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Full text of "Revue de Comminges (Pyrénées Centrales) Bulletin de la Société des études du Comminges à Saint-Gaudens et de l'Académie Julien-Sacaze à Bagnères-de-Luchon"

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REVUE 

DE   COMMINGES 


SCIENCES  HISTORIQUES  ET  NATURELLES 


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REVUE 


DE 


COMMINGES 

—  PYRÉNÉES   CENTRALES  — 

BULLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  ÉTUDES  DU  COMMINGES 
DU  NÉBOUZAN  ET  DES  QUATRE-VALLÉES 


TOME  IX  —  ANNÉE  1894 


SAINT-GAUDENS 
IMPRIMERIE  ET  LIBRAIRIE  ABADIE 

1894 


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^'^"^        LISTE  ALPHABÉTIQUE 

DE  MM.  LES  Membres  de  la  Société  des  études  du  Gomminges 


BUREAU 

Baron  de  LASSUS,  Président. 


A.  COUGET,  Yitt-Prôudenl.  archiiwfe. 
Baptiste  ABADIE,  Secrétaire, 
Maurice  PICOT,  Trésorier. 


Victor  BOUGUES,  Membre. 
Albert  SOURRIEU,  membre. 
D'  Jean  PAYRAU,  Membre. 


MEMBRES   HONORAIRES 

Allmer  (Auguste),  membre  correspondant  de  l'Institut,  directeur 

de  la  Revue  épigraphique  du  Midi  de  la  France^  à  Lyon. 
Lapparent  (A.  de),  professeur  de  Géologie,  membre  de  la  Société 

géologique  de  France,  à  Paris. 
Lauriére  (Jules  de),  secrétaire  général  de  la  Société  française 

d'archéologie,  à  Paris. 
RussELL  (comte  Henry),  membre  de  la  Société  géoçraphique  de 

Paris,  de  la  Société  géologique  de  France,  de  V Alpine  club,  et 

du  Club  alpin  français,  à  Pau. 

MEMBRES  TITULAIRES 

Abadie  (Baptiste),  jiige  au  Tribunal  de  commerce,  à  Saint-Gaudens. 
AzÉMAR  (Emile),  avoué,  à  Saint-Gaudens. 

Baurier  (Léon),  membre  correspondant  de  la  Société  archéologi- 
que du  Midi,  au  château  de  Mascaron,  par  Muret. 
Bernard  (Bertrand),  membre  de  la  Société  française  d'archéologie, 

à  Luchon. 
Bougues  (Victor),  ancien  député,  à  Saint-Gaudens. 
Cargue  (Frédéric),  avoué  nonoraire,   ancien  juge  suppléant,  à 

Saint-Gaudens. 
Cau-Durban  (David),  curé  de  Castelnau-Durban  (Ariège). 
Chopinet  (Charles),  médecin-major  au  34«,  à  Mont-de-Marsan. 
Cieutat  (Léon),  conseiller  à  la  Cour  d'appel,  à  Agen. 
Clochard,  architecte,  à  Saint-Gaudens. 
CoMMiNGES  (comte  Elie  de),  au  château  de  Saint-Marcet. 
CoMPANS  (abbé),  ancien  vicaire  général,  à  Bordeaux. 
Couget  (Alphonse),  membre  de  l'Académie  de  Législation  et  de  la 

Société  archéologique  du  Midi,  à  Saint-Gaudens. 
CouRET,  curé  de  Saleich,  lauréat  de  la  Société  archéol.  du  Midi. 
DuFAUR  (Auguste),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 
Germain  (Louis),  notaire,  à  Saint-Gaudens. 
GouRDON  (Maurice),  officier  d'Académie,  membre  de  la  Société 

géologique  de  France,  à  Luchon. 
Labroquére  (Henri),  membre  de  l'Association  Pyrénéenne,  à  Ga- 

lan  (Hautes-Pvrénées). 
Lassus  (baron  Marc  de),  ancien  député,  membre  de  la  Société  des 

Bibliophiles  de  France,  à  Montrejeau,  —  et  à  Paris. 
Mariande  (Alphonse),  ancien  maire  de  Saint-Gaudens. 
Payrau  (Jeani,  docteur  en  médecine,  à  Saint-Gaudens. 
Pellbport  (Emile),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 
Picot  (Maurice),  directeur  départemental  des  Postes  et  Télégra- 
phes en  retraite,  à  Saint-Gaudens. 
SouRRiBD  (Albert),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 
Thévenin  (Nuno),  président  du  Tribunal  civil,  à  Saint-Gaudens. 
TouJBAN  (Jean),  conducteur  des  ponts-et-ohaussées,  à  St-Gaudens. 
Trespaillé  (Alexis),  commandant  d'artillerie  en  retraite,  à  Anti- 
gnac. 


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MEMBRES  LIBRES 

BT    ^OUSGRlrTBURS    A    LA.    "  jf^BVUB    DB    pOMMINOBS   >> 

Les  lettres  vi  désignent  les  membres  libres  ou  correspondants 

Abadib  (Félix),  pharmacien,  à  Saînt-Gaudens,  ml. 

Abadie  (Noël),  imprimeur-libraire,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Adoue  (Paul),  à  Montrejeau,  ml. 

Adoue,  curé,  à  Anan. 

Ambrody  (Frédéric),  instituteur  public,  à  Escanecrabe,  ml. 

Ané,  propriétaire,  à  Boulogne. 

Anla,  négociant,  à  Lille  (Nord),  ml. 

Archives  de  la  Haute-Garonne. 

Archives  de  la  Société  historique  de  Gascogne,  à  Auch. 

Armand,  curé,  à  Orthez  (Basses-Pyrénées),  ml. 

AsHER,  libraire,  à  Berlin. 

ASPET  (Bibliothèque  de  la  ville  d'). 

AuBÉRY  (M*»"  la  marquise  d'),  au  château  de  la  Fontaine,  par  les 

Ormes  (Vienne). 
AuRiGNAC  (Bibliothèque  de  la  ville  d') 

AviRAGNET  (Elie),  expert  des  G"»  d'assurances,  à  St-Gaudens,  ml. 
Bagnéres-de-Luchon  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 
Barbazan  (Bibliothègue  de  la  ville  de). 
Baron,  expert-géomètre,  à  Labarthe-Rivière,  ml. 
Bascans  (Louis),  officier  d'Académie,  à  Samân,  ml. 
Batmalle,  au  château  de  Sarremezan,  ml. 
Baudouin,  archiviste  départemental,  à  Toulouse,  ml. 
BAZffRQUE,  curé  à  Cierp. 
Baurier,  manufacturier,  à  Barcelone. 

Beauregard  (de),  au  château  de  Gabarret,  à  Labarthe-Inard. 
Bedin  (l'abbéK  aumônier  du  Saint-Nom  de  Jésus,  à  Montrejeau. 
Belloc  (Emile),  officier  d'Académie,  membre  de  la  Société  géolo- 

§ique  de  France,  du  Club  Alpin  rrançais,  délégué  de  la  section 
es  Pyrénées  au  Conseil  d'administralion,  à  Paris,  ml. 
Benque  (de),  secrétaire  général  de  la  Banque  de  France,  à  Paris,  ml. 
Bergougnan,  propriétaire,  à  Montrejeau. 
BiNOS  de  Pombarat  (de),  à  Toulon. 
BizE  (Hyacinthe),  banquier  à  Montrejeau. 
Bladé.  correspondant  de  l'Institut  de  France,  à  Agen,  ml. 
Bordes  (abbéj,  professeur  de  sciences,  à  Juiliy  (Seine-et-Marne). 
BoRDÉRES,  docteur-médecin,  à  Montrejeau. 
BoRGELLA   (Edmond),   officier  d'Académie,  juge  d'instruction,   à 

Saint-Gaudens,  ml. 
Bouche,  curé,  à  Guran. 
Bouche,  curé,  à  Huos. 
Bouillon  (Gaston),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 
Boulogne-sur-Gesse  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 
BouRDETTE  (Jean),  homme  de  lettres,  à  Toulouse. 
Bourgade,  pharmacien,  à  Boulogne. 
Cardaillac  (de),  avocat,  à  Tarbes  (Hautes-Pyrénées),  ml. 
Carayon-Latour  (marouise  de),  à  Podensac. 
Garsalade  du  Pont  (aobé  J.  de),  membre  de  la  Société  française 

d'archéologie,  à  Auch  (Gers),  ml. 
Cartailhac  (Emile),  directeur  de  V Anthropologie,  à  Toulouse. 
Casse  (Jean-Marie),  manufacturier, 
Gasteran  (Paul  de),  avocat,  à  Toulouse. 
Cazeneuve,  curé-doyen,  à  Montrejeau. 
Chamaison,  percepteur,  à  Saint-Martory, 
Chibalib  (Léonard),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 
CiEUTAT  (Joseph),  greffier  au  Tribunal  civil,  à  Saint-Gaudens. 
Clouzet  (Bertrand),  négociant,  à  Montrejeau. 


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CONDESSE  (Justin),  notaire,  à  Alan,  ml. 

GoRBiER,  huissier,  à  Montrejeau. 

CouGET  (Georçes),  à  Bordeaux  et  à  Luchon,  ml. 

CouRET  (Henri),  pharmacien,  à  Saint-Gaudens. 

Courtois  (de),  boulevard  Malesherbes,  à  Paris. 

Couture  (abbé),  professeur  à  la  Faculté  libre  de  Toulouse. 

Dasque  (Henri),  professeur  de  musique  à  Montrejeau. 

Deaddé,  général  de  brigade  en  retraite,  à  Saint-Gaudens. 

Décap,  instituteur,  à  Muret. 

Delassus,  capitaine  au  83«,  à  Saint-Gaudens. 

Douais  (abbé),  professeur  à  l'Institut  catholique  de  Toulouse,  se- 
crétaire général  de  la  Société  archéologique  du  Midi,  ml. 

Doux,  avoué,  à  Saint-Gaudens. 

DuBuc  (Sylvain),  licencié  en  droit,  à  Cazavet  (Ariège),  ml. 

DuLAC  (abbé),  à  Tarbes. 

DuLOxN,  professeur,  à  Saint-Germain-en-Laye,  ml. 

Dumas  de  Rauly,  archiviste  de  Tarn-et-Garonne,  ml. 

Encausse  de  Labatut  (baron  d'),  à  Eoux,  près  d'Aurignac. 

Fabre  d'Envieu,  chanoine  de  Saint-Denis,  ancien  professeur  à  la 
Sorbonne,  château  de  Montpezat,  à  Saint-Martory,  ml. 

Faure  (Louis),  notaire,  à  Montrejeau. 

Ferran  (abbé),  curé  de  Baurech  (Gironde). 

Ferras,  docteur  médecin,  à  Luchon. 

Fourcade  (Henri),  curé,  à  Saint-Elix. 

Fourcade,  curé,  à  Nestier. 

Franquès,  instituteur,  à  Montespan,  ml. 

Froment,  docteur-médecin,  à  Nestier  (Hautes-Pyrénées). 

Fages  (Barthélémy),  officier  d'Académie,  aumônier  du  collège  de 
Saint-Gaudens  en  retraite,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

FocH  (Jean),  docteur  en  médecine,  à  Saieich,  ml. 

Gardarens  de  Boîsse  (de),  juge  au  Tribunal  civil,  à  Montauban. 

Galard  (M»«  la  comtesse  de)  à  Aurignac. 

Garonne,  curé,  à  Urau. 

Gorsse  (de),  conservateur  des  forêts,  à  Pau,  ml. 

Goulard  (Marc  de),  au  château  de  Luscan,  par  Loures. 

Guilhot  de  Lagarde,  au  château  de  Boussan,  près  d'Aurignac,  ml. 

Hay  (Aristide),  à  Talence,  Bordeaux. 

Jaffary  (Jules),  notaire,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Jordy  (André),  avocat,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Lacroix,  supérieur  du  Petit-Sémin-iire  de  Polignan. 

Lahondés  (Jules  de)  président  de  la  Société  archéologique  du  Midi 

de  la  France,  ml. 
Lamarque  (Raymond),  avoué,  à  Saint-Gaudens,  ml. 
Lapierre,  avocat,  bibliothécaire  bon'**'  de  la  ville,  à  Toulouse,  ml. 
Larrieu,  pharmacien,  à  Montrejeau. 
La  Roche  (marquis  de  Fontenilles),  à  Paris. 
Lassus  (Bertrand  de),  à  Montrejeau,  ml. 
Lassus  (Henri  de),  au  château  de  la  Nine,  à  Boussan. 
IjEstrade,  vicaire  de  la  Dalbade,  à  Toulouse. 
LlSLE-EN-DoDON  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 
LONGUEFOSSE  (Charles),  à  Saint-Gaudens,  ml. 
LouGE,  docteur-médecin,  à  Demu  (Gers). 

LozÈs  (Lucien),  conseiller  général,  à  Tibiran  (Hautes-Pyrénées). 
Maribail  (Henri  de),  docteur  en  droit,  avocat,  à  St-Gaudens,  ml. 
Marsan,  curé  de  Soulan  (Hautes-Pyrénées). 
Mathieu,  curé,  à  Saint-Mamet. 

Maubé  (François),  curé-doyen,  à  St-Bertrand-de-Gomminges,  ml, 
Mengaud,  inspecteur  des  forêts,  à  Saint-Gaudens. 
Ministère  de  l'Instruction  publique,  à  Paris. 
MoNTOUSSÉ-DuLYON  (Chatles),  au  château  de  Barbazan. 
Montrejeau  (Bibliothèque  de  la  ville  de).   • 
Nouaillan  (M««  la  V»"  de),  au  château  de  Prat-Bonrepos  (Ariège). 


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Partsch,  professeur  à  TUniversité  de  Breslau. 

Pelleport-Burette  (  vicomte  de  ),  ancien  sénateur,  Bordeaux,  ml. 

Périsse  (Firmin),  avocat,  à  Toulouse. 

PiETTE  (Edouard),  juge,  membre  de  la  Société  d^anthropologie  de 
Paris  et  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  à  Rumigny 
(Ardennes),  ml. 

Piou  (Jacques)^  ancien  député,  à  Paris,  ml. 

Plante,  propriétaire,  à  Lannemezan. 

PoTTiER  (abbé),  président  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et- 
Garonne,  à  Montauban,  ml. 

PouY  (de),  9,  rue  d'Anjou,  à  Paris. 

Privât  (Paul),  libraire-éditeur,  à  Toulouse,  ml. 

Pujo,  à  Montrejeau. 

RégnXult  (Félix),  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  à  Tou- 
louse, ml. 

Reulet,  curé-doyen,  à  Aurignac,  ml. 

RiviÂRE,  docteur-médecin,  à  Malvezie. 

RuAU  (Joseph),  licencié  ès-lettres  d'histoire,  à  Toulouse,  ml. 

RuBLE  (baron  de),  à  Beaumont-de-Lomagne. 

Sacase  (Charles),  ancien  magistrat,  à  Marignac,  ml. 

Sales  (Joseph),  juge  au  Tribunal  civil,  à  Saint-Gaudens. 

Saint-Arroman  (Charles),  avocat,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Saint-Béat  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Saint-Gaudens  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Saint-Jean  (Eugène),  officier  de  l'Instruction  publique,  à  Ville- 
neuve-de-Riviere,  ml. 

Saint-Martory  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Saint-Paul  (Antnyme),  homme  de  lettres,  à  Paris,  ml. 

Saint-Paul  (Damien),  négociant,  à  Montrejeau. 

Salies-du- Salât  (Bibliothèaue  de  la  ville  de). 

Saporta  (de),  à  Manosque  (Basses-Alpes). 

Sarrieu  (Gustave  de)«  a  Montrejeau. 

Sarthe,  libraire,  à  Luchon. 

Saudinos-Ritouret  (M">«),  à  Paris. 

Société  académique  de  Tarbes. 

Société  ariégeoise  des  lettres,  sciences  et  arts,  à  Foix. 

Société  archéologique  du  Midi,  à  Toulouse. 

Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne,  à  Montauban. 

Société  des  Etudes  Historiques,  à  Paris. 

SosT,  capitaine  en  retraite,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Souques  (Armand),  avocat,à  Saint-Gaudens,  ml. 

SouviLLE.  officier  supérieur  de  marine  en  retraite,  à  Aurignac. 

SuARÉs  d  Alaceyda  (de)  au  château  de  la  Terrasse,  à  Saint-EIix 

Terrade,  architecte,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

TouzET,  curé-archlprétre,  à  Saint-Gaudens. 

Trespaillé  (Jean),  avoué,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Valle,  receveur  buraliste,  à  Saleich. 

Yerdibr,  professeur  au  Petit-Séminaire  de  Garaison,  ml. 

ViDAiLHET,  curé-doyen,  à  Boulogne-sur-Gesse. 

Vicaires  (les)  de  Saint-Gaudens. 


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LES  GlERRES  DU  XVIIP  SIÈCLE 

SUR  LES   FRONTIÈRES 

DU  C01VtM:iNGi^E:S 

DU  GOUSERANS  ET  DES  QUATRE-VALLEES 


II 


GUERRE  DE  LA  QUADRUPLE  ALLIANCE 

sous    LA    RÉGENCE    DU    DUC    D'ORLBANS 

1719-1720 


SOMMAIRE 

La  Régence.  —  Causes  de  la  guerre  de  1719.  —  La  triple  et  la  qua- 
druple alliance.  —  La  conspiration  de  Gellamare.  —  Le  cardinal 
Alberoni.  —  L'abbé  Dubois.  —  Rupture  avec  l'Espagne.  —  Mani- 
feste approuvé  par  le  conseil  de  régence.  —  La  déclaration  de 
guerre  mal  accueillie  dans  le  pays  et  dans  l'armée.  —  Distribu- 
tions d'argent.  —  Le  maréchal  de  Berwick  accepte  le  comman- 
dement en  chef.  —  Le  duc  de  Liria,  son  fils.  —  Le  prince  de 
Gonti  mis  à  la  tcte  de  la  cavalerie.  —  La  cour  d'Espagne  cher- 
che à  provoquer  les  désertions.  —  M.  Le  Blanc,  secrétaire  d'Etat 
du  département  de  la  guerre.  —  11  combine  avec  Berwick  le 
plan  de  la  campagne.  —  Instructions  envoyées  aux  intendants.  — 
M.  Leclerc  de  Lesseville,  intendant  de  la  généralité  d'Auch  et 
Béarn.  —  Formation  d'un  camp  à  Muret.  —  Berwick  veut  s'em- 
parer de  la  vallée  d'Arari.  —  Le  marquis  de  Bonas,  maréchal  de 
camp,  choisi  pour  diriger  l'expédition.  —  Sa  bravoure.  —  Son 
caractère.  —  Il  étudie  la  situation  du  pays.  —  Essai  de  négocia- 

Retue  de  Comminces,  1*'  trimestre  1894.  Tome  IX.  —  1. 


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tions  avec  le  baron  de  Lez,  gouverneur  de  Gastelléon.  —  Mémoire 
de  M.  de  Conches  sur  la  vallée  d'Âran  et  les  vallées  frontières. 
—  Le  marquis  de  Noé,  sénéchal  des  Quatre-Vallées,  charg:é 
d'organiser  et  de  commander  les  milices  de  ce  pays.  —  Le  châ- 
teau de  Tramesaîgues  mis  en  état  de  défense.  —  Arrivée  des 
troupes  du  Languedoc  et  du  Roussillon  à  Montrejeau.  —  Déser- 
teurs exécutés  à  Saint-Gaudens.  —  Bonnes  dispositions  des 
habitants  du  Comminges  et  du  Couserans.  —  M.  de  Yallières, 
maréchal  de  camp  d'artillerie.  —  Il  prépare  à  Montrejeau  le 
matériel  pour  le  siège  de  Gastelléon.  —  Les  frontières  de  la  val- 
lée d'Aure  bien  gardées.  —  Avertissement  aux  peuples  de  la 
vallée  d'Aran  par  le  marquis  de  Bonas.  —  Il  leur  promet  de  les 
bien  traiter  s'ils  ne  prennent  par  les  armes  contre  lui.  —  Le 
baron  de  Lez,  gouverneur  de  Gastelléon,  reçoit  des  renforts  et 
de  Tartillerie.  —  Il  fait  couper  les  ponts,  et  combler  d'arbres 
abattus  les  chemins  de  la  vallée.  —  Etat  des  régiments  qui  doi- 
vent faire  le  siège  de  Gastelléon.  —  Les  milices  réservées  pour 
un  service  à  l'intérieur.  —  M.  de  Bonas  va  camper  à  Gierp  avec 
ses  troupes.  —  Les  Miquelets  menacent  le  Gouserans.  ~  M.  de 
Gonches  envoyé  à  Saint-Girons.  —  M.  de  Bonas  se  décide  à  pas- 
ser on  Espagne  par  Luchon.  —  Il  va  reconnaître  le  Portillon 
et  fait  ouvrir  un  chemin.  —  3,500  hommes  employés  à  cette  labo- 
rieuse opération  que  les  ingénieurs  regardent  comme  impratica- 
ble. —  Malgré  de  grande  difficultés,  le  passage  des  troupes  effec- 
tué. —  Transport  par  la  même  voie  de  Tartillerie  et  des  muni- 
tions. —  Gamp  formé  devant  Gastelléon  et  blocus  de  la  place.  — 
Gommunications  rétablies  avec  la  France  par  le  Pont  du  Roi.  — 
Description  des  attaques.  —  Journal  du  siège  par  M.  Dumaine^ 
brigadier  des  ingénieurs.  —  Gurieux  et  visiteurs  qui  vont  voir 
les  opérations  militaires.  —  Anciens  officiers  et  gentilshommes 
du  Gomminges  offrent  leurs  services,  -r-  L'archidiacre  d'Aran 
Piette  en  mission  auprès  de  M.  de  Bonas.  —  Activité  des  subdé- 
légués de  M.  de  Lesseville.  —  Feu  violent  des  pièces  de  siège  et 
des  mortiers.  —  Reddition  de  la  place  de  Gastelléon.  —  La  gar- 
nison prisonnière  de  guerre  envoyée  à  Lectoure.  —  M.  de  Gham- 
pier  nommé  gouverneur.  —  Lettres  do  Le  Blanc  à  Bonas.  r-  Pro- 
motions et  récompenses.  —  M.  do  Bonas  envoyé  dans  la  Gonquo 
de  Tremps  avec  un  corps  d'armée.  —  Réserves  à  Montrejeau, 
Luchon,  Saint-Béat.  —  Les  arquebusiers  de  montagne  ou  Mique- 
lets français.— Leur  indiscipline  et  mauvaise  contenance  devant 
l'ennemi.  —  Se  font  battre.  —  Victoire  de  M.  de  Bonas  à  Mon- 
sec.  —  La  guerre  transportée  en  Gatalogne.  —  M.  de  Bonas 
prend  ses  quartiers  d'hiver  dans  la  Conque  de  Tremps.  —  Ghute 
d'Alberoni.  —  Le  prince  Pio  reprend  Urgel.  —  Les  Français  se 


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retirent  dans  le  Roussillon.  —  La  paix  signée  à  Londres  le  17 
février  1720.  —  Satisfaction  universelle  que  cause  la  fin  de  la 
guei^re. 


Tout  a  été  dit  sur  la  Régence,  cette  période  d'agitation 
bruyante  et  de  désordre  moral  qui  suivit  la  mort  de 
Louis  XIV.  La  prodigieuse  variété  des  événements  s'y 
complique  d'un  tel  jeu  de  passions,  qu'un  intérêt  sans 
cesse  en  éveil  s'attache  à  Fhistoire  de  ces  années  remplies 
d'intrigues,  de  cabales,  d'agiotages  et  de  perturbations 
financières.  Ces  crises  intérieures,  qui  bouleversèrent  les 
fortunes  privées  sans  rétablir  celle  de  l'État,  fournirent 
aux  ennemis  du  Régent  des  armes  pour  le  combattre.  Les 
haines  des  partis,  les  ambitions  déçues,  les  rivalités  et  les 
excitations  de  toute  sorte  profitèrent  du  malaise  général 
pour  former  des  trames  et  des  complots.  La  plus  célèbre 
de  ces  conspirations,  celle  qui  porte  le  nom  du  prince 
de  Cellamare  son  principal  auteur,  est  trop  connue  pour 
que  nous  jugions  utile  d'en  rappeler  ici  l'origine  et  les 
circonstances.  Il  nous  sufïira  d'indiquer  les  événements 
politiques  dont  elle  devint  la  cause  ou  le  prétexte. 

On  sait  que  le  mécontentement  des  princes  légitimés, 
privés  par  arrêt  du  Conseil  de  la  qualité  de  princes  du 
sang  et  du  droit  d'hérédité  au  trône  de  France,  servit  de 
point  d'appui  capital  aux  desseins  ambitieux  du  cardinal 
Alberoni  '«  le  plus  grand  ministre  de  l'Espagne  après  le 

i.  Alberoni  naquit  en  Italie,  aux  environs  de  Plaisance»  en  1664.  Une  destinée  extraor- 
dinaire était  réservée  à  ce  fils  d'un  pauvre  jardinier.  Entré  dans  rÉglise  après  de  longs 
efforts,  il  vint  en  France,  acquit  les  bonnes  grâces  du  duc  de  Vendôme  qu'il  amusait  par 
ses  saillies  bouffonnes,  et  devint  son  secrétaire  pendant  la  guerre  d'Espagne.  Il  montra 
les  plus  remarquables  qualités  dans  toutes  les  affaires  et  négociations  dont  il  fut  charge. 
Nommé  ministre  de  Parme  auprès  de  Philippe  V,  il  lit  épouser  à  ce  prince  Elisabeth 
Farnése,  fille  du  duc  de  Parme,  et  fort  habilement  renvoya  la  princesse  des  Ursins  dont 
Tinfluence  à  ta  cour  d'Espagne  était  illimitée.  Dès  lors,  il  régna  seul  sur  le -roi  et  sur  la 
nouvelle  reine.  Ministre  d'Etat,  cardinal  en  1717,  il  conçut  le  projet  de  rendre  à  la  monar- 
chie espagnole  son  ancien  éclat.  Son  coup  d'oeil  embrassait  tous  les  genres  d'administra- 
tion. Il  mit  les  finances  en  ordre,  et  l'armée  sur  un  pied  formidable  ;  il  dressa  les  règle- 
ments les  plus  favorables  à  Tagriculture,  aux  arts,  au  commerce  ;  il  établit  des  manufac- 
tures et  ranima  l'industrie.  Aussi  profond  politique  et  aussi  tenace  que  Richelieu,  aussi 
adroit  et  aussi  rusé  que  Mazarin,  il  manqua  de  mesure,  et  plus  inconsidéré  que  ces  deux 


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cardinal  Ximénès.  Passionné  pour  sa  patrie  d'adoption, 
cet  homme  d'État  avait  résolu  de  la  délivrer  de  ses  enne- 
mis, et  de  lui  rendre  la  puissance  qu'elle  avait  perdue 
depuis  la  paix  des  Pyrénées.  Pour  arriver  à  ces  fins,  il 
voulut  changer  la  face  de  l'Europe.  11  méditait  de  restaurer 
les  Stuarts  en  Angleterre ,  d'enlever  à  l'Autriche  Naples 
et  la  Sicile,  et  surtout  il  s'attachait  à  convaincre  Philippe  V 
son  maître  qu'il  devait  revenir  sur  sa  renonciation  au 
trône  de  France.  Pour  opposer  une  barrière  aux  préten- 
tions du  roi  d'Espagne,  le  Régent  se  hâta  de  conclure  la 
triple  alliance  avec  la  Hollande  et  l'Angleterre  directe- 
ment menacées  par  les  plans  redoutables  d'Alberoni. 
L'adhésion  de  l'Autriche,  en  1718,  forma  la  quadruple 
alliance.  Les  vues  si  vastes  mais  en  même  temps  si  chi- 
mériques du  premier  ministre  d'Espagne  n'aboutirent 
qu'à  des  revers.  «  Il  avait  voulu  servir  son  maître  comme 
»  Richelieu  avait  servi  le  sien,  mais  le  temps,  les  lieux  et 
»)  le  maître  lui-même  étaient  bien  différents  ^  » 

La  conspiration  de  C.ellamare,  très  adroitement  surveil- 
lée et  déjouée  par  l'abbé  Dubois  2,  excita  dès  la  première 

hommes  d'Elat,  il  joua  dans  des  entreprises  follemcnl  léméraires  sa  propre  renommée  et 
la  forlane  renaissante  de  la  patrie  d*adoplioD  à  laquelle  il  s*ëlait  consacré. 

La  conspiration  de  Cellamare  amena  la  guerre  de  1719.  et  la  chîîie  retentissante  du 
ministre  qui  n'avait  rien  négligé  pour  tramer  des  intrigues  en  France  et  provoquer  la 
révolle  contre  le  gouvernement  de  la  Régence.  Disgracié  tout  à  coup  par  Philippe  V 
(décembre  1719),  Aibcroni  quitta  précipitamment  TEspaguc  au  milieu  de  daugers  sans 
nombre,  gagna  Tltalie,  et  dîsparnt  pendant  quelques  années  au  fond  d'une  retraite  incon- 
nue.  Tel  était  Péclat  de  sa  renommée,  quMl  obtint  dix  voix  au  Conclave  de  1724. 

Nommé  légat  de  Bologne  et  de  Ravenne,  Alberoni.  loin  de  uégliger  une  situation  aussi 
secondaire  en  comparaison  du  gnnd  rôle  qu'il  avait  joué  en  Europe,  donna  des  preuves 
d*une  inTatigable  activité,  s'occupa  très  assiduement  des  affaires  de  sa  légation,  et  se  mon- 
tra très  habile  administrateur  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  à  Rome  en  1762.  Il  avait  88  ans. 

Cet  homme,  si  merveilleusement  doué  du  côté  de  l'esprit,  était  disgracié  par  la  nature. 
Court  et  gros,  avec  une  tète  énorme,  un  visage  d'une  longueur  démesurée,  il  présentait 
an  premier  abord  un  aspect  grotesque  et  ridicule.  Sa  conversation  étiocelante,  son  élo- 
quence naturelle,  ses  manières  courtoises  le  transfiguraient  au  point  qu'on  oubliait  sa 
laideur.  Tout  entier  h  son  ambition  et  à  sa  passion  pour  les  intrigues,  il  travaillait  dix- 
huit  heureS'par  jour,  et  ne  faisait  qu'un  seul  repas  d*unc  frugalité  de  cénobite. 

En  février  1735.  Alberoni  et  Voltaire  échangèrent  quelques  lettres.  Il  est  curieux  de 
voir  en  quels  termes  élogieux  le  philosophe  s'adresse  an  cardinal. 

(Roass6t«  Vie  d^Alberoni,  1719.  —  Voir  Duclos,  Saint-Simon,  etc.) 

1.  D'Argenson»  Essais,  p.  144. 

2.  Dubois,  fils  d*un  apothicaire  de  Drive-la-Gaillarde,  précepteur  du  Régent,  con.«cil- 
1er  d'État,  ministre,  archevêque  de  Cambroi,  cardinal,  doué  d'une  intelligence  flexible, 


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heure  un  mouvement  unanime  d'indignation  contre  les 
promoteurs  de  guerres  civiles  et  contre  le  ministre  étran- 
ger qui  troublaient  audacieusement  le  royaume.  Mais  les 
esprits  se  calmèrent  quand  on  vit  le  Régent  ne  point 
user  de  rigueur  à  Tégard  de  conspirateurs  devenus  sim- 
plement justiciables  du  ridicule  qui  termine  tout  en 
France.  Le  public  se  prit  facilement  à  croire  que  les 
conflits  ne  sortiraient  pas  des  chancelleries,  et  que  la 
paix  ne  subirait  aucune  atteinte. 

La  guerre  proposée  au  conseil  de  régence,  et  votée 
le  10  janvier  1719,  surprit  la  France  et  TEuropc.  Les 
Anglais  qui  l'avaient  demandée  craignirent  môme  que  le 
Régent  n'eût  pas  l'intention  d'agir  sérieusement  :  le  gou- 
vernement britannique  envoya  lord  Stanhope,  l'un  de 
ses  plus  habiles  ministres,  à  Tarmée  française,  pour  as- 
sister aux  premières  opérations  de  la  campagne. 

Afin  d'éclairer  la  nation  sur  les  causes  de  la  rupture 
avec  l'Espagne,  Dubois  fit  approuver  par  le  conseil  de 
régence  un  manifeste  dont  la  rédaction,  confiée  à  Fonte- 
nelle,  se  recommandait  par  une  grande  modération  dans 
les  termes,  ce  qui  n'empêche  pas  Saint-Simon  de  l'appe- 


pénélrante»  étendue,  mais  basse  et  corrompue»  fit  signer  la  triple  alliance  à  la  Haye,  le  4 
janvier  1717.  —  •  Un  peu  d'esprit,  beaucoup  de  débauche,  de  la  souplesse,  et  surtout  le 
«  goût  de  son  maître  pour  la  singularité,  firent  la  prodigieuse  Torlune  de  cet  homme.  ■ 
(Voltaire.) 

I^  cynisme  et  les  vices  scandaleux  de  Dubois  jettent  le  plus  profond  discrédit  sur  sa 
vie  d'homme  d'Élat.  Le  grand  acte  de  sa  politique  est  le  changement  qu'il  effectua  dans 
les  relations  extérieures  de  la  France.  Malgré  les  traditions  diplomatiques. de  Louw  XIV, 
malgré  les  princes,  malgré  Téloignement  personnel  du  roi  Georges  pour  le  Régent,  mal- 
gré Âlberoni,  il  réussit  à  conclure  le  traité  de  la  triple  et  plus  tard  de  la  quadruple 
alliance,  nouveau  système  international  ayant  pour  base  la  sécurité  de  la  France  par  les 
puissances  mêmes  qui  avaient  été  si  longtemps  ses  implacables  ennemies.  Le  négociateur 
français,  au  prix  de  complaisances  dont  il  payait  ralliance  du  cabinet  britannique,  recon- 
struisait les  Pyrénées  que  Louis  XIV  pensait  avoir  supprimées. 

On  a  toujours  écrit  que  Dubois  recevait  une  pension  de  500,000  livres  de  l'Angleterre. 
Un  récent  ouvrage  de  M.  Viesener,  s'éclairant,  non  plus  seulement  des  récits  des  seuls 
enuemis  du  Régent  et  de  Dubois,  mais  des  archives  de  Londres,  a  démontré  l'inanité  de 
cette  accusation. 

Chez  Dubois,  Thommc  privé  fera  toujours  tort  à  Thomme  public.  On  a  dit  aussi  que 
cet  homme  de  bas  étage,  arrivé  par  de  scandaleux  moyens  aux  premières  fonctions  de 
l'État,  n'avait  pu  supporter  sans  une  implacable  jalousie  qu'Alberoni,  sorti  de  la  même 
poussière,  jouât  un  aussi  grand  rôle  en  Europe.  Le  désir  d'abullre  ce  rival  supérieur 
aurait  été  l'un  des  motifs  déterminants  de  la  triple  alliance. 


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1er  «  une  pièce  masquée,  fardée,  pitoyable  jusqu'à  mon- 
»  trer  la  corde,  parce  que  nul  art  ne  pouvait  couvrir  le 
»  fond  ni  produire  rien  de  plausible  ^  » 

Les  ennemis  du  gouvernement,  à  leur  tour,  répandi- 
rent quatre  pièces  d'un  caractère  plus  ou  moins  sédi- 
tieux :  un  manifeste  du  roi  d'Espagne  adressé  aux  trois 
États  de  France,  une  lettre  de  Philippe  V  au  jeune  roi, 
une  circulaire  aux  parlements,  et  une  requête  des  trois 
États  de  France  à  Philippe  V,  Le  parlement  de  Paris  se 
contenta  de  supprimer  par  arrêt  ces  divers  libelles. 

Quatre  années  à  peine  venaient  de  s'écouler,  depuis 
que  la  guerre  de  succession  avait  pris  fin.  Le  pays  épuisé 
ne  demandait  que  la  réparation  des  maux  qu'elle  avait 
causés.  La  détresse  était  générale,  la  dette  publique 
énorme,  les  déficits  en  progression  constante;  l'agiotage 
prenait  des  proportions  effrénées  et  préparait  de  nou- 
velles ruines.  Les  Français,  qui  n'avaient  pas  vu  sans 
une  fierté  légitime  un  prince  de  la  maison  de  Bourbon 
appelé  à  régner  sur  l'Espagne,  manifestaient  ouvertement 
la  surprise  et  les  regrets  que  provoquait  une  guerre  entre 
les  membres  de  la  même  famille.  Dans  l'armée,  le  mé- 
contentement n'était  pas  moins  vif.  Il  répugnait  à  de 
loyaux  officiers,  la  plupart  comblés  par  Philippe  V,  de 
porter  les  armes  contre  un  souverain  dont  ils  avaient 
consolidé  le  trône  au  prix  de  leur  sang. 

Le  Régent  ne  put  méconnaître  ce  mouvement  d'opinion, 
lorsqu'il  dut  choisir  les  officiers  généraux  chargés  de 
prendre  part  à  l'expédition^.  Plusieurs  se  récusèrent, 
entr'autres  d'Asfeldt,  lieutenant-général,  qui  devint  plus 
tard  maréchal  de  France*.  «  Monseigneur,  dit-il  au  duc 


1.  Voltaire  préteod  à  tort  que  La  Molle  Hoodard.de  l*Acadëinie  française,  avait  composé 
le  manifeste  qoi  ne  fat  signé  par  personne.  (Siècle  de  Louit  X\\  éd.  de  Kehl,  p.  8.) 

2.  Celle  liste  comprenait  :  dix  lieateoanls-généranx,  dix-nraf  maréchaux  de  camp, 
vingt-trois  brigadiers  d'infanterie,  onxe  brigadiers  de  cavalerie,  trois  brigadiers  de 
dragons.  (Archives  historiqaes  da  Ministère  de  la  guerre,  vol.  2.  560.) 

3.  Asfeldl  (Clande-Françoi*  Didal  d*)  chevalier,  puis  marqnis,  né  en  1667.  mort  en 
1743.  lientenant-général  en  1704.  maréchal  de  France  en  1734.  (Pinard.  Chronologie  miU- 
Uiire.J 


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»  d'Orléans,  je  suis  Français,  je  vous  dois  tout,  et  je 
»  n'attends  rien  que  de  vous.  »  Puis,  lui  montrant  sa  toi- 
son :  ce  Que  voulez-vous  que  je  fasse  de  cecy  que  je  tiens 
»  du  roi  d'Espagne?  Dispensez-moi  de  servir  contre  un 
»  de  mes  bienfaiteurs.  » 

Il  paraphrasa  si  bien  sa  répugnance,  suivant  Saint- 
Simon,  que  le  Régent  se  laissa  convaincre,  et  ne  lui 
donna  qu'une  mission  sédentaire  à  Bordeaux.  D'Asfeldt 
ne  sortit  pas  de  cette  ville  pendant  toute  la  durée  de  la 
guerre. 

On  fît  comprendre  au  maréchal  de  Villars  le  prix  qu'on 
attacherait  à  son  acceptation  du  commandement  général 
de  l'armée.  On  ne  put  rien  obtenir.  Le  Régent  se  retourna 
vers  Berwick  qui  se  montra  plus  accommodant. 

cr  Sa  Majesté,  lui  dit-il,  vous  donne  le  commandement 
»  de  son  armée  contre  l'Espagne.  Vous  allez  perdre  ap- 
»  paremment  la  pension  de  cent  mille  livres  que  vous 
»  donne  Sa  Majesté  Catholique,  mais  le  roi  vous  indemni- 
»  sera.  »  —  «  Monseigneur,  répondit  le  maréchal,  je  ferai 
»  toujours  le  cas  que  je  dois  des  marques  de  confîance 
»  que  Sa  Majesté  voudra  bîen  me  donner.  J'obéirai  à  ses 
»  ordres.  Si  je  perds  cette  pension  de  cent  mille  livres, 
»  je  serai  moins  sensible  à  cette  perte  qu'à  la  gloire  qui 
»  me  revient,  lorsque  je  peux  donner  des  preuves  de 
»  mon  zèle  pour  le  service  du  roi  et^pour  l'utilité  du 
»  royaume*.  » 

Quarante  mille  hommes  devaient  être  réunis  sous  les 
ordres  de  Berwick^.  Le  maréchal  se  rendit  à  Bayonne, 
point  de  ralliement  du  premier  corps  d'armée.  Dès  son 
arrivée,  il  apprit  que  le  duc  de  Liria,  son  fils,  avait  été 

1.  Mémairet  de  Berwick,  t.  ii,  p.  318. 

2.  Jacques  Fitz-James,  duc  de  Berwick,  maréchal  de  France,  fils  naturel  de  Jacques  II 
et  d*ArabeIIa  Churchill,  sœur  de  Marlborough,  né  en  1660,  tué  d'un  boulet  de  canon, 
en  1734,  au  siège  de  Philippsbourg. 

Naturalisé  Français  en  1703,  il  acquit  une  grande  renommée  par  ses  talents  militaires. 
Il  était  Troid,  méthodique,  prudent,  bon  laclicien,  et  savait  au  besoin  agir  avec  prompti- 
iode.  Il  remporta  de  grands  succès  en  Espagne  pendant  la  guerre  de  succession,  gagna  la 
célèbre  bataille  d*Almanza,  et  prit  Barcelone  après  Tun  des  plus  terribles  sièges  dont  This- 
toire  fasse  mention. 


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pourvu  d'un  commandement  dans  les  troupes  espagnoles. 
Il  lui  écrivit  de  rester  à  son  poste  et  de  faire  loyalement 
son  devoir.  Celuî-ci  répondit  qu'il  saurait  en  toute  occa- 
sion accorder  ses  obligations  envers  son  père,  et  envers 
le  souverain  qui  avait  reçu  son  serment  de  fidélité.  Cer- 
tains virent  une  sorte  d'héroïsme  dans  cette  conduite. 
D'autres  se  bornèrent  à  la  trouver  simplement  habile 
et  conforme  aux  traditions  que  les  deux  Berwick  em- 
pruntaient à  leur  pays  d'origine.  Hume,  l'historien  des 
Stuarts,  ne  dit-il  pas  en  effet  que  chez  les  Écossais  le 
père  et  le  fils  embrassent  des  partis  contraires,  afin  que 
l'un  d'eux,  quel  que  soit  l'événement,  puisse  sauver  les 
biens  ou  la  tcte  du  vaincu  ? 

Berwick  renvoya  sa  toison  d'or  à  Philippe  V  qui  ne 
lui  pardonna  jamais,  dit  Saint-Simon. 

Pour  triompher  des  hésitations  ou  des  répugnances,  le 
Régent  fit  une  large  distribution  d'actions  de  la  banque 
du  Mississipi  aux  officiers  de  tous  grades  envoyés  contre 
l'Espagne. , On  répandit  l'argent  à  pleines  mains.  Les 
troupes  en  marche  vers  les  Pyrénées  reçurent  plusieurs 
mois  de  solde  d'avance.  On  voulut  qu'un  prince  du  sang 
donnât  par  sa  présence  de  l'éclat  à  cette  campagne.  Le 
prince  de  Conti  se  laissa  nommer  commandant  de  la  ca- 
valerie S  et  n'embarrassa  l'armée  que  de  son  rang,  de 
son  inexpérience  et  de  ses  querelles  avec  Berwick. 
D'après  Saint-Simon,  il  reçut  150,000  livres,  beaucoup 
de  vaisselle,  se  fit  i)ayer  des  équipages  magnifiques, 
même  jusqu'à  ses  frais  de  poste,  et  ce  fut,  dit  Duclos, 
tout  ce  qu'il  retira  de  la  gloire  de  sa  campagne  ! 

Alberoni  avait  fait  savoir  par  ses  agents  secrets  que  la 
couronne  d'Espagne  prendrait  à  sa  solde  un  corps  de 
dix  mille  Français.  Les  trois  fleurs  de  lis  étaient  déjà 

y* 

\.  Conli  (Louis-Arnifliid  de  Bourbon  prince  de),  né  en  1693,  mort  en  1727,  membre  dn 
conseil  de  régence,  gonvernenr  du  Poitou,  etc.  11  joua  dans  diverses  cireonstani-os  un 
ri\!e  singulier  et  sévèrement  jupe  pnr  ses  conlemporains.  H  n'avait  pas  hérilé  de  respiii, 
a<'  )a  voleur  et  des  qualités  séduisantes  qui  avaient  Tait  de  son  père  t  ridole  de  la  rour, 
■  du  peuple  et  de  l'aroiée,  le  héros  des  oniciers,  l'espérance  de  ce  qu'il  y  avait  de  plus 
distingué.  >  (Saint-Simon.) 


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peintes  pur  tous  les  drapeaux  de  Tarmco  espagnole. 
Philippe  V  crut  que  de  nombreuses  désertions  allaient 
lui  livrer  des  oflîciers  qui  désapprouvaient  hautement 
la  guerre,  et  des  soldats  attires  par  Tappât  d'une  plus 
forte  paie*.  L'exemple  et  la  sévérité  do  Borwick  contin- 
rent les  mécontents,  les  largesses  du  Régent  gagnèrent  les 
indécis,  le  sentiment  de  Thonneur  et  la  discipline  préva- 
lurent, et  le  roi  d'Espagne  fut  interdit  de  ne  voir  venir 
à  lui  que  des  déserteurs  de  la  plus  vile  espèce,  et  en 
nombre  très  restreint. 

Déjà  très  critiquée  à  Paris,  la  guerre  était  encore  plus 
impopulaire  dans  les  provinces,  surtout  dans  les  pays 
qui  confinaient  à  l'Espagne.  Les  protestations  se  mani- 
festaient fort  librement  par  des  écrits  et  même  par  des 
actes.  Les  États  du  Languedoc  refusèrent  la  levée  des 
milices  par  une  délibération  prise  à  Tunaniraité.  Redou- 
tant les  conséquences  de  cette  décision,  le  gouvernement 
ne  voulut  pas  user  de  contrainte.  Il  dispensa  la  province 
de  cette  charge,  moyennent  une  contribution  de  cent 
soixante-cinq  mille  livres^. 

Les  impressions  ne  furent  pas  moins  défavorables  sur 
la  ligne  de  nos  frontières,  dans  le  Comminges  et  dans 
les  contrées  voisines.  Les  habitants  des  deux  royaumes 
avaient  repris  leurs  vieilles  relations,  tristement  inter- 
rompues pendant  quinze  années  de  1700  à  1715;  ils 
jouissaient  à  peine  des  premiers  bienfaits  d'une  paix  qu'on 
leur  avait  garantie  durable  et  solide.  La  nouvelle  d'une 
prise  d'armes  agita  singulièrement  tous  les  esprits,  et 
raviva  les  souvenirs  des  calamités  souffertes  durant  la 
guerre  de  succession.  Tous  les  états  éprouvaient  des 
craintes:  la  noblesse,  très  appauvrie,  ne  prévoyait  qu'un 
accroissement  de  gêne;  les  négociants  et  les  industriels. 


1.  La  cour  d'Espaj^'iic  complait  d'aiiUinl  plus  sur  les  «hiserliiuis  quVlics  se  proiluisnieiit, 
depuis  quelques  années,  avec  une  persislancc  qui  ne  dimiuuail  pas  maigre  les  filus  sévères 
répressions.  Depuis  le  16  juillet  1716  jusqu'au  ;)0  novembre  1717,  on  avait  p/)mplé  11,491) 
dt'scrleurs  dont  388  avaient  été  c\éculé<.  (Lemontey,  Ilisloire  de  la  Rétjence,) 

2.  Dota  Vaisselle,  Histoire  de  Languedoc.  » 


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10 

privés  de  la  facilité  des  communications  et  de  la  liberté 
des  échanges,  allaient  être  forcément  lésés  dans  leur 
commerce;  le  peuple  savait  que  la  levée  des  milices* 
causerait  les  plus  graves  dommages  aux  travaux  des 
champs.  Il  s'attendait  aux  taxes  inévitables,  à  l'aggrava- 
tion de  sa  misère.  On  se  disait  que  le  traité  des  Lies  et 
Passeries  ne  manquerait  pas  d'être  mis  à  néant.  Nos 
vallées  reverraient  les  Miquelets  de  Philippe  V,  non  moins 
farouches  et  redoutables  que  ceux  de  l'archiduc.  Des 
pillages,  des  incendies,  comme  celui  de  Luchon  de  sinis- 
tre mémoire,  désoleraient  le  pays  !  Au  moins,  lors  de  la 
précédente  guerre,  on  comptait  des  alliés  nombreux  en 
Espagne.  On  se  battait  pour  maintenir  sur  le  trône  de 
Charles-Quint  un  prince  de  la  maison  de  France!  Ici 
rien  de  semblable:  c'était  une  lutte  de  peuple  à  peuple, 
entre  les  membres  d'une  même  famille  royale,  sans  motifs 
plausibles,  ou  du  moins  compris  par  la  foule,  n'intéressant 
ni  la  dignité  ni  la  sécurité  du  royaume,  à  ce  titre  ne 
pouvant  ni  passionner  les  honnêtes  gens,\îi  justifier  les 
sacrifices.  On  aflichait  dans  les  paroisses  des  placards 
injurieux  pour  le  Régent.  On  invitait  les  hommes  de  la 
milice  à  la  révolte.  On  répandait  de  faux  bruits  :  l'armée 
ne  marcherait  pas  ;  les  désertions  seraient  innombrables. 
Le  gouvernement  capitulerait  devant  la  nation  soulevée 
tout  entière  contre  lui.  Les  hostilités  à  peine  commencées 
ne  dureraient  pas  plus  de  quinze  jours  en  présence  de  la 
réprobation  universelle,  et  de  cette  guerre  néfaste  con- 
damnée à  Tavance,  il  ne  resterait,  pour  les  hommes  qui 
l'auraient  provoquée  malgré  le  pays,  que  le  remords  de 
l'avoir  déclarée  et  le  déshonneur  de  n'avoir  pas  osé  l'en- 
treprendre. 

Dans  la  pensée  intime  du  gouvernement  de  la  Régence, 
en  cela  d'accord  avec  le  sentiment  public,  la  guerre  inau- 
gurée avec  un  grand  appareil  militaire  ne  nécessiterait 
pas  remploi  de  forces  considérables.  L'Espagne  ne  pos- 
sédait pas  des  moyens  de  résistance  suflisants.  De  plus, 
les  agents  du  pouvoir  ne  cessaient  de  proclamer  que 


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Tunique  but  de  ces  armements  formidables  était  le  ren- 
versement du  ministre  qui  mettait  le  feu  à  FEurope. 
Âlberoni  disparu,  la  paix  serait  signée  le  lendemain  de 
cette  délivrance.  Insensiblement,  les  oppositions  s'apai- 
sèrent. Dès  que  nos  drapeaux  furent  déployés,  le  patrio- 
tisme reprit  son  empire.  De  toutes  parts  le  même  espoir 
se  fit  jour:  obtenir  de  prompts  succès,  autant  pour  garder 
inviolable  l'honneur  de  nos  armes  que  pour  hâter  un 
dénouement  pacifique  dans  l'intérêt  des  deux  nations. 

Depuis  le  24  septembre  1718,  Claude  Le  BJanc  *  remplis- 
sait les  fonctions  de  secrétaire  d'État  du  département  de 
la  Guerre.  Saint-Simon,  qui  se  vante  d'avoir  pris  une 
part  importante  à  la  nomination  de  ce  ministre,  le  peint  en 
trois  mots  :  <r  II  était,  dit-il,  plein  d'esprit,  de  capacité, 
d'expédients.  »  D'accord  avec  Berwick,  Le  Blanc  arrêta 
les  grandes  lignes  du  plan  de  campagne.  Le  premier 
effort  devait  se  porter  sur  la  Navarre.  On  mettrait  le 
siège  devant  Pontarabie,  et  l'on  s'emparerait  des  pro- 
vinces Basques.  Entre  Toulouse  et  les  Pyrénées  cen- 
trales, un  camp  réunirait  des  troupes  destinées  à  surveiller 
nos  frontières  depuis  les  limites  du  Roussillon  jusqu'au 
Béarn.  De  forts  détachements  seraient  prêts  à  secourir  les 
points  les  plus  menacés  du  comté  de  Foix,  du  Couserans, 

1.  Claade  Le  Blanc,  flls  de  Louis  Le  Blanc,  intendant  de  Normandie,  né  le  1"  décem- 
bre 1669.  Sa  mère  était  la  sceur  du  maréchal  de  Bezons. 

Conseiller  au  parlement  de  Metz,  maître  des  requêtes,  intendant  d*Auvergne  en  1704, 
de  Dunkerque  et  d^Ypres  en  1706,  membre  du  conseil  de  la  guerre  en  1716. 

Le  Régent,  qui  Testimait  fort,  rétablit  pour  lui  les  fonctions  de  secrétaire  d'Etat  de  la 
guerre,  supprimées  à  la  mort  de  Louis  XIV. 

Duclos  le  peint  comme  un  ministre  consommé,  actif,  plein  d'expédients,  aimé  des  trou- 
pes, estimé  du  public,  ferme  sans  hauteur. 

On  doit  à  Le  Blanc  d'utiles  ordonnances,  notamment  celle  du  15  mars  1720  portant 
réorganisation  de  la  maréchaussée  dans  tout  le  royaume,  les  règlements  sur  le  service  de 
Tartillerie  et  sur  Thabillement  des  troupes,  etc.,  etc. 

Il  fut  nommé  en  1719  grand-croix  de  Saint-Louis  et  grand-prèfôl  de  Tordre. 

Disgracié  en  1723,  il  fut  mis  à  la  Bastille  sous  Tinculpation  d'avoir  puisé  des  fonds 
dans  la  caisse  du  trésorier  extraordinaire  de  la  guerre  La  Jonchére  qui  avait  fait  banque- 
route. 

Traduit  devant  le  parlement,  il  obtint  un  arrêt  d'acquittement.  Rappelé  aux  fonctions 
de  secrétaire  d'État  do  la  guerre,  il  les  conserva  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  à  Versailles  le 
19  mai  1728. 

Le  Blanc  eut  deux  frères  engagés  dans  les  Ordres,  qui  devinrent  évêques  d'Avranches  et 
de  Sarlat. 


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42 

du  Comminges,  des  Quatre -Vallées  et  du  comté  do 
Bigorre.  Un  troisième  corps  d'armée  envahirait  la  Catalo- 
gne par  le  Roussillon.  A  la  tête  de  cinquante  escadrons  de 
cavalerie,  le  prince  de  Conti  suivrait  la  ligne  des  Pyrénées 
françaises,  maintiendrait  les  communications  et  prêterait 
main-forte  aux  corps  qui  se  trouveraient  plus  ou  moins 
engagés.  Les  milices  provinciales,  employées  à  Tintérieur 
pour  des  services  d'ordre  et  de  police,  sauf  dans  les  cas 
d'extrême  urgence,  ne  marcheraient  pas  avec  les  troupes 
réglées.  Dans  les  circonstances  présentes,  on  se  méfiait 
de  l'esprit  frondeur  et  de  l'indiscipline  de  ces  auxiliaires, 
dont  les  dernières  expériences  avaient  révélé  plus  d'une 
fois  le  manque  de  cohésion  et  de  solidité.  Recommanda- 
tion était  faite  aux  chefs  de  corps  de  traiter  au  début  les 
Espagnols  avec  les  plus  grands  ménagements,  de  recou- 
rir aux  voies  conciliantes,  et  de  représenter  les  Français 
non  comme  des  ennemis  mais  comme  des  libérateurs. 

Le  10  janvier  1719,  M.  Le  Blanc  transmet  à  tous  les 
intendants  un  mémoire  fait  pour  le  public  et  qui  l'informe 
de  tous  les  efforts  tentés  par  le  Régent  afin  d'éviter  la 
guerre  avec  l'Espagne.  Ce  manifeste  sera  communiqué 
aux  troupes. 

Ce  même  jour,  il  donne  à  M.  Leclerc  de  Lesseville  S 
intendant  de  la  généralité  d'Auch  et  Pau,  des  instruc- 


1.  Leclerc  de  Lcssevillc,  irUeudaut  de  Limoges,  successeur  de  M.  Le  Gendre  dans  la 
géncralilé  d'AucIt  et  de  Pau,  garda  sa  place  peudanl  treize  ans.  11  choisit  Pau  pour  sa 
résidence. 

Administrateur  instruit,  éclairé,  traitant  les  ail'aires  avec  beaucoup  d'ordre,  de  mesure 
cl  de  prudence. 

Le  30  août  1719,  le  mnréilinl  de  Berwick,  devint  traverser  la  ville  de  Pau  avec  sonclat- 
major,  annonça  qu'il  logerait  chez  rinteudant.  M.  de  Lesseville  reçut  avec  empressement 
cet  bote  illustre  et  voulut  loger  It-s  ofliciers  chez  les  conseillers  au  parlement.  I^  cour 
se  retrancha  sur  son  privilège  d'exemption  du  logement  des  gens  de  guerre.  Après  nn 
échange  de  pourparlers,  on  Huit  par  transiger.  —  Le  parlement  déclara  qu'il  dresserait  la 
liste  de  ceux  de  ses  memhres  qui  devraient  donner  Thospitiiiité  aux  ofliciers  de  la  suite  du 
maréchal.  Il  était  temps  que  l'afTairc  s'arrangeât,  car  ceux-ci  commerM^ient  à  enfoncer  les 
portes  des  maisons  qui  leur  avaient  élc  désignées  ci  à  traiter  MM.  du  fiarlcment  comme 
des  gens  chez  lesquels  on  prend  la  place  d'ussaut.  (!el  iuriilenl  lit  iienucuu|i  dr  hrnil,  nuiis 
n'eut  pas  de  suites  fâcheuses  pour  M.  de  Lesse\ille. 

Ce  dernier  passa  les  derniers  mois  de  son  administration  à  Paris. 

Hardoin  de  Chàlons,  évéque  de  Lescor.  écrivant  le  il  janvier  1731  a  l'abbé  Tristan. 
curé  de  Gan,  lui  disait  : 


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43 

tions  particulières  concernant  les  peuples  des  vallées  , 
frontières  d'Espagne,  qu'il  serait  très  utile  de  gagner 
d'avance  par  d'adroites  promesses  et  d'amicales  assu- 
rances. «  Exercez,  ajoute-t-il,  une  surveillance  active  sur 
»  le  pays  des  Quatre- Vallées  qu'on  m'a  dépeint  comme 
»  ayant  de  l'inclination  pour  l'Espagne*.  » 

Le  16  janvier,  le  maréchal  de  Berwick  écrit  do  Bor- 
deaux au  Régent  qu'il  rassemble  les  différents  corps  do 
l'armée  à  Bayonne  et  dans  le  centre  des  Pyrénées.  Deux 
bataillons  d'infanterie  sont  déjà  partis  pour  tenir  garni- 
son à  Saint-Béat  et  à  Saint-Bertrand  ^.  Par  le  même  cour- 
rier, il  explique  à  Le  Blanc  de  quelle  façon  il  échelonne 
les  troupes  destinées  à  marcher  sur  les  frontières  de  la 
généralité  d'Auch.  Les  Quatre- Vallées  se  garderont  elles- 
mêmes.  Le  marquis  de  Noé,  sénéchal  du  pays,  a  reçu 
l'ordre  d'organiser  les  milices  et  d'en  prendre  le  com- 
mandement. On  peut  avoir  confiance  dans  les  compagnies 
des  vallées  d'Aure  et  de  Louron,  composées  d'hommes 
résolus  et  de  bonne  volonté».  «  Pour  ce  qui  est  de  la 
»  vallée  d'Aran,  ajoute  le  maréchal,  et  de  Castelléon  dont 
»  il  importe  de  s'emparer  à  bref  délai,  le  marquis  de 
»  Bonas  doit  nous  proposer  les  moyens  de  nous  en  ren- 
»  dre  maîtres.  Il  y  a  envoyé  des  amis  pour  reconnaître 
»  la  place.  Le  reste  du  pays  est  bien  assuré  jusqu'en 
»  Roussillon  par  la  quantité  de  neige  qui  y  est  tombée. 

>  Je  soupais  hier  au  soir  avec  M.  de  Lessoville  voire  iotendanl.  ^'ous  étions  trop  de 
*  monde  pour  parler  en  liberté.  Il  me  parla  du  caractère  des  gens  du  pays,  mais  avec 
>  beaucoup  de  circonspection.  > 

M.  de  Lesseville  fut  remplacé  par  M.  de  Pomereu.  (Raymond,  Notice  sur  la  Intendants 
de  héarn,  Paris,  Dupont,  1665.) 

1.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre  :  guerre  d*£spagne  de  1719,  R.  2.560. 

2.  Archh'es  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  5.560. 

3.  En  1475,  Louis  Xr  voulant  reconnaître  la  Udélité  des  habitants  des  Quatre- Vallées, 
leur  accorda  la  continuation  des  privilèges  dont  les  comtes  d'Armagnac  leur  avaient 
octroyé  la  concession.  II  les  alTranchit  de  tous  péages,  droits,  impositions  ordinaires  et 
extraordinaires,  à  la  réserve  de  la  solde  des  gens  de  guerre.  Seulement  il  n'ajouta  pas 
l'obligation  de  loger  ces  derniers,  attendu  que  les  habitants  devaient  payer  une  somme 
annuelle  de  941  livres  et  scanner  tous  eux-mêmes  pour  défendre  le  pays  à  leurs  dépens  en 
cas  de  péril  pressant  et  d'incursion  étrangère,  ce  qu'ils  avaient  toujours  fait  avec  honneur 
et  fidélilé.  (Enquête  du  2  janvier  1601,  par  devant  Dominique  Dnfour,  juge  des  Raronnies. 
—  Ex  nostris  A,  CGC.  ir  47.) 


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u 

»  Le  mois  prochain,  je  répandrai  de  l'infanterie  le  long 
»  de  la  frontière.  M.  de  Fimarcon,  commandant  en  Rous- 
»  sillon,  demande  la  formation  de  quatre  bataillons  de 
»  Miquelets  ou  fusiliers  de  montagnes  à  douze  compa- 
»  gnies  de  trente  hommes  '.  » 

Antoine  de  Pardaillan  de  Gondrin,  marquis  de  Bonas, 
créé  maréchal  de  camp  au  commencement  de  Tannée 
1719,  avait  rendu  les  plus  brillants  services  en  Espagne 
pendant  la  guerre  de  succession,  en  qualité  de  brigadier 
de  cavalerie.  Habile  au  maniement  du  cheval  et  de  Tépée, 
très  alerte  et  très  vigoureux  aux  attaques,  joignant  à 
Taudace  le  coup  d'œil  et  la  décision,  il  possédait  le  don 
du  commandement  et  il  savait  inspirer  confiance  aux 
soldats.  Un  seul  trait  suffit  à  le  peindre. 

Le  3  février  1711,  devant  Girone,  il  conduisait  une 
charge  contre  des  Miquelets.  Au  plus  fort  de  la  mêlée 
grièvement  blessé  d'un  coup  de  feu,  il  refusa  de  se  faire 
penser,  et,  restant  pendant  trois  heures  à  cheval  à  la  tète 
de  son  régiment,  il  se  battit  avec  un  courage  héroïque. 
Quand  il  eut  mis  les  Miquelets  en  fuite,  épuisé  par  la 
perte  de  son  sang,  n'ayant  plus  qu'un  souffle  de  vie,  le 
vaillant  oflicier  faillit  mourir  sur  le  champ  de  bataille. 
Sa  guérison  fut  un  miracle.  En  racontant  cette  action 
d'éclat  à  M.  Voysin,  alors  secrétaire  d'État  de  la  guerre, 
M.  de  Noailles,  commandant  de  l'armée  de  Catalogne, 
avait  eu  raison  de  dire  :  M.  de  Bonas  est  <c  Tun  des  meil- 
leure sujets  des  troupes  du  Roi».  » 

A  cette  vaillance  devant  l'ennemi,  le  marquis  ajoutait 
des  façons  très  nobles,  un  caractère  droit  et  loyal,  un 
esprit  d'une  rare  souplesse  et  fertile  en  ressources,  le 
tact  et  le  discernement  nécessaires  pour  manier  les  hom- 
mes et  pour  surmonter  les  difficultés,  toutes  choses  qui 
sentaient  le  gentilhomme  de  vieille  race,  et  le  Gascon 
de  la  bonne  marque.  Parlant  à  merveille  la  langue  espa- 

i.  Archives  hisloriques  du  Ministère  de  la  guerre:  guerre  d'Espagne  de  1719,  R.  2.  560. 
2.  LcUre  de  M.  de  Noailles  à  Voysin,  4  février  17M«  du  camp  de  Girone.  (Archives  his- 
toriques du  Ministère  de  la  guerre,  vol.  2.  330,  p.  64.] 


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45 

gnoIe,  connaissant  à  fond  les  populations  des  vallées 
frontières,  très  estimé  dans  le  comté  de  Comminges  où  il 
comptait  des  parents  et  des  amis,  Bonas  avait  toutes  les 
qualités  requises  pour  vaincre  des  adversaires,  soit  par 
Tadresse  des  négociations,  soit  par  la  force  des  armes. 
Pour  Texécution  de  ses  plans  relatifs  à  Castelléon  et  à  la 
vallée  d'Aran*,  Berwick  ne  pouvait  choisir  un  chef  plus 
habile  et  plus  brave. 

Il  importait  de  s'assurer  discrètement  des  véritables 
dispositions  des  Aranais.  Se  lèveraient-ils  en  masse  con- 
tre Tinvasion  française,  ou  laisseraient-ils  le  champ  libre 
aux  opérations  militaires  des  deux  partis  sans  y  prendre 
part?  Les  informations  variaient  sur  ce  point.  La  vallée, 
disait-on,  gardait  un  profond  ressentiment  des  charges  et 
des  amendes  dont  elle  avait  été  accablée  après  le  sac  de 
Luchon  en  1711.  Sous  Tempire  de  ces  souvenirs  et  de  ces 
rancunes,  une  prise  d'armes  générale  était  à  craindre. 
D'après  d'autres  renseignements,  la  grande  majorité  des 
habitants,  qui  tenaient  pour  le  parti  de  l'archiduc  pendant 
la  guerre  de  succession,  n'ayant  accepté  Philippe  V  que 
par  la  force  des  circonstances,  observerait  une  sorte  de 
neutralité.  M.  de  Bonas  n'omit  point  dans  ses  courses  de 
visiter  l'évêque  de  Comminges,  et  de  solliciter  l'appui  de 
la  légitime  influence  du  prélat  2  sur  ses  diocésains  d'Espa- 


1.  Le  marquis  de  Bonas  fat  nommé  lientenant-géuëral  en  1734,  et  gi'i^d-croix  de  Tor- 
dre de  Saint-Loais  en  1735.  Il  mourut  le  6  avril  1651.  (Pinard,  Chronologie  milUaire.) 

Ces  détails  particuliers  sur  M.  de  Bonas  sont  extraits  de  nos  Archives,  lettres,  corres- 
pondances, etc. 

2.  l/cvêqne  de  Comminges  était  Gabriel-Olivier  de  Lubiére  du  Bouchet,  natif  de  Saint- 
Poorçain  en  Auvergue,  mort  en  1740  au  château  d*Alan.  Les  qualités  dominantes  de 
ce  prélat  paraisseni  avoir  été  la  vigilance  et  la  fermeté. 

Malgré  sa  réunion  à  TEspagne,  la  vallée  d*Aran  était  restée,  depuis  l'an  1192,  sous  la 
juridiction  de  Tévéque  de  Conminges,  dont  l'autorité  se  trouvait  limitée  par  un  concordat 
établi  entre  lui  et  les  rois  d*Espagne. 

Un  dignitaire  du  chapitre  de  Comminges  avait  le  titre  d*archidiacre  d'Ara n  et  Barousse. 
La  vallée  comprenait  deux  arcbiprélrés  :  Lez  et  Cessa. 

L*Évéque  était  représenté  par  un  proviseur  indigène  du  pays,  en  même  temps  que  par 
Tarchidiacre  capilulaire.  En  vertu  des  attributions  et  pouvoirs  de  ce  proviseur,  appel  de 
ses  sentences  pouvait  être  fait  au  métropolitain  d'Auch,  sans  passer  par  la  juridiction  de 
l'évéqac. 

Les  Aranais  qui  se  destinaient  &  Télat  ecclésiastique  faisaient  leurs  études  au  Séminaire 


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46 

gne.  Celui-ci  répondit  que  la  matière  était  fort  délicate, 
que  son  autorité  touchait  exclusivement  au  spirituel  et  ne 
se  mêlait  point  de  politique.  Néanmoins,  il  tenterait  quel- 
ques -démarches  avec  une  prudente  réserve,  mais  il 
recommanda  surtout  au  marquis  de  traiter  les  Aranais 
avec  une  grande  modération  et  de  leur  inspirer  confiance 
dès  rentrée  en  campagne.  Le  respect  absolu  des  person- 
nes et  des  biens,  la  répression  sévère  dos  moindres 
vexations  seraient  plus  efficaces  que  toutes  les  exhorta- 
tions. M.  de  Bonas  promit  d'agir  conformément  à  ces 
sages  conseils,  et  tint  parole. 

Dans  le  courant  de  janvier  1719,  M.  de  Couches,  officier 
des  ingénieurs  du  roi,  est  envoyé  à  Saint-Gaudens  avec 
la  mission  spéciale  d'étudier  la  situation  des  frontières. 

Le  mois  suivant,  il  envoie  à  M.  Le  Blanc  un  mémoire 
dont  voici  le  résumé  : 

c<  Les  Espagnols  n'ont  point  de  troupes  sur  les  fron- 
»  tières.  Dans  la  Conque  de  Tremps  il  n'y  a  guère  que 
j)  cinquante  hommes  de  pied  et  cinquante  chevaux,  mais 
*  on  commence  à  lever  des  Miquelets. 

»  En  temps  de  guerre,  la  vallée  d'Aran  prend  une  im- 
»  portanco  capitale.  Ce  pays  ne  renferme  pas  moins  de 
»  trente-cinq  villages  gouvernés  par  deux  cent  cinquante 
»  prêtres.  En  ce  moment,  Alberoni  Tinonde  de  ses  libol- 
»  les.  C'est  le  refuge  habituel  de  tous  les  déserteurs  qui 
»  viennent  de  France. 

»  On  recrute  dans  la  vallée  d'Aran  des  volontaires 
»  intrépides.  Les  agents  d' Alberoni  cherchent  à  soule- 
»  ver  cette  population,  mais  sans  succès  jusqu'à  présent. 

»  Au  milieu  de  la  vallée,  entre  le  château  de  Castel- 
yy  léon  et  le  chemin  qui  mène  au  Portillon,  s'étend  une 
»  petite  plaine  où  les  Espagnols  pourraient  asseoir  un 
»  camp    dans   les   conditions   les    plus   favorables.   Ils 


iliocésain  de  Comminges  établi  à  Saint-Gaadens,  et  recevaient  les  ordres  sacrés  en  France 
avant  de  revenir  dans  leur  pays. 

En  1719,  onze  élèves  de  la  vallée  d'Aran  figurent  sur  le  registre  du  Séminaire  de  Sainl- 
(;audens.  fExnoiiris  A  :  Registre  du  Séminaire  de  1702  à  1762.) 


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47 

»  seraient  à  bonne  portée  pour  faire  même  des  courses 
»  en  France  par  le  Pont  du  Roi  et  la  vallée  de  Saint-Béat. 

»  Comme  on  Ta  toujours  reconnu  lors  des  guerres  pré- 
»  cédentes,  pour  obvier  à  ces  dangers,  il  n'y  a  pas  de 
»  meilleur  et  de  plus  sûr  expédient  que  de  prendre  Cas- 
»  telléon. 

»  La  forteresse  a  été  remise  en  bon  état  :  les  murs  ont 
»  quatre  à  cinq  pieds  d'épaisseur,  les  courtines  cinq  à 
»  six,  et  trois  toises  et  demie  de  hauteur.  Le  gouverneur 
»  est  un  jeune  gentilhomme,  le  seul  de  la  vallée,  le  baron 
»  de  Lèzi,  marié  à  une  demoiselle  de  Belbèze  d'une  mai- 
»  son  noble  du  Comminges.  Il  est  inexpérimenté,  mais  très 
»  brave,  et  fidèle  serviteur  de  Sa  Majesté  Catholique.  Il 
»  n'a  que  deux  pièces  de  canon  et  un  fauconneau,  mais  il 
»  attend  six  pièces  nouvelles  de  fort  calibre.  La  garnison 
»  se  compose  de  quarante  soldats  et  de  quelques  canon- 
»  niers  mal  payés.  Le  gouverneur  a  demandé  deux  cents 
»  hommes  qu'il  peut  loger  à  l'aise.  Il  répare  à  force  les 
»  remparts,  et  se  prépare  à  soutenir  un  siège. 

»  Il  ne  faut  pas  lui  laisser  le  temps  de  terminer  ces  tra- 
»  vaux  et  de  recevoir  des  secours. 

A  Le  château  est  construit  sur  le  roc.  On  doit  l'attaquer 
j>  par  Las  Bordes  avec  de  grosses  pièces  de  siège  et  des 
»  mortiers  pour  aller  plus  vite  en  besogne.  Les  rochers 
»  serviront  d'épaulements  naturels.  En  quelques  jours, 
i>  les  opérations,  vigoureusement  conduites  par  un  ingé- 
»  nieur  et  par  un  commissaire  d'artillerie  qui  auraient  plus 
»  de  courage  et  d'industrie  que  d'art  et  de  science,  ouvri- 
»  raient  une  brèche,  et  l'on  donnerait  l'assaut.  Trois  ou 
»  quatre  solides  bataillons  avec  de  fortes  réserves  à  Saint- 
»  Béat  suffiraient  à  terminer  promptement  cette  campa- 
»  gne. 

»  Castelléon  en  nos  mains,  nouB  possédons  la  clef  de 
1»  l'Espagne  :  il  sera  très  essentiel  d'assurer  la  libre  cir- 
»  culation  des  troupes  et  de  garder  tous  les  ports  et  pas- 

1.  Ce  goayernenr  avait  été  nommé  par  Philippe  V,  apréa  la  priae  de  Gaatelléco,  en 
1711,  imr  lea  troupes  de  rarchidoc. 
RtTVi  M  Conracou,  !•'  trimestre  1894.  Tokb  IX.  —  2. 


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48 

»  sages.  Cinq  bataillons  et  un  régiment  de  dragons  y 
»  seront  employés,  savoir:  un  au  port  de  la  Picade  ;  on  se 
»  rappelle  qu'après  avoir  pris  Vénasque,  M.  d'Arpajon 
»  fit  passer  trois  mille  hommes  par  cet  endroit  pour 
»  venir  attaquer  Castelléon.  Un  bataillon  suffit  pour  le 
»  port  de  Biella.  Deux  bataillons  sont  indispensables 
»  pour  le  port  de  Paillas  qui  mène  à  la  Conque  de 
»  Tremps  ;  par  ce  passage  d*un  accès  plus  facile,  le 
>y  comte  de  Taff  descendit  avec  ses  troupes  et  les  Mique- 
»  lets  de  Tarchiduc  pour  aller  surprendre  et  brûler 
»  Bagnères-de-Luchon.  On  doit  se  mettre  en  état  d'évi- 
»  ter  le  retour  d'une  aussi  déplorable  aventure. 

»  En  une  nuit,  on  va  de  Saint-Béat  au  pied  de  Castel- 
»  léon.  Le  château,  pour  ne  pas  résister  longtemps,  doit 
»  être  isolé  de  toute  communication  avec  TEspagne.  On 
»  peut  faire  passer  des  troupes  venant  dû  Couserans  par 
a  Mongarry,  Salardu,  Vielle.  Une  colonne  tournant  le 
»  port  de  la  Picade  arriverait  en  peu  de  temps  à  Aubert 
»  par  le  vallon  d'Artigue-Telline. 

D  Le  bruit  court  que  les  peuples  de  la  vallée  d'Aran 
»  seraient  favorablement  disposés  pour  la  France,  mais 
»>  cela  mérite  vérification.  La  prise  de  Castelléon  produi- 
»  rait  un  grand  effet  moral,  et  donnerait  toute  sécurité 
»  contre  les  tentatives  des  Espagnols  sur  nos  frontières.  '  » 

A  la  fin  du  mois  de  février,  le  marquis  de  Bonas  pro- 
pose au  maréchal  de  Berwick  de  nouer  des  intrigues,  et 
d'ouvrir  des  intelligences,  pour  s'emparer  de  Castelléon 
sans  tirer  un  coup  de  canon.  Il  ira  secrètement  sur  place 
combiner  le  plan  d'une  surprise  ou  d'un  coup  de  main 
qu'on  exécuterait  de  nuit  avec  une  centaine  d'hommes 
éprouvés  et  résolus.  Seulement  il  faudrait  agir  dans  le 
mystère,  à  l'improviste,  et  surtout  ne  pas  attendre  Tarri- 
vée  des  renforts  promis  au  gouverneur  ». 

Autorisé  par   Berwick,   M.   de  Bonas  revint  sur  la 

1.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 

2.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  3.  560. 


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49 

frontière  et  fit  adresser  quelques  propositions  au  baron 
de  Lèz.  Celui-ci  ne  voulut  rien  entendre.  Il  demeura  d'au- 
tant plus  inébranlable  dans  son  dévouement  à  Philippe  V, 
que  ce  prince  l'avait  comblé  de  grâces  particulières  et  de 
précieux  témoignages  de  confiance. 

ff  II  nous  faut  donc  prendre  Castelléon  par  force,  écrit 
»  Berwick  à  Le  Blanc,  le  8  mars.  Je  fais  envoyer,  par 
»  les  soins  de  M.  de  Jaunay,  l'artillerie  et  le  matériel  de 
»  siège,  de  Bordeaux  à  Toulouse  par  la  Garonne.  Le 
»  château  n'ayant  pas  de  souterrains,  on  expédiera  des 
»  mortiers  dont  l'effet  sera  très  puissant».  » 

Le  27  mars,  le  maréchal  transmet  au  ministre  un  état 
de  propositions  dressé  par  le  marquis  de  Noë,  sénéchal 
des  Quatre- Vallées,  et  par  le  syndic  du  même  pays,  pour 
mettre  à  l'abri  d'une  surprise  le  château  de  Tramesaï- 
gues,  et  pour  achever  les  travaux  les  plus  pressants  que 
réclamait  la  réparation  de  cette  vieille  forteresse  2.  » 

Les  troupes  en  marche  depuis  deux  mois  affluaient 
déjà  dans  la  généralité  d'Auch,   se  dirigeant  vers  les 
Pyrénées.  Berwick  désigna  Muret  comme  point  de  con- 
centration. Un  camp  y  fut  rapidement  établi.  Les  milices 
n'étaient  convoquées  qu'avec  une  lenteur  calculée.  Comme 
nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  le  dire,  on  paraissait 
craindre  qu'elles  ne  fissent  preuve  de  mollesse  et  d'indis- 
cipline vu  leur  éloignement  bien  démontré  pour  cette 
guerre  qui  déplaisait  au  pays,  et  d'ailleurs,  en  d'autres 
temps,  elles  avaient  causé  souvent  plus  d'embarras  qu'el- 
les n'avaient  apporté  de  secoure.  M.  de  Lesseville  prévint 
les  consuls  de  toutes  les  communautés  de  son  gouverne- 
ment que  cette  fois  la  sécurité  de  la  province  et  des  pays 
voisins  serait  efficacement  garantie  par  la  présence  et 
par  l'action  de  troupes  régulières.  Elles  camperaient  à 
demeure  sur  les  limites  de  France  et  d'Espagne,  tandis 
que  les  dépôts  des  régiments  et  les  réserves  occuperaient 
les  anciens  casernements  encore  en  état  de  Saint-Gau- 

1.  ArchWes  da  Ministère  de  la  guerre:  guerre  d'Espagne  de  1719,  R.  2.  566. 

2.  Idem. 


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20 

densy  Saint-Girons,  Montrejeau.  Huit  bataillons  devaient 
s'installer  dans  cette  dernière  ville,  à  laquelle  on  attribuait 
la  principale  importance  au  point  de  vue  stratégique.  On 
y  créait  un  dépôt  de  poudres  et  de  munitions,  un  hôpital 
militaire;  des  magasins  d'objets  de  ravitaillement,  blés, 
farines,  fourrages,  chaussures,  équipements  de  toute 
sorle.  Des  chevaux  et  des  mulets  s'y  trouvaient  déjà  réu- 
nis en  nombre  considérable  pour  le  service  des  transports 
et  des  convois.  Hors  de  la  ville,  auprès  de  la  caserne  de 
la  maréchaussée,  les  ingénieurs  traçaient  l'enceinte  d'un 
parc  d'artillerie,  et  préparaient  des  logements  à  poste  fixe 
pour  deux  escadrons  de  cavalerie  chargés  de  la  trans- 
mission des  messages  et  dépêches,  ainsi  que  de  la  pour- 
suite des  déserteurs  et  autres  mesures  de  police. 

Le  7  avril,  Philippe  V  avait  fait  paraître  un  nouveau 
manifeste,  dans  lequel  il  prenait  le  titre  de  Régent  de 
France  et  engageait  les  Français  à  se  mettre  de  son 
côté'.  Cette  pièce,  répandue  à  profusion,  ne  produisit 
aucun  effet.  Cependant  l'esprit  des  premières  troupes 
arrivées  aux  frontières  se  ressentait  des  oppositions 
qu'avait  suscitées  la  déclaration  de  guerre,  et  l'on  signala 
quelques  désertions.  La  répression  ne  se  fît  pas  atten- 
dre. M.  de  Lesseville  écrivit,  le  8  avril,  à  M.  Le  Blanc 
que  neuf  déserteurs  avaient  été.  condamnés  à  mort  à 
Saint-Gaudens  ?. 

On  s'inquiéta  de  ces  événements  ailleurs  que  dans  la 
province.  Nous  lisons,  dans  le  Journal  de  la  Régence  de 
Buvat,  à  la  date  de  la  fin  de  mars  1719  : 

«  Le  bruit  courut  à  Paris  qu'il  y  avait,  sur  les  frontîè- 
»  res  d'Espagne,  une  grande  désertion  parmi  les  troupes 
»  de  France  que  les  Espagnols  attiraient  sous  l'appât 
»  d'une  plus  forte  paye  ».  » 

Le  15  avril,  M.  Le  Blanc  apprenait  avec  satisfaction  que 
les  exemples   de  prompte  justice  avaient  porté  leurs 

1 .  Mémoires  d:Espagne,  pir  le  mirerais  de  Saiot-Philippe.  Amsurdam,  1756,  t.  m. 

2.  Archives  historiques  do  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 

3.  Bavât,  Journal  de  la  Régence,  t.  ii. 


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fruits.  Les  désertions  avaient  cessé,  le  moral  des  troupes 
devenait  excellent,  la  discipline  reprenait  tous  ses  droits. 
La  noblesse  et  le  peuple  du  Comminges  montraient  le 
plus  louable  empressement.  On  offrait  des  fournitures 
sans  qu'il  fût  nécessaire  de  recourir  aux  réquisitions.  Les 
habitants  apportaient  au  premier  appel  leurs  grains,  den- 
rées, fourrages  dans  les  magasins  de  F  Etat.  Ils  se  prê- 
taient de  bonne  grâce  à  tout  ce  qui  leur  était  commandé 
pour  le  bien  du  service.  Les  gentilshommes  sollicitaient 
des  emplois  dont  ils  s'acquittaient  avec  autant  de  désin- 
téressement que  de  zèle  ^ 

Le  17  avril,  Berwick,  qui  n'avait  pas  encore  quitté 
Bordeaux,  mandait  à  Le  Blanc  : 

«  Au  lieu  de  fayre  marcher  le  régiment  de  Tourayne  à 
»  Carcassonne,  je  le  fays  aller  à  Muret  aBn  d'estre  à 
»  portée  du  siège  de  Castelléon,  s'il  en  estoyt  besoin, 
»  quoique  selon  les  apparences  cette  dernière  entreprise 
»  sera  finie  dans  les  premiers  jours  de  may  au  plus  tard. 
»  Quand  nous  l'aurons  pris,  je  le  feray  miner,  mais 
»  comme  ce  château  est  l'unique  qu'il  y  ait  dans  une 
»  grande  étendue  de  frontières,  il  est  bon  de  le  conserver 
»  pendant  la  guerre. 

»  Tous  les  officiers  devront  estre  rendus  le  10  may  à 
»  Muret,  à  commencer  par  le  prince  de  Conti.  J'y  seray 
»  moi-même. 

»  Â  Muret  camperont  aussi  les  troupes  des  généralités 
»  de  Bordeaux  et  d'Âuch  qui  doivent  aller  en  Roussil- 
»  lon^  » 

M.  de  Vallières^  maréchal  de  camp  d'artillerie,  écrit 
le  19  avril  de  Castelnaudary  à  Berwick  : 

«  Je  croyoys  qu'un  lieutenant-général  seroyt  chargé  du 
j»  siège  de  Castelléon. 

1.  Archives  historiques  da  Ministère  de  la  gnerre  :  guerre  de  1719,  R.  2.  560. 

2.  Archives  dn  Ministère  de  U  guerre,  R.  2.  560. 

3.  M.  de  Valliéres,  né  en  1666»  mort  en  1759,  à  l'âge  de  98  ans.  Maréchal  de  camp  en 
171S.  lieotenant-général  en  1734,  grand-croix  de  Saint-Lonis  en  1789,  directeur  général 
des  Écoles  d'Artillerie. 

11  réorganisa  l'artillerie  française  à  laquelle  il  assura  la  supériorité  en  Europe.  Il  assisu 


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»  Il  ne  me  conviendroyt  pas  peut-être  de  servir  sous 
»  M.  de  BonaSy  du  même  grade  que  moi.  Néanmoins, 
»  l'intérêt  du  roi  passe  avant  tout, 

»  Bonas  et  moy  nous  sommes  des  généraux  de  nouvelle 
»  édition,  et  nous  serons  de  bonne  intelligence. 

»  Les  mortiers  et  les  bombes  viennent  de  Perpignan  ; 
»  trois  pièces  de  vingt-quatre,  les  poudres  et  boulets  de 
»  Bordeaux  par  deux  bateaux  sur  la  Garonne.  En  dix 
»  jours,  ce  matériel  sera  rendu  à  Toulouse.  J'ay  déjà  vingt 
»  mules  pour  les  transports,  et  pour  peu  que  messieurs 
»  les  capitouls  veuillent  m'ayder,  je  trouveray  le  nombre 
»  nécessaire. 

»  Je  fays  construire  troys  traîneaux  de  charpente  bien 
»  ferrée  pour  asseoir  les  pièces. 

»  J'ay  longuement  causé  avec  M.  de  Bonas  et  M.  de 
»  Binos,  ancien  ayde-major  de  Castelléon,  qui  m'a  rensei- 
»  gnô  sur  l'attaque  conduite  par  M.  d'Arpajon,  où  le 
*  canon  ne  tira  point. 

»  Je  me  réserve  do  voir  les  lieux  par  moy-même  et  de 
»  choisir  les  meilleurs  points. 

»  Mais  je  pense  qu'au  lieu  de  cinq  bataillons  il  en  fau- 
»  dra  dix,  afin  de  se  garantir  de  toute  entreprise  de 
»  Tennemi'.  » 

L'Espagne  mettait  ses  troupes  en  mouvement  vers  la 
Navarre,  où  les  hostilités  avaient  déjà  commencé.  Le 
21  avril,  le  marquis  de  Silli  passait  la  Bidassoa  avec  vingt 
mille  Français,  prenait  le  port  de  Passages,  incendiait 
les  magasins,  les  arsenaux  et  six  vaisseaux  de  guerre, 
dommage  évalué  à  plus  de  deux  millions.  En  outre,  il  pré- 
parait l'investissement  de  Fontarabie.  Le  prince  Pio,  gou- 

à  dix  batailles  et  plas  de  60  sièges.  —  Il  a  hissé  un  oom  tllQStre  dans  son  arme.  —  Il 
était  le  plas  doux,  le  plos  sage  et  le  plus  prudent  des  hommes.  Fonteqelle  a  fait  de  lui 
ce  portrait  : 

De  rares  talents  pour  la  guerre. 
En  lui  furent  unis  au  cœur  le  plus  humain. 
Jupiter  le  chargea  du  soin  de  son  tonnerre. 
Minerve  oondoisit  sa  main. 
M.  de  Valliéres  était  membre  de  l'Académie  des  sciences. 

\.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 


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S3 
verneur  de  la  Catalogne,  marchait  au  secours  de  cette 
place  avec  quinze  mille  hommes,  tandis  que  des  forces 
supérieures  s'avançaient  du  côté  de  la  Castille.  La  pro- 
vince de  Lérida,  la  Conque  de  Tremps  étaient  dégarnies 
de  troupes,  mais  on  formait  des  bataillons  de  Miquelets 
dans  la  vallée  de  Paillas  et  du  côté  de  Vénasque.  M.  de 
Bonas  ne  cessait  de  répéter  qu'il  fallait  agir  avec  une 
extrême  promptitude,  et  prendre  possession  du  val  d'Aran 
avec  les  forces  disponibles  dans  les  cantonnements  de 
Saint-Gaudens  et  de  Montrejeau. 

Un  ordre  de  Berwick,  du  28  avril,  calme  cette  impa- 
tience : 

«  Si  vous  n'avez  pas  commencé  le  siège  de  Castelléon, 
»  écrit  le  maréchal,  de  Bordeaux,  différez-le  jusqu'à  l'ar- 
»  rivée  des  troupes  venant  de  Béziers.  Ne  gardez  que  le 
»  régiment  de  Flandres  ',  et  envoyez  le  reste  des  troupes 
»  à  Bayonne  avec  le  commissaire  Hocquart,  et  le  régi- 
»  ment  de  dragons  Dauphin  à  Tarbes.  Mettez  votre  canon 
»  à  Saint-Béat.  Je  vous  charge  de  commander  les  trou- 
»  pes  du  camp  de  Muret  en  attendant  l'arrivée  d'un  autre 
»  officier  général^.  » 

De  son  quartier  général  établi  à  Montrejeau,  M.  de 
Bonas  avait  déjà  pris  toutes  ses  dispositions  pour  mar- 
cher en  avant.  Obligé  de  diriger  la  majeure  partie  de  ses 
bataillons  sur  Bayonne  et  de  prendre  le  commandement 
provisoire  du  camp  de  Muret,  il  partit  sur  le  champ  pour 
cette  nouvelle  destination.  Il  n'y  resta  que  peu  de  jours. 
Les  régiments  envoyés  du  Languedoc  arrivèrent  à  Mont- 
rejeau. Berwick  fit  revenir  en  toute  hâte  Bonas  avec  ordre 
de  se  mettre  en  mouvement  vers  la  frontière  espagnole. 

M.  de  Vallières  avait  transmis  le  2  mai  la  dépèche  sui- 
vante à  Le  Blanc  : 

ce  J'arrive  à  Montrejeau  ;  j'attends  ce  soir  même  les  troys 
»  pièces  de  vingt-quatre  et  les  munitions. 

1.  Le  rëgimeot  de  Flandres  fut  créé,  en  1684,  avec  la  compagnie  d*Yverny  du  régiment 
de  Picardie  et  dÎTersea  compagnies  de  garnison.  (Saiane«  Histoire  de  V Infanterie  français.) 

2.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre  :  guerre  de  1719,  R.  2.  S60. 


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14 

j>  M.  le  maréchal  de  Berwick  m'ordonne  de  fay repartir 
»  mon  corps  d'artillerie  pour  Bayonne  en  vue  du  siège 
»  de  Fontarabie. 

»  Je  laisse  ici,  pour  le  siège  de  Castelléon,  six  officiers 
»  d'artillerie,  un  lieutenant  de  canonniers,  six  bombar- 
»  diers,  troys  ouvriers,  un  capitaine  de  charoy  et  un  con- 
«  ducteur. 

»  Les  dispositions  de  M.  de  Bonas,  quoyque  officier  de 
»  cavalerie,  sont  d'un  fantassin  consommé  ;  jointe  à  cela 
»  une  fermeté  connue,  on  réussit  ordinairement. 

»  L'artillerie  de  Castelléon  sera  commandée  par  M.  de 
»  Turmel,  commissaire  d'artillerie*. 

Berwick  avait  en  effet,  le  2  mai,  fait  savoir  au  Régent 
qu'il  rappelait  plusieurs  régiments  pour  le  siège  de  Fon- 
tarabie, et  qu'il  laissait  sous  les  ordres  de  M.  de  Bonas 
sept  bataillons  rassemblés  à  Montrejeau  ^ 

Le  4  mai,  MM.  de  Vallières  et  de  Bonas  se  réunirent 
dans  cette  ville  et  passèrent  la  revue  des  troupes.  Au 
bataillon  de  Flandres,  qui  n'était  point  parti  pour  la 
Navarre,  venaient  de  se  joindre  deux  bataillons  du  régi- 
ment de  la  Reine',  les  trois  bataillons  du  régiment  de 
Picardie  *,  deux  bataillons  suisses  du  régiment  de  Caste- 

1.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre  :  guerre  de  1719»  R.  2.  560. 

2.  !dm. 

3.  Le  régiment  de  la  Reine,  levé  en  1634«  fut  d'abord  commandé  par  M.  de  Boyons, 
puis  par  le  marquis  d'Uxelles. 

Mis  en  1661  sous  le  nom  de  la  Reine,  dés  celte  époque  il  devint  la  propriété  de  la 
reine  de  France,  qui  en  était  colonel. 

Il  prit  part  au  siège  de  Castelléon,  sous  les  ordres  du  chevalier  d'Ambres,  fait  brigadier 
e  1*'  février  1719.  Ce  dernier  fut  maréchal  de  France  en  1757,  sous  le  nom  de  maréchal 
de  Laulrec.  (Suzane,  Histoire  de  l'Infanterie  française J 

A.  Le  régiment  de  Picardie,  l'un  des  plus  vieux  et  des  plus  célèbres  régiments  de  l'armée 
française,  ftit  formé,  en  1567,  par  Philippe  Strozzi,  colonel  général  de  Tlnfanterie,  et 
composé  de  six  vieilles  bandes  Picardes  et  de  dix  enseignes  des  gardes. 

11  eut  pour  premier  mestre  de  camp  ou  colonel  ce  vaillant  gentilhomme  de  notre  pays, 
Roger  de  Sarrieu,  de  Martres  près  Cazères.  qui  s'était  si  brillamment  distingué  dans  les 
guerres  d'Italie,  et  que  remplaça  François  d'Epinay  Saint-Luc,  en  1578. 

En  1719,  Picardie  avait  pour  colonel  le  prince  de  Honlauban,  et  pour  lieutenant-colonel 
J.-B.  Basset  de  Chateaubourg.  (Suzane,  Histoire  de  l'Infanterie  française.) 

Roger  de  Sarrîen,  mort  en  1576,  était  enseveli  dans  l'église  de  Martres.  On  Pavait  repré- 
senté, sur  sa  tombe,  armé  de  toutes  pièces,  les  mains  jointes,  la  tète  nue  appuyée  sur  un 
coussin.  Cette  statue  et  cette  pierre  tombale  se  voient  an  Musée  de  Toulouse,  dans  l'an- 
çjep  c|oHre  des  Augustins. 


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S5 

lasi  et  le  quatrième  bataillon  de  Royal  artillerie  détaché  de 
Perpignan  par  ordre  de  M.  de  Pimarcon*.  Tous  les  servi- 
ces étaient  assurés,  les  magasins  bien  approvisionnés.  Le 
15  mai,  le  commissaire  Hocquart  partit  avec  un  escadron 
de  dragons,  les  trois  pièces  de  vingt-quatre,  les  trois  mor- 
tiers et  un  convoi  de  munitions  pour  Cierp.  Il  installa  sur 
le  champ  un  dépôt  de  vivres,  un  hôpital,  et  prit  toutes  les 
mesures  nécessaires,  dont  il  rendit  compte  à  Le  Blanc 
par  une  lettre  datée  de  Saint-Béat  le  20  mai  *. 

Le  même  jour,  M.  de  Bonas  écrivait  au  ministre,  de 
Montrejeau,  qu'il  avait  conféré  secrètement  avec  quelques 
principaux  de  TAran.  Ils  avaient  promis  de  ne  point 
inquiéter  les  troupes  françaises. 

«  S'ils  prenoient  un  autre  party,  ajoute  Bonas,  il  ne 
»  sera  pas  difïicile  de  les  ranger ,  car  je  vais  à  eux  en 
»  bonne  compagnie  et  avec  une  volonté  encore  meilleure. 
»  De  plus,  j'ay  fait  répandre  dans  la  vallée  d'Aran  et  les 
D  pays  voisins  un  manifeste  en  langue  espagnole  dans 
»  lequel  j'affirme  clairement  mes  dispositions  conci- 
»  liantes  et  j'explique  les  causes  de  la  guerre  *.  » 

A  cette  lettre  était  jointe  la  cdpie  du  manifeste  précité, 
traduit  en  français,  que  nous  croyons  devoir  reproduire 
dans  son  Intégrité  : 

Avertissement  aux  peuples  de  la  vallée  d'Aran  et  autres 
de  la  frontière,  donné  par  le  marquis  de  BonaSj  corn- 
mandant  sur  cette  frontière  sous  les  ordres  de  M.  le 
m^aréchal  de  Berwick. 

ft  Vous  savez  combien  la  dernière  guerre  a  coûté  de 
w  sang  à  la  nation  française,  et  qu'elle  a  prodigué  ses  tré- 
»  sors  pour  la  soutenir  avec  éclat,  et  pour  maintenir  les 
»  justes  droits  du  Roy  Très  Catholique. 

1.  Le  régimoDi  de  CasleUs»  levé  en  1672  sous  le  nom  de  S«Iis,  par  Rodolphe  de 

Sainl-Ziners,  prit  le  nom  de  Gastelas  en  1702. 
Il  ëtail  commandé  en  1719  par  M.  de  Betlens.  {Saz&ne,  Histoire  de  ClnfanUrie  française.) 
3.  Royal  Artillerie,  créé  en  1671.  eut  pour  premier  colonel  Henri  de  DailloQ  duc  de 

Lade;  il  comprenait' quatre  bataillons. 

3.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre»  R.  2.  560. 

4.  ArchÎTes  hiatoriqnes  du  Ministère  de  la  guerre  :  guerre  de  1719,  R.  2.  560. 


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S6 

»  Louis  le  Grand  couronna  les  dernières  années  de  son 
»  règne  par  une  paix  générale  où  la  nation  française  ne 
»  trouva  d'autre  avantage  que  celluy  de  vous  conserver 
»  un  prince  qu'elle  perdoit  avec  regret. 

»  Vous  jouiriez  encore  de  cette  paix,  si  ce  prince  res- 
»  pectable  ccoutoit  moins  les  conseils  violents  de  son 
»  ministre,  et  s'il  consultoit  plutôt  sa  propre  sagesse  et 
»  ses  propres  intérêts  que  les  égarements  d'un  parti- 
»  culier  également  enemy  de  son  roi  et  du  peuple  d'Es- 
»  pagne. 

»  Ce  ministre  éloignant  toutes  les  propositions  de  paix 
•  a  voulu  obstinament  troubler  la  tranquillité  de  TEu- 
»  rope  et  faire  recommencer  les  horreurs  de  la  guerre. 
»  Toutes  les  démarches  et  tous  les  soins  de  Sa  Majesté 
»  Très  Chrétienne  et  de  Son  Altesse  Royale  Mgr  le  duc 
»  d'Orléans  pour  concilier  les  esprits  ont  été  rejetcs  avec 
»  opiniâtreté,  et  quoique  S.  M.  T.  C.  ait  obtenu  de  TEm- 
»  pereur  de  nouveaux  avantages  pour  l'Espagne  qui  luy 
»  avoient  été  refusés  lors  du  congrès  d'Utrecht,  il  n'a  pas 
>)  été  possible  d*obliger  ce  ministre  à  les  accepter.  Il  s'est 
»  au  contraire  servy  de  ce  tems  de  négociations  pour 
»  tramer,  sous  le  nom  du  Roy  son  maitre,  une  conspira- 
»  tion  détestable  dans  la  France,  dont  le  but  étoit  d'armer 
»  les  Français  contre  les  Français  et  de  désoler  un 
»  royaume  qui  a  été  le  berceau  du  Roy  Catholique  et  le 
»  plus  ferme  appuy  de  son  trône. 

»  Le  pou  de  succès  des  négociations  a  enfin  oblige 
»  S.  M.  T.  C.  à  prendre  les  armes  pour  maintenir  le 
»  traité  d'Utrecht  et  pour  obliger  le  ministre  d'Espagne  à 
»  le  signer  et  à  s'y  conformer. 

»  L'intention  de  S.  M.  T.  C.  n'est  pas  que  vous  rece- 
»  viez  aucun  tort;  elle  veut  au  contraire  vous  protéger 
»  en  toutes  choses  pourvu  que  vous  ne  vous  rendiez  pas 
»  indignes  de  sa  protection.  Il  se  pourroit  que,  pour  vain- 
»  cre  l'inflexibilité  du  ministre,  les  troupes  françaises 
»  auront  l'ordre  d'entrer  sur  vos  frontières.  Gardez-vous 
»  bien,  si  cela  arrive,  de  vous  montrer  nos  enemys, 


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87 

»  puisque  nous  no  sommes  pas  les  vôtres.  Que  si  vous 
»  en  usiez  autrement,  et  que  vous  preniez  les  armes  con- 
»  tre  nous,  tenez  pour  certain  que  vous  seriez  traités 
»  comme  brigands  et  voleurs  de  grand  chemin  Ccome 
»  saltadores  y  robadores  de  caminos)  K  » 

Ce  manifeste  se  conformait  au  mot  d'ordre  donné  par  le 
Régent.  Alberoni  devait  être  partout  représenté  comme 
Tunique  auteur  de  la  guerre;  Tobstination  de  Philippe  V 
à  ne  point  se  séparer  d'un  personnage  aussi  détesté  cau- 
sait à  l'Espagne  des  maux  incalculables.  Le  ministre 
renversé,  les  difficultés  s'aplaniraient  comme  par  enchan- 
tement ;  tout  rentrerait  dans  Tordre.  Quel  intérêt  auraient 
donc  les  peuples  à  soutenir  la  politique  d'un  étranger  en 
butte  à  la  haine  de  toute  TEurope,  et  d'ailleurs  pourquoi 
se  compromettre  et  même  se  sacrifier  en  faveur  d'un 
ministre  qu'une  révolution  de  palais  ou  le  simple  caprice 
du  maitre  pouvaient,  à  l'heure  la  plus  imprévue,  préci- 
piter du  pouvoir  et  faire  rentrer  dans  la  poussière?  Le 
manifeste  de  M.  de  Bonas  produisit  Teffet  attendu.  Ne  le 
savait-on  pas  appuyé  par  des  arguments  irrésistibles, 
c'est-à-dire  par  quelques  milliers  de  soldats  d'élite?  On 
reconnaissait  le  langage  d'un  chef  énergique  et  résolu 
derrière  lequel  marchaient  des  troupes  aguerries,  et  non, 
comme  dans  la  précédente  guerre,  des  milices  sans  expé- 
rience et  sans  instruction  militaire.  Les  Aranais  com- 
prirent qu'il  serait  téméraire  de  prendre  les  armes  contre 
aussi  forte  partie.  Ils  se  contentèrent  d'exécuter  les 
ordres  du  gouverneur  de  Castelléon  ;  ils  coupèrent  les 
chemins,  détruisirent  les  ponts,  obstruèrent  toutes  les 
voies  de  communication  par  des  abattis  d'arbres,  mais  ils 
ne  se  levèrent  point  en  masse,  et  ne  fournirent  point  de 
volontaires,  malgré  les  appels  réitérés  du  baron  de  Lèz 
qui  faisait  distribuer  des  armes  dans  toutes  les  paroisses. 
Ce  dernier  en  était  réduit  à  quelques  compagnies  de 
Miquelets  recrutés  dans  les  vallées  de  Vénasque  et  de 

1.  Archives  historiqoes  du  Ministér«  de  la  guerre,  R.  2.  560. 


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88 

Paillas  qui  cherchaient  à  grossir  leurs  rangs  de  tous  les 
gens  sans  aveu,  pillards  et  aventuriers  dispersés  dans  les 
montagnes,  cr  Certainement,  ces  bandes  tireront  quelques 
•»  coups  do  fusil,  disait  M.  Hocquart  à  Le  Blanc  (21  mai.) 
»  Quand  ils  auront  été  mis  en  fuite,  ce  qui  ne  sera  pas 
A  long,  la  vallée  tout  entière  déposera  les  armes,  et  non 
»  seulement  nous  laissera  le  champ  libre,  mais  encore 
»  facilitera  la  prompte  et  sûre  conduite  des  opérations 
»  militaires  '.  » 

Le  marquis  de  Noë  ne  demeurait  pas  inactif  dans  les 
Quatre- Vallées.  Il  se  tenait  en  permanence  à  Sarrancolin 
et  visitait  fréquemment  tous  les  ports  et  passages  afin  de 
s'assurer  qu'ils  étaient  bien  gardés,  notamment  ceux  du 
Plan  et  de  Bielsa.  Les  frontières  de  ce  côté  ne  paraissaient 
craindre  aucune  menace.  D'après  les  rapports  venus 
d'Espagne,  les  populations  de  TAragon  voyaient  les  évé- 
nements avec  indifférence,  persuadées  que  cette  agitation 
ne  durerait  guère.  On  éprouvait  de  sérieuses  diiïicultés 
à  lever  des  Miquelets.  Du  reste,  disait  en  finissant  le 
Sénéchal,  «  s'ils  se  présentaient,  il  seraient  si  rudement 
»  reçus  qu'ils  perdraient  l'envie  de  revenir.  » 

Du  camp  d'Irun,  le  20  mai,  Berwick  mandait  au  Régent 
les  nouvelles  suivantes  : 

((  J'assiège  Fontarabie.  Présentement  M.  de  Bonas  doit 
»  être  devant  Castelléon  avec  huit  bataillons.  Quand  son 
»  canon  sera  placé,  il  ira  vite. 

»  Beaucoup  de  fusiliers  catalans  désertent  et  viennent 
»  dans  nos  rangs  ^,  » 

M.  de  Bonas  partit  de  Montrejeau  le  22  mai  avec  les 
deux  bataillons  de  la  Reine,  les  Suisses  de  Castelas  et  le 
bataillon  de  Flandres  :  il  fut  rejoint  le  lendemain  par  les 
trois  bataillons  de  Picardie.  Ces  troupes  excellentes,  com- 
posées de  vieux  soldats  trempés  à  toute  épreuve,  avaient 
pris  part  à  la  guerre  de  Catalogne  sous  Noailles  et 
Berwick.  Elles  campèrent  dans  la  plaine  de  Marignac 

\,  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre  :  guerre  de  1719,  B.  2.  560. 
2.  Idem. 


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entre  Saint-Béat  et  Cierp.  M.  de  Bonas  établit  son  quar- 
tier dans  ce  bourg,  afin  d'être  à  portée,  suivant  les 
circonstances,  de  prendre  la  route  de  Saint-Béat  ou  celle 
de  Luchon  pour  entrer  dans  le  val  d'Aran. 

Ses  émissaires  vinrent  Tinformer  que  des  bataillons 
de  Miquelets  remontaient  la  Noguera  Paillaresa  vers  le 
Plan  de  Béret.  Il  importait  de  veiller  à  la  sécurité  des 
frontières  du  Couserans.  M.  de  Bonas  dépêcha,  le  jour 
même,  M.  de  Conches  à  Saint-Girons,  avec  Tordre  d'y 
rassembler  tout  ce  qu'il  pourrait  trouver  de  milices  sur 
pied  de  guerre,  pour  renforcer  les  postes  en  observation 
dans  les  divers  ports  donnant  accès  aux  vallées  d'Aran 
et  de  Paillas.  M.  de  Conches  resterait  dans  le  Couserans 
pendant  la  durée  du  siège  de  Castelléon,  et  demanderait 
au  camp  de  Muret  deux  ou  trois  bataillons  d'infanterie, 
que  Ton  disperserait  dans  les  villages  situés  au-dessous 
des  passages  les  plus  exposés  aux  brusques  incursions 
des  Espagnols. 

Le  gouverneur  de  Castelléon  avait  enfin  reçu  le  supplé- 
ment de  garnison  qu'il  ne  cessait  de  réclamer,  cent  cin- 
quante soldats  d'infanterie  bien  équipés,  commandés  par 
un  colonel  de  l'armée  royale.  Au  prix  de  fatigues  inouïes 
et  de  difficultés  vaincues,  on  avait  fait  passer  dans  la  place 
six  pièces  de  canon  de  fort  calibre  expédiées  par  l'arsenal 
de  Lerida,  des  provisions  de  poudre  et  de  boulets.  La  for- 
teresse était  suffisamment  munie  de  vivres  et  de  farines. 
Le  baron  de  Lèz  disait  bien  haut  qu'il  se  défendrait  à 
outrance^  mais  les  gens  qui  se  prétendaient  bien  informés 
affirmaient  que,  certain  de  perdre  la  place,  il  avait  fait 
.  enlever  tous  les  meubles  et  jusqu'aux  serrures  de  ses 
appartements*! 

M.  de  Bonas  se  préparait  à  forcer  l'entrée  du  val  d'A- 
ran par  le  Pont  du  Roi,  ce  qui  lui  permettait  de  trans- 
porter rapidement  son  artillerie  à  destination,  lorsqu'il 
apprit  que  le  gouverneur  avait  rendu  les  chemins  impra-> 

I.  Archives  1kîfl(orîqiiés  dû  Xinistére  de  Ii  guerre,  R.  2.  560. 


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ticables  par  la  rupture  des  ponts,  par  des  tranchées  pro- 
fondeSy  et  par  de  formidables  abattis  de  sapins.  Rien  de 
plus  périlleux  que  de  tenter  l'aventure  de  ce  côté.  Pour  se 
frayer  un  passage  au  milieu  de  ces  obstacles,  on  risquait 
de  faire  tuer  beaucoup  de  monde  par  le  feu  des  tirailleurs 
embusqués  derrière  ces  bouleversements  de  terres  et  ces 
amoncellements  de  débris. 

