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Full text of "Revue de Champagne et de Brie"

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REVUE 


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DE 


CHAMPAGNE 


ET 


DE  BRIE 


HISTOIRE  —  BIOGRAPHIE 
ARCHEOLOGIE  -  DOCUMENTS  INÉDITS  —  BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


TOME   QUINZIEME 


HUITIEME  ANNElî    —    PREMIER    SEMESTRE 


ARCIS-SUR-AUBE 


[       Lkox    FRÉMONT,    Imprimeur -ÉDiTKL'ii       | 

^  Place  de  la  Huile 

.W,W^o^c<c — -^ — dJ)  -o  o  o-<?»c — '-^ — 3j)-  =  O  0-^° — ^"^ — ='^-<'  O  »-<:<•= — C —  'î>-^  O  »-<o — T — =î^' 


SOMMAIRE  DE  LA  PREMIERE  LIVRAIS  >N 

DE    LA    HUITIÈME   ANNEE 


G.  Hérelle 

Ernest  Choullier 

De  Villef osse 

A.  Roserot 

Cte  E.  de  Barthélémy. 
Arsène  Thévenot 

Lacordaire 

Grignon 

Nécrologie 

Bibliographie 

Chronique 


Répertoire  général  et  analytique  des  principaux  fonds  an- 
ciens conservés  aux  archives  départemomales  de  la 

Marne 5 

Les  Trudainc 12 

Histoire  de  l'abbaye  d'Orbais,  par  Dom  Du  Bout 17 

Inscriptions  du  département  de  l'Aube 34 

Le  Retour  de  Varennes  à  travers  la  Champagne 45 

Faits  et  accidents  météorologiques  survenus  à  Troyes  et 

aux  environs  avant  1790 49 

Bourbonne  autrefois  et  Bourbonne  aujourd'hui 53 

Folle  équipée 59 

M.  Louis  de  Baudricourt.  —  M.  Edouard  Fleury 67 

Dictionnaire  paléoethnologique  de  l'Aube 68 

Famille  de  Gruthus  de  Grandham.  —  Sur  les  droits  pré- 
tendus par  les  habitants  du  Chesne-le-Populeux,  vas- 
saux de  l'abbaye  de  Saint-Remy.  —  Généalogie  et  pa- 
piers historiques  de  L.  Levesque  de  la  Ravalière.  — 
Une  lestre  de  M.  Lévêque  de  la  Ravalière.  —  L'éduca- 
tion des  enfants  abandonnés  à  Reims.  —  Chambre 
ardente  à  Reims.  —  Prix  J.  Barotte.  —  L'église  de 
Bourcq  (Ardenncs).  —  Varia.  —  Le  salon  de  Paris. . .       69 


Les  Epreuves  doivent  être  retournées  dans  un  délai  MAXIMUM  de 
huit  jours.  Passé  ce  délai,  les  Corrections  sont  faites  d'office^et  il  est 
passé  outre. 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE 


ET 

DE  BRIE 


HISTOIRE    —    BIOGRAPHIE 

ARGHÉOLOGIE^ DOCUMENTS    INÉDITS    —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


Honorée  d'une  Souscription  du  Conseil  Général  de  la  Marne 


Prix  de  l'Abonnement  12  fr.  par  an 


PARIS 

H      MENU^    Libraire-Éditeur 

30,   Rue  Jacob,    30 

Et  chez  tous  les  Libraires  des  deux  Provinces 
1883 

Juillet  1883.  —  Première  Livraison.  —  Huiiième  année 


SOMMAIRE  DE  LA  DEUXIÈME  LIVRAISON 

DE    LA    HUITIÈME   ANNEE 


Cte  E.  de  Barthélémy. 

Ernest  ChouUier 

David  de  Riocourt . . . . 


A.  Daguin 

Barbât  de  Bignicourt. 
Arsène  Thévenot 


De  Villefosse 
Grignon 


Bibliographie. 


Chronique 


Cinquante  ans  do  souvenirs  d'un  ancien  Préfet 81 

Les  Trudaine 97 

Les  Archives  (ies   actes  de  l'Etat-civil  do  Chàlons-sur- 

Marne 104 

Les  Registres  baptistaires 112 

Les  Conventionnels  de  la  Marne ' 118 

Faits  et  accidents  météorologiques  survenus  à  Troyes  et 

aux  environs  avant  1790 125 

Histoire  de  l'abbaye  d'Orbais,  par  Dom  Du  Bout ...      129 

Folle  équipée 1 46 

Histoire  de  l'abbaye  d'Igny.  —  L'imprimerie  et  la  librai- 
rie dans  la  Haute-Marne.  —  Notice  sur  Corbeny.  — 
Table  des  travaux  de  l'Académie  de  Reims  depuis  sa 

fondation 152 

Bibliothèque  de  Bourbonne-Ies-Bains.  —  Le  Tournoi 
d'Ecry.  —  Le  Mérite  agricole.  —  L'église  de  Mouzon. 
—  La  Verrière  de  la  chapelle  du  Séminaire  de  Sainte- 
Memmie 155 


Les  Epreuves  doivent  être  retournées  dans  un  délai  )1AXIMU.H  de 
huit  jours.  Passé  ce  délai,  les  Corrections  sont  faites  d'office  et  il  est 
(>assé  outre. 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE 


ET 

DE  BRIE 


HISTOIRE    —    BIOGRAPHIE 
ARCHÉOLOGIE    —    DOCUMENTS    INÉDITS    —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


Honorée  d'une  Souscription  du  Conseil  Général  de  la  Marne 


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30,   Rue  Jacob,    30 

Fa  chez  tous  les  Libraires  des  deux  Provinces 

1883 

Août  1883.   —  Deuxième  Livraison.  —  Huiiiènie  année 


SOMMAIRE  DE  LA  TROISIÈME  LIVRAISON 

DE     LA    HUITIÈME    ANNÉE 


A.  de  Gourgault 

J.  Chardron 

L.  Grignon 

A.  Daguin 

Arsène  Thévenot 

A.  Lacordaire 

Cte  E.  de  Barthélémy. 
Nécrologie 

Bibliographie 


Chronique 


La  vie  du  maréchal  de  Schulemberg ICI 

Lo   premier  pape  français.   —    Gerbert,    archevêque  de 

Reims 178 

Historique  de  la  corporation  des  apothicaires-épiciers  de 

la  ville  de  Chalons-sur-Marrie 195 

Les  Registres  baplistaires 203 

Faits  et  accidents  météorologiques  survenus  à  Troyes  et 

aux  environs  avant  1790 215 

Bourbonne  autrefois  et  Bourbonne  aujourd'hui,  1780-1880     223 

Lettres  de  M.  de  Dinteville  1589-1597 239 

Mgr  le  comte  de  Chambord.   —  M.  L.-S.   Fanard.   — 

Mgr  Lion 245 

Guide  du  voyageur  et  de  l'Etranger  dans  Reims.  — 
Chartes  de  départ  et  de  retour  des  Comtes  de  Dara- 
pierre-en-Astenois,  IV«  et  V«  croisades.  —  Deux 
Artistes  champenois.  —  Publication  artistique  et  ar- 
chéologique de  Reims.  —  Annales  de  Reims  de  1789 
à  1802.  —  Correspondances  de  la  marquise  de  Balleroy.  246 
Madame  de  Tourzel.  —  L'enlèvement  de  M"e  de  Sal- 
lenove,  etc. 


Les  Epreuves  doiveni  être  retournées  clans  un  délai  MAXIMUM  de 
huit  jours.  Passé  ce  délai,  les  Corrections  sont  faites  d'office  et  il  est 
i)assé  outre. 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE 


ET 

DE  BRIE 


HISTOIRE    —    BIOGRAPHIE 
ARCHÉOLOGIE    —    DOCUMENTS    INÉDITS    —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


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H      MENU,    Libraire-Éditeur 

30,   Rue  Jacob,   30 

Rt  chez  tous  les  Libraires  des  deux  Provinces 

1883 

Septembre  1883.  —   Troisième  Livraison.  —  Huiiicme  année 


SOMMAIRE  DE  LA  QUATRIEME  LIVRAISON 

DE    LA    HUITIÈME   ANNÉE 


J.-B.  Gillant 

J.  Ghardron 

L.  Grignon 

Ernest  ChouUier. 
A.  Lacordaire — 
Nécrologie 

Bibliographie.  . . . 


Chronique 


Translation  d'une  relique  de  saint  Didier 257 

iLe  premier  pape   français.   —  Gerbert,  archevêque    de 

Reims 266 

Historique  de  la  corporation  des  apothicaires-épiciers  de 

la  ville  de  (Ihâlons-sur-Marne 276 

Les  Trudaine ; 285 

Les  seignevrie  et  féavltez  de  Bovrbonne 294 

Marquis  Colbert-Chabannais.  —  Edmond  Bertherand. . .     308 
Recueil  des  chartes  de  Notre-Dame  de  Cheminon.  —  Ca- 
talogue de  la  Bibliothèque  de  la  ville  de  Troyes.  —  Le 

siège  de  Sézaune,  Barbonne,  etc 309 

Renseignements  pour  Chùlons.  —  Carte  générale  de  la 
Champagne.  —  Abbaye  de  Saint-Basles.  —  Extrait  du 
catalogue  des  manuscrits  de  la  reine  Christine  en  ce 
qui  concerne  l'histoire  de  la  Champagne.  —  Inscrip- 
tions antiques  de  Reims.  —  Une  lettre  de  M.  Lacor- 
daire. —  Sépultures  mérovingiennes  de  Dormans.  — 
Notes  sur  la  paroisse  de  Fromentières,  etc 310 


Les  Epreuves  doivent  être  retournées  dans  un  délai  MAXIMUM  de 
huit  jours.  Passé  ce  délai,  les  Corrections  sont  faites  d'office  et  il  est 
passé  outre. 


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DE 


CHAMPAGNE 


ET 

DE  BRIE 


HISTOIRE    —    BIOGRAPHIE 
ARCHÉOLOGIE    —    DOCUMENTS    INÉDITS    —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


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ARCIS-SUR-AUBE 
LÉON    FRÉMONT,    Imprimeur -Éditeur 

Place  de  la  Halle 

Et  chez  tous  les  Libraires  des  deux  Provinces 
1883 

Octobre  1885.  —   Qualriènie  Livraison.  —  Huitième  année. 


SOMMAIRE  DE  LA  CINQUIÈME  LIVRAISON 

DE    LA    HUITIÈME   ANNÉE 


Baron  J.  de  Baye 
L   Grignon 

X*' 

A.  Thévenot 

De  Villefosse 

A.  Lacordaire 

X 

B 

Nécrologie 

Bibliographie 


Chronique 


Notes  sur  le  château  do  Montmort 321 

Historique  de  la  corporation  des  apothicaires-épiciers  do 

la  ville  de  (Ihàlons-sur- Marne 334 

Cinquante  ans  de  souvenirs  d'un  ancien  Préfet 343 

Faits  et  accidents  météorologiques  survenus  à  Troyes  et 

aux  environs 348 

Histoire  de  l'abbaye  d'Orbais 369 

Les  seignevrie  et  léavitez  de  Bovrbonne 3SG 

Idée  du  véritable  homme  de  lettres 400 

Madame  Adélaïde  à  Louvois 406 

M.  Gustave  Rigollot.  —  M.  le  comte  Drouet-D'Erlon.  — 

M.  le  vicomte  Jessaint.  —  M,  Amédée  Varin 409 

Gallet  et  le  Caveau.  —  Les  Allemands  à  Reims  en  1870- 
1871.  —  Le  cimetière   gallo-romain  de  la    fosse  Jean 

Fat  à  Reims,  etc.,  par  M.  Nicaise 411 

La  Maison  des  Magneux,  rue  de  la  Peirière  à  Reims.  — 
Discours  sur  le  prix  des  choses  en  1574.  ' —  Plaidoyer 
en  faveur  du  chapitre  Saint-Etienne  de  Châlons.  — 
Vers  du  chanoine  Maucroix.  —  L'église  du  prieuré  de 
Montmort.  —  Acte  de  naissance  de  la  mère  de  Lafon- 
taine.  —  Bas-reliefs  provenant  du  château  du  duc  de 
Guise.  —  Buste  en  marbre  de  Gerson.  —  Découverte 
à  Dampierre,  etc 413 


Les  Epreuves  doivent  être  retournées  dans  un  délai  MAXIMUM  de 
huit  jours.  Passé  ce  délai,  les  Corrections  sont  faites  d'office  et  il  est 
passé  outre. 


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DE 


CHAMPAGNE 


ET 

DE  BRIE 


HISTOIRE    —    BIOGRAPHIE 
ARCHÉOLOGIE    —    DOCUMENTS    INÉDITS    —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


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Place  de  la  Halle 

Et  chez  tous  les  Libraires  des  deux  Provinces 

1883 

Novembre  1883.  —   Cinquième  Livraison.  —  Huitième  année 


SOMMAIRE  DE  LA  SIXIÈME  LIVRAISON 

DE    LA    HUITIÈME   ANNÉE 


Docteur  E.  Bougard 

Albert  Babeau 

Baron  J.  de  Baye 

X"* 

Anatole  de  Barthélémy. 
O.  de  Gourgault 

Bibliographie 


Chronique 


Los  Trois  Sièges  fie  la  Mothe  (1G34-1G42-1645),  par  Clé- 
ment Macheret il7 

Comment  on  voyageait  dans  la  Champagne  méridionale 
en  1577 432 

Notes  sur  le  château  de  Montmort 437 

Cinquante  ans  de  souvenirs  d'un  ancien  Préfet i45. 

Notice  historique  sur  la  maison  de  Grandpré 454 

La  Vie  du  maréchal  de  Schuleraberg 461 

Gallet  et  le  Caveau.  —  Géographie  physique,  agricole, 
commerciale,  industrielle,  administrative  et  historique 
de  l'Aube.  —  L'imprimerie  et  la  librairie  dans  la 
Haute-Marne.  —  Notes  de  M.  de  Caumartin  sur  la 
recherche  des  nobles  de  la  province  de  Champagne.  — 
Sciences  et  vérités,  par  le  docteur  Décès,  de  Reiras.  — 
Mémoires  de  la  société  académique  de  l'Aube.  —  An- 
nuaire de  l'Aube 465 

Le  combat  de  l'Intrépide,  commandé  par  le  marquis  de 
Vaudeuil,  bisaïeul  de  Madame  la  comtesse  de  Cler- 
mont-Tonnerre.  —  La  terre  de  Vauchamp,  près  Mont- 
mirail.  —  Le  tombeau  de  Claude  de  Lorraine.  — 
Chanson  sur  Mk'-  l'Evèque  de  Reims  et  le  citoyen  Diot, 
—  Notes  diverses  sur  le  diocèse  de  Langres.  —  Statue 
à  Alexandre  Dumas  à  Villers-Cotterets,  etc.,  etc 471 


Les  Epreuves  doivent  être  retournées  dans  un  délai  MAXIMUM  de 
huit  jours.  Passé  ce  délai,  les  Corrections  sont  faites  d'office  et  il  est 
passé  outre. 


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DE 


CHAMPAGNE 


ET 

DE  BRIE 


HISTOIRE    —    BIOGRAPHIE 
ARCHÉOLOGIE    —    DOCUMENTS    INÉDITS    —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


Honorée  d'une  Souscription  dii  Conseil  Général  de  la  Marne 


Prix  de  l'Abonnement  12  fr.  par  an 


ARCIS-SUR-AUBE 
LÉON    FRÉMONT,    Imprimeur -Éditeur 

Place  de  la  Halle 

FA  chez  tous  les  Libraires  des  deux  Provinces 

1883 

Décembre  1885.  —    Sixième  Livraison.  —   Huitième  année 


DP 


REVUE 


DE  CHAMPAGNE  ET  DE  BRIE 


Arcis-sur-Aube.  —    Imprimerie  l.éon  FRÉMONT. 


s 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE 


ET 


DE  BRIE 


HISTOIRE  —  BIOGRAPHIE 

ARCHÉOLOGIE   —    DOCUMENTS  INÉDITS   —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


TOME  QUINZIEME 

HUITIÈME  ANNÉE.    —   PREMIER   SEMESTRE 


PARIS 

HENRI    MENU,     l,II'>U  \IRE  -  ÉDITEUR  .    30,     RUE    JACOR  .     30 

1883 


DC 


t.r 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE  ET  DE  BRIE 


RÉPERTOIRE 

GÉNÉRAL     ET     ANALYTIQUE 

DES  PRINCIPAUX  FONDS  ANCIENS 
Conservés    aux   Archives  Départementales    de   la  Marne 


CARMÉLITES.  —  «  Inventaire  des  titres  et  chartes  du  monastère  do 
l'Incarnation  des  Religieuses  Carmélites  de  Reims,  de  la  réforme  de  Sainte 
Thérèse,  fondé  en  l'année  1633.  Fait  par  Pierre  Camille  Le  Moine,  avocat 
en  Parlement.  1786.  »  —  In-folio  de  165  pages  cotées.  Ce  fonds  ne  contient 
pas  de  titres  anciens. 

CHATRICES.  --  «  Inventaire  des  titres  et  papiers  de  l'abbaye  de  Cha- 
trices.  Du  20  juin  1776,  etc..  »  —  Dressé  pardevant  notaires.  Double 
expédition.  Cet  inventaire  ne  donne  ordinairement  que  la  cote  de  la  liasse 
et  le  nom  de  la  propriété  qu'elle  concerne  ;  le  plus  souvent  les  dates  font 
défaut. 

HAUTE-FONTAINE.  —  ^<  Inventaire  ou  Répertoire  sommaire  des  tiltres, 
Chartres  et  aultres  enseigoemens  qui  se  sont  trouvez  dans  la  ciiartrerie  et 
sacristie  de  l'abbaye  deNostre-Dame  de  Haute-Fontaine.  ..dans  le  quel  inven- 
taire sont  aussi  transcripts  les  anciens  tiltres  pour  y  avoir  recours  et  servir  ce 
que  de  raison.  Fait  es  mois  d'octobre  et  de  novembre  1686.  »  —  In-folio  de 
83  feuillets  co!és,  relié  en  parchemin.  On  trouve  à  la  fin  une  liste  des 
abbés,  extraite  des  litres.  Le  classement  actuel  du  chartrier  ne  répond  pas 
au  classement  de  l'inventaire.  Nous  adoptons  les  cotes  nouvelles  dans  notre 
Répciloire  ;  néanmoins  ou  pourra  sans  peine  recourir  au  manuscrit,  qui 
donne  de  bonnes  copies  d'un  grand  nombre  de  documents  aujourd'hui  perdus 
ou  illisibles  ;  car  les  titres  y  sont  rapportés  dans  l'ordre  alphabétique  des 
noms  de  lieux. 


•  Voir  page  179,  tome  XIII,  de  la  lievue  de  Champagne  et  de  Bric. 


(î  RÉPERTOIRE    GÉNÉRAL   ET   ANALYTIQUE 

IGNY.  —  «  Inventaire  ou  répertoire  sommaire  des  cliartres,  liltres, 
papiers  et  euseigneniens  qui  se  sont  trouvez  dans  la  chartrerie  de  l'ahbaye 
N.  D.  d'Igny  en  Tardenois,  de  l'ordre  (Je  Giteaux,  au  diocèse  de  Reims.  » 
—  In-folio  de  138  feuillots  cotés;  table  à  la  fin  du  volume  (xviii"  siècle). 
Divisé  en  l.'i  chapitres,  qui  contiennent  eux-mêmes  plusieurs  liasses. 

LONGUEAU.  —  «  Inventaire  des  chartes  et  titres  du  prieuré  de  N.  D.  de 
Longueau,  ordre  et  membre  de  Fontevrault,  transféré  en  la  ville  de  Reims" 
Fait  par  C.  J.  F.  Le  Moine,  fils  et  élève  de  Fauteur  de  la  Diplomatique 
pratique.  1780.  »  —  In-folio  de  507  pages  cotées  ;  table  à  la  fin  du 
volume.  Divisé  en  13  boîtes,  et  subdivisé  eu  42  liasses  ;  le  numérotage  des 
liasses  est  continu. 

LOUVOIS.  —  «  Inventaire  des  litres  du  marquisat  de  Louvois,  terres  et 
seigneuries  de  Tauxières,  Germaine,  Sarbruchc,  Vertuelle^  BuUon,  La 
Neuville-en-Chalois,  Verzenay,  Gbigny,  Rilly,  Vausillon,  Vaudemande, 
partie  de  Ludes,  les  trois  quarts  de  Mutry,  Ville-en-Selve  et  Bisseuil. 
1738.  »  —  In-folio  de  211  feuillets  cotés  ;  table  au  commencement  du 
volume.  Il  semble  que  ce  manuscrit  donne  souvent  des  dates  erronées  ;  de 
plus,  chaque  liasse  (numérotage  continu]  paraît  contenir  bien  des  titres 
étrangers  au  lieu  par  lequel  elle  est  désignée. 

MACHERET.  —  «  Inventaire  des  titres  de  l'abbaye  de  Mâcheret,  donné 
par  moi  soussigné  et  ci-devant  titulaire  de  lad.  abbayo,  à  messieurs  les 
adraiiiistratcurs  du  district  de  Sézaune,  conformément  aux  décrets  de  l'as- 
semblée nationale.  »  —  Cahier  de  il  pages  in-folio.  Inventaire  très-som- 
maire, en  9  liasses. 

MINIMES.  —  «  Inventaire  des  tiltres  appartenants  au  couvent  des  Pères 
Minimes  de  Sainct-Remy  d'Espernay.  1650.  »  —  In-folio  de  112  l'cuillels. 
Les  liasses  sont  cotées  par  lettres  ;    nous  n'avons  relevé  que  la  pagination. 

MONTCETZ.  —  «  Inventaire  des  titres  et  papiers  de  l'abbaye  de  Moncels, 
ordre  de  Prémontré.  Du  commandement  de  M"  François  Duriez,  prêtre 
docteur  en  Sorbonne,  abbé  de  Moncels.  1752,  (avec  additions).  »  —  In-folio, 
Numérotage  continu  des  liasses, 

NEUVILLE  (la).  —  «  Inventaire  des  titres,  papiers  et  enscigneraens  de 
la  Commanderie  de  la  Neuville-au-Temple  et  Maucourt  son  annexe,  fait  à 
la  diligence  et  par  les  soins  de  illustre  et  religieux  seigneur  M"  Charles  de 
Picot  de  Dampierre,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint  Jean  de  Jérusalem,  com- 
mandeur de  lad.  commanderie,  en  l'année  1774.  »  —  Gros  volume  in-folio  ; 
table  au  commencement.  Deux  exemplaires.  Numérotage  continu  des  liasses. 

N.  D.  DE  VITRY.  —  «  Inventaire  général  des  tiltres  de  la  fondation 
du  chapitre  do  l'église  royalle  et  collégialle  Nostre  Dame  de  Vitry-le- 
François.  et  de  ceux  des  biens  qu'il  possède,  des  lettres  pattentes,  arrêts  du 
Conseil  d'Etat  du  Roi,  du  Parlement,  ordonnances,  etc..  Fait  en  l'année 
1752.  »  —  In-folio  de  161  feuillets,  avec  une  table  séparée,  formant  un 
cahier  de  7  feuillets.  Numérotage  continu  des  liasses. 

SAINT-BASLE.  —  «  Inventaire  des  titres  et  chartes  de  Saint-Basle. 
ordre  de  Saint-Benoît,  montagne  et  diocèse  de  Reims,  par  Pierre  Camille 
Lemoine  de  Paris,  avocat  en  Parlement,  archiviste  à  Reims,  membre  des 
Académies  de  Rouen,  Metz  et  Chàlons,  auteur  de  la  Diplomatique  Pratique, 
pour  Messieurs  les  prieur,  religieux  et  couvent.  178P.  »  —  In-folio  do  254 
pages  cotées.  Numérotage  continu  des  liasses. 


DES    l'RlNCIPAUX   FONDS   ANCIENS  7 

SÂINTE-BÂLSAMIE.  —  «  Inventaire  des  pièces  et  titres  qui  se  trouvent 
dans  le  churtrior  de  Sainte-Balsamie,  rédigé  par  ordre  alphabétique.  1730.» 
—  Cahier  iu-folio  de  31  pages  cotées.  Numérotoge  continu  des  liasses. 

SAINT-DENIS.  —  «  Table  alphabétique  des  titres  qui  sont  arangés  et 
brochés  par  ordre  cronologique  dans  les  15  volumes  des  archives  de  l'abbaye 
de  Saint  Denis,  de  l'ordre  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin,  de 
la  Congrégation  de  France,  dans  la  ville  do  Reims,  oîi  l'on  a  mis  les 
extraits  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  important  dans  les  titres  originaux.  >  — 
Sans  date.  Paraphé  en  1790.  Très  gros  in-folio  du  commencement  du  xviu* 
siècle.  Cet  inventaire  donne  la  date  et  l'analy.se  des  actes  sans  renvoi  au 
volume  ou  ù  la  liasse  qui  les  contient.  Le  fonds  ne  se  retrouve  ni  à  Châ- 
lons,  ni  à  Uoims. 

SAINT-ETIENNE.  —  «  Inventaire  des  chartes  et  titres  de  l'église  cathé- 
drale Saint  Etienne  de  Chaalons...,  par  M"  Pierre  Camille  Le  Moine, 
avocat  en  Parlement  et  archiviste  de  plusieurs  célèbres  églises  et  abbayes 
de  France,  membre  des  Académies  de  Rouen,  Metz  et  Chaalons-sur- 
Marne.  MM,  Blondeau  et  Coquart,  chanoines  archivistes.  1777.  »  —  Six 
gros  volumes  in-folio,  comprenant  :  le  I"",  Spirituel  ;  le  2',  Ville  et  Tem- 
porel ;  le  3«,  Censives  sur  les  maisons  de  la  ville  ;  le  4",  Villages  de  A  à 
C  ;  le  î)«,  Villages,  de  C  à  R  ;  le  G»,  Villages,  do  M  à  V.  Dans  chaque 
volume ,  le  numérotage  des  liasses  forme  une  série  indépendante  et 
continue. 

SAINT-JACQUES.  —  <  Ancien  inventaire  des  Chartres  et  tiltres  de 
Tabbaye  de  Saint- Jacques  »  de  Vitry.  —  Registre  in-folio  du  commence- 
ment du  xviii»  siècle,  avec  quelques  additions.  Cet  inventaire  ne  paraît  ni 
très  complet,  ni  très  méthodique, 

SAINT-NICOLAS.  —  «  Chartulaire  du  chapitre  royal  de  Saint  Nicolas 
de  Sézanne.  »  —  Registre  in-folio  de  373  pages  cotées  ;  il  est  indiqué 
comme  appartenant  à  la  34°  liasse  du  fonds.  L'inventaire  est  divisé  en 
9  chapitres,  et  subdivisé  eu  nombreux  articles.  Nous  renvoyons  aux 
pages  du  registre. 

SAINT-PIEEEE.  —  «  Inventaire  des  Chartres  et  titres  de  l'abbaye  de 
Saint  Pierre  au.x  Monts  de  Chàlons,  ordre  de  Saint  Benoît,  congrégation  de 
Saint  Vanne  et  de  Saint  Hudulphe,  fait  en  1844  par  Alexandre  de  Osiccki.» 

—  Copie.  Grand  in-folio  de  208  pages.  Cet  inventaire  est  cocçu  sur  un 
plan  compliqué,  divisé  en  boîtes,  subdivisé  en  chapitres  et  en  liasses.  Nous 
renvoyons  à  la  page  du  manuscrit.  Ajoutons  que  la  transcription  est  défec- 
tueuse, que  beaucoup  de  dates  sont  fausses,  que  beaucoup  de  noms  parais- 
sent défigurés.  Mais  les  analyses  des  titres  sont  bien  faites  et  sulfisamment 
détaillées. 

SAINT-REMY.  —  «  Inventaire  des  chartes  do  l'arcbimonaslère  do  Saint- 
Remy  (de  Reims),  fait  par  M"  Pierre  Camille  Lemoine,  avocat  en  Parlement 
et  archiviste,  membre  des  Académies  de  Rouen,   Metz  et  Chûlons.  1783.   » 

—  Quatre  gros  volumes  in-folio,  comprenant  :  le  !•"■,  \  ille  de  Reims,  Spi- 
rituel et  Temporel,  Seigneuries  et  Villages,  de  A  à  C  ;  le  2",  Villages,  de 
D  à  V  ;  le  3',  les  Prieurés  unis  aux  biens  de  manse  ;  le  4",  le  Pelit-Couvent 
et  les  Offices  claustraux.  Le  numérotage  des  liasses  forme  une  série 
continue  dans  les  4  volumes,  de  1  ù  415. 

SAINT-THIEERT.  ~  «  Inventaire    des    chartes    de    l'abbave    de    Saint 


8  RÉrERTOlHE    GÉNÉRAL   ET   ANALYTIQUE 

Thierry  près  Reims,  réunie,  savoir  :  la  manse  abbatiale  à  l'aichevêchc  Je 
Reims  en  lôttî),  et  la  manse  conventuelle  et  offices  claustraux  à  la  mause 
conventuelle  Je  Saint  Remy  en  1777.  Fait  par  P.  C.  Le  Moine,  archiviste 
et  avocat,  membre  des  Académies  de  Melz  et  Je  Chàlons,  auteur  de  la 
Diplomatique  Pralique  1782.  »  —  In-folio  de  692  pages  cotées.  Tables  au 
commencement.  Numérotage  continu  des  liasses. 

SÉMINAIRE.  —  ((  Inventaire  sommaire  Je  tous  les  papiers,  titres  et  en- 
seignemens  concernaus  la  fondation,  dotation  et  construction  du  séminaire 
de  Chaalons  en  Champagne,  établi  en  lad.  ville.  »  —  In-folio  Je  168 
feuillets  cotés,  xvii;«  siècle. 

TOUSSAINTS.  —  Inventaire  Je  l'abbaye  de  Toussainls  en  l'Isle,  de 
Cliâlons-sur-Marne  ;  sans  titre.  Dressé  en  1770. 

TBINITAIRES.  —  «  Inventaire  général  Jes  litres,  pièces  et  papiers  de 
la  maifon  de  l'orJre  Je  la  Sainte-Trinité  KéJemplion  Jes  captifs  de  Chalons- 
sur-Marne,  fait  par  M.  Delaplanche,  ministre  de  la  ditte  maison,  en  17V2, 
1743  et  1744.  »  —  In-folio  Je  680  pages.  Table  au  commencement.  Beau- 
coup Je  feuillets  blancs.  A  Jéfaut  Je  cotes,  nous  avons  relevé  la  pagination. 

TEINITE.  —  ((  Inventaire  des  titres  et  papiers  concernant  les  rentes  et 
revenus  de  Messieurs  les  chanoines  de  l'église  collégiale  de  la  Sainte  Trinité 
de  Châlons.  u  —  Dressé  après  1613  par  M°  Nieol  Lafrique,  prêtre  chanoine 
et  sous-chantre  de  Châlons  et  aussi  chanoine  Je  laJite  église  ;  avec  aJJi- 
tions  faites  en  1722  par  M»  Charles-Memraie  Guillaume,  chanoine  Je  laJ. 
église.  In-folio  Je  118  feuillets  cotés,  écrit  avec  beaucoup  Je  soin.  Analyses 
détaillées 

TEOIS-FONTAINES.  —  a  Inventaire  des  Chartres  et  titres  de  l'abbaye 
de  Trois-Fontaines,  ordre  de  Citeaux,  par  C.  J.  F.  Leraoine,  archiviste  et 
feudisto  do  plusieurs  chapitres,  1787.  »  —  In-folio.  Inventaire  fait  avec 
beaucoup  Je  soin.  Numérotage  continu  Jes  liasses. 

UNIVERSITÉ.  —  «  Inventaire  des  chartes  et  litres  du  collège  des  Bons- 
Enfants  de  l'Université  Je  Reims,  avec  les  réunions  Jes  prieurés  Je  Saint- 
Maurice  et  de  Chaude-Fontaine,  après  la  .suppression  du  collège  Jes  Jésuites, 
eu  l'année  1764.  Fait  par  Pierre  Camille  Le  Moine  Je  Paris,  avocat  en 
Parlement,  archiviste  de  Monseigneur  l'archevêque  Je  Rei.ns,  membre  Jes 
AcaJémjes  Je  Rouen,  Metz  et  Châlons.  1785.  »  —  lu-'olio  Je  414  pages 
cotées.  Numérotage  continu  Jes  liasses. 

VIDAMÉ.  —  «  Inventaire  Jes  titres  concernans  la  propriété  et  les  Jroits 
du  viJaiiié  de  Châlons,  avec  les  fiefs  qui  en  sont  mouvans.  »  -^  In-folio  de 
95  feuillets.  Deux  exemplaires. 

VITRT.  —  Inventaire  Ju  fonJs  Ju  bailliage  Je  Vitry,  Jressé  sur  fiches  par 
M.  Bouchot,  élève  Je  l'Ecole  Jes  Chartes.  Le  fonJs  analysé  est  très  eonsi- 
Jérable,  et  cependant  le  Jépouillemenl  n'est  pas  encore  complet.  En  outre, 
les  liasses  cataloguées  n'ont  pas  reçu  (le  numéro  Jéfinilif,  ce  qui  nous  oblige 
à  en  signaler  l'existence  sans  autre  indication. 

II 

Inventaires  non  analysés  dans  le  Répertoire. 

i"  «  Inventaire  sommaire  des  titres  de  l'Archevêché  de  Reims,  des  papiers 


DES  PRINCIPAUX  FONDS  ANCIENS  9 

iGiTiois  et  pluns  d'hérilages  dépendant  tant  de  l'archevêché,  de  l'abbaye  de 
Saint-Uemy  que  du  chapitre  métropolitain  de  la  même  ville.  ■>>  Dressé  eu 
1791  par  l'administrateur  du  Directoire  du  district  do  Reims.  lu-folio  de  10 
feuillets.  Nous  avons  dépouillé  l'inventaire  de  1782. 

2"  «  Inventaire  des  tiltres,  lettres,  papiers  et  enseignemens  concernans 
les  droicts,  revenus  et  domaines  de  celte  abbaye  Nostre-Dame  de  Chemi- 
non,  "  Petit  in-quarto  de  10  feuillets.  On  n'y  trouve  ni  cotes  ni  analyses 
de  pièces.  D'ailleurs,  nous  avons  dépouillé  le  fonds.  —  H  y  a  aussi  un 
ripertoire  du  xiii«  siècle,  divisé  en  24  chapitres  (2  feuillels  de  parchemin 
in-folio). 

3°  «  Inventaire  des  titres  de  VEvêché  de  Chûlons.  »  Fin  du  xva«  siècle. 
Cahier  de  46  feuillets  in-folio.  Pas  de  divisions. 

i"  U autvillcrs .  «.  Inventaire  général  des  titres  et  papiers  de  l'abbaye 
royale  de  Saint-Pierre  d'HautvilIers.  »  In-folio  de  410  feuillets  cotés  et 
paraphés.  Dressé  pardevanl  notaires.  Commencé  le  1"  février  1788.  Cet 
inventaire  fort  long  est  confus  et  peu  utile  pour  notre  objet. 

5»  «  Inventaire  des  lettres,  tiltres  et  papiers  justi6catifs  des  droicts  et 
revenus  du  couvent  dos  religieux  Minimes,  eslablis  en  la  ville  de  Viclry- 
Ic-François.  Faict  de  l'ordonnance  du  Révérend  Père  Nicolas  Liessant,  pro- 
vincial, faisant  ses  visites,  le  3"  juin  1C2-4.  »  Gros  in-quarlo.  Pas  de  cotes. 
Pas  de  pièces  anciennes.  Confusion. 

6°  «  Inventaire  des  titres  du  couvent  des  Minimes  de  l'itnj.  1703.  »  lu- 
folio  de  14-0  pages  ;  tables.  Peu  d'intérêt. 

7"  «  Inventaire  des  tiltres  du  couvent  des  Minimes  de  Saint  Remy  de  la 
ville  d'Epernay.  1728.  »  Gros  registre  in-folio,  dont  la  plus  grande  partie 
est  restée  en  blanc.  Nous  avons  dépouillé  l'inventaire  de  1650. 

8°  «  Inventaire  des  titres  de  la  commanderie  de  la  Neufville  et  Maucourt, 
fait  par  les  soins  de  religieux  seigneur  frère  Jean  Ferdinand  de  Ricard, 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint  Jean  de  Hiérusalem,  pour  obéir  au  décret  du 
19  mai  1704.  »  In-folio  de  68  feuillets.  Nous  avons  dépouillé  l'inventaire 
de  1774,  beaucoup  plus  détaillé. 

9»  N.   D.  de  Reims.    «    Inventaire    sommaire  des  chartes    et   litres    du 
chapitre  métropolitain  de  l'église  N.  D.    de  Reims  et  de  la  fabrique  de  lad. 
église.  1830.  »  In-folio  de  1  "51  pages  cotées.  Cet  inventaire  ne  donne  pas  l'ana- 
lyse des  pièces  ;  on  trouve  dans  Varin,  page  171   et  s.,  l'anaU-se    de    l'in 
ventaire  de  Le  Moine. 

10°  «  Inventaire  sommaire  des  titres  de  l'abbaye  de  Saint  Memmie,  de 
l'ordre  de  Saint  Augustin.  »  Cahier  de  5  pages.  C'est  la  «  table  alphabé- 
tique des  communes  sur  les  terroirs  desquels  sont  situés  des  immeubles  pro- 
venant de  l'cx-abbaye  de  Saint-Mommie-lès-Chàlous,  »  avec  une  sim[de 
énumération  de  17  liasses  de  titres. 

11»  a  Inventaire  des  chartes  et  tiltres  de  l'abbaye  et  monastère  do  Sainct 
Pierre  aux  Monts  de  Cbaalons,  qui  sont  de  présent  en  ceslc  année  1551 . . . 
Et  fut  faict  led.  inventaire  au  temps  de  Mer  ^jro  Jhéro.-mc  Rurgen?is, 
conseiller  du  Roy  en  Parlement  et  abbé  commendatairc  de  lad.  abbaye  de 
Sainct  Pierre.  »  Nous  avons  dépouillé  l'inventaire  de  1844. 

12°  Saint  Pierre  aux  Monts.  «  Inventaire  des  tiltres  d'Esclaron,  Pos- 
sessc,  Saint-Quentin,  Vaulciennes,  le  ban  l'Evêque  cl  autres  lieux,  le  tout 
dépendant  de  la  manse  conventuelle.  »  Cahier  in-quarto  do  108  pages.  Cet 
invent;iire  partiel  a  été  écrit  vers  la  lin  du  xvi  ou  au  xvii"  siècle. 


10  RÉPERTOIRE   GÉNÉRAL   ET  ANALYTIQUE 

13»  «  Componcliosum  repertorium  litulorum,  lillorarum,  omnium  heredi- 
tatum,  acqufstiiim  ecclet^ie  Omnium  Sanctorum  in  Insula,  ordine  alphabe- 
tico.  »  Polit  inventaire  du  xvi"  siècle,  transcrit  à  la  png»!  61  d'un  cartulaire 
du  XII"  siècle.  Nous  avons  dépouillé  l'inventaire  de  1770. 

14"  ((  Inventaire  des  titres  et  papiers  de  Messieurs  les  chanoines  de 
l'église  collégiale  de  la  Sainte  Trinité  de  Chûlons-sur-Marne,  contenant 
leur  fondation,  la  consécration  de  leur  église,  l'augmentation  de  leur  nombre 
par  l'union  des  quatre  chanoines  de  Saint  Nicolas...,  la  translation  do 
l'église  paroissiale  de  Saint  Barthélémy...,  les  privilèges  des  chanoines 
contre  les  paroissiens...,  tirés  du  chartrier  desd.  sieurs  chanoines,  en  l'année 
1760,  par  M.  Pierrc-Mémie  Plouvié,  alors  chanoine  de  lad.  église  de  la 
Sainte  Trinité,  et  transcrit  par  M.  François  Dcvigne,  son  confrère  et  secré- 
taire delà  compagnie,  en  l'année  1703,  »  In-folio  de  426  pages  cotées.  11 
comprend  :  1"  une  sorte  de  chronique  de  l'abbaye  (pages  1-o6)  ;  2"  une 
analyse  des  Liens  possédés  hors  de  la  ville,  mais  disposée  de  telle  sorte  que 
c'est  moins  un  inventaire  proprement  dit  qu'une  collection  de  matériaux 
préparés  pour  écrire  une  histoire  (p.  57-3l2)  ;  3"  un  «  inventaire  par  ordre 
alphabétique  de  tous  les  titres  des  censives,  lods  et  ventes,  caritez  et  mai- 
sons appartenantes  à  MM.  les  chanoines  »  Nous  avons  dépouillé  l'inven- 
taire de  1722. 

15"  «  Summarium  chartarum  que  spectant  ad  prioratum  de  Ulmeto, 
vulgo  Ormoij,  in  diocesi  cathalaunensi,  olim  sanctimonialium  et  monacho- 
rum  monasterium.   »  Petit  inventaire  latin  de  3  feuillets  in-4". 

16"  Inventaire  de  l'abbaye  de  Notre-Dame  de  V^ertus,  dressé  en  1669. 
Les  titres  y  sont  répartis  en  10  liasses.  Le  classement  actuel  ne  répond 
plus  à  celui  de  cet  inventaire. 

17°  Inventaire  de  l'abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Vertus.  Nous  no  l'avons 
pas  eu  entre  les  mains. 

18"  Inventaire  sommaire  de  l'abbaye  Notre-Dame  d'Argensolles.  Nous 
ne  lavons  pas  eu  entre  les  mains. 

19.  Inventaire  du  chapitre  dj  la  collégiale  de  Pleurs.  Nous  ne  l'avons 
pas  eu  entre  les  mains,  et  il  paraît  qu'il  ne  se  retrouve  point  ' . 


TABLE    DES    FONDS    SANS    INVENTAIUË 

DÉPOUILLÉS    DAN.S    LE    RÉPERTOIRE    ANALYTIQUE 


1"  Prieuré  de  Bel  val. 

2"  Abbaye  N.-D.  de  la  Charmoie. 

3°  Abbaye  de  Gbemiuon. 


1 .  Nous  ne  pourrions  assurer  que  les  deux  listes  précédentes  sont  abso- 
lument complètes.  Peut-être  existe-t-il  dans  les  boîtes  ou  cartons  quelques 
inventaires  qui  no  sont  point  parvenus  à  notre  connaissance,  et  qu'un 
di''pouille[nonl  ultérieur  des  fonds  fera  déoomrir. 


DES  PRINCIPAUX   FONDS   ANCIENS  11 

A"  Evêché  de  Châlons  \ 

li"  Abbaye  d'IIuiron. 

6°  Abbaye  de  Montiers-en-Argonne. 

l''  Abbaye  N.-D,  de  Vertus. 

8"  Paroisses  '. 

9"  Abbaye  N.-B.  du  Reclus. 

10"  Goinmauderie  de  Saint- Arnaud. 

11"  Prieuré  Saint-Eugende  de  Sermaize. 

12'  Prieuré  Saint- Julien  de  Séz  unie. 

13°  Abbaye  de  Saiut-Memmie-lùs-Châlons. 

14"  Abbaye  de  Saint-Nicaise  de  Reims. 

15"  Seigneuries*. 

10»  Seigneurie  de  Tours-sur-Marne  *. 

17"  Fonds  de  Torcy. 

18"  Prieuré  d'Ulmoy. 

[A  suivre.)  G.  IIérelle. 


1 .  Fonds  considérable,  sur  lequel  nous  n'avons  pu  prendre  que  des  noies 
incomplètes. 

2.  Les  fonds  des  églises  paroissiaies  et  chapelles  sont  fort  nombreux  ; 
mais  la  plupart  ne  se  composent  que  de  quelques  pièces  modernes.  Nous 
avons  relevé  seulement  les  articles  où  se  trouvent  au  moias  des  titres  du 
xvn^  siècle. 

3.  Peu  de  documents  anciens  dans  cette  collection  de  titres  féodaux. 

4.  Appartenant  au  chapitre  métropolitain  de  Tours  en  Touraine. 


LES  TRUDAINE- 


Le  27  germinal  an  II  (10  avril  1794),  Micault  de  Courbeton, 
président  au  Parlement  de  Dijon,  beau-père  de  Trudaine,  tom- 
bait sous  la  hache  révolutionnaire,  accusé  «  de  tentative  d'émi- 
gration et  de  semer  l'argent  dans  les  campagnes  pour  se  faire 
des  amis  sous  le  masque  de  la  charité.  «  L'ordre  d'arrêt  portait 
aussi  le  nom  de  Micault  fils  aîné.  Celui-ci  avait  pu,  jusque-là, 
se  dérober  aux  poursuites,  quand  les  inquisiteurs  imaginèrent 
de  l'aller  chercher  à  Monligny,  où  l'on  pouvait  penser  qu'il 
avait  pu  trouver  asile,  près  de  M"""  Trudaine,  sa  sœur. 

Un  arrêt  du  comité  révolulionnaire  de  la  section  de  Bondy, 
pris  le  2f>  floréal  an  II,  dit  :  «  qu  attendu  que  Micault  de  Cour- 
beton vient  d'être  frappé  du  glaive  de  la  loi,  son  fils  Micault  et 
son  gendre  Trudaine  de  Monligny  sont  suspects  et  doivent  être 
traités  comme  tels  »,  et  nomme  deux  de  ses  membres  pour 
aller  solliciter  auprès  du  comité  de  sûreté  générale  leur  arres- 
tation. 

Les  salelHles  se  mettent  donc  en  campagne  et  arrivent  à 
ilonligny,  munis  d'un  mandat  d'arrêt.  Trudaine  leur  déclare 
qu'il  n'a  chez  lui  que  le  jeune  Micault,  âgé  de  dix-sept  ans,  et 
qui  n'est  sûrement  pas  celui  qu'on  cherche  ;  qu'il  ignore  ouest 
l'aiué,  le  seul  dont  il  puisse  être  question  dans  le  mandat. 
Désespérés  de  manquer  une  de  leurs  proies,  les  agents  veulent 
à  toute  force  emmener  le  jeune  homme  en  disant  «  qu'il  leur 
faut  un  Micault.  »  La  résistance  de  Trudaine  le  sauva  ;  on  le 
laissa  cependant  comme  otage,  avec  Trudaine  de  la  Sablière, 
sous  la  surveillance  de  la  Municipalité. 

Le  nom  de  la  Sablière n'éiait  pas  sur  le  mandat  d'arrêt,  mais 
sa  tendre  aiiîitié  pour  son  frère  ne  lui  laissait  pas  la  possibihté 
d'en  demeurer  séparé  lorsqu'il  le  voyait  en  danger.  «  Je  n'ai 
jamais  quitté  mon  frère,  dit-il  aux  officiers,  je  ne  puis  vivre 
sans  lui  et  je  vous  demande  au  moins,  si  vous  ne  m'emmenez 
pas  avec  lui,  de  venir  me  rechercher  et  d'en  obtenir  l'ordre  du 
Comité  de  Sûreté.  » 


Voir  page  465,  tome  XIV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 


LES   TRUDAINB  13 

M™'  Trudaine  témoin  de  ces  tristes  scènes  et  quittant  son 
mari,  qu  elle  ne  devait  plus  revoir,  demande  à  ces  hommes  si 
elle  ne  pourra  pas  lui  envoyer  quelques  subsistances  en  prison. 
—  «  On  verra  cela,  lui  répondent-ils,  mais  ne  soyez  pas  in- 
quiète, ce  n'est  pas  de  faim  qxCon  meurt  à  Paris.  « 

Cependant,  les  habitants  de  Moutigny-Lencoup  ne  voyaient 
pas  sans  peine  l'arrestation  de  Trudaine,  qu'ils  aimaient  et 
estimaient  ;  plusieurs  vinrent  lai  offrir  d'enlever  les  hommes 
envoyés  pour  l'arrêter.  Mais  il  refusa,  en  leur  représentant  les 
dangers  d'une  telle  entreprise,  et  partit  escorté  de  ses  deux 
gardes. 

Arrivé  à  Paris  le  13  prairial  (l*""  juin  1794),  Trudaine  est  jeté 
et  tenu  en  chartre  privée  jusqu'à  c(3  qu'on  puisse  remplir  cer- 
taines formalités  pour  le  traduire  dans  une  prison.  Dans  cet 
intervalle,  on  parvient  à  découvrir  Micault  aîné  qui.  sorti  de 
Paris  par  un  ordre  de  passe,  et  relire  à  Ghalou,  est  réuni  à 
Trudaine  de  Monligny.  De  là,  leurs  deux  gardiens  refusant  de 
les  laisser  aller  à  l'hôtel  du  Dreneuf,  où  leur  section  consentait 
à  les  faire  déposer,  après  avoir  tiré  de  leurs  prisonniers  tout 
ce  que  ceux-ci  avaient  d'assignats,  les  conduisirent  à  Saint- 
Lazare  \ 

Chaque  jour,  Trudaine  écrivait  à  sa  femme  des  lettres  em- 
preintes de  la  plus  vive,  de  la  plus  tendre  affection*  ;  il  cher- 
chait à  la  consoler,  à  la  rassurer  sur  son  sort.  «  Ton  frère  est 
avec  moi  depuis  hier,  lui  disait-il,  nous  sommes  tranquilles 
tous  deux.  Tranquillise-loi,  aussi,  chère  amie,  tranquillise 
mon  pauvre  frère  ;  dis-lui  que  je  lui  demande  comme  une 
preuve  de  son  amitié  de  se  bien  porter  et  de  ne  pas  se  tour- 
menter. Si  nos  concitoyens  et  nos  voisins  (les  habitants  de 
Montigny-Lencoup),  pensent  toujours  quelque  bien  de  moi, 
il  faudra  les  engager  à  attester  ma  conduite  depuis  la  Révolu- 
tion, non  par  la  forme  de  pétition  qui  ne  vaut  rien.  Mais  des 
faits  tout  simples,  sans  réflexions,  attestés  par  ceux  qui  ont 
été  témoins,  sont  le  moyen  le  plus  honnête  elle  plus  simple  et 
le  plus  digne  de  bous  citoyens.  Tu  les  feras  parvenir  à  quel- 
qu'un qui  les  présentera  au  Comité  de  sûreté  générale.  Tu  con- 
nais ma  conscience  comme  la  tienne,  tu  dois  être  aussi  tran- 


1.  Mémoire  déjà  cité,  attribué  à  l'abbé  MoielWl. 

2.  Ces  lettres  sont  conservées  par  M.  Adolphe  Dupré,  ancien  percepteur 
à  Bray- sur-Seine,  qui  les  tient  de  M""  Compagnon,  so  tante,  dame  de  con- 
fiance de  M™"  Trudaine. 


14  LES   TRUDAINE 

quille  que  moi,  un  homme  qui  u'a  rieu  à  redouter.  Il  n'y  a 
que  Ion  absence,  celle  de  mon  frère  et  de  notre  famille  qui  ma 
chagrine,  sans  cela  je  serais  heureux,  celte  pensée  m'arrache 
des  larmes,  mais  je  reprends  courage  en  pensant  combien  serait 
doux  l'instant  de  notre  réunion  et  combien  il  paierait  notre 
souffrance...  »  (17  prairial.) 

Bientôt  l'amitié  fraternelle  obtient  le  droit  d'acconqilir  le 
sacrilice  qu'elle  avait  offert  et,  sans  imputation  motivée, 
comme  pour  punir  un  tel  acte  de  tendresse  et  de  générosité, 
on  envoie  arrêter,  à  Montign3%  Trudaine  de  la  Sablière  qui 
arrive  à  Saint-Lazare  et  partage  le  sort  de  nos  deux  prisonniers. 

Dans  une  lettre  à  M'"*^  Trudaine,  datée  du  quarante-deuxième 
jour  de  leur  captivité,  chacun  d'eux  lui  prodigue  de  touchantes 
paroles  de  consolation.  Trudaine,  son  mari,  la  remercie  da 
soin  qu'elle  prend  de  lui  adresser,  ainsi  qu'à  ses  compagnons 
d'infortune,  les  vêtements  indispensables,  mais  il  la  dissuade 
de  lui  envoyer  des  fruits  de  ses  jardins,  la  sévère  consigne  de 
la  prison  en  interdit  l'entrée.  Il  lui  donne  ensuite  de  sages 
conseils  pour  l'exploitation  de  leurs  récoltes  et  l'engage  tou- 
jours à  la  patience  et  à  la  résignation. 

M.  de  Courbeton  s'adresse  à  sa  vieille  mère,  à  sa  sœur,  à 
son  jeune  frère  et  les  prie  de  prendre  courage  et  d'espérer 
dans  l'avenir. 

Trudaine  de  la  Sablière  prend  un  ton  moins  triste  mais  tout 
aussi  affectueux  :  a  II  me  semble,  dit-il  à  M'"*^  Trudaine,  qu'il 
y  a  bien  longtemps  que  je  n'ai  écrit  à  ma  petite  sœur,  et  long- 
temps, si  longtemps  que  je  ne  l'ai  vue.  Les  momentt?  coulent 
lentement  dans  l'absence  des  personnes  chères.  Il  est  très  vrai 
que  je  travaille  et  toujours  pour  toi.  J'ai  fait  un  tableau  et 
deux  petits  médaillons  ;  il  ne  me  manque  qu'une  occasion  de  te 
les  envoyer.  Je  n'ai  ici  d'autre  occupation,  d'autre  consolation 
que  mon  métier.  Robert  '  demeure  vis-à-vis,  dans  un  superbe 


1.  Hubert  Robert,  né  en  1733,  mort  eu  1808,  entra  à  l'académie  de  pein- 
ture en  1767  et  fut  nommé  garde  des  tableaux  du  roi.  A  l'époque  de  la 
Révolution  il  perdit  toutes  ses  places  et  fut  jeté  en  prison  ;  le  hasard  seul 
lui  sauva  la  vie  ;  un  prisonnier  qui  portait  le  même  nom  que  lui  monta,  à  sa 
place,  sur  l'échafaud.  Le  9  thermidor  lui  rendit  la  liberté  ;  il  devint,  en 
1801,  Conservateur  du  Musée  du  Louvre.  Dans  les  premiers  jours  de  sa 
captivité,  il  peignait  sur  le«  assiettes  de  la  prison.  Un  peu  plus  tard,  il  eut 
la  facilité  d'exécuter  53  tableaux  qu'il  distribuait  à  ses  compagnons  d'infor- 
tune. Il  est  l'auteur  du  portrait  que  le  poote  Roucber  envoya  à  sa  femme  la 
veille  de  sou  supplice. 


K 

LES    TUUDAINK  1 

atelier.  Il  entre  tous  les  soirs  eu  quillaul  sou  ouvrage  pour 
voir  le  mien  el  réciproqueraeut  ;  mais  il  fait  un  tab'eau  à  l'heure 
et,  auprès  de  sa  diligence,  ma  lenteur  me  désespère.  Je  quille 
pour  t'écrire  un  fort  beau  tableau  d'Q'idipe  et  d'Autigone,  que 
je  suis  occupé  à  copier,  et  lu  penses  bien  que  cette  copie  t'est 
aussi  destinée.  Je  prends  plaisir  à  te  rendre  compte  de  l'emploi 
de  notre  temps,  il  est  bien  uniforme  et  n'est  varié  que  par  le 
moment  du  réfectoire.  11  y  a  de  la  société  ici  el  môme  de  jolies 
femmes,  mais  j'aime  mieux  être  en  imagination  avec  mes  vieux 
et  bons  amis,  qu'en  réalité  avec  les  plus  aimables  gens  du 
monde.  Qui  pourrait  dédommager  des  privations  de  l'amitié? 
Il  \aut  encore  mieux  en  souffrir  que  s'en  consoler.  Vous 
regretter,  c'est  toujours  penser  à  vous  et  je  ne  veux  pas  me 
distraire  de  mes  chères  rêveries,  même  quand  elles  sont  aussi 
tristes  qu'à  présent.  Adieu  rappelle-moi  au  souvenir  de  la  mère, 
du  frère,  de  la  cousine,  je  les  embrasse  tendrement  ainsi  que 
la  chère  aveugle'.  Adieu  encore  une  fois,  chère  petite  sœur, 
reçois  l'assurance  de  mon  tendre  attachement.  Mes  co-cham- 
bristes  (c'est  comme  cela  qu'on  s'appelle  quand  on  demeure 
dans  la  même  chambre) ,  s'ennuient  comme  moi  d'être  loin  de 
vous  ;  leur  santé  se  soutient.  » 

Les  frères  Trudaine  prévoyaient  bien  l'avenir  qui  leur  était 
réservé.  Un  ancien  ami  de  leur  père  s'efforçait  pourtant  d'é- 
carter le  danger.  Il  va  solliciter  en  leur  faveur  un  membre  du 
Comité  de  sûreté  générale,  un  ardent  révolutionnaire,  le  pein- 
tre David.  Protégé  autrefois  par  les  deux  frères,  David  se  mon- 
tra ingrat  à  leur  égard,  non-seulement  il  refusa  de  s'intéresser 
à  ses  anciens  amis,  mais  il  alla  jusqu'à  menacer  le  solliciteur 
de  le  faire  arrêter  lui-même  s'il  continuait  de  l'importuner.  A 
la  veille  du  jour  fatal,  Trudaine  de  la  Sablière  lui  adresse  une 
lettre  où,  en  lui  rappelant  avec  délicatesse  leur  ancienne  liaison, 
il  se  retranche  à  le  solliciter  pour  son  frère.  Point  de  réponse 
et  point  de  démarche  de  David  \ 

En  vain,  les  habitants  de  Montigny-Leucoup  envoyèrent  à 
Paris  demande  sur  demande  pour  obtenir  l'élargissement  des 
frères  Trudaine.  Robespierre  ennuyé  de  ces  réclamations,  pria 
Fouquier-TinvilledeTen  débarrasser.  Ce  fut  un  arrêt  de  mort. 


1 .  Il   s'agit   d'une  je.une   fille  aveuglo  recueillie   et   dlcvée   par  Madame 
Trudaine. 

2.  Mém.  attribu'J  ù  Morellct,  p.  70-80. 


10  LES   TRUDAINE 

11  était  dit  que  tout  ce  qui  avait  encouragé  le  formidable  mou- 
vemeut  du  dix-huitième  siècle  y  serait  englouti. 

André  Chénier  était  aussi  détenu  à  Saint-Lazare  ;  les  frères 
Trudaine  éprouvèrent,  dans  leurs  derniers  jours,  les  charmes 
de  cette  vive  amitié  qui  les  unissait  au  poète.  Ils  devaient, 
hélas,  se  séparer  bientôt  et  pour  la  dernière  fois.  Le  G  ther- 
midor, Chénier  fut  extrait  de  Saint-Lazare,  les  charettes 
étaient  restées  pendant  plusieurs  heures  exposées  aux  yeux 
des  prisonniers  ;  il  y  eut  là  un  moment  bien  douloureux.  Les 
adieux  furent  déchirants,  André  se  jeta  dans  les  bras  des  deux 
frères,  qui  devaient  peu  lui  survivre,  et  partit  pour  la  Concier- 
gerie où  siégeait  Fouquier-Tinville.  Ces  faits  ont  été  rapportés 
par  leur  excellent  ami,  le  peintre  Suvée  qui  a  fait,  dans  la 
prison,  deux  admirables  portraits  de  Trudaine  et  de  Chénier  \ 

MM.  Trudaine  ne  se  faisaient  plus  d'illusions  sur  le  sort 
qui  les  attendait,  lorsqu'ils  apprirent  la  condamnation  de  leur 
ami,  ils  demandèrent  la  faveur  de  périr  avec  lui;  mais  on  les 
avait  réservés  à  l'exécution  du  lendemain.  «  Les  bourreaux, 
dit  M.  de  Latouche,  s'applaudissaient  alors  quand  la  victime 
pouvait  reconnaître  le  sang  de  ses  amis  à  la  place  où  elle  allait 
verser  le  sien  ".  » 

[A  suivre).  Ernest  Choullier. 


i.  Michaud,  Biogr.  univers,  t.   XXXXVI.  —    Morellet.    —  Mém.  déjà 
cité. 

2.   Latouche  — •  Poésies  d'André  Chénier  —  Notice, 


HISTOIRE  DE  L'ABBAYE  D'ORBAIS 


PAR 


dOjM   du   bout 


Le  bieu  et  domaine  de  ce  petit  bénéfice  consistent  en  terres 
qui  sont  presque  toutes  en  friche  et  en  savarts  ';  ledit  Gauvain 
en  a  fait  défricher  quelques  arpents.  Il  y  a  aussi  un  petit  bois 
au  milieu  duquel  étoit  l'ancienne  chapelle.  —  Ce  bénéfice  ne 
paye  ni  décimes,  ni  don  gratuit,  ni  subvention. 

NOMS    DE   QUELQUES   PRIEURS    DE     SAINT-THIBAUD     OU   DE 
MARLAIX    DONT   ON    A    CONNOISSANCE 

1554.  —  Dom  Pierre  Oudiuet,  religieux  de  St-Pierre  d'Or- 
baizen  1554. 

1670.  —  Dom  Henry  de  Roquemont,  prieur  de  St-Denis  de 
Sézanne  en  1G70. 

1G70.  —  Dom  Félix  Mauljeau,  premier  prieur  des  religieux 
réformez  de  Saint-Pierre  d'Orbaiz  et  de  Saint-Thibaud  en 
1070. 

1G75.  —  Dom  Guillaume  Jamet,  religieux  d'Orbaiz  en 
1075. 

1099.  —  Mathurin  Gauvain,  clerc  séculier  en  1099. 

g  second 
PETIT-COUVENT 

Le  petit-couvent  n'est  autre  chose  que  le  revenu  qui  pro- 
vient communément  des  fondations,  donations  faites  depuis 
rintroduction  des  commandes  dans  nos  monastères,  ou  des 
biens  acquis  de  nouveau,  ou  qui  ayant  été  par  M"  les  com- 

*  Voir  page  417,  lomc  XIV,  de  la  licvuc  de   la  Champagne  cl  de  Brie. 
1.   [Nom,  en  Champagne,  des  terres  crayeuses  pauvres.] 

2 


18  HISTOIRE    DE    l'abbaye    d'ORBAIS 

manddlaires  aliénez,  vendus  ou  engagez,  oui  clé  depuis  reli- 
rez, revendiquez  et  dégagez  par  la  sage  œcouomie,  ménage  el 
peliles  épargnes  des  religieux. 

Le  revenu  du  pelit-couventde  Sainl-Pierre  d'Orbaiz  consiste 
à  présent  en  plusieurs  petites  rentes  presque  toutes  rachepta- 
bles  à  prendre  sur  divers  pariiculiers,  comme  on  l'observera 
dans  la  suile  de  quelques-unes.  Lequel  revenu  dudil  petit- 
couvent  n'entre  jamais  en  partage  avec  le  reste  du  revenu  des 
abbayes,  mais  est  uniquement  administré,  reçu  el  possédé 
par  les  religieux  et  couvent  à  l'exclusion  des  abbez  commen- 
dalaires,  comme  il  est  expressément  dit,  ordonné  et  déclaré 
dans  l'arrest  duGrond  Conseil  du  deuxième  jour  d'avril  11)74, 
en  la  prononlialion  du  seizième  may  1375,  cy-dessous  Irans- 
cript  tout  au  long,  sous  le  titre  de  Nicolas  de  La  Croix, 
obtenu  contre  luy  par  les  religieux  de  ce  monastère  : 
«...  Le  tout  sans  comprendre  les  deux  estaugs  et  leur  reser- 
«  voir  dont  par  cy-devant  lesdits  religieux  ont  accoutumez  de 
H  jouir,  ensemble  les  fondations  des  anniversaires  et  autres 
«  menues  rentes  accoutumées  d'être  levées  par  lesdils  reli- 
«  gieux  ;  et  les  biens  et  revenus  affectez  audit  prievu",  cham- 
«  brier  et  autres  officiers  de  ladite  abbaye  dont  lesdils  reli- 
«  gîeux,  officiers  et  couvent  jouiront  ainsi  qu'ils  avoienl  ac- 
«  coutumez  du  lems  des  précédons  abbez.  » 

Le  total  du  revenu  du  petit-couvent  peut  aller,  année  com- 
mune, à  cinq  à  six  cens  livres,  et  vient  en  partie  de  la  ferme 
Ferme  du  Trem-   du  Tremblay,  paroisse  d'Orbaiz,  qui  fut  réunie  au  domaine  de 
roî^e"(rOr-  ^^  communauté  des  religieux  ou  petit-couvent  par  sentence  de 
baiz.  réunion  du  vingt-deuxième  jour  de  juin  1677.  Ladite  sentence 

consentie  par  les  Verroiiillards,  qui,  étant  redevables  de  plu- 
sieurs sommes  considérables,  et  ne  pouvant  y  satisfaire,  tant 
ausdits  religieux  qu'aux  sieurs  Richard  et  Rondeau,  consen- 
tirent à  ladite  sentence  et  abandonnèrent  leur  dite  ferme  du 
Tremblay  aux  religieux  qui  se  chargèrent,  à  la  décharge  des- 
dils  Verroiiillards,  de  paj'er  et  rembourser  audit  sieur  Richard, 
de  Chàleau-Thierry,  quatre-vingt-dix  livres  sort  principal*  de 
quatre  livres  dix  sols  de  rente  annuelle  créée  sur  ladite  ferme, 
et  remboursée  par  ledit  R.  P.  Dom  Pierre  Mongé  le  viugl- 
deuxiéme  jour  de  décembre  1692.  Le  R.  P.  Mongé  remboursa 
encore  en  la  même  année  cent  soixante  livres  à  Rondeau  pour 
le  sort  principal  d'une  rente  de  huit  livres  créée  sur  ladite 

1.    [Capital  dune  renie.] 


HISTOIRE    DE   l'aBBAYE    d'ohBAIS  19 

ferme  el  lerre  du  Tremblay.  —  Celle  ferme  a  élé  donnée  à 
renie  foncière  à  Pierre  d'Autroy  pour  la  somme  de  soixante- 
dix  livres  par  chacun  an  au  pelil-couvenl. 

Les  bois  sur  le  pendant  des  Roches- Jean-Yàche  acquis  par   Bois  sur  le  pm- 

le  H.  P.  Dom  Pierre  Moii'-;é,  prieur,  et  la  commun.iulé,  de  leurs       '^^"^  ^'°/  ^^°~ 
o    '  i  '  ^  ches  -  Jean  - 

deniers,  eu  mil  six  cens  soixanle-dix-ueuf.  Vache. 

Les  biens  cl  hérilages  de  Nicolas  (jodard  el   sa   femme,  de 
Boursaull-sur-Marne,  redevables  de  i)lusieurs  sommes  ausdils   ^'î'"^  acquis  a 

'  '  .  15  o  u  r  a  a  u  1  t 

religieux,  furent  acquis  de  leurs  deniers  el  réunis  au  domaine       dontonapuyé 

dudil  pelil  couvent  1(   14  juillet  ICHo,  sous  le  nom  de  François      '/«o/''^'*'^^  *^'' 
■i  ■>  '  *  lo'Ji;  en  ver- 

Aubert,  servent  de  la  justice  d'Orbaiz,  et  lesdits  hé-  lu  d'un  édit 
rilages  donnez  ensuite  à  renies  racheptables  à  plusieurs  par-  m^ois  t['aoat 
ticuliers  dont  les  religieux  retirent  par  an  soixante-seize  livres  1693  ei  dun 
seize  sols,  six  deniers,  de  rente  foncière.  Le  treizième  août  lt)94  seif  d'Etat  du 
on  paya  vingt  livres  pour  lesdits  héritages,  comme  allodiaux  29  septembre 
ou  en  franc  fief,  suivant  la  quittance  de  Henri,  commis  de 
Jacques  Koyhier,  dudit  jour  13''  août  IG'J'i  (dans  lechar- 
trier) . 

Le  treizième  jour  d'août  168'.),  les  religieux  acquirent  de  Le  huitième  du 
leurs  deniers  la  huitième  partie  du  moulin-Winetle  sous  le  nom  |^e°te'"~  ~ 
du  sieur  Estienne  Cousin,  bourgeois  de  Paris,  et  frère  utérin 
dudit  R.  P.  Dom  Pierre  Mongé,  moyennant  la  somme  de  cent 
cinquante  livres,  par  conlract  passé  à  Paris  lesdits  jour,  mois  et 
au.  On  eu  a  payé  les  droits  d'amortissement  et  de  nouveaux 
acquesls  en  1701. 

Le  trentième  jour  de  décembre  1G9U,  Antoine  Pinart  tt  sa   Hcntede34  liv, 
femme,  laboureurs, demeurans  au  Bezil, reconnurent  et  créèrent      sur    Antoine 
une  rente  de  trente  quatre  livres  par  an  au  profit  desdits  reli-      ^n" 
gieux,  à  cause  de  leur  petit-couvent,  remboursable  de  six  cens 
quatre-vingt  livres,  payable  audit  30  décembre,  par  conlract 
passé  par-devant  Mathurin  Gauvain,  u(;taire  royal  à  Orbaiz, 
lesdits  jour,  mois  et  an. 

Le  onzième  jour  d'avril  lODi ,  madame  de  Courcelles  a  fait  Renie  de  6  liv. 
transport  ausdils  religieux  de  six  livres  de  rente  annuelle  à      sur  le   sieur 
prendre  sur  les  biens  el  héritages  de  la  damoiselle  de  Saint      j^  Colibert. 
Germain  à  Coribert,  pour  demeurer  quitte  el  déchargée  envers 
lesdits  religieux  de  la  somme  de  cent  soixante  livres  à  eux  due 
par  lailite  dame  ;  ledit  transport  fait  pardevant  ledit  (jauvaiu 
lesdits  jour  el  an.  —  Cette  petite  rente  a  été  depuis  reconnue 
par  le  sieur  de  Maucreux  qui  jouit  à  présent  dudil  bien  en  la 
qualité  de  neveu  el  héritier  de   ladite    défunte  damoiselle  do 
Saint  Germain, 


20  niSTOïKL;  de   l'adbayio  dorbais 

KeniLMie2;')  liv        ^^  seizième  joLU"  de  may  10'J2,  ladite  dame  de  Courcellcs  el 
par  Nionsieiir   messieurs  SOS   eiifaus  ont  constitué  une  rente  de  vingt-cinq 
les        '      ~   livres  par  chacun  an  au  profit  de  la  communauté,  remboursable 
de  cinq  cens  livres.  Et  comme  lors  de  la  passation  dudit  con- 
Iract  pardevant  ledit  Gauvain,  monsieur  de  Gourcelles,  fils  de 
ladite  dame,  étoit  à  l'armée,  il  a  depuis  ratifié  ladite  constitu- 
tion  et  reconnu   ladite  rente  de  vingt-cinq  livres  pardevant 
ledit  Gauvain,  notaire. 
MaisondeGuil-       Le  vingt-quatriéme  jour  d'avril  1G04,  ledit  R.  P.  D.   Pierre 
Grand.^      ^   Mongé  et   les   religieux   acquirent   la   maison   des   héritiers 
Glaude   Langeliu,  laquelle   ils  ont  donnée  à  rente  foncière  à 
Guillaume   Legrand,    charpentier,   moyennant  vingt-cinq  li- 
vres de  rente  par  chacun  an.  Ou  y  a  aussi  joint  les  aisncs  ^  du 
pressoir. 

Eiann-dela  Li-  ^®  dixième  jour  de  juin  audit  an,  lesdits  religieux  acquirent 
narderie.  aussi  l'étang  de  la  Linarderie  des  héritiers  de  feu  M.  Blauje, 
vivant  marchand  de  poissons  d'eau  douce  à  Paris,  moyennant 
cinq  cens  livres;  il  en  a  bien  coûté  encore  trois  cens  pour  le 
faire  labourer,  rétablir  la  chaussée,  creuser  le  bassin  et  le 
mettre  en  état  d'être  rempoissonné.  Le  contracL  de  celte  acqui- 
sition n'est  que  sous  signatures  privées  des  traitans. 

MaisonsdeLaa-       ^'^  ^^  même  année  1604,  lesdits  prieur  et  religieux  se  nii- 
^6^-  rent  en  possession  et  réunirent  à  leur  domaine  les  maisons  de 

Landel  situées  rue  Saint-Prix  d'Orbaiz,  comme  héritages  ab  m- 
donnez  et  faute  de  droits  et  devoirs  non  rendus.  On  y  a  fait 
pour  soixante  livres  de  réparations  d'abord  pour  les  rendre  lo- 
geables, et  on  en  relire  onze  livres  de  loyer  par  an. 

Maison  d'fi    -       Le  viugt-sixiéme  jour  dc  février  1 695,  lesdils  prieur  et  re- 

quinj.  ligieux  acquirent  la   maison   de  la  veuve  Hocquiny   seize  à 

l'Echelle,  paroisse  d'Orbaiz,  moyennant  soixante-dix  livres;  on 

y  a  fait  des  réparations  pour  être  en  état  d'àlre  louée. 

Rente  de  5  liv.        Le  trentième  jour  d'octobre  audit  an  16'Jo,  lesdils   prieur 
sur    Luc    de  ...  •*.  r       ■.        ^  i      i        ■ 

Crahange.       et  religieux  acquirent  une  rente  tonciere  de  cent  sols  du  sieur 

Jean  Julien,  dit  du  Maine,  cy-devant  notaire  royal,  et  de. . . . 

Rossignol,  sa  femme,  à  prendre  et  recevoir  de  Luc  de  Crahange 

à  cause  de  si  maison  seize  à  la  Ville-sous-Orbaiz. 


1.  [lîésidu  des  pressoirs.—  Le  mol  Aisne  vient  probublumcnt  de  Achnit, 
en  passant  par  la  l'orme  Accina  citée  par  Ducange.  Cf.  le  lexique  de  For- 
ccllini,  éd.  de  Vit,  v»  Admis  :  «  Quasi  qui  colligil  acinos  posl  vindc- 
«  mialores,  proverbialiter  dietum  apud  Vulg.  tnlerpr.  Eccl.  'Xi,  10,  de  iis 
«  qui  residuum  colligunt  ab  aliis  ucgleclum  vel  derelictuni,    »] 


HISTOIRE   DE   L  ABBAYE   D  ORBAIS 


21 


Le  dix-neufviéme  jour  de  décembre  169G,  lesdils  prieur  et 
religieux  acquirent  ou  prirent  en  payement  des  eufans  d'un 
nommé  Pierre  Prévôt  la  ferme  de  la  Bufferie  avec  tous  les  hé- 
ritages qui  en  dépendent.  Ou  y  a  fait  beaucoup  de  dépenses, 
tant  pour  réparations,  augmentation  et  construction  de  grange 
et  autres  bâtimens,  que  pour  faire  marner  les  terres  laboura- 
bles. Ces  dépenses  montent  à  plus  de  trois  mille  livres  jusqu'à 
l'année  1701. 

Le  neuvième  jour  de  may  1G99  ou  peu  auparavant,  lesdits 
R.  P.  Dom  Pierre  Mongé,  prieur,  et  religieux,  acquirent  de 
leurs  deniers  la  maison  de  Didier  Gharton,  marchand  drapier, 
joignant  le  monastère  proche  le  portail  de  notre  église,  et  si- 
tuée dans  la  rue  aux  Arches,  moyennant  la  somme  de  cinq 
cens  livres  payées  aux  créanciers  dudit  Char  ton  sur  la  fin  du 
mois  de  décembre  audit  an  1699.  Le  contract  de  vente  et 
d'achapt  fait  pardevant  ledit  M.  Gauvain  lesdits  jour,  mois  et 
an.  Les  droits  d'amortissement  et  de  nouveaux  acquêts  ont  été 
payez  en  1701. 

Le  27  septembre  audit  an  1699,  les  religieux,  prieur  et  cou- 
vent acquirent  di  leurs  deniers  de  la  fabrique  de  la  paroisse 
Saint-Prix  d'Orbaiz  la  maison,  dite  Turaterie,  située  rue  aux 
Arches  joignant  le  monastère,  moyennant  la  somme  de  cent 
livres  par  contract  passé  pardevant  ledit  Gauvain  lesdits  jour 
et  an.  Les  droits  d'amortissement  et  nouveaux  acquêts  payez 
en  170L 

Le  2S  novembre  audit  an  1699,  lesdits  religieux,  prieur  et 
couvent  acquirent  de  leurs  deniers  la  maison  de  Charles  Geor- 
gin,  serrurier,  situéti  rue  aux  Arches  proche  celle  qui  fut  au- 
dit Didier  Gharton,  pour  la  somme  de  quatre  cens  livres  par 
contract  passé  pardevant  ledit  M.  Gauvain  lesdits  jour  et  an, 
pour  validité  et  sûreté  duquel  aehapt  ledit  Charles  Georgin  et 
sa  femme  de  luy  authorisée  ont  hypothéqué  une  maison  du 
chef  de  ladite,  située  à  Villenoce,  suivant  les  contracts  conser- 
vez dans  notre  chartrier.  L'amortissement  a  été  payé  en  170L 

Ces  trois  dernières  maisons  (et  celle  de  la  veuve  Gilles  Ga- 
rand,  dernière  de  la  rue  des  Arches,  acquise  le  1 1  avril  en 
1681  et  démolie  en  1701),  acquises  ou  retirées  sont  de  l'ancien 
domaine  et  enceinte  de  l'abba^^e,  et  les  autres  du  même  rang; 
mais  ayant  été  autrefois  données  à  baulx  emphytéotiques, 
les  minutes  étant  perdues  ou  déchirées  et  supprimées  d'un  re- 
gistre de  minutes  ((ue  le  R.  P.  Mongé  a  vu  chez  le  sieur  Ma- 
lliiu'in  Gauvain,  il  a  fallu  les  rachepter  pour  y  fain^  unt^  grande 


Ferme     ilc 
Ouirerie. 


Maison   de  Di- 
dier Cliarlon, 


Maison  de  la 
Turaleric-  rue 
des  Arches. 


Maison  de  Char- 
les Georgin, 
serrurier. 


22  HISTOIRE    DE   l'abbaye   d'ORBAIS 

court,  le  mur  de  clôture,  et  l'enlrée  du  monastère  un  peu  au- 
dessous  du  grand  portail  de  notre  ég'lise  vers  le  septentrion. 
Ferme  de  ta  Le  douzième  jour  de  juin  1701.  lesdils  religieux,  prieur  et 
te.  '  '  couvent  acquirent  de  Sébastien  Crépin  et  de  Jeanne  Déceds, 
sa  femme,  la  moitié  de  la  petite  ferme  de  la  Croix-Marotte,  pa- 
roisse de  la  Chapelle-sur-Orbaiz,  moyennant  dix-sept  livres 
dix  sols  de  rente  annuelle  racheptable  en  deux  payemens 
égaux,  de  trois  cens  cinquante  livres  de  sort  principal,  par  con- 
tracl  passé  pardevant  ledit  Gauvain  lesdits  jour,  mois  et  au. 
Ladite  communauté  desdils  religieux  avoit  déjà  auparavant 
réuni  à  son  domaine  l'autre  moitié  de  ladite  ferme  faute  de 
payement  de  cens  et  rentes,  droits  et  devoirs  seigneuriaux  non 
rendus.  Après  cette  dernière  acquisition,  on  y  construisit 
à  neuf  et  on  couvrit  de  tuiles  une  belle  grange,  l'ancienne 
étant  trop  petite.  Cette  acquisition  donnera  lieu  de  faire  valoir 
une  grande  partie  des  terres  de  l'ancienne  ferme  de  la  Cha- 
pellotte  abandonnées  et  en  savarts  depuis  plus  d'un  siècle 
pour  la  plupart.  On  a  fait  cette  acquisition  dans  cette  vue. 

§  troisième 
OFFICES   CLAUSTRAUX 

Il  y  a  quatre  offices  claustraux  dans  cette  abbaye,  sçavoir  : 
1"  la  thrèsorerie  ;  2°  la  prévôté  ;  3°  la  cellererie  ;    A°  la  cham- 
brerie. 
Les  offices       ^^^  quatre  offices  claustraux  sont  éteints,  OU  plutost réunis 
claustraux    à  la  mcuse  conventuelle  des  religieux  d'Orbaiz,  en  faveur  de 
se    conven  -   l'introduction  de  la  Réforme,  et  eu  vertu  des  bulles  d'érection  de 
tuelle  par  les    la  Congrégation  de  Saint-Maur  par  le  pape  Grégoire  ijuiuzième, 
^  "'  du  dix-septième  jour  de  may  mil  six  cens  vingt  et  un,  qui  dit 

à  la  fin  de  sa  bulle  :  «  Volumus  autem  quod  officia  claustralia 
«  suppressaetextinctasint,  ctcsseceuseanlur  »,  et  par  la  bulle 
de  confirmation  de  ladite  congrégation  par  le  pape  Urbain  hui- 
tième du  vingt  et  unième  jour  de  janvier  mil  six  cens  vingt 
sept',  qui  dit  à  la  fin  :  «Volumus  autem  quod  resignationes  prio- 
«  ratuum  etaliorum  beneficiorumecclesiasticorum,non  tamen 
«  officiorum  clauslralinm  permonachos  non  reformates  obtcn- 
«  lorumetc...  »,lcsdiles  bulles  homologuées  aux  Parlements*. 

1.  [Le  Bullairo,  in  cniislilut.  Urban   VIII,  ilonne  la  date  de  IG'28.] 

2.  I/arrest  du  Grand  Conseil  du  1G  may  luT.'î  rapporté  cy-aprés  sous  h. 
nom  de  N.  de  La  Croix,  abbé,  maintient  lesdits  religieux  «  dans  la  joûis- 
«  sance  des  revenus  desdils  offices  claustraux  et  petit-couvent,  y>  qui  sont 
séparez  et  n'entrent  point  du  tout  en  parlng'^  avec  les  abbez,  eu  vertu  des 
bulles  d'érection  et  de  confirmation  de  nolro  congrégation  Saint-Maur. 


HISTOIRE   DE    L  ABBAYE   D  ORBAIS 


23 


Ces  quatres  offices  claustraux  out  chacun  leurs  prérogatives, 
droits,  domaines,  revenus,  etc.,  spécifiez  dans  les  registres  et 
papiers  de  recepte  qu'il  faut  consulter.  Mais  tous  ces 
droits,  domaines  et  revenus  s'exercent,  se  reçoivent  et  se  con- 
somment au  nom  et  par  la  communauté  qui  en  jouit  en  vertu 
de  l'union  cy- dessus,  et  non  pas  les  particuliers  ;  ils  sont  aussi 
taxez  séparément  pour  les  décimes,  dons  gratuits,  capitation, 
etc. 

LA   THRÉSORERIE 

Le  prêtre  de  Suisy-le-Franc  proche  d'Orbaiz  n'est  que 
vicaire  perpétuel,  et  le  thrésorier  de  cette  abbaye  a  droit  de 
prendre  et  de  recevoir  les  deux  tiers  des  offrandes  les  quatre 
jours  uolaux  et  fêtes  solennelles  de  f  église  paroissiale  de 
Saint-Remy  dudit  Suisy-le-Franc,  comme  il  paroit  par  les 
procédures  faites  contre  maître  Claude  Payen,  prêtre  et  vicaire 
perpétuel  dudit  Suisy-le-Franc,  en  mil  six  cens  quarante-trois 
et  quarante -quatre. 

Le  revenu  de  cet  office  est  d'environ  seize  livres  à  prendre 
sur  les  prez  appeliez  le  pré  de  Prix  de  Laleau,  et  le  pré  de 
Dame-Heleine,  sur  les  dixmes  de  Margny,  Verdon,  la  Ville- 
sous-Orbaiz,  la  Chapelle-sur-Orbaiz,  Montigny,  Orbaiz  pour 
les  cires. 

LA    PRÉVÔTÉ 

Sous  le  nom  et  authorité  du  prévôt,  un  juge  séculier  appelle 
bailly  ou  lieutenant,  nommé  par  les  abbez  et  religieux,  exerce 
la  justice  dans  Orbaiz,  la  Ville-sous-Orbaiz,  la  Chapelle-sur- 
Orbaiz,  Margny  etc.  le  mardy  et  saraedy  de  chaque  semaine  ; 
desquclz  juges  les  appellations  ressortisseiit  par  devant  le 
bailly  de  Vitry,  ou  sou  lieutenant-général  à  Chasteau-Thierry. 

Il  y  a  un  p-tit  clos  au-delà  de  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Prix,  appelle  communément  le  Clos  du  Prévôt,  qui  appartient 
à  cet  oftice,  et  qui  ne  paye  ni  doit  dixmes.  Gel  office  a  encore 
une  petite  rente  de  cent  sols,  à  prendre  sur  une  petite  vigne  au 
terroir  et  vignoble  d'Orbaiz,  contenant  un  quartier,  comme  il 
est  dit  et  spécifié  sur  la  fin  de  la  déclaratiou  des  biens 
présentée  par  Dom  Pâquicr  Chatlon,  le  21  décembre  1547. 


Les  offrandes 
dues  au  thré- 
sorier . 


LA   CELLERERIK 

Les  deux  tiers  des  menues  dixmes  appartiennent  à  cet  office 


24 


HISTOIRE   DE   L  ABBAYE   D  ORBAIS 


dans  loule  retendue  du  territoire  de  la  paroisse  d'Orbaiz  sur 
les  prez,  jardius,  clos,  mazures  et  même  sur  les  étangs,  lors- 
qu'on y  sème  quelque  grain  que  ce  soit,  n'y  ayant  jusqu'à 
présent  aucune  novale  reconnue  pour  telle  dans  tout  ledit  ter- 
roir. Cet  office  a  aussi  les  deux  tiers  desdites  menues  dixraes 
dans  les  paroisses  de  la  Chapelle-sur- Orbaiz,  de  la  Ville-sous- 
Orbaiz,  Suisy,  Verdon,  Margny  et  Montiguy.  Le  tout  montant 
et  estimé  environ  cinquante-sept  livres. 


Le  rélaLlisse- 
ment  du  clo- 
cher de  Fére- 
Champenoise 
coûte  au 
chambrier, 
avec  les  frais 
d'un  procez, 
1500  liv. 


Différend  ter- 
miné à  l'amia- 
ble entre  les 
religieux 
d'Orbaiz ,  le 
prieur  de 
Plancy  et  les 
abbesse  et  re- 
li  g  le  u  à  es 
d'Andecy. 


LA    CHAMBRERIH 

La  moitié  de  la  dixme  du  village  ou  bourg  de  Fére-Champe- 
uoise,  diocèse  de  Chàlons,  appartient  à  cet  office  claustral. 
L'autre  moitié  appartient  au  prieuré  de  Nôlre-Dame-sous- 
Plancy,  diocèse  de  Troyes. 

Le  clocher  de  la  paroisse  de  Saint-Timothée  de  Fére-Cham- 
penoise  étant  tombé,  et  par  sa  chute  ayant  causé  beaucoup  de 
réparations,  les  habitans  mirent  en  justice  Dom  Jean  Le  Gen- 
dre, chambrier,  ou  les  religieux  d'Orbaiz,  et  Messire  Nicolas  de 
Mommiguon,  curé  de  Saint-Nicolas-  des-Champs  de  Paris  et 
prieur  commendataire  de  Nôtre-Dame-sous-Plancy,  qui,  en 
qualité  de  gros  décimateurs,  furent  condamnez  à  faire  faire  un 
clocher  à  neuf  et  les  autres  réparations,  et  aux  dépens  du  pro- 
cez, en  mil  six  cens  soixante-douze.  Lesdits  religieux  d'Orbaiz 
et  prieur  commendataire  furent  condamnez  à  payer  chacun  au 
moins  quinze  cens  livres,  tant  pour  rétablissement  dudit 
clocher  et  réparations,  que  pour  dépens  et  frais  de  justice 
envers  les  habitans. 

En  mil  six  cens  quatre-vingt-dit-sept,  le  procez  que  dame 
Françoise  Groiset,  abbesse,  et  les  religieuses  de  l'abbayed'An- 
decy,  ordre  de  Saint-Benoist,  diocèse  de  Ghâlons,  avoient 
intenté,  prétendant  qu'une  partie  desdixmes  de  Fére-Ghampe- 
noise  leur  appartenoit  à  l'encontre  du  chambrier  d'Orbaiz  et 
du  prieur  de  l'Abbaye-sous-Plancy,  fut  terminé  à  l'amiable 
par  une  transaction  passée  entre  les  parties  le  neuvième 
jour  d'aoust  audit  an  mil  six  cens  quatre-vingt-dix-sept,  par 
laquelle  lesdits  religieux,  au  nom  du  chambrier,  ei  ledit  prieur 
s'obligent  de  payer  chacun  an  à  perpétuité  ausdites  dames 
abbesse  et  religieuses,  au  jour  de  saint  Martin  d'hyver,  chacun 
la  somme  de  quatre  livres  dix  sols,  comme  on  leur  avoit  tou- 
jours payé  auparavant,  moyennant  laquelle  somme  de  neuf 
livres  lesdites  dames  renoncèrent  pour  toujours  à  toutes  autres 
prétentions  sur  lesdites  dixmes  de  Fére-Ghampenoise. 


HISTOIRE   DE    l' ABBAYE   d'ORBAIS  25 

Lesdites  religieuses  auvoient  été  déboutées  de  toutes  leurs 
demandes,  perdu  leur  procez  et  condamnées  aux  dépens  de 
Tinstance  si  M.  Rossignol,  conseiller  cl  rapporteur,  ami  de 
M.  Groiset,  président  en  la  quatrième  des  enquêtes,  qui  voyoit 
les  demandes  des  religieuses  mal  fondées,  ne  leur  eût  conseillé 
de  transiger  à  l'amiable.  Ce  procez  a  coûté  huit  à  neuf  cens 
livres  aux  dames  d'Andecy. 

Cet  office  a  aussi  le  quart  desdixmes  de  Gondé  ;  item  environ 
le  quart  des  dixmes  de  Fére-Briange  ;  item  les  deux  tiers  des 
dixmes  de  Morin  ;  item  un  préciput  de  trois  septiers  de  seigle 
et  quatre  septiers,  huit  boisseaux  d'avoine  à  prendre  chaque 
année  sur  les  dixmes  de  Goursemain  :  le  total  valant  par  an 
environ  1,000  livres. 


Le  viut-huitiéme  jour  de  janvier  mil  six  cens  quatre-vingt-  Les    offices 

six,  les  religieux  de  Saint-Pierre  d'Orbaiz  donnèrent  procura-      claustraux ta- 

,  X6Z   excessi- 

lion  passée  pardevaut  Malhurin  Gauvain,  notaire  royal  à  Or-      vemeut  en 

baiz  à  Me  N Quinquet,  procureur  au  Présidial  de  Sois-  L-abba  °e  fût  ta- 

sons,  pour,  en  leur  nom,  former  opposition  par  requête  parde-      xéc  à  1600  1, 

vaut  Messieurs  de  la  Ghambredu  Clergé  de  Soissons  à  la  taxe      Ç°"j  ^'^  P^""' 

°  du  doa   gra- 

excessive  du  don  gratuit,  faite  et  assignée  par  lesdits  sieurs  de      tuit    accordé 
la  Chambre  du  Clergé  sur  les  offices  claustraux  de  ladite  abbaye      °^  ^^^^'  ^°'^ 

°  «^  compris    les- 

et  notamment  sur  la  cellererio,  la  prévôté  et  la  thrésorerie      dits  offices 
taxées,  scavoir  :  la  cellererie  à  soixante  livres,  la  prévôté  à  seize      claustraux  la- 

'     •  '      ^  xez     séparé- 

livres,  et  la  thrésorerie  à  quarante-huit  livres.  Quoique  lesdits      mentetexces- 

offices  n'ayent,  comme  on  a  observé  dans  leurs  articles,  sçavoir  :   En'Ttns"'  elle 
la  thrésorerie  qu'environ  seizelivres,  chargéedu  luminaire,  livres      fut    taxée 
du  chœur,  cordes  des  cloches,  pain,  vin  pour  les  messes,  linges, 
blanchissages,  etc. . .,  la  cellererie  environ  cinquante-sept  li- 
vres, et  la  prévôté  onze  livres  dix  sols. 

En  rail  six  cens  quatre-vingt-quinze  ou  seize  on  imposa  par 
tout  le  royaume  de  France  la  capilaliou  ou  taxe  par  tête  sur 
toutes  les  personnes  laïques,  et  la  subvention  sur  tout  le  clergé 
séculier  et  régulier,  pour  la  première  fois  depuis  l'établisse- 
ment de  la  monarchie  françoise,  pour  aider  le  Roy  à  soutenir  la 
guerre  contre  Léopold-Ignace ',  empereur  d'Allemagne;  les 
sept  électeurs    de  l'empire;    Charles  second    du   nom,    roy 


1.    [Léopold  I,  arciiiduc  d'Aulriclio,  empereur  il'Allomnpne    (H'iDS-l'O,»}, 
fils  et  successeur  do  FcrdiiKuid  III.] 


920  liv. 


20 


HISTOIRE   DE   L  ABBAYE   D  ORBAIS 


Taxe     appelléo 
capitalion  im- 

fosée  sur  les 
a  ï  q  u  e  s ,  et 
subvention 
sur  le  clergé 
séculier  et  ré- 
gulier pour 
rétablir  Jac- 
ques second, 
roy  d'Angle- 
terre, sur  son 
trône  usurpé 
par  son  neveu 
et  son  gen- 
dre. 


Subvention    de 
cette  abbdve. 


On  ôte  lesdites 
subvention  et 
c  ap  itation 
après  la  guer- 
re. 

Don  gratuit  ac- 
cordé au  Roy 
en  1700,  de 
4,000,000  de 
liv. 


d'Espap^ne;  Guillaume  de  Nassau,  prince  d'Orange,  slathou- 
der  ou  ge^néralissime  des  armées  de  Hollande,  appelle  depuis 
Roy  d'Angleterre  sous  le  nom  de  Guillaume  troisième,  aprez 
avoir  délrùné  et  chassé  Jacques  second,  son  oncle  maternel  et 
son  beau-pere,  roy  d'Angleterre,  pour  la  défense  et  le  réta- 
blissement duquel  le  roy  de  France,  Louis  le  Grand,  a  sou- 
tenu pendant  plus  de  dix  ans  une  rude  et  sanglante  gueri'e, 
luy  seul  contre  les  susdites  puissances  alliées  et  jointes  encore 
contre  la  France  aux  Etats  Généraux  ou  République  de  Hol- 
lande et  à  Yictor-Amédée,  duc  de  Savoie. 

Les  Religieux  de  ce  monastère  qui  n'étoicnt  que  trois  de  la 
Réforme,  y  compris  le  supérieur,  furent  taxez  en  particulier  à 
cinq  cens  livres  par  chacun  an,  payables  en  deux  termes,  février 
et  octobre,  scavoir  :  deux  cens  cinquante  livres  pour  la  manse 
conventuelle  ;  pour  la  chambrerie  et  cellererie  cent  cinquante- 
trois  livres  ;  pour  la  ihrésorerie  et  la  prévôté  dix  livres  ;  et  le 
surplus  sous  d'autres  litres  et  noms. 

M.  l'Abbé  fut  taxé  pour  subvention  à  deux  cens  cinquante- 
cinq  livres,  pour  le  ternie  d'octobre  169G. 

Le  Roy  ayant  fait  la  paix  avec  toutes  les  puissances  sus- 
dites, Sa  Majesté  fit  cesser  la  levée  desdites  capitation  et  sub- 
vention en  1699,  comme  Elle  en  avoit  donné  sa  parole  royale 
en  l'imposant  par  nécessité. 

L'assemblée  générale  du  clergé  de  France  s'étant  tenue  à 
Paris  aux  mois  de  juillet,  août  et  septembre  mil  sept  cens,  à 
laquelle  Messire  Charles  Maurice  Le  Tellier,  archevêque  duc 
de  Reims,  présida  au  commencement  aux  premières  séances, 
et  ensuite  aux  dernières  Messire  Louis  Antoine  de  Noailles. 
archevêque  de  Paris,  et  depuis  fait  cardinal  par  Innocent  XH, 
pour  accorder  au  Roy  un  don  gratuit  de  quatre  millions,  l'as- 
semblée du  clergé  de  Soissons  se  tint  ensuite  et  taxa,  pour  sa 
part  dudil  don  gratuit,  l'abbaye  d'Orbaiz  à  la  somme  de  deux 
mille  dix  livres  payables  en  cinq  termes,  scavoir  : 

La  manse  abbatiale  ou  M.  l'Abbé  à  quinze  cens  livres. 

La  manse  conventuelle  ou  les  Religieux  séparément  de  M. 
l'Abbé  à  deux  cens  livrer. 

Le  chambrier  à  la  somme  de  deux  cens  vingt-cinq  livres. 

Le  cellerier  à  soixante-quinze  livres. 

Le  prévôt  à  cent  sols. 

Le  thrésorier  à  cent  sols. 


HISTOIRE   DE    l'ABBAYE   d'oRBAIS  27 

Le  vingtiesme  jour  de  juia  mil  sept  cens  un,  [les  prélats]  s,jKye„,iQ      i 
s'élant  assemblez  extraordinairement  à  Paris  par  ordre  du  Roy,      l,50i),oooiiv. 
accordèrent  par  forme  de  subvention  à  Sa  Majesté  à  lever  sur      *°  ^'^^• 
le  clergé  la  somme   de  quinze  cens  mille  livres  payables  au 
premier  jour  d'octobre  de  ladite  année  mil  sept  cens  un. 

Les  députez  et  syndic  du  clergé  de  Soissons  s'étans  assem- 
blez les  seize  et  dix-sept  de  septembre  audit  an  1701,  taxè- 
rent l'abbaj^e  d'Orbaiz  pour  sa  part  desdils  quinze  cens  mille 
livres,  sçavoir  : 

Monsieur  l'Abbé  à  cent  soixante  et  une  livres  cinq  sols. 

Les  Religieux  à  quatre-vingt-dix-liuit  livres  quinze  sols. 

Le  chambrier  à  quarante-cinq  livres. 

Le  cellerier  à  la  somme  de  quinze  livres. 

Le  thrésorier  et  le  prévôt,  chacun  quarante-cinq  sols. 

Etdeplus,  pour  leur  partdesquatre  millions  accordez  au  Roy  4,000,000  de 
par  forme  de  subvention  par  lesdits  prélats  assemblez  audit  l'v-  en  1702. 
mois  de  juin  1701,  et  suivant  le  contract  fait  avec  Sa  Majesté  et 
le  clergé  le  onziesme  juillet  et  les  lettres  patentes  du  dix-neu- 
viesme  dudit  mois  de  juillet  1701,  payables  par  chacun  an  aux 
deux  termes  de  février  et  octobre  mil  sept  cens  deux  et  les 
années  suivantes  tant  que  la  guerre  durera,  pour  subvenir  et 
contribuer  aux  frais  d'icelle,  entreprise  pour  maintenir  et  cou- 
server  la  couronne  de  toute  la  monarchie  des  Espagnes,  royau- 
mes, souverainetés,  terres,  pays  et  domaines  en  dépendans,  à 
Philippe  de  France,  duc  d'Anjou,  second  fils  de  Louis  Dau- 
phin et  de  Victoire  Christine  de  Bavière,  et  petit-fils  de  Louis 
le  Grand  :  ledit  Philippe  de  France  appelle,  reconnu  et  dé- 
claré par  Charles  d'Autriche,  second  du  nom,  Roy  de  toute  la 
monarchie  des  Espagnes  et  domaines  qui  en  dépendent  par 
son  dernier  testament  du  . .  octobre  1700  '  pour  son  seul,  uni- 
que, véritable  et  légitime  héritier  et  successeur,  et  par  tous  les 
Etats,  grands,  seigneurs,  prélats  desdits  royaumes,  officiers 
et  peuples,  pour  jouir,  posséder,  gouverner  et  administrer 
ladite  monarchie  et  royaumes  en  dépendans  sans  division  ni 
démembrement  aucuns,  (et  proclamé  l\oy  à  Madrid  le  24  no- 
vembre 1700).  liCsquelles  couronnes  et  monarchie  des  Es- 
pagnes luy  ont  été  disputées  par  Léopold-Ignaco  d'Autriche, 
empereur  d'Allemagne,  prétendant  qu'elles  appartenoient  à 
(Charles*,  archiduc  d'Autriche,  son  fils  puiné,  qu'il  a  fait  pour 
ce  sujet  proclamer  Roy  d'Espagne  sous  le  nom  de  Charles  111, 

1.  [2  octobre  1700.] 

2.  [Devenu  plus  lard  Icmpcieur  Charles  VI,  père  de  Mario-Thérèse. J 


28  HISTOIRE   DE   l'aBBAYE   d'ORBAIS 

à  Vienne  le  12  septembre  1703,  et  qui,  après  avoir  passé  par  la 
Hollande  en  Angleterre,  s'y  embarqua,  liL  le  trajet  et  mit  pied 
à  terre  à  Lisbonne  en  Portugal  qu'il  a  mis  dans  ses  inlérests  le 
septième  jour  de  mars  mil  sept  cens  quatre  '. 
^"Sbayë  'en  ^'abbaye  d'Orbaiz  pour  sa  part  desdils  quatre  millions  fut 
1702.  taxée,  pçavoir  : 

Monsieur  l'Abbé  à  quatre  cens  trente  livres. 

Les  Religieux  à  deux  cens  soixante-trois  livres. 

Le  chambrier  à  six-vingt  livres. 

Le  cellerier  à  quarante  livres. 

Le  thrésorier  et  le  prévôt  chacun  six  livres. 

§  quatrième 
DFS   CURES   DÉPENDANTES   DE   CETTE  ABBAYE 

La  Cure  d'Orhak 

La  cure  du  bourg  d'Orbaiz  (dont  saint  Prix,  Prœjedus,  évo- 
que et  martyr  deClermout  en  Auvergne,  est  titulaire  et  patron) 
est  à  la  nomination  des  abbez  et  religieux  de  cette  abbaye  qui 
.en  sont  aussi  curez  primitifs  ;  le  prêtre  qui  l'administre  n'en 
est  que  le  vicaire  perpétuel,  comme  il  paroît  par  plusieurs 
transactions  faites  entre  les  religieux  de  l'abbaye  et  lesdits 
vicaires  perpétuelz  confirmées  par  plusieurs  sentences  et  arrests 
conservez  dans  le  chartrier  de  cette  abbaye. 
Droits  de  l'ab-       Lesdits  abbez et  religieux, en  qualité  de  patrons  et  curez  pri- 

baye   sur  la   i^^itifs,  jouissent  de  tout  tems  de  plusieurs  droits  honorifiques, 
paroisse  et  •"  ^  n        ' 

église  Saint-   comme  de  donner  dans  ladite  paroisse  la  bénédiction  au  prédi- 

^'■'^-  cateur,  quel  qu'il  soit,  avant  qu'il  monte  en  chaire,  pendant 

l'Avent  et  le  (barème,  en  présence  même  dudit  vicaire  perpé- 

Bénédiction  aux    ,       i    /,       i      •.      i  i  ,  v   ii   -^      i-i       7         a 

prédicateurs,  tuel.  t^e  di'oit  S  exerce  non-seulement  par  1  abbé,  S  il  est  prê- 
tre, le  prieur,  mais  par  tout  autre  religieux  prêtre  et  conven- 
tuel actuellement  de  cette  abbaye.  Les  transactions  faites  avec 
M"  Nicolas  Chevalier,  ne  parlent  ni  d'Avent  ni  de  Carême,  mais 
en  général.  Le  supérieur  ou  autre  religieux  monte  au  maitre- 
autel,  reçoit  l'étole  des  mains  du  serviteur  d'église,  et  donne 
la  bénédiction  au  prédicateur  à  genoux  au  pied  de  l'autel. 
Processions  gé-  Les  religieux,  en  la  susdite  qualité,  indiquent  audit  vicaire 
nérales.  perpétuel  l'heure  qu'il  est  obligé  de  leur  venir  demander  pour 

les  processions  de  saint  Marc  et  des  Rogations;  ils  y  président, 

1.   [Cf.  Succession  d'Espagne,  Louis  XIV  el  ClUitlaumc  III,  par  Hermilo 
Keynald,  doyen  de  la  faculté  des   lettres  d'Aix,  2   vol.  in-8»,    Paris,   Pion, 

1883.] 


HISTOIRE    DIS   l'aBUAYK    d'oRBAIS  29 

enlounent  loul  ce  qui  doit  ùlre  clianlô,  et  célébrenlla  sainte 
Messe  dans  l'église  où  la  procession  est  indiquée. 

Le  jour  de  saint  Marc  ledit  vicaire  perpétuel,  précédé  de  sa 
croix  et  de  son  clergé,  vient  prendre  les  religieux  dans  leur 
église,  d'où  il  les  conduit  dans  la  paroisse  Saint  Prix,  mar- 
chant toujours  luy,  son  clergé  et  son  porte-croix  devant  la 
croix  de  l'abbaye,  et  les  religieux  les  derniers,  en  sorte  néan- 
moins que  ces  deux  corps  paroissent  n'en  faire  qu'un. 

Le  lundi  des  Rogations  ledit  vicaire  perpétuel  attend  les 
religieux  au  haut  de  la  rue  du  Lys,  proche  la  porte  de  Saint- 
Pierre,  et  on  marche,  comme  le  jour  de  saint  Marc,  en  proces- 
sion à  l'église  de  la  Ville-sous-Orbaiz.  Le  mardi  des  Boga- 
lions  ledit  vicaire  perpétuel  attend  les  religieux  vers  les  cinq 
heures  au  moulin  du  Pont,  pour  marcher  dans  l'ordre  du  jour 
précédent  à  l'église  de  Saint- Keniy  de  Suisy-le-Franc.  Le  reste 
est  marqué  au  long  dans  le  cérémonial  local.  Le  mercredi  des 
Rogations  toutes  choses  s'observent  comme  il  est  dit  cy-devant 
le  jour  de  saint  Marc. 

Ces  différentes  paroisses  doivent  cinq  sols  les  jours  qu'on  y 
va  en  procession. 

Lesdits  religieux  assistent  et  président  aux   convois  des    .    •  ,    „      „» 

"  i  Assistance     e  t 

morts,  quand  ils  veulent  ou  qu'ils  sont  invitez  par  les  pareus      présidenco 
et  amis,  et  chantent  ce  qu'il  faut  chanter  jusque  dans  la      j"^  mor"s^°'^ 
paroisse.  Le  vicaire  perpétuel,  son  clerc  et  sa  croix  marchent, 
comme  dans  les  processions,  devant  les  religieux;  le  supérieur 
y  porte  l'étole  pendante. 

tt  Outre  ces  processions  de  saint  Marc  et  des  Rogations,  les- 
«  dits  vicaires  perpétuels  devroient  encore  assister  à  toutes 
«<  processions  générales,  tant  ordinaires  et  commandées  par  l'é- 
«  glise  catholique,  comme  celles  de  saint  Marc  et  des  Rogations, 
«  comme  en  toutes  autres  extraordinaires  qu'il  convient  faire 
«  selon  l'occurrence  du  tems,  com7nepourle  Roy  nôtre  JSire,  la 
«  Paix  et  les  Biens  de  la  terre  »  dit  la  transaction  faite  entre 
les  religieux  et  M"  Pierre  Vinuot,  vicaire  perpétuel  de  Saint- 
Prix,  le  vingt-septième  jour  de  janvier  mil  cinq  cens  quatre- 
vingt-dix-sept,  confirmée  par  une  sentence  du  vingt-sixième 
juillet  mil  six  cens  vingt-deux,  qui  se  conservent  dans 
notre  charlrier. 

On  pourroit  aussi  obliger  lesdits  vicaires  perpétuclz  d'assister 
aux  processions  du  Très  Saint  Sacrement  et  du  jour  de  l'As- 
somption de  la  Très  Sainte  Vierge  établie  pour  le  vœu  du  roy 
Louis  XIII,  en  1638,  laquelle  se  fait  après  vêpres  dans  tout  ce 


30  HISTOIRIO    DE   l'abbaye    d'oKBAIS 

diocèse  en  vertu  du  mandemcnl,  de  Messire  Fahio  Brulart  de 
Sillery,  évèque  de  Soissons,  du  seizième  jour  de  juin  mil  sept 
cens,  rapporté  cy-aprés,  comme  duxTe  Deuni,  et  àlouverlure 
des  jubilez  ;  Messieurs  les  anciens  religieux  y  obligeoient  les 
vicaires  perpétuelz  qui  vcnoienl  prendre  le  jour  et  l'heui'e  des- 
dils  religieux. 

Si  les  religieux  réformez  de  la  congrégation  de  .Saint  Maur 
n'ont  j)as  encore  fait  valoir  ces  droits  de  l'abbaye,  il  le  faut 
attribuer  à  leur  ))etit  nombre  réduit  à  deux  ou  trois  pendant 
I)lus  de  trente  ans,  depuis  leur  introduction  dans  Saint-Pierre- 
d'Orbaiz  ;  mais  à  présent  qu'il  y  a  un  nombre  plus  considéra- 
ble, ils  doivent  se  remettre  en  possession. 

Droits  portez       Tous  ces  droits  bonorifiques  et  de  préséance  ont  toujours 
S'^IpS^S-    ^^"^^  ^^^*'  ^  ^*'^^^  '^"^  vicaires  perpétuelz  de  Saint-Prix  ;  ils 
res  perpétuelz   ont  de  tenis  en  tems  fait  tous  leurs  efforts  pour  secouer  le  joug 
"'''  de  l'abbaye,  particulièrement  les  sieurs  M''  Pierre  Vinnot  en 

mil  cinq  cens  quatre-vingt-seize,  M*"  Claude  David  en  rail  six 
cens  vingt-deux,  M"  Joacliim  le  Guay  en  mil  six  cens  soixante- 
cinq,  M''  Louis  Milsan  en  mil  six  cens  soixante  et  dix-neuf, 
luy  qui  avoit  été  nommé  curé  sur  la  présentation  du  R.  P.  Dom 
Pierre  Mougé  et  autres  religieux  réformez.  M''  Remy  Pru- 
d'homme ensuite  ;  mais  plus  opiniâtrement  et  avec  plus  de 
passion  que  pas  un,  M'^  Nicolas  Chevalier,  doyen  d'Orbaiz, 
successeur  dudit  David,  puisqu'il  a  chicané  les  anciens  reli- 
gieux pendant  plusieurs  années  et  à  différentes  reprises,  et  sou- 
vent même  au  préjudice  des  transactions  faites  de  concert  entre 
luy  et  les  religieux,  dans  lesquelles  il  reconnoissoit  de  bonne 
foy  les  droits,  prééminences  et  prérogatives  desdits  religieux, 
cependant,  à  la  pi'emiére  occasion,  il  troubloit  l'ordre  des  pro- 
cessions, et  faisoit  du  scandale  ;  mais  luy  et  les  autres  mutins 
ont  toujours  succombé  sous  le  poids,  la  force  et  lauthorité  des 
sentences  et  des  arrests  qui  tous  ont  confirmé  lesdils  religieux 
dans  leurs  anciens  droits  de  curez  primitifs,  et  condamné  les- 
dils vicaires  perpétuelz  aux  dépens. 

M"'  Pierre  Da-       M'^'  Pierre  Davaux,  qui  administre  aujourd'huy  la  paroisse  de 
pasteur  et' pa-   Saint-Prix,  et  qui  a  été  honoré  de  la  qualité  de  doyen  rural 

'  cifique.  d'Orbaiz,  est  un  très  digne  et  excellent  pasteur  tout  occupé  des 

fonctions  de  son  ministère,  considéré  de  sou  évêque,  vivant 
dans  une  parfaite  intelligence  avec  les  religieux  qui  se  font  un 
vray  plaisir  de  l'aider  dans  les  occasions,  enfin  estimé,  chéri  et 
honoré  de  ses  confrères  et  de  toute  sa  paroisse,  autant  ami  de 
la  paix  et  ennemi  des  procédures,  que  ses  prédécesseurs  étoieut 
brouillons  et  chicaneurs,  comme  on  le  peut  voir  dans  les  dif- 


HISTOIRE    DE    l'aHBAYH  d'ORBAIS  31 

fért'ules  procédures  faites  eonlrc  eux  eu  se  délendaut,  qui  se 

conservent  encore  dans  notre  chartrier. 

L'abbaye  jouit  aussi  de  la  moitié  de  la  grosse  dixme  à  cause   La  moitié   des 

de  la  susdite  qualité  de  curé  itriuiitii",  et  des  deux  tiers  des       B^os^e-^    '''■'- 
'■  ,    .  .  ^'^^^    '^    1  alj- 

menues  dixmes  à  cause  de  rutlico  claustral  de  cellerier,  dans      baye. 

toute  l'étendue  de  cette  paroisse,  et  même  sur  les  étangs,  quand 

on  les  laisse  à  sec,  qu'on  les  laboure  et  qu'où  y   sème  de  l'a- 

voiue,  et  le  même  s'entend  des  clos,  prez,  jardins,   mazures, 

lorsqu'on  y  sémc  quehpie  grain  que  ce  soit,  n'y  ayant  jus(|u'ù 

présent  aucune  novale  i-econnue  pour  telle.  L'autre  moitié  de 

la  grosse  dixme,  et  le  tiers  des  menues,   ont  été  abandonnez 

aux  vicaires  perpétuelz. 

Messieurs    les    anciens    religieux    s'étoient    anciennement   Droits     peidus 

réservé  le  droit  d'administrer  l'extrêmc-onciion  aux   parois-      par  uéghgeu- 

1  ce      ou     trop 

siens  malades,  de  bénir  l'eau  des  i'oats  baptismaux  les  veilles  grande  l'aci- 
de Pâques  (ît  de  Pentecôte  de  ladite  paroisse  Saint- Prix,  (et  ^^^^' 
lesdits  vicaires  perpétuelz  précédez  de  leur  clergé  et  de  la  croix, 
et  suivis  de  leurs  paroissiens,  venoient  dans  notre  église  assis- 
ter à  la  bénédiction  des  Piameaux  par  Messieurs  nos  abbez  régu- 
liers, ou  les  prieurs  claustraux,  et  en  recevoieut  de  leurs  mains 
après  tous  les  religieux  de  Saint-Pierre)  et  plusieurs  autres 
droits  qu'ils  ont  relâchez  ou  laissé  perdre,  parce  que  l'exécution 
demandoit  un  peu  d'assiduité  et  de  diligence  de  la  part  des 
anciens  religieux.  On  sçait  cecy  par  une  tradition  (ju'ils  con- 
servoient  entre  eux.  Ou  trouvera  quelque  jour  l'occasion  de 
faire  revivre  ces  droits,  ou  du  moins  ceux  qui  ne  seront  pas  si 
onéreux. 

Le  siège  abbatial  de  Saint-Pierre-d'Orbaiz  étant  vacant  (par  domination  de 
la  mort  de  Pierre  de  Séricourt,  seigneur  d'Esclainvilliers,  arri-  M'  Claude 
vée  le  quatorze  ou  quinzième  jour  d'août  nul  six  cens  soixante-  cured"orLaiz 
dix-huit,  à  la  bataille  de  Saint-Denis  proche  de  Mons  en  Hai-  par  les  reli- 
naut,  comme  on   verra  plus  au   long,  dans  la  suite,  dans  le      5e  vacant  par 

catalogue  des  abbez)  et  M"  Jean  Caillet,  nrélre  et  vicaire  per-      la    mort   de 

-,      1    1      .1    •    .    T-,  •        -,       .  ,  ^-        ■   •       x     <  Pierre  de  Sé- 

petuel  de  bamt-Prix,  étant  mort  sans  avoir  resigné,  la  corn-      neourt  abb^. 

munauté  des  religieux  reformez  nomma  pour  remplir  et  admi- 
nistrer ladite  paroisse  en  ({ualitè  de  vicaire  perj)étuel,  M^'  Claude 
Milsan,  prêtre  du  diocèse  de  Soissous,  suivant  les  lettres  de 
nomination  et  présentation  datées  du  dix-septième  jour  de 
janvier  mil  six  cens  soixante  et  dix-neuf,  dont  voicy  la  copie  : 

«  lUuslrissimo  ac  reverendissimo  in  Christo  Patri  1).  i)o- 
«  mino  Episcopo  Suessiounensi,  seu  veslro  in  spiritualibus  et 
«  temporalibus  vicario  generali. 

«    Humilis  prior  et  couvenlus  iucliti  mouasterii  Sancli  Pctri 


32  HISTOIRE    DE     l' ABBAYE  DORBAIS 

«  Orbacensis,  ortlinis  Sancli  Beuodicli,  couL^riîgalionis  Sancli 
«  Mauri,  vcslra,'  diœcosis,  cum  paiTochialis  ecclesia  iSancti 
«  Pncjccli  de  Orbaco,  cujus  nominalio  et  preeseulatio,  Sede 
«  abbat'tali  vacante,  ad  nos  capitulumque  iioslrum  ralione 
«  dicli  nostri  monaslerii  ab  anLiquo  secundum  cauones  devol- 
«  viluret  pciiinet,  per  ol)itura  raagislri  Joannis  Caillel,  ultimi 
«  possessoris  pacilici,  vacaverit  et  adprœsens  vacet,  dilectum 
«  magistrum  Glaudium  Milsau,  presbiterum  diœcesis  8ues- 
«  sionnensis,  tauquam  suflicientem  et  idoncum  ad  ecclesiam 
«  parrochialem  Sancli  Prcejecli  de  Orbaco  obtineudain,  regcn- 
«  dam  et  administmndam  vobis  prœsenlamus  et  nominamus, 
«  vos  rogantes  qualenus  eundem  magistrum  Glaudium  Mil- 
«  san  recipere  et  adniittere  dignemini,  eique  prœdictam  eccle- 
«  siam  parrochialem  donare  et  conferre  velitis  (salvo  vestro  et 
«  quolibet  alieno  jure)  enixeque  deprecantes  Deum  allissi- 
«  mum,  ut  paternitatem  vestram  diu  feliciterque  pro  meliori 
«  bono  tolius  diœcesis  custodiat  atque  conservet.  In  quorum 
«  fidem  et  testimonium  bas  prceseutes  litteras  manu  propria 
«  subsignatas  per  magistrum  Ludovicum  Gauvain  regium  no- 
a  tarium  Orbaci commorantem.  vices  secretarii  ex  commissione 
«  ad  robur  preesentium  obeuntem,  subsignari  et  sigillo  nostri 
«'  conventus  muniri jussimus.  Datum  in  capitulo  nostri  mouas- 
«  terii  Sancti  Pétri  Orbacensis,  anuo  Domini  millesirao  sex- 
«  centesimo  septuagesimo  uono,  die  vero  décima  septima 
«  mensis  januarii,  prœsenlibus  boneslissimis  viris  magistris 
«  Hieronymo  Juguin  ballivo,  Ludovico  Marotte  procuratore  fis- 
«  cali  et  Joanne  Jacob,  ejus  substituto,  in  diclo  Orbaco  degen- 
«  tibus  testibus  ad  praemissa  vocalis,  ac  nobiscum  et  notario 
«  prœdicto  subsignatis.  Signé  :  FraterPetrus  Mongé,  prier  Or- 
«  baci,  frater  Guillelmus  Jamet,  H.  Juguin,  Marotte,  J.  Jacob, 
«  et  plus  bas  :  De  mandate  dicti  conventus  seu  capituli,  nota- 
«I  rius  et  ex  commissione  secrelarius  preedictus  Gauvain,  avec 
«  paraphe,  et  scellé  à  côté  du  sceau  dudit  chapitre.  Et  sur  le 
«  dos  est  écrit  :  Lettres  de  présentation  et  nomination  à  la 
«  cure  d'Orbaiz  du  1 7  janvier  1  ti79  sur  lesquelles  ladite  cure  a 
«  été  conférée  par  Monsieur  du  Tour,  grand  vicaire  de  Mgr 
a  l'évoque  de  Soissons,  audit  M"  Glande  Milsan.  » 

Cette  présentation  des  religieux  d'un  bénéfice,  le  siège  ab- 
batial vacant,  et  collation  faite  par  Tévêque  ou  sou  grand  vi- 
caire, prouve  et  établit  le  droit  de  présenter  aux  bénéfices  par 
les  religieux  en  pareils  cas. 

En  mil  six  cens  quatre-vingt-dix,  les  habitans  de  ladite  pa- 
roisse de  Saint-Prix  d'Orbaiz  ayant  pris  entre  eux  la  résolution 


HlSïOIltlC    DK    l'aBHAYK    DOKHAlS  o3 

cl  aviiiil  l'ail  reculer  daus  la  nèfle  criicilix,  les  bancs  cl  la   j„(],.,„„i^;    ^j^,;, 
balustrade   et  fermeture  qui  séparenl  le  chœur  d'avec  ladite     haljiur.s  d'Or- 
nef,  pour  la  dccoraliou  et  agrandissement  du  chœur,  et  leur     ^^J'^  religieux 
commodité  particulière,  ce  qui  étoii  tout  à  fait  préjudiciable  et     pour  avoir  (ait 
d'une  p^rande  conséquence  pour  les  religieux  grosdécimateurs,     i7,'s^'irafh'  dû 
attendu  que  le  clocher  et  une  partie  de  la  nef  deviendroient  à     chœur  dans  la 
leur  charge,  le  R.  P.  Dom  Pierre  Mongé,  prieur,   forma  au     J,^J^_^°    ^''"^ 
nom  de  rabba3'e,  son  opposition  audit  changement  et  augmen- 
tation du  chœur,  cl  lit  assigner  au  mois   de  décend)rc  de   la  . 
même  année  1690  par  Nicolas  Mercier,  huissier  royal,  Hubert 
Tilloy,  procureur  syndic,  et  tous  les   habilans  d'Orbaiz  et  au- 
tres paroissiens  de  St-Prix  à  comparoilre  par  devant  le  bailly 
de  Château-Thierry  ou  son  lieutenant  général,  pour  se  voircon- 
damner  à  remettre  ladite  balustrade,  qui  sépare  le  chœur-d'avec 
la  nef,  ensemble  ledit  crucifix  qui  est  au-dessus,  au  lieu  où  ils 
ont  été  de  tout  tems,  c'est-à-dire  entre  les  deux  maîtres  gros 
piliers    vers  le  grand  autel  ;  si  mieux  n'aiment  lesdits   syndic 
et  habilans  donner  aux  abbé  et  religieux  gros  décimateurs  une 
décharge  et  indemnité  en  bonne  forme  par-devant  notaires, 
avec  protestation  de  tous  dépens,  dommages  et  inlérests. 

{A  suivre). 


INSCRIPTIONS  DU  DEPARTEMENT  DE  L'AUBE 

TROISIÈME    SÉRIE    * 


BARBEREY-AUX-MOINES 
Suv  une  cloche,  de  fonte,  dans  la  propiiété  de  M.  Roserot  : 

79.  —  Sancte  Reniigi  ora  pro  nobis,  Margueiite  Villame,  Jean 
BoUengeat.  1612. 

BLAINCOURT 

ÉGLISE 

Sur  une  clocJie,  on  lit  en  lettres  gothiques  : 

80.  —  Jey  esté  bénilte  par  M^  Pierre  Méra,  prieur  de 

M"-  Gabriel  de  Hénin  Liéiait,  h»"  de  Blaincourt  et  autres  lieux,  fils 
deffuncl  M^  Anthonne  Hénin  Liétart,  s""  de  Blaincourt  ;  damoiselle 
Anne  Legras,  fille  de  M*  Nicolas  Legias,  conseillier  du  roy,  inten- 
dant et  lectaire  de  la  roinu'',  H'  en  partie  de  Vaubercey  et  autres 
lieux.  M""*^  Jean  Simonnot,  Anthoinne  Badoist,  marguillier.  16i5. 

Sur  uue  autre  cloche  : 

81  .  —  XPS  vincit,  XfS  régnât,  XPS  imperat,  XPS  ab  omi  {sic) 
nialo Messiro  Jehan  Jumekot,  prieur  de  ce  lieu. 

Sur  une  pierre  tombale,  dans  le  chœur  : 

82.  —  Cy  gist  dame  Guyenne  de  Gavne,  vivante  femme  de  mes- 
sire  Anthoinne  de  Hennyn  de  Liétart,  escvyer,  seignevr  de  Bkin- 
covrt  et  avitres  lievx,  qui  décéda  le  29  aovst  de  l'an  1669.  Prié  Diev 
povr  elle. 

BOUILLY 

ÉGLISE 

Au  bas  du  ruailrc  autel,  datant  de  la  Renaissance  et  surmonté 
d'un  magnifique  rétable  de  la  même  époque,  on  lit  en  lettres 
gothiques  : 

83.  —  Anno  Domini  1556,  die  vero  4a  augusti,  lapis  iste  positus 
fuit  per  me  Radulphum  Parchemin,  presbyterum  et  curatum 
hujus  ecclesie  '. 

'  Voir  les  deux  preniieis  articles,  t.  IX,  p.  3(j'î,  et  XI,  p.  28'J. 
1 1   Celte   inscription  a  déjà  été  publiée    ptr   M.    d'Arbois  de  Jubaiuville 
dans  le  Rrperloire  archéologique  du  départanent  de  l'Aube. 


INSCRIPTIONS    DU    DÉPARTEMENT    DE   l'aUBE  '.\[\ 

CIIESSY 

ÉGLISE 

Sur  une  pierre  fixée  à  un  pilier  de  la  nef  principale  : 

84.  —  Deo  op»  mx"  laus  sempiterna.  —  Louis  de  Barbuat- 
Maison  Rouge,  écuyer,  seigneur  de  Bois-Gérard,  lieuten'  de  dra- 
gons, et  dame  Maiie-Anne  de  Barbuut  de  Maison-Rouge,  épouse 
d'Antoine  de  Saugy,  écuyer,  seigneur  de  Vezmnes,  garde  du  roy, 

ont  donné  à  la  fabrique  de   Clicssy le   2  novembre  1733 

pour  le  repos  des  âmes   de  dellV  P".  de  Barbuat,  écuyer, 

s*"  de  Maison-Rouge,  et  de  dame  (lolombe  Guiard  Desforges,  leurs 
père  et  mère 

DAVREY 

ÉGLI.sE 

Pierre  tumulaire,  dans  la  chapelle  de  Saint-Nicolas. 

85.  —  Cy  gist  le  corps  de  noble  home  Edme  Guiar,  escuyer, 
sieur  des  Forges,  âgé  de  80  ans,  qui  décéda  ie  21  octobre  1709.  — 
Requiescat  in  pace. 

80.  —  Hic  jacet  Joannes  Baptista  Guyarddes  Forges,  presbyter, 
baccalaurens  theologus,  qui,  vita  verè  sacerdolali  exacta,  animara 
suo  reddidit  Creatori  mense  junii,  œtatissuée  anno  novigesimo  oc- 
tavo  et  reparatuj  salutis  millesimo  septingentesimo.  Requiescat  in 
pace. 

EPAGNE 

ÉGLISE 

Sur  la  cloche. 

87.  —  L'an  1788  j'ai  été  nommée  Claude  Edouarde  par  messire 
Claude  Edouart  Bajot  d'Epagne.  seigneur  d'Epagne,  et  seigneur 
pour  sept  parts  on  onze  de  ladite  terre,  seigneur  de  hante,  moj'enne 
et  basse  justice  dudit  lieu,  ot  demoiselle  Marie  Madeleine  Piot, 
dame  de  Courcelles  et  Fresnoys.  —  Edme  Nicolas  Cogniasse- 
Desjardins  sindic  municipal. 

ERVY 

Sur  une  plaque  de  plomb  appartenmt  à  M.  Adolphe  Paillot. 

88.  —  Angularem  januée  lapidem  domus  avit:eponi  cu»"avit  Clau- 
dius  Poterat,  eques,  tricliniarches  legius,  militum  protribunus, 
turmœ  Aurelianensis  equestris  qutcstor,  ordinis  regii  et  militaris  a 
Sancto  Ludovico  necnon  ordinis  a  Sancto  Lazare  dicti  eques,  uxor 
ejus  amantissiraa  dom.  Anna-Elisabeth  Paillot,  dilectissimi  liberi 
eorum  Peirus,  Claudius  et  Abraham  Poterat  Ludovico  deciuio 
quinto  post  Etriim  Meninuni,  Fiunam  epugnatum,  fugante  trana 
Rhenura  Germanos,  anno  salutis  MDCCXXXXIV. 


36  INSCRll'TIONS 

Sur  une  pierre  tuniulaire  appartenant  au  même  : 

89.  —  Cy  gist  damoiselle  Edmée  Paillot,  femme  de  noble  homme 
et  sage  maistre  Louys  de  La  Ferlé,  conci-  du  Roy  et  son  procureur 
au  bailliige  et  siège  présidial,  prévôté  et  aultres  juridictions  de  la 
ville  de  Tioycs,  laquelle  décéda  le  quatorziesme  may  1624. 

Priez  Dieu  pour  son  âme. 

Sur  une  ardoise  provenant  du  château  de  Saint-Fal,  appartenant 
également  à  M.  Adolphe  Paillot. 


90.  —  Esto  nobis  Domine  turris  fortitudinis  a  facio  inimici  in 
honorera  superexcellentissime  et  individue  Trinitatis,  et  in  laude 
beatissiraaî  Yirginis  Maria-,  matris  Domini  nostri  .Ihesu  Christi. 
Amen.  —  Par  Anne  de  Vauldrey,  chevalier  de  l'Ordie  du  Roy,  sei- 
gneur de  Sainct  Fale,  bailly  de  Troyes,  le  16  de  décembre  1575. 

LENTILLES 

Sur  l'une  des  cloches  de  l'église,  en  lettres  gothiques  : 

91.  —  S.  Jacobe  et  Philippe  orate  pro  nobis.  L'an   mil  V*  LXL 

Sur  une  autre  : 

92.  —  L'an  1777  jay  été  bénite  par  M""  Charle  de ,  desser- 
vant de  Lentilles  et  nommée  Marie  par  Mr^^  Louis- Antoine  de  Coucy, 
seigneur  du  Moncet,  ancien  officier  d'infer.terie,  et  par  damlle  Marie 
de  Conygham,  son  épouse. 

MAISIÈRES 

ÉGLISE 

Chapelle  de  la  Sainte-Vierge. 
Sur  une  pierre  tombale  de  marbre  noir  : 

93.  —  D.  0.  M.  —  Cy  git  haut  et  puissant  sgr  mess"  Antoine 
du  Ban,  chevalier,  marq^  de  la  Feuillée,  sgr  de  Maisière,  Valenti- 
gny,  Humégnil,  Chaumont-le-Bois,  etc..  mestre  de  cavalerie,  etc.... 
Il  mourut  le  24  février  1759.  —  Priez  Dieu  pour  son  âme. 

Autre  pierre  tombale,  aussi  de  marbre  noir  : 

94.  —  D.  0.  M.  —  Cy  git  haute  et  puissante  dame  Madnme  Hé- 
lène-Thérèse de  Sercey,  épouse  de  haut  et  puissant  sgr  mss"^"  An- 
toine du  Ban,  eh"",  marquis  de  la  Feuillée,  mestre  de  camp  de 
cavalerie,  sgr  de  Maizières,  Valentigny,  Hume.'^gnil,  Chaumont-le- 
Bois,  etc.  Sa  mort  etc. . .  —  Elle  arriva  le  9  octobre  1747.  —  Priés 
Dieu  pour  son  âme. 

Sur  une  cloche  : 

95.  —  En  1771,  au  mois  d'octobre,  j'ai  été  bénie  (sic)  par  Mgr 


DU   DKPARTEMENT   DIS   L'aUISK  37 

rill'"e  et  révérendm«  archevêq"  de  Toulouse,  Etienne-Charles  de 
Loménie-Brienne,  et  nommée  Marie-Anne  par  haut  et  puissant 
seigr  Mons»''  Louis-Marie-Athanase  de  Loménie,  chevalier,  comte 
de  Brienne,  sgr  de  Maizières  et  autres  lieux,  maréchal  des  camps 
et  armées  du  loy,  et  pur  haute  et  puiss'"  dame  Madame  Marie-Anne- 
Etieimette  Fizeaux  de  Cléinont,  comtesse  de  Brienne,  dame  de  Mai- 
zières et  autres  lieux. 

Sur  une  autre  cloche  :    ' 

06.  —  Jésus.  Maria.  —  L'an  1717  j'ay  été  bénite  par  M'''^  Charles 
de  Creney,  curé  de  Maizières,  écuyer,  sgr  en  partie  du  Petit-Mesnil 
et  Choménil,  et  nommée  par  hault  et  puissant  seignevr  messire 
Edme  du  Ban  de  la  Feuillée,  chevalier,  baron  de  Morvilliers,  sei- 
gneur de  Vanerre  et  autres  lieux,  colonel  d'un  régiment  de  cavale- 
rie, et  haulte  et  puissante  dame  Madame  Iléleine  de  Sercey  de  la 
Feuillée. 

MATHAUX 

ÉGLISE 

Sur  chacune  des  trois  cloches  : 

07.  —  L';in  1732  j'ay  été  bénite  par  Mr  Pierre  de  Brienne,  curé 
de  Mathavlt,  et  j'ay  eu  pour  parrain  M"'  Gédéon-Etienne-Maurice 
Le  Petit,  et  pour  marraine  Marie-Françoise-Charlotte  Le  Petit  de 
Lavaulx,  fils  et  (ille  de  W>^  Gédéon-Claude  Le  Petit  de  Lavaulx, 
chevalier,  baron  de  Mathault,  et  grand  bailly  du  Bassigny. 

MONTAULIN 

D.VNS   LE   CIMETIÈRE 

08.  —  Ici  repo.se  Monsieur  .lacques  Paillot  de  Montabert,  écuyer, 
décédé  en  son  clifiteau  le  l'r  février  1816,  à  l'âge  de  83  ans.  —  De 
profundis. 

99. — Ici  repose  M ■•  Victor  Paillot  Deloynes,  ch"'' de  l'ordre  royal  de 
la  légion  d'honneur,  ancien  maire  de  la  ville  de  Troyes,  ancien  dé- 
jtiité  de  l'Aiilie,  ancien  pré.sidcnt  du  Conseil  général,  né  à  Troyes 
le  16  novemijie  1767,  décédé  le  20  avril  1812.  —  l.)e  profundis. 

MONTFEY 

ÉGLISt; 

100   —  C'y  gist  le  corps  de  messire  Timotée  de  la  Rue,  seigneur 

de  Montfey La   Broce  et  autres  lieux capitaine  d'une  -"S 

compagnie  de  chevaux  légers   de  monseigneur  le  marquis  de  Clé- 

rambaux décéda  le  2"  nov. . . .  1683,  âgé  de —  l'riez 

liieii  pour  le  repos  de  son  âme. 


38  JiNSCRIPTIONS 

MONTMORENCY 

ÉGLISE 

Sur  une  plaque  de  marbre  noir  appliquée  à  l'un  des  piliers 
du  chœur. 

101.  —  D.  0.  M.  Cy  gisent  honorables  personnes  Pierre  Adam, 
seigneur  du  Châtelier,  Ormont,  Ghassericourt  et  Rambécourt,  bailly 
et  lieutenant  général  de  ce  duché,  qui  décéda  le  11  avril  1725,  âgé 
de  63  ans; 

Marguerite  Pothier,  son  épouse,  qui  décéda  le  14  février  1724, 
âgée  de  55  ans  ; 

François  Adam,  leur  fils,  seigneur  des  mêmes  lieu.v,  écuyer,  con- 
seiller secrétaire  du  roy,  bailly  et  lieutenant  général  et  gru)'er  de 
ce  duché,  qui  décéda  le  10  ?vril  1761,  âgé  de  66  ans, 

Et  Elisabeth  Navelet,  son  ôpouse,  qui  décéda  le  17  ianvier  1725, 
âgée  de  25  ans, 

Lesquels  ont  fondez  dans  cette  église  chacun  un  service  à  perpé- 
tuité le  iour  de  leur  décès. 

Requiescant  in  pace. 

Sur  le  socle  d'une  statuette  de  la  Sainte-Vierge  : 

102.  —  Cette  image  miraculeuse  de  la  Sainte-Vierge  a  été  trans- 
férée, avec  permission  de  Monseigneur  1  evêque  de  Troyes,  de  la 
chapelle  des  religieux  Minimes  de  Villiers  en  cette  église,  par 
Mr  Mony,  curé  de  cette  paroisse,  en  l'année  1775,  le  4  novembre,  à 
trois  heures  après  midi. 

NOGENT-SUR-SEINE 

ÉGLISE 

Sur  une  plaque  de  pierre  blanche  fixée  au  mur  d'une  chapelle  : 

-103.  —  Du  règne  de  Louis  Xlil,  roy  de  France  et  de  Navarre, 
coste  première  pierre  a  esté  posée  à  l'église  du  couvent  de  ceste 
ville  de  Nogent-sur-Seyne  par  haulte  et  puissante  dame  Marie  de 
Brageloigne,  femme  et  espouse  de  liault  et  puissant  seigneur  Mes- 
sire  Claude  Boiithillier,  ron*^''  du  Roy  en  ses  conseils,  surintendant 
des  Finances  de  France,  secrétaire  d'Estat  et  grand  Trésorier  des 
ordres  de  Sa  Majesté,  seigneur  et  gouverneur  de  la  ville  etchasteau 
dudit  Nogent,  fondateurs  dudit  couvent,  l'an  de  grâce  M  VI"  XXXIX, 
le  III""^  jo-^de  .sept'", 

Dans  la  chapelle  des  fonds. 

Sur  une  pierre  fixée  au  mur. 

104.  —  Epitaffe  des  enffans  de  Anthoine  du  Rocheret,  escuyer, 
maistre  des  eaues  et  forest,    pour  le  roy,  du  duché  de  Nemoux, 


DU   DÉPARTEMENT   DE    i/aUBE  39 

conseiller  et  secrétaire  d'Estat  de  monseigneur  et  de  madame  les 
duc  et  duchesse  de  Lorraine. 

Nature  ayant  formé  deux  beaulx  pelitz  enffans, 
Charles  du  Rocherel  et  Anlhoine  son  fVèrc, 
Alropos  prévoyant  qui  seroyent  triwmphans, 
Jalouze  de  leur  bien,  inexorable  et  fière, 
De  leur  tendre  jeunesse  a  couppé  le  fillet  '. 

PEL-ET-DER 

ÉGLISE 

Sur  une  cloche  ; 

■105.  —  J'ai  été  bénite  par  M.  Laignier,  curé  de  Finey,  promoteur 
et  trésorier  en  dignité  de  l'église  royalle  de  St  Maclou  de  Bar-sur- 

Aube.  Mon  parrain,  M.  Jean  François et  Magdeleine  Chifflet 

de  Neuville,  fille  du  sieur  Clément,  seigneur  des  Grands-Jardins, 
conseiller  du  roy  et  é!eu  en  l'él  ction  dudit  Bar-sur- Aube . 
1752. 

Sur  une  antre  cloche  : 

106.  —  J'ai  eu  pour  parrain  le  sieur  Jacques  Rozière,  exempt 
des  gardes  en  la  Varenne  [sic]  du  Louvre,  à  Paris,  demeurant  à 
Pailaider,  et  pour  mareiniie  M  irie-Edmée  de  Ligny,  sa  petite-fille. 
4752. 

PRÉCY-SAINT-MART  TN 

ÉGLISE 

Sur  une  des  cloches  -. 

107.  —  L'an  1787  j'ai  été  bénite  par  M'"  Etienne  Mony,  prestre 
et  curé  de  ce  lieu,  it  nommée  par  très  haut  et  très  puissant  sei- 
gneur François-Alexandre-Antoine,  vicomte  de  Lomcnie,  mestre  de 
camp  en  second  du  régiment  de  Vivarais-infanterie,  et  par  très 
haute  et  très  puissante  dame  Emélie  Le  Prestre  de  Lesoimette- 
Picot,  marquise  de  Dampierre. 

Sur  une  autre  cloche  : 

108.  —  L'an  1787  j'ai  été  bénite  par  M'^"  Etienne  Mony,  prostré 
et  curé  de  ce  lieu,  et  nommée  par  très  haut  et  très  puissant  sei- 
gneur messire  Louis-Marie-Ath;:nasc  de  Loménie,  baron  de  Pougv, 
sgr  de  Précy-Saint-Mnrtin  et  aulres  lieux,  lieutenant  général  des 
aimées  du  roy,  chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  St  Louis, 
et  par  tiès  haute  et  liés  puissante  dame  Klisabeth-Louise-So{)hie  de 
Vergés,  vicomtesse  de  Loménie. 


1 .   Suivent  5  autres  vers,  aujourd'iiui  illisibles. 


40  INSCRIPTIONS 

RANGE 

ÉGLISE 

Pierre  tumulaire. 

•109.  —  Cy  gist  messire  Jacques  Le  Maistre  (?)  ',  chevalier,  sei- 
gneur de  Lunart  (?)  (ou  Unsar?  )  en  Champagne,  qui  décéda  le  8" 
jour  d'octobre  mil  cinq  cens  trante  cinq.  —  Priez,  etc. 

Sur  une  autre  tombe  -. 

110.  —  Cy  gist  messire  Jacques  des  Boucs  en  son  vivant  cheva- 
lier, sgr  de  Rance  et  de  Courcelles,  et  secrétaire  (?)  de  la  maison 
du  roy  nostre  sire,  qui  trespassa  le  XXXllI"  jour  du  mois  de  sep- 
tembre, l'an  mil  D  XXX.  Priez  Dieu,  etc. 

Sur  une  des  cloches  -. 

111.  —  Cette  cloche  a  esté  béniste  en  l'an  1690  par  Mr  Joseph 
Buglet,  prestre,  curé  de  Bance,  et  eut  pour  parrain  M''  Jean-Bap- 
tiste du  Metz,  esctiyer,  seigneur  dud.  Rance,  Corbeil  et  autres  lieux; 
pour  marraine  demoiselle  Magilelaine  du  Metz,  fille  de  M'^  Jacques 
du  Metz,  chevalier,  seigneur  de  St  fJtin  et  autres  lieux,  et  do  dame 
Antoinette  de  la  Veufve,  ses  père  et  mère,  M^  René  Nérot  estant 
pour  lors  prévost  dudit  lieu,  noble  h.  Paul  de  Villette,  Mr  A.  Belin 
procureur  fiscal,  Gilbert  Boussenat  greffier,  Pierre  Belin,  marchand, 
et  Pierre  Besanson,  marguilliers.  —  Mr  François  Mutel  et  Jean  Mil- 
lard  m'ont  faict. 

Sur  une  autre  cloche  : 

112.  —  L'an  1771  j'ay  esté  bénie  [sic)  par  M"  Nie.  Coffinet  et 
nommée  Geneviève  par  haut  et  puissent  seigneur  Cl.  Gédéon-Denis 
du  Metz,  cher,  comte  de  Rosnay,  seigneur  de  Rance  et  autres  lieux, 
et  h"  et  puissante  dame  Madame  Geneviève  Pairet  de  La  Blegnièro, 
son  épouse. —  Vox  Domini  ;  per  sonitum  ejusetTugiant  ignita  jacula 
inimici,  percussio  fulminum,  impetus  lapidumet  lœsiotempestatum. 
—  Huet,  conL»"  du  roy,  Nicolas  Prévost,  Hémart  procureur  fiscal^ 
Guilbert  notaire.  Billot  marguiller,  Vincent  sindic,  Bilin,  Bayeux, 
Veaulthier,  Petit,  Los  Loiselets,  Chaput. 

ROSNAY 

ÉGLISE 

Sur  une  plaque  de  pierre  encadrée  dans  un  mur  du  pourtour  : 

113.  —  Cy  gist  messire  Louis  Berbier  du  Metz,  fonseiller,  aumos- 


1.  De  Rartcp,  suivant  M.  d"Arbois  de  Jubainvile,  Répertoire  archéologi- 
que du  dcpartemenl  de  l'Aube,  colonne  40,  Les  caractères  sont  aujourd'hui 
à  peu  près  complètement  eiracés. 


DU    DÉPARTEMENT   DE    l'aUBE  4t 

nier  du  Roy,  abbé  de  St  Martin  de  ITuyron  etdeSte  Croix  de  Guin- 
guant,  prieur  de  ce  lieu  de  Rosnay  et  de  celuy  de  Chalette,  cy 
devant  doyen  de  St  Maclou  de  Bar-sur-Aube,  lequel  après  avoir 
toujours  mené  une  vie  innocente  et  ?age,  vint  mourir  le  7  novêbre 
1G99  au  lieu  où  il  estoit  né  le  12  may  1618,  ayraé  de  ses  parens 
qu'il  honoroit,  cbéri  de  ses  amis  qu'il  respectoit,  et  regretté  généra- 
lement de  tous  Priez  Dieu  pour  lui.  — Messire  Gédéon  Berbier  du 
Mets,  chlier,  conte  de  Rosnay,  coner  du  Roy  en  ses  conseils,  prési- 
dent en  ta  chambre  des  Comptes,  a  fait  poser  cette  épitaphe  en 
mémoire  de  son  cher  frère. 

Sur  une  plaque  de  marbre  noir  : 

■114.  —  A  11  mémoire  de  messire  P.  CL.  B.  du  Metz,  lieutenant 
général  d'artillerie,  gouverneur  de  Gravelines,  né  à  Rosnay  en 
1638,  tué  à  la  bataille  de  Fleurus  en  1690  et  rnis  au  rang  des  hom- 
mes illustres  du  siècle  de  Louis  XIV.  Il  éta<t  frère  de  Gédéon  du 
Metz,  comte  de  Rosnay,  et  de  l'abbé  du  Metz.  — Priez  Dieu  pour  le 
repos  de  son  âme. 

Dans  une  chapelle,  sui"  une  plaque  : 

115.  —  Cy  gist  messire  Lovis  Berbier  du  Metz,  abbé  de  St  Martin 
de  Huyron,  prieur  de  ce  lieu,  décédé  le  7e  novembre  1699. 

ROUILLY-SAINT-LOUP 

ÉGLISE 

Tombe  de  marbre  noir,  sous  le  porche.  ' 

116.  —  Ci  git  Pierrc-Jean-René  Pictory,  baron  de  Sormery, 
maire  de  Rouilly-St-Loup,  décédé  le  19  avril  1819,  âgé  de  42  ans. 
—  Souvenir  de  son  petit-fils  Théo|»bile-Pierre-Louis  Pictory,  b""  de 
Sormery. 

TENNELIÈRES 

ÉGLISE 

Sur  l'une  des  cloches. 

117.  —  L'an  1821  j'ai  été  bénite  par  M''  Roizard,  desservant  de 
cette  commune,  et  nommée  Louise  par  M.  Jean-Baptiste-Jacques 
Camusat  des  Carests,  juge  d'instruction  près  le  tribunal  civil  de 
Troyes,  et  par  Mad"  Louise  Leféron,  épouse  de  M.  Nicolas  de  Mau- 
roy,  chevalier  de  la  légion  d'honneur,  ancien  officier  de  cuirassiers, 
demeurant  à  Troyes  ;  M.  Malatrat,  maire  de  Thennelières. 

TROYES 

Au  musée.  Fragment  de  pierre  tumulaire  de  marbre  noir. 

118  —  ....  Robert  de  Chantaloe,  en  son  vivant  escuyer,  sei- 
gneur de damoiselle  Katherine  [Dorigny],  sa  femme,  Icsquelz 


42  INSCRIPTIONS 

trespassèrent,  savoir,  led.  escuyer  le. . . .   jour  d'avril  mil  cinq. . . 

. .  .te  cinq,  et  la  dicte  damoiselle  le  vingt  cinquiesme  jour 

1530. 

VALENTIGNY 

ÉGLISE 

Chapelle  de  la  Sainte-Vierge. 
Sur  une  pierre  tombale   -. 

119.  —  C'y  gist  damoiselle  Lovise  de  La  Rve,  vivante  femme  de 
honoré  seigneur  Anthoine  do  Bretel,  escvyer,  seignevr  de  Vallanti- 
gny,  Aulnay  et  Crespy  en  partie,  qvy  décéda  le  24«  octobre  1647, 
âgée  de  38  ans.  Prié  Diev  povr  son  âme. 

Autre  tombe  : 

120.  —  Cy  gist  raessire  Anthoine  de  Bretel, chevalier,  seigneur  de 
Valantigny,  Avlnay  etavtres  lievx,  capitaine  dv  dvché  deBeaufort  et 
premier  commandant  dv  régiment  de  Renel,  qvi  décéda  le  cinquies- 
me octobre  1072. 

Autre  tombe. 

On  lit  autour,  en  lettres  gothiques  : 

121.  —  Cy  gisse  honoré  seigneur  Pierre  de  Bretel,  escuier,  sei- 
gneur de  Vallantigny,  aagé  de  ving  neuf  ans,  qui  trépassa  le  24in'' 
januier  1029,  et  Pierre  de  Bretel,  son  fils,  aagé  de  43  jours,  qui 
trépassa  le  dix  septiesme  octobre  1029.  —  Prié  Dieu  pour  leurs 
âmes. 

Sur  les  cloches. 

(Inscriptions  communiquées  par  M.  le  Curé). 

Sur  la  petite.  Un  lettres  gothiques  : 

122.  —  J.  H.  S.  Maria. 

Marie  par  droit  suis  réclamée, 
Avecques  mes  sœurs  bien  accordée  ; 
D'icy  la  tempeste  chassere  ; 
A  Dieu  servir  je  sers. 
MilV^  XXX. 

Sur  la  moyenne.  En  lettres  gothiques  : 

123.  —  I.  H.  S.  Maria. 

Je  suis  Supplie,  bien  appelée, 
Car  icy  hault  fais  mes  esbas. 
Et  suis  de  matière  fort  alïinée, 
En  résonnant  hault  et  bas. 

Mil  V'  XXX. 


DU   DÉPAHTEIMKNT   DE   l'aUBK  43 

Sur  la  grosse  : 

124.  —  Jésus.  Maria,  —  L'an  1702  je  fus  bénite  par  M"  François 
Marc  Antoine  J.  B.  curé  de  ce  lieu  et  nommée  par  messire  Antoine 
du  Ban  de  la  Feuillée,  chevalier  de  St  Jean  de  Jérusalem,  capitaine 
de  cavalerie  au  régiment  de  Dauphin-étranger,  et  par  demoiselle 
Marie-Angélique  de  La  Grange,  de  Villodonné,  fille  de che- 
valier, seigneur  deDompremy,  Corinononclc,  Sassay  '  et  autres  lieux, 
capitaine  d'une  compagnie  de  chevaux  légers  pour  le  service  de  Sa 
Majesté,  et  de  dame  Madeleine  de  Bretel,  dame  desdils  lieux  etd'Aul- 
nay. —  M.  Michelin  m'a  faite.  (Suivent  les  noms  desmarguilliers). 

VER  moïse  (Château  de). 
Sur  une  plaque  de  marbre  blanc  : 

125.  D.  0.  M. 
Hic  jacet 

Petrus  AntoniusThiesset,  Cadusianus, 

Doctor  magister  in  universitate  Monspessulana 

CoUegii  medicine  civilis  magistratus,  Nosocomiorumque 

Medicus  antiquior 

In  arte  sua  totus 

Ut  civium  saluti  consuleret  ; 

Doctrinâ,  liberali  consuetudine,  morum  suavitate, 

Bonis  gratissimus, 

Intolerandus  malis 

Quorum  insidias  apertcà  virtute  discussit, 

Quam  ab  aliis  toties  mortem  depulerat 

Hanc  lento  gradu  sibi  minitantem 

Christianâ  fortitudine  excopit  impavidus 

Neque  alienro  salubritatis  vel  m  extremo 

Spiritu  mimemor, 

Hoc  in  sepulcreto  humari  .se  jussit 

Vocemque  hanc  suam  tumulo  inscribi. 

Ut  qua  si  ultimo  prrcscripto  medicus 

Admoneret  posteros  ; 

Hune  elegi  locum  sepeliendo  cadaveri 

Ne,  qui  vivus,  quibus  potui,  profueram, 

Quibus  noilem,  nocerem  mortuus, 

Obiit  die  8'  Martis  anni  177.5  rotat's  sure  59. 

R    I.  P. 

Uxor  ac  filius  mœrentes  posuere. 


1.  Sacc}^,  commune  do  Rouill^-Saccy. 


4}  INSCRIPTIONS    DU   DEPARTEMENT   DE  L  AUBE 

VERRIÈRES 

Au  dos  d'un  portrait  au  pastel,  dans  la  maison  de  Madarae 
de  Lu  llupproye  : 

126.  —  Dame  Nicole  Vigneron,  veuve  de  Mr  Louis-Claude  Huez, 
seigneur  de  Vermoise,  Pouilly  et  autres  lieux,  c"''  du  Roy,  1*  par- 
ticulier aux  bailliiige  et  siège  présidial  de  Troyes,  née  à  Troyes, 
paroisse  Sainte-Madeleine,  le  11  juin  1092,  décédée  le  20  février 
1790.  —  Peint  en  1787  par  Baudement,  au  mois  de  juin. 

VILLERET 
Au  bas  d'une  verrière  du  chœur,  en  lettres  gothiques  : 

127.  —  Messire  Macé  Le  Maire,  vicaire  de  céans,  a  doné  ceste 
verrière  l'an  mil  cinq  cens  et  XIII. 


Nous  avons  visité  les  soixante-quatre  églises  ci-après  et  nous 
n'y  avons  pas  trouvé  d'inscriptions  à  relever,  soit  qu'il  n'y  en 
eût  pas  d' intéressantes  ù  notre  point  de  vue,  soit  qu'il  n'y  en 
eût  pas  du  tout. 

Nous  devons  répéter  ici  que  nous  n'avons  pas  vu  un  bon 
nombre  de  clocbes. 

Aillevillc,  Arsonval,  Barberey-Saint-Sulpice,  Bercenay-en- 
Othe,  Blignicourt,  Biiennc-la-Vieille,  Brienne-le-Gbâteau, 
Bucey-en-Othe  ,  Enchères  ,  Chappes  ,  Charny-le-Bachot , 
Gbaudrey,  Chavanges,  Colombé-la-Fosse,  Dival  (commune  de 
Villenauxe),  Dolancourt,  Estissac,  Foùchèi'es,  Jessaint,  Ju- 
vanzé,  La  Rothière,  La  Saulsotte,  Lassicourt,  Laubressel, 
Lépine  (commune  de  Saint-Germain) ,  Lesmont,  Lusigny, 
Maraye-en-  Othe,  Mergey,  Mesnil-Saint-Pèrc,  Montiéramey, 
Mouipothier,  Les  Noes,  Nozay,  Payns,  Perthe-en-Piothière, 
Piney,  Pout-Sainte-Made,  les  trois  Riccys,  Ruvigny.  Saint- 
André,  Saint-Aveutin  (commune  de  Verrières),  Saint-Christo- 
phe, Saint-Etienne -sur-Barbuiso,  Saint-Germain,  Saint-Léger- 
sous-Brienne,  Saint -Mards  -  en-Olhe,  Sainte-Maure,  Saint- 
Mesmin,  Sair.t-Nicolas,  Sainte-Savine,  Torvilliers,  Trannes, 
Thuisy  (commune  d'Eslissac),  Trouan-le-Grand,  Trouan-le- 
Petit,  Vauchassis,  Vaupoisson,  Véricourt,  Villa^erf,  Viile- 
moiron,  Villemoyeune,  Villenauxe,  Voué. 

A.    ROSEROT. 


LE  RETOUR  DE    VARENNES 

A     TRAVERS     LA     CHAMPAGNE' 


Voilà  à  coup  sûr  l'une  des  plus  importantes  publications 
pour  l'histoire  des  dernières  années  de  la  vie  de  Louis  XVI  et 
de  Marie-Antoinette.  On  ne  peut  se  défendre  d'un  sentiment 
d'émotion  respectueuse  en  songeant  que  l'auteur  a  été  le  cou- 
rageux témoin  de  ces  scènes  lamentables  de  la  Terreur  et  que 
tout  ce  qui  est  raconté  a  été  vu  ou  entendu  par  Madame  la 
duchesse  de  Tourzel,  une  de  ces  femmes  vraiment  fortes  dont 
la  parole  ne  peut  un  instant  être  mise  en  doute.  Elle  fut  appe- 
lée au  périlleux  honneur  de  la  charge  de  gouvernante  des  En- 
fants de  France,  quand  la  duchesse  de  Polignac  dut  émigrer, 
et  en  l'installant  la  reine  lui  dit  :  «  J'avais  confié  mes  enfants 
à  l'amitié,  je  les  confie  maintenant  à  la  vertu.  » 

M.  le  duc  des  Cars  rend  un  véritable  service  à  l'histoire  eu 
publiant  ces  mémoires  dont  il  possède  le  manuscrit  autographe 
et  tout  le  monde  voudra  lire  ce  récit  si  simple,  si  vrai,  si  dra- 
matique du  calvaire  de  la  famille  royale.  Nous  ne  prétendons 
pas  ici  résumer  ces  souvenirs,  qui  rectifient  plus  d'une  erreur, 
qui  éclairent  plus  d'un  point.  Nous  nous  contenterons  de  nous 
arrêter  sur  la  partie  qui  concerne  la  (Ihampagneetqui  prouve, 
détail  ignoré,  ce  nous  semble  jusqu'ici,  que  c'est  à  Cliàlons 
que  Louis  XVI  reçut  le  dernier  accueil  sympathique  de  ses 
sujets.  Le  souvenir  est  trop  honorable  pour  que  nous  nous 
empressions  pas  de  le  noter  tout  particulièrement. 

On  sait  (ju'après  quelques  embarras  au  départ  de  Paris,  le 
voyage  s'effectua  très  bien.  Louis  XVI  ne  cachait  pas  sa  salis- 
faction  et  répétait  souvent  (|u'une  fois  après  avoir  passé  Châ- 
lons,  il  n'y  aurait  plus  aucun  danger  à  craindre. 

«  Nous  passâmes  Châlons  sans  être  reconnus.  »  —  Là  Ma- 
dame de  Tourzel  se  trompe,  car  Viot,  maître  de  poste,  recon- 
nut le  roi,  mais  reprima  sa  surprise  et  ne  dit  mot.  On  arriva 
sans  encombre  au  pont  de  Sommevesle,  où   la  falaUté  prouva 


1 .  Mémoires  de  Madame  la  duchesse  de  Tourzel,  gouvcnianlo  des  Yi'/i- 
fants  de  France,  publiés  par  M.  le  duc  des  Cars,  î  vol.  iii-8'.  Parie,  Plou 
1883. 


46  LE    RETOUR   DE    VARENNES 

que  la  France  ne  j)ûuvail  être  sauvée.  Les  embarras  dont  nous 
venons  de  parler  au  départ  de  Paris  ayant  amené  un  retard  de 
deux  heures,  M.  de  Ghoiseul  qui  commandait  le  poste  placé  en 
ce  lieu,  ne  réfléchit  pas  qu'un  pareil  relard  n'était  rien  pour 
une  aussi  longue  route  ;  il  s'en  tint  à  la  lettre  de  sa  consigne 
et  se  replia  sur  Montmédy,  croyant  à  un  ajournement.  Tout 
était  dès  lors  perdu.  On  continua  cependant  d'avancer.  A 
Orbeval  le  poste  s'était  également  replié.  A  Saiute-Menehould, 
Drouet  reconnut  le  roi  et  courut  à  francs  élriers  sur  Varennes. 
On  sait  le  reste  ;  mais  ce  récit  écrit  par  Madame  de  Tourzel 
dépasse  par  sa  simplicité  dramatique  tout  ce  qu'on  a  pu  lire 
sur  ce  néfaste  événement. 

En  revenant,  le  roi  put  se  rendre  malheureusement  compte 
de  l'état  des  esprits.  Près  de  Sainte-Menchould,  «  nous  enten- 
dîmes tirer  des  coups  de  fusil,  dit  Madame  de  Tourzel,  et  nous 
vîmes  courir  dans  la  prairie  une  foule  de  gardes  nationaux . 
Le  roi  demanda  ce  qui  se  passait.  —  Rien,  lui  répondit-on, 
c'est  un  fou  que  l'on  tue.  »  Ce  fou  était  le  comte  du  Val  de 
Dampierre,  qui  avait  quitté  son  clmteau  de  Hans  pour  venir 
saluer  le  roi  et  l'assurer  de  son  dévouement  et  de  celui  de  tous 
les  honnêtes  gens.  La  famille  Royale  avait  dîné  à  Sainte-Me- 
nehould  où  le  roi  dut  subir  les  remontrances  du  président  du 
district  au  sujet  de  sa  tentative  de  fuite.  Louis  XVI  les  réfuta 
eu  l'assurant  qu'on  trompait  le  peuple  sur  ses  véritables 
intentions.  Le  repas  fut  court  ;  on  avait  hâte  d'arriver  pour 
coucher  à  Châlous  «  qu'on  savait  être  dans  des  dispositions 
toutes  différentes.  Cette  ville  était  loin  de  partager  les  senti- 
ments de  celles  que  le  Roi  venait  de  traverser  ;  les  habitants 
voyaient  avec  peine  la  triste  situation  de  la  famille  royale. 
Leur  contenance  respectueuse  et  la  tristesse  peinte  sur  leurs 
visages  manifestaient  clairement  les  sentiments  qu'ils  n'osaient 
exprimer.  La  réception  qu'ils  firent  au  Roi  et  les  harangues 
des  autorités  constituées  se  ressentirent  de  ces  dispositions.  » 
La  famille  royale  logea  à  l'Intendance  —  où  vingt-deux  ans 
auparavant  la  Dauphine  avait  été  reçue  avec  un  si  vif  enthou- 
siasme ;  —  des  personnes  qui  avaient  assisté  à  ces  fêles  vin- 
rent saluer  la  reiue  en  pleurant,  des  jeunes  fdles  lui  apportèrent 
des  fleurs  et  plusieurs  d'entre  elles  tirent  le  service  auprès 
d'elle.  Les  autorités  même  témoignèrent  eu  secret  leur  douleur 
de  ne  pouvoir  délivrer  les  augustes  prisonniers.  Plusieurs 
habitants  —  détail  inconnu  jusqu'ici  et  bien  honorable  pour 
Chàlons  —  offrirent  de  sauver  le  roi  pendant  la  nuit  par  un 
escalier  donnant  dans  la  chambre  où  couchait  le  Dauphin  et 


LK    RETOUK    DE    VARENNES  47 

qu'il  était  impossible  de  découvrir  quand  on  nu  le  connaissait 
pas.  Comme  le  roi  seul  pouvait  profiter  de  celle  courageuse 
proposition,  il  craignit  les  représailles  contre  les  siens  et 
refusa. 

La  l'amille  royale  aurait  bien  voulu  prolonger  son  séjour  à 
Chàlons,  sous  prétexte  de  s'y  reposer  un  peu,  en  attendant 
l'arrivée  des  commissaires  de  l'Assemblée,  mais  les  forcenés 
qui  depuis  Varennes  accompagnaient  la  voiture,  effrayéti  des 
bons  sentiments  des  Cbàlonnais,  tirent  venir  en  bâte  de  Reims 
une  troupe  de  bandits  qui  arriva  le  lendemain  malin  à  dix 
beures,  en  poussant  des  cris  effrayants.  C'était  le  jour  de  la 
Fête-Dieu.  Le  roi  entendait  alors  la  messe  à  l'Intendance.  Ces 
misérables  entrèrent  dans  l'bôlel  et  forcèrent  le  prèlre  à 
cesser  l'otTice,  quand  il  n'était  encore  qu'au  Sanctiis  ;  ils  exi- 
gèrent qu'on  déjeunât  h.  J'inslant  et  qu'on  alteiàt  la  voilure. 
Louis  XVI craignant  des  mallieurs  se  soumit,  tout  en  faisant 
remercier  ceux  qui  lui  avaient  témoigné  de  si  loucbantes  sym- 
pathies. Ces  misérables  suivirent  le  carrosse  qui  dut  se  mellre 
au  pas  ;  plusieurs  se  plaignant  de  la  faim,  la  Heine  leur  fit 
donner  des  provisions  qu'elle  avait  avec  elle.  Une  voix  s'éleva  : 
«  K'y  touchez  pas.  on  veut  nous  empoisonner  !  »  Le  roi  indi- 
gné en  mangea  et  tous,  alors  un  peu  calmés,  l'imitèrent. 

Mauvais  accueil  à  Epernay  ;  population  exallée  et  violente. 
Le  maire  présenta  les  clefs  de  la  ville  au  Roi  et  le  président  du 
district  accompagna  celte  remise  de  récriminations  aigres  et 
insolentes.  Pendant  le  diuer  le  Roi  dut  se  déranger  pour  se 
présenter  à  la  foule  et  l'on  entendit  un  des  assistants  dire  à 
son  voisin  :  «  Cache-moi  bien  pour  que  je  lire  sur  la  Reine, 
sans  qu'on  sache  d'où  le  coup  est  parti.  »  Cazotte  avait  heu- 
reusement pris  le  matin  même  le  commandement  de  la  Garde 
Nationale,  sur  les  instances  de  son  père,  habitant  alors  Pierry, 
qui  lui  avait  dit  de  tout  risquer,  même  sa  vie,  pour  sauver  la 
famille  royale.  Madame  Eli.sabeth  le  connaissait;  le  voyant  à 
la  tète  de  ces  forcenés,  elle  ne  put  s'empêcher  de  dire  :  «  Et 
vous  aussi,  Cazotle  l  —  Je  ne  suis  ici,  répondit-il,  que  pour 
vous  servir  et  il  est  essentiel  que  vous  n'ayez  pas  l'air  de  mo 
connaître.  »  A  la  fin  du  diner  la  foule  eut  une  panique  et  elle 
força  les  augustes  voyageurs  à  remonter  brusquement  en  voi- 
ture. Madame  de  Tourzel  courut  de  sérieux  dangers  auxquels 
elle  n'échappa  que  par  l'énergie  de  (>azotte  (jui  lui  oll'ril  le  bras 
et  la  fit  passer  à  travers  tous  ces  misérables. 

Entre  Epernay  et  Dormans  on  renconira  un  pauvre  curé  lié 
sur  un  cheval  de  gendarme  ;  au  môme  moment  survinrent  les 


48  LK    RETOUU    DK    VAKENNES 

Commissaires  de  rAssomblêe  ;  le  roi  pria  aussitôt  Barnave  de 
sauver  la  vie  à  ce  malheureux  prêtre  ;  il  le  promit  et  tiut  pa- 
role. On  coucha  à  Dormans,  mais  la  nuit  fut  cruelle  à  cause 
des  cris  de  la  foule,  surtout  pour  le  dauphiu  qui  fut  tellemeut 
effrayé  qu'il  eut  une  cruelle  crise. 

La  royale  caravane  poursuivit  sa  roule  par  une  chaleur  tor- 
ridc  qui  augmentait  singulièrement  les  souffrances  de  chacun. 
On  dina  à  la  Ferlé-sonc-Jouarre  où  le  Maire,  M.  Renard  fit  à 
la  famille  royale  un  accueil  dont  elle  eut  une  douce  consola- 
tion. On  coucha  à  Meaux  chez  l'évèque  constitutionnel  «  qui 
reçut  le  roi  de  son  mieux.   » 

Nous  nous  arrêterons  là.  Nous  avons  voulu  seulement  faire 
connaître  les  incidents  du  voyage  de  Varennes,  très  nouveaux 
et  dont  quelques  uns  sont  très  honorables  pour  nos  compa- 
triotes. Il  nous  reste  cà  ajouter  encore  une  fois  que  la  publica- 
tion due  à  M.  le  duc  des  Cars,  est  véritablement  précieuse  entre 
toutes  et  prendra  désormais  la  première  place  parmi  les  mé- 
moires consacrés  à  l'histoire  de  la  Révolution  Française. 

C^"  E.  DE  Barthélémy. 


FAITS  ET  ACCIDENTS  METEOROLOGIQUES 

SURVENUS  A  TIIOYES  ET  AUX  ENVIRONS  AVANT  1790 


(  Etat    des    Récoltas,    Prix    des    Denré'-s    et    Etat   sanitaire 


AVANT-PROPOS 

I 

r.c  globe  leiTi3striî  cl  l'atmosphère  qui  l'enveloppe  sont  le 
siège  dun  grand  nombre  de  phénomènes  du  plus  grand  inlérêl, 
dont  la  plupart  sont  relatifs  à  l'eau,  à  l'air,  à  la  chaleur,  à  la 
lumière  et  à  l'électricité. La  Météorologie Q?X\di.  partie  de  la  phy- 
sique relative  à  l'étude  d:  ces  phénomènes  et  en  particulier  à  celle 
des  météores  ou  apparitions  lumineuses,  accompagnées  ou  non 
de  détonations.  Parmi  ces  divers  phénomènes,  les  uns  se  repro- 
duisent fréquemment  ;  les  autres,  à  des  intervalles  plus  ou 
moins  éloignés  ;  les  uns.  enfin  comme  les  éclipses  et  quelques 
comètes,  sont  prévus  et  annoncés  longtemps  à  l'avance  ;  les 
autres,  comme  les  orages,  les  bolides,  les  Irondjes,  survien- 
nent souvent  à  l'improviste, 

En  18(3;>,  des  commissions  météorologiques  ont  été  établies 
sur  divers  points  de  la  France,  pour  constater  l'apparition  et  la 
marche  des  orages  ;  aujourd'hui,  des  stations  d'observation, 
munies  des  principaux  instruments  nécessaires,  existent  dans 
les  principaux  centres  de  population,  et  sont  conliées  à  des 
honnnes  compétents  (fui  correspondent  régulièrement  avec  le 
bureau  central  météorologique  de  Paris.  Aussi,  la  science 
météorologique  lait-elle  chaque  jour  des  progrès  sensibles. 
Mais  les  anciens  qui  n'avaient  ni  nos  connaissances  spéciales, 
ni  nos  instruments  de  précision  pour  mesurer  la  chaleur, 
l'hygrométrie,  la  densité  de  l'air,  la  vitesse  du  vent,  etc.,  se 
l)ornaient  à  tirer  de  l'observation  des  astres  des  inductions 
plus  ou  moins  fondées  sur  la  probabilité  des  temps. 


II 

Pénétré  de  l'utilité  et  de  l'iiilérèt  (pie  peut  offrir  un  sem- 

4 


SO  FAITS    ET   ACCIDENTS    MÉTÉOROLOGIQUES 

blable  travail  uous  avons  soumis  au  Sénat,  en  1861,  une 
pétitioii  ayant  pour  objet  de  demander  qu'il  fût  établi  dans 
toutes  les  mairies  de  la  France  des  registres  à' E jMmérides 
sur  lesquels  seraient  consignas  tous  les  faits  importants  qui 
viendraient  à  se  produire  dans  chaque  commune,  soit  au  point 
de  vue  météorologique,  soit  sous  le  rapport  des  événements 
ou  accidents  d'une  autre  nature.  Cette  pétition  fut  renvoyée  au 
bureau  des  renseignements,  et  le  projet  à  la  fois  si  simple  et 
si  pratique  dont  elle  renfermait  les  éléments  attend  encore  sa 
solution  en  France,  tandis  qu'il  est  appliqué  eu  Belgique 
depuis  1863. 

Mais,  si  le  vœu  que  nous  avons  exprimé,  il  y  a  plus  de 
vingt  ans,  n'a  pas  encore  reçu  de  satisfaction  officielle,  ce  n'est 
assurément  pas  à  cause  des  difficultés  qu'il  peut  présenter 
dans  la  pratique,  puisque  la  mesure  que 'nous  voudrions  voir 
appliquer  d'une  manière  générale  et  régulière  a  été  prise  déjà 
bien  des  fois,  isolément  et  séparément  par  d'anciens  chroni- 
queurs, qui  notaient,  au  jour  le  jour,  tous  les  événements 
venant  à  leur  connaissance.  On  trouve  aussi  dans  plusieurs 
des  registres  de  Tétat-ci/il  qui,  avant  la  Révolution,  étaient 
tenus  exclusivement  par  le  clergé,  des  notes  et  observations 
générales  ou  particulières  sur  les  phénomènes  météorologi- 
ques qui  s'étaient  produits  dans  l'année,  l'état  des  récoltes, 
les  prix  des  denrées,  les  épidémies  ou  autres  fléaux  qui  avaient 
sévi,  etc.  ' 

Or,  sans  prétendre  tirer  aucune  conclusion  de  ces  observa- 
tions, il  nous  a  semblé  qu'il  ne  serait  pas  sans  intérêt  de 
relever  et  de  coordonner  dans  leurs  ordres  chronologiques  les 
principaux  faits  et  accidents  météorologiques  particuliers  à 
Troyes  et  ses  environs  avant  1790  j  ces  phénomènes  ayant,  du 
reste,  une  influence  directe  sur  la  richesse  et  la  santé  publi- 
ques, c'esl-à-dire  sur  le  bien-être  ou  le  malaise  général  de  la 
population.  Ces  notes  sont  extraites  pour  la  plupart  textuelle- 
ment des  anciens  manuscrits  des  chanoines  Breyer,  Hugot  et 
Tréniet,  collationnés  et  complétés  par  l'avocat  Sémiilard,  et 
conservés  à  la  Bibliothèque  de  Troyes. 

m 

A  une  époque  où  la  science  météorologique  était  encore 


1.  Notamment  à  Dampierro,  de  1781   o   1791  ;  à  Nogent-sur-Aube  et 
Mesnil-Letlrc  pour  diverses  minées. 


SURVENUS    A   TROYES  ^1 

dans  l'enfance  cl  où  la  foi  religieuse  tenait  lieu  de  tout  autre 
préservatif,  il  était  d'usaye  d'adresser  au  ciel  des  prières 
publiques  et  de  faire  des  processions  solennelles  pour  conjurer 
toutes  les  calamités.  A  Troyes,  notamment,  pour  demander  la 
pluie  ou  le  beau  temps,  le  chapitre  de  Saint-Pierre  promenait 
et  évo(jiiait  les  reliques  de  saint  Loup  et  celles  de  sainte 
Hélène;  celui  de  Saint-l'^tienne  réclamait  l'intercession  de 
sainte  Hoïlde  et  celui  de  tS;unt- Urbain  exposait  la  Sainle- 
Epine,  envoyée  de  Constantiuople  par  tiarnier  de  Traînel  en 
riOy. 

Pour  éloigner  les  orages,  on  sonnait  aussi  les  cloches  à 
toutes  volées  ;  ce  qui,  loin  de  diminuer  le  danger,  ne  faisait  au 
contraire  que  laugmenter,  en  ajoutant  par  les  vibrations  de 
l'air,  un  élément  de  plus  à.  la  perturbation  atmosphérique. 
Aussi  la  chute  de  la  foudre  sur  les  églises  étail-elle  très  fré- 
quente, puisque,  dans  l'espace  de  cent  soixante-quatorze  ans, 
le  clocher  de  la  cathédrale  de  Troyes  fut  frappé  neuf  fois  et 
finalement  entièrement  détruit  pour  n'être  plus  rebâti,  le  8  oc- 
tobre 1700.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  principale  cause 
du  danger  venait  surtout  du  clocher  lui-même  qui,  en  raison 
de  son  élévation  et  de  le  croix  de  fer  dont  il  était  surmonté, 
attirait  nécessairement  la  foudre,  comme  le  fait  un  paraton- 
nerre. 


XII"  SIECLE 

1181.  —  L'été  de  celte  année  fut  si  sec  que  plusieurs 
puits,  rivières  et  fontaines  tarirent  ;  ce  qui  fut  cause  que  des 
villes  et  villages  furent  misérablement  brûlés,  notamment 
Troyes,  où  un  incendie  éclata  le  22  juillet,  pendant  qu'il  s'y 
tenait  une  foire. 

1  l'Jl .  —  Celle  année,  il  plut  tant  pendant  les  mois  de  juin, 
juillet  et  août,  que  les  céréales  germèrent  dans  les  épis. 

XIII'  SIÈCLE 

1201).  —  Au  mois  de  décembre,  après  la  Saint-Nicolas,  il  y 
eut  à  Troyes  une  si  grande  inondation  (ju'on  n'en  avait  jamais 
vu  une  pareille,  et  qu'elle  causa  de  grands  dommages  dans 
toute  la  vallée  de  la  Seine,  entraînant  les  maisons,  les  moulins 
et  les  pouls  (jui  étaient  sur  cette  rivière.  Le  clergé  fit  des  pro- 
cessions à  celle  occasion,  et  la  Seine  rentra  dans  sou  lit. 


0'2  VAITS    KT  ACCIDliiNTS  MKTEOKOI.OGlnUES 

1227.  —  Lo  rond-point  de  la  cathédrale  de  Troycs,  en 
construclion,  est  fortement  endommagé  par  un  tourbillon  de 
vent. 

1284.  —  Le  24  novembre,  il  s'éleva  de  si  grands  vents 
qu'ils  renversèrent  plusieurs  maisons,  abattirent  les  clochers  de 
plusieurs  églises  et  arrachèrent  beaucoup  de  grands  arbres. 

12"JG.  —  Pendant  la  troisième  semaine  de  décembre,  la 
Seine  crut  si  fort  qu'elle  emporta,  comme  en  121)0,  les  moulins 
et  les  ponts  qui  étaient  sur  son  cours. 

XIV»  SIÈCLE 

1301 .  —  Cette  année,  on  vit  tous  les  soirs  une  comèle  dont 
la  queue  était  tournée  vers  l'orient. 

1304.  —  Au  mois  de  mars,  commença  une  famine  qui 
dura  presque  un  an,  et  pendant  laquelle  le  setier  de  froment 
fut  vendu  ii  et  G  livres  '. 

130o.  —  L'été  fut  extrêmement  sec. 

1306.  —  Après  un  froid  rigoureux,  la  neige  et  la  glace 
ayant  commencé  à  fondre  avant  que  les  eaux  fussent  écoulées, 
il  eu  résulta  une  inondation  qui  causa  de  grands  dégâts, 
surtout  à  cause  des  énormes  glaçons  charriés  par  les  eaux  qui 
brisèrent  les  ponts  et  les  bateaux. 

1300 .  —  Le  30  novembre  de  cette  année,  un  grand  vent  du 
sud-ouest  renversa  plusieurs  maisons  et  clochers,  et  arracha 
de  très  gros  arbres. 

131  S.  —  Du  15  avril  à  la  fin  de  juillet,  il  plut  presque  tous 
les  jours,  et  il  fit  si  froid  que  les  blés  et  les  fruits  ne  pouvaient 
mûrir  ;  «  ce  qui  porta  le  clergé  et  le  peuple  à  recourir  à  Dieu 
«  et  aux  saints,  et  à  faire  de  dévoles  processions,  nu-pieds, 
«  jusqu'à  cinq  ou  six  lieues  de  leurs  églises.  »  —  Cette  année 
on  ne  fit  point  de  vin  dans  toute  la  France  ;  ce  qui  n'élait 
jamais  arrivé. 

131G.  —  Famine  générale  en  France,  par  suite  du  défaut 
de  récoltes  de  l'année  précédente  ;  beaucoup  de  malheureux 
moururent  de  faim.  Le  froment  valait  50  sols  le  setier,  l'orge 
30  et  l'avoine  18. 

[A  suivre).  Arsène  Thévenot. 


i.  Le  setier  de  froment,  à  cette  époque,  correspondait  à  lîi6  litres,  et  In 
livre  d'argent  au  pouvoir  actuel  valait  11  fr.  50. 


BOURBONNE  AUTREFOIS 

ET 

BOURBONNE     AUJOURD'HUI 
1^:^80-  1880 


A  la  HévoluLiou,  les  conslruclioas  furent  vendues  par  par- 
celles ;  seule,  l'église  des  Capucins  fut  conservée  d'abord 
comme  oratoire,  puis  réparée  et  aménagée  pour  servir  de  lieu 
de  réunion  aux  assemblées  du  corps  de  ville. 

Après  la  dispersion  des  moines,  il  n'en  resta  que  deux  à 
Bourbonne  —  l'un  qui  étant  paralysé  ne  put  quitter  la  ville  oii 
il  fit  usage  des  eaux  et  l'autre  qui  fit  les  fonctions  de  vicaire 
—  tous  deux  demeurèrent  dans  le  pays  sans  èlre  inquiétés.  Il 
y  avait  en  outre  un  ci-devant  bénédictin  dont  le  civisme  et  le 
répîiMicimisme  étaient,  parait-il,  très  reconnus  et  qui  profes- 
sait gratuiiemeût  les  mathématiques  et  donnait  des  leçons  à 
tous  ceux  qui  se  présentaient. 

Ce  dernier,  mérite  une  mention  toute  particulière;  voici  à 
(juel  sujet. 

En  17*J2  l'administralion  nuniicipale  de  Bourbonne  avait 
sollicité  et  obtenu  l'autorisation  de  prendre  possession  des 
volumes  des  bibliothèques  de  Morimond  et  de  Vaux-la-Douce. 
Une  décision  du  *J  frimaire  de  celte  même  année,  fixait  l'em- 
placement du  précieux  dépôt  dans  le  chœur  de  l'église  des 
Capucins,  aménagé  à  cet  effet  par  un  sieur  Nicolas  Gérard, 
menuisier,  requis  par  la  municipalité. 

Le  local  étant  préparé,  restât  à  y  transporter  les  nombreux 
ouvrages  des  deux  bibliothèques. 

C'est  alors  que  le  sijur  Antoine  Jourdez,  le  religieux  dont 
nous  venons  de  parler  et  qui,  à  la  sup[)re.-sion  du  couvent  de 
bénédictins  dont  il  faisait  partie  était  venu  de  Pont-à-Mousson 
se  réfugier  à  Bour])onne,  se  proposa  pour  recueillir  les  livres  et 
les  amener  dans  cette  ville.  Sa  proposition  fut  acceptée  il  s'oc- 
cupa de  cette  lâche  difiicile  avec  un   zèle  qui  fut  bien  mal 

*   N'oir  pape  471,  lome  XIV,  de  la  Itfi^ric  de  (  hdmfKiguo  cl  île  lUir. 


b4  ItOURUONNR   AUTREFOIS 

récompensé,  car  eu  l'an  IV,  nous  le  voyons  adresser  aux  admi- 
nistrateurs du  département  une  rcquèle  ainsi  conçue  : 

«  Citoyens  administrateurs, 
«  Le  citoyen  Antoine  Jourdez  expose  qu'il  a  été  chargé  par 
«  l'administration  du  cy-devant  district  de  Bourbonne-les-Bains 
0  de  procéder  aux  inventaires  et  recollemens  des  livres  trouvés 
«  dans  le  domicile  des  émigrés  de  l'arrondissement,  ainsi  qu'à 
«  l'arrangement  par  ordre  des  livres  de  tout  le  dépôt  littéraire, 
«  consistant  en  plus  de  8,000  volumes  ;  que  dès  1702,  il  a  fait 
«  plusieurs  voyages  à  Morimond  pour  procéder  au  transport 
«  des  livres  de  la  bibliothèque  de  ce  lieu  ;  que  le  défaut  de  local 
«  pour  les  mettre  l'a  forcé  plusieurs  fois  d'en  faire  le  déplace- 
«  ment  pour  les  garantir  de  l'humidité  et  d'autres  causes  do 
«  dépérissement  jusqu'à  ce  qu'il  y  ait  un  lieu  destiné  à  les 
«  recevoir;  que  toutes  ces  opérations  ont  exigé  de  sa  part  des 
«  travaux  énormes,  pénibles,  longs  et  même  dispendieux. 
«  L'administration  du  district,  invitée  par  la  commission  de 
«  l'instruction  publique,  comme  il  conste  par  lapièceci-jointe, 
«  à  cru  l'indemniser  en  lui  accordant  une  somme  de  treize  cent 
((  quatre  vingt  francs  en  assignats  et  eu  lui  confiant  au  8  plu- 
«  viôse  de  l'an  III,  la  garde  et  l'administration  de  la  biblio- 
«  thèque  avec  espoir  d'un  traitement  annuel  dont  il  a  seule- 
«  meut  touché  pour  un  trimestre  de  l'an  III,  la  somme  de  450 
«  hvres  en  assignats.  Mais,  citoyens  administrateurs,  la  somme 
«  accordée  en  indemnité  s'est  trouvée  par  le  retard  du  paye- 
«  ment  réduite  à  très  peu  de  chose,  puisque  le  pélilionnaire 
«  n'a  retiré  de  ces  1830  livres  en  assignats  que  la  somme 
«  de  QUINZE  LIVRES  cu  numéraire.  (!!)  Il  ne  réclame  cepen- 
«  dant  pas  sur  ce  peu,  il  vous  prie  seulement  de  le  prendre  en 
c(  considération  et  vouloir  bien  hii  accorder  pour  les  3  années 
«  pendant  lesquelles  il  a  rempli  les  fonctions  de  bibliothécaire, 
a  une  somme  de  400  fi'.  Le  besoin  où  se  trouve  le  pélition- 
«  naire  a  pu  seul  le  déterminer  à  faire  cette  pétition  à  l'égard 
«  de  laquelle  il  se  repose  entièrement  sur  votre  équité,  en 
«  vous  assurant  de  son  dévouement  à  la  chose  publique. 

«  Signé  A.  Jourdez.  <^ 

Il  va  sans  dire  que  la  pétition  resta  sans  réponse.  On  croit 
qu'après  la  Révolution,  Jourdez  qui  avait  vécu  jusque-là  do  la 
charité  publique,  obtint  de  1  Empire  une  cure  pour  laquelle  il 
quitta  Bourbonne. 

La  bibliothèque  de  Morimoud  resta  dans  l'église  des  Gapu- 


ET  BOURBONNE   AUJOURD'HUI  55 

cins  jusqu'en  1816,  époque  à  laquelle  ordre  vint  d'en  réin- 
tégrer les  volumes  à  Ghaumonl  et  à  l'abbaye  de  Port-du-Salut  ' . 
Cette  dernière  devait  recevoir  les  ouvrages  liturgiques,  les 
autres  furent  expédiés  au  chef-lieu  du  département.  Un  seul 
des  envois  fait,  à  cette  occasion,  comprenait  1247  volumes 
in-folio,  218  volumes  in-quarlo  et  749  volumes  de  plus  petite 
dimension,  au  total  2214. 

Chaque  année,  le  lendemain  de  l'Ascension,  avait  lieu  devant 
le  couvent  des  Capucins,  un  rapport  très  fréquenté  "  et  auquel 
venaient  assister  toutes  les  populations  des  environs. 

Le  seigneur  de  Bourbonue  était  obligé  de  faire  faire  la  police 
de  la  fête  par  le  guet  et  les  officiers  de  sa  maison,  lesquels  pour 
cette  circonstance,  étaient  placés  sous  les  ordres  du  prieur.  En 
revanche  ce  deinier  offrait  à  ces  agents  un  souper  plantureux 
et  remettait  à  chacun  d'eux  20  sols  d'argent  et  une  poignée  de 
chandelles. 

Celte  coutume  se  perpétua  jusqu'à  la  Révolution. 


Prieuré    ISaint-Laurent 

11  ne  reste  de  cet  établissement  religieux  que  les  bâtiments 
qui  appartiennent  actuellement  au  sieur  Maillard,  propriétaire 
et  une  magnifique  cave  dont  l'Etat  jugea  à  propos  de  s'empa- 
rer vers  1793-04  (la  date  n"est  point  précise),  pour  remplacer 
les  celliers  que  seuls,  la  nature  du  sol  sur  lequel  est  assis  l'hô- 
pital militaire  avait  permis  d'y  établir  jusqu'alors. 

Les  constructions  du  prieuré  et  les  jardins  qui  l'entourent 
furent-elles  plus  considérables  que  ce  que  l'on  voit  de  nos 
jours?  Nous  le  pensons,  mais  nous  ne  saurions  l'affirmer;  aucun 
plan,  aucun  document  n'a  pu  nous  fixer  à  cet  égard.  La  date 
même  de  la  fondation  n'est  point  exactement  connue.  Suivant 
les  notes  qui  nous  ont  été  communiquées  par  M*"  Gaschon.  le 
prieuré  eût  existé  antérieurement  à  1 140  et  la  preuve  en  serait 
que  Hugues  II  et  Hugues  III  qui  fondèrent  l'abbaj-e  de 
St-Vincenl,  sous  le  patronage  de  lafiuelle  était  placé  le  prieuré 


i .   Célèbre  abba^ye  des  environs  tic  Luval. 

2.  On  nommait  ainsi  et  on  nomme  encore  aujourd'hui  dans  certaines  loca 
lilés  iiCs  fêtes  à  dévotion,  qui    donnent  lieu    à  des    réjouissances  pul)li(]'.ies. 
sortes  de  pèlerinages  ayant  tous  les  dehors  d'une  foire  ou  kennes.so  bien  ((iie 
le  but  principal  soit  essentiellement  religieux. 


56  BOURBONNE    AUTREFOIS 

de  Bourhoniie,  donnèrent  ce  prieuré  et  ses  dépendances  pour 
un  des  fonds  de  Tabbaye. 

Les  actes  de  confirmation  constatent  ce  fait  et  les  arche- 
vêques llumbcrt,  en  1 1 40  et  Villerme,  en  1 250,  donnent  et  con- 
cèdent aux  abbés  de  St-Vincenl  la  chapelle  de  l'ielnmont  ; 
(Plani  montis)  en  1181,  Luce  III  y  ajoute  l'église  de  Bour- 
bouue  et  la  chapelle  de  Pleinmont  avec  ses  dépendances. 

Nous  possédons  du  reste  dans  notre  collection  plusieurs 
documents  relatifs  au  prieuré,  documents  qu'on  lira  aux  pièces 
justificatives  et  parmi  lesquels  se  trouve  la  donation  faite  le 
septième  jour  des  ides  d'août  1173  par  Ponce,  seigneur  de 
Senaide,  au  prieur  de  Bourjjonne  et  à  l'abbaye  de  St-Vincent, 
de  toutes  les  dîmes  qu'il  prélevait  en  ce  pays. 

Une  autre  note,  qu'on  pourra  lire  in  extenso  dans  le  premier 
fascicule  de  notre  étude  sur  Coifi"y  ' ,  indique  que  le  prieuré 
était  sous  l'in vocation  de  Si-Laurent,  du  diocèse  de  Besançon 
et  du  doyenné  rural  de  Faverney  ;  qu'il  y  avait  une  image  de 
la  Vierge  qui  était  en  grande  dévotion  dans  le  pays  et  que  de 
tous  côtés  on  venait  implorer. 

Cette  statue  de  la  Vierge  est  encore  eu  grande  vénération 
dans  Bourbonne  où  ou  l'appelait  alors  Notre-Dame  de  Plein- 
mont,  en  raison  du  coteau  sur  lequel  était  construite  la  cha- 
pelle. 

C'est  là  que  la  Ste-Vierge  fit  de  nombreux  miracles,  on  en 
voyait  les  témoignages  par  les  bâtons  et  les  béquilles  des  mal- 
heureux estropiés  qui  les  suspendaient  à  la  voûte  en  lémoi- 
gnage  de  la  puissance  de  la  Mère  de  Dieu,  consolatrice  des 
affligés. 

«  Je  m'étonnai,  dit  un  chroniqueur  de  l'époque  (Constance 
Guillot,  historien  de  Si- Vincent),  je  m'élonnai  lorsque  je  pris 
possession,  de  voir  tant  de  crosses  et  de  béquilles  et  on  nie  dit 
qu'il  y  en  aurait  eu  un  nombre  bien  autrement  considérable, 
si  les  peuples  les  y  laissaient;  mais  qu'il  arrivait  souvent  que 
la  foi  des  infirmes  les  portant  à  croire  qu'il  y  avait  une  espèce 
de  vertu  dans  les  apuys  (sic)  dont  u&aient  les  gens  guéris  de 
leurs  infirmités,  lorsqu'ils  les  avaienl  suspendus  dans  la  cha- 
pelle en  signe  de  leur  gratitude,  ils  les  enlevaient  pour  s'en 
servir  eux-mêmes  dans  leurs  besoins  lorqu'il  plairait  au  Sei- 
gneur de  leur  envoyer  quelqu'infirmilé. 

1.    Les  cliasleav  cl  citadelle  de  Coëdy-le.-Cbaslel  —  l''  fascicule  page 
Chez  I>allet,  éditeur,  Laiigres. 


ET   150URB0NXK    AUJOURD'HUI  57 

«  Lorsque  je  pris  possession  du  prieuré,  en  1720,  on  com- 
muniqua la  pièce  suivante  ' . 

«  Nous  Claude  et  Antoine  Berlhod,  prêtres  et  chapelain  du 
prieuré  St-LaureuL  de  Bourbonne  et  vicaire  au  dit  lieu,  cer- 
tifions que  parmi  le  grand  nombre  de  malades  qui  sont  arrivéy 
cette  année  en  cette  ville,  pour  cliercher  le  soulagement  dans 
les  eaux,  il  est  arrivé  depuis  huit  jours  un  soldat  nommé 
Jacques  Ormoy^  dit  l'Eveillé,  âgé  de  4u  ans,  servant  le  Roy 
depuis  l'âge  de  25  ans,  du  régiment  d'infanterie  de  M™  le  che- 
valier d'Entragues,  compagnie  de  Pujol,  avec  congé  signé  de 
son  capitaine  ;  lequel  soldat  éloit  accablé  d'une  paralysie  sur 
les  jambes,  reconnue  telle  par  les  médecins.  En  sorte  qu'il  ne 
pouvait  marcher  qu'à  l'aide  de  deux  crosses  et  n'aurait  pas  fait 
quart  de  lieue  par  jour,  tant  le  mal  l'affaiblissait.  11  étoit  obligé 
de  s'arrêter  de  tems  en  tems,  ou  le  voyoit  trembler  comme  un 
roseau . 

«  Il  est  arrivé  à  Bourbonne  avec  son  congé  signé  de  son  colo- 
nel, du  25  may  1724,  avec  un  passeport  moulé  du  sieur  Rohin 
subdélégué  tant  à  Metz,  en  Lorraine,  que  Luxembourg  et  de 
lui  signé,  pour  l'absence  de  M.  S.  Cointet  intendant  des  dites 
provinces.  Ordre  aux  communautés  de  fournir  au  dit  soldat  un 
chevalet  une  voiture  poiu'lc  conduire  aux  bains  de  Bourbonne, 
avec  adresse  au  bas  du  dit  passeport  où  les  dites  voitures 
devaient  lui  être  fournies  ainsi  qu'en  ce  lieu,  sans  quoi  il 
parait  impossible  que  le  dit  soldat  y  eut  pu  arriver;  son  passe- 
poit  est  daté  du  3  may  1714. 

«  Ce  soldat,  après  avoir  pris  un  bain  seulement,  a3'anl  appris 
qu'il  y  avait  près  de  ce  lieu  une  Notre-Dame  qui  faisait  des 
miracles,  ce  soldat  ayant  toujours  eu  une  très  grande  dévotion 
à  la  très  Sam  te- Vierge,  sortit  de  son  logis,  passa  auprès  d'un 
de  ses  camarades  aussi  malade  que  lui  et  lui  témoigna  avoir  la 
volonté  d'aller  à  la  chapelle  du  prieuré  y  prier  devant  l'image 
de  la  Vierge.  Son  camarade  se  moquait  de  lui,  disant  que  ce 
ne  serait  pas  ce  jour-là  qu'il  y  arriverait  à  cause  de  sa  grande 
incommodité.  Il  n'y  a  qu'un  quart  de  lieue  " .  Sur  quoi  il  répon- 
dit que  quand  il  devrait  mourir  en  chemin,  il  irait  faire  sa 
prière  en  celte  chapelle. 

«  Ilconlinua  son  chemin  cty  arriva  avec  peine.  Ayant  fait  sa 


1.  Conslaïuc  Guillot  iiil  pri<Mii-  <lf!  Bourijoniic  en  1720. 

2.  Ici  il  y  a  oxafrérnlioii,  la    ilislancc  est  h   poiiio  dt-  200  inMi'os  dcpui 
lliOliilal. 


1)8  BOURBONNE   AUTREFOIS 

prière,  il  sentit  de  grandes  douleurs  ;  après  quoi  sentant  lout- 
à-coup  ses  forces  revenir  et  ses  jambes  se  forliiier,  il  aban- 
donna les  béquilles,  les  laissa  à  la  chapelle  et  s'en  revint  à 
pied,  sans  aucun  secours,  ce  que  chacun  a  regardé  comme  une 
chose  extraordinaire  et  miraculeuse. 

0  Une  guérisou  si  prompte,  ajoute  l'écrivain,  ne  pouvait 
venir  des  eaux  de  Bourbonne,  on  n'a  jamais  vu  un  malade 
guérir  pour  une  seule  fois  d'une  maladie  aussi  fâcheuse. 

u  Le  tout  arriva  le  12  juin  au  soir,  et  le  13  au  matin  il  est 
retourné  à  la  chapelle  avec  un  petit  bâlon  pour  remercier  le 
Seigneur  et  sa  sainte  mère,  où  il  a  assisté  à  la  messe  qu'il  a 
fait  célébrer. 

«  Au  milieu  de  la  messe,  le  soldat  souffrait  encore  de  grandes 
douleurs,  qui  lui  ont  causé  même  une  espèce  de  faiblesse,  et 
un  moment  après  il  a  déclaré  se  sentir  entièrement  guéri,  et 
est  retourné  de  suite  chez  son  hôte  sans  secours  étranger. 

«  Cela  est  arrivé  eu  présence  d'une  infinité  de  personnes  de 
toutes  conditions  qui  ont  assisté  à  cette  messe,  qui  ont  veu  ses 
incommodités  auparavant  et  sa  guérisou  subite.  Ce  qui  a  fait 
croire  à  tous  qu'il  y  a  là  du  miracle. 

«  J'atteste  la  chose  telle,  moi  prêtre  chapelain  que  dessus.  » 

Nous  croyons  devoir  ajouter  à  ce  récit  la  déclaration  sui- 
vante, faite  par  M.  le  doyen  actuel  de  la  paroisse. 

«  Je  soussigné  ayant  exercé  les  fonctions  de  vicaire  à  Bour- 
bonne, du  14  juin  1851  au  5  avril  18;Jo,  atteste  que  la  statue 
miraculeuse  de  N.  D.  du  Prieuré,  conservée  à  l'église  parois- 
siale, était  alors  en  grande  vénération,  et  toujours  considérée 
comme  miraculeuse.  C'est  à  elle  que  la  piété  aimait  à  s'adres- 
ser dans  les  calamités  publiques.  Je  n'oublierai  jamais  l'ex- 
plosion de  larmes,  de  cris  de  joie  et  de  confiance  que  produisit 
la  vue  de  cette  statue,  portée  en  procession  et  déposée  sur  un 
reposoir  dressé  dans  la  rue  de  Gray ,  pendant  le  choléra  de  1 854 , 
à  l'endroit  le  plus  éprouvé  de  la  ville  par  le  fléau. 

Nommé  curé  de  Bourbonne,  le  l*''  octobre  1876.  j'ai  retrouvé 
cette  statue  entourée  des  mêmes  hommages  de  vénération,  de 
piété  et  de  confiance. 

Signé  :      F.  Raschox,  chan.  bon. 
Curé  de  Bourbonne.  » 

[A  suivre).  A.  Lacordaire. 


FOLLE     ÉQUIPÉE 


—  Avicenue  en  fit  rexpérience  à  Tenderah,  reprit  l'apothi- 
caire, sur  la  tête  d'un  sphinx  colossal  dont  les  traits  disparu- 
rent après  une  seule  application,  et  il  ne  resta  du  tout,  qu'un 
gros  ulobe  de  pierre  sans  reUef  aucun,  ainsi  qu'il  est  rapporté 
au  chapitre  :  de  e/fectu. 

—  Et  parquet  moyen  pourra-t-on  porter  ce  liquide  sur  le 
point  oîi  il  doit  opérer,  fit  encore  le  barbier. 

—  Kh!  Tairii,  répliqua  Etienne  Foirol,  en  lui  montrant  du 
doigt  certain  instrument  de  projection  en  étaiu  dont  les  apothi- 
caires faisaient  alors  un  t';ès  fréquent  usage,  avec  ceci,  tout 
simplement.  Il  vous  faudra  préparer  deux  objets  de  cette  sorte 
—  mettre  un  pistou  de  chanvre  neuf  bien  savonné,  le  tout  un 
peu  dur  à  la  manœuvre  et  exigeant  certain  effort;  les  instru- 
ments ainsi  disposés,  le  jet  atteindra  à  plusieurs  toises  de- 
hauteur,  ce  qui  est  suffisant. 

—  Bon!  bon  !  dit  le  barbilonsor,  demain  matin  j'y  songerai, 
et  n'ayez  crainte,  je  m'arrangerai  pour  leur  donner  une  bonne 
portée.  —  Et,  ajouta-l-il,  n'est-il  point  de  prescription  formelle 
quant  au  jour  favorable  cà  uue  telle  opération. 

—  Bien  entendu,  dit  l'apothicaire,  le  choix  du  jour  n'est 
point  arbitraire,  cet  article  est  important.  L  application  doit 
être  faite  au  décours  de  la  lune  au  nionient  de  son  lever  et  dès 
qu'elle  projette  ses  premières  clartés.  Or,  nous  sommes  à  l'é- 
poque convenableet,  demain,  la  lune  se  levant  vers  huit  heures 
du  soir,  il  serait  bon  de  procéder  à  celle  œuvre  une  demi- 
heure  avant. 

—  Eh  bien!  dit  le  barbier,  soyons  ici  tous  demain  à  sept 
heures  et  à  sept  heures  et  demie  nous  nous  mettrons  eu 
marche. 

—  Allons!  c'est  convenu.  » 

—  Maintenant  maître,  ajouta  le  barbier,  il  est  une  question 
qu'il  importe  de  régler  dès  à  présent,  quel  })rix  mettez-voLi?  à 
vos  services,  préparations,  soins  et  peines. 

—  Mon  Dieu!  dit  Etienne  Foirol  qui  semblait  avoir  prévu 

*  Voir  page  477,  tome  XIV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  lirie. 


60  FOLLE     ÉQUIPKK 

la  question,  ce  u'esl  point  là  une  œuvre  d'apothicaire,  s'il  eu 
était  ainsi,  la  chose  ne  pourrait  être  prisée  bien  haut,  car  la 
modération  des  apothicaires  est  connue,  que  dis-je,  elle  est 
proverbiale;  mais  il  s'agit  ici  d'une  œuvre  d'alchimie  qui  a 
nécessité  des  recherches,  des  tâlonnemenls,  des  opérations  pré- 
paratoires délicates  et  nombreuses,  et, . . 

A  ce  moment,  Etienne  Foirol  s'interrompit  pour  élernuer, 
après  quoi  il  lira  son  mouchoir  pour  accomplir  l'acte  de  pro- 
preté complémentaire  qui  était  d'usage. 

Le  barbier  n'augura  rien  de  bon  de  ce  long  préambule,  non 
plus  que  de  cet  éternuement  intempestif;  il  se  dit  avec  effroi  : 
—  Si  les  pris  habituels  de  l'apothicaire  sont  dépassés,  combien 
va-t-il  donc  demander  ? —  Il  en  conçut  pour  sa  bourse  des 
craintes  tellement  grandes  qu'il  ne  songea  point,  impardon- 
nable oubli,  à  saluer  l'apolliicaire  loi'squ'il  éternua. 

