût.
A Clermont.
Messieurs,
A l'ouvertuie des vostres qui nous ont été rendues par le R.
l'ère. Père llilarion. Capucin, nous avons rcccu une grande resjouis-
sance, voyant que par vostre singulière et ardente dévotion envers
saint Didier, notre glorieux Patron, l'honneur de Dieu en est aug-
menté. C'est ce qui nous a donné subject de vous faire part de ses
saincts ossemens dont nous sommes dépositaires et vous envoyons
par le ministère dudit R. Père, une Relique telle que Monseigneur
l'Evesque de Langres a choisie : Nous croions que vous la recevrez
d'aussy bon cœur que nous vous l'envoyons et que vous aiderez de
vos prières ceux qui chérissent infiniment l'honneur de se diie
Messieurs
Vos très humbles et obéissans
serviteuro et confrères.
De Langies, ce 30 may 1649.
(Suivent les signatures )
D. NoiROT. Théodeste Tauourot. Le Genevois. Heudelot
1 . Dans les copies qui suivent ou a conservé l'orlhoyraphe des actes
originaux. — Toutefois, si quelques noms propres de personnes assez illi-
sibles dans le texte étaient quelque peu déûgurés, ou voudrait biou être in-
dulgent eu faveur du copiste.
DE SAINT DIDIER 259
DE Velpeixe. Delecey. Sauvage. Andrieu. Antoine
Godard. Sy.mony. Cornefert. N Paiiin de la
Marnotte.
Certifié véritable.
Enregistré à Clerinont, 3 septembie 1821 '.
Signé : Cauré,
Pi'ocèi-verhal de V extraction d'ime Relique de la chasse de
Saint Didier.
tii may 1G49.
Nous Jean Milleton et Joseph Mariet, notaires royaux, tabellions
et gardenottes en la ville et cité de Langres soubsignés, certifions à
tous (^u'il appartiendra que ce jourd'huy vingt-si.\ièrae may rail
six cent quarante-neuf, Révérend Père le Père Hillarion, prédica-
teur capucin, de présent résident au couvent dudit Langres, comme
ayant charge de Messieurs les curé, vicaire, paroissiens de l'église
et paroisse Saint Didier, de la ville de Clermont en Argonne, et
encore des sieurs maire et esclievins d'icelle, et particulièrement à
la dévotion et solicitation du sieur Richard Le Gaigneur, curé
dudit lieu, et de Maistre Pierre Boisdebout, bourgeois, et de dame
Marguerite Jennelle, sa femme, a présenté à Monseigneur l'Illus-
trissime et Révérendissime Sébastien Zamet, évesque dudit Langres,
duc et pair de France, et messieurs les confrères de la confrairie
du glorieu.Y Martir Saint Didier, les lettres adressantes tant audit
seigneur évesque qu'aux sieurs confrères de la confrairie du glo-
rieux Martir Saint Didier, évesque de cette dicte ville, escriptes tant
de la part dudict sieur cuié et jjai'oissiens dudict Clermont, corps
de justice, maire et eschevins de la dicte ville, des quinziesme du
présent mois, icelles portantes supplications tant audict seigneur
évesque que ausdicts sieurs confrères, de leur voulloir accorder et
concéder quelques parcelles des reliques du corps dudict glorieux
Martyr Saint Didier-, Patron de leur église, pour augmenter leurs
dévotions, à raison des grands soulagements qu'ils ont eues cy-
devant et espèrent cy -après, par son intercession, ensuite desiiuelles
lettres et supplications faites par ledit Révérend Père Hilarion
comme ayant d'eulx chaiges ; ledit seigneur et nobles et scientifi-
ques personnes, Tliéodette Tubourot, chanoine en l'église cathé-
dralle dudit Langres, curé de Saint-Pierre, discrette personne. Me
Jean Coinefert, i)restre curé de l'rangey, Jean lleudolot, escuyer
seigneui' de Velpelle, cons-eiller du loy et son advocat ai» baillage
et présidial de Langres, (>laude Simony, aussi escuyer, seigneur de
1 . CoHalio)iné sur la lellre originale écrite sur papier ordinaire el d'-^
pesée en Véludc de M" Auil Huzy, notaire à Clermont.
200 TRANSLATION d'uNE KELini'K
Rouelle, lieiitennnt particuliei' au baillagc duc;il de Langrcs,
Antlioinc Dclecey, cdiiseiller du Roy, recepveur des dc'c'nnes du
diocèze de Langres, Nicolas Le Genevois, escuyer, conseiller
du roy, lieutenant criminel en l'ellection de Langres, nobles An-
thoine Godai'd et Didier Noirot, advocats en parlemeni, Jean-
Baptiste Sauvage, escuyer, Claude Andrieu, escuyer, conseiller
esleu en l'ellection dudict Langres, Claude Paliin, seigneur de la
Mariiotte, aussi conseiller du loy et esleu en ladite éllection ; tous
confrères de ladite confrairye, ayant pour ce tenu chappitre et rais
cette aflaire en délibération, ont lésolu qu'il y sera tiré de la
chasse où repose le corps dudict glorieux niartii- une parcelle de
ses ossements, à l'eflect de quoy lesdicts seigneur évesque et les-
dicts sieurs confrères se seroient transportés en l'église dudict
Sainct Didier ce jourd'luty environ une heure après raidy, ou
estant et en présence dudict Révérend Père Ililaiion, de nous les-
dicts notaires royaulx soubzsignés, et de plusieurs habitants dudict
Langres, et après plusieurs prières et cérémonies .-iccoustumées par
les prestres et cbappelains ordinaires de ladicte église, ledict sei-
gneur évesque et lesdicts sieurs confrères auriient faict descendre
la chasse d'argent où sont les ossemens dudict glorieux raartir
sainct Didier, qui est eslencé sur un grand sommier au iiiilieu du
cœur de ladicte église, et icclle chasse faict poser sur le maistre
autel, où estant noble Didier Noirot et Anthoine Godard, advocats
en parlement, confrères, procureur et coadjutcur d'icelle confrairie,
auroient mis en mains dudict seigneur évesque trois clefs de la-
dicte chasse : — quoy faict, ledict seigneur en auroit faict faire
l'ouverture en sa présence et dire de ladicte chasse une vertèbre
du corps du glorieux martir sainct Didier, suivant le rapport qui
en a esté présentement faict par maistre Humbert Paultherel, doc-
teur en médecine, et Jean-Baptiste Robinot, mnître chirurgien au-
dict Langres : et icelle vertèbre depposée et mise es mains dudict
Révérend Père Ililarion par ledict se gneur evesciue enveloppée
dans un tafletas jaune, et depuis dans une bouette d'argent, icelle
cacheti^e du Fceau ordinaire dudict seigneur évesque qui porte pour
armes un lion et une fleur de lis en face, pour estre icelle relique
mise es mains et rendue audict sieur curé, paioissiens, corps de
justice, maire et oschevins de ladicte ville de lilermont en Argonne
De la réception de laquelle en sera rapporté bon et fidel procès -
verbal par ledict Révérend Père Hilarion au aultre de sa part, ce
qu'il a promis d'elfectuer fidellement pour estre iceluy mis es ar-
chives de ladicte confrairie : dont et de to\it ce que dessus, nous
avons dressé le présent procès-v>*rbal (auquel est attaché dans une
boitte de fer blanc le grand sceau de l'Evesché. escartelé portant
au premier et au quatrième les armes de la ville qui sont quatre
fleurs de lis dans un saultoir, et au second et troisième les armes
dudict monseigneur de Langres) pour servir partout où il appar-
tiendra. — Faict audict Langres les an et jour cy dessus, en pré-
DK SAINT DIDIER 261
sence dudict seigneur evesqne, desdicts sieurs confrères, procureur
et coadjuteur de ladite confrairie qui ont signé, r^leu.
Signé : Sébastien, évèque de Langres ; Theodeste Tabourot;
Heudelot de Velpelle; D. NomoT; Delecey; Antoine
Godard ; Le Genevois; Simony ; J.-B. Sauvage; An-
DRiEU ; Bantheret; J. Cornefert ; C. Paiiin de la
IMarnotte; Roiunot ; F. Hilarion, de Langres, capu-
cin indigni^ ; MlI.LETON; MaRIET.
De Mandate Illustrissimi et Rmi Uni Dni Epi ])ucis Lingo-
nensis.
CHRISTIANIOL (?) '
Procès-verlml de la réception cVune Relique de Saint Didier
à Clermont.
Nous André Noiret et Louis [.e Clerc, notaires royaux soubsignés
certifiions à tous qu'il appartiendra que le vingt-huitiesme jour du
mois de aoûst mil six cens quarante-neuf, le Révérend Père Hila-
rion, de Langres, capucin, nous ayant donné advis qu'il estoit à
sainte Menehould avec les rolicques du glorieux martir sainctDidier
que monseigneur l'Illustrissime et Révércndissime Sébastien Zamet
évesque de Langres duc et pair de France, et messieurs les confrè-
res de la confrairie dudict sainct martir, luy avoient mis entre les
mains pour estre déposés en mains de messieurs les curés, gens
de justice, maire, eschevins er, communaulté Je la Ville de Cler-
mont en Argonne, conformément à la demande qu'ils en avoient
faict par des lettres adressées tant à mondict seigneur qu'aux dicts
sieurs confrères, et au procès-verbal qui en avoit esté dressé à
Langres; sur cet advis lesdicts sieurs curés, officiers de justice et
communaulté de ladicte ville de Clermont auroient prins résolution
d'aller recepvoir et faire dépost des mains dudict Père Hilarion :
et à cest effest le \ingt-neufviesme dudict mois se divisèrent en trois
bandes, la première desquelles composée d'ecclésiastiques, gens de
justice et aultres {laroissiens dudict Clermont, furent prendre ledict
Père Hilarion audict Sainte -Menehould, y ayant mesme dès le soir
auparavant envoyé deux clianoines de la cathédrale de Verdun tant
pour honorer les dicttes reliques que pour assurer ledict Père du
lieu où la seconde bande viendroit recepvoir lesdictcs reliques, sur
lequel rapport et assurance ledict Père, ledict jour vingt-neutvies •
me, accompagné de la première bande susdictte se seroit trans-
porté au lieu désigné, communément appelé le Pont de Biame, qui
faict la séparation des provinces d(! Lorraine, de Cliampngue et des
éveschés de Verdun et Clialon et qui est le milieu du chemin d'en-
1. Copiil et coliulioiinc sur l'orif^inal écrit sur faraud parchomiu ddposé
le 3 septembre 1S21 cii l'élude de M'= Avit Uu/.y, notaire à Clermont.
262 TRANSLATION D'UNE RELIQUE
tre ledict Clermont et Sainte-Menehould, où la seconde bande de
ladicte ville, le vint recepvoir en procession composée première-
ment des jeunes garçons et filles au nombre de soixante ou envi-
ron parrés et revestus à l'advantage qui d'une f.içon qui d'une
aultre, dont dix-huit ou vingt portoient divers guidons et bannières
devant l'image en bosse de sainct Didier portée sur un brancard,
d'aultres en bon nombre aussy portant des cierges devant l'image
en bosse de Nostre-Dame portée par quatre filles aussy sur un
brancard, après suivoient douze garçons couronnés de lauriers avec
des flambeaux pour marcher devant les reUcques quand elles se-
roient posées sur le relicquaire ; ensuite de quoy marchoient les
prestres, savoir chanoines, le sieur curé du lieu et aultres curés
circonvoisins, de plusieurs religieux de l'ordre de saint Augustin,
saint François et saint Dominicque suivis d'une aultre partie des
gens de justice, maire et eschevins et grand nombre de peuple te-
nant chascun un cierge en main, laquelle procession ainsi disposée
se rencontra avec ledict Père Hilarion au lieu désigné, où aupara-
vant tout, le susdict Père après une petite harangue fict faire lec-
ture des lettres tant de monseigneur l'Illustrissime évesque de
Laugres, adressantes au curé, que de celles de messieurs les con-
frères, les unes adressantes aux officiers de justice de Clermont,
les aultres aux maire, eschevins et communaulté dudict Clermont,
de plus il fict lire ledict procès-verbal dressé à Langres le vingt-
sixiesme may dernier (auquel est attaché dans une boitte de fer
blanc le grand sceau de l'Evesché escartelé, portant au premier et
au quatriesme les armes de la ville qui sont quatre fleurs de lis
dans un saultoir, et au second et troisième les armes susdictes de
mondict seigneur) touchant l'attestation et vériffication desdictes
relicques, — et ce faict, ledict Père présenta la boitte où estoient
lesdictes relicques, cachettées et scellées du sceau ordinaire dudict
seigneur évesque qui se trouva conforme et estre celui-là mesme
qui est spéciffié par ledict procès-verbal, sçavoir un lion et une-
fleur de lis en face. Tout ce que dessus estant faict et recogneu
estre véritable desdicts sieurs curé et officiers de justice, maire et
eschevins de la communaulté dudict Clermont, ledict Père rompit
le ]iapier portant ledict cachet et présenta une Ijoitte d'argent dans
laquelle estant ouverte se trouva un taffetas jaune qui enveloppait
la susdicte relicque appelée vertèbre par ledict procès-verbal et
recongneu pour tel par les apotiquaires et chirurgiens dudict Cler-
mont, — quoy faict, ledict Père ayant demandé haultement à tous
les messieurs présents s'ils étoient satisfails pour la vérité de la re-
licque et eux répondant qu'ouy, la disposa suivant la charge qu'il
en avoit en présence de toutte l'assinnblée entre les mains du sieur
Richard Le Gaigneur, curé de ladicte ville de Clermont, qui ayant
faict disposer le relicquaire sur une table préparée à cest effect au-
près d'un feu do joye, l'ouvrit et y mit la susdicte relicque, devant
laquelle s'cstant prosterné et tout le peuple aussy, chantèrent une
antienne en l'honneur du glorieux martir saint Didier, puis se re-
DE SAINT DIDIER 203
mettant en l'ordre susdict de procession, quatre chanoines des
corps des chapitres de la cathédrale de Verdun et de Montfaucon,
revestus de leurs habits d'église, chargèrent ledict relicquaire sur
leurs espaulles et allèrent processionnellement chantant le Te
Deuni Laudamus dans l'église des Islettes, secours dépendant de la
paroisse dudict Clermont, où ce célébra la messe et tant à l'entrée
qu'à la sortie la susdicte relicque fust salluée de grand nombre de
salves de mousquetades tant desdictes Islettes que des lieux cir-
convoisins ; de là continuèrent leur chemin processionnellement vers
ledict Clermont, duquel approchant, la troiziesme partie qui estoit
demeurée àladictte ville vint les rencontrer en procession conduicte
par plusieurs ecclésiastiques qui estoient restés, de sorte que tout
le peuple de Clermont estant joinct ensemble entrèrent dans la
ville où ils furent receus et sallués de plusieurs salves de mous-
quetades tant de la jeunesse de Clermont que des soldats de la
garnison de la citadelle qui bordoient les parapelles des bastions de
ladicte citadelle, et de plusieurs coups de canons ; et allant droit à
l'église, les rues qui y conduisent estoient touttes parées de ver-
dure et tapisserie et quantité de feux, et arrivés à l'église la grande
mes-se se célébra solennellement à l'honneur dudict glorieux marlir
à laquelle par dévotion quantité de peuple communia, et après les
vespres célébrées et la prédication faicte par ledict Père Hilarion, à
l'honneur du glorieux mai tir^ se commença une procession solen-
nelle au mesme ordre que dessus où la susdicte relicque fut portée
par les quatre chanoines susmentionnés par toutes les rues de la-
dicte ville tapissées et ornées de vordures, de rameaux d'arbres, de
tableaux, de parfums, chacun allumant un feu de joye devant sa
maison pour témoigner rallégresse et l'applaudissement avec le-
quel ils recepvoient»ceste piécieuse relicque, et qui fut encore sui-
vie de quantité de salves de mousquetades, de pétards et coups de
canon. Et le lendemain après la messe célébrée solennellement où
aussy quantité de personnes communièrent et la prédication faicte
à l'honneur du glorieux martyr' ])ar le mesme susdict Père, la so-
lennité se termina par une aultre procession faite à l'entour de
l'église pour action de grâces avec lu susdite reliccjue j)ortée comme
dessus par quatre chanoines où se chanta un Te Deitni Landamus.
— (]e qu'estant faict, la susdictle reliiiue fut mise dans une armoire
faicte expresse au costé droit du grand autel de ladicte église. —
Dont et de tout ce que dessus nous avons dressé procès-verbal ce
requérant ledit révérend Père Hilarion, pour sa décharge confoi-
mém(!nt à l'obligation qu'il en a laict pai' ledict procès-verbal de
Langres, et a signé avec lesdicts sieurs curé de Clermont, presiros,
religieux, gens de justice susmentionnés, maiie, eschevins et
partie des principaux habitans dudict Clermont, les jour et an que
dessus.
Ont airjné : RiciiAUD i.E Gaignkor, curé de Cleimont; C.
DouKNoN, chanoine de Verdun ; Bmlmot, chanoine de la
264 TRANSLATION d'uNE KELIQUE
cathédrale de Verdun ; .1. Boichot, lieutenant -, Simonet,
procureur général audit baillage ; A. Noiret, notaire
royal et maire de Glcrmont; .1. Breton-, Dehonty (?) ;
Lepage; Fréminet, chanoine de Montfaucon ; Fréminiît,
curé de Vraincourt et chanoine régulier do St-Augustin ;
Edouard de Cal'CHON, dit Dufays, chanoine de Montfaucon;
DoGNON ; N. MiHGON; François Beuvillon, l'un des douze
elleus de Clermont; I. Person ; d'AspREMONT, doyen;
François Robin, vicaire à Clermont; Ililarion de L\ngri:s,
prédicateur capuicn ; François Mar. . . de Langres, ca-
pucin ; Père Camus, prédicateur de l'ordre saint Domi-
nique ; Ch. Smllet, advocat , J. Simon, chirurgien; N.
Nicolas; .1. Permet, maistre appothicaire ; N. Thenent ;
Breton-, Magisson; Barborin, elleu ; Barborin, esche-
viii de Clermont; Anthoine Thomas; J. Gauvain ; J.
Mignon ; A. Bonnefille, greffier en mairie ; Prelong,
greffier de notaire '.
, Après la lecture de ces trois pièces, on se demandera peut-
être ce que sont devenues ces précieuses reliques, extraites
avec tant de pieuses précautions, transportées avec tant de
pompe, reçues avec tant d'allégresse et de religieux enthou-
siasme V
Nous trouvons, hélas! la triste réponse dans l'acte du [\ sep-
tembre 1821 constatant le dépôt des Itois documents ci-dessus
relatés, en l'étude de M'^ Avit Buzy, par M. Fabbé Pierre
Carré, alors curé de Parois, et ancien vicaire constitutionnel
de Clermont.
Après avoir décrit les trois pièces dont il s'agit et déclaré
qu"il les reçoit des mains de M. l'abbé Carré, à titre de inoim-
ments historiques^ le notaire ajoute :
« Déclare ledit M. Carré avoir recueilli lesdits procès-
« verbaux et lettres le trente novembre mil sept cent quatre-
« vingt-treize, lors de la dévastation de l'église paroissiale
« dudit Clermont ; que cette dévastation fut si grande que du
Il reliquaire renfermant ladite vertèbre, il ne put sauver que
« les authentiques dont il s'agit, la précieuse relique conte-
« nue dans une boîte d'argent, ainsi qu'il est énoncé auxdils
« procès- verbaux, ayant été égarée, sans de sa part avoir pu
« découvrir où elle pouvait être, et qu'on ne peut espérer de
« la retrouver, tant la profanation fut complète. »
1 . (lopii- et coilatiouné sur l'original écrit sur grand parchemin, déposé
le 3 septembre 1821 eu l'étude de M"^ Avit Bury, notaire à Clermont.
DE SAINT DIDIER 265
Les vandales de la Révolution ont donc arraché celte pré-
cieuse relique de saint Didier, de Téglise de Clerniout : en
vain on lit depuis des recherches pour la retrouver.
Le 8 septembre 1821, M. Radière, curé doyen de Clermont,
apprenant que les parchemins authentiques venaient d'être
déposés à l'étude de M* Buzy, adressa à M. Carré une lettre
pleines de reproches, alléguant les droits réels de la fabrique,
et demandant de nouveaux éclaircissemeiUs sur la disparition
de la relique : mais il ne put trouver d'autres éclaircissements
que ceux donnés dans la déclaration mentionnée ci-dessus.
La ville de Clermont conserve encore aujourd'hui le pré-
cieux souvenir des belles fêtes des 28, 29 et 'ÎO août 1G4'J.
Lorsqu'en 18oli M. Vautrin, curé doyen de Clermont, fit
poser des verrières k l'éghsc de la ville, il voulut que le grand
vitrail du côté droit du transept représentât la cérémonie de
la translation de la relique de saint Didier : pour composer ce
vitrail, l'artiste verrier eut été très heureux de s'inspirer de
la lecture du procès-verbal de 1640.
En mémoire de cette translation, la fête patronale de saint
Didier se célèbre chaque année à Clermont, non le dimanche
qui suit le 23 mai (jour de l'échéance de saint Didier), mais le
dimanche qui suit le 29 août.
Ainsi se perpétue le souvenir des fêtes de 1649.
J.-B. Cillant.
Curé d'Auzéville.
LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
GERBERT
ARCHEVEQUE DE REIMS
En enteridant cette énergique défense que nous avons ana-
lysée, et dont Gerbert remit un exemplaire écrit de sa main au
légat apostolique, l'assemblée n'osa prendre de décision avant
d'avoir entendu Arnould, elle se sépara en indiquant un nou-
veau concile à Reims, pour statuer définitivement sur les déci-
sions de celui de S. Basic. On voulut forcer, durant cet inter-
valle, Gerbert à s'abstenir do la célébration des saints mystères,
il s'y refusa d'abord, mais cédant aux instances qui lui furent
faites, il y consentit, en réservant toutefois ses droits, afin qu'on
ne pût regarder cette abstention comme un aveu de sa culpa-
bilité. Il se retira ensuite en Allemagne, pour y attendre dans
le silence et la retraite la décision du concile.
La réunion eut lieu au monastère de S. -Rémi de Reims, le
l*^"" juilet 995 ; parmi les Pères du concile, on remarquait l'ar-
cbevèque Séguin, l'ancien président du synode de S. -Basle.
Le résultat des délibérations fut l'annulation des actes précé-
dents, la déposition de Gerbert et le rétablissement d'Arnould.
Les évèques qui avaient déposé Arnould ne firent aucune
opposition, et furent relevés de leurs censures. Gerbert seul
essaya de lutter encore ; il soutint contre le légat une discus-
sion dont la vivacité fut extrême ; mais celui-ci, qui était
aussi éloquent que lui, et plus versé dans la science des lois
ecclésiastiques, le confondit en plein concile. C'est ce que nous
apprend Abbon de Fleury, dans une lettre qu'il écrivit quel-
ques temps après au légat Léon. Il lui dit « qu'après avoir vu
au concile de Reims les foudres et les éclairs qui paraissaient
sortir de sa boucbe, il a été contraint de publier partout qu'il
est le tonnerre de l'Esprit-Saint qui descendit sur les apôtres
en forme de langue de feu ; qu il est ce glaive de feu que
" Voir page 178, tome XV, de la Revue de Champagne cl de Brie.
GEBBERT 267
l'Esprit-Saiut a aiguisé par ses sept dons, pour chasser l3S
mécliauts de son temple ' » .
Le roi Hugues ne tint pas compte de la décision qui réta-
blissait Arnould sur le siège de Reims : il croyait ne pouvoir
se fier à un prélat à qui il avait fait tant de mal, et continua de
le tenir en prison, de peur qu'il ne fut encore une cause de
troubles et de révolte.
Quant à Gerbert, dit la Chronique de Fleury, « comprenant
enfin tout ce qu'il y avait eu d'irrégulier dans son élection, il
fit pénitence, et se soumit avec humilité à l'arrêt qui le frap-
pait- ». Il se démit alors de ses fonctions, honorant ainsi par
sa conduite l'autorité suprême du Saint-Siège, qu'il devait un
jour exercer s-i glorieusement lui-même. Mais, mécontent des
rois Plugues et Robert, qui l'avaient abandonné dans celte cir-
constance, il quitta pour toujours la ville de Reims, théâtre de
sa gloire et de ses souffrances, et se retira en x\llemaguc auprès
d'Othon III qui l'y avait invité et qui le reçut avec joie : car
le jeune empereur aimait les sciences et encourageait ceux qui
les cultivaient; il n'oubliait pas non plus les services que Ger-
bert lui avait rendus.
Le séjour qu'il fit à la cour de l'empereur Othou lui
permit de reprendre avec une nouvelle ardeur le cours de ses
chères études. Ce fut à cette époque qu'il construisit à Magde-
bourg une horloge qui excita l'admiration universelle. D'après
la Chronique de Ditmar, évèque de Mersebourg, ce n'était qu'un
cadran solaire, parfaitement orienté sur l'étoile polaire. D'après
d'autres auteurs, Gerbert introduisit dans les horloges une
véritable révolution, par l'application qu'il leur fit du poids
moteur, et pai l'invention du mécanisme admirable de l'échap-
pement.
Sur ses entrefaites, la mort de Jean XV fit monter sur le
trône pontifical Grégoire V, et Jean, archevêque de Ravenne,
ayant donné sa démission (mars 998), Olhon indiqua Gerbert
aux suffrages du peuple et du clergé, et il fut élu par acclama-
tion archevêque de Ravenne. Le pape ratifia ce choix et accorda
le palliura au nouvel élu \ Quelques chroniques contempo-
1 . Apud Baluze, lib. I. Miscell. p. '.09.
2. « GcrLertus aulcm iiilelligons qtiod iujustù poniificalcm dignitatem
susccpissel, pœnilentia duclus est. » (Hugo Floriac. Ilislor. Franc. Seiion,
Palrol. lat. T. CLXIII, col. 802.)
3. Celle buUo est du 28 avril. Elle commence par ces mots : a Qnoniani
Aposlolica' Sedis bcnevolcntia et auliqnic consucludini.s zelo provocali, fru-
lernitatem tnam Ecck-siic Havcnnati pia-l'ecimus. . .. » (Mansi XIX, 201.
Labbc, Conc. T. IX, col. 7tJ'J-770.j
2G8 LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
raines donnent à entendre qu'il u'cnlrcait pas dans les vues du
prédécesseur do Grégoire de laisser sous le boisseau une
lumière si éclatante, et qu'il avait l'intentiou de concilier les
droits de la justice avec les égards dus au mérite. Ainsi en ra»
lifiant l'élection de Gerbert, lo pape ne faisait que remplir les
intentions de Jean XV.
A peine installé sur son nouveau siège, Gerbert assemble un
concile, dans lequel il édicté les peines les plus sévères contre
la simonie, et se montre ainsi le digne précurseur de Grégoii-e
VII. Le discours qu'il prononça k cette occasion fui si remar-
quable, disent les auteurs de VHislov'e littéraire de France,
que plus tard on voulut eu faire bonneur à S. Ambroise, le
plus éloquent des Pères latins '. Malgré ses nombreuses occu-
pations, il ne négligeait aucun de ses travaux, et ce fut pro-
bablement à Ravenne, k la demande de l'empereur Othon,
qu'il composa sou petit traité sur le raisonnable et l'usage de
la raison : De rationali et oatione uti ïibelluc. Ce fut au milieu
de ces études qu'il apprit la mort de Grégoire V (1 3 février
D'JO). Bientôt après, grâce à l'influence d'Otbon, il fut élu sou-
verain pontife, et prit le nom de Sylvestre II. Gerbert fut le
premier français élevé au souverain pontificat. Le nom des
trois sièges occupés successivement par ce pontife, a donné
lieu au fameux vers suivant que l'on attribue ta Gerbert lui-
même :
Scandit alj R Gerbertus in R, sit papa vigens R,
et dont nous trouvons dans un ancien manuscrit la variante
suivante :
Transit al> R Gorberlus ad R, fit papa vigons R^.
Nous avons vu par quelles épreuves la divine Providence
avait préparé le fds de l'bumble roturier de Belliac, le pauvre
moine Gerbert, à la mission sublime qu'il était appelé à rem-
1. On p3ut lire ce discours dans rôdition de M. OUoris. De Informalioue
episcoporum, p. 275.
2. Orderic Vital, qui s'est fait léclio des cjlomnics contre Gerbert, indi-
que à ce vers une autre orij^ine : « On rapporte, dit-il, qu'étant encore éco-
lâtre, Gerbert avait des entretiens avec le diable, et le consultait sur son
sort à venir. Le démon lui répondit par cette phrase ambiguë :
Transit ab R Gerbertus in 1{, post papa vigens R. »
Gerbert passe de R (lieims) à R (liavenne), puis pape, il brille à R
(Rome). — (Orderic Vital, Gestor. Eccles. lib. I, cap. XXVIII. Patrol. lat.
T. GLXXXVIII, col. 9'..)
GERBERT 2G9
plir : « Les éprouves ne lui avaient pas mauipié, dit M. l)ar-
ras ; Si^s erreurs uièiiics devaient être pour lui de salutaires
leçons. Gerbert, priuco de la science, philosophe, mathémati-
cien, orateur, musicien, poète, est encore moins grand par tous
ces titres que par l'humble soumission, la sincère pénitence
avec les(iuelles il accueillit la sentence apostolique au
concile de Senlis'. Devenu pa])e, il résuma par sa piéle,
non moins que par son génie, et développa, en les appliquant,
tous les éléments de progrès religieux et intellectuels. Il fui,
comme tous les grands hommes, la personnification vivante
de son époque. Avec lui, le trône apostolique reprit à la tête
des nations européennes le rang qu'il avait occupé sous Gré-
goire-le-Graud et S. Nicolas. Un historien français a le droit
dêtre fier eu inscrivant le nom d'un fils de notre France
comme celui du restaurateur religieux et social du onzième
siècle, comme l'un des précurseurs de fimmortel [lildebrand '.»
A cette époque de la vie de Gerbert, on renouvela contre lui
toutes les accusations calomnieuses dont nous avons déjà
parlé ; mais ce qui étonne, c'est de voir le cardinal Baronius j
ajouter foi, et écrire ces paroles passionnées et injustes : « 11
fut élu pape, mais je l'avoue sincèrement, il était indigne de
cet honneur'' ». Nous ne nous ferons pas ici l'écho de ces
ineptes calomnies, nous nous contentons de renvoyer aux au-
teurs qui ont eu assez peu de respect d'eux-mêmes pour les
consigner dans leurs écrits \
1. D'après M. Darras, le concile qui statua sur les décisions de rAssera-
bléc de S. Basle eut lieu à Senliii, et non à lieims. Malj^ré tout notre res-
pect pour ce savant auteur, nous ne pouvons aJinettre ce senliinent.
2. Histoire de V Eglise, T. XXI, p. 330.
3. « Tanla scde, ut libère l'atcar, indignissiinum. » (A un. XX, col. '.ti'.) )
4. « Tandem papa faclus, dit le scbisinatiquc cardinal Hennon, quaîsivit
a diabolo quôd diii viveret in papatu. Rrsponsuin bahuit (piamdiîi vcllel,
dùin tamen non celebrarct in Jérusalem. Gavisus fuit vaklè, spcraus se.
longe c^se a fine,sicut loiigèlnit a voluntate pcrcgriiiationis ia Jérusalem ialrà
mare. Et cùm in quadragesima ad Ecclesiam qu;u dicilur Jérusalem in La-
lerano C3lebrarut, et strepitum dieniouis sensissct, iiilellexit sibi mortem
adesse, et suspirans ingemuit. Licct autcm sceleralissimus csscl, de miseri-
cordia Dei non desperans, revelando coràm omnibus peccatum, niembra
oninia quibus diabolo ob.soquium pnestaverat jussit prœcidi, et dcindè trun-
cum mortuum super bigam jjoni, et ubicumquc animulia producercnt et sis-
terent, ibi sepeliretur ; quod et fact'im est. Sepultumquo est in c])iscopio
Laternanensi in signnm misericordia; consecuUu. Scpulcriim ipsius tàm ex
tumullu o.ssium quani ex sudore pruisagiuin est morituri pap:e. » IMatiiia,
bislorien du xv« siècle, so fait aussi lécbo de cette dernière absurdité :
270 LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
Sur la chaire apostolique, le nouveau pape montra le même
zèle et la même fermeté pour le maintien de la discipline ecclé-
siastique que sur le siège de Ravenne. Sa conduite à l'égard
d'Arnould, son ancien compétiteur, fut pleine de délicatesse ;
dans une lettre qu'il lui adressa, il lui confirma tous les privi-
lèges attachés au siège de Reims, et en particulier celui du
sacre des rois : « Etant de la dignité et de l'honneur du Saint-
Siège, lui dit-il, d'avoir non-seulement soin des pécheurs,
mais encore de relever ceux qui sont tombés, et de remettre
au même degré de considération ceux qui sont déchus, afin
que la puissance de S . Pierre soit toujours aussi libre de lier
et de délier, et que la grandeur de la dignité romaine éclate
partout, nous avons résolu de vous secourir, Arnould, arche-
vêque de Reims, que certains excès avaient privé du siège
épiscopal, afin qu'on sache que vous pouvez être rétabli par la
bienveillance du Saint-Siège, puisque vous avez été dépouillé
sans son consentement '. Car Pierre possède une puissance
que n'égale aucune autre puissance sur la terre. Ainsi donc,
nous vous accordons, par ces présentes, en vous rendant la
tiare et l'anneau, le privilège de remplir toutes les fonctions épis-
copales, de jouir de toutes les prérogatives ordinaires attachées
au siège métropolitain delà sainte Eglise de Reims, de porter le
pallium dans les cérémonies accoutumées, de sacrer les rois de
France et les évêques qui vous sont subordonnés, et de re-
prendre, en vertu de notre autorité apostolique, tout le droit
pastoral appartenant à vos prédécesseurs. Nous défendons en
outre à toute personne de vous reprocher l'accusation dont
vous avez été l'objet dans le synode et dans quelqu'autre mo-
ment de votre abdication, ou d'avoir l'audace de se permettre
à ce sujet quelques paroles outrageantes envers vous".
S. Odilon, abbé de Cluny, ayant établi en 999, dans le mo-
nastère do S. Benoit, le pieux usage de la Commémoration
a Quuud un pape est sur le point de mourir, dit-il, ou ealeud le cliquetis
des ossements de Sylvestre II (jui s'entrechoquent au fond de son tombeau.»
(Platina. Vita de Pontef. p. 28U.) « Ce choc elfrayaut aurait dû, dit M. 011e-
ris, détruire le corps de Gerbert si déjà, suivant Guillaume do Malmesbury,
ou ne rcùl immédiatcmeut coupé eu morceaux après sa mort.» (Vie de Ger-
bert, p. 107.)
1. « Tua abdicatio romauo consensu caruit. » (Gerbert Epistol, CXXV,
p. l/i5. — D. Marlot, II, 56.)
2. Arnould survécut encore longtemps à sa réhabilitation, il mourut en
1021, après avoir réparé dans les dernières années de sa vie le scandale des
premières.
GERBE RT 27 1
des fidèles trépassés, et l'ayant fixé au 2 novembre, Sylvestre,
par un décret solennel de l'an 1 000, étendit celte fôte à l'univers
chrétien.
L'an mil ayant été signalé pai' des cauunilés nombreuses, la
préoccupation des esprits devint générale, et on crut y voir les
signes avant- coureurs de la fin du monde. Chacun s'occupa
alors de bonnes œuvres pour fléchir la colère divine, mais
l'année fatale s'accomplit sans aucun autre incident que les
manifestations de la foi populaire. L'Eglise ne provoqua pas
cette explosion de craintes et d'alarmes, elle y fut complète-
ment étrangère ; mais après le réveil du monde qui en fut la
suite, elle déploya toute son activité et toute son influence
pour organiser l'empire sur de nouvelles bases, et préparer à
lachrétientéune ère de grandeur et de prospérité jusque là in-
connues. .Sylvestre avait conçu le dessein gigantesque de re-
constituer dans son ancienne splendeur l'empire carlovingieu,
mais la mollesse et Finsouciance d'Othon III y mirent obsta-
cle.
Le pontife dirigea alors toute sa sollicitude sur un autre
danger qui menaçait la chrétienté. Les Sarrasins ayant envahi
les frontières romaines s'emparèrent de Capoue,mais ils furent
défaits par Othon qui les obligea à abandonner leur conquête.
Cependant le danger était toujours menaçant, car de l'Orient
sortaient par essaims ces bandes d'infidèles qui promenaient
le fer et le feu sur le midi de l'Europe. Sylvestre conçut le
projet d'une immense coalition de tous les peuples réunis dans
une même foi, pour repousser ces invasions, et dans l'intention
d'atteindre ce but, il adresssa à la chrétienté une lettre su-
blime, dans laquelle il trace le plan des croisades ; la voici :
« L'Eglise de Jérusalem à l'Eglise universelle, conmiandant
aux sceptres des royaumes.
« Lorsque je vous vois pleine do vigueur, moi, épouse im-
maculée du Seigneur, qui me reconnais pour un de vos mem-
bres, je sens que je n'ai pas encore perdu toute espérance de
relever ma tète affaissée sous le poids do la douleur. Ah I (|ue
n'ai-je point à espérer, ô maîtresse des événements, si vous
me reconnaissez comme une ])artie de vous-même ! Y a-t-il un
seul de vos enfants qui puisse se croire étranger au malheur qui
m'accable et me dédaigne comme peu de prix ? Quoi([ue abaissée
maintenant, l'univers m'a regardée cependant comme la plus
noble partie de lui-même. C'est sur mon sol ([n'ont retenti les
oracles des prophètes et les témoignages des ])atriarches ; c'est
à que se sont levés les apôtres, ces Dstres lumineux du
272 I.E PKEMIEU PAPE FRANÇAIS
nioiide. (Test par moi que loule la terre a reru la foi, c'est au-
près de moi (ivrellc a trouvé son Sauveur. Quoique ce Sauveur
soit partout par sa divinité, cependant, comme homme, c'est
ici ([u"il est né, qu'il a soufiert et qu'il a été enseveli ; c'est
d'ici qu'il s'est élevé dans les cieux. Comme le prophète a dit
que sou sépulcre sera glorieux, le démon cherche à le couvrir
d'opprobres, en faisant ravager par des païens les Lieux-Saints.
Marchez donc, soldats du Christ, prenez vos enseignes et vos
armes ; et si vous ne pouvez combattre en personne, apportez
le secours de vos conseils et de vos richesses. Que donnez-
vous et à qui donnez-vous ? On vous demande une modique
part de votre abondance pour Celui qui vous a donné tout gra-
tuitement ; encore ne le recevra-t-il pas sans vous récompen-
ser. Il multipliera vos biens sur la terre et vous en donnera
de plus grands dans le ciel, il vous bénira par ma bouche pour
que vous croissiez à mesure de vos largesses, il vous remettra
vos fautes et vous fera vivre et régner avec lui '. »
Sylvestre n'eut pas le bonheur de réussir dans sou pieux
dessein. Seuls, les Pisans se levèrent à sa voix et équipèrent
une flotte qui, sillonnant les flots de la Méditerranée, ouvrit
ainsi le premier sillon que devaient suivre plus tard, à la voix
d'Urbain II, les navires des croisés. C'est à un ancien arche-
vêque de Reims qu'était due la première pensée des croisades.
C'est à un enfant du diocèse de Reims qu'il était réservé de la
mettre à exécution.
Toutes ces préoccupations ne faisaient pas oublier à Sylvestre
la mission la plus importante qui lui était confiée, celle de
sauver les âmes. Il semble que Dieu ait voulu, sur la fin de la
vie de son serviteur, le consoler de l'ingratitude dont il avait
été si souvent la victime, en lui accordant la grâce d'introduire
dans le sein de l'Eglise de nouveaux peuples. L'an lUOU, le
duc Etienne, chef de ces Hongrois qui avaient lancé contre la
civilisation leurs hordes dévastatrices, envoya une ambassade
au Souverain-Pontife, pour lui faire hommage de ses états.
Son exemple fut suivi par le duc de Pologne, Miesco, fils de
Boleslas.
Nous avons peu de détails sur les dernières années de la vie
du pape Sylvestre. Les infirmités, les révolutions, l'élude et
les vicissitudes avaient brisé avant le temps son énergique
1 . Abraham Bzovius iii Aun. Baron, ami. I0U3, n" 6, — Gerbert Epislol.
GCIX, p. 149.
GERBERT 273
nature. Les dernières pensées du grand poulife furent pour le
ciel, témoins les hymnes ([u'il composa eu l'honneur du S.
Esprit sur son lit de douleur, Cantica de S. iSpiritu, et une
prose dédiée aux Saints Auges, Ad cdehres rex cœli. Il mourut
le 12 mai de l'année 1003, après avoir occupé \d siège aposto-
lique pendant quatre ans trois mois et dix jours ; il n'avait que
soixante-trois ans. Il fut inhumé dans l'église de Latran.
L'an lOOD, le pape Sergius IV composa en son honneur
répitaphe suivante, que l'on peut encore Ure aujourd'hui à
Rome : « Ce coin de terre où sont ensevelis les restes de Syl-
vestre, les rendra au Seigneur quand sonnera la trompette du
jugement dernier. La Vierge, mère de la Sagesse, l'avait donné
au monde qu'il devait illustrer ; la cité de Rome, capitale de
l'univers l'avait mis à sa tête. Français de nation, Gerbert fut
jugé digne de s'asseoir sur le siège de Reims, métropole de sa
patrie. Son mérite le fit élever au gouvernement de la noble et
puissante cité de Ravenae. Un an après, changeant son nom,
il monta sur le siège de Rome et devint le pasteur du monde
catholique.il fut redevable de cet honneur à l'empereur Olhou
qui voulut récompenser ainsi sa fidélité. Tous les deux illus-
trèrent leur époque par l'éclat de leur sagesse. Tous les cœurs
étaient dans l'allégresse, car partout le crime et le désordre
furent réprimés. Comme le prince des Apôtres, auquel il suc-
céda sur le trône pontifical, il reçut trois fois la mission de
paître les peuples. Après avoir rempli pendant un lustre ces
sublimes fonctions, il mourut. Le monde, d'où disparut la
concorde, fut plongé dans la stupeur; l'Eglise chancela au
milieu de son triomphe et ne connut plus le repos. Successeur
et ami de Sylvestre, le pontife Serge, dans un sentiment de
tendre piété, lui a érigé ce loculus. Qui que tu sois, qui laisse
tomber tes regards sur ce sépulcre, dis cette prière : Dieu tout
puissant, ayez pitié de lui. Il mourut l'an 1003 de riiicarnatiou
du Seigneur, iudiclion première, le douzième jour du mois de
mai \ »
1 . Istc locus mundi Sylvcstri mombra sopulU
Vuiituio Domino conCci'et ad soiiiluiD,
Queiu dederat inuudo cclchreiii doctissiiua Viryu
Atquc caput mundi culrain.'i Konuilca.
l'rimuni Gcrburtus mcruit Francigena S(.'(leni
Remensis populi metropolini patriie.
ludè Haveuiialis meruit consccndeic sumiuuiu
Ecclcsia; ri'gimcu nobilc fiUiiie polcuo.
27 i LE PREMIER PAPE FRANÇAIS
Le pape iDiiocentXII ayant fait exécuter, eu 1048, des ré-
parations importantes à S. Jean de Latran, il fallut toucher
aux lombes des papes placées dans la nef et sous le portique :
a Le chanoine César Ruspoui, dit M. Olleris à qui nous em-
pruntons ces détails, chargé de présider à cette opération, nous
en a laissé le procès-verbal officiel. La tombe de Gerbert,
placée sous le portique, laissait souvent échapper un suinte-
ment qui s'explique par la nature même du sol et de la tempé-
rature ambiante : « Quand ou l'ouvrit, dit le savant chanoine,
le corps de Sylvestre II fut trouvé tout entier, couché dans un
sépulcre de marbre, à une profondeur de douze palmes (un
mètre). Il était revêtu des ornements pontificaux, les bras
croisés sur la poitrine, la tête couverte de la tiare. Dès qu'on
l'eût changé de place, l'action de l'air extérieur le fit tomber
en poussière, et il se répandit tout autour une odeur douce et
agréable, peut-être à cause des parfums qu'on avait employés
pour l'embaumement. Il n'en resta qu'une croix d'argent et
l'anneau pontifical ' » . Le chanoine de Latran ne dit pas où
furent déposées, après cette découverte inattendue, les cendres
de Sylvestre II. On ne sait pas davantage ce que sont devenus
la croix et l'anneau de Gerbert ; mais la table de marbre qui
recouvrait sa tombe a été scellée dans le second pilier à droite,
en face de la chapelle de S. Maxime. Aujourd'hui encore,
comme nous l'avons dit, on peut y lire l'épitaphe composée en
Post annum Romam mulato nomiue sumpsit,
Ut toto pastor f;eret orbe novus.
Cui nimium placuit sociali mente iidelis
OLtulit hoc Ca3sar tertius Ollo sibi.
Tempus uterque comit clara virtute sophiœ,
Gaudet et omue seclum, frangitur omue reum.
Clavigeri instar crat cœlorum sede potitus,
Terua suffectus cui Ticc pastor erat,
Iste vicem Pétri postquàm suscepit, abegit
Lustrali spatio sa-cula morte sui.
Obriguil mundus, discussa pace : triumphus
Ecclesiœ mutans dedicil requiem.
Sergius huuc loculum mili pietute sacerdos
Successorqus suus compsit amorc sui.
Quisquis ad huac tumulum devexa lumina verlis :
Omnipoteus Domine, die, miserere sui.
Obiit aiino Domiaicaj lucaruationis MIII
Indict. I mensis Maii D. XII.
1. Mabillou, Auu. Béned. T. IV, p, 1G3-164.
GERBERT 275
l'au lOU'J. par le papo rfergius IV, lequel veuge la mémoire
de sou illustre prédécesseur do taut d'absurdes calomuies '. »
« Uu jour, dit uu historieu moderne, quand l'histoire, au
lieu de donner aux dilférents âges les limites rigoureuses de la
chronologie, mesurera chaque époque par les progrès qui l'au-
ront signalée, et désignera chaque siècle par le uom des hom-
mes dont les vertus, les œuvres ou le génie l'auront illustré,
le réveil qui suivit la uuit profonde du x" siècle prendra le uom
du glorieux pâtre de Belliac, et la période qui sépare l'avéue-
ment de Hugues-Gapet des enseignements de S. Ansalrae,
s'appellera dans l'histoire du progrès et de la civilisation, le
siècle de Gerbert *. »
J. Chardron,
curé do Chémery.
1. OUcris, Vio de Gerbert, p, 197.
2. Gerbert, Etudes bidtoriques sur le x"^^ siècle, par l'abbé F. P. Lausscr,
p. 377. (Aurillac, 1860.)
HISTORIQUE DE LA CORPORATION
DES
APOTHICAIRES - ÉPICIERS
Ll VILLE DE
CHALONS- SUR -MARNE
XXI
Nul ne pourra s'entremellre de vendre et débiter iiy dùlailler
aucuue sorte de marchandises, drogues et espices, poudres et
aultres qui entrent au corps humain, tant simples que com-
posées ny aultre chose despendant de l'art d'apothicairerie et
espicerie, s'il n'est passé et receu maistre.
XXII
Au cas qu'il arrive quelques marchandises, drogues, espices
par marchands forains, le premier des maislres apolhicaires-
espiciers et espiciers-simples seront tenus advcrtir les maislres
jurés pour visiter lesdites marchandises avant que les exposer
en vente.
Est inhibé et deffendu ausdiclz maislres de les achepler sans
que préalablement elles n'ayent esté vencs et visitées par
lesdiclz maislres jurez, sous peine d'amende arbitraire.
XXIII
Au cas qu'aucun contreviendroit aux ordonnances cy-des-
sus, payera les amendes a quoy il sera condamué, lesquelles
scroDt employées pour les aif;iires et enlrelènemeul dudict
art.
XXIV
Et au cas qu'aucun desdictz maislres tant présents que
* Voir page 195, tome XV, de lu Hcvue de Champagne et de Brie.
277 HISTORIQUE DE LA CORPORATION
advenir, soit apothicaire-cspicier on espicior-simple viendront
des nécessitez de maladie ou aiiltres accidents, comme en
pareil cas leurs vefves, seront assistés des deniers clairs qui
proviendront des maistrises dudict art, a distribuer par les
maislres jurez selon la possibilité qui en sera, tant esditz
maistres que vefves comme pareillement aux pauvres compa-
gnons François, italiens, allemans, espagnols, comme d'autres
nations qui passent à touttes journées par ladilte ville do
Chaalons, ne pouvant estre occupés par lesdictz maistres ainsy
comme ils pourroieut désirer.
XXV
Que la commission émanée de M. le bailly de Chaalons,
touchant les visitations, obtenue par Jehan Maupiu et Claude
Roussel maistres jurez de l'année 1016, dont la teneur s'en-
suit, sera exécutée par les maistres jurez en la forme
et manière qu'il est ordonné pour le présent et pour
l'avenir.
Signé: Maupin, Roussel, Noël, Horgueliu, Deu, Lemoyne
et Claude Francoys.
Ces statuts furent homologués par le bailly, le 9 janvier
1620.
La commission délivrée parle bailly aux maistres jurés pour
l'exercice de leur charge est ainsi conçue ;
« Pierre Dalfeston escuyer, sieur de Joyeulx, bailly de
Chaalons, au premier sergent dudit bailliage, sur ce requis,
salut. »
« Dans l'acte de prestation de serment faicte par devant
nous par Jehan ^laupin et Claude Roussel maistres jurez pour
l'année, de l'art et maistrise de pharmacie, apoticairerie et
espiceric en ceste ville de Chaalons, en date du 19° febvrier
1G15, par lequel entre aultre chose est ordonné que commis-
sion pour faire les visitations ordinaires et accoustumées leur
seroit délivrée ; »
« Nous avons permis et permettons ausdits Maupin et
Roussel de bien et fidcllement procedder aux visitations des
ouvrages dudict art et mestier de pharmacie et espicerie,
appeller avec eulx ung des sergents dudict bailliage et le
premier sur ce requis, lequel ils seront tenus prendre et
mener avec eulx en faisant lesdites visitations au comté et
pairie dudit Chaalons. »
a Auquel sergent donnons pouvoir et mandement de saisir
278 HISTORIQUE DE LA CORPORATION
et mettre en la main de Monseigneur à la requête de son pro-
cureur fiscal audict comté et pairie et desdits maistres jurez
tout et chascun des ouvrages et marchandises, mesme ceux
apportés par les forains dépendant dudit estât d'apoticaire et
espicier, rpii seront trouvés vitieux et malfaçonnez, tant es
boutiques, maisons et marché de ceste ville de Chaalonsetdes
maistres dudict mestier que desditz forains qui luy seront,
par iceulx maistres jurez, déclarez estre vitieux soit en la
matière ou en la façon et composition d'icelle, et de tout, faire
procès-verbal et establissement de commissaires gardiens, pour
estre communiqués audict procureur fiscal, et les partyes
ouyes par devant nous en estre ordonné ce que de raison. »
« Et en oultre sur ce que lesdits maistres jurez nous ont
exposé que tant en ladilte ville de Ghaalons que faulxbourgs
et banlieue d'icelle, il y a plusieurs sortes de personnes, les-
quelles oultre leurs mestiers et professions se sont entremis et
entremettent journellement de vendre, débiter et distribuer
indifféremment des compositions, sirops laxatifs et aultres,
des pouldres, emplastres, unguent, drogues et espiceries tant
simples que composées, sucre, confitures, ouvrages de cire,
poisons, venins et aultres choses qui dépendent de la pharma-
cie et espicerie, sans qu'ilz ayent jugement ny capacité de
cognoistre la force et vertu tant bonnes que mauvaises desditz
médicaments et de les sçavoir doser et proportionner en com-
position, dont arrivent dommages et inconvénients irréparables
et offensifs au publicque pour le peu d'ordre que l'on y appor-
toit par cy-devant. »
« Avons ausditz maistres jurez apoticaires et espiciers per-
mis d'eux transporter au logis des marchants et aultres de
quelque quotité qu'ilz soyent, qui, au dedans dudict comté et
pairie feront telles compositions et distribution d'icelles, les
visiter et saisir tant bonnes que mauvaises en la présence
d'ung sergent, auquel mandons procéder par saisie de tout ce
qui se trouvera vitieux en la matière ou en la façon et qui tel
luy sera déclaré par lesdictz jurez, avec établissement de gar-
diens, et, en cas d'opposition, assigner les appellans et tous
aultres dont il sera requis pour en déduire, pour causes
mesmes, ceulx qui ne sont point apoticaires et espiciers audict
Chaalous pour dire ce que voudront sur ce que lesditz jurez
entendront requérir, que defîences soyent faictes de s'immis-
cer doresnavaut en la composition, vente et distribution de
tout ce qui deppend de la pharmacie et art d'apoticaire-cspi-
cicr, et pour en oultre procedder comme de raison. »
DES APOTHICAIRES-ÉPICIERS 279
« De ce faire donnons ausditz jurez et sergent sur ce requis,
pouvoir, mandons à tous qu'il appartiendra obéir. »
« Donné soubz le seing du greffier ordinaire dudict bail-
liage ou son commis le vingtiesmc jour de febvrier 1016. »
« Signé : P. Horguelin et Lemoyne. »
Les statuts qui précèdent ne disent rien de la fête que les
apothicaires de Ghâlons célébraient chaque année à l'exemple
de toutes les autres corporations. Le registre des conclusions
vient combler cette lacune et nous apprendre qu'ils fêtaient la
Saint-Luc, que la cérémonie religieuse avait lieu au couvent
des Corieliers et que le soir il y avait un festin. La conclusion
du 11 octobre 1020 un peu brève, peut-être, donne à cet égard
certains renseignements de détail ; il y est dit :
« Sera payé pour le service qui se fait chaque année aux Cor-
deliers le jour de Saint-Luc, messe et vespres quarante-cinq
solz, et sera distribué aux pauvres en sortant do ladicte église
la somme de dix solz. — En outre a este admis et arresté que
à r advenir et chascun à son tour advenant ladite feste, sera
tenu, l'un desditz maistres, fournir pour le service dudit jour
et veille six cierges de cire jaune du poids de quatre onces, et
le jour de la feste fournir ung pain bénit décent et hon-
ncste.
« Et d'abondant sera tenu ledit maistre prestec son logis et
tout ce qui sera nécessaire durant le festin et temps de ladite
feste, en luy fournissant pain, vin et viandes. »
Un petit registre du couvent des Gordeliers tenu de 1745 k
1700, nous donne quelques renseignements sur la cérémonie
rehgieuse. On y trouve ce qui suit ' :
« Apothicaires. — Le 18 octobre, jour de Saint-Luc, MM.
les apoticaires fout leur fête. Grand-messe à 9 heures et 1/2,
vespres à ?> heures. Il n'y a ni procession ni autre chose. Le
lendemain un obit à 8 heures. On chante le Languentihus gra-
tis, pour lequel service ils donnent 0 livres.
« Lorsqu'il meurt un confrère, ou porle chape, on met la
représentalion. On apporte pain et vin à l'offrande et on paye
40 sols. »
EXAMENS ET ÉPREUVES POUR l'aDMISSION A LA MAITRISE
En dehors de l'examen oral auquel l'aspirant devait répondre,
1. Arcliivcs il^parlemcnlalcs. — Fonds des Cordoliers de Cliâlons,
280 HISTORIQUE DE LA CCKPORATION
on lui imposait comme chef-d'œuvre, pour la pharmacie : la
confection de deux préparations pour l'usage interne, deux
pour l'usage externe et pour l'épicerie-cirerie deux prépara-
tions d'épices et une de cire.
Malgré l'incroyable nombre de préparations indiquées dans
les formulaires de la vieille phariuacopée, les chefs-d'œuvres
imposés aux élèves à Chàlous ne sortirent pas d'un cercle assez
restreint ; pendant toute la période qui s'étend de 161 5 à 1792,
les préparations prescrites sont invariablement choisies parmi
les suivantes :
Pour la pharmacie usage interne :
Le désucer rosarum de Mesué,
L'électuaire lénilif de Bauderon,
L'électuaire diacarthame d'Arnould,
L'électuaire diamargaritum frigidum en tablettes ',
La confection d'hyacinthe,
La confection d'alkermès de Mesué.
Pour l'usage externe :
Emplâtre oxycroceum,
Onguent apostolorum de Bauderon ',
Onguent résumptif,
Emplâtre mucaginibus,
Emplâtre diachylum magnum,
Emplâtre gratia Dei.
Emplâtre Fili Zachariae,
Emplâtre pro fracluris et dislocalione ossium.
Pour l'épicerie-cirerie ;
Anis conllt musqué,
Conserve de roses,
Coriandre lisse musquée.
1. Il outrait dans cette composition : des perles, -de Ter, de rémoraude,
du saphir, de Tambro, de la soie crue, du musc, do l'os de cœur de cerf,
etc
2. Bauderon dans sa pharmacopée (édition do 1G02), dit ceci : « Cet on-
guent a pris le nom des aposlres non qu'ils en a3'ont esté les inventeurs,
mais du nombre douze qu'ils éloient, comme il est composé de douze dro-
gues. J'estime Aviccnne on avoir esté l'inventeur qui florissoit du temps de
Soinct-Augusiin l'an clu Salut ''(2S car il le décrit an livre V. »
DES APOTHTCAIRES-KPICIERS 281
Ilippocras ' ,
Chandelles de cire jaune,
Cierges de cire blinclie.
Voici les noms des personnes qui exercèrent la prolcssiou
d'apolhicaire de Tan IGUO à l'an 17*J2 ' :
1. Les livres de vieille pharmacie contiennent une infinité de recettes
d'Hippocras ou Vinum Hippncraticum. L'IIippocras le plus usuel consistait
en vin auquel on ajoutait du sucre, de la cannelle, du palanga et de la noix
muscade.
Ces anciens livres sont fort curieux à examiner au point de vue du nombre
de substances qui entraient dans la composition des médicaments et des
effets vrais ou supposés qu'on leur attribuait. Ils présentent un autre côté
intéressant au point de vue littéraire ; tous sont précédés do sonnets ou do
vers pompeux à la louange de l'auteur. Nous en citerons deux qui nous ont
paru présenter une certaine originalité. La pharmacopée ou antidotaire de
Laurent Joubcrt, médecin de Montpellier, éditée à Lyon en 1531, contient
trois sonnets dont voici le troisième :
Comme du clair soleil la chevelure orine
Esclaire, illustre, enflamme et exorne les cieux
Par ses rais, par son or, par son feu radieux
Et anime le rond de la lourde machine.
Ainsi de tes escrits la resplendeur divine
Désillant nostre esprit d'un oubli ocieux
Comme dans un tableau nous met devant les yeux
Les abondaus thrésors d'une haute médecine.
Je ne mcshais point si ton esprit divin
Suit de près la splendeur du flambeau ApoUin ;
Premier il te nourrit en son eschole aimée.
Premier il te fist voyr l'argentine liqueur
Du ruisseau cabaUin et la saincte douceur
D'une dance des sœurs par leur chant animée.
La pharmacopée do Bauderon (Edition de 1627), est précédée d'un sonnet
plus curieux encore dans sa vcrsilication. Le voici :
L'art sans art se peut dire, auquel la théorique
N'est conjoinctc à l'usage et à l'expériment :
C'est un arbre sans i'ruict et l'ombro seulement
Qui, sans un corps solide est veine et fantasti([ue.
Mais lorsque cet art est joinct à la practique,
C'est un art avec art, un art entièrement ;
Il n'est plus divisé, il a son complément;
Et parfaictc encyclie en luy se communique.
Ainsi que ce traité, Bauderon monstre a ceux
Qui de la Pharmacie ont l'esprit curieux
Comme il iaut unir l'art avec l'expérience :
Et ce faict de mélhodc est d'un ordre si beau
Que du Pharmacopole il chasse l'ignora nco
Et sert i\ le guider de phare et de flambeau.
2. Il est à noter que dans cette liste on voit figurer dos membres des
familles les plus notables de Châlons.
282 HISTORIQUE DE LA CORPORATION
1600.
— André Rivet.
Jecau Horguelin.
Jean Maupin.
1603.
— Guiliaurac Allard.
Claude Roussel.
Jean de Serval.
1605.
— Pierre Horguelin.
1G08.
— Jacques Noël.
André Le Moyne.
Nicolas Balou.
1615.
— Claude François, fils.
Pierre Maupin.
1617.
— Jacques le Folmarié.
1624.
— Isaye Louis.
1625. — Louis Milson.
1626. — Jean de Serval, fils.
1631. — JeanBailly.
Claude Maupassant.
1634. — Jacques le Courier.
1638. - Jean Maupin.
Pierre Foumier.
1639. — Pierre Laguille.
1640. — Jean Thé venyn.
1642. — Pierre Varin.
1644. — Claude François, fils.
1645. — Charles Lallemau t .
Jean Raussin.
1646. — Jean de Parvillier.
1647. — Pierre Chedel.
1650. — !Nicolas Talon, fils.
1673. — Pierre Laguille, fils.
1675. — Jean de Parvilliers, fils.
1680. — Claude Bouin.
Joseph Lavialle.
Jean Château.
1605. — Joseph Talon.
1700. — Nicolas Farochon.
1706. — Claude Derosne.
DES APOTHICAIRES-ÉPICIEBS 283
1708. — Pierre Lavialle.
1710. — EdmeBouin.
1711. — Jacques Véron.
1714. — Jean-Baptiste Main.
1718. — Pierre- Ambroise Lassou.
1723. — Pierre Moret.
1728. — Pierre Faroclion.
1735. — Jean Lavialle.
1749. — François Dagonet.
17;i3. — Charles Farochon.
1761 . — Jean Claiizet.
1763. — Ch.-Melchior DegauUe.
1776. — Pierre-Mathieu Dagonet.
Claude Theuveny.
1777. — Jérôme-Marie Champenois.
1789. — Joseph Tisset.
Nous ne possédons que peu de noms d'apothicaires ayant
exercé avant Tan 1600, l'examen des archives de diverses pa-
roisses de la ville n'eu révèle qu'un très-petit nombre, et
chose assez remarquable, on n'y trouve, faite par un apothi-
caire, aucune fondation de 'messes ou d'obits ni aucune dona-
tion soit à l'église, soit aux pauvres des hôpitaux,
En 1320, nous relevons dans un acte de Tofficiai, le nom de
Auherto apothecario scabino Cathalaunensi.
En 1475, celui de Jehan Gibert dit Michiel, apothicaire, rue
de Vaux.
En 1480, celui d'Estienne, apothicaire, grande rue « faisant
le coing de la Juifverie. »
En 1521, celui de Collesson Deniset, apothicaire, rue de
Vaux.
En 1522, Nicolas Deu, apothicaire, grande rue v au coing de
la rue des Bains à la Chièvre, où pend l'enseigne : Au Mortier
d'Or. .
En 1558, Nicolas François, rue de Vaux.
En 1562, Pierre Lestache, carrefour Notre-Dame.
Pour M'' Nicolas Deu susnommé nous possédons l'inscrip-
tion de sa pierre tombale et de sa familhî. Cette pierre était
jadis placée dans le mur du bas côté nord de l'église Saint-
Alpin. On y lisait :
284 IIISTORTQTTE DE LA CORPORATION
Cy (jist devant la fosae Sainct Alpin., Marguerite de Chei-
nes femme d'/wnneste hue Nicolas Deu, tivani appoticaire et
bourgeois de Chaalons, laquelle deceda le XXV II" jour de
juin M, V<^ XXIIII — et ledit Nicolas Deii en ce mesme lieu
(jui deceda le X"" jour de mars M. V^ LXIII. Et Jehan Deu
fils dîcdit Nicolas qui deceda le XXP jour de juin M. Vc LX,
et aussi Loyse Vaulhoiire fême dudit Jehan Deu, laquelle
deceda le XXW novembre M. Vc IIII'^x et VIL (Armoiries) .
En inOfi, nous trouvons encore le nom de Claude Deu, apo-
thicaire, qui fut emprisonné pour acte d irrévérence envers le
Conseil de ville.
Enfin, en 1040, nous retrouvons dans le testament de l'é-
voque Henri Clausse le nom de André Lemoyne, apothicaire,
cité dans la liste que nous avons donnée ci-dessus. Il y est
dit : « Laisse à M'' André Lemoyne, son apolicaire, la somme
de mille livres, en considération de ce qu"il l'a assisté de ses
peines et travail extraordinaire en toutes ses maladies sans
avoir eu autre récompense que le paiement de ses parties,
l'aiant mesme assisté de ses biens pendant que son revenu a
esté saisy . »
[A suivre) L. Grignon.
APPENDICE
Extrait des registres de la paroisse de Montigny-Lencoup
1° Du samedi 15 décembre 1731 , iuhumaLion dans le chœur
de l'église, du corps de Charles-Frédéric Trudame, chevalier,
seigneur de Lozières et autres lieux, mestre de camp, sous-
lieuteuant des geudarmesdu roi, décédé la veille au château de
Montigny, à l'âge de 24 ans ; — En présence de Charles Laga,
sou valet de chambre et de Jacques Gautrot, valet de cham-
bre de madame Trudaine la mère, conseillère d'Etat.,..
2" — Du ii août 1777, vers sept heures du soir, décès de
Jcan-Charles-Philibert Trudaine, chevalier, seigneur de Mon-
liguy-Lencoup, Salins, Villeueuve-le-Comte et autres lieux
conseiller d'Etat ordinaire et aux conseils royaux des finan-
ces et de commerce, demeurant ordinairement à Paris, rue des
Vieilles-Haudrieltes, veuf en premières noces de Françoise
Gaigne de Périgny et en secondes noces de Aune-Marie- liosa-
lic Bouvard de Fourqueux, âgé de 45 ans ; inhumé le 7 août,
dans le chœur de l'église, eu présence de Charles-Louis et
Charles-Michel Trudaine, ses enfants, de Jeau- Louis Devil-
lard, leur gouverneur ; de Jeau-Baptiste-Claude Cadet de Sai-
neville, avocat eu parlement, membre du conseil des fermes
générales de sa majesté et censeur royal ; de Jacques Prost,
régisseur de la terre de Montigny ; des officiers du bailliage de
ce lieu.
.'}" — Du 0 fructidor an VI. Décès au château de Monti-
gny de CharloLle-Joséphi7ie MicauUde Courheton, fille majeure
interdite de feu Jean Vivant Micault de Courbelon et de Ma-
' Voir page 9*7, lumu XV, do lu Revue de Champagne et de Brie.
286 LES TRUDAINE
rie-Frauçoise ïrudaiue, née à Paris le 4 juiu 1771 ; iuliumée
le 7 fructidor, daus le chœur de l'ét^dise du lieu.
4o — Du 11 brumaire au XI, acte de décès à Genève, de
Marie- Joseph e Louise Micaidt de Cowàelon, âgée de 33 ans,
fille de Jean Vivant Micault et de Marie-Françoise Trudaine,
veuve de Charles-Louis Tnidaine.
Transportée de Genève et inhumée dans le chœur de l'église
de Montigny-Leucoup.
5"^ — Du 6 pluviôse au XII, inhumation dans le chœur de
l'église de Montigny, conformément aux dernières volontés de
la défunte, du corps de Marie-Françoise Trudaine, veuve de
Jean Vivant- Micault de Gourbeton, décédée à Paris le 4 dudit
mois et transportée à Montigny, d'après l'autorisation obtenue
par Lubiu Marie Vivaut-Micault de Gourbeton, son fils.
II
Inscriptions dans lEglise Ste-Geneviève de Montigny-Lencoup
D. 0. M.
Cy devant, au pied du Sanctuaire,
Repose le corps de Messire,
Frédéric-Charles Trudaine de
Loziers, Chevalier, sous-lieutenant
de gendarmerie, iils de feu Messire
Charles Trudaine, conseiller
d'Etat ordinaire, prévost des
Marchands, décédé au château do
Montigny, le XIV décembre
M.VCC.XXXI, âgé d'environ XXIV ans
Requiescat in pacc
Marbre noir. — haut. 0 m. 99 ; larg. 0 m. 69. — inscrip. surmontée des
armes du déluut (trois dains dans un ovale.)
Inscription funéraire de Jean-Charles-Philibert Trudaine
(Nous en avons donné le teste au cours de la notice qui précède),
Marbre blanc. — haut. 1 m. 11 ; larg. 0 m. 70.
m
Extrait des registres de la paroissi St-Genez, de Clermont-Ferrand
1" Du 19 janvier 1733, baptême de Jean-Charles-Philibert
LES TRUDAINE 287
Trudaine, ué le même jour fils de Messire Daniel-Charles
Trudaiiie, chevalier, seigneur de Montigny, Villeneuve-le-
Gomte, Salins, conseiller du roi en ses conseils, maître des
requêtes ordinaires de son hôtel, intendant de justice, police
et finances en la généraUté de Riom et province d'Auvergne,
et de dame Marie-Marguerite Chauvin ; — Parrain : Messire
Jean Hector de Fay, marquis de la Tour-Maubourg, brigadier
des armées du Roi, inspecteur général de l'infanterie, repré-
senté par Messire Charles-Philibert, chevalier, marquis d'Ap-
ches ; marraine : dame Catherine Guillot, épouse de Messire
Jean-Baptiste de Gaumont, chevaher, seigneur de Semhay,
conseiller d'Etat ordinaire et conseiller d'honneur au Parle-
ment de Paris, intendant des finances, représentée par dame
Renée Magdeleine de Rambouillet, veuve de Messire Charles
Trudaine, seigneur de Montigny, conseiller d'état ordinaire,
dame de Laleu, Fronsac, Chaisse, Lajarrie, Lancey, La Sa-
blière, Le Toillon, L'Hérondière, La Quinevière et autres lieux.