M.  de  Bonas  n'hésita  point  II  courut  à  franc  étrier  jus- 
qu'à Luchon,  avec  quelques  officiers  d'artillerie  et  des 
ingénieurs.  Il  examina  le  val  de  Burbe  et  le  Portillon, 
ne  s'effraya  point  des  difficultés  que  ses  compagnons  dé- 
clarèrent insurmontables,  et  il  résolut  de  descendre  avec 
ses  troupes,  ses  bagages  et  son  artillerie,  par  cette  voie, 
dans  la  vallée  d'Aran.  Il  se  fortifierait  dans  la  plaine  de 
Bossost,  rétablirait  les  communications  avec  la  France, 
aidé  par  deux  bataillons  laissés  à  Saint-Béat,  puis  maitre 
de  ce  côté,  n'ayant  plus  rien  à  craindre  pour  le  ravitail- 
lement de  son  corps  d'armée,  il  investirait  Castelléon, 
pousserait  vigoureusement  le  siège  et  saurait  aller  vite, 
comme  avait  dit  Berwick  au  Régent. 

Il  convoqua  sans  délai  tous  les  consuls  et  les  notables 
des  paroisses.  Il  envoya  des  messagers  dans  les  vallées 
d'Oueil,  Larboust,  Louron,  lit  appel  à  tous  les  hom- 
mes valides,  leur  donnant  rendez-vous  le  lendemain  à 
Luchon,  pour  entreprendre,  sous  la  direction  des  ingé- 
nieurs, le  tracé  d'un  chemin  jusqu'au  Portillon  à  la  place 
du  sentier  que  les  chevaux  et  mulets  ne  gravissaient  pas 
toujours  sans  péril.  En  quelques  heures,  plus  de  mille 
ouvriers  étaient  rassemblés  à  Luchon.  Deux  cents  paires 
de  bœufs  attelées  à  des  chars  et  tombereaux  coopéraient 
aux  travaux  de  déblaiement.  Le  soir  du  même  jour  arri- 
vaient douze  cents  hommes  de  la  Reine  et  de  Castelas. 
Au  lever  du  soleil  ils  prenaient,  au  lieu  de  fusils,  la  pioche 
et  la  pelle,  et  cette  armée  de  braves  gens  travaillait,  avec 
une  ardeur  infatigable,  sous  les  yeux  des  ofTiciers  aussi 
remplis  d'admiration  pour  leur  audacieux  général  qu'émer- 
veillés des  premiers  résultats  de  son  entreprise. 


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Elle  était  trop  vaste  et  trop  bruyante  pour  ne  pas  être 
promptement  connue.  Prévenu  par  ses  espions,  le  baron 
de  Lèz  recourut  aux  mêmes  moyens  de  défense  qu'il  avait 
accumulés  à  l'entrée  de  la  vallée  du  côté  du  Pont  du 
Roi.  Par  ses  ordres  on  couvrit  l'étroit  chemin  qui  descen- 
dait du  Portillon  à  Bossost  d'un  enchevêtrement  d'ar- 
bres abattus,  on  fit  rouler  des  rochers.  M.  de  Bonas 
ne  se  troubla  point  ;  il  envoya  sur  les  lieux  des  centaines 
de  paysans  protégés  par  quelques  compagnies  d'infan- 
terie. Us  déblayèrent  le  chemin  en  travaillant  jour  et 
nuit.  Le  25  mai,  le  corps  d'armée  tout  entier  campait 
dans  la  plaine  de  Luchon.  Les  canons  de  vingt  quatre  et 
les  mortiers,  qu'on  avait  chargés  sur  des  traîneaux  attelés 
de  mules  et  de  bœufs,  avaient  franchi  sans  encombre  les 
défilés  de  la  vallée  de  Layrisse.  Ils  étaient  laissés  à 
Luchon  jusqu'au  jour  où  l'achèvement  de  la  route  auto- 
riserait leur  transport.  M.  de  Bonas,  se  mettant  à  la  tête 
de  sa  colonne,  gravit  les  pentes  du  Portillon,  et  vint 
bivouaquer  entre  Bossost  et  Castelléon,  le  26  mai  à  5  heu- 
res du  soir. 

Nous  le  laissons  raconter  lui-même  à  Le  Blanc  l'entrée 
des  troupes  françaises  en  Espagne. 

«  Au  camp  devant  Castelléon,  le  27  mai  1719. 

»  Mgr, 

»  J'ay  eu  l'honneur  de  vous  rendre  compte  de  ce  que 
»  j'ay  fait  jusqu'à  mon  départ  de  Montrejeau  qui  feut  le 
»  21  de  ce  mois.  J'arrîvay  le  25  à  Bagnères-de-Luchon 
»  d'où  je  partis  le  lendemain,  et  j'arrivay  à  Bossost  qui 
j>  est  un  gros  bourg  de  la  vallée  d'Aran.  Les  habitans 
»  vinrent  au  devant  de  moy,  et  comme  je  trouvay  le  pont 
»  qui  estoit  sur  la  Garonne  rompcu,  j'en  fis  construire 
»  un  le  lendemain.  Dès  qu'il  feut  prest,  je  fis  passer  sept 
»  compagnies  de  grenadiers  pour  en  occuper  un  autre 
»  qui  est  à  trois  lieues  de  celluy  que  j'ay  fait  construire. 
»  Le  gouverneur  de  Castelléon  le  conservoit,  parce  qu'il 
»  luy  estoyt   nécessaire  pour  avoir   la  communication 


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»  avec  le  village  d'Arrou  qui  est  à  portée  du  château  et 
»  il  comptoyt  d'avoir  le  temps  de  fayre  couper  ce  pont 
»  avant  mon  arrivée. 

»  On  y  trouva  quarante  hommes  qui  se  retirèrent  dans 
»  la  place  à  la  veue  des  troupes.  Hier,  26,  j'ay  posté  mes 
»  huit  bataillons. 

0  Les  villages  viennent  de  toutes  parts  prester  Tobé- 
»  dience,  quoyque  le  prince  Pio  leur  ayt  envoyé  trois 
»  courriers  pour  les  exhorter  à  prendre  les  armes,  et 
»  qu'il  leur  ayt  fait  espérer  de  les  fayre  soutenir  par 
»  M.  de  Crom  et  un  corps  de  Miquelets  qu'il  commande. 
»  Ces  peuples  me  paraissent  fort  contens  du  party  qu'ils 
»  ont  pris.  Aussy  leur  tiens-je  la  parole  que  je  leur  ay 
»  donée,  et  jusqu'icy  ils  n'ont  point  souffert  le  moindre 
»  tort.  J'éviteray  qu'ils  n'en  reçoivent  à  l'avenir. 

D  L'artillerie  est  partie  ce  matin  de  Bagnères-de- 
»  Luchon.  Il  y  a  deux  grandes  lieues  de  distance  d'icy. 
D  Je  ne  vous  diray  rien  de  la  difficulté  du  passage.  Bien 
»  des  gens  le  regardent  comme  impossible,  mais  je  vous 
»  assure  que  je  le  surmonteray.  J'ay  actuellement,  tant 
»  du  pays  que  des  Suisses,  trois  mille  cinq  cents  hom- 
»  mes  et  deux  cents  paires  de  bœufs.  Tout  cela  travaille 
)>  à  faire  un  chemin. 

»  Le  gouverneur  de  Castelléon  a  fait  un  abattis  d'arbres 
D  affreux.  J'espère  pourtant  que  le  canon  sera  icy  dans 
»  quatre  ou  cinq  jours.  Il  faut  ce  temps  là  quoique  le  tra- 
n  jet  ne  soyt  que  de  deux  lieues.  Ensuite,  je  feray  porter 
»  les  poudres  à  trois  reprises,  ne  voullant  pas  les  fayre 
»  marcher  dans  le  même  convoy  de  peur  d'accident  dans 
»  des  chemins  aussy  difficiles. 

»  En  attendant  que  le  canon  soyt  icy,  je  fays  travailler 
D  à  construire  des  ponts,  afin  que  les  bataillons  se  com- 
»  muniquent  les  uns  aux  autres  dans  une  heure. 

»  Je  vous  enverray  incessamment  le  plan  de  la  posi- 
»  tion  des  troupes. 

»  Je  comanceray  demain  à  ouvrir  la  tranchée  pour  pou- 
»  voir  fayre  les  batteries  le  plus  près  du  château  qu'il  se 


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»  pourra,  et  pour  y  placer  le  canon  du  même  soir  quMl 
»  arrivera,  aflîn  de  ne  point  perdre  de  temps. 

»  Je  vous  prie,  M*"  d'estre  persuadé  que  je  ne  néglige 
»  rien  pour  vous  marquer  le  désir  que  j'aye  d'aller  avant 
»  en  cause. 

»  J'ay  l'honneur  d'estre  avec  beaucoup  de  respect,  M*", 
»  vostre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

»    BONAS-GONDRIN. 

»  J'oublioys  de  vous  dire,  M%  qu'un  lieutenant  avec 
»  trente  hommes  du  régiment  de  la  Députation  estoyt 
»  party  de  Barcelone  avec  ordre  de  se  jeter  dans  la  place, 
s>  mais  ayant  trouvé  la  circonvallation  fayte,  il  s'est 
»  retiré.  Trois  de  ses  soldats  sont  venus  se  rendre  à  mon 
»  camp.  » 

En  tète  de  cette  lettre,  on  lit  ce  qui  suit  de  récriture  de 
M.  Le  Blanc  : 

«  Lu  à  Son  Altesse  Royale  qui  approuve  les  disposi- 
j»  tiens  et  qui  est  persuadé  de  la  bonne  volonté  de  M.  de 
»  Bonas.  Ses  projets  ne  peuvent  manquer  de  réussir,  et 
»  la  discipline  qu'il  a  établie  ne  peut  produire  qu'un  bon 
»  effet*.  » 

M.  de  Bonas  se  hâta  de  rétablir  les  communications 
avec  Saint-Béat,  interrompues  par  la  démolition  des 
ponts  et  le  défoncement  des  chemins.  Les  habitants  du 
pays  aidèrent  les  troupes.  M.  Couture,  commissaire 
ordonnateur,  écrit  à  Leblanc  le  28  mai  : 

«  Le  pont  de  la  Bourdette,  démoli  par  ordre  du  gou- 
»  verneur,  est  refait.  J'ai  envoyé  dix-neuf  cents  rations 
»  par  Luchon  ;  mais  depuis  le  rétablissement  des  ponts, 
D  j'installe  un  entrepôt  à  Bossost  à  une  demi-lieue  du 
camp. 

»  Tout  le  pays  travaille  à  fayre  le  chemin  pour  l'artil- 
»  lerie. 

»  Les  troupes  ne  méritent  que  des  éloges  ;  leur  zèle, 
j>  leur  discipline  sont  admirables.  Pendant  ces  marches 

1.  Archives  historiqaes  du  Minislére  de  la  guerre  :  guerre  de  1719,  R.  2.  560. 
Rivui  »i  ConiKOM,  1»  trimeitre  1894.  To»  IX.  —  8. 


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34 
D  si  pénibles  au  milieu  des  montagnes  on  n'a  pas  entendu 
»  de  plaintes.  Il  ne  nVest  point  revenu  qu'un  seul  soldat 
D  ait  déserté. 

»  Le  blocus  de  Castelléon  est  formé  depuis  deux  jours 
»  par  les  trois  bataillons  de  Picardie,  les  deux  bataillons 
D  de  la  Reine,  le  bataillon  de  Flandres  et  les  deux  batail- 
D  Ions  suisses  de  Castelas.  La  vallée  est  très  calme.  Nos 
)>  soldats  traitent  les  Aranais  en  amisi.  » 

Le  24  mai,  M.  de  No&  avait  rendu  compte  à  M.  Le  Blanc 
de  la  situation  des  Quatre-Vallées.  L'entrée  des  Français 
dans  le  val  d'Aran  causait  un  assez  vif  émoi  sur  la  fron- 
tière de  TAragon;  à  Balbastro,  se  rassemblaient  des 
Miquelets.  Dans  la  vallée  de  la  Cinca,  des  cavaliers 
volontaires  étaient  signalés.  Quelques  bandes  se  laissaient 
apercevoir  par  les  postes  qui  gardaient  le  port  du  Plan, 
mais  elles  n'avaient  pas  encore  tiré  un  seul  coup  de  fusil. 
On  redoublait  de  vigilance  afin  d'éviter  une  surprise, 
comme  celle  de  Luchon  en  1711.  Les  compagnies  bour- 
geoises de  la  vallée  d' Aure  faisaient  leur  devoir  ;  on  pou- 
vait compter  sur  le  courage  et  le  dévouement  des  capi- 
taines. Dans  le  château  de  Tramesaïgues  mis  à  l'abri 
d'un  coup  de  main,  logeait  une  compagnie  d'hommes 
éprouvés,  bien  armée,  bien  commandée,  pourvue  de 
vivres  et  de  munitions.  Des  messagers  se  tenaient  con- 
stamment prêts.  Dès  qu'un  point  serait  menacé  par  les 
Miquelets,  on  se  trouverait  en  mesurs  d'y  porter  en 
quelques  heures  des  forces  en  nombre.  En  cas  de  danger 
plus  sérieux,  le  sénéchal  réclamerait  l'assistance  des 
troupes  réglées,  mais,  jusqu'à  nouvel  ordre,  les  Quatre- 
Vallées,  conformément  à  l'opinion  de  M.  de  Berwick 
étaient  assez  fortes  pour  se  garder  et  se  défendre  elles- 
mêmes  2. 

Le  31  mai.  M.  de  Bonas  faisait  connaître  à  Le  Blanc  les 
premières  opérations  du  siège  de  Castelléon  : 

s.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 
3.  Idem. 


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35 

ff  L'artillerie  est  arrivée  au  camp  par  ce  passage 
»  déclaré  impossible.  A  force  de  paysans,  de  soldats  et 
»  de  bœufs,  j'ay  fait  ouvrir  un  chemin  à  travers  un  abat- 
»  tis  immense  d'arbres  où  canons  et  mortiers  ont  passé.  Il 
»  a  fallu  beaucoup  de  patience  et  d'expédients  pour  cette 
»  manœuvre. 

»  Les  assiégés  font  un  grand  feu  de  canon  et  de  mous- 
»  queterie.  Ma  première  fausse  attaque  a  réussi.  Je  n'ay 
»  qu'un  soldat  tué  et  deux  blessés.  Les  munitions  arri- 
»  vent  de  Bagnères-de-Luchon  par  le  même  trou  (le  che- 
»  min  du  PortillonJ. 

»  Les  approvisionnements  sont  extrêmement  difficiles, 
»  à  cause  du  manque  de  voitures.  Les  chariots  du  pays 
»  sont  mal  faits. 

D  Les  Aranais  semblent  se  ralentir  dans  leurs  bonnes 
T9  dispositions.  Je  les  ménage  jusqu'à  la  prise  de  la  place'. 

»  Le  passage  du  canon  a  été  un  véritable  prodige,  écrit 
»  M.  Hocquart  à  Le  Blanc,  le  1"''  juin.  Les  Aranais  four- 
»  nissent  des  vaches  et  des  moutons,  mais  les  farines  qui 
»  viennent  des  magasins  de  Montrejeau,  à  partir  de 
»  Saint-Béat  ne  peuvent  estre  transportées  au  camp  que 
»  dans  des  caissons  à  dos  de  mulets.  Aux  deux  cents 
»  mules  qui  font  le  service,  il  faudrayt  en  ajouter  cent 
»  autres  sur  lesquelles  on  chargerayt  le  pain  fabriqué  à 
»  Saint-Béat.  Les  chemins  de  l'Aran  sont  impraticables 
»  pour  chariots  et  voitures  d'aucune  espèce.  J'ay  pris 
»  sur  place  tous  les  chevaux  disponibles. 

»  Les  troupes  sont  très  exactement  payées. 

»  Les  travailleurs  de  tranchée  ont  quinze  sols  par  jour, 
»  vingt  sols  la  nuit,  et  double  ration  de  pain.  Je  donne  le 
»  double  aux  sergents  et  double  ration  de  pain  2.  » 

Voici  comment  Berwick  annonçait  au  Régent  l'ouver- 
ture du  siège  de  Castelléon  : 


i.  Archives  histortqQes  dn  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 
3.  Archires  historiqoes  du  Ministère  de  la  gnerre,  R.  2.  560. 
En  1718  la  paie  dn  soldat  avait  été  flxëe  à  six  sols  six  deniers  par  Jour. 


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36 

j>  Du  camp  devant  Pontarabie,  le  5  juin  1719. 
»  Monseigneur, 

»  M.  de  Bonas  a  ouvert  la  tranchée  le  29  may  devant 
»  Castelléon,  et  son  canon  est  arrivé  le  31  à  son  camp, 

»  Les  difTicultés  ont  été  immenses,  mais  un  homme 
»  aussy  zélé,  aussy  actif,  aussy  entendeu  qu'il  est  trouve 
»  des  ressources.  Il  travailloit  à  sa  batterie,  et  je  ne 
j)  doute  pas  quMl  n'ayt  tiré  le  3  ou  le  4,  et  qu'au  bout  de 
»  deux  ou  trois  jours  la  place  ne  se  rende. 

i>  Il  a  mes  ordres  pour  diriger  dès  le  lendemain  sur 
»  Navarreins  les  régiments  de  la  Reyne,  de  Navarre  «  et 
»  de  Castelas.  Il  y  laissera  le  régiment  de  Flandres 
»  jusqu'à  ce  que  la  bresche  soyt  déblayée  et  la  tranchée 
»  rasée,  après  quoy  ce  régiment  y  mestra  cent  hommes 
»  de  garnison  et  viendra  camper  à  Tarbes  ou  à  Navar- 
»  reins  2.  »  t 

A  la  même  date,  Dangeau  écrivait  dans  son  Journal  : 
<r  Le  marquis  de  Bonas  assiège  Castelléon.  Les  peu* 

»  pies  de  la  vallée  d'Aran  n'ont  point  voulu  prendre  les 

»  armes  contre  lui  ».  » 

Dans  notre  précédent  article  sur  la  guerre  de  succes- 
sion, nous  avons  indiqué  sommairement  la  situation  de  la 
forteresse  de  Castelléon.  M.  de  Bonas  obligé  de  faire  un 
siège  en  règle,  d'emporter  la  place  d'assaut  ou  de  l'obli- 
ger à  capituler,  avait  pris  ses  dispositions  avec  une 
remarquable  entente  des  ressources  que  présentait  le 
terrain.  Sous  ce  rapport  il  méritait  les  éloges  de  M.  de 
Vallières  auquel  il  avait  soumis  ses  plans  à  l'avance.  Le 
général  qui  a  laissé  un  si  grand  nom  dans  l'artillerie 
française  avait  dû  certainement  donner  à  son  collègue  de 
fort  utiles  conseils,  dont  ce  dernier  avait  su  profiter. 

1 .  Le  régiment  de  Navarre  et  deux  balailloos  de  Flandres  avaient  été  laissés  à  Monlre- 
jeau,  comme  réserve.  —  Navarre  fournissait  des  détachements  dans  les  vallées  de 
Lochon,  Aspel,  Saint-Béat,  etc.  Un  seul  bataillon  de  Flandres  assistait  au  siège  de 
Castelléon. 

3.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  2.  560. 

3.  Dangeau,  t.  xviii,  p.  60. 


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37 

Un  chemin  de  cîrconvallation  destiné  à  relier  toutes  les 
troupes  enfermait  le  château,  ses  abords,  le  village  de 
Las  Bordes  et  serpentait  sur  le  flanc  des  montagnes  à 
des  hauteurs  qui  le  mettaient  hors  de  la  portée  de  Tar- 
tillerie  de  la  place.  Il  traversait  les  villages  de  Benos, 
Villemos  et  Arrou,  passait  la  Garonne  sur  trois  ponts  et 
le  Géou  sur  trois  autres  très  solidement  construits.  Celui 
qui  se  trouvait  au-dessous  du  village  de  Las  Bordes  était 
protégé  par  une  redoute  dont  les  feux  enfilaient  la  vallée 
qui  conduit  à  Vielle. 

Les  trois  bataillons  de  Picardie  bivouaquaient  au-dessus 
de  Las  Bordes,  sur  des  pentes  d'une  inclinaison  moyenne 
parsemées  de  rochers.  Ce  campement  était  couvert  par 
une  redoute  qui  commandait  à  la  fois  la  route  de  Vielle 
et  l'entrée  de  la  vallée  du  Géou.  Sur  la  haute  crête  de  la 
montagne,  un  poste  d'une  douzaine  d'hommes,  renou- 
velé tous  les  jours,  observait  le  pays  à  des  distances 
assez  étendues,  et  pouvait,  en  cas  de  surprise,  donner 
l'éveil  en  temps  utile. 

Au  milieu  des  replis  de  la  montagne  qui  se  dressait  en 
face  de  Castelléon,  stationnaient  les  deux  bataillons 
suisses  de  Castelas,  garantis  par  trois  postes  établis  sur 
des  plateaux  qui  dominaient  la  vallée  d'Aran  tout  entière. 
Les  sentinelles  surveillaient  jour  et  nuit  le  chemin  de 
Vénasque  par  la  gorge  d'Artigue-Telline. 

Dans  la  petite  plaine  qui  s'étend  au-dessous  de  la  Ga- 
ronne grossie  du  Géou,  le  bataillon  de  Flandres  gardait 
le  camp,  le  parc  d'artillerie,  les  dépôts  de  munitions,  les 
magasins,  les  fours  et  les  ambulances.  Une  redoute,  pla- 
cée sur  l'avenue  de  'Bossost,  protégeait  les  communica- 
tions du  côté  de  France  et  présentait  un  obstacle  sérieux 
contre  toute  tentative  audacieusement  exécutée  à  travers 
les  gorges  profondes  qui  remontent  jusqu'aux  sommets 
escarpés  où  finit  la  vallée  de  Paillas. 

Les  deux  bataillons  de  la  Reine  avaient  pris  position, 
le  premier  entre  Benos  et  Villemos,  le  second  entre 
Villemos  et  Arrou. 


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38 

Enfin,  pour  comploter  le  blocus  et  pour  prévenir  toute 
tentative  du  côté  de  l'Espagne,  quatre  compagnies  des 
divers  régiments  étaient  détachées  à  Vielle  et  plusieurs 
escouades  sans  cesse  en  mouvement  exerçaient  la  plus 
active  surveillance  dans  tous  les  villages. 

Les  attaques  étaient  pratiquées  à  l'extrémité  de  la 
presqu'ile  formée  par  la  Garonne  et  le  Géou.  Elles  se 
développaient  sur  les  ressauts  rocailleux  qui  s'étagent 
jusqu'à  la  terrasse  où  s'élevait  alors  le  château.  Les  trois 
pièces  de  vingt-quatre  battaient  la  principale  courtine. 
Un  peu  en  arrière,  les  trois  mortiers  de  neuf  pouces  de 
diamètre  lançaient  leurs  bombes  sur  Tensemblo  de  la  for- 
teresse. Ce  grand  déploiement  do  forces  contre  une  place 
d'une  importance  très  secondaire  s'expliquait,  d'abord 
par  l'intérêt  que  mettait  le  gouvernement  français  à  pren- 
dre position  au  centre  des  Pyrénées,  ensuite  par  le  désir 
d'en  finir  au  plus  vite  avant  l'arrivée  d'un  corps  d'armée 
de  secours.  Une  série  de  combats  autour  de  Castelléon 
avec  des  chances  diverses,  présentait  des  éventualités 
toujours  redoutables.  En  cas  d'échec,  les  Français  ver- 
raient se  soulever  contre  eux  la  vallée  d'Aran,  si  calme  en 
apparence.  Une  retraite  vers  le  Pont  du  Roi  ou  sur 
Bagnères-de-Luchon,  au  milieu  d'un  pays  insurgé,  coûte- 
rait des  peines  infinies,  même  en  admettant  que  des  trou- 
pes de  France  vinssent  dégager  en  toute  hâte  nos  soldats 
emprisonnés  dans  les  dédales  do  ces  hautes  montagnes. 
Une  forteresse  plus  considérable  avec  un  millier  d'hom- 
mes de  garnison,  aux  prises  avec  de  tels  moyens  d'atta- 
que, n'eût  pas  résisté  plus  de  deux  ou  trois  semaines.  On 
était  en  droit  de  croire,  comme  l'avait  dit  M.  de  Berwick, 
qu'après  trois  ou  quatre  jours  de  canonnade,  on  serait 
prêt  à  prendre  la  place  d'assaut,  si  le  gouverneur  ne 
se  rendait  pas  à  discrétion. 

Le  5  juin,  M.  Dumaine,  brigadier  des  ingénieurs  du 
roi,  écrivait  à  M.  Le  Blanc  : 


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39 
tf  Au  camp  de  Castelléon. 
»  Monsieur, 

j>  J'ay  rhonneur  de  vous  envoyer  un  plan  des  attaques 
»  de  Castelléon». 

»  La  nuit  du  29  au  30  may,  nous  commençâmes  à  poser 
»  des  gabions  vides  sur  une  ligne  partant  du  village  de 
»  Las  Bordes,  pour  redoubler  Tattention  que  les  ennemis 
»  paraissent  avoir  de  ce  costé  là.  La  nuit  du  30  au  31, 
»  nous  confirmâmes  la  fausse  attaque  par  le  bruit  de 
n  quelques  travailleurs  que  nous  mimes  à  couvert,  qui 
j>  leurra  parfaitement  les  ennemis  qui  y  tournèrent  près- . 
»  que  tout  leur  feu,  ce  qui  favorisa  beaucoup  l'ouverture 
»  de  nostre  tranchée  entre  les  deux  rivières  de  Garonne  et 
»  de  Géou  du  costé  de  leur  jonction. 

»  Nous  la  commençâmes  à  la  faveur  d'un  rideau  assez 
»  près  pour  servir  de  première  parallèle,  nous  portant  en 
j>  avant  à  soixante  toises  de  la  place,  et  nous  fismes  dès 
»  ceste  première  nuit  un  boyau  pour  establir  nostre 
»  batterie  de  canon. 

»  La  nuit  du  31  au  1"  juin,  on  fit  une  communication 
»  pour  gagner  le  second  rideau  qui  forme  notre  seconde 
»  parallèle. 

»  La  nuit  du  1"  au  2,  on  en  fit  une  autre  pour  aller  à  la 
»  batterie  à  bombe  qui  se  trouve  toute  faite  derrière  un 
»  rocher  sur  la  droite  de  l'attaque.  Les  nuits  suivantes 
»  ont  esté  employées  à  perfectionner  les  tranchées  et  à 
»  réparer  les  désordres  que  le  canon  y  fait. 

»  Le  1"  juin,  nostre  canon  arriva,  malgré  les  grandes 
»  difficultés  du  chemin  qui  est  si  à  piq  et  si  serré  qu'on 
f>  ne  le  peut  tourner  en  plusieurs  endroits.  Elles  ont  esté 
»  cependant  surmontées  en  peu  de  temps,  plus  par  l'in- 
»  dustrie  que  par  la  force  des  hommes  et  des  bœufs. 


1.  Nous  possédons  dans  nos  archives,  le  double  du  plan  dont  parle  ici  M.  Damaine. 

Sur  ce  plan,  fait  avec  beaucoup  de  soin  et  avec  une  grande  exactitude  au  point  de  vue 
topograpbique,  nous  avons  relevé  sommairement  les  détails  relatifs  à  la  posiiion  des 
troupes  et  aux  attaques  de  Castelléon.  f 


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40 

n  Après  ceste  expérience,  il  n'est  point  de  lieu  où  Ton  ne 
»  puisse  faire  passer  du  canon  '. 

»  La  difficulté  des  chemins,  le  manque  de  voitures  ont 
»  aporté  plus  de  difficultés  qu'on  ne  pouvoit  prévoir 
»  pour  s'establir,  comme  nous  le  sommes  présentement, 
»  sans  que  nous  ayons  manqué  de  rien  par  les  bons 
»  ordres  de  M.  de  Bonas. 

D  Depuis  la  nuit  du  2  au  3,  on  travaille  sans  relâche  à 
»  construire  la  batterie  d'assemblage  de  bois,  faute  de 
»  terre,  qui  sera  en  état  de  tirer  le  7,  et  la  batterie  de 
»  bombes  le  6.  Je  compte  que  ce  château  capitulera  du  10 
»  au  12  de  ce  mois^ 

»  Je  suis,  Mgr,  etc.  »  Dumaine.  » 

M.  Le  Blanc  communiqua,  comme  d'habitude,  cette  let- 
tre au  Régent  qui  s'intéressait  particulièrement  aux  évé- 
nements de  la  guerre  dans  les  parties  de  l'Espagne  où  il 
avait  brillamment  commandé  lui-même;  en  tête  de  la 
lettre,  on  lit  la  note  suivante  de  l'écriture  du  duc  d'Or- 
léans : 

«  Accuser  réception  —  m'a  fait  plaisir  de  m'informer 

»  de  la  disposition  des  attaques  de  Castellôon  et  des  diffi- 

»  cultes  qu'il  a  fallu  surmonter  pour  réussir.  »  Ce  même 

jour,  M.  de  Bonas  envoyait  au  Ministre  un  rapport  que 

nous  croyons  devoir  reproduire.  Il  confirme  la  lettre  de 

M.  Dumaine,  et  donne  quelques  détails  de  plus  sur  le 

siège. 

«  Au  camp  devant  Castelléon,  le  5  juin  1719. 

!>  MS 

»  J'ay  eu  l'honneur  de  vous  .mander  par  ma  dernière 

»  lettre  que  le  canon  avoit  passé  la  montagne  et  qu'il  étoit 

1.  Cette  phrase  de  la  lettre  de  M.  Dunaine  Tait  penser  à  des  opérations  militaires  dans 
les  pays  de  montagnes  en  comparaison  desquelles  celte  traversée  dn  Portillon,  qui  excitait 
alors  tant  d'admiration,  perd  beaucoup  de  son  importance.  Sans  parler  du  passage  du  grand 
Saint-Bernard,  oîi  trente  mille  hommes  et  60  pièces  de  canon  franchirent  les  parties  les 
plus  escarpées  des  Alpes,  nous  citerons  simplement  pour  mémoire  les  extraordinaires 
campagnes  de  Nasséna  dans  les  vieux  cantons  suisses.  On  est  véritablement  stupéfait  en 
voyant  les  lieux  où  nos  soldats  se  sont  si  bravement  battus  et  les  sommets  qu'ils  ont  gravis 
malgré  les  neiges  et  les  glaces.| 

2.  Archives  historiques  dn  Ministère  de  la  guerre»  R.  2.  560. 


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41 

»  rendeu  au  camp.  Les  poudres,  boulets,  bombes  ont 
»  achevé  d'être  transportés  aujourd'huy.  Je  ne  vous 
»  détailleray  pas  les  difficultés  qui  s'y  sont  rencontrées 
»  parce  qu'elles  sont  surmontées. 

»  Depuis  la  nuit  du  1"  au  2  juin,  on  a  travaillé  à  la  fa- 
»  veur  de  Tépaulement  d'un  boyau  à  construire  les  batte- 
»  ries  pour  le  canon  et  pour  les  bombes.  Il  a  falleu  les 
»  fayre  par  assemblage  de  bois,  faute  de  terre,  car  on 
»  travaille  sur  le  roc.  La  batterie  de  canons  sera  en  état 
»  de  tirer  le  7,  et  celle  des  bombes  le  6.  Ce  travail  alonge 
»  un  peu  l'expédition,  mais  il  est  indispensable.  Je  puis 
»  vous  asseurer.  M"",  qu'on  n'y  perd  pas  un  moment. 

»  Le  ralentissement  qui  m'avoit  pareu  chez  les  Ara- 
»  nois,  dont  je  vous  ay  parlé  dans  ma  dernière  lettre, 
»  estoit  causé  par  l'arrivée  du  roy  d'Espagne  à  Pampe- 
»  lune  et  par  les  ordres  pressants  et  réitérés  que  le 
j)  prince  Pio  donnoit  aux  peuples  de  prendre  les  armes, 
»  les  asseurant  que  le  Roy  luy  même  venoit  se  mestre 
D  à  leur  tête. 

D  Cella  m'a  engagé  à  fayre  une  assemblée  do  tous  les 
»  prostrés  de  ceste  vallée  et  des  principaux  habitants. 

»  Je  leur  représentay  quej'estois  au  milieu  d'eux  mai- 
*)  tre  de  les  sacrifier,  si  je  voullois,  ayant  les  forces  en 
»  main,  que  leur  lenteur  à  obéir  aux  ordres  que  j'avois 
»  donnés  pour  qu'ils  fournissent  les  voitures  nécessaires 
»  devoit  m'y  engager,  que  cependant  j'avois  fayt  observer 
»  une  exacte  discipline  aux  troupes,  que  je  n'entrois 
»  point  chez  eux  pour  les  maltraiter,  mais  plutôt  pour  les 
»  protéger,  qu'ainsy,  ils  n'avoient  qu^à  choisir,  que  s'ils 
»  vouloient  la  guerre,  j'allois  la  leur  fayre,  que  s'ils 
»  aimoient  mieux  la  paix,  ils  n'auroient  qu'à  me  montrer 
»  de  l'obéissance. 

»  Ils  m'asseurèrent  tous  que  je  pouvois  compter  sur 
»  leur  fidélité  et  qu'ils  me  donneroient  tous  les  secours 
»  que  j'aurois  besoin. 

»  Il  me  paroit  qu'ils  se  soutiennent.  Ils  m'ont  ramené 
»  hier  un  déserteur  qui  vouloit  gagner  les  montagnes. 


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48 

»  J*ay  fayt  donner  cent  francs  aux  paysans  et  casser  la 
»  tête  au  déserteur. 

A  Un  ayde  major  m'a  porté  un  billet  qui  avoit  esté  jette 
fi  dans  le  camp.  On  en  a  répandu  une  infinité  de  ceste 
»  espèce.  C'est  ce  qui  m'obligea  de  parler  aux  troupes.  Je 
»  compris  qu'ils  méprisoient  fort  ce  qui  est  contenu  audit 
V  billet. 

»  Si  le  roy  d'Espagne  n'a  d'autres  ressources  que  cel- 
»  les  de  suborner  les  troupes,  il  me  paroît  qu'il  n'avan- 
»  cera  pas  beaucoup.  L'officier  pense  sur  ce  sujet  comme 
»  il  le  doit,  et  le  soldat  aussy.  C'est  sur  quoy  vous 
»  pouvez  compter.  Je  vis  avec  eux  de  façon  à  pouvoir 
»  connaître  la  vérité. 

»  Je  presseray  cette  expédition  le  plus  qu'il  dépendra 
»  do  moy.  Je  vous  prie,  M%  d'en  estre  bien  persuadé. 

»  J'ai  l'honneur  d'estre  avec  respect^  etc. 

»  BONAS-GONDRIN*.  » 

Les  secours  annoncés  par  le  prince  Pio  demeuraient 
invisibles.  Nos  vedettes  n'annonçaient  point  l'apparition 
des  Miquelets  de  la  vallée  de  Paillas  dont  le  gouverneur 
de  Castelléon  avait  fait  grand  bruit  au  début  de  la  guerre. 
Dispersés  dans  les  villages  qui  bordent  la  Noguera  ou 
cachés  dans  les  sinuosités  des  montagnes,  ils  entendaient 
le  bruit  lointain  du  canon  qui  battait  nuit  et  jour  les 
remparts  de  la  vieille  citadelle  ;  mais  bien  renseignés  sur 
le  nombre  et  la  valeur  des  troupes  assiégeantes,  ils  ne 
tentaient  aucune  démonstration.  On  les  voyait  de  même 
errer  à  l'aventure  et  par  bandes  peu  nombreuses  sur  les 
versants  espagnols  de  la  chaîne  du  Couserans,  à  respec- 
tueuse distance  des  postes  français  qui  défendaient  les 
ports  d'Orle,  d'Aula,  d'Ustou,  etc.  Du  côté  de  Vénasque, 
aucune  menace.  Un  bataillon  du  régiment  de  Navarre, 
deux  compagnies  de  Royal  Artillerie  occupaient  Bagnè- 
res-de-Luchon.  Les  milices  de  Layrissc,  Oueil  et  Lar- 
boust,  pourvues  de  bonnes  armes,  sinon  d'uniformes,  se 

1.  Archives  bistoriqaes  da  Ministère  de  la  guerre,  R  2,  560. 


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tenaient  prêtes  à  marcher  au  premier  signal.  Plusieurs 
compagnies  d'arquebusiers  i  de  montagnes  de  récente 
création,  sur  le  modèle  des  Miquelets  du  Roussillon, 
bivouaquaient  à  l'Hospice  français  du  port  de  Vénasque. 
Leurs  sentinelles  montaient  la  garde  sur  les  crêtes.  Des 
.  postes  de  vingt-cinq  à  trente  hommes,  installés  aux  ports 
de  la  Picade,  de  la  Glère,  de  Vénasque,  etc.,  ne  laissaient 
passer  ni  gens,  ni  denrées,  ni  marchandises.  On  savait 
que  la  vallée  de  l'Essera  n'avait  point  reçu  de  troupes, 
hors  celles  que  le  gouvernement  espagnol  avait  envoyées 
au  gouverneur  de  Vénasque  pour  mettre  la  garnison  sur 
pied  de  guerre,  c'est  à  dire  trois  cents  hommes  environ, 
tout  ce  que  la  place  et  la  ville  pouvaient  loger.  Dix  pièces 
de  canon  avec  des  munitions  pour  un  long  siège  et  des 
approvisionnements  considérables,  annonçaient  que  l'on 
s'attendait  à  voir  arriver  M.  de  Bonas  devant  Vénasque 
dès  que  Castelléon  aurait  succombé.  La  prévision  sem- 
blait d'autant  plus  justifiée  qu'en  1708,  le  Régent,  au 
cours  de  son  expédition  en  Catalogne,  avait  maintes  fois 
déclaré  la  possession  de  Vénasque  et  de  Castelléon  indis- 
pensable à  la  France  en  temps  de  guerre. 

De  la  vallée  d'Aure  on  ne  recevait  que  des  nouvelles 
rassurantes.  M.  de  Noë  certifiait  à  M.  Le  Blanc  qu'il 
n'existait  ni  troupes  réglées  ni  Miquelets  dans  les  vallées 
de  Gistain,  delà  Cinca,  de  Balbastro,  etc.  Du  reste,  six 
cents  hommes  assez  bien  équipés  n'attendaient  qu'une 
occasion  pour  marcher  aux  frontières.  Le  point  de  rallie- 
ment des  milices  de  la  vallée  était  fixé  à  Guchen.  Le 
gouverneur  du  château  de  Tramesaîgues  envoyait  de 
fréquentes  reconnaissances  sur  le  chemin  du  port  de 

1.  On  avait  organisé  un  corps  de  3,000  ar((aebosiers  de  montagnes,  recruté  en  Espagne 
et  en  France,  dont  le  commandement  fnt  conflé  à  un  certain  comte  Marini,  aventurier 
italien,  qui,  payé  par  Alberoni  et  le  Régent,  les  trompait  tour  à  tour.  —  Ces  volontaires 
forent  des  auxiliaires  plutôt  gênants  qu'utiles  et  ne  s'entendaient  qu'au  pillage.  —  Ils 
portaient  un  habit  bleu  de  cadis  de  Toulouse  avec  boutons  de  laiton,  veste  de  cadis  ou 
ratine  de  Rodez  bleu  ou  rouge  doublé  de  toile  grise,  culottes  de  même,  bas  de  Cerdagne 
00  de  Saint-Girons  bleus  ou  rouges,  chapeau  de  laine  bordé  d'or  faux,  souliers  ou  espa- 
drilles, une  escopette,  une  bayonnetle,  un  ceinturon  avec  gibecière,  un  pistolet  et  un  poi- 
gnard. —  (Lemontey,  Histoire  de  la  Régence,  —  Suzane,  Histoire  de  Vlnfanierie  françaisej 


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Bielsa.  Une  compagnie  d'élite  gardait  ce  passage.  Le  port 
du  Plan  avait  aussi  garnison  pareille  et  toutes  communi- 
cations étaient  rigoureusement  interceptées  entre  les  deux 
royaumes. 

Dans  le  Comminges,  le  siège  de  Castelléon  attirait* 
singulièrement  Tattention  publique  et  faisait  le  sujet  de 
tous  les  entretiens*.  Depuis  que  la  libre  circulation  était 
rétablie  dans  la  vallée  d'Aran,  les  curieux  allaient  aux 
nouvelles,  tentaient  même  de  s'approcher  de  la  forteresse 
assiégée,  et  de  voir  sur  le  terrain  de  combat  ces  beaux 
régiments  de  la  vieille  armée  française,  Picardie,  La 
Reine  dont  les  noms  étaient  populaires,  et  les  Suisses 
qui  paraissaient  pour  la  première  fois  dans  le  pays.  Mais 
M.  de  Bonas  avait  donné  d'inflexibles  consignes.  Nul 
n'était  admis  dans  le  camp,  à  moins  qu'il  n'exerçât  un 
office,  ou  qu'il  ne  remplît  une  mission  de  nature  à  lui 
faire  ouvrir  nécessairement  les  portes.  Un  corps  de  garde 
à  Bossost  arrêtait  les  importuns  qui  n'avaient  à  jouer 
simplement  que  le  rôle  de  spectateurs.  Ils  étaient  réduits 
à  voir  de  loin,  du  haut  de  quelques  sommets,  la  fumée 
des  pièces  de  siège.  On  ne  faisait  d'exception  que  pour 
les  anciens  officiers  des  armées  du  roi.  Plusieurs  d'en- 
tr'eux  offraient  leurs  services,  donnaient  d'utiles  rensei- 
gnements. Des  gentilshommes,  comme  MM.  de  Mauléon 
et  de  Luscan  par  exemple,  faisaient  mieux  encore.  Ils 
levaient  des  volontaires,  se  mettaient  à  leur  tête,  et  deman- 
daient à  marcher  les  premiers  contre  les  Miquelets  ^. 

L'évêque  de  Comminges,  se  souvenant  des  promesses 
de  M.  de  Bonas,  chargea  Pierre  Piette,  archidiacre  d'Aran, 
d'en  vérifier  l'accomplissement.  Après  avoir  remis  son 
message  à  M.  de  Bonas  avec  les  compliments  du  prélat, 
le  dignitaire  du  chapitre  de  Comminges  put  se  convaincre, 
en  parcourant  les  paroisses,  que  ces  nouvelles  recom- 

i.  Tous  les  détails  que  nous  donnons  ici  sont  lires  de  lettres  et  coiTcspondanccs  Tai- 
sant partie  de  nos  Archives. 
2.  Exnostris  A,  année  1719.  Correspondances  et  affaires  de  la  subdélégation^  D.  D.  n»  99. 


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45 

mandations  étaient  surperflues.  Dans  sa  conduite  à 
regard  des  habitants  et  dans  la  façon,  bienveillante  et 
ferme  à  la  fois,  dont  il  traitait  toutes  les  affaires,  M.  de 
Bonas  avait  eu  le  don  d'inspirer  une  crainte  nécessaire, 
mais  en  même  temps  une  confiance  sans  bornes  dans  son 
esprit  de  justice  et  dans  sa  loyauté.  Les  moindres  plain- 
tes le  trouvaient  prêta  réprimer  les  désordres  et  les  vexa- 
tions, à  sévir  contre  les  coupables  ;  il  maintenait  dans 
son  corps  d'armée  la  plus  admirable  discipline. 

L'intendant  de  Lesseville,  retenu  par  les  occupations 
que  lui  donnait  M.  de  Berwick  à  Bayonne  et  sur  les  fron- 
tières de  la  Navarre,  s'en  rapportait  pleinement  à  ses  deux 
subdélégués  de  Montrejeau  *  pour  les  soins  qui  se  ratta- 
chaient à  l'expédition  dans  la  vallée  d'Aran.  Ils  mettaient 
le  plus  grand  zèle  à  s'acquitter  de  tous  les  devoirs  de 
leurs  charges.  Ils  organisaient  avec  une  infatigable  acti- 
vité les  approvisionnements  et  les  transports,  et  se  pro- 
diguaient en  toute  circonstance  avec  un  tel  dévouement 
qu'ils  méritèrent,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  les 
éloges  de  M.  de  Lesseville,  de  M.  de  Bonas,  du  maréchal 
de  Berwick,  de  M.  de  Coignya,  etc.  Tous  les  officiers 

1.  MM.  Pierre  et  Marc-François  de  Lassus.  —  Pierre  de  Lassas  avait  été  nommé,  en 
1698,  sabdélégué  de  l'inteodanco  de  la  généralité  de  Monlauban,  et,  le  22  avril  1712, 
contrôleur  général  des  marbres  des  Pyrénées,  sous  la  direction  dn  duc  d'Antin,  directeur 
général  des  bâtiments  du  Roi. 

Par  une  commission  datée  du  1«r  mars  1718«  M.  Le  Gendre,  Intendant  de  Navarre-Béirn 
et  de  la  généralité  d'Auch,  considérant  qne  M.  de  Lassus,  subdéiégué,  avait  donné  depuis 
longtemps  des  preuves  continuelles  de  son  %éle  et  de  sa  fidélité  pour  le  service  du  Roi,  nomma 
sabdélégué,  conjointement  avec  lui,  Marc-François  son  fils,  dans  le  département  de 
Biviére-Yerdun,  Nébouzan  et  Qualre-Vallées.  Ce  choix  fut  confirmé,  le  16  octobre  1718 
par  M.  Lcclerc  de  Lesseville,  snccesseur  de  M.  Le  Gendre. 

Marc-François  d&  Lassas  avait  été  nommé*  le  11  mai  1716,  juge  en  chef  de  Rivière- 
Verdun,  à  la  place  de  messire  Foorcaud  de  Beaumarchez,  qui  venait  de  résigner  ce  siège 
important. 

Les  descendants  de  Pierre  de  Lassas  conservèrent  la  subdélégation,  sons  raulorité  de 
sept  intendants,  pendant  un  demi-siècle. 

2.  François  de  Franqnetôt,  comte  de  Coigny,  né  le  16  mars  1670«  mort  le  18  septem- 
bre 1759,  fils  du  maréchal  de  ce  nom.  Maréchal  de  France  en  1734,  il  gagna  les  batailles 
de  Parme  et  de  Guastalla  sur  les  Impériaux.  —  Le  marquis  de  Coigny,  lieutenant-général, 
est  entré  à  Saint-Jean-Pied-de-Port  et  Navarreins  avec  60  escadrons  et  20  bataillons,  et  le 
marquis  de  Bonas  presse  le  siège  de  Castelléon.  (Buvat,  Journal  de  la  Bégence,  1. 1,  p.  401.) 

M.  de  Coigny  est  détaché  avec  15  bataillons  et  60  escadrons  venus  dn  Languedoc,  qu'on 
étendra  le  long  des  Pyrénées,  en  cas  qne  les  Espagnols  tenteraient  de  passer  par  quel- 
que endroit.  CJoumal  de  Dangtau,  t.  xviii,  p.  61.) 


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généraux  qui  traversèrent  le  pays  de  Commînges  se  plu- 
rent à  constater  Tintelligence  de  ces  habiles  administra- 
teurs et  la  parfaite  régularité  de  tous  les  services. 

M.  de  Bonas  continuait  à  faire  connaître  les  opérations 
du  siège  à  M.  Le  Blanc.  Voici  ce  que  nous  relevons  de 
plus  essentiel  dans  les  lettres  de  MM.  Dumaine,  Hoc- 
quard  et  de  Bonas  lui-même,  du  8  juin: 

«  Le  8  juin,  la  batterie  de  mortiers  commença  son  feu. 
»  Le  tir  ayant  été  bientôt  réglé.  Ton  ne  tarda  pas  à 
»  s'apercevoir  qu'il  incommodait  sérieusement  les  assié- 
»  gés. 

»  Un  déserteur  fut  amené  le  soir  à  M.  de  Bonas  et  lui 
»  dit  que  plusieurs  soldats  avaient  été  tués  ou  blessés 
»  par  des  éclats  de  bombes. 

»  La  construction  de  la  batterie  des  trois  pièces  de 
»  vingt-quatre  avait  été  retardée  par  suite  de  l'extrême 
»  dureté  du  terrain.  Il  n'existait  pas  une  seule  motte  de 
»  terre  en  cet  endroit.  Celle  qu'on  avait  apportée  à  coups 
»  de  brouettes  s'était  trouvée  fine  comme  de  la  cendre, 
»  sans  la  moindre  consistance,  et  ne  pouvait  servir.  On 
»  avait  du  faire  la  batterie  en  charpente  avec  de  forts 
»  madriers. 

»  Le  9,  la  batterie  avait  tiré  de  grand  matin.  Les  bou- 
»  lets  rencontraient  une  résistance  inattendue  dans  la 
»  maçonnerie  des  courtines,  très  épaisse  et  solide. 

»  Le  château  répondait  mollement.  Son  artillerie  ne 
»  causait  guère  de  dégâts  aux  tranchées.  Les  pertes  se 
»  réduisaient  à  quelques  hommes  blessés.  Le  feu  de 
»  mousqueterie  par  les  meurtrières  atteignait  plus  à  la 
»  queue  de  la  tranchée  qu'à  la  sape.  Les  soldats  espa- 
i>  gnols  avaient  grand  soin  de  ne  pas  se  montrer  entre 
»  les  créneaux  ou  sur  les  chemins  de  ronde. 

»  M.  de  Bonas  attendait  tous  les  jours  un  parlemen- 
»  taire  de  la  part  du  gouverneur,  mais  ce  dernier  restait 
»  muet. 

»  Les  nouvelles  des  confins  de  l'Aran  et  de  la  vallée  de 


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47 
»  Paillas  étaient  de  nature  à  n'inspirer  aucune  inquié- 
»  tude.  Le  prince  Pio  n'avait  pas  envoyé  de  troupes  de 
»  secours  ;  le  roi  d'Espagne  l'avait  appelé,  avec  toutes 
»  ses  forces  disponibles,  devant  Fontarabie  étroitement 
*  pressée  par  M.  de  Berwick. 

»  Castelléon,  n'étant  plus  assuré  d'une  diversion  avan- 
D  tageuse  et  perdant  tout  espoir  d'être  débloqué,  ne 
D  pourra  pas  tenir  plus  de  trois  ou  quatre  jours  après 
»  les  premiers  coups  de  canon. 

»  Le  8  juin,  sont  arrivés  au  camp  un  lieutenant  et  vingt- 
»  deux  soldats  en  uniforme  bleu  du  régiment  de  Savaric. 
j>  M.  de  Bonas  les  a  bien  reçus  et  il  en  a  formé  une  com- 
»  pagnie. 

»  M.  Hocquard  vient  de  recevoir  Tordre  de  M.  de  Ber- 
D  wick  de  se  rendre  immédiatement  à  Navarreins  dès  la 
»  prise  de  Castelléon.  Il  y  prendra  soin  des  troupes  qui 
»  vont  s'y  rassembler  sous  le  commandement  de  M.  de 
»  Coigny.  Avant  son  départ,  M.  Hocquard  laissera  tou- 
»  tes  choses  en  règle  dans  la  vallée  d'Aran.  t» 

Le  11  juin,  M.  Dumaine  annonçait  une  excellente  nou- 
velle à  M.  Le  Blanc. 

<«  Nos  mortiers  tirèrent  à  partir  du  7  juin  avec  tant  de 
»  succès  que  les  ennemis  ont  plus  perdeu  que  nous. 
»  Notre  canon  ne  tira  que  le  9  au  matin  parce  que  nos 
»  munitions  ne  vinrent  que  très  lentement,  faute  de  voitu- 
»  res,  ce  qui  nous  a  retardés.  Le  10  au  soir,  le  colonel  Don 
»  Pedro  Sévaillas  qui  commandait  la  garnison,  homme 
0  d'entendement,  fît  demander  une  trêve  à  M.  de  Bonas. 
»  Celui-ci  voyant  que  le  château  estoit  ouvert  trouva  la 
»  proposition  très  suspecte  et  répondit  à  coups  de  canon. 

»  L'ennemi  se  rendit  le  lendemain. 

»  Nous  avons  fait  en  moins  de  trente-six  heures  une 
D  bresche  au  corps  du  château  de  vingt-cinq  toises  et 
»  une  pareille  à  la  fausse  bresche.  Tous  les  logements 
D  sont  fort  endommagés  et  en  partie  ruinés  i.  » 

1.  Archives  hisloriques  da  Ministère  de  la  guerre,  R2  560. 


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18 

Le  même  jour,  M.  de  Bonas  envoyait  au  ministre  la 
dépêche  oflicielle  : 

<c  Castelléon,  11  juin  1719,  six  heures  du  matin. 
»  M^ 

»  Castelléon  vient  de  se  rendre,  la  garnison  prison- 
»  nière  de  guerre.  J'en  rends  compte  à  M.  le  maréchal 
»  de  Berwick,  le  priant  de  donner  à  M.  de  Crest  Tagré- 
)>  ment  de  vous  en  apporter  la  nouvelle.  Je  dois  ceste 
»  justice  à  tous  les  mouvements  que  je  luy  ay  fait  fayre 
»  pendant  ceste  expédition,  m'estant  servy  de  luy  à  toute 
»  sorte  d'usage.  Il  mérite  les  grâces  du  Roy  et  l'honneur 
»  de  votre  protection.  Il  est  en  état  de  vous  rendre 
»  compte  de  ce  qui  s'est  passé  jusqu'à  la  réduction  de 
»  ceste  place  i. 

»  M.  le  marquis  de  Miron,  colonel  du  régiment  de 
»  Flandres,  s'est  apliqué  avec  tout  le  zèle  et  capacité 
»  qu'on  peut  demander  d'un  bon  officier.  M.  le  prince  de 
»  Montauban  a  très  dignement  servy  dans  ceste  expédi- 
»  tion  et  a  montré  tout  le  zèle  qu'on  peut  souhetter^,  de 
»  même  que  M.  le  chevalier  d'Ambres»  et  M.  de  Chateau- 
»  bourgs. 

»  Je  prends  la  liberté  d'écrire  à  Son  Altesse  Royale,  et 
»  comme  le  plus  grand  mérite  de  ma  lettre  sera  d'estre 
»  présentée  par  vous,  je  vous  supplie,  M',  de  vouloir 
))  bien  me  fayre  ceste  grâce. 

»  Je  me  flatte  que  vous  voudrez  bien  m'accorder  la  con- 
»  tinuation  de  vos  bontés.  Je  chercheray  toute  ma  vie 
»  l'occasion 'de  m'en  rendre  digne. 

»  J'ay  l'honneur  d'estre  avec  respect.  M',  vostre  très 
yy  obéissant  serviteur.  Bonas-Gondrin. 

»  Castelléon,  comme  j'ay  eu  l'honneur  de  vous  l'an- 
»  noncer,  a  capitulé  à  six  heures  du  matin.  Le  comman- 
»  dant  qui  estoit  un  colonel  espagnol,  et  le  baron  de  Lèz, 

\.  M.  de  Crest,  capitaine  an  régiment  de  Flandres. 

2.  Le  prince  de  Montanban,  colonel  da  régiment  de  Picardie. 

8.  Le  cheralier  d'Ambres»  colonel  da  régiment  de  la  Reine. 

4.  M.  de  Chateaubonrg,  liealMaDt-oohmol  d«  régiment  de  Picardie. 


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19 

»  gouverneur  du  château,  se  sont  rendus  prisonniers  de 
»  guerre,  avec  quatre  cappitaînes,  huit  lieutenants,  cent 
»  quarante  soldats  détachés  de  différents  régiments  de 
»  Tarmée  d'Espagne.  On  a  trouvé  dans  le  château  neuf 
»  canons  en  fer. 

D  La  garnison  a  esté  envoyée  à  Lectoure. 

»  J'ajoute  quelques  détails  de  plus  à  ma  lettre  :  . 

»  M.  de  Bettens,  lieutenant-colonel  de  Castelas,  méri- 
A  terait  le  grade  de  brigadier.  C'est  un  officier  excellent. 
»  Sa  nomination  causerait  une  joie  générale: 

»  M.  Hocquard  a  rendu  les  meilleurs  services.  MM.  de 
»  Lassus  père  et  fils,  subdélégués  de  M'  de  Lesseville  à 
»  Montrejeau,  m'ont  été  très  utiles  dans  ceste  expédition 
»  et  ne  se  sont  épargnés  en  rien  pour  tous  les  secours  que 
»  je  devois  attendre  d'eux  et  des  peuples  qui  sont  sous 
»  eux.  Ils  méritent  vos  bontés,  et  une  marque  de  recon- 
»  naissance  de  tout  ce  qu'ils  ont  fait».  » 

M.  Dumaine  écrivait  à  Le  Blanc  le  12 juin: 

»  Je  fais  déblayer  les  bresches,  et  fais  venir  des  ouvriers 
»  de  toute  espèce  pour  les  réparations  indispensables.  Si 
»  la  cour  avoit  dessein  de  conserver  ceste  conquête  comme 
»  un  ancien  domaine  qui  se  trouve  en  deçà  de  la  chute 
»  des  eaux  qui  appartiennent  à  la  France  il  y  a  cinq  ans 
x>  par  les  traités  et  par  les  limites  que  la  nature  a  mar- 
»  quées  entre  les  deux  États,  vous  aurez  la  bonté  de  me 
D  fayre  donner  des  ordres.  M"",  pour  le.  projet  que  je 
»  croys  nécessaire  afin  de  fayre  de  ce  château  une  place 
»  qui  seroit  parfaitement  bonne  à  peu  de  frais  par  sa 
»  situation  et  par  la  connoissance  que  j'en  ay  après  en 
»  avoyr  fayt  deux  fois  le  siège". 

»  Voicy  le  cinquième  siège  que  je  conduis  en  chef  heu- 
»  reusement,  sans  qu'ils  m'ayent  raporté  ny  biens,  ny 
»  honneurs,  ny  pensions,  quoique  je  soys  l'un  des  plus 
»  anciens  brigadiers  des  Ingénieurs.  Je  ne  peux  m'adres- 

1«  Archives  historiques  da  Miotstére  de  la  guerre,  R.  S*  560. 
RinjB  M  Commou,  1«'  uimestre  1894.  Tomb  IX.  —  4. 


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50 
»  ser  qu'à  vous,  M%  par  Téloignement  de  M'  d'Asfeldt, 
»  pour  obtenir  quelque  grâce  de  Son  Altesse  Royale  que 
»  je  vous  suplie  très  humblement  de  me  procurer*. 
»  Je  suys  d'un  profond  respect,  etc.  Dumaine.  » 

En  marge  de  cette  lettre,  on  lit  de  récriture  de  M.  Le 
Blanc  :  «  Accordé  mille  livres  de  gratification.  » 

Les  pertes  essuyées  par  les  Français  devant  Castelléon 
étaient  légères.  On  comptait  trois  officiers  blessés,  cinq 
soldats  tués  et  une  vingtaine  de  blessés.  La  garnison 
avait  eu  le  qUart  de  son  effectif  hors  de  combat. 

Le  13  juin,  M.  de  Crest  annonçait  à  Berwick  la  nou- 
velle de  la  prise,  et  repartait  en  poste  pour  Paris. 

»  Dimanche,  18  juin,  dit  Dangeau  dans  son  Journal, 

»  il  arriva  un  courrier  qui  apporta  la  nouvelle  de  la  prise 

»  de  Castelléon.  Il  avait  passé  au  camp  de  Fontarabie  où 

•  »  il  apprit  la  blessure  du  fils  de  M.  d'Estaing,  aide  de 

»  camp  de  M.  de  Joffreville,  de  trois  éclats  de  bombe  ^.  » 

Buvat,  dans  son  Journal  de  la  Régence,  mentionne  éga- 
lement Tarrivée  de  M.  de  Crest. 

D'après  le  bruit  qu'on  se  plût  à  faire  de  ce  succès,  le 
public  eut  le  droit  de  s'imaginer  qu'il  s'agissait  d'une 
forteresse  véritablement  importante,  et  non  d'un  vieux 
château  perdu  dans  un  coin  des  Pyrénées.  Ce  nom  pom- 
peux de  Castelléon  sonnait  bien  du  reste,  et  donnait  aisé- 
ment prise  aux  illusions  naturelles,  ou  même  aux  exagé- 
rations convenues. 

M.  de  Bonas  fit  partir  sur  le  champ  sept  bataillons  pour 
Navarreins;  il  garda  le  bataillon  de  Flandres  et  deux 
compagnies  de  milice  pour  réparer  les  brèches.  On  ne 
dégarnit  point  Montrejeau  pour  prévoir  le  cas  où  l'en- 
nemi ferait  un  retour  offensif.  Les  frontières  furent  gar- 
dées avec  une  vigilance  qui  ne  se  démentit  pas,  et,  sur 
certains  points,  les  milices  les  mieux  équipées  du  pays, 

1.  Archives  bisloriques  du  Ministère  de  la  guerre,  B.  2  560. 

2.  Journal  de  Dangeau,  t.  xiv,  éd.  Hachette. 


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8* 
jusques  là  tenues  en  réserve,  vinrent  remplacer  les  dé- 
tachements des  troupes  réglées. 

Sur  la  proposition  de  M.  de  Bonas,  M.  de  Berwick 
nomma  M.  de  Champier,  lieutenant-colonel  d'infanterie, 
gouverneur  de  Castelléon  et  de  la  vallée  d'Aran,  M.  Bar- 
don,  major  du  château,  M.  de  Besins,  aide-major.  Deux 
cents  hommes  du  régiment  de  Flandres  et  d^  milices  du 
Comminges  étaient  laissés  dans  la  vallée  (13  juin  1719)». 

Trois  jours  après  la  prise  de  la  forteresse,  M.  de  Bonas 
disait  à  Berwick  (16  juin)^ 

tf  II  n'y  a  point  de  juge  dans  la  vallée  d'Aran.  Celuy 
»  qui  y  estoit  réside  en  ce  moment  à  Barcelone.  Il  im- 
»  porte  de  placer  là  un  bon  sujet  qui  contienne  le  peuple. 
»  Le  sieur  de  Lassus,  juge  royal  de  Saint-Béat  et  des 
»  vallées  qui  touchent  TAran,  est  très  propre  pour  cela'. 
»  Vous  ne  sauriez  proposer  un  meilleur  sujet.  Ce  sera 
»  pour  luy  un  fardeau  sans  émoluments,  mays  on  trou- 
»  vera  moyen  de  l'engager  à  bien  faire  d'ailleurs.  Je  vous 
»  prie  de  luy  donner  vos  provisions  ou  de  les  demander 
»  à  la  cour^.  » 

Le  17  juin,  M.  de  Bonas  répondait  en  ces  termes  à  des 
recommandations  que  lui  avait  adres*sées  M.  Le  Blanc 
pendant  le  siège  : 

«  De  Castelléon,  le  17  juin  1719. 
»  M% 

»  Par  la  lettre  que  vous  me  faites  l'honneur  de  m'écrire 
»  le  4,  vous  me  recommandez  d'avoir  une  attention  par- 


1.  Archives  historiques  do  Mioistère  de  la  guerre  :  Lettre  de  Bonas  à  Berwick,  R.  2.  560. 

2.  Idem. 

3.  M.  Marc*François  de  laissas  ii*élail  pas  juge  de  Saiol-Bëat,  mais  juge  en  chef  de 
Télection  de  RiviëTe-Verdun,  depuis  le  11  mai  1716.  Saint- Beat  était  compris  dans  la 
juridiction. 

Le  2  décembre  1724,  la  justice  de  Rivière  fut  démembrée,  pour  composer  à  l'avenir 
douze  corps  d'orflces  exercés  dans  douze  sièges  différents.  Saint-Béat  devint  un  siège 
spécial.  M.  de  Lassus  conserva  celui  de  Mootrejeau  avec  le  titre  de  juge  en  chef.  Le  duc 
d'Aotin  écrivit  peu  de  temps  après  à  M.  de  Lesseville  que  le  bénéfice  de  la  cession  de  ces 
douze  judicatures  avait  été  accordé  par  le  Rot  à  M.  de  Lassus,  en  considération  des  ser- 
vices qu'il  avait  rendus  pendant  la  guerre  d'Espagne.  (Ex  nostris  A,  année  1719.) 

4.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 


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58 

»  ticulière  d'empêcher  la  maraude.  La  discipline  a  esté 
»  si  bien  observée  qu'il  n'y  a  eu  qu'un  soldat  qui  ait  sorty 
»  du  camp.  Les  païsans  me  le  ramenèrent,  et,  comme  je 
»  croys  vous  l'avoir  fayt  connaître  précédemment,  je  leur 
»  fis  donner  cent  francs,  et  je  fis  casser  la  tète  au  déser- 
»  teur.  Cella  feut  fini  pour  toujours.  On  n'a  pas  coupé  un 
»  épi  de  blé;  les  habitants  d'Aran  ont  esté  dans  leurs 
»  maisons  fort  tranquilles,  et  ils  ne  se  sont  pas  aperçus 
»  qu'il  y  eût  des  troupes  étrangères  chez  eux.  Je  leur  ay 
»  teneu  la  parole  que  je  leur  avois  donnée. 

»  Les  vallées  voisines,  animées  par  le  traitement  de  la 
»  vallée  d'Aran,  m'ont  envoyé  secrètement  des  députés 
»  pour  me  prier  d'entrer  chez  eux,  afin  de  se  mestre  sous 
»  la  domination  française.  Je  leur  ay  inspiré  de  cacher 
x>  pendant  quelque  temps  leur  bonne  volonté,  attendeu 
»  que  les  troupes  que  j'avois  icy  estoient  obligées  de 
»  passer  d'un  autre  costé,  et  que  s'il  paroissoit  aux 
»  Espagnols  qu'ils  estoient  veneus  volontairement  à  l'o- 
»  béyssance,  ils  pourroient  estre  châtiés,  qu'il  faloit 
»  attendre  que  je  peusse  entrer  chez  eux  avec  un  corps 
»  de  troupes  pour  les  soutenir  et  leur  remestre  les  armes 
»  à  la  main,  et  que  je  me  sacrifierois  pour  défendre  leur 
»  liberté  et  leurs  privilèges. 

»  Je  ne  puis  pas  douter  que  ces  peuples  n'ayent  beau- 
»  coup  de  confiance  en  moy,  et  cella  vient  de  ce  que, 
»  dans  la  guerre  passée,  j'ay  comandé  dans  toutes  ces 
»  montagnes  et  que  j'ay  bien  traité  les  habitants  de  ces 
»  pays. 

»  Je  viens  de  recevoir  une  preuve  de  ceste  confiance. 

»  Le  roy  d'Espagne  a  fayt  depuis  peu  un  régiment  de 
»  fusiliers  dont  il  a  envoyé  quatre  compagnies  sur  ceste 
»  frontière. 

»  J'appris  qu'un  nommé  Mora,  que  j'avois  conneu  pen- 
D  dant  la  dernière  guerre,  estoit  de  ce  nombre  avec  le 
»  nommé  Mateu.  Je  leur  manday  que  j'estois  dans  la 
»  vallée  d'Aran,  et  que  je  les  recevroys  avec  plaisir.  L'un 
0  d'eux  est  veneu  avecjsa  compagnie  entière,  l'autre  avec 


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53 

j»  de  petits  détachements  au  nombre  de  quatre-vingt-dix 
»  bien  vêtus  et  bien  armés.  J'en  ay  formé  trois  compa- 
»  gnies  et  ay  laissé  les  mêmes  officiers  qui  y  estoient. 

D  J'aurois  souhetté,  M%  qu'on  eût  pu  me  laisser  les 
»  troupes  que  j'avois  icy.  J'aurois  exécuté  un  projet  que 
»  j'avois  formé  en  suyvant  le  goût  et  l'inclination  des 
»  Catalans.  Mais  les  troupes  ont  été  nécessaires  ailleurs. 

»  J'ay  faict  partir  sept  bataillons  pour  joindre  M.  de 
j)  Coigny,  et  je  laisse  icy  le  régiment  de  Flandres  pour  tra- 
»  vailler  au  rétablissement  du  château  qui  est  tout  écrasé 
»  par  les  bombes  et  le  canon.  Je  mestray  dans  la  journée 
j»  d'aujourd'hui  la  dernière  main  à  l'arrangement  de  la 
»  vallée  d'Aran,  en  asseurant  aux  habitants  que  je  re- 
»  viendray  les  voir,  pour  les  encourager  à  bien  fayre  par 
»  cette  espérance. 

»  J'auray  l'honeur  de  vous  informer  de  ce  que  j'auray 
»  fayt  que  je  croiray  le  plus  convenable  pour  le  bien  du 
»  service  dans  ceste  vallée.  J'espère,  M%  que  vous  au- 
»  rez  ceste  confiance  en  moy  que  de  vous  en  raporter  à 
»  ce  que  j'auray  l'honneur  de  vous  mander  sur  ceste 
»  frontière  et  sur  l'intérieur  de  la  Catalogne,  et  méprisez, 
»  je  vous  prie,  tous  ces  donneurs  d'avis  qui  ne  cherchent 
»  qu'à  se  rendre  nécessaires  et  qui  ne  sont  conduits  que 
»  par  leur  intérêt  propre  '. 

»  Je  parts  pour  me  rendre  à  Pau,  où  M.  le  maréchal 
»  de  Berwick  me  destine  pour  y  comander  un  corps  de 
»  cavalerie.  Je  tâcheray  d'y  servir  le  Roy  avec  le  même 
D  zèle  que  partout  ailleurs.  Vous  voudrez  bien  permettre 
»  que  je  vous  fasse  remarquer  que,  pendant  l'expédition 
»  que  je  viens  de  fayre,  il  ne  m'a  pas  déserté  un  seul 

1.  Le  ministre  recevait  des  lellres  de  gens  qui  voulaient  faire  du  zélé,  donnaient  des 
renscigneiiienls,  même  des  conseils,  critiquaient  les  opérations  militaires,  etc.  11  renvoyait 
quelques-unes  de  ces  missives  à  M.  de  Bonas.  —  C'est  h  cela  que  ce  dernier  fait  allusion. 

A  ce  propos,  lors  de  la  guerre  de  suceession,  M.  Le  Gendre,  qui  recevait  de  semblables 
communications  et  qui  savait  à  quoi  s'en  tenir,  disait  dans  une  lettre  au  Contrôleur  géné- 
ral Desmarest,  le  28  octobre  1707  : 

•  On  empêcherait  plutôt  les  Gascons  de  manger  et  de  boire,  que  d'écrire  sans  aucun 
t  ménagement,  quand  il  s'agit  de  satisfaire  leurs  passions.  *  (Ardiives  nationales  :  Géné- 
ralité de  MonUuban,  G.  7.  n*  397.) 


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Si 

»  soldat  et  qlie  les  troupes  et  le  pays  sont  contents,  et 
»  moy  beaucoup  des  uns  et  des  autres. 

»  Je  vous  suplie,  M*",  de  voulloir  bien  me  continuer 
»  rhoneur  de  vos  bontés  et  me  croyre,  avec  tout  le  res- 
»  pect  possible,  votre  très  humble,  etc. 

a   BONAS-GONDRIN. 

»  Si  vous  m'honorez  de  vos  ordres,  vous  aurez  la 
»  bonté  de  fayre  adresser  vos  lettres  à  M.  de  Le'sseville, 
»  à  Pau'.  » 

En  tête  de  cette  lettre  figure  la  note  suivante,  écrite  par 
M.  Le  Blanc  : 

»  Lu  tout  au  long  cette  lettre  à  Son  Altesse  Royale 
»  qui  est  très  contente.  Beaucoup  de  marques  d'estime.  » 

Le  16  juin,  la  ville  de  Fontarabie^  capitulait,  après  un 
siège  assez  rude.  L'armée  française  avait  perdu  quatre 
ofliciers  et  cent  trente-six  soldats  tués.  Trente-six  offi- 
ciers et  cinq  cent  treize  soldats  étaient  blessés. 

Philippe  V,  témoin  impuissant  de  la  prise  de  Fontara- 
bie,  accablé  par  la  fidélité  des  Français  qu'il  regardait 
comme  une  défection,  semblait  rechercher  l'isolement  et 
la  solitude.  On  essayait  de  lui  faire  comprendre  que  tous 
les  malheurjs  de  cette  guerre  néfaste  retombaient  sur  le 
ministre  qui  l'avait  suscitée.  Le  maréchal  de  Berwick, 
maitre  de  deux  provinces  d'Espagne,  s'efforçait  de  gagner 
ses  adversaires  par  une  conduite  aussi  généreuse  que 
politique.  Il  ne  lovait  point  de  contributions,  il  renvoyait 
les  prisonniers,  il  traitait  les  habitants  avec  de  tels  mé- 
nagements, que  ceux-ci  demeuraient  spectateurs  de  la 
lutte  sans  intervenir.  Des  deux  côtés,  on  ne  croyait  pas  à 
la  prolongation  de  la  guerre. 

Le  21  juin,  M.  Le  Blanc  envoyait  sa  réponse  aux  lettres 

i.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre  :  Guerre  d'Espagne.  R.  2.  560. 

2.  Une  médaille  Tut  frappée  en  commémoration  du  siège  et  de  la  prise  de  Fontarahie. 
En  voici  la  description  : 

Pallas  française  Tunlant  Técn  de  Foiitnrabie  présente  nne  branche  d*oiivier  à  une  guer- 
rière qui  tient  l'écnsson  d'Espagne.  —  Pacis  firmandœ  eriptum  pignus.  Gage  arraché 
pour  assurer  la  paix.  —  Exergue  :  Fonlarabia  capta  XVI  in  MDCCXIX.  Monogramme  D.  V. 


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55 

que  M.  de  Bonas  lui  avait  adressées  après  la  prise  de 
Castelléon  : 

«  J'ai  receu,  Monsieur,  par  le  sieur  de  Crest,  les  lettres 
»  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  le  H  de  ce 
D  mois,  et  j'ay  remis  à  Son  Altesse  Royale  celle  que 
j>  vous  m'avez  adressée  pour  elle. 

»  Je  ne  vous  diray  rien  de  la  satisfaction  qu'elle  a  de 
»  la  conduite  que  vous  avez  teneue  dans  votre  expédition 
»  de  Castelléon.  Elle  s'en  explique  par  la  lettre  cy-jointe 
»  beaucoup  mieux  que  je  ne  pourrois  faire.  En  atten- 
»  dant  qu'elle  puisse  vous  accorder  des  grâces  propor- 
»  tionnées  à  l'estime  qu'elle  fait  de  vous,  elle  augmente 
»  de  deux  mille  livres  la  pension  de  trois  mille  que  vous 
»  avez  ci-devant  obtenue.  Vous  devez  estre  bien  persuadé 
»  de  l'attention  que  j'auray  toujours  sur  toutes  les  choses 
»  qui  pourront  vous  intéresser. 

»  Votre  courrier  a  eu  une  pension  de  400  livres  et 
D  une  gratification  de  3,000  en  considération  de  la  bonne 
»  nouvelle  qu'il  a  apportée.  Je  crois  qu'il  ne  sera  pas 
»  mécontent  de  son  voyage  et  qu'il  se  saura  bon  gré 
»  d'avoir  travaillé  à  mériter  les  témoignages  avantageux 
»  que  vous  rendez  de  luy. 

o  S.  A.  R  a  lu  avec  plaisir  ce  que  vous  luy  marquez  sur 
j)  le  compte  de  M.  le  prince  de  Montauban,  de  M.  de 
n  Miron  et  de  M.  le  chevalier  d'Ambres.  Elle  désire  que 
»  vous  les  assuriez  de  sa  part  qu'ils  la  trouveront  très 
D  disposée  à  l'occasion  à  leur  donner  des  marques  de  sa 
A  satisfaction.  Quelque  résolution  que  S.  A.  R  eût  prise 
»  de  ne  pas  augmenter  la  dernière  promotion,  elle  n'a  pu 
»  résister  à  tout  le  bien  que  M.  le  maréchal  de  Berwick 
»  et  vous  luy  dites  en.faveur  de  M.  de  Bettens.  Elle  luy  a 
»  accordé  le  grade  de  brigadier  et  son  brevet  sera  daté 
»  du  jour  de  la  promotion.  Ainsy  la  grâce  sera  complète. 

»  Je  suys  bien  aise  que  vous  ayez  esté  content  du 
n  commissaire  Hocquard.  Au  lieu  de  600  livres  d'appoin- 
»  tements  qui  luy  avoient  esté  réglés  par  moys,  je  les  luy 
»  feray  payer  dorénavant  sur  le  pied  de  800  livres. 


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56 

»  A  regard  du  sieur  de  Lassus,  S.  A.  R  veut  bien  luy 
»  accorder  une  commission  pour  remplir  les  fonctions  de 
^  juge  de  la  vallée  d'Aran,  mais  comme  dans  ces  sortes 
»  d'expéditions  il  y  a  ordinairement  des  clauses  relatives 
»  aux  usages  du  pays,  j'ay  besoin  pour  la  fayre  fayre  dans 
»  les  règles  d'avoir  copie  du  titre  de  celuy  qui  cxerçoit 
»  ci-devant  ceste  charge  pour  l'Espagne. 

»  Je  crois  que  le  meilleur  party  qu'on  puisse  tirer  du 
»  lieutenant  et  vingt-deux  Miquelets  du  régiment  de 
»  Savaric  qui  sont  veneus  vous  joindre  tous  armés  et 
»)  équipés,  est  de  les  envoyer  au  Mont-Louis  pour  estre 
»  incorporés  dans  les  bataillons  d'arquebusiers  catalans 
»  que  les  sieurs  Grau  et  Ferrer  y  rassemblent. 

»  Je  suys  avec  un  sincère  attachement,  Monsieur,  votre 
»  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

»  Le  Blanc*.  » 

Pendant  l'occupation  française,  Marc  -  François  de 
Lassus  remplit  les  fonctions  de  juge  en  chef  de  la  vallée 
d'Aran,  et  sur  la  recommandation  du  maréchal  de  Ber- 
v^ick  il  obtint  une  pension  de  quinze  cents  livres  sur  le 
trésor  royaP. 

M.  de  Champier,  gouverneur  de  Castelléon,  convoqua 
le  23  juin  tous  les  consuls  et  les  bayles  de  la  vallée  d'Aran. 

i.  Celte  pièce  fait  partie  de  dos  Archives.  (Lettres  et  correspondances  dn  xviii*  siècle 
n'  79,  Subdélégalioo.) 

2.  La  charge  de  juge  en  chef  de  TAran  fot  donnée  à  Marc-François  de  Lassas.  Son  père 
reçut  en  même  Icmps  de  M.  Le  Blanc  une  gratification  de  1,500  lÎTres. 

Cette  gratification  fut  convertie  en  pension  à  la  fin  de  la  guerre.  M.  Le  Blanc  expédia  le 
brevet,  le  21  janvier  1620,  avec  la  lettre  snivante  à  Pierre  de  Lassns  : 

<  Depuis  que  je  vous  ay  mandé.  Monsieur,  par  ma  lettre  du  26  novembre ,  que  Son 

>  Altesse  Royale  vons  avoit  accordé  une  gratification  de  i,500  livres,  M.  le  maréchal  de 

•  Berwick  a  rendeu  des  témoignages  si  avantageux  de  votre  lèle  et  de  vos  services  qn*EI]e 
«  a  bien  vonln  convertir  ceste  gratification  en  pension.  Comme  tous  devez  avoir  touché 

>  les  1,500  livres  de  gratidcalion  dont  j'ay  expédié  Tordre  à  M.  de  Lesseville  le  24  du 

>  mois  passé,  ceste  somme  vous  tiendra  lieu  de  la  première  année  de  votre  pension,  et  je 

>  coniiuueray  à  la  fayre  employer  sur  Tétai  des  pensions  qui  sVxpédieront  à  l'avenir,  de 

>  manière  qu*au  mois  de  décembre  1720  vous  loucherez  la  deuxième  année.  Je  suys,  très 

*  parfaitement.  Monsieur,  votre  très  humble  et  obéissant  serviteur.    Le  Bunc.  > 

Du  consentement  de  Pierre  de  Lassus,  la  pension  fut  mise,  en  mai  1720,  sur  la  tète  de 
son  fils  Marc-François,  qui  en  jouit  jusqu'à  sa  mort  (4  août  1780). 

M.  de  Bonas  entretint  une  correspondance  suivie  avec  MM.  de  Lassus.  Il  leur  disait,  le 
10  mai  1720  :  «  Vous  n'avez  pas  d'ami  plus  solide  que  moy.  >  —  (Ex  nosirisA,  D.  6,  n*  27  et  s.) 


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67 

La  misère  du  pays  était  grande  à  la  suite  des  taxes  et  des 
réquisitions  imposées  depuis  le  commencement  de  la 
guerre  par  Tancien  gouverneur  espagnol.  Il  importait  au 
plus  haut  point  de  continuer  les  traditions  de  sage  poli- 
tique laissées  par  M.  de  Bonas.  «  Le  régent  de  France,  dit 
»  M.  de  Champier  à  tous  les  gens  qui  Técoutaient,  est 
»  animé  des  dispositions  les  plus  bienveillantes  à  votre 
D  égard  ;  il  maintiendra  tous  vos  privilèges,  il  ne  vous 
»  demandera  pas  de  nouveaux  sacrifices,  sachant  que 
»  vous  en  avez  supporté  de  très  onéreux.  Il  veut  que 
»  vous  viviez  en  paix  sous  sa  protection.  Je  suîvray  les 
»  exemples  du  marquis  de  Bonas  dont  vous  avez  tous 
»  admiré  la  modération  et  la  droiture.  Je  seray  juste 
»  comme  luy,  mais,  comme  luy  aussy,  ferme  et  sévère 
»  selon  les  événements.  Vous  pouvez  estre  asseurés  de  la 
»  bonne  discipline  de  mes  troupes.  Tous  vos  griefs  seront 
»  écoutés  ;  à  votre  tour  montrez-vous  soumis,  conflants, 
D  agissez  avec  franchise,  et  de  ceste  conduite  vous  reti- 
»  rerez  le  plus  grand  bien.  » 

En  rendant  compte  à  Berwick  de  cette  assemblée, 
M.  de  Champier  ajoutait  : 

tf  J'auray  les  mains  si  nettes  que  Dieu  ny  les  hommes 
»  ne  me  reprocheront  aucune  ordure.  Par  ma  conduite 
»  je  donneray  envie  aux  vallées  voisines  d'entrer  90us 
»  la  domination  de  la  France. 

»  M.  de  Bonas  a  laissé  dans  ce  pays  un  tel  renom  qu*il 
»  faudra  Ty  faire  revenir  si  Ton  veut  assurer  les  premiers 
»  succès'.  » 

Répondant  à  Le  Blanc  qui  lui  demandait  un  avis  au 
sujet  de  Castelléon,  Berwick  datait  la  lettre  suivante  du 
camp  de  Renteria,  le  27  juin  : 

«f  Quant  à  ce  que  vous  me  marquez  de  ce  qu'il  convien- 
»  droit  de  fayre  de  Castelléon,  dans  un  autre  temps  rien 
4  ne  seroit  meilleur  que  le  fayre  sauter;  mais  ceste 

1.  Archives  da  MÏDistére  de  la  guerre,  R.  2.560, 


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58 

»  guerre  estant  d'une  nature  différente  de  toutes  les 
»  autres,  par  rapport  aux  veues  et  manèges  du  cardinal 
»  Albérony,  je  croirois  qu'il  convient  de  garder  ce  châ- 
»  teau  qui  barre  l'entrée  de  ce  costé-là,  d'autant  même 
»  qu'il  soutient  les  peuples  de  la  vallée  d'Aran  qui  sont 
»  bien  disposés  pour  nous  ;  mais  comme  ceste  guerre 
»  doit  avoir  une  fin,  si  Son  Altesse  Royale  l'approuve,  je 
»  le  feray  minera  » 

Le  maréchal  de  Berwick,  frappé  de  tous  les  éloges 
qu'on  faisait  de  M.  de  Bonas,  et  sachant  apprécier  les 
remarquables  qualités  de  cet  officier  général,  résolut  de 
lui  confier  un  corps  d'armée  qui  pénétrerait  plus  avg^nt 
dans  la  Catalogne  et  donnerait  la  main  aux  troupes  qu'on 
réunissait  en  Roussillon.  M.  de  Ciiampier  écrivait,  le  17 
juillet,  qu'une  sourde  fermentation  était  signalée  dans  les 
vallées  frontières.  Autour  de  Vénasque  les  Espagnols 
s'agitaient  ;  les  Miquelets  commençaient  à  reparaître  :  il 
serait  urgent  d  étouffer  ces  dispositions  belliqueuses  et 
de  se  porter  sans  retard  sur  Vénasque.  Les  trois  pièces 
de  vingt-quatre  et  les  mortiers  qui  avaient  servi  au  siège 
de  Castelléon  seraient  très  efficacement  mis  en  usage 
pour  le  siège  de  cette  place  que  l'on  réduirait  en  quel- 
ques jours. 

Berwick  envoie  plusieurs  bataillons  du  camp  de  Muret 
dans  la  vallée  d'Aran,  et  M.  de  Bonas  s'y  retrouve  à  la 
fin  de  juillet.  De  grands  approvisionnements  sont  atten- 
dus à  Montrejeau^. 

«  Il  faut  ravitailler  et  mettre  en  état  Castelléon,  écrit 
»  Bonas  à  Le  Blanc,  le  25  juillet.  Un  siège  prochain  est 
»  à  craindre.  Je  fais  réparer  la  route  de  Saint-Béat  et  je 

1.  Archives  historiques  da  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560. 

2.  On  signifie  à  Toulouse,  Cazéres,  Saint-Gaudcns,  Montrejeau,  un  ordre  du  Roi  du  15 
juillet  portant  de  uc  laisser  prendre  aucun  droit  pour  le  transport  et  passage  des  vivres 
et  approvisionnements  expédiés  à  l'armée  des  Pyrénées  par  Dominique  Lasalle,  bourgeois 
de  Paris,  fournisseur  de  300,000  qx.  de  blé,  250,000  sacs  d'avoine  de  i2  boisseaux,  40,000 
qx.  d'orbe,  120,000  rations  de  fourrages.  (Signé  du  Régent  et  de  Le  Blanc.) 

{Ex  noslris  i4.  D,  n*  62.  d  d  d.) 


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59 

»  prends  toutes  les  mesures  pour  n'estre  point  surpris. 
»  Je  voudrois  parcourir  toutes  les  vallées  frontières  avec 
»  un  corps  d'armée,  et  je  me  ferois  fort  de  les  insurger 
»  contre  l'Espagne,  d'autant  mieux  que  je  suis  conneu 
»  dans  le  pays^  » 

Peu  de  temps  après,  nous  trouvons  M.  de  Bonas  en 
cours  d'explorations  dans  la  Cerdagne  ;  il  explique  à  Ber- 
wick  comment  il  comprend  la  guerre  dans  toute  cette 
région.  «  Ne  vous  fiez  pas,  dit-il,  à  tous  ces  donneurs 
»  d'avis  qui  ne  veulent  que  rançonner  le  pays  et  se  pro- 
»  curer  les  grâces  de  la  cour  sans  les  mériter».  » 

Interrogé  sur  la  situation  des  Quatre- Vallées,  M.  de 
Noë  répond,  le  2  août,  qu'elle  se  maintient  satisfaisante. 
Les  Espagnols  ne  se  montrent  pas  sur  les  frontières.  Les 
mouvements  qui  se  produisent  dans  la  Catalogne  n'ont 
pas  de  contre-coup  en  Aragon.  Toutes  les  troupes  dis- 
ponibles de  cette  province  sont  parties  pour  la  Navarre 
au  secours  de  Saint-Sébastien.  De  faibles  garnisons  occu- 
pent les  places.  Malgré  les  excitations  des  agents  d'AIbe- 
roni,  les  Miquelets  ne  répondent  point  à  l'appel.  Les  offi- 
ciers chargés  de  les  enrôler  battent  le  pays  en  vain.  Les 
milices  des  Quatre- Vallées  conservent  une  attitude  très 
résolue.  Elles  sauront  défendre  leurs  foyers  avec  autant 
de  courage  que  de  fidélité.  Jusqu'à  nouvel  ordre,  M.  le 
Maréchal  ne  doit  pas  prendre  le  soin  de  faire  camper  des 
troupes  réglées  à  proximité  des  vallées  d'Aure  et  de 
Louron  *. 

Berwick  reçut  ces  nouvelles  au  moment  même  où  l'ar- 
mée française  entrait  dans  Saint-Sébastien. 

i.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.'2.  560.       , 

2.  Archives  historiques  du  Ministère  de  U  guerre  :  Lettres  de  Bonas  et  Champier, 
16  juillet  et  suiv.,  B,  2.  560. 

3.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre  R.  2.560. 

Voici  quels  étaient  les  ëmolumeots,  ou,  comme  on  disait  alors,  l'uslencile  du  Séné- 
chal des  Qoatre-Vallées  :  400  livres  par  an,  i05  livres  pour  loyer  d'une  maison  meublée 
à  Sarrancolin,  40  francs  pour  bois  et  charbon,  12  francs  pour  deux  messagers  à  lelires. 

Le  18  septembre  1719,  M.  de  Noê,  sénéchal,  fit  mettre  en  prison  le  s'  Bagnéris,  syndic 
des  Quatre -Vallées,  parce  qu'il  avait  refusé  de  payer  l'uslencile. 

fEx  noslris  A  :  Valléa  d'Aure,  CGC.  n«  97.) 


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«0 

Lee  bataillons  détachés  du  camp  de  Muret  ne  firent 
que  traverser  la  vallée  d'Aran,  pour  se  rendre  dans  la 
Conque  de  Tremps  désignée  par  Berwick  pour  être  le 
centre  des  opérations  militaires.  L'absence  des  neiges 
facilita  la  marche  des  colonnes  françaises  au  milieu  des 
montagnes  qui  séparent  le  territoire  d'Aran  de  la  longue 
vallée  de  la  Noguera  Paillaresa.  Le  siège  de  Vénasque  fut 
remis  à  d'autres  temps,  lorsque  les  péripéties  des  événe- 
ments amèneraient  nos  armées  au  cœur  de  TAragon. 
Tous  les  ports  demeuraient  bien  gardés.  On  laissait  à 
Bagnères-de-Luchon  deux  bataillons  et  les  milices  en 
communication  permanente  avec  la  garnison  de  Castel- 
léon  et  avec  la  réserve  de  troupes  cantonnée  à  Saint- 
Béat. 

Le  corps  d'armée  de  la  Conque  de  Tremps  comprenait 
dix  bataillons  d'infanterie,  deux  régiments  de  dragons  et 
mille  arquebusiers  ou  Miquelets,  enrôlés  sous  nos  dra- 
peaux par  les  soins  de  M.  de  Fimarcon,  lieutenant  géné- 
ral, gouverneur  du  Roussillon.  Les  troupes  étaient  éprou- 
vées, choisies,  tirées  des  meilleurs  régiments  de  France. 
On  ne  comptait  guère  sur  les  Miquelets.  Ces  partisans  ne 
se  battaient  que  par  amour  du  pillage  et  de  la  rapine.  Ils 
ne  s'entendaient  qu'aux  surprises,  embuscades,  attaques 
de  convois  faiblement  escortés.  Mis  en  ligne  comme  les 
autres  soldats,  ils  se  fondaient  pour  ainsi  dire  sous  le  feu 
de  l'ennemi,  ne  revenant  qu'après  la  bataille,  avides  du 
butin  qu'ils  n'avaient  pas  eu  le  courage  de  gagner  mais 
dont  ils  réclamaient  audacieusement  leur  part. 

Ce  fut  avec  un  sentiment  de  fierté  légitime  que  M.  de 
Bonas  prit  le  commandement  des  belles  troupes  con- 
fiées à  sa  valeur  et  à  son  expérience.  Impatient  de  justi- 
fier le  choix  que  Berwick  avait  fait  de  sa  personne,  et 
jaloux  d'accroître  sa  propre  renommée,  il  chercha  des 
moyens  habiles  pour  soulever  les  populations  et  pour 
semer  la  division  dans  le  camp  ennemi.  Ses  proclama- 
tions et  ses  actes  étaient  conformes  au  manifeste  qu'il 
avait  publié  dans  la  vallée  d'Aran.  La  France  ne  faisait 


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point  la  guerre  à  Philippe  V,  l'héritier  de  ses  rois,  encore 
moins  au  noble  peuple  d'Espagne,  mais  à  Tastucieux 
ministre  qui  déchaînait  contre  sa  patrie  d'adoption  les 
justes  colères  de  toutes  les  puissances  de  l'Europe.  Bien 
des  gens  applaudissaient  à  ces  discours  ;  des  symptômes 
de  rébellion  se  manifestèrent.  Le  17  août,  M.  de  Bonas 
faisait  enlever  le  brigadier  de  Cron  par  les  soldats  que 
commandait  ce  général.  Quelques  jours  après,  Don  An- 
tonio Berenguer,  colonel  des  milices  espagnoles,  parta- 
geait le  même  sort.  La  prise  du  château  de  Bar,  près 
d'Urgel,  couronna  par  un  coup  d'éclat  ces  premiers  suc* 
ces*. 

Pendant  le  mois  de  septembre,  en  Catalogne,  les  Fran« 
çais  ne  se  mesurèrent  point  avec  les  nouvelles  troupes 
envoyées  par  Alberoni,  sauf  en  quelques  escarmouches 
sans  importance.  Le  2  octobre,  les  bataillons  d'arquebu- 
siers de  Grau  et  de  Belair  du  corps  de  Bonas,  attaqués 
vivement  par  une  brigade  espagnole,  firent  très  mauvaise 
contenance  au  premier  choc  et  lâchèrent  pied  sans  dis** 
puter  le  terrain. 

M.  de  Bonas  ne  voulut  pas  rester  sous  le  coup  de  cet 
échec  ;  il  surprit  à  son  tour  les  ennemis  aux  environs  de 
Monsec,  chargea  lui-même  à  la  têto  de  ses  dragons  avec 
tant  d'impétuosité  que  son  cheval  fut  tué  ;  l'avantage  de 
cette  journée  resta  aux  Français,  malgré  leurs  arquebu- 
siers qui  ne  se  risquèrent  pas  dans  la  mêlée. 

M.  de  Bonas  se  plaignit  à  Berwick  de  ces  auxiliaires, 
en  termes  très  indignés  (Lettre  du  3  octobre)  : 

V  Je  suys  outré  contre  nos  Miquelets  qui  n'ont  jamais 
»  voulleu  mordre  et  qui  ont  fait  la  plus  mauvaise  conte- 
»  nance  du  monde.  Ce  sont  de  franches  canailles  qui  ne 
»  songent  qu'à  voiler,  piller,  assassiner,  dépouiller  les 
»  prisonniers,  ou  qui  les  laissent  échappera  » 

Comme  un  vent  de  révolte  et  de  désertion  semblait 

I.  Arcbires  historiques  au  Ministère  de  la  guerre,  B.  3.560. 
3.  ArchîYes  historiques  da  Ministère  de  la  guerre,  R.  3.560. 


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62 

souffler  sur  ces  bandes  rebelles  à  toute  discipline,  M.  de 
Bonas  demanda  très  instamment  au  maréchal  Tautorisa- 
tion  de  faire  rouer  les  déserteurs  au  lieu  de  les  passer 
par  les  armes.  Pendant  la  guerre  de  succession,  M.  de 
Vendôme  avait  usé  de  ce  moyen  violent  et  s'en  était 
fort  bien  trouvé.  LMnfamie  du  supplice  inspirait  une 
terreur  salutaire.  Après  plusieurs  exécutions  en  grand 
appareil,  les  désertions  avaient  pris  fin. 

Depuis  la  fin  d'octobre,  la  guerre  avait  été  portée  en 
Catalogne  par  le  revers  français  des  Pyrénées.  Le  pays  de 
Comminges  vit  un  grand  passage  de  troupes  échangeant 
leurs  quartiers  de  Bayonne  contre  ceux  du  Roussillon. 
M.  de  Berw^ick  alla  faire  en  personne  le  siège  de  Roses, 
mais  il  dut  l'abandonner  le  6  novembre,  et  ramener  ses 
soldats  en  France. 

M.  de  Bonas  reçut  Tordre  d'hiverner  dans  la  Conque 
de  Treraps  et  de  surveiller  nos  frontières  depuis  le  comté 
de  Foix  jusqu'aux  limites  du  Bigorre.  Saint-Qaudens  et 
Montrejeau  conservèrent  des  bataillons  de  réserve  desti- 
nés à  protéger  le  pays  contre  les  incursions  ennemies. 
Trois  cents  hommes  occupaient  la  vallée  d'Aran.  A  Saint- 
Béat,  Cierp  et  Ludion,  les  garnisons  que  nous  avons 
déjà  citées  veillaient  à  la  sécurité  des  ports  et  passages, 
et  l'hiver  allait  amener  avec  ses  neiges  un  armistice  forcé. 

La  France  et  l'Espagne  étaient  également  lasses,  mais 
cette  dernière  avait  le  plus  grand  intérêt  à  voir  finir  la 
guerre.  Au  printemps,  envahies  par  des  armées  nom- 
breuses, la  Catalogne  et  la  Navarre  deviendraient  un 
sanglant  champ  de  bataille  et  de  nouvelles  ruines  s'ajou- 
teraient à  celles  qu'avait  accumulées  la  guerre  de  succes- 
sion. D'un  autre  côté,  les  Anglais  préparaient  ostensible- 
ment une  vaste  expédition  contre  l'Amérique  espagnole. 
Alberoni,  malheureux  dans  tous  ses  projets  téméraires, 
livrait  l'Espagne  à  la  merci  de  l'Europe  conjurée  contre 
lui.  Impressionné  par  tant  de  revers,  Philippe  V  regarda 
son  ministre  d'un  œil  mécontent.  Des  intrigues  s'engagè- 


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63 
rent  de  toutes  parts  pour  précipiter  la  chute  de  Thomme 
d'Etat  dont  le  prestige  et  le  crédit  s'affaiblissaient  de  jour 
en  jour.  Une  partie  de  la  noblesse  espagnole  ne  vit  dans 
Alberoni  qu'un  odieux  étranger  et  dans  sa  politique 
que  la  persistance  d'une  insupportable  domination.  On 
circonvint  Philippe  V  par  tous  les  moyens  les  plus  pro- 
pres à  frapper  un  prince  aussi  faible ,  indécis  et  mé- 
fiant. Le  Régent  fit  affirmer  qu'il  n'y  aurait  jamais  de 
paix  tant  que  le  ministre  garderait  sa  place.  Bientôt  la 
Reine  elle-même  abandonna  le  cardinal.  Au  faite  des 
grandeurs,  sans  le  moindre  soupçon  de  disgrâce,  le  5 
décembre  1719,  il  reçut  brusquement  Tordre  de  quitter 
Madrid  dans  vingt-quatre  heures  et  l'Espagne  dans  huit 
jours.  Alberoni  s'empressa  d'obéir;  il  revint  en  Italie. 
Après  des  péripéties  sans  nombre,  cet  homme  qui  avait 
joué  un  si  grand  rôle,  excité  tant  de  haines  et  rêvé  pour 
l'Espagne  l'empire  du  monde,  mourut  à  88  ans,  simple 
légat  de  Ravenne,  conservant  à  cet  âge  et  dans  ce  rang 
modeste  l'infatigable  activité  d'esprit  dont  il  avait  été 
dévoré  pendant  toute  sa  vie  i. 

Alberoni  disparu  de  la  scène,  le  but  principal  du  Ré- 
gent et  de  Dubois  était  atteint.  On  espéra  la  suspension 
immédiate  des  hostilités. 

a  Pour  convaincre  de  la  proximité  de  la  conclusion  de 
»  la  paix  entre  la  France  et  l'Espagne,  dit  Buvat,  plu- 
9  sieurs  marchands  de  Paris  reçurent  des  lettres  de 
»  leurs  correspondants  de  Madrid  par  lesquelles  ils  leur 
»  demandaient  des  rubans  de  toutes  couleurs,  des  échar- 
a  pes,  des  palatines,  des  éventails,  des  colliers  de  perles, 
»  et  autres  ajustements  pour  les  dames  espagnoles.  ' 

La  guerre  ne  cessa  point;  M.  de  Bonas  soutenait  tou- 
jours des  combats  dans  la  Conque  avec  des  chances  heu- 

i.  La  chale  d'Alberoni  fot  poar  Sainl*Simon  roccasion  de  faire  de  ce  ministre  qu'il  dé- 
tesUiil  OQ  de  ces  portraits  à  l'emporte  pièce  dans  lesquels  il  ne  gardait  aucun  ménagement. 
Il  ne  craiot  pas  d'appeler  le  cardinal  un  tnonstrueuxpersmnage,  (Mémoires  de  SainU^imon  : 
La  Régence). 

2.  Ba\at,  Journal  de  la  Régence,  tome  ii. 


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61 

reuses,  et  pendant  le  mois  de  novembre  on  avait  achevé 
de  miner  le  château  de  Castelléon.  Le  canon  et  le  maté- 
riel furent  évacués.  On  fit  sauter  la  vieille  forteresse.  Au 
bout  d'un  mois,  elle  était  entièrement  démolie  et  rasée 
jusqu'au  niveau  du  sol.  M.  de  Champier  mena  cette  opé- 
ration avec  une  grande  activité».  Il  cantonna  la  garnison 
dans  les  villages  et  fit  transporter  Tartillerie  et  les  muni- 
tions à  Saint-Gaudens,  avec  recommandation  aux  consuls 
de  cette  ville  de  rendre  ce  matériel  aux  arsenaux  de  Tou* 
louse  et  de  Bordeaux  «. 

Au  mois  de  janvier  1720,  le  prince  Pio  se  mit  en  devoir 
d'expulser  les  Français  de  la  ConcfUe  de  Tremps.  Le 
marquis  de  Bonas,  menacé  par  des  forces  supérieures, 
se  replia  sur  la  Cerdagne  et  vint  rejoindre  les  troupes  de 
Pimarcon  qui  se  composaient  de  onze  bataillons,  cinq 
cents  grenadiers,  deux  mille  cinq  cents  hommes  tirés  des 
places  du  Roussillon,  et  deux  mille  partisans  de  Catalo» 
gne  enrôlés  au  service  de  France.  Le  Prince  Pio  reprit  la 
Cerdagne.  Urgel,  vaillamment  défendu  par  le  lieutenant- 
colonel  Ménard,  se  rendit  aux  Espagnols  le  !•'  février. 
Le  château  capitula  le  12  février,  et  la  garnison,  prison- 
nière de  guerre,  défila  devant  le  vainqueur».  L'armée  fran- 
çaise revint  en  Roussillon  prendre  ses  quartiers,  emme- 
nant à  sa  suite  les  Miquelets  catalans  qui  n'osèrent 
affronter  les  châtiments  que  leur  réservait  le  gouverneur 
de  la  province.  M.  de  Bonas  quitta  l'armée  le  11  février,  y 

laissant  une  grande  réputation  de  bravoure  et  de  capacité. 

I 

Le  17  février,  la  paix  signée  à  Londres  termina  cette 
guerre  stérile  qui  avait  coûté  82  millions  à  la  France  I 

Les  deux  nations  déposèrent  les  armes  avec  un  égal 

1.  Lettre  de  M.  DevieDoe,  commissaire  de  TExtraord inaire  à  Auch,  à  M.  de  Lassai, 
sobdélégtté,  au  sajet  do  paiement  des  démolitions  de  Castelléon,  17  décembre  1719. 

2.  Eut  payé  par  les  consuls  de  Saint-Gaudeos  pour  le  transport  des  canons,  boulets, 
munitions,  mortiers,  etc.,  le  tout  déposé  à  Saint-Béat.  ^  Décembre  1719. 

(Ex  nosirU  i .  51 .  D  d  n.) 
8.  Archives  historiques  du  Ministère  de  la  guerre,  R.  2.  560  :  Lettres  du  marquis  de 
Bonas,  marquis  de  Flmarcon,  etc.,  février  1719. 
Mémnrtt  dt  régne  de  Phikppe  ¥,  par  le  marquis  de  St-Philippe,  t.  iy,  Amsterdam,  1756 


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«5 

empressement.  De  Paris  à  Madrid  on  n'entendit  qu'un 
long  cri  de  délivrance.  On  mesurait  le  prix  de  cette  paix 
si  désirée  à  la  joie  que  manifestaient  les  peuples.  Elle  se 
traduisit  par  des  fêtes,  des  solennités  civiles  et  religieuses. 
L'allégresse  publique  éclatait  surtout  dans  nos  provinces 
frontières  dont  les  intérêts  avaient  le  plus  sérieusement 
souffert.  A  Saint-Gaudens,  Montrejeau,  Saint-Béat,  dans 
tous  les  villages  du  Comminges  et  de  la  vallée  d'Aran,  les 
réjouissances  durèrent  plusieurs  jours  >.  Dans  ces  réu- 
nions spontanées  se  rencontrèrent  des  milliers  de  braves 
gens  des  deux  nations,  contraints  par  la  politique  à  se 
traiter  en  ennemis  lorsqu'ils  ne  demandaient  pas  mieux 
que  de  vivre  en  bonne  intelligence.  On  revint  aux  ancien- 
nes coutumes  pour  un  temps  délaissées,  aux  échanges 
commerciaux  forcément  interrompus,  à  la  réciprocité  des 
amicales  relations.  Les  Aranais  reprirent  le  chemin  du 
beau  pays  de  France  où,  par  les  temps  difficiles,  ils 
trouvaient  une  hospitalité  généreuse  Nos  montagnards, 
de  leur  côté,  traversèrent  de  nouveau  les  ports  des  Pyré- 
nées et  descendirent  dans  ces  vallées  bien  connues  de 
la  Catalogne  et  de  l'Aragon,  pour  aller  offrir  l'assistance 
de  leurs  bras  robustes  aux  propriétaires  de  ces  fertiles 
contrées.  On  se  hâtait  d'autant  plus  à  renouer  la  chaîne 
des  traditions  séculaires  que  la  privation  absolue  de  ces 
rapports  avait  été  pour  tous  plus  préjudiciable  et  plus 
pénible.  Les  premières  fêtes  de  Saint-Bertrand  de  l'an- 
née 1720  attirèrent  une  affluence  inusitée  d'Espagnols. 
Le  clergé  de  l'Aran  y  fut  représenté  par  plus  de  cent 
prêtres.  On  oubliait  les  souvenirs  poignants  de  la  guerre  ; 
on  remerciait  le  ciel,  on  se  félicitait  mutuellement  de 
cette  réconciliation  si  nécessaire  apportée  par  le  bienfait 
de  la  paix^. 

1.  Extraits  des  correspondances  et  papiers  de  la  snbdëlégalion,  année  1720.  fExnoilris  A* 
D  D  D,  n*  107.) 

2.  A  l'occasion  de  la  paix  de  1720»  une  médaille  fnt  frappée  à  Paris.  En  voici  la 
description  : 

Pallas  à  côté  d'an  monceaa  d'armes  et  d'un  cheval  libre.  Tranquillitas  Europœ  :  Tran- 
quillité de  l'Earope.  —  Eiergne  :  Pax  xum  Hispanit  MDCCXX  :  Paix  avec  l'Espagne.  — 
Monogramme  I.  B. 

Retui  dk  Cohmirges,  1*'  trimestre  1894.  Tohb  IX.  »  5. 


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Cette  union,  si  féconde  en  résultats  heureux,  se  main- 
tint jusqu'à  la  chute  de  notre  vieille  monarchie.  Les 
guerres  de  1792  et  des  années  suivantes  brisèrent  ces 
liens  jusqueslà  respectés  et  jetèrent  violemment  les  deux 
peuples  l'un  sur  l'autre.  Des  luttes  terribles  succédè- 
rent à  cette  longue  suite  de  jours  pacifiques.  Pendant 
soixante-dix  années,  presque  un  siècle,  Espagnols  et 
Français  avaient  vécu  loyaux  amis  et  fidèles  alliés,  à 
l'ombre  des  drapeaux  qui  portaient  avec  fierté,  dans  leurs 
plis  confondus,  les  glorieuses  fleurs  de  lis  de  la  Maison 
de  France. 

B«  DE  LASSUS. 


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LES  CHEVALIERS  DE  MALTE 

A  FRONTÊS,  PRÈS  LUCHON 


Les  baigneurs  qui  fréquentent  Ludion  pendant  la 
saison  d'été  et  qui,  pour  cause  de  maladie  ou  par  inex- 
périence de  la  montagne,  n'osent  affronter  les  super- 
bes mais  fatigantes  courses  de  sommet,  trouvant 
amplement  à  se  dédommager  dans  les  environs  immé- 
diats de  cette  charmante  station. 

En  effet,  les  promenades  autour  de  la  ville  sont 
aussi  variées  qu'agréables  et  elles  constituent,  en  quel- 
que sorte,  en  raison  de  la  salubrité  du  climat,  le 
complément  du  traitement  suivi  par  les  valétudinaires 
qui  y  trouvent  sans  fatigue  les  sensations  de  la  mon- 
tagne^ car  on  marche  constamment  à  une  altitude  de 
630  à  700  mètres. 

La  promenade  la  plus  fréquentée,  celle  qui  attire  le 
plus  de  malades  et  de  touristes,  est  sans  contredit  celle 
qui,  de  Luchon,  conduit  par  Montauban  et  Juzet  au 
village  de  Salles,  remarquable  par  ses  eaux  ferrugi- 
neuses. Cette  route,  que  je  ne  saurais  assez  signaler 
à  l'attention  des  étrangers,  longe,  comme  un  large 
ruban,  la  base  des  montagnes  si  pittoresques  de  Mon- 
tauban et  de  Juzet  dominées  par  les  pics  de  Poustajou 
(1930  ")  et  Bacanère  (2194  °^). 