—  Dieu  vous  bénisse!  merci  !  fit  ensuite  celui-ci,  donnant 
ainsi  le  salut  et  la  réplique  habituelle,  non  sans  y  mettre  une 
pointe  d'ironie. 

—  Pardon  !  fît  le  barbier. 

—  Il  n'y  a  pas  de  mal— au  contraire  !  fit  l'apothicaire,  €t  je 
disais,  ou  voulais  dire  continua-t-il,  que  j'adopte  entièrement 
l'opinion  de  maître  Simon  Birague,  le  savant  alchimiste  de 
monseigneur  de  Bourgogne,  lorsqu'il  déclare  que  l'alchimie 
enseignant  les  moyens  de  faire  de  l'or  ne  peut  être  payée 
qu'avec  de  Tor.  Il  dit  mieux  encore,  et  se  montre  plus  précis 
lorsqu'il  affirme  que  nul  ue  doit  préparer  et  délivrer  aucune 
œuvre  indiquée  en  la  Chrisopée,  à  moins  d"uu  aguel  d'or  au 
coin  du  roy  notre  sire. 

A  ces  mots,  le  barbitonsor  sursauta. 

—  Unagneld'or,  fit-il  avec  étonncment,  y  songez-vous  maître? 
qui  donc  pourrait  ici,  vous  donner  une  pièce  si  rare,  c'est 
monnaie  de  prince  qui  représente  bien  des  livres  tournois, 
comme  vous  le  savez. 

—  Je  ne  l'ignore  pas,  mais  un  aguel  n'est  point  un  prix  trop 
élevé,  ni  pour  moi,  qui  ai  fait  bien  de  la  dépense  et  pris 
beaucoup  de  peine,  ni  pour  vous  qui  avez  dans  votre  bourse 
trois  ou  quatre  de  ces  pièces  qui  ne  sont  point  si  rares,  puisque 
uaguères  vous  me  les  avez  montrées. 

Le  barbier  fil  la  grimace  et  essaya  d'obtenir  queLjue  réduc- 
tion, mais  Eiienue  Foirol  se  montra  inllexible. 

—  Simon  Birague  ce  grand  maître,  cet  homme  de  bien  entre 


FOI-LE     ÉQUIPÉE  61 

tous,  dit  plus  encoro,  repril  l'apolliicaire,  il  ajoute  que  l'agnel 
d'or  cioit  être  payé  comptaul,  de  bon  gré,  sans  force  ni  con- 
trainte, elles  parties  satisfaites,  faute  do  quoi  la  préparation 
peut  manquer  son  effet. 

Lors(]ue  le  barbilonsor  fut  assuré  ([lu;  toute  insistance  nou- 
velle serait  inutile,  il  lira  sa  bourse,  y  prit  une  de  ces  pièces 
dont  il  paraissait  ne  se  séparer  qu'à  regret  et  la  mit  sur  la 
table. 

L'apothicaire  la  saisit,  en  examina  attentivement  l'empreinte 
et  la  pesa  afin  de  s'assurer  qu'elle  était  bien  de  60  au  marc, 
puis  il  la  déclara  valable  et  de  bon  poids  et  finalement,  linséra 
dans  son  aumônière. 

C'est  à  ce  moment  que  Michel  Chantemerle  complètement 
renseigné  sur  l'audacieux  projet  du  barbier  prit  congé  d'Alizon, 

—  Adieu  mignonne!  et  merci  lui  dit-il  en  lui  serrant  afïec- 
tueusemenl  la  main,  je  n'oublierai  jamais  que  ce  soir  vous 
vous  êtes  privée  de  votre  repas  pour  l'offrir  à  un  affamé. 

—  Taisez-vous  donc  Michel!  Cela  n'en  vaul  pas  la  peine,  ne 
faut-il  pas  s'entr'aider  quand  on  le  peut. 

—  C'est  une  bonne  action  dont  je  garderai  le  souvenir. 

—  Bah  !  à  quoi  bon  parler  de  cela,  notre  main  gauche  ne 
doit-elle  pas  ignorer  ce  que  donne  la  main  droite"? 

—  Que  la  charité  est  douce!  dit  Alizon  lorsque  l'organiste 
fut  parti,  pauvre  garçon!  il  n'avait  pas  mangé  depuis  hier.  — 
Que  ne  suis-je  assez  riche  pour  donner,  celui-là  ne  manquerait 
de  rien. 

CHAPITRE  X 

La  folle  équipée. 

Les  conjurés  réunis  chez  l'apothicaire  altend;iienl  l'heure 
favorable  et  recevaient  de  lui  les  dernières  instructions. 

Tout  était  prêt. —  Ij' infaillible  dissolvant  était  là  renfermé 
dans  un  vase  de  grès  hermétiquement  bouché;  deux  de  ces 
instruments  d'artillerie  humide  décrits  par  Molière,  soigneu- 
sement essayés  au  préalable,  reposaient  côte  à  côte  sur  l'une 
des  tables  de  la  boutique. 

— •  Enfin!  s'écria  le  ])arbitonsor  sur  un  ton  déclamatoire, 
demain  au  lever  du  soleil,  celle  image  honteuse,  'produit  de  la 
méchanceté  des  hommes  aura  disparu. 


02  FOLLK     KgUIPÉK 

Puis  d'uu  geste  superlie  il  saisit  luu  des  iustruments  et  le 
plaça  sous  son  bras. 

Le  fournier  s'empara  de  l'autre. 

L'apolhicLiire  prit  le  vase  conleiiaut  le  liquide  terrible, 
transport  qu'il  s'était  expressément  réservé,  affirmant  qu'un 
déiaut  de  précaution  pouvait  avoir  les  plus  funestes  consé- 
quences, car,  disait-il,  si  le  vase  venait  à  être  brisé  par  un  choc 
quelconque,  il  pouvait  se  produire  une  épouvantable  déto- 
nation. 

Le  sombre  cortège  se  mil  eu  marche. 

Pour  déjouer  leur  tentative,  l'organiste  avait  tout  simple- 
ment prié  le  cordonnier  de  l'accompagner  et  de  suivre  ses  ins- 
tructions. Peu  d'instants  auparavant  ils  s'étaient  placés  à 
l'entrée  du  (^loitre,  se  dissimulant  chacun  derrière  un  des  bat- 
tants de  la  porto,  après  avoir  disposé  dans  la  largeur  de  l'entrée 
une  forte  corde  dont  ils  tenaient  chacun  une  extrémité.  —  Le 
plan  était  simple.  —  Au  moment  où  les  conjurés  seraient  sur 
le  point  de  franchir  la  porte  du  Cloitre,  la  corde  serait  tendue 
à  un  pied  du  sol  environ  et  il  n'était  pas  douteux  qu'en  raison 
de  l'obscurité  profonde,  les  trois  coupables  ne  tombassent  dans 
le  piège  et  ne  lissent  une  chute  qui  ferait  avorter  leur  projet. 

L"oreille  tendue,  attentifs  au  moindre  bruit,  ils  entendirent 
bientôt  les  pas  des  trois  complices,  bien  que  ceux-ci  gardant 
un  silence  absolu,  n'avançant  quavec  des  précautions  infinies, 
inquiets,  craintifs,  fissent  aussi  peu  de  bruit  que  possible.  — 
Arrivés  près  de  la  porte  du  Cloitre,  il  y  eut  parmi  eux  comme 
une  courte  hésitation,  puis  ils  prirent  un  ipas  plus  décidé.  La 
corde  se  tendit  et  tous  trois,  trébuchant  dans  l'obstacle,  tom- 
bèrent en  avant,  comme  l'avait  prévu  l'organiste. 

Dans  sa  chute,  Polycarpus  Grasmolet  avait  laissé  échapper 
l'instrument  qu'il  portait  si  vaillamment  sous  le  bras;  il  en  fut 
de  même  du  fournier.  Cet  accident  était  inévitable,  car  on  sait 
que  le  premier  mouvement  d'un  homme  qui  tombe  est  celui  de 
tendre  les  mains  en  avant. 

—  Misère  !  dit  le  barbitousor  en  entendant  celte  arme  dan- 
gereuse frapper  violemment  le  pavé,  elle  va  être  bossuée  et  ne 
pourra  plus  servir. 

L'apothicaire  avait  eu  moins  de  chance  encore,  l'élément 
essentiel  de  l'entreprise  était  perdu.  Dans  sa  chute  le  pot  s'é- 
tait brisé  et  l'horrible  liquide,  résumé  des  plus  horribles  secrets 
de  l'alchimie,  coulait  sur  le  pavé  et  répandait  une  odeur  nau- 
séabonde. 


FOLLE    ÉQUIl'ÉE  C3 

—  Pourvu  qu'il  ne  se  produise  pas  d'explosion?  fit-il  eu  se 
relevant  péniblement. 

Cache  derrière  un  battant  de  jtorte,  l'organiste  gardait  le 
silence  commandé  par  la  circousiance,  mais  il  n'en  fut  pas  de 
même  de  son  compaing  Chausselaine  ([ui,  bouche  fermée 
cependant,  riait  à  se  tordre.  Le  rire  contenu  a  quelquefois  d'é- 
tranges effets,  car  bientôt  le  cordonnier  n'y  tenant  plus,  porta 
les  mains  à  sou  ventre  où  devait  se  produire  certaine  conilagra- 
tion  et  il  s'en  échappa  un  biuit  crépitant  si  violent  que  de 
mémoire  d'homme  le  pareil  n'avait  été  entendu. 

Le  Cloitre  tout  entier  en  retentit. 

—  Ça  éclate!  exclama  Etienne  Foirol,  l'apothicaire,  trem- 
blant de  mâle  peur,  nous  sommes  perdus!  —  Sauve  qui  peut! 

Et  s'étant  remis  sur  leurs  pieds,  abandonnant  tout  sur  le 
terrain,  ils  firent  volte-face  et  s'enfuirent. 

Sons  s'être  donnés  le  mot,  l'organiste  et  le  cordenuier  se 
mirent  à  leur  poursuite,  non  pour  les  atteindre,  mais  pour  aug- 
menter leur  panique.  Se  sentant  poursuivis,  les  trois  complices 
n'osèrent  point  rentrer  chez  l'apothicaire,  afin  de  dépister  ceux 
qui  les  poursuivaitnt.  Ils  comptaient  sans  doute  prendre  assez 
d'avance  et  profiter  de  l'obscurité  pour  regagner  leur  domiciles 
après  quelques  détours. 

Ce  fut  une  course  folle  depuis  la  porte  du  Cloitre  jusqu'au- 
delà  du  pont  de  Nau.  Jehan  Machepaiu,  qui  tenait  la  tète, 
arriva  à  hauteur  de  la  rue  du  Change,  il  comptait  pouvoir  là 
tourner  à  droite,  prendre  la  place  du  Marché,  la  rue  des 
Cloutiers  et  celle  des  Cordcliers  et  rentrer  au  Cloitre  par  cette 
voie,  mais  arrivé  au  puits  au  Uhange,  il  heurta  dans  sa  course  la 
femraedeRemy  Yvouuet,  le  boulanger,  qui  se  trouvait  occupée 
là  à  tirer  de  l'eau  destinée  à  rafraichir  les  levains,  le  choc  fut 
tel  qu'elle  lâcha  la  corde  du  puits  et  tomba  à  la  renverse.  Le 
fouruier  trébuchant  tomba  sur  elle;  la  fenmie  cria  à  l'aide,  au 
meurtre,  au  ravisseur;  le  mari  sortant  de  la  maison  en  toute 
hâte,  aperçut  une  ombre  devant  lui,  c'était  le  barbitonsor  arri- 
vant second,  sans  demander  d'explications,  Uemy  Yvounet  le 
saisit  à  la  gorge,  le  renversa  et  lui  plongea  le  plat  du  dos  dans 
le  sein  du  ruisseau,  puis  plaçant  ses  deux  genoux  sur  lui,  le 
laboura  de  coups  de  poiug  ;  tous  deux  criant  comme  écorchés; 
—  le  geindre,  compagnon  boulangi.'r  de  la  maison,  saisit  un 
manche  de  pelle  et  sortit  à  son  tour  pour  aller  porter  secours  à 
son  maître,  il  aperçut  quelqu'un  courant,  c'était  l'apothicaire 
arrivant  troisième;  le  geindre  fut  assez  habile  pour  lui  passer 


(')-5  l''OI.LK    KQUll'KK 

le  maiiciic  de  pelle  daus  les  jambes  et  Elieinie  Fuirol  s'aJiaUil 
comme  une  masse. 

Aux  cris  poussés  par  les  comballanls,  l'oi'.q'anisle  et  le  cor- 
(lonni"r  convaincus  qu'il  élail  survenu  ([uelijue  complication 
imprévue,  avaioul suspendu  leur  poursuilc  et  s'étaient  prudem- 
ment arrêtés  vers  le  pont  de  Nau  sinou  pour  voir,  car  on  n'y 
vo^^ait  guère,  du  moins  pour  entendre  ce  qui  allait  se  passer. 

Les  cris  redoublèrent.  —  Des  buveurs  encore  attablés  à  lau- 
berge  des  Quatre  Fils  Aymon  et  à  celle  d'en  face  qui  portait 
pour  enseigne  :  A  l'Escuelle  d'Estrdn,  sortirent  en  faisant 
grand  bruit.  —  Uuelques-uns  avançaient  chancelants,  avinés, 
et  sans  savoir  de  quoi  il  s'agissait,  ils  criaient,  au  larron  !  au 
tire-laine  l 

—  Si  ce  n'est  pas  pour  ça,  dit  un  des  plus  avisés,  c'est  cer- 
tainement pour  autre  chose. 

A  ce  tumulte  les  marchands  de  la  rue  de  Marne  qui  n'étaient 
encore  couchés,  mirent  le  nez  à  leurs  lucarnes;  quelques-uns 
descendirent. 

Plus  haut,  c'est-à-dire  près  de  l'église  Saint-Germain,  des 
marchands  forains  et  des  gens  des  environs  de  la  ville,  logés  à 
l'auberge  de  la  Pomme-Rouge,  se  réunirent  et  arrivèrent  sur 
le  lieu  du  tumulle.  L'obscurité  les  empêcha  dese  reconnaître 
et  croyant  l'un  l'autre  avoir  affaire  au  parti  ennemi  ils  se  jetè- 
rent les  uns  sur  les  autres  et  ce  fut  bientôt  une  épouvantable 
mêlée  où  chacun  frappait  à  l'envie  et  était  frappé  à  son  tour; 
des  ciis  et  des  hurlements  sans  nom  s'échappaieat  de  ce  groupe 
frénétique. 

Des  marchands  et  des  bourgeois  de  la  rue  du  Change,  de  la 
rue  de  l'Etape,  de  la  rue  du  Gantelet,  accoururent  encore  à 
ces  cris  d'alarme  et  bientôt  il  y  eut  cinquante,  cent,  deux 
cents  personnes  et  plus,  se' frappant  avec  un  acharnement 
d'autant  plus  vif  qu'aucune  ne  savait  de  quoi  il  était  question, 
ainsi  que  cela  arrive  dans  les  émotions  populaires. 

Un  bourgeois  de  la  rue  du  Change  crut  à  autre  chose  qu'à 
une  attaque  de  tire-laines  et  de  mauvais-garçons,  il  imagina 
que  les  Anglais  —  la  guerre  de  Cent-Ans  avait  commencé  — 
après  avoir  échelle  les  murailles,  envahissaient  la  ville,  et  il 
cria  : 

—  Alerte!  Alerte!  Sus  à  l'Anglais  ! 

Ses  cris  furent  entendus  par  le  chef  ([uartenier  qui  gardait 
l'hôtel  du  Saint-Esprit,  alors  hôtel  nuuiicipal.  Il  assembla  ses 


FOLLE    ÉQUIPÉE  65 

hommes  à  la  hâte  et  envoya  prévenir  le  poste  du  Marché  au 
Blé. 

Qui  envoya  prévenir  le  poste  de  Cliauteraiue  ou  Château  du 
Marché  ! 

Qui  envoya  prévenir  le  Cloître! 

Qui  envoya  prévenir  le  guetteur  de  Saint-Etienne,  lequel  se 
mit  bientôt  à  frapper  la  cloche  d'alarme  à  coups  redoublés. 

Le  guetteur  de  l'abbaye  Saint-Pierre  entendant  la  cloche  de 
la  cathédrale  se  mit  à  frapper  aussi. 

Toute  la  ville  fat  sur  pied! 

Les  bourgeois  équipés  à  la  hâte,  longue  épée  au  côté,  per- 
tuisanne  sur  l'épaule,  casque  en  tête,  se  rendaient  aux  lieux 
de  réunion  indiqués,  selon  les  quartiers,  et  ils  se  demandaient 
chemin  faisant  pour  quelle  cause  ils  étaient  dérangés  ce  que 
personne  ne  pouvait  dire. 

Le  sire  dArzillières,  capitaine  de  la  ville  était  accouru  des 
premiers,  suivi  de  son  escorte  de  douze  archers.  Il  envoya  aux 
portes,  lit  doubler  les  sentinelles  placées  de  distance  en  dis- 
lance  sur  les  murs  ;  celles-ci  interrogées,  déclarèrent  avoir  fait 
bon  guet  et  bonne  garde  et  n'avoir  rien  remarqué  d'insolite  à 
l'extérieur  de  la  ville.  On  put  constater  eu  effet  à  la  pâle  clarté 
de  la  lune  qui  se  levait  dans  un  lointain  nébuleux,  qu'à  portée 
de  vue  à  la  ronde,  les  environs  étaient  dans  le  calme  le  plus 
complet  et  que  jamais  nuit  plus  tranquille  n'avait  enveloppé  la 
cité  châlounaise. 

Toutes  précautions  prises  de  ce  côté,  le  sire  d'Arzillières  se 
porta  sur  le  lieu  du  tumulte.  Il  fit  placer  une  forte  escouade 
au  haut  de  la  grande  rue,  une  autre  tournant  l'obstacle,  car  la 
rue  se  trouvait  complètement  obstruée,  vint  se  placer  en 
arrière,  c'est-à-dire  près  du  pont  de  Nau  et  eufm  une  troisième 
garda  la  rue  du  Marché,  de  façon  qu'aucun  ne  put  échapper. 
Des  hommes  portant  des  torches  vinrent  éclairer  la  scène. 

Un  lamentable  spectacle  s'offrait  à  la  vue.  C'était  un  amas; 
un  amoncellement  de  tètes,  de  bras,  de  jambes  tellement  enla- 
cés et  si  confus  qu'il  était  douteux  que  l'on  parvint  jamais  à  le 
démêler  et  que  chacun  pût  y  retrouver  son  bien.  —  U  s'en 
échappait  des  gémissements,  des  cris  étouffés,  des  appels  déses-- 
pérés,  des  cris  do  colère,  des  vociférations,  des  jurements,  des 
imprécations  en  si  grand  nombre  (jue  l'on  se  fût  certainement 
cru  en  présence  d'une  légion  de  démons  et  de  damnés  plongea 
dans  l'abime  éternel. 


66  VOIA.K    ÉQUIPÉK 

On  procéda  ;iu déblayement.  Les  hommes  du  guel  relevèrent 
tous  CCS  gens  un  à  un  ot  les  remirent  péniblement  sur  leurs 
pieds.  Quelques-uns  étaient  sanglants  et  la  plupart  meurtris, 
souilles  et  les  vêtements  en  lambeaux,  ce  qui  prouvait  que  la 
lutte  avait  été  vive.  Des  sergents  de  la  prévôté  accourus  au 
bruit,  enregistraient  les  noms.  Le  plus  grand  nombre  se  com- 
posait de  gens  de  la  ville,  marchands,  bourgeois  et  artisans,  il 
y  avait  bien  quelques  forains  des  environs,  venus  ce  jour-là 
pour  leurs  affaires,  mais  bien  connus,  pouvant  au  besoin 
trouver  des  répondants  et  honorable  caution.  En  somme  tous 
gens  de  bien. 

C'était  à  n'y  rien  comprendre.  —  Comment!  pas  uc  larron, 
pas  un  espion,  pas  un  perturbateur  du  repos  public,  pas  un 
homme  douteux  qui  pût  être  soupçonné,  arrêté,  emprisonné! 
—  Aucun  non  plus  qui  pût  donner  quelque  renseignement  sur 
le  début  de  l'affaire,  sur  les  causes  de  cet  émoi?  Personne  ne 
savait  rien,  ou  du  moins  n'avançait  que  des  suppositions 
improbables  et  auxquelles  il  était  impossible  de  s'arrêter. 

Il  faut  dire  que  l'on  ne  trouva  dans  le  tas  aucun  de  ceux  qui 
auraient  pu  parler,  c'est-à-dire  ni  l'apothicaire,  ni  le  barbi- 
tonsor,  ni  le  fournier,  ni  Remy  Yvounet,  ni  sa  femme,  ni  le 
mitron  et  encore  moins  l'organiste  et  Pernet  Chausselaine,  ces 
deux  derniers  s'étaut  mis  à  l'abri  et  ayant  promptement  rega- 
gné leur  domicile  lorsqu'ils  virent  que  l'affaire  prenait  des  pro- 
portions inattendues. 

En  ce  qui  concerne  les  premiers  combattants,  voici  ce  qui 
qui  s'était  passé  :  lorsqu'ils  entendirent  certaine  rumeur, 
d'autres  cris  poussés,  des  bruits  de  pas,  ils  ne  se  soucièrent 
pas  d'être  mêlés  à  une  nouvelle  bagarre. 

La  femme  du  boulanger  qui  avait  eu  plus  de  peur  que  de  mal 
se  releva  et  appela  son  mari  ;  celui-ci  lâcha  le  barbier,  auquel 
il  avait  du  reste  administré  quelques  bons  horions,  notamment 
un  maître  coup  de  poing  sur  le  visage,  revint  dans  sa  bou- 
tique; le  mitron  qui  s'était  borné  à  renverser  l'apothicaire, 
ramassa  le  manche  de  pelle  dont  il  s'était  servi  dans  cette 
habile  opération,  rentra  également  et  tous  trois  désormais  à 
l'abri,  tinrent  la  maison  soigneusement  close. 

(il  suivre).  L.  Grignon 


NÉCROLOGIE 


Nous  ne  pouvons  j^as  laisser  passer  inaperçue  la  mort  de  M.  Louis 
de  Baudicourt,  arrivée  le  15  mai  dernier,  et  qui  a  eu  une  carrière 
volontaire  si  noblement  remplie.  Frère  d'un  honorable  conseiller  à  la 
Cour  de  Paris,  il  avait  pour  père  un  des  collectionneurs  d'estampes  les 
plus  connus  des  savants,  pour  ayoul  un  ancien  maire  du  V'-'arrondis- 
dissement  de  Paris  ;  sa  mère  était  Mlle  Le  Blanc  de  Closmussey,  d'une 
ancienne  maison  de  Sainl-Dizier,  et  lui-même,  né  en  1815,  passa  la 
plus  grande  partie  de  sa  jeunesse  au  château  de  Marnaval,  apparte- 
nant aujourd'hui  à  sa  sœur,  Mme  Becquey.  Louis  de  Baudicourt  ne 
voulut  pas  prendre  de  carrière  à  la  chu^c  des  Bourbons,  se  voua 
dès  lors  aux  œuvres  religieuses  et  entra  des  premiers  dans  l'œuvre  des 
conférences  de  Saint-Vincent-de-Paul,  dont  il  fut  pendant  trente  ans 
le  secrétaire  général.  Cela  ne  suffisait  pas  à  son  activité,  et  il  se  rendit 
en  Algérie,  pour  fonder  près  de  Blidah  une  petite  colonie  catholique 
qui  ne  fut  pas  sans  une  saine  influence  sur  les  Arabes  du  voisinage 
II  cherchait  aussi  à  établir  des  Maronites  dans  notre  colonie  et  ce 
projet  plut  singulièrement  à  Mgr  le  duc  d'Aumale  ;  mais  1848  arrêta 
cette  fondation.  Dès  lors,  M.  de  Baudicourt  se  consacre  aux  Maro- 
nites, en  donnant  une  vie  nouvelle  à  l'œuvre  de  Saint-Louis  du  Liban; 
il  en  fut  encore  le  secrétaire  général,  dirigea  ses  Annales  et  ne  né- 
gligea rien  pour  conserver  dans  ces  pays  lointains  le  respect  de  la 
France. 

Nous  apprenons  avec  peine  la  mort  de  M.  Edouard  Fleury  — •  le 
frère  de  Champfleury  —  qui  fut  longtemps  rédacteur  en  chef  du 
Journal  de  V Aisne,  qu'il  ne  quitta  qu'i-n  1862,  pour  se  livrer  à  des 
travaux  littéraires. 

M.  Ed.  Fleury  a  écrit  un  très  grand  nombre  de  brochures  et  il 
avait  entrepris  la  publication  d'un  grand  ouvrage  sur  les  antiquités  et 
les  monuments  du  département  de  l'Aisne,  lorsque  la  mort  est  venue 
surprendre  ce  travailleur  infatigable  :  quatre  volumes  ont  heureuse- 
ment déjà  parus  et  constituent  l'un  des  travaux  archéologiques  les 
plus  remarquables  île  notre  temps. 

L'exposition  qui  devait  s'ouvrir  le  8  i^e  ce  mois  à  Laon  et  qui  s'est 
trouvée  fatalement  retardée,  sinon  irrémédiablement  compromise,  était 
Eon  œuvre,  et  il  en  surveillait  l'oi-ganisation  avec  ardeur. 

Enlevé  par  une  all'ection  intestinale,  qui  avait  nécessité  une  opi'Ta- 
tion  des  plus  graves,  M.  Fleury  était  entré  dans  sa  00"  année.  Il 
était  chevalier  de  la  Légion-d'llonneur,  correspondant  du  ministère  de 
l'Instruction  publique,  oITicier  d'Académie  et  président  de  la  Société 
académique  de  Laon, 


BIBLIOGRAPHIE 


lie  nouveau  volume  des  mémoirea  Je  la  Sociélé  acaiiémique  de 
l'Aube  (loiiie  46)  est  en  grande  partie  formé  par  le  Dictionnaire 
paléoelhnologique  de  l'Aitbe,  par  M.  Ph.  Salmon,  dont  nous 
avons  récemment  parlé  avec  éloge.  Nous  citerons  ensuil;e  :  a  La  lutte 
de  latin  et  de  français  au  collège  de  l'Oratoire  de  Troyes,  »  par  M. 
Carré  ;  la  «  Notice  sur  le  prieuré  de  Sainte-Thuise,  »  par  M.  l'abbé 
Masson  ;  Un  fragment  des  «  Mémoires  inéilits  de  la  vicomtesse  de 
Loménie,  »  publié  par  M.  Le  Glert,  fort  curieux  pour  l'histoire  de 
Hrienne  et  de  l'Aube  avant  et  pondant  la  Révolution  ;  enfin,  un  excel- 
lent travail  de  M.  Bàbeau,  «  les  Correspondants  de  Grosley.  » 


>fous  signalons  avec  plaisir  une  nouvelle  Revue  qui  conquerrera 
facilement  une  bonne  place  dans  le  monde  lettré.  La  Revue  des 
chefs-d'œuvre  anciens  et  modernes,  fondée  par  M.  du  Parc  ',  dans  le 
but  de  populariser  les  œuvres  remarquables  peu  connues  du  public  et 
répandre  davantage  les  chefs-d'œuvre  incontestés.  C'est  une  œuvre 
originale  et  intéressante  qui  mérite  do  réussir  et  nous  croyons  en  la 
recommandant  fiire  à  la  fois  acte  de  justice  et  èlre  agréable  à  nos 
lecteurs. 


i .   Paraît  par   livraisons    mensuelles  de  200  pages   in-S",  Paris,  4.   rue 
tîaulefteuille  :    dépaitemeuts,  2î   francs   par  an:   12  francs  pour  six  mois 
1  francs  pour  trois  hiois. 


I 


CHRONIQUE 


Famille  de  gruthus  de  guandham'.  —  Parmi  les  familles  nobles 
de  la  Champagne  qui,  dans  les  siècles  derniers,  ont  habité  le  Clermon- 
tois,  on  trouve  la  famille  De  Gruthus  de  Grandham. 

Les  anciens  registres  de  la  paroisse  d'Auzéville,  fournissent  sur  une 
branche  de  cette  noble  famille,  dos  renseignements  qui  peuvent  com- 
pléter la  généalogie  donnée  par  Caumartin. 

I.  En  1641,  messire  Anthoine  de  Gruthus,  écuyer,  seigneur  de 
Grandham,  La  Malamise,  etc.,  capitaine  d'infanterie,  fds  de  François 
de  Gruthus  de  Grandham^  et  de  Anlhoiaettô  du  Châtelot,  vint  s'éta- 
blir à  Ciormont  et  à  Auzéville  par  son  mariage  avec  damoiselle 
Claudine  Gervaise  (fdle  de  Jean  Gervaise,  écuyer,  procureur-général 
du  bailliage  de  Clermont,  seigneur  de  Froides,  Montbiainville  et  Char- 
pentry,  et  de  Jacqueline  Thomas),  —  Mariage  célébré  le  17  mars 
1G41  \ 

De  ce  mariage  sont  nés  à  Auzéville  : 

1«  Alliaume  de  Gruthus,  baptisé  le  i5  mars  1658  ; 

2"  André-Gervaise  de  Gruthus,  baptisé  le  23  août  16G0  ; 

3"  Claudine  de  Gruthus. 

H.  André-Gervaise  de  Gruthus,  écuyer,  soigneur  de  Grandham, 
Charpentry  et  Froides,  né  à  Auzéville  en  1G58,  mort  à  Auzéville  le 
23  d(''cembre  1724.  —  Avait  épousé  damoiselle  Claude-Anlhoinette 
de  Bournon  (fille  de  Jean-Baptiste  de  Bournon,  écuyer,  et  de  Claude 
Le  Mosleur,  tous  deux  demeurant  à  Auzéville). 

De  ce  mariage  sont  nés  à  Auzéville  les  cinq  enfanis  qui  suivent  : 

l"  François  de  Gruthus,  mort  très  jeune  ; 

20  Charles-Anthoine  de  Gruthus,  né  le  19  mai  1G9I  ; 

3"  Marie-Anne  de  Gruthus,  baptisé  le  15  mars  1604; 

4"  Jean-Bapliste  de  Gruthus,  baptisé  le  9  décembre  1G96,  dont  il 
sera  question  ci-après  III  ; 

1 .  Armes  :  D'argent  à  l'aigle  de  gueules  à  la  tête  couronnée,  becquettée 
et  membres  d'azur,  chargée  sur  restomac  d'un  écusson  d'argent  à  la  face 
d'azur. 

2.  François  de  Grulhus,  seigneur  du  Cliàlelet,  était  lui-même  lils  de 
Jean  de  Grultius  et  de  Bonne  de  Toully  et  petit-lils  de  Godefroy  de  Gru- 
thus et  de  Françoise  de  Ligny. 

3.  Anthoine  de  Gruthus  mourut  à  Auzéville  le  H  juin  1693,  et  lut  inluim,^ 
dans  l'égli.se.  —  11  habitait  la  vieille  maison  seigneuriale  de  Jean  Gervaise, 
Son  b;au-père.  —  Cette  maison,  avec  son  vieux  colombier,  existe  encore 
aujourd'hui  et  appartient  à  M.  Baudot,  rentier  à  Auzéville. 


7U  CHRONIQUE 

5"  Frixn(;ois  de  Gruthus,  né  en  1700. 

UI.  Jean-Haptiste  rfe  Gruthus  de  Grandham,  écuyer,  soigneur  de 
Gramlliam,  Cliarpentry  et  Froidos,  n6  en  l(j  )(),  mort  avant  1703,  — 
était  prûvùt  de  Clermont  en  1732-1737.  —  li  avait  épousé  damoisello 
Claude  de  Chastel  ',  dont  il  eut  entre  autres  enfants  : 

1°  Marie-Jeanno  de  Gruthus  de  Grandham,  morte  jeune  à  Cler- 
mont, le  26  juin  1735  ; 

2"  Louise-Claude  Gruthus  de  Grandham,  née  à  Clermont.  Elle  fut 
mariée  en  1758  à  messire  Francois-Joachini  Beaudouin  de  Gaule, 
écuyer,  demeurant  à  Chùlons  en  Chamiiagne  -. 

La  maison  et  la  ferme  que  la  maison  de  Gruthus  de  Grandham 
possédait  à  Auzéville,  furent  vendues  le  28  mai  17G3  à  M.  Jean- 
Baptiste  Labrosse.  —  Elles  étaient  alors  la  propriété,  pour  une 
moitié,  à  Mme  veuve  de  Gruthus  de  Grandham,  demeurant  à  Froidos, 
et  jiour  l'autre  moitié  à  M.  Beaudouin  de  Gaule  et  Bonne-Louise- 
Claude  de  Gruthus,  son  éjiouse. 

J.-B.  Cillant 
Curé    d'Auzéville. 

* 
*  * 

Sur  les  droits  prétendus  par  les  habitants  du  chesne-le-poi-u- 
LEux  vassaux  de  l'abbaye  de  SAINT-REMV  ; 

Reims,  12  mars  1747. 

Diverses  alTaires  m'ont  mis  dans  l'impossibilité,  Monsieur,  de  vous 
envoyer  plus  loi  les  éclaircissements  que  vous  m'avez  fait  l'honneur 
de  me  demander. 

M.  Godefroy  a  été  mal  instruit  quand  il  a  dit  que  les  habitans  du 
Chesne-le-Pouilleux  s'esloient  acquis  le  droit  d'escorter  la  Sainte- 
Ampoule  au  sacre  de  nos  Rois,  parce  qu'ils  l'avoient  recouvrée  sur  les 
Anglais  du  temps  de  Charles  VIL  On  voit  par  un  procès-verbal,  qui 
est  au  Cartulaire  de  la  ville  de  Reims,  qu'au  sacre  du  roi  Jean  et  de 
Jeanne  de  Boulogne,  sa  seconde  femme,  célébré  à  Reims,  le  2(5  sep- 
tembre 1350,  vingt  arbalétriers  du  Chesno  escortèrent  de  l'église  de 
Saint-Remy  en  celle  de  Notre-Dame,  la  Sainte-Ampoule  portée  sous  un 
dais  dont  les  quatre  bâtons  estoient  tenus  par  le  chastelain  de  Bar, 
par  Ogier  d'Unchair,  baron  de  Terrier,  par  Jacquemin,  baron  de 
Villers,  autrement  dit  le  chevalier  de  Bellestre,  et  par  le  représentant 
du  baron  d'Autry. 

Les  haliilanls  du  Chesnc-le-Pouilleux  sont  les  principaux    vassaux 

4.  Claude  de  Chastel  était  probablement  la  fille  de  Nicolas  de  Chast.l, 
écuj'cr,  avocat  au  Purlemcut,  prévôt  de  Clermont  [Mil-il^])  et  seigneur 
de  Lu  Grangc-le-Comte. 

5.  La  Revue  de  Champagne  et  de  Urie  dans  sa  livraison  de  juin  18S2, 
page  462,  a  parlé  de  ce  mariage. 


CHRONIQUE  7 1 

de  r.ibbaye  de  Saint-Remy  et  c'est  sans  doute  en  celle  (|iiali(i'  qu'ils 
sont  mandés  pour  escorter  la  Sainte-Ampoule. 

M.  GodelVoy  n'est  pas  mieux  renseigné  des  droits  des  habilans  sur 
la  haquenée  de  l'abbé  ou  plutôt  du  grand-prieur.  Ils  n'ont  pu  jamais 
justifier  leurs  prétentions  par  aucun  litre  et  par  tous  les  procès- 
verbaux  qui  sont  au  Cartulaire  de  Reims  et  à  l'abbaye  de  Saint-Remy, 
cette  haquenée  ne  leur  a  jamais  été  cédée  qu'au  sacre  de  Louis  XIII 
en  IGIO  :  ce  ne  fut  pas  sans  coup  férir,  Les  moines  s'escrimèrent, 
longtemjis  de  la  croix  avec  autant  de  bravoure  i|ue  Jean  des  Enlo- 
meures  -,  ils  n'eurent  pas  le  même  succès  :  les  vassaux  furent  les  plus 
forts,  et  ils  prièrent  Dom  Lépagnol,  grand-prieur  de  Saint-Remy,  de 
descendre  de  sa  haquenée  et  de  la  leur  abandonner.  Ils  ne  purent 
s'en  emparer  au  sacre  de  Louis  XIV.  Enlin,  au  sacre  de  Louis  XV,  il 
fut  décidé  la  veille  par  le  roi  que  la  haquenée  appartenoit  au  grand 
prieur  de  l'abbaye.  La  preuve  est  dans  le  procès-verbal  dressé  par 
les  officiers  du  bailliage  de  l'abbaye  de  Reims,  le  25  octobre  1722. 

Nous  devons  ces  recherches  à  M.  Bidet,  lieutenant  des  eaux  et 
forêts,  et  j'espère  dans  quelques  temps  vous  en  envoyer  encore  de  plus 
détaillées. 

Je  me  trouverois  fort  heureux.  Monsieur,  si  vous  voulez  bien  me 
procurer  souvent  l'occasion  d'entretenir  un  commerce  qui  me  sera 
toujours  infiniment  précieux. 

J'ai  l'honneur,  elc.  Pouilly. 

* 

GiiNÉALOGlE       ET       PAPIERS       HlSTOniQUES       DE      L.       LEVESQUE       DE      LA. 

RAVALiÉuE.  —  Tout  uu  volumc  de  la  collection  de  Champagne  à  la 
Bibliothèque  nationale  (n"  142)  est  composé  de  quelques  lettres  du 
savant  académicien,  de  nombreuses  lettres  à  lui  adressées  sur  des 
sujets  concernant  l'histoire  de  la  Champagne,  mais  dont  peu  sont 
intéressantes,  et  de  notes  et  documents  sur  sa  famille. 

D'après  ces  notes,  pour  la  plupart  écrites  de  sa  main,  sa  famille  est 
de  l'Aube  et  remonte  à  Jean  Levesque,  écuyer,  sieur  du  fief  de  Rouil- 
leret,  pour  lequel  il  fit  son  hommage  en  13G4.  En  ti79,  Pierre,  Henri 
et  Jean  Levesque  furent  convo(iués  à  l'arrière-ban  et  au  commence- 
ment du  xvi"  siècle,  Guiot  Levesque,  co-seigneur  deRouilleret  avec  ses 
cinq  frères,  épousa  Etiennette  Perrotey,  dame  de  Vougrey,  et  forma 
la  branche  de  ce  nom,  tandis  que  colle  de  Rouillerot  continuait  en  y 
demeurant.  Nicolas  Levesque,  écuyer,  sieur  de  Vougrey,  indiqué 
comme  habitant  Rouilleret,  éjtousa  Mlle  Bertrand,  de  Troyes,  laissa  : 

1.  Jean,  religieux  de  l'ordre  de  Grandinont,  dont  il  écrivit  les 
annales  ; 

2.  Di'uis,  ayeul  de  racadéiuicien  ; 

.3.  Nicolas,  marié  à  Marguerite  Pajot,  greffier  de  la  juridiction 
cumulaire  à  Troyes,  mort  h;  1,3  décembre  1(J!)8  et  enterré  dans  l'église 
des  Cordeli'-rs.  Il  fut  père  di;  : 


72  CHRONIQUK 

l"  Nicolas  Lovesquo,  s''  de  Vougrey,  chef  dos  fourrievs  du  roi,  mort 
en  1703,  marié  à  Claude  Devert,  de  Troyes,  d'où  naquit  Anne,  mariée 
à  son  cousin  Levesque  et  mère  de  l'académicien  et  Nicolas,  lieutenani 
au  régiment  Colonel-Général  (cavalerie),  mort  au  fort  de  NieuUc  eu 
1716,  laissant  de  Louise  Michelin:  1"  Nicolas,  s''  de  Vougrey,  marié 
à  N,  Doniol,  d'où  Mme  Piètre,  à  Paris  ;  2°  Claude,  garde  du  corps  du 
roi  ;  3"  un  autre  fils  qui  se  maria  à  Nevers  et  eut  plusieurs  filles  ; 
4°  N. . .,  femme  do  Jean  Thiénot,  greffier  de  la  prévoté  de  Troyes. 

Pierre-Alexandre  Levesque,  s""  de  la  Ravalière,  épousa  Catherine 
Le  Roy  d'Argenson  :  né  à  Troyes  en  1097,  il  mourut  en  1702  ;  ayant 
été  reçu  en  1753  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  dans 
les  mémoires  de  laquelle  il  a  donné  j)lusieurs  bons  travaux.  Il  a  éga- 
lement publié  une  édition  dos  Poésies  de  Thibaut  de  Champagne 
(1743),  et  donné  un  assez  grand  nombre  de  lettres  historiques  dans  le 
Journal  des  Savants  et  ailleurs.  Travailleur  infatigable,  ses  notes 
remplissent  plusieurs  volumes  de  la  Collection  de  Champagne,  hlaBi- 
bliolhèque  nationale,  et  sa  grosse  écriture  est  facilement  reconnaissable. 
Le  tome  127  renferme  toute  une  histoire  du  comté  de  Champagne,  par 
son  père,  greffier  de  l'Election  de  Troyes,  et  daté  de  1710.  Le  tome 
128,  une  histoire  des  mémos  comtes  écrite  par  le  R.  Le  Pelletier  et 
coniée  par  M.  de  la  Ravallière.  Les  tomes  130,  131  renferment  un 
projet  d'histoire  du  comté  de  Champagne,  avec  notes  nombreuses,  enfin 
la  rédaction  complète  de  ce  travail  occupe  les  tomes  132,  133,  134, 
135,  136,  entièrement  de  la  main  de  l'auteur,  avec  titre  préparé  por- 
tant la  date  de  1752.  Il  y  a  joint  cette  note  :  «  Je  présentois  ce  som- 
maire à  feu  M.  le  duc  d'Orléans  qui  s'étoit  retiré  dans  la  maison  de 
Sainte-Geneviève,  et  lui  demandois  la  permission  de  lui  dédier  cette 
histoire  :  il  en  accepta  la  dédicace  ;  sa  mort  qui  survint  pfu  après  en 
.  empocha  l'exécution.  »  I^  tome  139  conliont,  toujours  de  la  main  de 
La  Ravallière,  des  extraits  dos  cartulaires  de  Monliéramey,  Pontigny, 
Langres,  etc.,  et  dos  tables com])lètes  des Feoda  Campante,  du  cartu- 
laire  de  Champagne  et  de  celui  dit  de  la  Bibliothèque  du  roi.  Il  serait 
digne  de  l'Académie  de  l'Aube  de  choisir  dans  ces  papiers  ce  qui  paraî- 
trait mériter  d'en  élre  extrait.  L'histoire  du  comté  serait  certainement 
digne  d'être  publiée. 

La  Ravallière  n'eut  qu'une  filli\  Anne-Eslhor,  en  faveur  do  la  no- 
blesse de  laquelle  il  obtint,  du  bailliage  do  Troyes,  une  sentence 
recognilive du  20  juillet  1759.  — Armos:  d'azur  au  lion  d'or,  armé  et 
accompagné  de  gueules,  tenant  de  la  patte  dextre  une  épée  d'argent 
surmontée  d'une  étoile  d'argent,  avec  une   rose  d'or,  au  dessous  du 

pommeau,  en  pointe. 

* 

U.SE    I.UTTnE    DE    M.     LÛVÉQrE   DE    I.S.    nAVALlÈRE  '  : 

A  M.  Lancoloi,  à  Nancy. 
Puisque  vous  emploiez.    Monsieur,   quatorze  heures  de  la  journée  à 

1.   Bibliothèque  nationale,  Coll.  de  Champagne,  vol.  142. 


CHRONIQUE  73 

travailler,  il  n'est  pas  surprenant  qu'il  ne  vous  reste  point  de  temps 
pour  écrire  des  lettres.  Je  me  plaindrois  bien  volontiers  de  votre 
silence,  ce  seroit  un  soulagement  pour  moi,  mais  je  suis  forcé  de  me 
taire  en  un  si  beau  sujet  de  parler. 

Si  vous  étiez  encore  touché  de  ce  qui  se  passe  ici.  je  vous  conterais 
quelque  chose  des  aventures  qui  font  du  bruit  dans  le  public.  La  plus 
curieuse  regarde  M.  l'abbé  de  Seignelay.  Vous  savez  qu'il  a  vendu  au 
Roy  ses  manuscrits.  On  apprit  par  hazard  à  la  Bibliothèque  qu'il  en 
avoit  encore  quelques  uns  dont  il  cherchoit  à  se  défaire.  Il  étoit  en 
marché  à  raison  de  7  à  8000  livres  avec  M.  Maigret,  lequel  apporte  à 
M.  l'abbé  Sévère  le  catalogue  à  examiner,  le  priant  d'y  mettre  le  prix. 
M.  l'abbé  Salier  vit  ces  catalogues  et  reconnut  que  c'étoit  une  suite 
des  manuscrits  que  le  Roy  avoit  acheté  auparavant.  M.  le  cardinal  en 
a  été  instruit  et  aussitôt  il  a  envoyé  à  Liniere  où  étoit  M.  de  Seignelay 
une  personne  chargée  des  ordres  du  Roy  pour  revendiquer  ces  manus- 
crits et  les  apporter  à  la  Bibliothèque.  M.  de  Seignelay  étoit  absent  de 
chez  lui,  ce  qui  n'a  pas  empêché  de  mettre  les  ordres  du  Roy  à  exé- 
cution. Les  manuscrits  ont  été  amenés  dans  trois  caisses  à  la  biblio- 
thèque du  Roy.  Le  public  n'a  point  manqué  de  prendre  parti  dans 
celte  affaire.  M.  Tabbé  de  Seignelay  et  ses  partisans  disent  qu'il 
n'avoit  vendu  au  roy  qu'une  partie  et  non  la  totalité  des  manuscrits, 
suivant  le  catalogue  qu'il  a  fait.  A  quoy  MM.  di  la  Bibliothèque 
répondent,  et  ont  pièces  en  mains  pour  le  prouver,  que  M.  de  Seignelay 
vendit,  dans  le  temps,  la  totalité  sans  aucune  réserve.  Il  y  a  toujours 
l'argument  du  catalogue  auquel  le  public  s'arrête.  L'affaire  tombera 
comme  les  autres  et  lus  manuscrits  demeureront  au  Roy,  sans  qu'on 
puisse  lui  imputer  de  rien  enlever  à  M.  de  Seignelay. 

M.  de  Sens  et  M.  de  Troyes  écrivent  d'estoc  et  de  taille,  l'un  contre 
l'autre  pour  l'affaire  du  Missel  troyen.  Le  roy  cependant,  par  un  arrêt 
du  11  juin,  s'étoit  réservé  la  connaissance  de  cette  affaire.  M.  de 
Troyes  a  donné  depuis  un  mandement  contre  celui  du  métropolitain. 
La  querelle  n'en  demeurera  pas  là  a|)paremment.  Ecrivez,  messei- 
gneurs,  ce  sont  autant  de  documents  pour  moy, 

Le  procès  de  M.  de  Richelieu  fut  plaidé  avant-hier  ;  il  y  aura  encore 
trois  ou  quatre  séances  avant  la  lin  des  plaMoieries.  Si  M.  de  Riche- 
lieu étoit  jugé  par  ie  public,  il  no  gagneroit  ])as  son  procès.  On  a 
répandu  contre  lui  un  mémoire  anonyuie  qui  peut  servir  de  suite  à 
ceux  que  l'abbé  de  Morgues  écrivoit  contre  le  cardinal,  dans  lequel 
l'écrivain  a  affecté  un  contraste  sensible  du  désintéressement  de  M.  le 
cardinal  de  Fleury  contre  l'avidité  démesurée  du  duc  de  Richelieu. 

Suivant  la  résolution  prise  contre  les  romans,  il  n'en  paraît  plus 
aucun.  Mlle  de  Lunan  avoit  présenté  au  sceau  la  suite  de  ses  anecdotes 
de  Philippe  Auguste,  et  l'abbé  Prévost  celle  du  doyen  de  Kilcrine,  l'un 
et  l'autre  ont  été  rejettes.  J'ai  entendu  les  plaintes  amères  de  l'aimable 
de  Luçan.  Dieux  qui  les  avez  entendues  aussi,  aurez-vous  toujours  un 
cœur  de  bronze  ? 


74  CHRONIQUE 

Los  curieux  de  beaux  meubles  ont  de  quoy  se  satisfaire  à  l'inven- 
taire de  M.  le  duc  d'Antin,  Petit  Bourg  sera  absolument  déserté,  puis- 
qu'on en  vend  les  ameublements. 

En  vérité.  Monsieur,  je  sens  que  voilà  du  bien  petit,  auquel  je 
m'arrache  pour  avoir  le  plaisir  de  causer  avec  vous.  Il  faut  cej)endant 
avant  de  vous  quitter  que  je  vous  arrête  encore  par  la  manche  un 
instant,  et  que  je  vous  représente  qu'un  travail  aussi  assidu  et  aussi 
excessif  que  le  vostre  peut  intéresser  les  lorces  du  corps.  Il  vaut 
mieux  travailler  quelques  heures  de  moins  par  jour  (10  heures  ne  suf- 
firoient-elles  pas  ?)  pour  estrc  en  état  de  servir  le  roy  et  le  public  un 
plus  grand  nombre  d'années.  Paroles  perdues,  j'ai  tout  dit,  vous  n'en 
irez  pas  moins  votre  train.  L'amour  de  l'étude  est  une  passion,  je  vous 
l'ai  dit  plus  d'une  fois,  qui  attire,  qui  emporte  le  cœur  sans  mesure, 
comme  le  fait  tout  autre  objet,  «  auriculum  apponis  sic  te  servabit 
Apollo.  1) 

Je  suis,  etc. 

Le\es(}ue  de  la  Ravalliére. 

* 

*    * 

Au  moment  où  les  écoles  congréganistes  de  Reims,  tenues  par  les 
religieuses,  viennent  d'être  laïcisées,  nous  croyons  intéressant  de 
publier  la  note  suivante  : 

En  1677,  M.  Rolland,  chanoine  théologal  du  Chapitre  de  Reims, 
réunit  quelques  jeunes  filles  pieuses  dans  le  but  de  les  consacrer  à 
l'éducation  des  enfants  abandonnés.  Il  les  installa  dans  la  maison  que 
les  Sœurs  occupent  encore  aujourd'liui,  rue  du  Barbùtre. 

Trente  orphelins  pauvres  furent  confiés  à  leurs  soins  ;  de  là  le  nom 
de  maison  des  orphelins. 

Bientôt,  sous  rins])iration  du  Vénérable  de  La  Salle,  le  fondateur 
de  l'Institut  des  Frères,  les  Sœurs  se  livrèrent  à  l'instruction  des  en- 
fants du  peuple,  après  avoir  rendu  les  orphelins  à  riIôpital-Général. 

Elles  ouvrirent  quatre  écoles  de  filles  dans  les  différents  quartiers 
de  Reims  et  plusieurs  autres  dans  les  villages  voisins. 

En  1G79,  la  congrégation  fut  autorisée  par  des  lettres  patentes  de 
Louis  XIV. 

Les  Sœurs  continuèrent  sans  interruption  à  remplir  leur  noble  mis- 
sion, jusqu'en  1792.  A  celte  époque,  comme  les  autres  communautés 
religieuses,  la  Congrégation  de  l'Enfant-Jésus,  malgré  les  services 
qu'elle  avait  rendus  pendant  près  d'un  siècle,  fut  supprimée  et  ses 
biens  confisqués  furent  attribués  au  domaine  national. 

Les  Religieuses  se  dispersèrent;  cependant,  quelques-unes  d'entre- 
ellca  ayant  renoncé  à  porter  le  costume  di;  leur  ordri-,  continuèrent  à 
tenir  leurs  classes  dans  la  ville.  Celles-ci  furent  rejointes  par  leurs 
compagnes;  aussitôt  que  le  calme  fut  un  peu  plus  rétabli  en  France, 
elles  repriroHt  toutes  ensemble  huirs  travaux  d'ensignement. 


CHRONIQUE  75 

Le  Conseil  de  la  commune  leur  vint  hienlnt  en  aide,  et,  par  difTé- 
rontos  délibérations,  dont  une  du  Î9  pluviôse  an  YIII  et  une  autre  du 
8  mai  180G,  il  sollicita  du  Gouvernement  le  rétablissement  de  la 
communauté. 

Par  la  dernière,  il  demandait  formellement  que  l'établissement 
affecté  autrefois  au  logement  des  Sœurs  et  à  l'éducation  des  jeunes 
fd les  fût  rendu  à  sa  première  desiination. 

Au  mois  de  juin  1808,  le  Bureau  de  bienfaisance,  qui  était  devenu 
propriétaire  de  la  maison  des  Orphelins,  fut  autorisé  par  le  Préfet  do 
la  Marne  à  la  mettre  à  la  disposition  des  Sœurs.  Enfin,  le  7juin  1851, 
le  Bureau  de  bienfaisance  vendit  à  la  Ville  900  mètres  du  terrain 
faisant  partie  de  l'ancienne  jiropriété  de  la  Congrégation,  p(jur  y 
établir  une  école  communale. 

*     * 

Il  fut  créé  à  Reims,  en  1741,  une  commission  dite  Chambre  Ardente, 
pour  la  répression  des  contrebandiers.  Ses  jugements  étaient  sans 
appel.  Son  fonctionnement  souleva  une  vive  irritation  et  de  plus  elle 
était  très  mal  vue  de  la  Cour  des  Aides  sur  laquelle  elle  empiétait  sin- 
gulièrement. En  1758,  on  commença  à  s'occuper  de  sa  suppression  : 
des  mémoires  furent  rédigés  pour  et  contre.  M.  Calleau,  commissaire 
à  Reims,  la  défendit  naturellement  avec  vivacité,  dans  un  travail 
envoyé  le  12  juillet  1759  au  contrôleur  général,  mais  ce  dernier  ne  se 
laissa  pas  convaincre  et  il  ajouta  en  marge  qu'il  y  avait  lieu  de  la  sup- 
primer à  cause  de  sa  non  utilité  et  de  sa  forme  de  procéder.  Ce  qui 
eut  lieu,  (Bibl.  Nat  ,  coll.  Moreau,  n"  40.) 

3k.       * 

Prix  J.  BAROxrE.  —  Par  son  testament  en  date  du  25  mais  1875, 
M.  François-Jules  Barotte.  décédé  à  Brachay  (Haute-Marne),  le  1er 
mars  1878,  a  légué  à  la  Société  historique  et  archéologique  de 
Langres  une  somme  de  cinq  mille  francs,  dont  les  revenus,  capitalisés 
d'années  en  années,  doivent  servir,  lorsqu'ils  auront  atteint  la  somme 
de  mille  francs,  à  décerner  un  pri.x.  de  cette  somme  à  l'auteur  du 
meilleur  travail  historique  ou  archéologique  sur  le  département  de  la 
Haute-Marne,  qui  aura  été  publié,  ou  se  sera  produit  pendant  ce  laps 
de  temps. 

La  Société,  étant  pour  la  première  fois  en  possession  de  celte  somme 
de  mille  francs,  ouvre  le  concours  ainsi  institué  par  M.  Barolte. 

En  conséquence,  les  auteurs  de  travau.x  historiques  ou  archéologi- 
ques sur  le  département,  qui  désireront  y  jirendre  part,  sont  invités  à 
faire  parvenir  leurs  ouvrages,  édités  depuis  la  mort  du  fondateur,  ou 
leurs  manuscrits,  non  encore  publiés,  francs  de  port,  à  M.  le  secré- 
taire de  la  Société  avant  le  l""  janvier  1884. 

Les  ouvrages  publiés  aux  frais  ou  avec  lu  pai  ticipation  de  la  Société 
ne  pourront  prendre  part  au  concours. 


76  CHRONIQUE 

Les  exemplaires  imprimés  ou  manuscrits  des  ouvrages  présentés  au 
concours  resteront  déposés  aux  archives  do  la  Société,  qui  statuera  sur 
le  résultat  du  concours  dans  les  trois  mois  qui  suivront. 

La  Société  est  autorisée  à  délivrer  lo  prix  intégralement,  ou  par 
parties,  suivant  le  mérite  des  travaux  j)résentés. 

Langres,  4  juin  1883. 

Le  Secréfaire,  Ilonry  RnocARD. 

*     * 

BouRCQ,  village  des  Ardennes,  possède  une  église  dul  xme  siècle 
dont  le  chœur  l'ut  refait  au  xviio  et  porte  la  date  de  lG90  :  quatre 
fenêtres  en  plein  cintre  éclairent  le  chœur  ;  le  clocher  est  une  tour 
carrée  au-dessus  du  porche  d'entrée.  On  y  trouve  ces  inscriptions  : 

Chapelle  de  la  Vierge  :  «  Cy  pose  un  noble  home  mesir  Pier  Simô 
pbre  en  son  vivat  dem.  Bourque  le  quelle  a  fondé  II  messes  el  II 
vigiles  à  dires  chacun  an  perpétuellement  desquelles  lune  se  dira  au 
quatres  temps  de  Noël  et  l'autre  se  dira  au  quattre  temps  de  caresme 
et  pour  ce  a  charge  III  quartes  de  prez  seàt  sur  le  ban  de  Savigny 
royes  pion  Chossô  et  les  eritios  PoUetes  Pychoto,  et  la  part  d'une 
maison  asise  audit  Bourcq  portant  contre  Pion  Symon  lequelle  tres- 
passa  le  XVII  d'ault  mil  VcXXXl.  Priez  Dieu  pour  son  âme  et  pour 
tous  les  trespasses, 

0  L'autre  porte  cette  inscription  :  M,  Paul  Deherq  curé  de  Bourcq 
ma  fait  faire,  1690. 

Près  de  là  est  Mars  qui  possédait  le  château  fort  de  Monplaisir, 
avec  chapelle,  détruit  en  1751.  Eglise  du  xiii"  siècle  à  nef  unique  : 
cl^œur  voûté  avec  chapiteaux  à  grappes  de  raisin,  fenêtres  ogivales, 
contrefort.  Frajmars  d'un  vitrail  de  Saint-Laurent  (xvi'^  siècle;. 


Varia.  —  Nous  devons  à  M.  Armand  Bourgeois,  quelques  rensei- 
gnements intéressants.  Dans  le  tome  de  l'année  1768,  du  Journal 
politique  publié  à  Bouillon,  il  a  relevé  ces  trois  mentions  ; 

Marie-Françuiso  Pajiparel  de  Vilry,  épouse  du  vicomte  de  Saint- 
Vallier,  mestre-de-camp  de  cavalerie,  est  morte  de  la  petite  vérole,  le 
20  avril,  dans  son  château  de  Vauchams  en  Brie,  âgée  de  33  ans. 

Dans  lo  même  journal  : 

T-a  princesse  de  Beauiïremont-Listenois,  lillo  du  prince  de  BeaulTre- 
mont,  dame  de  la  Croix-Etoilée,  a  été  reçue  dernièrement,  avec  la 
permission  du  Uoi,  Grand'Groix  de  l'ordre  de  Malle  par  le  bailly  de 
Fleury,  ambassadeur  de  la  Religion  auprès  de  S.  M.  Cette  dame  héri^ 
tera,  ainsi  que  sa  postérité,  du  droit  de  nommer  à  la  commanderie  de 
Saint-Jean  Diacelto,  en  Toscane,  droit  qui  a  été  transmis  à  la  prin- 
cesse de  Beaufl'remont,  sa  mère,  comme  descendante  de  la  brancha 
des  ducs  d'Atry,  qu'elle  représente  ;  celte  branche,  établie  en  France, 


CHRONIQUE  77 

et  éteinte  dans  le  siècle  dernier,  a  été  fondue  dans  les  maisons  d'An- 
glure,  de  Bouiiemont,  du  Bellay,  de  Gramont  et  de  Ténarre,  lesquelles 
ont  constamment  nommé  à  la  cûmnianderie  de  Saint-Jean  Uiacetto. 

Dans  le  même  journal  ; 

Le  sieur  Sabathier,  professeur  au  collège  de  Cliàions-sur-Marne, 
eut  l'honneur  de  présenter,  le  8  août,  au  Roi,  à  Gompiègne,  le 
4'^  volume  de  son  Dictionnaire  pour  l'intelligence  des  auteurs  clas- 
siques, grecs  et  latins. 

Puis,  au  sujet  de  Perrot  d'Ablancourt  et  des  intrigues  amères  diri- 
gées contre  lui  à  propos  de  l'inlidélité  de  ses  traductions,  par  M.  Ame- 
lot  de  la  Iloussaye,  dans  son  livre  la  Morale  de  Tacite  (in-r2.  Ams- 
terdam, tome  m,  de  la  Bib.  univ.  et  liist,  l'année  1(386),  M.  Bourgeois 
signale  un  livre  peu  connu  aujourd  hui  :  M.  Perrot  d'Ablancouit 
vengé  ou  Amelot  de  la  Houssaye  convaincu  de  ne  plus  parler  fran- 
çais et  d'expliquer  mal  le  latin  (in- [2.  Amsterdam,  Wolfgang,  1G8G). 
On  y  relève  ce  passage  piquant  :  «  au  lieu  que  M.  d'Ablancourt  sacri- 
fiait le  mot  au  sens,  M.  de  la  Houssaye,  pour  ne  pas  mettre  ses  traduc- 
tions à  fond  perdu  sacrifie  le  sens  aux  mots.  »  Nous  reviendrons  un 
jour  sur  ce  livre. 

* 
*     * 

Le  salon  de  Paius  de   1883.  —   Liïs  autistes  de  notre  riîgion, 
(Siiile  et  fin) 

Les  SeuLi'TEURS 

Uri  de  nos  concitoyens,  M.  Charles  Dagohof,  expose  dans  celte  sec- 
tion un  buste  d'homme,  d'une  grande  vigueur  de  touche  et  qui,  je 
pense,  doit  être  d'une  ressemblance  réussie. 

Un  artiste  de  Reims,  M.  Mulotita  de  Mérat,  a  envoyé  également 
deux  bustes,  l'un  en  terre  cuite,  l'autre,  celui  de  Beethoven,  le  grand 
symphoniste,  auquel  l'artiste  a  donné  un  cachet  au  moins  étronge. 
Son  Beethoven  fait  une  moue  pleine  de  dédain  et  de  mépris.  A  qui  en. 
veut-il?  .\u  public?  A  la  vie?  A  sa  musique?  A  part  cola,  l'œuvre  ne 
manque  pas  de  talent,  mais  le  type  pouvait  être  pris  autrement.  À  si- 
gnaler encore  un  buste  d'homme,  par  Léon  Ghavaillaud,  de  Reims 
également. 

M.  J.-B.  Germain,  de  Fismes,  expose  un  groupe,  la  Fée  semant 
des  roses  sur  un  nouveau -né  endormi  dans  un  berceau.  L'cllet  en  est 
gracieux,  il  le  serait  davantage  si  le  dessin  était  mieux  observé,  entre 
autres  celui  de  la  jambe  gauche  dont  le  galbe  affecte  une  forme  dé- 
pourvue de  souplesse  et  de  charme.  M.  Gustave  Germain,  également 
de  Fismes,  a  fait  un  bon  buste,  portrait  d'homme,  très  vivant  et  d'un 
réel  cachet  familial. 

Les  bustes  abondent,  du  reste.  M.  André  Xassoulle,  d'L'pernay,  a 
fait  celui  d'un  monsieur  qui  ne  doit  pas  ouvrir  sa  bouche  mal  à  pro- 
pos, car  il  la  tient  fermée  avec  une  assurance  voisine  de  l'obslination, 
et  celui  d'un  petit  garçon t  intelligemment  modelé  et  très  expressif.  Kt 
enfin  M.  P.  Puteaux,  de  Sermiers,   en  a  deux  également   dont   l'un, 


/8  CHRONIQUE 

repri-soiiUint  lus  tr.uts  d'Elioiino  M.ircel,  prcvùl  des  marchands,  de- 
venu siil)itenif'nt  à  la  modo  depuis  deux  ans,  gagnerait  à  être  traité 
moins  froidement. 

Parmi  les  sculpteurs  de  la  llaute-Marnc,  je  citerai  :  M.  A.  Péchiné, 
de  Langres,  avec  un  Pointer  en  arrêt  do  belle  posture  et  d'un  ex- 
cellent efFet,  et  avec  un  médaillon,  portrait  d'un  abbé,  qui  me  paraît 
bien  réussi  ;  le  médaillon  en  bronze  do  M.  Edmond  Ménestricr,  égale- 
m'mt  de  Langres,  et  ceux  de  M.  Christophe  Rougeron,  de  Récourt, 
deux  prolils  de  jeunes  filles,  dessinés  avec  grâce  et  talent. 

Pour  le  département  de  la  Meuse,  je  trouve  M.  Léon  Bohn,  de  Bar- 
le-Duc,  avec  un  type  caraclérisque,  le  Marabout,  buste  en  terre 
cuite  d'un  très  sérieux  travail.  Le  serviteur  d'Allah  a  la  bouche  grande 
ouverte,  il  appelle  sans  doute  ses  coreligionnaires  à.  la  prière.  Le 
morceau  est  bon  et  fait  de  l'effet.  M.  Gabriel  Sthème,  de  Verdun,  a 
fait  le  buste  de  notre  confrère  Paul  Foucher,  du  Natiotial,  et  M.  D. 
Fosse,  de  Nanlilloi?,  celui  d"un  monsieur  dont  il  a  essayé  de  tirer  tout 
le  parti  possible.  Enfin  M.  Prosper  Lecourtier,  de  Gremilly,  expose 
une  Chienne  en  bronze  préposée  ta  la  garde  d'un  éventail  et  d'un 
bracelet,  travail  très  bien  venu  et  apprécié  par  les  connaisseurs. 

Ceux  de  l'Aube  ne  sont  pis  moins  goûtés.  Je  mentionnerai  d'abord 
un  groupe  considérable,  V Amour  filial,  par  Alfred  Boucher,  de  No- 
gent -sur  Seine  :  c'est  une  femme  qui  apporte  le  lait  de  son  sein  à  son 
vieux  père  mourant  de  faim  dans  une  prison,  légende  déjà  bien  res- 
sassée; mais  l'artiste  a  su  la  rendre  intéressante  encore  par  la  pose 
de  ses  personnages  et  la  valeur  réelle  de  l'ensemble  ;  ce  groupe  est 
acquis  par  le  ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts. 

M.  Baquet,  de  Villcnauxe,  expose  un  buste  colossal  de  Danton, 
dont  les  enfants  se  sauvent,  mais  que  les  grandes  personnes  remar- 
quent pour  sa  touche  énergique  et  la  rudesse  voulue  du  dessin  et  du 
modelé. 

M.  Désiré  Briden,  de  La  Chapelle-Saint-Luc,  a  fait  une  statue  du 
baron  Taijlor,  à  demi  couché  sur  son  fauteuil,  et  examinant  attenti- 
vement la  statuette  de  la  Muse  de  l'Histoire.  C'est  d'un  bel  effet  et 
d'une  grande  harmonie  de  lignes;  —  Mlle  Mathilde  Thomas,  de 
Troyes,  a  deux  envois,  une  statue.  En  vedette,  représentant  un  ca- 
valier fouillant  l'horizon,  la  main  devant  les  yeux,  très  habilement 
travaillée,  et  le  buste  de  Labiche,  le  spirituel  vaudevilliste,  qui  méri- 
tait d'être  pétri  avec  moins  de  lourdeur. 

Mlle  Clarisse  Puteaux,  de  Nogent-sur-Seine,  a  fait  et  réussi  le 
profil  en  médaillon  de  notre  confrère  Henri  de  Lapommeraye,  et  M. 
Eugène  Lapayre,  de  Boulages,  a  un  saint  Labre  qu'on  peut  mention- 
ner honorablement. 

Enfin,  c'est  au  Salon  de  cette  année  que  M.  Suchetet  expose  le 
marbre  de  sa  Biblis,  qui,  vous  le  savez,  obtint  le  prix  du  Salon,  il  y 
a  deux  ans.  Je  l'aimais  mieux  en  plâtre,  le  marbre  donnant  à  cette 
œuvre  si  soui)le  et  si  gracieuse  quelque  chose  de  froid  et  de  sévère 
qui  en  altère  l'effet. 


CHRONIQUE  79 

Les  Dessinateurs 

Voire  concitoyen,  M.  PierroAmciléo  Varin,  expose  dans  ceUe  sec- 
tion un  dessin  réussi  du  Don  Pasteur,  d'après  M.  Palton,  mais  c'est 
à  la  gravure  qu'il  a  son  envoi  le  plus  important.  Nous  le  rencontrons 
donc  plus  loin. 

Trois  dessinateurs  de  Reims  sont  à  signaler  :  M.  Frédéric  Seillière, 
avec  une  aquarelle,  une  Ruse  de  modèle^  c'est-à-dire  une  femme  qui, 
un  instant  seule  à  l'atelier,  en  profite  pour  avancer  l'heure  à  la  pen- 
dule !  Sujet  banal,  mais  assez  bien  travaillé,  représentant  un  fouillis 
d'accessoires  d'un  heureux  elîet. 

M.  J.-L.  Laurain,  avec  un  Souvenir  du  bal  de  l'Opéra,  soit  quel- 
ques habits  noirs  et  quelques  dominos  s'abîmant  tous  ensemble  dans 
un  empâtement  noir  de  l'effet  le  plus  négatif,  et  Edmond  JDaux,  que 
je  préfère   infiniment  comme  peintre. 

Pour  le  département  de  la  liaule-Marne,  il  y  a  M.  Alphonse  Morlot, 
déjà  cité  à  la  peinture,  avec  une  aquarelle,  une  Cour  à  Mcudon, 
d'une  rare  vigueur  de  coloris,  et  très  juste  d'observation  et  de  relief, 
et  Mlle  Estelle  Monnet,  do  St-Dizier,  avec  une  vue  du  Clos-Mortier, 
site  local  que  l'artiste  a  dessiné  au  fusain  avec  un  talent  auquel  je 
m'empresse  de  rendre  hommage. 

Deux  dessinateurs  également  pour  la  Meuse,  M.  L.  Maréchal,  de 
I3ar-le-Djc,  avec  un  pastel,  les  Moines  défricheurs  -.  un  père  supé- 
rieur prononce  devant  des  novices  l'oraison  dominicale,  pour  consa- 
crer leur  travail,  pastel  de  grand  format,  remarquable  de  dessin  et  de 
coloris,  et  M.  A..  Lalire,  de  Rouvres,  avec  la  Première  Lettre,  lue 
par  une  jeune  fille  sur  la  terrasse  d'un  jardin,  assez  bien  composé, 
mais  d'effet  un  peu  terne. 

Les  Graveurs. 

Les  envois  de  MM.  Eugène,  Pierre-Adolphe  e'  Pierre-Amédée  Va- 
rin sont  très  remarqués  dans  cette  section.  Le  premier  a  gravé  VOrage 
d'après  Coq  et  a  su  rendre  toute  la  délicatesse  maniérée  de  ce  tableau 
de  boite  à  bonbons.  Le  second  a  deux  portraits  au  burin  d'un  fin  ca- 
chet artistique  et  le  troisième  expose  la  gravure  du  beau  tableau, 
Patrie  !  de  Georges  Bertrand,  qu'il  a  détaillé  et  mis  en  relief  avec  un 
goût  et  une  vigueur  dont  l'artiste  peintre  a  lieu  d'être  satisfait. 

Dans  cette  section,  nous  retrouvons  M.  Armand  Beauvais  avec  la 
gravure  des  Noyers  des  Augis,  que  j'ai  citée  plus  haut  à  la  peinture, 
—  M.  Lance'ot,  de  Sézanne,  avec  le  château  d'Anet  en  1870,  très 
intéressant  motif,  Mlle  Marcelle  Lancelot,  avec  une  bonne  élude 
d'après  Janson  et  M.  Germain,  de  Fismes,  avec  un  cadre  de  six  gra- 
vures bien  choisies,  mais  un  peu  froides  d'aspect. 

Les  AugiiitecTes. 
Votre  département  est   très  bien  représenté  à  la  section  d'archilec- 


80  CHRONIQUE 

ture  qui,  cette  année,  est  très  fournie  et  remarquable  sous  tous  les 
rajjports. 

Je  citerai  l'envoi  de  M.  Henri  Chalmandrier,  né  à  Châlons,  mais 
demeurant  à  Reims.  C'est  le  relevé  d'une  grille  du  XIII''  siècle,  qui 
appartient  à  la  calhodrale  de  cette  dernière  ville.  Le  travail  est  fin, 
admirablement  détaillé,  et  il  rend  le  chef-d'œuvre  du  passé  avec  une 
précision  irréprochable. 

M.  Eugène  Rouyer,  de  la  Neuville-au  Pont,  expose,  à  côté  de  plu- 
sieurs concurrents,  un  jjrojet  do  Hcconstntction  de  la  Sorhonne. 
C'est  d'un  grand  effet,  dans  !e  genre  des  superbes  palais  de  la  Re- 
naissance, avec  cour  et  péristyle  monumental.  On  le  remarque  beau- 
coup. 

M.  Albert  Tissandier,  d'Anglure,  a  pris  le  Portail  de  la  façade  sud 
de  Notre-Dame  de  Paris,  tombant  dans  l'axe  de  la  rue  Pavée,  et  rien 
de  plus  pittoresquement  curieux  que  cette  échappée  d'art  ancien  dans 
le  cadre  de  nos  constructions  mod-îrnes. 

Enfin  M.  Lucien  Etienne  a  dessiné  en  couleur  le  Pavillon  des  Forêts 
à  l'Exposition  universelle  de  1878,  ce  joli  chef-d'œuvre  en  bois  ouvré 
que  vous  avez  admiré  comme  moi  et  que  M.  Etienne  a  rendu  avec  un 
goût  exquis  et  une  pleine  réussite.  »  A.  G. 

{Journal  de  la  Marne). 


Nous  avons  à  ajouter  aux  peintres  champenois  qui  ont  pris  part  aU 
Salon  de  1883  que  nous  avons  publié  dans  notre  livraison  de  juin  : 

M.  Léon  Lhermitte  de  Mont-Saint-Père  qui,  après  avoir  exposé 
l'année  dijrnière  une  toile  magistrale,  placée  depuis  par  l'Etat  au 
Musée  national  du  Luxembourg  (la  Paie  des  Moissonneurs),  expose 
cette  année  un  autre  tableau  également  remarqualjle  (Scène  des  Mois- 
sonneurs) et  une  étude  extrêmement  vigoureuse  d'une  paysanne  filant 
au  rouet  le  chanvre  de  sa  récolte. 

M.  Henri  Pille  d'Essomes  dont  l'éloge  n'est  plus  à  faire  ;  et  M.  Fré- 
déric Henriet,  de  Château-Thierry. 


Le  Secrétaire  Gérant, 

LÉON  Fkémo.nt 


CINQUANTE    ANS    DE    SOUVENIRS 


D  UN 


ANCIEN  PRÉFET' 


I 

Enfance.  —  Révolution.    —  Jeunesse,  —  Mon    séjour  à  Mayence. 

Eu  Vcappelant  les  souvenirs  de  mou  enfauce,  je  sais  que,  mê- 
me pour  ma  famille,  ils  ne  peuvent  avoir  qu'un  intérêt  médio- 
cre. Ils  sont  nécessaires  cependant  parce  que  plusieurs  faits 
caractérisent  l'époque  de  la  Terreur.  Tout  ce  que  je  vais  écrire, 
d'ailleurs,  je  l'ai  vu  ou  entendu.  Mais  avant  de  commencer,  et 
sans  m'attarder  à  une  plus  longue  préface,  je  crois  devoir  dire 
quelques  mois  de  ma  famille. 

Nos  papiers  en  établissent  l'existence,  à  Langres,  dès  le 
milieu  du  xiv°  siècle.  Mon  bisaïeul ,  Claude ,  épousa  en 
1713  sa  cousine  Agnès  Le  Gros,  de  Bourboune,  dont  l'une 
des  sœurs  se  maria  avec  M.  Pavée  de  Provenclières  qui  occu- 
pait une  position  élevée  dans  l'administration  de  la  guerre 
et  jouissait  d'une  fortune  très  considérable.  Cette  situation  lui 
permit  de  faire  entrer  dans  la  même  carrière  ses  deux  neveux 
et,  grâce  à  lui,  de  bonne  heure,  mon  grand  oncle,  Jean-Baptiste, 
et  mon  grand'père,  Claude,  furent  investis  des  fonctions  de  di- 
recteur des  services  militaires,  l'un  à  Landau,  l'autre  à  Belfort, 
où  mon  père  est  né  en  1768  et  moi  le  8  mars  1787.  M.  Pavée, 
dont  une  rue  de  Paris  porte  le  nom,  était  un  homme  d'affaires 
d'intelligence  et  d'esprit  :  il  était,  de  plus,  parent  dévoué.  Son 


1 .  11  nous  a  paru  intéressant  de  recueillir  les  souvenirs  d'un  de  nos  com- 
pntrioles  qui  a  exercé  de  hautes  fonctious  administratives  et  dont  la  carrière, 
commencée  en  1806,  au  cabinet  du  Préfet  d'Aix-la-Chapelle,  s'est  prolongée 
jusqu'en  1848.  On  y  trouvera  des  détails  piquants  sur  les  hommes  cl  sur 
les  événements  pendant  celte  longue  période.  Au  point  de  vue  de  l'étude 
des  mcjours  adminislrutives  d'une  époque  encore  si  voisine  de  nous,  et  cepen- 
dant déjà  si  différente  de  celle  où  nous  vivons,  ces  souvenirs  auront  pour  le 
lecteur  un  intérêt  réel.  Chacun  au  moins  apprendra  à  connaître  plus  particu- 
lièrement le  caractère  droit  et  loyal  d'un  homme  dont  les  fils  sont  heureux 
de  constater  lo  souvcuir  respecté  partout  où  il  a  passé. 

0 


82  CINQUANIE   ANS    DE    SOUVENIRS 

petit-lils  Pavée  de  Veùdeuvres,  est  devenu  baron  sous  lEm- 
pire  et  ensuite  pair  de  France  après  avoir  été  longtemps  (Jéputé 
de  l'Aube. 

Mes  premières  années  furent  attlrisléespar  des  pertes  cruel- 
les :  ma  mère  enlevép  par  la  variole  au  mois  de  septembre  i7'Jl , 
et  dont  lïmage  est  toujours  demeurée  présente  à  mon  sou- 
venir, malgré  mon  jeune  âge  ;  elle  avait  vingt- six  ans  ;  elle 
était  petite,  un  peu  grasse,  mais  sa  figure  était  remarquable- 
ment jolie  et  son  teint  charmant.  Six  mois  après,  mon  grand- 
père  était  enlevé  presque  subitement;  c'était  le  tj^pe  de  l'hom- 
me de  bien,  pieux,  bienveillant,  intègre,  de  manières  parfai- 
tes ;  il  était  excessivement  aimé  et  estimé,  et  j'ai  pu  constater, 
dans  ces  dernières  années,  que  sa  mémoire  n'était  pas  perdue 
à  Belfort. 

En  1 792,  j'habitais  à  Langres,  chez  mon  grand-père  maternel, 
Claude-Hyacinthe  du  Boys,  avec  lequel  je  passais  chaque  an- 
née une  partie  de  l'aulomne.  Les  Prussiens  venaient  d'entrer 
en  Champagne  d'où  la  canonnade  de  Valmy  devait  promple- 
ment  les  repousser.  Et  les  Langrois  effrayés,  malgré  la  dislance, 
et  croyant  à  la  prochaine  irruption  des  ennemis,  eurent  f  idée 
originale,  pour  tout  préparatif  de  résistance,  de  faire  effacer  les 
numéros  des  maisons,  persuadés  que  les  Prussiens  seraient 
dans  un  extrême  embarras  pour  trouver  les  demeures  qui  se- 
raient indiquées  sur  leurs  billets  de  logement.  Ils  n'eurent  heu- 
reusement pas  à  faire  l'expérience  de  l'ingénieuse  idée  de  leurs 
fonctionnaires  municipaux. 

Peu  après,  mon  père  se  remaria  avec  M"*^  de  Michelet,  fille 
d'un  ancien  membre  du  Conseil  souverain  d'Alsace,  gendre  de 
M.  de  Noblal  ancien  subdélégué  de  la  province  et  pro- 
priétaire du  chtàteau  de  Senevans,  où  le  mariage  fut  célébré 
secrètement  dans  une  cave.  Au  retour  de  la  belle  saison,  mou 
père  alla  présenter  sa  jeune  femme  à  son  grand-père  ;  j'étais 
du  voyage.  Et  revenant  de  Coifïy  —  où  M.  du  Boys  passait  la 
saison  d'été  —  à  Bclforl,  nous  fûmes  arrêtés  à  Jussey  par  les 
municipaux  et  ce  fut  à  grand  peine  que  mon  père  obtint  de 
ces  zélés  républicùns  la  permission  de  continuer  sa  roule. 

L'attachement  de  ma  famille  à  la  religion  et  à  la  monarchie 
était  notoire;  aussi  tous  ses  membres  étaient-ils  tenus  pour  sus- 
pects. Au  mois  de  septembre  1793,  mon  père  et  mes  deux  oncles 
furent  arrêtés  :  ceux-ci  obtinrent  promptemcnl  leur  liberté,  ou 
du  moins  la  tolérance  d'aller  et  venir  :  mais  mon  père  fut  gardé 
à  vue  par  un  surveillant,  à  ses  frais  ;  il  ne  recouvra  la  hberté 
que    dix    mois  plus    tard ,    à    la   chute     de    Robespierre. 


d'un  ancien  préfet  83 

Toutes  les  démarches  faites  à  Paris  par  les  mieûs  furent  inuti- 
les, bien  qu"ou  s'adressât  à  une  personne  toute  puissante,  en 
ce  triste  temps,  et  qui  u'a  eu,  plus  tard,  que  mon  père  pour  la 
secourir. 

Je  me  rappelle  ces  alternatives  d'anxiété  et  d'espérance 
qui  agitaient  ma  famille,  suivant  la  nature  des  nouvelles  qui  ar- 
rivaient de  Paris  ;  les  exclamations  suggérées  par  la  lecture  du 
journal  qui  apportait  chaque  matin  la  liste  des  victimes  livrées 
au  bourreau  ont  laissé  une  impression  encore  plus  vive  dans 
ma  jeune  mémoire.  Les  craintes  trop  fondées  qu'inspiraient  à 
ma  famille  la  surveillance  à  laquelle  elle  était  soumise  et  la 
prolongation  de  la  détention  de  mon  père,  amenèrent,  bien 
malgré  eux,  mes  parents  à  quelc[ues  concessions  aux  folies  de 
l'époque.  Ainsije  lis  partie  du  cortège  d'enfants,  qui  marchaient 
devant  le  char  de  la  déesse  de  la  Raison  le  jour  de  la  proclama- 
lion  du  culte  de  l'Etre  suprême  :  nous  étions  vêtus  de  blanc, 
portant  suspendue  au  cou  une  corbeille  remplie  de  feuilles  de 
rose,  comme  pour  la  procession  de  la  Fête-Dieu,  et  nous  en 
lancions  de  temps  en  temps  des  poignées  à  la  déesse. 

Après  le  9  thermidor,  la  Convention  envoya  par  toute  la 
France  des  délégués  chargés  de  vider  les  prisons.  Le  représen- 
tant Foussedoire,  homme  relativement  modéré,  quoique  régi- 
cide, débarqua  à  Belfort  (1794),  et  mon  père  fui  promptement 
mandé  devant  lui.  Vers  1 1  heures  du  soir  on  me  réveilla  et 
ma  belle-mêre  m'expliqua  à  la  hâte  et  le  mieux  qu'elle  put 
les  diverses  pièces  composant  un  jeu  d'échecs  :  elle  me  recom- 
manda de  répondre,  quand  on  m'interrogerait,  que  j'avais  reçu 
récemment  un  jeu  d'échecs  que  m'aurait  envoyé  F'abbé  Gazez 
comme  Jouet.  Je  fus  conduit  dans  la  maison  où  le  représen- 
tant était  descendu  et  j'y  trouvai  mon  père,  entouré  des  prin- 
cipaux membres  de  la  société  populaire.  Foussedoire  était  de 
taille  ordinaire,  maigre  et  pâle.  La  large  écharpe  tricolore  qui 
entourait  son  chapeau  rond  lira  mon  atlnnliou.  Il  me  prit  sur 
ses  genoux  et  me  demanda  avec  douceur  si  un  jeu  d'échecs 
m'avait  été  donné  :  je  répondis  affirmativement,  en  indiquant 
tant  bien  que  mal  la  forme  îles  pièces  :  on  me  fit  sortir,  puis 
après  mon  père  vint  me  prendre  :  il  était  libre  et  rentra  dans 
sa  maison  en  me  portant  sur  ses  bras.  Voici  l'explication  de 
cet  incident  :  mon  père  était  lié  depuis  longtemps  avec  l'abbé 
Gazez,  jésuite,  sur  lequel  même  il  avait  des  vues  pour  mon 
éducation.  I^'abbé  ayant  refusé  de  prêter  le  sermeat  couslitu- 
tionjael,   avait  dû  quitter  la    France.  Retiré  à  BàJie,  il  avait 


84  CINQUANTE  ANS   DE   SOUVENIRS 

adressé  à  mon  père  une  leltre  lui  auuonçant  l'envoi  d'un  jeu 
d'échecs  pour  mon  amusement,  cl  faisait  allusion,  au  moyeu 
de  phrases  à  double  sens,  aux  opérations  militaires  sur  les 
Lords  du  Rhin.  Cette  lettre  tombée  entre  les  mains  des  Jaco- 
bins était  plus  que  suffisante  pour  motiver  l'arrestation  de  mou 
père  et  l'exposer  à  être  envoyé  à  Strasbourg  ou  à  Paris  d'où 
l'on  ne  revenait  pas.  Ce  simple  récit  ajoute,  ce  me  semble,  un 
trait  caractéristique  de  ce  triste  temps  à  tous  les  faits  histori- 
que que  nous  en  connaissons.  C'était  en  effet  une  idée  bien 
digne  de  celte  époque  que  celle  de  réveiller  pendant  la  nuit 
un  enfant  de  sept  ans  pour  l'appeler  en  témoignage  contre 
son  père.  Je  n'accuse  ici  que  le  temps,  nullement  Fous- 
sedoire  dont  les  intentions  étaient  favorables  à  mon  père. 

Foussedoire  avait  à  remplir  sa  mission  sur  un  théâtre  bien 
plus  important  que  la  petite  ville  de  Belfort  :  celait  à  Stras- 
bourg où  les  prisons  étaient  tellement  remplies,  que  sans  les 
exécutions  quotidiennes  auxquelles  présidait  l'impitoyable 
Schneider  depuis  longtemps,  il  n'y  aurait  plus  eu  de  place. 
Foussedoire,  auquel  mon  père  avait  plu,  apprenant  que  la 
famille  de  ma  belle-mère  habitait  alors  Strasbourg  et  y  occu- 
pait une  situation  considérable,  s'adjoignit  mon  père  comme 
secrétaire.  Singulier  hasard  !  celui  qui  la  veille  encore  était 
prisonnier  et  gravement  menacé,  devenait  le  lendemain  une 
puissance  par  la  confiance  qu'il  avait  inspirée  ;  il  concourait, 
quelques  jours  plus  tard,  à  ouvrir,  comme  il  se  plaisait  à  le 
dire,  les  portes  des  prisons  k  deux  battants,  en  faisant  metlre  tous 
les  détenus  en  liberté.  Peu  après,  Foussedoire,  reconnaissant, 
fil  nommer  mon  père  commissaiie-général  des  services  adminis- 
tratifs de  l'armée  du  PJiin  avec  rang  de  général  de  brigade  :  il 
remplit  ces  fonctions  pendant  deux  ans  et  il  eut  la  satisfaction 
de  remettre  partout  l'ordre,  singulièrement  compromis  avant 
lui,  et  d'assurer  le  ravitaillement  de  l'armée.  Le  17  janvier  1795 
il  écrivait  d'Al/ey  :  «  J'ai  enfin  réussi  à  faire  substituer  aux 
moyens  révoltants  des  réquisitions  ceux  des  achats.  L'armée 
allait  manquer  :  j'en  ai  prévenu  le  Comité  de  salut  public  qui 
s'est  empressé  d'envoyer  ici  Gox  avec  des  ])Ouvoirs  illimités 
pour  moi.  Je  lui  ai  soumis  mon  plan  et  aujourd'hui  j'ai  gagné 
ma  cause.  Cette  opération  m'est  d'autant  plus  agréable  que 
je  puis  me  flatter  d'avoir  sauvé  l'armée.  » 

Nous  nous  installâmes  ensuite  à  Dommartin,  près  de  Toul, 
dont  mou  père  avait  acheté  le  château.  Tous  les  ans  j'allai  à 
Coiffy-le-llaut,  chez  mon  grand-père  du  Boys,  homme  de  bien 


d'un  ancien  préfet  85 

et  d'esprit,  dont  J3  conserve  un  doux  souvenir  ;  sans  lui  je 
n'aurais  jamais  su^e  que  c'était  que  d'être  un  peu  gâté.  On 
l'appelait  «  le  beau  du  Boys  »,  et  ce  n'était  pas  sans  raison.  Je 
vois  encore  la  grimace  qu'il  faisait  quand  on  lui  rappelait  ce 
surnom,  alors  que  les  années  n'en  avaient  laissé  subsister  que 
le  souvenir. 

Coiffy  est  un  gros  bourg  situé  à  l'extrémité  du  plateau, 
long  et  assez  étroit,  d'une  côte  escarpée  qui  est  un  prolonge- 
ment des  montagnes  des  Vosges,  à  quelques  kilomètres  de 
Bourbonne-les-Bains.  La  position  est  très  pittoresque  :  un 
large  vallon  suit  au  nord  et  au  midi  le  pied  de  cette  espèce  de 
promontoire  et  le  sépare  des  hauteurs  en  partie^boisées  qui  se 
relèvent  au-delà,  tout  en  laissant  à  l'ouest  une  large  échappée 
qui  permet  de  distinguer  les  clochers  de  Langres.  Les  flancs  de 
la  côte  de  Coiffy  forment  un  vignoble  assez  estimé.  Les  habi- 
tants de  Langres  étaient  en  assez  grand  nombre  propriétaires 
dans  ce  bourg  et  y  possédaient  des  maisons  où  ils  venaient 
passer  la  belle  saison.  Dans  ce  village  les  familles  Besancenet, 
des  Barres,  MoreauduBreuil,de8aiut-Germain,  Legoux,  Bar- 
thélémy, Maignien,  du  Boys,  Chauchart,  Clergé,  Lacordaire 
constituaient  une  société  nombreuse  :  les  réunions  étaient  fré- 
quentes et  gaies  :  c'étaient  des  amis  qui  se  recevaient  simple- 
ment ;  tout  le  monde  s'y  traitait  de  cousin.  Cette  familiarité 
n'allait  pas  jusqu'au  sans-gène  :  elle  se  conciliait  avec  cette  po- 
litesse, cette  bonne  éducation  dont  j'ai  vu  les  derniers  repré- 
sentants. Il  y  a  encore  aujourd'hui  beaucoup  de  personnes 
bien  élevées  assurément,  mais  elles  le  sont  autrement  et  ne  me 
rappellent  en  rien  le  type  que  me  représente  mon  souvenir. 

Si  la  révolution  n'avait  pas  encore  détruit  les  bonnes  relations 
entre  les  familles  que  je  viens  de  citer,  les  divergences  d'opinion 
les  avaient  cependant  altérées.  Très  peu  des  habitants  de  Coiffy 
approuvaient  les  errements  de  la  Convention  et  du  Dn^ectoire, 
mais  beaucoup  se  faisaient  remarquer  alors  par  leur  prudence. 
Ils  n'imitaient  pas  mon  grand-père,  qui,  malgré  les  menaces 
de  la  loi,  ne  craignit  jamais  de  recevoir  et  même  de  garder 
chez  lui  les  prêtres  fugitifs  et  ne  dissimulait  pas  ses  opinions 
religieuses  et  politiques. 

Rien  de  plus  difficile  que  l'éducation  d'un  jeune  honuue, 
alors  qu'il  n'y  avait  pas  d'autre  établissements  d'instruction  que 
les  lycées  dont  les  professeurs,  généralement  dépourvus  d'ins- 
truction, étaient  d'une;inoralité  déplorable.  Mes  parents  résolu- 
rent de  me  conserver  auprès  d'eux, (;u  me  plaçantsous  la  direo- 


86  CINQUANTE  ANS   DE   SOUVENIRS 

tion  d'un  jeuue  prêtro,  nommé  Renard,  originaire  de  Damblain, 
dont  le  frère  acheta  à  Bourbonne  une  habitation  occupée  encore 
aujourd'hui  par  ses  descendants  :  l'un  d'eux  a  été  député  sous 
le  gouvernement  de  Juillet.  L'abbé  Renard  qui  avait  été  or- 
donné par  l'évoque  constitutionnel  de  la  Haute-Marne,  était 
rentré  dans  le  giron  de  l'église,  car  M.  du  Boys  n'aurait  jamais 
agréé  un  prêtre  «  jureur.  »  Il  avait  27  ans  :  sa  piété,  sa  mora- 
lité, ses  bonnes  intentions  étaient  incontestables,  mais  il  ne 
suffit  pas  d'être  un  homme  de  bien  pour  remphr  la  luission 
dont  il  s'était  chargé  ;  quand  il  me  quitta,  au  bout  de  cinq 
ans,  je  savais  un  peu  de  latin,  très  imparfaitement  l'orthogra- 
phe, passablement  l'arithmétique,  à  peine  l'algèbre,  mais  nul- 
lement les  mathématiques,  malgré  mes  efforts  personnels, 
puisque  mes  parents  songeaient  à  me  faire  entrer  à  l'École 
Polytechnique,  ni  l'histoire  :  quant  à  la  littérature,  à  peine 
savais-je  que  Racine  était  un  poëte  tragique  et  Molière  un 
comique. 

L'abbé  Renard  me  quitta  à  l'automne  de  1802  pour  être 
vicaire  du  curé  de  Lunéville  auquel  il  succéda  plus  tard.  Pen- 
dant près  de  cinquante  ans,  il  y  exerça  les  fonctions  sacerdo- 
tale avec  une  piété,  un  zèle  et  un  dévouement  qui  lui  conci- 
lièrent l'estime  universelle.  Il  a  fondé  des  établissements 
utiles  et  son  souvenir  durera  longtemps.  Il  est  mort 
plus  qu'octogénaire  après  avoir  reçu  la  croix  de  la  Légion  d'hon- 
neur. 

Je  n'ai  pas  voulu  interrompre  ces  détails  sur  mon  éducation 
afin  de  ne  plus  avoir  ày  revenir.  Je  vais  dire  maintenant  quel- 
ques mots  de  ce  qu'était  alors  la  société  d'une  petite  ville 
comme  Toul,  où  nous  passions  les  hivers. 

On  peut  affirmer  que,  pendant  la  Terreur,  on  n'avait  respiré 
ni  vécu  en  France.  Tout  changea  sous  le  Directoire  et  le  besoin 
d'écarter  de  douloureux  souvenirs,  en  rentrant  dans  les  condi- 
tions ordinaires  de  la  vie  sociale,  était  ressenti  par  tout  le 
monde.  Dans  cette  disposition  d'esprit,  la  société  française 
chercha  à  s'amuser  à  tout  prix,  mais  eu  subissant  l'influence 
des  mauvais  exemples  qui  partaient  d'en  haut.  On  la  vit  ne 
pas  s'arrêter  au  plaisir,  mais  aller  jusqu'à  la  licence  et  subs- 
tituer à  sa  politesse  proverbiale,  cette  liberté  de  manières,  de 
langage,  de  coutume,  ce  sans-gêne  dans  les  relations  des  deux 
sexes  qui  caractérisèrent  si  tristement  celle  période. 

A  Toul,  les  réunions  étaient  fréquentes,   surtout  chez  la 
marquise  de  Maguac  qui  s'y  élait  lixée  depuis  quelques  au- 


d'un  ancien  préfet  87 

nées  avec  son  mari,  ancien  officier  de  cavalerie  :  elle  était  fille 
de  M.  de  la  Framboisière,  lieutenant  du  roi  à  Vaucouleurs. 
J'ai  vu  peu  de  femmes  plus  attrayantes  et  dont  le  charme  fut 
plus  persistant  :  son  empire  sur  tous  ceux  qui  l'approchaient 
était  irrésistible.  Chez  elle,  les  dîners,  les  bals,  les  pique- 
niques  se  succédaient  sans  interruption  :  une  semaine  ne  se 
passait  pas  sans  quelques  distractions  bruyantes.  Sa  maison 
était  le  rendez-vous  de  ceux  qui  voulaient  s'amuser  :  on  y  ve- 
nait de  Nancy  et  de  Bar.  Dans  cette  société,  les  hommes  ne  dis- 
simulaient pas  leur  désir  de  plaire  et  ils  n'avaient  pas  lieu  de  se 
désespérer.  Le  langage  était  leste  et  même  les  femmes  les 
mieux  nées  ne  se  privaient  pas  de  souligner  leurs  récits  d'une 
expression  énergique  :  l'exhibition  de  leurs  charmes  était 
complète,  grâce  à  leurs  robes  au^si  étriquées  qu'aujourd'hui  elle 
l'est  avec  l'ampleur  des  toilettes.  Je  remarquai  un  danseur 
infatigable  qui  est  devenu  depuis  un  grave  magistrat,  M.  T., 
toujours  vêtu  à  la  dernière  mode  :  culotte  de  satin  noir,  bas  de 
soie  blanc,  gilet  de  couleur,  assez  court  pour  qu'une  bande 
delà  chemise  parût  entre  les  deux  vêtements.  L'apparition  de 
ce  tissus  de  fine  toile  fut  trouvée  dii  meilleur  goût  et  j'ai  en- 
tendu les  dames  s'extasier  sur  cette  suprême  élégance  que  à 
Paris,  adolescent,  je  trouvais  absolument  ridicule. 

Cette  joyeuse  existence  à  quelques  pas  de  la  maison  pater- 
nelle —  mes  parents  avaient  un  hôtel  sur  la  place  Dauphine  — 
et  dont  mon  père  et  ma  belle-mère  prenaient  volontiers  leur 
part,  devait  naturcllementy  exercer  son  influence.  Mes  parents 
recevaient  la  même  société,  mais  les  fêtes  bruyantes  y  étaient 
plus  rares  et  il  faut  reconnaître  que  le  ton  y  était  meilleur  ; 
aussi  s'y  amusait-on  beaucoup  moins. 

Le  premier  événement  important  qui  me  frappa  vive- 
ment fut  la  nouvelle  de  la  bataille  de  Marengo.  Le  bulletin 
de  cette  grande  victoire  est  le  premier  que  j'ai  lu  et  1" im- 
pression que  j'en  ai  reçu  n'est  point  encore  effacée  :  elle  fut 
même  telle  qu'elle  me  donna  subitement  le  goût  de  la  lecture 
et  particulièrement  la  curiosité  de  l'histoire  qui  m'a  étési  utile 
dans  ma  jeunesse  et  que  je  suis  si  heureux  d'avoir  conservée. 

Je  n'avais  pas  encore  quatorze  ans  :  mes  parents  se  préoc- 
cupaient déjà  d'une  carrière  pour  moi  Après  avoir  renoncé  à 
l'Ecole  polytechnique,  on  me  parla  de  m' engager  dans  un  régi- 
ment de  cavalerie.  J'y  répondis  en  déclarant  consentir  si  on 
me  promettait  un  brillant  avancement  ou  une  mort  glorieuse  ; 
et  la  netteté  de  ma  réoonse  a  clos  ma  carrière  militaire.  Un  se 


88  CINQUANTE   ANS   DE   SOUVENIRS 

souvint  alors  des  relations  intime  de  la  famille  de  ma  belle- 
mère  avec  M.  Heiset,  qui,  à  la  création  des  receveurs  généraux 
avait  été  nommé  à  Golmar  et  dont  le  fils  obtint  peu  après  le 
poste  important  de  Mayence,  chef-lieu  du  département  de 
Mont-Tonnerre.  Ce  dernier  m'agréa  volontiers  pour  travailler 
dans  ses  bureaux. 

Mes  préparatifs  furent  promptement  faits.  Mon  père  me 
donna  de  longs  et  affectueux  conseils  et,  le  30  germinal  an  xi, 
je  pris  place  dans  la  diligence  qui  devait  en  deux  jours  me 
conduire  d'abord  à  Strasbourg.  J'étais  fortement  ému,  mais  le 
mouvement  changea  heureusement  le  cours  de  mes  idées  :  je 
remarquai  un  de  mes  compagnons  qui  m'adressa  la  parole  avec 
bienveillance.  C'était  un  homme  d'une  trentaine  d'années, 
bien  de  sa  personne,  de  bonne  façon,  causant  agréablement  et 
avec  réserve.  Il  me  conta  qu'il  était  émigré  et  qu'il  venait  de 
rentrer  en  France  dans  l'espoir  d'épouser  une  de  ses  cousines 
qu'il  aimait.  Nous  descendîmes  à  Strasbourg,  à  l'hôtel  du  Cor- 
beau, où  il  ne  restait  plus  qu'une  chambre  à  deux  lits.  Nous 
nous  y  installâmes.  Deux  jours  me  séparaient  du  départ  de 
la  diligence  de  Landau  :  je  le  passai  agréablement,  grâce  aux 
nombreux  parents  et  amis  de  ma  famille.  Je  me  souviens 
d'une  véritable  humiliation  que  j'eus  à  subir  à  dîner  chez 
M.  Hermann,  maire  de  la  ville.  A  cette  époque  en  Allemagne 
on  ne  mangeait  presque  pas  de  pain  ;  on  m'en  donna  donc  un 
morceau  gros  comme  un  œuf:  il  disparut  vite  :  j'en  demandai 
un  second,  puis  un  troisième,  tous  d'aussi  menue  dimension  : 
découragé,  je  n'osai  plus  recourir  à  l'obligeance  des  domesti- 
ques et,  faute  de  pain,  je  me  trouvai  dîner  fort  mal. 

Cependant  j'avais  à  peine  vu  mon  compagnon  de  voyage  :  il 
ne  paraissait  même  pas  me  rechercher,  rentrait  tard,  et  me 
regardait  avec  une  attention  embarrassée.  Je  no  le  vis  pas 
avant  mon  départ  et  en  arrivant  à  Mayence  ayant  voulu  rendre 
compte  de  l'argent  que  j'avais  reçu  de  M.  Charles  de  Michelet, 
frère  de  ma  belle-mère  en  comptant  chez  M.  Reiset,  je  m'a- 
perçus que  cinq  des  vingt-cinq  louis  que  j'avais  serrés  dans 
mon  gousset  avaient  disparu.  Pendant  bien  des  années  je  n'ai 
pas  douté  que  M.  P.  de  P.  n'eût  abusé  de  mon  imprudence  ; 
depuis  l'idée  me  vint  qu'un  auti'e  aurait  bien  pu  s'introduire 
dans  notre  chambre,  c'est  pourquoi  je  ne  désigne  pas  le  nom 
de  mon  compagnon.  En  1813  il  fut  placé  dans  les  douanes  en 
résidence  près  de  Lunebourg  dont  j'étais  alors  sous-préfet  :  il 
se  présenta  à  moi  avec  une  lettre  de  M.  Fortin  qui  avait  épousé 


d'un  ancien  préfet  89 

une  cousine-germaiue  de  ma  belle -mère  et  dont  je  parlerai  plus 
tard.  Je  le  reconnus  parfaitement  :je  raccueillis,  il  revint  et  je 
le  priai  à  diner.  La  pensée  d'amener,  au  dessert,  la  conversa- 
tion sur  l'aventure  de  Strasbourg  me  traversa  l'esprit,  mais  je 
la  repoussai,  ne  pensant  pas  que  je  puisse  aborder  ce  sujet  du 
moment  où  j'avais  admis  M.  P.  cà  ma  table.  Sous  la  Restaura- 
tion je  le  rencontrai  plusieurs  fois  chez  M.  Fortin  :  il  était  alors 
capitaine-adjudant  du  Palais,  décoré  de  Saint-Louis,  de  la 
Légion-d'honneur  et  du  Lys  :  son  uniforme  était  neuf,  ses 
épaulettes  brillantes  et  son  aplomb  sans  mesure. 

M.  Reiset  me  reçut  avec  une  grande  bienveillance  et  m'ins- 
talla dans  ses  bureaux.  Je  copiai  des  correspondances,  je 
tenai  les  registres  d'arrivée  et  j'expédiai  les  états  de  comptabi- 
lité. Ce  travail,  joint  à  l'étude  de  la  langue  allemande,  absor- 
bait presque  tout  mon  temps.  On  me  traitait  bien ,  ainsi  qu'on 
l'avait  promis,  comme  un  membre  de  la  famille  :  je  faisais 
souvent  la  partie  d'échecs  de  M.  Reiset  ou  de  son  beau-frère 
M.  Levasseur  qui  lui  servait  de  caissier.  Le  premier  était  mil- 
lionnaire et  ne  laissait  aucun  repos  à  son  violon  ni  à  mes  oreil- 
les :  son  coup  d'archet  me  faisait  réellement  l'effet  d'un  cousin 
qui  voltige  sans  cesse  autour  de  moi.  M'"°  Levasseur  jouait 
du  piano  médiocrement,  mais  continuellement,  Enfin  M'"'- 
Martellière,  femme  d'un  inspecteur  aux  revues  et  sœur  ainée 
de  M.  Reiset,  très  forte  musicienne,  venait  trop  souvent 
exercer  sur  le  piano  de  sa  sœur  sou  infatigable  vigueur.  J'ai 
toujours  attribué  au  temps  que  j'ai  passé  dans  ce  milieu  trop 
harmonieux,  mon  peu  de  goût  pour  la  musique  :  là,  j'en  ai  été 
rassasié  pour  toute  ma  vie. 

Je  tenais  les  écritures  particulières  de  M.  Reiset  :  je  puis 
donc  constater  facilement  qu'à  cette  époque  il  ne  possédait 
pas  persounellement  plus  de  30,000  francs.  J'ai  passé  trois 
ans  et  demi  avec  lui  :  quoiqu'il  fût  très  intéressé,  il  a  toujours 
fait  preuve  de  la  plus  sci-upuleuse  délicatesse,  mais  cela  ne 
l'a  pas  empêché  d'amasser  une  grosse  fortune.  Trente  ans 
environ  plus  tard,  il  est  mort  receveur  général  à  Rouen,  lais- 
sant, dit-on,  plus  de  six  millions  après  en  avoir  eu  davantage. 
Il  était  aussi  laborieux,  aussi  habile  en  affaires,  aussi  intelli- 
gent qu'il  était  honnête. 

Au  mois  de  septembre  qui  suivit  mon  installation  je  com- 
mençais à  faire  par  le  bateau  de  fréquentes  courses  à  Franc- 
fort pour  y  aller  changer  des  louis  d'or,  bien  que  ce  fût 
défendu  par  la  loi  ;  on  bénéficiait  ainsi  de   liO   à  00   centimes 


90  CINQUANTE   ANS    DE   SOUVENIRS 

par  louis,  et  M.  Reiset  m'en  remettait  ordinairement  deux 
mille  chaque  fois.  Du  reste,  malgré  les  prohibitions,  cela  était 
parfaitement  toléré  et,  souvent,  le  receveur  principal  me  prit 
dans  sa  voiture  pour  me  faire  traverser  le  pont  et  m'éviter 
tout  risque  d'une  visite  indiscrète  de  ses  agents.  Un  jour  que 
je  revenais,  je  me  trouvais  sur  le  bateau  avec  trois  jeunes  étu- 
diants de  Gottingue  ;  l'un  deux  m'adressa  la  parole  en  me  disant 
qu'ils  étaient  de  Mayence,  qu'ils  venaient  passer  leurs  vacan- 
ces dans  leur  famille,  et  aussitôt  on  me  demanda  si,  depuis  leur 
départ,  il  ne  s'était  pas  passé  quelques  petites  aventures  dans 
cette  ville.  Il  y  avait  alors  à  Mayence  une  famille  dont  le  chef 
M.  de  M...  avait  été  conseillé  aulique  du  dernier  Electeur  et 
qui  avait  épousé  une  veuve  aimable  el  remarquablement  belle  ; 
très  débonnaire,  il  laissait  sa  femme  donner  librement  carrière 
à  ses  galanteries  dont  on  n'était  plus  à  calculer  le  nombre  et  qui 
étaient  le  sujet  de  toutes  les  conveisations.  Parmi  ses  heu- 
reux adorateurs  avait  figuré  mou  oncle  quand  il  était  secré- 
taire de  la  légation  de  France  à  Mayence.  Je  ne  me  permets 
de  mentionner  son  assiduité  auprès  de  madame  de  M . . . 
que  parce  que  lui-même  n'en  faisait  aucunement  mystère.  A 
la  question  de  ces  jeunes  gens,  plus  d'une  belle  mayencaise  me 
vint  à  la  pensée,  mais  le  nom  de  madame  de  M...  fut  la  pre- 
mière. Aussi  je  répondis  à  mon  compagnon  de  suite  que  je 
savais  sans  doute  plus  d'une  historiette,  mais  qu'il  y  en  avait 
une  dont  l'héroïne  était  plus  particulièrement  en  renom. 
Pressé  de  la  nommer,  je  sentis  tout  d'un  coup  que  j'allais 
peut-être  commettre  une  grave  imprudence  :  je  me  tus,  et  je 
sus  résister  aux  instances  dont  je  fus  littéralement  et  longue- 
ment assaiUi.  Bien  m'en  prit,  car  au  moment  de  nous  séparer 
j'appris  que  ces  jeunes  étudiants  étaient,  tous  les  trois,  fils  de 
M""'  de  M...  Je  les  ai  connus  plus  tard  et  fus  bien  accueilli 
par  leurs  parents. 

Au  mois  de  novembre,  je  perdis  à  Coiffy  ma  grande-tante 
Gabrielle  et  mon  grand-père  du  Soys  :  je  ne  pus  aller  leur  ren- 
dre les  derniers  devoirs  :  je  les  aimais  tous  les  deux  et  je  n'ai 
jamais  oublié  ce  qu'ils  ont  été  pour  moi. 

Ma  position  chez  M.  Reiset  me  fit  admettre  dans  la  société 
des  fonctionnaires  et  aux  réunions  habituelles  de  l'hiver  ;  on 
n'avait  pas  oublié  les  qualités  sérieuses  de  mon  oncle  et  j'en 
recucilUs  le  bénéfice  par  les  plus  flatteuses  relations.  Je  ren- 
contrai à  cette  époque,  à  Mayence,  trois  régicides  qui  présen- 
taient trois  types  bien  divers  :   Albitte,  sous-inspecteur  aux 


d'un  ancien  préfet  91 

revues,  dout  l'air  mélancolique  semblait  nettement  indiquer 
les  remords  :  Duliem,  médecin  on  chef  mililaire,  dont  la  figure 
jacobine  et  la  rudesse  annonçaient  un  sentiment  très  opposé  ; 
enfin  Jean  Bon-Saint-André,  préfet  du  département,  homme 
d'esprit,  orateur  discret,  gracieux  et  ne  songeant  qu'à  se  sir 
gnaler  par  un  dévouement  sans  limite  à  l'Empire  dont  il  devait 
bientôt  devenir  l'un  des  premiers  barons.  Il  était  beau-frère  du 
sénateur  Sers,  père  de  ceux  que  nous  avons  vu  préfets  sous  le 
gouvernement  de  Juillet.  Ma  liaison  avec  le  baron  Sers, 
préfet  de  la  Gironde,  remonte  à  cette  époque  ;  il  était  attaché 
au  cabinet  de  son  oncle. 

Il  y  avait  alors,  dans  les  pays  conquis,  des  agents  chargés 
pour  la  caisse  d'amortissement  de  la  vente  des  biens  de  main- 
morte, appartenant  au  clergé  ou  à  l'Etat.  A  Mayeuce,  c'était 
un  M.  Godefroy,  honnne  âgé,  très  fin,  très  rusé  môme,  et  du 
commerce  le  plus  agréable.  Il  remarqua  les  goûts  mélomanes 
de  M,  Reiset,  étudia  son  caractère  et  se  promit  d'en  tirer  parti 
au  profit  de  sa  fille  unique,  jeune,  peujolie,  assez  minaudière, 
qui  jouait  du  piano  et  chantait  médiocrement.  Il  la  fit  venir  et 
elle  fut  bien  reçue  par  la  sœur  de  M.  Reiset.  Celui-ci  avait 
34  ans  et  sa  conduite  était  d'une  austérité  extraordinaire;  aussi 
à  peine  eut-il  vu  la  jeune  fille  habilement  stylée  par  son  père, 
qu'il  en  tomba  amoureux  :  la  musique  fit  le  reste.  Je  vois 
encore  ce  couple  devant  le  piano  :  M.  Reiset  jouant  une  parti- 
tion, M"'  Colette  l'accompagnant  :  tout  d'un  coup  le  sentiment 
l'emportait  :  ils  s'interrompaient  sans  s'en  apercevoir  et  chan- 
taient pendant  quelque  temps,  devant  tout  le  monde,  des  pa- 
roles qu'on  n'entendait  pas,  mais  qu'on  devinait  facilement.  Ce 
spectacle  était  réellement  divertissant,  car  mon  chef  était  petit 
et  laid ,  la  jeune  fille  guère  mieux  ;  jamais  amoui'eux  ne 
furent  plus  épris.  Il  ne  fut  plus  question  que  de  fixer  le  jour 
de  la  noce.  M.  Godefroy  pour  exciter  plus  encore  la  passion  de 
M,  Reiset,  emmena  brusquement  sa  fille  à  Paris,  mais  celui- 
ci  se  hâta  d'aller  l'y  rejoindre  et  le  mariage  eut  lieu  peu  après. 
Cet  événement  amena  un  notable  changement  dans  mon 
existence  :  à  sou  retour  M.  lleiset  me  prévint  que  je  devais 
chercher  un  logement  en  ville,  désireux  de  demeurer  seul  avec 
sa  femme  qu'il  adorait  de  jjIus  en  plus.  On  m'en  indemnisa  en 
me  confiant  le  travail  de  la  recette  particulière  de  l'urroiidisse- 
ment  avec  r3oU  fr.  de  traitement.  Je  crois  devoir  placer  ici 
quelques  lignes  d'une  lettre  écrite  par  moi  à  mon  [n'ia  pour 
lui  donner  des  détails  demandés  par  lui,  sur  le  séjour  de  Tem- 


92  CINQUANTE  ANS   DE   SOUVENIRS 

pereur  à  Mayenco  (10  mai  1804),  d'où  il  partit  pour  aller  vain 
cre  à  Aubterlilz. 

«  J'ai  vu  l'Empereur  trois  fois  :  j'ai  trouvé  comme  tout  le 
monde  qu'aucun  de  ses  portraits  ne  lui  ressemblait  :  il  est  très 
engraissé  et  promet  un  long  règne.  Toutes  les  autorités  cons- 
tituées lui  ont  été  présentées  et  il  a  fait  à  chaque  chef  d'admi- 
nistration des  questions  si  singulières  et  si  peu  prévues  sur  sa 
partie  qu'ils  ont  tous  été  fort  embarrassés  de  répondre.  Ainsi  le 
préfet  Ta  été  beaucoup  quand  l'empereur  lui  a  demandé  le 
nombre  des  mines  qu'il  y  a  dans  le  département.  Il  en  existe 
en  effet,  mais  le  préfet  y  avait  attaché  peu  d'importance.  Puis 
il  veut  qu'on  établisse  partout  des  raffineries  à  sucre,  afin  de 
n'être  plus  à  la  discrétion  des  Anglais.  Tous  les  petits  princes 
allemands  sont  venus  ici  lui  présenter  leurs  hommages  :  il  leur 
faisait  faire  antichambre  et,  lorsqu'ils  avaient  trop  peu  d'im- 
portance, il  leur  refusait  audience.  L'Impératrice  est  partie 
hier  pour  Strasbourg  et  l'Empereur  partira  demain.  Le  spec- 
tacle français  est  ce  qui  m'aie  plus  frappé.  Phèdre,  Androma- 
que  et  les  Horaces  joué  par  Lafond,  etc.  C'est  à  une  de  ces  re- 
présentations que  j'ai  vu  l'Electeur  palatin,  archevêque  d'As- 
chauffembourh,  (ancien  électeur  de  Mayence)  assister  en 
costume  ecclésiastique  de  ville,  debout,  derrière  le  fauteuil  de 
l'Empereur. 

c(  L'Empereur  a  fait  faire  dimanche  de  grandes  manœuvres 
aux  troupes  :  elles  ont  été  sous  les  armes  depuis  9  heures  du 
matin  jusqu'à  7  heures  du  soir.  L'Empereur  a  reçu  une  foule 
de  pétitions  qui  toutes  ont  été  payées  de  bonnes  paroles  ;  nous 
en  verrons  l'effet.  » 

Au  commencement  de  1800,  M.  Reiset  m'attacha  à  son  ca- 
binet et  me  remplaça  à  la  recette  particulière.  Ce  changement, 
accompli  brusquement  et  sans  me  prévenir,  me  déplut  extrême- 
ment et  je  le  lis  connaître  irès  nettement  à  mon  père.  Je  restai 
cependant  à  mon  nouveau  poste.  Au  mois  de  septembre  je 
revis  à  Mayence  l'Empereur  qui  quelques  jours  après  écrasait 
les  Prussiens  à  léna.  L'effet  de  cet  événement  fut  immense  et 
quand  je  me  rappelle  l'enthousiasme  qu'il  excita  et  celui  qui 
se  manifeste  de  nos  jours,  je  trouve  celui-ci  bien  faible  en  com- 
paraison de  ce  qu'on  ressentait  autrefois. 

II 

Aix-la-Chapelle.  —  Je  suis  nommé  attaché  au  ministère  de  l'intérieur.  — 
L'Auditorat  au   Conseil  d'Etat. 

Mon  séjour  à  Mayence  touchait  à  sa  fin.  Le  1 4  uov.  1 800  mon 


D  UN    ANCIEN    PREFET 


9:ï 


père  me  préviiil  que  le  général  Alexaudrede  Lainelli,  préfet  de 
la  Roëre,  lu'admcUait  dans  ses  bureaux,  faveur  que  je  devais  à 
M.  de  Michelel,  depuis  peu  nommé  président  du  tribunal  civil 
de  Coblentz.  J'étais  satisfait  de  ce  changement  qui  parut  sur- 
prendre désagréablement  M.  Reiset.  Le  27  j'étais  à  Aix-la- 
Chapelle  où  le  général  m'accueillit  avec  une  extrême  bienveil- 
lance ;  son  intérêt  affectueux  pour  moi  du  reste  ne  se  démen- 
tit jamais  :  ce  sont  ses  excellents  conseils  qui  m'ont  amené  à 
combler  les  lacunes  de  mon  instruction  et  par  conséquent 
c'est  à  lui  que  je  suis  redevable  de  ce  que  je  puis  valoir  et  de 
ma  carrière.  Je  n'ai  rencontré  personne  qui  eut  l'air  plus 
digne,  plus  grand  seigneur  même,  avec  une  éducation  complète 
et  des  manières  simples.  Il  avait  alors  47  ans,  et  quoi- 
que plus  fatigué  que  cet  âge  ne  le  comporte,  il  était 
encore  bien  de  sa  personne.  Son  esprit  était  plus  judi- 
cieux que  brillant  :  sa  parole  réservée  et  gracieuse,  son  carac- 
tère bon  et  loyal  inspirait  la  confiance.  Il  aimait  les  jeunes 
gens  et  se  plaisait  à  en  avoir  autour  de  lui,  à  les  diriger,  à  les 
protéger  et  à  en  faire  connue  une  pépinière  administrative  : 
O'Donnel,  La  Tourette,  Montozon  habitaient  la  préfecture  : 
Groneau  et  moi,  nous  étions  eu  ville.  Cette  différence  de  situa- 
tion n'excitait  ni  jalousie,  ni  envie,  mais  au  contraire  une  véri- 
table confraternité  s'établit  entre  nous  et  elle  ne  s'est  jamais 
démentie.  La  nomination  de  La  Tourette  à  une  sous-préfecture 
et  celle  de  notre  chef  à  la  préfecture  de  Turin  en  1808  nous 
ayant  séparés,  nous  nous  sommes  toujours  recherchés  avec 
empressement,  revus  avec  plaisir  et  traités  comme  des  amis. 
Nous  formions  un  faisceau  que  la  bonté,  puis  le  souvenir  de 
M.  de  Lameth  a  enqDÔché  de  se  rompre,  La  Tourette  a  été 
préfet  comme  Croneau.  Montozon  pair  de  France  sous  le 
gouvernement  de  Juillet,  O'Donnel,  conseiller  d'Etat. 

Je  fus  placé  au  bureau  des  contributions  directes  et  du  ca- 
dastre comme  sous-chef  avec  1200  fr,  d'appointements:  mon 
père  y  ajoutait  800  fr.  par  an. 

L'accueil  de  M.  de  Lameth  me  procura  les  meilleures  rela- 
tions :  tous  les  salons  nous  étaient  ouverts  :  il  n'y  avait  pas  de 
bals,  pas  de  fêtes  sans  nous;  les  distractions  ne  m'empêchaient 
pas  de  m'appliquer  à  mes  nouvelles  occupations  et  M.  de  La- 
meth eu  témoigna  sa  satisfaction  à  mon  père  dans  une  longue 
lettre  où  il  l'engageait  à  me  pousser  vers  la  carrière  des  finan- 
ces. Un  jour  même  qu'il  était  seul  avec  moi,  et  me  félicitait 
de  mou  zèle,  il  ajouta,  avec  une  bienveillance  toute  paternelle, 


yi  CINQUANTE   ANS   DE   SOUVENIRS 

qu'il  l'ullail,  si  je  voulais  me  créer  sérieusement  une  carrière, 
que  je  travaillasse  à  combler  les  lacunes  de  mou  êducaiion  :  il 
m'indiqua  ce  ([ue  j'avais  à  faire,  les  livres  que  je  devais  lire  :  il 
finit  par  nu;  dire  que  pour  me  laisser  le  temps  d'étudier,  il  me 
dispenserait  de  m'astreiudre  exactement  aux  heures  des  bu- 
reaux en  s'en  rapportant  à  moi  de  l'emploi  de  mon  temps. 
Prorondémont  louché  de  celle  sollicitude,  je  me  suis  mis  ardem- 
ment au  travail  ;  je  repris  le  latin,  je  repassai  mes  classes,  je 
relis  mon  hisloire  en  dressant  un  tableau  synoptique  général. 
J'appris  à  connaître  nos  auteurs  classiques,  nos  philosophes 
du  dernier  siècle  :  souvent  je  restai  ainsi  à  travailler  chez  moi 
jusqu'au  milieu  de  la  nuit  :  pendant  28  mois  que  je  passai  à 
Aix,  je  ne  me  suis  pas  écarté  un  jour  de  la  ligne  que  M.  de 
Lameth  m'avait  tracée.  Souvent  quand  nous  étions  seuls,  il 
s'informait  de  ce  que  je  faisais,  se  rendait  compte  de  mes  pro- 
grès et  in  encourageait  par  les  conseils  les  plus  utiles  et  les 
plus  affectueux. 

J'allai  beaucoup  alors  chez  M.  Gay,  receveur  général.  Sa 
femme,  Sophie  de  la  Vallette,  après  avoir  divorcé  avec  un 
M.  Lioter  dont  elle  avait  eu  deux  filles,  avait  été  avec  M'"'^''  de 
Beauharnais,  llameliu,  Récamier,  etc.  une  des  «  déesses  du  Di- 
rectoire, »  et  s'était  remariée  ensuite  avec  un  savoisieu  colossal 
nommé  Gay,  d'une  figure  agréable,  mais  aussi  épais  de  corps 
que  d'esprit,  que  la  belle  recette  dont  il  était  titulaire  mettait 
à  même  de  mener  grand  train  l'été  à  Aix  et  l'hiver  à  Paris. 
Cette  existence  était  fort  goûtée  par  M"'°  Gay  :  elle  s'abandon- 
na trop  à  sa  passion  pour  le  luxe,  car  pendant  un  séjour  que 
M""'  Bonaparte  fit  à  Aix,  sous  le  Consulat,  cette  dernière  ue  vit 
pas  sans  jalousie  un  pareil  faste  qui  semblait  effacer  la  distance 
existant  alors  entre  les  deux  anciennes  amies.  M™"  Bonaparte 
avait  accepté  cette  égalité  à  la  cour  de  Barras,  mais  à  cette  heure 
les  rôles  étaient  bien  changés  et  la  femme  du  premier  consul 
n'oublia  jamais  la  blessure  faite  à  son  amour-propre  féminin 
en  cette  circonstance.  Du  reste  si  M""-'  Gay  a  manqué  de  tact 
dans  sa  conduite  avec  Joséphine,  le  jugement  lui  fit  également 
défaut  pour  la  gestion  de  sa  fortune,  car  ses  dépenses  empê- 
chaient son  mari  de  faire  aucune  réserve  pour  l'avenir  et  les 
événements  de  1814  trouvèrent  ce  fastueux  méuage  dans  une 
grande  gène. 

Madame  Gay,  quand  j'arrivai  à  Aix,  avait  35  ans,  à  ce 
qu'elle  disait  elle-même.  Sa  physionomie  vive  et  mobile  pétil- 
lait d'esprit,  mais  d'un  esprit  plus  mahn  que  tin.  Sa  taille  était 


d'un    ancien    miÉFET  95 

belle,  sa  figure  régulière,  sou  aii"  impérieux,  le  ton  décidé, 
la  parole  prompte  ,  la  réponse  vive ,  l'allure  un  peu 
masculine  n'aurait  pas  été  goûtée  à  la  cour  de  Louis  XIV.  Elle 
animait  ses  salons,  mais  amusait  plus  qu'elle  n'attirait  à  elle. 
Sa  maison  était  ouverte  tous  les  soirs  :  la  société  y  était  nom- 
breuse et  de  belle  humeui.  On  y  jouait  au  whist,  au  quinze  et 
à  la  bouillotte  :  à  onze  heures,  quand  les  personnes  sérieuses 
s'étaient  retirées  et  ({u'il  ae  restait  plus  que  les  intimes,  c'est- 
à-dire  M.  de  Lameth  et  son  état-major,  dont  je  faisais  partie, 
quelques  amis  venus  deParis,  comme  M.  de  Pontécoulant;  lors 
qu'enlin  le  maître  du  logis  était  allé  se  coucher,  alors  commen- 
çait la  seconde,  la  vraie  soirée  qui  se  prolongeait  au  moins 
jusqu'à  deux  heures  et  que  nous  trouvions  toujours,  grâce  à 
Fentrain  de  M'"^  Gay,  trop  courte,  (j'était  des  anecdotes  vive- 
ment contées,  des  chansonnettes,  dos  petits  vers,  souvent  pas- 
sablement gaulois  ;  puis  on  mettait  les  tajjles  de  jeu  l'une  au 
bout  de  l'autre  pour  installer  un  souper  fort  simple  où  chacun 
se  plaçait  à  sa  guise,  mangeant,  riant  et  causant  à  qui  mieux 
mieux.  Je  me  rappelle  deux  couplets  composés  et  chantés  par 
madame  Gay  dans  ces  réunions  intimes  :  si  je  les  cite,  ce  n'est 
certes  pas  pour  les  présenter  comme  modèle^  de  style  et  de 
goût,  mais  pour  donner  une  idée  d'une  société  présidée  par  une 
déesse  du  Directoire.  J'ai  parlé  plus  haut  de  M.  de  Montozou  : 
originaire  du  midi,  il  avait  l'imaginaLion  vive  de  son  pays, 
l'accent  un  peu  gascon  et  il  aimait  à  conter  des  histoires  peu 
vraisemblables.  Un  soir  une  chanson  en  cinq  ou  six  couplets 
retentit  tout  à  coup  dans  le  salon  :  en  voici  deux  : 

En  passant  pur  l'Estramadure, 

Ea  franc  amateur  du  gibier, 

On  avait  mis  sor  la  voiture 

D'œufs  de  perdrix  uu  plein  panier. 

Mais  la  chaleur  était  horrible  : 

De  chacun  sortit  un  petit. 

Eh!  messieurs,  ce  n'est  pas  possible! 

C'est  Moiilozon  ijui  me  l'a  dit! 

Une  autre  fois  encore  les  tables  à  jeu  étaient  alignées  et  le 
souper  servi.  Je  pris  place  au  bout;  madame  Gay  se  mit  à 
gauche  et  un  intime  de  la  maison  à  droite  :  des  regards  sym- 
pathiques s'échangèrent  aussitôt  entre  mes  deux  voisins  et  je 
sentis  un  petit  pied  effleurer  mon  pied  gauche  en  môme  temps 
qu  une  pareille  attaque  s'effectuait  à  ma  droite.  Je  ne  fis  mine 
de  m'en  apercevoir,  mais  pendant  assez  longtemps  je  répon- 
dis à  ces  tendres  pressions  :   les  intéressés  ne  s'apercevaient 


96  CINQUANTE  ANS   DE   SOUVENIRS 

de  rieu,  quand  au  milieu  d'un  rire  général  provoqué  par  je  ue 
sais  quelle  saillie,  je  me  levai  en  retirant  ma  chaise  de  façon 
à  ce  qu'ils  vissent  clairement  que  j'étais  eu  tiers  dans  leur  petit 
manège.  Ils  se  regardèrent  d  un  air  surpris,  jetèrent  sur  moi 
un  coup  d'œil  qui  n'indiquait  aucune  mauvaise  humeur,  et  de 
fait  ils  ne  m'en  gardèrent  pas  rancune  \ 

Cette  vie  de  plaisir  ne  m'empêchait  pas  de  travailler  et  même 
de  manière  à  satisfaire  pleinement  M.  de  Lameth  qui  écrivait 
le  20  mai  1808  à  mon  père  :  «  Sa  conduite,  disait-il  en  parlant 
de  moi,  est  parfaite  :  il  travaille  avec  assiduité  et  s'est  rendu 
assez  capable  pour  être  chef  dans  la  partie  du  service  que  je 
lui  ai  confiée  :  il  ne  voit  qu'une  bonne  compagnie  et  il  a  su  se 
couciHer  l'affection  et  l'estime  des  personnes  les  plus  recom- 
mandables  de  la  ville.  » 

(A  suivre). 


] .  Je  rappellerai  un  mol  de  M""'  Gay  eu  réclamant  l'indulgence  pour 
sa  verdeur.  Revenant  de  Paris,  j'avais  été  chargé  de  rapporter  un  paquet  et 
une  lettre  à  M""  L...  Il  paraît  que  la  lettre  devait  être  remiss  particulière- 
ment à  sa  destination  :  je  n'y  vis  pas  malice  et  déposai  le  tout  sans  retard 
au  logis  du  ménage.  Cela  occasionna  un  orage  des  plus  violents  :  M""  Gay 
me  tança  de  la  belle  façon,  en  me  disant  avec  un  air  que  je  n'ai  jamais 
oublié  :  «  J'aimerais  mieux  coucher  avec  quatre  hommes  que  d'écrire  une 
lettre  !  » 


LES  TRUDAINB* 


Le  leudemaiu,  eu  effet,  les  frères  Trurlaiue  et  Micault  de 
Courbetou  reçurent  l'ordre  de  comparaître,  à  leur  tour,  devant 
l'horrible  tribunal,  comme  complices  d'une  conspiration  dmis 
les  prisons  de  Saint-Lazare.  L'ainé  demanda  la  parole  pour 
solliciter  la  grâce  de  son  frère,  disant  que  lui  seul  devait  périr, 
ayant  seul  laissé  voir  sa  haine  pour  les  injustices  et  les  cruautés 
qu'on  commettait  journellement,  qu'il  s'était  démis  de  sa  place 
de  chef  de  bataillon  lorsqu'il  avait  vu  s'annoncer  les  horreurs 
du  2  septembre  et  celles  qui  ont  suivi  ;  tandis  que  son  frère, 
qu'une  faible  santé  avait  écarté  de  toute  fonction  publique,  qui 
avait  vécu  paisible  et  uniquement  occupé  des  arts,  ne  pouvait 
être  atteint  d'aucune  condamnation,  puisqu'il  n'était  arrivé 
dans  la  prison  que  dix-huit  jours  après  le  prétendu  complot. 

(t  Tu  n'as  pas  la  parole,  lui  disent  les  juges-bourreaux.  — 
fie  n'est  pas  la  parole  que  je  prend;5,  dit-il,  c'est  le  cri  de  la 
nature.  » 

Condamnés  sans  que  leur  authenticité  ait  été  régu- 
lièrement constatée,  ils  furent,  le  soir  même,  compris  dans 
une  «  fournée  »  de  vingt-trois  victimes  et  exécutés  à  la 
Barrière-Renversée  '.  ■  (Barrière  de  Vincennes.) 

*  Voir  page  12,  tome  XV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 

\.  Morellet.  —  Mém.  déjà  cité.  —  Didot,  nouvelle  Biographie  générale 
t.  XXXXV. 

Cinquante-sept  personnes  furent  condamnées,  eu  deux  heures,  par  doux 
tribunaux.  Le  .S  thermidor  donna  au  tribunal  révolutionnaire  une  troisième 
et  dernière  fournée  de  vingt-cinq  personnes.  Sur  ce  nombre,  les  numéros 
16  et  2.'J  furent  seuls  acquittés.  —  Trudaine  de  Monligny  n'avait  que 
29  ans.  son  frère  28  ans,  M.  de  Gourbcton  2"  ans.  (Archives  nationales, 
W.  433,  dossier  971.) 

Cette  préteniluc  Conspiration  de  Sainl-fMzarc  avait  été  habilement  in- 
tentée, organisée  par  d'iril'ùnics  agents.  C'était  un  projet  d'évasion  des  pri- 
sonniers qui,  une  lois  lii>res,  devaient,  IjiiMi  eiilen(iii,  assassiner  les  membres 
du  Comité  de  Salut  public.  (H.  Wallon.  —  Histoire  du  Tribunal  révolu - 
iionuaire,  t.  V,  p.  134.) 

Nous  tenons  <le  l'obligeance  de  M.  Alfred  Maury,  directeur  général  des 
Archives  nationales,  une  copie  du  jijgt»mcnt  du  8  thermidor,  en  ce  qui  con- 
cerne les  frères  Trudaine  et  Micault  de  Courbeton. 


08  LES   TRUDAINE 

Celait  le  8  thermidor.  Un  jour  plus  lard,  la  chute  de  Robes- 
pierre leur  eut  ouvert  les  portes  de  la  prison. 

Trudaine  de  Monligny  n'avait  pas  d'enfants  ;  son  frère  était 
célibataire.  Avec  eux  finit  celte  aimable  famille  dont  le  nom 
respecté  depuis  plusieurs  générations,  rappelait  constamment 
le  souvenir  de  la  probité  sévère,  de  l'amour  du  bien,  de  la  jus- 
lice,  de  Tordre  et  de  toutes  les  vertus. 

Dans  ses  derniers  moments,  Trudaine  de  la  Sablière  avait 
composé  les  vers  suivants  : 

«  La  fleur  laissant  tomber  sa  tète  languissante, 
Semble  dire  au  zéphir  :  Pourquoi  m'éveilles-tu  ? 

Zépliir,  ta  vapeur  bienfaisante 
Ne  rendra  point  la  vie  à  mon  front  abattu. 
Je  languis  :  le  malin  à  ma  tige  épuisée 
Apporte  vainement  le  tribut  de  ses  fleurs  ; 

Et  les  bienfaits  de  la  rosée 
Ne  ranimeront  point  l'éclat  de  mes  couleurs. 

Il  approche,  le  noir  orage  ; 
Sous  l'effort  ennemi  d'un  souffle  détesté, 

Je  verrai  périr  mon  feuillage. 
Demain,  le  voyageur  témoin  de  ma  beauté, 

De  ma  beauté  sitôt  flétrie. 
Viendra  pour  me  revoir  :  ô  regrets  superflus  ! 

11  viendra,  mais  dans  la  prairie 

Ses  yeux  ne  me  trouveront  plus  !  ' 

Comme  André  Chénier,  ce  malheureux  jeune  homme,  plein 
de  talent  et  d'esprit,  regrettait  en  mourant  de  n'avoir  pas  eu 
le  temps  de  se  rendre  utile,  de  n'avoir  rien  fait  pour  la  posté- 
rité. Il  nous  a  laissé  un  touchant  témoignage  de  ses  regrets  ; 
avant  de  marcher  au  supplice,  il  avait  esquissé  sur  les  murs 
de  sa  prison  un  arbre  jeune  encore  avec  cette  devise  : 

Fruclus  malura  tulissem  !  - 

V 

Le  surlendemain,  10  thermidor,  la  nouvelle  du  supplice 
arriva  comme  un  coup  de  foudre  dans  le  canton  de  Donuemarie. 
Aucune  condamnation  de  l'époque  n'avait  causé  autant  d'émo- 
tion dans  le  pays. 

i .  Die.  hist.  suppl.  par  Cbaudon  et  Dclaudine  t.  XIII,  V"  Trudaine  do 
la  Sablière.  —  Michelin.  Essais  hist.  de  Seine-et-Marne,  V"  Montigny- 
Lcncoup. 

2.  L'abbé  Morellct  —  méra.  déjà  cilé  —  Michaud,  Biographie  univers, 
t.  XXXXVI. 


LES   TRUDAINE  99 

D'après  l'ordre  du  Comité  do  salul  public,  les  scellés  furent 
apposés  au  château  de  Moutiyuy,  Les  biens  des  frères  Tru- 
daiue  furent  séquestrés. 

Un  seizième  des  biens  de  Trudaine  do  Montigny,  revenant 
à  l'Etat,  fut  adjugé  à  sa  veuve,  le  19  pluviôse  an  V,  pour  une 
somme  relativement  minime.  Un  sentiment  pénible  avait 
affecté  les  bons  citoyens,  et  personne  n'eut  la  pensée  de  lui 
disputer  la  succession  de  son  malhcuieux  époux. 

Un  partage  administratif,  fait  entre  l'Etat  et  les  héritiers, 
attribua  notamment  le  surplus  du  château  et  des  dépendances, 
à  M"'«  Adélaïde- Agnès-Bouvard  de  Fourqueux ,  femme 
d'Etienne  Mayuon  d'iuvau  ',  seule  héritière  dans  la  ligne 
maternelle  de  MM.  Trudaine,  ses  neveux.  L'autre  moitié  de  la 
succession  fut  partagée  eutre  les  divers  membres  de  la  ligne 
paternelle,  représentée  par  les  familles  de  Bragelongne,  de 
Ganclaux,  de  Bélhune-SuUy,  de  BayleusdePoyane  deBroglie 
de  Lignerac-Gaylus  et  de  Rougé. 

Madame  Trudaine  ne  put  résister  à  tant  de  douleur,  sa  santé 
eu  fut  sérieusement  ébranlée.  Elle  habita  encore  quelques 
années  le  château,  puis  malade,  languissante,  elle  alla  mourir 
à  Genève,  à  l'âge  de  trente-trois  ans.  Son  corps  fut  ramené  à 
Moutigny-Lencoup  et  inhumé  dans  le  chœur  de  l'église,  auprès 
de  celui  de  Philibert  Trudaine,  son  beau-père  '. 


En  1803,  eut  lieu  à  Paris,  à  la  requête  de  M.  de  Courbetou 
jeune,  frère  de  M'""  Trudaine,  la  vente  du  mobilier  du  château 
de  Montiguy,  Sur  le  catalogue  de  la  bibliothèque  dressé  par 
Bluet,  Hbraire,  figurait  le  fameux  manuscrit  des  Historiettes 
de  Talkment  des  Réaux  ;  il  y  était  ainsi  désigné  sous  le  nu- 
méro 1G77  :  «  Recueil  de  pièces  intéressantes  pour  servir  à 
l'histoire  de  France^  sous  Henri  IV  et  Louis  XlII,  in- fol. 
vol.  »  Cette  désignation  était  suivie  d'une  note  :  «  Manuscrit 


1 .  Elionno  Maynon  d'Iiivau,  seigneur  de  Serbonnes,  Gisy  el  Villeinano- 
che,  ConseilIiT  d'Etol,  Contrôleur  Général  des  Finances,  puis  Ministre 
d'Etat  en  17GS.  —  Armes  :  d'azur,  à  trois  gerbes  de  blé  d'or. 

2.  Elle  mourut  le  11  Hrumaire  an  XI.  —  Sa  mère,  Marie -Françoise 
Trudaine,  veuve  Micault  de  Gourbeton,  décédéo  à  Paris,  lo  Sfi  janvier  IHO-i, 
fut,  d'après  .sa  recommandation  exjjrcsse,  inhumée  dans  la  mémo  sépulture, 
où  reposait  aussi  sa  llllc  cadette,  Charlotte-Joséphine  Micault  de  (Courbe- 
Ion,  décédée  au  châl(;au  de  Monligny  lo  '6  l'ruclidor  an  VI.  (Keg.  de  l'Etat- 
civil  de  Moutigny-Lencoup.) 


lUU  LES   TKUDAINB 

sur  papier  co7itenaut  sept  cent  qualte-vingt-dix-huit  pages; 
Recueil  rempli  de  faits  curieux  et  peu  connus  et  accompagné 
d*une  table  des  matières.  » 

Ce  manuscrit,  conservé  depuis  près  d'un  siècle  dans  les 
archives  de  Monliguy,  avait  été  légué,  en  1718,  par  Elisabeth 
de  Rambouillet  de  la  Sablière,  veuve  de  Gédéon  Tallement  des 
Réaux,  à  son  exécuteur  testamentaire,  Charles  Trudaine, 
Conseiller  d'Etat,  époux  de  Renée-Madeleine  de  Rambouillet, 
sa  petite-nièce  \  Il  l'ut  acquis  à  vil  prix  par  M.  de  Châteaugi- 
ron  qui  le  publia,  trente  ans  plus  tard,  avec  Faide  de 
MM.  Moumerqué  et  Taschereau,  Paris,  1833-1835,  6  vol. 
in-8o  -, 

La  riche  et  remarquable  collection  d  histoire  naturelle  et 
d'instruments  de  physique  formée  par  Philibail  Trudaine  avait 
été  donnée  par  M™"  Trudaine  à  l'abbé  Sieyès,  l'un  des  amis  de 
son  mari. 

Madame  dTnvau,  décédée  en  1811,  laissa  sa  terre  de  Mon- 
tigny  à  sa  fdle  adoptive,  Elisabeth-Françoise  Bouvard  de  Four- 
queux.  Cette  dernière,  fille  naturelle  de  Trudaine  de  la  Sa- 
blière et  d'une  demoiselle  de  La  Luz...,  avait  épousé  le  comte 
de  Balivière,  officier  supérieur  de  cavalerie. 

En  1822,  M'"*^  de  Balivière,  devenue  veuve,  vendit  celte 
terre  au  comte  anglais  Georges  de  Stacpoole,  moyennant  la 
somme  de  1,S66,000  francs.  (Acte  Delacour,  notaire  à  Paris, 
du  27  avril  1822). 

Après  avoir  été  possédé  ensuite  par  sou  fils,  Richard-Fitz- 
Georges,  duc  de  Stacpoole,  le  château  de  Montigny  fut  vendu 
en  1852,  à  une  société  de  spéculateurs  qui  le  démolirent  afin 
de  tirer  profit  des  matériaux. 

Du  magnifique  château  construit  par  Daniel  Trudaine,  il  ne 
reste  plus  aujourd'hui  que  les  débris  d'un  pont  qui  donnait 
accès  sur  la  cour  d'honneur,  les  caves  et  les  soubassements 
d'un  ancien  pavillon  d'angle  \  Seul,  le  cèdre  du  Liban,  présent 

1 .  Testamenl  du  15  mars  1714.  —  (Archives  de  Seine-et-Marne,  E.  1,100). 

2.  Firmiu-Didot.  —  nouv.  biogr.  générale,  V»  Tallement  des  Réaux, 
t.  XXXXIV. 

3.  Nous  sommes  heureux  de  témoigner  ici  toute  notre  gratitude  à  Ma- 
dame la  marquise  d'Oyron  qui  a  bien  voulu  nous  adresser  cinq  raagniliques 
vues  du  l^arc  et  du  Château  de  Montigny,  ancienne  résidence  de  M.  le  duc 
de  Stacpoole,  son  père. 

Nous  remercions  également  M.  Ch.  Millon  de  Montherlant,  auteur  du 
dessin  des  armes  des  Trudaine,  que  nous  reproduisons  d'après  la  gravure 
de  M.  Hotelin. 


LES   TRUDAIXE  101 

de  Bernard  de  Jussieu,  se  dresse  encore  majestueusement  et 
semble  avoir  survécu  à  tant  de  ruines  pour  rappeler  le  souve- 
nir de  ces  excellents  seigneurs  qui,  de  génération  eu  génération, 
marquèrent  leur  passage  par  de  nombreux  bienfaits. 

Le  cèdi^  de  Montigny  l'emporlc  de  beaucoup  sur  celui  du 
Jardin  des  Plantes  de  Paris,  «  son  frère  jumeau  »  ;  la  nature 
libérale  à  son  égard,  s'est  plu  à  lui  assurer  la  prééiuineuce.  Il 
est  grand,  bien  fait,  imposant;  ses  rameaux  immenses,  touffus, 
largement  étalés  par  étages  borizontaux,  lui  donnent  un  aspect 
pittoresque  et  sévère  au  milieu  du  cercle  de  sapins  qui  l'en- 
tourent. Sa  circonférence  étant  de  sept  mètres  quarante  centi- 
mètres à  un  mètre  du  sol,  il  est  certainement  en  ce  genre,  le 
plus  fort  exemplaire  qui  existe  en  France.  Malheureusement  il 
a  perdu  une  de  ses  plus  belles  branches  et  a  beaucoup  souf- 
fert des  rigueurs  de  l'hiver  de  1879.  Bien  que  ses  forces  vitales 
paraissent  moins  actives,  il  se  couvre  encore,  chaque  année, 
de  cônes  fertiles  '. 

Ajoutons  à  la  louange  des  habitants  de  Moutigny-Lencoup, 
qu'ils  en  ont  fait  l'acquisition,  au  moyen  d'une  souscription, 
pour  le  soustraire  au  vandalisme  de  la  spéculatior).  Cette  sous- 
cription, qui  s'étendit  au  département  de  Seine-et-Marne, 
produisit  6,002  fr.;  la  commune  devint  propriétaire,  moyen- 
nant 8,002  fr.,  d'un  espace  de  1  hectare  64  ares  75  centiares 
de  terrain,  sur  lequel  le  cèdre,  et  d'autres  arbres  résineux, 
forment  une  agréable  promenade  publique  '. 


1.  Voici  quelles  sont  aujourd'hui  ses  dimensions  exactes  : 
Circonférence  au  ras  de  terre  8  mètres  30  cent. 

—  à  0  m.  î)0  c.  du  sol  7      —      65    — 

—  à  1  m.  —  7       —      40    — 

—  à2m.  —  7      —      90    — 

—  à  3  m.  20  c.  8      —      9a    — 
La  hauteur  totale  do  l'arbre  est  de  32  mètres. 

Au  couronnement  de  la  tige  (3  m.  20  du  sol),  les  trois  liranches  principales 
formant  la  tête,  mesurent  : 

La  première,  0  mètres  35  cent,  do  circonférence. 

La  deuxième,  î*  mètres  05  cent.  id. 

La  troisième,  4  mètres  80  cent.  iil. 

De  ces  branches  partent  de  nombreux  rameaux  dont  beaucoup  ont  déjà  la 
dimension  de  frros  arbres. 

Les  plus  grandes  branches  horizontales  allcignont  une  louf^ueur  do  20 
mètres  ;  le  périmètre  d(!  l'espace  couvert  est  donc  de  plus  do  10  ares.  Il 
était  beaucoup  plus  considérable  avant  les  dégâts  causés  au  branchage  jiar 
le  terrible  hiver  de  1878-1879. 

2.  Acte  devant  Vallée,  notaire  à  Donnemarie,  du  2  mai  \8hi. 


102  LES    TRUDAINE 

De  uos  jours,  uu  poC'te  originaire  de  Donneinarie,  a  célébré, 
dans  ses  vers,  le  cèdre  de  Montigny  et  rappelé  les  souvenirs 
historiques  se  rattachant  à  ce  roi  des  arbres  '. 

Des  importantes  créations  industrielles  des  Trudaine,  trois 
tuileries  occupent  encore  à  Moutigny  un  petit  nombre  d'ou- 
vriers. Des  terres  de  l'ancien  domaine,  une  partie  est  restée  en 
fermes  ;  la  portion  divisée,  notamment  l'enceinte  du  parc,  a  pu 
venir  en  aide  aux  cultivateurs,  mai.'?  n'a  guère  profité  à  la 
classe  ouvrière  qui  est  demeurée  dans  un  malaise  contre  lequel 
elle  essaie  d'appeler  l'industrie  à  son  secours. 

La  population  de  Montigny  a  conservé  le  souvenir  de  ses 
anciens  bienfaiteurs.  En  1824,  le  Conseil  municipal  donnait  à 
M'"''  de  Balivière  «  un  témoignage  public  de  gratitude  et  de 
profonde  reconnaissance  »,  en  décidant  qu'il  serait  placé,  aux 
frais  de  la  Commune,  sur  la  belle  fontaine  de  la  place  du  Mar- 
ché, don  de  Philibert  Trudaine,  une  plaque  de  marbre  noir 
portant  cette  inscription  '  : 

A    LA   FAMILLE   TRUDAINE 
LES    HABITANTS    DE   MONTIGNY-LENCOUP   RECONNAISSANTS 


Tour  à  tour  Magistrats,  Intendants  de  Province,  Conseillers 
d'Etat,  Prévôt  des  Marchands  de  Paris,  Intendants  Généraux 


3.  Hector  de  Saint-Maur.  —  Le  Dernier  Chant,  recueil  de  poésies  cou- 
ronné par  l'Académie-Française,  Paris^  in-S".  —  tes  Deux  Cédns, 
page  69  : 

«  Je  sais  dans  la  vallée  un  cèdre  au  front  superbe 


Si  je  te  loue  et  chante,  ô  mon  cèdre  inconnu. 

C'est  que  dans  ton  feuillage  un  grand  aigle  est  venu  : 

—  André  Chénier  —  ce  nom  de  l'ami  des  Trudaine 
Evoque  à  Monligny  sa  vision  soudaine 

—  Là  sur  sa  lyre  d'or  ou  ses  pipeaux  légers 
11  a  chanté  l'Aveugle  et  les  jeunes  bergers, 

La  Nymphe  au  pied  d'argent,  la  fraîche  hamadryade, 

Les  coteaux  d'Erymanthe  et  le  jeune  malade. 

Là  peut-être  —  qui  sait?  —  sous  le  rêve  plongeur 

Il  a  senti  bondir  l'ïambe  au  fouet  vengeur 

Et  futur  Archiloquc,  en  un  cœur  qui  s'elfare 

Entendu  Némésis  lui  crier  :  Saint-Lazare  !  » 

1 .  Ce  marbre  était  en  partie  brisé,  lorqu'en  1877,  la  Municipalité,  dési- 
reuse d'assurer  l'exécution  de  la  délibération  de  1824,  vola  l'acquisition 
d'une  plaque  de  fonte  reproduisant,  en  lettres  d'or,  la  même  inscrijjtion. 


LES   TRUDAINE 


103 


des  Finances,  Directeurs  du  Commerce  et  des  Ponts-et-Cliaus- 
sées,  les  Trudaine  rempliront,  pendant  près  d'un  siècle,  un 
rôle  vraiment  distingué  dans  les  affaires  de  la  France.  Habiles 
administrateurs,  économistes  profonds  et  hardis,  ils  favorisè- 
rent puissament  l'Industrie  et  l'Agriculture  ;  ennemis  des  abus, 
ils  s'appliquèrent,  avec  une  constante  énergie,  à  répartir  d'une 
manière  équitable,  entre  les  diverses  classes  de  la  société,  les 
impôts  et  autres  charges  qui  pesaient  plus  particulièrement 
sur  le  peuple  des  campagnes.  Guidés  par  un  sentiment  de 
sagesse  et  d'humanité,  ils  montrèrent  toujours,  dans  la  vie 
publique  comme  dans  la  vie  privée,  cet  esprit  droit  et  juste,  ce 
caractère  ferme  et  impartial  qui  dénotent  l'homme  de  mérite 
et  le  grand  citoyen  ;  dévoués  à  leurs  devoirs,  aimant  avec 
simplicité  la  patrie,  ils  ont  rendu  des  services  et  donné  des 
exemples  qui  inspirent  l'estime,  la  reconnaissance  et  une 
sorte  d'affection. 

En  esquissant  à  grands  traits  la  biographie  des  Trudaine, 
nous  sommes  forcément  resté,  nous  le  sentons,  au-dessous  de 
notre  tâche.  Pour  aborder  un  tel  travail,  il  eut  fallu  une  expé- 
rience autre  que  la  nôtre,  un  véritable  talent  d'historien.  Notre 
seul  mérite,  et  nous  sommes  heureux  de  l'avouer,  c'est  d'avoir 
exhumé  de  l'oubli,  qui  atteint  si  vite  le  présent,  et  à  plus 
forte  raison  le  passé,  les  principales  circonstances  de  la  vie  de 
ces  hommes  utiles,  en  rappelant  leurs  titres  au  souvenir  du 
pays. 

[A  suivre).  Ernest  Choullier. 


LES  ARCHIVES  DES  ACTES  DE  L'ETAT-CIVIL 

DE 

CHALONS-SUR-MARNK 


Paroisse  Sainte-Margruerite 

ler  REGISTRE  (1602-1603) 

1.  Le  16  janvier  1602,  b.   Jacqueline,    1'.    de  M.  Morillon.    P.  M. 

Charron,  Trésorier. 

2.  Le  9  avril  1603,  h.  Jean,  f.  tle  M.  Jean  Le  Febure,  Recepveur 

(les  Tailles. 

3.  Le  8  may  1603,  b.  Jacquette,  f.  de  Jehan  Sébille.  P.  M.  Louys 

Parchappe . 

4.  Le  20  décembre  1603,  b.  Claude,    fille  de  M.    Daniel  Pinteville, 

Greffier. 

5.  Le  31  may  1604,    b.   Claude,  fils  de   Jehan    Sébille.    P.    Claude 

Rosnet . 

6.  Le  7  décembre  1604,  b.  Charles,  f.  do  M.  le  Recepveur  Le  Fe- 

bure. Parrains  :  M.  de  Plagny  et  M.  Le  Charron,  Recep- 
veurs. 

7.  Le  H  janvier  1605,  b.  Anne,  f.   de  M.   Le  Truc,   Procureur  à 

Chaalons. 

8.  Le  18  aoust  1606,  b.    Louise,   f.   d'honorable  homme  François 

d'Aoust,  Seigneur  de  CoUus.  Parains  :  Estienne  Le  Febure, 
Esleu,  et  Geoffroy  Gourlier,  Maraines  :  Louise  de  Bar  et 
Jeanne  d'Aoust. 

9.  Le  10  décembre  1606,  b.  Perrette,  f.  de  noble  homme  Daniel  de 

Pinteville  et  de  damoiselle  Claude  Chastillon. 
10.  Le  2  may  1607,  b.  Hugues,  f.  de  Simon  J-traux  et  de  Jacquette 

Vary . 
H.  Le  14  juin  1608,  b.  Rlanche,  f,  de  M.  Morillon. 

12.  Le  15  aoust   1610,  b.  Marguerite,    f.   de   noble  homme  Jacques 

Jolytain  et  de  damoiselle  Charlotte  des  Forges. 

13.  Le  23  septembre  1610,   b.    Jacqueline,    f.  de  M.    Claude  Rosnet 

et  de  Catherine  Deschamps. 

•  Voir  page  441,  tome  XIV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 


LES   ARCHIVES   DES   ACTES   DE   L'ÉTAT- CIVIL  lOô 

14.  Le  3  janvier  IGll,  b.  Ilicrosme,  f.  de  M.  Jacqac'S  True,  Procu- 

reur pour  le  Roy  et  do  lleleino  François. 

15.  Le  13  février  IGll,   b.  Charles,  f.    du  capitaine   Iliérosme,    do 

nation  égyptienne,  et  de  Françoise,  sa  femme. 
IC.   Le  9  février  1G12,  b.  NicoUe,  f.  de  M.    Truc,   Procureur  pour  le 
Roy  et  de  Heieine  François. 

17.  Le  6  may  1612,  h.    Marie,  f.   de   M.    Hugues   Ijallemant  et  de 

Marie  Mathé. 

18.  Le  9  septembre   1012,  b.  Jacques,    f.    de  noble  liommn  Jacques 

Jolytain  et  de  Charlotte  des  Forges. 

19.  Le  3  juin  1613,  b.  Nicolas,  f.  de  Claude  Rosnct  et  de  Catherine 

Deschamps. 

20.  Le  6  aoust  iGl'i,  b.  Marguerite,  f.  do  M.    Hugues   Lallemant  et 

de  Marie  Mathé . 

21.  Le  25  décembre  1614,  b.  Marie,  f.  de  Claude  Deya  et   de  Marie 

Braux. 

22.  Le  2  aoust  1615,  b.    Jean,   f.    de   Pierre  Le  Duc,    Seigneur  de 

Compertrix  et  de  Marie  de  Bar.  P.  Monsieur  le  Baron  de 
Conflans. 

23.  Le  5  aoust  1G15,   b.    Marguerite,   f.    de  Jean  I)eu  et  de  Anne 

Gargan. 

24.  Le  24  octobre  1G15,  b.    Mario,    f.    de  noble  homme  Jehan    de 

Morillon.  P.  Monsieur  Thomas  Braux,  abbé  de  Moromont.  M. 
Dame  Louyse  Le  Charron. 

25.  Le  14  janvier  161G,  b.  Jehan,  f.  de  Jacques  Seneuze  et  de  Marie 

Arnoult. 

26.  Le  15  mars  IGIG,  b.  Holeine,  f.  de  M.  Jacques  Truc,  Procureur 

et  de  Heleine  François. 

27.  Le  25  mars  1616,  b.    Hugues,   f.    de   Hugues   Lallemant  et  de 

Marie  Mathé. 

28.  Le    28   juillet    1616,   b.    Jehan,    f.    de  Jehan    Dcu    et    d'Anne 

Gargam.. 

29.  Le  19  décembre  1616,  b.   Marguerite,   f.   de  Claude   Deya  et  de 

Marie  Braux. 

30.  Le  25  janvier  1G17,  b.  Marguerite-Charlotte,  f.  de  messire  René 

Potier,  Comte  de  Tresme,  Conseiller  du  Roy  en  ses  Conseils 
d'Etat  et  privé,  Bailly  et  Gouverneur  de  Vallois,  Capitaine  de 
la  première  bande  Françoise  dos  Gardes  du  corps  du  Roy, 
Vuidame  et  Lieutenant-Général  en  Champagne  et  Gouverne- 
ment de  Chaalons  et  de  haullo  t^t  puissante  Dame  Marguerite 
de  Luxembourg,  sa  femme.  Parains  :  les  Lieuhînants  et  gens 
du  Conseil  de  ladite  ville.  Marraine  :  Dame  Marguerite  Potier 
pour  et  au  nom  de  Marguerite-Charlotte  de  Luxembourg. 

31.  Le  G  may  1617,  i).    Thiéry,  f.    de   M.    Hugues  Lalh-mant   et    de 

Mario  Mathé. 


106  LES   ARCHIVES   DES   ACTES   DE   l'ÉTAT-CIVIL 

32.  Lo  28  septembre  1G17,  b.  Pierre,  f.    de  noble  homme  Pierre  de 

Monchy,  Seigneur  de  la  Neufville  et   de    damoiselle  Jeanne 
Chedel. 

33.  Le  l"  octobre  1617,  b.  Anlhoinelte,  f.   de   noble  homme  Pierre 

le  Duc,  Seigneur  de  Compertrix  et  de  damoiselle    Marie    de 
Bar. 

34.  Le  20  febvrier   1018,  b.    Aljiin,   f.    de  .lelian   Deu  et  de  Anne 

Gargam . 

35.  Le  27  juin  1018,  h.  Jean,    f.    de   M.    Huguos  Lallemant    et    de 

Marie  Mathé. 
3G.  Le  10  juillet  1619,  b.  Elizabclli,  f,  de  Claude  Rosnet  et  de  Jac- 
quette  de  Nou. 

37.  Le  11  mars  1620,  b.  Jehan,  f.  de  Jehan  de  Pinteville,   Esleu   et 

de  Andriette  Lallemant. 

38.  Le  20  apvril  1620,  b.  Louys,  f.  de  Jacques  Seneuzo  et  de  Mario 

Arnould. 

39.  Le  25  octobre  1620,  b.  Anne,  f.  de  Louis  Guissolteet  de  Jeanao 

Vuary . 

40.  Le  21  octobre  1621,  b.    Marie-Madeleine,  f.    de    Pierre    Braux, 

Seigneur  de  Saint-Vallery  et  de  damoiselle  Marie  Hocart. 

41.  Le  9  novembre  1G21,  b.  Louyse,  f.  de  Didier  Deu  et  de  Margue- 

rite Ytam.  P.  Claude  Deya,  Seigneur  de  Germinon.  M.  Louyse 
Ytam . 

42.  Le  7  fel)vrier  1623,  b.  Louys,  f.  de  Jehan  de  Pinteville,  Esleu  et 

de  Andriette  Lallemant. 

43.  Le  18  apvril  1623,  b.  Martin,  f.  de  noble  homme  Martin   Nau, 

Seigneur  de  Clos  et  de  Marie  Mauclerc. 

44.  Le  17  octobre  1623,  b.  Pierre,  f.  de  Pierre  Braux  et  de  damoi- 

selle Marie  Hocquart. 

45.  Le  3  apvril   1626,   b.    Germain,  f.    de  noble  homme    Germain 

Godet,  Seigneur  d'Escury,  Baron   d'Elize  et  de  damoiselle  Jac- 
quette  Morillon. 

46.  Le  7  may  1625,  b.  Claude,  f,  de  no])le   homme  Jehan  de  Pinte- 

ville, Esleu  et  de  Andriette  Lallemant. 

47.  Le  27  juillet  1625,  b.  Louise,  f.  de  noble  homme  Nicolas  Braux, 

Seigneur  de  Saint-Vallery  et  de  damoiselle  Mane  Hocart. 

48.  Le  4  mars  1626,  b.  Claude,  J.  de  M.  Pierre  Ytam,  Advocat  pour 

le  Roy  et  de  Anne  Truc. 

49.  Le  27  juillet  1627,  b.  Jacques,  f.    de   M.  Pierre  Ytam,   Advocat 

pour  le  Roy  et  de  Anne  Truc. 

50.  Le  14  may  1628,  b.  Pierre,  f.  de  Jehan  de   Pinteville,  Esleu  et 

de  Andriette  Lallemant. 

51.  Le  8  juillet  1628,  b.  Pierre,  f.  de  noble  homme  Germain  Resche- 

fer  et  de  damoiselle  Mario  de  Paris. 


DE   CHALONS-SUR-MARNE  107 

52.  Le  4  septembre  1028.  b.  Marguerite,  f.  do  noble  homme  Robert 

Jolytain  et  de  dame  Marguerite  d(>.  Bar. 

53.  Le  7  mars  1629,  b.  Pierre,  f.  de  noble  homme   Pierre   Braux  et 

de  dame  Marie  Hocart. 

54.  Le  10  mars  1020,  b.  Louyse,  f.  de  M.  Pierre  Ytam  et  de  Anne 

Truc. 

55.  Le  9  octobre  1029,  b.  Quentin,  f.  de  Claude  Cocquart   et  de  Ni- 

colle  Lallemant. 

56.  Le  24  octobre  1029,  b.  François,  f.  de  Jehan  Sébille  et  de  Eliza- 

beth  Phili]ipe. 

57.  Le  28  mars  1030,  b.  Thiery,  f.  de  noble  homme  Germain  Bes- 

chefer  et  de  dame  Marie  de  Paris. 

58.  Le  5  novembre  1630,  b.  Claude,  fils  de  Pierre  de  Monchy  et  de 

Jeanne  Chedel. 

59.  Le  9  décembre  1030,  b.  Marguerite,  f.  de  noble    homme   Pierre 

Braux,  Esicu  pour  le  Roy  et  de  Marie  Hocquart. 

60.  Le  G  juillet  1031,  b.    Claire,    1".    de  Pierre  Guillaume,    Seigneur 

Vidame  de  Chaalons  et  de  Claire  Lespaniol. 

61.  Le  14  octobre    1631,   b.    Marguerite,  f.    de  noble  homme  Pierre 

Braux  et  de  damoiselle  Marguerite  Lasnier. 

62.  Le  10  janvier  1032.  b.  Elizabelh,   f.    de  noble  homme  Germain 

Beschefer  et  de  damoiselle  Marie  de  Paris. 

63.  Le  16  may  1033,  b.    Nicolas,  f.    de   noble  homme  Pierre  Guil- 

laume,   Seigneur  et  Vidasme  de   Chaalons    et    de  damoiselle 
Claire  Lespagnol. 

64.  Le  19  septembre  1033,  b.  Perrette,    f.   de   noble   homme  Pierre 

Braux  et  de  dame  Marie  Ilocart. 

65.  Le  20  juin  1034,  b.  Marie,    f.   de    noble  homme  Pierre  Braux, 

Seigneur  de  la  Pagerie  et  de  damoiselle  Marguerite  Lasnier. 

66.  Le  30  juin  1634,  b.  Germain,  f.  de  noble  homme  Germain  Bes- 

chefer et  de  dame  Marie  Paris. 

67.  Le  20  octobre  1034,  b.  Claude,  fils  de  M.  Claude  Cocquart,  Ad- 

vocat  pour  le  Roy  et  de  damoiselle  Nicole  Lallemant.  P.  Mon- 
sieur Antoine  le  Dieu,  Lieutenant  au  Bailliage  de  Vertus. 
08.  Le  13  novembre  IG3i,  b.  Jacques,  fils  de  M.  Pierre  Beschefer  et 
de  Marie  Quillart.  P.  Jacques  Beschefer,  Conseiller  en  la  Pré- 
vosté  de  Sainte-Maniîhould.  M.  Damoiselle  Jeanne  D'Origny, 
sa  femme. 

69.  Le  16  novemljre  1034,  1).  Ileleine,  f.    de  M.    Pierre  ue  Monchy 

et  de  Jeanne  Chedel. 

70.  Le  29  mars  1035,  b.    Mathieu,  f.    de  Jacques  Guillaume  et  de 

Perrette  Lespagnol. 

71.  Le  25  octobre  1635,  b,  Nicolas,  f.  de  Pierre  Braux,  Seigneur  de 

la  Pagerie  et  de  damoiselle  Marguerite  Lasnier. 


108  LES   ARCHIVES  DES   ACTES   DE   l'ÉTAT-CIVIL 

72.  Le  1«"'  avril  1636,  b.  Nicolas,  f,  de  noble  homme    Germain  Bes- 

chefer  et  de  damoiselie  Marie  de  Paris. 

73.  Le  14  avril  1637,  b.   Jacques,   f.   de  Jacques  Braux,    Escuyer, 

Lieutenant  criminel  en  l'Election  de  Chaaions  et  de  damoiselie 
Perrette  de  Bar. 

74.  Le  14  avril  1637,  b.  Jacques,  f.  de  noble  homme  Germain  Bes- 

chefer  et  de  damoiselie  Marie  de  Paris. 

75.  Le  6  may  1637,  b.  Charles,  f.  de  noble  homme  Pierre  Beschefer 

et  de  Marie  Quillart. 
7G.  Le  12  may  1637,  b.  Marie-Madeleine,  f.  de  noble  homme  Fran- 
çois de  Bar  et  de  Marie-Magdeleine,  sa  temme. 

77.  Le  1"'  octobre  1637,  b.  Anne-Suzanne,   fille   de    noble    homme 

Claude  Lignage,  Seigneur  de  Rosay  et  de  damoiselie  Charlotte 
de  Noël.  P.  Messire  Thomas  de  Braux,  abbé  de  Morimont.  M. 
Damoiselie  Anne  de  Poully. 

78.  Le  6  octobre  1637,  b.   Jacques,   f.    de  Jacques  Guillaume  et  de 

Perrette  Lespagnol. 

79.  Le  16  janvier  1638,  b.  Pierre-Artus,  f.  de  noble   homme  Pierre 

Guillaume,  Vuidasme  de  Chaaions  et  de  damoiselie  Claire  Les- 
pagnol. P.  Noble  homme  Artus  Guillaume,  Seigneur  de  Saint- 
Eulien,  Trésorier  général  de  France. 

80.  L3  25  juillet  1638,  b.  Agnès,  f.    de  .lacques  Braux  et  de  damoi- 

selie Perrette  de  Bar. 

81.  Le  2  juillet  1639,  b.  Jean,  f.  de  noble  homme  Jean  de  Morillon, 

Conseiller  du  Roy  au  Parlement  de  Metz  et  de  damoiselie  An- 
thoinette  Rochereau.  P.  Noble  homme  Denis  de  Rochereau 
d'Hauteville. 

82.  Le  le'-  septembre  1639,   b.    François,  f.  de  Claude  Linage,   Sei- 

gneur de  Rosay  et  de  damoiselie  Charlotte  Noël. 

83.  Le   2  octobre    163  9,    b.    François,    fds   de  noble  homme  Pierre 

Guillaume,  Vidasme  de  Chaaions  et  de  damoiselie  Claire  Les- 
pagnol. 

84.  Le  19  novembre  1639,  b.  Thomas,  fils  de  noble  homme  Germain 

Beschefer  et  de  damoiselie  Marie  do  Paris. 

85.  Le  13  may  1648,  b.  Jean,  f.  de  Jacques  Guillaume  et  de  Per- 

rette Lespagnol. 

86.  Le  6  mars  1641,  b.  Marie,  f.  de  Germain  Beschefer  et  de  demoi- 

selle Marie  de  Parip. 

87.  Le  9  mars  1642,  b.  Louis,  1.  <le  Louis   Domballe,   Sergent  royal 

et  de  Marie  Ytam. 

88.  Le  24  mars  1642,   b.    Marguerite,   f.   de  Jean  Pinteville    de   la 

Motte  et  de.  damoiselie  Jeanne  Loisson. 

89.  Le  25  juin  1642,  b.  Jacques,  f.  de  noble  homme  René  Lagneau, 

Recepveur  général  au  Grenier  à  sel  et  de  damoiselie  Marie 
Langaut. 


DE   CHALONS-SUK-MARNE  109 

90.  Le  19  juillet  1642,  I).  Nicolas,  f.  de  nolilo  homme  Germain  lics- 

chefer  et  de  damoiselle  Marie  de  Paris. 

91.  Le  5  novembre  1G42,  b.  Claude,  lils  de  Jacques  Guillaume  et  de 

Perrette  Lespagnol. 

92.  Le  8  novembre  1G42,   b.  Nicolas,  f.    de  noble  homme  Jacques 

Braux  et  de  damoiselle  Perrette  do  Bar. 

93.  Le  I G  janvier  1G43,  b.    Catherine,    f.    de  noble  homme    Claude 

Lignage,  Escuyer,  Seigneur  de  Piosay  et  de  damoiselle  Fran- 
çoise de  Neufville. 

94.  Le  19  janvier  1643,  b.  Anne,  f.  de  noble  homme  Pierre  Besche- 

fer,  Conseiller  du  Roy  et  de  damoiselle  Marie  Qnillart. 

95.  Le    18    janvier    1643,    b.    Cosmc,    f.    de  noble   homme  Claude 

Lignage,  Escuyer,  Seigneur  de  Rosay  et  de  deffunte  damoiselle 
Charlotte  de  Noël,  lequel  est  né  le  6  novembre  1640.  P. 
Claude  de  Noël,  Seigneur  des  Conardins. 

96.  Le  21  janvier  1643,  1).  Suzanne,  1".  de  noble  homme  Pierre  Bes- 

chefer  et  de  damoiselle  Marie  Quillart. 

97.  Le  20  juillet  1643,  b.  Jean,  f.  de  noble  homme  Jean   de  Pinte- 

ville  le  Jeune,  Soigneur  de  la  Motte,  et  de  damoiselle  Jeanne 
Loisson . 

98.  Le  23  août  1613,  b.  Perrette,  f.  de  noble  homme   Germain  Bcs- 

chefer  et  de  damoiselle  Marie  Paris. 

99.  Le  13  septembre  1643,  b.  Perrette,  f.    de   Claude  Rosnet  et  de 

Claude  Ytam .  P.  Noble  homme  Jean  d'Andresson,  Escuyer, 
Seigneur  de  Livry.  M.  Damoiselle  Perrette  du  Molinet. 

100.  Le  19  mars  1644,  b.  Joachim,  f.  de  noble  homme   Claude   Li- 

gnage, Escuyer,  Seigneur  de  Rosay  et  de  damoiselle  Françoise 
de  Neufville. 

101.  Le  21  août  1644,  b.  Marie,  f.  de  noide  homme  René  Lagneau, 

et  de  damoiselle  Marie  Langaut. 

102.  Le  18  septembre  16ii,  b.  Claude,  fils  de  noble  homme  Fran- 

çois de  Bar  et  de  damoiselle  Catherine  Angenoust. 

103.  Le  20  octobre  1644,  b.  Claude,  fille   do  noble  homme  Jean  de 

Pinteville  le  Jeune,  Seigneur  de  la  Motte  et  de  damoiselle 
Louise  Loisson.  P.  Noblo  homme  Claude  Loisson. 

104.  Le  3  febvrior  16'i5,  1).  Madeleine,  fille  de  noble   homme   Pierre 

Beschefer  et  de  damoiselle  Marie  Quillart. 

105.  Le  6  febvrier  1045,  b,  Claudf,  fils  diî  noble   homme  C1an<le  Li- 

gnage, Seigneur  de  Rosay  et  de  damoiselle  Françoise  de 
Neufville. 

106.  Le  17  may  1645,  It.  François,    f.    de  Jacques   Guillaume  et  de 

Perrette  Lespagnol. 

107»   Le  24   septembre    1645,    1».    Marie-Madeleine,    fille    df    noble 
homme  Jacques  Hraux  et  de  damoisello  Perrette  de  Bar. 


110  LES   ARCHIVES    DES   ACTES   DE   l' ÉTAT-CIVIL 

108.  Lo  31  octobre  1C45,  b.  Ilierosme,  f.  de  noble  homme  Jean  de 
Pintevillc  le  Jeune,  Seigneur  de  la  Motte  ot  de  damoiselle 
Louise  Loisson. 

100.  Le  17  novembre  1G45,  b.  Françoise,  f.  de  noble  homme  Ger- 
nijin  Beschefer  et  de  damoiselle  de  Paris. 

110.  Le  7  janvier  1G4G,  b.  Louis,  f.    de  noble   homme  François  de 

Lar  et  de  damoiselle  Catherine  Angenoux. 

111.  Le  18  avril  1G46,  b.    Pierre,   fils   de  Mathurin  Lespagnol  et  de 

Malhurin  Cabrillon. 

112.  Le   21   janvier    1G47,    b.    Louise,  f.  de  noble  homme  Germain 

Beschefer  et  de  damoiselle  Marie  de  Paris. 

113.  Le  27  janvier  1647,  b.  Nicolas,  f.  de  noble  homme  François  de 

Bar  et  de  damoiselle  Catherine  Angenoux. 

114.  Le  4  avril  1G47,  b.  Louise,  f.    de  noble  homme  Ciiarles  Deu, 

Seigneur  de  Saint-Remy  et  de  damoiselle  Louise  de  Joibert. 
P.  Jacques  de  Joibert,  Escuyer,  Seigneur  d'Aulnay-le- 
Chastel . 

115.  Le  21  juillet  1G47,  b.  Louis,  f.  de  noble  homme  Jacques  Braux 

et  de  dame  Perrettc  de  Bar. 

116.  Le  3  febvrier  1648,  b.  Jean,  f.  de  noble  homme  Philippe  Dom- 

balle  et  de  damoiselle  Philippe  Le  Moyne. 

117.  Le  25  mars  1648,   b.    Gabrielle-Claude,  fille   de  noble  homme 

Edouard  Larcher,  Conseiller  du  Roy  en  son  Grand  Conseil  de 
Paris  et  de  dame  Gabrielle  de  Loubert. 

118.  Le  7  avril  1648,  b,  Gilles,  f.  de  Claude  Gocquart  et  de  damoi- 

selle Nicole  Lallemant. 

119.  Le  7  juin  1648,  b.  Pierre,  f.    de  noble  homme  Charles  Deu, 

Seigneur  de  Saint-Remy  et  de  damoiselle  Louise  do  Joibert. 

120.  Le  1'=''  décembre  1648,  b.  Marguerite,  f.   de  noble  homme  Jac- 

ques Braux  et  de  damoiselle  Perrelte  de  Bar. 

121.  Le  1 1  janvier  1G49,  b.  François,  f.  de   noble   homme  François 

de  Bar  et  de  damoiselle  Catherine  Angenoux. 

122.  Le  2  septembre  1G49,   b.    Anne-Françoise,  âgée   de  trois  ans, 

f.  de  Monsieur  de  Vaubecourt,  Gouverneur  de  Chaalons  pour 
le  Roy  et  de  Charlotte  de  Vergeur.  P.  Messire  François  Pous- 
sard.  Marquis  de 

123.  Le  19  décembr.'i  1649,  b.  Estienne,  f.  de  noble   homme    Fran- 

çois Rosnay  et  de  damoiselle  Marguerite  Le  Febure. 

124.  Le  2  lévrier    1650,   b.    Marie,    fille  de   noble  homme    Edouard 

Larcher,  Seigneur  de  Pocancy  et  de  dame  Gabrielle  de  Lou- 
bert. 

125.  Le  23  février   1650,    b.    Claude,    f.    de  noble   homme  Jean  de 

Pinteville,  Contrôleur  au  Grenier  à  sel  et  de  demoiselle  Louise 
Loisson. 


DE   CHALONS-SUR-MARNE  111 

1Î6.   Le  22  jaillct  1650,  h.  Jacques,  f.  d'honorable   homme  Louis  do 
Bar  et  de  damoisolle  Catherine  Angenoux. 

127.  Le  15  septembre  1G50,  b.  Jean,  fds  de  noble  homme  Claude  de 

Pinteville,  Conseiller  du  Roy  au  siège  présidial  de  Chaalons   et 
de  damoiselle  Cécile  Le  Mire. 

128.  Le  17  octobre  1G50,  b.  Gabriele,  (ille  de  Antoine  Godet,  Escuycr, 

Seigneur  de  Souday  et  de  dame  Marie  de  Goujon.  P.  llierosme 
de  Goujon,  seigneur  de  Thuisy. 

129.  Le  21  novembre  1051,  b.  Pierre,  f.    d'honorable  homme  Fran- 

çois de  Bar  et  de  damoiselle  Catherine  Angenoux. 

130.  Le  li  janvier  1652,  b.    Cécile,  f.  de  noble   homme  Claude  de 

Pinteville  et  de  damoiselle  Cécile,  sa  femme. 

131.  Le  12  juin  1G52,  b.  Henry,  f.    de  Jean  de  Pinteville,  Escuyer, 

Seigneur  de  la  Motte  et  de  damoiselle  Jeanne  Loisson. 

132.  Le  20  octobre  1G52,  b.    Hélène,  f.    do  François    Rosnet  et    do 

Marguerite  Le  Febure. 

133.  Le  30  aoust  1653,  b.  François  de  Pinteville,  f.  de  M.  de  Pinte- 

ville et  de  damoiselle  Jeanne  Loisson . 

134.  Le  30  septembre  1653,  b.  Claude,  f.  de  noble  homme  M.  Louis 

de  Bar,  Seigneur  de  Vitry-Ia-Ville  et  de  Catherine  Angenoux. 

135.  Le  11  octobre  1653,  b.  Louis,  f.  de  François  Papillon,  Seigneur 

de  Couvrot  et  de  damoiselle  Marguerite  de  Noël. 
13G.  Le  26  janvier  1654,  b.  François,  f.  de  noble  homme   François 
Mathé,  Seigneur  de  la  Poterie  et  de  Coupéville,  et  de   damoi- 
selle lléleine  de  Nugot.    P.    Laurent  de  Nugol,   Seigneur    de 
Saint-Aubin. 

137.  Le  14  octobre  1654,  b.  Jeanne,  f.  de  Claude  de  Pinteville,  Es- 

cuyer, Seigneur  do  Montcetz  et  de  damoiselle  Cécile  de  Mirrhe. 
P.  Pierre  de  Pinteville,  Escuyer,  Seigneur  de  Dommartin. 

138.  Le  20  novembre  1654,  b.  Marguerite,  f.    de  noble  homme   M. 

Louis  de  Bar  et  de  Catherine  Angenoux.   P.  Nicolas  de  Bar. 
M.  Damoiselle  Angenoux,  la  grand-mère. 
130.   Le  31  décembre  1654,  b.  J*ierre,  f.  de  noble  homme  Jacquesde 
Pinteville  et  de  damoiselle  Jeanne  Loisson. 

140.  Le  24  avril  1655,  b.  Anne,  f.    de  noble  homme  Jacques  Braux 

et  de  damoiselle  Perrette  de  Bar. 

141.  Le  24  avril  1655,  b.  Pierre,  f.  de  noble  liomme   Pierre  Ilandel 

et  de  damoiselle  Anne  Lasson. 

142.  Le  2'J  juin  1655,  b.  Perrette,  f.  do  François  Rosnay  et  de  Mar- 

guerite Le  Febure. 

[A  suivre).  Gi«  D.  de  K. 


LES  REGISTRES  BÂPTISTAIRES 


Louis  XV,  roy  de  France,  aagé  de  douze  ans,  fut  très  dangereu- 
sement malade  les  premiers  jours  d'aoust  1721.  Sa  convalescence 
réjouit  extraordinairement  toute  la  France'. 

M.  l'abbé  Dubois,  minisire  des  affaires  cstrangères,  fut  nommé 
archevesque  de  Cambray  ;  il  fut  ensuite  fait  cardinal,  puis  archevesque 
de  Rlieims' . 

Le  prince  Bracciano,  italien,  eut  dispense  du  pape  Innocent  XIII 
pour  espouser  en  secondes  nopces  la  sœur  de  sa  première  femme  ; 
chose  inouye  parmi  les  catholiques^. 

La  peste  quitte  Marseilles  et  Toulon,  et  fait  des  progrès  dans  le 
Gévaudan  ' . 


*  Voir  page  37S,  tome  XlV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 

1.  Louis  XV  tomba  mfiUifle  le  31  juillet;  cinq  jours  après  il  entrait  en 
convalescence. 

2.  Guillaume  Dubois,  né  à  Brives,  le  (5  septembre  1650,  ministre  des 
affaires  étrangères,  depuis  le  24  septembre  1718,  fut  nommé  à  l'archevêché  de 
Cambray  en  mars  1720.  Il  reçut  tous  les  ordres  le  même  jour  à  une  messe 
basse  en  vertu  d'un  bref  ad  hoc  et  d'une  permission  de  l'archevêque  de 
Rouen  ;  le  9  juin,  le  cardinal  de  Rohaii,  assisté  de  Tressan,  évêque  de 
Nantes,  et  de  Massillon,  évêque  de  Clermout,  le  sacra  au  Val-de-Grâce. 
Innocent  XIII  nomma  Dubois  cardinal  dans  le  Consistoire  du  16  juillet  1721. 

Quant  à  l'archevêché  de  Reims,  vacant  depuis  la  mort  du  cardinal  Fran- 
çois de  Muilly,  13  septembre  1721,  le  duc  d'Orléans  l'offrit  à  Fleury  qui  le 
refusa,  et  qui,  prié  par  le  régent  de  désigner  le  titulaire,  fit  nommer  l'abbé 
de  Guemcnée,  Armand-Jules  de  Rohan,  lequel  fut  sacré  le  28  mai  1722. 
Fleury  reçut  en  échange  l'ubbaye  de  Saint-Elicnne  de  Caen  qui  rapportait 
7(»,000  livres. 

3.  Ballhasar  Erba^  duc  de  Bracciano  par  héritage  de  son  oncle  maternel, 
Livio  Odescalchi,  avait  épousé  en  premières  noces,  le  7  janvier  1717,  Fla- 
minie-Marie-Françoise  Borghèsc  qui  mourut  en  couches  le  6  décembre  1718; 
le  10  décembre  1721,  il  se  remaria  avec  sa  belle-sœur,  Marie-Madeleine 
Borghèsc.  —  Rappelons  un  cas  inverse  qui  avait  eu  lieu  quelque  temps 
auparavant  :  Vingt-six  mois  après  la  mort  de  son  premier  mari,  Edouard 
Farnèse,  Dorothée-Sophie  do  Bavière,  épousa,  le  8  décembre  169."i,  son  beau- 
frère  François  Farnèse. 

4.  La  peste  fut  apportée  dès  1720  à  Marvejols,  dans  le  Gévaudan,  par 
des  marchands  venant  de  Marseille;  ses  ravages  y  furent  considérables.  En 
1721,  elle  se  déclara  à  Avignon,  atteignit  La  Ganourge  et  Alais. 


LES    REGISTRES    BAPTISTAIKES  113 


1  ^SS 


Cotte  année  1722,  Louis  XV,  roy  do  France,  espousa  par  procura- 
tion l'infante  d'Espagne,  fille  de  Philippe  V,  oncle  de  Louis  XV  '  . 

A  pareille  jour.  Mademoiselle  de  Montpcnsier,  fille  du  duc  d'Orléans, 
régent,  espousa  le  prince  des  Asturies,  son  cousin  ". 

La  peste  cessa  en  Provence  celte  mesme  année,  et  recommença 
comme  auparavant  à  Marscilles  et  à  Avignon. 

M.  le  marquis  de  Dinteville,  l'aisné,  rerut  brevet  de  capitaine  dans 
le  régiment  de  la  Cornette  blanche.  M.  de  Hiigny,  son  frère,  fut 
nommé  cornette  au  mesme  régiment'' . 

Je  fus  nommé  e.xécuteur  testamentaire  des  derniesres  volontés  de 
défunt  ISL  Crevel,  ancien  curé  de  Sylvarouvre,  le  31  janvier  1722*. 

Au  mois  de  mai  1722,  on  obligea  tous  les  habilans,  sans  exception, 
d'aller  pionner  et  rétablir  les  grands  chemins;  ce  qui  estoit  quelque 
chose  d'affreux,  attendu  que  les  paroisses  estoiont  pi'esque  aban- 
données et  les  pauvres  habitans  obligés  d'emporter  de  quoi  se  nourrir, 
eux  et  leurs  bestiaux,  estant  éloignés  la  plupart,  de  sept  à  huit  lieues 
des  travaux  publics:  ce  qui  duroil  tout  l'été. 

M.  de  Dinteville  et  M.  de  Bligny  entresrent  à  l'Académie  le  l^^' 
juillet  1722  =  . 

Cartouche,  le  plus  insigne  voleur  qui  ait  jamais  j)aru,  fust  exécuté 
à  la  (îreve  à  Paris;  et  pendant  le  cours  de  celte  année,  on  ne  cessa 
de  pendre  et  rompre  ceux  de  sa  suite". 


1.  Piir  une  des  clau.ses  du  traité  de  Madrid,  l'iulaute,  Maric-Anne-Vic- 
toire,  iille  de  Philippe  V  et  de  sa  seconde  femme,  Elisabeth  Farnèse,  fut 
fiancée  à  Louis  XV,  tandis  que  le  prince  des  Asturies,  dom  Louis,  l'était  à 
Louise-Elisabeth  d'Orléans,  dite  Mademoiselle  de  Moutpensicr.  Le  9  janvier 
1722,  on  fit  l'échange  des  deux  princesses  dans  l'île  des  Faisans.  L'infante 
arriva  à  Paris  le  2  mars;  renvoyée  en  Espagne  en  1725,  elle  quitta  Ver- 
sailles le  3  avril. 

2.  Le  mariage  eut  lieu  à  Lerma,  le  20  janvier.  M''"  de  Montpe.nsier  devint 
veuve  en  1724  ;  l'année  suivante,  le  roi  d'Espagne,  ayant  été  avisé  du  renvoi 
de  l'infante,  fit  reconduire  à  la  frontière  la  veuve  de  dom  Louis,  Elle  mourut 
au  Lux(!rabourg,  à  Paris,  le  16  juin  1742,  âgée  de  33  ans. 

3.  Ce  sont  les  deux  aînés  des  enfants  alors  existant  de  Guillaume  Le 
Brun,  marquis  de  Dinteville,  et  d'Elisabeth  Quentin  de  la  Vienne  :  Bernard 
né  ei:  170G  ou  1707,  el  Charles,  né  un  an  plus  tard. 

4.  Louis  Crevel,  mort  âgé  de  77  ans,  était  déjà  curé  de  Sylvarouvros  en 
1678. 

ij.  Nous  ignorons  de  quelle  Académie  (de  province  sans  doute),  il  s'agit 
ici. 

0.  IjOuis-Domiui(jue  Carlouche  fut  rompu  vif  en  Grève,  le  28  novembre 
l721.  Notons  au  sujet  de  sa   bibliographie,    un   fuit  curieux  :   comme   ou 

8 


I  I  4  LES   REGISTRES   BAPTISTAIRES 

Les  b-iurgoois  de  Chauniont,  par  crainte  de  la  pcsle,  cessèrent  de 
nourrir  des  vaciies,  des  ijrebis  et  auxtres  .inimaiix  dans  ladite  ville. 

Le  Seigneur  aflligeu  ma  paroisse  par  la  chute  de  la  greslc  qui  fusl 
d'une  grosseur  extraordinaire,  telle  que  jo  n'en  avois  jamais  vu  de 
pareille,  et  qui  perdit  absolument  tous  lus  caresmages  avec  la  plus 
grande  partie  des  vignes  et  bleds.  Toutes  les  feneslres  de  l'église  de  la 
paroisse  furent  cassées,  les  oiseaux  tués  sans  compte  et  les  animaux 
dont  on  ne  s'aperçut  pas. 

Le  18  aoust,  messieurs  Mureschal  IVèrus  de  Langres  enlevesrent 
mademoiselle  Fèvre. 

Louis  XV  fust  sacré  à  Rheims,  le  2,")  octobre  1722,  par  Mgr  de 
llohan,  archevesque  de  Rheims.  Mgr  l'évesque  de  Langres  n'y  assista 
pas  pour  cause  de  maladie  ' . 

Louis  XV,  roy  de  France,  fusl  décloié  majeur  le  10  février  1723 
aagé  de  treizo  ans^'. 

Le  mardi  19  mars  1723,  un  loup  enragé  mordit  une  infinité  de  per- 
sonnes aux  environs  de  Vandœuvre  ;  il  y  en  eut  six  dont  la  peau  de 
la  teste  et  les  cheveux  furent  entiesrement  arrachés  et  défigurés  à 
Bligny  :  ce  qui  estoit  horrible  à  voir.  Une  femme  morte  de  la  rage, 
plus  douze  autres  personnes. 

Le  vendredi  saint  2ij  mars,  le  valet  de  chambre  de  M.  Maclo, 
maistre  des  eaux  et  forests,  assassina  M.  .louy,  procureur  au  Parle- 
ment de  Paris;  il  fui  arrêté  et  romjm  vil  à  Paris. 

11  lit  une  seicherossc  extresme  cette  année,  à  commencer  le  15  mars 
sans  qu'il  ])arût  de  la  pluie  jusqu'au  mois  de  juin;  la  disette  parut 
extraordinaire,  surtout  des  foins  et  menus  grains.  La  pluie  ne  dura 
point  et  les  chaleurs  augmcntesrcnt  la  seicheresse  pondant  le  mois  de 
juin  jusqu'au  20. 


demandait  de  tous  côlés  le  portrait  du  célèbre  voleur,  on  ne  trouva  rien  de 
plus  expédilif  que  de  mettre  le  mot  Cartoin  he,  sous  les  tètes  du  dessinateur 
Aubert  et  du  bibliophile  Le  Gallois,  qu'on  venait  de  graver  et  dont  la  res- 
semblance, cependant,  était  bonne. 

Nous  lisons  dans  une  lettre  de  la  mère  du  régent  (30  juin  1722J:  «  on  n'en- 
tend plus  parler  que  de  meurtres  et  de  vols.  On  a  trouvé  dans  une  chapelle, 
adicbés  sur  les  murs  et  jusque  sur  l'autel,  des  placards  annonçant  que,  si  on  ne 
cesse  de  roueretde  poudre,  le  feu  sera  misauxquatrecoinsde  Paris.  »  En  juillet 
1722,  dit  Micbelct,  il  y  avait  encore  cinq  cents  complices  de  Cartouche  au 
Châtelet. 

1 .  Armand-Jules  de  Rohan.  dont  il  a  é'é  question  dans  une  note  précé- 
dente, fut  archevêque  de  Reims  du  28  mai  1722  au  28  août  1762. 

2.  Le  lit  de  justice  pour  la  déclaration  de  la  majorité  se  tint  le  22  février. 
Louis  XV  était  ne  le  15  février  1710. 


LES  re;gistres  BAPTISTAIRES  1  1  îi 

M.  Huche,  seigneur  de  Lanty,  fit  faire  cette  année  une  forge,  au 
lieu  dit  le  Fourneau,  au  grand  préjudice  des  habitans  de  Dinteviile. 

Mgr  le  prince  de  Courtenay  mourut  à  Paris  au  l«''  de  mai  1723;  il 
avait  ospousé  en  secondes  nopces  la  mère  do  M.  le  marquis  de  Dinte- 
viile; dont  sortit  une  demoiselle  (jui  espousii  M.  le  marquis  de  BautVe- 
mont,  colonel  de  dragons'  . 

Arrest  qui  d  'fend  au  mois  de  juin  1723  à  tous  particuliers  de  vendre 
aucun  grain,  excepté  dans  les  marchés  publics  où  l'on  doit  le  conduire 
à  peine  trois  mille  livres  d'amende.  Mais  il  n'eut  pas  d'ellet  et  on  con- 
linua  à  vendre  chez  soi. 

Messieurs  de.  Dinteviile,  capitaine,  et  de  Bligny.  cornette,  se  ren- 
dirent à  leur  régiment  de  la  cornette  blanche,  le  29  mars  1723,  pour 
la  première  fois. 

Le  20  de  juin,  ua  garçon  de  Juvancourt,  demeurant  à  Lanty,  se 
noya  à.  la  fosse  Gringalet  allant  pescher  des  écrevissos. 

Plus  de  vingt  familles  prirent  le  remède  Saint-Hubert  par  précau- 
tion pour  avoir  mangé  d'un  veau  soupçonné  de  la  rage^.  On  n'a 
jamais  tant  vu  d'accidents  des  bestes  enragées  que  cette  année  :  Made- 
moiselle d'Arragebois,  sœur  de  mesdames  Bonnet,  fut  mordue  d'un 
chien  enragé  et  mourut  à  son  retour  huit  jours  après,  en  juillet  1723. 

Le  14  juillet  1723,  j'ai  posé  la  première  cheville  de  l'emjjalement 
au-dessus  de  la  forge  du  lourneau  bastie  par  M.  Huche,  secrétaire  du 
roy  et  seigneur  de  Lanty. 

Le  4  aoust,  mourut  le  cardinal  Dubois,  premier  ministre  del'Estat; 
il  estoit  fils  d'un  apothicaire;  il  fust  archevesque  de  (lambray;  il  avoit 
sur  son  corps  six  abbayes^. 


1.  Louis-Charles,  prince  de  Courtenay,  ne  mourut  pas  le  I*''  mai,  mai.s 
le  28  avril  I723,  et  fut  inhumé  le  30  dans  la  chapelle  Saint-François  de 
Salles,  à  Saint-Suipice.  Né  le  24  mai  1640,  il  avait  épousé  en  secondes 
noces,  le  14  juillet  1688  Hélène  de  Besançon,  veuve  de  Jean  Le  Brun,  pré- 
sident ail  grand  conseil,  et  tille  de  Bernard,  seigneur  du  Plessis  et  do  Louise 
d'Amphoux.  Hélène  de  Besançon  qui  mourut  le  3't  novembre  1713  eut  une 
(ille  :  Hélène  de  Courtenay,  née  le  7  avril  IGS^i,  mariée  le  5  mai  1712  à 
Louis- Bénigne  de  Bauifremonl,  marquis  de  LislenoisfI'où  descend  la  branche 
des  BaulFremont-CQurtenay. 

2.  Nous  ifrnorons  l'espèce  do  ce  remède  Sainl-Hui)ert  ;  toutefois  nous 
renverrons  le  lecteur  aux  ouvrages  suivants  où  il  est  question  de.s  neuvaines 
à  Saint-Hubert  et  des  oiéralions  relif-deuses  telles  que  tailles,  marques,  etc., 
faites  sous  riuvocaiioii  de  v.o  saint  contre  lu  r:ige  :  Ilisloire  critique  des 
piatiques  superstitieuses,  liv.  4,  cbap.  4;  Traite  des  superstitions,  par 
Thn-rs,  liv.  6.  cbap.  4.  Pèlerinage  de  Saint-Iluberten  Ardennes,  pur  l'abbé 
Bertrand  (Namur  18"j5)  ;  Iraditwns  et  Légendes  de  la  Belgique,  parle 
baron  de  Keiiisberfr-Diirinsgfeld  (Bruxelles  1870;,  tome  H,  p.  245-2ÎJ1  ; 
Mflusine  (Paris  1878),  col.  373-374  !  etc.,  etc. 

3.  Dubois  mourut  k  Versailles,  le  10  aofit  et  fut  inhumé  le  l'J  en  l'église 
Saiut-Houoré  de  l'aris.  Il  jouissait   d'un   revenu  annuel  que  Saint-Simon 


1  I  T)  LES    REGISTRES   BAPTISTAIRES 

Abondance  do  l'ruils  partout  celte  année  qui  ne  purent  se  consorver. 

Les  incendies,  surtout  de  villes  et  de  bourgs,  furent  communs  en 
Franco  depuis  six  mois. 

Le  roy  Louis  XV  exigea  liuil  millions  du  clergé  i)Our  son  joyeux 
avènement  à  la  couronne. 

Mademoiselle  de  Sylvarouvre,  fille  de  M.  le  marquis  de  Dinteville, 
prit  riiabit  de  novice  à  Montigny-les-Nonnes,  chapitre  du  comté  de 
Bourgogne,  le  15  octobre  17"23;  ce  fut  la  quatiiesme  sœur  dans  la 
mesnie  maison  '  . 

Philippe,  duc  d'Orléans,  régent,  mourut  enfin  comme  il  avoit  vescu 
sans  sacrement,  le  2  décembre  1723. 

On  demande  au  royaume  cinquante  millions  pour  le  joyeux  avène- 
ment. Beaucoup  d'assassins  à  Paris. 

L'argent  diminua  de  la  neufviesme  partie,  ce  qui  causa  une  perte 
irréparable. 

L'hiver  fut  extrêmement  doux,  sans  neige,  ni  gelées,  ni  pUiye,  sinon 
à  la  fin  de  février  et  en  mars  1724. 


estime  c  au  rabais  »  à  1,.534  mille  livres  ainsi  réparties  :  la  penaion  qu'il 
recevait  d'Angleterre,  à  24  livres  la  livre  sterling,  960,000  livies;  la  charge 
de  grand-maître  et  surintendant  général  des  courriers,  postes  et  relais  de 
France  (depuis  le  15  octobre  1721),  100,000  livres;  celle  de  principal  et 
premier  minisire  d'Etat  (depuis  le  22  août  1722),  150,000  livres;  l'arche- 
vêché de  Cambrai,  120, OfO  livres;  l'abbaye  d'Airvaux,  diocèse  de  La 
Kochelle,  (depuis  1G90),  12,000  livres  ;  celle  de  Saint-Just.  diocèse  de 
Beauvais,  depuis  1693)  10,000  livres;  celle  de  Nogect-sous-Coucy,  diocèse 
de  Laou,  (depuis  1705)  10,000  livres;  celle  de  Bourgueil,  diocèse  d'Angers, 
(depuis  17191   12,000  livres;   celle  de  Cercamp,  diocèse  d'Amiens,  (depuis 

1721)  20,000  livres  ;  celle  de  Bergues-Saint-"Viuox,  diocèse  d'Ypres,  (depuis 

1722)  60,000  livres;  enfin  celle  de  Saint-Berlin,  diocèse  de  Saint-Omcr, 
(depuis  1723)  80,000  livres.  Saint-Simon  croit  que  Dubois  touchait  encore 
20,000  livres  du  clergé  comme  cardinal.  Malgré  ce  revenu  que  Duclos  porte 
à  deux  millions  et  dans  lequel  ne  figurent  ni  «  l'argent  comptant,  ni  le 
mobilier  immense  en  meubles,  équipages,  vaisselles  et  bijoux  de  toutes 
sortes  »,  Dubois  «  quand  il  mourut,  cherchait  à  s'emparer  des  abbayes  de 
Citeaux,  de  Prémontre  et  d'autres  chefs-d'ordre  (Duclos).  » 

1 .  Ces  quatre  sœurs  sont  ;  1"  Louise-Hélène,  née  à  Paris,  paroisse  Saint- 
Sulpice,  le  29  janvier  1709;  2°  Elisabeth-Agnès,  dite  do  Bhgny,  née  aussi  à 
Paris,  même  paroisse,  le  17  février  1710;  3°  Marie-Thérèse,  dite  de  Juvan- 
courl,  et  plus  lard  de  Dinteville,  née  au  même  lieu  que  les  précédentes,  le  1 1 
avril  1711  ;  4°  enfin  Elisabeth-Agnès,  dite  de  Sylvarouvres.  Elles  entrèrent  à 
Montigny  en  1722  et  1 723.  En  1789,  la  deuxième  et  la  troisième  étaient  encore 
chanoine.sses  de  celte  abbaye;  la  dernière  était  probablement  décédée,  car  nos 
recherches  à  son  égard  sont  restées  vaines;  quant  à  la  première,  elle  s'était 
mariée  au  comte  d'Orlick,  maréchal  de  camp  et  colonel  du  régiment  alle- 
mand de  Royal-Pologne. 


LES   REGISTRES   BAPTISTAIRES  117 

Les  denrées  de  toules  espèces  sont  d'un  prix  exhorbilaul. 

Philippe  V,  roy  d'Espagne,  al)di([ii;i  le  royaume  et  le  remit  entre 
Ii>s  mains  de  son  fils,  prince  des  Asturies,  qui  avoit  espousé  la  prin- 
cesse d'Orléans.  Ce  roy  n'estoit  aagé  que  de  quarante-un  ans;  et  on 
ne  sait  au  juste  si  la  dévotion  si  opposée  aux:  roys,  ou  la  maladie 
furent  le  mobile  de  cette  extraordinaire  abdiquation  Un  empereur 
romain,  nommé  Dioclétien,  fit  la  mesme  abdiquation  dont  il  se  repentit 
bientôt.  Celle  du  roy  d'Espagne  se  fit  par  décret  écrit  de  sa  propre 
main,  le  15  janvier  1724. 