(Aïeule de l'enfantj.
2" — Du 7 février 1734. Baptême de Charles Trudaine,
né d'hier, fils de Messire Daniel-Charles Trudaine et de
dame Marie-Marguerite Chauvin,
3o Du 23 mars 1734 — Inhumation, dans le chœur de Té-
glise St-Genez, du corps de dame iMarie-Maryuerite Chau-
vin, épouse de Messire Daniel- Charles Trudaine, intendant
d'Auvergne ^
IV
Inscriptions retrouvées sous le dallage de l'Eglise Saint*Nicolas-des-Champ£
à Paris, en 1861 -
Cy gist
Très haute et puissauto dame
Dame Henéc Madeleine de
Uambouillct de lu Sablière, dame
De la Vicomte Je From (sac), Couduu,
Luiarrie, Luleu, iSt-Maurice et
1 . L'église a été démolie au commeucemciil de ce siècle.
2. {InscripUons de la France par M. GuillRrmy, T. 1". — Diocèse do
Paris. 1873, p. 126.)
288 LES TRUDAINE
autres lieux, veuve de haut et
puissant seigueur Messirc Charles
Trudaiue, conseiller d'Etat
ordinaire, ancien Prévost des
marchands de la ville de Paris,
décédée le 20 (novembre) 174G, âgée de 67 ans,
Requiescal in pace
Cuivre. — haut 0 m. l'J3 ; larg. Om. 15.
Cy git
AmaLle-Charles Trudainc
de la Sablière , chevalier ,
fils de haut et puissant
Seigneur Messire Daniel Charles
Trudaiue, chevalier, seigneur de
Montigny, Salins, Villeneuf le
Comte et autres lieux, conseiller
d'Etat, intendant des Finances,
et de dame Marie-Margueiilc
Chauvin, âgé de 16 ans, mort
leli. XBRE 1748
Requiescat in paee
Cuivre. — haut. 0 m. 18 ; larg. 0 m. 145.
Extrait du jugement du tribunal révolutionnaire du 8 thermidor an II,
condamnant à la peine de mort DUSSON, LABEYEAY, LOISEEOLLES et
autres au nombre de 23. (Conspiration de Saint-Lazare, 3" fournée), en
ce qui concerne les frères TEUDAINE et MICAUT '.
Vu par le Tribunal révolutionnaire élably à Paris l'acte
d'accusation dressé par l'accusateur public prez iceluy contre
Dusson, Labeyray, Loiserolles, Trudaine, MicmU...., dont
la teneur suit :
« Antoine Uuentin Fouquier, accusateur public du Tribunal
« révolutionnaire établi à Paris par décret de la Convention
« Nationale du 10 mars 1793, Tan deuxième de la République,
« sous aucun recours au Tribunal de Cassation, en vertu du
« pouvoir à lui donné par l'arliclc 2 d'un autre décret de la
« Convention du 'i avril suivant ; portant que l'accusateur
« public dudit Tribunal est autorisé à faire arretter, poursui-
1 . D'après l'original aux Archives nationales communiqué par M. Maury,
directeur général aux Archives,
LES TRUDAINE 289
« vre et juger sur la dénonciation des autorités constituées ou
« des citoyens.
« Expose (jue par arrêté du Comité de Salut Public de la
3 Conveuliou Nationale \" 2o 3" 4**
« G° Charles- Lo2iis Trudaine, âgé de 29 ans, né à Paris,
« demeurant à Monliguy, département de Seine-et-Marne ;
« 7" Charles- Micliel Trudaine, âgé de 28 ans, né à Paris, y
« demeurant ;
« ^" Joseph- Vivani Micant, âgé de 27 ans, né à Paris, y
« demeurant, rue Taitbout ;
« Suivent 15 noms ;
« Ont tous été traduits au Tribunal révolutionnaire, comme
« prévenus de s"ètre déclarés les ennemis du Peuple par les
« trames, manœuvres et complots contre-révolutionnaires ;
« qu'examen fait des pièces adressées à l'accusateur public, il
« en résulte que lesdils Dusson et autres prévenus paraissent
« avoir été les complices de la conspiration hardie dans la
« maison d'arrêt dite Lazare parles nommés Allaiîi, Selle,
« Isnard et autres conspirateurs dont le Tribunal a fait justice
« et qu'ils devaient seconder, dans l'intérieur de lad. maison
« d'arrêt, le mouvement que devaient faire à l'extérieur ledit
« Allain et autres conjurés pour enfoncer les portes et parve-
« uir à l'évasion qui devenoit le signal de nouveaux forfaits.
«. Les prévenus sont d'ailleurs les ennemis nés du peuple,
« tous ont secondé les trames de Capet et de sou comité autri-
« chien contre la llévolution, ou ont favorisé les projets des
« conspirateurs d'Uutre-Ilhin contre la B'rance eu entretenant
« des correspondances avec eux ou en leur faisant passer le
« numéraire pour les mettre eu état de fournir aux dépenses
« de leurs complots ; il est prouvé aujourd'hui que la repré-
« sentation parmi les ennemis extérieurs de la France étoit
« solidaire, et qu'un seul ou deux individus de la môme famille
« ex-noble la représentoit tout entière parce([ue les autres ne
et restoient dans l'intérieur que pour y être les agents des ma-
« uœuvres perfides du tyran pour livrer le peuple français
a aux despotes étrangers et à leurs esclaves, ainsi
« les frères Trudaiae et Micaut n'ont
« cessé, depuis la révolution, de montrer la haine et l'aversion
« la plus prononcée contre la souveraiueté du pcu[)le et
» légalité.
« D'après Texposé ci-dessu.-', l'accusateur public a dressé la
19
290 LES TRUDAINE
« présente accusalion contre les y déuomniùs pour avoir cons-
« pire et sêtre déclarés les ennemis du peuple en entretenant
a des correspondances et intelligences avec les ennemis inté-
« rieurs et extérieurs de la République, eu leur fournissant
rt des secours en hommes ou en argent pour favoriser le succès
« de leurs armes sur le territoire français, comme aussi en
« conspirant dans la maison d'arrêt dite Lazare à l'effet de
0 s'évader et dissoudre, par le meurtre et l'assassinat des
<î Représentants du Peuple, notamment des membres du
« Comité de Salut public et de la Sûreté générale, la Repré-
« sentation nationale, le Gouvernement républicain et rétablir
« la royauté.
« En cojiséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui
« soit donné acte de la présente accusalion et qu'il soit dit et
« ordonné qu'à sa diligence, et par l'huissier du tribunal por-
« teur de l'ordonnance à intervenir, les prévenus sus-nommés
« seront pris au corps et écroués sur les registres de la maison
« d'arrêt où ils sont détenus, pour y rester comme en la
« maison de justice, et aussy que la présente ordonnance soit
« notifiée.
« Fait au Cabinet de l'Accusateur public, le six thermidor
« l'an deux de la République une et indivisible.
« [Signé :) A.-Q. Fouquier. »
L'ordonnance de prise de corps rendue par le Tribunal, ledit
jour six thermidor, contre les accusés sus-nommés.
Le procès-verbal de remise et d'écrou de leurs personnes
en la maison de justice du Tribunal.
La déclaration du juré de jugement faite individuellement à
haute et intelligible voix à l'audience, portant, à l'unanimité, que
lesdits. . . . Charles-Louis Trudaine, Charles-Michel Trudaine,
Micaut Vivant, (et 20 autres dénommés.) sont convaincus de
s'être déclarés les ennemis du peuple en participant à tous les
crimes commis par Capet et sa femme depuis 1789, en assas-
sinant le peuple pour défendre la Roj'auté, en entretenant des
correspondances avec les ennemis extérieurs et intérieurs de
la République, en leur fournissant des secours en numéraire,
en participant à tous les crimes commis par les infâmes Bailly,
La Fayette et Pétion ; en conspirant contre la sûreté et la sou-
veraineté du peuple Français, contre l'unité et l'indivisibilité
de la République ; comme aussy eu conspirant dans la maison
d'arrêt de Lazare à l'effet de s'évader et de dissoudre par le
LES TRUDAINE 291
meurtre et l'assassinai des représentants du Peuple, et notam-
ment des membres des Comités de Salut public et de Sûreté
générale, la représentation nationale et le gouvernement répu-
blicain pour rétablir la royauté en France.
Le Tribunal,
Après avoir entendu l'accusateur public sur l'application de
la loi :
Condamne lesdits Dusson, Labeyray, Loiseroîles^ Trudaine,
Micaut et autres, à la peine de mort, conformément aux arti-
cles quatre, cinq et sept de la loy du 22 prairial dernier dont
lecture a été faite et ainsi conçus :
« Le Tribunal révolutionnaire est institué pour punir les
« ennemis du peuple.
« Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir
« la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse.
« La peine portée contre tous les délits dont la connaissance
« appa,rtient au Tribunal révolutionnaire est la peine de
« mort. «
Déclare que les biens desdits condamnés à la peine de mort
seront acquis à la République, et qu'il sera pourvu à la
subsistance des veuves et des enfants, s'ils n'ont pas des biens
d'ailleurs.
Ordonne que le présent jugement sera, à la requête de l'ac-
cusateur public, mis à exécution dans les vingt-quatre heures,
sur la place publique dénommée Barrière de Fincei'Mes, de
cette ville, imprimé, publié et affiché dans toute la Républi-
que et que lecture du même jugement sera faite par le greffier,
ausdits condamnés au greffe de la maison d'arrèl, ce qui tiendra
lieu de prononciation à leur égard.
Fait et prononcé à l'audience pubhque du Tribunal révolu-
tionnaire, à laquelle siégcoient les citoyens Pierre-André Cof-
finhal, vice-président ; Etienne Foucault et Philippe-Jean-
Marie Barbier, juges; qui ont signé la présente minute avec le
commis-greffier. A Paris, le huit thermidor l'an second de la
République Française, une et indivisible.
{>^igtié :) Coffinual, Foucault, L.-L. Rakiiieu,
J. Dekuez, greffier.
Et de suite, raoy dit greffier, me suis rendu à la Concier-
gerie, en compagnie du citoyen Degnaignes, huissier du Tri-
bunal, et y ayant trouvé les condamnés ci-contre, leur ai fait
292 LES TRUDAINE
leclurc de leur jugement, après quoy nous nous sommes tous
deux rendus à nos postes respectifs.
A Paris, ledit jour 8 thermidor, l'an 11 de la Uépublicjue
Française, une et indivisible, ayant signé avec ledit huissier.
Signé : Degnaignes, Derbez, gre/f.
VI
Etat des héritiers des frères Trudaine
Marie Josèphe-Louise Micault de Courbeton, veuve de
Charles-Louis Trudaine, demeurant à Monlig-ny-Lencoup.
Ayant droit à moitié des meubles et immeubles de la suc-
cession de son mari.
Ligne collatérale paternelle
î° Marie- Claude-Françoise de Bragelongne, veuve de Louis -
François Marandon de la Maisonfort.
Et EHsabeth de Bragelongne , veuve de Joseph Cau-
daux .
Toutes deux présomptives héritières, chacune pour un tiers
en moitié.
2° Jean-Baptiste-Camille Canclaux, général on chef de
l'armée de l'Ouest ;
Au nom et comme tuteur de Geneviève-Joséphine Canclaux,
sa fille mineure de feue Marie-Claudine Sauvan d'Araniou,
aussi héritière pour un tiers en moitié, par représentation de
sa mère, qui représentait elle-même Marie-Michelle-Louise de
Bragelongne, son aïeule.
3» Maximilienne-Augustine-Henriette do Béthune-SuUy ,
veuve d'Armand-Louis-François-Edme de Bélhune-Charost.
Héritière pour un quart en moitié.
Il" Marie-Caroline-Rosalie de Baylens de Poyaue , femme
d'Elie-Charles, Chevalier de Talleyrand-Périgord-Chalais.
Ayant droit pour l'autre quart eu moitié.
Et les héritiers de Marie-Françoise de Broglie, veuve de Char-
les-Joseph de Lignerac-Caylus.
Héritiers pour un huitième au total.
Lesdils héritiers sont : « Caylus, son petit fils, et la femme
LES TRUDAINE 293
Rougé, sa petite fille, tous deux émigrés », et, par suite, re-
présentés par Gabrielle-IIortence-Maric Robert de Lignerac-
Gaylus, arrière-petite-fille et seule et unique héritière de ladite
veuve de Ligaerac.
Ligne collatérale maternolle
Adélaïde- Agnès-Elisabeth Bouvard de Fourqueux, épouse
autorisée d'Etienne Maynon d'Invau.
Seule et unique héritière, de MM. Trudaine, ses neveux,
Quant à la moitié dévolue à cette ligne.
(Partage administratif du 9 Ventôse an VIII.)
LES SEIGNEYRIE ET PÉAULTEZ
DE
BOVRBONNE
ENSEMBLE LES DEDUICTZ ET DESNOMBREMENS d'iCELLES
Etude historique sur les documents existant aux archives
612-1789*
--ï'C~t^^:;5'>i>-*-
PIÈCES JUSTIFICâTIYES
Certum donum factum domino Guillelmo de Vergy domino de Mirahellis
sub modis et condicionihus hic dcscriptis. — C.
Philippe par la grâce de Dieu, Roy de France, sauoir faisons à tous
présens et auenir que comme nostre amé fiai Guillaume de Vergy, sire de
Mirebeal, chevalier, disant qu'il tenait le chasteau de Bourbonnes auec quatre
cenz livrées de terre ou cuuiron en la chastellenie et ses dépendances e*
appertcnanccs dudit chastel et en la uille de Corchan sur la riuière de
Vigenne, de franc Aluef ait repris de nous le chasteal et les quatre cenz
liurécs de terre dessus dictes à tenir en fié lige do nous, de nos hoirs et suc-
cesseurs, ensemble les chouses que nous li donnons, si comme ci après est
contenu et auec ce nous a juré pour lui, ses hoirs et successeurs foy et
loyauté envers tous ceux qui pourront vivre et mourir et contrcster efiforcc-
ment de tout son pouuoir à noz ennemis, espccialement à ceulz qui voudroieut
entrer à force d'arme en nostre royaulme pour y porter dommage. Nous pour
consideracion de ce, de grâce espécial et de nostre libéralité royal, auons
donné, cessé, transporté, donnons, cessons et transportons au dit Guillaume,
pour lui, ses lioirs et successeurs à touz joûrz mais, en héritage perpétuel et
par don faict entre les vifs, non rappelable, toutes les choses et tout le
droit que nous avons en la ville de Bourbonne, commune entre nous et le
dit chevalier pour cause de ses enfanz, en tant en justice, seigneurie, tailles,
ventes, minnage, paage, sccls, escriptures, bains, moulins, gélines, censés,
oublies, cornaigcs, criaiges, jours, bans et abonnements. Quant en quelcon-
ques autres choses que nous et le dit chevalier avions en commun, en la dite
ville, tant en propriété, comme en saisine, excepté tant seulement les fiez et
les bois que nous y auions, environ sept vins et sept liurécs à valeur ou à
assiette de terre, desquelles choses et dudit chastel de Bourbonne et de quatre
cenz livrées de terre dessuz dictes le dict Guillaume est entré on nostre foy
et hommaige, ligament et les a reprins de noz, l'en auons receu, à un fié lige
comme dit est et les dictes choses à li données le délibérons par la teneur
de ces présentes lettres, auec tout le droit de saisine et de propriété pour
• Voir page 223, tonic XV, de la Revue de la Champagne cl de Brio.
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LES SEIGNEVRIE ET FÉAVLTEZ 205
les avoir, tenir, posséder et on joïr comme de sa propre chose en et soubz
le fié et seruice dossubz dict, sauve exception dez fiez et do bois dessubz
dict et que ce soit i'crmo chose estable à touz jours mais, nous avons faict
mettre nostre scel en ces présentes lettres sauf en toutes aultros choses notre
droit et en toute l'autrui. Ce. fut faict : ConOaus lez pont do Charenton, l'un
de grâce mil CCCXXXVIII ou mois de juillet.
Par le Roy, vous présent.
Verber.
(Copie de notre collection.)
II
Donum faclum domino Guillelmo de Vergi certorum reddiluum, in villa
de Bourbonne situatorum. — IX'" J.
Philippe. .. etc. . . sauoir faisons à touz presens et auenir que nous auons
veu les lettres contenanz la forme qui s'en suit : Jehans, ainznez filz et lieu-
tenant du Roy de France, duc de Normandie, comte de Poitou, d'Anjou et
du Maine, faisons sçauoir à touz présens et auenir que considéré les bons et
agçréables seruices que nostre bien amé féal cheualier Guillaume de Vcrgi,
seigneur de Mirebel a faiz à nostre dict seigneur et père, es guerres et che-
vcauchées de Flandres et de Bretaigne et que nous espérons que il li doie
encore faire et nous aussi, au dit cheualier auons donné et ottroïé pour lui et
ses hoirs héritablement et par ces lettres de l'auctorilé Royal à nous ottroyé
et de grâce esp'^cial donnons et ottroïons non constrcstant quelconques
aultres dons à lui faites cinquante liurées de terre à tournois enuiron que
nostre dit seigneur et père auoit en la ville de Bourbonne, en la chastcUenie,
liuaige et es appartenances d'icelles. C'est assauoir le fié des hoirs do feu
la dame de Moustereuil. Item le fie de Guy de Raigemont, cheualier. Item
le bois partant au dit GuiHaume. Item toutes les auoines que li liabitanz de
Bourbonne doivent chacun an de rente à nostre dict seigneur et père,
lesquelles choses ledit cheualier et les aïans cause de lui tcnront de nostre
dit seigneur et ses successeurs Roys de France, en accroissance et en un
fié seul auec ce que jà auparauont, il tenoit de li en fié en la diclo ville de
Bourbonne, en la chastcUenie, finaige et appartenances d'icelles, sauf et
réservé en ces choses la volonté et assenloment de nostre dict seigneur et
père, et que ce soit ferme chose et estable, nous auons faict mectro nostre
scel à ces lettres. Donné à Lanserte l'an de grâce MGCCXL et quatre, au
mois de septembre. Nous a de cestes les dictes lettres et toutes choses con-
tenues en icelles ayans aggréables, ycolles voulons, louons, ajjprouuons,
raltifions et de nostre auctorité Royale, de grâce espécial par la teneur de
ces lettres comfirmons, sa\if nostre droicl et l'auctrui, si comme toutes dessus
dit est. Et que ce soit ferme chose et estable auons faict mettre nostre scel ù
ces présentes lettres.
Donné à Maubuisson l'an do grâce mil CCCXLIIII au mois do mars.
Du commandement général faict par le Roy en son Conseil à voslre
Telacion.
Collaciun est faicto Sine financia
Clauel justicia.
{Copie de notre collection.).
200 LES SEIGNEVRIE ET FÉAVLTEZ
III
LISTE DES DÉNOMBREMENTS DIVERS DE LA SEIGNEURIE
DE BOURDONNE
E.vtrail de l'invcnlahc fait, suivant Varrcl de la Clinmhrc des comptes, du
2 septembre 1<i82, des hommages rendus au roi par les princes, seigneurs,
gentilshommes et autres vassaux de Sa Majesté, possédant fiefs, relevant
du /foi au ressort de la Chambre de Champagne.
{Airhives Nationales. Vol IV, 'S'iQ p. parchemin.)
14G1. 28 Septembre.
Souffrance donucc à Pierre do Beffroymont, escuïer, de bailler son dénom-
hremcnt pour raison de terres et seigneuries de Bourbonne, Cbassaux et
Pernoul, nioLuaul, du Roy à cause des chastcllcnies de Coifly et de Mon-
tigny-le-Roy. (Cote XIII» XLIX.)
1408. 28 Mai.
Hommage faictc par Messire Bertrand de Livron, chevalier si- de Bour-
bonne, Parnon et Chezeaux pour raison des diltes terres et seigneuries mou-
Yant du Roy à cause des chastellenÎBs de Coiffy et Montigny-le-Roy.
(Cote XIII» LXIII.)
1519. 7 Juin.
Hommage faicte par Nicolas de Livron, cscuïer, pour raison des terres et
seigneuries de Bourbonne, Chezeaulx et Pernoul, mouvant du Roy, etc.,
etc. (Cote Xb XLIX.)
1429. 14 Avril.
Hommage faictc par Claude de Livron escuïer s"' de Bourbonne pour raison
des terres et seigneuries de Bourbonne et Pernel. (Cote XII° LA'VI.)
1530. 6 Avril.
Hommage faicte par Messire Nicolas de Livron, chevalier pour raison des
terres et seigneuries de Bourbonne et Chazaulx mouvant, etc., etc.
(Cote XI LVI )
1538.
Ici se place celui que nous avons donne in extenso dans le coi'ps de cet
ouvrage et qui fut également rendu par Nicolas de Livron.
1359. 29 Septembre.
Hommage faicte par François de Livron, s^ de Bourbonne Pernel et Che-
zeaulx pour raison des dettes, seigneuries relevant du Roy.
(Cote XI» IV.)
1(;i8. 21 Aoflt.
Hommage faicte par Charles de Livron, sieur de Bourbonne et Parnot :
pour raison des ditlcs terres mouvant du Roy, cLc, etc.
(Cote XI V" XX J.)
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DE BOYRnONNE 297
1G70. 15 Septembre.
Ilommapo rendu par Hugues Mathé, esouj-er seigneur de Vitry-la-Ville'
au nom et comme procureur de Ch. Colberl du Torron, Marquis de Uour-
BONNE, intendant des armées dans les côtes du Ponant pour raisou du mar-
quisat do Bourbonne et ses dépendances mouvant, etc., clc.
(Cote II" VIIIV XXXI.)
1678.. (S. D.)
Aveu faict par Charles de Livron, abbé de l'abbaye d'Ambronay pour le
temporel de cette abbaye. [Ârchioes de la Côle-d'or, S. B. Y" IV.)
1731. 11 Septembre.
Hommage et foy de la terre et seigneurie de Bourbonne-les-Bains, mou-
vant de la chatcUenie de CoifTy par Bénigne do la Michodière, v de Fran-
çois Chartraire. (Cote 1237.)
1738. 3 Mars.
Hommage de la seigneurie de Bourbonne mouvante du château de Chau-
mont-ea-Bassigny par Jean-François Bouigno de Chartraire.
(Cote 3312.)
(En marge csl écrit ce qui suit : reportée la mouvance à CoilFy par arrêt
de la Chambre.)
1776. 22 Juin.
Hommage de la terre et seigneurie de Bourbonnc-lcs-Bains mouvant de la
chatellenie de CoilF}-, ressort et bailliage de Langres pour le s'' de Chartraire.
(Cote !J0, vol, supplémentaire.)
1505.
Aveu de Bonne du Châslelet, veuve de François de Livron.
Dame en partie de Mairey et Bassoncourt.
(B. 10658. Arch. de la Côte-d'Or.)
IV
AVEU PEÉSENTÉ LE 1'^ AVRIL 1750 PAR CH. BENIGNE
DE CHARTRAIRE, PRÉSIDENT AU PARLEMENT, S' DE BOURBONNE
[Exlrail de l'ori'jinal aux Arcldves nationales.)
Avons à Bourbonne haute justice, moyenne et basse et sommes seigneur
haut justicier et eu cette qualité avoD.î droit de commettre prévôt, procureur
fiscal et autres ofliciers.
Avons le greffe et le tabcUionage que nous accordons gratis mais qui
ci-devant étaient alfcrmés. 100 1.
Avons les lods et les ventes des edcls et immeuide.s vendus, à raison do
3 sols par livre des choses à nous censablcs et un .sol dps autres qui sont do
franchise et le tout nous puut valloir. 100 1.
208 LES SEIGNEVRIE ET F^AVITEZ
A Bourbonne nous reste place et masure du château, nu-devant duquel il
y a uu jardiu formé de murailles ou joignant notre basse cour dans laquelle
il y a une maison nouvellement bâtie, un colombier, vinéc, écuries, granges,
caves et greniers en trois corps-de-logis, au bout desquels il y a une por-
terie flanquée de deux tours. Le dit château ayant été compris dans l'in-
cendie général arrivé à Bourbonne le 1" mai 1717 et entièrement consumé
avec les titres et papiers au nombre desquels étaient ceux de l'érection dâ
la dilte terre en marquisat ' .
Au-devant de la dite porterie avons une halle sous laquelle se tiennent
4 foires chaque année et un marché tous les jeudis de chaque semaine. Sous
la halle est un pressoir à presser le vin avec deux autres, l'un à la rue
Saint-Antoine et l'autre en la grande rue, qui étant tous trois bannaux nous
peuvent valloir chaque année. 60 1.
Avons aussi les appartenances de notre chasteau, lesquelles sont joignant
la rivière d'Apance en la grande rue de Bourbonne et d'autre part aboutis-
sant à la rue de l'Estre (sic) et par-derrière au grand pont.
Avons les tailles d'échels qui nous vallcnt 100 1.
Le taillagc 40 1.
Les ventes et rouages 20 1.
Les langues et onglets de porc.
Le banvin.
Avons les fours bannaux qui sont : 1° le four vieux entre la rue tirant aux
bains et la Porte Gallon; 2° le four neuf sis proche de notre jardin, tenant
à la rue de l'Eglise qui valent 200 1.
La rivière louée 7 1.
Le moulin
Le pré de l'étang.
Avons les droits de cornage 60 penaulx d'avoine.
Le pénal de fou dû par tous les habitants.
Le guet ou la garde à raison de 3 sols par an.
Une poule de feu et par feu.
Le droit de liguières.
Les corvées des charrues.
Avons à Bourbonne une fontaine chaude avec des bains, auprès de
laquelle nous avons une maison et devant icelle une chenevière, lestjuels ad-
modions 1 ,000 1. aïant les habitants le droit de se baigner es dits bains sans
payer.
A l'hôpital Saint-Antoine nous sommes fondateur et sont tenus les offi-
ciers du dit lieu, assistés d"un sergent, aller faire le cry en deffenses pour
empêcher tout scandale, le lendemain de l'Ascension de N. S. que l'on fait
rapport au-devant le dit hôpital et doit le commandeur d'icolui, à nos offi-
ciers, le souper, avec une poignée de chandelles.
Sommes seigneur de la terre et seigneurie de Monbéliard au finagc Bour-
1 . M. de Chartraire commet évidemment là une erreur, si les titres dont
il parle avaient existé, oussent-ils été brûlés dans la catastrophe de 1717,
qu'il en resterait encore des traces dans les actes d'état. Il est certain qu'il
y a là une incorrection, sinon uu désir de faire croire à l'existence du mar-
quisat.
DE BOVRBONNE 209
Lonne, relevant de nous en fief à cause do nostrc château, comme le tenant
(lu Roy nostre seigneur, lequel consiste en une maison basse, colombier
démoli et ses ruynes, et. donnant 1(57 pcnneaux, 33 toises do terre pour les
trois saisons; 33 t'aulchées 1/2, 52 toises do pré ; 25 journaux 3/4 et 14 per-
ches do terre désorte qui peut produire année commune 40 pénaux do
froment et autaat d'avoine.
Avons un petit bois contenant 14 arpens 32 perches, mesure de l'ordon-
nance, tenant au levant aux bois communs de Bonrbonne, à la commandcrio
de Genrupt, au fînage de Montcharvot, et à celui de Coifîy le Chastel.
Avons le droit de petits fours sur les boulangers et les pâtissiers. 20 1.
Avons en notre dit château des prisons, et lorsqu'on y met quelqu'un il
doit cinq sols pour son entrée,
Avons le cens.
Les terres corvéables.
Sommes maîtres d'une tuilerie proche le bois du Ratel.
Avons eu outre une pièce de vigne de la contenance de 80 ouvrées moins
sept toises, sises proches lieu dit en Craie, tenant au chemin, du midy et
Ic.-i jardins de la rue VcUounc, laquelle vigne no produit que pour les façons,
attendu l'ingratitude des terrains et non estimée.
Avons une forêt dite forêt du Danonce et appelée les revenées ou revenues
laquelle, après un arpentage fait en 1746, contient 959 arpents 73 perches,
divisés eu 25 coupes réglées, tenant au bois dit du Ratel.
Avons la ferme de Montaubert.
Celle de Vaux-Martin.
Avons la dixme des grains.
Sommes collateur de la chapelle St-Nicolas, sise en l'église Notre-Dame
sous la voîite de cloches et quand les chapelains meurent, nous la pouvons
donner à notre guise. Le chapelain est tenu de célébrer chaque semaine cinq
messes à l'intention des fondateurs, de l'entretenir et d'en payer le service,
moyennant quoi luy faisons payer chaque année à la St-Maitin 48 pénaux
de froment et d"avovne, mesure de Bourbonne.
Avons la garde du village de Bousscraucourt et chacun habitant d'iceluy
nous doit un pénal d'avoync.
Avons droit, à cause de nostre chastcau et marquisat, sur Messire Nicolas-
Gabriel Poutier, comte de Saône, seigneur do La Neuvelle et le Bouillon,
au nom et comme représentant de René Ignace du Ilan, en son vivant sei-
gneur du dit lieu. (Copie de notre collection.)
CAPITULATION DU CHATEAU ET DES HABITANTS DE BOURDONNE
24 mai 1638
Ce.jourd'hui vingt-quatrième jour du mois de mai do l'an mil six cent
trente-huit a été fait accord par son altesse le duc de Lorraine avec madame
de Bourbonne pour la reddition du château et bourg du dit lieu comme il
suit :
Premièrement que lo traité fait cy- devant avec M* do Mercy, .sergent de
bataille s eircctucra léaus dimauche prochain.
300 LES SEIGNEVRIE ET FÉAVLTEZ
Et lie plus que la garnison d'infanterie estant au chastcau eu sortira vie
sauve, sans rançon, et aura armes el bagages.
Pour la cavalerie commandée par La Jeunesse, elle sortira à pied avec
ses armes et sera conduite avec l'infanterie en la ville de Chaumont, en
assurance.
Ayant la dite Allcsse à la faveur et instances de la dite dame de Bour-
Lonne ou depuis, accordé que les chevaux seront rendus à la dite cavalerie.
Pourront les dits soldats, tant iufanterie que cavalleric qui ont leurs
femmes et famille au dit Bourbonne^ y demeurer habitans, si bon leur
semble, sans plus faire ny avoir aucune faction de soldat, mesmc le dit La
Jeunesse, au cas qu'il y demeure.
Sa dite Altesse ordonnera à M. de 'Villes d'entrer au dit Bourg et chasteau
et d'y mettre telle garnison qu'il jugera nécessaire, selon qu'il le choisira
pour la sécurité de la place, sous le commandement de sa dite Altesse.
Toutefois en attendant l'arrivée du dit sieur de Villes, le sieur de Romain
entrera dans le chastcau pour assurance du traité sans garnison dans la
place ni au bourg.
Et seront visités les greniers par les commissaires de son Altesse et la
dite Dame pour y être ordonné cy-oprès et instamment les grains ont estes
accordés à ceux à qui il appartiendra sans pouvoir en distribuer aux
ennemis.
Et pour assurance du traité seront donnés à son Altesse deux ostages
savoir : du Chasteau, le sieur de Le Touche, et du Bourg, Jehan Lozanne.
[Archivas de Langrcs.) Signé: Ch. de Lorraine.
VI
PROCÈS-VERBAL DE L'ÉLECTION DE M"" DE LIVRON-BOURBONNE
A LA DIGNITÉ D'ABBESSE DU CHAPITRE D'ÉPINAL
22 Décembre 1639.
Au nom de Dieu, amen.
Par la teneur de ce présent publicque instrument, soit à tous notoire et
manifeste que ce jourd'hui vingt-deuxième du mois de décembre de l'an mil
six cents trente-neuf, indiction septième et du pontificat do nostrc Saint-
Père le Pape Urbain huictième, l'an dix-septiesme, en l'église de Sainct-
Goerj' d'Epiual, de nul diocèse et en celuy de Toul, au chœur d'icelle
église où les dames abbesses, doyennes et autres chanoinesses de la dicte
église ont coustumc de s'assembler, tant pour chanter les heures canonialles
que pour traiter les affaires de leur dicte église, soub l'invocation du dict
sainct Goëry, en présence de nous, notaires apostoliques soubscriptz et des
tesmoings en bas nommés spéciallement assemblez et convoquez tant pour
assister au sus dict ssrvice que pour cy après; et persouuellcment consti-
tuées vénérandcs dame Catherine-Diane de Gouruay, doyenne, Catherine
de Livron, Aliter de Bourbonne, Marguerite de Clairon, Franç.oise-Maxi-
milienne d3 sainct Moris, Françoise de Senailly, Frauçoise-Marguerite do
Vauldray, Yolande-Claude de Gournay, toutes chanoinesses capitulantes et
faisant le chapitre de la dite église: après qu'elles ont été assemblées au dit
lieu destiné à de pareilles convocations du dict Chapitre, la dicte vénérandc
Dame doyenne leur a exposé que dame Aune-Marguerite de Bassompiere,
DE BOVRBONNE oOl
cy devant dame et clianoiiiesse en leur dicte église (à qui Sa Sainteté avait
accordé la grâce d'accès à l'abbaye de leur dicte église), arrivant vacance
d'icelle par décès de feu véuéraude dume Clauic do Cussigny. lors abbesse
d'icelle église, décédée au mois do novembre mil six cents trente-cinq ou
autrement), ayant changé de condition et contracté mariage par paroles du
présent, pour obvier aux inconvénients d'une longue vacance, il estoit néces-
saire de procéder à l'élection d'une future abbesse, suivant la résolution
pour elles capitulairement et faicte des le. . . du présent mois de décembre
et aux dames Yolande Wasberg, secrète et Christine de Florainville aussy
chanoinesses et capitulantes de la ditte église notoirement absentes, intimées
par affiches aux portes d'icelle église et de leurs domiciles icelles dames
absentes a^-ant esté comme dict est et par lettres expresses appellées à faire
la dicte élection et négligentes de s'y trouver, ainsi qu'il a été par la ditte
Dame doyenne asseuré, ce qu'ayant été proposé par icellc dame doyenne et
approuvé par toutes les Dames e^ la voye du scrutin par icelles esleues pour
faire la ditte élection d'un commun consentement, elles ont esleues de leurs
corps trois Dames capitulantes, sçavoir : Dame Françoise de Senailly, Frau
çoise-Margueritte de Vauldrey et Yolande-Claude de Gournay, pour scru-
tatrices et pour procéder à l'élection d'une future abbesse ; lesquelles dames
scrutatrices ainsj' esleues et ayant preste serrement de faiie fidellement le
scrutin, a esté par le dict Chapitre puissance donnée à la dicte dame Fran-
çoise de Senailly esleûe scrutatrice, de déclarer et dénoncer esleûe pour
abbesse une personne comme s'ensuit. Lesquelles dames scrutatrices se reti-
rant en un lieu voisin au dit lieu du Chapitre, qu'on dit le Petit chœni\ en
présence de nous, notaires soubscriptz et des tesmoings en bas nommez,
mais pourtant aulcunement esloignez pour le secret du scrutin, elles ont pre-
mièrement entre elles faicl le scrutin sçavoir : les dames Françoisc-Margue-
ritte de 'Vauldrey et Yolande-Claude de Gournay ont pri^ la croix et le
suflrago de dame Françoise de Senailly et noté secrètement eu un papier
sou dict suffrage et puis les dames Françoise de Senailly et Claude do
Gournay, celui de dame Françoise-Marguerite de Vauldrey et enfin les dittes
dames Françoise de Senailly et Françoise-Marguerite de "Vauldrey, celuy
de dame Yolande-Claude de Gournay, en tenant secrettement note de leurs
suffrages marquez et notiez en un papier après les avoir séparément et eu
particulier interrogé.
Après quoy toutes et une chacune des dittes Dames doyennes et chanoi-
nesses, chacune séparément et en particulier et l'une après l'autre s'appro-
chantes des dictes dames scrutatrices et par icelles interrogées et requises
leur ont déclarez leurs voix et suffrages qui ont esté notez et marq-iez par
les dittes dames scrutatrices comme dict est. Ce qui estant faict, incontinent
les dittes dames scrutatrices sont retournées au lieu dict du Chapitre et
après les dittes dames scrutatrices ont déclarez et publiez en commun au
dict Chapitre sçavoir : que les Dames chanoinesses de leur église et des
sept qui estoient là pré.sentos et représenlanlz le Chapitre, deux avoienl eu
voies et suffrages; desquelles la première, sçavoir : Dame Catherine-Diane
de Gournay (|ui avait eu une et l'autre ([ui est Dame Catherine de Livron,
aliter de Bourbonno en avoit six. Et après la comparaison faite, la plus
grande et plus saine partie en même temps et sans l'interposition d'aucun
acte estrunger ont consenty en la personne de Dame Caliieriue do Livron,
dame capitulante de la ditte église. Ensuite de quoi elle a esté du consen-
tement de tout le Chapitre, esleûe à hanllo voix par dame Françoise do
Senailly, dame scrulalri:o par ces paroles : Je Fraunul, de nul diocèse et eu
302 LES SEIGNEVRIE ET FÉA.VLTEZ
ccluy de Toul, taut en mou nom qu'en celuy des Dames Françoise-Margue-
rite de Vauldrey et Yolande- Claude de Gournay, scrutatrices et de tout le
Chapitre de nostre dicte église, oslit et publie Dame Catherine de Livron,
aliler de Bourbonne, dame aussy de la dicte église, pour abbesse d'icelle
éfrlise et la déclare esleûe.
Et incontinent après Telection ainsy faicte, la dite dame Catherine de
Livron, esleûe, acceptant la dicte élection, elle a été au son des cloches,
conduite par les dittes Dames doyennes et autres susnommées devant le
sus dit grand autel de saint Goëry. Les dittes Dames doyennes et chanoi-
uesses chantans, Te Deum, Laudamus, y ayant en quantité de peuple pré-
sens lors de la dicte élection faicte et publiée et déclarée comme dict est.
De tant quoy tant la ditte Dame de Livron que les dites dames doyennes
et chanoinesses nous ont demandé, à nous notaires apostoliques soubscriptz
leur estre faictz et délivrez un ou plusieurs instruments publics.
Ce qui fut faict et passé au dict Espinal leu au jour, mois, indiclions,
pontificat et lieux que dit cy dessus, en présence des Dames Françoise
Grau de Gournay et Charlotte-Marguerite de Lenoucourt, Dames, chanoi-
nesses et novices appréhendées en la dite église, non encore capitulantes et
de Révérend Père en Dieu, messire François Pas l leur, abbé des chanoines
réguliers de Chaumousey et de Révérend maître Dominique Le Moine, prieur
des dits chanoines réguliers et de sieur Aimé Sachot, luu des conseillers et
gouverneur du dict Espinal, tesmoing, à nous notaires soubscritz bien
cogneus et spécialement appelles à tout ce que dessubz.
Suit Vacle de confirmation.
Extraitdu travail de M. H.Duhamel, archiviste des Vosges sur les chapitres,
nobles de Lorraine. Chapitre d'Epiual. Revue nobiliaire année 1868^ pages
/lOl à 40o.)
VII
COPIE DES LETTRES-PATENTES DE LHOTEL-DIEU
DE BOURDONNE
Da li'es de Fontainchleau, le deux octobre mil sept cent deux, enregistrées
au Parlement, le trois avril mil sept cent cinq, collationnées par Monsieur
Leghas, secrétaire du Roi et enregistrées au bailliage Royal de Langres,
le 3 décembre mil sepl c^nt soixante-six.
A LANGRES
De l'imprimerie de Jean Bonnin, seul imprimeur de monseigneur l'Evc<[uc
de Langres, de la Ville, du Chapitre et du Collège.
M PCC LXVII.
EXTRAIT DES REGISTRES DES ORDONNANCES ROYAUX
REGISTRÉES EN PARLEMENT
Loui.s PAR LA GRACE DE DiEU, Roi de Fraucc et de Navarre, à tous
presens et à venir Salut :
Nos liien-Amés et Féaux le Curé et Habilaiis do Bourbonne-ies-Bains,
Nous ont fait remontrer que, dès l'année mil si.x cent soixante-treize, quel-
DE BOVRHONNE 303
qucs Personnes de piété auroieut jette les l'ouderacuts d'une Maison de cha-
rité dans le Bourg de BourLonne, pour soulager les pauvres, malades, soldats
estropiés que les Eaux salutaires qui s'y distribuent attirent do toutes les
parties de notre Royaume, mais comme ce revenu est modique et qu'il se
trouve aujourd'hui dos Personnes portées par le même zèle qui veulent Lieu
contribuer à l'établissement de cette Maison, du consentement de notre amé
et féal l'Archevêque de Besançon ordinaire des lieux, et donner des biens
pour la faire subsister, que d'ailleurs les dits habilans espèrent faire joindre
d'autres biens qui par leur destination sont affectés au soulagement et
entretien des pauvres malades • .
A ces causes, désirant favoriser les intentions des dits Curé et Habitans du
dit Bourg de Bourbonue. Nous, de notre grâce spéciale, pleine puissance et
autorité Koyale, Nous avons permis et permettons par ces présentes signées
de notre main l'établissement d'un Hôpital ou Maison de charité dans le dit
lieu de Bourbonne-les-Bains et afin de le mettre en état de subsister, voulons
qu'il soit pourvu à sa dotation et subsistance, tant par les fonds, qui lui
ont déjà été donnés que par d'autres qui sont ou seront destinés à l'entretien
et soulagement des pauvres malades au dit lieu de Bourbonne et à cet effet
voulons et nous plaît que ledit Hôtel-Dieu et Maison de charité ainsi établi
puisse à l'avenir recevoir et accepter toutes les dotations, donations et fon-
dations qui lui seront faites, tenir et posséder toutes sortes de fonds, dons,
héritages, rentes et possessions, pour le tout demeurer à perpétuité, nonobs-
tant tous édits, ordonnances, lois, coutumes, rôglemens, arrêts et lettres à
ce contraire, que Nous ne voulons en ce cas lui-même ni préjudicier et
auxquelles nous avons dérogé et dérogeons par ces présentes, voulons que
la maison du dit Hôtel-Dieu et autres héritages, droits et* rentes, posses-
sions et autres biens dont il jouit à présent et ceux qu'il aura ci-après, qu'il
acquerra et qui lui seront donnés et légués, et appartiendront par quelque
disposition que ce soit, soient bien et dûment amortis comme nous les amor-
tissons par ces présentes pour, par le dit Hôpital jouir et user pleinement,
paisiblement et perpétuellement, sans qu'il soit tenu d'en vuider ses mains,
bailler homme vivant et mourant et coufiscant, ni qu'il puisse ni être troublé
ni empêché en la possession des dits biens, comme étant dédiés à Dieu, ni
que pour raison de ce ils soient tenus de nous payer, ni à nos Successeurs
Rois, aucune finance, immunité, contributions, ban et arrière-ban, franc-fiefs
et nouveaux acquêts, affranchissant pareillement les terres, jardins, enclos
du dit Hôtel-Dieu, de toutes charges, subventions de Ville et de toutes impo-
sitions faites et à faire et pour que l'ordre soit entier dans le dit Hôpital, dès
le premier jour que nous eu permettons l'établissement, voulons qu'il soit
gouverné, pour le spirituel, par le Curé de la paroisse ou son Vicaire, leur
donnant toute inspection à cet égard, sur tous les malades et domestiques du
1 . Ou sait que ces biens avoient été donnés par le seigneur de Bourbonue,
Jeun de Choisoul et ses fds, en leur qualité d'exécuteurs testamentaires de
Barlholomette, daine de Bourbonne et femme de Jean. Celle-ci avait appelé
à Bourbonne les moines de l'ordre de St-Antoine de Viennois et leur pro-
digua ses libéralités. Les moines institués dans le but de soigner le feu
ardent, n'ayant plus de but lorsque la maladie eut disparu, fondèrent un
asile de fous, (balbi) et un hôpital qu'ils abandonnèrent en 1682 en le cédaut
aux pères Capucins ; sans toutefois aliéner les biens dont jouissait leur
maison de Besançon.
304 LES SEIGNEVRIE ET FÉAVLTEZ
dit h6i)ilal, pormellant m'aumoins à ceux qui seront ci-après nommés à la
direclion de choisir dans le dit lieu de Bourboune tel Ecclésiastique qu'ils
jugeront ù-])ropos en cas de relus du Curé et de sou Vicaire, ou en cas
d'cmpêchemcut de leur part, auquel cas le dit Ecclésiastique prendra Top-
probation et les pouvcirs pour desservir le dit Hôpital de notre amé et féal
l'Archevêque de Besançon et fera pour régler toutes les attributions qui lui
seront faites, au cas qu'il ne puisse remplir les fonctions par pure charité,
ainsi que nous espérons que le feront les dits Curé et Vicaire, lesquels rece-
vront et enterreront dans le Cimetière de la Paroisse les pauvres qui mour-
ront au dit Hôpital, sans aucune rétribution.
Il V aura cinq Directeurs dans le dit Hôpital, lesquels seront pris parmi
les Ecclésiastiques, les Nobles, les Avocats, les Praticiens et les Notables
Bourgeois du dit Bourg de Bourbonne et dont le Curé qui est actuellement
pourvu sera le premier pendant sa vie, quant au spirituel seulement. Les
quatre autres directeurs pour le temporel seront nommés par tous les babi-
tans de Bourbonne le dimanche après la réception des présentes en une
assemblée générale qui sera convoquée à l'ordinaire, pardevant le Juge du
dit lieu, en présence du Procureur Fiscal, pardevant lequel eux et leurs
successeurs à la direction, prêteront serment de bien et charitablement y
servir et de faire leur possible pour maintenir et augmenter le dit Hôpital et
serviront les dits quatre premiers Directeurs pendant trois ans consécutifs,
après lesquels révolus sera l'un d'iceux changé, et un autre mis à sa
place et ainsi tous les ans successivement en la manière susdite et sans
frais.
Défendons très expressément de choisir et appeler h cette direclion, les
syndics du dit bourg de Bourbonne, lorsqu'ils seront eu charge et avant
qu'ils aient reudu les comptes de leur syndicat et qu'ils en aient quittance en
forme.
Voulons qu'il soit pris parmi les Directeurs, un Receveur solvable et fidel,
ès-mains duquel seront remises toutes les aumônes de même que tous les
revenus et renies qui seront payées sur ses quittances. Il tiendra Registre
do sa recette et ne payera quoique ce soit que sur une ordonnance du Bureau,
signée de deux Directeurs et coutroUée d'un troisième d'entre eux, il licudrra
pareillement Registre do toutes les délibérations du Bureau et servira de
Secrétaire. Pourra néanmoins le dit Receveur faire la dépense journalière
laquelle il sera tenu de communiquer et faire arrêter eu un Bureau qui se
tiendra toutes les semaines pour pourvoir aux besoins du dit Hôpital, en
arrêter et ordonner la dépense dans laquelle il n'entrera aucune somme pour
les salaires et frais des dits receveurs et secrétaires, dont nous voulons que
les fonctions soient entièrement faites par charité.
Outre le dit Bureau auquel se trouveront les dits Directeurs, ils iront
pendant la semaine et le plus qu'ils pourront visiter le dit hôpital pour voir
comme tout s'y passera et y donneront quelques ordres par provision, si
besoin est, dont ils feront rapport au premier Bureau qui résoudra ce qu'il
trouvera le plus à propos et suivant la pluralité des voix.
Les comptes seront rendus tous les ans par le dit Receveur et en cette
occasion Nous voulons que le Juge du seigneur de Bourbonne et son Pro-
cureur d'office soient appelés pour y être présents et signer les dits comptes
dont les articles particuliers ne doivent recevoir aucune difficulté, pourvu
qu'il y ait des ordonnances en forme ou des arrêts et conclusions du Bureau
pour les dépenses dont il s'agira : voulons qu'on cas de contestations, diffi-
cultés cl même procès, concernant les dits comptes et le dit Hôpital, elles
DE BOVRBONNE 305
soient portées devant notre Lieutenant Général au Bailliaf^c Je Langres, lequel
jugera lesd. contestations et procès sur les conclusions du Substitut de Notre
Procureui" Général au dit Bailliage, saus aucune rétribution, épices ni vaca-
tion et seulement en esprit de justice et de charité.
L'ancien des dits directeurs temporels tiendra les séances dudit Bureau
dans lequel ils prendront place aux deux côtés d"unc grande table, à la droite
de laquelle sera toujours le Curé de la ditte Paroisse, coramo Directeur hono-
raire et les autres chacun suivant son ancienneté de Direction, à la réserve
dudit ancien des Directeurs en place, lequel prendra la première place à
gauche à l'opposile dudit Curé et résumera les opiuious sur chaque afTaire,
lesquelles il fera rédiger à la pluralité. La place du Lout du bas de la table
sera occupée par celui qui servira de Secrétaire, celle du haut restant vuide
pour notre très amé et féal l'Archevêque de Besançon, ordinaire des lieux
s'il voulait faire visite au dit hôpital ou pour son Grand Vicaire, s'il trouvait
à propos de l'y envo^'er ou pour quelqu'aulre supérieur laïque que les dii'-
férents cas pourroient y appeler.
Laissons aux Directeurs toute administration particulière et Générale dans
ledit hôpital, le soin, la faculté d'y mettre tels domestiques et gens qu'ils
jugeront à propos, sauf l'observance des présentes. Et d'autant que le prin-
cipal motif de l'établissement dudit Hôpital est de soulager les Soldats,
Dragons et Cavaliers de nos troupes dans les temps auxquels les Eaux et
les Bains dudit Bourbonne sont les plus salutaires, voulons qu'ils y soient
reçus dans le Mois de Mai jusqu'au 15 Juin, et depuis le 15 Août jusqu'à la
fin de septembre, préférablement à tous les autres malades et qu'ils y soient
logés, couchés, nourris et médicameutés et soignés ainsi qu'il leur sera con-
venable pour l'usage et l'utilité des dits Bains, en payant par eux au dit
hôpital la paye que nous avons coutume de leur faire donner pour autant de
jours qu'ils y voudront rester, à l'eiTet de quoi les Commandants de nos
troupes seront avertis de faire délivrer cette paye aux Soldats, Cavaliers et
Dragons qu'ils envoyèrent prendre les Bains au dit BourLouuc, dont ils
auront soin de faire mention sur les Ordonnances, Congés et Passeports
qu'ils leur donneront d'aller aux Bains de Bourbonne.
Permettons aux dits administrateurs de faire mettre Troncs, Bassins et
petites Boëtes à Aumônes en l'Eglise, Carrefours, Lieux publics dudit
Bourbonne et Boutiques de marchand, aux Hôtelleries et Cabarets, aux
Marchés et Foires et d'envoyer les dites Boétes es occasions des Bajjtèmes,
Mariages, Enterrements, services et autres de cette qualité et même à
Maisons des Bourgeois qui logent et reçoivent des étrangers pour les Bains.
Voulons aussi que pendant les vingt premières années seulement tous
officiers en entrant en emploi dans le dit lieu de Bourbonne, soit qu'ils
tiennent Office ou Commission au nom, ou du seigneur, ou de nous, les-
Marchands, Cabaretiers, Artisans, les Bourgeois qui logent malades pour les
bains et enfin apjjrentis de Métiers ne puissent exercer leurs dits Offices et
Commissions, ouvrir leurs boutiques. Cabarets et Maisons, enlin d'entrer en
apprentissage qu'ils n'aient tous, chacun, selon ses forces et facultés, donné
une modique somme au dit hôpital, et qu'ils n'iiii aient les uns et les autres
quittance en forme, sur le refus de laquelle somme modique, et encore do
contestations sur ce, les dits Directeurs pourront se pourvoir pardevant notre
Lieutenant Général, sans néanmoins entendre par le paiement de la dite
modique somme préjudicier avec intérêts des seigneurs de Bourbonne et à
SOS ofliciers.
Voulons que les Chirurgiens do Bourbonne servent au dit Hôpital aller*
20
30C> LES SEIGNEVRIE ET FÉAULTEZ
ualivemeut, chacun d'entre eux pendant un an, qu'ils assistent et pansent
de la main les pauvres malades qui s'y trouveront et leurs fournissent même
les médicaments ou onguens et ce jusqu'à ce que le dit Hôpital soit en état
d'avoir les drogues nécessaires aux dits pansements, et à défaut par les dits
Chirurgiens de satisfaire à ce devoir de charité que nous exigeons d'eux,
permettons aux dits Administrateurs de faire choix d'un compagnon Chirur-
gien du dit lieu ou d'ailleurs pour demeurer au dit Hôpital ou proche d'i-
celuy, ainsi qu'ils aviseront et seront en état de le faire. Lequel Compagnon
après avoir servi l'Hôpital durant le temps de six ans gagnera les Maîtrises
à Bourbonne et jouira des mêmes droits et privilèges que les autres Maîtres
du dit Heu, lesquels seront tenus de le recevoir, comme réputé suffisant et
capable, sans faire par le dit Compagnon aucun examen ni banquets, dons,
ni frais pour parvenir à la dite Maîtrise, mais seulement sur le certificat
qu'il prendra de fond de son service de six ans à l'Hôpital, signé des dits
Administrateurs et certiffié des Juges et procureurs d'Office du dit lieu,
lequel certificat lui servira de lettres de Maîtrise, et où les Maîtres et Lieu-
tenants des Chirurgiens du dit bailliage de Langres pour être reçu, il jouisse
des droits de séance et de tous autres, ainsi que s'il avoit été reçu par leur
corps et Lieutenant de chirurgie, leur fait défenses expresses de l'empêcher,
ni troubler en la dite Maîtrise el Exercice de la dite Chirurgie, à peine de
300 livres d'amende envers le dit Hôpital.
Et pour favoriser encore et gratifier le dit Hôpital et lui donner un moyen
do s'agrandir, nous avons affranchi de tous droits qui pourraient nous être
dûs audit Bourbonne, soit d'Entrée, Péages, Aydes et Gabelles. Toutes les
denrées de bouché et nippes qui auront été données el achettées pour le dit
Hôpital, service, nourriture, entretenement, secours et assistance à ses
pauvres, comme aussi de leurs logements de geus de guerre effectif, la
maison du dit Hôpital et les fermes qui pourront ci-après lui appartenir.
Comme aussi ordonnons que tous les dons et legs faits par contrats et tes-
taments ou autres dispositions, les adjudications d'aumônes faites dans la
Justice de Bourbonne-les-Bains, en termes généraux aux Pauvres sans
aucune désignation dont le paiement ou l'emploi n'aura pas été fait jusqu'à
présent quoique des dispositions précédent les présentes de quelque temps
que ce soit, et de toutes celles qui .se feront ci -après soient et appartiennent
au dit Hôpital, lesquels pourront être revendiqués par les dits Directeurs,
auxquels en la dite qualité nous en avons fait don comme de chose non
réclamée.
PounnoNT les Administrateurs du dit Hôpital être augmentés de nombre
à mesure que la bénédiction du ciel donnera de l'augmentation et accroisse-
ment au dit Hôpital et ajouter au présent Règlement ce qu ils trouveront
convenable et nécessaire au gouvernement d'icelui en le communiquant à
notre susdit très Amé cl Féal rArchcvôque de Besançon et aux dits Lieu-
tenant Général et Procureur au dit Siège Royal do Langres, le cas du tem-
porel l'exigeant.
Et afin que les dits Administrateurs ne puissent être distraits d'un ser-
vice si important à l'honneur de Dieu : Voulons (]ue pendant les trois pre-
mières années de leur Direction au dit Hôpital ils soient exempts de tutelle
et de curatelle, de collecte de nos deniers, guet, garde, si besoin étoit.
Si Donnons en Mandement, etc., etc., car tel est Notre plaisir.
Donné à Fontainebleau, le 2 octobre l'an de grâce 1702, et de notre règne
le soixantième.
Et plus bas. Signé : Louis.
Par ic Roi, CoLtiDBT.
DE BOVRBONNE 307
El scellées du grand sceau de cire verte en lacs de soyes rouge et verte.
Registrées, ouï le Procureur Général du Roi pour jouir par le dit Hôtel-
Dieu de leur cHbt et contenu et être exécutées seloi leur forme et teneur,
suivant et aux charges portées par l'arrSt de ce jour.
A Paris, en Parlement, le 3 avril 1705, Gollationné Langclé. (Commu-
niqué par M. Odinot de Massey.) Signé : ysadeiVU.
VIII
NOMS DES ADMINISTRATEUBS DE L'HOTEL-DIEU
DE BOURBONNE-LES-BAINS
{C'est seulement eu 17G6 que l'administration l'ut bien régulièrement
établie).
MM. de Mondoré, curé et officiai.
Drouin, docteur en théologie, ci-devant curé de la ville d'Oruans,
ancien administrateur de la dile Maison.
Juvet, médecin du Roi.
Mongin, premier échevin.
Didier, second échevin.
Le dit Hôtel-Dieu de Bourbonne, quoique ancien, n'.iyant guère que 51)0
livres de rente et pouvant être utile à une inOnilé de pauvres malades,
mérite la commisération et les charités du public.
Note extraite des registres du grell'e du bailliage royal de Langres,
audience du 3 décembre 1766.
[A suivre). A. Lacoudaire.
NÉCROLOGIE
Nous devons mentionner la mort du marquis de Colbert-Chabannais,
au château d'OssonviIle (Seine-et-Oise), à l'âge de 78 ans. Il avait été
longtemps memijre du Conseil général de ce département et député du
(lalvados sous l'Empire: c'était aussi un lettré qui publia cinq volu-
mes fort curieux de Souvenirs sur la vie de son père, officier général
du premier empire, et un musicien renommé. Marié à Mlle de Porte, il
a eu trois enfants; l'aîné, colonel de dragons, marié a une fille du
général baron Berckheim ; le second, député du Calvados, et une fille
qui a épousé M. le comte de la Rochefoucauld, duc de Doudeauville.
M. de Colbert descendait d'un grand oncle du célèbre ministre.
Oudart, écuyer, seigneur de Ville-à-Cerf, secrétaire du Roi, habitant
Troyes où il épousa Nicole Fouret, dame de Ville-à-Gerf, d'où les
rameaux du marquis de ce nom, de Saint-Pouange et de Chabannais,
dans lequel se fondit par mariage la branche du marquis de Groissy,
issue d'un frère du grand ministre. Oudart ci-dessus était fils d'Ou-
dart Colbert, seigneur d'Acy et du Terron, marié à Reims avec Marie
Cocquebert, veuve en 1573, ayant eu pour autres enfants : Gérard,
contrùleur des gabelles en Picardie, marié à Marie Pingre, fille d'un
bourgeois d'Amiens et de Marie de Louvencourt, mort en 1617 : un
de ses fils fut greffier du conseil souverain de Nancy. — Nicolas,
chanoine de Reims et abbé de Saint-Sauveur de Vertus. — Smion,
seigneur d'Acy, sans hoirs de M. Pingre. — Jean-Charles, seigneur
du Terron, secrétaire du roi, marié à Reims à Marie Bachelier, ayeul
du ministre.
Nous rappellerons que cette famille a produit quatre ministres, sept
prélats et vingt-sept officiers généraux.
On a enterré le l""' octobre, à Reims, M, Edmond Bertherand, l'un
des plus notables habitants de cette ville. La famille Bertherand ap-
partient à l'ancienne noblesse du Soissonnais où l'un de ses ascen-
dants était, à la fin du XVII<= siècle, président trésorier de France au
bureau des finances. Marié à la fille du baron Levasseur, il laisse
deux fils, dont un est au service. — Armes : d'argent au chevron, ac-
compagné de trois étoiles d'azur.
BIBLIOGRAPHIE
Recueil des Chartes de l'ahbaye de Noire-Dame de Cheminon,
par le comte E. de Barthélémy, 1 vol. in-S", Paris, Champion 1883.
Ce recueil est l'un des plus importants qui aient paru pour l'his-
toire féodale de la Champagne. L'abbaye de Cheminon fondée en 1100,
à la demande de Philippe, évoque de Chiiîons, mourant, frère du
comte Hugues de Champagne, fut l'établissement Cistercien le plus
considérable du Perthois. Ses archives existent complètes au dépôt
départemental de la Marne, et M. de Barthélémy a été le premier, après
bien des siècles, à lire une centaine de chartes, toutes soigneuse-
ment roulées et ficelées par les moines. Ce recueil comprend plus de
400 chartes depuis l'an 1100 jusqu'à l'année 13S7; toute l'histoire
féodale du pays se trouve dans ces précieux documents. M. de Barthé-
lémy a rendu un service de plus à sa province en éditant ce travail
que précède une bonne notice et complète une table excellente. Il
y a encore ajouté deux planches de sceaux inédits.
*
* *
Mentionnons la publication du tome X du Catalogue de la biblio-
thèque de la ville de Troyes, par M. Emile Socard (in-8o Troyes,
Pélot), second volume dos belles-lettres-, il contient la fin des poètes
français, les poètes étrangers, la poésie dramatique, les fictions en
prose, la philologie et les épistolaires hébreux, grecs et latins.
Notre collaborateur M. Lex, de l'Ecole des Chartes, vient de publier
à Sézanne, chez Patoux, une intéressante brochure : Le siège de
Sézanne^ Barbonne, Pleurs et Anglure d'après des documents iné-
dits. C'est une page d'histoire du xv^ siècle, très importante pour la
Champagne.
CHRONIQUE
Nûus relevons dans le volume manuscrit : les libraires en province,
à la Bibliothèque Nationale, n" 21815, les renseignements suivants
pour Châlons :
1680. Seneuze; de Châlons, contre Desmond et David, marchands
merciers qui avaient levé une imprimerie et vendaient des Hvres sans
autorisation.
1680. Coignard et veuve Foucaud contre Seneuze qui avait contre-
fait la « Conduite de S. François de Salles. »
1690. Seneuze contre Coutellier, de Paris (sans explication).
1692, 14 février. Mémoires achetés par ordre chez Desmond pour
prouver qu'il vendait des livres défendus.
1700. 22 janvier. Arrêt pour communiquer à Seneuze la requête
de Bouchard.
1704. 21 juillet. Arrêt du Conseil fixant à deux les imprimeries à
Chaalons.
1723. 7 septembre. Arrêt consignant au profit des libraires des
livres saisis sur deux prêtres de Chaalons.
1739. 31 mars. Confirmation de l'arrêt de 1704,
1756. 2 juillet. Lettre sur la contrefaçon et le commerce qui se fait
à Chaalons par des particuliers.
1761. 17 juin. Mémoires des libraires de Chaalons au sujet d'une
saisie qu'ils avaient fait opérer sur un libraire étranger vendant à la
foire et les « extorsions » des magistrats de la ville à chaque récep-
tion de libraire nouveau.
1772. 6 niai. Création d'une chambre syndicale à Chaalons.
Les notes suivantes concernent Reims :
1623. Mars. Lettre royale approuvant le règlement dos libraires et
imprimeurs à Reims.
1685. 30 mai. Arrêt du Parlement sur ce règlement,
1704. 21 juin. Arrêt du Conseil fixant à quatre les imprimeries cà
Reims.
1717. 10 juin. Arrêt du Conseil autorisant l'entrée de livres à
Reims.
1723. S octobre. Maîtrise créée comme joyeux avènement.
1739. 3 mars. Arrêt réduisant les imprimeries de quatre à deux,
1758. Requête do Delaistrc-Godor, de Reims, contre Anquetil au
sujet do SCS livres.
CHRONIQUE 3 1 1
1759. Mémoiro dudit Dclaistre.
1764. 25 décembre. Arrêt du Conseil « destituant » Cazin de son
brevet de libraire à Reims.
* *
Nous serions heureux qu'un érudit voulût liien s'occuper d'un tra-
vail complet sur les cartes de la Champagne. C'est un sujet très neuf.
A la Bibliothèque Nationale, la collection est très peu riche. Nous n'y
avons trouvé que :
Carte générale de Champaigne, in-f", sans date, commencement du
xvu° siècle.
Autre en quatre feuilles, 1630.
Autre en quatre feuilles, 1641, par Tassin, géographe du roi.
Carte du gouvernement de Champagne, par Samson, in-f" 1687.
Carte de Champagne et de Bric, par Samson, sans date, chez
Mariette, in-f».
Carte du gouvernement de Champagne, par Jaillot, in-f", sans date,
dédiée au Dauphin.
Carte du diocèse de Reims, par J. Jubrien, in-f", quatres feuilles,
1623.
Description du pays de Brie, une feuille in-f\ 1616, par Damier de
Templeux, sieur de Frestoy, escuyer.
AnBAYE DE Saint-Basle. — Nous donnons rarement des documents
latins; nous ferons une exception pour celui-ci, document inédit et
qui renferme des détails précieux pour l'organisation intérieure d'une
abbaye. Il est intitulé : « Réformation de l'Abbaïe de St-Baslc, par
Pierre, archevêque de Reims, tiré (sic) d'un vieux livre do la Biblio-
thèque de Reims. »
Il se trouve à la Bibliothèque nationale, collection de Champagne,
tome XXXV.
Univorsis prajsentes etc., Petrus miseratione Divina Remensis arclii-
opiscoi}us salutem in Domino, etc. Imprimis quod omncs et singnli do
convontu nocte dieque invigilent dévote circa obscrvantiam rogularcm.
Omncs Abbati quamdiu pra;sens fucrit et Priori omni tempo re sicut
tencntur obcdient. Revcrenter ad Ecclesiam singuli mature Coaveniant
paritcr et recédant, officia ejusque coramissa humiliter faciant et
deconter in rofectorio refectionera communiter rccipiant. In dormitorio
omnes dormiant, in claustro sacras scripturas legant et studuant tem-
poribus opportunis. Omniijus diebus fiât capilulum et liant disciplin.ii
ctcorrccliones in eo, prout ordinis staluta rof|uirant. Servent silonlium
statuto tempore... Infirmis cuni omni liumanitato providnatur et
gratis, et cum opus fuerit eis qui promcruerint. . . C^sset intcr fratres
312 CHRONIQUE
rancor et odium, pacem intcr se etconcordiamhabentes.sicutpromise-
runt rcddant Altissimo vota sua. Sit omnibus interdictus egressus
monasterii atque claustri, nisi supcrioris ad hoc licenlia rationabilis
intercédât, ac cetera sanctœ religionis fiant ibidem opéra ad quorum
ol)servantiam ex voti sui debito constringuntur. Item circa tempora-
litem sic duximus onlinandum ; videlicet quoi Abbas prtodicti loci
quem por dictum tempus dictorum qulnque annorum ab administra-
tione bonorum temporalium suspendimus pro se une monacho dicti
monasterii capellano suo quem assumere voluerit ex familia sua cen-
tum libras Parisienses annuatim integraliter percipiat, et habeat ■
durante ordinatione prpesenti de bonis prœfatati monasterii provictu
eorum pariter et vestitu, et quod per dictum tempus continue Parisius
studendo in Theologise facultate morotur, non transiturus ad alium
locum, nec ad id Monasterio responsurus nisi super hoc a nobis licen-
tiam habuerit specialem, ceterisque Monachis temporalem administra-
tionem habendi in diclis suis administrationibus omnem per hanc ordi-
nationera interdicimus potestatem. Ilospitalitatem vero in eodem
monasterio personis quibuscumque, pauperibus Religiosis pedes eun-
tibus, quibus sine scandale denegari non possit duntaxat exceptis,
fiori prohibemus. Ad portam ipsius monasterii constituatur janitor cir-
cumspectus, qui prohibitis personis de mandato Monasterii ingressum
non concédât, nec Monachis exire volentibus prœbeat exitum, nisi de
superioris mandato... Bona dicti Monasterii, victualia et alia per
Monachos, servientes eorum aut quoscumque alios extra portam nul-
latenus deferri permittat, nisi de ipsorum adrainistratorura et pro uti-
litate monasterii procédât beneplacito et ascensu, et quod injunctum
sibi ministerium fideliter implore debeat, coram conventu jurabit. Si
quis vero Monachorum dicti Monasterii contrarium praesumpserit at
temptare, et metas dicti monasterii violenter seu illiciter transire
pricsumat, se ipso facto fugitivum agnoscat, nec recipiatur iterum, sine
mandato nostro ad consortium aliorum. Bonorum autem dicti Monas-
terii temporalium ubicumque fuerint omnium et singulorum tara vir-
tute potestatis nobis commissro quam ordinaria potestate receptores,
administratores et defensatores constituimus, facimus et ordinamus
dilectos filios fratrcs M. Eleraosinarium et R. Paenitenciarium dicti
Monasterii, ita quod ipsiambo aut eorum quilibet in solidum possit seu
possint peterc usquc in judicio et extra judicium post assensum abba-
tis et conventus pnedictorum por se vel per Procuratorem idoneum reci-
pere, levare, vendere, exportare et conservare omnes fructus, oba-
tiones, reddilus, cxitus et proventus ad idem Monasterium pertinen-
tes quacumque actione vel causa super receptis litteras quittationes
concedero creditoribus satisfiicere ; alienationes, venditiones, si quas
inutiles et improvide factas invenerint revocare et revocari, procurare,
administrare et disponcre de nisdcm prout viderint expedire, et omnia
.gererc tam in judicio quam extra qua) de jure licent, plenam et legi-
timam adminisîrationem habenlibus. . . Pr;i?fati administratores quater
in anno videlicet in fine quorumli])ot trium mensium coram Prière et
CHRONIQUE 3 1 3
conventu reddant plenariam rationcm, in scriptis redigatur eorum
reddita ratio, et sit sigillo conventus minuta et du])Iicata, et adminis-
tratores eam pênes se retineant, et aliam aliquis lideliter custodiat pro
conventu. Unus quisquo ipsorum Administratorum equo uno volumus
esse contentum. Quid quid super fuerit do bonis prfedictis et reddi-
tjbus, in solutionem debitorum et refectionem domorum seu a3dilîcio-
rum, defensionem jurium ei libertatum ipsius Monasterii per ipsos
Administratores proindo convertatur. Ad quod, ut prccniissum est,
fideliter et utiliter exequendum dicti fratres M. et R. se coram nobis
juramento astrinxerunt. Ilanc autem ordinationem quam usque ad
dictum terminum durare volumus sub pœna in ea expressa, et in vir-
tute sancta3 obedientii-e et sub excommunicationis pœna quam contra
temere venientes et facientes incurrere volumus ipso facto, prœcipimus
ab omnibus inviolabiliter observari, retenta et reservata nobis potestato
addendi et minuendi, corrigendi, mutandi, declarandi et interpretandi
quolies, ubi, quando voluerimus et viderimus opporlunum. Datum anno
1283. Die sabbati post festum Assumptionis Beatte Maria in capilulo
sancli Basoli nobis personaliter adessentibus et die sequenti.