De  tous  les  points  de  cette  voie  la  vue  plonge  sur  le 
vallon  de  Luchon  qu'on  peut  admirer  sous  ses  plus 
gracieux  aspects,  ainsi  que  sur  les  belles  montagnes 


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qui  forment  autour  de  la  ville  comme  un  cadre  mer- 
veilleux. Aussi  cette  route  est-elle  sillonnée,  à  tous  les 
moments  de  la  journée,  par  les  voitures,  les  piétons 
et  par  de  nombreuses  cavalcades. 

Pendant  la  saison  de  1892,  je  cheminais  un  jour,  à 
Tinstar  de  tant  d'autres  touristes,  sur  cette  route  si 
attrayante  de  Montauban  à  Juzet,  lorsque,  passant 
devant  le  hameau  de  Frontés,  distant  de  15  à  20  minu- 
tes de  Luchon,  mon  attention  se  porta  sur  une  grange 
sise  à  une  courte  distance  de  la  route  et  dont  les  pro- 
portions me  parurent  plus  vastes  que  celles  des  cons- 
tructions de  même  genre,  si  nombreuses  dans  le  pays. 
L'ancienne  porte  extérieure  était  murée,  mais  on  en 
pouvait  très  bien  distinguer  le  cintre  imparfaitement 
masqué  parla  maçonnerie.  Intrigué,  j'entrai  dans  cette 
grange  par  une  des  deux  portes  latérales  qui  était 
grande  ouverte.  En  m'apercevant,  un  jeune  veau^  seul 
hôte  du  lieu,  fit  des  efforts  désespérés  pour  rompre  ses 
liens.  Il  finit  cependant  par  se  calmer  en  remarquant 
sans  doute  que  mes  dispositions  ne  lui  étaient  pas 
hostiles.  Je  pus  alors  examiner  à  mon  aise  Tintérieur 
de  la  grange.  Tout  d'abord  je  fus  frappé  de  la  solidité 
des  murs  qui  mesuraient,  sur  tout  le  pourtour  du 
bâtiment,  un  miètre  10  c.  d'épaisseur.  Le  jour  péné- 
trait mais  faiblement,  dans  Tintérieur,  par  d'étroites 
et  profondes  ouvertures  pratiquées  dans  l'épaisseur  du 
mur,  comme  on  en  voit  dans  les  anciennes  chapelles. 
En  outre,  l'existence  de  niches  creusées  à  droite  et  à 
gauche  dans  la  partie  nord  de  l'édifice,  ainsi  que  la 
hauteur  du  plafond,  semblaient  démontrer  que  cette 
construction  avait  dû  servir  autrefois  à  d'autres  usa- 
ges qu'à  emmagasiner  du  fourrage  et  à  abriter  du 
bétail.  Du  reste,  à  défaut  d'autres  vestiges,  une  pré- 
cieuse découverte  faite  aux  abords  de  la  grange  ne  fit 
que  confirmer  mes  prévisions.  J'eus  la  bonne  fortune 


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de  mettre  la  main  sur  une  ardoise  assez  épaisse,  lon- 
gue d'environ  0™30  c.  et  sur  laquelle  était  gravée  une 
croix  de  Malte  admirablement  conservée.  Je  résolus, 
dès  lors,  de  pousser  plus  loin  mes  investigations  et  je 
pensai  que  la  propriétaire  de  la  grange,  Madame  G. . . 
serait  en  mesure  de  me  donner  quelques  renseigne- 
ments. J'allai  la  trouver  ;  elle  répondit  à  mes  questions 
avec  une  parfaite  bonne  grâce. 

— '  Madame,  lui  dis-je  en  lui  indiquant  le  bâtiment 
que  je  venais  de  visiter,  cette  grange  a-t-elle  tou- 
jours fait  roffîce  d'un -magasin  à  fourrage? 

—  Ohl  non.  Monsieur;  il  y  a  3  ou  400  ans,  du 
temps  de  la  reine  Margot  (Marguerite  de  Navarre, 
sans  doute),  ce  bâtiment  appartenait  aux  chevaliers 
de  Malte  et  c'était  leur  église. 

-r-  Etes-vous  bien  sûre  de  ce  que  vous  avancez? 

—  Oui ,  Monsieur  :  d'abord  la  tradition  s'en  est 
conservée  dans  ce  pays,  et  puis  j'étais  présente  quand 
on  a  démoli  l'autel  de  la  chapelle.  Je  vous  parle  d'en- 
viron 50  ans,  j'étais  toute  enfant. 

—  A-t-on  trouvé  quelques  indices  sérieux  de  la 
présence  des  chevaliers  de  Malte  en  cet  endroit  ? 

—  Quand  on  a  creusé  le  petit  enclos  qui  se  trouve 
devant  la  chapelle  pour  en  abaisser  le  niveau ,  on  a 
trouvé  trois  tombeaux  en  marbre  renferment  les  res- 
tes de  trois  chevaliers  de  Malte,  avec  des  inscriptions 
dont  je  ne  me  rappelle  pas  la  teneur.  On  a  transporté 
les  ossements  des  chevaliers  en  terre  sainte,  au  cime- 
tière de  Juzet  dont  dépend  le  hameau  de  Frontés  ;  on 
a  brisé  les  tombeaux,  et  les  débris  ont  servi  à  la  con- 
struction des  murs  du  jardin,  je  ne  sais  trop. 

Je  ne  pus  réprimer  un  mouvement  de  dépit  en  pré- 
sence de  cet  acte  de  vandalisme. 

—  Les  chevaliers  de  Malte  avaient-ils  leur  demeure 
tout  près  d'ici  ? 


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—  Oui,  Monsieur,  et  je  puis  vous  en  montrer  les 
ruines. 

Madame  G...  me  conduisit  à  sa  maison  située  à  une 
vingtaine  de  mètres  en  arrière  de  la  chapelle.  Je  n'eus 
pas  de  peine  à  reconnaître,  tout  près  de  Tescalier  qui 
conduit  au  premier  et  unique  étage  de  la  maison  dont 
elles  constituaient  les  assises  de  ce  côté,  des  murailles 
parfaitement  intactes  et  absolument  identiques,  quant 
à  l'épaisseur  et  à  la  composition  des  matériaux,  à  celles 
de  la  chapelle.  C'était  bien  là,  en  effet,  que  devait 
être  jadis  la  modeste  demeure  des  représentants  de 
l'ordre  illustre  qui  a  joué  dans  l'histoire  un  rôle  si 
brillant  et  si  glorieux.  . 

—  Pourquoi,  Madame,  n'avez-vous  pas  bâti  votre 
habitation  sur  le  bord  de  la  route,  à  côté  ou  même 
sur  l'emplacement  de  la  chapelle  ? 

—  Nous  nous  en  serions  bien  gardés^  Monsieur  :  on 
entendait  alors,  la  nuit,  un  bruit  de  chaînes  dans  la  cha- 
pelle. C'étaient,  disait-on,  les  chevaliers  qui  revenaient 
visiter  leur  ancien  temple,  et  vous  comprendrez,  très 
bien  que  nous  ne  voulions  pas  faire  étrangler  notre 
famille  [sic). 

Je  ne  me  rendis  qu'avec  une  bonne  grâce  résignée 
aux  motifs  invoqués  par  mon  aimable  interlocutrice. 
Et,  poursuivant  mes  investigations,  je  demandai  à 
Madame  G...  si  les  chevaliers  de  Malte  avaient  des 
propriétés  importantes  dans  le  pays  et  si  elle  pouvait 
me  les  désigner. 

—  D'après  la  tradition,  me  répondit-elle,  ces  champs 
et  ces  vastes  prairies,  que  vous  voyez  se  dévelop- 
per devant  vous  jusqu'aux  rivières  de  la  Pique  et  de 
rOne,  appartenaient  aux  chevaliers  de  Mailte;  et  se 
retournant  du  côté  de  la  montagne  de  Juzet  au  pied  de 
laquelle  nous  nous  trouvions,  elle  ajouta  :  les  cheva- 
liers de  Malte  possédaient  encore  une  métairie  qui 
s'étendait  jusqu'au  milieu  de  ces  montagnes  qui  sont 


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devant  nous.  Je  ne  puis  vous  donner  d'autres  détails. 

Je  ne  voulus  pas  quitter  la  très  complaisante  Madame 
G. . .  eans  obtenir  d'elle  un  dernier  renseignement.  Je 
lui  demandai  ce  qu'était  devenu  l'autel  de  la  chapelle 
qu'elle  avait  vu  démolir.  Elle  me  répondit  que  les  pier- 
res dont  cet  autel  était  composé  avaient  été  enfouies 
à  l'extrémité  d'une  prairie  qu'elle  me  montra. 

Le  lendemain,  accompagné  d'un  jeune  archéologue 
plein  d'ardeur,  M.  E.  B...  d'Agen,  je  me  rendis  sur  les 
lieux  indiqués,  et  là,  armés  chacun  d'une  pioche,  nous 
nous  mîmes  à  fouiller  la  terre  par  une  chaleur  tro- 
picale. Nos  investigations  eurent  un  plein  succès. 
Après  une  demi-heure  d'efforts,  nous  mîmes  à  jour 
de  grandes  plaques  de  pierre,  dont  quelques-unes 
avaient  0  ™  50  à  60  cent,  de  longueur  sur  une  largeur 
de  30  à  40  cent.  Ces  pierres  étaient  toutes  travaillées, 
percées  de  trous  à  leurs  extrémités  et  pourvues  de 
larges  rainures  qui  permettaient  de  les  adapter  ensem- 
ble. Nul  doute,  c'étaient  bien  les  objets  que  nous  cher- 
chions. Du  reste,  nos  appréciations  furent  confirmées 
par  des  personnes  dont  la  compétence  en  ces  matières 
nous  était  connue. 

Maintenant  que  Fexistence  d'un  établissement  des 
chevaliers  de  Malte  à  Frontés,  à  une  date  plus  ou 
moins  éloignée,  paraît  bien  constatée,  il  m'a  semblé 
intéressant  de  rechercher  quelle  importance  il  pouvait 
avoir  et  quel  pouvait  être,  dans  l'organisation  de  l'or- 
dre, le  genre  de  l'établissement  dont  il  s'agit. 

Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Léon  Beaurier  qui  a  bien 
voulu  me  donner  de  précieuses  indications,  grâce 
aussi  à  la  complaisance  de  M®  Comet,  notaire  à  Luchon, 
qui  a  mis  à  ma  disposition  de  très  intéressants  docu- 
ments dont  il  est  détenteur,  j'ai  pu  élucider  le  premier 
point. 

Il  résulte,  en  effet,  des  minutes  de  Rivière  Pérez, 


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notaire  royal  à  Oô,  que  le  21  mai  1758,  messire  Jean 
Sébastien  de  Varagua  Balesta,  chevalier  de  l'ordre  de 
Saint- Jean  de  Jérusalem,  commandeur  de  Poucharra- 
met,  près  Muret,  a  affermé  au  sieur  Laurent  Fadeuil 
a  la  métairie  appelée  de  Frontés  »  avec  la  jouissance 
des  fruits  et  marbres  de  Juzet  et  Frontés  «  pour  une 
»  durée  de  six  années,  moyennant  la  somme  de  650 
»  livres  pour  chacune  des  six  années  ;  le  tout  porté  et 
»  rendu  dans  Thôtel  prieural  de  Saint-Jean,  entre  les 
»  mains  dudit  seigneur  de  Varagua ,  et  payable  en 
»  deux  paiements,  le  premier  aux  fêteé  de  Noël  et  le 
»  second  aux  fêtes  de  Pâques-  » 

Il  était  entendu  que  la  «  disme  d'Artigues  et  de 
»  Saint-Jean  de  Lauras  et  les  droits  seigneuriaux 
»  dudit  Saint-Jean  de  Lauras,  dépendant  de  Frontés, 
D  ne  faisaient  pas  partie  du  présent  bail  et  arrente- 
»  ment,  attendu  que  ces  droits  étaient  déjà  affermés 
»  à  divers  particuliers  dudit  Artigues.  » 

Cet  acte  authentique  de  fermage^  du  21  mai  1758, 
confirme  pleinement,  on  le  voit^  les  renseignements 
donnés  par  Madame  G..-  au  sujet  des  possessions  de 
Tordre  de  Malte  à  Frontés,  et  si  Ton  considère  la 
valeur  que  l'argent  avait  à  cette  époque,  on  trouvera 
que  la  somme  de  650  livres  était  relativement  impor- 
tante pour  le  pays.  D'ailleurs^  à  cette  somme  doivent 
s'ajouter  les  revenus  résultant  des  autres  propriétés 
affermées  avant  le  21  mai  1758. 

Un  autre  document  très  intéressant  et  émanant  des 
archives  d'Etienne  Sourd  Saccarère,  notaire  royal  de 
la  vallée  de  Ludion,  fait  connaître  que  les  possessions 
des  chevaliers  de  Malte  au  pays  de  Luchon  dataient 
d'une  époque  très  reculée.  Ainsi,  il  est  fait  mention 
dans  oette  pièce  d'une  délibération  des  notables  de 
Luchon,  à  l'effet  de  vérifier  l'acte  de  bornage  de  1266, 
a  qu'a  ftiit  expédier  messire  de  Balesta,  grand  prieur 
«  de  Malte  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem.  » 


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Des  difficultés  étant  survenues  par  suite  de  l'examen 
de  cet  acte  de  bornage,  les  notables  de  Luchon  résolu- 
rent d'envoyer  deux  délégués  munis  de  pleins  pou- 
voirs, Barrau  et  Huguet,  pour  tâcher  de  s'entendre 
avec  le  sire  de  Balesta  et  régler  le  différend  avec  lui.  A 
ce  sujet  ils  délibérèrent  pour  arriver  aux  moyens  d'em- 
prunter la  somme  de  500  livres,  soit  pour  désintéres- 
ser le  grand  prieur,  soit  pour  subvenir  aux  frais  du 
voyage  à  Toulouse  des  deux  délégués.  Cette  délibéra- 
tion eut  lieu  le  10  mai  1767. 

On  trouve  encore,  dans  les  archives  de  M®  Comet, 
des  documents  établissant  que  les  chevaliers  de  Malte 
possédaient  d'autres  domaines  dans  les  environs  de 
Luchôn,  comme,  par  exemple,  à  Aragnouet  et  à  Arreau. 
Ils  en  possédaient  aussi  de  considérables,  non  seule- 
ment dans  d'autres  parties  des  Pyrénées,  mais  encore 
dans  beaucoup  de  contrées  de  la  France^  en  Espagne, 
en  Portugal,  en  Allemagne,  en  Italie  et  dans  d'autres 
pays  d'Europe.  Quelle  était  l'origine  de  ces  biens? 
CJomment  l'ordre  de  l'Hôpital  en  était-il  devenu  le 
légitime  propriétaire  ?  Un  rapide  aperçu  historique  sur 
l'origine  et  la  fondations  de  l'ordre  des  chevaliers  de 
Saint-Jean  de  Jérusalem  me  permettra  de  donner  à  ces 
questions  une  solution  satisfaisante. 

Admirateur  du  génie  et  de  la  puissance  de  Charle- 
magne  et  désireux  d'entretenir  avec  lui  des  relations 
d'amitié,  le  Calife  de  Bagdad,  Haroun,  lui  envoya  les 
clefs  du  Saint-Sépulcre  et  accorda  en  même  temps  aux 
Français,  entr'autres  privilèges,  celui  d'ouvrir  à  Jéru- 
salem une  maison  hospitalière  pour  y  recueillir  les 
pèlerins  pauvres.  Mais,  sous  les  successeurs  d'Haroun, 
le  fanatisme  des  Musulmans  et  la  jalousie  des  Grecs 
arrachèrent  peu  à  peu  leurs  privilèges  aux  Français. 
Ceux-ci,  impuissants,  sans  secours,  furent,  pendant  de 
longues  années^  victimes  d'exactions  et  d'avanies  de 


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toute  sorte.  De  là  naquirent  une  soif  ardente  de  ven- 
geance et  des  ressentiments  dont  la  foi  religieuse  et 
l'esprit  chevaleresque  s'inspirèrent  pour  proclamer  la 
première  croisade.  Cependant,  quelques  années  avant 
cette  première  croisade,  un  provençal  de  Martigues, 
Gérard  Tune,  avait  fondé  à  Jérusalem,  à  l'imitation  de 
quelques  marchands  italiens  qui,  dit  une  chronique, 
avaient  bâti  l'église  Sainte-Marie  la  Latine^  une  confré- 
rie d'hospitaliers  et  d'hospitalières,  à  l'effet  d'y  rece- 
voir les  pèlerins  et  de  soigner  les  blessés  et  les  mala- 
des. Cette  confrérie  rendit  de  précieux  services  à  Gode- 
froy  de  Bouillon,  lors  de  la  prise  de  Jérusalem  le  15 
juillet  1099.  En  reconnaissance  de  ses  services,  le  pape 
Pascal  II,  par  une  bulle  datée  de  1118,  confirma 
Gérard  en  qualité  de  président  de  l'Hôpital  qu'il  avait 
fondé  près  de  l'église  de  Saint-Jean-Baptiste,  d'où  le 
nom  de  chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  que  pri- 
rent les  membres  de  la  confrérie.  Ils  s'appelèrent 
ensuite  chevaliers  de  Rhodes  et  plus  tard  chevaliers 
de  Malte. 

Dès  le  début,  les  ressources  que  possédaient  les 
Hospitaliers  étaient  précaires;  mais  l'enthousiasme 
qu'excitait  la  prise  de  Jérusalem  par  les  Croisés  et  la 
connaissance  des  services  rendus  aux  malades  et  aux 
blessés,  dont  le  nombre  s'accroissait  sans  cesse,  leur 
faisaient  adresser  de  tous  les  côtés  des  sommes  énor- 
mes pour  les  aider  dans  leur  pieuse  hospitalité.  Un 
grand  nombre  de  gentilshommes  croisés  firent  don  à 
l'Hôpital  de  leurs  terres  d'Europe,  et  d'autres,  accou- 
rus des  divers  points  de  la  Palestine  et  de  l'Europe, 
voulurent  entrer  dans  la  confrérie  pour  participer  aux 
bonnes  œuvres  de  l'Hôpital. 

Après  la  mort  de  Gérard  Tune  et  de  Roger  son  suc- 
cesseur (1131),  un  chevalier  du  Dauphiné,  Raymond 
Dupuy,  remarquable  par  ses  vertus  et  ses  qualités  mili- 
taires, fut  nommé  premier  grand  maître  des  Hospita- 


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liers,  et  des  statuts  furent  rédigés  pour  donner  de 
sérieuses  assises  à  l'organisation  de  THôpital.  Ainsi 
que  je  viens  de  le  dire,  une  foule  de  gentilshommes, 
entraînés  par  la  foi  et  le  goût  des  armes,  accoururent 
pour  se  ranger  sous  la  bannière  des  chevaliers  de  Saint- 
Jean.  Comme  ils  appartenaient  à  des  nationalités  diver- 
ses et  que  nécessairement  ils  parlaient  des  langues 
différentes,  Raymond  Dupuy  les  divisa  et  les  groupa 
selon  leur  nationalité  et  selon  leur  langue.  Il  y  eut, 
dans  le  principe,  sept  langues  :  celles  de  Provence, 
d'Auvergne,  de  France  proprement  dite,  d'Italie,  d'Ara- 
gon, d'Allemagne  et  d'Angleterre^  auxquelles,  après  le 
schisme  de  l'Angleterre,  on  ajouta  celles  de  Castillo  et 
de  Portugal.  Les  chevaliers  de  Saint- Jean  furent  divi- 
sés en  trois  catégories.  La  première  comprenait  ceux 
qui,  par  leur  naissance  ou  leurs  antécédents,  pou-- 
valent  porter  les  armes  et  ceindre  la  cotte  de  mailles 
par  dessus  le  froc.  La  seconde  était  réservée  aux  prêtres 
ou  chapelains,  chargés  des  fonctions  purement  reli- 
gieuses. Et  la  troisième  catégorie  était  composée  de 
frères  servants,  plus  spécialement  attachés  au  service 
de  l'Hôpital.' 

Telles  furent  l'origine  et  la  fondations  de  cet  ordre, 
moitié  militaire,  moitié  religieux,  qui  a  su  pratiquer 
les  vertus  du  moine  tout  en  conservant  les  qualités 
brillantes  du  soldat  et  qui,  par  ses  exploits  sur  terre  et 
sur  mer  dt  une  constante  observation  des  règles  de  la 
confrérie,  du  moins  en  ce  qui  concerne  la  langue  de 
France,  a  acquis  dans  la  suite  une  si  grande  illustra- 
tion, d'abord  à  Jérusalem  et  dans  toute  la  Palestine, 
puis  à  Rhodes  et  enfin  à  Malte. 

Les  dignitaires  de  Tordre  étaient  le  grand  maître, 
chef  suprême,  le  conseil  ou  membres  du  chapitre,  les 
grands  prieurs  et  les  commandeurs.  Tous  les  biens, 
en  quelque  pays  qu'ils  fussent,  et  provenant  des  dons 
ou  riches  dotations  des  souverains,  des  princes  ou  des 


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seigneurs  de  la  Palestine  on  d'Europe,  appartenaient 
au  corps  de  la  «  religion  »,  c'est-à-dire  à  Tordre,  C'est 
donc  par  des  donations  volontaires  des  premiers  pro- 
priétaires, donations  faites  en  bonne  et  due  forme  à 
l'ordre  de  Malte,  que  celui-ci  avait  été  mis  en  posses- 
sion, tant  dans  les  Pyrénées  que  dans  les  autres  par- 
ties de  l'Europe,  de  ces  biens  immenses  dont  le 
revenu  suffisait  à  l'entretien  des  forteresses  et  du 
nombreux  personnel  de  l'Hôpital.  J'estime  que  les 
domaines  de  Frontés  et  de  Juzet  n'avaient  pas  dû 
échapper  à  la  règle  commune.  C'est  la  seule  solution 
rationnelle  qui,  à  mon  a\is,  puisse  être  donnée  aux 
questions  posées  plus  haut. 

Dans  le  principe,  les  biens  de  l'ordre  étaient  direc- 
tement administrés  par  les  grands  prieurs,  chacun 
dans  son  district.  Mais  il  arriva  que  quelques-uns  de 
ces  dignitaires,  profitant  de  leur  éloignement,  absor- 
bèrent pour  leurs  besoins  personnels  les  revenus 
appartenant  à  l'ordre.  Pour  prévenir  le  retour  de  faits 
semblables,  le  chapitre  commit  un  chevalier  dont  on 
connaissait  la  probité  et  le  désintéress'^ment,  pour 
régir  chaque  portion  des  biens  qui  se  trouvaient  dans 
le  même  canton.  A  ce  chevalier,  qui  était  le  chef  de  la 
commanderiez  on  adjoignit  un  autre  chevalier  et  un 
religieux  pour  dire  la  messe.  Ces  trois  personnages 
constituaient  le  personnel  affecté  aux  commanderies 
ordinaires.  Le  commandeur  pouvait  prendre,  sur  le 
revenu  de  la  terre  dont  la  gestion  lui  était  confiée,  une 
portion  pour  faire  subsister  la  communauté  et  assister 
les  pauvres,  et  tous  les  ans  il  devait  envoyer  au  trésor 
commun  une  certaine  somme  proportionnée  aux  reve- 
nus de  la  commanderie.  Cette  redevance  s'appelait 
re^paruian.  Les  commandeurs  étaient  nommés  pour 
une  durée  de  cinq  années,  et  si,  à  Texpiration  de  ce 
terme,  il  était  reconnu  que  le  commandeur  avait  con- 


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n 

Tenablement  géré  le  domaine  qui  lui  avait  été  confié, 
envoyé  régulièrement  les  responsions,  entretenu  les 
églises  et  assisté  les  pauvres  de  sa  région,  il  était 
pourvu  d'une  commanderie  plus  importante.  Il  pouvait 
aussi,  dans  ces  conditions,  arriver  à  la  dignité  de 
grand  prieur. 

Le  grand  prieuré  de  Toulouse  comprenait  35  com- 
manderies  échelonnées,  en  partie,  le  long  des  Pyré- 
nées, en  face  ou  à  proximité  des  principaux  passages, 
car  à  Torigine,  les  commanderies,  sortes  de  succursa- 
les de  la  maison  mère,  n'avaient  été  instituées  que  pour 
recevoir  les  pèlerins  ou  les  Croisés,  leur  venir  en  aide 
et  leur  fournir  les  moyens  de  se  rendre  en  Palestine. 
Les  pèlerins  aragonais  qui  franchissaient  les  Pyré- 
nées pour  se  rendre  en  Terre  Sainte  étaient  sans 
doute  reçus  dans  les  premières  commanderies  situées 
au  pied  des  montagnes  et  où,  en  conformité  des  dis- 
positions qui  avaient  présidé  à  la  création  de  ces  uti- 
les établissements,  on  pourvoyait  à  leurs  premiers 
besoins.  Puis  ils  se  dirigeaient,  en  passant  par  les 
commanderies  qui  leur  avaient  été  désignées,  jusqu'au 
port  d'embarquement  où  leur  équipement  était  com- 
plété et  les  frais  de  leur  voyage  assurés. 

L'établissement  de  Frontés-Juzet  comportait-il, 
dans  l'origine,  la  création  d'une  commanderie?  L'éten- 
due des  terres  qui  le  composaient  et  sa  position  en  face 
du  port  de  Vénasque,  presque  au  débouché  de  la  route 
qui,  de  ce  port,  mène  à  Luchon,  permettrait  d'admet- 
tre l'affirmative.  Les  tombeaux  qu'on  y  a  mis  à  jour  et 
les  autres  vestiges  qu'on  a  découverts  à  Frontés  indi- 
quent suffisamment  qu'il  existait  là  un  centre  d'une 
certaine  importance;  et  si  l'on  veut  bien  considérer 
que,  dans  l'organisation  de  l'ordre,  l'aciion  du  com- 
mandeur ne  s'étendait  pas  au  delà  de  la  région  où 
étaient  situées  les  terres  dont  il  avait  la  gestion,  on  peut 
affirmer  avec  une  quasi-certitude  qu'on  se  trouve,  à 


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78 

Frontés-Juzet^  en  présence  d'une  ancienne  comman- 
derie. 

L'ordre  de  Malte  n'a  pas  été  aboli  comme  Ta  été 
celui  des  Templiers.  Il  se  compose  aujourd'hui  d'envi- 
ron vingt  membres  dont  le  siège  est  à  Rome  sous  l'au- 
torité du  Pape.  Mais,  qtuintum  mtUatus  ab  illof  les 
chevaliers  actuels,  dont  le  titre  est  purement  honorifi- 
que, ne  se  sont  pas,  comme  leurs  devanciers,  voués  au 
célibat. 

Hippolyte  Cabâmnes. 


SaiQl-GaadeDS,  !•'  féTrier  1894. 


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LA    RÉFORMATION 


DE  LA  COMMANDERIE  DE 


JUZET-DE-LUCHON  et  FRONTÉS 

EN  1266 


L'Ordre  de  Saint- Jean  de  Jérusalem  possédait  près 
de  Luchon  une  Commanderie  connue  sous  le  nom  de 
Frontés  '  de  Juzet  ou  d'Aure,  qui  fut  réunie  au  xm*  siè- 
cle à  la  Commanderie  de  Poucharramet,  et  au  xvi®  siè- 
cle à  celle  de  Bouldrac. 

On  en  fît,  en  1266,  une  Réformation  dont  M.  Antoine 
du  Bourg  signale  T importance  dans  son  histoire  du 
Grand  Prieuré  de  Toulouse.  Il  existe  de  ce  document 
trois  expéditions  authentiques  dans  les  Archives  de  la 
Haute-Garonne  si  bien  organisées  par  M.  Baudouin. 
Deux  de  ces  expéditions  sont  conformes  et  écrites  au 
XVI*  siècle  en  langue  romane.  La  troisième,  en  latin, 
est  d'une  époque  postérieure.  L'original  a  été  proba- 
blement rédigé  en  latin,  et  on  dut  en  faire  des  expédi- 
tions romanes  pour  les  rendre  plus  faciles  à  compren- 
dre. Nous  donnons  plus  loin  ces  deux  textes,  avec  la 
traduction  du  plus  complet,  qui  est  en  latin  ^. 

Cette  Réformation  contient  des  renseignements  uti- 
les à  la  géographie  historique  de  la  haute  vallée  de 
Luchon.  Les  procès-verbaux  des  visites,  qui  avaient 
lieu  périodiquement  selon  les  règles  de  l'Ordre^  en 
confirment  l'exactitude  et  en  complètent  l'insufiisance. 

i.  Dnns  le  pays  on  dit  Hénntés,  le  F  étaut  tODjoars  remplacé  par  nn  H. 
2.  Voir,  plus  haut,  l'article  de  M.  Cabaones. 


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80 

MALTE 

Archives  de  Frontes  et  Jusset.  —  Liasse  i. 
Charte  n""  vi  (1266).  Copie  du  xvi*  siècle 

TEXTE  ROMAN 

Sya  manîfést  à  tots,  cum  nos  Sans  de  Aura,  chivalié  de  Sent 
Johan  de  Jherusalem  'de  Rodas,  preceptor  de  Boldrac^  tramets 
per  tout  lo  Capitol  de  Sent  Johan  de  Tholosa  et  de  tota  la  dicta 
religion  per  reformar  los  membres  de  la  dicta  commendaria  de 
Boldrac. 

Et  primo  son  estats  convocats  et  apelats  los  nobles  et  puissants 
senhors  Sans  Gashia  de  Aura,  senhor  de  Larbost,  et  Pèlerin  de 
Montauban,  et  Adema  de  Bossost  senhor  de  Bossost,  et  par  devant 
Monsgr  lo  Conte  de  Commenge,  en  loc  de  Banheras,  et  aussi 
son  estats  apperats  et  adjournats  par  devant  lo  dict  Monsgr 
lo  conte  de  Cominghe  per  despausar  la  veritat  sur  los  privilèges 
et  libertat  deu  membre  de  St-Pé  de  Frontes.  Et  primo  Martin  de 
Camon,  Gassia  Carrera,  consols  ;  Gassia  de  Menbyla  et  Bernât 
Dasorat,  consols  doudict  loc  de  Banheras  ;  Arnaut  Sole,  Pey  de 
Fontan,  consols  ;  Ramon  de  Capdebiela  et  Domen  de  Gausets,  con- 
sols de  Montauban  ;  Pey  de  Fondevilla,  Guilhen  Bares,  consols  ; 
Donat  de  Pena  et  Guilhen  de  Fondibila,  consols  du  loc  d'Artîgues. 
Et  en  presentia  abon  refTormat  lo  membre  du  dit  St-Pé  de  Frontas 
en  la  forma  et  maneyra  que  senseguit. 

Et  primerament,  lo  terme  de  la  dicta  comandaria  de  Frontes 
comensa  à  la  riou  de  Sallient,  descendent  entro  à  la  aygoa  de  la 
Nesta,  confronta  ab  la  goau  de  la  Molina-  drept  au  corn  deu  Ses- 
cas,  à  la  terme  de  mieja  via  de  Sans,  tirant  à  la  roca  de  Font 
Aramount,  dreyt  au  camin  de  Medan  et  tout  camin  tirant  torna 
à  la  riou  de  Sallient,  et  tout  lo  dict  terme  es  franc  et  noble  et  la  sus- 
dicta  religion  de  Rodas  en  sont  senhor. 

/tem,  plus  dedens  la  dicta  maison  et  dedens  lo  dict  terme  es 
franquissa  ainsi  que  en  las  aultras  comandarias. 

/tem,  plus  lo  dict  preceptor  et  comandador  es  rector  de  plain  à 
plain,  et  tira  toutes  la  desmas  ou  décimas  et  primicias  doudict 
loc,  autras  fruts  et  rentas  conteguts  en  lo  libe  de  la  dicta  comman- 
daria. 

Item^  plus  à  la  audiensa  des  testimonis  dessus  nomenats  aben 
reformat  lo  membre  de  Sen  Johan  de  Jueu  en  la*  bat  de  Banheras, 
loqual  membre  aperten  à  la  dicta  comandaria.  Et  dura  entro  k  la 
Scala  de  la  Glera,  confronta  ab  la  montanha  des  Bats,  descendcn 


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84 

à  la  escala  de  Abelhana»  camin  tirant  à  la  font  de  Yerns,  retour- 
nan  à  la  coflta  de  la  Lauza  ;  en  lo  quai  terme  et  capera  de  Sent 
Johan  sont  los  privilèges  cum  dessus. 

Item^  los  commendaires  de  la  dicta  religion  an  toutes  las  des- 
mas  et  primicias  de  toto  la  dicta  valh  de  Banheras,  so  es  de  touta 
condition,  en  bestial,  en  blats  et  d'autre  gran,  de  las  herbas,  délia 
porta  de  Gastel  Bielh  en  sus. 

Itam^  plus  de  tots  los  fromages  que  son  en  las  montagnas  deudit 
Banheras  ne  abey  de  dets  fromages  lo  ung,  so  es  de  la  montanha 
deous  Bats,  de  la  Glera,  de  Auba,  de  Pesson,  de  Gamsaur  et  Gro- 
dilhas. 

Item,  plus  tota  condition  de  bestial  de  la  dicta  religion  poden 
ana  pastura,  neyt  et  jour,  en  tôt  temps,  en  las  dictas  montanhas, 
bye  de  la  riou  de  Foga  dentro  à  las  montanhas  de  San  Saubado, 
confrontant  et  fasen  betsage  a  las  montagnas  d'Ara,  entre  au  Poy- 
Aurat,  entre  au  Portillon,  sens  contradiction  et  ester  penhorat  en 
deguna  part. 

Item,  se  appartient  aux  dits  commandayres  de  Frontes  de  ascen- 
sar  et  botar  à  fiu  novel  en  la  dicta  valh  de  Banheras. 

Item,  plus  an  loa  testimonis  dessus  nominats  aven  reformat  lo 
membre  de  Sen  Johan  de  Lorras  en  la  dicta  valh  de  Luxon,  con- 
frontant ab  los  habitans  de  Artigua,  deu  Sarrat  de  la  Grox  intus 
tirant  tout  Sarrat  entre  au  courau  de  Gaubera,  dreyt  à  la  Roca 
roya,  per  lo  sendo  confronta  ab  las  predas  de  la  dicta  religion  et 
de  Mostayou  et  ab  la  montanha  comuna  de  Boutarric,  descendendo 
au  menbieilh  de  Sesajettes  dreyt  à  la  mola  de  la  dicta  religion  ;  et 
lo  dict  terme  et  valh  de  Lorras  es  cum  dessus  franc  et  noble,  et 
los  dicts  commandayres  y  an  semey  de  tout  animal  feratgeque  se 
prengua  en  lo  dict  terme,  et  an  potestat  de  ascensar  et  botar  a 
fiu  nobiau  quan  serya  necessy  sus  lo  dict  terme. 

/tem,  plus  tôt  lo  bestial  de  la  dicta  religion  pot  peyssar  et  aou- 
jalar  en  lo  dict  terme,  et  daqui  estant  peyssar  per  tota  la  mon- 
tanha de  Boutarric  sans  contradiction,  et  totas  la  décimas,  primi- 
cias deu  diot  terme  appartenent  à  la  dicta  religion  de  San  Johan. 

Item,  plus  los  dicts  commandayres,  à  causa  deu  dict  membre  de 
Lorras,  an  la  tersa  part  en  touts  los  fruts  et  esmolendas  de  la  rec- 
toria  de  Artigua  per  bin,  lo  ters  demenge  et  la  tersa  septemana 
plus  la  tersa  part  de  las  décimas  deu  dict  loc. 

Lasqualas  capelas  et  rendas  noblas  dessus  especiiicadas  et 
declaradas,  yo  susdit  commendayre  de  Boldrac ,  trametz  per  lo 
dit  Capitol  de  San  Johan  de  Tholose  ab  procura,  promety  de 
augmenta  et  no  diminuy,  portar  bonna  guarentia  sus  toutas  cau- 

Binrg  Di  ConiniCBS,  {•'  trimestre  1894.  Tomi  IX.  —  6. 


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82 

Bas  dessus  scriptas,  et  aussy  jury  et  prometti  devant  los  susdits 
conte,  d'Aura,  de  Montauban  et  de  Bossost. 

Feyt  à  Banheras  présents  los  que  dessus,  et  ego  Bernardus, 
Comeniacus  cornes,  qui  laudo  et  confirmo  omnia  cuperius  scripta. 

Actum  in  dicta  villa  de  Banheris  Luxonis,  anno  millesimo  du- 
centesimo  sexageslmo  sexto  et  die  festum  Animarum  post  festum 
Omnium  Sanctorum  m»  ii»  Ix  vi. 


La  plas  ancienne  des  denx  copies  romanes  est  simplement  signée  :  de  Fabro,  N»*  ; 
Sur  la  seconde  flgure  la  mention  soi  vante  : 

Extrait  à  son  propre  original  trouvé  dans  les  archives  du  Prioré 
de  St-Juhan  de  Tholose  par  moi  Frère  Pierre  de  Denbaxxx  sous- 
signé, comis  à  la  garde  d'iceu-x. 

Signé  :  Dsnbaux. 


TEXTE  LATIN 

Universis  et  singulis  tam  presentibus  quam  futuris  evidenter 
appareat  et  fiât  manifestum  quod  nos  Sancius  de  Aura,  miles 
ordinis  Sancti  Johannis  Hierosolimitani,  preceptor  preceptorie  de 
Boldraco,  commissarius  in  hac  parte  per  venerabile  Capitulum 
Sancti  Johannis  Tholse  ejusdem  deputatus  pro  reformando 
diversa  membra  dicte  preceptone  de  Boldraco. 

Et  primo,  fuerunt  convocati,  appellati  et  atjornati,  per  servien- 
tem  ordinarlum  ville  Banheriarum  Lussonis,  coram  metuendis- 
simo  viro  et  Dno  Domino  Bernardo,  Convenarum  comiti,  et  coram 
me  commissario  ante  dictis,  nobilissimi  etpotentissimi  viri  domini 
Sanctius  Gaxia  Daura,  dominus  vallis  Larbusti,  Pelegrinus  de 
Monte-Albano,  miles  et  dominus  de  Monte-Albano  vallis  Luxonis, 
Azemarius  de  Bolsosto,  dominus  de  Bolsosto  vallis  Aranni,  Mar- 
tinus  de  Camon,  Garcia  Carrera,  consulos,  Garcia  de  Media-Hilla, 
Bernardus  Soart,  consiliarii  ville  Banheriarum  Luxonis,  Arnaldus 
Soûle,  Petrus  de  Fontano,  consules,  Raymundus  Gapdebila, 
Dominicus  de  Gauseto,  consules  de  Monte- Albano  Lussonis,  Petrus 
de  Fondabilla,  Guilhermus  Bares,  consules,  Donatus  de  Pena, 
Guilhermus  de  Fondabilla,  consiliarii  loci  de  Artiga,  super  privi- 
lèges et  libertatibus  membri  Sancti  Pétri  de  Frontibus  Luxonis 
veritatis  testimonium  perhibere. 

In  presentia  istorum  et  juxta  contenta  in  eorum  deppositionibus, 
fuit  per  DOS  commissarium  et  comitem  facta  reformatio  membri 
dicti  Sancti  Pétri  de  Frontibus  in  hune  modum  quid  sequitur  : 


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Et  primo,  terminus  dicte  preceptorie  de  Frontibus  Luxonis 
incipit  a  rivo  de  Sallent,  descendendo  usque  ad  flumum  Nesta, 
confrontatur  cum  aquali  de  molendina  versus  ad  corn  de  Sescas 
ad  limites  de  média  via  de  Sans,  eundo  ad  rupem  de  Fontaramon 
versus  itinerem  de  Medano,  et  tôt  camin  tirant  redeundo  ad  rivum 
de  Sallent;  et  totus  iste  terminus  est  nobilis  et  franc,  et  religiosi 
dicti  Sancti  Johannis  sunt  domini  de  isto  termine. 

Item  in  hoc  termine  dicti  Sancti  Pétri  de  Frontibus  Luxonis  est 
immunitas  ecclesie  sive  franquesa,  prout  in  aliis  domibus  dicte 
religionis  consuetum  est. 

Item  plus  dictus  preceptor  et  commendator  Sancti  Pétri  de 
Frontibus  ipse  est  rector  de  Juzeto  de  piano  ad  planum,  hoc  est  in 
possessione  et  saisina  levandi  et  percipiendi  omnes  décimas  et 
primicias  dicti  loci  de  Juzeto  et  alia  feuda,  census  et  oblias  prout 
in  libro  feudali  dicti  preceptoris  de  Frontibus  canetur. 

Item,  plus  in  audentia  testium  supra  nominatorum  fuit  per  nos 
jamdictos  commissarium  et  comitem  facta  reformatio  membri 
Sancti  Johennis  de  Jueu  vallis  Banheriarum,  quodquidem  mem- 
brum  pertinet  dicto  preceptorio  de  Frontibus  ;  et  est  dictum 
membrum  limitatum  usque  ad  scalam  vocatam  de  la  Glera, 
confrontatur  cum  montanea  des  Bas ,  descendendo  usque  ad 
scalam  de  Âbella,  iter  eundo  usque  ad  frontem  de  Berns,  et 
redeundo  ad  gradum  Loza  ;  in  quoquidem  termine  Sancti  Johannes 
de  Jueu  privilégia  et  libertates  prout  in  aliis  preceptoris  dicte 
religionis  Sancti  Johannis. 

Item,  domini  commendatores  dicti  religiosi  Sancti  Johannis 
habent  dexmas  et  primicias  in  toto  valle  Bagneris,  videlicet  de 
omnibus  et  quibuscumque  animalibus  tam  lanatis  quam  non 
lanatis  atque  etiam  de  blads  et  aliis  granis  excrescentibus  in  dicta 
valle  Banheriarum ,  nec  non  habent  et  sunt  in  possessione  et 
saisina  levandi  et  percipiendi  décimas  herbarium  sive  fenosa 
scilicet  de  portis  Gastri  veteris  supra. 

Item,  dicti  domini  commendatarii  et  religiosi  antedicti  sunt  in 
possessione  et  saisina  levendi  et  percipiendi  décimas  caseorum  in 
montibus  Baheriarum  Lussonis,  videlicet  de  detz  ung,  scilicet  in 
monte  de  Us  Bas,  de  la  Glera,  de  Âuba,  de  Pesson,  de  Gampsaur  et 
de  Grodilhas. 

Item  plus  omnia  animalia  dicte  domus  de  Frontibus,  de  qua- 
cumque  conditione  existencia,  possunt  ibi  pascere  de  die  atque  de 
nocte,  et  in  omni  tempore,  in  dictis  montibus,  videlicet  de  rivo  de 
Fogua  usque  ad  montes  Sancti  Salvatoris  de  Benasto  Âragonis, 
confrontando  et  faciendo  vicinale  cum  montibus  de  Arano,  usque 
ad  Podium-Aurat  et  usque  ad  Portellon,  absque  contradictione 
quacumque. 


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8« 

Item  dicti  domini  preceptores  comendatorii  possunt  et  habent 
omnimodam  potestatem  afeudandi  et  ponere  noviim  feudum  in 
dicta  valle  Banheriarum  totiens  quotiens  opus  fuerit  et  necesse. 

Item  plus  per  nos  supradictum  comitem  et  commissarium  cum 
testibus  supra  nominatis  fuit  facta  reformatio  membri  Sancti 
Johannis  de  Loroas  in  dicta  vallc  Luxonis,  confrontans  ab  babita- 
toribus  loci  de  Artigua,  de  Sarrato  Cruxis  intus  tirant  tôt  Barrât 
usque  ad  corrallum  de  Cauberia,  et  de  directe  ad  rupem  rubram 
confrontando  cum  predictis  religionis  Sancti  Jobannis  et  de  Mosta- 
jon  et  cum  montanhea  de  Botarric,  descendendo  ad  corrallum 
veterem  de  Sagetas,  et  versus  molendinum  deus  Gares  dicte  reli- 
gioni  pertinentem  in  dictis  terminis,  cum  dictas  vallis  de  Loroas 
est  nobilis  et  francus,  ut  supra  dictus  est  in  aliis  terminis  ;  et  dicti 
domini  comendatarii  habent  in  dicto  termine  de  Loroas  aliquod 
jus  semei  vocatum  de  omnibus  animalibus  capiendis  in  dicto  ter- 
mine de  Loroas,  nec  non  habent  omni  modi  potestatem  affeudandi 
et  ponere  nomine  feudum  totiens  quotiens  opus  et  necesse  fuerit 
supra  dictum  terminum  de  Loroas. 

Iteiri  plus  omnia  animalia  dicte  domus  de  Frontibus  de  quacum- 
quc  conditione  existencia,  possunt  et  debent  pascere,  morare  facere 
in  dicto  termine,  et  de  isto  termine  possunt  pascere  per  totam 
montem  communem  de  Botaric  absque  contradictione  quacum- 
que  ;  et  omnes  dexmas  et  premicias  de  dicto  termine  pertinent 
dicte  religioni  Sancti  Johannis. 

Item  plus  dicti  domini  commendatores  ad  causam  dicti  membri 
de  Loroas  ipsi  habent  tertiam  partem  in  omnibus  fructibus  et 
emolumentis  rectorie  de  Artigua,  serviendo  tertiam  dominiquam 
et  tertiam  septimanam,  plus  tertiam  partem  decimarum  dicti  loci 
de  Artigua. 

Quasquidem  capellas,  preceptorias  nobilitatis  dicti  ordinis 
Sancti  Johannis  Hierosolimitani  supra  speciQcatas  et  declaratas, 
supradictus  Sancius  d'Aura,  comendator  jamdicte  comendatarie 
de  Boldraco,  commissarius  antedictus  in  bac  parte,  per  jamdic- 
tum  venerabilem  capitulum  Sancti  Johannis  Tholose  depputatus, 
promitto  aumentare  meliorarque  et  non  diminuere  atque  portare 
et  firmam  aguirentiam  super  omnibus  et  quibuscumque  causis 
supra  dictis,  et  ita  jure  et  promitto  ante  dictes  dominos  comitem, 
d'Aura,  de  Monte  Albano  et  de  Bolsosto  supra  nominatos.  Et  cum 
ibidem  illico  et  incontinenti  dictus  dominus  comes  qui.  in  omni- 
bus premissis  dum  hsec  agerentur  et  lièrent  una  cum  prenomi- 
natis  testibus  prœsens  fuit,  idée  omnia  superius  scripta  laudavit, 
approbavitet  formavitet  se  subsignavit.  Et  comes  Gonvenarum  de 
quibus  omnibus  et  singulis  premissis  et  dicti  domini  preceptores 
comendatarii  petierunt  et  requisierunt  de  premissis  omnibus  et 


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86 

singulis  retineri  confeci  atque  tradi  instrumentum  per  me  nota- 
rium  publicum  infrascriptum,  quod  et  feci. 

Data  fuerunt  haBc  omnia  universa  et  singula  premissa  in  dicta 
villa*de  Banheriis,anno  Domini  millesimoducentesimo  sexagesimo 
sexto,  et  die  festum  Animarum  post  festum  Sanctorum  omnium, 
presentibus  ibidem  in  premissis  quibus  supra  ;  ac  me  Raymo  de 
Fabro,  notarius  autoritatibus  de  Capitulo  Tholose  et  apostolica, 
civitatis  (Tolose)  habitatore,  qui  omnia  premissa  scripsi  unajcum 
depositionibus  supra  nominatorum  testium;  de  mandato  tamen 
dictorum  dominorum  comitis  et  comissarii  in  meis  protocolli 
registravi,  deinde  in  hanc  publicam  formam  et  authenticam  manu 
mea  propria  scripsi,  signoque  meo  authentico  consueto  quo  in 
aliis  meis  actibus  et  instrumentis  publicis  utor  sequinti  signavi 
in  iidem,  robur  et  testimonium  omnium  et  singulorum  premisso- 
pum  (signum  notarii)  de  Fabro,  notarius. 

Goppie  extraite  à  son  propre  original  par  moi  An<>.  Dabos,  not. 

Royal  de  Banheras  de  Luxo  habit,  soubsigné. 

Dabos. 


TRADUCTION  FRANÇAISE 

Soit  manifeste  à  tous  présents  et  à  venir  que  nous  Sanche  d'Aure, 
chevalier  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  et  de  Rhodes,  précepteur 
de  Boudrac,  commis  spécialement  par  tout  le  Chapitre  de  Saint- 
Jean  de  Toulouse  et  de  toute  ladite  religion  pour  réformer  les 
membres  de  la  dite  commanderie  de  Boudrac. 

Et  Primo  furent  convoqués,  appelés  et  ajournés  par  le  sergent 
ordinaire  de  la  ville  de  Bagnères-de-Luchon,  en  présence  de  très 
redoutable  homme  et  seigneur,  seigneur  Bernard,  comte  de  Gom- 
minge,  et  devant  moi  commissaire  susnommé,  très  nobles  et  très 
puissantes  personnes  seigneurs  Sanche  Gassie  d'Aure,  seigneur 
de  la  vallée  de  Larboust;  Pélegrin  de  Montauban,  chevalier  et  sei- 
gneur de  Montauban  dans  la  vallée  de  Luchon  ;  Azemar  de  Bos- 
sost,  seigneur  de  Bossost  dans  la  vallée  d'Aran;  Martin  deGamon, 
Garcia  Carrera,  consuls;  Garcia  de  Media-Billa,  Bernard  Soart, 
conseillers  de  la  ville  de  Luchon  ;  Arnaud  Soulé,  Pierre  de  Fon- 
tan,  consuls  ;  Raymond  de  Gapdeville ,  Dominique  de  Gausets , 
consuls  de  Montauban  près  Luchon;  Pierre  de  Fondeville,  Guil- 
laume Barés,  consuls;  Donat  de  Pêne,  Guillaume  de  Fondeville, 
conseillers  du  lieu  d'Artigues  :  afm  de  témoigner  la  vérité  sur  les 
privilèges  et  libertés  du  membre  de  Saint-Pierre  de  Frontés  de 
Luchon. 
Et  en  leur  présence,  et  selon  leurs  dépositions,  fut  faite,  par 


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nous  commissaire  et  comte,  la  réformation  du  membre  de  Saint- 
Pierre  de  Frontés  selon  ce  qui  suit  : 

Et  Primo  la  limite  de  ladite  Préceptorerie  de  Frontés  de  Luchon 
commence  au  ruisseau  de  Saillent  en  se  dirigeant  jusqu'au  fleuve 
de  la  Neste*,  confrontant  avec  le  bief  du  moulin  droit  à  Tangle  de 
Sescas  aux  limites  de  Miègevie,  en  tirant  vers  la  roche  de  Fontara- 
mon  vers  le  chemin  de  Médan,  et  tout  en  suivant  le  chemin  la 
limite  revient  au  ruisseau  de  Sallient,  et  tout  ce  terme  est  noble  et 
franc,  et  les  religieux  dudit  Saint-Jean  sont  seigneurs  de  ce  terri- 
toire. 

Item  sur  tout  ce  territoire  dudit  Saint-Pierre  de  Frontés  de 
Luchon,  il  y  a  immunité  ecclésiastique,  ou  franchises,  ainsi  qu'il 
est  accoutumé  dans  les  autres  maisons  de  ladite  religion. 

Item  plus  ledit  précepteur  et  commandeur  de  Saint-Pierre  de 
Frontés  est  recteur  de  Juzet  de  plain  à  plain,  c'est-à-dire  qu'il  a  la 
possession  et  la  saisine  pour  lever  et  percevoir  toutes  les  dîmes  et 
prémices  dudit  lieu  de  Juzet  et  tous  les  autres  fiefs,  cens  et  oblies, 
comme  il  est  écrit  dans  le  livre  des  fiefs  du  dit  précepteur  de 
Frontés. 

Item  plus  sur  la  déposition  des  témoins  susnommés,  nous  com- 
missaire et  comte  déjà  nommés,  avons  réformé  le  membre  de 
Saint-Jean  de  Joueou  de  Bagnères,  qui  appartient  audit  précepteur 
de  Frontés,  et  s'étend  jusqu'à  l'échelle  appelée  de  la  Glère,  et  con- 
fronte avec  la  montagne  des  Bas  en  descendant  jusqu'à  l'échelle 
d'Abeille  et  jusqu'en  face  de  Berns  pour  aboutir  à  la  côte  de  la 
Loze.  Et  ce  membre  de  Saint-Jean  de  Joueou  a  tous  les  privilèges 
et  libertés  dont  jouissent  les  autres  precéptoreries  de  la  dite  reli- 
gion de  Saint-Jean. 

Item  le  seigneur  commandeur  de  la  dite  religion  de  Saint-Jean 
a  dans  la  vallée  de  Bagnères  la  dime  et  les  prémices  de  toutes  les 
bêtes  à  laine  ou  non,  ainsi  que  du  blé  et  des  autres  grains  excrois- 
sant dans  ladite  vallée  de  Luchon^  et  ils  ont  aussi  la  possession  et 
la  saisine  de  lever  et  percevoir  les  décimes  des  herbes  et  du  foin, 
savoir  :  de  la  porte  de  Castelvieil  au  delà. 

Item  les  dits  seigneurs  commandeurs  de  la  religion  susdits  sont 
en  possession  et  saisine  de  lever  et  percevoir  la  dîme  des  froma- 
ges dans  les  montagnes  de  Bagnères-de-Luchon,  savoir,  de  dix  un, 
savoir  :  sur  la  montagne  deus  Bas,  de  la  Glera,  de  Auba,  de  Pes- 
son,  de  Gampsaur  et  de  Grodilhes. 

Item  plus  tous  les  animaux  de  ladite  maison  de  Frontés,  quelle 
que  soit  leur  condition,  peuvent  paître  jour  et  nuit,  et  en  tout 
temps,  sur  ces  dites  montagnes,  savoir:  du -ruisseau  de  Fogua 

!.  Nom  autrefois  commun  à  tous  les  cours  d'eau  de  celte  régiofl. 


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87 

jusqu'aux  montagnes  de  Saint-Sauveur  de  Vénasque  et  d'Aragon 
confrontant  et  faisant  face  avec  les  montagnes  d'Aran,  jusqu*au 
Puy-Aurat  et  jusqu'au  Portillon,  sans  aucune  espèce  de  contra- 
diction. 

Ilem  lesdits  seigneurs  précepteurs,  commandeurs  peuvent  et 
ont  toute  espèce  de  pouvoir  pour  afiéver  et  donner  à  nouveau 
fief,  dans  la  dite  vallée  de  Luchon,  toutes  les  fois  qu'il  sera  bon  et 
nécessaire. 

Item  plus  par  nous  susdits  comte  et  commissaire  avec  les  té- 
moins susnommés  fut  faite  la  réformation  du  membre  de  Saint-Jean 
de  Loroas  dans  ladite  vallée  de  Luchon,  confrontant  avec  les  habi- 
tants d'Artigues  depuis  le  sarrat  de  la  Croix  tirant  dudit  sarrat 
jusqu'au  corral  de  Gaubère  droit  à  la  roche  Rouge,  et  par  le  che- 
min confrontant  avec  les  prés  de  la  dite  religion  de  Saint-Jéan  et 
de  Moustajon  et  avec  la  montagne  de  Boutarric,  en  descendant  avec 
le  tènement  vieux  de  Saget  vers  le  moulin  deus  Gares  de  la  dite 
religion  de  Saint-Jean,  contenus  dans  le  dit  terme;  et  le  dit  terme 
de  ladite  vallée  de  Loras  est  noble  et  franc  comme  il  a  été  dit  déjà 
dans  les  autres  termes,  et  les  dits  seigneurs  commandeurs  ont, 
dans  le  dit  terme  de  fioras,  un  certain  droit  appelé  de  Semei  sur 
tous  les  animaux  à  prendre  sur  le  dit  territoire  de  Loras  ;  et  ils 
ont  tout  pouvoir  d'affiéver  et  de  donner  à  nouveau  fief  toutes  les 
fois  qu'il  sera  besoin  et  nécessaire  le  susdit  terme  de  Loras. 

Item  plus  tous  les  animaux  de  ladite  maison  de  Frontés  peuvent 
paître  et  gîter,  et  de  ce  terme  ils  peuvent  paître  dans  toute  la  mon- 
tagne communale  de  Boutarric  sans  aucune  espèce  de  contra- 
diction, et  toutes  les  dîmes  et  prémices  dudit  terme  appartien- 
nent à  ladite  religion  de  Saint-Jean. 

Item,  plus  lesdits  seigneurs  commandeurs,  à  cause  dudit  mem- 
bre de  Loroas,  ont  le  tiers  de  tous  les  fruits  et  émoluments  de  la 
rectorie  d'Artigues  qu'on  leur  sert  le  dimanche  de  chaque  trois 
semaines,  plus  le  tiers  des  décimes  dudit  lieu  d'Artigues. 

Ces  chapelles  préceptorales  et  nobles  dudit  Ordre  de  Saint- 
Jean-de-Jérusalem  sus  spécifiées  et  déclarées,  moi  susdit  Sanche 
d'Aure,  commandeur  de  ladite  commanderie  de  Boudrac^  com- 
missaire spécial  susdit  envoyé  par  le  susdit  vénérable  Chapitre 
Saint-Jean  de  Toulouse,  je  promets  augmenter,  améliorer  et  ne  pas 
diminuer,  et  apporter  bonne  et  formelle  garantie  sur  toutes  et  cha- 
cunes  les  causes  sus  écrites  et  déclarées,  et  ainsi  je  jure  et  pro- 
mets devant  lesdits  seigneurs  le  comte,  d'Aure,  de  Montauban  et  de 
Bossost  sus-nommés.  Et  en  même  temps  que  nous  et  saniï  désem- 
parer, ledit  seigneur  comte  fut  présent  ainsi  que  les  susdits  témoins 
pendant  que  se  faisaient  et  avaient  lieu  toutes  les  choses  susdites. 

En  conséquence  il  loua,  approuva  et  consacra  les  choses  sus- 


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énoncées  et  y  apposa  son  seing.  Et  le  comte  de  Gomminges  et 
lesdits  seigneurs  précepteurs,  commandeurs  demandèrentet  requi- 
rent que  moi,  notaire  public  soussigné,  j'en  retienne  et  rédige  un 
instrument,  ce  que  j'ai  fait. 

Toutes  et  chacune  des  choses  sus  énoncées  furent  accordées 
dans  ladite  ville  de  Bagnères,  Tan  du  Seigneur  1266,  et  le  jour  de 
la  fête  des  Morts  le  lendemain  de  la  Toussaint. 

Présentes  toutes  les  personnes  désignées  plus  haut,  et  moi 
Raymond  de  Fabro,  notaire  par  l'autorité  apostolique  de  la  ville 
de  Toulouse,  qui  ai  écrit  tout  ce  que  dessus  au  moyen  des  déposi- 
tions des  témoins  nommés  ci-dessus,  du  mandement  desdits  sei- 
gneurs comte  et  commissaire,  je  les  ai  consignées  dans  mes 
protocoles,  ensuite  je  les  ai  rédigées  de  ma  propre  main  dans  la 
forme  publique  et  authentique  et  ensuite  je  les  ai  revêtues  du  seing 
authentique  suivant  dont  je  me  sers  dans  tous  les  autres  actes  et 
instruments  publics.  Pour  la  foi,  l'efficacité  et  le  témoignage  de 
toutes  et  chacune  des  choses  susdites,  signé  de  Fabro,  notaire. 

Goppie  extraicte  à  son  propre  original  par  moy  An®  Dabos,  not. 
royal  de  Banheras  de  Luxon,  habit,  soubssigné. 

Dabos,  notaire. 


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89 


OBSERVATIONS 


Cet  acte  a  dû  être  nécessairement  consulté  pour  le 
règlement  des  questions  de  délimitation  entre  la 
France  et  TEspagne  *. 

Les  personnages  qui  y  figurent  ne  sont  pas  de  sim- 
ples témoins,  mais  les  représentants  des  bienfaiteurs 
primitifs  de  la  commanderie. 

Par  leur  présence  ils  confirmaient  les  droits  qu'elle 
exerçait,  à  divers  titres,  sur  chacun  de  leurs  territoires. 

Elle  eut  de  fréquents  démêlés  avec  leurs  ayants-cause 
auxquels  elle  opposa  toujours  victorieusement  la  Réfor- 
mation que  le  Parlement  qualifiait  de  Transaction. 

Jusqu'à  la  Révolution  elle  a  conservé,  à  peu  de 
chose  près,  les  mêmes  droits  et  la  même  étendue. 

Son  origine 

Elle  dut  certainement  son  origine  à  la  création  à 
Jueu,  aux  pieds  du  port  de  la  Glère  et  près  du  port 
de  Vénasque^  d'un  poste  de  chevaliers  de  Saint- Jean, 
chargés  de  secourir  et  de  protéger  les  voyageurs  qui 
couraient  toutes  sortes  de  dangers  dans  ces  défilés. 

Ils  durent  s'établir,  à  la  même  époque  et  pour  la 
même  raison,  à  Aragnouet  et  à  Gavarni. 

Dès  1144^  ils  étaient  à  Gavarni.  Et  une  charte  de 
1200  constate  qu'ils  sont  à  Jueu,  dépendant  alors  de 
la  même  commanderie  qu'Aragnouet.  En  1305,  Ber- 

I.  Voir,  dans  le  n*  2001  da  Recueil  des  actes  adminislralifs  de  la  Haute-Garonne,  le 
Traité  de  délimitation  entre  la  France  et  l'Espagne  du  14  avril  1862  et  ses  annexes. 


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trand  de  Orsanis  est  qualifié  de  commandeur  de  Cabas, 
Gavarni  et  Jueu. 

Héberger  des  passants  n'aurait  pas  suffi  à  leur  zèle 
belliqueux,  dans  ces  temps  reculés,  et  ils  furent  pro- 
bablement chargés,  par  les  comtes  de  Comminges,  de 
veiller  sur  la  frontière  en  même  temps  que  les  \îcom- 
tes  d'Aure. 

C'est  pour  cela  qu'un  grand  nombre  de  membres  de 
cette  famille  s'enrôlent  parmi  les  Hospitaliers  fonda- 
teurs de  Jueu,  ou  leur  font  des  donations. 

En  1200,  Sanche  Garsie  d'Aure  leur  donne  10  sous 
tolzas  que  lui  doivent  les  écuyers  de  Pobao  (Poubeau 
en  Arboust)\ 

En  1266,  Sanche  d'Aure,  précepteur  de  Boudrac, 
procède  à  la  Réformation,  et  Sanche  Garsie  d'Aure, 
seigneur  de  la  vallée  de  Larboust,  y  figure^. 

En  1294,  Sanche  d'Aure,  chevalier  de  l'Hôpital  de 
Jueu,  lui  donne  une  albergue  de  trois  cavaliers,  sur  le 
cazal  de  Seyro  à  Guran  '. 

C'est  dans  l'endroit  connu  maintenant  sous  le  nom 
de  peloiùse  de  Jueu  qu'il  se  trouvait. 

Il  serait  bien  intéressant  de  savoir  comment  les 
voyageurs  y  étaient  traités.  Il  devait  y  avoir  une  cha- 
pelle, comme  à  Frontés  et  à  Loras  (Artigue). 

La  Réformation  désigne  tous  les  membres,  y  com- 
pris Jueu,  sous  le  nom  de  chapelles  préceptorales. 

Les  documents,  qui  deviennent  plus  nombreux  à 
partir  du  xvi®  siècle,  ne  mentionnent  pas  l'Hôpital  de 
Jueu. 

D'un  autre  côté.  Froideur  parle,  en  1667,  a  du  port 
»  de  Venasque  et  de  celui  de  l'Espitau  ou  de  l'Hôpi- 
3)  tal  (Jueu),  où  demeurent  un  ou  deux  hostes  qui  reti- 
»  rent  les  passants,  leur  donnent  à  boire  et  à  manger 

1.  F.  el  J.  1.  I»  nH. 

2.  F.  el  J.  I.  I,  n*  5. 

3.  F.  et  J.  I.  I,  Q*  2. 


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D  pour  de  l'argent,  et  font  le  change  des  monnaies. ...  f> 

Il  a  entendu  dire  que,  dans  tous  les  ports  voisins,  il 
y  a  de  semblables  hôpitaux'. 

Les  chevaliers  de  Jueu  avaient  dû  se  décharger 
d'une  obligation  qui  n'avait  plus  rien  d* héroïque^  par 
un  contrat  semblable  à  celui  que  stipulaient  leurs  frè- 
res d'Aragnouet  le  20  juin  d605,  en  «  inféodant  à 
»  Raymond  Chabert,  du  lieu  de  Guzan,  une  pièce  de 
»  terre  appelée  le  pré  de  V Hôpital  d'Aragnouet,  avec 
»  le  pouvoir  d'y  bâtir  granges  et  logis  pour  y  demeu- 
D  rer  et  loger  les  pauvres  passants,  comme  étant  le  dit 
»  Hôpital  aux  pieds  du  port  de  Beuse  (Bielsa),  sans 
»  néanmoins  pouvoir  vendre  le  vin  à  plus  haut  prix 
D  que  comme  il  se  vend  à  Aragnouet,  et  de  faire  le 
»  service  au  vicaire  et  l'aider  à  chanter  les  messes  à  la 
»  chapelle  dudit  Hôpital,  avec  pouvoir  de  moudre  au 
1»  moulin  du  grand  prieur,  sis  sur  ledit  pré,  pour  la 
»  provision  dudit  HôpitaP.  » 

Les  pâturages  de  Crodilhes  et  de  Campsaur  devaient 
être  d'un  effet  bien  pittoresque,  lorsque  les  frères 
servants  de  Jueu  s'y  rencontraient  avec  les  bergers 
d'Aragon. 

Les  80  journaux  de  terre  inculte  et  herm,  dont  se 
composait  le  membre  de  Jueu,  déclarés  biens  natio- 
naux par  la  loi  du  19  septembre  1792,  furent  vendus 
le  4  vendémiaire  an  V  (26  septembre  1796),  moyen- 
nant 2640  livres  payables  en  mandats  territorigîux  ou 
promesses  de  mandats  territoriaux  3. 

Gavami 

Disons  aussi  comment  l'Hôpital  de  Gavarni  fut 
abandonné,  puisqu'il  a  joué  au  cœur  des  Pyrénées 

i.  Lettre  à  Héricoort,  de  septembre  1667. 

2.  AngDoaei»  1. 1,  n«  2. 

3.  Vente  de  biens  nationaux  par  le  Département.  P.  V.  n*  923. 


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M 

centrales  le  même  rôle  que  Jueu  et  qu'Aragnouet. 

Du  reste,  il  appartient  un  peu  au  Comminges,  puis- 
qu'en  1400  il  fut  réuni  à  Boudrac  et  que  le  château  de 
Saint-Marcel  était  le  séjour  favori  de  ses  comman- 
deurs, qui  l'avaient  reçu  de  Guilhaume  de  Benque  en 
1144'. 

Dès  Tannée  12S7,  les  chevaliers  de  Saint-Jean 
Pavaient  quitté  parce  qu'ils  n'y  avaient  plus  de  quoi 
vivre. 

a  Le  précepteur  précédent  avait  engagé  pour  13  ans, 
»  en  12S5,  moyennant  treize  cents  sols  morlaas,  tous 
»  les  revenus  de  la  maison.  Ils  s'étaient  retirés  à  Luz 
»  dont  l'église  de  Saint-André  leur  appartenait  depuis 
»  longtemps,  ainsi  que  le  constate  Clément  VI  dans 
j>  sa  bulle  datée  d'Avignon  le  1®**  avril  1352  ^ 

Cependant  la  légende  s'est  obstinée  à  faire  de  Luz 
une  résidence  des  Templiers. 

Saint-Jean  de  Loroas 

Ce  membre  dépend  d'Artigue.  A  Loroas  il  y  avait, 
comme  à  Frontés,  une  chapelle  déjà  ruinée  en  1730, 
et  sa  destruction  était  attribuée  aux  Huguenots. 

C'est  vraisemblable,  parce  que  Loroas  est  dans  le 
voisinage  de  Cier,  où  s'élevait,  sur  un  rocher  isolé,  un 
château  dont  Froideur  dit,  en  1667,  qu'il  avait  été 
démoli  soixante  ou  quatre-vingts  ans  avant  son  pas- 
sage parce  qu'il  donnait  asile  aux  Huguenots  qui  s'en 
étaient  emparés  et  y  faisaient  mille  maux  '. 

Ce  serait  le  cas  de  se  demander  pourquoi  les  cheva- 
liers de  Malte  n'ont  pas  combattu  les  Protestants  qui 
leur  ont  fait  tant  de  mal,  au  moins  dans  certains 
endroits  de  la  région  pyrénéenne. 

1.  Saint-Marcel,  I.  i. 

2.  Gavaroi,  1. 1,  n*  6. 

3.  Lettre  à  Héricourt,  septembre  1667. 


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Outre  qu'au  xvi®  siècle  les  ressorts  féodaux  étaient 
usés  et  faussés,  il  faut  constater  que  les  commanderies 
étaient  sans  hommes  et  sans  chefs. 

En  1622,  peu  de  temps  après  les  guerres  de  Reli- 
gion, les  habitants  de  Sarrouilles,  membre  de  Bordè- 
res,  étaient  obligés  de  se  mettre  sous  la  protection  et 
sauvegarde  de  M.  de  Gondrin,  marquis  de  Montespan  et 
An  tin,  «  parce  qu'ils  ne  pouvaient  en  façon  quelconque 
j>  être  aidés,  secourus,  ni  délivrés  de  certaines  oppres- 
»  sions  par  le  moyen  de  Monsieur  le  commandeur  de 
D  Bordères  et  Aureilhan,  pour  n'être  icelui  sur  le 
»  pays  à  cause  qu'il  est  employé  aux  expéditions  nava- 
»  les  contre  les  infidèles  et  ennemis  de  la  religion 
»  catholique  et  romaine'.  » 

Le  membre  de  Saint-Jean  de  Loroas  ne  paraît  pas 
avoir  fait  l'objet  d'une  vente  particulière^  mais  avoir 
été  confondu  dans  les  procès-verbaux  d'adjudication 
de  biens  nationaux  avec  les  immeubles  situés  sur 
Juzet  et  sur  Montauban. 

Artigue 

A  Artigue,  l'Ordre  prend,  comme  àCazaux,  une  por- 
tion de  la  dîme  dont  le  surplus  appartient  au  Chapitre 
de  Saint- Bertrand. 

L'inventaire  de  l'Ordre  dit  que,  dans  cette  com- 
mune, le  commandeur  de  Frontés  prend  la  tête  de 
toutes  les  bêtes  farouches  pi^ises  à  la  chasse. 

Le  texte  roman  de  la  Réformation  désigne  ce  droit 
par  l'expression  «  semei  ferougii  »^  et  le  texte  latin 
l'appelle:  <i  jus  semei'^ .  » 

1.  Sarroailles»  1.  i,  o«  1, 

%  Qae  done  als  seigoors  la  part  dit  iei  Erugis  costQioada  (M.  Pasquier,  Coutumes  de 
Seix  en  Couseratis), 

Si  aliquod  animal  sylvestre  capialur,  quod  capot  sive  temet  preseolalur  et  dalur  Begi, 
ftÎTe  ipsÎDS  Seoescallo  Bigorre,  in  signum  dominii  et  jaridictionis  (M.  Bonrdelte,  Anna- 
les du  Labedaa  :  le  syndic  de  Bat-Surgnère  contre  Tabbé  de  Saint-Pé,  ao  sujet  de  la  mon- 
tagne d'Ens  Peroas  (1414). 


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94 

Un  autre  droit  remarquable  est  celui  d'acujalar 
(morare  facerej^  qui  consiste  à  faire  gîter  les  animaux 
sous  des  abris  naturels,  sur  les  montagnes  où  les 
autres  usagers  n'ont  que  le  droit  de  dépaissance  exclu- 
sivement \ 

Frontés 

Frontés,  qui  donnait  son  nom  à  la  commanderie, 
n'était  qu'une  petite  ferme  dont  les  chevaliers  jouis- 
saient, et  qui  était  située  sur  le  territoire  de  Juzet  dont 
ils  étaient  seigneurs  spirituels  et  temporels  ^ 

Sa  chapelle  existait  encore  en  1730^  mais  elle  était 
profanée  et  servait  à  V exploitation  agricole.  (Procès- 
verbal  de  visite.) 

Dans  un  plan  dressé  en  1766  par  Sacarrère.  arpen- 
teur, un  mauvais  dessin  la  représente  debout  parmi 
les  bâtiments  de  la  métairie. 

La  métairie  de  Frontés,  consistant  en  prés  et 
champs  de  vingt-deux  journaux  deux  tiers,  fut  ven- 
due comme  bien  national,  le  3  messidor  an  V,  moyen- 
nant sept  mille  neuf  cent  soixante-dix-huit  livres  treize 
sols  quatre  deniers,  payables  en  mandats  territoriaux 
ou  en  promesses  de  mandats  territoriaux  3. 


1.  Sont  confirmés  les  usages  exislanls  entre  les  habitants  de  Sallent  et  de  Laonza,  de 
la  vallée  de  Tena,  et  ceux  de  la  vallée  d'Ossao,  relativement  à  leur  droit  réciproque  de 
gite  ;  pour  les  premiers,  à  la  majada  de  Tourmon,  dans  la  montagne  d'Anéou»  en  France; 
et  pour  les  seconds,  à  la  grotte  de  Samorons  ou  majada  de  lou  Roumiga«  en  Espagne. 
(Traité  de  délimitation  entre  la  France  et  TEspagne,  du  14  avril  1862,  art.  13.) 

2.  Le  radical  de  ce  mot  «  frons  >  que  Ton  retrouve  dans  plusieurs  noms  de  lieux  de  la 
même  région  se  rérére  à  la  situation  de  ces  lieux  qui  sont  sur  la  frontière.  Le  mpt  »  /hm- 

.  lalitr  >  est  très  employé,  dans  les  anciens  docufuents,  pour  désigner  les  peupl^s^e  deux 
États  voisins  confinant  à  la  frontière.  ir 

3.  Voici,  d'après  H.  A.  du  Bourg,  la  liste  des  commandeurs  de  Juzet-Frontés,  qui 
dépendit  à  différentes  époques  du  grand  prieuré  de  Toulouse  et  des  commanderies  de 
Bondrac  et  de  Poucharramet  : 


1329.  Palet. 
1266-1294.  Sanche  d'Aure. 
1300.  Bertrand  d'Orsans. 


1497.  Raymond  de  Sassos. 

Vers  1509.  Réunion  à  Boudrac. 

1539.  Pierre  de  Soubiran. 


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95 

Montauban 

Les  seigneurs  de  Montauban,  qui  figurent  aussi 
dans  la  Reformations  appartenaient  en  dernier  lieu  à 
la  maison  d'Ustou. 

Ils  furent  longtemps  les  fermiers  des  droits  déci- 
maux de  la  commanderie  de  Frontés. 

C'est  dans  leur  maison  seigneuriale  que  se  pas- 
saient souvent  les  actes  intéressant  l'Ordre.  Ils 
eurent,  ainsi  que  leurs  alliés  les  Sainte-Gemme,  du 
château  de  Lamothe  en  Sauveterre,  et  les  membres  de 
la  famille  de  Sacère,  de  fréquents  démêlés  avec  la  com- 
manderie. 

Juzet 

La  rectorie  ou  vicairie  perpétuelle  de  Juzet  était 
donnée,  dans  les  premiers  temps,  à  de  très  grands  sei- 
gneurs, prêtres  de  r Ordre.  Citons:  Raymond  de  Fos, 
Arnaud  de  Benque,  Pierre  de  Sobiran,  etc^.. 

Ils  devaient  payer  quinze  écus  et  un  quintal  de  fro- 
mage à  titre  de  responsion  ou  de  taxe  au  profit  de 
r  Ordre. 

Juzet  et  Artigue  appartenaient  à  Tarohiprêtré  de 
Luchona. 

Au  XVII®  siècle^  ce  bénéfice  paraît  beaucoup  moins 
recherché  ;  il  y  a  comme  une  répugnance  à  subir  les 
obligations  de  l'état  religieux. 

Ainsi,  en  1623,  on  voit  Raymond  Lougarre,  prêtre 
du  diocèse  de  Rieux,  bachelier  en  théologie,  renoncer 
à  la  cure  de  Juzet  qu'il  gère  depuis  un  an  et  demi, 
parBÉqu'il  est  occupé  ailleurs  et  qu'il  ne  veut  pas 
pre^Be  l'habit  de  l'Ordre,  comme  il  est  exigé. 

C'est  également  alors  que  le  commandeur  de  Juzet 
et  Frontés  a  de  fréquents  démêlés  au  sujet  de  la  dîme 

I.F.  elJ.  1.  I,  D.  10. 

â.  Rûorel,  Revue  de  Comminges,  3-  Irimestre  1888. 


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96 

avec  le  Chapitre,  la  communauté  de  Luchon  et  divers 
particuliers*. 

Il  est  probable  que  le  chapitre  de  Luchon  prétendit 
aux  dîmes  perçues  de  Castelviel  à  la  frontière,  à  partir 
du  moment  où  TOrdre  cessa  de  pourvoir  aux  besoins 
spirituels  du  membre  de  Jueu.  C'est  ainsi  que  les 
recteurs  d'Artigue  disputèrent  à  ceux  de  Juzet  la  dîme 
du  membre  de  Loroas  dont  la  chapelle  était  aban- 
donnée . 

Rien  n'explique  comment  on  avait  pu  lui  contester 
des  droits  parfaitement  établis  par  la  Réformation, 
par  les  Lièves  ou  Censuels  qui  existent  encore*  et  par 
les  reconnaissances  dont  il  existe  deux  registres  aux 
archives. 

Le  premier  comprend  des  actes  passés  de  1 502  à  1545 
devant  divers  notaires,  parmi  lesquels  figure  le  plus 
souvent  M*  Trey^ 

Le  second  est  de  1681  ;  plus  de  cent  actes  y  sont 
passés  devant  M^Berjaut,  notaire  royal  de  Montgeard*. 

L'Ordre  faisait  procéder  régulièrement  aux  visites 
des  commanderies  par  deux  chevaliers  assistés  d'un 
notaire  et  du  receveur  de  ses  dîmes.  Les  plus  ancien- 
nes visites  conservées  aux  archives  remontent  à  1679. 

L'extrait  suivant  du  procès-verbal  de  la  visite  faite 
en  1730  donne  une  idée  assez  exacte  de  l'état  du  pays 
et  des  préoccupations  des  chevaliers  à  cette  époque  : 

a  Le  vingtième  septembre  mil  sept  cent  trente, 
»  nous  dits  commissaires  et  visiteurs  généraux,  avons 
»  résolu  de  séjourner  ledit  jour  aud.  Guaraison  pour 
i>  nous  délasser  des  fatigues  de  la  montagne  d'Aure, 
»  comme  ayant  été  obligés  de  faire  la  plus  gmnde 
»  partie  de  ce  voyage  à  pied  pour  éviter  le  risque  que 

1.  F.  etJ.,  0.12. 

2.  F.  et  J.  1.  l,n*8. 

3.  Reconnaissances,  2413  (bis.) 

4.  Reconnaissances,  2459. 


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97 

les  voyageurs  ont  de  se  précipiter  dans  cette  vallée. 
»  Et  advenu  le  vîngt-uniesme  dudit  mois,  nous 
susdits  commissaires  et  visiteurs  généraux,  en  même 
compagnie  que  dessus,  sommes  partis  dudit  Gua- 
raison  avec  nos  équipages  pour  nous  rendre  aux 
membres  de  Frontés  et  Jussep  dépendons  de  lad. 
chambre  de  Boudrac ,  situés  dans  la  vallée  de  Lu- 
chon,  et  étant  arrivés  à  la  ville  de  Monroujeau  à 
rentrée  de  la  nuit,  nous  avons  pris  notre  logement 
chez  le  nommé  François,  hoste,  où  pend  pour  ensei- 
gne, le  grand  marteau,  logé  au  faubourg  de  ladite 
ville,  où  nous  avons  pris  notre  logement  pour  y 
passer  la  nuit. 

»  Le  vingt-deuxiesme  dudit  mois ,  nous  dits  com- 
missaires et  visiteurs  généraux,  toujours  en  môme 
compagnie,  l'aurore  commençant  à  paraître,  voulant 
continuer  notre  route  pour  nous  rendre  audit  Jussep 
et  Frontés,  sommes  partis  dudit  Monrougeau  pour 
nous  y  rendre,  et  sur  cette  route  nous  sommes  arri- 
vés au  lieu  de  Cierp  à  onze  heures  du  matin,  ce  qui 
nous  aurait  obligés  de  mettre  pied  à  terre  pour  y 
dîner  et  faire  manger  notre  équipage,  ayant  pris 
notre  logement  chez  le  nommé  Dibos,  hôte. 
»  Et  soudain  avoir  disné  nous  sommes  montés  à 
cheval,  toujours  en  même  compagnie,  et  avons  pris 
la  route  dudit  Jussep  où  nous  sommes  arrivés  à 
l'entrée  de  la  nuit,  et  n'ayant  pas  le  temps  de  faire 
la  visite  desdits  membres,  nous  nous  sommes  trans- 
portés au  lieu  de  Saint-Mamet,  dernier  village  de 
France  de  ladite  vallée,  pour  y  passer  la  nuit,  l'un 
éloigné  de  l'autre  d'un  quart  de  lieue,  et  avons  pris 
notre  logement  chez  le  sieur  Fondeville,  bourgeois 
dud.  lieu,  où  nous  avons  passé  la  nuit  et  pris  notre 
repas*.  » 

i.  YisiiM.  n*  425. 
Rwot  DB  GomnicBS.  1"  Irimesire  1894.  Tome  IX.  —  7. 


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Aucun  progrès  n'avait  eu  lieu  depuis  1667  où  Froi- 
dour  avait  constaté  qu*on  ne  pouvait  pas  passer  la  nuit 
àLuchom* 

Les  temps  sont  bien  changés  ! 
Le  procès- verbal  de  la  visite  de  1737  constate  que 
depuis  23  ans  on  n'avait  tenu  à  Juzet  aucun  registre 
de  paroisse  et  qu'il  y  fut  remédié  par  une  enquete\ 

Dans  le  courant  de  prairial  an  III  et  de  fri- 
maire an  IV,  les  possessions  de  TOrdre  sur  Juzet  et 
Montauban,  qui  dépendaient  alors  delà  oommanderie 
de  Poucharramet,  furent  adjugées  à  un  grand  nombre 
d'acquéreurs  devant  le  buieau  du  Directoire  du  district 
de  Mont-Unité,  en  exécution  du  décret  de  l'Assemblée 
nationale  du  15  frimaire  an  In- 
certains particuliers  des  vallées  de  Luchon  et  d'A- 
ran  devaient  à  l'Hôpital  de  Frontés  des  rentes  perpé- 
tuelles de  grains,  de  vin  (en  Aran),  de  cire,  d'argent  et 
de  gelines. 

Paul  de  CASTERAN. 


I.  Lattre  à  Hëricourl.  septembre  1667. 

S.  Vitites,  437. 

8.  Vent«  de  bteos  DftUooaox  de  !*•  origine,  n*«  1060  à  1085  (Saint-GaudeDs). 


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ÉPIQRAPHIE 


Nous  avions  signale,  aux  informations  de  notre  deuxième  livrai- 
son de  1893,  la  découverte  à  Licoux  d'une  plaque  de  marbre  blanc, 
fortement  détériorée  par  les  siècles  et  portant  une  inscription 
tumulaire  remontant  vraisemblablement  aux  premiers  temps  de  la 
période  gallo-romaine. 

Aujourd'hui  nous  sommes  en  mesure  d'en  rectilier  la  lecture  que 
nous  en  avions  d'abord  reproduite  et  que  rendait  très  difficile  le 
mauvais  état  de  ce  petit  monument  épigraphique. 

A  mesure  que  nous  relevions  un  nom  dans  ces  lignes,  tracées 
par  une  main  inexpérimentée  et  que  le  temps  a  effacées  en  partie, 
nous  les  rapprocliions  de  ceux  dont  Julien  Sacaze,  avec  sa  grande 
compétence  spéciale,  a  donné  la  nomenclature  dans  son  précieux 
recueil  d'épigraphie  pyrénéenne. 

Mais  c'est  à  la  longue  que  nous  sommes  parvenu  à  reconsti- 
tuer les  éléments  de  linscription  qui  ont  résisté  aux  dégradations 
du  temps  et  de  la  main  de  l'homme. 

'Voici  donc  tout  ce  qu'il  nous  a  été  possible  de  rétablir  dans  une 
seconde  édition,  s'il  nous  est  permis  de  nous  exprimer  ainsi. 

La  plaque  funéraire  marquait  évidemment  une  sépulture  do 
famille. 

O*  HARBELEX.  lONIXSI.   F. 

0  HANANIEN.  FAFIERI.  VXOR. 

FIL.  F/////.  0  RVFINVS.  F. 

0  SILEX.   FIL.   SIR//////.  FIL. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  premier  nom,  après  le  signe  mor- 
tuaire, plus  exactement,  le  sigle  0,  est  HARBELEX. 

Ce  nom  se  retrouvé  plusieurs  fois  dans  des  monuments  du  Gom- 
minges  antique.  On  le  lit  sur  un  autel  votif,  trouvé  à  Gourdan,  quar- 
tier du  Bazert,  et  conservé  au  Musée  de  Toulouse,  BAESERTE 
UEO  HARBELEX.... 

Sur  un  cippe  de  marbre  blanc,  découvert  à  Gazaril-Barousse.  on 
lit  encore...  MINIGiVS  HARBELEX... 

Ce  vocable  revient  au  génitif,  H ARBELEXIS,  dans  le  sarcophage 
transporté  de  Gaubous  d'Oueil  à  Luchon  où  il  orne,  à  droite,  le 
grand  vestibule  des  thermes. 

Enfin,  en  1876,  Julien  Sacaze  trouva  dans  un  des  murs  de  l'é- 
glise de  Benqué,  vallée  d'Oueil,  une  dalle  funéraire  portant  cette 
épitaphe:  SABINIANO  SABINl  FILIO  VRIA  HARBELEXI  FILIA... 

Le  nom  suivant,  lONIXSI,  est  tout  à  fait  nouveau  dans  la 
nomenclature  du  pays  ;  mais  VX  suivi  de  VS  s'y  rencontre  parfois  : 
Bonxsus,  Bonxsoni,  Berhoxsis..,. 

L'abréviation  de  Filivs  ou  de  Fiua,  consiste  le  plus  souvent  en 
F.  ;  mais  bien  des  inscriptions  portent  aussi  FIL. 

Le  tigle  mortuaire  coosisle  en  up  0  barré.  Ce  caraclére,  D'existant  pas  aclaellemeot 
daos  DOtre  imprimerie,  a  été  remplacé  par  od  0  majascule. 


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400 

On  relève  les  deux  syllabes  aspirées  d'H AHANIEN  dans  HAH ANI 
et  HAIIANTENN,  le  premier,  inscrit  sur  un  cippe  de  la  collection 
d'Agos  de  Tibiran  et  qui  fut  trouvé  à  Saint-Bertrand,  ancien  cbef- 
lieu  des  Convènes  ;  Vautre  se  lit  sur  une  stèle  représentant  une 
tète  d'homme  et  une  tète  de  femme,  provenant  de  Burgalaîs  et 
dont  parlent,  tour  à  tour,  Dumège,  Roschach,  Ernest  Desjardins  et 
Sacaze  (Hist.  anc.  de  Luchon,  n«  54)  :  V[ivvs]  PAETVS  SVRI  F 
HAHANTENN  (Sacaze,  Epigraphie  des  Pyrénées,  n»  310). 

Le  nomen  RUFINYS  était  usité  dans  la  contrée. 

En  efTet,  une  plaque  de  marbre  blanc,  retirée  en  1889  d'un  mur 
voisin  de  Téglise  paroissiale  de  Saint-Girons  et  conservée  dans 
un  jardin,  porte  : 

0  RVFVS  •  SEMBEX0NI8  •  F  •  0  PVSILLA  •  TROCGI  '  FIL  •  VXOR 
V.  RVFIN VS  •  xRVFI  •  F  •  V.  PRIMVLVS  •  RVFI  •  F  •  SVIS  ' 

Feu  Rufus,  fils  de  Sembexon;  feue  Fusilla,  fille  de  Troccus,  son 
épouse;  vivant,  Rufinus,  fils  de  Rufus;  vivant,  Primulus,  fils  de 
Rufus,  ont  élevé  ce  tombeau  à  leurs  parents  (Sacaze). 

Dans  une  plaque  en  bas-relief  d'un  côté,  encastrée  dans  le  mur 
de  la  maison  Gazes,  à  Saint-Bertrand,  revient  le  même  nom  au 
féminin,  RVFJNA. 

SILEX  se  retrouve  trois  autres  fois  dans  des  inscriptions  con- 
nues. Gruter  le  releva  sur  une  plaque,  existant  alors  dans  le  cloî- 
tre de  Saint- Bertrand  et  aujourd'hui  perdue;  Dumège  l'avait  lu 
aussi  sur  un  autel  votif  de  Gathervielle  ;  il  est  gravé  sur  un  frag- 
ment de  cippe  au  Musée  de  Tarbes. 

Entre  les  deux  abréviations  FIL,  l'autre  nom  est  illisible. 


Il  convient  maintenant  de  corriger  une  erreur  typographique 
dans  la  description  de  l'autel  votif  dont  nous  avons  parlé  à  la 
page  301  du  t.  vin,  année  1893,  et  qui  nous  a  été  communiqué  par 
M.  le  D'  Rivière,  de  Malvezie. 

Ge  n'est  pas  après  le  premier  nom  ANTiST  où  TI,  plus  petit,  pa- 
rait avoir  été  ajouté  après  coup  par  l'ouvrier,  mais  à  la  suite  du 
second,  qu'il  faut  placer  les  petites  barres  ///. 

Reconstituons  donc  les  deux  premières  lignes  : 

L.  ANTiST 

SYNTRi///// 


Quant  à  l'inscription  que  nous  avions  rapprochée  de  la  précé- 
dente, à  la  page  suivante,  302,  il  faut  la  rétablir  ainsi  : 

MINERVAE  REGINAE  AVGTVS  ANTISTI.  V.  S.  L.  M. 
Dans  le  troisième  nom,  le  second  Y  avait  été  transformé  en  U. 


Alphonse  COUGET. 


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STATION    MÉTÉOROLOGIQUE 

DE  SAINT-GAUDENS 

FONDÉE  PAB  U  SOCIÉTÉ  DBS  ÉTODBS  DU   COHMIKGES 


TABLEAUX  SYRTHETIQUE  &  GRAPHIQUE 

DES 

OBSERVATIONS  METEOROLOGIQUES 


RECUEILLIES  PENDANT  L'ANNÉE  1893 


Dans  le  tableau  graphique,  la  pression  barométrique 
et  la  hauteur  de  pluie  sont  exprimées  en  millimètres.  La 
température  et  Thumidité  relative,  en  degrés  centigrades. 
L'intensité  du  vent  est  indiquée  par  un  des  signes  sui- 
vants : 

O  Vent  faible. 

0  Vent  assez  fort. 

©  Vent  fort. 

S-  Vent  très  fort. 

€  Vent  violent. 


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DES  OBSERVATIONS  MÉTÉOROLOGIQUES 

PAiTBS  PENDANT  L' ANNÉE  1893 


RÉSULTATS  COMPARÉS  DES  ANNÉES  1891-1892-1893 

Baromètre.  —  La  plus  forte  pression  barométrique,  744,  a 
été  constatée  le  15  décembre,  par  un  vent  de  N.  0.  La  plus  faible, 
710.6,  a  été  constatée  le  24  février,  par  un  vent  de  N.  0. 

Moyennes  comparées  des  trois  dernières  années  : 
1891  :  727,0      |      1892  :  728,2      |      1893  :  730,5 

Thermomètre.  —  La  température  la  plus  élevée,  -{-  d6<»9,  a  été 
observée  le  14  août;  la  plus  basse,  —  9»,  a  été  observée  les 
4,  5,  13  janvier  1893. 

Moyennes  comparées  des  trois  dernières  années  : 
1891  :  11«5     I     1892  :  12o9     |     1893  :  13*1 
L'année  1893  a  été  plus  chaude  que  1892,  et  celle-ci  plus  chaude 
que  1891. 
La  température  moyenne  du  pays  augmente  donc  depuis  4  ans. 

i  Jours  de  Gelée.  —  Le  thermomètre  est  descendu  au-dessous  de 
]  zéro:  211  jours  en  janvier,  2  jours  en  février,  4  jours  en  novem- 
bre et  11  jours  en  décembre.  Total ....    38  jours. 

En  1891,  le  nombre  de  jours  de  gelée  a  été  de  128  jours. 

En  1892,  —  —  —  —  54    — 

Hygnc^mètrie.  —  Le  degré  d'humidité  de  lair  est  déduit  des 
observations  du  psychromètre. 

Le  maximum  d'humidité,  88,  a  été  constaté,  en  1893,  les  10  jan- 
vier et  30  septembre,  par  vent  de  N.  0. 

Le  minimum,  18,  a  été  observé  le  9  avril,  par  vent  de  S.  E. 

La  moyenne  hygrométrique  de  1893  a  été  de  52. 

État  du  ciel.  —  Les  365  jours  des  années  1891,  1892  et  1893  se 
composent  ainsi  qu'il  suit  : 

Jours  beaux         Nuageux  Couverts 

1891  90  93  182 

1892  93  129  144 

1893  96.  91  178 
En  1893,  le  temps  a  été  plus  régulièrement  beau  qu'en  1891  et  1892. 


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Ploie.  —  Le  pluviomètre  a  reçu,  pendant  l'année  1893,  une  quan- 
tité d'eau  correspondant  à  une  hauteur  de  512»  3.  Le  nombre  de 
jours  de  pluie  a  été  de  108. 

Le  mois  le  plus  pluvieux  a  été  le  mois  de  novembre,  pendant  le- 
quel il  a  plu  15  jours. 

Le  mois  le  moins  pluvieux  a  été  le  mois  d'avril,  pendant  lequel 
il  n'a  plu  qu'un  seul  jour. 

Totaux  comparés  des  trois  dernières  années  : 
1891    —     1892    -     1893 
Jours  de  pluie  :  127  144  108 

Hauteur  de  pluie  :     661,0  833,5  512,3 

Vents.  —  En  1893,  le  vent  dominant  a  été  le  N.  6.,  qui  a  soufflé 
123  jours,  puis  le  N.  E.  qui  a  soufflé  62  jours,  et  le  S.  O.,  qui  a 
soufffé  45  jours. 


St-Gandens,  impr,  Abadie. 


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LA  RÉVOLUTION 

A  SAINT-LIZIER  (Ariège) 


1789-1804 


Le  récit  des  événements  survenus  dans  la  ville  de 
Saint-Lizier  pendant  la  période  révolutionnaire  me 
semble  ne  devoir  pas  être  sans  intérêt  pour  les  habi- 
tants de  l'ancien  Couserans  dont  Saint-Lizier  était  la 
capitale. 

Son  antiquité,  son  rôle  politique  et  religieux,  ce  pres- 
tige qui  s'attache  aux  lieux  et  aux  monuments  qui  ont 
vieilli  avec  nos  ancêtres,  lui  ont  créé  cette  auréole  de 
sympathique  respect  qui  lui  assigne  un  rang  supé- 
rieur entre  toutes  les  autres  petites  villes  voisines. 
Elle  a  toujours  partagé  avec  Auch  et  Saint-Bertrand 
de  Comminges^  dans  le  souvenir  de  nos  vieilles  popu- 
lations, cette  vénération  inséparable  des  choses  anti- 
ques et  pieuses.  A  un  passé  qui  ne  manquait  pas  de 
grandeur  ni  de  prospérité  a  succédé  une  ère  d'agita- 
tions et  de  décadence.  Saint-Lizier  se  voit  rapidement 
dépouillé  de  ses  anciennes  institutions  qui  étaient  pour 
lui  des  éléments  indispensables  de  vie  et  d'union, 
Tévéché,  le  chapitre,  le  tribunal  qu'elle  posséda  durant 
quelques  mois  ;  ses  grands  établissements  et  ses  somp- 
tueuses maisons  se  vidèrent,  ses  rues  devinrent  déser- 

Rbv0i  bi  CommoBS,  3*  trim«ttre  1894.  Toni  IX.  —  8. 


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402 

tes.  Ceux  qui  restèrent  se  divisèrent  entre  eux,  et, 
affolés  de  peur  ou  honteusement  attachés  à  de  vils 
intérêts,  courbèrent  le  front  sous  ce  despotisme  dont 
parlait  Fabbé  Maury,  «  le  plus  terrible  de  tous  parce 
qu'il  portait  Ja  fausse  marque  de  la  liberté.  »  Il  y  eut 
de  nombreux  oublis  du  devoir  dans  la  noblesse,  le 
clergé,  le  peuple,  dans  toutes  les  classes,  et  aussi  quel- 
ques beaux  exemples  de  fermeté  et  de  fidélité  aux  vrais 
principes.  Je  mentionnerai  les  uns  et  les  autres,  parce 
que  la  petite,  conme  la  grande  histoire,  ne  peut  vivre 
que  de  vérité. 

Les  registres  municipaux  de  Saint-Lizier,  très  gra- 
cieusement mis  à  ma  disposition,  m'ont  fourni  d'am- 
ples matériaux  pour  cette  étude.  J'ai  cru  devoir  les  uti- 
liser de,  préférence  à  tous  autres,  parce  que,  comme 
l'observait  judicieusement  M.  Taine,  «  le  témoignage 
le  plus  digne  de  foi  sera  toujours  celui  des  témoins 
oculaires;  ....  ils  rédigent  tout  de  suite  et  sous  Tim- 
pression  des  événements  locaux.  » 

Je  viens  donc  simplement  apporter  ma  modeste 
contribution  à  la  vaste  enquête  si  courageusement  et 
si  impartialement  ouverte  par  l'auteur  des  Origines 
de  la  France  contemporaine.  Ces  pages  racontent  les 
événements  survenus  dans  notre  petite  ville  de  Saint- 
Lizier,  de  la  fin  de  l'an  1789  à  la  proclamation  de 
l'Empire  en  1804.  Elles  embrassent  donc  cette  période 
si  tourmentée  et  si  diversement  féconde  qui  s'ouvrit 
sous  de  magnifiques  rêves  de  liberté  pour  s'éteindre 
sous  le  sabre  attendu  de  la  dictature. 


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403 


Division  territoriale  de  la  France.  —  Département  de  Gouserans. 
—  L.  de  Saint-Blanquat  député  à  Paris.  —  Suppression  de  l'évê- 
ché.  —  Nouvelles  municipalités.  —  Premiers  empiétements  de 
Fautorité  civile.  —  Ordonnance  de  boucherie. 


Dès  son  arrivée  au  pouvoir,  TAssemblée  nationale 
s'était  jetée  avec  une  dangereuse  précipitation  dans  la 
voie  des  réformes.  Ce  qui  n'eût  dû  être  que  l'œuvre 
lente  et  progressive  des  années  fut  hâtivement  exé- 
cuté en  quelques  mois  :  abolition  des  titres  et  privi- 
lèges féodaux,  souveraineté  nationale,  proclamation 
des  droits  de  l'homme,  suspension  des  pouvoirs  des 
parlements,  réformes  électorales  et  judiciaires,  aboli- 
tion des  provinces  et  division  du  territoire  en  départe- 
ments. Nos  registres  municipaux  commencent  avec 
cette  dernière  question  d'un  intérêt  capital  pour  le 
Gouserans  et  son  chef-lieu.  Toutes  ces  petites  natio- 
nalités qui  s'étaient  formées  successivement,  dans  le 
courant  des  siècles,  de  capitulations  particulières  et  de 
contrats  politiques  et  qui  consacraient,  dans  leur  auto- 
nomie, des  besoins,  des  mœurs  et  des  traditions  précieu- 
ses, allaient  être  fondues  dans  une  grande  nationalité. 
Ici,  comme  en  bien  d'autres  points,  les  députés  dépas- 
saient les  limites  du  mandat  qu'ils  avaient  reçu.  Leurs 
commettants  ne  leur  avaient  pas  donné  mission  d'alié- 
ner les  privilèges,  les  droits  et  les  noms  de  leurs  pro- 
vinces. Impatiente  de  tout  bouleverser,  la  Constituante 
ne  pouvait  pas  se  laisser  arrêter  par  de  tels  scrupules  ; 
elle  passa  outre.  Il  ne  restait  dès  lors  aux  anciens 
états  qu'à  demander  dans  la  nouvelle  division  territo- 
riale un  rang  honorable  qui  perpétuât  le  souvenir  des 
titres  acquis.  Ce  fut  la  lutte  de  l'intérêt  et  de  la  vanité 
se  parant    d'arguments   historiques.    Le  comté   de 


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464 

Couserans,  qui  sentait  que  sa  petite  personnalité  allait 
disparaître  dans  la  division  administrative  projetée, 
ne  voulut  pas  se  laisser  absorber  sans  faire  valoir  les 
droits  qu'il  avait  au  maintien  de  son  vieux  nom  dans 
la  nouvelle  géographie  politique  de  la  France. 

Parmi  les  documents  municipaux  de  sa  capitale 
épiscopale  nous  trouvons  d'abord,  à  la  date  du  14  décem- 
bre 1789,  une  délibération  de  l'assemblée  communale 
qui  expose  à  la  Constituante,  en  termes  modérés, 
insinuants,  la  nécessité  de  former  au  centre  des  Pyré- 
nées un  département  de  Couserans  avec  Saint-Lizier 
pour  chef-lieu. 

a  Le  moment  est  arrivé,  dit  la  délibération,  où 
l'auguste  Assemblée  nationale,  toujours  animée  du 
désir  ardent  d'opérer  le  bonheur  de  la  France,  s'occupe 
de  la  diviser  en  départements  et  les  départements  en 
districts  ; 

»  Que  la  formation  d'un  de  ces  départements  dans 
le  Couzerans  est  un  objet  des  plus  intéressants  pour 
le  pays  en  général  et  pour  cette  ville  en  particulier  qui 
en  est  la  capitale  et  le  centre  ; 

»  Que  le  Couzerans  pourrait  suffire  absolument  lui 
seul,  par  son  étendue  et  sa  population,  pour  former  un 
département,  mais  que  s'il  était  jugé  insuffisant, 
d'après  les  dimensions  et  les  proportions  qui  seront 
adoptées  par  l'auguste  Assemblée,  la  situation  géogra- 
phique du  pays  offre  tant  de  convenances  et  de  facilité 
pour  y  suppléer  en  y  unissant  une  partie  des  pays  cir- 
convoisins  qu'il  semble  qu'il  n'y  ait  presque  point  à 
craindre  de  ne  pas  l'obtenir  ; 

»  Qu'il  serait  en  effet  très  convenable  d'unir  au 
Couzerans,  pour  la  formation  complète  d'un  départe- 
ment, la  partie  du  pays  de  Foix  située  en  deçà  de  la 
rivière  de  TAriège  depuis  sa  naissance  jusqu'à  Saver- 
dun,  d'y  unir  aussi  la  partie  du  pays  de  Comminges 
qui  y  confronte  également  située  en  deçà  de  la  Garonne 


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105 

jusqu'à  Carbonne,  et  de  former  ensuite  une  ligne  de 
démarcation  depuis  Carbonne  jusqu'à  Saverdun  ;  de 
la  sorte  ce  département  se  trouverait  limité  par  trois 
bornes  permanentes  :  la  rivière  de  T Ariège  au  levant, 
les  Pyrénées  qui  séparent  l'Espagne  et  le  Couzerans 
au  midi,  et  la  Garonne  au  couchant  ; 

»  Que  le  bruit  s'est  répandu  que,  malgré  ces  conve- 
nances et  ces  facilités,  des  ennemis  du  Couzerans  ne 
tendraient  à  rien  moins  qu'à  le  faire  unir  au  pays  de 
Foix  et  le  faire  séparer  de  celui  de  Commïnges  qui  a 
été  lié  de  tout  temps  avec  le  Couzerans  par  des  rela- 
tions réciproques  très  intimes  de  convenances  et  d'in- 
térêt; 

»  Que  de  cette  union  du  Couzerans  au  pays  de  Foix, 
totale  ou  partielle^  dont  l'idée  seule  est  accablante, 
résulteraient  des  maux  sans  fin  pour  le  pays  en  géné- 
ral et  pour  cette  ville  en  particulier,  puisqu'ils  seraient 
infailliblement  assujétis  à  contribuer  au  payement  de 
ses  dettes  très  considérables  ; 

»  Que  la  ville  de  Saint-Lizier,  qui  semble  devoir 
être  par  son  ancienneté  et  sa  situation  le  chef-lieu 
d'un  département^  ne  serait  même  pas  le  chef-lieu  d'un 
district,  et  qu'ainsi  au  lieu  d'acquérir  dans  son  sein^ 
comme  il  paraît  juste,  une  assemblée  administrative 
et  un  des  nouveaux  tribunaux  de  justice  qui  serait  le 
bonheur  du  pays,  elle  aurait  encore  à  craindre  qu'on 
n  ajoutât  à  ces  maux  la  perte  d'un  évêché  et  d'un  cha- 
pitre qu'elle  possède  depuis  près  de  quinze  siècles,  et 
la  privation  d'une  perceptoriale  que  les  lois  du  royaume 
lui  assurent.  » 

M.  le  maire  pria  l'assemblée  d'aviser  aux  moyens 
qu'il  peut  y  avoir  à  prendre  dans  cette  conjoncture. 

L'assemblée  prenant  en  très  grande  considération 
l'exposé  fait  par  ledit  sieur  maire,  vivement  affectée 
des  maux  incalculables  qui  menacent  le  Couzerans  en 


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106 

général  et  la  ville  de  Saint-Lizîer  en  particulier,  a 
arrêté  à  Tunanimité  des  voix  : 

1®  Qu'elle  se  réfère  à  la  supplique  et  aux  précéden- 
tes délibérations  déjà  envoyées  ; 

2*^  Qu'il  convient  d'envoyer  promptement  un  député 
à  Paris,  et  comme  elle  ne  connaît  dans  toute  la  contrée 
personne  de  plus  capable  et  de  plus  zélé  pour  le  bien 
et  les  intérêts  du  Couzerans  et  de  cette  ville  que  M.  le 
baron  Lingua  de  Saint-Blanquat,  elle  le  nomme  una- 
nimement pour  cette  députation  ; 

3*^  Qu'elle  prie  et  charge  ledit  sieur  député  de  solli- 
citer de  la  justice  de  l'auguste  Assemblée  nationale  la 
formation  d'un  département  dans  le  Couzerans,  de 
façon  que  Saint-Lizier  devienne  le  centre  et  le  chef- 
lieu  de  ce  département  ; 

4*^  De  solliciter  aussi  de  sa  justice  l'établissement, 
en  tout  événement,  d'un  district  dont  cette  ville  soit 
le  centre  et  le  chef-lieu,  et  l'établissement  dans  son 
sein  d'une  assemblée  d'administration  et  d'un  des  nou- 
veaux tribunaux  de  justice  à  créer  ; 

5®  De  solliciter  la  conservation  dans  tous  les  cas 
d'un  évêché  et  d'un  chapitre  dont  la  ville  est  en  posses- 
sion depuis  près  de  quinze  siècles  et  d'une  percepto- 
riale  que  les  lois  du  royaume  lui  garantissent  ; 

6*^  Enfîn^  elle  le  prie  et  charge  de  remettre  un  extrait 
de  la  présente  délibération  à  M.  le  président  de  l'As- 
semblée et  à  chacun  de  MM.  les  députés  du  Couze- 
rans, en  les  sollicitant  de  vouloir  bien  la  prendre  en 
considération.  Et  ont  tous  signé  : 

Berges  maire. 

Jean  Lagrasse,  Pierre  Servant,  consuls  ; 

M*  E.  Trinqué,  M®  Jean  Mourons,  M®  Jean-Bap- 
tiste Dupré,  avocats  en  parlement  ; 

Les  sieurs  Etienne  Duclos,  Jean  Court,  Etienne 
Seille,  conseillers  de  ville. 


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J.-M.  Bonin,  assesseur;  Etienne  Ferrier,  procureur 
du  roi. 

Le  lendemain  15  décembre,  la  municipalité  se 
réunit  à  nouveau  pour  aviser  aux  dépenses  de  la  dépu- 
tation  qui  a  été  confiée  à  un  homme  qui  était  digne  à 
tous  égards  de  ce  témoignage  d'estime;  elle  décide 
qu'on  a  se  pourvoiera  sans  retard  par  devant  nos  sei- 
gneurs de  la  commission  intermédiaire  provinciale 
pour  faire  autoriser  la  comté  à  emprunter  une  somme 
de  quatre  cents  quatre-vingts  livres  et  à  imposer  cette 
somme  au  marc  la  livre  de  la  capitation.  » 

On  sait  ce  qu'il  advint  de  cette  pétition  ;  on  lui  fit 
le  sort  qu'on  réserve  aux  vœux  des  petits  et  des  faibles. 
Quelque  légitimes  et  respectables  que  fussent,  au  point 
de  vue  historique,  les  titres  de  la  ville  de  Saint-Lizier^ 
les  honneurs  du  chef-lieu  furent  dévolus  à  une  rivale 
plus   heureuse;  on    ne  lui   décerna  que  le  modeste 
titre  de  municipalité  ;  maigre  compensation  pour  une 
antique  cité  romaine  qui  depuis  plus  de  quinze  siècles 
était  la  capitale  d'un  pays  qui  avait  mérité  l'attention 
des  maîtres  du  monde.   La  Fortune  a  de  ces  coups 
d'aile  qui  renversent  les  plus  solides  grandeurs.  Et  si 
le  malheur  commun  est  une  consolation,  la  vieille  cité 
du  Couserans  pouvait  voir  qu'une  meilleure  condition 
n'était  pas  faite  aux  vieux  Lugdunum  de  Comminges, 
cette  ville  sœur,  née  du  même  sang,  à  la  même  épo- 
que, et  qui,  après  avoir  exercé  une  égale  prépondé- 
rence^  comme  elle  allait  s'éteindre  dans  les  ruines  et 
l'oubli.  Le  département  de  Couserans,  qui  aurait  eu 
une  dénomination  historique  et  une  raison  ethnolo- 
gique, n'avait  existé  que  dans  ses  rêves.  De  par  la 
volonté  des  législateurs,  avait  surgi  un  département 
fait  de   tronçons  géographiques  et  de    groupes    de 
citoyens  qu'aucun  souvenir,  intérêt  ou  lien  politique 
ne  rattachait.  Il  y  a  souvent  dans  la  volonté  des  maî- 
tres de  ces  violences  que  rien  ne  justifie,  que  l'on  subit 


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108 

en  silence  parce  que  Thonneur  suprême  de  la  patrie 
impose  la  résignation. 