Au  mois  de  mars,  mourut  François  Gloi'inont-Tonnerre,  évesque  de 
Langres,  duc  et  pair  de  France.  M.  l'abbé  Dantin,  fils  du  duc  Dantin 
ot  petit-fils  de  madame  de  Montespan  fut  nommé  évesque  de  Langres. 
Cet  évesque  s'appelle  Pierre  Pardaillan  ' . 

Il  y  eut  une  diminution  du  cinquiesme  de  l'argent  le  l"""  avril  1724. 

En  1723,  le  28  de  mars,  il  y  eut  partout  des  asperges,  et  l'an  1724, 
il  n'y  en  avoit  aucune  le  20  avril,  car  ce  mois  fut  extresmement  froid. 

On  n'a  jamais  tant  vu  de  désordres  que  ceux  que  causèrent  en  ces 
contrées  ces  trois  années  consécutives  des  loups  enragés  dont  plusieurs 
moururent  de  la  rage,  tant  à  Rligny,  Lanty,  Aulbepierre,  Aulnoy  et 
aux  environs.  Une  infinité  de  bestiaux  et  de  chiens  furent  tués. 

Il  y  eut  une  grande  abondance  do  foin,  grains  et  vin,  cette  année. 

Dom  Louis,  roy  d'Espagne,  fils  de  Philippe  V,  mourut  au  mois 
d'aoust  de  la  petite  vérole,  après  avoir  régné  six  mois  et  quelques 
jours.  Son  père,  Philippe  V,  reprit  le  gouvernement  et  la  couronne  du 
consentement  des  grands  du  royaume  " . 

Cette  année  fut  remarquable  par  la  quantité  de  maladies  tant  de 
flux  de  sang  que  de  fiebvres  et  de  l'abondante  récolte  des  vins. 

M.  Bernard  Le  Brun,  marquis  de  Dintcville,  mourut  à  Uole-en- 
Comté,  le  4  novembre  1724'. 

[A  suivre).  A.  Daguin. 


1.  Frauçois-Louis  de  Clermout-Tonnerre  mourut  le  Vl  mars  1724;  on  a 
pubhé  dans  la  Haute-Marne,  Revue  champenoise  (Chaumont  1850),  page 
305,  le  récit  de  ses  funérailles.  Pierre  do  Pardaillaa  de  Gondriu  d'Antiufut 
nommé  en  avril  1724. 

2.  Dom  Louis  mourut  le  31  août  1724  ;  Philippe  remonta  sur  le  trône,  le 
îi  septembre  suivant. 

3.  Un  an  plus  lard,  jour  pour  jour,  décéda  à  Paris,  son  frf're  Charles, 
cornette  au  même  ré{.'iment.  Le  curé  Parisot,  après  avoir  eiiregi.stré  co  der- 
nier décès,  ajoute  :  «  il  est  à  remarquer  que  M.  son  frère,  aag"é  de  18  ans  et 
capitaine  au  mesme  régiment,  mourut  l'an  172'i,  le  4  novembre,  et  fut 
inhumé  à  Bligny,  estant  à  Dolo,  ville  do  Comté,  et  que  M.  sou  frère,  cor- 
nette, mourut  à  Pari.s  ce  mesme  jour  ayant  reeu  tous  les  sacremen.s,  le  jour 
de  Saint-Cliarlcs  qui  esloit  son  patron,  également  aagé  de  18  ans.  Ce  (jui 
fut  un  juste  motif  de  chagrin  ù  M.  et  ù  M""^^  do  Dinteville.   » 


LES  CONVENTIONNELS  DE  LA  MARNE 


BATTELLIER    (de  Vilry; 


Au  bas  de  la  pièce  se  trouve  ratleslalion  du  maire,  affirmant 
que  la  subsistance  eu  question  leur  a  bien  été  fournie  ;  que  le 
prix  des  repas  est  fixé  à  12  livres,  soit  204  livres  pour  les  six 
repas,  et  les  120  livres  pour  les  10  livres  par  jour. 

On  voit  —  bien  que  tout  lût  compté  certainement  en  assi- 
gnats, —  ce  qu'il  devait  en  coûter  à  la  République  pour  faire 
ainsi  opérer  ces  réquisitions  si  vexatoires  pour  les  culti- 
vateurs. 

Beaucoup  de  ces  réquisitions  ne  s'exécutaient  pas  volontiers 
si  l'en  en  juge  par  cette  contre-pièce  de  la  même  liasse,  que  je 
transcris  fidèlement  avec  ses  incorrections  : 

L'agent  de  la  commune  de  Bassuet  invite  le  citoyen  Salmon  commis- 
saire et  juge  de  paix  du  canton  de  Bassuet,  etc., pour  satisfaire  à  l'ar- 
rêté du  12  frimaire  dernier  ; 

Renvoyez  ladite  force  armée  chez  ledit  Salmon  comme  étant  en 
retard  d'une  demi-voilure  à  la  réquisition  du  12  messidor  an  III. 

Et  on  a  ajouté,  au  bas,  d'une  autre  écriture  (celle  du  signa- 
taire) : 

Pantaléon  Gringuillard  étant  chez  le  citoyen  Salmon,  il  nous  a 
fait  réponce  que  ceux  qui  nous  avaient  mis  en  œuvre  n'avez  quast 
nous  nourir  et  nous  payer  et  que  il  se  f . . .  du  département  et 
contre  f. . .  de  l'administration  de  Vilry,  et  que  il  n'agissez  que  pour 
rendre  service  a  Berton  qui  eltez  un  quoquint. 

Fait  le  jour  ci-dessus. 

Signé  :  Gûr-^rd-Rapinat. 

Ces  réquisitions  étaient  exigées  en  vertu  de  l'arrête  suivant 
(qui  fait  aussi  partie  delà  liasse  n*^  6,)  et  qui  était  reproduit 
sur  les  feuilles  envoyées  aux  communes  en  retard  : 


*  Voii  page  454,  tome  XIV.  de  la  Hcvue  de  Champagne  et  de  Brie. 


LES   CONVENTIONNELS   DE   LA    MARNE  110 

L'administration  municipilo  il«  Vitry-sup-M.irne,  délégué  par  lo 
département  do  ia  Mnrne,  et  agissant  sans  son  autorité,  >^n  V'-riu  de 
son  arrêté  du  12  brinnai'o  d'^rniiir,  pour  l'.'xécuiion  lic.  la  rûquisiti'm 
pour  l'approvisionnoment  di'S  marcliés  de  ladit»  cuuiinune. 

Faute  par  les  communes  désignées  en  l'état,  d'avoir  acquitté  lesdiles 
réquisitions,  requerrora  le  commandant  de  la  force  soldée  et  non 
soldée  de  Vitry,  de  diriger  une  force  armée  sur  ces  communes. 

Elle  s'adressera  aux  agents  ou  adjoints  desdites  communes  qui  sont 
requis,  s  ms  l"ur  responsabilité  de  fournir  l'état  des  citoyens  en  retard 
de  satisfiire  ladite  réquisition.  Ladite  force  armée  se  divisera,  par  un 
ou  deux  hommes,  ch  'z  iesdits  cultivateurs  en  retard,  à  l'effet  de  les 
contraindra  au  battage  et  transport  sur  le  prochain  marché  de  Vitry,  des 
quantités  de  graines  dm^s  par  cli  icau  il'eux. 

En  cas  de  refus  ou  résistance,  elle  se  fera  ouvrir  Us  portes  des 
maisons  par  le  premier  maréchal  ou  serrurier  qu'elle  requérera  et  en 
dressera  procès-verbal.  Elle  sera  logée  et  nourrie  et  ses  chevaux  par 
Iesdits  cultivateurs  en  retard.  Il  sera  foui-ni  à  chaque  homme,  par 
jour,  une  livre  et  demie  de  pain,  une  livre  de  viande  fraîche  ou  une 
demi-livre  de  salée  et  une  demi-bouteille  de  vin,  et  par  cheval  quinze 
livres  de  foin,  dix  livres  de  paille  et  un  demi-boisseau  d'avoine,  mesure 
de  Paris.  Il  sera  en  outre  payé,  par  jour,  à  chaque  homme  de  garde, 
non  soldé,  vingt-cinq  livres  et  ]iar  homme  de  garde  soldé  dix  livres, 
etc.,  elc. 

On  voit  qu'il  était  difficile  de  se  soustraire  aux  exigences 
de  ces  garuissaires. 

La  liasse  n"  9  contient  une  série  de  pétitions.  La  première  a 
trait  à  rélahlisscmeut  d'une  école  centrale,  que  Reims  reven- 
dique pour  sa  commune,  et  qui  serait  mieux  placée,  au  dire 
des  pétitionnaires,  à  Ghâlons.  La  seconde  demande  que  l'église 
Noire-Dame  de  Vitry,  convertie  en  dépôt  de  fourrages  par  un 
arrêté  de  l'ex-Représentant  Bô,  soit  rendue  à  la  piété  des 
habitants.  La  troisième  est  relative  à  la  réorganisation  de  la 
garde  nationale. 

Cette  même  liasse  contient  la  copie  d'un  discours  prononcé, 
le  21  germinal,  lors  du  remplacement  de  l'arbre  de  la  LiJjerté. 

Une  autre  pièce  contient  le  témoignage  de  reconnaissance 
des  anciens  membres  de  la  municipalité,  réélus. 

Enfin,  deux  pièces  imprimées  figurent  encore  dans  cette 
liasse  (n'ayant  pu  être  rangées  ailleurs),  et  nont  plus  qu'un 
rapport  éloigné  avec  la  situation  de  Vitry.  C'est  un  Mémoire 
apologétique  de  la  commune  de  celle  ville,  et  la  proclamation 
du  le'-  Consul  lors  du  Concordat.  Ww  projet  d'adresse  à  ce 
dernier  (où  les  faits  d'oppression  de  Battelier  sont  rappelés), 
figure  également  dans  celte  liasse. 


120  LES    CONVENTIONNELS   DR    LA    MARNE 

La  liasse  n"  10  ne  contient  qu'une  pièce  que  j'ai  cru  devoir 
garder  pour  la  fin,  car  elle  fait  apparaître  sous  son  vrai  jour  le 
caractère  de  Battelier  (que  les  papiers  de  M.  Deschiens  ne  font 
que  trop  bien  connaître),  et  jette  une  lumière  véritable  sur  les 
sentiments  intimes  de  l'ancien  représentant  de  Vilry. 

C'est  une  lettre  confidentielle  adressée  par  lui  à  Merlin,  mi- 
nistre de  la  justice,  à  la  date  du  10  nivôse  an  IV,  et  relative  à 
tous  les  faits  dont  il  vient  d'être  question.  Bien  que  la  pièce 
ne  soit  qu'une  copie,  elle  porte  avec  elle  son  caractère  d'au- 
thenticité. La  réponse  se  trouve  au  verso  avec  une  autre  lettre 
de  Battelier. 

Ami, 

Je  l'ai  écrit  à  la  hâte  ce  qui  s'est  passé  le  jour  de  mon  installation 
dans  la  place  de  commissaire  du  Directoire  exécutif  près  le  tribunal 
correctionnel  de  Vitry-sur-Marne. 

Dans  le  compte  que  je  t'ai  rendu  de  quelques-uns  des  acteurs  de 
cette  farce  aristocratique,  j'en  ai  oublié,  deux  assez  importants.  L'un 
est  encore  un  Dominé  Deslandres,  ci-devant  abbé  de  Moncey,  frère  de 
l'allié  de  Dorizy,  ei  l'autre,  encore  un  inspecteur  aux  viandes,  attaché 
à  l'armée  d'Italie.  (Cet  inspecteur  est  le  fils  d'un  pauvre  apothicaire 
appelé  Desroziers.) 

Ce  jeune  homme  est  à  Vitry,  je  ne  sais  comment.  Il  y  nourrit  deux 
superbes  chevaux  et  un  domestique  :  il  y  mange  et  y  joue  beaucoup 
d'argent  avec  tous  les  chouans  auxquels  il  se  rallie.  Tu  recevras  sous 
ce  pli  un  projet  d'adresse  et  une  adresse  de  la  municipalité  de  Vitry, 
dont  Hatot  étaitj,le  maire  (Detorcy  le  législateur  l'a  signé,  comme 
membre  du  conseil  de  la  commune)  et  une  autre  adresse  à  l'Assemblée 
primaire  présidée  par  Hatot  (le  même  Detorcy  l'a  fait  adopter  par 
l'autre  Assemblée  dont  il  était  secrétaire).  Elles  te  donneront  la 
mesure  du  civisme  de  ceux  qui  votent  hautement  mon  assassinat, 
parce  que  j'ai  voté  la  mort  de  leur  maître,  et  qui  pour  m'évincèr,  re- 
produisent, pour  la  cinquième  fois,  une  accusation  sur  laquelle,  dans 
le  temps,  le  Comité  de  législation  a  passé  deux  fois  à  l'ordre  du  jour. 
Les  colporteurs  de  cette  accusation  ne  faisaient  pas  fortune;  au  lieu 
de  signatures,  ils  n'obtenaient  que  des  mortifications  :  «Vous  soutenez 
donc  cet  homme,  se  sont-ils  écriés,  dans  leur  enthousiasme,  eh  bien, 
il  détruira  vos  églises  -,  »  et  les  signatures  de  pleuvoir. 

Ami,  tu  n'en  seras  pas  étonné,  quand  tu  sauras  qu'à  Vitry,  les  gre- 
nadiers et  les  chasseurs  vont,  tous  les  dimanches  et  fêtes  (vieux  style) 
à  la  messe,  en  armes,  précédés  des  tambours,  de  la  musique  et  d'un 
officier  dont  les  deux  fils  sont  émigrés.  La  loi  du  3  brumaire  n'est  pas 
exécutée,  Grenet.  oncle  d'émigré,  assesseur  du  juge  de  paix,  siège 
encore,  à  son  tour,  au  tribunal  correctionnel.  Il  y  a  trois  frères  d'émi- 
grés, au  bureau  de  bienfaisance.  (Ils  ont  substitué  au  mot  de  bienfai- 


LES   CONVENTIONNELS   DE    LA   MARNE  121 

sance  celui  de  charité  qui  avilit  (Javantao;e  li;s  iiialhoureux  et  relève 
d'autant  le  crédit  des  chouans.) 

Le  numéraire  républicain  et  les  assignats  sont  refusés  absolument  ; 
tout  est  payé  en  numéraire  royal,  ou  rien  n'est  vendu  ;  on  travaille  le 
peuple  en  cent  manières  ;  une  visite  de  cheminées  a  été  faite,  les  com- 
missaires choisis  à  cet  effet  par  la  municipalité,  étaient  en  même  temps 
porteur  du  registre  d'inscription  des  citoyens.  «  Voulez-vous  être  enre- 
gistrés ?  demandèrent  ces  couimissaires  aux  ouvriers,  cela  coûte  cinq 
livres,  mais  nous  vous  conseillons  do  les  garder,  ce  serait  payer  trop 
cher  le  droit  d'aller  perdre  votre  temps  ilans  une  Assemblée.  »  Tu 
reconnais  à  ce  langage  le  langage  du  président  de  la  Municipalité- 
Beaucoup  s'y  sont  fait  inscrire  malgré  la  perfidie  du  Clonseil.  Cette 
nuit  encore,  la  statue  de  la  Liberté  a  été  couverte  de  boue  et  son  pié- 
destal sali  d'inscriptions  outrageantes  pour  les  patriotes.  Tu  penses 
bien  que  j'y  figurais  le  premier?  On  écrit  anonymement  à  tous  mes 
amis  qu'ils  seront  assassinés  s'ils  continuent  à  me  voir  ;  enfin,  la 
terreur  est  telle  que  beaucoup  m'ont  abandonné  ! 

Citoyen  ministre,  rien  ne  m'intimidera.  Il  y  a,  à  Vitry,  des  patriotes 
vraiment  sages  et  amis  de  la  Constitution  républicaine,  et  si  le  Direc- 
toire m'appuie,  j'espère  avec  de  la  sagesse  y  faire  respecter  la  loi. 
Mais  l'administration  municipale  est  essentiellement  mauvaise.  Adieu. 
N'oublie  pas  ton  vieux  camarade.  Salut,  amitié  et  fraternité. 

Signé  :  J.  Baïtelier. 

P. -S.  Le  tribunal  n'a  rien  pour  frayer  aux  petites  dépenses  néces- 
saires, telles  que  le  bois,  la  chandelle,  la  rétribution  du  concierge.  Le 
greffier  et  son  commis  ne  sont  pas  assez  payés  ;  le  premier  a  mille 
livres  et  l'autre  500.  Tu  sens  bien,  mon  ami,  que  ce  n'est  pas  assez? 
Prononce,  mais  prononce  vite,  car  nos  besoins  sont  pressants.  S'il  te 
faut  un  mémoire  détaillé,  aie  la  bonté  de  me  l'écrire.  Encore  une  fois, 
souviens-toi  de  ton  vieux  camarade. 

Voici  la  réponse  du  ministre  Genissieux,  qui  avait  remplacé 
Merlin,  à  Battelier.  Elle  est  du  13  pluviôse  au  IV  : 

Je  me  propose,  citoyen,  de  mettre  sous  les  yeux  du  Directoire  exclu- 
sif, les  trois  imprimés  que  vous  avez  adressés  à  mon  prédécesseur,  et 
votre  lettre  du  10  nivôse  où  vous  dites  que  le  citoyen  Detorcy,  au- 
jourd'hui législateur,  a  signé  l'adresse  à  la  Convention  nationale 
comme  membre  du  Conseil  de  la  commune  et  qu'il  a  fait  adopter  le 
projet  d'adresse  par  l'assemblée  primaire  dont  il  était  secrétaire.  J'ai 
remarqué  que  l'arrcMé  do  l'assemblée  primaire  de  Vitry-en-Perthois 
est  signé  de  Charles-Maxime  Detorcy.  Do  ces  trois  faits,  il  y  en  a  deux 
que  je  ne  puis  conciliiir.Il  me  semble  que  le  citoyen  Detorcy  niî  pouvait 
pas  être  à  la  fuis  domicilié  dans  la  commune  de  Vitry-sur-Marne  et 
dans  la  commune  de  Vitry-en-Perthois  ;  qu'il  ne  pouvait  pas  être  membre 
du  Conseil  général  de  la  première  et  secrétaire  de  l'Assemblée  pri- 
maire formée  dans   la  seconde  ?   E.xpliquez-moi  bien   tout  co  qui   le 


122         LES  CONVENTIONNELS  DE  LA  MAENE 

regarde.  Il  serait  fâcheux  que  le  Directoire  provoquât  une  mesure 
vigoureuse  si  quelques-uns  des  faits  que  j'ai  lus  dans  votre  lettre  ue 
pouvaient  pas  être  constatés. 

No  douiez  pas  que  le  Directoire  exécutif  n'y  donne  la  plus  grande 
attention  et  ne  transmette  les  trois  imprimés  au  Conseil  des  Cinq- 
Cents,  s'il  est  constant  que  le  citoyen  Detorcy  les  a  signés. 

J'ai  dénoncé  au  ministre  de  l'intérieur  les  trois  frères  d'émigrés, 
membres  du  bureau  de  bienfaisance  delà  commune  qu'ils  ont  travesti 
en  bureau  de  charité.  Je  ne  doute  point  qu'il  ne  provoque  les  mesures 
que  la  loi  commande  pour  rendre  cette  admis! ration  à  la  pureté  des 
principes  de  son  institution  et  pour  la  remettre  à  dns  amis  surs  de 
la  République. 

Donnez-moi  sur  ces  trois  individus  et  sur  la  ten-nir  df  ce  bureau, 
tous  les  renseignements  que  vous  pourrez  vous  procurer.  Je  propo- 
serai moi-même,  si  je  suis  le  premier  bien  informé,  la  destitution  de 
ces  trois  parents  d'émigrés. 

Dès  le  21  pluviôse,  le  commissaire  Battelier  répond  au  mi- 
nistre de  la  justice  : 

Citoyen-ministre, 

Je  me  rappelle  parfaitement  comment  j'ai  donné  li-iu  à  vos  doutes . 
Au  moment  où  je  scellais  ma  lettre  du  12  nivôse,  on  m'apporta  le 
procès-verbal  de  l'Assemblée  primaire.  Je  l'enfermai  sous  la  même 
enveloppe  avec  les  autres  pièces  qu'elle  contenait  sans  aucune  expli- 
cation, mais  elle  est  simple. 

Le  citoyen  Maxime  Detorcy,  président  actuel  du  canton  de  Vilry- 
en-Perthois,  où  il  réside,  était  le  secrétaire  de  l'Assemblée  primaire  de 
ce  canton,  et  c'est  ce  Detorcy,  frère  du  législateur,  qui  a  signé  les 
arrêtés  pris  par  cette  Assemblée  primaire  dont  vous  me  parlez  dans 
votre  lettre  du  13.  Detorcy,  le  législateur,  était  secrétaire  et  a  signé 
les  procès-verbaux  de  l'Assemblée  primaire,  section  du  levant,  canton 
de  Vilry-sur-Marne. 

J'ai  adressé  au  citoyen  Merlin,  votre  prédécesseur,  et  à  vous,  ce 
procès-verbal  et  celui  de  la  section  du  midi,  je  vous  ai  transmis  celui 
de  la  section  du  midi,  avec  ma  dernière  lettre  ;  et  pour  vous  éviter  des 
recherches,  je  vous  transmets  encore  celui  de  la  section  du  levant. 

Indépendamment  de  ce  procès-verbal,  Detorcy,  législateur,  a  été 
l'un  des  rédacteurs  et  encore  a  signé  l'adresse  municipale  dont  vous 
avez  vu  un  exemplaire.  L'état  des  registres  de  la  commune  que  je 
joins  à  cette  lettre  vous  le  prouvera. 

Je  vous  assure,  citoyen-ministre,  que  cette  lettre  a  fait  bien  du  mal. 
Répandue  avec  profusion  dans  les  campagnes,  elle  a  tout  corrompu  ; 
par  elle,  beaucoup  de  cantons  ont  rejeté  les  décrets.  Le  canton  de 
Thiéblemont  a  rejeté  la  Constitution  et  les  décrets  et  celui  de  Cloyes 
s'explique   ainsi  :    «    En    considérant  le   bon   esprit  qui   règne  dans 


LES   CONVENTIONNELS   DE   LA    MARNE  123 

l'adresse  de  la  municipaliti'i  de  Vitry,    l'Ass^mliléo  primaire  du  canton 
do  Cloyes  déclare  qu'elle  est  en  iierman^nce.    » 

Je  vous  observe  que  tous  les  individus  et  notamment  les  citoyens 
Chauré  (de  Toulongeon)  et  Guillemin  occupent  des  places.  Ce  n'est  pas 
l'intention  de  la  loi.  Stimulez  l'activité  des  commissaires. 

Salut  et  fraternité. 

Signé  :  J.-C.  Battellier. 


IV 

J'ai  fini  ce  trop  long  exposé.  Les  papiers  de  M.  Deschiens 
jettent  une  lumière  vive  sur  l'état  des  esprits  à  Vitry,  avant, 
pendant  et  après  la  Terreur.  La  mémoire  de  Battelier  ne 
saurait  gagner  à  leur  étude  approtoudre.  En  revanche,  il 
ressort  de  l'examen  même  de  toutes  les  pièces,  qu'il  se  trouva 
alors  dans  notre  ville,  des  hommes  d'énergie  et  de  cœur,  enne- 
mis du  despotisme  et  amis  de  la  liberté  vraie,  qui  ne  craigni- 
rent pas  de  se  montrer  fermes  et  de  braver,  dans  l'intérêt  de 
leurs  concitoyens  qui  les  avaient  nommés,  les  colères  de  ceux 
que  les  circonstances  avaient  seules  rendus  puissants. 

J'ai  dit  que  Battellier  avait  voté  la  mort  du  Pvoi.  Il  est  peut- 
être  utile  de  rappeler  ici  en  quels  termes,  il  motiva  sou  vote  ; 
le  voici  : 

«  Si  je  n'étais  pas  convaincu,  je  le  serais  en  jetant  les  yeux 
«  sur  le  territoire  entier  de  mon  département.  J'y  verrais  les 
«  campagnes  ravagées  par  des  satellites  armés  au  nom  de 
«  Louis,  des  filles  violées,  des  enfants  immolés  dans  le  ber- 
«  ceau.  Un  tel  tableau,  et  il  n'est  que  trop  réel,  n'est  pas  fait, 
«  sans  doute,  pour  apitoyer  sur  le  tyran  qui  veut  rétablir  sa 
«  domination  absolue  et  provoquer  tant  de  crimes.  Je  vote 
«  pour  la  mort.   » 

Ce  triste  vote  n'a  pas  besoin  de  commentaires  ;  il  est  dou- 
blement odieux  lorsqu'on  le  rapproche  de  la  tranquillité  rela- 
tive dont  jouissait  notre  arrondissement,  dans  les  premières 
années  de  la  Révolution  ;  on  a  mèn;ic  le  droit  de  se  demander 
s  il  fut  émis  de  bonne  foi  et  s'il  ne  dénote  pas,  au  contraire, 
une  conscience  coupable  qui  cherche  à  se  tromper  elle-même 
en  invoquant  des  arguments  absolument  inexacts. 

Appelé  à  se  prononcer  sur  la  question  du  sursis  à  lexécu- 
cutionde  Louis  XVI,  Battellier  répondit:  non. 

Comme  tant  d'autres  sectateurs  ardents  des  idées  révolu- 
tionnaires, bientôt  convertis  au  despotisme,  — comme  Drouet, 


124  LES   CONVENTIONNELS    DE   LA    MARNE 

Thuriot.  Deville,  Lacroix  de  Constant,  ses  collègues  dans  la 
Marne  —  Baltellier  devait  finir  fonctionnaire  de  l'Empire. 
Nommé  procureur  impérial,  à  Vitry  môme  —  chose  à  peine 
croyable  —  il  y  mourut,  en  1808,  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions'. 

A.  Barbât  de  Bignicourt. 


1 .  Drouet  fut  iiommé,  sous  l'empire,  sous-préfet  de  Sainte-Meiiehould  ; 
Thuriot,  substitut  du  procureur  général  près  la  cour  de  cassation  ;  Deville, 
inspecteur  des  forêts  à  Reims  ;  Lacroix  de  Constant,  préfet  à  Marseille  et  à 
Bordeaux.  Tous,  hélas  !  étaient  régicides  ;  tant  est  vrai  le  mot  de  M  Beau- 
vallet  appliqué  à  Drouet  :  «  Homme  de  révolution  prêt  à  servir  un  dic- 
tateur. »  N'est-il  pas  vrai  que  tous  les  démocrates  sont  un  peu  de  ce  tem- 
pérament ? 


FAITS  ET  ACCIDENTS  METEOROLOGIQUES 

SIRVEMS  A  TROYES  ET  AlX  ENVIRONS  AVANT  1790 


(  Etat   des    Récoltes,    Prix    des    Denrées    et    Etat   sanitaire 


132b.  —  L'hiver  de  cette  année  fut  très  rigoureux  ;  la 
Seine  gela  si  fort,  par  deux  fois,  qu'on  la  traversait  sans 
danger  sur  la  glace,  à  pied  et  en  voiture  avec  des  charges. 
Quand  elle  dégela,  la  glace  rompit  la  plupart  deg  ponts  de  bois 
qui  se  trouvaient  au-dessus.  —  L'été  suivant  fut  si  sec  que, 
pendant  quatre  mois,  il  ne  plut  pas  l'espace  de  deux  jours,  et 
quoique  la  chaleur  fut  très  grande,  il  n'y  eut  ni  tonnerre,  ni 
éclairs.  On  ne  récolta  point  de  fruits,  mais  en  revanche,  on  fit 
de  très  bon  vin. 

1330-1 331 .  —  Pendant  tout  le  mois  de  novembre,  il  fit  de 
très  grands  vents,  et,  depuis  le  mois  de  décembre  jusqu'au 
mois  de  mars,  il  plut  presque  tous  les  Jours  ;  ce  qui  fit  extrê- 
mement grossir  les  rivières  ;  après  quoi  il  survint  une  grande 
sécheresse  qui  rendit  la  terre  si  dure  qu'on  ne  put  la  labourer 
en  plusieurs  endroits. 

1333.  —  L'été  fut  chaud  et  sec,  et  l'on  récolta  beaucoup 
de  très  bon  vin  qui  ne  se  vendit  qu'un  denier  le  selier  ' . 

1334.  Disette  de  blé  en  France  et  mortalité  du  bétail  par 
suite  de  l'humidité  de  1  hiver  et  de  la  sécheresse  de  lété. 

1350,  —  Il  y  eut  une  très  grande  fécondité  de  femmes 
cette  année  en  France  ;  presque  toutes  devinrent  enceintes  et 
plusieurs  même  curent  deux  et  trois  enfants  à  la  fois.  —  Ou 
ressentit,  la  même  année,  pendant  le  mois  d'octobre  un  assez 
fort  tremblement  de  terre. 

13G1 .  —  Pendant  la  semaine  sainte,  il  gela  si  fort  que  les 
blés,  les  vignes  et  les  arbres  fruitiers,  tels  que  noyers  et 


•  Voir  page  49,  lome  XV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Bric. 
1 .  Le  selier  de  vin  correspondait  à  7  litres  et  demi   et  le   dénier  vainit 
environ  5  centimes  de  notre  monnaie. 


126  FAITS    ET   ACCIDENTS    JNIKTÉOROLOGIQUES 

autres,  qui  claieut  fleuris,  furent  tous  perdus,  tant  en  Qiam- 
pagne  que  dans  les  provinces  circonvoisiaes.  Ou  ne  recueillit, 
cette  année-là,  que  de  l'avoine,  à  cause  des  fréquentes  pluies 
de  l'été.  Il  fit  ensuite  si  chaud  que  les  arbres  relleurirent  avant 
Noël;  ce  qui  n'empêcha  pas  de  récolter,  l'année  suivante  beau- 
coup de  blé,  de  fruits  et  de  vin. 

1363.  —  L'hiver  fut  horriblement  froid,  long  et  pluvieux,  il 
dura  jusqu'à  la  fin  du  mois  de  mars,  pendant  lequel  temps  il 
gela  presque  toutes  les  vignes  et  les  noyers  jusqu'à  la  racine, 
et  fit  mourir  beaucoup  de  brebis  et  d'agneaux  dans  les 
étables. 

1364.  —  On  ne  récolta  pas  de  froment  ni  de  vin  dans  les 
environs  de  Troyes.  Le  muid  de  vin  se  vendait  la  somme  de 
six  livres  '. 

1365.  —  Le  mercredi  13  août,  un  tourbillon  de  vent  ren- 
versa le  clocher  de  Saint-Pierre  qui  était  l'ornement  de  l'église 
et  l'orgueil  de  toute  la  ville  de  Troyes,  et  qui  causa,  par  sa 
chute,  un  donmiage  considérable  aux  maisons  voisines. 

1366.  —  On  récolta  du  vin  en  assez  grande  quantité,  et  la 
pinte  se  Vendait  à  Troj'es  5  deniers  ohole.  —  Au  mois  d'avril, 
la  môme  année,  le  selier  de  froment  de  dîmes  a  été  évalué  45 
sols,  le  setier  de  seigle  25  sols,  et  le  setier  d'avoine  15  sols. 

1367.  —  Au  mois  de  novembre,  la  pinte  -  de  vin  nouveau 
se  vendait  à  Troyes  6  deniers. 

1 369.  —  On  récolta  beaucoup  de  vin  aux  environs  de  Troyes, 
où  le  muid  valait  h{^  sois. 

1374.  —  Bonne  récolle  de  céréales.  Le  selier  de  froment  se 
vendait  25  sols  au  marché  de  Troyes,  celui  de  seigle  12  sols, 
celui  d'orge  et  celui  d'avoine  1 1  sols  chacun. 

1375.  —  Au  mois  de  novembre,  le  muid  de  vin  blanc  et  de 
via  clairet  de  Bar-sur-Aube  ou  des  environs  de  Troyes  se  ven- 
dait 3  livres  10  sols,  et  la  pinte  5  deniers.  Ladite  année  avait 
été  abondante  eu  vin. 

1377.  —  Année  abondante  en  vin;  la  pinte  se  vendait  2 
deniers. 

137'.'.  —  Au  mois  d'août,  le  setier  de  seigle  se  vendait  à 
Troyes  10  sols,  et  le  setier  d'avoine  7  sols  et  6  deniers. 


1.  Le  muid  (le  vin  ordinaire  était  de  22  setiers;  mais  il  y  avait  aussi  la 
gros  muid  qui  valoit  le  double. 

2.  La  piute  équivalait  à  près  do  57  centilitres. 


SURVENUS   A   TROYES  127 

1380. — Le  19  mai,  le  selicr  de  froment  a  élé  vendu  à 
Troyes  27  sols  G  deniers. 

1383.  —  Au  mois  d'octobre,  le  tonnerre  tomba  sur  l'église 
St-Pierre  et  y  mit  le  feu  qui  prit  ensuite  à  la  robe  d'un  corde  - 
lier  qui  cherchait  à  l'éteindre. 


XV-^  SlÈCLli. 

1417.  —  Plusieurs  chroniqueurs  rapportent  sans  en  préciser 
le  jour,  que  celte  année-là  il  s'éleva  aux  environs  de  Troyes  un 
orage  terrible  qui  ne  dura  pas  moins  de  quatorze  heures  et  détrui- 
sit toutes  les  récoltes  de  la  terre  qui  furent  foudroyées  et  bat- 
tues. Plusieurs  personnes  furent  tuées  ou  plus  ou  moins  griè- 
vement contusionnées  par  la  grêle  '. 

1425.  —  Le  lundi  13  août,  il  s'éleva  un  grand  orage  de  grêle 
et  de  tonnerre  qui  endommagea  beaucoup  les  vignes  et  les 
blés  sur  les  fmages  d'Isles,  de  Piamerupt  et  des  environs. 

1437. — Au  mois  de  juin,  une  horrible  famine  sévit  à 
Troyes  comme  dans  tout  le  reste  de  la  France.  Elle  était  occa- 
sionnée, tant  par  la  stérilité  de  celte  année  et  des  années  pré- 
cédentes que  par  les  incursions  et  les  pillages  des  soldats  non 
payés,  dont  les  uns  se  nommaient  les  Ecorcheurs  et  les  autres 
les  Retondeurs,  qui,  comme  des  enragés,  désolaient  les  cam- 
pagnes. De  sorte  que  les  paysans  s'étaient  retirés  dans  les 
villes,  et  le  labourage  étant  délaissé,  il  s'ensuivit  une  grande 
famine,  suivie  dune  peste  encore  plus  terrible,  surtout  à 
Trou  au  où  elle  fit  de  grands  ravages. 

1439.  —  La  première  semaine  du  mois  d'août  il  survint  un 
orage  de  grêle  qui  occasionna  de  grands  dégâts  sur  les  finages 
d'Orvilliers,  de  Vallaut-St-Georges,  des  Grandes-Chapelles,  de 
Ramerupt  et  villages  circonvoisnis. 

1440.  —  Au  mois  de  mai  les  vignes  furent  gelées  aux  en- 
virons de  Troyes. 

144o.  —  Celte  année,  on  récolta  peu  de  blé  dans  l'arrondis- 
sement d'Arcis,  el  point  de  vin  dans  les  environs  de  Troyes. 

144G.  —  11  y  eut  celte  année  beaucoup  de  bruine  dans  les 
blés  de  la  haute  Champagne  et  peu  de  vin  à  Troyes. 


1 .  Histoire  de  Charles  VI   pai'  Juvénal  des  Ursins,  page  338  ;  flisloiro 
de  Troyes  par  Théophile  Bouliot,  lome  II,  page  3G'J-370. 


128  FAITS    ET  ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

1447.  —  Beaucoup  de  bon  vin  aux  environs  de  Troyes.  On 
en  vendit  8  inuids  pour  20  livres  à  Bouilly. 

1448.  —  Grand  orage  de  vent  et  grêle  qui  sévit  particuliè- 
rement sur  les  fmages  de  Balignicourt  et  Donnement. 

KiCiO.  —  On  ne  recueillit  presque  point  de  Lié  dans  les  envi- 
rons de  Troyes  et  d'Arcis. 

1461.  —  La  plus  grande  partie  des  moissons  ont  été  perdues 
sur  pied  par  l'humidité  dans  les  environs  d'Arcis. 

1403-1464.  —  Récoltes  médiocres  eu  céréales  diverses, 

1 465.  —  Au  mois  de  février,  le  setier  de  froment  de  dîmes  a 
été  amodié  à  Troyes  à  1 0  sols. 

1466.  —  Les  blés  ont  été  gâtés  par  les  pluies  aux  environs 
de  Troyes.  —  Le  froment  de  dîmes  a  été  évalué  à  20  sols  le 
setier,  celui  de  seigle  à  10  sols,  celui  d'orge  à  6  sols,  et  celui 
d'avoine  à  o  sols. 

1471.  —  Au  mois  d'avril,  le  boisseau  de  froment  de  dîmes  a 
été  amodié  à  Troyes  à  la  somme  de  10  deniers.  —  Au  mois  de 
mai  les  blés  furent  fourrages  en  vert  par  les  soldats  pour 
nourrir  leurs  chevaux  ;  principalement  dans  les  environs 
d'Arcis  où  il  en  resta  fort  peu,  parce  qu'il  n'y  avait  presque 
pas  d'herbe  dans  les  prés. 

1472.  —  La  récolte  en  blé  a  été  médiocre.  Au  mois  de  sep- 
tembre, le  setier  de  froment  de  dîmes  se  vendait  à  Troyes  10 
gros  celui  de  seigle  5  gros,  et  celui  d'orge  ou  d'avoine  4 
gros. 

[A  suivre).  Arsène  Thévenot. 


HISTOIRE  DE  L'ABBAYE  D'ORBAIS 


PAR 


DOM    DU     BOUT 


Sur  lesdites  oppositiou,  assignation  et  protestation  des 
religieux  faites  aux  sj^ndic  et  habitans,  les  paroissiens  de 
Saint-Prix  s'assemblèrent  tous  en  corps,  au  son  du  tambour, 
sou.s  la  grande  halle,  en  la  manière  accoutumée  pour  délibérer, 
et  résolurent  entre  eux  de  donner  aux  abbé  et  religieux 
gros  décimateurs  les  décharge  et  indemnité  par  eux  de- 
mandées, ce  qui  fut  fait  à  l'instant  par  acte  public  passé  par- 
devant  Malhuriu  Gauva.n  notaire  royal  à  Orbaiz,  le  dimanche 
seizième  de  décembre  audit  an  mil  six  cens  quatre-vingt-dix, 
dont  voicy  la  copie  tirée  sur  celle  qui  est  dans  notre  chartrier 
et  la  minute  chez  ledit  Gauvain  : 

u  Ce  joLird'huy  dimanche  seizième  jour  de  décembre  mil  six  Acte  de  l'iu- 
«  cens  quatre  vingt-dix,  nardevaut  Mathurin  Gauvain,  notaire  ilemnite  don- 
«  royal,  tabellion  garde-note  héréditaire  au  bailliage  et  prévôté  ginux  gros 
«  de  Chàteau-Tierry,  résident  à  Orbaiz,  soubsigaé,  en  présence 
«  des  témoins  cy-aprés  nommez, sont  comparus  en  leurs  person- 
«  nés  :  Hubert  Tilloy,  procureur  syndic  des  habitans  et  commu- 
(I  nauléd'Orbaiz.maistre  Jérôme Juguiu.baillydudit lieu,  Louis 
«  Julion,  Gharles  Maloiseau,  Pierre  Baudouin,  Edmc  le  Dieu, 
«  Jean  Baudouin,  Louis  Munantei'iil,  Pierre  Cruchet,  Nicolas 
«  Mercier,  Michel  Rousseau,  Antoine  la  Rive  l'ainé,  Antoine 
a  la  Rive  le  jeune,  Vincent  JuUion  l'aîno,  Vincent  Jullion  le 
«  jeune,  Jean  le  Roy,  Louis  Marotte,  Didier  Charlon,  Gharles 


*  Voir  page  17,  lotnc  XV,  de  la  Revue  de   la  Champagne  el  de  Brie. 

9 


décimateurs 
d'()rbaiz. 


130  HISTOIRE   DE    l'aBBAYE    d'oRBAIS 

«  Morel,  Michel  Sassier,  Pierre  des  Troux,  Nicolas  Buffry. 
«  Charles  NoUon,  Hubert  la  Rive,  Jacques  Tilloy,  Michel. . . , 
«  EustacheGuillard,Viuceut Baudouin,  Pierre  Monnera, Claude 
«  Biverin,  Nicolas  Qarand,  Louis  Thibaud,  Hubert  Mera,  Jean 
«  Courlaillé,  Louis  le  Roux,  Jeau  CoUin,  Nicolas  Lilourneau, 
«  Louis 'Ihibaud,  Pierre  Carpenlier,  Jeau  Chevallier,  Jean 
«  Thomé,  Nicolas  Pasquet,  Pierre  le  Long,  et  Jean  Chalier. 
«  Tous  faisans  et  représeutans  la  plus  grande  et  saine  partie 
«  des  habitans  dudit  Orbaiz,  assemblez  sous  la  halle  dudit 
«  lieu  au  son  du  tambour,  à  la  manière  accoutumée,  sur  la 
«  requête  dudit  Tilloy,  syndic,  qui  a  représenté  ausdits  habi- 
«  tans  que  le  changement  du  crucilix  et  de  la  fermeture  du 
«  chœur  de  l'église  parroissiale  de  Saint-Prix,  quia  été  jugé 
«  nécessaire,  tant  pour  la  décoration  de  ladite  église  que  pour 
«  la  commodité  desdits  habitans,  ne  s'étant  pu  faire  à  l'insçù 
«  des  sieurs  décimateurs  de  cette  parroisse,  ils  y  auroieut  for- 
«  mé  opposition  signitiée  audit  Tilloy  par  Mercier,  sergent, 

0  le des  présens  mois  et  an,  avec  assignation  aux  ha- 

«  bitaus  pardevant  monsieur  le  bailly  de  Château-Thierry  ou 
«  monsieur  son  lieutenant  général  et  les  gens  tenans  le  siège 
«  présidial  audit  lieu,  pour  se  voir  condamner  à  remettre  la 
«  ballustrade  qui  sépare  le  chœur  d'avec  la  nef,  et  ensemble  le 
«  crucifix  qui  est  au-dessus,  au  même  endroit,  où  ils  ont  été 
«  de  tout  tems,  c'est-à-dire  à  l'endroit  des  deux  premiers  pil- 
«  liers  vers  l'autel,  si  mieux  n'aiment  lesdits  habitans  leur 
«  donner  une  indemnité  pardevant  notaires  eu  bonne,  forme, 
«  avec  protestation  de  tous  dépens,  dommages  et  intérests  ; 
«  et  qu'il  s'agit  présentement  de  résoudre  à  la  pluralité  des 
a  voix  si  l'on  remettra  ladite  ballustrade  et  le  crucifix  au  lieu 
«  où  ils  ont  toujours  été,  ou  si  ils  veulent  donner  préseute- 
«  ment"  ausdits  sieurs  décimateurs  une  indemnité  pardevant 
«  notaires,  par  laquelle  la  communauté  des  habitants  déclare 
K  et  reconuoisse  que  ladite  ballustrade  et  le  crucifix  qui  est 
«  posé  dessus  ont  toujours  été  posez  vis-à-vis  les  deux  pre- 
«  miera  pilliers  du  chœur  vers  fautel,  que  le  chœur  do  toute 
tt  antiquité  a  toujours  été  terminé  par  lesdits  premiers  pilliers, 
«  et  par  conséquent  tout  l'espace  qui  se  trouve  au-delà  des- 
«  dits  premiers  pilliers,  dans  lequel  est  le  clocher,  nest  point 
«  et  n'a  jamais  été  à  la  charge  desdils  sieurs  décimateurs, 
(I  mais  bien  à  la  charge  desdits  habitans.  Lesquelz  habitans 
tt  et  procureur  syndic  ont  tous  d'une  commune  voix  dit  et  de- 
nt claré  que  la  vérité  est  l'exposé  cy-dessus,  et  que  si  ils  ont 
«  fait  mettre  lesballustrade  et  crucifix  au  droit  des  deux  seconds 


HISTUTRE    DE   l' ABBAYE    d'oRBAIS  131 

«  pilliers  vers  l'autel  de  ladite  église,  où  ils  sont  à  présent,  ce 
«  n'a  été  que  pour  la  décoration  do  ladite  église  et  pour  leur 
«  commodité,  ([ue  ledit  reculenienl  de  ladite  fermeture  du 
«  chœur  et  du  crucifix  ne  2:)uisse  nuire  ni  préjudicier  en  au- 
«  cune  manière  ausdits  sieurs  déciinatcurs,  et  que  le  clocher 
«  de  ladite  église  n'est  nullement  à  la  charge  desdits  sieurs 
«  décimateurs,  ains  à  celle  desdits  habitans,  comme  faisant 
cr  partie  de  la  nef  conformément  aux  clauses  et  conditions  cy- 
(I  dessus,  voulant  et  consentant  que  le  présent  acte  serve  de 
«  pleine  et  entière  indemnité  ausdits  sieurs  décimateurs  pour 
«  leur  servir  et  valoir  en  tems  et  lieu  ce  que  de  raison,  et  que 
«  copie  leur  en  soit  lournie  incessamment  par  ledit  syndic  ou 
«  marguilliers  de  ladite  église;  dont  et  tout  ce  que  dessus  a  été 
«  donné  le  présent  acte  par  moy  notaire  susdit,  ce  requérants 
«  lesdits  habitans,  et  dont  etc.  . .  si  comme  etc. .  .  promettant 
«  etc.  . .  obligeant  etc. .  .  renonçant  etc. . .  ■ —  Fait  et  passé  à 
«  Orbaiz,  les  jours  et  an  susdits,  et  ont  lesdits  syndic  et 
«  habitans  signé,  ceux  qui  scavent  signer,  et  les  autres  dé- 
«  claré  ue  sçavoir  signer,  do  ce  interpellez  en  présence  de  Jean 
«  C.oursean,  laboureur,  demeurant  à  Champ-Aubert,  et  Da- 
a  niel  des  Arsis,  laboureur,  demeurant  à  Coursemont,  par- 
«  roisse  de  Suisy-le-Fraucq,  témoins,  qui  ont  signé  au  deffaut 
«  d'un  connotaire  en  la  minutte  des  présentes  demeurées  vers 
«  et  en  la  possession  dudit  Gauvain,  notaire  royal  soubsigné  ; 
«  signé  Gauvain  avec  paraphe.  » 

Eu  mil  sept  cens,  Messire  Fabio  Brulart  de  Sillery,  évoque  Etablissement 
de  Soissons,  publia  un  mandement  par  lequel  il  ordonna  que  sion  après  vê- 
tous  les  ans,  le  jour  de  l'Assomption  de  la  très  sainte  Vierge,      P'"'^,^  '^  j°"^ 

•      .  ,  ,        ,  r  /       .  .  ,  (le  l'Assomp- 

quinziemb  d  août,  on  tera  après  vêpres  une  procession  dans      tion    de    la 
toutes  les  églises  de  son  diocèse  pour  les  raisons  reprises  dans      samie  Vierge 

1  ,  .        ,  ^.  ^  en  1700. 

son  mandement  dont  voicy  la  copie  : 

«  Fabio  Brulart  de  Sillery,  par  la  miséricorde  de  Dieu  évêque 
«  de  Soissons,  doyen  et  premier  suffragant  de  la  province  de 
«  Reims,  à  tout  le  clergé  séculier  et  régulier  de  notre  diocèse, 
«  Salut  et  Bénédiction.  Après  que  le  ciel  a  donné  tant  d'assû- 
«  rances  de  sa  protection  à  ce  Uoyaunie,  nous  n'avons  plus  rien 
«  à  craindre  que  de  les  oublier.  Gar  si  nous  mancjuions  à  faire 
«  remonter  par  de  continuelles  actions  de  grâces  les  bienfaits 
«  que  nous  avons  reçus  jusqu'à  leur  source,  nous  la  taririons 
«  pour  nous  cette  source,  toute  intarissable  qu'elle  est  par 
«  elle-même  ;  et  dcstitue/j  de  ces  secours  si  prétieux  et  si  ué- 
«  cessaires  qui  nous  ont  été  donnez  en  toute  rencontre,  il  n'y 


132  HISTOIRE    DE   l'aHBAYK    d'oRBAIS 

«  auroiL  sorte  de  malheurs  dont  nous  ne  dussions  nous  alleu- 
«  dre  d'èlre  accablez.  Noire  gralilude  au  conlrairc  tiendra  tou- 
«  ]oiu3  ouverte  sur  nous  la  main  de  notre  Père  céleste  qui  est 
«  riche  en  miséricorde,  et  nous  attirera  sans  cesse  de  nouvel- 
(I  les  grâces  et  avec  d'autant  plus  d'abondance  que  nous  au- 
«  rons  été  plus  soigneux  de  les  rendre.  C'est  dans  ces  vues  et 
«  ces  sentimens  de  religion  que  notre  monarque  (Louis  quatorze 
«  dit  le  Grand)  nous  ordonne  de  faire  exécuter  ponctuellement 
«  par  tout  nôtre  diocèse  la  Déclaration  de  mil  six  cens  Irente- 
«  huit  par  laquelle  le  feu  Koy  (Louis  treize  dit  le  Juste)  '  se 
«  consacra,  avec  tout  son  royaume,  à  la  grandeur  de  Dieupar 
«  Jésus-Christ  son  fils  abaissé  jusquànous,  età  ce  fils  adorable 
«  par  sa  mère  élevée  jusqu'à  luy.  sous  la  protcclion  de  laquelle 
«  il  mit  sa  personne,  ses  Etats,  sa  couronne  et  ses  sujets.  — 
«  Suivant  donc  les  pieuses  et  saintes  intentions  de  Sa  Majesté, 
«  nous  ordonnons  que  tous  les  ans,  le  jour  et  feste  de  l'As- 
a  soraption  de  la  Vierge,  après  vêpres,  on  fera  une  procession 
«  dans  toutes  les  églises  de  nôtre  diocéte,  soit  collégiales, 
«  soit  parroissiales,  soit  des  monastères,  soit  des  communau- 
«  lés  ecclésiastiques  ou  religieuses  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  ; 
«  qu'avant  de  commencer  cette  procession  l'on  chantera  à  ge- 
«  noux  le  Veni  sancte  spiritus,  avec  le  verset  et  la  collecte 
«  Dens  qui  corda  fidelium,  qu'ensuite  on  chantera  debout 
«  l'antienne  Sancta  Maria  succurre  viiseris,  après  quoi  l'on 
«  commencera  la  procession,  eu  chantant  les  litanies  des 
«  Saints,  ainsi  qu'elles  sont  couchées  dans  le  proces- 
«  sionuol  de  nôtre  diocèse,  folio  deux  cens  trente-deux  ; 
«  qu'au  relour  on  chantera  dans  l'église  Sub  limm  prœsidiwm 
«  avec  le  verset  Dignare  me,  et  la  collecte  Concède  misericors 
«  Deus,  puis  Domine  salvum  fac  regem  trois  fois,  le  verset 
«  Nihil  proficiat,  et  les  collectes  Q,i((rsnnius  omnipotens  Dens 
«  ul  famulus  et  Deus  cvjus  imvcrium  et  Dens  a  quo  sancta 
«  <?«^î</<?n'«,  etc..  comme  elles  sont  renseignées  folio  3^2  du 
«  même  processionnal.  Donné  à  Soissons  le  seizième  jour  de 
«  juin  mil  sept  cens.  Signé  Fabio  Brulart  de  Sillery,  évèque 
«  de  Soissous,  et  j)lus  bas,  par  monseigneur,  du  Quesnay.   » 


1 .  Le  l'ameux  père  Joseph  do  Paris  (tlil  l^'rançois  le  Clerc  du  Trembloy), 
capucin,  cn'i;agea  Louis  XIII  qui  éloil  alors  à  Compiégnc  à  faire  le  10» 
lévrier  1638  une  Déclaration  par  laquelle  Sa  Majesté  met  sa  personne,  sa 
famille  et  son  ro3'aumo  sous  la  protection  de  la  Vierge  et  promet  de  cons- 
truire le  grand  autel  de  Téglise  cathédrale  de  Paris.  Louis  XIV  a  l'ait  tra- 
vailler à  cet  autel  en  ITOO,  et  les  auaées  suivantes. 


HISTOIRE   DE    l'abbaye   d'oRBAIS  133 

Cette  procession  se  fit  après  vêpres  autour  du  chœur  et 
dans  notre  cloître  seulement  par  les  religieux,  mais,  suivant 
les  transactions,  sentences  et  arresls  cy--dessus  citez 
les  sieurs  vicaires  perpétuel/  de  Saint-Prix  devroient  y  assis- 
ter et  marcher  devant  la  croix  des  religieux  et  .les  accompagner 
non  seulement  dans  leurs  église  et  cloître,  mais  dans  tout  le 
bourg,  et  les  reconduire  chez  eux.  Le  même  se  doit  entendre 
des  processions  du  Trés-Saint  Sacrement,  et  toutes  autres  gé- 
nérales, comme  dit  la  transaction  du  27  janvier  1597. 

La  cure  du  village  de  la  Chapelle- siir-Orhaiz 

La  cure  da  village  de  la  Ghapelle-sur-Orbaiz,  dont  saint  Pierre 
apùtre,  est  patron  titulaire,  est  à  la  nomination  et  présentation 
des  abbez  et  religieux  d'Orbaiz  qui  jouissent  de  la  moitié  de 
la  grosse  dixme  et  des  deux  tiers  des  menues  dixmes  en  qua- 
lité de  curez  primitifs  ;  l'autre  moitié  de  la  grosse  et  le  tiers 
des  menues  dixmes  ayant  été  abandonnés  au  prêtre  qui  admi- 
nistre la  cure  eu  qualité  de  vicaire  perpétuel. 

La  cure  du  village  appelle  la  Ville-sous-Orhaiz 

La  cure  du  village  de  la  Ville-sous-Orbaiz,  dont  saint  Martin, 
archevêque  de  Tours,  est  patron  titulaire,  est  à  la  nomination 
et  présentation  des  abbez  et  religieux  d'Orbaiz  qui  jouissent 
de  la  moitié  des  grosses  dixmes,  en  qualité  de  curez  primitifs, 
et  des  deux  tiers  des  menues  dixmes,  à  cause  de  l'office  claus- 
tral de  cellerier.  M"  Pierre  Pougeois  qui  l'administre  à  présent, 
jouit  de  l'autre  moitié  de  la  grosse  et  d'un  tiers  des  menues 
dixmes,  en  qualité  de  vicaire  perpétuel,  comme  ses  prédéces- 
seurs aussi  vicaires  perpétuel/. 

La  cure  de  Suisy-le-Franc 

La  cure  de  Suisy-le-Franc,  dont  saint  Remy,  archevêque  de 
Reims,  est  patron,  est  aussi  à  la  nomination  et  présentation  des 
abbez  et  religieux  d'Orbaiz,  qui  jouissent  à  présent  de  toute  la 
grosse  dixme,  et  payent  ou  donnent  trois  cens  livres  de  pension 
congrue  à  M'-  François  Pinson,  vicaire  perpétuel  et  doyen 
rural  du  doyeiuié  d'Orbaiz,  (\m  a  opté  ladite  pension  congrue 
en  vertu  dii  la  DéciaiMlion  du  Roy  du  20  janvier  1G8G  (jui  ad- 
juge aux  cuicz  ou  vicaires  pcrpétuelz  ladite  somme  de  tiois 


134  HISTOIRE   DE   l'aDDAYE   d'ORBAIS 

cens  livres,  en  abandonuant  aux  gros  décimateurs  ou  curez 
primitifs  leur  part  et  portion  des  grosses  et  menues  dixmes 
de  leur  paroisse. 

Le  thrésorier  de  l'abbaye  a  droit  de  prendre  et  recevoir  les 
deux  tiers  des  offrandes  et  oblations,  les  quatre  jours  nolaux 
ou  ff^tes  solennelles,  de  ladite  église  paroissiale  de  8uisy-le- 
Franc  \  comme  il  paroît  par  les  procédures  faites  contre  M^' 
Claude  Payen,  vicaire  perpétuel  de  Suisy,  en  mil  six  cens  qua- 
rante-trois cl  quarante-quatre. 

Nous  n'avons  trouvé  aucun  mémoire  ni  titre  qui  nous 
apprenne  par  qui,  ni  en  quel  lems  les  cures  de  Saint- 
Prix  d'Orbaiz,  de  la  Ville-sous-Orbaiz,  de  la  Ghapelle- 
sur-Orbaiz  et  de  8uisy-lc-Franc  ont  été  données  et  laissées 
à  la  nomination  de  cette  abbaye.  Celles  de  la  Ville-sous- 
Orbaiz  et  de  Suisy-le-Franc  ne  sont  qualifiées  que  comme 
des  vicaireries  dans  le  pouillé  ou  catalogue  des  bénéfices  du 
diocèse  de  Soissons;  elles  étoient  peut-être  ancienuemment,  et 
dans  leur  première  fondation,  des  annexes  ou  églises  succur- 
sales dépendantes  de  l'église  paroissiale  de  Saint-Prix  d'Or- 
baiz, comme  l'église  de  Mareuil  proche  d'Orbaiz,  laquelle  a  été 

érigée  en  église  paroissiale  en  mil  sept  cens par  ledit  Messiro 

Fabio  Brulart  de  Sillery,  évèque  de  Soissons,  (à  la  sollicitation 
de  dame  Françoise  de  Nargoune,  dame  dudit  Mareuil,  épouse 
eu  secondes  noces  de  Charles  de  Valois  ",  duc  d'Angoulème,  fils 


1 .  [La  paisible  paroisse  de  Suisy-le-Franc  a  été,  au  milieu  du  siècle 
dernier,  le  théâlre  d'un  crime  tra/ïique.  M*  Pierre  Andriou,  écu^'er,  ancien 
avocat  au  Parlement,  ancien  échevin  de  la  ville  de  Paris,  seigneur  de  Suisy, 
Maucreux  et  autres  lieux,  fut  assassiné  le 9  septembre  1754  à  la  porte  d'une 
ferme  située  à  Courcemont,  par  Michel  de  Ruxton,  geulilhomme  d'origine 
irlandaise.  L'événement  fit  du  bruit  à  raison  de  la  qualité  de  la  victime  et 
de  celle  du  meurtrier.  I^'avocat  Barbier,  dans  son  Journal  (tome  IV,  p.  46 
et  s.)  nous  a  conservé  les  détails  du  crin;e  de  Courcemont.  Il  en  attribue  la 
cause  à  une  dispute  de  la  part  de  Ruxton  qui  voulait  avoir  le  pain  bénit 
avant  le  seigneur.  Ruxton  fut  rompu  vif  on  pince  de  Grève  L'arrêt 
du  Parlement  de  Paris,  qui  prononça  sa  condamnation,  ordonna  de 
placer  dans  l'église  de  Suisy-le-Franc  une  épitaplie  commémoralive  du 
crime,  de  la  soulence,  et  de  la  fondation  d'un  service  annuel  et  jierpéluel 
pour  le  repos  de  l'àme  de  M*  Andrieu.  Cette  épitaphe  existe  encore  aujour- 
d'hui. Elle  a  été  publiée  par  M.  L.  C.ourajod  :  IJ.hiscriplion  de  Véglise  de 
Suisy-le-Franc,  Paris,  Menu,  ISVT),  in-8".] 

£.  [L'exemple  de  Charles  de  Valois  olfre  une  preuve  des  abus  causés  par 
l'introduction  des  conimendes.  11  fut  nommé  abbé  de  la  Chuiso-Dicu,  en 
Auvergne,  à  ITige  do  treize  ans.  En  L'ion,  quoique  marié  depuis  longtemps, 
il  to\ichait  encore  les  revenus  de  l'abbaye  de  Saint-André  de  Clermont.  — 
Charlotte  de  Montmorency,  sa  première  femme,  mourut  en  1636,  et  il 
épousa  Françoise  de  Nargoune  en  l(j.'i4.] 


Fonts  baptismaux  de  l'Église  de  Verdon 


HISTOIRE   DE    L  ABBAYE   D  ORBAIS 


137 


naturel  do  Charles  IX,  roy  de  France,  et  de  Marie  Touchct) 
d'église  succursale  de  la  paroisse  de  Coribert,  qu'elle  éloit 
auparavant,  et  l'égiise  de  Coribert  a  été  réduite  à  la  qualité 
d'église  succursale  dudit  Mareuil. 

La  cure  de  Verdon 

La  cure  de  Verdon,  dont  saint  Malo  est  patron,  est  aussi  à 
la  nomination  et  présentation  des  abbez  et  religieux  d'Orbaiz 
qui  en  sont  les  curez  primitifs,  et  jouissent  de  toute  la  grosse 
dixmo,  depuis  que  M*  P'rançois  Le  Normand,  vicaire  perpétuel, 
a  abandonné  sa  pari  de  ladite  dixme  ausdits  religieux,  qui  luy 
donnent  trois  cens  livres  de  portion  congrue  depuis  son  option 
en  vertu  de  la  susdite  Déclaration  de  1686.  Ils  jouissent  aussi 
des  deux  tiers  des  menues  dixmes  à  cause  de  l'office  de  celle- 
rier,  et  de  l'autre  tiers  depuis  l'option  dudit  vicaire  perpétuel. 

L'église  du  hameau  de  Margny  est  comme  succursale  et 
dépendante  de  celle  de  Verdon,  et  est  administrée  tantôt  par  le 
vicaire  perpétuel  de  Verdon  qui,  en  ce  cas,  bine  les  dimanches 
et  fêtes,  tantôt  par  un  prêtre  vicaire  amovible  ad  nutum  epis- 
copi,  résident  à  Margny.  Lesdits  religieux  jouissent  de  toutes 
les  dixmes,  et  donnent  à  celuy  qui  administre  ladite  église  de 
Margny  cent  cinquante  livres  conformément  à  la  dite  Décla- 
ration du  29  janvier  1686. 

Les   églises  de  Verdon,  de  Marguy  et  de  Montigny  au-   Eglises  ou  cu- 
dessus  de  Condé,  ont  été  données  par  échange  aux  abbez  et      ^^,f    écba"n'^e 
rehgieux  d'Orbaiz  par  les  abbez  et  religieux   ou  chanoines      avec  d'autres 
réguliers  de  l'abbaye  de  Saint- Jeau-des- Vignes  de  Soissons,      nîes'Vtc.  '^~ 
en  l'an   mil  deux   cens  quatorze,  au  mois  de  janvier,   comme 
on   voit   dans  la   chartre  ou   acte  d'échange   approuvée  par 
l'évoque  de  Soissons  nommé  Haymard,  que  nous  rapporterons 
après  l'article  suivant. 


La  cure  de  Montigny 

La  cure  du  village  de  Montigny  (au-dessus  du  petit  bourg 
et  principauté  de  Condé  en  Brie  vers  le  midi)  dont  saint  Eloi 
est  patron,  est  de  la  nomination  el  patronage  desdils  abbez  et  re- 
ligieux d'Orbaiz,  qui  en  sont  curez  primitifs.  Ils  jouissoient  aussi 
des  dixmes  ;  mais  M"  de  Fontaines,  vicaire  perpétuel,  ayant 
fait  signifier  qu'il  abandonnoitlapartqu'ilyavoit  et  demandoit 
qu'ils  luy  fournissent  sa  portion  congrue,  ils  luy  abandonnèrent 
entièrement  leur  part  desdilcs  dixmes  pour  eu  jouir  sa  vie  du- 


138  HISTOIRE   DK    L'ABBAYE  d'oRBAIS 

rant,  et  acquilor  tontes  les  charges  et  faire  les  réparations  du 
chœur  et  autres  charges  ordinaires.  On  a  dit  cy-devant  que 
cette  église  a  été  donnée  par  échange.  Voicy  l'occasion 
de  cet  accord  ou  échange,  comme  nous  l'apprenons 
du  Livre  des  chroniques  (\.q  l'abbaye  de  Saint-Jean-des-Vignes, 
pages  cent  trente  et  cent  trente  et  une,  composé  par  M.  Pierre 
le  Gris  ',  chanoine  régulier  de  cette  abbaye  :  «  Orta  est  etiam 
«  conlentio  anno  Domini  raillosimo  ducenlesimo  decimo  quarto 
«  inter  abbatem  de  Orbaco  et  ecclesiam  nos  tram  super  jure 
«  patronatus  de  Maregny  et  Vuardon.  Tahs  fuit  concordia  : 
«  Abbas  ille  (Orbacensis)  -  patronatus  jus  quod  habebat  apud 
<i  Courboûin  et  Morancelle  cum  redditibus  eorum  nobis  reli- 
«  quit  libère.  —  Gœnobium  vero  noslrum  quidquid  habebat  in 
«  ecclesia  de  Gondeto  et  jus  patronatus  inecclesiade  Montigny 
((  cum  decimis  et  oblationibus  ei  concessit.  Tgilur  post  multas 
«  approbationes  nobis  à  domino  Haymardo  iraperti tas,  multa- 
«  que  prœclare  ab  eo  gesta,  inter  quae  fundalio  collegii  sive 
«  hospitii  Sancti  Nicolai  Suessionnensis  corroborata  anno  Do- 
«  mini  millésime  ducentesimo  decimo  quarto,  confirmatur.  » 
Ge  Livre  des  chroniques,  d'où  nous  avons  tiré  et  pris  cet  ex- 
trait, nous  a  été  communiqué  fort  obligeamment  par  le  Révé- 
rend Père  ou  M.  Daniel  Aubry,  chanoine  régulier  de  Saint- 
Jean-des-Vignes  et  prieur-curé  de  Beaune. 

Copie  de  Vacle  d'échange  faite  entre  les  abbayes  d'Orhaiz  ei 
Saint'Jean-des-Vignes  de  Soissons,  et  approuvée 

,  «  Haymardus  Dei  gratia  Suessionnensis  episcopus,  omni- 
ceUe  échange  «  bus  in  perpcluum.  Noverint  univetsi  quod  ecclesia  sancti 
par^Haymard    ^^  Johaunis  iu  vincis  Suessionnensis,  et  ecclesia  sancti  Pétri  de 

éveque    de  i      .  i- 

Soissons.  «  Orbaco,  de  voluntate  et  assensu  nostro  hujusmodi  commu- 
«  tationem  fecorunt.  Ecclesia  sancti  Pétri  de  Orbaco  quittavit 
«  ecclesiee  sancti  Johannis  jus  patronatus  quod  habebat  in 
«  ecclesia  de  Gourboûin,  et  in  ecclesia  de  Moi'eacelles.  et  quid- 
«  quid  habebat  in  majori  décima  cum  graugia  et  tractu,  et 
«  quidquid  habebat  in  minutis  decimis  et  oblationibus,  et 
«  quid(|uid  habebat    in  villa  de  Courboûin,   iu  hospitibus, 

1 .  [Clironicon  abbalialis  canonicœ  S.  Johannis  apud  Vitieas  Stiasion- 
nensis  P.    Pctro  Le  Gris,  1019,  Parisiis,  L.  Sevcslrc,  in-8°.] 

2.  On  ne  sçait  pas  In  nom  de  cet  abbé  d'Orbaiz  qui  fait  cet  échange. 
Gilles  éloit  abbé  en  1220.  Mais  Saint-Joan-des-Vigues  avoilalors,  en  1214, 
pour  abbé  Raoul,  premier  de  ce  nom,  selon  la  chronique  de  Saint-Jean,  aa 
lieu  d'où  cet  extrait  est  tiré. 


HISTOIRE   DE   L' ABBAYE    d'oRBAIS  139 

«  censubus  et  costumiis  et  avena,  et  totam  terrum  quam  ibi 
«  habebat,  et  quidquid  in  omni  jure  videbatut'  habero  in 
«  illis  duobus  locis.  Ecclesia  autem  sancti  Johauuis  quittavit 
«  ecclesiae  de  Orbaco,  quidquid  habebat  in  décima  et  triagio  ' 
«  de  parrochia  de  Coudelo,  cl  jus  palronatus  in  ecclesia  de 
«  Montigny,  et  in  ecclesia  de  Vardon,  et  in  ecclesia  de  Marre- 
«  gny,  et  quidquid  habebat  in  majori  décima  et  minori  et 
B  oblationibus  de  Montigny  et  graugiam  de  Vardoîi,  et  quid- 
«  quid  habebat  in  minori  décima  de  Vardon,  duas  partes  vide- 
«  licet,  excepta  illa  sexta  parte  quam  ab  antique  ecclesia  de 
«  Orbaco  tam  in  duabus  partibus  sancti  Johannis,  quam  in 
«  parte  presbyleri  habebat  et  habebit  in  perpetuum.  Quitla- 
«  vit  eliam  ecclesia  sancti  Johannis  ecclesia'  de  Orbaco  quidquid 
«  habebat  in  minuta  décima  et  oblationibus  de  Vardon.  Ouid- 
«  quid  autem  spectabat  ad  ecclesiam  sancti  Johannis  de  ma- 
«  Jori  décima  de  Marregny,  et  quidquid  exspectabat  habere 
«  seu  auctoritate  privilegiorum  suorum,  seu  jure  alio,  velaliis 
«  quibuslibet  modis  in  terris  cultis  etcolendis,  quittavit  eccle- 
«  sise  de  Orbaco  in  perpetuum. 

«  Nos  autem  hujusmodi  commutationem  laudamus  et  con- 
a  firmamus.  Diclœ  ecclesiœ  de  Orbaco  et  sancti  Johannis  sibi 
«  invicera  promiserunt  super  istis  garandiam  portare  contra 
«  omnes  qui  juri  parère  noluerint.  Quod  ut  ratum  et  firma- 
«  tum  permaneat,  prscsentes  litleras  sigilli  nostri  munimine 
«  fecimus  conhrmari.  Actum  Suessione,  anno  dominiez  In- 
«  carnationis  millésime  ducentesimo  quarto  decimo,  mense 
«  januario.  »  L'original  de  cette  chartre  se  conserve  encore  eu 
parchemin  dans  le  chartrier  de  Sl-Pierre  d'Orbaiz. 


CHAPITRE   CINQUIEME 

Des  fondateurs  et  bienfacteurs  dont  on  a  connoissance,  et  de 
leurs  bienfaits. 

Saint  Règle,  vingt-septième  ai'chevêque  de  Reims, a  toujours   Saiut   Réole, 
été  reconnu  pour  le  premier  autheur  et  fondateur  de  cette  ab-      prenuei-  fon- 

'■  ^      '■  auteur   u  (Jr- 

baye,    puisque   c'a   été   luy   qui,  avec  la  permission  du  roy       baiz. 

Thierry,  premier  du  nom,  et  du  consentement  d'Ebroïn,  maire 

du  palais  de  ce  roy,  a  fait  jetler  les  premiers  fondemens  et 

édifier  le  monastère  au  heu  que  ce  roy  luy  avoit  donné,  comme 

1.   [Tringc  ou  terrage.] 


haye. 


140  HISTOIRE    DE   l'aBBAYE   d'oRBAIS 

nous  l'apprenons  de  l'Histoire  de  Flodoard,  livre  second,  chapi- 
tre dixième.  «  Hic  veuerabilis  episcopus  (Reclus)  construxit 
«  monasterium  Orljacense  in  loco  quem  promeruil  douo  régis 
«  Thcodorici,  per  ipsius  licentiam,  suffragante  Ebroïno  majore 
«  palatii.  d 
Thierry  I" don.  TuiERRY,  I''' du  nom,  l'oy  de  Neuslrie  ou  de  la  France 
no  lo  fond.  occidentale,  dit  Mezeray,  donna  le  fond  et  domaine  sur  lequel 
saint  Réole  fit  bâtir  ce  monastère,  suivant  la  remarque  de 
Flodoard  :  «  Construxit  monasterium  Orbacense  in  loco  quem 
«  promeruit  âono  régis  Theodorici.  »  Cette  donation  faite  par 
Thierry  a  toujours  fait  considérer  cette  abbaye  de  fondation 
royale;  elle  est  ainsi  qualifiée  dans  la  déclaration  des  biens, 
domaines,  droits  et  revenus  temporelz,  présentée  à  la  Cham- 
bre des  Comptes  de  Paris  le  vingt  et  uuiesme  décembre  mil 
cinq  cens  quarante-sept  par  dom  Paquier  Chatlon,  prévôt  de 
St-Pierre  d'Orbaiz,  prieur  d'Oiselet,  et  procureur  d'Alexandre 
de  Carapegge,  abbé  commeudataire,  et  des  religieux  d'Orbaiz. 

Childebert  II  Childebert,  II"  du  uom,  fils  de  Thierry  premier,  et  roy 
Ç^^tégelab-  ([q  \.^  France  occidentale,  honora  celle  abbaye  de  sa  protection 
royale  ;  car  le  vénérable  Leudemar,  noire  premier  abbé,  ayant 
été  injustement  dépossédé  et  chassé  par  force  de  cette  abbaye  par 
un  certain  Odon ,  après  la  mort  de  saint  Réole  premier  fondateur, 
il  le  rétablit  dans  son  abbaye  et  dans  sa  charge  et  dignité  ab- 
batiale. «  Leudemarum  nomine  in  eodem  loco  abbatem  consti- 
«  tuit,  qui  rexit  idem  monasterium,  donec  vixit  :  nam,  licetab 
«  Odone  quodam  fuerit  expulsus,  a  Childeberto  tamen  rege 
«  poslea  restitutiis  est.  »  (Idem  Flodoard, libro  secundo,  capile 
decimo,  ubi  supra.) 

Charle.s  le  Chauve,  roy  de  France  et  empereur  d'occident 
(suivant  les;'paroles  rapportées  dans  l'appendice  ou  supplément 
de  Flodoard  vers  la  fin,  pages  408,  409,  folio  verso)  donna  vers 
l'an  860,  la  vingtième  année  de  son  régne,  à  l'abbaye  d'Orbaiz  le 
village,  terre,  ou  seigneurie  dite  en  latin  Noviliacum.,  qu'il 
avoit  fait  confisquer  sur  Gozelin  fils  et  Landrade,  sa  mère,  et 
veuve  d'un  certain  Donat  à  qui  Charles  l'avoit  donnée  en  fief, 
ou  par  récompense  \  parce  que  cette  veuve,  Gozelin  et  ses  au- 


1 .  Charles  nyant  été  vaincu  par  Louis  lo  Jeune,  son  neveu,  fils  de  Louis 
le  Germanique,  à  la  bataille  de  Mej^uin  prez  d'Andernac  le  7  d'octobre  876, 
donna  les  bénéfices  ou  biens  des  églises  à  plusieurs  seigneurs,  surtout  aux 
Lorrains,  pour  les  attacher  à  son  service.  Dupleix,  Ilist.  de  France,  tome  1, 
page  488,  n°  Vil,  et  page  489,  q"  I.  [Edit.  1G39.] 


HISTOIRE    DE     L  ABBAYE   D  ORBAIS 


141 


très  enfans  avoient  manqué  de  fidélité   à  co  prince  pour  se 
jetter  dans  le  parti  des  ennemis  de  TEtat.  «  Dédit  Garolus  Do- 

«  nato  in  beneticium  Noviliacum.  Processu  deuique  temporis 

«  commendavit  Douatus  liliiun   suuin  Gozelum  Carolo  régi, 

«  cui  in  i^encticium  dedil  (larolus  villam  Noviliacum  cum  ap- 

«  penditiis  suis.  Deinde  Landrada,  uxor  Donati,  sed   et  filii 

«  eoruin,  peryeulo  Carolo  rege  ad  obsideudos  Nortmannos,  qui 

«  in  insula  qute  dicitur  Oscellus  '   residebanl,  cum  aliis  defe- 

«  cerunt.  Quorum  honores  et  proprietates  à  Francis   auterri  et 

«  in  (Iscum  redigi  judicalic  sunl.   Unde  Landrada  et  Hlii  ejus 

«  eateuus  auctoritatom   Caioli    régis   non    obtinuerunt.    De 

«  quibus  rébus  anno  vigosimo  regiii  sui  Garolus  villam  fisca- 

«  lem  pra?cepto  suo  quod  liabemus,    Orbacensi  monasterio 

«  dédit.  » 

Mais  il  est  à  croire  que  l'abbaye  d'Orbaiz  ne  jouit  pas  long- 
temps de  cette  donation,  puisque  cette  Landrade,  veuve  de 
Douât,  trouva  moyen  de  s'emparer  et  d'usurper  cette  terre,  et 
qu'après  plusieurs  chicanes  de  ce  siècle,  cette  terre  retourna 
par  le  grand  crédit  de  llincmar  de  Reims  auprès  de  Gharles,  à 
l'église  de  Reims,  c'est-à-dire  à  k  cathédrale;et  cà  l'abbaye  de 
Saint-Remy  qui  avoient  et  qui  jouissoienL  de  leurs  biens  en 
commun  et  par  indivis,  ce  qui  est  bieu  à  remarquer. 

On  ne  connoît  plus  ni  le  nom  de  cette  terre,  ni  le  lieu  de 
sa  situation.  M.  Marlot  dit  que  c'est  inpago  Urliiisi,  mais  cela 
ne  fait  conuoilre  ni  le  nom  françois,  ni  l'endroit  de  cette  pos- 
session *. 

VuLFAEKJS,  archevêque  de  Reims,  prélat  d'éminente  vertu, 
digne  successeur  et  fidèle  imitateur  du  zèle  des  saints  Remy, 
Nivard,.  Rèole  etc.,  pour  la  fondation  des  monastères, 
(sachant  avec  quel  soin  notre  bienheureux  père  saint  Benoist 
ordonne  dans  sa  sainte  règle,  chapitre  48,  que  ses  religieux 
s'occupent  aux  travaux  manuels,  comme  les  apôtres)  laissa  par 
son  testament  des  fonds,  héritages  et  autres  biens  au  monas- 


Orbaiz  ne  jouit 
pas  longlems 
de  cette  dona- 
tion. Landra- 
de l'usurpe, 
et  Notre-Da- 
me et  Saint- 
Remy  en 
jouissent  par 
indivis. 


Vulfarius  don- 
ne des  biens 
pour  le  tra- 
vail des  reli- 
gieux d'Or- 
baiz. 


1.  Oissel,  isle  sur  la  rivière  do  Scyne.  —  [[,a  ville  d'Oissel  est  aujour- 
d'hui dans  le  canton  do  Grand-Couronne  (Seine-lnferieure),  arr.  de  Rouen.] 

2.  [Noviliacum  doit  être  Neuilly-Saint-I''ront,  aujourd'hui  chef-lieu  de 
canton  de  l'arrondissement  do  Château-Thierry.  Flodoard  l'ait  mention  do 
celle  localité  dans  son  Histoire  de  l'église  de  Keims.  liv.  II,  ch.  17,  cl 
liv.  III,  ch.  10  :  «  Villam  Sijvilliacum  in  pago  i'rtiiisc  sita)ii...  »  Cf.  Mar- 
'ot,  Melropolis  liemensis  llistoria,  t.  I,  p.  3^8  et  31.2.  Le  pagux  Urtinsin, 
mieux  désigné  sous  le  nom  du  paçjus  IJrcensis,  ou  Orxois,  était  voisin  des 
pagi  Suessionicus  el  Vadensis  CValois).  Il  lirait  son  nom  do  la  rivière 
de  rOurcq  (L'rcus).  —  Adrien  de  Valois,  Nolitia  Galliarum,  p.  624.] 


142 


HISTOIRE   DE   L  ABBAYE   D  ORBAIS 


1147.  Donation 
faite  aux  ab- 
Lé    et    reli  - 

fieux  d'Or- 
aiz  par  les 
doyen  et  cha- 
noines d  e 
Châlons. 


Donation  de 
Thibaud,  com- 
te de  Cham- 
pagne. 


tore  d'Oi'baiz  snflisaus  pour  y  occuper  ses  roligieux*au  travail 
des  mains,  suivant  le  témoignage  de  Flodoard,  livre  second, 
chapitre  dix-huitiéme  rapporté  par  Dom  Guillaume  Marlot, 
tome  premier,  livre  troisième,  chapitre  dix'-huiliéme,dontvoicy 
les  paroles  :  «  Vulfarius  lîi  calendas  septembris  auno  816, 
«  vel,  ut  alii  volunt,  obiit  t)  junii  817.  Autequam  expiraret, 
«  propriœ  salulis  memor,  multa  paupci'ibus  in  eleemosynam 
«  distribucnda  curavit,  qute  leguntur  apud  Flodoardum,  libro 
«  2,  cap.  18  in  fine  :  Ad  opus  quoque  fratrum  Orbacensis  cœ- 
«  nobii  quantum  siif/iceret  eis.  Unde  datur  intelUgi  in  majo- 
«  ribus  quoque  locis  mulio  plura  tune  fuisse  dispensata.  » 

On  ne  sçait  aujourd'huy  en  quoy  cousistoit  cette  dona- 
tion. 

Radulfus  (Raoul),  doyen  de  l'église  cathédrale  de  Saînl- 
Estienne  do  Chàlons-sur-Marne,  et  les  chanoines  de  la  Sainte 
Trinité  de  la  même  ville  donnèrent  à  Baudouin  abbé  et  aux 
religieux  d'Orbaiz  ce  qui  leiu*  apparteaoit  au  village  d'Oiselet 
à  certaines  conditions  repiises  dans  le  titre  en  parchemin 
de  l'an  mil  cent  quarante- sept,  rapporté  cy-devaut  en 
traitlaut  de  la  chapelle  ou  prieuré  d'Oiselet,  où  il  faut  avoir 
recours  pour  sçavoir  en  quoy  consiste  la  donation  et  à  quelles 
conditions. 

Thibaud,  IP  du  nom,  comte  de  Champagne  et  de  Brie, 
célèbre  dans  l'histoire  de  France,  et  grand  ami  de  saint  Ber- 
nard, remet  aux  religieux  d'Orbaiz  certaines  coutumes  et  au- 
tres droits  qu'il  avoit  accoutumé  de  prendre  dans  la  ville  d'Or- 
baiz, et  les  leur  abandonne,  à  la  charge  de  luy  payer  par 
chacun  an,  cent  dix  sols.  Voicy  une  copie  coUationuée  et  vi- 
dimée  des  lettres  ou  de  la  charte  de  ce  comte  Thibaud  •.• 

«  A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront  et  oiront, 
«  Pierre  d'Essommes,  garde  du  scel  de  la  prévôté  de  Chastel- 
«  Thierry,  salut.  Sçachent  comme  par  nous,  l'an  de  grâce  mil 
«  trois  cent  vingt  et  deux,  le  mercredi  après  les  brandons  venus, 
«  viies  lettres  scellées  du  scel  du  comte  Thibaud,  si  comme  il 
«  aparoîtpar  la  teneur  desdites  lettres  contenaus  cette  forme  : 

«  lu  uomine  saucliB  et  indlviduie  Trinitatis,  ego  comes 
(I  Tetbaldus  notum  volo  esse  omnibus  tam  prresentibus  quam 
0  futuris,  quod  monachi  sancti  Pctri  Orbacis  deprecati  sunt, 
«  quod  consuetudines  quas  in  loco  illo  habebara  illis  dimit- 
«  tercm,  scilicet  dimidium  lelonei  mcrcati  ilhus  villa',  et  di- 
«  midium  Madimouiorum  duellorum,  et  insuper  decimam 
«  partem  consuetudinis  carrorum  silvœ  et  commendatiouem 


HISTOIRE   DE    LABUAYE   d'ORBAIS  143 

«  hominuin  supradiclœ  vilko  at([ue  raedielatem  bannorum, 
0  quorumjjpetilionibus  adquievi  pro  remcdio  auimarum  meo- 
«  ruiii  autecessorum,  mea-que  uxoris  alque  tilioruin  meo- 
«  rum,  eu  scilicet  tenore  ut  nemo  adveua  vel  albanius  in  su- 
ce pradicta  villa  habitaus  liomiuiuni  vel  commendationem 
a  alicui  nisi  soli  tauluijiraodo  ecclosiio  faciat,  el  ut  uec  ego, 
«  nec  aliquis  deinceps  ex  mca  parte  in  loco  illo  vi  aliquid  ac- 
«  cipiat,  sedjCuni  ibi  perveuero,  spoule  iuomiiibus  sumptibus 
«  me  recipere  debeut  prœter  annouam  equorum  ;  et,  ut  iu  iui- 
a  lium  quadragesinite.  per  singulos  aunos  centum  et  deccm 
«  solides  mibi  persolvaut  :  ceutuni  scilicet  pro  debilo  supra- 
«  diclaruiu  consuetudiiium,  et  decem  pro  commendaliouibus 
a  bominuin,  salvamea  advocatioue  ;  et  ut  hoc  ratum  et  incou- 
c  cussum  iu  perpetuuui  permaueat,  et  ne  ab  aliquo  successo- 
«  rum  meoruni  iu  posteruni  violari  potuisset,  sigilli  mei  auc- 
«  toritate  muniri  et  corroborari  prœcepi,  subscriplis  teslibus 
«  laudaulibus  et  contirmantibus.  Siguum  f  Tetbaldi  coraitis. 
«  Signum  f  Adelaïdis  comitissse.  Hujus  firmameuti  lestes 
«  sunt  Engeliauus  arcbidiacouus  Suessorum,  Tetlmldus  tilius 
«  Milonis  vice-comitis,  Gilduiuus  de  Blesis,  Gaui'ridus  de 
0  Castellodunis,  Fulco  de  Basilicis,  Gautberus  de  Luzarchiis, 
«  Aruulphus  pucposilus,  Wido  cubicularius.  —  En  témoins  de 
a  laquelle  chose,  nous  Pierre  d'Essommes  dessus  dit  avons  mis 
«  le  scel  de  ladite  prévôté  de  Chas  tel-Thierry  en  ce  présent 
«  transcript  qui  fut  fait  l'an  eljour  dessus  dits.»  Au  bas  de  cette 
copie  il  y  a  la  queue  où  peudoit  le  sceau  qui  est  perdu.  Il  n'y 
a  point  de  signatures  selon  l'usage  de  ce  tems-là  et  des  autres 
siècles  précédeus. 

Cette  charte  icy  vidimée  n'étant  point  datée,  ce  n'est  que 
par  conjecture  qu'on  l'attribue  à  Thibaud  second,  à  cause 
qu'Adélaïde  ou  Alix,  comtesse  de  Crépi  et  de  Valois,  qu'on  croit 
avoir  été  son  épouse,  parce  que  ce  nom  se  trouve  dans  ladite 
charte,  vivoit  vers  l'an  onze  cent.  D'autres  lui  donnent  pour 
femme  Mahaud  ou  Mathilde,  fille  d'Engilberl  troisième  duc  de 
Carinlhie. 

Noire  Thibaud  succéda  aux  Etals  de  Champagne  et  de  Brie 
en  1  lui  et  les  gouverna  jusqu'en  mil  cent  cinquante- 
deux  qu'il  mourut.  Ce  prince  est  fort  célèbre  pour  sa  vertu, 
son  grand  courage  et  son  attachement  à  saint  Bernard,  abbé 
de  Clairvaux,  qui  luy  a  écrit  plusieurs  lettres  '. 


i, 


[On  doit  rejeter  la  coujccluro  pur  lui[Uello  Dont    Du   liuul  ulliibuo  ù 


14'i  HISTOIRK    DE    l'abbaye    D'ORBAIS 

Echange    faite       Henry,    I""'   du    iiom,   comte    Palatin'   de  Champagne  et 

avec   Henry  de  Brie,  surnommé  le  Riche,  le  Large,  ou  le  Libéral,  qui  se 

rL?,?!!ll!,.l'^   croisa  lan  mil  cent  quarante-huit  avec  Louis  septième,  dit  le 
L.nanipague.  ^  t^  ' 

Jeune,  roy  de  b'rance,  passa  avec  luy  en  Palestine,  et  y  mou- 
rut eu  1173  "'.  Avant  sa  mort,  en  mil  cent  soixante-cinq,  il 
bailla  et  octroya  aux  religieux,  abbez  et  couvent  d'Orbaiz, 
droit  d'usage  par  toute  la  forest  de  Vassy  '  à  prendre  bois  vifs 
tant  pour  bâtir  que  pour  le  chauffage  indifféremment,  re- 
conuoissant  ledit  comte  Henry  que  lesdits  religieux,  abbez  et 
couvent  luy  avoient  cédé,  quitté  et  abandonné  une  partie  de 
ladite  forêt  de  Vassy,  qui  leur  appartenoit  ;  mais  on  ne  sçait 
aucunement  qui  est  le  Roy  de  France,  ou  le  comte  de  Cham- 
pagne, ou  autre  prince  qui  avoit  auparavant  donné  à  celte  ab- 
baye cette  partie  de  la  forest  de  Vassy. 

Cette  échange  faite  entre  le  comte  Henry  et  noire  abbaye 
étoit  reprise  et  expliquée  dans  un  acte  public,  ou  litre  écrit  eu 
latin,  qui  ne  se  trouve  plus.  On  sçait  seulement  que  Christophe 
de  Gomer,  soy-disant  chevalier  seigneur  du  Brenil,  maître  des 
eaux  et  foresls  de  Château-Thierry  et  Chàlillou-sur-Marne, 
dans  sa  sentence  ou  ordonnance  du  douzième  février  mil  cinq 
cens  soixante  et  un  dit,  déclare  et  reconnoit  aoow'  vu  certaines 
lettres  et  chartes  écrites  en  latin  données  par  Henry,  comte 
palatin  de  Champagne,  de  l'an  mil  cent  soixante-cinq. 

Ce  Christophe  de  Gomer,  ennemi  irréconciliable  de  celte 
abbaye,  réduisit  par  sa  susdite  ordonnance  ou  sentence  du  12 

Thibaut  II  la  charte  sans  tltite  dont  le  vidimus  de  1322  nous  a  conservé  la 
copie.  Le  Bénédictin  a  commis  ici  plusieurs  erreurs.  Thibaut  II  recueillit  les 
Etats  de  Champagne  et  de  Brie  non  pas,  comme  le  dit  le  texte  du  manuscrit, 
en  1101,  mais  bien  on  1125,  à  la  suite  de  l'abdication  de  son  oncle  Hugues,  il 
naquit  en  1093,  et  épousa  en  1123  Malhilde,  fille  d'Engelbert,  duc  de  Carin- 
thie.  Adélaïde  ou  Alix  de  Valois  fut  la  seconde  femme  de  son  grand-père, 
Thibaut  I  ((0G3-1089)  ;  e'.le  était  déjà  mariée  à  ce  prince  en  1061  et  on  croit 
qu'elle  devait  être  morte  dès  1100.  Il  faut  donc  reconnaître  Thibaut  I 
comme  Tauleur  de  la  libéralité  faite  à  l'abbaye  d"Orbais  par  la  charte  vidi- 
mée  que  rapporte  Dom  Du  Bout,  et  dont  la  date  pourrait  se  placer  vers 
i'au  1080  ou  environ.] 

1 .  M.  du  Cangc,  dans  ses  notes  sur  Joinville,  prouve  que,  comme  les 
comtes  rendoicnl  ia  justice  dans  les  villes,  celui  de  Troyes,  capitale  de 
Champagne,  étoit  appelle  Palatin,  parce  qu'il  exerçoit  la  jurisdiction  sur  les 
officiers  de  la  maison  du  Roy. 

2.  [L'auteur  se  trompe.  Henri  1='^  mourut  à  Troyes,  le  IG  mars  1181,  au 
retour  de  sa  seconde  expédition  en  Terre  Sainte.] 

3.  [Il  ne  s'agit  pas  de  la  forêt  de  Vassy  (Haute-Marne),  mais  de  celle 
qui  se  trouve  conliguë  à  la  forêt  d"Enghuien,dans  l'arrondissement  d'Epcr- 
uay,  entre  Igny-le-Jard,  Orbais  et  le  Baizil.] 


HISTOIRE    DE    l'aUBAYE    u'oHBAIS  1 'i-'> 

Icvriei-  l."i()l  ce  droit  de  l'abbaye,  donné  en  échange  par  le 
conilc  Henry,  à  cent  cordes  de  bois  et  à  quatre  milliers  de 
fagots.  En  parlant  de  Nicolas  de  la  Croix,  abbécommeudataire, 
on  verra  plus  au  long  celte  réduction  qui  se  fil  de  son  tems 
par  Gomer. 

,-,  ,,,    T-.         1     Ti  r.  1    .1  <       <  Confirmation  de 

L.HARLES  IX,  Roy  de  trance.connrma  par  ses  lellres-pateni.es  Charles  IX. 
données  à  Saint-Maur  des  Fosaez  le  quatrième  jour  de  may 
mil  cinq  cens  soixante-sept  et  vmgt-cinquiéme  aoust 
soixante-huit,  ce  droit  d'usage  de  notre  abbaye  réduit  ainsi 
par  ledit  Gomer  à  cent  cordes  et  quatre  milliers  de  fagots. 
Dans  lesdites  lettres-patentes  le  Roy  dit  :  «  Les  religieux  et 
«  abbez  et  couvent  d'Orbaiz  nous  ont  fait  remontrer  qu'en 
«  l'année  1 16o,  par  accord  fait  avec  Henry,  comte  de  Ghampa- 
«  gne,  reconnoissanl  qu'ils  luy  avoiont  cédé  et  abandonné  une 
«  partie  de  la  forest  de  Vassy,  il  leur  avoit  accordé  droit  d'u- 
«  sage  par  toute  ladite  forest  à  prendre  bois  vifs  tant  pour 
«  b.Uir  que  pour  le  chauffage  indifféremment,  etc.  »  Voyez  le 
reste  dans  lesdites  lettres-patentes  qui  sont  dans  le  chartrier, 
obtenues  par  Nicolas  de  la  Croix,  abbé  commendataire,eldeux 
fois  ambassadeur  en  Suisse  pour  le  roy  Charles  IX. 

{A  suivre). 


10 


FOLLK    ÉQUIPÉE 


Nos  trois  complices  so  voyant  libres  et  craiguaut  de  ne  plus 
l'être  quelques  instants  plus  tard,  se  glissèrent  comme  ils 
purent  jusqu'au  coin  de  la  rue  du  Change,  ils  s'aidèrent,  et 
frôlant  les  murs  ils  passèrent  devant  l'église  Sainl-AIpin,  pri- 
rent à  droite  au  bout  du  marché,  la  rue  des  Cloutiers  et  la 
Boucherie.  —  Ils  étaient  sauvés.  —  Le  fournier  put  rentrer 
chez  lui  avant  la  fermeture  des  portes  du  Cloître  et  avant  que 
l'alarme  eut  sonné;  quand  au  barbitonsor  il  était  si  mal 
arrangé,  si  déconfit  qu'il  dut  s'arrêter  chez  l'ajjothicaire  qui 
passa  deux  heures  à  lui  appliquer  divers  baumes  et  un  nombre 
considérable  de  vulnéraires. 

Le  lendemain,  le  prévôt,  les  échevins,  les  sergents, 
les  greffiers  et  autres  suppôts  de  justice  furent  mis  en  cam- 
pagne afin  de  procéder  à  une  enquête  sur  celte  étrange  aven- 
ture dont  il  fallait  absolument  connaître  les  causes. 

Tous  les  gens  trouvés  sur  le  lieu  du  tumulte  furent  succes- 
sivement appelés  en  l'auditoire  de  la  Loge,  où  se  rendait  la 
justice,  pour  être  interrogés  et  leurs  dires  soigneusement  con- 
signés par  écrit.  —  Jean  le  Houssetas,  maître  chaussetier, 
prétendait  avoir  vu  deux  larrons  chargés  de  butin,  se  sauvant 
à  toutes  jambes.  —  Adam  Papon,  hôtelier  des  Quatre  fils 
Aymon  disait  au  contraire  que  les  deux  fuyards  étaient  deux 
hommes  d'armes  lourdement  équipés  à  l'anglaise.  —  Michel 
Gorju,  le  chanvier  disait  avoir  vu  le  démon  poursuivi  par  saint 
Michel  archange  son  patron  et  terrassé  par  lui,  comme  il  se 
voyait  eu  la  grande  verrière  de  l'église  de  la  Trinité,  peinte  par 
Jehan  Cadenelle,  mais  la  longue  station  qu'il  avait  faite,  avant 
l'émeute,  au  cabaret  de  l'Escuelle  d'Estain  avait  dû  lui  troubler 
la  vue  ce  qui  rendait  son  témoignage  fort  suspect. 

Nicolas  Grospois^  marchand  regrattier  bien  connu  dans  le 
quartier  pour  son  humeur  débonnaire,  ne  savait  rien  des  causes 
et  du  début  du  tumulte  ;  la  seule  chose  dont  il  était  sûr,  c'est 
qu'il  avait  reçu  dans  la  mêlée  d'innombrables  coups,  ainsi 
qu'en  témoignait  son  visage  meurtri  et  couvert  d'ecchymoses^ 
—  Denis  le  charpentier,  homme  robuste  qui  mettait  volontiers 

♦  Voir  page  bO,  lomb  XV^  ùe  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 


FOLLK    ÉQUIPÉE  147 

eu  pratique  celle  maxime  populaire  :  —  Lallons-nous  d'abord, 
on  s'expliquera  après,  —  témoiguait  qu'il  avait  entendu  crier  : 
Sus!  Sus!  Alerte!  et  qu'il  avait  tapé  dru  sans  s'enquérir 
davantage.  —  Pernet  le  cirier  prétendait  que  le  tumulte  no 
pouvait  être  attribué  qu'à  un  homme  malicieux  qui  avait  dû 
jeter  un  foie  de  loup  dans  la  rue  ce  qui,  ainsi  qu'en  témoi- 
gnaicntceutexemplcs,  pouvait  causer  de  soudaines  paniques  et 
émotions  étranges.  Il  ajouta  aussi  que  le  trouble  de  la  vedle 
provenait  peut-être  du  passage  du  Moine-Bourru,  auquel  cas 
l'on  ne  pouvait  incriminer  personne  ni  chercher  à  en  savoir 
davantage,  car  ce  personnage  mystérieux  et  ennemi  des 
honnnes  était  insaisissable. 

A  cette  déclaration  terrifiante,  car  on  savait  que  le  passage 
du  Moine-Bourru  pouvait  causer  de  grands  maux ,  le 
prévôt,  les  échevins,  les  sergents,  le  greffier  et  tous  les  témoins 
réunis  en  l'auditoire  se  signèrent  et  Jacques  Colelle,  clerc 
tabellion  récita  trois  fois  le  verset:  Exurge  Domine...  qui 
avait  le  pouvoir  d'éloigner  les  dénions  et  de  conjurer  les 
maléfices. 

Les  témoignages  furent  nombreux,  mais  hélas!  tous  insuf- 
fisants, confus,  contradictoires,  sans  netteté,  sans  lien  entre 
eux  et  rien  ne  faisait  espérer  que  l'on  pût  y  saisir  un  fil  con- 
ducteur pouvant,  dans  celte  ténébreuse  affaire,  mener  à  la 
découverte  de  la  vértté. 


CHAPITRE  XI 

Comment  Miclul  Clunitemerlo,  l'oi-gauiste  trouva  ses  repas  assutéâ 
à  loiisjuur.s. 

Pendant  que  la  justice  séculière  procédait  à  cette  minutieuse 
enquête  ([ui  ne  devait  point  abouti'',  on  se  livrait  dans  le 
Cloilre  à  une  singulièie  coustatatiou. 

Dès  la  première  heure  Jacques  ('ornu,  l'ostiaire  du  Chapitre 
avait  été  prévi'uu  par  l'un  de;,  portiers,  que  deux  instruments 
que  nous  n'avons  plus  à  désigner  gi.saient  sur  le  sol  près  de  la 
porte  d'entrée. 

C'étaient  évidenunent  les  deux  armes  (juo  la  veille  le  barbi- 
lonsor  et  le  fournier  portaient  si  vaillamment  sous  le  bras  et 
qu'ils  avaient  laissés  sur  le  terrain  au  moment  de  leur  déroute. 

Jacques  Cornu  ne  songeait  certainement  pas  à  rattacher 
celte  particularité  aux  troubles  de  la  veille,  car  ces  deux  ins- 


148  FOLLE     ÉQUIPÉK 

Irumenls  ne  présentaicut  aucune  similitude  avec  ceux  doul  ou 
faisait  usage  dans  les  attaques  à  main  armée.  Cepeudaiit,  par 
prudence  et  afiu  de  ne  rien  négliger,  il  attendit  jusqu'à  neuf 
heures;  ce  délai  passé  et  personne  ne  s'étant  présenté  pour  en 
revendiquer  la  propriété,  indice  (jui  n'était  pas  sans  impor- 
tance, il  lit  appeler  un  sergent  qui  dressa  procès-verbal  de  cet 
abandon,  où  lurent  soigneusement  consignés  tous  les  détails 
utiles  touchant  leur  forme,  situation,  état,  usage  probable, 
sans  rien  omettre;  et  le  tout  fut  envoyé  à  M.  le  Promoteur,  qui 
le  reçut  vers  midi,  au  moment  où  il  allait  se  mettre  à  table. 

—  Hum  ! . . .  fil  M"  Guillaume  Grinchard  en  prenant  con- 
naissance de  l'envoi;  qu'est-ce  que  cela?  hum  ! ...  je  n'ai  nul 
besoin  de  ces  attirails  ;  Dieu  merci  1  hum  ! . . .  je  n'ai  pas  l'in- 
testin malade...  huml...  et  l'on  pouvait,  ce  me  semble, 
choisir  un  autre  moment  pour  me  les  adresser. . .  hum  !. . . 

Pierre  Macabre,  le  clerc  de  M.  le  Promoteur,  qui  en  toute 
affaire  avait  en  vue  les  cinq  sols  d'amende  auxquels  il  avait 
droit  «  si  le  cas  y  échet  »  comme  disaient  les  pièces  de  procé- 
dure ;  ce  qui,  à  son  gré,  n'arrivait  pas  assez  souvent,  rédigea 
après  le  dîner  un  long  rapport  dans  lequel  il  accumula  les 
hypothèses  et  les  suppositions,  il  établit  d'ingénieux  rappro- 
chements entre  les  faits  connus  et  ceux  qui  ne  l'étaient  pas  et 
par  induction,  tira  de  fort  logiques  conséquences  de  choses  que 
personne  ne  savait  encore  et  que  selon  toute  vraisemblance  on 
ne  parviendrait  point  à  découvrir. 

Pierre  Macabre  n'était  encore  que  clerc  et  pourtant  dans  la 
rédaction  do  ce  rapport  il  fit  preuve  d'un  talent  digne  du  pro- 
cureur le  plus  retors.  Cet  acte  était  capable  d'émouvoir  les 
magistrats  et  de  mettre  en  mouvement  toute  l'armée  des  sup- 
pôts de  justice  si  l'on  y  eût  ajouté  foi. 

—  ria  leur  mettra  la  puce  à  l'oreille,  disait-il  d'un  air 
satisfait. 

M.  le  Promoteur  signa  ce  rapport  en  maugréant,  ce  qui  était 
un  peu  dans  ses  habitudes,  et  le  tout  l'ut  envoyé  à  l'OlTicial. 

Là  ou  se  borna  à  paraphraser  et  à  condenser  en  latin  usuel 
les  documents  parvenus,  et  comme  il  était  question  d'émotion 
populaire  et  de  sûreté  de  la  ville,  ce  qui  n'était  point  du  ressort 
de  rofticial,  procédure  et  pièces  de  conviction  furent  trans- 
mises à  l'échevinage. 

Cet  envoi  et  surtout  la  lecture  du  rapport  de  M.  le  Promo- 
teur causèrent  un  certain  émoi  parmi  les  échevins.  Bien  que 
l'on  ne  vit  pas  très  clairement  quelle  relation  il  pouvait  y  avoir 


FOLLE     KQUIl'ÉK  149 

entre  l'abandon  des  deux  objets  en  question  fait  à  la  porte  du 
Cloître  et  le  tumulte  survenu  dans  la  soirée  du  28  septembre, 
cette  supposition  eut  pour  effet  de  donner  aux  recherches  une 
nouvelle  activité. 

Après  quatre  jours  d'informations  supplémentaires,  le  Prévôt 
convoqua  les  échevins  eu  séance  générale,  au  cours  de  laquelle 
il  fut  dit  de  fort  belles  choses.  M''  Colart  le  Parent,  rapporteur 
de  l'enquête,  exposa  avec  une  merveilleuse  clarté,  que,  mal- 
gré l'avis  de  M.  le  Promoteur,  il  n'y  avait  nulle  apparence  que 
la* découverte  faite  dans  le  Cloître,  eût  quelque  rapport  avec  le 
tumulte  qui  avait  troublé  la  cité.  —  Que  l'abandon  des  deux 
instruments  ne  pouvait  provenir  que  d'un  cas  fortuit  inexpli- 
cable. —  Qu'il  était  sans  précédents  qu'une  ville  eût  jamais 
été  attaquée  par  des  armes  semblables.  —  Que  ces  deux  objets 
déposés  sur  le  bureau  du  greffier  et  exposés  aux  yeux  de  tous, 
ne  présentaient  dans  leur  contexture  et  disposition  rien  que  de 
parfaitement  normal  et  que  leur  maniement  n'avait  révélé 
aucun  mécanisme  secret  pouvant  offrir  quelque  danger,  ainsi 
du  reste  que  l'avaient  affirmé  un  potier  d'étain  et  un  apothi- 
caire, experts  appelés  par  l'écheviuage,  tous  deux  habitants  de 
la  cité  et  gens  de  bien. 

Les  deux  experts  vinrent  témoigner  de  la  sincérité  de  cette 
déclaration  parfaitement  conforme  à  leurs  dires.  Par  un  zèle 
très  louable,  l'apothicaire  crut,  en  outre,  pour  mieux  appuyer 
son  témoignage,  devoir  proposer  à  celui  de  Messieurs  les  éche- 
vins qui  voudrait  bien  se  prêter  à  l'opération  de  faire  l'essai 
des  deux  instruments  en  pleine  séance,  déclarant  qu'il  n'en 
éprouverait  aucun  mal,  sinon  les  effets  ordinaires. 

M"  Colart  le  Parent  déclara  alors  que  toute  enquête,  recher- 
che et  information  sur  ce  sujet  était  close  et  qu'il  y  avait  lieu 
de  faire  remettre  à  l'hôpital  les  deux  objets  trouvés,  où  ils 
pourraient  rendre  d'utiles  services,  ce  qui  fut  adopté. 

On  se  souvient  que  Polycarpus  Grasmolet,  assez  mal  accom- 
modé dans  la  bataille,  avait  pu  cependant  regagner  le  logis  de 
l'apothicaire  et  que  celui-ci,  après  un  rapide  examen  de  son 
état  avait  jugé  nécessaire  de  l'enduire  de  baumes  et  de  vulné- 
raires variés.  —  Il  dut  y  passer  la  nuit,  et  le  lendemain  malin 
sa  situation  ayant  empiré,  il  fallut  le  reconduire  à  son  domi- 
cile. 

Bientôt  la  fièvre  survint  et  avec  elle  le  délire.  —  Tous  les 
déijoires  qui  lui  étaient  survenus  depuis  trois  semaines  :  son 
affaire  avec  la  P,ouillarde,  les  gargouilles,  l'alchimie,  sou  projet 


150  FOLLE    ÉQUIPÉE 

avorté,  la  bataille,  les  coups  reçus,  envahirent  son  cerveau 
troublé;  il  eut  des  visions  pénibles  qu'il  repoussait  du  geste, 
il  divagua  et  tint  les  discours  les  plus  incohérents,  au  milieu 
desquels  venaient  se  placer  certains  épisodes  que  nous  con- 
naissons et  notamment  l'agnel  d'or  que  son  avarice  naturelle 
lui  faisait  réclamer  à  grands  cris. 

On  appela  en  toute  hâte  M''  Nasulus,  le  médecin  le  plus  eu 
renom  de  la  ville,  qui  examina  le  malade  à  trois  reprises  diffé- 
rentes et  déclara  son  état  grave  —  très  grave  —  et  extrême- 
ment grave.  —  Il  parla  de  céphalée  intense,  d'inflammation 
mézaraïque,  de  strangurie  et  opilation  et  finit  par  conclure  à 
un  accès  de  maie- rage. 

Il  déchu'a  qu'il  fallait  faire  appel  à  la  médecine  rationnelle, 
à  THippocratique  et  à  la  Galéuique,  et  même  aussi  à  la  Sur- 
naturelle, Thurgique,  Mathématique,  Passique,  Courtique, 
Adamique,  Empirique,  Diétaire,  Monique,  Talismanique, 
Philtrique,  et  même  à  d'autres  s'il  en  était  besoin. 

Il  cita  comme  remèdes  propres  ta  combattre  le  mal,  les  cho- 
lagogues,  les  ménalologues,  les  hydragogues,  les  phelmago- 
gues,  les  hypagogues,  les  panchymagogues  et  quelques  autres, 
et  finalement,  il  n'ordonna  rien,  sinon  que  pour  éviter  tout 
danger,  l'on  mît  au  patient  une  muselière  laite  de  lanières  de 
cuir  entrelacées,  de  façon  qu'il  ne  pût  mordre  personne. 

Les  voisins  et  surtout  les  femmes  présentes  à  la  consultation, 
frémirent  en  entendant  cette  triste  prescription  ;  elles  se  dirent 
que  dans  un  jour  ou  deux  il  faudrait  certainement  étouffer  le 
barbier  entre  deux  matelas,  moyen  auquel  on  avait  alors 
recours  pour  la  guérison  de  la  rage. 

L'apothicaire  qui  savait  que  le  barbier  n'avait  pas  été 
mordu  .et  qui  connaissait  les  causes  de  son  mal,  accourut  aus- 
sitôt et  se  montra  plus  clairvoyant  et  plus  sage;  il  ne  vit  dans 
l'étal  du  malade  qu'une  sorte  de  frénésie  occasionnée  par  les 
événements  de  la  veille  et  peut-être  par  quelque  apostume 
formé  dans  les  panicules  du  cerveau.  Il  lui  fit  prendre  un  cal- 
mant qui  ne  tarda  pas  à  modifier  sa  situation  et  remède  sou- 
verain, lui  plaça  dans  la  narine  gauche  une  feuille  de  nénu- 
phar et  de  mélisse  mouillée  au  préalable. 

Ces  moyens  eurent  un  excellent  effet,  le  patient  se  calma 
peu  à  peu  ;  mieux  encore,  il  dormit,  et  finit  par  dormir  si  bien 
qu'il  ne  se  réveilla  ni  ce  jour-là  ni  les  jours  suivants.  —  Il  ne 
pouvait  désirer  une  mort  plus  douce. 

M   le  Grand-Ghanlre  du  Chapitre,  consigna  ce  décès  sur  son 


FOLLE    ÉQUIPÉE  \b\ 

obituaire,  en  donnant  au  défunt  les  qualités  que  tout  le  monde 
lui  connut  de  son  vivant.  On  lit  en  effet  dans  cet  obituaire  la 
mention  suivante  : 

«  Pridie  Kalendas  octobris  —  Obiit  Polycarpus  Grasmolet,  barbi- 
tonsor  qui,  eo  vivente,  fuit  ignarus,  superbiens,  garrulus,  avidus, 
gulosus,  quoDStuosissimus,  sordidaî  avaritiœ,  libidinosus,  et  qui  quasi 
invitus  dédit  nobis  quadraginta  solidos  redditùs,  percipiendos  singulis 
annis  super  quamdam  domum  sitam  in  Campo  borandi.   » 

Cet  événement  eut  certaines  conséquences  qu'il  n'est  pas 
inutile  de  rapporter.  Le  barbier  laissait  du  bien  et  Alizou  sa 
nièce  était  seule  héritière.  L'inventaire  de  la  succession  fut 
dressé  par  Pierrre  Gotelle,  tabellion  Juré  de  la  Loge,  assisté  de 
Michel  Chantemerle,  Torganiste,  qui  intervint  dans  l'acte,  non 
plus  comme  simple  témoin,  mais  comme  porteur  des  pleins 
pouvoirs  de  l'héritière.  —  Il  fut  constaté  que  Polycarpus  Gras- 
molet laissait  en  propriétés  de  différente  nature,  un  revenu 
annuel  de  263  livres  tournois,  plus  une  pièce  de  terre,  sise  au 
terroir  de  Fagnières,  louée  six  setiers  de  blé  et  deux  chapons 
vifs  et  bien  en  plumes,  payables  chacun  an  au  jour  de  la  Saint- 
Martin  d'hiver,  ce  qui  au  total,  formait  un  assez  beau  revenu 
pour  l'époque. 

—  Eh  bien!  dit  Alizon,  lorsque  l'organiste  lui  eut  rendu 
compte  du  résultat  de  l'inventaire,  voulez-vous  voire  part  de 
cette  bonne  fortune  inespérée,  car  vrai,  je  n'y  comptais  guère. 

—  M'amie,  répliqua  Michel,  l'an  passé  j'étais  trop  pauvre 
pour  vous  épouser,  aujourd'hui  vous  êtes  trop  riche. 

—  Voilà  un  singulier  raisonnement  ;  je  suis  sûre  que  si 
vous  aviez  été  dans  une  position  meilleure  vous  m'eussiez 
offert  de  la  partager,  —  j'eusse  accepté  —  et  parce  que  la 
chance  vient  à  moi,  vous  refuseriez?  Ça  n'est  pas  juste! 
L'homme  n'est  donc  jamais  content,  ajouta  Alizon  avec  viva- 
cité. 

—  Allons  mignonne,  ne  nous  fâchons  pas;  j'exposais  mes 
scrupules,  mais  je  me  rends.  Apaisez-vous,  dit  Michel  en  lui 
prenant  affectueusement  la  main,  puis-je  refuser  une  femme 
selon  mes  goûts  et  selon  mon  cœur  et. . , 

—  El  quoi  encore?  fit  Alizon. 

—  Et  qui  de  plus,  ajouta  l'organiste,  m'apporte  de  quoi 
diner  tous  les  jours. 

L.  Grignon 


BIBLIOGRAPHIE 


Histoire  de  l'abbaye  d'Igny  (ordre  de  Citrauk),  par  M.  l'abbé  Péche- 
narfl,  \'ic^ire-général  de  l'archi-diochse  de  Reims,  1  vol.  gr.  iu-S", 
Reims  1883. 

Ce  travail  considérable  et  complet  est  l'un  des  meilleurs  ouvrages 
historiques  qui  aient  depuis  longtemps  paru  en  Champagne.  Rien 
assurément  n'est  plus  intéressant  que  la  monographie  d'une  abbaye 
aussi  intéressante  que  celle  d'Igny,  à  la  fondation  de  laquelle  saint 
Bernard  prit  une  part  notable.  Ce  qui  rend  le  sujet  encore  plus  digne 
d'attention,  c'est  que  Igny  est  reconstituée  depuis  1876,  grâce  au  zèle 
de  Mgr  Langénieux,  archevêque  de  Reims,  qui  y  a  réinstallé  les  fils 
de  Citeaux,  rendus  à  leur  ancienne  occupation  :  la  culture  du  sol. 

M.  l'abbé  Péchenard  a  consulté  toutes  les  sources  auxquelles  il 
pouvait  recourir  pour  rendre  son  travail  complet  et  il  peut  certaine- 
ment avoir  la  conviction  d'avoir  atteint  son  but. 

Igny  était  l'une  des  abbayes  les  plus  importantes  du  diocèse 
de  Reims.  Saint  Bernard,  ayant  par  sa  sage  influence  appaisé  des 
troubles  fâcheux  survenus  dans  ce  diocèse,  l'archevêque  Renaud  do 
Martigny  voulut  en  témoigner  sa  reconnaissance  en  y  appelant  en 
souvenir  une  colonie  de  l'ordre  de  Citeaux.  La  charte  de  fonda- 
tion et  celle  de  confirmation  royale  sont  de  l'année  1128.  Toute 
sa  vie,  saint  Bernard  s'occupa  avec  un  soin  constant  du  nouveau 
monastère  et  il  ne  contribua  pas  peu  à  en  assurer  l'installation  et  à 
en  activer  le  développement,  en  stimulant  le  zèle  charitable  des  sei- 
gneurs du  voisinage.  Igny  eut  le  bonheur  d'avoir  pour  second  abbé 
(1138-1157)  le  bienheureux  Guerric,  dont  la  piété  et  le  savoir  étaient 
également  considérables. 

Nous  ne  prétendons  pas  dans  ce  rapide  article  rendre  un  compte 
détaillé  de  l'œvre  de  M.  l'abbé  Péchenard  ;  nous  y  rtviendrons  certai- 
nement, mais  nous  voulons,  sans  tarder,  la  signalercomme  présentant 
un  double  intérêt  ;  non-seulement  l'auteur  traite  un  sujet  impor- 
tant pour  l'histoire  de  la  Champagne,  mais  aussi  pour  l'histoire  géné- 
rale des  institutions  monastiques,  en  faisant  connaître  à  fond  l'ordre 
de  Citeaux  et  la  règle  de  la  Trappe,  qu'on  se  plaît  si  volontiers  à  exa- 
gérer. C'est  un  véritable  tableau  de  la  vie  monastique,  telle  que  la 
pratiquèrent  les  Cisléciens  en  prenant  l'abbaye  d'Igny  comme  cadre. 

Les  documents  des  archives  sont  considérables  et  M.  l'abbé  Péche- 
nard s'en  est  très  habilement  servi.  Il  reste  cependant  encore  un 
travail  à  publier,  c'est  le  Cartulaire  lui-même,  conservé  à  la  Biblio- 
thèque Nationale.  M.  l'abbé  Péchenard  le  signale  avec  raison  comme 
une  entreprise  digne  de  tout  le  courage  d'un  érudit  et  qui  rendrait  ù 


BIBLIOGRAPHIE  1 53 

l'hisloire  locale  un  réel  service.  Nous  croyons  que  son  vœu  sera  pro- 
chainement exaucé,  bien  qu'il  ne  faille  pas  dissimulor  que  M.  l'abbé 
Péchenard  laisse  une  tâche  bien  ingrate  à  celui  qui  se  dévouera  à  cette 
œuvre,  car  ce  dernier  n'aura  absolument  rien  à  faire  qu'à  éditer  les 
chartes  sans  pouvoir  espérer  rien  découvrir  do  nouveau  sur  le  monas- 
tère dont,  dès  aujourd'hui,  l'histoire  est  faite  si  bien  et  si  complètement. 


Ct«  E.  de  B, 


L'imprimerie  et  la  librairie  dans  la  Haute-Marne  et  dans  l'ancien 
DIOCÈSE  DE  Langres,  par  deux  membres  correspondants  de  la  Société 
historique  et  archéologique  de  Langres.  —  Brochure  iu-S».  Paris,  H. 
Champion  et  Laugres,  Firmin  Dan^nen,  1883. 

MM.  Arthur  Daguin  et  F.  Asclépiade,  membres  correspondants  de 
la  Société  historique  et  archéologique  de  Langres,  viennent  de 
publier  des  notes  historiques  fort  intéressantes  sur  l'Imprimerie  et 
la  librairie  dans  la  Haute-Marne  et  dans  l'ancien  diocèse  de 
Langres. 

C'est  dans  le  dernier  bulletin  de  celte  Société  que  je  les  avais  lues 
d'abord,  avant  d'en  avoir  reçu  le  gracieux  hommage  sous  la  forme 
d'une  brochure  que  les  auteurs  ont  eu  la  bonne  pensée  de  faire  tirer 
à  part,  mais  à  un  nombre  d'exemplaires  trop  restreint,  je  crois. 

Mon  intention  n'est  point  d'analyser,  dans  ses  différentes  parties, 
un  travail  qui  a  exigé  des  recherches  aussi  longues  que  patientes.  Le 
tableau  historique  des  imprimeurs  et  des  établissements  de  typogra- 
phie dans  nos  contrées,  depuis  la  fin  du  xv"  siècle,  était  à  faire,  et 
l'on  doit  féliciter  nos  studieux  compatriotes  de  n'avoir  pas  reculé 
devant  les  difficultés  qu'il  i)résentait. 

Cette  esquisse,  comme  les  auteurs  l'appellent  modestement,  est  divi- 
sée en  trois  parties  : 

La  première  comprend  les  imprimeurs,  libraires  et  bibliophiles,  nés 
dans  l'ancien  diocèse  de  Langres,  qui  ont  concouru,  à  des  degrés 
divers,  aux  progrès  et  à  la  propagation  de  l'imprimerie  en  France  et  à 
l'étranger. 

La  seconde  fait  connaître  liîs  localités  du  diocèse  en'général,  et  de  la 
Haute-Marne  en  particulier,  où  des  imprimeries  ont  été  fondées,  ainsi 
que  l'époque  de  leur  établissement. 

Enfin  la  troisième  et  dernière  partie  est  réservée  exclusivement  aux 
imprimeurs  et  libraires  qui  ont  exercé  ilans  la  Haute-Marne  avant  lo 
xix«  siècle. 

J'en  demande  bien  pardon  à  nos  doux  érudils,  mais  cette  disposition 
ne  me  semble  pas  très  heureuse,  car  elle  leur  a  imposé  l'obligation  de 
revenir  sur  les  mêmes  sujets  à  quelques  pages  de  distance.  Delà  une 
sorte  de  confusion  qu'ils  auraient  évitée  facilement  en  adoptant  un 
plan  beaucoup  plus  simple. 

Cette  légère  critique  faite  on  passant,  je  me  conlonterai  de  souligm-r 


1 54  BIBLIOGRAPHIE 

à  grands  traits  les  passages  qui   ont  le  plus   spécialement  fixé  mon 
attention. 

En  tôle  (les  imprimeurs  plus  ou  moins  connus,  appartenant  aux 
siècles  derniers,  figure  naturellement,  ])ar  droit  d'ancienneté  d'abord, 
Nicolas  Jenson,  le  plus  fameux  do  tous. 

Jenson  est-il  né  à  Langres,  comme  l'ont  prétendu,  sans  preuves 
sérieuses,  quelques  historiens  do  la  Haute-Marne? 

Nous  serions  fiers  de  pouvoir  revendiquer  comme  un  des  nôtres 
cette  illustration  française  ;  malheureusement,  ainsi  que  je  l'ai  dit 
déjà  ' ,  rien  n'est  moins  certain  que  l'origine  langroise  du  célèbre 
typographe,  et  c'est  à  cette  regrettable  conclusion  que  nos  deux  écri- 
vains ont  été  également  conduits  après  de  laborieuses  recherches. 

La  bibliothèque  de  (]haumont  a  la  bonne  fortune  de  posséder  la 
bible  latine  de  Nicolas  Jenson,  imprimée  à  A^'enise  en  1476,  livre  rare 
et  fort  recherché  des  curieux,  dit  de  Bure  dans  sa  Bibliographie 
instructive. 

Après  Jenson,  nous  arrivons  à  Jean  Febvre  ou  Lefèvre  (en  italien 
(Fabri). 

MM.  A.  Daguin  et  F.  Asclépiade  lui  accordent  une  célébrité  égale 
à  celle  de  l'inventeur  des  caractères  romains,  ce  qui  me  paraît  un  peu 
exagéré. 

Jean  Febvre  ou  Lefèvre  est  un  vrai  Langrois,  qui  alla  fonder  à 
Turin  le  premier  établissement  d'imprimerie.  A  la  liste  de  quelques 
ouvrages  sortant  des  presses  de  ce  typographe  distingué,  et  cités  par 
les  auteurs  de  la  brochure,  j'ajouterai  la  Chronique  martinienne, 
Turin,  i477,  in-A",  rarissime,  et  qui  passe  pour  un  de  ses  chefs- 
d'œuvre.  Elle  est  mentionnée  dans  Brunet,  tome  III,  colonnes  1504-05. 

A  la  si^conde  partie  de  leur  travail,  nos  deux  auteurs  rendent  compte 
des  recherches  qu'ils  ont  faites  en  vain  pour  connaître  les  dates 
exactes  des  premiers  établissements  d'imprimerie  à  Langres  et  à 
Chaumont. 

Dans  son  Traité  des  plus  belles  bibliothèques  de  l'Europe,  Le 
Gallois  s'est  évidemment  trompé  en  faisant  imprimer  à  Langres,  en 
1483,  le  livre  de  Torquemada  Expositio  super  psalterium.  11  existe 
une  édition  de  cet  ouvrage  imprimée  à  Turin  par  Jean  Febvre,  et  c'est 
la  qualification  de  Lingonensis,  à  la  suite  du  nom  de  l'imprimeur,  qui 
lut,  pour  Le  Gallois,  la  cause  de  cette  erreur. 

J'ai  trouvé  aussi  la  date  de  1491  dans  un  autre  petit  volume  intitulé 
Notice  historique  sur  la  typographie,  par  Tramaux-Malhet ,  typo- 
graphe, Paris  1842.  Il  est  certain  que  l'auteur  a  été  également  mal 
renseigné,  et  que  la  date  de  la  première  imprimerie  et  du  premier 
ouvrage  imprimé  à  Langres  reste  inconnue. 

En  ce  qui  concerne  Chaumont,  le  même  point  est  encore  à  éclaircir. 


1.  Bevne  de  Champagne,  lomc  12,  page  '601. 


BIBLIOGRAPHIE  155 

Impossible  do  trouver  trace  d'un  étahlissomcnt  typograpliiquo  dans 
cctto  ville  avant  rimprcssion,  par  Quentin  Mareschal,  dus  Artifices  de 
feu  et  autres  instruments  deguerre,  i\u  langrois  Boillot,  in-4'^,  avec 
figures,  i598.  Livre  rare,  dont  nous  avons  ici  un  exoniplalrc  avec 
titre  imprimé,  et  non  gravé  comme  l'indique  Brunet. 

A  propos  de  Claude  Ilugard,  qui  adù  succédera  Qucntin-Mareschal, 
je  citerai  un  volume  pou  commun,  je  crois,  imprimé  chez  lui  en  1628, 
et  que  notre  bibliulhèquc  possède  également  :  c'est  le  Tombeau  de  la 
Ter^w,  par  Jacques  Gaucher,  bachelier  en  théologie,  qui  fut  le  premier 
professeur  de  philosophie  à  Chaumont.  Tel  est  le  titre  qu'il  donna  à 
son  discours  sur  la  mort  de  Mme  Anno  de  Saint-Belin,  baronne  de 
Neuilly;  curieuse  oraison  funèbre,  précédée  de  diverses  poésies  non 
moins  singulières,  inspirées  par  le  môme  sujet,  et  dont  nous  avons 
détaché  jadis  une  ode  et  un  sonnet  pour  les  lecteurs  de  la  Revue  de 
Champagne  ' . 

Dans  les  quelques  lignes  consacrées  à  Claude  Personne,  l'impri- 
meur langrois,  il  y  a  un  point  d'interrogation  : 

«  Nous  avons  relevé  dans  un  ouvrage  bibliographique  l'indication 
«  suivante  :  Institut  des  hermites  du  diocèse  de  Langres  sous  l'in- 
«  vocation  de  Saint-Jean-Baptiste.  —  Nouvelle  édition.  —  Lan- 
«  gros,  Personne,  i680,  in-i2.  Cette  indication  est-elle  exacte?  » 

Le  titre  est  exact,  mais  la  date  est  fausse.  En  effet,  le  petit  livre 
dont  il  s'agit  a  paru,  pour  la  première  fois,  en  1680.  Quel  en  a  été 
l'imprimeur  ?  je  l'ignore  -,  je  sais  seulement  que  Claude  Personne  en  a 
publié  une  seconde  édition  en  1697,  et  une  troisième  en  1725.  Un 
exemplaire  de  celle-ci  est  à  la  Bibliothèque  de  Chaumont.  I^e  titre 
porto  nouvelle  édition,  mais  pas  de  date.  C'est  par  l'imprimatur  que 
j'ai  pu  connaître  l'âge  du  volume. 

.le  ne  m'étendrai  pas  plus  longuement  sur  cette  première  et  cons- 
ciencieuse étude,  déjà  fertile  en  renseignements  bibliographiques.  Il 
me  suffisait  de  la  signaler  pour  faire  a])précier  les  utiles  éléments 
qu'elle  renferme  au  point  de  vue  d'une  future  histoire  de  rimiinmnrie 
et  de  la  librairie  dans  la  Haute-Marne,  continuée  jusqu'à  nos  jours. 
Notre  département,  en  ell^t,  est  loin  d'être  resté  étranger  aux  progrès 
considérables  de  la  typographie  depuis  le  commencement  du  siècle. 
De  superbes  impressions  et  d'importants  ouvrages  sont  sortis  de 
nos  presses  locales,  grâce  à  l'intelligente  aclivit(j  de  plusieurs  de  nos 
modernes  imprimeurs,  si  supérieurs  i  leurs  devanciers.  C'est  pourquoi 
je  considère  les  [)récieuses  notes  de  MM.  A.  Daguin  et  F.  Asclé- 
piade  comme  les  iiremières  assises  d'un  édilice  qui  attend  son  cou- 
ronnement. Emile  VoH.i„\itD,  bibliolhécaire  do  C'Iinumont. 

* 
*     * 


1 .  Revue  de  Champagne,  tome  II,  page  321 . 


1 5fi  BIBLIOGRAPHIE 

Notice  son  ConsENY,  son  prieuré  et  le  pèlebinage  de  saint  Marcoud» 
par  M.  Tabbé  Ledoublé,  1  vol.  in-S"  avec  plans  et  gravures,  Soissons' 
18S3. 

Voici  une  monographie  très  intéressante  et  très  complète  sur  une 
localité  de  l'Aisne,  qui  intf^resse  surtout  la  Champagne;  le  prieuré  de 
Corbeny  était  une  des  dépendances  importantes  de  l'abbaye  de  Saint-Remy 
de  Reims  et  le  pèlerinage  se  rattachant  entièrement  à  la  cérémonie  du 
sacre  de  nos  rois.  M.  le  chanoine  Ledoublé  n'a  rien  négligé;  dans  une 
première  partie  il  s'occupe  du  bourg  depuis  son  origine  et  dans  tous 
ses  détails  jusqu'à  nos  jours.  La  seconde  est  consacrée  au  prieuré  et 
l'auteur  a  su  mettre  en  pleine  lumière  la  vie  des  religieux  et  nous  les 
montre  pour  ainsi  dire  la  main  de  l'œuvre.  Un  troisième  traite  du 
pèlerinage  et  do  la  vie  du  saint,  M.  l'abbé  Ledoublé  étudie  l'efficacité 
des  attouchements.  Dos  pièces  justificatives  bien  choisies  com.plètent 
avec  d'intéressantes  gravures  cet  ouvrage. 

Nous  nous  étonnons  seulement  —  c'est  à  peine  une  critique  —  que 
l'auteur  ait  paru  ignorer  l'existence  du  travail  publié  sur  le  prieuré  de 
Corbeny,  en  Î87G,  par  M.  E.  de  Barthélémy  '  :  il  n'est  pas  même  cité. 

*     * 

Une  bien  excellente  publication  est  celle  des  Tables  des  travaux 
de  VAcadémie  de  Reims  depuis  sa  fondation  (1841-1882),  par 
M.  Jadart,  son  secrétaire  général.  (Un  vol.  ïn-S",  Reims,  Renart.'» 
C'est  un  travail  complet  sur  un  plan  tout  nouveau,  car  cette  table 
contient  non-seulement  le  répertoire  alphabétique  et  analytique  des 
documents  inédits,  annales,  séances  et  travaux  de  la  compagnie,  mais 
des  renseignements  bibliographiques  sur  l'ensemble  des  publications-, 
la  liste  des  lauréats  au  concours,  ce'ile  des  planches  et  cartes  jointes 
aux  mémoires  et  une  excellente  élude  sur  l'histoire  de  l'académie. 


1 .  Ce  travail  a  été  récompensé  par  une  médaille  de  vermeil  de  la  Soniété 
académique  de  Saiut-Quentin. 


CHRONIQUE 


L'intéressante  élude  de  M.  Lacordaire  sur  Bourlionne-les-nains 
renlermc,  au  sujet  de  l;i  Bibliotlièijue  de  celte  ville,  des  inexac- 
titudes que  je  vais  me  permettre  de  reclilier,  en  com])Iélant  le  récit  du 
laborieux  écrivain  haul-marnais'. 

En  1792,  les  livres,  archives  et  objets  d'art  des  abbayes  de  Mori- 
mond  et  de  Vaux-la-Douce  furent  transférés  à  Bourbonnc  i)ar  les  soins 
du  district  de  cette  localité. 

D'après  le  catalogue  dressé  à  la  même  éi)oque,  la  bibliothèque  de 
Morimond,  plus  importante  que  celle  de  Vaux-la-Douce,  renfermait 
5,000  volumes,  dont  une  dizaine  de  manuscrits.  Parmi  ces  manuscrils, 
signalons  le  superbe  Missel  de  Giteaux,  gr.  in-d",  en  deux  volumes, 
sur  velin,  en  belle  écriture  gothique,  avec  enluminures  et  lettres 
majuscules  rehaussées  d'or.  Il  est  à  la  Bibliothèque  de  Chaumont. 

Lors  de  l'installation  de  l'Ecole  centrale,  qui  eut  lieu  le  20  avril  1798 
(!*'■  lloréal  an  VI),  le  bibliothécaire  de  cet  établissement,  M.  Sarazin, 
reçut  de  l'administration  l'ordre  d'aller  à  Bourbonne  pour  choisir,  dans 
ledéjjôt  du  ci-devant  district,  les  livres  utiles  à  l'instruction  publique. 
Il  y  retourna  au  mois  d'août  suivant,  et,  dans  ces  deux  voyages,  il  fil 
procédera  l'enlèvement  de  2,133  volumes  la  première  fois,  et  de  1,214 
autres  volumes  la  fois  suivante,  ne  laissant  sur  les  rayons  que  des 
ouvrages  de  théologie  qui  ne  pouvaient  servir  ù  l'enseignement,  et 
d'autres  en  double,  incomplets  ou  dépareillés,  de  peu  de  valeur. 

En  1815,  Dom  Chautan,  le  dernier  abbé  de  Morimond,  ayant  fondé 
un  monastère  de  trappistes  près  de  Laval,  obtint  du  maire  de  Bour- 
bonne la  remise  des  livres  liturgiques  provenant  de  son  ancien  cou- 
vent, et  qui  n'avaient  jias  été  compris  dans  l'inventaire  de  la  Biblio- 
thèque. 

L'année  suivante,  le  préfet  de  la  Haute-Marne  était  saisi  de  deux 
demandes  prescjue  simultanées  :  l'une  du  maire  de  Bourbonne  solli- 
citant l'autorisation  de  vendre  les  débris  des  anciennes  bibliothèques 
de  Morimond  et  de  Vaux-la-Douce  «  enfermés  dans  une  chambre  saine 
de  la  municipalité  dont  le  secrétaire  a  la  clef  ».  Sur  l'invitation  de  la 
préfecture,  un  catalogue  de  ces  livres  fut  immédiatement  dressé.  M.  le 
curé  de  Bourbonne  se  chargea  obligeamment  de  ce  travail,  et  évalua  à 
900  francs  les  volumes  catalogués.  Un  habitant  de  la  ville  en  offrait 
000  francs. 

L'autre  pétition  émanait  de  Dom  Chautan  qui  prioil  l'administration 
de  vouloir  bien  disposer  de  ces  volumes  en  faveur  des  religieux  de  la 
Trappe. 

Ce  fut  l'ancien  abbé  de  Morimond  qui  obtint  gain  de  cause. 

1 .   Voir  page  53  du  présent  volume. 


1D8  CHRONIQUE 

Par  un  arrùlé  en  date  du  l'-r  juillet  1810,  le  préfet  lui  fit  remettre 
tous  les  ouvrages  mentionnés  au  catalogue,  à  l'exception  de  37, 
marqués  d'un  astérisque,  et  formaot  environ  50  volumes  qui  furent 
envoyés  à  la  bibliothèque  de  Chaumont. 

Tels  sont  les  faits  concernant  la  Bibliothèque  de  Bourbonnc,  d'après 
des  documents  officiels. 

Emilr3  Voir.LARD, 

Bibliothécaire  de  Chaumont. 

*  * 

Dans  un  grand  nombre  de  publications,  et  des  plus  sérieuses,  on  parle 
du  tournai  d'Ecry,  en  décembre  11 'J9,  comme  d'une  assemblée  dans 
laquelle  les  chevaliers  champenois  prirent  la  croix.  L'étude  attentive 
du  texte  de  Villehardouin,  page  2  de  l'édition  de  la  Société  de  l'His- 
toire de  France  semble  indiquer  le  tournoi  d'Ecry  comme  une  date 
signalant  l'année  oîi  nombre  de  Champenois,  résolurent  de  prendre 
part  aux  expéditions  de  Terre-Sainte,  sans  donner  à  penser  qu'il  y 
eut  à  Ecry  môme  une  décision  prise  par  ceux  qui  assistaient  au  tour- 
noi. Il  y  aurait  lieu  de  rechercher  les  moindres  renseignements  qui 
peuvent  fournir  des  détails  précis  sur  ce  fait  historique. 

*  *■ 

î)epuis  le  10  juillet  la  France  possède  un  nouvel  ordre  de  chevalerie, 
l'ordre  du  Mérite  agricole.  Il  est  destiné,  comme  son  nom  l'indique,  à 
récompenser  les  agriculteurs  et  les  personnes  qui  rendent  des  services 
à  l'agriculture.  La  décoration  consiste  en  une  croix  émaillée  de  vert 
avec  un  ruban  vert  à  bordure  amaranlhe.  L'un  des  premiers  décorés 
est  M.  Aumignon,  vétérinaire  du  département  de  la  Marne,  membre 
de  la  Société  d'agriculture  qui  a  constamment  rendu  de  sérieux  ser- 
vices dans  les  épizoolies. 

* 

Les  palmes  académiques  viennent  d'être  accordées  à  M.  Texier, 
professeur  de  mathématique  à  l'Ecole  des  Arls-el-Métiers  de  Chàlons. 


La  Commission  des  monuments  liistoriques  vient  d'accorder  un 
secours  inq)ortant  pour  la  restauration  de  la  belle  église  de  Mouzon 
(.ordonnes).  Elle  a  vivement  insist('!  auprès  du  gouvernement^  sur  le 
rapport  de  M.  du  Sommerard,  jjour  qu'on  prenne  des  mesures  eh  vue 
d'assurer  la  conservation  des  tapisseries  de  Saint-Remy  de  Reims, 
qu'elle  trouve  exposées  dans  un  endroit  humide  —  la  galerie  haute  de 
l'église  —  et  loin  de  la  vue  des  curieux.  On  pourrait  en  effet  les  sus- 
pendre le  long  des  basses-nefs  comme  à  la  cathédrale,  Tentretien 
serait  plus  facile  et  chacun  jiourrait  les  voir  et  les  étudier  facilement. 

*  . 


CHRONIQUE  159 

BouRCQ  ET  Mars,  près  Vouziers  (Burgum,  Bouy,  Bey).  Ce  village  se 
forme  autant  du  château  qui  appartenait  au  xii"  siècle  à  Beaudoin  Ju 
Bourq,  second  fils  de  Hugues  I't,  comte  de  Retiiel,  qui  se  croisa  avec 
Godefroy  de  Bouillon.  L'abhaye  de  Saint-Symphorien  de  Reims  y  avait 
des  biens  en  1119  (charte  confirmative  de  l'archevêque  Raoul). — 
1245,  hommage  au  comte  de  Champagne   par  Jean,  comte  de  Rethel. 

—  En  1G52,  Turenne  campa  sur  ce  territoire. 
Le  cliâteau  parait  avoir  été  détruit  vers  1G55 

Bourcy  était  le  chef-lieu  de  prévôté  à  laquelle  ressorlissaient  trente- 
neuf  paroissses  avec  mairie  prévôtale  et  prison. 

L'église  date  du  xm°  siècle  :  le  chœur  fut  refait  et  porte  la 
date  de  1690;  le  cliœur  est  éclairé  par  quatre  fenêtres  à  plein  ceintre. 

—  Le  clocher  est  une  tour  carrée  au-dessus  du  porche  d'entrée. 
Inscriptions  :  —  Chapelle  de  la  Vierge  :    «  Cy  pose  un  noble  home 

mesir  Pier  Simâ  pbre  en  son  vivat  dem.  à  Bourque  le  quelle  a  fonde 
1 1  messes  et  1 1  vigiles  a  diver  chacun  an  perpétuellement  desquelles 
lune  se  dira  au  quatres  temps  de  Noël  et  l'autre  se  dira  au  qualtre 
temps  de  caresme  et  pour  ce  a  charge  III  quartes  de  prez  seat  sur  le 
ban  de  Savigny  royes  pion  Chossô  et  les  erities  Pollete  Pychot,  et  la 
part  de  une  maisnn  assise  audit  Bourcq  portant  contre  Pion  Symon 
lequelîe  trépassa  le  XVII  d'ault  mil  Vc  XXXI.  Priez  Dieu  pour  son 
ame  et  pour  tous  les  trépassés. 

L'autre  porte  cette  inscription  :  «  M.  Paul  Dehercq  curé  de 
Bourcq  ma  fait  faire  1690.   » 

Le  village  de  Mars  possédait  le  chàteau-fort  de  Monpiaisir  avec  cha- 
pelle détruite  en  1791.  L'église  est  du  xiu^  siècle  à  nef  unique,  chœur 
voûté  avec  chapiteaux  à  grappes  de  raisin,  fenêtres  ogivales,  contre- 
forts. Fragment  d'un  vitrail  de  S.  Laurent. 

*     * 

La.  Verrière  de  la  chapelle  ou  sé.minaihe  de  Saint  -  Më.m.mie.  — 
De  nouveaux  vitraux,  dus  au  pinceau  de  Mademoiselle  Liénard,  ont 
été  placés  dans  cette  chapelle,  depuis  ceux  dont  M.  l'archiprêtre 
Emor  a  parlé  dans  une  excellente  brochuri;  et  (jui  étaient  consacrés  à 
la  vie  de  samt  Memmie. 

Les  deux  rosaces  de  transsept  l'cpréseiitent  l'une  le  couronnement 
de  ia  Vierge,  d'après  le  tableau  d'Ange  di;  Fiésole,  l'autre  la  mort  de 
saint  Joseph.  Quatre  fenêtres  de  la  nef  ont  repu  des  vitraux  à  rin- 
ceaux du  fond  et  grisaille.  Au  portail  sont  figurés  dans  les  deux 
étroites  fenêtres  surmontant  la  basse  porte  et  dans  les  deux  baies  ac- 
coui)lées.  A  la  tribune,  saint  Jean-Baiitisle,  saint  Jean  l'évangéliste, 
l'adoration  des  mages,  le  baptême  du  Christ,  les  noces  de  Cana, 
l'élection  des  apùtres,  la  Jjénédiclion  des  deux  enfants,  la  Cène,  le 
crucifiement,  la  résurrection,  la  tradition  des  clefs  à  saint  Pierre,  la 
descente  du  saint  Esprit.   Dans  l'ombre,  au-dessus  de  deux  baies  ac- 


160  CHRONIQUE 

couplées.  Dieu  le  père  bénissant  à  droilo  et  à  gaucho  les  écussons  de 
NN'.  SS.  de  Priliy  et  13ara,  qui  ont  commencé  et  achevé  le  petit  sémi- 
naire avec  le  généreux  concours  de  M.  l'abbé  Loyson  de  Guinaumont, 
doyen  du  cliapitre. 

Il  n'y  a  plus  que  huit  grisailles  à  poser  pour  compléter  toute  la  fe- 
ncstration  de  la  chapelle.  Avis  aux  chrétiens  généreux. 

Tout  dernièrement  on  a  également  posé  dans  la  chapelle  Sainte- 
Pudentienne,  au  fauljourg  de  Marne,  à  Chàlons,  une  verrière,  encore 
de  M"""  Liénard,  représentant  la  sainte  visitant  et  consolant  dans  les 
catacomI)es  de  Rome  les  confesseurs  de  la  foi. 


Le  Secrétaire  Géraul, 


LÉON  Fukuont 


LA  VIE 

DU  MA.RÉCHA.L  DE  SCHULEMBERG 

Comte  de  Montdejeu,  Chevalier  des  Ordres  du  Roy, 

Ancien  Gouverneur  de  la  ville  et  cité  d'Arras,  Grand  Bailly  d'Artois, 

Gouverneur  du  Berry,  Capitaine  du  Château  de  Madrid 

et  de  la  Varrane  du  Louvre,  etc. 


La  vie  du  maréchal  de  Schulemberg  que  uous  allons  publiei" 
est  iuédile,  mais  elle  n'est  pas  inconnue.  Déjà  Fontelte  l'avait 
signalée,  et  «  elle  parait,  dit-il,  avoir  pour  auteur  M.  de  Voi- 
«  gnon  qui  avait  élé,  sous  le  maréchal,  commandant  de  cava- 
a  lerie.  Elle  est  intéressante  principalement  pour  ce  qui  regarde 
«  les  défenses  de  Cobleulz  et  d'Hermeistein  eu  1635  et  celle 
«  d'Arras  eu  1654,  car  c'est  eu  quoi  s'est  distingué  M.  de 
a  Schulemberg  ;  il  est  mort  en  1671.  L'original  est  dans  le 
«  cabinet  de  M.  l'abbé  d'Estoquois  de  Schulemberg  et  une 
«  copie  dans  la  bibliothèque  de  M.  le  marquis  de  Paulmy.   » 

L'édition  que  uous  dounous  est  tirée  du  manuscrit  de  la  col- 
lection de  dom  Grenier  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

Un  autre  manuscrit  se  trouve  à  la  bibliothèque  d'Arras  et 
c'est  d'après  lui  que  M.  E.  Lecesne  a  publié  chez  A.  Coutin, 
en  1877,  une  brochure  relative  au  siège  de  cette  ville. 

M.  le  barou  Albéric  de  Galonné  a  aussi  publié  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  d'Arras,  11^  série,  tome  VII,  1876, 
uuc  notice  sur  Françoise-Madeleine  de  Forcevillc,  maréchale 
de  Schulemberg  et  comtesse  de  Mont-de-Jeux.  G'est  un  récit 
des  violences  exercées  envers  elle  par  le  maréchal,  sou  mari, 
et  quelle  expose  à  la  reine-mère  dans  une  lettre  devenue  fort 
rare  avant  celte  réédition. 

Les  détails  biographes  contenus  dans  la  Vie  du  maréchal 
sont  généralement  exacts  et  concordent  avec  ce  qu'eu  ont  dit  le 
P.  Anselme  et  Gaumarlin. 

L'abbé  Bouillot,  dans  la  Biographie  a^'dentiaise,  se  borne  à 
aualyser  le  manuscrit  que  nous  publions  et  qu'il  a  connu. 
Dans  VAlmanach  du  département  des  Ardennes  (JoUy,  Char- 

11 


1G2       LA  VIE  DU  MARÉCHAL  DE  SCHULEMBEUG 

leville,  18/2),  le  savant  arciiiviste,  M.  Sénemaud,  a  donné  sur 
la  i'amillc  du  maréchal  (juelques  renseignements  puisés  d;ins 
des  titres  originaux.  Il  constate  que  ce  lut  à  la  suite  du  ma- 
riage d'Aloph  deSchuIemberg,  homme  d'armes  des  rois  Louis  XI 
et  Charles  VIII,  naturalisé  en  1488,  avec  Jehanne  d'Eslaires, 
fdle  de  Ferry  d'Eslaires,  seigneur  de  Montgon  et  de  Margue- 
rite de  liournon ville,  que  celte  famille  se  iixa  dans  le  Rethé- 
lois. 

Le  maréchal  de  Schulemberg  mourut  le  mercredi  25  mars 
1671  au  château  de  Mont-de-Jeux et  les  registres  delà  paroisse 
de  Saint-Lambert  constatent  qu'il  ne  fut  inhumé  que  le  di- 
manche 8  novembre  suivant  en  une  chapelle  assise  audit  lieu 
de  Mont-de-Jeux,  en  présence  de  M.  Eslienue,  prebtre,  curé  de 
Charbogne  et  de  J.  Compagnon,  maistre  d'escole. 

Cette  cérémonie  fut  plus  que  modeste,  et  nous  ne  voyous 
pas  qu'aucun  de  ses  héritiers  y  ait  assisté;  il  est  probable  qu'il 
mourut  dans  l'isolement  et  presque  abandonné  dans  son  châ- 
teau ;  la  rudesse  de  son  caractère  et  peut-être  aussi  le  maigre 
héritage  qu'il  laissa  à  ses  collatéraux  suffisent  à  tout  expliquer. 
Il  avait  eu  deux  frères,  on  ignore  leur  destinée,  on  sait  seule- 
ment qu'ils  n'existaient  plus  dès  1GG6,  lors  de  la  recherche 
des  nobles  de  Champagne  ;  il  n'eut  point  d'héritier  de  son  titre 
de  comte  de  Monl-de-Jeux.  Sa  sœur  Philippine  avait  épousé 
1®  Anchelin  de  Villers,écuyer,  seigneur  de  Villers  en  Wœpvre, 
deBinarville  en  partie  et  de  Day-les-Voucq,  lequel  mourut  en 
1625,  2"  en  1629,  Jean  de  Roland,  seigneur  de  Singly,  dont 
elle  était  veuve  en  1672.  Elle  habitait  Binarville  à  cette  époque. 

Il  nous  a  semblé  que  c'était  un  devoir  pour  IsiMevîie  de  faire 
sortir  de  l'oubli  cette  vie  d'un  des  plus  glorieux  enfants  de  la 
Champagne.  Si  les  grands  noms  de  Turenne  et  de  Gondé  ont 
rejeté  notre  héros  au  second  plan,  il  serait  injuste  de  ne  pas  lui 
tenir  compte  des  services  qu'il  a  rendus  à  la  France,  de  Fin- 
domptable  énergie  qu'il  a  déployée  à  servir  les  vues  de  Richelieu 
et  de  Mazarin.  S'ils  ne  furent  pas  ingrats  envers  lui,  il  nous 
appartient  aussi  de  ne  pas  laisser  périr  sa  mémoire. 

Celui  ([ui  a  retracé  la  vie  du  maréchal  appartient  à 
notre  pays.  M.  de  Wagnon  est  un  des  derniers  représentants 
de  la  vieille  famille  des  Launois,  seigneurs  de  Jandun,  de 
Wagnon,  etc.,  qui  s'éteignit  k  la  fin  du  xvii'*  siècle.  Sou  style 
est  un  peu  solennel  et  l'on  pourrait  lui  reprocher  un  parti-pris 
d'éloge  constant,    mais  la  situation  qu'il  occupait  suffit  à  le 


LA    VIE    DU    MARÉCHAL   DE    SCHULEMBERG  103 

jutslilier,   d'autant  mieux  ([uil  u'a  presque  jamais  sacrifié  la 
vérité  historique  à  ]a  vive  amitié  qu'il  avait  pour  sou  chef. 

0.  G. 


AVANT-PROPOS 

A  quelque  point  de  grandeur  et  d'élévation  que  la  France 
ait  vu  la  gloire  de  ses  héros  sous  les  Glovis  et  les  Charles,  et 
sous  les  plus  heureux  des  Valois,  elle  n'a  jamais  porté  plus 
loin  la  réputation  de  ses  forces,  ni  plus  haut  la  valeur  de  ses 
généraux  et  la  sagesse  de  ses  ministres  que  sous  les  règnes  de 
ce  dernier  siècle.  L'envie  qui  s'est  soulevée  pendant  la  vie,  et 
déchaînée  après  la  mort  des  deux  éminences  qui  ont  successi- 
vement soutenu  la  fin  du  règne  de  Louis-le-Justo  et  la  mino- 
rité de  son  invincible,  successeur  Louis-le-Grand,  n'a  pu 
jusqu'ici  rendre  odieuse  la  mémoire  de  leur  ministère,  sinon 
peut-être  dans  quelques  familles,  ou  chez  quelques  nations 
limitrophes,  dont  les  intérêts  particuliers  ont  dû  être  néces- 
sairement sacrifiés  au  bien  de  l'Etat.  On  ne  sauroit  leur  con- 
tester la  gloire  d'avoir  naturalisé  la  politique  militaire  dans  la 
Gour  de  France,  eu  y  introduisant  uue  couuoissance  parfaite 
des  véritables  intérêts  de  la  Couronne,  en  accommodant  à  ces 
intérêts  la  défiance  réciproque,  ou  plutôt  la  jalousie  incurable 
des  Princes  et  des  créatures  des  Ministres,  et  en  affranchissant 
même  (si  cela  se  peut  dire)  laRoiauté  de  mille  dépendances  qui 
l'assujettissoient  avant  eux  depuis  plusieurs  siècles  à  des 
égards  indignes  d'une  autorité  et  d'un  gouvernement  monar- 
chique. C'est  ainsi  que  nous  .'rommes  redevables  de  la  plusparl 
des  découvertes  et  des  inventions  à  des  gens  d'un  caractère 
tout  opposé  à  l'usage  ou  à  l'établissement  de  ces  choses  inven- 
tées ou  renouvellées  ;  et  qu'on  doit  par  exemple  l'invention  de 
la  poudre  à  un  moine,  celle  de  l'impression  à  un  homme  de 
guerre,  et  l'ouverture  de  l'un  des  commerces  les  plus  lucratifs 
des  Indes  à  une  société  de  gens  qui  ont  fait  vœu  de  pauvreté. 
L'application  en  est  aisée  à  faire  au  changement  que  ces  deux 
fameux  Ministres  ont  apporté  dans  le  gouvernement  de  la  Mo- 
narchie franroise.  Qu'ils  aient  bien  ou  mal  fait,  et  que  les 
grands  ou  que  les  peuples  leur  en  sçachent  bon  ou  mauvais 
gré,  ce  n'est  pas  du  sujet  de  celte  histoire.  Il  me  suffit  de  faire 
remarquer  à  propos  du  dessein  que  j'ai  d'écrire  ici  la  vie  d'un 
illustre  Maréchal  de  France,  que  l'Etal  n'a  jamais  été  pourvu 


104  LA.     VIE   DU   MARÉCHAL   DE   SCHULËM13ERG 

d'officiers  géuéraux  plus  braves  ni  plus  habiles  que  sous  ces 
deux  miuistres  cardiuaux,  Saus  paiiei-  d'un  prince  de  Condé 
et  d'un  Monsieur  de  Turenne  dont  la  i^lo'wc  est  au  dessus  de 
tous  les  éloges  qu'on  a  essaie  d'en  faire,  et  en  qui  tous  les 
siècles  avenir  trouveront  des  modèles  ineffaçables  du  parfait 
héroïsme  ;  il  n'est  point  de  vertu  militaire  dont  nous  n'aions 
des  exemples  signalés,  et  même  de  très  singuliers  dans  les 
grands  hommes  qui  ont  vu  de  leur  tenq)s,  et  peut-être  avec 
eux  leurs  glorieux  services  honorés  d'une  réputation  univer- 
selle et  récompensés  des  premières  dignités  du  Roiaume. 

Le  Maréchal  de  Schulembcrg  est  sans  difficulté  l'un  de  ceux 
qui  se  sont  le  plus  distingués  loin  de  la  cour,  et  dont  les  héroï- 
ques qualités  méritent  à  plus  juste  titre  d'être  proposées  à 
imiter  pour  arriver  par  les  voyes  les  plus  légitimes  de  l'hon- 
neur au  dessus  de  la  fortune  et  à  ce  point  de  gloire  où  toutes 
les  grandes  âmes  aspirent  naturellement. 

On  ne  trouvera  pas  en  lui,  à  la  vérité,  un  homme  nourri 
dans  les  intrigues,  quoiqu'il  eût  l'esprit  très  fécond  en  expé- 
diens,  et  doué  d'une  sagesse  naturelle  et  cavaUière  à  l'épreuve 
de  toute  surprise,  il  a  toujours  regardé  les  courtisans  comme 
des  politiques  intéressés,  et  plus  occupés  de  leurs  propres 
avancemens  que  des  véritables  intérêts  de  l'Etat. 

Non,  ce  n'est  pas  sur  sa  conduite  qu'on  pourra  apprendre  ici 
à  se  fraier  des  routes  secrètes  à  la  faveur.  Ce  sont  ordinaire- 
ment les  plus  courtes,  mais  elles  sont  impraticables  aux  génies 
élevés,  et  à  un  mérite  supérieur  du  caractère  de  celui  du  Ma- 
réchal de  Schulemberg,  qui  ne  sçutde  sa  vie  ramper,  ni  fléchir 
le  genouil  aux  pieds  des  idoles  de  la  fortune.  Il  fut  toujours  si 
éloigné  de  mettre  en  usage  les  industries,  que  les  plus  désin- 
téressés sont  souvent  obligés  de  pratiquer  comme  les  autres 
pour  faire  jour  à  leur  mérite,  qu'il  ne  parut  à  la  cour  tout  le 
temps  de  ses  services,  que  pour  s'y  défendre  d'une  trop 
prompte  et  trop  éclatante  faveur. 

S'il  n'a  donc  point  eu  de  part  aux  négociations  du  cabinet, 
ni  aux  autres  ressorts  secrets  du  ministère  do  son  temps,  il 
n'eu  a  pas  été  moins  utile  à  l'Etal,  et  les  motifs  de  son  éléva- 
tion n'en  sont  que  plus  glorieux  à  sa  mémoire.  Quoique  les 
écrivains  modernes  ne  lui  aient  pas  encore  rendu  toute  la  jus- 
tice qu'il  mérite,  sa  vie  a  trop  de  liaison  et  un  trop  nécessaire 
rapport  à  l'histoire  générale  pour  ne  pas  en  faire  partie,  lors- 
qu'on l'écrira  sans  partialité  et  avec  exactitude.  Il  y  auroit  de 
l'ingratitude  à  y  laisser  ignorer  que  la  France  lui  est  toute  re- 


LA     VIE    DU    MARKCHAL   DE    SCHULEMBERG  165 

devable  du  calme  heureux  qu'elle  vit  succéder  par  sa  valeur 
aux  troubles  qui  out  divisé  si  longtemps  les  cœurs  des  François 
pendant  la  dernière  régence.  Taudis  qu'on  aura  quelques 
égards  aux  sacrifices  qu'un  homme  de  cœur  est  capable  de 
faire  de  toutes  ses  commodités  dans  les  exercices  fatiguans  de 
la  guerre  sans  jamais  se  relâcher,  et  de  sa  propre  fortune  et 
môme  de  la  vie  dans  les  plus  périlleuses  occasions,  sans  au(re 
iulérest  que  celui  de  sa  patrie,  ou  tout  au  plus  pour  se 
faire  un  nom  dans  l'histoire  auprès  de  celui  de  son  souverain, 
le  souvenir  des  services  considérables  que  le  Maréchal  de  Schu- 
lemberg  a  rendus  par  ces  belles  voies  à  l'Etat  sera  précieux  en 
France  ;  non  pas  pour  avoir  fait  tout  ce  qu'il  auroit  été  capable 
de  faire  en  de  plus  heureux  temps  pour  son  Prince  et  pour  sa 
patrie  ;  mais  pour  n'avoir  jamais  rien  laissé  à  faire  de  ce  qu'on 
pouvoit  attendre  de  sa  résolution,  do  sa  sagesse  et  de  son  in- 
trépidité, et  pour  avoir  triomphé  en  toutes  les  rencontres  où 
il  a  paru  des  dangers  et  des  obstacles  que  sa  fidélité  et  sa  va- 
leur ont  eu  longtemps  à  combattre.  Ainsi  je  crois  rendre  un 
service  considérable  ou  faire  du  moins  un  plaisir  très-utile  cà 
une  infinité  de  braves  gens  qui  sans  être  distingués  de  près 
comme  ils  mériteroient  s'ils  étoient  emploies  sous  les  yeux  du 
souverain  auquel  ils  se  sacrifient,  se  sentent  quelques  heu- 
reuses dispositions  à  se  tirer  de  la  foule,  où  ils  sont  peut-être 
trop  long  temps  oubliés,  et  à  s'élever  avec  une  liberté  martiale 
par  quelques  nobles  efforts  d'une  émulation  semblable  à  celle 
qui  a  produit  et  soutenu  le  Maréchal  de  Schulemberg  par  lui- 
même  depuis  sa  première  jeunesse  jusqu'au  bout  de  sa  car- 
rière. 


LIVRE  PREMIER 


Quoique  le  Maréchal  de  Schulemberg  n'ait  jamais  cherché  à 
se  faire  valoir  par  sa  noblesse  et  par  le  mérite  de  ses  ancestres, 
il  n'a  jamais  cependant  perdu  de  viie  les  exemples  domestiques 
de  la  valeur  qu'il  en  avoit  comme  héréditairement  reçus  avec 
la  vie,  ni  le  nom  et  la  ré[)ulation  qu'il  avoit  à  soutenir  pour 
n'en  pas  dégénérer,  ce  ne  seroit  donc  point  assez,  le  faire  con- 
noitre  que  de  taire  ici  son  illustre  origine. 

Son  surnom,  f[ui  fait  d'abord  juger  que  cette  origine  étoit 
étrangère,  et  de  même  que  celui  des  Comtes  de  Schulemberg 
aines  de  celte  maison  du  pays  de  la  Mark,  en  Allemagne,  où 


166  LA     VIE   DU   MARÉCHAL   DE   SCHULEMBERCi 

elle  a  fourni  depuis  plusieurs  siècles  des  généraux  à  l  Empire, 
aux  Rois  de  Bohème,  et  à  la  Suède,  Jean  de  Schulemberg  troi- 
sième du  nom,  dont  j'écris  ici  rhisloire,n'étoil  connu  en  France 
comme  ses  aieuls  que  sous  le  surnom  et  la  qualité  de  Comte 
de  Mondejeu,  depuis  l'acquisition  que  fit  en  France  de  cette 
terre  Jean  de  Schulemberg,  premier,  écuyer,  dit  le  Page,  pour 
avoir  été  élevé  à  la  cour  en  cette  quaUté  sous  Louis  Onze,  dit 
vulgairement  le  Politique.  Ce  fut  co  premier  Comte  de  Mont- 
de-Jeu,  qui  naturalisa  en  lui  une  branche  de  sa  maison  de 
Schulemberg  en  France,  en  vertu  des  lettres  de  naturalité  qui 
lui  furent  offertes  on  1 588  par  le  roi  Charles  Neuvième  de  ce 
nom  et  que  la  Chambre  des  Comptes  de  Paris  enregistra  la 
même  année  sans  qu'il  en  fit  aucune  dépense,  en  considération 
des  signalés  services  qu'il  avoit  rendus  à  l'Etat,  tant  sous  ce 
Roi  Louis  que  sous  Charles  son  fils.  Ce  bon  Prince  crut  l'ac- 
quisition de  cet  étranger  si  nécessaire  aux  intérêts  de  la  Cou- 
ronne, qu'il  voulut  l'y  engager  par  tous  les  endroits  les  plus 
touchans,  par  rapport  à  ses  inclinations,  en  lui  donnant  une 
place  d'homme  d'armes  dans  la  Compagnie  des  gens  d'armes 
du  sire  d'Orval,  honneur  qui  n'étoit  point  alors  au  dessous  des 
princes,  et  en  lui  faisant  épouser  Marie  de  Dampierre  dont 
l'alliance  le  mit  d'abord  au  rang  des  plus  qualifiés  seigneurs 
de  toute  la  Champagne.  Il  est  vrai  qu'il  mourut  sans  enfans, 
mais  son  frère  Alophe  abandonna  sur  la  nouvelle  de  cette 
mort  l'établissement  qu'il  avoit  dans  le  Luxembourg,  où  il 
n'étoit  que  sur  le  pied  des  gentilshommes  cadets  de  Picardie 
et  de  Gascogne,  pour  venir  recueillir  en  France  la  succession 
du  comte  de  Mont-de-Jeu  son  puisné.  Il  eut  la  dessus  quel- 
ques difficultés  avec  la  veuve  sa  belle-sœur,  mais  elles  se  ter- 
minèrent bientôt  à  l'amiable  et  à  son  avantage  en  conséquence 
de  quelques  sentences  favorables  du  bailliage  de  Vermaudois, 
où  il  prit  alliance  dans  la  noble  maison  D'Eslaire.  Les  differens 
qu'il  eut  sur  cette  même  succession  avec  son  neveu  Guillaume 
de  Schulemberg  lui  firent  plus  de  peine.  G'étoit  un  fils  éman- 
cipé de  l'ainé  en  qui  subsistoit  la  branche  de  cette  maison 
établie  dans  le  Luxembourg  depuis  que  ce  pays  appartenoit  au 
môme  seigneur  que  le  pays  de  la  Mark  dans  le  marquisat  de 
Brandebourg.  Ce  Guillaume  de  Schulemberg,  qui  servoit  sous 
François  premier  en  qualité  d'homme  d'armes  dans  la  compa- 
gnie d'ordonnance  du  Sire  de  Florange,  laissa  en  mourant  les 
biens  qu'il  avoit  acquis,  et  ceux  qu'il  prétendoit  en  France 
échus  par  droit  d'aubaine  au  souverain,  qui  en  gratifia  suivant 
l'intention  de  ce  gentilhomme  étranger  Abel  le  Vasseur  par 


LA    VIE   DU    MARÉCHAL   DE    SCHULEMBEEG  107 

lettre  dattée  à  Dijon  en  1521  ;  mais  Raoiiliu  de  Schulembcrg 
comte  do  Mont-de-Jeu  et  de  Ploiraut,  fiis  d'Alophe,  dont  on 
vient  de  parler,  mérita  par  ses  services  la  préférence  sur  ce 
concurrent,  et  réunit  en  lui  par  la  faveur  du  môme  souverain 
François  premier  les  successions  de  son  père  Alophe,  de  Jean 
son  oncle,  et  de  Guillaume  son  cousin  avec  une  confirmation 
des  lettres  de  uaturalilé  accordées,  comme  il  a  élé  dit,  à  Jean 
de  Scbulemberg  premier  comte  de  Mont-de-Jeu,  qui  furent 
ainsi  rendiies  propres  et  héréditaires  dans  la  maison  de  Raoù- 
lin  son  neveu  par  lettres  patentes  données  à  Paris  en  1539  et 
vérifiées  en  la  Chambre  des  Comptes,  où  l'on  voit  que  Sa  Ma- 
jesté le  qualifie  homme  d'armes  de  ses  ordonnances  sous  le 
commandement  du  Seigneur  de  Sedan.  Il  en  fut  depuis  ho- 
noré de  la  charge  de  capitaine  des  cinq  cents  hommes  de  pied 
en  Champagne,  où  il  épousa  Catherine  de  Berles  qui  le  fit  père 
de  plusieurs  enfants.  Il  mourut  cependant  à  la  fleur  de  son 
âge,  après  s'être  acquis  une  réputation  de  valeur  qui  l'egaloit 
aux  plus  vieux  officiers,  sous  Henri  second.  Son  fils  Jean  de 
Schulomberg,  plus  connu  sous  le  surnom  de  Comte  de  Mont- 
de-Jeu,  lui  succéda,  et  entra  eu  1580  dans  l'ancienne  et  noble 
maison  d'Averhoult  en  se  faisant  par  là  des  aUiances  dans  les 
plus  considérables  familles  de  l'Artois,  de  la  Lorraine  et  de  la 
Champagne. 

Comme  il  fut  le  père  du  Maréchal  dont  il  s'agit  en  cette  his- 
toire, et  que  ses  glorieuses  alliances  le  fout  toucher  de  divers 
côtés  jusqu'au  sang  illustre  des  Moumoroncy.  de  Joyeuse,  de 
Sarcbruce,  de  Roussy,  de  St  Simon,  et  môme  du  sang  roïal 
de  France  et  des  princes  de  Lorraine  par  les  comtes  de  Chali- 
gny  et  les  Damoiseaux  de  Commercy  ;  elles  ont  été  fort  exac- 
tement vérifiées  par  Messieurs  de  Ste  Marthe,  par  M.  le  La- 
boureur et  depuis  par  M.  d'Osier  auxquels  je  renvoie  les  cu- 
rieux Je  généalogie. 

Jean  do  Schulembcrg  troisième  du  nom,  comte  de  Mont- 
dc-Jeu,  maréchal  de  France,  dont  j'écris  l'histoire,  naquit  sur 
la  fin  du  seizième  siècle  au  château  de  Guincourl  en  Verman- 
dois  et  fut  nommé  sur  les  sacrés  fonts  à  Reims,  comme  son 
père  qui  venoit  de  paier  de  son  sang  l'honneur  qu'il  avoit  de 
commanler  le  R<'gimcnt  de  Champagne  à  la  tète  duquel  il  fut 
tué  au  siège  d'Amiens  à  l'occasion  de  la  retraite  de  l'Archiduc 
Albert;  la  comtesse  douairière  de  Mont-dc-Jeu  dont  l'esprit  et 
toutes  les  manières  soutenoient  gloriciusement  réclatanle  no- 
blesse, et  qui  n'iuspiroit  à  ses  fils,  dont  l'éducation  lui  fut 
confiée,  que  des  senlimens  dignes  de  sa  naissance,  eut  la  salis- 


108  LA    VIE   DU   MARÉCHAL   DE    SCHULEMBERCf 

faction  de  lui  voir  répondre  de  si  bonne  heure  à  ses  hautes  in- 
tentions qu'elle  se  crut  obligée  de  l'abandonner  plutôt  qu'elle 
ne  l'eût  souliailté  h  l'ardeur  empressée  qu'il  se  sentoit  de  ma- 
nier les  armes  avant  qu'il  en  eût  les  forces.  Eu  l'embrassant 
au  moment  de  son  départ,  elle  lui  fit  en  peu  de  mots  une  leçon 
qu'il  n'oubha  jamais  et  qui  mérite  aussi  qu'on  en  conserve  le 
souvenir.  Souvenez- vous,  mon  fils,  lui  dit-elle,  que  vous  êtes 
formé  d'un  sang  qui  ne  s'est  jamais  ménagé,  où  il  s'est  agi  de 
le  répandre  pour  la  gloire  du  nom  que  vous  portez  ;  mais  ne 
vous  en  souvenez  point  aussi  trop,  et  comptez  toujours  moins 
sur  l'honneur  que  vous  avez  hérité  de  vos  aieuls,  que  sur  celui 
que  vous  leur  ferez  en   leur  ressemblant.  Il  se  défit  ainsi  de 
son  précepteur  et  se  sépara  de  la  Comtesse  de  Mont-de-Jeu  à 
l'âge  de  douze  ans,  c'est-à-dire  le  plutôt  qu'il  put,  pour  entrer 
à  l'Académie  de  Sedan,  où  il  se   forma  si  bien  l'esprit  et  le 
corps,  et  se  perfecdonna  si  heureusement  dans  tous  les  exer- 
cices de  son  état,  en  deux  ans  de  temps,  qu'il  y  acquit  une 
force  et  une  adresse  fort  au  dessus  de  son  âge.  La  manie  des 
duels  étoit   en   ce  temps-là  si  accréditée  qu'on  se  proposoit 
l'épreuve  comme   inévitable,  et  par  conséquent  pour  la  plus 
nécessaire  à  un  gentilhomme,  et  à  quelqu'autre  personne  que 
ce  fut,  destinée  au  parti  des  armes.  Aussi  s'en  faisoit-on  une 
étude  continuelle,  et  il  u'étoit  gueres  de  vertu  ni  de  réputation 
qui  prévalût  alors  à  celle da  la  bravoure,  quoique  le  terme  n'en 
ait  commencé  d'èlrc  françois  que  sur  le  déclin  de  cette  mode 
sanguinaire  et  meurtrière,  qui  entretenoit  en  France  depuis 
tant  de  règnes  une  espèce  de  guerre  civile  parmi  tous  ceux  qui 
y  étoient  le  plus  en  droit  de  se  piquer  de  cœur  et  d'émulation. 
Rien  n'étoit  plus  du  goût  du  comte  de  Mont-de-Jeu. 

G'étoit  alors  le  nom  qu'il  portoit,  rien  ne  flattoit  aussi  plus 
agréablement  son  humeur  vive  et  intrépide  que  les  applaudis- 
semens  qu'il  recevoit  à  cette  occasion  de  toute  part  sur  son 
agilité  de  corps,  sur  la  justesse,  la  force  et  la  vitesse  du  poi- 
gnet et  sur  l'assurance  et  la  souplesse  du  jaret,  qu'on  lui  re- 
marquoit  à  pied  et  à  cheval.  C'en  étoit  trop  pour  le  borner  plus 
longtemps  aux^exercices  de  l'académie  ;  il  en  sortit  à  quatorze 
ans  après  s'être  présenté  au  Maréchal  duc  de  Bouillon,  prince 
de  Sedan,  et  lui  avoir  demandé  de  l'emploi  dans  l'armée  qu'il 
levoit  sur  ses  terres  pour  se  joindre  au  prince  de  Condé,  au 
duc  de  Longuevillc  et  au  duc  de  Mayenne,  dans  le  temps  que 
la  cour  fit  le  voiage  de  Guiennc,  pour  le  mariage  de  Sa  Majesté 
Louis  treize.  Ce  prince  à  qui  il  n'étoit  pas  inconnu,  et  qu'il 
trouva  même  tout  prévenu  en  sa  faveur,  sur  la  réputation  qu'il 


LA    VIE   DU   MARÉCHAL   DE   SCHULEMBERG  IfiO 

s'étoit  déjà  acquise  dans  le  pays  d'un  gentilhomme  plein  de 
cœur,  et  du  plus  vigoureux  jeune  homme  dont  il  fut  parlé  de 
sou  temps,  se  fit  un  plaisir  de  contribuer  aux  premières  démar- 
ches de  sa  naissante  ardeur.  Ainsi  le  comte  do  Mont-de-Jeu 
en  eut  d'abord  l'agrément  pour  l'enseigne  colonel  du  régiment 
Flechel  dont  le  colonel  étoit  son  parent.  Il  fit  bientôt  voir  dans 
ce  premier  poste  de  quoi  il  seroit  un  jour  capable,  il  y  parois- 
soit  si  fort  ennemi  du  repos,  qu'on  eût  dit  qu'il  lui  étoit  con- 
traire pour  sa  santé,  comme  il  l'étoit  à  son  humeur.  Il  alloit 
avec  un  empressement,  qui  auroit  passé  pour  téméraire  s'il 
eût  été  moins  heureux,  au  devant  des  occasions  telles  qu'elles 
fussent,  au  moindre  jour  qu'il  voioit  d'exercer  sa  force  et  sa 
valeur. 

Quoiqu'il  soit  difficile  d'éviier  le  soupçon  de  flatteur  ou  de 
panégyriste  en  parlant  ou  eu  écrivant  d'abord  des  vérités  si 
peu  communes,  on  ne  soauroit  en  dire  moins  sans  faire  tort  à 
la  mémoire  d'un  si  grand  homme.  De  si  beaux  commencemens 
inspiroicnt  à  tous  ceux  qui  en  étoient  témoins  des  pressenti- 
mens  justes  de  ce  que  seroit  dans  la  suite  le  Comte  de  Mont- 
de-Jeu,  L'une  des  vertus  qui  le  faisoient  déjà  le  plus  estimer, 
étoit  la  générosité  de  sa  gratitude.  On  en  pourra  remarquer 
de  signalés  témoignages  dans  la  suite  de  ses  actions.  Il  ne 
croioit  jamais  avoir  assez  fait  pour  ceux  à  qui  il  avoit  quelque 
obligation,  jusqu'à  ce  qu'il  eût  risque  pour  eux  sa  propre  vie. 
Ces  sortes  de  sentimens  d'une  âme  parfaitement  reconnoissante 
sont  pour  ainsi  dire  la  base  de  l'héroïsme.  Il  n'y  a  ni  fidélité  ni 
bonne  foi  dans  un  guerrier  méconnoissant  de  quelque  politi- 
que dont  il  suive  les  maximes  :  et  l'on  est  accessible  à  tous 
les  défauts  du  cœur  du  moment  qu'on  est  capable  de  tomber 
dans  celui  de  l'ingratitude.  Quel  plaisir  ne  fit  pas  au  Roi  la 
résolution  de  son  digne  petit-fils  Monsieur  le  duc  de  Bourgogne 
lorsqu'il  le  vit  dans  ses  premières  années  exposé  aux  brouil- 
lards d'une  matinée  d'hyvcr,  avec  son  hausse  col  et  le  sponlon 
à  la  main,  en  posture  de  défendre  sa  nourrice  de  lui  être  enle- 
vée comme  lui  en  avoit  osé  faire  peur  une  personne  qui  étoit 
auprès  de  ce  jeune  prince  pour  le  divertir,  en  lui  représentant 
qu'il  n  étoit  pas  bienséant  aux  enfans  des  héros,  et  surtout  au 
petit-fils  du  plus  grand  lloi  du  monde  d'avoir  une  nourrice  et 
d'être  élevé  parmy  des  femmes,  lui  qui  étoit  destiné  à  paroitre 
et  à  commander  à  la  tète  des  armées  ;  la  reconnoissance  toute 
naturelle  dont  il  donna  des  marques  en  cette  occasion  est  un 
préjugé  favorable  de  la  justice  des  recompenses  sur  lesquelles 
on  pourra  compter  un  jour  à  son  service,  si  quelque  mauvais 


170  LA    VIE   DU   MARÉCHAL   DE   SCIIULEMBERG 

conseil  ne  s'y  oppose,  ou  n'en  détourne  les  libéralités  par  des 
canaux  secrets  au  préjudice  de  ceux  à  qui  elles  seront 
dues. 

Le  Comte  de  Mont-de-Jeu  que  je  retiens  peut-être  trop 
longtemps  à  son  entrée  dans  le  service,  s'y  vit  d'abord  attaché 
par  sa  situation  à  deux  personnes  auxquelles  il  méuageoit 
aveuglement  dans  les  rencontres  ses  devoirs  et  toutes  ses  re- 
connoissances.  Ce  généreux  attachement  l'engagea  si  avant 
avec  Monsieur  de  Flechel  son  colonel  dans  les  intérêts  du  ma- 
réchal duc  de  Bouillon,  père  de  l'illustre  Monsieur  de  Turenne, 
qu'il  se  trouva  par  là  fort  innocemment  dans  le  party  des 
princes  et  des  seigneurs  françois  révoltés  avec  la  plus  grande 
partie  du  roiaume  sous  la  régence  de  Marie  de  Médicis  et  le  mi- 
nistère fatal  de  l'indigne  maréchal  d'Ancre. 

Après  le  mariage  du  Roy  et  son  retour  à  Paris,  le  prince  de 
Gondé  fut  arrêté  prisonnier  au  Louvre  par  le  maréchal  de 
Thémines  sur  les  bruits  qui  couroient  des  desseins  de  ce  prince 
pour  monter  sur  le  trône,  et  dont  la  plus  forte  preuve  étoit 
fondée  sur  le  mot  familier  de  barre  à  bas  qui  se  disoit  le  verre 
à  la  main  parmi  les  gens  de  son  parti  pour  exprimer  qu'on 
vouloit  ôter  le  bâton  péri  en  bande  qui  est  dans  les  armoiries 
des  princes  de  Gondé  pour  les  lui  faire  porter  pleines  sans  bri- 
sure, ce  qui  désignoit  la  couronne  à  laquelle  on  le  faisoit  aspi- 
rer. Geux  des  princes  et  des  grands  qui  comptoient  sur  un 
oubly  de  leur  révolte  après  une  amnistie  générale  dont  le  ma- 
riage de  Sa  Majesté  fut  suivi,  craignirent  d'être  surpris  comme 
le  prince  de  Gondé  et  d'être  sacrifiés  au  crédit  du  maréchal 
d'Ancre.  Le  maréchal  duc  de  Bouillon  qui  venoit  à  Pans  saluer 
Sa  Majesté,  retourna  sur  ses  pas  se  fortifier  à  Sedan,  où  il  fut 
secouru  par  le  duc  de  Nevers  après  avoir  écrit  au  Roi  et  à  la 
Reine  les  raisons  qu'il  avoit  pour  prendre  ses  sûretés,  sans  en 
avoir  moins  de  respect  et  d'obéissance  pour  Sa  Majesté,  ni  être 
moins  fidèle  à  ses  devoirs.  Le  duc  de  Nevers  qui  vit  que  le  Roi 
n'avoit  pas  fait  mention  expresse  de  ce  prince,  on  veut  dire  du 
duc  de  Bouillon,  dans  l'exception  qui  fut  faite  des  personnes 
qu'on  sçavoit  être  intéressées  dans  la  cause  du  prince  de  Gondé, 
et  que  cependant  on  recounoissoit  innocent,  crut  qu'il  y  avoit 
eu  du  dessein  dans  cette  omission  et  demeura  ferme  avec  le 
maréchal  sur  ses  terres.  Ainsi  le  marquis  de  Fléchel  et  le 
comte  de  Mont-de-Jcu  n'obéirent  point  aux  ordres  qui  furent 
publiés  pour  tous  les  françois  armés  contre  le  Roi  de  rentrer  à 
son  service  sur  peine  de  la  vie.  Le  comte  de  Mont-de-Jeu  te- 
noit  alors  la  campagne  avec  son  colonel  en  attendant  aux  en- 


LA    VIE   DU   MAÏIÉGHAL    DE   SCHULEMBERG  171 

virons  de  Mouzon  les  ordres  du  prince  de  Sedan  pour  se  retirer 
auprès  de  lui  ou  pour  se  joindre  aux  troupes  du  Roi.  Dans  cet 
intervalle  il  fut  entouré  et  mallieureusement  surpris  et  fait 
prisonnier  par  quelques  detachemens  de  l'armée  du  maréchal 
de  Thémines  qui  commandoit  alors  en  Champagne  en  la  place 
du  duc  de  Nevers  à  qui  en  appartenoil  le  gouvernement.  On 
conduisit  le  comte  de  Mont-de-Jeu  à  Attigny-sur-l'Aine  entre 
Rethel  et  Stenai.  Du  moment  que  le  sieur  de  Vaubecourt  qui 
y  commandoit  eut  informé  la  Cour  du  nom  et  de  la  qualité  de 
son  prisonnier,  le  maréchal  de  Thémines  eut  ordre  de  le  faire 
transférer  à  Reims  pour  lui  être  son  procès  fait  et  parfait, 
comme  à  un  sujet  désobéissant  et  rebelle.  Cet  ordre  ne  fut 
point  tenu  secret.  On  avoit  même  intérêt,  ce  semble,  à  le  ren- 
dre public,  pour  rappeller  ceux  qui  différoient  encore  de  Se 
ranger  à  leur  devoir.  Un  officier  de  l'armée  du  Roi  en  aiant 
confié  la  nouvelle  à  un  autre  plus  jeune  que  lui,  et  qu'il  sça- 
voit  être  de  la  connoissance  du  Comte  de  Mont-de-Jeu,  dont 
ils  plaignoient  ensemble  le  sort  et  la  jeunesse  ;  ce  généreux 
ami  du  prisonnier  touché  vivement  de  cette  disgrâce  ne  perdit 
point  de  temps  pour  entreprendre  un  coup  des  plus  hardis,  qui 
étoit  de  l'enlever.  Il  lui  faUut  pour  cela  se  déguiser  et  inspirer 
son  dessein  et  sa  résolution  à  25  ou  30  autres  amis  qu'il  eut 
bientôt  disposés  à  tout  risque.  Le  comte  avoit  eu  de  son  côté 
l'adresse  de  gagner  un  soldat  de  sa  garde  par  lequel  il  pouvoit 
recevoir  des  avis  du  dehors.  Comme  il  ne  pouvoit  pas  se  per- 
suader qu'il  eût  fait  une  faute  capitale  en  demeurant  par  un 
attachement  de  reconuoissance  dans  un  parti  désobéissant  à 
son  premier  souverain,  il  eut  de  la  peine  à  donner  les  mains 
au  secours  qu'on  lui  fit  offrir  pour  l'enlever,  avant  qu'il  fût 
traduit  à  Reims,  il  ne  sentit  le  péril  où  il  étoit,  et  la  nécessité 
d'un  prompt  remède  que  lorsqu'il  oiiit  à  l'entrée  de  la  nuit 
veille  du  jour  auquel  il  devoit  être  transféré,  un  grand  bruit 
et  une  émeute  générale  dans  les  prisons,  au  moment  d'une  ir- 
ruption violente  qui  y  fut  l)rusquement  faite  par  une  troupe 
d'inconnus  qui  lui  facilitèrent  aiusi  son  évasion,  il  refusa  d'en 
être  escorté  de  peur  d'attirer  quelque  détachement  de  l'armée 
voisine,  et  prenant  sur  lui  seul  révénement  de  sa  fuite  en  re- 
mettant k  une  autre  fois  les  actions  de  grâces  qu'il  devoit  à  de 
si  fidèles  amis  ;  il  traversa  à  la  nage  la  rivière  d'Aine,  à  la 
faveur  de  la  nuit,  sans  être  apperçu  ni  accompagné  jusque 
chez  le  sieur  de  Liry  son  parent,  où  il  se  mit  en  sûreté  contre 
les  recherches  qu'il  prévit  bien  qu'on  feroit  aussitôt  de  toute 
part  de  sa  personne.  Pendant  qu'il  laissoit  dissiper  l'orage,  son 


172  lA    VIE  DU   MARÉCFIAL   DE   SCHULEMBERG 

parent,  chez  lequel  il  étoit  à  couvert,  en  alla  porter  la  nouvelle 
au  maréchal  duc  de  Bouillon  qu'il  en  trouva  dcja  tout  informé 
d'ailleurs.  La  joye  de  ce  prince  fut  en  cette  rencontre  un  té- 
moiu:uagc  de  l'estime  qu'il  faisoit  de  rattachement  et  de  la  va- 
leur du  comte  de  Mont-de-Jcu,  auquel  il  facilita  par  inclina- 
tion autant  que  par  honneur  les  moiens  de  le  venir  joindre.  Il 
ne  le  vit  pas  plutôt  en  sûreté  auprès  de  lui  qu'après  mille  dé- 
monstrations obligeantes  d'une  estime  toute  singulière,  il  le 
lira  du  régiment  d'infanterie  où  il  étoit  pour  le  faire  cornette 
de  sa  compagnie  d'ordonnance.  Cette  évasion  du  comte  de 
Mont-de-Jeu  fut  le  sujet  de  bien  des  conversations,  ou  elle 
étoit  racontée  fort  différemment.  Il  se  trouva  des  gens  qui 
fyent  passer  le  secours  qu'il  reçut  pour  une  galanterie.  Ce 
sont  de  ces  gens  qui  veulent  que  l'amour  soit  de  tous  les  évé- 
nemens  et  de  toutes  les  intrigues.  Comme  on  raisonnoit  un 
jour  sur  ce  principe  à  l'occasion  du  comte  de  Montdejeu  dans 
une  compagnie  où  il  étoit  en  but,  aux  douceurs  et  aux  desseins 
de  quelques  dames  usées  qui  le  fatiguoient  à  force  de  lui  dire 
qu'il  avoit  fait  des  merveilles,  et  qu'elles  perdroient  leur  temps 
à  entreprendre  sur  sa  liberté,  puisqu'il  sçavoit  si  bien  la  ga- 
rantir et  l'affranchir  de  toute  surprise,  Mes  Dames,  leur  ré- 
pondit-il sèchement,  la  plus  grande  merveille  que  j'aie  faite,  si 
c'en  est  une,  est  d'avoir  apporté  ma  tête  plus  loin  que  St  Denis 
ne  porta  la  sienne,  et  de  n'avoir  eu  besoin  d'aucun  miracle 
comme  lui  pour  m'en  servir.  La  mort  du  maréchal  d'Ancre 
rendit  cette  année  là  même  le  calme  à  la  France,  une  espé- 
rance prochaine  de  la  liberté  au  prince  de  Gondé,  et  les  bonnes 
grâces  du  Roi  à  tous  ceux  à  qui  les  desordres  du  ministère  les 
avoient  fait  perdre  ;  le  maréchal  duc  de  Bouillon  fut  ainsi  bien- 
tôt justifié  et  reçu  à  faire  part  de  sa  nouvelle  faveur  à  tous  les 
officiers  de  son  parti. 

Le  duc  de  Savoye  avoit  envoie  demander  du  secours  en 
France  contre  les  Espagnols  qui  étoient  commandés  par  leur 
gouverneur  dans  le  Milanois,  Dom  Pedro  de  Tolède.  Le  comte 
d'Auvergne  eut  le  commandement  de  ce  secours  qui  fut  aus- 
sitôt envoie  et  accordé  au  duc  auquel  le  Roi  destinoit  Madame 
Christine  sa  sœur  en  mariage.  Ce  secours  composé  de  divers 
corps  de  cavalerie  et  d'infanterie,  fut  soutenu  de  la  compagnie 
d'ordonnance  du  prince  de  Sedan.  Ainsi  le  comte  de  Montdejeu 
eut  ordre  de  partir  pour  aller  en  Piémont  peu  de  temps  après 
sou  évasion  qui  fut  en  1610.  Les  Espagnols  s'étoient  emparés 
de  A^erceil  pendant  les  troubles  de  la  Cour  de  France,  et  ils 
menaçoieut  déjà  tous  les  environs  de  Turin  d'une  désolation 


LA     VIE    DU    MARÉCHAL   DE   SCHULEMBERG  173 

générale,  lorsque  les  Frauçois  qu'on  croioit  Irop  occupés  chez 
eux,  leur  tombèrent  dessus   et  les  rcduisirent  à  la  seule  def- 
fense  de  la  ville  dont  ils  s'étoieut  emparés  sur  ce  duc.  Il  avoit 
été  surpris  eu  se  reposant  sur  le   traité  d'Ast  dont  le  Roi  do 
France  s'éloit  rendu  garant,   et  contre  les  conditions  duquel 
l'Espagnol  Dom  Pedro  faussoit  làcliement  sa  parole.  La  sur- 
prise de  Verceil  avoit  coûté  bien  du  sang  répandu  aux  Frau- 
çois et  aux  Espagnols,  mais  celte  yille  eu  coûta  beaucoup  plus 
pour  être  rendue  à   son   légilimo  souverain.  Les  B^rançois  eu 
firent  leur  affaire  et  le  comte  de  Montdejeu  qui  soupiroit  de- 
puis longtemps  pour  une  occasion  d'éprouver  et  de  distinguer 
son  courage  naissant,   ne   laissa  pas  échapper  celle-ci.  Il  se 
trouva  le  seul  et  par  conséquent  le  premier  oflicicr  de  la  cava- 
lerie françoise  commandée  à  ce  secours,  qui  entra  dans  la  place 
et  qui  en  chatsa  vigoureusement  les  Espagnols.  Le  duc  Char- 
les-Emmanuel  sçut   faire    une   distinction  si  particulière  de 
l'obhgation  qu'il  avoit  à  ce  jeune  officier  françois,  qu'il  lui  fit 
présent  d'une  enseigne  enrichie  de  diamans  de  la  valeur  de 
quinze  cent  ducatons.  De  si  beaux  commencemens  furent  d'un 
heureux  présage  au  comte  de  Montdejeu.  Il  ne  pouvoit  plus 
attendre  les  occasions  de  se  signaler,  elles  venoient  toujours, 
ce  lui  sembloit,  trop  lentement,  c'étoit  à  lui  de  les  chercher. 
Pour  ne  pas  donc  demeurer  oisif,  il  s'offrit  au  maréchal  duc 
de  Bouillon  au  retour  de  cette  campagne  de  Savoye  pour  aller 
en  Allemagne  avec  le  secours  que  ce  prince  envola  au  Roi  de 
Bohème,  Ferdinand  Second  d'Autriche,  empereur,  successeur 
de  Mathias.  Leshabitaus  de  Prague  s'étoient  révoltés  du  vivant 
de  Mathias,  et  avoient  voulu  établir  parmi  eux  un  gouverne- 
ment aristocratique.  Ils  furent  soutenus  dans  leur  révolte  contre 
Ferdinand,  après  la  mort  de  Mathias,  par  une  ligue  protestante 
(|ui  élut  pour  nouveau  Roi  de  Bohème  Frédéric  Electeur  Pa- 
latin du  Rhin,  père  de  Madame  la  duchosse  d'Orléans,  seconde 
femme  de  Monsieur   frère  unique  de  Louis  le  Grand  et  mère 
delà  duchesse  de  Lorraine.  Onregardoit  rem[)creur  Ferdinand 
Second  comme  le  légitime  souverain  de  Bohème  et  l'Electeur 
Palatin   comme   un  injuste   prétendant,    quoiqu'au   fond   le 
roiaume  de  Bohème  non  plus  que  celui  de  Hongrie  ne  soit  pas 
originairement  et  de  droit  plus  héréditaire  à  la  maison  d'Au- 
triche que  l'Empire.  Cela  ne  peut  être  lévocjuc  en  doute  que 
par  ceux  qui  ignorent   l'histoire  et  les  Aéritables  intérêts  des 
princes.  Quoiqu'il  en  soit,  le  parti  de  l'Empereur  fut  secouru 
de  toute  part,  tant  du  côté  des  François  que  du  côté  des  prin- 
ces allemands,  dont  la  jalousie  mutuelle  concourt  opiniâtre- 


174       LA  VIE  DU  MARÉCHAL  DE  SCHULEMBERG 

meut  depuis  longtemps  à  l'élévation  de  la  maison  d'Autriche 
au  jH'éjudice  même  de  leurs  propres  inlérôls.  Il  est  vrai  qu'à 
l'occasion  de  cette  dernière  révolte  de  Bohème  suivie  de  celles 
de  Hongrie  par  l'entremise  du  Trausilvaiu  Bethléem  Gabor,  il 
y  eut  de  la  perfidie  de  la  part  des  sujets  naturels  de  l'Empe- 
reur, contre  la  rébellion  desquels  il  étoit  d'un  intérêt  commun 
de  le  secourir,  quoique  la  France  ne  fût  pas  alors  sans  trouble, 
par  l'inquiétude  de  la  Reine  mère  qui  ne  pouvoit  souffrir  la 
faveur  où  étoit  parvenu  le  duc  de  Luynes  qu'elle  faisoit  servir 
de  prétexte  aux  chagrins  où  elle  étoit  de  u'avoir  plus  de  part 
au  gouvernement,  et  d'avoir  le  prince  de  Coudé  à  ménager. 
Le  maréchal  duc  de  Bouillon  qui  teuoit  sa  petite  cour  à  Sedan 
fort  tranquille  depuis  l'entière  liberté  du  prince  de  Coudé,  ne 
voulut  point  se  rengager  dans  d'autres  intérêts  que  ceux  du 
Roi.  Le  comte  de  Montdejeu  en  eut  ordre  de  répoudre  en  allant 
en  Allemagne,  au  marquis  de  la  Vallette  qui  commandoit  alors 
dans  Metz,  qu'il  n'étoit  pas  en  état  d'écouter  ses  propositions 
ni  d'entrer  dans  le  nouveau  parti  des  princes  mécouteus  sans 
sujet,  et  surtout  en  un  temps  auquel  toute  l'Allemagne  éloit 
en  feu  et  nos  frontières  en  armes.  Cette  nouvelle  campagne  de 
Bohème  ne  fut  ni  moins  périlleuse,  ni  moins  heureuse  au 
comte  de  Montdejeu.  Ilavoit  été  fait  capitaine  de  chevaux  lé- 
gers à  sou  retour  de  Piedmout;  ce  fut  en  cette  qualité  qu'il  se 
trouva  à  la  tête  de  sa  compagnie  à  la  sanglante  bataille  de 
Pragues  en  1G20  qui  se  termina  au  seul  avantage  de  l'Empe- 
reur dont  il  soutenoit  le  parti,  et  à  celui  de  Maximilien  duc  de 
Bavièros  qui  y  fut  enrichi  des  plus  honorables  dépouilles  du 
Comte  Electeur  Palatin,  c'est-à-dire  du  droit  et  de  la  dignité 
d'Electeur  avec  le  titre  de  Vicaire  de  l'Empire.  Le  titre  élec- 
toral a  depuis  été  divisé,  en  le  restituant  au  Palatin,  il  fut 
conservé  au  prince  (V)  Bavière  qui  tient  une  huitième  place 
dans  le  collège  des  électeurs  de  l'Empire  et  qui  y  est  devenu 
le  premier  des  séculiers. 

Celte  même  année  le  Pioi  avoit  pardonné  à  la  Reine  mère  et 
à  tous  ceux  qui  l'avoient  secondé  dans  ses  injustes  méconten- 
temens,  de  sorte  que  tout  promettoit  ce  semble  une  tranquil- 
lité parfaite.  Ce  n'étoit  pas  ce  qu'il  falîoit  à  l'impatiente  ardeur 
du  comte  de  Montdejeu.  Le  duc  de  Bouillon  ne  pouvant  le  re- 
tenir, lui  promit  d'aller  s'offrir  au  Roi  avec  sa  compagnie,  et 
(quelques  autres  troupes  pour  être  d,u  voiage  que  Sa  Majesté 
mcdiloit  de  faire  à  l'entrée  du  printemps  de  l'année  suivante 
dans  les  provinces  les  plus  infectées  d'hérésie  et  prêtes  à  se 
révolter.  Il  joignit  la  cour  à  Fontainebleau  et  suivit  avec  sa 


LA     VIE    DU    MARÉCHAL    Dli   SCHULEMBERG  175 

compagnie  l'armée  du  Roi  en  qualité  de  volontaire,  tout  le 
reste  de  la  campagne.  Il  fut  avec  le  comte  d'Auriac  sous  le 
commandement  du  duc  de  Brissac  à  la  première  attaque  de 
Si  Jean  dAngely,  où  commandoit  le  prince  de  Houbize  pro- 
tecteur chef  des  protestants.  Le  comte  de  Mouldejeu  voiant 
qu'on  attaquoit  de  trop  loin  cette  place,  fut  d'avis  avec  quel- 
ques autres  gentilshommes  volontaires  et  surtout  avec  le  baron 
de  Bouleville,  de  s'approcher  des  murailles  pour  attirer  hors 
de  la  place  les  plus  hardis  de  la  garnison.  Il  y  réussit,  car  aus- 
sitôt il  en  sortit  vingt  cinq  mousquetaires  soutenus  de  cin- 
quante maîtres  bien  armés  et  bien  montés  qui  avoieut  la  con- 
tenance de  gens  qui  couroient  au  defi.  Le  marquis  de  Lauzières 
fds  du  maréchal  de  Themines,  à  la  tète  de  quinze  ou  seize 
gentilshommes  eu  pourpoint,  enviant  le  poste  des  volontaires 
prêts  à  donner  sur  ceux  de  la  place  qu'on  vit  aller  à  eux,  fran- 
chit avec  cinq  ou  six  seulement  1j  fossé  qui  servoit  do  retran- 
chement à  ces  volontaires,  et  voulut  les  obliger  à  leur  céder 
leur  poste  ;  mais  on  le  pria  de  se  contenter  d'être  de  la  com- 
pagnie et  d'accepter  le  commandement  de  la  troupe,  comme 
étant  le  plus  qualifié  d'entre  eux.  Sans  le  comte  de  Mouldejeu, 
la  jeunesse  qui  l'avoit  suivi  dans  cette  approche,  cédoit  au 
marquis  de  Themines  et  la  place  et  l'honneur  de  l'entreprise  ; 
mais  ce  comte  aussi  jaloux  de  sa  gloire  que  fier  à  l'égard  de 
ceux  qui  la  lui  disputoient  sans  titre,  sçut  en  cette  rencontre 
apprendre  au  marquis  de  Lauzières  qui  il  étoit,  et  qu'il  n'avoit 
pas  ébauché  une  entreprise  pour  la  laisser  finir  à  un  autre. 
Les  assiégés  qui  étoient  sortis  si  résolus  en  apparence,  ne  ju- 
gèrent pas  à  [)ropos  de  s'engager  avec  eux  à  un  combat,  ainsi 
après  une  prompte  décharge  ils  se  retirèrent  aussitôt.  Le  comte 
de  Montrevel  s'étaut  ensuite  posté  dans  le  fauxbourg  de  Tail- 
hourg  avec  le  régiment  de  Champagne  qu'il  commandoit  et  le 
régiment  de  Piedmoiit,  il  facilita  aux  troupes  du  Roi  l'appro- 
che de  la  place  jusqu'aux  barricades  des  ennemis.  Le  Roi  ne 
parut  pas  plutôt  dans  le  camp  que  le  logement  du  fauxbourg 
fut  poussé  jusqu'aux  deuxiesmes  barricades  des  assiégés;  il  y 
eut  plusieurs  personnes  de  distinction  tuées  et  encore  plus  de 
blessées  dans  cette  hardie  entreprise  ;  le  comte  de  Montdcjeu 
n'y  fut  heureusement  atteint  que  sur  ses  habits,  car  il  y  étoit 
eu  pourpoint  comme  la  plupart  des  jeunes  seigneurs  qui  vou- 
lurent par  là  se  faire  remarquer.  Il  lui  fut  conunandé  i)ar  le 
harou  de  Thermes  de  s'armer,  s'il  voulait  appuier,  comme  il 
lit,  l'attaque  qui  se  fit  le  lendemain  d'une  tenaille,  où  les  en- 
nemis se  trouvèrent  si  bien  retranchez  qu'un  grand  nombre  des 


176       LA  VIE  DU  MARÉCHAL  DE  SCHULEMBERG 

plus  appareus  qui  eurent  l'ambition  de  se  signaler  en  celle 
rencontre  restèrent  morts  sur  les  brèches  ou  dans  les  fossés, 
cl  les  autres  furent  vigoureuscmcul  repoussés.  La  fortune  du 
comte  de  Mouldt\jeu  qui  le  tiroil  de  toutes  ces  périlleuses 
épreuves,  ibrlifioit  de  jour  en  jour  son  intrépidité  ;  ou  eût  dit 
qu'il  étoit  fâché  de  n'avoir  pas  été  tué,  lorsqu'après  l'assaut 
général  qui  fut  donné  à  celte  place  le  13  juin  sous  le  comman- 
dement  du  vieux  duc  d'Epernou,  où  la  plus  grande  partie  des 
volontaires  de  l'armée  périrent,  il  s'aj^perçut  qu'on  ne  louoit 
que  les  morts  et  les  blessés,  comme  s'il  avoit  fallu  y  être  du 
nombre  des  malheureux  pour  être  remarqué.  La  place  s'élant 
eulin  rendue  à  composition,  et  le  prince  de  Soubize  aiaut  mé- 
rité par  sa  soumission  le  pardon  du  Roi,  dont  la  bonté  se  ré- 
pandit jusques  sur  ses  plus  infidèles  sujets,  l'armée  eut  ordre 
de  marcher  à  Pont  en  Xaintonges,  et  de  là  en  Guienne  où  elle 
s'arrêta  au  siège  de  Glérac.  Cette  place  fit  une  vigoureuse  et 
téméraire  résistance,  qui  coûta  la  vie  à  un  grand  nombre  des 
meilleurs  officiers  de  l'armée.  Ce  fut  pour  cela  que  le  duc  de 
Lesdiguières  refusa  d'accorder  une  capitulation  aux  proteslaus 
assiégés,  de  sorte  qu'ils  se  défendirent  encore  quelques  jours  ; 
mais  à  la  fin  ils  députèrent  vers  Sa  Majesté  un  ministre  bien 
accompagné  qui  harangua  Sa  Majesté  avec  autant  d'esprit  que 
de  soumission  en  sorte  quïl  en  obtint  le  pardon  pour  tous  les 
habitansde  Glérac,  aux  conditions  que  cinq  des  plus  factieux 
soroient  pendus  et  qui  la  garnison  en  sorliroit  le  batou  blanc 
à  la  main.  L'un  de  ces  cinq  factieux  qui  se  trouva  êlre  méde- 
cin, et  par  conséquent,  si  le  proverbe  en  est  vrai,  assez  indif- 
férent en  choix  de  rehgiou,  obtint  sa  grâce  à  la  sollicitation  des 
médecins  du  Roi.  Ou  alla  ensuite  former  le  siège  de  Moiilau- 
ban  après  s'être  assuré  de  toutes  les  places  voisines  qui  pou- 
voient  donner  du  secours  aux  religiounaires  de  cette  place.  Il 
ne  s'éloil  vu  depuis  longtemps  en  France  de  place  plus  vigou- 
reusement attaquée  ni  plus  opiniâtrement  defîendûe.  Il  se  fit 
de  part  et  d'autres  des  actions  de  valeur  dignes  de  l'admiration 
où  en  étoit  alors  toute  l'Europe.  Le  comte  de  Montdejeu  fit  si 
bien  son  profil  d'une  infinité  de  traits  singuliers  quiontéchapô 
aux  historiens,  qu'il  se  rendit  le  plus  habile  homme  de  son 
temps  en  fait  de  siège  et  de  defîeuse  de  place,  comme  on  le 
verra  dans  la  suite.  Il  y  eut  très  peu  de  rencontres  hasardeu- 
ses, à  l'occasion  de  l'attaque  de  Monlauban,  où  il  ne  se  fil  re- 
marquer par  sa  vigueur  infatigable  et  par  son  intrépidité.  On 
lui  a  oui  raconter  qu'une  vieille  femme  de  Montauban  suivie 
de  quelques  autres  de  même  âge  étant  sortie  par  une  brèche 


LA    VIK    DU    MARÉCHAL   DE    SCHULEMUEUa  i77 

pour  aller  mettre  le  feu  aux  gabions  des  assiégeaus  avec  des 
mèches  et  de  la  paille,  dout  elles  s'étoieul  chargées,  elles  furent 
surprises  avant  l'exécution  de  leur  dessein  à  la  pointe  du  jour, 
mais  que  la  figure  de  ces  bonnes  vieilles  aussi  hideuses  que 
des  spectres  aiant  effraie  ceux  qui  les  avoieut  arrêtées,  et  jette 
d'abord  une  espèce  de  fraieur  dans  les  premiers  qui  s'en  aper- 
çurent, il  y  accourut,  sur  le  bruit  d'une  sorliexle  sorcières,  et 
s'étant  emparé  de  la  plus  vieille,  il  lui  lit  avouer  pour  tout 
éclaircissement  la  résolution  où  elles  étoient.  Laissez-nous 
aller,  lui  dit-elle,  nous  sommes  vieilles,  nous  avons  assez 
vécu,  et  nous  ne  sçaurious  finir  plus  glorieusement  nos  jours 
qu'en  nous  sacrifiant  pour  conserver  la  vie  des  jeunes  gens 
que  vous  avez  à  combattre  et  à  vaincre  avant  de  vous  rendre 
maîtres  de  notre  ville  et  de  nos  consciences.  Le  comte  de  Mont- 
dejeu  à  qui  on  avoit  voulu  faire  croire  que  des  signes  de 
croix  étoient  les  meilleures  armes  qu'on  pût  emploier  contre 
ces  squelettes  animés,  eut  autant  de  pitié  de  ces  femmes  que 
d'indignation  contre  la  terreur  panique  des  sentinelles  et  des 
gardes  avancés  ;  et  comme  il  vit  qu'il  ne  pouvoit  tirer  aucun 
éclaircissement  utile  de  cette  troupe  de  vieilles  plus  propres  à 
affamer  la  ville  qu'à  la  servir  ni  la  vendre,  il  les  y  fît  rentrer 
quoiqu'avec  bien  de  la  peine,  après  en  avoir  donné  avis  et  en 
avoir  fait  approuver  le  dessein. 