* *
Extrait du catalogue des manuscrits de la reine Christine de Suède,
qui est au Vatican, en ce qui concerne l'histoire de la Champagne,
communiqué par M. de Saint Palaye à M. delà Ravalière (Note autog.,
tome XXXVII de la coll. de Champagne à la Bibliothèque Nationale).
No 2023. Alani rectoris collegii Anglorum remensis ad rectorem
collegii Anglorum lomani.
1424. Andradi ad Hincmarum liber do fonte vita^, versibus.
506. Besuensis monaslerii in Lingonibus, chartularium seu dona-
tiones eidem monasterio factae, coUectore Joanne ejusdem loci mona-
cho.
986. Conciliura remense apud S. Quanlinum, 1276; Gompendiense,
1301 ; Silvanectense, 1317; Noviomenso, 1344.
278. Concilii. ut vidotur, Rhemensis in quo damnatus fuit Gilber-
tus Porretanus Caiiitula tria.
191. Eiibonis archiepiscopi remensis statuta.
633. Fiodoardi presbyteri chronicon.
455. Gaufridi do Callone, monachi monasterii S. Pétri Vivi Seno-
nensis chronicon Senonense Incarnatione dominica ab annum Chrisli
1249.
863. Gervasii Rhemensis archiepiscopi ad Ilugonem epistote frag-
menium, cui ailjicilur Camcracensis clcri epistola ad remense, etc.
1283. No Gilberlo in sede remensi intruso ex ea quo postea
dejecto, adjeclis versibus de papatu ejusdem Gilberli.
418. Hervei archiepiscopi remensis conslitutum quo roa S. Mariio
et S. Remisii remensis in pago Quormaccnsi [sic] sitas commendat
314 CHEONIQUE
Olhoni archiepiscopo Quormacensi versus ad altare S. Remigii appo-
siti.
418. Ilervei archiepiscopi remcnsis litters canonico datée suffra-
ganeo alicuo recens ordinato.
191. Hincmari archiepiscopi remensis aliorumque in synodo Cari-
siacensi congregatorum capitula IV contra praedestinatos.
152. Ejusdera epistola ad Odonem episcopum Bellovacensem qua
eum exhortatur ut contra Grfecorura in ecclesiara romanam caîumnias
calamum exerceat.
418. Joannis papae IX ad Ileriveum archiepiscopum remensera
super Norniannis nuper ad fidem conversis.
12. Jotrensis monasterii reliquiarum quas Ermengardis abbatissa
conquisierat catalogus.
994. Isaaci episcopi lingonensis coUeotio canonum imperfecta.
46. Lavinii (Pétri) lingonensis, ordinis prœdicatorum, expositio
abbreviata exB. Augustino ad Michaelem episcopum lingonensem.
566. Manasses archiepiscopi remensis epistola in qua se excusât de
eo quod ad Lugdunense concilium accedere renuebat.
577. Odoranni, monachi S. Pétri Senonensis opuscula.
418. Pasnitentia ex decreto concilii provincialis remensis injuncta
iis qui belle Suessionis inter Robertum et Garolum acte interfuerunt.
1544. Remensis cathedralis charta.
598. Remensis concilii sub Ilincmaro fragmentum.
394. Remensium archiepiscoporum ad Carolum cardinalem Lotha-
ringie catalogus, in quo celebriorum ejus sedis prnesulum gesta nar-
rantur.
479. Resbacensis monasterii S. Pétri librorum catalogus.
1312. Roberti episcopi Lingonensis introductio ad calendarium,
658. Roberti monachi S. Remigii remensis historia Ilyerosolimoram.
480. Historia Senonensis a tempore quo Senonenses religionem
chrislianam amplexerunt ad finem sfcculi XIIL
LNScniPTioNS ANTiQCEs DE Reims. — Lc Bulletin épigraj)hique, dans,
son numéro de Mars-Avril 1883, p. 94, contient une note de M. Ca-
mille Jullian relative à une inscription trouvée jadis à Reims et trans-
portée à Rome. C'est celle qui est reproduite dans OroUi, n* 1096, et
qui mentionne la construction de thermes, à Reims, aux frais de Cons-
tantin, fils de Constance Chlore.
Dans le même recueil, Mai-Juin, p. 113 et suivantes, XI. Ant. Héron
de Villcfosse, notre collaborateur, publie et commente plusieurs ins-
criptions découvertes, tant à Reims, qu'à Stenay et àMouzon. Ces ins-
criptions portent dos noms gaulois tels que: Tartos. fils de Banuus,
Gransillius, Divixtus. M. de Villefosso cite en outre, un ])assage
CHRONIQUE 315
(le la Vie d'Adelbert II, archevêque de Mayencc, écrit au xii^^ siè-
cle, par Anselme, évèque d'Havelberg, dans laquelle il est fait mention
des débris des temples et des monuments antiques de Reims employés
pour la reconstruction des murailles de la ville.
Monsieur,
Dans la dernière livraison de la Revue, monsieur E. Voillard m'a
fait l'honneur de rectifier certaines inexactitudes que, paraît-il, j'ai
commises dans mes notes sur la bibliothèque de Bourbonne.
Je tiens à remercier le savant bibliothécaire Chaumontais de sa bien-
veillance à mon égard et do la peine qu'il a prise de se préoccuper de
mon modeste factum ; mais en même temps qu'il me permette de
regretter qu'il n'ait point cru devoir me signaler les points sur les-
quels j'ai été inexact.
Des notes concernant l'origine de la bibliothèque de Bourbonne,
notes dont j'ai pris copie textuelle, établissent, avec pièces à l'appui,
les faits suivants.
Le 6 juillet 1791, un sieur Usunier se rendit, par ordre, à Mori-
mond, afln d'y dresser le catalogue de la bibliothèque sur laquelle les
scellés avaient été apposés. A la suite de ce voyage, la municipalité
adressa, le 4 juillet 1792, une demande tendant à ce que les volumes
de l'abbaye fussent transportés dans notre ville, Le 30 du même mois,
l'autorisation était accordée et les livres concédés devaient, par déci-
sion, être placés dans l'église de l'ancien couvent des Capucins. On les
y installa, en effet, dès le commencement de 1793, mais ils n'étaient
point catalogués et le classement tarda longtemps si on en juge par les
nombreuses réclamations de catalogue et d'inventaire qui figurent au
dossier, depuis cette époque à 1805.
Après la chute définitive de l'Empire, le 29 mai 1816, le préfet du
département, M de Jerphanion, si je ne me trompe, prescrivit l'envoi
immédiat, à Chaumont, des volumes et manuscrits composant les bi-
bliothèques de Morimond et Vaux-la-Douce.
Déjà, en 1815, le 9 octobre, M. Maignien, ancien religieux de Mo-
rimond, avait . réclamé à la mairie de BourJionne les antiiihonaircs,
psautiers, bréviaires, provenant de l'abbaye. Ces ouvrages avaient dû
lui être délivrés.
Le Préfet insistant pour l'envoi des livres, la municipalité de Bour-
bonne le supplia d'ordonner qu'une vente en fût faite et que les deniers
en fussent appliqués à la ville ; un refus catégorique do M. Jerpha-
nion fut la seule réponse obtenue (4 avril 1816), et, enfin, lo l»"- juil-
let, ordre arriva de mettre au roulage 87 ouvrages adressés à la biijlio-
Ihèquc de Chaumont. Un arrête prôfectoral décidait en outre que |es
volumes restant seraient remis à un ruligicux envoyé par le supérieur
de la maison de Port-du-Salut.
Enfin, le 3 septembre de la même année 1816, le curé Maignien,
3 If) CHRONIQUE
dûment nanti de la procuration du Frère Bernard, supérieur du mo-
nastère précité se faisait délivrer les livres dont il donnait un récé-
pissé dans les formes.
Tels sont les renseignements sur lesquels ont été basés les quelques
indications que j'ai données ; les documents sur lesquels je me suis
appuyé étant authentiques, je me demande en quoi j'ai pu commettre
une erreur et serai très reconnaissant à Monsieur Voillard d'ajouter
encore à sa complaisance en me les faisant connaître.
Il aura une fois do plus obligé son très dévoué serviteur,
Lacordaire.
Bourbonne, 15 septembre 1883.
* *
SÉPULTURES MÉaoviNGiE.sNES DE DoRMANS (Marne). — La petite ville
de Dormans (Marne) est bâtie sur un emplacement qui a dû être occupé
jadis par une population assez considérable. En effet, par suite de
travaux exécutés pour l'établissement d'un chemin de fer, des tom-
beaux furent découverts mais ne furent point examinés.
Il y a dix ans environ, on en trouva d'autres dans une cour de ferme.
Enfin, dans le courant de cette année, j'eus l'occasion d'étudier trois
sépultures dont la première fut découverte tout accidentellement et les
autres à la suite de sondages.
La première de ces sépultures renfermait un squelette en fort mau-
vais état de conservation, ce qui s'e.xplique du reste, sachant que pen-
dant plusieurs années la cour dans laquelle elle so trouvait, avait servi
de fosse à fumier.
Quoiqu'il ne restât rien du crâne ni du bassin, je crus, de concert
avec mon collègue, pouvoir affirmer que ce cadavre était celui d'une
femme d'un âge assez avancé par l'inspection des molaires.
Le cercueil se composait de sept morceaux de tuf: un formant le
couvercle, un autre le fond, deux autres les extrémités et les trois
derniers, les deux côtés latéraux. Ces morceaux avaient été taillés et
ajustés.
Voici qu'elles étaient les dimensions de ce cercueil :
Longueur intérieure, 1™78 -, largeur intérieure à la tète, 0ra52 ; lar-
geur intérieure aux pieds, 0ml9; profondeur intérieure à la tête,0'"29 ;
profondeur intérieure ^aux pieds, 0"'26.
Le couvercle avait :
Longueur totale, lm83 ; largeur à la tête, 0'n75 ; largeur aux pieds,
0™60; épaisseur de la pierre, 0'"10.
Le sujet était couché la tête appuyée sur la nuque, les bras allongés
le long du corps. Je recueillis quelques fragments du vêtement qui est
d'un tissus assez peu serré : il est d'apparence à peu près analogue à
l'étoffe robenhaussienne.
CHRONIQUE 3 1 7
Deux grains en verre, émaillés d'un coté, se trouvaient près des ver-
tèbres cervicales.
Je ramassai deux boucles en bronze de deux centimètres et demi de
long sur un centimètre de large, située extérieurement de la jambe
droite à la hauteur des genoux. Puis une autre fort petite, en bronze
également, mais sans pouvoir indiquer la place qu'elle occupait.
Le sujet de la tombe n» 2 n'était guère en meilleur état que le pré-
cédent, mais le mode d'ensevelissement dilTérait. Nous trouvâmes d'a-
bord une dalle fort pesante en tuf :
Longueur, lmS7 ; largeur à la tête, On'08 ; largeur aux pieds, O'nôO ;
épaisseur, O^ÎO.
Après elle, venait ensuite le squelette enseveli dans un sable étran-
ger au terrain et qui avait été apporté là pour cet usage ; la couche
était de 0 m. 50 cent, d'épaisseur ; le cadavre avait été déposé sur un
Ut de plâtre frais, d'un grain assez Qn et d'un beau blanc. Je dis que
le plâtre gâché était frais lorsque l'individu fut déposé dessus parce
que la tête, inclinée du côté droit avait marqué son empreinte, parce
que les épaules avaient également formé un creux et, enfin, parce que
le poids des cuisses et des jambes avait fait refluer le plâtre entre
elles.
Dans cette tombe il n'y avait que des objets en fer : une rondelle
large de deux centimètres et demi et qui avait dû être attachée au cou
en guise d'ornement, elle se trouvait en haut du sternum ; quelques
fragments de poterie noire, rougeâtre ou grise, dispersés dans le sable
et ne formant pas un tout complet. Un fragment de bois bien conservé
et que l'on croirait être un bout de latte se trouvait sous le talon gau-
che du sujet ; je ne sais quelle en avait été la destination : le corps se
trouvant fort incliné de haut en bas, je serais porté à croire que ce mor-
ceau de bois avait été mis là pour servir en quelque sorte de calle et
pour empêcher le corps de glisser, attendu que la fosse se prolongeait
de 0 m. 20 cent, jdus loin, si sa petite dimension et le peu d'utilité
que cela eut eu ne me faisait rejeter cette idée. En tous cas, il est cer-
tain qu'il n'est pas venu là accidentellement puistiu'il se trouvait en-
gagé sous le calcaneum. Je recueillis un objet en fer tellement oxidé
et chargé d'un conglomérat de grève que je ne puis le déterminer.
Le sujet était déjà vieux, ses molaires sont usées jusqu'au collet ; je
n'ai pas retrouvé d'incision. Le crâne offre un indice de niycrocéphalio
prononcée.
La troisième sépulture était encore toute différente des deux pre-
mières : point de dalle, point de cercueil, point de lit de plâtre, point
de sable. Le cadavre avait été étendu sur le ventre, les bras allongés
le long du corps, dans la couche de terre argileuse qui forme le sol
à cet endroit. Je trouvai la moitié d'un fer de lame en fer et l'extré-
mité d'une framéc, en fer également ; deux autres objets qu'il me fut
iinjjossiblo de déterminer à cause de leur état d'oxydation ; enfin, une
boucle de ceinturon en bronze, d'une fort belle patine et gravée do jolis
318 CHEONIQUE
dessins, malheureusement elle n'est pas entière, l'extrémité inférieure
manque et je n'ai pu la retrouver.
Cet individu était d'un type absolument différent de celui des deux
])remiors. Il mesurait 1 m. 95 cent. Son crâne, fort épais, offrait des
arcades sourcillères extrêmement prononcées, les apophyses zygoma-
tiques très proéminentes, et, cependant, il était franchement brachycé-
phale. Le maxillaire inférieur, ainsi qu'une grande partie de la face
manquait malheureusement par cause de décomposition. ,
En tous cas, ces trois individus, s'ils n'étaient pas de même natio-
nalité, ont bien été inhumés par un même peuple, tout le prouve ;
l'orientation est la même, la face tournée vers l'orient ; les trois tom-
bes sont sur une même ligne, à la même distance l'une de l'autre -.
I m. 50 cent. ; à la même profondeur, 0 m. 55 cent. Il faut dire à ce
sujet, qu'il y a quelques années, ce terrain a été recreusé car le mur
qui borne cette cour se trouve actuellement posé sur le sol et la trace
des fondements remonte à un mètre au-dessus de la surface actuelle.
Au reste, cet emplacement se trouvant là oîi étaient jadis les fortifica-
tions de la ville de Dormans, le terrain a été évidemment exhaussé et
abaissé plus d'une fois ; on ne peut donc pas juger de la profondeur
primitive à laquelle se trouvaient ces tombes, tout ce que l'on peut
dire, c'est que toutes trois sont au même niveau.
Je me suis fait indiquer l'endroit où il en avait déjà été trouvé lors
des travaux du chemin de fer, il continue parfaitement la ligne indi.
quéc par ces trois sépultures. Evidemment il y a là tout un cimetière
mais qui, malheureusement se trouve presque partout sous des cons-
tructions. P. ROYER.
•
Notes sur l\ paroisse de Fromentiéues (Marne). — M. Bourgeois
a relevé dans les registres paroissiaux de cette commune du canton de
Montmirail, quelques détails curieux, qui prouvent une fois de plus
l'intérêt qu'il y aurait à dépouiller ces sources encore si peu explorées.
II y a d'abord relevé quelques seigneurs du lieu qui y figurent comme
panneau .- 1700. Charlotte des Dets, femme de M. Daniel de Cormier
de la Haye, seigneur de Fromentières, capitaine de cavalerie, veuve
avant 1706, qu'elle figure de nouveau comme marraine avec M. Fer-
rand, écuycr, lieutenant-colonel de la Milice de Paris, seigneur des
iîouleaux ; — 1715; Jean du Rud, chevalier, époux de Elisabeth de
Cormier de la Haye ; — puis ces autres personnages : 1G7G, Jacques
Evrard, chirurgien audit lieu ; — 1679, Antoine du Bouchers, écuycr,
seigneur de Perceval ; Alexandre de Villiers, écuyer, seigneur de St-
Paul ; — 3 juillet 1698, mort de Jean, fils de Antoine du Chesne, ca-
pitaine d'infanterie, et de Madeleine de Villelongue, né à la Chapelle-
sous-Orbais, le 21 juin précèdent.
Puis les mentions suivantes très curieuses à noter :
« Le 9"= jour de juin l'an 1695 a esté baptisé par moi, soubsignc,
prèiTQ, curé de l'église de Sainte-Marie-Magdelaine de Fromentières,
un enfant masle né et venu au monde le 28* jour de l'année 1695,
CHROMQUE 3 1 9
d'une coureuse qui se disoit la femme d'un ajjpellé M. des Aistres, of-
ficier soi-disant dans l'armée de M. le mareschal de Lorges, pour le
roy en Flandres. Ledict enfant fut nommé Pierre, son parrain a
esté Claude Mauroy, recteur des écoles dans ladite paroisse, et sa
marraine a esté Louise Lemercier. — Bussenestre. »
« L'an de grâce 1715, le 6 de janvier, dimanche l'our de l'Epipha-
nie, le jour de la publication de la paix générale entre le roy de France
et les princes ses voisins, après l'illumination du feu de joye allumé
par les curé, seigneur, syndic et tous les habitans de Fromentières, a
esté baptisé en l'église, Jean, né du mariage de Alexandre Trouillard,
maître syndic, laboureur et marguillier de ladite paroisse et Madeleinc-
Le Clerc. Son parraina esté messire Jean duRud, chevalier, seigneur
de Fromentières ; sa marraine, dame Elisabeth Cormier, son épouse. »
M. Bourgeois a relevé ensuite une autre mention :
« Le 22 juillet 1695, Jacques Evrard, dit la Garde-le-Père, a mis à
prix le baston érigé à l'honneur de la glorieuse Sainte-Marie-Made-
leine à condition de le représenter le mesme jour de l'année suivante,
1G9G, et de payer au profit de la fabrique la somme de lOO livres à
5 sols par livre qui valent 25 livres à l'issue des vespres en présence
des principaux habitans. »
Cette cérémonie se pratique actuellement aux mêmes conditions 0,25
par franc. Le bâton est adjugé ajjrès les vêpres de la Madeleine en
présence du maire et des marguillers, devant la porte de l'église. Aus-
sitôt après le clergé conduit le bâton en procession chez l'adjudica-
taire où il est conservé jusqu'à l'année suivante. Ce jûur-là, à l'heure de
la messe, les cloches sonnent en volées, les jeunes filles en blanc sor-
tent de l'église en chantant, bannière en tête, et vont chercher le bâ-
ton qui est surmonté d'une statuette en bois do la sainte: la jeune
fille qui en est détentrice attend sur sa porte et le vient déposer à l'é-
glise : quatre jeunes lilles se chargent d'un plateau couvert de gâteaux
préparés dans la maison et ramenés également à l'église. On prétend
que la dépositrice se marie toujours dans l'année.
(( Le 6= de juin 1715 a été placé sur le grand autel de Fromentière, la
représentation du mystère de la naissance et de la passion do notre
Seigneur Jésus-Christ, après avoir élé achcpté à Chaalons par les
curé, syndic, marguillers et autres notables de la paroisse, la somme
de 12 pistollcs qu'ils ont donné volontairement pour la gloire du sei-
gneur. — M. Laguille, curé, « Il s'agit là du magnifique rétable de
Fromentières. »
Aux archives de la commune existe la charte originale de la ces-
sion, faite le 28 mai 148.3, par Jean de Hélhune, seigneur de Baye et
Marcuil, des usages de Fromentières aux habitants do ce village, acte
dressé par Guillaume Le liailly, curé do Condé en Brie, garde des
sceaux de la baronnie de Baye, devant Florent cl Jasnaux, notaires à
Baye, en présence du seigneur qui, » de son bon gré, sans contrainte »
320 CHRONIQUE
céda à cens auxdits habitants à perpétuité, 300 arpents de bois sis
entre Fromentières, Bièvre et la Chapelle-sous-Urbais, aux mêmes con-
ditions que les gens de Villevenard et de Beaunay jouissant de pareils
bois ; le cens annuel fixé à deux sols, payables le I^"" janvier, par mé-
nage, et 12 deniers par veufs et veuves.
M. Patenostrc, llls d'un notaire de Baye (Marne), vient d'être nommé
ministre plénipotentiaire à Pélcin. Il occupait le poste de Suède, il est
un de nos jeunes agents diplomatiques qui jouit à juste titre d'une
sérieuse réputation.
*
Des travaux importants viennent d'être exécutés à l'église Saint-
Jacques, de Reims. Le maître autel a été remis à sa place de façon à
permettre désormais aux processions de faire le tour de l'église. La
table est supportée par deux colonnes de marbre assises sur des socles
en pierre. Le fond de l'autel est en carreaux émaillés et représente le
Christ au tombeau. Le chœur a été réparé.
*
* *
Mariage de M. le comte des Réaulx, de Goclois, sous-lieutenant de
hussards, avec Mlle de Monicault, fille d'un ministre plénipotea-
liaire.
La famille des Réaulx est l'une des plus considérables de la Cham-
pagne ; elle est originaire du Nivernais et y tire son nom d'une terre
des Ruyaulx qu'elle possédait dès 1040, près de Saint-Pierre-le-Mou-
tier. Vers 1534, la branche cadette devenue ainée passa en Brie par
le mariage de Nicolas, — frère de Jean, chevalier de Malte, — avec
Jeanne Clyon, dame du Petit-Bricon, près Provins. Constantin, son
fils aîné, fut nommé gouverneur de Pont-sur-Seine, en 1617. Son fils,
Gabriel, maître d'hôtel du roi et maître de camp se fixa en Champa-
gne et épousa Guillemette de Marolles, fille du seigneur de Frampas et
de Goclois, terres données en dot à celle-ci. Depuis, la famille n'a plus
quitté ce château, possédant en outre Avant, Ortillon, Brantigny,
Grisy, Athis, Chaudonner, Nogent-sur-Aube, etc. André, leur fils fut
nommé maréchal de camp en 1652 et épousa une demoiselle de Ro-
chereau, de la noblesse du Perthois ; une de leurs filles se maria avec
le comte de Joyeuse-Grand-Pré. — Goclois fut érigé en marquisat
en 1090. Ajoutons que Aimery des Réaulx portait l'étendard du Grand
Maître Villers de l'Isle-d'Adam au siège de Rhodes en 1522. — Ar-
mes : d'or au lion monstrueux de sable, à face de carnation, chevelée
et barbée de sable.
Le Secrétaire Gérant,
LÉON Fbéuo.Vï'.
NOTES SUR LE CHATEAU DE
(MARNE)
Les textes anciens écrivent de dilTérenles manières, le nom
de Monlmorl. Ou y trouve, en oH'el, Moiitmort, Montmo7\
Mimmor, Monmor, Montmaur *. Les variations ne sont pas
toujours motivées, mais très souvent arbitraires.
La Seigneurie de Monlmorl tenait sous sa dépendance, les
villages et paroisse de Lucy, La Laure, les hameaux de Pigny,
I . Lu généalogie des premiers seigneurs de Moulinort u"a pas encore été
établie, et je crois que pour la coiistiluer, il y aura lieu de s'occuper ou
même temps de celle des seigneurs de Pleurre ; on n"a pas non plus clierclié
jusqu'à ce jour, à déterminer comment la seigneurie de Monlmort était passée
dans dillérontes familles avant d'arriver aux Ilangert. Un jour nous eesaie-
rons, peut-être, d'éclairer cette j)artio de l'histoire féodale de la Cliampagne,
Le travail que nous publions aujourd'hui n'est, à vrai dire, qu'une collec-
tion de notes recueillies par nous dans des archives particulières ; nous dési-
rons vivement, qu'après en avoir ])ris connaissance, nos lecteurs aient l'ubli-
geaoce de nous communiquer les documents qui ])ourraicnt nous aider dane
notre travail.
"i. A. Longnon. Livre des vassaux, p. 398.
21
3â2 NOTES SUR I.E CHATEAU DE MONTMORT
des Rouleaux, des hauls et bas Olivels, la haute et basse
Chaudrerue, Mardelles, le Ménil pour les trois quarts ^
MoDtmorl ue possédait pas seulement un antique château,
il y avait en outre dans le villag-e, un prieuré dépendant do
l'ordre de Cluny. L'abbaye de la Charité-sur-Loire nommait
le prieur de Monlmort. Les religieux de Cluny avaient un
couvent à Moularmé. On remarquait encore dans les derniers
temps des traces de ce couvent, sur le ruisseau formé par les
fontaines et l'étang Claudin. L'époque de la destruction de ce
prieuré n'est pas connue. Il y a lieu de supposer que les reli-
gieux se retirant à Montmort, après sa destruction y bâtirent
le prieuré dont l'église subsiste encore aujourd'hui '.
1042. Germond de Montmort est témoin dans un charte de
Thibaut I et d'Etienne, comtes de Champagne. Germond de
Montmort parait avoir été un des vassaux des comtes de Cham-
pagne, mais il n'est pas bien établi pour quel fief il faisait
hommage '.
Les diplômes anciens, signalent un nombre considérable de
personnages se groupant autour d'Etienne, d'Henri, d'Adèle
et de Thibaut, probablement en qualité de vassaux. Parm
eux nous voyons Albert ou Aubert de Montmort, cité dans une
charte de l'an 1102 '.
L'historien des comtes de Champagne dit : quant aux fiefs
qui relevaient du comte de Champagne, ou en comptait 2,030
vers 1152. Parmi ces fiefs on trouvait dans la Marne la sei-
gneurie de Montmort \
Dans une charte de 1131, qui paraît êlre relative à la fonda-
tion de l'abbaye d'Andecy, au nombre des bienfaiteurs cités :
nous voyons Hugues, seigneur de Monlmort. En effet, il est
dit : « Nobilis autem [rex] " Hugo Dominus Mauri Monlis,
laude et assensu Letilie uxoris sue, et filiarum suarum Hele-
widis et Isabellis, tradidit et concessit quiquid habebal apud
Bayara. «
1 . Archives du châloau de Montmort.
2. Archives du château de Montmort.
3. D'Arboitf de Jubaiaville. Histoire des comtes de Cbampogue, t. II,
p. 40.
4. D'Arbois de Jubainville. Histoire des comtes de Champagne, t. II,
p, 283.
5. D'Arbois do Jubainville, t. II, p. 425.
6. Rcx doit être une erreur de copiste ?
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT 323
Eq 1170 la meution suivante a été relevée :
« Ce sunt li Fié de la Chastelerie de Vertu ^rôle d'Heuri I"%
vers 1170. 2° partie.)
« Pierre de Monmor, liges empres li viscueus de Saint-
Florentin. Deu fié Hue de Plaierre '. »>
Vers la même époque un feudataire de Vertus est ainsi
mentionné :
« Ce sont li Fié de la Chastelerie de Vertus (rôle d'Heuri I*^' .
vers 1170.)
1 Erlans de Munmor; II mois de garde et X muids de vin à
Vertuz et terre à Pontanci ' et à Rufi '. »
Sous un pareil titre et à la même époque on lit :
« Erlans de Vertus, liges sauve la fcauté li sires de Mout-
mor '. »
Le seigneur de Montmor possédait des fiefs qui étaient com-
pris en dehors de Vertus. Nous lisons eu effet :
« Ce sont li Fié de la Chastelerie de Fimes et de Chastelon.
a Première partie. (Rôle d'Henri P', vers 1172.)
« Guis (Gui) de Montmor, liges. Li Fiez est de la gruerie
de Waisi ° et plusors autres choses '. »
Vers la môme époque il relevait aussi de Sézanne pour une
partie. On voit en effet :
« Ce sont li Fié de la Chastelerie de Sezeune ',
« 1'''^ Partie. (Rôle d'Henri l"', vers 1172.)
« Guis de Montmor ". »
La Seigneurie de Moutmort proprement dite relevait de
Vertus'. Elle avait droit de haute moyenne et basse justice.
Elle était régie par la coutume de Vitry -le- François.
Au milieu du xii« siècle, Hugues, seigneur de Montmorl
détenait Mareuil en Brie ". Toutefois l'importance de ce fief
n'apparait que vers le xiii« siècle.
i. Longuon. Livre des vassaux de Chuuip. et de Brio, ]>. 203.
2. Pocanci.
3. LoDgnou. Livre des vussuux, [>. l'JT.
4. LocociUito, p. 202,
'). Foiêl de Vussy.
0, Lougnon. Livre des vassaux, p. 97.
7, Sézanne.
8. Longnon. Livre des vassaux, p. 19'(.
',). Coutume do Viliy. 1722. p. 023.
10. Gallia Clirislianu, t. X.
324 NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMOUT
Lelierde Monlmort, chevalier est mentiomié eu 1192, selou
des chartes de l'abbaye de la Charmoye '.
En 1214, Pierre de Monmor conclut de concert avec Gilles
de Rouffy et Girard de Vertus, une transaction avec le prieur
de Rouffy *.
Tin personnage d'une grande célébrité a été l'objet de diver-
ses mentions dans les temps où nous sommes arrivés. Il se
rattache à l'histoire de Montmort, par son mariage. C'est ainsi
qu'il est signalé par M. d'Arbois de Jubainville : « Eustache
de Gonflans, sire de Pleurs. 11 était fils de Hugues de Conflaus.
11 est témoin d'une charte d'Henri P', comte de Champagne eu
mVJ. En 1201 il accompagna Gauthier III, comte de Crienne
cà la conquête de Naples. 11 prit part à la IV^' croisade où il
délivra 2,000 chrétiens prisonniers des Bulgares et mourut en
1207. 11 avait épousé Marie, dame de Pleurs, Montmort et
Oger et eu eut un fils nommé aussi Eustache et trois filles,
Marie, Catherine et Elisabeth. En 1218, les abbayes d'Andecy
et Notre Dame de Vertus étaient en contestation, au sujet d'un
legs de ce seigneur et ils choisirent pour arbitre la comtesse
Blanche \
D'autres détails sur le même personnage sont présentés de
la manière suivante : « Eustache, seigneur de Conflaus, d'Eto-
ges et de Mareuil, chevalier, se trouve qualifié de cousin de
Geoffroy V" du nom, sire de Joinville dans un acte de ce dernier
de 1200, qui se trouve dans le cartulaire de Champagne. Il par-
ticipe eu 1224 au règlement que fit Thibaut, comte de Cham-
pagne, avec ses barons pour le partage des enfants mâles. Il
avait épousé avant 1200, Marie dite dame Playotre*, de Mont-
mort et d'Auger, fille d'Hugues, seigneur des mêmes lieux.
Elle se quahfie de veuve d'Eustache de Gonflans dans le don
qu'elle fit en 1220, aux religieux de la Charmoye, de 40setiers
de seigle qu'elle avait acquis à Gonflans et de 20 seliers de fro-
ment et d'avoine sur la Chàtellerie de Montmort". »
1200. — Vers cette épo({ue le registre des hommages faits
cà Thibaut V, comte de Champagne contiennent la mention qui
1. Diocèse ancien (le Châlous âur-Maruc i)ur Ed. de Barthélémy. 2° par-
tie, page 323.
2. Longnon. Livre des vassaux, )). .308
3. D'Arbois de Jubainville. Histoire des coiules Chuinpagiics, l. VII,
p. 202.
4. Pleurd.
5. La Chesnaye Desbois. Dictionnaire du ia Noblcàse.
à
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT 325
suit : Dominus Castri Villaniesthomo ligius Domini Campagnie
do Castro Villani cum perlineotiis hiis que dicent votera scripta.
Item ad aliud feodum de Castro Plaiostri et de foro de Mont-
mor.
D'autres renseignements signalent, h des dates qui se rap-
prochent des précédentes indications, Guy, chevalier do Mont-
mort, \2\li à 1223; Simon Mater, chevalier de Montmort, en
1250; Anselme, chevalier de Montmort, fils de PctronîUe,
1262 ; et enfin, en 1292, Payen, seigneur de Montmort.
1296. — Les seigneurs de Montmort avaient anciennement
le droit de prendre dans les forêts d'Igny, le Jard et de Vassy,
quarante cordes de hois pour leur chauffage et le bois dont ils
avaient besoin pour bâtir et réparer leur château et en outre,
de chasser et de faire paître leurs bestiaux dans lesdites forêts.
Tous ces droits leur avaient été accordés en 1296, par Gaucher
de Châtillon, connétable de Champagne et de dame Isabeau de
Dreux sa femme, confirmés par lettres patentes de Philippe,
roi de France du 28 janvier 1333. Tous ces anciens titres sont
perdus, mais on voit qu'ils ont existé par l'ordonnance du
2 avril 1643, de M. de Ligny, grand maître des eaux et forêts
de France, auquel ils ont été représentés \
La famille des Noyers possédait la terre de Montmor. Nous
voyons, en effet, que Jean d'Angenicourt fit, en 1361, hom-
mage au comte do Vertus pour son châtel qu'il tenait de .sa
femme. Il est probable que la seigneurie passa en 1389 entre
les mains de Jeanne de Noyers sœur vraisemblablement do
Scbille et fille de Milon, seigneur de Noyers et de Vandeuvre,
grand bouteiller, puis maréchal de France, qui porta l'oriflam-
me à la bataille do Montcassel et mourut en 1350 ; cette famille
des Noyers était une des plus grandes maisons de Bourgogne,
alliée aux Brienne, aux Courtenay, aux Ghastillon et qui
donna le jour aux sires de Joigny, de Rimaucourt et de Mont-
cornet *.
Le 15 avril 1369, il est stipulé que le droit de marché do
Montmort, et les rouages dudit lieu peuvent valoir environ 25
sous tournoi, l'abbesse d'Audecy ', prend les tiers de celle
somme.
1. Archives du château do Montmort.
2. Diocèse ancien de Chi1lons-sui'-Marae, par Kd. d.j Ijartliélemv. 2"
partie, histoire féodale, p.ige \iî'.i.
3. Ancienne aLijsyc située à Uayc-Marnc.
32G NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT
Trois fois par an à Noël, Pâques et la Pentecôte l'abbesse a
son tiers et le profit des bancs du marché de la Pentecôte '.
\'i']S. — Echange entre noble homme Messire Jean de Saux,
chevalier, seigneur de Cernon et de Bussy-le-Chàlel, et Eus-
lache de Sommesous, écuyer, et demoiselle Guillemelte de
Vouzy, sa femme, par lequel échange ledit seigneur de Cer-
non a donné audit de Sommesous et sa femme, la totalité de
la terre et seigneurie de Vouzy, tenu en fief par M. le comte
de Vertus et partie du seigneur Montmort '.
1389, — Ancienne déclaration non signée de la terre et
baron nie de Pleurs, mouvante du Roi à cause de la Tour de
Sézannc. où est le dénombrement des terres, fiefs et seigneu-
ries qui sont mouvants de ladite baronnie. Montmort est cité
parmi les fiefs et seigneuries.
Aveu et dénombrement du 1"'" mars 1389, rendu par dame
Jeanne de Noyers, dame de Montmort, au baron de Pleurs
pour les deux tiers de la seigneurie de Montmort.
Ce dénombrement établit donc d'une manière évidente que
la dame de Noyers possédait Montmort en 138y. Le même acte
déclare qu'alors le château avec la cour et le jardin qui conte-
naient environ sept arpens, étaient en ruine et en friche par
suite de la fortune des guerres \ Un autre titre de 1 402 établit
qu"à cette date la situation était encore la même.
1394. — Aveu et dénombrement rendu par Milet de B'orges,
écuyer, seigneur de Vôuzy en partie à messire Mathieu de
Hangest, seigneur de Montmort de la partie de ladite seigneu-
rie qui relève de Montmort '.
La famille d'Hangest qui apparaît alors, comme possédant
la seigneurie de Montmort, est une ancienne maison de Picar-
die, féconde en grands hommes ; une des plus anciennes et des
plus illustres de France, connue dans le xii° siècle elle adonné
un maréchal de France, un grand échanson, deux grands
maîtres des arbalétriers, deux évoques de Noyon, etc'...
Du It) avril 1396. Aveu et dénombrement rendus par Mathieu
de Hangest, seigneur de Montmort, à monsieur de Pleurs à
cause de son château et châtellerie de Pleurs.
1 . Archives du château do Montmort.
2. Idem.
3. Archives du chitteau de Monimorl.
4. Idem,
5. La Chesnaye- Desbois. Dictionnaire de lu Noblesse.
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT 327
Du 15 avril 1396. Extrait d'un aveu et dénombrement donné
par messire Mathieu de Haugest, chevalier, seigneur de Mont-
mort, à noble homme et puissant seigneur M. de Pleurs, à
cause de son château et chcâtellcnie dudit Pleurs.
Suivant Taveu et dénombrement rendu à M. de Pleurs, le
16 avril 1396 par Mathieu de Hangest, chevalier, seigneur de
Genly, de Maigny et Montmort-en-Brie, le château était alors
en ruine. A compter de cette époque jusqu'à 1486, les archives
n'indiquent plus la suite des seigneurs, néanmoins la propriété
seigneuriale n'était point sortie de la famille de Mathieu
d'Hangest.
1486. — Jean de Hangest, chevalier, seigneur de Genly,
Maigny, Montmort, Verdelot, La Veuve, Euvy, Breuvry, Recy,
Saint-Marlin de Vine^^, conseiller, chambellan du Roi, son
bailli et capitaine d'Evreux, suivant an papier des cens, rentes,
et du revenu de la terre de Montmort, du 2 avril 1480, et un
compte rendu audit Jean de Hangest le l*"" octobre 1488 par
Ballhazard Bethe, son procureur et receveur. Dans ce temps
là, quoique le château fût eu ruines, il y avait une chapelle
à la nomination du seigneur et fondée de trois messes par
semaine et duquel château relevait un ficf à Vouzy tenu par
Yves Pericart, un autre fief audit Vouzy tenu par Mar-
guerite de Mariçy, femme de feu maître Jean Aubelin, un
fief à Breuvery tenu par la fille d'un nommé Versailles, un
autre fief tenu par Yves du Vivier, un fief à Vendières sous
Châtillon-sur-Marne qui contient la moitié des dimes tenu par
la cure dudit lieu, et un autre fief à Vouzy que tenait Joseph
Sarazin ^
22 Juillet 1490. — Main levée de la saisie de la terre de
Montmort, donnée par monseigneur François de Bretagne,
comte de Vertus, à messire Louis de Hangest seigneur dudit
Montmort.
D'un compte à Marie d'Amboise, dame de (ienly, veuve du-
dit Jean de Hangest et à Louis de Hangest son fils, rendu par
Balthazard Bethe, il réôulle que le cliâteau était tcujours en
ruines en 1491 et qu'alors il y avait des forges à Montmort et
à Boullemouche ainsi qu'un étang près la grange Laurent.
1494. — Louis de Hangest alors seul .seigneur de Montmort
de Verdelot, la Veuve, Euvy, Breuvry et Recy. On voit par le
1 . Archives du château de Montmort.
328 NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT
compte qui lui a été rendu en 1 40ii qu'il y avait une tuilerie à
Lucy et que le château était toujours en ruines \
Par un compte rendu en 1 502 à Louis de Hangest par Bal-
thazard Bethe, son receveur, il est établi, que la halle de
Montmort fût construite à cette époque par messire Louis de
Hangesl, seigneur de Montmort.
Il y avait aussi beaucoup de maisons le long de la rue St-
Pierre, ces maisons et les jardins adjacents ont été achetés dans
la suite pour être réunis au terrain environnant le château.
Extrait du papier terrier fait eu 1 502 de la terre et seigneurie
de Corribert appartenant aux religieux]de l'abbaye de Val Se-
cret, diocèse de Soissons, où l'on voit les droits dus à cette
abbaye par les détenteurs des héritages de Corribert.
« Néanmoins est à noter touchant les plaids généraux, que
« comme ainsi soit que la justice de Corribert ait été éclipsée
« de celle de Montmort, le juge dudit Montmort le va tenir
a tous les ans, au moyen de quoi il n'eu faut faire Etat. »
« En effet, la justice de Montmort va tous les ans le lende-
« main de l'Assomption, siéger à Corribert dans un endroit
« appelé le jardin de Montmort où était autrefois un colombier
a près l'église dudit Corribert, qui est tenu en roture du sei-
« gneur de Montmort et qui lui doit tous les ans le jour de
« Saint-Remy, chef d'octobre deux sols six deniers de cens
« portant lods et ventes, saisie et désaisie en cas de mutation
M et deffaut et amende quand le cas y echet. De temps immé-
« morial il est donné aux officiers de la justice de Montmort
« par le propriétaire ou le fermier de la grosse ferme située sur
a le chemin de Montmort à Mareuil, quand ils vont tenh' leur
a plaid, deux bouteilles de vin et deux flans sans que l'on
0 sache d'où leur vient ce droit ^ »
En 1508 et 1509, Louis de Hangest existait encore. Il était,
comme on le voit, par un compte qui lui fût présente par
Claude Hocart, son receveur, chambellan du roi et écuyer de
la reine Anne de Bretagne. Il avait épousé Marie d'Athies qui
lui donna un fils Joachim de Hangest.
L'église de Montmort appartient au xn% xiii", et xvi^ siècle.
Il reste de très beaux vitraux du temps de Louis XII. Dans les
compartiments du bas on remarque les armes de France et de
Bretagne. Au-dessus on voit les donataires, Louis de Hangest
1. Archives du cliâteau de Montmort.
2. Archives du château de Montmort.
NOTES SUR LB CHATEAU DE MONTMORT 329
et Marie du Fay d'Athies, sa femme. Les deux personnages
sont surmontés de leur écusson : « d'argent à la croix de gueu-
« les chargée de cinq coquilles d"or, au lambel de trois pendants
Œ d'azur. » Il y a tout lieu de croire que ces vitraux sont effeo-
livement du commencement du xvi" siècle puisque l'un d'eux
porte le nom do Baltazard Bcthe, receveur, qui n'existait plus
eu um.
L'entrée de la chapelle funéraire de la famille de Ilangest
s'ouvre sur le sanctuaire. Les sculptures qui ornent cette ouver-
ture sont de la renaissance.
Le 17 mai 1532, fixation des limites des deux seigneuries de
Montmort et de la Charmoye \ Cette transaction a été passée
entre les abbés et religieux de la Charmoye et honoré seigneur
Louis de Hangest, seigneur de Montmort.
1534, P"" octobre. — Foi et hommage rendu par Joachim de
Hangest, seigneur de Montmort à M. le comte de Vertus, pour
le tiers de la terre et seigneurie de Montmort.
Du 17 mai 1536. — Foi et hommage à messire Louis de
Pontailler, écuyer, seigneur de Vaux et baron de Pleurs, rendu
par Joachim de Hangest, seigneur de Montmort ^
Joachim de Hangest fut tué avec son frère en 1536 à la prise
du château de Saint-Pol. Joachim de Hangest avait épousé
Marie de Mony qui était fille de Nicolas de Mony, chevalier,
seigneur et baron dudit Mony \
Jeanne de Hangest, fille de Joachim posséda la seigneurie
de Montmort, après la mort de son père. Le fait est attesté par
un compte qui lui fut rendu en 1538, par Simon Le Jeune,
receveur de la terre de Montmort, mais l'année où Joachim de
Hangest succéda à Louis de Hangest son père n'est pas indi-
quée.
Du 20 mars 1537. — Souffrance d'un an donnée par mon-
seigneur François de Bretagne, comte de Vertus pour faire les
foi (!l hommage de la seigneurie do Montmort, à demoiselle
Jeanne do Haugest, fille mineure de feu Joachim de Hangest,
seigneur de Montmort et de Marie de Mony.
Jeanne de Hangest, fille mineure de Joachim de Hangest et
1 . Ancienne abbayo située sur le lorriloirc de Montmort.
2. Archives du chûloau ih Montmort.
3. Slatisliquc liistorif|uc du département de la Marne, par Gucrard,
page 2/iC.
330 NOTES SUR I,E CHATEAU DE MOMMORT
de Marie de Mony sa femme, el Marie d'Athies veuve de Louis
de Haugest aussi dame de Moulmort à cause de sou douaire,
suivant le compte à eux rendu par Simou Le Jeune leur rece-
veur en 1538. A celte époque le châteeu d'en bas était nouvel-
lement rétabli \
Du 23 juin 1548, offre faite à M. le comte de Vertus de lui
faire foi et hommage par messirc Philippe de Maillé au nom et
comme ayant épousé Jeanne de Hangesl, damo de Montmort.
Jeanne de Hangesl qui avait épousé en premières noces
Philippe de Maillé, chevalier, capitaine des gardes du corps du
roi, vicomte de Verneuil, seigneur de Moyencourt et de Chal-
leranges, était seule dame de Montmort en 1555 pendant son
veuvage. Ce détail résulte du compte de la recette de Mont-
mort qui lui fût rendu en cette année par Guillaume Duval son
son receveur.
Du 17 mai 1556. Foi el hommage rendu par dame Jeanne
de Hangesl, dame de Montmort autorisée de haut et puissant
seigneur messire Claude Daguerre son mari à M. le baron de
Baye -.
Jeanne de Hangesl n'avait point eu d'enfant de son premier
mariage avec Maillé de Brézé. Elle s'était rem.ariée en 455(3 à
Claude Daguerre, gouverneur du duc de Lorraine ^
Suivant les foi et hommage rendus à Pleurs en 1556, Claude
Daguerre, baron de Vienne, était conseiller, chambellan, gou-
verneur du duc de Lorraine et son maréchal en ses pays de
Lorraine et Barrois \
Chrestienne Daguerre naquit du second mariage de Jeanne
de Hangesl. Les armes des Daguerre sont : « d'argent à trois
corbeaux de sable, deux et un \ »
Chrcslienne Daguerre fut mariée en premièreiJ noces à An-
toine, sire de Créquy et de Canaples, prince de Poix, fils de
Gilbert de Blanchefort, seigneur de Saiut-Janvrin et de Marie,
dame de Créquy et de Canaples, son épouse, père el mèie du
maréchal de Créquy, tué à Brème; el en secondes noces à
François-Louis d'Agoult, comte de Sault et de Jeanne de Vesc
1 . Archives du château de Montmort,
2. Archives du château de Montmort.
3. Statistique historique du département de la Marne, par Guérard,
pape 246.
4. Archives du château de Montmort.
5. La Chesnave-Desbois. Dictionnaire de la Noblesse.
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT 331
son épouse, dont sorlil le dernier comte de Sault. Les armes
des d'Agoiilt sont : « dor au loup ravissant d'azur armé et
lampassé de gueules '. »
Louis d'Agoult, de Montauban, comte de Sault, mourant
sans enfants, institua pour son héritière, Chrestieune Daguerre
sa mère. Jeanne d'Agoult sœur du testataire et femme de
Claude-François de la Baume, comte de Montrevel, contesta en
vain ce testament. Le comté de Sault fut adjugé à Chrestienne
Daguerre qui se rendit célèbre en Provence dans le parti de la
ligue. Elle donna ce comté à Charles de Créquy, duc de Les-
diguières, pair et maréchal de France, son iils du premier
lit\
Jeanne de Hangest veuve de Claude Daguerre, baron de
Vienne fit acte de foi et hommage à Vertus en l!i62.
Le 2 septembre 1563. Foi et hommage rendus par dame
Jeanne de Hangest, dame de Montmort, de partie de la sei-
gneurie dudit Montmort à messire Louis de Pontailler, baron
de Pleurs \
Nous trouvons k la date dw 25 avril 1570, une pièce que
nous citons dans toute son étendue à cause des usages qu'elle
rappelle. Expédition d'un acte passé devant Augustin Vatrey
et Louis Guémard, notaires au comté de Vertus, et signé de
Neufgermain et Bochet, notaires au môme comté de Vertus par
lequel tous les habitants et paroissiens des villages de Mont-
mort, de la Caure reconnaissaient que le moulin Faipeu appar-
tenant à haute et puissante dame de Hangest, dame de Mont-
mort est banal, qu'ils sont obligés d'y moudre leurs grains, et
par les meuniers aller chercher chez chacun d'eux lesdils
grains et leur remener leur farine, qui ne prendront qu'un pot
mouture par chaque boisseau à la continence du lieu, qui est
la seizième partie du boisseau, qu'il ne tiendront les grains
desdits habitants plus longtemps que vingt-quatre heures '.
Le château si remarquable que l'on admire encore aujour-
d'hui à Montmort, a été construit par Jeanne de Hangest veuve
de Claude Daguerre, baron de Vienne-le-Ghâteau.
Montmort est un des plus beaux châteaux forts qui soient
encore debout, c'est un massif carré, flanqué de quatre grosses
1 . Mcm.
1. La Chesnaye-Dcsbois. Dictiounairo «le la Noblesse.
'.i. Archives du château de Montmort.
4. Archives du château de Montmort.
332 NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT
tours garnies de créneaux et recouvertes en pointe, presque
tout en briques ; le donjon est percé à peu près également de
40 fenêtres à revêtements. Il est établi sur une terrasse carrée
de 40 mètres de face et haut de vingt-cinq à trente mètres sur
les flancs et du côté du village, car le côté opposé est de plein
pied avec le parc ; d'immenses fossés l'entourent et le pont-
levis est encore défendu par deux tourelles. Un énorme bas-
tion carré défend la partie sptentrionale et renferme un double
escalier, l'un cà rampe douce, voûté et pavé en briques sur
champ, par lequel les chevaux pouvaient arriver à l'esplanade
et l'autre, à marches, fait dans l'intérieur de la spirale du pre-
mier. Le grand escalier du château jusqu'au belvédère, appelé
la Fileuse, compte cent trente deux marches, de sorte que la
hantour totale de l'édifice est d'environ tîO mètres. L'intérieur
n'est pas moins intéressant ; le rez-de-chaussée est entièrement
voûté ; au !'='■ étage sont les salons et une immense salle des
gardes qui a été restaurée par Gicéri. Je veux encore citer la
cuisine où se trouve une immense cheminée soutenue par 4
piliers, une des dernières de ce genre, je crois, qui existent
encore de nos jours.
Les comptes des régisseurs désignent le château sous le nom
de donjon. On voit le millésime 1577, dans le rond point au
centre des arcs d'ogives de la cuisine et presque partout les
chiffres de Jeanne de Hangest et de Chrestienne Daguerre sa
fille. La cuisine mérite l'attention des archéologues. La che-
minée est particulièrement digne d'être vue à cause de son
originalité.
S'il était possible de donner ici une description complète
du beau monument dont nous nous occupons en ce moment,
il y aurait à signaler une foule de détails du plus grand^inlérôt.
Mais nous sommes obligés d'être bref et nous nous bornerons
à dire que la salle des gardes est ornée d'une magnifique che-
minée Henri III, qui est un véiitable chef-d'œuvre. Deux
caryatides superbes ont été sculptées de chaque côté du por-
trait d'Henri III. L'exécution parait si merveilleuse au juge-
ment d'un certain nombre d'amateurs que le travail a été
attribué à Jean Goujon.
Des carreaux en terre cuite, émaillés provenant du château
de Montmort sont conservés dans la galerie du château de
Baye. Ils représentent les armes des de Hangest dans un écu
losange. Ges intéressantes céramiques appartiennent certaine-
ment au XVI" siècle. Nous les devons à la gracieuse bienveil-
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT 333
lauce (le Madiimo la marquise de Moulniort. Nous avons aussi
retrouvé à Chanipaubert des earreaux portant les niènies
armes, mais avec un lambel. Il est à présumer que pendant la
période des de Hangest, il y rut une branche cadette qui pos-
séda Moutmort.
1580. — Foi et hommage rendus par M. François Brigart,
seigneur des Boulleaux ' et des hautes et basses vendanges à
haute et puissante dame Jeanne de Hangest, dame do Mont-
mort du fief des hautes vendanges '.
(A suivre). Baron J. Dii Baye.
1 . Commune Ji; la CliapL'Ilo-soiis-OiljJis.
ï. Ai'clii%es (lu cliûleau do Moulmorl,
HISTORIQUE DE LA CORPORATION
DES
ArOTIIlCAIRES - ÉPICIERS
LA. VIU.E DE
CHALONS- SUR-MARNE
Parmi les rares choses qui uous restent du passé, signalons
un cuivre gravé par Varin et trouvé il y a quelques années
dans un des canaux de Châlons. Ce cuivre présente la gravure
de quatre étiquettes destinées à un apothicaire de la ville. Ces
étiquettes sont de différentes dimensions et toutes d'un fort
beau slvle Louis XVI, la plus grande surtout avec un médail-
lon encadrant un caducée et ses grosses guirlandes de feuilles
de laurier, — La quatrième, de stjde léger, se compose sim-
plement d'un mince cadre enguirlandé de roses. Nous regret-
tons de n'en pouvoir donner ici le dessin. C'est une étiquette
adresse au milieu de laquelle on lit ce qui suit, dont nous
respectons l'orthographe :
THEUVENY apoticaire
a Chaalons en Champagne
Rue de Vaux près Notre - Dame
Tient magazin de drogues simples et composées,
l'Eau pour les dents, Poudre pour Rhumatisme
Goutte, Pommades, Poudres à la Maréchal à l'œillet
Eaux de senteur. Chocolat de toutes espèces. Suc
de Reglise anisé, Pâte de guimauve, Pastille
de Menthe poivrée, Vinaigre de loillettes et Eeaux
pour le même usage à juste prix.
* Voir poge 270, toinc XV, de la Hevue de Champagne cl de Drit
DES APOTHICAIRES-ÉriCIERS 33b
Ouaut aux épiciers-simples altacliés cà la corporation des
apothicaires ils furent très peu nombreux. En voici la liste :
1620. — Jehan Guyot.
1628. — Pierre Givry.
1063. — Jacques Michel.
1660. — Pierre Oubry.
i66y. — François Picard.
166G. — Jacques Noël.
l()9y. — Jean Bonnet.
1707. — François Brouillard.
1714. — Gilles de Rosne.
1715. — Jean Lavialle.
1720. — Hector Gallet.
1721. — Jean Philipponat.
1728. — Alexandre Legrand.
1729. — CkudeBablot.
Et ces trois derniers furent obligés en 1734 de se rattacher à
la corporation des Merciers et Marchands unis.
Aux termes de l'article XVI des statuts, la veuve d'un
maître pouvait exercer à la condition d'avoir avec elle un élève
ou serviteur d'une capacité suffisante, ce que les mai très -juré s
étaient appelés à constater.
Eu 172G la veuve de Nicolas Farochon avait un garçon apo-
thicaire qui fut déclaré insuffisant par les maîtres de la com-
munauté. La veuve en appela au bailliage, prétendant que son
serviteur avait été interrogé à la hâte, sans méthode, et ([u'il
était capable. Le bailly ordonna un nouvel examen et il fut, à
cette occasion dressé le rapport suivant.
« Affaire des maîtres apothicaires contre la veuve Nicolas
Farochon qui a un garçon Honoré Mailly (jue l'on dit incapable
de servir le public.
La défenderesse l'ayant soutenu capable et dit ([ue
s'il navoil pas bien répondu dans le premier interrogatoire,
c'était parcequ'il avoit été interrogé tumultueusement et quil
avoit été étourdy.
«' Vous avez à ce propos ordonné qu il seroit de nouveau in-
terr(jgé par devant M. le Procureur fiscal ou M. son substitut,
jjar le garde de la coniraunaulé et les deux anciens ; cest ce
([ui a été exécuté avec tranquillité, san?, bruit et sans (|u'il
33G HISTORIQUE DE LA COUI'ORATION
puisse se plaindre de ii'avoir pas ou le temps d'examiner les
drogues cpii lui ont été présentées puisque cet interrogatoire a
duré trois heures.
« Le sieur Lavial garde de la communauté est le premier
qui a interrogé ledit Mailly auquel il a présenté un paquet de
semence qu'il a examiné longtemps et a dit après examen être :
Sezcli mascilienray et c'est \q petrociliwn maceâoninni, persil
de Massédoine (de). Il luy a ensuite présenté un autre paquet
de semence, et l'ayant examiné est convenu u'en pouvoir faire
l'nnalyse, et c'est la semence de cuscute, qui entre dans le
siroj) de chicorée composé. 11 a assé {sic) Lien répondu sur les
articles suivants au nombre de trois. — Sur le 7'^ article ledit
sieur Lavial luy a présenté une pierre qu'il a examinée long-
temps et enfin a dit qu'elle n'était pas d'usage ordinaire de la
médecine, qu'il croyait être cristal ou sel famsil et de l'arse-
nique. Cet endroit est de conséquence car le sel faussil est un
sel dont on se sert eu ce pays ci ou sel ordinaire, et ce sel se
met dans les remèdes, en sorte que ledit Mailly ne connaissant
pas l'arsenique pourroit dans les remèdes y en mettre au lieu
de sel faussil.
« Sur le 8" article lui a été présenté deux morceaux de bois
(juil a dit être tous les deux bois d'aloës et il y en a un qui est
le sental rougo qui entre dans la confection d'Yassinthe {sic).
« Sur le 9'' article il lui a été présenté un paquet qu'il a dit
d'abord être de la gaume [sic) ensuite que c'était V opopanaxcc ,
et c'est le Bedelliam qui entre dans la Thériaque, Mithridate
et autres compositions usuelles.
« A l'égard du 10% le sieur Lavial lui a présenté deux
ordonnances signées de Marot, dont il a fait la version ou tra-
duction, et cette ordonnance porte : Viscus corilli que ledit
Mailly a dit être corail, et c'est le guy de coudrier ou noisetier
qui est bon contre l'épilepsie. — La seconde ordonnance signée
encore Marot, laquelle porte : fiUinese camini, ledit Mailly a
dit que c'étoit de la filiginansite camini et c'est de la suye de
cheminée et ledit Mailly a dit que c'étoit une plante.
« A l'égard des interrogats faits par le sieur de Kosne qui
lui a présenté du quinquina de l'Assa fétida d'hermodacte et du
Dictame de Crète, drogues fort connues qu'il venait de
prendre dans la boutique de la partie adverse, il y a bien
répondu.
« Le sieur Véron a ensuite interrogé ledit Mailly qui a bien
répondu sur le premier article. A l'égard du second suivant
DES APOTIIICAIIIES-ÉPICIERS 337
lequel il lui a élé préseulé uu paquet qu'il a dit être Scrofu-
laire et c'est le Ciclamen, le scrofulaire est vulnéraire et le
Ciclameu uu vomitif, chose bien différente. — Au troisième
iuterrogal sur un autre paquet à luy présenté il a dit que
c étoit Vlniperatoire et c'est le Meum alhamentimmi ou Meu
athamentique qui entre dans la Thériaque.
« Vous sente {sic) bien qu'il n'a pas répondu dans les choses
essentielles et de conséquence, et que ce n'est pas assez à uu
garçon qui gouverne seul une boutique d'apoticaire, de con-
noitre une portion des drogues qu'il met en œuvre, il faut
faut qu'il les conuoisse toutes et parfaitement pour en faire
une bonne composition au soulagement des malades, car ne
connaissant pas les drogues il prend l'une pour l'autre ce
qu'on appelle un equiproco (sic) et enverra son malade eu
l'autre monde.
« A l'égard des ordonnances il ne les entend pas et ou peut
dire qu'il ne sait pas le latiu puisqu'il n'a pas compris les mots
de fuUigine et de caniini et un écolier de cinquième dira que
fuligo est de la suye et candnium cheminée.
« 11 est donc vray que ledit Mailly est incapable de servir
le pubhque et que les demandeurs ont raison de s'en
plaindre. »
Nous ne savons ce qu'ordonna le bailliage sur le cette pièce,
mais s'il conclut à l'insuffisance de l'élève Mailly, il eut bien
fait de renvoyer aussi à l'écolo le rédacteur du rapport.
IMPOTS
Le trésor royal battit assez souvent monnaie sur le dos des
corporations et par divers moyens. Le plus anciennement et le
plus fréquemment enqjloyé consistait en lettres de maîtrise
(jui leur étaient imposées nioyennaut finances, sauf à elles à
céder ces lettres aux candidats (]ui dans l'avenir i)rétendraient
à la maîtrise. On récompensait quelques fois certains servi-
teurs de la Cour en créant à leur profit deux, trois et jusqu'à
quatre lettres de maîtrise de tous coips d'élatdans chaque ville
de France. Ces lettres étaient vendues à leur profit. Pour eu
faciliter la vente il était dit que rac([uéreur après avoir payé la
somme exigée serait admis, sur le seul vu de la quittance, à
prêter devant le builly le serment exigé des mailres du métier
et qu'il pourrait exercer ledit état sans faire aucun chef-d'œuvre
ou acte d'expérience, ni rien payer à la boite de la communauté
dans laquelle il désirait être admis. Ces créations constituaient
2-1
338 IIIliTORIQUE DE LA CORPORATION
uu véritable abus que les corporations voyaient du plus mauvais
œil, car elles lésaient leurs intérêts et les exposaient îx voir
entrer dans la communauté des intrus et des incapables. Les
compagnons el apprentis aspirant à la maîtrise bésitaient à
acheter ces lettres craignant, s'ils en faisaient acquisition, que
cette dispense du chef-d'œuvre ne les fit considérer comme
insuffisants. Elles restaient donc longtemps invendues. Jus-
qu'à ce que les corporations pressées par l'autorité et mena-
cées de fortes amendes entrassent en composition avec le
dépositaire de ces litres et eu fissent l'acquisition le plus sou-
vent à prix débattu et réduit.
En l'an 1G00 il fut imposé aux apothicaires-épiciers de
Chàlons quatre lettres de maîtrise ; elles ne furent point
distribuées, la corporation se borna à en payer la finance et
les plaça dans ses archives où elles sont encore aujourd'hui.
En l663, par édit du 22 janvier, S. M. accorda à Messire
Georges de Guiscard, chevalier, seigneur comte de Bourlie,
ci-devant sous-gouverneur du roi et alors commandant pour
le service du roi en la ville, château et souveraineté de Sedan,
à Claude Seguin, conseiller et médecin ordinaire du roi et pre-
mier médecin de la reine mère et à dame Jeanne AufTroy de
Jussy, première femme de chambre de ladite reine-mère, la
finance de quatre lettres de maîtrise de tous arts et métiers en
toutes villes, fauxbourgs et lieux du royaume, crées en faveur
de la joyeuse naissance du dauphin, premier fils de France,
pour les récompenser de leurs fidèles et continuels services.
Les intéressés avaient établi un bureau à Ghâlons pour la
vente de ces lettres, mais elles ne se vendaient pas. — lis
sollicitèrent alors une ordonnance qu'ils obtinrent le 20 mai
1G04, et que nous trouvons dans les archives des apothicaires,
il y est dit : « Les susdits avoient établi bureau à Chaalons
pour la vente et distribution de ces lettres, ainsi quïl est
accoustumc, dans la croyance que les compagnons, apprentifs,
fils de maistres et aspirants qui voudroient passer maistres de
leurs mestiers, se relireroient pour prendre lesditos lettres, ce
qu'ils n'ont pas faict et disent ne le pouvoir ny oser faire à
cause des obstacles et difficultez que les gardes, jurez et com-
munautés de ladite ville y ont apporté et prétendent y appor-
ter à l'advenir par le moyen d'un monopole et intelligence
qu'ils ont ensemble pour empescher et retarder l'exécution
dudict Edict et la vente et distribution desdiles lettres et que
les pauvres compagnons, apprentifs, fils de maistres et aspi-
rants ne jouissent des grâces à eux accordées en laveur de la
DES APOTHICAIRES-ÉPICIEBS 339
joyeuse naissance du Dauphin, cL sont obligez de passer par
leurs mains pour en exiger des banquets, festins et préseus.
Ordonnons de distribuer ces lettres à l'exception de toutes
autres sous peine de 300 livres d'amende et de voir fermer
boutiques, confisquer les marchandises à ceux qui seroient
reçus au préjudice desdiles lettres. »
Les apothicaires durent s'exécuter et ils achetèrent les quatre
lettres moyennant quarante écus.
On leur imposa aussi le paiement d'autres sommes sous de
nouveaux prétextes. On crée, à titre onéreux, des offices par-
faitement inutiles. Les archives de la corporation nous appren-
nent que par un Edit de mars 1G91 , il fut crée deux offices de
maîtres gardes jurés, qui aux termes de leurs statuts existaient
déjà et étaient rempUs tour cà tour par les maîtres du métier.
On exigea une somme de 500 livres pour unir et incorporer
ces offices à la communauté.
Par un Edit de 1694 il fut créé deux oTfices d'auditeurs et
examinateurs des comptes de la communauté, moyenuant le
paiement d'une somme de 550 Hvres.
Eu 1707, on crée un emploi de trésorier de la corporation
moyennant un paiement de 420 livres.
En 1709, on crée l'office de garde des archives moyennant
une somme de 2o0 livres.
En 1710 on étabUt un office du droit de paraphe des registres
qui est payé 3Ui livres.
Il est vrai de dire qu'en échange des sommes versées le
trésor royal prenait l'engagement de payer annuellement
aux titulaires une certaine somme à titre de gages, mais cette
somme fut successivement réduite et arriva bientôt à un chiffre
dérisoire, puis il ne fut plus rien payé.
En 1 723 , il fut encore demandé à la communauté une somme
de 300 livres pour être confirmée dans ses droits et privi-
lèges.
Elle payait aussi d'autres impôts. En 1701 elle fut invitée
par l'Intendant de la province, M. de Pommereu, à fournir
deux soldats pour servir dans les milices de S. M. et à payer
à chacun d'eux 100 livres dès qu'ils seraient reçus et agréés.
— Eu 170 i elle fut taxée à 402 livres pour taille de guerre, et
enfin, en 1728 on imposa aux apothicaires le paiement d'une
somme de 210 livres pour don de Joyeux-avénement, ce dont
ils ne paraissent pas avoir été si joyeux que cela, car il fallut
.ViO IHSTOUIQUE DE LA CORPORATIOxN
les contraiudre au paiement qui ne fut effectué que le 28 sep
lembre 1733.
PROCES
Les deux registres des délibérations de la communauté des
apothicaires nous font connaître qu'ils eurent à différentes
époques certains démêlés tantôt avec des chirurgiens, tantôt
avec différents marchands qui vendaient certaines denrées
dont les apothicaires revendiquaient le monopole, mais tout
cela n'avait pas de gravité. Ils n'eurent qu'un seul procès sé-
rieux, celui-là seul mérite d'être rapporté.
Les merciers, comme nous l'avons dit au commencement de
cet historique avaient le droit de vendre de l'épicerie. Leurs
statuts très détaillés donne la longue nomenclature des articles
nombreux dont ils pouvaient commercer, on y lit notamment ;
Art. 33.. . . ^< pourront acheter, troquer, vendre, toutes mar-
chandises de droguerie, épicerie, cassonades, sucres, savons,
huiles d'olives et autres, marrons, figues, raisins, oranges,
citrons, amandes, câpres, olives et généralement toutes sortes
de fruits tant secs que verts, confitures sèches et liquides, riz,
cires, poix, résines, beurre salé, fromages de Milan et de tous
pays, morues, harengs et toute espèce de poissons salés, Bré-
sil, cochenilles, grains d'écarlales, garances et toutes sortes de
teintureries. »
C'était assurément une grande faute, au point de v(ie des
institutions de l'époque, que d'avoir autorisé deux corporations
dilférentes à faire le commerce de denrées identiques, c'était
créer entre elles une rivalité fâcheuse et les exposer à de fré-
quentes contestations ; mais il y avait mieux, par l'art. 17 de
leurs statuts les merciers et marchands-unis avaient le droit
de visite sur les marchandises d'épicerie que les forains expo-
saient en vente, droit qui appartenait aussi aux apothicaires-
épiciers aux termes de l'art. 22 de leurs statuts reproduits
plus haut. De cette législation fautive sur ce point il ne pou-
vait résulter qu'un conflit, c'est ce qui arriva.