La  nouvelle  division  de  la  France  en  quatre-vingt- 
trois  départements  ne  pouvait  pas  s'accorder  avec  l'an- 
cienne division  des  diocèses,  qui  étaient  très  inégaux 
en  population,  en  étendue  et  en  revenus.  Il  y  avait 
sur  ce  point  une  réforme  utile  à  faire,  de  Taveu  de 
tous.  Mais  c'était  à  TÉglise  seule,  juge  des  besoins  de 
ses  fidèles,  à  corriger  les  abus  que  le  temps  avait  glissés 
dans  sa  discipline  administrative  et  à  mettre  le  tem- 
porel en  harmonie  avec  les  conditions  nouvelles  de  la 
société  française. 

Ce  fut  une  véritable  usurpation  de  pouvoirs,  de  la 
part  de  l'Assemblée  nationale,  de  supprimer  et  d'ériger 
des  évêchés  à  son  gré,  sans  le  consentement  de  la 
cour  de  Rome.  «  Les  titres  de  l'Église  valent  les 
titres  de  l'État,  dit  fort  judicieusement  M.  Taine". 
C'est  pourquoi  s'il  est  juste  qu'il  soit  indépendant  et 
souverain  chez  lui,  il  est  juste  qu'elle  soit  chez  elle 
indépendante  et  souveraine  ;  si  l'Église  empiète  quand 
elle  prétend  régler  la  constitution  de  l'Etat,  l'État 
empiète  quand  il  prétend  régler  la  constitution  de 
l'Église,  et  si,  dans  son  domaine  il  doit  être  respecté 
par  elle,  dans  son  domaine  elle  doit  être  respectée 
par  lui.  » 

C'est  pour  avoir  oublié  ces  principes  de  justice  élé- 
mentaire et  de  morale  politique,  que  l'Assemblée  natio- 
nale porta  une  main  violente  sur  la  hiérarchie  ecclé- 
siastique. Par  une  spoliation  arbitraire  Saint-Lizier 
fut  dépouillé  de  son  évêché  quinze  fois  séculaire.  Ce 
dut  être  une  dure  épreuve  pour  la  cité  épiscopale  de 
se  voir  privée  de  ce  qui  faisait  sa  vie  et  son  prestige 
autour  des  villes  environnantes.  Dans  la  longue  série 

i.  Les  Origines  de  la  tranu  cmkmporaine,  1. 1",  p.  230. 


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109 

des  pontifes  qui  s'étaient  succédé  sur  son  siège , 
depuis  saint  Valier  jusqu'à  Mgr  de  Lastic,  du  m®  au 
xvm®  siècle,  elle  avait  pu  admirer  de  pieux  et  savants 
administiateurs  qui  avaient  été  pour  elle  un  motif  de 
gloire  et  une  source  d'édification.  Elle  était  fière  de 
ses  Quintin,  Lizier,  Bernard  de  Raymundi,  Auger  de 
Montfaucon,  Guischard  d'Aubusson,  les  Grammont, 
Don  Ruade,  Pierre  de  Marca,  Verthamon^  Verceil  et 
vingt  autres  qui,  par  les  dons  de  la  fortune,  de  la 
sainteté  et  de  la  science,  avaient  conservé  son  prestige 
à  travers  les  siècles. 

Maintenant  la  voilà  tombée  de  ce  rang  de  préémi- 
nence dont  à  bon  titre  elle  pouvait  s'enorgueillir. 
Avec  son  autonomie  politique  disparaît  aussi  sa  supré- 
matie religieuse  ;  elle  est  absorbée  avec  son  comté  et 
son  diocèse  dans  un  vaste  département  composé  des 
éléments  les  plus  hétérogènes.  Ainsi  l'a  voulu  cette 
souveraine  raison  d'État  qui  considère  comme  le  com- 
ble de  l'art  d'avoir  donné  à  la  France  le  monotone 
aspect  d'un  grand  échiquier  administratif. 

Assurément  Saint-Lizier,  si  justement  jaloux  de  sa 
prospérité  et  de  ses  prérogatives,  dut  défendre  ses 
droits  à  la  conservation  de  son  évêché  et  de  son  cha- 
pitre. Les  mémoires  et  les  actes  municipaux  relatifs  à 
cette  période  de  ses  sollicitudes  ne  sont  pas  parvenus 
jusqu'à  nous';  nous  n'en  trouvons  qu'une  courte 
mention  dans  la  délibération  précédente  qui  charge 
M.  de  Saint-Blanquat  de  demander,  avec  la  formation 
d'un  département  dans  le  Couserans^  le  maintien  de 
son  évêque  au  chef-lieu. 

L'évêché  fut  transféré  à  Pamiers  et  l'administration 
départementale  à  Foix.  Il  Im  était  dû  une  compensa- 
tion. Saint-Lizier  la  sollicita  dans  l'érection  d'un  des 

i.  Les  registres  des  délibérations  municipales,  du  15  décembre  1789  au  21  novembre 
1790,  ont  été  égarés. 


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KO 

tribunaux  civils  qui  venaient  d'être  attribués  à  chaque 
district  par  la  réforme  judiciaire. 

Dans  une  délibération  municipale'  sont  exposées 
les  raisons  qui  militent  en  faveur  de  sa  demande.  On 
supplie  respectueusement  a  nos  seigneurs  de  l'As- 
semblée nationale  de  vouloir  bien  prendre  en  considé- 
ration que  Saint-Lizier  est  la  ville  épiscopale  et 
conséquemment  la  capitale  du  Couserans,  qu'elle  est 
presque  au  centre  du  diocèse,  que  le  diocèse  est  con- 
sidérable par  sa  population,  qu'elle  a  déjà  été  reconnue 
solennellement  devoir  être  le  chef-lieu  de  l'arrondisse- 
ment dans  une  délibération  prise  parl'assemblée  com- 
plète du  département  de  Comminges,  qu'elle  est  enfin 
la  plus  propre  de  Tarrondissement  pour  l'établisse- 
ment d'un  des  tribunaux  de  justice  à  créer,  que  les 
juges  y  trouveront  la  commodité  du  logement  qu'ils 
ne  trouveront  dans  aucune  autre  ville  du  canton, 
et  que  dégagés  dans  cette  ville  de  tout  embarras,  à 
l'abri  de  tout  tumulte  et  sous  les  yeux  d'un  évêque 
et  d'un  chapitre^,  ils  y  rendront  bien  mieux  la  justice 
qu'ils  ne  pourraient  le  faire  dans  aucune  autre  ville 
voisine  où  ils  seraient  détournés  par  l'affluence,  l'agi- 
tation et  le  commerce  auquel  tous  les  habitans  se 
livrent  depuis  longtemps,  d 

La  ville  voisine  de  Saint-Girons  est  ici  clairement 
désignée  comme  impropre  à  l'établissement  d'un  tri- 
bunal ;  les  motifs  nous  paraissent  assez  singuliers  : 
le  bruit,  le  mouvement  commercial  seront  évidem- 
ment nuisibles  au  recueillement  nécessaire  à  l'étude 
des  lois;  puis  Saint-Lizier  possède  une  précieuse 
garantie  d'impartialité  dans  l'application  de  la  justice 
qui  régira  la  conscience  des  juges  :  c'est  la  présence 
de  Tévêque  et  du  chapitre. 

i.  3  décembre  1789. 

2.  Cette  délibération  est  antérieure  à  la  conslilalion  civile  du  clergé  et  à  la  nouvelle, 
organisation  des  diocèses. 


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1H 

C'était  au  premier  chef  un  plaidoyer  pro  domo,  et 
Tavocat  ne  néglige  aucun  argument. 

Il  est  à  croire  qu'il  porta  la  conviction  dans  l'esprit 
des  législateurs  et  fit  pencher  la  balance  en  sa  faveur, 
puisque  vers  la  fin  de  l'année  suivante  nous  assisterons 
à  l'installation  du  tribunal  si  instamment  demandé. 

Mais  n'anticipons  pas  sur  les  événements;  nous 
sommes  aux  derniers  jours  de  l'année  1790,  l'une  des 
plus  fécondes  en  funestes  innovations,  puisqu'elle  nous 
donna  les  assignats  et  la  constitution  civile  du  clergé, 
deux  sources  de  malheurs. 

Elle  s'ouvrit  et  se  ferma  sur  des  élections  munici- 
pales. 

Dans  les  premiers  jours  de  janvier,  on  essaya  la 
nouvelle  organisation  municipale  votée  à  l'Assemblée 
nationale  au  mois  de  novembre  1789 1. 

M.  Lingua  de  Saint-Blanquat  remplaça  M.  Berges 
à  la  mairie.  Seillé,  Berger,  Dargein-Dupont,  Besson 
et  Durrieu  furent  élus  officiers  municipaux.  De  Villa, 
capitaine,  Court,  Lagrasse^  Servant,  Brondes,  Duclos 
et  Roques  furent  élus  notables.  Ferrier  fut  choisi 
comme  procureur  de  la  commune. 

C'était  toute  une  transformation  superficielle  du 
corps  municipal;  les  consuls  et  conseillers  de  ville 
disparaissent  et  cèdent  la  place  aux  nouveaux  digni- 
taires qui  s'appellent  obiers  municipattx  et  notables; 
le  procureur  du  roi  fait  place  au  procureur  de  la  com- 
mune. Les  rôles  pourtant  restent  les  mêmes,  les  noms 
des  acteurs  seuls  sont  changés. 

Les  procès-verbaux  de  cette  époque  n'étant  pas  en- 
tre nos  mains,  nous  ne  pouvons  juger  de  la  gestion  de 

1.  Pour  être  ëligible  aucune  condition  d'âge  ou  de  fortune  u'élait  exigée  :  <  On  était 
éligibic  par  la  seule  confiance  des  électeurs.  >  Mais  pour  être  électeur,  il  fallait  jouir  de 
ses  droits  politiques,  être  Agé  de  25  ans  et  payer  la  cooiribution  d*au  moins  un  marc 
d'argent,  ce  qui  équivaut  à  trois  journées  de  travail.  Singulière  loi  qui  demandait  plus  de 
garanties  à  l'électeur  qu'à  Télu. 


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442 

la  nouvelle  municipalité,  qui  ne  resta  d'ailleurs  que 
dix  mois  aux  affaires  ;  le  décret  concernant  la  consti- 
tution des  municipalités  en  fixait  le  renouvellement 
partiel  au  mois  de  novembre. 

Le  vingt-unième  jour  de  ce  mois,  les  citoyens  actifs 
de  la  commune  furent,  sur  Tordre  du  maire,  convo- 
qués en  assemblée  générale  dans  une  salle  de  Tévêché. 

Etaient  présents  :  MM.  Lingua  de  Saint-Blanquat, 
maire,  Besson,  Durrieux,  Seillé,  Berges,  Dupont- 
Dargein,  ofTiciers  municipaux;  Ferrier,  procureur  de 
la  commune,  De  Villa,  capitaine,  Court,  Lagrasse, 
Servant,  Brondes,  Duclos  et  Roques,  notables,  de 
Villa,  prêtre,  Dargein  oncle,  prêtre,  Dupré  avocat, 
Mouroux  avocat,  Bonin  avocat,  Bergerat,  Bonnet, 
Clanet,  Buisson,  Latendresse,  Tarride,  Meda,  Auriac, 
Bonzom,  Broué^  Naudin,  Marfaing  et  autres,  tous 
citoyens  actifs  de  Saint-Lizier. 

Le  procureur  de  la  commune  Ferrier  expose  qu'a- 
vant de  procéder  au  scrutin  pour  le  renouvellement 
partiel  des  officiers  municipaux  et  notables,  il  y  a 
lieu  de  nommer  le  bureau  chargé  de  présider  aux 
élections. 

On  choisit  parmi  les  électeurs  plus  âgés  un  prési- 
dent, deux  scrutateurs  et  un  secrétaire  provisoire, 
chargés  de  cette  opération  préparatoire.  M.  de  Villa, 
capitaine,  Duclos,  Berges  et  Dargein  oncle,  recueil- 
lent les  votes  et  proclament  élus,  à  titre  de  membres 
du  bureau  électoral,  M.  de  Saint-Blanquat,  prési- 
dent; Dargein  oncle,  secrétaire;  De  Villa,  Berges, 
négociant  et  Dargein-Dupont,  scrutateurs. 

M.  le  président  annonce  qu'en  conformité  à  l'art.  42 
du  décret  des  municipalités  deux  officiers  municipaux 
et  six  notables  doi\entêtre  renouvelés.  Le  sort  désigne 
comme  sortants  Berges  et  Durrieu  qui  sont  remplacés^ 
après  trois  tours  de  scrutin,  par  Villa  et  Larroque, 
nommés  officiers  municipaux.  Les  membres  sortants 


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443 

sont  Lagrasse,  Roques,  Duran,  Bordes,  Court,  Trin- 
qué, démissionnaire,  élu  administrateur  du  directoire 
du  district  ;  on  devait  aussi  pourvoir  au  remplacement 
de  Villa,  élu  officier  municipal.  Sont  investis  de  la 
même  fonction  par  la  voie  du  suffrage  :  Dupré  avocat, 
Nicolas,  Court,  Benazet,  Bonin,  Lagrasse,  Mouroux. 
Après  la  séance,  on  remarque  que  Larroque,  qui  venait 
d'être  élu  officier  municipal,  était  parent  de  Seillé  à 
un  degré  qui  le  rendait  inéligible;  il  y  avait  donc  lieu 
de  procéder  à  un  nouveau  scrutin  qui  fut  en  faveur  de 
Jean  Dupré  dit  Bergerat.  Mouroux,  membre  d'admi- 
nistration au  département  de  TAriège,  remercie  ses 
concitoyens  du  témoignage  de  confiance  qu'ils  vien- 
nent de  lui  donner  en  le  nommant  notable  et  les  prie 
d'agréer  sa  démission;  il  est  remplacé  par  Dargein 
oncle.  Enfin,  après  ces  multiples  opérations  la  muni- 
cipalité se  trouve  ainsi  définitivement  constituée  : 

Lingua  de  Saint-Blanquat,  maire. 

Seillé,  Besson,  Dargein-Dupont,  de  Villa  capitaine, 
Dupré,  de  Bergerat,  officiers  municipaux. 

Ferrier,  procureur  de  la  commune. 

Berges,  secrétaire. 

Besson,  trésorier. 

De  Rozès,  Duclos,  Brondes,  d'Anouilh,  Servant, 
Dupré,  avocat,  Nicolas,  Court,  Benazet,  Bonin, 
Lagrasse,  Dargein  oncle,  notables. 

Le  28  novembre,  le  procureur  de  la  commune  re- 
quiert les  membres  de  la  municipalité,  en  vertu  du 
décret  du  26  décembre  1789,  de  prêter  le  serment  «  de 
maintenir  de  tout  leur  pouvoir  la  Constitution  du 
royaume,  d'être  fidèles  à  la  nation,  à  la  loy  et  au  roy, 
et  de  bien  remplir  leurs  fonctions.  » 

Cette  formalité  remplie,  les  officiers  municipaux  se 
divisent  en  conseil  d'administration  et  en  bureau  de 
police.  De  Saint-Blanquat,  Besson  et  Dargein  forment 


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444 

le  conseil  d'administration  ;  Seillé,  de  Villa  et  Berge- 
rat,  le  bureau  de  police;  Brondes  et  Nicolas,  notables, 
furent  adjoints  pour  la  taxe  des  vins  de  cabaret. 

A  peine  installée,  la  municipalité  se  hâte  d'inau- 
gurer son  administration  par  un  abus  de  pouvoir. 
L'occasion  ne  nous  manquera  d'ailleurs  pas  de  signa- 
ler de  nombreux  empiétements  de  l'autorité  civile  sur 
l'autorité  ecclésiastique.  L'origine  de  tous  les  excès 
de  la  Révolution  se  trouve  là,  dans  l'exercice  illégal  du 
pouvoir  ;  les  corps  constitués  dépassent  leur  mandat 
et  se  jettent  violemment  dans  l'arbitraire. 

Les  éléments  de  cette  municipalité  étaient  excel- 
lents, animés  des  meilleures  dispositions;  mais  il 
fallait,  pour  résister  à  ce  vent  d'innovations  qui  soufflait 
dans  toutes  les  zones,  dans  les  petites  et  dans  les 
grandes  assemblées,  un  tempérament  de  résistance, 
un  équilibre  d'intelligence  et  de  volonté  qui  fît  géné- 
ralement défaut  aux  gouvernants ,  et  c'est  pour  cela 
que  la  porte  fut  grande  ouverte  à  toutes  les  tempêtes, 
à  toutes  les  catastrophes. 

Depuis  la  suppression  du  chapitre  diocésain,  l'heure 
des  offices  paroissiaux  avait  été  modifiée  ;  à  tort  ou  à 
raison,  les  fidèles  se  plaignaient.  La  municipalité  se 
substitue  à  l'autorité  ecclésiastique,  qui  seule  avait 
droit  d'examiner  si  ces  plaintes  étaient  justifiées  et  de 
donner  des  ordres  aux  curés.  Elle  délibère  que  les 
curés  «  seront  tenus  de  célébrer  deux  messes  de  pa- 
roisse, chaque  fête  et  dimanche,  avec  l'instruction  por- 
tée par  les  règlements  diocésains,  »  Elle  fixe  même 
l'heure  des  offices  pour  les  diverses  époques  de  Tan- 
née. Premier  empiétement^  assez  anodin  celui-là, 
mais  on  ne  s'arrête  pas  en  si  bon  chemin.  Encore  quel- 
que temps  et  on  entrera  hardiment  dans  le  sanctuaire 
pour  violenter  la  conscience  des  prêtres  et  des  fidèles. 

Peut-être  que  dans  la  confusion  d'idées  qui  se  faisait 


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415 

alors  dans  les  esprits  les  municipaux  de  Saint-Lizier 
regardèrent-ils  cet  acte  d'illégitime  ingérence  comme 
Texercice  de  la  police  communale  qui  rentrait  dans 
leurs  attributions.  Cette  bonne  foi  pourrait  être  une 
excuse  à  nos  yeux. 

Le  départ  du  nombreux  personnel  qui  entourait 
Tévêque  avait  sensiblement  diminué  la  consommation 
de  la  viande  ;  les  habitants  fraudaient  la  taxe  :  le  fer- 
mier de  la  boucherie  communale,  Jean  Rouan,  porte 
plainte  à  la  municipalité  et  déclare  qu41  résilie  d'ores 
et  déjà  le  bail  à  ferme  si  les  conditions  y  énoncées  ne 
sont  pas  observées.  Le  bureau  de  police,  «  ouï  le  fer- 
mier de  la  commune  et  ses  conclusions  tendant  à  ce 
qu'il  soit  rendu  une  ordonnance  prohibitive  de  four- 
nitures de  viande  par  les  habitants  de  la  ville,  ordonne 
ce  qui  suit  : 

Art.  1.  —  Faisons  défense  à  tous  les  habitants  de  Saint-Lizier  et 
sa  banlieue  de  se  pourvoir  de  viande  ailleurs  que  dans  la  bou- 
cherie de  la  ville,  à  peine  de  coniiscation  de  ladite  viande  qui  sera 
conCsquée  au  profit  de  Rouan,  boucher. 

Art.  n.  —  Exceptons  néanmoins  de  ladite  défense  ceux  qui  se 
pourvoient  au  petit  banc  de  boucherie  de  Saint-Girons  en  brebis  et 
vache,  lesquels  conserveront  la  liberté  comme  auparavant,  sans 
payer  aucun  droit. 

Art.  m.  —  Enjoignons  au  boucher  de  tenir  fidèlement  toutes  les 
conditions  de  son  bail,  sous  les  peines  y  contenues  ;  et  pour  éviter 
la  tuerie  d'animaux  qui  ne  seraient  pas  sains  ou  seraient  de  mau- 
vaise qualité,  lui  faisons  défense  expresse  de  tuer  aucun  bœuf 
pendant  la  nuit,  sans  Tavoir  exposé  devant  sa  porte  et  appelé  un 
ofQcier  municipal  pour  en  faire  la  visite,  sous  peine  de  confiscation 
et  d'une  amende  qui  sera  arbitrée  suivant  le  cas. 

Art.  IV.  —  Invitons  les  habitans  à  dénoncer  à  la  municipalité 
toutes  les  contraventions  commises  par  le  boucher  et  de  porter 
leurs  plaintes. 

Fait  à  l'Hôtel-de-Ville,  le  30  novembre  1790. 

BES80N,  DAHGEIN,  VILLA. 


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446 


II 


Installation  du  tribunal.  —  Liste  des  assesseurs  du  juge' de  paix. 
—  Bureau  de  conciliation.  —  Besson,  maire  —  Garthage  veille  et 
Rome  se  défend.  —  Sectionnement  de  la  commune.  —  Serments 
civiques.  —  Rumeurs  populaires.  —  Arrêté  de  police.  —  Demande 
d'un  bureau  de  poste.  —  La  force  prime  le  droit.  —  Curés  asser- 
mentés. —  Fuite  du  roi  et  convocation  de  la  garde  nationale.— 
Nomination  de  régents.  —  Effervescence  religieuse.  —Nouvel 
arrêté  de  police.  —  Affaire  des  non-conformistes. 


Veuve  de  son  ancien  chapitre,  qui  avait  été  son 
orgueil  et  sa  principale  source  de  prospérité  pendant 
de  longs  siècles,  la  ville  de  Saint-Lizier  obtint  une 
compensation  dans  la  concession  du  tribunal  du  dis- 
trict. M.  de  Rozès,  président  du  district,  notifia  à  la 
municipalité  qu'elle  pouvait  procéder  à  l'installation 
des  juges.  Sans  retard  furent  prises  les  dispositions 
suivantes  : 

«  L'installation  aura  lieu,  vendredi  prochain  10 
décembre,  après  la  messe  du  Saint-Esprit,  à  laquelle 
les  membres  du  conseil  général  de  la  commune  et 
tous  les  citoyens  sont  invités  à  assister  avec  les  juges. 
Afin  de  donner  plus  d'éclat  à  cette  solennité,  les  mem- 
bres du  conseil  général  et  les  juges  partiront  de  la 
maison  commune  pour  se  rendre  en  ordre  à  l'église, 
escortés  de  la  garde  nationale  ;  trois  coups  de  coule- 
vrine  et  de  canon  seront  tirés  la  veille  de  la  fête,  au 
moment  du  départ  du  cortège  pour  l'église,  et  à  l'ins- 
tant de  la  prestation  du  serment.  A  cri  public  et  par 
affiche  les  habitants  de  la  commune  de  tout  âge  et  de 
tout  sexe  seront  invités  à  prendre  part  à  la  cérémonie 
pour  témoigner  de  leur  vif  enthousiasme.  » 

A  la  dernière  heure  survinrent  des  difficultés  impré- 
vues —  des  raisons  de  délicatesse  qu'on  ne  pouvait 
mettre  au  jour  —  et  qui  firent  demander  à  la  municipa- 


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«7  . 

lité  rajournement  de  riristallation.  Mais  des  bruits  fâ- 
cheux se  répandent  dans  le  public  qui  murmure  con- 
tre cet  ajournement  indéfini.  Le  procureur  de  la  com-^ 
mune  se  fait  Técho  de  ces  plaintes  et  des  soupçons  du 
peuple,  et  la  municipalité  le  députe  auprès  de  M.  de 
Rozès  pour  le  prier  de  fixer  définitivement  Tinstalla- 
tion  du  tribunal  au  mardi  21  décembre.  Il  fut  ainsi 
coupé  court  aux  rumeurs  malveillantes.  Saînt-Lizier 
avait  toujours  à  craindre  la  rivalité  de  Saint-Girons  et 
la  sympathie  de  l'administration  du  district  pour  sa 
cause;  c'était  assez  pour  mettre  en  éveil  l'imagination 
populaire  et  lui  faire  voir  dans  ce  retard  volontaire  un 
complot  contre  ses  intérêts. 

Le  jour  venu,  la  cérémonie  s'accomplit  pompeuse- 
ment suivant  le  programme.  M.  le  maire  souhaite  la 
bienvenue  aux  membres  du  tribunal  ;  M.  Dauby  père, 
nommé  premier  juge,  à  son  tour  prend  la  parole  : 

a  Messieurs^  je  viens  déposer  parmi  vous  la  place 
honorable  que  vous  m'avez  confiée.  Vos  bontés  avalent 
mis  le  comble  à  mes  désirs,  lorsque  j'appris  que  quinze 
jours  plus  tôt  le  roi  m'avait  fait  l'honneur  de  me  nom- 
mer son  commissaire  auprès  du  même  tribunal.  J'ai 
depuis  flotté  entre  la  crainte  et  l'espérance  ;  mais  pressé 
par  mes  devoirs  et  plein  de  confiance  en  vos  bontés, 
je  me  suis  flatté  que  votre  amitié  me  suivrait  partout. 
C'est,  Messieurs,  dans  cet  espoir  que  je  passe  aux 
fonctions  de  ministère  public,  bien  pénétré  de  cette 
pensée  qu'un  citoyen  plusieurs  fois  honoré  de  la  con- 
fiance de  la  patrie  ne  doit  pas  se  croire  au-dessous  de 
la  confiance  des  rois. 

»  En  sortant  du  rang  de  juge  auquel  vos  bontés 
m'avaient  appelé,  une  tendresse  saisit  mon  cœur  ;  par- 
donnez mon  trouble  et  ma  sensibilité.  Le  regret  abré- 
gerait mes  jours  si  je  ne  demeurais  indissolublement 
attaché,  autant  par  mes  fonctions  que  par  mon  amour 
de  la  patrie,  à  mes  confrères  si  dignes  de  Testime  et  de 

Rfv»  Di  GoMMiiioit,  3«  trimeitre  1894.  Tom  IX.  —  9. 


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448 

la  confiance  publique,  à  ce  tribunal  auquel  je  me  ferai 
un  devoir  de  consacrer  jusqu'à  la  fin  de  ma  carrière 
mes  travaux,  mes  hommages,  mes  respects,  de  toute 
la  force  de  mon  zèle  patriotique.  Obligé  par  devoir  et 
par  reconnaissance  à  travailler  à  votre  félicité,  je  met- 
trai toute  ma  gloire  à  justifier  votre  choix  et  celui  du 
meilleur  des  rois. 

»  C'est,  Messieurs,  avec  tous  ces  sentiments  de 
crainte,  d'amour,  de  respect  déployés  dans  mon  cœur, 
que  je  déclare  me  démettre  de  la  place  de  premi^* 
juge,  à  laquelle  j'ai  été  élu  par  les  suffrages  touJ4>urs 
adorables  de  la  patrie,  et  que  j'accepte  l'office  d^  com- 
missaire du  roi  auquel  j'avais  été  antériearement 
nommé  par  la  bonté  du  monarque  du  moqde  le  plus 
chéri.   » 

Après  ce  discours  empreint  des  habitudes  oratoires 
du  temps,  il  est  procédé  à  l'installation  et  prestation 
de  serment  des  sieurs  Arexy  et  Mouroux,  en  vertu  des 
lettres  patentes  du  11  novembre,  et  du  sieur  Estaque, 
suppléant,  qui  prend  la  place  du  premier  juge  Dauby, 
démissionnaire. 

Il  restait  deux  juges  encore  à  installer,  les  sieurs 
Bonin  et  Delage  qui  ne  prirent  possession  de  leurs 
sièges  que  dix  jours  après,  la  vérification  de  leurs 
titres  n'ayant  pas  pu  être  achevée  à  ce  jour. 

Puis  encore,  on  procédp?-^  l'installation  de  M.  de 
Saint-Blanquat,  à  titre  déjuge  de  paix. 

Les  juges  étant  sur  leurs  sièges,  M.  le  président  du 
district  ordonna  l'enregistrement  des  lettres  patentes 
des  juges  du  tribunal  et  le  procès-verbal  de  la  nomi- 
nation du  juge  de  paix. 

Conformément  aux  droits  constitutionnels,  l'élec- 
tion des  juges  du  tribunal  appartenait  aux  électeurs  du 
district  ;  le  roi  devait  confirmer  cette  nomination  qui 
ne  devait  être  valable  que  pour  six  ans. 

Le  juge  de  paix  était  l'élu  des  citoyens  actifs  de 


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149 

toutes  les  municipalités  du  canton.  A  l'élection  qui 
avait  eu  lieu  le  14  décembre  1790  en  Téglise  de  Saint- 
Lizier,  M.  de  Saint-Blanquat  avait  recueilli  273  suffra- 
ges sur  347  votants. 

Dans  cette  même  assemblée  électorale,  il  avait  été 
procédé  au  choix,  par  le  suffrage,  de  quatre  notables 
qui  devaient  remplir,  dans  chaque  municipalité  du 
canton,  les  fonctions  d'assesseurs  du  juge  de  paix. 

Nous  avons  la  liste  complète  de  ces  assesseurs  qui 
reproduit  les  noms  des  principaux  notables  de  chaque 
localité. 

Saint-Lizier  :  Berges  et  Cours,  négçrciants,  Bergés- 
Montfort  et  Micas,  bourgeois. 

Gajan  :  Mouroux,  Mathieu  Méda,  G.  Dubouch  et 
Jacques  Dubouch. 

Taurignan  (V)  :  Boé  de  Gorces,  R.  Anglade,  Jean 
Cassède,  Michel  Balagué. 

Taurignan  (C)  :  Jérôme  Daran,  A.  Dedieu,  A.  Cazaux, 
J.  Galey. 

Mercenac:  Bousquet,  Jean  Pouche,  Joseph  Pouche, 
Jean  Baron. 

Bajert:  P.  Abrial^  Lizier  Feuiilerat,  Jean  Soumet, 
Jean  Côutanceau. 

Befcchat:  Villeneuve^  A.  Martres,  Anglade  Jourdain, 
J.-P.  Sajoux. 

Caumont:  B.  Anouilh  dit  Hil,  Bertrand  Anouilh, 
G.  Méda  et  Jean  Méda. 

Lacave:  Boussion,  J.  Anouilh^  Anouilh  du  Castet, 
Pierre  Montégut. 

Labastide:  La  Rivière,  Longue-Bace,  J.  Fréche, 
Videan  Soux. 

Mauvezin  ;  J.-P.  Anouilh,  J.  Ripouil,  Fr.  Duclos, 
Jean  Anouilh. 

Prat  et  Bonrepaux  :  Peyré^  Adema,  Bordes,  Dupin. 
Cazavet  :  G.  Delboy,  Moulis,  avocat,  L.  Feuiilerat, 
A.  Lozo. 


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420 

Montgauch:  Elie  Pons,  Girons  Berges,  J.  Arné, 
Gabriel  Ortet. 

Sentaraille  et  Lorp:  Lizier  Bernère,  J.  Barbe, 
J--P.  Renalier^  Arnaud  Icar. 

Montjoy:  Manaud  Bergerac,  Manaud  de  Montjoy, 
L.  Dedieu,  Dominique  Rives. 

Il  y  avait  encore  à  procéder  à  la  formation  du  bureau 
de  conciliation,  ou  bureau  de  paix  du  district,  dans  les 
formes  prescrites  par  le  décret  du  16  août.  MM.  de 
Roquemaurel,  ci-devant  chanoine  du  chapitre,  et 
Dupré,  avocat,  furent  unanimement  nommés  comme 
hommes  de  loi  ;  Dargein-Dupont,  Besson,  Saurat  et 
Duclos  père  furent  élus  au  scrutin  de  liste. 

Trois  prêtres  et  trois  laïques  formaient  ce  petit 
sénat  judiciaire.  Nous  aurons  d'ailleurs  bien  des  fois 
l'occasion  de  remarquer  l'élément  ecclésiastique  appelé 
aux  assemblées  communales,  judiciaires  et  politiques, 
dans  cette  petite  ville  où  d'ailleurs  le  prêtre  avait 
occupé  un  rôle  toujours  considéruble. 

Pour  compléter  le  personnel  de  la  justice,  les  juges 
demandèrent  qu'il  leur  fût  adjoint  six  prud'hommes 
pour  les  procédures  criminelles  ;  le  conseil  général 
délégua  à  cet  effet  les  sieurs  de  Villa,  Cours,  La  Grasse, 
Seillé,  Brondes  et  Duclos  père. 

Enfin  cette  grande  question  judiciaire  qui  avait  tant 
préoccupé  les  esprits  était  réglée  et  l'on  pouvait,  ce 
semble,  à  l'ombre  de  cet  établissement  si  longtemps 
désiré  dormir  tranquille.  Les  intérêts  étaient  gardés, 
l'honneur  sauf;  Rome  avait  vaincu  Carthage,  mais 
Carthage  prendra  sa  revanche  et  humiliera,  à  son 
tour,  sa  rivale. 

Au  Capitole  de  Saint-Lizier,  il  y  avait  un  siège 
vacant,  celui  du  très  honorable  et  très  estimé  Lingua 
de  Saint-Blanquat  qui  avait  opté  pour  les  fonctions  de 
juge  de  paix.  On  consulta  les  électeurs,  qui  remirent 


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Técharpe  à  M.  Besson,  et  le  secrétariat  à  l'architecte 
Berges.  Dès  le  début  de  son  édilité,  le  nouveau  maire 
va  se  trouver  aux  prises  avec  de  nombreuses  difficul- 
tés ;  il  lui  faudra,  pour  en  venir  à  bout,  une  intelligente 
et  persévérante  énergie.  La  première  question  à  tran- 
cher est  celle  de  l'installation  des  services  judiciaires 
dans  un  local  assez  vaste.  Il  faut  aussi  trouver  dans  la 
petite  ville  des  logements  convenables  pour  les  juges, 
hommes  de  lois  et  tous  autres  officiers  ministériels 
attachés  aux  tribunaux  ;  c'est  de  ce  côté-là  que,  main- 
tenant, Saint-Girons  dirigeait  ses  batteries,  alléguant 
que  le  personnel  du  tribunal  ne  pouvait  fixer  sa  rési- 
dence à  Saint-Lizier^  ville  absolument  dépourvue  de 
logements  et  de  ressources  alimentaires  nécessaires  à 
une  vie  confortable. 

Ferrier,  le  nouveau  procureur  de  la  commune, 
découvre  la  nouvelle  manœuvre  des  Sâint-Gironnais, 
et  la  signale  à  ses  concitoyens.  «  Ne  vous  dissimulez 
pas,  concitoyens,  leur  dit-il  ',  les  efforts  des  habitants 
de  Saint-Girons,  pour  obtenir  le  transfert  du  tribunal 
du  district  dans  leur  ville.  Il  n'est  pas  d'imagination 
qu'ils  n'emploient  pour  y  réussir,  en  décriant  celle  de 
Saint-Lizier,  sur  la  difficulté  des  logements,  sur  le 
défaut  d'auberge,  et  sur  mille  autres  prétextes  aussi 
faux  que  frivoles.  On  peut  encore  moins  se  dissimu- 
ler la  coalition  des  juges  entre  eux  et  avec  les  hom- 
mes de  lois  qui  sont  domiciliés  à  Saint-Girons;  ces 
manœuvres  ne  tendent  qu'à  éluder  l'exécution  du 
décret  qui  ordonne  la  résidence  des  juges  dans  le  lieu 
du  tribunal. 

«  On  débite  ouvertement  que  quelques  juges^  s'unis- 
sant  aux  démarches  des  hommes  de  lois,  ont  envoyé  à 
l'Assemblée  nationale  des  mémoires  dans  lesquels  ils 
exposent  que,  les  deux  villes  n'étant  distantes  que  d'un 
quart  de  lieue,  le  service  du  tribunal  n'aurait  nuUe- 

1.  AsMmblée  da  €k»nsfil  général  de  la  commune  du  28  janvier  1791. 


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139 

ment  à  souffrir  de  la  résidence  des  juges  à  Saint-Girons. 
Mais  ils  ont  sans  doute  ajouté  quelques  motifs  aussi 
peu  raisonnables  et  aussi  peu  vrais  pour  obtenir  le 
succès  de  leur  demande  ;  le  triomphe  sans  mystère 
que  montrent  les  habitants  de  Saint-Girons  et  leurs  jac- 
tances donnent  lieu  à  cette  conjecture.  Il  ne  fut  jamais, 
Messieurs,  de  circonstances  plus  affligeantes  pour  cette 
ville  ;  elle  possédait  un  évêque  et  un  chapitre  dont  les 
richesses  s'y  répandaient  et  dont  la  suppression  lui  est  si 
préjudiciable.  Elle  trouvait  un  léger  dédommagement  à 
ses  pertes  dans  l'existence  d'un  tribunal  ;  elle  devait  se 
tranquilliser  sur  sa  stabilité  si  fortement  prononcée  par 
les  décrets.  Mais  que  ne  peuvent  pas  des  manœuvres 
perfides  que  Ton  emploie  pour  surprendre  les  augus- 
tes représentants  de  la  nation?  Que  ne  peuvent  pas 
les  efforts  de  la  calomnie  et  du  mensonge  colorés  du 
prétexte  du  bien  public?  Que  ne  peut  pas  l'intérêt  des 
juges  domiciliés  à  Saint-Girons  qui  mettront  tout  en 
œuvre  pour  ne  pas  se  déplacer,  et  pour  entraîner  à 
force  de  sollicitations  les  juges  étrangers?  Nous  les 
voyons  déjà  chanceler  sur  le  parti  qu'ils  ont  à  pren- 
dre. Que  ne  peuvent  pas  enfin  les  tournures  insidieu- 
ses des  hommes  de  lois  de  Saint-Girons,  qui  trouve- 
raient plus  commode  de  ne  pas  se  déplacer  et  d'éviter 
un  quart  de  lieue  de  marche  pour  venir  aux  audiences. 

»  Le  danger,  Messieurs,  est  grand,  excite  notre 
vigilance,  pour  mettre  des  obstacles  aux  projets  qu'on 
médite  contre  nous  ;  c'est  en  détruisant  les  prétextes 
dont  on  se  sert  pour  vous  nuire  et  en  montrant  leur 
fausseté,  et  en  mettant  au  grand  jour,  sans  aucun 
ménagement,  les  moyens  injustes  qu'on  emploie  ;  c'est 
surtout  en  requérant  d'ores  et  déjà  l'exécution  de 
l'article  III  du  décret  du  25  août  qui  ordonne  que  les 
juges  du  district  résideront  assidûment  dans  le  lieu 
où  le  tribunal  est  établi.  C'est  à  quoi  je  conclus.   » 

Emus  par  l'éloquente  parole  de  leur  procureur,  qui 


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483  . 

a  si  bien  mis  en  lumière  les  dangers  qui  menacent 
leur  honneur  et  leurs  intérêts,  les  conseillers  géné- 
raux de  la  commune  prennent  de  viriles  résolutions. 
11  est  unanimement  délibéré  que,  le  mercredi  suivant, 
le  maire  et  les  officiers  municipaux,  en  tel  nombre 
qu'ils  jugeront  à  propos,  seront  députés  devers  MM.  les 
juges  et  commissaires  du  roi,  à  la  sortie  de  l'audience, 
pour  les  prier  de  vouloir  bien  établir  de  suite  leur  rési- 
dence à  Saint-Lizier.  Au  cas  où  dans  le  délai  de  huii 
jours  ils  n'auraient  obtempéré  à  leurs  prières,  le  pro- 
cureur de  la  commune  signifiera  individuellement  à 
M.  Darexy,  M.  Delage,  M.  Estaque,  juges,  etM.  Dauby, 
commissaire  du  roi,  un  acte  portant  extrait  de  l'arti- 
cle III  du  décret  du  16  août,  avec  sommation  d'avoir  à 
lui  obéir. 

La  présente  délibération  sera  envoyée  à  l'Assemblée 
nationale  avec  un  court  mémoire,  pour  la  supplier 
d'ordonner  l'exécution  de  ses  décrets  sur  la  résidence 
des  juges. 

Perdre  une  heure,  c'était  s'exposer  à  perdre  le  fruit 
de  plusieurs  années  d'efforts.  Aussi  se  mit-on,  sans 
délai,  en  quête  d'un  protecteur  actif  qui  voulût  bi^n 
s'intéresser  à  cette  affaire  et  la  recommander  à  la  bien- 
veillante justice  des  pouvoirs  publics.  Des  trois  dépu- 
tés du  Couserans,  l'un  était  absent,  l'autre  n'avait 
jamais  établi  aucune  correspondance  avec  la  munici- 
palité de  Saint-Lizier,  et  le  troisième,  accablé  d'infir- 
mités, était  exposé  à  ne  pouvoir  donner  ses  soins  aux 
affaires  qu'on  lui  recommandait.  Ils  eurent  la  pensée 
de  s'adresser  à  M.  Dupré,  député  de  Carcassonne,  leur 
compatriote. 

M.  de  Saint-Blanquat,  qui  dans  ses  missions  extraor- 
dinaires auprès  de  l'Assemblée   nationale   avait  eu 
.  roccasion  de  nouer  des  relations  avec  les  députés  du 
pays  de  Foix,  Vadier  et  Bergasse-Laziroule,  les  assura 
de  toute  leur  sympathie.  C'étaient  des  éléments  de 


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494 

succès  trop  précieux  pour  qu'on  les  négligeât.  On 
adressa  donc  à  Vadier  et  à  Bei^^asse^  comme  on  Tavait 
fiait  au  député  de  Carcassonne,  une  copie  du  mémoire 
expédié  à  l'Assemblée  nationale. 

Il  fallait  encore  prévenir  les  objections  que  Ton  ferait 
en  haut  lieu  :  Où  avez-vous  un  inmieuble  assez  vaste 
pour  Tinstallation  des  services  judiciaires?  L'immeu- 
ble existait,  mais  il  était  passé,  depuis  quelques  mois, 
çptre  les  mains  de  la  nation.  Pour  Tacquérir,  le  louer, 
ou  se  l'approprier,  il  fallait  l'agrément  du  directoire 
du  district,  du  directoire  du  département,  et  de  l'As- 
semblée nationale.  C'étaient  bien  des  autorités  à  con- 
sulter, et  partant,  beaucoup  de  temps  perdu  dans  les 
multiples  formalités  de  la  bureaucratie. 

Le  directoire  du  district,  comme  on  devait  bien  s'y 
attendre,  désapprouve  le  projet  de  la  municipalité  de 
Saint-Lizier,  qu'elle  taxe  «  d'irréfléchi  »,  dissimulant 
ainsi  fort  mal  son  dépit.  Sans  retard,  les  citoyens 
Seillé,  oflicier  municipal,  etBonin,  notable,  sont  envo- 
yés auprès  du  directoire  du  département  ;  ils  revien- 
nent de  Foix  avec  un  avis  favorable.  En  conséquence, 
et  afin  de  déjouer  les  plans  des  adversaires,  le  conseil 
général,  c  considérant  que  les  mémoires  auxquels  le 
département  a  répondu  d'une  manière  propice,  et  qui 
ont  été  envoyés  à  l'Assemblée  nationale  pour  obtenir 
un  décret  qui  fixe  rétablissement  du  tribunal  au  ci- 
dex'ant  évêché,  ne  pou\'ant  avoir  qu'un  plein  succès, 
l'instance  que  font  MM.  les  juges  pour  leur  installa- 
tion immédiate  doit  être  acceptée.  »  Les  salles  indi- 
quées dans  le  plan  général  des  réparations  n'étant 
pas  encore  aménagées,  on  leur  assigna  la  grande  salle 
d'entrée  pour  la  tenue  de  leurs  audiences. 

Entre  temps^  on  apprend  que  la  viHe  de  Saint- 
Girons  a  sollicité  et  obtenu  l'adhésion  de  plusieurs 
municipalités  à  son  projet,  et  qu'elle  vient  d'envoyer  à 
l'Assemblée  nationale  un  député  chargé  de  faire  valoir 


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4S5 

les  arguments  qui  militent  en  sa  faveur.  Grand  émoi 
dans  la  cité  couseranaise  ;  à  tout  prix  il  faut  éviter  un 
échec-  On  sait  que,  généralement,  les  absents  ont 
tort  ;  Saint-Girons  a  envoyé  un  avocat  habile,  Saint- 
Lizier  enverra  un  diplomate  de  talent.  On  a  sous  la 
main  un  homme  expert,  qui,  jusqu'ici^  a  traité  ces 
affaires  auprès  des  grands  avec  succès;  on  aura 
recours  encore  à  son  dévouement  en  cette  circonstance. 
M.  de  Saint-Blanquat  accepte  encore,  cette  fois,  d'aller 
à  Paris,  plaider  la  cause  de  sa  ville  natale. 

Dans  sa  séance  du  24  juillet  1791,  le  conseil  géné- 
ral de  la  commune  vota,  pour  les  frais  de  voyage  et  de 
séjour  de  son  député  dans  la  capitale,  la  somme  de 
deux  mille  quatre  cents  livres.  Les  officiers  munici- 
paux furent  autorisés  a  à  obliger  la  commune  en 
général,  pour  la  validié  et  garantie  de  l'emprunt  de  la 
dite  somme.  » 

Malgré  la  vente  des  biens  du  clergé  et  rémission  de 
plus  d'un  milliard  d'assignats^  le  Gouvernement  se 
trouvait  dans  d'inextricables  embarras  financiers. 
L'ancien  système  fiscal  avait  été  aboli  et  un  nouveau 
genre  de  contribution  imposé  sur  la  propriété  fon- 
cière avait  été  voté  par  l'Assemblée  nationale  et  accepté 
par  le  roi,  le  i^^  décembre  1790.  Pour  faciliter  l'éta- 
blissement de  cet  impôt,  il  était  enjoint  aux  municipa- 
lités de  diviser  en  sections  le  territoire  de  leurs  com- 
munes. 

ConiFormément  à  cette  loi,  la  ville  de  Saint-Lizier 
fut  partagée  en  trois  sections  :  la  cité^  la  ville  basse,  et 
les  faubourgs  ;  la  campagne  fut  divisée  en  neuf  sec- 
tions :  les  Grées,  l'Aire  d'Antichamp,  les  Gaillardoux, 
les  Bailes  etMontfort,  Pierre-Rouge,  le  Marsan,  Pote- 
rolcs  et  Cornecuou,  Monredon,  Saint-Blanquat. 

A  Paris,  les  événements  marchaient  avec  une  rapi- 
dité qu'il  était  peut-être  difficile  à  l'action  humaine 


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486 

d'arrêter  :  les  ordres  religieux  avaient  été  supprimés, 
les  biens  ecclésiastiques  confisqués,  les  anciennes  juri- 
dictions diocésaines  modifiées  ou  détruites.  Tous  ces 
changements,  violemment  introduits  dans  l'Église  de 
France,  avaient  profondément  troublé  les  esprits  ;  pas 
de  cause  plus  féconde  d'irritation  et  de  malheurs  que 
cette  malheureuse  constitution  civile  du  clergé. 

Le  roi,  dans  une  heure  de  faiblesse  et  dirigé  par  des 
conseils  timorés,  eut  le  malheur  de  la  sanctionner  de 
sa  haute  autorité  :  il  ne  restait  plus  à  l'Assemblée 
constituante  qu'à  en  assurer  l'entière  et  immédiate 
exécution.  Elle  prescrivit  donc,  le  27  novembre  1790, 
à  tous  les  évêques,  curés  et  ecclésiastiques  en  exer- 
cice^ de  prêter  le  serment  de  «  veiller  avec  soin  sur 
les  fidèles  qui  leur  sont  confiés,  d'être  fidèles  à  la 
nation)  à  la  loi,  au  roi.  d 

Le  serment  devait  être  prêté  un  jour  de  dimanche, 
à  l'issue  de  la  messe,  dans  l'église  et  devant  les  auto- 
rités civiles  ;  ceux  qui,  dans  le  délai  fixé  par  la  loi, 
n'auront  pas  prêté  serment,  seront  réputés  avoir 
renoncé  à  leurs  bénéfices. 

«  C'était  là,  dit  un  historien,  que  Dieu  attendait  les 
ministres  de  ses  autels;  c'était  l'épreuve  qu'il  avait 
permise  afin  que  son  Église  en  sortît  épurée  par  la 
persécution  et  régénérée  par  le  martyre.  Ses  adora- 
bles desseins  devaient  s'accomplir*.  » 

Ce  fut  le  dimanche  30  janvier  1791,  que  les  deux 
curés  de  Saint-Lizier  se  soumirent  aux  prescriptions 
de  la  loi.  Une  délégation  du  conseil  général  de  la  com- 
mune se  transporta  d'abord  à  l'église  paroissiale,  où 
le  curé  Jean  Saurat  prêta  le  serment  en  ces  termes  : 

a  Je  jure  d'être  fidèle  à  la  nation,  à  la  loi  et  au  roi  ; 
de  veiller  avec  soin  sur  les  fidèles  qui  me  sont  ou  seront 
confiés  par  l'Église,   et  de  maintenir,  de  tout  mon 


1.  Am.  Gabourd,  Hittoire  de  Franee,  l.  xviii,  p.  366. 


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487  . 

pouvoir,  en  tout  ce  qui  est  de  l'ordre  politique,  la 
constitution  décrétée  par  l'Assemblée  nationale  et 
acceptée  par  le  roi,  exceptant  formellement  les  objets 
qui  dépendent  essentiellement  de  la  puissance  spiri- 
tuelle. T> 

Puis,  se  rendant  à  l'église  de  Notre-Dame,  la  même 
délégation  reçut  le  serment  exprimé  dans  les  mêmes 
termes  par  le  curé  Durau. 

Mais  ce  ne  furent  là  que  des  défaillances  d'un  jour, 
que  l'histoire  explique,  et  que  la  conscience  absout 
quand  le  serment  n'est  donné  qu'avec  des  restrictions 
qui  sauvegardent  les  droits  de  l'Église.  L'âme  géné- 
reuse de  ces  deux  prêtres  se  révolta  quand  le  pouvoir 
civil  exigea  le  serment  saris  condition,  et  tous  deux 
aimèrent  mieux  demeurer  fidèles  à  leur  foi  que  de 
plaire  aux  maîtres  du  jour.  Nous  les  verrons  bientôt 
remplacés  dans  leurs  fonctions  pastorales  par  d'autres 
ecclésiastiques  moins  soucieux  de  leur  dignité  sacer- 
dotale. 

Rien  de  plus  sacré  que  les  droits  de  la  conscience, 
rien  de  plus  délicat  que  le  sentiment  religieux;  le 
plus  léger  froissement  l'irrite  et  le  dispose  à  la  révolte. 
On  le  vit  bien  à  Saint-Lizier,  lorsqu'on  voulut  imposer 
le  serment  schismatique  à  son  clergé.  L'esprit  droit 
et  robuste  du  peuple,  qui  ne  se  laisse  pas  leurrer  pSr 
des  subtilités  théologiques,  ne  vit  là  qu'un  acte  tyran- 
nique^  une  violation  flagrante  des  droits  les  plus 
sacrés.  «  On  n'entend  plus,  dit  un  rapport  officiel, 
dans  la  campagne  et  dans  les  rues  de  la  ville,  que  des 
propos  séditieux  et  menaçants,  poussant  à  la  révolte 
contre  le  serment  exigé,  propos  capables  de  causer 
les  plus  grands,  désordres  en  altérant  la  tranquillité 
publique,  en  aigrissant  les  esprits  et  en  provoquant 
des  dissensions  parmi  les  citoyens.  » 

L'irritation  était  arrivée  à  tel  point  que  la  munici- 
palité crut  devoir  prendre  des  mesures  de  police. 


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49B 

«  Considérant,  dit  rairêté',  combien  il  est  de  notre 
devoir  et  de  notre  sollicitude  de  prévenir  les  insur- 
rections dont  les  exemples  ont  été  si  funestes  dans 
d'autres  contrées  et  dont  nous  avons  eu  le  bonheur  de 
nous  garantir; 

»  Considérant  que  nul  prétexte  d'opinions  différen- 
tes en  matière  de  politique  et  de  religion  ne  peut 
autoriser  aucun  citoyen,  de  quelque  qualité  qu'il  soit 
à  tenir  des  discours  qui  tendraient  à  ameuter  le  peu- 
ple, à  Tattrouper  et  à  troubler  la  tranquillité  publique; 

>  Considérant  les  peines  prononcées  par  lea  lois, 
tant  anciennes  que  nouvelles,  contre  ceux  qui  seraient 
reconnus  coupables  d'avoir  par  des  manœuyres  insi- 
dieuses, par  des  conseils  et  des  démarches  ouvertes 
ou  secrètes,  fomenté  et  provoqué  des  insurrections; 

»  Pour  éviter  à  nos  concitoyens  les  malheurs 
auxquels  ils  s'exposeraient,  s'ils  attiraient  sur  eux, 
par  leur  inainduite,  le  glaive  vengeur  des  lois  et  vou- 
lant les  prévenir; 

>  Nous,  maire  et  officiers  municipaux,  avons  arrêté 
ce  qui  suit  : 

.  >  Faisons  défense  à  toute  personne  de  quelque  qua- 
lité, âge  et  sexe  que  ce  soient,  de  s'assembler  dans 
les  rues  et  places  publiques  en  assez  grand  nombre 
pour  pouvoir  faire  présumer  des  attroupements  ; 

»  Leur  défendons  pareillement  de  se  répandre  en 
propos  séditieux  qui  tendraient  à  la  révolte,  à  ameuter 
le  peuple  et  à  former  des  insurrections,  de  donner 
directement  ou  indirectement,  sous  quelque  prétexte 
que  ce  soit,  des  conseils  pour  s'opposer  à  l'exécution 
des  lois,  de  former  à  cet  effet  aucune  coalition,  à  peine 
d'être  poursuivis  comme  perturbateurs  du  repos 
public.  > 

Ce  n'est  pas  seulement  l'ordre  public  que  devait 

1.  Arrclé  da  33  mm  1791. 


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429 

assurer  la  municipalité,  mais  elle  devait,  depuis  la 
suppression  de  la  mense  capitulaire,  assurer  l'hono- 
raire du  prédicateur  que  la  ville  avait  coutume  d'ap- 
peler, chaque  année,  pour  la  station  du  carême,  et 
aussi  la  rétribution  due  aux  régents.  Mais,  la  ville 
étant  sans  ressources,  le  district  dût  prendre  ces 
dépenses  à  sa  charge.  Déjà  se  faisaient  sentir,  pour  le 
budget  communal,  les  fâcheuses  conséquences  de  la 
suppression  de  Tévéché. 

La  présence  du  tribunal  du  district  et  d'un  buifegiu 
d'enregistrement  semblaient  donner  à  la  locaKté  une 
importance  suffisante  pour  pouvoir,  à  bon  dî^oit,  solli- 
citer la  création  d'un  bureau  de  poste.  Aussi  la  muni- 
cipalité fît-elle,  en  ce  sens^  des  démarches  auprès  de 
l'autorité  compétente,  a  Le  nombre  et  la  qualité  des 
habitants  de  notre  ville,  alléguait  la  pétition  s  leur 
donnent  des  correspondances  dans  toutes  les  parties 
du  royaume  et  même  dans  tous  les  pays  étrangers.  Ils 
ont  eu  très  souvent  à  se  plaindre  de  la  soustraction  de 
lettres  et  plus  encore  de  l'empressement  des  curieux 
à  examiner  les  adresses,  les  sceaux,  les  timbres, 
pour  en  scruter  le  contenu  et  en  tirer  des  inductions 
souvent  préjudiciables  à  beaucoup  de  citoyens. 

»  N'ayant  point  de  distributeur  dans  la  ville,  les 
lettres  restent  souvent  ignorées  dans  le  bureau  à 
Saint-Girons,  ou  sont  livrées  à  des  infidèles  qui  n'en 
font  point  la  remise;  qu'enfin  les  personnes  qui  se 
chargent  de  les  retirer  étant  illettrées,  elles  sont  forcées 
de  faire  lire  les  adresses  au  premier  venu,  d'où  il  est 
résulté  les  plus  grands  inconvénients  qui  ont  excité 
des  plaintes  continuelles.  ^ 

La  municipalité  faisait  d'ailleurs  valoir  que  la  dé- 
pense   qu'entraînerait  la  création  de  ce  bureau  ne 

1.8  mai  1791. 


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430 

serait  point  considérable,  puisque  le  courrier  qui 
aboutit  à  Saint-Girons  pourra,  en  passant,  remettre  à 
Saînt-Lîzier  le  paquet  qui  lui  est  adressé.  En  présence 
du  bénéfice  qu'en  retirera  le  public,  le  traitement  des 
commis  ne  peut  être  un  motif  d'hésitation. 

La  création  de  ce  bureau  de  poste  à  Saint-Lizier 
était  plus  qu'une  revanche  à  prendre  sur  Saint-Girons; 
C'était  une  institution  utile,  je  dirai  même  indispen- 
sable, dans  un  lieu  où  la  présence  d'un  tribunal  judi- 
ciaire devait  créer  un  continuel  mouvement  de  corres- 
pondances. 

*En  attendant  une  organisation  plus  complète  du 
service  postal,  Lizier  Faur,  qui  était  chargé  de  prendre 
au  directoire  du  district,  pour  les  distribuer  dans 
l'étendue  du  canton,  les  ordres  ou  décrets  de  l'admi- 
nistration, demeure  chargé  des  mêmes  fonctions.  Mais 
le  traitement  de  quatre-vingts  livres  qui  lui  était 
attribué  parut  insuffisant.  La  municipalité  le  porte  à 
cent  vingt  livres  et  notifie  sa  décision  au  directoire  du 
département,  afin  que  cette  somme  soit  imposée  aux 
diverses  municipalités  qui  composent  le  canton. 

Les  points  de  froissement  entre  les  deux  villes  voi- 
sines étaient  fréquents,  et  la  vieille  cité  décrépite 
me  semble  engager,  contre  sa  jeune  et  vigoureuse 
rivale,  la  lutté  du  pot  de  terre  contre  le  pot  de  fer. 

Édité  cent  ans  plus  tôt,  l'axiome  moderne  a  la  force 
prime  le  droit  »,  profondément  médité,  l'eût  sauvée  de 
beaucoup  de  déceptions. 

Ainsi,  ne  voilà-t-il  pas  que,  dans  la  nouvelles  cir- 
conscription des  cures,  le  village  de  Montjoie,  après 
mûre  réflexion,  avait  été  réuni  à  la  paroisse  de  Saint- 
Lizier,  en  compensation  de  l'annexe  de  Lara  et  Baudis 
qu'on  en  avait  détachée.  Saint-Girons  s'émeut,  s'agite, 
circonvient  la  commission  ;  le  plan  est  modifié  :  Mont- 
joie  ne  sera  plus  uni  à  Saint-Lizier,  mais  à  la  ville  de 


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Saink-Girons  ;  «  Dernier  traita  s'écrie  le  procureur  de 
la  commune  de  Saint-Lizier,  devant  la  municipalité 
assemblée',  dernier  trait  qui  peint  l'empressement  du 
directoire  à  ne  laisser  échapper  aucune  occasion  de 
saturer,  autant  qu'il  est  en  lui,  la  soif  inextinguible 
de  notre  rivale,  et  de  nous  soustraire  les  plus  pcîtits 
avantages;  ce  n'est  plus  l'amour  du  bien  des  peu- 
ples, ce  ne  sont  pas  leurs  besoins  spirituels  qui 
président,  suivant  les  intentions  de  nos  législateurs, 
à  la  circonscription  des  cures;  c'est  l'intérêt  plus 
ou  moins  sollicité  de  quelque  ville  ou  d'un  certain 
nombre  de  particuliers.  Le  directoire  du  district  de 
Saint-Girons  vient  de  nous  en  donner  hier  une  preuve 
convaincante.  » 

Cet  orateur,  qui  nous  semble  animé  de  cette  juste 
indignation  qui  fait  les  éloquents,  nous  paraît  assez 
jeune  dans  la  vie  politique.  Néanmoins,  ses  auditeurs 
qui  partagent  son  amertume  adressent,  sur  le  champ, 
au  directoire  du  département,  contre  la  conduite  des 
chefs  du  district  voisin,  un  mémoire  tendant  à  obtenir 
la  réunion  de  Montjoie  à  la  paroisse  de  Saint-Lizier. 
Les  motifs  de  cette  union  sont  nombreux  :  Montjoie  est 
plus  rapproché  de  la  ville  de  Saint-Lizier  que  de  la  ville 
de  Saint-Girons;  les  deux  territoires  sont  limitrophes; 
celui  de  Montjoie  s'étend  jusqu'aux  portes  de  Saint- 
Lizier;  les  Jiabitants  des  deux  lieux  sont  possesseurs  de 
terrains  dans  les  paroisses  respectives  ;  par  leur  com- 
munication habituelle,  ils  ne  semblent  d'ailleurs  faire 
qu'une  seule  et  même  communauté.  N'y  aurait-il  pas 
injustice  à  démembrer  une  pauvre  petite  ville  qui  ne 
compte  pas  dans  l'état  actuel  deux  mille  âmes,  pour 
agrandir,  outre  mesure,  une  ville  qui  en  compte  déjà 
plus  de  quatre  mille?  Tous  ces  considérants  sont 
fondés  sur  des  principes  de  justice  et  non  point  sur 

i.  Sétncedo  iOJoiai791. 


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432 

des  prétextes  d'intérêt;  aussi  a-t-on  lieu  d'espérer  que 
le  directoire  du  département  fera  à  la  présente  récla* 
mation  le  sympathique  accueil  qui  lui  est  dû. 

Nous  avons  vu  les  curés  de  Saint-Lizier  prêter  le 
serment  civique  avec  les  restrictions  formelles  qui, 
assurément,  ne  répondaient  pas  aux  intentions  schis- 
matiques  des  législateurs.  Aussi,  ce  serment  fut-il 
considéré  comme  non  avenu,  et  le  district  procéda,  le 
14  juin,  à  l'élection  de  leurs  remplaçants. 

M.  Saurat,  vicaire  de  Castelnau,  fut,  a  comme  très 
excellent  sujet  »,  désigné  par  les  suffrages  des  élec- 
teurs. Il  y  a  apparence  que  les  opinions  de  M.  Saurat 
n'étaient  pas  très  connues  de  ses  électeurs,  car  s'il 
avait,  lui  aussi,  prêté  serment,  mais  avec  des  réserves 
qui  sauvegardaient  les  droits  spirituels  de  l'Église,  il 
avait  ensuite  refusé  énergiquement  de  communiquer  à 
ses  fidèles  le  mandement  de  l'évêque  intrus,  M.  Font. 
Dans  la  suite  même,  il  mérita  l'honneur  d'être  incar- 
céré aux  prisons  de  Pamiers.  La  municipalité  de  Saint- 
Lizier,  heureuse  de  ce  choix,  lui  notifia  son  élection 
par  «  une  lettre  de  politesse.  »  Le  titulaire,  retenu 
dans  son  lit  par  ses  infirmités,  dut  décliner  l'honneur 
d'être  curé  d'une  des  paroisses  de  Saint-Lizier,  car 
nous  trouvons,  quelques  mois  après,  le  curé  Berges 
installé  à  sa  place. 

M.  Saurat,  vicaire  de  Castelnau,  était  destiné  à  suct 
céder  à  M.  Durau  dans  l'église  de  Notre-Dame  ;  nous 
ignorons  quel  fut  le  successeur  donné  par  les  suffrages 
populaires  à  M.  Jean  Saurat;  curé  de  l'églisç  dite 
d'en-bas  ;  toujours  est-il  que  les  nouveaux  titulaires 
se  montrèrent  très  obséquieux  à  l'égard  de  la  muni- 
cipalité. 

Labbé  Cau-Durban. 

{A  suivre.) 


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L'ÉGLISE  DE  SAINT-AVENTIN 


DE  LARBOUST 


Le  village  de  Saint-Aventin  est  situé  à  6  kilomè- 
tres, nord-ouest,  de  Luchon,  dans  la  vallée  de  T  Arboust 
(Haute-Garonne).  Il  est  traversé  par  la  route  thermale, 
qui  conduit  au  col  de  Peyresourde,  et  à  la  région  des 
lacs  d'Oô  et  de  Séculéjo.  C'est  dans  la  partie  nord  du 
village  que  se  trouve  établie  sa  belle  église  dont  les 
deux  clochers,  par  leurs  imposantes  silhouettes,  atti- 
rent de  loin  et  charment  les  regards  du  voyageur. 

Il  ne  faut  pas  confondre  son  patron,  saint  Aventin, 
avec  deux  autres  saints  du  même  nom,  originaires, 
Tun  du  diocèse  de  Chartres,  et  l'autre  du  diocèse  de 
JTroyes.  Tous  les  deux  vivaient  au  v«  siècle,  et  leurs 
vies  sont  racontées  dans  les  Acta  Sanctorum  des  Bol- 
landistes.  Celui  de  la  vallée  de  l'Arboust,  né  vers  770, 
n'a  pas  eu  l'honneur  de  figurer  dans  ce  grand  recueil 
hagiographique.  Les  documents  écrits  sur  sa  vie  sont 
fort  rares,  et  ne  sont  que  les  échos  plus  ou  moins 
vagues  de  la  légende  transmise  par  la  tradition.  Le 
Bréviaire  de  l'ancien  diocèse  de  Comminges,  imprimé 
en  1770,  contient  un  propre  particulier  sur  saint  Aven- 
tin, fêté  le  13  juin.  Le  Bréviaire  actuel  du  diocèse  de 
Toulouse,  qui  comprend  l'ancien  diocèse  de  Commin- 
ges, contient  lui  aussi  un  propre  spécial  sur  notre 
saint.  Ces  deux  Bréviaires  se  distinguent  toutefois 
par  une  grande  sobriété  de  détails  biographiques,  et 

Retuv  db  ComitNGBs,  2*  trimesire  1894.  Tome  IX.  —  10. 


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434 

ne  disent  pas  un  mot  des  prétendus  miracles  que  la 
tradition  lui  attribue.  Mais  ils  parlent  tous  les  deux  de 
la  grande  piété  d'Aven  tin,  de  son  apostolat  et  de  la 
grande  vénération  dont  il  était  Tobjet  dans  la  contrée. 
Cependant  l'ouvrage  des  Petits  Bollandistes  s'est  mon- 
tré beaucoup  moins  réservé,  et  il  a  simplement  publié, 
en  1871,  sans  commentaires,  sans  examen  de  critique, 
un  article  contenant  plusieurs  faits  miraculeux  de  la 
vie  de  saint  Aventin,  d'après  l'opuscule  d'un  ecclésias- 
tique de  Toulouse,  daté  de  1830.  C'est  peut-être  pour 
la  première  fois  que  ces  faits  se  trouvent  recueillis,  et 
il  faut  dire  que  si  quelques-uns  sont  démentis  par  les 
représentations  iconographiques  du  xii®  siècle,  invo- 
quées en  leur  faveur,  d'autres  aussi  se  trouvent  figu- 
rés, dès  cette  môme  époque,  sur  les  chapiteaux  et 
autres  parties  de  l'église,  comme  nous  le  verrons  par 
la  suite  de  ce  récit. 

Appelé  jeune  encore  à  la  vie  solitaire,  Aventin  paraît 
s'être  retiré  dans  la  vallée  qui  s'embranche  sur  celle  de 
l'Arboust,  vers  le  lac  de  Séculéjo.  Là,  sa  haute  réputa- 
tion de  vertus  lui  attirait  de  nombreux  et  pieux  visi- 
teurs. Plus  tard,  il  se  fit  l'ardent  antagoniste  des  doc- 
trines que  les  Sarrasins  essayaient  de  propager  dans  le 
pays.  Poursuivi  et  arrêté,  en  813,  par  ces  infidèles,  non 
loin  de  la  jonction  des  vallées  d'Oueil  et  de  l'Arboust,  il 
fut  décapité.  Mais  aussitôt  le  saint  prit  sa  tête  dans  ses 
mains,  et  se  dirigea  vers  cette  dernière  vallée.  A  cette 
vue,  ses  meurtriers,  effrayés,  prirent  la  fuite.  Le  saint 
fit  environ  deux  cents  pas,  et  vint  s'arrêter  à  l'endroit 
où  l'on  voit  aujourd'hui  la  chapelle  élevée  en  son  hon- 
neur, au  bord  de  la  route.  C'est  là  que,  pendant  la 
nuit,  des  âmes  généreuses  vinrent  ensevelir  ce  corps 
mutilé.  Trois  siècles  s'écoulèrent,  pendant  lesquels 
se  perdit  le  souvenir  du  lieu  où  reposait  la  dépouille 
du  martyr.  Enfin  la  Providence  suscita  un  taureau, 
qui  venait  tous  les  jours  au  même  endroit,  près  de  là, 


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135 

frapper  la  terre  des  pieds  et  des  cornes.  Les  habitants, 
témoins  de  ce  spectacle  étrange,  creusèrent  le  sol  et 
découvrirent  le  corps  et  la  tête  tronquée  du  saint.  Le 
corps  fut  transporté,  au  milieu  de  l'allégresse  de  la  popu- 
lation, dans  le  village  où  le  saint  était  né,  et  auquel  il 
devait  donner  son  nom.  On  le  déposa  dans  un  oratoire 
que  le  généreux  martyr,  pendant  son  apostolat,  avait 
fait  construire  attenant  à  la  maison  de  sa  famille. 
C'est  sur  l'emplacement  de  ces  diverses  constructions 
que  fut  élevée,  pour  recevoir  cette  sainte  dépouille,  à 
la  fin  du  xi^  ou  au  commencement  du  xii®  siècle,  sous 
le  pontificat  de  Bertrand  de  l'Ile,  l'église  que  nous 
allons  décrire. 

Cette  basilique,  disons-le  sans  plus  tarder,  figure 
aujourd'hui,  à  bon  droit,  sur  la  liste  des  monuments 
historiques.  Elle  a  même  un  architecte  désigné  pour 
en  prendre  soin  et  pourvoir  à  sa  prochaine  restaura- 
tion. En  attendant  l'heureux  jour  où  elle  se  réalisera, 
qu'il  nous  soit  permis  de  décrire  cet  édifice,  tel  que 
nous  le  connaissons. 


L'église  de  Saint-Aventin  est  donc  comme  accolée 
au  côté  sud  de  la  montagne,  où  Ton  a  aplani  l'empla- 
cement nécessaire  pour  recevoir  son  assiette.  Elle  est 
orientée  de  l'est  à  l'ouest,  et,  comme  dans  grand  nom- 
bre des  églises  des  Pyrénées,  la  porte  est  sur  le  côté  du 
midi,  qui  peut  être  considéré  comme  la  façade  du 
monument.  Au-devant  de  cette  façade,  s'étend  une 
terrasse,  d'environ  quatre  mètres  de  largeur,  destinée 
à  donner  accès  à  l'église  et  devant  laquelle  s'élèvent, 
en  contre-bas,  des  bâtiments  du  village. 

Le    mur  du  sud   mesure,  à  l'extérieur,    23 ""73 


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436 

(le  long,  et  se  trouve  muni,  à  4  mètres  de  Tangle 
sud-ouest,  d'un  porche,  de  1  mètre  en  saillie,  appli- 
qué après  coup,  selon  toute  apparence,  à  une  époque 
peu  éloignée  de  la  construction  première.  Deux  archi- 
voltes forment  sa  voussure  ;  le  bord  de  la  première, 
en  avant,  est  orné  d'un  tore  vigoureux  séparé  d'une 
scotie  par  un  simple  filet.  La  seconde  présente  une 
alternance  de  boules  et  de  tronçons  rectangulaires. 

Chaque  archivolte  reposait  sur  deux  colonnes  de 
marbre,  quatre  de  chaque  côté.  Mais  en  l'état  actuel, 
deux  de  ces  colonnes,  au  côté  gauche,  sont  absentes. 
De  même  au  côté  droit,  une  troisième  a  disparu.  L'une 
de  ces  trois  colonnes  de  marbre  de  calschiste  dévonien 
se  trouve  transportée,  pour  servir  de  pied  à  la  croix 
principale,  dans  le  cimetière,  derrière  l'église,  d'où  il 
serait  facile  de  l'enlever  pour  la  remettre  à  sa  vraie 
place. 

Un  chapiteau  double,  taillé  dans  le  même  bloc  de 
marbre,  correspond  à  chaque  paire  de  ces  colonnes. 
Elles  ont  également,  pour  deux  d'elles,  une  base  uni- 
que ornée  de  lions  et  d'animaux  fantastiques.  Les  cha- 
piteaux de  la  première  archivolte  sont  simplement 
décorés  d'un  réseau  de  nattes  entrelacées  et  gemmées. 
Cependant,  à  celui  de  droite,  on  aperçoit  les  figures 
emblématiques  des  évangélistes  placées  dans  quel- 
ques-uns des  vides  qui  séparent  les  nœuds  de  ces 
nattes. 

Le  chapiteau  de  gauche,  à  la  deuxième  archivolte, 
porte  deux  sujets  à  personnages.  Sur  la  face,  tournée 
vers  le  sud,  apparaît  le  Christ  debout.  Il  semble  appuyé 
contre  un  arbre,  un  palmier.  Il  porte  le  nimbe  cruci- 
fère ;  n'oublions  pas  de  mentionner  cette  particularité, 
car  elle  ne  permet  pas  qu'on  le  confonde,  comme  cela 
a  déjà  été  fait',  avec  un  autre  personnage.  Un  étroit 

t.  L'auleur  de  l*opuscule  dalé  de  1850,  donl  il  a  élé  question  prëcëdemmeut,  a  vo.  sans 
doute  par  inadverunce^  dans  celte  scène,  sans  tenir  compte  des  nimbes  des  personnages, 


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437 

bandeau  enserre  ses  cheveux.  Son  corps  est  vêtu  d'une 
longue  robe  qu'il  retient  de  la  main  gauche  sur  sa  poi- 
trine. Au-devant  de  lui,  une  femme  à  genoux,  nimbée, 
la  tête  couverte  d'un  voile  à  longs  plis,  est  occupée  à 
lui  essuyer  le  pied  posé  sur  une  corbeille  ou  sur  un 
grand  vase.  Le  Christ  bénit  de  la  main  droite  et,  à  la 
hauteur  de  sa  tête,  au-dessus  de  celle  de  la  femme, 
apparaît,  en  arrière,  un  ange  sous  la  forme  d'une 
figure  féminine.  Nous  sommes  là  au  jardin  de  Gethsé- 
mani  figuré  par  le  palmier,  qui  détermine  l'angle  du 
tableau,  et  nous  assistons  à  l'apparition  du  Christ  à 
Marie-Madeleine,  lorsqu'il  lui  dit  :  Noli  me  tangere. 
a  Et  lorsque  le  jour  du  sabbat  fut  passé,  Marie-Made- 
^  leine  et  Marie,  mère  de  Jacques,  et  Salomé  achetè- 

»  rent  des  parfums,  pour  venir  embaumer  Jésus 

»  Or,  Jésus  étant  ressuscité  le  matin. . .  il  apparut  pre- 
»  mièrement  à  Marie-Madeleine.  »  Et  cum  transisset 
sabbatuirij  Maria  Magdaleiie  et  Maria  Jacobi  et  Sa- 
lomé emerunt  aromata  ut  venientes  ungerent  Jesum. 
Sicrgens  autem  mane  prima  sabbati,  apparuit  primo 
Marque  Magdalene\ 

a  Elle  vit  deux  anges  vêtus  de  blanc...  Elle  se  re- 
»  tourna  et  elle  vit  Jésus  qui  se  tenait  là...  Jésus  lui 
»  dit  :  Ne  me  touchez  point.  »  Et  vidit  duos  angelos 
in  al  bis...  Conversa  est  reirorsum  et  vidit  Jesum. 
stantem. . .  Dixit  ei  Jésus  :  Noli  me  tangere  ^. 

La  représentation  de  cette  scène  est  traitée,  comme 
on  le  voit,  d'une  façon  très  sommaire,  telle  du  reste 
que  l'exigeait  la  faible  partie  du  chapiteau  qui  lui  sert 
de  champ.  L'iconographie  chrétienne  a  reproduit  ce 


la  naissance  de  saint  Avenlin,  lelle  que  la  légende  la  raconle  ;  si  bien  qu*il  a  pris  le 
Christ  pour  la  mère  du  saint,  et  la  Temme  nimbée  qui  est  au-devant  de  lui,  pour  une 
pieuse  matrone  qui  lui  fait  prendre  un  bain  de  pieds  dans  de  Teau  bénite,  pour  facili- 
ter sa  délivrance.  Cette  interprétation  a  été  répétée  de  confiance  par  la  plupart  des  écri- 
vains qui  ont  fait  la  description  de  ces  chapiteaux. 

1.  S.  Marc.  XVf,  I.  9. 

2.  S.  Jean,  XX,  xii,  17. 


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438 

sujet  très  rarement,  du  moins  au  xii®  siècle,  et  toujours 
de  façons  fort  diverses. 

Sur  la  face  suivante,  regardant  Test,  est  figurée  une 
scène  du  massacre  des  Innocents.  A  gauche,  une  femme 
debout  retient,  sur  ses  genoux,  un  jeune  enfant  nimbé 
que  cherche  à  lui  enlever  un  personnage  à  physiono- 
mie farouche,  en  le  tirant  par  les  bras.  Derrière  ce 
personnage,  on  voit  un  bourreau,  tête  nue,  portant 
sur  la  poitrine  un  bouclier  rond  orné  d'une  large 
rosace.  Il  est  prêt  à  recevoir  le  jeune  innocent,  et  sa 
sinistre  fonction  est  indiquée  par  un  glaive  qu'il  tient 
levé  droit  à  la  main. 

Son  bouclier  correspond  par  sa  forme  circulaire  au 
clypeus  de  Tantiquité,  et  à  la  rondache  des  xi*  et  wf 
siècles.  «  Le  clypeus^  dit  Viollet-Leduc,  remonte  à  la 
»  plus  haute  antiquité,  aussi  bien  que  l'habitude  de 
»  peindre,  sur  cette  armure  défensive,  des  emblèmes, 
y>  des  animaux^  des  ornements.  *  »  Au  xii*"  siècle,  la  ron- 
dache présente  la  même  forme,  et  son  diamètre  est  un 
peu  plus  long  que  n'est  large  le  corps  d'un  homme, 
comme  on  le  voit  sur  notre  chapiteau,  et  dans  un  des- 
sin du  Dictionnaire  raisonné  du  Mobilier,  tome  vi, 
p.  245,  représentant,  à  Vézelay,  un  bas-relief  du  lin- 
de  la  porte  principale  de  l'église  abbatiale. 

Sur  le  chapiteau  de  droite  nous  assistons  à  l'arres- 
tation et  au  martyre  de  saint  Aven  tin.  Un  premier 
groupe  de  trois  personnage?:  correspond  à  la  première 
colonne,  la  plus  rapprochée  de  la  porte.  Saint  Aven  tin, 
nimbé  et  barbu,  est  saisi  par  un  soldat  coiffé  d'un  cas- 
que rond  à  mentonnière.  Celui-ci  porte  une  cotte  de 
mailles  sur  sa  poitrine,  et  un  large  glaive  suspendu 
à  sa  ceinture,  dans  un  fourreau.  Près  de  lui,  se  dis- 
pose, comme  pour  lui  prêter  main-forte,  un  jeune 
homme  armé  d'un  bouclier  rond  à  peu  près  sembla- 


1.  hicîimmire  ramiinr  du  MohiUn  français.  Mol  Ècu. 


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439 

ble  à  celui  du  sujet  précédent.  Mais  une  particularité 
intéressante  est  à  remarquer.  Pourquoi  la  jambe  droite 
de  ce  personnage  repose-t-elle  horizontalement  sur  un 
support  en  bois  et  a-t-elle  le  pied  amputé?  La  pré- 
sence d'un  homme  à  jambe  de  bois,  dans  une  scène 
de  cette  époque,  paraît  assurément  bizarre  et  inat- 
tendue. Cependant  elle  n'est  pas  nouvelle.  A  la  mosaï- 
que conservée  dans  le  chœur  de  Tancienne  cathédrale 
de  Lescar  (Basses-Pyrénées),  reproduite  en  gravure 
dans  l'ouvrage  de  M.  Gerspach'  et  qui  nous  paraît  être 
du  XI*  ou  du  XII®  siècle,  on  voit,  dans  un  sujet  de  chasse, 
un  chasseur  muni  lui  aussi  d'une  jambe  de  bois  sem- 
blable à  celle  de  notre  chapiteau.  —  Un  savant  auteur, 
dont  les  écrits  sur  Luchon  se  distinguent  parfois  par 
la  hardiesse  de  ses  explications,  et  trop  prompt  aussi 
à  s'en  rapporter,  de  confiance,  aux  récits  de  ses  prédé- 
cesseurs, a  cru  voir  dans  le  boiteux  du  chapiteau  de 
Saint- Aventin,  le  symbole  d'une  infirmité  physique 
faisant  allusion  à  une  infirmité  morale,  et  tendant  à 
prouver  qu'il  fallait  être  disgracié  de  la  nature,  pour 
oser  porter  la  main  sur  un  aussi  saint  homme  qu'Aven- 
tin^.  Mais  quelque  respectable  que  nous  paraisse  cette 
opinion,  n'est-il  pas  plutôt  probable  que  le  mosaïste 
de  Lescar  et  le  sculpteur  de  Saint-Aventin  auraient 
puisé  le  souvenir  d'un  héros  portant  un  semblable 
appareil,  dans  quelque  légende  ou  fabliau  du  temps? 
Viennent  ensuite  deux  autres  groupes  :  Dans  le  pre- 
mier, nous  croyons  voir  un  personnage  appréhendant 
à  mi-corps  un  compagnon  de  saint  Aventin ,  ou  saint 
Aventin  lui-même,  pendant  qu'au  dessus  de  sa  tête, 
un  mauvais  génie,  sous  la  forme  d'une  tête  de  ser- 
pent, lui  inspire  de  mauvais  conseils.  Dans  le  second 
groupe,  nous  retrouvons  saint  Aventin  décapité  et 
tenant  sa  tête  dans  ses  mains.  11  est  soutenu  par  un 

\.  LaMo  aUiuc,  p.  100. 

2.  /.^  PyrénécM,  par  le  dorienr  I^mbrnn. 


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440 

acolyte,  et  au-devant  du  martyr,  un  soldat,  coiffé  d'un 
casque  pointu,  saisit  la  tête  du  décapité  de  la  main 
gauche,  et  tient,  de  l'autre,  son  épée  levée  en  l'air. 
Un  ange  domine  cette  scène  ;  sa  tête  nimbée  est  pla- 
cée sur  le  cou  mutilé  de  saint  Aventin ,  et  il  semble 
parler  à  Toreille  de  son  protecteur,  pour  l'exhorter 
dans  son  pieux  office. 

Un  linteau,  de  0™S0  de  hauteur,  porte  le  tympan. 
Il  est  uni  et  lisse.  Il  n'était  pas,  dans  l'origine,  destiné 
à  être  apparent,  car  ses  deux  extrémités  sont  recou- 
vertes des  deux  fragments  d'une  dalle ,  ornée  proba- 
blement de  sculptures,  peut-être  celles  des  douze 
apôtres'.  Au  milieu  du  tympan,  le  Christ  apparaît 
assis  dans  une  auréole  elliptique  dont  le  bord  plat  est 
ondulé.  Il  porte  la  barbe  et  le  nimbe  crucifère  ;  il  est 
vu  de  face,  bénit  de  la  main  droite,  et  tient  sur  son 
genou  gauche  le  Livre  divin  sur  lequel  est  écrit  :  Ego 
sttm  liix  mundi.  Quatre  anges,  vêtus  d'une  longue 
robe  et  placés  horizontalement^  deux  de  chaque  côté, 
tiennent,  d'une  main,  le  bord  de  l'auréole  et,  de  l'au- 
tre, les  têtes  des  symboles  figurant  les  quatre  évan- 
gélistes.  Ces  quatre  symboles,  portés  par  les  évangé- 
listes  angéliséSf  trouvent  leurs  analogues  dans  un 
autre  tympan  d'une  contrée  voisine,  à  l'église  de 
Valcabrère.  Là,  ce  sont  les  évangélistes  eux-mêmes, 
debout  aux  côtés  du  Christ,  et,  pour  se  faire  reconnaî- 
tre, ils  tiennent  dans  leurs  mains  les  têtes  de  leurs 
animaux  symboliques.  Viollet-Leduc  a  cité  comme 
exemple  curieux  d'une  semblable  représentation,  qu'il 
attribue  à  la  fin  du  xii*  siècle,  un  pilier  du  cloître  de 
Saint-Bertrand  de  Comminges,  dans  le  voisinage 
immédiat  de  Valcabrère,  orné  des  quatre  statues  des 


1.  On  a  dit  qu'une  léte  d*homnie,  qui  se  trouve  eDcastrëe  dnns  un  mur  du  jjirdin  du 
presbytère  de  Saint-Aveolin,  provenait  de  cotte  dalle.  Mais  le  moindre  coup  d*u!il  sunil 
pour  faire  rejeter  celle  provenance  ;  car  la  grosseur  de  celle  lèlc  accuse  un  rorps 
benncnup  plus  haut  que  cp  linteau. 


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441 

évangélistes,  qui  portent,  entre  leurs  bras,  leurs 
animaux  symboliques  *. 

Citons  encore,  sur  l'un  des  appareils  du  chambranle 
de  la  porte,  à  droite,  un  petit  personnage  musicien, 
jouant  d'une  sorte  de  violon  ou  de  rébec.  Selon  toute 
vraisemblance,  ce  bas-relief  a  été  rapporté  à  la  place 
qu'il  occupe,  et  provient  d'une  construction  plus  an- 
cienne. 

Les  sculptures  des  chapiteaux  présentent  le  carac- 
tère du  xn®  siècle,  et  manifestent  la  recherche  du  vrai 
dans  leurs  détails.  C!ostumes  et  physionomies,  tout 
dénote  le  ciseau  d'un  artiste  désireux  d'assouplir  le 
marbre  à  sa  pensée,  sans  se  préoccuper  de  l'exactitude 
des  proportions.  Les  têtes  sont  évidemment  trop  fortes 
pour  la  grandeur  des  corps,  mais  il  semble  que  la 
physionomie  des  personnages  doit  l'emporter,  dans 
l'esprit  du  sculpteur,  sur  les  autres  parties  du  corps, 
qui  devaient  leur  être  sacrifiées.  Le  Christ  du  tym- 
pan est  calme  et  majestueux,  et  contraste  avec  le 
mouvement  répandu  dans  la  scène  de  la  décapitation 
du  martyr. 

Le  porche,  au-dessus  de  sa  voussure,  est  couvert  par 
un  léger  abri  en  auvent,  soutenu  par  une  corniche 
formée  de  modillons  et  têtes  grimaçantes.  Mais  l'œu- 
vre la  plus  remarquable  de  ce  porche  est  appliquée  sur 
la  face  de  son  pilier  droit.  C'est  une  Vierge  de  0""90  de 
hauteur,  taillée  en  demi-relief,  sur  une  table  de  mar- 
bre blanc^  légèrement  jauni  par  le  temps,  et  qui 
mesure  1™10,  sans  compter  sa  corniche.  La  Vierge  est 
assise  sur  un  trône,  vue  de  face;  elle  tient  son  divin 
fils  assis,  contrairement  à  l'usage  le  plus  admis  au 
xu«  siècle,  sur  son  genou  droit.  La  tête  de  l'enfant, 
faiblement  relevée  et  regardant  à  gauche,  porte  le 
nimbe  crucifère.  Il  tient,  de  la  main  gauche,  le  Livre 

1.  IHetiùnnaire  raisonné  d'arehttedure,  t.  i"  p.  22. 


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449 

fermé  sur  lequel  sont  inscrits  les  monogrammes  IHS, 
XPS,  et  il  bénit  de  la  main  droite,  à  la  manière  latine. 
Une  robe  plissée  sur  les  jambes  recouvre  son  corps 
et  laisse  voir  ses  deux  pieds  nus.  Une  ceinture  ornée 
d'une  torsade  serre  sa  robe  à  la  taille. 

La  Vierge  n'est  pas  couronnée  ;  sa  tête  nue  se  déta- 
che sur  un  large  nimbe.  Ses  cheveux  sont  divisés  en 
accolade-  par  une  raie  au  milieu  du  front,  et  retombent 
le  long  des  joues  derrière  ses  épaules.  Sa  physionomie 
ferme,  large  et  douce  présente  un  air  viril  et  hiérati- 
que tout  à  la  fois.  Sa  main  droite  soutient  le  bras  droit 
de  Tenfant,  tandis  que  sa  gauche,  ramenée  sur  la 
poitrine,  montre  de  Tindex  le  visage  du  futur  Rédemp- 
teur du  monde.  Une  robe  à  plis  serrés  enveloppe  son 
corps,  et  un  manteau,  bordé  d'une  broderie  plate, 
recouvrant  ses  épaules,  vient  se  nouer  sous  son  cou. 
Les  pieds  sont  chaussés  et  apparaissent  sous  une 
large  bordure  de  la  robe  ornée  d'une  torsade.  Ils  repo- 
sent sur  d  ux  affreuses  têtes  grimaçantes,  emblèmes 
des  péchés,  et  des  vices,  qui  dévorent  deux  oiseaux. 
Les  deux  montants  du  trône  se  terminent  aussi  par 
deux  têtes  grotesques. 

Un  bandeau,  porté  par  des  modillons  en  têtes  fan- 
tastiques, forme  cintre  au-dessus  de  la  tête  de  la 
Vierge.  Il  est  orné  de  cinq  rosaces  délicatement 
ciselées  entre  lesquelles  est  inscrit  le  prétendu  vers 
léonin  suivant  : 

Res  rniranda  nimis  mater  Dei  erat  vi  nimis. 

Plusieurs  lettres  de  cette  inscription  sont  liées,  et 
malheureusement  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  de  l'iden- 
tité des  derniers  mots,  qui,  outre  un  sens  difficile  à 
admettre,  donnent  un  vers  défectueux  i. 


1.  Eii  général  on  iraduil  ce  vers  par  :  >  Chose  trop  admirable,  la  mère  de  Dieu  était  trop 
puissante.  >  Mais  on  ne  se  rend  pas  compte  de  ce  sens  énigmatique. 
Des  auteurs,  qui  probablement  n*onl  jamais  vu  cette  inscription  de  prés  et  peu  sondeux 


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443 

Mais  passons,  et  examinons  la  face  orientale  de  ce 
marbre.  Sur  un  espace  d'environ  0"25  de  largeur^ 
est  représenté  un  personnage  debout,  barbu ^  en 
extase,  enveloppé  d'une  grande  robe  et  indiquant,  de 
la  main  droite,  la  Vierge  que  nous  venons  de  décrire. 
Au-dessus  de  sa  tête,  un  ange  semble  Tinspirer.  Nous 
savons  bien  que  quelques  personnes  ont  cru  voir  dans 
ce  personnage  saint  Aventin;  mais  nous  croyons  plutôt 
qu'il  représente  le  prophète  Isaïe  annonçant  la  nais- 
sance du  Christ,  et  la  destinée  multiple  de  son  règne, 
oc  car,  dit  le  Prophète,  un  petit  enfant  nous  est  né,  et 
»  un  fils  nous  a  été  donné  ;  il  portera  sur  son  épaule 
»  la  marque  de  sa  principauté  et  il  sera  appelé  l'Ad- 
»  mirable,  le  Conseiller,  Dieu  le  Fort  et  le  Père  du 
»  siècle  futur,  le  Prince  de  la  paix.  »  PARVVLVS  enim 
NATVS  est  nobis,  et  filius  datus  est  nobis,  et  foetus 
est  principatus  super  humerum  ejus^  et  voeabitur 
nonien  ejus  Admirabilis,  Conciliarius,  Deus  fortisj 
Pater  futuri  sœeuli,  Princeps  pacist. 

La  Vierge  du  pilier  semble  indiquer  une  autre  ori- 
gine d'exécution,  une  autre  main,  une  autre  époque 
enfin,  que  les  bas-reliefs  des  chapiteaux.  Elle  rappelle, 
par  l'ampleur  et  la  gravité  de  sa  physionomie,  ces 
belles  sculptures  que  l'on  voit  à  l'intérieur  du  chœur  de 
Saint-Sernin  de  Toulouse,  et  que  l'on  atribue  auxi®  siè- 
cle. Etait-elle  destinée,  à  l'origine,  à  prendre  la  place 
qu'elle  occupe  aujourd'hui?  Nous  ne  le  pensons  pas, 
car  elle  a  dû  trouver  une  place  d'honneur  à  l'intérieuï 
de  l'église,  avant  l'édification  du  porche  dont  il  a  été 
question  précédemment.  Son  importance,  du  reste^  est 
parfaitement  d'accord  avec  ce  fait  révélé  par  le  Bré- 


de  la  faclare  du  Ters,  ont  lu  et  répété,  pour  les  derniers  mots,  les  uns  animis,  les  autreSi 
comme  le  marquis  de  Castellane,  vir  animis.  (Notice  sur  Véglise  de  Saint-Aventin ,  t.  i** 
des  Mémoires  de  la  Sociélé  archéologique  du  midi  de  la  France J  Mais  soit^ur  le  marbre,  soit 
sur  l'estampage  que  nous  en  avons  sous  Us  yeux,  il  nous  est  impossible  de  voir  autre 
chose  qoe  vi  nimUs  Vi  de  ri  étant  renfermé  dans  Tintérieur  du  V. 
1.  Isaie,  iz,  6. 


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ut 

niaire  de  Comminges,  que  l'église  était  dédiée  à  la 
Sainte-Vierge  avant  de  Têtre  à  saint  Aventin  '.  On  dit 
aussi  qu'une  autre  sculpture,  d'une  grande  impor- 
tance, se  trouvait  placée  sur  la  face  de  l'autre  pilier 
d'où  elle  a  été  enlevée  pendant  la  Révolution. 

Un  petit  groupe  en  marbre  de  saint  Aventin,  por- 
tant sa  tête  dans  ses  mains  et  assisté  d'un  compagnon, 
a  été  appliqué  sur  le  mur  de  l'église,  près  du  pilier 
droit  du  porche.  Mais  les  deux  têtes  de  ce  groupe  ont 
été  coupées  verticalement,  et  il  nous  serait  difficile 
de  dire  quelle  place  il  occupait  à  l'origine. 

Sur  un  contrefort  peu  saillant,  le  premier  à  droite 
du  porche,  on  voit  aussi  un  marbre  sculpté,  jauni  par 
le  temps,  qui  représente  le  taureau  découvrant  le 
corps  de  saint  Aventin.  L'animal  semble  donner  des 
signes  d'inquiétude  et  d'impatience.  Son  énorme  tête 
est  retournée  vers  un  ange  placé  à  l'angle  gauche, 
dans  le  haut  du  tableau,  et  qui  semble  l'inviter  à  cal- 
mer son  ardeur,  en  lui  montrant,  de  l'index,  le  sol  que 
le  taureau  gratte  du  pied  droit.  On  aperçoit,  sous  son 
corps,  le  saint  enveloppé  dans  un  suaire,  couché  dans 
un  cercueil  sur  lequel  on  lit  ce  vers  léonin  : 

Sic  innote.scit  sanctus  qua  parte  quiescit. 
Ainsi  fut  découvert  en  quel  lieu  le  saint  reposait. 

Des  cinq  fenêtres  dont  ce  mur  est  percé,  la  pre- 
mière, étroite  et  cintrée,  se  rapporte  au  xu*  siècle,  les 
quatre  autres  ont  été  refaites  sans  caractère ,  en 
forme  de  rectangle,  au  détriment  des  anciennes  for- 
mes romanes.  Le  sommet  du  mur  est  garni  d'un 
cordon  de  petites  arcatures  où  vit  la  physionomie 
du  XII®  siècle.  Notons  cependant  qu'à  partir  du  second 
contrefort,    le   mur,   diminuant  d'épaisseur,    inflé- 

1.  Antiquo  ritti  sancti  mnrtyris  memoria  colilur  in  templo  oliin  sab  beaUe  Mari»,  nane 
sancii  Avcntini  invocalione  ipsiusque  nominc  insignitus  est  vîcus  qai  ejos  reltqaiis 
gloriatur.  Breviarium  Convenarum.  Part  aettïTa. 


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us 

chit  légèrement  vers  la  gauche  jusqu'à  son  extré- 
mité orientale.  Trois  absides  aux  courbes  gracieuses, 
une  grande  entre  deux  petites,  s'arrondissent  au 
fond  de  l'église.  Cette  partie  de  l'édifice  est  très 
mouvementée.  Malheureusement  la  position  du  monu- 
ment, en  partie  caché,  vers  l'est,  par  le  cimetière  et 
par  une  sacristie  plaquée  derrière  la  première  abside, 
ne  permet  guère  d'en  embrasser  l'harmonieux  con- 
tour. Cependant  les  arcatures  du  couronnement  de  ces 
absides  sont  entièrement  visibles,  pendant  que  les 
oculi  et  les  fenêtres  romanes  des  absides  sont  annu- 
lés par  une  maçonnerie  en  pierres.  L'abside  centrale 
est  appliquée  sous  le  pignon  triangulaire  du  mur  de 
fond,  et  les  deux  autres  sous  ses  rampants.  Leur 
appareil,' formé  de  pierres  schisteuses  d'un  brun  noir, 
est  à  peu  près  régulier  et  rehausse  le  ton  harmonieux 
de  la  construction. 

Un  espace  d'environ  0™6o  de  large  est  ménagé 
entre  le  mur  du  nord  et  le  coteau.  Il  est  couvert  par 
une  voûte  en  maçonnerie^  comprise  sous  le  prolonge- 
ment de  la  toiture  du  bas-côté  de  l'église.  La  nef 
centrale  s'accuse  par  son  élévation  au-dessus  des  nefs 
latérales,  et  les  murs  qui  supportent  sa  voûte  sont 
percés  de  douze  fenêtres  romanes,  dont  les  six  du  côté 
nord  sont  actuellement  condamnées. 

Le  mur  de  l'ouest,  de  13'"20  de  large,  n'offre  rien  de 
particulier  comme  détails  d'ornementation.  Toutefois, 
nous  devons  signaler,  vers  son  angle  nord-ouest,  les 
traces  d'une  ancienne  petite  porte  bouchée  depuis 
longtemps.  C'était,  croyons-nous,  comme  dans  la  plu- 
part des  églises  du  pays,  la  porte  réservée  au  passage 
des  Cagots,  Ce  mur  se  profile,  sur  le  même  aplomb, 
entre  les  deux  rampants  de  la  toiture  des  bas-côtés, 
pour  former  la  face  occidentale  du  grand  clocher  com- 
jiosé  de  trois  étages.  Dans  la  partie  inférieure  du 
premier  s'ouvrent  deux  fenêtres  étroites  et  cintrées. 


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416 

Au-dessus  de  .ces  fenêtres  une  bonne  partie  de  cette 
face  se  trouve  accidentellement  dégarnie  du  crépis 
moderne  qui  la  recouvrait,  et  laisse  juger  de  Tétat  de 
son  appareil  semblable  à  celui  des  absides. 

Au  côté  nord,  notons  une  large  ouverture  dont  le 
cintre  est  appareillé  de  longs  clavaux,  mais  elle  est 
actuellement  à  moitié  bouchée.  Au  côté  est,  on  aperçoit 
un  oculus  coupé  par  le  rampant  de  la  toiture  de  la  nef 
centrale.  Le  second  étage  s'élève  légèrement  en 
retraite  sur  le  précédent.  A  Touest,  il  présente  une 
fenêtre  dont  le  sommet  est  découpé  en  trois  cintres 
surbaissés,  et  elle  est  divisée  en  trois  baies  par  deux 
colonnes  à  chapiteaux  trapéziformes.  Au  côté  nord^ 
encore  une  fenêtre  semblable  à  la  précédente,  mais 
condamnée  par  une  maçonnerie.  Les  cintres  seuls 
sont  apparents.  La  fenêtre' du  sud,  probablement  sem- 
blable, à  rorigine,  aux  deux  précédentes,  est  annulée 
par  le  cadran  de  l'horloge.  Le  troisième  étage  s'élève 
lui  aussi,  en  retraite,  sur  le  deuxième  dont  il  est 
séparé  par  une  corniche  à  modillons,  remaniée  à  une 
époque  difficile  à  préciser.  Ses  fenêtres,  à  peu  près 
intactes,  sont  formées  d'une  large  ouverture  encadrée 
dans  le  haut,  sous  une  série  de  quatre  lobes  demi- 
circulaires  ,  et  divisée  en  quatre  baies  par  trois 
colonnes  à  chapiteaux  trapéziformes  comme  ceux  de 
l'autre  étage.  Cette  sorte  de  clairevoie  en  colonnett^s 
est  le  type  caractéristique  des  ouvertures  aux  clochers 
du  XII®  siècle  de  cette  contrée,  comme  on  peut  en  voir 
un  magnifique  exemple,  dans  le  voisinage,  à  l'église 
de  Cazaux.  Enfin,  au-dessus  d'une  frise  supérieure, 
une  flèche  octogonale,  en  ardoises,  ajoute  la  hardiesse 
de  son  élévation  à  ce  pittoresque  ensemble. 

La  physionomie  extérieure  de  l'édifice  est  encore 
fortement  accentuée  par  une  seconde  tour  carrée, 
gravement  assise  sur  la  largeur  de  la  nef  centrale, 
vers  l'abside,  dont  elle  est  séparée  par  l'exhaussement 


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447 

d'une  travée.  Dans  Tétat  actuel  de  ses  murs,  impi- 
toyablement recouverts  d'une  couche  de  crépis  plus 
ou  moins  uniforme,  on  devine  le  bel  effet  que  pro- 
duisait son  fenêtrage.  Il  est  aujourd'hui  condamné  au 
nord,  à  l'est  et  à  l'ouest,  mais  encore  à  peu  près  intact 
au  midi,  où  l'on  voit  deux  ouvertures  à  plein  cintre 
divisées  en  deux  baies,  par  une  colonnette  à  chapiteau 
semblable  aux  précédentes.  Evidemment  cette  tour  n'a 
pas  été  achevée.  Sa  hauteur  n'est  pas  en  rapport  avec 
sa  largeur.  Son  sommet,  dépourvu  de  toute  corniche, 
s'arrête  brusquement  au-dessous  de  sa  toiture  en  pyra- 
mide quadrangulaire.  Quoiqu'il  en  soit,  elle  complète 
le  caractère  essentiellement  hiératique  des  grandes 
églises  des  xi®,  xii®  et  xm*  siècles,  munies  d'une  tour 
qui  dominait  le  monument  au-dessus  de  la.  place  de 
l'autel,  comme  on  le  voit,  dans  ce  diocèse,  à  Saint- 
Sernin  de  Toulouse. 

Faisons  maintenant,  sur  l'extérieur  du  mur  sud  dé 
l'église,  un  examen  rétrospectif  de  quelques  marbres^ 
antiques  témoignages  du  culte  que  les  habitants  du 
pays  pratiquaient^  avant  l'époque  chrétienne.  Ce  n'est 
pas  seulement  sur  l'église  de  Saint-Aventin  que  l'on 
rencontre  de  pareils  documents.  On  en  voit  à  Cazarilh, 
à  Cazaux,  à  Garin,  à  Benqué,  etc..  localités  de  la 
région,  sans  parler  des  églises  de  Saint-Bertrand  et 
du  Val  d'Aran.  On  fait  honneur  à  Charlemagne  de 
certaines  prescriptions,  par  lesquelles  il  ordonnait  d'in- 
cruster, dans  la  construction  des  édifices  religieux, 
les  monuments  épigraphiques  ou  à  figures  de  l'épo- 
que romaine,  portant  un  caractère  sacré  et  qui  se  ren- 
contreraient dans  la  contrée.  Ces  prescriptions  sem- 
blent avoir  été  observées  avec  soin  jusqu'au  xii®  siècle 
et  même  plus  tard  encore. 

L'église  de  Saint-Aventin  nous  présente  sept  de  ces 
petits  monuments.  Le  premier  est  située  à  l'angle  sud- 


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U8 

ouest  du  mur.  Il  se  compose  d'une  dalle  de  marbre 
haute  de  0™56  sur  0™43  de  large,  et  qui  représente 
deux  bustes,  un  homme  et  une  femme^  traités  de  la 
façon  la  plus  sommaire.  Les  têtes  tracées  en  creux 
reposent  simplement  sur  une  sorte  de  rectangle,  qui 
simule  le  haut  du  corps.  Deux  rosaces,  tracées  égale- 
ment en  creux,  se  voient  en  dessous.  Nulle  inscrip- 
tion ne  vient  nous  révéler  les  noms  de  ce  couple 
figuré  sur  cette  ancienne  stèle  funéraire. 

Une  seconde  stèle  du  même  genre  que  la  précédente, 
mais  de  proportions  plus  petites,  est  à  peine  visible 
dans  le  bas  du  mur,  entre  Tangle  sud-ouest  et  le  por- 
che du  portail.  Sur  le  dernier  pilastre,  vers  Test,  se 
trouve  encastré  un  marbre  orné  de  feuilles  de  vignes 
entremêlées  de  raisins  et  coupé  verticalement  d'un 
côté,  pour  être  ajusté  à  la  largeur  du  pilastre*.  Enfin 
Ton  voit,  ou  plutôt  on  voyait  il  y  a  peu  d'années,  une 
autre  stèle  à  deux  têtes,  accompagnées  de  quelques 
ornements,  encastrée  à  Tangle  sud-est  du  mur.  Elle 
est  aujourd'hui  cachée  sous  le  crépis  et  nous  donne  à 
penser  qu'il  peut  en  exister  encore  d'autres  analogues 
sur  le  reste  des  murs. 

Mais  plus  importantes  que  ces  quatre  marbres  sont 
les  trois  inscriptions  gravées,  deux  sur  des  autels 
votifs  consacrés  au  dieu  Abellion,  fort  en  honneur 
dans  la  contrée,  et  l'autre  sur  un  autel  funéraire.  Ils 
sont  placés,  deux  vers  l'extrémité  du  mur,  et  le  troi- 
sième sur  celui  de  la  sacristie  attenant  à  la  première 
abside. 


1.  Une  curieuse  plaque  de  marbre,  représeniant  ce  lype  au  complet,  a  été  trouvée,  au 
mois  de  novembre  1892,  dans  la  démolition  du  vieux  clocher  de  Luchon.  Elle  est  flanquée 
de  deux  pilastres  cannelés  et  représente  un  vase  d'où  s'échappent  deux  tiges  de  vigne, 
qui  s'élèvent  symétriquement  à  droite  et  à  gauche  de  quatre  rosaces  posées  en  ligne  verti- 
cale. Elles  portent  des  Teuilles  et  des  grappes  dont  les  deux  inférieures  sont  becquetées 
par  des  oiseaux.  Cette  stèle  est  entrée  dans  la  collection  de  M.  Bernard. 


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449 
Voici  les  textes  de  ces  trois  inscriptions  : 

ABELIONI  DEO 
TAVRINVS  BONE 
CONIS  F  VSLM 

a  Au  Dieu  Ahellion,  Taurinus,  fils  de  Bonnecon, 
»  acquitte  son  vœu  avec  empressement.  r> 

ABELLIONNI 
CISONTEN 
CISSONBON 
NIS-  FIL- 
VSLM 
(Une  feuille  de  lierre  entre  chaque  lettre  à  la  dernière  ligne,) 

a  A  Abellion,  Cisonten,  fils  de  Cissonbon,  acquitte 
»  son  vœu  avec  empressement.  » 

//////  (feuille  de  lierre)  M 
VAL-  HERM 
lONE  TITVL 
ANTONIAE 
FIL-  KARIS 
SIME 
Dans  HERM,  TH  et  TE  sont  liés. 

«  ////  Aux  Dieux  Mânes.  Valeria  Hermione  à 
»  TituUia  Antonia,  sa  très  chère  fille.    » 

Ces  inscriptions  ont  été  publiées  plusieurs  fois,  mais 
presque  toujours  d'une  manière  inexacte.  Enfin  le 
regretté  J.  Sacaze  est  le  premier  qui  en  ait  donné  une 
lecture  irréprochable'.  Les  deux  premières  sont  un 
exemple  du  mélange  des  deux  races  ;  la  race  indigène 
avec  ses  noms  à  consonnances  rauques  et  étranges,  et 
la  race  des  conquérants  romains,  qui  apparaissent  avec 
leur  langue  latine. 

i.  Histoire  ancienoe  de  Luchon,  Rnue  de  Comminges,  1887. 

ReruB  DE  CoMifiRGES,  2*  trimestre  1894.  Tomi  IX.  —  11. 