(Â  suivre]  0.  de  Gourgault. 


i2 


LE    PREMIER     PAPE     FRANÇAIS 


GERBERT 


ARCHEVEQUE   DE   REIMS 


Vers  940,  daus  une  humble  chaumière  de  l'Aquitaine,  au 
village  de  Belliac,  près  d'Aurillac  ',  naquit  un  enfant  dont  le 
nom  devait  briller  de  la  doubltj  auréole  de  la  science  et  de  la 
vertu.  D'une  famille  obscure  "  et  dépourvue  des  biens  terres- 
tres, il  avait  pour  père  un  roturier  nommé  Agilbert.  Cet  en- 
fant était  Gerbert,  qui  devait  illustrer  la  France  et  la  chrétienté, 
Gerbert,  dont  un  chroniqueur  devait  dire  que  «  la  Gaule  voyait 
resplendir  comme  une  lampe  ardente  devant  le  Seigneur  un 
homme  d'admirable  génie  et  d'une  merveilleuse  éloquence, 
Gerjjert,  que  la  Providence  dans  un  dessein  de  miséricorde 
avait  envoyé  à  nos  contrées  ".   «    . 

Successivement  écolàtre  de  Reims,  secrétaire  d'Adalbéron 
et  d'Arnould,  archevêque  de  Reims,  puis  de  Ravenne,  et  enfin 
pape  sous  le  nom  de  Sylvestre  II,  Gerbert  se  vit,  malgré  sa 
grande  piété  et  à  cause  de  sa  science,  en  butte  à  l'envie  et  à  la 
calomnie.  Signalons  en  passant,  pour  les  stigmatiser,  les  noms 
de  quelques-uns  de  ses  lâches  détracteurs,  tels  que  Sigebert 


1 .  Les  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  le  lieu  de  la  naissance  do  Ger- 
bert. Les  uns,  confondant  les  noms  latins  d'Aureliacum  et  d'Aurelianum,  le 
font  naître  à  Orléans  ;  d'autres,  à  cause  probablement  de  son  long  séjour  à 
Reims,  prêtent  à  cette  ville  Ibonneur  d'avoir  été  son  berceau  ;  mais 
l'opinion  qui  paraît  la  seule  véritable,  indique  le  village  de  Belliac,  près 
d'Aurillac. 

2.  «  Obscure  loco  nalus  »,  dit  Hugues,  abbé  de  Flavigny,  dans  sa  ChrO' 
nique.  —  Abraham  Bzovius  imagina  de  le  faire  descendre  de  la  famille  de 
Cœsia,  issue  elle-même  des  rois  d'Argos  (Vie  de  Sylvestre  II,  Kome,  1629, 
in-4'',  ch.  II,  IV);  mais  tous  les  auteurs  sérieux  rejettent  cette  origine. 

3.  Richer,  Histor.  Lib.  III,  cap.  XLIH.  Patrol.  lat.  T.  CXXXVIII, 
col.  loi.  —  Ricber,  moine  de  l'abbaye  de  Ssint-Remi  de  Reims,  composa 
une  Histoire  des  Français,  dédiée  à  Gerbert,  archevêque  de  Reims  ;  cette 
histoire  s'étend  jusqu'à  l'année  993. 


LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS  179 

de  Gémbloux,  Hugues  de  Flavigny,  le  schismalique  Beuiion, 
le  moiue  Jeau  de  Latran,  Guillaume  de  Malmesbuiy  et  Albéric 
de  Trois-Foulaines.  Mais  si  la  mémoire  de  Gerbert  a  été  atta- 
quée, elle  a  eu  aussi  d'illustres  défeuseurs,  parmi  lesquels 
nous  metlrous  au  premier  raug  le  savaut  coatroversiste  Jacques 
Gretzer'.  L'Académie  de  Reims  en  metlaut,  eu  186J>,  ce  sujet 
au  concours,  a  voulu  contribuer,  pour  sa  part,  à  relever  la 
gloire  d'un  de  ses  illustres  devanciers  dans  la  carrière  des 
sciences-.  Aussi  notre  siècle,  à  qui  l'on  doit  déjà  tant  de 
réhabilitations,  a  vu  s'élever,  en  18G3,  une  statue  de  Gerberl 
sur  l'une  des  places  d'Aurillac. 

Voué,  dès  sou  enfance,  à  l'état  ecclésiastique,  etadmis  k  l'âge 
de  douze  ans  à  l'abbaye  d'Aurillac,  il  devint  bieutôt  l'enfant 
adoplif  de  l'abbé  Géraud  de  Sainl-Céré.  La  direction  de  l'école 
était  alors  confiée  au  célèbre  Raymond  de  Lavaur,  qui  y  ensei- 
gnait ce  que  l'on  appelait  alors  le  Trivmm,  cest-à-dirc  la 
grammaire,  la  rhétorique  et  la  dialectique,  et  y  joignait  des 
leçons  sur  la  musique. 

Voyant  les  dispositions  admirables  de  son  disciple  privilégié, 
l'abbé  Géraud  l'envoya  en  Espagne  pour  développer  ses  con- 
naissances et  en  acquérir  de  nouvelles.  Il  profila  du  voyage 
que  fit  alors  à  Aurillac,  Borell,  comte  d'Urgel,  chargé  du  gou- 
vernement de  l'Espagne  citérieure,  et  lui  confia  Gerbert. 
Borell,  pour  accomplir  les  desseins  de  l'abbé  d'Aurillac,  remit 
la  direction  des  études  du  jeune  religieux  à  Hatlon.  évêque  de 
Vie  ou  plutôt  d'Ausone  ',  l'homme  le  plus  distingué  de  l'Espa- 
gne, sous  la  direction  duquel  Gerbert  fil  de  rapides  progrès. 
Ce  voyage  donna  occasion  au  chroniqueur  Trilhème  M' avancer 
que  Gerbert  jeta  le  froc  aux  orties  pour  suivre  sou  nouveau 

1.  Jacques  Gretzer,  jésuite,  naquit  en  1561,  à  Marckdovf  en  Souabe,  pro- 
fessa longtemps  avec  distinction  dans  Tuniversité  (i'Ingolstadt  et  mourut 
dans  cotte  ville  en  1625.  Ses  ouvrages  forment  17  volumes  in-folio  imprimés 
à  Ratisbonnc  on  17o4. 

2.  M.  E.  de  Barthélémy  a  publié  en  1866,  chez  Lecoffre,  une  étude  sur 
Gerbert,  cOuroDuée  par  l'Académie,  et  suivie  de  la  traduction  de  ses  lettres. 

3.  La  ville  d'Ausone,  après  avoir  été  ruinée  par  les  Sarrasins,  fut  réta- 
blie, mais  comme  elle  n'approchait  pas  de  son  ancienne  splendeur,  on  la 
nomma  le  bourg  d'Ausone,  vicus  Ausoneusis,  d'où  l'on  a  formé  le  nom  de 
Vie. 

■'i.  Tritlième  Jean,  naquit  dans  le  village  lif  TriLenheini  (d'où  il  prit  son 
nom),  à  deux  lieues  de  Trêves,  en  1462.  Il  se  fil  religieux  bénédictin  et 
devint  abbé  de  Spanheim,  au  diocèse  de  Moyence,  puis  abbé  de  Saint- 
Jacques  à  Wurzbourg,  et  mourut  en  loKî  II  écrivit  beaucoup  d'ouvrages 
d'histoire,  du  morale  et  du  philo-sophie. 


]^[)  LE  PREMIKR  PAPE  FRANÇAIS 

protecteur,  mais  cette  calomnie  n'a  pas  plus  de  fondement  que 
les  autres.  Elle  est  suffisamment  démentie  par  la  vie  tout  en- 
tière de  Gerbert,  et  par  les  bons  rapports  qu'il  conserva  tou- 
jours avec  l'abbaye  d'Aurillac. 

(Vest  aussi  à  l'occasion  de  ce  voyage,  que  Guillaume  de 
Malmesbury,  auteur  anglais  du  xii'^  siècle,  reproduisant  dans 
son  deuxième  livre  de  l'histoire  des  rois  d'Angleterre,  les 
calomnies  du  schismatique  cardinal  Bennon,  accuse  Gerbert  de 
s'être  initié  parmi  les  Arabes  aux  sciences  occultes  et  k  l'astro- 
logie, et  même  de  s'être  emparé,  au  moyen  d'un  soporifique, 
d'un  manuscrit  précieux  de  son  maître,  et  de  s'être  dérobé  à 
sa  poursuite  après  avoir  donné  son  âme  au  diable  '. 

Le  séjour  de  Gerbert  en  Espagne  fut  probablement  de  quatre 
années,  durant  lesquelles  il  s'adonna  h  l'étude  de  l'arithméti- 
que, de  la  géométrie  ',  de  l'astronomie,  de  la  mécanique,  de  la 
musique  dans  ses  rapports  avec  la  physique  et  même  de  la 
médecine,  comme  on  le  voit  par  les  conseils  qu'il  donna  à 
Adalbéron,  évêque  de  Verdun'.  Ses  éludes  le  mirent  en  rela- 
tion avec  les  savants  ije  la  Catalogne,  et  il  contracta  une 
étroite  liaison  avec  Guarin,  abbé  de  Saint-Michel  de  Cusan. 

Mais  bientôt  la  Providence  allait  produire  Gerbert  sur  un 
théâtre  plus  vaste  et  plus  digne  de  lui.  Borell,  qui  allait  à 
Rome  avec  Hatton,  se  fit  aussi  accompagner  par  Gerbert.  Le 
trône  pontifical  était  alors  occupé  par  le  pape  Jean  XIII,  dont  la 
fermeté  était  si  nécessaire  à  celle  époque  de  troubles.  Chassé  du 
Vatican  par  une  émeute  populaire  (décembre  96ti).  il  venait 
d'être  rétabli  par  l'empereur  Othon  qui  avait  châtié  sévèrement 


\.  •  Ihi  per  incanlatione.s,  diabolo  accersilo,  perpetuum  paciscilur  domi- 
iiiuni.  »  (Malmesbury,  lib.  II,  cap.  X.)  — «  Iste  galliciis  natioue,  dit  Bennon, 

dictus  a  quibusdam  philosophus,  verè  fuit  ncgromanlius Hic  juvenis...., 

dimisso  inonastcrio,  diabolo  homagium  lecit,  ut  sibi  omnia  ad  vola  succédè- 
rent, quod  diabolus  promisit  adiniplere.  »  Ces  calomnies  ont  été  insérées 
dans  le  Codex  reyius,  fol.  128,  129. 

2.  Gerbert  lai-même  fait  nieulion  dans  .ses  lettres  (24  et  25)  du  Traité 
des  nombres  do  l'espagnol  Joseph,  et  du  Traité  d'astrologie  que  Lupilo  tra-' 
duisit  en  latin  à  Barcelone. 

3.  «  Quant  à  ce  qui  regarde  eu  particulier  mon  frère,  malade  de  la  pierre, 
je  le  satisferais  pleinement  si  je  pouvais  rechercher  ce  qui  a  été  prescrit  par 
nori  devanciers.  Maintenant  contentez-vous  d'une  petite  dose  de  l'antidote 
pliiloanlinopos  et  de  la  recette  qui  raccompagne....  Ne  comptez  pas  sur 
mes  conseils  pour  remplir  le  rôle  de  médecin,  car  si  j'ai  eu  beaucoup  de 
goût  pour  leur  science,  j'ai  toujours  eu  de  l'aversion  pour  leur  profession.  » 
(Lettres  de  Gerbert,  coU,  d'André  du  Chesnc.  lettre  164",  dOlieris,  151«  ) 


aSRBERT 


181 


les  rebelles.  Frappé  de  la  science  du  jeune  moine  d'Aurillac, 
et  d'après  le  conseil  de  l'empereur  Othon,  le  Souverain-Pontife 
le  retint  à  Rome  et  lui  confia  le  soin  de  l'éducation  du  jeune 
fils  de  l'empereur.  Gerbert,  sans  se  laisser  éblouir  par  cet 
honneur,  y  consentit  avec  peine,  et  à  la  condition  expresse 
qu'on  lui  laisserait  des  loisirs  suffisants  pour  s'adonner  à 
l'étude  de  la  logique,  science  qu'il  désirait  vivement  acquérir. 
C'est  ce  désir  qui  le  porta  à  s'attacher  à  Gérard,  archidiacre  de 
Reims,  homme  recommandable  par  sa  connaissance  approfon- 
die de  cette  science,  et  qui  avait  été  envoyé  en  Italie  par  le  roi 
Lothaire,  en  qualité  d'ambassadeur.  Mais  comme  la  mission  de 
Gérard  finit  avant  que  Gerbert  eût  complété  son  instruction, 
ce  dernier  obtint  de  l'empereur  la  permission  d'accompagner 
son  maître  à  Reims. 

Cette  métropole  de  la  Gaule-Belgique  possédait  une  école 
déjà  célèbre  sous  Hincmar,  au  ix''  siècle,  et  dans  laquelle  les 
disciples  d'Alcuin  avaient  introduit  la  méthode  d'enseignement 
du  célèbre  directeur  de  l'école  du  Palais.  Remy  d'Auxerre 
l'avait  illustrée,  mais  après  son  départ  pour  aller  fonder  à 
Paris  les  cours  publics  qui  furent  le  berceau  de  l'Université, 
cette  école  était  bien  déchue  de  sa  splendeur.  Ce  fut  en  vain 
qu'elle  essaya  de  se  relever  sous  les  efforts  d'Hildebrode  le 
grammairien,  de  Bhduseet  d'Abbon  de  Fleury.  Il  était  réservé 
à  Gerbert  de  lui  rendre  son  ancien  éclat.  Il  y  arriva  doux  ans 
après  la  mort  de  Flodoard,  et  fit  de  rapides  progrès  sous  la 
direction  de  Gérard  qui  était  son  ami  plutôt  que  son  maître,  et 
à  qui  il  communiqua  aussi  eu  retour  les  connaissances  qu'il 
avait  acquises.  Odalric  occupait  alors  le  siège  de  Reims,  et  quand 
Adalbéron  lui  succéda  en  970,  Gerbert  était  déjà  si  célèbre  par 
son  enseignement,  que  ce  prélat  le  plaça  à  la  tête  de  l'école  de 
Reims  et  en  fit  son  secrétaire. 

Ce  fut  à  cette  époque  de  sa  vie  qu'il  fixa  la  synthèse  des 
diverses  sciences  et  les  divisions  que  l'on  pouvait  établir 
entre  elles  pour  les  étudier  avec  fruit  et  méthode.  Ce  fut  cette 
classification  qui  donna  lieu  à  la  célèbre  controverse  avec 
Otrick.  La  renommée  de  Gerbert  qui  se  répandait  au  loin,  alla 
troubler  dans  sa  chaire  de  Magdebourg  cet  illustre  savant  de 
l'Allemagne.  Frappé  de  la  méthode  avec  laquelle  Gerbert  divi- 
sait ses  sujets,  désireux  de  l'approfondir  et  môme  de  relever 
quelques  erreurs,  Otrick  s'efforça  d'obtenir  ces  divisions  des 
élèves  qui  fréJiucntaient  les  cours  de  Reims  ;  mais  ne  pouvant 
réussir  à  en  surprendre  le  secret,  il  envoya  dans  ce  but  uu 
Saxon  à  l'école  métropolitaine.  Ce  disciple  se  trompa  grave- 


182  LE  TREMIEB  PAPE  FRANÇAIS 

ment  sur  la  synthèse  des  diverses  branches  de  la  philosophie, 
et  transmit  à  Otrick  ses  notes  erronées.  Gerbert  plaçait  la 
physique  sur  la  même  ligne  que  les  mathématiques,  tandis 
que  le  disciple  d'Otrick  comprit  qu'il  la  subordonnait  à  celle- 
ci,  comme  le  genre  à  l'espèce.  Content  de  rencontrer  cette  er- 
reur, Otrick  fit  part  de  sa  découverte  à  l'empereur  qui 
refusa  d'y  croire.  Mais  profitant  d'un  voyage  de  Gerbert 
qui  accompagnait  Adalbéron  à  Rome^  il  les  mit  en  présence 
à  Ravenne,  sans  eu  prévenir  Gerbert  :  «  L'empereur,  dit 
Richer,  qui  nous  a  conservé  les  détails  de  ce  tournoi 
littéraire,  voulut  que  Gerbert  fût  mis  à  l'improviste  aux 
prises  avec  Otrick,  afin  que,  surpris  par  l'attaque,  il  dé- 
ployât une  plus  grande  vivacité  et  cédât  à  un  entraînement 
plus  puissant  ' .  »  La  séance  qui  dura  «  un  jour  presque 
entier  »,  s'ouvrit  par  un  discours  de  l'empereur,  ensuite  eut 
lieu  le  débat  sur  la  classification  incriminée.  Gerbert,  animé 
par  la  discussion,  s'éleva  à  une  si  grande  hauteur,  qu'il  excita 
l'admiration  universelle,  et  sortit  victorieux  de  la  lutte.  Après 
avoir  discuté  ce  premier  point,  Gerbert  s'occupa  de  la  création 
du  monde,  de  ce  que  toutes  les  causes  ne  sont  pas  de  nature  à 
être  exposées  en  un  seul  mot,  de  la  cause  de  l'ombre  et  de  la 
différence  entre  le  raisonnable  et  le  mortel.  Cette  victoire 
augmenta  la  réputation  de  Gerbert.  Othon  le  combla  de  lar- 
gesses, et,  avec  l'agrément  du  pape,  le  pourvut  de  l'abbaye  de 
Bobbio,  dans  l'Italie  septentrionale  ".  Mais  pour  quiconque 
connaît  l'acharnement  avec  lequel  les  savants  du  moyen-âge 
se  poursuivaient  au  sujet  de  leurs  discnssions  scientifiques  ou 
doctrinales,  il  est  permis  de  croire  que  cet  incident  augmenta 
le  nombre  des  ennemis  de  Gerbert. 

A  peine  installé  dans  cette  célèbre  abbaye  de  Bobbio,  s  ' 
pleine  des  souvenirs  de  saint  Colomban,  et  qui  conférait  à  ses 
abbés  la  dignité  de  comte  de  l'empire,  l'ancien  écolàtre  de 
Reims  voulut  implanter  en  Italie  les  études  qui,  grâce  à  son 
génie,  étaient  devenues  si  florissantes  dans  les  Gaules,  mais  la 


1.  Richer.  Histor.  Lib.  III,  cap.  LVIII-LXV,  col.  106,  109. 

2.  Quelques  autours  prétendent,  que  ce  fut  l'empereur  Othon  II,  sou  élève, 
et  non  Othon  I"%  qui  le  pourvut  de  l'abbaye  de  Bobbio,  après  son  avènement 
au  trône,  et  que  la  lutte  do  Kavennc,  que  l'on  fixe  généralement  à  l'an  980, 
eut  lieu  tandis  qu'il  était  abbé  do  Bobbio. 

L'abbaye  de  Bobbio  qui  fut  fondée  par  saint  Colomban,  donna  naissance 
à  la  ville  qui  porte  ce  nom  ;  celte  abbaye  était  une  des  plus  considérables 
d'Italie. 


GERBBRT  18& 

position  que  lui  avait  faite  la  faiblesse  de  son  prédécesseur,  ne 
lui  permit  pas  de  réussir  dans  co  louable  projet.  Par  son  éner- 
gie à  faire  respecter  ses  droits,  Gerbert  s'attira  des  ennemis  qui 
l'abreuvèrent  de  peines.  Abandonné  de  tous,  et  apprenant  la 
mort  de  son  protecteur  Othon-le-Grand,  il  quitta  son  abbaye 
sans  la  résigner,  et  revint  à  Reims  auprès  d'Adalbéron,  où  il 
reprit  le  cours  de  ses  leçons.  C'est  de  cette  phase  de  sa  vie  que 
datent  ses  ouvrages  les  plus  remarquables. 

La  période  de  temps  qui  s'écoula  entre  973  et  989,  fut  l'apo»- 
gée  de  la  gloire  de  Gerbert  comme  professeur.  Cependant  son 
existence  fut  loin  d'èlre  la  même  pendant  tout  ce  temps  ;  elle 
peut  se  diviser  en  deux  époques  bien  distinctes.  La  première, 
qui  s'étend  de  973  à  984,  est  une  période  de  calrne  et  de  tran- 
quillité, dans  laquelle,  uniquement  adonné  à  ses  études,  il  ne 
s'occupa  que  de  son  enseignement.  La  méthode  qu'il  suivit 
était  celle  d'Alcuin  qui  divisait  toutes  les  connaissances  hu- 
maines en  sept  grandes  catégories,  comprises  sous  le  nom  de 
Trivinm  et  de  Quadrivmm.  Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  composa 
8on célèbre  traité  intitulé:  Abacus, da.ns  lequel  sont  consignées 
toutes  les  règles  de  l'arithmétique.  Il  s'occupa  ensuite  de  la 
mesure  de  la  sphère,  fit  un  traité  de  géométrie,  s'attacha  à 
l'astronomie,  dont  il  avait  rapporté  les  règles  de  la  Catalogne, 
sans  négliger  la  musique.  On  lui  doit  la  construction  d'orgues 
dans  les  églises  «  Outre  une  horloge,  nous  dit  Guillaume  de 
Malmesbury,  Gerbert  établit  dans  la  cathédrale  de  Reiras  des 
orgues,  dans  les  tuyaux  desquelles  il  faisait  pénétrer  des  jets 
de  vapeur  qui,  passant  par  les  nombreuses  ouvertures  de  ces 
tubes  de  cuivre,  rendaient  sous  la  main  de  l'artiste  des  sons 
harmonieux  qui  ravissaient  tous  les  assistants  \ 

L'ignorance  était  alors  bien  grande,  même  parmi  certains 
membres  du  clergé.  Adalbéron  de  Laon  la  llétrit  en  disant 
qu'on  rencontrait  des  clercs  qui  savaient  seulement  compter 
sur  leurs  doigts  les  lettres  de  l'alphabet*.  Ou  sentait  le  besoin 
de  s'instruire,  aussi  la  renommée  de  Gerbert  s'étendait  de 
plus  en  plus,  et  il  voyait  se  grouper  autour  de  sa  chaire  les 
noms  les  plus  illustres  ;  c'étaietit  :  saint  Héribert,  plus  tard  ar- 


1.  «  Apud  ecclesiam  oxlant  organa  Iiydraiilica,  ubi  mirura  in  modiim  por 
aqiiîB  caleCacta;  violetiliam  vonlus  eincrgcns  implet  concavitatein  barbili,  et 
per  imilliforaliles  transilus  xrciv.  fistuliu  inodiilalos  cliiiiioros  cmitluiit.  » 
(Lib.  II,  cap.  X.) 

2.  «  Alphabelum  sapiat  taiitùiu  ili(/ilo  iiumcrarc.  »  (Alberonis  cuimcn, 
vers.  40.) 


184  LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS 

chevêque  de  Cologne  ;  Leulhéric,  archevêque  de  Sens  ;  Adhel- 
bold,  évêque  d'Utrecht,  auquel  il  dédia  son  Traité  de  la  sphère: 
Jean,  écolàlre  d'Auxerre  ;  Adalbérou,  évêque  de  Laon  ;  Bru- 
non,  évêque  de  Langres  ;  Gérard  de  Cambrai  ;  Ingon,  abbé  de 
Saint-Germain-des-Prés  ;  Herbert,  abbé  de  Lagny  ;  Francon, 
évêque  de  Paris  ;  Fulbert,  évêque  de  Chartres,  l'homme  le 
plus  savant  du  xi®  siècle.  Les  monastères  d'Italie,  de  Lorraine 
et  d'Allemagne  lui  envoyaient  leurs  sujets  les  plus  distingués  ; 
Rotovic,  abbé  déMithloc,  au  diocèse  de  Trêves,  lui  confia  ses 
deux  plus  savants  religieux,  Nithard  et  Remy.  Ainsi,  à  cette 
époque  d'ignorance,  le  clergé,  toujours  fidèle  à  sa  mission 
d'éclairer  les  esprits,  était  le  dépositaire  de  la  science,  et  Reims 
était  la  source  principale  à  laquelle  venaient  s'instruire  et  se 
nourrir  d'une  saine  doctrine  les  intelligences  d'élite. 

La  deuxième  période  de  la  carrière  enseignante  de  Gerbert, 
qui  s'étend  de  984  à  989,  est  plus  agitée.  Son  ancien  élève, 
Othon  II,  venait  de  mourir  en  983,  laissant  un  fils  âgé  de  trois 
ans,  sous  la  tutelle  de  sa  mère  l'impératrice  Adélaïde.  Lothaire, 
roi  de  France,  était  entré  dans  les  vues  de  Henri  de  Bavière, 
qui  s'était  constitué  le  chef  d'une  ligue  contre  le  jeune  prince, 
et  cherchait  à  lui  ravir  la  couronne.  A  ce  moment,  Gerbert 
déploie  toute  son  activité  ;  ses  lettres  sont  un  monument  de 
sa  fidélité  au  malheur,  il  n'épargne  rien  pour  protéger  le  fils  de 
l'empereur  défunt.  Il  appelle  les  comtes  lorrains  aux  armes,  les 
console  dans  leurs  échecs,  les  tient  au  courant  des  événements 
et  les  dirige  ;  il  écrit  à  Adalbéron,  évêque  de  Verdun,  son  an- 
cien élève,  puis  le  somme  de  se  joindre  au  parti  d'Othon  '  ;  et 
au  miheu  de  cette  fiévreuse  activité,  il  ne  se  dissimule  aucun 
des  périls  auxquels  sa  conduite  l'expose  :  «  Sommes-nous 
dans  cette  affaire,  sécrie-t-il,  quoique  périlleuse  pour  quel- 
qu'un, comme  dans  une  période  de  repos  et  de  tranquillité  '.  » 
Cependant  ces  préoccupations  ne  font  pas  oublier  à  Gerbert  les 
soins  de  la  prudence,  il  cherche  à  se  concilier  des  amitiés  et 
des  protections  puissantes  :  «  Lolhariui  rex  Franciœ,  écrit-il, 
prœlatus  est  solo  nomine^  Hugo  vero  non  nomme,  sed  actu  et 
oiure  \  »  et  au  même  moment,  il  insinue  encore  à  Adalbéron, 
son  archevêque,  cette  doctrine  qui  devait  avoir  pour  résultat 


1 .  «  Repentiaus  casus  ne  nos  terreat,  filio  Caesaris  fidem  quam  promi- 
sislis,  inviolobilcm  servato.  »  (Epist.  ad  Adalb.  Vird.) 

2.  «  An  simus  in  hoc  negolio,  quamvis  alienis  periculoso,  et  in  tulo  otio, 
quae  molimina,  quivo  impetus  hac  ratione  conquieverint,  non  est  facile  dictu.» 
(LcUro  41»  ) 


GERBERT  18o 

l'élévation  de  Hugues-Capet  :  «  Uœ  sunt  rerum  vices,  et  initia 
quibus  sceptra  in  alios  devolvuntur.  »  Gerbert  eut  le  bonheur 
de  réussir  dans  cette  lutte,  où  évidemment  le  bon  droit  était 
de  son  côté,  et  on  peut  dire  que  ce  fut  à  son  énergique  persé- 
vérance qu'Othon  III  dut  la  couronne. 

Par  suite  des  événements  politiques  de  la  substitution  d'une 
nouvelle  race  à  celle  de  Charlemagne,  et  dans  laquelle  Adal- 
béron  est  appelé  à  jouer,  comme  métropolitain,  un  rôle  prépon- 
dérant, Gerbert,  son  secrétaire  et  son  ami,  se  trouva  entraîné 
malgré  lui,  à  jouer  aussi  un  rôle  politique.  Avec  la  mort  de 
Lothaire,  en  986,  s'éteignit,  pour  ainsi  dire,  la  famille  de  Char- 
lemagne, puisque  son  fils  Louis  V,  dit  le  Fainéant,  ne  régna  que 
quelques  mois;  et  encore  ce  fut  grâce  au  concours  de  Hugues- 
Capet,  cousin-germain  de  son  père  qui,  en  embrassant  son 
parti,  entraîna  à  sa  suite  la  plupart  des  seigneurs.  La  mort  de 
ce  prince,  arrivée  à  Gompiègne,  le  21  mai  987,  fut  suivie  du 
fait  capital  du  x"  siècle,  l'avènement  de  la  famille  capétienne . 
Cette  substitution  d'une  race  à  une  autre  se  fit  sans  secousse, 
grâce  à  la  sage  prudence  d'Adalbéron,  appelé  par  ses  contem- 
porains le  Père  de  la  Patrie.  A  propos  de  ce  changement  de 
dynastie,  Adalbéron  émit  cette  maxime  <r  que  le  trône  ne  s'ac- 
quiert point  par  droit  héréditaire.  »  Ce  n'était  pas  une  opinion 
nouvelle,  car  Hincmar  avait  dit  «  que  la  noblesse  paternelle 
ne  suffît  pas  pour  assurer  les  suffrages  des  peuples  aux  enfants 
des  princes,  car  les  vices  abrogent  les  privilèges  de  la  nais- 
sance, et  l'on  dégrade  le  coupable,  non-seulement  de  la  no- 
blesse de  son  père,  mais  de  la  liberté  même  ^  »  Hincmar  ne 
niait  pas  par  là  les  droits  de  l'hérédité,  mais  il  les  subordon- 
nait à  la  dignité  du  sujet  qui  en  était  investi.  Nous  allons 
emprunter  à  une  Revue  moderne  le  récit  de  ce  fait  si  impor- 
tant : 

«  On  fit  à  Lothaire  de  magnifiques  funérailles  ;  son  corps 
enveloppé  d'un  vêtement  de  soie  et  d'uue  robe  de  pourpre 
ornée  de  pierres  précieuses,  fui  déposé  sur  un  lit  d'apparat  au 
milieu  des  insignes  de  la  royauté.  Le  lit  fut  porté  par  les 
grands  du  royaume,  précédés  des  évêques  et  du  clergé,  une 
foule  immense  suivait  en  pleurant.  Lothaire  fut  enterré  à 
Reims,  au  monastère  de  Saint-Remi,  où  reposaient  son  père  et 
sa  mère  *.  C'était  le  deuil  de  la  monarchie  carlovingienne  que 

1.  Opéra  I,  696. 

2.  Lothaire  fut  inhumé  à  l'entrée  du   sanctuaire,  du  cûté  de  l'Evangile, 
sous  les  marches  qui  le  séparaient    du  chœur.  Ses  rcstos  furent  déplacés  au 


186  LE   PREMIBR   PAPE   FRANÇAIS 

l'on  conduisait  ainsi  en  grande  pompe.  Depuis  longtemps  déjà, 
suivant  l'expression  de  Gerbert,  Lothaire  n'était  roi  que  de 
nom,  Hugues-Capet,  sans  en  porter  le  titre  en  remplissait  les 
fonctions. 

«  La  sève  de  l'arbre  carlovingien  était  épuisée  ;  il  ne  restait 
de  la  race  de  Pépin  et  de  Gharlemagne  qu'un  héritier  débile 
qui  ne  fit  que  passer  sur  le  trône,  et  qui  mérita  de  la  postérité 
lo  titre  de  Louis  V  le  Fainéant.  Il  mourut  à  l'âge  de  dix-neuf 
ans,  empoisonné,  dit-on,  par  sa  femme,  et  ne  laissant  d'autre 
héritier  que  son  oncle  Charles,  duc  de  Basse-Lorraine  et 
second  fils  de  Louis  d'Outremer. 

0  Tous  les  regards  se  tournaient  vers  le  duc  de  France  ;  les 
légendes  prédisaient  à  Hugues-Capet  sa  future  élévation.  On 
racontait  que  Saint  Valéry  était  apparu  en  songe  à  son  père, 
Hugues-le-Grand  et  lui  avait  parlé  ainsi  :  c  Transfère  mes 
reliques  et  celles  de  Saint  Riquier,  et  par  mes  prières  tu  seras 
roi  des  Français,  tes  héritiers  posséderont  ce  peuple  jusqu'aux 
dernières  générations  \  »  Trois  fois  déjà,  la  race  de  Robert-le- 
Fort  s'était  assise  sur  le  trône  en  vertu  de  la  loi  de  la.  capacité, 
encore  vivante,  et  malgré  la  loi  de  Vhêrêdité,  toujours  remise 
en  question.  La  mort  de  Louis  V  ouvrait  encore  une  fois  la 
succession  au  trône. 


milieu  du  xviu"  siècle,  et  transportés  près  du  mausolée  de  Garloman,  sous 
la  première  arcade  de  la  nef  collatérale,  du  côté  de  la  sacristie.  La  statue  qui 
avait  été  placée  sur  sa  tombe,  fut  laissée  à  sa  place  primitive  ;  elle  fut  brisée 
à  la  Révolution. 

Lothaire  était  représenté  assis  sur  un  trône  de  pierre,  posé  sur  un  socle 
de  môme  matière.  Le  siè^re  avait  un  dos  qui  s'élevait  au-dessus  de  la  tête 
royale  qu'il  abritait  à  l'aide  d'un  toit  à  deux  versants  :  il  portait  au  fronton 
de  sa  toiture  une  fleur  de  lys  et  deux  antres  fleurs.  La  couronne  de  Lothaire 
était  un  cercle  surmonté  de  quelques  fleurs:  une  autre  fleur,  assez  semblable 
à  un  lys,  était  au  haut  de  son  sceptre.  Il  portait  une  tunique  et  par  dessus 
une  chlamyde  attachée  sur  son  épaule  droite.  A  ses  pieds  était  une  figure 
d'enfant  ou  de  nain  qui  avait  l'air  de  le  chausser. 

Montfaucon,  dans  son  précieux  ouvrage  sur  les  monuments  de  la  monar- 
chie française,  nous  a  conservé  le  dessin  de  celte  statue,  tome  I,  page  346. 

1 .  L'auteur  que  nous  citons  n'a  pas  traduit  ici  littéralement  lo  texte 
latin,  le  voici  :  «  To  fore  regcm,  prolemque  tuam  Fraucigenarum  stirpem- 
que  tuam  rogimen  tenero  usque  ad  septem  successionos.  n  Le  texte  ne  parle 
pas  de  générations,  mais  bien  do  successions,  que  l'on  peut  entendre  de 
sept  changements  de  branches  de  la  familh^  capétienne.  Or  jusqu'ici,  ces 
successions  dans  la  dynastie  de  Hugucs-Gapct  sont  au  nombre  de  six,  sa- 
voir :  1"  Branche  des  Capétiens  dirccls  (987-1328)  ;  2"  Branche  des  Valois 
(1 328-1 4',)8);  3"  Branche  des  Valois  Orléans  et  Augoulême  (1 498-1 589J  ; 
4°  Branche  des  Bourbons  (1589-1793)  ;  5°  Branche  aînée  des  Bourbons 
(1814-1830)  ;  6°  Branche  des  Bourbons  Orléans  (1830-1848). 


GERBERT  187 

«  Uu  plaid  général  s'était  alors  réuni  à  Gompiègne  pour 
juger  l'archevêque  de  Reims,  Adalbéron,  accusé  de  trahison. 
Hugues-Gapet  fit  déclarer  par  l'assemblée  qu'il  était  innocent, 
et  celui-ci,  ainsi  justifié,  prit  la  parole  sur  la  question  qui 
préoccupait  tous  les  esprits. 

«  Il  me  semble,  dit-il,  que  le  choix  doit  cire  difléré  jusqu'à 
ce  que  nous  soyions  tous  présents.  En  attendant,  lions-nous 
par  serment  à  l'illustre  duc,  et  promettons  de  ne  nous  occuper 
eu  rien  de  l'élection  d'un  chef  jusqu'à  la  prochaine  assem- 
blée. »  Get  avis  fut  adopté,  et  le  plaid  se  sépara  (mai  987).      > 

«  Dans  l'intervalle,  Gharles  de  Lorraine  se  rendit  à  Reims 
auprès  d' Adalbéron  pour  faire  valoir  ses  droits  à  la  couronne  : 
«  Tout  le  monde  sait,  vénérable  père,  dit-il,  que  par  droit 
héréditaire,  je  dois  succéder  à  mou  père  et  à  mon  neveu.  Il  n& 
me  manque  rien  de  ce  qu'on  doit  exiger  avant  tout  de  ceux 
qui  doivent  régner,  la  naissance  et  le  courage.  »  Gharles,  on 
le  voit,  invoquait  en  même  temps  que  sa  naissance,  les  condi- 
tions de  la  capacité  germanique.  Mais  Adalbéron  se  contenta 
de  lui  répondre  :  «  Tu  t"es  toujours  associé  à  des  parjures  et  à 
des  sacrilèges,  comment  peux-tu,  avec  de  tels  hommes,  récla- 
mer le  souverain  pouvoir.  » 

L'évêque  le  renvoya  aux  grands  du  royaume  sans  lesquels 
il  ne  voulait  rien  entreprendre. 

«  Gharles  repartit  fort  triste  pour  Gambrai,  et  il  n'osa  se 
rendre  à  l'assemblée  dont  il  prévoyait  les  dispositions  hostiles.' 
Elle  se  tint  à  Senlis  au  milieu  d'un  immense  concours  de  sei- 
gneurs. On  y  voyait  des  Français,  des  Bretons,  des  Normands,' 
des  Aquitains,  des  Gascons,  et  jusqu'à  des  Goths  et  des  Espa- 
gnols, représentants  de  nationalités  différentes  qui  devaient  un 
jour  se  fondre  dans  la  grande  nationalité  française. 

«  Adalbéron  ouvrit  le  débat  par  un  discours  longuement 
préparé:  «  Gharles,  dit-il,  a  ses  partisans  qui  prétendent  que 
le  trône  lui  revient  par  la  naissance.  Mais  le  royaume  ne 
s'acquiert  point  par  droit  héréditaire,  et  l'on  no  doit  élever  à 
la  royauté  que  le  plus  illustre,  non-seulement  par  la  race, 
mais  encore  par  la  sages.se,  la  foi  et  la  grandeur  d'âme.  Peut-on 
trouver  ces  qualités  dans  Gharles  que  la  foi  et  l'honneur  ne 
guident  pas,  et  qui  n'a  pas  rougi  d(!  servir  un  roi  étrang(;r,  de 
choisir  une  femme  parmi  ses  vassaux.  Décidez-vous  plutôt 
pour  le  bonheur  que  pour  le  malheur  de  l'Etat.  Si  vous  voulez 
son  malheur,  créez  Gharles  souverain  ;  si  vous  tenez  à  sa 
prospérité,  couronnez  Hugues,  l'illustre  duc  do  France.  »  Ge 


188  LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS 

discours  produisit  l'effet  qu'en  attendait  son  auteur.  Hugues- 
Capet  fut  proclamé  roi  de  France  du  consentement  de  tous  ;  on 
se  rendit  ensuite  à  Noyon,  où  le  métropolitain  et  les  autres 
évoques  sanctionnèrent  par  le  sacre,  l'élection  des  seigneurs  et 
du  peuple.  Cette  cérémonie  eut  lieu  le  l*""  juillet  987  ^  La 
dynastie  carlovingienue  avait  régné  deux  cent  trente-cinq  ans. 
Désormais,  le  morcellement  féodal,  héritage  des  traditions 
germaniques,  va  remplacer  le  fantôme  de  l'unité  romaine  ;  il 
faudra  de  longs  siècles  et  de  grandes  luttes  pour  ramener  à 
l'unité  tant  d'éléments  épars  :  ce  sera  l'œuvre  de  la  monarchie 
capétienne  '.  » 

En  nous  étendant  sur  cet  événement  important,  qui  parait 
plutôt  rentrer  dans  le  domaine  de  l'histoire  générale  que  dans 
celui  d'une  biographie  particulière,  nous  n'avons  pas  cru  sortir 
du  cadre  de  cette  étude,  car  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  fat 
l'œuvre  de  Gerbert  qui  fit  d'Adalbéron  l'arbitre  de  la  couronne, 
et  dont  la  valeur  politique  et  l'élévation  de  caractère  inspi- 
raient à  tous  une  égale  confiance.  M.  Michelet  résume  ainsi 
le  rôle  que  joua  Gerbert  dans  cette  circonstance,  en  disant  que 
*  ce  fut  une  grande  chose  pour  les  Capets  que  d'avoir  pour 
eux  Gerbert,  car  il  aida  à  les  faire  rois  ^  »  Adalbéron  fut,  en 
récompense  de  ses  services,  nommé  grand  chancelier,  et  c'est 
de  là,  disent  certains  auteurs,  qu'a  pris  naissance  cette  haute 
prérogative  de  premier  pair  dont  les  archevêques  de  Reims 
sont  en  possession.  Sans  rejeter  ce  sentiment,  il  nous  semble 
qu'il  vaudrait  mieux  l'attribuer  au  privilège  du  sacre  des  rois 
de  France  attaché  au  siège  de  Reims.  Hugues,  pour  assurer  le 
trône  à  son  fils,  le  fit  ensuite  couronner  à  Orléans,  le  l^""  jan- 
vier 988.  Adalbéron,  qui  fut  chargé  de  cette  cérémonie,  mourut 
deux  ans  après,  à  Reims,  le  23  janvier  990,  en  désignant 
Gerbert  pour  son  successeur. 

Les  désirs  d'Adalbéron  ne  furent  pas  immédiatement  accom- 
plis. Cédant  à  des  vues  politiques,  Hugues,  qui  désirait  forti- 
fier sa  royauté  nouvelle,  fit  élire  archevêque  de  Reims, 
Arnould,  fils  naturel  du  roi  Lothaire,  et  alors  chanoine  de 
Laon  ;  mais  comptant  peu  sur  sa  fidélité,  outre  le  serment 
d'usage  qu'il  lui  fit  prêter,  il  lui  en  fit  encore  signer  un  autre 


1.  Hugues-Capet    fut   couronné  à  Nojon   au  mois  de  juin,  et  sacré 
Reims  le  3  juillet  suivant. 

2.  Hevue  du  Monde  catholique,  t.  XXX,  n»  54,  p.  821. 

3.  Histoire  de  France,  II,  1i3. 


QERBERT  1 89 

pour  le  tenir  davantage  sous  sa  dépendance  ' .  Contrairement  à 
ses  engagemcnis,  Arnould  fut  infidèle  à  Hugues,  et  il  le  trahit 
en  livrant  la  ville  de  Reiras  à  son  oncle  Charles  de  Lorraine. 

Malgré  sa  trahison  réelle,  Arnould  qui  avait  conservé  des 
dehors  de  fidélité  au  roi,  le  trompa  encore  quelque  temps  par 
une  apparence  de  soumission.  Mais  il  n'en  fut  pas  de  même 
de  Gerhert ,  qui  rompit  alors  ses  rapports  avec  son  archevê- 
que par  la  lettre  suivante,  qu'il  lui  adressa  en  quittant  Reims 
pour  se  rendre  à  la  cour  des  rois  Hugues  et  Robert  :  «  Après 
avoir  réfléchi  longtemps  sur  le  malheureux  état  de  notre  ville, 
et  ne  pouvant  prévoir  d'autre  ternie  à  ses  maux  que  la  perte 
des  gens  de  bien,  j'ai  pris  enfin  une  résolution  où  je  trouve  à 
la  fois  un  remède  aux  calamités  présentes  et  une  garantie  à 
offrir  à  mes  amis  pour  l'avenir  '.  » 

Hugues,  ayant  acquis  la  certitude  de  la  trahison  d' Arnould, 
convoqua  les  évêques  de  la  province  do  Reims  en  concile,  et 
somma  Arnould  d'y  comparaître,  mais  celui-ci  répondit  avec 
raison,  qu'en  qualité  de  métropolitain,  il  n'avait  d'autre  supé- 
rieur que  le  pape,  que  c'était  de  lui  seul  qu'il  voulait  être 
entendu,  et  il  refusa  de  comparaître  ^  Gomme  la  ville  de  Reims 
se  trouvait  encore  au  pouvoir  de  Charles,  il  n'y  avait  aucun 
moyen  de  le  contraindre  (989j.  Le  roi,  de  concert  avec  les 
évêques,  écrivit  alors  au  pape*.  Les  lettres  furent  confiées  à 
des  députés  que  le  roi  envoya  à  Rome  avec  mission  de  les 
remettre  au  Souverain-Pontife,  mais  sans  attendre  sa  réponse. 
On  voulait  seulement,  pour  donner  une  apparence  de  légalité, 
avoir  consulté  le  pape  ;  et  comme  la  promptitude  du  retour  de 


1 .  «  Ego  Arnulphus,  gratiâ  Dei  prrovenientc,  Remorum  Archiepiscopus» 
promitlo  Regibus  Francorum  Hugoni  et  Roberto  me  fidem  puiissimam  ser- 
valurum,  cousilium  cl  auxilium  secundùm  ineuin  scire  et  nosse  ia  omnibus 
negotiis  prœbiturum  :  iniraicos  eorum  uec  consilio,  nec  auxilio  ad  eorum 
infidelitatem  adjuturum.  Hsec  in  conspectu  divinaj  Majestatis  et  bcalorum 
Spirituum,  et  tolius  Ecclesiœ  assistess  promitlo,  pio  beuè  servalis  luturus 
pra;mia  œleroa;  beucdiclioais  :  ai  vero  (quoJ  nolo  et  quod  absit)  ab  bis  devia- 
vero,  omnis  beoediclio  mea  convertatur  in  malediclionem,  et  fiant  dies  mei 
ptuci,  et  Episcopatum  mcum  accipiat  aller,  recédant  a  me  amici  mei,  sint- 
que  pcrpetuo  inimici,  Huic  ego  chirograpbo,  a  me  edito  in  testimonium 
bcnedictionis  vel  raalediclionis  meee  subscribo,  Fralresque  et  Filios  meos,  ul 
subscribant,  rogo. 

«  Ego  Arnulphus  Archicpiscopus  subscripsi.  »  (D.  Marlot,  II,  iO.) 

i.  Lettre  185»,  col.  d'André  du  Cbesne. 

3.  Baron.  Ann.  991,  n-  1. 

4.  Conf.  apud  Labbe,  t.  H,  p.  1Z1. 


190  LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS 

ces  députés  pouvait  être  mal  interprétée,  on  cherclia  dès 
prétextes  pour  l'expliquer. 

Sur  ces  entrefaites,  Hugues,  après  avoir  ravagé  les  environs' 
de  Reims  pour  couper  les  vivres  à  l'enneiui,  marcha  contre  la 
ville  de  Laon,  dans  laquelle  le  prince  Charles  et  Aruould 
s'étaient  retirés.  ALdalbéron,  évèque  de  Laon,  qui  avait  été 
chassé  de  son  siège  par  Charles,  résolut  de  se  venger.  Voyant 
que  la  place  résisterait  aux  efforts  du  roi,  il  demanda  une 
entrevue  à  Arnould,  feignit  une  réconciliation  avec  lui,  sut 
endormir  ses  défiances  et,  par  cette  ruse  indigne  d'un  evêque, 
amena  l'archevêque  à  aller  trouver  le  roi  qui  l'admit  à  sa  table. 
Adalbérou,  étant  rentré  à  Laon,  sut  capter  la  confiance  de 
Charles,  mais  c'était  pour  le  trahir  plus  facilement.  Après  le 
souper  du  dimanche  des  Rameaux  (989)  qu'ils  prirent  ensem- 
ble avec  Arnould,  et  après  qu'ils  se  furent  retirés  dans  leur 
chambre,  Adalbéron  y  pénétra,  enleva  leurs  armes  pendant 
leur  sommeil,  éloigna  la  garde  qui  les  protégeait,  et  se 
plaça  lui-même  à  la  porte  du  prince,  une  épée  nue  à  la  main. 
Durant  ce  temps,  des  affidés  de  Févêque  ouvraient  la  porte 
aux  soldats  du  roi  qui  pénétrèrent  jusque  dans  la  chambre  de 
Charles.  Le  duc,  à  peine  éveillé,  cherchait  la  cause  de  ce  bruit, 
quand  Adalbéron  triomphant  lui  cria  :  «  Vous  m'avez  enlevé 
cette  place  forte,  et  vous  m'avez  forcé  comme  un  misérable 
exilé  à  chercher  ailleurs  un  refuge,  maintenant  c'est  votre 
tour.  . .  »  Charles  s'élança  furieux,  cherchant  ses  armes  pour 
punir  le  parjure  ;  mais  la  trahison  était  consommée,  une  troupe 
d'hommes  armés  se  jeta  sur  le  duc,  et  après  l'avoir  étroitement 
garrotté,  le  conduisit  dans  une  prison  où  il  resta  détenu  avec 
sa  famille  et  l'archevêque  Arnould.  Un  seul  de  ses  fils,  âgé  de 
deux  ans  et  portant  le  même  nom  que  lui,  fut  soustrait  par 
de  fidèles  serviteurs  à  !a  vengeance  de  l'ennemi. 

Le  roi  était  à  Senlis  lorsqu'on  le  prévint  de  la  prise  de  la 
ville.  Il  se  rendit  aussitôt  à  Laon  et  y  fut  reçu  en  triomphe. 
Les  habilanls  lui  prêtèrent  serment  et  restèrent  fidèles  à  sa 
cause.  Revenu  à  Sjnlis,  il  délibéra  avec  les  seigneurs  sur  le 
sort  du  duc  Charles,  Quelques-uns  étaient  d'avis  de  lui  rendre 
la  liberté,  mais  la  générosité  parut  un  parti  trop  dangereux, 
et  Charles,  le  dernier  rejeton  du  glorieux  Charlemagne,  fut 
envoyé  prisonnier  à  Orléans  avec  toute  sa  famille.  Arnould 
partagea  la  captivité  de  son  oncle,  malgré  sa  réconciliation  avec 
le  roi,  qui  ne  fut  pas  sans  doute  jugée  sincère,  quoiqu'il  n'eût 
rien  fait  de  contraire  à  ses  derniers  serments  '. 

1.  Richcr,  llistor. 


GERBERT  1 9  J 

Hugues  convoqua  alors  uu  coucile  à  Reims  pour  juger 
Aruould.  Il  se  liut  à  S.-13asle  eu  991  (XII^'  coucile  de  Reims). 
Le  résultat  do  ce  coucile  fut  la  coudaumatiou  et  la  déposition 
d'Arnould.  Le  prêtre  Adalger,  qui  avait  été  le  chef  apparent 
du  complot  fut  aussi  déposé  ',  et  Gerbert  fut  élu  par  le  crédit 
du  roi  pour  gouverner  l'Eglise  de  Reims.  Gerbert,  qui  n'était 
encore  que  diacre,  n'accepta  qu'après  de  grandes  instances, 
car  il  pressentait  les  difficultés  qu'il  allait  rencontrer  à  chaque 
pas. 

Ou  a  beaucoup  écrit  sur  ce  concile,  qui  fut  plutôt  une  assem- 
blée politique  qu'un  synode,  et  auquel  assistèrent  seulement 
treize  prélats,  c'étaient  :  Guy  de  Soissous,  Ascelin  de  Laon, 
Hervéc  de  Beauvais,  Gotesman  d'Amiens,  Ratbod  de  Noyon 
et  Odo  de  Seulis,  de  la  province  do  Reims  ;  Daibert,  archevê- 
que de  Bourges,  Gauthier  d'Autuu,  Bruno  de  Langres,  Milo 
de  Màcon,  de  la  première  Lyonnaise  ;  et  enfin,  de  la  province 
de  Sens,  l'archevêque  Séguin  qui  fut  nommé  président,  Ar- 
nould  d'Orléans  qui  remplit  les  fonctions  de  promoteur,  et 
Herbert  d'Auxerre.  Ces  treize  prélats  admirent  à  siéger  avec 
eux  les  abbés  des  divers  monastères  qui  s'étaient  rendus  à  la 
convocation,  et  parmi  les(juels  on  remarquait  Jean,  écolâtre 
d'Auxerre,  Romulphe,  abbé  de  S. -Rémi  de  Sens,  et  Abbou 
de  Fleury.Ce  n'était  pas  un  archevêque  que  les  Pères  condam- 
naient en  la  personne  d'Arnould,  mais  un  vassal  infidèle  à  ses 
engagements.  Par  un  trait  de  politique  fort,  habile,  Hugues- 
Gapet  voulut  que  tout  l'odieux  du  jugement  retombât  sur  les 
évoques,  qui  se  prêtèrent  servilement  à  cette  complaisance 
qu'ils  auraient  dû  refuser.  Les  évêques,  eu  effet,  ne  pouvaient 
condamner  un  métropolitain  sans  en  référer  au  pape,  et  ce 
n'était  pas  au  roi  qu'appartenait  le  droit  de  convoquer  le  con- 
cile. On  voit  là  uu  commencement  de  ces  prétendues  hbcrtés 
gallicanes  qui  devaient  dans  la  suite  faire  tant  de  mal  à  l'Eglise 
de  France  et  la  diviser  si  profondément.  Peut-être  la  circons- 
tance particulière  dans  laquelle  se  trouvait  Jean  XVI,  qui  avait 
été  obligé  de  quitter  Rome  à  la  suite  des  persécutions  du  patrice 


1 .  Comme  !g  prêtre  Adalger  était  venu  do  lui-mônic  se  soumettre  au 
coucile,  ou  lui  luissa  le  choix  entre  la  déposition  ou  i'aaathême,  il  prc^Cdi'a 
être  déposé  :  «  Et  Ejjiscopi,  disent  les  actes  du  concile,  nullû  miseijtione 
circà  cum  adducti,  veste  sacerdotali  iiiduunt,  et  mox  illi  singula  ([invque 
usque  ad  subdiaconatuni  sine  reverentia  dctralientes,  sigillatim  ])er  singula 
subinferuut  :  Cessa  ab  oClicio.  Deinde  per  legitiinam  roconeiliatiom-in,  Iniciim 
illi  tanlùm  corainunionem  concedutit,  ac  pteniteutiu'  subduut  ».   (Marlot,  II. 


192  LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS 

Cresceutius,  et  qui  était  par  conséquent  privé  du  libre  exercice 
de  son  pouvoir  pontifical,  parut-elle  au  roi  et  à  ses  conseillers, 
au  premier  rang  desquels  se  trouvait  sans  doute  Gerbert,  une 
raison  suffisante  pour  ne  pas  recourir  à  l'autorité  du  Souve- 
rain-Pontife ;  mais  il  est  impossible  de  nier  l'irrégularité  cano- 
nique flagrante  de  cette  conduite.  Ou  peut  cependant  ajouter 
à  leur  décharge  que  les  règles  de  l'Eglise  furent  complètement 
observées,  sinon  dans  la  convocation  du  concile,  du  moins 
dans  l'élection  et  la  confirmation  de  Gerbert  par  le  synode  '. 

Nous  entrons  maintenant  dans  la  période  la  plus  agitée  de  la 
vie  de  Gerbert.  Les  biens  ecclésiastiques  étaient  la  proie  des 
pillards,  le  nouvel  archevêque  convoque  un  synode  à  Reims 
et  lance  contre  eux  l'anathème,  et  en  particulier  contre  Héri- 
berl,  comte  de  Vermandois.  Dans  ses  rapports  avec  ses  suffra- 
ganls,  il  savait  allier  la  douceur  à  la  fermeté.  Choisi  dans 
d'autres  diocèses  pour  arbitre  des  querelles  entre  les  seigneurs 
et  les  moines,  il  sait  tout  concilier,  la  charité  et  le  respect  de 
l'autorité.  Grâce  à  sa  sage  et  ferme  administration,  le  diocèse 
de  Reims  jouit  de  la  plus  grande  tranquillité,  ses  nombreuses 
occupations  ne  le  détournent  pas  de  ses  études,  il  trouve  en- 
core le  temps  d'écrire  sou  Traité  sur  l'Eucharistie,  pour  réfuter 
l'erreur  des  stercoranistes  %  et  concilier  les  opinions  de  Pas- 
chase  Ratbert,  moine  de  Corbie,  et  de  Raban-Maur,  archevê- 
que de  Mayence,  avec  le  dogme  de  la  présence  réelle. 

Le  sort  d'Arnould,  toujours  captif  à  Orléans,  excitait  la 
pitié,  et  des  plaintes  étant  parvenues  au  pape  Jean  XVI,  ce 
pontife  désapprouva  le  concile  de  S .  -Basle.  Gerbert  lui  ayant 
écrit  pour  se  justifier,  le  pape,  dans  le  concile  de  Latran,  en 
993,  jeta  un  interdit  sur  les  évêques  qui  avaient  pris  part  à  la 
déposition  d'Arnould.  Le  débat  s'engagea  à  ce  sujet,  quelques 
évêques  réunis  à  (Jhelles  par  les  pressantes  sollicitations  de 
Gerbert,  confirmèrent  son  élection  et  la  déposition  d'Arnould. 
Ils  décidèrent  même  que,  si  le  pape  ordonnait  quelque  chose 


1 .  Gcrberl  nous  a  laissé,  sous  le  litre  de  Acta  concilu  sancli  Basoli,  un 
ïésumé  fort  étendu  des  opérations  de  l'assemblée.  Bien  que  ce  travail  ne 
soit  pas  un  procès-verbal  officiel,  il  a  cependant  une  importance  considéra- 
ble, vu  l'absence  du  compte-rendu  original  qui  n'est  pas  parvenu  jusqu'à 
nous,  parce  que,  publié  par  Gerbert  en  993,  il  ne  souleva  aucune  réclama- 
tion de  la  part  des  Pères  du  Concile, 

2.  L'erreur  des  stercoranistes  consistait  dans  cette  croyance  que  le  corps 
eucharistique  de  N. -S.  J.-C.  était  sujet  à  la  digestion  et  à  ses  suites* 
comme  les  autres  aliments. 


GERBEET  193 

do  conlraire  îi  leurs  décrets,  sa  décision  serait  considérée 
comme  nulle  d'après  ce  canon  :  «  ce  qui  a  été  statué  par  un 
concile  provincial  ne  doit  être  témérairement  détruit  par  per- 
sonne '   ». 

A  cette  nouvelle,  comprenant  toute  la  gravité  du  conlUl,  le 
])ape  évoqua  l'affaire  à  son  tribunal,  et  indiqua  un  concile  à 
Mouzon.  11  fut  présidé  par  le  légat  Léon,  ab])é  de  S.-Boniface 
à  Rome,  personnage  aussi  recoinniandable  par  sa  prudence 
que  par  sou  érudition.  Malgré  la  défense  du  roi,  qui  avait  in- 
terdit eu  secret  aux  ôvêques  de  se  rendre  au  concile,  Gerbert, 
fort  de  son  nmocence,  s'y  présenta  le  2  juin  995,  et  sa  défense 
futsi  énergique  qu'il  fut  impossible  de  prendre  aucune  décision  : 
«  Il  est  enfin  venu,  s'écrie-t-il,  Révérendissimes  Pères,  ce  jour 
tant  désiré  pour  moi,  depuis  l'instant  où,  cédant  aux  sollicita- 
tions des  évêques  mes  frères,  j'assumai  sur  ma  tète  le  fardeau 
d'un  pontificat  si  plein  de  périls.  Le  salut  de  tout  un  peuple 
qui  allait  périr,  la  considération  de  votre  autorité,  triomphè- 
rent de  mes  répugnances.  Je  me  rappelais  votre  bienveillance 
passée,  et  ce  souvenir  m'encourageait  dans  ma  laborieuse  tâche 
lorsque,  tout  à  coup,  un  revirement  subit  se  produisit  dans 
l'opinion,  j'appris  par  la  rumeur  publique  que  j'avais  perdu 
votre  confiance,  et  qu'on  me  reprochait  comme  un  crime  ce 
qui,  en  d'autres  temps,  avait  été  regardé  de  ma  part  comme 
un  acte  de  dévouement  et  de  vertu.  Ou'ai-je  fait  cependant,  et 
quelle  fut  ma  conduite  ?  Adalbéron,  en  mourant,  me  désigna  à 
mou  insu  pour  son  successeur  ;  les  grands  et  le  peuple  de 
Reims  ratifièrent  ce  choix  et  me  demandèrent  pour  évoque. 
Mais  des  simouiaques,  craignant  sans  doute  de  trouver  en  moi  un 
homme  trop  dévoué  au  Siège  de  Saint-Pierre,  me  firent  écarter  et 
promurent  Arnould.  J'aurais  dû  peut-être  refuser  mes  services  à 
ce  nouveau  métropolitain.  Mais  le  bienheureux  Adalbéron,  mon 
père,  m'avait  fait  jurer  de  rester,  tant  que  je  le  pourrais,  atta- 
ché à  l'Eglise  de  Reims.  Je  servis  donc  Arnould  très-loyale- 
ment jusqu'au  jour  où,  convaincu  de  sa  trahison,  il  me  fallut 
l'abandonner.  Sa  trahison  devint  bientôt  en  effet  le  scandale 
du  royaume  et  des  honnêtes  gens.  Il  fut  déposé  à  la  ibis  par 
l'autorité  du  prince  et  celle  des  évèques  comme  parjure,  sédi- 
tieux et  rebelle.  Je  n'avais  trempé  dans  aucun  de  ses  crimes. 
On  me  força  de  monter  sur  le  siège  archiépiscopal.  Je  prévoyais 
tout  ce  qui  en  résulterait  pour  moi  de  calamités  ;  je  résistai 

3.  Richer.  Ilisloi,    lib.  IV,    cap.  LXXXIX.  l'utiol.  lut.  T.  CXXXVIII, 
col.  161. 

13 


194  LE  PRKMIÈR  PAPE  FRANÇAIS 

longtemps  vl  ue  cédai  eufm  que  pour  rendre  quelque  trau- 
([uillilé  à  un  peuple  désolé,  à  une  Eglise  bouleversée  par  tant 
d'orages.  Si  c'est  uu  crime,  je  l'ai  commis.  Ouaut  à  me  repré- 
senter comme  un  euvahisseur,  qui  se  serait  emparé  à  main 
armée  d'uue  métropole,  qu'on  me  dise,  à  moi,  étranger  pauvre 
et  inconnu,  où  étaient  mes  soldais,  mes  affidés,  mes  complices  ? 
Mais,  objectera- t-on  peut-être,  cette  affaire  capitale  était 
manifestement  une  cause  majeure,  par  conséquent  elle  relevait 
du  Saint-Siège.  Pourquoi  ne  fut-il  pas  consulté?  Est-ce  par 
ignorance  ou  par  préméditation  ?  Certes,  je  le  dis  hautementy 
le  Saint-Siège  devait  être  consulté.  J'ajoute  qu'il  le  fut.  Mais 
on  attendit  en  vain  durant  dix-huit  mois,  et  l'on  passa  outre. 
Toutefois,  par  respect  pour  le  Siège  apostolique,  la  sentence 
portée  contre  Arnould,  fut  à  dessein  mitigée.  Après  son  aveu 
spontané,  il  était  impossible  de  le  déclarer  innocent.  Si  en  tout 
cela  il  s'est  fait  quelque  chose  de  contraire  aux  lois  canoni- 
ques, ce  n  est  point  par  uu  esprit  de  révolte  contre  le  Saint- 
Siège,  mais  pour  se  plier  aux  nécessités  de  notre  malheureux 
temps.  En  ce  qui  me  concerne,  Révérendissimes  Pères,  c'est 
pour  un  peuple  en  détresse  que  j'ai  affronté  tant  de  périls  et 
la  mort  même.  J'ai  vu  de  près  les  fureurs  populaires,  la  mul- 
titude ameutée  par  la  faim,  pillant  à  main  armée  les  magasins 
et  les  comptoirs  des  marchands.  Au  dehors,  le  glaive  de  l'en- 
nemi ;  au  dedans,  les  terreurs  enfantées  par  les  discordes 
civiles,  des  jours  sans  repos,  des  nuits  sans  sommeil.  Votre 
autorité  seule  peut  mettre  un  terme  à  tant  de  malheurs,  elle 
seule  est  assez  puissante  pour  relever  de  ses  ruines  l'Eglise  de 
Reims.  Que  dis-je  ?  l'Eglise  des  Gaules  tout  entière  plongée 
dans  une  désolation  voisine  de  la  mort.  Nous  attendons  ce 
bienfait  de  la  miséricorde  divine  à  laquelle  s'adressent  toules 
nos  prières  et  tous  nos  vœux  ^  » . 

(A  suivre)  J.  Chardron. 


1.   Richer.   Ilistor.,    lib.    IV,    cap.    CI-CV.    —   Concil.    Mosom.,   inter 
opcra  Gcrl)erli,  cd.  Ollens,  p.  2i0-249.  Dom  Marlol,  II,  52. 


HISTORIQUE  DE  LA.  CORPORATION     , 

DES 

APOTHICAIRES -ÉPICIERS 


L\    VILLE    DE 

CHALONS-  SUR- MARNE 


— <f=5Û:^3Ha=Ji=o- 


Elienne  Boileau,  prévôt  des  marcliands  de  la  ville  de  Paris, 
ne  donne  point  dans  sou  livre  des  métiers,  écrit  vers  1260,  les 
statuts  des  apothicaires  de  la  capitale  ;  ou  n'y  trouve  que  les 
mentions  suivautes  :  (2'^  partie  —  Droits- du  Roi,  p.  322). 

a  Tuit  cinei\  tuit  pevrier,  tiiit  apotécaire  ne  doivent  rien 
de  coîctume pour  vendre  en  leur  ostel  car  il  s' acuité  au  pois  le 
roy.  I) 

1  Tuit  cirier,  pevrier  et  apotécaire,  se  il  mêlent  avant  ou 
samedi  es  haies  ou  marchié,  chascun  doit  obole  de  coutume,  et 
en  leur  olieus  néant.   » 

Eufm  l'on  trouve  à  la  page  42ij  que  le  métier  d'aputhicaife 
était  au  nombre  des  métiers  francs,  c'est-à-dire  exempts  du 
guet. 

Ce  n'est  qu'en  14G7  qu'uu  édit  organisa  les  épiciers  et  apo- 
thicaires en  corporation  uni(jue.  Plusieurs  ordonnauces  ren- 
dues en  1484,  1514,  1638,  confirmèrent  cette  organisation  qui 
dura  jusqu'en  1777,  époque  à  laquelle  les  épiciers  et  les 
apothicaires  formèrent  deux  corporations  séparées. 

A  Chàlons  les  apothicaires  n'élaieut  obligés  à  aucune  rede- 
vance en  argent  ni  en  nature  envers  l'Evêque,  comte  de  Chà- 
lons. Ils  étaient  en  môme  temps  é|)iciers-ciriers  ;  ils  n'y 
étaient  point  obligés  cependant,  mais  pour  être  reçus  maîtres 
les  apprentis  devaient  faire  acte  d'expérience  pour  l'épicerie  el 
pour  la  pharmacie  et  ils  pouvaient  exercer  concurremment  ces 
deux  industries,  deux  qui  n'étaient  examinés  (|ue  pour  l'épi- 
cerie n'avaient  pas  le  droit  d'exercer  la  pharmacie  ;  on  les 
nommait  :  Epiciers-simples. 


lOG  HISTORIQUE    DE    LA   CORPORATION 

Il  est  à  remarquer  qu'à  Ghàlons,  les  merciers  faisaient  éga- 
lement le  cou)merce  de  l'épicerie,  et  qu'en  1701,  ces  commer- 
çants se  joignirent  à  la  grande  corporation  des  Marchands- 
Unis  dont  tln'ul  partie  tous  ceux  qui  dans  la  ville  commerçaient 
en  détail.  —  Par  le  fait  les  apothicaires-épiciers  restèrent  seuls 
ou  à  peu  prés,  dès  cette  époque  ;  et  lors(iu'en  1777  la  sépara- 
tion de  l'épicerie  et  de  la  pharmacie  i"ut  ordonnée,  c'était  à 
Châlons,  chose  faite  depuis  longtemps. 

Les  apothicaires-épiciers  de  Châlons  durent  certainement 
dans  la  pratique  de  leur  métier  se  conformer  aux  édits  et 
ordonnances  que  nous  avons  cités  plus  haut,  mais  hieu  qu'une 
ordonnance  de  1581  et  une  autre  de  1;J97  eût  prescrit  k  toutes 
les  communautés  d'arts  et  métiers  de  s'organiser  en  maîtrises 
et  jurandes,  ils  négligèrent  cette  prescription  pendant  un 
temps  assez  long  et  ce  n'est  qu'eu  1515  qu'ils  songèrent  à 
rédiger  les  statuts  de  leur  corporation. 

Ce  sont  ces  statuts  que  nous  allons  reproduire  en  y  joignant 
les  considérants  qui  précédèrent  leur  rédaction. 

In  nomine  Domini,  Amen 

L'an  mil  six  cent  quinze,  les  apoticaires  et  espiciers  de  la 
ville  de  Chaalons,  considérant  que  de  toutte  ancienneté  et  par 
louttes  les  meilleures  et  plus  signalées  villes  de  ce  royaume 
auroit  esté  establys  gardes  et  maistres  en  tous  estatz  et  mes- 
tiers,  spéciallement  de  la  pharmacie  et  espicerie,  excepté  en 
ceste  ville  de  Chaalons,  en  laquelle  cet  ordre  a  esté  jusques  à 
présent  négligé  au  préjudice  et  intérest  notable  de  la  chose 
publique  pour  les  abus  qui  eu  peuvent  procéder  à  faulte  de 
suffisante  condition  el  pouvoir  des  personnes  qui  l'exercent. 

Lesditz  apoticaires  et  espiciers  non  moings  curieux  de  leur 
honneur  que  désireux  de  l'utililé  publicpie  et  par.  une  louable 
ixtion  augmenter  la  réputation  de  ceste  ville  et  la  rendre  plus 
célèbre,  ont  unanimement  convenus  et  accordés  entre  eulx  de 
dresser  uug  règlement  ordre  et  police,  cy-après  déclaré  tou- 
chant la  maistrise  et  aultres  particulai'ilez  bien  raisonnables  et 
nécessaires  audit  art  de  pharmacie  et  espicerie,  le  tout  suyvant 
et  conformément  aux  EJitz  du  roy  du  mois  de  décembre  1581 
et  avril  1597,  contenant  règlement  général  pour  tous  les  arts 
et  mestiers  ;  et  pour  ce  faire  auroient  fait  élection,  nommez  et 
establiz  pour  gardes  et  maistres  jurez,  deux  des  plus  anciens 
de  leur  communautté,  scavoir  :  Jehan  Horguelin  et  André 
Rivet  pour,  par  devant  eulx,  à  cause  de  leur  suffisante  et 


DES    APOTHICAIRES-ÉPICIERS  197 

longue  expérience  audit  art,  faire  chef-d'œuvre  et  preuve  de 
leur  capacité  dudicl  art  de  pharmacie  et  espicerie,  ce  qui 
auroit  esté  commencé  par  Jehan  Maupin,  Claude  Roussel, 
Guillaume  AUart  et  Jehan  de  Serval,  comme  ayant  suffisam- 
ment faict  paroislre  leur  art  et  expérience  par  l'exhibition  de 
leurs  chefs-d'œuvres  qu'ilz  ont  faictz,  comme  il  appert  par 
leurs  lettres  de  réception  et  prestation  de  serment  par  devant 
M.  le  bailly  de  Vermaudois  ou  son  lieutenant  audit  (^haalons 
en  présence  desdictz  maistres  jurez,  ce  qui  auroit  esté  continué 
alternativement  par  les  aultres  maistres  apoticaires  et  espiciers 
par  devant  lesdicts  Maupin  et  Roussel  connue  maistres  jurez 
de  leur  année,  scavoir  : 

Pierre  Horguelin,  Pierre  Deu,  Jacques  Noël,  i»éné  Moyne, 
Nicolas  Baion,  Claude  Francoys ,  Pierre  Maupin,  lesquels 
suyvant  leur  réception  par  l'approbation  de  leurs  chefs-d'œu- 
vres en  présence  desdits  maistres  jurez  ont  preste  le  serment 
par  devant  M.  le  Bailly  de  Ghaalons,  d'autant  qu'il  y  avoit 
pour  lors  contestation  de  juridiction  entre  Icsditz  sieurs  baillis 
de  Vermandois  et  de  (Ghaalons  ;  et  pour  ce  faire  ont  tous  una- 
nimement pour  leur  honneur  et  debvoir  se  sont  volontairement 
soubmis  et  soubniettent  tant  pour  eulx  que  pour  leurs  succes- 
seurs à  l'ordre  et  police  dudict  art  de  pharmacie  et  espicerie, 
suyvant  les  articles  cy-après  déclarés. 


ORDONNANCE  ET  STATUTS  DES  MARCHANDS  APOTICAIRES 
ET  ESPICIERS  DE  LA  VILLE  DE  CHAALONS 

PREMIER 

Les  deuz  maistres  jurez  eslcuz  de  leur  comnumaulé  feront 
par  l'espace  de  deux  ans  la  charge  de  jurez  et  gardes  dudict 
art  de  pharmacie  et  espicerie  ;  au  bout  duquel  temps  s'assem- 
blera le  corps  dudict  art  pour  en  esiire  ung  aultro  au  jour  et 
fesle  de  sainct  Luc,  à  la  place  de  l'ancien  qui  sortira.  Et  seront 
les  papiers  et  Chartres,  statuts  et  ordonnances  dudict  art 
d'apothicairerie  cl  espicerie,  rais  entre  les  mais  de  l'ancien 
subséquent,  lequel  sera  tenu,  au  jour  de  sa  démission,  la 
remettre  par  inventaire  en  la  communauté  dudict  art  et  ainsy 
à  l'advenir. 

II 

Les  maistres  jurez  et  gardes  seront  lenuz  une  fois  l'année, 
faire  Visitation  [)ar  les  boutiques  des  aullres  maistres  apolhi- 


198  HISTORIQUE   DE   LA   CORPORATION 

caires  et  ospiciers  pour  adviser  sur  les  drogues  tant  simples 
que  composées  à  ce  que  rien  ne  soit  mis  en  vente  et  usage,  au 
préjudice  de  linterest  public.  Que  s'il  se  trouve  quelque  com- 
position et  simple  médicament  vitié  ou  aultremenl  altéré,  sera 
permis  ausditz  maistres  jurez  eu  la  présence  d'un  médecin  a 
ce  appelle,  de  soy  saisir  et  emporter  ladicte  composition  ou 
médicament  simple  pour  en  faire  rapport  au  corps  desdicls 
maistres  et  adviser  sur  ce  fait  par  devant  les  juges  ou  en  déci- 
der en  ladicte  chambre  et  corps,  ainsy  qu'il  sera  trouvé  bon 
et  équitable  par  ledict  corps  assemblé  ainsy  que  de  raison.  Et 
lesdicts  maistres  apothicaires  et  espiciers  payeront  chascun  la 
somme  de  cinq  solz  pour  la  visite. 

III 

Et  au  cas  qu'ung  des  maistres  jurez  vienne  a  décedder  du- 
rant lesdictes  deux  années  en  sera  esleu  ung  aultre  pour  la 
communauté  pour  suppléer  de  vacquer  à  la  charge  durant  le 
temps  de  la  charge  dudict  déceddé. 

IV 

Le  dernier  maistre  desdicts  apothicaires  sera  tenu  de  servir 
de  clerc  pour  faire  les  semonces  et  assemblées  des  maistres 
quand  besoing  sera  tant  pour  les  affaires  et  négoces  qui  pour- 
roient  survenir  audict  art,  que  pour  aultres  considérations, 
aux  jour  et  heure  ordonnés  par  les  maistres  jurez. 


Suyvant  les  arrests  de  la  court  du  Parlement  de  Paris  et 
aultres  courts  souveraines  du  royaume  de  France,  inhibitions 
et  défenses  sont  faictes  qu'aucun  apothicaire-espicier  et  espi- 
cier-simple  ne  souffrera  sortir  de  sa  liouticle  aucuns  venins  ou 
poisons  nommez  sublimez,  arsenicq,  réagalles  et  aultres,  ny 
les  vendre  et  distribuer  purement  et  simplement  aux  chirur- 
giens, mareschaux  ou  aultres  personnes  de  quelque  quahté  ou 
condition  qu'ilz  soy  eut,  que  premièrement  ils  ne  les  ayent 
meslé  et  incorporé  avec  les  aultres  drogues  portées  par  les 
mémoires  desdits  mareschaux  et  chirurgiens  pour  éviter  les 
inconvéniens  qui  en  pourroient  advenir,  pour  autant  que  les 
poisons  et  drogues  vénéneuses  sont  nécessaires  et  servent  à  la 
médecine  et  d'estat  de  pharmacie  et  espicerie  pour  eu  user 
quand  l'occasion  le  requiert. 


DES     APOTHICAIRES-ÉPICIERS  199 

VI 

Lesdicls  maistres  apothicaires  et  espiciers  seront  tenus  de 
mettre  lesdictes  substances  closes  et  enfermées  soubz  clef, 
sans  les  mettre  et  laisser  en  garde  à  leurs  femmes,  serviteurs 
et  enfans,  sous  les  peines  portées  par  les  ordonnances  et 
édits  ' . 

VII 

Lorsqu'il  adviendra  qu'un  espicier  forain  ou  vendeur  de 
drogues,  espèces  ou  aultres  denrées,  soit  qui  entre  au  corps 
humain  ou  qui  s'applique  à  l'extérieur,  soit  qu'il  soit  mar- 
chand cogneu  et  de  bonne  vie,  ou  bien  qu'il  soit  coureur, 
charlatan,  circulateur  et  imposteur  soy  disant  abstracteur  de 
quinte-essence,  portant  drogues  simples  ou  composées  pour 
les  exposer  en  vente  ou  distribuer  au  publique,  sera  permis 
ausdictz  maistres  jurez,  les  saisir  et  arrester  pour  les  visiter  et 
sceller,  venir  en  faire  rapport  touchant  le  défaut  d'icellcs  pour 
y  estre  pourveu  par  justice. 

VIII 

Les  maistres  apothicaires-espiciers  et  espiciers-simples  ne 
recevront  aucun  aprentif  à  leur  service  qu'ils  ne  sachent  qu'il 
est  de  bonne  vie  et  de  parentage  honorable,  lesquelz  aprenlifs 
pour  chascun  d'eux  payeront  à  la  communauté  la  somme  de 
six  livres. 

IX 

Les  maistres  apothicaires  et  espiciers  ne  recepvront  aucun 
aprentif  que  premièrement  il  ne  soit  examiné  par  les  deux 
maistres  jurez  pour  sçavoir  et  cognoistre  si  ledict  prétendu 
aprentif  entend  suffisamment  la  langue  latine  pour  estre  d'au- 
tant plus  capable  de  la  cognoissauoe  de  l'art  et  entendre  les 
ordonnances  de  médecine  et  livres  de  pharmacie,  comme  Nico- 
laus  Prepositus,  Mesué,  Sylvius,  Luinioare-Majus  et  aultres 
auteurs  tclz  qu'il  plaira  aux  maistres  jurez  lui  présenter  ;  et 
ne  pourront  lesdicts  maisti'C  jurez,  l'accepter  à  moiug  dt^  tems 
que  de  trois  années,  durant  lequel  tems  il  ne  sera  permis  au- 

.  1.  Un  autre  édit  du  31  août  1082,  mcnnça  de  peines  draconiennes  les 
devins,  magiciens,  vendeurs  de  philtres  et  autres,  faisant  usage  de  subs- 
tances vénéneuses,  et  n'en  ])errait  la  vente  et  le  débit  qu'avec  de  nom- 
breuses formalités. 


200  HIljTORIQUE   DE  LA   CORPORATION 

dict  raaistre  apolhicaire-espicier  d'en  prendre  iing  aullre,  que 
sur  la  fin  de  la  troisième  année  ;  et  ne  pourra  ledict  aprentif 
parvenir  à  la  présentation  de  raaistre  qvi'il  u'aye  servi  l'espace 
de  ein(j  années  après  son  dict  apreutissage  en  ladicle  ville  ou 
ailleurs,  faisant  apparoislre  ausdicts  maistres  jurez  et  gardes 
lorsqu'il  se  voudra  présenter  à  la  maîtrise,  comme  il  a  bien  et 
deument  parachevé  son  apprentissage  avec  attestation  des 
maistres  des  bonnes  villes  où  il  aura  servy,  le  tout  conformé- 
ment aux  ordonnances  portées  sur  les  édits. 


Celuy  qui  désirera  et  aspirera  estre  receu  en  la  communauté 
desdictz  maistres  apothicaires  et  espiciers  de  Ghaalons  ou 
espiciers-simples  de  ladicte  ville,  se  présentera  ausdicts 
maistres  jurez  assisté  d'un  des  maistres  qu'il  prendra  pour 
conducteur,  leur  remonstrant  son  intention  qu'il  a  de  bien  et 
deument  servir  au  publicque,  pourquoy  faire,  leur  plaise  faire 
assembler  et  convocquer  les  maistres  par  le  clerc  dudicl  art 
pour  eslre  examiné  et  luy  présenter  et  désigner  les  chefs- 
d'œuvres  dudict  art  pour  parvenir  à  ladicle  maistrise  qui  se 
fera  dans  un  mois  ou  environ. 

XI 

Le  prétendu  maistre  sera  examiné  en  personne,  ung  méde- 
cin ou  plusieurs  appelles  par  lesdicts  maistres  pour  tesmoigner 
sa  suffisance  de  capacité  en  la  présence  desquelz  luy  sera  pré- 
senté Mesué,  Sylvius,  Nicolas  Prepositus  et  aultres  qui  ont 
traité  de  la  composition  des  médicaments  en  langue  latine 
pour  cognoistre  comme  dist  est  cy-dessus,  s'il  est  grammai- 
rien et  s'il  a  la  cognoissance  des  simples  et  préparation  d'iceux 
ensemble  de  leur  mixtion. 

XII 

Après  ledict  examen  luy  seront  assignez  et  prescrites  par 
lesdicts  deux  maistres  jurez,  quatre  pièces  pour  chef-d'œuvre 
telles  qu'ilz  adviseront  ;  l'une  pour  l'intérieur,  l'autre  pour 
l'extérieur.  Lesquelz  chefs-d'œuvres  seront  faicts  à  bouticles 
desdictz  maistres  jurés  et  gardes  ou  aultres  ainsi  qu'il  sera 
arresté  pour  le  mieulx , 

XIII 

Quand  la  disposition  desdictes  pièces  sera  faicte  et  dressée 


DES   APOTHICAIRES-ÉPICIERS  201 

on  fera  advertir  lesdicts  gardes  et  jurez,  ensemble  tout  le  corps 
des  maistrcs  pour  estre  de  rechef  interrogé  tant  en  particulier 
sur  le  choix  et  élection  de  chascun  simple,  qu'en  général  sur 
le  modus  faciendi  de  composition,  où  lesdictz  jurez  et  maislres 
assisteront  et  mesme  à  la  mixtion  desdictes  compositions 
jusques  à  œuvre  pariaicte. 

XIV 

Lesdicts  examens  et  chefs-d'œuvrcs  faicts  et  parfaictz, 
ledict  nouveau  maistre  sera  conduict  par  les  niaistres  jurez  et 
aullres  maistres  si  bon  leur  semble  et  sera  présenté  aussi  les 
compositions  par  devant  M.  le  bailly  de  Chaalons  ou  son  lieu- 
tenant pour  prester  le  serment  d'exercer  ledict  art  bien  et 
deument,  faisant  lesdicts  maistres  rapport  de  sa  suffisance  et 
capacité. 

XV 

Les  enfans  des  maistres  apothicaires  ne  seront  de  rien 
exempts  ni  privilégiés  à  faire  moing  que  les  aultres  sinon 
qu'ils  feront  seulement  leur  composition  pour  l'intérieur  tel 
qu'il  sera  ordonné  a  telle  fin  d'oster  loutte  jalousie  qui  delà 
pourroit  naistre  et  survenir  qu'aussy  pour  donner  occasion  aux 
uns  et  aux  aultres  de  bien  estudier,  de  ne  perdre  tems  en  vain 
et  soy  rendre  subject  à  l'exercice  de  leur  art  durant  le  tems 
ordonné. 

XVI 

S'il  advient  qu'aucun  desdits  maistres  allast  de  vie  à  très- 
pas',  la  vefve  durant  sa  viduité  pourra  tenir  bouticle  avec  un 
serviteur  suffisant,  lequel  sera  présenté  aux  maistres  jurez  et 
examiné  par  iceux  pour  cognoistre  de  sa  capacité.  Et  jouiront 
aussi  lesdictes  vefves  do  toutes  les  franchises  attribuées 
ausdicts  arts  enpayant  et  fournissant  aux  charges  comme  les 
aultres  maistres,  mais  pour  moitié  de  ce  que  l'un  des  maistres 
est  tenu  de  payer. 

XVII 

Et  pour  le  regard  du  mestier  d'espicier-simplc  et  du  chef- 
d'œuvre  d'icelluy  qui  consiste  on  ouvrages  de  sucre,  cire  et 


l.  Cette  phrase  au  sujet  «le  la  mort  est  assez  curieuse  clans  sa  Ibrmo  rlu- 
bitative. 


202  HISTORIQUE   DE  LA   CORPORATION 

espiceries  après  avoir  fait  chef-d'œuvre  de  pharmacie  si  tant 
est  qu'il  veuille  prendre  qualité  à  exercer  ledicl  mestier 
d'espicerie,  luy  sera  prescrit  par  lesdictz  maistres  jurez,  trois 
pièces  d'ouvrages,  une  pièce  de  chacune  sçavoir  :  de  sucre,  de 
cire  et  espice  comme  dessus,  et  où  il  se  trouvera  aucun  qui 
voudra  exercer  l'art  d'espicier-simple,  sera  tenu  de  satisfaire 
au  règlement  cy-dessus  estant  subject  de  subir  et  endurer  les 
visitations  ordinaires. 

XVIII 

Lesdictz  prétendus  maistres  soit  apothicaires  et  espiciers  ou 
espiciers-simples,  soit  qu'ils  vendent  tant  l'apothicairerie  que 
l'espicerie  ou  l'espicerie  simple,  seront  tenus  mettre  en  la 
boëte  de  la  communauté  la  somme  de  18  livres  ^  pour  subvenir 
et  assister  les  pauvres  compagnons  serviteurs  soit  de  la  ville 
ou  aultres,  que  des  affaires  dudict  art. 

XIX 

Le  prétendu  maistre  sera  tenu  payer  aux  maistres  jurez  et 
gardes  pour  leurs  vacations  la  somme  de  60  solz  et  aux  aultres 
maistres  la  somme  de  40  solz  et  pour  le  clerc  encore  pareille 
somme  de  40  solz. 

XX 

Pour  éviter  aux  frais  excessifs  dudict  prétendu  maistre,  il 
ne  sera  tenu  de  faire  frais  de  bouche  ou  aultres  "  que  les  sus- 
dicts,  mesme  on  ne  lui  prescrira  aultres  compositions  pour 
chef-d'œuvre  que  celles  qui  sont  en  usage  pour  les  distribuer 
afin  de  ne  pas  consommer  en  frais. 

{A.  suivre)  L.  Grignon. 


1.  En  162ÎJ  cette  somme  lut  portée  à  ICO  livres,  et  les  droits  dont  il  est 
question  dans  l'article  19  à  6  livres  et  3  livres. 

2.  Dans  plusieurs  autres    communautés   les  récipiendaires  étaient  tenus 
de  payer  un  festin,  ou  pâté. 


LES  REGISTRES  BÂPTISTAIRES* 


Mgr  l'évesque,  duc  de  Langres,  Pierre  de  Pardaillan  de  Gondrin 
d'Antin,  prit  possession  de  la  ville  et  de  l'évesché  de  Langres,  le  12 
febvrier  1725.  Il  fut  prévenu  par  trois  compagnies  à  cheval  assez  près 
deRolampont;  il  fut  rencontré  par  400  jeunes  garçons  au-dessous  des 
Fourches;  en  la  Belle-Allée  se  trouva  le  quartier  de  Champeau,  com- 
mandé par  messieurs  Parisot,  marchands  tanneurs.  A  la  porte  Saint- 
Didier,  qui  estoit  fermée,  sa  Grandeur  presta  serment  de  fidélité  entre 
les  mains  de  M,  de  Courchamp,  maire  de  la  ville,  et  des  eschevins. 
De  là,  il  fut  conduit  à  l'évesché  et  salué  des  canons  de  la  ville  et  de 
la  mousqueterie  ;  et  il  reçut  tous  les  compliments  des  corps  séculiers, 
réguliers  et  ecclésiastiques.  Ensuite,  un  feu  d'artifice  avec  de  grandes 
illummations  par  toute  la  ville,  les  lanternes  attachées  par  toutes  les 
rues  de  la  ville  et  les  tapisseries  tendues  partout  où  passa  Sa  Gran- 
deur. Le  cortège  fut  précédé  par  M.  l'abbé  Henry,  de  Dijon,  estant  cà 
cheval.  Il  y  avoit  longtems  qu'on  avoit  vu  une  si  belle  feste  à  la  villts 
ny  tant  d'ordre  et  de  réjouissance  '  . 

Cette  mesme  année,  les  denrées  et  marchandises  baissèrent  de  prix, 
de  plus  du  tiers  ;  ce  qui  enrichit  les  uns  et  ruina  les  autres. 

M.  de  Juvancourt,  fds  de  monsieur  le  marquis  de  Dintoville,  entre 
au  collège  de  Beauvais,  et  son  fils  de  Sylvarouvres  entra  au  collège  de 
Juillv  à  Paris*  . 


*  Voir  page  112,  tome  XV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 

i .  Deux  récits  de  cotte  entrée  ont  été  publiés  :  dans  Le  Messager  de  la 
Haute-Marne,  n-  dos  5,  8  et  15  juillet  IS,"),*)  ;  et  dans  Haute-Marne,  Revue 
champenoise,  page  2Gfi.  —  Claude  Boissolier  de  Courchamp,  conseiller  au 
présirlial,  fut  maire  de  Langres  de  1724  à  172f).  L'abbé  Henry  est  probable- 
ment Jean-Donis  Henry  qui  fut  dans  la  suite  secrétaire  de  l'évêché.  Quant 
à  messieurs  Parisot,  ce  sont  Jean-François,  époux  do  Claudotto  Mvon,  et 
.son  frère  Joseph,  ou  plutôt  le  (ils  de  celui-ci,  Claude,  allié  à  Marguerite 
Mutel. 

2.  L'un  d'eux  est  Alexandre,  cinquième  fils  de  Guillaume  Lebrun;  .ses 
quatre  aînés  moururent  av;int  172G.  Alexandre  fut.  prôlro;  licencié  ou  théo- 
logie de  la  Faculté  de  Paris,  maison  et  société  royale  de  Navarre;  nbbé 
commendalaire  do  l'abbaye  royale  de  Licrpics,  diocèse  de  Boulogne;  cha- 
noine et  archidiacre  de  Pilhiviors  en  l'église  cathédrale  Sainte-Croix  d'Or- 
léans ;  vicaire  général  d'Orléans  et  de  Meaux  ;  marquis  de  Dintevillo,  Syl- 
varouvres, Juvancourt,  Belan  et  autres  lieux;  seigneur  de  Bligny,  IJrville, 
Couvignon,  le  Val-Penlu,  etc.   Il   décéda  au   chûteau  ,de  Dinteville,  le  l" 


204  LES   EEGISTRES   DAPTISTAIRES 

M.  Renard  fut  nommé  à  la  cure  de  Sylvarouvres  cette  mosme  année  '. 

Les  moines  de  Saint-Geosmes,  proche  Langres,  sont  obligés  do 
sortir  de  l'abbaye  et  on  y  place  des  prostrés  séculiers  ■ . 

Le  12  de  juin  1725,  le  feu,  après  avoir  bruslé  le  prieuré  do  Saint- 
Martin  de  Langres,  gagna  le  clo;her  de  Saint-Martin  ;  il  y  a  deux 
cloches  bruslées  et  fondues,  la  tour  abysméo  ;  et  de  là,  le  feu  se  porta 
en  différents  quartiers  de  la  ville.  Ce  qui  causa  une  crainte  générale 
dans  la  ville  tant  par  la  crainte  de  l'accomplissement  d'une  prophétie 
qui  menace  la  ville  d'une  ruyne  totale  par  le  feu,  que  parce  que  cinq 
ou  six  ans  on  a  vu  des  villes  entiesres  détruites  par  le  feu  '' . 

En  mesme  tems,  les  eaux  débordèrent  si  fort  que  les  prairies  entiesres 


décembre  1782,  à  l'âge  de  69  ans  environ,  et  fut  inhumé  le  lendemain  en  la 
chapelle  seigneuriale  du  lieu. 

L'autre  est  Joseph  Le  Brun,  frère  puiné  du  précédent.  Joseph,  chevalier, 
marquis  de  Dinteville,  de  Sylvarouvres  et  de  Juvancourt,  baron  de  Blignj-, 
de  Couvignon,  etc.,  lieutenant  des  vaisseaux  du  roi,  mourut  à  Dinteville,  le 
3  janvier  1757,  âgé  de  'lO  ans.  Il  avait  épousé  en  1754,  Françoise  de  Roche- 
chouart,  née  le  15  octobre  1732,  fille  de  Louis-Victor,  baron  de  Roche- 
chouart,  seigneur  d'Escouart  et  d'autre  lieux,  chevalier  de  Saint-Louis, 
capitaine  de  haut  bord  des  vaisseaux  du  roi,  et  de  Marie-Françoise  du 
Motel  ;  (Françoise  se  remaria  à  Henri-François  do  la  Rochefoucauld,  com- 
mandeur de  Saint-Louis,  lieutenaul-général  des  armées  navales).  Joseph  Le 
Brun  n'eut  que  deux  enfants  :  1°  Louis-Victor-Casimir,  né  le  31  mars  1756, 
mort  à  Paris,  paroisse  Saint-Sulpice,  le  31  août  1766;  2"  Hélène-Julie,  née 
posthume  à  Dinteville,  le  20  juillet  1757,  baptisée  au  même  lieu,  le  17  août 
suivant;  elle  épousa  à  Dinteville,  le  14  septembre  1776,  François  de  Fer- 
rières,  marquis  de  Sauvebœuf,  capitaine  de  cavalerie  au  régiment  de  comte 
d'Artois.  C'est  par  suite  de  ce  mariage  qu'en  1789,  François  de  Ferrières- 
Sauvcbœuf  possédait  le  marquisat  de  Dinteville. 

1.  Claude  Renard  resta  curé  de  Sylvarouvres  jusqu'à  sa  mort  en  1738. 

2.  La  mense  du  prieur  commendataire  de  Saint-Geosmes  avait  été  réunie 
à  celle  de  l'abbesse  de  Notre-Dame-aux-Nonn.iinsde  Troyes,  en  vertu  d'une 
ordonnance  de  Louis  XIV  de  1704  et  d'une  bulle  confirmative  de  Clément  XI 
de  1705.  a  Quant  à  la  mense  conventuelle  elle  avait  été  conservée  aux  cha- 
noines pour  continuer  le  service  des  fondations...  Mais  la  séparation  des 
deux  menses  eut  une  influence  funeste  sur  l'esprit  des  chanoines  qui,  se 
croyant  exposés  à  être  incessamment  dépouillés  comme  leur  supérieur,  sol- 
licitèrent près  de  l'évêque  de  Langres  pour  qu'il  voulût  les  séculariser  avec 
pension.  Après  que  cette  demande  leur  lut  accordée,  on  essaya  d'abord  de 
transformer  la  maison  en  un  asile  pour  les  ])rêtres  âgés  et  infirmes  ;  puis 
enfin  elle  fut  érigée  en  un  petit  séminaire  par  une  ordonnance  de  l'évêque 
Gondrin  d'Antin  eu  172G.  {Annuaire  de  la  Jlaule-Marnc  pour  1852.)  » 

3.  «  Sur  les  cinq  heures  du  soir,  écrit  le  conseiller  langrois  Gousselin, 
.dans  les  Mémoires  manuscrits  duquel  se  trouve  la  relation  de  cet  incendie, 
le  vent  continuant  à  souffler  avec  violence,  la  flamme  du  clocher  se  commu- 
niqua à  la  rue  Saint-Amâtre  où  deux  maisons  furent  brûlées. . .  La  frayeur 
fut  si  grande  que  toute  celle  rue  jusqu'en  Champ-Beau  avait  totalement 
déménagé. . .  v 


LES    REGISTRES   BAPTISTAIRES  205 

furent  perdues  et  l'on  ne  retira  que  de  1res  ni.iuvais  luiii.  Je  ne  les 
avois  point  vues  si  hautes  depuis  IG  ans.  On  descendit  avec  toute  la 
solennité  possible  à  Paris  la  chasse  de  Sainte-Geneviève  à  la  fin  de  juin 
1725  pour  obtenir  du  Seigneur  la  cessation  des  pluyes  qui  durèrent 
trois  mois. 

Une  femme  fut  guérie  par  la  foy  en  Jésus-Christ,  le  jour  du  Saint- 
Sacrement  à  Paris.  Personne  n'en  doit  doubler.  Miracle  qui  a  opéré  et 
opérera  la  conversion  de  plusieurs  calvinistes  et  prolestans.  Ce  miracle 
est  avéré  après  plusieurs  procès-verbaux  dressés  par  le  Parlement  de 
Paris,  de  Mgr  de  Nouailles,  archevesque  de  Paris,  et  de  tout  le  peuple 
de  ladite  ville.  Heureux  ceux  qui  ont  de  la  foy  et  qui  agissent  chres- 
tiennement  en  conséquence  de  celle  vertu  si  nécessaire  à  tous  les 
hommes'  . 

Cette  année  a  esté  fort  froide  et  jiluvieuse;  on  se  chauffiiit  au  mois 
de  juillet  et  d'aoust  comme  au  mois  de  novembre.  Le  grain  fut  fort 
cher  pendant  deux  mois.  Le  20  aoust,  le  verjus  parut  aux  vignes  sans 
pouvoir  mûrir. 

La  pluye  continuelle  qui  commença  le  13  aoust  causa  une  perte 
horrible  aux  bleds  couppés  et  moissonnés,  et  dura  jusqu'au  6  sep- 
tembre. Il  y  eut  deux  débords  d'eaux  si  horribles  que  tous  les  habitans 
furent  obligés  de  sauver  tous  leurs  bestiaux.  On  fit  porter  les  moutons 
dans  les  chambres  hautes;  les  charrettes  furent  enlevées  le  long  du 
village,  des  pierres  fort  pesantes  entraînées  depuis  le  château  au  vil- 
lage. La  rivière  déborda  deux  fois-,  toutes  les  gerbes  ou  javelles  de  la 
vallée  furent  emmenées  ■. 

Le  15  aoust  1725,  le  duc  d'Orléans  espousa  au  nom  du  roy  Louis 
XV  à  Strasbourg,  le  jour  de  l'x\ssomption,  la  princesse  Marie-Sophie- 
Félicité,  fille  du  roy  de  Pologne,  Stanislas,  qui  fut  détrùné  par  le  duc 
de  Saxe;  laquelle  reine  fut  amenée  à  Fontainebleau,  ayant  passé  par 
Savernc,  Metz,  Verdun,  Chaulons,  Provins,  et  de  là  à  Fontainebleau, 


1 .  Voir  pour  les  détails  de  cette  affaire  :  «  Relation  du  miracle  arrivé  le  31 
may  172!j,  jour  de  la  fête  du  Sacremcut  à  la  procession  de  la  parois.se  de  Saiute- 
Margnerile,  au  faubourg  de  Suint-Autoiac,  à  Paris,  en  la  personne  d'Anne 
Cliarlier,  femme  de  François  de  la  Fosse,  maître  ébéniste,  dressée  sur  les 
procè.s-verbaux  de  la  municipalité  de  Paris,  et  contenant  toutes  les  circons- 
tances intéressantes  de  ce  grand  événement  (Paris,  1726,  in--4").  »  Ainsi 
que:  c  Mandement  de  Mgr  le  cardinal  de  Nouilles,  archevesque  de  Paris, 
à  l'occasion  du  miracle  opéré  dans  la  paroisse  de  Sainle-Margucrilc,  le  31 
may,  jour  du  Saint-Sacrement  (Paris,  1725,  in-4").  » 

2.  Voir  dans  les  Mémoires  du  marriuis  d'Argcnson  ce  qu'il  a[)pelle  avec 
raison  «  l'horreur  des  calamités  que  l'on  souH'rit  en  France  lorsque  la  reine 
Marie  Leczinska  y  arriva.  »  Bien  que  les  pluies  fines  et  continues  aient 
commencé  avec  le  mois  d'avril  et  n'aient  cessé  qu'en  octobre,  le  volume  cfeau 
tombée  pendant  cette  année  ne  fut  cependant  que  de  17  à  18  pouces;  de  1750 
à  1757  la  quantité,  année  commune,  s'élovu  à  20  pouces. 


20G  LES   REGISTRES    BAPTISTAIRES 

OÙ  la  cérémonie   des   nopces   fut  accomplie  au  mois  do  septembre 
suivant. 

Lo  5  septembre  le  roy  espousa  et  consomma  le  mariage  avec  la 
princesse  Stanislas  à  Fontainebleau.  Pendant  ces  beaux  jours  du 
mariage  du  roy,  on  exigea  du  peuple  la  cinquantième  partie  de  tous 
ses  biens;  ce  qui  mit  les  peuples  en  désespoir' . 

La  misère  a  esté  extresme  à  Paris,  le  pain  y  a  valu  longtems  huit 
sols  la  livre,  elle  n'a  pas  esté  moindre  en  cette  province* . 

La  récolte  des  vins  fut  très  modique  cette  année  ;  je  ne  recueillis  de 
dixraes  que  cinq  niuids  exlraordinairement  verds,  à  n'en  pouvoir 
boire. 

Le  nommé  Cournot  et  sa  femme  et  leurs  valets  furent  assassinés  et 
égorgés  sur  la  fin  de  novembre  par  quatre  assassins  à  BlessouviUe  où 
ils  demeuroient  et  tenoient  le  cabaret 

L'orme  scitué  sur  la  place  de  justice,  proche  le  grand  four,  l'un  des 
arbres  les  plus  beaux  et  les  plus  aagés  de  nos  forests,  fut  renversé  par 
un  coup  de  vent,  le  20  décembre  1725. 

Les  Turcs  eslans  appelés  au  secours  du  roy  de  Perse  qu'un  rebelle 
vouloit  dclrosnor,  fircnt^des  irruptions  si  considérables  au  milieu  de  la 
Perse  qu'ils  avancèrent  jusqu'à  Tauris,  une  des  principales  et  plus 
grandes  villes  de  ce  royaume  ;  le  siège  formé,  la  garnison  en  sort  sur 
les  Turcs  qui  les  repoussent,  entrent  dans  la  ville  pesle-mesle  et  tous 
indifféremment  s'égorgent,  de  sorte  qu'il  y  eut  220,000  hommes  de 
tués  tant  dans  la  ville  qu'à  la  campagne.  On  n'a  jamais  vu  un  tel 
massacre  ni  combat,  car  le  sang  ruisselait  par  toutes  les  rues  de 
Tauris.  Les  Turcs  en  firent  une  réjouissance  publicque  à  Constanti- 
nople  en  1725  que  ce  massaci'e  arriva  au  mois  d'aoust. 

Inondation  presque  universelle  au  mois  de  décembre  qui  causa  des 
désastres  es])Ouvantables. 

Au  mois  de  janvier  172G,  il  y  eut  une  gelée  horrible  et  le  dégel 
succédant  causa  plus  de  trois  millions  de  pertes  sur  la  rivière  de  Seine 
à  Paris  pour  les  bateaux  chargés  qui  furent  rompus  et  emmenés  par 
les  glaçons;  plusieurs  moulins  furent  aussi  entraisnés.  La  misère  est 
affreuse  à  Paris,  le  piui  brun  vaut  six  sols  la  livre. 


1 .  Le  lit  de  Justice  poui  rcurogistremeut  de  rimpCt  du  cinquantième  sur 
tous  les  biens  du  royaume  pendant  douze  ans  se  tint  le  8  juin.  Cet  impôt 
impopulaire  et  vexaloirc  fui  supprimé  par  Fleury,  le  7  juillet  1727. 

2.  La  misère  occasionna  une  émeute  à  Paris,  le  14  juillet;  des  désordres 
eurent  aussi  lieu  à  Gaen,  à  Rennes  et  à  Rouen,  Toulefois,  «  la  cherté  des 
vivres  ne  lut  pas  de  longue  durée,  dit  Duclos;  la  récolte  se  ht  et  fui  même 
abondante  ;  et  le  graiu,  trop  nourri  deau  u  elant  pa.g  de  garde,  les  blés  tom- 
bèrent bieulGl  au  plus  bas  prix,  » 


LES    REGISTRES    BAPTISTAIRES  "207 

Le  papo  Benoist  XIII  n'admet  point  la  pension  sur  les  bénéfices'  . 

Janvier  et  febvrier  172G  virent  la  ditniiuition  des  espèces  ce  qui 
ruina  le  commerce  et  les  particuliers. 

Plusieurs  vaisseaux  Qrent  naufrage  l'an  dernier. 

Le  clocher  de  Gray,  en  Comté,  et  celui  des  Cordcliers  de  Bar-sur- 
Auljje  furent  renversés  et  tranjiortés  d'un  coup  de  vent,  le  10  décembre 
1725,  au  grand  estonnement  de  tout  le  peuple.  Sans  vous  parler  de 
mille  autres  pertes  approchantes  arrivées  le  môme  jour. 

Depuis  douze  ans  que  la  paix  règne  en  France  et  que  le  peuple 
devroit  en  gouster  les  douceurs,  il  n'a  jamais  esté  si  malheureux.  Les 
siècles  les  plus  reculés  n'ont  jamais  vu  une  plus  grande  cruauté  exer- 
cée sur  les  peuples  ny  ne  peuvent  en  voir  de  plus  terribles  causées 
par  la  tyrannie  des  régents  et  ministres  du  France  sous  le  règne  de 
Louis  XV. 

Pour  exiger  uniquement  le  cinquaniicsme  de  tous  les  biens  sur  tous 
les  français,  on  ordonne  une  milice  de  soixante  mille  hommes  en  temps 
de  paix.  On  exempte  de  la  milice  ceux  qui  feront  percevoir  le  cinquan- 
tiesmes;  ce  qui  ruine  un  chacun"". 

Un  ordonne  la  réparation  des  chemins  publics  faite  par  les  paysans  ; 
ce  qui  accable  et  les  fait  abandonner  la  culture  des  terres. 

Madame  de  Bligny  fait  profession  de  chanoinesse  à  Montigny-les- 
Nonnes,  en  Comté,  le  dimanche  de  la  Sexagésime  1726^ . 

L'argent  devient  si  rare  que  la  misère  augmente  partout.  Les  vignes 
donnent  très  peu  de  fruits.  Seicheresse  estonnante. 

La  justice  divine  éclate  sur  Mgr  le  duc,  premier  minislrc,  et  sur 
tous  les  Paris  fermiers  généraux  et  leurs  adhérents.  Le  roy  Louis  XV 
le  fait  exiler  et  toute  sa  famille,  mais  trop  lard  et  après  avoir  ruiné  le 
royaume  * . 


1 .  Il  y  avait  deux  sortes  de  pensions  sur  les  bénéQces  :  les  convenliou- 
nelles  ou  avec  causes,  les  non  couvenlionnellcs  ou  san.s  causes.  Les  pre- 
mières étaient  admises  par  les  jurisconsultes  ecclésia.stiqaes  dans  trois  eus  : 
1"  pro  bono  pacis  ,  lors  d'une  compétition  :  2"  ne  niniium  palialur  resignans 
dispendium,  lors  d'une  permutation  ;  Ti"  proptcr  expressam  inlentioncm  rcsi(j- 
nanlis,  lors  d'une  résigualiou.  Ce  dernier  cas  fut  réglé  par  les  édits  de  Juin- 
juillet  K)71  et  du  9  décembre  1673.  Les  pcn.sions  non  convcaliouuelles 
étaient  accordées  à  des  personnes  qui  n'avaient  point  possédé  les  bénéfices 
et  qui  n'y  avaient  aucun  autre  droit  que  le  bon  plaisir  du  patron,  telles  celles 
que  le  roi  accordait  fréquemment  sur  les  bénéfices  consislorioux  et  outres 
inférieurs.  Esl-co  à  ces  dernières,  qui  généralement  ne  couraient  qu'après 
avoir  été  admises  à  Uome  (arrêt  du  conseil  du  17  juillet  16711),  que  fuit  allu- 
sion le  curé  Pari  sol? 

i.  «  La  levée  des  milices,  écrit  un  auteur  du  temps,  dépeuplait  la  cam- 
pagne des  sujets  Ir»  jdus  nécessaires.  J'ai  vu,  dans  mou  enfance^  ces  recrucH 
forcées,  conduites  à  la  chaîne  comme  des  malfaiteurs.  » 

3.  Voir  ci-dessus  page  IIC  note  1. 

4.  Le  minislèie  du  duc  do  Bourbon  (ul  renversé  le  11  juin  1726  :  on  e.xila 


208  LES     REGISTRES    BA.PTISTAIRES 

M.  de  lîeaugccourt,  de  condition,  est  bruslô  vif  à  la  Gresve  pour 
sodomie. 

Le  19  octobre  1726,  il  parut  un  phénomène  environ  les  sept  heures 
et  demie  du  soir,  sur  notre  horizon,  tenant  un  jjeu  du  couchant,  mais 
beaucoup  jilus  du  septentrion  -,  il  fut  si  cspouvantable  que  la  nature 
prit  le  dessus  sur  la  raison  et  ([ue  tous  les  hommes  qui  en  furent 
témoins  en  furent  extraordinaireuient  surjiris.  Il  parut  à  nos  yeux  un 
feu  éclatant  dans  l'air,  dont  la  lumière  éclairoit  comme  des  flambeaux 
tant  les  maisons  que  les  églises  et  les  endroits  les  plus  obscurs  qui  lui 
estoient  opposés.  Il  s'éleva  comme  des  lumières  en  l'air  et  l'on  auroi* 
pu  lire  à  la  lueur  de  cette  lumière  si  effrayante;  un  chacun  en  fut 
frappé;  tous  croyoient  que  les  villes  et  les  villages  voisins  estoient  en 
feu,  mcsme  les  (urests.  Il  n'y  eut  ])ersonne  qui  ne  tremblât  à  un  tel 
aspect.  Tous  couroient  à  nos  temples  sacrés  pour  implorer  la  protection 
du  Seigneur;  les  cloches  sonnoient  partout.  En  un  mot,  personne  ne 
se  souvient  avoir  veu  pareils  feux  dans  l'air.  Ce  feu  ne  dura  guère, 
mais  la  lumière  qui  venoit  du  costé  du  septentrion  esclaira  comme  à 
midy  toute  cette  province  du  costé  opposé.  Plust  au  Seigneur  qu'il 
n'arrive  rien  de  sinistre  et  de  fascheux  sur  le  royaume.  Je  soussigné, 
témoin  oculaire  de  ce  triste  et  fascheux  phénomène  qui  arriva  ce  19 
octobre  1726,  à  sept  heures  du  soir  et  qui  commença  à  paraîstre  sur 
le  canton  de  la  ferme  des  Essarts. 

La  misère  règne  plus  que  jamais  par  la  rareté  de  l'argent  en  1726. 

On  apprend  qu'il  y  a  une  tresve  entre  les  princes  chrestiens  pour 
sept  ans. 

Il  y  a  des  assassins  extraordinaires  dans  cette  contrée  ou  aux  envi- 
rons. 

Le  30  juin  1727,  une  fille  de  Sylvarouvres  communia  à  la  messe  de 
l'enterrement  de  sa  mère  et  se  maria  le  lendemain,  le  tout  pour  éviter 
une  curatelle  et  inventaire.  C'est  ce  que  peu  de  personnes  ont  vu 
arriver' . 

La  reine  de  France  espouse  de  Louis  XV  accoucha  pour  la  première 
fois  au  mois  d'aoust  1727  de  deux  princesses  *  . 

le  duc  à  Chantilly,  et  la  marquise  de  Prie,  son  inspiratrice  et  sa  maîtresse, 
à  Courbépinc,  cq  Norniamlie.  Par  «  tous  les  Paris,  fermiers  généraux  »,  le 
curé  Parisot  désigne  les  quatre  frères  Paris  dont  le  plus  célèbre,  Paris-Du- 
vcrney,  qui  était  le  confident  du  duc  et  surtout  l'ami  de  la  marquise,  fut  jeté 
à  la  Bastille. 

1.  Le  registre  de  Sylvarouvres  pour  Tannée  1727  porte:  au  30  juin,  le 
décès  de  Marguerite  Darc,  âgée  d'environ  cinquante  ans;  et,  au  l»"' juillet,  le 
mariage  d'Etienne  Febvre,  recleur  d'école  à  VeuxauUe,  avec  Marguerite 
Brulon,  fille  de  feu  Brulon  et  de  feue  Marguerite  Darc. 

2.  Le  14  août  naquirent  :  1"  Louisc-Elisàbeth,  mariée  le  26  mars  1739  à 


LES    REGISTRES    BAPÏISTAIRES  209 

Mg;!'  It)  duc  Dantin  vint  passer  six  semaines  au  château  de  Chàteau- 
villaia  pendant  les  vendanges  de  1727-,  elles  furent  abondantes  celte 
année. 

Le  5  de  mai  1728,  veille  de  l'Ascension,  la  gelée  perdit  toute  la  cote 
des  vignes  qui  regarde  le  village  de  Dinteville. 

Le  jour  de  Saint  Pierre,  le  tonnerre  tomba  sur  la  chapelle  du  châ- 
teau de  Dinteville,  quelques  minutes  après  que  le  seigneur  et  les 
dames  avec  le  reste  du  peuple  en  furent  sortis.  Preuve  indubitable  de 
la  bonté  do  Dieu  sur  la  lamille  de  M.  le  marquis  de  Dinteville  dont  la 
charité  immense  envers  les  pauvres  et  le  bon  ordre  dans  sa  maison 
lui  procura  le  bonheur  de  n'estre  pas  escrasé  ou  du  moins  fort  endom- 
magé par  les  cflets  surprenants  du  tonnerre  qui  endommagea  une 
bonne  partie  du  plâtre  et  des  peintures  dans  toutes  les  fasces  de  ladite 
chapelle  dont  j'ai  esté  témoin. 

t736 

Nos  vignes  surtout  celles  de  la  coste  furent  gelées  le  13  et  le  1 G  de 
mai  173G. 

L'an  35  et  l'an  30,  on  ne  recueillit  pas  de  vin,  ce  qui  causa  une 
cherté  de  vin  extraordinaire. 

Les  milices  entrent  en  congé  au  mois  d'avril,  et  on  réforma  quinze 
commis  par  compagnie  dans  les  vieux  corps  '  . 

La  pai-v.  faite  et  non  publiée,  on  ne  laissa  pas  que  de  faire  payer  le 
dixiosme  de  tous  les  biens  ;  ce  qui  accabla  enliesrement  le  pauvre 
pcuide  * . 

M.  de  Dinteville,  le  lils,  s'embarqua  à  Hochefort  pour  servir  sur  mer 
au  mois  de  mars  173G. 

Un  coupa  les  Ijois  de  M.  le  marquis  de  iJintcville  qui  sont  attenans 
de  la  route,  et  ceux  du  Val-Dinvaux. 

Le  roy  donna  cette  année  le  gouvernement  de  Meudon,  maison 
royale,  à  M.  de  Champcenet,  frère  de  madame  la  marquise  de  Din- 
teville', 

M.  Richard,  prestre  de  l'Oratoire  et  curé  de  Saint-Amàtrc  de  Lan- 
gres,  par  une  lettre  de  cachet  de  la  Cour,  fut  obligé  de  quitter  sa  cure 

1  iiiCant  don  l'hilippo,  morte  à  Versailles   le  ('>  décembre  17o'J  ;  2"  Aime-IIcu- 
rielle,  morte  à  Versailles,  le  10  février  I7ti'2. 

1.  Les  convculions  fureul  si{,'iiées  à   Viouiie,  le  11   avril  1730. 

2.  C'est  (lu  17  novembre  1733  que  date  la  déclaration  pour  la  levée  de 
1  impôt  du  <lixièmc  sur  tous  le.s  biens  du  royaume. 

3.  Louis  Quentin  de  Uiclicbourg,  marquis  de  CLampcenetz,  premier  valet 
de  chambre  du  roi,  fut  elleclivement  nommé  gouverneur  des  bourgs  et  châ- 
teaux   de  Meudon,  Bellevue  et  Chaville.  li 


210  LES   REGISTRES   BàPTISTAIRES 

et  d'eslre  exilé  à  l'aage  do  soixanle-trois  ans.  M.  Rigolot,  clianoine 
de  Langros,  subit  le  mosme  sort  au  sujet  de  la  Constitution  ' . 

Ayant  perçu  et  levé  la  dixme  sur  les  héritages  scitués  au  delà  du 
Val-Réal  comme  dépondant  du  finage  de  Dinteville,  et  ce  pendant  l'es- 
pace de  vingt-sept  ans  sans  interruption,  ny  trouble,  le  sieur  Renard, 
curé  de  Sylvarouvres,  s'avisa  d'y  envoyer  les  démons  de  Sylvarouvres 
qui  firent  violence  pour  enlever  de  nouveau  la  dixme  que  moi,  curé, 
venois  de  lever  en  leur  présence  le  29  juillet  173G.  La  suite  fera  con- 
naître l'événement.  Ils  allégueront  [pour  raison  des  bornes  de  llnage 
qu'il  sera  à  propos  de  faire  lever  à  leurs  dépends,  s'ils  continuent  de 
nous  troubler. 

Le  3  de  septembre,  il  tomba  une  gresle  effroyable  suivie  d'une  inon- 
dalion  qui  eilVaya  avec  raison  tous  les  habitants  et  qui  emmena  toutes 
les  terres  des  vignes  et  des  champs  en  coteaux. 

Il  n'y  a  point  eu  de  séminaire  l'an  3(J  et  l'an  37;  ce  qui  desrangea 
fort  les  paroisses  ■ . 

Au  commencement  de  l'année  1737,  le  dixiesme  fut  aboli''. 

J'atteste  que  l'année  1709  n'a  pas  esté  si  cruelle  dans  ces  cantons 
que  l'an  1740.  La  gresle  réitérée  par  quatre  fois  au  mois  de  juillet  1740 
abysma  entiesrement  les  linages  de  Dinteville,  Sylvarouvres,  Pont-la- 
Ville,  Cirfontaines;  les  autres  villages  circonvoisins  furent  greslés  en 
partie.  Ensuite  survint  un  hiver  affreux  qui  commença  en  janvier  et 
so  lit  sentir  jusqu'au  15  mai;  pendant  les  huit  premiers  jours  de  ce 
mois  de  mai,  on  ne  vit  que  neige  et  greslon  avec  un  froid  estonnant. 
La  disette  de  paille  et  de  foin  fut  extraordinaire,  attendu  que  les  prai- 
ries ne  jetoient  point  encore  d'herbes  de  pré,-  les  bestiaux  esloient 

1 .  L'évêque  de  Langres,  Montmoriu,  «  sévit  contre  les  Jansénistes,  dit 
l'abbé  Mathieu,  et  obtint  du  cardinal  de  Fleury  des  lettres  de  cachet  contre 
les  ecclésiastiques  les  plus  entêtés  de  sou  diocèse,  entre  autres  contre  quatre 
curés,  qu'on  appelait  les  quatre  éoawjélislcs.  »  Nicolas  Richard  était  né  à 
Langres  en  1673  et  Antoine  Rigollot  à  Ligncrolles  eu  1688;  ils  moururent 
celui-ci  en  1769  et  celui-là  en  17ji9. 

2.  Celte  vacance  du  Séminaire  fut  causée  par  le  retrait  qu'on  fit  de  cet 
établissement  aux  Oratoriens;  voici  comment  celte  affaire  se  passa,  d'après 
l'abbé  Mathieu  :  c(  Les  Oratoriens  qui  avaient  repris  en  1567  la  direction 
du  Séminaire  de  Langres,  étaient  imbus  des  principes  deJansénius  :  dès  le 
commencement  de  son  épiscopal,  Montmoriu  avait  cherché  les  moyens  d'ar- 
rêter la  secte.  Ne  pouvant  les  attaquer  par  le  droit,  parce  qu'Us  étaient  piùs- 
samment  .soutenus  ;  de  l'avis  des  jurisconsultes,  il  s'empare  de  la  maison  du 
séminaire  par  le  fait  et  en  détail  :  lorsque  l'un  des  Pères  sortait  de  sa 
chambre,  on  s'y  installait  aussitôt.  Le  funil  de  l'affaire  n'a  jamais  été  jugé... 
Le  prélat  remplace  les  Oratoriens  par  des'prêtres  séculiers  qui  étaient  à  sou 
choix  et  SQus  sa  dépcudanco.  » 

3.  La  suppression  de  l'impôt  du  dixiesme  eut  lieu  lo  !•'  Janvier  1737. 


LES   REGISTRES   BAPTISTAIBES  211 

affamés.  Les  vignes  furent  uno  ijrande  partie  gelées  et  la  plus{)art 
couppées  et  arrachées. 

En  vérité  le  sort  des  habitans  de  la  campagne  est  fort  à  plaindre, 
car  ils  n'ont  presque  aucun  repos  par  la  crainte  continuelle  qu'ils  ont 
pendant  que  le  vent  de  galerne  est  sur  pied.  La  pauvreté  que  la  gresle 
avoit  causée  produisit  une  misère  estonnante  et  on  ne  pouvait  suffire 
à  la  quantité  des  pauvres  des  paroisses  de  Sylvarouvres  et  de  Lanty. 
Que  le  Seigneur  daigne  nous  préserver  dans  la  suite  de  pareils 
malheurs! 

La  pinte  d'huyie  se  vendoit  trente  sols. 

Au  12  de  mai,  ou  ne  voyoit  aucun  bled  levé  depuis  les  vignes  et 
au-dessus  ;  et  les  bourgeons,  le  peu  qui  restoit  sur  le  bois  n'estoit  pas 
encore  ouvert.  En  un  mot,  on  n'a  rien  vu  de  si  triste  depuis  plus  de 
deux  siècles.  La  gelée  d'hyver  avoit  gagné  la  terre  de  deux  pieds  et 
demy  de  profondeur. 

La  pluspart  des  habitans  de  ce  lieu  furent  obligés  de  vendre  leurs 
chevaux  pour  subsister,  les  autres  leurs  héritages  pour  avoir  du  grain. 

Cette  année  a  esté  semblable  à  1709,  la  durée  de  la  gelée  perdit 
entiesreraent  les  grains,  vignes,  vergers  et  jardins  dans  ces  cantons; 
ce  qui  causa  une  disette  cspouvantable.  La  gresle  avoit  précédé  et 
abysmé  le  7  de  juillet  1740  tout  ce  qui  paraissoit  sur  la  terre,  dont  je 
souffris  la  perte  entiesre  du  revenu  de  ma  pauvre  cure. 

Il  y  eut  des  ordonnances  pour  que  chaque  paroisse  nourrit  ses 
pauvres,  mesme  des  menaces  d'emprisonnement  pour  les  estrangers; 
le  tout  fut  très  mal  exécuté. 

On  n'a  jamais  vu  les  rivières  si  grosses  ny  qui  aycnt  causé  tant  de 
désordres  et  de  ruines  qu'à  Noël  1740. 

La  pauvreté  a  esté  extresme  l'an  1741  tant  dans  ma  paroisse 
qu'ailleurs,  gansée  par  la  disette  et  la  cherté  des  grains.  On  ne  peut 
s'imaginer  la  peine  où  l'on  est  pour  ensemencer  les  terres  en  partie 
seulement. 

Si  l'on  connaissoit  les  cruels  chagrins  que  les  pasteurs  ont  à  essuyer 
tant  de  la  part  des  passions  que  dos  paroissiens,  des  parents  et 
mesme  des  domestiques,  on  auroit  beaucoup  moins  d'empressement  à 
emiirasser  l'état  ecclésiastique.  Mon  divin  Sauveur,  daignez  leur 
accorder  une  sainte  patience,  l'amour  de  la  retraite,  la  fuite  des 
assemblées,  si  ce  n'est  pas  une  nécessité  d'y  paraître!  Seigneur! 
accordez  aux  jmuvres  curés  des  campagnes  pour  supporter  le  poids  du 
redoutable  ministère  et  les  cruels  chagrins  qu'ils  ont  ;ï  essuyer  de  la 
part  des  mauvaises  langues  et  des  ingrats  ! 

Si  les  années  do  1701J  et  1710  ont  esté  rcmarquabli'S  par  la  disette 
générale  des  grains  et  des  vins,  on  peut  dire  avec  justice  que  173!)  et 
1740  nous  ont  fourni  un  parallèle  encore  plus  cruoi.  Nous  voyons  ces 


212  LES   REGISTRES   BAPTISTAIRES 

doux  années  dcrniesrcs  une  affreuse  misère  surtout  en  ces  (juurtiers. 
La  grcsle  nous  causa  une  perle  irréj)arable.  La  cherté  des  semences 
ne  permit  pas  de  jiouvoir  ensemencer  toutes  les  terres.  La  récolte  sui- 
vante ne  rap])orta  jias  le  tiers;  il  ialloit  vivie,  on  estoit  espuisé;  la 
mesure  de  Laferté  pour  le  bled  se  vendoit  un  escu,  la  mesure  d'orge 
trente  sols.  On  estoit  dépourvu  de  toutes  choses;  point  d'argent,  peu 
de  crédit  ;  réduit  la  pluspart  à  vendre  leurs  chevaux  de  charrue  pour 
subsister  et  n'ayant  pas  de  quoi  les  nourrir.  J'adjoute  encore  que  les 
jardins  furent  gelés  et  que  les  graines  et  oignons  se  vendoient  jusqu'à 
sept  livres  la  pinte.  Ensuite  de  tous  ces  malheurs  survint  une  si 
grande  abondance  d'eau  au  mois  de  décembre  1740  que  l'on  eut  tout 
lieu  de  craindre  un  renversement  des  maisons  et  on  fut  dans  l'obUga- 
tion  de  déloger. 

Que  le  Seigneur  délivre  sou  fieuple  de  semblables  fléaux  dont  je  suis 
témoin. 

L"an  41  fui  plus  cruel  encore  :  la  mesure  de  bled,  mesure  de  Laferté, 
scst  vendue  jusqu'à  cinq  livres  dix  sols.  Ou  ne  le  distribuoit  dans  les  villes 
que  par  mesure  aux  gens  de  la  campagne  qui  mouroicnt  de  faim,  encore 
avoit-on  besoing  d'un  cerlifficat  des  curés  et  permisssiou  de  la  police  d'eu 
faire  sortir  de  la  place  de  Laugres.  Les  boulaugers  ne  vouloient  pas  cuire. 

M.  i'évesque  de  Laugres,  Moumoiin,  fit  de  grandes  charités  par  tout  le 
diocèse  ou  la  disette  réguoit;  il  envoya  beaucoup  de  riz  et  de  l'argent  dans 
toutes  les  paroisses,  on  u'y  connaissoit  plus  le  vin.  Le  nombre  des  pauvres 
estoit  trop  nombreux  pour  pouvoir  les  soulager  tous.  On  ne  vit  pourtant 
point  de  voleurs  attroupés  en  ce  pays.  Les  seigneurs  de  paroisse  se  signa- 
lèrent par  leurs  charités. 

Grandes  dispositions  à  la  guerre  au  sujet  de  la  nomination  de  l'empereur 
après  la  mort  de  Charles  VI  qui  mourut  sans  héritiers  masles.  La  Pologne 
craint  avec  raisou  la  succession  héréditaire  dans  la  maison  de  Saxe  '  . 

En  1709,  la  viande  ne  valoitque  deux  sols  la  livre,  et  cette  année  1741,  elle 
se  vend  quatre  sols  ;  toutes  les  marchandises  à  proportion.  Le  tabac  qui  ne 
se  vendoit  que  quatre  sols  la  livre  se  vendit  alors  (|uarante-ciuq  sols,  prix 
qui  continua. 

M.  Laurent  Le  Brun,  appelé  M.  de  Bligny,  fils  de  M.  le  marquis  de  Diu- 
Icville,  mourut  à  Brest,  port  de  mer,  au  mois  de  juillet;  il  esloit  alleint  do 
la  petite  vérole  et  aagé  de  vingt  ans. 

Quelques  mois  après  avoir  écrit  ces  dernières  lignes ,  le  curé 
Parisot  devenait  aveugle;  il  n'en  resta  pas  moins  à  la  tète  de 
sa  paroisse  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  le  iJ  février  1755.  Il  eut 
pour  succe?scur  Nicolas  Friclot  qui,  en  1702,  fut  remplacé  par 
Nicolas  Empereur.  Celui-ci  a  consigné  dans  les  registres  le  ren- 
dement des  dîmes  de  Dinteville,  le  prix  des  denrées  et  de  la 


1.  Charles  VI  mourut  le  20  octobre  1740;  sa  fille,  Marie-Thérèse  lui  suc- 
céda, comme  ou  sait. 


LES   REGISTRES  BAPTISTAIRES  213 

main-d'œuvre  à  diverses  époques.  Ces  derniers  renseignements 
sont  précieux  pour  l'historien;  ce  sont  de  simples  chiffres,  il 
est  vrai,  mais  ces  chiffres  en  disent  plus  long  sur  la  situation 
économique  du  temps  et  sont  bien  autrement  précis  que  les 
plus  volumineux  discours.  C'est  ce  qu'a  parfaitement  compris 
un  de  nos  historiographes  locaux,  M.  G.-E.  Pissot  :  il  a  ter- 
miné son  excellente  Notice  historique  sur  Douîevant-le-C hâ- 
teau\  par  un  tableau  donnant,  d'après  des  inventaires  notariés, 
les  Prix  de  certains  objets  à  Doulevant  et  dans  les  environs 
pendant  le  17'"*^  et  IS"""  siècles.  A  ces  documents  d'autant  plus 
précieux  que  ce  sont  les  seuls,  à  notre  connaissance,  qui  aient 
été  publiés  sur  l'histoire  économique  du  département  de  la 
Haute-Marne,  nous  ajouterons  ceux  que  nous  fournissent  les 
notes  du  curé  Empereur  sur  les  années  176îi  et  1771,  années 
que  nous  choisissons  de  préférence  aux  autres  parce  que  le 
tableau  de  M.  Pissot  est  peu  complet  pour  la  première  et  passe 
sous  silence  la  seconde  qui  fut  cependant  une  année  climaté- 
rique  remarquable.  Nous  clorons  par  là  notre  travail,  persuadé 
que  ces  renseignements  en  doublent  l'intérêt. 

En  176fî  :  la  mesure  de  blé,  qui  en  1763  se  vendait  de  20  à 
28  sols,  vaut  2  livres  2  sols.  L'orge,  de  14  sols  en  1763,  s'est 
élevé  à  16  sols  ;  l'avoine,  de  9  sols,  à  13  sols  ;  le  tonneau  de  vin, 
de  1 1  livres  5  sols,  à  20  livres  ;  la  poupée  de  chanvre  d'une  livre, 
de  8  sols,  à  9  sols  ;  le  chenevis,  de  une  livre  10  sols,  à  2  livres. 
La  corde  de  bois  de  moule  vaut  14  livres;  celle  de  charbon- 
nette,  10  sols;  la  banne  de  charbon,  12  livres.  La  livre  de 
viande  coûte  4  sols  0  deniers;  la  livre  de  tabac,  3  livres  2  sols  ; 
le  minot  de  sel,  54  livres.  Quant  aux  salaires,  on  paye  :  pour 
une  journée  de  charrue,  une  livre  10  sols;  pour  la  façon  d'une 
vigne.  2  livres  1 0  sols  par  jour  ;  pour  faucher  un  journal  d'a- 
voine, 12  sols;  pour  moissonner  un  journal  de  blé,  sans 
nourrir,  2  livres  ;  pour  débiter  une  corde  bois,  quel  qu'en  soit 
le  genre,  4  sols  0  deniers.  Un  manœuvre  demande  10  sols  par 
jour;  une  femme,  couturière,  lavandière,  clc,  4  sols.  Enfin, 
en  170ij,  la  paroisse  de  Dinlevillc  paya  en  taille,  capilation  et 
dixième,  la  somme  de  1107  livres. 

En  1771,  des  pluies  continuelles  et  le  défaut  de  chaleur 
empêchèrent  les  semailles  d(!  réussir;  les  récoltes  furent  pres- 
que nulles  :  les  grains  atteignirent  des  prix  excessifs  ;  le  vin  fut 


1.  Wassy,  typographie  de  J.  Gnillemin,   \87i.   In-8  de  102  paf,"^s  avec 
lilh.  et  planche. 


214  LES  REGISTRES  BAPTISTAIRES 

très  mauvais  et  en  petite  quantité.  Aux  mois  de  juin  et  de  juillet 
il  y  eut  une  véritable  famine.  Aussi  voil-on  la  mesure  de  blé 
se  vendre  jusqu'à  4  livres  10  sols  sur  le  marché  de  Bar-sur- 
Aube;  les  prix  des  autres  denrées  sont  à  proportion.  La  livre 
de  viande  se  paye  5  sols  ;  la  livre  de  morue,  9  sols;  le  hareng, 
4  liards;  la  livre  de  beurre,  12  sols  ;  celle  de  sucre,  22  sols;  le 
tabac,  la  livre  rappée,  4  livres;  la  chandelle,  14  sols;  la  bou- 
teille de  vinaigre,  1 5  sols;  la  livre  de  laine,  25  sols  ;  la  corde  de 
bois  de  moule  sur  place,  14  livres.  Quant  aux  salaires,  ils  sont, 
à  quelques  sols  près,  les  mêmes  que  précédemment. 

Arthur  Daguin. 


FAITS  ET  ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

SIRVENUS  A  TROYES  ET  AlX  ENVIRONS  AVANT  1790 


(  Etat   des   Récoltes,   Prix    dos    Denrées    et   Etat  sanitaire  ) 


1474.  —  A  cause  des  grandes  eaux  qui  lombèreiU  à  Troyes 
et  aux  environs  depuis  le  commencement  du  mois  de  juin 
jusqu'à  la  troisième  semaine  de  juillet  et  qui  inondèrent  les 
prés  en  gâtant  toutes  les  récoltes  pendant  ce  temps-là,  on  fil 
à  Troyes,  le  dimanche  8  juillet,  une  procession  générale  pour 
demander  à  Dieu  du  beau  lemps,  et  ou  y  porta  les  quatre 
corps  saints;  savoir  :  un  de  chacune  dos  quatre  églises  de  St- 
Pierre,  St-Loup,  St-Etienno  et  St-Urbain,  avec  les  reliques 
des  autres  églises  et  le  gros  luminaire.  L'évoque  Louis  Ra- 
guier  accorda  quarante  jours  d'indulgence  à  tous  ceux  et  celles 
qui  se  confesseraient   et  communieraient  à  cette  intention. 

Malheureusement  toutes  les  récoltes  furent  gâtées. 

1475.  — Au  mois  d'avril,  le  setier  de  froment  de  dîmes  a  été 
estimé  à  Troyes  3 G  sols  2  deniers. 

1476.  —  Au  mois  de  janvier,  le  setier  de  froment  de  dîmes 
est  évalué  à  40  sols,  celui  de  seigle  à  IG  gros  et  celui  d'avoine 
à  1 0  gros.  —  Cette  même  année  la  récolte  des  céréales  fut  mé- 
diocre dans  les  environs  d'Arcis. 

1477.  —  La  grande  sécheresse  fut  cause  qu'on  recueillit  en- 
core fort  peu  de  blé  dans  plusieurs  lieux  du  diocèse  de  Troyes. 
—  Au  mois  de  novembre,  le  setier  de  froment  de  moisson  se 
vendait  à  Troyes  20  gros,  et  le  setier  d'avoine  10  gros. 

1478. — Grande  chaleur  et  sécheresse  qui  commença  au 
mois  de  mai,  échauda  les  blés  et  occasionna  la  peste  aux  en- 
virons de  Troyes. 

1479. —  Bonne  année  de  vin,  mais  encore  une  partie  des 
blés  perdus. 
1480.  —  Au  mois  de  février  le  setier  de  froment  de  dîmes  a 

Voir  page  125,  tome  XV,  de  la  Revue  de  f'hampagnc  cl  de  Brie. 


216  FAITS  ET  ACCIDENTS   MÉTÉOROLOGIQUES 

été  apprécie  à  20  sols  et  le  setier  de  seigle  à  10  sols.  —  La 
deuxième  semaine  de  juillet,  uq  grand  orage  dévasta  le  finage 
de  Chauraout. 

1481.  —  Grandes  inondations  à  Troyes,  depuis  le  commen- 
cement de  juillet  jusqu'à  la  troisième  semaine.  Le  mauvais 
temps  fit  perdre  une  partie  des  récoltes,  et  le  chapitre  de  St- 
Pierre  fit  faire  des  processions,  depuis  le  mois  d'août  jusqu'à 
la  Toussaint. 

1482.  —  Récolte  médiocre  et  cherté  du  blé.  Peste  aux  en- 
virons de  Troyes. 

1483.  —  Le  6  juin,  le  chapitre  de  St-Pierre  ordonne  que  le 
service  divin  y  serait  fait  le  plus  tôt  possible  tous  les  matins  et 
que  la  grande  messe  serait  dite  pour  les  neuf  heures,  à  cause 
de  l'excessive  chaleur  du  temps.  —  Le  3  juillet,  un  grand 
orage  de  grêle  perdit  entièrement  les  menus  grains  et  une 
partie  des  blés. 

XVI»  SIÈCLE 

1522.  —  Pendant  le  mois  de  juillet,  la  peste  sévit  à  Troyes. 

1 526.  —  Au  mois  de  mai,  le  tonnerre  tombe  sur  le  coq  du 
clocher  de  St-Pierre  et  y  cause  quelques  dégcàts, 

1530.  —  Le  8  août,  les  chanoines  de  St-Urbain  ordonnent 
qu'une  procession  aura  lieu  tous  les  jours  avant  la  grande 
messe,  à  cause  de  la  peste  qui  sévit  à  Troyes,  et  qui  y  repa- 
rait encore  l'été  suivant. 

1537.  — Vers  le  15  juillet,  un  violent  orage  de  grêle  dévaste 
les  finages  de  Rigny-le-Ferron,  Fontvanne,  Bouilly,  Moussey, 
etc. 

1539. —  Récolte  extraordinaire  de  vin  aux  environs  de 
Troyes,  où  la  pinte  se  donne  pour  un  œuf. 

1542. — Le  jeudi  20  juillet,  grand  orage  qui  endommage 
surtout  les  finages  de  Charment,  Ramerupt  et  Bonnement. 

1543.  —  Le  vendredi  20  avril,  le  chapitre  de  St-Pierre  or- 
donne aux  chanoines  d'envoyer  des  gens  pour  ôter  les  limaces 
de  leurs  vignes,  qui  y  étaient  en  si  grande  quantité  qu'elles 
mangeaient  tout. 

1546.  —  Au  mois  de  juin,  le  pain  blanc  d'une  livre,  appelé 
Mollot  vaut  1  sol  et  6  deniers.  —  Au  commencement  de  juil- 
let, et  particulièrement  le  4,  les  blés  sont  échaudés  par  la  très 
grande  ardeur  du  soleil,  sur  les  finages  de  Bierne,  Moussey, 
Yillemereuil,  etc. 


SURVENUS   A   TROYES  217 

1548.  —  Le  mercredi  H  juillet,  pendant  la  nuit,  un  orage 
de  pluie  et  grêle  éclate  sur  les  territoires  de  Macey,  Montgueux, 
St-Lyé,  etc.  Des  vignes  sont  eutrainées  par  les  eaux  pluviales 
jusque  dans  les  prés. 

1549.  —  Vers  le  10  juillet,  il  tombe  de  la  bruine  et  de  la 
miellée  sur  les  blés  des  finages  de  Moussey  et  de  Villemereuil. 
—  Vers  la  fin  du  même  mois,  un  grand  orage  s'élève  sur  le 
territoire  de  Vailly  où  il  perd  le  quart  dos  récoltes.  —  Le  6 
août,  un  nouvel  orage  do  vent,  grêle  et  tonnerre  éclate  sur 
Fontvanne,  d'où  il  s'étead  sur  Macey,  Montgueux,  Gharmont, 
Ramerupt  etDampierre. 

1551.  —  Le  soir  de  la  St-Jeau-Baptiste,  un  orage  de  grêle 
et  tonnerre  cause  de  grands  dommages  sur  les  finages  de 
Moussey,  Montaulin,  Vailly,  Brevonne,  Le  Chêne.  Vaucogne, 
etc. 

1552.  —  Bonne  année  de  blé. 

1554.  —  Au  mois  de  novembre,  la  peste  fait  de  grands  ra- 
vagés à  Troyes.  —  A  la  St-Martin,  le  seticr  de  froment  vaut 
5  sols. 

1556.  —  Le  25  mai,  le  tonnerre  tombe  pour  la  seconde  fois 
sur  le  clocher  de  la  cathédrale  et  y  occasionne  d'assez  grands 
dégâts. 

1557.  —  Le  29  août,  il  tombe  un  déluge  d'eau  ci  Ste-Syre. 

1558.  —  Après  la  St-Jean,  les  grandes  chaleurs  font  un  tort 
considérable  aux  blés  des  finages  de  Bierne,  Moussey  et  Vil- 
lemereuil. 

1559.  —  Au  commencement  de  juillet,  les  sauterelles  font 
de  grands  dégâts  aux  orges,  avoines  et  autres  menus  grains 
des  finages  de  Macey,  Montgueux,  Ste-Syre,  Ramerupt,  Bon- 
nement et  Balignicourt. 

1560.  —  Depuis  le  commencement  de  l'été  jusqu'à  la  mi- 
juillet,  le  temps  fut  si  pluvieux  qu'il  causa  de  grands  domma- 
ges aux  emblaves,  et  quand  la  pluie  cessa,  les  vents  et  la  grêle 
perdirent  ce  qui  restait. 

1561.  — Au  mois  de  janvier,  la  contagion  faisait  mourir 
beaucoup  de  monde  à  Troyes. 

1562.  —  Le  l*'  juillet,  les  chanoines  de  St-Pierrc  ordonnè- 
rent qu'on  fit  trois  fois  la  semaine,  des  processions  publiques, 
h  cause  de  la  peste  qui  sévissait  à  Troyes  et  dans  les  environs. 


218  FAITS  ET   ACCIDENTS    MÉTÉOROLOGIQUES 

Pendant  le  mois  de  septembre,  cette  peste  emporta  encore 
beaucoup  de  monde  dans  les  rues  du  Bois  et  do  Cliâlons  ' . 

Ib64.  —  Au  mois  de  juin,  orage  sur  les  fmages  de  Vallant, 
Ste-Syre,  Les  Grandes-Chapelles,  le  Chêne,  etc.  —  Dans  la 
seconde  semaine  d'août,  autre  orage  sur  Charment,  Ramerupt, 
Vaiicogue  et  Dampierre  qui  furent  inondés, 

15(56,  — Au  mois  de  juin,  le  pain  valait  cà  Troyes  3  sols  4 
deniers,  «  sans  rien  rabattre  », 

—  Pendant  la  nuit  du  21  au  22  juillet,  le  tonnerre  tomba 
sur  le  clocher  de  St-Urbain  et  y  fit  pour  58  livres  de  dégâts, 

1567.  —  La  troisième  semaine  de  juillet,  l'impétuosité  des 
vents  endommagea  beaucoup  les  blés  sur  les  territoires  de 
Chauchigny,  les  Grandes-Chapelles,  le  Chêne,  Ramerupt,  Don- 
nement,  Balignicourt,  etc. 

1568.  —  Le  l'^''  ou  le  2  juillet,  un  orage  de  grêle  causa  de 
grands  dommages  à  Foutvanne,  Montgueux,  Châtre,  les  deux 
Trouau,  etc. 

1570.  —  Les  22  et  25  juillet,  orages  de  pluie  et  grêle  sur 
Chauchigny,  les  Grandes  Chapelles,  le  Chêne  et  Lhuître. 

1571.  —  Au  mois  de  juin,  les  blés  sont  gâtés  et  échaudés 
par  de  grands  vents.  —  Le  13  juillet,  un  orage  de  vent  et  grêle 
ravage  le  quart  des  blés  sur  Chauchigny,  les  Grandes  Cha- 
pelles, le  Chêne  et  autres  lieux.  Le  17  du  même  mois,  autre 
orage  qui  endommage  les  blés  et  les  vignes  sur  Macey  et 
Montgueux. 

1572.  — Au  mois  de  juin,  le  pain  blanc  vaut  4  sols,  à 
Troyes. 

—  La  troisième  semaine  de  juillet,  un  orage  de  grêle  fond 
sur  Macey,  Montgueux,  Charmont,  Chaudrey,  Ramerupt  et 
Dampierre. 

1573.  —  Au  mois  de  juin,  le  boisseau  de  froment  vaut  36 
sols,  le  seigle  30  sols,  l'orge  22,  le  trémois  18,  le  sarazin  13, 
et  l'avoine  10.  A  la  même  époque,  le  setier  de  froment  se  vend 
40  livres,  le  seigle  32,  et  l'avoine  9. 

—  Le  dimanche  d'avant  la  sainte  Hoïlde,  le  boisseau  de 
froment  vaut  30  sols,  le  seigle  25  et  l'avoine  9  sols  6  deniers. 
Le  mollot  se  vend  17  deniers. — Le  dimanche  3  mai,  il  est  vendu 
19  deniers  ;  le  10,  20  deniers  ;  et  le  24,  23  deniers.  A  Arcis,  à 


1 .  Aujourd'hui  rue  Thiers  et  rue  St-Jacques 


SURVENUS  A  TROYES  219 

la  même  époque,  le  froment  valait  45  sols  le  boisseau,  et  le 
seigle  55. 

—  Le  samedi  8  août,  uu  orage  de  grêle  éclate  sur  Torvil- 
liers,  Vailly,  Brévonue,  etc. 

1573.  —  La  contagion  fait  mourir  tous  les  novices  et  la 
plupart  des  religieux  de  l'abbaye  de  St-Loup,  à  Troyes. 

1577.  —  Au  commencement  de  juillet,  la  grêle  dévaste  les 
territoires  de  Macey,  St-Benoît-sur  Seine  et  le  Mesnil- 
Vallon. 

—  Le  dimanche  18  août,  nue  inondation  de  pluie  gâte  tou- 
tes les  emblaves  à  Ste-Syre. 

1579.  —  Le  29  avril,  le  tonnerre  tombe  pour  la  troisième 
fois  sur  le  clocher  de  la  cathédrale  où  il  enlève  seulement  quel- 
ques ardoises. 

—  Le  samedi  18  juillet,  la  grêle  fait  beaucoup  de  ravages 
sur  les  finages  de  Macey,  de  Montgueux  et  du  Mesnil-Vallon , 

1596.  —  En  mai,  le  seig-le  vaut  38  sols  et  l'orge  30  sols  le 
boisseau  ;  le  pain  blanc  4  sols  la  livre. 

—  Le  dimanche  23  juin,  une  inondation  générale  causée  par 
une  pluie  torrentielle  augmente  la  disette  et  la  misère. 

1597.  —  Année  humide  et  calamiteuse. 

Nota.  —  Georges  Berthier,  arpenteur  à  Pouilly,  a  laissé  des 
mémoires  manuscrits,  s'étendant  de  1587  à  1620  et  relatant 
les  difiérents  faits  locaux  ou  généraux  à  sa  connaissance.  Ces 
mémoires  sont  rédigés  eu  vers  français,  ou  plutôt  en  mauvais 
bouts- rimes  : 

Cette  écriture  n'est  sans  réplique, 
Car  n'ay  appris  la  rhétorique  ; 
Et  vigneron  était  mon  père. 
Aussi   ne    say    pas   la    grammaire. 

Voici,  au  reste,  comme  spécimen  de  sa  vei^sificatiou,  ce  qu'il 
dit  à  l'année  1594  : 

Les  gendarmes  sont  snns  police 
Et  remplis  de  toute  nialico. 
Maintenant  n'a  chevaux  ne  vache, 
N'ûultre  chose  qui  leur  échoppe. 
Aux  pauvres  hommes  ot  aux  femmes, 
Ils  font  des  choses  trop  infîlmes. 

Maintnnnnt  Henry  de  Hourhon 
A  succédé  au  roi  do  France  ; 


220  FAITS   ET   ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

Prions  Dieu  qu'il  le  fasse  bon 
Et  lui  pardonne  ses  offenses. 
On  flil  qu'il  était  hérétique. 
Mnintenant  il   est  catholique. 
A  lui   les  villes    sont   rendues. 
Par  ce  moyen  qu'il  soit  chrétien, 
Il  aura  bonnes  étendues 
Si  faict  chacun  jouir  du  sien. 

L'auteur  lient  un  registre  assez  exact  des  prix  du  blé  et  du 
vin  pour  chaque  année. 

XYII"  SIÈCLE  « 

1601 .  —  La  veille  de  la  saint-Laurent  (9  août),  il  surviut 
un  grand  orage  qui  causa  beaucoup  de  dommages  à  Troyes  et 
aux  environs. 

1618.  —  Le  28  avril,  à  une  heure  après  midi,  le  tonnerre 
tombe  pour  la  quatrième  fois  sur  la  flèche  de  la  cathédrale,  et 
met  le  feu  à  la  fenêtre  au  dessous  des  crampons,  et  à  une  noue 
du  côté  de  l'évêché.  Le  chantre  Pierre  Dadier  l'éteint  avec  une 
seringue  de  maréchal. 

1620.  —  Au  mois  de  janvier,  il  gelait  si  fort  que  les  ou- 
vriers ne  pouvaient  travailler  aux  préparatifs  à  faire  pour  la 
réception  du  roi  Louis  XIII  qui  fit  son  entrée  à  Troyes  par  la 
porte  Groncels,  le  25  dudit  mois. 

1632.  —  La  peste  reparait  à  Troyes  où  elle  emporte  4  à 
5,000  personnes.  L'année  suivante,  on  fait  des  prières  publi- 
ques pour  remercier  Dieu  d'avoir  préservé  la  ville  de  la  conta- 
gion ;  mais,  en  1635,  l'épidémie  fait  encore  1500  victimes  que 
l'on  enterre  toutes  au  cimetière  de  Sainte-Jule. 

1040.  —  Pendant  l'été,  des  inondations  perdent  l'herbe  des 
prés  aux  environs  de  Troyes. 

—  Le  30  septembre,  le  tonnerre  frappe  pour  la  cinquième 
fois  le  clocher  de  la  cathédrale,  et  y  cause  des  dommages  assez 
considérables. 

IGil.  —  Les  soldats,  en  garnison  à  Troyes,  arrachent, 
pendant  leur  quartier  d'hiver,  les  paisseaux  des  vignes  de 
Preize,  pour  se  chauffer,  à  cause  de  la  rigueur  du  froid. 

1642.  —  Les  vignes  de  Preize  sont  gelées  et  on  n'en  tire 
rien. 


1 .  Les  mémoires  manuscrits  du  chanoine  .Ican  Hugot,    d'où  sont  extraits 
les  notes  qui  suivent,  embrassent  la  période  do  1601  à  1702, 


SURVENUS  A   TROYES  221 

1650.  —  Le  25  septembre,  après  midi,  le  tonuerrc  tombe 
sur  le  clocher  de  Saiat-Urkiiu,  et  ensuite,  pour  la  sixième 
ibis  sur  celui  de  Saiut-Pierre. 

1658.  —  Le  27  février,  la  Seine  était  tellement  débordée 
qu'elle  dépassait  le  déluge  de  1681,  que  nous  n'avous  pas 
trouvé  mentionné  précédemment, 

1666.  —  Le  21  mai,  les  chanoines  de  Saint-Pierre  ordon- 
nent qu'on  ferait  chaque  jour  la  procession  avant  la  grande 
messe  pour  préserver  la  ville  de  Troyes  de  la  maladie  conta- 
gieube  qui  régnait  dans  les  autres  villes. 

—  Le  30  juillet,  après  les  matines,  on  descendit,  à  Saint- 
Pierre,  la  châsse  de  sainte  Hélène  qui  fut  aussitôt  portée  en 
procession  autour  de  la  cité,  pour  demander  de  la  pluie  à  cause 
de  l'excessive  sécheresse. 

—  Le  8  août,  on  la  porta  de  nouveau  par  la  rue  Neuve,  et, 
le  11,  les  chanoines  de  Saint-Urbain  portaient  également  eu 
procession  la  Sainte-Epine  dans  le  même  but, 

1668.  —  Le  jeudi  16  août,  après  la  grande  messe  de  Saint- 
Urbain,  le  reliquaire  de  la  Sainte-Epine  fut  porté  procession- 
uellement  par  la  rue  Neuve  pour  détourner  de  la  ville  de 
Troyes  le  fléau  de  la  peste  dont  d'autres  villes,  et  notamment 
Reims,  étaient  infestées. 

1669.  —  Les  17  et  20  juillet,  prières  et  processions  pour 
demander  de  la  pluie  à  cause  des  chaleurs  excessives. 

1670.  —  Le  2  août,  la  Sainte-Epine  est  exposée  à  Saint- 
Urbain  et  portée  en  procession  pour  demander  de  la  pluie. 

1676.  —  A  la  Saint-Martin,  le  froment  vaut  24  livres  le 
setier,  le  seigle  16  et  l'avoine  8. 

1677.  —  Le  6  mars,  pendant  un  grand  orage,  le  tonnerre 
tombe  pour  la  septième  fois  sur  le  clocher  de  Saint-Pierre  et 
le  découvre  en  partie. 

—  A  la  Saint-Martin, le  froment  se  vend  30  livres  le  setier, 
le  seigle  20  et  l'avoine  8. 

1678.  —  Les  mômes  grains  à  la  môme  époque  de  cette 
année  sont  vendus  21  livres,  1 1  livres  et  8  livres. 

1679.  —  Id.  33  livres  22  et  13. 

1682.  —  Le  mardi  12  mai,  sur  les  deux  heures  du  matin, 
un  tremblement  de  terre  dont  la  secousse  dura  une  demi- 
heure,  se  ût  sentir  dans  une  partie  de  la  France,  notamment 
à  Troyes,  à  Arcis,  à  Châlons,  à  Reims,  à  Provins,  à  Sens,  à 
Tonnerre  et  à  Orléans. 


222  FAITS   ET    ACCIDENTS   MÉTÉOROLOGIQUES 

1087 ,  —  Ily  eut  beaucoup  de  vins  aux  environs  de  Troyes, 
mais  il  ne  se  garda  pas  ;  les  raisins  étant  à  moitié  pourris  à 
cause  des  pluies  continuelles  de  l'été.  Ou  remarqua  que  pour 
le  conserver,  il  fallut  le  soutirer  et  ne  point  le  laisser  sur  sa 
lie. 

1688.  —  Le  13  août,  à  5  heures  du  soir,  un  grand  orage 
fait  beaucoup  de  dégâts  à  Gieney.  à  Vailly,  à  Feuges,  à 
Gliarmout  et  lieux  environnants. 

1689.  —  Pendant  le  mois  de  février,  des  givres  font  geler 
le  bois  des  vignes. 

16'J1 .  —  Le  samedi  1 1  août,  à  onze  heures  du  matin,  après 
deux  forts  coups  de  tonnerre,  et  un  violent  tourbillon  de  vent, 
il  survint  un  grand  orage  qui  éclata  principalement  sur  la  ville 
de  Troyes.  Les  grêlons  étaient  si  gros  et  si  garnis  de  pointes 
qu'ils  pesaient  deux  tréseaux  \  et  causèrent  un  dégât  extraor- 
dinaire aux  vitres  qui  étaient  tournées  du  côté  du  vent,  ainsi 
qu'aux  biens  de  la  terre.  Les  verrières  des  églises  de  Saint- 
Jean,  Saint-Pantaléon,  Saint-Nizier  et  de  Montier-la- Celle 
eurent  particulièrement  à  en  souffrir.  Il  en  coûta  1200  livres 
rien  que  pour  réparer  celles  de  Saint-Jean. 

1692.  —  Le  18  septembre,  à  deux  heures  et  demie  après 
midi,  on  éprouva  à  Troyes  deux  petites  secousses  de  tremble- 
ment de  terre,  que  Ton  ressentit  beaucoup  plus  vivement  en 
Belgique  et  en  Allemagne  où  elles  renversèrent  des  cheminées. 

[A  suivre).  Arsène  Thévenot. 


\ ,  Le  Trézeau  était  Tunité  de  poids  pour  la  soie   et   correspondait  à  un 
demi  quart  d'ouce  ou  à  3  grammes  8  décigrammes. 


BODRBONNE  AUTREFOIS 

BOURDONNE     AUJOURD'HUI 


Nomendaim'e  des  prieurs  conmis. 

1 480 .  Dom  Jccau  de  la  Balme. 
1431 .  Dom  Fergeux  Brachet. 
1477.   Dom  Bernard  de  Rochefort. 
1554.  Dom  Gaspard  d'Orge. 

1607.  Dom  Nicolas  de  Scey. 

1608.  Dom  Jacques  Simonnin. 
Ces  derniers  prieurs  réguliers. 

Prie%rs  su7'  résignation. 

8  janvier  1672.   Louis  de  Comble. 

1673.   Antoine  de  Comble. 

1G76.   Arnould  de  Renusson. 

1682.   Charles  Ghertems. 

1704.   Claude  Dorât,  puis  François  Dorât. 

On   trouve  encore  deux   autres    prieurs,    mais   les   date 
manquent. 

Baunetou,  né  à  Chaumont. 

Et  Charlau,  né  à  Chûlons-sur-Marue. 

Après  la  mort  de  François  Dorât,  le  bénéfice  retourna  aux 
prieurs  réguliers. 

1700.  Jean-François  de  Grammont,  bénédictin. 

1726.   Constance  duillot'. 

Aujourd'hui,   le  prieuré  n'est  plus  (ju  une  sinq)le  maison 
d'habitation,  mais  telle  qu'elle  existe,  cette  demeure  a  encore 

*  Voir  pogo  ijU,  tome  XV,  de  la  Revue  de   la  Champagne  cl  de  Brie. 
1 .  Archives  du  Doubs,  série  II,  fouds  Sl-Vincerit,  carton  8,  n"  1, 


224  BOURBONNE  AUTREFOIS 

un  bc)  aspect  et  les  communs  considérables  qui  l'avoisinent, 
le  terrain  qui  l'entoure,  attestent  encore  sou  importance 
passée. 

Ce  qui  l'ut  la  chapelle  si  reuonmiée  de  la  Vierge  est  mainte- 
nant une  maison  de  culture',  séparée  du  corps-de-logis  et 
placée  en  face  de  la  porte  d'eutrée  de  ce  dernier.  On  peut  voir 
encore  sur  les  murailles  les  traces  du  portail  et  des  fenêtres  de 
l'ancien  édifice. 

Le  claàteau 

Le  château  de  Bourbonne  n'était  point  à  proprement  parler, 
autre  chose  que  ce  que  Ton  désignait  autrefois  sous  le  nom  de 
Maison-forte,  c'est-à-dire  fossoyée  (entourée  de  fossés)  et  for- 
tifiée à  l'antique,  mais  pouvant  se  défendre  d'un  coup  de  main; 
mais,  si  les  fortifications  en  étaient  anciennes,  du  moins  elles 
étaient  assez  sérieuses  pour  ranger  le  castel  au  premier  rang 
de  ces  constructions  mi-manoirs  et  mi-forteresses,  qui  cou- 
vraient en  si  grand  nombre  notre  pays. 

A  quelle  époque  ses  fortifications  avaient-elles  été  cons- 
truites? il  est  bien  difficile  de  le  préciser.  Nous  devons  sup- 
poser, cependant,  que,  suivant  les  progrès  de  fart  militaire  et 
de  l'artillerie  surtout,  elles  s'étaient  successivement  transfor- 
mées, améliorées,  accrues  jusqu'au  xVi"  siècle,  époque  à 
laquelle  il  est  probable  qu'elles  avaient  reçu  la  dernière  main 
et  avaient  été  modifiées  selon  les  besoins  et  la  nécessité  de  la 
défense. 

En  faisant  cette  supposition,  nous  nous  basons  sur  ce  fait 
qu'avant  l'arrivée  de  la  famille  de  Livron  à  Bourbonne,  les 
seigneurs  qui  possédaient  la  terre,  f  habitaient  rarement  et  par 
suite,  avaient  dû  prendre  moins  de  souci  de  la  défendre,  alors 
que  le  voisinage  de  la  forteresse  de  Coiffy  semblait  devoir  être 
suffisant  pour  protéger  leur  domaine. 

Les  Vergy-Bourbouuc,  les  de  Beauffremont,  maisons  bour- 
guignonnes entre  les  mains  des(juelles  la  seigneurie  passa  par 
alliance,  possédaient  de  nombreux  fiefs,  parmi  lesquels  Bour- 
bonne était  loin  d'être  le  plus  sérieux;  les  goûts  de  ces  sei- 
gneurs, aussi  bien  que  les  charges  dont  ils  étaient  pourvus  les 
appelaient  à  choisir  une  résidence  plus  somptueuse,  plus  sûre 
ou  plus  rapprochée  de  l'endroit  où  les  appelaient  lem^s  fonc- 
tions. Ghamplilte,  Mirebeau,  Dijon,  Scey-sur-Saône  môme, 

1 .  Le  bâlimcnl  apparlicut  aujourd'hui  à  un  sieur  Toussaint. 


ET   BOURDONNE   AUJOURD'HUI  225 

étaient  pour  eux  préférables  à  Bourboune.  Bertrand  de  Livron, 
nommé  capitaine  de  Coiffy,  après  sou  mariage  avec  Françoise 
de  BoaufTremout,  dut  forcément  s'installer  au  château  d'où  il 
était  à  proximité  de  son  commandement,  tout  en  surveillant 
son  propre  domaine . 

Il  est  donc  probable  qu'à  celte  époque,  à  laquelle  la  France 
était  en  armes  et  Louis  XI  préparé  à  profiter  de  la  lutte  qu'il 
avait  fomentée  entre  Charles-le-Téméraire  et  le  duc  de  Lor- 
raine, le  sire  de  Bourboune  avait,  lui,  dû  prendre  ses  précau- 
tions et  en  prévision  de  tout  événement  faire  remparer  et  appr es- 
ter so)i  chastecm.  Ses  successeurs,  que  les  rivalités  de  voisin  à 
voisin  aussi  bien  que  les  menées  de  la  ligue  plaçaient  dans  les 
mêmes  conditions,  durent  également  ajouter  aux  défenses  pri- 
mitives de  leur  résidence. 

Oh  trouve  bien,  dans  les  dénombrements  donnés  par  les  sei- 
gneurs de  Bourboune  la  note  suivante  sur  le  chastel  qu'ils  pos- 
sédaient :  Au  dit  Bourboune  avons  un  chasteau  circuit  de  fossez 
à  Ventour  o/c  il  y  a  un  jwnt-fevis  pour  e?itrer  en  yceluy  chas- 
teau ail-devant  duquel  il  y  a  un  jardin  fermé  de  murailles 
joindanl  à  une  grande  place,  en  laquelle  il  y  a  un  colombier  et 
au  bout  du  dit  jardin  a  un  grand  cours  de  maisons,  élables, 
granges  denostre  dit  chasteau.  Mais,  de  ce  que,  même  dans  l'aveu 
fourni  par  M.  de  Cbartraire  en  1750,  cette  note  est  reproduite 
à  peu  près  textuellement,  il  ne  faudrait  pas  en  conclure  que  le 
château  était  resté  tel.  Du  reste,  il  est  certain  qu'une 
partie  des  constructions  avaient  été  détruites  en  1717  et  la 
preuve  en  est  que  dans  ce  même  acte  M.  de  Cbartraire  dit:  Au 
dit  Bourboune  nous  reste  la  place  et  masure  du  chasteau,  le 
dit  cliâleau  ayant  été  en  partie  compris  dans  V incendie  général 
qui  ruina  la  ville. 

Sans  nous  préoccuper  de  ce  qu'avait  pu  être  la  fortification 
au  début,  nous  nous  contenterons  d'examiner  ce  qu'elle  était 
avant  l'incendie  ;  nous  devrions  dire  ce  qu'elle  était  restée,  car 
depuis  le  traité  de  Vinccnnes  (I6G1),  la  paix  qui  régna  dans  le 
pays  ne  permet  pas  de  supposer  qu'on  ail  mis  la  main  aux 
murailles  du  château. 

Lorsqu'on  y  arrivait  par  l'entrée  principale,  on  devait  tra- 
verser d'abord  une  vaste  enceinte,  située  à  l'extrémité  de  l'im- 
passe aboutissant  au  donjon  extérieur  cl  s'étendant  sur  la 
gauche  jusqu'au-dessus  des  maisons  de  la  rue  des  Paradis 
qu'elle  dominait.  Cette  enceinte  fermée  de  murs,  avait  une 

Vô 


226  BOURBONNE  AUTREFOIS 

loni^ueur  de  bii  mèlres  environ  sur  23  mètres  liO  de  large  ^ .  Elle 
était  désignée  sous  le  nom  de  place  delà  Halle,  (de  la  Haulle), 
parce  qu'elle  renfermait  effectivement  l'édifice  destiné  à  abriter 
les  forains  aux  jours  de  marché.  Cette  construction  des  plus 
primitives,  était  longue  de  28  mètres  et  large  de  13  ;  elle  était 
la  propriété  du  seigneur  qui  devait  l'entretenir,  de  môme  que  le 
pressoir  banal  adjacent. 

Après  avoir  traversé  cet  endroit,  on  se  trouvait  en  face  de 
l'entrée  principale  du  château,  du  donjon  extérieur  qui  existe 
encore  en  partie  et  dont  nos  lecteurs  ont  pu  voir  le  croquis  au 
commencement  de  cet  ouvrage.  Flanqué  de  deux  tourelles 
munies  de  créneaux,  meurtrières  et  mâchicoulis,  ce  donjon 
fermait  l'enceinte  extérieure  de  la  fortification  ;  une  porte  mas 
sive  et  une  herse  ou  barrière  formée  de  gros  madriers  aiguisés 
par  le  bout  en  défendaient  l'accès. 

Sous  la  voûte,  large  de  ii  mètres,  longue  de  7  et  que  sou- 
tenait une  double  raiagée  de  piliers,  s'ouvraient  deux  portes 
latérales  :  l'une,  à  droite,  était  celle  de  l'escalier  du  donjon  et 
donnait  entrée  dans  une  sorte  de  logis  où  se  tenait  ordinaire- 
ment le  guet  ou  poste  avancé  -  ;  l'autre  conduisait  à  la  tourelle 
de  gauche  et  aux  écuries.  De  chaque  côté  de  la  porterie^  s'éten- 
dait la  muraille  de  l'enceinte  extérieure  qui,  suivant  les  con- 
tours du  plateau  qu'elle  enfermait,  s'élevait  à  pic  au  nord,  à 
l'est  et  au  midi,  tandis  que  la  partie  ouest  seule,  construite  sur 
un  terrain  pour  ainsi  dire  plat,  offrait,  bien  que  couverte  par 
les  maisons  de  la  ville-haute,  un  point  d'attaque  plus  facile 
pour  l'escalade. 

Cette  enceinte  dont  l'élévation  était  la  principale  force,  cons- 
tituait déjà  une  défense  sérieuse,  dominant  le  cours  de  l'A- 
pance  ainsi  que  les  coteaux  environnants  et  couvrant  toute  la 
ville-basse.  C'était,  en  réalité,  une  première  escarpe,  presque 
verticale  ou  très  peu  inclinée  et  les  nierions  et  massifs  qui  la 
surmontaient,  destinés  à  couvrir  les  défenseurs,  étaient  séparés 
par  des  créneaux  où  se  plaçaient  au  besoin  les  bouches  à  feu, 
bombardes,  canons  etc.,  etc.  Dans  sa  plus  grande  longueur 
l'espace  qu'elle  enveloppait  comptait  170  mètres,  sur  une  lar- 
geur très  variable  et  qui  au  point  maximum  était  d'un  peu  plus 
de  100  mètres. 


1  .  Une  portion  de  cette  enceinte  est  aujourd'hui   le  jardin  de  la  maison 
Gauvain. 
2.  C'est  là  qu'est  de  nos  jours  le  logement  du  concierge. 


ET  houhuonnl;  aujourd'hui  227 

Ce  premier  rempart  était  protégé  au  nord  par  un  bastion 
vuide  ayant  10  mètres  de  face  et  8  de  flanc  et  dans  lequel  était 
percée  une  poterne  à  laquelle  aboutissait  primitivement  la  rue 
du  Faillis  ou  des  Paradis  * .  C'était  par  cette  poterne  qu'en- 
traient au  château,  les  pailles,  foins  et  autres  denrées  néces- 
saires à  l'approvisiouD émeut.  Un  escalier  situé  dans  un  des 
angles  du  bastion  permettait  d'arriver  au  terre-plein  du  plateau, 
beaucoup  plus  élevé  que  la  fortification.  Un  peu  plus  loin,  du 
môme  côté,  se  trouvait  une  sorte  de  redan  ou  mieux  de  tour 
carrée,  où  se  trouvait  également  une  porte  de  sortie.  Au  point 
de  vue  de  la  défense,  cet  ouvrage,  évidemment  construit  à  une 
époque  où  l'art  était  encore  à  l'état  d'enfance,  n'eût  été  d'au- 
cune ressource  parce  que  sa  face  étant  parallèle  aux  murailles 
de  l'enceinte,  n'était  vue  d'aucun  endroit  de  la  place  et  ne 
pouvait  être  défendue. 

Après  avoir  passé  la  porte  que  nous  avons  décrite,  on  se 
trouvait  dans  une  vaste  cour  que  bordaient,  à  gauche,  les 
grandes  écuries  pouvant  contenir  plus  de  tiO  clievaux  et  qui,  tou- 
chant à  la  voûte  de  la  porte  d'entrée  et  adossées  à  la  muraille, 
aboutissaient  par  une  sorte  de  basse-cour  au  bastion  du  Faillis  "; 
l'étage  supérieur  était  occupé  par  les  greniers  et  magasins  à 
fourrages.  Un  peu  plus  loin,  toujours  à  gauche  et  faisant  face 
au  midi,  était  une  seconde  écurie,  réservée  aux  chevaux  du 
seigneur,  elle  pouvait  au  besoin  en  recevoir  2^  à  30  et  était  très 
confortablement  installée  pour  l'époque. 

A  droite,  de  vastes  communs  renfermaient  les  étables, 
granges,  vinées  et  logement  des  domestiques;  puis  dans  la 
partie  la  plus  éloignée  du  donjon,  un  unir  en  pierres  de  taille, 
surmonté  d'une  fort  belle  grille,  séparait  la  cour  d'une  terrasse 
conduisant  aux  jardins. 

De  la  terrasse,  on  descendait  par  trois  larges  escaliers  dans 
les  jardins  situés  en  contrebas.  Là,  des  parterres  parfaitement 
dessinés,  au  centre  desquels  était  un  bassin  avec  jet  d'eau, 
des  allées  ombragées  d'arbres  touffus,  offraient  au  promeneur 
un  coup  d'fj^il  agréable. 

Dans  le  mur  de  l'enceinte  extérieure  qui  fermait  ces 
jardins  était  percée,  à  l'ouest,  une  porte  donnant  dans  le 
verger.  Celui-ci  était  situé  en  dehors  du  rempart,  à  droite  de 
'  avenue  conduisant  au  donjon  et  en  face  de  la  place  de  la 


1 .  Ce  buslioa  existe  toujours. 

2.  Ces  écuries  sont  encore  tellos  qu'autrefois. 


228  BOURBONNE  AUTREFOIS 

Halle  ' ,  il  était  assez  vaste  et  très  productif.  Un  large  bastion 
plat  et  casemate,  le  dominait  et  servait  'i  défendre  ce  côté,  le 
plus  faible  de  la  fortification.  Une  poterne  basse  était  ouverte 
dans  une  des  faces  de  cet  ouvrage  et  permettait  au  besoin  à  la 
garnison  de  pénétrer  dans  l'enclos  d'où  elle  pouvait  opérer  une 
sortie  par  une  baie  cachée,  pratiquée  dans  l'angle  sud-est  de 
la  muraille  extérieure. 

Mais  revenons  à  la  cour  que  nous  avons  un  instant  quittée. 

Au  milieu,  un  peu  sur  la  gauche  de  l'axe  de  l'entrée  du 
donjon,  un  colombier,  bâti  en  forme  de  tour,  dressait  son  toit 
pointu  et  élancé,  un  peu  plus  loin,  une  magnifique  pièce  d'eau 
avec  un  jet  très  abondant,  faisait  face  à  la  porte  qui  s'ouvrait 
dans  la  grille  dont  nous  venons  de  parler  et  qui  conduisait  à  la 
terrasse. 

Celle-ci  de  niveau  avec  la  cour,  s'étendait  à  droite,  jusqu'au 
mur  de  l'enceinte,  auquel  s'appuyaient  en  cet  endroit  deux 
constructions,  qui  subsistent  encore,  et  sont  légèrement  en 
saillie  sur  le  mur  qui  de  ce  côté  domine  toute  la  ville  basse  ; 
on  suppose  que  ces  deux  ouvrages  étaient,  l'un  une  batterie 
couverte  et  l'autre  une  sorte  de  casernement  ou  de  poste  de 
guetteurs. 

De  plus,  tout  l'espace  compris  entre  la  muraille  extérieure 
et  le  rempart  du  château,  c'est-à-dire  dans  une  largeur  de 
plus  de  1 1  mètres  eu  moyenne,  le  sol  avait  été  creusé  et  for- 
mait ainsi  un  véritable  fossé  ou  chemin  couvert  si  on  le  pré- 
fère, abrité  partout  par  les  parapets  et  les  merlons  qui  lui  ser- 
vaient de  contrescarpe. 

On  comprend  de  quelle  utilité  était,  au  point  de  vue  de  la 
défense,  ce  corridor,  comme  ou  nommait  alors  les  chemins 
couverts -, qui  permettait  à  l'assiégé  d"y  loger  des  troupes,  à 
l'abri  du  feu  de  l'ennemi  et  pouvant  lui  rendre  difficile  l'ap- 
proche de  la  place.  C'est  là  également  qu'il  était  d'usage  d'as- 
sembler les  détachements  destinés  à  faire  les  sorties,  et  en  cas 
(le  retraite,  ils  y  trouvaient  un  refuge  sûr  et  commode. 
Une  l>an(iuolte  en  terre  permettait  aux  combattants  de  tirer 
par  les  créneaux  dont  les  murs  étaient  percés;  banquettes  et 
créneaux  ont  disparu  aujourd'hui ,  mais  le  mur  d'enceinte,  nous 


1 .  Le  verger  occupait  remplacement  de  la  maison  Cadet. 

2.  On  appelait  aussi  Lices  l'espace  compris  entre  deux  enceintes  de  l'orti- 
fication. 


ET   nOURBONNE  AUJOURD'HUI  229 

lavons  dit,  est  resté  debout  et  on  peut  encore  se  rendre 
compte,  en  faisant  le  tour  à  l'intérieur,  de  ce  qu'était  le  che- 
min couvert  que  nous  venons  de  décrire. 

De  la  cour  on  ne  pénétrait  dans  cette  partie  de  la  place  que 
par  une  seule  entrée,  fort  étroite,  située  dans  l'angle  de  la 
muraille,  à  l'endroit  même  ou  celle-ci  se  réunissait,  au  nord, 
au  mur  de  l'enceinte  extérieure.  Cette  issue  qui,  dit  un  docu- 
ment de  l'époque  auquel  nous  empruntons  ces  renseignements  \ 
«  estoit  mollit  estroicte  et  voustce  de  telle  fin  que  formait  im 
<i  2)assaige  aisément  de/fendable  et  arda  à  Venem.y  et  venait  dans 
«  wig  fossez  entre  le  dict  rempart  et  la  muraille  lequel  estoit 
«  profond:  en  derrière  le  dict  fossez  estoit  lehault  rempart  du 
«  chastel  qui  est  moult  perse  pour  tirer  parmy  ceux  qui  vien- 
«  droient  au  fossez  2iour  guigner  le  o'empart.  'Ta  dicte  pouvait 
«  cstre  re?nparée  et  ce  n  estoit  au3sg  que  muraille  fart 
('  espaisse  ou  se  pouvait  mettre  hacqueluttes ,  pcteraux  et 
«  coulevrines.  » 

Le  passage  n'avait  en  effet  guère  plus  de  1  mètre  70  de  large 
et  la  voûte  5  mètres  de  longueur.  Il  était  défendu  par  un 
mâchicoulis  ' . 

Au  centre  de  la  muraille;,  à  peu  près  dans  l'axe  du  donjon 
extérieur,  se  trouvait  l'entrée  réelle  du  château  ;  entrée  défen- 
due par  le  fossé  que  nous  avons  décrit  et  sur  lequel  était  jeté 
un  pont-levis.  Celui-ci  reposait  sur  deux  murs  parallèles, 
séparés  par  un  intervalle  de  3  mètres  environ  et  qui  réunissant 
la  muraille  au  rempart  intérieur,  barraient  le  fossé  et  suppor- 
taient le  tablier  du  pont-levis,  à  l'extrémité  duquel  était  la 
porte  môme  du  château. 

Cette  porte  était  peu  élevée,  de  forme  cintrée,  elle  était  pra- 
tiquée dans  le  rempart,  qui,  en  cet  endroit  avait  une 
épaisseur  de  plus  de  10  pieds  et  était  soutenu  par  de 
fortes  voûtes  dans  l'endroit  qu'elle  occupait.  Outre  une  pre- 
mière barrière  ou  tète  de  pont,  composée  de  ventaux  k  claire- 
voie  dont  les  barreaux  avaient  7  pieds  de  hauteur  sur  5  ou  6 


1 .  Fragment  d'un  étal  descriptif  du  cbflloau  de  BourLonnc,  pif-ce  manus- 
crite, S.,  L.  N.  I).  (de  notre  collection). 

2.  On  nommait  ain.si  une  sorte  de  galerie,  saillante  sur  le  mur,  ouverte 
par  le  bas  et  soutenue  par  des  consoles  ou  corbeaux  cspacds.  Cet  ouvrage 
placé  au-des.sus  d'une  porte  permettait  de  découvrir  entre  les  intcrv.alles  dos 
consoles  le  pied  de  la  muraille,  et  si  l'ennemi  s'ca  approcbait,  on  jetait  sur 
lui  par  ces  ouvertures,  «les  pierres,  de  l'huile  bouillante,  etc.,  etc.,  ou  on  lui 
tirait  des  anjuebusades. 


230  BOURDONNE  AUTREFOIS 

poaces  de  grosseur,  et  le  pont-levis  qui  eu  se  relevant  fermait 
l'entrée,  il  y  avait  au  milieu  de  la  voûte  des  orgues  suspendues, 
qui  au  besoin  complétaient  la  fermeture  et  opposaient  aux 
assaillants  un  obstacle  formidable  ' . 

Nous  n'avons  point  l'intention  de  faire  ici  une  étude  de  la 
fortification  de  l'époque  dans  tous  ses  détails  ni  de  décrire  une 
à  une  les  défenses  du  château,  sur  lequel,  du  reste,  il  ne  nous 
a  pas  été  possible  de  trouver  des  indications  bien  étendues. 
Mais  cependant,  en  péuôlraut  dans  l'intérieur  du  manoir,  nous 
donnerons  aux  lecteurs  tous  les  renseignements  qui  nous  sont 
parvenus  et  qui  nous  paraîtront  dignes  d'intérêt. 

L'emplacement  du  château  s'étendait  sur  une  longueur  de  70 
mètres  environ  sur  60  dans  la  plus  grande  largeur.  Ce  qui,  en 
supposant  la  fortification  régulièrement  établie  et  formant  pour 
ainsi  dire  un  quadrilatère  complet,  donnerait  une  surface  totale 
de  3090  mètres.  Comme  on  le  voit  c'était  peu,  et  la  place,  mal- 
gré les  apparences,  n'avait  qu'une  importance  très  secondaire  ; 
d'autant  plus  que  les  constructions  n'affectant  aucune  forme 
régulière,  mais  constituant  un  assemblage  de  tours,  de  massifs 
rectangulaires  ou  de  courtines  qui  les  reliaient,  ne  couvrait  en 
réalité  qu'une  surface  moindre  que  celle  dont  nous  venons  de 
donner  l'étendue. 

Les  murailles  étaient  massives,  construites  en  pierre  du  pays, 
(probablement  de  Serqueux)  et  d'une  épaisseur  considérable, 
puisqu'en  certains  endroits  et  notamment  dans  la  grosse  tour 
ou  donjon  qui  couvrait  le  pont  et  servait  à  battre,  à  l'ouest,  les 
dépendances  et  la  ville  basse,  elle  atteignait  plus  de  3  mètres 
et  demi,  12  pieds. 

Les  murs  avaient  été  élevés  dans  le  système  du  moyen-âge, 
c'est-à-dire  qu'on  avait  dû  les  conserver  tels  qu'ils  furent  à 
celte  époque,  en  les  augmentant  seulement  des  moyens  décou- 
verts par  la  science.  Ils  étaient  sans  terrassements,  munis  de 
casemates,  de  mâchicoulis,  de  nierions,  et  les  tours  ainsi  que 


1.  On  appelait  ainsi,  de  très  forts  madriers,  en  bois  dur,  presque  jux- 
taposés et  attachés  chacun  par  une  corde  à  un  moulinet,  qui  les  maintenait 
à  la  voûte  de  telle  façon  que  si,  en  cas  do  surprise,  on  voulait  les  faire 
tomber,  s'il  se  trouvait  un  obstacle  qui  en  arrêtât  quelques-uns,  les  autres 
du  moins  remplissaient  leur  fonction,  barraient  le  passage. 

Ce  genre  de  fermeture  avait  remplacé  la  herse,  qu'il  était  qucbjuefois 
impossible  de  baisser  entièremant  si  le  passage  était  obstrué  partiellement, 
car  alors,  les  pointes  do  fer  du  treillage  ne  pouvant  descendre  jusqu'à  terre, 
laissaient  une  ouverture  qui  rendait  la  herso  inutile. 


ET   BOURBONNE   AUJOURD'HUI  231 

les  endroits  les  plus  faibles,  renfermaient  des  batteries  où  Ton 
pouvait  établir  de  grosses  pièces  d'artillerie,  bombardes  ou  fau- 
conneaux. 

On  ignore  quelle  était  l'élévation  moyenne  des  murailles, 
aucun  document  n'existe  à  ce  sujet.  Mais  il  est  à  supposer 
qu'elles  étaient  d'une  hauteur  respectable,  puisque  d'après  une 
note 'que  nous  avons  retrouvée,  la  bibliothèque  du  château 
était  placée  au  troisième  étage  du  donjon.  Tout  ce  que  nous 
pouvons  dire,  c'est  qu'en  dehors  des  constructions  ordinaires, 
il  comportait  d'abord  :  le  donjon  dont  nous  venons  de  parler, 
lequel  avait  la  forme  d'un  hexagone  irrégulier,  ayant  près  de 
20  mètres  de  face  ;  puis,  à  l'est  et  dominant  le  cours  de  l'A- 
pance,  deux  tours  très  fortes  ayant  au  moins  une  circonférence 
de  38  à  40  mètres,  crénelées,  armées  de  canons  qui  garnis- 
saient les  nombreuses  meurtrières  ou  embrasures  qu'on  y  avait 
pratiquées  et  reliées  entre  elles  par  une  courtine  d'un  peu  plus 
de  15  mètres;  enfin  et  au  nord  un  grand  ouvrage  de  forme 
rectangulaire  couvrant  une  superficie  de  IliO  mètres  carrés  et 
dont  on  armait  formidablement  les  étages  supérieurs,  aménagés 
en  casemates.  Il  existait  encore  trois  ou  quatre  tours  et  tou- 
relles, mais  destinées  cà  renfermer  les  escaliers,  elles  étaient  de 
moindres  dimensions  et  beaucoup  moins  élevées. 

Lorsqu'ayant  passe  le  pont-levis  on  pénétrait  dans  l'inté- 
rieur de  la  place,  on  se  trouvait  dans  une  avant  cour  ou  petite 
place  d'armes,  encaissée  de  tous  côtés  entre  les  hautes  murailles 
delà  fortification  qui  la  dominait  et  commandée  surtout  par  une 
sorte  de  tour  de  construction  massive,  qui  faisait  partie  adhé- 
rente du  bastion  hexagone  avec  lequel  elle  contribuait  à 
défendre  la  porte  du  château  et  qui  ouvrait  sur  cette  cour  de 
menaçantes  ouvertures  pouvant  à  l'occasion  foudroyer  les 
assaillants. 

A  quelques  pas  de  la  voûte  était  un  nouvel  obstacle  qui 
coupait  en  deux  parties  la  place  d'armes.  C'était  une  sorte  de 
barrière  faite  de  forts  pilastres  de  pierre  entre  lesquels  on  ten- 
dait d'énormes  chaînes  en  fer,  afin  de  retarder  la  marche  de 
l'ennemi  et  de  le  laisser  plus  longtemps  sous  le  feu  de  l'artillerie 
de  la  tour.  C'est  dans  cette  dernière  qu'était  placé  le  corps-de- 
garde. 

Au   fond,   on  avait  en   face   de  soi   le  logis,   la  demeure 


i.   Celti^  noti'  que  nous  possédons  est  mnnuscril(^  et  non  signée,  aussi  cri 
donnons-nous  l'assertion  sous  toutes  réserves. 


232  BOURBONNE  AUTREFOIS 

du    sûigaeur,  lourd    bàtimeul  reclaiigulaire,    ayant    plutôt 
l'aspect  d'une  caserne  que  d'une  habitation  seigneuriale. 

Pour  y  arriver,  il  fallait  franchir  une  nouvelle  porte,  ouverte 
dans  l'angle  à  droite,  au  fond  de  l'avant-cour.  Celte  porte  con- 
duisait à  la  grande  place  d'armes  du  château,  longue  de  29 
mètres  et  large  de  15  et  sur  laquelle  prenaient  jour  les  fenêtres 
dumanoirdont  la  façade  sedressait  sombre,  regardant  le  midi  et 
de  tous  côtés  dominée  par  les  tours ,  tourelles  et  constructions  de 
toute  nature  et  de  toute  forme  qui  composaient  la  fortification 
et  protégeaient  en  les  enfermant,  les  édifices  habités.  Le  sol  de 
la  place  d'armes  étant  moins  élevé  que  celui  de  l'avaat-cour, 
un  escalier  de  quelques  marches  conduisait  aux  appartements 
du  rez-de-chaussée,  auxquels  une  petite  tourelle  qui  était 
appuyée  à  l'angle  sud-ouest  de  la  maison,  servait  d'anti- 
chambre ;  les  étages  supérieurs  étaient  desservis  par  un  large 
escalier  en  pierre  prenant  naissance  dans  la  cour  môme  et 
situé  dans  une  tour  qui  couvrait  une  grande  partie  de  la 
façade,  au-dessus  de  laquelle  s'élançait  son  toit  pointu. 

A  droite  et  à  gauche  du  bâtiment,  mais  en  arrière, 
deux  autres  escaliers,  l'un  partant  de  l'avant-cour  et 
l'autre  de  la  grande  place  d'armes,  servaient  à  monter 
aux  remparts  et  aux  constructions  qui  s'y  appuyaient.  Ces 
escaliers  aboutissaient  à  une  plate-forme  qui,  au  nord  et  à  l'est 
régnait  à  l'intérieur  et  donnait  accès  dans  les  casernes,  case- 
mates, magasins  placés  sur  son  parcours,  et  condui- 
sait aux  deux  tours  formant  le  front  Est  delà  fortification.  Un 
autre  escalier,  renfermé  dans  une  tourelle,  mettait  également 
celte  partie  de  la  place  en  communication  directe  avec  la  cour 
intérieure. 

Eu  face  du  logis,  regardant  le  nord,  étaient  les  communs, 
casernements,  logement  des  hommes  d'armes  et  des  serviteurs 
du  château.  Cette  portion  de  l'habitation  dont  les  murailles  se 
dressaient  menaçantes  au-dessus  de  la  ville-basse,  avait  une 
porte  de  communicalion  directe  avec  le  chemin  couvert,  ce  qui 
permettait  à  la  garnison,  en  cas  d'alerte,  de  se  porter  rapide- 
ment de  ce  côté  des  remparts  extérieurs  et  de  surveiller  aisé- 
ment ce  qui  se  passait  dans  le  bourg  et  ses  environs.  Quatre 
autres  poternes,  placées  en  différents  points  du  rempart, 
avaient  le  même  but. 

Enfin,  adossée  au  bastion  hexagonal,  se  trouvait  la  prison, 
sorte  de  tour  basse,  formée  d'épaisses  murailles  et  ne  recevant 
le  jour  que  par  un  soupirail  placé  à  la  partie  supérieure.  Un 


ET   BOURBONNE   AUJOURD'HUI  233 

étroit  passage  y  conduisait  depuis  le  fossé,  mais  un  couloir 
secret,  pratiqué  dans  la  muraille,  et  partant  de  la  cour  inté- 
rieure, permettait  de  surveiller,  sans  être  vu,  les  agissements 
des  prisonniers  qui  y  étaient  renfermés. 

Tel  était  le  château  au  siècle  dernier;  tel,  du  moins,  nous  le 
montrent  les  quelques  documents  que  nous  avons  pu  nous 
procurer  à  son  sujet. 

Que  sont  devenues  les  tours  elles  murailles?  Qu'estdevenule 
logis  ?  Où  sont  les  casemates  etles  créneaux? — Le  temps  les  a  fait 
disparaître;  l'incendie  et  la  civilisation  ont  aidé  à  l'œuvre  du 
temps.  Ce  qui  fut  une  forteresse  n'est  plus  aujourd'hui  qu'un  très 
beau  jardin,  planté  à  l'anglaise,  occupant  le  plateau  tout  entier, 
au  milieu  duquel  s'élève  une  habitation  toute  moderne,  placée 
en  partie  sur  les  parterres  d'autrefois  et  sur  le  lieu  où  se  trou- 
vaient les  vinées  et  granges,  à  droite  de  la  cour  d'entrée;  seules 
les  écuries,  dont  l'une  a  été  transformée  en  serre  ou  orangerie, 
le  donjon  et  la  casemate  qui  commandent  la  ville,  au  midi,  at- 
testent que  Là  fut  la  maison-forte  des  seigneurs  de  Bourbonne. 

Les  deux  tours  de  l'est  on  du  moins  leurs  ruines  ont  été 
ensevelies,  en  1821,  sous  les  terres  qui  forment  la  terrasse 
plantée  des  jardins  et  l'on  pourrait  encore  en  retrouver  les 
restes* . 

Le  terrain  qui  fut  la  place  de  la  halle  est  aujourd'hui  un  jar- 
din particulier  ;  sur  l'emplacement  du  verger  dont  la  superficie 
a  été  distraite  de  la  propriété,  on  a  construit  une  maison  qui 
appartint  d'abord  au  Commandant  Mercier,  puis  à  M.  Cadet 
qui  la  possède  encore. 

Le  château  moderne  est  la  propriété  do  M.  Ghevandier  de 
Valdrôme. 

Bibliothèque   du   chûteau 

Eu  terminant  ce  chapitre,  nous  dirons  quelques  mots  de  la 
bibliothèque  du  château,  vendue  par  M.  d'Avaux  à  M.  cVîBau- 
court,  aloi'S  coadjuteur  de  Clairvaux,  moyennant  la  somme  de 
133,000  livres.  Estimée  d'abord  382,359  livres  18  sols,  elle 
avait  été  mise  à  prix  à  102,939  1.  17  s.  G  d. 


1.  Nous  tenons  ces  ronaeignements  de  la  bouche  même  do  M,  V'  Lalié- 
raid,  ancien  propriétaire  du  clidlcau,  d'après  les  ordres  duquel  la  terrasse 
a  été  élevée  .sur  l'emplacement  des  deux  tours  dont  les  ruines  onforméos 
dans  le  massif  dos  terres,  soutiennent  ces  dernières. 


234  BOURBONNE  AUTREFOIS 

Celle  importanle  collection  ne  provenait  point  des  anciens 
seigneurs  de  Bourbonne;  elle  appartenait  à  M.  Bouliier,  pré- 
sidenl  à  Mortier,  au  Parlement  de  Dijon,  membre  de  l'Aca- 
démie française^  après  lequel  elle  passa  par  alliance  à  la  maison 
de  Charlraire  "^ ,  puis  à  M.  d'Avaux^ . 

La  bibliothèque  des  Bouhier,  réputée  comme  une  des  plus 
riches  de  l'époque,  avait  été  formée  par  neuf  générations 
d'hommes  passionnés  pour  les  livres. 

Depuis  Louis  XIJ  jusqu'à  Louis  XV,  sept  personnages  du 
nom  de  Bouhier  se  succédèrent  dans  les  charges  du  Parlement 
de  Bourgogne. 

A  la  mort  du  sixième  Bouhier,  la  bibliothèque  passa  entre 
les  mains  de  son  fils,  le  dernier  et  le  plus  illustre  de  la  famille. 
Conseiller  au  Parlement  à  21  ans  et  à  31  président  à  Mortier; 
il  s'était  acquis  une  si  grande  répulation  comme  savant  et 
comme  littérateur  que  l'Académie  l'admit  en  son  sein  à  l'una- 
nimité des  suffrages,  le  16  juin  1727. 

En  de  telles  mains,  la  bibliothèque  des  Bouhier  reçut  encore 
des  accroissements  considérables  et  ne  tarda  pas  à  compter 
plus  de  35,000  voJumes imprimés,  offrant  dans- tous  les  genres, 
les  ouvrages  les  meilleurs,  les  plus  beaux  et  les  plus  rares, 
tous  très  bien  reliés,  portant  tous  sur  les  plats  de  leur  cou- 
verture en  veau  fauve,  le  veau  d'or  qui  rappelle  le  nom  du 
maître  " . 

Deux  mille  manuscrits  choisis,  dont  plusieurs  étaient  du 
plus  grand  prix,  complétaient  cette  magnifique  collection  que 
le  Père  Louis  Jacob  dans  son  traité  des  plus  belles  bibliothè- 
ques, désignait  comme  la  plus  somptueuse  du  duché  de 
Bourgogne. 

1.  Jean  Bouhier  était  ne  à  Dijon  en  1673,  il  mourut  en  t736j  tour  à  tour 
littérateur,  poète,  historien  et  juriste,  il  a  laissé  des  ouvrages  estimes. 

2.  François-Gabriel  Bénigne  de  Chartraire,  seigneur  de  Bourbonue,  épousa 
le  7  janvier  1837,  la  fille  du  président  Bouhier. 

3.  1-leinc-Claude  de  Chartraire  fut  mariée  à  13  ans  à  M.  de  Meames 
d'Avaux. 

4.  La  note  où  nous  puisons  ces  renseignements  et  qui  nous  a  été  com- 
muniquée gracieusement  par  M.  A.  Bonvalletjdc  Maizières,  fait  évidemment 
erreur  sur  ce  point;  il  est  bien  certain  que  les  livres  ne  furent  point  reliés 
par  M.  d'Avaux,  qui  no  songeait  qu'à  s'en  défaire  à  tout  prix,  mais  bien  par 
les  Bouhier.  Le  veau  d'or  frajipé  sur  le  plat  des  volumes  semblerait  pourtant 
indiquer  que  M.  d'Avaux  eu  était  propriétaire,  lorsqu'ils  furent  revêtus  de 
CCS  armes.  Colles  des  Bouhier  étaient  d'Azur  au  chevron  d'or,  accompagné 
en  chef  d'un  Croissant  d'argent  et  en  pointe,  d'une  tête  de  bœuf  d'or. 


ET   BOUHBONNE   AUJOURD'HUI  235 

A  la  morl  du  président  Bouhior  qui  ne  laissait  pas  de  fils, 
elle  passa  par  succession  à  sa  fille  M'"«  de  Chartrairc,  dont  le 
mari  était  également  président  à  Mortier  au  Parlement  de 
Dijon.  Celui-ci  en  prit  le  plus  grand  soin,  continua  de  l'aug- 
menter et  l'enrichit  de  nombreuses  acquisitions. 

Le  fils  de  M'""  de  Charlraire,  président  au  même  Parlement, 
hérita  non-seulement  de  la  bibliothèque  de  son  père,  mais 
aussi  de  son  zèle  à  conserver  ce  précieux  dépôt;  malheureuse- 
ment, il  n'eut  pas  de  fils  à  qui  il  pût  inspirer  ses  nobles  goûts. 
Le  vicomte  d'Avaux,  militaire,  homme  de  guerre,  plus  propre 
à  manier  l'épée  que  les  livres,  n'apprécia  point  le  trésor  qui  lui 
fut  laissé  et  chercha  par  tous  les  moyens  à  s'en  défaire.  Nous 
avons  vu  que  le  fait  d'avoir  vendu  la  bibliothèque  est  un  des 
grands  reproches  dont  ou  argua  dans  le  procès  en  séparation 
qui  lui  fut  intenté  par  M"''  de  Charlraire  sa  femme.  Il  faut  con- 
venir aussi  que  la  récrimination  n'était  pas  sans  fondement  ; 
car,  bien  que  la  somme  de  300,000  livres  qu'il  en  avait 
demandé  tout  d'abord,  fut  bien  au-dessous  de  la  valeur  réelle, 
il  céda  aux  offres  de  Clairvaux  qui  lui  offrit  135,000  livres 
comptant,  —  La  différence  était  par  trop  sensible  et  l'on  com- 
prend que  M'""  d'Avaux,  du  chef  de  qui  était  venue  la  collec- 
tion, ait  eu  lieu  d'être  peu  satisfaite  de  voir  abandonner  à  vil 
prix,  ce  trésor  de  famille'. 

A  la  Piévolution,  la  Bibliothèque  de  Clairvaux  fut  versée 
dans  celle  de  Troyes  qui,  aujourd'hui  possède  toutes  les 
richesses  qui  composaient  celle  des  Bouhier. 

H<>pital  militaii'C  et  Bains  civils 

Il  nous  reste  à  examiner  les  deux  établissements  thermaux, 
mais  comme  déjà  ils  ont  fait  le  sujet  d'une  étude  spéciale,  aussi 
complète  que  possible  " ,  nous  nous  bornerons  h  donner  ici  des 
détails  succincts  sur  leur  transformation. 


1.  La  nolerlo  laf|ucllo  sont  extraits  les  rensein;nemonts  que  nous  donnons 
ici,  est  extraite  de  l'avertissement  mis  fu  trte  du  Calalor/uc  général  des 
monumenls,  des  bibliothèques  publiques  des  déparloncnts,  puliliè  sous  les 
auspices  de  M.  le  Ministre  de  l'inslruclion  publique,  tome  II.  Paris  1855. 

Nota.  L'article  est  signé  Haruiaud,  conservateur  do  la  Lililiollièque  de 
Troyes. 

2.  Notes  historiques  sur  l'hôpital  Royal  rnililairo  do  Bourbonne-les-lîains, 
avec  plusieurs  plans  et  documents  enlièremonl  inédits  sur  les  thermes  de 
cette  ville,  j>ar  A.  Lacordairo.  1  vol.  in-12,  Langres,  Dallet,  1880. 