En 1727, un sieur Aviat, marchand ferain amena à Ghàlous
des huiles d'olives, du savon et autres marchandises d'épicerie;
elles furent visitées par les maîtres-jurés apothicaires-épiciers,
l'intéressé leur paya selon l'usage vingt sols pour droit de
visite et mil ses denrées en vente.
Le même jour les merciers sai-iireut ces denrées comme
n'ayant pas été visitées par eux.
DES APOTHICAIRES-ÉPICIERS 341
Il s'en suivit nalurcUemeat un procès au bailliage, et la
sentence déclara les apothicaires-épiciers fondés dans leur
droit de visite.
Les merciers firent appel au Parlement, ils prouvèrent que
leurs statuts, qui leur attribuait ce droit de visite, avaient été
homologués en Parlement et approuvés par Lettres -patentes,
conditions que ne remplissaient point les statuts des apothi-
caires qui devaient être considérés comme nuls et sans valeur;
ils établirent en outre que les épiciers-simples faisant partie
de la corporation des apothicaires entreprenaient chaque jour
sur le commerce d'épicerie attribué aux Merciers et Mar-
chands-unis en trafiquant des denrées dont la vente apparte-
nait exclusivement au corps des Marchands-unis, abus dont
ils demandaient la répression.
Le procès fut long, l'arrêt définitif ne fut rendu que le 30
août 1734. Les Merciers-unis eurent gain de cause. L'arrêt
les confirma dans leur droit de visite, les invita à recevoir
sans frais dans leur communauté les sieurs Jean Le Philippo-
nat, Alexandre Legrand et Claude Bablot, épiciers-simples,
précédemment reçus au corps des apothicaires-épiciers à moins
qu'ils ne préfèrent faire le simple commerce deciriers, et enfin
invita les apothicaires à se pourvoir dans un délai de six mois
pour obtenir des Lettres-patentes confirmatives de leur éta-
blissement en corps et communauté et les condamna aux
dépens.
Les frais du procès s'élevèrent à une somme considérable,
les apothicaires les passèrent sous silence, on ne trouve rien
dans leurs délibérations qui ail trait à la solution de cette
affaire, mais nous savons par les registres de la corporation
adverse qu'ils s'élevèrent à plus de 2000 livres.
ARMOIRIES
La corporation des apothicaires avait des armoiries — de-
puis quelle époque? c'est ce que nous ignorons, leurs registres
n'en disent rien ; il est à croire toutefois qu'elle en fut pourvue
en 1090 conformément à un Edit du mois de novembre qui les
rendit obligatoires pour toutes les communautés, moyennant
un droit de cinquante livres. Ils portaient d'azur à la main
dextre eu carnation tenant une spatule d'argent, accompagnée
de trois boites couvertes d'or posées 2 et 1 .
Quelques apothicaires curent aussi des armoiries person-
312 HISTORIQUE DE LA CORPORATION
nelles. — Claude Bouin, mailre apothicaire (1680-1 TOH) por-
tait d'azur au croissant d'argent, accompagné de trois étoiles
de même. — Pierre Laguille, aussi maître apothicaire et capi-
taine de bourgeoisie (1073-1700) portait d'or à la croix ancrée
de sable.
Il fut une époque, da reste, ou tout le monde pouvait avoir
des armoiries, en payant, bien entendu.
Les registres de délibérations ne contiennent de 1735 à
1789, rien qui mérite d'être signalé, — la corporation peu
nombreuse des apothicaires vécut tranquille et prospère jus-
qu'en 1792, époque à laquelle elle fut définitivement dissoute.
L. Grignon.
CINQUANTE ANS DE SODVENIUS
D UN
ANGIKN PRÉFET
J'apportai celte lettre a mon père et pendant mon séjour en
Lorraine je fus présenté au maréchal Oudinot qui était venu pas-
ser quelques jours chez M"'" de Magnac ; il m'accueillit fort
bien et on verra quelle heureuse influence il eut sur ma car-
rière. A mon retour à Aix, je trouvais plusieurs personnes
étrangères amenées par la belle saison aux eaux. La comtesse
de Canisy, première lectrice de FLupératrice et la comtesse de
Rémueat, femme d\m préfet du Palais et dame de l'Impéra-
trice également. M'"^- de Canisy, déjà divoj'cée, avait environ
27 ou 28 ans et était une des personnes les plus parfaitemeni
belles que j'aye vues. M"'° de Rémusat, plus âgée, moins
jolie, était remarquable par son esprit et paraissait le chaperon
de sa ravissante compagne. La première, devenue plus tard
duchesse de Vicence par son second mariage, ne savait pas
valser ; elle en reçut les premières leçons de moi et d'un élé-
gant officier, le capitaine Roussel, que je retrouvais plus tard
maréchal de camp à Vesoul et ne ressemblant plus à ce por-
trait de jeunesse.
Je me plaisais naturellement beaucoup à Aix, mais le temps
marchait et il fallait songer cà me créer une carrière définitive.
La nomination de M. de Lameth à la préfecture du Pô le décida
à se rendre à Paris. Je quittai Aix le 29 mars 1809, regrettant
siacèrement quelques maisons où j'avais été réellement comblé
de bontés. A Paris je ne voulus pas perdre une heure et je mç
rendis sans retard chez mon ancien chef. Là j'éprouvai une
déception qui m'attrista profondément : j'étais encore trop
jeune pour ne pas voir tout en beau, hommes et choses.. L'un
de mes collègues avait su prendre sur M. de Lameth une in-
lluence à laquelle j'avais depuis longtemps prétendu et je res-
sentis vivement le chagrin de voir qu'il ne songeait pas à
m'emmener dans sa nouvelle résidence, comme il me l'avait
' V'oir page 81, lomo XV, de la Hevue de Champagne el de liric.
344 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
plusieurs fois promis. Ce nuage dura peu cependant et la
bonté do M. de Lameth lui fit promptement comprendre sa
petite injustice ; il redoubla même ses témoignages d'amitié
et de confiance en me mettant au courant de ses affaires les
plus intimes chaque fois qu'il me menait à Osny chez son frère
Charles ; eufm, c'est lui qui me fit entrer comme attaché au
ministère de l'intérieur. Ce premier pas ne me suffisait natu-
rellementpoint; c'était cependant un commencement important.
Je redoublais d'efforts auprès des personnages pour lesquels j'a-
vais des lettres de recommandation, le sénateur de Béhague, M.
de Gérando, le comte de Cetto, ministre de Bavière et ami parti-
culier d'un de mes parents. Celui-ci me reçut toujours courtoise-
ment, mais de la façon la plus diplomatique et même la plus
glaciale. C'était un grand seigneur allemand, avec l'apparence
d'un ministre protestant, qui me répétait toujours : « Si vous
avez besoin de moi, adressez-vous à moi. » Il ne sortait pas
de là, et s'entendait mieux que personne à laisser tomber
toute conversation que l'on essayait d'entamer. A chaque
nom que je prononçai devant lui, le ministre de l'intérieur
Monlalivet, le directeur Benoist, il répondait : « S'il vous
faut recommander, adressez-vous à moi ! » Au fond il était
bon et obligeant et il contribua pour une large part à enlever,
l'année suivante, ma nomination bi ardemment désirée au Con-
seil d'Etat.
Paris m'étonna peu : je m'étais fait une idée assez exacte des
monuments et des promenades, si bien que ni les uns ni les
autres ne me causèrent de surprises. Le positif d'ailleurs
m'absorbait complètement, car je sentais que je ne pouvais
prolonger longtemps une situation provisoire. Il fallait d'abord
m'installer et quelques détails à ce sujet ne seront peut-être
pas sans intérêt pour mes lecteurs d'aujourd'hui. — Je pris un
petit rez-de-chaussée convenable, dans la rue de Lille, à raison
de 36 livres par mois, somme que je trouvais d'abord exorbi-
tante et dont on me démontra au contraire la modicité. Je
l'expliquai à mon père, en môme temps que la nécessité de
pouvoir faire bonne figure dans le monde où il me fallait
aller ; comme je lui demandai de quoi monter ma garde-robe
et môme des dentelles pour mettre « aux jours de grand gala »,
je me souviens que mon père me répondit : « Il est pénible
qu'il faille devoir beaucoup à un habit de plus ou de moins,
ô tcmpora, ô mores 1 » C'est alors que je me décidai h lui
dresser mon budget mensuel qui étonnerait, je crois, les jeunes
gens du temps présent :
d'un ancien préfet 345
Logement pour un mois, 36 livres ; à un garçon pour mou
service, G livres; déjeuners et dîners, vin, 105 livres ; blan-
chissage, 15 livres, soit par année 1944 livres. Plus pour ma
toilette, 60 livres par mois, par an 720 livres ; GOO livres aussi
pour menus plaisirs. En total 3264 livres.
Ma place au ministère ue me procurait aucun traitement,
parce que j'avais déclaré en entrant vouloir suivre la carrière
administrative et non celle des bureaux. Je trouvai là un
chef bienveillant, M. Bcnoist, et il me distingua prompte-
meut grâce à mon assiduité qui contrastait singulièrement
avec la négligence de mes collègues. Tous mes efforts conver-
geaient à me créer dos titres pour l'auditorat qui était alors le
but visé par tous ceux qui, dans la jeunesse française, vou-
laient se faire une carrière ; mais à cause de cela même,
c'était une position excessivement recherchée et difficile à
enlever ; je ne voulus donc négliger aucune des relations qui
pouvaient me procurer un atout dans mon jeu.
C'est à mon retour à Paris, après quelques semaines d'au-
tomne passées dans ma famille, que commença sérieusement
ma campagne (septembre 1809) ; je venais d'apprendre qu'on
préparait une promotion qui ne devait pas comprendre moins
de plusieurs centaines d'élus, disait-on. Cette nouvelle me
déplut, parceque cela me semblait devoir nuire à l'importance
de l'auditorat ; mais, d'un autre côté, cela devait augmenter
mes chances ; peu de jours après, je fus complètement rassé-
réné en apprenant que la promotion ne contiendrait que 214
noms.
C'est alors qu'avec une affection véritable et un zèle lou-
chant, M. le comte de Cette ?e mit à s'occuper de moi, tout en
conservant son apparente froideur : il me proposa spontané-
ment une démarche personnelle auprès du duc de Bassano,
ministre d'Etat, duquel dépendaient les propositions. Cet inté-
rêt me surprit et il ne se démentit jamais. Mais la nomination
appartenait au grand juge, le duc de Massa. Ce dernier, origi-
ginairc de Blamont, près de Nancy, et longtemps représentant
de la Meurthe, comptait de nombreux amis dans l'intimité de
mon père et, grâce à cela, j'eus des recommandations très
chaleureuses pour arriver à lui. A ce moment je n'avais abso-
lument qu'une idée fixe. Comme je l'écrivais h mon père :
« Jamais les juifs n'ont attendu le Messie avec autant d'impa-
tience que j'attendais le retour du maréchal Oudinot. » Celui-
ci était encore en Lorraine et, comme je l'ai dit, il comptait
au nombre des amis particuliers do M'"" do Magnac ; il
346 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
était môme venu, en 1808, chez mes parents, à Dommartin, et
avait déjà fait des démarches sérieuses en ma faveur. Celte
fois il avait quitté momentanément l'armée pour venir présider
le collège électoral de Versailles. Le 2 décembre 1809, je me
présentai chez lui, muni des lettres de M'"'' de Magnac et de
mon père ; dès qu'il m'eut reconnu, il me témoigna beaucoup
de bonté, me réitéra des promesses formelles d'intérêt; il me fit
même revenir deux fois à Versailles pour me mettre au cou-
rant du résultat de ses démarches et m'apprendrc notamment
que je pouvais sérieusement compter sur le Grand Juge.
Je ne négligeai cependant rien, loin de m'endormir sur ces
promesses ; mon père adressa une pétition cà l'Empereur, ce
qui ne pouvait faire ni chaud ni froid ; il avait de plus tant
pressé M. Fortin, parent de ma belle-mère, — qui avait fait une
grande fortune en acquérant les terrains du Roule où une rue
portant son nom a été ouverte récemment, — qu'il avait obtenu
de lui une démarche importante auprès de Regnault de Saint-
Jean d'Angely : celui-ci, son débiteur pour une somme assez
ronde,était obligé de l'écouter plus qu'il ne voulait souvent. Mais
mon espoir était dans le maréchal ; je fus le retrouver ; il me
dicta lui-même une lettre pour Maret et me promit de me pré-
senter à Régnier : c'étaient ces deux grands personnages qui
devaient établir ensemble la liste des auditeurs proposés. Cette
dernière nouvelle me causa une véritable émotion ; je me com-
mandai dans ce but un habit à la française, un chapeau à
plumes, j'achetai une épée, je fis accommoder mes dentelles.
Mon anxiété croissait à mesure que la solution approchait ;
pour cent cinquante nominations annoncées, on comptait cinq
mille demandes. Chaque jour, je cherchai à me créer une re-
lation nouvelle pour entretenir la bonne volonté de mon pro-
tecteur que je craignais d'importuner par mes démarches
personnelles. C'est ainsi que je me fis présenter chez le comte
de Ham, sénateur, dont le fils, le colonel Jacqueminot, —
depuis lieutenant-général et aide-de-camp du roi Louis-Phi-
lippe, — était attaché au duc de Reggio. Ce soir-là il y avait
dans son salon les maréchaux Oudinot et Masséna, Régnier,
président du Sénat, le comte Daru et plusieurs autres person-
nages. Le duc de Reggio me présenta aussitôt au Grand Juge
en lui exprimant tout ce qu'il y avait à dire de plus obligeant
et de plus pressant, et ce dernier me promit formellement son
appui du moment où le maréchal apostillerait ma demande.
Quand Régnier et M. de Ham eurent vu ce colloque, ils vin-
rent d'eux-môme me promettre leur appui en m'invitant à me
d'un ancien préfet 347
rendre à leurs réceptions. PcU exemple, il fallait être bref avec
le maréchal : il n'aimait ni les longs discours ni les explica-
tions étendues. Le 30, je me rendis au cercle du Grand Juge ;
c'est à ce moment aussi que je fis la connaissance du comte
Dubois, préfet de police et conseiller d'Etat, avec lequel jo
conservai de précieuses relations. C'est vers cette époque
encore que remonte une assez piquante anecdote qui tout
d'abord n'eut rien de très plaisant. Un matin on frappa à ma
porte avec une singulière violence : j'ouvris et je vis, non sans
étonnemenl, entrer des agents de police qui me déclarèrent que
j'étais accusé de délit politique ; il n'en fallut pas plus, à vingt
ans, pour me faire un peu perdre la tète : on saisit mes lettres
et ou m'emmena à la préfecture. J'avais assez repris mes es-
prits pour ne formuler aucune plainte. Les choses s'éclairci-
rent en effet d'elles-mêmes : les agents reconnurent sans peine
qu'ils s'étaient trompés en ra'enlevant, tandis qu'il s'agissait
d'un quasi-homonyme, jeune officier, demeurant au-dessus
de moi, qui devait bientôt devenir général et dont le fils a été
un de nos ministres plénipotentiaires distingués.
{A suivre).
FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
SllIWRNlS A TROYES ET AUX ENVIRONS AVANT 170O
( Etat des Récoltes, Prix des Denrées et Etat sanitaire )
ir)9?>. — Année particulièrement calamiteuse par dos in-
tempéries continuelles de pluies au printemps et d'orales en
été, et par la mauvaise qualité et la cherté de toutes les den-
rées, et les maladies qui en furent la suite. Le setier de fro-
ment fut vendu jusqu'à 100 livres, celui de seigle 70 et tout
le reste en proportion.
— Le dimanche 1 2 avril, on lit aux prônes de la ville de
Troyes un billet portant que, par jugement de la police tenu^e
par M. le Prévôt le 1 1 de ce mois, le prix du pain mollot a été
fixé à 22 deniers.
— Le 14 mai, des prières et processions publiques sont
faites en vue d'obtenir du beau temps, car il pleuvait tous les
jours depuis le mois de mars.
— Le 24 mai, le prix du pain mollot est publié à 2 sols.
— Le 19 juin, cà sept heures et demie du soir, violent orage
avec pluie, grêle et tonnerre.
— Le 5 août, autre grand orage du côté des Chapelles,
lequel perdit et emmena les avoines que l'on était en train de
fauciller.
— Le 10 août, le prix du pain mollot est fixé à 25 deniers,
le quartier à 42 deniers et la raichette à 6 deniers.
— Le 18 avril, à huit heures du soir, après une chaleur
suffocante, il se fait un orage épouvantable de grosse grêle
qui brise et détruit les orges, les avoines, les vignes et les
arbres fruitiers à Lépine, à Torvilliers, à Saint-Parres-les-
Tertres, etc.
• Voir page 2\^>, tome XV, de la Revue de Champagne et de Brie.
1 . Le Tri'/oau était l'unité de poids pour la soie cl correspondait à un
demi quart d'oucc ou à 3 grammes 8 décigrammes.
FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES 349
— Les 1"J ei 2(J, nouveaux orages.
— Le mardi 1^' septembre, à ouze heures du matiu, deux-
cents pauvres, armés de pierres, s'assemblent devant la maison
d'un marchand de grains, nommé Henri Langlois, demeurant
dans la rue Notre-Dame, en face la rue du Sauvage ; lequel
était soupçonné de lever le blé aux environs de Troyes et de le
mettre en magasin pour l'armée, ce qui causait la clierté dans
la ville. Ils tentent de forcer sa maison et de le maltraiter avec
sa femme, mais ils en sont empêchés par la police.
— La semaine suivante, ceux qui voulaient du blé étaient
obligés d'aller chercher un billet chez le capitaine de la com-
pagnie sur laquelle ils demeuraient et de porter ensuite ce
billet aux préposés qui étaient obligés d'en vendre d'un grenier
où on en avait amené de Saint-Lyé.
— Le dimanche 27 septembre, le prix du pain blanc est
fixé à 32 deniers, celui de la michette à 8 deniers et le pain bis
à 2 sols la livre.
— Le vendredi 10 octobre, une visite domiciliaire est faite
par la pohce pour s'assurer de ce qu'on a de blé et de ce qu'on
est de personnes à vivre dans chaque maison de la ville de
Troyes.
1094. — Le 21 avril, émeute à Troyes au sujet du pain qui
est pris de force chez les boulangers.
— Le 8 mai, le pain blanc est mis à 3 sols 9 deniers, le pain
bis à 3 sols et le pain de seigle à 27 deniers la livre.
— Dans la nuit du 10 au 17 mai, toutes les vignes sont
gelées aux environs de Troyes.
— Le 0 juin, ou publie contre les accapareurs de grains un
moniloire ' qui est réitéré les 17 et 27 du même mois.
— Le 3! juillet, le froment se vend à Troyes 3 livres 8 sols
et le seigle LiU sols le boisseau, et le prix du j)ain est fixé à
3 sols.
— Le 1 i novembre, le prix du blé est descendu à 32 sols le
boisseau, et celui du pain à 2 sols la livre pour le blanc et à
lii deniers pour le bis.
— Au mois de décembre, les lièvres continues, avec Irans-
1. LoUre do l'odicuil eiijoigiiunt à tous ceux (|ui ont connais.-jaiice d'un
crime ou d'un .lu'.rc (ail, ireii révOlcr ce qu'ils eu suveiit, sous peino
d'cxcoiniuuuicaliun.
350 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
port au cerveau, sout très communes à Troyes où elles fout de
nombreuses victimes.
lOOii. — Le samedi 2G mars, le froment valait 40 sols le
Ijoisseau au marché de Troyes, et, le lendemain, le prix du
pain mollot fut fixé à 18 deniers.
— Le 27 août, le mollot ne vaut plus que 1 o deniers et le
pain bis 10 deniers la livre.
1696. — Le mardi 26 juin, à quatre heures après midi, a
lieu un grand orage de pluie et grosse grêle qui, pendant une
heure, détruit les vignes et les emblaves de Villery, Javer-
uant, Bouilly, Souligny et Laînes-aux-Bois.
— Le dimanche 8 juillet, on fait des prières publiques à
Saint-Pierre pour demander le beau temps, parce qu'il pleu-
vait tous les jours depuis trois semaines.
— Dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 septembre, il
gela si fort que la glace était épaisse d'un demi-doigt et que la
plupart des vignes des environs de Troyes furent perdues.
1097, — Le mercredi 19 juin, sur les trois à quatre heures
du soir, il commença à tomber à Troyes et dans les environs
une grande pluie qui dura trois jours et trois nuits ; elle cessa
le dimanche à quatre heures du matin et reprit le soir
avec une telle violence qu'il en résulta une inondation qui
causa de grands ravages. Le prieuré de Foicy et celui de
Saint-Jacques, à Troyes, furent submergés, et plus de quinze
maisons furent renversées et ruinées. Enfin, il y eut des
emblaves, des vignes et même des arbres de déracinés, et des
gens de noyés en Preize, aux Tauxelles, à la Moline et à la
Vacherie. On fit k ce sujet, les 24 et 25 juin, des prières
publiques et des processions avec reliques. Enfin, le 27, à sept
heures du soir, le temps commença à s'éclaircir et l'eau à
diminuer tellement que le 2 juillet on pouvait passer sur le
chemin des fossés de la ville pour aller au mouHn de Saint-
Quentin.
— Le mercredi 3 juillet, à quatre heures de l'après-midi, il
survint à Troyes un orage pendant lequel la foudre tomba pour
la huitième fois sur lo clocher de la cathédrale et y occasionna
d'assez grandes réparations.
1698. — Les seigles furent tellement gâtés par la bruine
que ceux qui le mangèrent en furent incommodés. On prit le
parti de le mélanger avec de l'orge pour faire le pain.
— A la fin de juillet, le froment valait 4 livres, le boisseau
et le seigle 50 sols.
SURVENUS A TROYES 351
— Les rivières débordèreul deux ou trois fois par suite des
grandes pluies, et l'on ue veudeugca qu'à la fia d'octobre la
médiocre récolte des vignes.
lOO'.i. — Le dimanche 20 sepLeinbrt fut uulilié h Troyos un
mouiloire défendaul le trafic des agioteurs sur le blé.
XVIII» SIECLE
1700. — Daus la nuit du 7 au 8 octobre, vers une heure
du matin, la foudre tomba pour la neuvième fois sur la flèche
de la cathédrale et la consuma eulièreraenl. Ce clocher ne fut
pas rebâti depuis,
— Daus la nuit du jeudi 14 au vendredi la, le vent fut si
violent qu'il arracha la croix de la mission du cimetière de
Sainl-Jecques. Il y avait vingt ans qu'elle avait été érigée par
les Capucins.
1701. — Le samedi 2 juillet, à onze heures du soir, la
foudre tomba par la cheminée de la maison du maître d'écolo
de Saiut-Audré et la brûla entièrement.
1702. — Le 8 août, à quatre heures du soir, grand orage
de pluie et tonnerre à Troyes et aux environs.
— Le m.ardi 22, un nouvel orage éclata sur Bouilly où le
tonnerre tomba deux fois sur l'église et y mil le feu. Le clo-
cher fut brûlé, les cloches fondues et les voûtes crevées.
1704. — Le samedi 30 et le dimanche 31 août, deux orages
successifs, avec pluie, grêle et tonnerre, ruinèrent les vignes
de Bouilly, Villery, Saint-Jean de Bonneval, Moutgueux,
Barberey, Créney et Vailly. Le lendemain les perdrix se dou-
uaient à 4 sols la pièce à Troyes, où des persoimes de la cam-
pagne en apportaient des sacs et des paniers pleins, ainsi que
des lièvres tués par la grêle.
1705. — L'été fut très chaud et sec, car il ne tomba point
d'eau pendant les mois de juillet et août; ce (jui occasionna
une grande mortaUlé sur les tufauts qui furent atteints de la
petite vérole.
170G. — Le lundi de la Pcnlecûle, 2i mai, à sept heures
du soir, le tonnerre tomba sur l'église rfaiul-l'ierre à Bar-su r-
Aube,et la brûla ; puis, à huit heures, sur le clocher de l'église
de Clairvaux qui fut également brûlé avec toute la ramée ([ui
était couverte en plomb.
— Les cerises se vendirent, tout le mois de juillet, 2 deniers
31)2 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
la livre ;ï Troyes. Ou avait comnieucé à en avoir à la Sainlc-
Malhie, et ou eu eut encore après l'Assomption, tant eu était
grande l'aboiidance aussi Lieu que des autres fruits. Ou vit,
cette même année, des raisins mûrs à la Sainte-Madeleine.
— Le 27 juillet, à quatre heures un quart, il tomba de la
grêle grosse comme des noisettes, qui ruina toute la contrée
comprise entre Troyes et Bar-sur-Seine.
— Les IG et 17 août, prières publiques à Troyes pour avoir
de la pluie, à cause des chaleurs excessives. Il plut le 17 au
soir.
— Le dimanche 12 septembre, à trois heures du soir, le
tonnerre tomba sur Féglise des Jacobins et détruisit le clocher.
— Année abondante eu blé, encore plus eu vin et davantage
en fruits qui se donnaient pour rien.
1707. — Année excessivement orageuse. Le 15 juin, à sept
heures du soir, un orage de pluie et grêle, qui dura un bon
quart d'heure, causa de grands dommages aux blés et aux
vignes, dans les environs de Troyes. Il y eut encore des orages
semblables, les 24 et 20 juin ; dimanche 3 et lundi 4 juillet, et
des chaleurs intolérables les 18, 10. 20 et 21 juillet. Il y
avait des raisins mûrs à cette dernière date.
1708. — Encore une année orageuse. Le 12 avril, aune
heure après midi, orage de pluie, grêle et tonnerre.
— Les G et 7 mai, toutes les vignes des environs de Troyes
sont gelées.
— Nouveaux orages les 15, 10, 17, 23 et 2G mai, puis les
12 et 22 juin.
— Au mois de novembre, le froment était vendu 50 sous le
boisseau sur le marché de Troyes, et le seigle 40.
1700. — Année du grand hiver qui commença le dimanche
0 janvier à 5 heures du matin, et continua si bien que le lundi
la Seine commença à geler. Le froid augmenta ensuite pro-
gressivement jusqu'au 21. Les vignes, les noyers et un grand
nombre d'arbres fruitiers furent gelés. Le dégel commença le
24 et fut suivi de l'écroulement de quelques pans des mu-
railles de la ville.
— Le jeudi 21 février, le froid reprit avec autant d'intensité
qu'au mois de janvier et dura jusqu'au 2 mars. Mais comme
il n'était pas tombé de neige cette fois, et qu'il faisait beaucoup
de vent, tous les seigles et les froments furent gelés ; ce qui
amena une grande disette. On tlt le recensement des personnes
SURVENUS A TROYES 353
de chaque maison et de la quautité de grain que l'on possédait
ou dont ou avait besoin, alla d'en régler la répartition.
— Au mois de juin, le boisseau do seigle valait 5 livres 1 0
sous, et le boisseau de froment 7 livres 15 sous.
— Le lundi l^'" juillet, à neuf heures du soir, un ouragan
qui dura une heure fut si violent qu'il arracha beaucoup d'ar-
bres et découvrit des maisons à Troyes et dans les environs.
— Le 14, un autre orage sévit principalement à Aix-en-
Olhe et à Droupt-Saint-Basle, où tout fut gâté.
1710. — Le 22 février, le pain moUot fut réglé à 4 sous 3
deniers.
— On remarqua cette année que le vin nouveau n'avait pas
bouilli, ce qu'on attribua à ce que la vigne ayant été rajeunie
par la gelée de 1709, elle n'avait pu donner au raisin les qua-
lités qui proviennent essentiellement du vieux bois '.
1711. — Le 27 février, les eaux furent si grandes à Troyes
et dans les environs, à cause de la neige fondue et de la pluie
qui tombait depuis dix jours, qu'on ne pouvait plus passer
qu'en nacelle au faubourg Saint-Jacques, et que tous les ha-
bitants de la Moline et des Tauxelles furent obligés de quitter
leurs maisons pendant douze ou quinze jours.
— Le dimanche 17 mai, vers midi, un grand orage de grêle,
pluie et tonnerre passa sur Ervy, Machy, Saint- Jean de Bon-
nsval, Javernant, et arriva à Troyes, puis continua jusqu'cà
Châlons, détruisant tout sur son passage et faisant eu un ins-
tant succéder la disette à l'abondance. Ce qu'il y a de curieux,
c'est que cet orage avait été annoncé deux jours à l'avance par
le capitaine de Saint -Martin-ès -Vignes, qui passait pour
sorcier.
1712. — Les 10, 17 et 18 janvier, grandes eaux à Troyes,
par suite de la fonte des neiges.
— Après Pâques, la viande commença à, se vendre fort
cher, parce que depuis deux ou trois ans, la mortalité était
sur les moutons, dans toute la Champagne. La livre de viande
de boucherie, à Troyes, se vendait de 5 à 6 sous.
— Le 25 mai, à sept heures du soir, il s'éleva un grand
orage qui sévit principalement à Clérey, à Daudes, à llouilly-
Saint-Loup, etc., où il causa de grands dégâts pendant trois
quarts d'heure.
1 . Il ost à rcmarfjuor que le inênic fait provcnuat do la laOmc causo 3'est
produit sur la veudangc do 1881.
23
3b 4 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
— Les mois de juin et de juillet furent extrêmement ora-
geux cl désastreux. Des orages plus ou moins violents sont
eu eiïet constatés à ïroyes les 2, :}, 4, 6, 7, 8, 17, 18, 20, 27
et 28 juin; 1, 2, 3, 13, 1*J, 21 , 22, 28 et 21) juillet.
— Au mois de novembre, le boisseau de froment vaut oO
sous et le boisseau de seigle 30 sous au marché de Troyes.
1713. — Dans la nuit du 3 au 4 février, il s'éleva sur la
ville de Troyes uu ouragan de vent et do pluie qui dura de
minuit à huit heures du matin, o.vec une violence extrême, ar-
rachant les arbres, découvrant les maisons et causant plu-
sieurs autres ravages.
— Le 7 juin, à cinq heures et demie du soir, un orage de
pluie, grêle et tonnerre éclata sur Troyes et les environs, où il
causa de grands ravages, notamment dans le vignoble de Bar-
sur- Aube.
— Pendant le mois de juin, une quantité innombrable de
souris ravagèrent les emblaves do la vallée de l'Aube, tandis
que les loups dévorèrent vingt personnes dans les environs
de Troyes.
— Le 27 juin, pendant un violent orage, le tomierre tomba
sur le clocher de l'église de Hampigny et le brûla.
— Le 8 août, on fit dans tout le diocèse de Troyes des priè-
res publiques pour obtenir le beau temps, à cause des pluies
continuelles qui empêchaient de faucher les prés et de faire
les moissons.
— Le 14, un grand orage sur Arcis, Champigny et lieux cir-
convoisins.
1714. — Le 10 juillet, à une heure et demie après-midi,
pendant un grand orage, le tonnerre tomba sur une cheminée
du chcàteau de la Ghapelle-Sait-Luc, et ensuite sur un arbre
voisin qu'il brûla. — Les 18, 19 et 29 du même mois, nou-
veaux crages de pluie, grêle et tonnerre.
— Au mois d'août, il y eut une grande mortalité sur les
bestiaux, et l'on fit, à cette occasion, des prières et des pro-
cessions publiques pour conjurer l'épidémie.
— Pendant cette même année, les loups continuèrent à in-
fester nos centrées. On en tua notamment à Mosuil-la-Coni-
lesse, à Ormes et à Ramerupt.
171(1. — Pendant tout le mois de janvier, il y eut d'abon-
dantes chutes de neige, et des froids très rigoureux qui gelè-
rent les vignes et occasionnèrent une grande mortalité à Troyes
et dans les environs.
SURVENUS A TROTES 355
— Le 23 juiu, ou fit des prières et des processions pour
obtenir la pluie dont on avait hesoiu pour les biens de la
terre.
— Dans la nuit du 22 au 23 septembre, les grands vents
arrachèrent plusieurs gros arbres dans les champs et dans les
forêts.
— Il y eut cette année beaucoup de chiens enragés qui mor-
dirent plusieurs personnes.
1717. — Le 11 mai, la plupart des vignes des environs de
Troyes furent gelées.
— Le 4 juillet, de dix à 11 heures du soir, il s'éleva sur
Troyes un grand orage « qui ne fut dissipé que par le bruit
des cloches. »
— Le l*'"' septembre, le tonnerre tomba sur l'église de Vil-
lenauxe sans l'endommager, en fendant dans toute sa longueur
une pièce de hois de vingt pieds qui était debout contre un
pilier.
— Le 1 i, violent orage de pluie, éclairs et tonnnerre à
Troyes.
— Le 5 décembre, grands vents qui ont duré presque tout
le mois.
1718. — Pendant le mois de février, grands froids qui ont
gelé tous les arlichauds.
Les 12, 13, 14 et 1 j juiu, orages presque continuels. Le 14,
à cin(j heures et demie du matin, le tonnerre étant tombé sur
un peuplier, à Villcchétif, tua le jardinier de Saint-Jean-du-
Temple qui s'était réfugié au pied et blessa gravement un
homme et une femme de Troyes placés à côté de lui.
— Le dimanche 21 août, on carillonna à Saint-Pierre et on
descendit la châsse de Sainte-Hélène qui fut portée proces-
sionnellemeut pour demander de la pluie. Le lendemain, ou
en fil autant à Saint-Urbain avec la Sainte-Epine ; puis à
Saint-Etienne avec la châsse do sainte Hoïlde. La sécheresse
et la chaleur furent surtout accablantes, du 21 au 21) août, et
brûlèrent les raisins.
1719. — Le dimanche 18 et le samedi 2i juin, prières et
processions pour la ijluie.
1720. — Le ^'.0 juillet, à neuf heures du soir, violent orage
de pluie, grêle et loimeire qui cause beaucoup de dégâts à
Saint-André, Saint-Martin, Sainte- Saviue, Pouau, Arcis,
Grandville et villages circonvoisins.
3îiC FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
— Le 3 août, à cinq heures du matin, nouvel orage dont le
dernier coup de tonnerre frappa le clocher de l' église de Saint-
Avenlin, où il occasionna pour 150U livres de réparations.
1721. — Le 15 juin, grand orage sur Saint-Ljé, Savières,
Chauchigny, les Grandes-Chapelles et autres lieux.
1722. — Le 16 juin, à neuf heures du soir, grand orage de
grêle à Marnay, Villenauxe, Boulages, etc.
1723. — Les 23, 27 et 28 mai, prières et processions avec
les châsses de sainte Hélène, sainte Iloilde et la Sainte-Epine
pour demander de la pluie. — Le 1 3 juin, prières de remercie-
ments pour l'avoir obtenue.
1724. — Le 16 août, à deux heures et demie du soir, pen-
dant un violent orage, le tonnerre tombe sur le moulin à vent
de Bouranton et le réduit eu cendres.
1725. — Le 26 mai, orage pendant lequel la foudre tombe
sur une maison de la rue da Coq, à Troyes.
— Les dimanches 22 et 29 et juillet, puis le l*^'' septembre,
prières pour demander le beau temps.
— Le lundi 17 décembre, à cinq heures du soir, il s'éleva
un ouragan qui souffla avec tant de violence jusqu'à sept
heures du matin, que sur 22 maisons dont se composait le vil-
lage de Feuges, il y en eut 20 de découvertes et plus ou moins
renversées ; ainsi que l'église dont la nef s'écroula. Sur beau-
coup d'autres points le vent arracha ou rompit de gros ar-
bres, et renversa les clochers des églises de Pougy et de Tor-
villiers. A Bar-sur-Aube, il enleva et transporta tout entier le
clocher avec les cloches de l'église des Cordeliers dans une
prairie voisine. A Mâcon, il abattit la grange d'un cultivateur
qui y fut blessé en même temps qu'un autre homme y fut tué.
Enfin une large pierre située entre Marnay et Nogent fut en-
levée de terre et dressée debout par la violence du vent.
1726. — Le dimanche 2 juin, à trois heures et demie de
l'après-midi, pendant un violent orage, la foudre tombe sur la
cathédrale de Troyes où l'on faisait la procession ; elle rompt
la nef et les bas côtés, et brise plusieurs vitres sans causer
d'accidents de personnes. Les dégâts matériels s'élèvent à
4,000 livres.
— Le 8 du même mois, à cinq heures du soir, un autre
orage de grêle qui dure trois quarts d'heure occasionne de
grands dommages, tant aux emblaves qu'aux bâtiments dans
les environs de Troyes.
— Le samedi 19 octobre, à six heures et demie du soir, une
SURVENUS A TROTES S57
grande nuée lumineuse, allongée comme un fleuve de fou ap-
paraît au-dessus de la ville de Troyes. Du midi, où elle était
d'abord apparue, elle passa au nord et ensuite sur Gréney,
Vailly, Arci? et autres lieux, jusqu'à dix heures du soir, en se
dissipant peu à peu. Ce phénomène fut vu en môme temps à
Paris, à Rome, à Naples, etc '.
1727. — Les 19, 20 et 21 avril, fortes gelées qui ont beau-
coup endommagé les seigles et les vignes.
1728. — Le 16 mai, jour de la Pentecôte, à sept heures et
demie du soir, un ouragan de vent d'ouest, avec pluie, éclairs
et tonnerre, s'éleva sur la ville de Troyes et augmenta bien-
tôt d'intensité par la réunion de nouvelles nuées. Cet orage,
l'un des plus désastreux que l'on connaisse, dura jusqu'à neuf
heures et demie et fut entremêlé d'une chute de grêle dont les
grains étaient gros comme des œufs de dinde, et armés de
pointes. Il causa naturellement de grands ravages aux cou-
vertures et aux vitres des bâtiments, ainsi qu'aux vignes et
aux emblaves qui furent totalement détruites depuis Aix-en-
Othe jusqu'à Arcis. La pert3 des beaux vitraux de l'église
Sait-Jean fut évaluée à plus de 30,000 livres; et, à l'égard de
la campagne, on y compta 32 villages entièrement ruinés.
Bref, les pertes totales s'élevèrent à plus de deux millions et
demi -.
Par arrêt du 21 juin 1729, le roi fit remise aux habitants de
Troyes de quatre années de capitalioii, montant à environ
100,000, livres pour les indemniser des pertes que leur avait fait
éprouver celte grêle.
— Le 15 juin, sonneries, prières et processions avec les re-
liques pour demander de la pluie.
— Les 12 et 18 juillet, grands orages, surtout le dernier
qui perdit les orges et les avoines sur les finages de (Ihauchi-
gny, les Chapelles, Pouan, Arcis, Le Chêne, Lhuitre, Ramc-
rupt et Dampierre.
1729. — Les G, 19, 21, 22 et 27 juillet, 4 et l\ août grands
orages à Troyes et aux environs.
1 . Voir le Journal historique de Verdun, ilécombro 172C, pages 4/13-
444.
1 . Voir sur cet (5v(5nemcnt [{dation véritable des effets de Vepouvan-
table orage et de la grèlc extraordinaire qui est tombée sur la ville de
Troijcs en Champnone et aux environs, le 1i". niaii MIH; iii-4". Voir aussi
le Journal de Verdun, juillet 1728, page 71.
3" 8 FAITS ET ACCIDENTS MKTEOHOLOCtIQUES
— Le 16 novembre, apparition, au nord, d'un météore qui
dura depuis six heures du soir jusqu'à deux heures du
matin.
]731. — Le 15 avril prières publiques pour demander de la
pluie dont il n'était pas tombé depuis deux mois.
— Le 2',) juin, à onze heures du soir, orage qui dura jus-
qu'à minuit, et pendant lequel le tonnerre tomba sur le clo-
cher et sur la voûte de l'église des Gordeliers, où il causa pour
600 livres de dommages, et blessa un père et un frère par la
chute des bois de la voûte.
1733. — Cette année, les champs furent ravagés par les
souris.
— Il fit très chaud pendant les fêtes de Noël, et le 27 dé-
cembre, vers quatre heures du soir, il y eut un orage avec
éclairs, tonnerre pluie et grêle.
1734. — Le 24 mars au soir, éclairs et tonnerre suivis de
pluies abondantes et d'inondations.
— Le 11 juin, le tonnerre tombe à Troyes, dans la rue de
la Grande-Tannerie, chez la veuve Dorigny, où il fait quelques
dégâts.
— Mois de juillet pluvieux et orageux, notamment les 5,
19 et 20.
— Les pluies d'octobre et de novembre, puis les gelées qui
suivent empêchent les semailles de froment qui sont retardées
jusqu'à la fm de décembre.
1735. — Pendant tout le mois de janvier, grandes pluies et
grands vents suivis d'inondations.
— Le 2 mars, vers huit heures du soir, la lune, qui était
dans son premier quartier, apparut environnée d'une couronne
lumineuse qui dura assez longtemps.
— Mois de mai très pluvieux et orageux. Les 15, 16 et 17,
processions pour demander le beau temps qui n'arriva que le
7 Juin.
— Le 27 juin, à trois heures après-midi, le tonnerre tombe
à Villeloup et y brûle deux maisons et deux granges.
— Mois de juillet froid, pluvieux et orageux, ce qui retarde
la moisson et la fauchaison des prés. Il gèle les 14. 15, 16
et 17.
— Mois de septembre également pluvieux et orageux. Ven-
danges tardives, peu abondantes et de médiocîe qualité.
1736. — Dans la nuit du 15 au 16 mars, vers les neuf
SURVENUS A TEOYES 3o9
heures du soir, apparition d'une lumière boréale qui fut vue
de Lisbonne.
— Le dimanche 8 juillet, à cinq heures et demie du soir,
violent orage de pluie et de très grosse grêle.
— Le 24, nouvel orage qui dure deux heures et pendant le-
quel le tonnerre tombe à Troyes dans la cour La Rose, puis
sur la maisou de M. Paillot, dans la rue du Mont- Saint-
Michel ' qui va à Saiul-Loup.
1737. —Orages avec pluie, grêle et tonnerre les io et 18
mai, 3 et 28 juin, 3 et 30 juillet.
1738. — Grandes eaux et temps froid d'avril en mai où les
vignes furent gelées.
— Le mois de Juin fut très pluvieux, et le 6 juillet on fit des
processions pour demander le beau temps qui n'arriva qu'au
commencement d'août, lequel mois fut très sec et chaud.
— Dans la nuit du 15 ou 16 octobre, le tonnerre tomba cà
Rouillerot sur une grange qui fut brûlée.
1739. — Janvier pluvieux, venteux et orageux ; mars et
avril neigeux et froids.
— Le 7 juillet, à sept heures et demie du soir, orage de
pluie, grêle et tonnerre.
— Cette année, il n'y eût point de fruits et très peu" de Ven-
danges, à cause des gelées tardives.
1740. — Hiver rigoureux. Le froid qui avait comimencé
dans les derniers jours de l'année précédente, augmenta pen-
dant les mois de Janvier et de février, avec des alternatives de
neige, de pluie et de verglas. Un pauvre mourut de froid dans
la rue de la Chasse. On fit des distributions de secours aux
indigents.
— Les mois de mars, avril et mai furent également très
inconstants, et le 20 mai, on fit des processions pour demander
le Jjeau temps. Les vignes et les arbres fruitiers furent gelés.
-r- Le 2b juin, entre cinq et six heures du soir, il y eut un
grand orage de pluie, vent et tonnerre, qui abattit des granges
et découvrit des maisons à Méry-sur-Heine, à Nogenl-sur-
Aube et à Pougy.
— La moisson des seigles ne put commencer qu(^ h? 1'' août,
par suite des temps froids et humides du mois de juillet,
1. Cette ruo n'est pas citée dans 1 ouvrngo de M. Corrard de lîrebau sur
Us rues de Troijcs.
360 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOBOLOGlQUES
— Les G et 7 août, orages, pluie et grêle. Les 11 et 12,
prières et processions pour demander le ])eau temps.
— Année calamiteuse, généralement froîdo et humide ; le
raisin ne mûrit point et l'on fit des visites chez les particuUcrs
pour le recensement des grains.
— Au mois de novembre, le froment valait 4 livres le bois-
seau, le seigle 45 sous, l'orge 33, le pain mollot 3 sous 3 de-
niers, et le bois de corde, dans les magasins de TrojTS,
31 hvres.
1741 . — Pluies et grandes eaux en janvier et février; mars
avril et mai secs et froids. Vignes et arbres fruitiers en partie
gelés.
— Le 26 août, le tonnerre tombe à Sainte-Syre et brûle la
grange de Rosier, notaire. « Grande lavasse^ de ce côlé-là et
du côté de Pougy. »
— Le 25 septembre, on a commencé les vendanges qui ont
été médiocres comme quantité, mais de bonne qualité. Le muid
de vendange s'est vendu 50 sous.
— Le 11 novembre, jour de la Saint-Martin, le froment, au
marché de Troyes, valait 3 livres 10 sous et le seigle 52 sous le
boisseau.
1742. — Gelée et neige en janvier.
— Le 18 février, le tonnerre tombe sur le clocher d'Avant-
lès-Ramerupt et le brûle.
— Le 8 juin, entre six et sept heures du soir, grand orage
de pluie et tonnerre.
— Eté généralement froid cl humide ; vendanges tardives et
de mauvaise qualité.
— A la Saint-Martin, le froment vaut 25 sous le boisseau
et le seigle de 14 à 15 sous.
1743. — Printemps humide, été sec. Il y eut, à partir du
dimanche de la Trinité, un brouillard qui dura six semaines
et par suite duquel il survint une épidémie de fièvres avec de
grands maux de tête et de cœur. On purgea à force, mais le
maladie dura longtemps et emporta bon nombre de personnes,
surtout à Nogent-sur-Aube.
— Le 10 juin, le tonnerre tombe sur la chapelle de la Nati-
vité, à Saint-Pierre, sans y causer de grands dommages.
1 . Terme populaire encore employé dans les environs d'Arcis pour dési-
gner une ondée, Dans les environs de Troyes, on dit par corruption un
élaval.
SURVENUS A TROYES 361
— Le samedi 27 juillet, le tonnerre tue un homme à Saint-
Julien.
— Prix du froment à la Sainl-Martin 1 8 à 20 sous le Lois-
seau, le seigle 10 sous, le pain mollot 1 sou 3 deniers.
— Le 14 novembre, sur les cinq heures du soir, pendant une
« grande lavasse », avec de la petite grêle, le tonnerre tombe
sur le petit château de Villacerf,
1744. — En janvier et février, une comète apparaît au nord
après cinq heures et demie du soir.
— En mars, pluies et grands vents.
1745. — Sur la fin de mai, une fièvre maligne enlève
beaucoup de monde à Troyes, principalement sur la paroisse
de Saint- Jean.
1740, — Le 25 mai, un homme est noyé à Vailly, dans
une inondation occasionnée par des pluies continuelles et tor-
rentielles.
— Au mois d'août, une épidémie sévit sur les bêtes à
cornes.
1747. — Le 7 septembre, vers deux heures du matin, le
tonnerre tombe sur le clocher de l'église Saint-Denis, à
Troyes.
1748. — Pendant le mois de février et de mars, une épidé-
mie de rhume emporte beaucoup de monde dans la ville et le
diocèse de Troyes.
1740. — Le mercredi 14 mai, veille de l'Ascension, il fit
une gelée si forte que la glace avait l'épaisseur d'un écu de six
livres, et que les vignes et les seigles furent gelés:
— Le samedi 28 juin, nouvelle gelée aussi forte que la pré-
cédente, et qui acheva de perdre le peu do raisins et de fruits
qui restaient.
Nota. — A partir de 1750, nos chroniques manuscrites
offrent une lacune de plus de vingt ans, que nous avons com-
blée au moyen des renseignements que nous avons puisés
dans diverses publications, notamment dans le Journal de
Verdun, dans les Nouvelles ecclésiastiques et dans l'Histoire
de Troyes.
1753. — Neige et glace au commencement et à la fin de
décembre et chaleur considéraljle au milieu ; ce qui occasionna
de grandes toux et des fièvres malignes, avec crachements de
sang.
1754 . — Janvier doux et humide, avec vents dominants du
362 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
sud et du sud-ouest . — La fièvre coDtinue avec des cas de
convulsions hystériques chez les femmes.
— Prix des grains à la Saint-Martin :
Froment. ... de 40 à 50 sous le boisseau ;
Seigle de 2b à 30 ~ —
Orge de 18 à 22 — —
Avoine de 1 4 à 1 8 — —
1755. — Le printemps fut si chaud que les arbres étaient
feuilles au commencement d'avril, et cette chaleur redoubla
tellement que plusieurs personnes en tombèrent malades, et
que les vieillards dirent qu'ils n'avaient jamais vu un mois
d'avril aussi chaud.
— Sur la plainte des habitants de la campagne que les
pluies continuelles perdaient les moissons, le 6 août, ou des-
cendit la châsse de sainte Hélène et on fit la procession à Saint-
Pierre pour demander le beau temps.
1756. — Le 18 février, à sept heures trois quarts du matin,
on éprouva à Troyes une secousse de tremblement de terre.
— Le 1 4 juillet, le tonnerre tomba à Troyes sur une maison
près des remparts, où il causa peu de dégâts.
— Pendant la moisson, les pluies continuelles gcâtent beau-
coup les emblaves.
1757. — Mois de juin très pluvieux et très froid, pendant
lequel il y a des débordements et ont lieu des processions.
1758. Sur la fin de juin et pendant la moisson, les pluies
abondantes empêchent de continuer à fauciller les seigles.
— Le 9 juillet, on descend la châsse de sainte Hélène, et
on fait la procession seulement par la rue des Trois-Petits-
Ecus, parce que la pluie ne permet pas d'aller plus loin. Dos
prières de quarante heures sont ordonnées dans le diocèse
pour demander le beau temps, et Ion fait cesser la comédie
qui se jouait alors à Troyes. Ces pluies durèrent cinq semaines
et firent germer les grains dans les épis.
1763. — Fin novembre, froid suivi d'une grande abon-
dance de ueige, puis de pluies fréquentes accompagnées de
grands vents du sud et de l'ouest.
1764. — Le 28 janvier, violent ouragan suivi de pluies
continues qui font grossir la Seine, dont la crue, le 7 février,
atteignait 18 pieds 8 pouces au dessus des plus basses eaux et
mondait les quartiers bas de la ville.
SURVENUS A TROYES 363
1770 \ — Après une longue période de pluie, le beau temps
étant revenu, on fit à Troyes, le 11 août, une procession en
actions de grâce, dans laquelle on porta les chasses de sainte
Hélène et de sainte Mâthie.
1771. — Une prophétie annonçait que quand deux i se
trouveraient accompagnés de deux potences, il y aurait de
grandes afflictions ; ce qui arriva cette année où les deux 1
représentent les deux i et les deux 7 les deux potences. Or,
cette année fùt_, en effet, très malheureuse pour la rareté et la
cherté de toutes les denrées, par les débordements d'eaux, les
troubles de l'Etat et l'exil du Parlement,
— Vers le 15 juillet, il survint des brumes qui perdirent les
vignes des environs de Troyes, en faisant tomber le grain.
C'était la cinquième année que la récolte manquait, et le vin
était hors de prix. Le muid de 40 setiers de vin potable se vendait
jusqu'à 300 livres ; le froment, G livres le boisseau ; le seigle,
4 livres 10 sous ; l'avoine 35 sous ; le pain de six livres 17 sous ;
encore, les boulangers laissaient-ils le son dedans, de façon
que ce pain était-il comme du pain de munition, noir, de mau-
vais goût, la mie, comme une pâte gluante, ne profitant point
et ne faisant que passer par le corps.
— Le 17 juillet, sur les dix heures du soir, on vit aux envi-
rons de Troyes une lumière extraordinaire et on entendit un
grand coup, comme un coup de tonnerre, bien que le ciel fut, à
ce moment, sans nuages. Ce phénomène fut également vu
jusqu'à Paris.
1772. — Le mois de mars fut très pluvieux, ce qui occa-
sionna de grandes inondations par suite desquelles les vannes
du moulin de Brûlé furent enlevées, et environ vingt toises
des murs des prisons tombèrent dans la rivière du moulin de
la Tour.
— Au mois de juin, le temps se mit au beau, et la chaleur
vint, en môme temps, donner un bel aspect aux récoltes, mais
cette chaleur devint bientôt si vive qu'elle occasionna une
grande mortalité.
— Dans la nuit du 27 au 28 juin, depuis dix heures du soir
jusqu'à trois heures du malin, il y eut à Troyes une nuée avec
des vents et des éclairs effroyables. Plusieurs maisons furent
découvertes, les vignes renversées et les arbres arrachés.
1. La plupail des noies qui suivent, de 1770 à 17'J0, sont tirûcs du
manuscrit du chanoine Trémet.
364 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
— Le 27 juillet, la grêle ravagea plusieurs contrées, entre
autres les finages de Ghamoy, St-Phal, Grésantignes, Javer-
nant, et s'élendit ensuite de Troyes jusqu'à Bar-sur-Aube.
Enfin, il survint encore pendant cet été beaucoup d'orages qui
occasionnèrent de grands dégâts en Champagne \
— Au mois d'août, une épidémie sévit surtout à Vauchas-
BÎs, et attaqua les deux tiers des personnes, jusqu'au mois
d'octobre où on en comptait 300 d'alitées.
1773. — Des pluies qui survinrent vers la fin de juin, et
continuèrent pendant une partie de juillet, gâtèrent les foins,
les emblaves et les vignes.
— Les 22 et 23 juillet, on fit des processions avec les
châsses de sainte Hélène, de sainte lloïlde et de la sainte
Epine, pour demander le beau temps.
1774. — Le 10 mai, vers quatre heures de l'après-midi,
violent orage à la suite duquel il tomba une grêle épouvanta-
ble qui s'éleva à plus d'un pied de hauteur et détruisit les
vignes et les emblaves à Bar-sur-Seine, Essoyes, Mussy et
dans plus de trente villages environnants.
— Le 8 août, de huit à neuf heures du soir, nuée extraor-
dinaire pendant laquelle les éclairs se succédèrent sans inter-
ruption, et le tonnerre tomba en divers endroits, notamment
à Saint-Mesmin où il brûla une ferme. La grêle causa aussi de
grands ravages aux orges, aux avoines et aux froments qui
restaient sur pied.
1775. — Au commencement de décembre, il survint de
grands brouillards qui occasionnèrent beaucoup de maladies,
surtout des rhumes, des grippes et des fluxions de poitrine,
qui firent mourir un grand nombre de personnes. On publia, ta
cette occasion, un remède qui se composait d'une tisane faite
avec un navet, un ognon blanc, une pomme de reinette, du
bois de réglisse et du chiendent, bouillis dans une chopine
d'eau. On devait en boire un verre bien chaud, le matin, à
midi et le soir.
1770. — Grand hiver. — Après les brouillards du mois
de décembre, il tomba de la neige en janvier, puis la gelée alla
toujours en augmentant au point que le froid atteignit la
même intensité qu'en i7i)'.t. La Seine fut gelée et les moulins
arrêtés. Le vin gela dans les caves, ainsi que l'eau dans les
1 . Voir les détails trop longs de ces orages dans le Journal politique de
celle (époque.
SURVENUS A TROYES 363
puits, à la profondeur de 8 pieds. Le menu gibier mourut dans
les champs ; les outardes et les aigles du nord se réfugièrent
aux environs de Troyes où on eu tua plusieurs. Enfin, beau-
coup de pauvres gens, et surtout d'enfants, moururent de froid.
Les vignes et beaucoup d'arbres et de plantes diverses furent
entièrement gelées au niveau de la neige.
— Le dimanche 20 avril, la gelée endommagea fortement
les vignes et les arbres fruitiers qui avaient échappé aux gelées
d'hiver.
— Le 23 mai, ou fit des prières pubHques pour demander
le beau temps, parce que les pluies continuelles gâtaient tous
les biens de la terre.
— Le dimanche 28 juillet, de cinq à onze heures du soir,
une pluie torrentielle inonde et dévaste le territoire d' Aube-
terre \
1778. — Le samedi 8 août, une nuée se forma au-dessus
de Javernant et occasionna de grands ravages par la grêle qui
tomba en abondance sur Bouilly, Souligny, Laines-aux-Bois
et s'étendit jusqu'au Pavillon.
— Prix des grains au marché de Troyes, à la Saint-Martin :
Froment de rente 3 hvres 2 sous le boisseau ;
Seigle — 1—14 —
Orge — 1—10 —
Avoine — 1 — 2 —
1781 . — Le 24 mai, vent terrible pendant lequel un incen-
die éclate aux Faux-Fossés-Saint-Nicolas, près Troyes, y
détruit 8IJ bâtiments, la plupart couverts en chaume, et fait
périr 12 personnes dans les ilammes;
— Cette année, les vendanges furent précoces, abondantes
et de bonne qualité. On donnait un tonneau de vendange pour
un tonneau vide.
1782. — Pluies constantes depuis le milieu de mars jus-
qu'au commencement de juin ; ce qui occasionna des déborde-
ments et des dégâts considérables qui, pour le seul territoire
do Troyes, furent évalués à plus de 300,000 livres.
— Le lundi 10 juin, sur les cinq heures du soir, orage des
plus violents qui dura sept heures et pondant lequel la grêle
ravagea plus de cent villages aux environs de Troyes, eu
détruisant tout le gibier dans les champs.
1, Voir LArcisien de 1881, page '.7.
36C FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
— Sur la fm de juillet, une épidémie de grippe, comme celle
de 171)5, règne à Troyes et daus les communes.
— Le 22 août, sur les neuf heures du soir, un orage terrible
s"élève sur la ville d'Arcis et détruit toutes les récoltes qui sont
hachées parla grêle. Les vitres, les tuiles et les ardoises sont
brisées et le gibier massacré.
1783. — Le vendredi 27 juin, dans Taprès-midi. orage
d'une violence extraordinaire qui dura cinq heures, avec vent,
pluie, grêle, éclairs et tonnerre continuels, La foudre tomba
eu plus de vingt endroits, notamment h Saint-Dizier, à la
Chartreuse, à Saint-Léger et à Feuges.
— Au mois de juillet, des brouillards très intenses obscur-
cissent le soleil, et le font paraître rouge comme du sang. Il
résulte, de ces brouillards pestilentiels, des maladies épidémi-
ques qui sévissent à la fois sur les hommes et sur les ani-
maux et en font mourir un grand nombre.
1784. — L'hiver de cette année est noté par le chanoine
Trémet comme ayant surpassé en intensité ceux de 1709 et de
1776. Le froid commença après Noël 1783, et alla toujours en
augmentant; puis il tomba tant de neige du 1"' janvier au Ib
février, que de mémoire d'homme on ne se souvenait pas d'en
avoir vu autant. Comme il n'y avait point de fraj-é sur les che-
mins, les premiers qui y passaient étaient souvent saisis par
le froid, au point que l'on trouvait presque tous les jours des
gens morls dans la neige. C'est ainsi qu'un cossonuier et sa
femme furent trouvés sur le chemin des Grandes-Chapelles.
Le gibier mourait dans les champs où venait se réfugier jusque
dans les habitations où on pouvait prendre les lièvres et les
perdrix. Tout gelait dans les maisons et dans les caves jusqu'à
12 pieds de profondeur, et les habitants se couchaient tout
habillés. Le dégel arriva le 21 février et occasionna ensuite des
inondations.
— Au printemps suivant, il y eut beaucoup de personnes
atteintes de fluxions de poitrine et de fièvres tierces que l'on
attribua aux froids précédents.
178y. — Après les neiges et les grands froids de l'hiver,
quoique moins vifs que ceux du précédent, le vent commença
à tourner du nord au midi, dans les premiers jours de mai, et
l'on eut ensuite une sécheresse et une chaleur excessives qui
brûlèrent sur pied les emblaves et les prairies.
— Le 2t> mai, un mandement de l' Evoque de Troyes
ordonna des prières publiques pour demander de la pluie.
SURVENUS A TROYES 367
— Le gouveruement alarmé de la disetle des fourrages,
proposa le moyeu d'y remédier eu fournissant aux cultivateurs
des graines de turueps, de navette d'été et d'autres racines ou
fourrages verts d'une croissance rapides, qui devaient suppléer
en temps utile au défaut àd foin qui se vendait 20 sous la
Lotte de dix livres, à Tro^^es, et 30 sous à Paris.
1786. — Le 19 juin, jour de Saint-Gervais, il tomba tant
de pluie dans les environs d'Arcis, de Brienne et de Vendeu-
vre, que les eaux y causèrent de grands ravages, notamment à
Dampierre, où toutes les eaux, venant par la rue de Margerie,
inondèrent les maisons.
— Les vendanges de cette année furent bonnes et favorisées
par un beau temps ; elles donnèrent de 7 à 8 muids Farpent.
1787 . — Pendant les mois de mars, avril et mai, les pluies
furent presque continuelles ; ce qui occasionna des déborde-
ments de rivières et arrêta les travaux des champs.
— Les vendanges furent très médiocres et rapportèrent à
peine un riceton' l'arpent.
— A la Saint-Martin, le froment se vendait 3 livres 10 sous
le boisseau, le painblanc 2 sous 9 deniers la livre et les autres
denrées aussi cher en proportion.
1788. — Cet hiver fut très rigoureux, et la neige si abon-
dante qu'on eut l'idée d'en élever dans différents quartiers de
Paris des obélisques et des pyramides portant des inscriptions
qui exprimaient la reconnaissance du peuple pour le roi et la
reine qui faisaient distribuer des secours de toute natuic aux
indigents.
— Le vendredi M juillet, il fit extrêmement chaud, et, le
soir, un orage éclata et devint si terrible que le vent, la pluie,
la grêle et le tonnerre faisaient rage. Le tonnerre tomba eu plu-
sieurs endroits, notamment à onze heures du soir, sur le clo-
cher de Thennelières qu'il fracassa.
1788-1789. — Le 27 novembre, la gelée prit vivement et
alla toujours en augmentant, tellement que les rivières furent
bientôt prises, et que tout gelait dans les maisons. Le froid
arriva à un degré et demi plus fort qu'en 1709. Il y avait alors
un pied et demi de neige sur la terre, et c'est ce qui sauva les
emblaves. Ou trouva à Troyes, deux enfants morts de froid
dans leur lit. Il y eut un couuuencement de dégel le jour de
1 . Futaille de Ricey <5(iuivalant à 250 litres ou un dcmi-mui<l.
368 FAITS ET ACCIDENTS MÉTÉOROLOGIQUES
Noël, mais la gelée reprit de plus belle quelques jours après.
Le puits de la rue du Bois, vis-à-vis le collège, fut gelé à dix
pieds de profondeur. Le viu gelait dans les caves ; on se cou-
chail tout habillé ; on trouvait tous les jours des gens morts
de froid sur les chemins ; enfin, les moulins à eau furent ar-
arrôtés, et on ne pouvait avoir de pain chez les boulangers ;
bref, la misère devint extrême et occasionna beaucoup de vols,
quoiqu'on fit des emprunts considérables pour soulager les
pauvres.
— Le vrai dégel arriva le 11 janvier et fut suivi d'un temps
fort doux. A ce moment, le froment valait 5 livres le boisseau,
le seigle 3 livres, l'avoine 1 livre, le pain blanc mollot 3 sous et
le pain bis de six livres 1 5 sous.
— Le dimanche 12 juillet, sur les sept heures du soir, le
tonnerre tomba au Collège de Troyes sur la porte du réfectoire
des pensionnaires, où il arracha deux barreeux de fer, fendit
un poteau de bois et creva plusieurs marelles de torchis.
1790. — Au commencement de l'année, le froment se ven-
dait encore 4 livres 10 sous le boisseau et le pain blanc 2 sous
G deniers la hvre.
Arsène Thévenot.
HISTOIRE DE L'ABBAYE D'ORBAIS
PAR
DOM DU BOUT
François de Vallois, duc d'Alençon, Ch-Ueau-Thierry, et j^p^ J^ ^^^ jg
d'Evreux, comle de Pruse, fils de Heury secoud et de Calhe- Château -
riiie de Médicis, confirma le même droit ainsi réduit à cette lerry.ec.
abbaye, par ses lettres-patentes du sixième jour de septembre
et du dernier jour du môme mois mil cinéf cens soixante et
onze.
• Hexki III, roy de France et de Pologne, suivant les traces item du Roy
de ses deux frères, confirma à l'abbaye le même droit d'usage Hcuri III.
ainsi réduit, par ses lettres-patentes du mois d'aoust lo8;^ et
du premier décembre 1584.
Tous ces titres se conservent dans le charlricr de cette ab-
baye. Cependant on verra dans la suite qu'au préjudice de tant
de si bons titres, ce droit dusage est diminué petit à petit, et
a été réduit à rien, c'est-à-dire à vingt-quatre cordes de bois
pour tout droit d'usage à prendre bois vifs tant pour bâtir
que pour le chauffage indilîéremmenl, ou à quatre-vingl-
uue livres douze sols, par une sentence ou ordonnance de Mes-
sieurs Nicolai, Chomalus, Choart, Godefroy, Coutenot et Be-
liii, commissaires dépuiez parle Pioy Louis XIV' pour procéder
à l'évalualion du duché de Chàleau-Tliierry, le douzième fé-
vrier I()72.
Le H. P. Dom Félix Mauljean, iiremier supérieur d'Orbaiz
depuis sou union à la congrégation Sainl-Maur. ayant eu avis
Voir page 120, lome XV, de la Hevuc de Champagne et de Urie.
24
n:o
HISTOIRE DE l'abbaye d'ORBAIS
Producliou de
plusieurs ti-
tres pour con-
en 1671 que Icsdils sieurs Nicolai, Chomalus, Choart, Gode-
Troy, Coulenol et Beliu, commissaires dépuiez par .Sa Majesté,
I)rocédoienl à l'évaluation du duché de Chàleau-Thierry, pré-
senta requestc ausdits sieurs commissaires tendante à ce (jue
celle abbaye fût maintenue dans le droit d'usage, de chauffage
et bois-à-bâlir que celte abbaye a droit de prendre et per-
cevoir dans la forest de Vassy dépendante dudit duché de
Château-Thierry, suivant les donations à elle faites par les
comtes Thibaud, Henry de Champagne et de Brie, et autres
princes et puissants seigneurs, bienfacteurs, sur laquelle re-
quête, après avoir communiqué les lilres qui sont dans le
chartrier, et dont on va rapporter des extraits, il intervinl ju-
gement desdils sieurs commissaires du douzième février 1672,
par lequel, comme dit est, le chauffage fut réduit à vingt cor-
des de bois vif, et le bois-à-bâtir à quatre cordes de bois vif.
Lesdiles vingt-quatre cordes sont évaluées à quatre livres la
corde, et se payent à présent sur ce pied-là par M. le duc de
Bouillon, engagislc du duché de Château-Thierry donné, en
échange des duchez et principautez de Sedan, de Bouillon
et Raucourt, à Frédéric-Maurice de la Tour d Auvergne,
duc de Bouillon, par le Roy Louis XIII dit le Juste ' eu. . . ;
mais parce que ledit seigneur de Bouillon ou Buillon
exige tous les ans certains droits en argent et en avoine sur
cette abbaye, ou compense ces deux redevances, et par celte
compensation l'abbaye se voit aujourd'huy dépouillée entière-
ment de ses beaux droits d'usage, chauffage, bois-à-bâlir sur
ladite forest de Vassy.
Ledit R. P. Dom Félix pour conserver à cette abbaye les
droits dont on vient de parler, d'usage, paissonnage " et
server !e droit pâturage, etc., produisit ausdits sieurs commissaires plusieurs
de ruLboye. titres, leltres-patentes cv-devaul obtenues du Roy Charles IX.
du duc d'Alençon, de Henri III, par Jean de Pilles, abbé com-
meudalaire d'Orbaiz et son aumônier : actes, sentences, or-
donnances, etc., cy-devaut rendus en laveur de celle abbaye,
1. [Lisez : Louis XIV. — Frédéric-Maurice de la Tour, duc de Bouil-
lon, pair de France, comte d' Auvergne, lieuteuaut-général des armées du
Roi, ué à Sedan on 1603, mort à Poutoise en 1052. Il était l'rère uiaé du
firaud Turenue. Les duchés-pairies d'Albrct et de Clià'.eau-Tliierry lui
lurent cédés en échange des souverainetés de Sedan et Kaucourt par con-
trat du 20 mars 1651 passé avec le roi Louis XIV'. Le texte de ce contrat
est rapporté par le P. Anselme, llisl. généai, IV, 509.]
"2. [Paisson {paslio) . Droit de luire paître aux animaux les glands ou
autres l'ruils des lorêts.j
HISTOIHE DE l'aBBAYE d'oRBAIS 371
que l'on trouvera dans le chartrier, et qu'il faut lire pour s'ins-
truire à fond de cette affaire.