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150 


II 


Comme  le  fait  pressentir  Texamen  extérieur  de  la 
basilique,  Tintérieur  présente  trois  nefs  et  trois  absi- 
des, sans  transepts.  C'est  la  forme  basilicale  des  égli- 
ses de  la  fm  du  xi*  siècle.  La  porte  s'ouvre  vis-à-vis  la 
seconde  travée,  en  commençant  vers  Touest,  et  Ton 
descend  par  une  marche  sur  le  sol  de  Tédifice,  qui, 
selon  l'usage  local,  est  recouvert  d'un  plancher.  Tou- 
tefois d'après  des  sondages  effectués  récemment,  un 
dallage  inférieur  existait  immédiatement  au-dessous 
de  ce  plancher.  Les  nefs  sont  séparées  par  deux  rangs 
de  piliers  quadrangulaires  de  l'"oO,  dans  le  sens 
longitudinal  du  monument.  Ils  portent  appliqués  sur 
leur  face,  du  côté  de  la  nef  centrale,  des  pilastres  de 
O'^Bo  de  large  sur  0™04  d'épaisseur»^  dont  les  pro- 
longements forment  les  arcs-doubleaux  de  la  voûte 
médiane.  La  largeur  de  ces  piliers,  dans  le  sens  de 
l'axe  transversal,  est  de  1  mètre.  Vers  les  basses  nefs, 
ils  sont  munis  de  deux  pilastres  de  mince  épaisseur  et 
superposés  ;  les  extérieurs  de  ces  pilastres  mesurent 
0™7o  de  large  et  correspondent  à  autant  de  contre- 
forts de  même  largeur  en  saillie  sur  les  murs  inté- 
rieurs. 

Voici  du  reste  les  dimensions  des  différentes  parties 
du  plan  : 

Largeur  totale  de  l'édifice,  à  l'intérieur .    .    .    ,  10°>25. 

Largeur  des  deux  petites  nefs 4    80. 

Largeur  de  la  grande  nef 3    50. 

Largeur  des  arcades 2 

Epaisseur  des  murs 2    30. 

1.  Les  dimensions  de  ces  différents  piliers,  et  les  dislances  qui  les  séparent,  soit  entre 
eux,  soit  des  murs  de  Téglise,  relevées  très  exactement,  accusent  des  variations  de  quel- 
ques centimètres,  insensibles  à  l'œil,  mais  dont  un  calcul  minulieux  doit  tenir  compte. 
Les'chiffres  que  nous  donnons  ici  ne  doivent  donc  être  pns  qu'approximativement. 


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451 

Longueur  de  la  grande  nef  jusqu'à  Tabside    .    .    22    50. 

Profondeur  de  l'abside  centrale 2    05. 

Epaisseur  des  deux  murs  latéraux 2    30. 

Les  cinq  travées  de  voûte,  chacune  de  3™  35,  sépa- 
rées par  les  arcs-doubleaux,  plus  une  travée  de  2  ™  40, 
qui  précède  les  absides,  comprennent  une  longueur 
totale  de  22 ""40.  Un  arc  formeret  plat,  porté  sur  con- 
soles, qui  s'arrondit  au-dessus  des  fenêtres  et  sur  les 
faces  des  travées  du  côté  nord,  est  le  seul  motif  de 
décoration  de  toute  cette  architecture  aussi  simple  que 
correcte,  et  d'un  grand  effet  d'harmonie. 

Telle  était  du  moins  la  perspective  complète.de  Tin- 
térieur,  à  son  état  primitif.  Mais  déjà,  depuis  environ 
un  siècle  et  demi,  Teffet  du  sanctuaire  est  annulé  par 
la  présence  d'un  grand  retable  en  bois  doré,  placé  à 
rentrée  de  Tabside,  en  guise  de  cloison  \  Et  chose 
étrange  !  cette  abside,  qui  était  primitivement  le  lieu 
le  plus  orné  et  le  plus  vénérable  de  toute  l'église,  en 
était  devenu  l'endroit  le  plus  négligé,  le  réceptacle 
d'objets  incohérents  et  inutiles,  entasssés  sous  des 
amas  d'une  poussière  indécente.  Cependant  c'est  là 
que  se  trouvait  le  tombeau  contenant  les  reliques  de 
saint  Aventin,  dont  des  débris  informes  viennent  d'être 
dégagés  par  les  soins  de  M.  l'abbé  Guiard,  curé  actuel 
de  la  paroisse.  Ce  mausolée  se  trouvait  établi  dans  le 
milieu  de  l'abside,  derrière  l'autel.  Il  est  assez  difficile 
de  se  rendre  un  compte  exact  de  son  ancienne  disposi- 
tion. Il  paraît  cependant  avoir  consisté  en  une  auge  de 
granit  gris  recouverte  d'une  pierre  à  dos,  portée 
actuellement,  à  ses  extrémités^  sur  deux  autres  pier- 

I.  H.  Tabbé  Gaiard  a  eu  la  complaisance  de  nous  communiquer  l'inscription  suivante 
qu'il  a  décooTerte  derrière  [le  tabernacle  de  Taulel  et  sur  le  retable  même  :  t  Fait  par  le 
*  sieur  Pondeiislin  de  l'année  mil  sept  cent  quarante- trois  1743.  Doreur.  > 

Qoc  le  sieur  Poudenstin  ait  travaillé  à  ce  retable  comme  doreur,  c'est  incontestable, 
d*aprés  cette  inscription.  Mais  cela  ne  nous  donne  pas  le  nom  de  l'auteur  du  retable  lui- 
même,  qui  aura  probablement  été  init  et  posé  peu  de  temps  avant  ou  pendant  l'année 
1743. 

Noos  remercions  bien  sincèrement  M.  l'abbé  Guiard  de  son  obligeance,  dont  il  nous  a 
donné  plusieurs  fois  de  précien\  témoignages,  pour  la  rédaction  de  cette  notice. 


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453 

res.  L'examen  attentif  de  ces  débris  n'a  pu  faire  décou- 
vrir traces  ni  d'inscriptions,  ni  d'aucune  ornementa- 
tion. 

Les  murs  de  cette  abside  ont  conservé  des  vestiges 
de  son  ancienne  magnificence.  Mais  il  a  fallu  la  patience 
et  l'œil  exercé  de  notre  collaborateur,  M.  Bernard,  pour 
les  pressentir  sous  le  badigeon  qui  les  recouvrait,  et 
son  dévouement  aux  choses  de  l'art,  pour  arriver  à  les 
mettre  en  évidence.  En  évidence  est  sans  doute  une 
expression  bien  hasardée,  car,  dans  l'état  actuel,  il 
faut,  pour  les  apercevoir,  pénétrer  dans  l'abside, 
muni  d'une  lumière,  en  s'y  glissant  par  une  étroite 
ouverture  dissimulée  dans  la  boiserie  du  retable. 

La  découverte  de  ces  peintures  a  été  annoncée  par 
une  note  insérée  dans  le  Bulletin  monumental,  en 
1877.  Elle  a  été  aussi  signalée  dans  la  séance  du  Con- 
grès archéologique  tenu  à  Pamiers,  en  1884.  Nous 
prendrons  la  liberté  de  répéter  ici  ce  que  nous  en  avons 
déjà  dit  dans  ce  Bulletiny  et  dans  le  compte  rendu  de 
ce  congrès.  «  Ces  peintures  faisaient  partie  d'une 
»  décoration  qui  couvrait  tout  le  reste  de  cette  abside. 
»  Elles  représentent  saint  Saturnin,  évèque  de  Tou- 
»  louse,  l'apôtre  du  midi  de  la  Gaule,  et  saint  Aventin, 
»  patron  de  l'église.  Leur  style  accuse  le  xii<^  siècle. 
((  Saint  Saturnin  est  figuré  debout,  sous  une  sorte  de 
»  niche  ou  de  portique  cintré^  soutenu  par  de  lon- 
»  gués  colonnettes.  Il  est  vêtu  de  sa  chasuble  dont  la 
»  bordure  est  couverte  d'une  série  de  petites  croix.  Il 
»  bénit  de  la  main  droite  et  tient,  sous  le  bras  gau- 
»  che,  un  livre  appuyé  sur  sa  poitrine.  Le  saint  est 
»  sans  barbe,  nimbé  et  tête  nue.  Il  est  accompagné 
»  des  mots  SC.  SATVRNINVS.  écrits  horizontale- 
»  ment,  et  coupés  en  deux  parties  par  la  tête  du  per- 
»  sonnage. 

»  Saint  Aventin^  placé  à  la  droite  de  saint  Saturnin, 
»  dont  il  est  séparé  par  une  fenêtre^  est  représenté 


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453 

»  debout,  tête  nue  et  nimbé.  Son  menton  porte  une 
»  touffe  de  barbe  ovale.  Le  saint,  dont  le  nom  est  ins- 
»  crit  près  de  sa  tête,  tient  un  livre  ouvert  de  la  main 
T>  gauche,  et  bénit  de  la  droite.  Les  embrasures  des 
»  fenêtres,  et  les  autres  surfaces  débadigeonnées  sont 
»  couvertes  de  rinceaux  et  d^autres  motifs  d'ornemen- 
»  tation,  parmi  lesquels  on  aperçoit  des  oiseaux.  » 

a  Cette  décoration,  ajoute  M.  Bernard,  est  faite  à  la 
»  détrempe.  Plusieurs  couches  de  craie  ont  été  pas- 
D  sées  d'abord  distinctement  sur  le  mortier  ;  puis  elles 
2)  ont  été  couvertes  d'un  enduit  couleur.de  chair,  sur 
»  lequel  on  a  exécuté  toute  la  décoration.  Les  person- 
»  nages  sont  dessinés  à  la  pointe  du  pinceau,  par  des 
»  traits  rouges^  les  chairs  et  les  draperies  sont  à  tête 
»  plate,  retaillées  de  filets  brun-noir  et  quelquefois 
»  rehaussées  de  filets  blancs.  » 

Ces  peintures  ont  un  intérêt  considérable  par  leur 
ancienneté,  comme  témoignage  d'un  art,  qui  semble, 
à  toutes  les  époques,  avoir  été  en  grand  honneur  dans 
certaines  régions  des  Pyrénées.  Celles-ci  sont  les  seu- 
les de  la  contrée  qui  remontent  au  xii®  siècle,  et  par  un 
heureux  hasard,  elles  nous  donnent  la  physionomie 
légendaire,  plus  ou  moins  fidèle,  du  patron  de  l'église. 

Espérons  qu'un  jour  peu  éloigné  viendra,  où  une 
intelligente  préoccupation  des  convenances  de  l'église 
et  de  l'art,  s'inspirant  de  l'ancien  état  de  ce  sanctuaire, 
y  rétablira  la  lumière  par  la  réouverture  de  ses  fenê- 
tres, et  rendra  ses  murs  prêts  à  recevoir  la  restitution 
de  ses  anciennes  peintures.  De  plus,  la  disparition  de 
l'encombrant  retable  qui  s'élève  directement  derrière 
l'autel,  s'imposera  d'elle-même,  pour  rendre  à  l'édifice 
toute  sa  longueur  primitive,  jusqu'au  fond  de  l'abside. 
Ce  retable,  œuvre  du  xvni®  siècle,  est  flanqué  de  deux 
fortes  colonnes  richement  ouvragées.  Au  sommet, 
sous  un  fronton  cintré,  il  représente  Dieu  tout-puis- 
sant, bénissant  le  monde;  au  centre  une  Adoration  des 


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454 

Mages,  à  droite  et  à  gauche  du  tabernacle  ;  et,  dans 
une  frise  inférieure,  diverses  statuettes  se  rapportant 
à  la  vie  du  saint  patron.  Ainsi  on  y  voit  Aventin,  por- 
tant la  barbe  et  une  couronne  de  cheveux,  vêtu  d'un 
surplis  et  d'un  capuchon,  enlevant  une  épine  de  la 
patte  d*un  ours,  qui,  suivant  la  légende,  vient  se  con- 
fier volontairement  à  lui  ;  puis,  Aventin  tenant  sa  tête 
dans  ses  mains,  —  l'Apparition  de  la  Vierge  au  saint 
martyr^  —  la  Vierge  en  prières  auprès  d'un  pupitre.... 
et  bien  d'autres  encore. 

Le  maître-autel  se  trouve  élevé  de  cinq  marches  au- 
dessus  du  niveau  de  la  nef  centrale.  Les  reliques  de 
saint  Aventin  se  sont  conservées  dans  son  tombeau 
jusqu'en  1837,  bien  longtemps,  comme  on  le  voit, 
après  l'installation  du  retable.  M.  l'abbé  Guiard  a  eu 
l'obligeance  de  nous  communiquer  des  copies  de  diffé- 
rentes vérifications  qui  en  ont  été  opérées.  L'une 
remonte  à  1737,  et  fut  faite  par  les  soins  du  curé  Man- 
vielle,  délégué  à  cet  effet  par  Mgr  Gabriel  de  Lubiè- 
res  du  Bouchet,  évêque  de  Comminges.  Les  reliques 
furent  remises  dans  une  caisse  en  bois,  et  déposées 
dans  le  mausolée  qui  fut  muraille. 

En  1837,  le  16  mai,  Mgr  d'Astros,  archevêque  de 
Toulouse,  vint  à  Saint- Aventin,  en  tournée  pastorale, 
et  procéda  minutieusement  à  la  reconnaissance  de  ces 
reliques.  Nous  avons  le  procès- verbal  de  cette  cérémo- 
nie, où  nous  voyons  attester  par  divers  témoins  \  habi- 
tants du  lieu,  que  le  tombeau  de  saint  Aventin,  situé 
derrière  le  maître-autel ,  n'a  nullement  été  profané 
pendant  la  Révolution,  qu'il  a  été  l'objet  constant  du 
respect  et  de  la  vénération  des  fidèles,  et  qu'enfin  il 


1.  Noos  remarquons,  dans  la  déposiiion  de  l'un  de  ces  lémoins,  que  la  ville  de  Vénas- 
que,  en  Espagne,  par  suile  d'un  vœu  fait  en  Thouneur  dn  saint  martyr,  envoyait  tous  les 
ans  à  Téglise  de  Saint-Avenlin  deux  cierges  de  cire,  offrande  qui  n*a  cessé  d'être  faite  que 
depuis  la  Révolution  d'Espagne.  Cette  offrande  est  signalée  dans  le  Bréviaire  de  Commin- 
ges, eereum  ttedigal  offetunt  qmlannis  Hispûni, 


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était  encore  tel  qu'on  Ta  toujours  vu  de  mémoire 
d'homme. 

Vérification  faite  des  reliques,  on  les  a  enfermées 
dans  une  caisse  neuve  en  bois  de  chêne,  a  qui  a  été 
)»  déposée  provisoirement  sous  la  pierre  du  maître- 
»  autel,  dans  une  niche  fermant  à  clef,  en  attendant  la 
D  confection  d'une  châsse  plus  précieuse.  » 

En  effet,  cette  châsse,  en  bois  d'ébène,  a  été  réalisée 
et  donnée  à  l'église  par  Mgr  d'Astros.  C'est  elle  qui  se 
trouve  exposée  dans  la  petite  abside  de  gauche.  Une 
note,  fournie  par  un  tabletier  de  Toulouse,  nous  en 
donne  la  description  ^ 

L'église  de  Saint-Aventin  possède  aussi  un  buste 
reliquaire,  de  grandeur  naturelle,  très  vénéré  des  fidè- 
les et  qui  n'est  pas  sans  intérêt.  Le  haut  du  corps  est 
en  plomb  et  la  tête  en  argent.  Mais  malheureusement 
un  zèle  malencontreux  a  rafraîchi  cette  tête,  en  la  pei- 
gnant couleur  de  chair.  Ce  buste  contient  des  osse- 
ments qui  passent  pour  être  de  saint  Aventin,  quoi- 
qu'ils ne  soient  mentionnés  dans  aucun  procès-verbal. 
Cependant  ce  reliquaire  figure,  dans  un  inventaire 
dressé  à  une  époque  bien  antérieure  à  îa  Révolution, 
sous  la  désignation  de  un  buste  du  martyr  ^patron,  La 
fabrication  de  cette  pièce  d'orfèvrerie  paraît  remonter 
au  commencement  du  xvii®  siècle.  Il  porte  une  auréole 
rayonnante  en  argent;  on  y  lit  le  monogramme  du 
Christ  L  H.  S.  avec  l'inscription  Santé  Eventine  ora 
pro  nobiSj  le  tout  suivi  d'un  poinçon  assez  confus,  où 


i D*iine  cbàsse  en  bois  d'ébéne  doublé  en  bois  décoré  de  plusieurs  sculplares 

Tariëes.  2  guirlandes  jointes  à  deux  têtes  d'anges  et  une  palme  de  martyr  sur  chaque  face 
leriDinée  par  on  couronnement. 

La  châsse  est  portée  par  quatre  griffes  de  lion  sculpté,  le  tout  doré  en  deux  fois  à  Tor 
blanc.  Là  boîte  est  ferrée  par  de  belles  charnières  en  cuivre  poli  ;  la  serrure  et  les  portes 
peme  (ticj  sont  dans  toute  la  longueur  de  h  châsse  en  cuivre  où  sont  établies  3  serrures, 
chacone  avec  une  clef  &  conducteur.  Dans  toute  la  longueur  la  châsse  a  34  pouces  de  long 
Hir  24  de  large  et  30  ponces  de  hauteur  ;  le  tout  fait  dans  toutes  les  perfections  par 
Héricaot,  labletier,  rue  de  la  Pomme,  n*37,  à  Toulouse. 

Par  les  ordres  donnés  de  Monsieur  Lanéluc,  grand  vicaire  &  Toulouse. 

MÉRICANT. 


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4S6 

Ton  distingue  une  fleur  de  lis  et  le  mot  TOL,  pour 
Tolosa.  Ce  buste  repose  actuellement  sur  un  autel  fort 
modeste,  dans  la  basse-nef  de  gauche,  en  avant  de  son 
abside. 

On  dit  qu'autrefois  trois  grilles  en  fer  forgé  fer- 
maient les  trois  absides.  Elles  furent  enlevées  et  ven- 
dues, aux  mauvais  jours  de  la  Révolution.  L'une  d'el- 
les, celle  du  milieu,  a  été  rachetée  et  installée  en 
avant  de  Tautel,  aux  angles  de  l'abside  centrale,  où  on 
la  voit  encore  aujourd'hui  fermant  le  sanctuaire. 

Des  ouvrages  en  ferronnerie  ont  remplacé,  vers  la 
fin  du  xi^  siècle,  les  anciennes  clôtures  en  bois,  en 
pierres  ou  en  marbre,  qui  fermaient  les  sanctuaires  des 
églises.  Ils  ont  donné  naissance  à  un  art  nouveau 
auquel  on  doit  de  véritables  chefs-d'œuvre.  La  grille 
de  Saint-Aventin,  sans  être  un  ouvrage  parfait,  n'en 
est  pas  moins  un  spécimen  de  ce  genre  de  monuments 
des  plus  remarquables  et  des  mieux  conservés  que 
nous  puissions  citer.  Un  dessin  d'elle,  dû  à  l'habile 
crayon  du  regretté  Darcel,  a  été  gravé  dans  l'ouvrage 
de  Gailhabaud'. 

Les  deux  doubles  vantaux  se  replient  sur  eux-mêmes 
et  viennent  s'arrêter  sur  une  tige  verticale.  Ils  ont 
chacun  0™97  de  large;  leur  hauteur  est  de  3""02; 
ajoutez  à  cette  hauteur  celle  d'une  frise  supérieure 
ou  imposte  dominée  par  des  pointes  de  lances,  hautes 
alternativement  de  0™44  et  de  0™60.  Les  deux  van- 
taux ou  panneaux  de  gauche  ont  un  dessin  à  peu  près 
semblable.  Ils  se  composent  de  quatre  travées  vertica- 
les occupées  par  des  enroulements  de  brindilles  symé- 
triquement disposés.  Seulement  dans  la  partie  basse  du 
panneau  de  gauche,  il  existe  dans  ces  brindilles  un 
certain  vide  amené  par  un  changement  de  forme  dans 

i.  L'Architecture  du  ▼•  ou  xvi(«  iiécle,  t.  iv. 


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467 

les  volutes,  qui  ne  se  retrouve  pas  dans  le  second 
panneau. 

Les  dessins  du  second  vantail  de  droite  ont  des  dif- 
férences plus  marquées.  Son  premier  panneau  de 
gauche  est  divisé  en  deux  travées  verticales,  et  le 
second  en  trois.  Les  volutes  de  leurs  brindilles  sont 
moins  serrées  que  dans  les  précédents.  La  disposition 
de  ce  premier  panneau  approche  d'une  régularité  et 
d'une  symétrie  parfaites,  où  rien  ne  vient  troubler 
Tœil  de  l'observateur,  tandis  que  le  second  panneau 
offre  des  vides  irréguliers  dans  les  enroulements  de 
ses  brindilles,  qui  semblent  attester  que  le  forgeron 
travaillait  un  peu  au  hasard,  sans  modèle  arrêté. 

Des  grilles  de  la  même  époque  existent  encore  dans 
d'autres  églises  de  France,  ou  sont  recueillies  dans  des 
musées.  Citons,  entre  autres,  la  grille  de  l'église  de 
Conques  (Aveyron).  Alf.  Darcel  a  publié  dans  les  Anna- 
les archéologiques  (vol.  xi,  p.  1),  un  savant  article  sur 
cette  grille,  accompagné  d'un  dessin  qui  représente 
deux  dormants  latéraux,  une  porte,  plus  une  frise 
supérieure.  Les  sujets  delà  porte,  distribués  dans  cinq 
bandes  verticales,  sont  formés,  comme  à  Saint-Aven- 
tin,  d'enroulements  de  volutes  symétriques  et  adossés, 
tandis  que  ceux  des  dormants,  plus  corrects,  occupent 
huit  bandes  horizontales  '. 

En  Espagne,  où  l'art  de  la  ferronnerie  a  opéré  des 
merveilles,  nous  indiquerons,  comme  exemple  de  cet 
art,  offrant  de  grands  rapports  d'analogie  avec  les 
grilles  de  Saint-Aventin  et  de  Conques,  mais  attribué 
au  commencement  du  xm®  siècle,  la  belle  grille  d'une 
chapelle,  au  cloître  de  la  cathédrale  de  Pampelune^ 

Il  existe  aussi,  dans  l'église  de  Saint-Aventin,  un 

1.  Vojez  aosii,  an  iv*  vol.  des  ktinaki  archéologiques,  les  charuiaDts  dessins  de  la  grille 
do  ciroeliérc  de  Cravaiil  (Yonoe),  et  d*uiie  grille  au  musée  d'Auxerrc,  accompagnés  d*une 
inléressaotc  oolice. 

2.  Od  peut  en  voir,  au  vol.  xiv*  des  Annales  archéologiques,  nn  charmant  dessin  dont  Tar- 
chilecte  Cb.  Sarvj  est  l'auteur. 


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bénitier,  plus  curieux  que  remarquable  par  les  sculp- 
tures dont  il  est  décoré.  Son  dessin ,  exécuté  par 
M,  Bernard ,  a  figuré  au  Congrès  archéologique  de 
Pamiers,  en  1884. 

((  Ce  monument,  avons-nous  dit  dans  le  compte 
»  rendu  de  ce  Congrès,  est  adossé  au  second  des 
»  piliers  du  premier  rang,  vis-à-vis  la  porte  d'entrée. 
»  Le  vase  est  de  marbre  noirâtre  et  repose  sur  un 
»  pied  cylindrique.  Le  diamètre  de  Touverture  mesure 
»  0'"40;  la  profondeur  du  vase  est  de  0"44.  Sur  le 
»  bord  plat  et  horizontal  sont  figurés,  au  trait,  six 
»  poissons  disposés  en  cercle.  Le  fond  est  muni  d'une 
»  bordure  découpée  en  six  lobes  formant  un  relief  de 
»  2  centimètres,  et  le  milieu  de  ce  fond  <  st  o.ccupé  par 
»  TAgneau  portant  sa  croix ,  sculpté  en  faible  relief. 

»  Les  figures  extérieures,  personnages,  oiseaux, 
»  quadrupèdes,  disque  orné  d'une  sorte  de  rosace,  y 
»  sont  traitées  d'une  façon  singulièrement  barbare. 

»  On  trouve  dans  cette  ornementation  des  réminis- 
»  cences  de  symboles,  qui  étaient  souvent  figurés 
»  dans  les  anciens  baptistères.  Tels  sont  les  poissons, 
))  pris  tantôt  pour  le  Christ  lui-même  et  tantôt 
))  pour  les  chrétiens  régénérés  par  feau  du  baptême. 
»  Les  colombes  affrontées  buvant  au  calice,  et  ici 
»  répétées  deux  fois,  symbolisent  aussi  l'aspiration 
»  du  chrétien,  qui  s'abreuve  à  la  source  de  la  vie 
»  éternelle.  L'Agneau  portant  la  croix  est  également 
;)  l'emblème  de  Jésus-Christ. 

a  II  serait,  sans  doute,  téméraire  de  chercher  des 
y>  symboles  dans  les  autres  figures,  comme,  par  exem- 
»  pie,  les  quatre  évangélistes  dans  les  quatre  person- 
»  nages  informes  figurés  auprès  des  colombes.  Si  on 
»  entrait  dans  cette  voie,  on  pourrait  aussi  voir,  dans 
»  l'animal  placé  vers  la  gauche,  le  fameux  ours  qui 
»  joue  un  rôle  miraculeux  dans  la  vie  de  saint  Aven- 
»  tin...  » 


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459 

L*extrênie  grossièreté  de  ces  bas-reliefs  extérieurs 
ne  peut  être  considérée  que  comme  Toeuvre  d'un 
ouvrier  inexpérimenté,  et,  malgré  son  style  barbare, 
ce  monument  ne  saurait  être  attribué  à  une  époque 
antérieure  au  xi^  siècle.  Il  existe  dans  les  Pyrénées 
plusieurs  bénitiers,  ou  cuves  baptismales,  qui  offrent 
avec  celui-ci  des  analogies  prononcées  dans  le  faire  de 
la  décoration.  De  ce  nombre  est  la  cuve  baptismale 
d'Orgibet  (Ariége),  décrite  dans  le  Bulletin  monumen- 
tal de  1874,  par  M.  Richard,  archiviste  du  Pas-de- 
Calais,  qui  l'attribuait  au  xiu®  siècle.  L'abbé  Barrault 
a  aussi  signalé,  en  quelques  mots,  le  bénitier  de  Saint- 
Aventin,  et,  sans  se  prononcer  sur  son  époque,  il  dit 
que  les  colombes  qu'on  y  voit  sont  un  motif  fréquent 
sur  les  monuments  du  xn®  siècle'.  Nous  devons  égale- 
ment citer  le  bénitier  de  l'église  de  Canéjan,  dans  le 
val  d'Aran,  mentionné  par  M.  Gourdon,  dans  son 
ouvrage  A  travers  V Aran,  p.  143.  Il  porte  lui  aussi, 
au  milieu  du  fond,  divisé  en  sept  lobes,  un  Agneau 
nimbé,  placé  sur  une  croix  carrée,  et  il  ne  paraît  pas 
dater  d'une  époque  antérieure  au  xv®  siècle. 

Les  fonts  baptismaux  placés  dans  l'angle  nord-ouest 
de  l'église  sont  fort  dignes  aussi  de  fixer  l'attention 
du  visiteur.  Malgré  leur  état  actuel  de  délabrement, 
on  peut  juger  de  leur  ancienne  élégance.  Une  cuve 
circulaire,  paraissant  remonter  au  xu®  siècle,  et  taillée 
dans  un  bloc  de  -marbre  dont  la  base  est  fortement 
moulurée,  est  surmontée  d'un  panneau  de  bois  de 
1"10  de  large,  recouvert  d'un  dais  demi-courbe.  Cette 
boiserie,  ouvragée  en  style  gothique  du  xv®  siècle,  porte 
encore  des  restes  ajourés  de  couronnement  au-dessus 
de  son  fronton,  et  a  conservé,  en  partie,  ses  anciennes 
peintures.  On  distingue,  sur  les  deux  panneaux  du 
dais,  le  Baptême  de  Jésus,  à  droite  le  Christ  et  saint 

1.  Hullelin  Tnnnumfnlal,  1870,  p.  424. 


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Jean-Baptiste,  et  à  gauche  Tange  et  la  colombe.  Le 
panneau  appliqué  au  mur,  et  qui  supporte  ce  dais,  est 
divisé  lui  çiussi  en  deux  faces.  Leur  partie  supérieure 
est  remplie  d'une  série  de  flammes  gothiques,  dispo- 
sées en  accolade,  et  au-dessous  on  voit,  d'un  côté, 
Marie-Madeleine  qui  tient  un  vase  de  parfums,  et  de 
Vautre,  sainte  Barbe  qui  porte  une  palme  et  une  tour 
percée  de  trois  fenêtres'.  Des  dorures,  dont  il  reste 
encore  trace,  rehaussaient  réclat  de  cette  ornementa- 
tion ;  mais  plusieurs  détails  accessoires ,  que  Ton 
devine  encore  sous  des  restes  de  vives  couleurs,  ont  à 
moitié  disparu.  Cependant  cette  boiserie,  avec  ses 
naïves  et  fines  figures,  est  toujours  digne  d'être  con- 
servée. Espérons  que  l'administration  paroissiale 
saura  la  remettre  en  honneur  et  la  soustraire  aux 
convoitises  dont  elle  pourrait  devenir  l'objet. 

Pour  terminer  la  revue  de  ce  que  l'église  de  Saint- 
Aventin  peut  offrir  d'intéressant  à  l'archéologue,  il 
nous  reste  à  parler  des  cloches.  Elle  en  possède  deux, 
l'une  du  xv*  et  l'autre  du  xiv®  siècle.  Nous  déclarons 
n'avoir  pu  les  examiner  de  près,  mais  nous  emprun- 
tons à  M.  le  comte  de  Toulouse-Lautrec  la  description 
qu'il  en  a  donnée  dans  le  Bulletin  monumental  de 
1863. 

((  La  cloche  du  xv*  siècle  est  ornée  d'une  grande 
inscription  sur  le  vase  supérieur,  en  lettres  cursive^ 
de  cinq  centimètres  de  hauteur  d'une  rare  élégance  ; 
les  mots  sont  séparés  par  une  ligne  ponctuée.  Elle 
commence  par  les  sigles  I H  S  renfermés  dans  un 
médaillon  circulaire;  puis  :  xps  vinoitj  xps  régnât, 
xps  imperaty  xps  ab  omni  malo  nos  defendat.  Ici  se 
place  une  jolie  croix  pattée,  dont  le  pied  élancé  repose 


1.  Pourquoi  cette  tour  a-t-clle  trois  rméires?  Nous  empruntons  au  P.  Cahier  Texplicii- 
tion  de  cette  particularité  : 

«  D*apré8  sa  légende,  dit-il,  elle  avait  été  refifermée  par  son  père  dans  une  espèce  de 


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464 

sur  un  piédestal  de  quatre  degrés,  et  rinscription  con- 
tinue :  l'an  mil  ccgglxvii  (une  croix  longue  très  histo- 
riée); SANTE  (croix  pareille  à  la  précédente)  avaxtine, 
et  pour  terminer  une  croix  semblable  à  la  première. 

»  Ensuite  quatre  bas-reliefs  de  7  centimètres  de 
haut  sur  5  de  large  :  1**  un  Eoce  Homo  en  buste  ; 
2*^  un  évêque  ;  3**  la  Sainte- Vierge  avec  Tenfant  Jésus 
dans  les  bras  ;  4®  saint  Michel  vainqueur  du  dragon. 

»  Ces  divers  personnages  sont  placés  dans  des 
niches  à  arcades  très  élégantes.  —  Sur  la  panse  on  lit 
une  inscription  dont  les  caractères  de  2  centimètres 
de  hauteur,  répètent  cinq  fois  :  te  deum  laudamus, 
alternant  avec  des  rinceaux  très  délicats. 

»  Cette  décoration  est  accompagnée  de  Técu  de 
France,  sans  supports,  ni  couronne.  Il  surmonte  le 
nœud  d'un  ruban  qui  fait  le  tour  de  la  cloche  et  qui 
est  décoré  de  rosettes.  Un  de  ces  bouts,  retombant, 
porte  les  mots  ave  maria,  de  la  même  dimension  que 
les  caractères  de  la  petite  inscription. 

»  La  cloche  du  xiv®  siècle  a  un  diamètre  de  86  cen- 
timètres et  une  hauteur  de  73  centimètres.  Elle  est 
ornée  seulement  d'une  inscription  et  de  quatre  bas- 
reliefs-  Les  caractères  très  maigres,  très  déliés,  annon- 
cent le  XIV*  siècle  ;  ils  ont  S  centimètres  de  hauteur. 
Le  commencement  de  Tinscription  est  marqué  par  une 
sorte  de  monstrance  formée  de  perles  et  renfermant 
une  croix.  Les  mots  sont  séparés  par  deux  grosses 
perles  :  mentem  satnam  spontaneam  o  honorem  eo  :   et 

PATRIE  LIBERATIONEM'. 

loar,  soil  qu'on  voulûl  dérober  sa  jeunesse  aux  recherches  des  prélendanls,  soit  qu'il 
s'agil  de  Ini  interdire  tout  rapport  avec  les  chrétiens  qui  lui  avaient  déjà  fait  connaître 
leâ  premiers  éléments  de  la  Toi.  Pendant  l'absence  du  père,  Ikirbe,  visitant  les  travaux , 
remarqua  que  Ton  avait  pratiqué  seulement  deux  fenêtres  du  côté  nord,  et  elle  en  commanda 
noe  troisième,  se  chargeant  d'en  rendre  raison  à  son  père  quand  il  reviendrait.  Mais 
eeloi-ci,  comprenant  que  sa  fille  voulait  ainsi  se  remettre  en  mémoire  le  dogme  de  la 
Sainte  Triiiité,  fut  pris  de  fureur  et  trancha  lui-même  la  tête  de  la  sainte.  >  {CaraciérUiiques 
des  Saints  :  au  mot  Tour.) 

I.  0  HONOREM  EO  est  évidemment  pour  Honorem  Deo.  Cette  sorte  d'acclamation  se 
j^eocontre  fréquemment  sur  les  cloches  du  xiv«  et  du  xv*  sîécleff,  entre  outres  sur  une  de 


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»  La  fin  de  ce  mot  em  se  trouve  sur  la  ligne  des 
bas-reliefs.  Ceux-ci  représentent  :  1^  Notre  Seigneur 
Jésus-Christ  en  croix,  les  membres  attachés  par  quatre 
clous,  mais  dans  une  pose  qui  s'éloigne  déjà  de  la 
simplicité  hiératique  primitive.  La  Sainte-Vierge  et 
saint  Jean  sont  au  pied  de  la  croix.  Ce  groupe  est 
placé  dans  un  élégant  édicule  à  six  pans,  présentant 
trois  arcades  ogivales  séparées  par  des  clefs  retom- 
bantes très  riches.  Il  est  surmonté  d'une  crête  et  de 
pinacles  ; 

»  2^  La  Sainte-Vierge  est  placée  sous  une  arcade  tri- 
lobée surmontée  d'un  pinacle  très  fleuri;  les  pilastres 
latéraux  sont  ornés  d'une  fine  dentelure. 

»  Ces  motifs  se  reproduisent  chacun  deux  fois.  » 

Tels  sont  les  principaux  détails  d'architecture  et 
d'ornementation  qui  recommandent  l'église  de  Saint- 
Aven  tin  à  l'étude  des  archéologues.  Nous  laisserons  à 
d'autres  plus  autorisés  la  tâche  de  nous  donner  une 
biographie  plus  complète  du  martyr  de  l'Arboust. 
Pour  nous,  nous  n'avons  cherché  qu'à  rappeler  les 
détails  nécessaires  pour  l'intelligence  de  certaines 
représentations  iconographiques.  Comme  on  le  voit, 
l'architecture  de  l'édifice  est  simple,  pure  et  correcte 
de  style,  à  l'exception  toutefois  des  fenêtres  du  bas, 
refaites  à  une  époque  peu  éloignée  de  la  notre.  A  l'in- 
térieur, rien  de  disparate  ne  vient  choquer  le  regard 
incapable  de  soupçonner  les  reprises  qui  pourraient 
avoir  été  opérées  peu  de  temps  après  la  première 
construction.  Les  murs,  les  piHers  et  la  voûte  ne 
laissent  voir  qu'une  maçonnerie  recouverte  d'un  cré- 
pis blanchi  à  la  chaux,  mais  susceptible  de  rece\oir 


Souvigny  (Bull,  monum.  l.  xiii,  p.  533.)  Menlem  sanlam  spontaneam  Deo  et  patrUt  liberaàonem. 
«Esprit  Saint  (nous  vous  souhaitons)  honneur  volontaire  à  Dieu  et  délivrance  de  lapai  rie.» 
Nous  la  retrouvons  aussi  sur  trois  cloches  du  xv«  siècle  du  département  de  riaére,  à  Voi- 
ron,  à  Cessieux,  à  Qnincieu. 


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un  revêtement  plus  riche  et  d'un  aspect  plus  monu- 
mental. A  Textérieur,  les  belles  absides,  le  curieux 
portique,  les  deux  tours  élégantes  et  majestueuses, 
constituent  un  pittoresque  ensemble,  qui  fait  de  la 
basilique  de  Saint-Aventin  le  monument  religieux  le 
plus  remarquable  deTancien  Haut-Comminges. 


P.  8.  final.  —  En  examinant,  à  Textéri^ur,  le  mur 
du  sud  de  Téglise,  entre  Tangle  sud-ouest  et  le  portail, 
on  aperçoit  à  0™80  au-dessus  du  sol  actuel,  un  bandeau 
ou  plutôt  les  restes  d'un  bandeau  de  0"™13  d'épaisseur, 
qui  s'étend  jusqu'au  pilier  du  porche  derrière  lequel 
il  disparaît.  Au-dessus  de  ce  bandeau  s'élève  la  légère 
courbure  d'un  arrachement,  qui  semble  avoir  fait 
partie  de  la  base  d'une  voûte  disparue.  Le  mur  de 
l'église  s'élève  droit  au-dessus  de  cet  arrachement  et 
à  l'aplomb  du  mur  inférieur.  Il  faut  aussi  remarquer 
que  l'appareil  de  la  partie  inférieure  du  mur  n'est  pas 
le  même  que  celui  de  la  partie  supérieure  de  ce  même 
mur;  il  est  plus  grand  et  plus  régulier. 

Il  y  a  certainement  là  l'indice  d'une  construction 
antérieure  à  l'église,  ou  tout  au  moins  d'une  modifi- 
cation apportée  dans  sa  construction.  M.  Bernard  est 
le  premier  qui  ait  observé  cette  particularité,  et  il  en  a 
recherché  la  raison  d'être.  Voici  le  résumé  des  obser- 
vations que  lui  ont  permis  de  faire  les  fouilles  qu'il  a 
exécutées  dans  ce  but,  au  mois  d'octobre  1892,  et  la 
destination,  au  moins  très  vraisemblable^  que  l'on 
peut  donner  à  cette  ancienne  voûte  démolie. 

La  fouille,  pratiquée  au  ras  du  mur  et  au-dessous 
du  bandeau  en  question^  a  fait  constater  que  le  bas  de 
la  fondation  de  ce  mur  ne  se  trouvait  qu'à  0™o7  au- 
dessous  du  niveau  de  la  terrasse  qui  sert  de  passage, 
de  sorte  que  le  bandeau,  situé  à  0'"80  au-dessus  de  ce 


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464. 

même  sol,  est  à  1™37  au-dessus  du  pied  de  la  fondation. 
Quoiqu'il  en  soit,  en  cet  endroit,  de  la  profondeur  des 
fondations  de  ce  mur,  nous  croyons  que  le  fragment 
du  mur  en  question,  antérieur  à  Téglise,  pourrait 
avoir  fait  partie,  de  cet  oratoire  bâti  par  Aventin  au 
IX®  siècle,  lequel  oratoire  abrita  le  corps  du  saint  et  sur 
lequel  on  éleva  la  basilique  des  xi®  et  xu*  siècles.  Les 
dimensions  que  nous  connaissons  s'accordent  parfai- 
tement avec  celles  que  nous  pouvons  largement  sup- 
poser pour  le  rayon  de  la  voûte.  Admettons  en  effet, 
avec  M.  Bernard,  que  cette  voûte  ait  eu  un  diamètre 
de  3  mètres.  Son  rayon  aurait  été  de  l™oO,  qui  joint 
à  1™37,  hauteur  du  sol  de  Toratoire  au  bandeau  sub- 
sistant encore,  aurait  donné  2^87,  pour  la  hauteur 
sous  voûte  dudit  oratoire.  Cet  édicule,  ainsi  voûté, 
aurait  subsisté  jusqu'au  moment  où  Ton  transféra  les 
reliques  du  saint  dans  le  sanctuaire  de  Téglise,  et  que 
Ton  remania  la  porte  en  appliquant  le  petit  porche 
que  l'on  voit  encore  aujourd'hui. 

M.  Bernard  a  pratiqué  aussi  un  sondage  de  1™75 
de  profondeur,  vers  le  milieu  de  la  terrasse.  Il  a  trouvé 
les  restes  d'un  vieux  mur  solidement  construit,  qui 
semblait  se  diriger  parallèlement  à  celui  de  l'église. 
Puisque  nous  ne  pouvons  que  formuler  des  hypo- 
thèses, ne  peut-on  pas  croire,  tout  en  restant  dans  la 
vraisemblance  des  faits,  que  c'était  un  des  murs  de  la 
maison  sur  laquelle  ou  près  de  laquelle  on  éleva  la 
basilique?  Mais  les  modestes  ressources  dont  on  dis- 
posait n'ont  pas  permis  de  pousser  plus  avant  cette 
exploration,  qui  aurait  nécessité  le  déblaiement  de 
toute  la  terrasse. 

J.  DE  Laurière.  —  B.  Bernard. 


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UN   DEMI-SIÈCLE  D'ASCENSIONS 
AU  NÉTHOU 


Un  peu  plus  d'un  demi-siccle  s'esi  écoule  depuis  la  première  conquèlc  du  pic  de 
N«*lhou  en  f842  par  un' Français  et  un  Russe.  Comme  ses  rivaux  de  la  Suisse  el  du  Dau- 
phiiië  il  a  ses  archives.  Deux  de  nos  collègues,  chacun  de  leur  cùlé,  à  15  ans  d'inicrvalle, 
en  ont  bien  donné  une  parlie  dnns  te  BullHin  de  la  Société  Ramond ,  mais  pcrsonuf"  n'a 
encore  publié  Tensemble. 

M.  Maurice  Gourdon  a  comblé  celle  regrellable  lacune  et  s'csl  donné  la  peine  de  compulser 
les  divers  registres  qui  depuis  50  ans  séjournrrenl  tour  &  tour  au  sommet  de  ta  monta- 
gne. —  En  1893,  il  avait  même  fait  paraître,  dans  la  Bévue  det  Pyrénées  les  premières 
pages  de  son  mannscrit.  Il  a  bien  voulu  nous  le  donner  tout  entier,  et  nous  sommes  heu- 
reux de  pouvoir  aujourd'hui  en  commencer  la  publication.  Son  travail  présente  un  double 
intérêt.  Le  Néthou,  en  effet,  silué  aux  portes  de  Lucbon,  est  tous  les  ans  le  but  principal 
des  grandes  ascensions,  et  c'est  la  p:emiére  fois  que  les  archives  du  géant  pyrénéen  sont 
pnbliées  ia  extenso  par  L'  ménie  auteur.  {Ia  Direction.) 


De  tout  tomps,  h  l'aspect  des  montagnes  et  surtout  des  hautes 
cîmes,  riiomnie  s'est  senti  envahi  d'une  émotion  profonde  et  indé- 
finissable. Suivant  les  âges,  suivant  les  temps,  différentes  ont  été 
ses  impressions.  Â  Torigine,  ces.  puissants  massifs  n'ont  éveillé 
chez  lui  que  des  idées  de  crainte,  de  terreur.  Ces  cimes  ardues  ou 
perpétuellement  blanches  do  frimas  étaient  autant  de  lieux  redou- 
tés, asile  inviolable  des  génies  malfaisants  ou  de  divinités  protec- 
trices dont  il  ne  fallait  point  troubler  le  repos  éternel.  Ceux-là  les 
déifièrent. 

De  nos  jours,  combien  en  est-il  encore  de  peuplades  sauvages 
qui  professent  les  mêmes  croyances,  et  voient  même  d'un  mauvais 
œil  le  touriste  s'approcher  de  la  montagne  sacrée. 

Maintenant,  depuis  plus  d'un  demi-siècle  surtout,  nous  envisa- 
geons froidement  et  sans  crainte  ces  géants  do  la  terre  ;  le  cortège 
d'idées  superstitieuses  et  surannées  qui  planait  jadis  sur  eux 
comme  une  sombre  auréole  est  tombé  devant  le  scepticisme  et...., 
Talpinisme  moderne.  De  temps  à  autre  la  montagne  se  défend 
encore  dans  une  dernière  convulsion  d'impuissance  ;  elle  fait  bien 
quelques  victimes,  souvent  imprudentes.  Mais  à  présent  nous 
luttons  avec  elle  à  armes  égales,  elle  est  vaincue  par  l'homme. 
RcTus  OK  CoMMiHces,  2«  trimestre  IS94.  Tous  IX.  —  i2. 


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166 

L'audace,  je  devrais  dire  la  folie,  l'invraiseaiblance  des  premic- 
res  tentatives  on  ont  fait  des  actions  à  demi-fabuleuses,  et  nous 
pourrions  en  rappeler  plus  d'une  dont  l'histoire  nous  a  gardé  le 
souvenir  dans  les  Alpes  et  les  Pyrénées.  Mais  à  quoi  bon  sortir  de 
nos  Pyrénées?  Ne  sont-elles  p<is  assez  belles  sous  tous  rapports 
pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire  d'aller  chercher  loin  d'elles  les 
premiers  faits  de  l'alpinisme?  Inutile  du  reste  d'insister  sur  oc 
point,  c'est  une  vérité  banale  connue  depuis  longtemps,  et  le  doute 
n'est  plus  permis. 

Ils  étaient  bien  mal  outillés  nos  devanciers  pour  s'engager  ainsi 
dans  le  domaine  de  la  montagne.  Et  qui  avaient-ils  pour  les  secon- 
der dans  leurs  essais  ?  Des  hommes  à  peu  près  aussi  novices 
qu'eux-mêmes,  qui  les  suivaient  presque  à  contre-cœur.  Ils  n  oiit 
eu  que  plus  de  mérite. 

De  Thou,  dans  ses  Mémoircji,  nous  rapporte  «  qu'en  1581  un  sei- 
gneur de  la  maison  de  Foix,  le  duc  de  Caudale,  tenta  l'ascension 
du  pic  du  Midi  d'Ossau  :  mais  il  ne  parvint  qu'a  une  station  voi* 
sine  du  sommet  ».  Puis  c'est  «  Palma-Cayet,  lecteur  d'Henri  IV, 
qui  essaie  lui  aussi  de  gravir  la  montagne,  mais  il  ne  put,  dit-il, 
monter  qu'en  un  jour  et  demi  :  encore  bien  las,  et  pour  descendre, 
il  fallut  s'écouler  d'asséant.  • 

Avec  le  Monl-Valier,  la  légende  se  joint  à  l'alpinisme.  Les  trois 
pitons  rocheux  «  qui  terminent  sa  lourde  cime  étaient  autrefois 
surmontés  de  trois  croix  ;  deux  ont  disparu,  f^a  tradition  attribue 
lune  de  ces  croix  à  saint  Valier,  évcque  de  Couserans;  ce  serait 
vraisemblablement  la  première  ascension  connue  dans  les  Pyré- 
nées. »  La  seule  que  le  temps  et  les  hommes  ont  respectée  fut  érigée 
au  sommet  en  1678,  par  ordre  de  B.  de  Marmiesse,  évèque  de 
Saint-Lizicr.  Elle  porte  l'inscription  suivante:  Episcop  —  Donii 
Valeris  -—  Posucre  —  IG72. 

Sans  m'arrct?r  aux  ascensions  ou  tentatives  d'ascensions  des 
précurseurs  des  alpinistes  modernes,  j'arrive  tout  d'un  trait  à  cello 
dont  le  Néthou,  point  culminant  de  la  chaîne  entière,  fut  le  théâ- 
tre depuis  la  fin  du  siècle  dernier. 

Nous  lisons  dans  l'ouvrage  de  MM.  Lambron  et  Lézat'.  «En 
1787,  Ramond  parait  être  le  premier  qui  tenta  d'atteindre  le  som- 
met de  la  montagne.  Mais  brusquement  enveloppé  par  des  nuages, 
il  n'y  parvint  pas  et  ne  put  vérifier  sa  situation.  » 

Le  17  vendémiaire  an  XI  (9  octobre  1804)  une  deuxième  ascen- 
sion fut  tentée  par  Gordier.  accompagné  de  M.  Neergaard.  Mais 
ils  n'atteignirent  que  l'altitude  dç  3215  mètres.  —  Le  11  septembre 

\.  foliée  hUitorique  et  médicale  sur  Bagnères-de-Luchon»  Parts,  1856,  2  vol.  in  12. 


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IG7 

1811,  Charpentier  ne  dépassa  pas  le  glacier  de  la  Maladelta.  —  liO 
Il  août  1824,  deux  ingénieurs  des  mines,  MM.  Blavier  et  de  Billy 
renouvelèrent  les  tentatives  de  Ramond  et  de  Cordier.  Mais  la 
mort  tragique  de  leur  guide  Barreau,  tombé  sous  leurs  yeux  dans 
une  crevasse  du  glacier  de  la  Maladetta,  coupa  court  à  leurs 
explorations.  ~  liC  29  juillet  1827,  M.  Arhanère  chercha,  mais  inu- 
tilement, à  gagner  par  le  versant  méridional  et  la  vallée  de  Mali- 
bierne  le  sommet  du  pic  de  Néthou. 

11  nous  faut  attendre  jusqu'en  1842  pour  enregistrer  une  nou- 
velle tentative  d'ascension,  qui  cotte  fois  devait  être  couronnée  do 
succès.  Cest  à  MM.  Albert  do Franqueville,  botaniste  distingué  de 
Normandie,  et  Platon  de  Tchihatchcfï,  officier  russe  et  géologue 
éminent,  que  revient  l'honneur  d'avoir  les  premiers  conquis  la 
cime  du  géant  pyrénéen.  Ils  étaient  accompagnés  des  guides  de 
lAichon,  Jean  Argarot,  Pierre  Bedonnet  dit  Nate  et  Bernard 
Ursule. 

Il  nous  paraît  intéressant  et  utile  de  donner  ici  le  récit  de  cette 
mémorable  expédition,  tel  que  l'a  publié  M.  Albert  de  Franque- 
ville ^  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  lui  laisser  la  parole  : 

«  Depuis  mon  arrivée  dans  les  Pyrénées,  je  nourrissais  le 

désir  de  faire  une  nouvelle  tentative  pour  parvenir  enfin  au  som- 
met de  ce  pic  (le  Néthouj,  jusque-là  réputé  inaccessible. 

»  Une  heureuse  circonstance  vint  enfin  me  permettre  d'exécuter 
mon  dessein.  Un  jeune  officier  russe,  M.  de  TchihatchefT,  arriva  de 
Luz,  poussé  par  le  désir  de  tenter  cette  même  entreprise.  Je  me 
réunis  à  lui. 

»  Ce  fut  le  18  juillet  1842  que  nous  quittâmes  Bagnères-de- 
Luchon  pour  nous  rendre  à  la  Maladetta;  noi)s  étions  accompa- 
gnés par  quatre  guides  :  Pierre  Sanio,  de  Luz  (il  était  venu 
avec  M.  de  TchihatchefT)  ;  Jean  Argarot,  Pierre  Hedonnet  et  Ber- 
nard Ursule,  de  Bagnères-de-Luchon.  Ces  deux  derniers  étaient 
chasseurs  d'isards  et  regardés  comme  les  plus  intrépides  monta- 
gnards du  pays.  Nous  emportâmes  avec  nous  tout  ce  qui  était 
nécessaire  pour  passer  plusieurs  jours  dans  la  montagiye,  des 
vivres,  des  couvertures  pour  la  nuit,  des  haches,  des  cordes  pour 
franchir  les  passages  les  plus  dangereux. 

»  Nous  gagnâmes  le  port  de  Vénasquc  par  le  chemin  si  pittores- 
que, si  .varié,  qui  longe  les  bords  de  la  Pique,  et  par  le  sentier 
étroit  et  rapide  qui  s'élève  en  lacets  le  long  de  la  montagne.  Quand 
nous  eûmes   atteint  le  port,   nous  finies  halte   un    instant   pour 


1.  Un  voyage  à  la  Maladetla,  par  M.  .\lbcri  du  Fraiiquevilie,  I  vol.  iii-8o,  1845,  chez 
!..  Maisou,  17,  rue  Je  Tounion,  Paris. 


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468 

décharger  nos  chevaux  que  nous  renvoyâmes  aïfendre  notre 
retour  à  l'Hospice  de  Bagnères. 

»  Considérée  de  ce  point,  la  Maladelta  présente  l'aspect  le  plus 
sauvage  et  en  même  temps  le  plus  majestueux.  Des  forêts  de  pins 
gigantesques,  les  uns  encore  debout,  les  autres  brisés  par  les  oura- 
gans, renversés  par  les  avalanches,  occupent  sa  partie  inférieure. 
Des  rochers  âpres  et  stériles,  dénudés  par  les  eaux,  forment 
ensuite  autour  d'elle  une  ceinture  noirâtre  et  aride.  Au-dessus 
étincellent  les  glaciers  sillonnés  par  de  larges  et  profondes  cre- 
vasses. Une  crête  de  rochers  très  escarpés  et  fort  accidentes 
forme  le  faite  de  la  montagne.  Cotte  crête  lie  ensemble  les  difTé- 
rents  pics  dont  sa  cime  est  hérissée,  (^cst  ainsi  qu'en  commençant 
par  Test  on  voit  d'abord  le  pic  de  Fouys,  auquel  Heboul  et  Vidal 
assignent  3058  mètres  de  hauteur  absolue.  Ce  pic  se  bifurque  vers 
son  sommet.  Cette  circonstance  lui  a  valu  de  la  part  des  habitants 
du  pays  le  nom  de  Pic  Fourcanade,  pic  Fourchu.  Viennent  ejisuitc 
le  pic  de  Néthou  et  les  deux  pics  de  la  Maladetta,  dont  le  premier 
a  335t  mètres  de  hauteur  et  le  second  3312  mètres,  d'après  les 
mesurages  trigonométriques  de  M.  Corabœuf.  Enfin  se  présente 
le  pic  d'Albe  et  celui  de  Malibierne.  dont  la  hauteur  n'a  point 
encore  été  déterminée  jusqu'ici. 

»  Nous  commençâmes  à  descendre  le  versant  méridional  du 
port  do  Vénasque.  Il  se  compose  presque  entièrement  d'un  calcaire 
de  transition  â  petits  grains,  très  friable,  brillant  d'un  vif  éclat 
aux  rayons  du  soleil.  La  couleur  de  ce  calcaire,  d'un  blanc  légè- 
rement grisâtre,  a  fait  donner  â  cette  pente  le  nom  de  Pena 
Blanca. 

»  Un  sentier  étroit  et  rapide,  tracé  sur  les  roches  qu'a  rendues 
glissantes  le  frottement  répété  des  mules,  conduit  du  port  au  fond 
de  la  vallée  de  LEsera.  Là  se  trouve  l  Hospice  de  Vénasque,  situé  â 
708  mètres  plus  bas  que  le  port,  c'est-à-diro  â  1703  mètres  iCharp.) 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  —  Il  est  impossible  de  rien  voir  de 
plus  sauvage  et  de  plus  sublime  à  la  fois  que  la  partie  du  val  de 
VE^era  qui  environne  la  Maladetta  au  nord  et  à  l'ouest.  Après  être 
restés  quelques  instants  à  IHospice  pour  nous  reposer,  nous  nous 
mimes  en  route  en  remontant  la  vallée  de  l'Escra.  Sa  partie  supé- 
rieure est  beaucoup  moins  sauvage  que  ceflo  qui  s'étend  depuis 
l'Hospice  jusqu'à  la  ville  de  Vénasque. 

»  Sur  le  dernier  de  ces  plateaux  se  trouvent  encore  aujourd'hui 
plusieurs  étangs.  On  a  donné  â  cet  endroit  le  nom  de  Plan  des 
Etangs.  Il  s'y  trouve  une  cabane  où  se  retirent  pendant  la  nuit  les 
pâtres  qui  gardent  les  troupeaux  de  ces  prés.  Nous  allâmes  cou- 
cher à  la  Rencluse  de  la  Maladella,  située  à  284  mètres  au-dessus 
de  la  cabane  du  Plan  des  Etangs. 


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169 

»  Nous  commençâmes  à  gravir  la  Maladetta  par  une  dépression 
qui  s'ouvre  dans  son  sein,  précisément  vis-à-vis  du  port  de  Vénas- 
que.  Nous  marchâmes  pendant  près  de  trois  heures  au  milieu  de 
rochers  polis  en  remontant  le  vallon.  Après  avoir  gravi  une  der- 
nière cminence,  couverte  de  la  plus  belle  pelouse  de  verdure, 
nous  aperçûmes  devant  nous  une  jolie  prairie.  De  tous  côtes  elle 
était  environnée  de  rochers  qui  formaient  autour  d'elle  une  enceinte 
presque  circulaire;  un  seul  endroit  était  accessible  vers  l'est;  ce 
fut  par  là  que  nous  y  pénétrâmes,  et  encore  fûmes-nous  obligés 
de  descendre  un  talus  de  gazon  très  rapide.  Au  milieu  de  Ten- 
ceinte  coulait  un  torrent  peu  profond,  mais  que  nous  ne  franchîmes 
qu'avec  difficulté.  Ce  torrent  se  perd  sous  terre,  dans  une  caverne 
nommée  gouiïre  de  Tourmon,  pour  ne  reparaître  ensuite  que  dans 
le  fond  de  la  vallée  de  TEsera. 

»  Cette  partie  de  la  montagne  est  appelée  par  les  chasseurs  Ren- 
cluse  de  la  Maladetta  (Enclos  de  la  Maladetta)  ;  sa  hauteur,  déter- 
minée barométriquement  par  M.  Charpentier,  est  de  2083  mètres 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Un  enfoncement  pratiqué  par  la 
nature  dans  la  paroi  méridionale  de  la  Rencluse,  où  le  rocher 
surplombe  le  sol  de  4  à  5  mètres,  formait  Tabri  qui  devait  nous 
garantir  des  injures  de  lair.  Nous  y  passâmes  la  nuit. 

»  Le  lendemain,  dès  la  pointe  du  jour,  nous  nous  mimes  en 
marche  en  contournant  la  montagne  par  l'ouest.  Après  avoir  tra- 
versé un  épais  fourré  de  rhododendrons^  nous  nous  engageâmes 
dans  une  forêt  de  vieux  pins,  ravagée  par  les  avalanches.  Quand 
nous  eûmes  laissé  derrière  nous  les  derniers  arbres  de  la  forêt, 
nous  fimes  quelques  pas  sur  une  maigre  pelouse  et  toute  appa- 
rence de  végétation  disparut  à  nos  yeux.  Nous  venions  d'entrer 
dans  la  région  de  l'éternelle  stérilité.  Pendant  trois  heures,  nous 
marchâmes  sur  des  fragments  de  rocs  entraînés  par  les  avalan- 
ches. Nous  eûmes  plusieurs  fois  à  traverser  de  larges  plaques  de 
neige  que  toute  la  chaleur  du  soleil  de  l'été  n'avait  encore  pu  fon- 
dre. Quand  nous  fûmes  arrivés  vis-à-vis  le  pic  d'Albe.  nous  nous 
dirigeâmes  directement  sur  lui  en  gravissant  une  gorge  étroite  et 
escarpée.  Nous  passâmes  au  pied  même  du  pic,  et  franchissant 
une  de  ses  arêtes  de  rochers  qui  s'étendent  depuis  le  sommet  de 
la  Maladetta  jusqu'à  sa  base,  nous  aperçûmes  au-dessous  de  nous 
les  eaux  calmes  et  bleues  du  lac  d'Albe,  situé  à  2212  mètres 
(Charp.)  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  entouré  de  tous  les 
côtés  de  rochers  entassés  confusément.  Rien  n'est  plus  pénible  à 
traverser  que  ces  masses  de  rochers.  Une  arête,  composée  de  ces 
fragments  de  rochers,  sépare  le  lac  d'Albe  d'un  autre  lac  beau- 
coup plus  étendu,  le  lac  de  Grcgonio.  Il  est  incontestablement  bcau- 


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no 

coup  plus  élevé  que  celui  d'Albe  ;  aussi  est-il  encore  presque 
entièrement  gelé. 

»  Nous  longràmes  le  lac  de  Grégonio  jusqu'au  port  de  la  Mali- 
bierne.  Du  liaut  de  cette  petite  échancrure,  dont  l'accès  est  assez 
dinicilc,  les  yeux  plongent  dans  la  gorge  de  Malil)iernc,  qui  s'ou- 
vre dans  les  flancs  do  la  Maladetta.  Elle  se  dirige  de  l'est  à  Tou- 
est.  Gcst  la  plus  considérable  de  toutes  les  vallées  qui^prenncnt 
naissance  dans  la  Maladetta.  Enfin,  nous  sortîmes  delà  région  des 
neiges  pour  entrer  dans  la  sîone  où  la  végétation  commence  à 
reparaître.  Nous  gravîmes  un  mamelon  assez  escarpe  couvert 
d'un  bosquet  de  pins,  et  après  avoir  francbi  un  énorme  amas  de 
blocs  granitiques  éboulés  du  haut  de  la  montagne,  nous  arrivâ- 
mes à  une  vaste  pelouse  qui  forme  la  partie  supérieure  du  vallon 
do  Malibierne.  —  C'est  ici  que  nous  passâmes  notre  deuxième 
nuit  dans  une  misérable  cabane  de  berger. 

»  liC  jour  venu,  nous  francUimcs  le  torrent  à  l'aide  de  plusieurs 
rochers  qui  se  trouvaient  dans  son  lit.  Nous  commençâmes  ensuite 
à  gravir  la  montagne  par  une  pente  assez  rapide  et  entièrement 
recouverte  de  fragments  de  rochers  brisés.  Moins  gros  que  ceux 
que  nous  avions  eus  à  traverser  la  veille,  ils  n'en  étaient  que  plus 
incommodes.  Ils  cédaient  sous  le  pied,  et,  glissant  en  arrière,  ils 
nous  entraînaient  quelquefois  plus  bas  que  l'endroit  que  nous 
venions  de  quitter.  Néanmoins  cette  partie  de  la  route  nous  offrit 
moins  de  difficultés  réelles  qu'elle  ne  coûta  de  fatigues.  —  Deux 
heures  après  avoir  quitté  le  lieu  où  nous  avions  passé  la  nuit, 
nous  atteignîmes  un  plateau  très  vaste  situé  au-dessus  do  la 
limite  des  neiges  éternelles.  Le  milieu  de  ce  plateau  est  occupe 
par  le  lac  Coroiif^,  dont  les  eaux  restent  gelées  une  grande  partie 
de  l'année.  Au  moment  où  nous  mîmes  le  pied  sur  s.s  rives  il 
commençait  à  dégeler,  et  de  gros  glaçons  flottaient  à  la  surface. 
C'est  à  ce  lac  que  prend  naissance  le  torrent  qui  arrose  ou  plutôt 
dévaste  le  vallon  de  Malibierne,  et  va  se  réunir  à  l'Elsera,  un  peu 
au-dessus  de  Vénasque. 

»  Nous  attaquâmes  hardiment  le  glacier.  Rien  ne  fut  plus  facile 
que  d'en  franchir  la  partie  inférieure;  mais  plus  nous  nous  éle- 
vions, plus  l'inclinaison  devenait  forte.  La  neige  qui  recouvrait  le 
glacier,  durcie  par  le  froid,  plus  vif  à  ces  hauteurs  que  sur  les 
bords  du  lac,  était  devenue  extrêmement  glissante.  Il  fallut  avoir 
recours  aux  crampons.  Il  no  nous  fallut  pas  moins  de  deux  heu- 
res pour  parvenir  au  haut  du  glacier.  Nulle  part  il  n'était  à  décou- 
vert. Il  s'y  rencontre  peu  de  crevasses  ;  nous  n'en  rencontrâmes 
qu'une  seule  qui  méritât  à  proprement  parler  ce  nom.  Elle  occu- 
pait le  sommet  du  glacier  et  s'étendait  précisément  devant  la  brc- 


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ni 

che  que  nous  avions  choisie.  Nous  la  passâmes  sur  un  pont  de 
neige. 

»  Quelques  minutes  après  nous  étions  arrives  à  une  écliancrure 
formée  par  un  abaissement  subit  do  la  crête  de  la  Maladetta. 
C'étail  là  le  nec  plus  ultra  de  tous  ceux  qui  nous  avaient  précédés. 
Cette  arcle  est  située,  d'après  M.  Charpentier,  à  une  hauteur  do 
3171  mètres,  et  d'après  M.  Cordier  de  3256  mètres  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer.  C'est  cet  endroit  qui,  dans  les  catalogues  des 
hauteurs  pyrénéennes,  figure  sous  le  nom  d'arête  accessible  à 
l'ouest  du  pic  de  Néthou.  Il  est  assez  difficile  de  s'imaginer  quelle 
cause  a  pu  arrêter  ces  hardis  explorateurs  si  près  du  but  qu'ils 
étaient  venus  chercher  avec  tant  de  peine  et  au  milieu  de  tant  de 
périls.  A  partir  do  cet  endroit,  il  n'y  a  plus  d'obstacles  sérieux  à 
vaincre,  plus  de  véritables  dangers  à  courir  pourvu  que  l'on 
prenne  les  précautions  dictées  par  la  prudence. 

»  Au  moment  où  nous  nous  présentâmes  pour  franchir  la  brè- 
che, nous  nous  trouvâmes  tout  à  coup  environnés  d'un  nuage  si 
épais,  que  nous  pouvions  à  peine  distinguer  les  objets  à  une 
dizaine  do  mètres  de  nous.  Accumulées  dans  l'enceinte  du  lac  de 
Coroné  par  le  vent  du  sud,  toutes  ces  vapeurs  venaient  déboucher 
parce  couloir  étroit  sur  le  versant  ?eptentrional  de  la  Maladetta. 
Le  vent  s'y  engouffrait  avec  une  force  terrible,  entraînant  avec  lui 
des  masses  de  brouillards.  Les  rafales  étaient  tellement  violentes, 
que,  pour  ne  pas  être  précipités  dans  un  amas  d'eau  qui  se  trou- 
vait de  l'autre  côté  de  la  crête,  nous  étions  obligés  de  nous  cram- 
ponner de  toute  notre  force  aux  aspérités  du  roc.  Ces  coups  de 
vent  étaient  séparés  les  uns  des  autres  par  des  intervalles  d'un 
calme  profond.  Nous  profitions  de  ces  moments  pour  avancer  ; 
puis,  au  moment  où  la  tempête  venait  nous  assaillir  de  nouveau, 
nous  nous  collions  contre  le  rocher  jusqu'à  ce  que  le  calme  fût 
revenu. 

»  Nous  atteignimes  l'autre  côté  de  l'arête,  et  gagnâmes  le  pied 
d'un  escarpement  qui  n'était  autre  chose  que  la  base  même  du  pic 
de  Néthou.  Là  régnait  un  calme  parfait  et  qui  contrastait  vivement 
avec  le  rugissement  des  rafales  qui  se  faisaient  entendre  à  quel- 
ques pas  de  nous.  Nous  avions  à  nos  pieds  un  assez  \i^iste  enfon- 
cement pratiqué  dans  le  glacier  par  l'action  des  vents  chauds  du 
sud;  il  était  rempli  d'eau  entièrement  liquide.  Au-dessus  de  cet 
amas  d'eau  s'élève,  en  talus  rapide  et  couvert  de  neige,  le  glacier 
qui  s'étend  jusqu'au  sommet  du  pic  de  Néthou.  Entourés  d'un 
épais  brouillard;  nous  eûmes  un  moment  d'indécision.  Nos  con- 
ducteurs étaient  partagés  d'opinion.  Les  guides  inclinaient  à  atta- 
quer franchement  le  glacier  ;  les  chasseurs,  au  contraire,  voulaient 


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478 

essayer  de  gravir  la  muraille  de  granit  à  laquelle  nous  étions 
adossés. 

»  11  fut  convenu  que  les  guides  et  les  chasseurs  essayeraient 
d'abord  do  grimper  le  long  des  rochers,  et  que  si  cette  tentative 
ne  réussissait  pas,  nous  nous  hasarderions  alors  sur  le  glacier. 
Nous  devions  rester  où  nous  étions  et  attendre  que  les  guides 
nous  eussent  fait  connaître  le  résultat  do  leurs  recherches. 

»  Ils  commencèrent  donc  à  gravir  le  rocher,  s'accrochant  des 
pieds  et  des  mains  aux  aspérités  que  présentait  la  surface  exfoliée 
du  granit.  Bientôt  ils  disparurent  à  nos  yeux,  enveloppés  par  le 
brouillard.  Au  bout  de  quelques  minutes  nous  les  vîmes  revenir, 
dcscspéranl  absolument  de  parvenir  au  sommet  par  cette  voie. 
Nous  nous  dirigeâmes  donc  vers  le  glacier  qui  était  notre  dernière 
espérance.  Nous  prîmes  toutes  les  précautions  nécessaires  pour 
nous  engager  sur  ce  glacier  inconnu  et  qui  pouvait  receler  de 
dangereuses  crevasses.  Nos  préparatifs  consistèrent  tout  simple- 
ment à  nous  attacher  les  uns  aux  autres  avec  une  corde.  Chacun 
de  nous  était  séparé  de  celui  qui  le  précédait  par  une  distance  de 
3  mètres.  De  cette  manière,  si  nous  eussions  rencontré  quelque 
crevasse,  et  que  la  neige  eût  cédé  sous  les  pieds  de  quelqu'un 
d'entre  nous,  il  eût  été  retenu  dans  sa  chute  par  ses  compagnons 
et  n'eût  couru  aucun  péril. 

»  Au  surplus,  cette  mesure  que  nous  avait  suggérée  lexpéricnce 
de  nos  guides  se  trouva  inutile.  Nous  ne  vîmes  aucune  crevasse. 
Peut-être  étaient-elles  encore  couvertes  de  neige.  La  pente  du  gla- 
cier était  même  si  peu  rapide  que  nous  pûmes  nous  débarrasser 
de  nos  crampons  qui  eussent  inutilement  entravé  notre  marche. 

»  M.  de  Tchiatcheff  fut  atteint  de  nausées  assez  violentes  pour 
être  obligé  de  s'arrêter  de  temps  en  temps,  et  de  se  coucher  sur  la 
neige.  Quelques  instants  de  repos  suffisaient  pour  le  remettre 
entièrement  et  lui  permettre  de  continuer  sa  route.  Ni  les  guides, 
ni  moi  ne  ressentîmes  rien  de  particulier.  Peu  de  temps  nous  suffit 
pour  atteindre  la  partie  supérieure  du  glacier  où  le  roc  se  montre 
à  nu.  Nous  pensions  avoir  gagné  le  point  culminant  de  la  monta- 
gne, quand  nous  vîmes  à  une  quarantaine  de  pas  de  nous  se  dres- 
ser une  dernière  aiguille,  qui  pouvait  avoir  10  mètres  do  hauteur. 
Nous  trouvant  sur  la  terre  ferme,  nous  nous  débarrassons  de  nos 
cordes,  et  nous  nous  élançons  comme  à  Tenvi  vers  ce  dernier 
rocher. 

»  Sur  le  point  d'y  parvenir,  nous  n  us  arrêtons  frappés  de  stu- 
péfaction ît  l'aspect  du  passage  qui  nous  reste  à  franchir  pour  y 
arriver.  Nous  sommes  séparés  du  pic  Néthou  par  une  arête  extrê- 
mement aiguë  ;  à  droite,  s'ouvre  sous  nos  pieds  un  abîme  au  fond 
duquel  se  déroulent  le  glacier  de  Goroné  et  les  eaux  noirâtres  de  sou 


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lac  ;  à  gauche,  a  une  profondeur  un  peu  moins  grande,  la  partie 
orientale  du  glacier  du  Néthou  s'abaisse  par  une  pente  des  plus 
rapid<».  Pour  comliie  de  difficultés,  le  sommet  de  celte  arête  est 
encombre  de  fragments  de  granit  desagrégés  par  la  gelée  ou  dis- 
loqués par  lc3  coups  de  la  foudre,  et  très  dangereux  à  cause  de 
leur  peu  de  stabilité.  Ce  pont  de  Mahomet  est  pourtant  la  seule 
voie  qui  s'offre  h  nous  pour  arriver  au  but  après  lequel  nous  cou- 
rons depuis  si  longtemps. 

»  Nous  hésitâmes  un  moment,  je  l'avoue,  avant  de  nous  engager 
sur  cet  étroit  passage  ;  mais  la  vue  de  nos  chasseurs,  qui  s'avan- 
çaient d'un  pas  aussi  ferme  que  s'ils  eussent  été  sur  une  grande 
route,  nous  en:Jragea  bientôt  à  Jes  imiter.  Four  nous  frayer  la  mar- 
che, ils  précipitaient  dans  l'abîme  les  quartiers  de  rocs  peu  soli- 
des. Ces  fragments,  frappant  le  rocher  dans  leur  chute,  semblaient 
l'ébranler  jusque  dans  ses  fondements  ;  ils  bondissaient  avec  vio- 
lence, et  rejaillissant  sur  le  glacier,  allaient  s'engloutir  dans  le  lac 
avec  la  rapidité  et  le  retentissement  de  la  foudre.  Tel  était  pour- 
tant le  sort  réservé  à  celui  d'entre  nous  dont  un  vertige  viendrait 
troubler  la  vue,  ou  dont  le  pied  mal  assuré  glisserait  sur  le  roc. 
Heureusement  aucun  de  ces  accidents  ne  nous  arriva.  Nous  avan- 
çâmes peu  à  peu,  passant  nos  brus  par-dessus  l'arête,  et  nous 
soutenant  avec  notre  bâton  ferré.  Ainsi  suspendus  au-dessus  d'un 
affreux  précipice,  nous  n'avions  qu'à  baisser  les  yeux  pour  voir 
au-dessous  de  nous  les  eaux  du  lac  de  Coroné  ;  tandis  que  si  nous 
eussions  laissé  échapper  notre  bâton,  il  eût  été  se  perdre  dans  les 
crevasses  du  glacier  de  Néthou. 

»  Ainsi  à  cheval  pour  ainsi  dire  sur  le  sommet  de  la  montagne, 
nous  ne  mimes  que  quelques  minutes  pour  franchir  ce  dangereux 
passage.  Enfin,  nous  posâmes  le  pied  sur  le  pic  jusque-là  vierge 
du  pas  de  Thomme.  Nous  pouvions  goûter  sans  restriction  le  plai- 
sir d'avoir  réussi  à  conduire  à  une  heureuse  fin  une  expédition  si 
souvent  tentée  et  toujours  inutilement.  La  joie  de  nos  guides 
n'était  pas  moins  grande  que  la  nôtre.  La  fierté  du  brave  Jean, 
notre  guide-chef,  était  tout  à  fait  risible.  Il  se  regardait  vraiment 
comme  le  Christophe  Colomb  de  la  Maladelta.  A  peine  arrivés  sur 
le  sommet  du  pic  de  Néthou,  les  guides  commencèrent  à  ramasser 
des  fragments  de  rochers,  et  à  dresser  une  pyramide,  comme  pour 
prendre  possession  du  lieu.  Us  rélevèrent  assez  haut  pour  qu'on 
pût  l'apercevoir  du  port  de  Vénasque,  et  qu'elle  servît  ainsi  à 
constater  l'hcuronx  succès  do  notre  ascension. 

y»  Après  quelques  moments  donnés  à  la  satisfaction  que  nous 
causait  notre  triomphe,  nou^  commençâmes  à  examiner  les  objets 
qui  nous  entouraient.  I^e  sommet  du  pic  de  Néthou  est  une  plate- 
forme d'une  trentaine  de  mètres  de  longueur  sur  six  à  huit  mètres 


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de  largeur.  Ce  plateau  est  entièpement  couvert  de  fragments  de 
granit  de  diverses  formes  et  de  grosseurs  très  variées.  De  tous 
côtés,  excepté  do  celui  de  la  rampe  par  laquelle  nous  étions  arri- 
vés, s'ouvrent  d'elTroyablcs  précipices.  A  Touest,  le  glacier  de 
Coroné  développe  jusqu'au  lac  son  éblouissant  tapis.  Au  sud,  se 
creusent  sous  nos  pieds  la  gorge  sauvage  de  Malibierne  et  ses 
profonds  escarpements.  Au  nord  et  à  Test,  s'étend  le  glacier  de 
Néthou,  presque  partout  de  neige  et  ne  montrant  qu'en  quelques 
endroits  son  dos  bleuâtre  et  fendillé. 

»  La  partie  supérieure  de  ce  glacier  est  fort  peu  rapide,  mais  un 
peu  plus  bas  il  se  recourbe  en  forme  do  dôme,  et  son  inclinaison 
devient  alors  excessive.  Cet  endroit  est  sillonné  de  profondes  cre- 
vasses. Quelques-unes  sont  d'épouvantables  abimes  qui  englouti- 
raient infailliblement  celui  qui  se  hasarderait  sur  ces  pentes  dan- 
gereuses. Il  y  a  de  ces  crevasses  qui  n'ont  pas  moins  de  8  à  10 
mètres  do  largeur,  et  une  immense  profondeur.  Au  fond  de  quel- 
ques-unes grondent  des  torrents  furieux,  alimentés  par  la  fonte 
du  glacier.  Les  crevasses  les  plus  considérables  ont  ordinaire- 
njent  une  direction  parallèle  à  celle  de  la  crête  de  la  montagne. 
Les  autres  sont  moins  grandes  et  méritent  plutôt  le  nom  do  iis- 
s*  res. 

»  Le  brouillard  s'était  dissipé,  et  nous  pouvions  jouir  sans  obs- 
tacle de  la  magnificence  de  l'horizon  que  l'on  embrasse  du  haut 
de  la  Maladetta.  Au  prenïler  coup  d'œil,  on  ne  saisit  qu'un  im- 
mense chaos,  au  milieu  duquel  s'élancent  les  cimes  les  plus  éle- 
vées des  plus  hautes  montagnes  de  la  chaîne  ;  mais  bientôt  un 
examen  plus  attentif  fait  découvrir  un  ordre  admirable  jusque 
dans  ce  désordre  apparent.  L'on  distingue  d'abord  le  faite  de  la 
chaine  centrale  qui  court  de  l'est  à  l'ouest,  toute  déchiquetée  de 
nïille  pics.  De  cette  crête  se  détaciient  de  nombreux  rameaux  for- 
mant ces  longues  vallées  transversales  qui  portent  d'un  côté  à  la 
Garonne,  de  l'autre  à  l'Ebre.  le  tribut  des  eaux  de  ces  montagnes 
et  de  leurs  glaciers.  A  mesure  qu'elles  s'éloignent  du  centre  des 
Pyrénées,  les  chaînes  qui  séparent  ces  vallées  s'abaissent.  Dzijns 
un  immense  lointain  se  développent  à  nos  yeux  les  plaines  de  la 
Gascogne  et  de  la  Catalogue,  où  brillent,  comme  autant  de  rubans 
d'argent,  les  eaux  des  rivières  qui  arrosent  et  fertilisent  ces  belles 
provinces. 

«  Nous  restâmes  plus  d'une  heure  à  admirer  ce  superbe  point  de 
vue.  Il  fallut  ensuite  songer  au  retour,  et  regagner  avant  la  nuit 
des  contrées  moins  inhospitalières.  Néanmoins,  avant  d'abandon- 
ner définitivement  le  pic  de  Néthou,  nous  voulûmes  constater 
d'une  manière  irrécusable  nos  droits  à  la  priorité  de  cette  ascen- 
sion. Dans  un  creux  qu'avaient  ménagé  nos  guides  dans  la  pyra- 


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mide  qu'ils  avaient  élevée,  nous  déposâmes  une  bouteille  bouchée 
avec  soin.  Nous  y  avions  renfermé  une  feuille  do  parchemin  con- 
tenant la  date  de  notre  expédition,  nos  noms  et  ceux  de  nos  braves 
guides. 

»  Nous  jetâmes  ensuite  un  dernier  regard  autour  de  nous,  et 
repassâmes  sans  encombre  la  rampe  étroite  qui  nous  avait  amenés 
au  sommet  du  pic.  Quand  nous  fûmes  arrivés  près  du  glacier, 
nous  délibérâmes  sur  la  voie  que  nous  suivrions  pour  regagner  la 
Rencluse  où  nous  devions  passer  encore  cette  nuit. 

»  Encouragés  par  le  succès,  nos  guides  voulaient  nous  y  con- 
duire directement  en  traversant  le  grand  glacier  de  la  Maladetta. 
Deux  heures  auraient  sufli  alors  pour  atteindre  le  bas  de  la  mon- 
tagne. Ce  chemin  n'offrait  à  nos  regards  aucun  obstacle,  aucune 
difficulté,  presque  aucun  danger.  C'est  la  route  qui,  des  qu'on 
aperçoit  la  Maladetta,  s'offre  au  premier  regard  comme  la  meil- 
leure et  la  plus  naturelle.  C'est  aussi  en  réalité  la  moins  périlleuse, 
ainsi  que  le  démontra  jusqu'à  la  dernière  évidence  notre  seconde 
ascension.  » 

Nous  ne  suivrons  pas  nos  deux  intrépides  touristes  dans  leur 
retour  qui  s'effectua  sans  accidents,  mais  non  sans  fatigues,  ni 
périls.  —  Nous  renvoyons  le  lecteur  à  l'intéressant  récit  de  M.  de 
Franqueville. 

Le  23  jui7/e/  de  la  même  année,  MM.  de  Franqueville  et  Tchiat- 
cheff,  s'adjoignant  M.  Laurent,  professeur  de  chimie  à  Bordeaux, 
entreprirent  une  seconde  ascension  de  la  Maladetta  pour  y  faire 
des  expériences  barométriques  et  hygrométriques.  —  Cette  nou- 
velle ascension  accomplie  par  le  versant  septentrional  fut  couron- 
née d'un  succès  complet. 

«  l*»  Le  mes u rage  barométrique,  dit  M.  de  Franqueville,  a 

donné  3370  mètres  pour  la  hauteur  absolue  du  pic  de  Néthou.  Ce 
chiffre  diffère  de  celui  obtenu  par  le  colonel  Corabœuf,  dans  sa 
triangulation  générale  des  Pyrénées,  de  34  mètres  environ,  tandis 
que  celui  des  physiciens  Reboul  et  Vidal  s'éloigne  de  ce  dernier 
de  78  mètres.  Les  baromètres  dont  je  me  suis  servi,  quoique  fort 
bons,  n'avaient  peut-être  pas  toute  la  précision  voulue  pour  les 
observations  d'hypsométrie.  C'est  sans  doute  la  cause  de  la  diffé- 
rence qui  se  trouve  entre  mes  résultats  et  ceux  du  colonel  Cora- 
bœuf. 

»  2°  La  moyenne  de  la  température  de  plusieurs  sources  ou  tor- 
renls  a  été  de  -^-  l  à  +  ^t  2. 

a  3»  L'hygromètre  de  Saussure  donna  au  sommet  du  pic  67  à 
68.5.  Son  thermomètre,  8,7. 

0  4*»  La  moyenne  de  la  température  de  l'air  fut  pendant  quatre 


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jours  de  la  première  ascension  de  -f-  8,5,  et  pendant  les  trois  jours 
de  la  deuxième  de  +  ^i  3.  » 

Le  succès  des  premiers  vainqueurs  du  Ncthou  ne  leur  suscita 
tout  d'abord  que  bien  peu  démnles,  et  jusqu  en  1848.  nous  n'avons 
à  enregistrer  que  l'ascension  de  MM.  T.  Lézat  et  Augèrc.  Mais  à 
partir  de  cette  époque  elles  deviennent  extrêmement  fréquentes, 
et  nous  voyons  dès  lors  commencer  une  série  non  interrompue 
d'excursions,  de  pèlerinages  alpestres,  pour  ainsi  dire,  au  vieux 
pic.  Des  hommes  presque  exclusivement  l'ont  conquis,  des  fem- 
mes cependant,  des  enfants  même  en  ont  foulé  la  cime. 

11  y  a  quelques  années  déjà  (1872-73),  notre  ami  et  collègue  le 
comte  H.  Russcll  publiait  dans  le  BulMin  de  la  Socicté  Ramorid 
la  liste  des  ascensions  faites  au  Nélhou  do  1842  à  I8G8.  —  Derniè- 
rement, nous  compulsions  les  divers  registres  qui  successivement 
ont  reçu  les  impressions  des  touristes  pendant  un  demi-siccld,  et 
nous  avons  pensé  que  le  moment  était  venu  de  publier  en  son 
entier  les  annales  de  la  montagne  pyrénéenne.  Dans  ces  pages 
écrites  le  plus  souvent  à  la  hâte  entre  le  ci^l  et  la  terre  par  des 
gens  montés  là-haut  pour  faire  comme  les  autres,  nous  avions 
espéré  trouver  bien  des  notes  précieuses  ;  nous  nous  étions 
trompé.  Les  touristes,  en  eiïet.  sont  restés  les  mômes,  aussi  prosaï- 
ques, disons  le  mot;  le  temps  seul  a  marché,  et,  comme  Hussell, 
nous  ne  pouvons  que  déplorer  une  «  immense  pénurie  d'observa- 
tions intéressantes  et  scientifiques.  » 

Quoi  qu'il  en  soit  les  pages  qui  suivent  ont,  il  me  semble,  leur 
place  marquée  dans  la  Revue  de  Comminges.  Puissent-elles  servir, 
espérons-le,  à  faire  connaître  davantage  le  puissant  massif  de 
granité  et  de  glace  dont  les  Pyrénées  ont  à  juste  titre  le  droit 
dôlre  lières. 

Maurice  Gouhdon. 


Mémento  des  Aicenslons  faites  au  pic  de  Néthou 
de  1842  à  1892 


1842 

i8  juillet.  —  Sommet  du  pic  de  Néthou  :  ascension  faite  en  qua- 
tre jours. 

MM.  Albert  de  Franquevillc  (France)  et  Platon  de  Tchihatcheff 
(Russie).  ~  Guides  :  Jean  Argarot,  Pierre  Redonnct,  Bernard 
Ursule  (tous  trois  de  Luchon)  et  Pierre  Sanio  (de  Luz). 


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23  juillet.  —  MM.  Albert  do  Franqueville  (France),  Platon  de 
Tchihatche(T  (Uussie) ,  et  i.aurent ,  professeur  de  chimie  à  Bor- 
deaux. —  Guides  :  Jean  Argarot,  Pierre  Redonnet,  Bernard  Ursule 
(tous  trois  de  Luchon)  et  Pierre  Sanio  (de  luiz).  —  Ascension  accom- 
plie par  le  versant  septentrional  avec  succès  complet. 

1844 

4  aoùi,  —  Sommet  de  Ncthou  :  ascension  faite  on  deux  jours. 

MM.  Toussaint  [.ézat,  ingénieur;  Augcre,  propriétaire  à  Muret. 
—  Guides  :  Redonnet-Nate,  Estrujo  file  et  Ursule  (de  Barcugnas). 

Il  neigea  beaucoup  pendant  notrq  ascension.  Mais  arrivés  au 
sommet,  il  fit  un  temps  magninque,  ce  qui  fit  monter  la  tempéra- 
ture à  -J-  1 1*  :  —  Elle  était  à  —  2<>  1/2  à  notre  arrivée. 

1848 

Vi  juillet,  —  The  Rev.  A.  Marschall  and  Miss  Marschall  rcached 
thc  top  of  the  Néthou  at  11,35  a.  m.  cloudy  day  :  —  Guides  :  Pierre 
Barrau  and  Jean  llaurillon,  who  dischargcd  thcir  office  in  a  mamer 
beyond  ail  praisc. 

1849 

iO  août.  —  M»«  Ernestine  Tavernier  :  MM.  Tavernier,  H.  Delau- 
noy,  Pierre  Sapène.  —  Guides  :  Redonnet-Nate,  Louis  Morette, 
Jean  Estrujo,  B.  Ursule. 

1850 

i8  juillet.  —  MM.  le  prince  Michel  Lobanow  de  Boslow,  aide  de 
camp  de  S.  M.  l'empereur  de  Russie,  et  Bernard  de  Roches,  ont 
atteint  la  cime  do  Néthou  à  dix  heures.  —  Guides:  Pierre-Bernard 
Redonnet,  Capdeville,  Jean  Estrujo,  Bernard  Estrujo. 

26  juillet,  —  MM.  Jules  Gauzct,  avocat;  Amélie  Alluaud  (Limo- 
ges), Eugène  Laporte  (Limoges).  —  Guides:  Pierre  Redonnet, 
Capdeville,  Estrujo. 

1851 

3  août.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  quatre  heures  et  demie  du 
matin,  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  neuf  heures  et  demie  avec 
le  plus  beau  temps  qu'il  soit  possible  devoir,  nous  sommes  redes- 
cendus en  deux  heures  dix  minutes.  Le  thermomètre  marquait 
8  degrés  au-dessus  de  zéro.  —  Guides  :  Michot  Redonnet. 

Toussaint  Lézat. 

1852 
23  juillet.  —  Arrivée  au  sommet  du  Néthou  à  neuf  heures  du 


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nialin  :  MM.  Tardif,  officier  d'artillerie,  de  Lassablière.  d'Arnou- 
ville,  Blanchi,  opticien  k  Toulouse,  T.  fiézat,  ingénieur  civil. 

Baromètre  au  sommet  de  Ncthou 0,r>lO  '""" 

Baromètre  à  Luchon 0,7 10 

Tliermomètre  à  l'air  libre  (ay  Nélhou) -|-  12° 

Guides  :  Redonnet,  Michot,  Bertrand  Lafont,  père,  Bernard  Lafont, 
fils  et  Estrujo. 

26  août.  —  Joseph  -  Charles  -  Gabriel ,  comte  de  la  Belmaye, 
est  monté  au  sommet  de  Néthou  par  un  temps  magnifique.  — 
Guides  :  J  Estrujo  et  Jean-Marie  Mida  (de  Barèges). 

21  septembre.  —  Les  soussignés,  de  Toulouse,  sont  montés  au 
sommet  de  Nélhou  :  Emmanuel  Pujol,  Ernest  Evucsque,  I^ouis 
Buncl,  Adolphe  Hegnault.  —  Guide  :  Redonnet  dit  Michot. 

1853 

4  août.  —  Je  suis  parti  de  Luchon  à  minuit  et  demi,  avec  mon 
fils  âgé  de  dix  ans  et  demi,  sous  la  conduite  de  Redonnet  dit 
Michot  et  de  Gourrcge  frères  ;  nous  étions  à  cheval. 

Partis  de  THospice  à  quatre  heures,  arrivés  à  la  Rencluse  à  sept 
heures  et  demie. 

Après  avoir  déjeûné,  nous  avons  commencé  lascension  à  huit 
heures  moins  un  quart.  Après  quatre  heures  de  marche,  la  fatigue 
et  le  saisissement  causé  par  les  grandes  crevasses  sur  lesquelles 
nous  étions  me  firent  prendre  le  parti  de  laisser  mon  fils  en 
chemin  et  de  le  faire  rétrograder  avec  un  des  guides.  —  Une  heure 
après  j'atteignis  le  sommet  du  Néthou  avec  Michot  et  Courrègc. 

A  4  h.  1/2  nous  étions  redescendus  à  la  Rencluse;  à  cinq  heures 
nous  étions  à  cheval  et  à  neuf  heure  1/1  nous  rentrions  à  Luchon. 
Baron  Charles  I^ezurier 

7  août.  —  MM.  d'Armaillé,  de  Bernard,  le  comte  de  Serges, 
vicomte  A.  d'Orglandes.  —  Guide  :  Michot. 

0  aoûf.  —  Sommet  de  Néthou.  —  M.  Théophile  Bascher  (Nantes.) 
—  Très  content  du  guide  Michot. 

15  août.  —  Comte  Maurice  de  Ganay,  vicomte  Etienne  de  Ganay, 
vicomte  Arnaud  de  Lau,  Jules  do  laBigourdic,  François  Bryan.  — 

Guides ? 

1834 

9  juillet.  —  Albert  de  Galloy,  Fleury  do  Marain.  —  Guides r 

2  août,   —  Cyprien   Delvau   (Angers),   E.   de  Schoney,    Paul 

Blacque.  —  Guides ? 

24  septembre.  —  Charles  Baour  (Bordeaux),  A.  Bert.  —  Guide  : 

Redonnet-Michot. 


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179 

1855 

Août,  —  Jean  Manuel  de  IlaiTcta  et  François  Manuel  de  Har- 
reta.  —  Guide  :  Michot. 

20  août.  —  Léon  Bailly,  J.-L.  Dupct  (Bordeaux),  aspirant  de 
Isolasse  sur  le  vaisseau  le  Napoléon.  —  Guide  :  Redonnet-Michot. 

Nous  ne  faisons  que  rendre  justicQ  à  toutes  les  qualités  de  ce 
guide,  en  disant  qu'il  nous  rappelle  tes  bons  guides  des  Alpes. 

185t) 

18  juillel,  ~  De  Becdelicvre  (Nantes). 

31  juillet.  —  Richard  (Angers);  Uiric  d'Abzac,  Léon  Legnay , 
Albert  Vingt  lin  (tous  trois  de  Paris).  —  Guides  :  Michot,  Pierre 
Barrau,  Jacques  Sors  Argarot,  Joseph  Estoup. 

ii  aoàl.  —  Henri  NicoUe  (Paris),  D''Gonstans  (Montauban),  Jules 
Fournier  (Meaux),  .\uguste  Roche  (Meaux).  —  Sont  partis  de  la 
Rencluse  à  4  h.  1/2,  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  8  h.  1/2  sous 
la  conduite  dos  trois  Guides  :  Michot,  Pierre  et  Jean  Barrau. 

25  aoixt.  —  Georges  Montagut  (Périgueux).  —  Guides  :  Fauré  aîné, 
Viscos  fils  (Barèges). 

25  août.  —  Henri  Ferras,  de  Lassus,  Ferras  de  Lapeyrière,  élève 
à  l'École  de  Saint-Cyr.  —  Guides  :  Michot,  Bernard  et  J.-M.  Lafont. 

1857 

6  juillet,  —  L.  de  Becdelièvre,  A.  de  Becdelièvre.  —  Guides  : 
Pierre  Redonnct,  Jean  Estrujo  fils. 

fi  juillet.  —  Charles  de  Givenchy,  Henry  de  Givenchy,  Gaston 
de  Saint-Just,  Alfred  Hartmann.  —  Guides  :  Michot,  P.  Barrau, 
Bourdette,  Ursule  (Barcugnas),  Pierre  Samson. 

25  juillet.  —  Georges  et  Joseph  lAisaerre ,  Théodore  Achard , 
Frédéric  Chcmineau.  —  Guides  :  Pierre,  Jean,  Louis  et  Charles 
Redonnet,  —  Sommet  du  Néthou.  7  h.  15  m. 

31  juillet.  —  Robert  Nourrit,  Félix  Féréol.  —  Guides  :  Barrau  et 
J.  Sors  Argarot.  —  Sommet  du  Néthou,  10  h.  du  matin. 

11  août.  —  Baron  de  Gaullier  des  Bordes,  le  Vicomte  Vicant, 
Charles  de  Larouzié.  —  Guide  :  P.  Verdale. 

12  août.  —  Sazerac  de  Forge,  H.  Geynetz,  Maurice  de  Ferricre, 
Anatole  Douran,  A.  de  Lestang  de  Fins,  H.  de  Lestang  de  Fins.  — 
Guides  :  Redonnct-Natte,  F.  Argarot. 

13  août.  —  Capitaine  Sandford  (Ecosse),  L.-H.  Ducoudray,  Albert 
Ducoudray-Bourgault  (Nantes),  J.  Duboys  de  Vaour  (Tarn),  Adhé- 
mar  Sazerac  de  Forge  (Angoulème).  —  Guides  :  P.  Redonnet, 
J.  Tournan,  J.-J.  Lafont,  J.-M.  Lafont,  Bernard  Lafont,  guide 
botaniste. 


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180 

28  août,—  Etienne  Uougeat  de  Lombernon  (Gôte-d'Or).  —-Guide  : 
Benoît. 

1858 

f4  juillet,  —  Alfred  Manie,  Paul  Marne,  Alfred  Tonnelle,  Meauzè 
(Tours).  —  Guides  :  Redonnot-Natte,  J.  Ribis,  Pierre  Ribis,  Guil- 
laume Bajun,  F.  GapdeviWe. 

6  août.  —  Auguste  Bofiscayré,  Félix  Prat.  —  Guide  :  Jacques 
Sors  Argarot. 

pr  septembre.  —  M"*^  Alice  Prévost,  M'"*  Sazerac  de  Forges, 
T.  Lézat  (ingénieur),  D"^  Làmbron,  Prévost  (Paris),  Louis  de  Neu- 
ville, Devrières,  Lcymerie,  professeur  de  géologie  à  Toulouse, 
Sazerac  do  Forges.  —  Guides  :  Michot,  Natte,  Ursule,  Barrau, 
J.  Hedonnet. 

I^e  baromètre  marquait  au  sommet  du  Néthou    .    .      0,510 
l^e  baromètre  noarquait  à  Ludion 0,710 

Nous  étions  34  personnes  à  la  Rencluse  et  29  pour  monter  au 
sommet  du  Néthou.  Tout  le  monde  y  est  arrive.  Mais  il  m'a  été 
impossible  de  me  souvenir  de  tous  les  noms.  Si  jamais  quelqu'un 
d'eux  y  revient,  qu'il  tache  de  les  inscrire  ci-desdus. 

Noua  avons,  de  concert  avec  le  D' E.  Lambron,  laissé  un  thermo- 
mètre à  minima  au  sommet  de  Néthou,  afin  que  tous  ceux  qui  font 
l'ascension  nous  rapportent  le  degré  de  température  qu'il  y  aura 
eu  au  sommet  du  pic  Néthou  d'un  hiver  à  Tautre  et  d'une  ascx^n- 
sion  à  Tautre. 

12  septembre,  —  Arrivés  à  onze  heures  moins  le  quart.  —  Thcrm.  : 
0,05,  curseur  :  If, 50.  —  Séjour  au  pîc  :  une  heure. 

I^me  Wetzel  (Jenny)  née  Matlier  (Bordeaux),  Pierre-Auguste 
Wetzel,  J.-D.-H.  Wetael ,  Louis  Brunel  (3«  fois),  Ad.  Mather 
(Toulouse),  Payauter  (Angleterre),  J.  Victor  Gavay,  avocat  à  Tou- 
louse. —  Guides  :  Michot,  P.  Barrau,  B.  Cier,  Bertrand  Gourrège, 
F.  Gouret. 

Gomte  du  Temple,  F.  de  Fumel,  H.  de  Redon,  J.  Lavcis- 

sière  et  un  nom  illisible. 

Nota,  —  Barrau  était  porteur  du  livre  registre  :  avant  c'était  une 
bouteille  qui  contenait  les  noms  des  voyageurs.  -(A  suivre.) 


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LES  TROPHÉES"  COMMINGEOIS 

DE  M.  J.'-M.  DE  HÉRÊDIA 


La  prédilection  du  nouvel  académicien,  de  Timpec- 
cable  poète,  M.  de  Hérédia,  pour  les  sujets  antiques, 
nous  fournit  l'occasion  de  parler  de  lui  dans  notre 
Revue;  car  notre  épigraphie  locale  lui  a  inspiré  de 
belles  strophes  qui  sont  autant  d'évocations  de  notre 
passé  gallo-romain  ^ 

Lorsque  notre  regretté  Julien  Sacaze  recueillait  avec 
tant  de  sagacité  et  de  savoir  les  inscriptions  de  nos 
Pyrénées,  il  ne  se  doutait  pas  que  quelques-unes  de 
ses  découvertes  archéologiques  seraient  traduites  en 
vers  harmonieux  par  un  de  nos  bardes  contemporains, 
avec  un  si  vif  sentiment  de  l'archaïsme  «  qui  donne 
la  vie  aux  membres  inertes  des  faux  dieux  » . 

Mais  avant  de  lire  les  cinq  sonnets  que  M .  de 
Hérédia  a  consacrés  aux  déités  de  nos  anciens  Convè- 
nes,  pourquoi  ne  nous  permettrait-on  pas  de  faire 
partager  ici  notre  admiration  pour  le  poète  et  pour- 
rions-nous mieux  faire,  dans  ce  but,  que  de  laisser 
la  parole  k  deux  éminents  écrivains,  dont  l'un  est 
un  pénétrant  analyste,  l'autre  un  critique  littéraire 
supérieur:  MM.  MelchiordeVogîié^  et  Jules  Lemaître? 

Pourquoi  nous  reprocherait-on,  à  défaut  d'autorité 
personnelle,  d'emjpçyjiter  à  ces  deux  auteurs  des  frag- 
ments de  leurs  belles  pages  qui  seront  pour  nos 
lecteurs  un  vrai  régal. 

1.  Od  y  relroove  le  dieu  Gar>  le  dieu  Hôlre  de  Tibiran,  Ilixon  de  Luchon.  Le  lieu  d'Ar- 
diége,  les  Nymphes  luohonnaises,  le  Néthou  y  sont  nommés. 

2.  Très  procbainemonl  aura  lieu  sa  réception  publique  à  l'Académie  Trançaise.  Par  un 
heureux  coolraste,  le  barde,  grandiloquent  des  c  Trophées  >  el  des  «  Conquistadors  >,  sera 
reçu  par  M.  François  Coppée,  le  poêle  aimé  des  •  Intimités  >  et  des  c  Humbles  >. 

Retvi  db  CoMMUfCBS,  2*  trimestre  1894.  Tomb  IX.  —  13. 


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4M 

Voici  sur  le  nouvel  élu  de  l'Académie  française  les 
appréciations  de  M.  de  Voglié'  : 

«...  Vous  aurez  été  la  voix  d'art  d*une  élite  grave,  curieuse  et 
attentive  à  tous  les  aspects  de  Tunivers,  soucieuse  de  tout  com- 
prendre et  de  tout  rendre  dans  ce  monde,  vibrante  aux  émotions 
intellectuelles  plus  qu'aux  émotions  sentimentales...  I/Amour 
surtout,  ce  premier  maitre  des  poètes,  est  presque  absent  de  votre 
œuvre.  Vous  n'adorez  que  TÉros  funèbre  des  tombeaux, . .  Votre 
volume  se  déroule  entre  doux  portiques,  beaux  marbres  brisés 
qui  lui  donnent  sa  signtQcation.il  s'ouvre  par  l'Oubli  : 

Le  Temple  est  en  ruine  au  haut  du  promouloire. 
Et  la  mort  a  môle,  dans  ce  Tauve  terrain, 
Les  Déesses  de  marbre  ot  les  Héros  d*airain 
Dont  rtierbe  solitaire  ensevelit  la  gloire. 


La  Terre,  maternelle  et  douce  aux  anciens  dieux. 
Fait  à  chaque  printemps,  vainement  éloquente. 
Au  chapiteau  brisé  verdir  une  autre  acanthe. 
Mais  riiorame,  IndifTérent  au  rôve  des  aïeux. 
Ecoute  sans  frémir,  du  Tond  des  nuits  sereines, 
La  mer  qui  se  lamente  en  pleurant  les  Sirènes. 

»  Il  se  clôt  sur  la  Stalun  renversée  : 

La  mousse  fut  pieuse  en  fermant  ses  yeux  mornes. 

El.  prestige  mobile,  un  murmure  du  vent, 

Les  feuilles,  Tombre  errante  et  le  soleil  qui  bouge. 

De  ce  marbre  on  ruine  ont  fait  un  dieu  vivant  ! 

»  C'est  bien  là,  n'est-ce  pas.  le  poète  suggestif  des  civilisations 
disparues,  l'artiste  qui  réchauffe  la  froide  archéologie  et  donne  la 
vie  aux  membres  inertes  des  faux  dieux. 

»  Ses  vers  expriment  bien  les  sentiments  de  ceux  qui  se  vouent 
à  letude  du  passé  et  comprennent  la  poésie  de  ses  reliques. 
Gomme  eux,  sa  muse  se  comptait  dans  les  débris  épars  des 
ancien  mondes,  dans  les  ruines  comprises  et  contemplées  avec 
d'illusoires  tentatives  pour  les  faire  revivre,  par  un  prestige  d'art, 
d'une  vie  simulée  à  laquelle  nous  ne  croyons  plus. 

«  Il  manquera  à  votre  gloire  —  dit  encore  à  son  nouveau  collè- 
gue le  pénétrant  observateur  «des  spectacles  contemporains  »  —  ce 
je  ne  sais  quoi  de  délicieux,  réservé  aux  pelotes  qui  savent  mentir 
aux  jeunes  cœurs.  Votre  clientèle,  c'est  la'mattmxé  pensive,  ceux 
qui  songent  à  I^ucrcce  et  retrouvent  en  vous  sa  grandeur  ramas- 
sée en  traits  plus  vifs,  ornée  de  l'élégance  virgilienne.  Oui,  vous 
êtes  bien  le  poète  qu'il  nous  fallait,  le  noble  ensevelisseur  qui 
enchaîne  les  reliques  d'un  monde  finissant;  habile  comme  on  ne 

1.  Chronique  littéraire  du  Journal  dfs  Débats  (mai  1893.) 


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483 

le  fut  jamais,  à  fixer  en  peu  de  mots  une  sensation  aiguë  et  brève  ; 
épitaphier  magnifique,  excellent  surtout  dans  Tépigramme  votive 
et  l'inscription  funéraire  ;  si  bien  que  l'on  voudrait  vous  enfermer 
dans  la  nécropole  de  tous  ceux  qui  furent  grands,  beaux,  illustres, 
pour  y  graver  sur  leurs  dalles  ces  incomparables  nénies  '  dont 
vous  avez  le  secret  :  YEsclave^  le  Laboureur,  VExilée,  la  Source,  le 
Vœu,  etc. 

»  Votre  livre  est  un  microcosme,  petites  épopées  de  tous  les 
âges  et  de  tous  les  pays  ....  Votre  objectif  infaillible  fixe  les  diver- 
ses images  du  monde,  avec  leurs  plus  intimes  particularités  de 
couleur,  de  relief  et  d'accent.  Mais  votre  domaine  d'élection,  c'est 
surtout  les  deux  antiquités  :  vos  sonnets  grecs  respirent  toute  la 
grâce  hellénique  ;  vos  sonnets  latins  concentrent  toute  la  force  de 
Rome....  » 

Les  cinq  sonnets  qu'on  lira  plus  loin  vont  attester 
l'exactitude  de  toutes  ces  choses  si  bien  pensées,  expri- 
mées avec  un  si  remarquable  talent. 

Maintenant  voici  quelques-unes  des  appréciations 
de  M.  Jules  Lemaître,  dans  ses  «  Contemporains  »,  sur 
l'auteur  des  «  Trophées  »  : 

«  ....  Une  première  originalité  de  M.  José-Maria  de  Hérédia,  ce 
fut  d*étre  à  la  fois  presque  inédit  et  presque  célèbre.  Ses  poésies 
disséminées  dans  divers  recueils  n'ont  été  réunies  en  volume  et 
publiées  que  Tannée  dernière  sous  le  titre  de  «  Trophées  ».  Le  sen- 
timent que  M.  J.-M.  de  Hérédia  exprime  de  préférence,  c'est  je  ne 
sais  quelle  joie  héroïque  de  vivre  par  l'imagination  à  travers  la 
nature  et  Thistoire  magnifiées  et  glorifiées.  Il  joint  à  l'ivresse  des 
sons  et  des  couleurs  le  goût  d'une  forme  dont  la  brièveté,  l'exac- 
titude et  la  plénitude  rappellent  en  quelque  façon  nos  écrivains 
classiques. 

t  II  a  rêvé  d'enfermer  un  monde  d'images  dans  un  petit  nombre 
de  vers  absolument  parfaits  et  de  faire  tenir  les  songes  d'un  DiQu 
dans  de  petites  coupes  bien  ciselées  :  aussi  a-t-il  choisi  la  forme 
du  sonnet.  Tel  de  ses  sonnets  renferme  toute  la  beauté  d'un 
niythe,  to^t  Tesp^f  d'une  époque,  tout  le  pittoresque  d'une  civili- 
sation. Quelques-]â'ns  de  6es  admirables  sonnets  font  songer  à  ces 
statues  d'airain  qu'on  voit  pleurer  dans  Virgile.  Car  s'ils  célèbrent 
de  belles  choses,  ces  belles  choses  sont  passées,  et  de  là  une  mélan- 
colie. M.  de  Hérédia  a  senti  plus  d'une  fois  la  tristesse  des  splcn- 

1.  ClMnls  faoébres  en  usagt  chez  les  Romains  et  qu'on  exécutait  dans  l'atrium  de  la 
maison  do  défunt. 


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484 

deurs  éteintes  et  la  désolation  des  ruines.  Ces  tableaux  où  se  plaît 
son  rêve  enchanté,  il  les  évoque  souvent  parce  qu*ils  sont  beauY, 
mais  aussi  quelquefois  parce  qu'il  ne  sont  plus.  Rappelez-vous  le 
charmant  sonnet  Sur  un  marbre  brisé^  où  la  bonne  Nature  enve- 
loppe de  feuilles  et  de  Heurs  la  vieille  statue  éclopée. 