236  nOURBONNE  AUTREFOIS 

L'hôpital  militaire  qui,  on  le  sait,  fut  construit  en  173îi,  sur 
l'ordre  du  roi  Louis  XV,  se  composait  vers  1780  de  deux 
parties  distinctes.  L'uue,  l'hôpilal  proprement  dit,  comportait 
les  bâtiments  qui,  actuellement  s'étendent  de  la  rue  du  Pont- 
Bouvard  à  celle  de  Borne.  Les  conslruclions  n'ont  reçu  qu'une 
seule  modiGcatiou,  on  a  élevé  d'un  étage  toute  la  portion  qui 
borde  la  rue  de  l'Hôpital,  le  reste  est  demeuré  tel  qu"il  était 
primitivement. 

L'autre,  appelée  la  Convalescence,  servait  comme  son  nom 
l'indique,  au  logement  et  au  traitement  des  militaires  en  voie 
de  rétablissement,  elle  se  trouvait  en  face  de  la  première,  à 
droite  de  la  rue  du  Pont-Bouvard  et  s'étendait  jusqu'au  bain 
Patrice,  auquel  elle  était  adjacente.  Une  cour,  un  préau  cou- 
vert et  quelques  logements,  telle  était  cette  annexe  do  l'hôpi- 
tal. Quant  au  bain  Patrice,  il  était  destiné  aux  malades  mili- 
taires et  civils  qui  s'y  rendaient  pendant  la  saison  des  eaux. 
Connu  dès  l'époque  romaine,  il  tombait  presque  en  ruines 
à  l'époque  dont  nous  nous  occupons  et  renfermait  une 
seule  piscine  peu  étendue,  divisée  en  deux  parties  par  une 
cloison;  d'un  côté  baignaient  les  hommes,  de  l'autre  les 
femmes.  Eu  1784,  on  réunit  la  Convalescence  à  l'hôpital,  en 
prolongeant  les  bâtiments  sur  la  rue,  ce  qui  nécessita  l'ouver- 
ture d'un  passage  voûté  pour  la  communication  de  la  rue  Pont- 
Bouvard.  Le  préau  fut  planté,  des  constructions  nouvelles 
furent  édifiées  en  façade  sur  la  rue  des  Bains;  enfin,  depuis  la 
Révolution,  l'hôpital  n'a  cessé  de  subir  d'heureuses  transfor- 
mations qui  en  ont  fait  le  premier  établissement  militaire  de 
ce  genre,  en  France. 

Les  thermes  civils  n'étaient,  il  y  a  cent  ans,  autre  chose 
qu'une  sorte  de  halle,  entourée  d'un  mur  k  hauteur  d'homme 
et  renfermant  deux  bassins  couverts  d'une  toiture  supportée 
par  des  poteaux  en  bois.  Là  se  baignaient,  pour  ainsi  dire  en  plein 
air,  les  malades  auxquels  leur  fortune  ne  permettait  pas  de  se 
faire  porter  le  bain  à  domicile,  cas  où  ce  bain  était  payé  16  sols. 

En  1783,  M.  d'Avaux  résolut  de  faire  changer  un  si  déplo- 
rable état  de  choses,  et  de  construire  un  établissement  plus 
convenable.  Il  mit  donc  les  ouvriers  à  l'œuvre  au  commence- 
ment de  cette  môme  année,  fit  démolir  une  partie  des  ancien- 
nes constructions,  les  fit  rétabhr  sur  de  nouveaux  plans,  ins- 
talla des  bains  en  règle  et  fit  aménager  un  salon  de  réunion  ; 
travaux  qui  ne  furent  terminés  qu"en  1785.  Ces  faits  .sont 
constatés  par  l'inscription  suivante,  gravée  sur  une  plaque  de 
cuivre  que  l'on  trouva  dans  des  fouilles  opérées  en  1878. 


ET    BOUKRONNE   AUJOURD'HUI  237 

LAN   M.DCC.L  XXXIII 
CES   BAINS   ONT   BTTE   CONSTRVIT 
DES   DENIERS   DE   MESSIRE   PAVL    D 
MESME   COMTE    d'aVAVX    GENTILLO 
d'honnevr  de  MONSBIGNEVR  CO 
d' ARTOIS,    MESTRE   DE    CAMP    DV 
REGIMENT   DE   MEDOC   DRAGON 
SBIGNEVR    MAQVIS    DE    BOVRBONB 
LES   BAINS    SVIVANT   LES    PLANS 
DE   M'"  PARIS   ARCHITECTE  DV   ROY 
ET   DBSSINATEVR   DE    SON  CABINET 
SOVS   LA    CONDVITE    DV   S»'   TÀRRIO 

INSPECTBUR. 

ET   LA   RVE   COMMIS. 

A  la  mort  de  M"'*  d'Avaux,  l'établissement  étant  revenu  à  sa 
mère,  M"^^  de  Chartraire,  seigneur  de  Bourbonne,  celle-ci  le 
vendit  à  lEtal,  le  12  septembre  1812. 

Une  fois  propriétaire  des  thermes,  l'Etat  les  compléta  par  de 
nouveaux  travaux;  une  somme  de  2U3,100  fr.  fut  employée  à 
acquérir  des  terrains,  maisons,  etc.,  avoisinant  les  bains  pour 
agrandir  les  bâtiments  et  créer  un  jardin.  Les  travaux  com- 
mencèrent immédiatement  ;  interrompus  par  les  événements 
de  181 'i,  ils  lurent  repris  bientôt  après  et  terminés  à  la  fin  de 
celte  même  année. 

En  1821 ,  de  nouvelles  réparations  furent  faites,  car  les  bâti- 
ments étaient  déjà  en  fort  mauvais  état.  Puis  enfin,  le  gouver- 
nement se  décida  à  reconstruire  en  entier  l'établissement,  très 
insuffisant  pour  les  nombreux  malades  ([ui  fréquentent  la 
station. 

Les  travaux,  commencés  vers  la  fin  de  1874,  devaient  être 
achevés  dans  un  délai  de  trois  années,  et  cependant  ils  ne  le 
sont  point  encore  aujourd'hui,  en  18831 

A  quelles  causes,  à  quelles  influences  fâcheuses  devons-nous 
ce  retard?  —  nous  n'avons  point  à  le  rechercher  ici  —  mais 
nous  déplorons  une  impardonnabk!  incurie  et  souhaitons  vive- 


238  BOURBONNE  AUTREFOIS 

ment  (|u'on  melle,  au  plus  vile,  uu  terme  à  une  situation  si 
préjudiciable  à  tous. 


Souvenirs  d'un  temps  qui  n'est  plus,  ces  notes  l'auront  du 
moins  fait  revivre  pour  nos  concitoyens. 

Un  jour,  espérons-lc,  quelqu'aulre  viendra,  laudator  tem- 
poris  acti,  ajouter  un  nouveau  chapitre  à  ceux-ci  et  racontera 
son  tour,  à  la  génération  d'alors,  ce  que  fut  le  passé  de  Bour- 
bonne. 

[A  suivre).  A.  Lacordaire. 


LETTRI'.S  DE  M.  DE  DINTEVILLE* 

1589-1597 


V 
HAUTE-MARNE 

1500-1594 

I 

LANGEE  S 


Nous  croyons  utile  eu  quelques  ligues  de  résumer  l'histoire 
(le  Langres  pendant  la  période  à  laquelle  correspondent  les 
documents  importants  que  nous  publions. 

A  la  mort  de  Henri  III,  les  habitants  se  réunirent  en  assem- 
blée générale  pour  affirmer  leur  entier  dévouement  à  Henri 
IV  (12  août  158'J)  et  ils  ne  se  démentirsnt  pas  un  jour  depuis, 
malgré  les  graves  périls  qui  les  menaçaient  dans  un  pays  où 
leur  ville  seule  demeurait  fidèle  à  la  monarchie  légitime. 
L'évêque,  Charles  des  Gars,  neutre  sous  le  règne  d'Henri  III, 
se  prononça  au  contraire  contre  son  successeur  et  mit  dans 
son  château  de  Montsauljon  une  garnison  qui  empêcha  les 
vendanges  dans  le  Langrois.  Il  se  retira  ensuite  dans  son  châ- 
teau de  Mussy.  Au  mois  de  décembre  M.  de  Dinteville  s'installa 
à  Langres  et  peu  après  le  duc  de  IN c vers,  y  étant  venu  avec 
quelques  troupes,  les  habitants  en  profitèrent  pour  enlever 
Moutsauljou  qu'ils  démantelèrent,  mais  pas  asseji  complète- 
ment pour  (jue  les  Ligueurs  ne  pussent  s'y  réinstaller  forte- 
ment. Au  mois  de  mai  1590,  l'évêque  se  soumit  au  roi  et 
reçut  une  garnison  avec  le  sieur  d'Autricourt  à  Mussy. 

Toutes  ces  années  furent  excessivement  malheureuses  pour 
Langres  dépourvu  d'argent,  privé  d'une  garnison  suffisante 
et  constamment  menacé  du  dehors  d'où  les  habitants  ne  pou- 

*  Voir  page  07,  lomc  XIV,  Ue  la  Kevuc  de  Champagne  cl  de  Brie. 


•210  LETTRES   DE   M.    DE   DINTEVILLE 

valent  presque  rien  tirer  pour  leur  nourriture.  Au  mois  d'août 
1592  les  Lorrains  faillii-ent,  dans  la  nuit  du  19  au  20  août,  enle- 
ver la  ville,  comme  nous  le  verrons  dans  une  de  nos  lettres. 
Plusieurs  petits  mouvements  intérieurs  aggravèrent  encore  la 
situation.  La  ville  maintenue  cependant  par  Roussat,  son  maire, 
ne  laiblit  jamais.  Au  commencement  de  1593,  les  Lorrains 
firent  encore  une  tentative  et  furent  rudement  battus  aux 
portes  de  la  ville.  Même  après  l'abjuration  du  roi,  le  péril  sub- 
sista parceque  dans  ces  parages  les  princes  lorrains  entretin- 
rent aussi  longtemjîs  que  possible  une  agitation  dangereuse. 
Au  mois  de  décembre  les  Langrois  jH'ofitèrent  de  la  présence 
des  Suisses  du  maréchal  de  Betz  pour  reprendre  Montsaujon. 
Ils  échouèrent  et  la  garnison  continua  encore  les  plus  terribles 
excès.  Le  calme  ne  se  rétablit  qu'après  la  bataille  de  Fontaine- 
Française  ;  c'est  seulement  alors  que  les  ligueurs  désarmèrent 
en  Bassigny. 

L'honneur  de  la  fidèle  résistance  de  Langres,  avons-nous 
dit,  revient  au  maire.  Jean  Roussat  appartenait  à  une  famille 
noble  de  Moulins  transplantée  à  Langres  au  xv»  siècle.  Entré 
de  bonne  heure  au  présidial  comme  lieutenant  particulier,  il 
conquit  rapidement  la  faveur  de  ses  concitoyens  et  leur  dut 
l'honneur  exceptionnel  d'être  élu  six  fois  maire  de  la  ville.  11 
remplit  précisément  ces  fonctions  d'octobre  1.586  à  octobre 
1590  et  d'octobre  1592  à  octobre  1593,  c'est-à-dire  pendant  la 
durée  de  la  Ligue  en  Bassigny.  Henri  IV  lui  accorda  une  con- 
fiance absolue,  comme  on  peut  juger  par  les  nombreuses  et 
affectueuses  lettres  qu'il  lui  adressa  et  par  lesquelles  il  montre 
même  qu'il  le  regardait  comme  son  représentant  dans  cette  ré- 
gion de  la  France.  Il  était  en  rapport,  probablement  à  ce  titre, 
avec  Tavanes,  commandant  militaire  en  Bourgogne,  et  avec  le 
président  Frémyot,  qui  était  le  chef  de  la  magistrature  dans 
celte  province.  Les  ligueurs  le  poursuivaient  avec  acharne- 
ment; ils  assassinèrent  celui  de  ses  frères  qu'il  employait 
ordinairement  pour  ses  communications  confidentielles  avec  le 
roi  ;  puis  ils  cherchèrent  à  accabler  Roussat  sous  de  calom- 
nieuses accusations,  lui  faisant  reprocher  des  concussions,  fei- 
gnant d'entretenir  avec  lui  des  relations  secrètes  pour  faire 
croire  à  sa  trahison.  Nous  verrons  les  sentiments  hostiles  que 
lui  portait  M.  de  Dinteville  et  les  accusations  qu'il  formula 
contre  lui.  Nous  verrons  aussi  les  éloquentes  protestations  du 
maire  de  Langres  auquel  Henri  IV  donna  toujours  raison. 
Dinteville  ne  pouvait  supporter  patiemment  son  influence  ; 
c'est  ce  qui  explique  son  injustice  à  l'égard  d'un  des  hommes 


LETTKliS    L)E   M.    DE    DINTEVILLE  241 

qui  ouL  cortaiucmeut  le  [)lus  honore  la  Champagne.  S'étaul 
laigeiaeul  endetté  pour  le  service  du  roi,  dans  un  temps  où  il 
ne  pouvait  même  pas  toucher  ses  revenus,  ses  ennemis 
crurent  entin  le  pouvoir  accabler  et  le  voir  jetter  en  prison. 
Henri  IV  prévenu  signa  une  ordonnance  pour  que  les  agents 
Ilnanciers  de  la  province  payassent  à  Koussat  toutes  les 
sommes  qu'il  demanderait  sans  justification,  «  ne  voulant  pas 
qu'un  fidèle  sujet  du  roy  se  fût  ruiné  à  ses  services.  »  Il  ne 
l'oublia  jamais  et  Roussat  arrivait  à  Paris  pour  prendre  pos- 
session d'une  charge  de  maître  de  requêtes  le  jour  même  du 
crime  de  Kavaillac. 
Roussat  mourut  à  Langres  en  1613. 

Laugres,  11   mai   loÙl .   Au  duc  de  Nevcrs. 

Si  celle  frontière  n'est    rapidement   secourue   d'une  forte 
armée,  elle  sera  ruinée.  Le  Conseil  de  Ville. 

Langres,  22  août  1591 .  Au  duc  de  Nevers. 
«  Nous  ne  vous  dirons  aultre  chose  par  la  présente  sinon  que 
M.  de  Lorrayne  faisant  courir  le  bruit  d'aller  attaquer  M.  le 
Maréchal  d'Aumout,  estoit  venu  en  personne  pour  nous  sur- 
prendre par  les  moyens  de  quelques  pétards  qu'il  vouloit  faire 
attacher  à  l'une  de  nos  portes.  Mais  la  prudence  de  Mgr  de 
Dinteville,  et  la  vigilance  et  jugement  de  M.  de  Birague  qui 
est  ici  avec  Monseigneur,  faisant  la  ronde  à  2  heures  du  matin 
à  la  suite  des  nostres  qui  recougnurent  les  pétardiers  escortés 
des  sieurs  de  Guyoavelle,  d'Amblise,  Montereul,  et  il  a  telle- 
ment remédié  que  lesdits  pétardiers  suivis  de  7000  hommes  de 
pied  et  mil  chevaulx  s'en  retournèrent  laissant  tomber  plu- 
sieurs de  leurs  amys,  et  furent  si  bien  salués  de  uostre  arlille- 
rye  que  si  M.  de  Dinteville  eût  eu  les  lOU  cuirasses  de  sa 
compagnie,  M.  de  Lorrayne  et  les  siens  ne  s'en  fussent 
retournés  comme  ils  estoient  venus  ^  .   » 

Le  Conseil  de  Ville. 


1 .  Le  duc  de  Lorraine  ayant  appris  que  les  soldats  de  la  garnison 
étaieut  au  (ourrage  assez  loiu  de  la  ville,  résolut  de  l'eidcver.  11  vint  aveu 
toute  sou  armée  camper  ù  2  lieues,  ce  dont  une  i'emmc  de  la  campague  vint 
prévenir  Roussat.  Ou  ue  voulut  pas  la  croire,  mais  ou  redoubla  cependant 
de  précautions.  Les  Lorrains  vinrent  pendant  la  nuit  et  attaclièrent  un  pé- 
tard à  la  porte  du  Marché.  M.  de  Dinteville  par  un  heureux  hazurd  envoya 
M.  de  Birague  l'aire  une  ronde  à  2  heures  du  mutin.  Uirague  découvrit  les 
ennemis,  lit  tirer  dessus  ;  ils  s'eniuirent  en  désordre  et  la  tentative  échoua  : 
en  reconnaissance,  une  procession  fut  instituée  et  se  fait  encore.  Ou 
expose  ce  jour  là  le  pétard  de  fer  à  l'Uôlel  do  Ville.  (20  août).  16 


242  LETTRES    DE     M.    DE    DIN  TE  VILLE 

17  septerabrc  1591.  Le  Conseil  de  Langres  au  duc  de  Ncvers. 

Prière  d'empêcher  M.  de  Dinleville  de  s'éloigner  de  cette 
ville  avec  sa  compagnie  au  moment  où  tout  menace  le  pays, 
où  les  ennemis  ont  pris  par  escalade  le  château  de  Graudseyne 
(Grancey)  à  ij  lieues  d'ici.  On  n'a  d'espoir  que  dans  les  bous 
soins  du  duc  ;  «  la  position  est  désespérante.  » 

8  novembre  1591.  Le  Couscil  de  Laugres  au  duc  de  Nevers. 

Protestation  de  fidcUté  au  roi.  Le  Conseil  avait  autorisé  M. 

de  Dinteville  à  faire  entrer  une  compagnie  de  250  Suisses, 

mais  cela  a  tellement  ému  le  peuple  que  le  Conseil  a  sursis  en 

priant  le  duc  de  tenir  comjjte  du  dévouement  de  la  population. 

Sauvage,  Courtet,  Vallelte,  Legoux,  Mazuret. 

Langres,  le  12  novembre  loOl .  M,  de  Dinteville  au  même, 

Richebourg  a  du  le  mettre  au  courant  de  la  situation  ;  les 
gens  de  bien  croyent  que  sous  ce  qu'ont  fait  le  Chastelet,  An- 
glure  et  Austrecourt,  -a  il  y  avoit  autre  chose.  Il  s'en  dict  et 
faict  beaucoup  de  particularités  que  je  ne  pais  raconter  par 
escript    » 

Langres,  29  octobre  1591.  M.  Roussat  à  M.  de  Gesvres. 

«  Mes  ennemis  ont  maintenant  la  bouche  close  et  commencent 
à  reconnaître  la  faulte  qu'ils  ont  laide.  J'espère  que  Dieu  me 
donnera  la  grâce  d'en  avoir  ma  raison  par  justice.  Vous  y  pou- 
vez beaucoup  et  je  vous  ai  supplié,  comme  je  fais  par  cette 
lettre,  d  en  escrire  ung  mot  à  Mgr  le  Président  votre  frère. 

«  Les  disputes  de  M.  de  Chas tellet  avec  M.  de  Dinteville  con- 
tinuent et  il  y  a  apparence  de  quelque  fondement  de  faction 
qui  s'est  jette  par  deçà  sur  deux  divers  sujets,  lun  sur  la  reli- 
gion, lautrj  sur  les  querelles  particulières  qui  engendrent  de 
la  désobéissance  et  enfin  ne  peuvent  moins  amener  qu'un  dé- 
sordre qui  fera  congnoistre  à  S.  M.  et  à  vous  que  je  vous  ay 
escript  la  vérité.  Il  est  fort  aisé  d'y  donner  ordre  selon  que  je 
vous  escripls,  et  le  pire  que  j'y  vois  est  trop  de  licence  et  au- 
thorité  que  l'on  donne  au  peuple  que  nous  voyons  estre  la 
source  de  tous  nos  maux.  J'ay  entendu  que  le  nouveau  maire 
avoit  escript  au  roy  pour  avoir  la  charge  des  pacquets  d'Alle- 
maigne  et  d'Italie.  C'est  un  fort  habile  homme  jiour  le  faire  ; 
il  est  poussé  à  cela  par  ung  sien  fils  qui  peut  beaucoup  s'advan- 
cer  par  ce  moyen.  Ce  sont  des  catholiques  zélés  qui  pregnent 
le  salut  de  la  religion  par  deçà  avec  son  père.  » 


LETTRES   DE   M.    DE   DINTEVILLE  243 

Langres,  Il  novembre  1592.  Dintcville  au  duc  do  Nevers. 

«  Je  veois  ce  peuple  aller  de  mal  en  pis  qui  me  fait  beau- 
coup craindre  l'événement.  Les  Ghastellets  estoient  partis 
avant  hier  faisant  semblant  et  disant  à  chacun  qu'ils  alloient 
trouver  le  roy.  Hier  ils  retournèrent  tout  court  et  passèrent 
quasi  aux  portes  de  cette  ville.  Le  corps  d'icellc  vous  veult 
supplier  de  faire  rentrer  les  expulsés  soubs  ombre  de  l'arrêt 
qu'ils  ont  obtenu.  Il  me  semble  que  ce  seroit  toujours  ajouter 
du  bois  au  feu;  mais  bien  les  remettre  dans  peu  de  temps  que 
vous  espérez  estre  icy,  et  cependant  escrire  de  bonnes  lettres  à 
ceulx  de  la  ville,  qu'ils  aient  à  croire  les  serviteurs  du  roy, 
non  les  autres.  Anglure  fait  estât  d'aller  trouver  le  roi  pour  le 
gouvernement  et  en  a  composé  à  10000  1.  du  moins  c'est  ce 
qui  se  dit.  » 

Langres,  13  novembre  1591.  Diute ville  au  duc  de  Nevers  •  . 

II  écrit  pour  représenter  l'état  iuquiétant  de  la  ville.  Les 
troupes  lorraines  sont  entre  Langres,  Goiffy  et  Montigny.  Il  y 
a  urgence  à  aviser  sans  aucun  retard. 

22  novembre  1591 .  Le  chapitre  de  Langres  au  duc  de  Nevers. 

Pour  prier  le  duc  de  faire  revenir  cinq  chanoines  qu'on  avait 
éloignés,  en  leur  rendant  leurs  maisons,  bénéfices,  etc. 

Langres,  22  novembre.  Dinteville  au  même. 

Vif  regret  en  recevant  sa  lettre  du  30  annonçant  que  sou 
arrivée  est  retardée.  Il  lui  rappelle  que  depuis  longtemps  il  l'a 
prévenu  des  pratiques  des  Lorrains  dans  cette  ville,  que 
notamment  depuis  trois  mois  il  ne  lui  a  pas  écrit  une  fois  sans 
l'en  entretenir.  Il  croit  que  les  lettres  d'Espagne  ont  fait  beau- 
coup de  mal.  —  Ayant  appris  que  le  duc  de  Lorraine  voulait 
envoyer  quelques  troupes  à  M.  de  Vaudemont  pour  entrer  en 
France,  il  a  vu  «  comme  une  preuve  de  la  bouté  de  Dieu  » 
que  les  Suisses  étaient  encore  sous  sa  main  pour  pouvoir  s'y 
opposer.  Le  colonel  avec  sou  enseigae  fut  placé  dans  le  fau- 
bourg de  Langres,  du  consentement  du  Coubcil  de  Ville  et  de 
la  plupart  des  habitants.  Le  surplus  fut  réparti  entre  Coifîy, 
Ghâteauvilain,  Montiguy  et  les  autres  places  de  la  frontière 
jus([u"aux  ordres  définitifs  du  duc.  «  Eu  même  temps  les  Ghas- 
tellets (jui  trois  jours  auj)aravanl  vouloieut  faire  entrer   leur 


1 .  En  chiffres. 


244  LETTRES  DE  M.  DE  DINTEVILLE 

père  icy  qui  depuis  la  mort  du  feu  roy  a  toujours  esté  à  Nancy 
ou  eu  Lorraiue,  uiarchèreut  à  visage  plus  ouvert.  (J'estois 
tombé  malade  déjà  de  la  fièvre  et  d'uu  grand  catare  qui  me 
lesoit  tenir  le  lit),  vont  aux  portes  et  maisons  particulières  sur 
la  muraille  la  nuit  dire  au  menu  peuple  qu'ils  se  gardassent 
bien  de  recevoir  les  Suisses,  que  c'estoit  leur  oster  leur  liberté, 
qu'ils  mourroient  avec  eux  pourveu  qu'ils  les  vouloissent 
croire.  Cela  leur  fut  aisé  de  persuader  et  soulever  ce  peuple 
qui  ne  parlant  que  de  liberté  vinrent  jusques  aux  menaces 
envers  le  maire  et  le  lendemain  vouloieut  empêcher  qu'on 
portast  des  vivres  aux  Suisses.  Anglure  et  Aultricourt  ont 
esté  avec  eux.  Geste  ville  est  réduite  comme  divisée,  et  moy 
seul  parmy  eux,  hors  quelques  gentilshommes  qui  y  sont  à 
leurs  frais,  mais  c'est  peu  en  nombre,  n'ayant  pu  placer  icy 
les  cuirasses  dont  il  vous  a  pieu  me  faire  le  commandement, 
faulte  de  fonds.  »  11  redoute  beaucoup  que  le  duc  de  Lorraine 
informé  de  l'état  de  la  place  ne  s'en  approche.  La  présence  du 
duc  de  Nevers  est  urgente,  «  autrement  je  crains  quand  vous 
y  voudrez  remédier  qu'il  n'en  soit  plus  saison.  »  Il  a  voulu 
placer  les  Suisses  pour  les  garder  à  sa  portée,  mais  bien  qu'il 
les  eût  payés,  le  comte  de  Ghàleauvilain  a  refusé  de  les  rece- 
voir, ce  qui  a  décidé  M.  de  Birague  a  les  <■<  enlever  »  jusqu'aux 
faubourgs  de  Sézanne.  —  Le  président  Blancmesnil  le  réclame 
à  Chàlons  ;  le  baron  d'Aix  est  à  Mussy  avec  100  chevaux  et 
1 50  fantassins,  ce  qui  coûte  trop  cher.  «  Ce  qui  se  passe  de  ce 
coslé  de  nostre  province  est  si  désordonné  que  tel  village  qui 
ne  paye  que  12  écus  de  taille  par  an,  en  paye  14  par  mois.  Je 
vous  assure  que  si  le  roy  et  vous  n'y  donnez  ordre,  il  est 
impossible  que  ce  peuple  vive.  La  guerre  ne  s'y  fait  le  plus 
souvent  qu'aux  paysans  et  le  commerce  s'éteint  partout  quasi. 
Le  prince  de  Parme  est  prêt  à  entrer  eu  France.  » 

{A  suivre). 


NÉCROLOGIE 


Nous  mentionnerons  comme  grand  événement  liistorique  la  mort  de 
Mgr  le  comte  de  Chambord,  le  24  août,  au  château  de  FrosdoiiT. 
N'ayant  pas  eu  d'enfant  de  son  mariage  avec  l'archiduchesse  Marie- 
Thérèse  d'Autriche-Eslc-Modène,  le  chef  de  la  maison  de  France  est 
aujourd'hui  Mgr  le  comte  de  Paris.  Un  service  solennel  pour  le  repos 
de  l'àme  de  l'auguste  défunt  a  été  célébré  le  10  septembre  dans  la 
cathédrale  de  Reims  oîi  tant  de  rois  ont  été  sacrés.  L'absouto  a  été 
donnée  parM.  l'abbé  Tourneur,  vicaire-général.  L'assistance  était  très 
nombreuse  et  comptait  des  représentants  de  toutes  les  classes  de  la 
société.  Parmi  les  personnes  présentes,  venues  de  tous  les  points  du  dé- 
partement, nous  citerons  :  MM.  et  M'"«  Werlé;  Henri  Paris,  président  du 
comité  royaliste;  Chandon  de  Briailles,  comte  du  Fou,  colonel  de  Varen- 
nes,  baron  de  Saint-Vincent,  baron  et  abbé  de  Baye  ;  marquis,  comte 
et  comtesse  de  Lesseviile  ;  comte  et  comtesse  de  Maigret,  baron  et 
baronne  d'Aubilly,  vicomtesse  et  vicomte  de  Champeaux-Verneuil, 
l'un  des  zouaves  de  Gharelte  qui  a  veillé  la  dernière  nuit  le  corps  du 
prince  ;  comte  et  comtesse  E.  de  Barthélémy,  vicomte  et  vicomtesse 
Ch.  de  Briment.  MM.  Le  Verger,  Goulet,  vicomte  de  La  Guérinière, 
vicomte  de  Vesvrotte,  M.  de  Muizon,  M.  Menesson,  la  comtesse  de 
Saisseval,  général  baron  et  baronne  de  Susbielle,  baron  et  baronne 
de  Massias,  l'amiral  Fabre  de  La  Maurelie,  M.  Tardif,  conseiller  à  la 
cour  de  cassation,  M.  Brnnot  de  Boyer,  etc. 

* 

Un  érudit  rémois  vient  de  mourir  le  5  septembre  à  Reims.  M.  L.  S. 
Fanart  laisse  de  nombreux  travaux  sur  la  littérature  et  la  musique 
qui  ont  paru  dans  les  Mémoires  de  l'Académie,  dont  il  était  le  der- 
nier membre  fondateur  survivant.  Nous  citerons  parmi  ses  principiux 
travaux  la  notice  sur  AlfonsePérin  et  ses  peintures  do  Notre-Dame  de 
Loretta;  la  note  sur  les  morceaux  de  musique  contenus  dans  le  manus- 
crit de  Jean  Pussort  ;  notice  sur  un  tableau  de  l'église  Saint-Remy  et 
sur  la  chapelle  pontificale  qui  y  est  représentée,  etc.  Il  était  né  à 
Reims  en  1807  et  se  fit  connaître  de  bonne  heure  comme  organiste. 

¥      * 

Nous  apprenons  la  mort  de  Mgr  Lion,  archevêque  titulaire  de 
Damiette  ;  il  appartenait  à  une  honorable  famille  des  environs  de  Reims 
où  il  était  né  le  6  juillet  1826.  Entré  dans  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs, 
il  fut  envoyé,  sur  sa  demande,  à  la  mission  de  Mossoul.  Le  3  mars 
1874,  le  Saint  Père  le  nomma  comme  archevêque  de  Damiette  —  où 
il  est  mort  — ,  délégué  apostolique  en  Mésopotamie,  Kurdistan  et 
Petite  Arménie,  et  administrateur  apostolique  de  l'archidiocèse  de 
Babylone,  Il  avait  assisté  l'an  dernier  au  Triduum  des  fêtes  de  saint 
L'rbain,  à  Reims.  C'est  à  lui  que  revient  l'honneur  d'avoir  éteint  le 
schisme  en  Mésopotriiuie.  —  Armes  :  D'nzur  au  lion,  li'iiant  une 
croix  d'or. 


BIBLIOGRAPHIE 


La  librairie  Renart  vient  de  publier  un  excellent  Guide  du  voya- 
geur et  de  l'étranger  dans  Reims  (in-18,  avec  plan).  C'est  un  travail 
complet  avec  de  bonnes  notices  historiques,  d'après  les  mémoires 
plus  étendus  qui  ont  composé,  l'an  dernier,  le  remarquable  volume 
consacré  à  Reims  par  le  Congrès  de  l'avancement  des  sciences.  Nous 
ne  saurions  trop  le  recommander,  car,  bien  souvent,  on  vient  à  Reims 
sans  savoir  les  nombreuses  curiosités  qu'il  y  a  à  y  voir. 

*     * 

M.  A.  de  Barthélémy  vient  de  donner  aux  Archives  de  l'Orient 
latin  un  travail  d'une  haute  valeur,  tiré  malheureusement  à  part  à 
un  trop  petit  nombre  d'exemplaires.  Il  est  intitulé  :  Chartes  de 
départ  et  de  retour  des  comtes  de  Dampierre-en-Astenois,  IV"  et 
Te  croisades.  Nous  trouvons  là  vingt  chartes  inédites,  empruntées 
aux  Archives  de  la  Marne,  du  plus  grand  intérêt  pour  l'histoire  des 
croisades.  Mais  M.  de  Barthélémy  y  élucide  un  fait  important,  l'origine 
des  comtes  de  Dampierre,  dont  les  armes  ne  figurent  même  pas  au 
Musée  de  Versailles,  dont  aucun  généalogiste  ne  parle  avec  détail,  et 
qui,  malgré  leur  illustration  et  leur  haute  position  féodale,  sont  restés 
jusqu'à  ce  jour  presque  inconnus  ou  confondus  avec  de  nombreux  ho- 
monymes. 

M.  A.  de  Barthélémy,  le  premier,  démontre  que  les  comtes  d'Aste- 
nois,  dont  les  descendants  furent  les  comtes  de  Dampierre- le-Ghâteau, 
près  de  Sainte-Menehould,  étaient  issus  d'un  cadet  des  comtes  de 
Toul.  L'Astenois  comprenait  les  paroisses  des  anciens  doyennés  de 
Sainte-Menehould  et  de  Possesse  :  son  chef-lieu  primitif  était,  d'après 
les  recherches  de  M.  Longnon,  au  Vieil-Dampierre. 

Ce  chapitre  de  l'histoire  d'un  croisé  champenois  est  très  intéressant. 
Renard  de  Dampierre  jusqu'en  1199  n'était  connu  que  par  ses  géné- 
reuses aumônes  ;  à  partir  de  cette  date,  ses  donations  révèlent  son 
projet  de  se  croiser.  Il  partit  au  mois  de  juin  1202  et  il  paraît  avoir 
supporté  avec  peine  les  atermoiements  apportés  par  le  roi  Amaury  à 
la  guerre  contre  les  infidèles.  Il  se  décida  alors  à  se  mêler  aux  luttes 
privées  en  combattant  pour  Rohémond,  prince  d'Antioche  contre  son 
neveu  et  héritier  Raymond  ;  il  partit  avec  un  corps  levé  par 
lui  ol  ayant  di'i  passer  sur  le  territoire  musulman,  il  fut  pris  et  em- 
mené à  Alej),  pendant  que  nombre  de  ses  compagnons  périssaient  l'épée 
à  la  main.  Il  demeura  captif  pendant  29  ans  et  fut  ensuite  racheté  par 
les  chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  qu'il  indemnisa  après  son 
retour,  par  d'importantes  donations  en  Champagne.  Il  mourut  au  mois 
de  mars  I23'i,  ayant  trouvé,    remarque  M.  de  Barthélémy,   qu'en  son 


BIBLIOGRAPHIE  247 

absence,  ses  enfants  avaient  usé  un  peu  trop  largement  de  ses  domai- 
nes dans  leurs  libéralités  ;  il  formula  môme  plusieurs  revendications 
qui  se  terminèrent  par  des  transactions  et  des  renonciations  :  ainsi 
l'abbaye  de  Montier  dut  rendre  600  livres  de  Provins,  10  vaches  et 
100  moutons;  celle  de  Cheminon,  un  cens  de  40  seliers  d'avoine,  etc. 

Nous  relèverons  dans  les  Comptes  des  bâtimetits  du  roy  (1528-1571) 
publiés  par  M.  le  marquis  de  La  Borde  dans  la  collection  des  Mémoi- 
res de  la  Société  de  l'art  français,  (2  vol.  in-8",  Paris,  Baux  1877), 
les  noms  dedeux  artistes  champenois  :  Jacques  Gonquet,  dit  de  Langres, 
maître  maçon,  employé  en  1565  aux  travaux  de  Fontainebleau;  et 
Nicolas  de  Lassus,  dit  do  Chaalons.  peintre  verrier,  employé  au  même 
palais  lie  1537  à  1540.  Cotte  dernière  mention  a  (rnntnni  plus  d'intérêt 
que  le  nom  de  Lassus  ligure  dans  les  comptes  de  la  fabrique  de  Notre- 
Dame  de  Chàlons,  pour  ses  verrières,  en  1552-1553. 


La  grande  publication  artistique  et  archéologique  entreprise  à  Reims 
au  prix  do  longs  sacrifices,  se  poursuit  avec  un  grand  succès.  Cinq 
livraisons  in-folio  ont  paru,  dans  lesquellesse  trouvent  les  monogra]ihies 
de  l'Hôtel  de  Ville,  du  théâtre,  de  l'Hôtel  Ferêt  de  Montlaurent,  le 
cloître  de  la  cathédrale,  le  collège  des  Bons  Enfants,  par  MM.  Louis 
Paris,  l'abbé  Gaillet,  Givelet;  tous  les  dessins  de  M.  Leblan  sont  irré- 
prochables. C'est  réellement  une  publication  hors  ligne  et  oi!i  le  texte 
mérite  également  les  plus  complets  éloges. 

Vient  de  paraître  à  Reims  (imprimerie  Bugg),  une  brochure  tirée  à 
petit  nombre  et  du  plus  grand  intérêt  :  Annales  de  Reims  de  1789  à 
1802,  par  M.  le  chanoine  Cerf.  Ce  travail  résume  presque  jour  par 
jour  les  événements  survenus  à  Reims  durant  colle  triste  période. 
L'auteur  les  a  surtout  tirés  d'un  recueil  fort  rare,  «  la  Correspondance- 
générale  de  V Europe  »,  rédigée  de  1780  à  1702  par  le  nommé  iîeau- 
court  dit  Cou])el,  procureur  de  la  commune  deRoims.  L'auteury  ajoint 
les  détails  lt!S  plus  intéressants  sur  los  églises  de  la  ville,  particulière- 
ment sur  la  cathédrale,  en  consultant  les  délibérations  des  Conseils  de 
fabrique,  conservées  à  la  Bibliolhèque  do  l'archevêché.  On  suit  là 
dans  le  plus  grand  détail  le  progrès  des  idées  révolutionnaires  et  on  en 
constate  les  excès.  M.  le  chanoine  Cerf  a  su  donner  à  ces  annales  la 
prtkîision  d'un  iirocès-vi-rhal  absolument  impartial  ot  par  conséquent 
indiscutable. 


Nous  avons  à  mentionner  quelques  nouvelles  publications,    D'.ibord 


248  BIBLIOGRAPHIE 

les  Cor^'espondants  de  la  marquise  de  Balleroy,  par  le  comte  E.  de 
Barthélémy  (2  vol.  in-8",  Paris,  Hachette),  recueil  intéressant  pour 
l'histoire  intime  du  premier  quart  du  xviii'^  siècle  :  il  se  compose  de 
lettres  adressées  ;ï  Mm*-"  de  Baileroy  i)ar  ses  parents  qui  occupaient  les 
premiers  rangs  dans  la  Société  :  les  Gaumarlin,  les  d'Argenson,  Bre- 
teuil,  Brancas,  Comminges,  etc.  M.  de  Barthélémy  y  a  joint  des  noti- 
ces complètes  sur  les  familles  de  Caumartin  et  de  Baileroy  et  a  eu 
àparler  longuement,  notamment,  de  M.  deCaumartin  qui  fut  intendant 
de  Champagne  et  y  présida  à  la  Recherche  de  la  noblesse. 


Documents  inédits  sur  la  famille  du  chancelier  Gerson  et  sur  les 
villages  de  Gerson  et  de  Barbij  (.\rdennes).  In-8»,  Reims,  Monce.  A 
petit  nombre. 

« 

*  * 

Les  loisirs  d'un  curé,  in-8°,  Chaumont.  C'est  le  rajiport  du  maire  de 
Rochefort  (Haute-Marne)  sur  les  actes  de  dévouement,  de  M.  l'abbé 
Marchai,  curé  de  cette  paroisse,  en  vue  du  concours  du  prix  Monlhion. 

* 

*  * 

Ancienne  et  nouvelle  discipline  du  diocèse  de  Troyes.  de  1785  à 
1843,  quatre  volumes  in-S",  par  M.  l'abbé  Ijalore. 


CHRONIQUE 


Notre  article  sur  les  mémoires  de  madame  de  Tourzel  contient  une 
faute  d'impression  que  nous  sommes  heureux  d'avoir  commise,  car 
elle  nous  vaut  une  lettre  d'un  trop  haut  intérêt  pour  ne  pas  trouver 
place  dans  la  Revue.  E.  de  B. 

Vitry-le-François,  29  juillet  1883. 
Monsieur  et  très-honor6  Collègue, 

Permettez-moi  de  vous  signaler  une  légère  faute  d'impression  qui 
s'est  glissée  dans  votre  très-intéressante  notice  sur  le  Retour  de 
VareiDies,  faute  que  je  vous  serai  très-obligé  de  faire  rectifier  sur  le 
prochain  numéro  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 

Le  maître  de  poste  de  Ghàlons  (p.  i5)  ne  s'appelait  pas  Viot,  mais 
Viet  ;  c'était  en  effet  Antoine-Nicolas  Viet,  «  l'honnête  M.  Viet  »  des 
Annuaires  de  la  Marne. 

Cet  honnête  homme,  dont  Lamartine  a  dit  dans  ses  Girondins  «  Le 
sang  de  son  roi  ne  toucha  pas  cet  homme  parmi  tout  ce  peuple  »,  est 
mort  à  Châlons  le  4  septembre  1806. 

C'était  le  bisaïeul  paternel  de  ma  mère,  Adèle  Viet,  encore  existante, 
et  dont  le  père,  négociant  à  Vitry-le~François,  y  mourut  jeune  encore 
en  1831.  —  Avec  lui  s'éteignit  ce  nom  modeste,  mais  honorable. 

Comme  vous,  très  honoré  Collègue,  j'avais  trouvé,  en  lisant  tout 
récemment  les  Mémoires  de  madame  de  Tourzel,  que  cette  fidèle  et 
dévouée  compagne  du  voyage  de  Varennes,  avait  commis  une  erreur 
assez  lourde  en  disant  :  «  Nous  passâmes  à  Châlons  sans  être  recon- 
nus. »  Cette  assertion  est  contraire  à  tous  les  souvenirs  locaux  et  à 
ce  qui  est  désormais  admis  comme  vérité  historique. 

Il  paraît  même  certain,  suivant  les  traditions  conservées  dans  la 
famille  Viet,  que  le  Roi  avait  été  reconnu  à  la  Poste  aux  Chevaux  qui 
précédait  immédiatement  Châlons,  celle  de  Chaintrix,  dont  le  titulaire 
était  alors  J.-B.  de  Lagny. 

Au  passage  dos  voitures,  celui-ci,  dont  la  fille  aînée  était  mariée  à 
Charlemagne  Viet,  fils  du  maître  des  postes  do  Châlons,  ordonna  à 
son  gendre  de  remplacer  un  postillon  en  montant  de  suite  sur  un  des 
chevaux  de  la  principale  voiture  et  de  partir  â  fond  de  train  ])0ur 
Châlons. 

Le  fait  de  cotte  course  précipitée  s'accorde  d'ailleurs  assez  l>ien  avec 
la  phrase  où  madame  de  Tourzel  (tome  I,  p.  310),  dit  que  les  chevaux 
de  la  voiture  du  Roi  s'abattirent  deux  fois  entre  Nintre  et  Châlons, 
faute    d'imjiression    évidente,  au   lieu   de   Chaintrix   (on    j)rononce 


250  CHRONIQUE 

Chaintry)  —  puisqu'il  n'y  a  entre  ce  village  et  Châlons  aucun  lieu 
dont  le  nom  ressemble  à  Nintré,  —  et  que  d'ailleurs  il  n'y  avait  pas 
de  reiai  de  poste  h  Thibie,  seul  village  que  l'on  traverse  i)Our  aller  do 
Cliaintrix  à  Châlons  (20  kilomètres).  —  Ceci  vous  sera  facile  à  vérifier 
sur  une  carte  de  la  Marne. 

C'est  donc  Charleraagne  Viet  qui  aurait  appris  à  son  père,  à  son 
arrivée  à  Châlons,  quels  étaient  les  voyageurs  qu'il  venait  d'y  amener. 

Comme  souvenir  ayant  toujours  été  rattaché  au  voyage  de  Varennes, 
on  a  conservé  précieusement  dans  ma  famille  deux  grandes  écuelles 
d'argent  aux  armes  de  France  et  portant  sur  leurs  anses  deux  effigies 
en  relief  surmontées  de  la  couronne  royale. 

Quant  à  la  maison  de  poste  de  Chaintrix,  qui  est  encore  en  notre 
possession,  elle  est  restée  telle  qu'elle  était  en  1791  ;  ma  grand'mère, 
la  veuve  de  Charlemagne  Viet,  devenue  en  seconde  noce  Mme  Mille, 
l'habita  jusqu'à  sa  mort  en  1851,  époque  où  la  création  de  la  ligne  de 
l'Est  plongea  dans  un  calme  voisin  du  marasme,  cette  route  ci-devant 
royale,  jadis  si  animée. 

Pardon  de  ces  détails  sur  lesquels  je  pourrai  avoir  l'occasion  de 
revenir  avec  vous  ;  mais  je  sais  que  rien  de  ce  qui  touche  à  notre 
histoire  de  Champagne  ne  vous  laisse  indifférent  et  je  vous  prie 
d'agréer,  très  honoré  Collègue,  l'expression  de  mes  sentiments  les 
plus  distingués. 

D''  L.  Vast, 
Président  de  la  Société  des  Sciences  et  des  Arls 
de  Viiry-le-François . 

* 

L'enlèvement  de  M"<=  de  Sallenove.  —  Tallemant  des  Réaux  a 
raconté  longuement  l'aventure  de  M"'^  de  Sallenauve  '  ,  fille  du  seigneur 
de  Guisle  et  de  Perrette  Goujon  de  Thuisy,  que  M.  de  Saint-Etienne, 
fils  de  Jean  de  Beaumont,  gouverneur  de  Château-Renaud,  enleva  en 
plein  jour,  à  Reims.  L'affaire  fit  grand  bruit  et  causa  la  mort  de  plu- 
sieurs personnes;  depuis,  l'héroïne  épousa  M.  de  Livron,  marquis  de 
Bourbonne  qui,  dès  1670,  était  entré  dans  les  ordres. 

Nous  donnons  l'acte  de  plainte  formé  devant  le  prévôt  de  Mézlères, 
que  nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  le  comte  0.  de  Gourjault.  (]e 
document  est  d'autant  plus  intéressant  que  Tallemant  ne  fournit  aucun 
détail  sur  l'enlèvement  proprement  dit. 

Les  deux  autres  pièces,  cotées  aux  archives  nationales,  kk.  10G9, 
r  105  et  108  sont  relatives  au  commencement  d'instruction  contre 
M.  de  Saint-Etienne. 

1G44.    —    Noble   homme   Gérosme   Goujon,   sieur  de   Thuisy,   et 


1.  Historiette,  tome  VI,  page  3S. 


CHRONIQUE  251 

Claude  Goujon,  siour  de  Vaux  requièrent  le  prévôt  de  Mézièros  d'avoir 
à  faire  assister  Nicolas  de  Biaise,  serviteur  domestique  du  s''  Claude 
de  S.  Estienne  qui  est  en  ceste  ville  de  Mézières  pour  estre  interrogé. 
Le  9  mars  1644  vers  les  10  ou  11  h.  du  matin  il  alla  attendre  le  s' de 
S.  Estienne  dehors  la  porte  de  Reims  ;  il  était  accompagné  d'un  petit 
laquais  dudit  lieu.  Il  vit  ledit  s'  sortir  dudit  Reims  parla  porte  Mars, 
son  carrosse  attelé  de  deux  chevaux,  sept  ou  huit  cavaliers  l'atten- 
daient, puis  d'autres  survinrent.  Ils  étaient  en  tout  25  environ,  cara- 
bins du  régiment  de  St-Estienne  ;  on  ajouta  3  ou  4  chevaux  au  car- 
rosse ;  ils  passèrent  près  de  Witry  par  Tugny  et  de  là  à  Pierrepont 
près  Launois  et  puis  à  Sept-Fontaines,  sans  avoir  fait  aucune  pose  ni 
délDridé,  sinon  entre  bois  de  la  vallée  de  Bourdeux  et  ledit  Pierrepont 
où  ils  prirent  quelque  légère  réfection,  et  arrivèrent  audit  Sept-Fon- 
taines environ  une  heure  après  minuit  en  attendant  le  point  du  jour  ; 
après  quoi  ledit  S.  Estienne  continua  son  chemin  iirocho  Voncy,  il 
aurait  enfilé  le  chemin  du  bois  qui  suit  au-dessus  de  Charloville,  et  le 
déposant  étant  venu  à  Charleville  pour  achepter  de  la  viande,  aurait 
été  arresté.  Les  chemins  étant  très  mauvais  dans  la  vallée  de  Bour- 
deux, M.  de  S.  Etienne  prit  la  demoiselle  on  croupe  et  un  des  cavaliers 
prit  également  la  suivante  en  croupe. 

Interrogé  s'il  a  entendu  les  dites  demoiselles  se  plaindre,  répond 
qu'il  n'a  pu  entendre  ce  qu'elles  disaient  parce  qu'elles  avaient  la 
figure  couverte  ' . 

A.  dit  qu'elle  s'appelle  de  Sallenove  de  Cuisle  et  la  suivante  du  nom 
d'Ursule. 

Interrogé  si  le  dit  S.  Etienne  n'a  pas  enfilé  le  chemin  de  Clavy,  a 
dit  qu'il  n'en  savait  rien. 

Interrogé  s'il  n'y  avait  pas  quelques  gentilshommes,  répond  qu'il  y 
avait  plusieurs  officiers  de  son  régiment  ;  mais  ignore  leurs  noms. 

Le  sergent  de  Reims  prétend  que  MM.  de  Bezanne  et  de  Nouvion 
en  estoient. 

L'enlèvement  de  la  demoiselle,  petite-fllle  de  M.  le  président  Goujon 
lut  fait  à  l'issue  de  la  messe  à  l'église  S.  Hilaire  de  Reims. 

(Prévôté  do  Mézières). 

De  par  le  Roy, 
Sur  la  jilainte  qui  a  esté  faite  à  Sa  M'^  par  les  parents  de  d"o  Claude 


1 .  Saint-Etienne  la  garda  assez  longtemps  à  Château-Renault,  mais  il 
paraît  qu'elle  se  lassa  de  lui  et  obtint  do  se  retirer  à  Mézières,  dans  un 
couvent  où  la  supérieure  était  la  tante  du  ravisseur.  Son  oncle  Tliuisy  la 
ramena  chez  les  Cordeliôres  de  Heiins.  La  reine  ot  les  princes  de  Condé  s'en 
mêlèrent.  Au  bout  d'un  ;in,  M.  d'Eloges  conduisit  M""  de  Sallenove,  sa  cou- 
sine, chez  lui  ;  c'est  lui  qui  lui  fit  épouser,  malgré  une  vive  répuf^nnnce, 
son  neveu  de  Bourbonne. 


252  CHRONIQUE 

do  Salnove  fille  aagée  de  15  à  16  ans  quelle  auroit  esté  ravie  et  enlevée 
contre  son  gré  le  9  de  ce  mois  sortant  de  l'esglise  St-IIilaire  de  nostre 
ville  (lo  Reims  parle  s^de  St-Eslienne,  111s  du  s»"  de  St-Esliennc,  gouv»" 
de  Chasteau-Renaud  accompagné  de  nombre  de  cavaliers  qui  l'ont 
menée  de  conduite  par  force  audit  Chasteau-R.,  et  ne  voulant  qu'une 
telle  violence  demeure  impunie  et  en  attendant  qu'on  en  puisse  avoir 
plus  ample  oonnoissance  pour  procéder  par  les  voies  de  la  justice 
contre  les  autheurs  et  coulpables  de  ce  rapt.  Sa  Majesté  par  l'advis  de 
la  royne  régente,  sa  mère,  a  ordonné  au  s""  de  Melville  un  des  exempts 
de  ses  gardes  escossois  de  se  transporter  le  plus  diligemment  quil 
luy  sera  possible  audit  Chasteau-Regnaud  et  là  faire  très  exprès  com- 
mandement de  par  Sa  Majesté,  tant  audit  s' de  St-Estienne  filz  qu'à  son 
père  et  tous  autres  commandants  en  ladite  place  dt».  mettre  immédia- 
tement ladite  d''"  de  Salnove  en  possession  dudit  sieur  de  Melville,  à 
peine  de  désobéissance  et  de  peine  exemplaire  pour  estre  aussitost 
après  remise  es  mains  du  s^  de  Thuisy  son  curateur  avec  escorte  suf- 
fisante jusqu'en  lieu  de  seureté,  faire  injonction  aux  s""»  de  S.  Esticnne 
père  et  fils  de  venir  en  Cour  rendre  compte  de  ceste  action  dans  15 
jours.  Et  s'ils  fesoient  relfus  d'obéir  au  commandement  qui  leur  seroit 
ainsy  faict  de  la  ])art  de  sadite  M'"  ;  mande  aux  gouverneurs  et  lieu- 
tenants-généraux des  provinces,  gouverneurs  particuliers  des  villes  et 
autres  commandants,  gens  de  guerre,  prévosts  de  mareschaux  et  autres 
officiers  d'assister  pour  donner  main  forte  audit  s»' de  Melville,  en  sorte 
que  force  en  demeure  à  la  justice  ;  que  si  ladite  demoiselle  avoit  esté 
emmenée  ailleurs,  dedans  ou  dehors  le  royaume,  en  informer  par  ledit 
sr  deMelviUeet  s'y  transporter  pour  se  saisir  d'elle  et  de  ceux  qui  l'au- 
ront conduite  et  les  amener  en  ceste  ville  de  Paris.  Sa  Majesté  priant 
tous  Roys,  Princes,  Républiques,  ses  bons  amis  alliez  et  requérants, 
leurs  officiers  et  magistrats. 

Fait  à  Paris,  le  16  mars  1644. 


De  par  le  Roi. 
yj  de  St-Estienne.  Des  parents  de  d""  Claude  de  Salnove,  fille  aagée 
de  If)  à  16  ans,  m'ont  faict  plainte  quelle  a  esté  ravie  et  enlevée  contre 
son  gré  le  9n»e  de  ce  mois  sortant  de  l'église  de  St-Hilaire  de  ma  ville 
de  Rheims  par  le  s""  de  St-Estienne  votre  filz,  accompagné  de  nombre 
de  cavaliers  qui  l'ont  menée  et  conduite  par  force  au  Chasteau-Renaud 
surquoy  je  vous  escris  la  présente,  par  ladvis  de  la  Reine  Régente,  pour 
vous  ordonner  obéir  aux  ordres  que  jay  donnez  suf  ce  sujet  au  sr  de 
Melville  l'un  des  exempts  de  mes  gardes  escossois,  pour  faire  injonc- 
tion à  vostre  fils,  à  vous  et  à  ceux  qui  commandent  à  Chasteau-R.,  de 
mettre  à  linstant  la  d"«  de  Sallenove  en  sa  possession,  de  me  venir 
rendre  compte  de  vostre  action-,  et  m'assourant  que  vous  ne  manquerez 
d'exécuter  en  cela  ce  qui  est  de  ma  volonté,  jeprie  Dieu  quil  vous  ayt, 
M.  de  St-Estienne,  en  sa  garde. 

A  Paris,  le  16  mars  1644. 

* 


CHRONIQUE  253 

Monsieur  le  RéJacleur, 

Le  but  que  se  propose  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie,  élant 
de  recueillir  tous  les  renseignemenis  concernant  l'histoire  locale,  je 
crois  devoir  signaler  à  ses  lecteurs,  des  objets  d'art  provenant  de  l'an- 
cienne Chartreuse  du  Mont-Dieu,  au  diocèse  de  Reims.  Echappées  à  la 
tourmente  révolutionnaire,  ces  richesses  ornent  maintenant  deux  de 
nos  humbles  églises  de  campagne  ;  Ghémery,  du  canton  de  Raucourt, 
et  les  Grandes-Armoises,  du  canton  du  Ghesne,  paroisses  confinant 
toutes  les  deux  au  Mont-Dieu. 

Chémery.  Le  maître-autel  de  l'église  de  cette  paroisse  provient  du 
Mont-Dieu.  Il  a  été  acheté  par  îa  fabrique,  le  15  août  1814,  à 
M.  Soltias,  des  Grandes-Armoises,  pour  la  somme  de  210  fr.  Quant  au 
tabernacle  qui  l'accompagnait,  il  a  été  ensuite  revendu  à  l'église  de 
BrieuUes-sur-Bar,  pour  la  somme  de  tGi  fr.,  comme  nous  l'appren- 
nent les  Archives  de  la  Fabrique  '  .  Le  tabernacle  actuel  de  Chémery 
est  en  beau  marbre  gris,  avec  incrustations  en  marbres  de  diverses 
couleurs  ;  il  s'harmonise  parfaitement  avec  le  corps  de  l'autel  qui  est 
en  beau  marbre  d'Italie.  Si  l'on  en  croit  la  tradition  du  pays,  ce  serait 
l'ancien  tabernacle  du  Mont-Dieu  qui  serait  revenu  à  Ghémery,  à  une 
époque  postérieure,  mais  nous  n'en  avons  trouvé  aucune  trace  dans 
les  Archives.  Cependant  celte  opinion  est  assez  probable,  et  l'église 
de  Brieulles  ne  possède  pas  actuellement  de  tabernacle  en  marbre.  Sur 
le  gradin  de  l'autel,  du  côté  de  l'Evangile,  nous  lisons  l'inscription 
suivante  : 

MONS  DE!  IN  QVO  BENEPLACIT  (VM) 
EST  HAHITARE  IN  EO.  (psal.  67.) 

Les  huit  belles  stalles  en  chêne  qui  décorent  le  chœui',  viennent 
aussi  du  Mont- Dieu. 

A  l'entrée  du  parvis  de  l'église,  en  haut  de  l'escalier  qui  la  séjiare 
de  la  place,  on  remarque  deux  pots  de  fleurs  en  pierre  sculptée,  d'un 
élégant  travail.  Ces  deux  ornements  ont  la  môme  provenance.  On  peut 
les  confronter  avec  deux  vases  identiquement  semblables,  qui  ornent 
encore  aujourd'hui  l'entrée  de  l'ancienne  Chartreuse,  et  voir  la  place 
qu'occupaient  les  deux  que  possède  Chémery. 

Les  Grandes- Armoises .  L'église  de  ■'jetle  localité  est  particulière- 
ment riche  en  souvenirs  du  Mont-Dieu. 

On  y  remarque  surtout  six  grands  tableaux  qui,  au  dire  des  experts, 
ont  une  véritable  valeur  artistique.  Malheureusement,  quelques-uns 
sont  détériorés,  et  tous  ont  reçu,  grâce  au  mauvais  goiit  de  l'épocpie, 
une  couche  de  vernis  qu'il   serait  nécessaire  de   faire  disparaître.  Le 

1 .  Registre  des  Délibérations,  \"  Registre. 


2h4  CHRONIQUE 

curé  actuel  se  propose  d'elFecluer  celle  opération  et  en  même  temps  de 
les  réparer.  L'église  des  Armoises  pourrait  ensuite  être  fière  de  ces 
tableaux  que  beaucoup  d'églises  de  ville  seraient  heureuses  de  pos- 
séder. 

Les  sujets  de  ces  peintures  représentent,  la  plupart,  des  scènes  de 
l'Evangile,  nous  allons  les  indiquer,  en  suivant  l'ordre  dans  lequel  ils 
sont  placés  : 

Côté  de  l'Evangile  ; 

1"  La  Sainte  Vierge  donnant  à  mangera  l'Enfant  Jésus.  Ce  tableau 
est  remarquable  par  le  naturel  de  ses  détails. 

2"  Les  disciples  d'Emmaûs. 

3"  Notre-Seigneur  lavant  les  pieds  à  saint  Pierre. 

Côté  de  l'Epître  : 

1°  Résurrection  de  Lazare. 

2o  La  Sainte  Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  avec  des  anges  en  adoration. 

3"  Visite  de  la  Sainte  Vierge  à  sainte  Elisabeth. 

Au-:lessus  de  la  porte  latérale,  on  voit  une  ancienne  sculpture  sur 
bois,  représentant  Marie,  Ja  mère  de  Douleurs,  avec  un  ange  en  ado- 
ration de  chaque  côté.  La  parfaite  conservation  de  ce  bas-relief  permet 
de  juger  de  son  mérite,  et  certainement  on  peut  afDrmer  que  c'est  un 
magnifique  spécimen  de  l'art  à  cette  époque. 

Enfin,  on  trouve  à  la  sacristie  deux  anciens  reliquaires,  dont  Tau- 
iheuticité  a  été  établie  par  les  soins  d'un  curé  des  Grandes-Armoises, 
dans  un  procès-verbal  que  nous  allons  citer  : 

«  Moi,  Pierre  Deleau,  charpentier,  habitant  de  la  commune  des 
Grandes-Armoises,  et  chantre  honoraire  de  l'église  de  Sainte-Catherine 
des  Grandes-Armoises  depuis  soixante -seize  ans,  certifie  avoir  vu  dans 
la  chapelle  des  frères  du  couvent  du  Mont-Dieu,  les  deux  reliquaires 
qui  sont  actuellement  dans  l'église  de  Sainte-Catherine  des  Grandes- 
Armoises  ;  l'un,  au-dessous  de  la  statue  de  sainte  Barbe,  et  l'autre 
au-dessous  de  la  statue  de  la  Sainte  Vierge.  Je  certifie  en 
outre  que  ces  deux  reliquaires  ont  été  apportés  au  moment  de  la 
grande  Révolution  à  l'église  des  Grandes-Armoises  et  vendus  à  Antoine 
Thomas,  qui  les  a  recédés  à  Jean-François  Bezard,  aubergiste,  et  que 
M.  Jean-Baptiste  Vauthier,  curé  des  Grandes-Armoises  après  le  Con- 
cordat, les  a  obtenus  de  Jeanne  Ilusson,  épouse  dudit  Jean-François 
Bezard  et  placés  dans  l'église  de  Sainte-Catherine  des  Armoises,  à  l'en- 
droit où  ils  sont  actuellement. 

Les  Grandes-Armoises,  le  2  octobre  184-4. 

«    Pierre  Deleac.   » 

Le  premier  de  ces  deux  reliquaires  contient  les  reliques  suivantes  : 
l"  De  S.  Amulvino  ep.  ;  2"  de  Capite  XI  mil.  virg.  ;  3"  De  S.  Medardo 
ep.  ;  40  De  Sepulcro  Domini;  5"  De  S.  Flora  v.  et  ra.;  6"  De  S.  Béné- 
dicte; 7"  De  Spongia  Domini;  8"  De  S,  Aigulpho,  ab.  et  m. 


CHRONIQUE  2i)5 

Yoici  l'énoncé  des  reliques  du  second:  1"  De  S  Amulvino  op.; 
2°  De  S.  Amulvino  ;  3»  De  Capite  XI  mil.  virg.  ;  4"  De  SS.  Hova  et 
Doda  virg.  ;  5"  D3  S.  Lamberto  ;  6"  De  S.  Bartholom.-oo  ;  7»  De  S. 
Nicolao  op.  ;  8"  De  Sudario  Doraini  '  .  (Cette  dernière  relique  paraît 
perdue). 

L'église  de  -S'//,  canton  du  Chesne,  possède  un  l)eau  bénitier  en 
pierre,  ))rovenant  également  du  Mont-Diou.  Il  est  orné  de  quatre 
ligures  d'anges  sculptées.  La  colonne  du  bénitier  avait  été  brisée,  et 
la  coupe  servait  d'auge  à  porcs,  quand,  pour  sauver  ce  souvenir  du 
Mont-Dieu,  on  le  fit  réparer  et  placer  sur  une  nouvelle  colonne  afin  de 
le  rendre  à  sa  destination  première. 

Recevez,  Monsieur  le  Rédacteur,  l'assurance  de  mes  meilleurs  sen- 
timents. 

J.  CuARDRON,  curé  de  Chémery. 

Signalons  dans  le  département  de  la  Marne  la  création  d'un  pri.K 
pour  une  rosière.  C'est  à  Sézanne,  petite  ville  de  la  Krie  oi^i  en  mou- 
rant, il  y  a  peu  d'années,  le  général  de  division  Le  Vaillant  a  constitué 
une  renie  de  1,000  fr.  à  délivrer  chaque  année  à  la  jeune  fille  pauvre 
la  plus^ méritante  et  la  plus  vertueuse  du  canton. 


Comme  chaque  année,  le  camp  de  Ghâlons  a  été  le  théâtre  d'impor- 
tantes manœuvres.  Le  général  marquis  de  Galliffet  a  commandé  les 
deux  séries  :  dans  chacune  figuraient  douze  régiments  de  cavalerie  et 
tout  s'est  accompli  heureusement,  car  à  la  lin,  le  général  en  chef  a  cons- 
taté qu'ayant  beaucoup  exigé,  il  avait  été  complètement  satisfait.  Les 
manœuvres  se  sont  terminées  par  un  véritable  combat  aux  environs 
de  Pogny,  entre  Chàlons  et  Vitry.  Celte  fois,  les  généraux  opéraient  à 
leur  risque  et  péril  et  les  troupes  arrivaient  dans  les  villages  sans  avis 
préalable,  comme  en  temps  de  guerre.  C'est  une  expérience  nouvelle 
qu'on  ne  saurait  trop  approuver,  ce  qui  habitue  les  commandants  des 
régiments  à  se  suflire  à  eux-mêmes, 

La  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  et  arts  du  (lé])arlement 
de  la  Marne  a  tenu  le  23  août  sa  séance  publique  annuelle  dans  la 
salle  du  Conseil  de  préfecture. 

Voici  la  liste  des  récompenses  qui  cul  été  décernées  pur  la  Société 
dans  les  concours  de  l'année  1883  ; 


1.  Aich.  de  la  Fabrique.  Kcg.  de  Délihéralions. 


256  cHRONiguK 

IIisTorHii.  —  Une  médaille  d'argonl  à  M.  l'ablié  Desjardin,  curé  do 
Malourgues,  pour  son  étude  historique  sur  Jean  Wittement,  recteur 
de  l'Université  de  Paris. 

Une  mention  honorable  à  M.  Cliaillior,  do  Cliàlons,  pour  un  travail 
intitulé  :  l'Esprit  des  Champenois  sous  la  Renaissance. 

Une  mention  honorable  à  M.  iJourgeois,  de  Picrry,  pour  un  travail 
intitulé  :  Une  famille  noble  en  Champagne  au  XVI] h  siècle. 

Poésie.  —  Une  médaille  d'argent  (grand  module)  à  M.  Miousset,  de 
Besançon,  pour  sa  pièce  de  vers  intitulée  :  Souvenirs  du  jiaijs. 

Une  mention  honorable  à  M.  Chaillier,  de  Chàlons,  pour  sa  pièce 
de  vers  intitulée  :  A  travers  ma  persienne. 

Un  rappel  de  médaille  d'argent  à  M.  l'abbé  Cizel,  de  la  Chapelle- 
sous-Rougemont  (Haut-Rhin;,  pour  ses  deux  pièces  de  vers  intitulées  : 
Dorothée  de  Jouffroy  et  le  Labarcum. 


Le  Secrétaire  Géiaul, 

LÉON    FhÉMONT 


TRANSLATION    DTNE    IlELIQUE 

DE     SAINT     DIDIER 

DE  L'EGLISE  DE  LANilHES  A  L'EGLISE  DE  CLERMONT-EN-ARGO! 


LETTRES  ET  PROCÈS-VERBAUX   INÉDITS 


Dans  les  Archives  des  Notaires  de  Clermoul,  riclics  eu  vieux 
documents  ',  nous  avons  trouvé  trois  pièces  inédites  relatives 
aux  reliques  de  saint  Didier  que  l'Eglise  de  Langres  voulut  bien 
accorder  à  l'église  de  Glermout  en  1049. 

La  lettre  des  confrères  de  l'ancienne  Confrérie  de  Saint- 
Didier  de  Langres,  et  le  procès-verbal  d'extraction  de  la  reli- 
que du  saint,  intéresseront  sans  doute  ceux  qui  aiment  à  étu- 
dier l'histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de  Langres. 

Le  procès-verbal  de  la  translation  de  cette  relique  nous 
donne  une  haute  idée  des  grandes  cérémonies  qui  se  célé- 
braient alors,  lorsqu'il  s'agissait  d'iioiîorcr  les  reliques  d'un 
saint  patron  :  cette  marche  triomphale  à  travers  les  chemins 
de  l'Argonne.  ces  masses  de  fidèles  allant  par  groupes  à  la 
rencontre  de  la  relique  ;itlendue,  ces  enfants  couronnés  de 
lauriers  ou  portant  des  guidons  et  bannières  devant  les  statues 
di  saint  Didier  et  de  la  sainte  Vierge,  ces  chants  sacrés  et  ces 
exhortations  chalevu'euses,  et  d'autre  part  ces  feux  de  joie,  ces 
détonations  de  l'artillerie  de  la  citadelle,  ces  tapisseries  de 
Heurs  et  de  verdures  ornant  les  maisons  et  les  rues,  tout  cela 
donnait  à  la  fête  un  éclat  grandiose  et  majestueux.  Et  ce  qui 
montre  bien  le  caractère  religieux  de  l'époque,  c'est  qu'à  ces 
manifestations  de  la  foi  catholique  prenaient  part,  non  seule- 


1  .  M"^  Simon,  Mol.-iiro  à  Cli'iinont,  il'-posit.iir'  îles  minulL-s  île  M.  lluzy, 
a  Lien  voulu  me  donuiT,  eu  sou  éluile,  couunuuicutioa  îles  trois  docuineuls 
<[ui  vont  suivie. 

17 


238  TRANSLATION    DUNE     RELIQUE 

ment  le  clergé  séculier  el  régulier  de  l  ou  le  la  contrée,  mais 
aussi,  avec  tout  le  peuple,  les  personnages  les  plus  distingués 
de  la  ville  :  procureur  général,  lieutenant  au  procureur,  maire 
et  écbevins,  gens  de  justice,  gens  de  robe  et  d'épée, 
médecins,  nobles,  roturiers,  toutes  les  conditions,  toutes  les 
classes,  se  trouvaient  très  honorées  de  rendre  des  hommages 
publics  aux  saintes  reliques  du  Patron  et  Protecteur  de  la 
ville  do  Clermont, 

Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  le  récit  histoiique  de  la  transla- 
tion de  la  précieuse  relique  de  saint  Didier.  Les  procès- 
verbaux  qui  vont  suivre  douncut  ce  curieux  tableau  des 
mœurs  si  profondément  religieuses  de  l'époque  ' . 


Lettres  des  membres  de  la    C  on  frêne  de   Saint- Didier,  de 
Langres,  aux  Maire  et  Bchevins  de  la  ville  de  Clermont. 

30  uiui  IGil). 

Messieurs  les   Maire,  Eclievius  et  Cominuuauté  de  la    ville  de  Clermoût. 

A  Clermont. 

Messieurs, 

A  l'ouvertuie  des  vostres  qui  nous  ont  été  rendues  par  le  R. 
l'ère.  Père  llilarion.  Capucin,  nous  avons  rcccu  une  grande  resjouis- 
sance,  voyant  que  par  vostre  singulière  et  ardente  dévotion  envers 
saint  Didier,  notre  glorieux  Patron,  l'honneur  de  Dieu  en  est  aug- 
menté. C'est  ce  qui  nous  a  donné  subject  de  vous  faire  part  de  ses 
saincts  ossemens  dont  nous  sommes  dépositaires  et  vous  envoyons 
par  le  ministère  dudit  R.  Père,  une  Relique  telle  que  Monseigneur 
l'Evesque  de  Langres  a  choisie  :  Nous  croions  que  vous  la  recevrez 
d'aussy  bon  cœur  que  nous  vous  l'envoyons  et  que  vous  aiderez  de 
vos  prières  ceux  qui  chérissent  infiniment  l'honneur  de  se  diie 
Messieurs 

Vos  très  humbles  et  obéissans 
serviteuro  et  confrères. 

De  Langies,  ce  30  may  1649. 

(Suivent  les  signatures  ) 

D.  NoiROT.  Théodeste  Tauourot.   Le  Genevois.   Heudelot 


1 .  Dans  les  copies  qui  suivent  ou  a  conservé  l'orlhoyraphe  des  actes 
originaux.  —  Toutefois,  si  quelques  noms  propres  de  personnes  assez  illi- 
sibles dans  le  texte  étaient  quelque  peu  déûgurés,  ou  voudrait  biou  être  in- 
dulgent eu  faveur  du  copiste. 


DE    SAINT    DIDIER  259 

DE   Velpeixe.   Delecey.    Sauvage.    Andrieu.    Antoine 

Godard.    Sy.mony.    Cornefert.  N Paiiin    de    la 

Marnotte. 

Certifié  véritable. 

Enregistré  à  Clerinont,  3  septembie  1821  '. 

Signé  :  Cauré, 

Pi'ocèi-verhal  de  V extraction  d'ime  Relique  de  la  chasse  de 
Saint  Didier. 

tii  may  1G49. 

Nous  Jean  Milleton  et  Joseph  Mariet,  notaires  royaux,  tabellions 
et  gardenottes  en  la  ville  et  cité  de  Langres  soubsignés,  certifions  à 
tous  (^u'il  appartiendra  que  ce  jourd'huy  vingt-si.\ièrae  may  rail 
six  cent  quarante-neuf,  Révérend  Père  le  Père  Hillarion,  prédica- 
teur capucin,  de  présent  résident  au  couvent  dudit  Langres,  comme 
ayant  charge  de  Messieurs  les  curé,  vicaire,  paroissiens  de  l'église 
et  paroisse  Saint  Didier,  de  la  ville  de  Clermont  en  Argonne,  et 
encore  des  sieurs  maire  et  esclievins  d'icelle,  et  particulièrement  à 
la  dévotion  et  solicitation  du  sieur  Richard  Le  Gaigneur,  curé 
dudit  lieu,  et  de  Maistre  Pierre  Boisdebout,  bourgeois,  et  de  dame 
Marguerite  Jennelle,  sa  femme,  a  présenté  à  Monseigneur  l'Illus- 
trissime et  Révérendissime  Sébastien  Zamet,  évesque  dudit  Langres, 
duc  et  pair  de  France,  et  messieurs  les  confrères  de  la  confrairie 
du  glorieu.Y  Martir  Saint  Didier,  les  lettres  adressantes  tant  audit 
seigneur  évesque  qu'aux  sieurs  confrères  de  la  confrairie  du  glo- 
rieux Martir  Saint  Didier,  évesque  de  cette  dicte  ville,  escriptes  tant 
de  la  part  dudict  sieur  cuié  et  jjai'oissiens  dudict  Clermont,  corps 
de  justice,  maire  et  eschevins  de  la  dicte  ville,  des  quinziesme  du 
présent  mois,  icelles  portantes  supplications  tant  audict  seigneur 
évesque  que  ausdicts  sieurs  confrères,  de  leur  voulloir  accorder  et 
concéder  quelques  parcelles  des  reliques  du  corps  dudict  glorieux 
Martyr  Saint  Didier-,  Patron  de  leur  église,  pour  augmenter  leurs 
dévotions,  à  raison  des  grands  soulagements  qu'ils  ont  eues  cy- 
devant  et  espèrent  cy -après,  par  son  intercession,  ensuite  desiiuelles 
lettres  et  supplications  faites  par  ledit  Révérend  Père  Hilarion 
comme  ayant  d'eulx  chaiges  ;  ledit  seigneur  et  nobles  et  scientifi- 
ques personnes,  Tliéodette  Tubourot,  chanoine  en  l'église  cathé- 
dralle  dudit  Langres,  curé  de  Saint-Pierre,  discrette  personne.  Me 
Jean  Coinefert,  i)restre  curé  de  l'rangey,  Jean  lleudolot,  escuyer 
seigneui'  de  Velpelle,  cons-eiller  du  loy  et  son  advocat  ai»  baillage 
et  présidial  de  Langres,  (>laude  Simony,  aussi  escuyer,  seigneur  de 


1 .  CoHalio)iné  sur  la  lellre  originale  écrite  sur  papier  ordinaire  el  d'-^ 
pesée  en  Véludc  de  M"  Auil  Huzy,  notaire  à  Clermont. 


200  TRANSLATION    d'uNE     KELini'K 

Rouelle,    lieiitennnt    particuliei'    au    baillagc   duc;il    de    Langrcs, 
Antlioinc  Dclecey,  cdiiseiller  du  Roy,    recepveur  des  dc'c'nnes    du 
diocèze    de    Langres,     Nicolas    Le   Genevois,   escuyer,    conseiller 
du  roy,  lieutenant  criminel   en   l'ellection  de  Langres,  nobles  An- 
thoine    Godai'd    et   Didier  Noirot,  advocats    en    parlemeni,   Jean- 
Baptiste   Sauvage,   escuyer,    Claude   Andrieu,   escuyer,    conseiller 
esleu  en  l'ellection  dudict  Langres,  Claude   Paliin,    seigneur  de  la 
Mariiotte,  aussi  conseiller  du    loy  et  esleu  en  ladite  éllection  ;  tous 
confrères  de  ladite  confrairye,  ayant  pour  ce  tenu  chappitre  et  rais 
cette   aflaire   en    délibération,  ont  lésolu  qu'il  y   sera  tiré   de   la 
chasse  où  repose  le  corps  dudict  glorieux  niartii-  une  parcelle  de 
ses  ossements,  à  l'eflect  de  quoy  lesdicts  seigneur  évesque  et    les- 
dicts  sieurs   confrères   se   seroient   transportés    en    l'église    dudict 
Sainct  Didier  ce  jourd'luty    environ    une   heure   après    raidy,    ou 
estant  et  en  présence  dudict  Révérend  Père  Ililaiion,  de  nous  les- 
dicts notaires  royaulx  soubzsignés,  et  de  plusieurs  habitants  dudict 
Langres,  et  après  plusieurs  prières  et  cérémonies  .-iccoustumées  par 
les  prestres  et  cbappelains  ordinaires  de  ladicte   église,   ledict  sei- 
gneur évesque  et  lesdicts  sieurs  confrères  auriient  faict  descendre 
la  chasse  d'argent  où  sont    les    ossemens   dudict  glorieux  raartir 
sainct  Didier,  qui  est  eslencé  sur  un  grand  sommier  au   iiiilieu  du 
cœur  de  ladicte  église,  et  icclle  chasse  faict  poser   sur    le    maistre 
autel,  où  estant  noble  Didier  Noirot  et  Anthoine  Godard,  advocats 
en  parlement,  confrères,  procureur  et  coadjutcur  d'icelle  confrairie, 
auroient  mis  en  mains  dudict  seigneur  évesque  trois   clefs  de   la- 
dicte chasse  :  —  quoy  faict,  ledict   seigneur  en  auroit   faict    faire 
l'ouverture  en  sa  présence   et  dire  de  ladicte  chasse  une   vertèbre 
du  corps  du  glorieux  martir  sainct  Didier,  suivant  le  rapport  qui 
en  a  esté  présentement  faict  par  maistre  Humbert  Paultherel,  doc- 
teur en  médecine,  et  Jean-Baptiste  Robinot,   mnître  chirurgien  au- 
dict  Langres  :  et  icelle  vertèbre  depposée  et  mise   es  mains  dudict 
Révérend    Père    Ililarion   par  ledict  se  gneur   evesciue   enveloppée 
dans  un  tafletas  jaune,  et  depuis  dans  une  bouette  d'argent,   icelle 
cacheti^e  du  Fceau  ordinaire  dudict  seigneur  évesque  qui  porte  pour 
armes  un  lion  et  une  fleur  de  lis  en  face,  pour  estre   icelle  relique 
mise  es  mains  et  rendue  audict  sieur   curé,   paioissiens,   corps    de 
justice,  maire  et  oschevins  de  ladicte  ville  de  lilermont  en  Argonne 
De  la  réception  de  laquelle  en  sera  rapporté   bon   et  fidel    procès - 
verbal  par  ledict  Révérend  Père  Hilarion  au  aultre  de  sa    part,    ce 
qu'il  a  promis  d'elfectuer  fidellement  pour  estre  iceluy   mis    es  ar- 
chives de  ladicte  confrairie  :    dont  et  de  to\it   ce   que   dessus,  nous 
avons  dressé  le  présent  procès-v>*rbal   (auquel  est  attaché  dans  une 
boitte  de  fer  blanc  le  grand  sceau  de  l'Evesché.  escartelé  portant 
au  premier  et  au  quatrième  les  armes  de   la  ville   qui  sont  quatre 
fleurs  de  lis  dans  un  saultoir,  et  au  second  et  troisième  les  armes 
dudict  monseigneur  de  Langres)  pour  servir    partout  où   il    appar- 
tiendra. —  Faict  audict  Langres  les  an  et  jour  cy  dessus,  en  pré- 


DK    SAINT    DIDIER  261 

sence  dudict  seigneur  evesqne,  desdicts  sieurs  confrères,  procureur 
et  coadjuteur  de  ladite  confrairie  qui  ont  signé,  r^leu. 

Signé  :  Sébastien,  évèque  de  Langres  ;  Theodeste  Tabourot; 
Heudelot  de  Velpelle;  D.  NomoT;  Delecey;  Antoine 
Godard  ;  Le  Genevois;  Simony  ;  J.-B.  Sauvage;  An- 
DRiEU  ;  Bantheret;  J.  Cornefert  ;  C.  Paiiin  de  la 
IMarnotte;  Roiunot  ;  F.  Hilarion,  de  Langres,  capu- 
cin indigni^  ;  MlI.LETON;  MaRIET. 
De  Mandate  Illustrissimi  et  Rmi  Uni  Dni  Epi  ])ucis  Lingo- 
nensis. 

CHRISTIANIOL  (?)  ' 

Procès-verlml  de  la  réception  cVune  Relique  de  Saint  Didier 
à  Clermont. 

Nous  André  Noiret  et  Louis  [.e  Clerc,  notaires  royaux  soubsignés 
certifiions  à  tous  qu'il  appartiendra  que  le  vingt-huitiesme  jour  du 
mois  de  aoûst  mil  six  cens  quarante-neuf,  le  Révérend  Père  Hila- 
rion,  de  Langres,  capucin,  nous  ayant  donné  advis  qu'il  estoit  à 
sainte  Menehould  avec  les  rolicques  du  glorieux  martir  sainctDidier 
que  monseigneur  l'Illustrissime  et  Révércndissime  Sébastien  Zamet 
évesque  de  Langres  duc  et  pair  de  France,  et  messieurs  les  confrè- 
res de  la  confrairie  dudict  sainct  martir,  luy  avoient  mis  entre  les 
mains  pour  estre  déposés  en  mains  de  messieurs  les  curés,  gens 
de  justice,  maire,  eschevins  er,  communaulté  Je  la  Ville  de  Cler- 
mont en  Argonne,  conformément  à  la  demande  qu'ils  en  avoient 
faict  par  des  lettres  adressées  tant  à  mondict  seigneur  qu'aux  dicts 
sieurs  confrères,  et  au  procès-verbal  qui  en  avoit  esté  dressé  à 
Langres;  sur  cet  advis  lesdicts  sieurs  curés,  officiers  de  justice  et 
communaulté  de  ladicte  ville  de  Clermont  auroient  prins  résolution 
d'aller  recepvoir  et  faire  dépost  des  mains  dudict  Père  Hilarion  : 
et  à  cest  effest  le  \ingt-neufviesme  dudict  mois  se  divisèrent  en  trois 
bandes,  la  première  desquelles  composée  d'ecclésiastiques,  gens  de 
justice  et  aultres  {laroissiens  dudict  Clermont,  furent  prendre  ledict 
Père  Hilarion  audict  Sainte -Menehould,  y  ayant  mesme  dès  le  soir 
auparavant  envoyé  deux  clianoines  de  la  cathédrale  de  Verdun  tant 
pour  honorer  les  dicttes  reliques  que  pour  assurer  ledict  Père  du 
lieu  où  la  seconde  bande  viendroit  recepvoir  lesdictcs  reliques,  sur 
lequel  rapport  et  assurance  ledict  Père,  ledict  jour  vingt-neutvies  • 
me,  accompagné  de  la  première  bande  susdictte  se  seroit  trans- 
porté au  lieu  désigné,  communément  appelé  le  Pont  de  Biame,  qui 
faict  la  séparation  des  provinces  d(!  Lorraine,  de  Cliampngue  et  des 
éveschés  de  Verdun  et  Clialon  et  qui  est  le  milieu  du  chemin  d'en- 


1.   Copiil  et  coliulioiinc    sur  l'orif^inal  écrit  sur  faraud    parchomiu   ddposé 
le  3  septembre  1S21    cii    l'élude  de  M'=  Avit  Uu/.y,   notaire  à  Clermont. 


262  TRANSLATION     D'UNE    RELIQUE 

tre  ledict  Clermont  et  Sainte-Menehould,  où  la  seconde  bande  de 
ladicte  ville,  le  vint  recepvoir  en  procession  composée  première- 
ment des  jeunes  garçons  et  filles  au  nombre  de  soixante  ou  envi- 
ron parrés  et  revestus  à  l'advantage  qui  d'une  f.içon  qui  d'une 
aultre,  dont  dix-huit  ou  vingt  portoient  divers  guidons  et  bannières 
devant  l'image  en  bosse  de  sainct  Didier  portée  sur  un  brancard, 
d'aultres  en  bon  nombre  aussy  portant  des  cierges  devant  l'image 
en  bosse  de  Nostre-Dame  portée  par  quatre  filles  aussy  sur  un 
brancard,  après  suivoient  douze  garçons  couronnés  de  lauriers  avec 
des  flambeaux  pour  marcher  devant  les  reUcques  quand  elles  se- 
roient  posées  sur  le  relicquaire  ;  ensuite  de  quoy  marchoient  les 
prestres,  savoir  chanoines,  le  sieur  curé  du  lieu  et  aultres  curés 
circonvoisins,  de  plusieurs  religieux  de  l'ordre  de  saint  Augustin, 
saint  François  et  saint  Dominicque  suivis  d'une  aultre  partie  des 
gens  de  justice,  maire  et  eschevins  et  grand  nombre  de  peuple  te- 
nant chascun  un  cierge  en  main,  laquelle  procession  ainsi  disposée 
se  rencontra  avec  ledict  Père  Hilarion  au  lieu  désigné,  où  aupara- 
vant tout,  le  susdict  Père  après  une  petite  harangue  fict  faire  lec- 
ture des  lettres  tant  de  monseigneur  l'Illustrissime  évesque  de 
Laugres,  adressantes  au  curé,  que  de  celles  de  messieurs  les  con- 
frères, les  unes  adressantes  aux  officiers  de  justice  de  Clermont, 
les  aultres  aux  maire,  eschevins  et  communaulté  dudict  Clermont, 
de  plus  il  fict  lire  ledict  procès-verbal  dressé  à  Langres  le  vingt- 
sixiesme  may  dernier  (auquel  est  attaché  dans  une  boitte  de  fer 
blanc  le  grand  sceau  de  l'Evesché  escartelé,  portant  au  premier  et 
au  quatriesme  les  armes  de  la  ville  qui  sont  quatre  fleurs  de  lis 
dans  un  saultoir,  et  au  second  et  troisième  les  armes  susdictes  de 
mondict  seigneur)  touchant  l'attestation  et  vériffication  desdictes 
relicques,  —  et  ce  faict,  ledict  Père  présenta  la  boitte  où  estoient 
lesdictes  relicques,  cachettées  et  scellées  du  sceau  ordinaire  dudict 
seigneur  évesque  qui  se  trouva  conforme  et  estre  celui-là  mesme 
qui  est  spéciffié  par  ledict  procès-verbal,  sçavoir  un  lion  et  une- 
fleur  de  lis  en  face.  Tout  ce  que  dessus  estant  faict  et  recogneu 
estre  véritable  desdicts  sieurs  curé  et  officiers  de  justice,  maire  et 
eschevins  de  la  communaulté  dudict  Clermont,  ledict  Père  rompit 
le  ]iapier  portant  ledict  cachet  et  présenta  une  Ijoitte  d'argent  dans 
laquelle  estant  ouverte  se  trouva  un  taffetas  jaune  qui  enveloppait 
la  susdicte  relicque  appelée  vertèbre  par  ledict  procès-verbal  et 
recongneu  pour  tel  par  les  apotiquaires  et  chirurgiens  dudict  Cler- 
mont, —  quoy  faict,  ledict  Père  ayant  demandé  haultement  à  tous 
les  messieurs  présents  s'ils  étoient  satisfails  pour  la  vérité  de  la  re- 
licque et  eux  répondant  qu'ouy,  la  disposa  suivant  la  charge  qu'il 
en  avoit  en  présence  de  toutte  l'assinnblée  entre  les  mains  du  sieur 
Richard  Le  Gaigneur,  curé  de  ladicte  ville  de  Clermont,  qui  ayant 
faict  disposer  le  relicquaire  sur  une  table  préparée  à  cest  effect  au- 
près d'un  feu  do  joye,  l'ouvrit  et  y  mit  la  susdicte  relicque,  devant 
laquelle  s'cstant  prosterné  et  tout  le  peuple  aussy,  chantèrent  une 
antienne  en  l'honneur  du  glorieux  martir  saint  Didier,  puis  se  re- 


DE     SAINT   DIDIER  203 

mettant  en  l'ordre  susdict  de  procession,  quatre  chanoines  des 
corps  des  chapitres  de  la  cathédrale  de  Verdun  et  de  Montfaucon, 
revestus  de  leurs  habits  d'église,  chargèrent  ledict  relicquaire  sur 
leurs  espaulles  et  allèrent  processionnellement  chantant  le  Te 
Deuni  Laudamus  dans  l'église  des  Islettes,  secours  dépendant  de  la 
paroisse  dudict  Clermont,  où  ce  célébra  la  messe  et  tant  à  l'entrée 
qu'à  la  sortie  la  susdicte  relicque  fust  salluée  de  grand  nombre  de 
salves  de  mousquetades  tant  desdictes  Islettes  que  des  lieux  cir- 
convoisins  ;  de  là  continuèrent  leur  chemin  processionnellement  vers 
ledict  Clermont,  duquel  approchant,  la  troiziesme  partie  qui  estoit 
demeurée  àladictte  ville  vint  les  rencontrer  en  procession  conduicte 
par  plusieurs  ecclésiastiques  qui  estoient  restés,  de  sorte  que  tout 
le  peuple  de  Clermont  estant  joinct  ensemble  entrèrent  dans  la 
ville  où  ils  furent  receus  et  sallués  de  plusieurs  salves  de  mous- 
quetades tant  de  la  jeunesse  de  Clermont  que  des  soldats  de  la 
garnison  de  la  citadelle  qui  bordoient  les  parapelles  des  bastions  de 
ladicte  citadelle,  et  de  plusieurs  coups  de  canons  ;  et  allant  droit  à 
l'église,  les  rues  qui  y  conduisent  estoient  touttes  parées  de  ver- 
dure et  tapisserie  et  quantité  de  feux,  et  arrivés  à  l'église  la  grande 
mes-se  se  célébra  solennellement  à  l'honneur  dudict  glorieux  marlir 
à  laquelle  par  dévotion  quantité  de  peuple  communia,  et  après  les 
vespres  célébrées  et  la  prédication  faicte  par  ledict  Père  Hilarion,  à 
l'honneur  du  glorieux  mai tir^  se  commença  une  procession  solen- 
nelle au  mesme  ordre  que  dessus  où  la  susdicte  relicque  fut  portée 
par  les  quatre  chanoines  susmentionnés  par  toutes  les  rues  de  la- 
dicte ville  tapissées  et  ornées  de  vordures,  de  rameaux  d'arbres,  de 
tableaux,  de  parfums,  chacun  allumant  un  feu  de  joye  devant  sa 
maison  pour  témoigner  rallégresse  et  l'applaudissement  avec  le- 
quel ils  recepvoient»ceste  piécieuse  relicque,  et  qui  fut  encore  sui- 
vie de  quantité  de  salves  de  mousquetades,  de  pétards  et  coups  de 
canon.  Et  le  lendemain  après  la  messe  célébrée  solennellement  où 
aussy  quantité  de  personnes  communièrent  et  la  prédication  faicte 
à  l'honneur  du  glorieux  martyr'  ])ar  le  mesme  susdict  Père,  la  so- 
lennité se  termina  par  une  aultre  procession  faite  à  l'entour  de 
l'église  pour  action  de  grâces  avec  lu  susdite  reliccjue  j)ortée  comme 
dessus  par  quatre  chanoines  où  se  chanta  un  Te  Deitni  Landamus. 
—  (]e  qu'estant  faict,  la  susdictle  reliiiue  fut  mise  dans  une  armoire 
faicte  expresse  au  costé  droit  du  grand  autel  de  ladicte  église.  — 
Dont  et  de  tout  ce  que  dessus  nous  avons  dressé  procès-verbal  ce 
requérant  ledit  révérend  Père  Hilarion,  pour  sa  décharge  confoi- 
mém(!nt  à  l'obligation  qu'il  en  a  laict  pai'  ledict  procès-verbal  de 
Langres,  et  a  signé  avec  lesdicts  sieurs  curé  de  Clermont,  presiros, 
religieux,  gens  de  justice  susmentionnés,  maiie,  eschevins  et 
partie  des  principaux  habitans  dudict  Clermont,  les  jour  et  an  que 
dessus. 

Ont  airjné  :   RiciiAUD  i.E  Gaignkor,  curé   de   Cleimont;   C. 
DouKNoN,  chanoine   de  Verdun  ;  Bmlmot,  chanoine  de  la 


264  TRANSLATION     d'uNE    KELIQUE 

cathédrale  de  Verdun  ;  .1.  Boichot,  lieutenant  -,  Simonet, 
procureur  général  audit  baillage  ;  A.  Noiret,  notaire 
royal  et  maire  de  Glcrmont;  .1.  Breton-,  Dehonty  (?)  ; 
Lepage;  Fréminet,  chanoine  de  Montfaucon  ;  Fréminiît, 
curé  de  Vraincourt  et  chanoine  régulier  do  St-Augustin  ; 
Edouard  de  Cal'CHON,  dit  Dufays,  chanoine  de  Montfaucon; 
DoGNON  ;  N.  MiHGON;  François  Beuvillon,  l'un  des  douze 
elleus  de  Clermont;  I.  Person  ;  d'AspREMONT,  doyen; 
François  Robin,  vicaire  à  Clermont;  Ililarion  de  L\ngri:s, 
prédicateur  capuicn  ;  François  Mar.  . .  de  Langres,  ca- 
pucin ;  Père  Camus,  prédicateur  de  l'ordre  saint  Domi- 
nique ;  Ch.  Smllet,  advocat ,  J.  Simon,  chirurgien;  N. 
Nicolas;  .1.  Permet,  maistre  appothicaire  ;  N.  Thenent  ; 
Breton-,  Magisson;  Barborin,  elleu  ;  Barborin,  esche- 
viii  de  Clermont;  Anthoine  Thomas;  J.  Gauvain  ;  J. 
Mignon  ;  A.  Bonnefille,  greffier  en  mairie  ;  Prelong, 
greffier  de  notaire  '. 

,  Après  la  lecture  de  ces  trois  pièces,  on  se  demandera  peut- 
être  ce  que  sont  devenues  ces  précieuses  reliques,  extraites 
avec  tant  de  pieuses  précautions,  transportées  avec  tant  de 
pompe,  reçues  avec  tant  d'allégresse  et  de  religieux  enthou- 
siasme V 

Nous  trouvons,  hélas!  la  triste  réponse  dans  l'acte  du  [\  sep- 
tembre 1821  constatant  le  dépôt  des  Itois  documents  ci-dessus 
relatés,  en  l'étude  de  M'^  Avit  Buzy,  par  M.  Fabbé  Pierre 
Carré,  alors  curé  de  Parois,  et  ancien  vicaire  constitutionnel 
de  Clermont. 

Après  avoir  décrit  les  trois  pièces  dont  il  s'agit  et  déclaré 
qu"il  les  reçoit  des  mains  de  M.  l'abbé  Carré,  à  titre  de  inoim- 
ments  historiques^  le  notaire  ajoute  : 

«  Déclare  ledit  M.  Carré  avoir  recueilli  lesdits  procès- 
«  verbaux  et  lettres  le  trente  novembre  mil  sept  cent  quatre- 
«  vingt-treize,  lors  de  la  dévastation  de  l'église  paroissiale 
«  dudit  Clermont  ;  que  cette  dévastation  fut  si  grande  que  du 
Il  reliquaire  renfermant  ladite  vertèbre,  il  ne  put  sauver  que 
«  les  authentiques  dont  il  s'agit,  la  précieuse  relique  conte- 
«  nue  dans  une  boîte  d'argent,  ainsi  qu'il  est  énoncé  auxdils 
«  procès- verbaux,  ayant  été  égarée,  sans  de  sa  part  avoir  pu 
«  découvrir  où  elle  pouvait  être,  et  qu'on  ne  peut  espérer  de 
«  la  retrouver,  tant  la  profanation  fut  complète.  » 


1  .   (lopii-  et  coilatiouné  sur  l'original  écrit    sur    grand  parchemin,  déposé 
le  3  septembre  1821    eu   l'étude  de  M"^  Avit  Bury,   notaire  à  Clermont. 


DE    SAINT   DIDIER  265 

Les  vandales  de  la  Révolution  ont  donc  arraché  celte  pré- 
cieuse relique  de  saint  Didier,  de  Téglise  de  Clerniout  :  en 
vain  on  lit  depuis  des  recherches  pour  la  retrouver. 

Le  8  septembre  1821,  M.  Radière,  curé  doyen  de  Clermont, 
apprenant  que  les  parchemins  authentiques  venaient  d'être 
déposés  à  l'étude  de  M*  Buzy,  adressa  à  M.  Carré  une  lettre 
pleines  de  reproches,  alléguant  les  droits  réels  de  la  fabrique, 
et  demandant  de  nouveaux  éclaircissemeiUs  sur  la  disparition 
de  la  relique  :  mais  il  ne  put  trouver  d'autres  éclaircissements 
que  ceux  donnés  dans  la  déclaration  mentionnée  ci-dessus. 

La  ville  de  Clermont  conserve  encore  aujourd'hui  le  pré- 
cieux souvenir  des  belles  fêtes  des  28,  29  et  'ÎO  août  1G4'J. 

Lorsqu'en  18oli  M.  Vautrin,  curé  doyen  de  Clermont,  fit 
poser  des  verrières  k  l'éghsc  de  la  ville,  il  voulut  que  le  grand 
vitrail  du  côté  droit  du  transept  représentât  la  cérémonie  de 
la  translation  de  la  relique  de  saint  Didier  :  pour  composer  ce 
vitrail,  l'artiste  verrier  eut  été  très  heureux  de  s'inspirer  de 
la  lecture  du  procès-verbal  de  1640. 

En  mémoire  de  cette  translation,  la  fête  patronale  de  saint 
Didier  se  célèbre  chaque  année  à  Clermont,  non  le  dimanche 
qui  suit  le  23  mai  (jour  de  l'échéance  de  saint  Didier),  mais  le 
dimanche  qui  suit  le  29  août. 

Ainsi  se  perpétue  le  souvenir  des  fêtes  de  1649. 

J.-B.  Cillant. 

Curé  d'Auzéville. 


LE    PREMIER     PAPE     FRANÇAIS 


GERBERT 


ARCHEVEQUE   DE   REIMS 


En  enteridant  cette  énergique  défense  que  nous  avons  ana- 
lysée, et  dont  Gerbert  remit  un  exemplaire  écrit  de  sa  main  au 
légat  apostolique,  l'assemblée  n'osa  prendre  de  décision  avant 
d'avoir  entendu  Arnould,  elle  se  sépara  en  indiquant  un  nou- 
veau concile  à  Reims,  pour  statuer  définitivement  sur  les  déci- 
sions de  celui  de  S.  Basic.  On  voulut  forcer,  durant  cet  inter- 
valle, Gerbert  à  s'abstenir  do  la  célébration  des  saints  mystères, 
il  s'y  refusa  d'abord,  mais  cédant  aux  instances  qui  lui  furent 
faites,  il  y  consentit,  en  réservant  toutefois  ses  droits,  afin  qu'on 
ne  pût  regarder  cette  abstention  comme  un  aveu  de  sa  culpa- 
bilité. Il  se  retira  ensuite  en  Allemagne,  pour  y  attendre  dans 
le  silence  et  la  retraite  la  décision  du  concile. 

La  réunion  eut  lieu  au  monastère  de  S. -Rémi  de  Reims,  le 
l*^""  juilet  995  ;  parmi  les  Pères  du  concile,  on  remarquait  l'ar- 
cbevèque  Séguin,  l'ancien  président  du  synode  de  S. -Basle. 
Le  résultat  des  délibérations  fut  l'annulation  des  actes  précé- 
dents, la  déposition  de  Gerbert  et  le  rétablissement  d'Arnould. 
Les  évèques  qui  avaient  déposé  Arnould  ne  firent  aucune 
opposition,  et  furent  relevés  de  leurs  censures.  Gerbert  seul 
essaya  de  lutter  encore  ;  il  soutint  contre  le  légat  une  discus- 
sion dont  la  vivacité  fut  extrême  ;  mais  celui-ci,  qui  était 
aussi  éloquent  que  lui,  et  plus  versé  dans  la  science  des  lois 
ecclésiastiques,  le  confondit  en  plein  concile.  C'est  ce  que  nous 
apprend  Abbon  de  Fleury,  dans  une  lettre  qu'il  écrivit  quel- 
ques temps  après  au  légat  Léon.  Il  lui  dit  «  qu'après  avoir  vu 
au  concile  de  Reims  les  foudres  et  les  éclairs  qui  paraissaient 
sortir  de  sa  boucbe,  il  a  été  contraint  de  publier  partout  qu'il 
est  le  tonnerre  de  l'Esprit-Saint  qui  descendit  sur  les  apôtres 
en  forme  de  langue  de  feu  ;  qu  il  est   ce  glaive  de  feu   que 

"  Voir  page  178,  tome  XV,  de  la  Revue  de  Champagne  cl  de  Brie. 


GEBBERT  267 

l'Esprit-Saiut  a  aiguisé  par  ses  sept  dons,  pour  chasser  l3S 
mécliauts  de  son  temple  '  » . 

Le  roi  Hugues  ne  tint  pas  compte  de  la  décision  qui  réta- 
blissait Arnould  sur  le  siège  de  Reims  :  il  croyait  ne  pouvoir 
se  fier  à  un  prélat  à  qui  il  avait  fait  tant  de  mal,  et  continua  de 
le  tenir  en  prison,  de  peur  qu'il  ne  fut  encore  une  cause  de 
troubles  et  de  révolte. 

Quant  à  Gerbert,  dit  la  Chronique  de  Fleury,  «  comprenant 
enfin  tout  ce  qu'il  y  avait  eu  d'irrégulier  dans  son  élection,  il 
fit  pénitence,  et  se  soumit  avec  humilité  à  l'arrêt  qui  le  frap- 
pait- ».  Il  se  démit  alors  de  ses  fonctions,  honorant  ainsi  par 
sa  conduite  l'autorité  suprême  du  Saint-Siège,  qu'il  devait  un 
jour  exercer  s-i  glorieusement  lui-même.  Mais,  mécontent  des 
rois  Plugues  et  Robert,  qui  l'avaient  abandonné  dans  celte  cir- 
constance, il  quitta  pour  toujours  la  ville  de  Reims,  théâtre  de 
sa  gloire  et  de  ses  souffrances,  et  se  retira  en  x\llemaguc  auprès 
d'Othon  III  qui  l'y  avait  invité  et  qui  le  reçut  avec  joie  :  car 
le  jeune  empereur  aimait  les  sciences  et  encourageait  ceux  qui 
les  cultivaient;  il  n'oubliait  pas  non  plus  les  services  que  Ger- 
bert lui  avait  rendus. 

Le  séjour  qu'il  fit  à  la  cour  de  l'empereur  Othou  lui 
permit  de  reprendre  avec  une  nouvelle  ardeur  le  cours  de  ses 
chères  études.  Ce  fut  à  cette  époque  qu'il  construisit  à  Magde- 
bourg  une  horloge  qui  excita  l'admiration  universelle.  D'après 
la  Chronique  de  Ditmar,  évèque  de  Mersebourg,  ce  n'était  qu'un 
cadran  solaire,  parfaitement  orienté  sur  l'étoile  polaire.  D'après 
d'autres  auteurs,  Gerbert  introduisit  dans  les  horloges  une 
véritable  révolution,  par  l'application  qu'il  leur  fit  du  poids 
moteur,  et  pai  l'invention  du  mécanisme  admirable  de  l'échap- 
pement. 

Sur  ses  entrefaites,  la  mort  de  Jean  XV  fit  monter  sur  le 
trône  pontifical  Grégoire  V,  et  Jean,  archevêque  de  Ravenne, 
ayant  donné  sa  démission  (mars  998),  Olhon  indiqua  Gerbert 
aux  suffrages  du  peuple  et  du  clergé,  et  il  fut  élu  par  acclama- 
tion archevêque  de  Ravenne.  Le  pape  ratifia  ce  choix  et  accorda 
le  palliura  au  nouvel  élu  \  Quelques  chroniques  contempo- 

1 .  Apud  Baluze,  lib.  I.  Miscell.  p.  '.09. 

2.  «  GcrLertus  aulcm  iiilelligons  qtiod  iujustù  poniificalcm  dignitatem 
susccpissel,  pœnilentia  duclus  est.  »  (Hugo  Floriac.  Ilislor.  Franc.  Seiion, 
Palrol.  lat.  T.  CLXIII,  col.  802.) 

3.  Celle  buUo  est  du  28  avril.  Elle  commence  par  ces  mots  :  a  Qnoniani 
Aposlolica'  Sedis  bcnevolcntia  et  auliqnic  consucludini.s  zelo  provocali,  fru- 
lernitatem  tnam  Ecck-siic  Havcnnati  pia-l'ecimus. .  ..  »  (Mansi  XIX,  201. 
Labbc,  Conc.  T.  IX,  col.  7tJ'J-770.j 


2G8  LE    PREMIER    PAPE   FRANÇAIS 

raines  donnent  à  entendre  qu'il  u'cnlrcait  pas  dans  les  vues  du 
prédécesseur  do  Grégoire  de  laisser  sous  le  boisseau  une 
lumière  si  éclatante,  et  qu'il  avait  l'intentiou  de  concilier  les 
droits  de  la  justice  avec  les  égards  dus  au  mérite.  Ainsi  en  ra» 
lifiant  l'élection  de  Gerbert,  lo  pape  ne  faisait  que  remplir  les 
intentions  de  Jean  XV. 

A  peine  installé  sur  son  nouveau  siège,  Gerbert  assemble  un 
concile,  dans  lequel  il  édicté  les  peines  les  plus  sévères  contre 
la  simonie,  et  se  montre  ainsi  le  digne  précurseur  de  Grégoii-e 
VII.  Le  discours  qu'il  prononça  k  cette  occasion  fui  si  remar- 
quable, disent  les  auteurs  de  VHislov'e  littéraire  de  France, 
que  plus  tard  on  voulut  eu  faire  bonneur  à  S.  Ambroise,  le 
plus  éloquent  des  Pères  latins  '.  Malgré  ses  nombreuses  occu- 
pations, il  ne  négligeait  aucun  de  ses  travaux,  et  ce  fut  pro- 
bablement à  Ravenne,  k  la  demande  de  l'empereur  Othon, 
qu'il  composa  sou  petit  traité  sur  le  raisonnable  et  l'usage  de 
la  raison  :  De  rationali  et  oatione  uti  ïibelluc.  Ce  fut  au  milieu 
de  ces  études  qu'il  apprit  la  mort  de  Grégoire  V  (1 3  février 
D'JO).  Bientôt  après,  grâce  à  l'influence  d'Otbon,  il  fut  élu  sou- 
verain pontife,  et  prit  le  nom  de  Sylvestre  II.  Gerbert  fut  le 
premier  français  élevé  au  souverain  pontificat.  Le  nom  des 
trois  sièges  occupés  successivement  par  ce  pontife,  a  donné 
lieu  au  fameux  vers  suivant  que  l'on  attribue  ta  Gerbert  lui- 
même  : 

Scandit  alj  R  Gerbertus  in  R,  sit  papa  vigens  R, 

et  dont  nous  trouvons  dans  un  ancien  manuscrit  la  variante 
suivante  : 

Transit  al>  R  Gorberlus  ad  R,  fit  papa  vigons  R^. 

Nous  avons  vu  par  quelles  épreuves  la  divine  Providence 
avait  préparé  le  fds  de  l'bumble  roturier  de  Belliac,  le  pauvre 
moine  Gerbert,  à  la  mission  sublime  qu'il  était  appelé  à  rem- 


1.  On  p3ut  lire  ce  discours  dans  rôdition  de  M.  OUoris.  De  Informalioue 
episcoporum,  p.  275. 

2.  Orderic  Vital,  qui  s'est  fait  léclio  des  cjlomnics  contre  Gerbert,  indi- 
que à  ce  vers  une  autre  orij^ine  :  «  On  rapporte,  dit-il,  qu'étant  encore  éco- 
lâtre,  Gerbert  avait  des  entretiens  avec  le  diable,  et  le  consultait  sur  son 
sort  à  venir.  Le  démon  lui  répondit  par  cette  phrase  ambiguë  : 

Transit  ab  R  Gerbertus  in  1{,  post  papa  vigens  R.  » 

Gerbert  passe  de  R  (lieims)  à  R  (liavenne),  puis  pape,  il  brille  à  R 
(Rome).  —  (Orderic  Vital,  Gestor.  Eccles.  lib.  I,  cap.  XXVIII.  Patrol.  lat. 
T.  GLXXXVIII,  col.  9'..) 


GERBERT  2G9 

plir  :  «  Les  éprouves  ne  lui  avaient  pas  mauipié,  dit  M.  l)ar- 
ras  ;  Si^s  erreurs  uièiiics  devaient  être  pour  lui  de  salutaires 
leçons.  Gerbert,  priuco  de  la  science,  philosophe,  mathémati- 
cien, orateur,  musicien,  poète,  est  encore  moins  grand  par  tous 
ces  titres  que  par  l'humble  soumission,  la  sincère  pénitence 
avec  les(iuelles  il  accueillit  la  sentence  apostolique  au 
concile  de  Senlis'.  Devenu  pa])e,  il  résuma  par  sa  piéle, 
non  moins  que  par  son  génie,  et  développa,  en  les  appliquant, 
tous  les  éléments  de  progrès  religieux  et  intellectuels.  Il  fui, 
comme  tous  les  grands  hommes,  la  personnification  vivante 
de  son  époque.  Avec  lui,  le  trône  apostolique  reprit  à  la  tête 
des  nations  européennes  le  rang  qu'il  avait  occupé  sous  Gré- 
goire-le-Graud  et  S.  Nicolas.  Un  historien  français  a  le  droit 
dêtre  fier  eu  inscrivant  le  nom  d'un  fils  de  notre  France 
comme  celui  du  restaurateur  religieux  et  social  du  onzième 
siècle,  comme  l'un  des  précurseurs  de  fimmortel  [lildebrand  '.» 
A  cette  époque  de  la  vie  de  Gerbert,  on  renouvela  contre  lui 
toutes  les  accusations  calomnieuses  dont  nous  avons  déjà 
parlé  ;  mais  ce  qui  étonne,  c'est  de  voir  le  cardinal  Baronius  j 
ajouter  foi,  et  écrire  ces  paroles  passionnées  et  injustes  :  «  11 
fut  élu  pape,  mais  je  l'avoue  sincèrement,  il  était  indigne  de 
cet  honneur''  ».  Nous  ne  nous  ferons  pas  ici  l'écho  de  ces 
ineptes  calomnies,  nous  nous  contentons  de  renvoyer  aux  au- 
teurs qui  ont  eu  assez  peu  de  respect  d'eux-mêmes  pour  les 
consigner  dans  leurs  écrits  \ 


1.  D'après  M.  Darras,  le  concile  qui  statua  sur  les  décisions  de  rAssera- 
bléc  de  S.  Basle  eut  lieu  à  Senliii,  et  non  à  lieims.  Malj^ré  tout  notre  res- 
pect pour  ce  savant  auteur,  nous  ne  pouvons  aJinettre  ce  senliinent. 

2.  Histoire  de  V Eglise,  T.  XXI,  p.  330. 

3.  «  Tanla  scde,  ut  libère  l'atcar,  indignissiinum.  »  (A un.  XX,  col.  '.ti'.)  ) 

4.  «  Tandem  papa  faclus,  dit  le  scbisinatiquc  cardinal  Hennon,  quaîsivit 
a  diabolo  quôd  diii  viveret  in  papatu.  Rrsponsuin  bahuit  (piamdiîi  vcllel, 
dùin  tamen  non  celebrarct  in  Jérusalem.  Gavisus  fuit  vaklè,  spcraus  se. 
longe  c^se  a  fine,sicut  loiigèlnit  a  voluntate  pcrcgriiiationis  ia  Jérusalem  ialrà 
mare.  Et  cùm  in  quadragesima  ad  Ecclesiam  qu;u  dicilur  Jérusalem  in  La- 
lerano  C3lebrarut,  et  strepitum  dieniouis  sensissct,  iiilellexit  sibi  mortem 
adesse,  et  suspirans  ingemuit.  Licct  autcm  sceleralissimus  csscl,  de  miseri- 
cordia  Dei  non  desperans,  revelando  coràm  omnibus  peccatum,  niembra 
oninia  quibus  diabolo  ob.soquium  pnestaverat  jussit  prœcidi,  et  dcindè  trun- 
cum  mortuum  super  bigam  jjoni,  et  ubicumquc  animulia  producercnt  et  sis- 
terent,  ibi  sepeliretur  ;  quod  et  fact'im  est.  Sepultumquo  est  in  c])iscopio 
Laternanensi  in  signnm  misericordia;  consecuUu.  Scpulcriim  ipsius  tàm  ex 
tumullu  o.ssium  quani  ex  sudore  pruisagiuin  est  morituri  pap:e.  »  IMatiiia, 
bislorien  du  xv«  siècle,   so   fait    aussi    lécbo  de  cette   dernière  absurdité  : 


270  LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS 

Sur  la  chaire  apostolique,  le  nouveau  pape  montra  le  même 
zèle  et  la  même  fermeté  pour  le  maintien  de  la  discipline  ecclé- 
siastique que  sur  le  siège  de  Ravenne.  Sa  conduite  à  l'égard 
d'Arnould,  son  ancien  compétiteur,  fut  pleine  de  délicatesse  ; 
dans  une  lettre  qu'il  lui  adressa,  il  lui  confirma  tous  les  privi- 
lèges attachés  au  siège  de  Reims,  et  en  particulier  celui  du 
sacre  des  rois  :  «  Etant  de  la  dignité  et  de  l'honneur  du  Saint- 
Siège,  lui  dit-il,  d'avoir  non-seulement  soin  des  pécheurs, 
mais  encore  de  relever  ceux  qui  sont  tombés,  et  de  remettre 
au  même  degré  de  considération  ceux  qui  sont  déchus,  afin 
que  la  puissance  de  S .  Pierre  soit  toujours  aussi  libre  de  lier 
et  de  délier,  et  que  la  grandeur  de  la  dignité  romaine  éclate 
partout,  nous  avons  résolu  de  vous  secourir,  Arnould,  arche- 
vêque de  Reims,  que  certains  excès  avaient  privé  du  siège 
épiscopal,  afin  qu'on  sache  que  vous  pouvez  être  rétabli  par  la 
bienveillance  du  Saint-Siège,  puisque  vous  avez  été  dépouillé 
sans  son  consentement  '.  Car  Pierre  possède  une  puissance 
que  n'égale  aucune  autre  puissance  sur  la  terre.  Ainsi  donc, 
nous  vous  accordons,  par  ces  présentes,  en  vous  rendant  la 
tiare  et  l'anneau,  le  privilège  de  remplir  toutes  les  fonctions  épis- 
copales,  de  jouir  de  toutes  les  prérogatives  ordinaires  attachées 
au  siège  métropolitain  delà  sainte  Eglise  de  Reims,  de  porter  le 
pallium  dans  les  cérémonies  accoutumées,  de  sacrer  les  rois  de 
France  et  les  évêques  qui  vous  sont  subordonnés,  et  de  re- 
prendre, en  vertu  de  notre  autorité  apostolique,  tout  le  droit 
pastoral  appartenant  à  vos  prédécesseurs.  Nous  défendons  en 
outre  à  toute  personne  de  vous  reprocher  l'accusation  dont 
vous  avez  été  l'objet  dans  le  synode  et  dans  quelqu'autre  mo- 
ment de  votre  abdication,  ou  d'avoir  l'audace  de  se  permettre 
à  ce  sujet  quelques  paroles  outrageantes  envers  vous". 

S.  Odilon,  abbé  de  Cluny,  ayant  établi  en  999,  dans  le  mo- 
nastère do  S.   Benoit,  le  pieux  usage  de  la  Commémoration 


a  Quuud  un  pape  est  sur  le  point  de  mourir,  dit-il,  ou  ealeud  le  cliquetis 
des  ossements  de  Sylvestre  II  (jui  s'entrechoquent  au  fond  de  son  tombeau.» 
(Platina.  Vita  de  Pontef.  p.  28U.)  «  Ce  choc  elfrayaut  aurait  dû,  dit  M.  011e- 
ris,  détruire  le  corps  de  Gerbert  si  déjà,  suivant  Guillaume  do  Malmesbury, 
ou  ne  rcùl  immédiatcmeut  coupé  eu  morceaux  après  sa  mort.»  (Vie  de  Ger- 
bert, p.  107.) 

1.  «  Tua  abdicatio  romauo  consensu  caruit.  »  (Gerbert  Epistol,  CXXV, 
p.  l/i5.  —  D.  Marlot,  II,  56.) 

2.  Arnould  survécut  encore  longtemps  à  sa  réhabilitation,  il  mourut  en 
1021,  après  avoir  réparé  dans  les  dernières  années  de  sa  vie  le  scandale  des 
premières. 


GERBE RT  27 1 

des  fidèles  trépassés,  et  l'ayant  fixé  au  2  novembre,  Sylvestre, 
par  un  décret  solennel  de  l'an  1 000,  étendit  celte  fôte  à  l'univers 
chrétien. 

L'an  mil  ayant  été  signalé  pai'  des  cauunilés  nombreuses,  la 
préoccupation  des  esprits  devint  générale,  et  on  crut  y  voir  les 
signes  avant- coureurs  de  la  fin  du  monde.  Chacun  s'occupa 
alors  de  bonnes  œuvres  pour  fléchir  la  colère  divine,  mais 
l'année  fatale  s'accomplit  sans  aucun  autre  incident  que  les 
manifestations  de  la  foi  populaire.  L'Eglise  ne  provoqua  pas 
cette  explosion  de  craintes  et  d'alarmes,  elle  y  fut  complète- 
ment étrangère  ;  mais  après  le  réveil  du  monde  qui  en  fut  la 
suite,  elle  déploya  toute  son  activité  et  toute  son  influence 
pour  organiser  l'empire  sur  de  nouvelles  bases,  et  préparer  à 
lachrétientéune  ère  de  grandeur  et  de  prospérité  jusque  là  in- 
connues. .Sylvestre  avait  conçu  le  dessein  gigantesque  de  re- 
constituer dans  son  ancienne  splendeur  l'empire  carlovingieu, 
mais  la  mollesse  et  Finsouciance  d'Othon  III  y  mirent  obsta- 
cle. 

Le  pontife  dirigea  alors  toute  sa  sollicitude  sur  un  autre 
danger  qui  menaçait  la  chrétienté.  Les  Sarrasins  ayant  envahi 
les  frontières  romaines  s'emparèrent  de  Capoue,mais  ils  furent 
défaits  par  Othon  qui  les  obligea  à  abandonner  leur  conquête. 
Cependant  le  danger  était  toujours  menaçant,  car  de  l'Orient 
sortaient  par  essaims  ces  bandes  d'infidèles  qui  promenaient 
le  fer  et  le  feu  sur  le  midi  de  l'Europe.  Sylvestre  conçut  le 
projet  d'une  immense  coalition  de  tous  les  peuples  réunis  dans 
une  même  foi,  pour  repousser  ces  invasions,  et  dans  l'intention 
d'atteindre  ce  but,  il  adresssa  à  la  chrétienté  une  lettre  su- 
blime, dans  laquelle  il  trace  le  plan  des  croisades  ;  la  voici  : 

«  L'Eglise  de  Jérusalem  à  l'Eglise  universelle,  conmiandant 
aux  sceptres  des  royaumes. 

«  Lorsque  je  vous  vois  pleine  do  vigueur,  moi,  épouse  im- 
maculée du  Seigneur,  qui  me  reconnais  pour  un  de  vos  mem- 
bres, je  sens  que  je  n'ai  pas  encore  perdu  toute  espérance  de 
relever  ma  tète  affaissée  sous  le  poids  do  la  douleur.  Ah  I  (|ue 
n'ai-je  point  à  espérer,  ô  maîtresse  des  événements,  si  vous 
me  reconnaissez  comme  une  ])artie  de  vous-même  !  Y  a-t-il  un 
seul  de  vos  enfants  qui  puisse  se  croire  étranger  au  malheur  qui 
m'accable  et  me  dédaigne  comme  peu  de  prix  ?  Quoi([ue  abaissée 
maintenant,  l'univers  m'a  regardée  cependant  comme  la  plus 
noble  partie  de  lui-même.  C'est  sur  mon  sol  ([n'ont  retenti  les 
oracles  des  prophètes  et  les  témoignages  des  ])atriarches  ;  c'est 
à  que  se   sont  levés  les  apôtres,    ces   Dstres  lumineux    du 


272  I.E    PKEMIEU    PAPE    FRANÇAIS 

nioiide.  (Test  par  moi  que  loule  la  terre  a  reru  la  foi,  c'est  au- 
près de  moi  (ivrellc  a  trouvé  son  Sauveur.  Quoique  ce  Sauveur 
soit  partout  par  sa  divinité,  cependant,  comme  homme,  c'est 
ici  ([u"il  est  né,  qu'il  a  soufiert  et  qu'il  a  été  enseveli  ;  c'est 
d'ici  qu'il  s'est  élevé  dans  les  cieux.  Comme  le  prophète  a  dit 
que  sou  sépulcre  sera  glorieux,  le  démon  cherche  à  le  couvrir 
d'opprobres,  en  faisant  ravager  par  des  païens  les  Lieux-Saints. 
Marchez  donc,  soldats  du  Christ,  prenez  vos  enseignes  et  vos 
armes  ;  et  si  vous  ne  pouvez  combattre  en  personne,  apportez 
le  secours  de  vos  conseils  et  de  vos  richesses.  Que  donnez- 
vous  et  à  qui  donnez-vous  ?  On  vous  demande  une  modique 
part  de  votre  abondance  pour  Celui  qui  vous  a  donné  tout  gra- 
tuitement ;  encore  ne  le  recevra-t-il  pas  sans  vous  récompen- 
ser. Il  multipliera  vos  biens  sur  la  terre  et  vous  en  donnera 
de  plus  grands  dans  le  ciel,  il  vous  bénira  par  ma  bouche  pour 
que  vous  croissiez  à  mesure  de  vos  largesses,  il  vous  remettra 
vos  fautes  et  vous  fera  vivre  et  régner  avec  lui  '.    » 

Sylvestre  n'eut  pas  le  bonheur  de  réussir  dans  sou  pieux 
dessein.  Seuls,  les  Pisans  se  levèrent  à  sa  voix  et  équipèrent 
une  flotte  qui,  sillonnant  les  flots  de  la  Méditerranée,  ouvrit 
ainsi  le  premier  sillon  que  devaient  suivre  plus  tard,  à  la  voix 
d'Urbain  II,  les  navires  des  croisés.  C'est  à  un  ancien  arche- 
vêque de  Reims  qu'était  due  la  première  pensée  des  croisades. 
C'est  à  un  enfant  du  diocèse  de  Reims  qu'il  était  réservé  de  la 
mettre  à  exécution. 

Toutes  ces  préoccupations  ne  faisaient  pas  oublier  à  Sylvestre 
la  mission  la  plus  importante  qui  lui  était  confiée,  celle  de 
sauver  les  âmes.  Il  semble  que  Dieu  ait  voulu,  sur  la  fin  de  la 
vie  de  son  serviteur,  le  consoler  de  l'ingratitude  dont  il  avait 
été  si  souvent  la  victime,  en  lui  accordant  la  grâce  d'introduire 
dans  le  sein  de  l'Eglise  de  nouveaux  peuples.  L'an  lUOU,  le 
duc  Etienne,  chef  de  ces  Hongrois  qui  avaient  lancé  contre  la 
civilisation  leurs  hordes  dévastatrices,  envoya  une  ambassade 
au  Souverain-Pontife,  pour  lui  faire  hommage  de  ses  états. 
Son  exemple  fut  suivi  par  le  duc  de  Pologne,  Miesco,  fils  de 
Boleslas. 

Nous  avons  peu  de  détails  sur  les  dernières  années  de  la  vie 
du  pape  Sylvestre.  Les  infirmités,  les  révolutions,  l'élude  et 
les  vicissitudes  avaient  brisé  avant  le  temps  son  énergique 


1 .  Abraham  Bzovius  iii  Aun.  Baron,  ami.  I0U3,  n"  6,  —  Gerbert  Epislol. 
GCIX,  p.  149. 


GERBERT  273 

nature.  Les  dernières  pensées  du  grand  poulife  furent  pour  le 
ciel,  témoins  les  hymnes  ([u'il  composa  eu  l'honneur  du  S. 
Esprit  sur  son  lit  de  douleur,  Cantica  de  S.  iSpiritu,  et  une 
prose  dédiée  aux  Saints  Auges,  Ad  cdehres  rex  cœli.  Il  mourut 
le  12  mai  de  l'année  1003,  après  avoir  occupé  \d  siège  aposto- 
lique pendant  quatre  ans  trois  mois  et  dix  jours  ;  il  n'avait  que 
soixante-trois  ans.  Il  fut  inhumé  dans  l'église  de  Latran. 

L'an  lOOD,  le  pape  Sergius  IV  composa  en  son  honneur 
répitaphe  suivante,  que  l'on  peut  encore  Ure  aujourd'hui  à 
Rome  :  «  Ce  coin  de  terre  où  sont  ensevelis  les  restes  de  Syl- 
vestre, les  rendra  au  Seigneur  quand  sonnera  la  trompette  du 
jugement  dernier.  La  Vierge,  mère  de  la  Sagesse,  l'avait  donné 
au  monde  qu'il  devait  illustrer  ;  la  cité  de  Rome,  capitale  de 
l'univers  l'avait  mis  à  sa  tête.  Français  de  nation,  Gerbert  fut 
jugé  digne  de  s'asseoir  sur  le  siège  de  Reims,  métropole  de  sa 
patrie.  Son  mérite  le  fit  élever  au  gouvernement  de  la  noble  et 
puissante  cité  de  Ravenae.  Un  an  après,  changeant  son  nom, 
il  monta  sur  le  siège  de  Rome  et  devint  le  pasteur  du  monde 
catholique.il  fut  redevable  de  cet  honneur  à  l'empereur  Olhou 
qui  voulut  récompenser  ainsi  sa  fidélité.  Tous  les  deux  illus- 
trèrent leur  époque  par  l'éclat  de  leur  sagesse.  Tous  les  cœurs 
étaient  dans  l'allégresse,  car  partout  le  crime  et  le  désordre 
furent  réprimés.  Comme  le  prince  des  Apôtres,  auquel  il  suc- 
céda sur  le  trône  pontifical,  il  reçut  trois  fois  la  mission  de 
paître  les  peuples.  Après  avoir  rempli  pendant  un  lustre  ces 
sublimes  fonctions,  il  mourut.  Le  monde,  d'où  disparut  la 
concorde,  fut  plongé  dans  la  stupeur;  l'Eglise  chancela  au 
milieu  de  son  triomphe  et  ne  connut  plus  le  repos.  Successeur 
et  ami  de  Sylvestre,  le  pontife  Serge,  dans  un  sentiment  de 
tendre  piété,  lui  a  érigé  ce  loculus.  Qui  que  tu  sois,  qui  laisse 
tomber  tes  regards  sur  ce  sépulcre,  dis  cette  prière  :  Dieu  tout 
puissant,  ayez  pitié  de  lui.  Il  mourut  l'an  1003  de  riiicarnatiou 
du  Seigneur,  iudiclion  première,  le  douzième  jour  du  mois  de 
mai  \  » 


1 .  Istc  locus  mundi  Sylvcstri  mombra  sopulU 

Vuiituio  Domino  conCci'et  ad  soiiiluiD, 
Queiu  dederat  inuudo  cclchreiii  doctissiiua  Viryu 

Atquc  caput  mundi  culrain.'i  Konuilca. 
l'rimuni  Gcrburtus  mcruit  Francigena  S(.'(leni 

Remensis  populi  metropolini  patriie. 
ludè  Haveuiialis  meruit  consccndeic  sumiuuiu 

Ecclcsia;  ri'gimcu  nobilc  fiUiiie  polcuo. 


27 i  LE  PREMIER  PAPE  FRANÇAIS 

Le  pape  iDiiocentXII  ayant  fait  exécuter,  eu  1048,  des  ré- 
parations importantes  à  S.  Jean  de  Latran,  il  fallut  toucher 
aux  lombes  des  papes  placées  dans  la  nef  et  sous  le  portique  : 
a  Le  chanoine  César  Ruspoui,  dit  M.  Olleris  à  qui  nous  em- 
pruntons ces  détails,  chargé  de  présider  à  cette  opération,  nous 
en  a  laissé  le  procès-verbal  officiel.  La  tombe  de  Gerbert, 
placée  sous  le  portique,  laissait  souvent  échapper  un  suinte- 
ment qui  s'explique  par  la  nature  même  du  sol  et  de  la  tempé- 
rature ambiante  :  «  Quand  ou  l'ouvrit,  dit  le  savant  chanoine, 
le  corps  de  Sylvestre  II  fut  trouvé  tout  entier,  couché  dans  un 
sépulcre  de  marbre,  à  une  profondeur  de  douze  palmes  (un 
mètre).  Il  était  revêtu  des  ornements  pontificaux,  les  bras 
croisés  sur  la  poitrine,  la  tête  couverte  de  la  tiare.  Dès  qu'on 
l'eût  changé  de  place,  l'action  de  l'air  extérieur  le  fit  tomber 
en  poussière,  et  il  se  répandit  tout  autour  une  odeur  douce  et 
agréable,  peut-être  à  cause  des  parfums  qu'on  avait  employés 
pour  l'embaumement.  Il  n'en  resta  qu'une  croix  d'argent  et 
l'anneau  pontifical  '  » .  Le  chanoine  de  Latran  ne  dit  pas  où 
furent  déposées,  après  cette  découverte  inattendue,  les  cendres 
de  Sylvestre  II.  On  ne  sait  pas  davantage  ce  que  sont  devenus 
la  croix  et  l'anneau  de  Gerbert  ;  mais  la  table  de  marbre  qui 
recouvrait  sa  tombe  a  été  scellée  dans  le  second  pilier  à  droite, 
en  face  de  la  chapelle  de  S.  Maxime.  Aujourd'hui  encore, 
comme  nous  l'avons  dit,  on  peut  y  lire  l'épitaphe  composée  en 


Post  annum  Romam  mulato  nomiue  sumpsit, 

Ut  toto  pastor  f;eret  orbe  novus. 
Cui  nimium  placuit  sociali  mente  iidelis 

OLtulit  hoc  Ca3sar  tertius  Ollo  sibi. 
Tempus  uterque  comit  clara  virtute  sophiœ, 

Gaudet  et  omue  seclum,  frangitur  omue  reum. 
Clavigeri  instar  crat  cœlorum  sede  potitus, 

Terua  suffectus  cui  Ticc  pastor  erat, 
Iste  vicem  Pétri  postquàm  suscepit,  abegit 

Lustrali  spatio  sa-cula  morte  sui. 
Obriguil  mundus,  discussa  pace  :  triumphus 

Ecclesiœ  mutans  dedicil  requiem. 
Sergius  huuc  loculum  mili  pietute  sacerdos 

Successorqus  suus  compsit  amorc  sui. 
Quisquis  ad  huac  tumulum  devexa  lumina  verlis  : 

Omnipoteus  Domine,  die,  miserere  sui. 
Obiit  aiino  Domiaicaj  lucaruationis  MIII 

Indict.  I  mensis  Maii  D.  XII. 

1.  Mabillou,  Auu.  Béned.  T.  IV,  p,  1G3-164. 


GERBERT  275 

l'au  lOU'J.  par  le  papo  rfergius  IV,  lequel  veuge  la  mémoire 
de  sou  illustre  prédécesseur  do  taut  d'absurdes  calomuies  '.  » 
«  Uu  jour,  dit  uu  historieu  moderne,  quand  l'histoire,  au 
lieu  de  donner  aux  dilférents  âges  les  limites  rigoureuses  de  la 
chronologie,  mesurera  chaque  époque  par  les  progrès  qui  l'au- 
ront signalée,  et  désignera  chaque  siècle  par  le  uom  des  hom- 
mes dont  les  vertus,  les  œuvres  ou  le  génie  l'auront  illustré, 
le  réveil  qui  suivit  la  uuit  profonde  du  x"  siècle  prendra  le  uom 
du  glorieux  pâtre  de  Belliac,  et  la  période  qui  sépare  l'avéue- 
ment  de  Hugues-Gapet  des  enseignements  de  S.  Ansalrae, 
s'appellera  dans  l'histoire  du  progrès  et  de  la  civilisation,  le 
siècle  de  Gerbert  *.  » 

J.  Chardron, 

curé  do  Chémery. 


1.  OUcris,  Vio  de  Gerbert,  p,  197. 

2.  Gerbert,  Etudes  bidtoriques  sur  le  x"^^  siècle,  par  l'abbé  F.  P.  Lausscr, 
p.  377.  (Aurillac,  1860.) 


HISTORIQUE  DE  LA  CORPORATION 

DES 

APOTHICAIRES  -  ÉPICIERS 


Ll    VILLE    DE 

CHALONS- SUR -MARNE 


XXI 

Nul  ne  pourra  s'entremellre  de  vendre  et  débiter  iiy  dùlailler 
aucuue  sorte  de  marchandises,  drogues  et  espices,  poudres  et 
aultres  qui  entrent  au  corps  humain,  tant  simples  que  com- 
posées ny  aultre  chose  despendant  de  l'art  d'apothicairerie  et 
espicerie,  s'il  n'est  passé  et  receu  maistre. 

XXII 

Au  cas  qu'il  arrive  quelques  marchandises,  drogues,  espices 
par  marchands  forains,  le  premier  des  maislres  apolhicaires- 
espiciers  et  espiciers-simples  seront  tenus  advcrtir  les  maislres 
jurés  pour  visiter  lesdites  marchandises  avant  que  les  exposer 
en  vente. 

Est  inhibé  et  deffendu  ausdiclz  maislres  de  les  achepler  sans 
que  préalablement  elles  n'ayent  esté  vencs  et  visitées  par 
lesdiclz  maislres  jurez,  sous  peine  d'amende  arbitraire. 

XXIII 

Au  cas  qu'aucun  contreviendroit  aux  ordonnances  cy-des- 
sus,  payera  les  amendes  a  quoy  il  sera  condamué,  lesquelles 
scroDt  employées  pour  les  aif;iires  et  enlrelènemeul  dudict 
art. 

XXIV 

Et  au  cas  qu'aucun  desdictz  maislres   tant   présents  que 

*  Voir  page  195,  tome  XV,  de  lu  Hcvue  de  Champagne  et  de  Brie. 


277  HISTORIQUE    DE   LA  CORPORATION 

advenir,  soit  apothicaire-cspicier  on  espicior-simple  viendront 
des  nécessitez  de  maladie  ou  aiiltres  accidents,  comme  en 
pareil  cas  leurs  vefves,  seront  assistés  des  deniers  clairs  qui 
proviendront  des  maistrises  dudict  art,  a  distribuer  par  les 
maislres  jurez  selon  la  possibilité  qui  en  sera,  tant  esditz 
maistres  que  vefves  comme  pareillement  aux  pauvres  compa- 
gnons François,  italiens,  allemans,  espagnols,  comme  d'autres 
nations  qui  passent  à  touttes  journées  par  ladilte  ville  do 
Chaalons,  ne  pouvant  estre  occupés  par  lesdictz  maistres  ainsy 
comme  ils  pourroieut  désirer. 

XXV 

Que  la  commission  émanée  de  M.  le  bailly  de  Chaalons, 
touchant  les  visitations,  obtenue  par  Jehan  Maupiu  et  Claude 
Roussel  maistres  jurez  de  l'année  1016,  dont  la  teneur  s'en- 
suit, sera  exécutée  par  les  maistres  jurez  en  la  forme 
et  manière  qu'il  est  ordonné  pour  le  présent  et  pour 
l'avenir. 

Signé:  Maupin,  Roussel,  Noël,  Horgueliu,  Deu,  Lemoyne 
et  Claude  Francoys. 

Ces  statuts  furent  homologués  par  le  bailly,  le  9  janvier 
1620. 

La  commission  délivrée  parle  bailly  aux  maistres  jurés  pour 
l'exercice  de  leur  charge  est  ainsi  conçue  ; 

«  Pierre  Dalfeston  escuyer,  sieur  de  Joyeulx,  bailly  de 
Chaalons,  au  premier  sergent  dudit  bailliage,  sur  ce  requis, 
salut.   » 

«  Dans  l'acte  de  prestation  de  serment  faicte  par  devant 
nous  par  Jehan  ^laupin  et  Claude  Roussel  maistres  jurez  pour 
l'année,  de  l'art  et  maistrise  de  pharmacie,  apoticairerie  et 
espiceric  en  ceste  ville  de  Chaalons,  en  date  du  19°  febvrier 
1G15,  par  lequel  entre  aultre  chose  est  ordonné  que  commis- 
sion pour  faire  les  visitations  ordinaires  et  accoustumées  leur 
seroit  délivrée  ;   » 

«  Nous  avons  permis  et  permettons  ausdits  Maupin  et 
Roussel  de  bien  et  fidcllement  procedder  aux  visitations  des 
ouvrages  dudict  art  et  mestier  de  pharmacie  et  espicerie, 
appeller  avec  eulx  ung  des  sergents  dudict  bailliage  et  le 
premier  sur  ce  requis,  lequel  ils  seront  tenus  prendre  et 
mener  avec  eulx  en  faisant  lesdites  visitations  au  comté  et 
pairie  dudit  Chaalons.    » 

a  Auquel  sergent  donnons  pouvoir  et  mandement  de  saisir 


278  HISTORIQUE  DE   LA   CORPORATION 

et  mettre  en  la  main  de  Monseigneur  à  la  requête  de  son  pro- 
cureur fiscal  audict  comté  et  pairie  et  desdits  maistres  jurez 
tout  et  chascun  des  ouvrages  et  marchandises,  mesme  ceux 
apportés  par  les  forains  dépendant  dudit  estât  d'apoticaire  et 
espicier,  rpii  seront  trouvés  vitieux  et  malfaçonnez,  tant  es 
boutiques,  maisons  et  marché  de  ceste  ville  de  Chaalonsetdes 
maistres  dudict  mestier  que  desditz  forains  qui  luy  seront, 
par  iceulx  maistres  jurez,  déclarez  estre  vitieux  soit  en  la 
matière  ou  en  la  façon  et  composition  d'icelle,  et  de  tout,  faire 
procès-verbal  et  establissement  de  commissaires  gardiens,  pour 
estre  communiqués  audict  procureur  fiscal,  et  les  partyes 
ouyes  par  devant  nous  en  estre  ordonné  ce  que  de  raison.   » 

«  Et  en  oultre  sur  ce  que  lesdits  maistres  jurez  nous  ont 
exposé  que  tant  en  ladilte  ville  de  Ghaalons  que  faulxbourgs 
et  banlieue  d'icelle,  il  y  a  plusieurs  sortes  de  personnes,  les- 
quelles oultre  leurs  mestiers  et  professions  se  sont  entremis  et 
entremettent  journellement  de  vendre,  débiter  et  distribuer 
indifféremment  des  compositions,  sirops  laxatifs  et  aultres, 
des  pouldres,  emplastres,  unguent,  drogues  et  espiceries  tant 
simples  que  composées,  sucre,  confitures,  ouvrages  de  cire, 
poisons,  venins  et  aultres  choses  qui  dépendent  de  la  pharma- 
cie et  espicerie,  sans  qu'ilz  ayent  jugement  ny  capacité  de 
cognoistre  la  force  et  vertu  tant  bonnes  que  mauvaises  desditz 
médicaments  et  de  les  sçavoir  doser  et  proportionner  en  com- 
position, dont  arrivent  dommages  et  inconvénients  irréparables 
et  offensifs  au  publicque  pour  le  peu  d'ordre  que  l'on  y  appor- 
toit  par  cy-devant.   » 

«  Avons  ausditz  maistres  jurez  apoticaires  et  espiciers  per- 
mis d'eux  transporter  au  logis  des  marchants  et  aultres  de 
quelque  quotité  qu'ilz  soyent,  qui,  au  dedans  dudict  comté  et 
pairie  feront  telles  compositions  et  distribution  d'icelles,  les 
visiter  et  saisir  tant  bonnes  que  mauvaises  en  la  présence 
d'ung  sergent,  auquel  mandons  procéder  par  saisie  de  tout  ce 
qui  se  trouvera  vitieux  en  la  matière  ou  en  la  façon  et  qui  tel 
luy  sera  déclaré  par  lesdictz  jurez,  avec  établissement  de  gar- 
diens, et,  en  cas  d'opposition,  assigner  les  appellans  et  tous 
aultres  dont  il  sera  requis  pour  en  déduire,  pour  causes 
mesmes,  ceulx  qui  ne  sont  point  apoticaires  et  espiciers  audict 
Chaalous  pour  dire  ce  que  voudront  sur  ce  que  lesditz  jurez 
entendront  requérir,  que  defîences  soyent  faictes  de  s'immis- 
cer doresnavaut  en  la  composition,  vente  et  distribution  de 
tout  ce  qui  deppend  de  la  pharmacie  et  art  d'apoticaire-cspi- 
cicr,  et  pour  en  oultre  procedder  comme  de  raison.   » 


DES    APOTHICAIRES-ÉPICIERS  279 

«  De  ce  faire  donnons  ausditz  jurez  et  sergent  sur  ce  requis, 
pouvoir,  mandons  à  tous  qu'il  appartiendra  obéir.  » 

«  Donné  soubz  le  seing  du  greffier  ordinaire  dudict  bail- 
liage ou  son  commis  le  vingtiesmc  jour  de  febvrier  1016.  » 

«  Signé  :  P.  Horguelin  et  Lemoyne.  » 

Les  statuts  qui  précèdent  ne  disent  rien  de  la  fête  que  les 
apothicaires  de  Ghâlons  célébraient  chaque  année  à  l'exemple 
de  toutes  les  autres  corporations.  Le  registre  des  conclusions 
vient  combler  cette  lacune  et  nous  apprendre  qu'ils  fêtaient  la 
Saint-Luc,  que  la  cérémonie  religieuse  avait  lieu  au  couvent 
des  Corieliers  et  que  le  soir  il  y  avait  un  festin.  La  conclusion 
du  11  octobre  1020  un  peu  brève,  peut-être,  donne  à  cet  égard 
certains  renseignements  de  détail  ;  il  y  est  dit  : 

«  Sera  payé  pour  le  service  qui  se  fait  chaque  année  aux  Cor- 
deliers  le  jour  de  Saint-Luc,  messe  et  vespres  quarante-cinq 
solz,  et  sera  distribué  aux  pauvres  en  sortant  do  ladicte  église 
la  somme  de  dix  solz.  —  En  outre  a  este  admis  et  arresté  que 
à  r  advenir  et  chascun  à  son  tour  advenant  ladite  feste,  sera 
tenu,  l'un  desditz  maistres,  fournir  pour  le  service  dudit  jour 
et  veille  six  cierges  de  cire  jaune  du  poids  de  quatre  onces,  et 
le  jour  de  la  feste  fournir  ung  pain  bénit  décent  et  hon- 
ncste. 

«  Et  d'abondant  sera  tenu  ledit  maistre  prestec  son  logis  et 
tout  ce  qui  sera  nécessaire  durant  le  festin  et  temps  de  ladite 
feste,  en  luy  fournissant  pain,  vin  et  viandes.  » 

Un  petit  registre  du  couvent  des  Gordeliers  tenu  de  1745  k 
1700,  nous  donne  quelques  renseignements  sur  la  cérémonie 
rehgieuse.  On  y  trouve  ce  qui  suit  '  : 

«  Apothicaires.  —  Le  18  octobre,  jour  de  Saint-Luc,  MM. 
les  apoticaires  fout  leur  fête.  Grand-messe  à  9  heures  et  1/2, 
vespres  à  ?>  heures.  Il  n'y  a  ni  procession  ni  autre  chose.  Le 
lendemain  un  obit  à  8  heures.  On  chante  le  Languentihus  gra- 
tis, pour  lequel  service  ils  donnent  0  livres. 

«  Lorsqu'il  meurt  un  confrère,  ou  porle  chape,  on  met  la 
représentalion.  On  apporte  pain  et  vin  à  l'offrande  et  on  paye 
40  sols.  » 

EXAMENS    ET   ÉPREUVES    POUR    l'aDMISSION   A   LA   MAITRISE 

En  dehors  de  l'examen  oral  auquel  l'aspirant  devait  répondre, 
1.  Arcliivcs  il^parlemcnlalcs.  —  Fonds  des  Cordoliers  de  Cliâlons, 


280  HISTORIQUE   DE   LA   CCKPORATION 

on  lui  imposait  comme  chef-d'œuvre,  pour  la  pharmacie  :  la 
confection  de  deux  préparations  pour  l'usage  interne,  deux 
pour  l'usage  externe  et  pour  l'épicerie-cirerie  deux  prépara- 
tions d'épices  et  une  de  cire. 

Malgré  l'incroyable  nombre  de  préparations  indiquées  dans 
les  formulaires  de  la  vieille  phariuacopée,  les  chefs-d'œuvres 
imposés  aux  élèves  à  Chàlous  ne  sortirent  pas  d'un  cercle  assez 
restreint  ;  pendant  toute  la  période  qui  s'étend  de  161 5  à  1792, 
les  préparations  prescrites  sont  invariablement  choisies  parmi 
les  suivantes  : 

Pour  la  pharmacie  usage  interne  : 

Le  désucer  rosarum  de  Mesué, 

L'électuaire  lénilif  de  Bauderon, 

L'électuaire  diacarthame  d'Arnould, 

L'électuaire  diamargaritum  frigidum  en  tablettes  ', 

La  confection  d'hyacinthe, 

La  confection  d'alkermès  de  Mesué. 

Pour  l'usage  externe  : 

Emplâtre  oxycroceum, 
Onguent  apostolorum  de  Bauderon  ', 
Onguent  résumptif, 
Emplâtre  mucaginibus, 
Emplâtre  diachylum  magnum, 
Emplâtre  gratia  Dei. 
Emplâtre  Fili  Zachariae, 
Emplâtre  pro  fracluris  et  dislocalione  ossium. 
Pour  l'épicerie-cirerie  ; 

Anis  conllt  musqué, 
Conserve  de  roses, 
Coriandre  lisse  musquée. 


1.  Il  outrait  dans  cette  composition  :  des  perles,  -de  Ter,  de  rémoraude, 
du  saphir,  de  Tambro,  de  la  soie  crue,  du  musc,  do  l'os  de  cœur  de  cerf, 
etc 

2.  Bauderon  dans  sa  pharmacopée  (édition  do  1G02),  dit  ceci  :  «  Cet  on- 
guent a  pris  le  nom  des  aposlres  non  qu'ils  en  a3'ont  esté  les  inventeurs, 
mais  du  nombre  douze  qu'ils  éloient,  comme  il  est  composé  de  douze  dro- 
gues. J'estime  Aviccnne  on  avoir  esté  l'inventeur  qui  florissoit  du  temps  de 
Soinct-Augusiin  l'an  clu  Salut  ''(2S  car  il  le  décrit  an  livre  V.  » 


DES   APOTHTCAIRES-KPICIERS  281 

Ilippocras  ' , 

Chandelles  de  cire  jaune, 
Cierges  de  cire  blinclie. 
Voici  les  noms  des  personnes  qui  exercèrent  la  prolcssiou 
d'apolhicaire  de  Tan  IGUO  à  l'an  17*J2  '  : 

1.  Les  livres  de  vieille  pharmacie  contiennent  une  infinité  de  recettes 
d'Hippocras  ou  Vinum  Hippncraticum.  L'IIippocras  le  plus  usuel  consistait 
en  vin  auquel  on  ajoutait  du  sucre,  de  la  cannelle,  du  palanga  et  de  la  noix 
muscade. 

Ces  anciens  livres  sont  fort  curieux  à  examiner  au  point  de  vue  du  nombre 
de  substances  qui  entraient  dans  la  composition  des  médicaments  et  des 
effets  vrais  ou  supposés  qu'on  leur  attribuait.  Ils  présentent  un  autre  côté 
intéressant  au  point  de  vue  littéraire  ;  tous  sont  précédés  do  sonnets  ou  do 
vers  pompeux  à  la  louange  de  l'auteur.  Nous  en  citerons  deux  qui  nous  ont 
paru  présenter  une  certaine  originalité.  La  pharmacopée  ou  antidotaire  de 
Laurent  Joubcrt,  médecin  de  Montpellier,  éditée  à  Lyon  en  1531,  contient 
trois  sonnets  dont  voici  le  troisième  : 

Comme  du  clair  soleil  la  chevelure  orine 
Esclaire,  illustre,  enflamme  et  exorne  les  cieux 
Par  ses  rais,  par  son  or,  par  son  feu  radieux 
Et  anime  le  rond  de  la  lourde  machine. 
Ainsi  de  tes  escrits  la  resplendeur  divine 
Désillant  nostre  esprit  d'un  oubli  ocieux 
Comme  dans  un  tableau  nous  met  devant  les  yeux 
Les  abondaus  thrésors  d'une  haute  médecine. 
Je  ne  mcshais  point  si  ton  esprit  divin 
Suit  de  près  la  splendeur  du  flambeau  ApoUin  ; 
Premier  il  te  nourrit  en  son  eschole  aimée. 
Premier  il  te  fist  voyr  l'argentine  liqueur 
Du  ruisseau  cabaUin  et  la  saincte  douceur 
D'une  dance  des  sœurs  par  leur  chant  animée. 
La  pharmacopée  do  Bauderon  (Edition  de  1627),  est  précédée  d'un  sonnet 
plus  curieux  encore  dans  sa  vcrsilication.  Le  voici  : 

L'art  sans  art  se  peut  dire,  auquel  la  théorique 
N'est  conjoinctc  à  l'usage  et  à  l'expériment  : 
C'est  un  arbre  sans  i'ruict  et  l'ombro  seulement 
Qui,  sans  un  corps  solide  est  veine  et  fantasti([ue. 

Mais  lorsque  cet  art  est  joinct  à  la  practique, 
C'est  un  art  avec  art,  un  art  entièrement  ; 
Il  n'est  plus  divisé,  il  a  son  complément; 
Et  parfaictc  encyclie  en  luy  se  communique. 

Ainsi  que  ce  traité,  Bauderon  monstre  a  ceux 
Qui  de  la  Pharmacie  ont  l'esprit  curieux 
Comme  il  iaut  unir  l'art  avec  l'expérience  : 

Et  ce  faict  de  mélhodc  est  d'un  ordre  si  beau 
Que  du  Pharmacopole  il  chasse  l'ignora nco 
Et  sert  i\  le  guider  de  phare  et  de  flambeau. 

2.  Il  est  à  noter  que  dans  cette  liste  on  voit  figurer  dos  membres  des 
familles  les  plus  notables  de  Châlons. 


282  HISTORIQUE  DE  LA   CORPORATION 


1600. 

—  André  Rivet. 

Jecau  Horguelin. 

Jean  Maupin. 

1603. 

—  Guiliaurac  Allard. 

Claude  Roussel. 

Jean  de  Serval. 

1605. 

—  Pierre  Horguelin. 

1G08. 

—  Jacques  Noël. 

André  Le  Moyne. 

Nicolas  Balou. 

1615. 

—  Claude  François,  fils. 

Pierre  Maupin. 

1617. 

—  Jacques  le  Folmarié. 

1624. 

—  Isaye  Louis. 

1625.  —  Louis  Milson. 

1626.  —  Jean  de  Serval,  fils. 
1631.  —  JeanBailly. 

Claude  Maupassant. 
1634.  —  Jacques  le  Courier. 

1638.  -  Jean  Maupin. 

Pierre  Foumier. 

1639.  —  Pierre  Laguille. 

1640.  —  Jean  Thé venyn. 
1642.  —  Pierre  Varin. 

1644.  —  Claude  François,  fils. 

1645.  —  Charles  Lallemau t . 

Jean  Raussin. 

1646.  —  Jean  de  Parvillier. 

1647.  —  Pierre  Chedel. 
1650.  —  !Nicolas  Talon,  fils. 
1673.  —  Pierre  Laguille,  fils. 
1675.  —  Jean  de  Parvilliers,  fils. 
1680.  —  Claude  Bouin. 

Joseph  Lavialle. 

Jean  Château. 
1605.   —  Joseph  Talon. 
1700.  — Nicolas  Farochon. 
1706.  —  Claude  Derosne. 


DES   APOTHICAIRES-ÉPICIEBS  283 

1708.  —  Pierre  Lavialle. 

1710.  —  EdmeBouin. 

1711.  —  Jacques  Véron. 
1714.  —  Jean-Baptiste  Main. 
1718.  —  Pierre- Ambroise  Lassou. 
1723.  —  Pierre  Moret. 

1728.  —  Pierre  Faroclion. 

1735.  —  Jean  Lavialle. 

1749.  —  François  Dagonet. 

17;i3.  —  Charles  Farochon. 

1761 .  —  Jean  Claiizet. 

1763.  —  Ch.-Melchior  DegauUe. 

1776.  —  Pierre-Mathieu  Dagonet. 

Claude  Theuveny. 

1777.  —  Jérôme-Marie  Champenois. 
1789.  —  Joseph  Tisset. 

Nous  ne  possédons  que  peu  de  noms  d'apothicaires  ayant 
exercé  avant  Tan  1600,  l'examen  des  archives  de  diverses  pa- 
roisses de  la  ville  n'eu  révèle  qu'un  très-petit  nombre,  et 
chose  assez  remarquable,  on  n'y  trouve,  faite  par  un  apothi- 
caire, aucune  fondation  de 'messes  ou  d'obits  ni  aucune  dona- 
tion soit  à  l'église,  soit  aux  pauvres  des  hôpitaux, 

En  1320,  nous  relevons  dans  un  acte  de  Tofficiai,  le  nom  de 
Auherto  apothecario  scabino  Cathalaunensi. 

En  1475,  celui  de  Jehan  Gibert  dit  Michiel,  apothicaire,  rue 
de  Vaux. 

En  1480,  celui  d'Estienne,  apothicaire,  grande  rue  «  faisant 
le  coing  de  la  Juifverie.  » 

En  1521,  celui  de  Collesson  Deniset,  apothicaire,  rue  de 
Vaux. 

En  1522,  Nicolas  Deu,  apothicaire,  grande  rue  v  au  coing  de 
la  rue  des  Bains  à  la  Chièvre,  où  pend  l'enseigne  :  Au  Mortier 
d'Or.  . 

En  1558,  Nicolas  François,  rue  de  Vaux. 

En  1562,  Pierre  Lestache,  carrefour  Notre-Dame. 

Pour  M''  Nicolas  Deu  susnommé  nous  possédons  l'inscrip- 
tion de  sa  pierre  tombale  et  de  sa  familhî.  Cette  pierre  était 
jadis  placée  dans  le  mur  du  bas  côté  nord  de  l'église  Saint- 
Alpin.  On  y  lisait  : 


284  IIISTORTQTTE   DE   LA   CORPORATION 

Cy  (jist  devant  la  fosae  Sainct  Alpin.,  Marguerite  de  Chei- 
nes  femme  d'/wnneste  hue  Nicolas  Deu,  tivani  appoticaire  et 
bourgeois  de  Chaalons,  laquelle  deceda  le  XXV II"  jour  de 
juin  M,  V<^  XXIIII  —  et  ledit  Nicolas  Deii  en  ce  mesme  lieu 
(jui  deceda  le  X""  jour  de  mars  M.  V^  LXIII.  Et  Jehan  Deu 
fils  dîcdit  Nicolas  qui  deceda  le  XXP  jour  de  juin  M.  Vc  LX, 
et  aussi  Loyse  Vaulhoiire  fême  dudit  Jehan  Deu,  laquelle 
deceda  le  XXW  novembre  M.  Vc  IIII'^x  et  VIL  (Armoiries) . 

En  inOfi,  nous  trouvons  encore  le  nom  de  Claude  Deu,  apo- 
thicaire, qui  fut  emprisonné  pour  acte  d  irrévérence  envers  le 
Conseil  de  ville. 

Enfin,  en  1040,  nous  retrouvons  dans  le  testament  de  l'é- 
voque Henri  Clausse  le  nom  de  André  Lemoyne,  apothicaire, 
cité  dans  la  liste  que  nous  avons  donnée  ci-dessus.  Il  y  est 
dit  :  «  Laisse  à  M''  André  Lemoyne,  son  apolicaire,  la  somme 
de  mille  livres,  en  considération  de  ce  qu"il  l'a  assisté  de  ses 
peines  et  travail  extraordinaire  en  toutes  ses  maladies  sans 
avoir  eu  autre  récompense  que  le  paiement  de  ses  parties, 
l'aiant  mesme  assisté  de  ses  biens  pendant  que  son  revenu  a 
esté  saisy .   » 

[A  suivre)  L.  Grignon. 


APPENDICE 


Extrait  des  registres  de  la  paroisse  de  Montigny-Lencoup 

1°  Du  samedi  15  décembre  1731 ,  iuhumaLion  dans  le  chœur 
de  l'église,  du  corps  de  Charles-Frédéric  Trudame,  chevalier, 
seigneur  de  Lozières  et  autres  lieux,  mestre  de  camp,  sous- 
lieuteuant  des  geudarmesdu  roi,  décédé  la  veille  au  château  de 
Montigny,  à  l'âge  de  24  ans  ;  —  En  présence  de  Charles  Laga, 
sou  valet  de  chambre  et  de  Jacques  Gautrot,  valet  de  cham- 
bre de  madame  Trudaine  la  mère,  conseillère  d'Etat.,.. 


2"  —  Du  ii  août  1777,  vers  sept  heures  du  soir,  décès  de 
Jcan-Charles-Philibert  Trudaine,  chevalier,  seigneur  de  Mon- 
liguy-Lencoup,  Salins,  Villeueuve-le-Comte  et  autres  lieux 
conseiller  d'Etat  ordinaire  et  aux  conseils  royaux  des  finan- 
ces et  de  commerce,  demeurant  ordinairement  à  Paris,  rue  des 
Vieilles-Haudrieltes,  veuf  en  premières  noces  de  Françoise 
Gaigne  de  Périgny  et  en  secondes  noces  de  Aune-Marie- liosa- 
lic  Bouvard  de  Fourqueux,  âgé  de  45  ans  ;  inhumé  le  7  août, 
dans  le  chœur  de  l'église,  eu  présence  de  Charles-Louis  et 
Charles-Michel  Trudaine,  ses  enfants,  de  Jeau- Louis  Devil- 
lard,  leur  gouverneur  ;  de  Jeau-Baptiste-Claude  Cadet  de  Sai- 
neville,  avocat  eu  parlement,  membre  du  conseil  des  fermes 
générales  de  sa  majesté  et  censeur  royal  ;  de  Jacques  Prost, 
régisseur  de  la  terre  de  Montigny  ;  des  officiers  du  bailliage  de 
ce  lieu. 

.'}"  —  Du  0  fructidor  an  VI.  Décès  au  château  de  Monti- 
gny de  CharloLle-Joséphi7ie  MicauUde  Courheton,  fille  majeure 
interdite  de  feu  Jean  Vivant  Micault  de  Courbelon  et  de  Ma- 

'  Voir  page  9*7,  lumu  XV,  do  lu  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 


286  LES   TRUDAINE 

rie-Frauçoise  ïrudaiue,  née  à  Paris  le  4  juiu  1771  ;  iuliumée 
le  7  fructidor,  daus  le  chœur  de  l'ét^dise  du  lieu. 

4o  —  Du  11  brumaire  au  XI,  acte  de  décès  à  Genève,  de 
Marie- Joseph e  Louise  Micaidt  de  Cowàelon,  âgée  de  33  ans, 
fille  de  Jean  Vivant  Micault  et  de  Marie-Françoise  Trudaine, 
veuve  de  Charles-Louis  Tnidaine. 

Transportée  de  Genève  et  inhumée  dans  le  chœur  de  l'église 
de  Montigny-Leucoup. 

5"^  —  Du  6  pluviôse  au  XII,  inhumation  dans  le  chœur  de 
l'église  de  Montigny,  conformément  aux  dernières  volontés  de 
la  défunte,  du  corps  de  Marie-Françoise  Trudaine,  veuve  de 
Jean  Vivant- Micault  de  Gourbeton,  décédée  à  Paris  le  4  dudit 
mois  et  transportée  à  Montigny,  d'après  l'autorisation  obtenue 
par  Lubiu  Marie  Vivaut-Micault  de  Gourbeton,  son  fils. 


II 

Inscriptions  dans  lEglise  Ste-Geneviève  de  Montigny-Lencoup 

D.  0.  M. 

Cy  devant,  au  pied  du  Sanctuaire, 

Repose  le  corps  de  Messire, 

Frédéric-Charles  Trudaine  de 

Loziers,  Chevalier,  sous-lieutenant 

de  gendarmerie,  iils  de  feu  Messire 

Charles  Trudaine,    conseiller 

d'Etat  ordinaire,  prévost  des 

Marchands,  décédé  au  château  do 

Montigny,   le  XIV  décembre 

M.VCC.XXXI,  âgé  d'environ  XXIV  ans 

Requiescat  in  pacc 

Marbre   noir.  —  haut.   0   m.  99  ;   larg.  0  m.  69.  —  inscrip.  surmontée  des 
armes  du  déluut  (trois  dains  dans  un  ovale.) 


Inscription  funéraire  de  Jean-Charles-Philibert  Trudaine 

(Nous  en  avons  donné  le  teste  au  cours  de  la  notice  qui  précède), 
Marbre  blanc.  —  haut.  1  m.  11  ;  larg.  0  m.  70. 


m 

Extrait  des  registres  de  la  paroissi  St-Genez,  de  Clermont-Ferrand 
1"  Du  19  janvier  1733,  baptême  de  Jean-Charles-Philibert 


LES   TRUDAINE  287 

Trudaine,  ué  le  même  jour  fils  de  Messire  Daniel-Charles 
Trudaiiie,  chevalier,  seigneur  de  Montigny,  Villeneuve-le- 
Gomte,  Salins,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils,  maître  des 
requêtes  ordinaires  de  son  hôtel,  intendant  de  justice,  police 
et  finances  en  la  généraUté  de  Riom  et  province  d'Auvergne, 
et  de  dame  Marie-Marguerite  Chauvin  ;  —  Parrain  :  Messire 
Jean  Hector  de  Fay,  marquis  de  la  Tour-Maubourg,  brigadier 
des  armées  du  Roi,  inspecteur  général  de  l'infanterie,  repré- 
senté par  Messire  Charles-Philibert,  chevalier,  marquis  d'Ap- 
ches  ;  marraine  :  dame  Catherine  Guillot,  épouse  de  Messire 
Jean-Baptiste  de  Gaumont,  chevaher,  seigneur  de  Semhay, 
conseiller  d'Etat  ordinaire  et  conseiller  d'honneur  au  Parle- 
ment de  Paris,  intendant  des  finances,  représentée  par  dame 
Renée  Magdeleine  de  Rambouillet,  veuve  de  Messire  Charles 
Trudaine,  seigneur  de  Montigny,  conseiller  d'état  ordinaire, 
dame  de  Laleu,  Fronsac,  Chaisse,  Lajarrie,  Lancey,  La  Sa- 
blière, Le  Toillon,  L'Hérondière,  La  Quinevière  et  autres  lieux. 
(Aïeule  de  l'enfantj. 


2"  —  Du  7  février  1734.  Baptême  de  Charles  Trudaine, 

né  d'hier,  fils  de  Messire  Daniel-Charles  Trudaine et  de 

dame  Marie-Marguerite  Chauvin, 

3o  Du  23  mars  1734  —  Inhumation,  dans  le  chœur  de  Té- 
glise  St-Genez,  du  corps  de  dame  iMarie-Maryuerite  Chau- 
vin, épouse  de  Messire  Daniel- Charles  Trudaine,  intendant 
d'Auvergne ^ 


IV 

Inscriptions  retrouvées  sous  le  dallage  de  l'Eglise  Saint*Nicolas-des-Champ£ 
à  Paris,  en  1861  - 

Cy  gist 

Très  haute  et  puissauto  dame 

Dame  Henéc  Madeleine  de 

Uambouillct  de  lu  Sablière,  dame 

De  la  Vicomte  Je  From   (sac),  Couduu, 

Luiarrie,  Luleu,  iSt-Maurice  et 


1 .  L'église  a  été  démolie  au  commeucemciil  de  ce  siècle. 

2.  {InscripUons  de  la  France  par  M.  GuillRrmy,  T.  1".   —    Diocèse  do 
Paris.  1873,  p.  126.) 


288  LES    TRUDAINE 

autres  lieux,  veuve  de  haut  et 

puissant  seigueur  Messirc  Charles 

Trudaiue,  conseiller  d'Etat 

ordinaire,  ancien  Prévost  des 

marchands  de  la  ville  de  Paris, 

décédée  le  20  (novembre)  174G,  âgée  de  67  ans, 

Requiescal  in  pace 

Cuivre.   —  haut  0  m.  l'J3  ;  larg.  Om.  15. 


Cy  git 

AmaLle-Charles   Trudainc 

de    la   Sablière ,    chevalier  , 

fils  de  haut  et  puissant 

Seigneur   Messire  Daniel  Charles 

Trudaiue,    chevalier,    seigneur    de 

Montigny,  Salins,  Villeneuf  le 

Comte    et    autres    lieux,   conseiller 

d'Etat,  intendant  des  Finances, 

et  de    dame    Marie-Margueiilc 

Chauvin,    âgé    de    16    ans,    mort 

leli.  XBRE  1748 

Requiescat  in    paee 

Cuivre.  —  haut.  0  m.  18  ;  larg.  0  m.  145. 


Extrait  du  jugement  du  tribunal  révolutionnaire  du  8  thermidor  an  II, 
condamnant  à  la  peine  de  mort  DUSSON,  LABEYEAY,  LOISEEOLLES  et 
autres  au  nombre  de  23.  (Conspiration  de  Saint-Lazare,  3"  fournée),  en 
ce  qui  concerne  les  frères  TEUDAINE  et  MICAUT  '. 

Vu  par  le  Tribunal  révolutionnaire  élably  à  Paris  l'acte 
d'accusation  dressé  par  l'accusateur  public  prez  iceluy  contre 
Dusson,  Labeyray,  Loiserolles,  Trudaine,  MicmU....,  dont 
la  teneur  suit  : 

«  Antoine  Uuentin  Fouquier,  accusateur  public  du  Tribunal 
«  révolutionnaire  établi  à  Paris  par  décret  de  la  Convention 
«  Nationale  du  10  mars  1793,  Tan  deuxième  de  la  République, 
«  sous  aucun  recours  au  Tribunal  de  Cassation,  en  vertu  du 
«  pouvoir  à  lui  donné  par  l'arliclc  2  d'un  autre  décret  de  la 
«  Convention  du  'i  avril  suivant  ;  portant  que  l'accusateur 
«  public  dudit  Tribunal  est  autorisé  à  faire  arretter,  poursui- 


1 .  D'après  l'original  aux  Archives  nationales  communiqué  par  M.  Maury, 
directeur  général  aux  Archives, 


LES   TRUDAINE  289 

«  vre  et  juger  sur  la  dénonciation  des  autorités  constituées  ou 
«  des  citoyens. 

«  Expose  (jue  par  arrêté  du  Comité  de  Salut  Public  de  la 
3  Conveuliou  Nationale  \" 2o 3" 4** 


«  G°  Charles- Lo2iis  Trudaine,  âgé  de  29  ans,  né  à  Paris, 
«  demeurant  à  Monliguy,  département  de  Seine-et-Marne  ; 

«  7"  Charles- Micliel  Trudaine,  âgé  de  28  ans,  né  à  Paris,  y 
«  demeurant  ; 

«  ^"  Joseph- Vivani  Micant,  âgé  de  27  ans,  né  à  Paris,  y 
«  demeurant,  rue  Taitbout  ; 

«  Suivent  15  noms ; 

«  Ont  tous  été  traduits  au  Tribunal  révolutionnaire,  comme 
«  prévenus  de  s"ètre  déclarés  les  ennemis  du  Peuple  par  les 
«  trames,  manœuvres  et  complots  contre-révolutionnaires  ; 
«  qu'examen  fait  des  pièces  adressées  à  l'accusateur  public,  il 
«  en  résulte  que  lesdils  Dusson  et  autres  prévenus  paraissent 
«  avoir  été  les  complices  de  la  conspiration  hardie  dans  la 
«  maison  d'arrêt  dite  Lazare  parles  nommés  Allaiîi,  Selle, 
«  Isnard  et  autres  conspirateurs  dont  le  Tribunal  a  fait  justice 
«  et  qu'ils  devaient  seconder,  dans  l'intérieur  de  lad.  maison 
«  d'arrêt,  le  mouvement  que  devaient  faire  à  l'extérieur  ledit 
«  Allain  et  autres  conjurés  pour  enfoncer  les  portes  et  parve- 
«  uir  à  l'évasion  qui  devenoit  le  signal  de  nouveaux  forfaits. 

«.  Les  prévenus  sont  d'ailleurs  les  ennemis  nés  du  peuple, 
«  tous  ont  secondé  les  trames  de  Capet  et  de  sou  comité  autri- 
«  chien  contre  la  llévolution,  ou  ont  favorisé  les  projets  des 
«  conspirateurs  d'Uutre-Ilhin  contre  la  B'rance  eu  entretenant 
«  des  correspondances  avec  eux  ou  en  leur  faisant  passer  le 
«  numéraire  pour  les  mettre  eu  état  de  fournir  aux  dépenses 
«  de  leurs  complots  ;  il  est  prouvé  aujourd'hui  que  la  repré- 
«  sentation  parmi  les  ennemis  extérieurs  de  la  France  étoit 
«  solidaire,  et  qu'un  seul  ou  deux  individus  de  la  môme  famille 
«  ex-noble  la  représentoit  tout  entière  parce([ue  les  autres  ne 
et  restoient  dans  l'intérieur  que  pour  y  être  les  agents  des  ma- 
«  uœuvres  perfides  du  tyran  pour  livrer  le  peuple  français 

a  aux  despotes  étrangers  et  à  leurs  esclaves,  ainsi 

«   les  frères  Trudaiae  et  Micaut n'ont 

«  cessé,  depuis  la  révolution,  de  montrer  la  haine  et  l'aversion 
«  la  plus  prononcée  contre  la  souveraiueté  du  pcu[)le  et 
»   légalité. 

«  D'après  Texposé  ci-dessu.-',  l'accusateur  public  a  dressé  la 

19 


290  LES    TRUDAINE 

«  présente  accusalion  contre  les  y  déuomniùs  pour  avoir  cons- 
«  pire  et  sêtre  déclarés  les  ennemis  du  peuple  en  entretenant 
a  des  correspondances  et  intelligences  avec  les  ennemis  inté- 
«  rieurs  et  extérieurs  de  la  République,  eu  leur  fournissant 
rt  des  secours  en  hommes  ou  en  argent  pour  favoriser  le  succès 
«  de  leurs  armes  sur  le  territoire  français,  comme  aussi  en 
«  conspirant  dans  la  maison  d'arrêt  dite  Lazare  à  l'effet  de 
0  s'évader  et  dissoudre,  par  le  meurtre  et  l'assassinat  des 
<î  Représentants  du  Peuple,  notamment  des  membres  du 
«  Comité  de  Salut  public  et  de  la  Sûreté  générale,  la  Repré- 
«  sentation  nationale,  le  Gouvernement  républicain  et  rétablir 
«  la  royauté. 

«  En  cojiséquence,  l'accusateur  public  requiert  qu'il  lui 
«  soit  donné  acte  de  la  présente  accusalion  et  qu'il  soit  dit  et 
«  ordonné  qu'à  sa  diligence,  et  par  l'huissier  du  tribunal  por- 
«  teur  de  l'ordonnance  à  intervenir,  les  prévenus  sus-nommés 
«  seront  pris  au  corps  et  écroués  sur  les  registres  de  la  maison 
«  d'arrêt  où  ils  sont  détenus,  pour  y  rester  comme  en  la 
«  maison  de  justice,  et  aussy  que  la  présente  ordonnance  soit 
«  notifiée. 

«  Fait  au  Cabinet  de  l'Accusateur  public,  le  six  thermidor 
«  l'an  deux  de  la  République  une  et  indivisible. 

«  [Signé  :)  A.-Q.  Fouquier.  » 

L'ordonnance  de  prise  de  corps  rendue  par  le  Tribunal,  ledit 
jour  six  thermidor,  contre  les  accusés  sus-nommés. 

Le  procès-verbal  de  remise  et  d'écrou  de  leurs  personnes 
en  la  maison  de  justice  du  Tribunal. 

La  déclaration  du  juré  de  jugement  faite  individuellement  à 
haute  et  intelligible  voix  à  l'audience,  portant,  à  l'unanimité,  que 
lesdits. . . .  Charles-Louis  Trudaine,  Charles-Michel  Trudaine, 
Micaut  Vivant,  (et  20  autres  dénommés.)  sont  convaincus  de 
s'être  déclarés  les  ennemis  du  peuple  en  participant  à  tous  les 
crimes  commis  par  Capet  et  sa  femme  depuis  1789,  en  assas- 
sinant le  peuple  pour  défendre  la  Roj'auté,  en  entretenant  des 
correspondances  avec  les  ennemis  extérieurs  et  intérieurs  de 
la  République,  en  leur  fournissant  des  secours  en  numéraire, 
en  participant  à  tous  les  crimes  commis  par  les  infâmes  Bailly, 
La  Fayette  et  Pétion  ;  en  conspirant  contre  la  sûreté  et  la  sou- 
veraineté du  peuple  Français,  contre  l'unité  et  l'indivisibilité 
de  la  République  ;  comme  aussy  eu  conspirant  dans  la  maison 
d'arrêt  de  Lazare  à  l'effet  de   s'évader  et  de  dissoudre   par  le 


LES    TRUDAINE  291 

meurtre  et  l'assassinai  des  représentants  du  Peuple,  et  notam- 
ment des  membres  des  Comités  de  Salut  public  et  de  Sûreté 
générale,  la  représentation  nationale  et  le  gouvernement  répu- 
blicain pour  rétablir  la  royauté  en  France. 

Le  Tribunal, 

Après  avoir  entendu  l'accusateur  public  sur  l'application  de 
la  loi  : 

Condamne  lesdits  Dusson,  Labeyray,  Loiseroîles^  Trudaine, 
Micaut  et  autres,  à  la  peine  de  mort,  conformément  aux  arti- 
cles quatre,  cinq  et  sept  de  la  loy  du  22  prairial  dernier  dont 
lecture  a  été  faite  et  ainsi  conçus  : 

«  Le  Tribunal  révolutionnaire  est  institué  pour  punir  les 
«  ennemis  du  peuple. 

«  Les  ennemis  du  peuple  sont  ceux  qui  cherchent  à  anéantir 
«   la  liberté  publique,  soit  par  la  force,  soit  par  la  ruse. 

«  La  peine  portée  contre  tous  les  délits  dont  la  connaissance 
«  appa,rtient  au  Tribunal  révolutionnaire  est  la  peine  de 
«  mort.   « 

Déclare  que  les  biens  desdits  condamnés  à  la  peine  de  mort 
seront  acquis  à  la  République,  et  qu'il  sera  pourvu  à  la 
subsistance  des  veuves  et  des  enfants,  s'ils  n'ont  pas  des  biens 
d'ailleurs. 

Ordonne  que  le  présent  jugement  sera,  à  la  requête  de  l'ac- 
cusateur public,  mis  à  exécution  dans  les  vingt-quatre  heures, 
sur  la  place  publique  dénommée  Barrière  de  Fincei'Mes,  de 
cette  ville,  imprimé,  publié  et  affiché  dans  toute  la  Républi- 
que et  que  lecture  du  même  jugement  sera  faite  par  le  greffier, 
ausdits  condamnés  au  greffe  de  la  maison  d'arrèl,  ce  qui  tiendra 
lieu  de  prononciation  à  leur  égard. 

Fait  et  prononcé  à  l'audience  pubhque  du  Tribunal  révolu- 
tionnaire, à  laquelle  siégcoient  les  citoyens  Pierre-André  Cof- 
finhal,  vice-président  ;  Etienne  Foucault  et  Philippe-Jean- 
Marie  Barbier,  juges;  qui  ont  signé  la  présente  minute  avec  le 
commis-greffier.  A  Paris,  le  huit  thermidor  l'an  second  de  la 
République  Française,  une  et  indivisible. 

{>^igtié :)  Coffinual,  Foucault,  L.-L.  Rakiiieu, 
J.  Dekuez,  greffier. 

Et  de  suite,  raoy  dit  greffier,  me  suis  rendu  à  la  Concier- 
gerie, en  compagnie  du  citoyen  Degnaignes,  huissier  du  Tri- 
bunal, et  y  ayant  trouvé  les  condamnés  ci-contre,  leur  ai  fait 


292  LES  TRUDAINE 

leclurc  de  leur  jugement,  après  quoy  nous  nous  sommes  tous 
deux  rendus  à  nos  postes  respectifs. 

A  Paris,  ledit  jour  8  thermidor,  l'an  11  de  la  Uépublicjue 
Française,  une  et  indivisible,  ayant  signé  avec  ledit  huissier. 

Signé  :  Degnaignes,  Derbez,  gre/f. 


VI 

Etat  des  héritiers  des  frères  Trudaine 

Marie  Josèphe-Louise  Micault  de  Courbeton,  veuve  de 
Charles-Louis  Trudaine,  demeurant  à  Monlig-ny-Lencoup. 

Ayant  droit  à  moitié  des  meubles  et  immeubles  de  la  suc- 
cession de  son  mari. 

Ligne  collatérale  paternelle 

î°  Marie- Claude-Françoise  de  Bragelongne,  veuve  de  Louis - 
François  Marandon  de  la  Maisonfort. 

Et  EHsabeth  de  Bragelongne ,  veuve  de  Joseph  Cau- 
daux . 

Toutes  deux  présomptives  héritières,  chacune  pour  un  tiers 
en  moitié. 

2°  Jean-Baptiste-Camille  Canclaux,  général  on  chef  de 
l'armée  de  l'Ouest  ; 

Au  nom  et  comme  tuteur  de  Geneviève-Joséphine  Canclaux, 
sa  fille  mineure  de  feue  Marie-Claudine  Sauvan  d'Araniou, 
aussi  héritière  pour  un  tiers  en  moitié,  par  représentation  de 
sa  mère,  qui  représentait  elle-même  Marie-Michelle-Louise  de 
Bragelongne,  son  aïeule. 

3»  Maximilienne-Augustine-Henriette  do  Béthune-SuUy , 
veuve  d'Armand-Louis-François-Edme  de  Bélhune-Charost. 

Héritière  pour  un  quart  en  moitié. 

Il"  Marie-Caroline-Rosalie  de  Baylens  de  Poyaue  ,  femme 
d'Elie-Charles,  Chevalier  de  Talleyrand-Périgord-Chalais. 

Ayant  droit  pour  l'autre  quart  eu  moitié. 

Et  les  héritiers  de  Marie-Françoise  de  Broglie,  veuve  de  Char- 
les-Joseph de  Lignerac-Caylus. 

Héritiers  pour  un  huitième  au  total. 

Lesdils  héritiers  sont  :  «  Caylus,  son  petit  fils,  et  la  femme 


LES   TRUDAINE  293 

Rougé,  sa  petite  fille,  tous  deux  émigrés  »,  et,  par  suite,  re- 
présentés par  Gabrielle-IIortence-Maric  Robert  de  Lignerac- 
Gaylus,  arrière-petite-fille  et  seule  et  unique  héritière  de  ladite 
veuve  de  Ligaerac. 

Ligne  collatérale  maternolle 

Adélaïde- Agnès-Elisabeth  Bouvard  de  Fourqueux,  épouse 
autorisée  d'Etienne  Maynon  d'Invau. 
Seule  et  unique  héritière,  de  MM.  Trudaine,  ses  neveux, 
Quant  à  la  moitié  dévolue  à  cette  ligne. 

(Partage  administratif  du  9  Ventôse  an  VIII.) 


LES  SEIGNEYRIE  ET  PÉAULTEZ 

DE 

BOVRBONNE 

ENSEMBLE   LES   DEDUICTZ   ET   DESNOMBREMENS   d'iCELLES 

Etude  historique  sur  les  documents  existant  aux  archives 
612-1789* 


--ï'C~t^^:;5'>i>-*- 


PIÈCES  JUSTIFICâTIYES 


Certum  donum  factum  domino  Guillelmo  de  Vergy  domino  de  Mirahellis 
sub  modis  et  condicionihus  hic  dcscriptis.  —  C. 

Philippe  par  la  grâce  de  Dieu,  Roy  de  France,  sauoir  faisons  à  tous 
présens  et  auenir  que  comme  nostre  amé  fiai  Guillaume  de  Vergy,  sire  de 
Mirebeal,  chevalier,  disant  qu'il  tenait  le  chasteau  de  Bourbonnes  auec  quatre 
cenz  livrées  de  terre  ou  cuuiron  en  la  chastellenie  et  ses  dépendances  e* 
appertcnanccs  dudit  chastel  et  en  la  uille  de  Corchan  sur  la  riuière  de 
Vigenne,  de  franc  Aluef  ait  repris  de  nous  le  chasteal  et  les  quatre  cenz 
liurécs  de  terre  dessus  dictes  à  tenir  en  fié  lige  do  nous,  de  nos  hoirs  et  suc- 
cesseurs, ensemble  les  chouses  que  nous  li  donnons,  si  comme  ci  après  est 
contenu  et  auec  ce  nous  a  juré  pour  lui,  ses  hoirs  et  successeurs  foy  et 
loyauté  envers  tous  ceux  qui  pourront  vivre  et  mourir  et  contrcster  efiforcc- 
ment  de  tout  son  pouuoir  à  noz  ennemis,  espccialement  à  ceulz  qui  voudroieut 
entrer  à  force  d'arme  en  nostre  royaulme  pour  y  porter  dommage.  Nous  pour 
consideracion  de  ce,  de  grâce  espécial  et  de  nostre  libéralité  royal,  auons 
donné,  cessé,  transporté,  donnons,  cessons  et  transportons  au  dit  Guillaume, 
pour  lui,  ses  lioirs  et  successeurs  à  touz  joûrz  mais,  en  héritage  perpétuel  et 
par  don  faict  entre  les  vifs,  non  rappelable,  toutes  les  choses  et  tout  le 
droit  que  nous  avons  en  la  ville  de  Bourbonne,  commune  entre  nous  et  le 
dit  chevalier  pour  cause  de  ses  enfanz,  en  tant  en  justice,  seigneurie,  tailles, 
ventes,  minnage,  paage,  sccls,  escriptures,  bains,  moulins,  gélines,  censés, 
oublies,  cornaigcs,  criaiges,  jours,  bans  et  abonnements.  Quant  en  quelcon- 
ques autres  choses  que  nous  et  le  dit  chevalier  avions  en  commun,  en  la  dite 
ville,  tant  en  propriété,  comme  en  saisine,  excepté  tant  seulement  les  fiez  et 
les  bois  que  nous  y  auions,  environ  sept  vins  et  sept  liurécs  à  valeur  ou  à 
assiette  de  terre,  desquelles  choses  et  dudit  chastel  de  Bourbonne  et  de  quatre 
cenz  livrées  de  terre  dessuz  dictes  le  dict  Guillaume  est  entré  on  nostre  foy 
et  hommaige,  ligament  et  les  a  reprins  de  noz,  l'en  auons  receu,  à  un  fié  lige 
comme  dit  est  et  les  dictes  choses  à  li  données  le  délibérons  par  la  teneur 
de  ces  présentes  lettres,  auec  tout  le   droit  de  saisine  et  de  propriété  pour 

•  Voir  page  223,  tonic  XV,  de  la  Revue  de  la  Champagne  cl  de  Brio. 


i 


LES   SEIGNEVRIE   ET  FÉAVLTEZ  205 

les  avoir,  tenir,  posséder  et  on  joïr  comme  de  sa  propre  chose  en  et  soubz 
le  fié  et  seruice  dossubz  dict,  sauve  exception  dez  fiez  et  do  bois  dessubz 
dict  et  que  ce  soit  i'crmo  chose  estable  à  touz  jours  mais,  nous  avons  faict 
mettre  nostre  scel  en  ces  présentes  lettres  sauf  en  toutes  aultros  choses  notre 
droit  et  en  toute  l'autrui.  Ce.  fut  faict  :  ConOaus  lez  pont  do  Charenton,  l'un 
de  grâce  mil  CCCXXXVIII  ou  mois  de  juillet. 
Par  le  Roy,  vous  présent. 

Verber. 
(Copie  de  notre  collection.) 


II 

Donum  faclum  domino   Guillelmo  de  Vergi  certorum  reddiluum,  in  villa 
de  Bourbonne  situatorum.  —  IX'"  J. 

Philippe. ..  etc. . .  sauoir  faisons  à  touz  presens  et  auenir  que  nous  auons 
veu  les  lettres  contenanz  la  forme  qui  s'en  suit  :  Jehans,  ainznez  filz  et  lieu- 
tenant du  Roy  de  France,  duc  de  Normandie,  comte  de  Poitou,  d'Anjou  et 
du  Maine,  faisons  sçauoir  à  touz  présens  et  auenir  que  considéré  les  bons  et 
agçréables  seruices  que  nostre  bien  amé  féal  cheualier  Guillaume  de  Vcrgi, 
seigneur  de  Mirebel  a  faiz  à  nostre  dict  seigneur  et  père,  es  guerres  et  che- 
vcauchées  de  Flandres  et  de  Bretaigne  et  que  nous  espérons  que  il  li  doie 
encore  faire  et  nous  aussi,  au  dit  cheualier  auons  donné  et  ottroïé  pour  lui  et 
ses  hoirs  héritablement  et  par  ces  lettres  de  l'auctorilé  Royal  à  nous  ottroyé 
et  de  grâce  esp'^cial  donnons  et  ottroïons  non  constrcstant  quelconques 
aultres  dons  à  lui  faites  cinquante  liurées  de  terre  à  tournois  enuiron  que 
nostre  dit  seigneur  et  père  auoit  en  la  ville  de  Bourbonne,  en  la  chastcUenie, 
liuaige  et  es  appartenances  d'icelles.  C'est  assauoir  le  fié  des  hoirs  do  feu 
la  dame  de  Moustereuil.  Item  le  fie  de  Guy  de  Raigemont,  cheualier.  Item 
le  bois  partant  au  dit  GuiHaume.  Item  toutes  les  auoines  que  li  liabitanz  de 
Bourbonne  doivent  chacun  an  de  rente  à  nostre  dict  seigneur  et  père, 
lesquelles  choses  ledit  cheualier  et  les  aïans  cause  de  lui  tcnront  de  nostre 
dit  seigneur  et  ses  successeurs  Roys  de  France,  en  accroissance  et  en  un 
fié  seul  auec  ce  que  jà  auparauont,  il  tenoit  de  li  en  fié  en  la  diclo  ville  de 
Bourbonne,  en  la  chastcUenie,  finaige  et  appartenances  d'icelles,  sauf  et 
réservé  en  ces  choses  la  volonté  et  assenloment  de  nostre  dict  seigneur  et 
père,  et  que  ce  soit  ferme  chose  et  estable,  nous  auons  faict  mectro  nostre 
scel  à  ces  lettres.  Donné  à  Lanserte  l'an  de  grâce  MGCCXL  et  quatre,  au 
mois  de  septembre.  Nous  a  de  cestes  les  dictes  lettres  et  toutes  choses  con- 
tenues en  icelles  ayans  aggréables,  ycolles  voulons,  louons,  ajjprouuons, 
raltifions  et  de  nostre  auctorité  Royale,  de  grâce  espécial  par  la  teneur  de 
ces  lettres  comfirmons,  sa\if  nostre  droicl  et  l'auctrui,  si  comme  toutes  dessus 
dit  est.  Et  que  ce  soit  ferme  chose  et  estable  auons  faict  mettre  nostre  scel  ù 
ces  présentes  lettres. 

Donné  à  Maubuisson  l'an  do  grâce  mil  CCCXLIIII  au  mois  do  mars. 
Du  commandement  général  faict   par    le   Roy   en   son   Conseil  à   voslre 
Telacion. 

Collaciun  est  faicto  Sine  financia 

Clauel  justicia. 

{Copie  de  notre  collection.). 


200  LES    SEIGNEVRIE  ET   FÉAVLTEZ 


III 

LISTE  DES   DÉNOMBREMENTS  DIVERS  DE   LA  SEIGNEURIE 
DE   BOURDONNE 

E.vtrail  de  l'invcnlahc  fait,  suivant  Varrcl  de  la  Clinmhrc  des  comptes,  du 
2  septembre  1<i82,  des  hommages  rendus  au  roi  par  les  princes,  seigneurs, 
gentilshommes  et  autres  vassaux  de  Sa  Majesté,  possédant  fiefs,  relevant 
du  /foi  au  ressort  de  la  Chambre  de  Champagne. 

{Airhives  Nationales.  Vol  IV,  'S'iQ  p.  parchemin.) 

14G1.  28  Septembre. 

Souffrance  donucc  à  Pierre  do  Beffroymont,  escuïer,  de  bailler  son  dénom- 
hremcnt  pour  raison  de  terres  et  seigneuries  de  Bourbonne,  Cbassaux  et 
Pernoul,  nioLuaul,  du  Roy  à  cause  des  chastcllcnies  de  Coifly  et  de  Mon- 
tigny-le-Roy.  (Cote  XIII»  XLIX.) 

1408.   28  Mai. 

Hommage  faictc  par  Messire  Bertrand  de  Livron,  chevalier  si-  de  Bour- 
bonne, Parnon  et  Chezeaux  pour  raison  des  diltes  terres  et  seigneuries  mou- 
Yant  du  Roy  à  cause  des  chastellenÎBs  de  Coiffy  et  Montigny-le-Roy. 

(Cote  XIII»  LXIII.) 

1519.    7  Juin. 

Hommage  faicte  par  Nicolas  de  Livron,  cscuïer,  pour  raison  des  terres  et 
seigneuries  de  Bourbonne,  Chezeaulx  et  Pernoul,  mouvant  du  Roy,  etc., 
etc.  (Cote  Xb  XLIX.) 

1429.  14  Avril. 

Hommage  faictc  par  Claude  de  Livron  escuïer  s"'  de  Bourbonne  pour  raison 
des  terres  et  seigneuries  de  Bourbonne  et  Pernel.        (Cote  XII°  LA'VI.) 

1530.  6  Avril. 

Hommage  faicte  par  Messire  Nicolas  de  Livron,  chevalier  pour  raison  des 
terres  et  seigneuries  de  Bourbonne  et  Chazaulx  mouvant,  etc.,  etc. 

(Cote  XI  LVI  ) 

1538. 

Ici  se  place  celui  que  nous  avons  donne  in  extenso  dans  le  coi'ps  de  cet 
ouvrage  et  qui  fut  également  rendu  par  Nicolas  de  Livron. 

1359.  29  Septembre. 

Hommage  faicte  par  François  de  Livron,  s^  de  Bourbonne  Pernel  et  Che- 
zeaulx  pour  raison  des  dettes,  seigneuries  relevant  du  Roy. 

(Cote  XI»  IV.) 

1(;i8.  21   Aoflt. 

Hommage  faicte  par  Charles  de  Livron,  sieur  de  Bourbonne  et  Parnot  : 
pour  raison  des  ditlcs  terres  mouvant  du  Roy,  cLc,  etc. 

(Cote  XI V"  XX  J.) 


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DE    BOYRnONNE  297 

1G70.   15  Septembre. 

Ilommapo  rendu  par  Hugues  Mathé,  esouj-er  seigneur  de  Vitry-la-Ville' 
au  nom  et  comme  procureur  de  Ch.  Colberl  du  Torron,  Marquis  de  Uour- 
BONNE,  intendant  des  armées  dans  les  côtes  du  Ponant  pour  raisou  du  mar- 
quisat do  Bourbonne  et  ses  dépendances  mouvant,  etc.,  clc. 

(Cote  II"  VIIIV  XXXI.) 

1678.. (S.  D.) 

Aveu  faict  par  Charles  de  Livron,  abbé  de  l'abbaye  d'Ambronay  pour  le 
temporel  de  cette  abbaye.  [Ârchioes  de  la  Côle-d'or,  S.  B.  Y"  IV.) 

1731.  11    Septembre. 

Hommage  et  foy  de  la  terre  et  seigneurie  de  Bourbonne-les-Bains,  mou- 
vant de  la  chatcUenie  de  CoifTy  par  Bénigne  do  la  Michodière,  v  de  Fran- 
çois Chartraire.  (Cote  1237.) 

1738.  3  Mars. 

Hommage  de  la  seigneurie  de  Bourbonne  mouvante  du  château  de  Chau- 
mont-ea-Bassigny  par  Jean-François  Bouigno  de  Chartraire. 

(Cote  3312.) 

(En  marge  csl  écrit  ce  qui  suit  :  reportée  la  mouvance  à  CoilFy  par  arrêt 
de  la  Chambre.) 

1776.   22  Juin. 

Hommage  de  la  terre  et  seigneurie  de  Bourbonnc-lcs-Bains  mouvant  de  la 
chatellenie  de  CoilF}-,  ressort  et  bailliage  de  Langres  pour  le  s''  de  Chartraire. 

(Cote  !J0,  vol,  supplémentaire.) 

1505. 

Aveu  de  Bonne  du  Châslelet,  veuve  de  François  de  Livron. 
Dame  en  partie  de  Mairey  et  Bassoncourt. 

(B.  10658.  Arch.  de  la  Côte-d'Or.) 


IV 

AVEU  PEÉSENTÉ  LE  1'^  AVRIL  1750  PAR  CH.  BENIGNE 
DE  CHARTRAIRE,  PRÉSIDENT  AU  PARLEMENT,  S'  DE  BOURBONNE 

[Exlrail  de  l'ori'jinal  aux  Arcldves  nationales.) 

Avons  à  Bourbonne  haute  justice,  moyenne  et  basse  et  sommes  seigneur 
haut  justicier  et  eu  cette  qualité  avoD.î  droit  de  commettre  prévôt,  procureur 
fiscal  et  autres  ofliciers. 

Avons  le  greffe  et  le  tabcUionage  que  nous  accordons  gratis  mais  qui 
ci-devant  étaient  alfcrmés.  100  1. 

Avons  les  lods  et  les  ventes  des  edcls  et  immeuide.s  vendus,  à  raison  do 
3  sols  par  livre  des  choses  à  nous  censablcs  et  un  .sol  dps  autres  qui  sont  do 
franchise  et  le  tout  nous  puut  valloir.  100  1. 


208  LES    SEIGNEVRIE   ET   F^AVITEZ 

A  Bourbonne  nous  reste  place  et  masure  du  château,  nu-devant  duquel  il 
y  a  uu  jardiu  formé  de  murailles  ou  joignant  notre  basse  cour  dans  laquelle 
il  y  a  une  maison  nouvellement  bâtie,  un  colombier,  vinéc,  écuries,  granges, 
caves  et  greniers  en  trois  corps-de-logis,  au  bout  desquels  il  y  a  une  por- 
terie flanquée  de  deux  tours.  Le  dit  château  ayant  été  compris  dans  l'in- 
cendie général  arrivé  à  Bourbonne  le  1"  mai  1717  et  entièrement  consumé 
avec  les  titres  et  papiers  au  nombre  desquels  étaient  ceux  de  l'érection  dâ 
la  dilte  terre  en  marquisat  '  . 

Au-devant  de  la  dite  porterie  avons  une  halle  sous  laquelle  se  tiennent 
4  foires  chaque  année  et  un  marché  tous  les  jeudis  de  chaque  semaine.  Sous 
la  halle  est  un  pressoir  à  presser  le  vin  avec  deux  autres,  l'un  à  la  rue 
Saint-Antoine  et  l'autre  en  la  grande  rue,  qui  étant  tous  trois  bannaux  nous 
peuvent  valloir  chaque  année.  60  1. 

Avons  aussi  les  appartenances  de  notre  chasteau,  lesquelles  sont  joignant 
la  rivière  d'Apance  en  la  grande  rue  de  Bourbonne  et  d'autre  part  aboutis- 
sant à  la  rue  de  l'Estre  (sic)  et  par-derrière  au  grand  pont. 
Avons   les  tailles  d'échels  qui  nous  vallcnt  100  1. 

Le  taillagc  40  1. 

Les  ventes  et  rouages  20  1. 

Les  langues  et  onglets  de  porc. 
Le  banvin. 
Avons  les  fours  bannaux  qui  sont  :  1°  le  four  vieux  entre  la  rue  tirant  aux 
bains  et  la  Porte  Gallon;  2°  le  four  neuf  sis  proche  de  notre  jardin,  tenant 
à  la  rue  de  l'Eglise  qui  valent  200  1. 

La  rivière  louée  7  1. 

Le  moulin 
Le  pré  de  l'étang. 
Avons  les  droits  de  cornage  60  penaulx  d'avoine. 
Le  pénal  de  fou  dû  par  tous  les  habitants. 
Le  guet  ou  la  garde  à  raison  de  3  sols  par  an. 
Une  poule  de  feu  et  par  feu. 
Le  droit  de  liguières. 
Les  corvées  des  charrues. 
Avons  à  Bourbonne   une   fontaine   chaude   avec    des    bains,    auprès    de 
laquelle  nous  avons  une  maison  et  devant  icelle  une  chenevière,  lestjuels  ad- 
modions  1 ,000  1.  aïant  les  habitants  le  droit  de  se  baigner  es  dits  bains  sans 
payer. 

A  l'hôpital  Saint-Antoine  nous  sommes  fondateur  et  sont  tenus  les  offi- 
ciers du  dit  lieu,  assistés  d"un  sergent,  aller  faire  le  cry  en  deffenses  pour 
empêcher  tout  scandale,  le  lendemain  de  l'Ascension  de  N.  S.  que  l'on  fait 
rapport  au-devant  le  dit  hôpital  et  doit  le  commandeur  d'icolui,  à  nos  offi- 
ciers, le  souper,  avec  une  poignée  de  chandelles. 
Sommes  seigneur  de  la  terre  et  seigneurie  de  Monbéliard  au  finagc  Bour- 


1 .  M.  de  Chartraire  commet  évidemment  là  une  erreur,  si  les  titres  dont 
il  parle  avaient  existé,  oussent-ils  été  brûlés  dans  la  catastrophe  de  1717, 
qu'il  en  resterait  encore  des  traces  dans  les  actes  d'état.  Il  est  certain  qu'il 
y  a  là  une  incorrection,  sinon  uu  désir  de  faire  croire  à  l'existence  du  mar- 
quisat. 


DE   BOVRBONNE  209 

Lonne,  relevant  de  nous  en  fief  à  cause  do  nostrc  château,  comme  le  tenant 
(lu  Roy  nostre  seigneur,  lequel  consiste  en  une  maison  basse,  colombier 
démoli  et  ses  ruynes,  et.  donnant  1(57  pcnneaux,  33  toises  do  terre  pour  les 
trois  saisons;  33  t'aulchées  1/2,  52  toises  do  pré  ;  25  journaux  3/4  et  14  per- 
ches do  terre  désorte  qui  peut  produire  année  commune  40  pénaux  do 
froment  et  autaat  d'avoine. 

Avons  un  petit  bois  contenant  14  arpens  32  perches,  mesure  de  l'ordon- 
nance, tenant  au  levant  aux  bois  communs  de  Bonrbonne,  à  la  commandcrio 
de  Genrupt,  au  fînage  de  Montcharvot,  et  à  celui  de  Coifîy  le  Chastel. 

Avons  le  droit  de  petits  fours  sur  les  boulangers  et  les  pâtissiers.       20  1. 

Avons  en  notre  dit  château  des  prisons,  et  lorsqu'on  y  met  quelqu'un  il 
doit  cinq  sols  pour  son  entrée, 

Avons   le  cens. 

Les  terres  corvéables. 

Sommes  maîtres  d'une  tuilerie  proche  le  bois  du  Ratel. 

Avons  eu  outre  une  pièce  de  vigne  de  la  contenance  de  80  ouvrées  moins 
sept  toises,  sises  proches  lieu  dit  en  Craie,  tenant  au  chemin,  du  midy  et 
Ic.-i  jardins  de  la  rue  VcUounc,  laquelle  vigne  no  produit  que  pour  les  façons, 
attendu  l'ingratitude  des  terrains  et  non  estimée. 

Avons  une  forêt  dite  forêt  du  Danonce  et  appelée  les  revenées  ou  revenues 
laquelle,  après  un  arpentage  fait  en  1746,  contient  959  arpents  73  perches, 
divisés  eu  25  coupes  réglées,  tenant  au  bois  dit  du  Ratel. 

Avons  la  ferme  de  Montaubert. 
Celle  de  Vaux-Martin. 

Avons  la  dixme  des  grains. 

Sommes  collateur  de  la  chapelle  St-Nicolas,  sise  en  l'église  Notre-Dame 
sous  la  voîite  de  cloches  et  quand  les  chapelains  meurent,  nous  la  pouvons 
donner  à  notre  guise.  Le  chapelain  est  tenu  de  célébrer  chaque  semaine  cinq 
messes  à  l'intention  des  fondateurs,  de  l'entretenir  et  d'en  payer  le  service, 
moyennant  quoi  luy  faisons  payer  chaque  année  à  la  St-Maitin  48  pénaux 
de  froment  et  d"avovne,  mesure  de  Bourbonne. 

Avons  la  garde  du  village  de  Bousscraucourt  et  chacun  habitant  d'iceluy 
nous  doit  un  pénal  d'avoync. 

Avons  droit,  à  cause  de  nostre  chastcau  et  marquisat,  sur  Messire  Nicolas- 
Gabriel  Poutier,  comte  de  Saône,  seigneur  do  La  Neuvelle  et  le  Bouillon, 
au  nom  et  comme  représentant  de  René  Ignace  du  Ilan,  en  son  vivant  sei- 
gneur du  dit  lieu.  (Copie  de  notre  collection.) 


CAPITULATION  DU  CHATEAU  ET   DES   HABITANTS  DE   BOURDONNE 
24  mai  1638 

Ce.jourd'hui  vingt-quatrième  jour  du  mois  de  mai  do  l'an  mil  six  cent 
trente-huit  a  été  fait  accord  par  son  altesse  le  duc  de  Lorraine  avec  madame 
de  Bourbonne  pour  la  reddition  du  château  et  bourg  du  dit  lieu  comme  il 
suit  : 

Premièrement  que  lo  traité  fait  cy- devant  avec  M*  do  Mercy,  .sergent  de 
bataille  s  eircctucra  léaus  dimauche  prochain. 


300  LES  SEIGNEVRIE   ET   FÉAVLTEZ 

Et  lie  plus  que  la  garnison  d'infanterie  estant  au  chastcau  eu  sortira  vie 
sauve,  sans  rançon,  et  aura  armes  el  bagages. 

Pour  la  cavalerie  commandée  par  La  Jeunesse,  elle  sortira  à  pied  avec 
ses  armes  et  sera  conduite  avec  l'infanterie  en  la  ville  de  Chaumont,  en 
assurance. 