La première pièce produite est la sentence ou ordonnance Senicace de
dadit Christophe de Gomcr, maître particulier des eaux et fo- Gomcr.
rests, du 12 février mil cinq cens soixante et un, lequel, avant
que de prononcer, reprend au commencement de sa sentence,
dit et déclare « avoir vu et lu plusieurs pièces que lesditsreli-
" gieux, abbez et couvent avoieut produites pour établir leur
« dit droit d'usage etc. , entre autres la requête présentée par les
« vénérables religieux, abbé et couvent d'Orbaiz, tendante à
« ce qu'il leur fût marqué et délivré en les forests de Vassy et
« Barbillons la quantité de deux cens cordes de bois et dix
« milliers de fagots par chacun an pour leur chauffage par la
« marque et marteau du maître sergent de ladite forest sui-
« vaut les chartes, titres et sentences de mainlevée par eux-
« obtenues, certaines lettres et cbartres écriptes en latin don-
« nées par Henry, comte palatin de Champagne, de Tan mil
« cent soixante-cinq, qui avoit baillé et octroyé ausdits reli-
« gieux, abbé et couvent le droit d'usage par toute la forest
« de Vassy à prendre bois vif tant pour bâtir que pour le
« chauffage de leur dite maison, reconnoissant ledit Henry,
« comte palatin, que lesdils religieux, abbé et couvent luy
« avoienl quitté une partie de ladite forest de Vassy qui leur
« appartenoil. »
Un juge équitable, religieux exécuteur des intentions de Gomer injuste
ces pieux comtes de Champagne, moins insatiable et moins daas sou ju-
. . r> ' T . ' • 1 • 1- gcmeul ({ui
passionne que ce (jomcr pour s aggraudu' et s enrichir aux de- restreint et ré-
pens des biens de l'église et du peuple, et pour couvrir ses in- ^^^^K ¥, ^l'*^^^
justices, ses violences, ses rapines et ses malversations dans
1 administration de sa charge par le retranchement injuste des
droits le mieux établis, un lisant et pesant ce litre d'échange
si ancien, si juste et si authentique, lait entre ledit Henry,
comte palatin, et l'abbaye d'Orbaiz, l'auroit respecté fort re-
hgieusement et confirmé ; et, par son jugement du douzième
février 1501, auroit maintenu cette abbaye dans tous ses droits
d'usage, chauffage, et ù prendre bois-à-bàtir et réparer, sans
y rien retrancher ni le réduire, et eu même Icms sans faire
tort au Prince. Mais l'injuste Gomer, étant l'enuerai déclaré et
irréconciliable de Nicolas de la Crobc, abbé, quoique son pa-
rent, et de 1 abbaye d'Orbaiz, et toujours attentif à toutes les
occasions de leur nuire, et pour cacher les dégradations qu'il
commettoit dans la forest de Vassy à sou profit, embrassa
372
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
Mort
de Goiner le
treizième oc
tobre 1571 .
Lettres -paten-
tes de Char
les IX.
avec joye celte occasion de faire éclaler sa mauvaise volonlé ;
il ordonna pour cet elTect « qu'il seroit seulemeul délivré aus-
'( dits religieux et abbé d'Orbaiz par cbacuu au pour leur
« chauffage la quantité de cent cordes de bois et quatre inil-
« liers de fagots en bois mort, et mort bois et bois sec et
« entortillé, au lieu de bon bois » ; sans faire aucune mention
du droit dcsdils religieux et abbé de prendre bois-à-bàtir dans
ladite forêt de Vassy.
trafique Ce Gomer est le premier officier des eaux et forests qui
ait donné une si grande atteinte ausdits droits des religieux
si bien fondez et dont ils avoient joui si long lems sans inter-
ruption jusqu'à luy. Mais en parlant de Mcolas de la Croix,
on verra que la mesure des injustices criantes de Gomer étant
à comble, Dieu eu tira la juste vengeance par une mort préci-
pitée également funeste et tragique à la porte de cette abbaye,
le treizième jour d'octobre mil cinq cens soixante et onze.
Voyez cy-aprés.
La seconde pièce produite par Dom Félix Mauljean, sont les
lettres-patentes du roy Charles IX données à Saint-Maur-des-
Fossez, le 4*^ ma,y 1 567, obtenues par Nicolas de la Croix, abbé,
et les religieux, qui n'étant point contents du jugement dudit
Gomer, eurent recours à Charles IX qui coniirma à la vérité
leur droit en partie, en ajoutant au jugement ou sentence de
Gomer le droit de prendre bois-à-bâtir, mais ne leur accorda
que lesdiles cent cordes de bois et quatre milliers de fa-
gots. Quand une fois on a fait brèche et donné atteinte aux
droits et privilèges les plus justes et les mieux établis, on n'y
revient jamais, on trouve assez de motifs et de faux prétextes
pour frustrer les pieuses intentions deo bienfacteurs etdé})Ouil-
1er ouvertement les plus légitimes possesseurs.
Extrait des lelires-patentes de Charles IJ.
« Charles, par la grâce de Dieu Roy de France, à nos amez
« et féaux les gens de nos Comptes à Paris, grand maître en-
(( quêteur et général réformateur des eaux et forests do noslre
« royaume, et maître particulier des eaux et forests de Vitry
« et prévôt de Château-Thierry et Châtillon-sur-Marne, ou
« leurs lieutenants et chacun d'eux, salut et dilection. Les
« religieux, abbé et couvent d'Orbaiz nous ont fait remontrer
« qu'en l'année mil cent soixante-cinq, par accord lait avec
« Henry, comte de Champagne, reconnoissaut qu'ils luy
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
373
« aiiroient quitté une partie de la forest de Vassy qui leur
« apparlenoit, iccluy comte leur auroit baillé et octroyé droit
« d'usage pour toute ladite forest de Vassy à prendre bois vif,
« tant pour bâtir que pour le chauffage de leur dite maison
« indifféremment ; suivant lequel octroy et concession au-
« roient lesdits religieux, abbé et couvent joiïy dudit droit
« d'usage dés et depuis ledit tems de mil cent soixante- cinq,
« et auroient pris bois vif tant pour bâtir et pour toute autre
« sorte de bois vif et mort pour leur chauffage « et, rap-
portant la sentence dudit Gomer, dit que « si elle avoit lieu,
« ce seroit les frustrer totalement de la jouissance de leur dit
a usage et intention dudit comte de Champagne et autres fon-
« dateurs de ladite abbaye qui leur auroit été donné par dot
a et fondation d'icellc abbaye pour y entretenir le service di-
« vin, ce qu'ils ne pourroient faire si ils étoient frustrez dudit
a droit d'usage. A ces causes nous voulons et ordonnons
« être baillé et délivré ausdils religieux, abbé et couvent bois
« vif pour bâtir en leur dite maison et abbaye ; eu outre qu'il
« leur soit baillé et délivré par chacun an pour leur chauffage
« la quantité de cent cordes de bois et quatre milliers de fa-
« gots eu nôtre dite forest de "Vassy, elc » Voyez le reste
desdites lettres-patentes qui furent ensuite vérifiées à la
Chambre des Comptes de Paris le seizième ou dix-huitiéme
jour de juiu de la même année.
Dom Félix produisit encore plusieurs lettres-patentes tant L,eitres du duc
de Charles IX (11 may 1568, 25 août 1568) que de François ctiàteau^Thiér-
de Vallois (G sept. 1571, 30 sept. 4571) duc d'Alençon, Châ-
teau-Thierry, etc et de Henri III (août 1583, 1^'" dé-
cembre 1584) ^ roy de France, ses frères, qui tous ordonnoient
que l'abbaye jouira paisiblement et sans trouble desdits droits
d'usage, etc. . . . cy-dessus expliquez, nonobstant les fré-
quentes oppositions des eaux et foresls. Cependant au préju-
dice d'une si ancienne, si longue et si juste possession sans
interruption, lesdits sieurs Nicolai, Chomalus et autres com-
missaires députez réduisirent, comme on a déjà dit, le droit
de l'abbaye par leur jugement du 12 février 1072, à vingt-
f[uatre cordes de bois pour tout, sans rien accorder j)Our bâtir.
Et l'on doit bien s'attendre qu'à la première réformation, on
retranchera tout droit à cette pauvre petite abbaye, sous
ry, et de
Henrj IK.
1 . Toutes CCS piiSccs se conservent dans le cliartrier de I'at)baye, iton; la
di'iclaration des hiens, droits de l'abbaye présentée le 21 décembre 1347 au
Lailly do Vilry par Dom Pàquier Cliatton.
37-1 HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
prélcxte que la forest de Vassy ne sera plus en élal de fournir
et accorder la jouissance desdits usages tant à l'abbaye
qu'aux habitaus des villages circonvoisins. Car enfin il n'y a
point de droit si saint, si sacré et si bien établi auquel on ne
donne atteinte en surprenant la religion et les meilleures in-
tentions des souverains par le mauvais tour et les faux rap-
ports que leurs officiers leur font de l'état des choses pour ar-
racher d'eux le retranchement et l'abolilion des droits les
mieux établis accordez par leurs prédécesseurs ; et quand on
les a une fois retranchés, ou sçait par une expérience journa-
lière en ce siècle, que l'on n'y rentre jamais. Ceux qui appro-
chent des Princes trouvent assez de prétextes spécieux pour
colorer leur injustice dans ces retranchemens.
Thibaud IIP du nom, comte de Champagne et de I^rie, fit
rebâtir l'église de cette abbaye de Saint-Pierre d'Orbaiz. Il n'y
a plus aujourd'huy que le chœur, la croisée, le rond-point ou
pourtour avec les chapelles, qui subsistent en leur entier. La
nef, le portail et les deux tours a côté d'iceluy (supposé que
ces parties ayent été achevées, car ou n'en a aucune certitude)
sont en désordre et presque ruinés par la faute et négli-
gence des abbez commendalaires, plus soigneux de recevoir
les revenus et de les dissiper souvent en usages criminels que
de les employer en rép-i.rations.
Thibaud III ré- On coujoclure que c'a été Thibaud IIP du nom, comte pala-
tabliL f-etiee- ^-^^^ ^^^ Champagne et de Brie iqui commença de gouverner ses
p use VC^^ I cill i o * i •*
1200. Etais eu mil cent quatre-vingt-dix-sept , après la mort de
son frère aine Henri II dit le Jeune, mort en Palestine d'une
chûle de fenestre en lli'?,) qui a fait rebâtir ou du moins com-
mencer cette église, parce qu'on lit dans un mémoire de notre
chartrier intitulé : Singularités d' Orhaiz écrit par un ancien
religieux, le vingt-cinquième jour de novembre mil six cens
neuf, jour et fête de saint Réole, « (juil y avoit quatre cens
« neuf ans que le corps de cette église avoit été renouvelle
« par un comte Thibaud. »
Si la supputation de ce mémoire est exacte, il s'ensuit que
ce comte Thibaud qui lait commencer le rétablissement de
notre église est Thibaud IIP du nom qui, comme on a dit,
commença de gouverner en 1197 et mourut en 1201, ce qui
revient à l'année 1200 pour notre église, et qui auroit été
commencée la troisième année des quatre de son gouverne-
ment. Mais si la supputation de notre mémoire n'est pas tout-
à lait exacte, il faudra attribuer ce rétabhssement ou conti-
Tliibaud IV l'a
HISTOIRE DK l'aBBATE d'ORBAIS 375
nualion à son successeur Thibaud quatrième du nom,
aussi comln palalm de Champagne et de Une, ([ai peut avoir pcut-stre
fait achever ce que son prédécesseur nauroit pas eu le tems commencéo ou
, „ . , , 1 • 1 achevée.
de finir a cause de la brièveté de son gouvernement de quatre
ans seulement. Les fenêtres de la croisée sont différentes de
celle du rond-point et de la nef, ce qui marque une interrup-
tion ou changement de Prince, d'architecte et d'ouvriers.
Thibaud IV* du nom surnommé le Posthume ou le faiseur
de ch%nsons, comte palatin de Champagne et de Brie, et pre-
mier du nom roy de Navarre qu'il joignit à ses Etals vers l'an
1234 ou 1236 à cause de Blanche I'^ de Navarre, son épouse ',
fille de Sanche VI dit le Sage, et sœur de Sanche VII dit le
Fort ou TEnfermé, roy de Navarre, mort sans enfansen 1234
ou 1236, et étant de retour de la Terre Sainte, il mourut à
Troyes le dixième juillet 1254, après avoir gouverné ses Etats
de Champagne et de Brie cinquante-trois ans, et la Navarre
seize ou dix-huit ans. Il étoit fort affectionné à cette abbaj-e,
marchant sur les traces de ses prédécesseurs, comme il paroît
par la donation qu'il fait aux religieux, abbez et couvent d'Or-
baiz de tous les droits, coutumes, servitudes, corvées qui luy
étoient dues par trois lois l'an^ serfs el servantes, poules et
avoines el autres droits rapportez dans le titre de donation
dont voicy la copie eu latin, ladite donation datée du mois de
février 1228 :
« Ego Theobaldus Campanife et Bria^ comes notum facio uni- Donation do
« versis tam pra.'senlibus quam fuluris, quod ego attendcns Thibaurl IV
« consideransque familiarilatem necnon ainicitiam quam crga février'^ 1^028^
« me et charissimam dorainam meam, diu est, habuit ecclesia
<i Orbacensis, et eliam pro remédie anima» mea' et inclil;e re-
« cordalionis Theobaldi patris mei, donavi et concessi abbati el
« convenlui Orbacensi omnia jura, consuetudines, servos,
0 ancillas, el quorum seu omnium animalium Irahentium die-
« tas 1res in anno, quas habemus et possidemus apud Orba-
u cum et Villam qua' sublus Orbacum est vel alibi in villis
0 nieis, civitatibus sive caslris, videliccl quod unusquisque
I. [Lisez : sa mère. — Blanche de Navarre aviiil épousé Thibaut UL
De ce mariage est issu le rélèbn; Tliib:iud le Chansonnier, dil aussi le Pos-
thume, parce qu'il naquit après la morl di.' son père. En 1234, Thibaud IV
succéda au liôue de Navarre, comme héritier de Sanche VII, dil le l''orl,
son oncle inalcrnel. Ce coinle de Chainpa^rne lui marié trois l'ois. Il épousa
successivement Gcrtrudu de ')abo, Agnès de Beaujcu, cousine-germaine de
Louis VIII, et Marguerite 'h Bourbon.^
376 HISTOIRE DE I,' ABBAYE d'ORBAIS
« habitans dicli Orbaci solvel in perpeluura dicUr ecclesido in
« die nativitalis Domiui unam gallinain cuni mio solido turo-
a uensi. El ad Villam qua; sublus Orbacum est, quolibet
e anno, eodem die, diclœ ecclesife solvent duas galliuas et très
<v boissarios avenœ de consuetudinibus quas illic babco.
« Exccptistantum nobilibus et clericis. Quorum babitantium
« Villa? ostia dependendi licentiam do et concedo dicta; eccle-
« sise, neque ut possint dicti habitantes rependcre dictum
• ostium sine licentia dicta? ecclesia;, sub pœna trium libra-
« rum turonensium, si secus fecerint. Quod ut notum pcrma-
« neat et firmum tenealur lilteris annotatum sigilli mei muni-
« mine roboravi. Actum anno Domini millesimo ducentesimo
« vicesimo octavo, mense februario. Et sigillatum magno si-
« gillo, in cera rubea cum duplici cauda pergamenea ' impcu-
« dente. »
Traduction de ïacte précédent en vieîix françois.
« Nous Tbibaud, comte de Champagne et de Brie -, salut
« sçavoir faisons qu'en considération de la dévotion que nous
« et nôtre très chère et très honorée dame avons envers l'é-
(' glise de l'abbaye d'Orbaiz, eu égard aussi à la grande
« démonstration d'amitiée et fervent zélé de bienveillance des
n abbez et religieux de ladite abbaye envers nous, et pour le
« salut de nôtre âme et de celle de très heureuse mémoire
« Tbibaud nôtre honoré père, avons donné et accordé, don-
« nons et accordons à l'abbé et couvent de ladite abbaye d'Or-
« baiz tous les droits, coutumes, servitudes, serfs, servantes'
a et mèmement toutes corvées qui nous sont dues par trois
« fois l'an audit lieu d'Orbaiz et en la Ville appellée soùs Or-
« baiz, et en toutes nos villes, cités et châteaux. Et seront
« aussi tous et un chacun d'iceux habitans dudit lieu d'Orbaiz
« tenus payer par chacun an à ladite abbaye d'Orbaiz une
« poulie et un sol tournois, et ce au jour de Noël ; et à ce mê-
« me jour et tous les ans un chaciai des habitans de ladite
« Ville sous Orbaiz sera tenu payer à ladite abbaye d'Orbaiz
« deux poulies et trois boisseaux d'avoine. Les personnes
t nobles et clercqs en étant exempts. Donnons aussi par ces
\. 'Pergamena.]
2. Thibaud IV nn prend ic}' dans cet acte que le titi'o de comte de Cham-
pagne en 1228, parce qu'il ne fut roy de Navarre par Blanche I" de Navarre
qu'en 1234 ou 1236.
HISTOIRE DE L ABBAYE D ORBAIS
377
« présentes plain et entier pouvoir d'ùter et faire dépendre les
« huis des maisons des habitans de ladite Ville sous Orbaiz, et
« ce à ladite église et abbaye dudit Orbaiz, sans que nul de>-
0 dits habitans y puisse mettre empêchement, et où seroit
« trouve ce faire sera mis à l'amende de trois livres tournois
« envers ladite abbaye, ni ne puisse rependre les huis de leurs
« maisons sans la permission, licence et congé de ladite
« éghse sous la môme peine et amende envers ladite ab])aye
« et église d'Orbaiz. Et à fm que cette présente fasse foy et
« donne entière connoissance de nôtre susdite volonté, l'avons
« signée de nôtre propre main, y avons fait apposer nôtre
a grand séel en cire rouge pendant eu double queue en par-
a chemin. Fait l'an de Nostre Seigneur mil deux cens vingt-
H huit, au mois de février, »
L'abbaye d'Orbaiz ayant joui paisiblement, sans aucune in-
terruption ni trouble de tous ces droits, et prérogatives rappor-
tez dans les actes précédents pendant prez de deux siècles, un
certain Oudin la Tresse, apparemment esprit brouillon, inquiet
et séditieux, voulant secouer le joug de cette dépendance et
servitude de l'abbaye, s'avisa, cent quarante ans après cette
donation, de refuser de payer les droits, redevances annuelles,
et satisfaire à tous les devoirs, corvées, servitudes ausquelles
il étoit tenu et obligé envers ladite abbaye d'Orbaiz. Ce que
voyant les religieux, abbé et couvent d'icelle, ils en portèrent
leur plainte et requête par devant les gens tcnans et officiers
des assises tenues à Château-Thierry, lesquelz ayant vu les
ti'res desdits religieux, pezéet mûrement considéré et examiné
leur droit et possession, les confirmèrent, et condamnèrent
ledit Oudin de la Tresse à satisfaire entièrement aux demandes
des religieux, par leur sentence du huitième janvier 1368 dont
copie :
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront et oiront,
« Symon Frizon bailly. Madame la Royne Jehanne roync de
« France et de Navarre ', salut. Les religieux, abbé et couvent
« de l'église d'Orbaiz en Brie proposoient contre Oudin la
« Tresse que, à cause de leur église, ils étoient et avoient été
Un certain Ou-
din la Trosse
refusant de
satisfaire, y
est condamné
en 1368, le
8"= janvier.
3GS. Sentence
qui confirme
les droits cy-
<1 essu s et
condamne un
rofractaire ou
opp osant à
y satisfaire.
1. Cette princesse doit estre Jeanne de Franco, fdle du roy Jean,
laquelle naquit à Chàlcauneuf-sur-Loire le 2i juin 1313. Elle épousa au Vi-
vier en liric l'an 1351 [1353, Arl do vérifier les dates] Charles le Mau-
v.iis, roy de Navarre. Elle mourut en 1373, cinq aprds la sentence du lit
Symon Frison.
378 HISTOIRE DE l'aBBAYE d'oRBAIS
« en saisine et possession par long-lems, tel qu'il n'est nié-
« moire connue du contraire ou au moins suffisant à posses-
« sion et saisine avoir acquise, garder et retenir continiielle-
« ment, et demandoient d'avoir chacun an trois corvées à
« trois saisons, c'est assravoir mars, versaines ' et gain' de
« toutes personnes ayant bestes trayans ^ en leur ville et
« terroir d'Orbaiz pour icelles bestes traire et ouvrer un jour
« à chacune desdiles saisons pour et au proffil d'iceux reli-
ef gieux ; et aussi d'avoir de rente annuelle et perpétuelle pour
« chacune beste trayant six deniers au jour de feste Saint-
« Denis, chacun an, à toujours perpétuellement; etcenonobs-
« tant, ledit Odin avoit eu quatre bfcstes trayans en leur dite
« terre en l'an mil trois cens soixante quatre, et depuis cou-
« tiuûellemeut jusqu'à la Saint-Jehan-Baplisle Tan mil trois
« cens soixante-sept avoit contredit et refusé d'eux payer
« lesdites corvées et rente en leur troublant et empê-
« chant en leurs dites saisines et possessions à tort et de
« nouvel, si comme leur dit procureur disoit. Et pour ce
« avoient, par leur gardien, fait faire exploit en cas de
« nouvelleté contre luy et avoient prins et mis le débat et
i( la chose contcntieuse en la main de Madame, comme Sou-
<' veraine, et jour assigné aux parties à certaines de nos assi-
« ses piéça ' passées ausquelles par ces moyens et autres fût
« par lesdits l'eligieux tendu afin qu'ils fussent tenus et gardez
« par nous en leurs dites saisines et possessions, ce nouvel
« trouble et empêchement en la main de madite Dame fus-
« sent estez à leur proffit, et qu'il fût condampné et contraint
« à cesser d'iceulx nouveaux troubles et empêchemens, et à
(1 eux payer lesdites corvées et rente pour lesdites années
« passées et doresnavant tant comme il tenrroil bestes trayans
« en leur dite terre, et aussi qu'il fût condampné en leurs
(I dépens faits et à faire en cette poursuite. Considérant
« ce que dit est et aussi certaines lettres de grâce à eux oc-
1. [Terre préparée pour la semence.]
2. [Automne, saison où Ion cueille les fruits appelés va^-ns ou gains.]
3. [Bêles afi Irait. — On trouve, au xiv siècle, des exemples de formu-
les semblables : « Les corvées de bestes traians c'est assevoir de
« bestes trois fois en l'an... i> — n Troiz créées de charrue... c'est assa-
« voir à trois saisons. Tune on mars, l'autre en verseret et l'autre en
« wayn. » — Chartes de 1320 et 1326 citées par Ducange, Gloss., Vi».
« Tremisium et Versana.]
.'(. [Vieux mot qu'on a interprété par pièce a, il y a pièce (de temps), il
y a longtemps. — Dict. de Liltré.J
HISTOIRE DE l'aBBAYE d'oEBAIS 379
« troyées du Roy nôtre Sire et madite Dame par lesquelles ils
« étoient relevez du laps du temps qui avoit couru contre eux,
0 et étoient reçus à faire poursuite eu cas de nouvelleté, ou
« autre telle comme bon leur sembleroit, et en ce cas-cy et
c tout autre regardée qu'ils n'avoient pas poursuy leurs droits
« pour l'occasion des guerres qui avoient été au pays. De par
« ledit Odin, à fin contraire furent proposées saisines et pos-
« sessions contraires, et furent les parties appointées ^ à bailler
« leurs faits et raisons par escript; et après plusieurs coutinii-
« ations en état et aux présentes assises, le dit Oudin a renoncé
0 à son opposition, voulu et consenti être condampné en la
« demande desdils religieux. Sy faisons assçavoir que vue et
« oùye la renonciation et consentement dudit Oudin, nous
« l'avons condampné et condampnons par nôtre sentence def-
« finilive et par droit en ladite demande desdils religieux et
« en leurs dépens faits en cette poursuite, la taxation d'iceulx
« réservée par devers nous. En témoins de ce, nous avons
« séellé ces présentes lettres de nôtre propre séel. Donné en
« nos assises de Château-Thierry commençeans le huictiéme
« jour de janvier Tau mil trois cens soixante et huit. »
Ces différens droits rapportez dans les actes précédens te- Autre procédu-
nans fort à cœur aux habitans dOrbaiz, Oudin la Tresse n'a '"^ contre des
. . p ,. ■ r ■ particuliers
pas été le seul qui ait rolusé dy satisfaire exactement, puis- pour ces
qu'en l'an mil cinq cens trente six, les religieux, abbé et cou- 'iroits.
vent d'Orbaiz présentèrent leur requête (qui se conserve
encore dans le char trier) au maire ou bailly d'Orbaiz, ou à
son lieutenant, contre les nommez Jean Le Fètre, Pierre Bon-
net et autres vassaux, pour être par eux payé et satisfait des-
dits droits de coutumes, poulies, argent, corvées, etc
Mais enfin tous ces beaux droits cédez et accordez à cette Droits perdus ci
abbaye par les comtes de Champagne et de Brie étant extrô- P""^-*^" -•
mement seigneuriaux et onéreux, et par conséquent tout à
fait odieux aux habitans et vassaux qui y étoient obligez, ils
ont tâché petit à petit de secouer le joug et de s'en décharger,
profitant du malheur et du prétexte des guerres, de l'introduc-
tion des commandes, de la négligence des officiers et receveurs
de l'abbaye qui n'ont pas été soigneux de les faire rendre
exactement. De là vient que la plus-part de tant de si beaux
droits sont perdus et prescrits.
1. [Appointer (adpunciare, réduire à un point). Celait, dans l'ancien
droit, soumettre une airuire à l'instruction par écrit, lorsijuo le juge la trou-
vait trop compliquée pour Gtre débattue oralement.]
380 HISTOIRE DE l'aBBAYE d'ORBÂTS
n^ ,, 1 1 Thibaud dit Le Jeune, second du nom roy de Navarre, et V"
iJonation de la ' j '
tcrro (le du nom comtc de Champagne et de Brio, successeur de
^'paT'^Thlbaud ^^ P'^^*^* ^^ ^^® l'affection de ses glorieux et illustres ancêtres et
v.roydeNa- prédécesseurs pour cette abbaye, comme de leurs couronnes
da"chan°pa- ®^ ^^^ Icurs Etats, voulut luv eu donner des marques sensibles
gne, le 8- jour ct qui subsistent encore et dont l'abbaye jouit encore aujour-
d avril 1209. (^'j^^y^ C'est la donation de la terre, ou du moins de la plus
grande partie de la terre et seigneurie de Champ-Renaud si-
tuée dans la paroisse de la Ville sousOrbaiz, dans les bois, à
une petite lieue de l'abbaye, dont voicy la copie tirée sur une
copie en parcliemin vidiméele douzième jour de juin mil qua-
tre cens et unze par Regnault Barbelée et Siméon Gaus-
sart :
Acte de ladite « A. tous ceux qui ces présentes lettres verront, Renault
donation vi- ^ Barbelée, garde, de par le Roynôtre Sire, du séel de lapre-
dimécet séel- o i i ^ i
lée le 12 juin « vôté de Châtillon-sur-Marne, salut. Sçavoir faisons que nous
^^*^ • « et Siméon Gaussart, juré du Roy nôtre Sire à ce faire establi
a en ladite prévôté, avons aujourd'huy vu et lumot-à-mot cer-
« taines lettres saines et entières d'écriture et séellces du
« séel de cire vermeille pendant en lac de soye dont mention
« est faite en icelles, desquelles la teneur s'ensuit : Nos Theo-
« baldus Dei gratia rex NavariVT, Campania? et Brife comes
0 palalinus, universis prœsenles litteras iuspecturis notum
« lacimus quod nos, ob remedium et salutem animée nostrœ
0 et animarum parentum, antecessorum et successorum nos-
a trorum, damus et concedimus in puram et perpetuam elee-
« mosinam ecclesiœ OrbacensiSuessionuensisdiœcesis lerram
« et trefîundum sex viginti arpentorum terrée essartandorum
« et assignandorum in nemoribus nostris de Vassy cum justi-
a tia eorumdem, videlicet per cheminum quo itur de Orbaco
« apud Igniacum-Jardi V . . . contiguendorum et tenendoruni
« a campis grangiœ de Campo-Renaudi ecclesiœ memoratee ;
a quœ sex viginti arpenta supra dicta volumus et concedimus
u quod ecclesia supra dicta teneat, habeat et possideat perpe-
« tuo in nianu-mortua, libère, pacifiée et quiète, in bisgardam
a nichilominus retiiientes. In cujus rei testimonium et muni-
1 . Il y a ici quelques mois effacés. — [ic Usque ad haleiz d'Igni. >> —
lialeiz signifie enclos, territoire (La Curne de Sainte Pnlaj'c, Gloss.) —
Ces mots sont ceux qui manquent dans le manuscrit do Dom Du Bout. Je
les restitue d'aprôs une copie de la charte de Thibaud V conservée à la Bi-
hliothèquo Nationale, Mss. Collection de Champagne, t. 133, p. 2Î)5. Cet
acte a été catalogué par M. d'Arbois de Jubainville, flist. des comtes do
Champagne, sous le a» 3026, à la date du 8 avril 1209.]
HISTOIRE DE l'aBBAYE d'ORBAIS 381
« meu perpeluum pr;vsenlos lilteras sigillo uostro fecitnus ro-
« borari et sigillari. Daluiu per nos apuJ Trecas, die marlis
« post Ramos Palmarum, anuo Domiiii millesimo ducenlesi-
« mo sexagesimo uono, mense aprili. — En témoiusde laquelle
« visiou. uous garde desusdit avons séellé ces lettres du
« séel et coutre-séel de ladite prévôté, sauf tous droits. Ce fut
« fait le douziesme jour du mois de juin l'au mil quatre cens
a et uuze. Et plus bas signé S. Gaussart avec paraphe. »
Cette terre de Champ-Renaud a été augmentée depuis la ^^ ^^^^^ ^^
donation précédente, soit par de nouvelles donations, acquisi- Champ-Kenaud
lions, soit par des réunions des terres cy-devant liefFées, et ai'Sniu'i'-ée.
depuis réunies au premier domaine non fieffé donné par le
comte Tiiibaud, faute d'hommes, droits et devoirs seigneu-
riaux non rendus par les vassaux, car elle contient présente-
ment deux cents arpents de terre tant en terre à labour, prez
et bois taillis dans lesquelz on devroii trouver à présent de
beaux chênes et en grand nombre, si l'on avoit fidèlement ob-
servé les Ordonnances de nos Roys.
Jean de Pilles, abbé commendataire d'Orbaiz,fitet donnacette Donnée à qua-
terreà bail emphytéotique, ou pour quatre-vingt-dix-neuf ans, à tre-vingt-dix-
Robert Baudiére, soi-disant seigneur de la Chapelle-Monthau-
don, à condition d'en payer et rendre par chacun an à l'ab-
baye cinquante livres de rente annuelle foncière, à raison do
cinq sols pour chaque arpent, et cinquante et quelques sols,
et un chappou de rente seigneurialle, et d'y faire construire
une maison, manoir, chambre, étables, écuries, grange, cou-
îombier, comme il est plus au long marqué et déduit dans
ledit bail fait et passé à Orbaiz au logis où pend pour enseigne
Y Fais de France, le sixiesme de septembre mil six cens trois,
par Jacques Maraudez, fondé de la procuration de Jean de
Pilles.
Cette terre de Champ-Renaud a passé des mains de Robert y^n emphvtdo-
de Baudiére, après plusieurs mutations, en celles de Charles tique liùi en
Denizet, marchand de Dornians-sur-Marne, qui l'avoit fait
décréter ' sur le sieur de Courtival, sou débiteur; liiais les enfaus
dudit feu Cliarles Dcuizet ont dû déguerpir et rendre ladite
terre de Chanq)-Renaud à l'abbaye au mois Je septembre 1702,
y ayant dû auparavant faire construire une ferme, suivant
ledit bail. — Il y a de gros dédommagements à demander pour
les abatis et dégradations commises par les détempleurs do
ladite terre.
1. [Vendre par unêt de justice, — Ane, jurisp.]
382 HISTOIRE DE L'aBBAYE DORBAIS
Un petit mémoire de notre chartrier nous apprend quEli-
zabclh, converse, avoit donné aux religieux de cette ab))aye le
franc-alleu ou le bien et domaine de Clairfontaine en tVanc-
alleu. Obiii Elizahelh conversa qnœ dédit noMs allodium Cla-
ris fontaine. (Extrait d'un obiluaire de ce monastère).
Nous apprenons du même endroit que Hélézindice, laïque,
étant morte, Milon, abbé, donna pour le repos de son âme
trente sols à cette abbaye à prendre sur une terre, plante ou
vigne de Bayart. Obiit Helezindix la'ica, pro qua Milo abhas
dédit noMs triginta asses super planta de Bayart. — On nesçait
qui est cet abbé Milon, si c'est de l'abbaye d'Orbaiz ni en quel
lems ces deux bonnes filles ont vécu .
Une dame, appellée communément dame Haleine ', a donné
à l'office de Ihrésorier un clos appelle communément le Clos
Dame-Heleine situé dans l'enceinte des murs d'Orbaiz vers
l'occident; ou dit [pour elle] une grande messe tous les ans
au commencement du mois de novembre. Ce clos a été
fieffé moyennant une rente.
Bienfacteurs et On n'entreprend pas de faire icy l'éloge de ces pieux Roys
faitsinconnus ^^ France et de Navarre, et Comtes de Champagne et de Brie;
ou envahis à on renvoie les lecteurs aux historiens qui ont fait l'histoire de
de tiires'^^ou France, de Navarre et de Champagne ', où on verra en détail
par différens leurs différentes actions en paix et en guerre, leur pieux em-
âCClUCDS 6t
usurpateurs, pressement, leur libéralité à fonder des monastères, leur zélé
ardent et leurs infatigables travaux pour contribuer à arracher
des mains des infidèles les saints lieux honorez de la présence
de Jésus- Christ, pour les rendre à l'église.
On s'est contenté de rapporter icy une partie de leurs bien-
faits et libéralitez envers cette abbaye dont on a pu avoir
1 . On croit qu'elle a été iahumée le long du mur de la chapelle
de la Sainte Vierge au-dessous de la fcuôlre à droite vers le midi.
On voyoil encore en ITOD un tombeau dans le gros mur et une grande
tombe de pierre bleue-noire sur laquelle étcit gravée la figure d'une femme
qu'on croit représenter cette dame Heleine. — [Il ex.istc encore aujour-
d'hui, dans l'église d'Orhais, à gauche de l'entrée, près de la chapelle des
fonts, une dalle funéraire rcprésoutant assez exactement un visage de
femme. M. L. Courajod date ce monument do la fin du xiu'-' siècle eu du
commencement du xiv», et pense qu'on peut y voir le tombeau de dame
Hélène. Il en a donné la reproduction, d'après un estampage, et la de^^crip-
lion dans le Pavage de l'église d'Orbais, p. 6 (Extrait de la Hevue archéo-
logique), Paris, Didier, 1876.]
2. [On consultera surtout avec fruit la savante histoire des Ducs et des
Comtes de Champagne, par M. H. d'Arbois de Jubainville.]
HISTOIRE DK L ABBAYE DOBBAIS 383
connoissance (le reste l'auLe de litres nous élaut iucouuu) pour
eu couserver et eu faire passer le souveuir à lios successeurs
et exciter leur piété, leur recoinioissauce envers ces illustres
bienfacteurs.
La perte de nos titres et anciens monumeus, le défaut de
mémoires causez par les différentes guerres et les incendies
de cette abbaye eu différens tems , les siècles qui se sont
écoulez depuis sa fondation, c'est-à-dire prez de mille ans, et,
si ou l'ose dire, la négligence de nos prédécesseurs à écrire ce
qu'ils ont vu et sçu, nous out dérobé la connoissance des
noms, qualitez, bienfaits, donations, fondations, libéralités de
plusieurs grands Roys, Princes et Seigneurs qui se sont géné-
reusement dépouillés pour enrichir cette abbaye de leurs do-
maines. De sorte que l'on ne sçait positivement aujourd'huy à
qui l'abbaye est redevable eu particulier du peu de bien
qu elle possède encore (par rapport à son ancien domaine) qui
a échappé à la fureur des guerres, îx la rage des hérétiques et
à la cupidité des différens usurpateurs aucieus et modernes.
Dieu conserve le reste !
Extrait de Nécrolo(}e de l'abbaye de Saint-Pierre-
d'Orbaiz contenant les noms de quelques bienfac-
teurs.
L'auuéc de leurs donations et le jour de leur mort ne sont
marquez, mais seulement leurs bienfaits :
Obiit Magister Renaldus et Emangardia mater ejus, qui
dederunl nobispratum quod dicitur Gohier.
(Jbiit Xicolaus dictus Piuot qui dédit uobis uuum [jratum
apud la Planchette du Lohan.
Obiil Petrus dictus Triboul et Emelina uxor ejus qui dede-
runt uobis uuam domum qu;e dicitur la Cave.
Obiit Johannes dictus Moler, laïcus, et Emelina. uxor ejus,
(jui dederunt uobis pratum a[)ud Capellam et uuum stalluin
iu foro.
Obiil Girardus do Fesligay, miles, qui dédit uobis octo .sex-
tarios bladi et octo as^es ceusus.
Obiit Heliseuda laïca, pro qua Milo abbas dédit uobis Iri-
ginta asses super plaula-de-liayart. — Cette lléliseude éloil
384 HISTOIRE DE l'abuaye dokbais
peul-èlrc une e.'^clave du monastère comme celles de Thomas
abbéeul2i3.
Obiit Cicrva&ius. clericus, de Courbouiu (jui dédit nobis pra-
lum à la Caze el duodecim denarios.
Obiit Johannes Marguot et Johauueta uxor ejus, qui dede-
runt nobis et ecclesiee nostrœ unum pralum à la Chapelle con-
tenant un arpent, tenant à Jean Gosse d'une part, et d'autre
aux enfans. . . . Godard. Item une autre pièce contenant trois
quartiers à la Chapelle, au terroir des Déserts, tenant d'une
part à Gilles Godard, el d'autre à Georges Gaslelle Barbier de
Montmirel.
Obiit Constanlinus laïcus qui dédit nobis decem solidos
supra unum hortum ad Saucluni Prrejectum.
Obiit Pelrus Blanchet et Isabel ejus uxor, qui dederuut
nobis dimidium arpentum prati juxtapratum quod dicilur le
Pré-l'Abbé.
Obiit Johannes Fossier qui dédit nobis decem solidos supra
unum hortum ad Sauctum Prtejectum.
Obiit Petrus, sacerdos necnon professor hujus loci ', qui
dédit nobis unam douium ad SanclumPrjejectum el niol:ain]'
quee est relro domum.
Obiit Elizabelh, conversa, qu;e dédit nobis allodium Claris-
fou lis, le tief, terre et seigneurie de Clairfontaine.
Obiit Petrus, laïcus, qui dedil nobis unum pralum dessous
les Chance.
Obiil Johannes Malhé, prier hujus loci, qui émit molendi-
nuni Kichardi.
Obiit Pelrus, miles, pro cujus anima dederunt nobis fralres
ejus viginli asses ad procuralionem iVatrum ad ponlem de
^. [Obiil Petrus sacerdos i.'ecnon profussor hujus loci... Ciel article de
l'ubiluaire du couvent confirme la conjecture d'après laquelle il y a eu au-
trefois à Orbais une académie célèbre. Dom Du Bout en lait mention aux
chapitres I et VIII de son Histoire manuscrite . « L'abbaye, dit-il, avoit des
« écoles publii(ucs où on enscignoit les belles -lettres, les hautes sciences et
« la piété. )>]
2. [Peut-CMre tuolam, élévation de terrain. — Le texte porte mot
(sic).]
HISTOIRE DE l'abbaye d'orbais 385
Dormant, et imum inodiuiu Iruuieuli ad inoleadiiium de Cou-
blisi '.
Guillaume de Pateisson, écuyer, et damoiselle Marguerite
Massardc, sa femme, laquelle damoiselle autborisée de sou
mari, a donué eu aumôue à l'église de céans uu arpeut de pré
séaul en Testaug des Noës-le-Prévôt, au lieu dit aux Gravois,
à la charge d'une haute-messe à toujours célébrer chacun an
eu ladite église.
Simon Buschez, chalellain-gouveruedr ou seigneur d'Eper-
nay, fait une donation cà l'abbé et aux religieux de Saint-Pierre
d'Orbaiz pour qu'ils prient Dieu pour ses ancêtres et pour luy
après sa mort. L'acte de celte donation est du mois d'aoust
mil deux cens dix-sept, et rapporté cy-aprés.
[A suivre).
1. [Aujourd'lnii Combliz}', commune du canton de Dormans.]
25
LES SEIGNEVRIE ET PÉÂULTEZ
DE
BOVRBONNE
ENSEMBLE LES DÉDUICTZ ET DESNOMBREMENS d'iCELLES
Etude historique sur les documents existant aux archives
612-1786 •
PIÈCES JUSTIFICATIVES
IX
IlOLLE des Redevances en argent dues par
les babîtaiis de BourboiniBC-lcs-Bains,
A Monsieur le Comte DAVAUX, Brigadier des Armées du Roy,
seigneur, marquis dudict Bourhonne, pour la présente année
mil sept cent quatre-vingt-trois .
SÇAVOIR :
André ilusson, manouvrier 2 1. o s.
Andrée Morlot, drogueticr 2 5
Anne Fromotte, fille manouvrière 1 2 6d.
Antoine Belle, Tainet manouvrier 2 5
Antoine Caussin , manouvrier 2 5
Antoine Durand Chérubin, manouvrier 2 5
Antoine Godard, serrurier 2 5
Antoine Hémery, manouvi icr. 2 5
André Gérard, manouvrier 2 5
Antoine Belle, vigneron 2 15
Antoine Billolle, manouvrier ?■ V\
Antoine Deslandes, manouvrier 2 5
Antoine Voillcquin, laboureur de 1;4 ^ 5
Antoine Perron, laboureur de 1/2 8 10
Anne Besançon, manouvrière 1 2 6 d.
Antoine Braconnier Vaîné, manouvrier 2 lo
Antoine Braconnier le jeune, manouvrier 2 5
Antoine Chaly, manouvrier 2 5
Voir page 294, iomc XV, de la Revue de Champagne cl de Une.
LKS SEIGNEVRIE ET FEAVLTEZ
387
Autoiue Liessard, laboureur de 1/2 8 10
Alexis VaucLer, manouvrier 2 5
Antoine Grdpinet l'aîné, manouvrier '- o
Antoine Arthaux l'aîué, coutelier 2 5
Antoine Durand Coularot, manouvrier. 2 5
Antoine Rolin, manouvrier 2 15
Antoine Compas, manouvrier
Aune Périnée, couturière
Antoine Roblet, macouvrier
Anne Oudin, bourficoise
Anne Pierre, manouvrière
Antoine Arthaux le jeune, coutelier
Antoine Besançon, manouvrier
Antoine Henry, manouvrier
Antoine La Veuve, plâtrier
Antoine Thonnelior, manouvrier
Antoine Vernier, manouvrier
Antoine Detroyes, manouvrier
Antoine Le Signe, manouvrier
Antoine Panarioux, manouvrier
Antoine Courtin, manouvrier
S. Balthazard Perrignon, bourgeois
Ballbazard Le Signe, manouvrier
Barthélémy Petit, manouvrier
Bertrand Poirson, laboureur de 1/4
Bernard Malingre, manouvrier
Basile Favrel, sellier
Victor Favret, sellier
Charles André, pâtissier
Charles Durand l'aîné, manouvrier
Charles Lallemand, manouvrier
Claude Demongeot, menuisier
Claude Maillard l'aîné, laboureur de 1/4
Claude Maillard le jeune, laboureur de 1/4
Claude Miol, laboureur de charrue entière
Claude Nicolas, laijoureur de charrue entière
Claude Durand le jeune, laboureur de charrue entière.
Charles Durand, jardinier
Charles Mcnuetrier, postillon
Charles Perron, laboureur de 1/4
Claude Bûcheron
Claude Matron, menuisier
Claude Poinsot, tixier
Claude Hémery, tixier
Claude Merciol, manouvrier 2 5
Claude Morlut, manouvrier _ _ '- ^
Claude Pelletier, vitrier 2 S
Claude Robert, invalide .^ 2 o
Claude Pelletier Blondin, laboureur do ly 4 ^ '
Claudette Thouneliur, manouvrière ^ - '• ^•
Callierine Guy, manouvrière 1 '- C d .
Charles Bablon, manouvrier , 2 lô
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Mémoire.
2 5
2 5
2 5
388
LES SEIGNEVRIE ET FEAVLTEZ
Charles Chcvriot, laboureur de 1/2
Charles Paris, mauouvrier
Claude Bouvier, charron
Claude Chaly, mauouviier
Claude Duraud, laboureur de 1/4
Claude Toussaint, tixier
Charles Garnier, perruquier
Claude Lefevre, manouvrier
Charles-Nicolas Chevalier, laboureur de 1/4
Claude Gagnant, menuisier
Claude Pichon, charron
Claudette Damance
Charles Maillard, boulanger
Claude Guillot, vigneron
Charles Bernard, m'"'
Claude Genué, m"'
Claude Lambert, manouvrier
S. Charles Bernard, receveur des traites
Charles Bourgeois, laboureur de 3/4
Charles Cadet
S. Claude Chevalier, bourgeois
Claude Durupl, cordonnier
Claude Francard, m"
Claude Lauxerois, manouvrier
Claudette Henriot, manouvriôre
Claire Maupin, manouvrière
Claude Doyen, vigneron
Claude-François Gevré, aubergiste et laboureur de 1/4
Claude Gevré, perruquier
Claude Cocus, laboureur de 3/4
Charles-Nicolas Burel, épicier
S . Charles Aubertin, apothicaire
Claude Péchiué, m»"'
Catherine Bacq, manouvrière
Le sieur Charles Berthaud, procureur
Demoiselle Dénarié Dùlon, bourgeoise
Dominique Besançon, manouvrier
S. Didier Chevalier, laboureur de charrue entière
Didier Vincent, manouvrier
Didier Marey, mauouvrier
Veuve Dieudonnée Chevalier, bourjj;eoise
S . Dubois, officier
Kdme Clément, laboureur do 1/2.-
Edniée Meuzy, manouvrière _
Etienne Boclot, manouvrier
Etienne Thounelier, ciiajdier
Etienne Légaré, tanneur
Etienne Laurent, charron, labour» ar de 1/4
Etienne Roux, manouvrier
Eloy La Ribc, manouvrier ».,
Etienne le Cler, mauouvrier
Edmc Galimée, manouvrier . . . . ^ ,
8 10
2 5
2 5
2 15
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G d.
6 d.
6 d.
6 d.
6 d.
G d.
DE BOVRBONNE 389
Edme Thonnelicr, laboureur de i/4 4 5
S . Etienne Thomas Derevosge 2 5
Edmc Hignéc^ manouvricr g 5
Elionne Thiéry, manouvrier 2 5
Elizabeth Ilumblot, manouvrière 1 2 G d.
Etienne Cliaudot, m" 2 5
Etienne Plantier, perruquier 2 5
Etienne Roblct Mémoire .
S. Etienne Thorct, receveur 2 5
S. Etienne Franchimont, marchand 2 5
Ednic Gaudin, invalide, manouvricr 2 5
Etienne Maclot 8 10
François Belouard, laboureur de charrue entière 17 »
François Bruleret, maréchal-ferrant 2 5
S. François Bresson, bourgeois 2 5
François Déchanel, manouvrier 2 5
François Luquet, manouvrier 2 5
François Borne, laboureur de 1/4 i 5
François Chevalier, laboureur de 1/4 4 5
François Gcvrée, laboureur de charrue entière 17 »
François Hudson, manouvrier 2 5
François Petit, laboureur de 1/4 4 5
François Thonnelier Carré, manouvrier 2 5
Françoise Legros, manouvriôre 1 2 Cd.
Françoise Timard, couturière 1 o gd.
François Anselme, manouvrier 2 5
François Cadet, laboureur de 1/4 4 K
François Déchanet le jeune, manouvrier 2 5
François Detroyes, laboureur de 1/2 8 10
François Govré le jeune, manouvrier Mémoire.
François Muriaux, manouvrier. 2 5
François Chaly, manouvricr 2 5
François Chevriot, laboureur de 3/4 12 15
François Peguignat, laboureur de 1/2 8 10
François Lerron, laboureur de 1/4 4 5
François Benoisl, manouvricr 2 5
François Bonnet 2 5
François Morlot dit Morlet, laboureur de 1/2 G »
François Pelletier dit La Même, manouvrier 2 15
François Beauvalet, manouvrier 2 5
François Chaudron, jardinier 2 5
François Ravier, serrurier 2 .1
S. François Chamblant le jeune, manouvrier 2 K
François Gautherot, chaplicr 2 l>
François Floriot, laboureur de charrue entière 17 »
François Lnuzanne, menuisier 2 r>
François Mutinot, manouvrier 2 '6
François Thiériot, manouvrier 2 .'i
François Bouvier, manouvrier 2 îi
François Bouvier, manouvrier 2 îi
François Chevalier, manouvricr 2 îj
François GcolFroy, manouvricr 2 5
f)
5
390 LES SEIGNEVRIE ET FEAYLTEZ
François Lfisallc, vigneron 2
François Morlcl, manouvricr 2
François Beauvalet le jeune, manouvrier 2
François Billottc. laboureur de charrue entière 17
François Durand, manouvrier 2
François Gaillon, manouvrier 2
S . François Aslier, marchand 2
François Henriot, manouvrier 2
François Lavisée,' manouvrier 2
François Renard, cordier 2
François Bernier, manouvrier 2
François Darct, manouvrier 2
François Le Signe dit le Vigneron d'Aubigny, ma-
nouvrier 2
François Gaillard, manouvrier 2
François Voqué, cloutier 2
François Cocus, manouvrier 2
S . François Raguet, bourgeois 2
François Liegos 2
François Pichon, manouvricr 2
François Metlot, manouvrier 2
François Caussin fils, lixier 2
Gabriel Coffin, laboureur de 1/4 4
Gérome Durand, laboureur de 1 /^ /<
Gérôme Menuetricr, perruquier
Georges Mel, aubergiste 2
Hubert Charles, manouvrier 2
Honoré Contant, manouvrier 2
Hugues Roger, laboureur de 114 :i
Hubert Merciol, manouvrier ■i
Hubert Pierre, manouvrier 2
Jean- Baptiste Le Signe, coutellier. , 2
Jean-Baptiste Le Signe, manouvrier 2 3
Jean-Baptiste Monget Mémoire .
Jean Barret, manouvrier 2 f)
Jean Bordet, manouvrier 2 15
Jean Le Signe l'ainé, manouvrier Mémoire.
Jean-Baptiste Charles, manouvrier 2 3
Jeanne Vigneron, manouvrière Mémoire.
Jacques Lauxcrrois, vigneron 2 5
Jean Billotte Milicien, laboureur de 1/2 8
Jean-Bap liste Bourgeois, laboureur de l/'i 4
Jean Cadet, laboureur de 1/4 4
Jean Damance, manouvrier 2
Jean Marchai, menuisier 2
Jean Sergent, manouvrier 2
Joseph Laribc, manouvrier 2
Jean-Baptiste Chardin}-, manouvrier 2
Jean-Baptiste Gevré Labbé, manouvrier 2
Jean-Baptiste Janny, manouvrier 2
Jeau-Baptiste Morizot, manouvrier 2
Jean-Baptiste Thomas, majiouvrier 2
5
10
5
5
fi
5
5
5
5
DE BOVRBONNE
301
Jean Belouard, manouvrier 2 S
Jean Chevalier, manouvrier 2 o
Jean Chevalier, Ifibourcur de charrue entière 17 »
Jean Davigot, manouvrier 2 5
Jean Durand tout vif, manouvrier 2 5
Jean Durand dit Louis, laboureur de 1/2 S 10
Jean Gay, laboureur de charrue entière Mémoire.
Jean Guyot, laboureur de 1/2 8 10
Jean-Nicolas Gevré dit Jannée, laboureur de 1/2 8 10
Jean Savcrne, charron 2 o
Jean Thonnelier Futé, laboureur de 1/2 S 10
Jean Thoret, roauouvrier 2 3
Jean Dagrenat, manouvrier 2 5
Jacques Logerot, manouvrier 2 5
Jean-Baptisle Deslandes le jeune dit Papou> manou-
vrier 2 ?
Jean-Baptiste Detroyes, laboureur de 3/4 12 15
Jean-Baptiste Floriot, manouvrier 2 5
Jean-Baptiste Gérard, manouvrier 2 5
Jean-Baptiste Sauton, manouvrier 2 15
S. Jean Barat, notaire , 2 o
Jean-Claude François, manouvrier 2 o
S . Jean-Claude Raguet, bourgeois 2 15
Jean CoUin, manouvrier 2 0
Jean Gaucherot, manouvrier 2 o
Jean Morlal, manouvrier '. . , 2 5
Jean-Baptiste Mutinot, manouvrier 2 5
Jean Thonnelier dit le Vert, laboureur de 1/2 8 lO
Joachim Fèvre, laboureur de li2 8 10
Joseph Daret laine, laboureur de 1/4 /, g
Jean Thonnelier le jeune, manouvrier, dit Lucire 2 5
Jacques Bordel, manouvrier 2 5
Jacques Péchiné, laboureur de 1/4 4 5
Jean Aubertin Molandon, manouvrier 2 H
Jean-Bapliste Besançon, invalide 2 5
Jean-Baptiste Chouard, manouvrier 2 .">
Jean-Bapttste Ilumblct, manouvrier 2 5
Jean-Baptisle Jeaugey, manouvrier 2 t\
Jean-Baptiste Mennetrier, manouvrier 2 Ti
Jean-Baptiste Péquignat, laboureur de moitié charrue. 8 10
Jean-J3aptiste Tête Vuide, laboureur de 3'i. . 12 15
Jean-Claude Maillard, manouviier 2 5
Jean-Claude Perron, laboureur de 3/4 12 15
Jean Ilut, serrurier 2 5
Jacques Methey, manouvrier 2 5
Jean-Baptiste Garnier, manouvrier 2 5
Je&n-Baptisle Thonnelier, chapelier 2 5
Jeiin-Joseph Broche^ marchand 2 ■'>
Jean Huguenot, laboureur do 1/2 K 10
Jacques Mutinot, manouvrier 2 r>
Jean-Bapliste Colin Tainé, vigneron 2 5
Jean-Baptisle Dcslandes l'aiué, manouvrier 2 5
392 LES SElGrNEVRIE ET FKAVLTEZ
Joan-Baplisic Dolroyes, manouvrier 2 5
Jcan-B;iptislc Durand dit Morot, manouvrinr 2 .l
Jcan-l?aptisto Gaillard, vigneron 2 5
Jean-Baplislc Luquet, manouvrier 2 5
Jean-Biiptiste Odinot, labourenr de charrue entière. ... 17 »
Joan-Baptisle Vitruy, manouvrier 2 5
Joan Caussin, lixier 2 5
Jean Cuny, charpentier. 2 5
Jean Demorgon, manouvrier 2 5
Jean Odinot, laboureur de charrue entière 17 »
Jean Piquée, laboureur de 1/4 4 5
Jean Braconnier, manouvrier 2 5
Jean-Baptiste Belle, manouv fier 2 5
S. Jean-Bapiiste Bourdault, laboureur de charrue en-
tière 17 »
S. Jean-Baptisle-François Chevalier 2 5
Jean-Baptiste Maillard, boulanger Mémoire
Jean-Baptiste Pelletier, vitrier 2 5
Jean-Baptiste Thorelli, tailleu r 2
Jean-Claude Damidot, manouvrier 2
S. Jean-Claude Noblot 2
Jean Cofûn, manouvrier 2
Jean Durand, chapelier 2
Jean Lambert l'ainé, manouvrier 2
Jean Mercier, boulanger 2
Jean-Nicolas-Robert Caynard 2
Jean Vernier, vigneron 2
Jean Vigneron 2
Joseph Lecler, charron 2
Joseph Corte, bouilleur 2
Joseph Bouilly, maréchal-ferrant 2
Jean-Baptiste Delahaye, cordonnier 2
Jean-Baptiste Qcvré, manouvrier 2 5
Jean-François Le Signe, laboureur de 1/4 Mémoire
Jean Frenet, tixier 2 5
Jean-Baptiste Thoret le jeune, tailleur 2
Jean-Baptiste Dagrenat, manouvrier 2
Jean Morlot, manouvrier 2
Jean Nicolas, laboureur de 1/2 2
Jean-Baptiste Guyot, manouvrier 2
S. Jean-Baptiste Mongin, chirurgien- major 2 5
Joseph Delahaye 2 5
Jean Fortin, invalide Mémoire
Le sieur Dafircville 2 îJ
S. Jean-Baptiste Mongin, invalide 2 5
Jean-Claude Bourgogne, invalide 2 5
Jean-Baptisic Renard, manouvrier 2 5
Jean Logerol, manouvrier 2 5
S. Jean Robert 2 15
Joseph Darct le jeune, serrurier 2 îi
Jean-Baptiste Cuny le jeune, charpentier î 5
Jean-Baptiste Francard, manouvrier 2 5
5
15
5
5
5
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5
5
15
5
5
5
5
5
5
5
5
5
15
DE BOVRBONNE
393
Joan Dagrenat, manouvrier 2 5
S . Jean Pcclié, l)ourgeois 2 5
Jean Vincent, manouvrier 2 5
Ji'an Renard, manouvrier 2 5
Jean-Claudo André Mi'moirv'' .
S. Jean Bonnet, manouvrier 2 îi
Jean Lambert le jeune, manouvrier 2 5
Joseph Guillcmard, manouvrier 2 5
Louis Baral, laboureur de 3/4 12 15
Louis BeauvaU't, tonnelier 2 5
Louis Bouclieseiche, laboureur de charrue entière 17 »
Louià Bourgeois, armurier 2 5
Louis Gevré, manouvrier 2 5
Louis le Gros 2 5
Louis Le Signe, laboureur de 2/4 do charrue Mémoire.
Louis Morlot, manouvrier Mémoire.
Louis Pichon, manouvrier 2 5
Louis Dagrenat, manouvrier 2 5
Laurent Juré, boucher 2 5
Louis Gallot, manouvrier 2 15
Louis Garnier, manouvrier 2 5
Louis Husson, manouvrier 2 5
Louise Close, manouvrière 1 2
S . Louis Besançon 2 5
Louis Varcnne, manouvrier 2 15
Louis Durand, manouvrier 2 5
Louis Floriot, manouvrier 2 5
Louis Odinot, laboureur de charrue entière 17 »
Louis Mongin 2 S
Louis Petit 2 5
Louis Gay, manouvrier 2 5
Louis Horiot, laboureur de 1/2 Mémoire. 8 10
Louis Morlot, manouvrier 2 15
Laurent Jachicz, manouvrier 2 T)
Mammès Thouvenel, laboureur de 1/2 8 10
Marie Flocard, manouvrière l 2
Madeleine Franchiinont, couturière 1 2
Maurice Mergcr, bourlier 2 5
Mammès Le Signe, manouvrier 2 'ô
Michel Benoist, manou\Tier 2 T)
Marguerite Gallot, manouvrière i- . . . . 1 2
Michel Bouland, tixicr 2 îi
Marianne Vaucher, manouvrière 1 2
Lo S. Mammès, procureur 2 5
Marie Lasalle, manouvrière 1 2
Marie Vaucher, manouvrière 1 2
Marie et NicoUc Aubertin, manouvrière 1 2
Marguerite Odinot, manouvrière 1 2
Marie CoUin, manouvrière 1 2
Marie Pariset, manouvrière Mémoire.
Mathieu Gravier 2 îi
Michel Deshaycs, manouvrier 2 îi
6 d.
6 d.
0 d.
« d.
6 d.
(; d.
f, d.
9 d.
0 d.
0 d.
394 LES SEIGNEVRIE ET FÉAULTEZ
Marie Lavisée, manouvvière 1 2 6d.
Michel Finot, laboureur de 3/4 de charrue. Mémoire.
Nicolas Blaisy, laboureur de 1/2 8 10
Nicolas Braconnier, laboureur de 1/2 8 10
Nicolas Clément Tainé, laboureur de 3/4 12 15
Nicolas Coffin le jeune, manouvrier 2 5
Nicolas Coffin Tainé, manouvrier 2 .t
Nicolas Gérard, menuisier 2 o
S . Nicolas Legros, bourgeois 2 5
Nicolas Maignien dit Tiercy, laboureur de 3/4 12 15
Nicolas Morlot, drapier 2 5
Nicolas Morlot Montigny, laboureur do 1/4 4 5
Nicolle Borne, couturière 1 2 6d.
Nicolas Grand Didier, savetier 2 5
Nicolas Husson, manouvrier 2 5
Nicolas Le Gros, laboureur de 3/4 12 15
Nicolas Lequel, menuisier 2 5
Nicolas Mercier, boulanger 2 5
Nicolas Robert, manouvrier 2 5
Nicolas Villomot, vigneron 2 5
Nicolas Bel, cordonnier 2 5
Nicolas Billotte Lally le jeune, laboureur de charrue
entière 17 «
Nicolas Chevalier Chezeaux, laboureur de 3/4 l2 15
Nicolas Chevalier Perdroit, laboureur de charrue en-
tière 17 »
Nicolas Chevalier le jeune, laboureur de cbarrue
entière 1 7 »
Nicolas Gevré L'Iîotesse, laboureur de 3/4 12 15
Nicolas Damance y> »
Nicolas Meusy » »
Nicolas Plouard, manouvrier 2 5
Nicolas Vigneron, manouvrier 2 15
Nicolas Chcvriot Mémoire.
Nicolas Colin le frère, manouvrier 2 5
Nicolas Daprenant, manouvrier 2 5
Nicolas Henriot, plâtrier 2 5
Nicolas Noirot le jeune, manouvrier 2 5
Nicolas Prenée, manouvrier 2 5
Nicolas Thonnclier, chaplier 2 5
Nicolas Billolte Lally Tainé, laboureur de 1/2 8 10
Nicolas Despreles, manouvrier 2 T.
Nicolas Durand, manouvrier 2 15
Nicolas Morlet, laboureur de 1/4 4 o
Nicolas Perron, manouvrier 2 5
Nicole Thomas, manouvrièro 1 2 6d.
Nicolas Favret, sellier 2 5
Nicolas Flcury, boulanger 2 5
Nicolas Raim, manouvrier 2 5
Nicolas Renault, manouvrier 2 5
Nicolas Detroycs, manouvrier 2 5
Nicolas Le Signe, manouvrier 2 5
DE BOVRBONNE
395
Nicolas Methey et son frèro, manouvriors 2 5
Nicolas Odinot, laboureur de moitié Il y>
Nicolas Torchebœuf 2 13
Nicolas Varonne, manouvrior 2 15
Nicolas Arthaux 2 5
S . Nicolas Aubcrtin, bourgeois 2 o
Nicolas Balée, laboureur de charrue entière 17 »
Nicolas Daret, manouvricr :2 5
Nicolas Maigret, manouvricr 2 5
Nicolas Thoret, manouvricr 2 3
Nicolas Chaudron, laboureur de charrue entière \1 »
Nicolas Iloriot, manouvricr 2 5
Nicolas Maignien dit Milicien, laboureur de 1/2 8 10
Nicolas Marguerilte, laboureur de 1/4 4 3
Nicolas-Joseph Maramès, maître de latin 2 5
S . Nicolas Simon, chirurgien 2 3
Nicolas Chaly, manouvricr 2 3
Nicolas Marchand, manouvricr 2 5
Pierre Couturier^ jardinier 2 3
Pierre Goncourt, cordonnier 2 5
Pierre Jacquet, laboureur de charrue entière 17 »
Philippe Bel, maçon 2 5
Pierre Robinet, manouvricr 2 3
Pierre Fournier, tixier 2 6
Pierre Légaré, tanneur 2 5
Pierre Pelle, vitrier 2 3
Phihppe La Salle, vigneron 2 13
Pierre Gevrée, manouvricr 2 3
Pierre Grepinet, manouvricr 2 o
Pierre Guillaume, manouvricr 2 5
Veuve Pierre Jacijuot l'aine 2 o
Pierre Jeaugey, laboureur de 1/2 8 H)
Pierre Monnetrier 2 3
Pierre Mutinot, manouvricr 2 3
Pierre Theveny, laboureur de 1/2 8 10
Pierre Le Signe, manouvrier, 2 5
l'ierrc Roy, l'orestier 2 5
Pierre Bâton, manouvrier 2 3
S. Pierre Magnin, bourgeois 2 15
Pierre-Nicolas DuCresne, boucher 2 3
Pierre Renault, manouvrier 2 5
Pierre Adhuv, manouvrier 2 3
Paul Morlet, cordonnier 2 3
Pierre Barat, manouvrier 2 3
Pierre François, manouvrier 2 3
Pierre Tixier, manouvrier 2 3
Robert Mathieu, invalide Mémoire.
Roy, concierge 2 3
Pierre Franchiraont 2 3
Pierre Henry, manouvrier 2 3
Sébastien Louvier, manouvrier 2 3
S. Simon Didier 2 13
396
LES SEIGNEVRIE ET FEA.VLTEZ
Simphorien Pionnier, manouvricr
Simon Monot, laboureur do 1/2
Sébnstienne Cuny, manouvrière
Simon lîegrand, laboureur de 1/4
Si^basUon Roy, employé des fermes ,
Théodore Pelletier, plâtrier
Toussaint Pionne, manouvrier
Théodore Le Signe, manouvrier
Toussaint Odinot, laboureur de charrue entière
Thomas Guyenet, marchand
Toussaint Balée, laboureur de charrue entière
Toussaint Salle, laboureur de 1/4
Zachario Billardet
S. Viard
Victor Favret, sellier Mémoire.
Veuve Antoine Varenne, manouvrière
Veuve Damance, laboureur do 1/2
Veuve Guillot, manouvrière
Veuve Paspont, manouvrière
Veuve Jean Lcgrode, laboureur do 1/4 de charrue
Veuve Nicolas Chevalier Saint-Court
Veuve Colinet, manouvrière
Veuve Thiériot
Veuve Rolin, manouvrière
Veuve Champou, manouvrière
Veuve Claudon, couturière
Veuve Nicolas Danery
Veuve Nicolas Legros, marchande
Veuve Désirée Pelle
Veuve Melchior, manouvrière ,
Veuve Anselme, manouvrière
Veuve Janncl, manouvrière
Veuve Brigand, manouvrière
Veuve Boulanger
Veuve Nicolas Noiret, laboureur de charrue entière. ..
Veuve Philippe Garée, laboureur de 1/4
Veuve Voillequin, laboureur de 1/4 de charrue
Veuve Claude Pierre, laboureur de 1/2
Veuve Claude Thoret, manouvrière
Veuve François Braconnier
Veuve Gevrce L'Hôtesse
Veuve Jean Damance, manouvrière
Veuve Jean Gallot
Veuve Nicolas Varenne
Veuve Toussaint Thonnelier dit le Mire
Veave Antoine Durand
Veuve Antoine Paspont
Veuve Claude Dolaino
Veuve François François, manouvrière
Veuve Frauçois Gevré, aubergiste
Vcuvo François Gérard, manouvrière
Veuve Hubert L'Albin
10
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2
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DE BOVRBONNE
Veuve Gaiilhier
Veuve Jean-Baplisla Thoret
Veuve Jean Dapreuant
Veuve Jean Paspont
Veuve François Cailloux, manouvrière
Veuve François Collin
Veuve François Detroyes
Veuve François Jeaugey. manouvrière
Veuve Jean Billotle l'ainé
Veuve Jean Cormuel, manouvrière
Veuve Antoine Bel
Veuve Antoine Clément
Veuve Claude Garnier, manouvrière
Veuve François Bordet, manouvrière
Veuve Jean Richard, manouvrière
VeHve Louis Demorgon, laboureur de 3/4 1
Veuve Lapoupée, manouvrière
Veuve Viardot, couturière
Veuve Cliamblant
Veuve Durnéc
Veuve Ilenriot^ manouvrière
Veuve François Lcgros
Veuve Germain Roy
Veuve Albert, manouvrière
Veuve Minel, manouvrière
Veuve Thomas Derevoge
Veuve Jean-Baptiste Valferdin
Veuve Valette, manouvrière
Veuve Dame Aubertin
Veuve Nicolas Darct
Veuve Dame Oudin
Veuve Laurent, laboureur de 1/4
Veuve Pierre Valferdin
Demoiselle Legros
Veuve François Lasalle
Veuve François Maillet
Veuve Thonnelier Bergopsomme
Veuve Dame Pallurie, bourgeoise
Veuve Jean Nicolas
Veuve Guyot la jeune
Veuve Bourdault, manouvrière
Veuve Nicolas Iloriol, manouvrière e
Vi;uve Nicolas Lesigne, manouvrière
Veuve Dame Tuillière, bourgeoise
Veuve Guyot l'ainé
Veuve Fouesse
Veuve Clau.sse, manouvrière
Veuve Jean-Huptiste Grenand
Veuve Bernard Maillard
Veuve Pelletier, manouvrière
Veuve Toussaint Morlet, manouvrière
Le sieur Demonlardy, bourgeois
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Mémoire.
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Mémoire,
6 d.
G d.
G d.