»  liisez  surtout  les  «  sonnets  épigraphiques  »,  le  dieu  Jlêtre, 
Nympliis  angustis  sacrum,  le  Vœu.  Gomme  ce  sonnet  de  \  Exilée 
est  touchant  encore  qu^il  soit  splendido  !  Pourquoi  ?  Phtcc  qu'il 
nous  parle  de  l'exil  d'une  femme  et  surtout  parce  qu'il  a  été  com- 
posé sur  une  ruine  mutilée  où  se  déchiffre  une  moitié  d'inscrip- 
tion, et  qu'il  nous  parle  aussi  de  cet  autre  exil  d'où  rien  ni  per- 
sonne n'est  jamais  revenu  et  qui  s'appelle  le  passé....  » 


LE  VŒU 

ILIXONi  DBO  '  I8CITT0  DKO" 

FAB.  FBSTA  HVNNV 

V.  S.  L.  M.  VL0B0ZI8 

FIL. 
V.8.L.M. 

Jadis  l'Ibère  noir,  et  le  Gall  au  poil  fauve, 
Et  le  Garumne  brun  peint  d'ocre  et  de  carmin, 
Sur  le  marbre  votif  entaillé  par  leur  main. 
Ont  dit  l'eau  bienfaisante  et  sa  vertu  qui  sauve. 

Puis  les  Imperators,  sous  le  Vénasque  chauve. 

Bâtirent  la  piscine  et  le  iherme  romain. 

Et  Fabia  Festa,  par  ce  même  chemin, 

A  cueilli  pour  les  diexux  la  verveine  ou  la  mauve. 

Aujourd'hui,  comme  aux  jours  d'Iscitt  et  d'Ilixon, 
Les  sources  m'ont  chanté  leur  divine  chanson  ; 
Le  soufre  fume  encor  à  iair  pur  des  moraines. 

C'est  pourquoi  dans  ces  vers,  accomplissant  les  vœux, 
Tel  qu'autrefois  Ilunnu,  fils  d'Ulohox,  je  veux 
Dressor  l'autel  barbare  aux  Nymphes  souterraines. 

\')  €  Au  (lieu  Ilixon,  Fahia  Fcsla  :  jiisic  sccom|ilisscnicia  cl*uii  vœu  spAntanc.  •  —  O-l 
autel  votir  fnllrouvc  ilaus  les  liiermcs  de  Lnchou,  tors  des  Toailteft  fniles,  en  I76i.  par 
Uicbard  de  Unulesierk  sous  les  yeux  de  M"'*  de  llrioune  ^  de  Ligne.  Euiporlë  par  Tabbë 
Seguin,  chnnoiuu  de  Clinrtres,  i|ui  av»it  suivi  le  prince  de -l^àQilii^k^aiix  Pyrénées,  il  passa 
bientôt  dans  le  cabinet  de  Tabbê  de  Tersan,  arciiidiacre  de  f .^««i^Miri»  ;  puis,  à  la  vente  de 
la  collection  de  cet  antiquaire,  il  devint  successivement  la  propriété  de  M.  Provost  de 
Kresles  el  de  son  gendre  M.  Lrdicte-Uuflbs,  président  dn  tribunal  civil  de  Clennont,  qni 
eu  fit  don.  en  ISriS.  au  Musée  de  Beauvais  :  c*est  là  que  Julien  Sacazc  prit  uo  dessin  et 
quelques  esliropages  de  ce  monumenl.  (J.  S.  ^  Epigraphie  de  LuchoH.J 

(")  «  Au  dieu  Isciit.  Hunnu,  (ils  de  Oluhoxis.  >  Ce  cippe.  acluellemonl  au  Musée  de  Tou- 
louse, a  été  trouvé  à  (jarin  (vallée  de  Lnrbousi).  On  doit  remarquer  ta  physionomie  bar- 
bare de  tous  ces  noms,  ceux  du  dieu,  du  consécrateur  et  dé  son  père. 

Le  nom  d'Iscitt  appartient  à  la  langue  ibéro-euskarienne,  de  même  qae  les  noms  de 
Gar  et  de  Kagire,  montagnes  divinisées. 


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185 
II 

LA  SOURCE 

NYMrUIS.   AU6.   SACRUM  * 

L'autel  gît  sous  la  source  et  l'herbe  enseveli  ; 
Et  la  source  sans  nom,  qui  g»uite  à  goutte  tombc^ 
D'un  son  plaintif  emplit  la  solitaire  combe  : 
C'est  la  Nymphe  qui  pleure  un  éternel  oubli. 

L'inutile  miroir  que  ne  ride  aucun  pli 
A  peine  est  effleuré  par  un  vol  de  colombe. 
Et  la  lune,  parfois,  qui  du  ciel  noir  surplombe. 
Seule  y  reflète  encore  un  visage  pâli. 

De  loin  en  loin,  un  pâtre  errant  s'y  désaltère. 

Il  boit,  et  sur  la  dalle  antique  du  chemin 

Verse  un  peu  d'eau  resté  dans  le  creux  de  sa  main. 

Il  a  fait,  malg'félui:^  le  geste  héréditaire. 
Et  ses  yeux  n'ont  pas  vu  sur  le  cippe  romain 
Le  vase  libatoire  auprès  de  la  patèrc. 


III 

LE  DIEU  HÊTRE 


Le  Garumne  a  bâti  sa  rustique  maison 

Sovji  un  grand  hêtre,  au  tronc  musculeux  comme  un  torse, 

DQnt  la  sève  d'un  dieu  gonfle  la  blanche  écorce. 

La  forêt  maternelle  est  tout  son  horizon, 

O  Celle  inscription  :  Nymuhis  awjUislis]  sacrum  «  Consacré  anx  Nymphes  augustes  >  sur 
le  bel  anlcl  (JéJic  aux  Nvnipnes  par'iiii  inconnu,  sk  irouvc  aujouriThut  dans  la  salle  de« 
Pjts-Perdus  de  rétahli^semenl  lliermal  do  Luchon.  Les  côtés  latéraux  portetit,  à  droite,  un 
prérericiile  ou  vase  libatoire  haut  de  0*^0,  et  à  gauche,  une  patére  de  0.t!2r>  de  diatncire. 
Dêcouireri  en  \1&2,  lors  des  Touilles  Taites  par  d*Eligi)y  en  présence  du  maréchal  duc  de 
Bfcbelieii,  cel  autel  se  trouvait,-  dit  M.  I^mbrou,  dans  les  décombres  d'une  aucienne  cha* 
pelle  an-dessos  des  thermes,  prés  du  bassin  naturel  d*une  source  suiot^inl  au  milieu  de  la 
mou«^se  et  du  lierre. 

(")  l/aiilel  \olif  sur  lequel  se  trouve  cette  inscriplion  :  •  Au  diiu  Hélre  t  a  oie  trouvé, 
avec  plusieurs  autres,  au  point  de  jonction  des  territoires  de  Tibiran,  Saint- Bertrand  et 
Géoerfs»t.  dans  un  col,  hou  dit  ijoartier  d'Agos.  au-dessus  d*un  petit  val  dans  lequrl  s>e 
ironvail  fancieiiiie  habitation  de  la  Tamille  d'Agos.  Les  forêts  de  hêtre  sont  nombreuses 
dans  foui  lu  vuisinagi*  ;  on  ninconire  encore  des  essences  Je  cet  arbre  dans  le  quartier 
dMgos.  Fagus  ou  Fagos  paraît  donc  être  le  liêlr.e  divinisé,  soit  une  divinité  locale  avec  un 
nom  latin.  I«es  cippes  consacrés  à  cette  divinité  ont  été  rccu5illis  par  noire  savant  et 
regretté  collègue  de  la  Société  des  études,  M.  k*  barou  d*Agos,  dont  la  collection  intéres- 
sante restera,  noos  Tespérons,  dans  le  pays. 


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486 

Car  Vhommc  libre  y  trouve  au  gré  de  la  saison 
Les  faines,  le  bois,  Vombre,  et  les  bêtes  qu'il  force 
Avec  Varc  ou  Vépieu,  le  filet  ou  Vamorce, 
Pour  en  manger  la  chair  et  vêtir  la  toison. 

Longtemps  il  a  vécu  riche,  heureux  et  sans  maître, 
Et  le  soir,  lorsqu'il  rentre  au  logis,  le  vieux  hêtre 
De  ses  bras  familiers  semble  lui  faire  accueil  ; 

Et,  quand  la  mort  viendra  courber  sa  tête  franche. 
Les  petits-fils  auront,  pour  tailler  son  cercueil, 
L'incorruptible  cœur  de  la  maîtresse  branche. 


IV 

AUX  MONTAGNES  DIVINES 


DIS  MONTIBUS* 

OEMINUS.  8ERVU9 

ET.  PRO  SUIS  COTISBHVIS 


Glaciers  bleus,  pics  de  marbre  et  d'ardoise,  granits. 
Moraines  dont  le  vent,  du  Net  hou  jusqu'à,  Bégle, 
Arrache,  brûle  et  tord  le  froment  et  le  seigle; 
Cols  abrupts,  lacs,  forêts  pleines  d'ombre  et  de  nids  ! 

Antres  sourds,  noirs  vallons,  que  lec  anciens  bannis, 
Plutôt  que  de  ployer  sous  la  scrvile  règle, 
Hantèrent  avec  l'ours,  le  loup,  Vizardet  l'aigle; 
Précipices,  torrents,  gouffres,  soyez  bénis  ! 

Ayaiit  fui  l'ergastule  cl  le  dur  municipe, 

L'esclave  Geminus  a  dédié  ce  cippe 

AiLX  monts,  gardiens  sacrés  de  l'âpre  liberté  : 

Et  sur  ces  sommets  clairs  ou  le  silencp  vibre, 

Dans  Vair  inviolable,  immense  et  pur,  jeté, 

Je  crois  entendre  encor  le  cri  d'un  homme  libre  ! 


(*)  IMiisivurs  iiiscriptinns  onl  èlc  trouvées  dnns  le  Comminges,  5  Sainl-Pé-d\\rtlelii4)l.iiii- 
ment,  qui  prouvent  que  les  anciens  habitants  des  Pyrénées  divinisaient  leurs  nioiita{:ncs. 
Elles  désignent  toules  des  divinités  locales  et  ont  un  nom  romain  comme  coosécrateur.  Le 
cippe  9ur  lequel  se  trouve  l'inscriplion  ci-dessus  provient  du  villaf^e  de  Gaud  et  est  dépose 
au  Musée  de  Toulouse,  (^.omroe  celui  qui  a  inspiré  le  sonnet  de  VEj;Uêi\  il  eft  aussi  con- 
sacré &  la  montagne  de  Car  —  Garri  »  par  Tcsclave  Geminus,  pour  lui  et  pour  ses  coin 
pagnoDS  d'esclavage,  et  pro  suis  conservis. 


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V 

L'EXILÉE 


MONTIBUS* 

6ARRI     DBO 

8AUINVLA 

V.8.L.M. 


Dans  ce  vallon  sauvage  oii  César  t'exila, 
Su^  la  roche  moussue,  au  chemin  d'Ardiègc, 
Penchant  ton  front  qu'argenté  une  précoce  neige^ 
Chaque  soir,  à  pas  lents,  tu  viens  Vaccouder  là. 

Tu  revois  ta  jeunesse  et  ta  chère  villa, 
Et  le  Flamine  rouge  avec  son  blanc  cortège  ; 
Et  lorsque  le  regret  du  sol  latin  t'assiège, 
Tu  regardes  le  ciel,  triste  Sabinula. 

Vers  le  Gar  éclatant  aux  sept  pointes  calcaires, 
Les  a.igles  attardés  qui  regagnent  leurs  aires 
Emportent  en  leur  vol  tes  rêves  familiers  ; 

Et  seule,  sans  désirs,  n'espérant  rien  de  l'homme, 

Tu  dresses  des  autels  aux  monts  hospitaliers 

Dont  les  dieux  plus  prochains  te  consolent  de  Rome. 


C'est  vraiment  une  bonne  fortune  pour  nous,  Pyré- 
néens et  Commingeois,  curieux  autant  que  fiers  du 
passé  de  notre  pays,  de  trouver  dans  Tœuvre  du  maî- 
tre ciseleur  ces  cinq  sonnets  —  cinq  joyaux  —  ayant 
trait  à  Tépigraphie  dans  le  domaine  de  notre  Société 
des  Etudes  ;  ils  sont  une  véritable  évocation  de  cette 
antiquité  qui  passionne  les  érudits.  Un  tribut  d'admi- 
ration était  bien  dû  ici  môme  au  poète  qui  a  fait  par- 
ticiper à  la  gloire  de  ses  a  Tropbées  »  nos  monts 
sacrés,  nos  cippes  et  nos  autels  antiques  ! 

{')  Le  culte  des  montagnes  parait  avoir  ctn  1res  en  honneur  dans  le  haut  (.'ommiugc^. 
IMasieurs  autels  sont  consacr<^s  au  dieu  Gar  —  pic  du  Gar.  —  Le  mont  Averon  à  Melles, 
et.  peut-être,  le  pic  Cagire  étaient  également  divinisés. 

Là  collection  de  M.  d*Agos  contient  deux  aulels,  Viin  provenant  d'Ardiêge  et  consacré 
•  aux  Montagnes  •  par  une  romaine  du  nom  de  Sabinula  —  exilée  sans  doute  ou  estlave  ;  — 
Taolre  trouvé  sur  le  pic  du  Gar,  non  loin  du  village  d*Ore,  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame 
des  pQls  (des  hauteurs)  et  dédié  par  Antinous  «  h  Diane  et  &  Horotat  et  au  dieu  Car, 
Carre  deo,  • 


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488 

Nous  ne  pouvions  pas  oublier,  en  effet,  que  c'est 
pendant  un  séjour  à  Luchon  que  M.  de  Hérédia,  ému 
par  la  splendeur  de  nos  sites,  par  le  pittoresque  et  la 
sérénité  de  nos  montagnes,  a  célébré,  en  vers  qu'on 
voudrait  voir  gravés  aussi  sur  le  marbre,  nos  divinités 
dont,  avec  Julien  Sacaze,  Tarohéologie  a  reconstitué 
rOlympe. 

Comme  on  Ta  vu,  les  sujets  de  nos  sonnets  épigra- 
phiques  sont  empruntés  au  recueil  des  Insa^iptiotis 
anlvfues  des  Pyrénées  de  Julien  Sacaze,  dont  la  partie 
relative  au  Comminges  a  paru  dans  les  premiers  volu- 
mes de  cette  Revue. 

En  terminant  sous  la  vision  intense  et  mélancolique 
qu'a  fait  passer  devant  nos  yeux  le  poète-gentilhomme 
qu'est  M.  de  Hérédia,  nous  nous  permettrons  de  lui 
dire  avec  Jules  Lemaître  :  «  Continuez  de  feuilleter  le 
»  soir  avant  de  vous  endormir,  des  catalogues  d'épées, 
»  d'armures  et  de  meubles  anciens,  mais  accoudez- 
»  vous  plus  souvent  sur  la  roche  moussue  où  rêve 
»  Sabinula  »,  dans  nos  belles  vallées,  sous  nos  grands 
pics  de  neige. 

Georges  Couget. 


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DÉCOUVERTE 
D'OSSEMENTS   D'HYÈNES   RAYÉES 

DANS  LA  Grotte  de  Montsaunés 


«  Il  y  a  deux  ans,  je  découvris  dans  un  étroit  couloir, 
à  Montsaunés  (Haute-Garonne),  une  mandibule  de  Singe 
que  j'attribuai  à  un  Magot  voisin  de  celui  de  Gibraltar 
CSoc.  d'Hist.  mit.  de  Toidousey  il  février  1892).  M.  Albret 
Gaudry  me  fit  l'honneur  de  présenter  cet  échantillon  à 
TAcadémie  (30  mai  1892).  Depuis  S  j*ai  continué  les  fouilles 
avec  beaucoup  de  peine,  sans  me  laisser  rebuter  par  la 
fragilité  des  ossements,  ni  par  l'obligation  de  sculpter  au 
burin,  hors  de  leur  gangue,  la  plupart  d'entre  eux.  J'ai 
obtenu  ainsi  un  grand  nombre  de  dents  et  quelques  os 
qui,  avec  mes  premières  trouvailles,  m'ont  permis  de 
reconnaître  la  faune  suivante  : 

»  Magot  voisin  de  celui  de  Gibraltar  (un  ou  deux  indi- 
vidus). 

»  OurSy  généralement  de  grande  taille,  mais  qui  nest  pas 
identique  à  lUrsv^  spelœus  type  (plusieurs  individus). 

»  Blaireau  (un  individu). 

»  Canie  moins  grand  que  le  Loup  quaternaire  (trois  indi- 
vidus). 

»  Hyènes  de  grande  taille^  du  type  de  VHyène  rayée 
neuf  dents  et  un  nombre  immense  de  coprolithes). 

»  Chat  un  peu  plus  grand  que  le  Chat  domestique  (un 
individu). 

»  Lapin  (un  individu). 

»  Castor  (un  ou  deux  individus). 

»  Eléphant  (une  molaire  de  lait  qui  parait  différer  de 
celles  de  VElephas  primigenius). 

»  Rhinocéros  Merckii  ou  très  voisin  (vingt-sept  dents 
appartenant  à  plusieurs  individus). 

1.  Notre  ilisiiugDé  correspondant  a.  en  eflct,  continué  les  recherches  dont  il  avait  bien 
voalu  Dous  communiquer  les  premiers  et  très  heureux  résultats  dans  le  t.  vu  de  notre 
ReTue,  année  IB92,  pages  335  et  s. 


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490 

»  Cheval  (un  individu). 

»  Sanglier  à  très  fortes  défenses  (plusieurs  individus). 

»  Cerf  qui  parait  être  lélaphe  (plusieurs  individjus). 

»  Autre  Cerf'i  (Quelques  dents). 

»  Cerf  de  la  taule  du  Chevreuil  (un  individu). 

»  Bovidé  ?  (quelques  restes}. 

»  Ruminant  moins  grand,  Ôvis  ou  Capra  (une  molaire). 

»  Les  conditions  du  gisement  excluent  tout  idée  de 
remaniement.  En  effet,  les  restes  que  j'ai  recueillis  se 
trouvaient  entassés  sur  une  dizaine  de  mètres  de  lon- 
gueur, dans  une  couche  d'argile  mêlée  de  coprolithes, 
consolidée  en  grande  partie  par  des  incrustations  et 
recouverte  de  stalagmite. 

»  Le  principal  intérêt  de  mes  nouvelles  fouilles  est 
d'avoir  montré  que  les  restes  d'Hyènes  de  Montsaunés 
(que  je  n'avais  pu  déterminer  spécifiquement  lors  de  mes 
premières  fouilles)  n'appartiennent  pas  à  VHysena  spelœa, 
si  commune  dans  notre  région,  mais  bien  au  type  de 
l'Hyène  rayée.  Je  pourrais  citer,  pour  le  Midi  de  la  France, 
plus  de  cinquante  grottes  ayant  donné  de  VHysena  spelœa. 
Je  n'aurais  pu,  jusqu'ici,  en  citer  qu'une  seule  ayant 
donné  des  Hyènes  du  type  de  l'Hyène  rayée:  c'est  la  grotte 
de  Luriel-Viel  (Hérault),  explorée,  au  commencement  du 
siècle,  par  Marcel  de  Serres.  La  faune  de  la  grotte  de 
Lunel-Vîel  présente  d'ailleurs  de  très  grandes  ressem 
blances  avec  celle  de  ma  grotte  de  Montsaunés.  Ces  deux 
faunes  montrent  que  le  climat  du  Midi  de  la  France  était 
alors  un  peu  plus  chaud  que  maintenant- 

»  Les  deux  gisements  de  Lunel-Viel  et  de  Montsaunés 
me  semblent  appartenir  au  début  du  quaternaire. 

»  Les  nombreux  restes  d'Ours,  de  Sanglier,  de  Cerf  et 
d'un  Rhinocéros  du  type  Merckii  que  j'ai  recueillis  à 
Montsaunés  doivent  faire  supposer  qu'il  y  avait  alors, 
aux  environs  de  celte  grotte,  de  grandes  surfaces  couver- 
tes d'arbres  ou  de  broussailles,  car,  dans  la  nature 
actuelle,  les  animaux  similaires  préfèrent  les  bois  aux 
espaces  découverts.  »  Edouard  Harlé. 

9  avril  1894. 


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EXCURSION 

A  SAINT-LIZIER  ET  A  SAINT-GIRONS 


La  Société  des  études  a  choisi,  pour  but  de  sa  prochaine  excur- 
sion du  21  juillet  189^,  Saint-Lizier  et  Saint-Girons. 

La  petite  ville  de  Saint-Lizier,  chef-lieu  de  canton  de  TAriège, 
à  deux  kilomètres  à  peine  de  Saint-Girons,  est  Tancienne  capitale 
de  la  Civitas  Consoraiiorum,  le  pays  de  Gouserans,  qui  forma, 
dopuis  les  premiers  temps  du  Christianisme  dans  les  Gaules  jus- 
qu*à  la  Révolution,  un  diocèse  dont  cette  même  ville  fut  le  siège 
épiscopal. 

Sous  Auguste,  on  en  fit  un  municipe,  lors  du  triple  sectionne- 
ment de  notre  propre  cité  des  Gonvènes. 

Durant  une  période  du  moyen  âge,  le  Couserans  fit  partie  du 
Gomminges.  En  1789,  il  était  encore  compris  dans  le  ressort  de 
TElection  de  ce  même  comté,  juridiction  financière  établie  à  Muret. 

Les  vicomtes  eurent  leur  célébrité  au  moyen  âge. 

Jjcur  blason  était  d'or  à  Torle  de  gueules. 


Saint-Lizier  prit  son  nom  d'un  de  ses  évéques  du  viii«  siècle,  qui 
la  défendit  héroïquement  contre  les  Sarrazins  ^  Licerius,  et  non 
Glycerius,  comme  on  Ta  dit  par  erreur.  Celui-ci,  deuxième  évêque, 
vivait  en  507.  La  ville  est  fièrement  campée,  en  face  de  St-Girons, 
sur  un  point  culminant  de  la  vallée  du  Salât  ;  elle  est  couronnée 
au  midi  par  les  lignes  imposantes  de  Tancienne  résidence  des 
évéques,  transformée  depuis  en  Asile  départemental  d'aliénés. 
Bâtie  en  amphithéâtre,  elle  s'étage  sur  le  versant  méridional  de  la 
colline  dont  le  Sijtlat  baigne  le  pied  au  milieu  des  roches.  Son 
aspect  est  vraiment  très  pittoresque. 

11  y  a  encore  dans  la  ville  de  nombreux  vestiges  de  loccupation 
romaine.  On  y  a  relevé  plusieurs  inscriptions.  Des  fragments 
d'architecture  antique  se  voient  dans  certains  édifices,  à  l'abside 
de  l'église  paroissiale  et  ailleurs. 

Particularité  assez  rare,  jusqu  a  l  episcopat  de  Bernard  de  Mar- 
miessc  (1655),  il  y  eut  à  Saint-Lizier  deux  cathédrales  et  deux  cha- 
pitres, [/une  était  la  chapelle  acluelie  de  lAsile  qui  présente  encore 
de  rintéict:  près  de  la  tour  de  1  escalier,  on  y  remarque  des 
débris  de  frise  ou  de  pilastre  à  rinceaux  du  meilleur  style. 

I.  Les  auteurs  ne  s'accordent  pas  sur  ce  point. 


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49i 

Quant  à  Téglise  de  la  ville  basse,  la  paroisse  actuelle  —  et  seule 
cathédralo  en  dernier  lieu,  —  sous  le  vocable  de  Saint-Lizier, 
elle  est  vraiment  curieuse  pour  Tarchéologuc,  avec  ses  trois  absi- 
des romanes  dont  celle  du  milieu  attire  le  plus  l'attention  «  parla 
correction  de  ses  lignes  ^  »  Les  deux  autres  ont  été  bâties  à  la  place 
et  avec  les  matériaux  d'une  porte  fortiûce,  dont  on  n'a  abattu  que 
la  partie  supérieure  pour  utiliser  le  reste  aux  absidioles  :  Cette 
autre  particularité  a  été  relevée,  pour  la  première  fois,  par  M.  â.  de 
Dion. 

La  nef  ogivale  du  xiv«  siècle,  à  transept,  dévie  sensiblement  de 
Taxe  du  chœur  ;  elle  est  voûtée  sur  larges  nervures  croisées, 
tandis  que  les  voûtes  des  deux  bras  du  transept  sont  en  berceau. 

Les  chapiteaux  et  autres  détails  intérieurs  méritent  d  être  étu- 
diés. 

\jQ  clocher  est  une  tour  octogonale  en  briques  terminée  par  des 
crénaux.  C'est  un  type  intéressant  de  ces  sortes  de  clochers,  fré- 
quents en  Languedoc,  avec  des  ouvertures  à  sommet  triangulaire. 

Les  stalles  du  chœur  ne  datent  que  du  xvii®  siècle  et  ont  rem- 
placé celles  qui  furent  dues  aux  libéralités  de  1  évêque  Auger  11  de 
Monlfaucon,  dont  le  tombeau  est  dans  le  cloître.  Le  guide  Joanne 
rappelle,  à  tort,  Auger  de  Chàtillon. 

Il  reste  quelques  vitraux  du  xv«  siècle  aux  fenêtres  de  la  nef. 

Le  trésor,  autrefois  très  riche,  ne  contient  plus  que  quelques 
objets,  parmi  lesquels  la  mitre  qui  serait  celle  de  saint  Lizier, 
d'après  là  tradition,  de  même  qu'un  bâton  pastoral  en  bois  dur 
dont  la  volute  d'ivoire  brisée  a  été  rajustée  au  moyen  de  lames 
d'argent.  On  y  lit  cette  exebgue  tout  évangélique  :  honor  onus, 
l'honneur  un  fardeau.  Au-dessus,  sur  un  anneau  cylindrique, 
on  lit  encore  :  cum  ira! us  fueris  misericordia  recordaberis. 

Au  presbytère  est  conservée  une  œuvre  admirable  do  la  Renais- 
sance :  le  buste  du  saint  évoque  fjizicr,  tout  en  vermeil  et  de 
grandeur  naturelle. 

Attenant  à  léglisc,  le  cloître  est  à  visiter.  Du  xir^  siècle  en  bas, 
on  lui  a  superposé  des  galeries  du  xv<^  au  xvi**  qui  rappellent,  à 
cause  de  cette  superposition,  certains  cloîtres  espagnols. 


Une  visite  est  duc  aussi  aux  restes  de  Tenccinte  romaine,  fort 
remarquable  avec  ses  nombreuses  tours,  et  au  donjon  où  le 
moyen  âge  vient  encore  se  superposer  aux  constructions  des 
Romains. 

Le  pont  sur  le  Salât  est  du  moyen  âge.  Son  tablier,  à  deux  plans 

1.  RelaVioD  du  Congrès  archéologique  de  iS87. 


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inclinés  et  muni  do  refuges  angulaires,  vient  d'être  défiguré  par 
une  restauration  que  les  nécessités  de  la  circulation  ont  pu  seules 
inspirer. 

Dans  l'appareil  de  sa  maçonnerie  sa  voient  un  blason  du  moyen 
âge  et  une  inscription  romaine  reproduite  par  J.  Sacaze  et  M.  de 
Laurière  : 

MINERVAE 
BEIjISAMAE  h  Minerve  Belisama, 

SACiRVM  Quinius  Valerius  Montanus 

Q,  VALERIVS  ex  voto. 

MONTANVS 
///V.// 
Près  du  pont  est  un  moulin  qui  était  fortifié.  La  tour  qui  sub- 
siste est  du  xii«  siècle. 


La  ville  de  Saint-Girons,  très-beureusement  située  au  triple 
confluent  du  Salai,  du  Baup  et  du  Lez,  est  Fancien  oppidum  sancti 
Gerontii,  du  nom  d'un  des  premiers  apôtres  de  la  contrée.  On  peut 
dire  de  ce  cbef-lieu  d'arrondissement,  avec  M.  de  Laurière,  que 
la  beauté  de  son  site  est  pour  le  touriste  une  compensation  à  la 
rareté  de  ses  monuments. 

Deux  cboses  surtout  sont  à  voir  : 

Le  portail  roman  et  le  mur  crénelé  dé  Téglise  Saint-Vallier  lui 
servant  de  clocber;  puis  la  flècbe  du  clocber  de  la  principale 
paroisse,  s'élevant  sur  une  tour  formant  porcbe  extérieur,  sous 
lequel  passe  une  rue. 

Cette  partie  de  l  édifice  date  du  xiv^'  sié^cle.  L'église  ogivale  a  été 
reconstruite  en  1857. 

L'ancien  cbàteau,  transformé  en  tribunal  et  en  prison,  n'a  rien 
de  remarquable  au  point  de  vue  arcbitccturaL  II  était  fort  délabré 
quand  le  vit,  en  1667,  M.  de  Froideur,  le  réformateur  général  des 
Forêts  sous  Louis  XIY.  «  Les  fenêtres  mêmes  étaient  sans  vitres. 
Gela  me  parut,  dit-il,  d'autant  plus  étrange  que  la  dame  du  lieu  fait 
fort  la  grande  dame  et  se  fait  porter  la  queue  jusque  dans  sa  mai- 
son. » 

Du  temps  de  ce  même  M.  de  Froideur,  il  y  avait  deux  couvents, 
«  l'un  des  Dominicains,  l'autre  des  Capucins,  tous  lieux  fort  cbé- 
tifs.  » 

Quant  aux  constructions  de  la  ville  en  ce  temps-là,  «  les  deux 
pignons  et  le  premier  étage  étaient  en  pierre  et  le  reste  en  bois.  » 

Certes  la  ville  a  fait  bien  des  progrès  depuis  et  c'est  un  agréable 
séjour.  A.  CouGET. 


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SAINT-LIZIER 

ANCIENNE  CAPITALE  DES  "  CONSONANI  '' 


Au  dernier  moment,  nous  recevons  de  M.  Anlhyme  Saint-Paul  la  notice  suivante  qui 
sera  pour  la  livraison  actuelle  un  complément  précieux.  a.  c. 

Saint-Lizier  est  la  ville  sœur  de  notre  Saint-Bertrand  :  sœur 
aînée  ou  sœur  cadette,  on  n*oserait  trop  en  décider;  peut-être  les 
deux  sœurs  sont-elles  simplement  jumelles,  comme  le  feraient 
pressentir  et  la  communauté  du  nom  de  Lugdunum  et  Tanalogie 
des  surnoms  de  Convenarum  et  Consoranorum  qui  semble  assigner 
leurs  origines  à  des  événements  de  même  nature  et  contemporains 
les  uns  des  autres.  Quoi  qu'il  en. soit  de  leurs  commencements, 
rhistoire  a  de  bonne  heure  diversifié  leurs  destinées,  de  même 
que  l'archéologie  leur  reconnaît  des  genres  de  valeur  fort  diffé- 
rents. 

I«a  cité  de  Lugdunum  Coruoranorum  n'eut  pas.  sous  les  Romains 
et  leurs  premiers  successeurs  en  Gaule,  Timportance  politique  ou 
stratégique  de  son  illustre  voisine,  importance  qui  devait  être 
bientôt  si  funeste  à  celle-ci.  Voilà  pourquoi  Saint-Lizier,  moins  en 
butte  aux  violences  des  divers  peuples  ou  des  divers  partis,  a 
mieux  conservé  jusqu'à  nos  jours  l'animation  d'une  petite  ville, 
tout  en  laissant  Mil» Î8irèi^pB(rmi  ses  maisons  plusieurs  fois  renou- 
velées des  '  fragments  antiques  plus  considérables.  La  cité  de 
Couserans  fut,  il  est  vrai,  suivant  une  tradition  très  respectable, 
étroitement  pressée  par  les  Visigoths  d'Espagne  vers  650;  mais, 
heureusement  pour  elle,  son  saint  patron  Lizier  était  alors  depuis 
longtemps  en  possession  de  sa  couronne  céleste,  et  son  interces- 
sion sauva  la  ville  réduite  aux  abois  ^  Moins  fortunée,  la  cité  de 
Gomminges,  dont  le  glorieux  protecteur  n'avait  pas  encore  passé 
par  cette  terre,  avait  complètement  péri  quelques  lustres  aupara- 

1.  Ett-il  bien  certain  que  l'invasion  des  Visigoths  d'Espagne^  ou  plutôt  des  Sarrazins, 
n*ettt  pas  lieu  du  vivant  de  saint  Lizier? 

La  question  serait  tranchée  sans  doute  en  vérifiant  ce  point  historique  dans  la  Vie  àe 
saint  Liiier,  qtt*a  écrite  le  P.  Labbe.  au  t.  ii  de  sa  Nova  BibUotheca,  p.  588. 

D'après  VUisloire  de  Languedoc,  édition  Privât,  t.  iv,  p.  379,  le  successeur  immédiat  de 
saint  Lizier  •  dont  la  ville  prit  le  nom  >,  vivait  en  787.  a.  c. 


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496 

vant.  Mais  si  Saiat-Lizier  n'a  jamais  été  complètement  détruit,  sa 
décadence  a  commencé  dès  un  autre  siège,  celui  de  736,  que  lui 
firent  subir  les  Sarraztns;  et  elle  fut  précipitée  par  uo  siège  plus 
désastreux  encore,  dit-on,  celui  qu'entreprit,  en  1130,  le  comte  de 
Gomminges  Bernard  III.  qui  voulait  étendre  auxéyéques  lea^  droits 
de  suzeraineté  quMl  exerçait  parfois  sur  les  vicomtes  de  Gousoi^ns. 
La  ville  naissante  de  Saint-Girons  se  trouva  là  justement,  tovytie 
disposée  à  grandir  par  Témigration  des  habitants  de  Saint-Lizie^ 
que  les  calamités  des  guerres  ou  le  go^i  du  commerce  et  de 
l'industrie  amenaient  au  bas  de  la  vallée  du  Salât.  Toutefois  la 
présence  des  évêques  jusqu'à  la  Révoluiion  et  le  zèle  que  déployè- 
rent la  plupart  de  ces  prélats  pour  y  développer  le  bien-être 
matériel  maintinrent,  dans  la  vieille  cité  gallo-romaine,  un  noyau 
relativement  considérable  de  population.  Saint-Lizier  renferme 
encore  plus  de  onze  cents  habitants  agglomérés,  alors  que  Saint- 
Bertrand  n'en  contient  qu'à  peine  quatre  cent  trente. 

Des  deux  cités,  dans  leur  état  actuel,  quelle  est  la  plus  intéres- 
sante pour  le  touriste  et  pour  Tarchéologue?  Une  telle  compa- 
raison doit  être  éludée,  non-seulement  à  cause  des  susceptibilités 
légitimes  qu'elle  serait  capable  d^éveiller,  mais  encore  et  surtout 
parce  qu'elle  ne  s'impose  pas  et  risquerait  d'être  injuste.  Il  est 
permis  de  dire  toutefois,  que  le  prestige  de  son  délaissement,  de 
son  site,  de  sa  cathédrale,  donne  à  Saint-Bertrand  des  avantages 
que  seule  une  analyse  froide  et  patiente  des  monuments  do  Saint- 
Lizier  peut  aiTaiblir. 

Saînt-Lizier  n'a  point  une  cathédrale  qu'elle  puisse  opposer  à 
celle  de  Saint-Bertrand,  mais  elle  en  a  en  quelque  sorte  la  monnaie  ; 
elle  a  deux  «  concathédrales  •  dont  Tune,  celle  qui  jusqu'à  la  fin 
garda  le  titre,  est  un  monument  gothique  tfès  passable,  accolé  aux 
vastes  constructions  d'un  évêché  construit  veï^srîi 655  par  Bernard 
de  Marmiesse,  et  dont  l'autre,  en  majeure  partie  romane,  est 
accompagnée  d'un  vaste  cloître,  aussi  roman,  qui  n'a  pas  son  pareil 
dans  toute  la  Gascogne.  Le  chœur  de  cette  seconde  cathédrale, 
qui  pour  le  vulgaire  est  la  cathédrale  unique,  oiTreune  singularité 
fort  piquante,  constatée  naguère  par  Adolphe  de  Dion.  Le  vais- 
seau fut  élevé  sur  remplacement  d'une  rue  de  la  ville  antique,  rue 
qui  débouchait  sur  une  porte  fortifiée  flanquée  de  deux  tours;  or, 
c^st  la  base  de  ces  deux  tours  romaines,  franques  ou  visigothes, 
qui  a  formé  les  deux  absidioles  du  transept  actuel.  L'abside  cen- 
trale est  au  moins  du  xi«  siècle,  sauf  les  modillons  qui  la  couron*- 
nent. 

Mais  le  joyau  archéologique  de  Saint-Lizier,  si  Ion  peut  appeler 
joyau  une  masse  énorme  de  pierres  sillonnée  d'assises  de  briques, 
ce  sont  ses  remparts  gallo-romains,  les  mieux  conservés  que  nous 


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possédions  en  France,  avec  leurs  douze  tours  et  le  soubassement 
d'un  véritable  donjon  qui  a  été  réfait  au  moyen  âge.  Cette  enceinte, 
longue  de  265  m.  sur  150,  formait  Varx,  Tacropole,  que  des  docu- 
ments liturgiques  appellent  Austria.  Des  murs  reliaient  Tacropole 
à  la  rivière  du  Salât  et  au  pont  pittoresque  encore  en  place  aujour- 
d'hui, mais  refait  au  xv''  siècle,  et  fortement  remanié"  si  non  refait 
de  nouveau  par  1  evèque  Gabriel  de  Saint-Estevain  (1690)  qui  y  a 
fait  apposer  ses  armes.  C'est  sur  une  pile  de  ce  pont  que  se  lit  très 
bien  encore  la  célèbre  inscription  votive  dédiée  à  «  Minerve 
Bélisama.  » 

Anthyme  Saint-Paul. 


UN  VIEUX  PLAN 

DE  LA  VILLE  DE  SAINT-GAUDENS 


M.  l'agent- voyer  Daignas  a  bien  voulu  dresser,  d'après 
une  pièce  originale  (àes  archives  d'Auch,  un  plan  de  la 
ville  de  Saint-Gaudens  vers  1740.  Ce  document  très-inté- 
ressant, qui  reproduit  le  tracé  des  enceintes  successives 
du  chef-lieu  du  Nébouzan  avec  leurs  portes  et  leurs  fos- 
sés, mérite  une  analyse  particulière  que  nous  lui  consa- 
crerons dans  la  prochaine  livraison.  a.  g. 


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LA  RÉVOLUTION 

A   SAINT-LIZIER   (Ariège) 


1789-1804 


(suite) 

Cependant,  à  Paris,  les  événements  politiques  se 
succédaient  avec  une  rapidité  effrayante.  La  monarchie 
voyait  disparaître,  une  à  une,  toutes  ses  plus  vieilles 
institutions;  ses  prérogatives,  chaque  jour,  étaient 
diminuées  ;  il  ne  lui  restait  plus  qu'un  pouvoir  fictif  et 
la  France  s'apprêtait  à  passer  sous  la  tyrannie  des 
clubs.  Trop  faible  pour  résister  au  courant  qui  em- 
portait tout,  hommes  et  choses,  vers  des  rivages 
inconnus,  Louis  XVI,  pour  sauver  au  moins  sa  vie  et 
celle  de  sa  famille,  quitta  subitement  Paris  dans  la 
nuit  du  20  au  21  juin. 

La  nouvelle  de  cette  fuite  inattendue  se  répandit 
rapidement  dans  toute  la  France.  D'urgence,  la  muni- 
cipalité de  Saint-Lizier  fut  convoquée',  afin  d'aviser 
%  aux  moyens  à  prendre,  pour  prévenir  les  maux 
affreux  qu'un  événement  aussi  affligeant  peut  cau- 
ser. » 

Le  maire,  en  communiquant  cette  nouvelle  à  ses 
administrés,  se  sent  profondément  ému.  «  Une 
grande  nation  sans  chef  tombe  dans  la  dissolution  ;  les 
ennemis  de  l'Etat^  se  prévalant  bientôt  d'une  liberté 
indéfinie,  ou  plutôt  d'une  licence  suggérée  par  mille 

i.  SéaiM»  da  96  juin. 
Reroi  M  CommoBS,  3*  trimestre  1894.  Tous  IX.  —  14. 


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498 

passions,  souffleront  partout  la  révolte  contre  Tordre 
public  et  Texécution  des  lois.  Les  haines,  déjà  malheu- 
reusement produites  par  la  différence  des  opinions 
sur  l'état  présent  de  la  France,  trouveront  dans  cette 
triste  circonstance  des  moyens  assurés  de  vengeance. 
Il  n'est  pas  douteux  que  tous  les  citoyens  soient  inté- 
ressés, d'un  autre  côté,  à  se  porter  au  vœu  naturel  que 
nous  devons  tous  faire,  de  protéger  la  société  contre 
les  attentats  qui  pourraient  être  commis  contre  elle, 
et  qui  déjà  ont  été  commis  par  l'enlèvement  de  la 
famille  royale*.  » 

Le  moyen  le  plus  efficace  de  protection  pour  la 
société  est,  aux  yeux  du  maire,  d'assembler  les  gardes 
nationales  du  royaume  et  de  les  tenir  prêtes  à  mar- 
cher au  premier  signal  contre  les  ennemis  de  la  tran- 
quillité publique. 

De  concert  avec  ses  collègues  de  Méritons,  colonel, 
et  Dupré,  lieutenant-colonel,  ils  arrêtent:  «  que  tous 
les  citoyens  en  état  de  porter  les  armes,  depuis  l'âge 
de  seize  ans  jusqu'à  l'âge  de  cinquante,  seront  tenus 
de  prendre  les  armes  et  de  se  réunir,  ce  jour  même, 
sur  la  place  publique  pour  recevoir  les  ordres  qui  leur 
seront  donnés.  Des  corps  de  garde  seront  placés  aux 
différentes  portes  de  la  ville.  Il  est  aussi  interdit  à 
tous  les  citoyens  de  tenir  aucun  propos  de  nature  à 
provoquer  la  discorde  entre  les  citoyens.  »  Il  ne  dépen- 
dit pas,  ce  jour-là,  de  la  municipalité  et  de  la  garde 
nationale  de  Saint-Lizier  que  la  France  ne  fût  sauvée 
des  malheurs  qui  l'attendaient. 

Les  miliciens  se  rendirent  au  rendez-vous  de  leurs 
chefs,  et  des  estafettes  furent  envoyés  à  Foix  et  à  Tou- 
louse pour  aller  chercher  des  munitions  de  guerre  et 
des  fusils.  On  fit  aussi  achat  de  cinquante  livres  de 


i.  L'Assemblée  Nationale  avait  à  dessein  accrédité  le  bruit  que  le  roi  avait  été  enleié 
par  les  ennemis  du  bien  public. 


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499 

grosse  poudre,  d'un  cent  de  grosses  pierres  à  fusil 
pour  les  fusils  d'ordonnance,  et  de  cent  livres  de  balles 
de  calibre  pour  les  fusils  de  munition.  On  décida  enfin 
que  les  canons  seraient  mis  sur  des  affûts.  Saint- 
Lizier  opposait  les  grands  remèdes  aux  grands  maux. 
On  pouvait  d'ailleurs  avoir  confiance  dans  la  bravoure 
et  l'expérience  de  sa  troupe  bourgeoise,  qui,  le  22  mai 
dernier,  conjointement  avec  la  garde  nationale  de 
Saint-Girons,  avait  fait  la  campagne  de  Caumont,  «  à 
l'effet  d'y  rechercher  des  notions  sur  certains  com- 
plots qui  lui  étaient  dénoncés.  »  Dumouriez  et  Keller- 
mann  allaient  aussi  bientôt  se  couvrir  de  gloire  à 
Valmy. 

L'attention  des  administrateurs  était  parfois  aussi 
attirée  par  les  affaires  financières.  En  exécution  du 
décret  du  28  juin,  relatif  au  payement  des  contribu- 
tions foncières  et  mobilières,  on  avait  dû  procéder  à 
la  faction  du  rôle  des  impositions,  et  nommer  un 
receveur,  qui  fut  le  citoyen  Durieux. 

Les  assignats  étaient  depuis  quelque  temps  en  cir- 
culation, mais  n'avaient  pas,  plus  dans  nos  contrées 
qu'ailleurs,  joui  de  la  confiance  du  public,  et,  peu 
après  leur  émission,  on  ijerdait  au  change  le  ving- 
tième de  leur  valeur. 

Les  citoyens  Berges  fils  et  Nicolas  avaient  été  délé- 
gués aux  fêtes  de  la  Fédération  du  14  juillet.  Pour 
frais  de  leur  voyage,  la  municipalité  vota  une  somme 
de  mille  deux  cents  livres,  qui  fut  empruntée  au  sieur 
Besson.  Cette  somme  lui  fut  bientôt  remboursée  en 
assignats  ;  mais  le  créancier  perdit  au  change  5  **/o  et 
la  communauté  dut  lui  rembourser  la  différence. 
C'étaient  encore  les  beaux  jours  des  assignats  ;  mais 
bientôt  viendra  la  déchéance  de  cette  valeur  qui 
n'avait  aucune  solide  garantie,  laissant  la  déception  et 
la  misère  entre  les  mains  de  ses  possesseurs. 


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200 

Les  vacances  scolaires  touchant  à  leur  terme,  on 
dut  se  préoccuper  du  choix  des  régents.  L*école  de 
Saint-Lizier,  comme  toutes  les  écoles  des  localités 
importantes,  avait  une  classe  de  latinité  qui  fut  confiée 
à  M.  Lamary,  ecclésiastique  natif  de  Gajan.  La 
seconde  régence  fut  donnée  au  sieur  Joseph  Piquemal, 
habitant  du  lieu,  qui  avait  fourni  «  des  preuves  d'un 
bon  maître  à  écrire,  par  les  modèles  qu'il  avait  repré- 
sentés, et  par  les  épreuves  d'écriture  faites  sous  les 
yeux  de  la  municipalité.  »  Il  fut  alloué'  au  premier 
régent  la  somme  de  trois  cent  soixante  livres,  et  deux 
cent  quarante  au  second  régent. 

Ces  honoraires  devaient  être  payés,  de  trois  en  trois 
mois  et  par  avance,  par  mandat  sur  le  receveur  du 
district  de  Saint-Girons. 

Avant  d^entrer  en  fonctions,  les  deux  maîtres  d'école 
durent,  en  présence  de  leurs  écoliers  et  des  représen- 
tants de  la  commune,  prêter  serment  à  la  nation,  à  la 
loi  et  au  roi,  jurant  «  de  remplir  avec  fidélité  les  fonc- 
tions de  leurs  places  ». 

L'élection  des  curés  constitutionnels  avait  jeté  les 
paroisses  de  Saint-Lizier  dans  une  profonde  division. 
Grand  nombre  de  fidèles,  pris  de  scrupules  légitimes, 
ne  voulaient  pas  communiquer  avec  eux  dans  leurs 
fonctions  spirituelles  ;  du  sanctuaire  de  la  conscience 
le  mécontentement  éclate  à  l'extérieur;  on  s'injurie, 
on  se  menace,  on  se  provoque;  et  la  municipalité, 
craignant  qu'on  ne  se  porte  aux  derniers  excès,  se  préoc- 
cupe avec  raison  de  l'état  de  surexcitation  dans  lequel 
se  trouve  la  ville.  Elle  appelle  à  sa  barre  les  sieurs 
Anouilh,  homme  de  loi,  Bénazet  et  Laurent  Berges 
qu'on  lui  a  représentés  comme  les  principaux  fauteurs 
de  l'agitation.  Le  procureur  de  la  commune  les  mena- 

1.  Séance  da  29  octobre  t791« 


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904 

ce  des  sévérités  de  la  loi  et  les  rend  responsables  des 
malheurs  qui  pourraient  survenir;  puis,  il  requiert  un 
piquet  de  la  garde  nationale,  pour  «  être  fait  des 
patrouilles  continuelles  jusque  fort  avant  dans  la 
nuit.  »  A  la  tête  de  ces  patrouilles  devront  toujours  se 
tenir  un  officier  municipal  et  un  officier  de  la  garde 
nationale. 

Vaines  entraves  pour  étouffer  la  protestation  de  la 
conscience  publique  !  Bientôt  la  municipalité  elle- 
même  est  obligée  de  reconnaître'  que  «  presque  la 
totalité  des  citoyens  n'adopte  pas  un  changement 
qu'elle  regarde  comme  contraire  à  ses  principes  reli- 
gieux, et  qu'elle  ne  fréquente  pas  les  églises  dans 
lesquelles  les  offices  sont  célébrés  par  les  curés  cons- 
titutionnels. y>  Les  protestataires,  en  effet,  dans  une 
assemblée  du  20  octobre,  avaient  délibéré  qu'ils 
formeraient  une  nouvelle  église,  sous  le  titre  de  non- 
conformistes,  et  avaient  remis  à  l'autorité  municipale 
un  extrait  de  leur  délibération,  l'informant  qu'ils  se 
proposaient  de  se  réunir,  le  dimanche  suivant,  dans 
la  maison  de  René  Mico,  dans  une  salle  où  était  an- 
ciennement la  chapelle  du  vieil  hôpital. 

Cette  décision  alarma  la  municipalité  qui,  entre- 
voyant une  opposition  de  la  part  des  partisans  du 
clergé  constitutionnel^  voulut  dissuader  les  protesta- 
taires de  leur  projet  de  réunion.  On  avait  d'ailleurs 
appris,  d'autre  part,  que  les  opposants  de  Saint-Lizier 
devaient  être  soutenus,  dans  leur  résistance,  par  un 
groupe  considérable  de  jeunes  gens  de  Saint-Girons, 
qui  devait  leur  prêter  main-forte  et  empêcher  l'assem- 
blée des  non-conformistes,  même  par  la  voie  des  faits. 

EiT  prévision  des  rixes  et  des  scandales  annoncés,  le 
maire  réitéra  ses  instances  pour  les  détourner  de 
leur  réunion  que,    par  une  étrange  contradiction,  il 

1.  Séance  da  98  octobre. 


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202 

prétendait  empêcher,  autant  qu'il  était  en  son  pou- 
voir a  sans  entendre  néanmoins,  contrarier  la  liberté 
que  les  Droits  leiir  accordent.  »  Les  sieurs  Joseph 
Dargein,  Coentre,  Laroque,  Picart,  Vignau,  Dutap,  Sei- 
gnan,  Arnaud  Bonzom,  délégués  de  leurs  coreligion- 
naires, s'étant  rendus  à  la  maison  de  ville  ou  siégeait  la 
municipalité  répondent,  par  Torganedu  sieur  Vignau, 
a  qu'ils  ont  déposé  devers  le  district  leur  délibération, 
et  que  celui-ci  n'a  marqué  aucune  improbation  ;  qu'ils 
sont  donc  fondés,  d'après  les  lois,  à  Texécution  de  leurs 
délibérés;  que  d'ailleurs  le  peuple  s'y  attend,  au  point 
qu'il  ne  serait  plu6  possible  de  l'empêcher  de  se 
rendre  dans  l'église  indiquée,  sans  les  plus  grands 
inconvénients.  »  Ils  protestent  de  leur  soumission  à  la 
loi  et  osent  espérer  que  la  tranquillité  publique  ne  sera 
pas  troublée;  enfin,  ils  persistent  de  plus  fort  à  l'exé- 
cution de  leur  projet,  et  quittent  brusquement  l'assem- 
blée municipale. 

Après  le  départ  de  ces  courageux  citoyens,  les  offi- 
ciers municipaux  demeurant  en  séance,  donnent  avis 
au  procureur-syndic  du  district  de  Saint-Girons,  qu'il 
s'est  formé  une  coalition  de  plusieurs  jeunes  gens  de 
sa  ville,  qu'on  dit  être  membres  de  la  garde  nationale, 
avec  un  parti  factieux  de  la  ville  de  Saint-Lizier  qui 
se  propose  de  s'opposer,  dimanche  prochain,  par  la 
voie  de  la  force,  à  la  réunion  des  non-conformistes  ;  ils 
requièrent  le  syndic  de  prendre  toutes  les  mesures 
qu'il  croira  convenables,  pour  empêcher  la  jonction 
des  gardes  nationaux  de  Saint-Girons  à  ceux  de  Saint- 
Lizier. 

Pareille  réquisition  est  aussi  adressée  au  juge  de 
paix  du  canton  de  Saint-Lizier,  et  le  sieur  Nicolas, 
capitaine  de  la  garde  nationale,  en  l'absence  des  au- 
tres chefs,  est  enfin  requis  d'avoir  à  prendre  les 
moyens  nécessaires  pour  que  sa  troupe  soit  prête  à 
s'assembler  dimanche  prochain,  sur  les  huit  heures 


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SOS 

du  matin,  au  premier  ordre  qui  en  sera  donné  par  les 
membres  de  la  municipalité. 

Et  sans  désemparer,  la  municipalité,  s'exagérant 
peut-être  les  dangers  de  la  situation  et  la  gravité  de 
sa  responsabilité,  formule  sur  le  champ  un  code  de 
répression  dont  nous  allons  reproduire  les  nombreuses 
dispositions.  Dans  le  préambule  qui  le  précède,  le 
procureur  de  la  commune  expose  qu'une  des  causes 
principales  des  divisions  intestines  de  la  ville  est 
rignorance  des  lois  et  arrêts  de  police,  ainsi  que  des 
devoirs  des  citoyens  dans  le  cas  de  trouble  ;  il  espère 
prévenir,  peut-être,  faire  cesser  tout  désordre,  par  la 
publication  et  Taffichage  des  ordonnances  suivantes  : 

Article  l. 

Les  articlcB  10,  Il  des  Droits  de  l'homme,  concernant  la  liberté 
du  culte,  de  parler,  d'écrire,  d'imprimer,  seront  observés  suivant 
leur  forme  et  teneur. 

Art.  2. 

Déclarons  que  ceux  qui  oseront  entreprendre  de  forcer  leurs  con- 
citoyens, par  aucune  voie  de  fait,  insuite,  ou  menaces  publiques, 
d'aller  dans  une  église  plutôt  que  dans  une  autre,  et  de  les  gêner 
ou  interrompre  dans  leurs  exercices  religieux,  seront  poursuivis 
comme  perturbateurs  du  repos  public. 

Art  3. 
Défendons  aux  gardes  nationales  de  se  former  en  corps,  si  ce 
n'est  quand  elles  en  seront  requises  légalement. 

Art.  4. 
Défendons  à  tous  officiers  et  soldats  composant  la  garde  na- 
tionale, de  faire  battre  la  générale,  ni  aucune  batterie  de  rassem- 
blement, sans  y  être  expressément  autorisés  par  les  ofiiciers  mu- 
nicipaux et  procureur  de  la  commune. 

Art.  5. 
Défendons  tout  attroupement  de  plus  de  quinze  personnes  dans 
les  rues  et  places  publiques,  à  peine  d'être,  les  contrevenants, 
traités  comme  séditieux. 

Art.  (). 
Ordonnons  que  tous  les  citoyens  seront  tenus  de  sortir  de  leurs 
maisons,  dans  tous  les  cas  où  le  procureur  de  la  commune,  ofR- 


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204 

ciers  municipaux,  ou  autres  officiers  civils,  crieront  «  Force  à  la 
loi  »  ;  do  prendre  les  armes  de  quelque  nature  qu'elles  soient,  et 
de  se  réunir  aux  susdits  officiers  civils  pour  leur  prêter  main-forte, 
à  peine,  les  contrevenants,  de  demeurer  responsables  des  événe- 
ments. 

Art.  7. 

Ordonnons  que  si,  pendant  la  nuit,  les  officiers  civils  crient 
«  Force  à  la  loi  »  ou  si  Ton  bat  la  générale,  tous  les  propriétaires 
ou  locataires  de  maisons  mettront  à  l'instant  des  lumières,  lampes 
ou  chandelles  sur  leurs  fenêtres. 

Art.  8. 

Dans  les  cas  d'attroupement,  dès  le  moment  que  les  officiers 
civils  ou  la  force  publique  se  présenteront,  si  l'attroupement  ne 
se  dissipe  pas,  il  sera  drié:  «  Obéissance  à  la  loi,  que  les  bons 
«  citoyens  se  retirent  ;  oa  va  faire  usage  de  la  force  »  ;  on  battra  le 
ban  et  la  force  publique  agira  sans  être  responsable  d'aucun  des 
maux  qui  en  seront  la  suite. 

Art.  9. 

Défendons  d  attaquer  aucun  citoyen  par  les  qualifications  inju- 
rieuses de  démocrate,  ou  d'aristocrate,  et  autres  termes  tendant  à 
causer  des  rixes  ou  des  haines. 

Art.  10. 

Enjoignons  aux  aubergistes  et  cabaretiers,  donnant  à  boire  et  à 
manger  aux  étrangers,  de  donner  avis  i\  la  municipalité  dès  qu'ils 
seront  au-dessus  de  cinq. 

Art.  tl. 

Enjoignons  aux  aubergistes  et  cabaretiers  de  nous  présenter, 
dans  le  délai  de  vingt-quatre  heures,  un  registre  timbré  pour  être 
parafé^  dans  lequel  ils  seront  tenus  d'inscrire  les  noms,  qualité 
et  demeure  de  tous  ceux  qui  coucheront  chez  eux. 

Art.  12. 

Défendons  de  faire  des  cris  ou  du  bruit  pendant  la  nuit,  propres 
à  troubler  le  repos  des  citoyens  et  causer  de  l'épouvante,  à  peine 
d'être,  les  contrevenants,  punis  comme  perturbateurs  du  repos 
public. 

Art.  13. 

Ordonnons  que  le  présent  arrêté  sera  lu,  publié  et  affiché  aux 
lieux  ordinaires. 
Fait  à  Saint-Lizier,  dans  la  maison  commune,  le  28  octobre  1791. 
Besson.  maire.  —  Bkugès  fils,  secrétaire. 


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205 

Les  non-conformistes  ne  se  crurent  point  visés  par 
cet  arrêté  qifils  croyaient  dirigé  contre  les  perturba- 
teurs; mais  les  violents  ont  toujours  imposé  leurs 
caprices  aux  majorités  et  à  Tautorité.  Entre  les  mains 
des  faibles,  la  loi  devient  trop  souvent  une  arme  à  deux 
tranchants,  ou  plutôt  un  moyen  de  persécution  qu'on 
tourne  contre  le  droit  qu'elle  a  mission  de  proté- 
ger. S'appuyant  sur  la  disposition  de  la  Constitution 
qui  proclamait  la  liberté  des  cultes,  les  non-confor- 
mistes s'assemblèrent,  comme  ils  l'avaient  annoncé, 
dans  leur  église. 

Les  opposants  s'agitèrent  et  firent  si  bien,  que  le 
maire,  invoquant  des  motifs  de  prudence,  et  prétextant 
une  violation  partielle  de  son  arrêté,  interdit,  deux 
jours  après,  le  culte  des  non-conformistes,  «  jusqu'à 
ce  qu'ils  se  fussent  fait  autoriser  par  les  corps  admi- 
nistratifs ». 

Les  persécutés  se  pourvurent  auprès  du  directoire 
de  Saint-Girons,  qui  envoya  le  S  novembre  à  la  muni- 
cipalité de  Saint-Lizier ,  en  communication  et  pour 
avis,  leur  pétition.  Ce  n'était  point  un  petit  groupe 
d'administrés  qui  sollicitait  une  faveur  exceptionnelle, 
mais  c'était  l'immense  majorité  des  citoyens  qui  se 
levait  pour  réclamer  la  reconnaissance  du  premier  dps 
droits  ;  et  la  municipalité  ne  put  s'empêcher  de  répon- 
dre a  qu'elle  n'avait  nul  motif  de  s'opposer  à  l'exécu- 
tion des  lois  sur  la  liberté  du  culte  religieux  adopté 
par  lesdits  non-conformistes  ».  La  peur  ne  l'empêchait 
pas  encore  d'être  juste. 

Enfin,  fut  signé  par  le  département,  le  10  novembre, 
un  arrêté  portant  «  que  l'exercice  de  tous  les  cultes  est 
garanti  par  la  Constitution,  et  que  la  municipalité  de 
Saint-Lizier  protégera,  conformément  à  la  loi  du  7  mai 
dernier,  l'exercice  du  culte  des  pétitionnaires,  lorsque 
l'inscription  sera  mise  sur  le  frontispice  de  l'édifice 
qu'ils  y  consacrent,  —  ladite  inscription  étant  dési- 


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S06 

gnée  sous  ce  titre  :   «  Église  des  catholiques  romains 
non-conformistes.  » 

Cet  arrêté  fut  communiqué  au  maire  de  Saint- 
Lizier,  par  le  sieur  Durieux,  syndic  des  non-confor- 
mistes. Il  demanda,  par  voie  de  conséquence,  le  retrait 
de  l'arrêté  municipal  du  30  octobre  qui  ava^it  prohibé  le 
culte  adopté  par  le  requérant  et  ses  coreligionnaires  : 
ce  que  le  maire  lui  octroya,  heureux,  peut-être,  d'être 
ainsi  dans  la  nécessité  d'accomplir  un  acte  de  justice. 
C'est  le  sort  des  âmes  timorées  de  faire  ainsi  souvent 
le  mal  qui  répugne  à  leur  instinctive  nature  et  d'être 
soulagées  par  un  acte  réparateur. 


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207 


m 


Nouvelles  opérations  électorales.  —  Dupont-Dargein ,  maire.  — 
Dupré,  maire.  —  Fêtes  de  Noël.  —  Conduite  contradictoire  de  la 
municipalité.  —  Pénurie  d'argent.  —  Enlèvement  des  armoiries. 
—  Biens  de  lévèché.  —  Encore  une  alarme.  — -  Impôt.  —  La 
patrie  en  danger. 


On  était  arrivé  sur  la  fin  de  Tannée  1791 ,  à  l'épo- 
que du  renouvellement  partiel  de  la  municipalité.  Le 
contre-coup  de  ces  divisions  devait  se  faire  sentir  dans 
les  opérations  électorales,  qui  durèrent  trois  jours  sans 
pouvoir  arriver  à  un  résultat  final. 

Le  dimanche,  troisième  jour  de  novembre,  on 
procéda  à  Torganisation  du  bureau  provisoire  ;  les 
membres  en  furent  pris  parmi  les  plus  anciens  élec- 
teurs. Par  le  bénéfice  de  Tàge,  Duclos  fut  nommé  pré- 
sident; scrutateurs,  les  sieurs  Durieux,  Berges,  négo- 
ciant, Berges,  architecte;  secrétaire  provisoire,  Dar- 
gein-Dupbnt.  Cette  première  journée  fut  consacrée  à 
rappel  nominal  des  citoyens  qui  composaient  rassem- 
blée, et  à  Texamen  des  titres  des  citoyens  actifs,  ce 
qui,  ayant  amené  de  nombreuses  discussions,  poussa 
jusqu'à  6  heures  du  soir  la  séance  qui  dut  être  ren- 
voyée au  lendemain. 

Le  lundi  14,  les  électeurs  se  trouvent  asssemblés 
à  la  maison  commune,  à  9  heures  du  matin.  Dès 
l'abord,  Besson  demande  la  parole  contre  l'admission 
du  sieur  Tatarau,  en  qualité  de  citoyen  actif,  attendu 
qu'il  est  en  état  de  banqueroute,  et  qu'il  ne  rapporte 
point  la  quittance  générale  de  ses  créanciers;  il 
exige  du  bureau  provisoire  acte  de  sa  protestation 
pour  servir  en  tant  que  de  besoin.  Puis  on  procède, 
par  appel  nominal,  à  Télection  du  président.  Besson 
est  élu  à  la  pluralité  des  suffrages. 


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208 

Dans  la  séance  qui  a  lieu  à  2  heures  de  Taprès- 
midi,  Filouse,  prêtre,  est  élu  secrétaire.  Il  prête, 
devant  l'assemblée,  avec  le  président,  le  serment 
civique  prescrit  par  la  loi  ;  puis  encore  sont  élus, 
à  la  majorité  des  voix,  scrutateurs,  les  sieurs  Berges, 
architecte,  Dargein-Dupont  et  Durieux.  L'heure  tarde 
empêchant  la  suite  des  opérations,  la  séance  est  ren- 
voyée au  lendemain,  à  9  heures  du  matin. 

Lesdits  jour  et  heure  advenus,  le  sieur  Besson, 
fatigué  de  sa  charge  de  maire,  si  difficile  dans  les 
complications  actuelles,  donna  sa  démission.  Il  fut 
immédiatement  pourvu  à  son  remplacement,  et,  par 
les  suffrages  des  électeurs,  la  mairie  fut  confiée  à 
Dupont-Dargein. 

Dans  la  séance  de  Taprès-midi,  on  procéda  à  la 
nomination  de  trois  officiers  municipaux,  en  rempla- 
cement des  sieurs  Scillé,  Dargein-Dupont  et  Duclos. 
Au  dépouillement  du  scrutin,  le  nombre  des  billets 
ayant  été  trouvé  supérieur  à  celui  des  votants,  Topé- 
ration  fut  déclarée  nulle  et  on  la  recommença  sur 
rheure.  A  peine  quelques  billets  avaient  été  déposés 
dans  le  bassin,  que  survint  une  violente  discussion. 

Un  électeur,  très  vieux  et  peu  instruit  sur  ce  qu'il 
avait  à  faire,  le  sieur  Cassagnau,  interroge  M.  le  pré- 
sident, qui  lui  répond  qu'il  doit  nommer  trois  officiers 
municipaux. 

Cassagnau  marque  quelque  embarras  dans  son 
choix. 

Le  scrutateur  Durieux  lui  dit  :  «  Nommez  ceux 
que  vous  avez  déjà  portés  dans  le  premier  scrutin,  ou 
tout  autre  qu'il  vous  plaira. 

—  »  Je  ne  m'en  souviens  plus;  vous  qui  avez  vu 
mon  premier  billet,  vous  devez  vous  les  rappeler? 

—  »  Me  le  demandez-vous?  reprit  Durieux. 

—  »  Oui,  répondit  Cassagnau. 

Alors  Durieux  commet  l'imprudence  de  lui  nommer 


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S09 

les  candidats   qu'il   avait  inscrits   dans   le   premier 
billet. 

Grande  fermentation  et  grand  tumulte  dans  la  salle. 
Berges,  curé;  Seillé,  Lafont,  Claude,  Pierre  Berges 
demandent  le  renvoi  de  l'assemblée,  la  destitution  de 
Durieux  comme  scrutateur  et  l'annulation  de  tout  ce 
qui  a  été  précédemment  fait.  L'assemblée  décide  que 
Cassagnau  ne  pourra  point  voter.  On  agite  la  question 
du  renvoi  de  Durieux  ;  Berges,  scrutateur,  prenant  la 
parole,  dit  «  qu'en  son  nom  et  au  nom  d'un  grand 
nombre  de  votants,  il  proteste  contre  tout  ce  qui  a  été 
fiait  »,  et  il  se  retire  avec  plusieurs  amis. 

Le  tumulte  augmente  ;  devant  les  dispositions  hos- 
tiles de  la  foule,  Durieux  résigne  ses  fonctions  de 
scrutateur,  et  comme  Berges,  architecte,  autre  scruta- 
teur, s'était  retiré,  on  procède  dans  les  formes  ordi- 
naires à  la  nomination  de  deux  scrutateurs.  Pendant 
l'opération,  survient  le  sieur  Seillé,  suivi  d'un  grand 
nombre  d'électeurs,  précédemment  sortis  avec  lui.  Il 
demande,  comme  Berges,  le  renvoi  de  l'assemblée 
pour  cause  de  trouble,  et  la  cassation  de  tout  ce  qui  a 
été  fait  pour  contravention  aux  lois.  Il  offre  de  faire  la 
preuve  d'une  coalition  illégale  qui  s'est  formée  dans 
l'assemblée  et  se  fait  donner  acte  de  sa  protestation. 

Le  désordre  augmentant,  les  clameurs,  les  disputes 
empêchant  la  régularité  des  opérations,  le  maire 
déclare  qu'il  lève  la  séance  et  qu'il  va  se  pourvoir 
devant  le  directoire  du  district,  pour  demander  deux 
commissaires  qui  assisteront  aux  séances  suivantes. 

Il  est  à  présumer  que  la  présence  des  représentants 
de  l'autorité  dut  ramener  le  calme  dans  les  esprits. 
Nous  ne  voyons  plus  trace  de  désordre  dans  les 
procès-verbaux  du  registre  municipal,  qui  se  contente 
d'insérer,  à  la  date  du  19  décembre,  la  proclamation 
du  sieur  Dupré,  maire;  Court,  Nicolas  et  Auriac,  offi- 
ciers municipaux,  et  Seillé,  procureur  de  la  commune, 


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MO 

qui  le  même  jour  prêtent  le  serment  exigé.  Quelques 
jours  après,  l'organisation  de  la  municipalité  se  com- 
plète par  la  nomination  du  bureau  dont  font  partie 
Dupré,  maire  et  Villa,  et  la  nomination  des  membres 
du  tribunal  de  police  municipale,  composé  de  Dupré, 
Villa  et  Court. 

Le  lendemain  de  son  installation,  la  nouvelle  muni- 
cipalité décida  qu'elle  ne  tiendrait  plus  ses  séances 
dans  la  maison  commune,  provisoirement  occupée 
par  les  prisonniers  et  les  prévenus,  mais  qu'elle  se 
réunirait  dans  une  salle  du  ci-devant  évêché.  L'ancien 
mobilier  de  la  salle  des  séances  étant  hors  d'usage,  on 
vota  l'achat  d'une  table  et  de  douze  chaises. 

Les  fêtes  de  Noël  approchaient.  Le  procureur  de  la 
commune  fit  observer  aux  membres  de  la  municipalité 
que  «  la  diversité  des  opinions  religieuses  avait  pro- 
duit, parmi  les  concitoyens,  une  telle  division,  que 
l'on  pouvait  craindre  une  véritable  guerre  civile,  et 
qu'il  était  de  leur  vigilance  d'en  prévenir  les  horreurs. 
Nous  touchons,  leur  dit-il,  à  cette  solennité  où,  selon 
l'usage,  nous  consacrons  une  nuit  à  célébrer  dans  nos 
temples  la  naissance  du  Souverain  des  nations.  Vous 
n'ignorez  pas,  Messieurs,  qu'un  de  nos  pasteurs  a  été 
obligé  de  quitter  son  église  i  et  de  se  réunir  au  curé  de  la 
paroisse  de  Saint-Lizier.  Si  vous  permettez  que  le  ser- 
vice divin  se  célèbre,  cette  nuit,  dans  nos  deux  parois- 
ses^ vous  ne  pouvez  vous  dissimuler  combien  de  suites 
fâcheuses  peuvent  résulter  de  deux  rassemblements 
faits  dans  deux  lieux  différents,  à  la  même  heure  de  la 
nuit.  La  force  armée  que  vous  avez  à  votre  disposition 
n'est  pas  assez  nombreuse  pour  surveiller  en  même 
temps  les  deux  assemblées  et  assurer  le  bon  ordre 
qu'il  faut  maintenir  dans  toutes  les  parties  de  la  ville. 

i.  La  cnré  Laporte. 


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344 

Je  requiers  en  conséquence  qu'il  soit  ordonné  que 
Téglise  paroissiale  reste  ouverte^  pendant  toute  la  nuit 
du  24  au  23  du  présent  mois,  et  qu'il  sera  loisible  à 
tout  prêtre  de  célébrer  la  messe  dans  cette  église; 
qu'il  soit  défendu,  en  outre,  de  faire  les  offices  dans 
Téglise  de  Notre-Dame  de  la  Sède  qui  devra  rester 
fermée  durant  cette  nuit;  que  la  messe  de  minuit 
pourra  aussi  être  célébrée  à  la  chapelle  de  Thôpital 
Saint-Jacques  par  Tun  des  aumôniers;  qu'enfin  le 
commandant  de  la  garde  nationale  sera  chargé  de 
veiller,  pendant  ladite  nuit,  au  bon  ordre  public*. 

Faisant  droit  aux  conclusions  du  procureur  de  la 
commune,  les  officiers  municipaux  prirent  un  arrêté 
pour  régler  la  célébration  des  fêtes  de  Noël,  suivant 
l'ordre  par  lui  indiqué,  chargeant  la  milice  bourgeoise 
de  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  garantir  la 
tranquillité  de  la  ville. 

Ces  mesures  de  police  qui,  en  un  temps  régulier, 
eussent  paru  vexatoires,  se  justifiaient  en  ces  circons- 
tances par  l'état  de  surexcitation  dans  lequel  se  trou- 
vaient les  esprits.  Rares  étaient  les  nuits  où  le  sommeil 
des  habitants  n'était  troublé  par  des  altercations  vio- 
lentes, des  cris,  des  coups  de  mousquets  et  des  appels 
à  la  force  armée.  Des  plaintes  fréquentes  étaient  por- 
tées au  bureau  de  police.  Dans  la  nuit  du  25  janvier, 
les  maisons  du  sieur  Duclos  et  de  demoiselle  Tussaut 
sont  assaillies  par  des  malfaiteurs,  qui  tirent  des  coups 
de  fusil  et  vont  jusqu'à  frapper  de  coups  de  hache  les 
portes  et  les  fenêtres  ;  un  placard  infamant  est  même 
attaché  à  la  porte  de  la  demoiselle  Tussaut.  Le  pré- 
texte de  ces  injures  et  de  ces  voies  de  fait  était  la 
présence,  dans  ces  domiciles,  des  curés  Durau  et 
Saurat  neveu,  qui  venaient  d'être  remplacés  dans 
leurs  paroisses  pour  refus  de  serment.  Quelques  éner- 

i.  Délibération  da  22  décembre  1701. 


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242 

gumènes,  irrités  par  la  constante  fidélité  de  la  majeure 
partie  des  habitants  à  leurs  anciens  pasteurs,  faisaient 
retomber  sur  ceux-ci  le  trouble  qui  régnait  dans  la 
ville.  Il  eût  été  du  devoir  d'une  municipalité  sage  et 
libérale  de  protéger  les  administrés  qui  n'avaient  que 
le  tort  de  demeurer  attachés  à  leurs  anciennes  croyan- 
ces; mais  ici,  comme  en  plusieurs  autres  circons- 
tances, les  violents  font  trembler  la  justice  et  imposent 
des  arrêts  iniques  à  ceux  qui  ont  mission  de  défendre 
le  droit.  Contre  les  malfaiteurs  on  déclare  «  qu'on 
fera  tout  ce  qui  est  possible  pour  les  découvrir  et  les 
faire  punir  d'après  les  rigueurs  des  lois  ;  on  augmen- 
tera même  le  nombre  des  patrouilles  »  ;  mais  le  meil- 
leur moyen  de  prévenir  de  nouvelles  voies  de  fait  est 
a  d'engager  le  sieur  Duclos  et  la  demoiselle  Tussaut 
à  ne  plus  donner  en  ce  moment  logement  aux  dits 
sieurs  Durau  et  Saurat  et  de  prier  ces  derniers,  au 
nom  de  la  paix  et  de  la  tranquillité,  de  quitter  la  ville 
dans  24  heures;  protestant  aux  uns  et  aux  autres, 
qu'en  cas  de  trouble  ils  demeureront  personnelle- 
ment responsables  de  tous  les  événements  ». 

La  municipalité,  sentant  combien  était  odieuse  la 
décision  qu'elle  prenait,  semble  vouloir  s'en  dissimu- 
ler à  elle-même  toute  la  honte,  en  ajoutant  qu'elle 
a  cède  à  cette  heure  à  des  circonstances  impérieuses.  » 
Elle  aura  mainte  fois  semblable  aveu  à  faire,  et  c'est 
une  sorte  de  fatalité  que  les  assemblées  délibérantes  ne 
se  résignent  aux  mauvaises  actions  que  la.  mort  dans 
l'âme. 

Hâtons-nous,  avant  que  l'occasion  s'en  échappe,  de 
signaler  à  l'actif  de  notre  municipalité  une  action 
d'humanité  d'autant  plus  louable  qu'elle  est  faite  au 
bénéfice  d'une  victime. 

De\ançant  les  autres  assemblées  communales  dans 
la  voie  de  la  persécution  religieuse,  la  municipalité  de 
Saint-Girons  venait  de  supprimer  l'établissement  des 


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243 

Sœurs  de  la  Charité  de  Nevers.  La  sœur  Perpétue, 
supérieure  de  la  maison,  se  trouve  ainsi,  au  cœur  de 
riiiver,  expulsée  de  son  couvent;  son  grand  âge  lui 
interdit  tout  voyage;  elle  est  forcée  de  demander  asile 
à  rhôpital  de  Saint-Lizier.  L'assemblée,  prenant  en 
considération  les  nombreux  services  rendus  à  rensei- 
gnement pendant  trente-cinq  ans  par  la  sœur  Perpétue, 
et  le  danger  d'un  long  voyage  pour  une  personne  âgée, 
la  reçoit,  à  titre  exceptionnel,  comme  pensionnaire. 
Saint-Lizier  donne,  ici,  à  Saint-Girons,  une  leçon  de 
justice  et  de  philanthropie  ;  dans  le  domaine  de  la  cha- 
rité la  rivalité  est  chose  plus  belle  que  dans  le  cercle 
égoïste  des  intérêts. 

Par  suite  de  la  retraite  de  Laporte,  curé  constitu- 
tionnel de  Notre-Dame,  la  maison  presbytérale  de  la 
Sède  était  inoccupée.  Berges,  curé  do  l'église  de  Saint- 
Lizier,  demande  qu'on  veuille  bien  la  lui  accorder  en 
échange  de  son  presbytère,  éloigné  du  centre  de  la 
ville  et  fort  incommode  pour  le  service  paroissial.  La 
municipalité,  qui  n'avait  rien  à  refuser  à  ce  prêtre  sou- 
mis, se  hâte  de  faire  droit  à  sa  demande.  Berges  désire 
qu'avant  d'en  prendre  possession  il  y  soit  fait  des 
réparations,  et  la  municipalité  se  hâte  de  nommer  des 
experts  pour  vérifier  l'urgence  des  travaux.  La  bonne 
volonté  était  grande,  mais  l'argent  était  aussi  rare 
dans  les  caisses  de  la  commune  que  dans  les  caisses 
du  département  et  de  l'Etat. 

Besson,  le  ci-devant  maire,  avait  fait,  durant  son 
édilité,  pour  767  livres,  6  sols  et  7  deniers  d'avances 
pour  rétablissement  du  tribunal,  l'assemblée  électo- 
rale des  juges  et  grillage  des  prisons.  La  commune 
prétend  que  ces  travaux  ayant  un  caractère  d'utilité 
publique  devaient  être  à  la  charge  du  district  ou  du 
département;  le  district  en  réfère  au  département, 
qui,  à  son  tour,  demande  à  réfléchir,  à  examiner  mû- 

Bcfvc  M  ComniCKi.  3*  trimestre  1894.  Tout  IX.  *  iS. 


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rement  la  question,  employant  tous  les  moyens  dila- 
toires à  Tusage  des  mauvais  débiteurs. 

Grande  était  partout  la  pénurie  d'argent,  et  les  assi- 
gnats, déconsidérés  dès  Torigine,  arrivaient  à  flots  et 
entravaient  les  relations  commerciales.  Les  boulan- 
gers de  Saint-Lizier  ne  veulent  ni  ne  peuvent,  disent- 
ils,  plus  fournir  le  pain  à  18  sols  la  marque,  tandis 
qu'ils  achètent  le  grain  à  2o  francs  en  assignats.  La 
municipalité  reconnaissant  le  bien  fondé  de  ces  récla- 
mations, fixe  le  prix  de  la  marque  du  pain  à  une  livre 
4  sols,  à  raison  de  0  livres  la  marque. 

La  rentrée  des  impôts  se  faisait  d'une  façon  si  labo- 
rieuse que,  malgré  trois  enchères  i)ubliques  au  rabais, 
la  perception  de  Saint-Lizier  ne  put  pas  trouver  de 
titulaire  et  qu'on  dût  nommer  d'offîce  un  membre  du 
conseil  général^  le  sieur  Pierre  Nicolas,  qui  demeura 
chargé  de  la  perception  des  contributions  de  1791,  à 
12  deniers  la  contribution  foncière  et  les  autres  à  trois 
deniers. 

L'Assemblée  législative,  qui  devait  accélérer  si  rapi- 
dement la  marche  de  la  Révolu  ion^  continua  l'œuvre, 
si  bien  commencée  par  la  Constituante,  de  l'humilia- 
tion du  roi  et  de  la  noblesse.  Après  avoir  aboli  les 
titres  de  comte,  de  marquis,  de  baron,  etc.,  défendu 
les  livrées,  on  supprime  tous  les  emblèmes  ou  armoi- 
ries qui  semblent  porter  atteinte  aux  nouveaux  prin- 
cipes de  l'égalité. 

Vu  la  loi  du  16  octobre  1791,  la  municipalité  de 
Saint-Lizier  ordonne  que  tout  citoyen  ayant  sur  la 
porte  de  sa  maison,  sur  les  panneaux  de  sa  voiture  ou 
ailleurs,  des  armoiries,  sera  tenu  de  les  faire  enlever 
dans  le  délai  de  trois  jours'.  Les  armoiries  placées 
sur  la  porte  de  l'hôpital  Saint- Jacques,  sur  la  porte  de 
la  maison  commune^  dans  l'église  de  Saint-Lizier  et 

i.  Proclamalion  de  la  municipaliU  du  26  mai  1793. 


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S<6 

au  ci-devant  palais  épiscopal,  seront  aussi  enlevées  à 
la  diligence  du  procureur  de  la  commune. 

Les  délinquants  seront  punis  suivant  les  peines 
portées  dans  ladite  loi. 

Et  pour  marquer  que  la  municipalité  est  disposée, 
dans  le  chemin  des  réformes  les  moins  utiles,  à  em- 
boîter le  pas  à  l'Assemblée  législative,  elle  date  sa 
délibération  de  Tan  4^  de  la  Liberté,  Thégire  des  vio- 
lences, des  persécutions  et  des  crimes  qui  ont  désho- 
noré la  Révolution. 

Depuis  qu'on  avait  déplacé  le  principe  de  Tautorité, 
les  Assemb  ées,  même  municipales,  ne  reculaient  de- 
vant aucun  empiétement;  dans  leurs  prétentions,  tout 
était  du  domaine  de  la  police.  A  la  suite  de  quelques 
différends,  il  paraît  que  Tun  des  offices  de  la  paroisse, 
la  messe  de  onze  heures,  ne  se  célébrait  pas  régulière- 
ment :  la  municipalité  eût  cru  manquer  à  son  devoir  et 
compromettre  Tordre  public  si  elle  n'était  pas  inter- 
venue. La  question  avait  déjà  été  soumise  au  direc- 
toire; mais,  avant  qu'une  solution  fût  donnée,  elle 
décida  qte  a  la  messe  de  onze  heures  serait  dite,  provi- 
soirement, par  les  membres  de  l'ancienne  fabrique, 
chacun  à  son  tour  :  le  procureur  de  la  commune,  la 
veille  de  chaque  fête,  désignera  et  préviendra  le  cha- 
pelain qui  devra  dire  cette  messe  ;  en  cas  d'empêche- 
ment, celui-ci  sera  tenu  de  se  faire  remplacei*.  Les 
chapelains  qui  refuseraient  de  se  rendre  aux  réquisi- 
tions du  procureur  seront  de  suite  cités  par  ce  der- 
nier devant  le  tribunal  de  police  municipale,  pour  être 
procédé  contre  eux  ainsi  que  de  raison.  » 

a  Ainsi  tfue  de  raison  »  est  un  cliché  qui  ne  manque 
pas  de  sel  dans  un  acte  aussi  arbitraire,  et  qui,  d'ail- 
leurs, donne  la  vraie  note  de  la  confusion  qui  régnait 
dans  les  idées. 

On  s'est  peut-être  plusieurs  fois  demandé  ce  qu'é- 


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2<6 

taient  devenus  les  biens  de  Tancien  évêché  du  Couse- 
rans.  Lors  de  la  spoliation  du  clergé,  ils  avaient  été 
déclarés  «  propriété  nationale.  »  La  résidence  épisco- 
pale  avait  été^  comme  nous  l'avons  vu,  affectée  au  tri- 
bunal et  aux  services  de  la  municipalité;  la  ville  avait 
fait  à  travers  les  jardins  qui  Tentouraient  ouvrir  une 
rue  ;  elle  prétendait  d'ailleurs  que  ce  terrain,  ayant  été 
jadis  usurpé  sur  la  communauté,  lui  appartenait.  Aux 
abords  de  la  route  qui  débouche  sur  Saint-Girons, 
près  de  Thôpital  et  en  dessous  des  murs  d'enceinte, 
était  une  grande  vigne  dont  la  ville  fit  aussi  acqui- 
sition, a  Cette  acquisition,  dit  le  projet  d'achat,  est 
de  la  plus  grande  nécessité  depuis  la  cession  gra- 
tuite que  fit  la  communauté  pour  l'emplacement  de 
l'hospice;  il  n'existe  depuis  lors  de  local  pour  les  foires 
ni  pour  les  promenades  des  habitants,  «  ce  qui  contri- 
buerait essentiellement  au  bien  de  leur  santé.  »  Une 
partie  de  cette  vigne  fut  rétrocédée  au  sieur  Antoine 
Berges,  pour  y  bâtir  une  maison  à  la  suite  du  jardin 
de  la  famille  Dauby. 

Les  moralistes  ont  écrit  que  Tambition  est  une 
source  d'illusions  et  de  mécomptes;  notre  ville  ne  tar- 
dera pas  à  reconnaître  la  vérité  de  cette  maxime.  Ce 
tribunal  si  convoité  lui  échappera,  malgré  tous  les 
sacrifices  qu'elle  s'impose  pour  le  retenir  dans  ses 
murs.  Saint-Girons  n'aura  de  repos  que  le  jour  où  il 
aura  triomphé,  sur  ces  deux  questions,  de  sa  rivale  ; 
en  attendant  l'échec  définitif,  Saint-Lizier  vit  dans  des 
transes  continuelles.  Elle  surveille  les  manœuvres  de 
son  adversaire  et  porte,  avec  une  fébrile  activité,  la 
défense  partout  où  elle  prévoit  l'attaque.  Le  30  mai, 
elle  envoie  le  sieur  Seillé  à  Foix  auprès  du  direc- 
toire du  département  pour  presser  l'expédition  des 
requêtes  adressées  par  la  municipalité,  et  notam- 
ment celles  concernant  les  réparations  à  faire  au 


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tribunal.  Le  3  juin,  ayant  appris  qu'on  ne  lui  accordait 
qu'à  titre  provisoire  la  brigade  que  la  loi  exige  auprès 
des  tribunaux,  et  que  de  nouvelles  délibérations  favo- 
rables à  la  ville  de  Saint-Girons  avaient  été  expédiées 
par  de  nombreuses  municipalités,  on  décide  Tenvoi  de 
M.  Monrous,  juge,  auprès  du  directoire,  «  pour  sollici- 
ter de  la  justice  du  département  un  arrêté  portant  avis 
pour  la  permanence  du  tribunal  dans  Saint-Lizier,  et 
solliciter  la  construction  prompte  de  la  maison  d'arrêt.  » 

Le  député  avait  encore  pour  mission  de  demander 
communication  de  toutes  les  pièces  qui  se  trouvent 
dans  les  bureaux  du  directoire  et  de  signer ,  au  nom 
de  la  commune,  toutes  les  pétitions  ou  mémoires  qu'il 
jugerait  utile  d'adresser  au  directoire,  au  ministre  ou 
à  l'Assemblée  nationale. 

Le  lo  juin,  le  conseil  général  de  la  commune  tient 
une  importante  réunion  dans  laquelle,  envisageant  le 
péril  imminent  de  la  perte  du  tribunal,  il  prend  une 
suprême  résolution.  La  religion  du  ministre  et  de 
l'Assemblée  nationale  a  été  surprise  parles  intrigues 
des  Saint-Gironnais.  Il  faut  leur  faire  connaître  la  réa- 
lité de  la  situation.  Or,  il  se  trouve  en  ce  moment  à 
Paris  deux  citoyens  «  qui  se  sont  toujours  distingués 
par  leur  civisme  et  leur  amour  pour  leur  patrie  : 
MM.  Joseph  Castet,  ci-devant  de  Biros,  natif  de  Saint- 
Lizier,  et  Moulis,  prêtre,  natif  de  Cazavet.  »  On  est 
assuré  de  leur  bonne  volonté  et  de  leur  zèle  à  servir 
les  intérêts  de  Saint-Lizier  ;  il  ne  s'agit  que  de  leur 
notifier  la  mission  qu'on  leur  confie. 

a  Sur  quoi,  les  voix  recueillies,  il  a  été  déclaré  à 
l'unanimité,  que  l'assemblée,  convaincue  de  la  néces- 
sité d'avoir  des  députés  à  Paris  pour  veiller  aux  inté- 
rêts de  la  ville,  et  qu'on  ne  peut  mieux  choisir  que 
MM.  Castet,  ci-devant  de  Biros,  et  Moulis,  prêtre,  a 
nommé  et  nomme  ces  deux  messieurs  députés  de  la 
ville  de  Saint-Lizier,  les  suppliant  de  vouloir  accepter 


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cette  députa tion  en  bons  patriotes  et  zélés  citoyens. 
Pouvoir  leur  est  donné  de  solliciter  auprès  de  TAssem- 
Wée  nationale  et  du  ministre  de  Tintérieur  :  1"  un 
décret  définitif  de  permanence  dans  la  ville  de  Saint- 
Lizier  du  tribunal  de  justice  du  district  de  Saint- 
Girons  ;  2®  un  décret  qui  autorise  la  ville  de  Saint-^izier 
à  acquérir,  aux  frais  des  justiciables,  le  ci-devant  palais 
cpiscopal  pour  servir  de  prétoire  et  de  maison  d'arrêt; 
3*^  de  solliciter  rétablissement  d'un  bureau  de  poste; 
4®  de  retirer  des  mains  de  M.  Ille,  député  du  dépar- 
tement de  l'Ariège  à  la  Législative,  les  pièces  et 
les  mémoires  relatifs  à  ces  objets  qui  sont  eu  son 
pouvoir  et  de  les  remettre  au  ministre  de  l'intérieur 
ou  au  comité  de  division  de  l'Assemblée  nationale,  sui- 
vant l'exigence  des  cas.  » 

Toutes  ces  démarches  eurent  une  apparence  de  suc- 
cès :  le  devis  des  réparations  fut  fait  et  l'adjudication 
ordonnée,  mais  l'évaluation  fut  portée  à  un  prix  si 
bas,  que  tous  les  entrepreneurs  annoncèrent  publique- 
ment qu'on  ne  pouvait,  dans  ces  conditions,  exécuter 
les  travaux  sans  une  perte  considérable.  Etait-ce  une 
nouvelle  manœuvre?  La  municipalité  le  craignant, 
chargea  le  citoyen  Villa,  l'un  des  officiers  municipaux, 
de  se  porter  adjudicataire,  en  l'absence  de  tout  autre 
entrepreneur.  Villa  était  autorisé  à  se  subroger  un 
homme  de  l'art  qui  recevrait  pour  la  surveillance  des 
ouvrages  une  indemnité  de  100  livres. 

Cette  décision  fait  honneur  à  la  perspicacité  de  la 
municipalité  ;  nous  ignorons  si  elle  eut  l'effet  qu'elle 
en  attendait. 

Les  octrois  avaient  été  supprimés  comme  vexatoires 
et  impopulaires,  mais  leurs  revenus  constituaient  une 
ressource  considérable  pour  les  municipalités  et  leur 
suppression  ftiisait  le  vide  dans  leurs  caisses.  La  loi 
les  autorisait  à  imposer  aux  rôles  des  contributions 


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219 

les  sommes  nécessaires  aux  dépenses  publiques.  Si  les 
ressources  avaient  diminué,  les  dépenses  avaient 
augmenté^  et  Saint-Lizier  dut  recourir  à  l'imposition. 
Pour  cette  année  1791,  les  dépenses  fixes  s'élevaient  à 
430  livres  et  les  dépenses  extraordinaires  ou  impré- 
vues à  600  livres,  dont  un  tiers  fut  porté  sur  la  contri- 
bution foncière  et  les  deux  autres  tiers  sur  la  contri- 
bution mobilière.  La  communauté,  consultée  sur 
la  nécessité  de  cet  impôt,  le  vota  le  29  juin,  et 
arrêta  de  plus  que  les  frais  de  la  collecte  seraient 
imposés,  savoir  :  un  sol  par  livre  pour  les  impositions 
foncières,  et  trois  deniers  par  livre  pour  la  contribu- 
tion mobilière. 

Tout  à  coup,  au  milieu  de  ses  préoccupations  loca- 
les, un  roulement  patriotique  de  tambour  sollicita 
Tattention  des  habitants  de  la  ville,  et  le  crieur  public, 
au  nom  de  la  municipalité,  lut  la  proclamation  sui- 
vante : 

Citoyens, 

La  patrie  est  en  danger  !  Un  acte  du  Corps  législatif  la  annoncé; 
voici  le  moment  où  le  peuple  doit  se  lever  tout  entier  pour  la 
défense  commune;  il  doit  montrer  dans  cette  circonstance  qu'il  est 
digne  d'être  libre. 

Que  la  tranquillité  et  le  sang-froid  annoncent  seuls  votre  courage; 
soyez  vigilants,  soyez  calmes,  soyez  amis;  rangez-vous  auprès  de 
la  loi,  assurez-en  Texécution,  respectez  les  personnes  et  les  pro- 
priétés, surveillez  tout  le  monde,  et  le  danger  commun  aura  cessé. 

Vos  magistrats  sont  en  activité,  ils  veillent  sans  cesse  aux  inté- 
rêts communs;  ils  ne  vous  demandent  que  l'union  et  Tobéissance; 
ils  vont  pourvoir  à  la  sûreté  de  tous,  au  maintien  de  la  loi. 

A  ces  causes. 

Ouï  le  procureur  de  la  commune,  le  corps  municipal  a  ordonné 
et  ordonne  ce  qui  suit  :* 

Article  l'^  —  En  exécution  de  la  loi,  le  conseil  général  de  la 
commune  sera  en  état  de  surveillance  permanente  jusqu'à  ce  que 
le  danger  de  la  patrie  aura  cessé. 

Art.  2.  —Pour que  la  surveillance  soit  plus  active,  il  tiendra  ses 
séances  toutes  publiques  dans  une  des  salles  du  ci- devant  évêché. 

Art.  3.  —  Les  assemblées  seront  convoquées  au  son  de  la  petite 
cloche  de  Notre-Dame. 


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2S0 

Art.  4.  —  lia  garde  nationale  sera  en  état  de  réquisition  perma- 
nente aussi  longtemps  que  le  conseil  général  sera  en  état  de 
surveillance. 

Art.  5.  —  Les  officiers-commandants  prendront  sur  leur  respon- 
sabilité les  moyens  nécessaires  au  maintien  de  la  tranquillité 
publique. 

Art.  0.  —  Tout  citoyen  qui  aura  chez  lui  des  armes  est  tenu,  de 
suite  après  la  présente  proclamation,  de  faire  au  bureau  municipal 
la  déclaration  de  la  quantité  et  nature  desdites  armes  et  munitions 
pour  y  avoir  recours  au  cas  de  besoin.  Tout  citoyen  qui  n*aura 
pas  fait  la  déclaration  exacte  sera  de  suite  arrêté  comme  suspect, 
sans  préjudice  des  poursuites  extraordinaires,  s'il  y  a  lieu. 

Art.  7.  —  Tout  citoyen  sera  tenu  de  porter  la  cocarde  nationale. 
Le  conseil  général  invite  les  femmes  à  se  parer  aussi  d'un  ruban 
aux  trois  couleurs. 

La  présente  sera  lue  et  publiée  dans  tous  les  quartiers  de  la  ville 
et  aflichcc  aux  lieux  accoutumés. 

DUPRÉ.  maire. 


Pour  comprendre  la  cause  de  ce  petit  coup  d'état 
municipal,  il  faut  se  reporter  aux  débats  qui  venaient 
d'avoir  lieu  à  l'Assemblée  législative.  Dans  un  long 
discours,  prononcé  d'une  voix  frémissante,  Vergniaud 
avait  accusé  de  trahison  le  roi  et  ses  ministres  «  Il 
était  parvenu  à  faire  partager  à  un  grand  nombre 
d'hommes  simples  et  sincères  l'injustice  de  ses  con- 
victions et  la  violence  de  ses  ressentiments.  Il  avait 
déchaîné  toutçs  les  colères  contre  le  roi,  en  l'accusant 
d'être  le  complice  des  rois  étrangers  et  l'héritier  des 
Médicis  parce  qu'il  persistait  à  opposer  son  veto  aux 
décrets  iniques  rendus  contre  la  religion  et  l'humanité. 
Il  avait  imputé  au  malheureux  Louis  XVI  de  trahir  la 
France  en  s'abstenant  de  prendre  les  mesures  d'ordre 
et  de  sécurité  que  réclamait  la  défense  du  territoire'. 

Entraînée  par  l'irrésistible  éloquence  de  l'orateur 
girondin,  émue  d'ailleurs  par  les  menaces  du  dehors 
et  les  troubles  de  l'intérieur^  l'Assemblée  rendit,  le 
11  juillet,  un  décret  solennel  qui  rappelait  l'ancien  cri 
d'alarme  des  Romains  caveant  consules  !  elle  déclara 

1.  Gaboul,  Hiitoire  de  France,  t.  xviii,  p.  507. 


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à  tous  les  citoyens  que  «  la  patrie  est  en  danger.  »  ! 

Les  municipalités,  dont  le  patriotisme  venait  d'être 
surexcité  par  une  adresse  du  pouvoir  législatif,  rivali- 
saient de  zèle  pour  contribuer  à  Tœuvre  commune  de 
la  défense  nationale.  Celle  de  Saint-Lizier,  après  avoir 
demandé  le  concours  dévoué  de  tous  les  citoyens,  se 
déclara  en  permanence  ;  et  nous  avons  en  effet,  dès  ce 
jour,  le  procès-verbal  quotidien  de  ses  séances.  Se 
trouvant  complètement  dépourvue  de  munitions,  elle 
délègue  les  sieurs  Villa  et  Seillé  auprès  du  district 
pour  lui  demander  des  cartouches.  Ordre  est  donné  à 
la  supérieure  de  Thôpital  de  tenir  régulièrement  fer- 
mées, du  côté  des  étendes^  les  portes  de  son  établisse- 
ment, et  de  ne  les  ouvrir  que  pour  l'entrée  des  provi- 
sions et  dans  les  cas  de  nécessité  où  Ton  irait,  pen- 
dant la  nuit,  demander  des  remèdes.  Défense  stricte 
d'introduire  aucun  étranger  ;  toutes  les  personnes  sus- 
pectes doivent,  sans  délai,  être  éconduites.  Il  est 
enjoint  au  sieur  Méritens-Rozès  de  fermer  incessam- 
ment, pour  raison  de  sûreté  générale,  l'ouverture  qui 
se  trouve  dans  le  mur  de  ville  qui  sépare  sa  terrasse 
d'avec  le  jardin  du  sieur  Lajous.  Un  poste  militaire 
est  établi  au  bout  du  pont,  sur  la  route  de  Lorp  à  Saint- 
Girons,  dans  la  maison  de  Guillaume  Anel.  On  veut 
même  s'assurer  la  protection  du  ciel,  et,  pour  cela,  on 
prie  le  curé  de  reprendre  l'ancien  usage  des  proces- 
sions autour  de  la  ville  le  dimanche  matin. 

La  frayeur  ne  rend  pas  seulement  prudent,  mais 
elle  inspire  des  actes  que  réprouve  la  conscience  :  on 
va  jusqu'à  violer  le  secret  des  cprrespondances,  on 
ouvre  un  paquet  adressé  à  la  demoiselle  de  Salin  ;  des 
énergumènes  môme  proposent  de  faire  une  visite 
<lomiciliaire  chez  elle,  à  l'effet  de  voir  si  elle  ne  cache 
pas  des  documents  compromettants  pour  la  sûreté  de 
l'État.  La  municipalité  avait  invité  tous  ses  adminis- 
trés à  déclarer  immédiatement  les  armes  et  munitions 


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222 

qu'ils  possédaient.  Ces  déclarations  se  faisant  lente- 
ment et  inexactement,  elle  décida,  qu'escortée  d'un 
détachement  de  la  garde  nationale  elle  se  transporte- 
rait au  domicile  des  particuliers  pour  vérifier  l'exacti- 
tude des  déclarations  et  désarmer  les  citovens  sus- 
pects  de  non-patriotisme. 

(c  Le  danger  imminent  où  se  trouvait  la  patrie, 
disait-elle,  exigeait  toutes  ces  précautions.   » 

Une  cause  d'émoi  pour  la  cité,  fut  la  découverte 
d'un  dépôt  illégal  de  poudre  à  la  métairie  d'un  certain 
Vital,  située  au  quartier  de  Friquet.  Avis  avait  été 
donné  à  la  municipalité  de  Saint-Lizier  de  l'arrivée  de 
cet  approvisionnement  illégal.  Vital  avait  été  arrêté  à 
Saint-Girons,  mais  le  corps  de  délit  avait  échappé  aux 
investigations  de  la  police.  \'illa,  Court  et  Nicolas, 
escortés  de  dix  gardes  nationaux  commandés  par  le 
capitaine  Pierre  licrgès,  se  mirent  à  sa  recherche  et 
trouvèrent  dans  l'écurie  à  vaches  de  la  métairie,  sous 
une  couche  de  fumier,  des  sacs  de  poudre  à  canon  et  à 
mine  pesant  environ  300  livres.  Cette  découverte  fit 
grand  bruit  dans  le  pays  et  avait  attiré  autour  de  la 
métairie  de  Vital  une  foule  considérable  à  laquelle 
s'étaient  joints  Séré,  officier  de  gendarmerie,  Berges, 
faisant  fonction  déjuge  de  paix^  avec  son  secrétaire  et 
la  garde  nationale  de  Saint-Girons  qui  venait  prêter 
main-forte  à  celle  de  Saint-Lizier.  C'était  évidemment 
munitions  de  suspects  et  d'anti-révolutionnaires;  la 
poudre  fut  enlevée  et  transportée  dans  les  galeries  du 
cloître,  pour  être  séchée  et  rentrer  ensuite  dans  l'arse- 
nal de  la  commune. 

Dans  une  réunion  tenue  le  17  août,  le  procureur  de 
la  commune  Seillé  crut  devoir  exposera  ses  collègues 
la  gravité  de  la  situation  :  «  Ce  serait  en  vain,  leur  dit- 
il,  que  nous  nous  endormirions  avec  tranquillité,  lors- 
que toufe,  dans  ce  pays,  annonce  des  conspirations  qui 
se  trament  journellement  contre  la  chose  publique  :  les 


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mouvements  des  prêtres  dissidents,  les  approvisionne- 
ments secrets  de  munitions  de  guerre  que  Ton  dit  se 
faire  avec  activité  dans  plusieurs  lieux,  nous  montrent 
que  des  intentions  pures,  une  surveillance  active  et 
un  patriotisme  zélé  ne  suffisent  pas  pour  maintenir  la 
sûreté  publique,  et  qu'il  faut  y  joindre  encore,  sui- 
vant le  vœu  des  lois,  l'appareil  d'une  force  armée 
qui  puisse  en  imposer  aux  factieux;  il  est  inutile  de 
vous  rappeler  à  cet  égard  que,  quoique  assez  pourvus 
d'armes,  nous  ne  le  sommes  point  de  poudre  et  de 
balles,  munitions  sans  lesquelles  ces  armes,  purement 
défensives  entre  nos  mains,  deviennent  inutiles  au 
salut  de  la  patrie.  Il  est  donc  de  la  plus  grande  impor- 
tance de  prendre  des  mesures  à  cet  égard,  et  je  pro- 
pose et  requiers  en  conséquence,  qu'il  soit  délibéré 
que  l'un  de  nous  écrive  aussitôt,  au  nom  du  conseil, 
aux  membres  du  directoire  du  district  de  Saint- 
Girons,  pour  les  prier  de  faire  remettre  à  la  municipa- 
lité de  Saint-Lizier  une  provision  suffisante  de  poudre 
et  de  balles.   » 

Déférant  aux  vœux  de  l'orateur,  le  conseil  général 
adressa  sa  réquisition  au  district  de  Saint-Girons. 

Si  les  armes  étaient  inutiles  sans  munitions,  comme 
l'observait  M.  Seillé,  elles  ne  pouvaient  pas  non  plus 
se  passer  de  bras  pour  les  manœuvrer.  La  loi  du 
22  juillet  1792  ordonnait  une  levée  d'hommes  a  qui 
devaient  avoir  l'honneur  et  la  gloire  de  voler  les  pre- 
miers à  la  défense  de  la  patrie.  »  Le  canton  de  Saint- 
Lizier  devait  contribuer  à  la  formation  de  cette  armée 
pour  16  sujets,  mais  ces  considérations  théoriques  de 
patriotisme  ne  paraissaient  point  enflammer  le  cou- 
rage des  jeunes  conscrits  du  pays.  Le  19  août,  eut 
lieu,  à  Notre-Dame  cic  la  Sède,  rassemblée  des  diffé- 
rentes municipalités  du  cantonpour  procéder  à  la  nomi- 
nation des  seize  soldats;  mais  l'opération  fut  troublée 
par  une  bande  de  jeunes  tapageurs,  qui  forcèrent  les 


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sentinelles  préposées  à  la  garde  des  portes  et  envahi- 
rent rassemblée.  On  renforça  alors  le  poste  d'un  déta- 
chement de  la  garde  nationale  et  d'une  brigade  de 
gendarmerie;  mais  ces  précautions  n'en  imposèrent 
pas  aux  mutins,  qui  redoublèrent  d'audace  et  allè- 
rent jusqu'à  lever  leur?  bâtons  contre  la  municipalité 
et  la  force  armée.  On  finit  par  se  rendre  maître  de 
ces  énergumènes  et  dix  d'entre  eux  furent  emme- 
nés à  la  maison  d'arrêt.  Ils  parvinrent  à  forcer  la 
garde  de  la  prison  et  s'évadèrent.  «  En  traversant  la 
ville,  ils  frappèrent  à  grands  coups  de  bâtons  les  portes 
et  les  fenêtics,  wiant  à  tue-tête  :  «  A  trum  !  à  trum! 
allons  chercher  les  cordes  pour  pendre  le  sieur  Villa, 
prenons  nos  couteaux    et  mettons   en   pièces   cette 

f municipalité  de  Saint-Lizier  dont  le  plus  grand 

morceau  sera  comme  un  liard.  »  C'est  ainsi  qu'en 
invectivant  l'autorité  et  tous  ceux  qu'ils  rencontraient 
sur  leur  passage,  ces  jeunes  perturbateurs  regagnè- 
rent leurs  villages. 

Le  rapport  de  police  qui  mentionne  ce  petit  événe- 
ment signale,  parmi  les  factieux,  notamment  les 
jeunes  gens  de  Sentaraille  et  Caumont. 


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225 


IV 


Règlement  sévère  iaiposé  à  la  g»nle  nationale;  punition  de 
rhomme  de  loi  Vignau  qui  la  enfreint.  —  Désintéressement 
patriotique  de  Roquemaurel.  —  I/Ass^mbléo  législative  exige  un 
nouveau  serment  schismatique.  —  Raros  résistances  dans  le 
clergé  de  la  ville  épiscopale  ;  nombreuses  défaillances. 


Le  relâchement  et  rindiscii)liae  s'étaient  glissés 
dans  les  rangs  de  la  garde  nationale.  Quelques  citoyens 
refusaient  de  faire  leur  service  personnel  et  ne  se  ren- 
daient pas  lorsqu'on  battait  la  générale,  ou  ne  s'acquit- 
taient de  leur  devoir  qu'avec  nonchalance. 

L'État  pourtant  traversait  une  période  de  crises  vio- 
lentes, et,  pour  avssurer  l'exécution  des  lois,  la  bonne 
volonté  et  le  concours  de  tous  était  indispensable. 
C'est  pour  inculquer  ces  sentiments  d'abnégation  et  de 
généreux  dévouement  que  la  municipalité  arrêta  :  «  que 
tout  citoyen  inscrit  sur  le  registre  civique  pour  le  ser- 
vice de  la  garde  nationale  serait  tenu  de  faire  person- 
nellement son  service,  à  peine  de  dix  livres  d'amende 
pour  la  première  fois,  de  vingt  livres  pour  la  seconde, 
et  d'être  inscrit  pour  la  troisième  sur  la  liste  des  gens 
suspects;  que  lorsqu'on  battrait  la  générale^  tout 
citoyen  serait  tenu  de  se  rendre  en  armes  sur  la  place 
d'armes  auprès  de  l'arbre  de  la  liberté,  sous  peine 
d'être  déclaré  suspect  et,  comme  tel,  mis  en  état  d'ar- 
restation ;  que  tout  citoyen  dépositaire  d'armes  serait 
tenu  de  les  faire  mettre  en  état  de  service  et  de  pro- 
preté, et  de  se  rendre  pour  leur  inspection  sur  la  place 
d'armes,  après  en  avoir  été  prévenu  à  cri  public  et  au 
bruit  du  tambour,  à  peine  d'en  être  dépouillé  et  déclaré 
incapable  d'en  être  dépositaire.  Tout  citoyen,  enfin, 
devait  obéir  à  ses  officiers,  provisoirement,   sauf, 


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après  avoir   obéi,  les  réclamations  et  poursuites  de 
droit,  à  peine  d'être  puni  conformément  à  la  loi.  » 

Ces  sévères  dispositions  parurent  ramener  Tordre 
et  la  discipline  dans  les  rangs  de  la  milice  communale. 
Le  sieur  Vignau  cadet,  avoué,  étant  tombé  sous  le 
coup  d'une  de  ces  répressions  pénales,  fut  poursuivi 
devant  le  tribunal.  Ayant  reçu  Tordre  de  marcher  en 
détachement  à  Téglise,  il  déclara  qu'il  aimait  mieux 
aller  en  prison.  11  quitta,  en  effet,  son  poste  avec  per- 
mission de  Tofiîcier  qui  l'autorisa  à  s'absenter  un  ins- 
tant, mais  ne  reparut  que  quand  le  détachement  fut 
rentré  au  corps  de  garde.  Appelé  devant  la  municipa- 
lité, il  reconnut  sa  faute  et  la  regretta  ;  mais  l'opinion 
publique  et  la  garde  nationale  demandèrent  l'applica- 
tion du  règlement.  Déféré  devant  le  tribunal,  il  fut 
condamné  à  cinq  livres  d'amende  et  aux  dépens. 