Ayant  la  dite  Allcsse  à  la  faveur  et  instances  de  la  dite  dame  de  Bour- 
Lonne  ou  depuis,  accordé  que  les  chevaux  seront  rendus  à  la  dite  cavalerie. 

Pourront  les  dits  soldats,  tant  iufanterie  que  cavalleric  qui  ont  leurs 
femmes  et  famille  au  dit  Bourbonne^  y  demeurer  habitans,  si  bon  leur 
semble,  sans  plus  faire  ny  avoir  aucune  faction  de  soldat,  mesmc  le  dit  La 
Jeunesse,  au  cas  qu'il  y  demeure. 

Sa  dite  Altesse  ordonnera  à  M.  de  'Villes  d'entrer  au  dit  Bourg  et  chasteau 
et  d'y  mettre  telle  garnison  qu'il  jugera  nécessaire,  selon  qu'il  le  choisira 
pour  la  sécurité  de  la  place,  sous  le  commandement  de  sa  dite  Altesse. 

Toutefois  en  attendant  l'arrivée  du  dit  sieur  de  Villes,  le  sieur  de  Romain 
entrera  dans  le  chastcau  pour  assurance  du  traité  sans  garnison  dans  la 
place  ni  au  bourg. 

Et  seront  visités  les  greniers  par  les  commissaires  de  son  Altesse  et  la 
dite  Dame  pour  y  être  ordonné  cy-oprès  et  instamment  les  grains  ont  estes 
accordés  à  ceux  à  qui  il  appartiendra  sans  pouvoir  en  distribuer  aux 
ennemis. 

Et  pour  assurance  du  traité  seront  donnés  à  son  Altesse  deux  ostages 
savoir  :  du  Chasteau,  le  sieur  de  Le  Touche,  et  du  Bourg,  Jehan  Lozanne. 

[Archivas  de  Langrcs.)  Signé:  Ch.  de  Lorraine. 


VI 

PROCÈS-VERBAL   DE  L'ÉLECTION   DE  M""   DE  LIVRON-BOURBONNE 
A  LA  DIGNITÉ  D'ABBESSE  DU  CHAPITRE  D'ÉPINAL 

22  Décembre  1639. 

Au  nom  de  Dieu,  amen. 
Par  la  teneur  de  ce  présent  publicque  instrument,  soit  à  tous  notoire  et 
manifeste  que  ce  jourd'hui  vingt-deuxième  du  mois  de  décembre  de  l'an  mil 
six  cents  trente-neuf,  indiction  septième  et  du  pontificat  do  nostrc  Saint- 
Père  le  Pape  Urbain  huictième,  l'an  dix-septiesme,  en  l'église  de  Sainct- 
Goerj'  d'Epiual,  de  nul  diocèse  et  en  celuy  de  Toul,  au  chœur  d'icelle 
église  où  les  dames  abbesses,  doyennes  et  autres  chanoinesses  de  la  dicte 
église  ont  coustumc  de  s'assembler,  tant  pour  chanter  les  heures  canonialles 
que  pour  traiter  les  affaires  de  leur  dicte  église,  soub  l'invocation  du  dict 
sainct  Goëry,  en  présence  de  nous,  notaires  apostoliques  soubscriptz  et  des 
tesmoings  en  bas  nommés  spéciallement  assemblez  et  convoquez  tant  pour 
assister  au  sus  dict  ssrvice  que  pour  cy  après;  et  persouuellcment  consti- 
tuées vénérandcs  dame  Catherine-Diane  de  Gouruay,  doyenne,  Catherine 
de  Livron,  Aliter  de  Bourbonne,  Marguerite  de  Clairon,  Franç.oise-Maxi- 
milienne  d3  sainct  Moris,  Françoise  de  Senailly,  Frauçoise-Marguerite  do 
Vauldray,  Yolande-Claude  de  Gournay,  toutes  chanoinesses  capitulantes  et 
faisant  le  chapitre  de  la  dite  église:  après  qu'elles  ont  été  assemblées  au  dit 
lieu  destiné  à  de  pareilles  convocations  du  dict  Chapitre,  la  dicte  vénérandc 
Dame  doyenne  leur  a  exposé  que  dame   Aune-Marguerite  de  Bassompiere, 


DE    BOVRBONNE  oOl 

cy  devant  dame  et  clianoiiiesse  en  leur  dicte  église  (à  qui  Sa  Sainteté  avait 
accordé  la  grâce  d'accès  à  l'abbaye  de  leur  dicte  église),  arrivant  vacance 
d'icelle  par  décès  de  feu  véuéraude  dume  Clauic  do  Cussigny.  lors  abbesse 
d'icelle  église,  décédée  au  mois  do  novembre  mil  six  cents  trente-cinq  ou 
autrement),  ayant  changé  de  condition  et  contracté  mariage  par  paroles  du 
présent,  pour  obvier  aux  inconvénients  d'une  longue  vacance,  il  estoit  néces- 
saire de  procéder  à  l'élection  d'une  future  abbesse,  suivant  la  résolution 
pour  elles  capitulairement  et  faicte  des  le. . .  du  présent  mois  de  décembre 
et  aux  dames  Yolande  Wasberg,  secrète  et  Christine  de  Florainville  aussy 
chanoinesses  et  capitulantes  de  la  ditte  église  notoirement  absentes,  intimées 
par  affiches  aux  portes  d'icelle  église  et  de  leurs  domiciles  icelles  dames 
absentes  a^-ant  esté  comme  dict  est  et  par  lettres  expresses  appellées  à  faire 
la  dicte  élection  et  négligentes  de  s'y  trouver,  ainsi  qu'il  a  été  par  la  ditte 
Dame  doyenne  asseuré,  ce  qu'ayant  été  proposé  par  icellc  dame  doyenne  et 
approuvé  par  toutes  les  Dames  e^  la  voye  du  scrutin  par  icelles  esleues  pour 
faire  la  ditte  élection  d'un  commun  consentement,  elles  ont  esleues  de  leurs 
corps  trois  Dames  capitulantes,  sçavoir  :  Dame  Françoise  de  Senailly,  Frau 
çoise-Margueritte  de  Vauldrey  et  Yolande-Claude  de  Gournay,  pour  scru- 
tatrices et  pour  procéder  à  l'élection  d'une  future  abbesse  ;  lesquelles  dames 
scrutatrices  ainsj'  esleues  et  ayant  preste  serrement  de  faiie  fidellement  le 
scrutin,  a  esté  par  le  dict  Chapitre  puissance  donnée  à  la  dicte  dame  Fran- 
çoise de  Senailly  esleûe  scrutatrice,  de  déclarer  et  dénoncer  esleûe  pour 
abbesse  une  personne  comme  s'ensuit.  Lesquelles  dames  scrutatrices  se  reti- 
rant en  un  lieu  voisin  au  dit  lieu  du  Chapitre,  qu'on  dit  le  Petit  chœni\  en 
présence  de  nous,  notaires  soubscriptz  et  des  tesmoings  en  bas  nommez, 
mais  pourtant  aulcunement  esloignez  pour  le  secret  du  scrutin,  elles  ont  pre- 
mièrement entre  elles  faicl  le  scrutin  sçavoir  :  les  dames  Françoisc-Margue- 
ritte  de  'Vauldrey  et  Yolande-Claude  de  Gournay  ont  pri^  la  croix  et  le 
suflrago  de  dame  Françoise  de  Senailly  et  noté  secrètement  eu  un  papier 
sou  dict  suffrage  et  puis  les  dames  Françoise  de  Senailly  et  Claude  do 
Gournay,  celui  de  dame  Françoise-Marguerite  de  Vauldrey  et  enfin  les  dittes 
dames  Françoise  de  Senailly  et  Françoise-Marguerite  de  "Vauldrey,  celuy 
de  dame  Yolande-Claude  de  Gournay,  en  tenant  secrettement  note  de  leurs 
suffrages  marquez  et  notiez  en  un  papier  après  les  avoir  séparément  et  eu 
particulier  interrogé. 

Après  quoy  toutes  et  une  chacune  des  dittes  Dames  doyennes  et  chanoi- 
nesses, chacune  séparément  et  en  particulier  et  l'une  après  l'autre  s'appro- 
chantes  des  dictes  dames  scrutatrices  et  par  icelles  interrogées  et  requises 
leur  ont  déclarez  leurs  voix  et  suffrages  qui  ont  esté  notez  et  marq-iez  par 
les  dittes  dames  scrutatrices  comme  dict  est.  Ce  qui  estant  faict,  incontinent 
les  dittes  dames  scrutatrices  sont  retournées  au  lieu  dict  du  Chapitre  et 
après  les  dittes  dames  scrutatrices  ont  déclarez  et  publiez  en  commun  au 
dict  Chapitre  sçavoir  :  que  les  Dames  chanoinesses  de  leur  église  et  des 
sept  qui  estoient  là  pré.sentos  et  représenlanlz  le  Chapitre,  deux  avoienl  eu 
voies  et  suffrages;  desquelles  la  première,  sçavoir  :  Dame  Catherine-Diane 
de  Gournay  (|ui  avait  eu  une  et  l'autre  ([ui  est  Dame  Catherine  de  Livron, 
aliter  de  Bourbonno  en  avoit  six.  Et  après  la  comparaison  faite,  la  plus 
grande  et  plus  saine  partie  en  même  temps  et  sans  l'interposition  d'aucun 
acte  estrunger  ont  consenty  en  la  personne  de  Dame  Caliieriue  do  Livron, 
dame  capitulante  de  la  ditte  église.  Ensuite  de  quoi  elle  a  esté  du  consen- 
tement de  tout  le  Chapitre,  esleûe  à  hanllo  voix  par  dame  Françoise  do 
Senailly,  dame  scrulalri:o  par  ces  paroles  :  Je  Fraunul,  de  nul  diocèse  et  eu 


302  LES    SEIGNEVRIE    ET    FÉA.VLTEZ 

ccluy  de  Toul,  taut  en  mou  nom  qu'en  celuy  des  Dames  Françoise-Margue- 
rite de  Vauldrey  et  Yolande- Claude  de  Gournay,  scrutatrices  et  de  tout  le 
Chapitre  de  nostre  dicte  église,  oslit  et  publie  Dame  Catherine  de  Livron, 
aliler  de  Bourbonne,  dame  aussy  de  la  dicte  église,  pour  abbesse  d'icelle 
éfrlise  et  la  déclare  esleûe. 

Et  incontinent  après  Telection  ainsy  faicte,  la  dite  dame  Catherine  de 
Livron,  esleûe,  acceptant  la  dicte  élection,  elle  a  été  au  son  des  cloches, 
conduite  par  les  dittes  Dames  doyennes  et  autres  susnommées  devant  le 
sus  dit  grand  autel  de  saint  Goëry.  Les  dittes  Dames  doyennes  et  chanoi- 
uesses  chantans,  Te  Deum,  Laudamus,  y  ayant  en  quantité  de  peuple  pré- 
sens lors  de  la  dicte  élection  faicte  et  publiée  et  déclarée  comme  dict  est. 

De  tant  quoy  tant  la  ditte  Dame  de  Livron  que  les  dites  dames  doyennes 
et  chanoinesses  nous  ont  demandé,  à  nous  notaires  apostoliques  soubscriptz 
leur  estre  faictz  et  délivrez  un  ou  plusieurs  instruments  publics. 

Ce  qui  fut  faict  et  passé  au  dict  Espinal  leu  au  jour,  mois,  indiclions, 
pontificat  et  lieux  que  dit  cy  dessus,  en  présence  des  Dames  Françoise 
Grau  de  Gournay  et  Charlotte-Marguerite  de  Lenoucourt,  Dames,  chanoi- 
nesses et  novices  appréhendées  en  la  dite  église,  non  encore  capitulantes  et 
de  Révérend  Père  en  Dieu,  messire  François  Pas l leur,  abbé  des  chanoines 
réguliers  de  Chaumousey  et  de  Révérend  maître  Dominique  Le  Moine,  prieur 
des  dits  chanoines  réguliers  et  de  sieur  Aimé  Sachot,  luu  des  conseillers  et 
gouverneur  du  dict  Espinal,  tesmoing,  à  nous  notaires  soubscritz  bien 
cogneus  et  spécialement  appelles  à  tout  ce  que  dessubz. 

Suit  Vacle  de  confirmation. 

Extraitdu  travail  de  M.  H.Duhamel,  archiviste  des  Vosges  sur  les  chapitres, 
nobles  de  Lorraine.  Chapitre  d'Epiual.  Revue  nobiliaire  année  1868^  pages 
/lOl  à  40o.) 


VII 

COPIE  DES  LETTRES-PATENTES  DE  LHOTEL-DIEU 
DE  BOURDONNE 

Da  li'es  de  Fontainchleau,  le  deux  octobre  mil  sept  cent  deux,  enregistrées 
au  Parlement,  le  trois  avril  mil  sept  cent  cinq,  collationnées  par  Monsieur 
Leghas,  secrétaire  du  Roi  et  enregistrées  au  bailliage  Royal  de  Langres, 
le  3  décembre  mil  sepl  c^nt  soixante-six. 

A  LANGRES 

De  l'imprimerie  de  Jean  Bonnin,  seul  imprimeur  de  monseigneur  l'Evc<[uc 
de  Langres,  de  la  Ville,  du  Chapitre  et  du  Collège. 

M  PCC  LXVII. 

EXTRAIT  DES  REGISTRES  DES  ORDONNANCES  ROYAUX 
REGISTRÉES  EN  PARLEMENT 

Loui.s  PAR  LA  GRACE  DE  DiEU,  Roi  de  Fraucc  et  de  Navarre,  à  tous 
presens  et  à  venir  Salut  : 

Nos  liien-Amés  et  Féaux  le  Curé  et  Habilaiis  do  Bourbonne-ies-Bains, 
Nous  ont  fait  remontrer  que,    dès  l'année  mil  si.x  cent  soixante-treize,  quel- 


DE    BOVRHONNE  303 

qucs  Personnes  de  piété  auroieut  jette  les  l'ouderacuts  d'une  Maison  de  cha- 
rité dans  le  Bourg  de  BourLonne,  pour  soulager  les  pauvres,  malades,  soldats 
estropiés  que  les  Eaux  salutaires  qui  s'y  distribuent  attirent  do  toutes  les 
parties  de  notre  Royaume,  mais  comme  ce  revenu  est  modique  et  qu'il  se 
trouve  aujourd'hui  dos  Personnes  portées  par  le  même  zèle  qui  veulent  Lieu 
contribuer  à  l'établissement  de  cette  Maison,  du  consentement  de  notre  amé 
et  féal  l'Archevêque  de  Besançon  ordinaire  des  lieux,  et  donner  des  biens 
pour  la  faire  subsister,  que  d'ailleurs  les  dits  habilans  espèrent  faire  joindre 
d'autres  biens  qui  par  leur  destination  sont  affectés  au  soulagement  et 
entretien  des  pauvres  malades  •  . 

A  ces  causes,  désirant  favoriser  les  intentions  des  dits  Curé  et  Habitans  du 
dit  Bourg  de  Bourbonue.  Nous,  de  notre  grâce  spéciale,  pleine  puissance  et 
autorité  Koyale,  Nous  avons  permis  et  permettons  par  ces  présentes  signées 
de  notre  main  l'établissement  d'un  Hôpital  ou  Maison  de  charité  dans  le  dit 
lieu  de  Bourbonne-les-Bains  et  afin  de  le  mettre  en  état  de  subsister,  voulons 
qu'il  soit  pourvu  à  sa  dotation  et  subsistance,  tant  par  les  fonds,  qui  lui 
ont  déjà  été  donnés  que  par  d'autres  qui  sont  ou  seront  destinés  à  l'entretien 
et  soulagement  des  pauvres  malades  au  dit  lieu  de  Bourbonne  et  à  cet  effet 
voulons  et  nous  plaît  que  ledit  Hôtel-Dieu  et  Maison  de  charité  ainsi  établi 
puisse  à  l'avenir  recevoir  et  accepter  toutes  les  dotations,  donations  et  fon- 
dations qui  lui  seront  faites,  tenir  et  posséder  toutes  sortes  de  fonds,  dons, 
héritages,  rentes  et  possessions,  pour  le  tout  demeurer  à  perpétuité,  nonobs- 
tant tous  édits,  ordonnances,  lois,  coutumes,  rôglemens,  arrêts  et  lettres  à 
ce  contraire,  que  Nous  ne  voulons  en  ce  cas  lui-même  ni  préjudicier  et 
auxquelles  nous  avons  dérogé  et  dérogeons  par  ces  présentes,  voulons  que 
la  maison  du  dit  Hôtel-Dieu  et  autres  héritages,  droits  et* rentes,  posses- 
sions et  autres  biens  dont  il  jouit  à  présent  et  ceux  qu'il  aura  ci-après,  qu'il 
acquerra  et  qui  lui  seront  donnés  et  légués,  et  appartiendront  par  quelque 
disposition  que  ce  soit,  soient  bien  et  dûment  amortis  comme  nous  les  amor- 
tissons par  ces  présentes  pour,  par  le  dit  Hôpital  jouir  et  user  pleinement, 
paisiblement  et  perpétuellement,  sans  qu'il  soit  tenu  d'en  vuider  ses  mains, 
bailler  homme  vivant  et  mourant  et  coufiscant,  ni  qu'il  puisse  ni  être  troublé 
ni  empêché  en  la  possession  des  dits  biens,  comme  étant  dédiés  à  Dieu,  ni 
que  pour  raison  de  ce  ils  soient  tenus  de  nous  payer,  ni  à  nos  Successeurs 
Rois,  aucune  finance,  immunité,  contributions,  ban  et  arrière-ban,  franc-fiefs 
et  nouveaux  acquêts,  affranchissant  pareillement  les  terres,  jardins,  enclos 
du  dit  Hôtel-Dieu,  de  toutes  charges,  subventions  de  Ville  et  de  toutes  impo- 
sitions faites  et  à  faire  et  pour  que  l'ordre  soit  entier  dans  le  dit  Hôpital,  dès 
le  premier  jour  que  nous  eu  permettons  l'établissement,  voulons  qu'il  soit 
gouverné,  pour  le  spirituel,  par  le  Curé  de  la  paroisse  ou  son  Vicaire,  leur 
donnant  toute  inspection  à  cet  égard,  sur  tous  les  malades  et  domestiques  du 


1 .  Ou  sait  que  ces  biens  avoient  été  donnés  par  le  seigneur  de  Bourbonue, 
Jeun  de  Choisoul  et  ses  fds,  en  leur  qualité  d'exécuteurs  testamentaires  de 
Barlholomette,  daine  de  Bourbonne  et  femme  de  Jean.  Celle-ci  avait  appelé 
à  Bourbonne  les  moines  de  l'ordre  de  St-Antoine  de  Viennois  et  leur  pro- 
digua ses  libéralités.  Les  moines  institués  dans  le  but  de  soigner  le  feu 
ardent,  n'ayant  plus  de  but  lorsque  la  maladie  eut  disparu,  fondèrent  un 
asile  de  fous,  (balbi)  et  un  hôpital  qu'ils  abandonnèrent  en  1682  en  le  cédaut 
aux  pères  Capucins  ;  sans  toutefois  aliéner  les  biens  dont  jouissait  leur 
maison  de  Besançon. 


304  LES     SEIGNEVRIE   ET   FÉAVLTEZ 

dit  h6i)ilal,  pormellant  m'aumoins  à  ceux  qui  seront  ci-après  nommés  à  la 
direclion  de  choisir  dans  le  dit  lieu  de  Bourboune  tel  Ecclésiastique  qu'ils 
jugeront  ù-])ropos  en  cas  de  relus  du  Curé  et  de  sou  Vicaire,  ou  en  cas 
d'cmpêchemcut  de  leur  part,  auquel  cas  le  dit  Ecclésiastique  prendra  Top- 
probation  et  les  pouvcirs  pour  desservir  le  dit  Hôpital  de  notre  amé  et  féal 
l'Archevêque  de  Besançon  et  fera  pour  régler  toutes  les  attributions  qui  lui 
seront  faites,  au  cas  qu'il  ne  puisse  remplir  les  fonctions  par  pure  charité, 
ainsi  que  nous  espérons  que  le  feront  les  dits  Curé  et  Vicaire,  lesquels  rece- 
vront et  enterreront  dans  le  Cimetière  de  la  Paroisse  les  pauvres  qui  mour- 
ront au  dit  Hôpital,  sans  aucune  rétribution. 

Il  V  aura  cinq  Directeurs  dans  le  dit  Hôpital,  lesquels  seront  pris  parmi 
les  Ecclésiastiques,  les  Nobles,  les  Avocats,  les  Praticiens  et  les  Notables 
Bourgeois  du  dit  Bourg  de  Bourbonne  et  dont  le  Curé  qui  est  actuellement 
pourvu  sera  le  premier  pendant  sa  vie,  quant  au  spirituel  seulement.  Les 
quatre  autres  directeurs  pour  le  temporel  seront  nommés  par  tous  les  babi- 
tans  de  Bourbonne  le  dimanche  après  la  réception  des  présentes  en  une 
assemblée  générale  qui  sera  convoquée  à  l'ordinaire,  pardevant  le  Juge  du 
dit  lieu,  en  présence  du  Procureur  Fiscal,  pardevant  lequel  eux  et  leurs 
successeurs  à  la  direction,  prêteront  serment  de  bien  et  charitablement  y 
servir  et  de  faire  leur  possible  pour  maintenir  et  augmenter  le  dit  Hôpital  et 
serviront  les  dits  quatre  premiers  Directeurs  pendant  trois  ans  consécutifs, 
après  lesquels  révolus  sera  l'un  d'iceux  changé,  et  un  autre  mis  à  sa 
place  et  ainsi  tous  les  ans  successivement  en  la  manière  susdite  et  sans 
frais. 

Défendons  très  expressément  de  choisir  et  appeler  h  cette  direclion,  les 
syndics  du  dit  bourg  de  Bourbonne,  lorsqu'ils  seront  eu  charge  et  avant 
qu'ils  aient  reudu  les  comptes  de  leur  syndicat  et  qu'ils  en  aient  quittance  en 
forme. 

Voulons  qu'il  soit  pris  parmi  les  Directeurs,  un  Receveur  solvable  et  fidel, 
ès-mains  duquel  seront  remises  toutes  les  aumônes  de  même  que  tous  les 
revenus  et  renies  qui  seront  payées  sur  ses  quittances.  Il  tiendra  Registre 
do  sa  recette  et  ne  payera  quoique  ce  soit  que  sur  une  ordonnance  du  Bureau, 
signée  de  deux  Directeurs  et  coutroUée  d'un  troisième  d'entre  eux,  il  licudrra 
pareillement  Registre  do  toutes  les  délibérations  du  Bureau  et  servira  de 
Secrétaire.  Pourra  néanmoins  le  dit  Receveur  faire  la  dépense  journalière 
laquelle  il  sera  tenu  de  communiquer  et  faire  arrêter  eu  un  Bureau  qui  se 
tiendra  toutes  les  semaines  pour  pourvoir  aux  besoins  du  dit  Hôpital,  en 
arrêter  et  ordonner  la  dépense  dans  laquelle  il  n'entrera  aucune  somme  pour 
les  salaires  et  frais  des  dits  receveurs  et  secrétaires,  dont  nous  voulons  que 
les  fonctions  soient  entièrement  faites  par  charité. 

Outre  le  dit  Bureau  auquel  se  trouveront  les  dits  Directeurs,  ils  iront 
pendant  la  semaine  et  le  plus  qu'ils  pourront  visiter  le  dit  hôpital  pour  voir 
comme  tout  s'y  passera  et  y  donneront  quelques  ordres  par  provision,  si 
besoin  est,  dont  ils  feront  rapport  au  premier  Bureau  qui  résoudra  ce  qu'il 
trouvera  le  plus  à  propos  et  suivant  la  pluralité  des  voix. 

Les  comptes  seront  rendus  tous  les  ans  par  le  dit  Receveur  et  en  cette 
occasion  Nous  voulons  que  le  Juge  du  seigneur  de  Bourbonne  et  son  Pro- 
cureur d'office  soient  appelés  pour  y  être  présents  et  signer  les  dits  comptes 
dont  les  articles  particuliers  ne  doivent  recevoir  aucune  difficulté,  pourvu 
qu'il  y  ait  des  ordonnances  en  forme  ou  des  arrêts  et  conclusions  du  Bureau 
pour  les  dépenses  dont  il  s'agira  :  voulons  qu'on  cas  de  contestations,  diffi- 
cultés cl  même  procès,  concernant  les  dits  comptes  et  le  dit  Hôpital,  elles 


DE   BOVRBONNE  305 

soient  portées  devant  notre  Lieutenant  Général  au  Bailliaf^c  Je  Langres,  lequel 
jugera  lesd.  contestations  et  procès  sur  les  conclusions  du  Substitut  de  Notre 
Procureui"  Général  au  dit  Bailliage,  saus  aucune  rétribution,  épices  ni  vaca- 
tion et  seulement  en  esprit  de  justice  et  de  charité. 

L'ancien  des  dits  directeurs  temporels  tiendra  les  séances  dudit  Bureau 
dans  lequel  ils  prendront  place  aux  deux  côtés  d"unc  grande  table,  à  la  droite 
de  laquelle  sera  toujours  le  Curé  de  la  ditte  Paroisse,  coramo  Directeur  hono- 
raire et  les  autres  chacun  suivant  son  ancienneté  de  Direction,  à  la  réserve 
dudit  ancien  des  Directeurs  en  place,  lequel  prendra  la  première  place  à 
gauche  à  l'opposile  dudit  Curé  et  résumera  les  opiuious  sur  chaque  afTaire, 
lesquelles  il  fera  rédiger  à  la  pluralité.  La  place  du  Lout  du  bas  de  la  table 
sera  occupée  par  celui  qui  servira  de  Secrétaire,  celle  du  haut  restant  vuide 
pour  notre  très  amé  et  féal  l'Archevêque  de  Besançon,  ordinaire  des  lieux 
s'il  voulait  faire  visite  au  dit  hôpital  ou  pour  son  Grand  Vicaire,  s'il  trouvait 
à  propos  de  l'y  envo^'er  ou  pour  quelqu'aulre  supérieur  laïque  que  les  dii'- 
férents  cas  pourroient  y  appeler. 

Laissons  aux  Directeurs  toute  administration  particulière  et  Générale  dans 
ledit  hôpital,  le  soin,  la  faculté  d'y  mettre  tels  domestiques  et  gens  qu'ils 
jugeront  à  propos,  sauf  l'observance  des  présentes.  Et  d'autant  que  le  prin- 
cipal motif  de  l'établissement  dudit  Hôpital  est  de  soulager  les  Soldats, 
Dragons  et  Cavaliers  de  nos  troupes  dans  les  temps  auxquels  les  Eaux  et 
les  Bains  dudit  Bourbonne  sont  les  plus  salutaires,  voulons  qu'ils  y  soient 
reçus  dans  le  Mois  de  Mai  jusqu'au  15  Juin,  et  depuis  le  15  Août  jusqu'à  la 
fin  de  septembre,  préférablement  à  tous  les  autres  malades  et  qu'ils  y  soient 
logés,  couchés,  nourris  et  médicameutés  et  soignés  ainsi  qu'il  leur  sera  con- 
venable pour  l'usage  et  l'utilité  des  dits  Bains,  en  payant  par  eux  au  dit 
hôpital  la  paye  que  nous  avons  coutume  de  leur  faire  donner  pour  autant  de 
jours  qu'ils  y  voudront  rester,  à  l'eiTet  de  quoi  les  Commandants  de  nos 
troupes  seront  avertis  de  faire  délivrer  cette  paye  aux  Soldats,  Cavaliers  et 
Dragons  qu'ils  envoyèrent  prendre  les  Bains  au  dit  BourLouuc,  dont  ils 
auront  soin  de  faire  mention  sur  les  Ordonnances,  Congés  et  Passeports 
qu'ils  leur  donneront  d'aller  aux  Bains  de  Bourbonne. 

Permettons  aux  dits  administrateurs  de  faire  mettre  Troncs,  Bassins  et 
petites  Boëtes  à  Aumônes  en  l'Eglise,  Carrefours,  Lieux  publics  dudit 
Bourbonne  et  Boutiques  de  marchand,  aux  Hôtelleries  et  Cabarets,  aux 
Marchés  et  Foires  et  d'envoyer  les  dites  Boétes  es  occasions  des  Bajjtèmes, 
Mariages,  Enterrements,  services  et  autres  de  cette  qualité  et  même  à 
Maisons  des  Bourgeois  qui  logent  et  reçoivent  des  étrangers  pour  les  Bains. 

Voulons  aussi  que  pendant  les  vingt  premières  années  seulement  tous 
officiers  en  entrant  en  emploi  dans  le  dit  lieu  de  Bourbonne,  soit  qu'ils 
tiennent  Office  ou  Commission  au  nom,  ou  du  seigneur,  ou  de  nous,  les- 
Marchands,  Cabaretiers,  Artisans,  les  Bourgeois  qui  logent  malades  pour  les 
bains  et  enfin  apjjrentis  de  Métiers  ne  puissent  exercer  leurs  dits  Offices  et 
Commissions,  ouvrir  leurs  boutiques.  Cabarets  et  Maisons,  enlin  d'entrer  en 
apprentissage  qu'ils  n'aient  tous,  chacun,  selon  ses  forces  et  facultés,  donné 
une  modique  somme  au  dit  hôpital,  et  qu'ils  n'iiii  aient  les  uns  et  les  autres 
quittance  en  forme,  sur  le  refus  de  laquelle  somme  modique,  et  encore  do 
contestations  sur  ce,  les  dits  Directeurs  pourront  se  pourvoir  pardevant  notre 
Lieutenant  Général,  sans  néanmoins  entendre  par  le  paiement  de  la  dite 
modique  somme  préjudicier  avec  intérêts  des  seigneurs  de  Bourbonne  et  à 
SOS  ofliciers. 

Voulons  que  les  Chirurgiens  do  Bourbonne  servent  au  dit  Hôpital  aller* 

20 


30C>  LES   SEIGNEVRIE   ET    FÉAULTEZ 

ualivemeut,  chacun  d'entre  eux  pendant  un  an,  qu'ils  assistent  et  pansent 
de  la  main  les  pauvres  malades  qui  s'y  trouveront  et  leurs  fournissent  même 
les  médicaments  ou  onguens  et  ce  jusqu'à  ce  que  le  dit  Hôpital  soit  en  état 
d'avoir  les  drogues  nécessaires  aux  dits  pansements,  et  à  défaut  par  les  dits 
Chirurgiens  de  satisfaire  à  ce  devoir  de  charité  que  nous  exigeons  d'eux, 
permettons  aux  dits  Administrateurs  de  faire  choix  d'un  compagnon  Chirur- 
gien du  dit  lieu  ou  d'ailleurs  pour  demeurer  au  dit  Hôpital  ou  proche  d'i- 
celuy,  ainsi  qu'ils  aviseront  et  seront  en  état  de  le  faire.  Lequel  Compagnon 
après  avoir  servi  l'Hôpital  durant  le  temps  de  six  ans  gagnera  les  Maîtrises 
à  Bourbonne  et  jouira  des  mêmes  droits  et  privilèges  que  les  autres  Maîtres 
du  dit  Heu,  lesquels  seront  tenus  de  le  recevoir,  comme  réputé  suffisant  et 
capable,  sans  faire  par  le  dit  Compagnon  aucun  examen  ni  banquets,  dons, 
ni  frais  pour  parvenir  à  la  dite  Maîtrise,  mais  seulement  sur  le  certificat 
qu'il  prendra  de  fond  de  son  service  de  six  ans  à  l'Hôpital,  signé  des  dits 
Administrateurs  et  certiffié  des  Juges  et  procureurs  d'Office  du  dit  lieu, 
lequel  certificat  lui  servira  de  lettres  de  Maîtrise,  et  où  les  Maîtres  et  Lieu- 
tenants des  Chirurgiens  du  dit  bailliage  de  Langres  pour  être  reçu,  il  jouisse 
des  droits  de  séance  et  de  tous  autres,  ainsi  que  s'il  avoit  été  reçu  par  leur 
corps  et  Lieutenant  de  chirurgie,  leur  fait  défenses  expresses  de  l'empêcher, 
ni  troubler  en  la  dite  Maîtrise  el  Exercice  de  la  dite  Chirurgie,  à  peine  de 
300  livres  d'amende  envers  le  dit  Hôpital. 

Et  pour  favoriser  encore  et  gratifier  le  dit  Hôpital  et  lui  donner  un  moyen 
do  s'agrandir,  nous  avons  affranchi  de  tous  droits  qui  pourraient  nous  être 
dûs  audit  Bourbonne,  soit  d'Entrée,  Péages,  Aydes  et  Gabelles.  Toutes  les 
denrées  de  bouché  et  nippes  qui  auront  été  données  el  achettées  pour  le  dit 
Hôpital,  service,  nourriture,  entretenement,  secours  et  assistance  à  ses 
pauvres,  comme  aussi  de  leurs  logements  de  geus  de  guerre  effectif,  la 
maison  du  dit  Hôpital  et  les  fermes  qui  pourront  ci-après  lui  appartenir. 
Comme  aussi  ordonnons  que  tous  les  dons  et  legs  faits  par  contrats  et  tes- 
taments ou  autres  dispositions,  les  adjudications  d'aumônes  faites  dans  la 
Justice  de  Bourbonne-les-Bains,  en  termes  généraux  aux  Pauvres  sans 
aucune  désignation  dont  le  paiement  ou  l'emploi  n'aura  pas  été  fait  jusqu'à 
présent  quoique  des  dispositions  précédent  les  présentes  de  quelque  temps 
que  ce  soit,  et  de  toutes  celles  qui  .se  feront  ci -après  soient  et  appartiennent 
au  dit  Hôpital,  lesquels  pourront  être  revendiqués  par  les  dits  Directeurs, 
auxquels  en  la  dite  qualité  nous  en  avons  fait  don  comme  de  chose  non 
réclamée. 

PounnoNT  les  Administrateurs  du  dit  Hôpital  être  augmentés  de  nombre 
à  mesure  que  la  bénédiction  du  ciel  donnera  de  l'augmentation  et  accroisse- 
ment au  dit  Hôpital  et  ajouter  au  présent  Règlement  ce  qu  ils  trouveront 
convenable  et  nécessaire  au  gouvernement  d'icelui  en  le  communiquant  à 
notre  susdit  très  Amé  cl  Féal  rArchcvôque  de  Besançon  et  aux  dits  Lieu- 
tenant Général  et  Procureur  au  dit  Siège  Royal  do  Langres,  le  cas  du  tem- 
porel l'exigeant. 

Et  afin  que  les  dits  Administrateurs  ne  puissent  être  distraits  d'un  ser- 
vice si  important  à  l'honneur  de  Dieu  :  Voulons  (]ue  pendant  les  trois  pre- 
mières années  de  leur  Direction  au  dit  Hôpital  ils  soient  exempts  de  tutelle 
et  de  curatelle,  de  collecte  de  nos  deniers,  guet,  garde,  si  besoin  étoit. 
Si  Donnons  en  Mandement,  etc.,  etc.,  car  tel  est  Notre  plaisir. 
Donné  à  Fontainebleau,  le  2  octobre  l'an  de  grâce  1702,  et  de  notre  règne 
le  soixantième. 

Et  plus  bas.  Signé  :  Louis. 

Par  ic  Roi,  CoLtiDBT. 


DE    BOVRBONNE  307 

El  scellées  du  grand  sceau  de  cire  verte  en  lacs  de  soyes  rouge  et  verte. 

Registrées,  ouï  le  Procureur  Général  du  Roi  pour  jouir  par  le  dit  Hôtel- 
Dieu  de  leur  cHbt  et  contenu  et  être  exécutées  seloi  leur  forme  et  teneur, 
suivant  et  aux  charges  portées  par  l'arrSt  de  ce  jour. 

A  Paris,  en  Parlement,  le  3  avril  1705,  Gollationné  Langclé.  (Commu- 
niqué par  M.  Odinot  de  Massey.)  Signé  :   ysadeiVU. 


VIII 

NOMS  DES  ADMINISTRATEUBS  DE  L'HOTEL-DIEU 
DE  BOURBONNE-LES-BAINS 

{C'est   seulement    eu    17G6    que   l'administration  l'ut  bien  régulièrement 
établie). 

MM.    de  Mondoré,  curé  et  officiai. 

Drouin,  docteur  en  théologie,  ci-devant  curé  de  la  ville  d'Oruans, 

ancien  administrateur  de  la  dile  Maison. 
Juvet,  médecin  du  Roi. 
Mongin,  premier  échevin. 
Didier,  second  échevin. 
Le  dit  Hôtel-Dieu  de  Bourbonne,  quoique  ancien,  n'.iyant  guère  que  51)0 
livres  de  rente  et  pouvant   être  utile   à   une  inOnilé   de  pauvres  malades, 
mérite  la  commisération  et  les  charités  du  public. 

Note  extraite  des    registres  du    grell'e   du   bailliage   royal  de    Langres, 
audience  du  3  décembre  1766. 

[A  suivre).  A.  Lacoudaire. 


NÉCROLOGIE 


Nous  devons  mentionner  la  mort  du  marquis  de  Colbert-Chabannais, 
au  château  d'OssonviIle  (Seine-et-Oise),  à  l'âge  de  78  ans.  Il  avait  été 
longtemps  memijre  du  Conseil  général  de  ce  département  et  député  du 
(lalvados  sous  l'Empire:  c'était  aussi  un  lettré  qui  publia  cinq  volu- 
mes fort  curieux  de  Souvenirs  sur  la  vie  de  son  père,  officier  général 
du  premier  empire,  et  un  musicien  renommé.  Marié  à  Mlle  de  Porte,  il 
a  eu  trois  enfants;  l'aîné,  colonel  de  dragons,  marié  a  une  fille  du 
général  baron  Berckheim  ;  le  second,  député  du  Calvados,  et  une  fille 
qui  a  épousé  M.  le  comte  de  la  Rochefoucauld,  duc  de  Doudeauville. 
M.  de  Colbert  descendait  d'un  grand  oncle  du  célèbre  ministre. 
Oudart,  écuyer,  seigneur  de  Ville-à-Cerf,  secrétaire  du  Roi,  habitant 
Troyes  où  il  épousa  Nicole  Fouret,  dame  de  Ville-à-Gerf,  d'où  les 
rameaux  du  marquis  de  ce  nom,  de  Saint-Pouange  et  de  Chabannais, 
dans  lequel  se  fondit  par  mariage  la  branche  du  marquis  de  Groissy, 
issue  d'un  frère  du  grand  ministre.  Oudart  ci-dessus  était  fils  d'Ou- 
dart  Colbert,  seigneur  d'Acy  et  du  Terron,  marié  à  Reims  avec  Marie 
Cocquebert,  veuve  en  1573,  ayant  eu  pour  autres  enfants  :  Gérard, 
contrùleur  des  gabelles  en  Picardie,  marié  à  Marie  Pingre,  fille  d'un 
bourgeois  d'Amiens  et  de  Marie  de  Louvencourt,  mort  en  1617  :  un 
de  ses  fils  fut  greffier  du  conseil  souverain  de  Nancy.  —  Nicolas, 
chanoine  de  Reims  et  abbé  de  Saint-Sauveur  de  Vertus.  —  Smion, 
seigneur  d'Acy,  sans  hoirs  de  M.  Pingre.  —  Jean-Charles,  seigneur 
du  Terron,  secrétaire  du  roi,  marié  à  Reims  à  Marie  Bachelier,  ayeul 
du  ministre. 

Nous  rappellerons  que  cette  famille  a  produit  quatre  ministres,  sept 
prélats  et  vingt-sept  officiers  généraux. 

On  a  enterré  le  l""'  octobre,  à  Reims,  M,  Edmond  Bertherand,  l'un 
des  plus  notables  habitants  de  cette  ville.  La  famille  Bertherand  ap- 
partient à  l'ancienne  noblesse  du  Soissonnais  où  l'un  de  ses  ascen- 
dants était,  à  la  fin  du  XVII<=  siècle,  président  trésorier  de  France  au 
bureau  des  finances.  Marié  à  la  fille  du  baron  Levasseur,  il  laisse 
deux  fils,  dont  un  est  au  service.  —  Armes  :  d'argent  au  chevron,  ac- 
compagné de  trois  étoiles  d'azur. 


BIBLIOGRAPHIE 


Recueil  des  Chartes  de  l'ahbaye  de  Noire-Dame  de  Cheminon, 

par  le  comte  E.  de  Barthélémy,  1  vol.  in-S",  Paris,  Champion  1883. 
Ce  recueil  est  l'un  des  plus  importants  qui  aient  paru  pour  l'his- 
toire féodale  de  la  Champagne.  L'abbaye  de  Cheminon  fondée  en  1100, 
à  la  demande  de  Philippe,  évoque  de  Chiiîons,  mourant,  frère  du 
comte  Hugues  de  Champagne,  fut  l'établissement  Cistercien  le  plus 
considérable  du  Perthois.  Ses  archives  existent  complètes  au  dépôt 
départemental  de  la  Marne,  et  M.  de  Barthélémy  a  été  le  premier,  après 
bien  des  siècles,  à  lire  une  centaine  de  chartes,  toutes  soigneuse- 
ment roulées  et  ficelées  par  les  moines.  Ce  recueil  comprend  plus  de 
400  chartes  depuis  l'an  1100  jusqu'à  l'année  13S7;  toute  l'histoire 
féodale  du  pays  se  trouve  dans  ces  précieux  documents.  M.  de  Barthé- 
lémy a  rendu  un  service  de  plus  à  sa  province  en  éditant  ce  travail 
que  précède  une  bonne  notice  et  complète  une  table  excellente.  Il 
y  a  encore  ajouté  deux  planches  de  sceaux  inédits. 

* 
*     * 

Mentionnons  la  publication  du  tome  X  du  Catalogue  de  la  biblio- 
thèque de  la  ville  de  Troyes,  par  M.  Emile  Socard  (in-8o  Troyes, 
Pélot),  second  volume  dos  belles-lettres-,  il  contient  la  fin  des  poètes 
français,  les  poètes  étrangers,  la  poésie  dramatique,  les  fictions  en 
prose,  la  philologie  et  les  épistolaires  hébreux,  grecs  et  latins. 

Notre  collaborateur  M.  Lex,  de  l'Ecole  des  Chartes,  vient  de  publier 
à  Sézanne,  chez  Patoux,  une  intéressante  brochure  :  Le  siège  de 
Sézanne^  Barbonne,  Pleurs  et  Anglure  d'après  des  documents  iné- 
dits. C'est  une  page  d'histoire  du  xv^  siècle,  très  importante  pour  la 
Champagne. 


CHRONIQUE 


Nûus  relevons  dans  le  volume  manuscrit  :  les  libraires  en  province, 
à  la  Bibliothèque  Nationale,  n"  21815,  les  renseignements  suivants 
pour  Châlons  : 

1680.  Seneuze;  de  Châlons,  contre  Desmond  et  David,  marchands 
merciers  qui  avaient  levé  une  imprimerie  et  vendaient  des  Hvres  sans 
autorisation. 

1680.  Coignard  et  veuve  Foucaud  contre  Seneuze  qui  avait  contre- 
fait la  «  Conduite  de  S.  François  de  Salles.  » 

1690.  Seneuze  contre  Coutellier,  de  Paris  (sans  explication). 

1692,  14  février.  Mémoires  achetés  par  ordre  chez  Desmond  pour 
prouver  qu'il  vendait  des  livres  défendus. 

1700.  22  janvier.  Arrêt  pour  communiquer  à  Seneuze  la  requête 
de  Bouchard. 

1704.  21  juillet.  Arrêt  du  Conseil  fixant  à  deux  les  imprimeries  à 
Chaalons. 

1723.  7  septembre.  Arrêt  consignant  au  profit  des  libraires  des 
livres  saisis  sur  deux  prêtres  de  Chaalons. 

1739.   31  mars.   Confirmation  de  l'arrêt  de  1704, 

1756.  2  juillet.  Lettre  sur  la  contrefaçon  et  le  commerce  qui  se  fait 
à  Chaalons  par  des  particuliers. 

1761.  17  juin.  Mémoires  des  libraires  de  Chaalons  au  sujet  d'une 
saisie  qu'ils  avaient  fait  opérer  sur  un  libraire  étranger  vendant  à  la 
foire  et  les  «  extorsions  »  des  magistrats  de  la  ville  à  chaque  récep- 
tion de  libraire  nouveau. 

1772.   6  niai.  Création  d'une  chambre  syndicale  à  Chaalons. 

Les  notes  suivantes  concernent  Reims  : 

1623.  Mars.  Lettre  royale  approuvant  le  règlement  dos  libraires  et 
imprimeurs  à  Reims. 

1685.   30  mai.  Arrêt  du  Parlement  sur  ce  règlement, 

1704.  21  juin.  Arrêt  du  Conseil  fixant  à  quatre  les  imprimeries  cà 
Reims. 

1717.  10  juin.  Arrêt  du  Conseil  autorisant  l'entrée  de  livres  à 
Reims. 

1723.   S  octobre.   Maîtrise  créée  comme  joyeux  avènement. 

1739.   3  mars.   Arrêt  réduisant  les  imprimeries  de  quatre  à  deux, 

1758.  Requête  do  Delaistrc-Godor,  de  Reims,  contre  Anquetil  au 
sujet  do  SCS  livres. 


CHRONIQUE  3 1 1 

1759.   Mémoiro  dudit  Dclaistre. 

1764.  25  décembre.  Arrêt  du  Conseil  «  destituant  »  Cazin  de  son 
brevet  de  libraire  à  Reims. 

*     * 

Nous  serions  heureux  qu'un  érudit  voulût  liien  s'occuper  d'un  tra- 
vail complet  sur  les  cartes  de  la  Champagne.  C'est  un  sujet  très  neuf. 
A  la  Bibliothèque  Nationale,  la  collection  est  très  peu  riche.  Nous  n'y 
avons  trouvé  que  : 

Carte  générale  de  Champaigne,  in-f",  sans  date,  commencement  du 
xvu°  siècle. 

Autre  en  quatre  feuilles,  1630. 

Autre  en  quatre  feuilles,  1641,  par  Tassin,  géographe  du  roi. 

Carte  du  gouvernement  de  Champagne,  par  Samson,  in-f"  1687. 

Carte  de  Champagne  et  de  Bric,  par  Samson,  sans  date,  chez 
Mariette,  in-f». 

Carte  du  gouvernement  de  Champagne,  par  Jaillot,  in-f",  sans  date, 
dédiée  au  Dauphin. 

Carte  du  diocèse  de  Reims,  par  J.  Jubrien,  in-f",  quatres  feuilles, 
1623. 

Description  du  pays  de  Brie,  une  feuille  in-f\  1616,  par  Damier  de 
Templeux,  sieur  de  Frestoy,  escuyer. 


AnBAYE  DE  Saint-Basle.  —  Nous  donnons  rarement  des  documents 
latins;  nous  ferons  une  exception  pour  celui-ci,  document  inédit  et 
qui  renferme  des  détails  précieux  pour  l'organisation  intérieure  d'une 
abbaye.  Il  est  intitulé  :  «  Réformation  de  l'Abbaïe  de  St-Baslc,  par 
Pierre,  archevêque  de  Reims,  tiré  (sic)  d'un  vieux  livre  do  la  Biblio- 
thèque de  Reims.  » 

Il  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale,  collection  de  Champagne, 
tome  XXXV. 

Univorsis  prajsentes  etc.,  Petrus  miseratione  Divina  Remensis  arclii- 
opiscoi}us  salutem  in  Domino,  etc.  Imprimis  quod  omncs  et  singnli  do 
convontu  nocte  dieque  invigilent  dévote  circa  obscrvantiam  rogularcm. 
Omncs  Abbati  quamdiu  pra;sens  fucrit  et  Priori  omni  tempo re  sicut 
tencntur  obcdient.  Revcrenter  ad  Ecclesiam  singuli  mature  Coaveniant 
paritcr  et  recédant,  officia  ejusque  coramissa  humiliter  faciant  et 
deconter  in  rofectorio  refectionera  communiter  rccipiant.  In  dormitorio 
omnes  dormiant,  in  claustro  sacras  scripturas  legant  et  studuant  tem- 
poribus  opportunis.  Omniijus  diebus  fiât  capilulum  et  liant  disciplin.ii 
ctcorrccliones  in  eo,  prout  ordinis  staluta  rof|uirant.  Servent  silonlium 
statuto  tempore...  Infirmis  cuni  omni  liumanitato  providnatur  et 
gratis,  et  cum  opus  fuerit  eis  qui  promcruerint. . .  C^sset  intcr  fratres 


312  CHRONIQUE 

rancor  et  odium,  pacem  intcr  se  etconcordiamhabentes.sicutpromise- 
runt  rcddant  Altissimo  vota  sua.  Sit  omnibus  interdictus  egressus 
monasterii  atque  claustri,  nisi  supcrioris  ad  hoc  licenlia  rationabilis 
intercédât,  ac  cetera  sanctœ  religionis  fiant  ibidem  opéra  ad  quorum 
ol)servantiam  ex  voti  sui  debito  constringuntur.  Item  circa  tempora- 
litem  sic  duximus  onlinandum  ;  videlicet  quoi  Abbas  prtodicti  loci 
quem  por  dictum  tempus  dictorum  qulnque  annorum  ab  administra- 
tione  bonorum  temporalium  suspendimus  pro  se  une  monacho  dicti 
monasterii  capellano  suo  quem  assumere  voluerit  ex  familia  sua  cen- 
tum  libras  Parisienses  annuatim  integraliter  percipiat,  et  habeat  ■ 
durante  ordinatione  prpesenti  de  bonis  prœfatati  monasterii  provictu 
eorum  pariter  et  vestitu,  et  quod  per  dictum  tempus  continue  Parisius 
studendo  in  Theologise  facultate  morotur,  non  transiturus  ad  alium 
locum,  nec  ad  id  Monasterio  responsurus  nisi  super  hoc  a  nobis  licen- 
tiam  habuerit  specialem,  ceterisque  Monachis  temporalem  administra- 
tionem  habendi  in  diclis  suis  administrationibus  omnem  per  hanc  ordi- 
nationera  interdicimus  potestatem.  Ilospitalitatem  vero  in  eodem 
monasterio  personis  quibuscumque,  pauperibus  Religiosis  pedes  eun- 
tibus,  quibus  sine  scandale  denegari  non  possit  duntaxat  exceptis, 
fiori  prohibemus.  Ad  portam  ipsius  monasterii  constituatur  janitor  cir- 
cumspectus,  qui  prohibitis  personis  de  mandato  Monasterii  ingressum 
non  concédât,  nec  Monachis  exire  volentibus  prœbeat  exitum,  nisi  de 
superioris  mandato...  Bona  dicti  Monasterii,  victualia  et  alia  per 
Monachos,  servientes  eorum  aut  quoscumque  alios  extra  portam  nul- 
latenus  deferri  permittat,  nisi  de  ipsorum  adrainistratorura  et  pro  uti- 
litate  monasterii  procédât  beneplacito  et  ascensu,  et  quod  injunctum 
sibi  ministerium  fideliter  implore  debeat,  coram  conventu  jurabit.  Si 
quis  vero  Monachorum  dicti  Monasterii  contrarium  praesumpserit  at 
temptare,  et  metas  dicti  monasterii  violenter  seu  illiciter  transire 
pricsumat,  se  ipso  facto  fugitivum  agnoscat,  nec  recipiatur  iterum,  sine 
mandato  nostro  ad  consortium  aliorum.  Bonorum  autem  dicti  Monas- 
terii temporalium  ubicumque  fuerint  omnium  et  singulorum  tara  vir- 
tute  potestatis  nobis  commissro  quam  ordinaria  potestate  receptores, 
administratores  et  defensatores  constituimus,  facimus  et  ordinamus 
dilectos  filios  fratrcs  M.  Eleraosinarium  et  R.  Paenitenciarium  dicti 
Monasterii,  ita  quod  ipsiambo  aut  eorum  quilibet  in  solidum  possit  seu 
possint  peterc  usquc  in  judicio  et  extra  judicium  post  assensum  abba- 
tis  et  conventus  pnedictorum  por  se  vel  per  Procuratorem  idoneum  reci- 
pere,  levare,  vendere,  exportare  et  conservare  omnes  fructus,  oba- 
tiones,  reddilus,  cxitus  et  proventus  ad  idem  Monasterium  pertinen- 
tes quacumque  actione  vel  causa  super  receptis  litteras  quittationes 
concedero  creditoribus  satisfiicere  ;  alienationes,  venditiones,  si  quas 
inutiles  et  improvide  factas  invenerint  revocare  et  revocari,  procurare, 
administrare  et  disponcre  de  nisdcm  prout  viderint  expedire,  et  omnia 
.gererc  tam  in  judicio  quam  extra  qua)  de  jure  licent,  plenam  et  legi- 
timam  adminisîrationem  habenlibus.  . .  Pr;i?fati  administratores  quater 
in  anno  videlicet  in  fine  quorumli])ot  trium  mensium  coram  Prière  et 


CHRONIQUE  3 1  3 

conventu  reddant  plenariam  rationcm,  in  scriptis  redigatur  eorum 
reddita  ratio,  et  sit  sigillo  conventus  minuta  et  du])Iicata,  et  adminis- 
tratores  eam  pênes  se  retineant,  et  aliam  aliquis  lideliter  custodiat  pro 
conventu.  Unus  quisquo  ipsorum  Administratorum  equo  uno  volumus 
esse  contentum.  Quid  quid  super  fuerit  do  bonis  prfedictis  et  reddi- 
tjbus,  in  solutionem  debitorum  et  refectionem  domorum  seu  a3dilîcio- 
rum,  defensionem  jurium  ei  libertatum  ipsius  Monasterii  per  ipsos 
Administratores  proindo  convertatur.  Ad  quod,  ut  prccniissum  est, 
fideliter  et  utiliter  exequendum  dicti  fratres  M.  et  R.  se  coram  nobis 
juramento  astrinxerunt.  Ilanc  autem  ordinationem  quam  usque  ad 
dictum  terminum  durare  volumus  sub  pœna  in  ea  expressa,  et  in  vir- 
tute  sancta3  obedientii-e  et  sub  excommunicationis  pœna  quam  contra 
temere  venientes  et  facientes  incurrere  volumus  ipso  facto,  prœcipimus 
ab  omnibus  inviolabiliter  observari,  retenta  et  reservata  nobis  potestato 
addendi  et  minuendi,  corrigendi,  mutandi,  declarandi  et  interpretandi 
quolies,  ubi,  quando  voluerimus  et  viderimus  opporlunum.  Datum  anno 
1283.  Die  sabbati  post  festum  Assumptionis  Beatte  Maria  in  capilulo 
sancli  Basoli  nobis  personaliter  adessentibus  et  die  sequenti. 

*     * 

Extrait  du  catalogue  des  manuscrits  de  la  reine  Christine  de  Suède, 
qui  est  au  Vatican,  en  ce  qui  concerne  l'histoire  de  la  Champagne, 
communiqué  par  M.  de  Saint  Palaye  à  M.  delà  Ravalière  (Note  autog., 
tome  XXXVII  de  la  coll.  de  Champagne  à  la  Bibliothèque  Nationale). 

No  2023.  Alani  rectoris  collegii  Anglorum  remensis  ad  rectorem 
collegii  Anglorum  lomani. 

1424.  Andradi  ad  Hincmarum  liber  do  fonte  vita^,  versibus. 

506.  Besuensis  monaslerii  in  Lingonibus,  chartularium  seu  dona- 
tiones  eidem  monasterio  factae,  coUectore  Joanne  ejusdem  loci  mona- 
cho. 

986.  Conciliura  remense  apud  S.  Quanlinum,  1276;  Gompendiense, 
1301  ;  Silvanectense,  1317;  Noviomenso,  1344. 

278.  Concilii.  ut  vidotur,  Rhemensis  in  quo  damnatus  fuit  Gilber- 
tus  Porretanus  Caiiitula  tria. 

191.  Eiibonis  archiepiscopi  remensis  statuta. 

633.  Fiodoardi  presbyteri  chronicon. 

455.  Gaufridi  do  Callone,  monachi  monasterii  S.  Pétri  Vivi  Seno- 
nensis  chronicon  Senonense  Incarnatione  dominica  ab  annum  Chrisli 
1249. 

863.  Gervasii  Rhemensis  archiepiscopi  ad  Ilugonem  epistote  frag- 
menium,  cui  ailjicilur  Camcracensis  clcri  epistola  ad  remense,  etc. 

1283.  No  Gilberlo  in  sede  remensi  intruso  ex  ea  quo  postea 
dejecto,  adjeclis  versibus  de  papatu  ejusdem  Gilberli. 

418.  Hervei  archiepiscopi  remensis  conslitutum  quo  roa  S.  Mariio 
et  S.  Remisii  remensis  in   pago  Quormaccnsi   [sic]  sitas  commendat 


314  CHEONIQUE 

Olhoni  archiepiscopo  Quormacensi  versus  ad  altare  S.  Remigii  appo- 
siti. 

418.  Ilervei  archiepiscopi  remcnsis  litters  canonico  datée  suffra- 
ganeo  alicuo  recens  ordinato. 

191.  Hincmari  archiepiscopi  remensis  aliorumque  in  synodo  Cari- 
siacensi  congregatorum  capitula  IV  contra  praedestinatos. 

152.  Ejusdera  epistola  ad  Odonem  episcopum  Bellovacensem  qua 
eum  exhortatur  ut  contra  Grfecorura  in  ecclesiara  romanam  caîumnias 
calamum  exerceat. 

418.  Joannis  papae  IX  ad  Ileriveum  archiepiscopum  remensera 
super  Norniannis  nuper  ad  fidem  conversis. 

12.  Jotrensis  monasterii  reliquiarum  quas  Ermengardis  abbatissa 
conquisierat  catalogus. 

994.  Isaaci  episcopi  lingonensis  coUeotio  canonum  imperfecta. 

46.  Lavinii  (Pétri)  lingonensis,  ordinis  prœdicatorum,  expositio 
abbreviata  exB.  Augustino  ad  Michaelem  episcopum  lingonensem. 

566.  Manasses  archiepiscopi  remensis  epistola  in  qua  se  excusât  de 
eo  quod  ad  Lugdunense  concilium  accedere  renuebat. 

577.  Odoranni,  monachi  S.  Pétri  Senonensis  opuscula. 

418.  Pasnitentia  ex  decreto  concilii  provincialis  remensis  injuncta 
iis  qui  belle  Suessionis  inter  Robertum  et  Garolum  acte  interfuerunt. 

1544.  Remensis  cathedralis  charta. 

598.  Remensis  concilii  sub  Ilincmaro  fragmentum. 

394.  Remensium  archiepiscoporum  ad  Carolum  cardinalem  Lotha- 
ringie catalogus,  in  quo  celebriorum  ejus  sedis  prnesulum  gesta  nar- 
rantur. 

479.  Resbacensis  monasterii  S.  Pétri  librorum  catalogus. 
1312.   Roberti  episcopi  Lingonensis  introductio  ad  calendarium, 
658.  Roberti  monachi  S.  Remigii  remensis  historia  Ilyerosolimoram. 

480.  Historia  Senonensis  a  tempore  quo  Senonenses  religionem 
chrislianam  amplexerunt  ad  finem  sfcculi  XIIL 


LNScniPTioNS  ANTiQCEs  DE  Reims.  — Lc  Bulletin  épigraj)hique,  dans, 
son  numéro  de  Mars-Avril  1883,  p.  94,  contient  une  note  de  M.  Ca- 
mille Jullian  relative  à  une  inscription  trouvée  jadis  à  Reims  et  trans- 
portée à  Rome.  C'est  celle  qui  est  reproduite  dans  OroUi,  n*  1096,  et 
qui  mentionne  la  construction  de  thermes,  à  Reims,  aux  frais  de  Cons- 
tantin, fils  de  Constance  Chlore. 

Dans  le  même  recueil,  Mai-Juin,  p.  113  et  suivantes,  XI.  Ant.  Héron 
de  Villcfosse,  notre  collaborateur,  publie  et  commente  plusieurs  ins- 
criptions découvertes,  tant  à  Reims,  qu'à  Stenay  et  àMouzon.  Ces  ins- 
criptions portent  dos  noms  gaulois  tels  que:  Tartos.  fils  de  Banuus, 
Gransillius,  Divixtus.  M.  de  Villefosso  cite   en  outre,   un  ])assage 


CHRONIQUE  315 

(le  la  Vie  d'Adelbert  II,  archevêque  de  Mayencc,  écrit  au  xii^^  siè- 
cle, par  Anselme,  évèque  d'Havelberg,  dans  laquelle  il  est  fait  mention 
des  débris  des  temples  et  des  monuments  antiques  de  Reims  employés 
pour  la  reconstruction  des  murailles  de  la  ville. 


Monsieur, 

Dans  la  dernière  livraison  de  la  Revue,  monsieur  E.  Voillard  m'a 
fait  l'honneur  de  rectifier  certaines  inexactitudes  que,  paraît-il,  j'ai 
commises  dans  mes  notes  sur  la  bibliothèque  de  Bourbonne. 

Je  tiens  à  remercier  le  savant  bibliothécaire  Chaumontais  de  sa  bien- 
veillance à  mon  égard  et  do  la  peine  qu'il  a  prise  de  se  préoccuper  de 
mon  modeste  factum  ;  mais  en  même  temps  qu'il  me  permette  de 
regretter  qu'il  n'ait  point  cru  devoir  me  signaler  les  points  sur  les- 
quels j'ai  été  inexact. 

Des  notes  concernant  l'origine  de  la  bibliothèque  de  Bourbonne, 
notes  dont  j'ai  pris  copie  textuelle,  établissent,  avec  pièces  à  l'appui, 
les  faits  suivants. 

Le  6  juillet  1791,  un  sieur  Usunier  se  rendit,  par  ordre,  à  Mori- 
mond,  afln  d'y  dresser  le  catalogue  de  la  bibliothèque  sur  laquelle  les 
scellés  avaient  été  apposés.  A  la  suite  de  ce  voyage,  la  municipalité 
adressa,  le  4  juillet  1792,  une  demande  tendant  à  ce  que  les  volumes 
de  l'abbaye  fussent  transportés  dans  notre  ville,  Le  30  du  même  mois, 
l'autorisation  était  accordée  et  les  livres  concédés  devaient,  par  déci- 
sion, être  placés  dans  l'église  de  l'ancien  couvent  des  Capucins.  On  les 
y  installa,  en  effet,  dès  le  commencement  de  1793,  mais  ils  n'étaient 
point  catalogués  et  le  classement  tarda  longtemps  si  on  en  juge  par  les 
nombreuses  réclamations  de  catalogue  et  d'inventaire  qui  figurent  au 
dossier,  depuis  cette  époque  à  1805. 

Après  la  chute  définitive  de  l'Empire,  le  29  mai  1816,  le  préfet  du 
département,  M  de  Jerphanion,  si  je  ne  me  trompe,  prescrivit  l'envoi 
immédiat,  à  Chaumont,  des  volumes  et  manuscrits  composant  les  bi- 
bliothèques de  Morimond  et  Vaux-la-Douce. 

Déjà,  en  1815,  le  9  octobre,  M.  Maignien,  ancien  religieux  de  Mo- 
rimond, avait  .  réclamé  à  la  mairie  de  BourJionne  les  antiiihonaircs, 
psautiers,  bréviaires,  provenant  de  l'abbaye.  Ces  ouvrages  avaient  dû 
lui  être  délivrés. 

Le  Préfet  insistant  pour  l'envoi  des  livres,  la  municipalité  de  Bour- 
bonne le  supplia  d'ordonner  qu'une  vente  en  fût  faite  et  que  les  deniers 
en  fussent  appliqués  à  la  ville  ;  un  refus  catégorique  do  M.  Jerpha- 
nion fut  la  seule  réponse  obtenue  (4  avril  1816),  et,  enfin,  lo  l»"-  juil- 
let, ordre  arriva  de  mettre  au  roulage  87  ouvrages  adressés  à  la  biijlio- 
Ihèquc  de  Chaumont.  Un  arrête  prôfectoral  décidait  en  outre  que  |es 
volumes  restant  seraient  remis  à  un  ruligicux  envoyé  par  le  supérieur 
de  la  maison  de  Port-du-Salut. 

Enfin,  le  3  septembre  de  la  même  année  1816,   le  curé  Maignien, 


3  If)  CHRONIQUE 

dûment  nanti  de  la  procuration  du  Frère  Bernard,  supérieur  du  mo- 
nastère précité  se  faisait  délivrer  les  livres  dont  il  donnait  un  récé- 
pissé dans  les  formes. 

Tels  sont  les  renseignements  sur  lesquels  ont  été  basés  les  quelques 
indications  que  j'ai  données  ;  les  documents  sur  lesquels  je  me  suis 
appuyé  étant  authentiques,  je  me  demande  en  quoi  j'ai  pu  commettre 
une  erreur  et  serai  très  reconnaissant  à  Monsieur  Voillard  d'ajouter 
encore  à  sa  complaisance  en  me  les  faisant  connaître. 

Il  aura  une  fois  do  plus  obligé  son  très  dévoué  serviteur, 

Lacordaire. 
Bourbonne,  15  septembre  1883. 

*     * 

SÉPULTURES  MÉaoviNGiE.sNES  DE  DoRMANS  (Marne).  —  La  petite  ville 
de  Dormans  (Marne)  est  bâtie  sur  un  emplacement  qui  a  dû  être  occupé 
jadis  par  une  population  assez  considérable.  En  effet,  par  suite  de 
travaux  exécutés  pour  l'établissement  d'un  chemin  de  fer,  des  tom- 
beaux furent  découverts  mais  ne  furent  point  examinés. 

Il  y  a  dix  ans  environ,  on  en  trouva  d'autres  dans  une  cour  de  ferme. 
Enfin,  dans  le  courant  de  cette  année,  j'eus  l'occasion  d'étudier  trois 
sépultures  dont  la  première  fut  découverte  tout  accidentellement  et  les 
autres  à  la  suite  de  sondages. 

La  première  de  ces  sépultures  renfermait  un  squelette  en  fort  mau- 
vais état  de  conservation,  ce  qui  s'e.xplique  du  reste,  sachant  que  pen- 
dant plusieurs  années  la  cour  dans  laquelle  elle  so  trouvait,  avait  servi 
de  fosse  à  fumier. 

Quoiqu'il  ne  restât  rien  du  crâne  ni  du  bassin,  je  crus,  de  concert 
avec  mon  collègue,  pouvoir  affirmer  que  ce  cadavre  était  celui  d'une 
femme  d'un  âge  assez  avancé  par  l'inspection  des  molaires. 

Le  cercueil  se  composait  de  sept  morceaux  de  tuf:  un  formant  le 
couvercle,  un  autre  le  fond,  deux  autres  les  extrémités  et  les  trois 
derniers,  les  deux  côtés  latéraux.  Ces  morceaux  avaient  été  taillés  et 
ajustés. 

Voici  qu'elles  étaient  les  dimensions  de  ce  cercueil  : 

Longueur  intérieure,  1™78  -,  largeur  intérieure  à  la  tète,  0ra52  ;  lar- 
geur intérieure  aux  pieds,  0ml9;  profondeur  intérieure  à  la  tête,0'"29  ; 
profondeur  intérieure ^aux  pieds,  0"'26. 

Le  couvercle  avait  : 

Longueur  totale,  lm83  ;  largeur  à  la  tête,  0'n75  ;  largeur  aux  pieds, 
0™60;  épaisseur  de  la  pierre,  0'"10. 

Le  sujet  était  couché  la  tête  appuyée  sur  la  nuque,  les  bras  allongés 
le  long  du  corps.  Je  recueillis  quelques  fragments  du  vêtement  qui  est 
d'un  tissus  assez  peu  serré  :  il  est  d'apparence  à  peu  près  analogue  à 
l'étoffe  robenhaussienne. 


CHRONIQUE  3  1 7 

Deux  grains  en  verre,  émaillés  d'un  coté,  se  trouvaient  près  des  ver- 
tèbres cervicales. 

Je  ramassai  deux  boucles  en  bronze  de  deux  centimètres  et  demi  de 
long  sur  un  centimètre  de  large,  située  extérieurement  de  la  jambe 
droite  à  la  hauteur  des  genoux.  Puis  une  autre  fort  petite,  en  bronze 
également,  mais  sans  pouvoir  indiquer  la  place  qu'elle  occupait. 

Le  sujet  de  la  tombe  n»  2  n'était  guère  en  meilleur  état  que  le  pré- 
cédent, mais  le  mode  d'ensevelissement  dilTérait.  Nous  trouvâmes  d'a- 
bord une  dalle  fort  pesante   en  tuf  : 

Longueur,  lmS7  ;  largeur  à  la  tête,  On'08  ;  largeur  aux  pieds,  O'nôO  ; 
épaisseur,  O^ÎO. 

Après  elle,  venait  ensuite  le  squelette  enseveli  dans  un  sable  étran- 
ger au  terrain  et  qui  avait  été  apporté  là  pour  cet  usage  ;  la  couche 
était  de  0  m.  50  cent,  d'épaisseur  ;  le  cadavre  avait  été  déposé  sur  un 
Ut  de  plâtre  frais,  d'un  grain  assez  Qn  et  d'un  beau  blanc.  Je  dis  que 
le  plâtre  gâché  était  frais  lorsque  l'individu  fut  déposé  dessus  parce 
que  la  tête,  inclinée  du  côté  droit  avait  marqué  son  empreinte,  parce 
que  les  épaules  avaient  également  formé  un  creux  et,  enfin,  parce  que 
le  poids  des  cuisses  et  des  jambes  avait  fait  refluer  le  plâtre  entre 
elles. 

Dans  cette  tombe  il  n'y  avait  que  des  objets  en  fer  :  une  rondelle 
large  de  deux  centimètres  et  demi  et  qui  avait  dû  être  attachée  au  cou 
en  guise  d'ornement,  elle  se  trouvait  en  haut  du  sternum  ;  quelques 
fragments  de  poterie  noire,  rougeâtre  ou  grise,  dispersés  dans  le  sable 
et  ne  formant  pas  un  tout  complet.  Un  fragment  de  bois  bien  conservé 
et  que  l'on  croirait  être  un  bout  de  latte  se  trouvait  sous  le  talon  gau- 
che du  sujet  ;  je  ne  sais  quelle  en  avait  été  la  destination  :  le  corps  se 
trouvant  fort  incliné  de  haut  en  bas,  je  serais  porté  à  croire  que  ce  mor- 
ceau de  bois  avait  été  mis  là  pour  servir  en  quelque  sorte  de  calle  et 
pour  empêcher  le  corps  de  glisser,  attendu  que  la  fosse  se  prolongeait 
de  0  m.  20  cent,  jdus  loin,  si  sa  petite  dimension  et  le  peu  d'utilité 
que  cela  eut  eu  ne  me  faisait  rejeter  cette  idée.  En  tous  cas,  il  est  cer- 
tain qu'il  n'est  pas  venu  là  accidentellement  puistiu'il  se  trouvait  en- 
gagé sous  le  calcaneum.  Je  recueillis  un  objet  en  fer  tellement  oxidé 
et  chargé  d'un  conglomérat  de  grève  que  je  ne  puis  le  déterminer. 

Le  sujet  était  déjà  vieux,  ses  molaires  sont  usées  jusqu'au  collet  ;  je 
n'ai  pas  retrouvé  d'incision.  Le  crâne  offre  un  indice  de  niycrocéphalio 
prononcée. 

La  troisième  sépulture  était  encore  toute  différente  des  deux  pre- 
mières :  point  de  dalle,  point  de  cercueil,  point  de  lit  de  plâtre,  point 
de  sable.  Le  cadavre  avait  été  étendu  sur  le  ventre,  les  bras  allongés 
le  long  du  corps,  dans  la  couche  de  terre  argileuse  qui  forme  le  sol 
à  cet  endroit.  Je  trouvai  la  moitié  d'un  fer  de  lame  en  fer  et  l'extré- 
mité d'une  framéc,  en  fer  également  ;  deux  autres  objets  qu'il  me  fut 
iinjjossiblo  de  déterminer  à  cause  de  leur  état  d'oxydation  ;  enfin,  une 
boucle  de  ceinturon  en  bronze,  d'une  fort  belle  patine  et  gravée  do  jolis 


318  CHEONIQUE 

dessins,  malheureusement  elle  n'est  pas  entière,  l'extrémité  inférieure 
manque  et  je  n'ai  pu  la  retrouver. 

Cet  individu  était  d'un  type  absolument  différent  de  celui  des  deux 
])remiors.  Il  mesurait  1  m.  95  cent.  Son  crâne,  fort  épais,  offrait  des 
arcades  sourcillères  extrêmement  prononcées,  les  apophyses  zygoma- 
tiques  très  proéminentes,  et,  cependant,  il  était  franchement  brachycé- 
phale.  Le  maxillaire  inférieur,  ainsi  qu'une  grande  partie  de  la  face 
manquait  malheureusement  par  cause  de  décomposition.     , 

En  tous  cas,  ces  trois  individus,  s'ils  n'étaient  pas  de  même  natio- 
nalité, ont  bien  été  inhumés  par  un  même  peuple,  tout  le  prouve  ; 
l'orientation  est  la  même,  la  face  tournée  vers  l'orient  ;  les  trois  tom- 
bes sont  sur  une  même  ligne,  à  la   même   distance    l'une  de   l'autre  -. 

I  m.  50  cent.  ;  à  la  même  profondeur,  0  m.  55  cent.  Il  faut  dire  à  ce 
sujet,  qu'il  y  a  quelques  années,  ce  terrain  a  été  recreusé  car  le  mur 
qui  borne  cette  cour  se  trouve  actuellement  posé  sur  le  sol  et  la  trace 
des  fondements  remonte  à  un  mètre  au-dessus  de  la  surface  actuelle. 
Au  reste,  cet  emplacement  se  trouvant  là  oîi  étaient  jadis  les  fortifica- 
tions de  la  ville  de  Dormans,  le  terrain  a  été  évidemment  exhaussé  et 
abaissé  plus  d'une  fois  ;  on  ne  peut  donc  pas  juger  de  la  profondeur 
primitive  à  laquelle  se  trouvaient  ces  tombes,  tout  ce  que  l'on  peut 
dire,  c'est  que  toutes  trois  sont  au  même  niveau. 

Je  me  suis  fait  indiquer  l'endroit  où  il  en  avait  déjà  été  trouvé  lors 
des  travaux  du  chemin  de  fer,  il  continue  parfaitement  la  ligne  indi. 
quéc  par  ces  trois  sépultures.  Evidemment  il  y  a  là  tout  un  cimetière 
mais  qui,  malheureusement  se  trouve  presque  partout  sous  des  cons- 
tructions. P.    ROYER. 

• 

Notes  sur  l\  paroisse  de  Fromentiéues  (Marne).  —  M.  Bourgeois 
a  relevé  dans  les  registres  paroissiaux  de  cette  commune  du  canton  de 
Montmirail,  quelques  détails  curieux,  qui  prouvent  une  fois  de  plus 
l'intérêt  qu'il  y  aurait  à  dépouiller  ces  sources  encore  si  peu  explorées. 

II  y  a  d'abord  relevé  quelques  seigneurs  du  lieu  qui  y  figurent  comme 
panneau  .-  1700.  Charlotte  des  Dets,  femme  de  M.  Daniel  de  Cormier 
de  la  Haye,  seigneur  de  Fromentières,  capitaine  de  cavalerie,  veuve 
avant  1706,  qu'elle  figure  de  nouveau  comme  marraine  avec  M.  Fer- 
rand,  écuycr,  lieutenant-colonel  de  la  Milice  de  Paris,  seigneur  des 
iîouleaux  ;  —  1715;  Jean  du  Rud,  chevalier,  époux  de  Elisabeth  de 
Cormier  de  la  Haye  ;  —  puis  ces  autres  personnages  :  1G7G,  Jacques 
Evrard,  chirurgien  audit  lieu  ;  —  1679,  Antoine  du  Bouchers,  écuycr, 
seigneur  de  Perceval  ;  Alexandre  de  Villiers,  écuyer,  seigneur  de  St- 
Paul  ;  —  3  juillet  1698,  mort  de  Jean,  fils  de  Antoine  du  Chesne,  ca- 
pitaine d'infanterie,  et  de  Madeleine  de  Villelongue,  né  à  la  Chapelle- 
sous-Orbais,  le  21  juin  précèdent. 

Puis  les  mentions  suivantes  très  curieuses  à  noter  : 
«  Le  9"=  jour  de  juin  l'an  1695  a  esté  baptisé  par  moi,    soubsignc, 
prèiTQ,  curé  de  l'église  de   Sainte-Marie-Magdelaine  de  Fromentières, 
un  enfant  masle  né  et  venu  au   monde  le  28*  jour  de  l'année  1695, 


CHROMQUE  3  1 9 

d'une  coureuse  qui  se  disoit  la  femme  d'un  ajjpellé  M.  des  Aistres,  of- 
ficier soi-disant  dans  l'armée  de  M.  le  mareschal  de  Lorges,  pour  le 
roy  en  Flandres.  Ledict  enfant  fut  nommé  Pierre,  son  parrain  a 
esté  Claude  Mauroy,  recteur  des  écoles  dans  ladite  paroisse,  et  sa 
marraine  a  esté  Louise  Lemercier.  —  Bussenestre.  » 

«  L'an  de  grâce  1715,  le  6  de  janvier,  dimanche  l'our  de  l'Epipha- 
nie, le  jour  de  la  publication  de  la  paix  générale  entre  le  roy  de  France 
et  les  princes  ses  voisins,  après  l'illumination  du  feu  de  joye  allumé 
par  les  curé,  seigneur,  syndic  et  tous  les  habitans  de  Fromentières,  a 
esté  baptisé  en  l'église,  Jean,  né  du  mariage  de  Alexandre  Trouillard, 
maître  syndic,  laboureur  et  marguillier  de  ladite  paroisse  et  Madeleinc- 
Le  Clerc.  Son  parraina  esté  messire  Jean  duRud,  chevalier,  seigneur 
de  Fromentières  ;  sa  marraine,  dame  Elisabeth  Cormier,  son  épouse.  » 

M.  Bourgeois  a  relevé  ensuite  une  autre  mention  : 

«  Le  22  juillet  1695,  Jacques  Evrard,  dit  la  Garde-le-Père,  a  mis  à 
prix  le  baston  érigé  à  l'honneur  de  la  glorieuse  Sainte-Marie-Made- 
leine à  condition  de  le  représenter  le  mesme  jour  de  l'année  suivante, 
1G9G,  et  de  payer  au  profit  de  la  fabrique  la  somme  de  lOO  livres  à 
5  sols  par  livre  qui  valent  25  livres  à  l'issue  des  vespres  en  présence 
des  principaux  habitans.   » 

Cette  cérémonie  se  pratique  actuellement  aux  mêmes  conditions  0,25 
par  franc.  Le  bâton  est  adjugé  ajjrès  les  vêpres  de  la  Madeleine  en 
présence  du  maire  et  des  marguillers,  devant  la  porte  de  l'église.  Aus- 
sitôt après  le  clergé  conduit  le  bâton  en  procession  chez  l'adjudica- 
taire où  il  est  conservé  jusqu'à  l'année  suivante.  Ce  jûur-là,  à  l'heure  de 
la  messe,  les  cloches  sonnent  en  volées,  les  jeunes  filles  en  blanc  sor- 
tent de  l'église  en  chantant,  bannière  en  tête,  et  vont  chercher  le  bâ- 
ton qui  est  surmonté  d'une  statuette  en  bois  do  la  sainte:  la  jeune 
fille  qui  en  est  détentrice  attend  sur  sa  porte  et  le  vient  déposer  à  l'é- 
glise :  quatre  jeunes  lilles  se  chargent  d'un  plateau  couvert  de  gâteaux 
préparés  dans  la  maison  et  ramenés  également  à  l'église.  On  prétend 
que  la  dépositrice  se  marie  toujours  dans  l'année. 

((  Le  6=  de  juin  1715  a  été  placé  sur  le  grand  autel  de  Fromentière,  la 
représentation  du  mystère  de  la  naissance  et  de  la  passion  do  notre 
Seigneur  Jésus-Christ,  après  avoir  élé  achcpté  à  Chaalons  par  les 
curé,  syndic,  marguillers  et  autres  notables  de  la  paroisse,  la  somme 
de  12  pistollcs  qu'ils  ont  donné  volontairement  pour  la  gloire  du  sei- 
gneur. —  M.  Laguille,  curé,  «  Il  s'agit  là  du  magnifique  rétable  de 
Fromentières.  » 

Aux  archives  de  la  commune  existe  la  charte  originale  de  la  ces- 
sion, faite  le  28  mai  148.3,  par  Jean  de  Hélhune,  seigneur  de  Baye  et 
Marcuil,  des  usages  de  Fromentières  aux  habitants  do  ce  village,  acte 
dressé  par  Guillaume  Le  liailly,  curé  do  Condé  en  Brie,  garde  des 
sceaux  de  la  baronnie  de  Baye,  devant  Florent  cl  Jasnaux,  notaires  à 
Baye,  en  présence  du  seigneur  qui,  »  de  son  bon  gré,  sans  contrainte  » 


320  CHRONIQUE 

céda  à  cens  auxdits  habitants  à  perpétuité,  300  arpents  de  bois  sis 
entre  Fromentières,  Bièvre  et  la  Chapelle-sous-Urbais,  aux  mêmes  con- 
ditions que  les  gens  de  Villevenard  et  de  Beaunay  jouissant  de  pareils 
bois  ;  le  cens  annuel  fixé  à  deux  sols,  payables  le  I^""  janvier,  par  mé- 
nage, et  12  deniers  par  veufs  et  veuves. 

M.  Patenostrc,  llls  d'un  notaire  de  Baye  (Marne),  vient  d'être  nommé 
ministre  plénipotentiaire  à  Pélcin.  Il  occupait  le  poste  de  Suède,  il  est 
un  de  nos  jeunes  agents  diplomatiques  qui  jouit  à  juste  titre  d'une 
sérieuse  réputation. 

* 

Des  travaux  importants  viennent  d'être  exécutés  à  l'église  Saint- 
Jacques,  de  Reims.  Le  maître  autel  a  été  remis  à  sa  place  de  façon  à 
permettre  désormais  aux  processions  de  faire  le  tour  de  l'église.  La 
table  est  supportée  par  deux  colonnes  de  marbre  assises  sur  des  socles 
en  pierre.  Le  fond  de  l'autel  est  en  carreaux  émaillés  et  représente  le 
Christ  au  tombeau.  Le  chœur  a  été  réparé. 

* 

*    * 

Mariage  de  M.  le  comte  des  Réaulx,  de  Goclois,  sous-lieutenant  de 
hussards,  avec  Mlle  de  Monicault,  fille  d'un  ministre  plénipotea- 
liaire. 

La  famille  des  Réaulx  est  l'une  des  plus  considérables  de  la  Cham- 
pagne ;  elle  est  originaire  du  Nivernais  et  y  tire  son  nom  d'une  terre 
des  Ruyaulx  qu'elle  possédait  dès  1040,  près  de  Saint-Pierre-le-Mou- 
tier.  Vers  1534,  la  branche  cadette  devenue  ainée  passa  en  Brie  par 
le  mariage  de  Nicolas,  —  frère  de  Jean,  chevalier  de  Malte,  —  avec 
Jeanne  Clyon,  dame  du  Petit-Bricon,  près  Provins.  Constantin,  son 
fils  aîné,  fut  nommé  gouverneur  de  Pont-sur-Seine,  en  1617.  Son  fils, 
Gabriel,  maître  d'hôtel  du  roi  et  maître  de  camp  se  fixa  en  Champa- 
gne et  épousa  Guillemette  de  Marolles,  fille  du  seigneur  de  Frampas  et 
de  Goclois,  terres  données  en  dot  à  celle-ci.  Depuis,  la  famille  n'a  plus 
quitté  ce  château,  possédant  en  outre  Avant,  Ortillon,  Brantigny, 
Grisy,  Athis,  Chaudonner,  Nogent-sur-Aube,  etc.  André,  leur  fils  fut 
nommé  maréchal  de  camp  en  1652  et  épousa  une  demoiselle  de  Ro- 
chereau,  de  la  noblesse  du  Perthois  ;  une  de  leurs  filles  se  maria  avec 
le  comte  de  Joyeuse-Grand-Pré.  —  Goclois  fut  érigé  en  marquisat 
en  1090.  Ajoutons  que  Aimery  des  Réaulx  portait  l'étendard  du  Grand 
Maître  Villers  de  l'Isle-d'Adam  au  siège  de  Rhodes  en  1522.  —  Ar- 
mes :  d'or  au  lion  monstrueux  de  sable,  à  face  de  carnation,  chevelée 
et  barbée  de  sable. 

Le  Secrétaire  Gérant, 

LÉON  Fbéuo.Vï'. 


NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE 

(MARNE) 


Les  textes  anciens  écrivent  de  dilTérenles  manières,  le  nom 
de  Monlmorl.  Ou  y  trouve,  en  oH'el,  Moiitmort,  Montmo7\ 
Mimmor,  Monmor,  Montmaur  *.  Les  variations  ne  sont  pas 
toujours  motivées,  mais  très  souvent  arbitraires. 

La  Seigneurie  de  Monlmorl  tenait  sous  sa  dépendance,  les 
villages  et  paroisse  de  Lucy,  La  Laure,  les  hameaux  de  Pigny, 


I .  Lu  généalogie  des  premiers  seigneurs  de  Moulinort  u"a  pas  encore  été 
établie,  et  je  crois  que  pour  la  coiistiluer,  il  y  aura  lieu  de  s'occuper  ou 
même  temps  de  celle  des  seigneurs  de  Pleurre  ;  on  n"a  pas  non  plus  clierclié 
jusqu'à  ce  jour,  à  déterminer  comment  la  seigneurie  de  Monlmort  était  passée 
dans  dillérontes  familles  avant  d'arriver  aux  Ilangert.  Un  jour  nous  eesaie- 
rons,  peut-être,  d'éclairer  cette  j)artio  de  l'histoire  féodale  de  la  Cliampagne, 

Le  travail  que  nous  publions  aujourd'hui  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une  collec- 
tion de  notes  recueillies  par  nous  dans  des  archives  particulières  ;  nous  dési- 
rons vivement,  qu'après  en  avoir  ])ris  connaissance,  nos  lecteurs  aient  l'ubli- 
geaoce  de  nous  communiquer  les  documents  qui  ])ourraicnt  nous  aider  dane 
notre  travail. 

"i.  A.  Longnon.  Livre  des  vassaux,  p.  398. 

21 


3â2  NOTES    SUR     I.E    CHATEAU    DE    MONTMORT 

des  Rouleaux,  des  hauls  et  bas  Olivels,   la  haute  et  basse 
Chaudrerue,  Mardelles,  le  Ménil  pour  les  trois  quarts  ^ 

MoDtmorl  ue  possédait  pas  seulement  un  antique  château, 
il  y  avait  en  outre  dans  le  villag-e,  un  prieuré  dépendant  do 
l'ordre  de  Cluny.  L'abbaye  de  la  Charité-sur-Loire  nommait 
le  prieur  de  Monlmort.  Les  religieux  de  Cluny  avaient  un 
couvent  à  Moularmé.  On  remarquait  encore  dans  les  derniers 
temps  des  traces  de  ce  couvent,  sur  le  ruisseau  formé  par  les 
fontaines  et  l'étang  Claudin.  L'époque  de  la  destruction  de  ce 
prieuré  n'est  pas  connue.  Il  y  a  lieu  de  supposer  que  les  reli- 
gieux se  retirant  à  Montmort,  après  sa  destruction  y  bâtirent 
le  prieuré  dont  l'église  subsiste  encore  aujourd'hui  '. 

1042.  Germond  de  Montmort  est  témoin  dans  un  charte  de 
Thibaut  I  et  d'Etienne,  comtes  de  Champagne.  Germond  de 
Montmort  parait  avoir  été  un  des  vassaux  des  comtes  de  Cham- 
pagne, mais  il  n'est  pas  bien  établi  pour  quel  fief  il  faisait 
hommage  '. 

Les  diplômes  anciens,  signalent  un  nombre  considérable  de 
personnages  se  groupant  autour  d'Etienne,  d'Henri,  d'Adèle 
et  de  Thibaut,  probablement  en  qualité  de  vassaux.  Parm 
eux  nous  voyons  Albert  ou  Aubert  de  Montmort,  cité  dans  une 
charte  de  l'an  1102  '. 

L'historien  des  comtes  de  Champagne  dit  :  quant  aux  fiefs 
qui  relevaient  du  comte  de  Champagne,  ou  en  comptait  2,030 
vers  1152.  Parmi  ces  fiefs  on  trouvait  dans  la  Marne  la  sei- 
gneurie de  Montmort  \ 

Dans  une  charte  de  1131,  qui  paraît  êlre  relative  à  la  fonda- 
tion de  l'abbaye  d'Andecy,  au  nombre  des  bienfaiteurs  cités  : 
nous  voyons  Hugues,  seigneur  de  Monlmort.  En  effet,  il  est 
dit  :  «  Nobilis  autem  [rex]  "  Hugo  Dominus  Mauri  Monlis, 
laude  et  assensu  Letilie  uxoris  sue,  et  filiarum  suarum  Hele- 
widis  et  Isabellis,  tradidit  et  concessit  quiquid  habebal  apud 
Bayara.  « 


1 .  Archives  du  châloau  de  Montmort. 

2.  Archives  du  château  de  Montmort. 

3.  D'Arboitf  de  Jubaiaville.  Histoire  des  comtes   de  Cbampogue,   t.   II, 
p.  40. 

4.  D'Arbois  de  Jubainville.   Histoire  des   comtes  de  Champagne,    t.  II, 
p,  283. 

5.  D'Arbois  do  Jubainville,  t.  II,  p.  425. 

6.  Rcx  doit  être  une  erreur  de  copiste  ? 


NOTES   SUR  LE    CHATEAU   DE   MONTMORT  323 

Eq  1170  la  meution  suivante  a  été  relevée  : 

«  Ce  sunt  li  Fié  de  la  Chastelerie  de  Vertu  ^rôle  d'Heuri  I"% 
vers  1170.  2°  partie.) 

«  Pierre  de  Monmor,  liges  empres  li    viscueus  de  Saint- 
Florentin.  Deu  fié  Hue  de  Plaierre  '.  »> 

Vers  la  même  époque  un  feudataire  de  Vertus  est  ainsi 
mentionné  : 

«  Ce  sont  li  Fié  de  la  Chastelerie  de  Vertus  (rôle  d'Heuri  I*^' . 
vers  1170.) 

1  Erlans  de  Munmor;  II  mois  de  garde  et  X  muids  de  vin  à 
Vertuz  et  terre  à  Pontanci  '  et  à  Rufi  '.  » 

Sous  un  pareil  titre  et  à  la  même  époque  on  lit  : 

«  Erlans  de  Vertus,  liges  sauve  la  fcauté  li  sires  de  Mout- 
mor  '.  » 

Le  seigneur  de  Montmor  possédait  des  fiefs  qui  étaient  com- 
pris en  dehors  de  Vertus.  Nous  lisons  eu  effet  : 

«  Ce  sont  li  Fié  de  la  Chastelerie  de  Fimes  et  de  Chastelon. 

a  Première  partie.  (Rôle  d'Henri  P',  vers  1172.) 

«  Guis  (Gui)  de  Montmor,  liges.  Li  Fiez  est  de  la  gruerie 
de  Waisi  °  et  plusors  autres  choses  '.  » 

Vers  la  môme  époque  il  relevait  aussi  de  Sézanne  pour  une 
partie.  On  voit  en  effet  : 

«  Ce  sont  li  Fié  de  la  Chastelerie  de  Sezeune  ', 

«   1'''^  Partie.  (Rôle  d'Henri  l"',  vers  1172.) 

«  Guis  de  Montmor  ".  » 

La  Seigneurie  de  Moutmort  proprement  dite  relevait  de 
Vertus'.  Elle  avait  droit  de  haute  moyenne  et  basse  justice. 
Elle  était  régie  par  la  coutume  de  Vitry -le- François. 

Au  milieu  du  xii«  siècle,  Hugues,  seigneur  de  Montmorl 
détenait  Mareuil  en  Brie  ".  Toutefois  l'importance  de  ce  fief 
n'apparait  que  vers  le  xiii«  siècle. 


i.   Longuon.  Livre  des  vassaux  de  Chuuip.  et  de  Brio,  ]>.  203. 

2.  Pocanci. 

3.  LoDgnou.  Livre  des  vussuux,  [>.  l'JT. 

4.  LocociUito,  p.  202, 
').  Foiêl  de  Vussy. 

0,  Lougnon.  Livre  des  vassaux,  p.  97. 

7,  Sézanne. 

8.  Longnon.  Livre  des  vassaux,  p.  19'(. 
',).   Coutume  do  Viliy.  1722.  p.  023. 

10.   Gallia  Clirislianu,  t.  X. 


324  NOTES    SUR    LE   CHATEAU    DE    MONTMOUT 

Lelierde  Monlmort,  chevalier  est  mentiomié  eu  1192,  selou 
des  chartes  de  l'abbaye  de  la  Charmoye  '. 

En  1214,  Pierre  de  Monmor  conclut  de  concert  avec  Gilles 
de  Rouffy  et  Girard  de  Vertus,  une  transaction  avec  le  prieur 
de  Rouffy  *. 

Tin  personnage  d'une  grande  célébrité  a  été  l'objet  de  diver- 
ses mentions  dans  les  temps  où  nous  sommes  arrivés.  Il  se 
rattache  à  l'histoire  de  Montmort,  par  son  mariage.  C'est  ainsi 
qu'il  est  signalé  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville  :  «  Eustache 
de  Gonflans,  sire  de  Pleurs.  11  était  fils  de  Hugues  de  Conflaus. 
11  est  témoin  d'une  charte  d'Henri  P',  comte  de  Champagne  eu 
mVJ.  En  1201  il  accompagna  Gauthier  III,  comte  de  Crienne 
cà  la  conquête  de  Naples.  11  prit  part  à  la  IV^'  croisade  où  il 
délivra  2,000  chrétiens  prisonniers  des  Bulgares  et  mourut  en 
1207.  11  avait  épousé  Marie,  dame  de  Pleurs,  Montmort  et 
Oger  et  eu  eut  un  fils  nommé  aussi  Eustache  et  trois  filles, 
Marie,  Catherine  et  Elisabeth.  En  1218,  les  abbayes  d'Andecy 
et  Notre  Dame  de  Vertus  étaient  en  contestation,  au  sujet  d'un 
legs  de  ce  seigneur  et  ils  choisirent  pour  arbitre  la  comtesse 
Blanche  \ 

D'autres  détails  sur  le  même  personnage  sont  présentés  de 
la  manière  suivante  :  «  Eustache,  seigneur  de  Conflaus,  d'Eto- 
ges  et  de  Mareuil,  chevalier,  se  trouve  qualifié  de  cousin  de 
Geoffroy  V"  du  nom,  sire  de  Joinville  dans  un  acte  de  ce  dernier 
de  1200,  qui  se  trouve  dans  le  cartulaire  de  Champagne.  Il  par- 
ticipe eu  1224  au  règlement  que  fit  Thibaut,  comte  de  Cham- 
pagne, avec  ses  barons  pour  le  partage  des  enfants  mâles.  Il 
avait  épousé  avant  1200,  Marie  dite  dame  Playotre*,  de  Mont- 
mort et  d'Auger,  fille  d'Hugues,  seigneur  des  mêmes  lieux. 
Elle  se  quahfie  de  veuve  d'Eustache  de  Gonflans  dans  le  don 
qu'elle  fit  en  1220,  aux  religieux  de  la  Charmoye,  de  40setiers 
de  seigle  qu'elle  avait  acquis  à  Gonflans  et  de  20  seliers  de  fro- 
ment et  d'avoine  sur  la  Chàtellerie  de  Montmort".   » 

1200.  —  Vers  cette  épo({ue  le  registre  des  hommages  faits 
cà  Thibaut  V,  comte  de  Champagne  contiennent  la  mention  qui 


1.  Diocèse  ancien  (le  Châlous  âur-Maruc  i)ur  Ed.  de  Barthélémy.  2°  par- 
tie, page  323. 

2.  Longnon.  Livre  des  vassaux,  )).  .308 

3.  D'Arbois  de  Jubainville.   Histoire   des   coiules  Chuinpagiics,   l.    VII, 
p.  202. 

4.  Pleurd. 

5.  La  Chesnaye  Desbois.  Dictionnaire  du  ia  Noblcàse. 


à 


NOTES  SUR  LE   CHATEAU    DE   MONTMORT  325 

suit  :  Dominus  Castri  Villaniesthomo  ligius  Domini  Campagnie 
do  Castro  Villani  cum  perlineotiis  hiis  que  dicent  votera  scripta. 
Item  ad  aliud  feodum  de  Castro  Plaiostri  et  de  foro  de  Mont- 
mor. 

D'autres  renseignements  signalent,  h  des  dates  qui  se  rap- 
prochent des  précédentes  indications,  Guy,  chevalier  do  Mont- 
mort,  \2\li  à  1223;  Simon  Mater,  chevalier  de  Montmort,  en 
1250;  Anselme,  chevalier  de  Montmort,  fils  de  PctronîUe, 
1262  ;  et  enfin,  en  1292,  Payen,  seigneur  de  Montmort. 

1296.  —  Les  seigneurs  de  Montmort  avaient  anciennement 
le  droit  de  prendre  dans  les  forêts  d'Igny,  le  Jard  et  de  Vassy, 
quarante  cordes  de  hois  pour  leur  chauffage  et  le  bois  dont  ils 
avaient  besoin  pour  bâtir  et  réparer  leur  château  et  en  outre, 
de  chasser  et  de  faire  paître  leurs  bestiaux  dans  lesdites  forêts. 
Tous  ces  droits  leur  avaient  été  accordés  en  1296,  par  Gaucher 
de  Châtillon,  connétable  de  Champagne  et  de  dame  Isabeau  de 
Dreux  sa  femme,  confirmés  par  lettres  patentes  de  Philippe, 
roi  de  France  du  28  janvier  1333.  Tous  ces  anciens  titres  sont 
perdus,  mais  on  voit  qu'ils  ont  existé  par  l'ordonnance  du 
2  avril  1643,  de  M.  de  Ligny,  grand  maître  des  eaux  et  forêts 
de  France,  auquel  ils  ont  été  représentés  \ 

La  famille  des  Noyers  possédait  la  terre  de  Montmor.  Nous 
voyons,  en  effet,  que  Jean  d'Angenicourt  fit,  en  1361,  hom- 
mage au  comte  do  Vertus  pour  son  châtel  qu'il  tenait  de  .sa 
femme.  Il  est  probable  que  la  seigneurie  passa  en  1389  entre 
les  mains  de  Jeanne  de  Noyers  sœur  vraisemblablement  do 
Scbille  et  fille  de  Milon,  seigneur  de  Noyers  et  de  Vandeuvre, 
grand  bouteiller,  puis  maréchal  de  France,  qui  porta  l'oriflam- 
me à  la  bataille  do  Montcassel  et  mourut  en  1350  ;  cette  famille 
des  Noyers  était  une  des  plus  grandes  maisons  de  Bourgogne, 
alliée  aux  Brienne,  aux  Courtenay,  aux  Ghastillon  et  qui 
donna  le  jour  aux  sires  de  Joigny,  de  Rimaucourt  et  de  Mont- 
cornet  *. 

Le  15  avril  1369,  il  est  stipulé  que  le  droit  de  marché  do 
Montmort,  et  les  rouages  dudit  lieu  peuvent  valoir  environ  25 
sous  tournoi,  l'abbesse  d'Audecy ',  prend  les  tiers  de  celle 
somme. 


1.  Archives  du  château  do  Montmort. 

2.  Diocèse  ancien    de  Chi1lons-sui'-Marae,   par  Kd.   d.j    Ijartliélemv.  2" 
partie,  histoire  féodale,  p.ige  \iî'.i. 

3.  Ancienne  aLijsyc  située  à  Uayc-Marnc. 


32G  NOTES    SUR  LE    CHATEAU    DE    MONTMORT 

Trois  fois  par  an  à  Noël,  Pâques  et  la  Pentecôte  l'abbesse  a 
son  tiers  et  le  profit  des  bancs  du  marché  de  la  Pentecôte  '. 

\'i']S.  —  Echange  entre  noble  homme  Messire  Jean  de  Saux, 
chevalier,  seigneur  de  Cernon  et  de  Bussy-le-Chàlel,  et  Eus- 
lache  de  Sommesous,  écuyer,  et  demoiselle  Guillemelte  de 
Vouzy,  sa  femme,  par  lequel  échange  ledit  seigneur  de  Cer- 
non a  donné  audit  de  Sommesous  et  sa  femme,  la  totalité  de 
la  terre  et  seigneurie  de  Vouzy,  tenu  en  fief  par  M.  le  comte 
de  Vertus  et  partie  du  seigneur  Montmort  '. 

1389,  —  Ancienne  déclaration  non  signée  de  la  terre  et 
baron  nie  de  Pleurs,  mouvante  du  Roi  à  cause  de  la  Tour  de 
Sézannc.  où  est  le  dénombrement  des  terres,  fiefs  et  seigneu- 
ries qui  sont  mouvants  de  ladite  baronnie.  Montmort  est  cité 
parmi  les  fiefs  et  seigneuries. 

Aveu  et  dénombrement  du  1"'"  mars  1389,  rendu  par  dame 
Jeanne  de  Noyers,  dame  de  Montmort,  au  baron  de  Pleurs 
pour  les  deux  tiers  de  la  seigneurie  de  Montmort. 

Ce  dénombrement  établit  donc  d'une  manière  évidente  que 
la  dame  de  Noyers  possédait  Montmort  en  138y.  Le  même  acte 
déclare  qu'alors  le  château  avec  la  cour  et  le  jardin  qui  conte- 
naient environ  sept  arpens,  étaient  en  ruine  et  en  friche  par 
suite  de  la  fortune  des  guerres  \  Un  autre  titre  de  1 402  établit 
qu"à  cette  date  la  situation  était  encore  la  même. 

1394.  —  Aveu  et  dénombrement  rendu  par  Milet  de  B'orges, 
écuyer,  seigneur  de  Vôuzy  en  partie  à  messire  Mathieu  de 
Hangest,  seigneur  de  Montmort  de  la  partie  de  ladite  seigneu- 
rie qui  relève  de  Montmort  '. 

La  famille  d'Hangest  qui  apparaît  alors,  comme  possédant 
la  seigneurie  de  Montmort,  est  une  ancienne  maison  de  Picar- 
die, féconde  en  grands  hommes  ;  une  des  plus  anciennes  et  des 
plus  illustres  de  France,  connue  dans  le  xii°  siècle  elle  adonné 
un  maréchal  de  France,  un  grand  échanson,  deux  grands 
maîtres  des  arbalétriers,  deux  évoques  de  Noyon,  etc'... 

Du  It)  avril  1396.  Aveu  et  dénombrement  rendus  par  Mathieu 
de  Hangest,  seigneur  de  Montmort,  à  monsieur  de  Pleurs  à 
cause  de  son  château  et  châtellerie  de  Pleurs. 


1 .  Archives  du  château  do  Montmort. 

2.  Idem. 

3.  Archives  du  chitteau  de  Monimorl. 

4.  Idem, 

5.  La  Chesnaye- Desbois.  Dictionnaire  de  lu  Noblesse. 


NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT        327 

Du  15  avril  1396.  Extrait  d'un  aveu  et  dénombrement  donné 
par  messire  Mathieu  de  Haugest,  chevalier,  seigneur  de  Mont- 
mort,  à  noble  homme  et  puissant  seigneur  M.  de  Pleurs,  à 
cause  de  son  château  et  chcâtellcnie  dudit  Pleurs. 

Suivant  Taveu  et  dénombrement  rendu  à  M.  de  Pleurs,  le 
16  avril  1396  par  Mathieu  de  Hangest,  chevalier,  seigneur  de 
Genly,  de  Maigny  et  Montmort-en-Brie,  le  château  était  alors 
en  ruine.  A  compter  de  cette  époque  jusqu'à  1486,  les  archives 
n'indiquent  plus  la  suite  des  seigneurs,  néanmoins  la  propriété 
seigneuriale  n'était  point  sortie  de  la  famille  de  Mathieu 
d'Hangest. 

1486.  —  Jean  de  Hangest,  chevalier,  seigneur  de  Genly, 
Maigny,  Montmort,  Verdelot,  La  Veuve,  Euvy,  Breuvry,  Recy, 
Saint-Marlin  de  Vine^^,  conseiller,  chambellan  du  Roi,  son 
bailli  et  capitaine  d'Evreux,  suivant  an  papier  des  cens,  rentes, 
et  du  revenu  de  la  terre  de  Montmort,  du  2  avril  1480,  et  un 
compte  rendu  audit  Jean  de  Hangest  le  l*""  octobre  1488  par 
Ballhazard  Bethe,  son  procureur  et  receveur.  Dans  ce  temps 
là,  quoique  le  château  fût  eu  ruines,  il  y  avait  une  chapelle 
à  la  nomination  du  seigneur  et  fondée  de  trois  messes  par 
semaine  et  duquel  château  relevait  un  ficf  à  Vouzy  tenu  par 
Yves  Pericart,  un  autre  fief  audit  Vouzy  tenu  par  Mar- 
guerite de  Mariçy,  femme  de  feu  maître  Jean  Aubelin,  un 
fief  à  Breuvery  tenu  par  la  fille  d'un  nommé  Versailles,  un 
autre  fief  tenu  par  Yves  du  Vivier,  un  fief  à  Vendières  sous 
Châtillon-sur-Marne  qui  contient  la  moitié  des  dimes  tenu  par 
la  cure  dudit  lieu,  et  un  autre  fief  à  Vouzy  que  tenait  Joseph 
Sarazin  ^ 

22  Juillet  1490.  —  Main  levée  de  la  saisie  de  la  terre  de 
Montmort,  donnée  par  monseigneur  François  de  Bretagne, 
comte  de  Vertus,  à  messire  Louis  de  Hangest  seigneur  dudit 
Montmort. 

D'un  compte  à  Marie  d'Amboise,  dame  de  (ienly,  veuve  du- 
dit Jean  de  Hangest  et  à  Louis  de  Hangest  son  fils,  rendu  par 
Balthazard  Bethe,  il  réôulle  que  le  cliâteau  était  tcujours  en 
ruines  en  1491  et  qu'alors  il  y  avait  des  forges  à  Montmort  et 
à  Boullemouche  ainsi  qu'un  étang  près  la  grange  Laurent. 

1494.  —  Louis  de  Hangest  alors  seul  .seigneur  de  Montmort 
de  Verdelot,  la  Veuve,  Euvy,  Breuvry  et  Recy.  On  voit  par  le 


1 .  Archives  du  château  de  Montmort. 


328        NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT 

compte  qui  lui  a  été  rendu  en  1 40ii  qu'il  y  avait  une  tuilerie  à 
Lucy  et  que  le  château  était  toujours  en  ruines  \ 

Par  un  compte  rendu  en  1 502  à  Louis  de  Hangest  par  Bal- 
thazard  Bethe,  son  receveur,  il  est  établi,  que  la  halle  de 
Montmort  fût  construite  à  cette  époque  par  messire  Louis  de 
Hangesl,  seigneur  de  Montmort. 

Il  y  avait  aussi  beaucoup  de  maisons  le  long  de  la  rue  St- 
Pierre,  ces  maisons  et  les  jardins  adjacents  ont  été  achetés  dans 
la  suite  pour  être  réunis  au  terrain  environnant  le  château. 

Extrait  du  papier  terrier  fait  eu  1 502  de  la  terre  et  seigneurie 
de  Corribert  appartenant  aux  religieux]de  l'abbaye  de  Val  Se- 
cret, diocèse  de  Soissons,  où  l'on  voit  les  droits  dus  à  cette 
abbaye  par  les  détenteurs  des  héritages  de  Corribert. 

«  Néanmoins  est  à  noter  touchant  les  plaids  généraux,  que 
«  comme  ainsi  soit  que  la  justice  de  Corribert  ait  été  éclipsée 
«  de  celle  de  Montmort,  le  juge  dudit  Montmort  le  va  tenir 
a  tous  les  ans,  au  moyen  de  quoi  il  n'eu  faut  faire  Etat.  » 

«  En  effet,  la  justice  de  Montmort  va  tous  les  ans  le  lende- 
«  main  de  l'Assomption,  siéger  à  Corribert  dans  un  endroit 
«  appelé  le  jardin  de  Montmort  où  était  autrefois  un  colombier 
a  près  l'église  dudit  Corribert,  qui  est  tenu  en  roture  du  sei- 
«  gneur  de  Montmort  et  qui  lui  doit  tous  les  ans  le  jour  de 
«  Saint-Remy,  chef  d'octobre  deux  sols  six  deniers  de  cens 
«  portant  lods  et  ventes,  saisie  et  désaisie  en  cas  de  mutation 
M  et  deffaut  et  amende  quand  le  cas  y  echet.  De  temps  immé- 
«  morial  il  est  donné  aux  officiers  de  la  justice  de  Montmort 
«  par  le  propriétaire  ou  le  fermier  de  la  grosse  ferme  située  sur 
a  le  chemin  de  Montmort  à  Mareuil,  quand  ils  vont  tenh'  leur 
a  plaid,  deux  bouteilles  de  vin  et  deux  flans  sans  que  l'on 
0  sache  d'où  leur  vient  ce  droit  ^  » 

En  1508  et  1509,  Louis  de  Hangest  existait  encore.  Il  était, 
comme  on  le  voit,  par  un  compte  qui  lui  fût  présente  par 
Claude  Hocart,  son  receveur,  chambellan  du  roi  et  écuyer  de 
la  reine  Anne  de  Bretagne.  Il  avait  épousé  Marie  d'Athies  qui 
lui  donna  un  fils  Joachim  de  Hangest. 

L'église  de  Montmort  appartient  au  xn%  xiii",  et  xvi^  siècle. 
Il  reste  de  très  beaux  vitraux  du  temps  de  Louis  XII.  Dans  les 
compartiments  du  bas  on  remarque  les  armes  de  France  et  de 
Bretagne.  Au-dessus  on  voit  les  donataires,  Louis  de  Hangest 

1.  Archives  du  cliâteau  de  Montmort. 

2.  Archives  du  château  de  Montmort. 


NOTES    SUR  LB    CHATEAU    DE   MONTMORT  329 

et  Marie  du  Fay  d'Athies,  sa  femme.  Les  deux  personnages 
sont  surmontés  de  leur  écusson  :  «  d'argent  à  la  croix  de  gueu- 
«  les  chargée  de  cinq  coquilles  d"or,  au  lambel  de  trois  pendants 
Œ  d'azur.  »  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  ces  vitraux  sont  effeo- 
livement  du  commencement  du  xvi"  siècle  puisque  l'un  d'eux 
porte  le  nom  do  Baltazard  Bcthe,  receveur,  qui  n'existait  plus 

eu  um. 

L'entrée  de  la  chapelle  funéraire  de  la  famille  de  Ilangest 
s'ouvre  sur  le  sanctuaire.  Les  sculptures  qui  ornent  cette  ouver- 
ture sont  de  la  renaissance. 

Le  17  mai  1532,  fixation  des  limites  des  deux  seigneuries  de 
Montmort  et  de  la  Charmoye  \  Cette  transaction  a  été  passée 
entre  les  abbés  et  religieux  de  la  Charmoye  et  honoré  seigneur 
Louis  de  Hangest,  seigneur  de  Montmort. 

1534,  P""  octobre.  —  Foi  et  hommage  rendu  par  Joachim  de 
Hangest,  seigneur  de  Montmort  à  M.  le  comte  de  Vertus,  pour 
le  tiers  de  la  terre  et  seigneurie  de  Montmort. 

Du  17  mai  1536.  —  Foi  et  hommage  à  messire  Louis  de 
Pontailler,  écuyer,  seigneur  de  Vaux  et  baron  de  Pleurs,  rendu 
par  Joachim  de  Hangest,  seigneur  de  Montmort  ^ 

Joachim  de  Hangest  fut  tué  avec  son  frère  en  1536  à  la  prise 
du  château  de  Saint-Pol.  Joachim  de  Hangest  avait  épousé 
Marie  de  Mony  qui  était  fille  de  Nicolas  de  Mony,  chevalier, 
seigneur  et  baron  dudit  Mony  \ 

Jeanne  de  Hangest,  fille  de  Joachim  posséda  la  seigneurie 
de  Montmort,  après  la  mort  de  son  père.  Le  fait  est  attesté  par 
un  compte  qui  lui  fut  rendu  en  1538,  par  Simon  Le  Jeune, 
receveur  de  la  terre  de  Montmort,  mais  l'année  où  Joachim  de 
Hangest  succéda  à  Louis  de  Hangest  son  père  n'est  pas  indi- 
quée. 

Du  20  mars  1537.  —  Souffrance  d'un  an  donnée  par  mon- 
seigneur François  de  Bretagne,  comte  de  Vertus  pour  faire  les 
foi  (!l  hommage  de  la  seigneurie  do  Montmort,  à  demoiselle 
Jeanne  do  Haugest,  fille  mineure  de  feu  Joachim  de  Hangest, 
seigneur  de  Montmort  et  de  Marie  de  Mony. 

Jeanne  de  Hangest,  fille  mineure  de  Joachim  de  Hangest  et 


1 .  Ancienne  abbayo  située  sur  le  lorriloirc  de  Montmort. 

2.  Archives  du  chûloau  ih  Montmort. 

3.  Slatisliquc    liistorif|uc    du  département   de   la   Marne,    par    Gucrard, 
page  2/iC. 


330  NOTES    SUR  I,E    CHATEAU    DE   MOMMORT 

de  Marie  de  Mony  sa  femme,  el  Marie  d'Athies  veuve  de  Louis 
de  Haugest  aussi  dame  de  Moulmort  à  cause  de  sou  douaire, 
suivant  le  compte  à  eux  rendu  par  Simou  Le  Jeune  leur  rece- 
veur en  1538.  A  celte  époque  le  châteeu  d'en  bas  était  nouvel- 
lement rétabli  \ 

Du  23  juin  1548,  offre  faite  à  M.  le  comte  de  Vertus  de  lui 
faire  foi  et  hommage  par  messirc  Philippe  de  Maillé  au  nom  et 
comme  ayant  épousé  Jeanne  de  Hangesl,  damo  de  Montmort. 

Jeanne  de  Hangesl  qui  avait  épousé  en  premières  noces 
Philippe  de  Maillé,  chevalier,  capitaine  des  gardes  du  corps  du 
roi,  vicomte  de  Verneuil,  seigneur  de  Moyencourt  et  de  Chal- 
leranges,  était  seule  dame  de  Montmort  en  1555  pendant  son 
veuvage.  Ce  détail  résulte  du  compte  de  la  recette  de  Mont- 
mort qui  lui  fût  rendu  en  cette  année  par  Guillaume  Duval  son 
son  receveur. 

Du  17  mai  1556.  Foi  el  hommage  rendu  par  dame  Jeanne 
de  Hangesl,  dame  de  Montmort  autorisée  de  haut  et  puissant 
seigneur  messire  Claude  Daguerre  son  mari  à  M.  le  baron  de 
Baye  -. 

Jeanne  de  Hangesl  n'avait  point  eu  d'enfant  de  son  premier 
mariage  avec  Maillé  de  Brézé.  Elle  s'était  rem.ariée  en  455(3  à 
Claude  Daguerre,  gouverneur  du  duc  de  Lorraine  ^ 

Suivant  les  foi  et  hommage  rendus  à  Pleurs  en  1556,  Claude 
Daguerre,  baron  de  Vienne,  était  conseiller,  chambellan,  gou- 
verneur du  duc  de  Lorraine  et  son  maréchal  en  ses  pays  de 
Lorraine  et  Barrois  \ 

Chrestienne  Daguerre  naquit  du  second  mariage  de  Jeanne 
de  Hangesl.  Les  armes  des  Daguerre  sont  :  «  d'argent  à  trois 
corbeaux  de  sable,  deux  et  un  \  » 

Chrcslienne  Daguerre  fut  mariée  en  premièreiJ  noces  à  An- 
toine, sire  de  Créquy  et  de  Canaples,  prince  de  Poix,  fils  de 
Gilbert  de  Blanchefort,  seigneur  de  Saiut-Janvrin  et  de  Marie, 
dame  de  Créquy  et  de  Canaples,  son  épouse,  père  el  mèie  du 
maréchal  de  Créquy,  tué  à  Brème;  el  en  secondes  noces  à 
François-Louis  d'Agoult,  comte  de  Sault  et  de  Jeanne  de  Vesc 

1 .  Archives  du  château  de  Montmort, 

2.  Archives  du  château  de  Montmort. 

3.  Statistique  historique  du  département  de  la  Marne,  par  Guérard, 
pape  246. 

4.  Archives  du  château  de  Montmort. 

5.  La  Chesnave-Desbois.  Dictionnaire  de  la  Noblesse. 


NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT        331 

son  épouse,  dont  sorlil  le  dernier  comte  de  Sault.  Les  armes 
des  d'Agoiilt  sont  :  «  dor  au  loup  ravissant  d'azur  armé  et 
lampassé  de  gueules  '.  » 

Louis  d'Agoult,  de  Montauban,  comte  de  Sault,  mourant 
sans  enfants,  institua  pour  son  héritière,  Chrestieune  Daguerre 
sa  mère.  Jeanne  d'Agoult  sœur  du  testataire  et  femme  de 
Claude-François  de  la  Baume,  comte  de  Montrevel,  contesta  en 
vain  ce  testament.  Le  comté  de  Sault  fut  adjugé  à  Chrestienne 
Daguerre  qui  se  rendit  célèbre  en  Provence  dans  le  parti  de  la 
ligue.  Elle  donna  ce  comté  à  Charles  de  Créquy,  duc  de  Les- 
diguières,  pair  et  maréchal  de  France,  son  iils  du  premier 
lit\ 

Jeanne  de  Hangest  veuve  de  Claude  Daguerre,  baron  de 
Vienne  fit  acte  de  foi  et  hommage  à  Vertus  en  l!i62. 

Le  2  septembre  1563.  Foi  et  hommage  rendus  par  dame 
Jeanne  de  Hangest,  dame  de  Montmort,  de  partie  de  la  sei- 
gneurie dudit  Montmort  à  messire  Louis  de  Pontailler,  baron 
de  Pleurs  \ 

Nous  trouvons  k  la  date  dw  25  avril  1570,  une  pièce  que 
nous  citons  dans  toute  son  étendue  à  cause  des  usages  qu'elle 
rappelle.  Expédition  d'un  acte  passé  devant  Augustin  Vatrey 
et  Louis  Guémard,  notaires  au  comté  de  Vertus,  et  signé  de 
Neufgermain  et  Bochet,  notaires  au  môme  comté  de  Vertus  par 
lequel  tous  les  habitants  et  paroissiens  des  villages  de  Mont- 
mort, de  la  Caure  reconnaissaient  que  le  moulin  Faipeu  appar- 
tenant à  haute  et  puissante  dame  de  Hangest,  dame  de  Mont- 
mort est  banal,  qu'ils  sont  obligés  d'y  moudre  leurs  grains,  et 
par  les  meuniers  aller  chercher  chez  chacun  d'eux  lesdils 
grains  et  leur  remener  leur  farine,  qui  ne  prendront  qu'un  pot 
mouture  par  chaque  boisseau  à  la  continence  du  lieu,  qui  est 
la  seizième  partie  du  boisseau,  qu'il  ne  tiendront  les  grains 
desdits  habitants  plus  longtemps  que  vingt-quatre  heures  '. 

Le  château  si  remarquable  que  l'on  admire  encore  aujour- 
d'hui à  Montmort,  a  été  construit  par  Jeanne  de  Hangest  veuve 
de  Claude  Daguerre,  baron  de  Vienne-le-Ghâteau. 

Montmort  est  un  des  plus  beaux  châteaux  forts  qui  soient 
encore  debout,  c'est  un  massif  carré,  flanqué  de  quatre  grosses 


1 .  Mcm. 

1.  La  Chesnaye-Dcsbois.  Dictiounairo  «le  la  Noblesse. 

'.i.  Archives  du  château  de  Montmort. 

4.  Archives  du  château  de  Montmort. 


332        NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT 

tours  garnies  de  créneaux  et  recouvertes  en  pointe,  presque 
tout  en  briques  ;  le  donjon  est  percé  à  peu  près  également  de 
40  fenêtres  à  revêtements.  Il  est  établi  sur  une  terrasse  carrée 
de  40  mètres  de  face  et  haut  de  vingt-cinq  à  trente  mètres  sur 
les  flancs  et  du  côté  du  village,  car  le  côté  opposé  est  de  plein 
pied  avec  le  parc  ;  d'immenses  fossés  l'entourent  et  le  pont- 
levis  est  encore  défendu  par  deux  tourelles.  Un  énorme  bas- 
tion carré  défend  la  partie  sptentrionale  et  renferme  un  double 
escalier,  l'un  cà  rampe  douce,  voûté  et  pavé  en  briques  sur 
champ,  par  lequel  les  chevaux  pouvaient  arriver  à  l'esplanade 
et  l'autre,  à  marches,  fait  dans  l'intérieur  de  la  spirale  du  pre- 
mier. Le  grand  escalier  du  château  jusqu'au  belvédère,  appelé 
la  Fileuse,  compte  cent  trente  deux  marches,  de  sorte  que  la 
hantour  totale  de  l'édifice  est  d'environ  tîO  mètres.  L'intérieur 
n'est  pas  moins  intéressant  ;  le  rez-de-chaussée  est  entièrement 
voûté  ;  au  !'='■  étage  sont  les  salons  et  une  immense  salle  des 
gardes  qui  a  été  restaurée  par  Gicéri.  Je  veux  encore  citer  la 
cuisine  où  se  trouve  une  immense  cheminée  soutenue  par  4 
piliers,  une  des  dernières  de  ce  genre,  je  crois,  qui  existent 
encore  de  nos  jours. 

Les  comptes  des  régisseurs  désignent  le  château  sous  le  nom 
de  donjon.  On  voit  le  millésime  1577,  dans  le  rond  point  au 
centre  des  arcs  d'ogives  de  la  cuisine  et  presque  partout  les 
chiffres  de  Jeanne  de  Hangest  et  de  Chrestienne  Daguerre  sa 
fille.  La  cuisine  mérite  l'attention  des  archéologues.  La  che- 
minée est  particulièrement  digne  d'être  vue  à  cause  de  son 
originalité. 

S'il  était  possible  de  donner  ici  une  description  complète 
du  beau  monument  dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment, 
il  y  aurait  à  signaler  une  foule  de  détails  du  plus  grand^inlérôt. 
Mais  nous  sommes  obligés  d'être  bref  et  nous  nous  bornerons 
à  dire  que  la  salle  des  gardes  est  ornée  d'une  magnifique  che- 
minée Henri  III,  qui  est  un  véiitable  chef-d'œuvre.  Deux 
caryatides  superbes  ont  été  sculptées  de  chaque  côté  du  por- 
trait d'Henri  III.  L'exécution  parait  si  merveilleuse  au  juge- 
ment d'un  certain  nombre  d'amateurs  que  le  travail  a  été 
attribué  à  Jean  Goujon. 

Des  carreaux  en  terre  cuite,  émaillés  provenant  du  château 
de  Montmort  sont  conservés  dans  la  galerie  du  château  de 
Baye.  Ils  représentent  les  armes  des  de  Hangest  dans  un  écu 
losange.  Ges  intéressantes  céramiques  appartiennent  certaine- 
ment au  XVI"  siècle.  Nous  les  devons  à  la  gracieuse  bienveil- 


NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT        333 

lauce  (le  Madiimo  la  marquise  de  Moulniort.  Nous  avons  aussi 
retrouvé  à  Chanipaubert  des  earreaux  portant  les  niènies 
armes,  mais  avec  un  lambel.  Il  est  à  présumer  que  pendant  la 
période  des  de  Hangest,  il  y  rut  une  branche  cadette  qui  pos- 
séda Moutmort. 

1580.  —  Foi  et  hommage  rendus  par  M.  François  Brigart, 
seigneur  des  Boulleaux  '  et  des  hautes  et  basses  vendanges  à 
haute  et  puissante  dame  Jeanne  de  Hangest,  dame  do  Mont- 
mort  du  fief  des  hautes  vendanges  '. 

(A  suivre).  Baron  J.  Dii  Baye. 


1 .   Commune  Ji;  la  CliapL'Ilo-soiis-OiljJis. 
ï.   Ai'clii%es  (lu  cliûleau  do  Moulmorl, 


HISTORIQUE  DE  LA  CORPORATION 

DES 

ArOTIIlCAIRES  -  ÉPICIERS 


LA.    VIU.E    DE 

CHALONS-  SUR-MARNE 


Parmi  les  rares  choses  qui  uous  restent  du  passé,  signalons 
un  cuivre  gravé  par  Varin  et  trouvé  il  y  a  quelques  années 
dans  un  des  canaux  de  Châlons.  Ce  cuivre  présente  la  gravure 
de  quatre  étiquettes  destinées  à  un  apothicaire  de  la  ville.  Ces 
étiquettes  sont  de  différentes  dimensions  et  toutes  d'un  fort 
beau  slvle  Louis  XVI,  la  plus  grande  surtout  avec  un  médail- 
lon encadrant  un  caducée  et  ses  grosses  guirlandes  de  feuilles 
de  laurier,  —  La  quatrième,  de  stjde  léger,  se  compose  sim- 
plement d'un  mince  cadre  enguirlandé  de  roses.  Nous  regret- 
tons de  n'en  pouvoir  donner  ici  le  dessin.  C'est  une  étiquette 
adresse  au  milieu  de  laquelle  on  lit  ce  qui  suit,  dont  nous 
respectons  l'orthographe  : 


THEUVENY  apoticaire 

a  Chaalons  en  Champagne 

Rue  de  Vaux  près  Notre  -  Dame 

Tient  magazin  de  drogues  simples  et  composées, 

l'Eau  pour  les  dents,  Poudre  pour  Rhumatisme 

Goutte,  Pommades,  Poudres  à  la  Maréchal  à  l'œillet 

Eaux  de  senteur.  Chocolat  de  toutes  espèces.  Suc 

de  Reglise  anisé,  Pâte  de  guimauve,  Pastille 

de  Menthe  poivrée,  Vinaigre  de  loillettes  et  Eeaux 

pour  le  même  usage  à  juste  prix. 


*  Voir  poge  270,  toinc  XV,  de  la  Hevue  de  Champagne  cl  de  Drit 


DES   APOTHICAIRES-ÉriCIERS  33b 

Ouaut  aux  épiciers-simples  altacliés  cà  la  corporation   des 
apothicaires  ils  furent  très  peu  nombreux.  En  voici  la  liste  : 

1620.  —  Jehan  Guyot. 

1628.  —  Pierre  Givry. 

1063.  —  Jacques  Michel. 

1660.  —  Pierre  Oubry. 

i66y.  —  François  Picard. 

166G.  —  Jacques  Noël. 

l()9y.  —  Jean  Bonnet. 

1707.  —  François  Brouillard. 

1714.  —  Gilles  de  Rosne. 

1715.  —  Jean  Lavialle. 

1720.  —  Hector  Gallet. 

1721.  —  Jean  Philipponat. 

1728.  —  Alexandre  Legrand. 

1729.  —  CkudeBablot. 

Et  ces  trois  derniers  furent  obligés  en  1734  de  se  rattacher  à 
la  corporation  des  Merciers  et  Marchands  unis. 

Aux  termes  de  l'article  XVI  des  statuts,  la  veuve  d'un 
maître  pouvait  exercer  à  la  condition  d'avoir  avec  elle  un  élève 
ou  serviteur  d'une  capacité  suffisante,  ce  que  les  mai  très -juré  s 
étaient  appelés  à  constater. 

Eu  172G  la  veuve  de  Nicolas  Farochon  avait  un  garçon  apo- 
thicaire qui  fut  déclaré  insuffisant  par  les  maîtres  de  la  com- 
munauté. La  veuve  en  appela  au  bailliage,  prétendant  que  son 
serviteur  avait  été  interrogé  à  la  hâte,  sans  méthode,  et  ([u'il 
était  capable.  Le  bailly  ordonna  un  nouvel  examen  et  il  fut,  à 
cette  occasion  dressé  le  rapport  suivant. 

«  Affaire  des  maîtres  apothicaires  contre  la  veuve  Nicolas 
Farochon  qui  a  un  garçon  Honoré  Mailly  (jue  l'on  dit  incapable 
de  servir  le  public. 

La  défenderesse  l'ayant  soutenu  capable  et  dit  ([ue 

s'il  navoil  pas  bien  répondu  dans  le  premier  interrogatoire, 
c'était  parcequ'il  avoit  été  interrogé  tumultueusement  et  quil 
avoit  été  étourdy. 

«'  Vous  avez  à  ce  propos  ordonné  qu  il  seroit  de  nouveau  in- 
terr(jgé  par  devant  M.  le  Procureur  fiscal  ou  M.  son  substitut, 
jjar  le  garde  de  la  coniraunaulé  et  les  deux  anciens  ;  cest  ce 
([ui  a  été  exécuté  avec  tranquillité,  san?,   bruit  et  sans  (|u'il 


33G  HISTORIQUE   DE    LA    COUI'ORATION 

puisse  se  plaindre  de  ii'avoir  pas  ou  le  temps  d'examiner  les 
drogues  cpii  lui  ont  été  présentées  puisque  cet  interrogatoire  a 
duré  trois  heures. 

«  Le  sieur  Lavial  garde  de  la  communauté  est  le  premier 
qui  a  interrogé  ledit  Mailly  auquel  il  a  présenté  un  paquet  de 
semence  qu'il  a  examiné  longtemps  et  a  dit  après  examen  être  : 
Sezcli  mascilienray  et  c'est  \q  petrociliwn  maceâoninni,  persil 
de  Massédoine  (de).  Il  luy  a  ensuite  présenté  un  autre  paquet 
de  semence,  et  l'ayant  examiné  est  convenu  u'en  pouvoir  faire 
l'nnalyse,  et  c'est  la  semence  de  cuscute,  qui  entre  dans  le 
siroj)  de  chicorée  composé.  11  a  assé  {sic)  Lien  répondu  sur  les 
articles  suivants  au  nombre  de  trois.  —  Sur  le  7'^  article  ledit 
sieur  Lavial  luy  a  présenté  une  pierre  qu'il  a  examinée  long- 
temps et  enfin  a  dit  qu'elle  n'était  pas  d'usage  ordinaire  de  la 
médecine,  qu'il  croyait  être  cristal  ou  sel  famsil  et  de  l'arse- 
nique.  Cet  endroit  est  de  conséquence  car  le  sel  faussil  est  un 
sel  dont  on  se  sert  eu  ce  pays  ci  ou  sel  ordinaire,  et  ce  sel  se 
met  dans  les  remèdes,  en  sorte  que  ledit  Mailly  ne  connaissant 
pas  l'arsenique  pourroit  dans  les  remèdes  y  en  mettre  au  lieu 
de  sel  faussil. 

«  Sur  le  8"  article  lui  a  été  présenté  deux  morceaux  de  bois 
(juil  a  dit  être  tous  les  deux  bois  d'aloës  et  il  y  en  a  un  qui  est 
le  sental  rougo  qui  entre  dans  la  confection  d'Yassinthe  {sic). 

«  Sur  le  9''  article  il  lui  a  été  présenté  un  paquet  qu'il  a  dit 
d'abord  être  de  la  gaume  [sic)  ensuite  que  c'était  V opopanaxcc , 
et  c'est  le  Bedelliam  qui  entre  dans  la  Thériaque,  Mithridate 
et  autres  compositions  usuelles. 

«  A  l'égard  du  10%  le  sieur  Lavial  lui  a  présenté  deux 
ordonnances  signées  de  Marot,  dont  il  a  fait  la  version  ou  tra- 
duction, et  cette  ordonnance  porte  :  Viscus  corilli  que  ledit 
Mailly  a  dit  être  corail,  et  c'est  le  guy  de  coudrier  ou  noisetier 
qui  est  bon  contre  l'épilepsie.  —  La  seconde  ordonnance  signée 
encore  Marot,  laquelle  porte  :  fiUinese  camini,  ledit  Mailly  a 
dit  que  c'étoit  de  la  filiginansite  camini  et  c'est  de  la  suye  de 
cheminée  et  ledit  Mailly  a  dit  que  c'étoit  une  plante. 

«  A  l'égard  des  interrogats  faits  par  le  sieur  de  Kosne  qui 
lui  a  présenté  du  quinquina  de  l'Assa  fétida  d'hermodacte  et  du 
Dictame  de  Crète,  drogues  fort  connues  qu'il  venait  de 
prendre  dans  la  boutique  de  la  partie  adverse,  il  y  a  bien 
répondu. 

«  Le  sieur  Véron  a  ensuite  interrogé  ledit  Mailly  qui  a  bien 
répondu  sur  le  premier  article.  A  l'égard  du  second  suivant 


DES     APOTIIICAIIIES-ÉPICIERS  337 

lequel  il  lui  a  élé  préseulé  uu  paquet  qu'il  a  dit  être  Scrofu- 
laire et  c'est  le  Ciclamen,  le  scrofulaire  est  vulnéraire  et  le 
Ciclameu  uu  vomitif,  chose  bien  différente.  —  Au  troisième 
iuterrogal  sur  un  autre  paquet  à  luy  présenté  il  a  dit  que 
c  étoit  Vlniperatoire  et  c'est  le  Meum  alhamentimmi  ou  Meu 
athamentique  qui  entre  dans  la  Thériaque. 

«  Vous  sente  {sic)  bien  qu'il  n'a  pas  répondu  dans  les  choses 
essentielles  et  de  conséquence,  et  que  ce  n'est  pas  assez  à  uu 
garçon  qui  gouverne  seul  une  boutique  d'apoticaire,  de  con- 
noitre  une  portion  des  drogues  qu'il  met  en  œuvre,  il  faut 
faut  qu'il  les  conuoisse  toutes  et  parfaitement  pour  en  faire 
une  bonne  composition  au  soulagement  des  malades,  car  ne 
connaissant  pas  les  drogues  il  prend  l'une  pour  l'autre  ce 
qu'on  appelle  un  equiproco  (sic)  et  enverra  son  malade  eu 
l'autre  monde. 

«  A  l'égard  des  ordonnances  il  ne  les  entend  pas  et  ou  peut 
dire  qu'il  ne  sait  pas  le  latiu  puisqu'il  n'a  pas  compris  les  mots 
de  fuUigine  et  de  caniini  et  un  écolier  de  cinquième  dira  que 
fuligo  est  de  la  suye  et  candnium  cheminée. 

«  11  est  donc  vray  que  ledit  Mailly  est  incapable  de  servir 
le  pubhque  et  que  les  demandeurs  ont  raison  de  s'en 
plaindre.  » 

Nous  ne  savons  ce  qu'ordonna  le  bailliage  sur  le  cette  pièce, 
mais  s'il  conclut  à  l'insuffisance  de  l'élève  Mailly,  il  eut  bien 
fait  de  renvoyer  aussi  à  l'écolo  le  rédacteur  du  rapport. 

IMPOTS 

Le  trésor  royal  battit  assez  souvent  monnaie  sur  le  dos  des 
corporations  et  par  divers  moyens.  Le  plus  anciennement  et  le 
plus  fréquemment  enqjloyé  consistait  en  lettres  de  maîtrise 
(jui  leur  étaient  imposées  nioyennaut  finances,  sauf  à  elles  à 
céder  ces  lettres  aux  candidats  (]ui  dans  l'avenir  i)rétendraient 
à  la  maîtrise.  On  récompensait  quelques  fois  certains  servi- 
teurs de  la  Cour  en  créant  à  leur  profit  deux,  trois  et  jusqu'à 
quatre  lettres  de  maîtrise  de  tous  coips  d'élatdans  chaque  ville 
de  France.  Ces  lettres  étaient  vendues  à  leur  profit.  Pour  eu 
faciliter  la  vente  il  était  dit  que  rac([uéreur  après  avoir  payé  la 
somme  exigée  serait  admis,  sur  le  seul  vu  de  la  quittance,  à 
prêter  devant  le  builly  le  serment  exigé  des  mailres  du  métier 
et  qu'il  pourrait  exercer  ledit  état  sans  faire  aucun  chef-d'œuvre 
ou  acte  d'expérience,  ni  rien  payer  à  la  boite  de  la  communauté 
dans  laquelle  il  désirait  être  admis.  Ces  créations  constituaient 

2-1 


338  IIIliTORIQUE   DE   LA    CORPORATION 

uu  véritable  abus  que  les  corporations  voyaient  du  plus  mauvais 
œil,  car  elles  lésaient  leurs  intérêts  et  les  exposaient  îx  voir 
entrer  dans  la  communauté  des  intrus  et  des  incapables.  Les 
compagnons  el  apprentis  aspirant  à  la  maîtrise  bésitaient  à 
acheter  ces  lettres  craignant,  s'ils  en  faisaient  acquisition,  que 
cette  dispense  du  chef-d'œuvre  ne  les  fit  considérer  comme 
insuffisants.  Elles  restaient  donc  longtemps  invendues.  Jus- 
qu'à ce  que  les  corporations  pressées  par  l'autorité  et  mena- 
cées de  fortes  amendes  entrassent  en  composition  avec  le 
dépositaire  de  ces  litres  et  eu  fissent  l'acquisition  le  plus  sou- 
vent à  prix  débattu  et  réduit. 

En  l'an  1G00  il  fut  imposé  aux  apothicaires-épiciers  de 
Chàlons  quatre  lettres  de  maîtrise  ;  elles  ne  furent  point 
distribuées,  la  corporation  se  borna  à  en  payer  la  finance  et 
les  plaça  dans  ses  archives  où  elles  sont  encore  aujourd'hui. 

En  l663,  par  édit  du  22  janvier,  S.  M.   accorda  à  Messire 
Georges  de   Guiscard,  chevalier,  seigneur  comte  de  Bourlie, 
ci-devant  sous-gouverneur  du  roi  et  alors  commandant  pour 
le  service  du  roi  en  la  ville,  château  et  souveraineté  de  Sedan, 
à  Claude  Seguin,  conseiller  et  médecin  ordinaire  du  roi  et  pre- 
mier médecin  de  la  reine  mère  et  à  dame  Jeanne  AufTroy  de 
Jussy,  première  femme  de  chambre  de  ladite  reine-mère,  la 
finance  de  quatre  lettres  de  maîtrise  de  tous  arts  et  métiers  en 
toutes  villes,  fauxbourgs  et  lieux  du  royaume,  crées  en  faveur 
de  la  joyeuse  naissance  du  dauphin,  premier  fils  de  France, 
pour  les  récompenser  de  leurs  fidèles  et  continuels  services. 
Les  intéressés  avaient   établi  un  bureau   à  Ghâlons  pour  la 
vente  de  ces  lettres,  mais  elles  ne  se  vendaient  pas.   —  lis 
sollicitèrent  alors  une  ordonnance  qu'ils  obtinrent  le  20  mai 
1G04,  et  que  nous  trouvons  dans  les  archives  des  apothicaires, 
il  y  est  dit  :    «   Les  susdits  avoient  établi  bureau  à  Chaalons 
pour  la  vente  et  distribution  de  ces  lettres,  ainsi  quïl  est 
accoustumc,  dans  la  croyance  que  les  compagnons,  apprentifs, 
fils  de  maistres  et  aspirants  qui  voudroient  passer  maistres  de 
leurs  mestiers,  se  relireroient  pour  prendre  lesditos  lettres,  ce 
qu'ils  n'ont  pas  faict  et  disent  ne  le  pouvoir  ny  oser  faire  à 
cause  des  obstacles  et  difficultez  que  les  gardes,  jurez  et  com- 
munautés de  ladite  ville  y  ont  apporté  et  prétendent  y  appor- 
ter à  l'advenir  par  le  moyen  d'un  monopole  et  intelligence 
qu'ils  ont  ensemble  pour  empescher  et  retarder  l'exécution 
dudict  Edict  et  la  vente  et  distribution  desdiles  lettres  et  que 
les  pauvres  compagnons,  apprentifs,  fils  de  maistres  et  aspi- 
rants ne  jouissent  des  grâces  à  eux  accordées  en  laveur  de  la 


DES    APOTHICAIRES-ÉPICIEBS  339 

joyeuse  naissance  du  Dauphin,  cL  sont  obligez  de  passer  par 
leurs  mains  pour  en  exiger  des  banquets,  festins  et  préseus. 
Ordonnons  de  distribuer  ces  lettres  à  l'exception  de  toutes 
autres  sous  peine  de  300  livres  d'amende  et  de  voir  fermer 
boutiques,  confisquer  les  marchandises  à  ceux  qui  seroient 
reçus  au  préjudice  desdiles  lettres.  » 

Les  apothicaires  durent  s'exécuter  et  ils  achetèrent  les  quatre 
lettres  moyennant  quarante  écus. 

On  leur  imposa  aussi  le  paiement  d'autres  sommes  sous  de 
nouveaux  prétextes.  On  crée,  à  titre  onéreux,  des  offices  par- 
faitement inutiles.  Les  archives  de  la  corporation  nous  appren- 
nent que  par  un  Edit  de  mars  1G91 ,  il  fut  crée  deux  offices  de 
maîtres  gardes  jurés,  qui  aux  termes  de  leurs  statuts  existaient 
déjà  et  étaient  rempUs  tour  cà  tour  par  les  maîtres  du  métier. 
On  exigea  une  somme  de  500  livres  pour  unir  et  incorporer 
ces  offices  à  la  communauté. 

Par  un  Edit  de  1694  il  fut  créé  deux  oTfices  d'auditeurs  et 
examinateurs  des  comptes  de  la  communauté,  moyenuant  le 
paiement  d'une  somme  de  550  Hvres. 

Eu  1707,  on  crée  un  emploi  de  trésorier  de  la  corporation 
moyennant  un  paiement  de  420  livres. 

En  1709,  on  crée  l'office  de  garde  des  archives  moyennant 
une  somme  de  2o0  livres. 

En  1710  on  étabUt  un  office  du  droit  de  paraphe  des  registres 
qui  est  payé  3Ui  livres. 

Il  est  vrai  de  dire  qu'en  échange  des  sommes  versées  le 
trésor  royal  prenait  l'engagement  de  payer  annuellement 
aux  titulaires  une  certaine  somme  à  titre  de  gages,  mais  cette 
somme  fut  successivement  réduite  et  arriva  bientôt  à  un  chiffre 
dérisoire,  puis  il  ne  fut  plus  rien  payé. 

En  1 723 ,  il  fut  encore  demandé  à  la  communauté  une  somme 
de  300  livres  pour  être  confirmée  dans  ses  droits  et  privi- 
lèges. 

Elle  payait  aussi  d'autres  impôts.  En  1701  elle  fut  invitée 
par  l'Intendant  de  la  province,  M.  de  Pommereu,  à  fournir 
deux  soldats  pour  servir  dans  les  milices  de  S.  M.  et  à  payer 
à  chacun  d'eux  100  livres  dès  qu'ils  seraient  reçus  et  agréés. 
—  Eu  170  i  elle  fut  taxée  à  402  livres  pour  taille  de  guerre,  et 
enfin,  en  1728  on  imposa  aux  apothicaires  le  paiement  d'une 
somme  de  210  livres  pour  don  de  Joyeux-avénement,  ce  dont 
ils  ne  paraissent  pas  avoir  été  si  joyeux  que  cela,  car  il  fallut 


.ViO  IHSTOUIQUE    DE   LA    CORPORATIOxN 

les  contraiudre  au  paiement  qui  ne  fut  effectué  que  le  28  sep 
lembre  1733. 


PROCES 

Les  deux  registres  des  délibérations  de  la  communauté  des 
apothicaires  nous  font  connaître  qu'ils  eurent  à  différentes 
époques  certains  démêlés  tantôt  avec  des  chirurgiens,  tantôt 
avec  différents  marchands  qui  vendaient  certaines  denrées 
dont  les  apothicaires  revendiquaient  le  monopole,  mais  tout 
cela  n'avait  pas  de  gravité.  Ils  n'eurent  qu'un  seul  procès  sé- 
rieux, celui-là  seul  mérite  d'être  rapporté. 

Les  merciers,  comme  nous  l'avons  dit  au  commencement  de 
cet  historique  avaient  le  droit  de  vendre  de  l'épicerie.  Leurs 
statuts  très  détaillés  donne  la  longue  nomenclature  des  articles 
nombreux  dont  ils  pouvaient  commercer,  on  y  lit  notamment  ; 
Art.  33.. . .  ^<  pourront  acheter,  troquer,  vendre,  toutes  mar- 
chandises de  droguerie,  épicerie,  cassonades,  sucres,  savons, 
huiles  d'olives  et  autres,  marrons,  figues,  raisins,  oranges, 
citrons,  amandes,  câpres,  olives  et  généralement  toutes  sortes 
de  fruits  tant  secs  que  verts,  confitures  sèches  et  liquides,  riz, 
cires,  poix,  résines,  beurre  salé,  fromages  de  Milan  et  de  tous 
pays,  morues,  harengs  et  toute  espèce  de  poissons  salés,  Bré- 
sil, cochenilles,  grains  d'écarlales,  garances  et  toutes  sortes  de 
teintureries.  » 

C'était  assurément  une  grande  faute,  au  point  de  v(ie  des 
institutions  de  l'époque,  que  d'avoir  autorisé  deux  corporations 
dilférentes  à  faire  le  commerce  de  denrées  identiques,  c'était 
créer  entre  elles  une  rivalité  fâcheuse  et  les  exposer  à  de  fré- 
quentes contestations  ;  mais  il  y  avait  mieux,  par  l'art.  17  de 
leurs  statuts  les  merciers  et  marchands-unis  avaient  le  droit 
de  visite  sur  les  marchandises  d'épicerie  que  les  forains  expo- 
saient en  vente,  droit  qui  appartenait  aussi  aux  apothicaires- 
épiciers  aux  termes  de  l'art.  22  de  leurs  statuts  reproduits 
plus  haut.  De  cette  législation  fautive  sur  ce  point  il  ne  pou- 
vait résulter  qu'un  conflit,  c'est  ce  qui  arriva. 

En  1727,  un  sieur  Aviat,  marchand  ferain  amena  à  Ghàlous 
des  huiles  d'olives,  du  savon  et  autres  marchandises  d'épicerie; 
elles  furent  visitées  par  les  maîtres-jurés  apothicaires-épiciers, 
l'intéressé  leur  paya  selon  l'usage  vingt  sols  pour  droit  de 
visite  et  mil  ses  denrées  en  vente. 

Le  même  jour  les  merciers  sai-iireut  ces  denrées  comme 
n'ayant  pas  été  visitées  par  eux. 


DES    APOTHICAIRES-ÉPICIERS  341 

Il  s'en  suivit  nalurcUemeat  un  procès  au  bailliage,  et  la 
sentence  déclara  les  apothicaires-épiciers  fondés  dans  leur 
droit  de  visite. 

Les  merciers  firent  appel  au  Parlement,  ils  prouvèrent  que 
leurs  statuts,  qui  leur  attribuait  ce  droit  de  visite,  avaient  été 
homologués  en  Parlement  et  approuvés  par  Lettres -patentes, 
conditions  que  ne  remplissaient  point  les  statuts  des  apothi- 
caires qui  devaient  être  considérés  comme  nuls  et  sans  valeur; 
ils  établirent  en  outre  que  les  épiciers-simples  faisant  partie 
de  la  corporation  des  apothicaires  entreprenaient  chaque  jour 
sur  le  commerce  d'épicerie  attribué  aux  Merciers  et  Mar- 
chands-unis en  trafiquant  des  denrées  dont  la  vente  apparte- 
nait exclusivement  au  corps  des  Marchands-unis,  abus  dont 
ils  demandaient  la  répression. 

Le  procès  fut  long,  l'arrêt  définitif  ne  fut  rendu  que  le  30 
août  1734.  Les  Merciers-unis  eurent  gain  de  cause.  L'arrêt 
les  confirma  dans  leur  droit  de  visite,  les  invita  à  recevoir 
sans  frais  dans  leur  communauté  les  sieurs  Jean  Le  Philippo- 
nat,  Alexandre  Legrand  et  Claude  Bablot,  épiciers-simples, 
précédemment  reçus  au  corps  des  apothicaires-épiciers  à  moins 
qu'ils  ne  préfèrent  faire  le  simple  commerce  deciriers,  et  enfin 
invita  les  apothicaires  à  se  pourvoir  dans  un  délai  de  six  mois 
pour  obtenir  des  Lettres-patentes  confirmatives  de  leur  éta- 
blissement en  corps  et  communauté  et  les  condamna  aux 
dépens. 

Les  frais  du  procès  s'élevèrent  à  une  somme  considérable, 
les  apothicaires  les  passèrent  sous  silence,  on  ne  trouve  rien 
dans  leurs  délibérations  qui  ail  trait  à  la  solution  de  cette 
affaire,  mais  nous  savons  par  les  registres  de  la  corporation 
adverse  qu'ils  s'élevèrent  à  plus  de  2000  livres. 

ARMOIRIES 

La  corporation  des  apothicaires  avait  des  armoiries  —  de- 
puis quelle  époque?  c'est  ce  que  nous  ignorons,  leurs  registres 
n'en  disent  rien  ;  il  est  à  croire  toutefois  qu'elle  en  fut  pourvue 
en  1090  conformément  à  un  Edit  du  mois  de  novembre  qui  les 
rendit  obligatoires  pour  toutes  les  communautés,  moyennant 
un  droit  de  cinquante  livres.  Ils  portaient  d'azur  à  la  main 
dextre  eu  carnation  tenant  une  spatule  d'argent,  accompagnée 
de  trois  boites  couvertes  d'or  posées  2  et  1 . 

Quelques  apothicaires  curent  aussi  des  armoiries  person- 


312  HISTORIQUE   DE    LA   CORPORATION 

nelles.  —  Claude  Bouin,  mailre  apothicaire  (1680-1 TOH)  por- 
tait d'azur  au  croissant  d'argent,  accompagné  de  trois  étoiles 
de  même.  —  Pierre  Laguille,  aussi  maître  apothicaire  et  capi- 
taine de  bourgeoisie  (1073-1700)  portait  d'or  à  la  croix  ancrée 
de  sable. 

Il  fut  une  époque,  da  reste,  ou  tout  le  monde  pouvait  avoir 
des  armoiries,  en  payant,  bien  entendu. 

Les  registres  de  délibérations  ne  contiennent  de  1735  à 
1789,  rien  qui  mérite  d'être  signalé,  —  la  corporation  peu 
nombreuse  des  apothicaires  vécut  tranquille  et  prospère  jus- 
qu'en 1792,  époque  à  laquelle  elle  fut  définitivement  dissoute. 

L.  Grignon. 


CINQUANTE    ANS    DE    SODVENIUS 


D  UN 


ANGIKN   PRÉFET 


J'apportai  celte  lettre  a  mon  père  et  pendant  mon  séjour  en 
Lorraine  je  fus  présenté  au  maréchal  Oudinot  qui  était  venu  pas- 
ser quelques  jours  chez  M"'"  de  Magnac  ;  il  m'accueillit  fort 
bien  et  on  verra  quelle  heureuse  influence  il  eut  sur  ma  car- 
rière. A  mon  retour  à  Aix,  je  trouvais  plusieurs  personnes 
étrangères  amenées  par  la  belle  saison  aux  eaux.  La  comtesse 
de  Canisy,  première  lectrice  de  FLupératrice  et  la  comtesse  de 
Rémueat,  femme  d\m  préfet  du  Palais  et  dame  de  l'Impéra- 
trice également.  M'"^-  de  Canisy,  déjà  divoj'cée,  avait  environ 
27  ou  28  ans  et  était  une  des  personnes  les  plus  parfaitemeni 
belles  que  j'aye  vues.  M"'°  de  Rémusat,  plus  âgée,  moins 
jolie,  était  remarquable  par  son  esprit  et  paraissait  le  chaperon 
de  sa  ravissante  compagne.  La  première,  devenue  plus  tard 
duchesse  de  Vicence  par  son  second  mariage,  ne  savait  pas 
valser  ;  elle  en  reçut  les  premières  leçons  de  moi  et  d'un  élé- 
gant officier,  le  capitaine  Roussel,  que  je  retrouvais  plus  tard 
maréchal  de  camp  à  Vesoul  et  ne  ressemblant  plus  à  ce  por- 
trait de  jeunesse. 

Je  me  plaisais  naturellement  beaucoup  à  Aix,  mais  le  temps 
marchait  et  il  fallait  songer  cà  me  créer  une  carrière  définitive. 
La  nomination  de  M.  de  Lameth  à  la  préfecture  du  Pô  le  décida 
à  se  rendre  à  Paris.  Je  quittai  Aix  le  29  mars  1809,  regrettant 
siacèrement  quelques  maisons  où  j'avais  été  réellement  comblé 
de  bontés.  A  Paris  je  ne  voulus  pas  perdre  une  heure  et  je  mç 
rendis  sans  retard  chez  mon  ancien  chef.  Là  j'éprouvai  une 
déception  qui  m'attrista  profondément  :  j'étais  encore  trop 
jeune  pour  ne  pas  voir  tout  en  beau,  hommes  et  choses.. L'un 
de  mes  collègues  avait  su  prendre  sur  M.  de  Lameth  une  in- 
lluence  à  laquelle  j'avais  depuis  longtemps  prétendu  et  je  res- 
sentis vivement  le  chagrin  de  voir  qu'il  ne  songeait  pas  à 
m'emmener  dans  sa  nouvelle  résidence,   comme  il  me  l'avait 

'  V'oir  page  81,  lomo  XV,  de  la  Hevue  de  Champagne  el  de  liric. 


344  CINQUANTE   ANS  DE   SOUVENIRS 

plusieurs  fois  promis.  Ce  nuage  dura  peu  cependant  et  la 
bonté  do  M.  de  Lameth  lui  fit  promptement  comprendre  sa 
petite  injustice  ;  il  redoubla  même  ses  témoignages  d'amitié 
et  de  confiance  en  me  mettant  au  courant  de  ses  affaires  les 
plus  intimes  chaque  fois  qu'il  me  menait  à  Osny  chez  son  frère 
Charles  ;  eufm,  c'est  lui  qui  me  fit  entrer  comme  attaché  au 
ministère  de  l'intérieur.  Ce  premier  pas  ne  me  suffisait  natu- 
rellementpoint;  c'était  cependant  un  commencement  important. 
Je  redoublais  d'efforts  auprès  des  personnages  pour  lesquels  j'a- 
vais des  lettres  de  recommandation,  le  sénateur  de  Béhague,  M. 
de  Gérando,  le  comte  de  Cetto,  ministre  de  Bavière  et  ami  parti- 
culier d'un  de  mes  parents.  Celui-ci  me  reçut  toujours  courtoise- 
ment, mais  de  la  façon  la  plus  diplomatique  et  même  la  plus 
glaciale.  C'était  un  grand  seigneur  allemand,  avec  l'apparence 
d'un  ministre  protestant,  qui  me  répétait  toujours  :  «  Si  vous 
avez  besoin  de  moi,  adressez-vous  à  moi.  »  Il  ne  sortait  pas 
de  là,  et  s'entendait  mieux  que  personne  à  laisser  tomber 
toute  conversation  que  l'on  essayait  d'entamer.  A  chaque 
nom  que  je  prononçai  devant  lui,  le  ministre  de  l'intérieur 
Monlalivet,  le  directeur  Benoist,  il  répondait  :  «  S'il  vous 
faut  recommander,  adressez-vous  à  moi  !  »  Au  fond  il  était 
bon  et  obligeant  et  il  contribua  pour  une  large  part  à  enlever, 
l'année  suivante,  ma  nomination  bi  ardemment  désirée  au  Con- 
seil d'Etat. 

Paris  m'étonna  peu  :  je  m'étais  fait  une  idée  assez  exacte  des 
monuments  et  des  promenades,  si  bien  que  ni  les  uns  ni  les 
autres  ne  me  causèrent  de  surprises.  Le  positif  d'ailleurs 
m'absorbait  complètement,  car  je  sentais  que  je  ne  pouvais 
prolonger  longtemps  une  situation  provisoire.  Il  fallait  d'abord 
m'installer  et  quelques  détails  à  ce  sujet  ne  seront  peut-être 
pas  sans  intérêt  pour  mes  lecteurs  d'aujourd'hui.  —  Je  pris  un 
petit  rez-de-chaussée  convenable,  dans  la  rue  de  Lille,  à  raison 
de  36  livres  par  mois,  somme  que  je  trouvais  d'abord  exorbi- 
tante et  dont  on  me  démontra  au  contraire  la  modicité.  Je 
l'expliquai  à  mon  père,  en  môme  temps  que  la  nécessité  de 
pouvoir  faire  bonne  figure  dans  le  monde  où  il  me  fallait 
aller  ;  comme  je  lui  demandai  de  quoi  monter  ma  garde-robe 
et  môme  des  dentelles  pour  mettre  «  aux  jours  de  grand  gala  », 
je  me  souviens  que  mon  père  me  répondit  :  «  Il  est  pénible 
qu'il  faille  devoir  beaucoup  à  un  habit  de  plus  ou  de  moins, 
ô  tcmpora,  ô  mores  1  »  C'est  alors  que  je  me  décidai  h  lui 
dresser  mon  budget  mensuel  qui  étonnerait,  je  crois,  les  jeunes 
gens  du  temps  présent  : 


d'un  ancien  préfet  345 

Logement  pour  un  mois,  36  livres  ;  à  un  garçon  pour  mou 
service,  G  livres;  déjeuners  et  dîners,  vin,  105  livres  ;  blan- 
chissage, 15  livres,  soit  par  année  1944  livres.  Plus  pour  ma 
toilette,  60  livres  par  mois,  par  an  720  livres  ;  GOO  livres  aussi 
pour  menus  plaisirs.  En  total  3264  livres. 

Ma  place  au  ministère  ue  me  procurait  aucun  traitement, 
parce  que  j'avais  déclaré  en  entrant  vouloir  suivre  la  carrière 
administrative  et  non  celle  des  bureaux.  Je  trouvai  là  un 
chef  bienveillant,  M.  Bcnoist,  et  il  me  distingua  prompte- 
meut  grâce  à  mon  assiduité  qui  contrastait  singulièrement 
avec  la  négligence  de  mes  collègues.  Tous  mes  efforts  conver- 
geaient à  me  créer  dos  titres  pour  l'auditorat  qui  était  alors  le 
but  visé  par  tous  ceux  qui,  dans  la  jeunesse  française,  vou- 
laient se  faire  une  carrière  ;  mais  à  cause  de  cela  même, 
c'était  une  position  excessivement  recherchée  et  difficile  à 
enlever  ;  je  ne  voulus  donc  négliger  aucune  des  relations  qui 
pouvaient  me  procurer  un  atout  dans  mon  jeu. 

C'est  à  mon  retour  à  Paris,  après  quelques  semaines  d'au- 
tomne passées  dans  ma  famille,  que  commença  sérieusement 
ma  campagne  (septembre  1809)  ;  je  venais  d'apprendre  qu'on 
préparait  une  promotion  qui  ne  devait  pas  comprendre  moins 
de  plusieurs  centaines  d'élus,  disait-on.  Cette  nouvelle  me 
déplut,  parceque  cela  me  semblait  devoir  nuire  à  l'importance 
de  l'auditorat  ;  mais,  d'un  autre  côté,  cela  devait  augmenter 
mes  chances  ;  peu  de  jours  après,  je  fus  complètement  rassé- 
réné en  apprenant  que  la  promotion  ne  contiendrait  que  214 
noms. 

C'est  alors  qu'avec  une  affection  véritable  et  un  zèle  lou- 
chant, M.  le  comte  de  Cette  ?e  mit  à  s'occuper  de  moi,  tout  en 
conservant  son  apparente  froideur  :  il  me  proposa  spontané- 
ment une  démarche  personnelle  auprès  du  duc  de  Bassano, 
ministre  d'Etat,  duquel  dépendaient  les  propositions.  Cet  inté- 
rêt me  surprit  et  il  ne  se  démentit  jamais.  Mais  la  nomination 
appartenait  au  grand  juge,  le  duc  de  Massa.  Ce  dernier,  origi- 
ginairc  de  Blamont,  près  de  Nancy,  et  longtemps  représentant 
de  la  Meurthe,  comptait  de  nombreux  amis  dans  l'intimité  de 
mon  père  et,  grâce  à  cela,  j'eus  des  recommandations  très 
chaleureuses  pour  arriver  à  lui.  A  ce  moment  je  n'avais  abso- 
lument qu'une  idée  fixe.  Comme  je  l'écrivais  h  mon  père  : 
«  Jamais  les  juifs  n'ont  attendu  le  Messie  avec  autant  d'impa- 
tience que  j'attendais  le  retour  du  maréchal  Oudinot.  »  Celui- 
ci  était  encore  en  Lorraine  et,  comme  je  l'ai  dit,  il  comptait 
au  nombre  des  amis    particuliers    do  M'""   do    Magnac  ;    il 


346  CINQUANTE    ANS    DE    SOUVENIRS 

était  môme  venu,  en  1808,  chez  mes  parents,  à  Dommartin,  et 
avait  déjà  fait  des  démarches  sérieuses  en  ma  faveur.  Celte 
fois  il  avait  quitté  momentanément  l'armée  pour  venir  présider 
le  collège  électoral  de  Versailles.  Le  2  décembre  1809,  je  me 
présentai  chez  lui,  muni  des  lettres  de  M'"''  de  Magnac  et  de 
mon  père  ;  dès  qu'il  m'eut  reconnu,  il  me  témoigna  beaucoup 
de  bonté,  me  réitéra  des  promesses  formelles  d'intérêt;  il  me  fit 
même  revenir  deux  fois  à  Versailles  pour  me  mettre  au  cou- 
rant du  résultat  de  ses  démarches  et  m'apprendrc  notamment 
que  je  pouvais  sérieusement  compter  sur  le  Grand  Juge. 

Je  ne  négligeai  cependant  rien,  loin  de  m'endormir  sur  ces 
promesses  ;  mon  père  adressa  une  pétition  cà  l'Empereur,  ce 
qui  ne  pouvait  faire  ni  chaud  ni  froid  ;  il  avait  de  plus  tant 
pressé  M.  Fortin,  parent  de  ma  belle-mère, — qui  avait  fait  une 
grande  fortune  en  acquérant  les  terrains  du  Roule  où  une  rue 
portant  son  nom  a  été  ouverte  récemment,  —  qu'il  avait  obtenu 
de  lui  une  démarche  importante  auprès  de  Regnault  de  Saint- 
Jean  d'Angely  :  celui-ci,  son  débiteur  pour  une  somme  assez 
ronde,était  obligé  de  l'écouter  plus  qu'il  ne  voulait  souvent.  Mais 
mon  espoir  était  dans  le  maréchal  ;  je  fus  le  retrouver  ;  il  me 
dicta  lui-même  une  lettre  pour  Maret  et  me  promit  de  me  pré- 
senter à  Régnier  :  c'étaient  ces  deux  grands  personnages  qui 
devaient  établir  ensemble  la  liste  des  auditeurs  proposés.  Cette 
dernière  nouvelle  me  causa  une  véritable  émotion  ;  je  me  com- 
mandai dans  ce  but  un  habit  à  la  française,  un  chapeau  à 
plumes,  j'achetai  une  épée,  je  fis  accommoder  mes  dentelles. 
Mon  anxiété  croissait  à  mesure  que  la  solution  approchait  ; 
pour  cent  cinquante  nominations  annoncées,  on  comptait  cinq 
mille  demandes.  Chaque  jour,  je  cherchai  à  me  créer  une  re- 
lation nouvelle  pour  entretenir  la  bonne  volonté  de  mon  pro- 
tecteur que  je  craignais  d'importuner  par  mes  démarches 
personnelles.  C'est  ainsi  que  je  me  fis  présenter  chez  le  comte 
de  Ham,  sénateur,  dont  le  fils,  le  colonel  Jacqueminot,  — 
depuis  lieutenant-général  et  aide-de-camp  du  roi  Louis-Phi- 
lippe, —  était  attaché  au  duc  de  Reggio.  Ce  soir-là  il  y  avait 
dans  son  salon  les  maréchaux  Oudinot  et  Masséna,  Régnier, 
président  du  Sénat,  le  comte  Daru  et  plusieurs  autres  person- 
nages. Le  duc  de  Reggio  me  présenta  aussitôt  au  Grand  Juge 
en  lui  exprimant  tout  ce  qu'il  y  avait  à  dire  de  plus  obligeant 
et  de  plus  pressant,  et  ce  dernier  me  promit  formellement  son 
appui  du  moment  où  le  maréchal  apostillerait  ma  demande. 
Quand  Régnier  et  M.  de  Ham  eurent  vu  ce  colloque,  ils  vin- 
rent d'eux-môme  me  promettre  leur  appui  en  m'invitant  à  me 


d'un  ancien  préfet  347 

rendre  à  leurs  réceptions.  PcU  exemple,  il  fallait  être  bref  avec 
le  maréchal  :  il  n'aimait  ni  les  longs  discours  ni  les  explica- 
tions étendues.  Le  30,  je  me  rendis  au  cercle  du  Grand  Juge  ; 
c'est  à  ce  moment  aussi  que  je  fis  la  connaissance  du  comte 
Dubois,  préfet  de  police  et  conseiller  d'Etat,  avec  lequel  jo 
conservai  de  précieuses  relations.  C'est  vers  cette  époque 
encore  que  remonte  une  assez  piquante  anecdote  qui  tout 
d'abord  n'eut  rien  de  très  plaisant.  Un  matin  on  frappa  à  ma 
porte  avec  une  singulière  violence  :  j'ouvris  et  je  vis,  non  sans 
étonnemenl,  entrer  des  agents  de  police  qui  me  déclarèrent  que 
j'étais  accusé  de  délit  politique  ;  il  n'en  fallut  pas  plus,  à  vingt 
ans,  pour  me  faire  un  peu  perdre  la  tète  :  on  saisit  mes  lettres 
et  ou  m'emmena  à  la  préfecture.  J'avais  assez  repris  mes  es- 
prits pour  ne  formuler  aucune  plainte.  Les  choses  s'éclairci- 
rent  en  effet  d'elles-mêmes  :  les  agents  reconnurent  sans  peine 
qu'ils  s'étaient  trompés  en  ra'enlevant,  tandis  qu'il  s'agissait 
d'un  quasi-homonyme,  jeune  officier,  demeurant  au-dessus 
de  moi,  qui  devait  bientôt  devenir  général  et  dont  le  fils  a  été 
un  de  nos  ministres  plénipotentiaires  distingués. 

{A  suivre). 


FAITS  ET  ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

SllIWRNlS  A  TROYES  ET  AUX  ENVIRONS  AVANT  170O 


(  Etat   des   Récoltes,   Prix    des    Denrées    et   Etat   sanitaire  ) 


ir)9?>.  —  Année  particulièrement  calamiteuse  par  dos  in- 
tempéries continuelles  de  pluies  au  printemps  et  d'orales  en 
été,  et  par  la  mauvaise  qualité  et  la  cherté  de  toutes  les  den- 
rées, et  les  maladies  qui  en  furent  la  suite.  Le  setier  de  fro- 
ment fut  vendu  jusqu'à  100  livres,  celui  de  seigle  70  et  tout 
le  reste  en  proportion. 

—  Le  dimanche  1 2  avril,  on  lit  aux  prônes  de  la  ville  de 
Troyes  un  billet  portant  que,  par  jugement  de  la  police  tenu^e 
par  M.  le  Prévôt  le  1 1  de  ce  mois,  le  prix  du  pain  mollot  a  été 
fixé  à  22  deniers. 

—  Le  14  mai,  des  prières  et  processions  publiques  sont 
faites  en  vue  d'obtenir  du  beau  temps,  car  il  pleuvait  tous  les 
jours  depuis  le  mois  de  mars. 

—  Le  24  mai,  le  prix  du  pain  mollot  est  publié  à  2  sols. 

—  Le  19  juin,  cà  sept  heures  et  demie  du  soir,  violent  orage 
avec  pluie,  grêle  et  tonnerre. 

—  Le  5  août,  autre  grand  orage  du  côté  des  Chapelles, 
lequel  perdit  et  emmena  les  avoines  que  l'on  était  en  train  de 
fauciller. 

—  Le  10  août,  le  prix  du  pain  mollot  est  fixé  à  25  deniers, 
le  quartier  à  42  deniers  et  la  raichette  à  6  deniers. 

—  Le  18  avril,  à  huit  heures  du  soir,  après  une  chaleur 
suffocante,  il  se  fait  un  orage  épouvantable  de  grosse  grêle 
qui  brise  et  détruit  les  orges,  les  avoines,  les  vignes  et  les 
arbres  fruitiers  à  Lépine,  à  Torvilliers,  à  Saint-Parres-les- 
Tertres,  etc. 


•  Voir  page  2\^>,  tome  XV,  de  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie. 
1 .  Le  Tri'/oau  était  l'unité  de  poids  pour  la  soie   cl    correspondait  à  un 
demi  quart  d'oucc  ou  à  3  grammes  8  décigrammes. 


FAITS   ET    ACCIDENTS   MÉTÉOROLOGIQUES  349 

—  Les  1"J  ei  2(J,  nouveaux  orages. 

—  Le  mardi  1^'  septembre,  à  ouze  heures  du  matiu,  deux- 
cents  pauvres,  armés  de  pierres,  s'assemblent  devant  la  maison 
d'un  marchand  de  grains,  nommé  Henri  Langlois,  demeurant 
dans  la  rue  Notre-Dame,  en  face  la  rue  du  Sauvage  ;  lequel 
était  soupçonné  de  lever  le  blé  aux  environs  de  Troyes  et  de  le 
mettre  en  magasin  pour  l'armée,  ce  qui  causait  la  clierté  dans 
la  ville.  Ils  tentent  de  forcer  sa  maison  et  de  le  maltraiter  avec 
sa  femme,  mais  ils  en  sont  empêchés  par  la  police. 

—  La  semaine  suivante,  ceux  qui  voulaient  du  blé  étaient 
obligés  d'aller  chercher  un  billet  chez  le  capitaine  de  la  com- 
pagnie sur  laquelle  ils  demeuraient  et  de  porter  ensuite  ce 
billet  aux  préposés  qui  étaient  obligés  d'en  vendre  d'un  grenier 
où  on  en  avait  amené  de  Saint-Lyé. 

—  Le  dimanche  27  septembre,  le  prix  du  pain  blanc  est 
fixé  à  32  deniers,  celui  de  la  michette  à  8  deniers  et  le  pain  bis 
à  2  sols  la  livre. 

—  Le  vendredi  10  octobre,  une  visite  domiciliaire  est  faite 
par  la  pohce  pour  s'assurer  de  ce  qu'on  a  de  blé  et  de  ce  qu'on 
est  de  personnes  à  vivre  dans  chaque  maison  de  la  ville  de 
Troyes. 

1094.  —  Le  21  avril,  émeute  à  Troyes  au  sujet  du  pain  qui 
est  pris  de  force  chez  les  boulangers. 

—  Le  8  mai,  le  pain  blanc  est  mis  à  3  sols  9  deniers,  le  pain 
bis  à  3  sols  et  le  pain  de  seigle  à  27  deniers  la  livre. 

—  Dans  la  nuit  du  10  au  17  mai,  toutes  les  vignes  sont 
gelées  aux  environs  de  Troyes. 

—  Le  0  juin,  ou  publie  contre  les  accapareurs  de  grains  un 
moniloire  '  qui  est  réitéré  les  17  et  27  du  même  mois. 

—  Le  3!  juillet,  le  froment  se  vend  à  Troyes  3  livres  8  sols 
et  le  seigle  LiU  sols  le  boisseau,  et  le  prix  du  j)ain  est  fixé  à 
3  sols. 

—  Le  1  i  novembre,  le  prix  du  blé  est  descendu  à  32  sols  le 
boisseau,  et  celui  du  pain  à  2  sols  la  livre  pour  le  blanc  et  à 
lii  deniers  pour  le  bis. 

—  Au  mois  de  décembre,  les  lièvres  continues,  avec  Irans- 


1.  LoUre  do  l'odicuil  eiijoigiiunt  à  tous  ceux  (|ui  ont  connais.-jaiice  d'un 
crime  ou  d'un  .lu'.rc  (ail,  ireii  révOlcr  ce  qu'ils  eu  suveiit,  sous  peino 
d'cxcoiniuuuicaliun. 


350  FAITS    ET   ACCIDENTS   MÉTÉOROLOGIQUES 

port  au  cerveau,  sout  très  communes  à  Troyes  où  elles  fout  de 
nombreuses  victimes. 

lOOii.  —  Le  samedi  2G  mars,  le  froment  valait  40  sols  le 
Ijoisseau  au  marché  de  Troyes,  et,  le  lendemain,  le  prix  du 
pain  mollot  fut  fixé  à  18  deniers. 

—  Le  27  août,  le  mollot  ne  vaut  plus  que  1  o  deniers  et  le 
pain  bis  10  deniers  la  livre. 

1696.  —  Le  mardi  26  juin,  à  quatre  heures  après  midi,  a 
lieu  un  grand  orage  de  pluie  et  grosse  grêle  qui,  pendant  une 
heure,  détruit  les  vignes  et  les  emblaves  de  Villery,  Javer- 
uant,  Bouilly,  Souligny  et  Laînes-aux-Bois. 

—  Le  dimanche  8  juillet,  on  fait  des  prières  publiques  à 
Saint-Pierre  pour  demander  le  beau  temps,  parce  qu'il  pleu- 
vait tous  les  jours  depuis  trois  semaines. 

—  Dans  la  nuit  du  mardi  11  au  mercredi  12  septembre,  il 
gela  si  fort  que  la  glace  était  épaisse  d'un  demi-doigt  et  que  la 
plupart  des  vignes  des  environs  de  Troyes  furent  perdues. 

1097,  —  Le  mercredi  19  juin,  sur  les  trois  à  quatre  heures 
du  soir,  il  commença  à  tomber  à  Troyes  et  dans  les  environs 
une  grande  pluie  qui  dura  trois  jours  et  trois  nuits  ;  elle  cessa 
le  dimanche  à  quatre  heures  du  matin  et  reprit  le  soir 
avec  une  telle  violence  qu'il  en  résulta  une  inondation  qui 
causa  de  grands  ravages.  Le  prieuré  de  Foicy  et  celui  de 
Saint-Jacques,  à  Troyes,  furent  submergés,  et  plus  de  quinze 
maisons  furent  renversées  et  ruinées.  Enfin,  il  y  eut  des 
emblaves,  des  vignes  et  même  des  arbres  de  déracinés,  et  des 
gens  de  noyés  en  Preize,  aux  Tauxelles,  à  la  Moline  et  à  la 
Vacherie.  On  fit  k  ce  sujet,  les  24  et  25  juin,  des  prières 
publiques  et  des  processions  avec  reliques.  Enfin,  le  27,  à  sept 
heures  du  soir,  le  temps  commença  à  s'éclaircir  et  l'eau  à 
diminuer  tellement  que  le  2  juillet  on  pouvait  passer  sur  le 
chemin  des  fossés  de  la  ville  pour  aller  au  mouHn  de  Saint- 
Quentin. 

—  Le  mercredi  3  juillet,  à  quatre  heures  de  l'après-midi,  il 
survint  à  Troyes  un  orage  pendant  lequel  la  foudre  tomba  pour 
la  huitième  fois  sur  lo  clocher  de  la  cathédrale  et  y  occasionna 
d'assez  grandes  réparations. 

1698.  —  Les  seigles  furent  tellement  gâtés  par  la  bruine 
que  ceux  qui  le  mangèrent  en  furent  incommodés.  On  prit  le 
parti  de  le  mélanger  avec  de  l'orge  pour  faire  le  pain. 

—  A  la  fin  de  juillet,  le  froment  valait  4  livres,  le  boisseau 
et  le  seigle  50  sols. 


SURVENUS  A   TROYES  351 

—  Les  rivières  débordèreul  deux  ou  trois  fois  par  suite  des 
grandes  pluies,  et  l'on  ue  veudeugca  qu'à  la  fia  d'octobre  la 
médiocre  récolte  des  vignes. 

lOO'.i.  —  Le  dimanche  20  sepLeinbrt  fut  uulilié  h  Troyos  un 
mouiloire  défendaul  le  trafic  des  agioteurs  sur  le  blé. 


XVIII»  SIECLE 

1700.  —  Daus  la  nuit  du  7  au  8  octobre,  vers  une  heure 
du  matin,  la  foudre  tomba  pour  la  neuvième  fois  sur  la  flèche 
de  la  cathédrale  et  la  consuma  eulièreraenl.  Ce  clocher  ne  fut 
pas  rebâti  depuis, 

—  Daus  la  nuit  du  jeudi  14  au  vendredi  la,  le  vent  fut  si 
violent  qu'il  arracha  la  croix  de  la  mission  du  cimetière  de 
Sainl-Jecques.  Il  y  avait  vingt  ans  qu'elle  avait  été  érigée  par 
les  Capucins. 

1701.  —  Le  samedi  2  juillet,  à  onze  heures  du  soir,  la 
foudre  tomba  par  la  cheminée  de  la  maison  du  maître  d'écolo 
de  Saiut-Audré  et  la  brûla  entièrement. 

1702.  —  Le  8  août,  à  quatre  heures  du  soir,  grand  orage 
de  pluie  et  tonnerre  à  Troyes  et  aux  environs. 

—  Le  m.ardi  22,  un  nouvel  orage  éclata  sur  Bouilly  où  le 
tonnerre  tomba  deux  fois  sur  l'église  et  y  mil  le  feu.  Le  clo- 
cher fut  brûlé,  les  cloches  fondues  et  les  voûtes  crevées. 

1704.  —  Le  samedi  30  et  le  dimanche  31  août,  deux  orages 
successifs,  avec  pluie,  grêle  et  tonnerre,  ruinèrent  les  vignes 
de  Bouilly,  Villery,  Saint-Jean  de  Bonneval,  Moutgueux, 
Barberey,  Créney  et  Vailly.  Le  lendemain  les  perdrix  se  dou- 
uaient  à  4  sols  la  pièce  à  Troyes,  où  des  persoimes  de  la  cam- 
pagne en  apportaient  des  sacs  et  des  paniers  pleins,  ainsi  que 
des  lièvres  tués  par  la  grêle. 

1705.  —  L'été  fut  très  chaud  et  sec,  car  il  ne  tomba  point 
d'eau  pendant  les  mois  de  juillet  et  août;  ce  (jui  occasionna 
une  grande  mortaUlé  sur  les  tufauts  qui  furent  atteints  de  la 
petite  vérole. 

170G.  —  Le  lundi  de  la  Pcnlecûle,  2i  mai,  à  sept  heures 
du  soir,  le  tonnerre  tomba  sur  l'église  rfaiul-l'ierre  à  Bar-su r- 
Aube,et  la  brûla  ;  puis,  à  huit  heures,  sur  le  clocher  de  l'église 
de  Clairvaux  qui  fut  également  brûlé  avec  toute  la  ramée  ([ui 
était  couverte  en  plomb. 

—  Les  cerises  se  vendirent,  tout  le  mois  de  juillet,  2  deniers 


31)2  FAITS    ET    ACCIDENTS    MÉTÉOROLOGIQUES 

la  livre  ;ï  Troyes.  Ou  avait  comnieucé  à  en  avoir  à  la  Sainlc- 
Malhie,  et  ou  eu  eut  encore  après  l'Assomption,  tant  eu  était 
grande  l'aboiidance  aussi  Lieu  que  des  autres  fruits.  Ou  vit, 
cette  même  année,  des  raisins  mûrs  à  la  Sainte-Madeleine. 

—  Le  27  juillet,  à  quatre  heures  un  quart,  il  tomba  de  la 
grêle  grosse  comme  des  noisettes,  qui  ruina  toute  la  contrée 
comprise  entre  Troyes  et  Bar-sur-Seine. 

—  Les  IG  et  17  août,  prières  publiques  à  Troyes  pour  avoir 
de  la  pluie,  à  cause  des  chaleurs  excessives.  Il  plut  le  17  au 
soir. 

—  Le  dimanche  12  septembre,  à  trois  heures  du  soir,  le 
tonnerre  tomba  sur  Féglise  des  Jacobins  et  détruisit  le  clocher. 

—  Année  abondante  eu  blé,  encore  plus  eu  vin  et  davantage 
en  fruits  qui  se  donnaient  pour  rien. 

1707.  —  Année  excessivement  orageuse.  Le  15  juin,  à  sept 
heures  du  soir,  un  orage  de  pluie  et  grêle,  qui  dura  un  bon 
quart  d'heure,  causa  de  grands  dommages  aux  blés  et  aux 
vignes,  dans  les  environs  de  Troyes.  Il  y  eut  encore  des  orages 
semblables,  les  24  et  20  juin  ;  dimanche  3  et  lundi  4  juillet,  et 
des  chaleurs  intolérables  les  18,  10.  20  et  21  juillet.  Il  y 
avait  des  raisins  mûrs  à  cette  dernière  date. 

1708.  —  Encore  une  année  orageuse.  Le  12  avril,  aune 
heure  après  midi,  orage  de  pluie,  grêle  et  tonnerre. 

—  Les  G  et  7  mai,  toutes  les  vignes  des  environs  de  Troyes 
sont  gelées. 

—  Nouveaux  orages  les  15,  10,  17,  23  et  2G  mai,  puis  les 
12  et  22  juin. 

—  Au  mois  de  novembre,  le  froment  était  vendu  50  sous  le 
boisseau  sur  le  marché  de  Troyes,  et  le  seigle  40. 

1700.  —  Année  du  grand  hiver  qui  commença  le  dimanche 
0  janvier  à  5  heures  du  matin,  et  continua  si  bien  que  le  lundi 
la  Seine  commença  à  geler.  Le  froid  augmenta  ensuite  pro- 
gressivement jusqu'au  21.  Les  vignes,  les  noyers  et  un  grand 
nombre  d'arbres  fruitiers  furent  gelés.  Le  dégel  commença  le 
24  et  fut  suivi  de  l'écroulement  de  quelques  pans  des  mu- 
railles de  la  ville. 

—  Le  jeudi  21  février,  le  froid  reprit  avec  autant  d'intensité 
qu'au  mois  de  janvier  et  dura  jusqu'au  2  mars.  Mais  comme 
il  n'était  pas  tombé  de  neige  cette  fois,  et  qu'il  faisait  beaucoup 
de  vent,  tous  les  seigles  et  les  froments  furent  gelés  ;  ce  qui 
amena  une  grande  disette.  On  tlt  le  recensement  des  personnes 


SURVENUS  A   TROYES  353 

de  chaque  maison  et  de  la  quautité  de  grain  que  l'on  possédait 
ou  dont  ou  avait  besoin,  alla  d'en  régler  la  répartition. 

—  Au  mois  de  juin,  le  boisseau  do  seigle  valait  5  livres  1 0 
sous,  et  le  boisseau  de  froment  7  livres  15  sous. 

—  Le  lundi  l^'"  juillet,  à  neuf  heures  du  soir,  un  ouragan 
qui  dura  une  heure  fut  si  violent  qu'il  arracha  beaucoup  d'ar- 
bres et  découvrit  des  maisons  à  Troyes  et  dans  les  environs. 

—  Le  14,  un  autre  orage  sévit  principalement  à  Aix-en- 
Olhe  et  à  Droupt-Saint-Basle,  où  tout  fut  gâté. 

1710.  —  Le  22  février,  le  pain  moUot  fut  réglé  à  4  sous  3 
deniers. 

—  On  remarqua  cette  année  que  le  vin  nouveau  n'avait  pas 
bouilli,  ce  qu'on  attribua  à  ce  que  la  vigne  ayant  été  rajeunie 
par  la  gelée  de  1709,  elle  n'avait  pu  donner  au  raisin  les  qua- 
lités qui  proviennent  essentiellement  du  vieux  bois  '. 

1711.  —  Le  27  février,  les  eaux  furent  si  grandes  à  Troyes 
et  dans  les  environs,  à  cause  de  la  neige  fondue  et  de  la  pluie 
qui  tombait  depuis  dix  jours,  qu'on  ne  pouvait  plus  passer 
qu'en  nacelle  au  faubourg  Saint-Jacques,  et  que  tous  les  ha- 
bitants de  la  Moline  et  des  Tauxelles  furent  obligés  de  quitter 
leurs  maisons  pendant  douze  ou  quinze  jours. 

—  Le  dimanche  17  mai,  vers  midi,  un  grand  orage  de  grêle, 
pluie  et  tonnerre  passa  sur  Ervy,  Machy,  Saint- Jean  de  Bon- 
nsval,  Javernant,  et  arriva  à  Troyes,  puis  continua  jusqu'cà 
Châlons,  détruisant  tout  sur  son  passage  et  faisant  eu  un  ins- 
tant succéder  la  disette  à  l'abondance.  Ce  qu'il  y  a  de  curieux, 
c'est  que  cet  orage  avait  été  annoncé  deux  jours  à  l'avance  par 
le  capitaine  de  Saint -Martin-ès -Vignes,  qui  passait  pour 
sorcier. 

1712.  —  Les  10,  17  et  18  janvier,  grandes  eaux  à  Troyes, 
par  suite  de  la  fonte  des  neiges. 

—  Après  Pâques,  la  viande  commença  à,  se  vendre  fort 
cher,  parce  que  depuis  deux  ou  trois  ans,  la  mortalité  était 
sur  les  moutons,  dans  toute  la  Champagne.  La  livre  de  viande 
de  boucherie,  à  Troyes,  se  vendait  de  5  à  6  sous. 

—  Le  25  mai,  à  sept  heures  du  soir,  il  s'éleva  un  grand 
orage  qui  sévit  principalement  à  Clérey,  à  Daudes,  à  llouilly- 
Saint-Loup,  etc.,  où  il  causa  de  grands  dégâts  pendant  trois 
quarts  d'heure. 

1 .  Il  ost  à  rcmarfjuor  que  le  inênic  fait  provcnuat  do  la  laOmc  causo  3'est 
produit  sur  la  veudangc  do  1881. 

23 


3b  4  FAITS  ET  ACCIDENTS   MÉTÉOROLOGIQUES 

—  Les  mois  de  juin  et  de  juillet  furent  extrêmement  ora- 
geux cl  désastreux.  Des  orages  plus  ou  moins  violents  sont 
eu  eiïet  constatés  à  ïroyes  les  2,  :},  4,  6,  7,  8,  17,  18,  20,  27 
et  28  juin;  1,  2,  3,  13,  1*J,  21 ,  22,  28  et  21)  juillet. 

—  Au  mois  de  novembre,  le  boisseau  de  froment  vaut  oO 
sous  et  le  boisseau  de  seigle  30  sous  au  marché  de  Troyes. 

1713. — Dans  la  nuit  du  3  au  4  février,  il  s'éleva  sur  la 
ville  de  Troyes  uu  ouragan  de  vent  et  do  pluie  qui  dura  de 
minuit  à  huit  heures  du  matin,  o.vec  une  violence  extrême,  ar- 
rachant les  arbres,  découvrant  les  maisons  et  causant  plu- 
sieurs autres  ravages. 

—  Le  7  juin,  à  cinq  heures  et  demie  du  soir,  un  orage  de 
pluie,  grêle  et  tonnerre  éclata  sur  Troyes  et  les  environs,  où  il 
causa  de  grands  ravages,  notamment  dans  le  vignoble  de  Bar- 
sur- Aube. 

—  Pendant  le  mois  de  juin,  une  quantité  innombrable  de 
souris  ravagèrent  les  emblaves  do  la  vallée  de  l'Aube,  tandis 
que  les  loups  dévorèrent  vingt  personnes  dans  les  environs 
de  Troyes. 

—  Le  27  juin,  pendant  un  violent  orage,  le  tomierre  tomba 
sur  le  clocher  de  l'église  de  Hampigny  et  le  brûla. 

—  Le  8  août,  on  fit  dans  tout  le  diocèse  de  Troyes  des  priè- 
res publiques  pour  obtenir  le  beau  temps,  à  cause  des  pluies 
continuelles  qui  empêchaient  de  faucher  les  prés  et  de  faire 
les  moissons. 

—  Le  14,  un  grand  orage  sur  Arcis,  Champigny  et  lieux  cir- 
convoisins. 

1714.  —  Le  10  juillet,  à  une  heure  et  demie  après-midi, 
pendant  un  grand  orage,  le  tonnerre  tomba  sur  une  cheminée 
du  chcàteau  de  la  Ghapelle-Sait-Luc,  et  ensuite  sur  un  arbre 
voisin  qu'il  brûla.  —  Les  18,  19  et  29  du  même  mois,  nou- 
veaux crages  de  pluie,  grêle  et  tonnerre. 

—  Au  mois  d'août,  il  y  eut  une  grande  mortalité  sur  les 
bestiaux,  et  l'on  fit,  à  cette  occasion,  des  prières  et  des  pro- 
cessions publiques  pour  conjurer  l'épidémie. 

—  Pendant  cette  même  année,  les  loups  continuèrent  à  in- 
fester nos  centrées.  On  en  tua  notamment  à  Mosuil-la-Coni- 
lesse,  à  Ormes  et  à  Ramerupt. 

171(1.  —  Pendant  tout  le  mois  de  janvier,  il  y  eut  d'abon- 
dantes chutes  de  neige,  et  des  froids  très  rigoureux  qui  gelè- 
rent les  vignes  et  occasionnèrent  une  grande  mortalité  à  Troyes 
et  dans  les  environs. 


SURVENUS   A   TROTES  355 

—  Le  23  juiu,  ou  fit  des  prières  et  des  processions  pour 
obtenir  la  pluie  dont  on  avait  hesoiu  pour  les  biens  de  la 
terre. 

—  Dans  la  nuit  du  22  au  23  septembre,  les  grands  vents 
arrachèrent  plusieurs  gros  arbres  dans  les  champs  et  dans  les 
forêts. 

—  Il  y  eut  cette  année  beaucoup  de  chiens  enragés  qui  mor- 
dirent plusieurs  personnes. 

1717.  —  Le  11  mai,  la  plupart  des  vignes  des  environs  de 
Troyes  furent  gelées. 

—  Le  4  juillet,  de  dix  à  11  heures  du  soir,  il  s'éleva  sur 
Troyes  un  grand  orage  «  qui  ne  fut  dissipé  que  par  le  bruit 
des  cloches.  » 

—  Le  l*'"'  septembre,  le  tonnerre  tomba  sur  l'église  de  Vil- 
lenauxe  sans  l'endommager,  en  fendant  dans  toute  sa  longueur 
une  pièce  de  hois  de  vingt  pieds  qui  était  debout  contre  un 
pilier. 

—  Le  1  i,  violent  orage  de  pluie,  éclairs  et  tonnnerre  à 
Troyes. 

—  Le  5  décembre,  grands  vents  qui  ont  duré  presque  tout 
le  mois. 

1718.  —  Pendant  le  mois  de  février,  grands  froids  qui  ont 
gelé  tous  les  arlichauds. 

Les  12,  13,  14  et  1  j  juiu,  orages  presque  continuels.  Le  14, 
à  cin(j  heures  et  demie  du  matin,  le  tonnerre  étant  tombé  sur 
un  peuplier,  à  Villcchétif,  tua  le  jardinier  de  Saint-Jean-du- 
Temple  qui  s'était  réfugié  au  pied  et  blessa  gravement  un 
homme  et  une  femme  de  Troyes  placés  à  côté  de  lui. 

—  Le  dimanche  21  août,  on  carillonna  à  Saint-Pierre  et  on 
descendit  la  châsse  de  Sainte-Hélène  qui  fut  portée  proces- 
sionnellemeut  pour  demander  de  la  pluie.  Le  lendemain,  ou 
en  fil  autant  à  Saint-Urbain  avec  la  Sainte-Epine  ;  puis  à 
Saint-Etienne  avec  la  châsse  do  sainte  Hoïlde.  La  sécheresse 
et  la  chaleur  furent  surtout  accablantes,  du  21  au  21)  août,  et 
brûlèrent  les  raisins. 

1719.  —  Le  dimanche  18  et  le  samedi  2i  juin,  prières  et 
processions  pour  la  ijluie. 

1720.  —  Le  ^'.0  juillet,  à  neuf  heures  du  soir,  violent  orage 
de  pluie,  grêle  et  loimeire  qui  cause  beaucoup  de  dégâts  à 
Saint-André,  Saint-Martin,  Sainte- Saviue,  Pouau,  Arcis, 
Grandville  et  villages  circonvoisins. 


3îiC  FAITS   ET  ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

—  Le  3  août,  à  cinq  heures  du  matin,  nouvel  orage  dont  le 
dernier  coup  de  tonnerre  frappa  le  clocher  de  l' église  de  Saint- 
Avenlin,  où  il  occasionna  pour  150U  livres  de  réparations. 

1721.  — Le  15  juin,  grand  orage  sur  Saint-Ljé,  Savières, 
Chauchigny,  les  Grandes-Chapelles  et  autres  lieux. 

1722.  — Le  16  juin,  à  neuf  heures  du  soir,  grand  orage  de 
grêle  à  Marnay,  Villenauxe,  Boulages,  etc. 

1723.  —  Les  23,  27  et  28  mai,  prières  et  processions  avec 
les  châsses  de  sainte  Hélène,  sainte  Iloilde  et  la  Sainte-Epine 
pour  demander  de  la  pluie.  —  Le  1 3  juin,  prières  de  remercie- 
ments pour  l'avoir  obtenue. 

1724.  —  Le  16  août,  à  deux  heures  et  demie  du  soir,  pen- 
dant un  violent  orage,  le  tonnerre  tombe  sur  le  moulin  à  vent 
de  Bouranton  et  le  réduit  eu  cendres. 

1725.  —  Le  26  mai,  orage  pendant  lequel  la  foudre  tombe 
sur  une  maison  de  la  rue  da  Coq,  à  Troyes. 

—  Les  dimanches  22  et  29  et  juillet,  puis  le  l*^''  septembre, 
prières  pour  demander  le  beau  temps. 

—  Le  lundi  17  décembre,  à  cinq  heures  du  soir,  il  s'éleva 
un  ouragan  qui  souffla  avec  tant  de  violence  jusqu'à  sept 
heures  du  matin,  que  sur  22  maisons  dont  se  composait  le  vil- 
lage de  Feuges,  il  y  en  eut  20  de  découvertes  et  plus  ou  moins 
renversées  ;  ainsi  que  l'église  dont  la  nef  s'écroula.  Sur  beau- 
coup d'autres  points  le  vent  arracha  ou  rompit  de  gros  ar- 
bres, et  renversa  les  clochers  des  églises  de  Pougy  et  de  Tor- 
villiers.  A  Bar-sur-Aube,  il  enleva  et  transporta  tout  entier  le 
clocher  avec  les  cloches  de  l'église  des  Cordeliers  dans  une 
prairie  voisine.  A  Mâcon,  il  abattit  la  grange  d'un  cultivateur 
qui  y  fut  blessé  en  même  temps  qu'un  autre  homme  y  fut  tué. 
Enfin  une  large  pierre  située  entre  Marnay  et  Nogent  fut  en- 
levée de  terre  et  dressée  debout  par  la  violence  du  vent. 

1726.  —  Le  dimanche  2  juin,  à  trois  heures  et  demie  de 
l'après-midi,  pendant  un  violent  orage,  la  foudre  tombe  sur  la 
cathédrale  de  Troyes  où  l'on  faisait  la  procession  ;  elle  rompt 
la  nef  et  les  bas  côtés,  et  brise  plusieurs  vitres  sans  causer 
d'accidents  de  personnes.  Les  dégâts  matériels  s'élèvent  à 
4,000  livres. 

—  Le  8  du  même  mois,  à  cinq  heures  du  soir,  un  autre 
orage  de  grêle  qui  dure  trois  quarts  d'heure  occasionne  de 
grands  dommages,  tant  aux  emblaves  qu'aux  bâtiments  dans 
les  environs  de  Troyes. 

—  Le  samedi  19  octobre,  à  six  heures  et  demie  du  soir,  une 


SURVENUS  A  TROTES  S57 

grande  nuée  lumineuse,  allongée  comme  un  fleuve  de  fou  ap- 
paraît au-dessus  de  la  ville  de  Troyes.  Du  midi,  où  elle  était 
d'abord  apparue,  elle  passa  au  nord  et  ensuite  sur  Gréney, 
Vailly,  Arci?  et  autres  lieux,  jusqu'à  dix  heures  du  soir,  en  se 
dissipant  peu  à  peu.  Ce  phénomène  fut  vu  en  môme  temps  à 
Paris,  à  Rome,  à  Naples,  etc  '. 

1727.  —  Les  19,  20  et  21  avril,  fortes  gelées  qui  ont  beau- 
coup endommagé  les  seigles  et  les  vignes. 

1728.  —  Le  16  mai,  jour  de  la  Pentecôte,  à  sept  heures  et 
demie  du  soir,  un  ouragan  de  vent  d'ouest,  avec  pluie,  éclairs 
et  tonnerre,  s'éleva  sur  la  ville  de  Troyes  et  augmenta  bien- 
tôt d'intensité  par  la  réunion  de  nouvelles  nuées.  Cet  orage, 
l'un  des  plus  désastreux  que  l'on  connaisse,  dura  jusqu'à  neuf 
heures  et  demie  et  fut  entremêlé  d'une  chute  de  grêle  dont  les 
grains  étaient  gros  comme  des  œufs  de  dinde,  et  armés  de 
pointes.  Il  causa  naturellement  de  grands  ravages  aux  cou- 
vertures et  aux  vitres  des  bâtiments,  ainsi  qu'aux  vignes  et 
aux  emblaves  qui  furent  totalement  détruites  depuis  Aix-en- 
Othe  jusqu'à  Arcis.  La  pert3  des  beaux  vitraux  de  l'église 
Sait-Jean  fut  évaluée  à  plus  de  30,000  livres;  et,  à  l'égard  de 
la  campagne,  on  y  compta  32  villages  entièrement  ruinés. 
Bref,  les  pertes  totales  s'élevèrent  à  plus  de  deux  millions  et 
demi  -. 

Par  arrêt  du  21  juin  1729,  le  roi  fit  remise  aux  habitants  de 
Troyes  de  quatre  années  de  capitalioii,  montant  à  environ 
100,000,  livres  pour  les  indemniser  des  pertes  que  leur  avait  fait 
éprouver  celte  grêle. 

—  Le  15  juin,  sonneries,  prières  et  processions  avec  les  re- 
liques pour  demander  de  la  pluie. 

—  Les  12  et  18  juillet,  grands  orages,  surtout  le  dernier 
qui  perdit  les  orges  et  les  avoines  sur  les  finages  de  (Ihauchi- 
gny,  les  Chapelles,  Pouan,  Arcis,  Le  Chêne,  Lhuitre,  Ramc- 
rupt  et  Dampierre. 

1729.  —  Les  G,  19,  21,  22  et  27  juillet,  4  et  l\  août  grands 
orages  à  Troyes  et  aux  environs. 


1 .  Voir  le  Journal  historique  de  Verdun,  ilécombro  172C,  pages  4/13- 
444. 

1 .  Voir  sur  cet  (5v(5nemcnt  [{dation  véritable  des  effets  de  Vepouvan- 
table  orage  et  de  la  grèlc  extraordinaire  qui  est  tombée  sur  la  ville  de 
Troijcs  en  Champnone  et  aux  environs,  le  1i".  niaii  MIH;  iii-4".  Voir  aussi 
le  Journal  de   Verdun,  juillet  1728,  page  71. 


3" 8  FAITS   ET  ACCIDENTS  MKTEOHOLOCtIQUES 

—  Le  16  novembre,  apparition,  au  nord,  d'un  météore  qui 
dura  depuis  six  heures  du  soir  jusqu'à  deux  heures  du 
matin. 

]731.  —  Le  15  avril  prières  publiques  pour  demander  de  la 
pluie  dont  il  n'était  pas  tombé  depuis  deux  mois. 

—  Le  2',)  juin,  à  onze  heures  du  soir,  orage  qui  dura  jus- 
qu'à minuit,  et  pendant  lequel  le  tonnerre  tomba  sur  le  clo- 
cher et  sur  la  voûte  de  l'église  des  Gordeliers,  où  il  causa  pour 
600  livres  de  dommages,  et  blessa  un  père  et  un  frère  par  la 
chute  des  bois  de  la  voûte. 

1733.  —  Cette  année,  les  champs  furent  ravagés  par  les 
souris. 

—  Il  fit  très  chaud  pendant  les  fêtes  de  Noël,  et  le  27  dé- 
cembre, vers  quatre  heures  du  soir,  il  y  eut  un  orage  avec 
éclairs,  tonnerre  pluie  et  grêle. 

1734.  —  Le  24  mars  au  soir,  éclairs  et  tonnerre  suivis  de 
pluies  abondantes  et  d'inondations. 

—  Le  11  juin,  le  tonnerre  tombe  à  Troyes,  dans  la  rue  de 
la  Grande-Tannerie,  chez  la  veuve  Dorigny,  où  il  fait  quelques 
dégâts. 

—  Mois  de  juillet  pluvieux  et  orageux,  notamment  les  5, 
19  et  20. 

—  Les  pluies  d'octobre  et  de  novembre,  puis  les  gelées  qui 
suivent  empêchent  les  semailles  de  froment  qui  sont  retardées 
jusqu'à  la  fm  de  décembre. 

1735.  —  Pendant  tout  le  mois  de  janvier,  grandes  pluies  et 
grands  vents  suivis  d'inondations. 

—  Le  2  mars,  vers  huit  heures  du  soir,  la  lune,  qui  était 
dans  son  premier  quartier,  apparut  environnée  d'une  couronne 
lumineuse  qui  dura  assez  longtemps. 

—  Mois  de  mai  très  pluvieux  et  orageux.  Les  15,  16  et  17, 
processions  pour  demander  le  beau  temps  qui  n'arriva  que  le 
7  Juin. 

—  Le  27  juin,  à  trois  heures  après-midi,  le  tonnerre  tombe 
à  Villeloup  et  y  brûle  deux  maisons  et  deux  granges. 

—  Mois  de  juillet  froid,  pluvieux  et  orageux,  ce  qui  retarde 
la  moisson  et  la  fauchaison  des  prés.  Il  gèle  les  14.  15,  16 
et  17. 

—  Mois  de  septembre  également  pluvieux  et  orageux.  Ven- 
danges tardives,  peu  abondantes  et  de  médiocîe  qualité. 

1736.  —  Dans  la  nuit   du  15  au  16  mars,  vers  les   neuf 


SURVENUS  A  TEOYES  3o9 

heures  du  soir,  apparition  d'une  lumière  boréale  qui  fut  vue 
de  Lisbonne. 

—  Le  dimanche  8  juillet,  à  cinq  heures  et  demie  du  soir, 
violent  orage  de  pluie  et  de  très  grosse  grêle. 

—  Le  24,  nouvel  orage  qui  dure  deux  heures  et  pendant  le- 
quel le  tonnerre  tombe  à  Troyes  dans  la  cour  La  Rose,  puis 
sur  la  maisou  de  M.  Paillot,  dans  la  rue  du  Mont- Saint- 
Michel  '  qui  va  à  Saiul-Loup. 