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G d
G d
G d
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G d
G d
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G ,1
398 LES SEIGNEVRIE ET FEAVLTEL
Veuve Jean -Claude Gérard, manouvrière
Veuve Germain
Veuve François Chaillot '.
Veuve Louis Jaccjuot
Veuve Rome, manouvrière
Veuve Jean Galandre
Veuve Claude Chaly, manouvrière
Veuve Jean-Baptiste Plantier
Veuve Pierre François, manouvrière
M . Juvct, médecin
M , Demoutrolle, médecin
6 d.
6 d.
6 d.
Privilégiiez.
M. le Curé.
M. le Prieur.
M. Guyot, prévost,
M. Gliappelle, lieutenant.
M. Chaudron, Pr. FI.
M. Odinot, greffier.
Joseph et Nicolas Chaudot, sergents de police.
Fascenet et Billardet, gardes-chasse.
Claude Voirin, garde pensionné.
N. Husson, tambour.
Les sieurs Paul Guériot, Basserel, D'Epinal el Bourgeois, cavaliers de
maréchaussée.
Le sieur Bannefroy, maître d'écoUe.
Anne Lobrot, maîtresse d'écolle.
Claude Petit el Antoine Gaillet, fermiers de M. le comte D'A vaux.
Dominique Voillequin, Jean Yoillequin, Charles Chaudron, Joseph Ragot et
W. Ambroise, fermiers de M. le comte D'Avaux.
A Monsieur
Monsieur le Prévost en la prévosté de Bourbowie-les-Daiiis .
Requiert le Procureur fiscal en icelle qu'il vous plaise, vu le roUe
des autres parts le déclarer exécutoire contre les y dénommés en con-
séquence ordonner tous exploits de justice et nécessaires contre eux
pour le payement de ladite cotte sauf l'appro sur laquelle les
opposans seront appelles devant vons à la diligence du soussigné.
Ce vingt-cinq décembre mil sept cent quatre-vingt-trois.
Vii le Réquisitoire cy-dessus ensemble le rolle des autres parts des
droits seigneuriaux faisant droit, Nous avons ledit Rolle déclaré exé-
cutoire contre les y dénommés au payement do leurs cottes et articles
par tous exploits de justice diis et nécessaires, après la publicaûn
DE BOVBBONNE 390
préalable duclil RoUe aux termes de sa contenue, ce qui sera exécuté
par provision nonobstant et sans préjudice d'a|)i)el ou opposition sur
laquelle l'opposant sera appelle devant Nous.
Donné ledit jour, 25 décembre 1783. Guyot.
En conséquence de l'ordonnance cy-dessus et à la diligence de
M. le Procureur fiscal, le présent Rolle a été publié à l'issue de la
messe paroissialle à ce que })orsonnc n'en ignore par moi, sergent
soussigné .
Ce 23 janvier 1785. Champon.
A. Lacordaire.
IDÉE
DU VERITABLE HOMME DE LETTRES
Discours de 191. DIIEUX DU RADIER
Dans line Société de Gei^is de Lettres, à. Ghâlons
Nous croyons intéressant de reproduire le discours pro-
noncé à la Société littéraire de Châlons, par l'un des hommes
de lettres notables du xviii'^ siècle. Il constate l'importance de
celte compagnie dans laquelle avait tenu à entrer un écrivain
qui jouissait alors d'une grande notoriété ; il fournit en même
temps de curieux détails sur la manière dont était alors com-
pris le rôle de l'homme de Lettres ; il est bon de le comparer
avec notre état social actuel .
Jean François Dreux du Radier (1714-1780) était né à Chà-
teauneuf-en-Thimerais, lieutenant civil et criminel auprésidial
de Chartree, il se démit pour s'adonner complètement aux
études littéraires. Auteur de nombreux mémoires insérés dans
les journaux du temps, on lui doit : Bibliothèque historique et
critique du Poitou, 5 vol., 1754 ; Tablettes historiques, 3 vol.,
1 759 ; Mémoires historiques des Reines et Régentes de France,
G vol., 1770 ; Histoire des Fous eu litre d'office, 1 vol., 17G9 ;
l'Europe illustrée, G vol., 1755, etc. l\ a laissé aussi plusieurs
traductions. Les travaux sont lourds, r^ais remj)lis de faits cu-
rieux et étudiés avec soin.
Messieurs,
L'u'lopliou duul vous m'iiouorcz, est uuc grâce, d'autant plus touchante,
que ue l'ayant pas mérité, à peine osui-jo la souhaiter. En prévenant des
vœux (jue pouvoit former Tamour-propre, mais que la réllexion élouHuit,
votre choix est entièrement l'ouvrage de vos bontés. Elles ont rempli l'es-
pace qui nous séparoit. Votre amour pour les Lettres vous a rendus indul-
gcns, vous avez svu que je les cultivois ; vous avez fait au goût l'honneur
qu'où fait au talent mémo. C'étoit un foihle trait, mais c'éloit un trait de
ressemblance avec vous, et dès là je ccssois d'être tout à fait étranger pour
vous.
IDÉE DU VÉRITABLE HOMME DE LETTRES iUl
J'oserois prcsiiue vous comparer, Messieurs, à ces avides cultivateurs,
qui, dons la vue d'augmenler leurs richesses el leurs établissemeas, risquent
quelques démarches, hasardent des travaux, dont le succès moins heureux
dans un terroir que dans un autre, ne laisse pas d'augmenter leur domaine.
Sans doute vous avez compté aussi sur vos exemples pour celle espèce de
culture qui peut fertiliser, enrichir le terroir le plus ingrat.
Telles sont les idées que m'inspirent votre réputation, la justice que jo
sçais me rendre, vos bienfaits, ma reconnoissance. Je connois, Messieurs,
les bornes étroites de mes taleus littéraires.
De l'habitudo au travail dès l'enfance, de la constance dans mes éludes,
un goût vif, des projets, dos entreprises que je n'aurois pas dû former, exé-
cutés ; ce sont les seuls titres que je puisse produire dans la République des
Lettres. Ils ne suffisent pas pour y donner cette noblesse que vous y avez
acquise ; mais au moins ne dérogent-ils point à vos sçavans exercices. Dans
uu élève vous aurez un admirateur ; je vous suivrai des yeux : sur le théâ-
tre où vous brillez vous aurez un acteur qui se chargera du Plaudile dos
Anciens. Que votre modestie, qui se refuse aux éloges les plus mérités, me
permette au moins un tribut d'une autre espèce. Si je n'ose prendre le pin-
ceau pour tracer votre portrait particulier, qu'il me soit permis d'eu esquis-
ser quelques traits dans l'idée générale que j'ai conçue du véritable hommo
de Lettres.
Dans ce tableau, Messieurs, il est des traits qui paroissent n'être pas in-
variables ; ce sont ceux que le goût, le tems, les circonstances, le génie, la
nature même peuvent y placer. Je veux dire l'ordre, le style, la méthode.
Mais les principales couleurs, les traits dominars ne varient point ; ils sont
toujours les mêmes. Un homme de Lettres est essentiellement sous Louis
XV ce qu'il étoil sous Louis XIV^ sous François I<=', sous Auguste. Ces
traits décidés, primitifs, invariables, qui sont-ils? Sinon l'étendue que l'é-
tude donne à l'esprit, l'ornement qu'une lecture bien digérée lui fournit, la
richesse que lui procure un commerce suivi avec la sçavante antiquité et
nos illustres modernes, ce génie d'examen, de discussion qui est l'âme du
sçïvoir, c'est-à-dire du véritable homme de LeCtres; un air de tête plus ou
moins noble, une draperie plus oi moins légère, des oraemens ajoutés ou
retranchés, ne décident point la ressemblance. On peut être, a dit le plus
judicieux de nos maîtres ', adroit à bien formei les extrémités, les ongles,
les cheveux, sans passer pour peintre. Je pense aussi qu'un style net et
délicat, qu'une expression brillante ne forment point l'homme de Lettres. Si
l'écrivain n'a que ces taleus, je lui dirai avec Horace : Infclix operis
summa quia ponere tolum nesciet.
Avoir une belle chevelure, de beaux sourcils, el un nez ou une bouche
dili'orme, te n'est point être une beauté ; être borné au mériie du st\le et
de l'élocutiou, ce n'est pas être un homme de Lettres. Est-il quelqu'un cjui
n'ait des taleus naturels plus ou moins brillans? Qu'on ait l'usage du
monde, de l'éducation, du discernement ; avec un peu d'exercice et de rélle-
xion ne s'acquiert-oa pas un style, une expression juste el élégante même?
Combien de personnes du monde, de femmes de goût seront gens de Let-
tres, s'il suffit d'écrire avec grâce, avec enjouement, avec feu, avec jus-
tesse ? 11 n'est pas d'homme à la Cour, à qui la qualité d'homme de Lettres
ne soit due, si le système que je combats e^t reçu. Vous le savez, Mes-
1 . Horace, art. Poét.
26
402 IDKE DU VÉRITABLE HOMME DE LEITRES
sieuis, dans ce qui part de la plume des personnes dout je viens de parler,
rien do plus ordinaire que dy trouver dos grâces, un naïC, un ton, qui ne
sont dûs qu'à l'habitude, qui imitent tellement la nature qu'ils ne sçauroient
passer pour des talens acquis. Un discours poli, une pièce légère, un ou-
vrage de sentiment ou d'imagination en prose ou en vers ne caractérisent
point un homme de Lettres. Plaire, amuser^ est l'ouvrage de l'esprit : le
Littérateur a un but plus noble , il veut instruire ; l'utile se joint à l'agréa-
ble dans ses productions ; et si la nature indulgente lui refuse l'heureux don
de plaire, il se retranche dans l'instruction.
Disons-le hardiment, les éloges exclusifs que l'on donne depuis quelques
année.-., à des talens que le travail n'a ni formés, ni fait naître, ce mépris
déplacé des Littérateurs profonds du dernier siècle sont plutôt l'apologie de
la paresse et peut être de l'ignorance, que celle de l'esprit.
Permettez-moi, Messieurs, do jeter avec vous un coup d'œil sur les peuples
qui se sont distingués dans les sciencps, et qui font encore l'objet de notre
admiration. En est-il de ces hommes célèbres, dont le nom immortel a forcé
la loi des tems ; en est-il dont les monumens ne nous annoncent que des
talens dûs à la nature, ou à l'éducation, que des heureux dons do l'esprit?
et s'il s'en trouve quelques-uns dont le hasard bien plus que les soins de
la postérité nous ail transmis les productions.
Sont-ils nos guides, nos modèles, l'objet de cet espèce de culte que nous
rendons si avidement &ux écrivains fameux qui nous présentent l'homme de
Lettres dans toute son étendue ?
Je ne vous parlerai point ici d'Homère, d'Héiiode, de Pindare, de Théo-
crile, de tous ceux que la Grèce a mis au rang de ses premiers poètes. On
peut le dire sans craindre l'ironie du bel esprit, ils étaient philosophes, his-
toriens, mythologistes ils étoient tout. Il faudrait n'avoir aucune con-
naissance de Platon, d'Aristote son disciple, de Théophraste, pour avancer
qu'ils n'avaient pas joint une littérature profonde à l'étude do la nature. Que
d'érudition, que de connaissances, Athènes n'eut-elle pas lieu d'admirer
dans ses orateurs ? Leurs écrits nous l'annoncent ; ils en sont des témoins
irréprochables. Qui sçait mieux que vous. Messieurs, qu'Hérodote, Xéno-
phon, Thucydide et Polybe ne s'en étaient pas tenus au mérite du génie,
du bel esprit ?
L'idée que l'ancienne Rome nous donne de ses écrivains, est la même.
Cicéron, Horace. Tile-Live, Virgile m'étonnent par le nombre prodigieux
de leurs talens acquis. La nature, forcée par leurs travaux, leur avait dé-
voilé ses secrets. Les tems les plus reculés étaient sans ténèbres pour eux;
familiers avec les siècles qui les avaient précédés, avec toutes les nations,
tous les pa\'s ; ils en possédaient la religion, les mœurs, la politique, les
lois civiles et militaires.
Rappelez-vous, Messieurs, quels étaient Galon, Brutus, César el tous
ceux qui ont droit à votre admiration, et vous vous rappellerez des prodiges
d'érudition, de vrais littérateurs. Mais il est des genres ou la littérature,
plus dangereuse qu'utile, étouffe le génie au lieu de l'étendre. Quels sont
ces genres de composition? Osera-t-on le dire de l'histoire, quelles sortes de
connaissances no deniaude-t-oUe pas 7 Que peut ignorer ou plutôt que ne
doit pas s<.avoir celui qui prétend développer tant de faits diliérens, peindre
tant d'objets, exposer les causes el les ell'ets de tout ce qui peut intéresser
la postérité ? L'éloquence qui n'est soutenue que par l'esprit el l'imagina-
tion brillante de l'orateur, peut-être l'art du sophiste, mais elle ne fera
IDÉE d'un véritable HOMME DE LETTRES 403
jamais le talent du véritable orateur. Uii beau naturel, un sçavoir exquis,
UDc érudition choisio, une élude continuelle, une application constante au
travail voilà les parties de loraleur. Ce sont les traits sous lesquels le
père de l'éloquence nous représente un homme qu'il admirait. Eral in
Brulo, nous dit Cicérou, natura admirabilis, exquisita doclrlna, et indus-
tria singularis. Ce sonl ces parties réunies qui ont formé les Bossuet, les
Bourdalone pour nos temples ; les Normand, les Cocliin pour notre bar-
reau.
En disant que l'érudition a formé des orateurs pour le barreau, aussi bien
que pour la chaire, c'est dire que la jurisprudence est nécessairement liée à
l'érudition, et c'est avancer une vérité prouvée par autant d'exemples qu'il
y u eu de célèbres jurisconsultes. L'érudition, la variété des connaissances,
la profonde littéralure, sont si essentielles au jurisconsulle, que j'ose dire
que sans leur secours on ne sçaurait aspirer qu'au titre obscur de pra-
ticien .
Comment fixer le vrai sens de la loi, comment en apprécier tous les ter-
mes, sans posséder la langue du législateur, sans connaître les circonstan-
ces, les mœurs, les usages, les objets qui donnent lieu à la loi ?
Point d'historien, point d'orateur, point de jurisconsulte sans érudition, je
dis plus : le poète qui veut se frayer un chemin à l'immortalité, qui aspire
au sort des chefs de notre pâmasse, doit être sçavant, érudil, homme de
Lettres .
Peut-être ces écrivains délicats, a qui le nom seul d'homme érudit fait
penr, et qui lui préfèrent avec une contiance pleine de vanité les ombres, les
chimères, les riens qu'ils décorent du nom de sentiment et de délicatesse,
trouveront leur système établi, en France, avec honneur ; s'ils le croyent,
cette opinion injurieu-e à la nation, ne prouve que leur ignorance.
Notre histoire littéraire ne nous présente le règne de l'esprit dénué d'une
érudition solide, qu'en nous offrant le règne de la barbarie. Dès qu'on voit
naître eu France l'aurore des sciences, on y voit naître l'avidité du sçavoir,
l'élude des bons auteurs, le goût des discussions, de la critique, ce flambeau
que l'homme de Lettres doit toujours avoir à la main.
Charlemagne, le premier de nos rois ((ui connut le mérite du s(;avoir.
pensa à étendre les bornes de l'esprit par lo connoi^sanre des langues et de.t
bon.s auteurs. Sou empire devint llorissant par la voie des conciuêtes : il
ouvrit la même voie au génie, eu lui ouvrant la route de l'érudition. Nous
nv trouvons plus rien qui mérite notre atlentiou, sous les rejoues faibles de.
ses enfants, parce que l'esprit, livré à lui-même, ne chercha plus de guides.
Le mépris de l'érudition repiodui.-.it la barbarie. Charles \, connu sous le
beau nom de Sage, reprit le de.sseiu cl suivit l'exemple de Charlemagne. Il
eut recours à des gens de Lettres, et les traductions des meilleurs ouvrages
servirent à faire disparoitru les productions futiles et absurdes de nos vieux
Troubadours ; de ci-s gens qui, n'ayant d'aulre ressource que l'esprit et l'i-
magination, étoieut tombés dans une indigence effroyable. François pre-
mier, ce monarque qui mérita le nom de Père des Lettres k tant de titres,
parut eulju : jamais siècle ne fut fci Buvant, ni si éclairé. On vit naître des
orateurs, des historiens, des médecins, des jurisconsultes. La langue Fran-
çoise qui étoit auparavant le règne di; ce iJiince, un chaos, un jargon sans
règles, sans principes, devint riclie, brillanlf, agréable, capable <le la dignité
de rhisloire, de la pompe de l'éluqueucc, du précis dos précej)les, de l'agré-
niont de la narratiou. Nos négociateurs s'exprimèrent avec justesse, nos mé-
404 IDÉE d'un véritable homme de lettres
decins avec clarté, nos jurisconsultes avec force el précision, nos historiens
avec noblesse. La critique et l'érudition produisirent ces heureux chan-
gemens.
L'esprit des Français fécondé, jiuidé par les anciens, devint capable de
tout ; mais le génie ne parut point assez. Le goût fut étouflé : non, Mes-
sieurs, il fut créé; il n'existoit point avant ce règne. Les du Belley, les de
Thou, les Dumoulin, les Sainte-Marthe, les Rapin, les Duperron, les Mal-
herbe même en sont les fruits. Si quelques sçavans ont abusé de leurs
richesses, en les entassant avec trop de faste et d'ostentation, s'ils se sont
contentés de rassembler des biens qu'ils pouvoient s'approprier avtc un peu
plus d'art, est-ce un défaut qui doive nous indisposer contre leurs écrits,
jusqu'au point de les décrier et de n'en pas profiter? Quoique l'or qu'on tire
des mines ne soit pas encore dégagé des parties grossières qui l'environnent,
ne doit-on rien à l'ouvrier qui l'a tiré des entrailles de la terre, et faut-il
qu'il ail passé par la main des artistes les plus adroits pour fixer nos désirs
et notre attention ? Les commentateurs du xvi' siècle ont été trop pesans ;
convenons-en : ils se sont contenté d'arracher des épines sans semer des
ileurs ; mais ils nous ont laissé un terrain défriché. Quelque objection
qu'on puisse faire, l'homme raisonnable et sans préjugés préférera toujours
cet or en lingot au clinquant mis on œuvre, ces diamants même bruts à du
verre, ces trésors mal arrangés à une indigence réelle.
Quand je lis les ouvrages des Scaliger, des Turnebe, des 'Vossius et des
Casaubon, il me semble voyager dans une de ces plaines fertiles, où le fro-
ment, qui couvre toutes les terres, n'ollre de toutes parts qu'une abondance
exclusive des agrémens de la variété et du coup d'œil. 11 n'y a ni ombrages
gracieux, ni bosquets, ni prairies, ni coteaux ; tout est épi, tout est
moisson.
Si je lis les auteurs à esprit, à sentiment, je veux dire qui craignent le
titre d'érudits, ceux même qui ont eu le plus beau sort, je crois parcourir
ces plaines stériles, où les grenadiers et le jasmin, le thym et la rose, (lat-
tent les yeux et l'odorat, mais où je rencontre à peine les choses les plus
nécessaires à la vie. Ici la terre est une mère iéconde et bienfaisante, qui
enrichit ses habitants ; là, pour me servir d'une expression ennoblie par le
nom et la dignité du grand homme qui s'en servoit ' et par la justesse de
l'image qu'elle présente, je ne vois qu'une Gueuse parfumée.
Disons-le sans détour, l'esprit sans les ressources de l'érudition peut pro-
duire quelques riens amusans ; avec du génie, nos François ont sçu débiter
ces figures légères, à qui un fil adroitement placé donnoit un mouvement
dont la singularité a fait le mérite. On a commencé par s'en amuser, bientôt
on a ri de la puérilité de l'amusement, on a fini par en rougir. Avec de
l'esprit et sans étude on peut être Boursault, mais on ne deviendra jamais
Molière ; on sera peut-être Pradon, mais ou ne sera jamais Corneille, ni
Racine ; ou jettera de la vivacité dans sa critique, on pourra lui donner un
ton épigrammatique ; mais on n'y fera jamais voir la critique saine et
éclairée, la précision, la justesse des Bayle, des Basnage et des Le Clerc.
11 faut enfin vous ressembler, Messieurs, réunir au goût et au génie le
travail et la lecture, la connoissance des langues, celle de la belle autitfuité,
une littérature étendue, pour mériter, comme vous, le titre d'homme de Let-
1 . M. Godeau, évêquc de Grasse, se servoit de celte expression pour ca-
ractériser la misère de son diocèse.
IDÉE DU VÉRITABLE HOMME DE LETTRES 405
très. La voye est longue, la route difficile, mais elle est la seule qu'on doive
suivre, si Ton veut, à votre exemple ', donner les agrémens de la nou-
veauté à des choses anciennes, et rendre le nouveau respectable, répandre
de l'éclat sur des objets dédaignés, de la lumière eu règne l'obscurité, substi-
tuer l'agréable au fasliilieux, la certitude aux embarras du doute, faire bril-
ler la nature partout, et donner à la nature tout ce qui lui appartient.
Ce sont les devoirs que vous vous imposez et que s'impose tout homme
de Lettres,
1 . Res ardua vetustis novitatem darc, novis aucloritatem, obsuleti$
niloreni, ohscuris lucem, fastiditis graliam, dubiis fidem, omnibus vero
naturam, et naturœ sua omnia. Plin. in prœfat. Hist. nalur.
MADAME ADELAÏDE A LOTJVOIS
Mesdames de France, comme dames de Louvois, s'occupaient
avec beaucoup de sollicitude de ce village, et elles y ont laissé
des traces durables de leur passage. Vers 1779, elles manifes-
taient le désir de faire ouvrir une rue en face de la grille du
cbâteau et de faire construire, à la suite, un embranchement
pour rejoindre la grande route au-delà de Tauxières, —
c'est celle qui existe aujourd'hui. M. de Pommery, intendant
dos princesses, en parla au mois de décembre à l'Intendant de
la province en cherchant à atténuer le plus possible la dépense
au moyen d'un subside sur les fonds de charité. Le 25 avril
178Vm il adressait à ce haut fonctionnaire le plan de la nouvelle
rue, en l'informant que Madame Adélaïde se chargeait d'in-
demniser les propriétaires expropriés, mais qu'elle aurait be-
soin de secours pour la construction de la chaussée et du pont
de Tauxières. Le 22, l'ingénieur en chef de la province, M. de
Sorbée, vint à Louvois pour les travaux de la rue, et M. de
Pommery, se félicitait alors « de la conciliation mise dans le
consentement donné par toutes les parties. » Mais celte lune
de miel ne devait pas durer. Le 3 juillet Pommery mande au
subdélégué général à Châlons que Mesdames arrivent à Lou-
vois en passant par Epernay, et « qu'une galanterie des plus
agréables que M. l'Intendant pût faire à Son Altesse serait de
fajre travailler de suite au ponceau de Tauxières pour qu'elle
pût entrer à Louvois par la nouvelle rue. Madame Victoire est
extrêmement peureuse en voiture ; Madame Adélaïde voudrait
lui éviter de passer sur la berge qui se trouve sur le chemin
d'Avenay à l'entrée des avenues de Louvois. »
Le subdélégué général s'empressa, dès le lendemain, de
transmettre à l'Intendant absent les prétentions de M. de Pom-
mery, qui eurent le privilège de l'exaspérer absolument eu lui
faisant évidemment oublier toutes les traditions du style admi-
nistratif :
« Si M. de Pommery n'avait que quarante ans, je le regar-
derais comme un homme méchant qui a cherché k vous nuire,
mais c'est un vieillard imbécile qui radote et je vous conseille-
rais de le laisser à son radotage, s'il n'était dans le cas de vous
MADA-\IE ADFI UDE A I.OUVOIS 407
rendre de très mauvais services auprès de Son Altesse. Si vous
pouviez lire la longue lettre qu''^ eu a écrite à Sorbée, vous
seriez indigné en vérité du ton avec lequel ce marouUe ose
parler de vous. Sans doute il voulait que Madame satisfit gratis
tous ses désirs d'embellissement. Eh bien ! il ne lui en coûtera
rien : il y a longtemps que M. de Pommery le sait et il a f?'t
entendre à Son Altesse que vous vous refusiez à ce qu'elle
désiroit. Je sais bien que si j'avois l'honneur d'èlre Intendant
de Champagne, je supplierais Son Altesse de ne pas me mettre
en correspondance avec un animal aussi peu mémoratif ! »
Le 21 juillet, M. de Pommery écrit directement à M. l'In-
tendant pour lui dire combien Madame Adélaïde était surprise
de n'avoir aucune nouvelle au sujet de la nouvelle chaussée :
il le prévient que. comme l'année précédente, elle comptait
aller passer deux jours à la Bove et que par conséquent il fal-
lait aviser à mettre en état la route de Reims à Berry-au-Bac.
L'Intendant devait certainement supporter avec peine les al-
lures de M. de Pommery, mais il n'osait pas rompre, sachant
comme il est dangereux de se brouiller avec des personnes ap-
prochant les princes. C'est évidemment ce qui le décida à ne
pas se laisser exciter par les conseils de son subdélégué. Au
contraire il semble avoir voulu feindre le zèle. Le 21 juillet
1782, il écrit longuement à M. de Sorbée. « Je vous ai dit
combien Madame Adélaïde serait satisfaite si on parvenait à
la faire passer celte année sur le pont de Tauxières et la chaus-
sée qui doit y conduire. Ce n'est évidemment pas possible,
mais faites le possible et commencez immédiatement le travail
pour que la princesse puisse constater l'empressement à la
satisfaire, faites mettre les ouvriers en vue de la princesse
quand elle passera. » L'Intendant ajoute « qu'il faudrait être un
peu magicien pour faire ce travail pour le 20 août et trouver
des ouvriers en ce temps de moisson. Si M. de Pommery fait
croire à .Son Altesse que cela est possible, il se rend coupable
d'une grande indiscrétion. >• El il fait remarquer que Pom-
mery ne bâte même pas les travaux du château où l'architecte
Durand n'a pas dépensé 18,000 livres depuis dix mois, et où
la princesse se trouvera au milieu des ouvriers.
Les choses s'aigrirent cependant assez entre M. de Pommery
et M. d'Orfeuil pour que ce dernier rédigeât un mémqire aussi
clair que détaillé, (juoique très modéré, au ministre avec les
copies des lettres que nous avons citées. Les choses s'arran-
gèrent à la fin et tout lui jcjeté sur ce que M. de Pommery
408 MADAME ADÉLAÏDE A LOUVOIS
et l'Intendant s'étaient mal compris au sujet de la dépense.
Du moins le premier en vint-il à ses fms et il fit si bien qu'à
part les indemnités que Madame paya pour ia démolition des
maisons de Louvois, tout le reste de la dépense fut à ia charge
de l'Etat, de la province et du village. Cette dépense se décom-
posait ainsi :
Pour le pavé 4 ,080 liv ,
La chaussée et l'embranchement 7,600
Le parc de Tauxières 1 ,700
Indemnités pour 5 arpents de terre et 1 de
pré 2,200
Total 15,580 liv.
Les habitants de Louvois fournirent la dépense du pavé,
soit 4,080 livres, sur le produit de la réserve, et le reste de la
somme fut fourni sur les fonds de charité. Aussi l'Intendant
terminait son mémoire par ces mots : « Tout est éclairci et
tous les ouvrages seront exécutés sans qu'il en coûte un sol à
Madame Adélaïde. » B.
NÉCROLOGIE
On nous annonce la mort do M. Gustave Rigollot, professeur do
philosophie au lycée do Vendôme. Né à Blcssonvillo, canton de Châ-
teauvillain, il appartenait au département de la Haute-Marne. C'était
un savant en même temps qu'un lettré; tous les ans, il prenait une
part active au congrès des sociétés savantes à la Sorbonnc. Cette an-
née, il n'avait pas lu moins de trois mémoires sur des sujets archéo-
logiques et historiques.
M. Rigollot, a succombé à Nice, le 30 septembre dernier, à l'âge de
5fi ans, au retour d'un voyage qu'il venait de faire en Algérie, en Tu-
nisie et en Italie.
Il laisse une étude historique : Frédéric II, philosophe, et une
pièce de théâtre : La Princesse de Condé, représentée à Châteauroux,
ainsi qu'un graud nombre de travaux manuscrits.
Les journau.x de la Marne annoncent la mort de M. le comte Drouet
d'Erlon, ancien conseiller de la cour de Metz, à 75 ans. Il était le pe-
tit neveu du maréchal dont la statue orne une des places de Reims où
il était né le 26 juillet 1761, d'une famille modeste : le frère de son
père était entrepreneur de menuiserie. Le maréchal entra, en 1782, au
régiment de Beaujolais et devint général de division en 1801. Sa con-
duite à Dantzick et à Friedlandlui valut le titre de comte d'Erlon avec
25,000 écus de dotation sur le domaine de Dorsneberg, en Hanovre.
Il fut nommé gouverneur de l'Algérie, créé maréchal de France en
18 il et mourut à Paris en 1844. Sa famille n'avait aucune parenté
avec celle de l'homme qui fit arrêter Louis XVI à Varennes. — Armes -.
écartelé d'argent à 5 trèfles de sinople posés en orle, au franc-
quartier d'azur, chargé d'un épi d'argent ; — de gueules au
lion d'argent ; — de guoule au chevron accompagné de 3 étoiles d'ar-
gent ; — d'argent à 5 trèfles de sable posés 3 en chef et 2 à séncstre.
Au franc-quartier d'azur, mouvant de flanc sénestre de la pointe.
M. le vicomte de Jessaint, ancien préfiit, vient de mourir à 57 ans.
Fils de préfet, petit-fils du préfet légendaire de la Marne : on sait qu'il
administra ce di''partement depuis la création des f)réfecture8 jusqu'en
1838. que son petit-fils, M. Hourlon de Sarly, lui succéda jusqu'en
18'i8. Il appartenait à une ancienne lamille noble de l'élection do
Bar-sur-Aubc. Claude Bourgeois y épousa en 1687 Elisabeth de Mcrtru
4 1 0 NÉCROLOGIE
qui lui apporta la seigneurie de Jessaint, sise non loin de celte ville. Il
out plusieurs enfants: un fils capitaine au régiment Royal-Arlillerie,
commissaire provincial de larlillerieen 1743 ; un autre, cadet au même
corps, marié très tardivement à Claude de Greney, de la noblesse de
Perlliois, d'où naquit, en 1 76 i, Claude-Laurent Bourgeois de Jessaint,
élève à Hrienne oîi il connut intimement Napoléon. Puis préfet de la
Marne, il épousa Mlle Laneau, de Bar-sur-Aube, Le défunt avait
épousé Mlle Cuvoiller, et laisse deux fils, — Armes : Tiercé en face,
au !«^'' d'azur à la bande d'argent, accompagné en chef d'une étoile, et
en pointe d'une anille d'or ; au 2= d'or au bas lion de gueule ; au 3« de
gueule plein.
Nous annonçons aujourd'hui avec un vif regret la mort d'un artiste
de talent, l'un des amis de la Revue et des enfants de la province.
Amédée Varin s'est éteint aux Croutles (Aisne), à soixante-cinq ans.
C'était un de nos principaux burinistes, auteur de ces belles gra-
vures : le Premier-Né, les Accordailles, le Christ marchant sur
les eaux et de la Messe sous la Terreur, d'après MuUer. C'est dans
un voyage à Rome, où il allait encore étudier et copier les maîtres,
qu'il a coniraclé le germe de la maladie qui l'a enlevé.
BIBLIOGRAPHIE
Gallet et le CAVEif, par M. Jacqups Bouché (de Mnrouil-sur-Ay). —
Préface de Tony Révillon, 1 vol.
Ce livre est une œuvre de bonne humeur, une production essen-
tiellement champenoise, qui pétille et mousse comme les vins d'Ay.
C'est la biographie de Gallet, le gai chansonnier du XVIII" siècle,
écrite par un charmant et joyeux esprit.
Voici comment un critique apprécie le travail de M. Jacques
Bouché :
ï Pénétré de son sujet, M. Jacques Bouché nous a donné un récit
d'une saveur particulière et d'un charme constant. Quelle phrase
alerte, accorte, trottant menu ! On dirait d'une grisette que n'embras-
sent ni les oripeaux de la philosophie pédante, ni les i'anfreluches du
style ampoulé, ni les mignardises du mauvais goût, mais qui, court
vêtue, pimpante, sensible aux bons moments, traverse tout le récit
sans éclabousser ses bas blancs bien tirés, et, sans mettre aux brides
du bonnet qu'elle a plus d'une fois jeté par dessus la porte du cellier,
une seule tache de vin !
« Il y a des pages remarquables dans ce petit livre, qui fait si joli-
mont revivre son héros. Et certes, n'étaient les commentaires de galo-
pins qu'en feraient les écoliers, les deux récits de l'aventure avec lo
guet et celui du premier dîner que les fondateurs du Caveau liront
chez Landel mériteraient de figurer dans un recueil de morceaux choi-
sis à l'usage de la jeunesse studieuse.
« Je m'imagine assez qu'en reconstruisant avec un pareil charme
ce coin si mal connu du dix-hitième siècle chansonnier et bon vivant,
l'auteur a quelque peu braconné dans les réserves que l'incomparable
talent de Monselet avait faites siennes par droit de conquête. Mais
bast î le soleil luit pour tout le monde et l'on peut être certain que le
MAITRE sera le premier à applaudir ce pastiche, dont je ne puis f;iire
meilleur éloge qu'en disant qu'on 1<^ croirait tombf^ de sa plume. »
M. Diancourt, a-icien maire et ancien député de Reims, vient do
publier chez l'éditeur Michaux, de cette ville, un livre excessivement
curieux ; son titre dit assez son objet : Les Allemands à Reims en
iSlO-iHli. Le récit est du plus haut intérêt. Nous regrettons seule-
ment que l'auteur n'y ait pas joint un plus grand nombre de pièces
justificatives , ces documents officiels allemands devaient être soigneu-
sement conservés à la disposition de chacun
"Voici l'avant-iiropos .
« Les événements de 1870, si récents et dont lu plupart des acteurs
et des témoins vivent encore, sont généralement mal connus de ceux-
4 1 2 BIBLIOGRAPHIE
là mômes au milieu desquels ils se sont passés. On l'a pu constater
trop souvent pour tout ce qui se rattache à l'occupalion de la ville do
Reims par les Allemands.
« Une publication récente, faite en Allemagne, sous le nom du doc-
teur Slieher, préfet de police du quartier fjénéral prussien, et dont la
presse belge et quelques journaux parisiens ont reproduit des extrails,
renfermait sur l'arrivée des Allemands et les premiers temps de leur
séjour à Reime des détails inexacts, des appréciations mensongères et
des récits matériellement faux. Il m'a paru que la ville de Reims se
devait à elle-même de protester, autrement que par le silence du dé-
dain, contre des assertions plus qu'erronées que pouvait accréditer
l'absence de contradicteurs.
0 II n'y a pas lieu de prendre à parti des écrivains étrangers et
anonymes qui abritent une spéculation de librairie sous le nom d'un
fonctionnaire allemand défunt dont la famille a publiquement pro-
testé.
« Ce n'est donc pas une œuvre de polémique que j'entreprends, ce
n'est donc pas plus une apologie qu'un plaidoyer.
« Simple membre du Conseil municipal à cette époque, sans res-
ponsabilité personnelle engagée, mêlés d'assez près aux hommes et
aux événements pour les bien connaître, il m'a paru qu'à défaut d'au-
tres, j'avais un devoir à remplir envers la ville et envers ceux qui la
représentaient à cette époque, celui d'apporter un témoignage sincère
en faveur de la vérité mal connue des uns, inconsciemment altérée
par les autres.
« Le récit des faits qui se sont passés à Reims, depuis le 4 septem-
bre 1870, date de l'entrée des Allemands, jusqu'à la conclusion de la
paix, pourra fournir à l'histoire quelques pages douloureuses pour
l'humanité, mais dont le patriotisme n'aura pas à souffrir. »
En même temps M. l'abbé Tourneur, vicaire général, va publier un
autre livre qui sera lu avec empressement •. Les Allemands et le
Clergé du diocèse de Reims en iSlO-iSli. On verra que le clergé
ne le cédait à nul autre en patriotisme.
Nous mentionnerons trois brochure très intéressantes de M. Au-
guste Nicaise' : Le Cimetière Gallo-Romain de la fosse Jean Fat à
Reims. — Découverte d'ossements humains associés à des silex
taillés et de la faune quaternaire dans les alluvions quaternaires
de la vallée de la Marne. — L'Archéologie devant l'Histoire et
l'Art. — Le premier qui mérite plus partitulièrement l'attention,
traite de ces urnes percées de trois trous dans lesquels M. Nicaise pro-
pose de voir une reproduction de la figure humaine et des stèles funé-
raires avec inscriptions découvertes récemment à Reims. Elle
est accompagnée d'un album de quatre planches en chromo-litho-
graphie d'une remarquable exécution et du plus incontestable intérêt.
B.
1 . A Reims, à la librairie Delinnc.
CHRONIQUE
La. maison des Magneix rue de la i'Eirièue a Reims. — Au mo-
ment où un lycée de tilles va être établi dans cette maison, il est inté-
ressant de faire connaître au public l'origine et l'histoire do ces bâti-
ments.
Eu tG35, Mme de Magneux, veuve de Nicolas Colbert, commandant
pour le roi la ville et le château de Fismes, fonda, dans son hôtel de
la rue de la Peirière, un asile dirigé par des Sœurs et ayant j)our but
de recueillir des jeunes filles pauvres, pour les élever en piété, bon-
nes mœurs et en travail.
L'administration accorda les lettres patentes nécessaires pour la fon-
dation, et en 1G38 la Ville reconnut le nouvel établissement, qui prit
le nom de Sétvinaire des pauvres Filles. La pensioa était naturelle-
ment gratuite. Les élèves, à cause de leur costume de toile bleue,
étaient appelées les filles bleues. On les exerçait surtout à coudre,
broder et faire de la tajiisserie. On cherchait à en former des femmes
de chambre ou des demoiselles de boutique, c'est-à-dire â les met-
tre à même de gagner leur vie.
La communauté prospéra rapidement. Soutenue par les habitants c^
protégée par les archevêques, elle fit transformer magnifiquement l'hô-
tei et construire une élégante chapelle intérieure. Au-dessus de la
porte fut placée une plaque de marbre noir avec cette inscription : Hô-
pital de Sainte-Marthe, fondé par Mme de Magneux en 1G38.
La llévolution, <iui n'a s'j que diminuer ou détruire les leuvres ma-
gnifiques créées par les catholiques pour soulager les misères du peu-
ple, supprima la communauté, confisiiua l'hôtel et plaça les pension-
naires à rilùpital-Général. Los bâtiments furent loués à des jiarti-
culiers et la chapMlo dédiée à Sainte-Marlhe servit de remise et
d'écurie.
Après ia Restauration des cultes, les religieuses de la congrégation
occupèrent jtendant (|uel<pjes années l'hùtul et firent restaurer la cha-
pelle.
Kn iH'l'i, celle-ci fut alFcctée au service du tribunal de conuueroe,
et, en Ibii, à celui du culte réformé.
On trouve à la bibliothèque de Sens, une petite plaquette rapportée
par M. Lallier dans les Mémoires de la Société archéologique de
Sens en 1801 ; elle a pour litre; Discours sur le prix des choses
en 1574.
414 CHRONIQUE
L'auteur se plaiat amèrement que depuis 70 ou 80 ans (c'est-à-dire
depuis la découverte des mines d'or du Nouveau-Monde), la clièi-eté
de toutes choses soit telle, que « les unes furent eurichies de dix fois,
les autres de quatre, les autres de cinq ou six fois », autant i[u'elles
se vendaient auparavant.
Il formule ainsi ses doléances :
« En certaines coustumes, le septier de froment était alors de 20
sous, l'orge de 7 sous, l'avoine de 5 sous, le seigle de 7 sous, la char-
retée de foin de 10 sous, prise sur le pré 5 sous -, la chair du mouton,
sans la laine, 3 sous 6 deniers, avec la laine 5 sous, la poule G de-
niers, l'oison G deniers, le paon 2 sols, le veau 5 sous, le cochon 5
sous, le faisan 20 deniers.
« Voilà, quant aux vivres, qui sont aujourd'hui douze ou quinze
fois plus chers ; et, quant aux corvées et journées de nianouvriers,
nous voyons par les coustumes arrêtées et corrigées depuis lors, que
la journée de l'homme en a été taxée à G deniers, avec sa charrette à
12 deniers.
« Quant aux terres, la meilleure terre roturière n'était estimée qu'au
denier 20, le fief au denier 30, la maison au denier 30 ; l'arpent de
la meilleure terre labourable ne coûtait que 12 écus et la vigne 30
écus.
« Et aujourd'hui, ajoute l'auieur du discours, ces choses se ven-
dent trois ou quatre fois autant, même en écus pesant 1/10" en moins
qu'il y a trente ans.
«t Qu'on regarde à plusieurs maisons, terres, fiefs et seigneuries,
arpens de terre, do bois, de vignes, de prés auxquels on n'a rien aug-
menté depuis soixante ans, elles se vendent six fois autant (ju'elles
furent pour lors vendues.
« Une maison de ville, à laqaelle il n'y a ni rente, ni revenu, qui
se vendait alors 1,000 écus, aujourd'hui se vend 15 et 16,000 livres.
« Un fief qui se vendait au plus cher alors 25 et au plus 30,000
écus, aujourd'hui 'se vend 150,000 livres.
« Bien vrai qu'on pourra médire que la terre ne produit pas davan-
tage, mais que ses produits en sont plus chers et que la botte de foin
du poids de 12 livres, qui ne valait qu'un denier, vaut à présent six
deniers, et ainsi pour toutes choses. »
Nous signalerons dans la collection de Champagne à la Bibliothèque
Nationale, tome VU, un curieux plaidoyer en faveur du Chapitre
Saint-Etienne de Châlons, contre Villeroy plaidant en faveur de l'é-
vêiiue sur l'exécution des décrets du concile de Trente et une réfor-
niation dudit Chapitre. Ce jjlaidoyer fut prononcé au Parlement, le 15
lévrier |15G4 par François de Moutholon, lils du célèbre garde des
CHRONIQUE 4 1 5
sceaux, pourvu lui-même du mèniii office en 1588, Jeux ans avant sa
mort.
Nous avons recueilli dans nos noies les vers suivants, désignés
comme riraôspar le chanoine de Miucroix, saus que nous retrouvions
l'indication d'origine : nous croyons cependant les avoir relevés dans
les papiers de Conrart :
Vous qui frondez uu innocent voyage,
Ne vous souvieut-il pas,
Charmante Iris, que pour un mariage
Vous allâtes Lieu loin?
El que vous demeurâtes peu sage
Au concubinage, au coiicubiuage !
On vient de faire des travaux dans l'église du prieuré de Montmort,
édiiicc de la transition fort inléresssant, et depuis longtemps aban-
donné. M. Fret, son propriétaire, a retrouvé un certain nombre
de squelettes très bien conservés sous le sol de la nef, à li"50 de pro-
fondeur ; il a fait enlever le crépi des murs et fait apparaître dans
toute l'étendue des peintures dont nous reparlerons, car elles leméritent.
Nous souhaitons que M. Frol continue ses travau.\ et surtout qu'il
restitue complètement ce bel édifice.
On vient de retrouver l'acte de naissance de la mère de La Fon-
taine, Franeoise Pidoux, née le li octobre 1582 à Montanglaust, pa-
roisse de Ooulommiers, de Jean Pidoux, docteur en médecine. Elle
épousa d'abord Louis Le Jay, puis Charles de La Fontaine, maître des
eaux et forêts du duché de Château-Thierry, d'où naquit en cette ville
le grand fabuliste le 21 juillet 1G21.
Le Figaro du \(\ octobre signale une découverte bien intéressante
pour notre province. M. Logrand, tapissier à Rouen, jiossède deux
bas-reliefs, en marbre blanc, mesurant l"^75 sur 0"'75, provenant du
tombeau du duc de Guise, érigé dans la Chapelle du château de Join-
ville (Haute-Marne). Ils représentent, l'un, l'assaut d'une citadelle,
l'autre la Renommée distribuant les jialmes aux soldais ilu premier duc
de Guiso; leur exécution est, dit-on, admirable et on va jusqu'à l(5s at-
tribuer à Michel Ange. Ces bas-reliefs ont été aclvelés après la destruc-
tion du château, à Saint-Dizier, jiar un notaire des environs du Havre,
originaire de cette petite ville : c'est do ses héritiers que M. L(!grand
les a acquis. I/administration du Musée de Cluny est en pourparlers
j)uur rac(|ui3ilion de ces nionuinenls d'une si grande vabiur arlisliiiue
4 1 6 CHRONIQUE
et historique, dont Dom Calmet parlait déjà uvcc admiration dans sa
grandi! histoire de Lorraine.
Buste en maruhe de Gehso.n. — Parmi les œuvres de sculptr.re
admirées en ce moment par de nombreux visiteurs au Salon Triennal
des Champs-Elysées, ligure un buste en marbre blanc du chancelier
Gerson. Ce morceau, d'un acpect sévère et d'un caractère vraiment
historique, est dû au ciseau de M. Joseph Félon, statuaire bien connu
des connaisseurs parisiens. Cet artiste est l'auteur de la statue du
même personnage, placée dans l'une des niches de la fticade de la
Sorbonne, en 1874. Aussi s'est-il prêté avec une rare obligeance et un
véritable désintéressement à l'exécution de celle nouvelle figure de
notre illustre compatriote. Sollicitée par la commune de Barby, lieu
natal du chancelier, et par l'Académie de Reims, l'Administration des
Beaux-Arts a fourni le marbre et une subvention partielle à M. Félon,
qui a produit son œuvre avec parfaite connaissance de sujet. Ce buste
de Gerson va figurer comme un don de l'Etat, dans la nouvelle église
de Barby, où il reposera sur une colonne de marbre noir, près de
l'inscription consacrée dans ce lieu à la mémoire du célèbre docteur.
Il rappellera aux descendants des habitants du hameau de Gerson, la
science et la vertu d'un enfant du pays.
Le ministère de l'Instruction publi(|ue tt des Beaux-Arls ne pouvait
offrir une plus haute leçon, un exemple plus salutaire à nos compa-
triotes Champenois. H. J.
Le sieur Théodule Garnier, de Dampierrfi, labourant un cham|)
situé près de la voie romaine, accrocha sa charrue dans une pierre
que l'un croyait être une roche ; en faisant effort pour l'arracher, il
fut très étonné de lever un niagnilique piédestal, portant le nom de
Mercure. Poursuivant ses fouilles, il découvre un massif assez consi-
dérable et six pièces de monnaie dont 5 en or, l'une d'elles portant le
nom de Commodus, puis des ossements et des morceaux de vases
brisés. Le massif est une statue, qui semble être Pan assis dans un
fauteuil, sous lequel est couchée une chèvre parfaitement conservée.
On voit aussi une tête de bouc. La statue a 1 mètre KO de hauteur.
11 est probable que, si on faisait de nouvelles fouilles, on trouverait
aussi le socle du fauteuil et peut-être le Mercure du juédeslal.
Monseigneur Jucqueinet, évoque de Gaji, ancien curé de Saint-Jac-
ques de Riiinis, est nommé évoque d'Amiens.
Le Secrétaire Gérant,
LÉON FiiÉMO.'^r
LES TROIS SIEGES DE LA MOTHE
PAR
CLÉMENT MAGIIERET
Chapelain de Saint- Pierre de Langres, Directeur de l'iiopital du Cliapitre,
curé d Hortes,
Sur le territoire (.VOulremécourf, village du canton de Bour-
mont, arrondissement de Chaumont, Haute-Marne, on voit
une montagne escarpée, un rocher désert, où l'œil du voya-
geur découvre encore ça et là quelques vestiges de bâtiments
et des restes de pavés; c'est l'emplacement de la ville de la
Mothe, forteresse autrefois très fameuse du duché de Lorraine,
détruite eu 104 o, par ordre du cardinal Mazarin. Cette forte-
resse désignée jusqu'en 1348, dans les anciens actes, sous les
noms de Alairemout ou Saint-Hilairemont, soutint plusieurs
sièges, eu 1034, en 1G42 et eu 1645, dont il existe plusieurs
relations ; nous citerons entr'autres celle de Du Boys de Rio-
cour dont nous connaissons trois éditions et le poëme d'E-
tienne Courtet.
I. Histoire de la fondation et des trois sièges de La Mothe,
1634-1643 et lG4Ii, par un ofticier supérieur qui avait assisté
aux trois sièges. Avec un beau plan de la ville et forteresse de
La Mothe. Soulaucourl, Jean-Baptiste Nivert, libraire-éditeur,
1841, 1 vol. in-18.
II. Histoire de la ville et des deux sièges de La Mothe (1634
et 1G4D). Par M. Du Boys de Uiocour, lieutenant du bailliage
du Bassigny, conseiller d'Etat de S. A. Charles IV, duc de
Lorraine et de Bar, conseiller en la cour souveraine de Lor-
raine et Barrois, intendant dans les armées du duc Charles IV
et dans toutes les garnisons de son obéissance, suivie de notes
historiques et biographiques sur les principaux personnages
cpii ont figuré dans les deux sièges, avec un plan de La Mothe,
delà ligue de circonvallation et des postes des assiégeans.
Ncufckâlcau, Victor de Mongeot, libraire-éditeur. Bounuoiit,
de Mougeot jeune, libraire, 1«41, 1 vol. in-8.
27
4î8 LES TROIS SIKGES DE LA MOTHE
III. RellUion des sièges et du Blocus de La Molhe {\'^)'i'i-
1 G '12-1040), par Du Boys de Kiocour, lieu tenant géuéral au
bailliage du Bassigny, couseillor d'Etat du duc de Lorraine,
suivie des relations officielles des trois sièges publiées dans le
Mercure et la Gazette de France, édition entièrement revue
sur les textes originaux et augmentée d'une introduction a
l'histoire de La Motbeet de nombreux documents inédits. Par
J. Simounet, membre des Académies de Dijon, do Metz et de
Màcon, et de la Commission des antiquités de la Côte-d'Or et
de la Société arcbéologique de Langres. Chaumont, Charles
Cavaniol, libraire-éditeur, 18G1. 1 vol. gr. in-8 avec trois plans
de La Mothe.
IV. MoTHA Emotha par Estieune Courtet, chanoine de
Langres. Ce poëmo en vers latins, avec la traduction en vers
français, écrite dans le style du temps, a été publié par M. J.
Simonnet, à la suite de la llelation ci-dessus, page 373-
397.
La Relation du curé d'Horles est extraite textuellement de
son Journal '; elle est loin d'être aussi complète que celle de
Du Boys de Riocour, on y trouvera néanmoins des faits nou-
veaux qui ne sont pas dénués d'intérêt et qui feront, nous
l'espérons du moins, plaisir aux lecteurs dé la Revue.
Docteur E. Bougard,
LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHE
1G34
Le siège et prise de la Mothe
L'an mil six cent trente quatre, euuiron le dernier iour du
mois de febuiier, Monseigneur de la Force mareschal de
France mit le siège deuant la ville de la Mothe, qui est vce
clef de Lorraine, située a neuf lieues proche de Lengres,
laquelle Mothe a sousteuu vn demy an ou euuiron, le siège
1. Journal de ce qui s'est passé do mémorable à Lençiies et aux envi-
rsns, depuis 1628 jusf/ii'en 16o8. En vente chez Dallet, éditeur à Langres.
2 volumes petit ia-S.
LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHE 410
par l'adresse el valeur du sieur N . . . Clioiseul d'Yche ' gou-
verneur pour le duc Charles" en la dicle ville, lequel d'Yche
fut lue le 15 juin iour de feste Dieu, par vu esclal de pierre
qui fut causé par la clieutte d'une grenade qui auoit esté iel-
lée sur ladicte ville, et auquel temps ou enuiron fut tué le
sieur chcualier de Seneterre ^ d'vn coup de canon, lequel s'es-
1 . Antoine III do Choiscul, chevalier, seigneur d Yche, bailly de Bassi-
gny et gouverneur de La Motlie. Après sa mort, le R. 1'. Eustache, son
frère, fut l'uu de ceux qui achevèrent de défendre cette place pendant en-
core plus d'un mois.
2. Charles IV, duc de Lorraine, né le 5 avril 1605, mort le 18 septembre
167o, à Larback près de Birkenfcld. Frère du duc Henri II et fils de Fran-
çois, comte de Vaudémont, il prit possession de la Lorraine après l'abdica-
tion de son père (26 novembre 1024). Ce fut un prince turbulent, homme
de plaisirs, imprudent et chevaleresque, dont les guerres avec la Frar.ce
eurent une grande imporlance.
3. Henry François de Senneterrc, marquis de la Ferté-Nabert, né vers
1374, mort le 4 janvier 1662, fils de François seigneur de Seneterre et
la Ferté-Nabert, chevalier des deux ordres du roi, eut do son mariage avec
Marguerite de la Chastre, fille du maréchal de la Chastre, trois enfants :
I. Henri de Saint-Nectaire, deuxième du nom, maréchal de la Ferté, né
en 1C00, mort le 27 septembre 1681, Maréchal do camp après une action
d'éclat à Hesdin, gravement blessé à Rocroy, lieutenant général, puis gou-
verneur de la Lorraine, il se distingua à la bataille de Leus, resta fidèle au
roi pendant la Froude et reçut le bûtou de maréchal en janvier 16Iil. Il
s'empara successivement de Mirccourt, de Ligny, de Belfort, de Thann, do
Montmédy, de Graveline et de Marsal et fut créé duc et pair en 1665. Il
avait épousé en premières noces Charlotte des Boues de Coutenan et en
secondes noces, Mogdelaine d'Angeunc, dame de la Loupe, sœur de la
comtesse d'Olonne ; toutes deux également célèbres par les mauvais jjropos
de Burisy-Rabulin.
II. Charles de Saint-Nectaire, marquis do Châteauneuf, dont la famille
douna, après sa mort, le spectacle le plus tragique. Sa veuve, Marie de
Haulel'ort, fut accusée et sur le point d'être convaincue d'avoir do concert
avec UQ ou plusieurs de ses enfants fait assassiner Henry, marquis de Chu-
tcauneuf, son fils aîné, en 1671.
III. Gabriel, dit le chevalier de Saint-Necloire, qui fut tué sous les
murs de la Mothe en 1634. « Il dînait à l'ombre de quelques arbres, le 30
mai 1034, dans sa lente ; la laltie était dressée sur le coulant d'une fontaine,
dans un j)elit vallon bordé de coteaux et do vignes sises au bas de la
M'itlie. La bonne ciièrc était animée par la joie, et les cris se firent entendre
à la Mollie, oii les assiégés attentifs à tous les mouvements des ennemis
observèrent le banquet et conceurenl le dessein d'en troubler la feste. Lo
cauonnicr Lallemant estant là seul pour defondrc la Mothe eut ordre d'en
Ijoiuter deux. Il s'acquitte sur le champ do sa commission, el dès la pre-
mière décharge, il fil rouler la table et le service. Il emporta d'un boulet
les deux jambes du chevalier du Senneterrc, et par un second salul, il luu
420 LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHE
loit allé diuerlir auprès tVvne fontaine trop proche de ladiclc
Molhe, et fut autant regretté audict siège comme ledict sieur
d'Yche le fut en ladicte ville ; bref il fallust faire vn fort aussy
puissant que ladicte Mothe, cinqc batteries de trente deux ca-
nons, trois mines et des retranchemenlz innombrables, enfin
par vn fourneau qui estoit vnessay pour voir l'effet des mines,
fut abattue la moitié d'un grand bastion où l'on ponuoit entrer
vingt-cinq de front, ce qui fut cause de leur réduction, le
mardi 25 lour de juillet, iour de feste sainct Jacques apostre ;
ledict sieur mareschal de la Force ' y fit son entrée le sabmedy
suyuant 29 iour dudict mois, etc.
Le sieur George Paymal, prieur de Clefmont, a remarqué
que ceulx de notre armée ont tirés enuiron six mille cinq cent
soixante et tant de coups de canons, cinquante de la Mothe
ont estez tuez et le reste des tuez jusqu'au nombre de huict
cent des nostres et enuiron deux cents de blessez, le Roy a
faict dépense audict siège de la Motlie, lequel a presque duré
six mois, la somme de cinquante mil escus par iour, sans
l'extraordinaire, etc.
Geste place de la Mothe est de très grande importance par
son assiette, qui est sur un roc hault et puissant, qui la rend
comme inaccessible, ne la pouuant battre d'aucune part et
pour y aborder il n'y a qu'une seule auenuë entre des roches,
laquelle vingt mousquetaires garderoient aisément, quelques
eschelles qu'on y eusl pu auoir eussent esté trop courtes pour
une partie des officiers. Senneterre fut transporté à Moadonville ' , ou après
avoir perdu les deux cuisses par ordre du chirurgien, il perdit euUn la vie
par l'excès des douleurs, et fut inhumé à l'abbaye do Flabémont, ordre des
Prémoutrés*. » {Chrunique de Champagne, tome II, p. 180).
1. L,si Force (Jacques Nompar de Cauniont, duc de), né vers
1550, mort eu 1652, n'échappa au massacre de la Suinl-Barlliélcmy
dont son père fut victime, qu'en se jetant au nombre des raorts. Il fut uu
des compagnons les plus dévoués de Henry IV. Sous Louis XIII, il se
rangea d'abord parmi les mécontents, mais il ne tarda pas à revenir au
parti du roi, obtint sa grùce et le bàtoa de maréchal. C'est lui qui, le pre-
mier, fit usage des bombes en France, au siège de Lu Mothe, eu 1634. Sa
terre de La Force, en Périgord, fut érigée en duché-pairie, en 1G37. Il sy
retira fort mécontent de Mazuria et se déclara eu 1652, l'année môme de sa
mort, pour le prince de Coudé.
1. Médon ville, commune du canton do liulguéville (Vosgeb).
2. Commune de Tignécourl, canton do Lu Marche (Vosges).
LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHE 42 i
ral)order eL la sape et la mine eussent ou louiours trop affaire
contre le roc dont elle est formée, etc.
Le sieur de Vaubecourt', y alla auec deux autres gentil-
hommes pour traicter et leur fut accordé de sortir tambour
battant enseignes desployecs auec leurs armes chenaux et
bagages.
Lorraine anagramme
Enfin la Mothe prise et la Lorraine reduicte sous le pouuoir
de sa Maiesté chresticnne, fut faict cest anagramme sur lo nom
du Roy :
Louys treziesmo Roy de France et de Nauarre
Or-3 lesus m'a faict estre duc Désiré en Lorraine.
SIXAIN
Après tant d'assaultz et d'allarmes
l'ai l'clTect de mes iustes armes :
Ayant par la force atteré
Cette Mothe dont ie suis maistre.
Ore mon lesus m'a faict ostre
Duc en Lorraine Désiré.
Mort du sieur de Montarby
Le vendredy sixiesme juin, le sieur de Montarby de Dam-
premont- , lequel auoit par vne lascheté assé ordinaire à la
1 . Jean de Nettancourt, seigneur de Vaubecourt, baron d'Orne et de
Choiseul, conseiller du Roi en ses conseils d'Etat et privé, maréchal de ses
camps ot armées, frouverncur de Chàlons, né le 27 juillet lOOli, mort à
Paris, le 11 mnrs 1678, âgé de 7;i ans, enterré dans l'église de Saint-Louis
en l'Ile, fils de Jean de Nettancourt aussi seigneur do Vaubecourt et d'Ur-
sule d'Fîaussonville ; lequel, do Catherine do Savigny sa femme a eu Nicolaa
de Netluncourl, baron dudit Haussonville, marié avec Charlotte de V'crgeur,
fille do Charles baron de 'Vergeur, comte de Saint-Souplol, bailly et séné-
chal de Vermaudois, et de Jeanne do Flcurig'ny.
Porte de gueuUes au chevron d'or. Supports : Deux griffons d'or. Cimier :
Une tûtc de chien d'or colletée de gueuUea.
2. La famille de Monlarby nsl une des plus considérables du pays Lan-
grois. Des titres autheutiquos la font remonter il François de Montnri)y qui, en
lî-iO, était à Saint-Jean-d'Acre. — Seigneurs de Dampicrro ot do Char-
moillcs, possédant les fiefs do Epinanl, Vcsaignes, Voncourt, Changoy,
Raucourt, Poinson, l'oinsenot, Saulxurcs, Dainrémont, etc.. les de Mon-
422 LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHE
noblesse, quitté le party et service de son souverain seigneur
nostre Roy et s'estoit rengé dans le service du duc Charles de
Lorraine et faisoit office de lieutenant à la Molhe vint ce iour
à conduire vn party de Lorraine proche de Thivet et emmenant
le bestial dudict village, fut tué a vne rencontre qu'il eust
avec certains lengrois, par un nommé Lacaille et fut mis leur
party en desroutte.
Autre siège de la Mothe
L'an présent 1G42, le vendredy vingt cinquiesrne juillet, le
sieur du Ilaillier ' , gouuerneur en partie pour sa Maiesté au
duché et paiis de Lorraine, vint former un siège deuant la ville
de la Mothe, estant assisté de monseigneur le comte de Gran-
cey - , qui leur donna plusieurs attaques ; entre autres le
sabmedy second aoust, ceulx de ladicle ville ayant faict alta-
tarby s'allièrent avec les maisons les plus considéraliles de la Champagne
et de la Lorraine, lesd'Anglure, les de Choiseul-Stainville, les Juvigny.lesde
Daillecourt, les de Laharmand, les de Gournay, les de Chastenay, les Malhié,
les de Han, les de Simony, les de Lyver deBreuvannes, les de Rose, les de
Rivière, les de Cresolles, et les de Bucy. Ils ont donné à la France de nom-
breuses illuslrations : deux commandeurs et plusieurs chevaliers de Malte,
des abbesses et chanoinesscs des chapitres de Metz et de Collonge, des gou-
verneurs de villes, des chevaliers de Saint-Louis et nombre d'officiers dis-
tingués. Perceval de Montarby, écuyer seigneur de Dampierre, Charmoilles
et Vesaignes, était capitaine gouverneur du château de CoilTy en 1511.
Son fils Jean de Montarby, seigneur de Charmoilles et de Dampierre en
partie, lui succéda en 1514 dans ce gouvernement. L. de Montarby, cheva-
lier seigneur de Dampierre et de Charmoilles, capitaine ou régiment de
Montmorin, prit part en 1789 aux assemblées de la noblesse. Une Mon-
tarby fut lectrice de l'impératrice Joséphine.
La famille est aujourd'hui représentée par le général de Montarby, com-
mandeur de la légion-d'honneur, ancien conseiller général de la Haute-
Marne, qui possède le château paternel de Dampierre. Son fils, Gabriel-
Adolphe-Louis de Montarby, lieutenant au 2o° dragons, vient d'épouser
M"" A. de Bucy, fille du comte de Bucy, officier de la légion- d'honneur,
chef d'escadron d'état-major eu retraite, ancien conseiller général de la
Haute-Marne et de la comtesse, née de Tricornot de Dammarliu.
Armes : de gueules au chevron d'or.
1. Vilr}' (François de), comte de Rosnai, seigneur du Hallier, de Beine,
etc., ohcvalier des ordres du roi, depuis, maréchal de France, gouverneur
de la ville de Paris après avoir été pourvu successivement des gouvernements
de la Lorraine, de la Champagne et de la Brie, était fils puîné de Louis de
l'Hospital et frère du maréchal de Vitry. Il se distingua d'abord sous le nom
de du Hallier et prit celui de maréchal de l'Hospital, après avoir été fait
maréchal de France. Il mourut à Paris, en avril 1660, à l'âge de 77 ans.
2. Jacques, baron de Médav}', comte de Granccy, maréchal de camp.
LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHB 423
quer et pensant prendre et enlever vn quartiei,* des nostres,
furent vaillamment repoussez auec perle de plusieurs comme
aussi certains des nostres y demeurèrent pour s'cstre appro-
chés trop près de leurs ambuscades, etc.
Le lundy vnziesme aoust, fut faicle vne autre sortie par
ceulx de ladicte ville, laquelle fut aussy 1res violente de part
et d'autre et auoient lesdictz soldats de la Mothe dressé vne
autre ambuscade proche de leur retraicte, en laquelle plusieurs
des nostres furent tuez en les approchant de trop près, mesme
le cheual du ieune seigneur de Praslain fut tué soub lu^', et
des ennemys fut tué vn lieutenant d'vne compagnie qui fut
grandement regretté pour savalleur outre plusieurs autres qui
moururent sur la place, etc.
Bu camp de la Mothe
Le dict iour 12 aoust 1042, le seigneur comte de Grancey,
suyuant les ordres de sa Maiesté, fvt commandé de sortir de
deuant ladicte ville de la Molhe et passa en ceste ville (de
Langres), le sabmedy 16 aoust veille de sainct Mammes, pour
sen aller a Lyon, affin d'empescher quelque reuolte ou tumulte
pendant l'exécution du seigneur de Thou, premier intendant
de la iustice de France et Cinq Mars grand escuycr de France,
qui eurent les testes tranchées audict Lyon
La leuée du siège de la Mothe
Le sabmedy 30 aoust, a minuict fut leué le siège de deuant
la ville de la Mothe, l'armée dudict siège estant condnitte par
le sieur du Haillier, lequel y travailla assé laschement et le
dimanche a vne heure après midy le duc Charles de Lorraine
y entra auec grand nombre de gens d'armes et l'a rcnui taillée,
etc.
Le mardy 2 septembre Icdict duc Charles a chassé nos gens
qui estoient à HeuUécourt ' en partie et le reste à Lilfon - ius-
qu'aux enuirons de Joinuille et a prins quantité de chereltes
de bagage, tué plusieurs soldatz de uolre infanterie, etc.
La ville de la Mothe ayant esté assiégée le vendredy 2;i iour
1. Huillécomt.
2. LilTol-le -Grand.
424 LES TROIS SIÈGES DE LA MOTHE
du mois de juillet 1()42 comme il se voit au feuillet précédent,
par le sieur du Haillier, et n'ayant rien falot dedans ses trois
mois, le sieur Harnault ' aurait eu charge de garder le Llocus
de ladicle ville, affni qu'il n'y entra aucvn viure, ce quil n'a
faict, car il la laissé munir plus que deuant et en outre a ruyné
tous les bons villages de France qui sont aux enuirons, ce qui
a donné occasion de le faire eslogner de ces quartiers et affin
de dauenlage honorer, le prétexte a esté la leuéc du siège de la
Molhe laquelle se fit le vendredy 10 juillet de la présente an-
née 1G43, y aj'ant eu siège ou blocus comme a esté dict cy
dessus depuis le vendredy 2i) juillet 10 42 iusqu a huy 10 juil-
let 1043.
De Rolampo7it le \2J>nUet
Le siège de la Molhe leué assez laschement le vendredy 10
juillet comme il se lit cy dessus, arriua en ce lieu de Rolam-
pont vn régiment de cauallerie, composé de douze cornettes,
faisant nombre d'enuiron deux cent cinquante maislres, les-
quelz ont faict vn si grand rauage icy quil ne se peut dauen-
tage, moissonnant nos grains et perdanlz tous nos foings et y
sont demeurez iusqu'au luudy 10 aoust, auquel iour sortirent
huict cornettes, et les autres quatres y sont demeurées ius-
qu'au treutiesmo septembre, lesquelz ny pouuant plus subsis-
ter, furent contraiuclz en sortir, etc. Faut scauoir que les lia-
bilans de ce lieu de Rolampont ayant promis vu cheual au sieur
d'Arnault en valeur de cent èscus et ny ayant satisfaict, fu-
rent traictez en cesle sorte. Ce dommage a esté estimé a plus
de douze milles livres, etc.
1644
La Mothe investie
Le Seigneur Magalothy - estant arriué icy le 1 3 du présent
\ . Pierre Arnauld^ meslre do camp géne'ral des carabiniers, gouverneur
de Dijon, mort en octobre 1631 ; fils d'Isaac Arnautd, intendant des finan-
ces. Il hérita du régiment des carabins, à la mort de son oncle qu'on appe-
lait Arnaald du Fort. L'abbé Antoine Arnauld, fils d'Arnauld d'Andilly,
qui faisait partie «le l'espéditiou, en qualité do cornette des carabins, a pu-
blié la relation de la campagne.
2. C'était un parent du cardinal Mazariu. Désirant lui faire obtenir le bâ-
ton de maréchal, il le fit désigner pour diriger le siège de la Mothe. Maga-
LES TROIS SII-IOES DE LA MOTHE 425
mois de décembre, avec quatres rég'imentz "de chenaux légers,
a faict faire vn tour à l'eiUour de la Molhe et eusl a la reucoii-
ire plusieurs cherretles chargées de munitions de gueulles, et
en outre quantité de bestial qui paissoit au dehors de ladicte
ville, lesquels il fict conduire en son quartier, nonobstant les
canonades de ladicte ville, et a campé son armée dedans les
villages plus proches de ladicte ville, en attendant le seigneur
de l'Hospilal, mareschal de France, pour former un siège, etc.