Le  corps  de  garde  de  la  milice  nationale  avait  été 
placé,  comme  nous  l'avons  dit,  dans  le  voisinage  du 
pont.  C'était  un  logement  incommode  et  insalubre,  et 
qui,  de  plus,  avait  l'inconvénient  d'être  situé  à  l'extré- 
mité de  la  ville  ;  la  municipalité  dut  se  mettre  en  quête 
d'un  local  plus  convenable  ;  elle  députa  les  sieurs  Villa 
et  Dupré-Bergerat  auprès  de  Roquemaurel,  pour  lui 
exposer  son  embarras  et  lui  demander  de  vouloir  bien 
mettre  son  salon  à  sa  disposition.  En  gentilhomme 
patriote  etgéiiéreux,  Roquemaurel  répondit  qu'il  était 
heureux  de  saisir  cette  occasion  de  prouver  son  dévoue- 
ment à  la  municipalité,  que  de  suite  il  allait  l'appro- 
prier à  sa  nouvelle  destination  et  y  ouvrir  une  port^ 
sur  la  rue  pour  le  rendre  indépendant  des  autres  appar- 
tements. Quant  à  l'offre  de  Tindemnité,  il  ne  pouvait 
l'accepter,  le  plaisir  d'être  utile  à  la  chose  publique 
étant  pour  lui  une  suffisante  rémunération. 

Le  conseil,  à  son  tour,  chargea  ses  commissaires 
de  témoigner  au  sieur  Roquemaurel  la  gratitude  de  la 
commune,  Tassurant  que  sa  maison  et  sa  personne 


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2Î7 

seraient,  dès  ce  jour,  sous  la  sauvegarde  de  hi  muni- 
cipalité et  de  la  garde  nationale. 

L'Assemblée  Constituante  avait  imposé  le  serment 
civique  à  tous  les  prêtres.  Ceux  qui  refusaient  de  le 
prêter^  en  perdant  la  qualité  de  ministres  du  culte 
public  payés  par  TÉtat  conservaient  leur  pension  de 
simples  ecclésiastiques  et  la  liberté  d'exercer  privé- 
ment  leur  ministère*.  L'Assemblée  législative,  à  son 
tour,  exigea  aussi  le  serment  et  priva  de  traitement, 
tous  ceux  qui  le  refuseraient  ;  ils  devaient  de  plus, 
selon  leur  conduite,  être  transportés  d'un  lieu  dans  un 
autre,  même  condamnés  à  la  détention.  Elle  leur 
défendit  encore  le  libre  exercice  do  leur  culte  particu- 
lier 2. 

M.  Thiers,  tout  indulgent  qu'il  est  pour  les  hommes 
et  les  choses  de  la  Révolution,  n'a  pu  s'empêcher  de 
blâmer  cette  mesure  qui  «  tenait  à  la  crainte  des  gou- 
vernements menacés  et  qui  les  porte  à  s'fentourer  de 
précautions  excessives.  Ce  n'est  plus  le  fait  réalisé 
qu'ils  punissent,  c'est  l'attaque  présumée  qu'ils  pour- 
suivent; et  leurs  mesures  deviennent  souvent  arbi- 
traires et  cruelles  comme  le  soupçon.  » 

Le  roi,  qui  avait  accepté  le  décret  de  la  Constituante, 
refusa  énergiquement  de  sanctionner  celui  de  la  Légis- 
lative, a  Pour  celui-ci,  dit-il^  on  m'ôtera  la  vie  plutôt 
que  de  m'obliger  à  le  sanctionner.  » 

Le  27  mai,  l'Assemblée  rendit  un  nouveau  décret 
pour  suppléer  à  celui  que  le  roi  n'avait  point  voulu 
sanctionner.  Il  frappait  de  déportation  tout  prêtre  dont 
la  conduite  était  signalée  comme  incivique.  «  Sur  la 
dénonciation  de  vingt  citoyens  actifs  et  l'approbation 
du  directoire  du  district,  le  directoire  du  département 


1.  Tbiers,  Histoire  de  la  Bévolution,  t.  ii,  p.  27. 
3.  Décret  du  27  novembre  1791. 


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228 

prononçait  la  déportation  ;  le  prêtre  condamné  devait 
sortir  du  canton  en  vingt-quatre  heures,  du  départe- 
ment en  trois  jours,  et  du  royaume  dans  un  mois.  S'il 
était  indigent,  trois  livres  par  jour  lui  étaient  accor- 
dées jusqu'à  la  frontière». 

Ces  dispositions  annonçaient  dans  les  assemblées 
politiques  un  état  d'irritation  et  d'intolérance  dont 
elle  ne  donnèrent  que  de  trop  fréquentes  preuves  ;  il 
était  bon  de  les  rappeler.  De  par  la  loi,  le  clergé  de 
Couserans  va  être  mis  dans  l'alternative  de  l'immola- 
tion ou  de  la  félonie.  Le  3  août,  la  municipalité,  au  son 
du  tambour,  fît  publier,  par  un  officier  d'ordonnance 
escorté  d'un  détachement  de  la  garde,  cette  loi  persé- 
cutrice qui  lui  avait  été  transmise  par  le  directoire  du 
département. 

Sous  le  souffle  de  la  persécution  va  se  produire  la 
séparation  du  bon  grain  et  de  l'ivraie.  Hélas!  le  fro- 
ment pur  ne  forma  que  de  petites  gerbes.  La  bonne 
foi,  que  nous  avons  admise  lors  du  premier  serment, 
ne  peut  ici  être  invoquée.  Home  avait  parlé,  et,  dans 
sa  conscience  de  chrétien,  le  roi  lui-même  avait  trouvé 
la  force  de  refuser  sa  haute  sanction  à  un  édit  inique. 

L'abbé  Cau-Durbax. 

(A  suivre,) 

1.  Thiers,  Histoire  de  la  Révolution,  t.  ii,  p.  87. 


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FONDATION 

D'UN  COUVENT  DE  DOMINICAINS 

A   SAINT-GIRONS 


A  chaque  crise  que  traverse  T Église,  Dieu  suscite 
un  ordre  religieux  pour  la  soutenir  et  participer  à  son 
triomphe.  Le  commencement  du  xm*  siècle  vit  gros- 
sir sur  le  ciel  de  la  France  catholique  les  nuages  pré- 
curseurs de  la  Réforme;  des  esprits  orgueilleux  et 
inquiets  nièrent  une  partie  des  dogmes   chrétiens, 
sapèrent  le  principe  d'autorité,  voulurent  se  soustraire 
à  la  discipline  de  Rome  et'  rompre  les  liens  qui  les 
rattachaient  au  reste  de   la   France.    Pendant    que 
Simon  de  Montfort  combattait  Thydre  hérétique  par 
le  fer  et  le  feu,  le  castillan  Dominique,  n'usant  que  de 
la  persuasion,  prodiguait  aux  populations  contaminées 
les  trésors  de  son  éloquence  et  multipliait  les  conver- 
sions.  En  1216,  il  fondait  à  Toulouse  l'ordre  célèbre 
des  frères  prêcheurSy  qui  prirent  de  lui  leur  nom  de 
Dominicains  sous  lequel  ils  sont  universellement  con- 
nus. Prier,  se  mortifier,  étudier  pour  instruire,  c'était 
la  vie  des  fils  de  saint  Dominique,  mais  leur  œuvre 
principale  consistait  dans  la  prédication,  où  ils  excel- 
lent encore  aujourd'hui. 

L'ordre^  gouverné  par  un  maître  élu,  était  divisé 
en  provinces  ayant  à  leur  tête  un  prieur  provincial 
élu  ;  chaque  couvent  était  régi  par  un  prieur  élu,  ordi- 
nairement assisté  d'un  vicaire  ;  les  fréries  qui  n'étaient 

Riwi  M  Comnxoii,  8"  Uimestrt  1104.  Tohi  IX.  —  16. 


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«30 

pas  encore  érigées  en  couvent  s'appelaient  lieu  et 
n'avaient  qu'un  vicaire. 

Tous  les  ans,  les  prieurs  se  réunissaient  en  chapi- 
tre provincial  dans  un  des  couvents  de  la  province, 
désigné  à  l'assemblée  de  l'année  précédente. 

La  circonscription  dans  laquelle  prêchaient  les 
frères  de  chaque  couvent  s'appelait  prédication. 

Le  Couserans  était  compris  dans  la  province  de 
Toulouse,  démembrée  en  1303  de  l'ancienne  province 
de  Provence,  et  dans  la  prédication  du  couvent  de 
Pamiers,  fondé  en  1270. 

Or,  le  puissant  Arnaud  de  Comminges,  surnommé 
d'Espagne,  vicomte  de  Couserans,  qui  résidait  ordi- 
nairement à  Saint-Girons,  fils,  croit-on,  de  Roger  IV 
de  Comminges,  et  de  Grise  ou  Garcie,  fille  d'Arnaud 
d'Espagne,  seigneur  de  Montespan,  désirait  avoir  sur 
ses  domaines  un  couvent  de  frères  prêcheurs  ;  il  acheta 
pour  cinq  cents  livres  tournois,  équivalant  à  vingt- 
quatre  mille  francs  de  notre  monnaie  actuelle,  un 
vaste  emplacement  sur  la  rive  droite  du  Salât,  à  deux 
portées  d'arbalète  du  château  vicomtal,  et  l'offrit  à 
l'ordre.  La  proposition  fut  examinée  au  chapitre  pro- 
vincial de  1306,  tenu  à  Figeac  en  la  fête  de  Sainte- 
Marie-Madeleine.  Le  frère  Guillaume  Aurélie,  prieur 
de  Figeac,  et  les  définiteurs  prescrivirent  au  frère 
Guillaume  d'Aignan  et  au  frère  Arnaud-Guillaume  de 
Lordat  de  se  rendre  à  Saint-Girons  pour  faire  une 
enquête  minutieuse. 

A  la  suite  de  ce  chapitre,  les  frères  désignés  vin- 
rent à  Saint-Girons  pour  remplir  leur  commission; 
ils  visitèrent  l'emplacement  et  examinèrent  les  offres 
du  seigneur  ;  mais  ils  ne  procédèrent  pas  à  la  récep- 
tion du  lieu,  car  depuis  1298  une  permission  spéciale 
du  Saint-Siège  était  nécessaire  à  cet  effet.  Arnaud 
d'Espagne  la  sollicita  et  l'obtint  de  Clément  V. 

Au  chapitre  provincial  de  1309  tenu  à  Périgueux, 


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831 

en  la  fête  de  Saint-Barnabé,  il  fut  décidé  que  le  prieur 
provincial  se  rendrait  lui-même  à  Saint-Girons  et, 
qu'après  s'être  pleinement  assuré  de  l'authenticité  de 
la  lettre  pontificale  en  forme  de  bulle,  il  recevrait  le 
nouveau  lieu  pour  y  établir  des  frères  lorsque  le  cha- 
pitre général  en  aurait  donné  l'autorisation. 

Après  le  chapitre  de  Périgueux,  le  prieur  provincial, 
frère  Guillaume  d'Alan,  alla  à  Saint-Girons  avec  le 
frère  Arnaud-Jean,  prieur  de  Prouilles.  C'est  le  20  sep- 
tembre 1309,  le  samedi  des  Quatre-Temps,  veille  de 
Saint-Mathieu,  que  le  lieu  fut  solennellement  reçu  par 
le  provincial,  et  le  prieur  de  Prouilles  y  célébra  ce 
jour-là  la  première  messe  en  l'honneur  de  la  Sainte- 
Vierge,  patronne  du  Couserans,  avec  l'assistance  du 
vicomte  Arnaud,  de  son  épouse  Philippe,  fille  de  feu 
Roger  IV,  comte  de  Foix,  de  leur  famille  et  d'une 
nombreuse  foule  dépeuple  recueilli. 

Le  provincial  établit  comme  vicaire  du  lieu  le  frère 
Pierre-Arnaud,  toulousain,  sortant  du  couvent  de 
Saint-Gaudens,  qui  était  présent  à  la  cérémonie  ;  il  dé- 
signa pour  prédicateurs  les  frères  Guillaume  de  Géra 
et  Arnaud  Barrave,  et  le  frère  Bernard  de  Fagia  pour 
promoteur. 

Le  21  novembre  .de  la  même  année,  la  veille  de 
Sainte-Cécile,  un  cimetière  fut  béni  avec  solennité 
dans  l'enceinte  du  couvent  par  Monseigneur  Boson  de 
Salignac,  évêque  de  Comminges,  avec  le  consentement 
des  vicaires  de  l'évêque  de  Couserans,  Bernard  de 
Montaigcu,  alors  absent  du  diocèse. 

Le  chapitre  provincial  de  1310,  tenu  à  Paniiers  en 
la  fête  de  Sainte-Marie-Madeleine,  érigea  le  lieu  de 
Saint-Gîrons  en  couvent,  y  établit  comme  premier 
prieur  le  vicaire  Pierre-Arnaud,  comme  lecteur  ou 
professeur  le  frère  Guillaume  de  Pinherio,  et  désigna 
douze  moines  pour  l'habiter,  les  frères  Guillaume 
de  Cera,  Bernard  de  Fagia,  Arnaud  Barrave,  qui  y 


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étaient  déjà;  Bernard  de  Scalerie,  P.  de  Catave, 
Raymond  Gayta  des  Camps,  Jean  Dieudonné,  Arnaud 
de  Caslarie,  Guillaume  Ayroer,  Arnaud  Mancipii,  du 
bourg  de  Saint-Bernard,  Bernard  Degan,  R.  de  Fagia. 

Le  couvent  de  Saint-Girons  prit,  suivant  son  rang 
d'ancienneté,  la  treizième  place  du  côté  gauche  dans 
les  chapitres  provinciaux,  vis-à-vis  celui  de  Saint- 
Gaudens,  fondé  en  1290  et  qui  avait  fait  partie  jusqu'en 
1303  de  la  province  de  Provence. 

Arnaud  d'Espagne  pourvut  largement,  dans  lasuite, 
aux  besoins  du  beau  monastère  qu'il  avait  fondé  et 
dans  lequel  il  fixa  sa  sépulture. 

Un  chapitre  provincial  fut  tenu  à  Saint-Girons  dès 
1321  ;  le  seigneur  Arnaud  et  dame  Philippe  n'exis- 
taient plus  :  les  actes  du  chapitre  prescrivent  à  chaque 
prêtre  de  l'ordre  de  dire  une  messe  pour  le  repos  du 
généreux  fondateur  du  couvent  de  Saint-Girons  et  de 
son  épouse^  et  rappellent  qu'on  doit  prier  pour  Arnaud 
comme  pour  un  membre  de  l'ordre. 

La  fondation  d'Arnaud  subsista  près  de  cinq  siè- 
cles ;  elle  fut  emportée  par  la  tourmente  révolution- 
naire. On  voit  encore  les  traces  de  l'église  du  couvent 
morcelé  dans  le  moulon  Rumeau,  que  borde  d'un 
côté  la  rue  des  Jacobins. 

B°^  DE  BARDIES. 


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UN  DEMI-SIÈCLE  D'ASCENSIONS 

AU  NÉTHOU- 


1859 

21  juillet  (lundi),  —  Th.  Duret  (Cognac),  H.  Normand  (London), 
Isham  H.-E.  Gell  (Liverpool),  J.-B.  Miller  (Liverpool),  venant  du 
sommet  du  Mont-Pordu,  sont  arrives  de  la  Rencluse  au  Néthou 
en  quatre  heures  de  marche.  —  Guides  :  Baptiste  Cier,  F.  Barrau, 
Michot,  F.  Samson. 

28  juillet.  —  Beaumont (Norvick.)  —  Guide   :  Jean  Cier. 

Arrived  from  Rencluse,  10,30,  a.  m. 

29  juillet,  —  M°>«  E.  Mourîer,  accompagnée  de  son  mari 
M.  P.  Mourier,  de  son  beau-frère  M.  B.  Mourier,,  de  M.  Froupeil 

jeune  et (illisible).  —  Au  sommet  du  pic  à  11  h.  1/2.  —  Guides  : 

B.  et  B.  Lafont,  S.  Lafont,  P.  Sanson.  —  Thermomètre  =  +  15«. 

4  août.  —  Marquis  Aymer  de  la  Chevalerie  (Poitiers),  Jules  de 
Laurière  (Angoulême),  Albert  de  Vandeul  (?)  de  Paris.  —  Guides  : 
Michot,  B.  Cier,  J.  Sors-Argarot,  P.  Fages,  recommandés  par  les 
touristes  ci-dessus. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  1/2,  arrivés  à  8  h.  moins  1/4,  favorisés 
par  un  beau  temps.  En  arrivant  au  pic  le  ciel  était  couvert  du  côté 
de  TEspagne,  éclairé  par  le  soleil  du  côté  de  la  France.  —  II  est 
tombé  un  peu  de  neige  pendant  le  passage  du  Pas  de  Mahomet, 
puis  le  temps  a  été  magnifique.  Impossible  de  constater  le  degré 
du  thermomètre  dont  la  colonne  de  mercure  était  coupée  en 
plusieurs  tronçons. 

15  août.  —  Jacques  Delamotte  (Paris),  vicomte  R.  de  Bastine  (?), 

comte  Raymond  du  P (illisible),  Paul  la  Peretie.  —  Guides  : 

Michot,  B.  et  P.  Cier,  li.  Redonnet  que  nous  recommandons  aux 
touristes  pour  leur  sang-froid  et  leur  prudence. 

Nous  sommes  arrivés  au  sommet  de  Néthou  après  cinq  heures 
de  marche  depuis  la  Rencluse.  Partis  le  matin  à  3  h.  25,  arrivés 
à  8  h.  1/4. 

17  aoû^.  —  Charles  Bouet,  juge  suppléant  (Agen),  Bigot,  substitut 
iliaval),  Frédéric,  vicomte  de  Beauragie  (?).  —  Guides  :  Michot, 
P.  Barrau,  P.  Sanson. 

1.  Voir  ci-desms,  p.  165  à  180. 


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334 

Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  1/2  du  matin,  nous  sommes  arrivés 
au  sommet  du  pic  à  6  h.  1/2,  c'est-à-dire  en  quatre  heures.  Le  fond 
des  vallées  françaises  est  couvert  de  nuages,  mais  se  dégage  peu 
à  peu.  Le  temps  est  superbe;  la  vue  des  sommets  est  aussi 
complète  que  possible. 

19  août,  —  Ernest  de  Lafade.  —  Guide  :  Michot. 

2i  août.  —  V.  Vincent  et  Alphonse  Mony.  —  Guides  :  G.  Bajun, 
J.  Sors,  J.  Tournan. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  du  matin,  arrivés  au  sommet  du 
Néthou  à  7  h.  5.  —  Beau  temps. 

22  août.  —  MM.  Fessart,  Daniel  Wilson.  Charles  Gaillet. 

Départ  de  Luchon  à  midi  30,  le  21  août,  avec  un  baromètre  de 
Gay-Lussac,  confié  à  M.  Gaillet,  professeur  de  physique,  par 
M.  Lézat,  et  un  thermomètre  à  mercure,  confié  par  M.  Benoît, 
opticien  (le  zéro  avait  éprouvé  un  déplacement  de  t<»,3). 

A  Luchon,  (10  h.  matin)  :  barom.  =  716,6,  therm.  z=i  23<» 

21  [  A  TH.  de  Luch.  (2  h.  1/2  s.) =  654,8,      id.      =  22» 

A  la  Rencluse  (9  h.  soir) =  600,1,  id.  =  15«,4 

l  Id.  (3  h.  matin) ==  599^,  id.  =  l3^8 

22  I  Au  Portillon  (6  h.  20  matin) =  554,8,  id.  =    7\1 

(  Au  Pic  Néthou  (10  h.  40  matin). .  =  512,0,  id.  z=  12s3 

Vent  du  N-0.  très  froid.  —  A  l'ombre,  le  thermomètre  de  Benoît 
donnait  à  10  heures  —  3«1. 

Les  guides  susnommés,  par  leurs  soins  attentifs,  ont  été  dignes 
de  la  plus  grande  louange. 

Sans  date.  —  MM.  Thibault,  d'Escayrac,  Emile  Rondeaux.  — 
Guides  :  J.  Ribis,  J.  Redonnet,  Bert,  Gourrège. 

Partis  à  4  h,  17  et  arrivés  à  8  heures  moins  9.  —  Beau  temps, 
jarrets  vigoureux,  appétit  idem. 

24  aoû^  —  Alfred  de  Gardou  (négociant  à  Saint-Quentin,  Aisne), 
Paul  Villeneuve  (propriétaire  à  Saint-Antonin,  Tarn-et-Garonne). 

Partis  à  minuit  de  Luchon  et  à  7  h.  de  la  Rencluse,  sont  arrivés 
au  sommet  du  pic  de  Néthou  à  11  h.  10  m.  —  Guides  :  F.  Gapde- 
ville,  J.  Fages,  J.  Tournan. 

25  août.  —  M.  Auguste  Dollfus  (du  Havre,  Seine-Inférieure).  — 
B.  et  J.-M.  Lafont. 

Départ  de  la  Rencluse  à  4  h.  1/2,  arrivés  au  sommet  7  h.  3/4.  — 
Temps  magnifique  quoique  un  peu  brumeux  à  l'horizon.  Le  ther- 
momètre marque  6°  centigrades  au-dessus  de  zéro. 

7  septembre.  —  Alfred  de  Bylly,  Maurice  de  Butler,  F.  Gue  (?)  — 
Nous  n'avons  qu'à  rendre  justice  à  l'intrépidité  de  nos  guides  : 
P.  et  F.  Barrau,  L.  Redonnet. 

Partis  de  Luchon  le  6  septembre  à  10  h.  du  matin,  nous  avons 
traversé  le  port  de  Vénasque,  visité  le  Trou  du  Toro  et  gagné  la 


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Rencluse  à  cinq  heures  un  quart.  —  Nous  étions  à  piedi  — 
A  4  h.  t/2  nous  avons  quitté  la  Hencluse  et  nous  avons  atteint  à 
Iniit  heures  dix  minutes  le  sommet  du  Nêthou.  —  [.e  thermomètre 
marquait  4- 4  degrés.  —  Belle  vue  des  sommets.  la  plaine  couverte 
de  brouillards. 

Sans  date.  —  Charles-Théodore  Williams  (Pemb.  coll.  Oxford), 
England. 

Wc  left  the  Rencluse  at  4.40  a.  m. ,  and  arrived  at  the  pic  de 
Néthou,  at  8.25  a.  m.,  aftcr  a  comparatively  easy  ascent.  My  guide 
was  Jean  Estrujo,  whom  I  can  strongly  recommend. 

7  septembre.  —  Xaxier  P*'»  Sapiha,  avec  ses  fils  Louis  et  Xavier  : 
arrivés  au  sommet  du  Néthou,  grâce  à  Taide  et  à  la  sollicitude  des 
guides  Michot,  J.  Tournan,  P.  Tournan. 

W"  Ja»  Faner  :  24,  Bolton  str.  London. 

0  septembre,  vendredi,  —  Paul  Porlier,  Emile  Sorbet  (tous  deux 
de  Paris).  —  Ont  fait  Tascension  du  pic  de  Néthou  par  un  temps 
magnifique,  sous  la  direction  des  guides  Michot,  B.  et  B.  Cier, 
exellents,  qu'on  ne  saurait  trop  recommander  aux  voyageurs  dési- 
reux de  faire  cette  magnifique  ascension. 

1860. 

5  juillet.  —  Victor  du  Verne  (Nevers,  Nièvre).  —  Guides  : 
J.  Redonnet,  Pierre  Barrau,  dit  Tiburce. 

Parti.s  de  la  Rencluse  à  deux  h.  20  m.  du  matin,  arrivés  au  som- 
met du  Néthou  à  6  heures.  Notre  ascension  a  été  favorisée  par  un 
temps  magnifique.  Au  sommet  du  pic  il  faisait  un  vent  du  nord 
très  frais. 

Je  n'ai  pu  observer  le  thermomètre,  il  n'en  restait  que  des  débris. 

7  juillet.  —  J.-M.  Wilson  (Cambridge),  B.-E.  Hammond  (Rugby), 

A.  Granic  (Toulouse),  Michel  Delta  (Grèce).  —  Guides  :  J.  Estrujo, 

B.  et  J.-M.  Estrujo,  J.  Abadie. 

Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30  m.  du  matin,  arrivés  à  7  h.  pré- 
cises au  sommet  du  Néthou.  —  Temps  superbe. 

Température  : 

La  Rencluse  (8  h.  p.  m.) ==  61  Fahrenheit. 

—  (2  h.  a.  m.) z=  54°         id. 

Portillon  (4  h.  25'  a.  m.) =  bl<»         id. 

Pic  de  Néthou  (8  h. a.  m.) =  S?»  (ombre)  :  64«>  (soleil). 

«  Que  faire  en  un  gîte,  à  moins  que  Ton  ne  songe  ?  » 

L^esprit  tranquille  et  satisfait  donne  le  moyen  de  ne  point  faire 
comme  tout  le  monde.  Les  cartes  dans  les  boîtes  se  perdent  ou 
peuvent  s'eflfacer.  Nous  prions  donc  les  voyageurs  de  les  placer 


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S36 

dans  le  cahier.  Quant  à  des  vers  ou  de  la  prose,  nous  n!en  voyons 
pas.  Nous  engageons  les  personnes  qui  savent  les  faire  bons^  d'en 
insérer,  pour  distraire  les  voyageurs. 

28  juillet.  —  Charles  Martins,  professeur  d'histoire  naturelle 
(Faculté  de  médecine  de  Montpellier),  T.  Lézat,  auteur  du  plan  en 
relief  (Toulouse),  M"«  Gabrielle  Niel  (Paris),  D*"  C.-G.  Reîschauer 
(von  Munchen  aus  Hannover),  Gaston  Gazalis,  Victor  Prat,  étudiant 
à  la  Faculté  de  médecine  (Montpellier),  Emile  Teulon,  étudiant  à 
la  Faculté  de  médecine  (Montpellier).  —  Guides  :  Michot,  P.  Barrau, 
Pierre  Natte. 

Baromètre  à  11  h.  =  503  millim.  à  2<>  8,  air  2»  6,  —  Vent  violent 
du  S.-O.  par  raffales.  Brumes  fréquentes. 

M.  Roudier.  jardinier  au  jardin  des  plantes  de  Montpellier. 

2  aoû^  —  Frederick  Montagu  Arnold  (Kingston  on  Thames), 
William  Henry  Bamsby,  Bromyard  iHereford).  —  Weather  good, 
but  new  snow,  very  soft  for  walking.  —  Guides  :  P.  Barrau, 
J.  Redonnet,  Highly  to  be  recommended,  both  as  guides  and  good 
companions. 

20  août,  —  Mn>«  Dommartin  (Paris),  M.  Dommartin  (Paris), 
L.  Féron,  aspirant  à  la  Cour  des  comptes  (Paris),  A.  Veillon 
(Bordeaux),  François  de  Luze  (Bordeaux),  Georges  Amé  (Langon). 

—  N.  B.  -—  M.  Dan  Guestier  a  dû  rester  en  route  n'ayant  plus  de 
clous  à  ses  souliers.  —  Guides  :  Michot,  Pierre  Barrau,  J.-B.  Lafont, 
J.  Lamolle,  J.  Meney. 

Partis  de  la  Rencluse  ce  matin  à  5  h.  moins  cinq,  nous  sommes 
arrives  à  midi  5  m.  par  un  temps  magnifique.  Neige  un  peu 
tendre,  voyage  pénible,  mais  pendant  lequel  M°>*  Dommartin  s'est 
distinguée  par  le  plus  grand  sang-froid  et  par  une  énergie  qui 
nous  a  servi  d  exemple.  —  Nous  sommes  très  contents  de  nos 
guides,  surtout  de  Michot  et  P.  Barrau,  dont  nous  ne  pouvons 
faire  assez  d'éloges  ;  fort  contents  aussi  de  J.-B.  Lafont. 

2i  aoiLt.  —  Charles  Packe  (Angleterre),  Francis  Galton,  Charles 
Gray,  Ellis,  Cunliffe.  —  Our  guides  was  P.  Barrau. 

Left  the  Rencluse  at  3  h.  45,  arrived  at  the  top  in  3  h.  45. 
M.  Ch.  Packe,  left  a  minimum  thermometer,  marking  at  8  h.  30  m., 

—  30  centig.  —  Baromcter  marked,  19,80  inches.  —  Wind  N.  W. 
A.  fine  day,  but  strata  of  clouds  over  at  the  lower  summits. 
Strayed  l  houi-  at  the  top. 

Même  date.  —  Henri  Preschern  et  Anselm  Ehmant  (Paris).  Guide  : 
J.-M.  Estrujo.  —  Louis  Breton  et  son  fils  ;  guide  :  A.  Haurillon.  — 
Auguste  Fontaines  ;  guides  :  J.  Haurillon,  fils,  Fr.  Goret.  ^  Henry 
Augustus  Candy;  guides  :  Redonnet-Natte,  B.  Ursule. 

28  août  (mardi).  —  Charles  Gray  ;  Edward  Jones,  avec  le  guide 
J.-M.  Estrujo.  —  Norris  Russell;  guide^  B.  Estrujo.  —  Em.  Laba- 


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S87 

lette  (Bordeaux),  avec  le  guide  P.  Barrau.  —  Alfred  Dupeyron  ; 
^uide  :  J.  Sors-Argarot. 

Partis  de  Luchon  I&  27  à  11  heures,  temps  lourd  et  orageux. 
A  THospice  Torage  éclate  ;  nous  partons  au  milieu  d'une  averse 
effroyable,  de  rafales  aflreuses  qui  menacent  de  nous  enlever  de 
dessus  nos  chevaux.  Malgré  cet  horrible  temps  personne  ne  perd 
courage,  nous  arrivons  à  la  Rencluse  à  7  heures,  le  temps 
s'éclaircit  un  instant,  une  heure  après  l'orage  éclate  de  nouveau. 
—  Ce  matin  au  moment  de  partir  un  nouvel  orage  se  déclare. 
Nous  nous  mettons  en  route  à  5  h.  30,  et  nous  sommes  parvenus 
au  sommet  de  Néthou  à  10  heures.  Le  temps  s'est  sensiblement 
amélioré,  nous  pouvions  jouir  du  splendide  spectacle.  La  course 
s*est  faite  dans  d'excellentes  conditions^  sans  trop  de  fatigue. 
Nous  avons  avec  nous  un  jeune  Anglais  qui  n'a  pas  quinze  ans  et 
qui  nous  a  donné  l'exemple  de  l'intrépidité  et  de  Ténergie. 

8  septembre,  —  J.-W.  Evans  (Derby),  —  Guides  :  Redonnet- 
Michot  et  J.  Tournan.  •—  Thermometer  on  the  top  (10  a.  m.) 
=  25<»  Fahr.  Fine  bright  day,  but  heavy  clouds  at  a  low  level. 

22  septembre.  —  D'  Heinrich  Barth  (Hambourg).  —  Guides  : 
Hichot,  Pierre  Barrau.  —  Temps  superbe,  mais  neige  fraîche, 
difficile. 

1861. 

3  juillet.  —  Madame  Laine  et  son  fils  Adolphe,  M''et  M™»  Malliez, 
M'  Emile  Paillet.  —  Guides  :  Barrot,  Michot,  J.  Hedonnet,  Estrujo, 
Gapdcville,  J.  Tournan,  Raygot. 

ii  juillet,  —  N.  Vene,  E.  Vene,  P.  Litière,  Fecheter.  —  Guides  : 
Pierre  et  Firmin  Barrau,  L.  Redonnet,  Ch.  Redonnet.  —  Partis  de 
Luchon  le  10  à  7  heures  du  matin. 

Nota.  —  M'  Lambert  (Lyon),  après  avoir  soutenu  un  pari  est 
parti  de  Luchon  le  10  à  10  heures  du  soir,  et  est  arrivé  une  heure 
après  les  sus-nommés.  ~  Guides  :  Estrujo,  Cier. 

29  juillet.  —A.  Molin  (Beaune),  Maisonoble  (Beaune),  E.  Voillot 
(Beaune).  —  Guides  :  B.  Estrujo,  J.  Redonnet,  dont  nous  sommes 
parfaitemeni  contents.  —  Montés  au  pic  de  Néthou  et  bu  du 
Chambcrtin  de  1846. 

Même  dfite.  —  H.  A.  Melly  (New- York).  —  Guide  :  Bernard  Lafont 
dont  je  suis  parfaitement  content. 

Même  date.  —  El  marques  de  Castro  Serna  (Espagne).  —  Gon  su 
criado  Manuel  Martinez  et  los  3  guias  :  J.  Estrujo,  P.  Cantaloup, 
Serbio  (f).  —  Tiempo  delicioso. 

27  septembre.  —  Na  Maladecié.  Wicenty  Siemienski,  Helena- 
Anna-Jos.  —  Vivat  Polonia.  Guide  :  Pierre  Barrau. 

13  août.   —  Wtadystaw    Czartorysky,   El  conde  de  Gracia, 


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D'  V.  Diorio,  Arthur  Fadeuilhe.  —  Guides  :  J.  Bodonnet.  L.  et  Ch. 
Rcdonnet,  B.  Ursule. 

Î6  août.  —  Edm.  Castolnau,  Louis  Bazil  (mots  effacés),  — 

Guides  :  Pierre  et  Firmin  Barrau  ;  en  sommes  très  satisfaits.  — 
Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  40  du  matin,  arrivés  au  sommet  à 
8  h.  30  par  un  temps  superbe. 

Î7  août.  —  Alfred  Huillard  (Paris).  —  Guide  :  J.-M.  Estrujo.  — 
Très  satisfait  du  guide. 

Partis  de  la  Rencluse  à  6  h.  30  et  arrivés  au  sommet  à  9  h.  40. 
Venus  de  Luchon  par  un  temps  qui  lais.se  beaucoup  à  désirer. 

17  août.  —  Frank  Russell  de  Killough,  oflicier  au  service  du 
Saint-Siège.  —  Guide  ;  J.  Tournan.  —  Un  poulet  et  du  fromage. 

A  Torce  de  grimper,  je  suis  arrivr' Oun 

Rien  beureux  de  n*avoir  pns  Tait pouf! 

W  août.  —  Albert  Garpasc  (?),  Paul  Bals,  Edmond  Delpech , 
Charles  Packo.  —  Guides  :  B.  Reygot,  M.  Trespaillé,  P.  Barrau, 
J.  Gourrège.  —  Beau  temps  et  bon  appétit. 

Température  z=  3°  centigr.  —  Point  d'ébullition  de  l'eau  z= 
19303  Fahr. 

22  aoit^  —  Madame  Mauget,  conduite  par  Bastion  Teinturier, 
{guide  de  Barèges)  et  J.  Redonnet  (guide  de  Luchon).  Venue  en 
5  heures  depuis  la  Rencluse. 

26  août.  —  H.-G.  Dakyns  (Gambridge),  Paul  liéaube  (f)  de  Cahors. 
—  Guides  :  Michot,  J.  Redonnet.  Venus  de  la  Rencluse  en  4  heures. 
Arrivés  à  7  h.  du  matin. 

7  septembre.  —  Alexis  Godillot  (Paris)  avec  son  fils  Georges,  î'igc 
de  14  ans  et  M.  Théodore  Lacaze,  pompier  à  Toulouse.  —  Guides  : 
Bertrand  et  Bernard  Lafont.  Ces  deux  guides  se  sont  dévoués  et 
nous  ont  donné  leurs  soins  au  dessus  de  tous  éloges.  —  Le 
nommé  P.  Sanson,  guide  de  deuxième  classe,  nous  accompagnait 
aussi  et  a  été  rempli  d'attention. 

Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  30  m.,  arrivés  après  beaucoup  de 
fatigue  au  pic  de  Ncthou  à  9  heures. 

1862. 

25  juin.  —  René  du  Plessis,  officier  au  3"  de  cuirassiers  (23  ans), 
et  sa  femme  L.  Ferraris  du  Plessis,  18  ans  1/2.  —  Guides  :  L.-J,  el 
Ch.  Redonnet,  Pierre  Barrau  :  enchantés  de  leur  grande  expé- 
rience et  de  leur  énergie. 

Les  premiers  de  Tannée.  —  Partis  de  Luchon  le  24  juin  à  midi, 
arrivés  à  la  Rencluse  à  6  heures  du  soir.  —  Repartis  le  23  à 
3  h.  30  m.  du  matin.  Temps  magnifique.  —  Ascension  difficile  vu 


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la  chaleur  qui  a  fait  fondre  la  neige  où  Ton  enfonce  jusqu'aux 
genoux.  —  Arrivés  au  pic  de  Néthou  à  10  h.  30  m. 

Nous  déjeunons  de  bon  appétit  et  buvons  du  Champagne  frappé 
à  la  santé  de  ceux  qui  suivront  notre  exemple. 

26  juin,  —  Sir  W.  Buchan  Hepburn,  miss  Hepburn,  miss  Mary 
and  miss  Jane  Hepburn,  and  miss  Weekes,  ascended  the  pic  de 
Néthou  this  morning  in  4.30  hours  from  the  Rencluse.  —  Guides  : 
Jean,  Bertrand,  Bernard,  and  Jean-Marie  Ëstrujo;  B.  Lafont, 
L.  Barrau  :  whom  we  found  under  ail  circunstances  obliging,  well 
informed  and  attentive  guides. 

4  juillet,  —  Baron  Voisine  de  la  Fresnaye  (  Indre-e-Loire  )  ; 
E.  Armand,  secrétaire  d'ambassade  (Paris)  ;  Abel  Raimbaux,  ingé- 
nieur dés  mines  (Paris).  —  Guides  :  J.  Estrujo,  P.  Ribis,  Barthé- 
lémy et  P.  Barrau. 

Ascension  difficile  :  on  enfonce  dans  la  neige  jusqu'aux  genoux. 

16  juillet.  —  Gapt.  Story,  R.  N.  ;  the  Honor.  Harbord-Harbord, 
and  M.  Augustus  Ualford.  Arrived  at  half  past  ten.  Délavez  at  the 
Rencluse  by  a  thundestrom.  —  Guides  ':  Pierre  Barrau,  J.  Estrujo, 
L.  Redonnet,  P.  Barrau  :  Is  a  first  rate  fellow.  and  the  best  guide 
for  summits. 

19  juillet.  —  M.  Arnaud,  Léon  Joubert,  Louis  Bellais,  Hipp. 
Perret.  Glém.  de  la  Roche  Vaunoc.  —  Guides  ;  Pierre  Barrau, 
Estrujo,  Capdeville,  P.  Johanneton  et  J.  Thénard,  qui  ont  rivalisé 
de  zèle. 

Partis  à  2  heures  du  matin  de  la  Rencluse,  arrivés  à  6  heures 
sur  le  pic  de  Néthou.  Le  temps  a  été  splendide  et  le  lever  du 
soleil,  qui  a  eu  lieu  au  milieu  de  la  traversée  du  glacier,  a  offert 
un  magnîGque  spectacle. 

30  juillet.  —  A.  Warmessonde  (?),  cap.  d'artillerie  de  la  Garde; 
Geoffroy  d'Ault-Dumesnil  ;  Toussaint  Lézat;  Joseph  Montano;  de 
Montagnac  ;  Paul  Ghantepic,  étudiant.  —  Guides  :  P.  et  L.  Redon- 
net,  J.  Estrujo,  J.-M.  Ribis.  Les  quatre  guides  qui  ont  dirigé  cette 
ascension  n'ont  cessé  pendant  toute  sa  durée  de  donner  les  preu- 
ves de  la  plus  grande  complaisance  et  du  dévouement  le  plus 
complet,  surtout  dans  les  passages  difficiles,  que  la  fonte  des 
neiges  rendait  très  dangereux. 

i4  août.  —  W.  E.  Forster  . . .  (phrase  inintelligible  et  sans  com^ 
mencement)  . . .  where  he  had  spent  the  night  with  M.  Forster.  -— 
Guide  :  Jean  Estrujo.  Day  fine.  En  route  from  Luchon  to  Vénasque. 

Même  date.  ~  Maurice  Picard  (Paris).  —  Guides  :  J.  et  L. 
Redonnet.  —  Départ  de  la  Rencluse  à  3  h.  30  m.,  arrivés  au  pic  à 
9  heures.  —  Je  n'ai  eu  comme  toujours  qu'à  me  louer  de  la  com- 
plaisance et  de  Thabileté  de  mes  deux  guides  bien  connus  d'ail- 
leurs par  tous  ceux  qui  ont  résidé  à  Luchon.     . 


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Même  date.  —  Charles  Servez,  négociant  armateur  (Marseille). 

—  Monté  au  pic  de  Néthou  avec  MM.  Forster  et  Picard,  accompa- 
gné du  guide  J.  Sanson,  qui  a  été  plein  d'attention  et  de  soin. 
Temps  douteux,  brouillard  croissant. 

iO  août.  —  E.  Bonneau  (?)  (nom  et  phrase  illisibles).  —  Guides  : 
J.  Ch.  Redonnet (illisible). 

23  aoixt.  —  Les  illustrissimes  savants,  Blanchi  père  et  fils,  Filhol, 
Léon  Soubeiran  D.  G.  M.  et  E.  Trutat,  déterreur  de  crânes  d'ours. 

—  Guides  :  Michot,  B.  et  J.  M.  Lafont,  Guillaume  Bajun  ;  ils  ont 
porté  jusqu'ici  notre  appareil  photographique,  le  premier  qui  y  ait 
apparu  et  ont  guidé  nos  pas  glissants  sur  la  nei^e  éclatante.  «  La 
couleur  indigo  règne  dans  la  nature  »  comme  disait  le  professeur 
de  cet  infortuné  Murger.  —  En  outre  du  panorama  photographique 
que  nous  avons  pris,  les  observations  barométriques  faites  par 
M.  Blanchi  sont  les  suivantes  : 

Baromètre  z=z  510.  Chaleur  z=:  +  13**  (de  Tinstrument),  +  JO* 
(à  Tair  libre.) 

1863 

24  juin.  —  Deux  cJiasseurs  (noms  inconyius).  —  Guide  :  Jean- 
Marie  Ëstrujo. 

5  juillet.  —  Docteur  Mauricet  (Vannes).  Guides  :  Barthélémy 
Courrège,  J.  Estrujo  ;  guides  dévoués  à  qui  on  peut  se  confier  en 
toute  sécurité.  —  Phénomènes  physiologiques  remarquables. 

iO  juillet.  —  Baron  de  Lustrac  (Sainte-Livradc  :  ïiOt-et-Garonnc) 
et  le  Baron  Ed.  d'Eloy^^lovorst  (?),  Belgique  —  Guides  :  J.  et  li. 
Redonnet.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30  du  matin,  arrivés  au 
sommet  du  pic  à  7  heures.  —  Guides  intrépides  et  prudents,  qui 
ont  partout  fait  preuve  de  la  plus  grande  intelligence  et  du  plus 
grand  dévouement. 

2/  juillet.  —  Comte  de  Pracomtal  et  baron  d'Hunolstein.  — 
Guides  :    P.  Barrau.  Haurillon,  J.  Prince. 

27  juillet.  —  Ro^er  Portalis  (Paris),  D"*  Bouverot  (Auxerre).  — 
Guifles  :  Michot  et  A.  ilaurillon  :  excellents. 

25  juillet.  —  Edouard  Dubrcuil,  Jacques  Tallard  (Béarn).  — 
Guides  :  Pierre  Barrau  et  J.-B.  Lafont  :  intrépides  et  sûrs.  — 
Ascension  avec  le  brouillard  et  un  vent  à  décorner  les  bœufs. 

i*»-  août.  —  MM.  Brun  Prélong,  étudiant  poitevin,  Roi  (Poitevin). 
Bidault  (paysagiste),  Albert  Hotséot  (Bourgogne).  —  Guides  : 
Pierre  Barrau,  Haurillon,  J.-B.  Lafont,  J.  Estrujo  et  Huguet. 

Partis  à  2  h.  30  m.  du  matin  do  la  Rencluse,  arrivés  au  sommet 
de  Néthou  à  7  heures.  Temps  variable,  beau  jusqu'au  glacier, 
très  beau  au  pont  de  Mahomet,  brouillard  intense  et  vent  violent 
au  sommet  même.  —.  Nous  répétons,  comme  nos  devanciers,  que 


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nos  guides  ont  fait  preuve  de  la  plus  grande  complaisance  et 

d'une  habileté  surprenante  à  éviter  les  crevasses. 
Ou  Néihou  nous  nous  embarquons  pour  aller  faire  l'ascension 

du  Pic  Posets  en  passant  (avec  liarrau  et  Lafont  seuls)  par  la 

Rencluse  et  Tilospice  de  Vénasque. 
4  août,  —  Ludwrig  Feist  (Bordeaux),  accompagné  des  guides 

Haurillon  et  Charles,  est  arrivé  au  sommet  du  Néihou  à  10  heures 

du  matin  par  un  temps  magnifique. 
i4  août,    —   L.    Hely   d'Oissel,    !..    Labbé,    Edouard    Mallet , 

P.  P.  Charles  Dumazeaud,  Raoul  Treuilb  (Chàtellerault),  Albert 

Laservollet  (?),  Alfred  Lussan,  Toussaint  Lézat.  —  Guides  :  Pierre 

Barrau,  J.   Sors-Argarot,    L.   Redonnât,   Charles  Redonnet,   L. 

Barrau,  J.-B.  LaUon,  J.-M.  Estrujo,  F.  Arazau  ;  dont  nous  avons 

été  très  satisfaits. 
Partis  de  la  Rendus  au  nombre  de  17,  y  compris  8  guides,  nous 

avons  laissé  deux  de  nos  touristes,  Tun  au  Lac  glacé,  Tautre  au 

pont  de  Mahomet,  qu'il  n'a  pas  voulu  franchir. 
Casimir  Négrel  (natif  de  Roquevaire,  demeurant  à  Marseille)  n'a 

pu  arriver  que  jusqu'au  Pont  de  Mahomet. 
24  août,  —  Comte  Henry  Russell  et  Ferdinand  de  la  Brière.  — 

Guides  :  Pierre  Barrau  et  Estrujo. 

Remarquez,  je  vous  prie,  un  tout  petit  nuage  qui  se  forme  dans 
l'extrême  occident,   du   côté  de  ces  colosses  :  le  Mont-Perdu, 

le  Vignemale,  etc..  Il  disparait,  il  n'est  plus!!!!  Remarquez 
ensuite  le  beau  glacier  que  vous  allez  descendre;  il  est  moins  cre- 
vassé que  ceux  du  Vignemale  et  du  Mont-Perdu,  mais  plus  étendu. 
—  Pour  moi,  vous  ne  me  verrez  pas  :  mais  je  dois  vous  dire  que 
mon  guide  est  enchanté  de  la  manière  dont  je  suis  grimpé  ici  ; 
c'est  un  homme  qui  a  du  tact  et  le  pied  toujours  sûr.  Voyez  donc 
quel  ciel  !  Plus  une  tache  !  Je  n'ai  rien  vu  de  plus  désolé  et  de 
plus  grandiose  que  ce  panorama  :  Je  vois  le  Canigou  à  Test,  et  à 
l'ouest  le  pic  de  Balaitous.  Ensuite  je  jette  et  concentre  mes 
regards  sur  mon  thermomètre  ;  il  marque  -f-  26<>  au  soleil,  et  -i-  H*^ 
à  lombre.  (Il  est  à  remarquer  qu'il  ne  marque  jamais  autre  chose 
à  l'ombre.)  —  Barrau  est  un  guide  excellent  qui  brille  surtout  par 
la  prudence.  —  Comte  Henry  Russell. 

Je  ne  puis  mieux  faire  que  de  m'associer  aux  sentiments  d'admi- 
ration qu'exprime  mon  compagnon  de  voyage  :  admiration  pour  le 
petit  nuage,  pour  le  Vignemale,  pour  le  Canigou,  etc.  Admiration 
pour  une  charmante  petite  abeille  qui  vient  de  passer,  et  dont  je 
vous  souhaite  de  trouver  le  miel  à  votre  prochaine  ascension.  Nos 
deux  guider  dorment  d'un  sommeil  profond  après  avoir  bien 
mangé  sur  les  bords  du  lac  Coroné.  —  Mon  crayon  s'est  cassé, 
pardon,  je  continue.  —  Nuit  charmante  passée  à  la  Rencluse, 


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su 

ascension  facile  ;  satisfaction  entière.  Mon  compagnon  fume  un 
cigare!  sur  le  sommet  du  Néthou  !  Proh  pudor  !  —  Ferdinand  de  la 
Brière. 

25  août.  —  Edmond  Nivoit,  él.  ingénieur  des  mines,  R.  Perrié  (?) 
él.  ingénieur  des  mines,  J.  I^egras  (?)  él.  ingénieur  des  ponts  et 
chaussées,  A.  Gouderc  (Rodez).  —  Guides  :  J.  Haurillon,  J.  Sanson, 
P.  Jouaneton,  dont  nous  n'avons  eu  qu'à  nous  louer. 

Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  30,  arrivés  à  8  heures. 

Même  date.  —  MM.  Georges  Pouchet  (Rouen)  et  Pierre  Ferras 
(Luchon).  —  Guides  :  B.  Laffon  et  G.  Bajun,  qui  ont  montré  com- 
bien ils  répondaient  à  leur  réputation.  Nul  ne  peut  prendre  des 
guides  plus  sûrs  s'il  veut  voir  sans  peine  et  surtout  avec  intelli- 
gence. Ge  sont  ces  deux  guides  qui  ont  les  premiers  porté  un 
appareil  photographique  au  Néthou  en  1862. 

8  septembre.  —  James  Hunter  Annandale  (Lasswade,  Edim- 
bourg :  Ecosse),  Frederick  Melmish  (London).  —  Guides  ;  Bernard 
Lafon,  J.-B.  Lafon,  Pierre  Barrau,  J.-M.  Estrujo  :  Weather  wohen 
we  ascended  was  rather  cloudy. 

13  septembre.  —  MM.  Alexandre  Levalley,  Ed.  Delprat,  L.  Pai- 
gnard,  Achille  Gournot.  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Estrujo,  J.  etCh. 
Redonnet. 

i4  septembre.  —  MM.  Henri  de  Nion  (Paris),  né  à  Tanger  (Maroc), 
Alexandre  Zannini,  attaché  de  légation  de  S.  M.  le  Roi  d^Italie 
(Florence),  A.  Mulredo  (Vico  :  Corse).  —  Guides  :  J.  Redonnet, 
J.-M.  Lafont,  Bernard  Lafont.  -—  Partis  à  5  heures  de  la  Rencluse, 
arrivés  à  9  heures  du  matin.  —  Beau  temps. 

1864 

15  juillet.  —  Comte  Henry  Russell.  (6  heures  du  soir.)  —  Tout  seul 
ici!!!  Parti  ce  matin  deThospicedeYénasqucavec  la  détermination 
d'arriver  au  Néthou  par  une  route  nouvelle,  je  suis  monté  par  le 
lac  d'Albe  et  Malibierne.  Mais  le  jeune  espagnol  qui  portait  les 
provisions  ayant  cédé  à  la  fatigue,  n'a  pu  arriver  malgré  toute  sa 
force.  Je  vais  le  rejoindre  près  du  lac  Goroné.  C'est  du  haut  du 
pic  Posets,  avant-hier,  que  j'ai  conçu  la  possibilité  de  monter  par 
le  Sud-  Voici  mon  itinéraire  : 

Montée  au  Sud  de  l'hospice  de  Vénasque. 

1  h.  15',  Petit  lac  (vu  un  bouquetin)  ;  montée  à  un  col  (S.  S.-O.)  ; 

1  h.  30,  Petit  col;  le  Posets  parait  à  TOuest.  Laissez  deux  lacs  à 
droite,  à  200  mètres  plus  bas  :  gouvernez  Sud; 

2  h.  30,  Portillon,  à  travers  une  arête  de  granit,  très  facile. 
Immense  amphithéâtre  de  granit  et  cascade.  Allez  S.-E. 

3  h.  Lac  Grégonio  (ou  d'Albe)  ;  100  hectares  (?).  J'ai  passé  à  gau- 


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943 

che  ;  la  droite  vaut  mieux.  Montez  très  roide  (S.  E.)  sur  des  neiges 
éternelles. 

4  h.  Col  très  ouvert  de  Gregonio.  Voyez  le  Néthou  à  l'Est  et  deux 
petits  lacs  glacés  au  S.-E.,  allez  Est  sur  la  neige.  (Crevasses  à 
droite^. 

5  h.  30'.  Lac  Coroné.  —  6  h.  Sommet. 

Je  ne  puis  trouver  le  thermomètre  à  minima. 

J'ajouterai  que  je  n'ai  pas  non  plus  suivi  la  route  habituelle 
pour  le  Posets.  Je  l'ai  attaqué  par  le  N.  N.  E.,  et  en  suis  redes- 
cendu seul  et  très  facilement  par  le  S.  S.  E.  à  1  h.  au-dessous  de 
Vénasquc. 

N.  B.  —  Un  an  après  mon  ascension  au  Néthou,  j'ai  découvert 
que  c'était  à  peu  près  l'itinéraire  suivi  en  1842,  lors  de  la  première 
ascension  par  MM.  de  Franqueville  et  Tchihatchefî. 

Comte  H.  Russell. 

22  juillet.  —  J,  Vignon  (Lyon),  Henri  Veillon  (Lyon),  Léonce  de 
Conquans  (Figeac).  —  Guides  :  P.  Redonnet,  père,  J.-M.  Estrujo, 
J.-M.  Ribis. 

Partis  à  G  heures  de  la  Rencluse,  nous  sommes  arrivés  à 
10  heures  par  un  temps  de  neige  affreux;  il  y  avait  un  demi  pied 
de  neige  nouvelle. 

28  juillet,  —  Neville  Goodman  (Cambridge,  St-Peters.  coll.).  — 
Guides  :  L.  Rebonnet,  and  Ch.  Gouchan.  —  We  were  2  h.  50' 
coming  from  the  Rencluse. . .  A  splendid  day  :  ail  the  peaks  clear. 
Only  a  few  clouds  in  the  valleys. 

10  août.   —  Henri  Lasserre,  Philippe  de  Mouy,  Henri   Petit, 

Alexandre (illisible),   Baron   de  Rochetaillée.   —  Guides   : 

J.  Tournan,  J.  Redonnet,  Pierre  Barrau,  Michot,  J.-M.  Denar. 

Qoe  dire  en  ces  sommets  où  Taigle  seul  respire, 
La  prière  commence  et  te  silence  expire. 

Henry  Lasserre. 

15  août.  —  Lieutenant-colonel  Stanley  (Guards).  —  Guide  :  Pierre 
Barrau.  —  Fine  day. 

17  août.  —  Marquis  de  Sabran-Pontevès  et  Duc  de  Chevreuse.  — 
Guides  :  Haurillon  et  B.  Lafon. 

Même  date.  —  G.  Baron  de  Vaux.  —  Guide  :  Jean  Redonnet. 

Même  date.  —  J.  Waldenberg.  —  Guide  :  Capdevilie (mots 

illisibles.)  —  Ce  touriste  est  sans  doute  monté  avec  le  précédent, 
leurs  deux  ascensions  sont  réunies  dans  la  même  note. 

Même  date.  —  Miss  A.  C.  Straton,  Miss  Mary  Straton,  J.  Gar- 
diner  <Indian  civil  service).  —  Fine  weater  but  a  strong  wind.  — 
Guides  :  M. -A.  Charlet  (Chamounix),  J.  et  J.-M.  Estrujo  (Luchon). 

21  août.  —  Charles  Béranger  (Saint-Germain-les-Corbeil).  — 
Guide   :    J.  Estrujo.  -«  Nous  sommes  partis  de  la  Rencluse  à 


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Si4 

6  heures,  nous  sommes  arrivés  à  midi.  Nous  avons  eu  un  vent 
assez  violent,  qui  était  très  désagréable  pour  faire  Tascension. 
Sans  Estrujo,  excellent  guide,  je  crois  que  je  ne  serais  jamais 
arrivé. 

Même  date,  —  Charles  H.  Wallroth,  Frederick  A.  Wallroth.  — 
Guide  :  J.-M.  Viscos  (Barège).  —  Wînd  blowing  hard. 

23  août.  —  Aug.  Champion  ;  H.  Busquet,  ingénieur  civil  des 
mines  ;  C.  Renaudier  (?),  ingénieur  des  mines  (Saint-Etienne)  ; 
M.  Davoust;  M.  Davoust  lils,  à  l'école  spéciale  militaire;  — 
Guides  :  J.  Terce,  B.  Johanneton,  Ursule,  Redonnet,  B.  Cier.  — - 
Temps  froid,  brouillard  épais.  Temp.  =  +  l<>  centigr. 

28  août.  —  Albert  Grimiault  (?)  et  René  Leaé  (Paris).  —  Guides  : 
Michot  et  P.  Cantaloup,  dont  nous  n'avons  eu  qu'à  nous  louer 
toute  la  durée  du  trajet.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  30,  arrivés 
à  8  h.  10  minutes. 

i»'  septembre.  —  Prince  Paul  de  Lieven  (Russie),  Comte  Dodun 
de  Kesomay  (?),  Vicomte  de  Beaumont.  —  Guides  :  J.  Estrujo, 
J.  Dénard,  P.  Sanson. 

Même  date.  —  Gaston  Touchard  (?)  —  Guide  :  Redonnet  Michot. 

—  Monté  en  5  heures.  —  Brouillard  au  pic. 

7  septembre.  —  G.  Giormet.  —  Guide  :  Michot»  Monté  en  4  heures. 
Même  date.  —  Karl  Hauch  (Frankfurt  am  Main  :  Allemagne).  — 

Rittergutsbesitzer  auf  Haunsheim  bei  Lauingen  a/Donau  (Allema- 
gne). —  Guides  :  J.  Ribis,  Pierre  Redonnet  dit  Natte. 

8  septembre,  —  Ferdinand  Kolb,  docteur  en  médecine  (Paris), 
venant  de  Vénasque  après  avoir  gravi  le  6  septembre  le  pic  Posets 

—  en  compagnie  des  guides  Pierre  et  Firmin  Barrau. 
9  h.  du  matin      :  Baromètre...  =     520"». 

vent  nord         i  Thermomètre  :=  + 10<>  cent,  (à  Tombre) 
faible.  j  —  =  +  lo®    —     (au  soleil) 

beau  temps       I  --  ==+  6"*    —  (boule  humide) 

1865 

13  juillet.  —  MM.  de  Lort  de  Mialhe  et  Chadabot  (officiers  au  85*). 

—  Guides  :  Pierre  Barrau  et  Haurillon. 

i4  juillet.  —  Vicomte  de  Guitaut,  Vicomte  de  Salaberry,  J.  Plu- 
chet,  Baudrier.  —  Guides  :  J.  Redonnet,  J.  Estrujo,  Haurillon, 
Lafont. 

17  juillet.  —  M.  et  M"«  Gattier.  —  Guides  :  Pierre  Barrau, 
J.  Haurillon  :  bons  guides. 

Même  date.  —  Charles  Packe  ,  Captain  Barnes .  —  Guide  : 
Ch.  Gouchan.  —  Nous  sommes  montés  par  Malibierne  et  le  lac 
Goroné. 


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«15 

Point  d'ébullition  de  l'eau =:  192*',G9  Fahren. 

Température ==    1 1»    G  centigr. 

Baromètre 507«>  »'". 

Nous  coucherons  à  Malibierne. 

i7  et  Î8  juillet.  —  Comte  Henry  Russell-Killough  (ma  3«  ascen- 
sion) et  le  capitaine  Hoskins  (marine  britannique).  —  Passé  la  nuit 
ici,  au  sommet  du  Néthou,  avec  le^uide  Capdeville,  qui  a  bien  fait 
son  devoir. 

Température  (de  3  h.  à  5  h.  du  matin) =  0^  centigr. 

Coucher  de  soleil  plus  beau  hier  que  le  lever  ce  matin.  Nuages 
immenses  à  l'Orient,  tout  pleins  de  tonnerre  et  d'éclairs.  Lueurs 
de  la  lune  étaient  magiques.  Nous  avons  assez  bien  dormi. 
Rafales  violentes  de  TOuest.  Comte  H.  Russell. 

20  juillet,  —  MM.  Cézanne  (Bordeaux),  ingénieur  des  Ponts  et 
Chaussées;  Arthur  Maindron,  étudiant  en  médecine  (Poitiers); 
Victor  Michel ,  propriétaire  (Paris)  ;  Paul  Trudière,  avocat,  doc- 
teur en  droit  (Parthenay).  —  Guides  :  Redonnet-Michot,  Ch.  et 
L.  Redonnet,  Pierre  Barrau  :  excellents. 

25  juillet.  —  Chevalier  Malibert  (Mayenne),  F.-T.  White  (Oxford), 
William  Garfit  (Boston  :  England).  —  Guides  :  Michot  et  Pierre 
Barrau  :  excellents.  —  Nous  sommes  partis  de  la  Renciuse  h 
5  h.  10  et  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  9  heures. 

29  juillet.  —  Captain  and  M"  Barnes,  Miss  Tong,  Charles  Packe, 
Ed.  Wilmot.  —  Guides  :  Firmin  Barrau.  Ch.  Gouchan,  J.  Estrujo. 
—  After  Avaiting  at  the  Renciuse  since  the  26iJi  inst.  for  fine 
weather.  En  route  to  Malibicrn.  2  h.  10'  p.  m. 

Point  d'ébuUition  de  l'eau =  192<»  57  Fahren. 

Température =    56*>  — 

Baromètre z=r  506°    8'»'°. 

Splendid  weather.  My  5H»  ascent  of  the  Néthou. 

(A  suivre.) 


Rerce  be  ComnHfiES,  3*  irtineslre  1894.  Tome  IX.  —  17. 


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LES 

VOYAGES  DE  M.   L'ABBÉ  DE  BINOS 

Chanoine  de  la  Cathédrale  de  Comminges 
1776-1779 


«  Lorsqu'en  1806,  j'entrepris  le  voyage  d'outre- 
»  mer,  Jérusalem  était  presque  oubliée  ;  un  siècle 
»  anti-religieux  avait  perdu  mémoire  du  berceau  de 
»  la  religion.  Comme  il  n'y  avait  plus  de  chevaliers,  il 
»  semblait  qu'il  n'y  eût  plus  de  Palestine. 

»  Le  dernier  voyageur  dans  le  Levant,  M.  le  comte 
»  de  Volney,  avait  donné  au  public  d'excellents  ren- 
»  seignements  sur  la  Syrie,  mais  il  s'était  borné  à  des 
»  détails  généraux  sur  le  gouvernement  de  la  Judée. 
»  Jérusalem,  d'ailleurs  si  près  de  nous,  semblait  être 
»  au  bout  du  monde.  » 

Ainsi  commence  la  Préface  de  V Itméraire  de  Paris 
à  Jérusalem^  par  M.  le  vicomte  de  Chateaubriand. 
Dans  l'Introduction  qui  la  suit,  l'illustre  écrivain  cite, 
année  par  année,  tous  les  récits  des  voyageurs  qui  ont 
visité  les  Saints-Lieux  depuis  le  xv®  siècle.  On  cherche 
vainement  dans  ce  répertoire  bibliographique  le  livre 
dont  voici  le  titre  : 

Voyage  par  V Italie  et  L'Egypte  au  Mont  Liban  et 
en  Palestine  ou  Terre-Sainte  y  par  M.  l'abbé  de  Binos, 
chanoine  de  la  cathédrale  de  Comminges.  Paris,  chez 
Antoine   Boudet ,   imprimeur   du    Roi ,    rue  Saint- 


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947 

Jacques,  1787.  —  Dédié  à  Son  Altesse  Royale  Madame 
Elisabeth  de  France. 

Cet  ouvrage  forme  deux  volumes  in-12.  Il  est  orné 
de  douze  gravures  en  taille  douce  qui  représentent  des 
Orientaux  avec  leurs  divers  costumes,  et  qui  sont  fine- 
ment coloriées  dans  un  certain  nombre  d'exemplaires. 
L'abbé  de  Binos  aurait  mauvaise  grâce  à  regretter 
d'avoir  été  oublié  par  Chateaubriand.  Les  Voyages  du 
chanoine  de  Comminges  sont  justement  appréciés  par 
les  érudits  ;  ils  tiennent  une  place  honorable  dans  les 
bibliothèques  des  Orientalistes.  Mais,  devenu  rare  au- 
jourd'hui, le  livre  est  surtout  peu  connu  dans  la  patrie 
de  l'auteur  lui-même.  Nous  avons  pensé  qu'il  convien- 
drait de  rappeler  un  souvenir  précieux  pour  l'histoire 
Httéraire  du  Comminges;  nous  consacrons  ici  le 
résultat  de  nos  études  et  de  nos  recherches  sur  l'un 
des  rares  écrivains  de  notre  pays,  et  sur  l'œuvre 
intéressante  qu'il  nous  a  laissée. 

La  famille  à  laquelle  appartenait  M.  l'abbé  de 
Binos  a  toujours  été  considérée  comme  Tune  des  plus 
nobles  et  des  plus  anciennes  maisons  du  Comminges. 
A  la  fin  du  siècle  dernier,  elle  se  divisait  en  plusieurs 
branches  distinguées  par  des  i:oms  de  fiefs  ou  de  sei- 
gneuries, tels  que  Binos  de  Guran,  Binos  de  Cierp, 
Binos  de  Sarp,  Binos  de  Pombarat^  Binos  de  Taille- 
bourg,  Binos  de  Bachos,  Binos  d'Antichan,  etc.,  etc*. 

De  ces  rameaux  nombreux  sortaient  depuis  le  xiv* 
siècle  des  gentilshommes  pleins  d'honneur  et  de  bra- 
voure, accoutumés  à  la  vie  des  camps,  et  que  l'on 
trouve  souvent  cités  dans  les  revues  ou  monstres  des 
gens  d'armes  de  Gascogne.  Retirés  du  service,  ils 
étaient  choisis  de  préférence  pour  commander  les 
milices  de  nos  vallées  frontières.  Les  Binos  donnaient 

1.  Voir  Un  gentilhomme  Commingeois  et  l'ambassadeur  de  Venise,  1779,  par  M.  Coiigel. 
Jtevue  de  Cemminges,  t.  v,  pp.  143-155. 


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«48 

au  roi  de  vaillants  officiers  et  de  bons  prêtres  à 
TEglise.  On  ne  compte  pas  moins  de  quinze  dignitaires 
et  chanoines  de  leur  nom  dans  notre  ancien  diocèse, 
depuis  Tan  1527  jusqu'à  la  fin  du  xviii^  siècle*.  L'auteur 
du  Voyage  en  Palestine  ferma  cette  noble  liste.  Il  fut 
le  dernier  des  Binos  qui  s'assit  dans  les  stalles  du 
chœur  de  Saint-Bertrand. 

Il  descendait  de  la  branche  des  Binos,  seigneurs  de 
Sarp  etd'Izaourt.  Parmi  ses  ancêtres  directs^  il  comp- 
tait, entr'autres  gens  de  guerre  éprouvés,  Gaspard  de 
Binos  dit  le  aqjitaine  de  Sarp,  maréchal  des  logis  de 
la  compagnie  du  capitaine  Arné,  puis  gentilhomme  à 
la  suite  de  M.  de  Gramont  pendant  les  guerres  de  reli- 
gion en  Gascogne.  Le  maréchal  de  Monluc  faisait  le 
plus  grand  cas  du  capitaine  de  Sarp  ;  il  le  voulait  tou- 
jours à  ses  côtés  dans  les  chaudes  rencontres.  Au 
siège  de  Rabastens,  le  premier  compagnon  d'armes 
qui  vint  au  secours  de  Monluc  terrassé  par  une  arque- 
l)usade  fut  M.  de  Binos  de  Sarp,  et  le  maréchal  se 
souvint  de  cette  assistance  dans  ses  Mémoires  ^ 

Marie-Dominique  de  Binos  de  Sarp  naquit,  en  1731, 
de  Pierre  de  Binos,  seigneur  de  Sarp,  et  de  Rose  de 
Saint-Pastou,  dont  la  famille  se  recommandait  par 
son  ancienneté  dans  le  Comminges  et  dans  le  pays  de 

1.  Jean  de  Binos  de  Sarp,  chanoine,  archidiacre 1527. 

Pierre  de  Binos  de  Sarp,  chanoine 1580. 

N.  de  Binos  d'Arros,  chanoine,  archidiacre  d'Arao 1609. 

François  de  Binos  de  Gourdan  Polignan,  chanoine 1639. 

François  de  Binos  Pombaral,  chanoine  théologal  ......  1681. 

François  de  Binos  de  Courct,  chanoine 1678. 

Cérac  de  Binos  Pombaral,  chanoine 1687. 

Jean  de  Binos  Pombaral,  chanoine 1694. 

Cérac  de  Binos  Pombaral  Cauliapi',  chanoine 1712. 

J.  de  Binos  de  Sarp,  chanoine  préccnteur 1712. 

Joseph  de  Binos  de  Sarp,  chanoine 1712. 

Bcrlrand  de  Binos  de  Sarp  d*fzaouii>  chanoine 1749. 

Biaise  de  Binos  de  Berlrcn,  chanoine 1751. 

N.  de   Binos,  chanoine 1752. 

Marie-Dominique  de  Binos  de  Sarp,  chanoine,  Tauleur  des 

voyages  et  Tcrrc-Saintc 1756. 

fCummingcs  chrétien  :  Calalogue  des  dignllaires  depuis  l'an  900.) 

2.  Mémoires  de  Monhte,  t.  ut,  p.  425,  édition  de  la  Sociélé  de  rHisloire  do  France. 


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Si9 

Bigorre.  Adhémar  de  Saint- Pastor»,  chanoine  sacris- 
tain de  Comminges,  avait  posé,  en  1304,  la  première 
pierre  de  la  nouvelle  église  de  Saint- Bertrand,  au  nom 
du  pape  Clément  V,  sous  l'épiscopat  de  Boso  de  Sali- 
gnac,  trente-huitième  évêque  de  notre  antique  diocèse^ 

Après  de  bonnes  études  faites  au  Séminaire  de  Saint- 
Gaudens,  Marie-Dominique  de  Binos  devint  hebdo- 
madier  à  la  cathédrale  de  Saint-Bertrand  et  prit  pos- 
session d'un  siège  canonial  en  17D6^ 

D'après  les  traditions  que  nous  avons  recueillies 
avec  soin,  il  était  de  grande  taille,  bien  fait,  très  alerte, 
avec  un  visage  allongé  d'une  expression  sévère;  des 
manières  polies,  la  correction  du  maintien  et  du  lan- 
gage s'alliaient  heureusement  dans  sa  personne  à  la 
distinction  de  la  démarche,  à  la  régularité  des  traits, 
enfin  à  un  extérieur  plein  de  noblesse  et  de  dignité. 

Passionné  pour  Tétude,  Tabbé  de  Binos  consacrait 
au  travail  de  Teèprit  toutes  les  heures  qui  n'étaient 
point  réclamées  parles  obligations  du  ministère  et  par 
les  intérêts  de  l'Eglise.  Il  se  plaisait  de  préférence  à  la 
lecture  des  voyages  et  des  lointaines  aventures. 
L'Orient  et  la  Terre-Sainte  exerçaient  sur  son  imagi- 
nation un  irrésistible  attrait.  A  force  de  les  parcourir 
dans  les  livres,  il  conçue  le  dessein  de  les  visiter  à  son 
tour  ;  mais,  avec  autant  de  patience  que  de  discrétion, 
il  sut  attendre  le  jour  et  l'heure. 

Oomme  tous  les  fils  des  nobles  maisons  du  Commin- 
ges, l'abbé  n'était  point  riche.  Au  modeste  patrimoine 


1.  1^  pierre  liiraulaire  il*Adliêmar  de  Saiiil-Pastor  exislc  dans  la  chapelle  du  Sacre 
Curur  de  la  cathédrale  de  Saint-Bertrand.  Elle  porte  la  date  de  Tan  1327.  —  L*écu  des 
Sainl-Pastou,  d'azur  à  une  cloche  d'argent»  se  voit  encore  à  la  voûte. 

i^s  Binos  portent  d'or  à  2  vichcs  passantes  de  sinople,  au  cher  d'azur  chargé  d'une 
roue  de  sainte  Catherine  d'or. 
Certaines  branches  portent  d'or  à  la  roue  de  gueules  soutenant  un  chardon  de  sinople. 

2.  Le  sceau  d'Adhéinar  de  Saint-Pastor  porte  une  cloche  sur  une  (leur  de  lys,  avec 
riiiscription  :  Sig.  Adh.  de  S.  Pastor,  can.  sîicris.  ccclesiae  Convcnarum.  —  (Ex  iioslris.J 

'A.  Catalogite  des  Ecclé  iastiques  du  diocèse  de  Comminges,  commencé  en  1712  sous 
Slgr  de  Labiére  du  Bo«chet,  rédigé  jusqu'à  l'année  1762.  —  (Ex  nostris.J 


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S50 

qu'il  avait  reçu  de  ses  parents  s'ajoutaient  les  revenus 
fort  restreints  d'une  prébende,  qui  ne  lui  permettait 
guère  de  mener  la  vie  de  chanoine  telle  que  la  suppose 
en  général  une  légende  d'une  valeur  fort  contestable. 
La  vue  seule  de  Saint-Bertrand  dissipe  toute  idée  de 
raffinement  et  de  luxe.  Dans  cette  petite  ville  exclusive- 
ment ecclésiastique,  les  dignitaires  du  diocèse  et  les 
membres  du  chapitre  occupaient  la  plupart  des  maisons 
les  mieux  situées  et  les  plus  spacieuses;  mais,  comme 
on  peut  en  juger  encore  de  nos  jours^   toutes  ces 
demeures  étaient  d'une  extrême  simplicité.  Le  reste 
des  habitants  se  composait  en  majeure  partie  d'anciens 
serviteurs  des   chanoines,  des  familiers   de  l'église 
et  du  personnel  nécessité  par  les  exigences  du  culte. 
Cette   population,    agglomérée   autour   de  la   vieille 
église,  menait  une  vie  calme,  frugale,  sédentaire.  On 
eût   dit  presqu'un  grand  cloître,  tant  il  y  avait  de 
silence  et  d'absence  de  vie  extérieure.  Les  visiteurs 
s'étonnaient,  comme  aujourd'hui,  de  marcher  dans  des 
rues  désertes,  entre  des  maisons  closes,  de  n'enten- 
dre d'autre  bruit  que  le  son  des  cloches  ou  les  chants 
qui  retentissaient  sous  les  voûtes  de  la  cathédrale- 
Depuis  longtemps,    les  évoques  avaient  délaissé  la 
maison  épiscopale;    ils  n'y  faisaient  que  de  courtes 
apparitions  à  l'époque   des  fêtes  solennelles   et  des 
Jubilés.  Ils  résidaient,  depuis  le  xv®  siècle,  au  château 
d'Alan,  près  d'Aurignac.  Les  bâtiments  étaient  plus 
vastes  qu'à  Saint-Bertrand  ;  on  y  trouvait  des  jardins 
et  des  terrasses.    Le  pays  présentait  de  meilleures 
facilités  d'accès  et  de  plus  nombreuses  ressources- 
Mais  quelle  situation  différente  !  Tandis  que  du  haut 
de  Saint-Bertrand  la  vue  s'étend  sur  le  bassin  le  plus 
riant  et  le  plus  fertile,  encadré  dans  des  montagnes 
boisées  ou  couvertes  de  pâturages  que  dominent  des 
cimes  aux  arêtes  grandioses  et  pittoresques,  les  ter- 
rasses et  les  façades  du  château  d'Alan  n'offrent,  comme 


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254 

points  de  vue,  que  des  collines  parsemées  de  rares 
taillis,  ou  des  guérets  dont  la  couleur  senable  rappeler 
le  ton  roux  des  bœufs  de  Gascogne  *. 

Les  chanoines  appartenaient  en  général  à  Télite  des 
anciennes  familles  du  pays.  La  monotonie  de  leur 
existence  presque  claustrale  ne  cessait  guère  qu'aux 
jours  des  grandes  fêtes  et  des  Jubilés.  Il  était  pour  eux 
(le  bon  goût  et  d'antique  usage  de  recevoir  alors  les 
parents  et  les  amis,  de  les  loger  même  et  de  les  traiter 
avec  autant  d'abondance  que  de  recherche^.  Les  épar- 
gnes patiemment  amassées  s'enfuyaient  au  plus  vite  ; 
mais  ces  courtois  procédés  étaient  payés  de  retour. 
Messieurs  du  chapitre  ne  manquaient  pas  d'invitations. 
Ces  échanges  de  politesses  maintenaient,  entre  les  bon- 
nes maisons  de  la  contrée  et  le  haut  clergé  du  diocèse, 
ces  franches  et  cordiales  relations  auxquelles  nos  aïeux 
savaient  attacher  tant  de  prix,  et  dont  l'habitude  sem- 
ble se  perdre  aujourd'hui,  comme  bien  des  coutumes 
de  notre  vieille  France  ! 

De  môme  que  ses  confrères,  en  raison  de  sa  nais- 
sance et  de  ses  relations,  l'abbé  de  Binos  recevait 
noble  compagnie,  avec  les  prodigalités  d'usage.  Ces 
magnificences,  heureusement  de  courte  durée,  allé- 
geaient singulièrement  sa  bourse,  mais  elle  n'en 
demeurait  pas  moins  ouverte  à  toutes  les  œuvres  de 
charité,  ce  qui  ne  laissait  guère  d'économies  pour 
entreprendre  des  expéditions  de  longue  haleine  et 
pour  voguer  vers  les  pays  d'outre-mer  ! 

On  ne  peut  courir  le  monde  que-l'argent  à  la  main. 
Si,  de  nos  jours,  les  voyages  coûtent  cher,  du  moins  on 

1.  Mgr  Gilberl  de  Cboiseul  rebâtit  presqu'enliérement  le  château  d'Alan,  et  le  dota 
irciobellissements  qai  rendirent  cette  résidence  célèbre.  Il  y  reçut,  en  t660,  Tabbé  de 
Kancé.  qui  cherchait  des  solitudes  au  milieu  des  montagnes  pour  y  fonder  un  monastère. 

2.  Le  22  afril  1760,  M.  de  L.«  archidiacre  de  Saint-Bertrand,  écrivait  à  son  père  :  ■  J*ay 

>  en  ce  luoraent  chez  moy  la  plus  brillante  noblesse  ;  je  tâche,  comme  vous  n'en  doutez 

>  pas,  de  lay  donner  le  meilleur  de  ce  dont  je  puis  disposer,  à  commencer  par  mon 

>  temps.  Pour  le  reste,  croyez  que  je  n'épargne  rien  pour  fayre  honneur  à  mes  hôtes.  ■ 
{Ex  no$tris  reg.  famiL) 


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les  fait  vite.  Mais,  il  y  a  un  siècle,  que  de  difficultés, 
de  lenteurs,  et  de  dépenses  !  sans  compter  les  périls  ! 

Pour  se  rendre  en  Terre-Sainte  sur  un  navire  à 
voiles,  il  fallait  s'armer  de  patience  et  surtout  de  cou- 
rage. Quand  une  navigation  durait  trois  mois,  pou- 
vait-on prévoir  la  date  de  Tarrivée?  Et  puis,  les  pirates 
barbaresques  infestaient  lu  Méditerranée:  trouverait-on 
toujours  à  point  une  galère  de  Malte  ou  un  vaisseau  du 
Roi  pour  échapper  aux  forbans?  Sur  cette  terre  d'Orient, 
où  les  infidèles  régnaient  en  maîtres,  que  de  misères  à 
supporter,  que  de  vexations  à  subii%  que  de  maux,  de 
captivités,  de  souffrances,  d'avanies  en  perspective! 
Quel  isolement  et  quel  abandon  en  cas  de  maladie? 
L'abbé  de  Binos  pensait  froidement  à  toutes  ces  chan- 
ces redoutables  ;  loin  de  l'abattre,  elles  augmentaient 
son  désir  de  les  vérifier  sur  place.  Il  se  mit  à  thésau- 
riser, sans  dire  son  secret  à  personne.  Cette  veillée 
des  armes  dura  plus  de  dix  ans. 

En  homme  prudent,  il  avait  lu  tous  les  ouvrages 
sur  les  Saints-Lieux,  et  pris  les  plus  minutieux  ren- 
seignements. Il  ne  voulait  s'embarquer  à  son  tour 
qu*à  bon  escient,  muni  de  pied  en  cap,  aussi  bien 
d'argent  que  de  science.  Il  s'aguerrissait  par  une  mé- 
ditation constante  contre  les  revers,  la  mauvaise  for- 
tune et  les  dangers  sans  nombre  des  longues  pérégri- 
nations ;  il  mettait  au  service  de  l'idée  fixe  qui  l'obsé- 
dait toutes  les  ressources  d'une  sage  et  ferme  philo- 
sophie. 

a  C'est  injustice,  dit  Montaigne,  d'excuser  la  jeu- 
»  nesse  de  suyvre  ses  plaisirs  et  dcffendre  à  la  vieil- 
»  lesse  d'en  chercher.  Sy  prohibent  les  loix  platoni- 
»  ques,  de  pérégriner  avant  quarante  ou  cinquante 
»  ans  pour  rendre  la  pérégrination  phis  utile  et  ins- 
y>  tructive.  Je  consentirois  plus  volontiers  à  cet  autre 
»  article  des  mêmes  loix  qui  Tinterdict  après  les  soi- 
»  xante.   » 


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253 

En  1776,  Tabbé  de  Binos  avait  45  ans,  Tâge  mûr 
par  excellence,  et,  suivant  l'idée  de  Montaigne,  celui 
que  l'on  doit  attendre  et  choisir  pour  mener  avec  fruit 
la  vie  errante  sur  terre  et  sur  mer. 

Ce  fut  un  événement  d'importance,  pour  le  paisible 
chapitre  de  Saint-Bertrand  dont  les  chanoines  et  pré- 
bendiers  ne  voyageaient  guère^  quand,  le  25  octobre 
1776,  Tabbé  de  Binos  réunit  ses  confrères,  et  leur 
annonça  qu'il  partait  le  lendemain  pour  la  Terre- 
Sainte.  Il  comptait,  disait-il,  visiter  Tltalie  l'Egypte,  la 
Syrie,  le  Mont  Liban,  la  Palestine^  l'Asie  Mineure,  la 
Turquie,  et  bien  d'autres  pays  encore  !  Quand  revien- 
drait-il en  Comminges?  Il  ne  pouvait  fixer  aucune 
date.  L'état  de  ses  finances  devait  accélérer  ou  retar- 
der son  retour.  Il  ferait  du  chemin  jusqu'à  son  dernier 
écu.  L'abbé  fut  grandement  félicité  par  ses  amis.  On 
ne  se  rappelait  point  qu'un  membre  du  clergé  de  Com- 
minges eût  jamais  accompli  le  pèlerinage  de  Jérusa- 
lem depuis  les  Croisades. 

L'abbé  de  Binos  quitta  Saint-Bertrand  le  26  octo- 
bre 1776,  accompagné  d'un  fidèle  serviteur,  et  se  diri- 
gea vers  Marseille.  Le  3  novembre,  il  s'embarqua  pour 
l'Italie;  mais  il  essuya  sur  les  côtes  de  Provence  une 
.si  violente  tempête,  que  le  navire  dut  rentrer  à  grand 
peine  dans  le  port  de  Marseille.  Cette  épreuve  de  début 
très  courageusement  acceptée,  et  les  vents  apaisés,  le 
vovageur  fit  choix  d'un  vaisseau  vénitien  à  destination 
d'Ancône.  Après  avoir  côtoyé  la  Sardaigne,  on  rencon- 
tre, entre  Malte  et  la  Sicile,  un  bâtiment  fort  incivil 
qui  n'est  autre  qu'un  brigantin  barbaresque.  Le  véni- 
tien fait  bravement  ses  préparatifs  de  combat,  mais  la 
nuit  et  les  courants  séparent  les  d(îux  adversaires. 
L'abbé,  remis  des  émotions  du  branle -bas,  longe 
la  Calabre,  relâche  à  Céphalonie  qu'il  décrit  en  détail, 
visite  Raguse,  les  ports  de  la  Deilmatie,  et  mouille,  le 
14  janvier,  dans  Ancône,  après  deux  mois  d'une  navi- 


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gation  aussi  longue  que  tourmentée.  Il  visite  Lorcttc, 
Spolète,  Assise,  Pérouse,  et  finit  par  arriver  à  Rome, 
en  vérifiant  le  proverbe  que  tout  chemin  y  mène.  La 
ville  des  papes  le  retient  et  le  captive  pendant  deux 
mois.  11  voit  ensuite  Florence,  Bologne,  Ferrare, 
Padoue,  et  se  repose  avec  ravissement  à  Venise.  11 
admire  la  cérémonie  des  noces  de  la  mer,  des  fêtes 
magnifiques  ;  il  suit  la  procession  du  Saint-Sacrement 
sur  la  place  Saint-Marc,  et,  le  12  juin,  il  part  pour 
Trieste.  Il  s'arrête  quinze  jours  à  Zante  ;  le  lo  juillet, 
il  entre  dans  Alexandrie.  Pendant  son  séjour,  il  est 
témoin  de  l'assassinat  du  consul  de  Franco.  Avec  le 
commandant  de  Durfort  et  Tétat-major  de  la  frégate 
française  YAtalante,  il  gagne  Rosette  le  23  juillet.  Le 
surlendemain,  il  arrive  au  Caire  où  ne  se  trouvaient 
alors  que  vingt  Français  !  Il  monte  aux  Pyramides, 
assiste  à  la  découverte  et  au  dépouillement  de  plusieurs 
momies,  prend  un  plaisir  extrême  à  tout  voir  et  tout 
connaître,  et  va  séjourner  quelque  temps  à  Damiette. 
Il  sauve  la  vie  à  deux  femmes  turques  échappées 
d'un  massacre  exécuté  dans  un  harem  par  les  ordres 
d'un  pacha  cruel  et  jaloux;  il  s'embarque  dans  une 
polacre  encombrée  de  deux  cent  cinquante  passagers, 
esclaves,  musiciens,  bateleurs,  qui  fuyaient  précipi- 
tamment l'Egypte  après  la  disgrâce  du  Bey  dont  ils 
étaient  les  serviteurs.  Le  9  septembre,  il  prend  terre  à 
Sidon,  visite  le  Mont  Liban,  le  Carmel,  Saint-Jean 
d'Acre,  Jaffa.  Par  prudence,  il  quitte  ses  habits  de 
Franc,  laisse  croître  sa  barbe  et  revêt  le  costume  de 
prêtre  arménien. 

Nous  le  trouvons  à  Jérusalem  le  2o  septembre,  près 
d'un  an  après  son  départ  de  France.  Il  y  passe  plus  de 
deux  mois  à  parcourir  tous  les  Saints-Lieux,  les  bords 
du  Jourdain,  le  désert  de  la  mer  Morte,  etc.  Il  habite 
l'île  de  Chypre  depuis  le  12  décembre  1777  jusqu'au 
15  janvier  1778.  Après  une  traversée  de  trois  mois 


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S55 

au  milieu  d'affreuses  tempêtes,  notre  abbé,  tou- 
jours vaillant  malgré  ces  épreuves,  descend  à  Livourne. 
Il  revoit  la  Toscane,  revient  à  Rome^  y  fait  un  long 
séjour,  accorde  six  semaines  à  Naples  et  à  ses  environs, 
se  met  en  mer  pour  Gênes,  visite  Milan  et  la  Haute- 
Italie,  puis  par  Venise  et  la  Styrie  prend  la  route  de 
Vienne.  Le  29  mars  i779,  il  dit  adieu  à  cette  capitale, 
traverse  la  Bavière,  rentre  en  France  par  Strasbourg, 
et  revient  à  Saint-Bertrand  le  10  juillet  1779.  Les 
caravanes  de  Tabbé  de  Binos  étaient  heureusement 
finies.  Elles  avaient  duré  près  de  trois  ans. 

On  devine  Taccueil  qu'il  reçut  de  sa  famille  et  de  ses 
confrères  ;  on  était  curieux  de  le  voir  et  de  l'entendre, 
et  tout  de  suite  il  fut  sollicité  de  publier  ses  impres- 
sions de  voyage.  Mais  l'abbé  ne  recherchait  ni  le  bruit 
ni  la  renommée.  Il  laissa  dire  et  reprit  modestement 
ses  fonctions  ecclésiastiques.  Seulement,  pendant  son 
odyssée  il  avait  pris^  jour  par  jour,  des  notes  qui  pou- 
vaient lui  permettre  de  donner  à  ses  amis,  au  moment 
le  plus  opportun,  la  satisfaction  qu'ils  avaient  raison 
de  désirer. 

Cette  heure  ne  vint  qu'après  huit  années  de  silence. 
En  1783  et  178S,  M.  de  Volney  avait  fait  un  voyage 
en  Syrie.  Cette  relation  fut  imprimée  cette  dernière 
année.  Ecrite  avec  élégance  et  distinction  par  un  jeune 
auteur  de  23  ans,  elle  révélait  des  faits  nouveaux, 
présentés  sous  la  forme  philosophique  alors  à  la  mode. 
Elle  avait  obtenu  le  suffrage  des  lettrés  et  des  gens 
du  monde.  Une  seconde  édition  parut  en  1787. 

Le  succès  de  ce  livre,  où  les  questions  de  l'ordre 
religieux  tenaient  une  place  très  restreinte  et  presque 
secondaire,  décida-t-il  l'abbé  de  Binos  à  donner  au  pu- 
blic ses  impressions  et  ses  souvenirs  sur  les  mêmes 
contrées  décrites  par  Volney?  on  serait  tenté  de  le 
croire,  puisque  le  Voyage  au  Mont  Liban  et  enPaleslme 


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256 

parut  en  deux  volumes,  chez  Boudet,  imprimeur  du 
Roi,  dans  le  courant  de  1787. 

Pou^^  recommander  son  œuvre,  et  pour  lui  donner 
son  véritable  caractère,  Tabbé  de  Binos  la  mit  sous  la 
protection  de  Madame  Elisabeth  de  France,  Tauguste 
et  sainte  sœur  de  Louis  XVI. 

a  II  m'est  bien  naturel,  dit-il,  dans  son  épître  dédi- 
»  catoire,  d'offrir  la  relation  d'un  voyage  que  le  zèle 
i>  de  la  Religion  m'a  fait  entreprendre  à  une  auguste 
»  Princesse  qui,  appréciant  les  choses  avec  un  discer- 
»  nement  délicat,  sait  les  envisager  du  côté  le  plus 
»  favorable.   » 

Conformément  aux  usages  assez  répandus  de  son 
temps,  l'abbé  de  Binos  s'est  serv4  pour  sa  relation  de 
la  forme  opistolaire.  Ce  sont  des  lettres  familières 
adressées  à  un  ami,  réel  ou  imaginaire,  M.  D.  S. 

Voici  la  première  page  du  livre  : 

«  Vous  me  demandez  l'histoire  de  mes  voyages,  et, 
»  pour  m'engager  à  la  donner,  vous  me  représentez 
)>  les  droits  de  notre  ancienne  amitié  et  le  plaisir  que 
»  cette  relation  vous  fera.  Ces  motifs  sont  bien  puis- 
»  sants;  mais  n'ignorant  pas  que  l'amitié  peut  s'aveu- 
»  gler  et  devenir  partiale,  je  crains  d'avoir  à  me  repro- 
»  cher  un  jour  de  m'être  rendu  trop  facile.  Combien 
»  de  fois  ne  vous  ai-je  pas  dit  que  mon  journal  ne 
))  valoit  pas  la  peine  d'être  lu.  Uniquement  occupé  du 
»  désir  de  satisfiiiré  ma  curiosité,  j'écrivois  le  soir  ce 
»  que  j'avois  vu  dans  la  journée,  bien  éloigné  de  pen- 
»  ser  que  l'on  dût  me  savoir  gré  d'un  travail  ou  d'un 
»  amusement  aussi  varié  que  les  objets  qui  s'offroient 
»  à  ma  vue.  Ma  plume  n'étoit  qu'un  faible  crayon  des- 
»  tiné  à  me  retracer  les  impressions  passagères  que 
»  recevoient  mes  regards  jettes  ça  et  là,  et  je  n'em- 
»  ployois  à  cette  occupation  que  de  courts  intervalles 
»  de  loisir  et  de  repos. 

»  Je  me  bornerai  dans  mes  lettres  à  vous  entrete- 


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Î57 

»  nir  des  lieux  que  j*ai  vus  et  des  particularités  qu*ils 
»  m'ont  offertes  ;  les  terres^  les  villes,  les  monumonts,  ' 
»  la  religion,  les  mœurs  et  les  usages  de  quelques 
»  peuples  seront  les  matériaux  de  cette  histoire,  dans 
»  laquelle  je  n'ai  suivi  d'autre  plan  que  celui  que  je 
»  vovois  tracé  dans  ma  marche  et  dans  la  succession 
»  des  objets.  J'y  mêlerai  le  récit  des  événements  par- 
»  ticuliers  ou  politiques  dont  j'ai  été  le  témoin,  per- 
»  suadé  qu'en  vous  amusant  quelques  moments  ils 
»  vous  feront  mieux  connaître  le  génie  des  peuples 
»  que  ne  feroient  de  vaines  conjectures,  dans  lesquel- 
»  les  on  en  laisse  échapper  souvent  les  nuances  les  plus 
»  précieuses.   » 

Tel  est  le  programme  de  l'abbé  de  Binos.  Il  y 
demeure  constamment  fidèle.  Comme  il  a  soin  de  le 
dire,  il  se  contente  de  rédiger  un  journal  quotidien. 
Avant  tout  il  recherche  l'exactitude  ;  il  veut  être  sim- 
ple et  sincère  ;  très  sobre  de  détails  sur  sa  personne,  il 
épargne  à  ses  lecteurs  les  réflexions  philosophiques, 
les  digressions  savantes,  les  tableaux  complaisamment 
arrangés.  A  défaut  d'imagination,  il  a  du  naturel  et 
de  la  précision.  Il  suit  son  chemin,  notant  au  passage 
tout  ce  qu'il  voit,  hommes  et  choses.  Dans  des  pays 
où  les  souvenirs  de  l'antiquité  païenne  abondent,  il  ne 
se  soucie  pas  d'en  faire  usage  comme  d'une  parure  pour 
son  livre.  Il  cite  peu  les  Ecritures.  Mais  alors,  pour 
éviter  la  prolixité,  il  tombe  dans  la  sécheresse.  Son 
style,  suffisamment  correct,  manque  de  souplesse,  de 
variété ,  de  relief.  Le  soleil  de  l'Orient  n'a  point 
échauffé  les  écrits  du  bon  abbé. 

la  Itinéraire  de  Paris  à  Jérusalem  est  aussi  le  journal 
d'un  voyageur  qui  dépeint  consciencieusement  les 
lieux  qu'il  a  traversés.  Mais  ce  voyageur  est  un  grand 
poète  !  Ce  livre  original  et  charmant  —  le  plus  naturel 
que  l'auteur  ait  écrit,  dit  M.  de  Villemain  —  évoque 
l'histoire  des  temps  passés  avec  la  puissance  descrip- 


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S58 

tive,  la  richesse  du  coloris  et  Téclat  du  style  qui  sont 
le  privilège  du  génie  ! 

Malgré  tout  ce  qui  lui  manque,  le  Voyage  de  Tabbé 
de  Binos  n'en  est  pas  moins  une  œuvre  sérieuse,  rem- 
plie d'indications  vraies,  d'observations  judicieuses  et 
de  faits  intéressants.  Il  mérite  de  figurer  honorable- 
ment au  nombre  des  ouvrages  les  plus  exacts  qui 
traitent  de  la  Palestine  et  des  Lieux-Saints. 

Pour  donner  encore  une  idée  du  style  et  de  la 
manière  de  Tabbé  de  Binos,  nous  transcrivons  les 
dernières  lignes  de  son  livre,  dans  lesquelles  il  a 
exprimé,  avec  une  nuance  de  sensibilité  qui  sort  de  sa 
réserve  habituelle,  les  impressions  qu'il  ressentit  lors 
de  son  retour  dans  son  pays  natal  : 

a  Je  quittai  Vienne  le  29  mars  1779,  et  ayant  tra- 
»  versé  la  Bavière,  j'entrai  en  France  par  Strasbourg, 
»  d'où  je  fus  à  Paris. 

»  M'étant  reposé  deux  mois  dans  cette  capitale,  je 
y>  me  rendis  en  Gascogne,  où  le  pays  de  Comminges 
»  que  j'habite  est  situé.  Les  doux  sentiments  que 
»  j'éprouvai  à  mon  entrée  dans  cette  contrée  étoient 
»  animés  parla  prompte  jouissance  que  j'aurois  de  la 
»  douce  société  de  ses  habitants.  De  riants  coteaux  et 
y>  de  charmantes  plaines  dessinées  par  les  contours  de 
»  différentes  rivières  m'en  donnoient  l'espoir  le  plus 
»  certain.  Mais  les  grandes  montagnes  que  j'aperçus 
»  de  loin  varièrent  ces  impressions  comme  si  elles  vou- 
»  loient  me  rendre  encore  plus  empressé  de  rejoindre 
»  ma  patrie  en  m'indiquant  sa  position.  Les  unes  me 
»  montroient  des  rochers  taillés  à  pic  sur  lesquels  j'a- 
»  vois  souvent  considéré  le  lever  du  soleil  qui  ne  paraît 
»  sur  mer  ni  nulle  part  plus  beau  que  sur  ces  immen- 
»  ses  hauteurs  ;  les  autres  m'offroient  de  vastes  pla- 
ï)  teaux  tapissés  de  rouge.  En  juillet^  août  et  septem- 
))  bre,  celles  qui  sont  couronnées  de  pins  et  d'érables 
»  laissoient  entrevoir  le  terrain  gazonné  sur  lequel 


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aft9 

»  croissent  de  tendres  arbrisseaux  chargés  en  automne 
»  de  fruits  délicieux  ressemblant  à  ceux  du  gingem- 
»  bre  ;  tandis  que  les  plus  voisines  présentent  à  leur 
»  cime  des  parterres  où  j'avois  cueilli  en  juin  des 
»  renoncules  jaunes,  des  immortelles,  des  roses  et 
»  d'autres  fleurs  odoriférantes.  Enfin,  charmé  de  me 
ï>  montrer  à  ma  patrie  qui  croyoit  m'avoir  perdu, 
»  j'arrivai  à  mon  habitation,  où  après  avoir  reçu  de 
»  mes  parents  et  de  mes  confrères  leurs  expressions 
»  de  tendresse,  je  me  livrai  à  la  joie  de  les  avoir  revus 
y>  et  au  plaisir  d'avoir  terminé  heureusement  ma 
))  course.  » 

Après  cette  page  finale  dans  laquelle  Tabbé  de 
Binos,  tout  entier  sous  l'émotion  du  retour  dans  ses 
foyers,  sacrifie  à  l'imagination  et  fait  quelques  pas 
dans  la  poésie  descriptive  aux  dépens  de  la  correction 
et  de  la  clarté  du  style,  ne  doit-on  pas  le  féliciter 
d'avoir  évité  dans  le  corps  de  son  ouvrage  les  tableaux 
du  môme  genre  et  les  rêveries  sentimentales  peu 
compatibles  avec  un  esprit  froid  et  méthodique  comme 
le  sien?  Chacun  doit  garder  ici-bas  sa  marque  et  sa 
mesure.  L'abbé  de  Binos  se  pique  d'être  simplement 
un  narrateur  consciencieux  et  véridique.  On  ne  peut 
lui  contester  ce  mérite,  et  pour  son  œuvre  ces  qualités 
ne  sont  pas  d'une  mince  valeur. 

Pendant  le  premier  séjour  de  l'abbé  à  Rome,  nous 
lisons  ce  qui  suit  dans  une  lettre  datée  du  mois  de 
mars  1777  (tome  1^%  page  138)  : 

«  L'accueil  favorable  que  j'ai  reçu  du  Saint-Père 
»  qui,  par  deux  fois,  m'a  demandé  une  messe  au 
»  Saint-Sépulcre,  et  l'imposition  de  ses  mains,  ne  peu- 
»  vent  qu'augmenter  le  désir  que  j'ai  d'entreprendre 
^  le  voyage  de  la  Palestine.  S.  S.  m'a  même  accordé 
))  une  bulle  de  prolongation  de  sept  jours  pour  le 
»  Jubilé  de  Saint-Bertrand  qui  ne  duroit  que  deux  fois 
»  vingt-quatre  heures.  » 


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S60 

L'abbé  de  Binos  avait  cru  devoir  informer  officiel- 
lement Tévêquc  de  Comminges  et  ses  confrères  du 
chapitre  de  la  grâce  qu'il  avait  obtenue.  Nous  possé- 
dons, dans  nos  archives  de  famille,  la  lettre  qu'il  avait 
adressée  de  Rome  aux  chanoines  de  Saint-Bertrand', 
et  nous  ne  jugeons  pas  sans  intérêt  de  la  reproduire. 

<c  De  Rome  le  10  mars  1777. 
»  Messieurs, 

»  Sachant  que  votre  zèle  pour  le  bien  de  la  Religion 
»  vous  faisoit  désirer  que  notre  Jubilé  fût  allongé,  ou 
»  qu'il  fût  permis  aux  pénitents  de  se  confesser  dans 
»  les  différents  lieux  du  diocèse,  j'ay  cru  devoir  em- 
»  ployer  les  premiers  moments  de  mon  arrivée  icy 
»  selon  vos  vues. 

y>  Le  pape  m'a  accordé  l'un,  et  n'a  pas  accueilli  le 
»  second  chef  de  la  demande,  parce  que  la  nature  du 
T>  Jubilé  auroit  été  altérée. 

»  Je  l'ay  écrit  à  M.  Le  Bègue 2,  afin  qu'il  eût  la 
»  bonté  de  prévenir  Mgrl'évêques. 

»  Je  luy  ay  envoyé  la  copie  de  la  bulle  obtenue.  Je 
»  m'empresse  également  de  vous  en  donner  connais- 
»  sance  afin  de  contenter  votre  esprit  de  charité  : 

Plus  P.  P. 

(suit  le  texte  de  la  bulle  en  latin*, 

y>  J'espère,  Messieurs,  que  vous  trouverez  cette 
y>  bulle  précise  sans  être  chargée  d'une  troupe  de 


1.  Celle  lellre  esl  ainsi  adressée  :  t  à  Monsieur  de  I^assus.  chanoioe  el  archidiacre  da 
chapitre  de  Sainl-Berlrand  de  Comeoge,  el  à  Messieurs  les  aulres  chanoines  du  même 
chapitre,  à  Monlrejeau  eu  Comenges.  >  —  CEx  nostrU,  Corr.  série  5.  o*  137.) 

2.  Pierre-Achille  Le  Bègue  de  Villiers,  archidiacre  de  Baroussc,  eu  i776. 

3.  Charles-Anloine-Gabriel  d'Osmond  de  Médavy,  évéque  de  Comminges,  en  i764. 

4.  Celle  bulle  devait  élre  publiée  aux  approches  de  l'année  jubilaire.  Celle  année  fut 
précisément  celle  qui  ramena  la  ruine  el  le  deuil  à  Saint- Bertrand  el  lui  enleva  ses  évé- 
ques,  son  chapitre  et  toutes  ses  richesses. 

L'évéque  consiilulionnel  de  Toulouse,  siège  auquel  fut  rénni  celui  de  Commioges. 
Hyacinthe  Sermel,  se  rendit  à  Saint-Bertrand.  Mais  le  Jubilé  n'eut  pas  lieu.  Ces  popula- 
tions lldêles,  dont  on  avait  dispersé  les  pasteurs,  gardaient  leur  Toi  el  atlemlaient  des  jours 
meilleurs.  —  (l)'Agos,  Vie  ci  Miraclet  de  saint  Berirand.J 


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â61 

»  détails  propres  à  gâter  le  papier.  Plus  vous  en  lirez 

T>  le  contenu,  plus  vous  verrez  son  étendue.  Elle  va 

y>  jusqu'à  confirmer  l'ancienne.    L'avantage   qui   en 

y>  résultera  sera  grand  pour  les  fidèles  en  ce  qu'ils 

^  pourront  faire  leurs  œuvres  avec  moins  de  précipi- 

»  tation.  Nous-mêmes  aurons  l'avantage  de  les  voir 

»  accomplir,    sans   être   importunés   par  la  grande 

»  cohue.  Les  particuliers  pourront  facilement  se  retirer 

»  le  soir  dans  les  lieux  voisins,  comme  Saint-Gaudens, 

»  Montrejeau,  etc.,  et  venir  le  matin  continuer  leurs 

»  exercices. 

»  Les  obstacles  que  j'ay  trouvés  dans 'ma  route  pour 

»  icy^  qu'il  seroit  trop  long  de  vous  raconter,  ont  été 

»  cause  que  je  n'ay  pu,  malgré  mes  désirs,  arriver  à 

y>  cette  ville  que  depuis  peu  de  temps.  Je  visite  les 

»  saints  lieux,  mais  ils  sont  en  si  grande  quantité  que 

»  je  prévois  en  avoir  pour  bien  du  temps  avant  d'avoir 

»  fini.  Je  prie  Dieu  dans  mes  sacrifices  journaliers 

r>  qu'il  daigne  vous  conserver,  et  m'accorde  la  satis- 

»  faction  de  vous  revoir  et  de  vous  renouveler,  en 

»  général  et  en  particulier,  les  sentiments  de  mon 

»  respect  et  de  l'attachement  sincère  avec  lequel  je 

»  seray  toujours.  Messieurs,  votre  très  humble  et  très 

»  obéissant  serviteur,  ' 

»  BiNos,  chanoine.  I  » 

La  publication  du  Voyage  en  Palestine  fît  de  l'abbé 
de  Binos  un  personnage  de  marque  dans  le  pays.  On 
tenait  à  honneur  de  le  connaître  ;  on  recherchait  ses 
entretiens.  L'évêque  de  Comminges  et  les  membres 
du  chapitre  redoublèrent  d'estime  et  de  prévenances 
à  son  égard.  Il  justifiait  d'ailleurs  ces  témoignages  par 
ses  vertus  aimables,  par  l'inaltérable  bonté  de  son 
cœur,  par  sa  modestie,  par  la  régularité  qu'il  apportait 

i.  Ex  noslrit,  Corr.  fam.,  nM7t. 
RffUB  »i  CoimiHOBt,  3*  trimestre  1894.  Tome  IX.  —  18. 


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à62 

dans  l'exercice  des  fonctions  ecclésiastiques   et  par 
une  charité  qui  ne  se  lassait  jamais. 

Les  chanoines  et  les  prêtres  de  la  cathédrale  de 
Comminges,  dispersés  par  la  Révolution,  se  réfugièrent 
pour  la  plupart  en  Espagne,  où  la  pieuse  compassion 
de  leurs  diocésains  leur  envoya  souvent  des  secours. 
L'abbé  de  Binos  ne  put  se  résoudre  à  quitter  la  vieille 
ville  épiscopale  et  les  tombes  de  ses  aïeux.  Il  avait 
bravé  tant  de  périls  et  vu  si  souvent  la  mort  en  face 
que  son  âme  était  inaccessible  à  la  crainte.  Il  ne  cessa 
d'habiter  sa  maison  canoniale  et  de  dire  la  messe  dans 
sa  chambre*. 

En  1793,  il  passait  un  jour  sur  le  pont  de  Labro- 
quère.  Quelques  hommes  violents  voulurent  l'arrê- 
ter :  —  a  Eh  !  quoi,  leur  dit-il  avec  une  noble  indigna- 
»  tion,  j'aurais  couru  mille  dangers  au  milieu  des  peu- 
)^  pies  barbares,  je  me  serais  échappé  des  mains  des 
»  Arabes  et  des  Turcs,  et  je  serais  arrêté  sans  motif 
»  par  des  concitoyens  dans  mon  propre  pays  !  Non, 
»  mes  amis,  vous  ne  commettrez  pas  une  telle  indi- 
»  gnité  !  »  Frappés  par  ces  paroles  véhémentes  et 
subjugués  par  le  grand  air  du  digne  prêtre  qui  les 
prononçait,  les  gens  qui  parlaient  d'arrestation  n'osè- 
rent exécuter  leurs  menaces.  Ils  se  turent  et  laissèrent 
l'abbé  de  Binos  se  retirer  en  paix. 

Dans  le  cours  de  cette  année  terrible,  des  commis- 
saires envoyés  de  Saint -Gaudens  vinrent  à  Saint- 
Bertrand  se  livrer  à  des  visites  domiciliaires,  pour 
découvrir  les  objets  du  culte  qu'on  soupçonnait  avoir 
été  cachés.  Ils  allèrent  frapper  à  la  maison  de  l'abbé 
de  Binos,  Celui-ci  n'eut  que  le  temps  de  jeter  par  une 
fenêtre^  dans  un  jardin  contigu  au  sien,  les  vases  sacrés 
et  les  ornements  dont  il  se  servait  pour  la  célébration  du 
saint  sacrifice.  Les  propriétaires  de  la  maison  voisine 

1.  U  maison  de  M.  Tabbé  de  Binos  élail  silaëe  sur  la  place  en  face  de  Tëglise.  Elle  est 
occupée  aujourd'hui  par  les  Filles  de  la  Croix. 