1737.  —Orages  avec  pluie,  grêle  et  tonnerre  les  io  et  18 
mai,  3  et  28  juin,  3  et  30  juillet. 

1738.  —  Grandes  eaux  et  temps  froid  d'avril  en  mai  où  les 
vignes  furent  gelées. 

—  Le  mois  de  Juin  fut  très  pluvieux,  et  le  6  juillet  on  fit  des 
processions  pour  demander  le  beau  temps  qui  n'arriva  qu'au 
commencement  d'août,  lequel  mois  fut  très  sec  et  chaud. 

—  Dans  la  nuit  du  15  ou  16  octobre,  le  tonnerre  tomba  cà 
Rouillerot  sur  une  grange  qui  fut  brûlée. 

1739.  —  Janvier  pluvieux,  venteux  et  orageux  ;  mars  et 
avril  neigeux  et  froids. 

—  Le  7  juillet,  à  sept  heures  et  demie  du  soir,  orage  de 
pluie,  grêle  et  tonnerre. 

—  Cette  année,  il  n'y  eût  point  de  fruits  et  très  peu"  de  Ven- 
danges, à  cause  des  gelées  tardives. 

1740.  —  Hiver  rigoureux.  Le  froid  qui  avait  comimencé 
dans  les  derniers  jours  de  l'année  précédente,  augmenta  pen- 
dant les  mois  de  Janvier  et  de  février,  avec  des  alternatives  de 
neige,  de  pluie  et  de  verglas.  Un  pauvre  mourut  de  froid  dans 
la  rue  de  la  Chasse.  On  fit  des  distributions  de  secours  aux 
indigents. 

—  Les  mois  de  mars,  avril  et  mai  furent  également  très 
inconstants,  et  le  20  mai,  on  fit  des  processions  pour  demander 
le  Jjeau  temps.  Les  vignes  et  les  arbres  fruitiers  furent  gelés. 

-r-  Le  2b  juin,  entre  cinq  et  six  heures  du  soir,  il  y  eut  un 
grand  orage  de  pluie,  vent  et  tonnerre,  qui  abattit  des  granges 
et  découvrit  des  maisons  à  Méry-sur-Heine,  à  Nogenl-sur- 
Aube  et  à  Pougy. 

—  La  moisson  des  seigles  ne  put  commencer  qu(^  h?  1''  août, 
par  suite  des  temps  froids  et  humides  du  mois  de  juillet, 


1.  Cette  ruo  n'est  pas  citée  dans  1  ouvrngo  de  M.  Corrard  de  lîrebau  sur 
Us  rues  de  Troijcs. 


360  FAITS  ET  ACCIDENTS  MÉTÉOBOLOGlQUES 

—  Les  G  et  7  août,  orages,  pluie  et  grêle.  Les  11  et  12, 
prières  et  processions  pour  demander  le  ])eau  temps. 

—  Année  calamiteuse,  généralement  froîdo  et  humide  ;  le 
raisin  ne  mûrit  point  et  l'on  fit  des  visites  chez  les  particuUcrs 
pour  le  recensement  des  grains. 

—  Au  mois  de  novembre,  le  froment  valait  4  livres  le  bois- 
seau, le  seigle  45  sous,  l'orge  33,  le  pain  mollot  3  sous  3  de- 
niers, et  le  bois  de  corde,  dans  les  magasins  de  TrojTS, 
31  hvres. 

1741 .  —  Pluies  et  grandes  eaux  en  janvier  et  février;  mars 
avril  et  mai  secs  et  froids.  Vignes  et  arbres  fruitiers  en  partie 
gelés. 

—  Le  26  août,  le  tonnerre  tombe  à  Sainte-Syre  et  brûle  la 
grange  de  Rosier,  notaire.  «  Grande  lavasse^  de  ce  côlé-là  et 
du  côté  de  Pougy.  » 

—  Le  25  septembre,  on  a  commencé  les  vendanges  qui  ont 
été  médiocres  comme  quantité,  mais  de  bonne  qualité.  Le  muid 
de  vendange  s'est  vendu  50  sous. 

—  Le  11  novembre,  jour  de  la  Saint-Martin,  le  froment,  au 
marché  de  Troyes,  valait  3  livres  10  sous  et  le  seigle  52  sous  le 
boisseau. 

1742.  —  Gelée  et  neige  en  janvier. 

—  Le  18  février,  le  tonnerre  tombe  sur  le  clocher  d'Avant- 
lès-Ramerupt  et  le  brûle. 

—  Le  8  juin,  entre  six  et  sept  heures  du  soir,  grand  orage 
de  pluie  et  tonnerre. 

—  Eté  généralement  froid  cl  humide  ;  vendanges  tardives  et 
de  mauvaise  qualité. 

—  A  la  Saint-Martin,  le  froment  vaut  25  sous  le  boisseau 
et  le  seigle  de  14  à  15  sous. 

1743.  —  Printemps  humide,  été  sec.  Il  y  eut,  à  partir  du 
dimanche  de  la  Trinité,  un  brouillard  qui  dura  six  semaines 
et  par  suite  duquel  il  survint  une  épidémie  de  fièvres  avec  de 
grands  maux  de  tête  et  de  cœur.  On  purgea  à  force,  mais  le 
maladie  dura  longtemps  et  emporta  bon  nombre  de  personnes, 
surtout  à  Nogent-sur-Aube. 

—  Le  10  juin,  le  tonnerre  tombe  sur  la  chapelle  de  la  Nati- 
vité, à  Saint-Pierre,  sans  y  causer  de  grands  dommages. 

1 .  Terme  populaire  encore  employé  dans  les  environs  d'Arcis  pour  dési- 
gner une  ondée,  Dans  les  environs  de  Troyes,  on  dit  par  corruption  un 
élaval. 


SURVENUS  A    TROYES  361 

—  Le  samedi  27  juillet,  le  tonnerre  tue  un  homme  à  Saint- 
Julien. 

—  Prix  du  froment  à  la  Sainl-Martin  1 8  à  20  sous  le  Lois- 
seau,  le  seigle  10  sous,  le  pain  mollot  1  sou  3  deniers. 

—  Le  14  novembre,  sur  les  cinq  heures  du  soir,  pendant  une 
«  grande  lavasse  »,  avec  de  la  petite  grêle,  le  tonnerre  tombe 
sur  le  petit  château  de  Villacerf, 

1744.  —  En  janvier  et  février,  une  comète  apparaît  au  nord 
après  cinq  heures  et  demie  du  soir. 

—  En  mars,  pluies  et  grands  vents. 

1745.  —  Sur  la  fin  de  mai,  une  fièvre  maligne  enlève 
beaucoup  de  monde  à  Troyes,  principalement  sur  la  paroisse 
de  Saint- Jean. 

1740,  —  Le  25  mai,  un  homme  est  noyé  à  Vailly,  dans 
une  inondation  occasionnée  par  des  pluies  continuelles  et  tor- 
rentielles. 

—  Au  mois  d'août,  une  épidémie  sévit  sur  les  bêtes  à 
cornes. 

1747.  —  Le  7  septembre,  vers  deux  heures  du  matin,  le 
tonnerre  tombe  sur  le  clocher  de  l'église  Saint-Denis,  à 
Troyes. 

1748.  —  Pendant  le  mois  de  février  et  de  mars,  une  épidé- 
mie de  rhume  emporte  beaucoup  de  monde  dans  la  ville  et  le 
diocèse  de  Troyes. 

1740.  —  Le  mercredi  14  mai,  veille  de  l'Ascension,  il  fit 
une  gelée  si  forte  que  la  glace  avait  l'épaisseur  d'un  écu  de  six 
livres,  et  que  les  vignes  et  les  seigles  furent  gelés: 

—  Le  samedi  28  juin,  nouvelle  gelée  aussi  forte  que  la  pré- 
cédente, et  qui  acheva  de  perdre  le  peu  do  raisins  et  de  fruits 
qui  restaient. 

Nota.  —  A  partir  de  1750,  nos  chroniques  manuscrites 
offrent  une  lacune  de  plus  de  vingt  ans,  que  nous  avons  com- 
blée au  moyen  des  renseignements  que  nous  avons  puisés 
dans  diverses  publications,  notamment  dans  le  Journal  de 
Verdun,  dans  les  Nouvelles  ecclésiastiques  et  dans  l'Histoire 
de  Troyes. 

1753.  —  Neige  et  glace  au  commencement  et  à  la  fin  de 
décembre  et  chaleur  considéraljle  au  milieu  ;  ce  qui  occasionna 
de  grandes  toux  et  des  fièvres  malignes,  avec  crachements  de 
sang. 

1754 .  —  Janvier  doux  et  humide,  avec  vents  dominants  du 


362  FAITS   ET  ACCIDENTS    MÉTÉOROLOGIQUES 

sud  et  du  sud-ouest .  —  La  fièvre  coDtinue  avec  des  cas  de 
convulsions  hystériques  chez  les  femmes. 

—  Prix  des  grains  à  la  Saint-Martin  : 
Froment. ...  de  40  à  50  sous  le  boisseau  ; 

Seigle de  2b  à  30    ~  — 

Orge de  18  à  22    —  — 

Avoine de  1 4  à  1 8    —  — 

1755.  —  Le  printemps  fut  si  chaud  que  les  arbres  étaient 
feuilles  au  commencement  d'avril,  et  cette  chaleur  redoubla 
tellement  que  plusieurs  personnes  en  tombèrent  malades,  et 
que  les  vieillards  dirent  qu'ils  n'avaient  jamais  vu  un  mois 
d'avril  aussi  chaud. 

—  Sur  la  plainte  des  habitants  de  la  campagne  que  les 
pluies  continuelles  perdaient  les  moissons,  le  6  août,  ou  des- 
cendit la  châsse  de  sainte  Hélène  et  on  fit  la  procession  à  Saint- 
Pierre  pour  demander  le  beau  temps. 

1756.  —  Le  18  février,  à  sept  heures  trois  quarts  du  matin, 
on  éprouva  à  Troyes  une  secousse  de  tremblement  de  terre. 

—  Le  1 4  juillet,  le  tonnerre  tomba  à  Troyes  sur  une  maison 
près  des  remparts,  où  il  causa  peu  de  dégâts. 

—  Pendant  la  moisson,  les  pluies  continuelles  gcâtent  beau- 
coup les  emblaves. 

1757.  —  Mois  de  juin  très  pluvieux  et  très  froid,  pendant 
lequel  il  y  a  des  débordements  et  ont  lieu  des  processions. 

1758.  Sur  la  fin  de  juin  et  pendant  la  moisson,  les  pluies 
abondantes  empêchent  de  continuer  à  fauciller  les  seigles. 

—  Le  9  juillet,  on  descend  la  châsse  de  sainte  Hélène,  et 
on  fait  la  procession  seulement  par  la  rue  des  Trois-Petits- 
Ecus,  parce  que  la  pluie  ne  permet  pas  d'aller  plus  loin.  Dos 
prières  de  quarante  heures  sont  ordonnées  dans  le  diocèse 
pour  demander  le  beau  temps,  et  Ion  fait  cesser  la  comédie 
qui  se  jouait  alors  à  Troyes.  Ces  pluies  durèrent  cinq  semaines 
et  firent  germer  les  grains  dans  les  épis. 

1763.  —  Fin  novembre,  froid  suivi  d'une  grande  abon- 
dance de  ueige,  puis  de  pluies  fréquentes  accompagnées  de 
grands  vents  du  sud  et  de  l'ouest. 

1764.  —  Le  28  janvier,  violent  ouragan  suivi  de  pluies 
continues  qui  font  grossir  la  Seine,  dont  la  crue,  le  7  février, 
atteignait  18  pieds  8  pouces  au  dessus  des  plus  basses  eaux  et 
mondait  les  quartiers  bas  de  la  ville. 


SURVENUS   A  TROYES  363 

1770  \  —  Après  une  longue  période  de  pluie,  le  beau  temps 
étant  revenu,  on  fit  à  Troyes,  le  11  août,  une  procession  en 
actions  de  grâce,  dans  laquelle  on  porta  les  chasses  de  sainte 
Hélène  et  de  sainte  Mâthie. 

1771.  —  Une  prophétie  annonçait  que  quand  deux  i  se 
trouveraient  accompagnés  de  deux  potences,  il  y  aurait  de 
grandes  afflictions  ;  ce  qui  arriva  cette  année  où  les  deux  1 
représentent  les  deux  i  et  les  deux  7  les  deux  potences.  Or, 
cette  année  fùt_,  en  effet,  très  malheureuse  pour  la  rareté  et  la 
cherté  de  toutes  les  denrées,  par  les  débordements  d'eaux,  les 
troubles  de  l'Etat  et  l'exil  du  Parlement, 

—  Vers  le  15  juillet,  il  survint  des  brumes  qui  perdirent  les 
vignes  des  environs  de  Troyes,  en  faisant  tomber  le  grain. 
C'était  la  cinquième  année  que  la  récolte  manquait,  et  le  vin 
était  hors  de  prix.  Le  muid  de  40  setiers  de  vin  potable  se  vendait 
jusqu'à  300  livres  ;  le  froment,  G  livres  le  boisseau  ;  le  seigle, 
4  livres  10  sous  ;  l'avoine  35  sous  ;  le  pain  de  six  livres  17  sous  ; 
encore,  les  boulangers  laissaient-ils  le  son  dedans,  de  façon 
que  ce  pain  était-il  comme  du  pain  de  munition,  noir,  de  mau- 
vais goût,  la  mie,  comme  une  pâte  gluante,  ne  profitant  point 
et  ne  faisant  que  passer  par  le  corps. 

—  Le  17  juillet,  sur  les  dix  heures  du  soir,  on  vit  aux  envi- 
rons de  Troyes  une  lumière  extraordinaire  et  on  entendit  un 
grand  coup,  comme  un  coup  de  tonnerre,  bien  que  le  ciel  fut,  à 
ce  moment,  sans  nuages.  Ce  phénomène  fut  également  vu 
jusqu'à  Paris. 

1772.  —  Le  mois  de  mars  fut  très  pluvieux,  ce  qui  occa- 
sionna de  grandes  inondations  par  suite  desquelles  les  vannes 
du  moulin  de  Brûlé  furent  enlevées,  et  environ  vingt  toises 
des  murs  des  prisons  tombèrent  dans  la  rivière  du  moulin  de 
la  Tour. 

—  Au  mois  de  juin,  le  temps  se  mit  au  beau,  et  la  chaleur 
vint,  en  môme  temps,  donner  un  bel  aspect  aux  récoltes,  mais 
cette  chaleur  devint  bientôt  si  vive  qu'elle  occasionna  une 
grande  mortalité. 

—  Dans  la  nuit  du  27  au  28  juin,  depuis  dix  heures  du  soir 
jusqu'à  trois  heures  du  malin,  il  y  eut  à  Troyes  une  nuée  avec 
des  vents  et  des  éclairs  effroyables.  Plusieurs  maisons  furent 
découvertes,  les  vignes  renversées  et  les  arbres  arrachés. 


1.   La  plupail   des  noies  qui    suivent,    de    1770  à  17'J0,    sont   tirûcs   du 
manuscrit  du  chanoine  Trémet. 


364  FAITS  ET   ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

—  Le  27  juillet,  la  grêle  ravagea  plusieurs  contrées,  entre 
autres  les  finages  de  Ghamoy,  St-Phal,  Grésantignes,  Javer- 
nant,  et  s'élendit  ensuite  de  Troyes  jusqu'à  Bar-sur-Aube. 
Enfin,  il  survint  encore  pendant  cet  été  beaucoup  d'orages  qui 
occasionnèrent  de  grands  dégâts  en  Champagne  \ 

—  Au  mois  d'août,  une  épidémie  sévit  surtout  à  Vauchas- 
BÎs,  et  attaqua  les  deux  tiers  des  personnes,  jusqu'au  mois 
d'octobre  où  on  en  comptait  300  d'alitées. 

1773.  —  Des  pluies  qui  survinrent  vers  la  fin  de  juin,  et 
continuèrent  pendant  une  partie  de  juillet,  gâtèrent  les  foins, 
les  emblaves  et  les  vignes. 

—  Les  22  et  23  juillet,  on  fit  des  processions  avec  les 
châsses  de  sainte  Hélène,  de  sainte  lloïlde  et  de  la  sainte 
Epine,  pour  demander  le  beau  temps. 

1774.  —  Le  10  mai,  vers  quatre  heures  de  l'après-midi, 
violent  orage  à  la  suite  duquel  il  tomba  une  grêle  épouvanta- 
ble qui  s'éleva  à  plus  d'un  pied  de  hauteur  et  détruisit  les 
vignes  et  les  emblaves  à  Bar-sur-Seine,  Essoyes,  Mussy  et 
dans  plus  de  trente  villages  environnants. 

—  Le  8  août,  de  huit  à  neuf  heures  du  soir,  nuée  extraor- 
dinaire pendant  laquelle  les  éclairs  se  succédèrent  sans  inter- 
ruption, et  le  tonnerre  tomba  en  divers  endroits,  notamment 
à  Saint-Mesmin  où  il  brûla  une  ferme.  La  grêle  causa  aussi  de 
grands  ravages  aux  orges,  aux  avoines  et  aux  froments  qui 
restaient  sur  pied. 

1775.  —  Au  commencement  de  décembre,  il  survint  de 
grands  brouillards  qui  occasionnèrent  beaucoup  de  maladies, 
surtout  des  rhumes,  des  grippes  et  des  fluxions  de  poitrine, 
qui  firent  mourir  un  grand  nombre  de  personnes.  On  publia,  ta 
cette  occasion,  un  remède  qui  se  composait  d'une  tisane  faite 
avec  un  navet,  un  ognon  blanc,  une  pomme  de  reinette,  du 
bois  de  réglisse  et  du  chiendent,  bouillis  dans  une  chopine 
d'eau.  On  devait  en  boire  un  verre  bien  chaud,  le  matin,  à 
midi  et  le  soir. 

1770.  —  Grand  hiver.  —  Après  les  brouillards  du  mois 
de  décembre,  il  tomba  de  la  neige  en  janvier,  puis  la  gelée  alla 
toujours  en  augmentant  au  point  que  le  froid  atteignit  la 
même  intensité  qu'en  i7i)'.t.  La  Seine  fut  gelée  et  les  moulins 
arrêtés.  Le  vin  gela  dans  les  caves,  ainsi  que  l'eau  dans  les 

1 .  Voir  les  détails  trop  longs  de  ces  orages  dans  le  Journal  politique  de 
celle  (époque. 


SURVENUS   A   TROYES  363 

puits,  à  la  profondeur  de  8  pieds.  Le  menu  gibier  mourut  dans 
les  champs  ;  les  outardes  et  les  aigles  du  nord  se  réfugièrent 
aux  environs  de  Troyes  où  on  eu  tua  plusieurs.  Enfin,  beau- 
coup de  pauvres  gens,  et  surtout  d'enfants,  moururent  de  froid. 
Les  vignes  et  beaucoup  d'arbres  et  de  plantes  diverses  furent 
entièrement  gelées  au  niveau  de  la  neige. 

—  Le  dimanche  20  avril,  la  gelée  endommagea  fortement 
les  vignes  et  les  arbres  fruitiers  qui  avaient  échappé  aux  gelées 
d'hiver. 

—  Le  23  mai,  ou  fit  des  prières  pubHques  pour  demander 
le  beau  temps,  parce  que  les  pluies  continuelles  gâtaient  tous 
les  biens  de  la  terre. 

—  Le  dimanche  28  juillet,  de  cinq  à  onze  heures  du  soir, 
une  pluie  torrentielle  inonde  et  dévaste  le  territoire  d' Aube- 
terre  \ 

1778.  —  Le  samedi  8  août,  une  nuée  se  forma  au-dessus 
de  Javernant  et  occasionna  de  grands  ravages  par  la  grêle  qui 
tomba  en  abondance  sur  Bouilly,  Souligny,  Laines-aux-Bois 
et  s'étendit  jusqu'au  Pavillon. 

—  Prix  des  grains  au  marché  de  Troyes,  à  la  Saint-Martin  : 
Froment  de  rente  3  hvres  2  sous  le  boisseau  ; 

Seigle        —        1—14  — 

Orge  —        1—10  — 

Avoine       —         1     —    2  — 

1781 .  —  Le  24  mai,  vent  terrible  pendant  lequel  un  incen- 
die éclate  aux  Faux-Fossés-Saint-Nicolas,  près  Troyes,  y 
détruit  8IJ  bâtiments,  la  plupart  couverts  en  chaume,  et  fait 
périr  12  personnes  dans  les  ilammes; 

—  Cette  année,  les  vendanges  furent  précoces,  abondantes 
et  de  bonne  qualité.  On  donnait  un  tonneau  de  vendange  pour 
un  tonneau  vide. 

1782.  —  Pluies  constantes  depuis  le  milieu  de  mars  jus- 
qu'au commencement  de  juin  ;  ce  qui  occasionna  des  déborde- 
ments et  des  dégâts  considérables  qui,  pour  le  seul  territoire 
do  Troyes,  furent  évalués  à  plus  de  300,000  livres. 

—  Le  lundi  10  juin,  sur  les  cinq  heures  du  soir,  orage  des 
plus  violents  qui  dura  sept  heures  et  pondant  lequel  la  grêle 
ravagea  plus  de  cent  villages  aux  environs  de  Troyes,  eu 
détruisant  tout  le  gibier  dans  les  champs. 


1,  Voir  LArcisien  de  1881,  page  '.7. 


36C  FAITS   ET  ACCIDENTS    MÉTÉOROLOGIQUES 

—  Sur  la  fm  de  juillet,  une  épidémie  de  grippe,  comme  celle 
de  171)5,  règne  à  Troyes  et  daus  les  communes. 

—  Le  22  août,  sur  les  neuf  heures  du  soir,  un  orage  terrible 
s"élève  sur  la  ville  d'Arcis  et  détruit  toutes  les  récoltes  qui  sont 
hachées  parla  grêle.  Les  vitres,  les  tuiles  et  les  ardoises  sont 
brisées  et  le  gibier  massacré. 

1783.  —  Le  vendredi  27  juin,  dans  Taprès-midi.  orage 
d'une  violence  extraordinaire  qui  dura  cinq  heures,  avec  vent, 
pluie,  grêle,  éclairs  et  tonnerre  continuels,  La  foudre  tomba 
eu  plus  de  vingt  endroits,  notamment  h  Saint-Dizier,  à  la 
Chartreuse,  à  Saint-Léger  et  à  Feuges. 

—  Au  mois  de  juillet,  des  brouillards  très  intenses  obscur- 
cissent le  soleil,  et  le  font  paraître  rouge  comme  du  sang.  Il 
résulte,  de  ces  brouillards  pestilentiels,  des  maladies  épidémi- 
ques  qui  sévissent  à  la  fois  sur  les  hommes  et  sur  les  ani- 
maux et  en  font  mourir  un  grand  nombre. 

1784.  —  L'hiver  de  cette  année  est  noté  par  le  chanoine 
Trémet  comme  ayant  surpassé  en  intensité  ceux  de  1709  et  de 
1776.  Le  froid  commença  après  Noël  1783,  et  alla  toujours  en 
augmentant;  puis  il  tomba  tant  de  neige  du  1"'  janvier  au  Ib 
février,  que  de  mémoire  d'homme  on  ne  se  souvenait  pas  d'en 
avoir  vu  autant.  Comme  il  n'y  avait  point  de  fraj-é  sur  les  che- 
mins, les  premiers  qui  y  passaient  étaient  souvent  saisis  par 
le  froid,  au  point  que  l'on  trouvait  presque  tous  les  jours  des 
gens  morls  dans  la  neige.  C'est  ainsi  qu'un  cossonuier  et  sa 
femme  furent  trouvés  sur  le  chemin  des  Grandes-Chapelles. 
Le  gibier  mourait  dans  les  champs  où  venait  se  réfugier  jusque 
dans  les  habitations  où  on  pouvait  prendre  les  lièvres  et  les 
perdrix.  Tout  gelait  dans  les  maisons  et  dans  les  caves  jusqu'à 
12  pieds  de  profondeur,  et  les  habitants  se  couchaient  tout 
habillés.  Le  dégel  arriva  le  21  février  et  occasionna  ensuite  des 
inondations. 

—  Au  printemps  suivant,  il  y  eut  beaucoup  de  personnes 
atteintes  de  fluxions  de  poitrine  et  de  fièvres  tierces  que  l'on 
attribua  aux  froids  précédents. 

178y.  —  Après  les  neiges  et  les  grands  froids  de  l'hiver, 
quoique  moins  vifs  que  ceux  du  précédent,  le  vent  commença 
à  tourner  du  nord  au  midi,  dans  les  premiers  jours  de  mai,  et 
l'on  eut  ensuite  une  sécheresse  et  une  chaleur  excessives  qui 
brûlèrent  sur  pied  les  emblaves  et  les  prairies. 

—  Le  2t>  mai,  un  mandement  de  l' Evoque  de  Troyes 
ordonna  des  prières  publiques  pour  demander  de  la  pluie. 


SURVENUS   A  TROYES  367 

—  Le  gouveruement  alarmé  de  la  disetle  des  fourrages, 
proposa  le  moyeu  d'y  remédier  eu  fournissant  aux  cultivateurs 
des  graines  de  turueps,  de  navette  d'été  et  d'autres  racines  ou 
fourrages  verts  d'une  croissance  rapides,  qui  devaient  suppléer 
en  temps  utile  au  défaut  àd  foin  qui  se  vendait  20  sous  la 
Lotte  de  dix  livres,  à  Tro^^es,  et  30  sous  à  Paris. 

1786.  —  Le  19  juin,  jour  de  Saint-Gervais,  il  tomba  tant 
de  pluie  dans  les  environs  d'Arcis,  de  Brienne  et  de  Vendeu- 
vre,  que  les  eaux  y  causèrent  de  grands  ravages,  notamment  à 
Dampierre,  où  toutes  les  eaux,  venant  par  la  rue  de  Margerie, 
inondèrent  les  maisons. 

—  Les  vendanges  de  cette  année  furent  bonnes  et  favorisées 
par  un  beau  temps  ;  elles  donnèrent  de  7  à  8  muids  Farpent. 

1787  .  —  Pendant  les  mois  de  mars,  avril  et  mai,  les  pluies 
furent  presque  continuelles  ;  ce  qui  occasionna  des  déborde- 
ments de  rivières  et  arrêta  les  travaux  des  champs. 

—  Les  vendanges  furent  très  médiocres  et  rapportèrent  à 
peine  un  riceton'  l'arpent. 

—  A  la  Saint-Martin,  le  froment  se  vendait  3  livres  10  sous 
le  boisseau,  le  painblanc  2  sous  9  deniers  la  livre  et  les  autres 
denrées  aussi  cher  en  proportion. 

1788.  —  Cet  hiver  fut  très  rigoureux,  et  la  neige  si  abon- 
dante qu'on  eut  l'idée  d'en  élever  dans  différents  quartiers  de 
Paris  des  obélisques  et  des  pyramides  portant  des  inscriptions 
qui  exprimaient  la  reconnaissance  du  peuple  pour  le  roi  et  la 
reine  qui  faisaient  distribuer  des  secours  de  toute  natuic  aux 
indigents. 

—  Le  vendredi  M  juillet,  il  fit  extrêmement  chaud,  et,  le 
soir,  un  orage  éclata  et  devint  si  terrible  que  le  vent,  la  pluie, 
la  grêle  et  le  tonnerre  faisaient  rage.  Le  tonnerre  tomba  eu  plu- 
sieurs endroits,  notamment  à  onze  heures  du  soir,  sur  le  clo- 
cher de  Thennelières  qu'il  fracassa. 

1788-1789.  —  Le  27  novembre,  la  gelée  prit  vivement  et 
alla  toujours  en  augmentant,  tellement  que  les  rivières  furent 
bientôt  prises,  et  que  tout  gelait  dans  les  maisons.  Le  froid 
arriva  à  un  degré  et  demi  plus  fort  qu'en  1709.  Il  y  avait  alors 
un  pied  et  demi  de  neige  sur  la  terre,  et  c'est  ce  qui  sauva  les 
emblaves.  Ou  trouva  à  Troyes,  deux  enfants  morts  de  froid 
dans  leur  lit.  Il  y  eut  un  couuuencement  de  dégel  le  jour  de 


1 .   Futaille  de  Ricey  <5(iuivalant  à  250  litres  ou  un  dcmi-mui<l. 


368  FAITS    ET   ACCIDENTS  MÉTÉOROLOGIQUES 

Noël,  mais  la  gelée  reprit  de  plus  belle  quelques  jours  après. 
Le  puits  de  la  rue  du  Bois,  vis-à-vis  le  collège,  fut  gelé  à  dix 
pieds  de  profondeur.  Le  viu  gelait  dans  les  caves  ;  on  se  cou- 
chail  tout  habillé  ;  on  trouvait  tous  les  jours  des  gens  morts 
de  froid  sur  les  chemins  ;  enfin,  les  moulins  à  eau  furent  ar- 
arrôtés,  et  on  ne  pouvait  avoir  de  pain  chez  les  boulangers  ; 
bref,  la  misère  devint  extrême  et  occasionna  beaucoup  de  vols, 
quoiqu'on  fit  des  emprunts  considérables  pour  soulager  les 
pauvres. 

—  Le  vrai  dégel  arriva  le  11  janvier  et  fut  suivi  d'un  temps 
fort  doux.  A  ce  moment,  le  froment  valait  5  livres  le  boisseau, 
le  seigle  3  livres,  l'avoine  1  livre,  le  pain  blanc  mollot  3  sous  et 
le  pain  bis  de  six  livres  1 5  sous. 

—  Le  dimanche  12  juillet,  sur  les  sept  heures  du  soir,  le 
tonnerre  tomba  au  Collège  de  Troyes  sur  la  porte  du  réfectoire 
des  pensionnaires,  où  il  arracha  deux  barreeux  de  fer,  fendit 
un  poteau  de  bois  et  creva  plusieurs  marelles  de  torchis. 

1790.  —  Au  commencement  de  l'année,  le  froment  se  ven- 
dait encore  4  livres  10  sous  le  boisseau  et  le  pain  blanc  2  sous 
G  deniers  la  hvre. 

Arsène  Thévenot. 


HISTOIRE  DE  L'ABBAYE  D'ORBAIS 


PAR 


DOM     DU     BOUT 


François  de  Vallois,  duc  d'Alençon,  Ch-Ueau-Thierry,  et  j^p^  J^  ^^^  jg 
d'Evreux,  comle  de  Pruse,  fils  de  Heury  secoud  et  de  Calhe-  Château - 
riiie  de  Médicis,  confirma  le  même  droit  ainsi  réduit  à  cette  lerry.ec. 

abbaye,  par  ses  lettres-patentes  du  sixième  jour  de  septembre 
et  du  dernier  jour  du  môme  mois  mil  cinéf  cens  soixante  et 
onze. 

•    Hexki  III,  roy  de  France  et  de  Pologne,  suivant  les  traces   item   du   Roy 
de  ses  deux  frères,  confirma  à  l'abbaye  le  même  droit  d'usage      Hcuri  III. 
ainsi  réduit,  par  ses  lettres-patentes  du  mois  d'aoust  lo8;^  et 
du  premier  décembre  1584. 

Tous  ces  titres  se  conservent  dans  le  charlricr  de  cette  ab- 
baye. Cependant  on  verra  dans  la  suite  qu'au  préjudice  de  tant 
de  si  bons  titres,  ce  droit  dusage  est  diminué  petit  à  petit,  et 
a  été  réduit  à  rien,  c'est-à-dire  à  vingt-quatre  cordes  de  bois 
pour  tout  droit  d'usage  à  prendre  bois  vifs  tant  pour  bâtir 
que  pour  le  chauffage  indilîéremmenl,  ou  à  quatre-vingl- 
uue  livres  douze  sols,  par  une  sentence  ou  ordonnance  de  Mes- 
sieurs Nicolai,  Chomalus,  Choart,  Godefroy,  Coutenot  et  Be- 
liii,  commissaires  dépuiez  parle  Pioy  Louis  XIV'  pour  procéder 
à  l'évalualion  du  duché  de  Chàleau-Tliierry,  le  douzième  fé- 
vrier I()72. 

Le  H.  P.  Dom  Félix  Mauljean,  iiremier  supérieur  d'Orbaiz 
depuis  sou  union  à  la  congrégation  Sainl-Maur.  ayant  eu  avis 

Voir  page  120,  lome  XV,  de  la  Hevuc  de  Champagne  et  de  Urie. 

24 


n:o 


HISTOIRE    DE    l'abbaye   d'ORBAIS 


Producliou  de 
plusieurs  ti- 
tres pour  con- 


en  1671   que  Icsdils  sieurs  Nicolai,  Chomalus,  Choart,   Gode- 
Troy,  Coulenol  et  Beliu,  commissaires  dépuiez  par  .Sa  Majesté, 
I)rocédoienl  à  l'évaluation  du  duché  de  Chàleau-Thierry,  pré- 
senta requestc  ausdits  sieurs  commissaires  tendante  à  ce  (jue 
celle  abbaye  fût  maintenue  dans  le  droit  d'usage,  de  chauffage 
et  bois-à-bâlir  que  celte  abbaye   a  droit  de  prendre  et  per- 
cevoir dans  la  forest   de  Vassy   dépendante   dudit  duché  de 
Château-Thierry,  suivant  les  donations  à  elle  faites  par  les 
comtes  Thibaud,  Henry  de  Champagne  et  de  Brie,  et  autres 
princes  et  puissants  seigneurs,  bienfacteurs,  sur  laquelle  re- 
quête, après  avoir  communiqué  les  lilres   qui   sont  dans  le 
chartrier,  et  dont  on  va  rapporter  des  extraits,  il  intervinl  ju- 
gement desdils  sieurs  commissaires  du  douzième  février  1672, 
par  lequel,  comme  dit  est,  le  chauffage  fut  réduit  à  vingt  cor- 
des de  bois  vif,    et  le  bois-à-bâtir  à  quatre  cordes  de  bois  vif. 
Lesdiles  vingt-quatre  cordes  sont  évaluées  à  quatre  livres  la 
corde,  et  se  payent  à  présent  sur  ce  pied-là  par  M.  le  duc  de 
Bouillon,  engagislc  du  duché  de  Château-Thierry   donné,    en 
échange  des  duchez   et  principautez   de  Sedan,    de   Bouillon 
et   Raucourt,  à  Frédéric-Maurice  de    la    Tour    d  Auvergne, 
duc  de  Bouillon,  par  le  Roy  Louis  XIII  dit  le  Juste  '  eu. . .  ; 
mais   parce  que    ledit    seigneur    de    Bouillon    ou    Buillon 
exige  tous  les  ans  certains  droits  en  argent  et  en  avoine  sur 
cette  abbaye,  ou  compense  ces  deux  redevances,  et  par  celte 
compensation  l'abbaye  se  voit  aujourd'huy  dépouillée  entière- 
ment de  ses  beaux  droits  d'usage,  chauffage,  bois-à-bâlir  sur 
ladite  forest  de  Vassy. 

Ledit  R.  P.  Dom  Félix  pour  conserver  à  cette  abbaye  les 
droits  dont   on   vient    de   parler,   d'usage,    paissonnage  "  et 


server !e droit  pâturage,  etc.,  produisit  ausdits  sieurs  commissaires  plusieurs 
de  ruLboye.    titres,  leltres-patentes  cv-devaul  obtenues  du  Roy  Charles  IX. 
du  duc  d'Alençon,  de  Henri  III,  par  Jean  de  Pilles,  abbé  com- 
meudalaire  d'Orbaiz  et  son  aumônier  :  actes,  sentences,   or- 
donnances, etc.,  cy-devaut  rendus  en  laveur  de  celle  abbaye, 


1.  [Lisez  :  Louis  XIV.  —  Frédéric-Maurice  de  la  Tour,  duc  de  Bouil- 
lon, pair  de  France,  comte  d' Auvergne,  lieuteuaut-général  des  armées  du 
Roi,  ué  à  Sedan  on  1603,  mort  à  Poutoise  en  1052.  Il  était  l'rère  uiaé  du 
firaud  Turenue.  Les  duchés-pairies  d'Albrct  et  de  Clià'.eau-Tliierry  lui 
lurent  cédés  en  échange  des  souverainetés  de  Sedan  et  Kaucourt  par  con- 
trat du  20  mars  1651  passé  avec  le  roi  Louis  XIV'.  Le  texte  de  ce  contrat 
est  rapporté  par  le  P.  Anselme,  llisl.  généai,  IV,  509.] 

"2.  [Paisson  {paslio) .  Droit  de  luire  paître  aux  animaux  les  glands  ou 
autres  l'ruils  des  lorêts.j 


HISTOIHE    DE   l'aBBAYE    d'oRBAIS  371 

que  l'on  trouvera  dans  le  chartrier,  et  qu'il  faut  lire  pour  s'ins- 
truire à  fond  de  cette  affaire. 

La  première  pièce  produite  est  la  sentence  ou  ordonnance  Senicace  de 
dadit  Christophe  de  Gomcr,  maître  particulier  des  eaux  et  fo-  Gomcr. 
rests,  du  12  février  mil  cinq  cens  soixante  et  un,  lequel,  avant 
que  de  prononcer,  reprend  au  commencement  de  sa  sentence, 
dit  et  déclare  «  avoir  vu  et  lu  plusieurs  pièces  que  lesditsreli- 
"  gieux,  abbez  et  couvent  avoieut  produites  pour  établir  leur 
«  dit  droit  d'usage  etc. ,  entre  autres  la  requête  présentée  par  les 
«  vénérables  religieux,  abbé  et  couvent  d'Orbaiz,  tendante  à 
«  ce  qu'il  leur  fût  marqué  et  délivré  en  les  forests  de  Vassy  et 
«  Barbillons  la  quantité  de  deux  cens  cordes  de  bois  et  dix 
«  milliers  de  fagots  par  chacun  an  pour  leur  chauffage  par  la 
«  marque  et  marteau  du  maître  sergent  de  ladite  forest  sui- 
«  vaut  les  chartes,  titres  et  sentences  de  mainlevée  par  eux- 
«  obtenues,  certaines  lettres  et  cbartres  écriptes  en  latin  don- 
«  nées  par  Henry,  comte  palatin  de  Champagne,  de  Tan  mil 
«  cent  soixante-cinq,  qui  avoit  baillé  et  octroyé  ausdits  reli- 
«  gieux,  abbé  et  couvent  le  droit  d'usage  par  toute  la  forest 
«  de  Vassy  à  prendre  bois  vif  tant  pour  bâtir  que  pour  le 
«  chauffage  de  leur  dite  maison,  reconnoissant  ledit  Henry, 
«  comte  palatin,  que  lesdils  religieux,  abbé  et  couvent  luy 
«  avoienl  quitté  une  partie  de  ladite  forest  de  Vassy  qui  leur 
«  appartenoil.  » 

Un  juge  équitable,  religieux  exécuteur  des  intentions  de  Gomer   injuste 

ces  pieux  comtes  de  Champagne,  moins  insatiable   et  moins  daas  sou  ju- 

.          .                r>                          '                T       .     '        •  1  •               1-  gcmeul    ({ui 

passionne  que  ce  (jomcr  pour  s  aggraudu'  et  s  enrichir  aux  de-  restreint  et  ré- 

pens  des  biens  de  l'église  et  du  peuple,  et  pour  couvrir  ses  in-  ^^^^K  ¥,  ^l'*^^^ 
justices,  ses  violences,  ses  rapines  et  ses  malversations  dans 
1  administration  de  sa  charge  par  le  retranchement  injuste  des 
droits  le  mieux  établis,  un  lisant  et  pesant  ce  litre  d'échange 
si  ancien,  si  juste  et  si  authentique,  lait  entre  ledit  Henry, 
comte  palatin,  et  l'abbaye  d'Orbaiz,  l'auroit  respecté  fort  re- 
hgieusement  et  confirmé  ;  et,  par  son  jugement  du  douzième 
février  1501,  auroit  maintenu  cette  abbaye  dans  tous  ses  droits 
d'usage,  chauffage,  et  ù  prendre  bois-à-bàtir  et  réparer,  sans 
y  rien  retrancher  ni  le  réduire,  et  eu  même  Icms  sans  faire 
tort  au  Prince.  Mais  l'injuste  Gomer,  étant  l'enuerai  déclaré  et 
irréconciliable  de  Nicolas  de  la  Crobc,  abbé,  quoique  son  pa- 
rent, et  de  1  abbaye  d'Orbaiz,  et  toujours  attentif  à  toutes  les 
occasions  de  leur  nuire,  et  pour  cacher  les  dégradations  qu'il 
commettoit  dans  la  forest  de  Vassy  à  sou  profit,  embrassa 


372 


HISTOIRE    DE    L  ABBAYE    D  ORBAIS 


Mort 
de  Goiner   le 
treizième  oc 
tobre  1571 . 


Lettres -paten- 
tes de  Char 
les  IX. 


avec  joye  celte  occasion  de  faire  éclaler  sa  mauvaise  volonlé  ; 
il  ordonna  pour  cet  elTect  «  qu'il  seroit  seulemeul  délivré  aus- 
'(  dits  religieux  et  abbé  d'Orbaiz  par  cbacuu  au  pour  leur 
«  chauffage  la  quantité  de  cent  cordes  de  bois  et  quatre  inil- 
«  liers  de  fagots  en  bois  mort,  et  mort  bois  et  bois  sec  et 
«  entortillé,  au  lieu  de  bon  bois  »  ;  sans  faire  aucune  mention 
du  droit  dcsdils  religieux  et  abbé  de  prendre  bois-à-bàtir  dans 
ladite  forêt  de  Vassy. 
trafique  Ce  Gomer  est  le  premier  officier  des  eaux  et  forests  qui 
ait  donné  une  si  grande  atteinte  ausdits  droits  des  religieux 
si  bien  fondez  et  dont  ils  avoient  joui  si  long  lems  sans  inter- 
ruption jusqu'à  luy.  Mais  en  parlant  de  Mcolas  de  la  Croix, 
on  verra  que  la  mesure  des  injustices  criantes  de  Gomer  étant 
à  comble,  Dieu  eu  tira  la  juste  vengeance  par  une  mort  préci- 
pitée également  funeste  et  tragique  à  la  porte  de  cette  abbaye, 
le  treizième  jour  d'octobre  mil  cinq  cens  soixante  et  onze. 
Voyez  cy-aprés. 

La  seconde  pièce  produite  par  Dom  Félix  Mauljean,  sont  les 
lettres-patentes  du  roy  Charles  IX  données  à  Saint-Maur-des- 
Fossez,  le  4*^  ma,y  1 567,  obtenues  par  Nicolas  de  la  Croix,  abbé, 
et  les  religieux,  qui  n'étant  point  contents  du  jugement  dudit 
Gomer,  eurent  recours  à  Charles  IX  qui  coniirma  à  la  vérité 
leur  droit  en  partie,  en  ajoutant  au  jugement  ou  sentence  de 
Gomer  le  droit  de  prendre  bois-à-bâtir,  mais  ne  leur  accorda 
que  lesdiles  cent  cordes  de  bois  et  quatre  milliers  de  fa- 
gots. Quand  une  fois  on  a  fait  brèche  et  donné  atteinte  aux 
droits  et  privilèges  les  plus  justes  et  les  mieux  établis,  on  n'y 
revient  jamais,  on  trouve  assez  de  motifs  et  de  faux  prétextes 
pour  frustrer  les  pieuses  intentions  deo  bienfacteurs  etdé})Ouil- 
1er  ouvertement  les  plus  légitimes  possesseurs. 


Extrait  des  lelires-patentes  de  Charles  IJ. 

«  Charles,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France,  à  nos  amez 
«  et  féaux  les  gens  de  nos  Comptes  à  Paris,  grand  maître  en- 
((  quêteur  et  général  réformateur  des  eaux  et  forests  do  noslre 
«  royaume,  et  maître  particulier  des  eaux  et  forests  de  Vitry 
«  et  prévôt  de  Château-Thierry  et  Châtillon-sur-Marne,  ou 
«  leurs  lieutenants  et  chacun  d'eux,  salut  et  dilection.  Les 
«  religieux,  abbé  et  couvent  d'Orbaiz  nous  ont  fait  remontrer 
«  qu'en  l'année  mil  cent  soixante-cinq,  par  accord  lait  avec 
«  Henry,   comte   de   Champagne,    reconnoissaut    qu'ils   luy 


HISTOIRE   DE    L  ABBAYE   D  ORBAIS 


373 


«  aiiroient  quitté  une  partie  de  la  forest  de  Vassy  qui  leur 
«  apparlenoit,  iccluy  comte  leur  auroit  baillé  et  octroyé  droit 
«  d'usage  pour  toute  ladite  forest  de  Vassy  à  prendre  bois  vif, 
«  tant  pour  bâtir  que  pour  le  chauffage  de  leur  dite  maison 
«  indifféremment  ;  suivant  lequel  octroy  et  concession  au- 
«  roient  lesdits  religieux,  abbé  et  couvent  joiïy  dudit  droit 
«  d'usage  dés  et  depuis  ledit  tems  de  mil  cent  soixante- cinq, 
«  et  auroient  pris  bois  vif  tant  pour  bâtir  et  pour  toute  autre 
«  sorte  de  bois  vif  et  mort  pour  leur  chauffage «  et,  rap- 
portant la  sentence  dudit  Gomer,  dit  que  «  si  elle  avoit  lieu, 
«  ce  seroit  les  frustrer  totalement  de  la  jouissance  de  leur  dit 
a  usage  et  intention  dudit  comte  de  Champagne  et  autres  fon- 
«  dateurs  de  ladite  abbaye  qui  leur  auroit  été  donné  par  dot 
a  et  fondation  d'icellc  abbaye  pour  y  entretenir  le  service  di- 
«  vin,  ce  qu'ils  ne  pourroient  faire  si  ils  étoient  frustrez  dudit 

a  droit  d'usage.  A  ces  causes nous  voulons  et  ordonnons 

«  être  baillé  et  délivré  ausdils  religieux,  abbé  et  couvent  bois 
«  vif  pour  bâtir  en  leur  dite  maison  et  abbaye  ;  eu  outre  qu'il 
«  leur  soit  baillé  et  délivré  par  chacun  an  pour  leur  chauffage 
«  la  quantité  de  cent  cordes  de  bois  et  quatre  milliers  de  fa- 

«  gots  eu  nôtre  dite  forest  de  "Vassy,  elc »  Voyez  le  reste 

desdites  lettres-patentes  qui  furent  ensuite  vérifiées  à  la 
Chambre  des  Comptes  de  Paris  le  seizième  ou  dix-huitiéme 
jour  de  juiu  de  la  même  année. 

Dom  Félix  produisit  encore  plusieurs  lettres-patentes  tant   L,eitres  du  duc 
de  Charles  IX  (11  may  1568,  25  août  1568)  que  de  François   ctiàteau^Thiér- 


de  Vallois  (G  sept.  1571,  30  sept.  4571)  duc  d'Alençon,  Châ- 
teau-Thierry, etc et  de  Henri  III  (août  1583,  1^'"  dé- 
cembre 1584)  ^  roy  de  France,  ses  frères,  qui  tous  ordonnoient 
que  l'abbaye  jouira  paisiblement  et  sans  trouble  desdits  droits 
d'usage,  etc. . .  .  cy-dessus  expliquez,  nonobstant  les  fré- 
quentes oppositions  des  eaux  et  foresls.  Cependant  au  préju- 
dice d'une  si  ancienne,  si  longue  et  si  juste  possession  sans 
interruption,  lesdits  sieurs  Nicolai,  Chomalus  et  autres  com- 
missaires députez  réduisirent,  comme  on  a  déjà  dit,  le  droit 
de  l'abbaye  par  leur  jugement  du  12  février  1072,  à  vingt- 
f[uatre  cordes  de  bois  pour  tout,  sans  rien  accorder  j)Our  bâtir. 
Et  l'on  doit  bien  s'attendre  qu'à  la  première  réformation,  on 
retranchera  tout  droit  à  cette  pauvre  petite  abbaye,    sous 


ry,  et  de 
Henrj  IK. 


1 .  Toutes  CCS  piiSccs  se  conservent  dans  le  cliartrier  de  I'at)baye,  iton;  la 
di'iclaration  des  hiens,  droits  de  l'abbaye  présentée  le  21  décembre  1347  au 
Lailly  do  Vilry  par  Dom  Pàquier  Cliatton. 


37-1  HISTOIRE    DE   L  ABBAYE    D  ORBAIS 

prélcxte  que  la  forest  de  Vassy  ne  sera  plus  en  élal  de  fournir 
et  accorder  la  jouissance  desdits  usages  tant  à  l'abbaye 
qu'aux  habitaus  des  villages  circonvoisins.  Car  enfin  il  n'y  a 
point  de  droit  si  saint,  si  sacré  et  si  bien  établi  auquel  on  ne 
donne  atteinte  en  surprenant  la  religion  et  les  meilleures  in- 
tentions des  souverains  par  le  mauvais  tour  et  les  faux  rap- 
ports que  leurs  officiers  leur  font  de  l'état  des  choses  pour  ar- 
racher d'eux  le  retranchement  et  l'abolilion  des  droits  les 
mieux  établis  accordez  par  leurs  prédécesseurs  ;  et  quand  on 
les  a  une  fois  retranchés,  ou  sçait  par  une  expérience  journa- 
lière en  ce  siècle,  que  l'on  n'y  rentre  jamais.  Ceux  qui  appro- 
chent des  Princes  trouvent  assez  de  prétextes  spécieux  pour 
colorer  leur  injustice  dans  ces  retranchemens. 

Thibaud  IIP  du  nom,  comte  de  Champagne  et  de  I^rie,  fit 
rebâtir  l'église  de  cette  abbaye  de  Saint-Pierre  d'Orbaiz.  Il  n'y 
a  plus  aujourd'huy  que  le  chœur,  la  croisée,  le  rond-point  ou 
pourtour  avec  les  chapelles,  qui  subsistent  en  leur  entier.  La 
nef,  le  portail  et  les  deux  tours  a  côté  d'iceluy  (supposé  que 
ces  parties  ayent  été  achevées,  car  ou  n'en  a  aucune  certitude) 
sont  en  désordre  et  presque  ruinés  par  la  faute  et  négli- 
gence des  abbez  commendalaires,  plus  soigneux  de  recevoir 
les  revenus  et  de  les  dissiper  souvent  en  usages  criminels  que 
de  les  employer  en  rép-i.rations. 

Thibaud  III  ré-        On  coujoclure  que  c'a  été  Thibaud  IIP  du  nom,  comte  pala- 
tabliL  f-etiee-   ^-^^^  ^^^  Champagne  et  de  Brie  iqui  commença  de  gouverner  ses 

p  use  VC^^  I  cill  i       o  *   i  •* 

1200.  Etais  eu  mil  cent  quatre-vingt-dix-sept  ,   après  la  mort  de 

son  frère  aine  Henri  II  dit  le  Jeune,  mort  en  Palestine  d'une 
chûle  de  fenestre  en  lli'?,)  qui  a  fait  rebâtir  ou  du  moins  com- 
mencer cette  église,  parce  qu'on  lit  dans  un  mémoire  de  notre 
chartrier  intitulé  :  Singularités  d' Orhaiz  écrit  par  un  ancien 
religieux,  le  vingt-cinquième  jour  de  novembre  mil  six  cens 
neuf,  jour  et  fête  de  saint  Réole,  «  (juil  y  avoit  quatre  cens 
«  neuf  ans  que  le  corps  de  cette  église  avoit  été  renouvelle 
«  par  un  comte  Thibaud.  » 

Si  la  supputation  de  ce  mémoire  est  exacte,  il  s'ensuit  que 
ce  comte  Thibaud  qui  lait  commencer  le  rétablissement  de 
notre  église  est  Thibaud  IIP  du  nom  qui,  comme  on  a  dit, 
commença  de  gouverner  en  1197  et  mourut  en  1201,  ce  qui 
revient  à  l'année  1200  pour  notre  église,  et  qui  auroit  été 
commencée  la  troisième  année  des  quatre  de  son  gouverne- 
ment. Mais  si  la  supputation  de  notre  mémoire  n'est  pas  tout- 
à  lait  exacte,  il  faudra  attribuer  ce  rétabhssement  ou  conti- 


Tliibaud  IV  l'a 


HISTOIRE    DK     l'aBBATE    d'ORBAIS  375 

nualion   à    son    successeur    Thibaud    quatrième    du  nom, 

aussi  comln  palalm  de  Champagne  et  de  Une,  ([ai  peut  avoir        pcut-stre 

fait  achever  ce  que  son  prédécesseur  nauroit   pas  eu  le  tems   commencéo  ou 
,     „    .  ,     ,     1    •  1  achevée. 

de  finir  a  cause  de  la  brièveté  de  son  gouvernement  de  quatre 

ans  seulement.  Les  fenêtres  de  la  croisée  sont  différentes  de 
celle  du  rond-point  et  de  la  nef,  ce  qui  marque  une  interrup- 
tion ou  changement  de  Prince,  d'architecte  et  d'ouvriers. 

Thibaud  IV*  du  nom  surnommé  le  Posthume  ou  le  faiseur 
de  ch%nsons,  comte  palatin  de  Champagne  et  de  Brie,  et  pre- 
mier du  nom  roy  de  Navarre  qu'il  joignit  à  ses  Etals  vers  l'an 
1234  ou  1236  à  cause  de  Blanche  I'^  de  Navarre,  son  épouse  ', 
fille  de  Sanche  VI  dit  le  Sage,  et  sœur  de  Sanche  VII  dit  le 
Fort  ou  TEnfermé,  roy  de  Navarre,  mort  sans  enfansen  1234 
ou  1236,  et  étant  de  retour  de  la  Terre  Sainte,  il  mourut  à 
Troyes  le  dixième  juillet  1254,  après  avoir  gouverné  ses  Etats 
de  Champagne  et  de  Brie  cinquante-trois  ans,  et  la  Navarre 
seize  ou  dix-huit  ans.  Il  étoit  fort  affectionné  à  cette  abbaj-e, 
marchant  sur  les  traces  de  ses  prédécesseurs,  comme  il  paroît 
par  la  donation  qu'il  fait  aux  religieux,  abbez  et  couvent  d'Or- 
baiz  de  tous  les  droits,  coutumes,  servitudes,  corvées  qui  luy 
étoient  dues  par  trois  lois  l'an^  serfs  el  servantes,  poules  et 
avoines  el  autres  droits  rapportez  dans  le  titre  de  donation 
dont  voicy  la  copie  eu  latin,  ladite  donation  datée  du  mois  de 
février  1228  : 

«  Ego  Theobaldus Campanife  et  Bria^  comes  notum  facio  uni-  Donation  do 
«  versis  tam  pra.'senlibus  quam  fuluris,  quod  ego  attendcns      Thibaurl    IV 
«  consideransque  familiarilatem  necnon  ainicitiam  quam  crga      février'^  1^028^ 
«  me  et  charissimam  dorainam  meam,  diu  est,  habuit  ecclesia 
<i  Orbacensis,  et  eliam  pro  remédie  anima»  mea'  et  inclil;e  re- 
«  cordalionis  Theobaldi  patris  mei,  donavi  et  concessi  abbati  el 
«  convenlui  Orbacensi   omnia  jura,   consuetudines,   servos, 
0  ancillas,  el  quorum  seu  omnium  animalium  Irahentium  die- 
«  tas  1res  in  anno,  quas  habemus  et  possidemus  apud  Orba- 
u  cum  et  Villam  qua'  sublus  Orbacum  est  vel  alibi  in   villis 
0  nieis,  civitatibus  sive  caslris,  videliccl  quod  unusquisque 


I.  [Lisez  :  sa  mère.  —  Blanche  de  Navarre  aviiil  épousé  Thibaut  UL 
De  ce  mariage  est  issu  le  rélèbn;  Tliib:iud  le  Chansonnier,  dil  aussi  le  Pos- 
thume, parce  qu'il  naquit  après  la  morl  di.'  son  père.  En  1234,  Thibaud  IV 
succéda  au  liôue  de  Navarre,  comme  héritier  de  Sanche  VII,  dil  le  l''orl, 
son  oncle  inalcrnel.  Ce  coinle  de  Chainpa^rne  lui  marié  trois  l'ois.  Il  épousa 
successivement  Gcrtrudu  de  ')abo,  Agnès  de  Beaujcu,  cousine-germaine  de 
Louis  VIII,  et  Marguerite  'h  Bourbon.^ 


376  HISTOIRE    DE    I,' ABBAYE    d'ORBAIS 

«  habitans  dicli  Orbaci  solvel  in  perpeluura  dicUr  ecclesido  in 
«  die  nativitalis  Domiui  unam  gallinain  cuni  mio  solido  turo- 
a  uensi.  El  ad  Villam  qua;  sublus  Orbacum  est,  quolibet 
e  anno,  eodem  die,  diclœ  ecclesife  solvent  duas  galliuas  et  très 
<v  boissarios  avenœ  de  consuetudinibus  quas  illic  babco. 
«  Exccptistantum  nobilibus  et  clericis.  Quorum  babitantium 
«  Villa?  ostia  dependendi  licentiam  do  et  concedo  dicta;  eccle- 
«  sise,  neque  ut  possint  dicti  habitantes  rependcre  dictum 
•  ostium  sine  licentia  dicta?  ecclesia;,  sub  pœna  trium  libra- 
«  rum  turonensium,  si  secus  fecerint.  Quod  ut  notum  pcrma- 
«  neat  et  firmum  tenealur  lilteris  annotatum  sigilli  mei  muni- 
«  mine  roboravi.  Actum  anno  Domini  millesimo  ducentesimo 
«  vicesimo  octavo,  mense  februario.  Et  sigillatum  magno  si- 
«  gillo,  in  cera  rubea  cum  duplici  cauda  pergamenea  '  impcu- 
«  dente.  » 


Traduction  de  ïacte  précédent  en  vieîix  françois. 

«  Nous  Tbibaud,  comte  de  Champagne  et  de  Brie  -,  salut 
«  sçavoir  faisons  qu'en  considération  de  la  dévotion  que  nous 
«  et  nôtre  très  chère  et  très  honorée  dame  avons  envers  l'é- 
('  glise  de  l'abbaye  d'Orbaiz,  eu  égard  aussi  à  la  grande 
«  démonstration  d'amitiée  et  fervent  zélé  de  bienveillance  des 
n  abbez  et  religieux  de  ladite  abbaye  envers  nous,  et  pour  le 
«  salut  de  nôtre  âme  et  de  celle  de  très  heureuse  mémoire 
«  Tbibaud  nôtre  honoré  père,  avons  donné  et  accordé,  don- 
«  nons  et  accordons  à  l'abbé  et  couvent  de  ladite  abbaye  d'Or- 
«  baiz  tous  les  droits,  coutumes,  servitudes,  serfs,  servantes' 
a  et  mèmement  toutes  corvées  qui  nous  sont  dues  par  trois 
«  fois  l'an  audit  lieu  d'Orbaiz  et  en  la  Ville  appellée  soùs  Or- 
«  baiz,  et  en  toutes  nos  villes,  cités  et  châteaux.  Et  seront 
«  aussi  tous  et  un  chacun  d'iceux  habitans  dudit  lieu  d'Orbaiz 
«  tenus  payer  par  chacun  an  à  ladite  abbaye  d'Orbaiz  une 
«  poulie  et  un  sol  tournois,  et  ce  au  jour  de  Noël  ;  et  à  ce  mê- 
«  me  jour  et  tous  les  ans  un  chaciai  des  habitans  de  ladite 
«  Ville  sous  Orbaiz  sera  tenu  payer  à  ladite  abbaye  d'Orbaiz 
«  deux  poulies  et  trois  boisseaux  d'avoine.  Les  personnes 
t  nobles  et  clercqs  en  étant  exempts.  Donnons  aussi  par  ces 

\.    'Pergamena.] 

2.  Thibaud  IV  nn  prend  ic}'  dans  cet  acte  que  le  titi'o  de  comte  de  Cham- 
pagne en  1228,  parce  qu'il  ne  fut  roy  de  Navarre  par  Blanche  I"  de  Navarre 
qu'en  1234  ou  1236. 


HISTOIRE    DE   L  ABBAYE    D  ORBAIS 


377 


«  présentes  plain  et  entier  pouvoir  d'ùter  et  faire  dépendre  les 
«  huis  des  maisons  des  habitans  de  ladite  Ville  sous  Orbaiz,  et 
«  ce  à  ladite  église  et  abbaye  dudit  Orbaiz,  sans  que  nul  de>- 
0  dits  habitans  y  puisse  mettre  empêchement,  et  où  seroit 
«  trouve  ce  faire  sera  mis  à  l'amende  de  trois  livres  tournois 
«  envers  ladite  abbaye,  ni  ne  puisse  rependre  les  huis  de  leurs 
«  maisons  sans  la  permission,  licence  et  congé  de  ladite 
«  éghse  sous  la  môme  peine  et  amende  envers  ladite  ab])aye 
«  et  église  d'Orbaiz.  Et  à  fm  que  cette  présente  fasse  foy  et 
«  donne  entière  connoissance  de  nôtre  susdite  volonté,  l'avons 
«  signée  de  nôtre  propre  main,  y  avons  fait  apposer  nôtre 
a  grand  séel  en  cire  rouge  pendant  eu  double  queue  en  par- 
a  chemin.  Fait  l'an  de  Nostre  Seigneur  mil  deux  cens  vingt- 
H  huit,  au  mois  de  février,  » 

L'abbaye  d'Orbaiz  ayant  joui  paisiblement,  sans  aucune  in- 
terruption ni  trouble  de  tous  ces  droits,  et  prérogatives  rappor- 
tez dans  les  actes  précédents  pendant  prez  de  deux  siècles,  un 
certain  Oudin  la  Tresse,  apparemment  esprit  brouillon,  inquiet 
et  séditieux,  voulant  secouer  le  joug  de  cette  dépendance  et 
servitude  de  l'abbaye,  s'avisa,  cent  quarante  ans  après  cette 
donation,  de  refuser  de  payer  les  droits,  redevances  annuelles, 
et  satisfaire  à  tous  les  devoirs,  corvées,  servitudes  ausquelles 
il  étoit  tenu  et  obligé  envers  ladite  abbaye  d'Orbaiz.  Ce  que 
voyant  les  religieux,  abbé  et  couvent  d'icelle,  ils  en  portèrent 
leur  plainte  et  requête  par  devant  les  gens  tcnans  et  officiers 
des  assises  tenues  à  Château-Thierry,  lesquelz  ayant  vu  les 
ti'res  desdits  religieux,  pezéet  mûrement  considéré  et  examiné 
leur  droit  et  possession,  les  confirmèrent,  et  condamnèrent 
ledit  Oudin  de  la  Tresse  à  satisfaire  entièrement  aux  demandes 
des  religieux,  par  leur  sentence  du  huitième  janvier  1368  dont 
copie  : 

«  A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront  et  oiront, 
«  Symon  Frizon  bailly.  Madame  la  Royne  Jehanne  roync  de 
«  France  et  de  Navarre  ',  salut.  Les  religieux,  abbé  et  couvent 
«  de  l'église  d'Orbaiz  en  Brie  proposoient  contre  Oudin  la 
«  Tresse  que,  à  cause  de  leur  église,  ils  étoient  et  avoient  été 


Un  certain  Ou- 
din la  Trosse 
refusant  de 
satisfaire,  y 
est  condamné 
en  1368,  le 
8"=  janvier. 


3GS.  Sentence 
qui  confirme 
les  droits  cy- 
<1  essu  s  et 
condamne  un 
rofractaire  ou 
opp osant  à 
y  satisfaire. 


1.  Cette  princesse  doit  estre  Jeanne  de  Franco,  fdle  du  roy  Jean, 
laquelle  naquit  à  Chàlcauneuf-sur-Loire  le  2i  juin  1313.  Elle  épousa  au  Vi- 
vier en  liric  l'an  1351  [1353,  Arl  do  vérifier  les  dates]  Charles  le  Mau- 
v.iis,  roy  de  Navarre.  Elle  mourut  en  1373,  cinq  aprds  la  sentence  du  lit 
Symon  Frison. 


378  HISTOIRE   DE    l'aBBAYE    d'oRBAIS 

«  en  saisine  et  possession  par  long-lems,  tel  qu'il  n'est  nié- 
«  moire  connue  du  contraire  ou  au  moins  suffisant  à  posses- 
«  sion  et  saisine  avoir  acquise,  garder  et  retenir  continiielle- 
«  ment,  et  demandoient  d'avoir  chacun  an  trois  corvées  à 
«  trois  saisons,  c'est  assravoir  mars,  versaines  '  et  gain'  de 
«  toutes  personnes  ayant  bestes  trayans  ^  en  leur  ville  et 
«  terroir  d'Orbaiz  pour  icelles  bestes  traire  et  ouvrer  un  jour 
«  à  chacune  desdiles  saisons  pour  et  au  proffil  d'iceux  reli- 
ef gieux  ;  et  aussi  d'avoir  de  rente  annuelle  et  perpétuelle  pour 
«  chacune  beste  trayant  six  deniers  au  jour  de  feste  Saint- 
«  Denis,  chacun  an,  à  toujours  perpétuellement;  etcenonobs- 
«  tant,  ledit  Odin  avoit  eu  quatre  bfcstes  trayans  en  leur  dite 
«  terre  en  l'an  mil  trois  cens  soixante  quatre,  et  depuis  cou- 
«  tiuûellemeut  jusqu'à  la  Saint-Jehan-Baplisle  Tan  mil  trois 
«  cens  soixante-sept  avoit  contredit  et  refusé  d'eux  payer 
«  lesdites  corvées  et  rente  en  leur  troublant  et  empê- 
«  chant  en  leurs  dites  saisines  et  possessions  à  tort  et  de 
«  nouvel,  si  comme  leur  dit  procureur  disoit.  Et  pour  ce 
«  avoient,  par  leur  gardien,  fait  faire  exploit  en  cas  de 
«  nouvelleté  contre  luy  et  avoient  prins  et  mis  le  débat  et 
i(  la  chose  contcntieuse  en  la  main  de  Madame,  comme  Sou- 
<'  veraine,  et  jour  assigné  aux  parties  à  certaines  de  nos  assi- 
«  ses  piéça  '  passées  ausquelles  par  ces  moyens  et  autres  fût 
«  par  lesdits  l'eligieux  tendu  afin  qu'ils  fussent  tenus  et  gardez 
«  par  nous  en  leurs  dites  saisines  et  possessions,  ce  nouvel 
«  trouble  et  empêchement  en  la  main  de  madite  Dame  fus- 
«  sent  estez  à  leur  proffit,  et  qu'il  fût  condampné  et  contraint 
«  à  cesser  d'iceulx  nouveaux  troubles  et  empêchemens,  et  à 
(1  eux  payer  lesdites  corvées  et  rente  pour  lesdites  années 
«  passées  et  doresnavant  tant  comme  il  tenrroil  bestes  trayans 
«  en  leur  dite  terre,  et  aussi  qu'il  fût  condampné  en  leurs 
(I  dépens  faits  et  à  faire  en  cette  poursuite.  Considérant 
«  ce  que  dit  est  et  aussi  certaines  lettres  de  grâce  à  eux  oc- 

1.  [Terre  préparée  pour  la  semence.] 

2.  [Automne,  saison  où  Ion  cueille  les  fruits  appelés  va^-ns  ou  gains.] 

3.  [Bêles  afi  Irait.  —  On  trouve,  au  xiv  siècle,  des  exemples  de  formu- 
les semblables  :  «  Les   corvées    de  bestes    traians c'est   assevoir    de 

«  bestes  trois  fois  en  l'an...  i>  —  n  Troiz  créées  de  charrue...  c'est  assa- 
«  voir  à  trois  saisons.  Tune  on  mars,  l'autre  en  verseret  et  l'autre  en 
«  wayn.  »  —  Chartes  de  1320  et  1326  citées  par  Ducange,  Gloss.,  Vi». 
«  Tremisium  et  Versana.] 

.'(.    [Vieux  mot  qu'on  a  interprété  par  pièce  a,  il  y  a  pièce  (de  temps),  il 
y  a  longtemps.  —  Dict.   de  Liltré.J 


HISTOIRE   DE   l'aBBAYE   d'oEBAIS  379 

«  troyées  du  Roy  nôtre  Sire  et  madite  Dame  par  lesquelles  ils 

«  étoient  relevez  du  laps  du  temps  qui  avoit  couru  contre  eux, 

0  et  étoient  reçus  à  faire  poursuite  eu  cas  de  nouvelleté,  ou 

«  autre  telle  comme  bon  leur  sembleroit,  et  en  ce  cas-cy  et 

c  tout  autre  regardée  qu'ils  n'avoient  pas  poursuy  leurs  droits 

«  pour  l'occasion  des  guerres  qui  avoient  été  au  pays.  De  par 

«  ledit  Odin,  à  fin  contraire  furent  proposées  saisines  et  pos- 

«  sessions  contraires,  et  furent  les  parties  appointées  ^  à  bailler 

«  leurs  faits  et  raisons  par  escript;  et  après  plusieurs  coutinii- 

«  ations  en  état  et  aux  présentes  assises,  le  dit  Oudin  a  renoncé 

0  à  son  opposition,  voulu  et  consenti   être  condampné  en  la 

«  demande  desdils  religieux.  Sy  faisons  assçavoir  que  vue  et 

«  oùye  la  renonciation  et  consentement  dudit  Oudin,  nous 

«  l'avons  condampné  et  condampnons  par  nôtre  sentence  def- 

«  finilive  et  par  droit  en  ladite  demande  desdils  religieux  et 

«  en  leurs  dépens  faits  en  cette  poursuite,  la  taxation  d'iceulx 

«  réservée   par  devers  nous.  En  témoins  de  ce,  nous  avons 

«  séellé  ces  présentes  lettres  de  nôtre  propre  séel.  Donné  en 

«  nos  assises  de   Château-Thierry  commençeans  le  huictiéme 

«  jour  de  janvier  Tau  mil  trois  cens  soixante  et  huit.   » 

Ces  différens  droits  rapportez  dans  les  actes  précédens  te-    Autre  procédu- 

nans  fort  à  cœur  aux  habitans  dOrbaiz,  Oudin  la  Tresse  n'a      '"^  contre  des 

.     .         p  ,.  ■   r  ■  particuliers 

pas  été  le  seul  qui  ait  rolusé  dy  satisfaire  exactement,  puis-       pour      ces 

qu'en  l'an  mil  cinq  cens  trente  six,  les  religieux,  abbé  et  cou-      'iroits. 
vent  d'Orbaiz   présentèrent  leur  requête     (qui   se  conserve 
encore  dans  le  char  trier)  au  maire  ou  bailly  d'Orbaiz,  ou   à 
son  lieutenant,  contre  les  nommez  Jean  Le  Fètre,  Pierre  Bon- 
net et  autres  vassaux,  pour  être  par  eux  payé  et  satisfait  des- 

dits  droits  de  coutumes,  poulies,  argent,  corvées,  etc 

Mais  enfin  tous  ces  beaux  droits  cédez  et  accordez  à  cette  Droits  perdus  ci 
abbaye  par  les  comtes  de  Champagne  et  de  Brie  étant  extrô-  P""^-*^"  -• 
mement  seigneuriaux  et  onéreux,  et  par  conséquent  tout  à 
fait  odieux  aux  habitans  et  vassaux  qui  y  étoient  obligez,  ils 
ont  tâché  petit  à  petit  de  secouer  le  joug  et  de  s'en  décharger, 
profitant  du  malheur  et  du  prétexte  des  guerres,  de  l'introduc- 
tion des  commandes,  de  la  négligence  des  officiers  et  receveurs 
de  l'abbaye  qui  n'ont  pas  été  soigneux  de  les  faire  rendre 
exactement.  De  là  vient  que  la  plus-part  de  tant  de  si  beaux 
droits  sont  perdus  et  prescrits. 

1.  [Appointer  (adpunciare,  réduire  à  un  point).  Celait,  dans  l'ancien 
droit,  soumettre  une  airuire  à  l'instruction  par  écrit,  lorsijuo  le  juge  la  trou- 
vait trop  compliquée  pour  Gtre  débattue  oralement.] 


380  HISTOIRE   DE   l'aBBAYE    d'ORBÂTS 

n^  ,,       1    1         Thibaud  dit  Le  Jeune,  second  du  nom  roy  de  Navarre,  et  V" 

iJonation  de  la  '  j  ' 

tcrro  (le         du    nom  comtc  de   Champagne  et  de    Brio,    successeur    de 

^'paT'^Thlbaud   ^^  P'^^*^*  ^^  ^^®  l'affection  de  ses  glorieux  et  illustres  ancêtres  et 
v.roydeNa-  prédécesseurs  pour  cette  abbaye,  comme  de  leurs  couronnes 
da"chan°pa-  ®^  ^^^  Icurs  Etats,  voulut  luv  eu  donner  des  marques  sensibles 
gne,  le 8- jour  ct  qui  subsistent  encore  et  dont  l'abbaye  jouit  encore  aujour- 
d  avril  1209.    (^'j^^y^  C'est  la  donation  de  la  terre,  ou  du  moins  de  la  plus 
grande  partie  de  la  terre  et  seigneurie  de  Champ-Renaud  si- 
tuée dans  la  paroisse  de  la  Ville  sousOrbaiz,  dans  les  bois,  à 
une  petite  lieue  de  l'abbaye,  dont  voicy  la  copie  tirée  sur  une 
copie  en  parcliemin  vidiméele  douzième  jour  de  juin  mil  qua- 
tre cens   et  unze   par  Regnault  Barbelée  et  Siméon  Gaus- 
sart  : 
Acte  de  ladite       «  A.  tous  ceux  qui  ces  présentes   lettres  verront,   Renault 
donation  vi-   ^  Barbelée,  garde,  de  par  le  Roynôtre  Sire,  du  séel  de  lapre- 

dimécet  séel-  o  i  i  ^  i 

lée  le  12  juin    «  vôté  de  Châtillon-sur-Marne,  salut.  Sçavoir  faisons  que  nous 

^^*^  •  «  et  Siméon  Gaussart,  juré  du  Roy  nôtre  Sire  à  ce  faire  establi 

a  en  ladite  prévôté,  avons  aujourd'huy  vu  et  lumot-à-mot  cer- 

«  taines  lettres  saines  et  entières   d'écriture  et  séellces  du 

«  séel  de  cire  vermeille  pendant  en  lac  de  soye  dont  mention 

«  est  faite  en  icelles,  desquelles  la  teneur  s'ensuit  :  Nos  Theo- 

«  baldus  Dei  gratia  rex  NavariVT,  Campania?  et  Brife   comes 

0  palalinus,   universis  prœsenles   litteras  iuspecturis  notum 

«  lacimus  quod  nos,  ob   remedium  et  salutem  animée   nostrœ 

0  et  animarum  parentum,  antecessorum  et  successorum  nos- 

a  trorum,  damus  et  concedimus  in  puram  et  perpetuam  elee- 

«  mosinam  ecclesiœ  OrbacensiSuessionuensisdiœcesis  lerram 

«  et  trefîundum  sex  viginti  arpentorum  terrée   essartandorum 

«  et  assignandorum  in  nemoribus  nostris  de  Vassy  cum  justi- 

a  tia  eorumdem,  videlicet  per  cheminum  quo  itur   de  Orbaco 

«  apud  Igniacum-Jardi  V  . . .  contiguendorum  et  tenendoruni 

«  a  campis  grangiœ  de  Campo-Renaudi    ecclesiœ  memoratee  ; 

a  quœ  sex  viginti  arpenta  supra  dicta  volumus  et  concedimus 

u  quod  ecclesia  supra  dicta  teneat,  habeat  et  possideat  perpe- 

«  tuo  in  nianu-mortua,  libère,  pacifiée  et  quiète,  in  bisgardam 
a  nichilominus  retiiientes.  In  cujus  rei  testimonium  et  muni- 

1 .  Il  y  a  ici  quelques  mois  effacés.  —  [ic  Usque  ad  haleiz  d'Igni.  >>  — 
lialeiz  signifie  enclos,  territoire  (La  Curne  de  Sainte  Pnlaj'c,  Gloss.)  — 
Ces  mots  sont  ceux  qui  manquent  dans  le  manuscrit  do  Dom  Du  Bout.  Je 
les  restitue  d'aprôs  une  copie  de  la  charte  de  Thibaud  V  conservée  à  la  Bi- 
hliothèquo  Nationale,  Mss.  Collection  de  Champagne,  t.  133,  p.  2Î)5.  Cet 
acte  a  été  catalogué  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  flist.  des  comtes  do 
Champagne,  sous  le  a»  3026,  à  la  date  du  8  avril  1209.] 


HISTOIRE    DE    l'aBBAYE   d'ORBAIS  381 

«  meu  perpeluum  pr;vsenlos  lilteras  sigillo  uostro  fecitnus  ro- 
«  borari  et  sigillari.  Daluiu  per  nos  apuJ  Trecas,  die  marlis 
«  post  Ramos  Palmarum,  anuo  Domiiii  millesimo  ducenlesi- 
«  mo  sexagesimo  uono,  mense  aprili. — En  témoiusde  laquelle 
«  visiou.  uous  garde  desusdit  avons  séellé  ces  lettres  du 
«  séel  et  coutre-séel  de  ladite  prévôté,  sauf  tous  droits.  Ce  fut 
«  fait  le  douziesme  jour  du  mois  de  juin  l'au  mil  quatre  cens 
a  et  uuze.  Et  plus  bas  signé  S.  Gaussart  avec  paraphe.  » 

Cette  terre  de  Champ-Renaud  a   été  augmentée  depuis  la      ^^  ^^^^^  ^^ 
donation  précédente,  soit  par  de  nouvelles  donations,  acquisi-   Champ-Kenaud 
lions,   soit  par  des  réunions  des  terres  cy-devant  liefFées,   et      ai'Sniu'i'-ée. 
depuis   réunies  au  premier  domaine   non  fieffé  donné  par  le 
comte  Tiiibaud,  faute  d'hommes,   droits  et   devoirs   seigneu- 
riaux non  rendus  par  les  vassaux,  car  elle  contient  présente- 
ment deux  cents  arpents  de  terre  tant  en  terre  à  labour,  prez 
et  bois  taillis  dans   lesquelz   on  devroii  trouver  à  présent  de 
beaux  chênes  et  en  grand  nombre,  si  l'on  avoit  fidèlement  ob- 
servé les  Ordonnances  de  nos  Roys. 

Jean  de  Pilles, abbé  commendataire  d'Orbaiz,fitet  donnacette  Donnée  à  qua- 
terreà  bail  emphytéotique,  ou  pour  quatre-vingt-dix-neuf  ans, à  tre-vingt-dix- 
Robert  Baudiére,  soi-disant  seigneur  de  la  Chapelle-Monthau- 
don,  à  condition  d'en  payer  et  rendre  par  chacun  an  à  l'ab- 
baye cinquante  livres  de  rente  annuelle  foncière,  à  raison  do 
cinq  sols  pour  chaque  arpent,  et  cinquante  et  quelques  sols, 
et  un  chappou  de  rente  seigneurialle,  et  d'y  faire  construire 
une  maison,  manoir,  chambre,  étables,  écuries,  grange,  cou- 
îombier,  comme  il  est  plus  au  long  marqué  et  déduit  dans 
ledit  bail  fait  et  passé  à  Orbaiz  au  logis  où  pend  pour  enseigne 
Y  Fais  de  France,  le  sixiesme  de  septembre  mil  six  cens  trois, 
par  Jacques  Maraudez,  fondé  de  la  procuration  de  Jean  de 
Pilles. 

Cette  terre  de  Champ-Renaud  a  passé  des  mains  de  Robert  y^n  emphvtdo- 
de  Baudiére,  après  plusieurs  mutations,  en  celles  de  Charles  tique  liùi  en 
Denizet,  marchand  de  Dornians-sur-Marne,  qui  l'avoit  fait 
décréter  '  sur  le  sieur  de  Courtival,  sou  débiteur;  liiais  les  enfaus 
dudit  feu  Cliarles  Dcuizet  ont  dû  déguerpir  et  rendre  ladite 
terre  de  Chanq)-Renaud  à  l'abbaye  au  mois  Je  septembre  1702, 
y  ayant  dû  auparavant  faire  construire  une  ferme,  suivant 
ledit  bail.  —  Il  y  a  de  gros  dédommagements  à  demander  pour 
les  abatis  et  dégradations  commises  par  les  détempleurs  do 
ladite  terre. 

1.    [Vendre  par  unêt  de  justice,  —  Ane,  jurisp.] 


382  HISTOIRE    DE     L'aBBAYE   DORBAIS 

Un  petit  mémoire  de  notre  chartrier  nous  apprend  quEli- 
zabclh,  converse,  avoit  donné  aux  religieux  de  cette  ab))aye  le 
franc-alleu  ou  le  bien  et  domaine  de  Clairfontaine  en  tVanc- 
alleu.  Obiii  Elizahelh  conversa  qnœ  dédit  noMs  allodium  Cla- 
ris fontaine.  (Extrait  d'un  obiluaire  de  ce  monastère). 

Nous  apprenons  du  même  endroit  que  Hélézindice,  laïque, 
étant  morte,  Milon,  abbé,  donna  pour  le  repos  de  son  âme 
trente  sols  à  cette  abbaye  à  prendre  sur  une  terre,  plante  ou 
vigne  de  Bayart.  Obiit  Helezindix  la'ica,  pro  qua  Milo  abhas 
dédit  noMs  triginta  asses  super  planta  de  Bayart. — On  nesçait 
qui  est  cet  abbé  Milon,  si  c'est  de  l'abbaye  d'Orbaiz  ni  en  quel 
lems  ces  deux  bonnes  filles  ont  vécu . 

Une  dame,  appellée  communément  dame  Haleine  ',  a  donné 

à  l'office  de  Ihrésorier  un  clos  appelle  communément  le  Clos 

Dame-Heleine  situé  dans  l'enceinte  des  murs  d'Orbaiz  vers 

l'occident;  ou  dit  [pour  elle]    une  grande  messe  tous  les  ans 

au  commencement  du  mois   de  novembre.    Ce   clos   a    été 

fieffé  moyennant  une  rente. 

Bienfacteurs  et       On  n'entreprend  pas  de  faire  icy  l'éloge  de  ces  pieux  Roys 

faitsinconnus  ^^  France  et  de  Navarre,  et  Comtes  de  Champagne  et  de  Brie; 

ou  envahis  à  on  renvoie  les  lecteurs  aux  historiens  qui  ont  fait  l'histoire  de 

de   tiires'^^ou   France,  de  Navarre  et  de  Champagne  ',  où  on  verra  en   détail 

par  différens  leurs  différentes  actions  en  paix  et  en  guerre,  leur  pieux  em- 

âCClUCDS         6t 

usurpateurs,  pressement,  leur  libéralité  à  fonder  des  monastères,  leur  zélé 
ardent  et  leurs  infatigables  travaux  pour  contribuer  à  arracher 
des  mains  des  infidèles  les  saints  lieux  honorez  de  la  présence 
de  Jésus- Christ,  pour  les  rendre  à  l'église. 

On  s'est  contenté  de  rapporter  icy  une  partie  de  leurs  bien- 
faits et  libéralitez  envers  cette  abbaye  dont  on  a  pu  avoir 


1 .  On  croit  qu'elle  a  été  iahumée  le  long  du  mur  de  la  chapelle 
de  la  Sainte  Vierge  au-dessous  de  la  fcuôlre  à  droite  vers  le  midi. 
On  voyoil  encore  en  ITOD  un  tombeau  dans  le  gros  mur  et  une  grande 
tombe  de  pierre  bleue-noire  sur  laquelle  étcit  gravée  la  figure  d'une  femme 
qu'on  croit  représenter  cette  dame  Heleine.  —  [Il  ex.istc  encore  aujour- 
d'hui, dans  l'église  d'Orhais,  à  gauche  de  l'entrée,  près  de  la  chapelle  des 
fonts,  une  dalle  funéraire  rcprésoutant  assez  exactement  un  visage  de 
femme.  M.  L.  Courajod  date  ce  monument  do  la  fin  du  xiu'-'  siècle  eu  du 
commencement  du  xiv»,  et  pense  qu'on  peut  y  voir  le  tombeau  de  dame 
Hélène.  Il  en  a  donné  la  reproduction,  d'après  un  estampage,  et  la  de^^crip- 
lion  dans  le  Pavage  de  l'église  d'Orbais,  p.  6  (Extrait  de  la  Hevue  archéo- 
logique), Paris,  Didier,  1876.] 

2.  [On  consultera  surtout  avec  fruit  la  savante  histoire  des  Ducs  et  des 
Comtes  de  Champagne,  par  M.  H.  d'Arbois  de  Jubainville.] 


HISTOIRE    DK    L  ABBAYE    DOBBAIS  383 

connoissance  (le  reste  l'auLe  de  litres  nous  élaut  iucouuu)  pour 
eu  couserver  et  eu  faire  passer  le  souveuir  à  lios  successeurs 
et  exciter  leur  piété,  leur  recoinioissauce  envers  ces  illustres 
bienfacteurs. 

La  perte  de  nos  titres  et  anciens  monumeus,  le  défaut  de 
mémoires  causez  par  les  différentes  guerres  et  les  incendies 
de  cette  abbaye  eu  différens  tems ,  les  siècles  qui  se  sont 
écoulez  depuis  sa  fondation,  c'est-à-dire  prez  de  mille  ans,  et, 
si  ou  l'ose  dire,  la  négligence  de  nos  prédécesseurs  à  écrire  ce 
qu'ils  ont  vu  et  sçu,  nous  out  dérobé  la  connoissance  des 
noms,  qualitez,  bienfaits,  donations,  fondations,  libéralités  de 
plusieurs  grands  Roys,  Princes  et  Seigneurs  qui  se  sont  géné- 
reusement dépouillés  pour  enrichir  cette  abbaye  de  leurs  do- 
maines. De  sorte  que  l'on  ne  sçait  positivement  aujourd'huy  à 
qui  l'abbaye  est  redevable  eu  particulier  du  peu  de  bien 
qu  elle  possède  encore  (par  rapport  à  son  ancien  domaine)  qui 
a  échappé  à  la  fureur  des  guerres,  îx  la  rage  des  hérétiques  et 
à  la  cupidité  des  différens  usurpateurs  aucieus  et  modernes. 
Dieu  conserve  le  reste  ! 


Extrait  de  Nécrolo(}e  de  l'abbaye  de  Saint-Pierre- 
d'Orbaiz  contenant  les  noms  de  quelques  bienfac- 
teurs. 

L'auuéc  de  leurs  donations  et  le  jour  de  leur  mort  ne  sont 
marquez,  mais  seulement  leurs  bienfaits  : 

Obiit  Magister  Renaldus  et  Emangardia  mater  ejus,  qui 
dederunl  nobispratum  quod  dicitur  Gohier. 

(Jbiit  Xicolaus  dictus  Piuot  qui  dédit  uobis  uuum  [jratum 
apud  la  Planchette  du  Lohan. 

Obiil  Petrus  dictus  Triboul  et  Emelina  uxor  ejus  qui  dede- 
runt  uobis  uuam  domum  qu;e  dicitur  la  Cave. 

Obiit  Johannes  dictus  Moler,  laïcus,  et  Emelina.  uxor  ejus, 
(jui  dederunt  uobis  pratum  a[)ud  Capellam  et  uuum  stalluin 
iu  foro. 

Obiil  Girardus  do  Fesligay,  miles,  qui  dédit  uobis  octo  .sex- 
tarios  bladi  et  octo  as^es  ceusus. 

Obiit  Heliseuda  laïca,  pro  qua  Milo  abbas  dédit  uobis  Iri- 
ginta  asses  super  plaula-de-liayart.  —  Cette  lléliseude  éloil 


384  HISTOIRE  DE  l'abuaye  dokbais 

peul-èlrc  une  e.'^clave  du  monastère  comme  celles  de  Thomas 
abbéeul2i3. 

Obiit  Cicrva&ius.  clericus,  de  Courbouiu  (jui  dédit  nobis  pra- 
lum  à  la  Caze  el  duodecim  denarios. 

Obiit  Johannes  Marguot  et  Johauueta  uxor  ejus,  qui  dede- 
runt  nobis  et  ecclesiee  nostrœ  unum  pralum  à  la  Chapelle  con- 
tenant un  arpent,  tenant  à  Jean  Gosse  d'une  part,  et  d'autre 
aux  enfans. . . .  Godard.  Item  une  autre  pièce  contenant  trois 
quartiers  à  la  Chapelle,  au  terroir  des  Déserts,  tenant  d'une 
part  à  Gilles  Godard,  el  d'autre  à  Georges  Gaslelle  Barbier  de 
Montmirel. 

Obiit  Constanlinus  laïcus  qui  dédit  nobis  decem  solidos 
supra  unum  hortum  ad  Saucluni  Prrejectum. 

Obiit  Pelrus  Blanchet  et  Isabel  ejus  uxor,  qui  dederuut 
nobis  dimidium  arpentum  prati  juxtapratum  quod  dicilur  le 
Pré-l'Abbé. 

Obiit  Johannes  Fossier  qui  dédit  nobis  decem  solidos  supra 
unum  hortum  ad  Sauctum  Prtejectum. 

Obiit  Petrus,  sacerdos  necnon  professor  hujus  loci  ',  qui 
dédit  nobis  unam  douium  ad  SanclumPrjejectum  el  niol:ain]' 
quee  est  relro  domum. 

Obiit  Elizabelh,  conversa,  qu;e  dédit  nobis  allodium  Claris- 
fou  lis,  le  tief,  terre  et  seigneurie  de  Clairfontaine. 

Obiit  Petrus,  laïcus,  qui  dedil  nobis  unum  pralum  dessous 
les  Chance. 

Obiil  Johannes  Malhé,  prier  hujus  loci,  qui  émit  molendi- 
nuni  Kichardi. 

Obiit  Pelrus,  miles,  pro  cujus  anima  dederunt  nobis  fralres 
ejus  viginli  asses  ad  procuralionem   iVatrum    ad  ponlem  de 


^.  [Obiil  Petrus  sacerdos  i.'ecnon  profussor  hujus  loci...  Ciel  article  de 
l'ubiluaire  du  couvent  confirme  la  conjecture  d'après  laquelle  il  y  a  eu  au- 
trefois à  Orbais  une  académie  célèbre.  Dom  Du  Bout  en  lait  mention  aux 
chapitres  I  et  VIII  de  son  Histoire  manuscrite .  «  L'abbaye,  dit-il,  avoit  des 
«  écoles  publii(ucs  où  on  enscignoit  les  belles -lettres,  les  hautes  sciences  et 
«   la  piété.   )>] 

2.  [Peut-CMre  tuolam,  élévation  de  terrain.  —  Le  texte  porte  mot 
(sic).] 


HISTOIRE  DE  l'abbaye  d'orbais  385 

Dormant,  et  imum  inodiuiu  Iruuieuli  ad  inoleadiiium  de  Cou- 
blisi  '. 

Guillaume  de  Pateisson,  écuyer,  et  damoiselle  Marguerite 
Massardc,  sa  femme,  laquelle  damoiselle  autborisée  de  sou 
mari,  a  donué  eu  aumôue  à  l'église  de  céans  uu  arpeut  de  pré 
séaul  en  Testaug  des  Noës-le-Prévôt,  au  lieu  dit  aux  Gravois, 
à  la  charge  d'une  haute-messe  à  toujours  célébrer  chacun  an 
eu  ladite  église. 

Simon  Buschez,  chalellain-gouveruedr  ou  seigneur  d'Eper- 
nay,  fait  une  donation  cà  l'abbé  et  aux  religieux  de  Saint-Pierre 
d'Orbaiz  pour  qu'ils  prient  Dieu  pour  ses  ancêtres  et  pour  luy 
après  sa  mort.  L'acte  de  celte  donation  est  du  mois  d'aoust 
mil  deux  cens  dix-sept,  et  rapporté  cy-aprés. 

[A  suivre). 


1.    [Aujourd'lnii  Combliz}',  commune  du  canton  de  Dormans.] 


25 


LES  SEIGNEVRIE  ET  PÉÂULTEZ 


DE 

BOVRBONNE 

ENSEMBLE    LES    DÉDUICTZ   ET    DESNOMBREMENS    d'iCELLES 

Etude  historique  sur  les  documents  existant  aux  archives 
612-1786  • 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


IX 

IlOLLE   des  Redevances  en   argent    dues    par 
les  babîtaiis  de  BourboiniBC-lcs-Bains, 

A  Monsieur  le  Comte  DAVAUX,  Brigadier  des  Armées  du  Roy, 

seigneur,  marquis  dudict  Bourhonne,  pour  la  présente  année 
mil  sept  cent  quatre-vingt-trois . 

SÇAVOIR  : 

André  ilusson,  manouvrier 2   1.     o   s. 

Andrée  Morlot,  drogueticr 2  5 

Anne  Fromotte,  fille  manouvrière 1  2        6d. 

Antoine  Belle,  Tainet  manouvrier 2  5 

Antoine  Caussin ,  manouvrier 2  5 

Antoine  Durand  Chérubin,  manouvrier 2  5 

Antoine  Godard,  serrurier 2  5 

Antoine  Hémery,  manouvi icr. 2  5 

André  Gérard,  manouvrier 2  5 

Antoine  Belle,  vigneron 2        15 

Antoine  Billolle,  manouvrier ?■        V\ 

Antoine  Deslandes,  manouvrier 2  5 

Antoine  Voillcquin,  laboureur  de  1;4 ^  5 

Antoine  Perron,  laboureur  de  1/2 8        10 

Anne  Besançon,  manouvrière 1  2        6  d. 

Antoine  Braconnier  Vaîné,  manouvrier 2        lo 

Antoine  Braconnier  le  jeune,  manouvrier 2  5 

Antoine  Chaly,  manouvrier 2  5 


Voir  page  294,  iomc  XV,  de  la  Revue  de  Champagne  cl  de  Une. 


LKS    SEIGNEVRIE  ET   FEAVLTEZ 


387 


Autoiue  Liessard,  laboureur  de  1/2 8        10 

Alexis  VaucLer,  manouvrier 2  5 

Antoine  Grdpinet  l'aîné,  manouvrier '-  o 

Antoine  Arthaux  l'aîué,  coutelier 2  5 

Antoine  Durand  Coularot,  manouvrier. 2  5 

Antoine  Rolin,  manouvrier 2        15 

Antoine  Compas,  manouvrier 

Aune  Périnée,  couturière 

Antoine  Roblet,   macouvrier 

Anne  Oudin,  bourficoise 

Anne  Pierre,  manouvrière 

Antoine  Arthaux  le  jeune,  coutelier 

Antoine  Besançon,  manouvrier 

Antoine  Henry,  manouvrier 

Antoine  La  Veuve,  plâtrier 

Antoine  Thonnelior,  manouvrier 

Antoine  Vernier,  manouvrier 

Antoine  Detroyes,  manouvrier 

Antoine  Le  Signe,  manouvrier 

Antoine  Panarioux,  manouvrier 

Antoine  Courtin,  manouvrier 

S.  Balthazard  Perrignon,  bourgeois 

Ballbazard  Le  Signe,  manouvrier 

Barthélémy  Petit,  manouvrier 

Bertrand  Poirson,  laboureur  de  1/4 

Bernard  Malingre,  manouvrier 

Basile  Favrel,  sellier 

Victor  Favret,  sellier 

Charles  André,  pâtissier 

Charles  Durand  l'aîné,  manouvrier 

Charles  Lallemand,  manouvrier 

Claude  Demongeot,  menuisier 

Claude  Maillard  l'aîné,  laboureur  de  1/4 

Claude  Maillard  le  jeune,  laboureur  de  1/4 

Claude  Miol,  laboureur  de  charrue  entière 

Claude  Nicolas,  laijoureur  de  charrue  entière 

Claude  Durand  le  jeune,  laboureur  de  charrue  entière. 

Charles  Durand,  jardinier 

Charles  Mcnuetrier,  postillon 

Charles  Perron,  laboureur  de  1/4 

Claude  Bûcheron 

Claude  Matron,  menuisier 

Claude  Poinsot,  tixier 

Claude  Hémery,  tixier 

Claude  Merciol,  manouvrier 2  5 

Claude  Morlut,  manouvrier _  _ '-  ^ 

Claude  Pelletier,  vitrier 2  S 

Claude  Robert,  invalide .^ 2  o 

Claude  Pelletier  Blondin,  laboureur  do  ly  4 ^  ' 

Claudette  Thouneliur,  manouvrière ^  -         '•  ^• 

Callierine  Guy,  manouvrière 1  '-         C  d . 

Charles  Bablon,  manouvrier , 2         lô 


2 

5 

1 

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Mémoire . 

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2 

6  d 

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Mémoire. 
2  5 

2  5 

2  5 


388 


LES   SEIGNEVRIE    ET   FEAVLTEZ 


Charles  Chcvriot,  laboureur  de  1/2 

Charles  Paris,  mauouvrier 

Claude  Bouvier,  charron 

Claude  Chaly,  mauouviier 

Claude  Duraud,  laboureur  de  1/4 

Claude  Toussaint,  tixier 

Charles  Garnier,  perruquier 

Claude  Lefevre,  manouvrier 

Charles-Nicolas  Chevalier,  laboureur  de  1/4 

Claude  Gagnant,  menuisier 

Claude  Pichon,  charron 

Claudette  Damance 

Charles  Maillard,  boulanger 

Claude  Guillot,  vigneron 

Charles  Bernard,  m'"' 

Claude  Genué,  m"' 

Claude  Lambert,  manouvrier 

S.  Charles  Bernard,  receveur  des  traites 

Charles  Bourgeois,  laboureur  de  3/4 

Charles  Cadet 

S.  Claude  Chevalier,  bourgeois 

Claude  Durupl,  cordonnier 

Claude  Francard,  m" 

Claude  Lauxerois,  manouvrier 

Claudette  Henriot,  manouvriôre 

Claire  Maupin,  manouvrière 

Claude  Doyen,  vigneron 

Claude-François  Gevré,  aubergiste  et  laboureur  de  1/4 

Claude  Gevré,  perruquier 

Claude  Cocus,  laboureur  de  3/4 

Charles-Nicolas  Burel,  épicier 

S .  Charles  Aubertin,  apothicaire 

Claude  Péchiué,  m»"' 

Catherine  Bacq,  manouvrière 

Le  sieur  Charles  Berthaud,  procureur 

Demoiselle  Dénarié  Dùlon,  bourgeoise 

Dominique  Besançon,  manouvrier 

S.  Didier  Chevalier,  laboureur  de  charrue  entière 

Didier  Vincent,  manouvrier 

Didier  Marey,  mauouvrier 

Veuve  Dieudonnée  Chevalier,  bourjj;eoise 

S .  Dubois,  officier 

Kdme  Clément,  laboureur  do  1/2.- 

Edniée  Meuzy,  manouvrière _ 

Etienne  Boclot,  manouvrier 

Etienne  Thounelier,  ciiajdier 

Etienne  Légaré,  tanneur 

Etienne  Laurent,  charron,  labour»  ar  de  1/4 

Etienne  Roux,  manouvrier 

Eloy  La  Ribc,  manouvrier »., 

Etienne  le  Cler,  mauouvrier 

Edmc  Galimée,  manouvrier  .  . . .  ^ , 


8  10 

2  5 
2  5 

2  15 
4  5 

2  T) 

2  b 

2        ri 
4  5 

2  5 

2  5 

Mémoire. 


2 
2 

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5 

15 
5 
5 
5 


G  d. 
6  d. 


6  d. 


6  d. 


6  d. 


G  d. 


DE   BOVRBONNE  389 

Edme  Thonnelicr,  laboureur  de  i/4 4  5 

S .  Etienne  Thomas  Derevosge 2  5 

Edmc  Hignéc^  manouvricr g  5 

Elionne  Thiéry,  manouvrier 2  5 

Elizabeth  Ilumblot,  manouvrière 1  2        G  d. 

Etienne  Cliaudot,  m" 2  5 

Etienne  Plantier,  perruquier 2  5 

Etienne  Roblct Mémoire . 

S.  Etienne  Thorct,  receveur 2  5 

S.  Etienne  Franchimont,  marchand 2  5 

Ednic  Gaudin,  invalide,  manouvricr 2  5 

Etienne  Maclot 8  10 

François  Belouard,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

François  Bruleret,  maréchal-ferrant 2  5 

S.  François  Bresson,  bourgeois 2  5 

François  Déchanel,  manouvrier 2  5 

François  Luquet,  manouvrier 2  5 

François  Borne,  laboureur  de  1/4 i  5 

François  Chevalier,  laboureur  de  1/4 4  5 

François  Gcvrée,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

François  Hudson,  manouvrier 2  5 

François  Petit,  laboureur  de  1/4 4  5 

François  Thonnelier  Carré,  manouvrier 2  5 

Françoise  Legros,  manouvriôre 1  2         Cd. 

Françoise  Timard,  couturière 1  o        gd. 

François  Anselme,  manouvrier 2  5 

François  Cadet,  laboureur  de  1/4 4  K 

François  Déchanet  le  jeune,  manouvrier 2  5 

François  Detroyes,  laboureur  de  1/2 8  10 

François  Govré  le  jeune,  manouvrier Mémoire. 

François  Muriaux,  manouvrier. 2  5 

François  Chaly,  manouvricr 2  5 

François  Chevriot,  laboureur  de  3/4 12  15 

François  Peguignat,  laboureur  de  1/2 8  10 

François  Lerron,  laboureur  de  1/4 4  5 

François  Benoisl,  manouvricr 2  5 

François  Bonnet 2  5 

François  Morlot  dit  Morlet,  laboureur  de  1/2 G  » 

François  Pelletier  dit  La  Même,  manouvrier 2  15 

François  Beauvalet,  manouvrier 2  5 

François  Chaudron,  jardinier 2  5 

François  Ravier,  serrurier 2  .1 

S.  François  Chamblant  le  jeune,  manouvrier 2  K 

François  Gautherot,   chaplicr 2  l> 

François  Floriot,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

François  Lnuzanne,  menuisier 2  r> 

François  Mutinot,  manouvrier 2  '6 

François  Thiériot,  manouvrier 2  .'i 

François  Bouvier,   manouvrier 2  îi 

François  Bouvier,  manouvrier 2  îi 

François  Chevalier,  manouvricr 2  îj 

François  GcolFroy,  manouvricr 2  5 


f) 


5 


390  LES    SEIGNEVRIE   ET   FEAYLTEZ 

François  Lfisallc,  vigneron 2 

François  Morlcl,  manouvricr 2 

François  Beauvalet  le  jeune,  manouvrier 2 

François  Billottc.  laboureur  de  charrue  entière 17 

François  Durand,  manouvrier 2 

François  Gaillon,  manouvrier 2 

S .  François  Aslier,  marchand 2 

François  Henriot,  manouvrier 2 

François  Lavisée,'  manouvrier 2 

François  Renard,  cordier 2 

François  Bernier,  manouvrier 2 

François  Darct,  manouvrier 2 

François  Le   Signe  dit   le  Vigneron    d'Aubigny,   ma- 
nouvrier   2 

François  Gaillard,  manouvrier 2 

François  Voqué,  cloutier 2 

François  Cocus,  manouvrier 2 

S .  François  Raguet,  bourgeois 2 

François  Liegos 2 

François  Pichon,  manouvricr 2 

François  Metlot,  manouvrier 2 

François  Caussin  fils,  lixier 2 

Gabriel  Coffin,  laboureur  de  1/4 4 

Gérome  Durand,  laboureur  de  1  /^ /< 

Gérôme  Menuetricr,  perruquier 

Georges  Mel,  aubergiste 2 

Hubert  Charles,  manouvrier 2 

Honoré  Contant,  manouvrier 2 

Hugues  Roger,  laboureur  de  114 :i 

Hubert  Merciol,  manouvrier ■i 

Hubert  Pierre,  manouvrier 2 

Jean- Baptiste  Le  Signe,  coutellier. , 2 

Jean-Baptiste  Le  Signe,  manouvrier 2          3 

Jean-Baptiste  Monget Mémoire . 

Jean  Barret,  manouvrier 2          f) 

Jean  Bordet,  manouvrier 2        15 

Jean  Le  Signe  l'ainé,  manouvrier Mémoire. 

Jean-Baptiste  Charles,  manouvrier 2          3 

Jeanne  Vigneron,  manouvrière Mémoire. 

Jacques  Lauxcrrois,  vigneron 2          5 

Jean  Billotte  Milicien,  laboureur  de  1/2 8 

Jean-Bap liste  Bourgeois,  laboureur  de  l/'i 4 

Jean  Cadet,  laboureur  de  1/4 4 

Jean  Damance,  manouvrier 2 

Jean  Marchai,  menuisier 2 

Jean  Sergent,  manouvrier 2 

Joseph  Laribc,  manouvrier 2 

Jean-Baptiste  Chardin}-,  manouvrier 2 

Jean-Baptiste  Gevré  Labbé,  manouvrier 2 

Jean-Baptiste  Janny,  manouvrier 2 

Jeau-Baptiste  Morizot,  manouvrier 2 

Jean-Baptiste  Thomas,  majiouvrier 2 


5 


10 
5 
5 

fi 

5 
5 

5 

5 


DE   BOVRBONNE 


301 


Jean  Belouard,  manouvrier 2  S 

Jean  Chevalier,  manouvrier 2  o 

Jean  Chevalier,  Ifibourcur  de  charrue  entière 17  » 

Jean  Davigot,  manouvrier 2  5 

Jean  Durand  tout  vif,  manouvrier 2  5 

Jean  Durand  dit  Louis,  laboureur  de  1/2 S  10 

Jean  Gay,  laboureur  de  charrue  entière Mémoire. 

Jean  Guyot,  laboureur  de  1/2 8  10 

Jean-Nicolas  Gevré  dit  Jannée,  laboureur  de  1/2 8  10 

Jean  Savcrne,  charron 2  o 

Jean  Thonnelier  Futé,  laboureur  de  1/2 S  10 

Jean  Thoret,  roauouvrier 2  3 

Jean  Dagrenat,  manouvrier 2  5 

Jacques  Logerot,  manouvrier 2  5 

Jean-Baptisle  Deslandes  le  jeune    dit   Papou>   manou- 
vrier    2  ? 

Jean-Baptiste  Detroyes,  laboureur  de  3/4 12  15 

Jean-Baptiste  Floriot,  manouvrier 2  5 

Jean-Baptiste  Gérard,  manouvrier 2  5 

Jean-Baptiste  Sauton,  manouvrier 2  15 

S.  Jean  Barat,  notaire , 2  o 

Jean-Claude  François,  manouvrier 2  o 

S .   Jean-Claude   Raguet,  bourgeois 2  15 

Jean  CoUin,  manouvrier 2  0 

Jean  Gaucherot,  manouvrier 2  o 

Jean  Morlal,  manouvrier '. . ,  2  5 

Jean-Baptiste  Mutinot,  manouvrier 2  5 

Jean  Thonnelier  dit  le  Vert,  laboureur  de  1/2 8  lO 

Joachim  Fèvre,  laboureur  de  li2 8  10 

Joseph  Daret  laine,  laboureur  de  1/4 /,  g 

Jean  Thonnelier  le  jeune,  manouvrier,  dit  Lucire 2  5 

Jacques  Bordel,  manouvrier 2  5 

Jacques  Péchiné,  laboureur  de  1/4 4  5 

Jean  Aubertin  Molandon,  manouvrier 2  H 

Jean-Bapliste  Besançon,   invalide 2  5 

Jean-Baptiste  Chouard,  manouvrier 2  ."> 

Jean-Bapttste  Ilumblct,  manouvrier 2  5 

Jean-Baptisle  Jeaugey,  manouvrier 2  t\ 

Jean-Baptiste  Mennetrier,  manouvrier 2  Ti 

Jean-Baptiste  Péquignat,  laboureur  de  moitié  charrue.  8  10 

Jean-J3aptiste  Tête  Vuide,  laboureur  de  3'i. . 12  15 

Jean-Claude  Maillard,  manouviier   2  5 

Jean-Claude  Perron,  laboureur  de  3/4 12  15 

Jean  Ilut,  serrurier 2  5 

Jacques  Methey,  manouvrier 2  5 

Jean-Baptiste  Garnier,  manouvrier 2  5 

Je&n-Baptisle  Thonnelier,  chapelier 2  5 

Jeiin-Joseph  Broche^  marchand 2  ■'> 

Jean  Huguenot,  laboureur  do  1/2 K  10 

Jacques  Mutinot,  manouvrier 2  r> 

Jean-Bapliste  Colin  Tainé,  vigneron 2  5 

Jean-Baptisle  Dcslandes  l'aiué,  manouvrier 2  5 


392  LES  SElGrNEVRIE   ET   FKAVLTEZ 

Joan-Baplisic  Dolroyes,  manouvrier 2  5 

Jcan-B;iptislc  Durand  dit  Morot,  manouvrinr 2  .l 

Jcan-l?aptisto  Gaillard,  vigneron 2  5 

Jean-Baplislc  Luquet,  manouvrier 2  5 

Jean-Biiptiste  Odinot,  labourenr  de  charrue  entière. ...  17  » 

Joan-Baptisle  Vitruy,  manouvrier 2  5 

Joan  Caussin,   lixier 2  5 

Jean  Cuny,  charpentier. 2  5 

Jean  Demorgon,  manouvrier 2  5 

Jean  Odinot,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

Jean  Piquée,  laboureur  de  1/4 4  5 

Jean  Braconnier,  manouvrier 2  5 

Jean-Baptiste  Belle,  manouv  fier 2  5 

S.  Jean-Bapiiste  Bourdault,  laboureur  de  charrue  en- 
tière   17  » 

S.  Jean-Baptisle-François  Chevalier 2  5 

Jean-Baptiste  Maillard,  boulanger Mémoire 

Jean-Baptiste  Pelletier,  vitrier 2  5 

Jean-Baptiste  Thorelli,  tailleu  r 2 

Jean-Claude  Damidot,  manouvrier 2 

S.  Jean-Claude  Noblot 2 

Jean  Cofûn,  manouvrier 2 

Jean  Durand,  chapelier 2 

Jean  Lambert  l'ainé,  manouvrier 2 

Jean  Mercier,  boulanger 2 

Jean-Nicolas-Robert  Caynard 2 

Jean  Vernier,  vigneron 2 

Jean  Vigneron 2 

Joseph  Lecler,  charron 2 

Joseph  Corte,  bouilleur 2 

Joseph  Bouilly,  maréchal-ferrant 2 

Jean-Baptiste  Delahaye,  cordonnier 2 

Jean-Baptiste  Qcvré,  manouvrier 2  5 

Jean-François  Le  Signe,  laboureur  de  1/4 Mémoire 

Jean  Frenet,  tixier 2  5 

Jean-Baptiste  Thoret  le  jeune,  tailleur 2 

Jean-Baptiste  Dagrenat,  manouvrier 2 

Jean  Morlot,  manouvrier 2 

Jean  Nicolas,  laboureur  de  1/2 2 

Jean-Baptiste  Guyot,  manouvrier 2 

S.  Jean-Baptiste  Mongin,  chirurgien- major 2  5 

Joseph  Delahaye 2  5 

Jean  Fortin,  invalide Mémoire 

Le  sieur  Dafircville 2  îJ 

S.  Jean-Baptiste  Mongin,  invalide 2  5 

Jean-Claude  Bourgogne,  invalide 2  5 

Jean-Baptisic  Renard,  manouvrier 2  5 

Jean  Logerol,  manouvrier 2  5 

S.  Jean  Robert 2        15 

Joseph  Darct  le  jeune,  serrurier 2  îi 

Jean-Baptiste  Cuny  le  jeune,  charpentier î  5 

Jean-Baptiste  Francard,  manouvrier 2  5 


5 

15 
5 
5 
5 

r 

5 
5 
15 
5 
5 
5 
5 
5 


5 
5 
5 
5 
15 


DE   BOVRBONNE 


393 


Joan  Dagrenat,  manouvrier 2  5 

S .  Jean  Pcclié,  l)ourgeois 2  5 

Jean  Vincent,  manouvrier 2  5 

Ji'an  Renard,  manouvrier 2  5 

Jean-Claudo  André Mi'moirv'' . 

S.   Jean  Bonnet,  manouvrier 2  îi 

Jean  Lambert  le  jeune,  manouvrier 2  5 

Joseph  Guillcmard,  manouvrier 2  5 

Louis  Baral,  laboureur  de  3/4 12  15 

Louis  BeauvaU't,  tonnelier 2  5 

Louis  Bouclieseiche,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

Louià  Bourgeois,  armurier 2  5 

Louis  Gevré,  manouvrier 2  5 

Louis  le  Gros 2  5 

Louis  Le  Signe,  laboureur  de  2/4  do  charrue Mémoire. 

Louis  Morlot,  manouvrier Mémoire. 

Louis  Pichon,  manouvrier 2  5 

Louis  Dagrenat,  manouvrier 2  5 

Laurent  Juré,  boucher 2  5 

Louis  Gallot,  manouvrier 2  15 

Louis  Garnier,  manouvrier 2  5 

Louis  Husson,  manouvrier 2  5 

Louise  Close,  manouvrière 1  2 

S .  Louis  Besançon 2  5 

Louis  Varcnne,  manouvrier 2  15 

Louis  Durand,  manouvrier 2  5 

Louis  Floriot,  manouvrier 2  5 

Louis  Odinot,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

Louis  Mongin 2  S 

Louis  Petit 2  5 

Louis  Gay,  manouvrier 2  5 

Louis  Horiot,  laboureur  de  1/2 Mémoire.  8  10 

Louis  Morlot,  manouvrier 2  15 

Laurent  Jachicz,  manouvrier 2  T) 

Mammès  Thouvenel,  laboureur  de  1/2 8  10 

Marie  Flocard,  manouvrière l  2 

Madeleine  Franchiinont,  couturière 1  2 

Maurice  Mergcr,  bourlier 2  5 

Mammès  Le  Signe,  manouvrier 2  'ô 

Michel  Benoist,  manou\Tier 2  T) 

Marguerite  Gallot,  manouvrière i- . . . .  1  2 

Michel  Bouland,  tixicr 2  îi 

Marianne  Vaucher,  manouvrière 1  2 

Lo  S.  Mammès,  procureur 2  5 

Marie  Lasalle,  manouvrière 1  2 

Marie  Vaucher,  manouvrière 1  2 

Marie  et  NicoUc  Aubertin,  manouvrière 1  2 

Marguerite  Odinot,  manouvrière 1  2 

Marie  CoUin,  manouvrière 1  2 

Marie  Pariset,  manouvrière Mémoire. 

Mathieu  Gravier 2  îi 

Michel  Deshaycs,  manouvrier 2  îi 


6  d. 


6  d. 
0  d. 


«  d. 

6  d. 

(;  d. 
f,  d. 
9  d. 
0  d. 
0  d. 


394  LES    SEIGNEVRIE    ET     FÉAULTEZ 

Marie  Lavisée,  manouvvière 1           2         6d. 

Michel  Finot,  laboureur  de  3/4  de  charrue. Mémoire. 

Nicolas  Blaisy,  laboureur  de  1/2 8  10 

Nicolas  Braconnier,  laboureur  de  1/2 8  10 

Nicolas  Clément  Tainé,  laboureur  de  3/4 12  15 

Nicolas  Coffin  le  jeune,  manouvrier 2          5 

Nicolas  Coffin  Tainé,  manouvrier 2          .t 

Nicolas  Gérard,  menuisier 2          o 

S .   Nicolas  Legros,  bourgeois 2          5 

Nicolas  Maignien  dit  Tiercy,  laboureur  de  3/4 12  15 

Nicolas  Morlot,  drapier 2          5 

Nicolas  Morlot  Montigny,  laboureur  do  1/4 4          5 

Nicolle  Borne,  couturière 1           2        6d. 

Nicolas  Grand  Didier,  savetier 2          5 

Nicolas  Husson,  manouvrier 2          5 

Nicolas  Le  Gros,  laboureur  de  3/4 12  15 

Nicolas  Lequel,  menuisier 2          5 

Nicolas  Mercier,  boulanger 2          5 

Nicolas  Robert,  manouvrier 2          5 

Nicolas  Villomot,  vigneron 2          5 

Nicolas  Bel,   cordonnier 2          5 

Nicolas  Billotte   Lally  le  jeune,   laboureur  de   charrue 

entière 17           « 

Nicolas  Chevalier  Chezeaux,  laboureur  de  3/4 l2  15 

Nicolas  Chevalier  Perdroit,    laboureur   de  charrue  en- 
tière   17           » 

Nicolas    Chevalier    le   jeune,    laboureur    de     cbarrue 

entière 1 7          » 

Nicolas  Gevré  L'Iîotesse,  laboureur  de  3/4 12  15 

Nicolas  Damance y>          » 

Nicolas  Meusy »           » 

Nicolas  Plouard,  manouvrier 2           5 

Nicolas  Vigneron,  manouvrier 2  15 

Nicolas  Chcvriot Mémoire. 

Nicolas  Colin  le  frère,  manouvrier 2           5 

Nicolas  Daprenant,  manouvrier 2           5 

Nicolas  Henriot,  plâtrier 2  5 

Nicolas  Noirot  le  jeune,  manouvrier 2          5 

Nicolas  Prenée,  manouvrier 2  5 

Nicolas  Thonnclier,  chaplier 2          5 

Nicolas  Billolte  Lally  Tainé,  laboureur  de  1/2 8  10 

Nicolas  Despreles,  manouvrier 2           T. 

Nicolas  Durand,  manouvrier 2  15 

Nicolas  Morlet,  laboureur  de  1/4 4          o 

Nicolas  Perron,  manouvrier 2          5 

Nicole  Thomas,  manouvrièro 1           2        6d. 

Nicolas  Favret,  sellier 2          5 

Nicolas  Flcury,  boulanger 2          5 

Nicolas  Raim,  manouvrier 2           5 

Nicolas  Renault,  manouvrier 2  5 

Nicolas  Detroycs,  manouvrier 2          5 

Nicolas  Le  Signe,  manouvrier 2          5 


DE   BOVRBONNE 


395 


Nicolas  Methey  et  son  frèro,  manouvriors 2  5 

Nicolas  Odinot,  laboureur  de  moitié Il  y> 

Nicolas  Torchebœuf 2  13 

Nicolas  Varonne,  manouvrior 2  15 

Nicolas  Arthaux 2  5 

S .   Nicolas  Aubcrtin,  bourgeois 2  o 

Nicolas  Balée,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

Nicolas  Daret,  manouvricr :2  5 

Nicolas  Maigret,  manouvricr 2  5 

Nicolas  Thoret,  manouvricr 2  3 

Nicolas  Chaudron,  laboureur  de  charrue  entière \1  » 

Nicolas  Iloriot,  manouvricr 2  5 

Nicolas  Maignien  dit  Milicien,  laboureur  de  1/2 8  10 

Nicolas  Marguerilte,  laboureur  de  1/4 4  3 

Nicolas-Joseph  Maramès,  maître  de  latin 2  5 

S .  Nicolas  Simon,  chirurgien 2  3 

Nicolas  Chaly,  manouvricr 2  3 

Nicolas  Marchand,  manouvricr 2  5 

Pierre  Couturier^  jardinier 2  3 

Pierre  Goncourt,  cordonnier 2  5 

Pierre  Jacquet,  laboureur  de  charrue  entière 17  » 

Philippe  Bel,  maçon 2  5 

Pierre  Robinet,  manouvricr 2  3 

Pierre  Fournier,  tixier 2  6 

Pierre  Légaré,  tanneur 2  5 

Pierre  Pelle,  vitrier 2  3 

Phihppe  La  Salle,  vigneron 2  13 

Pierre  Gevrée,  manouvricr 2  3 

Pierre  Grepinet,  manouvricr 2  o 

Pierre  Guillaume,  manouvricr 2  5 

Veuve  Pierre  Jacijuot  l'aine 2  o 

Pierre  Jeaugey,  laboureur  de  1/2 8  H) 

Pierre  Monnetrier 2  3 

Pierre  Mutinot,  manouvricr 2  3 

Pierre  Theveny,  laboureur  de  1/2 8  10 

Pierre  Le  Signe,  manouvrier, 2  5 

l'ierrc  Roy,  l'orestier 2  5 

Pierre  Bâton,  manouvrier 2  3 

S.  Pierre  Magnin,  bourgeois 2  15 

Pierre-Nicolas  DuCresne,  boucher 2  3 

Pierre  Renault,  manouvrier 2  5 

Pierre  Adhuv,  manouvrier 2  3 

Paul  Morlet,  cordonnier 2  3 

Pierre  Barat,  manouvrier 2  3 

Pierre  François,  manouvrier 2  3 

Pierre  Tixier,  manouvrier 2  3 

Robert  Mathieu,  invalide Mémoire. 

Roy,  concierge 2  3 

Pierre  Franchiraont 2  3 

Pierre  Henry,  manouvrier 2  3 

Sébastien  Louvier,  manouvrier 2  3 

S.  Simon  Didier 2  13 


396 


LES  SEIGNEVRIE   ET   FEA.VLTEZ 


Simphorien  Pionnier,   manouvricr 

Simon  Monot,  laboureur  do  1/2 

Sébnstienne  Cuny,  manouvrière 

Simon  lîegrand,  laboureur  de  1/4 

Si^basUon  Roy,  employé  des  fermes , 

Théodore  Pelletier,  plâtrier 

Toussaint  Pionne,  manouvrier 

Théodore  Le  Signe,  manouvrier 

Toussaint  Odinot,  laboureur  de  charrue  entière 

Thomas  Guyenet,  marchand 

Toussaint  Balée,  laboureur  de  charrue  entière 

Toussaint  Salle,  laboureur  de  1/4 

Zachario  Billardet 

S.  Viard 

Victor  Favret,  sellier Mémoire. 

Veuve  Antoine  Varenne,  manouvrière 

Veuve  Damance,  laboureur  do  1/2 

Veuve  Guillot,  manouvrière 

Veuve  Paspont,  manouvrière 

Veuve  Jean  Lcgrode,  laboureur  do  1/4  de  charrue 

Veuve  Nicolas  Chevalier  Saint-Court 

Veuve  Colinet,  manouvrière 

Veuve  Thiériot 

Veuve  Rolin,  manouvrière 

Veuve  Champou,  manouvrière 

Veuve  Claudon,  couturière 

Veuve  Nicolas  Danery 

Veuve  Nicolas  Legros,  marchande 

Veuve  Désirée  Pelle 

Veuve  Melchior,  manouvrière , 

Veuve  Anselme,  manouvrière 

Veuve  Janncl,  manouvrière 

Veuve  Brigand,  manouvrière 

Veuve  Boulanger 

Veuve  Nicolas  Noiret,  laboureur  de  charrue  entière. .. 

Veuve  Philippe  Garée,  laboureur  de  1/4 

Veuve  Voillequin,  laboureur  de  1/4  de  charrue 

Veuve  Claude  Pierre,  laboureur  de  1/2 

Veuve  Claude  Thoret,  manouvrière 

Veuve  François  Braconnier 

Veuve  Gevrce  L'Hôtesse 

Veuve  Jean  Damance,  manouvrière 

Veuve  Jean  Gallot 

Veuve  Nicolas  Varenne 

Veuve  Toussaint  Thonnelier  dit  le  Mire 

Veave  Antoine  Durand 

Veuve  Antoine  Paspont 

Veuve  Claude  Dolaino 

Veuve  François  François,  manouvrière 

Veuve  Frauçois  Gevré,  aubergiste 

Vcuvo  François  Gérard,  manouvrière 

Veuve  Hubert  L'Albin 


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DE    BOVRBONNE 


Veuve  Gaiilhier 

Veuve  Jean-Baplisla  Thoret 

Veuve  Jean  Dapreuant 

Veuve  Jean  Paspont 

Veuve  François  Cailloux,  manouvrière 

Veuve  François  Collin 

Veuve  François  Detroyes 

Veuve  François  Jeaugey.  manouvrière 

Veuve  Jean  Billotle  l'ainé 

Veuve  Jean  Cormuel,  manouvrière 

Veuve  Antoine  Bel 

Veuve  Antoine  Clément 

Veuve  Claude  Garnier,  manouvrière 

Veuve  François  Bordet,  manouvrière 

Veuve  Jean  Richard,  manouvrière 

VeHve  Louis  Demorgon,  laboureur  de  3/4 1 

Veuve  Lapoupée,  manouvrière 

Veuve  Viardot,  couturière 

Veuve  Cliamblant 

Veuve  Durnéc 

Veuve  Ilenriot^  manouvrière 

Veuve  François  Lcgros 

Veuve  Germain  Roy 

Veuve  Albert,  manouvrière 

Veuve  Minel,  manouvrière 

Veuve  Thomas  Derevoge 

Veuve  Jean-Baptiste  Valferdin 

Veuve  Valette,  manouvrière 

Veuve  Dame  Aubertin 

Veuve  Nicolas  Darct 

Veuve  Dame  Oudin 

Veuve  Laurent,  laboureur  de  1/4 

Veuve  Pierre  Valferdin 

Demoiselle  Legros 

Veuve  François  Lasalle 

Veuve  François  Maillet 

Veuve  Thonnelier  Bergopsomme 

Veuve  Dame  Pallurie,  bourgeoise 

Veuve  Jean  Nicolas 

Veuve  Guyot  la  jeune 

Veuve  Bourdault,  manouvrière 

Veuve  Nicolas  Iloriol,  manouvrière e 

Vi;uve  Nicolas  Lesigne,  manouvrière 

Veuve  Dame  Tuillière,  bourgeoise 

Veuve  Guyot  l'ainé 

Veuve  Fouesse 

Veuve  Clau.sse,  manouvrière 

Veuve  Jean-Huptiste  Grenand 

Veuve  Bernard  Maillard 

Veuve  Pelletier,  manouvrière 

Veuve  Toussaint  Morlet,  manouvrière 

Le  sieur  Demonlardy,  bourgeois 


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Mémoire. 

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Mémoire, 


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398  LES    SEIGNEVRIE   ET   FEAVLTEL 

Veuve  Jean -Claude  Gérard,  manouvrière 

Veuve  Germain 

Veuve  François  Chaillot '. 

Veuve  Louis  Jaccjuot 

Veuve  Rome,  manouvrière 

Veuve  Jean  Galandre 

Veuve  Claude  Chaly,  manouvrière 

Veuve  Jean-Baptiste  Plantier 

Veuve  Pierre  François,  manouvrière 

M .  Juvct,  médecin 

M ,  Demoutrolle,  médecin  


6  d. 
6  d. 
6  d. 


Privilégiiez. 

M.  le  Curé. 

M.  le  Prieur. 

M.  Guyot,  prévost, 

M.  Gliappelle,  lieutenant. 

M.  Chaudron,  Pr.  FI. 

M.  Odinot,  greffier. 

Joseph  et  Nicolas  Chaudot,  sergents  de  police. 

Fascenet  et  Billardet,  gardes-chasse. 

Claude  Voirin,  garde  pensionné. 

N.  Husson,  tambour. 

Les  sieurs  Paul   Guériot,   Basserel,   D'Epinal   el   Bourgeois,    cavaliers    de 

maréchaussée. 
Le  sieur  Bannefroy,  maître  d'écoUe. 
Anne  Lobrot,  maîtresse  d'écolle. 

Claude  Petit  el  Antoine  Gaillet,  fermiers  de  M.  le  comte  D'A  vaux. 
Dominique  Voillequin,  Jean  Yoillequin,  Charles  Chaudron,  Joseph  Ragot  et 

W.  Ambroise,  fermiers  de  M.  le  comte  D'Avaux. 


A  Monsieur 
Monsieur  le  Prévost  en  la  prévosté  de  Bourbowie-les-Daiiis . 

Requiert  le  Procureur  fiscal  en  icelle  qu'il  vous  plaise,  vu  le  roUe 
des  autres  parts  le  déclarer  exécutoire  contre  les  y  dénommés  en  con- 
séquence ordonner  tous  exploits  de  justice  et  nécessaires  contre  eux 

pour  le  payement  de   ladite  cotte  sauf  l'appro sur  laquelle  les 

opposans  seront  appelles  devant  vons  à  la  diligence  du  soussigné. 

Ce  vingt-cinq  décembre  mil  sept  cent  quatre-vingt-trois. 

Vii  le  Réquisitoire  cy-dessus  ensemble  le  rolle  des  autres  parts  des 
droits  seigneuriaux  faisant  droit,  Nous  avons  ledit  Rolle  déclaré  exé- 
cutoire contre  les  y  dénommés  au  payement  do  leurs  cottes  et  articles 
par   tous  exploits  de  justice  diis  et  nécessaires,  après   la  publicaûn 


DE    BOVBBONNE  390 

préalable  duclil  RoUe  aux  termes  de  sa  contenue,  ce  qui   sera  exécuté 
par  provision   nonobstant  et   sans  préjudice  d'a|)i)el  ou  opposition  sur 
laquelle  l'opposant  sera  appelle  devant  Nous. 
Donné  ledit  jour,  25  décembre  1783.  Guyot. 

En  conséquence  de  l'ordonnance  cy-dessus  et  à  la  diligence  de 
M.  le  Procureur  fiscal,  le  présent  Rolle  a  été  publié  à  l'issue  de  la 
messe  paroissialle  à  ce  que  })orsonnc  n'en  ignore  par  moi,  sergent 
soussigné . 

Ce  23  janvier  1785.  Champon. 

A.   Lacordaire. 


IDÉE 

DU  VERITABLE  HOMME  DE  LETTRES 


Discours  de  191.  DIIEUX  DU  RADIER 

Dans  line  Société  de  Gei^is  de   Lettres,   à.    Ghâlons 


Nous  croyons  intéressant  de  reproduire  le  discours  pro- 
noncé à  la  Société  littéraire  de  Châlons,  par  l'un  des  hommes 
de  lettres  notables  du  xviii'^  siècle.  Il  constate  l'importance  de 
celte  compagnie  dans  laquelle  avait  tenu  à  entrer  un  écrivain 
qui  jouissait  alors  d'une  grande  notoriété  ;  il  fournit  en  même 
temps  de  curieux  détails  sur  la  manière  dont  était  alors  com- 
pris le  rôle  de  l'homme  de  Lettres  ;  il  est  bon  de  le  comparer 
avec  notre  état  social  actuel . 

Jean  François  Dreux  du  Radier  (1714-1780)  était  né  à  Chà- 
teauneuf-en-Thimerais,  lieutenant  civil  et  criminel  auprésidial 
de  Chartree,  il  se  démit  pour  s'adonner  complètement  aux 
études  littéraires.  Auteur  de  nombreux  mémoires  insérés  dans 
les  journaux  du  temps,  on  lui  doit  :  Bibliothèque  historique  et 
critique  du  Poitou,  5  vol.,  1754  ;  Tablettes  historiques,  3  vol., 
1 759  ;  Mémoires  historiques  des  Reines  et  Régentes  de  France, 
G  vol.,  1770  ;  Histoire  des  Fous  eu  litre  d'office,  1  vol.,  17G9  ; 
l'Europe  illustrée,  G  vol.,  1755,  etc.  l\  a  laissé  aussi  plusieurs 
traductions.  Les  travaux  sont  lourds,  r^ais  remj)lis  de  faits  cu- 
rieux et  étudiés  avec  soin. 

Messieurs, 

L'u'lopliou  duul  vous  m'iiouorcz,  est  uuc  grâce,  d'autant  plus  touchante, 
que  ue  l'ayant  pas  mérité,  à  peine  osui-jo  la  souhaiter.  En  prévenant  des 
vœux  (jue  pouvoit  former  Tamour-propre,  mais  que  la  réllexion  élouHuit, 
votre  choix  est  entièrement  l'ouvrage  de  vos  bontés.  Elles  ont  rempli  l'es- 
pace qui  nous  séparoit.  Votre  amour  pour  les  Lettres  vous  a  rendus  indul- 
gcns,  vous  avez  svu  que  je  les  cultivois  ;  vous  avez  fait  au  goût  l'honneur 
qu'où  fait  au  talent  mémo.  C'étoit  un  foihle  trait,  mais  c'éloit  un  trait  de 
ressemblance  avec  vous,  et  dès  là  je  ccssois  d'être  tout  à  fait  étranger  pour 
vous. 


IDÉE    DU    VÉRITABLE    HOMME   DE   LETTRES  iUl 

J'oserois  prcsiiue  vous  comparer,  Messieurs,  à  ces  avides  cultivateurs, 
qui,  dons  la  vue  d'augmenler  leurs  richesses  el  leurs  établissemeas,  risquent 
quelques  démarches,  hasardent  des  travaux,  dont  le  succès  moins  heureux 
dans  un  terroir  que  dans  un  autre,  ne  laisse  pas  d'augmenter  leur  domaine. 
Sans  doute  vous  avez  compté  aussi  sur  vos  exemples  pour  celle  espèce  de 
culture  qui  peut  fertiliser,  enrichir  le  terroir  le  plus  ingrat. 

Telles  sont  les  idées  que  m'inspirent  votre  réputation,  la  justice  que  jo 
sçais  me  rendre,  vos  bienfaits,  ma  reconnoissance.  Je  connois,  Messieurs, 
les  bornes  étroites  de  mes  taleus  littéraires. 

De  l'habitudo  au  travail  dès  l'enfance,  de  la  constance  dans  mes  éludes, 
un  goût  vif,  des  projets,  dos  entreprises  que  je  n'aurois  pas  dû  former,  exé- 
cutés ;  ce  sont  les  seuls  titres  que  je  puisse  produire  dans  la  République  des 
Lettres.  Ils  ne  suffisent  pas  pour  y  donner  cette  noblesse  que  vous  y  avez 
acquise  ;  mais  au  moins  ne  dérogent-ils  point  à  vos  sçavans  exercices.  Dans 
uu  élève  vous  aurez  un  admirateur  ;  je  vous  suivrai  des  yeux  :  sur  le  théâ- 
tre où  vous  brillez  vous  aurez  un  acteur  qui  se  chargera  du  Plaudile  dos 
Anciens.  Que  votre  modestie,  qui  se  refuse  aux  éloges  les  plus  mérités,  me 
permette  au  moins  un  tribut  d'une  autre  espèce.  Si  je  n'ose  prendre  le  pin- 
ceau pour  tracer  votre  portrait  particulier,  qu'il  me  soit  permis  d'eu  esquis- 
ser quelques  traits  dans  l'idée  générale  que  j'ai  conçue  du  véritable  hommo 
de  Lettres. 

Dans  ce  tableau,  Messieurs,  il  est  des  traits  qui  paroissent  n'être  pas  in- 
variables ;  ce  sont  ceux  que  le  goût,  le  tems,  les  circonstances,  le  génie,  la 
nature  même  peuvent  y  placer.  Je  veux  dire  l'ordre,  le  style,  la  méthode. 
Mais  les  principales  couleurs,  les  traits  dominars  ne  varient  point  ;  ils  sont 
toujours  les  mêmes.  Un  homme  de  Lettres  est  essentiellement  sous  Louis 
XV  ce  qu'il  étoil  sous  Louis  XIV^  sous  François  I<=',  sous  Auguste.  Ces 
traits  décidés,  primitifs,  invariables,  qui  sont-ils?  Sinon  l'étendue  que  l'é- 
tude donne  à  l'esprit,  l'ornement  qu'une  lecture  bien  digérée  lui  fournit,  la 
richesse  que  lui  procure  un  commerce  suivi  avec  la  sçavante  antiquité  et 
nos  illustres  modernes,  ce  génie  d'examen,  de  discussion  qui  est  l'âme  du 
sçïvoir,  c'est-à-dire  du  véritable  homme  de  LeCtres;  un  air  de  tête  plus  ou 
moins  noble,  une  draperie  plus  oi  moins  légère,  des  oraemens  ajoutés  ou 
retranchés,  ne  décident  point  la  ressemblance.  On  peut  être,  a  dit  le  plus 
judicieux  de  nos  maîtres  ',  adroit  à  bien  formei  les  extrémités,  les  ongles, 
les  cheveux,  sans  passer  pour  peintre.  Je  pense  aussi  qu'un  style  net  et 
délicat,  qu'une  expression  brillante  ne  forment  point  l'homme  de  Lettres.  Si 
l'écrivain  n'a  que  ces  taleus,  je  lui  dirai  avec  Horace  :  Infclix  operis 
summa  quia  ponere  tolum  nesciet. 

Avoir  une  belle  chevelure,  de  beaux  sourcils,  el  un  nez  ou  une  bouche 
dili'orme,  te  n'est  point  être  une  beauté  ;  être  borné  au  mériie  du  st\le  et 
de  l'élocutiou,  ce  n'est  pas  être  un  homme  de  Lettres.  Est-il  quelqu'un  cjui 
n'ait  des  taleus  naturels  plus  ou  moins  brillans?  Qu'on  ait  l'usage  du 
monde,  de  l'éducation,  du  discernement  ;  avec  un  peu  d'exercice  et  de  rélle- 
xion  ne  s'acquiert-oa  pas  un  style,  une  expression  juste  el  élégante  même? 
Combien  de  personnes  du  monde,  de  femmes  de  goût  seront  gens  de  Let- 
tres, s'il  suffit  d'écrire  avec  grâce,  avec  enjouement,  avec  feu,  avec  jus- 
tesse ?  11  n'est  pas  d'homme  à  la  Cour,  à  qui  la  qualité  d'homme  de  Lettres 
ne  soit  due,  si  le  système  que  je  combats  e^t   reçu.    Vous   le  savez,  Mes- 


1 .   Horace,  art.  Poét. 

26 


402  IDKE   DU   VÉRITABLE    HOMME    DE    LEITRES 

sieuis,  dans  ce  qui  part  de  la  plume  des  personnes  dout  je  viens  de  parler, 
rien  do  plus  ordinaire  que  dy  trouver  dos  grâces,  un  naïC,  un  ton,  qui  ne 
sont  dûs  qu'à  l'habitude,  qui  imitent  tellement  la  nature  qu'ils  ne  sçauroient 
passer  pour  des  talens  acquis.  Un  discours  poli,  une  pièce  légère,  un  ou- 
vrage de  sentiment  ou  d'imagination  en  prose  ou  en  vers  ne  caractérisent 
point  un  homme  de  Lettres.  Plaire,  amuser^  est  l'ouvrage  de  l'esprit  :  le 
Littérateur  a  un  but  plus  noble ,  il  veut  instruire  ;  l'utile  se  joint  à  l'agréa- 
ble dans  ses  productions  ;  et  si  la  nature  indulgente  lui  refuse  l'heureux  don 
de  plaire,  il  se  retranche  dans  l'instruction. 

Disons-le  hardiment,  les  éloges  exclusifs  que  l'on  donne  depuis  quelques 
année.-.,  à  des  talens  que  le  travail  n'a  ni  formés,  ni  fait  naître,  ce  mépris 
déplacé  des  Littérateurs  profonds  du  dernier  siècle  sont  plutôt  l'apologie  de 
la  paresse  et  peut  être  de  l'ignorance,  que  celle  de  l'esprit. 

Permettez-moi,  Messieurs,  do  jeter  avec  vous  un  coup  d'œil  sur  les  peuples 
qui  se  sont  distingués  dans  les  sciencps,  et  qui  font  encore  l'objet  de  notre 
admiration.  En  est-il  de  ces  hommes  célèbres,  dont  le  nom  immortel  a  forcé 
la  loi  des  tems  ;  en  est-il  dont  les  monumens  ne  nous  annoncent  que  des 
talens  dûs  à  la  nature,  ou  à  l'éducation,  que  des  heureux  dons  do  l'esprit? 
et  s'il  s'en  trouve  quelques-uns  dont  le  hasard  bien  plus  que  les  soins  de 
la  postérité  nous  ail  transmis  les  productions. 

Sont-ils  nos  guides,  nos  modèles,  l'objet  de  cet  espèce  de  culte  que  nous 
rendons  si  avidement  &ux  écrivains  fameux  qui  nous  présentent  l'homme  de 
Lettres  dans  toute  son  étendue  ? 

Je  ne  vous  parlerai  point  ici  d'Homère,  d'Héiiode,  de  Pindare,  de  Théo- 
crile,  de  tous  ceux  que  la  Grèce  a  mis  au  rang  de  ses  premiers  poètes.  On 
peut  le  dire  sans  craindre  l'ironie  du  bel  esprit,  ils  étaient  philosophes,  his- 
toriens, mythologistes ils  étoient  tout.  Il  faudrait  n'avoir  aucune  con- 
naissance de  Platon,  d'Aristote  son  disciple,  de  Théophraste,  pour  avancer 
qu'ils  n'avaient  pas  joint  une  littérature  profonde  à  l'étude  do  la  nature.  Que 
d'érudition,  que  de  connaissances,  Athènes  n'eut-elle  pas  lieu  d'admirer 
dans  ses  orateurs  ?  Leurs  écrits  nous  l'annoncent  ;  ils  en  sont  des  témoins 
irréprochables.  Qui  sçait  mieux  que  vous.  Messieurs,  qu'Hérodote,  Xéno- 
phon,  Thucydide  et  Polybe  ne  s'en  étaient  pas  tenus  au  mérite  du  génie, 
du  bel  esprit  ? 

L'idée  que  l'ancienne  Rome  nous  donne  de  ses  écrivains,  est  la  même. 
Cicéron,  Horace.  Tile-Live,  Virgile  m'étonnent  par  le  nombre  prodigieux 
de  leurs  talens  acquis.  La  nature,  forcée  par  leurs  travaux,  leur  avait  dé- 
voilé ses  secrets.  Les  tems  les  plus  reculés  étaient  sans  ténèbres  pour  eux; 
familiers  avec  les  siècles  qui  les  avaient  précédés,  avec  toutes  les  nations, 
tous  les  pa\'s  ;  ils  en  possédaient  la  religion,  les  mœurs,  la  politique,  les 
lois  civiles  et  militaires. 

Rappelez-vous,  Messieurs,  quels  étaient  Galon,  Brutus,  César  el  tous 
ceux  qui  ont  droit  à  votre  admiration,  et  vous  vous  rappellerez  des  prodiges 
d'érudition,  de  vrais  littérateurs.  Mais  il  est  des  genres  ou  la  littérature, 
plus  dangereuse  qu'utile,  étouffe  le  génie  au  lieu  de  l'étendre.  Quels  sont 
ces  genres  de  composition?  Osera-t-on  le  dire  de  l'histoire,  quelles  sortes  de 
connaissances  no  deniaude-t-oUe  pas  7  Que  peut  ignorer  ou  plutôt  que  ne 
doit  pas  s<.avoir  celui  qui  prétend  développer  tant  de  faits  diliérens,  peindre 
tant  d'objets,  exposer  les  causes  el  les  ell'ets  de  tout  ce  qui  peut  intéresser 
la  postérité  ?  L'éloquence  qui  n'est  soutenue  que  par  l'esprit  el  l'imagina- 
tion brillante  de   l'orateur,  peut-être    l'art   du    sophiste,    mais   elle  ne  fera 


IDÉE   d'un  véritable  HOMME   DE   LETTRES  403 

jamais  le  talent  du  véritable  orateur.  Uii  beau  naturel,  un  sçavoir  exquis, 
UDc  érudition  choisio,    une  élude  continuelle,  une   application   constante  au 

travail voilà  les  parties  de  loraleur.  Ce  sont  les  traits  sous  lesquels  le 

père  de  l'éloquence  nous  représente  un  homme  qu'il  admirait.  Eral  in 
Brulo,  nous  dit  Cicérou,  natura  admirabilis,  exquisita  doclrlna,  et  indus- 
tria  singularis.  Ce  sonl  ces  parties  réunies  qui  ont  formé  les  Bossuet,  les 
Bourdalone  pour  nos  temples  ;  les  Normand,  les  Cocliin  pour  notre  bar- 
reau. 

En  disant  que  l'érudition  a  formé  des  orateurs  pour  le  barreau,  aussi  bien 
que  pour  la  chaire,  c'est  dire  que  la  jurisprudence  est  nécessairement  liée  à 
l'érudition,  et  c'est  avancer  une  vérité  prouvée  par  autant  d'exemples  qu'il 
y  u  eu  de  célèbres  jurisconsultes.  L'érudition,  la  variété  des  connaissances, 
la  profonde  littéralure,  sont  si  essentielles  au  jurisconsulle,  que  j'ose  dire 
que  sans  leur  secours  on  ne  sçaurait  aspirer  qu'au  titre  obscur  de  pra- 
ticien . 

Comment  fixer  le  vrai  sens  de  la  loi,  comment  en  apprécier  tous  les  ter- 
mes, sans  posséder  la  langue  du  législateur,  sans  connaître  les  circonstan- 
ces, les  mœurs,  les  usages,  les  objets  qui  donnent  lieu  à  la  loi  ? 

Point  d'historien,  point  d'orateur,  point  de  jurisconsulte  sans  érudition,  je 
dis  plus  :  le  poète  qui  veut  se  frayer  un  chemin  à  l'immortalité,  qui  aspire 
au  sort  des  chefs  de  notre  pâmasse,  doit  être  sçavant,  érudil,  homme  de 
Lettres . 

Peut-être  ces  écrivains  délicats,  a  qui  le  nom  seul  d'homme  érudit  fait 
penr,  et  qui  lui  préfèrent  avec  une  contiance  pleine  de  vanité  les  ombres,  les 
chimères,  les  riens  qu'ils  décorent  du  nom  de  sentiment  et  de  délicatesse, 
trouveront  leur  système  établi,  en  France,  avec  honneur  ;  s'ils  le  croyent, 
cette  opinion  injurieu-e  à  la  nation,  ne  prouve  que  leur  ignorance. 

Notre  histoire  littéraire  ne  nous  présente  le  règne  de  l'esprit  dénué  d'une 
érudition  solide,  qu'en  nous  offrant  le  règne  de  la  barbarie.  Dès  qu'on  voit 
naître  eu  France  l'aurore  des  sciences,  on  y  voit  naître  l'avidité  du  sçavoir, 
l'élude  des  bons  auteurs,  le  goût  des  discussions,  de  la  critique,  ce  flambeau 
que  l'homme  de  Lettres  doit  toujours  avoir  à  la  main. 

Charlemagne,  le  premier  de  nos  rois  ((ui  connut  le  mérite  du  s(;avoir. 
pensa  à  étendre  les  bornes  de  l'esprit  par  lo  connoi^sanre  des  langues  et  de.t 
bon.s  auteurs.  Sou  empire  devint  llorissant  par  la  voie  des  conciuêtes  :  il 
ouvrit  la  même  voie  au  génie,  eu  lui  ouvrant  la  route  de  l'érudition.  Nous 
nv  trouvons  plus  rien  qui  mérite  notre  atlentiou,  sous  les  rejoues  faibles  de. 
ses  enfants,  parce  que  l'esprit,  livré  à  lui-même,  ne  chercha  plus  de  guides. 
Le  mépris  de  l'érudition  repiodui.-.it  la  barbarie.  Charles  \,  connu  sous  le 
beau  nom  de  Sage,  reprit  le  de.sseiu  cl  suivit  l'exemple  de  Charlemagne.  Il 
eut  recours  à  des  gens  de  Lettres,  et  les  traductions  des  meilleurs  ouvrages 
servirent  à  faire  disparoitru  les  productions  futiles  et  absurdes  de  nos  vieux 
Troubadours  ;  de  ci-s  gens  qui,  n'ayant  d'aulre  ressource  que  l'esprit  et  l'i- 
magination, étoieut  tombés  dans  une  indigence  effroyable.  François  pre- 
mier, ce  monarque  qui  mérita  le  nom  de  Père  des  Lettres  k  tant  de  titres, 
parut  eulju  :  jamais  siècle  ne  fut  fci  Buvant,  ni  si  éclairé.  On  vit  naître  des 
orateurs,  des  historiens,  des  médecins,  des  jurisconsultes.  La  langue  Fran- 
çoise qui  étoit  auparavant  le  règne  di;  ce  iJiince,  un  chaos,  un  jargon  sans 
règles,  sans  principes,  devint  riclie,  brillanlf,  agréable,  capable  <le  la  dignité 
de  rhisloire,  de  la  pompe  de  l'éluqueucc,  du  précis  dos  précej)les,  de  l'agré- 
niont  de  la  narratiou.  Nos  négociateurs  s'exprimèrent  avec  justesse,  nos  mé- 


404  IDÉE  d'un  véritable  homme  de  lettres 

decins  avec  clarté,  nos  jurisconsultes  avec  force  el  précision,  nos  historiens 
avec  noblesse.  La  critique  et  l'érudition  produisirent  ces  heureux  chan- 
gemens. 

L'esprit  des  Français  fécondé,  jiuidé  par  les  anciens,  devint  capable  de 
tout  ;  mais  le  génie  ne  parut  point  assez.  Le  goût  fut  étouflé  :  non,  Mes- 
sieurs, il  fut  créé;  il  n'existoit  point  avant  ce  règne.  Les  du  Belley,  les  de 
Thou,  les  Dumoulin,  les  Sainte-Marthe,  les  Rapin,  les  Duperron,  les  Mal- 
herbe même  en  sont  les  fruits.  Si  quelques  sçavans  ont  abusé  de  leurs 
richesses,  en  les  entassant  avec  trop  de  faste  et  d'ostentation,  s'ils  se  sont 
contentés  de  rassembler  des  biens  qu'ils  pouvoient  s'approprier  avtc  un  peu 
plus  d'art,  est-ce  un  défaut  qui  doive  nous  indisposer  contre  leurs  écrits, 
jusqu'au  point  de  les  décrier  et  de  n'en  pas  profiter?  Quoique  l'or  qu'on  tire 
des  mines  ne  soit  pas  encore  dégagé  des  parties  grossières  qui  l'environnent, 
ne  doit-on  rien  à  l'ouvrier  qui  l'a  tiré  des  entrailles  de  la  terre,  et  faut-il 
qu'il  ail  passé  par  la  main  des  artistes  les  plus  adroits  pour  fixer  nos  désirs 
et  notre  attention  ?  Les  commentateurs  du  xvi'  siècle  ont  été  trop  pesans  ; 
convenons-en  :  ils  se  sont  contenté  d'arracher  des  épines  sans  semer  des 
ileurs  ;  mais  ils  nous  ont  laissé  un  terrain  défriché.  Quelque  objection 
qu'on  puisse  faire,  l'homme  raisonnable  et  sans  préjugés  préférera  toujours 
cet  or  en  lingot  au  clinquant  mis  on  œuvre,  ces  diamants  même  bruts  à  du 
verre,  ces  trésors  mal  arrangés  à  une  indigence  réelle. 

Quand  je  lis  les  ouvrages  des  Scaliger,  des  Turnebe,  des  'Vossius  et  des 
Casaubon,  il  me  semble  voyager  dans  une  de  ces  plaines  fertiles,  où  le  fro- 
ment, qui  couvre  toutes  les  terres,  n'ollre  de  toutes  parts  qu'une  abondance 
exclusive  des  agrémens  de  la  variété  et  du  coup  d'œil.  11  n'y  a  ni  ombrages 
gracieux,  ni  bosquets,  ni  prairies,  ni  coteaux  ;  tout  est  épi,  tout  est 
moisson. 

Si  je  lis  les  auteurs  à  esprit,  à  sentiment,  je  veux  dire  qui  craignent  le 
titre  d'érudits,  ceux  même  qui  ont  eu  le  plus  beau  sort,  je  crois  parcourir 
ces  plaines  stériles,  où  les  grenadiers  et  le  jasmin,  le  thym  et  la  rose,  (lat- 
tent  les  yeux  et  l'odorat,  mais  où  je  rencontre  à  peine  les  choses  les  plus 
nécessaires  à  la  vie.  Ici  la  terre  est  une  mère  iéconde  et  bienfaisante,  qui 
enrichit  ses  habitants  ;  là,  pour  me  servir  d'une  expression  ennoblie  par  le 
nom  et  la  dignité  du  grand  homme  qui  s'en  servoit  '  et  par  la  justesse  de 
l'image  qu'elle  présente,  je  ne  vois  qu'une  Gueuse  parfumée. 

Disons-le  sans  détour,  l'esprit  sans  les  ressources  de  l'érudition  peut  pro- 
duire quelques  riens  amusans  ;  avec  du  génie,  nos  François  ont  sçu  débiter 
ces  figures  légères,  à  qui  un  fil  adroitement  placé  donnoit  un  mouvement 
dont  la  singularité  a  fait  le  mérite.  On  a  commencé  par  s'en  amuser,  bientôt 
on  a  ri  de  la  puérilité  de  l'amusement,  on  a  fini  par  en  rougir.  Avec  de 
l'esprit  et  sans  étude  on  peut  être  Boursault,  mais  on  ne  deviendra  jamais 
Molière  ;  on  sera  peut-être  Pradon,  mais  ou  ne  sera  jamais  Corneille,  ni 
Racine  ;  ou  jettera  de  la  vivacité  dans  sa  critique,  on  pourra  lui  donner  un 
ton  épigrammatique  ;  mais  on  n'y  fera  jamais  voir  la  critique  saine  et 
éclairée,  la  précision,  la  justesse  des  Bayle,  des  Basnage  et  des  Le  Clerc. 

11  faut  enfin  vous  ressembler,  Messieurs,  réunir  au  goût  et  au  génie  le 
travail  et  la  lecture,  la  connoissance  des  langues,  celle  de  la  belle  autitfuité, 
une  littérature  étendue,  pour  mériter,  comme  vous,  le  titre  d'homme  de  Let- 


1 .  M.  Godeau,  évêquc  de  Grasse,  se  servoit  de  celte  expression  pour  ca- 
ractériser la  misère  de  son  diocèse. 


IDÉE   DU   VÉRITABLE   HOMME   DE   LETTRES  405 

très.  La  voye  est  longue,  la  route  difficile,  mais  elle  est  la  seule  qu'on  doive 
suivre,  si  Ton  veut,  à  votre  exemple  ',  donner  les  agrémens  de  la  nou- 
veauté à  des  choses  anciennes,  et  rendre  le  nouveau  respectable,  répandre 
de  l'éclat  sur  des  objets  dédaignés,  de  la  lumière  eu  règne  l'obscurité,  substi- 
tuer l'agréable  au  fasliilieux,  la  certitude  aux  embarras  du  doute,  faire  bril- 
ler la  nature  partout,  et  donner  à  la  nature  tout  ce  qui  lui  appartient. 

Ce  sont  les  devoirs  que  vous  vous  imposez    et  que  s'impose  tout  homme 
de  Lettres, 


1 .  Res  ardua  vetustis  novitatem  darc,  novis  aucloritatem,  obsuleti$ 
niloreni,  ohscuris  lucem,  fastiditis  graliam,  dubiis  fidem,  omnibus  vero 
naturam,  et  naturœ  sua  omnia.  Plin.  in  prœfat.  Hist.  nalur. 


MADAME  ADELAÏDE  A  LOTJVOIS 


Mesdames  de  France,  comme  dames  de  Louvois,  s'occupaient 
avec  beaucoup  de  sollicitude  de  ce  village,  et  elles  y  ont  laissé 
des  traces  durables  de  leur  passage.  Vers  1779,  elles  manifes- 
taient le  désir  de  faire  ouvrir  une  rue  en  face  de  la  grille  du 
cbâteau  et  de  faire  construire,  à  la  suite,  un  embranchement 
pour  rejoindre  la  grande  route  au-delà  de  Tauxières,  — 
c'est  celle  qui  existe  aujourd'hui.  M.  de  Pommery,  intendant 
dos  princesses,  en  parla  au  mois  de  décembre  à  l'Intendant  de 
la  province  en  cherchant  à  atténuer  le  plus  possible  la  dépense 
au  moyen  d'un  subside  sur  les  fonds  de  charité.  Le  25  avril 
178Vm  il  adressait  à  ce  haut  fonctionnaire  le  plan  de  la  nouvelle 
rue,  en  l'informant  que  Madame  Adélaïde  se  chargeait  d'in- 
demniser les  propriétaires  expropriés,  mais  qu'elle  aurait  be- 
soin de  secours  pour  la  construction  de  la  chaussée  et  du  pont 
de  Tauxières.  Le  22,  l'ingénieur  en  chef  de  la  province,  M.  de 
Sorbée,  vint  à  Louvois  pour  les  travaux  de  la  rue,  et  M.  de 
Pommery,  se  félicitait  alors  «  de  la  conciliation  mise  dans  le 
consentement  donné  par  toutes  les  parties.  »  Mais  celte  lune 
de  miel  ne  devait  pas  durer.  Le  3  juillet  Pommery  mande  au 
subdélégué  général  à  Châlons  que  Mesdames  arrivent  à  Lou- 
vois en  passant  par  Epernay,  et  «  qu'une  galanterie  des  plus 
agréables  que  M.  l'Intendant  pût  faire  à  Son  Altesse  serait  de 
fajre  travailler  de  suite  au  ponceau  de  Tauxières  pour  qu'elle 
pût  entrer  à  Louvois  par  la  nouvelle  rue.  Madame  Victoire  est 
extrêmement  peureuse  en  voiture  ;  Madame  Adélaïde  voudrait 
lui  éviter  de  passer  sur  la  berge  qui  se  trouve  sur  le  chemin 
d'Avenay  à  l'entrée  des  avenues  de  Louvois.  » 

Le  subdélégué  général  s'empressa,  dès  le  lendemain,  de 
transmettre  à  l'Intendant  absent  les  prétentions  de  M.  de  Pom- 
mery, qui  eurent  le  privilège  de  l'exaspérer  absolument  eu  lui 
faisant  évidemment  oublier  toutes  les  traditions  du  style  admi- 
nistratif : 

«  Si  M.  de  Pommery  n'avait  que  quarante  ans,  je  le  regar- 
derais comme  un  homme  méchant  qui  a  cherché  k  vous  nuire, 
mais  c'est  un  vieillard  imbécile  qui  radote  et  je  vous  conseille- 
rais de  le  laisser  à  son  radotage,  s'il  n'était  dans  le  cas  de  vous 


MADA-\IE    ADFI  UDE    A    I.OUVOIS  407 

rendre  de  très  mauvais  services  auprès  de  Son  Altesse.  Si  vous 
pouviez  lire  la  longue  lettre  qu''^  eu  a  écrite  à  Sorbée,  vous 
seriez  indigné  en  vérité  du  ton  avec  lequel  ce  marouUe  ose 
parler  de  vous.  Sans  doute  il  voulait  que  Madame  satisfit  gratis 
tous  ses  désirs  d'embellissement.  Eh  bien  !  il  ne  lui  en  coûtera 
rien  :  il  y  a  longtemps  que  M.  de  Pommery  le  sait  et  il  a  f?'t 
entendre  à  Son  Altesse  que  vous  vous  refusiez  à  ce  qu'elle 
désiroit.  Je  sais  bien  que  si  j'avois  l'honneur  d'èlre  Intendant 
de  Champagne,  je  supplierais  Son  Altesse  de  ne  pas  me  mettre 
en  correspondance  avec  un  animal  aussi  peu  mémoratif  !  » 

Le  21  juillet,  M.  de  Pommery  écrit  directement  à  M.  l'In- 
tendant pour  lui  dire  combien  Madame  Adélaïde  était  surprise 
de  n'avoir  aucune  nouvelle  au  sujet  de  la  nouvelle  chaussée  : 
il  le  prévient  que.  comme  l'année  précédente,  elle  comptait 
aller  passer  deux  jours  à  la  Bove  et  que  par  conséquent  il  fal- 
lait aviser  à  mettre  en  état  la  route  de  Reims  à  Berry-au-Bac. 
L'Intendant  devait  certainement  supporter  avec  peine  les  al- 
lures de  M.  de  Pommery,  mais  il  n'osait  pas  rompre,  sachant 
comme  il  est  dangereux  de  se  brouiller  avec  des  personnes  ap- 
prochant les  princes.  C'est  évidemment  ce  qui  le  décida  à  ne 
pas  se  laisser  exciter  par  les  conseils  de  son  subdélégué.  Au 
contraire  il  semble  avoir  voulu  feindre  le  zèle.  Le  21  juillet 
1782,  il  écrit  longuement  à  M.  de  Sorbée.  «  Je  vous  ai  dit 
combien  Madame  Adélaïde  serait  satisfaite  si  on  parvenait  à 
la  faire  passer  celte  année  sur  le  pont  de  Tauxières  et  la  chaus- 
sée qui  doit  y  conduire.  Ce  n'est  évidemment  pas  possible, 
mais  faites  le  possible  et  commencez  immédiatement  le  travail 
pour  que  la  princesse  puisse  constater  l'empressement  à  la 
satisfaire,  faites  mettre  les  ouvriers  en  vue  de  la  princesse 
quand  elle  passera.  »  L'Intendant  ajoute  «  qu'il  faudrait  être  un 
peu  magicien  pour  faire  ce  travail  pour  le  20  août  et  trouver 
des  ouvriers  en  ce  temps  de  moisson.  Si  M.  de  Pommery  fait 
croire  à  .Son  Altesse  que  cela  est  possible,  il  se  rend  coupable 
d'une  grande  indiscrétion.  >•  El  il  fait  remarquer  que  Pom- 
mery ne  bâte  même  pas  les  travaux  du  château  où  l'architecte 
Durand  n'a  pas  dépensé  18,000  livres  depuis  dix  mois,  et  où 
la  princesse  se  trouvera  au  milieu  des  ouvriers. 

Les  choses  s'aigrirent  cependant  assez  entre  M.  de  Pommery 
et  M.  d'Orfeuil  pour  que  ce  dernier  rédigeât  un  mémqire  aussi 
clair  que  détaillé,  (juoique  très  modéré,  au  ministre  avec  les 
copies  des  lettres  que  nous  avons  citées.  Les  choses  s'arran- 
gèrent à  la  fin   et  tout   lui   jcjeté  sur  ce  que  M.  de  Pommery 


408  MADAME    ADÉLAÏDE   A    LOUVOIS 

et  l'Intendant  s'étaient  mal  compris  au  sujet  de  la  dépense. 
Du  moins  le  premier  en  vint-il  à  ses  fms  et  il  fit  si  bien  qu'à 
part  les  indemnités  que  Madame  paya  pour  ia  démolition  des 
maisons  de  Louvois,  tout  le  reste  de  la  dépense  fut  à  ia  charge 
de  l'Etat,  de  la  province  et  du  village.  Cette  dépense  se  décom- 
posait ainsi  : 

Pour  le  pavé 4 ,080  liv , 

La  chaussée  et  l'embranchement 7,600 

Le  parc  de  Tauxières 1 ,700 

Indemnités  pour  5  arpents  de  terre  et  1  de 

pré 2,200 

Total 15,580  liv. 

Les  habitants  de  Louvois  fournirent  la  dépense  du  pavé, 
soit  4,080  livres,  sur  le  produit  de  la  réserve,  et  le  reste  de  la 
somme  fut  fourni  sur  les  fonds  de  charité.  Aussi  l'Intendant 
terminait  son  mémoire  par  ces  mots  :  «  Tout  est  éclairci  et 
tous  les  ouvrages  seront  exécutés  sans  qu'il  en  coûte  un  sol  à 
Madame  Adélaïde.  »  B. 


NÉCROLOGIE 


On  nous  annonce  la  mort  do  M.  Gustave  Rigollot,  professeur  do 
philosophie  au  lycée  do  Vendôme.  Né  à  Blcssonvillo,  canton  de  Châ- 
teauvillain,  il  appartenait  au  département  de  la  Haute-Marne.  C'était 
un  savant  en  même  temps  qu'un  lettré;  tous  les  ans,  il  prenait  une 
part  active  au  congrès  des  sociétés  savantes  à  la  Sorbonnc.  Cette  an- 
née, il  n'avait  pas  lu  moins  de  trois  mémoires  sur  des  sujets  archéo- 
logiques et  historiques. 

M.  Rigollot,  a  succombé  à  Nice,  le  30  septembre  dernier,  à  l'âge  de 
5fi  ans,  au  retour  d'un  voyage  qu'il  venait  de  faire  en  Algérie,  en  Tu- 
nisie et  en  Italie. 

Il  laisse  une  étude  historique  :  Frédéric  II,  philosophe,  et  une 
pièce  de  théâtre  :  La  Princesse  de  Condé,  représentée  à  Châteauroux, 
ainsi  qu'un  graud  nombre  de  travaux  manuscrits. 


Les  journau.x  de  la  Marne  annoncent  la  mort  de  M.  le  comte  Drouet 
d'Erlon,  ancien  conseiller  de  la  cour  de  Metz,  à  75  ans.  Il  était  le  pe- 
tit neveu  du  maréchal  dont  la  statue  orne  une  des  places  de  Reims  où 
il  était  né  le  26  juillet  1761,  d'une  famille  modeste  :  le  frère  de  son 
père  était  entrepreneur  de  menuiserie.  Le  maréchal  entra,  en  1782,  au 
régiment  de  Beaujolais  et  devint  général  de  division  en  1801.  Sa  con- 
duite à  Dantzick  et  à  Friedlandlui  valut  le  titre  de  comte  d'Erlon  avec 
25,000  écus  de  dotation  sur  le  domaine  de  Dorsneberg,  en  Hanovre. 
Il  fut  nommé  gouverneur  de  l'Algérie,  créé  maréchal  de  France  en 
18 il  et  mourut  à  Paris  en  1844.  Sa  famille  n'avait  aucune  parenté 
avec  celle  de  l'homme  qui  fit  arrêter  Louis  XVI  à  Varennes.  —  Armes  -. 
écartelé  d'argent  à  5  trèfles  de  sinople  posés  en  orle,  au  franc- 
quartier  d'azur,  chargé  d'un  épi  d'argent  ;  —  de  gueules  au 
lion  d'argent  ;  —  de  guoule  au  chevron  accompagné  de  3  étoiles  d'ar- 
gent ;  —  d'argent  à  5  trèfles  de  sable  posés  3  en  chef  et  2  à  séncstre. 
Au  franc-quartier  d'azur,  mouvant  de  flanc  sénestre  de  la  pointe. 


M.  le  vicomte  de  Jessaint,  ancien  préfiit,  vient  de  mourir  à  57  ans. 
Fils  de  préfet,  petit-fils  du  préfet  légendaire  de  la  Marne  :  on  sait  qu'il 
administra  ce  di''partement  depuis  la  création  des  f)réfecture8  jusqu'en 
1838.  que  son  petit-fils,  M.  Hourlon  de  Sarly,  lui  succéda  jusqu'en 
18'i8.  Il  appartenait  à  une  ancienne  lamille  noble  de  l'élection  do 
Bar-sur-Aubc.  Claude  Bourgeois  y  épousa  en  1687  Elisabeth  de  Mcrtru 


4 1 0  NÉCROLOGIE 

qui  lui  apporta  la  seigneurie  de  Jessaint,  sise  non  loin  de  celte  ville.  Il 
out  plusieurs  enfants:  un  fils  capitaine  au  régiment  Royal-Arlillerie, 
commissaire  provincial  de  larlillerieen  1743  ;  un  autre,  cadet  au  même 
corps,  marié  très  tardivement  à  Claude  de  Greney,  de  la  noblesse  de 
Perlliois,  d'où  naquit,  en  1 76 i,  Claude-Laurent  Bourgeois  de  Jessaint, 
élève  à  Hrienne  oîi  il  connut  intimement  Napoléon.  Puis  préfet  de  la 
Marne,  il  épousa  Mlle  Laneau,  de  Bar-sur-Aube,  Le  défunt  avait 
épousé  Mlle  Cuvoiller,  et  laisse  deux  fils,  —  Armes  :  Tiercé  en  face, 
au  !«^''  d'azur  à  la  bande  d'argent,  accompagné  en  chef  d'une  étoile,  et 
en  pointe  d'une  anille  d'or  ;  au  2=  d'or  au  bas  lion  de  gueule  ;  au  3«  de 
gueule  plein. 


Nous  annonçons  aujourd'hui  avec  un  vif  regret  la  mort  d'un  artiste 
de  talent,  l'un  des  amis  de  la  Revue  et  des  enfants  de  la  province. 
Amédée  Varin  s'est  éteint  aux  Croutles  (Aisne),  à  soixante-cinq  ans. 
C'était  un  de  nos  principaux  burinistes,  auteur  de  ces  belles  gra- 
vures :  le  Premier-Né,  les  Accordailles,  le  Christ  marchant  sur 
les  eaux  et  de  la  Messe  sous  la  Terreur,  d'après  MuUer.  C'est  dans 
un  voyage  à  Rome,  où  il  allait  encore  étudier  et  copier  les  maîtres, 
qu'il  a  coniraclé  le  germe  de  la  maladie  qui  l'a  enlevé. 


BIBLIOGRAPHIE 


Gallet  et  le  CAVEif,  par  M.  Jacqups   Bouché  (de   Mnrouil-sur-Ay).  — 

Préface  de  Tony  Révillon,  1  vol. 

Ce  livre  est  une  œuvre  de  bonne  humeur,  une  production  essen- 
tiellement champenoise,  qui  pétille  et  mousse  comme  les  vins  d'Ay. 
C'est  la  biographie  de  Gallet,  le  gai  chansonnier  du  XVIII"  siècle, 
écrite  par  un  charmant  et  joyeux  esprit. 

Voici  comment  un  critique  apprécie  le  travail  de  M.  Jacques 
Bouché  : 

ï  Pénétré  de  son  sujet,  M.  Jacques  Bouché  nous  a  donné  un  récit 
d'une  saveur  particulière  et  d'un  charme  constant.  Quelle  phrase 
alerte,  accorte,  trottant  menu  !  On  dirait  d'une  grisette  que  n'embras- 
sent ni  les  oripeaux  de  la  philosophie  pédante,  ni  les  i'anfreluches  du 
style  ampoulé,  ni  les  mignardises  du  mauvais  goût,  mais  qui,  court 
vêtue,  pimpante,  sensible  aux  bons  moments,  traverse  tout  le  récit 
sans  éclabousser  ses  bas  blancs  bien  tirés,  et,  sans  mettre  aux  brides 
du  bonnet  qu'elle  a  plus  d'une  fois  jeté  par  dessus  la  porte  du  cellier, 
une  seule  tache  de  vin  ! 

«  Il  y  a  des  pages  remarquables  dans  ce  petit  livre,  qui  fait  si  joli- 
mont  revivre  son  héros.  Et  certes,  n'étaient  les  commentaires  de  galo- 
pins qu'en  feraient  les  écoliers,  les  deux  récits  de  l'aventure  avec  lo 
guet  et  celui  du  premier  dîner  que  les  fondateurs  du  Caveau  liront 
chez  Landel  mériteraient  de  figurer  dans  un  recueil  de  morceaux  choi- 
sis à  l'usage  de  la  jeunesse  studieuse. 

«  Je  m'imagine  assez  qu'en  reconstruisant  avec  un  pareil  charme 
ce  coin  si  mal  connu  du  dix-hitième  siècle  chansonnier  et  bon  vivant, 
l'auteur  a  quelque  peu  braconné  dans  les  réserves  que  l'incomparable 
talent  de  Monselet  avait  faites  siennes  par  droit  de  conquête.  Mais 
bast  î  le  soleil  luit  pour  tout  le  monde  et  l'on  peut  être  certain  que  le 
MAITRE  sera  le  premier  à  applaudir  ce  pastiche,  dont  je  ne  puis  f;iire 
meilleur  éloge  qu'en  disant  qu'on  1<^  croirait  tombf^  de  sa  plume.  » 

M.  Diancourt,  a-icien  maire  et  ancien  député  de  Reims,  vient  do 
publier  chez  l'éditeur  Michaux,  de  cette  ville,  un  livre  excessivement 
curieux  ;  son  titre  dit  assez  son  objet  :  Les  Allemands  à  Reims  en 
iSlO-iHli.  Le  récit  est  du  plus  haut  intérêt.  Nous  regrettons  seule- 
ment que  l'auteur  n'y  ait  pas  joint  un  plus  grand  nombre  de  pièces 
justificatives  ,  ces  documents  officiels  allemands  devaient  être  soigneu- 
sement conservés  à  la  disposition  de  chacun 

"Voici  l'avant-iiropos  . 

«  Les  événements  de  1870,  si  récents  et  dont  lu  plupart  des  acteurs 
et  des  témoins  vivent  encore,  sont  généralement  mal  connus  de  ceux- 


4  1  2  BIBLIOGRAPHIE 

là  mômes  au  milieu  desquels  ils  se  sont  passés.  On  l'a  pu  constater 
trop  souvent  pour  tout  ce  qui  se  rattache  à  l'occupalion  de  la  ville  do 
Reims  par  les  Allemands. 

«  Une  publication  récente,  faite  en  Allemagne,  sous  le  nom  du  doc- 
teur Slieher,  préfet  de  police  du  quartier  fjénéral  prussien,  et  dont  la 
presse  belge  et  quelques  journaux  parisiens  ont  reproduit  des  extrails, 
renfermait  sur  l'arrivée  des  Allemands  et  les  premiers  temps  de  leur 
séjour  à  Reime  des  détails  inexacts,  des  appréciations  mensongères  et 
des  récits  matériellement  faux.  Il  m'a  paru  que  la  ville  de  Reims  se 
devait  à  elle-même  de  protester,  autrement  que  par  le  silence  du  dé- 
dain, contre  des  assertions  plus  qu'erronées  que  pouvait  accréditer 
l'absence  de  contradicteurs. 

0  II  n'y  a  pas  lieu  de  prendre  à  parti  des  écrivains  étrangers  et 
anonymes  qui  abritent  une  spéculation  de  librairie  sous  le  nom  d'un 
fonctionnaire  allemand  défunt  dont  la  famille  a  publiquement  pro- 
testé. 

«  Ce  n'est  donc  pas  une  œuvre  de  polémique  que  j'entreprends,  ce 
n'est  donc  pas  plus  une  apologie  qu'un  plaidoyer. 

«  Simple  membre  du  Conseil  municipal  à  cette  époque,  sans  res- 
ponsabilité personnelle  engagée,  mêlés  d'assez  près  aux  hommes  et 
aux  événements  pour  les  bien  connaître,  il  m'a  paru  qu'à  défaut  d'au- 
tres, j'avais  un  devoir  à  remplir  envers  la  ville  et  envers  ceux  qui  la 
représentaient  à  cette  époque,  celui  d'apporter  un  témoignage  sincère 
en  faveur  de  la  vérité  mal  connue  des  uns,  inconsciemment  altérée 
par  les  autres. 

«  Le  récit  des  faits  qui  se  sont  passés  à  Reims,  depuis  le  4  septem- 
bre 1870,  date  de  l'entrée  des  Allemands,  jusqu'à  la  conclusion  de  la 
paix,  pourra  fournir  à  l'histoire  quelques  pages  douloureuses  pour 
l'humanité,  mais  dont  le  patriotisme   n'aura  pas  à  souffrir.  » 

En  même  temps  M.  l'abbé  Tourneur,  vicaire  général,  va  publier  un 
autre  livre  qui  sera  lu  avec  empressement  •.  Les  Allemands  et  le 
Clergé  du  diocèse  de  Reims  en  iSlO-iSli.  On  verra  que  le  clergé 
ne  le  cédait  à  nul  autre  en  patriotisme. 


Nous  mentionnerons  trois  brochure  très  intéressantes  de  M.  Au- 
guste Nicaise'  :  Le  Cimetière  Gallo-Romain  de  la  fosse  Jean  Fat  à 
Reims.  —  Découverte  d'ossements  humains  associés  à  des  silex 
taillés  et  de  la  faune  quaternaire  dans  les  alluvions  quaternaires 
de  la  vallée  de  la  Marne.  —  L'Archéologie  devant  l'Histoire  et 
l'Art.  —  Le  premier  qui  mérite  plus  partitulièrement  l'attention, 
traite  de  ces  urnes  percées  de  trois  trous  dans  lesquels  M.  Nicaise  pro- 
pose de  voir  une  reproduction  de  la  figure  humaine  et  des  stèles  funé- 
raires avec  inscriptions  découvertes  récemment  à  Reims.  Elle 
est  accompagnée  d'un  album  de  quatre  planches  en  chromo-litho- 
graphie d'une  remarquable  exécution  et  du  plus  incontestable  intérêt. 

B. 

1 .   A  Reims,  à  la  librairie  Delinnc. 


CHRONIQUE 


La.  maison  des  Magneix  rue  de  la  i'Eirièue  a  Reims.  —  Au  mo- 
ment où  un  lycée  de  tilles  va  être  établi  dans  cette  maison,  il  est  inté- 
ressant de  faire  connaître  au  public  l'origine  et  l'histoire  do  ces  bâti- 
ments. 

Eu  tG35,  Mme  de  Magneux,  veuve  de  Nicolas  Colbert,  commandant 
pour  le  roi  la  ville  et  le  château  de  Fismes,  fonda,  dans  son  hôtel  de 
la  rue  de  la  Peirière,  un  asile  dirigé  par  des  Sœurs  et  ayant  j)our  but 
de  recueillir  des  jeunes  filles  pauvres,  pour  les  élever  en  piété,  bon- 
nes mœurs  et  en  travail. 

L'administration  accorda  les  lettres  patentes  nécessaires  pour  la  fon- 
dation, et  en  1G38  la  Ville  reconnut  le  nouvel  établissement,  qui  prit 
le  nom  de  Sétvinaire  des  pauvres  Filles.  La  pensioa  était  naturelle- 
ment gratuite.  Les  élèves,  à  cause  de  leur  costume  de  toile  bleue, 
étaient  appelées  les  filles  bleues.  On  les  exerçait  surtout  à  coudre, 
broder  et  faire  de  la  tajiisserie.  On  cherchait  à  en  former  des  femmes 
de  chambre  ou  des  demoiselles  de  boutique,  c'est-à-dire  â  les  met- 
tre à  même  de  gagner  leur  vie. 

La  communauté  prospéra  rapidement.  Soutenue  par  les  habitants  c^ 
protégée  par  les  archevêques,  elle  fit  transformer  magnifiquement  l'hô- 
tei  et  construire  une  élégante  chapelle  intérieure.  Au-dessus  de  la 
porte  fut  placée  une  plaque  de  marbre  noir  avec  cette  inscription  :  Hô- 
pital de  Sainte-Marthe,  fondé  par  Mme  de  Magneux  en  1G38. 

La  llévolution,  <iui  n'a  s'j  que  diminuer  ou  détruire  les  leuvres  ma- 
gnifiques créées  par  les  catholiques  pour  soulager  les  misères  du  peu- 
ple, supprima  la  communauté,  confisiiua  l'hôtel  et  plaça  les  pension- 
naires à  rilùpital-Général.  Los  bâtiments  furent  loués  à  des  jiarti- 
culiers  et  la  chapMlo  dédiée  à  Sainte-Marlhe  servit  de  remise  et 
d'écurie. 

Après  ia  Restauration  des  cultes,  les  religieuses  de  la  congrégation 
occupèrent  jtendant  (|uel<pjes  années  l'hùtul  et  firent  restaurer  la  cha- 
pelle. 

Kn  iH'l'i,  celle-ci  fut  alFcctée  au  service  du  tribunal  de  conuueroe, 
et,  en  Ibii,  à  celui  du  culte  réformé. 


On  trouve  à  la  bibliothèque  de  Sens,  une  petite  plaquette  rapportée 
par  M.  Lallier  dans  les  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de 
Sens  en  1801  ;  elle  a  pour  litre;  Discours  sur  le  prix  des  choses 
en  1574. 


414  CHRONIQUE 

L'auteur  se  plaiat  amèrement  que  depuis  70  ou  80  ans  (c'est-à-dire 
depuis  la  découverte  des  mines  d'or  du  Nouveau-Monde),  la  clièi-eté 
de  toutes  choses  soit  telle,  que  «  les  unes  furent  eurichies  de  dix  fois, 
les  autres  de  quatre,  les  autres  de  cinq  ou  six  fois  »,  autant  i[u'elles 
se  vendaient  auparavant. 

Il  formule  ainsi  ses  doléances  : 

«  En  certaines  coustumes,  le  septier  de  froment  était  alors  de  20 
sous,  l'orge  de  7  sous,  l'avoine  de  5  sous,  le  seigle  de  7  sous,  la  char- 
retée de  foin  de  10  sous,  prise  sur  le  pré  5  sous  -,  la  chair  du  mouton, 
sans  la  laine,  3  sous  6  deniers,  avec  la  laine  5  sous,  la  poule  G  de- 
niers, l'oison  G  deniers,  le  paon  2  sols,  le  veau  5  sous,  le  cochon  5 
sous,  le  faisan  20  deniers. 

«  Voilà,  quant  aux  vivres,  qui  sont  aujourd'hui  douze  ou  quinze 
fois  plus  chers  ;  et,  quant  aux  corvées  et  journées  de  nianouvriers, 
nous  voyons  par  les  coustumes  arrêtées  et  corrigées  depuis  lors,  que 
la  journée  de  l'homme  en  a  été  taxée  à  G  deniers,  avec  sa  charrette  à 
12  deniers. 

«  Quant  aux  terres,  la  meilleure  terre  roturière  n'était  estimée  qu'au 
denier  20,  le  fief  au  denier  30,  la  maison  au  denier  30  ;  l'arpent  de 
la  meilleure  terre  labourable  ne  coûtait  que  12  écus  et  la  vigne  30 
écus. 

«  Et  aujourd'hui,  ajoute  l'auieur  du  discours,  ces  choses  se  ven- 
dent trois  ou  quatre  fois  autant,  même  en  écus  pesant  1/10"  en  moins 
qu'il  y  a  trente  ans. 

«t  Qu'on  regarde  à  plusieurs  maisons,  terres,  fiefs  et  seigneuries, 
arpens  de  terre,  do  bois,  de  vignes,  de  prés  auxquels  on  n'a  rien  aug- 
menté depuis  soixante  ans,  elles  se  vendent  six  fois  autant  (ju'elles 
furent  pour  lors  vendues. 

«  Une  maison  de  ville,  à  laqaelle  il  n'y  a  ni  rente,  ni  revenu,  qui 
se  vendait  alors  1,000  écus,  aujourd'hui  se  vend  15  et  16,000  livres. 

«  Un  fief  qui  se  vendait  au  plus  cher  alors  25  et  au  plus  30,000 
écus,  aujourd'hui  'se  vend  150,000  livres. 

«  Bien  vrai  qu'on  pourra  médire  que  la  terre  ne  produit  pas  davan- 
tage, mais  que  ses  produits  en  sont  plus  chers  et  que  la  botte  de  foin 
du  poids  de  12  livres,  qui  ne  valait  qu'un  denier,  vaut  à  présent  six 
deniers,  et  ainsi  pour  toutes  choses.   » 


Nous  signalerons  dans  la  collection  de  Champagne  à  la  Bibliothèque 
Nationale,  tome  VU,  un  curieux  plaidoyer  en  faveur  du  Chapitre 
Saint-Etienne  de  Châlons,  contre  Villeroy  plaidant  en  faveur  de  l'é- 
vêiiue  sur  l'exécution  des  décrets  du  concile  de  Trente  et  une  réfor- 
niation  dudit  Chapitre.  Ce  jjlaidoyer  fut  prononcé  au  Parlement,  le  15 
lévrier  |15G4  par   François   de   Moutholon,   lils  du  célèbre  garde  des 


CHRONIQUE  4  1 5 

sceaux,  pourvu  lui-même  du  mèniii  office  en  1588,  Jeux  ans  avant  sa 

mort. 


Nous  avons  recueilli  dans  nos  noies  les  vers  suivants,  désignés 
comme  riraôspar  le  chanoine  de  Miucroix,  saus  que  nous  retrouvions 
l'indication  d'origine  :  nous  croyons  cependant  les  avoir  relevés  dans 
les  papiers  de  Conrart  : 

Vous  qui  frondez  uu    innocent   voyage, 

Ne  vous  souvieut-il  pas, 
Charmante  Iris,  que  pour  un  mariage 

Vous  allâtes  Lieu  loin? 
El  que  vous  demeurâtes  peu  sage 

Au  concubinage,  au  coiicubiuage  ! 


On  vient  de  faire  des  travaux  dans  l'église  du  prieuré  de  Montmort, 
édiiicc  de  la  transition  fort  inléresssant,  et  depuis  longtemps  aban- 
donné. M.  Fret,  son  propriétaire,  a  retrouvé  un  certain  nombre 
de  squelettes  très  bien  conservés  sous  le  sol  de  la  nef,  à  li"50  de  pro- 
fondeur ;  il  a  fait  enlever  le  crépi  des  murs  et  fait  apparaître  dans 
toute  l'étendue  des  peintures  dont  nous  reparlerons,  car  elles  leméritent. 
Nous  souhaitons  que  M.  Frol  continue  ses  travau.\  et  surtout  qu'il 
restitue  complètement  ce  bel  édifice. 


On  vient  de  retrouver  l'acte  de  naissance  de  la  mère  de  La  Fon- 
taine, Franeoise  Pidoux,  née  le  li  octobre  1582  à  Montanglaust,  pa- 
roisse de  Ooulommiers,  de  Jean  Pidoux,  docteur  en  médecine.  Elle 
épousa  d'abord  Louis  Le  Jay,  puis  Charles  de  La  Fontaine,  maître  des 
eaux  et  forêts  du  duché  de  Château-Thierry,  d'où  naquit  en  cette  ville 
le  grand  fabuliste  le  21  juillet  1G21. 


Le  Figaro  du  \(\  octobre  signale  une  découverte  bien  intéressante 
pour  notre  province.  M.  Logrand,  tapissier  à  Rouen,  jiossède  deux 
bas-reliefs,  en  marbre  blanc,  mesurant  l"^75  sur  0"'75,  provenant  du 
tombeau  du  duc  de  Guise,  érigé  dans  la  Chapelle  du  château  de  Join- 
ville  (Haute-Marne).  Ils  représentent,  l'un,  l'assaut  d'une  citadelle, 
l'autre  la  Renommée  distribuant  les  jialmes  aux  soldais  ilu  premier  duc 
de  Guiso;  leur  exécution  est,  dit-on,  admirable  et  on  va  jusqu'à  l(5s  at- 
tribuer à  Michel  Ange.  Ces  bas-reliefs  ont  été  aclvelés  après  la  destruc- 
tion du  château,  à  Saint-Dizier,  jiar  un  notaire  des  environs  du  Havre, 
originaire  de  cette  petite  ville  :  c'est  do  ses  héritiers  que  M.  L(!grand 
les  a  acquis.  I/administration  du  Musée  de  Cluny  est  en  pourparlers 
j)uur  rac(|ui3ilion  de  ces  nionuinenls  d'une  si  grande  vabiur  arlisliiiue 


4  1  6  CHRONIQUE 

et  historique,  dont  Dom  Calmet  parlait  déjà  uvcc  admiration  dans    sa 
grandi!  histoire  de  Lorraine. 

Buste  en  maruhe  de  Gehso.n.  —  Parmi  les  œuvres  de  sculptr.re 
admirées  en  ce  moment  par  de  nombreux  visiteurs  au  Salon  Triennal 
des  Champs-Elysées,  ligure  un  buste  en  marbre  blanc  du  chancelier 
Gerson.  Ce  morceau,  d'un  acpect  sévère  et  d'un  caractère  vraiment 
historique,  est  dû  au  ciseau  de  M.  Joseph  Félon,  statuaire  bien  connu 
des  connaisseurs  parisiens.  Cet  artiste  est  l'auteur  de  la  statue  du 
même  personnage,  placée  dans  l'une  des  niches  de  la  fticade  de  la 
Sorbonne,  en  1874.  Aussi  s'est-il  prêté  avec  une  rare  obligeance  et  un 
véritable  désintéressement  à  l'exécution  de  celle  nouvelle  figure  de 
notre  illustre  compatriote.  Sollicitée  par  la  commune  de  Barby,  lieu 
natal  du  chancelier,  et  par  l'Académie  de  Reims,  l'Administration  des 
Beaux-Arts  a  fourni  le  marbre  et  une  subvention  partielle  à  M.  Félon, 
qui  a  produit  son  œuvre  avec  parfaite  connaissance  de  sujet.  Ce  buste 
de  Gerson  va  figurer  comme  un  don  de  l'Etat,  dans  la  nouvelle  église 
de  Barby,  où  il  reposera  sur  une  colonne  de  marbre  noir,  près  de 
l'inscription  consacrée  dans  ce  lieu  à  la  mémoire  du  célèbre  docteur. 
Il  rappellera  aux  descendants  des  habitants  du  hameau  de  Gerson,  la 
science  et  la  vertu  d'un  enfant  du  pays. 

Le  ministère  de  l'Instruction  publi(|ue  tt  des  Beaux-Arls  ne  pouvait 
offrir  une  plus  haute  leçon,  un  exemple  plus  salutaire  à  nos  compa- 
triotes Champenois.  H.  J. 


Le  sieur  Théodule  Garnier,  de  Dampierrfi,  labourant  un  cham|) 
situé  près  de  la  voie  romaine,  accrocha  sa  charrue  dans  une  pierre 
que  l'un  croyait  être  une  roche  ;  en  faisant  effort  pour  l'arracher,  il 
fut  très  étonné  de  lever  un  niagnilique  piédestal,  portant  le  nom  de 
Mercure.  Poursuivant  ses  fouilles,  il  découvre  un  massif  assez  consi- 
dérable et  six  pièces  de  monnaie  dont  5  en  or,  l'une  d'elles  portant  le 
nom  de  Commodus,  puis  des  ossements  et  des  morceaux  de  vases 
brisés.  Le  massif  est  une  statue,  qui  semble  être  Pan  assis  dans  un 
fauteuil,  sous  lequel  est  couchée  une  chèvre  parfaitement  conservée. 
On  voit  aussi  une  tête  de  bouc.  La  statue  a  1  mètre  KO  de  hauteur. 
11  est  probable  que,  si  on  faisait  de  nouvelles  fouilles,  on  trouverait 
aussi  le  socle  du  fauteuil  et  peut-être  le  Mercure  du  juédeslal. 


Monseigneur  Jucqueinet,  évoque  de  Gaji,  ancien  curé  de   Saint-Jac- 
ques de  Riiinis,  est  nommé  évoque  d'Amiens. 


Le  Secrétaire  Gérant, 

LÉON   FiiÉMO.'^r 


LES  TROIS  SIEGES  DE  LA  MOTHE 

PAR 

CLÉMENT     MAGIIERET 

Chapelain  de  Saint-  Pierre  de  Langres,  Directeur  de  l'iiopital  du  Cliapitre, 
curé  d  Hortes, 


Sur  le  territoire  (.VOulremécourf,  village  du  canton  de  Bour- 
mont,  arrondissement  de  Chaumont,  Haute-Marne,  on  voit 
une  montagne  escarpée,  un  rocher  désert,  où  l'œil  du  voya- 
geur découvre  encore  ça  et  là  quelques  vestiges  de  bâtiments 
et  des  restes  de  pavés;  c'est  l'emplacement  de  la  ville  de  la 
Mothe,  forteresse  autrefois  très  fameuse  du  duché  de  Lorraine, 
détruite  eu  104 o,  par  ordre  du  cardinal  Mazarin.  Cette  forte- 
resse désignée  jusqu'en  1348,  dans  les  anciens  actes,  sous  les 
noms  de  Alairemout  ou  Saint-Hilairemont,  soutint  plusieurs 
sièges,  eu  1034,  en  1G42  et  eu  1645,  dont  il  existe  plusieurs 
relations  ;  nous  citerons  entr'autres  celle  de  Du  Boys  de  Rio- 
cour  dont  nous  connaissons  trois  éditions  et  le  poëme  d'E- 
tienne Courtet. 

I.  Histoire  de  la  fondation  et  des  trois  sièges  de  La  Mothe, 
1634-1643  et  lG4Ii,  par  un  ofticier  supérieur  qui  avait  assisté 
aux  trois  sièges.  Avec  un  beau  plan  de  la  ville  et  forteresse  de 
La  Mothe.  Soulaucourl,  Jean-Baptiste  Nivert,  libraire-éditeur, 
1841,  1  vol.  in-18. 

II.  Histoire  de  la  ville  et  des  deux  sièges  de  La  Mothe  (1634 
et  1G4D).  Par  M.  Du  Boys  de  Uiocour,  lieutenant  du  bailliage 
du  Bassigny,  conseiller  d'Etat  de  S.  A.  Charles  IV,  duc  de 
Lorraine  et  de  Bar,  conseiller  en  la  cour  souveraine  de  Lor- 
raine et  Barrois,  intendant  dans  les  armées  du  duc  Charles  IV 
et  dans  toutes  les  garnisons  de  son  obéissance,  suivie  de  notes 
historiques  et  biographiques  sur  les  principaux  personnages 
cpii  ont  figuré  dans  les  deux  sièges,  avec  un  plan  de  La  Mothe, 
delà  ligue  de  circonvallation  et  des  postes  des  assiégeans. 
Ncufckâlcau,  Victor  de  Mongeot,  libraire-éditeur.  Bounuoiit, 
de  Mougeot  jeune,  libraire,  1«41,  1  vol.  in-8. 

27 


4î8  LES    TROIS    SIKGES    DE   LA    MOTHE 

III.  RellUion  des  sièges  et  du  Blocus  de  La  Molhe  {\'^)'i'i- 
1 G '12-1040),  par  Du  Boys  de  Kiocour,  lieu  tenant  géuéral  au 
bailliage  du  Bassigny,  couseillor  d'Etat  du  duc  de  Lorraine, 
suivie  des  relations  officielles  des  trois  sièges  publiées  dans  le 
Mercure  et  la  Gazette  de  France,  édition  entièrement  revue 
sur  les  textes  originaux  et  augmentée  d'une  introduction  a 
l'histoire  de  La  Motbeet  de  nombreux  documents  inédits.  Par 
J.  Simounet,  membre  des  Académies  de  Dijon,  do  Metz  et  de 
Màcon,  et  de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Côte-d'Or  et 
de  la  Société  arcbéologique  de  Langres.  Chaumont,  Charles 
Cavaniol,  libraire-éditeur,  18G1.  1  vol.  gr.  in-8  avec  trois  plans 
de  La  Mothe. 

IV.  MoTHA  Emotha  par  Estieune  Courtet,  chanoine  de 
Langres.  Ce  poëmo  en  vers  latins,  avec  la  traduction  en  vers 
français,  écrite  dans  le  style  du  temps,  a  été  publié  par  M.  J. 
Simonnet,  à  la  suite  de  la  llelation  ci-dessus,  page  373- 
397. 

La  Relation  du  curé  d'Horles  est  extraite  textuellement  de 
son  Journal  ';  elle  est  loin  d'être  aussi  complète  que  celle  de 
Du  Boys  de  Riocour,  on  y  trouvera  néanmoins  des  faits  nou- 
veaux qui  ne  sont  pas  dénués  d'intérêt  et  qui  feront,  nous 
l'espérons  du  moins,  plaisir  aux  lecteurs  dé  la  Revue. 

Docteur  E.  Bougard, 


LES  TROIS  SIÈGES  DE  LA  MOTHE 
1G34 

Le  siège  et  prise  de  la  Mothe 

L'an  mil  six  cent  trente  quatre,  euuiron  le  dernier  iour  du 
mois  de  febuiier,  Monseigneur  de  la  Force  mareschal  de 
France  mit  le  siège  deuant  la  ville  de  la  Mothe,  qui  est  vce 
clef  de  Lorraine,  située  a  neuf  lieues  proche  de  Lengres, 
laquelle  Mothe  a  sousteuu  vn  demy  an  ou  euuiron,  le  siège 


1.  Journal  de  ce  qui  s'est  passé  do  mémorable  à  Lençiies  et  aux  envi- 
rsns,  depuis  1628  jusf/ii'en  16o8.  En  vente  chez  Dallet,  éditeur  à  Langres. 
2  volumes  petit  ia-S. 


LES    TROIS    SIÈGES    DE    LA   MOTHE  410 

par  l'adresse  el  valeur  du  sieur  N . . .  Clioiseul  d'Yche  '  gou- 
verneur pour  le  duc  Charles"  en  la  dicle  ville,  lequel  d'Yche 
fut  lue  le  15  juin  iour  de  feste  Dieu,  par  vu  esclal  de  pierre 
qui  fut  causé  par  la  clieutte  d'une  grenade  qui  auoit  esté  iel- 
lée  sur  ladicte  ville,  et  auquel  temps  ou  enuiron  fut  tué  le 
sieur  chcualier  de  Seneterre  ^  d'vn  coup  de  canon,  lequel  s'es- 


1 .  Antoine  III  do  Choiscul,  chevalier,  seigneur  d  Yche,  bailly  de  Bassi- 
gny  et  gouverneur  de  La  Motlie.  Après  sa  mort,  le  R.  1'.  Eustache,  son 
frère,  fut  l'uu  de  ceux  qui  achevèrent  de  défendre  cette  place  pendant  en- 
core plus  d'un  mois. 

2.  Charles  IV,  duc  de  Lorraine,  né  le  5  avril  1605,  mort  le  18  septembre 
167o,  à  Larback  près  de  Birkenfcld.  Frère  du  duc  Henri  II  et  fils  de  Fran- 
çois, comte  de  Vaudémont,  il  prit  possession  de  la  Lorraine  après  l'abdica- 
tion de  son  père  (26  novembre  1024).  Ce  fut  un  prince  turbulent,  homme 
de  plaisirs,  imprudent  et  chevaleresque,  dont  les  guerres  avec  la  Frar.ce 
eurent  une  grande  imporlance. 

3.  Henry  François  de  Senneterrc,  marquis  de  la  Ferté-Nabert,  né  vers 
1374,  mort  le  4  janvier  1662,  fils  de  François  seigneur  de  Seneterre  et 
la  Ferté-Nabert,  chevalier  des  deux  ordres  du  roi,  eut  do  son  mariage  avec 
Marguerite  de  la  Chastre,  fille  du  maréchal  de  la  Chastre,  trois  enfants  : 

I.  Henri  de  Saint-Nectaire,  deuxième  du  nom,  maréchal  de  la  Ferté,  né 
en  1C00,  mort  le  27  septembre  1681,  Maréchal  do  camp  après  une  action 
d'éclat  à  Hesdin,  gravement  blessé  à  Rocroy,  lieutenant  général,  puis  gou- 
verneur de  la  Lorraine,  il  se  distingua  à  la  bataille  de  Leus,  resta  fidèle  au 
roi  pendant  la  Froude  et  reçut  le  bûtou  de  maréchal  en  janvier  16Iil.  Il 
s'empara  successivement  de  Mirccourt,  de  Ligny,  de  Belfort,  de  Thann,  do 
Montmédy,  de  Graveline  et  de  Marsal  et  fut  créé  duc  et  pair  en  1665.  Il 
avait  épousé  en  premières  noces  Charlotte  des  Boues  de  Coutenan  et  en 
secondes  noces,  Mogdelaine  d'Angeunc,  dame  de  la  Loupe,  sœur  de  la 
comtesse  d'Olonne  ;  toutes  deux  également  célèbres  par  les  mauvais  jjropos 
de  Burisy-Rabulin. 

II.  Charles  de  Saint-Nectaire,  marquis  do  Châteauneuf,  dont  la  famille 
douna,  après  sa  mort,  le  spectacle  le  plus  tragique.  Sa  veuve,  Marie  de 
Haulel'ort,  fut  accusée  et  sur  le  point  d'être  convaincue  d'avoir  do  concert 
avec  UQ  ou  plusieurs  de  ses  enfants  fait  assassiner  Henry,  marquis  de  Chu- 
tcauneuf,  son  fils  aîné,  en  1671. 

III.  Gabriel,  dit  le  chevalier  de  Saint-Necloire,  qui  fut  tué  sous  les 
murs  de  la  Mothe  en  1634.  «  Il  dînait  à  l'ombre  de  quelques  arbres,  le  30 
mai  1034,  dans  sa  lente  ;  la  laltie  était  dressée  sur  le  coulant  d'une  fontaine, 
dans  un  j)elit  vallon  bordé  de  coteaux  et  do  vignes  sises  au  bas  de  la 
M'itlie.  La  bonne  ciièrc  était  animée  par  la  joie,  et  les  cris  se  firent  entendre 
à  la  Mollie,  oii  les  assiégés  attentifs  à  tous  les  mouvements  des  ennemis 
observèrent  le  banquet  et  conceurenl  le  dessein  d'en  troubler  la  feste.  Lo 
cauonnicr  Lallemant  estant  là  seul  pour  defondrc  la  Mothe  eut  ordre  d'en 
Ijoiuter  deux.  Il  s'acquitte  sur  le  champ  do  sa  commission,  el  dès  la  pre- 
mière décharge,  il  fil  rouler  la  table  et  le  service.  Il  emporta  d'un  boulet 
les  deux  jambes  du  chevalier  du  Senneterrc,  et  par  un  second  salul,  il  luu 


420  LES   TROIS    SIÈGES   DE   LA   MOTHE 

loit  allé  diuerlir  auprès  tVvne  fontaine  trop  proche  de  ladiclc 
Molhe,  et  fut  autant  regretté  audict  siège  comme  ledict  sieur 
d'Yche  le  fut  en  ladicte  ville  ;  bref  il  fallust  faire  vn  fort  aussy 
puissant  que  ladicte  Mothe,  cinqc  batteries  de  trente  deux  ca- 
nons, trois  mines  et  des  retranchemenlz  innombrables,  enfin 
par  vn  fourneau  qui  estoit  vnessay  pour  voir  l'effet  des  mines, 
fut  abattue  la  moitié  d'un  grand  bastion  où  l'on  ponuoit  entrer 
vingt-cinq  de  front,  ce  qui  fut  cause  de  leur  réduction,  le 
mardi  25  lour  de  juillet,  iour  de  feste  sainct  Jacques  apostre  ; 
ledict  sieur  mareschal  de  la  Force  '  y  fit  son  entrée  le  sabmedy 
suyuant  29  iour  dudict  mois,  etc. 

Le  sieur  George  Paymal,  prieur  de  Clefmont,  a  remarqué 
que  ceulx  de  notre  armée  ont  tirés  enuiron  six  mille  cinq  cent 
soixante  et  tant  de  coups  de  canons,  cinquante  de  la  Mothe 
ont  estez  tuez  et  le  reste  des  tuez  jusqu'au  nombre  de  huict 
cent  des  nostres  et  enuiron  deux  cents  de  blessez,  le  Roy  a 
faict  dépense  audict  siège  de  la  Motlie,  lequel  a  presque  duré 
six  mois,  la  somme  de  cinquante  mil  escus  par  iour,  sans 
l'extraordinaire,  etc. 

Geste  place  de  la  Mothe  est  de  très  grande  importance  par 
son  assiette,  qui  est  sur  un  roc  hault  et  puissant,  qui  la  rend 
comme  inaccessible,  ne  la  pouuant  battre  d'aucune  part  et 
pour  y  aborder  il  n'y  a  qu'une  seule  auenuë  entre  des  roches, 
laquelle  vingt  mousquetaires  garderoient  aisément,  quelques 
eschelles  qu'on  y  eusl  pu  auoir  eussent  esté  trop  courtes  pour 


une  partie  des  officiers.  Senneterre  fut  transporté  à  Moadonville  ' ,  ou  après 
avoir  perdu  les  deux  cuisses  par  ordre  du  chirurgien,  il  perdit  euUn  la  vie 
par  l'excès  des  douleurs,  et  fut  inhumé  à  l'abbaye  do  Flabémont,  ordre  des 
Prémoutrés*.  »  {Chrunique  de  Champagne,  tome  II,  p.  180). 