De l.engres ïe \i décembre
Messieurs les maire et escheuius de cesce ville de Lengres,
ont eu ordre aujourd'huy mercredy quatorziesme du présent
mois de décembre, d'enuoyer les charpentiers etmancuures de
ladicte ville et du paiis voisin, pour tailler bois et ayder a faire
hottes pour le siège de la Mothe et sont sortis en grand nombre
ledict iour, enuiron la porte fermant et le lendemain matin qui
fut le lij, le sieur marquis de Francieres' gouuerneur de ceste
place y est allé pour s'acquitter de son employ et charge audict
siège, etc.
Du hlocus de la Mothe le Y'''' janvier 1G45
Nos soldatz estant au blocus de la Mothe, endurent de très
grandes rigueurs des injures de l'hiver, cependant ils empee-
chent qu'il n'y entre aucune chose pour leur viures et autres
nécessitez.
MuUiplici maculala malo modo moesla movetur
Moiha Magalothi mox ruoritura manu.
(Domino Gaullherol auclore) -,
lotliy s'intitulait de son vivant, baroa romain, chevalier de l'ordre de snint
Jean de Jérusalem, maréchal de camp, commandant de l'armée de Sa Ma-
jesté au hlocus et au siège de La Mothe. Il fut blessé d'un coup do mous-
quet à la tôle en visitant les travaux de l'ennemi, le mardi 20 juin 1045, de
laquelle blessure il mourut deux jours après. Si l'on en croit la tradition, ce
fut le fait de Héraudel, prévôt du chapitre de La Mothe. Celui-ci étant nn
jour en faction sur les remparts, aperçut un oflicier supérieur monté sur un
cheval blanc; il le coucha eu joue, en appuyant le mous(juct sur l'épaule d(!
son jeune dcmestique et le tua. Magalotliy fut enterré à Chuuniont, dans
l'église Saint-Jean, près du Sépulcre.
1. Louis de Choiseul, marquis do Fiimcières, baron de Meuvy, seigneur
d'Yvoir, Chichée, La Jesse, Fontaine-Béthon, Sainte Vertu, gouverneur de
Lnngres, maréchal de camp.
2. L'auteur de l'Anastase de Lengres.
420 LES TROIS SIÈGES DE LA MOTIIE
T)u camp de la Mothe le 1 8 janvier
Le mercredy 18 januier, le sieur marquis de Fraucieres vou-
lant faire la monstre de ses soldatz deuant la Mothe et ayant a
ce subject fait conuoquer quantité de paysantz des villages aux
euuirons de Lengrcs pour grossir ses compagnies, fut rebutté
par le sieur Magalothy, lequel s'en aperçut et n'en voulut re-
cepuoir aucun, leur faisant une remontrance fort picquante
louchant ce sujet, etc.
T>u siège de la Mothe. — Grande imposition, etc.
Enuiron le vingt sixiesme mars, le sieur Magalothy a taxé
cesle ville de Lengres pour fournir argent en son camp deuant
la Mothe, la somme de trois mille liures, ce qui fut imposé sur
chacune dizaine et donna bien de matière a parler touchant la
recommandation que Ton creust en auoir esté faicte, par vne
certaine personne qui estoit auprès dudict seigneur Maga-
lothy.
Le jeudy 30 et vendredy 31 mars, ceux de la Mothe voyant
les redoutles qui se piéparoient proche leurs portes et désirant
les empescher, firent sortie sur les nostres et en ont moisson-
nez parle fer enuiron cinquante cinq, ces dictz deux iours, et
y ont perdu des leurs enuiron vingt cinqt qu'ils emportèrent
sur des charettes et sont pressez a présent a vn point qui ne se
peut dauentage.
Apuril. — 2/6 canon de %engres
Le lundy 3, messieurs de la chambre de la ville de Lengres,
ont enuoyez vn canon portant balles de cinquante liures et ou-
tre ce vn mortier qui venoit de Bezancon, pour le siège de la
Mothe, puis les jours suyuants lesdictz sieurs en ont encore
enuoyez six autres petits.
Apuril. — Grande oppression
Depuis le premier apuril jusqu'au 22 dudict mois, le sieur
Magalothy qui est au camp de la Mothe, a faict vne imposition
si grande sur tous les villageois de ceste élection, et en outre
des courses si excessiues auec des extorsions d'argent si vio-
lentes, quil ruynera dauentage ce paiis que n'ont pas faict
les Croates ny Suédois, car ils battent, voilent, pillent et
tuent, etc.
LES TROIS SIKGES DE LA MOTHE 427
Apitril. — 'Du camp de la Moihe
Eouirou la dernière sepmaine du présent moisd'apuril, cer-
tains Lorrains estant du party du duc Charles de Lorraine et
cherchant l'occasion de nuire a nostre armée qui est au siège
de la Mothe, prindrent le temps de trcuuer a rencontre les
chenaux de l'attirail du canon et de s'en emparer et en efTect
s'en saisirent d'vn très grand nombre, qu'ilz firent filler en
Allemagne pour grossir le parly dudict duc Charles, lesquelz
voleurs estant recogneus et s'estant Ireuuez faire leur particu-
lière résidence a Germainuilliers, furent partie appréhendés,
lesquels après information, demeurant faicte, ont payez en ius-
tice le supplice qu'ilz meritoient et le lieu de leur retraicte a
esté bruslé en partie, afm de diniouuoir les autres, qui esloieni
lugitifz de ne plus se rallier audict village, etc.
Du camp de la Mothe ledict iour 10 may
Ledict iour 10 may, ceux de la Mothe et les assiegcaus,
ayant recogneus la quantité de morts qui les infestoient de part
et d'autre a cause des grands chocqs qui s'csloient faictz les
jours precedentz, se sont accordez par ensemble et ont faictz
cessation d'armes pour deux iours affm de leucr lesdictz
corps et les mettre en terre pour ne plus nuyre aux deux par-
tis, etc.
De Zenr/res le \'2jîiin
Le lundy 12 juin, fut faicte la procession générale depuis
l'église cathédrale jusqu'au couuent des Frères prescheurs, eu
laquelle furent portées les sainctes reliques de ceslc ville et
ensuite fut exposé le très sainct sacrement de l'Autel par tou-
tes les églises de ladictc ville jusqu'au jeudi suj^uant, pour im-
plorer le secours diuin aux présentes nécessitez, particulière-
ment quil plaise a Dieu de donner assistance a nostre armée
laquelle est au siège do la Mothe, pour la réduction de ladicle
place, etc.
Du camp de la Moihe ledict iour 1 1) juin
C'cste petite libelle qui ne mérite pas le nom de ville, j'en-
tend la Moihe, ([ui en efl'ect n'est qu'une molhc de, terre, ne
considérant pas quelle a esté frauçoise et quelle doibt encore
428 LES TROIS SIKGES DE LA. MOTHE
CKtre iioslre, pour après estaut rasée ne jamais estre; el l'ana-
granime de celuy qui préside a son siège la dosclare françoise
puisque [Magailothis] sans rien changer ny adiouster aucune
lettre, nous dict en latin [Motha gallis) et cependant elle se
faict tous les iours brusler non pas comme l'on dict a petit feu,
ains auec de très grosses bombes et grenades et voyant le mi-
sérable succès de sa catastrophe, n'y veut aucunement enten-
dre ; cependant estant assez prudente a soy mesme, ne permet
ny approche, ny assault qu'auec grande perte des nostres, mais
elle doibt considérer que la France estant vn hydre renaissant
et vne pépinière qui pour peupler le champ de mars, foisonne
en millions de millions et ne demeurera point courte pour
aplanir ceste Mothe, affni d'accomplir la prophétie que l'on luy
approprie, tirée du Roy prophète en disant : A facie domini
Motha est terra, etc. [Psalm. 113.)
Dudict camp de la Mothe le iijîiin. — Za mort et enterrement
du sieur Magailothis
Le mardy quatorziesme iour du présent mois de juin, fut
blessé le très vaillant et très renommé capitaine Magailothis,
de laquelle blessure il mourut treize heures après et fut des-
puté le seigneur de Bar ' povu' commander en son lieu iusque
sa Maiesté ait donné autre ordre. Ce seigneur s'intituloit les
qualités suyuantes : le chevalier Magailothis, baron romain,
lieutenant gênerai pour le Roy au blochus et siège de la Mo-
the, etc.
Nota que depuis le 13 décembre de l'an 1G44, que ledict
seigneur estoit arriué audict, il n'auoit jamais manqué de voir
et rccognoistre tous les iours, ne s' estant pas seulement eslo-
gné de sou quartier pour deux heures de temps, soit iour ou
uuict iusqu'à la mort : et en ses dernières paroles, a exorté ses
soldatz a continuer la fidélité quilz ont pour leur Roy. Son
corps fut embaulmé et partie enterré en l'église collégiale et
paroissiale de Sainct Jean-Baptiste de Chaulmont auec toute
la pombe funèbre et appareil couuenable a sa grandeur. Sa
deuise est ce mot Libertas. Ce seigneur, a grande raison, por-
toit pour nous ceste deuise, puisquil nous a desliuré d'vn très
cruel cnnemy que ccluy qui logeoil a ladicte Mothe, etc.
Anima eius requiescat in pace. Amen, etc.
1, Cfipituine des gardes de Mazariu, niuréchul de camp.
LES TROIS SIÈGES DE LA MOTIIE 429
2'ùJ(iiii. — Le sieur VilUo'oy lieutenant gênerai dcîcanl
la Mcthe ^
Le dimanche 23 juin.arriua au camp de la Molhe le seigneur
marquis de Villeroy.pour y estrelieutenantgeueral eu la place
du seigneur defîuucL Magallolhis : el le sabmedy premier iour
de juillet, furent accordés les articles entre l'armée du Roy et
la garnison de la Mothe, pour sortir dans six iours, au cas
(}u"elle n'eust secours de qualres mille homme pour le nioing.
Et doibuent sortir le vendredy septiesme outre les sis et sept
heures du matin, etc.
Sortie de ceiilx de la Mothe le 7 juillet
Le vendredy sepliesme juillet, enuiron les huict heures du
matin, sortit la garuisou delà Molhe auec sou bagage et fut
conduilte eu assurance iusqu'à Longwy et ont emmené iusqua
la valeur de quatre cent mille liures de bagages et meubles
précieux appartenant au duc Charles de Lorraine.
®e Lengres le mardy 11 juillet. — Action de grâce four
la prise de la Mothe
Le mardy unziesrae juillet 1G45, fut faicte à Lengres la pro-
cession générale pour la prinse de la Molhe, et fut dicte la
grande messe eu l' église des Frères prescheurs par monsei-
gneur notre Reuerendissime Euesque, lequel distribua la
saincte communion pendant ladicte messe aux sieurs maire,
escheuins et a tous autres officiers de la chambi'e de ville. Et
ledict iour, après vespres fut chauté le Te ^'Deurn^ el le soir fut
faicl un feu d'arlifice audeuant de ladicle chambre de ville,
au-dessus duquel esloil vu globe eu forme d'une molhe el fut
allumé ledict feu par ledict seigneur Euesque, assisté desdlclz
sieurs maire el escheuius, etc.
IGio. — Prosopopée numérale et acrosliche sur le nom cl mort
de Magallothis, par le sieur Gaultherot aduocal '
Manc f\ I aVslrasIw Cf.aVIs nVnC VlLlor aLga
LolharlCœ fVsa oblcClo pcrlVrla yenll
1 . Nicolas i]c Neuville, marquis, puis duc do Villoroi, p^ir cl inarériial
de Fronce, fils de CharlcB de Ncuvillo, nKiri|uis du Villeroi, né le 14 octo-
bre 1598, iiiourul ù i'aris le 28 uovoiiiLre lOS.'i.
2. Deiii.s Gaullherol a fait uu IVéqueiil usaf.';e du numcrai ou mieux
chrunogrummc, «luc Macherel appelle distique numcrai, clironoslicon car-
430 LES TROIS SIÈGES DE LA MOTIIE
Autre numéral du iour de l'assaull, après le feu des mines :
Cuniculis Ilini ter scxlo effracla repente
Ter Molha inuUiis caslraque laf>sat tend
Trois autres encore suivautz :
Tesqua jacenl ubi Molha farcns sacra lilia contra
Cornu extollebat qui superesse potest
En Lodoice molliœ nonis quintHibus arces
Supposuorc tuo colla snbacla jugo
Laus Chrisl.o molhœ nonis quintilibus arecs
Legibus aslriclœ siint Lodovice tais, elc ' .
La gloire de la Mothe lay cause son malheur
G'este misérable place, qui auoit esté la ruyne de tout son
paiis, a cause de ses cruaulez continuelles et miséraLles excez
quelle commcttoit souL prétexte de sa force, appuyée peut es-
tre sous l'insolente autorité de ses gouuerneurs tant du sieur
d'Yche que Chliquot - ; sans rappeler eu mémoire les crimes
quelle a commis autrefois au temps de la ligue de France soub
la fin et commencement des sacrés Roys Henry de Pologne et
Henry de Nauare, ceste rebelle, dis-je, ne se souuenoit plus
que le sieur mareschal de la Force l'auoit prise par force ; ains
comme vue petite babilone se targant en de nouvelles forces,
mesprisoit le prouerbe qui dict que ou le soleil entre les bom-
mes y entrent, s'est veuë atterée auant quelle creut estro bien
assiégée : a laquelle justement l'on pourroit dire : Filia hahj-
lonis misera: beatus qui retrihuet HH relribiUioîiem tuamquam
retribuisti nohis [Psalm. 130). Ceste place maintenant n'est re-
nommée que pour estre diffamée et a esté rasée repied, rcterre,
que nous disons auec meilleure grâce en latin [Solo œqiiata)
affiu que le vieil nom quelle porloit luy soit plus naturel et
propre, sçauoir une motbe latine [Mota) que les grammairiens
men et qu'on peut définir : une inscription en prose ou eu vers dont les let-
tres numérales ollreut la date d'un événement. Le plus souvent, les lettres
miinéralcs sont en majuscules, tandis ([uc les autres soûl eu curaclères plus
petits. Le premier chronogramme donne ;
MVJVICLVIVCVILILLIGVICIVII — 1055.
î . Ces quatre distiques sont numéraux comme le premier (Noie de Ma-
clierel).
2. Laurent Cliquot, fils de Léonard Cliquet et de Marie Alix, de Vron-
court, général des armées du duc Charles de I^orraiue et gouverneur de la
Mothe.
LES TROIS SIÈGES DE LA. MOTIIE 431
disent prouenir de movere qui veut dire mouvoir ou changer
de place, ce que juslemeut ces messieurs les rebelles de la Mo-
llie ont iaiclz, ayant ajjandonuez leur susdicte molho de terre
pour se placer ailleurs, etc.
Geste seueschaussée a esté annexée au bailliage et siège pre-
sidial de Lengres et s'en eusuyuent les villages qui sont de la-
dicte sencschaussée, la Mothe. Sauuille, Haréuille, Vaudre-
court, Graffigny, Nigeon, Soulaucourt, Oziers, Dambelain,
Roucourt, Cbaulmont-la- Ville, Huilliécourt, Brainville, Ve-
roucourt.Malaincourt, Gonnaincourt, Saincl-Thiébault, Parey,
Sainct-Ouen, Hacourt, Villoxel, LifTol-le-Grand, Vacheresse
et Rouillie, Vilotte, Grainuilliers et Germaiuuilliers, etc. Le
village de Bourmont est en ladicteet n'est pas en la tablée
1 • Extraits des tillres de la Mollie qui ra"out eslé communiqués pour ce
subject (Note do Machcrct).
COMMENT ON VOYAGEAIT
DANS
LA CHAMPAGNE MÉRIDIONALE
en 1577
Il n'était pas commode de voyager en France à l'époque des
guerres de religion. Des bandes armées parcouraient les cam-
pagnes, et les voyageurs prudents devaient se munir d'une
escorte. Lorsque l'ambassadeur vénitien, Jérôme Lippomano
fut arrivé à Dijon, au mois d'avril 1577, il fut obligé, pour con-
tinuer sa route, de se faire accompagner de douze cavaliers et
de vingt-quatre arquebusiers. On racontait que des brigands
guettaient le passage de l'ambassadeur, pour s'emparer des
trésors qu'il faisait transporter, disait-on, sur les mulets qui
étaient chargés de ses bagages. Ces brigands auraient été des
gentilshommes pauvres, qui opéraient sur les grands chemins
et se réfugiaient ensuite dans leurs maisons ou leurs châteaux.
Partout, sur leur route, on disait aux Vénitiens : « Ils sont ici
près, au nombre de trente ou de quarante, ou de cinquante
cavaliers, mais divisés en deux bandes. « Lippomano et sa
suite arrivèrent pourtant sans encombre à Châtillon-sur-Seine,
où ils admirèrent les ruines d'un château d'un aspect vraiment
royal, et la belle fontaine qui fait tourner quatre roues de
moulin. Mais à partir de cette ville, les inquiétudes des voya-
geurs recommencèrent, et ne les quittèrent point pendant leur
voyage à travers la partie de la Ghami)agne qui forme aujour-
d'hui le département de l'Aube. Nous traduisons le récit du
secrétaire de Lippomano, qui concerne le territoire de ce dépar-
tement et qui nous parait offrir un intérêt particuher pour les
lecteurs de la Revue de Champagne' .
« Partis de Châtillon, nous traversâmes d'abord Courcelles,
puis Villiers-le-Patras, situe à une lieue et demie de distance,
1 . M. N. Tommaseo, rédileur des Relations des amhassadeurs véniliens
sur les affaires de France au XV I" siècle, a publié eu notes le texte ita-
lien du passage dont nous donnons la traduction. (Voir tome II, p. 290 à
294}.
COMMENT ON VOYAGEAIT 4.^3
OÙ nous apprîmes que les brigands avaient été aperçus du haut
des murailles une demi-heure auparavant; nous nous tînmes
en dehors de leur poxtée jusqu'à Mussy-le-Vieux, une autre
lieue et demie plus loin, oîi nous dinâmes. Celte ville n'est pas
très grande, mais en somme est assez belle et assez forte, ayant
de beaux jardins et étangs, et une très belle habitation pour le
logement de Févèque. Et quoiqu'elle soit véritablement en
Bourgogne, elle dépend néanmoins de la juridiction de
Champagne. Elle est située sur la Seine. Nous passâmes
ensuite à Gourteron, Gyé, Neuville, Villeneuve, tous gros vil-
lages, entourés récemment de murs par les paysans eux-
mêmes, et qui sont à une demi-lieue de distance les uns des
autres^. Et comme ces paysans avaient entendu parler des
voleurs qui étaient dans les environs, ils pensèrent, en nous
voyant, que c'étaient ceux-ci qui venaient, et nous fermèrent
au nez les portes de leurs villages, gardant avec leurs arque-
buses les murailles au pied desquelles il était nécessaire que
nous passions ; la présence d'un frère du lieutenant de Châ-
liilon, qui était avec nous, ne suffit pas pour les rassurer.
« Entre Mussy-le-Vieux et Courteron, la vallée se rétrécit
au point de gêner le cours de la Seine. Comme les bois sont
épais, ce passage esi regardé comme dangereux*; les mulets
marchaient en tête et en avant, pour faire, s'il le fallait, un
rempart aux arquebusiers; un cavalier demanda à l'un des
muletiers à qui étaient ces mulets, et, sur la réponse qu'ils
étaient à l'ambassadeur de Venise, il voulut savoir combien il
avait de cavaliers avec lui ; le muletier répondit qu'ils étaient
de vingt-cinq à trente avec un nombre égal d'arquebusiers.
Aussitôt que le cavalier eut entendu celle réponse, il se sauva
à toute bride dans le bois, ce qui nous lit croire que nous
devions être attaqués. Nous passâmes, on peut le dire, l'épée
hors du fourreau, et les mèches des arquebuses quasi allumées.
Enfui, nous arrivâmes àB.ir-sur-Seine, quatre lieues plus loin,
sans conteste et sans avoir eu occasion celte fois de montrer
noire courage. Nous logeâmes ce soir là et le lendemain, parce
1 . Il y a une erreur pour la distance, eu ce qui concerne Villeneuve.
Villeneuve est à 7 kil. de Neuville et à 1 kil. de Bar -sur-Seine. Il ne reste
plus de cet ancien villuge qu'une papeterie, ijui existait dtjjàeu 1!j78. (lioulict
cl Socard, Dictionnaire topuyraiihviuc de l'Xuie, p. iS'i.)
2. Le nouveau voijatje de Franco, do Suugrain, réiuipriaié on 1700,
indi<pio que de lu GIoiro-Diou à Mussy il y a uu bois dans un l'oud. (puj^c
209 )
28
•i34 DANS LA CHAMPAGNE MÉRIDIONALE EN \'r)ll
qu'il pleuvait toujours, à riiôtol de la Couronne, log-is com-
mode et agréable.
« La ville est d'une honnèle grandeur; mais le cliàleau et
les murailles paraissent être faites de la terre battue dont les
Polaques font les leurs, de même que les habitations qui sont
construites de bois et de bouc.
« Ici, noire escorte fut remplacée par des hommes frais, au
nombre do quatorze cavaliers et de dix-huit arquebusiers;
après avoir fait avertir le prévôt des cavaliers de Troyes, qui
devait venir nous assurer le chemin, nous partîmes le 9 du
mois, et nous venions de quitter Virey-sous-I3ar et Fouchères,
où se trouve une belle abbaye ' , près des limites de la Bour-
gogne et de la Champagne, lorsqu'il arriva un incident qui
prêta à rire. En efi'ct^ apercevant dans un chemin bas une
grande poussière s'élever au-dessus d'une colline vers laquelle
nous marchions, et peu après une grande troupe de cavaliers,
qui venait en courant à notre rencontre, nous crûmes
tous que c'étaient les voleurs, et les autres avaient la même
opinion de nous, parce qu'ils ne pouvaient voir les mu-
lets, qui étaient restés un peu en arrière, avec les arque-
busiers qui les gardaient. Aussi de part et d'autre ayant
pris les arquebuses et ayant serré les rangs, nous avançâmes
avec la pensée d'en venir aux mains. Mais en s'approchant, on
reconnut que c'était le prév<')t de ïroyes avec dix-huit cavaliers,
et la crainte lit place aux rires. Nous traversâmes ensuite Jii-
valta', village ouvert, mais grand, et nous entrâmes à Troyes
de bonne heure, quoique les chemins eussent été gâtés par les
pluies récentes ; et les sept lieues qui se trouvent entre 'i'royes
et Bar-sur-Seine en valent bien dix.
« Troyes, capitale de la Champagne, est une bonne et solide
vills fortifiée; mais si belle et si propre, que de l'opinion
de beaucoup, elle est regardée comme la plus charmante
ville de toute la France {la j)m dilleltevol villa di tulta
la Frauda). Quoiqu'elle soit si remplie de maisons qu'on n'y
voie point d'espace vide, les rues en sont cependant si larges,
si propres et si droites^ , qu'on peut apercevoir de tous côtés
1 . Il y avait aulrofois un monaslèrc dans ce village, et il en restait en
1787 un j)rieuré à la coUaliou de l'abbé de Molème. (Courlalon, Topogra-
phie historique de la ville et du, diocèse de Troyes, III, 93).
2. Peut-être Rouilly-Saiut-Loup V
3. Il faut attribuer celte largeur et l'alignement relatif de certaines rues
au grand incendie de 152G qui avait détruit une partie de la ville.
COMMENT ON VOYAGEAIT 43E>
ses riches et beaux édifices publics et privés ; parmi ses églises,
celle de saint Pierre est la plus belle et la plus somptueuse;
elle est mt^uie, à mou avis, parmi les belles églises do Frauce,
et pourtant j'en ai vu quelques-unes. La Seine passe au milieu
de la ville; et quoiqu'elle ne soit pas navigable, elle sert néan-
moins à transporteries immondices au dehors de la ville. Nous
logeâmes cette nuit au Dauphin, hôtel roj'al, connue étant
celui où le roi lui-même descendait autrefois; et étant partis,
le 10, en compagnie du prévôt et de vingt-six cavaliers, nous
traversâmes la grande plaine [campagna) de douze lieues située
entre Troyes et Nogent; c'est de là que vient réellement le nom
de la province, qui est exposée à toutes les invasions armées
qui se font en ce royaume, et qui sert de passage aux Reilres,
quand ils viennent en France.
« Pendant les douze lieues qui séparent Troyes de Nogent,
on ne trouve logement qui vaille, sinon à moitié chemin les
Trois maisons, qui sont au juste trois maisons, ou plutôt trois
tavernes, qui n'ont rien d'autre que l'enseigne*. Nogent n'est
pas une très grande ville, mais elle est assez belle ; elle possède
une église et un pont de pierre sur la Seine, qui devient ici
navigable au point de porter de grands bateaux ; on y amène
depuis Rouen des bateaux de sel fin, qu'on envoie ensuite en
Champagne et dans une partie de la Bourgogne. Les rives de la
Seine ont besoin d'être soutenues comme celles de la Brenla
entre Dolo et Stra, en venant de Padoue. Nous fûmes assez
bien logés à la Cicogne; et le matin du M, étant débarrassés
de nos gardes, nous arrivâmes à quatre lieues de là, à Provins,
ville de Brie, pas très belle, et située sur une colline; mais
pourtant assez grande et ancienne, où nous fûmes assez bien
logés à la Couronne. Entre Nogent et Provins, on traverse
toujours une forêt touffue'. Néanmoins la route était
sûre ; d'autant plus qu'une compagnie d'hommes d'armes de
monseigneur de Guise était alors dans les environs. »
Entre Troyes et Nogent, nos voyageurs avaient eu encore
une alerte. Ils étaient au milieu d'un plateau dépouillé d'arbres,
lorsqu'ils aperç\ireut une bande de trente cavaliers, qui s'arrê-
tèrent sur le chemin et les allendirent, jusqu'à ce qu'ils fussent
à la distance d'un jet de pierre; mais alors les cavaliers, voyant
1 . La grande roule de Troyes à Nogent passa par les Tiois inuisoiis jusciu'à
l'ûpoiiue du ministère du cardinal de Fleury, vers 1735.
2. La forêt de Sourdun, qui existe encore aujourd'hui.
436 DAKS LA CHAMPAGNE MÉRIDIONALE EN 1IJ77
saus doute que les Vénitiens étaient eu force, tournèreut à
droite et s'enfuirent à bride abattue à travers la plaine. On se
donna le plaisir de les poursuivre un peu. Mais ce qu'il y eut
de piquant dans ce voyage, c'est que les Vénitiens eurent plus
à se plaindre des cavaliers de leur escorte que des brigands,
dont on parlait tant et ce qu'ils virent si peu. Le prévôt et ses
gens s'imaginaient que l'ambassadeur portait avec lui une
somme de 800,000 francs que la seigneurie de Venise envoyait
au roi Henri III; arrivés à Nogent-sur-Seine, ils lui extorquè-
rent des écus par centaines, avec des menaces telles, que si
l'on n'avait pas été dans une grosse ville, les voyageurs n'au-
raient pas su comment ils s'en seraient tirés.
Albert Babeau.
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT '
(MARNE)
A celte époque 1P90, on lit dans Mézeray, que Chrestienne
Daguorre, veuve de Louis d'Agoult, comte de Sault, avait une
faction eu Provence, que c'était une femme d'un grand cou-
rage et d'un esprit fort élevé, qu'elle ne voulait introduire le
duc de Savoie en Provence, où il avait aussi un parti, que pour
s'y rendre la plus forte elle-même, que le 2 mars 1591, ce duc
fut reçu dans Marseille par les brigues de cette comtesse de
Sanlt. Ce fut au mois de juin 1 599, selon Mézeray, qu'un duel
eut lieu entre Monsieur de Gréquy et Philippin frère bâtard du
duc de Savoie, dans lequel Philippin fut tué.
Le dernier compte des receveurs de la terre de Montmort
rendu à Jeanne de lïangest porte la date de l'année 1004.
Du 3 août 1606. — Echange entre haute et puissante dame
Chrestienne Daguerre, baronne de Vienne, dame de Montmort
veuve de feu M. de Sault, ethonoréseigneur Robert de Coudé,
écuyer, sieur de Limey et GoUigny, gouverneur pour le roi du
château de Montesclerc et dame Gabrielle de la Gravelle, sou
épodse, par lequel échange lesdits sieur et dame de Limey ont
donné à ladite dame de Montmort, la terre et seigneurie de
Montarmé', le haut et Montarraé le bas consistant en haute,
moyenne et basse justice, mouvant ladite terre en plein lief,
foi et hommage de M. le baron de Baye.
Du 2b août 1606. — Foi et hommage rendus par dame
Chrestienne Daguerre, baronne de Vienne, et dame de Mont-
mort. veuve de M. le comte de Sault des fiefs de Montarmé le
haut et Montarmé le bas à messire Jean de Lon, baron de
Baye.
Du 25 septembre 1607. — Foi et hommage rendus par dame
Chrestienne Daguerre, dame de Montmort, à messire Juste de
Pontaillei', baron de Pleurs *.
• Voir page 321, tome XV, de la Revue de la Champaijnc cl de Urie.
1, Communo de Corriljcrt.
2. Archives du chilloau de Montmort.
438 NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT
16U7. — Chreslienne Daguerre, comtesse de Sault, baronne
de Vienne; dame de Monlmorl, Moyencom-l et autres lieux
llUe unique de Jeanne de Hangest, suivant deux actes de foi
et hommage rendus à Pleurs et à Vertus les 25 et 29 septem-
bre 1607.
En 1G09 engagement signé, elle promet allouera ses fermiers
de Montmort, toutes les sommes qu'ils payeront à Barthélémy
Boyer son argentier '.
Après la mort de Chreslienne Daguerre son fils, Charles,
sire de Créquy hérita de la seigneurie de Montmort. Il avait
une fille nommée Françoise.
Maximilien de Béthune II" du nom, prince souverain d'Hen-
richemont par la grâce de Dieu, marquis de Rosny, né à Pa-
ris en 1IJ88, gouverneur de Mantes et de Gergeau, capitaine
de 30 hommes d'armes des ordonnances du roi, fut pourvu de
la charge de grand maître de l'artillerie et de surintendant des
fortifications de France sur la démission de son père, par
lettres patentes du 10 avril 1610. Il mourut le 1*^ septembre
1634. Il avait épousé le 15 septembre 1609, Françoise de
Créquy, morte le 23 janvier 1656, fille aînée de Charles, sire
de Créquy, prince de Poix, seigneur de Blanchefort et de Cré-
quy, duc de Lesdiguières, pair et maréchal de France, dont
les armes sont : « écartelé aux 1 et 4 de Blanchefort qui est
d'or, à deux lions léopardés de gueules ; aux 2 et 3 de Créquy,
qui est d'or au créquier de gueules » ; et de Bonne, dame de
Lesdiguières, fille du connétable de ce nom. De ce mariage
vinrent :
1« Maximilien François.
2" Louise morte sans alliance le 11 février 1679, enterrée
aux Récollets \
1617. — Charles, sire de Créquy d'Agoult, chevalier des
ordres du roi, maréchal de France, prince de Poix, comte de
Sault, fils et héritier par bénéfice d'inventaire de feue Chres-
tienne Daguerre suivant une quittance donnée par ce seigneur
aux amodiateurs de la terre de Montmort du 16 janvier 1617
et une transaction avec les mômes amodiateurs du 16 mars
1 622 ^
1 . Idem.
2. La Chesnaye-Deshois. Dictionnaire de la noblesse.
3. Archives du château de Monlmorl,
NOTES SUR LE CriATEAU DE MONïMORT 430
1 022, — Françoise de Gréquy, marquise de Rosny, dame de
Montmort, suivant foi et hommage fait à Baye pour certains
liefs. Elle était séparée de corps et de biens de messirc Maxi-
milien de Béthuue, marquis de Rosny, grand maître et capi-
taine général de l'artillerie de France.
Du 18 avril 1022. — Foi et hommage de partie delà terre et
seigneurie de Montmort rendu à haut et puissant seigneur
messire Joseph de Luxembourg, de Pontaillier, duc de Piney,
comte de Liguy, baron de Pleurs, par haute et puissante dame
Françoise de Gréquy, marquise de Rosny, dame dudit Mont-
mort.
Du 23 avril 1622. — Foi et hommage de la seigneurie de
Montarmé rendu à messire Jean de Lon, écuyer, seigneur de
Lorme, Talus, Bannay et baron de Baj-e par dame Françoise
de Gréquy, marquise de Rosny, dame de Montmort et de
Montarmé \
En 1023 Françoise de Gréquy, marquise de Rosny était
séparée de corps et de biens de messire Maxirailieu deBélhune,
marquis de Rosny, grand maître et capitaine général de l'ar-
tillerie de France, suivant un arrêt du Parlement du 24 juillet
1032, qui condamne M. le comte de Vertus, à donner main-
levée de la saisie féodale de la terre de Montmort.
Le 8 octobre 1024. — Foi et hommage, aveu et dénombre-
ment du fief de Vouzy-les- Vertus appelé la Tour Guissolle,
rendu par Marie Lallemand, veuve de Nicolas de Guissotte au
nom et comme mère, ayant la garde-noble de ses enfants et
dudit défunt, cà dame Françoise de Gréquy, marquise de Ros-
ny, dame de Montmort.
Du 7 novembre 102G copie coUationnée d'un aveu et dénom-
brement fourni par dame Françoise de Gréquy, marquise de
Rosny, dame de Montmort, à messire Glande de Pleurs, sei-
gneur do Balagny, seigneur et baron de Pleurs -.
Du 24 juillet 1032. Sentence du Parlement de Paris, qui
condamne M. le comte de Vertus à donner main-levée à dame
Françoise de Gréquy, marquise de Piosny, de la saisie faite k
sa requête sur la terre et seigneurie de Montmort faute de
payement de quints et requinls.
Le 29 janvier 1034, les habitants de Montmort et de Lucy
1 . Archives du cliâtcau do Monlmort.
2. Archives du château de Monlinorl,
4'jO notes sur le CHATEAU DE MONTMORT
assemblés consentent à ce que Madame de Montmort fasse
construire une retenue d'eau et creuser un étang sur leurs
usages lieu dit : le Ru des rosettes, et supplient ladite dame de
permettre que leurs bestiaux puissent paître et abreuver en
l'étendue dudit étang et autour d'iceluy, ce à quoi elle a cou-
senti '.
Jeanne de Ilangest maria à Louis d'Agoull, chef d'une puis-
sante maison de Provence et de Dauphiné sa fille unique dont
le fils, Charles, sire de (Jréquy et d'Agoult, maréchal de
France fut tué au siège de Séganez en 1638 *.
Suivant deux règlements concernant les bois à prendre par
les seigneurs de Montmort dans la forêt de Vassy, P'rançoise
de Créquy était veuve de Maximilien de Béthune eu 1642.
Le 2 avril 1643. Ordonnat;ce de M. de Ligny, grand maître
des eaux et forêts au département de l'Ile de France, Brie,
Perche, Picardie et pays reconquis, par laquelle au lieu de 40
cordes de bois de chauffage et tout le bois nécessaire pour
bâtir et les réparations du château de^Montmort, il n'accorde
à dame Françoise de Créquy, marquise de Rosny, dame de
Montmort que 20 cordes de bois de chauffage et la moitié du
bois à bâtir de ce qui était porté par l'acte d'échange de 129fi
et le droit d'usage et de pâturage sur les pâtis du Baizil pour
les bestiaux de ladite dame de Montmort seulement. Le tout à
le charge par ladite dame d'obtenir des lettres patentes du Roi
portant confirmation desdits droits*. »
1647. Foi et hommage rendu à dame Françoise de Créquy,
marquise de Rosny, par dame Marie d'Emfreville veuve de
feu Messire Jacques de Maurepas, seigneur des Boulleaux
ayant la garde noble des enfants mineurs, d'elle et dudit
défunt , du fief des hautes vendanges relevant de Mont-
mort *.
Au milieu du XVII" siècle, Françoise de Créquy, dame de
Montmort, veuve de Maximilien de Bélhune-Sully, laissa
après sa mort la seigneurie à sa fille mademoiselle Louise de
Béthune de Sully.
Acte d'échange passé devant Mossart, notaire à Montmort
1 . Archives du châtoau de Montmort.
"2. Guérard. Stalistique liisloriquc du Dép, de la Marne.
3. Archives du château de Montmort.
4. Msra.
NOTES SUR I,E CîTATEATI DE IMONTMORT 441
le 2 août 1655 entre haute et puissante demoiselle Louise de
Béthune de Sully, princesse souveraine de Henrichemonl,
dame de Montmort, Toulon et de Gongy pour un tiers et
messire Louis du Bellay, Seigneur de (Ihevigny, Gongy,
Villeneuve et Broussy-le-Grand et dame Anne d'Angleterre
son épouse. Par lequel échange demoiselle de Sully a donné
audit seigneur du Bellay, le tiers de la terre et seigneurie de
Gongy.
Acte de dénombrement fait à Vertus le 27 septembre 1657
par demoiselle Louise de Béthune de Sully, princesse souve-
raine d'Henrichemont, dame de Montmort, Toulon, Gongy et
autres lieux, fille de Françoise de Gréquy.
22 juin 1658. — Sentence rendue en la justice et prévôté
de Montmort qui ordonne la saisie féodale du fief de la Tour
de Vouz}^ et celui de Breuvery relevant et mouvant en plein
fief de haute et puissante demoiselle Louise de Béthune de
Sully, princesse souveraine d'Enrichemont, dame de Mont-
mort faute de droits et devoirs non rendus à ladite demoiselle
par les détenteurs desdits fiefs \
1" juillet 1658. — - Saisie féodale du fief de la lourde
Vouzy sur Nicolas de Guissotte.
Du 1 1 septembre 1658. — Désistement de mademoiselle de
Sully sur la saisie féodale du fief de la tour de Guissotte sur
Messire Nicolas de Guissotte, seigneur de Gizaucourt et de
Vouzy et sommation audit sieur de Gizaucourt de faire en per-
sonne et non par procureur les foi et hommage qu'il doit à
ladite demoiselle de Sully, du fief de la Tour Guissotte située
audit Vouzy.
2 juillet 1658. — Saisie féodale de la seigneurie de Breu-
very sur demoiselle de Sainl-Remy veuve do défunt
Glande Lescarnot, Philippe Sagnier seigneur pour moitié
savoir : ladite demoiselle pour deux parts et ledit Sagnier pour
l'autre part. M" Orgueliu pour une part, Gargan, Jean
Hangot, Pierre Godot, Jean Linages et domoisselle Paillot.
Protestation dudit seigneur de Gizaucourt (Nicolas de Guis-
sotte) qui est venu en personne à Montmort avec Ihuissier, de
prêter les foi et hommage demandés par l'exploit du 1 1 sep-
tembre 1658. — Mais qu'ayant rendu ce devoir devant les
officiers de Montmort par maître Louis Aubry avocat au par-
1 . Archives du chdteau de Montmort.
442 NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT
lement fondé de la procuration dudit seigneur, au mois d'août
1658 ; il somme ladite demoiselle d'avouer on désavouer les-
dits olficiers, qu'eu cas d'aveu, c'est saus sujet que la signifi-
cation dudit jour 1 1 septembre 1GS8 lui a été faite et dans le
cas de désaveu, il se soumet de rendre à ladite demoiselle, les
foi et hommage qui lui sont dus à cause dudit fief de Vouzy
relevant et mouvant de son château de Montmort, avec pro-
testation de se pourvoir contre lesdits officiel s comme contre
des concussionnaires, et d'agir contre eux pour la répétition
des sommes qu'ils ont induement exigés de lui et répéter con-
tre eux tous les dépens, dommages et intérêts sans préjudice,
aussi de faire déclarer la saisie faite de son fief à la requête de
ladite demoiselle de Sully sans signification précédente de
venir rendre les foi et homtuage, injurieuse, tortionnaire et
déraisonnable, etc '.
IG mars IGGS. — Acte de foi et hommage rendu par Jean
Dupuis, seigneur d'Aunizeux, leMénil et des hautes et basses
vendanges à mademoiselle Louise de Bôlhune-Sully dame de
Montmort du fief du Breuil et du fief des hautes vendanges à
cause de son château de Montmort.
Le 30 juin 1669. — Acte de foi et hommage rendu à made-
moiselle de Sully, par Jean Dupuis, du fief du Breuil et des
hautes vendanges.
— Du 14 janvier 1673. Foi et hommage rendu pour la sei-
gneurie de Montarné, par mademoiselle Louise de Béthune de
Sully, princesse souveraine d'Henrichemont, dame de Mont-
mort et de Moutarmé à Pierre Larcher, Baron de Baye -.
Mademoiselle de Sully avait fait venir à Montmort, Valentin
Lallemant ^ médecin célèbre, un des hommes les plus savants
de son époque.
Vers cette époque mademoiselle Louise de Béthune de
Sully, mourut sans avoir été mariée, laissant pour légataire
universelle, dame Marguerite-Louise de Béthune, veuve de
feu Messire Armand de Grammont.
— Foi et hommage du 7 novembre 1679, rendu en la justice
de Montmort à haute et puissante dame Marguerite-Louise
1. Archives du château de Montmort.
2. Archives du château de Montmort.
3. Lallemant était d'origine champenoise et son père était seigneur d'O-
ger en 1087.
NOTES SUR LE CHATEAU DE MONTMORT 443
de Béthuue, veuve de feu Messire Armaud de Grammoul,
chevalier, comte de Guiche, légataire universel de demoiselle
Louise de Béthuue de Sully, dame de Moutmort, par les fon-
dés de pi'ocuratiou de Messire Philibert-Nicolas de Cuissotte,
chevalier, seigneur de Gizaucourt pour le fief de la tour de
Vouzy autrement dit la tour de Cuissotte appartenant audit
seigneur de Gizaucourt comme fils 3t héritier, de Messire
Nicolas de Cuissotte, chevalier, seigneur de Gizaucourt son
père, relevant en plein fief de ladite dame comtesse de Guiche,
à cause de son chàtel et seigneurie de Montmort \
1682. — Messire Maximilien Henri de Béthune, chevalier
de Sully, Pair de France, prince souverain d'Henrichemont et
de Boisbelle, marquis de Rosny et autres lieux, seigneur de
Montmort, brigadier des armées du Roi, petit neveu légataire
universel et héritier par substitution de mademoiselle do
Sully -.
Les archives du château de Montmort contiennent les deux
mentions, suivantes d'abord : Acquisition par Messire Pierre
Ptémond de la terre de Moutmort moyennant la somme de
loT.OOO livres, dont 22, OI'O livres pour acquitter les droits dus
au seigneur Suzerain par contrat passé devant Deuots et
Doyen notaires au Chàlelet de Paris le 25 avril 1704. Puis,
M. le chevalier de Sully a vendu Montmort à Messire Pierre
Piémond, ccuyer, chanoine de l'église de Paris, par contrat du
2iJ avril 1704 dans lequel on voit comment la terre de Mont-
mort, est échue au chevalier de Sully ; ainsi depuis l' an-
née 1 390 jusqu'à 1704, cette terre a toujours été dans la mémo
famille,
Rémond, en Bourgogne, en Champagne et à Paris. Cette
famille divisée en sept branches, a été maintenue différentes
fois dans sa noblesse d'extraction tant par arrêts du conseil
d'Etat du Roi que par ordonnances, etc.... de MM. Larcher,
intendant de Champagne ; Ferrand, intendant de Bourgogne
et de Bresse ; de Pomereu, intendant de Champagne ; Bignon,
intendant de Paris et enfin par arrôt du Conseil d'Etat du Roi
rendu le 17 avril 173îJ en faveur de Nicolas Rémond, écuycr,
ancien conseiller au Bailliage et siège présidial do Troyes. Les
armes de Rémond sont : « de gueules à trois roses d'argent po-
sées deux et un '. » ^
1 . Archives du chûlcnu de MoiilmorL.
2. Archives du chàloau de Montmort.
.'i. La Chesn.'iyc Dosbois. Dictionnaire de la noblesse.
4/|4 NOTES SUR LE CIIATEATI DE MONTMORT
— Du 11 juin 1704. Foi el hommage rendu par Messire
Pierre Rémond, seigneur de Montmorl du fief de Lory à Mes-
sire Gaston-Jean-Louis de Noailles, évèque, comte de Châ-
lons, pair de France.
— Du 30 juin 1704. Foi et hommage rendu par Messire
Pierre Rémond, écuyer, seigneur de Montmorl à Messire
Claude-Henri de Pleurs, chevalier, marquis de Pleurs ; du
château, du parc en dépendant et des deux tiers de la terre et
Seigneurie de Monlmort \
Pierre Rémond était fils de François Rémoud, Ecuyer, sieur
de Bréviande et de Marguerite Ballu. Il naquit en 1658. Jeune
encore, il voyagea en Angleterre, en Hollande et en Allema-
gne. A son retour en France, il devint le disciple et l'ami de
Malebranche, et malgré ses grandes richesses, il se livra tout
entier à l'étude, surtout, à celle des mathématiques. Il par-
vint bientôt à connaître tout ce qu'il y avait de plus épineux
dans les nouveaux calculs. Il avait accepté un canonicat de
Notre-Dame de Paris, et sa vie se passait dans l'accomplisse-
ment de ses devoirs reUgieux, l'élude, et l'exercice d'une infa-
tigable charité ".
En 171)0 il se défit de son canonicat el épousa au château de
Mareuil, mademoiselle de Romicourt, pelite nièce et filleule
de madame la duchesse d'Angouléme, bru de Charles IX.
Le fief de Romicourt dépendait de Rethel. Les Romicoutt
portaient : « de gueules à l'ancre d'argent au chef d'or chargé
« de trois étoiles d'azur ^ »
{A suivre). Baron Joseph De Baye.
1 . Archives du château de Monlmort.
2, Extrait des éloges historiques de Fontenellc
'.',. Archives du château de Moiitmort.
CINQUANTE ANS DR SOUVENUÏS
D UN
ANCIEN PRÉFET
Grâce à ma prudeuce, cet incident passa inaperçu; malgré
mon innocence absolue, son ébruilement aurait pu me nuire
considérablement. Je conlinuaià me produire le plus possible.
Je connus alors le comte Cochon de Lapparent, Sieyès, M. Be-
noist, de la sccrétairerie d'Etat, et enfin l'archichancelicr
Cambacérès. Je dois ajouter que pour arriver à ce dernier
j'eus besoin d'une dame, très avant dans son intimité, qui,
après avoir réussi dans la négociation dont je l'avais chargé, me
fit comprendre le vif désir qu'elle avait d'une certaine robe que
je m'empressai de faire déposer chez elle. Le maréchal me
garantissait le succès, mais je ne m'endormis pas pour cela.
C'est alors que j'eus l'autorisation de me faire présenter au roi de
Bavière qui venait d'arriver à Paris, et avec lequel notre famille
avait d'anciennes et particulières relations. Mon oncle à la
mode de Bretagne, de mon nom, avait longtemps servi au
régiment d'Alsace dont le prince Maximilien de Deux -Ponts
était colonel depuis 1770 ; ce prince avait hautement apprécié
les qualités de mon parent dont il fit son ami et son conseiller ;
il obtint pour lui, en 1781, le grade de major et la croix de
Saint-Louis. Depuis la Révolution, mon oncle vit souvent le
prince qui l'accueillit à Munich et donna même un canonicat
à son frère. Quand il vint ensuite à Paris, b prince-électeur,
devenu roi de Bavière, avait ordonné qu'il logeât toujours à la
Légation. Mou père approuva d'autant plus mon idée ([u'elle
lui était presque survenue à la même heuro : « Tu vas trouver
ma démarche un peu gigantesque, m'écrivit-il le 20 décembre,
eu l'adressant ma lettre pour le roi. Son passage à Toul m'en
a donné l'envie. Eu arrivant sur la place, il demanda après
Mnii! de Cirardier ' ; on lui dit ([u'uue du ses filles était dans le
nombre des personnes qui entouraient sa voilure. 11 la lit
* Voir poge G-iS, lomo XV, dt; lu lievue de Champagne cl de Bric.
1. Cousiue-trermuiue du ma buUe-niùre.
i'iW CINQUANTE ANS Dli SOUVENlliS
appeler ensuite ; Sophie viut el il raccueilliL à merveille el,
instruit de la mort de son père, il en fit l'éloge et la chargea de
mille choses honnêtes pour sa mère. Le prince, toujours bon
et affable, se souviendra facilement qu'il m'a reçu à Stras-
bourg, surtout à cause de M. d'ilastel, avec lequel j'ai dîné
souvent chez lui. Je suis sûr qu'il t'accueillera et tu en seras
content. Ne t'intimide pas; son accueil te mettra vile à ton
aise ; il est encore le mêim. » M. de Cetto approuva mou
projet et la présentation eut lieu le 4 janvier 1810. Le roi
me témoigna une extrême bienveillance, me parla de tous mes
parents et me promit d'écrire persounellemenl au grand-juge.
Le 29 janvier, l'Empereur signa le décret attendu si impa-
tiemment et j'étais au nombre des cent six élus. Il était réelle-
ment temps que cela se décidât, car, depuis quatre jours, je ne
mangeais ni ne doi'mais. Ma joie fut extrême, encore augmen-
tée par les témoignages flatteurs dont m'accablèrenj alors mes
protecteurs. Entre tous, le comte Garnier me montrait une
affection paternelle ; il m'invita d'abord souvent à ses dîners
où je pouvais faire d'utiles connaissances, puis il me prévint
que j'aurais toujours mon couvert rais chez lui et je pris
l'habitude de m'y rendre tous les jeudis.
Rien n'était cependant terminé et bien des semaines devaient
encore s'écouler avant que la question des auditeurs reçût sa
solution définitive. La nomination avait bien paru, mais restait
l'examen dont dépendait notre classement et par conséquent
notre avenir. Je passai donc tout l'hiver à travailler et à
redoubler d'activité pour me ménager des appuis. Enfin le
grand jour arriva. J'eus pour examinateur le comte Defermon,
président de la section des finances au Conseil d'Etat ; le
résultat fut excellent et je le dus en partie à la facilité avec
laquelle j'expliquai un passage de Tacite, tandis que mes
camarades se montrèrent peu familiers avec les auteurs latius
(2 avril 1810). 1*0 décret confirmatif parut le 27 avril et vingt-
six des élus du 19 janvier furent élimiminés. Nous restions
quatre-vingts. Le i°'" mai, nous fûmes tous mandés en séance
générale du Conseil et installés par le prince archi-chanceher.
Le 0 juin, nous allâmes prêter serment à Saiiit-Cloud devaut
l'Empereur.
Il me fallait encore obtenir une situation qui me retint à
Paris où je désirais demeurer assez pour achever de me créer
de solides relations. Peu de jours après mon installation, je
diiiai chez Cambacérès qui m'eutretiut assez longtemps en me
d'un ancien préfet 447
recommandant de ne pas imiter nombre de mes collègues et de
montrer, au contraire, une grande assiduité aux deux séances
hebdomadaires du Conseil. Dans les premiers temps je ne pus
rien l'aire, absorbé par les visites officielles, auxquelles on
tenait beaucoup alors, et les présentations pour lesquelles je
trouvais toujours un patron infatigable dans le comte Garuier ;
il me mena chez l'archi-trésorier et m'aocouqjagna plusieurs
ibis au cercle de rarchi-chaucelier, d'où ma timidité me tenait
éloigné; le 24 juin, je fus présenté, après la messe, à Saint-
Gloud, par la duchesse de Montebello à l'Impératrice.
L'idée fixe d'un bon classement avait remplacé dans mou
esprit celle de ma nomination ; toutes mes actions y tendaient
exclusivement et je ne puis ra'empècher de raconter ici une
anecdote qui prouve combien le hasard peut servir.
Un soir, je rôdais place Vendôme, presqu'inconsciemment;
mais poussé par le vague espoir de trouver peut-être uue
occasion d'avoir des nouvelles. J'apperçus de la lumière dans
l'hôtel du grand-juge, aux fenêtres du bureau de l'employé
chargé de notre travail et qui précisément était un compa-
triote, M. Lemolt, de Serceuil près Goifîy. Après un moment
d'hésitation et sans trop me rendre compte de ce que je faisais,
je montai chez lui et je peux dire que c'est à cela que je dus
de demeurer à Paris. J'avais été ballotté à toutes les sections
du Conseil, même malgré une recommandation spéciale du duc
de Bassano. Enfin on me classa à l'administration des Droits-
Uéunis avec mes collègues Madier de Monljau, Jard-Panvil-
liers, Paulze d'ivoy, Lacoste, d'Argout et Gassou '.
1. Je devais assister au bal doimii le \" juillet pur le prince de Scliwar-
zeiiberg : uue bouuc inspiratiou me fit rester à uu bal à Versailles, mais je
retrouve la lettre que j'adressai ù mou père sous le coup de ce lamentable
évcuement . « On se souvieadra longtemps de celte uuit. Le prince
de Scliwarzenber;r donuail liier une fêle à Leurs Majestés. Tout
annourait une magnificence sans exemple. Trois mille personnes étaient
réunies dans deux salles construites expies dans le jardin du prince. Leurs
Majesté étant arrivées, on tira le feu d'arlitiee ; une demi- lieurc après, un
rideau étant trop près d'un lustre prit feu, et en trois minutes la salle cons-
truite eu bois et en toiles peintes était embrasée. On s'émeut, ou se trouble,
le feu gagne. Leurs Majestés sortirent aussitôt ; tout le monde voulant so
précipiter debors obstrua les issues de l'enceinte embrasée. Au mfimo ius-
laiil los lustres tombèrent, entraînant le plafond. Ou ne peut pas so faire
une idée de l'borreur de ce moment : jamais cbamp de bataille ne fut plus
alfreux. On ignore encore les résullate exacts : on sait seulement que lu
priuci'sse Pauline Scliwarzcnberg a été trouvée brûlée rnorle ; la priu-
448 CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
Malheureusement nous fûmes mal accueillis par notre chef,
le comte François de Neuchâteau ; il cherchait autant que pos-
sible à nous rendre inutiles, ne nous recevait pas et tout son
entourage avait le mot pour ne nous épargner aucun désagré-
ment. Mal élevé , justifiant médiocrement sa réputation
d'homme d'esprit, il ne faisait d'ailleurs qu'imiter l'attitude
des autres chefs de service qui voyaient avec humeur arriver
les auditeurs auprès d'eux pour troubler leur quiétude et en-
traver l'avancement de leurs protégés ; en effet, on comprenait
que désormais le chemin était barré pour ceux qui n'étaient
pas de notre « coufrairie ». Je ne m'en inquiétais pas, car
nous savions que l'Empereur tenait beaucoup à sa création et
que tôt ou tard nos persécuteurs seraient obligés d'eu
rabattre.
Le 2'6 août 1810, j'allais pour la première fois au cercle de la
Cour ; nous pouvions venir tous les dimanches matin à l'au-
dience de Sa Majesté. Mais à ce moment je consacrais surtout
mon temps au travail. M'étant ouvert au comte Defermou des
découragements que j'éprouvai auprès de M. François de Neu-
château, cet excellent homme s'empressa de m'admettre aux
assemblées do la section des finances du Conseil d'Etat et de
m'y donner à faire des rapports, comme si j'y avais été attaché
officiellement. Ce que j'attendais d'ailleurs se réalisa, car, au
mois de septembre, parut un décret qui nous donnait rang dans
l'administration immédiatement après les directeurs généraux,
nous allouant GOO livres de traitement et, en cas de mission, 20
liv. d'indemnité par jour et 1 0 livres par poste. Le comte François
de Neufchàteau parut un instant s'adoucir à mon égard, mais
cela dura peu et ce nouveau revirement s'explique facilement.
Ayant eu à présenter à la section un rapport sur une pensioii à
payer k la veuve d'un employé des Droits-Réunis, je fis remar-
quer ([u'en cette circonstance, on mettait de côté les prescrip-
tions légales et j'obtins le rejet ; le comte François dut céder,
mais avec beaucoup d'humeur, et reconnaîti'e son erreur volon-
taire. Peu de temps après, j'eus une seconde affaire de ce
genre, mais avant de commencer ce travail, je crus devoir
débiter un petit discours aux membres de la section, qui
cesse Ludovic vicut de mourir ; M. de Carifrnuu, 1j |)iiiife Kourukin lai.-,scut
peu d'espoir ; la rciue do Naples a ua pied brùic ; le prélel Bailly est mort
aussi, etc. L'Empereur après avoir reconduit rimpératrice à l'Elysée, est
monté à cheval et y est resté jusqu'à ce que le feu soit éteint. On dit que
S. M. a sauvé trois dames. »
d'un ancien préfet 449
étaient alors MM. Defernioii, Jollivct, JauLerl, Boulay, Garât,
CoUiu et Béreuger. « J'ai riiouueur do soumettre à la Sectiou
uue affaire semblable à celle que j'ai déjà rapportée. Ici je dois
parler contre mou intérêt, car j'ai des observations à faire sur
le travail de M. le comte L'rançois de Neufchâteau qui est instruit
de mon opposition sur la première affaire et eu est très mécontent
contre moi. Eu tous cas. messieurs, si mon chef me repousse,
j'espère que vous me recevrez parmi vous, car, autrement, je
serais la victime de mon devoir qui est de répondre à la con-
fiance dont vous m'honorez. » Ce petit speacli, conmie on
dirait aujourd'hui, produisit un excellent effet.
M. Defermon, du reste, redoublait de bienveillance envers
moi et me prenait sans cesse pour travailler avec lui. Au mois
de décembre, je restai plus de dix jours, presque sans le
quitter, pour la rédaction d'un règlement d'organisation relatif
à un service des postes eu Hollande qui me valut de sérieux
compliments.
J'éloiis réellement heureux à ce moment, exceptionnellement
apprécié, j'ose le dire, par des personnages dont la situation et
la valeur rendaient les suffrages particulièrement flatteurs. Je
venais de m'iuslaller dans nu joli petit appartement de la rue
de la Michodière, de prendre un valet de chambre, en dépit des
observatioiKS de mou père qu'effrayaieut ces dépenses, mais
auquel cependant je fis comprendre qu'ayant à présent beau-
coup de solliciteurs à recevoir, il me fallait un (Hablissement
convenable. Seul, le comte François de Neufchâteau ne désar-
mait pas à mon égard : il me lit tout le mal possible; heureuse-
ment j'avais pu m'étayer. Je fmis par demander mon change-
ment de service ; mes collègues avaient tous suivi m()nexem[)!e.
Le comte, cependant, ne s'en prit qu'à moi ; M. Defermon se
sentant un peu coupable, puisfju'eu fait c'était lui qui m'avait
exposé à condamner lea actes de mon chef hiérarchique, épousa
ma cause avec ardeur et la lutte se Innita entre ces deux hauts
personnages. Cependant je ne me dissimulais pas le danger de
la situation où, moi, petit fonctionnaire, j'étais exposé à
payer les frais de la guerre. Le 1 5 janvier, je fus relevé de
mon service à radministrali(Mi des Droits-lléunis, mais je ne
reçus aucune autre attribution. On me parlait d'un conunis-
sariat général de police, mot qui sonnait mal à mes oreilles,
bien que ces fonctions aient été recherchées, car nous y vîmes
bientôt figurer nos collègues de Courlivron, de la Châtre,
Boula du Colombier, Pavée de Vendeuvre, Azeglio, de Melesse,
2'J
4LI0 CINQUANTE ANS DK SOUVENIRS
Lefranc de Pompiguan, etc. De mon côté, je songeai à une
sous-préfeclure, projet que, peu de mois auparavant, j'avais
vivement repoussé, comme devant trop tôt m'éloiguer de
Paris. Dans mon irrésolution et voulant un avis, je me rendis,
■ le 21 février, au bal costumé, donné par le prince vice-conné-
table et où je devais rencontrer le duc de Reggio. Je le trouvai
eu effet en domino ; il m'accueillit au mieux, m'engagea à
venir le voir; je ne me fis pas prier et, pendant ce mois, je me
présentai plusieurs fois chez lui ; il prit chaudemant ma couse
en main pour me faire entrer officiellement au service ordi-
naire de la section des finances, but de toute mon ambition.
M. Defermon insista encore plus forlement, allant jusqu'à
déclarer que ma collaboration lui était devenue indispensable.
Je fus primé par des collègues revenant d'IUyrie et de Croatie
où ils avaient exercé les fonctions d'intendant. Un décret du
7 avril m'attacha à la Direclion g-'énérale de la comptabilité
communale au ministère de l'Intérieur, dont le titulaire était
le baron Quinette de Piochemont, conseiller d'Etat et ancien
conventionnel régicide, homme doux cependant, de relations
agréables et qui m'accueillit avec beaucoup de bonne grâce. Il
aimait les auditeurs et leur donnait des places sérieuses ; nous
siégions tous au conseil d'administration et l'un de nous était
chaque semaine de service, ayant la direclion des affaires et la
signature. Je n'en continuai pas moins à travailler à la section
des Finances et, vers le même temps, j'appris qu'ayant été
porté d'office sur une hste de sous-préfets de chef-lieu, le duc
de Bassano, ayant vu par mes notes que je savais la langue
allemande, me fit réserver pour le cas où l'on aurait besoin
de fonctionnaires de cet ordre à envoyer au-delà du Rhin. Ma
nouvelle situation élargit le cercle de mes relations ; le soir,
j'allais autant que possible dans le monde officiel pour les en-
tretenir; je fréquentais assiduementle salon du comte de Mon-
lalivet, ministre de l'Intérieur, c( qui commença à mettre mon
nom sur ma figure, écrivais-je à mon père, et c'est plus qu'on
ne pense. » Au mois d'août même, étant allé le trouver un
matin, le ministre m'accueillit avec une plus grande affabilité
et me garda pour déjeùaer ; il me félicita sur ma connaissance
de l'allemand et sa conversation, sans qu'il m'eût cependant
fait d'ouverture positive, me donna d'autant plus la pensée
d'entrer dans la carrière administrative, que je voyais l'encom-
brement du Conseil d'Etat et que je venais d'avoir encore une
fois à décliner une place de commissaire extraordinaire de
poUcej je redoutais sérieusement d'y être nommé, un jour, d'of-
d'un ancien prlcfet 4o1
lice. A. ce moment ou sougeait au miaislère à organiser com-
plètemenl le service préfecloral eu Alleniague en y casant les
audileurs au courauL de la langue ; tous mes prolecLeurs me
poussèrent unanimement à tenter la fortune de ce côté. Le
baron Ouinette remit lui-mèm« au ministre la lettre où mou
père demandait la sous-préfecture de Lubeck pour moi et
m'appuya d'une façon qui lui assura de ma part un attache-
ment respectueux et ma vive reconnaissance. Je devais plus
tf\rd le rencontrer après les Cent-Jours, alors qu'il était menacé
à cause de son malheureux vote, et je ne manquais pas de lui
témoigner la constance de mes sentiments; je dirais seulement
la douloureuse émotion que je ressentis, quand, en parlant du
passé, cet homme si bienveillant me donna l'assurance, avec une
rare fermeté d'expression, qu'il ne regrettait rien de ce qu'il
avait fait '.
Paris, 27 avril 1811.
Paris, toujours le mémo, ne m'a point l'air, la classe ancienne
surtout, (le se souvenir de la Révolution, et la nouvelle ne semble pas
assoz y réfléchir. Rien n'est fixe dans cette ville, on parle un jour
d'un grand événement, et on passe légèrement, le lendemain, avec
la même facilité à un autre.
C'est l'ancien Paris, mon cher Coursillon, à l'e-xception de la dépense
qui est plus modérée, et qui, dans son économie, fondée peut-être sur
quelque crainte ou sur une certaine inaptitude, ne se monte pas à
hauteur de son revenu: économiser est sagesse, mais thésauriser est
de trop, il faut que chacun vive.
L'argent est rare, c'est'à-dire qu'il est resserré dans les bourses ou
dans les caisses ; le commerce, dit-on, est nul et les faillites sont
fréquentes. Chacun dans son inlérèt particulier ou dans son opinion,
parle diversement des causes, et ce que l'un attribue aux lois prohibi-
tives, l'autre n'en aperçoit la source et le résultat que dans celte fré-
nésie des s[)éculations pour s'enrichir plus proinptemcnt ; on expose
non-seulement sa propre fortune, mais bien encore la fortune d'autrui.
Je ne sais, mais quand on est sage, on no risijue pas son bien, son
crédit, sa réputation sur un seul coup de dez et la raison doit l'em-
porter sur le désir immodéré de jouissance.
1. Je crois inlércssant iln piihlirr cotte lettre dcritepar M. d'iliistclà mon
oncle de Coursillon, parce qu'elle trace un croquis curieux de Paris en 1811 et
raconte, sous une forme piquante, un fait inédit, croyons-nous, de la vie du
cardinal Maurv.
4b^ CINQUANTE ANS DE SOUVENIRS
Nos airaires et nos clifTérents avec Sa Saintolô nu s'arraiignril jias, et
trapros le caractère connu de l'Empereur, il n'est pas à présumer qu'il
rétrograde. On ne parle plus autant néanmoins d'un concile national;
et malgré qu'il ait été résolu, on est tenté de croire que sa convocation
est au moins ajournée. On est généralement, et même individuellement,
bien dans les Eglises, et cependant la religion, son esprit, sa morale
no font pus de progrès. La classe élevée ne prêche pas d'exemple et
l'observateur aurait peut-être autant à se plaindre de l'indlirérence des
hommes faits que de la fougue discoureuse de la jeunesse. Espérons
que les choses pourront se remettre et que l'esprit d'innovation no
prévaudra pas sur les vérités saintes qu'on enseigne.
L'abbé d'Astros doit, ainsi que d'autres ecclésistiques d'un rang plus
élevé, avoir été remis en liberté. Ce n'est point pour un libelle contre
l'Empereur qu'il a été enfermé, mais bien pour avoir introduit en
France la bulle du Pape au chapitre de Florence.
On a beaucoup parlé pendant quelques jours du scandale qui a eu
lieu à Notre-Dame le jour du Vendredi-saint. Imaginez que le cardinal
Maury a voulu, et l'on ne sait pourquoi ou à la demande de qui, lui
qui n'a pas parlé depuis longtemps en public, prêcher la passion de
Notre-Seigneur J.-C. L'heure indiquée était huit heures du matin ; le
temple était plein comme un œuf, et Monseigneur, ajirès s'être fait
d'abord attendre trois quarts d'heure, est enfin sorti de la sacristie
avec toute la pompe attachée à Son rang, et précédé de la croix et des
acolytes qui, dans les grandes cérémonies, forment le cortège. Mais
plusieurs femmes marquantes qui étaient venues trop tard et qui ne
trouvaient point de place, s'étaient retirées dans la sacristie, et quand
il la quitta, se mirent à sa suite, ainsi qu'il le leur avait dit, pour pas-
ser plus aisément la foule et trouver à se placer. Mais encore une fois
qu'arriva "t-il ? C'est que Mme la princesse de Schwarzemberg, femme de
l'ambassadeur d'Autriche, suivit le cardinal jusque dans la chaire, se
trouva placée derrière lui, entre le porte-croix, celui qui tenait le
cahier et ceux qui portaient la crosse et la mitre. Vous concevez que
le bruit qui était déjà très grand, ne fit qu'augmenter, les propos s'en
mêlèrent ; l'un disait : c'est sa nièce ; non, répétait un autre, c'est sa
femme ; vous n'y êtes point, criait un troisième, c'est sa maîtresse
(vous noterez que la princesse n'était pas connue) , et ainsi de
suite pendant quelques minutes. L'indécence était à son comble ,
lorsque le cardinal, les lunettes sur le nez, commença son discours au
milieu du bruit, du murmure, prononça son exorde, et son premier
point, partie de mémoire, partie d'improvisation et une autre partie
en lisant. Le brouhaha, pendant le débit qui dura une heure 50 mi-
nutes, ne s'était pas totalement appaisé, et ce que tout le monde put
entendre, c'est qu'il annonça que l'année prochaine il donnerait le se-
cond et le troisième point.
Son sermon, sermon fait depuis bien des années, n'est pas, dit-on,
une pièce bien éloquente : la figure, le ton, le geste n'appuyaient
pas les paroles ; le son de la voix se ressentait de l'elfet des lunettes,
d'un ancien préfet 453
et los répélilions qui annoncent toujours l'fîm barras ou le défaut de
mémoire, étaient fatigantes. En résultat, tout cola a mal fait. S. Em.
n'avait pas besoin de cet événement pour se déconsidérer un peu plus
(car on n'excuse pas son changement de conduite polilique), et se
rendant pleine justice, en réfléchissant mieux à ce qu'elle allait faire,
il aurait dû laisser à d'autres le soin de parler des soulTranccs et de la
mort du Sauveur.
Encore un mot, et c'est celui d'une femme d'esprit, entendant tout
ce que l'on se permettait sur le compte des dames qui s'étaient mises
à la suite du cardinal, dit : « L'on se trompe du tout au tout et l'on ne
veut pas voir que ce sont les saintes femmes ! »
{A suivre).
NOTICE HISTORIQUE
SUR
LA. MAISON DE GRÂNDPRÉ
— C=:Q=aS3-0=-&—
GUILLAUME
Seigneur de Hans, comte de Dampierre.
1569, décembre. Hommage par Guillaume de Graudpré par
Hauzy, Melzicourt, Saint- Jean-sur-Tourbe, Laval, Warge-
moulin, Maignieux, Mafîrécourt et Valmy (Arch. Nat. P. P.
13,f°91.)
1520, 13 déc. Aveu du même (Archives Nat. S 914,
liasse IG.)
1521, 15 déc. Guillaume de Grandpré, seigneur de Hans,
reprend du roi François P'' les fiefs d'Aizillières et de Dam-
pierre-le-Ghâteou (Bibl. Nat. Fr. 20699 ; Archives de la
Marne ; f. d'Arzillières.
1523, 9 juin. Les religieuses de Saint-Paul de Reims ont
20 seliers de grain de rente par donation de Henri de la
Grange et Guillemette sa femme, en 1346 sur la seigneurie de
Maronvilliers, appartenant à M. de Hans.
Guillaume mourut sans alliance vers 1586, date à laquelle
son beau-frère, Henri de Linauge, rachetait la baronnie d'Ar-
zillières.
BRANCHE DE CHATEAU-PORCIEN
Avant de commencer à établir la suite des seigneurs de
Ghâleau-Porcien, issus de la maison de Grandpré, je dois con-
sacrer quelques lignes à mettre mes lecteurs au fait de ce que
fut le Porcien, dont ce fief était un démembrement ; de ce que
l'on sait, au moment oii j'écris, des anciens comtes de Porcien;
enfin des circonstances qui amenèrent le démembrement dont
profita la maison de Grandpré.
* Voir page 33, loiue XIV, de la licvuc de Champagne cl de Bric.
NOTICE HISTORIQUE 4S5
Le comté carolingien du Porcien, connu par les textes depuis
832, époque à laquelle il fut attribué par l'empereur Louis I*""
à son fils Charles \ a été l'objet d'une étude particulière dans
laquelle M. Longnon a établi que les anciens doyennés de
Saiut-GermainmonljleChâtelet, Justine, Launay et Rumigny
représentaient assez exactement sa circonscription primitive ' ;
il pense, en outre, que son chef-lieu était Châleau-Porcien et
que ce nom de lieu pouvait venir du pont voisin, sur l'Aisne,
où la voie romaine traversait cette rivière.
Le premier comte de Porcien ^ que nous connaissions
paraît un siècle après le partage de 832 ; il se nommait
Bernard et fondait, en 933, une forteresse à Arches, sur des
terres appartenant à l'évôché de Liège \ L'évêquc fit démolir
ce château qui parait avoir été édifié sur la Meuse pour pro-
léger le Porcien contre le Castrice. A la môme époque, sur la
frontière du Porcien, du Castrice et du Mousonuais, s'élevait
k forteresse d'Omont dont le nom reviendra à plusieurs re-
prises dans le courant de cette étude. Deux ans auparavant le
roi Raoul avait donné l'archevêché de Reims à Artaud, moine
de Saiut-Remy, neveu du comte de Porcien, au préjudice de
Hugues de Vermandois. Ce choix eut pour résultat de placer
le comte de Porcien au premier rang dans la lutte du comte
de Vermandois contre les rois Raoul et Louis d'Outremer.
En 741, Herbert, aidé du duc de France alors brouillé avec
le roi, s'empare de Reiras, force Artaud à se démettre et à se
retirer dans l'abbaye de Sainl-Basle ; à cette nouvelle, Louis
d'Outremer quitte la Bourgogne et arrive eu Porcien • où il est
rejoint par le prélat évincé, accompagné de tous ses proches
que le comte de Vermandois avait dépouillés de leurs bénéfi-
ces". Hugues et Herbert assiégeaient alors Ham ; l'approche
1. D. Bouquet, VI, 414.
2. Bibliothèque (la VEcula des Hautes Eludes, XI» fascicule.
3. Flodoard le désigne simplement sous le titre de comte ; Aubry do Trois-
Fontaines TappcUe comte de Ketiiel purtequc, lorsqu'il rédigeait sachroui-
que, les anciens comtes de Porcien étaient remplacés par les comtes de
licthel.
4. Flodoard, Chron. : Richarius, cpiscopus Tungrcnsis, quoddam castcl-
lum Bernardi comitis, quod ipse Bcniardus apud Arclioias, in pago Porciuce
construxeral, cvertil, eo quod suce in ecclesias terra silum est.
0. Flodoard, llisl.; D. Bouquet, VIII, M)!.
G. Afin de suivre le résumé quo nous faifons, nous croyons utile de don-
ner, d'après les textes, un tableau de la famille d'Artaud :
456 NOÏICK HISTORIQUE
du roi leur fuil lever le siège de cette place ; ils accourent,
surprennent l'arniée royale et la dispersent. Le roi Louis s'é-
chappa à grand peine, suivi de quelques-uns des siens, parmi
lesquels Flodoard cite Artaud et Roger, comte de Laou ; Riclier
ajoute qu'ils trouvèrent un asile à Omont.
Cependant Artaud fait sa soumission au comte de Verman-
dois et revient à l'abbaye de Saint-Basle qui lui est rendue ;
mais au bout de deux ans il la quitte de nouveau pour rejoin-
dre le roi qui lui promet sa réintégration. Accompagné de
ses frères, bannis du Rémois, il s'établit à Omont'. Louis
d'Outremer revient et assiège Mouzou dont il ne peut qu'in-
cendier les faubourgs. La mort d'Herbert, en 943, suspend
un instant les hostilités ; Hugues de France ménage un ac-
commodemeût. Le roi consent à recevoir l'hommage des fils
d'Herbert aux conditions suivantes : les abbayes d'Avenay et
de Saint-Basle seront restituées à Artaui que l'on tâchera de
pourvoir d'un autre siège épiscopal ; on rendra à ses frères et à
ses parents les honneurs dont ils ont été dépouillés.
La guerre continue néanmoins dans le Rémois ; l'archevêque
Hugues vient assiéger Doon, frère d'Artaud, dans son château
d'Omont et ne se retire qu'en emmenant en otage le jeune fils
de celui-ci ' .
Eu 945, le roi tenta un nouvel effort pour chasser l'archevê-
que Hugues de Vermandois et réintégrer Artaud. Accora-
Bernard
comte de Porcicn.
Artaud Doon Thierry
archevêque de Reims,
Manassès.
Il se pourrait que Robert et Raoul, frères, bannis de Reims, qui tenaient
Ambly en 943, fussent aussi de la parenté de rarchevôquc.
1. Flodoard, Uist. : Anno quoque post istum, Artaldus cpiscopus,
relicto cœnobio Sancti Basoli, ad regcm profeclus est. At ille promittit ei
se rcddilurum Remensem episcopalum. Quiassumlis secum frntribus suis et
aliis quibusdam, qui abjecti lucrant ab cpiscopatu Remensi, Altimontem
castrum occupât.
2. D. Bouquet, VIII, p. 108. —Je n'ose affirmer que ce fds, alors jeune,
ait été Manassès, neveu d'Artaud, que nous trouvons, on 1)60, mai tre de ia
forteresse d'Omont, où il aurait succédé à son pèie ; cette supposition n'a,
cependant, rien d'invraisemblable.
SUR LA MAISON DE ORANDPRÉ 4b7
pagné de coliii-ci, do Bernard de Porcieii et de Thierry son
neveu, bannis du Rémois, il mit le siège devant Ueims ; Hu-
gues le Grand intervint encore pour faire un accommodement
et Louis IV, après quinze jours d'investissement, se retira
pour aller tenter une expédition malheureuse en Normandie.
Délivre de ce danger, l'archevêque Hugues de Vermaudois
voulut se venger de ses ennemis et alla assiéger Omont, oii se
tenait Doou, frère d'Artaud. Doon, après sept semaines de
siège, rendit la place, à la condition que l'archevêque resti-
tuerait à son /Ils et aux fils de son frère leurs biens hérédi-
taires ^ .
L'année suivante, Louis IV, allié au roi de Germanie et au
comte de Flandre, recommençait la lutte contre Hugues le
Grand et le duc de Normandie. Les confédérés se réunissent
d'abord à Laon, puis vont s'emparer de Reims d'où ils chas-
sent l'archevêque Hugues de Vermandois pour y réinstaller
enfin Artaud qui ne quitta plus sou siège jusqu'à sa mort, ar-
rivée en 961 '.
Le rétablissement d'Arlaud sur le siège archiépiscopal
amena une réaction dans le diocèse de Reims ; les lannis, dé-
pouillés et persécutés depuis cinq années, prennent leur revan-
che. En 947, Renaud, comte de Roucy, et Doon, allaient ré-
duire Hervée, neveu de l'ancien archevêque de ce nom, qui,
retranché dans un château, sur les bords de la Marne, pillait et
ravageait les terres de l'évêché^ — Deux ans après, le châ-
teau d'Omont tombait par surprise au pouvoir de chevaliers du
Rémois qui n'étaient pas rentrés en grâce auprès d'Artaud;
ils y appelèrent Hugues de Vermandois, alors excommunié, et
pillèrent le Porcien ; Doon accourt avec les partisans d'Artaud
et le comte Thierry *, son frère ; il reprend la place après trois
jours de siège. — En 960 nous voyons encore Omont sur le
point d'être envahi par des partisans de l'ancien archevêque; les
traîtres furent saisis ou pendus, cette fois par ordre de Ma-
nasses neveu d'Arlaud''.
\ . D. Bouquet. VII, 198 : Rex Ludovicus, collecto secum Nordmannorum
exercitu, Veromandinsem pagum dcpraedatur : assuinptocjue cum illis Hor-
luino cum parte mililum Aruulfi, sed et Artuldo episcopo cum his,
qui dudum Remis ejecti fucrant, comitibusquc Bernardo et Tlioodorico no-
pote ipsius, Remorum obsidit urbem.
2. D. Bouquet, ièiVi.. p. 200.
3. D. Bouquet, ibi<l.,\^. 201.
4. Ibid,. p. im.
5. Ibkl., p. 200.
4o8 NOTICE HISTOKIQUE
Est- ce ce Manassès qui figure en 974 avec le titre de comte
parmi les témoins de la confirmation des biens de l'abbaye de
.Saint-Thierry de Reims par le roi Lothaire ' ? Il est permis de
le penser. Est-ce de lui, ou de Thierry sou oncle, que descend
Renaud que nous trouvons comte de Porcien en 1045 ; ce fait
n'est pas encore éclairci ; ce qui est certain, c'est que Renaud
eut pour successeur Roger, comte de Porcien. Ici, nous de-
vons nous arrêter un instant, parce que nous arrivons au dé-
membrement de Porcien et à la branche des Grandpré qui nous
intéresse.
Nous avons vu plus haut, que Alix, femme de Renaud,
comte de Porcien, épousa en secondes noces Hesselin II,
comte de Grandpré ; Roger, né de son premier mariage, était
donc frère utérin du comte Hesselin III ; il se croisa en 109G.
Nous savons, sans que nous en connaissions les motifs, que
Roger fut déchu de son fief et que, dans sa détresse, il vendit
ses droits à Geoffroy, son gendre, comte de Namur, époux de
sa fille unique. Sybille " ; celle-ci ayant été enlevée par An-
guerau, comte de Soissons, les deux rivaux se firent une
guerre acharnée ; Sybille, néanmoins, resta avec son ravisseur
et l'évèque de Laon eut la faiblesse de reconnaître cette union
illicite. Je suis très porté à penser que, dans ces circonstan-
ces, le comté de Porcien fut démembré; dans l'acte que je
viens de rappeler, nous voyons paraître pour la première fois
un comte de Ghàteau-Porcien et un comte de Rethel; il y
aura lieu, un jour, d'étudier les liens qui peuvent unir Hugues
de Rethel et Manassès, son père, au comte Manassès que nous
avons vu posséder Omont en 9G0. C'est peut-être ainsi que
l'on arrivera à déterminer la véritable origine des comtes de
RetheP.
Après Sybille, Châleau-Porcien revint à Henri I, comte de
Grandpré, son cousin germain ; Chaumont-Porcien fut la part
attribuée à Elisabeth, fille de Sybille, qui épousa en premières
noces Gervais, comte de Rethel, mort en 1124, et ensuite Glé-
rembaud, seigneur de Rozoy.
1. Ibid., l. IX, C35.
2. Geoliroy de Namur parait comme comte de Château- Porcien en 1097
dans une donation faite à l'abbaye de Sauve-Majeure, par Hugues, comte
de liethel (Carlul. du prieuré de Novi).
3. Laurent de Liège et Aubri de Trois-Fonlaines, parlent de la campa-
gne faite par Thierry, évêque de Verdun, contre Manassès, <> comitem de
Castro Rctexlo, * à la suite de laquelle le prélat s'empara de Saintc-Me-
nehould et de Sienne. (D. Bouquet XI, 251 à 361).
SUE LA MAISON DE GRANDPRÉ 439
GEOFFROI P"- DE GRÂNDPRÉ
Seigneur de Château-Porcien.
Eu présentant ce personnage comme piiïné de la maison de
Grandpré, je m'écarte complètement des conjectures faites
par mes devanciers pour proposer un fait établi par des textes
et des blasons. On croyait que Geoffroi, seigneur de Ghâteau-
Porcien. était fils de Gérard, puiné de Guermond II de Ghà-
tillon, seigneur de Savigny ; or nous verrons, dans un moment,
que son fils et ses descendants portaient les armes, brisées,
de Grandpré.
Geoffroi I''"", deuxième fils de Henri V\ comte de Grandpré,
et de Alix de Joinviile, eut d'abord la seigneurie de Balhan ;
en 1176, il donnait à l'abbaye Saint-Pierre-des-Dames tout
ce qui lui appartenait à Aire, ainsi que la chapelle du château
de Balhan ^ ; mais auparavant, en 1158, dans la charte par
laquelle .Samson, archevêque de Reims, rappelait la fondation
de l'abbaye de Signy et les aumônes faites à ce monastère par
Henri P"" de Grandpré, Geoffroi figurait déjà sous la désignation
de « Gaufridus filius Henrici comitis. » Dix ans plus tard, dans
une bulle d'Alexandre III enjoignant à l'archevêque de faire
cesser les entreprises de certains seigneurs au préjudice du
prieuré de Novi, on remarque parmi ceux-ci Geoffi'oi de Châ-
teau-Porcieri' . Ou est donc autorisé à penser que Geoffroi,
après la mort de f^ou père Henri P'', hérita de ce fief dont il
porta alors le nom.
1170. Devant le chapitre de Reims, Geoffroi renonce à tou-
tes les prétentions élevées par lui au préjudice de l'abbaye de
Signy, au sujet de donations faites par son père ; il accorde à
l'abbaye la liberté d'acquérir des biens sur ses fiefs. Get acte
fut confirmé en 1 188 par le comte de Champagne (Cartul. de
Signy).
1178. II est à Ghâteau-ïhierry, avec son frère aîné, et figure
dans une charte accordée à Prémoutré par le comte de Cham-
pagne. H prend la croix avec eux et est désigné sous le nom de
Walfardde Balhan {Auhri de l'rois-Fonlaiiies ; — //. d'Arbois
de Juhainville, t. III, i71).
1. Arcb. delà Marno, fond de Saiut-rierr.i, G. 2.
2. D. Marleiiue, Ampliss. Coll., t. II, 770.
460 NOTICE HISTORIQUE
1184, 1*'' juiu. GeofFroi du Châtel. d'accord avec sou frère
aîné et ses autres frères, ainsi que sa femme Béalrix, approuve
un accord passé entre les abbayes de Mouzon et de La Vah-oy
au sujet de Tin, et reçoit, en retour, de Tin, 10 livres rémoises,
el de La Valroy un palefroi valant 60 sous (Cart. de La Val-
roy, f°51).
1 187. Geoffroi de Balhan fait connaître un accord conclu entre
son frère Henri et l'abbaye de Vaucler au sujet du quart de
Vallis villa, jadis aumône par Gervais de Roucy, ayeu! de
Geoffroi ; on mentionne dans cet acte le consentement d'Alix,
mère de Geoffroi, et des frères de celui-ci (Cartul. de Vaucler,
f^ 86).
Je n'ai pas pu retrouver la date exacte de la mort de Geof-
froi I de Château-Porcien ; il était certainement décédé avant
l'année 1 196. Je n'ai pu non plus établir la liste des enfants
qu'il eut de Béatrix du Thoiir ; il en eut plusieurs, ainsi que
l'établit un acte de 1208 de son pelit-fils dans lequel nous
lisons ; « Pater meus etiam, Gaufridus junior, assensu fra-
trum suorum, et assensu fratris sui Nicholai de Seon. » (Car-
tul. de Signy, f'^ 48). La manière dont il est parlé de Nicolas
de Son, semble indiquer qu'il ne devait être que frère utérin
de Geoffroi IL
[A suivre). Anatole de Barthélémy.
LA VIE
DU MlUÉCHiVL DE SCHULKMBEUU
Comto du Montdejeu, Chevalier des Ordres du Roy,
Ancien Gouverneur de la ville et cité d'Arras, Grand Bailly d'Artois,
Gouverneur du Berry, Capitaine du Château de Madrid
et de la Varrane du Louvre, etc.
Ou uc me sçaura peut-èlre pas mauvais gré d'une
autre digression à laquelle le premier siège de Monlauban
donna occasion et qui a été le sujet de plusieurs conversations
du comte de Montdejeu et de la plupart des officiers de son
temps en matière de religion. Il arriva durant ce siège que
deux jeunes gascons protestants s'élanl jettes sur la place y
publièrent comme un miracle que depuis peu un messager,
que Madame de la Force envoioit au marquis son époux, avoit
été surpris par les troupes du lioi et condamné aussitôt à être
pendu, et qu'alors un aumosnier d'armée, qu'on croioit être un
prêtre de la société, étant venu l'exhorter à abjurer f^es erreurs
et à invoquer la SieV^ierge, l'assura que celle invocation auroit
la vertu de briser les cordes du bourreau et de le sauver de la
mort. Ce messager ne tut pas obstiné. L'amour de la vie lui
fit faire essai de la vertu du vœu qu'on lui inspiroit, et il lit
en un mol loul ce qu'on voulut et il arriva à la vue de tout le
monde que le bourreau rompit trois cordeaux en ratlachanl à
la potence sans offenser ce dévot patient, qui fit ainsi trois sauts
inimitables tombant toujours sur ses pieds d'une manière qui
])arul si merveilleuse que les assislans demandèrent aussitôt
grâce pour lui à haute voix, tandis que l'aumônier crioil de
toutes SCS forces, miracle, miracle. Ce récil auroil peut-èlre
touché des gens i)lus crédules que ceux à qui ces Gascons
l'adressèrent. On leur demanda d'abord s'ils étoient assurés
que les cordes si facilement bri.sécs fussenl aussi entières el
aussi bien filées que le sont celles dont on se .sert en ces sor-
tes d'exécutions. Les Gascons répondirent ({u'on lej, sçavoi
' Voir piigc ICI, lomo XV, de \o lievuc de ('lidnipaipic cl de lirie.
4G2 LA. VIE DU MARÉCHAL DE SCIIULEMBERG
être proleslans el qu'ainsi on n'auroit pas dû leur faire confi-
dence du myslère s'il eu avoit eu sur ce fait. Ou a oïii dire
plusieurs fois au Comte de Montdejeu, fort à propos sur ce
sujet, que s'il en avoit été crû, les auteurs de ce faux miracle
auroient été mis à la place destinée càcet heureux patient, qu'il
u'étoit point nécessaire de faire servir de la sorte l'industrie
et la ruse à accréditer une dévotion aussi respectable que l'est
le culte que l'Eglise rend, comme elle l'a rendu de tout temps
à une vierge mère d'un homme Dieu sauveur du monde ; que
la vérité n'avoit que faire des adresses d'un zèle imposteur.
Ces sentiments font trop d'honneur à la solide piété du comte
de Montdejeu pour les passer sous silence, quelques peines
que ce trait d'histoire fasse peut-être à la délicatesse outrée
des partisans de miracles, il est constant que celui dont il
s'agit ici n'eut aucun effet, et que le siège de Montaubau fut
levé. Il ne faut pas oublier ici que le Roi Louis le Juste aiant
été témoin d'une partie des belles actions de ce comte devant
St Jean d'Augely, lui avoit donné une compagnie dans le ré-
giment de VaudemonL et que le commandant aiant été tué
dans Montauhan, il en eut le commandement comme s'y trou-
vant le plus vieil officier aussi bien que le plus distingué. 11
servit et contribua en cette qualité au siège et à la prise de
Monheur sur la Garonne aussitôt après la levée du siège de
Montaubau. Du jour qu'il se vit à la tète d'un régiment, il se
sentit une nouvelle ardeur dont tout le monde s'appercevoit,
et qui lui fit oublier et compter pour rien tout ce qu'il avoit
fait jusque là. Il est temps de commencer par où les autres
finissent (écrivit-il à ce sujet à un de ses parens). En effet la
fin de l'année 1G21 approchoit ; tous les volontaires et la plus-
part des officiers se retiroient à l'exemple du souverain, lors-
que le comte de Montdejeu proposoit tous les jours au duc
d'Elbeuf, sous lequel il acheva cette campagne, quelques nou-
velles entreprises à faire, pour dédommager l'armée de la
levée du siège de Montaubau. Il étoit à propos d'humilier par
quelque endroit le parti protestant trop enflé de ses avantages.
On s'attaqua d'abord à la maison forte du marquis de la Eorce
qui servoit de retraite et de sûreté aux séditieux. Ce marquis,
l'un des principaux chefs des Religionnaires, y fut battu et
entièrement défait avec son secours de plus de deux mille cinq
cent hommes de la garnison de Montaubau.
Dans la campagne suivante, le Roi donna au comte de
Montdejeu la première compagnie du régiment de Falzbourg
eu le tirant de celui de Vaudemont qui fut congédié. Il servit
LA VIE DU MARÉCHAL DE SCIIULiSAinERG 403
avec lanl de réj)ulatiou à la tèle de ce nouveau réyinieiiL dout
il eut longtemps seul le commandement durant toutes les
guerres civiles de religion que le cardinal de Richelieu qui
éloit nouvellement entré dans le ministère ne put s'empescher
plusieurs fois de le faire remarquer au Roi. Il eut par celte
voie en IG'iij un régiment en chef composé de vingt compa-
gnies, avec cette distinction qu'on lui conserva toujours sa
compagnie dans Falzbourg, Ce qui lui fut un prétexte pour
être toujours emploie, en servant en qualité de simple capi-
taine plutôt que de se reposer, lorsque son régiment u'étoit
pas commandé. Il se trouva ainsi en divers sièges, où il s'ac-
quit plus de gloire eu obéissant que s'il eût été ailleurs dans
son rang supérieur avec moins de danger et dans une inaction
indigne de son âge et de la passion agissante qu'il porloil par-
tout, et qui lui faisoit souhaiter continuellement d'avoir part
aux occasions les plus difficiles et aux plus hardies entre-
prises.
Il n'avoit encore que vingt sept ans, lorsqu'il fut connu par
ses beaux endroits du cardinal de Richelieu, et il en avoit vingt
neuf lorsqu'il eu fut choisi pour être du secours que le Roi
envoia et conduisit lui-même en Piedmont avec ce cardinal
pour defïendre le duc de Manlolie de l'oppression de ses voi-
sins. Le duc de Sayo^'e n'aiant voulu accorder aux troupes
françoises un libre passage pour aller à Casai qu'à des condi-
tions trop désavantageuses au duc de Mantoûe, les troupes
du r^oi forcèrent le pas de Suze avec une vigueur qui surprit
les Savoyards et les Piedmonlois comme si le succès de l'en-
treprise eût tenu du prodige. Toutes les barricades furent en-
foncées et rompues du premier choc, à la vue du duc de Sa-
voyc et du prince de Piedmont son fils qui eut un estafier tué
à 1 un des étriers. Les François y gagnèrent dix drapeaux,
dont neuf furent pris tant sur les Espagnols que sur les Mi-
lanois. Le comte de Monldi'jcu y fit prisonniers deux officiers
espagnols des douze qui échappèrent en tout à rim[)etuos!lé du
soldat victorieux. Les égards que le Roi eut en celte rencoiilre
pour Madame Christine princesse de Piedmont sa sœur, à la-
quelle il envoia ses prisonniers, bornèrent à cet heureux pas-
sage et à la reddition de Suze la vengeance ([u'il étoit en droit
et en état de prendre du refus que le duc de Savoie lui avoit
fait pour aller au secours du duc de Mantoûe. Tout se pacifia
par le traité de 8uz<; fait au mois de mai de la mémo année
1IJ2'J entre le cardinal de Richelieu pour le Roi, Victcn- Ame-
dée prince du Piedmont pour le duc de Savoie, de sorte ({ue
504 LA VIE DU MARÉCHAL DE SCHULEMBEKG
le siège de Casai fut levé, que le duc de Maulouo se vit pour
ce coup débarrassé de ses euneinis ; mais ce ne fut pas pour
louçlemps, et les choses allèrent bientôt plus loin, parce ([ue
les Impériaux se meslèreut dans celte guerre par l'irruption
([u'ils firent dans la Valteline au commencement de l'année
11)30.
Le maréchal de la Force qui s'étoit porté dans la Bresse avec
une armée toute prête à passer en Piedmont, et le maréchal de
Marillac qui éloit venu de Piedmont avec le comte de Mont-
dejeu pour garder les frontières do la Ghampugne, eurent or-
dre de s'approcher de la Savoie où ils joignirent l'armée. Six
mille hommes de pied seulement en furent détachés avec six
cent chevaux pour réduire Charaher}^ et les autres villes voi-
sines à l'ohéissance du Roi, qui entra lui-même dans la Savoie
et dans la Morienne pour en chasser le prince Thomas et son
armée de dix mille hommes de pied et deux mille chevaux.
Tandis que h's sièges de Monimélian, Charhonières, de Mio-
lans et de Couflans se faisoient deçà les monts, les troupes du
maréchal de la Force et du maréchal de Marillac descendirent
en Piedmont où elles avoieut fortifié celles du maréchal de
Schomberg, et où le duc de Montmorency les alla joindre après
la prise de Pigneroles par le cardinal de Richelieu, ou plutôt
par le marquis de Créquy. Il fallut pour cette réunion des
troupes françoises forcer les retranchemens de Veillanes où
les Savoiards étaient soutenus dun choix d'Impériaux, d'Espa-
gnols el de Suisses, qui y firent une très vigoureuse résis-
tance. Ce passage ainsi forcé fut une victoire complette pour
les François, car la prise de Veillanes fut suivie de celle de
Coriane et de Valence, et enfin de la délivrance de Casai con-
tre toute sorte d'apparence.
{A suivre). 0. de Gourgault.
BIBLIOGRAPHIE
Gallet et le Caveau, l(j'.J8-1757, quo nous avons annoncé dans
noire dernier numéro, vient de paraître en i volumes in-8", chez Hon-
nedame, à Epernay. C'est un travail très curieux, qui fait réellement
honneur à M. Jacques Bouché. Au point de vue typogra[)hique, c'est
une édiiion digne dos bibliophiles les plus dilTiciles : de très-
jolies gravures accompagnant chaque chapitre. M. Bouché étudie
successivement Gallet et le Caveau, puis Gallet , chansonnier
et droguiste. Il y a ajouté des pièces boulFonnes de cet humou-
risliquo du xvui« siècle et une série de chansons. Lelivrcaura du succès
et il le mérite. Chemin faisant, nous trouvons des biographies des
membres principaux du Caveau : Saurin, Duclos, Le Bruère, Bernard,
Moncrif, Boucher, Helvélius, Rameau, Piron, etc. C'est un travail très
neuf, très curieux, très amusant, dont nous félicitons complètement
notre jeune compatriote. B.
*
Nous annonçons avec em|)ressement un ouvrage actuellement en
souscription : la Géographie phi/sique, ayricule, commerciale, ùidws-
tiielle, administrative et historique de VAube\ ])ar M. Lescuyer,
vici^-président du conseil de préfecture de ce départem(>nt. Ce sera un
travail, d'après ce que nous avons vu en manuscrit, des plus complets,
des plus intéressants, que nous croyons devoir recommander très sérieu-
sement. L'auteur y joint une carte générale, une carte géologique
et une carte du cours de la Seine dans le département qui rendront de
vrais services.
Vient de paraître à Langres, une brochure excessivement curieuse :
l'Imprimerie et la librairie dans la Haute-Marne et dans l'ancien
diocèse de Langres, par deux membres corresj)ondants de la Société
archéologique de celle ville. Noua y remarquons que la j)remière
imprimerie champenoise fut installée à Chablis (Yonne), ])elile ville ile
l'ancien diocèse de Langres, en 1478. L'imj)rimerie apparut à I^angres
à la (in du xvi« siècle seulement.
Annonçons Ogalement les Notes de M. de Caumartin sur le»
1. On souscrit cLiz Ldcruix, lilirturc ù Trovcs; prix.' 0 Ir. pour k
souscripteurs.
466 BIBLIOGRAPHIE
recherches des nobles de la province de Champagne en 1610, petit
volume tiré à 50 exemplaires sur papier vergé (in-S", Paris, Cham-
pion). Ces notes secrètes, écrites par Caumartin lui-même et copiées
j)ar d'IIoîier, prcsenlcnt un véritable intérêt et prouvent qu'aulre-
Ibis on n'était pas plus réservé qu'aujourd'hui en matière de fausses
prétentions nobiliaires. M. A. de Barthélémy y a ajouté une étude très
précise sur la prétendue noblesse maternelle en Champagne, en pro-
duisant un document inédit des plus décisifs pour la matière.
L'éditeur Pion vient de publier une seconde édition d'un livre vrai-
ment remarquable. Science et Vérité, par le docteur Décès, père (do
Reims). Jj'auleur y démontre que nous possédons pour arriver à la
vérité d'autres voies que la seule métaphysique : il trouve, au con-
traire, qu'actuellement la science fournit des moyens plus sûrs que
ceux employés par Descartes etparMalebranche. Contrairement au sen-
timent des savants d'aujourd'hui, M. Décès soutient que la connais-
sance des lois de la nature induit à chercher et à trouver la loi qui les
régit elles-mêmes; car, dit-il avec Newton, à mesure que nous avan-
rons dans la science, c'est-à-dire dans la connaissance des phéno-
mènes et de leurs causes, chaque pas nous rapproche de la connais-
sance d'une première cause, ce qui tait assez sentir le prix de cette
méthode. La méthode que suit M. Décès est la même que celle du phi-
losophe anglais. « Avant tout, dit-il, la prudence et la nécessité me
faisant un devoir de limiter cette étude, je me bornerai à signaler les
principaux phénomènes de la terre; puis je les grouperai par séries
semblables pour en formuler les lois. Ensuite, je demanderai à celles-ci
de nous montrer les causes qui produisent ces phénomènes, et, par suite,
ces lois elles-même, afin de trouver, sur ces causes secondes, un appui
pour m'élever jusqu'à la cause des causes, principe de tout ce qui est
de la vie môme. »
M. Décès a choisi la forme du dialogue avec trois interlocuteurs :
un philosophe travaillé douloureusement par le doute, un prêtre plein
de foi et un savant préconisant les procédés de la science de préférence
à ceux de la philosophie.
Le savant, après avoir cherché les lois des phénomènes de la nature,
et dégagé les causes qui les produisent, se demande si on peut en
rester là et démontre qu'on est forcément conduit à l'étude de la cause
première, qu'il prétend découvrir avec la même méthode expérimen-
tale. Il en arrive ainsi à la « révélation naturelle, sur laquelle il élève
l'édifice des lois générales de l'homme : la révélation naturelle a ainsi
j)our corollaire obligé la morale naturelle ». Maisalors M. Décès lui fait
répondre par le prêtre : « Je doute que vous ayez précisé dans l'ordre
des vérités que vous nous avez exposées, des règles de conduite aussi
claires que celles qui nous sont enseignées par la foi..., et, vous
conviendrez d'ailleurs que les vérités de la science son peu accessibles
au grand nombre, tandis que celles de la révélation surnaturelle sont
blULIOOUAPHIE -l6T
coinj)riscs aisément par tous les espnls... J'applaudis à vos efforts,
mais souffrez qu'aux enseignements de la nalure, je prélère ceux de
l'Ecriture Sainte. » On peut juger par ce court aperçu de l'excellence
de la doctrine de ce livre.
MliUOinES DE LA SOCIÉTÉ AGAUÉMIQUIi Ij'AGRICULTUnE, DES SCIENCES,
AKTS ET UELLE.S-LETTRES DU DÉPARTEMENT DE l'aUBE, auuéo 1882.
Dufour-Bounuol, éditeur, Léopold Lacroix, libraire, rue Nolru-Dume,
Troyes.
Annuaire administratif, statistique, commercial, du département de
l'aure pour 1883. Duf'our-Boucjuot, éditeur. Léopold Lacroix, libraire,
rue Notre-Dame, Troyes.
I
Les Mémoires de la Société académique de l'Aube, comme l'An-
nuaire départemental publié sous les auspices de ce corps savant,
revêtent do plus en plus une couleur locabi. Interroger le sol, étudier
les monuments, secouer la jjoussière des vieilles archives, recueillir
les lambeaux épars de l'histoire du ])ays, rappeler les événemenls
du passé, placer sous les yeux de la génération présente les faits
glorieux et les belles actions des ancêtres, n'est-ce pas là le but
spécial que doivent s'efforcer d'atteindre les Sociétés savantes de la
province, chacune dans les limites de sa circonscription territoriale?
Le tome dix-neuvième des Mémoires débute par un Dictionnaire
paléoelhnolofjique du département de VAuhe -, ce travail considé-
rable rempli de recherches est du à la plume savante de M. Philippe
Salmon, membre de la Commission des monuments mégalithiques; il
constate que l'industrie paléolithique tertiaire n'a pas encore été ren-
contrée dans notre département; mais que l'industrie paléolithique
quaternaire abonde dans l'arrondissement de Troyes. On devra, selon
lui, diriger les investigations relatives à l'âge de bronze particulière-
ment auprès des gués ; il parait que le bronze s'est établi, vers la lin
de la pierre polie sur les bords des cours d'eau et parmi les marécages ;
l'auteur signale spécialement les marais de Villechétif, de Saint-
Germain et de Saint-Pûuang'3 situés aux environs de Troyes.
Quant à l'âge de 1er, la première période, dit-il, a dû naître
et s'épanouir sur deux groupes de terrain tertiaire, l'un aux
contins de la Brio orientale, l'autre vers la forêt d'Othe; les exploita-
tions métallurgiques semblent moins anciennes dans la région juras-
sique du Der, au sein des cantons de Vendeuvre et de Soulaines. Tous
ces renseignements sont résumés jiar trois belles cartes i)aIéoethnolo-
giques, une pour l'âge de la pii.'rre, une pour l'âge du bronze, une
jiour l'ùge du fer.
Les péripéties singulières de la lutte du latin et du français au
collège de l'Oratoire de Troijes, racontées d'une façon piipiaiite,
jiar M. Gustave Carré, professeur d'histoire, nous apjirend (|ue, fidèles
aux vieilles traditions du pays, les pères du collège de Troyes culli-
'i08 UIBLIOGRAPHIK
valent chuz leurs ôlèvos le goût du vers latin ; ils étaient eux-mêmes
de merveilleux versificateurs en langue latine, lloraca et Virgile leur
étaient si familiers qu'ils s'étaient lait do leurs hémisticlios comme une
seconde longue maternelle. Tandisqu'ils n'étaient occupés (ju'à former
des latinistes, une révolution littéraire s'opérait dans lexvu'-" siècli'; la
langu(! française, longtemps dédaignée sous le nom de langue vulgaire,
avait fini par devenir langue classique. Les corporations enseignantes
s'obstinèrent à vouloir parler le latin et à faire parler celle langue
morte; un érudit célèbre, François Daunon, qui professa la philoso-
phie au collège de Troyes, reprochait à ces corporations de n'être
jamais au niveau de leur siècle. Aussi ne fut-ce pas sans peine que le
français acquit droit de cité parmi les élèves de l'Oratoire.
Dans une intéressante étude intitulée : les Cori'espondants de
Grosleij, M. Albert Babeau, l'un des membres les plus laborieux de
la Société académique de l'Aube, analyse les lettres des hommes célè-
bres qui entretenaient des relations avec l'ingénieux et savant Grosley
qu'on a surnommé le Voltaire de la Champagne; ces précieuses lettres
dues au zèle plein de patriotisme local et d'investigation sagace de
M. Truelle Saint-Evron, ajiporlent de nouvelles lumières aux bio-
graphies anciennes de Grosley; elles indiquent, en particulier la direc-
tion de ses études et les tendances de son esprit toujours tournée à la
malicieuse bonhomie champenoise. Dans la première période dosa vie,
1738-1750, il s'occupe surtout d'érudition; il a jiour correspondants
habituels des bénédictins et des historiens; il se livre s])écialement à
la recherche des documents relatifs aux annales troyennes et il y trouve
matière à des dissertations aussi sérieuses pour le fond que piquantes
pour la forme. Dans la deuxième période, 1750-17G0, il étend ses
relations scientifiques et littéraires; il se met en rapports plus ou
moins intimes avec les encyclopédistes. Dans la troisième, de 17G0 à
la fin de sa vie studieuse, il se range du parti des philosophes ; il est
en correspondance suivie avec le fameux d'Alcmbert; mais il no se
laisse pas aller aux phrases déclamatoires ni aux récriminations
amères; il reste troyen paisible, malin, spirituel, railleur, caustique;
en sorte que peu de provinciaux ont eu, comme lui, le rare mérite de
se créer une renommée presque européenne, sans quitter que par inter-
valles la ville qui fut son berceau.
Les Mémoires de la Société académique de l'Aube, ai-je dit, prennent
de plus en plus la couleur qui doit distinguer les travaux des hommes
studieux de la province; il faut cependant noter que le volume dont je
rends compte coniient une étude très-intéressante, Irès-spiriluelle sur
un poète anglais, Robert Southey et les amitiés féminines, mais nul-
lement il sa place; que ces sortes do travaux littéraires figurent dans
une Revue d'Outre-Manche ou même dans une llevuo parisienne, rien
do mieux; pourquoi viennent-ils usurper les pages qui devraient être
exclusivement réservées à des documents locaux? M. Charles des
Guerrois, plein de talent et de verve, je me plais à le reconnaître, ne
devrait-il j)as appliquer ses qualités littéraires à des éludes champe-
noises ou même simj)îemeul troyennes? Combien d'autres, également
BIBLIOGRArniE 4(VJ
doués SOUS lo rapport intellectuel, no s'inspirent pas du patriotisme
local? Est-ce que l'ancienne Champagne et la moderne no surabondent
])as, à tous les points do vue, en sujets historiques, scientifiques,
artistiques et littéraires? Ce serait une mine inépuisable, si les hommes
studieux de cette province se donnaient la peine d'explorer les archives
départementales, les bibliothèques des villes, les vieilles m.inutes dos
notaires, et autres sources non moins riches en documents inédits do
toutes sortes.
II
L'Annuaire de l'Aube, méthodiquement divisé, a dépassé, depuis
huit ans, le demi-siècle ; malgré son îige vénérable, il a un air de jeu-
nesse qui n'est pas sans charme; on dirait qu'il est doué d'une
vigueur de production toujours ancienne et toujours nouvelle ; deux
parties composent ses éléments constitutifs : nomenclature des éta-
blissements publics et des autorités du département; renseignements
historiques relatifs aux diverses localités départementales.
On comprend que mon compte-rendu n'a rapport qu'à cette
deuxième partie, parce que, seule, elle intéresse la Revue de Cham-
pagne et de Brie. Cette deuxième partie s'ouvre par la porte de l'an-
cien collège de Troyes, excellente lithographie de l'éditeur M. Dufour-
Bouquot. A cette occasion, M. Gustave Carré, professeur d'histoire,
rappelle avec beaucoup d'entrgin et de verve les Souvenirs du collège
de Troi/es. L'entrée du vieux collège, dit-il, n'avait rien de gai; c'était
une lourde masse de maçonnerie, sans prétentions architecturales ;
au-dessus de la porte encadrée de grosses pierre de taille, une double
inscription indiquait à la fois le nom du savant troyen Pithou, fonda-
teur du collège, le but de cette fondation et la règle de l'établissement ;
un petit beffroi où pendait la cloche réglementaire surmontait le porche
dont l'aspect n'avait rien d'attrayant pour les élèves. Il faut lire les
pages pleines d'humour où M. Gustave Carré passe en revue toutes
les parties constitutives du vieux collège.
Vient ensuite une lithographie remarquable due à M. Louis lo
Clerc, membre de la Société académique do l'Aube; elle repré-
sente Rosnay-L'IIôpital assiégé par Dandelot on décembre
\C,\(i. M. l'abbé Etienne Georges, do Troyes, membre do plusieurs
Sociétés savantes, a accompagné celte belle lilhograi)hio d'une
notice très-dévoloppéo sur les Comtes de Rosnaij-L' Hôpital; il
a puisé la plupart des éléments de son élude historique aux archives
départementales et aux archives communales. On voit quo les comtes
de Rosnay ont joné un rôlo considérable dans toute l'histoiro de
Franco ; leurs domaines étaient immenses ; ils embrassaient prestiuo
toute la région qui s'étend entre Rameru](t, Urienne ol ChavAnges;
c'était un dos plus vastes comtés do la Champagne méridionale; ses
derniers iiossesseurs lurent les Herbier du Metz qui fournirent d'il-
lustres généraux à l'armée française et plusieurs présidents à la Cour
des Comptes.
470 BIBLIOGRAPHIE
M. All)ort Babcau, secrétaire île la Société académique de l'Aube, ne
cosse de découvrir, dans ses patientes et consciencieuses recherches,
une foule de documents relatifs à l'histoire locale. Une corporation
d'arts et métiers à Troyes et les Académies de musique de Troues
présentent un vif intérêt au point de vue des institutions et des mœurs
sociales de l'ancien régime. M. Albert Babeau nous initie dans le pre-
mier article à l'industrie des tondeurs de grandes forces dont la con-
frérie avait son siège dans l'église troyenne qui occupait l'emplacement
de la caserne actuelle d'infanterie; il nous raconte dans le deuxième
article, qu'il existait à Troyes, vers le militu du xvu" siècle, une aca-
démie de musique composée de magistrats, de gens de loi, d'ecclésias-
tiques et d'un personnage fort connu dans l'histoire des almanachs,
Pierre de la Rivey-, elle avait pour président Jorrand Baudouin,
maître spirituel de l'hôf-ital Saint-Bernard à Troyes.
M. Det, bibliothécaire-adjoint de la ville de Troyes, dans sa notice
sur V Ancien déversoir de Croncels et le nouveau boulevard du
Quatorze- Juillet, a recueilli avec soin tous les renseignements relatifs
à un quartier aujourd'hui complètement transformé ; après de curieux
détails historiques et topographiques, l'auteur ajoute et avec raison
qu'un long et large boulevard planté d'arbres remplace un cloaque
infect qui ne doit être l'objet d'aucun regret; l'air pur, dit-il, et le
soleil vivifiant pénètrent librement dans ce vaste quartier, actuellement
l'un des plus sains de la ville.
III
Je ne veux pas clore ce compte rendu sans accorder une mention
honorable à quelques notices qui, pour être d'une importance secon-
daire, n'en méritent pas moins d'être signalées aux infatigables explo-
rateurs des annales de l'Aube. Il faut citer d'abord, dans les Mémoires,
l'histoire du prieuré deSainte-Thuifc par M. Mascon ; Fragments des
mémoires inédits de la vicomtesse de Loménie par M. Louis le
Clerc ; une Lettre inédite de Napoléon L^ précédée d'une introduc-
tion par M. Albert Babeau : Biographie du docteur Cartereau par
M. d'Antessanty.
U Annuaire contient aussi quelque travaux qui, quoique moins con-
sidérables, doivent être indiqués -. Ervi/, statistique et chronologie
paj le docteur Jacquier; Louis de Vaucemain, évoque de Chartres,
par M. Charles Lalore; la Grand'Maison de ViUehardouin, par
M. Antoine Jaquot.
Toutes ces exhumations faites par de savants chercheurs vulgarisent
l'histoire du j)ays, la mettent à la portée de tous, montre le passé sous
son véritable jour et, par là raniment le culte de la patrie et contri-
buent, dans une certaine mesure, à l'éducation sérieuse de la géné-
ration contemporaine. A. B. C.
CHRONIQUE
Signalons au château de Brugny, près d'Epernay, un grand tableau
qui rappelle une scène glorieuse de nos annales navales : le combat
de Vlntrépide, commandé par le marquis de Vaudreuil, bisaioul de
madame la comtesse G. de Clermont-Tonnerre, propriétaire de ce
manoir. Au bas de cette toile on lit : « Combat entre une escadre
anglaise de 12 à 14 vaisseaux de guerre, le 14 octobre 1747, com-
mandée par le célèbre admirai Hanke et une française de 8 vaisseaux,
sous le commandement de M. de l'Eteni-luère, chef d'escadre, ayant
pour convoi 3 à 400 navires marchands. Les français ayant apperçu
les anglais, firent signe au convoi de s'échapper et se mirent en ligne,
attendant les anglais de pied ferme. Mais malheureusement six furent
pris, ne s'étant rendus qu'après avoir perdu tous leurs mâts, M. do
L'Etenduère, dont le Tonnant, de 80 canons, aurait subi le même
sort, ayant perdu son grand mât de hune. Mais M. le marquis de
Vaudreuil, commandant l'Intrépide de 74 canons à son honneur
immortel, le prit en remorque et l'enleva, aïant tous les deux fait un
feu terrible. »
*
Quelques renseignements sur ia terre de Vaughamp, près de
MoNTMiRAiL. — La seigneurie appartenait en 1GG.3 à François de
Louviers qui acheta en cette année, le 3 septembre, la ferme do la
Fontaine-au-Bois et la terre du Thoult à Fr. de Baradas, marquis de
Damery, époux de Gabrielie de Colligny. — En 1744, Charlotte du
Louviers épousa Charles Saladin d'Anglure, comte d'Etoges; elle laissa
Vauchamp en 1755 à sa sœur Denise, femme de M. de la Croix do
Chevrièros, marquis de Saint-Vallier. Un autre mariage donna Vau-
champs au marquis du Bourg, époux de Barbe de Sainl-Vallier, fille
des précédents.
Joinvillo, le If) novembre 1883.
Monsieur,
Je viens de recevoir le n" 5 de la Revue où je trouve, dans la chro-
nique, un extrait du journal le Figaro, du 1/J octobre dernier.
Aujourd'hui, en raison du caraclère historique de votre pul)li(:alion,
je viens, an sujet des faits contenus flans le récit que vous copiez,
vous donner quelques rensiiignemenls qui pourront être miles à beau-
coup, et mémo à M. Legrand qui, j(î le sais, fait dos rocherches à ce
sujet.
472 CHRONIQUE
Le tombeau de Claude do Lorraine fr duc de Guise, était situé dans
l'églisi^ St-Laurent du château do Joinville. Une lithographie en a été
jiuhliée d'après le dessin qu'on a laissé M. Ch.-F. Paillette, jadis
doyen du Chapitre de l'église collégiale. Il avait aussi laissé des vues
des autres tombeaux qui ornaient la chapelle des princes et ces docu-
ments qui étaient devenus la propriété do M. Hachille Haste, ont
aujourd'hui disparu des mains de sa famille.
Ce monument était élevé dans un enfoncement pratiqué à l'aspect
du sud, dans la chapelle castrale; la façade se composait d'un por-
tique, dont quatre statues d'albâtre soutenaient l'entablement sur
lequel étaient posés à genoux Claude de Lorraine et son épouse Antoi-
nette de Bourbon. Ces quatre statues représentaient les quatre vertus
cardinales, deux ont disparu, les deux autres sont conservées à la
mairie de Joinville, ce sont la Justice et la 'Tempérance dont les attri-
buts sont légèrement mutilés et qui, lors de la Révolution de 1793, ser-
virent à représenter la Liberté et l'Egalité.
En arrière de ce portique était le tombeau, sous une voûte élevée de
5 mètres du sol, et dont les murs latéraux étaient recouverts de sculp-
tures. Un dé en pierre orné de bas-reliefs ayant rapport à la vie de
Claude do Lorraine était recouvert de l'épaisse dalle de marbre noir
qui aujourd'hui sert de tombe à tous les princes de Guise enterrés au
cimetière de la ville. Cette dalle supportait aussi les effigies complète-
ment nues de Claude et d'Antoinette. C'est assurément de ces bas-
reliefs dont il est question dans l'article du Figaro.
D'après des notes manuscrites aussi bien que des ouvrages de M. J.
Fériel, voici quelques renseignements sur les auteurs de ce riche
tombeau :
Ce fut à Joinville qu'on exécuta ce monument ; trgis sculpteurs y
furent employés : Dominique Florentin, Jean Picard, dit le Roux et
Richiel. Le premier, connu sous le nom de Dominique del Barbiere,
vint de Troyes; sa manière rappelait celle de Jean Goujon. Richiel
(ou Richier) habitait Pont-à-Mousson. Des mémoires et des comptes
assurent que les dépenses montèrent à la somme de sept mille livres,
somme considérable pour cette époque.
Ce n'est donc pas à Michel-Ange qu'il faut attribuer ce beau spé-
cimen de la renaissance.
Le 27 novembre 1792 furent adjugés par le directoire du district au
sieur Jean-Baptiste Berger de "Vassy, l'église St-Laurent, le cloître y
attenant, la galerie, le logement du sonneur et la chapelle dos princes,
tout ensemble, à la réserve des marbres qui sont dans la dite église et
du jeu d'orgues, moyennant 4,150 livres. La démolition suivit de près
et fut aussi complète que possible.
Que devinrent à ce moment les objets réservés, aucun renseigne-
ment ne vient nous l'indiquer.
En tous cas, les bas-reliels du tombeau, d'après les documents que
je possède, étaient devenus la propriété de M. Didier Ilanin, peintre,
élève do David, demeurant à Joinville. Il les avait recueillis passable-
CHRONIQUE 473
ment dégradés, après les avoir fuit arracher d'un mur do soutènement
où ils occupaient la place de moellons.
M. Ilanin, en amateur connaisseur, possédait beaucoup do portraits
des ducs de Guise dont il avait fait l'acquisition a la vente du docteur
Minière, de Joinville. Bien qu'il ait protesté longtemps de son désir de
les garder ou de les céder à la ville, il les céda subitement à la liste
civile. Quant à ses bas-reliefs ils furent vendus à un amateur de Rouen
dont j'ignore le nom avec d'autres toiles.
Le bas-relief principal représentait Claude assis sur un char et la
Renommée lui pose sur la tôle une couronne de lauriers; devant lui
des captifs, des enfants et des femmes en pleurs. Il a été dessiné en
1844 par J. Simonnet, conseiller à la Cour de Dijon, décédé, et ce
dessin fait aujourd'hui partie, sous les n^s 393 et 392 de la biblio-
thèque Haute-Marnaise, léguée au département de la Haute-Marne par
Jules Barotte, de Brachay. A ce même dépôt se trouve un dessin au
crayon et une lithographie d'après ce dessin de l'ensemble du monu-
ment.
Divers fragments de même tombeau étaient aussi déposés à l'école
de dessin de Chaumont.
Voilà, Monsieur, ce que je crois devoir vous faire connaître, dans
l'intérêt de la vérité. Vous pouvez faire tel usage que vous ^croirez
utile de ma lettre.
Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus dis-
tinguée. H. G.
■il
^ *
Vieux papiers. — Nous trouvons dans des vieux papiers de famille,
la chanson suivante, qui nous a paru curieuse à conserver :
Chanson sur Monseigneur l'Archevêque de Reims, et le citoyen
Diot, évêqiie constitutionnel du département de la Marne.
Air : C'est ce qui me console.
1er COUPLET
Deux prélats venus en ce lieu
Se disent envoyés de Dieu,
Voilà la ressemblance (bis).
Par la douceur l'un nous soumet.
L'autre so nomme Mahomet,
Voilà la différence [bis).
2o COUPLET
L'un est vraiment notre pasteur.
L'autre en a toute la couleur,
Voilà la ressemblance {bis).
Dos apôtres vient le ppimier,
Du côté gauche le dernirr.
Voilà la diirérenco [bis).
474 CHRONIQUE
3e COUPLET
Tous doux (l<^sirent nous gatrner,
Et sur nos cœurs veulent régner,
Voilà la ressemblance [bis).
Alexandre a les braves gens,
Et pour Diot sont les brigands,
Voilà la différence (bis).
4® COUPLET
Tous ('.eux sont crosses et mitres,
Tous deux aussi furent sacrés.
Voilà la ressemblance {bisj.
Lui, le fut par de vrais prélats,
Et l'autre par des apostats.
Voilà la différence {bis).
5e COUPLET
Alexandre envoie Mandements,
Et Diot force documents,
Voilà la ressemblance [bis).
L'un enseigne la vérité,
L'autre en corrompt la pureté,
Voilà la différence (bis).
6« COUPLET
Alexandre tient son parti,
Diot forme le sien aussi.
Voilà la ressemblance [bisj.
L'un suit le pontife romain,
Et l'autre Luther et Calvin,
Voilà la différence {bis).
T^ COUPLET
Tous deux les Ordres donneront,
Leurs fidèles confirmeront.
Voilà la ressemblance {bis).
Alexandre par l'Esprit-Saint,
Et Diot par l'esprit malain.
Voilà la différence (bis).
8^ COUPLET
Ils sont tous les deux entourés
De vicaires et de curés,
Voilà la ressemblance {bis).
Alexandre de vrais jiasteurs,
Et Diot de tous les jureurs.
Voilà la différence ibis).
CHRONIQUE 475
!)'= COUPLKT
Dos deux ]irôlats l'empressement
Reçoit un juste trailomont,
Voilà la ressemblance (his).
L'un a la grâce et les vertus,
L'autre préfère les écus.
Voilà la difTérence {bis).
lO*" COUPLET
Tous deux, l'un en partant d'abord,
L'autre, en restant, ont fui la mort.
Voilà la ressemblance (bisj.
L'un parc en exil confesseur,
L'autre reste en persécul;eur,
Voilà la différence (bis).
W'^ COUPLET
Parmi leurs partisans tous deux
Peuvent compter les plus fameux,
Voilà la ressemblance (bis).
L'un ses prêtres martyrises.
L'autre ses prêtres mariés,
Voilà la différence (bis).
12" COUPLET
Tous deux, dans la pure équité.
Sont bien dignes en vérité.
Voilà la ressemblance (bij).
L'un de la vénération,
L'autre de l'exécration,
Voilà la différence (bis).
IS*" COUPLET
L'Eglise et l'Europe ont jugé.
Sur tous les deux ont décidé.
Que l'un au ciel nous conduira,
L'autre au diable nous mènera.
Voilà la différence (bisJ.
Signé : JoLLY, officier de santé.
Notes diverses sur le niocicsE de lanooes, tuiéf.s de l\ iievuk de
CHAMPAGNE (Suilc). Extrait du tome quatorzième.
Registres de baptk.mbs, mariaces et sépultures, p. 2G et 201.
Outre les utilités que l'on peut tirer de ces registres et que mentionne
M. Duguin dans la Revue de Champagne et de Urie, il imi est iiikî
très imporlanlc qu'on me permettra d'indiquer. C'est que cliaciue
famille peut, à l'aide de ces registres, établir la généalogie de ses
47G CHRONIQUE
ancêtres respectifs. Dans ce but, il serait à désirer que des hommes
studieux fussent employés à faire pour chaque paroisse un l'olcvé bien
exact de toutes les familles avec l'indication de leurs enfants, inscri-
vant sur chacune do ces familles les divers événements qui la con-
cerne, tels que les naissances, les mariages et les décès ou sépultures.
Puis, pour établir les liliations, on transporte à des articles spéciaux
tous les mariages survenus dans la famille, finalement au moyen d'une
table alphabétique de toutes les familles, on constate leurs généalogies,
qui remontent souvent d'après ces seuls registres de paroisses jusqu'à
la 80, la 9e et même la IQe génération, comme j'ai eu lieu de le cons-
tater par mes études sur cette matière. Il faut l'avouer sincèrement :
nous ne connaissons pas nos ancêtres, et cependant leurs noms se
trouvent inscrits sur les registres paroissiaux qu'il suffit de dépouiller,
pour avoir la douce satisfaction de connaître ses ascendants divers
qui pour la 10° génération s'élèvent au chiffre de 2,046. Le travail que
j'indique est donc bien important; mais est-il pratiquable? Oui, il est
très pratiquable dans les petites paroisses. Quant aux paroisses considé-
rables qui renferment une population très-nombreuse, si l'on ne pouvait
pas exécuter un travail aussi complet que celui indiqué plus haut, on
pourrait du moins et l'on devrait faire ce qui a été fait pour la ville de Lan-
grcs, concernant les registres antérieurs à la Révolution, savoir inscrire
sur un registre spécial : 1" les noms des personnes baptisées, 2° les noms
des personnes mariées, 3'' les noms des personnes décédées et inhu-
mées, avec l'indication du jour, du mois et de l'année. Au moyen de
ces divers catalogues, chaque famille pourrait au besoin faire des
recherches selon ses intérêts et ses goûts. Ces réflexions émises, je
vais indiquer ici les noms de certains prêtres du diocèse de Langres,
signalés par M. Daguin.
NoGENT-LE-ROi, p. 29. Claude Michel, né audit Nogent, curé dudit
lieu pendant 20 ans, de 1617 environ à 1637 où il meurt à Mandres,
tué par les Croates. Il s'était retiré à Mandres, à cause de la peste qui
avait enlevé à Nogent en moins de deux mois plus de 500 personnes;
il eut pour successeur en la cure de Nogent, Sébastien Deferrièros ou
de Ferrières.
MussEY, p. 29. Prévost, curé de Mussey en 1641 et 1652, déclare
que les registres paroissiaux dudit lieu, dressés par lui et ses vicaires
Nicolas Godifer, Pierre Dubuisson et Pierre Dosne, de 1641 à 1652,
ont été lacérés et emportés par des bandes ennemies appelées Marauts.
C'étaient des coureurs i\e l'armée de Lorraine, commandés par le
baron do Fauge ou de Faulgue.
VouiicoiiT, p. 30. Vincent Euvrard, curé do Vouécourt, fut assassiné
dans les bois dudit lieu, puis enterré le l*'r mars 1664 à Vignory, au
milieu de la nef de l'église, près du tombeau de feu Lemerle, curé do
Vignory.
Laville-au-dois, p. 31. Jean Cussin, vicaire audit lieu, mentionne
CHRONIQUE 477
sur les registres une trombe d'eau (jui tomba sur le village et l'inonda
en 1727, lo 12 septembre.
Collège dk langues, p. 8'.1. Renard Voincliet, fils de N. . . Voinchet
et de Bonne le Genevois, était, dit-on, principal du collège en 1G04.
Son frère, Florent Voinchet, notaire à Langres, eut de son épouse
Anne de Larmoise plusieurs enfanis, entre autres Nicolas Voinchet,
docteur de Sorbonne et chanoine de Sainl-Mammès de 1G15 à 1G39.
Registres religieux, p. 91. De tout temjis les curés et vicaires ont
été tenus en conscience de tenir des registres relatant les bajjtémes,
les mariages et les décès. Mais souvent ces registres trop incomplets
ou relatés seulement sur des feuilles éparses, se perdaient. C'est pour-
quoi l'autorité civile crut devoir s'en mêler. Ainsi en 1539, François T'',
roi de France, chargea les pasteurs des âmes de tenir un registre
spécial où devaient élre inscrils les baplèmes et les sépultures ; luiis
en 1579, Henri III demanda que l'on lînt également note des maria-
ges. Lou'S XIV renouvela ces ordonnances, et à dater de 1G74, le
papier destiné à recevoir les actes, dut porter le timbre de la généra-
lité. En 1709, furent instilués des greffiers, gardes et conservateurs
des actes de l'état-civil.
MAniE-ANNE Di- VAL DE DAMi'iEiiRE, p. 27G. Celte jiicusc demoiselle
champenoise, dont la Revue nous donne un apcrçr., tiré de sa vie
imprimée en 1G84, n'élait-elle pas un peu janséniste? ce qui nous
porterait à le croire, c'est qu'on nous dit naïvemimt qu'elfe lisait avec
les lettres de saint François de Sales celles de Vabbé de Saint-Cijran,
auteur justement condamné pour son ardeur à défendre et à soutenir
le jansénisme.
Lb paulbmb.nt de chalons-suu-maiine, p. 337. Les actes de ce par-
lement, relatés dans la Bévue, nous mettent sous les yeux les vexa-
tions qui de tout temps ont été exercées en France contre l'église et
ses ministres, au nom des prétendues libertés gallicanes, que l'on
cherche à rappeler de nos jours pour opprimer le clergé, en jiaine de
la religion.
Notes sur villemorien, p. 370. Ces notes intéressent le diocèse de
Langres, dont Villemorien faisait autrefois partie. Nous y lisons : En
12i5, Geoffroy et Guy de Villemorien, Uamoi'^eaux, engogent et obli-
gent au mois de février, à François Aubry, commandeur d'Avallimre,
ce qu'ils pussèdent à Airelles pour la somme de quinze livres vien-
noises..., dont l'ut passé a;to devant messire Huyues, évêque de
Langres, chevalier et seigneur de liragclongne, fils de messire
Thibault de Bar- sur-Seine. Ces derniers mots méritent une observa-
tion. Ilu^;ues III di; Rochecorbon, l'évoque do Langres dont il s'agit
ici, était Chartrain d'origine et n'était certuincment ni chevalier, ni
seigneur de Bragelongne ou Hragelogn(!, ni lils de Thibault de Rar-
sur-Scine. Il faut donc corriger l'article précédcnl, on disant que l'acte
fut passé devant ♦ncssirc Hugues, évêque do Langres et messire N ..,
chevalier et seigneur de Bragclongne, etc.
478 CHRONIQUE
Les lŒGisruES uAiTisiAiiiES, p, 375. L(3S notes de M. Parisot, curé
do Dinteville, données dans la Bévue, sont inléressanles pour ce qui
concerne les événements arrivés de son temps ; mais les réflexions
qu'il se permet en 1718 au suj t di' la bulle Unigenitus, laquelle
causa, dit-il, de grands troubles dans le monde chrétien, donnent lieu
de soupçonner que ce curé était peut-être un pi.'U partisan du jansé-
nisme. Malheureusement, comme on le sait, il n'était pas le seul
engagé dans cette hérésie cauteleuse.
{A suivre). Roussel,
Curé de Vauxbons (Haute-Marne).
Alexandhe Dumas. — Paris, au nom et avec les souscriptions de
la France, vient d'élever une statue au romancier populaire entre
tous, à Alexandre Dumas. La petite ville de Villers-Gotterets — pres-
que notre voisine — a décidé, elle aussi, de perpétuer le souvenir
matériel du plus illustre de ses entants. Là oi!i il est né, Dumas aura
son bronze.
Un Comité, dont les sommités locales onl, non pas accepté, mais
bien sollicité la direction, s'est formé pour réunir les souscriptions
nécessaires. Aujourd'hui, nous recevons le chaleureux et poétique
appel que voici :
Aux Bernois.
Rémois,
"Vous, qui avez su rendre le monde entier tributaire de ce vin si
éminemment français et si spirituel ;
Vous, qui avez senti les jjremiers rayons de cette liqueur d'or, qui
s'annonce par une détonation, comme la bombe préludant au fou
d'artifice ;
Vous, qui les premiers avez dégusté ces flots blonds qui font naître
les bons mots, lancer les paradoxes les plus étourdissants, et laissent
une traînée lumineuse dans les horizons noirs de notre esprit, comme
ces étoiles éphémères qu'on voit parfois s'enfuir en illuminant la nuit
sombre ;
Ce délicieux Champagne, enfin, qui a inspiré les Contes rémois, si
pleins de la bonne et franche verve gauloise !
Rémois,
Croyez-vous qu'il n'y ail pas une corrélation entre lui et notre grand
romancier, si français et si spirituel : Alexandre Dumas V
Lui aussi, qu'on dévore avec le rire aux lèvres !
Lui, ce conteur populaire, né sur la lisière de la vieille Champagne,
et qui trempait sa plume, non dans l'encre, mais liaus une coui)e d'Ay
ou de fleur de Sillery.
Oui, n'est-ce pas, il y a corrélation?
Aussi sommes-nous certains que vous ouvrirez les colonnes de vos
journaux à une souscription portant ]iour titre :
CHRONIQUK 479
Le Vin le plus français et le plus spirituel.
A l'Ecrivain le j)lus français et le plus spirituel.
Et nous ne doutons pas que les Gliciiuot, les Ruederor, les Moët et
leurs riches collègues, comme aussi les vignerons les plus modestes,
ne viennent apporter, comme souvenir et de bon cœur, une parcelle,
si minime qu'elle soit, au bronze de la statue.
Les secrétaires,
Ebnest Rocir, Jules IIostain.
On peut envoyer les souscriptions directement à M. le Maire de
Villers-Clotterets ; mais le Courrier se fera un plaisir véritable de
transmettre au Comité les dons que l'on voudra bien lui adresser.
*
M. Pélicier, archiviste du département de la Marne, vient d'obtenir
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, réunie en séance
solennelle, une des trois médailles décernées par elle pour travaux
historiques. Cette récom])ense a été méritée par le jjeau travail de M.
Pélicier sur le Gouvernement d'Anne de Beaujeu.
Une mention honorable a été accordée à M. Loriquet pour son ou-
vrage sur les Tapisseries de la cathédrale de Reims.
Dans un excellent article de M. Sendret, pul^lié dans le dernier
numéro de la Revue des questions historiques, suv le concile de i'ise,
venu en 1512, dans le but, comme on sait, ù l'instigation do Louis XII
contre le pape légitime, nous relèverons le rôle de l'évcque de
Châlons-sur-Marne qui y participa et fut avec l'évèque de Saint-
Flour un des deux prélats chargé de sommer le pape Jules II de com-
paraître, revêtus de leurs habits pontificaux, ils crièrent trois fois du
haut de l'autel : « Le pape Jules II est-il ici où il y a-t-il un repré-
sentant ! » Ils réiiétèr-^nt trois fois le même ajjpel au mili(3u de la nef
de l'égiise et à la porte, comme il demeura naturellement sans ré-
ponse la contumace fut prononcée contre le i)ape.
Un très beau chemin de la croix vient d'èlre installé dans la cathé-
drale de Chàlons. Le premier tableau porte l'écusson en émail de
Mgr l'évèque à l'initiative dui{uel on le doit. La cérémonie a eu lieu le
25 novembre, en prési;nce de Mgr l'évèque de Troyes (jui a ])rononcé
un remarquable discours. Ce chemin se compose de lias-reliefs or et
argent, exécuté par la maison Charlier dans un style gothique, un peu
trop fantaisiste pour les archéologues, mais en somme d'un él(''gant
elFet.
Au mois de novembre 1882, une partie des voûtes de l'église do
Possesse (Marne) s'écroulèrent et depuis rédificc a dû être interdit au
480 CHRONIQUE
culLo. Ou annonce qu'une personae charitable vient d'olfrir à la com-
mune la somme nécessaire pour réparer complèiemeut ce monument.
*
* *
Nous croyons devoir menlionner la chasse ijui a ou lieu le 13 no-
vembre dans les plaines de Cham])agne, à cause de son résultat
excei)lionnel.
Le comte et le vicomte de BriaiUi's ont inauguré leur belle chasse
de Prosnes et de Braconnes (Marne). Il y avait là cinquante-et-un
tireurs venus de Paris et de divers points de la Champagne. Le
rendez-vous était au château de Romont, où l'hospitalité est princiè-
rement exercée.
La chasse a été suspendue à midi.
Dans un site des plus pittoresques, on avait dressé des tables sous
bois entourées de feux de bivouacs qu'entretenaient les quatre-vingt
traqueurs de la battue. Les invitas se sont attablés et le déjeuner a
été joyeusement arrosé de Champagne Moët et Chandon, de première
marque, comme on le pense.
En cinq heures do chasse, on a abattu GG5 pièces, parmi lesquelles
on comptait 480 lièvres, le reste en lapins, renards, bécasses et quel-
ques perdreaux.
Parmi les tireurs inscrits les premiers au tableau, nous citerons le
colonel de Pierrebourg, Paul Gravet, le comte de BriaiUes, Olry, Glia-
brier, de Bary ot le vicomte de Briailles.
Dans le numéro d'octobre, la Revue a inséré une note de M. Royer
sur des fouilles faites par lui à Dormans, les lecteurs ont pu remarquer
(jue certaines phrases ont été tronquées. Nous le regrettons vivement,
mais en nous excusant sur la perte de feuillets qui nous a empêché
de reconstituer le texte comme nous l'eussions désiré. Heureusement
que cela n'a rien enlevé à l'intérêt même du travail de M. Royer.
Le ballet la Farandole que l'on monte en ce moment à l'Opéra et
qui préoccupe si vivement le monde des théâtres, a pour auteur
M. Th. Dubois, un rémois, qui s'est créé à Paris, comme organiste de
la Madeleine, une des positions les ])lus justement considérables.
Un champenois encore, M. le général do division Appert, origi-
naire de Saint-Remy-sur-Bussy et conseiller général de la Marne,
vient d'être nommé ambassadeur près Sa Majesté l'empereur de
Russie.
Lo Secrélaire Gérant,
LiioN Fhémo.ni
vO
DG Revue de Champagne et de Brie
611
C4AR5
1. 15
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