1.  L,si  Force  (Jacques  Nompar  de  Cauniont,  duc  de),  né  vers 
1550,  mort  eu  1652,  n'échappa  au  massacre  de  la  Suinl-Barlliélcmy 
dont  son  père  fut  victime,  qu'en  se  jetant  au  nombre  des  raorts.  Il  fut  uu 
des  compagnons  les  plus  dévoués  de  Henry  IV.  Sous  Louis  XIII,  il  se 
rangea  d'abord  parmi  les  mécontents,  mais  il  ne  tarda  pas  à  revenir  au 
parti  du  roi,  obtint  sa  grùce  et  le  bàtoa  de  maréchal.  C'est  lui  qui,  le  pre- 
mier, fit  usage  des  bombes  en  France,  au  siège  de  Lu  Mothe,  eu  1634.  Sa 
terre  de  La  Force,  en  Périgord,  fut  érigée  en  duché-pairie,  en  1G37.  Il  sy 
retira  fort  mécontent  de  Mazuria  et  se  déclara  eu  1652,  l'année  môme  de  sa 
mort,  pour  le  prince  de  Coudé. 


1.  Médon ville,  commune  du  canton  do  liulguéville  (Vosgeb). 

2.  Commune  de  Tignécourl,  canton  do  Lu  Marche  (Vosges). 


LES   TROIS   SIÈGES   DE   LA   MOTHE  42 i 

ral)order  eL  la  sape  et  la  mine  eussent  ou  louiours  trop  affaire 
contre  le  roc  dont  elle  est  formée,  etc. 

Le  sieur  de  Vaubecourt',  y  alla  auec  deux  autres  gentil- 
hommes  pour  traicter  et  leur  fut  accordé  de  sortir  tambour 
battant  enseignes  desployecs  auec  leurs  armes  chenaux  et 
bagages. 

Lorraine  anagramme 

Enfin  la  Mothe  prise  et  la  Lorraine  reduicte  sous  le  pouuoir 
de  sa  Maiesté  chresticnne,  fut  faict  cest  anagramme  sur  lo  nom 
du  Roy  : 

Louys  treziesmo  Roy  de  France  et  de  Nauarre 
Or-3  lesus  m'a  faict  estre  duc  Désiré  en  Lorraine. 

SIXAIN 

Après  tant  d'assaultz  et  d'allarmes 
l'ai  l'clTect  de  mes  iustes  armes  : 
Ayant  par  la  force  atteré 
Cette  Mothe  dont  ie  suis  maistre. 
Ore  mon  lesus  m'a  faict  ostre 
Duc  en  Lorraine  Désiré. 


Mort  du  sieur  de  Montarby 

Le  vendredy  sixiesme  juin,  le  sieur  de  Montarby  de  Dam- 
premont- ,  lequel  auoit  par  vne  lascheté  assé  ordinaire  à  la 


1 .  Jean  de  Nettancourt,  seigneur  de  Vaubecourt,  baron  d'Orne  et  de 
Choiseul,  conseiller  du  Roi  en  ses  conseils  d'Etat  et  privé,  maréchal  de  ses 
camps  ot  armées,  frouverncur  de  Chàlons,  né  le  27  juillet  lOOli,  mort  à 
Paris,  le  11  mnrs  1678,  âgé  de  7;i  ans,  enterré  dans  l'église  de  Saint-Louis 
en  l'Ile,  fils  de  Jean  de  Nettancourt  aussi  seigneur  do  Vaubecourt  et  d'Ur- 
sule d'Fîaussonville  ;  lequel,  do  Catherine  do  Savigny  sa  femme  a  eu  Nicolaa 
de  Netluncourl,  baron  dudit  Haussonville,  marié  avec  Charlotte  de  V'crgeur, 
fille  do  Charles  baron  de  'Vergeur,  comte  de  Saint-Souplol,  bailly  et  séné- 
chal de  Vermaudois,  et  de  Jeanne  do  Flcurig'ny. 

Porte  de  gueuUes  au  chevron  d'or.  Supports  :  Deux  griffons  d'or.  Cimier  : 
Une  tûtc  de  chien  d'or  colletée  de  gueuUea. 

2.  La  famille  de  Monlarby  nsl  une  des  plus  considérables  du  pays  Lan- 
grois.  Des  titres  autheutiquos  la  font  remonter  il  François  de  Montnri)y  qui,  en 
lî-iO,  était  à  Saint-Jean-d'Acre.  —  Seigneurs  de  Dampicrro  ot  do  Char- 
moillcs,  possédant  les  fiefs  do  Epinanl,  Vcsaignes,  Voncourt,  Changoy, 
Raucourt,  Poinson,  l'oinsenot,  Saulxurcs,  Dainrémont,  etc..  les  de  Mon- 


422  LES   TROIS   SIÈGES   DE   LA   MOTHE 

noblesse,  quitté  le  party  et  service  de  son  souverain  seigneur 
nostre  Roy  et  s'estoit  rengé  dans  le  service  du  duc  Charles  de 
Lorraine  et  faisoit  office  de  lieutenant  à  la  Molhe  vint  ce  iour 
à  conduire  vn  party  de  Lorraine  proche  de  Thivet  et  emmenant 
le  bestial  dudict  village,  fut  tué  a  vne  rencontre  qu'il  eust 
avec  certains  lengrois,  par  un  nommé  Lacaille  et  fut  mis  leur 
party  en  desroutte. 

Autre  siège  de  la  Mothe 

L'an  présent  1G42,  le  vendredy  vingt  cinquiesrne  juillet,  le 
sieur  du  Ilaillier  ' ,  gouuerneur  en  partie  pour  sa  Maiesté  au 
duché  et  paiis  de  Lorraine,  vint  former  un  siège  deuant la  ville 
de  la  Mothe,  estant  assisté  de  monseigneur  le  comte  de  Gran- 
cey  - ,  qui  leur  donna  plusieurs  attaques  ;  entre  autres  le 
sabmedy  second  aoust,  ceulx  de  ladicle  ville  ayant  faict  alta- 


tarby  s'allièrent  avec  les  maisons  les  plus  considéraliles  de  la  Champagne 
et  de  la  Lorraine,  lesd'Anglure,  les  de  Choiseul-Stainville,  les  Juvigny.lesde 
Daillecourt,  les  de  Laharmand,  les  de  Gournay,  les  de  Chastenay,  les  Malhié, 
les  de  Han,  les  de  Simony,  les  de  Lyver  deBreuvannes,  les  de  Rose,  les  de 
Rivière,  les  de  Cresolles,  et  les  de  Bucy.  Ils  ont  donné  à  la  France  de  nom- 
breuses illuslrations  :  deux  commandeurs  et  plusieurs  chevaliers  de  Malte, 
des  abbesses  et  chanoinesscs  des  chapitres  de  Metz  et  de  Collonge,  des  gou- 
verneurs de  villes,  des  chevaliers  de  Saint-Louis  et  nombre  d'officiers  dis- 
tingués. Perceval  de  Montarby,  écuyer  seigneur  de  Dampierre,  Charmoilles 
et  Vesaignes,  était  capitaine  gouverneur  du  château  de  CoilTy  en  1511. 
Son  fils  Jean  de  Montarby,  seigneur  de  Charmoilles  et  de  Dampierre  en 
partie,  lui  succéda  en  1514  dans  ce  gouvernement.  L.  de  Montarby,  cheva- 
lier seigneur  de  Dampierre  et  de  Charmoilles,  capitaine  ou  régiment  de 
Montmorin,  prit  part  en  1789  aux  assemblées  de  la  noblesse.  Une  Mon- 
tarby fut  lectrice  de  l'impératrice  Joséphine. 

La  famille  est  aujourd'hui  représentée  par  le  général  de  Montarby,  com- 
mandeur de  la  légion-d'honneur,  ancien  conseiller  général  de  la  Haute- 
Marne,  qui  possède  le  château  paternel  de  Dampierre.  Son  fils,  Gabriel- 
Adolphe-Louis  de  Montarby,  lieutenant  au  2o°  dragons,  vient  d'épouser 
M""  A.  de  Bucy,  fille  du  comte  de  Bucy,  officier  de  la  légion- d'honneur, 
chef  d'escadron  d'état-major  eu  retraite,  ancien  conseiller  général  de  la 
Haute-Marne  et  de  la  comtesse,  née  de  Tricornot  de  Dammarliu. 

Armes  :  de  gueules  au  chevron  d'or. 

1.  Vilr}'  (François  de),  comte  de  Rosnai,  seigneur  du  Hallier,  de  Beine, 
etc.,  ohcvalier  des  ordres  du  roi,  depuis,  maréchal  de  France,  gouverneur 
de  la  ville  de  Paris  après  avoir  été  pourvu  successivement  des  gouvernements 
de  la  Lorraine,  de  la  Champagne  et  de  la  Brie,  était  fils  puîné  de  Louis  de 
l'Hospital  et  frère  du  maréchal  de  Vitry.  Il  se  distingua  d'abord  sous  le  nom 
de  du  Hallier  et  prit  celui  de  maréchal  de  l'Hospital,  après  avoir  été  fait 
maréchal  de  France.  Il  mourut  à  Paris,  en  avril  1660,  à  l'âge  de  77  ans. 

2.  Jacques,  baron  de  Médav}',  comte  de  Granccy,  maréchal  de  camp. 


LES   TROIS   SIÈGES   DE   LA   MOTHB  423 

quer  et  pensant  prendre  et  enlever  vn  quartiei,*  des  nostres, 
furent  vaillamment  repoussez  auec  perle  de  plusieurs  comme 
aussi  certains  des  nostres  y  demeurèrent  pour  s'cstre  appro- 
chés trop  près  de  leurs  ambuscades,  etc. 

Le  lundy  vnziesme  aoust,  fut  faicle  vne  autre  sortie  par 
ceulx  de  ladicte  ville,  laquelle  fut  aussy  1res  violente  de  part 
et  d'autre  et  auoient  lesdictz  soldats  de  la  Mothe  dressé  vne 
autre  ambuscade  proche  de  leur  retraicte,  en  laquelle  plusieurs 
des  nostres  furent  tuez  en  les  approchant  de  trop  près,  mesme 
le  cheual  du  ieune  seigneur  de  Praslain  fut  tué  soub  lu^',  et 
des  ennemys  fut  tué  vn  lieutenant  d'vne  compagnie  qui  fut 
grandement  regretté  pour  savalleur  outre  plusieurs  autres  qui 
moururent  sur  la  place,  etc. 

Bu  camp  de  la  Mothe 

Le  dict  iour  12  aoust  1042,  le  seigneur  comte  de  Grancey, 
suyuant  les  ordres  de  sa  Maiesté,  fvt  commandé  de  sortir  de 
deuant  ladicte  ville  de  la  Molhe  et  passa  en  ceste  ville  (de 
Langres),  le  sabmedy  16  aoust  veille  de  sainct  Mammes,  pour 
sen  aller  a  Lyon,  affin  d'empescher  quelque  reuolte  ou  tumulte 
pendant  l'exécution  du  seigneur  de  Thou,  premier  intendant 
de  la  iustice  de  France  et  Cinq  Mars  grand  escuycr  de  France, 
qui  eurent  les  testes  tranchées  audict  Lyon 

La  leuée  du  siège  de  la  Mothe 

Le  sabmedy  30  aoust,  a  minuict  fut  leué  le  siège  de  deuant 
la  ville  de  la  Mothe,  l'armée  dudict  siège  estant  condnitte  par 
le  sieur  du  Haillier,  lequel  y  travailla  assé  laschement  et  le 
dimanche  a  vne  heure  après  midy  le  duc  Charles  de  Lorraine 
y  entra  auec  grand  nombre  de  gens  d'armes  et  l'a  rcnui taillée, 
etc. 

Le  mardy  2  septembre  Icdict  duc  Charles  a  chassé  nos  gens 
qui  estoient  à  HeuUécourt  '  en  partie  et  le  reste  à  Lilfon  -  ius- 
qu'aux  enuirons  de  Joinuille  et  a  prins  quantité  de  chereltes 
de  bagage,  tué  plusieurs  soldatz  de  uolre  infanterie,  etc. 

La  ville  de  la  Mothe  ayant  esté  assiégée  le  vendredy  2;i  iour 

1.  Huillécomt. 

2.  LilTol-le -Grand. 


424  LES   TROIS   SIÈGES   DE   LA   MOTHE 

du  mois  de  juillet  1()42  comme  il  se  voit  au  feuillet  précédent, 
par  le  sieur  du  Haillier,  et  n'ayant  rien  falot  dedans  ses  trois 
mois,  le  sieur  Harnault  '  aurait  eu  charge  de  garder  le  Llocus 
de  ladicle  ville,  affni  qu'il  n'y  entra  aucvn  viure,  ce  quil  n'a 
faict,  car  il  la  laissé  munir  plus  que  deuant  et  en  outre  a  ruyné 
tous  les  bons  villages  de  France  qui  sont  aux  enuirons,  ce  qui 
a  donné  occasion  de  le  faire  eslogner  de  ces  quartiers  et  affin 
de  dauenlage  honorer,  le  prétexte  a  esté  la  leuéc  du  siège  de  la 
Molhe  laquelle  se  fit  le  vendredy  10  juillet  de  la  présente  an- 
née 1G43,  y  aj'ant  eu  siège  ou  blocus  comme  a  esté  dict  cy 
dessus  depuis  le  vendredy  2i)  juillet  10  42  iusqu  a  huy  10  juil- 
let 1043. 

De  Rolampo7it  le  \2J>nUet 

Le  siège  de  la  Molhe  leué  assez  laschement  le  vendredy  10 
juillet  comme  il  se  lit  cy  dessus,  arriua  en  ce  lieu  de  Rolam- 
pont  vn  régiment  de  cauallerie,  composé  de  douze  cornettes, 
faisant  nombre  d'enuiron  deux  cent  cinquante  maislres,  les- 
quelz  ont  faict  vn  si  grand  rauage  icy  quil  ne  se  peut  dauen- 
tage,  moissonnant  nos  grains  et  perdanlz  tous  nos  foings  et  y 
sont  demeurez  iusqu'au  luudy  10  aoust,  auquel  iour  sortirent 
huict  cornettes,  et  les  autres  quatres  y  sont  demeurées  ius- 
qu'au treutiesmo  septembre,  lesquelz  ny  pouuant  plus  subsis- 
ter, furent  contraiuclz  en  sortir,  etc.  Faut  scauoir  que  les  lia- 
bilans  de  ce  lieu  de  Rolampont  ayant  promis  vu  cheual  au  sieur 
d'Arnault  en  valeur  de  cent  èscus  et  ny  ayant  satisfaict,  fu- 
rent traictez  en  cesle  sorte.  Ce  dommage  a  esté  estimé  a  plus 
de  douze  milles  livres,  etc. 

1644 

La  Mothe  investie 
Le  Seigneur  Magalothy  -  estant  arriué  icy  le  1 3  du  présent 


\ .  Pierre  Arnauld^  meslre  do  camp  géne'ral  des  carabiniers,  gouverneur 
de  Dijon,  mort  en  octobre  1631  ;  fils  d'Isaac  Arnautd,  intendant  des  finan- 
ces. Il  hérita  du  régiment  des  carabins,  à  la  mort  de  son  oncle  qu'on  appe- 
lait Arnaald  du  Fort.  L'abbé  Antoine  Arnauld,  fils  d'Arnauld  d'Andilly, 
qui  faisait  partie  «le  l'espéditiou,  en  qualité  do  cornette  des  carabins,  a  pu- 
blié la  relation  de  la  campagne. 

2.  C'était  un  parent  du  cardinal  Mazariu.  Désirant  lui  faire  obtenir  le  bâ- 
ton de  maréchal,  il  le  fit  désigner  pour  diriger  le  siège  de  la  Mothe.  Maga- 


LES  TROIS    SII-IOES   DE  LA    MOTHE  425 

mois  de  décembre,  avec  quatres  rég'imentz  "de  chenaux  légers, 
a  faict  faire  vn  tour  à  l'eiUour  de  la  Molhe  et  eusl  a  la  reucoii- 
ire  plusieurs  cherretles  chargées  de  munitions  de  gueulles,  et 
en  outre  quantité  de  bestial  qui  paissoit  au  dehors  de  ladicte 
ville,  lesquels  il  fict  conduire  en  son  quartier,  nonobstant  les 
canonades  de  ladicte  ville,  et  a  campé  son  armée  dedans  les 
villages  plus  proches  de  ladicte  ville,  en  attendant  le  seigneur 
de  l'Hospilal,  mareschal  de  France,  pour  former  un  siège,  etc. 

De  l.engres  ïe  \i  décembre 

Messieurs  les  maire  et  escheuius  de  cesce  ville  de  Lengres, 
ont  eu  ordre  aujourd'huy  mercredy  quatorziesme  du  présent 
mois  de  décembre,  d'enuoyer  les  charpentiers  etmancuures  de 
ladicte  ville  et  du  paiis  voisin,  pour  tailler  bois  et  ayder  a  faire 
hottes  pour  le  siège  de  la  Mothe  et  sont  sortis  en  grand  nombre 
ledict  iour,  enuiron  la  porte  fermant  et  le  lendemain  matin  qui 
fut  le  lij,  le  sieur  marquis  de  Francieres'  gouuerneur  de  ceste 
place  y  est  allé  pour  s'acquitter  de  son  employ  et  charge  audict 
siège,  etc. 

Du  hlocus  de  la  Mothe  le  Y''''  janvier  1G45 

Nos  soldatz  estant  au  blocus  de  la  Mothe,  endurent  de  très 
grandes  rigueurs  des  injures  de  l'hiver,  cependant  ils  empee- 
chent  qu'il  n'y  entre  aucune  chose  pour  leur  viures  et  autres 
nécessitez. 

MuUiplici  maculala  malo  modo  moesla  movetur 
Moiha  Magalothi  mox  ruoritura  manu. 

(Domino  Gaullherol  auclore)  -, 


lotliy  s'intitulait  de  son  vivant,  baroa  romain,  chevalier  de  l'ordre  de  snint 
Jean  de  Jérusalem,  maréchal  de  camp,  commandant  de  l'armée  de  Sa  Ma- 
jesté au  hlocus  et  au  siège  de  La  Mothe.  Il  fut  blessé  d'un  coup  do  mous- 
quet à  la  tôle  en  visitant  les  travaux  de  l'ennemi,  le  mardi  20  juin  1045,  de 
laquelle  blessure  il  mourut  deux  jours  après.  Si  l'on  en  croit  la  tradition,  ce 
fut  le  fait  de  Héraudel,  prévôt  du  chapitre  de  La  Mothe.  Celui-ci  étant  nn 
jour  en  faction  sur  les  remparts,  aperçut  un  oflicier  supérieur  monté  sur  un 
cheval  blanc;  il  le  coucha  eu  joue,  en  appuyant  le  mous(juct  sur  l'épaule  d(! 
son  jeune  dcmestique  et  le  tua.  Magalotliy  fut  enterré  à  Chuuniont,  dans 
l'église  Saint-Jean,  près  du  Sépulcre. 

1.  Louis  de  Choiseul,  marquis  do  Fiimcières,  baron  de  Meuvy,  seigneur 
d'Yvoir,  Chichée,  La  Jesse,  Fontaine-Béthon,  Sainte  Vertu,  gouverneur  de 
Lnngres,  maréchal  de  camp. 

2.  L'auteur  de  l'Anastase  de  Lengres. 


420  LES  TROIS   SIÈGES   DE   LA  MOTIIE 

T)u  camp  de  la  Mothe  le  1 8  janvier 

Le  mercredy  18  januier,  le  sieur  marquis  de  Fraucieres  vou- 
lant faire  la  monstre  de  ses  soldatz  deuant  la  Mothe  et  ayant  a 
ce  subject  fait  conuoquer  quantité  de  paysantz  des  villages  aux 
euuirons  de  Lengrcs  pour  grossir  ses  compagnies,  fut  rebutté 
par  le  sieur  Magalothy,  lequel  s'en  aperçut  et  n'en  voulut  re- 
cepuoir  aucun,  leur  faisant  une  remontrance  fort  picquante 
louchant  ce  sujet,  etc. 

T>u  siège  de  la  Mothe.  —  Grande  imposition,  etc. 

Enuiron  le  vingt  sixiesme  mars,  le  sieur  Magalothy  a  taxé 
cesle  ville  de  Lengres  pour  fournir  argent  en  son  camp  deuant 
la  Mothe,  la  somme  de  trois  mille  liures,  ce  qui  fut  imposé  sur 
chacune  dizaine  et  donna  bien  de  matière  a  parler  touchant  la 
recommandation  que  Ton  creust  en  auoir  esté  faicte,  par  vne 
certaine  personne  qui  estoit  auprès  dudict  seigneur  Maga- 
lothy. 

Le  jeudy  30  et  vendredy  31  mars,  ceux  de  la  Mothe  voyant 
les  redoutles  qui  se  piéparoient  proche  leurs  portes  et  désirant 
les  empescher,  firent  sortie  sur  les  nostres  et  en  ont  moisson- 
nez parle  fer  enuiron  cinquante  cinq,  ces  dictz  deux  iours,  et 
y  ont  perdu  des  leurs  enuiron  vingt  cinqt  qu'ils  emportèrent 
sur  des  charettes  et  sont  pressez  a  présent  a  vn  point  qui  ne  se 
peut  dauentage. 

Apuril.  —  2/6  canon  de  %engres 

Le  lundy  3,  messieurs  de  la  chambre  de  la  ville  de  Lengres, 
ont  enuoyez  vn  canon  portant  balles  de  cinquante  liures  et  ou- 
tre ce  vn  mortier  qui  venoit  de  Bezancon,  pour  le  siège  de  la 
Mothe,  puis  les  jours  suyuants  lesdictz  sieurs  en  ont  encore 
enuoyez  six  autres  petits. 

Apuril.  —  Grande  oppression 

Depuis  le  premier  apuril  jusqu'au  22  dudict  mois,  le  sieur 
Magalothy  qui  est  au  camp  de  la  Mothe,  a  faict  vne  imposition 
si  grande  sur  tous  les  villageois  de  ceste  élection,  et  en  outre 
des  courses  si  excessiues  auec  des  extorsions  d'argent  si  vio- 
lentes, quil  ruynera  dauentage  ce  paiis  que  n'ont  pas  faict 
les  Croates  ny  Suédois,  car  ils  battent,  voilent,  pillent  et 
tuent,  etc. 


LES   TROIS    SIKGES   DE   LA    MOTHE  427 


Apitril.  —  'Du  camp  de  la  Moihe 

Eouirou  la  dernière  sepmaine  du  présent  moisd'apuril,  cer- 
tains Lorrains  estant  du  party  du  duc  Charles  de  Lorraine  et 
cherchant  l'occasion  de  nuire  a  nostre  armée  qui  est  au  siège 
de  la  Mothe,  prindrent  le  temps  de  trcuuer  a  rencontre  les 
chenaux  de  l'attirail  du  canon  et  de  s'en  emparer  et  en  efTect 
s'en  saisirent  d'vn  très  grand  nombre,  qu'ilz  firent  filler  en 
Allemagne  pour  grossir  le  parly  dudict  duc  Charles,  lesquelz 
voleurs  estant  recogneus  et  s'estant  Ireuuez  faire  leur  particu- 
lière résidence  a  Germainuilliers,  furent  partie  appréhendés, 
lesquels  après  information,  demeurant  faicte,  ont  payez  en  ius- 
tice  le  supplice  qu'ilz  meritoient  et  le  lieu  de  leur  retraicte  a 
esté  bruslé  en  partie,  afm  de  diniouuoir  les  autres,  qui  esloieni 
lugitifz  de  ne  plus  se  rallier  audict  village,  etc. 

Du  camp  de  la  Mothe  ledict  iour  10  may 

Ledict  iour  10  may,  ceux  de  la  Mothe  et  les  assiegcaus, 
ayant  recogneus  la  quantité  de  morts  qui  les  infestoient  de  part 
et  d'autre  a  cause  des  grands  chocqs  qui  s'csloient  faictz  les 
jours  precedentz,  se  sont  accordez  par  ensemble  et  ont  faictz 
cessation  d'armes  pour  deux  iours  affm  de  leucr  lesdictz 
corps  et  les  mettre  en  terre  pour  ne  plus  nuyre  aux  deux  par- 
tis, etc. 

De  Zenr/res  le  \'2jîiin 

Le  lundy  12  juin,  fut  faicte  la  procession  générale  depuis 
l'église  cathédrale  jusqu'au  couuent  des  Frères  prescheurs,  eu 
laquelle  furent  portées  les  sainctes  reliques  de  ceslc  ville  et 
ensuite  fut  exposé  le  très  sainct  sacrement  de  l'Autel  par  tou- 
tes les  églises  de  ladictc  ville  jusqu'au  jeudi  suj^uant,  pour  im- 
plorer le  secours  diuin  aux  présentes  nécessitez,  particulière- 
ment quil  plaise  a  Dieu  de  donner  assistance  a  nostre  armée 
laquelle  est  au  siège  do  la  Mothe,  pour  la  réduction  de  ladicle 
place,  etc. 

Du  camp  de  la  Moihe  ledict  iour  1 1)  juin 

C'cste  petite  libelle  qui  ne  mérite  pas  le  nom  de  ville,  j'en- 
tend  la  Moihe,  ([ui  en  efl'ect  n'est  qu'une  molhc  de,  terre,  ne 
considérant  pas  quelle  a  esté  frauçoise  et  quelle  doibt  encore 


428  LES    TROIS    SIKGES    DE   LA.   MOTHE 

CKtre  iioslre,  pour  après  estaut  rasée  ne  jamais  estre;  el  l'ana- 
granime  de  celuy  qui  préside  a  son  siège  la  dosclare  françoise 
puisque  [Magailothis]  sans  rien  changer  ny  adiouster  aucune 
lettre,  nous  dict  en  latin  [Motha  gallis)  et  cependant  elle  se 
faict  tous  les  iours  brusler  non  pas  comme  l'on  dict  a  petit  feu, 
ains  auec  de  très  grosses  bombes  et  grenades  et  voyant  le  mi- 
sérable succès  de  sa  catastrophe,  n'y  veut  aucunement  enten- 
dre ;  cependant  estant  assez  prudente  a  soy  mesme,  ne  permet 
ny  approche,  ny  assault  qu'auec  grande  perte  des  nostres,  mais 
elle  doibt  considérer  que  la  France  estant  vn  hydre  renaissant 
et  vne  pépinière  qui  pour  peupler  le  champ  de  mars,  foisonne 
en  millions  de  millions  et  ne  demeurera  point  courte  pour 
aplanir  ceste  Mothe,  affni  d'accomplir  la  prophétie  que  l'on  luy 
approprie,  tirée  du  Roy  prophète  en  disant  :  A  facie  domini 
Motha  est  terra,  etc.  [Psalm.  113.) 

Dudict  camp  de  la  Mothe  le  iijîiin.  —  Za  mort  et  enterrement 
du  sieur  Magailothis 

Le  mardy  quatorziesme  iour  du  présent  mois  de  juin,  fut 
blessé  le  très  vaillant  et  très  renommé  capitaine  Magailothis, 
de  laquelle  blessure  il  mourut  treize  heures  après  et  fut  des- 
puté  le  seigneur  de  Bar  '  povu'  commander  en  son  lieu  iusque 
sa  Maiesté  ait  donné  autre  ordre.  Ce  seigneur  s'intituloit  les 
qualités  suyuantes  :  le  chevalier  Magailothis,  baron  romain, 
lieutenant  gênerai  pour  le  Roy  au  blochus  et  siège  de  la  Mo- 
the, etc. 

Nota  que  depuis  le  13  décembre  de  l'an  1G44,  que  ledict 
seigneur  estoit  arriué  audict,  il  n'auoit  jamais  manqué  de  voir 
et  rccognoistre  tous  les  iours,  ne  s' estant  pas  seulement  eslo- 
gné  de  sou  quartier  pour  deux  heures  de  temps,  soit  iour  ou 
uuict  iusqu'à  la  mort  :  et  en  ses  dernières  paroles,  a  exorté  ses 
soldatz  a  continuer  la  fidélité  quilz  ont  pour  leur  Roy.  Son 
corps  fut  embaulmé  et  partie  enterré  en  l'église  collégiale  et 
paroissiale  de  Sainct  Jean-Baptiste  de  Chaulmont  auec  toute 
la  pombe  funèbre  et  appareil  couuenable  a  sa  grandeur.  Sa 
deuise  est  ce  mot  Libertas.  Ce  seigneur,  a  grande  raison,  por- 
toit  pour  nous  ceste  deuise,  puisquil  nous  a  desliuré  d'vn  très 
cruel  cnnemy  que  ccluy  qui  logeoil  a  ladicte  Mothe,  etc. 
Anima  eius  requiescat  in  pace.  Amen,  etc. 


1,  Cfipituine  des  gardes  de  Mazariu,  niuréchul  de  camp. 


LES    TROIS    SIÈGES    DE   LA    MOTIIE  429 

2'ùJ(iiii.  —  Le  sieur  VilUo'oy  lieutenant  gênerai  dcîcanl 
la  Mcthe  ^ 

Le  dimanche  23  juin.arriua  au  camp  de  la  Molhe  le  seigneur 
marquis  de  Villeroy.pour  y  estrelieutenantgeueral  eu  la  place 
du  seigneur  defîuucL  Magallolhis  :  el  le  sabmedy  premier  iour 
de  juillet,  furent  accordés  les  articles  entre  l'armée  du  Roy  et 
la  garnison  de  la  Mothe,  pour  sortir  dans  six  iours,  au  cas 
(}u"elle  n'eust  secours  de  qualres  mille  homme  pour  le  nioing. 
Et  doibuent  sortir  le  vendredy  septiesme  outre  les  sis  et  sept 
heures  du  matin,  etc. 

Sortie  de  ceiilx  de  la  Mothe  le  7  juillet 

Le  vendredy  sepliesme  juillet,  enuiron  les  huict  heures  du 
matin,  sortit  la  garuisou  delà  Molhe  auec  sou  bagage  et  fut 
conduilte  eu  assurance  iusqu'à  Longwy  et  ont  emmené  iusqua 
la  valeur  de  quatre  cent  mille  liures  de  bagages  et  meubles 
précieux  appartenant  au  duc  Charles  de  Lorraine. 

®e  Lengres  le  mardy  11  juillet.  —  Action  de  grâce  four 
la  prise  de  la  Mothe 

Le  mardy  unziesrae  juillet  1G45,  fut  faicte  à  Lengres  la  pro- 
cession générale  pour  la  prinse  de  la  Molhe,  et  fut  dicte  la 
grande  messe  eu  l' église  des  Frères  prescheurs  par  monsei- 
gneur notre  Reuerendissime  Euesque,  lequel  distribua  la 
saincte  communion  pendant  ladicte  messe  aux  sieurs  maire, 
escheuins  et  a  tous  autres  officiers  de  la  chambi'e  de  ville.  Et 
ledict  iour,  après  vespres  fut  chauté  le  Te  ^'Deurn^  el  le  soir  fut 
faicl  un  feu  d'arlifice  audeuant  de  ladicle  chambre  de  ville, 
au-dessus  duquel  esloil  vu  globe  eu  forme  d'une  molhe  el  fut 
allumé  ledict  feu  par  ledict  seigneur  Euesque,  assisté  desdlclz 
sieurs  maire  el  escheuius,  etc. 

IGio.  —  Prosopopée  numérale  et  acrosliche  sur  le  nom  cl  mort 
de  Magallothis,  par  le  sieur  Gaultherot  aduocal  ' 

Manc  f\  I  aVslrasIw  Cf.aVIs  nVnC  VlLlor  aLga 
LolharlCœ  fVsa  oblcClo  pcrlVrla  yenll 

1 .  Nicolas  i]c  Neuville,  marquis,  puis  duc  do  Villoroi,  p^ir  cl  inarériial 
de  Fronce,  fils  de  CharlcB  de  Ncuvillo,  nKiri|uis  du  Villeroi,  né  le  14  octo- 
bre 1598,  iiiourul  ù  i'aris  le  28  uovoiiiLre  lOS.'i. 

2.  Deiii.s  Gaullherol  a  fait  uu  IVéqueiil  usaf.';e  du  numcrai  ou  mieux 
chrunogrummc,  «luc  Macherel  appelle  distique  numcrai,  clironoslicon  car- 


430  LES    TROIS    SIÈGES   DE    LA    MOTIIE 

Autre  numéral  du  iour  de  l'assaull,  après  le  feu  des  mines  : 

Cuniculis  Ilini  ter  scxlo  effracla  repente 
Ter  Molha  inuUiis  caslraque  laf>sat  tend 

Trois  autres  encore  suivautz  : 

Tesqua  jacenl  ubi  Molha  farcns  sacra  lilia  contra 
Cornu  extollebat  qui  superesse  potest 

En  Lodoice  molliœ  nonis  quintHibus  arces 
Supposuorc  tuo  colla  snbacla  jugo 

Laus  Chrisl.o  molhœ  nonis  quintilibus  arecs 
Legibus  aslriclœ  siint  Lodovice  tais,  elc  ' . 

La  gloire  de  la  Mothe  lay  cause  son  malheur 

G'este  misérable  place,  qui  auoit  esté  la  ruyne  de  tout  son 
paiis,  a  cause  de  ses  cruaulez  continuelles  et  miséraLles  excez 
quelle  commcttoit  souL  prétexte  de  sa  force,  appuyée  peut  es- 
tre  sous  l'insolente  autorité  de  ses  gouuerneurs  tant  du  sieur 
d'Yche  que  Chliquot  -  ;  sans  rappeler  eu  mémoire  les  crimes 
quelle  a  commis  autrefois  au  temps  de  la  ligue  de  France  soub 
la  fin  et  commencement  des  sacrés  Roys  Henry  de  Pologne  et 
Henry  de  Nauare,  ceste  rebelle,  dis-je,  ne  se  souuenoit  plus 
que  le  sieur  mareschal  de  la  Force  l'auoit  prise  par  force  ;  ains 
comme  vue  petite  babilone  se  targant  en  de  nouvelles  forces, 
mesprisoit  le  prouerbe  qui  dict  que  ou  le  soleil  entre  les  bom- 
mes  y  entrent,  s'est  veuë  atterée  auant  quelle  creut  estro  bien 
assiégée  :  a  laquelle  justement  l'on  pourroit  dire  :  Filia  hahj- 
lonis  misera:  beatus  qui  retrihuet  HH  relribiUioîiem  tuamquam 
retribuisti  nohis  [Psalm.  130).  Ceste  place  maintenant  n'est  re- 
nommée que  pour  estre  diffamée  et  a  esté  rasée  repied,  rcterre, 
que  nous  disons  auec  meilleure  grâce  en  latin  [Solo  œqiiata) 
affiu  que  le  vieil  nom  quelle  porloit  luy  soit  plus  naturel  et 
propre,  sçauoir  une  motbe  latine  [Mota)  que  les  grammairiens 


men  et  qu'on  peut  définir  :  une  inscription  en  prose  ou  eu  vers  dont  les  let- 
tres numérales  ollreut  la  date  d'un  événement.  Le  plus  souvent,  les  lettres 
miinéralcs  sont  en  majuscules,  tandis  ([uc  les  autres  soûl  eu  curaclères  plus 
petits.  Le  premier  chronogramme  donne  ; 

MVJVICLVIVCVILILLIGVICIVII  —  1055. 

î .  Ces  quatre  distiques  sont  numéraux  comme  le  premier  (Noie  de  Ma- 
clierel). 

2.  Laurent  Cliquot,  fils  de  Léonard  Cliquet  et  de  Marie  Alix,  de  Vron- 
court,  général  des  armées  du  duc  Charles  de  I^orraiue  et  gouverneur  de  la 
Mothe. 


LES   TROIS    SIÈGES    DE    LA.    MOTIIE  431 

disent  prouenir  de  movere  qui  veut  dire  mouvoir  ou  changer 
de  place,  ce  que  juslemeut  ces  messieurs  les  rebelles  de  la  Mo- 
llie  ont  iaiclz,  ayant  ajjandonuez  leur  susdicte  molho  de  terre 
pour  se  placer  ailleurs,  etc. 

Geste  seueschaussée  a  esté  annexée  au  bailliage  et  siège  pre- 
sidial  de  Lengres  et  s'en  eusuyuent  les  villages  qui  sont  de  la- 
dicte  sencschaussée,  la  Mothe.  Sauuille,  Haréuille,  Vaudre- 
court,  Graffigny,  Nigeon,  Soulaucourt,  Oziers,  Dambelain, 
Roucourt,  Cbaulmont-la- Ville,  Huilliécourt,  Brainville,  Ve- 
roucourt.Malaincourt,  Gonnaincourt,  Saincl-Thiébault,  Parey, 
Sainct-Ouen,  Hacourt,  Villoxel,  LifTol-le-Grand,  Vacheresse 
et  Rouillie,  Vilotte,  Grainuilliers  et  Germaiuuilliers,  etc.  Le 
village  de  Bourmont  est  en  ladicteet  n'est  pas  en  la  tablée 


1  •  Extraits  des  tillres  de  la  Mollie  qui  ra"out   eslé  communiqués  pour  ce 
subject  (Note  do  Machcrct). 


COMMENT  ON  VOYAGEAIT 

DANS 

LA    CHAMPAGNE    MÉRIDIONALE 

en     1577 


Il  n'était  pas  commode  de  voyager  en  France  à  l'époque  des 
guerres  de  religion.  Des  bandes  armées  parcouraient  les  cam- 
pagnes, et  les  voyageurs  prudents  devaient  se  munir  d'une 
escorte.  Lorsque  l'ambassadeur  vénitien,  Jérôme  Lippomano 
fut  arrivé  à  Dijon,  au  mois  d'avril  1577,  il  fut  obligé,  pour  con- 
tinuer sa  route,  de  se  faire  accompagner  de  douze  cavaliers  et 
de  vingt-quatre  arquebusiers.  On  racontait  que  des  brigands 
guettaient  le  passage  de  l'ambassadeur,  pour  s'emparer  des 
trésors  qu'il  faisait  transporter,  disait-on,  sur  les  mulets  qui 
étaient  chargés  de  ses  bagages.  Ces  brigands  auraient  été  des 
gentilshommes  pauvres,  qui  opéraient  sur  les  grands  chemins 
et  se  réfugiaient  ensuite  dans  leurs  maisons  ou  leurs  châteaux. 
Partout,  sur  leur  route,  on  disait  aux  Vénitiens  :  «  Ils  sont  ici 
près,  au  nombre  de  trente  ou  de  quarante,  ou  de  cinquante 
cavaliers,  mais  divisés  en  deux  bandes.  «  Lippomano  et  sa 
suite  arrivèrent  pourtant  sans  encombre  à  Châtillon-sur-Seine, 
où  ils  admirèrent  les  ruines  d'un  château  d'un  aspect  vraiment 
royal,  et  la  belle  fontaine  qui  fait  tourner  quatre  roues  de 
moulin.  Mais  à  partir  de  cette  ville,  les  inquiétudes  des  voya- 
geurs recommencèrent,  et  ne  les  quittèrent  point  pendant  leur 
voyage  à  travers  la  partie  de  la  Ghami)agne  qui  forme  aujour- 
d'hui le  département  de  l'Aube.  Nous  traduisons  le  récit  du 
secrétaire  de  Lippomano,  qui  concerne  le  territoire  de  ce  dépar- 
tement et  qui  nous  parait  offrir  un  intérêt  particuher  pour  les 
lecteurs  de  la  Revue  de  Champagne' . 

«  Partis  de  Châtillon,  nous  traversâmes  d'abord  Courcelles, 
puis  Villiers-le-Patras,  situe  à  une  lieue  et  demie  de  distance, 


1 .  M.  N.  Tommaseo,  rédileur  des  Relations  des  amhassadeurs  véniliens 
sur  les  affaires  de  France  au  XV I"  siècle,  a  publié  eu  notes  le  texte  ita- 
lien du  passage  dont  nous  donnons  la  traduction.  (Voir  tome  II,  p.  290  à 
294}. 


COMMENT   ON    VOYAGEAIT  4.^3 

OÙ  nous  apprîmes  que  les  brigands  avaient  été  aperçus  du  haut 
des  murailles  une  demi-heure  auparavant;  nous  nous  tînmes 
en  dehors  de  leur  poxtée  jusqu'à  Mussy-le-Vieux,  une  autre 
lieue  et  demie  plus  loin,  oîi  nous  dinâmes.  Celte  ville  n'est  pas 
très  grande,  mais  en  somme  est  assez  belle  et  assez  forte,  ayant 
de  beaux  jardins  et  étangs,  et  une  très  belle  habitation  pour  le 
logement  de  Févèque.  Et  quoiqu'elle  soit  véritablement  en 
Bourgogne,  elle  dépend  néanmoins  de  la  juridiction  de 
Champagne.  Elle  est  située  sur  la  Seine.  Nous  passâmes 
ensuite  à  Gourteron,  Gyé,  Neuville,  Villeneuve,  tous  gros  vil- 
lages, entourés  récemment  de  murs  par  les  paysans  eux- 
mêmes,  et  qui  sont  à  une  demi-lieue  de  distance  les  uns  des 
autres^.  Et  comme  ces  paysans  avaient  entendu  parler  des 
voleurs  qui  étaient  dans  les  environs,  ils  pensèrent,  en  nous 
voyant,  que  c'étaient  ceux-ci  qui  venaient,  et  nous  fermèrent 
au  nez  les  portes  de  leurs  villages,  gardant  avec  leurs  arque- 
buses les  murailles  au  pied  desquelles  il  était  nécessaire  que 
nous  passions  ;  la  présence  d'un  frère  du  lieutenant  de  Châ- 
liilon,  qui  était  avec  nous,  ne  suffit  pas  pour  les  rassurer. 

«  Entre  Mussy-le-Vieux  et  Courteron,  la  vallée  se  rétrécit 
au  point  de  gêner  le  cours  de  la  Seine.  Comme  les  bois  sont 
épais,  ce  passage  esi  regardé  comme  dangereux*;  les  mulets 
marchaient  en  tête  et  en  avant,  pour  faire,  s'il  le  fallait,  un 
rempart  aux  arquebusiers;  un  cavalier  demanda  à  l'un  des 
muletiers  à  qui  étaient  ces  mulets,  et,  sur  la  réponse  qu'ils 
étaient  à  l'ambassadeur  de  Venise,  il  voulut  savoir  combien  il 
avait  de  cavaliers  avec  lui  ;  le  muletier  répondit  qu'ils  étaient 
de  vingt-cinq  à  trente  avec  un  nombre  égal  d'arquebusiers. 
Aussitôt  que  le  cavalier  eut  entendu  celle  réponse,  il  se  sauva 
à  toute  bride  dans  le  bois,  ce  qui  nous  lit  croire  que  nous 
devions  être  attaqués.  Nous  passâmes,  on  peut  le  dire,  l'épée 
hors  du  fourreau,  et  les  mèches  des  arquebuses  quasi  allumées. 
Enfui,  nous  arrivâmes  àB.ir-sur-Seine,  quatre  lieues  plus  loin, 
sans  conteste  et  sans  avoir  eu  occasion  celte  fois  de  montrer 
noire  courage.  Nous  logeâmes  ce  soir  là  et  le  lendemain,  parce 


1 .  Il  y  a  une  erreur  pour  la  distance,  eu  ce  qui  concerne  Villeneuve. 
Villeneuve  est  à  7  kil.  de  Neuville  et  à  1  kil.  de  Bar -sur-Seine.  Il  ne  reste 
plus  de  cet  ancien  villuge  qu'une  papeterie,  ijui  existait  dtjjàeu  1!j78.  (lioulict 
cl  Socard,  Dictionnaire  topuyraiihviuc  de  l'Xuie,  p.  iS'i.) 

2.  Le  nouveau  voijatje  de  Franco,  do  Suugrain,  réiuipriaié  on  1700, 
indi<pio  que  de  lu  GIoiro-Diou  à  Mussy  il  y  a  uu  bois  dans  un  l'oud.  (puj^c 
209  ) 

28 


•i34  DANS    LA    CHAMPAGNE     MÉRIDIONALE    EN    \'r)ll 

qu'il  pleuvait  toujours,  à  riiôtol  de  la  Couronne,  log-is  com- 
mode et  agréable. 

«  La  ville  est  d'une  honnèle  grandeur;  mais  le  cliàleau  et 
les  murailles  paraissent  être  faites  de  la  terre  battue  dont  les 
Polaques  font  les  leurs,  de  même  que  les  habitations  qui  sont 
construites  de  bois  et  de  bouc. 

«  Ici,  noire  escorte  fut  remplacée  par  des  hommes  frais,  au 
nombre  do  quatorze  cavaliers  et  de  dix-huit  arquebusiers; 
après  avoir  fait  avertir  le  prévôt  des  cavaliers  de  Troyes,  qui 
devait  venir  nous  assurer  le  chemin,  nous  partîmes  le  9  du 
mois,  et  nous  venions  de  quitter  Virey-sous-I3ar  et  Fouchères, 
où  se  trouve  une  belle  abbaye  ' ,  près  des  limites  de  la  Bour- 
gogne et  de  la  Champagne,  lorsqu'il  arriva  un  incident  qui 
prêta  à  rire.  En  efi'ct^  apercevant  dans  un  chemin  bas  une 
grande  poussière  s'élever  au-dessus  d'une  colline  vers  laquelle 
nous  marchions,  et  peu  après  une  grande  troupe  de  cavaliers, 
qui  venait  en  courant  à  notre  rencontre,  nous  crûmes 
tous  que  c'étaient  les  voleurs,  et  les  autres  avaient  la  même 
opinion  de  nous,  parce  qu'ils  ne  pouvaient  voir  les  mu- 
lets, qui  étaient  restés  un  peu  en  arrière,  avec  les  arque- 
busiers qui  les  gardaient.  Aussi  de  part  et  d'autre  ayant 
pris  les  arquebuses  et  ayant  serré  les  rangs,  nous  avançâmes 
avec  la  pensée  d'en  venir  aux  mains.  Mais  en  s'approchant,  on 
reconnut  que  c'était  le  prév<')t  de  ïroyes  avec  dix-huit  cavaliers, 
et  la  crainte  lit  place  aux  rires.  Nous  traversâmes  ensuite  Jii- 
valta',  village  ouvert,  mais  grand,  et  nous  entrâmes  à  Troyes 
de  bonne  heure,  quoique  les  chemins  eussent  été  gâtés  par  les 
pluies  récentes  ;  et  les  sept  lieues  qui  se  trouvent  entre  'i'royes 
et  Bar-sur-Seine  en  valent  bien  dix. 

«  Troyes,  capitale  de  la  Champagne,  est  une  bonne  et  solide 
vills  fortifiée;  mais  si  belle  et  si  propre,  que  de  l'opinion 
de  beaucoup,  elle  est  regardée  comme  la  plus  charmante 
ville  de  toute  la  France  {la  j)m  dilleltevol  villa  di  tulta 
la  Frauda).  Quoiqu'elle  soit  si  remplie  de  maisons  qu'on  n'y 
voie  point  d'espace  vide,  les  rues  en  sont  cependant  si  larges, 
si  propres  et  si  droites^ ,  qu'on  peut  apercevoir  de  tous  côtés 


1 .  Il  y  avait  aulrofois  un  monaslèrc  dans  ce  village,  et  il  en  restait  en 
1787  un  j)rieuré  à  la  coUaliou  de  l'abbé  de  Molème.  (Courlalon,  Topogra- 
phie historique  de  la  ville  et  du,  diocèse  de  Troyes,  III,  93). 

2.  Peut-être  Rouilly-Saiut-Loup  V 

3.  Il  faut  attribuer  celte  largeur  et  l'alignement  relatif  de  certaines  rues 
au  grand  incendie  de  152G  qui  avait  détruit  une  partie  de  la  ville. 


COMMENT    ON     VOYAGEAIT  43E> 

ses  riches  et  beaux  édifices  publics  et  privés  ;  parmi  ses  églises, 
celle  de  saint  Pierre  est  la  plus  belle  et  la  plus  somptueuse; 
elle  est  mt^uie,  à  mou  avis,  parmi  les  belles  églises  do  Frauce, 
et  pourtant  j'en  ai  vu  quelques-unes.  La  Seine  passe  au  milieu 
de  la  ville;  et  quoiqu'elle  ne  soit  pas  navigable,  elle  sert  néan- 
moins à  transporteries  immondices  au  dehors  de  la  ville.  Nous 
logeâmes  cette  nuit  au  Dauphin,  hôtel  roj'al,  connue  étant 
celui  où  le  roi  lui-même  descendait  autrefois;  et  étant  partis, 
le  10,  en  compagnie  du  prévôt  et  de  vingt-six  cavaliers,  nous 
traversâmes  la  grande  plaine  [campagna)  de  douze  lieues  située 
entre  Troyes  et  Nogent;  c'est  de  là  que  vient  réellement  le  nom 
de  la  province,  qui  est  exposée  à  toutes  les  invasions  armées 
qui  se  font  en  ce  royaume,  et  qui  sert  de  passage  aux  Reilres, 
quand  ils  viennent  en  France. 

«  Pendant  les  douze  lieues  qui  séparent  Troyes  de  Nogent, 
on  ne  trouve  logement  qui  vaille,  sinon  à  moitié  chemin  les 
Trois  maisons,  qui  sont  au  juste  trois  maisons,  ou  plutôt  trois 
tavernes,  qui  n'ont  rien  d'autre  que  l'enseigne*.  Nogent  n'est 
pas  une  très  grande  ville,  mais  elle  est  assez  belle  ;  elle  possède 
une  église  et  un  pont  de  pierre  sur  la  Seine,  qui  devient  ici 
navigable  au  point  de  porter  de  grands  bateaux  ;  on  y  amène 
depuis  Rouen  des  bateaux  de  sel  fin,  qu'on  envoie  ensuite  en 
Champagne  et  dans  une  partie  de  la  Bourgogne.  Les  rives  de  la 
Seine  ont  besoin  d'être  soutenues  comme  celles  de  la  Brenla 
entre  Dolo  et  Stra,  en  venant  de  Padoue.  Nous  fûmes  assez 
bien  logés  à  la  Cicogne;  et  le  matin  du  M,  étant  débarrassés 
de  nos  gardes,  nous  arrivâmes  à  quatre  lieues  de  là,  à  Provins, 
ville  de  Brie,  pas  très  belle,  et  située  sur  une  colline;  mais 
pourtant  assez  grande  et  ancienne,  où  nous  fûmes  assez  bien 
logés  à  la  Couronne.  Entre  Nogent  et  Provins,  on  traverse 
toujours  une  forêt  touffue'.  Néanmoins  la  route  était 
sûre  ;  d'autant  plus  qu'une  compagnie  d'hommes  d'armes  de 
monseigneur  de  Guise  était  alors  dans  les  environs.  » 

Entre  Troyes  et  Nogent,  nos  voyageurs  avaient  eu  encore 
une  alerte.  Ils  étaient  au  milieu  d'un  plateau  dépouillé  d'arbres, 
lorsqu'ils  aperç\ireut  une  bande  de  trente  cavaliers,  qui  s'arrê- 
tèrent sur  le  chemin  et  les  allendirent,  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent 
à  la  distance  d'un  jet  de  pierre;  mais  alors  les  cavaliers,  voyant 


1 .  La  grande  roule  de  Troyes  à  Nogent  passa  par  les  Tiois  inuisoiis  jusciu'à 
l'ûpoiiue  du  ministère  du  cardinal  de  Fleury,  vers  1735. 

2.  La  forêt  de  Sourdun,  qui  existe  encore  aujourd'hui. 


436  DAKS   LA   CHAMPAGNE  MÉRIDIONALE   EN    1IJ77 

saus  doute  que  les  Vénitiens  étaient  eu  force,  tournèreut  à 
droite  et  s'enfuirent  à  bride  abattue  à  travers  la  plaine.  On  se 
donna  le  plaisir  de  les  poursuivre  un  peu.  Mais  ce  qu'il  y  eut 
de  piquant  dans  ce  voyage,  c'est  que  les  Vénitiens  eurent  plus 
à  se  plaindre  des  cavaliers  de  leur  escorte  que  des  brigands, 
dont  on  parlait  tant  et  ce  qu'ils  virent  si  peu.  Le  prévôt  et  ses 
gens  s'imaginaient  que  l'ambassadeur  portait  avec  lui  une 
somme  de  800,000  francs  que  la  seigneurie  de  Venise  envoyait 
au  roi  Henri  III;  arrivés  à  Nogent-sur-Seine,  ils  lui  extorquè- 
rent des  écus  par  centaines,  avec  des  menaces  telles,  que  si 
l'on  n'avait  pas  été  dans  une  grosse  ville,  les  voyageurs  n'au- 
raient pas  su  comment  ils  s'en  seraient  tirés. 

Albert  Babeau. 


NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT  ' 

(MARNE) 


A  celte  époque  1P90,  on  lit  dans  Mézeray,  que  Chrestienne 
Daguorre,  veuve  de  Louis  d'Agoult,  comte  de  Sault,  avait  une 
faction  eu  Provence,  que  c'était  une  femme  d'un  grand  cou- 
rage et  d'un  esprit  fort  élevé,  qu'elle  ne  voulait  introduire  le 
duc  de  Savoie  en  Provence,  où  il  avait  aussi  un  parti,  que  pour 
s'y  rendre  la  plus  forte  elle-même,  que  le  2  mars  1591,  ce  duc 
fut  reçu  dans  Marseille  par  les  brigues  de  cette  comtesse  de 
Sanlt.  Ce  fut  au  mois  de  juin  1 599,  selon  Mézeray,  qu'un  duel 
eut  lieu  entre  Monsieur  de  Gréquy  et  Philippin  frère  bâtard  du 
duc  de  Savoie,  dans  lequel  Philippin  fut  tué. 

Le  dernier  compte  des  receveurs  de  la  terre  de  Montmort 
rendu  à  Jeanne  de  lïangest  porte  la  date  de  l'année  1004. 

Du  3  août  1606.  —  Echange  entre  haute  et  puissante  dame 
Chrestienne  Daguerre,  baronne  de  Vienne,  dame  de  Montmort 
veuve  de  feu  M.  de  Sault,  ethonoréseigneur  Robert  de  Coudé, 
écuyer,  sieur  de  Limey  et  GoUigny,  gouverneur  pour  le  roi  du 
château  de  Montesclerc  et  dame  Gabrielle  de  la  Gravelle,  sou 
épodse,  par  lequel  échange  lesdits  sieur  et  dame  de  Limey  ont 
donné  à  ladite  dame  de  Montmort,  la  terre  et  seigneurie  de 
Montarmé',  le  haut  et  Montarraé  le  bas  consistant  en  haute, 
moyenne  et  basse  justice,  mouvant  ladite  terre  en  plein  lief, 
foi  et  hommage  de  M.  le  baron  de  Baye. 

Du  2b  août  1606.  —  Foi  et  hommage  rendus  par  dame 
Chrestienne  Daguerre,  baronne  de  Vienne,  et  dame  de  Mont- 
mort. veuve  de  M.  le  comte  de  Sault  des  fiefs  de  Montarmé  le 
haut  et  Montarmé  le  bas  à  messire  Jean  de  Lon,  baron  de 
Baye. 

Du  25  septembre  1607.  —  Foi  et  hommage  rendus  par  dame 
Chrestienne  Daguerre,  dame  de  Montmort,  à  messire  Juste  de 
Pontaillei',  baron  de  Pleurs  *. 


•  Voir  page  321,  tome  XV,  de  la  Revue  de   la  Champaijnc  cl  de  Urie. 

1,  Communo  de  Corriljcrt. 

2.  Archives  du  chilloau  de  Montmort. 


438        NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT 

16U7.  —  Chreslienne  Daguerre,  comtesse  de  Sault,  baronne 
de  Vienne;  dame  de  Monlmorl,  Moyencom-l  et  autres  lieux 
llUe  unique  de  Jeanne  de  Hangest,  suivant  deux  actes  de  foi 
et  hommage  rendus  à  Pleurs  et  à  Vertus  les  25  et  29  septem- 
bre 1607. 

En  1G09  engagement  signé,  elle  promet  allouera  ses  fermiers 
de  Montmort,  toutes  les  sommes  qu'ils  payeront  à  Barthélémy 
Boyer  son  argentier  '. 

Après  la  mort  de  Chreslienne  Daguerre  son  fils,  Charles, 
sire  de  Créquy  hérita  de  la  seigneurie  de  Montmort.  Il  avait 
une  fille  nommée  Françoise. 

Maximilien  de  Béthune  II"  du  nom,  prince  souverain  d'Hen- 
richemont  par  la  grâce  de  Dieu,  marquis  de  Rosny,  né  à  Pa- 
ris en  1IJ88,  gouverneur  de  Mantes  et  de  Gergeau,  capitaine 
de  30  hommes  d'armes  des  ordonnances  du  roi,  fut  pourvu  de 
la  charge  de  grand  maître  de  l'artillerie  et  de  surintendant  des 
fortifications  de  France  sur  la  démission  de  son  père,  par 
lettres  patentes  du  10  avril  1610.  Il  mourut  le  1*^  septembre 
1634.  Il  avait  épousé  le  15  septembre  1609,  Françoise  de 
Créquy,  morte  le  23  janvier  1656,  fille  aînée  de  Charles,  sire 
de  Créquy,  prince  de  Poix,  seigneur  de  Blanchefort  et  de  Cré- 
quy, duc  de  Lesdiguières,  pair  et  maréchal  de  France,  dont 
les  armes  sont  :  «  écartelé  aux  1  et  4  de  Blanchefort  qui  est 
d'or,  à  deux  lions  léopardés  de  gueules  ;  aux  2  et  3  de  Créquy, 
qui  est  d'or  au  créquier  de  gueules  »  ;  et  de  Bonne,  dame  de 
Lesdiguières,  fille  du  connétable  de  ce  nom.  De  ce  mariage 
vinrent  : 

1«  Maximilien  François. 

2"  Louise  morte  sans  alliance  le  11  février  1679,  enterrée 
aux  Récollets  \ 

1617.  —  Charles,  sire  de  Créquy  d'Agoult,  chevalier  des 
ordres  du  roi,  maréchal  de  France,  prince  de  Poix,  comte  de 
Sault,  fils  et  héritier  par  bénéfice  d'inventaire  de  feue  Chres- 
tienne  Daguerre  suivant  une  quittance  donnée  par  ce  seigneur 
aux  amodiateurs  de  la  terre  de  Montmort  du  16  janvier  1617 
et  une  transaction  avec  les  mômes  amodiateurs  du  16  mars 
1 622  ^ 


1 .  Idem. 

2.  La  Chesnaye-Deshois.  Dictionnaire  de  la  noblesse. 

3.  Archives  du  château  de  Monlmorl, 


NOTES   SUR   LE    CriATEAU    DE   MONïMORT  430 

1 022,  —  Françoise  de  Gréquy,  marquise  de  Rosny,  dame  de 
Montmort,  suivant  foi  et  hommage  fait  à  Baye  pour  certains 
liefs.  Elle  était  séparée  de  corps  et  de  biens  de  messirc  Maxi- 
milien  de  Béthuue,  marquis  de  Rosny,  grand  maître  et  capi- 
taine général  de  l'artillerie  de  France. 

Du  18  avril  1022.  —  Foi  et  hommage  de  partie  delà  terre  et 
seigneurie  de  Montmort  rendu  à  haut  et  puissant  seigneur 
messire  Joseph  de  Luxembourg,  de  Pontaillier,  duc  de  Piney, 
comte  de  Liguy,  baron  de  Pleurs,  par  haute  et  puissante  dame 
Françoise  de  Gréquy,  marquise  de  Rosny,  dame  dudit  Mont- 
mort. 

Du  23  avril  1622.  —  Foi  et  hommage  de  la  seigneurie  de 
Montarmé  rendu  à  messire  Jean  de  Lon,  écuyer,  seigneur  de 
Lorme,  Talus,  Bannay  et  baron  de  Baj-e  par  dame  Françoise 
de  Gréquy,  marquise  de  Rosny,  dame  de  Montmort  et  de 
Montarmé  \ 

En  1023  Françoise  de  Gréquy,  marquise  de  Rosny  était 
séparée  de  corps  et  de  biens  de  messire  Maxirailieu  deBélhune, 
marquis  de  Rosny,  grand  maître  et  capitaine  général  de  l'ar- 
tillerie de  France,  suivant  un  arrêt  du  Parlement  du  24  juillet 
1032,  qui  condamne  M.  le  comte  de  Vertus,  à  donner  main- 
levée de  la  saisie  féodale  de  la  terre  de  Montmort. 

Le  8  octobre  1024.  —  Foi  et  hommage,  aveu  et  dénombre- 
ment du  fief  de  Vouzy-les- Vertus  appelé  la  Tour  Guissolle, 
rendu  par  Marie  Lallemand,  veuve  de  Nicolas  de  Guissotte  au 
nom  et  comme  mère,  ayant  la  garde-noble  de  ses  enfants  et 
dudit  défunt,  cà  dame  Françoise  de  Gréquy,  marquise  de  Ros- 
ny, dame  de  Montmort. 

Du  7  novembre  102G  copie  coUationnée  d'un  aveu  et  dénom- 
brement fourni  par  dame  Françoise  de  Gréquy,  marquise  de 
Rosny,  dame  de  Montmort,  à  messire  Glande  de  Pleurs,  sei- 
gneur do  Balagny,  seigneur  et  baron  de  Pleurs  -. 

Du  24  juillet  1032.  Sentence  du  Parlement  de  Paris,  qui 
condamne  M.  le  comte  de  Vertus  à  donner  main-levée  à  dame 
Françoise  de  Gréquy,  marquise  de  Piosny,  de  la  saisie  faite  k 
sa  requête  sur  la  terre  et  seigneurie  de  Montmort  faute  de 
payement  de  quints  et  requinls. 

Le  29  janvier  1034,  les  habitants  de  Montmort  et  de  Lucy 


1 .  Archives  du  cliâtcau  do  Monlmort. 

2.  Archives  du  château  de  Monlinorl, 


4'jO        notes  sur  le  CHATEAU  DE  MONTMORT 

assemblés  consentent  à  ce  que  Madame  de  Montmort  fasse 
construire  une  retenue  d'eau  et  creuser  un  étang  sur  leurs 
usages  lieu  dit  :  le  Ru  des  rosettes,  et  supplient  ladite  dame  de 
permettre  que  leurs  bestiaux  puissent  paître  et  abreuver  en 
l'étendue  dudit  étang  et  autour  d'iceluy,  ce  à  quoi  elle  a  cou- 
senti  '. 

Jeanne  de  Ilangest  maria  à  Louis  d'Agoull,  chef  d'une  puis- 
sante maison  de  Provence  et  de  Dauphiné  sa  fille  unique  dont 
le  fils,  Charles,  sire  de  (Jréquy  et  d'Agoult,  maréchal  de 
France  fut  tué  au  siège  de  Séganez  en  1638  *. 

Suivant  deux  règlements  concernant  les  bois  à  prendre  par 
les  seigneurs  de  Montmort  dans  la  forêt  de  Vassy,  P'rançoise 
de  Créquy  était  veuve  de  Maximilien  de  Béthune  eu  1642. 

Le  2  avril  1643.  Ordonnat;ce  de  M.  de  Ligny,  grand  maître 
des  eaux  et  forêts  au  département  de  l'Ile  de  France,  Brie, 
Perche,  Picardie  et  pays  reconquis,  par  laquelle  au  lieu  de  40 
cordes  de  bois  de  chauffage  et  tout  le  bois  nécessaire  pour 
bâtir  et  les  réparations  du  château  de^Montmort,  il  n'accorde 
à  dame  Françoise  de  Créquy,  marquise  de  Rosny,  dame  de 
Montmort  que  20  cordes  de  bois  de  chauffage  et  la  moitié  du 
bois  à  bâtir  de  ce  qui  était  porté  par  l'acte  d'échange  de  129fi 
et  le  droit  d'usage  et  de  pâturage  sur  les  pâtis  du  Baizil  pour 
les  bestiaux  de  ladite  dame  de  Montmort  seulement.  Le  tout  à 
le  charge  par  ladite  dame  d'obtenir  des  lettres  patentes  du  Roi 
portant  confirmation  desdits  droits*.  » 

1647.  Foi  et  hommage  rendu  à  dame  Françoise  de  Créquy, 
marquise  de  Rosny,  par  dame  Marie  d'Emfreville  veuve  de 
feu  Messire  Jacques  de  Maurepas,  seigneur  des  Boulleaux 
ayant  la  garde  noble  des  enfants  mineurs,  d'elle  et  dudit 
défunt ,  du  fief  des  hautes  vendanges  relevant  de  Mont- 
mort *. 

Au  milieu  du  XVII"  siècle,  Françoise  de  Créquy,  dame  de 
Montmort,  veuve  de  Maximilien  de  Bélhune-Sully,  laissa 
après  sa  mort  la  seigneurie  à  sa  fille  mademoiselle  Louise  de 
Béthune  de  Sully. 

Acte  d'échange  passé  devant  Mossart,  notaire  à  Montmort 


1 .  Archives  du  châtoau  de  Montmort. 

"2.  Guérard.  Stalistique  liisloriquc  du  Dép,  de  la  Marne. 

3.  Archives  du  château  de  Montmort. 

4.  Msra. 


NOTES    SUR   I,E   CîTATEATI   DE  IMONTMORT  441 

le  2  août  1655  entre  haute  et  puissante  demoiselle  Louise  de 
Béthune  de  Sully,  princesse  souveraine  de  Henrichemonl, 
dame  de  Montmort,  Toulon  et  de  Gongy  pour  un  tiers  et 
messire  Louis  du  Bellay,  Seigneur  de  (Ihevigny,  Gongy, 
Villeneuve  et  Broussy-le-Grand  et  dame  Anne  d'Angleterre 
son  épouse.  Par  lequel  échange  demoiselle  de  Sully  a  donné 
audit  seigneur  du  Bellay,  le  tiers  de  la  terre  et  seigneurie  de 
Gongy. 

Acte  de  dénombrement  fait  à  Vertus  le  27  septembre  1657 
par  demoiselle  Louise  de  Béthune  de  Sully,  princesse  souve- 
raine d'Henrichemont,  dame  de  Montmort,  Toulon,  Gongy  et 
autres  lieux,  fille  de  Françoise  de  Gréquy. 

22  juin  1658. —  Sentence  rendue  en  la  justice  et  prévôté 
de  Montmort  qui  ordonne  la  saisie  féodale  du  fief  de  la  Tour 
de  Vouz}^  et  celui  de  Breuvery  relevant  et  mouvant  en  plein 
fief  de  haute  et  puissante  demoiselle  Louise  de  Béthune  de 
Sully,  princesse  souveraine  d'Enrichemont,  dame  de  Mont- 
mort faute  de  droits  et  devoirs  non  rendus  à  ladite  demoiselle 
par  les  détenteurs  desdits  fiefs  \ 

1"  juillet  1658.  — -  Saisie  féodale  du  fief  de  la  lourde 
Vouzy  sur  Nicolas  de  Guissotte. 

Du  1 1  septembre  1658.  —  Désistement  de  mademoiselle  de 
Sully  sur  la  saisie  féodale  du  fief  de  la  tour  de  Guissotte  sur 
Messire  Nicolas  de  Guissotte,  seigneur  de  Gizaucourt  et  de 
Vouzy  et  sommation  audit  sieur  de  Gizaucourt  de  faire  en  per- 
sonne et  non  par  procureur  les  foi  et  hommage  qu'il  doit  à 
ladite  demoiselle  de  Sully,  du  fief  de  la  Tour  Guissotte  située 
audit  Vouzy. 

2  juillet  1658.  —  Saisie  féodale  de  la  seigneurie  de  Breu- 
very sur  demoiselle de  Sainl-Remy  veuve  do  défunt 

Glande  Lescarnot,  Philippe  Sagnier  seigneur  pour  moitié 
savoir  :  ladite  demoiselle  pour  deux  parts  et  ledit  Sagnier  pour 
l'autre  part.  M"  Orgueliu  pour  une  part,  Gargan,  Jean 
Hangot,  Pierre  Godot,  Jean  Linages  et  domoisselle  Paillot. 

Protestation  dudit  seigneur  de  Gizaucourt  (Nicolas  de  Guis- 
sotte) qui  est  venu  en  personne  à  Montmort  avec  Ihuissier,  de 
prêter  les  foi  et  hommage  demandés  par  l'exploit  du  1 1  sep- 
tembre 1658.  —  Mais  qu'ayant  rendu  ce  devoir  devant  les 
officiers  de  Montmort  par  maître  Louis  Aubry  avocat  au  par- 


1 .  Archives  du  chdteau  de  Montmort. 


442        NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT 

lement  fondé  de  la  procuration  dudit  seigneur,  au  mois  d'août 
1658  ;  il  somme  ladite  demoiselle  d'avouer  on  désavouer  les- 
dits  olficiers,  qu'eu  cas  d'aveu,  c'est  saus  sujet  que  la  signifi- 
cation dudit  jour  1 1  septembre  1GS8  lui  a  été  faite  et  dans  le 
cas  de  désaveu,  il  se  soumet  de  rendre  à  ladite  demoiselle,  les 
foi  et  hommage  qui  lui  sont  dus  à  cause  dudit  fief  de  Vouzy 
relevant  et  mouvant  de  son  château  de  Montmort,  avec  pro- 
testation de  se  pourvoir  contre  lesdits  officiel  s  comme  contre 
des  concussionnaires,  et  d'agir  contre  eux  pour  la  répétition 
des  sommes  qu'ils  ont  induement  exigés  de  lui  et  répéter  con- 
tre eux  tous  les  dépens,  dommages  et  intérêts  sans  préjudice, 
aussi  de  faire  déclarer  la  saisie  faite  de  son  fief  à  la  requête  de 
ladite  demoiselle  de  Sully  sans  signification  précédente  de 
venir  rendre  les  foi  et  homtuage,  injurieuse,  tortionnaire  et 
déraisonnable,  etc '. 

IG  mars  IGGS.  —  Acte  de  foi  et  hommage  rendu  par  Jean 
Dupuis,  seigneur  d'Aunizeux,  leMénil  et  des  hautes  et  basses 
vendanges  à  mademoiselle  Louise  de  Bôlhune-Sully  dame  de 
Montmort  du  fief  du  Breuil  et  du  fief  des  hautes  vendanges  à 
cause  de  son  château  de  Montmort. 

Le  30  juin  1669.  —  Acte  de  foi  et  hommage  rendu  à  made- 
moiselle de  Sully,  par  Jean  Dupuis,  du  fief  du  Breuil  et  des 
hautes  vendanges. 

—  Du  14  janvier  1673.  Foi  et  hommage  rendu  pour  la  sei- 
gneurie de  Montarné,  par  mademoiselle  Louise  de  Béthune  de 
Sully,  princesse  souveraine  d'Henrichemont,  dame  de  Mont- 
mort et  de  Moutarmé  à  Pierre  Larcher,  Baron  de  Baye  -. 

Mademoiselle  de  Sully  avait  fait  venir  à  Montmort,  Valentin 
Lallemant  ^  médecin  célèbre,  un  des  hommes  les  plus  savants 
de  son  époque. 

Vers  cette  époque  mademoiselle  Louise  de  Béthune  de 
Sully,  mourut  sans  avoir  été  mariée,  laissant  pour  légataire 
universelle,  dame  Marguerite-Louise  de  Béthune,  veuve  de 
feu  Messire  Armand  de  Grammont. 

—  Foi  et  hommage  du  7  novembre  1679,  rendu  en  la  justice 
de  Montmort  à  haute  et  puissante  dame  Marguerite-Louise 


1.  Archives  du  château  de  Montmort. 

2.  Archives  du  château  de  Montmort. 

3.  Lallemant  était  d'origine  champenoise  et  son  père  était  seigneur  d'O- 
ger  en  1087. 


NOTES  SUR  LE  CHATEAU  DE  MONTMORT        443 

de  Béthuue,  veuve  de  feu  Messire  Armaud  de  Grammoul, 
chevalier,  comte  de  Guiche,  légataire  universel  de  demoiselle 
Louise  de  Béthuue  de  Sully,  dame  de  Moutmort,  par  les  fon- 
dés de  pi'ocuratiou  de  Messire  Philibert-Nicolas  de  Cuissotte, 
chevalier,  seigneur  de  Gizaucourt  pour  le  fief  de  la  tour  de 
Vouzy  autrement  dit  la  tour  de  Cuissotte  appartenant  audit 
seigneur  de  Gizaucourt  comme  fils  3t  héritier,  de  Messire 
Nicolas  de  Cuissotte,  chevalier,  seigneur  de  Gizaucourt  son 
père,  relevant  en  plein  fief  de  ladite  dame  comtesse  de  Guiche, 
à  cause  de  son  chàtel  et  seigneurie  de  Montmort  \ 

1682. — Messire  Maximilien  Henri  de  Béthune,  chevalier 
de  Sully,  Pair  de  France,  prince  souverain  d'Henrichemont  et 
de  Boisbelle,  marquis  de  Rosny  et  autres  lieux,  seigneur  de 
Montmort,  brigadier  des  armées  du  Roi,  petit  neveu  légataire 
universel  et  héritier  par  substitution  de  mademoiselle  do 
Sully  -. 

Les  archives  du  château  de  Montmort  contiennent  les  deux 
mentions,  suivantes  d'abord  :  Acquisition  par  Messire  Pierre 
Ptémond  de  la  terre  de  Moutmort  moyennant  la  somme  de 
loT.OOO  livres,  dont  22, OI'O  livres  pour  acquitter  les  droits  dus 
au  seigneur  Suzerain  par  contrat  passé  devant  Deuots  et 
Doyen  notaires  au  Chàlelet  de  Paris  le  25  avril  1704.  Puis, 
M.  le  chevalier  de  Sully  a  vendu  Montmort  à  Messire  Pierre 
Piémond,  ccuyer,  chanoine  de  l'église  de  Paris,  par  contrat  du 
2iJ  avril  1704  dans  lequel  on  voit  comment  la  terre  de  Mont- 
mort, est  échue  au  chevalier  de  Sully  ;  ainsi  depuis  l' an- 
née 1 390  jusqu'à  1704,  cette  terre  a  toujours  été  dans  la  mémo 
famille, 

Rémond,  en  Bourgogne,  en  Champagne  et  à  Paris.  Cette 
famille  divisée  en  sept  branches,  a  été  maintenue  différentes 
fois  dans  sa  noblesse  d'extraction  tant  par  arrêts  du  conseil 
d'Etat  du  Roi  que  par  ordonnances,  etc....  de  MM.  Larcher, 
intendant  de  Champagne  ;  Ferrand,  intendant  de  Bourgogne 
et  de  Bresse  ;  de  Pomereu,  intendant  de  Champagne  ;  Bignon, 
intendant  de  Paris  et  enfin  par  arrôt  du  Conseil  d'Etat  du  Roi 
rendu  le  17  avril  173îJ  en  faveur  de  Nicolas  Rémond,  écuycr, 
ancien  conseiller  au  Bailliage  et  siège  présidial  do  Troyes.  Les 
armes  de  Rémond  sont  :  «  de  gueules  à  trois  roses  d'argent  po- 
sées deux  et  un  '.  »  ^ 

1 .  Archives  du  chûlcnu  de  MoiilmorL. 

2.  Archives  du  chàloau  de  Montmort. 

.'i.   La  Chesn.'iyc  Dosbois.  Dictionnaire  de  la  noblesse. 


4/|4  NOTES    SUR    LE    CIIATEATI    DE  MONTMORT 

—  Du  11  juin  1704.  Foi  el  hommage  rendu  par  Messire 
Pierre  Rémond,  seigneur  de  Montmorl  du  fief  de  Lory  à  Mes- 
sire Gaston-Jean-Louis  de  Noailles,  évèque,  comte  de  Châ- 
lons,  pair  de  France. 

—  Du  30  juin  1704.  Foi  et  hommage  rendu  par  Messire 
Pierre  Rémond,  écuyer,  seigneur  de  Montmorl  à  Messire 
Claude-Henri  de  Pleurs,  chevalier,  marquis  de  Pleurs  ;  du 
château,  du  parc  en  dépendant  et  des  deux  tiers  de  la  terre  et 
Seigneurie  de  Monlmort  \ 

Pierre  Rémond  était  fils  de  François  Rémoud,  Ecuyer,  sieur 
de  Bréviande  et  de  Marguerite  Ballu.  Il  naquit  en  1658.  Jeune 
encore,  il  voyagea  en  Angleterre,  en  Hollande  et  en  Allema- 
gne. A  son  retour  en  France,  il  devint  le  disciple  et  l'ami  de 
Malebranche,  et  malgré  ses  grandes  richesses,  il  se  livra  tout 
entier  à  l'étude,  surtout,  à  celle  des  mathématiques.  Il  par- 
vint bientôt  à  connaître  tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  épineux 
dans  les  nouveaux  calculs.  Il  avait  accepté  un  canonicat  de 
Notre-Dame  de  Paris,  et  sa  vie  se  passait  dans  l'accomplisse- 
ment de  ses  devoirs  reUgieux,  l'élude,  et  l'exercice  d'une  infa- 
tigable charité  ". 

En  171)0  il  se  défit  de  son  canonicat  el  épousa  au  château  de 
Mareuil,  mademoiselle  de  Romicourt,  pelite  nièce  et  filleule 
de  madame  la  duchesse  d'Angouléme,  bru  de  Charles  IX. 

Le  fief  de  Romicourt  dépendait  de  Rethel.  Les  Romicoutt 
portaient  :  «  de  gueules  à  l'ancre  d'argent  au  chef  d'or  chargé 
«  de  trois  étoiles  d'azur  ^  » 

{A  suivre).  Baron  Joseph  De  Baye. 


1 .  Archives  du  château  de  Monlmort. 

2,  Extrait  des  éloges  historiques  de  Fontenellc 
'.',.  Archives  du  château  de  Moiitmort. 


CINQUANTE    ANS    DR    SOUVENUÏS 


D  UN 


ANCIEN   PRÉFET 


Grâce  à  ma  prudeuce,  cet  incident  passa  inaperçu;  malgré 
mon  innocence  absolue,  son  ébruilement  aurait  pu  me  nuire 
considérablement.  Je  conlinuaià  me  produire  le  plus  possible. 
Je  connus  alors  le  comte  Cochon  de  Lapparent,  Sieyès,  M.  Be- 
noist,  de  la  sccrétairerie  d'Etat,  et  enfin  l'archichancelicr 
Cambacérès.  Je  dois  ajouter  que  pour  arriver  à  ce  dernier 
j'eus  besoin  d'une  dame,  très  avant  dans  son  intimité,  qui, 
après  avoir  réussi  dans  la  négociation  dont  je  l'avais  chargé,  me 
fit  comprendre  le  vif  désir  qu'elle  avait  d'une  certaine  robe  que 
je  m'empressai  de  faire  déposer  chez  elle.  Le  maréchal  me 
garantissait  le  succès,  mais  je  ne  m'endormis  pas  pour  cela. 
C'est  alors  que  j'eus  l'autorisation  de  me  faire  présenter  au  roi  de 
Bavière  qui  venait  d'arriver  à  Paris,  et  avec  lequel  notre  famille 
avait  d'anciennes  et  particulières  relations.  Mon  oncle  à  la 
mode  de  Bretagne,  de  mon  nom,  avait  longtemps  servi  au 
régiment  d'Alsace  dont  le  prince  Maximilien  de  Deux -Ponts 
était  colonel  depuis  1770  ;  ce  prince  avait  hautement  apprécié 
les  qualités  de  mon  parent  dont  il  fit  son  ami  et  son  conseiller  ; 
il  obtint  pour  lui,  en  1781,  le  grade  de  major  et  la  croix  de 
Saint-Louis.  Depuis  la  Révolution,  mon  oncle  vit  souvent  le 
prince  qui  l'accueillit  à  Munich  et  donna  même  un  canonicat 
à  son  frère.  Quand  il  vint  ensuite  à  Paris,  b  prince-électeur, 
devenu  roi  de  Bavière,  avait  ordonné  qu'il  logeât  toujours  à  la 
Légation.  Mou  père  approuva  d'autant  plus  mon  idée  ([u'elle 
lui  était  presque  survenue  à  la  même  heuro  :  «  Tu  vas  trouver 
ma  démarche  un  peu  gigantesque,  m'écrivit-il  le  20  décembre, 
eu  l'adressant  ma  lettre  pour  le  roi.  Son  passage  à  Toul  m'en 
a  donné  l'envie.  Eu  arrivant  sur  la  place,  il  demanda  après 
Mnii!  de  Cirardier  '  ;  on  lui  dit  ([u'uue  du  ses  filles  était  dans  le 
nombre  des  personnes  qui   entouraient  sa  voilure.    11   la  lit 


*  Voir  poge  G-iS,  lomo  XV,  dt;  lu  lievue  de  Champagne  cl  de  Bric. 
1.  Cousiue-trermuiue  du  ma  buUe-niùre. 


i'iW  CINQUANTE     ANS    Dli    SOUVENlliS 

appeler  ensuite  ;  Sophie  viut  el  il  raccueilliL  à  merveille  el, 
instruit  de  la  mort  de  son  père,  il  en  fit  l'éloge  et  la  chargea  de 
mille  choses  honnêtes  pour  sa  mère.  Le  prince,  toujours  bon 
et  affable,  se  souviendra  facilement  qu'il  m'a  reçu  à  Stras- 
bourg, surtout  à  cause  de  M.  d'ilastel,  avec  lequel  j'ai  dîné 
souvent  chez  lui.  Je  suis  sûr  qu'il  t'accueillera  et  tu  en  seras 
content.  Ne  t'intimide  pas;  son  accueil  te  mettra  vile  à  ton 
aise  ;  il  est  encore  le  mêim.  »  M.  de  Cetto  approuva  mou 
projet  et  la  présentation  eut  lieu  le  4  janvier  1810.  Le  roi 
me  témoigna  une  extrême  bienveillance,  me  parla  de  tous  mes 
parents  et  me  promit  d'écrire  persounellemenl  au  grand-juge. 
Le  29  janvier,  l'Empereur  signa  le  décret  attendu  si  impa- 
tiemment et  j'étais  au  nombre  des  cent  six  élus.  Il  était  réelle- 
ment temps  que  cela  se  décidât,  car,  depuis  quatre  jours,  je  ne 
mangeais  ni  ne  doi'mais.  Ma  joie  fut  extrême,  encore  augmen- 
tée par  les  témoignages  flatteurs  dont  m'accablèrenj  alors  mes 
protecteurs.  Entre  tous,  le  comte  Garnier  me  montrait  une 
affection  paternelle  ;  il  m'invita  d'abord  souvent  à  ses  dîners 
où  je  pouvais  faire  d'utiles  connaissances,  puis  il  me  prévint 
que  j'aurais  toujours  mon  couvert  rais  chez  lui  et  je  pris 
l'habitude  de  m'y  rendre  tous  les  jeudis. 

Rien  n'était  cependant  terminé  et  bien  des  semaines  devaient 
encore  s'écouler  avant  que  la  question  des  auditeurs  reçût  sa 
solution  définitive.  La  nomination  avait  bien  paru,  mais  restait 
l'examen  dont  dépendait  notre  classement  et  par  conséquent 
notre  avenir.  Je  passai  donc  tout  l'hiver  à  travailler  et  à 
redoubler  d'activité  pour  me  ménager  des  appuis.  Enfin  le 
grand  jour  arriva.  J'eus  pour  examinateur  le  comte  Defermon, 
président  de  la  section  des  finances  au  Conseil  d'Etat  ;  le 
résultat  fut  excellent  et  je  le  dus  en  partie  à  la  facilité  avec 
laquelle  j'expliquai  un  passage  de  Tacite,  tandis  que  mes 
camarades  se  montrèrent  peu  familiers  avec  les  auteurs  latius 
(2  avril  1810).  1*0  décret  confirmatif  parut  le  27  avril  et  vingt- 
six  des  élus  du  19  janvier  furent  élimiminés.  Nous  restions 
quatre-vingts.  Le  i°'"  mai,  nous  fûmes  tous  mandés  en  séance 
générale  du  Conseil  et  installés  par  le  prince  archi-chanceher. 
Le  0  juin,  nous  allâmes  prêter  serment  à  Saiiit-Cloud  devaut 
l'Empereur. 

Il  me  fallait  encore  obtenir  une  situation  qui  me  retint  à 
Paris  où  je  désirais  demeurer  assez  pour  achever  de  me  créer 
de  solides  relations.  Peu  de  jours  après  mon  installation,  je 
diiiai  chez  Cambacérès  qui  m'eutretiut  assez  longtemps  en  me 


d'un  ancien  préfet  447 

recommandant  de  ne  pas  imiter  nombre  de  mes  collègues  et  de 
montrer,  au  contraire,  une  grande  assiduité  aux  deux  séances 
hebdomadaires  du  Conseil.  Dans  les  premiers  temps  je  ne  pus 
rien  l'aire,  absorbé  par  les  visites  officielles,  auxquelles  on 
tenait  beaucoup  alors,  et  les  présentations  pour  lesquelles  je 
trouvais  toujours  un  patron  infatigable  dans  le  comte  Garuier  ; 
il  me  mena  chez  l'archi-trésorier  et  m'aocouqjagna  plusieurs 
ibis  au  cercle  de  rarchi-chaucelier,  d'où  ma  timidité  me  tenait 
éloigné;  le  24  juin,  je  fus  présenté,  après  la  messe,  à  Saint- 
Gloud,  par  la  duchesse  de  Montebello  à  l'Impératrice. 

L'idée  fixe  d'un  bon  classement  avait  remplacé  dans  mou 
esprit  celle  de  ma  nomination  ;  toutes  mes  actions  y  tendaient 
exclusivement  et  je  ne  puis  ra'empècher  de  raconter  ici  une 
anecdote  qui  prouve  combien  le  hasard  peut  servir. 

Un  soir,  je  rôdais  place  Vendôme,  presqu'inconsciemment; 
mais  poussé  par  le  vague  espoir  de  trouver  peut-être  uue 
occasion  d'avoir  des  nouvelles.  J'apperçus  de  la  lumière  dans 
l'hôtel  du  grand-juge,  aux  fenêtres  du  bureau  de  l'employé 
chargé  de  notre  travail  et  qui  précisément  était  un  compa- 
triote, M.  Lemolt,  de  Serceuil  près  Goifîy.  Après  un  moment 
d'hésitation  et  sans  trop  me  rendre  compte  de  ce  que  je  faisais, 
je  montai  chez  lui  et  je  peux  dire  que  c'est  à  cela  que  je  dus 
de  demeurer  à  Paris.  J'avais  été  ballotté  à  toutes  les  sections 
du  Conseil,  même  malgré  une  recommandation  spéciale  du  duc 
de  Bassano.  Enfin  on  me  classa  à  l'administration  des  Droits- 
Uéunis  avec  mes  collègues  Madier  de  Monljau,  Jard-Panvil- 
liers,  Paulze  d'ivoy,  Lacoste,  d'Argout  et  Gassou '. 


1.  Je  devais  assister  au  bal  doimii  le  \"  juillet  pur  le  prince  de  Scliwar- 
zeiiberg  :  uue  bouuc  inspiratiou  me  fit  rester  à  uu  bal  à  Versailles,  mais  je 
retrouve  la  lettre  que  j'adressai  ù  mou  père  sous  le  coup  de  ce  lamentable 
évcuement .  «  On  se  souvieadra  longtemps  de  celte  uuit.  Le  prince 
de  Scliwarzenber;r  donuail  liier  une  fêle  à  Leurs  Majestés.  Tout 
annourait  une  magnificence  sans  exemple.  Trois  mille  personnes  étaient 
réunies  dans  deux  salles  construites  expies  dans  le  jardin  du  prince.  Leurs 
Majesté  étant  arrivées,  on  tira  le  feu  d'arlitiee  ;  une  demi- lieurc  après,  un 
rideau  étant  trop  près  d'un  lustre  prit  feu,  et  en  trois  minutes  la  salle  cons- 
truite eu  bois  et  en  toiles  peintes  était  embrasée.  On  s'émeut,  ou  se  trouble, 
le  feu  gagne.  Leurs  Majestés  sortirent  aussitôt  ;  tout  le  monde  voulant  so 
précipiter  debors  obstrua  les  issues  de  l'enceinte  embrasée.  Au  mfimo  ius- 
laiil  los  lustres  tombèrent,  entraînant  le  plafond.  Ou  ne  peut  pas  so  faire 
une  idée  de  l'borreur  de  ce  moment  :  jamais  cbamp  de  bataille  ne  fut  plus 
alfreux.  On  ignore  encore  les  résullate  exacts  :  on  sait  seulement  que  lu 
priuci'sse    Pauline  Scliwarzcnberg  a   été    trouvée   brûlée  rnorle  ;    la  priu- 


448  CINQUANTE   ANS   DE   SOUVENIRS 

Malheureusement  nous  fûmes  mal  accueillis  par  notre  chef, 
le  comte  François  de  Neuchâteau  ;  il  cherchait  autant  que  pos- 
sible à  nous  rendre  inutiles,  ne  nous  recevait  pas  et  tout  son 
entourage  avait  le  mot  pour  ne  nous  épargner  aucun  désagré- 
ment. Mal  élevé ,  justifiant  médiocrement  sa  réputation 
d'homme  d'esprit,  il  ne  faisait  d'ailleurs  qu'imiter  l'attitude 
des  autres  chefs  de  service  qui  voyaient  avec  humeur  arriver 
les  auditeurs  auprès  d'eux  pour  troubler  leur  quiétude  et  en- 
traver l'avancement  de  leurs  protégés  ;  en  effet,  on  comprenait 
que  désormais  le  chemin  était  barré  pour  ceux  qui  n'étaient 
pas  de  notre  «  coufrairie  ».  Je  ne  m'en  inquiétais  pas,  car 
nous  savions  que  l'Empereur  tenait  beaucoup  à  sa  création  et 
que  tôt  ou  tard  nos  persécuteurs  seraient  obligés  d'eu 
rabattre. 

Le  2'6  août  1810,  j'allais  pour  la  première  fois  au  cercle  de  la 
Cour  ;  nous  pouvions  venir  tous  les  dimanches  matin  à  l'au- 
dience de  Sa  Majesté.  Mais  à  ce  moment  je  consacrais  surtout 
mon  temps  au  travail.  M'étant  ouvert  au  comte  Defermou  des 
découragements  que  j'éprouvai  auprès  de  M.  François  de  Neu- 
château, cet  excellent  homme  s'empressa  de  m'admettre  aux 
assemblées  do  la  section  des  finances  du  Conseil  d'Etat  et  de 
m'y  donner  à  faire  des  rapports,  comme  si  j'y  avais  été  attaché 
officiellement.  Ce  que  j'attendais  d'ailleurs  se  réalisa,  car,  au 
mois  de  septembre,  parut  un  décret  qui  nous  donnait  rang  dans 
l'administration  immédiatement  après  les  directeurs  généraux, 
nous  allouant  GOO  livres  de  traitement  et,  en  cas  de  mission,  20 
liv.  d'indemnité  par  jour  et  1 0  livres  par  poste.  Le  comte  François 
de  Neufchàteau  parut  un  instant  s'adoucir  à  mon  égard,  mais 
cela  dura  peu  et  ce  nouveau  revirement  s'explique  facilement. 
Ayant  eu  à  présenter  à  la  section  un  rapport  sur  une  pensioii  à 
payer  k  la  veuve  d'un  employé  des  Droits-Réunis,  je  fis  remar- 
quer ([u'en  cette  circonstance,  on  mettait  de  côté  les  prescrip- 
tions légales  et  j'obtins  le  rejet  ;  le  comte  François  dut  céder, 
mais  avec  beaucoup  d'humeur,  et  reconnaîti'e  son  erreur  volon- 
taire. Peu  de  temps  après,  j'eus  une  seconde  affaire  de  ce 
genre,  mais  avant  de  commencer  ce  travail,  je  crus  devoir 
débiter  un  petit  discours  aux  membres  de   la  section,    qui 

cesse  Ludovic  vicut  de  mourir  ;  M.  de  Carifrnuu,  1j  |)iiiife  Kourukin  lai.-,scut 
peu  d'espoir  ;  la  rciue  do  Naples  a  ua  pied  brùic  ;  le  prélel  Bailly  est  mort 
aussi,  etc.  L'Empereur  après  avoir  reconduit  rimpératrice  à  l'Elysée,  est 
monté  à  cheval  et  y  est  resté  jusqu'à  ce  que  le  feu  soit  éteint.  On  dit  que 
S.  M.  a  sauvé  trois  dames.  » 


d'un  ancien  préfet  449 

étaient  alors  MM.  Defernioii,  Jollivct,  JauLerl,  Boulay,  Garât, 
CoUiu  et  Béreuger.  «  J'ai  riiouueur  do  soumettre  à  la  Sectiou 
uue  affaire  semblable  à  celle  que  j'ai  déjà  rapportée.  Ici  je  dois 
parler  contre  mou  intérêt,  car  j'ai  des  observations  à  faire  sur 
le  travail  de  M.  le  comte  L'rançois  de  Neufchâteau  qui  est  instruit 
de  mon  opposition  sur  la  première  affaire  et  eu  est  très  mécontent 
contre  moi.  Eu  tous  cas.  messieurs,  si  mon  chef  me  repousse, 
j'espère  que  vous  me  recevrez  parmi  vous,  car,  autrement,  je 
serais  la  victime  de  mon  devoir  qui  est  de  répondre  à  la  con- 
fiance dont  vous  m'honorez.  »  Ce  petit  speacli,  conmie  on 
dirait  aujourd'hui,  produisit  un  excellent  effet. 

M.  Defermon,  du  reste,  redoublait  de  bienveillance  envers 
moi  et  me  prenait  sans  cesse  pour  travailler  avec  lui.  Au  mois 
de  décembre,  je  restai  plus  de  dix  jours,  presque  sans  le 
quitter,  pour  la  rédaction  d'un  règlement  d'organisation  relatif 
à  un  service  des  postes  eu  Hollande  qui  me  valut  de  sérieux 
compliments. 

J'éloiis  réellement  heureux  à  ce  moment,  exceptionnellement 
apprécié,  j'ose  le  dire,  par  des  personnages  dont  la  situation  et 
la  valeur  rendaient  les  suffrages  particulièrement  flatteurs.  Je 
venais  de  m'iuslaller  dans  nu  joli  petit  appartement  de  la  rue 
de  la  Michodière,  de  prendre  un  valet  de  chambre,  en  dépit  des 
observatioiKS  de  mou  père  qu'effrayaieut  ces  dépenses,    mais 
auquel  cependant  je  fis  comprendre  qu'ayant  à  présent  beau- 
coup de  solliciteurs  à  recevoir,  il   me  fallait  un  (Hablissement 
convenable.  Seul,  le  comte  François  de  Neufchâteau  ne  désar- 
mait pas  à  mon  égard  :  il  me  lit  tout  le  mal  possible;  heureuse- 
ment j'avais  pu  m'étayer.  Je  fmis  par  demander  mon  change- 
ment de  service  ;  mes  collègues  avaient  tous  suivi  m()nexem[)!e. 
Le  comte,  cependant,  ne  s'en  prit  qu'à  moi  ;  M.  Defermon  se 
sentant  un  peu  coupable,  puisfju'eu  fait  c'était  lui  qui  m'avait 
exposé  à  condamner  lea  actes  de  mon  chef  hiérarchique,  épousa 
ma  cause  avec  ardeur  et  la  lutte  se  Innita  entre  ces  deux  hauts 
personnages.  Cependant  je  ne  me  dissimulais  pas  le  danger  de 
la   situation  où,   moi,   petit  fonctionnaire,    j'étais    exposé  à 
payer  les  frais  de  la  guerre.  Le  1 5  janvier,  je  fus  relevé  de 
mon   service  à  radministrali(Mi  des  Droits-lléunis,  mais  je  ne 
reçus  aucune  autre  attribution.   On   me   parlait  d'un  conunis- 
sariat  général  de  police,  mot  qui  sonnait  mal  à  mes  oreilles, 
bien  que  ces  fonctions  aient  été  recherchées,  car  nous  y  vîmes 
bientôt  figurer  nos  collègues   de  Courlivron,   de  la   Châtre, 
Boula  du  Colombier,  Pavée  de  Vendeuvre,  Azeglio,  de  Melesse, 

2'J 


4LI0  CINQUANTE   ANS   DK   SOUVENIRS 

Lefranc  de  Pompiguan,  etc.  De  mon  côté,  je  songeai  à  une 
sous-préfeclure,  projet  que,  peu  de  mois  auparavant,  j'avais 
vivement  repoussé,  comme  devant  trop  tôt  m'éloiguer  de 
Paris.  Dans  mon  irrésolution  et  voulant  un  avis,  je  me  rendis, 
■  le  21  février,  au  bal  costumé,  donné  par  le  prince  vice-conné- 
table et  où  je  devais  rencontrer  le  duc  de  Reggio.  Je  le  trouvai 
eu  effet  en  domino  ;  il  m'accueillit  au  mieux,  m'engagea  à 
venir  le  voir;  je  ne  me  fis  pas  prier  et,  pendant  ce  mois,  je  me 
présentai  plusieurs  fois  chez  lui  ;  il  prit  chaudemant  ma  couse 
en  main  pour  me  faire  entrer  officiellement  au  service  ordi- 
naire de  la  section  des  finances,  but  de  toute  mon  ambition. 
M.  Defermon  insista  encore  plus  forlement,  allant  jusqu'à 
déclarer  que  ma  collaboration  lui  était  devenue  indispensable. 
Je  fus  primé  par  des  collègues  revenant  d'IUyrie  et  de  Croatie 
où  ils  avaient  exercé  les  fonctions  d'intendant.  Un  décret  du 
7  avril  m'attacha  à  la  Direclion  g-'énérale  de  la  comptabilité 
communale  au  ministère  de  l'Intérieur,  dont  le  titulaire  était 
le  baron  Quinette  de  Piochemont,  conseiller  d'Etat  et  ancien 
conventionnel  régicide,  homme  doux  cependant,  de  relations 
agréables  et  qui  m'accueillit  avec  beaucoup  de  bonne  grâce.  Il 
aimait  les  auditeurs  et  leur  donnait  des  places  sérieuses  ;  nous 
siégions  tous  au  conseil  d'administration  et  l'un  de  nous  était 
chaque  semaine  de  service,  ayant  la  direclion  des  affaires  et  la 
signature.  Je  n'en  continuai  pas  moins  à  travailler  à  la  section 
des  Finances  et,  vers  le  même  temps,  j'appris  qu'ayant  été 
porté  d'office  sur  une  hste  de  sous-préfets  de  chef-lieu,  le  duc 
de  Bassano,  ayant  vu  par  mes  notes  que  je  savais  la  langue 
allemande,  me  fit  réserver  pour  le  cas  où  l'on  aurait  besoin 
de  fonctionnaires  de  cet  ordre  à  envoyer  au-delà  du  Rhin.  Ma 
nouvelle  situation  élargit  le  cercle  de  mes  relations  ;  le  soir, 
j'allais  autant  que  possible  dans  le  monde  officiel  pour  les  en- 
tretenir; je  fréquentais  assiduementle  salon  du  comte  de  Mon- 
lalivet,  ministre  de  l'Intérieur,  c(  qui  commença  à  mettre  mon 
nom  sur  ma  figure,  écrivais-je  à  mon  père,  et  c'est  plus  qu'on 
ne  pense.  »  Au  mois  d'août  même,  étant  allé  le  trouver  un 
matin,  le  ministre  m'accueillit  avec  une  plus  grande  affabilité 
et  me  garda  pour  déjeùaer  ;  il  me  félicita  sur  ma  connaissance 
de  l'allemand  et  sa  conversation,  sans  qu'il  m'eût  cependant 
fait  d'ouverture  positive,  me  donna  d'autant  plus  la  pensée 
d'entrer  dans  la  carrière  administrative,  que  je  voyais  l'encom- 
brement du  Conseil  d'Etat  et  que  je  venais  d'avoir  encore  une 
fois  à  décliner  une  place  de  commissaire  extraordinaire  de 
poUcej  je  redoutais  sérieusement  d'y  être  nommé,  un  jour,  d'of- 


d'un  ancien  prlcfet  4o1 

lice.  A.  ce  moment  ou  sougeait  au  miaislère  à  organiser  com- 
plètemenl  le  service  préfecloral  eu  Alleniague  en  y  casant  les 
audileurs  au  courauL  de  la  langue  ;  tous  mes  prolecLeurs  me 
poussèrent  unanimement  à  tenter  la  fortune  de  ce  côté.  Le 
baron  Ouinette  remit  lui-mèm«  au  ministre  la  lettre  où  mou 
père  demandait  la  sous-préfecture  de  Lubeck  pour  moi  et 
m'appuya  d'une  façon  qui  lui  assura  de  ma  part  un  attache- 
ment respectueux  et  ma  vive  reconnaissance.  Je  devais  plus 
tf\rd  le  rencontrer  après  les  Cent-Jours,  alors  qu'il  était  menacé 
à  cause  de  son  malheureux  vote,  et  je  ne  manquais  pas  de  lui 
témoigner  la  constance  de  mes  sentiments;  je  dirais  seulement 
la  douloureuse  émotion  que  je  ressentis,  quand,  en  parlant  du 
passé,  cet  homme  si  bienveillant  me  donna  l'assurance,  avec  une 
rare  fermeté  d'expression,  qu'il  ne  regrettait  rien  de  ce  qu'il 
avait  fait  '. 


Paris,  27  avril  1811. 

Paris,  toujours  le  mémo,  ne  m'a  point  l'air,  la  classe  ancienne 
surtout,  (le  se  souvenir  de  la  Révolution,  et  la  nouvelle  ne  semble  pas 
assoz  y  réfléchir.  Rien  n'est  fixe  dans  cette  ville,  on  parle  un  jour 
d'un  grand  événement,  et  on  passe  légèrement,  le  lendemain,  avec 
la  même  facilité  à  un  autre. 

C'est  l'ancien  Paris,  mon  cher  Coursillon,  à  l'e-xception  de  la  dépense 
qui  est  plus  modérée,  et  qui,  dans  son  économie,  fondée  peut-être  sur 
quelque  crainte  ou  sur  une  certaine  inaptitude,  ne  se  monte  pas  à 
hauteur  de  son  revenu:  économiser  est  sagesse,  mais  thésauriser  est 
de  trop,  il  faut  que  chacun  vive. 

L'argent  est  rare,  c'est'à-dire  qu'il  est  resserré  dans  les  bourses  ou 
dans  les  caisses  ;  le  commerce,  dit-on,  est  nul  et  les  faillites  sont 
fréquentes.  Chacun  dans  son  inlérèt  particulier  ou  dans  son  opinion, 
parle  diversement  des  causes,  et  ce  que  l'un  attribue  aux  lois  prohibi- 
tives, l'autre  n'en  aperçoit  la  source  et  le  résultat  que  dans  celte  fré- 
nésie des  s[)éculations  pour  s'enrichir  plus  proinptemcnt  ;  on  expose 
non-seulement  sa  propre  fortune,  mais  bien  encore  la  fortune  d'autrui. 
Je  ne  sais,  mais  quand  on  est  sage,  on  no  risijue  pas  son  bien,  son 
crédit,  sa  réputation  sur  un  seul  coup  de  dez  et  la  raison  doit  l'em- 
porter sur  le  désir  immodéré  de  jouissance. 


1.  Je  crois  inlércssant  iln  piihlirr  cotte  lettre  dcritepar  M.  d'iliistclà  mon 
oncle  de  Coursillon,  parce  qu'elle  trace  un  croquis  curieux  de  Paris  en  1811  et 
raconte,  sous  une  forme  piquante,  un  fait  inédit,  croyons-nous,  de  la  vie  du 
cardinal  Maurv. 


4b^  CINQUANTE   ANS    DE   SOUVENIRS 

Nos  airaires  et  nos  clifTérents  avec  Sa  Saintolô  nu  s'arraiignril  jias,  et 
trapros  le  caractère  connu  de  l'Empereur,  il  n'est  pas  à  présumer  qu'il 
rétrograde.  On  ne  parle  plus  autant  néanmoins  d'un  concile  national; 
et  malgré  qu'il  ait  été  résolu,  on  est  tenté  de  croire  que  sa  convocation 
est  au  moins  ajournée.  On  est  généralement,  et  même  individuellement, 
bien  dans  les  Eglises,  et  cependant  la  religion,  son  esprit,  sa  morale 
no  font  pus  de  progrès.  La  classe  élevée  ne  prêche  pas  d'exemple  et 
l'observateur  aurait  peut-être  autant  à  se  plaindre  de  l'indlirérence  des 
hommes  faits  que  de  la  fougue  discoureuse  de  la  jeunesse.  Espérons 
que  les  choses  pourront  se  remettre  et  que  l'esprit  d'innovation  no 
prévaudra  pas  sur  les  vérités  saintes  qu'on  enseigne. 

L'abbé  d'Astros  doit,  ainsi  que  d'autres  ecclésistiques  d'un  rang  plus 
élevé,  avoir  été  remis  en  liberté.  Ce  n'est  point  pour  un  libelle  contre 
l'Empereur  qu'il  a  été  enfermé,  mais  bien  pour  avoir  introduit  en 
France  la  bulle  du  Pape  au  chapitre  de  Florence. 

On  a  beaucoup  parlé  pendant  quelques  jours  du  scandale  qui  a  eu 
lieu  à  Notre-Dame  le  jour  du  Vendredi-saint.  Imaginez  que  le  cardinal 
Maury  a  voulu,  et  l'on  ne  sait  pourquoi  ou  à  la  demande  de  qui,  lui 
qui  n'a  pas  parlé  depuis  longtemps  en  public,  prêcher  la  passion  de 
Notre-Seigneur  J.-C.  L'heure  indiquée  était  huit  heures  du  matin  ;  le 
temple  était  plein  comme  un  œuf,  et  Monseigneur,  ajirès  s'être  fait 
d'abord  attendre  trois  quarts  d'heure,  est  enfin  sorti  de  la  sacristie 
avec  toute  la  pompe  attachée  à  Son  rang,  et  précédé  de  la  croix  et  des 
acolytes  qui,  dans  les  grandes  cérémonies,  forment  le  cortège.  Mais 
plusieurs  femmes  marquantes  qui  étaient  venues  trop  tard  et  qui  ne 
trouvaient  point  de  place,  s'étaient  retirées  dans  la  sacristie,  et  quand 
il  la  quitta,  se  mirent  à  sa  suite,  ainsi  qu'il  le  leur  avait  dit,  pour  pas- 
ser plus  aisément  la  foule  et  trouver  à  se  placer.  Mais  encore  une  fois 
qu'arriva "t-il  ?  C'est  que  Mme  la  princesse  de  Schwarzemberg,  femme  de 
l'ambassadeur  d'Autriche,  suivit  le  cardinal  jusque  dans  la  chaire,  se 
trouva  placée  derrière  lui,  entre  le  porte-croix,  celui  qui  tenait  le 
cahier  et  ceux  qui  portaient  la  crosse  et  la  mitre.  Vous  concevez  que 
le  bruit  qui  était  déjà  très  grand,  ne  fit  qu'augmenter,  les  propos  s'en 
mêlèrent  ;  l'un  disait  :  c'est  sa  nièce  ;  non,  répétait  un  autre,  c'est  sa 
femme  ;  vous  n'y  êtes  point,  criait  un  troisième,  c'est  sa  maîtresse 
(vous  noterez  que  la  princesse  n'était  pas  connue)  ,  et  ainsi  de 
suite  pendant  quelques  minutes.  L'indécence  était  à  son  comble  , 
lorsque  le  cardinal,  les  lunettes  sur  le  nez,  commença  son  discours  au 
milieu  du  bruit,  du  murmure,  prononça  son  exorde,  et  son  premier 
point,  partie  de  mémoire,  partie  d'improvisation  et  une  autre  partie 
en  lisant.  Le  brouhaha,  pendant  le  débit  qui  dura  une  heure  50  mi- 
nutes, ne  s'était  pas  totalement  appaisé,  et  ce  que  tout  le  monde  put 
entendre,  c'est  qu'il  annonça  que  l'année  prochaine  il  donnerait  le  se- 
cond et  le  troisième  point. 

Son  sermon,  sermon  fait  depuis  bien  des  années,  n'est  pas,  dit-on, 
une  pièce  bien  éloquente  :  la  figure,  le  ton,  le  geste  n'appuyaient 
pas   les  paroles  ;  le  son  de  la  voix  se  ressentait  de  l'elfet  des  lunettes, 


d'un  ancien  préfet  453 

et  los  répélilions  qui  annoncent  toujours  l'fîm barras  ou  le  défaut  de 
mémoire,  étaient  fatigantes.  En  résultat,  tout  cola  a  mal  fait.  S.  Em. 
n'avait  pas  besoin  de  cet  événement  pour  se  déconsidérer  un  peu  plus 
(car  on  n'excuse  pas  son  changement  de  conduite  polilique),  et  se 
rendant  pleine  justice,  en  réfléchissant  mieux  à  ce  qu'elle  allait  faire, 
il  aurait  dû  laisser  à  d'autres  le  soin  de  parler  des  soulTranccs  et  de  la 
mort  du  Sauveur. 

Encore  un  mot,  et  c'est  celui  d'une  femme  d'esprit,  entendant  tout 
ce  que  l'on  se  permettait  sur  le  compte  des  dames  qui  s'étaient  mises 
à  la  suite  du  cardinal,  dit  :  «  L'on  se  trompe  du  tout  au  tout  et  l'on  ne 
veut  pas  voir  que  ce  sont  les  saintes  femmes  !  » 

{A  suivre). 


NOTICE  HISTORIQUE 

SUR 


LA.    MAISON  DE   GRÂNDPRÉ 


— C=:Q=aS3-0=-&— 


GUILLAUME 

Seigneur  de  Hans,    comte  de  Dampierre. 

1569,  décembre.  Hommage  par  Guillaume  de  Graudpré  par 
Hauzy,  Melzicourt,  Saint- Jean-sur-Tourbe,  Laval,  Warge- 
moulin,  Maignieux,  Mafîrécourt  et  Valmy  (Arch.  Nat.  P.  P. 
13,f°91.) 

1520,  13  déc.  Aveu  du  même  (Archives  Nat.  S  914, 
liasse  IG.) 

1521,  15  déc.  Guillaume  de  Grandpré,  seigneur  de  Hans, 
reprend  du  roi  François  P''  les  fiefs  d'Aizillières  et  de  Dam- 
pierre-le-Ghâteou  (Bibl.  Nat.  Fr.  20699  ;  Archives  de  la 
Marne  ;  f.  d'Arzillières. 

1523,  9  juin.  Les  religieuses  de  Saint-Paul  de  Reims  ont 
20  seliers  de  grain  de  rente  par  donation  de  Henri  de  la 
Grange  et  Guillemette  sa  femme,  en  1346  sur  la  seigneurie  de 
Maronvilliers,  appartenant  à  M.  de  Hans. 

Guillaume  mourut  sans  alliance  vers  1586,  date  à  laquelle 
son  beau-frère,  Henri  de  Linauge,  rachetait  la  baronnie  d'Ar- 
zillières. 


BRANCHE   DE    CHATEAU-PORCIEN 

Avant  de  commencer  à  établir  la  suite  des  seigneurs  de 
Ghâleau-Porcien,  issus  de  la  maison  de  Grandpré,  je  dois  con- 
sacrer quelques  lignes  à  mettre  mes  lecteurs  au  fait  de  ce  que 
fut  le  Porcien,  dont  ce  fief  était  un  démembrement  ;  de  ce  que 
l'on  sait,  au  moment  oii  j'écris,  des  anciens  comtes  de  Porcien; 
enfin  des  circonstances  qui  amenèrent  le  démembrement  dont 
profita  la  maison  de  Grandpré. 

*  Voir  page  33,  loiue  XIV,  de  la  licvuc  de  Champagne  cl  de  Bric. 


NOTICE   HISTORIQUE  4S5 

Le  comté  carolingien  du  Porcien,  connu  par  les  textes  depuis 
832,  époque  à  laquelle  il  fut  attribué  par  l'empereur  Louis  I*"" 
à  son  fils  Charles  \  a  été  l'objet  d'une  étude  particulière  dans 
laquelle  M.  Longnon  a  établi  que  les  anciens  doyennés  de 
Saiut-GermainmonljleChâtelet,  Justine,  Launay  et  Rumigny 
représentaient  assez  exactement  sa  circonscription  primitive  '  ; 
il  pense,  en  outre,  que  son  chef-lieu  était  Châleau-Porcien  et 
que  ce  nom  de  lieu  pouvait  venir  du  pont  voisin,  sur  l'Aisne, 
où  la  voie  romaine  traversait  cette  rivière. 

Le  premier  comte  de  Porcien  ^  que  nous  connaissions 
paraît  un  siècle  après  le  partage  de  832  ;  il  se  nommait 
Bernard  et  fondait,  en  933,  une  forteresse  à  Arches,  sur  des 
terres  appartenant  à  l'évôché  de  Liège  \  L'évêquc  fit  démolir 
ce  château  qui  parait  avoir  été  édifié  sur  la  Meuse  pour  pro- 
léger le  Porcien  contre  le  Castrice.  A  la  môme  époque,  sur  la 
frontière  du  Porcien,  du  Castrice  et  du  Mousonuais,  s'élevait 
k  forteresse  d'Omont  dont  le  nom  reviendra  à  plusieurs  re- 
prises dans  le  courant  de  cette  étude.  Deux  ans  auparavant  le 
roi  Raoul  avait  donné  l'archevêché  de  Reims  à  Artaud,  moine 
de  Saiut-Remy,  neveu  du  comte  de  Porcien,  au  préjudice  de 
Hugues  de  Vermandois.  Ce  choix  eut  pour  résultat  de  placer 
le  comte  de  Porcien  au  premier  rang  dans  la  lutte  du  comte 
de  Vermandois  contre  les  rois  Raoul  et  Louis  d'Outremer. 

En  741,  Herbert,  aidé  du  duc  de  France  alors  brouillé  avec 
le  roi,  s'empare  de  Reiras,  force  Artaud  à  se  démettre  et  à  se 
retirer  dans  l'abbaye  de  Sainl-Basle  ;  à  cette  nouvelle,  Louis 
d'Outremer  quitte  la  Bourgogne  et  arrive  eu  Porcien  •  où  il  est 
rejoint  par  le  prélat  évincé,  accompagné  de  tous  ses  proches 
que  le  comte  de  Vermandois  avait  dépouillés  de  leurs  bénéfi- 
ces". Hugues  et  Herbert  assiégeaient  alors  Ham  ;  l'approche 


1.  D.  Bouquet,  VI,  414. 

2.  Bibliothèque  (la  VEcula  des  Hautes  Eludes,  XI»  fascicule. 

3.  Flodoard  le  désigne  simplement  sous  le  titre  de  comte  ;  Aubry  do  Trois- 
Fontaines  TappcUe  comte  de  Ketiiel  purtequc,  lorsqu'il  rédigeait  sachroui- 
que,  les  anciens  comtes  de  Porcien  étaient  remplacés  par  les  comtes  de 
licthel. 

4.  Flodoard,  Chron.  :  Richarius,  cpiscopus  Tungrcnsis,  quoddam  castcl- 
lum  Bernardi  comitis,  quod  ipse  Bcniardus  apud  Arclioias,  in  pago  Porciuce 
construxeral,  cvertil,  eo  quod  suce  in  ecclesias  terra  silum  est. 

0.  Flodoard,  llisl.;  D.  Bouquet,  VIII,  M)!. 

G.  Afin  de  suivre  le  résumé  quo  nous  faifons,  nous  croyons  utile  de  don- 
ner, d'après  les  textes,  un  tableau  de  la  famille  d'Artaud  : 


456  NOÏICK    HISTORIQUE 

du  roi  leur  fuil  lever  le  siège  de  cette  place  ;  ils  accourent, 
surprennent  l'arniée  royale  et  la  dispersent.  Le  roi  Louis  s'é- 
chappa à  grand  peine,  suivi  de  quelques-uns  des  siens,  parmi 
lesquels  Flodoard  cite  Artaud  et  Roger,  comte  de  Laou  ;  Riclier 
ajoute  qu'ils  trouvèrent  un  asile  à  Omont. 

Cependant  Artaud  fait  sa  soumission  au  comte  de  Verman- 
dois  et  revient  à  l'abbaye  de  Saint-Basle  qui  lui  est  rendue  ; 
mais  au  bout  de  deux  ans  il  la  quitte  de  nouveau  pour  rejoin- 
dre le  roi  qui  lui  promet  sa  réintégration.  Accompagné  de 
ses  frères,  bannis  du  Rémois,  il  s'établit  à  Omont'.  Louis 
d'Outremer  revient  et  assiège  Mouzou  dont  il  ne  peut  qu'in- 
cendier les  faubourgs.  La  mort  d'Herbert,  en  943,  suspend 
un  instant  les  hostilités  ;  Hugues  de  France  ménage  un  ac- 
commodemeût.  Le  roi  consent  à  recevoir  l'hommage  des  fils 
d'Herbert  aux  conditions  suivantes  :  les  abbayes  d'Avenay  et 
de  Saint-Basle  seront  restituées  à  Artaui  que  l'on  tâchera  de 
pourvoir  d'un  autre  siège  épiscopal  ;  on  rendra  à  ses  frères  et  à 
ses  parents  les  honneurs  dont  ils  ont  été  dépouillés. 

La  guerre  continue  néanmoins  dans  le  Rémois  ;  l'archevêque 
Hugues  vient  assiéger  Doon,  frère  d'Artaud,  dans  son  château 
d'Omont  et  ne  se  retire  qu'en  emmenant  en  otage  le  jeune  fils 
de  celui-ci  ' . 

Eu  945,  le  roi  tenta  un  nouvel  effort  pour  chasser  l'archevê- 
que Hugues   de  Vermandois   et  réintégrer  Artaud.  Accora- 


Bernard 
comte  de  Porcicn. 


Artaud  Doon  Thierry 

archevêque  de  Reims, 


Manassès. 
Il  se  pourrait  que  Robert  et  Raoul,  frères,  bannis  de  Reims,  qui   tenaient 
Ambly  en  943,  fussent  aussi  de  la  parenté  de  rarchevôquc. 

1.  Flodoard,  Uist.  :  Anno  quoque  post  istum,  Artaldus  cpiscopus, 
relicto  cœnobio  Sancti  Basoli,  ad  regcm  profeclus  est.  At  ille  promittit  ei 
se  rcddilurum  Remensem  episcopalum.  Quiassumlis  secum  frntribus  suis  et 
aliis  quibusdam,  qui  abjecti  lucrant  ab  cpiscopatu  Remensi,  Altimontem 
castrum  occupât. 

2.  D.  Bouquet,  VIII,  p.  108.  —Je  n'ose  affirmer  que  ce  fds,  alors  jeune, 
ait  été  Manassès,  neveu  d'Artaud,  que  nous  trouvons,  on  1)60,  mai  tre  de  ia 
forteresse  d'Omont,  où  il  aurait  succédé  à  son  pèie  ;  cette  supposition  n'a, 
cependant,  rien  d'invraisemblable. 


SUR   LA   MAISON   DE  ORANDPRÉ  4b7 

pagné  de  coliii-ci,  do  Bernard  de  Porcieii  et  de  Thierry  son 
neveu,  bannis  du  Rémois,  il  mit  le  siège  devant  Ueims  ;  Hu- 
gues le  Grand  intervint  encore  pour  faire  un  accommodement 
et  Louis  IV,  après  quinze  jours  d'investissement,  se  retira 
pour  aller  tenter  une  expédition  malheureuse  en  Normandie. 
Délivre  de  ce  danger,  l'archevêque  Hugues  de  Vermaudois 
voulut  se  venger  de  ses  ennemis  et  alla  assiéger  Omont,  oii  se 
tenait  Doou,  frère  d'Artaud.  Doon,  après  sept  semaines  de 
siège,  rendit  la  place,  à  la  condition  que  l'archevêque  resti- 
tuerait à  son  /Ils  et  aux  fils  de  son  frère  leurs  biens  hérédi- 
taires ^ . 

L'année  suivante,  Louis  IV,  allié  au  roi  de  Germanie  et  au 
comte  de  Flandre,  recommençait  la  lutte  contre  Hugues  le 
Grand  et  le  duc  de  Normandie.  Les  confédérés  se  réunissent 
d'abord  à  Laon,  puis  vont  s'emparer  de  Reims  d'où  ils  chas- 
sent l'archevêque  Hugues  de  Vermandois  pour  y  réinstaller 
enfin  Artaud  qui  ne  quitta  plus  sou  siège  jusqu'à  sa  mort,  ar- 
rivée en  961  '. 

Le  rétablissement  d'Arlaud  sur  le  siège  archiépiscopal 
amena  une  réaction  dans  le  diocèse  de  Reims  ;  les  lannis,  dé- 
pouillés et  persécutés  depuis  cinq  années,  prennent  leur  revan- 
che. En  947,  Renaud,  comte  de  Roucy,  et  Doon,  allaient  ré- 
duire Hervée,  neveu  de  l'ancien  archevêque  de  ce  nom,  qui, 
retranché  dans  un  château,  sur  les  bords  de  la  Marne,  pillait  et 
ravageait  les  terres  de  l'évêché^  —  Deux  ans  après,  le  châ- 
teau d'Omont  tombait  par  surprise  au  pouvoir  de  chevaliers  du 
Rémois  qui  n'étaient  pas  rentrés  en  grâce  auprès  d'Artaud; 
ils  y  appelèrent  Hugues  de  Vermandois,  alors  excommunié,  et 
pillèrent  le  Porcien  ;  Doon  accourt  avec  les  partisans  d'Artaud 
et  le  comte  Thierry  *,  son  frère  ;  il  reprend  la  place  après  trois 
jours  de  siège.  —  En  960  nous  voyons  encore  Omont  sur  le 
point  d'être  envahi  par  des  partisans  de  l'ancien  archevêque;  les 
traîtres  furent  saisis  ou  pendus,  cette  fois  par  ordre  de  Ma- 
nasses  neveu  d'Arlaud''. 

\ .  D.  Bouquet.  VII,  198  :  Rex  Ludovicus,  collecto  secum  Nordmannorum 
exercitu,  Veromandinsem  pagum  dcpraedatur  :  assuinptocjue  cum  illis  Hor- 
luino  cum  parte  mililum  Aruulfi,  sed  et  Artuldo  episcopo  cum  his, 
qui  dudum  Remis  ejecti  fucrant,  comitibusquc  Bernardo  et  Tlioodorico  no- 
pote  ipsius,  Remorum  obsidit  urbem. 

2.  D.  Bouquet,  ièiVi..  p.  200. 

3.  D.  Bouquet,  ibi<l.,\^.  201. 

4.  Ibid,.  p.  im. 

5.  Ibkl.,  p.  200. 


4o8  NOTICE   HISTOKIQUE 

Est- ce  ce  Manassès  qui  figure  en  974  avec  le  titre  de  comte 
parmi  les  témoins  de  la  confirmation  des  biens  de  l'abbaye  de 
.Saint-Thierry  de  Reims  par  le  roi  Lothaire  '  ?  Il  est  permis  de 
le  penser.  Est-ce  de  lui,  ou  de  Thierry  sou  oncle,  que  descend 
Renaud  que  nous  trouvons  comte  de  Porcien  en  1045  ;  ce  fait 
n'est  pas  encore  éclairci  ;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  Renaud 
eut  pour  successeur  Roger,  comte  de  Porcien.  Ici,  nous  de- 
vons nous  arrêter  un  instant,  parce  que  nous  arrivons  au  dé- 
membrement de  Porcien  et  à  la  branche  des  Grandpré  qui  nous 
intéresse. 

Nous  avons  vu  plus  haut,  que  Alix,  femme  de  Renaud, 
comte  de  Porcien,  épousa  en  secondes  noces  Hesselin  II, 
comte  de  Grandpré  ;  Roger,  né  de  son  premier  mariage,  était 
donc  frère  utérin  du  comte  Hesselin  III  ;  il  se  croisa  en  109G. 
Nous  savons,  sans  que  nous  en  connaissions  les  motifs,  que 
Roger  fut  déchu  de  son  fief  et  que,  dans  sa  détresse,  il  vendit 
ses  droits  à  Geoffroy,  son  gendre,  comte  de  Namur,  époux  de 
sa  fille  unique.  Sybille  "  ;  celle-ci  ayant  été  enlevée  par  An- 
guerau,  comte  de  Soissons,  les  deux  rivaux  se  firent  une 
guerre  acharnée  ;  Sybille,  néanmoins,  resta  avec  son  ravisseur 
et  l'évèque  de  Laon  eut  la  faiblesse  de  reconnaître  cette  union 
illicite.  Je  suis  très  porté  à  penser  que,  dans  ces  circonstan- 
ces, le  comté  de  Porcien  fut  démembré;  dans  l'acte  que  je 
viens  de  rappeler,  nous  voyons  paraître  pour  la  première  fois 
un  comte  de  Ghàteau-Porcien  et  un  comte  de  Rethel;  il  y 
aura  lieu,  un  jour,  d'étudier  les  liens  qui  peuvent  unir  Hugues 
de  Rethel  et  Manassès,  son  père,  au  comte  Manassès  que  nous 
avons  vu  posséder  Omont  en  9G0.  C'est  peut-être  ainsi  que 
l'on  arrivera  à  déterminer  la  véritable  origine  des  comtes  de 
RetheP. 

Après  Sybille,  Châleau-Porcien  revint  à  Henri  I,  comte  de 
Grandpré,  son  cousin  germain  ;  Chaumont-Porcien  fut  la  part 
attribuée  à  Elisabeth,  fille  de  Sybille,  qui  épousa  en  premières 
noces  Gervais,  comte  de  Rethel,  mort  en  1124,  et  ensuite  Glé- 
rembaud,  seigneur  de  Rozoy. 


1.  Ibid.,  l.  IX,  C35. 

2.  Geoliroy  de  Namur  parait  comme  comte  de  Château- Porcien  en  1097 
dans  une  donation  faite  à  l'abbaye  de  Sauve-Majeure,  par  Hugues,  comte 
de  liethel    (Carlul.  du  prieuré  de  Novi). 

3.  Laurent  de  Liège  et  Aubri  de  Trois-Fonlaines,  parlent  de  la  campa- 
gne faite  par  Thierry,  évêque  de  Verdun,  contre  Manassès,  <>  comitem  de 
Castro  Rctexlo,  *  à  la  suite  de  laquelle  le  prélat  s'empara  de  Saintc-Me- 
nehould  et  de  Sienne.  (D.  Bouquet  XI,  251  à  361). 


SUE   LA   MAISON   DE   GRANDPRÉ  439 

GEOFFROI  P"-  DE  GRÂNDPRÉ 

Seigneur  de  Château-Porcien. 

Eu  présentant  ce  personnage  comme  piiïné  de  la  maison  de 
Grandpré,  je  m'écarte  complètement  des  conjectures  faites 
par  mes  devanciers  pour  proposer  un  fait  établi  par  des  textes 
et  des  blasons.  On  croyait  que  Geoffroi,  seigneur  de  Ghâteau- 
Porcien.  était  fils  de  Gérard,  puiné  de  Guermond  II  de  Ghà- 
tillon,  seigneur  de  Savigny  ;  or  nous  verrons,  dans  un  moment, 
que  son  fils  et  ses  descendants  portaient  les  armes,  brisées, 
de  Grandpré. 

Geoffroi  I''"",  deuxième  fils  de  Henri  V\  comte  de  Grandpré, 
et  de  Alix  de  Joinviile,  eut  d'abord  la  seigneurie  de  Balhan  ; 
en  1176,  il  donnait  à  l'abbaye  Saint-Pierre-des-Dames  tout 
ce  qui  lui  appartenait  à  Aire,  ainsi  que  la  chapelle  du  château 
de  Balhan  ^  ;  mais  auparavant,  en  1158,  dans  la  charte  par 
laquelle  .Samson,  archevêque  de  Reims,  rappelait  la  fondation 
de  l'abbaye  de  Signy  et  les  aumônes  faites  à  ce  monastère  par 
Henri  P""  de  Grandpré,  Geoffroi  figurait  déjà  sous  la  désignation 
de  «  Gaufridus  filius  Henrici  comitis.  »  Dix  ans  plus  tard,  dans 
une  bulle  d'Alexandre  III  enjoignant  à  l'archevêque  de  faire 
cesser  les  entreprises  de  certains  seigneurs  au  préjudice  du 
prieuré  de  Novi,  on  remarque  parmi  ceux-ci  Geoffi'oi  de  Châ- 
teau-Porcieri' .  Ou  est  donc  autorisé  à  penser  que  Geoffroi, 
après  la  mort  de  f^ou  père  Henri  P'',  hérita  de  ce  fief  dont  il 
porta  alors  le  nom. 

1170.  Devant  le  chapitre  de  Reims,  Geoffroi  renonce  à  tou- 
tes les  prétentions  élevées  par  lui  au  préjudice  de  l'abbaye  de 
Signy,  au  sujet  de  donations  faites  par  son  père  ;  il  accorde  à 
l'abbaye  la  liberté  d'acquérir  des  biens  sur  ses  fiefs.  Get  acte 
fut  confirmé  en  1 188  par  le  comte  de  Champagne  (Cartul.  de 
Signy). 

1178.  II  est  à  Ghâteau-ïhierry,  avec  son  frère  aîné,  et  figure 
dans  une  charte  accordée  à  Prémoutré  par  le  comte  de  Cham- 
pagne. H  prend  la  croix  avec  eux  et  est  désigné  sous  le  nom  de 
Walfardde  Balhan  {Auhri  de  l'rois-Fonlaiiies  ; — //.  d'Arbois 
de  Juhainville,  t.  III,  i71). 


1.  Arcb.  delà  Marno,  fond  de  Saiut-rierr.i,  G.  2. 

2.  D.  Marleiiue,  Ampliss.  Coll.,  t.  II,  770. 


460  NOTICE   HISTORIQUE 

1184,  1*'' juiu.  GeofFroi  du  Châtel.  d'accord  avec  sou  frère 
aîné  et  ses  autres  frères, ainsi  que  sa  femme  Béalrix, approuve 
un  accord  passé  entre  les  abbayes  de  Mouzon  et  de  La  Vah-oy 
au  sujet  de  Tin,  et  reçoit,  en  retour,  de  Tin,  10  livres  rémoises, 
el  de  La  Valroy  un  palefroi  valant  60  sous  (Cart.  de  La  Val- 
roy,  f°51). 

1 187.  Geoffroi  de  Balhan  fait  connaître  un  accord  conclu  entre 
son  frère  Henri  et  l'abbaye  de  Vaucler  au  sujet  du  quart  de 
Vallis  villa,  jadis  aumône  par  Gervais  de  Roucy,  ayeu!  de 
Geoffroi  ;  on  mentionne  dans  cet  acte  le  consentement  d'Alix, 
mère  de  Geoffroi,  et  des  frères  de  celui-ci  (Cartul.  de  Vaucler, 
f^  86). 

Je  n'ai  pas  pu  retrouver  la  date  exacte  de  la  mort  de  Geof- 
froi I  de  Château-Porcien  ;  il  était  certainement  décédé  avant 
l'année  1 196.  Je  n'ai  pu  non  plus  établir  la  liste  des  enfants 
qu'il  eut  de  Béatrix  du  Thoiir  ;  il  en  eut  plusieurs,  ainsi  que 
l'établit  un  acte  de  1208  de  son  pelit-fils  dans  lequel  nous 
lisons  ;  «  Pater  meus  etiam,  Gaufridus  junior,  assensu  fra- 
trum  suorum,  et  assensu  fratris  sui  Nicholai  de  Seon.  »  (Car- 
tul. de  Signy,  f'^  48).  La  manière  dont  il  est  parlé  de  Nicolas 
de  Son,  semble  indiquer  qu'il  ne  devait  être  que  frère  utérin 
de  Geoffroi  IL 

[A  suivre).  Anatole  de  Barthélémy. 


LA  VIE 

DU  MlUÉCHiVL  DE  SCHULKMBEUU 

Comto  du  Montdejeu,  Chevalier  des  Ordres  du  Roy, 

Ancien  Gouverneur  de  la  ville  et  cité  d'Arras,  Grand  Bailly  d'Artois, 

Gouverneur  du  Berry,  Capitaine  du  Château  de  Madrid 

et  de  la  Varrane  du  Louvre,  etc. 


Ou  uc  me  sçaura  peut-èlre  pas  mauvais  gré  d'une 
autre  digression  à  laquelle  le  premier  siège  de  Monlauban 
donna  occasion  et  qui  a  été  le  sujet  de  plusieurs  conversations 
du  comte  de  Montdejeu  et  de  la  plupart  des  officiers  de  son 
temps  en  matière  de  religion.  Il  arriva  durant  ce  siège  que 
deux  jeunes  gascons  protestants  s'élanl  jettes  sur  la  place  y 
publièrent  comme  un  miracle  que  depuis  peu  un  messager, 
que  Madame  de  la  Force  envoioit  au  marquis  son  époux,  avoit 
été  surpris  par  les  troupes  du  lioi  et  condamné  aussitôt  à  être 
pendu,  et  qu'alors  un  aumosnier  d'armée,  qu'on  croioit  être  un 
prêtre  de  la  société,  étant  venu  l'exhorter  à  abjurer  f^es  erreurs 
et  à  invoquer  la  SieV^ierge,  l'assura  que  celle  invocation  auroit 
la  vertu  de  briser  les  cordes  du  bourreau  et  de  le  sauver  de  la 
mort.  Ce  messager  ne  tut  pas  obstiné.  L'amour  de  la  vie  lui 
fit  faire  essai  de  la  vertu  du  vœu  qu'on  lui  inspiroit,  et  il  lit 
en  un  mol  loul  ce  qu'on  voulut  et  il  arriva  à  la  vue  de  tout  le 
monde  que  le  bourreau  rompit  trois  cordeaux  en  ratlachanl  à 
la  potence  sans  offenser  ce  dévot  patient,  qui  fit  ainsi  trois  sauts 
inimitables  tombant  toujours  sur  ses  pieds  d'une  manière  qui 
])arul  si  merveilleuse  que  les  assislans  demandèrent  aussitôt 
grâce  pour  lui  à  haute  voix,  tandis  que  l'aumônier  crioil  de 
toutes  SCS  forces,  miracle,  miracle.  Ce  récil  auroil  peut-èlre 
touché  des  gens  i)lus  crédules  que  ceux  à  qui  ces  Gascons 
l'adressèrent.  On  leur  demanda  d'abord  s'ils  étoient  assurés 
que  les  cordes  si  facilement  bri.sécs  fussenl  aussi  entières  el 
aussi  bien  filées  que  le  sont  celles  dont  on  se  .sert  en  ces  sor- 
tes d'exécutions.  Les  Gascons   répondirent  ({u'on  lej,  sçavoi 

'   Voir  piigc  ICI,  lomo  XV,  de  \o  lievuc  de  ('lidnipaipic  cl  de  lirie. 


4G2  LA.   VIE    DU    MARÉCHAL    DE    SCIIULEMBERG 

être  proleslans  el  qu'ainsi  on  n'auroit  pas  dû  leur  faire  confi- 
dence du  myslère  s'il  eu  avoit  eu  sur  ce  fait.  Ou  a  oïii  dire 
plusieurs  fois  au  Comte  de  Montdejeu,  fort  à  propos  sur  ce 
sujet,  que  s'il  en  avoit  été  crû,  les  auteurs  de  ce  faux  miracle 
auroient  été  mis  à  la  place  destinée  càcet  heureux  patient,  qu'il 
u'étoit  point  nécessaire  de  faire  servir  de  la  sorte  l'industrie 
et  la  ruse  à  accréditer  une  dévotion  aussi  respectable  que  l'est 
le  culte  que  l'Eglise  rend,  comme  elle  l'a  rendu  de  tout  temps 
à  une  vierge  mère  d'un  homme  Dieu  sauveur  du  monde  ;  que 
la  vérité  n'avoit  que  faire  des  adresses  d'un  zèle  imposteur. 
Ces  sentiments  font  trop  d'honneur  à  la  solide  piété  du  comte 
de  Montdejeu  pour  les  passer  sous  silence,  quelques  peines 
que  ce  trait  d'histoire  fasse  peut-être  à  la  délicatesse  outrée 
des  partisans  de  miracles,  il  est  constant  que  celui  dont  il 
s'agit  ici  n'eut  aucun  effet,  et  que  le  siège  de  Montaubau  fut 
levé.  Il  ne  faut  pas  oublier  ici  que  le  Roi  Louis  le  Juste  aiant 
été  témoin  d'une  partie  des  belles  actions  de  ce  comte  devant 
St  Jean  d'Augely,  lui  avoit  donné  une  compagnie  dans  le  ré- 
giment de  VaudemonL  et  que  le  commandant  aiant  été  tué 
dans  Montauhan,  il  en  eut  le  commandement  comme  s'y  trou- 
vant le  plus  vieil  officier  aussi  bien  que  le  plus  distingué.  11 
servit  et  contribua  en  cette  qualité  au  siège  et  à  la  prise  de 
Monheur  sur  la  Garonne  aussitôt  après  la  levée  du  siège  de 
Montaubau.  Du  jour  qu'il  se  vit  à  la  tète  d'un  régiment,  il  se 
sentit  une  nouvelle  ardeur  dont  tout  le  monde  s'appercevoit, 
et  qui  lui  fit  oublier  et  compter  pour  rien  tout  ce  qu'il  avoit 
fait  jusque  là.  Il  est  temps  de  commencer  par  où  les  autres 
finissent  (écrivit-il  à  ce  sujet  à  un  de  ses  parens).  En  effet  la 
fin  de  l'année  1G21  approchoit  ;  tous  les  volontaires  et  la  plus- 
part  des  officiers  se  retiroient  à  l'exemple  du  souverain,  lors- 
que le  comte  de  Montdejeu  proposoit  tous  les  jours  au  duc 
d'Elbeuf,  sous  lequel  il  acheva  cette  campagne,  quelques  nou- 
velles entreprises  à  faire,  pour  dédommager  l'armée  de  la 
levée  du  siège  de  Montaubau.  Il  étoit  à  propos  d'humilier  par 
quelque  endroit  le  parti  protestant  trop  enflé  de  ses  avantages. 
On  s'attaqua  d'abord  à  la  maison  forte  du  marquis  de  la  Eorce 
qui  servoit  de  retraite  et  de  sûreté  aux  séditieux.  Ce  marquis, 
l'un  des  principaux  chefs  des  Religionnaires,  y  fut  battu  et 
entièrement  défait  avec  son  secours  de  plus  de  deux  mille  cinq 
cent  hommes  de  la  garnison  de  Montaubau. 

Dans  la  campagne  suivante,  le  Roi  donna  au  comte  de 
Montdejeu  la  première  compagnie  du  régiment  de  Falzbourg 
eu  le  tirant  de  celui  de  Vaudemont  qui  fut  congédié.  Il  servit 


LA    VIE    DU   MARÉCHAL   DE     SCIIULiSAinERG  403 

avec  lanl  de  réj)ulatiou  à  la  tèle  de  ce  nouveau  réyinieiiL  dout 
il  eut  longtemps  seul  le  commandement  durant  toutes  les 
guerres  civiles  de  religion  que  le  cardinal  de  Richelieu  qui 
éloit  nouvellement  entré  dans  le  ministère  ne  put  s'empescher 
plusieurs  fois  de  le  faire  remarquer  au  Roi.  Il  eut  par  celte 
voie  en  IG'iij  un  régiment  en  chef  composé  de  vingt  compa- 
gnies, avec  cette  distinction  qu'on  lui  conserva  toujours  sa 
compagnie  dans  Falzbourg,  Ce  qui  lui  fut  un  prétexte  pour 
être  toujours  emploie,  en  servant  en  qualité  de  simple  capi- 
taine plutôt  que  de  se  reposer,  lorsque  son  régiment  u'étoit 
pas  commandé.  Il  se  trouva  ainsi  en  divers  sièges,  où  il  s'ac- 
quit plus  de  gloire  eu  obéissant  que  s'il  eût  été  ailleurs  dans 
son  rang  supérieur  avec  moins  de  danger  et  dans  une  inaction 
indigne  de  son  âge  et  de  la  passion  agissante  qu'il  porloil  par- 
tout, et  qui  lui  faisoit  souhaiter  continuellement  d'avoir  part 
aux  occasions  les  plus  difficiles  et  aux  plus  hardies  entre- 
prises. 

Il  n'avoit  encore  que  vingt  sept  ans,  lorsqu'il  fut  connu  par 
ses  beaux  endroits  du  cardinal  de  Richelieu,  et  il  en  avoit  vingt 
neuf  lorsqu'il  eu  fut  choisi  pour  être  du  secours  que  le  Roi 
envoia  et  conduisit  lui-même  en  Piedmont  avec  ce  cardinal 
pour  defïendre  le  duc  de  Manlolie  de  l'oppression  de  ses  voi- 
sins. Le  duc  de  Sayo^'e  n'aiant  voulu  accorder  aux  troupes 
françoises  un  libre  passage  pour  aller  à  Casai  qu'à  des  condi- 
tions trop  désavantageuses  au  duc  de  Mantoûe,  les  troupes 
du  r^oi  forcèrent  le  pas  de  Suze  avec  une  vigueur  qui  surprit 
les  Savoyards  et  les  Piedmonlois  comme  si  le  succès  de  l'en- 
treprise eût  tenu  du  prodige.  Toutes  les  barricades  furent  en- 
foncées et  rompues  du  premier  choc,  à  la  vue  du  duc  de  Sa- 
voyc  et  du  prince  de  Piedmont  son  fils  qui  eut  un  estafier  tué 
à  1  un  des  étriers.  Les  François  y  gagnèrent  dix  drapeaux, 
dont  neuf  furent  pris  tant  sur  les  Espagnols  que  sur  les  Mi- 
lanois.  Le  comte  de  Monldi'jcu  y  fit  prisonniers  deux  officiers 
espagnols  des  douze  qui  échappèrent  en  tout  à  rim[)etuos!lé  du 
soldat  victorieux.  Les  égards  que  le  Roi  eut  en  celte  rencoiilre 
pour  Madame  Christine  princesse  de  Piedmont  sa  sœur,  à  la- 
quelle il  envoia  ses  prisonniers,  bornèrent  à  cet  heureux  pas- 
sage et  à  la  reddition  de  Suze  la  vengeance  ([u'il  étoit  en  droit 
et  en  état  de  prendre  du  refus  que  le  duc  de  Savoie  lui  avoit 
fait  pour  aller  au  secours  du  duc  de  Mantoûe.  Tout  se  pacifia 
par  le  traité  de  8uz<;  fait  au  mois  de  mai  de  la  mémo  année 
1IJ2'J  entre  le  cardinal  de  Richelieu  pour  le  Roi,  Victcn-  Ame- 
dée  prince  du  Piedmont  pour  le   duc  de  Savoie,  de  sorte  ({ue 


504  LA    VIE   DU   MARÉCHAL    DE    SCHULEMBEKG 

le  siège  de  Casai  fut  levé,  que  le  duc  de  Maulouo  se  vit  pour 
ce  coup  débarrassé  de  ses  euneinis  ;  mais  ce  ne  fut  pas  pour 
louçlemps,  et  les  choses  allèrent  bientôt  plus  loin,  parce  ([ue 
les  Impériaux  se  meslèreut  dans  celte  guerre  par  l'irruption 
([u'ils  firent  dans  la  Valteline  au  commencement  de  l'année 
11)30. 

Le  maréchal  de  la  Force  qui  s'étoit  porté  dans  la  Bresse  avec 
une  armée  toute  prête  à  passer  en  Piedmont,  et  le  maréchal  de 
Marillac  qui  éloit  venu  de  Piedmont  avec  le  comte  de  Mont- 
dejeu  pour  garder  les  frontières  do  la  Ghampugne,  eurent  or- 
dre de  s'approcher  de  la  Savoie  où  ils  joignirent  l'armée.  Six 
mille  hommes  de  pied  seulement  en  furent  détachés  avec  six 
cent  chevaux  pour  réduire  Charaher}^  et  les  autres  villes  voi- 
sines à  l'ohéissance  du  Roi,  qui  entra  lui-même  dans  la  Savoie 
et  dans  la  Morienne  pour  en  chasser  le  prince  Thomas  et  son 
armée  de  dix  mille  hommes  de  pied  et  deux  mille  chevaux. 
Tandis  que  h's  sièges  de  Monimélian,  Charhonières,  de  Mio- 
lans  et  de  Couflans  se  faisoient  deçà  les  monts,  les  troupes  du 
maréchal  de  la  Force  et  du  maréchal  de  Marillac  descendirent 
en  Piedmont  où  elles  avoieut  fortifié  celles  du  maréchal  de 
Schomberg,  et  où  le  duc  de  Montmorency  les  alla  joindre  après 
la  prise  de  Pigneroles  par  le  cardinal  de  Richelieu,  ou  plutôt 
par  le  marquis  de  Créquy.  Il  fallut  pour  cette  réunion  des 
troupes  françoises  forcer  les  retranchemens  de  Veillanes  où 
les  Savoiards  étaient  soutenus  dun  choix  d'Impériaux,  d'Espa- 
gnols el  de  Suisses,  qui  y  firent  une  très  vigoureuse  résis- 
tance. Ce  passage  ainsi  forcé  fut  une  victoire  complette  pour 
les  François,  car  la  prise  de  Veillanes  fut  suivie  de  celle  de 
Coriane  et  de  Valence,  et  enfin  de  la  délivrance  de  Casai  con- 
tre toute  sorte  d'apparence. 

{A  suivre).  0.  de  Gourgault. 


BIBLIOGRAPHIE 


Gallet  et  le  Caveau,  l(j'.J8-1757,  quo  nous  avons  annoncé  dans 
noire  dernier  numéro,  vient  de  paraître  en  i  volumes  in-8",  chez  Hon- 
nedame,  à  Epernay.  C'est  un  travail  très  curieux,  qui  fait  réellement 
honneur  à  M.  Jacques  Bouché.  Au  point  de  vue  typogra[)hique,  c'est 
une  édiiion  digne  dos  bibliophiles  les  plus  dilTiciles  :  de  très- 
jolies  gravures  accompagnant  chaque  chapitre.  M.  Bouché  étudie 
successivement  Gallet  et  le  Caveau,  puis  Gallet  ,  chansonnier 
et  droguiste.  Il  y  a  ajouté  des  pièces  boulFonnes  de  cet  humou- 
risliquo  du  xvui«  siècle  et  une  série  de  chansons.  Lelivrcaura  du  succès 
et  il  le  mérite.  Chemin  faisant,  nous  trouvons  des  biographies  des 
membres  principaux  du  Caveau  :  Saurin,  Duclos,  Le  Bruère,  Bernard, 
Moncrif,  Boucher,  Helvélius,  Rameau,  Piron,  etc.  C'est  un  travail  très 
neuf,  très  curieux,  très  amusant,  dont  nous  félicitons  complètement 
notre  jeune  compatriote.  B. 

* 

Nous  annonçons  avec  em|)ressement  un  ouvrage  actuellement  en 
souscription  :  la  Géographie  phi/sique,  ayricule,  commerciale,  ùidws- 
tiielle,  administrative  et  historique  de  VAube\  ])ar  M.  Lescuyer, 
vici^-président  du  conseil  de  préfecture  de  ce  départem(>nt.  Ce  sera  un 
travail,  d'après  ce  que  nous  avons  vu  en  manuscrit,  des  plus  complets, 
des  plus  intéressants,  que  nous  croyons  devoir  recommander  très  sérieu- 
sement. L'auteur  y  joint  une  carte  générale,  une  carte  géologique 
et  une  carte  du  cours  de  la  Seine  dans  le  département  qui  rendront  de 
vrais  services. 


Vient  de  paraître  à  Langres,  une  brochure  excessivement  curieuse  : 
l'Imprimerie  et  la  librairie  dans  la  Haute-Marne  et  dans  l'ancien 
diocèse  de  Langres,  par  deux  membres  corresj)ondants  de  la  Société 
archéologique  de  celle  ville.  Noua  y  remarquons  que  la  j)remière 
imprimerie  champenoise  fut  installée  à  Chablis  (Yonne),  ])elile  ville  ile 
l'ancien  diocèse  de  Langres,  en  1478.  L'imj)rimerie  apparut  à  I^angres 
à  la  (in  du  xvi«  siècle  seulement. 


Annonçons  Ogalement   les  Notes  de  M.   de  Caumartin  sur  le» 


1.   On  souscrit  cLiz    Ldcruix,  lilirturc   ù    Trovcs;   prix.'  0    Ir.    pour  k 
souscripteurs. 


466  BIBLIOGRAPHIE 

recherches  des  nobles  de  la  province  de  Champagne  en  1610,  petit 
volume  tiré  à  50  exemplaires  sur  papier  vergé  (in-S",  Paris,  Cham- 
pion). Ces  notes  secrètes,  écrites  par  Caumartin  lui-même  et  copiées 
j)ar  d'IIoîier,  prcsenlcnt  un  véritable  intérêt  et  prouvent  qu'aulre- 
Ibis  on  n'était  pas  plus  réservé  qu'aujourd'hui  en  matière  de  fausses 
prétentions  nobiliaires.  M.  A.  de  Barthélémy  y  a  ajouté  une  étude  très 
précise  sur  la  prétendue  noblesse  maternelle  en  Champagne,  en  pro- 
duisant un  document  inédit  des  plus  décisifs  pour  la  matière. 


L'éditeur  Pion  vient  de  publier  une  seconde  édition  d'un  livre  vrai- 
ment remarquable.  Science  et  Vérité,  par  le  docteur  Décès,  père  (do 
Reims).  Jj'auleur  y  démontre  que  nous  possédons  pour  arriver  à  la 
vérité  d'autres  voies  que  la  seule  métaphysique  :  il  trouve,  au  con- 
traire, qu'actuellement  la  science  fournit  des  moyens  plus  sûrs  que 
ceux  employés  par  Descartes  etparMalebranche.  Contrairement  au  sen- 
timent des  savants  d'aujourd'hui,  M.  Décès  soutient  que  la  connais- 
sance des  lois  de  la  nature  induit  à  chercher  et  à  trouver  la  loi  qui  les 
régit  elles-mêmes;  car,  dit-il  avec  Newton,  à  mesure  que  nous  avan- 
rons  dans  la  science,  c'est-à-dire  dans  la  connaissance  des  phéno- 
mènes et  de  leurs  causes,  chaque  pas  nous  rapproche  de  la  connais- 
sance d'une  première  cause,  ce  qui  tait  assez  sentir  le  prix  de  cette 
méthode.  La  méthode  que  suit  M.  Décès  est  la  même  que  celle  du  phi- 
losophe anglais.  «  Avant  tout,  dit-il,  la  prudence  et  la  nécessité  me 
faisant  un  devoir  de  limiter  cette  étude,  je  me  bornerai  à  signaler  les 
principaux  phénomènes  de  la  terre;  puis  je  les  grouperai  par  séries 
semblables  pour  en  formuler  les  lois.  Ensuite,  je  demanderai  à  celles-ci 
de  nous  montrer  les  causes  qui  produisent  ces  phénomènes,  et,  par  suite, 
ces  lois  elles-même,  afin  de  trouver,  sur  ces  causes  secondes,  un  appui 
pour  m'élever  jusqu'à  la  cause  des  causes,  principe  de  tout  ce  qui  est 
de  la  vie  môme.  » 

M.  Décès  a  choisi  la  forme  du  dialogue  avec  trois  interlocuteurs  : 
un  philosophe  travaillé  douloureusement  par  le  doute,  un  prêtre  plein 
de  foi  et  un  savant  préconisant  les  procédés  de  la  science  de  préférence 
à  ceux  de  la  philosophie. 

Le  savant,  après  avoir  cherché  les  lois  des  phénomènes  de  la  nature, 
et  dégagé  les  causes  qui  les  produisent,  se  demande  si  on  peut  en 
rester  là  et  démontre  qu'on  est  forcément  conduit  à  l'étude  de  la  cause 
première,  qu'il  prétend  découvrir  avec  la  même  méthode  expérimen- 
tale. Il  en  arrive  ainsi  à  la  «  révélation  naturelle,  sur  laquelle  il  élève 
l'édifice  des  lois  générales  de  l'homme  :  la  révélation  naturelle  a  ainsi 
j)our  corollaire  obligé  la  morale  naturelle  ».  Maisalors  M.  Décès  lui  fait 
répondre  par  le  prêtre  :  «  Je  doute  que  vous  ayez  précisé  dans  l'ordre 
des  vérités  que  vous  nous  avez  exposées,  des  règles  de  conduite  aussi 
claires  que  celles  qui  nous  sont  enseignées  par  la  foi...,  et,  vous 
conviendrez  d'ailleurs  que  les  vérités  de  la  science  son  peu  accessibles 
au  grand  nombre,  tandis  que  celles  de  la  révélation  surnaturelle  sont 


blULIOOUAPHIE  -l6T 

coinj)riscs  aisément  par  tous  les  espnls...  J'applaudis  à  vos  efforts, 
mais  souffrez  qu'aux  enseignements  de  la  nalure,  je  prélère  ceux  de 
l'Ecriture  Sainte.  »  On  peut  juger  par  ce  court  aperçu  de  l'excellence 
de  la  doctrine  de  ce  livre. 


MliUOinES    DE     LA     SOCIÉTÉ     AGAUÉMIQUIi      Ij'AGRICULTUnE,     DES     SCIENCES, 
AKTS     ET    UELLE.S-LETTRES     DU     DÉPARTEMENT     DE     l'aUBE,      auuéo     1882. 

Dufour-Bounuol,    éditeur,  Léopold    Lacroix,    libraire,    rue   Nolru-Dume, 
Troyes. 
Annuaire  administratif,  statistique,  commercial,  du  département  de 
l'aure  pour  1883.    Duf'our-Boucjuot,   éditeur.    Léopold  Lacroix,  libraire, 
rue  Notre-Dame,  Troyes. 

I 

Les  Mémoires  de  la  Société  académique  de  l'Aube,  comme  l'An- 
nuaire  départemental  publié  sous  les  auspices  de  ce  corps  savant, 
revêtent  do  plus  en  plus  une  couleur  locabi.  Interroger  le  sol,  étudier 
les  monuments,  secouer  la  jjoussière  des  vieilles  archives,  recueillir 
les  lambeaux  épars  de  l'histoire  du  ])ays,  rappeler  les  événemenls 
du  passé,  placer  sous  les  yeux  de  la  génération  présente  les  faits 
glorieux  et  les  belles  actions  des  ancêtres,  n'est-ce  pas  là  le  but 
spécial  que  doivent  s'efforcer  d'atteindre  les  Sociétés  savantes  de  la 
province,  chacune  dans  les  limites  de  sa  circonscription    territoriale? 

Le  tome  dix-neuvième  des  Mémoires  débute  par  un  Dictionnaire 
paléoelhnolofjique  du  département  de  VAuhe  -,  ce  travail  considé- 
rable rempli  de  recherches  est  du  à  la  plume  savante  de  M.  Philippe 
Salmon,  membre  de  la  Commission  des  monuments  mégalithiques;  il 
constate  que  l'industrie  paléolithique  tertiaire  n'a  pas  encore  été  ren- 
contrée dans  notre  département;  mais  que  l'industrie  paléolithique 
quaternaire  abonde  dans  l'arrondissement  de  Troyes.  On  devra,  selon 
lui,  diriger  les  investigations  relatives  à  l'âge  de  bronze  particulière- 
ment auprès  des  gués  ;  il  parait  que  le  bronze  s'est  établi,  vers  la  lin 
de  la  pierre  polie  sur  les  bords  des  cours  d'eau  et  parmi  les  marécages  ; 
l'auteur  signale  spécialement  les  marais  de  Villechétif,  de  Saint- 
Germain  et  de  Saint-Pûuang'3  situés  aux  environs  de  Troyes. 
Quant  à  l'âge  de  1er,  la  première  période,  dit-il,  a  dû  naître 
et  s'épanouir  sur  deux  groupes  de  terrain  tertiaire,  l'un  aux 
contins  de  la  Brio  orientale,  l'autre  vers  la  forêt  d'Othe;  les  exploita- 
tions métallurgiques  semblent  moins  anciennes  dans  la  région  juras- 
sique du  Der,  au  sein  des  cantons  de  Vendeuvre  et  de  Soulaines.  Tous 
ces  renseignements  sont  résumés  jiar  trois  belles  cartes  i)aIéoethnolo- 
giques,  une  pour  l'âge  de  la  pii.'rre,  une  pour  l'âge  du  bronze,  une 
jiour  l'ùge  du  fer. 

Les  péripéties  singulières  de  la  lutte  du  latin  et  du  français  au 
collège  de  l'Oratoire  de  Troijes,  racontées  d'une  façon  piipiaiite, 
jiar  M.  Gustave  Carré,  professeur  d'histoire,  nous  apjirend  (|ue,  fidèles 
aux  vieilles  traditions  du   pays,  les  pères  du  collège  de  Troyes  culli- 


'i08  UIBLIOGRAPHIK 

valent  chuz  leurs  ôlèvos  le  goût  du  vers  latin  ;  ils  étaient  eux-mêmes 
de  merveilleux  versificateurs  en  langue  latine,  lloraca  et  Virgile  leur 
étaient  si  familiers  qu'ils  s'étaient  lait  do  leurs  hémisticlios  comme  une 
seconde  longue  maternelle.  Tandisqu'ils  n'étaient  occupés  (ju'à  former 
des  latinistes,  une  révolution  littéraire  s'opérait  dans  lexvu'-"  siècli';  la 
langu(!  française,  longtemps  dédaignée  sous  le  nom  de  langue  vulgaire, 
avait  fini  par  devenir  langue  classique.  Les  corporations  enseignantes 
s'obstinèrent  à  vouloir  parler  le  latin  et  à  faire  parler  celle  langue 
morte;  un  érudit  célèbre,  François  Daunon,  qui  professa  la  philoso- 
phie au  collège  de  Troyes,  reprochait  à  ces  corporations  de  n'être 
jamais  au  niveau  de  leur  siècle.  Aussi  ne  fut-ce  pas  sans  peine  que  le 
français  acquit  droit  de  cité  parmi  les  élèves  de  l'Oratoire. 

Dans  une  intéressante  étude  intitulée  :  les  Cori'espondants  de 
Grosleij,  M.  Albert  Babeau,  l'un  des  membres  les  plus  laborieux  de 
la  Société  académique  de  l'Aube,  analyse  les  lettres  des  hommes  célè- 
bres qui  entretenaient  des  relations  avec  l'ingénieux  et  savant  Grosley 
qu'on  a  surnommé  le  Voltaire  de  la  Champagne;  ces  précieuses  lettres 
dues  au  zèle  plein  de  patriotisme  local  et  d'investigation  sagace  de 
M.  Truelle  Saint-Evron,  ajiporlent  de  nouvelles  lumières  aux  bio- 
graphies anciennes  de  Grosley;  elles  indiquent,  en  particulier  la  direc- 
tion de  ses  études  et  les  tendances  de  son  esprit  toujours  tournée  à  la 
malicieuse  bonhomie  champenoise.  Dans  la  première  période  dosa  vie, 
1738-1750,  il  s'occupe  surtout  d'érudition;  il  a  jiour  correspondants 
habituels  des  bénédictins  et  des  historiens;  il  se  livre  s])écialement  à 
la  recherche  des  documents  relatifs  aux  annales  troyennes  et  il  y  trouve 
matière  à  des  dissertations  aussi  sérieuses  pour  le  fond  que  piquantes 
pour  la  forme.  Dans  la  deuxième  période,  1750-17G0,  il  étend  ses 
relations  scientifiques  et  littéraires;  il  se  met  en  rapports  plus  ou 
moins  intimes  avec  les  encyclopédistes.  Dans  la  troisième,  de  17G0  à 
la  fin  de  sa  vie  studieuse,  il  se  range  du  parti  des  philosophes  ;  il  est 
en  correspondance  suivie  avec  le  fameux  d'Alcmbert;  mais  il  no  se 
laisse  pas  aller  aux  phrases  déclamatoires  ni  aux  récriminations 
amères;  il  reste  troyen  paisible,  malin,  spirituel,  railleur,  caustique; 
en  sorte  que  peu  de  provinciaux  ont  eu,  comme  lui,  le  rare  mérite  de 
se  créer  une  renommée  presque  européenne,  sans  quitter  que  par  inter- 
valles la  ville  qui  fut  son  berceau. 

Les  Mémoires  de  la  Société  académique  de  l'Aube,  ai-je  dit,  prennent 
de  plus  en  plus  la  couleur  qui  doit  distinguer  les  travaux  des  hommes 
studieux  de  la  province;  il  faut  cependant  noter  que  le  volume  dont  je 
rends  compte  coniient  une  étude  très-intéressante,  Irès-spiriluelle  sur 
un  poète  anglais,  Robert  Southey  et  les  amitiés  féminines,  mais  nul- 
lement il  sa  place;  que  ces  sortes  do  travaux  littéraires  figurent  dans 
une  Revue  d'Outre-Manche  ou  même  dans  une  llevuo  parisienne,  rien 
do  mieux;  pourquoi  viennent-ils  usurper  les  pages  qui  devraient  être 
exclusivement  réservées  à  des  documents  locaux?  M.  Charles  des 
Guerrois,  plein  de  talent  et  de  verve,  je  me  plais  à  le  reconnaître,  ne 
devrait-il  j)as  appliquer  ses  qualités  littéraires  à  des  éludes  champe- 
noises ou  même  simj)îemeul  troyennes?  Combien   d'autres,  également 


BIBLIOGRArniE  4(VJ 

doués  SOUS  lo  rapport  intellectuel,  no  s'inspirent  pas  du  patriotisme 
local?  Est-ce  que  l'ancienne  Champagne  et  la  moderne  no  surabondent 
])as,  à  tous  les  points  do  vue,  en  sujets  historiques,  scientifiques, 
artistiques  et  littéraires?  Ce  serait  une  mine  inépuisable,  si  les  hommes 
studieux  de  cette  province  se  donnaient  la  peine  d'explorer  les  archives 
départementales,  les  bibliothèques  des  villes,  les  vieilles  m.inutes  dos 
notaires,  et  autres  sources  non  moins  riches  en  documents  inédits  do 
toutes  sortes. 

II 

L'Annuaire  de  l'Aube,  méthodiquement  divisé,  a  dépassé,  depuis 
huit  ans,  le  demi-siècle  ;  malgré  son  îige  vénérable,  il  a  un  air  de  jeu- 
nesse qui  n'est  pas  sans  charme;  on  dirait  qu'il  est  doué  d'une 
vigueur  de  production  toujours  ancienne  et  toujours  nouvelle  ;  deux 
parties  composent  ses  éléments  constitutifs  :  nomenclature  des  éta- 
blissements publics  et  des  autorités  du  département;  renseignements 
historiques  relatifs  aux  diverses  localités  départementales. 

On  comprend  que  mon  compte-rendu  n'a  rapport  qu'à  cette 
deuxième  partie,  parce  que,  seule,  elle  intéresse  la  Revue  de  Cham- 
pagne et  de  Brie.  Cette  deuxième  partie  s'ouvre  par  la  porte  de  l'an- 
cien collège  de  Troyes,  excellente  lithographie  de  l'éditeur  M.  Dufour- 
Bouquot.  A  cette  occasion,  M.  Gustave  Carré,  professeur  d'histoire, 
rappelle  avec  beaucoup  d'entrgin  et  de  verve  les  Souvenirs  du  collège 
de  Troi/es.  L'entrée  du  vieux  collège,  dit-il,  n'avait  rien  de  gai;  c'était 
une  lourde  masse  de  maçonnerie,  sans  prétentions  architecturales  ; 
au-dessus  de  la  porte  encadrée  de  grosses  pierre  de  taille,  une  double 
inscription  indiquait  à  la  fois  le  nom  du  savant  troyen  Pithou,  fonda- 
teur du  collège,  le  but  de  cette  fondation  et  la  règle  de  l'établissement  ; 
un  petit  beffroi  où  pendait  la  cloche  réglementaire  surmontait  le  porche 
dont  l'aspect  n'avait  rien  d'attrayant  pour  les  élèves.  Il  faut  lire  les 
pages  pleines  d'humour  où  M.  Gustave  Carré  passe  en  revue  toutes 
les  parties  constitutives  du  vieux  collège. 

Vient  ensuite  une  lithographie  remarquable  due  à  M.  Louis  lo 
Clerc,  membre  de  la  Société  académique  do  l'Aube;  elle  repré- 
sente Rosnay-L'IIôpital  assiégé  par  Dandelot  on  décembre 
\C,\(i.  M.  l'abbé  Etienne  Georges,  do  Troyes,  membre  do  plusieurs 
Sociétés  savantes,  a  accompagné  celte  belle  lilhograi)hio  d'une 
notice  très-dévoloppéo  sur  les  Comtes  de  Rosnaij-L' Hôpital;  il 
a  puisé  la  plupart  des  éléments  de  son  élude  historique  aux  archives 
départementales  et  aux  archives  communales.  On  voit  quo  les  comtes 
de  Rosnay  ont  joné  un  rôlo  considérable  dans  toute  l'histoiro  de 
Franco  ;  leurs  domaines  étaient  immenses  ;  ils  embrassaient  prestiuo 
toute  la  région  qui  s'étend  entre  Rameru](t,  Urienne  ol  ChavAnges; 
c'était  un  dos  plus  vastes  comtés  do  la  Champagne  méridionale;  ses 
derniers  iiossesseurs  lurent  les  Herbier  du  Metz  qui  fournirent  d'il- 
lustres généraux  à  l'armée  française  et  plusieurs  présidents  à  la  Cour 
des  Comptes. 


470  BIBLIOGRAPHIE 

M.  All)ort  Babcau,  secrétaire  île  la  Société  académique  de  l'Aube,  ne 
cosse  de  découvrir,  dans  ses  patientes  et  consciencieuses  recherches, 
une  foule  de  documents  relatifs  à  l'histoire  locale.  Une  corporation 
d'arts  et  métiers  à  Troyes  et  les  Académies  de  musique  de  Troues 
présentent  un  vif  intérêt  au  point  de  vue  des  institutions  et  des  mœurs 
sociales  de  l'ancien  régime.  M.  Albert  Babeau  nous  initie  dans  le  pre- 
mier article  à  l'industrie  des  tondeurs  de  grandes  forces  dont  la  con- 
frérie avait  son  siège  dans  l'église  troyenne  qui  occupait  l'emplacement 
de  la  caserne  actuelle  d'infanterie;  il  nous  raconte  dans  le  deuxième 
article,  qu'il  existait  à  Troyes,  vers  le  militu  du  xvu"  siècle,  une  aca- 
démie de  musique  composée  de  magistrats,  de  gens  de  loi,  d'ecclésias- 
tiques et  d'un  personnage  fort  connu  dans  l'histoire  des  almanachs, 
Pierre  de  la  Rivey-,  elle  avait  pour  président  Jorrand  Baudouin, 
maître  spirituel  de  l'hôf-ital  Saint-Bernard  à  Troyes. 

M.  Det,  bibliothécaire-adjoint  de  la  ville  de  Troyes,  dans  sa  notice 
sur  V Ancien  déversoir  de  Croncels  et  le  nouveau  boulevard  du 
Quatorze- Juillet,  a  recueilli  avec  soin  tous  les  renseignements  relatifs 
à  un  quartier  aujourd'hui  complètement  transformé  ;  après  de  curieux 
détails  historiques  et  topographiques,  l'auteur  ajoute  et  avec  raison 
qu'un  long  et  large  boulevard  planté  d'arbres  remplace  un  cloaque 
infect  qui  ne  doit  être  l'objet  d'aucun  regret;  l'air  pur,  dit-il,  et  le 
soleil  vivifiant  pénètrent  librement  dans  ce  vaste  quartier,  actuellement 
l'un  des  plus  sains  de  la  ville. 

III 

Je  ne  veux  pas  clore  ce  compte  rendu  sans  accorder  une  mention 
honorable  à  quelques  notices  qui,  pour  être  d'une  importance  secon- 
daire, n'en  méritent  pas  moins  d'être  signalées  aux  infatigables  explo- 
rateurs des  annales  de  l'Aube.  Il  faut  citer  d'abord,  dans  les  Mémoires, 
l'histoire  du  prieuré  deSainte-Thuifc  par  M.  Mascon  ;  Fragments  des 
mémoires  inédits  de  la  vicomtesse  de  Loménie  par  M.  Louis  le 
Clerc  ;  une  Lettre  inédite  de  Napoléon  L^  précédée  d'une  introduc- 
tion par  M.  Albert  Babeau  :  Biographie  du  docteur  Cartereau  par 
M.  d'Antessanty. 

U Annuaire  contient  aussi  quelque  travaux  qui,  quoique  moins  con- 
sidérables, doivent  être  indiqués  -.  Ervi/,  statistique  et  chronologie 
paj  le  docteur  Jacquier;  Louis  de  Vaucemain,  évoque  de  Chartres, 
par  M.  Charles  Lalore;  la  Grand'Maison  de  ViUehardouin,  par 
M.  Antoine  Jaquot. 

Toutes  ces  exhumations  faites  par  de  savants  chercheurs  vulgarisent 
l'histoire  du  j)ays,  la  mettent  à  la  portée  de  tous,  montre  le  passé  sous 
son  véritable  jour  et,  par  là  raniment  le  culte  de  la  patrie  et  contri- 
buent, dans  une  certaine  mesure,  à  l'éducation  sérieuse  de  la  géné- 
ration contemporaine.  A.  B.  C. 


CHRONIQUE 


Signalons  au  château  de  Brugny,  près  d'Epernay,  un  grand  tableau 
qui  rappelle  une  scène  glorieuse  de  nos  annales  navales  :  le  combat 
de  Vlntrépide,  commandé  par  le  marquis  de  Vaudreuil,  bisaioul  de 
madame  la  comtesse  G.  de  Clermont-Tonnerre,  propriétaire  de  ce 
manoir.  Au  bas  de  cette  toile  on  lit  :  «  Combat  entre  une  escadre 
anglaise  de  12  à  14  vaisseaux  de  guerre,  le  14  octobre  1747,  com- 
mandée par  le  célèbre  admirai  Hanke  et  une  française  de  8  vaisseaux, 
sous  le  commandement  de  M.  de  l'Eteni-luère,  chef  d'escadre,  ayant 
pour  convoi  3  à  400  navires  marchands.  Les  français  ayant  apperçu 
les  anglais,  firent  signe  au  convoi  de  s'échapper  et  se  mirent  en  ligne, 
attendant  les  anglais  de  pied  ferme.  Mais  malheureusement  six  furent 
pris,  ne  s'étant  rendus  qu'après  avoir  perdu  tous  leurs  mâts,  M.  do 
L'Etenduère,  dont  le  Tonnant,  de  80  canons,  aurait  subi  le  même 
sort,  ayant  perdu  son  grand  mât  de  hune.  Mais  M.  le  marquis  de 
Vaudreuil,  commandant  l'Intrépide  de  74  canons  à  son  honneur 
immortel,  le  prit  en  remorque  et  l'enleva,  aïant  tous  les  deux  fait  un 
feu  terrible.  » 

* 

Quelques  renseignements  sur  ia  terre  de  Vaughamp,  près  de 
MoNTMiRAiL.  —  La  seigneurie  appartenait  en  1GG.3  à  François  de 
Louviers  qui  acheta  en  cette  année,  le  3  septembre,  la  ferme  do  la 
Fontaine-au-Bois  et  la  terre  du  Thoult  à  Fr.  de  Baradas,  marquis  de 
Damery,  époux  de  Gabrielie  de  Colligny.  —  En  1744,  Charlotte  du 
Louviers  épousa  Charles  Saladin  d'Anglure,  comte  d'Etoges;  elle  laissa 
Vauchamp  en  1755  à  sa  sœur  Denise,  femme  de  M.  de  la  Croix  do 
Chevrièros,  marquis  de  Saint-Vallier.  Un  autre  mariage  donna  Vau- 
champs  au  marquis  du  Bourg,  époux  de  Barbe  de  Sainl-Vallier,  fille 
des  précédents. 

Joinvillo,  le  If)  novembre  1883. 
Monsieur, 

Je  viens  de  recevoir  le  n"  5  de  la  Revue  où  je  trouve,  dans  la  chro- 
nique, un  extrait  du  journal  le  Figaro,  du  1/J  octobre  dernier. 

Aujourd'hui,  en  raison  du  caraclère  historique  de  votre  pul)li(:alion, 
je  viens,  an  sujet  des  faits  contenus  flans  le  récit  que  vous  copiez, 
vous  donner  quelques  rensiiignemenls  qui  pourront  être  miles  à  beau- 
coup, et  mémo  à  M.  Legrand  qui,  j(î  le  sais,  fait  dos  rocherches  à  ce 
sujet. 


472  CHRONIQUE 

Le  tombeau  de  Claude  do  Lorraine  fr  duc  de  Guise,  était  situé  dans 
l'églisi^  St-Laurent  du  château  do  Joinville.  Une  lithographie  en  a  été 
jiuhliée  d'après  le  dessin  qu'on  a  laissé  M.  Ch.-F.  Paillette,  jadis 
doyen  du  Chapitre  de  l'église  collégiale.  Il  avait  aussi  laissé  des  vues 
des  autres  tombeaux  qui  ornaient  la  chapelle  des  princes  et  ces  docu- 
ments qui  étaient  devenus  la  propriété  do  M.  Hachille  Haste,  ont 
aujourd'hui  disparu  des  mains  de  sa  famille. 

Ce  monument  était  élevé  dans  un  enfoncement  pratiqué  à  l'aspect 
du  sud,  dans  la  chapelle  castrale;  la  façade  se  composait  d'un  por- 
tique, dont  quatre  statues  d'albâtre  soutenaient  l'entablement  sur 
lequel  étaient  posés  à  genoux  Claude  de  Lorraine  et  son  épouse  Antoi- 
nette de  Bourbon.  Ces  quatre  statues  représentaient  les  quatre  vertus 
cardinales,  deux  ont  disparu,  les  deux  autres  sont  conservées  à  la 
mairie  de  Joinville,  ce  sont  la  Justice  et  la  'Tempérance  dont  les  attri- 
buts sont  légèrement  mutilés  et  qui,  lors  de  la  Révolution  de  1793,  ser- 
virent à  représenter  la  Liberté  et  l'Egalité. 

En  arrière  de  ce  portique  était  le  tombeau,  sous  une  voûte  élevée  de 
5  mètres  du  sol,  et  dont  les  murs  latéraux  étaient  recouverts  de  sculp- 
tures. Un  dé  en  pierre  orné  de  bas-reliefs  ayant  rapport  à  la  vie  de 
Claude  do  Lorraine  était  recouvert  de  l'épaisse  dalle  de  marbre  noir 
qui  aujourd'hui  sert  de  tombe  à  tous  les  princes  de  Guise  enterrés  au 
cimetière  de  la  ville.  Cette  dalle  supportait  aussi  les  effigies  complète- 
ment nues  de  Claude  et  d'Antoinette.  C'est  assurément  de  ces  bas- 
reliefs  dont  il  est  question  dans  l'article  du  Figaro. 

D'après  des  notes  manuscrites  aussi  bien  que  des  ouvrages  de  M.  J. 
Fériel,  voici  quelques  renseignements  sur  les  auteurs  de  ce  riche 
tombeau  : 

Ce  fut  à  Joinville  qu'on  exécuta  ce  monument  ;  trgis  sculpteurs  y 
furent  employés  :  Dominique  Florentin,  Jean  Picard,  dit  le  Roux  et 
Richiel.  Le  premier,  connu  sous  le  nom  de  Dominique  del  Barbiere, 
vint  de  Troyes;  sa  manière  rappelait  celle  de  Jean  Goujon.  Richiel 
(ou  Richier)  habitait  Pont-à-Mousson.  Des  mémoires  et  des  comptes 
assurent  que  les  dépenses  montèrent  à  la  somme  de  sept  mille  livres, 
somme  considérable  pour  cette  époque. 

Ce  n'est  donc  pas  à  Michel-Ange  qu'il  faut  attribuer  ce  beau  spé- 
cimen de  la  renaissance. 

Le  27  novembre  1792  furent  adjugés  par  le  directoire  du  district  au 
sieur  Jean-Baptiste  Berger  de  "Vassy,  l'église  St-Laurent,  le  cloître  y 
attenant,  la  galerie,  le  logement  du  sonneur  et  la  chapelle  dos  princes, 
tout  ensemble,  à  la  réserve  des  marbres  qui  sont  dans  la  dite  église  et 
du  jeu  d'orgues,  moyennant  4,150  livres.  La  démolition  suivit  de  près 
et  fut  aussi  complète  que  possible. 

Que  devinrent  à  ce  moment  les  objets  réservés,  aucun  renseigne- 
ment ne  vient  nous  l'indiquer. 

En  tous  cas,  les  bas-reliels  du  tombeau,  d'après  les  documents  que 
je  possède,  étaient  devenus  la  propriété  de  M.  Didier  Ilanin,  peintre, 
élève  do  David,  demeurant  à  Joinville.  Il  les  avait  recueillis  passable- 


CHRONIQUE  473 

ment  dégradés,  après  les  avoir  fuit  arracher  d'un  mur  do  soutènement 
où  ils  occupaient  la  place  de  moellons. 

M.  Ilanin,  en  amateur  connaisseur,  possédait  beaucoup  do  portraits 
des  ducs  de  Guise  dont  il  avait  fait  l'acquisition  a  la  vente  du  docteur 
Minière,  de  Joinville.  Bien  qu'il  ait  protesté  longtemps  de  son  désir  de 
les  garder  ou  de  les  céder  à  la  ville,  il  les  céda  subitement  à  la  liste 
civile.  Quant  à  ses  bas-reliefs  ils  furent  vendus  à  un  amateur  de  Rouen 
dont  j'ignore  le  nom  avec  d'autres  toiles. 

Le  bas-relief  principal  représentait  Claude  assis  sur  un  char  et  la 
Renommée  lui  pose  sur  la  tôle  une  couronne  de  lauriers;  devant  lui 
des  captifs,  des  enfants  et  des  femmes  en  pleurs.  Il  a  été  dessiné  en 
1844  par  J.  Simonnet,  conseiller  à  la  Cour  de  Dijon,  décédé,  et  ce 
dessin  fait  aujourd'hui  partie,  sous  les  n^s  393  et  392  de  la  biblio- 
thèque Haute-Marnaise,  léguée  au  département  de  la  Haute-Marne  par 
Jules  Barotte,  de  Brachay.  A  ce  même  dépôt  se  trouve  un  dessin  au 
crayon  et  une  lithographie  d'après  ce  dessin  de  l'ensemble  du  monu- 
ment. 

Divers  fragments  de  même  tombeau  étaient  aussi  déposés  à  l'école 
de  dessin  de  Chaumont. 

Voilà,  Monsieur,  ce  que  je  crois  devoir  vous  faire  connaître,  dans 
l'intérêt  de  la  vérité.  Vous  pouvez  faire  tel  usage  que  vous  ^croirez 
utile  de  ma  lettre. 

Agréez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  la  plus  dis- 
tinguée. H.  G. 

■il 
^      * 

Vieux  papiers.  —  Nous  trouvons  dans  des  vieux  papiers  de  famille, 
la  chanson  suivante,  qui  nous  a  paru  curieuse  à  conserver  : 

Chanson  sur  Monseigneur  l'Archevêque  de  Reims,  et  le  citoyen 
Diot,  évêqiie  constitutionnel  du  département  de  la  Marne. 

Air  :  C'est  ce  qui  me  console. 

1er    COUPLET 

Deux  prélats  venus  en  ce  lieu 
Se  disent  envoyés  de  Dieu, 

Voilà  la  ressemblance  (bis). 
Par  la  douceur  l'un  nous  soumet. 
L'autre  so  nomme  Mahomet, 

Voilà  la  différence  [bis). 

2o  COUPLET 

L'un  est  vraiment  notre  pasteur. 
L'autre  en  a  toute  la  couleur, 

Voilà  la  ressemblance  {bis). 
Dos  apôtres  vient  le  ppimier, 
Du  côté  gauche  le  dernirr. 

Voilà  la  diirérenco  [bis). 


474  CHRONIQUE 

3e  COUPLET 

Tous  doux  (l<^sirent  nous  gatrner, 
Et  sur  nos  cœurs  veulent  régner, 

Voilà  la  ressemblance  [bis). 
Alexandre  a  les  braves  gens, 
Et  pour  Diot  sont  les  brigands, 

Voilà  la  différence  (bis). 

4®    COUPLET 

Tous  ('.eux  sont  crosses  et  mitres, 
Tous  deux  aussi  furent  sacrés. 

Voilà  la  ressemblance  {bisj. 
Lui,  le  fut  par  de  vrais  prélats, 
Et  l'autre  par  des  apostats. 

Voilà  la  différence  {bis). 

5e  COUPLET 

Alexandre  envoie  Mandements, 
Et  Diot  force  documents, 

Voilà  la  ressemblance  [bis). 
L'un  enseigne  la  vérité, 
L'autre  en  corrompt  la  pureté, 

Voilà  la  différence  (bis). 

6«  COUPLET 

Alexandre  tient  son  parti, 
Diot  forme  le  sien  aussi. 

Voilà  la  ressemblance  [bisj. 
L'un  suit  le  pontife  romain, 
Et  l'autre  Luther  et  Calvin, 

Voilà  la  différence  {bis). 

T^   COUPLET 

Tous  deux  les  Ordres  donneront, 
Leurs  fidèles  confirmeront. 

Voilà  la  ressemblance  {bis). 
Alexandre  par  l'Esprit-Saint, 
Et  Diot  par  l'esprit  malain. 
Voilà  la  différence  (bis). 

8^   COUPLET 

Ils  sont  tous  les  deux  entourés 
De  vicaires  et  de  curés, 

Voilà  la  ressemblance  {bis). 
Alexandre  de  vrais  jiasteurs, 
Et  Diot  de  tous  les  jureurs. 

Voilà  la  différence  ibis). 


CHRONIQUE  475 

!)'=   COUPLKT 

Dos  deux  ]irôlats  l'empressement 
Reçoit  un  juste  trailomont, 

Voilà  la  ressemblance  (his). 
L'un  a  la  grâce  et  les  vertus, 
L'autre  préfère  les  écus. 

Voilà  la  difTérence  {bis). 

lO*"   COUPLET 

Tous  deux,  l'un  en  partant  d'abord, 
L'autre,  en  restant,  ont  fui  la  mort. 

Voilà  la  ressemblance  (bisj. 
L'un  parc  en  exil  confesseur, 
L'autre  reste  en  persécul;eur, 

Voilà  la  différence  (bis). 

W'^   COUPLET 

Parmi  leurs  partisans  tous  deux 
Peuvent  compter  les  plus  fameux, 

Voilà  la  ressemblance  (bis). 
L'un  ses  prêtres  martyrises. 
L'autre  ses  prêtres  mariés, 

Voilà  la  différence  (bis). 

12"  COUPLET 

Tous  deux,  dans  la  pure  équité. 
Sont  bien  dignes  en  vérité. 

Voilà  la  ressemblance  (bij). 
L'un  de  la  vénération, 
L'autre  de  l'exécration, 

Voilà  la  différence  (bis). 

IS*"  COUPLET 

L'Eglise  et  l'Europe  ont  jugé. 
Sur  tous  les  deux  ont  décidé. 
Que  l'un  au  ciel  nous  conduira, 
L'autre  au  diable  nous  mènera. 
Voilà  la  différence  (bisJ. 

Signé  :  JoLLY,  officier  de  santé. 


Notes  diverses  sur  le  niocicsE  de  lanooes,  tuiéf.s  de  l\  iievuk  de 
CHAMPAGNE  (Suilc).  Extrait  du  tome  quatorzième. 

Registres  de  baptk.mbs,  mariaces  et  sépultures,  p.  2G  et  201. 
Outre  les  utilités  que  l'on  peut  tirer  de  ces  registres  et  que  mentionne 
M.  Duguin  dans  la  Revue  de  Champagne  et  de  Urie,  il  imi  est  iiikî 
très  imporlanlc  qu'on  me  permettra  d'indiquer.  C'est  que  cliaciue 
famille  peut,  à   l'aide  de  ces  registres,   établir  la   généalogie  de  ses 


47G  CHRONIQUE 

ancêtres  respectifs.  Dans  ce  but,  il  serait  à  désirer  que  des  hommes 
studieux  fussent  employés  à  faire  pour  chaque  paroisse  un  l'olcvé  bien 
exact  de  toutes  les  familles  avec  l'indication  de  leurs  enfants,  inscri- 
vant sur  chacune  do  ces  familles  les  divers  événements  qui  la  con- 
cerne, tels  que  les  naissances,  les  mariages  et  les  décès  ou  sépultures. 
Puis,  pour  établir  les  liliations,  on  transporte  à  des  articles  spéciaux 
tous  les  mariages  survenus  dans  la  famille,  finalement  au  moyen  d'une 
table  alphabétique  de  toutes  les  familles,  on  constate  leurs  généalogies, 
qui  remontent  souvent  d'après  ces  seuls  registres  de  paroisses  jusqu'à 
la  80,  la  9e  et  même  la  IQe  génération,  comme  j'ai  eu  lieu  de  le  cons- 
tater par  mes  études  sur  cette  matière.  Il  faut  l'avouer  sincèrement  : 
nous  ne  connaissons  pas  nos  ancêtres,  et  cependant  leurs  noms  se 
trouvent  inscrits  sur  les  registres  paroissiaux  qu'il  suffit  de  dépouiller, 
pour  avoir  la  douce  satisfaction  de  connaître  ses  ascendants  divers 
qui  pour  la  10°  génération  s'élèvent  au  chiffre  de  2,046.  Le  travail  que 
j'indique  est  donc  bien  important;  mais  est-il  pratiquable?  Oui,  il  est 
très  pratiquable  dans  les  petites  paroisses.  Quant  aux  paroisses  considé- 
rables qui  renferment  une  population  très-nombreuse,  si  l'on  ne  pouvait 
pas  exécuter  un  travail  aussi  complet  que  celui  indiqué  plus  haut,  on 
pourrait  du  moins  et  l'on  devrait  faire  ce  qui  a  été  fait  pour  la  ville  de  Lan- 
grcs,  concernant  les  registres  antérieurs  à  la  Révolution,  savoir  inscrire 
sur  un  registre  spécial  :  1"  les  noms  des  personnes  baptisées,  2°  les  noms 
des  personnes  mariées,  3''  les  noms  des  personnes  décédées  et  inhu- 
mées, avec  l'indication  du  jour,  du  mois  et  de  l'année.  Au  moyen  de 
ces  divers  catalogues,  chaque  famille  pourrait  au  besoin  faire  des 
recherches  selon  ses  intérêts  et  ses  goûts.  Ces  réflexions  émises,  je 
vais  indiquer  ici  les  noms  de  certains  prêtres  du  diocèse  de  Langres, 
signalés  par  M.  Daguin. 

NoGENT-LE-ROi,  p.  29.  Claude  Michel,  né  audit  Nogent,  curé  dudit 
lieu  pendant  20  ans,  de  1617  environ  à  1637  où  il  meurt  à  Mandres, 
tué  par  les  Croates.  Il  s'était  retiré  à  Mandres,  à  cause  de  la  peste  qui 
avait  enlevé  à  Nogent  en  moins  de  deux  mois  plus  de  500  personnes; 
il  eut  pour  successeur  en  la  cure  de  Nogent,  Sébastien  Deferrièros  ou 
de  Ferrières. 

MussEY,  p.  29.  Prévost,  curé  de  Mussey  en  1641  et  1652,  déclare 
que  les  registres  paroissiaux  dudit  lieu,  dressés  par  lui  et  ses  vicaires 
Nicolas  Godifer,  Pierre  Dubuisson  et  Pierre  Dosne,  de  1641  à  1652, 
ont  été  lacérés  et  emportés  par  des  bandes  ennemies  appelées  Marauts. 
C'étaient  des  coureurs  i\e  l'armée  de  Lorraine,  commandés  par  le 
baron  do  Fauge  ou  de  Faulgue. 

VouiicoiiT,  p.  30.  Vincent  Euvrard,  curé  do  Vouécourt,  fut  assassiné 
dans  les  bois  dudit  lieu,  puis  enterré  le  l*'r  mars  1664  à  Vignory,  au 
milieu  de  la  nef  de  l'église,  près  du  tombeau  de  feu  Lemerle,  curé  do 
Vignory. 

Laville-au-dois,  p.  31.  Jean  Cussin,  vicaire  audit  lieu,  mentionne 


CHRONIQUE  477 

sur  les  registres  une  trombe  d'eau  (jui  tomba  sur  le  village  et  l'inonda 
en  1727,  lo  12  septembre. 

Collège  dk  langues,  p.  8'.1.  Renard  Voincliet,  fils  de  N. . .  Voinchet 
et  de  Bonne  le  Genevois,  était,  dit-on,  principal  du  collège  en  1G04. 
Son  frère,  Florent  Voinchet,  notaire  à  Langres,  eut  de  son  épouse 
Anne  de  Larmoise  plusieurs  enfanis,  entre  autres  Nicolas  Voinchet, 
docteur  de  Sorbonne  et  chanoine  de  Sainl-Mammès  de  1G15  à  1G39. 

Registres  religieux,  p.  91.  De  tout  temjis  les  curés  et  vicaires  ont 
été  tenus  en  conscience  de  tenir  des  registres  relatant  les  bajjtémes, 
les  mariages  et  les  décès.  Mais  souvent  ces  registres  trop  incomplets 
ou  relatés  seulement  sur  des  feuilles  éparses,  se  perdaient.  C'est  pour- 
quoi l'autorité  civile  crut  devoir  s'en  mêler.  Ainsi  en  1539,  François  T'', 
roi  de  France,  chargea  les  pasteurs  des  âmes  de  tenir  un  registre 
spécial  où  devaient  élre  inscrils  les  baplèmes  et  les  sépultures  ;  luiis 
en  1579,  Henri  III  demanda  que  l'on  lînt  également  note  des  maria- 
ges. Lou'S  XIV  renouvela  ces  ordonnances,  et  à  dater  de  1G74,  le 
papier  destiné  à  recevoir  les  actes,  dut  porter  le  timbre  de  la  généra- 
lité. En  1709,  furent  instilués  des  greffiers,  gardes  et  conservateurs 
des  actes  de  l'état-civil. 

MAniE-ANNE  Di-  VAL  DE  DAMi'iEiiRE,  p.  27G.  Celte  jiicusc  demoiselle 
champenoise,  dont  la  Revue  nous  donne  un  apcrçr.,  tiré  de  sa  vie 
imprimée  en  1G84,  n'élait-elle  pas  un  peu  janséniste?  ce  qui  nous 
porterait  à  le  croire,  c'est  qu'on  nous  dit  naïvemimt  qu'elfe  lisait  avec 
les  lettres  de  saint  François  de  Sales  celles  de  Vabbé  de  Saint-Cijran, 
auteur  justement  condamné  pour  son  ardeur  à  défendre  et  à  soutenir 
le  jansénisme. 

Lb  paulbmb.nt  de  chalons-suu-maiine,  p.  337.  Les  actes  de  ce  par- 
lement, relatés  dans  la  Bévue,  nous  mettent  sous  les  yeux  les  vexa- 
tions qui  de  tout  temps  ont  été  exercées  en  France  contre  l'église  et 
ses  ministres,  au  nom  des  prétendues  libertés  gallicanes,  que  l'on 
cherche  à  rappeler  de  nos  jours  pour  opprimer  le  clergé,  en  jiaine  de 
la  religion. 

Notes  sur  villemorien,  p.  370.  Ces  notes  intéressent  le  diocèse  de 
Langres,  dont  Villemorien  faisait  autrefois  partie.  Nous  y  lisons  :  En 
12i5,  Geoffroy  et  Guy  de  Villemorien,  Uamoi'^eaux,  engogent  et  obli- 
gent au  mois  de  février,  à  François  Aubry,  commandeur  d'Avallimre, 
ce  qu'ils  pussèdent  à  Airelles  pour  la  somme  de  quinze  livres  vien- 
noises..., dont  l'ut  passé  a;to  devant  messire  Huyues,  évêque  de 
Langres,  chevalier  et  seigneur  de  liragclongne,  fils  de  messire 
Thibault  de  Bar- sur-Seine.  Ces  derniers  mots  méritent  une  observa- 
tion. Ilu^;ues  III  di;  Rochecorbon,  l'évoque  do  Langres  dont  il  s'agit 
ici,  était  Chartrain  d'origine  et  n'était  certuincment  ni  chevalier,  ni 
seigneur  de  Bragelongne  ou  Hragelogn(!,  ni  lils  de  Thibault  de  Rar- 
sur-Scine.  Il  faut  donc  corriger  l'article  précédcnl,  on  disant  que  l'acte 
fut  passé  devant  ♦ncssirc  Hugues,  évêque  do  Langres  et  messire  N  .., 
chevalier  et  seigneur  de  Bragclongne,  etc. 


478  CHRONIQUE 

Les  lŒGisruES  uAiTisiAiiiES,  p,  375.  L(3S  notes  de  M.  Parisot,  curé 
do  Dinteville,  données  dans  la  Bévue,  sont  inléressanles  pour  ce  qui 
concerne  les  événements  arrivés  de  son  temps  ;  mais  les  réflexions 
qu'il  se  permet  en  1718  au  suj  t  di'  la  bulle  Unigenitus,  laquelle 
causa,  dit-il,  de  grands  troubles  dans  le  monde  chrétien,  donnent  lieu 
de  soupçonner  que  ce  curé  était  peut-être  un  pi.'U  partisan  du  jansé- 
nisme. Malheureusement,  comme  on  le  sait,  il  n'était  pas  le  seul 
engagé  dans  cette  hérésie  cauteleuse. 

{A  suivre).  Roussel, 

Curé  de  Vauxbons  (Haute-Marne). 


Alexandhe  Dumas.  —  Paris,  au  nom  et  avec  les  souscriptions  de 
la  France,  vient  d'élever  une  statue  au  romancier  populaire  entre 
tous,  à  Alexandre  Dumas.  La  petite  ville  de  Villers-Gotterets  —  pres- 
que notre  voisine  —  a  décidé,  elle  aussi,  de  perpétuer  le  souvenir 
matériel  du  plus  illustre  de  ses  entants.  Là  oi!i  il  est  né,  Dumas  aura 
son  bronze. 

Un  Comité,  dont  les  sommités  locales  onl,  non  pas  accepté,  mais 
bien  sollicité  la  direction,  s'est  formé  pour  réunir  les  souscriptions 
nécessaires.  Aujourd'hui,  nous  recevons  le  chaleureux  et  poétique 
appel  que  voici  : 

Aux  Bernois. 
Rémois, 

"Vous,  qui  avez  su  rendre  le  monde  entier  tributaire  de  ce  vin  si 
éminemment  français  et  si  spirituel  ; 

Vous,  qui  avez  senti  les  jjremiers  rayons  de  cette  liqueur  d'or,  qui 
s'annonce  par  une  détonation,  comme  la  bombe  préludant  au  fou 
d'artifice  ; 

Vous,  qui  les  premiers  avez  dégusté  ces  flots  blonds  qui  font  naître 
les  bons  mots,  lancer  les  paradoxes  les  plus  étourdissants,  et  laissent 
une  traînée  lumineuse  dans  les  horizons  noirs  de  notre  esprit,  comme 
ces  étoiles  éphémères  qu'on  voit  parfois  s'enfuir  en  illuminant  la  nuit 
sombre  ; 

Ce  délicieux  Champagne,  enfin,  qui  a  inspiré  les  Contes  rémois,  si 
pleins  de  la  bonne  et  franche  verve  gauloise  ! 
Rémois, 

Croyez-vous  qu'il  n'y  ail  pas  une  corrélation  entre  lui  et  notre  grand 
romancier,  si  français  et  si  spirituel  :  Alexandre  Dumas  V 

Lui  aussi,  qu'on  dévore  avec  le  rire  aux  lèvres  ! 

Lui,  ce  conteur  populaire,  né  sur  la  lisière  de  la  vieille  Champagne, 
et  qui  trempait  sa  plume,  non  dans  l'encre,  mais  liaus  une  coui)e  d'Ay 
ou  de  fleur  de  Sillery. 

Oui,  n'est-ce  pas,  il  y  a  corrélation? 

Aussi  sommes-nous  certains  que  vous  ouvrirez  les  colonnes  de  vos 
journaux  à  une  souscription  portant  ]iour  titre  : 


CHRONIQUK  479 

Le  Vin  le  plus  français  et  le  plus  spirituel. 

A  l'Ecrivain  le  j)lus  français  et  le  plus  spirituel. 

Et  nous  ne  doutons  pas  que  les  Gliciiuot,  les  Ruederor,  les  Moët  et 
leurs  riches  collègues,  comme  aussi  les  vignerons  les  plus  modestes, 
ne  viennent  apporter,  comme  souvenir  et  de  bon  cœur,  une  parcelle, 
si  minime  qu'elle  soit,  au  bronze  de  la  statue. 

Les  secrétaires, 
Ebnest  Rocir,  Jules  IIostain. 

On  peut  envoyer  les  souscriptions  directement  à  M.  le  Maire  de 
Villers-Clotterets  ;  mais  le  Courrier  se  fera  un  plaisir  véritable  de 
transmettre  au  Comité  les  dons  que  l'on  voudra  bien  lui  adresser. 

* 

M.  Pélicier,  archiviste  du  département  de  la  Marne,  vient  d'obtenir 
de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  réunie  en  séance 
solennelle,  une  des  trois  médailles  décernées  par  elle  pour  travaux 
historiques.  Cette  récom])ense  a  été  méritée  par  le  jjeau  travail  de  M. 
Pélicier  sur  le  Gouvernement  d'Anne  de  Beaujeu. 

Une  mention  honorable  a  été  accordée  à  M.  Loriquet  pour  son  ou- 
vrage sur  les  Tapisseries  de  la  cathédrale  de  Reims. 

Dans  un  excellent  article  de  M.  Sendret,  pul^lié  dans  le  dernier 
numéro  de  la  Revue  des  questions  historiques,  suv  le  concile  de  i'ise, 
venu  en  1512,  dans  le  but,  comme  on  sait,  ù  l'instigation  do  Louis  XII 
contre  le  pape  légitime,  nous  relèverons  le  rôle  de  l'évcque  de 
Châlons-sur-Marne  qui  y  participa  et  fut  avec  l'évèque  de  Saint- 
Flour  un  des  deux  prélats  chargé  de  sommer  le  pape  Jules  II  de  com- 
paraître, revêtus  de  leurs  habits  pontificaux,  ils  crièrent  trois  fois  du 
haut  de  l'autel  :  «  Le  pape  Jules  II  est-il  ici  où  il  y  a-t-il  un  repré- 
sentant !  »  Ils  réiiétèr-^nt  trois  fois  le  même  ajjpel  au  mili(3u  de  la  nef 
de  l'égiise  et  à  la  porte,  comme  il  demeura  naturellement  sans  ré- 
ponse la  contumace  fut  prononcée  contre  le  i)ape. 


Un  très  beau  chemin  de  la  croix  vient  d'èlre  installé  dans  la  cathé- 
drale de  Chàlons.  Le  premier  tableau  porte  l'écusson  en  émail  de 
Mgr  l'évèque  à  l'initiative  dui{uel  on  le  doit.  La  cérémonie  a  eu  lieu  le 
25  novembre,  en  prési;nce  de  Mgr  l'évèque  de  Troyes  (jui  a  ])rononcé 
un  remarquable  discours.  Ce  chemin  se  compose  de  lias-reliefs  or  et 
argent,  exécuté  par  la  maison  Charlier  dans  un  style  gothique,  un  peu 
trop  fantaisiste  pour  les  archéologues,  mais  en  somme  d'un  él(''gant 
elFet. 


Au   mois  de  novembre  1882,  une  partie  des  voûtes  de   l'église  do 
Possesse  (Marne)  s'écroulèrent  et  depuis  rédificc  a  dû  être  interdit  au 


480  CHRONIQUE 

culLo.  Ou  annonce  qu'une  personae  charitable  vient  d'olfrir  à  la  com- 
mune la  somme  nécessaire  pour  réparer  complèiemeut  ce  monument. 

* 
*      * 

Nous  croyons  devoir  menlionner  la  chasse  ijui  a  ou  lieu  le  13  no- 
vembre dans  les  plaines  de  Cham])agne,  à  cause  de  son  résultat 
excei)lionnel. 

Le  comte  et  le  vicomte  de  BriaiUi's  ont  inauguré  leur  belle  chasse 
de  Prosnes  et  de  Braconnes  (Marne).  Il  y  avait  là  cinquante-et-un 
tireurs  venus  de  Paris  et  de  divers  points  de  la  Champagne.  Le 
rendez-vous  était  au  château  de  Romont,  où  l'hospitalité  est  princiè- 
rement exercée. 

La  chasse  a  été  suspendue  à  midi. 

Dans  un  site  des  plus  pittoresques,  on  avait  dressé  des  tables  sous 
bois  entourées  de  feux  de  bivouacs  qu'entretenaient  les  quatre-vingt 
traqueurs  de  la  battue.  Les  invitas  se  sont  attablés  et  le  déjeuner  a 
été  joyeusement  arrosé  de  Champagne  Moët  et  Chandon,  de  première 
marque,  comme  on  le  pense. 

En  cinq  heures  do  chasse,  on  a  abattu  GG5  pièces,  parmi  lesquelles 
on  comptait  480  lièvres,  le  reste  en  lapins,  renards,  bécasses  et  quel- 
ques perdreaux. 

Parmi  les  tireurs  inscrits  les  premiers  au  tableau,  nous  citerons  le 
colonel  de  Pierrebourg,  Paul  Gravet,  le  comte  de  BriaiUes,  Olry,  Glia- 
brier,  de  Bary  ot  le  vicomte  de  Briailles. 


Dans  le  numéro  d'octobre,  la  Revue  a  inséré  une  note  de  M.  Royer 
sur  des  fouilles  faites  par  lui  à  Dormans,  les  lecteurs  ont  pu  remarquer 
(jue  certaines  phrases  ont  été  tronquées.  Nous  le  regrettons  vivement, 
mais  en  nous  excusant  sur  la  perte  de  feuillets  qui  nous  a  empêché 
de  reconstituer  le  texte  comme  nous  l'eussions  désiré.  Heureusement 
que  cela  n'a  rien  enlevé  à  l'intérêt  même  du  travail  de  M.  Royer. 

Le  ballet  la  Farandole  que  l'on  monte  en  ce  moment  à  l'Opéra  et 
qui  préoccupe  si  vivement  le  monde  des  théâtres,  a  pour  auteur 
M.  Th.  Dubois,  un  rémois,  qui  s'est  créé  à  Paris,  comme  organiste  de 
la  Madeleine,  une  des  positions  les  ])lus  justement  considérables. 

Un  champenois  encore,  M.  le  général  do  division  Appert,  origi- 
naire de  Saint-Remy-sur-Bussy  et  conseiller  général  de  la  Marne, 
vient  d'être  nommé  ambassadeur  près  Sa  Majesté  l'empereur  de 
Russie. 

Lo  Secrélaire  Gérant, 

LiioN   Fhémo.ni 


vO 


DG       Revue  de  Champagne  et  de  Brie 
611 

C4AR5 
1. 15 


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