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263 

recueillirent  à  la  hâte  ce  précieux  dépôt  et  le  portèrent 
dans  un  grenier.  Ils  se  croyaient  à  l'abri  de  toute 
investigation,  lorsque,  tout  à  coup,  les  commissaires 
se  présentent.  L'un  d'eux  monte  au  premier  étage,  tan- 
dis que  les  autres  font  le  guet  au  rez-de-chaussée. 
Il  trouve  sur  le  palier  de  l'escalier  une  femme  saisie 
d'épouvante.  Elle  se  jette  aux  genoux  du  redoutable 
inquisiteur,  ce  Monsieur,  dit-elle  en  joignant  les  mains 
avec  désespoir,  si  vous  n'avez  pitié  d'une  pauvre 
famille  nous  sommes  perdus.  »  Comme  il  arrivait  sou- 
vent dans  ces  jours  de  douloureuse  mémoire,  le  com- 
missaire exécutait  peut-être  à  contre-cœur  sa  répu- 
gnante besogne.  Il  est  ému  par  ces  larmes  et  par  cette 
prière.  Il  ne  répond  rien,  parcourt  rapidement  et  pour 
la  forme  une  ou  deux  chambres,  puis  rassurant  d'un 
coup  d'œil  la  suppliante^  il  va  retrouver  ses  collègues 
et  leur  dit  :  «  Décidément,  il  n'y  a  rien  dans  cette 
maison,  rien  que  de  la  misère  !  Allons  ailleurs.  »  La 
famille  était  sauvée! 

Après  la  Terreur,  l'abbé  de  Binos  continua  de 
mener  à  Saint-Bertrand  sa  vie  austère  et  sacerdotale 
sans  être  inquiété.  Ce  noble  vieillard,  le  seul  prêtre 
de  cette  Église  désolée  mais  remplie  de  si  grands  sou- 
venirs, représentait  aux  yeux  de  la  population  restée 
croyante  tout  un  passé  de  foi  séculaire  et  de  traditions 
vénérables.  Naturellement  affable,  plein  de  charité 
pour  les  pauvres  gens,  il  assistait  les  malades,  leur 
donnait  à  la  fois  des  consolations  et  des  secours,  et, 
dans  ces  temps  où  la  Religion  était  encore  proscrite,  il 
faisait  discrètement  du  bien  aux  âmes  fidèles.  On 
conserve  encore  à  Saint-Bertrand  la  mémoire  de  ses 
vertus  et  de  la  respectueuse  affection  qu'elles  lui 
avaient  assurée.  Les  hommes  vraiment  populaires  ont 
cette  heureuse  fortune  que  les  particularités  les  plus 
simples  de  leur  vie  attirent  l'attention  et  constituent 
des  façons  de  légendes.  L'abbé  se  rendait  souvent 


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2H 

au  château  de  Sarp.  On  raconte  qu'au  retour  de  ces 
visites  au  manoir  paternel,  il  était  accompagné  d'un 
pivert  apprivoisé  qui  volait  autour  de  lui.  L'oiseau 
familier  ne  quittait  le  bon  chanoine  que  sur  le  seuil 
de  la  maison  de  Saint-Bertrand,  et  se  retirait  ensuite 
à  tire-d'aile. 

Lors  de  la  restauration  du  culte  en  France,  Tabbé 
de  Binos  eut  la  consolation  de  célébrer  pour  la  pre- 
mière fois  les  saints  mystères  dans  la  vieille  cathé- 
drale. Il  remplit  les  fonctions  de  curé  avec  un  zèle 
admirable.  Il  dota  son  église  des  objets  du  culte  les 
plus  indispensables  et  fit  exécuter  le  buste  de  saint 
Bertrand  que  Ton  voit  encore  aujourd'hui.  La  pieuse 
Madame  Réchy,  née  Archidet,  aimait  à  se  rappeler,  non 
sans  une  certaine  fierté,  qu'en  Tannée  1800,  elle  avait 
été  baptisée,  dans  Téglise  d'Izaourt,  par  l'abbé  de 
Binos,  avec  de  l'eau  qu'il  avait  rapportée  du  Jourdain  '. 

En  l'an  VII^  parut  une  réimpression  du  Voyage  en 
Palestine,  avec  les  mêmes  caractères  et  les  mêmes 
planches,  sous  ce  titre  :  Voyage  par  l'Italie  et  l'Egypte 
au  Mont  Liban,  etc.,  fait  en  1777  et  les  années  suivan- 
tes parle  C.  B.  (le citoyen  Binos),  chez  Briaud  et  Letel- 
lier,  libraires,  rue  du  Jardinet,  u?  3,  division  du  Théâ- 
tre Frc^nçais. 

Cette  édition  est  moins  estimée  que  la  première. 
Nous  connaissons  plusieurs  exemplaires  de  Tédition 
de  1787  en  fort  belle  condition  de  reliure.  Outre 
l'exemplaire  de  dédicace  aux  armes  de  Madame  Elisa- 
beth de  France,  nous  citons  avec  plaisir  celui  que  pos- 
sédait le  comte  de  Lignerolles,  notre  savant  collègue 
de  la  Société  des  Bibliophiles  français  ;  il  est  en  maro- 
quin rouge  aux  armes  du  Dauphin,  d'une  fraîcheur  et 
d'une  conservation  rares. 

L'abbé  de  Binos  termina  sa  sainte  vie,  "le  21  bru- 

\,  Souvenirs  recueillie  k  Saint-BerlrAnd,  et  noies  dues  ft  la  parfaite  obligeance  di  M.  la 
caré«doyen. 


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265 

maire  an  XII,  à  Saint-Bertrand,  à  Tâge  de  73  ans.  Il 
laissa  deux  sœurs,  qui  avaient  été  religieuses  et  qui 
décédèrent  en  1811,  dans  la  maison  de  feu  leur  frère, 
disent  les  actes  de  Tétat  civil,  toutes  les  deux  âgées 
de  87  ans. 

La  Biographie  Toulousaine  a  consacré  quelques 
lignes  à  1  auteur  du  Voyage  en  Palestine,  L'article 
n'est  pas  signé,  mais  nous  croyons  deviner  qu'il  a  été 
rédigé  par  M.  du  Mège.  Voici  comment  il  finit  : 

a  M.  de  Binos  a  exercé  pendant  quelque  temps  les 
»  fonctions  de  curé  à  Saint-Bertrand.  Je  Tai  ctmnu 
»  lorsqu'il  résidait  dans  cette  petite  ville  dont  je  décri- 
»  vais  les  antiquités,  et  où  il  est  mort  il  y  a  environ 
»  dix  ans.  Cet  ecclésiastique  vénérable  réunissait,  à 
D  beaucoup  d'instruction  et  à  une  piété  solide,  une 
»  bonté  touchante  qui  caractérisait  toutes  ses  .actions. 
»  J'ai  été  témoin  de  la  douleur  que  sa  perte  a  excitée, 
T>  et  j'ai  partagé  les  regrets  de  ses  amis  et  de  ses  con- 
»  citoyens^.   » 

L'al>bé  de  Binos  fut  inhumé  dans  le  cloître  de  Saint- 
Bertrand.  Aucune  inscription  ne  marque  le  lieu  de  sa 
sépulture.  Il  repose  sous  ces  arceaux  antiques,  con- 
fondu dans  la  mort  avec  cette  légion  de  saints  prêtres 
qui,  depuis  cinq  siècles,  se  sont  succédé  dans  cette 
demeure  de  l'éternelle  paix  ! 

B°»  DE  Lassus. 


1.  Registres  de  Télat  civil  de  la  commune  de  Saiut-Berlrand,  brumaire  an  XII,  juin  et 
décembre  ISM. 

2.  Biographie  Toulousaine,  t.  i,  p.  65,  Paris,  Michaud,  1823. 


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UN  ANCIEN  PLAN  DE  SAINT-GAUDENS 


C'est  vraiment  une  bonne  fortune  de  pouvoir  reconstituer  la 
configuration  de  Tancien  chef-lieu  du  pays  de  Nébouzan,  à  plu- 
sieurs époques,  du  xi«  au  xv«  siècles,  et  jusque  vers  le  milieu  du 

XVIII«. 

Nous  la  devons  à  la  copie,  qu'a  bien  voulu  faire  pour  nous 
M.  l'agent-voyer  Daignas,  d'un  plan  de  la  ville  de  Saint-Gaudens 
dont  l'original  est  déposé  aux  archives  d'Auch,  siège  de  Tlnten* 
dance  de  Gascogne  qui  y  fut  établi  en  1716. 

Ce  dessin,  dont  nous  voudrions  donner  la  description,  est  assez 
restreint,  «  à  l'échelle  d'une  ligne  pour  cinq  toises  »  ;  mais  il 
.rachète  son  peu  d'étendue  par  sa  netteté. 

D'après  un  calque  très-soigné  qu'il  a  fait  lui-mêmo  de  la  copie 
primitive,  M.  Raymond  Abadie  a  eu  l'heureuse  idée  de  le  repro- 
duire à  l'aide  d'un  procédé  graphique  très  habilement  utilisé  par 
lui.  Nous  lui  adressons  nos  meilleurs  remerciements. 

Grâces  à  ce  double  travail,  le  lecteur  aura  sous  les  yeux  la  ville 
et  ses  alentours,  avant  1789. 

I.  —  Enceintes 

Saint-Gaudens,  ville  fermée,  eut  deux  enceintes  successives 
depuis  le  xi«  siècle.  Elles  sont  représentées  avec  les  lignes  des  mu- 
railles et  des  fossés.  Mais,  en  définitive,  c'est  le  plan  de  la  ville 
vers  1770,  avec  l'indication  des  phases  diverses  qu'elle  a  traver- 
sées à  partir  du  xp  siècle. 

Le  périmètre  de  la  première  des  enceintes  représentées  a  pour 
points  de  repère  quatre  portes  fortifiées,  indiquées  dans  l'original 
par  des  massifs  colorés  en  rouge,  et  marquées  dans  la  reproduction 
qui  suit  cette  notice  par  des  lettres  et  dcschiilres.  Elles  sont  ainsi 
dénommées  : 

Porte  Sainte-Cal  lier  ine,  de  1  à  2;  enceinte  formée  de  murailles^  ait 
pied  desquelles  étaient  de  grands  fossés  ; 

Elle  était  à  l'entrée  de  l'ancienne  rue  du  même  nom,  aujourd'hui 
rue  Thiers.  Sur  l'un  de  ses  côtés  s'élevait  encore,  en  1830,  une  large 
tour  carrée  qui  servit  longtemps  de  prison.  La  tour  était  à  droite 


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On  y  accédait  par  la  gauche,  en  traversant  un  passage  couvert, 
au-dessus  de  la  rue,  à  la  hauteur  d'un  premier  étage.  Il  reliait  à  la 
tour  d*autres  bâtiments  sans  autre  caractère  que  leur  vétusté.  Cet 
ensemble  donnait  à  cet  endroit  un  aspect  presque  lugubre. 

Porte  det  Barry  det  Miey,  de  (à  à  5  et  6;  elle  était  à  l'intersection 
de  lancienne  rue  d'Orléans,  aujourd'hui  de  la  République,  et  de 
la  rue  Mathe  qui  aboutit  à  la  place  de  TÉglise. 

Porte  det  Miey  Barry ^  de  i  à2,  de  3  k  k^  murailles  et  fossés,  vers 
le  milieu  de  la  rue  du  Barry  —  de  son  nom  actuel,  Victor  Hugo. 
Elle  était  à  la  hauteur  de  la  maison  Daray,  longée  par  la  rue  des 
Fossés. 

Porte  de  Goumets,  au  fond  de  la  rue  de  ce  nom,  descendant  de 
la  rue  du  Barry  au  boulevard. 

Un  document  d'un  autre  genre  et  d'une  incontestable  authenti- 
cité, vient  confirmer  l'exactitude  de  ces  dénominations.  Il  s'agit 
du  «  Dénombrement  produit  par  les  Syndic  et  Consuls  de  Saint- 
Gaudens,  en  1542,  au  commissaire-réformateur  du  domaine  de  Na- 
varre dans  le  Nébouzan  :  »  —  «  La  grand  horn*  de  la  preson  ;  l'autre 
horn  qués  sus  la  porte  deu  Miey  Barry  ;  l'autre  qués  sus  la  porte 
de  Goumets;  l'autre  qués  sus  la  porte  deu  Barry  deu  Miey;  de  las- 
qualles  quattres  horns  los  consuls  ne  tenent  las  claûs,  scaver 
chascun  de  la  tour  qués  en  son  quartié.  » 

A  l'aide  des  chiffres,  on  peut  suivre  sur  le  plan  la  ligne  des 
remparts  de  la  première  enceinte. 

Mais  la  ville  s'agrandissait.  Au  xit*"  siècle,  elle  était  devenue  la 
capitale  du  Nébouzan.  Il  fallut  porter  plus  au  nord  et  au  couchant 
murailles  et  fossés,  car  l'espace  manquait  au  midi,  la  ville  étant 
au  bord  du  plateau  d'où  une  pente  abrupte  courait  brusquement 
vers  la  plaine. 

,  A  l'ouest,  le  quartier  du  Barry  déborda  les  anciens  remparts. 
Ceux-ci  furent  transportés  à  l'extrémité  de  la  rue  de  ce  nom.  Là 
s'éleva  la  porte  du  Barry  Vigourdan  ou  Bigordan.  . 

La  ligne  des  fossés  s'étendit  alors  à  gauche  et  vers  le  nord,  en 
longeant  ce  qui  est  aujourd'hui  la  maison  Mariande,  les  jardins 
Morel  et  Montalègre.  Elle  s'infléchissait,  englobant  le  large  espace 
occupé  par  le  couvent  des  Dominicains;  suivait  tout  le  boulevard 
du  Nord;  tournait  à  l'est  sur  l'emplacement  où  ont  été  bâtis  l'hôtel 
de  France,  la  maison  Sentenac-Gompans;  occupait  la  partie  infé- 
rieure du  jardin  Pégot-Puisségur,  le  jardin  Adolphe  Pelleport  ; 
défendait  l'ancien  palais-commun  (l'hôtel  de  ville)  et  enveloppait 
tout  le  midi  de  la  ville  pour  aller  rejoindre  le  côté  droit  de  la 
porte  Vigourdane. 

i.  Tour  Sainte-Cathorinc. 


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MB 

On  voit  encore  près  de  là,  dominant  les  maisons,  en  face  du  Jar- 
din public,  quelques  pans  de  mur  s'appuyant  sur  une  tour  en 
rotonde,  maçonnerie  fruste  faite  de  cailloux  roulés,  dépourvue  de 
toute  architecture.  C*est  un  reste  de  nos  anciens  remparts  qu'on 
regretterait  de  voir  disparaître  bien  qu'il  n'ait  rien  d'agréable  à 
l'œil.  Ce  serait  toujours  un  témoin  du  passé. 

Outre  celle  du  Barry  Vigourdan,  les  nouvelles  portes  de  ville 
furent  : 

Au  nord  :  la  porte  de  Laurent,  à  l'entrée  de  l'ancienne  rue 
Simonet,  que  continue  vers  la  place  Nationale  ou  de  l'Église,  la  rue 
Mathe. 

La  porte  du  Moulât,  au  nord  de  la  rue  dei  ce  nom,  avec  un 
pont  sur  les  fossés,  le  dernier  détruit.  Dos  survivants  Font  vu 
démolir  après  le  comblement  de  cette  partie  des  fossés. 

La  porte  do  la  Trinité,  en  avant  du  couvent  des  Trinitaircs  du 
côté  du  levant  et  dans  l'ancienne  rue  de  ce  nom,  présentement 
de  la  République. 

Une  cinquième  porte,  de  construction  plus  récente,  appelée  pour 
cela  porte  Neuve,  s'ouvrait  sur  les  remparts  du  midi,  près  du 
lieu  appelé  à  cette  époque  «  la  Tourasse.  »  Elle  fermait  une  des- 
cente très-déclive,  au  lieu  même  où  8*élève  aujourd'hui  la  belle 
maison  que  M'  Adéma  fit  construire  et  qui  appartient  à  la  famille 
de  M.  le  docteur  Payreau. 

Voilà  pour  «  les  deux  enclos  de  la  ville  >  suivant  une  expression 
usitée  parfois  dans  les  anciens  actes. 

Passons  aux  monuments  ou  aux  édifices  tels  que  les  indique 
rénumération  contenue  dans  la  légende  du  plan. 

n.  —  Édifices 

Les  voici  avec  leur  désignation  scrupuleusement  conservée  : 

L'Église  sous  le  vocable  des  Apôtre?,  d'où  le  nom  de  Mas  Saint-Pierre  ; 
Cloître  et  tiabitalion  de  sept  chanoines 

Le  «  Mas*  »,  tel  fut  le  nom  primitif  de  la  ville,  et  le  «  Mas  Saint- 
Pierre  »  après  rétablissement  du  Christianisme  dans  nos  contrées. 
Saint  Saturnin,  un  des  premiers  apôtres  des  Gaules,  venant  évan- 
géliser  le  pays  des  Gonvènes,  érigea  dans  ce  bourg  un  sanctuaire 
qu'il  dédia  au  Prince  des  Apôtres,  dont  il  est  démontré  aujourd'hui 
qu'il  avait  été  le  disciple. 

Cet  oratoire  fut  remplacé,  probablement  après  les  invasions  que 
notre  région  eut  à  subir^  par  un  édifice  plus  vaste  que  le  premier, 

1.  Du  mol  mansus  signifiant,  dans  la  basse  lalinilë,  demeure,  maison,  habilalioa.  Dans 
le  dictionaaire  féodal,  il  a  le  sens  de  territoire  possédé  en  totalité  par  le  même  seigneur. 


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dont  il  est  resté  quelque  chose  de  visible  encore  au  mur  même  de 
l'abside  centrale  de  l'église  actuelle.  On  aperçoit,  en  effet,  au-des- 
sous des  fenêtres  du  sanctuaire,  les  encadrements  en  pierre  d'an- 
ciennes ouvertures  cintrées,  murées  depuis  des  siècles,  et  qui  fai- 
saient partie  do  Tancienne  basilique,  très  en  contre-bas  du  sol 
actuel. 

Au  XI"  siècle  s'éleva  le  beau  vaisseau  roman  dont  notre  patrio- 
tisme local  est  justement  fier,  et  qui  esf^  depuis  longtemps  classé 
parmi  les  monuments  historiques;  ce  qui  explique,  hélas!  les 
désespérantes  lenteurs  d'une  restauration  trop  fréquemment  inter- 
rompue. 

S'il  faut  en  croire  le  regretté  M.  Morel,  la  construction  en  fut 
peut-être  commencée  à  la  fin  du  x»  siècle.  En  tout  cas,  elle  aurait 
été  inaugurée  vers  1040,  sous  Tépiscopat  d'Arnaud  I  ' ,  neuvième 
évéque  connu  de  Gomminges. 

Un  autre  évéque,  de  ses  libéralités  l'avait  bâtie  «  pour  la  plus 
grande  gloire  de  Dieu  »  :  Roger-Bernard  qui  siégeait  en  990,  suivant 
Oihenart,  et  appartenait  à  la  famille  des  comtes  de  Gomminges, 
d'après  le  Gartulaire  du  chapitre  de  Saint-Gaudens.  On  se  demande 
comment  un  vieil  auteur,  cité  par  le  paléographe  Larcher,  dom 
Denis  de  Sainte-Marthe,  a  pu  révoquer  en  doute  l'existence  même 
de  ce  prélat. 

Quant  au  Bréviaire  d'Auch,  il  se  trompe  lorsqu'il  attribue  la 
construction  du  nouveau  temple  à  un  autre  Bernard,  qui  fut  évé- 
que de  Gomminges  en  105G;  car  au  synode  tenu  alors  à  Toulouse 
par  ordre  du  pape  Victor  II,  l'église  de  Saint-Gaudens  ne  figure 
pas  parmi  celles  de  la  contrée  dont  la  reconstruction  est  ordonnée 
en  vue  de  satisfaire  aux  besoins  du  culte.  Gette  omission  milite  en 
faveur  de  l'opinion  qui  prévaut  depuis  longtemps,  et  nous  permet 
de  conclure  que  notre  église  était  déjà  bâtie  ou  très  avancée  à 
cette  dernière  époque.    . 

Voici  comment  s'exprime  à  cet  égard  le  chanoine  Abbadie,  dans 
son  Nouveau  Catalogue  chronologique  des  Évêques  de  Gommin- 
ges »  :  Le  sieur  Oihenart  place  l'évêque  Roger-Bernard  sous  Ray- 
mond, comte  de  Toulouse.  Il  aurait  succédé  à  Oriol  qui  vivait 
sous  le  même  comte.  Nous  pouvons  mettre  son  époque  vers  990. 
Les  droits  seigneuriaux  qu'il  donna  au  chapitre  font  voir  qu'il 
était  lui-même  de  la  maison  comtalc.  »  La  charte  de  concession 
est  intitulée  :  Privilegium  Sancli-Gaudentii  quod  Bernardus-Roge- 


1.  Mais  il  Taui  rejeter,  par  exemple,  celle  idée  qae  le  nom  d'Arnaldvs,  iiiscril  sur  un 
chapîieaa  historié  au-dessus  du  trirorium  de  droite,  est  cjlut  de  Tévéque.  On  n'inscrivait 
aîofi  que  les  noms  des  sculpteurs  ou  architectes.  Le  nom  du  prélat,  en  pareil  cas  serait 
une  singnlarilé  peu  admissible. 

Le  nom  d'Aroaad  était  d'ailleurs  trés-répaodu  au  moyen  âge  dans  le  Gomminges. 


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270 

rius  dédit  Domino  et  habitatoribus  ecclesiee  Sancti-Gaudentii,  » 

Pour  les  chanoines  au  nombre  de  sept,  il  avait  construit  un 
cloître,  relié  à  réglise  au  midi.  Etait-ce  celui-là  même  qui  fut 
détruit  à  la  Révolution  ?  I^es  archéologues  pensent,  d'après  cer- 
tains vestiges,  que  ce  qui  subsiste  marque  une  époque  moins 
ancienne  que  le  xi«  ou  xii"  siècle.  Quoi  qu'il  en  soit,  en  réédiiiant 
l'église,  Roger-Bernard  y  fit  des  constructions  accessoires  pour 
Tusage  des  chanoines  qui  la  desservaient,  «  canonicis  et  habitato- 
ribus ecclesiœ.  » 

Il  réunit  ceux-ci  dans  une  «  habitation  »  joignant  le  cloitrc  au 
midi.  «  Roger-Bernard  —  dit  encore  le  Catalogue  des  Évéques  — 
aysint  voulu  que  les  chanoines  et  leur  abbé,  tout  séculiers  qu'ils 
étaient,  vécussent  en  commun,  il  les  logea  dans  une  maison  tout 
près.  » 

Cette  maison  était  encore  debout  vers  l'année  1800,  époque  où 
elle  fut  englobée  dans  les  constructions  que  des  particuliers  éle- 
vèrent sur  la  place  dite  du  Septe  >.  Il  existait  encore  de  nos  jours, 
à  l'angle  occidental  de  droite  du  clocher  ou  de  sa  tour,  un  arceau 
surbaissé  en  vieille  maçonnerie  sans  caractère,  ayant  dans  une  de 
ses  larges  embrasures  l'encadrement  cintré  d'une  porte  murée. 
C'était  l'une  des  entrées  de  cette  enceinte  du  Septe  précédant 
le  cloître  de  ce  côté  et  qui  formait  aussi  une  dépendance  de 
l'église. 

Du  cloître  nous  n'avons  retrouvé  aucune  description  sûre.  Ce 
que  des  vieillards  ont  pu  dire  de  ce  qu'ils  en  avaient  vu  a  été 
reproduit  dans  une  jolie  page  d'un  opuscule  de  circonstance  public 
à  Saint-Gaudens,  en  1855  croyons-nous,  et  intitulé  Saint  Gaudens, 
martyr  *. 

Ce  cloître  n'existait  déjà  plus  lorsque  vint,  en  1807,  en  visiter  les 
ruines,  le  chevalier  Du  Mègc,  à  qui  Ton  dut  plus  tard  la  fondation 
à  Toulouse  de  notre  Société  archéologique  du  Midi  de  la  France. 
Cet  archéologue  s'arrêta  même  deux  fois  à  Saint- Gaudens,  à  peu 
d'années  d'intervalle.  Il  s'exprime  ainsi,  dans  un  de  ses  Mémoires 
pour  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  de  Toulouse  : 
«  Aucun  cloître  ne  m'a  paru  plus  tranquille,  plus  religieux,  j'oserai 
même  dire  plus  sépulcral.  Là,  point  de  vastes  échappées  de  vue 
sur  les  monts  lointains  ou  sur  des  vallées  pittoresques.  On  n'y 
remarquait  que  des  murs  élevés,  des  colonnes,  des  inscriptions 
funéraires,  des  mausolées  somptueux  et  de  modestes  épitaphes  ;  là 
encore,  se  trouvaient  des  images  consolatrices  et  des  allégories 
sur  une  autre  existence;  précieuse  poésie  du  culte  chrétien  qui 

1.  On  appelait  Scplc,  de  scpliim,  loul  espace  clos,  une  ciiceinle  parliculicre  dans  TtDlc- 
ricur  des  villes  et  priiicipalcnienl  aux  abords  des  cloîtres. 

2.  Imprimerie  Abadie,  éditeur. 


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grave  le  symbole  de  l'espérance  sur  le  marbre  même  du  tom- 
beau. » 

Il  fut  entièrement  démoli  en  1815  et  le  terrain  qu'il  recouvrait 
vendu  à  des  particuliers. 

M.  Du  Mège  avait,  en  effet,  visité  le  cloître  en  1807.  Voici  ce 
qu'il  en  écrivit  plus  tard  :  «  Formé  de  beaux  marbres  pyrénéens, 
bordé  de  tombeaux,  de  bas-reliefs  et  d'inscriptions,  il  inspirait  le 
respect  et  le  recueillement,  et  plus  de  vingt  années  n'ont  pu  effacer 
le  souvenir  des  émotions  profondes  que  j  ai  éprouvées  dans  son 
enceinte.  C'était  vers  les  derniers  jours  de  Tété  de  1807.  La  toiture 
n existait  plus;  quelques  colonnes  même  avaient, été  renversées; 
mais,  du  côté  de  l'église,  subsistait  un  mausolée  en  marbre  blanc 
et  décoré  d'une  statue  sépulcrale  :  elle  représentait  un  évèque.  On 
avait  enlevé  la  petite  plaque  chargée  d'une  inscription,  qui,  placée 
au-dessus  du  tombeau,  contenait  sans  doute  le  nom  et  la  date  du 
décès  de  celui  pour  lequel  le  monument  avait  été  élevé.  La  statue 
qui  servait  de  couvercle  avait  été  soulevée  et  déplacée. . .  Un  bas- 
relief  qui  représentait  une  branche  de  vigne  chargée  de  raisins, 
couvrait  la  face  principale  du  tombeau.  Non  loin  de  ce  monument 
on  voyait,  encastrée  dans  le  mur,  une  plaque  contenant  une  épita- 
phe  très-ancienne  et  en  tète  de  laquelle  est  le  monogramme  du 
Christ  composé  d'un  X,  d'un  P  et  d'un  S  et  cantonné  d'un  alpha  et 
d'un  oméga.  Cette  épitaphe  n'est  pas  celle  d'un  personnage  connu 
et  elle  ne  porte  d'autre  date  que  celle  des  calendes  de  juin.  » 

M.  Du  Mège  l'avait  lue  ainsi  : 

VI  K(alcndas)  ivnii 

CLAVDITVR   HOC  TVWVLO  BERNARDI   CORPVS  IN  ATRO 

IPSIVS  ET  ANIMA  DEERRAT   SVPERNA  PER  ASTRA 

PARCAT    PARCINDA    QVI    TARGET    CRIMINA    DIRA 

OMMPOTENS    PASTOR 

NE  RAPIAT   TORTOR 

Qu'cst-clle  devenue  et  quel  sort  lui  a-t-il  été  réservé  ? 

Pourquoi  faut-il  que  des  obstacles  bien  regrettables,  qu'il  serait 
si  facile  pourtant  de  lever,  s'opposent  à  ce  qu'une  partie  de  l'em- 
placement de  ce  cloitre ,  laisse  libre  à  l'aspect  méridional  de 
notre  antique  collégiale,  redevienne  une  de  ses  dépendances?  On 
y  élèverait  un  édicule  similaire  de  la  sacristie,  du  côté  opposé, 
et  ces  deux  appendices,  reliés  par  une  belle  grille  romane,  donne- 
raient régularité  et  symétrie  aux  abords  du  monument  qui  en 
serait  ainsi  plus  protégé  et  assaini.  Les  architectes  assurent  même 
que  l'édifice  deviendrait  par  là  plus  solide  à  cet  aspect. 

Il  y  a  quatre  ans,  l'Inspecteur-Gcnéral  des  Monuments  histori- 
ques, dont  l'opinion  était  conforme  à  celle  de  l'architecte  M.  Lafol- 
lye,   nous  déclarait  que,   même  comme  travail  confortatif,   la 


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nécessité  d'une  construction  symétrique  à  la  sacristie  s'impo- 
sait absolument. 

Ne  sait-on  pas  que  la  démolition  du  cloitre  attenant  à  Téglise, 
celle  d'un  contrefort  plus  tard  rétabli,  celle  encore  de  bâtiments 
que  des  particuliers  y  avaient  adossés,  et  des  remaniements  du  sol 
le  long  des  fondations,  avaient  compromis  la  solidité  de  rédifice, 
dont  la  «  poussée  »  s'exerce  de  ce  côté  ? 

Espérons  malgré  tout  que.  mieux  inspirés,  «  ceux  qui  ont  du  pou- 
voir là'dedans  »  —  ainsi  parlait  M.  de  Boissonnade,  au  sujet  de  la 
cathédrale  d'Alby  —  ne  s'opposeront  plus  au  vœu  du  comité  des 
Monuments  historiques,  des  hommes  de  Tart  et  de  la  population  ! 

Notre  Revue  présente  jusqu'ici  une  lacune.  On  n'y  trouve  pas 
encore  la  monographie  de  notre  basilique,  un  des  plus  remarqua- 
bles spécimens  de  la  plus  belle  période  de  Tart  roman.  Celle 
qu'écrivit,  il  y  a  quelques  années,  M.  Morel,  ne  tardera  pas  à  y 
paraître  avec  les  additions  de  nature  à  compléter  l'œuvre  d'après 
les  travaux  effectués  depuis  ou  en  cours  d'exécution. 

Quant  au  chapitre  collégial  de  Saint-Gaudcns,  il  comprenait  en 
dernier  lieu  huit  chanoines  au  lieu  de  sept,  sans  compter  un  chef 
d'œuvre'  (operarius  primus)  et  un  sacristain  ou  sacriste.  Ces  deux 
dignitaires  étaient  nommés  par  l'évéque;  les  chanoines,  par  révo- 
que et  le  chapitre,  à  tour  de  rôle. 

Communauté  religieuse  des  Trinilaires  au  xii*  siècle 

Ces  religieux  avaient  été  institués  pour  la  rédemption  des 
captifs.  Ils  s'appelaient  aussi  Mathurins,  du  nom  d'un  de  leurs 
fondateurs,  Jean  de  Matha,  en  1198. 

Aucun  document  ne  nous  permet  de  préciser  la  date  de  leur 
venue  à  Saint-Gaudens.  Mais  il  est  prouvé  qu'ils  étaient  établis  à 
Toulouse  en  1227,  et  à  Paris  en  1228. 

Leur  costume  était  l'habit  blanc  avec  une  croix  rouge  et  bleue 
sur  la  poitrine. 

Quant  à  leur  couvent,  vendu  pendant  la  période  révolutionnaire, 
il  devint  plus  tard  la  belle  habitation  du  général  Guillaume 
Pégot,  maréchal  de  camp. 

La  chapelle,  restée  inachevée  d'ailleurs,  sert  aujourd'hui  de 
remise  pour  la  correspondance  et  le  camionnage  du  chemin  de  fer. 

L'entrée  de  la  maison  conventuelle  était  près  do  la  porte  de  ville 
dite  de  la  Trinité,  dans  la  rue  de  ce  nom^  aujourd'hui  rue  do  la 
République,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

1.  Le  premier  des  fabriciens. 


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273 

Commuuauté  des  Frères  prêcheurs  ou  Jacobins;  Tondée  en  X'AKy 
formée  en  citadelle  en  1502 

Pour  celle-ci  on  ne  peut  douter  qu  elle  ne  fût  établie  à  Saint- 
Gaudens  au  xiii<  siècle.  Le  chapitre  provincial  approuva,  le  15  août 
1292,  la  fondation  du  couvent  dont  le  prieur  fut  F.  Bernard  del 
Camp,  de  Tlle-Jourdain,  lecteur  à  Saint-Emilion. 

Nos  Dominicains  s'installèrent  provisoirement  dans  Tenceinte 
du  Barry  Bigordan  ou  Vigourdan  [Castellum  Bigordanum).  Mais, 
deux  ans  après,  étant  évoque  Arnaud  IV  de  Mascaron,  dont  les 
armoiries  sont  plusieurs  fois  reproduites  dans  cet  édifice,  un 
vaste  couvent  leur  fut  construit  au  lieu  «  de  la  Planquette  »,  hors 
les  murs  de  la  ville  proprement  dite,  dont  Tenceinte  n'arrivait  pas 
encore  jusque  là. 

11  résulte  d'une  intéressante  relation  %  presque  contemporaine 
de  ces  événements,  que  Emmanuel  de  Savoie,  marquis  de  Yillars, 
<«  lieutenant-général  au  pays  et  duché  de  Guyenne  »  pondant  les 
troubles  de  la  Ligue,  fut  chargé  de  contenir  Saint-Gaudens  et  les 
alentours  qui  manifestaient  la  velléité  de  prendre  parti  pour  Henri 
de  Navarre,  le  futur  Henri  IV  qui,  comme  on  sait,  n*avait  pas 
encore  abjuré  le  protestantisme,  quoique  prétendant  au  trône 
vacant  par  la  mort  de  Henri  HI  (!•'  août  1589). 

l^es  habitants  de  Saint-Gaudens  furent  tenus  «  de  recevoir  un 
capitaine  avec  sa  garnison  dans  tel  lieu  qu'on  aviserait.  »  Or,  le 
couvent  des  Dominicains  de  cette  ville  «ayant  été  jugé  —  dit  le 
document  cité  —  le  lieu  le  plus  propre  pour  cette  citadelle,  le  sieur 
de  Luscan,  désigné  par  le  marquis  de  Villars,  y  fut  mis  avec  ses 
soldats  ,  et  pour  lors  on  fit  le  fossé  qui  est  encore  du  côté  du 
couchant  et  du  nord  du  couvent,  le  long  du  verger  et  du  réfectoire 
qui  se  joint  au  vieux  fossé  de  la  ville  au  coin  dudit  verger.  » 

Ce  fut  donc  alors  que  ce  grand  massif  de  bâtiments  représenté 
dans  le  plan,  et  dont  la  partie  constituant  la  vaste  chapelle  subsis- 
tait encore  au  commencement  du  siècle,  fut  disposé  pour  la 
défense. 

La  relation  dont  il  s'agit  donne  des  détails  assez  piquants  sur  la 
conduite  de  ce  fameux  capitaine  Gémit  de  Luscan,  laquelle  ne  fut 
pas  très  correcte  pendant  son  commandement.  Voici  comment 
s'exprime  l'auteur  : 

«  On  ne  sait  pas  combien  de  temps  le  sieur  Luscan  demeura  dans 
la  citadelle;  mais  la  commune  tradition  est  qu'il  y  fut  jusqu'à  ce 
qu'étant  devenu  insupportable  aux  habitants,  lesquels  il  molestoit 

f .  Histoire  véritable  de  U  citadelle  érigée  dans  le  couveot  des  Fréres-prècheurs  de 
Saint-Gaudena  el  de  la  ruioe  qui  s'eosaivil,  prise  dans  son  origine  et  coRdutto  brièvement 
jQsqu'à  la  lin  (1590.  159L  \m,  1608). 


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274 

plus  que  ne  faisoient  les  ennemis  sous  prétexte  d'entretenir  la 
sûreté  du  commerce,  ils  assiégèrent  la  citadelle  et,  après  avoir  fait 
brèche  à  la  première  muraille,  avec  lin  canon  pointé  sur  le  haut  de 
la  tour  de  M.  le  juge  •,  ils  obligèrent  le  gouverneur  à  capituler  et 
enfin  à  sortir  avec  sa  garnison  qu'ils  escortèrent  bien  loin  d'ici.  Et 
au  retour  de  cette  expédition,  d'un  commun  consentement  et  par 
commune  délibération  (à  ce  qu'on  dit),  ils  mirent  le  feu  au  couvent 
qui  avoit  jusqu'alors  servi  de  citadelle,  pour  empeschar»  autant 
qu'ils  le  pourroient,  qu'elle  ne  leur  fust  plus  jamais  'l'occasion  de 
scandale  ni  de  fascherie  *.  » 

Chez  nos  Frères-prêcheurs ,  on  enseignait  la  philosophie  et  la 
théologie  dans  des  cours  renommés.  Il  y  avait  des  boursiers. 
Chaque  année,  les  États  de  Nébouzan  accordaient,  dans  cet  objet, 
des  allocations.  Lors  de  la  dernière  session,  en  janvier  1789,  «  les 
lecteurs  de  théologie  et  de  philosophie  du  couvent  des  Dominicains 
de  Saint-Gaudens  reçoivent  400  livres  ;  et  240  sont  aussi  allouées  à 
quatre  clercs  qui  y  suivent  leurs  cours,  pour  les  aider  à  subsister.  » 

Sous  l'intendant  de  Sérilly,  un  local  du  couvent  avait  été  mis  à 
sa  disposition  «  pour  servir  de  magasin  à  la  milice.  » 

De  1840  à  1885,  les  Frères  de  la  Doctrine  chrétienne  dirigèrent 
avec  succès,  dans  cette  antique  demeure,  l'école  communale 
aujourd'hui  laïcisée. 

Communauté  des  Templiers,  auxquels  succédèrent  les  chevaliers 
de  Saint-Jean  de  Jérusalem 

Les  chevaliers  du  Temple  eurent  à  Saint-Gaudens  une  maison 
dès  le  xn«  siècle.  Un  premier  document',  conservé  aux  archives 
départementales,  commence  ainsi  :  Anna  ab  incarnatione  Domini 
millesimo. . .'. .  (le  reste  est  illisible.)  Cet  acte  contient  une  donation 
au  profit  de  la  maison  du  Temple  «  a  dès  e  a  la  maiso  de  Tem- 
ple   à  Sent-Gaudens  »  au  quartier  «  de  la  Garlga  »  qui  ora  al 

diu  comanai  de  MontSalnès  et  als  fraires  qui  i  son  ne  qui  i  seran 
usque  in  finem  seculi.  Âquest  do  fo  feit  devant  lo  portai  del  Mas 
de  Sent-Gaudens.  » 

D'autres  actes,  de  1197  et  1 199,  concernent  les  Frères  hospitaliers 
en  la  personne  de  leur  Commandeur  a  Commcndatori  hospitalis 
Sancti'Gaudentii.  » 

Montsaunés  avait  une  commanderie  importante.  On  sait  que 
cet  ordre  des  Templiers  avait  été   institué  au  commencement 

i.  Il  y  a  de  sérieuses  raisons  de  croire  que  ceUe  lour  dépendait  de  la  maison  appar- 
lenaot  —  au  Barry  (rue  Victor  Hugo)  —  à  la  famille  de  noire  collaborateur  M.  Maurice 
Picoi. 

2.  Seuls  les  travaux  de  défense  furent  détruits  mais  le  content  subsista. 

3.  Nous  en  devons  la  communication  à  notre  érudit  confrère  M»  Paul  de  Casteran  qui 
bien  Toulu  nom  en  offrir  une  copie  avac  d'aatras  documanU  pleins  d'intérêt. 


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275 

duiir  siècle  à  Jéi'usalem,  près  du  Temple,  pour  défendre  contre 
les  infidèles  les  pèlerins  allant  visiter  la  Terre-Sainte. 

A  la  fois  religieux  et  militaire ,  ne  relevant  que  du  Pape  ,  et 
sa  prospérité  matérielle  étant  devenue  très  grande,  il  fit  om- 
brage aux  princes.  Prenant  prétexte  de  certains  abus,  Philippe 
le  Bel  obtint,  le  13  octobre  1311,  sa  suppression  de  Clément  V, 
ancien  évêquo  de  Gomminges  sous  le  nom  do  Bertrand  de  Got, 
qui  condamna  leurs  doctrines  comme  hérétiques. 

Les  Templiers  furent  remplacés  par  les  Hospitaliers  de  St-Jean 
de  Jérusalem,  qui  formèrent  plus  tard  l'ordre  de  Malte.  Ils  s'éta- 
blirent à  Saint-Gaudens,  probablement  dans  le  même  couvent  que 
leurs  prédécesseurs.  La  rue  Saint -Jean  en  conserve  encore  le 
souvenir.  Il  y  a  quelques  années,  en  y  exécutant  des  travaux,  on  y 
trouva  des  vestiges  de  sépultures. 

Disons  en  passant,  qu'au  cours  des  douloureuBfis  péripéties  du 
procès  des  Templiers,  Tun  des  plus  sombres  épisodes  do  notre 
histoire,  deux  Gommingeois  se  signalèrent  parmi  les  défenseurs  de 
la  milice  du  Temple  :  Frère  Bertrand  de  Montpezat  de  Gomminges 
et  Arnaud-Guilhem  de  Gomminges  '. 

Hôpital  dos  Templiers 

Le  plan  le  marque  au  midi  de  la  ville,  hors  de  Fenceinte.  Gétait 
l'usage,  au  moyen  âge,  d'éloigner  autant  que  possible  les  hôpitaux 
des  agglomérations.  Dans  un  grand  nombre  de  villes  «  les  mala- 
dreries  »  n'étaient  pas  dan&  l'intérieur,  au  milieu  des  habitations. 
On  sait  aussi  que  les  Hospitaliers  de  Saint-Jean  secouraient  égale- 
ment les  passants,  les  voyageurs  ;  ils  étaient  mieux  placés  pour 
cela  à  Textérieur  où  ils  pouvaient  donner  asile  à  ceux  qui  n'au- 
raient pu  pénétrer  par  une  des  portes  de  la  ville. 

Dans  ce  bâtiment  fut  établi,  plus  tard,  l'hospice  de  la  paroisse, 
puis  ie  tribunal  jusqu'à  la  construction  du  palais  de  justice  ac- 
tuel. L'hôpital  avait  été  déjà  transporté  ailleurs,  dans  une  partie 
de  l'ancien  couvent  des  filles  de  Notre-Dame. 

Communauté  des  Jésuites  auxquels  fut  confiée  la  direction  du  Grand  Séminaire, 
et  Palais  épiscopal 

Mgr  de  Brezay  de  Denonville,  évèque  de  Gomminges  de  1693 
à  1710,  fit  construire  les  bâtiments  spacieux  du  collège  actuel  et  y 
établit  le  Grand  Séminaire  de  son  diocèse,  dont  il  confia  la  direction 
aux  Pères  Jésuites.  A  côté,  s  éleva  aussi  l'habitation,  aujourd'hui 
la  sous-préfecture,  où  il  résida  presque  toujours,  comme  le  firent 

L  DocaBMikU  ittéiliisde  rHittoire  de  Fraoc«. 


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876 

la  plupart  de  ses  successeurs,  jusqu'à  la  suppression  de  révéché. 
Nous  devons  à  Tobligeance  de  M.  Taumônier  Assieu  le  relevé 
d'une  inscription  tumulaire  que  nous  saviohs  exister  derrière 
l'autel  de  la  chapelle  et  en  partie  recouverte  par  celiri-ci.  Elle  est 
d'une  belle  latinité  et  caractérise  dignement  les  mérites  du  prélat 
comme  la  reconnaissance  du  clergé.  La  voici  telle  qu'elle  a  été 
reconstituée  intégralement  : 

D.      0.      M. 

D.   D.   JOANNES  FR4KCISCVS 

DE     BREZAY     DE     DENONVILLE 

CONVENARVM  EPISCOPVS 

CVJVS  NOMEN  ELOGIVM 

VITA  EXBICPLVM 

MORS  DESIDERIVH. 

HIC 

THESAVRVS  SVV3  FVIT 

UBI   COR   SVVM  ESSE  VOLVIT. 

LAPIS  ISTE 

^TERNVM 

INTER  EPISCOPVM  ET  SEMINARIVM 

INDE  AMORIS  INDE  OBSEQVII 

MONVtfENTVM 

Il  fut  inhumé  dans  la  cathédrale,  à  Saint-Bertrand;  mais  il 
avait  voulu  que  son  cœur  fût  déposé  dans  son  Séminaire,  auprès 
de  son  ancienne  résidence,  qui  avait  eu  ses  prédilections. 

Quant  au  «  Palais  épiscopal  ».  avant  sa  translation  dans  cette 
belle  situation,  en  face  du  superbe  panorama  de  nos  monts,  il  était 
très  modestement  dans  l'enceinte  du  Scpte,  voisin  du  cloître  et  de 
la  maison  canoniale.  Les  évéques  y  venaient  peu,  habitant  leur 
château  d'Alan  de  préférence  à  Saint-Bertrand,  lieu  à  peu  près 
désert  et  qu'un  document  du  temps  appelle  «  une  Thébaîde  de 
chanoines.  »  Désormais,  Saint-Gaudens  fut  leur  principale  rési- 
dence. Ce  fut  là  que  Mgr  Eustaclio  d'Osmont,  le  dernier  évèque 
de  Gomminges,  réunit  en  1787  «  les  États  de  l'assiette  du  Petit- 
Languedoc  »  qui  se  tenaient  habituellement  à  Valentine.  Il  en 
obtint  du  roi  l'autorisation,  a  à  cause  des  plus  grandes  facilités 
matérielles  qu'il  avait  là  pour  recevoir  ses  collègues  des  Étala.  » 

CommuDaulé  des  Dames  religieuses  de  Notre-Dame 

Elle  fut  établie  à  Saint-Gaudens  par  Mgr  Hugues  de  Labatut, 
qui  fut,  avec  Mgr  Donadieu  ^  son  prédécesseur  et  son  ami,  un  des 
plus  vénérables  prélats  de  Gomminges. 

1.  V.  la  Notice  de  cet  évèqae  par  M.  le  baroa  de  Lasaus,  i?e«.  de  Comm.,  t.  tu,  p.  iâO. 


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«77 

Ce  fut  à  la  maison  de  Bordeaux,  où  cet  ordre  avait  été  fondé  en 
1556  •,  qu'il  s'adressa,  ayant  député  à  cet  effet  Ribeyrac,  archidia- 
cre d'Aure,  vicaire  général,  et  chapelain  de  Notre-Dame  de  Garai- 
son.  L'accord  fut  conclu  le  26  mai  1642.  Les  religieuses  arrivèrent 
sous  la  conduite  de  Françoise  de  Ségur  de  Frans  ;  mais  leur  pre- 
mière installation  ne  fut  que  provisoire.  Le  couvent  et  sa  chapelle 
se  construisaient.  La  communauté  n'en  prit  possession  que  «  la 
veille  de  l'Assomption  de  Notre-Dame,  en  1645. 

Nous  donnerons  un  peu  plus  tard  Thistorique  attachant  de  cette 
translation  définitive  et  des  péripéties  qui  accompagnèrent  la 
venue  des  filles  de  Notre-Dame  à  Saint-Gaudens. 

Le  pieux  et  généreux  évêque  qui  les  avait  appelées  mourut 
avant  Tinauguration  du  couvent  qu'il  avait  fait  construire  à  ses 
frais  ;  son  cœur  fut  déposé  dans  la  collégiale  de  Saint-Gaudens, 
avec  cette  inscription  : 

iETBRN.«    MEMORI^    ILLVSTRISSIMI    ET    REVERENDISSIMI    DOMINI 
HVGONIS  DE  LABATVT,   CONVENARVM  EPISCOPI 

La  plaque  de  marbre  où  on  la  lit  encore  est  dans  une  chapelle 
latérale  et  sous  le  pupitre  du  lutrin.  Elle  doit  recevoir  bientôt  une 
place  plus  digne  de  la  mémoire  qu'elle  consacre. 

Les  religieuses  de  Notre-Dame  ne  quittèrent  leur  résidence 
qu'après  1789. 

Plus  tard,  dans  ce  même  couvent  s'établirent  les  Dames  de 
Nevers ,  vouées  elles  aussi  à  l'éducation.  Elles  furent  en  même 
temps  chargées  de  .desservir  l'hospice  communal  attenant  à  leur 
pensionnat. 


On  trouvera,  dans  les  quelques  pages  qui  précèdent,  des  jalons 
pour  l'histoire  de  notre  ville  de  Saint-Gaudens  et  de  ses  trans- 
formations dans  la  série  des  siècles  parcourus. 

Mais  ce  qui,  pour  elle,  est  resté  immuable,  c'est  son  admirable 
site,  «  véritable  belvédère,  dit  M.  Roschach  ^,  fait  à  plaisir,  d'où 
Ton  regarde  se  dérouler  à  ses  pieds  le  plus  riche,  le  plus  magnifi- 
que des  paysages.  » 

Un  géologue,  qui  a  aussi  visité  les  Pyrénées  en  touriste  et  en 
lettré,  Ghausenque,  écrivait  en  1834  *  :  «  Gette  ville  de  Saint-Gau- 

1.  Par  Jeanne  de  Leslonnac,  veuve  à  24  ans  da  marquis  de  Moniferrand,  qui  donna  à 
J«  communaalë  le  nom  de  Filles  de  Notre-Dame,  vouées  à  l'éducation  des  jeuties  filles. 

2.  FoûB  A  Cimminget, 

3.  Ut  Pyrénéet, 

RiTui  »i  Conmias»  S*  trimestre  1894*  Tomi  IX.  — 19. 


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278 

dens  est  dans  la  plus  heureuse  situation,  à  Textrémité  d'un  pla- 
teau d'où  elle  domine,  de  Montespan  à  Montrejeau.  la  plus  jolie 
plaine  qu'arrose  la  Garonne:  et,  du  côté  des  montagnes,  la  vue 
réunit  toutes  les  beautés. 

»  Les  premiers  mornes,  déjà  hauts,  cachent  en  partie  les  frais  val- 
lons d'Âspet  et  d'Encausse  où  sont,  ainsi  qu'à  Labarthe  de  Rivière, 
des  eaux  thermales  salines  depuis  longtemps  connues.  Plus  loin, 
la  grande  vallée  do  la  Garonne  se  fait  reconnaître  à  sa  large  échan- 
crure,  et,  par  dessus  les  gradins  étages,  les  hautes  montagnes  d'où 
découlent  ses  eaux  portent  dans  les  nues  leurs  pics,  leurs  neiges 
et  leurs  glaces.  Ce  bel  ensemble  a  du  rapport  avec  la  vue  de 
Pau  ;  mais  il  reçoit  plus  de  grandeur  de  1  élévation  relative  des 
monts  qui  sont  en  face.  » 

Dans  un  livre  charmant  sur  nos  Pyrénées,  M.  Paul  Perret  s'ex- 
tasie, à  son  tour,  sur  le  grandiose  panorama  dont  on  jouit  du  bou- 
levard méridional  à  Saint-Gaudens,  et  il  formule  ce  vœu  humo- 
ristique :  «  S'il  était  permis  de  conduire  des  rêves  cornus,  je  ferais 
celui  de  rétablir  la  vicomte  de  Nébouzan  et  de  m'en  constituer  le 
vicomte.  Saint-Gaudens  demeurerait  ma  capitale.  J'y  vivrais  sur  sa 
terrasse  appelée  aujourd'hui  le  Boulevard  du  Midi Des  beau- 
tés gracieuses  du  premier  plan,  les  yeux  se  portent,  attirés  par  la 
sublimité  du  tableau,  vers  les  grands  pics  et  leur  magnificence.'» 

Tout  récemment,  un  jeune  écrivain,  que  son  talent  rend  déjà 
digne  du  nom  qu'il  porte  *^  consacrait  au  cadre  magnifique  dont 

1.  M.  Paul  Perret  est  ilans  l'erreur  quand  il  écrit  que  du  haut  de  la  terrasse  de  Saîot- 
Gaudens  on  peut  contempler  les  sommets  de  la  Maladeila.  Ceux-ci  sont  cachés  par  le  massif 
du  Gar. 

Les  hantes  crêtes  que  Ton  aperçoit  à  droite  de  celte  montagne  et  où  brillent  des 
glaciers,  sont  celles  de  Cabrioules  ou  de  Cabriëoues,  suivant  Sacaze. 

Victor  Hugo  les  a  chantées,  ainsi  que  la  cascade  d'Enfer  dont  les  nappes  lorrentoenses 
•n  descendent  avec  le  saisissant  fracas  que  Ton  connait  : 

0  pics,  clochers  du  monde  où  sonne  ta  (empéic. 
Cadrans  où  Tavalanche  à  toute  heure  mugit, 
Devant  qui  l'homme  à  peine  ose  lever  la  tête. 
Tant  Dieu  Ini  parait  grand,  tant  il  se  sent  petit  I 
Rochers,  Apres  sommets,  vieux  autels  de  granit, 
Où  le  nuage  fume,  encens  de  celte  terre  ; 
Vieille  abside  où  se  chante  en  chœur  le  grand  mystère. 
Au  bord  d'un  autre  monde  où  le  nôtre  finit. 


Vieux  glaciers  qui,  l&-haut,  reluisez  au  soleil, 
Comme  sur  les  gradins  loil  le  flambeau  vermeil. 
Vous  formez  un  grand  temple  où  mon  esprit  s'abîme 
Et  sent  de  l'infini  l'extatique  sommeil. 

Ces  beaux  vers  avaient  été  écrits  par  le  poêle  lui-même  sur  un  registre  de  fandeone 
hôtellerie  dans  la  vallée  du  Lys.  On  ne  regrettera  pas  que  nous  «yont  trouvé  une  occasioD 
de  les  tirer  de  l'oubli. 

a.  M.  Françoii  Venillot. 


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Saint-Gaudens  est  entouré,  une  page  brillante  où  sont  élégam- 
ment traduites  les  impressions  que  font  naître  en  lui  ces  beaux 
horizons,  en  face  du  «  merveilleux  amphithéâtre  des  Pyrénées.  » 
Il  signale  tous  les  contrastes  que  présente  le  coup  d'œil,  depuis 
les  «  premiers  contreforts  chargés  dune  épaisse  toison  de  forêts 
et  les  vastes  prairies  étalant  leur  fraîcheur  sur  les  flancs  des  mon- 
tagnes plus  hautes  »,  jusqu^à  ces  «  crêtes  des  monts  où  Ton  dis- 
tingue l'éclatante  blancheur  des  neiges  glacées  qui  dorment  leur 

éternel  sommeil  sous  la  voûte  du  ciel A  de  certains  moments, 

on  dirait  les  contours  de  la  montagne  à  peine  esquissés  d'un  léger 
pinceau  sur  un  fond  de  ciel  bleu,  clair  et  tendre;  par  instants,  les 
sommets  se  perdent,  noyés  dans  la  brume,  et  paraissant  vêtus 
d'une  indéfinissable  couleur  grise,  pleine  de  douceur  au  regard.  » 

On  nous  pardonnera  d'avoir  fait  cette  part  au  pittoresque ,  à 
propos  «  d'un  vieux  plan  de  Saint-Gaudens.  » 

Alphonse  COUGET. 


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AU  PAYS  DE  COUSERANS 

COMPTE  RENDU  DE  L'EXCURSION 

FAITE  A  Saint-Girons  et  a  Saint-Lizier 

PAR  LA  Société  des  études  du  Comminges 

LE  21   JUILLET  1804 


Cinq  heures  !  !  Mon  réveil  vient  de  les  jeter  bruyamment  à  mes 
oreilles,  toutes  pleines  encore  de  sommeil,  et  déjà  je  suis  debout 
courant  aux  fenêtres.  Quel  temps  fait-il  ?  Dieu  merci,  le  ciel  est 
pour  nous  ;  limpide  et  bleu,  il  se  dore  des  reflets  du  soleil  levant; 
Tair  est  pur  ;  la  brise  fraîche  achève  de  délasser  mes  Aembres 
engourdis.  Vite  les  ablutions  et  en  route  !  La  journée  sera  superbe. 

Sur  le  quai  de  la  gare ,  se  tiennent  les  excursionnistes  ;  peu 
nombreux  (les  fidèles  seuls  sont  venus),  mais  nous  saurons  tour- 
ner le  proverbe  en  notre  faveur  :  moins  on  est  de  fous,  plus  on  rit 
et  plus  on  s'instruit. 

A  ce  moment  cependant  nous  avons  été  vivement  déçus  :  tous 
nous  espérions  que  notre  excursion  se  ferait  sous  la  haute  direc- 
tion de  notre  cher  président,  M.  le  baron  de  Lassus,  et  nous  avons 
le  regret  de  constater  son  absence.  Peut-être  le  trouverons-nous  à 
la  gare  de  Boussens  ou  à  Saint-Girons  ? 

Voici  le  train  :  messieurs  les  voyageurs  en  voiture  !  !  Et  gaie- 
ment on  se  case  ;  sifflet  aigu  du  chef  de  gare,  corne  glapissante  du 
chef  de  train,  sifflet  strident  de  la  machine,  nous  partons,  nous 
sommes  partis. 

Les  uns  causent  ;  d'autres  admirent  le  paysage,  toujours  nou- 
veau quoique  si  connu.  Là  bas,  les  Pyrénées  s'éveillent  et  leurs 
sommets  apparaissent  roses  sous  les  vapeurs  qui  couvrent  encore 
leur  fine  crête  dentelée.  Plus  près  de  nous,  à  travers  les  peu- 
pliers, miroite  le  ruban  argenté  de  la  Garonne,  au  milieu  des  ver- 
tes prairies,  au  pied  des  sombres  coteaux.  Tandis  que  court  la 
locomotive,  nous  saluons  au  passage  les  ruines  du  château  de 


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Montespan  qui  se  détachent  en  relief  sur  le  fond  clair  du  ciel  ; 
voici  maintenant  Montpezat,  étrange  à  Toeil  par  la  couleur  jaune  de 
ses  parties  restaurées  qui  tranche  crûment  sur  la  teinte  bistre  de 
Fensemble.  C'est  enfin  Roquefort,  fièrement  campé  au-dessus  du 
Salât,  véritable  réplique  à  Montpezat  sur  la  Garonne:  on  les  a 
craints  jadis,  ils  suffisaient  à  fermer  à  tout  ennemi  les  deux  val- 
lées ;  aujourd'hui  on  les  traite  avec  le  respect  mélangé  de  bonho- 
mie que  Ton  porte  à  ceux  qui  ont  beaucoup  vu,  mais  mal  retenu. 

Boussens  !  Les  voyageurs  pour  Saint-Girons  changent  de  voi- 
ture. Un  nouveau  compagnon  de  route  nous  attendait,  venu  de 
Tarbes  pour  se  joindre  à  la  Société  de  Gomminges  :  il  nous  por- 
tait, avec  sa  science  d'archéologue  et  d'érudit  le  charme  de  ses 
causeries  de  fin  lettré,  disert  à  la  fois  et  sympathique  ^ 

Et  c'est  pendant  le  cours  d'une  conversation  attrayante  de  verve 
que  s'est  effectuée  la  seconde  partie  du  trajet:  en  moins  d'une 
heure,  que  de  choses  dites  et  sur  combien  de  sujets.  A  peine  avions- 
nous  le  loisir  de  repaître  nbs  yeux  du  paysage  si  riant  qui  nous 
entourait.  Et  cependant,  l'un  des  nôtres,  admirateur  passionné  des 
Pyrénées  qu'il  connaît  mieux  que  personne,  nous  donnait,  par 
intervalles,  une  vraie  leçon  de  géographie  pratique,  rendue  plus 
piquante  encore  par  ses  souvenirs  personnels*. 

Mais  tout  prend  lin  :  nous  parlions  toujours,  lorsque  la  vue  de 
Saint-Lizier  nous  avertit  que  le  voyage  s'achevait.  Quelques  tours 
de  roue  et  nous  voilà  à  Saint-Girons. 

Beaucoup  d'amis  pour  nous  recevoir  ;  et  parmi  eux,  escortés  de 
notre  aimable  et  distingué  vice-président,  M.  Couget,  qui  nous 
avait  précédé,  deux  des  membres  de  la  Société  Ariégeoise,  venus 
pour  faire  à  la  Société  de  Gomminges  les  honneurs  du  Gouserans. 

Et  aussitôt  commence  la  visite  de  la  ville  :  ce  que  Saint-Girons 
a  de  mieux,  c'est  son  site,  il  est  splendide  ;  quant  aux  monuments, 
ils  méritent  à  peine  une  mention.  Dans  l'église  de  Saint-Girons, 
on  nous  montre  une  châsse  de  bois  qui  renferme  les  reliques  du 
saint.  Quelle  est  la  part  du  vrai  dans  la  légende  que  nous  conte 
le  sacristain  avec  une  foi  parfaite  ?  La  chose  est  difficile  à  préci- 
ser et  GerunliiLS  Adurensis^  tel  fut  son  nom,  paraît  appartenir  à 
cette  pléiade  d'apôtres  locaux  auxquels  une  pieuse  tradition  attri- 
bue la  fondation  des  diverses  églises  chrétiennes  des  Gaules. 

A  signaler,  dans  la  sacristie,  une  statue  de  la  Vierge,  en  bois 
dore,  d'assez  jolie  allure,  très  moderne  du  reste  ;  elle  semble 
dater  du  xviip  siècle. 

Saint-Yalier  eut  un  caractère  roman.  La  réfection  de  Téglise  a 


1.  M.  De  Cardaillac»  avocat,  à  Tarbes. 

2.  M.  Cabannes,  collaboralear  à  la  Revue  de  C(mming€s, 


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S8S 

laissé  subsister  seulement  le  porche  et  les  colonnes,  qui  sentent 
d'ailleurs  la  décadence.  Un  tombeau,  derrière  le  maître-autel, 
appartient  sans  doute  au  xii«  siècle,  le  plâtre  le  recouvre  en  partie. 
Plus  loin,  sur  un  boulevard,  nous  grimpons  par  une  échelle  dans 
un  grenier  à  fourrage,  qui  fut  Téglise  des  Jacobins.  On  y  distingue 
très  nettement  la  forme  de  la  nef  gothique,  sur  les  murs  quelques 
traces  de  fresques,  une  figure  du  Christ  se  devine  encore,  teintée 
de  jaune  et  de  brun,  dans  l'attitude  un  peu  hiératique  des  statues 
byzantines.  Et  de  voir  cette  image  solitaire  dans  un  grenier  à  foin, 
je  pense  que  Jésus  naquît  dans  une  étable. 

Plus  rien  à  voir  dans  Saint-Girons;  le  pays,  nous  le  parcourrons 
tout  à  rheure  ;  Tusine  d'électricité  est  trop  moderne  pour  des 
archéologues,  mais  ils  ne  boudent  pas  devant  un  bon  repas  et 
nous  regagnons  Thôtel  de  France,  Tappétit  aiguillonné  par  Tair  de 
la  montagne  et  par  un  voyage  matinal. 

Le  déjeuner  est  servi  !  M.  Gouget  reçoit  à  l'instant  deux  dépè- 
ches qu'il  s^empresse  de  nous  communiquer  :  Tune  de  M"*  la 
baronne  de  Lassus,  exprimant  les  regrets  de  notre  honorable 
Président  de  n'avoir  pu,  malgré  son  vif  désir,  prendre  part  à  notre 
excursion  ;  l'autre  de  notre  éminent  collègue,  M.  Gartailhac,  de 
Toulouse,  ainsi  conçue  :  «  Que  le  Giel,  aujourd'hui  et  toujouri, 
»  favorise  notre  compagnie  si  bien  dirigée;  croyez  à  tous  mes  re- 
»  grets.  J'aurais  donné  beaucoup  pour  être  avec  vous.  Recevez  et 
»  distribuez  mes  amitiés  et  mes  respects.  » 

Ces  gracieux  souvenirs  sont  accueillis  par  des  applaudissements 
unanimes  ^ 

Exquis  le  repas  :  nous  le  savions  d'avance  et,  comme  l'heure 
des  toasts  eut  maintenant  venue,  nous  les  écoutons  avec  béatitude, 
humant  le  café,  dégustant  le  cognac,  prêts  à  les  trouver  char- 
mants, devant  mên^  que  les  orateurs  aient  parlé car  nous 

les  connaissons.  Louer  le  tact  et  la  mesure  de  notre  cher  vice- 
président,  réiévation  de  ses  pensées  et  la  forme  parfaite  de  son 
discours,  c  est  redire  ce  que  tout  le  monde  sait.  Nous  devons  sur- 
tout remercier,  de  leur  langage  flatteur  pour  la  Société  de  Corn- 
minges,  MM.  Pasquier,  de  Bardies  et  de  Gardaîllac,  qui,  l'un  par 
sa  verve  originale,  l'autre  par  sa  bonne  grâce,  et  le  dernier  par 
son  humour,  nous  ont  également  tenus  sous  le  cliarme  de  leur 
parole.  Enûn  la  note  gaie  nous  a  été  donnée  —  avec  quel  esprit 
malin  !  —  par  M.  l'abbé  Gau-Durban,  un  récidiviste  d'ailleurs,  mais 
que  nous  n'aurions  garde  de  condamner  à  la  relégation!...  Le 
temps  passe,  on  s'oublie  à  rêver,  perdu  dans  la  contemplation  de 

!.  Nous  devons  ajouter  que  déjà  M.  le  docteur  Chopinet  et  M.  Albert  Sourrieu,  deai 
des  membres  les  plus  zélés  pour  nos  excursions,  avaient  écrit  précédemment  pour  expri- 
mer leur  vif  regret  de  ne  pouvoir  élre  des  nôtres. 


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S8S 

la  fumée  des  cigarettes  qui  s'élève  en  spirales  bleuâtres,  douce- 
ment bercé  par  le  murmure  du  Salât  si  proche,  un  peu  alangui 
par  une  chaleur  accablante.  Hélas  !  il  faut  s'arracher  au  farniente. 
Notre  chef  vigilant  nous  appelle  :  en  marche  vers  Saint-Lizier. 

Certes  la  route  est  belle  ;  à  nos  pieds  la  rivière  écumante  roule 
toute  verte  sur  son  lit  de  rochers  ;  sur  notre  gauche  les  Pyrénées 
se  dressent,  noires  au  premier  plan,  neigeuses  derrière,  de  toutes 
parts  imposantes  et  majestueuses  ;  devant  nous  les  coteaux  ondu- 
lent couverts  de  blés  jaunissants  et  s'affaissent  au  loin  vers  le 
nord.  Nature  superbe  sans  doute,  mais  un  soleil  radieux  et  impi- 
toyable veut  nous  empêcher  d'oublier  que  nous  sommes  au  pays 
des  Phœbus. 

De  fait,  sommes-nous  vraiment  au  pays  des  Phœbus,  ces 
orgueilleux  comtes  de  Foix  qui,  bien  avant  le  Roi  Soleil,  avaient 
choisi  cet  emblème?  La  chose  est  difficile  à  dire,  car  il  n'est  rien 
de  plus  confus  que  les  questions  de  suzeraineté  au  moyen  âge  et 
Thistoire  n'a  pas  encore,  à  notre  sens,  élucidé  entièrement  ce 
point.  Dans  son  travail  si  consciencieux  et  si  intéressant  sur  les 
Gonvenœ  et  les  Consoranni,  M.  Bladé  traite  seulement  les  origines 
et  la  période  romaine  et  son  étude  ne  saurait  nou4i  servir  en  cette 
circonstance.  Tout  ce  que  Ton  peut  dire  c'est  qu'au  temps  d'Au- 
guste, le  Couserans  forma  un  municipe,  que  plus  tard  sa  capitale 
Saint-Lizier  devint  le  siège  d'un  évêché,  qu'enfin  il  eut  des  vicom- 
tes célèbres. 

Mais  il  a  dû  surtout  son  illustration  à  son  importance  religieuse 
et  les  vestiges  qu'on  y  trouve  se  rattachent  tous  à  ces  souvenirs. 
On  y  remarque  toutefois  dés  restes  assez  nombreux  de  l'époque 
romaine  :  Tenceinte  a  laissé  des  traces  remarquables  et,  en  maints 
endroits,  des  constructions  médiévales  sont  superposées  à  des 
soubassements  romains.  Plusieurs  inscriptions  y  furent  relevées 
par  le  regretté  fondateur  de  la  Société  de  Gomminges.  Ce  ne  sont 
malheureusement  là  que  des  ruines  et  seul  le  moyen  âge  vit  en  sa 
cathédrale. 

Elle  porte,  en  effet,  l'empreinte  de  plusieurs  siècles  :  les  trois 
absides  sont  romanes  (l'une  des  absides  conserve  même  des 
vestiges  de  construction  plus  ancienne)  ;  la  nef  ogivale  à  transept 
date  du  xiv*  siècle  et  présente  cette  particularité  qu'elle  dévie 
dans  l'axe  du  chœur  ;  les  vitraux,  assez  rares  d'ailleurs,  sont  du 
xvi*  siècle.  Dans  son  ensemble,  l'église  est  moins  grandiose  assu- 
rément que  la  splendide  basilique  de  Saint-Bertrand  ;  elle  ofTre 
cependant  quelques  détails  curieux  qui  nous  ont  valu  un  intéres- 
sant débat  entre  MM.  Gau-Durban  et  de  Gardaillac.  Mais  n'oublions 
point  que  «  le  cordonnier  ne  doit  pas  s'élever  au-dessus  de  la 
chaussure  >. 


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884 

Le  cloître  est  vraiment  étrange  :  son  rez-de-chaussée  du  xiii* 
siècle  renferme  le  tombeau  d'Auger  U  de  Montfaucon,  évéque  de 
Saint-Lizier  en  1303,  célèbre  par  ses  libéralités.  Au  premier  étage, 
formé  d'une  galerie  du  xv*"  siècle,  on  remarque  des  vestiges  de 
fresques  d'une  analogie  frappante  avec  celles  qui  décorent  les 
chapelles  de  la  cathédrale  Sainte-Cécile  à  Albi.  Une  statue,  byzan- 
tine d'aspect,  par  sa  raideur  et  ses  tons  vifs  complète  cet  ensem- 
ble, auquel  il  manque,  pour  Tanimer,  la  vue  superbe  dont  jouit  le 
cloître  de  Saint-Bertrand. 

Cette  vue,  nous  Tavons  eue,  du  haut  de  l'ancien  palais  des  évè- 
ques,  maintenant  transformé  en  asile  d'aliénés.  Mais  plus  ou 
presque  plus  d'archéologie  à  faire  ici  ;  à  part  un  début  de  frise,  à 
part  une  salle  voûtée,  tout  a  été  modifié,  modernisé.  Ne  nous  en 
plaignons  pas  ;  si  la  science  a  pu  y  perdre,  les  excursionnistes  y 
ont  gagné.  Ils  ont  trouvé  auprès  du  Directeur  de  Tasile  et  de 
M*"*'  Belle  un  accueil  empreint  d'une  bonne  grâce  exquise  et  de  la 
plus  délicate  affabilité.  Nous  en  garderons  tous  le  meilleur  sou- 
venir. 

Et  c'est  sous  Theureuse  impression  de  cette  gracieuse  hospitalité 
d'un  instant,  que  nous  avons  descendu,  rapides,  la  pente  raide  qui 
mène  au  Salât.  Nous  le  traversons  sur  un  pont  du  moyeu  âge 
récemment  restauré,  pour  notre  malheur,  car  on  l'a  défiguré. 

Le  soleil,  notre  désagréable  compagnon,  disparait  maintenant  à 
rOuest  ;  terminant  sa  journée,  il  nous  invite  à  l'imiter.  Voici  le 
moment  du  retour;  encore  quelques  minutes  au  bord  du  Salât, 
auprès  des  papeteries  de  Lorp,  et  bientôt  le  train  nous  emporte  à 
travers  les  grasses  prairies,  au  milieu  de  la  vallée,  que  le  soleil 
couchant  incendie  de  ses  dernières  flammes,  jetant  aux  vitres  des 
wagons  des  teintes  d'or  rouge. 

En  cette  soirée  d'été,  à  cette  heure  où  le  calme  du  jour  mourant 
donne  à  l'âme  une  mélancolie  inconsciente  et  vague,  la  mémoire 
du  passé  renaît  plus  précise.  Nous  revivons  les  années  écoulées, 
nous  nous  reportons  en  arrière  :  il  y  a  dix  ans,  comme  on  reve- 
nait aussi  de  Saint-Lizier,  un  Commingeois  éminent,  perdu  aujour- 
d'hui pour  la  science  et  pour  ses  amis,  le  regretté  Julien  Sacaze, 
avec  l'enthousiasme  de  sa  nature  ardente,  jeta  les  premières 
assises  de  la  Société  de  Comminges.  Il  la  fit  naître ,  il  l'a  vue 
grandir,  rendons  hommage  à  son  initiative;  car  il  a  créé  une 
œuvre  durable  qui  ne  périclitera  pas  entre  les  mains  de  ses  dis- 
tingués successeurs  ;  nos  réunions  annuelles  si  suivies  et  si 
pleines  de  charme  en  sont  la  preuve  vivante. 

Au  revoir,  à  1895. 

-  J.  P. 


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LA  RÉVOLUTION 

A   SAINT-LIZIER   (Ariège) 


1789-1804 


(suite) 

Celui  qui  eut  Thonneur  de  faire  entendre  le  premier 
les  protestations  de  la  foi  et  de  la  dignité  religieuse  fut 
l'aumônier  de  Thospice,  Guichard.  Sommé  de  prêter  le 
serment  civique,  Guichard  répondit  :  Qu'il  ne  le  devait 
point,  attendu  qu'il  n'était  pas  fonctionnaire  public 
rétribué  par  l'État  et  que  les  fonctions  qu'il  remplis- 
sait étaient  essentiellement  gratuites.  Le  différend  est 
porté  devant  le  directoire  du  département,  et,  par  l'or- 
gane de  son  procureur,  la  municipalité  chargée  de 
l'exécution  de  la  loi  relative  au  serment  répond  que, 
quoiqu'il  n'ait  retiré  aucune  rétribution  de  la  place 
d'aumônier,,  il  n'en  est  pas  moins  fonctionnaire,  et 
qu'il  suffît  qu'il  ait  acquitté  les  messes  de  fondations 
attachées  à  l'hospice,  pour  avoir  droit  à  ce  titre;  qu'il 
est  d'ailleurs  de  notoriété  publique  qu'il  a  abusé  de 
sa  qualité  d'aumônier  pour  fanatiser  et  éloigner  de 
l'esprit  de  la  Constitution  les  personnes  attachées  à 
l'hôpital  et  toutes  celles  qui  y  avaient  quelques  rela- 
tions. A  son  avis  donc,  il  est  sous  le  coup  de  la  loi  du 
26  octobre  1790  et  subséquentes. 

Le  second  aumônier,  Amans  cadet,  ne  s' étant  point 
présenté  dans  le  délai,  doit  partager  le  sort  de  son 
confrère  Guichard. 

Rbtui  de  Coiimi!io£s,  4*  trimestre  1S94.  Tom  IX.  —  30. 


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286 

A  la  date  du  2o  septembre,  il  est  procédé  à  la  nomi- 
nation du  sieur  Filouse,  prêtre,  citoyen  de  Saint-Lizier, 
comme  aumônier  de  l'hôpital,  en  remplacement  des 
deux  dignes  titulaires  qui  venaient  d'en  être  expulsés 
«  pour  cause  d'incivisme  notoire  ».  Filouse  n'eut  point 
les  mômes  scrupules  que  ses  prédécesseurs,  a  II  jura 
d'être  fidèle  à  la  nation  et  de  maintenir  la  liberté  et 
l'égalité  ou  de  mourir  à  ron  poste.  »  Ce  serment  lui 
valut  «  avec  le  titre  d'aumônier,  tous  les  revenus,  char- 
ges et  conditions  y  attachés  »,  comme  s'exprime  le 
procès-verbal  d'installation  ;  c'était  tout  le  prix  d'une 
conscience. 

Ce  n'est  pas  sans  une  certaine  confusion  que  nous 
nous  voyons  réduit  à  transcrire  les  noms  par  trop 
nombreux  de  nos  vénérables  frères  dans  le  sacerdoce 
qui,  dans  une  des  heures  les  plus  solennelles  de  leur 
vie,  ont  renoncé  à  la  pratique  du  devoir  pour  écouter 
la  voix  de  la  crainte  ou  de  l'intérêt.  Nous  voyons  pas- 
ser successivement,  sous  les  yeux  de  la  municipalité 
préposée  à  la  réception  de  leur  serment  de  fidélité  à 
un  état  de  choses  que  la  conscience  réprouve,  de  jeu- 
nes prêtres  que  les  épreuves  de  l'exil  n'auraient  point 
dû  effrayer  et  des  vieillards  qui  auraient  dii  se  sou- 
venir de  l'estime  et  des  honneurs  publics  dont  ils 
avaient  été  entourés. 

Le  premier  qui  voulut  donner  un  gage  de  soumis- 
sion à  la  Révolution  fut  le  curé  de  Saint-Lizier, 
Berges.  A  sa  suite  défilèrent:  Amans  l'aîné,  qui  offre 
de  se  rendre  utile  aux  habitants  de  la  ville  en  qualité 
de  matutinaire;  Saurat,  ancien  promoteur  du  diocèse  ; 
de  Méritons  aîné,  vicaire  général  ;  Dauby,  ancien  béné- 
ficier; Sentenac  et  Bordes,  prêtres;  Dargein,  prében- 
dier;  Pilart,  diacre;  Legardeur,  Baleix,  Bélissens, 
Montégut,  chanoines;  Roquemaurel,  officiai.  Quel- 
ques-uns rétractèrent  dans  la  suite  le  serment,  mais 
d'autres  s'obstinèrent  dans  la  voie  de  l'erreur. 


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287 


La  Convention  nationale.  —  Abolition  de  la  royauté.  —  ttègle- 
ment  scolaire.  —  Nouveau  personnel  judiciaire.  —  Nouvelle 
municipalité  :  Villa,  maire.  —  Vente  de  quelques  biens  commu- 
naux. —  Don  du  prêtre  Amans.  —  Déclaration  de  guerre  à  là 
Hollande  et  à  l'Angleterre.  —  La  société  populaire  des  «  Amis 
de  la  République  »  ;  fonte  des  cloches  et  inventaire  des  objets  du 
culte. 

A  Paris,  TAssemblée  législative  disparaissait  au 
milieu  des  attentats  du  10  août  et  des  horribles  mas- 
sacres de  septembre,  faisant  place  à  la  Convention 
nationale. 

'  La  nouvelle  assemblée,  qui  devait  encore  précipiter 
le  mouvement  révolutionnaire  destructeur  de  toute 
doctrine  et  de  toute  autorité,  décréta,  dès  sa  première 
séance,  le  21  septembre,  Tabolition  de  la  royauté. 

Le  30  septembre,  le  décret  usurpateur  parvint  à  la 
municipalité  de  Saint-Lizier.  Le  bruit  des  sanglantes 
exécutions  de  Paris  s'était  répandu  en  province  et  y 
avait  porté  la  terreur.  C'était  le  règne  sinistre  des  Jaco- 
bins ;  et  où  étaient  les  âmes  assez  viriles  pour  résister 
à  ces  empiétements  ? 

Paris,  sur  Tordre  de  la  Commune,  s'était  mis  en 
fête  ;  Saint-Lizier  aussi  illumina.  Le  décret  relatif  à 
l'abolition  de  la  royauté  fut  solennellement  proclamé 
par  les  officiers  municipaux.  La  garde  nationale  fut 
mise  sous  les  armes,  et  on  tira  le  canon  sur  la  plate- 
forme de  la  ville.  Il  est  à  présumer  que  ce  programme 
officiel  fut  exécuté  sans  enthousiasme,  nous  le  souhai- 
tons du  moins  pour  les  administrateurs  et  les  habi- 
tants de  la  petite  cité.  On  peut  ne  pas  porter  le  deuil 
d'une  dynastie  qui  a  fait  la  France  ;  on  ne  doit  pas 
danser  sur  sa  tombe  ! 


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Maintenant,  le  vaisseau  est  sans  pilote  ;  on  Ta  jeté 
par  dessus  bord.  Depuis  longtemps,  il  est  vrai,  on 
Tavait  attaché  au  mât,  comme  un  marin  inhabile  qui 
ne  sait  plus  tenir  le  gouvernail  ;  et  le  vaisseau  s'en  va 
à  la  dérive,  ballotté  par  les  flots  et  buttant  sur  les 
écueils.  L'équipage,  intelligent  et  vigoureux^  manque 
de  notions  techniques  ;  il  se  jette  dans  les  courants 
les  plus  dangereux  et  marche  follement,  dans  la  nuit 
sombre,  sans  chercher  le  phare  qui  conduit  au  port. 
Bientôt  viendra  s'asseoir  au  gouvernail  un  corsaire  de 
génie  qui,  sous  la  protection  de  son  étoile,  retrouvera 
l'antique  voie.  Mais,  à  cette  heure,  c'est  la  mer  noire, 
fertile  en  tempêtes,  et  l'équipage  en  délire  accumule 
les  fautes  et  les  crimes. 

L'inauguration  de  la  nouvelle  ère  se  fait  sentir 
jusque  dans  nos  documents  municipaux.  Ils  ne  seront 
plus  datés  désormais  de  «  l'an  de  la  Liberté  »,  mais 
de  «  Van  de  V Égalité  et  de  la  République  une,  indivi- 
sible y>.  A  gouvernement  nouveau,  il  fallait  nouvelles 
administrations  et  nouvelles  formules. 

L'ouverture  des  écoles  et  des  tribunaux  amena  une 
modification  complète  dans  le  personnel  enseignant  et 
judiciaire. 

Le  21  octobre,  Saurat,  ecclésiastique  de  Saint-Girons, 
et  Jutgé,  de  Saint-Lizier,  obtinrent  l'unanimité  des 
suffrages  pour  la  première  et  la  seconde  régence  de 
l'école*.  Pour  prévenir  tout  conflit  semblable  à  celui 
qui  avait  amené  l'année  précédente  la  retraite  du 
régent  Lamary,  la  municipalité  imposa  aux  nouveaux 
maîtres  un  sage  règlement,  dont  nous  serions  heureux: 
de  voir  quelques-unes  des  dispositions  appliquées 
aujourd'hui  dans  nos  écoles.  L'année  classique  devait 
durer  de  la  Toussaint  à  la  fin  août.  Le  temps  des  classes 

1.  Le  27  janvier,  Jutgé  étant  allé  au  séminaire,  on  pourvut  à  la  régence  de  la  seconde 
classe  par  la  nomination  de  Ferrier,  habitant  de  Saint-Lizier. 


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M9 

devait  être  de  deux  heures  le  matin  et  de  deux  heures 
le  soir.  Vacances,  le  jeudi  et  le  dimanche.  Obligation 
de  conduire  les  écoliers  aux  offices  de  la  paroisse.  Si 
quelques  parents  s'opposent  à  Texécution  de  cette 
prescription,  les  régents  ne  forceront  point  leurs 
enfants  à  les  suivre  à  Téglise,  mais  avertiront  les 
parents  d'avoir  à  tenir  leurs  enfants  enfermés  pendant 
les  offices.  Si,  malgré  ces  avertissements,  les  parents 
laissent  vaguer  leurs  enfants  dans  les  rues  à  Theure 
,  de  la  prière  publique,  les  régents  en  référeront  à  la 
municipalité  qui  interdira  Tentrée  des  écoles  à  ces 
petits  vagabonds. 

Tous  les  enfants,  même  étrangers,  sans  limite  d'âge, 
auront  droit  de  fréquenter  les  écoles  de  la  ville,  sans 
qu'on  puisse  exiger  d'eux  aucune  rétribution. 

L'obligation  morale  et  la  gratuité  ne  sont  donc  pas 
un  bienfait  de  la  loi  actuelle;  cette  disposition  du 
règlement  scolaire  ne  faisait  que  consacrer,  à  Saint- 
Lizier,  une  ancienne  coutume  qui  s'harmonisait  fort 
bien  avec  l'enseignement  religieux,  car  le  titulaire  de 
la  première  classe  était  toujours  un  ecclésiastique. 

Les  21,  22  et  23  novembre,  l'assemblée  électorale 
du  district  nomma  les  membres  du  tribunal  de  Saint- 
Lizier.  Furent  élus  :  Dauby  père,  de  Saint-Girons,  pré- 
sident ;  Arexy,  de  Saint-Girons,  Bonnin,  de  Saint- 
Lizier,  Delage,  de  Massât,  Mathieu  Delort,  de  Castillon, 
juges;  Dupré  de  Saint-Lizier,  commissaire  national. 
Furent  élus  juges  suppléants  ;  Gouazé,  de  Riverenert, 
Gencé,  de  Saint-Girons,  Morère,  d'Oust,  Monroux,  de 
Saint-Lizier;  greffier,  Dompierre,  notaire  de  Soulan. 
Monroux,  qui  avait  été  en  ballottage  quatre  fois  avec 
ses  concurrents,  piqué  dans  son  amour-propre,  donna 
sa  démission  ;  et  le  citoyen  Duclos,  avoué  de  Saint- 
Lizier,  fut  nommé  à  sa  place. 

Dans  la  même  assemblée  électorale  avaient  été  nom- 


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290 

mes  membres  du  bureau  de  conciliation  près  le  même 
tribunal  :  les  citoyens  Seillé,  négociant,  Duclos,  Villa, 
Dauby,  prêtre,  Salies,  curé  de  Montjoie,  et  Court, 
négociant. 

Le  6  décembre,  le  conseil  général  de  la  commune 
procéda  à  Tinstallation  solennelle  de  son  tribunal. 
Précédé  des  sergents  de  ville,  accompagné  du  secré- 
taire et  du  trésorier  de  la  commune,  des  commandants 
et  officiers  de  la  garde  nationale,  ainsi  que  d'un  déta- 
chement de  ladite  garde,  on  se  rendit  au  palais  de  jus- 
tice sur  les  dix  heures  du  matin,  après  avoir  assisté 
à  la  messe. 

Le  citoyen  Seillé,  procureur  de  la  commune,  après 
avoir  requis  lecture  de  la  loi  sur  l'organisation  judi- 
ciaire et  du  procès-verbal  de  l'assemblée  électorale  du 
district,  demanda  la  prestation  du  serment  et  l'instal- 
lation des  citoyens  juges,  ainsi  que  l'enregistrement  de 
leur  nomination. 

Après  un  discours  du  premier  ofiîcier  municipal,  les 
nouveaux  juges  prêtèrent  serment  a  d'être  fidèles  à  la 
nation,  de  maintenir  de  tout  leur  pouvoir  la  liberté  et 
l'égalité  ou  de  mourir  à  leurs  postes,  et  de  remplir 
avec  exactitude  et  impartialité  les  fonctions  de  leurs 
offices...  »,  puis,  les  membres  du  conseil  général,  des- 
cendant les  degrés  de  l'estrade  où  ils  étaient  montés, 
allèrent  prendre  leurs  sièges^  et  le  premier  officier 
municipal  ayant  de  nouveau  pris  la  parole,  en  son  nom 
et  au  nom  du  peuple,  prit  l'engagement  «  de  porter 
au  tribunal  et  à  ses  jugements  le  respect  et  l'obéis- 
sance que  tout  citoyen  doit  à  la  loi  et  à  ses  organes.  » 

Enfin,  la  cérémonie  se  termina  par  un  discours  du 
président  Dauby  et  la  signature  du  procès-verbal  de 
l'installation. 

Le  6  décembre,  pareille  cérémonie,  mais  d'un  aspect 
plus  modeste^  eut  lieu  à  la  justice  de  paix,  pour  l'instal- 
lation du  juge  Duclos  et  du  greffier  Bergès-Montfort. 


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291 

•  Ce  furent  les  derniers  actes  de  la  municipalité  pré- 
sidée par  M.  Dupré;  son  mandat  expirait  avec  Tannée. 
Nous  devons  reconnaître  que  sa  gestion  fut  probe, 
modérée  et  sincèrement  dévouée  aux  intérêts  des 
administrés.  S'il  est  un  reproche  que  nous  puissions 
adresser  à  M.  Dupré,  comme  d'ailleurs  à  tous  ses 
concitoyens,  c'est  de  n'avoir  pas  assez  énergiquement 
résisté  au  torrent  des  idées  nouvelles,  et  d'être  même 
devenu  plus  tard ,  par  peur ,  président  de  la  société 
populaire. 

Les  élections  eurent  lieu  le  dimanche  9  décembre 
dans  une  des  salles  de  l'évêché.  Un  vieil  officier  des 
armées  du  roi^  membre  des  précédentes  municipa- 
lités, Villa,  fut  élu  maire  à  la  presque  unanimité  des 
suffrages;  les  citoyens  Court,  Nicolas,  Seillé,  Auriac 
et  Dupré-Bergerat  furent  investis  des  fonctions  d'of- 
ficiers municipaux;  Berges  fils  fut  proclamé  procureur 
de  la  commune.  Les  citoyens  Dupré,  commissaire 
national,  Lagrasse,  Monroux,  homme  de  loi,  P.  Ber- 
ges, architecte,  Bonnin  et  Delort,  juges  du  tribunal, 
Ferrier,  Laffont,  Delage,  Duclos,  juge  de  paix.  Pages 
de  Lembèges  et  Laurent  Berges,  architecte,  obtin- 
rent^ comme  notables  et  membres  du  conseil  général, 
la  pluralité  absolue  des  suffrages. 

Sur  la  réquisition  du  président,  tous  les  membres 
de  la  municipalité  prêtèrent,  selon  la  formule  usitée, 
le  serment  de  fidélité. 

Durant  les  quatre  mois  que  Villa  passa  à  la  tête 
des  affaires  municipales^  nous  devons  reconnaître  qu'il 
déploya  une  rare  activité.  A  l'exemple  de  la  Conven- 
tion, le  conseil  général  de  Saint-Lizier  se  déclara  en 
sur\'eillance  permanente  et  s'occupa  incessamment 
des  intérêts  de  la  cité.  Les  membres  de  l'ancienne 
municipalité  rendirent  compte  de  leur  administration; 
puis  on  décida  que,  vu  la  négligence  de  certains  fonc- 
tionnaires à  remplir  leurs  devoirs,  on  pourvoirait  à 


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«91 

leur  remplacement;  que  l'horloge  serait  confiée  au  ser- 
rurier Jean  Boue  et  la  porte  de  Nargua  à  Michel  Duran; 
que  la  sage-femme  serait  payée  désormais  sur  le  prix 
de  six  livres  par  an;  que  la  maison  occupée  par  le 
citoyen  Estaque  redeviendrait  maison  commune,  et 
que  le  maire  serait  chargé  d'y  réinstaller  les  services 
municipaux;  que  la  maison  curiale  ayant  besoin  de 
réparations,  une  pétition  serait  adressée  au  district, 
puisque  la  nation  était  chargée  de  la  réparation  des 
édifices  nationaux. 

Par  voie  de  scrutin,  le  citoyen  Ferrier  fut  nommé 
ofTicier  public  chargé  de  recevoir  les  actes  de  nais- 
sance, mariage  et  décès. 

En  exécution  de  l'arrêté  du  département  en  date 
du  21  décembre  exigeant  une  déclaration  du  nombre 
des  émigrés  de  la  commune  et  de  l'évaluation  de  leurs 
biens,  on  désigna  comme  émigrés  les  familles  Lingua 
de  Saint-Blancat  et  Salin  frères,  «  attendu  que  ni  les 
uns  ni  les  autres  ne  se  sont  mis  en  règle  et  n'ont  pas 
rempli  les  obligations  exigées  par  la  loi  relativement 
au  certificat  de  résidence.  » 

Plusieurs  citoyens  peu  scrupuleux  s'étant  empa- 
rés de  certaines  parties  des  biens  communaux,  une 
commission  d'hommes  de  loi  fut  nommée  pour  la 
recherche  de  ces  usurpations. 

On  décida  encore  la  vente  d'un  morceau  de  terrain 
situé  entre  le  porche  de  Téglise  paroissiale  et  le  pilier 
qui  le  séparait  de  la  maison  du  sieur  Guichard,  prêtre  ; 
le  cordonnier  Le  Roy  s'en  rendit  acquéreur,  aux  enchè- 
res publiques,  pour  la  somme  de  cent  livres.  Il  de- 
meurait établi  que  si,  dans  le  déplacement  du  pilier 
du  porche,  quelque  dommage  était  porté  au  couvert 
de  l'église,  Tacquéreur  en  demeurait  responsable. 
Aux  enchères  publiques  encore,  la  perception  des 
impôts^  pour  l'année  1792,  fut  adjugée  au  citoyen 
Nicolas,  à  huit  deniers  pour  l'imposition  foncière,  et 


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S93 

trois  deniers  pour  l'imposition  mobilière,  droit  de  pa- 
tentes, etc. 

Les  temps  étaient  durs  aux  pauvres  contribuables  ; 
la  division  et  la  défiance  à  l'intérieur,  Timminence 
des  guerres  à  Textérieur  avaient  paralysé  la  vie  com- 
merciale; et  les  agents  du  fisc  chargés  d'approvi- 
sionner les  caisses  de  l'Etat  passaient  de  la  menace  à 
l'exécution  à  l'égard  de  ceux  qui,  à  l'heure  sonnée,  ne 
soldaient  point  les  impositions.  Témoin  de  ces  péni- 
bles tiraillements,  un  prêtre  de  la  ville.  Amans  aîné , 
donna  une  somme  de  100  livres  «  pour  être  portée  sur 
le  rôle  des  impositions  en  soulagement  des  misérables 
qui  n'ont  pas  le  moyen  de  satisfaire  à  cette  obligation, 
quelle  que  soit  leur  opinion  religieuse.  >  Distribution 
en  fut  faite  sans  retard  et  suivant  les  intentions  du 
généreux  donateur.  Noble  exemple  de  charité,  qui 
malheureusement  n'eut  pas  de  nombreux  imitateurs. 

La  nouvelle  municipalité  entrait  aux  affaires  avec 
l'année  1793,  l'une  des  époques  les  plus  sombres  et 
les  plus  terribles  de  notre  histoire.  La  France  venait, 
par  le  crime  du  21  janvier,  de  soulever  l'indignation  de 
l'Europe  contre  elle.  De  tous  côtés,  on  prit  les  armes 
pour  venger  le  sang  royal  qui  avait  coulé  sur  la 
place  de  la  Révolution.  Au  nord,  l'Angleterre  et  la 
Hollande  vinrent  en  aide  aux  États  germaniques  qui 
déjà  nous  harcelaient  à  l'est;  tandis  qu'au  midi  l'in- 
vestissement était  complété  par  l'Espagne  et  les  gou- 
vernements d'Italie.  C'était  un  cercle  de  fer  formé  par 
plus  de  350,000  guerriers.  Pour  -faire  face  à  tant 
d'ennemis,  les  armées  républicaines  ne  disposaient 
que  de  240,000  hommes  répartis  sur  toutes  les  fron- 
tières. Avec  une  audace  inouïe,  la  France  déclara  la 
guerre  à  toutes  ces  puissances.  La  nouvelle  en  arriva 
à  Saint-Lizier  le  H  février;  elle  fut  communiquée  au 
public  avec  tout  l'appareil  usité  dans  les  grandes  solen- 


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294 

nités.  A  Tissue  de  vêpres,  ,sur  les  4  heures,  tous  les 
citoyens  furent  invités  à  se  rendre  sur  la  place  d  ar- 
mes *  ;  la  municipalité  au  complet  est  en  écharpe  et 
la  garde  nationale  sous  les  armes.  Le  citoyen  maire 
annonce  à  haute  voix  que  la  République  française  est 
en  guerre  avec  l'Angleterre  et  les  Provinces  unies  de 
Hollande  et  autres  nations,  et,  dans  un  pathétique 
discours,  leur  fait  connaître  a  les  moyens  \ilains  que 
nos  ennemis  ont  employés  pour  couvrir  les  mauvaises 
manœuvres  contre  la  République  française.  y> 

Surexcité  par  ces  événements,  le  patriotisme  de 
nos  montagnards  s'apprête  à  tous  les  sacrifices.  Deux 
adjudants  généraux  annoncent  l'arrivée  de  400  volon- 
taires du  huitième  bataillon  de  la  Gironde  :  le  maire 
promet  de  leur  faire  l'accueil  le  plus  sympathique;  le 
logement  leur  sera  donné  au  palais  épiscopal,  dans  les 
logis  particuliers,  et  ceux  qui  ne  pourraient  point  trou- 
ver asile  dans  la  ville  seraient  distribués  dans  les 
municipalités  voisines. 

La  municipalité  promet  encore  de  se  pourvoir  sans 
délai  de  tous  les  objets  nécessaires  au  casernement 
des  troupes.  Sur-le-champ,  les  citoyens  Court  et  Pierre 
Berges  ainsi  que  le  procureur  de  la  commune  sont 
délégués  pour  faire  visite  dans  toutes  les  maisons  de 
la  ville,  pour  la  recherche  des  lits  et  autres  objets 
nécessaires  au  casernement.  On  écrit  au  district  do 
Saint-Girons  pour  demander  l'autorisation  d'utiliser 
les  lits  des  émigrés  du  canton.  Le  maire  reste  chargé 
personnellement  de  procurer  les  marmites,  gamelles, 
cruches,  cueillères  à  pot,  les  râteliers  d'armes  et  tou- 
tes les  planches  nécessaires  pour  lits  provisoires;  il 
devra  aussi  engager  les  municipalités  du  canton  à 
contribuer  pour  leur  part  aux  fournitures  utiles  à  la 
troupe;  il  devra  enfin  faire  construire  deux  guérites 

1.  La  place  d^armes   êlait  devant  le  cimeliére  qui  uccupait  la  place  aciuelle  dite  Place 
de  Téglise. 


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998 

qui  seront  plaeées,  Tune  devant  le  corps  de  garde  et 
l'autre  devant  le  quartier  des  casernes  '.    • 

La  Convention  ayant  ordonné,  par  décret  du  21  fé- 
vrier, une  levée  de  300,000  hommes^  la  municipalité 
se  mit  en  devoir  de  fournir  son  contingent;  elle  ouvrit 
d'abord  un  registre  pour  inscrire  les  citoyens  qui, 
volontairement,  voudraient  concourir  à  la  défense  de 
la  République,  et  aussi  pour  recevoir  Toffrande  que 
tout  bon  patriote  ferait  à  la  patrie  ;  it  fut  ensuite  pro- 
cédé à  Texamen  des  citoyens  qui,  d'après  la  loi, 
devaient  le  service  des  armes.  Vérification  faite,  il  fut 
reconnu  que  92  citoyens  de  la  commune  étaient  pro- 
pres au  service  militaire.  Sur  ce  nombre,  la  quote-part 
désignée  par  le  décret  de  la  Convention  nationale  était 
de  sept.  Tous  les  citoyens  intéressés  ayant  été  réunis 
le  dimanche  17  mars,  dans  l'église  de  Notre-Dame  de 
la  Sède,  on  laissa  à  leur  choix  le  mode  de  désignation 
de  ceux  qui  devront  prendre  les  armes.  On  choisit  le 
scrutin,  qui  se  prononça  en  faveur  de  Jacques  Cou- 
mes,  domestique,  natif  de  Toulouse  ;  Pierre  Dedieu^ 
aussi  natif  de  Toulouse,  tous  deux  domiciliés  à  Saint- 
Lizier;  Mathieu  Daroux,  des  Gaillardous;  Jean  Sèverac, 
de  la  ville  ;  Bernard  Bizre,  tailleur,  natif  d'Audinac  et 
habitant  de  Gaillardous;  Jean  Lazerges,  papetier, 
na£if  de  Bousenac,  domicilié  à  Saint-Lizier;  et  Louis 
Sîadoux,  bordier  de  Mignet.  Mais  Mathieu  Daroux  et 
Louis  Siadoux  bénéficiant  d'une  disposition  de  la  loi 
firent  agréer  pour  leurs  remplaçants  Jean  Dedieu, 
papetier  de  Lédar,  et  Siméon  Lépine,  cordonnier  de 
Saint-Girons. 

Au  milieu  de  ces  préoccupations  patriotiques  et 
pour  réveiller  le  zèle  de  leurs  concitoyens,  plusieurs 
républicains  s'étaient  groupés  en  société  politique  sous 

1.  Les  deux  guérites  furent  payées,  à  rarchilecle  Berges,  12S  livres  5  sol». 


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S96 

le  titre  d'Amis  de  la  Répuhliqtie  :  une  salle  de  la  mai- 
son commune  leur  fut  octroyée  pour  la  tenue  de  leure 
séances.  A  peine  installée,  cette  société  prit  la  direc- 
tion du  mouvement  politique  et  se  fit  la  promotrice 
des  résolutions  les  plus  radicales.  Dès  le  lendemain  de 
son  installation,  quelques-uns  de  ses  membres,  les 
citoyens  Vignau,  Nicolas,  Laurent  Berges,  Pierre 
Berges,  Cçtzaux,  Court  fils,  Lafont  et  Lamary  se  pré- 
sentèrent au  conseil  général*  et  lui  représentèrent 
qu'un  décret  de  la  Convention  nationale  du  23  février 
dernier  autorise  les  communes  à  convertir  une  partie 
de  leurs  cloches  en  canons.  Ils  ont,  disent-ils,  long- 
temps examiné  s'il  serait  utile  de  profiter  du  bénéfice 
de  ce  décret  ;  ils  ont  reconnu  qu'il  en  résulterait  un 
grand  avantage  pour  le  district  en  général  et  la  com- 
mune en  particulier.  En  conséquence,  ils  sont  chargés 
d'inviter  le  conseil  à  peser  dans  sa  sagesse  l'utilité  qui 
peut  résulter  de  la  conversion  d'une  partie  des  cloches 
en  engins  de  guerre. 

Obtempérant  à  l'invitation  des  Amis  de  la  Réjni- 
bliqtiey  le  procureur  de  la  commune  convertit  leur 
demande  en  motion,  et  le  conseil  considérant  a  qu'il 
n'existe  point  de  canon  dans  l'étendue  du  département 
et  que  Saint-Lizier,  quoique  par  sa  position  en  état 
de  résister  aux  brigands  espagnols  qui  voudraient 
s'introduire  par  les  ports  des  Pyrénées,  n'a  cependant 
pour  tout  moyen  de  défense  que  le  courage  de  ses 
habitants;  qu'avec  des  canons  on  peut  se  flatter  de  les 
arrêter  et  d'en  imposer  même  aux  malintentionnés 
de  l'intérieur  qui  voudraient  tenter  une  révolte, 

«  Arrête,  qu'une  partie  des  cloches  de  l'église 
Notre-Dame  sera  incessamment  convertie  en  canons  ; 

»  Charge  les  ofiiciers  municipaux  de  passer  avec  un 
fondeur  le  marché  de  cette  conversion  ; 


1.  Séance  do  31  mars. 


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297 

»  Arrête  de  plus,  que  pour  subvenir  aux  frais  de 
cette  refonte  et  à  la  construction  des  affûts  néces- 
saires aux  pièces  qui  proviendront  de  cette  fonte, 
l'excédent  desdites  cloches  sera  envoyé  à  la  Monnaie 
pour  être  converti  en  sols.  » 

En  bonne  voie  de  confiscation  d'objets  consacrés  au 
culte,  le  conseil  général,  alléguant  une  lettre  du  dis- 
trict de  Saint-Girons  en  date  du  13  avril  qui  ordonne 
rinventaire  détaillé  des  meubles,  effets  et  ustensiles 
qui  se  trouveront  dans  les  églises,  délègue  les  citoyens 
Court  et  Lagrasse  pour  faire  la  visite  des  deux  églises 
et  prendre  un  état  exact  des  objets  en  or  et  en  argent, 
soleils,  ciboires  et  calices  ;  cet  inventaire  devra  être 
adressé  au  directoire  du  district. 

Etranges  inconséquences  de  ces  hommes  qui,  après 
avoir  prêté  la  main  au  dépouillement  de  leurs  temples, 
déclarent'  qu'ils  «  restent  chargés  de  pourvoir  l'église 
paroissiale  des  choses  nécessaires  au  culte  divin,  et 
qu'il  est  de  la  décence  et  du  vœu  du  peuple  que,  pendant 
la  Semaine  Sainte,  principalement  le  Jeudi-Saint  et 
le  jour  de  Pâques,  l'église  soit  ornée  et  éclairée  d'une 
manière  qui  satisfasse  le  public.  t> 

Les  administrateurs  qui  vivent  dans  une  semblable 
confusion  d'idées  et  de  faits  sont  aptes  à  toutes  les 
besognes.  Ils  se  disposent  à  aliéner  les  ornements 
nécessaires  au  service  divin  et  ordonnent  que  les  céré- 
monies se  fassent  avec  la  pompe  la  plus  solennelle  ; 
ils  envoient  leurs  cloches  à  la  Monnaie  et  votent  un 
salaire  au  carillonneur. 

i.  S^uaeeé^U  mars. 


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298 


VI 


Vignau  succède  à  Villa  à  Thôtel  de  ville.  —  Sus  aux  Espagnols! 
— -  Arrestations  de  suspects.  —  Certificats  de  civisme.  —  Diffi- 
cultés occasionnées  par  les  troupes.  —  Disette  de  grains.  — 
Comité  de  salut  public.  —  Enrôlements.  —  Emprunt  forcé. 

Antoine  Villa  ayant  été  élu  chef  de  légion  de  la 
garde  nationale  et  le  commandement  de  la  force  armée 
étant  incompatible  avec  les  fonctions  municipales, 
Villa  envoya  à  ses  collègues  sa  démission  de  maire 
alîn  de  mieux  se  consacrer  à  ses  nouveaux  devoirs.  Il 
ne  quitte  un  poste  que  pour  courir  à  un  autre  qui 
lui  donnera,  espère-t-il,  une  occasion  plus  éclatante  de 
montrer  son  attachement  à  la  patrie  et  son  civisme 
ardent. 

Quatre  jours  après,  le  corps  électoral  lui  donna  pour 
successeur  le  citoyen  Vignau,  que  nous  avons  vu.  Tan- 
née précédente,  condamné  pour  indiscipline  dans  les 
rangs  de  la  garde  nationale.  Esprit  cultivé,  homme  de 
loi,  caractère  énergique,  tourmenté  par  l'ambition, 
nous  le  verrons,  après  avoir  soutenu  les  non-conforrais' 
tes  le  sabre  au  poing,  se  ranger  du  côté  des  persécu- 
teurs de  la  foi  et  souscrire  sans  scrupule  aux  ordres 
tyranniques  des  autorités  supérieures,  accommodant 
toujours  sa  conscience  aux  exigences  d'une  situation 
qu'il  tient  à  garder. 

Ici  se  place  un  incident  héroi-comique,  digne  de  la 
plume  d'un  Cervantes.  Nous  regrettons  que  nos  com- 
patriotes aient  été  victimes  d'une  fausse  alerte,  nous 
eussions  eu  peut-être  à  écrire  la  conquête  de  l'Espa- 
gne par  leurs  armes.  Racontons  le  fait  avec  toute  la 
gravité  historique  que  nous  retrouvons  dans  les  regis- 
tres municipaux. 


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Le  30  avril  au  matin^  le  citoyen  maire  assemble 
extraordinairement  le  conseil  municipal,  et  lui  expose 
d'une  voix  émue  que  plusieurs  gardes  nationaux  actuel- 
lement en  garnison  à  Saint-Girons,  sont  venus,  en 
grande  hâte,  pour  lui  annoncer  que  les  Espagnols 
étaient  sur  la  frontière  et  menaçaient  le  pays  d'une 
incursion  ;  il  est  urgent  de  prendre  les  mesures  que 
requiert  le  salut  de  la  patrie  ! 

L'assemblée  délibère  que  «  tous  les  citoyens  de  la 
ville  en  état  de  porter  les  armes  seront  de  suite  convo- 
qués au  son  du  tambour  pour  voler  à  la  défense  des 
frontières,  au  premier  ordre  donné  ;  qu'il  sera  fait  une 
réquisition  au  chef  de  bataillon  pour  mettre  tous  les 
citoyens  sous  les  armes  ;  que  finalement,  la  ville  étant 
sans  munition,  le  gendarme  Laffont  sera  envoyé  à 
l'administration  du  district  pour  réclamer,  au  nom  de 
la  commune,  les  munitions  nécessaires  qui  seront  dis* 
tribuées  aux  citoyens. 

Dans  d'aussi  graves  circonstances,  il  appartenait  au 
conseil  de  se  mettre  en  permanence. 

La  première  motion  d'enrôlement  est  faite  à  neuf 
heures.  A  onze  heures,  le  maire  expose  à  ses  collègues 
qu'il  a  envoyé  deux  exprès  au  district  pour  savoir  les 
ordres  qu'il  avait  à  donner.  Le  district  a  répondu  qu'on 
pouvait  d'ores  et  déjà  se  mettre  en  marche.  Le  conseil 
délibère  que  le  citoyen  commandant  en  chef  sera 
requis  de  suite  de  faire  un  choix  des  citoyens  en  état 
de  marcher^  que  ces  citoyens  armés,  conjointement 
avec  leurs  chefs  se  rendront  à  Saint-Girons,  pour  de  là 
se  diriger  vers  le  lieu  qui  leur  sera  désigné. 

A  deux  heures  de  l'après-midi,  le  maire  informe  le 
conseil  que  tous  les  citoyens  en  état  de  porter  les 
armes  étant  partis  vers  Saint-Girons,  la  sûreté  publi- 
que exige  que  le  dépôt  laissé  dans  la  ville  reste  en 
état  de  réquisition  permanente  et  qu'on  prenne  encore 
des  mesures  efficaces  pour  prévenir  les  événements 


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390 

qui  pourraient  arriver  dans  le  cours  de  la  nuit.  On 
décide  que  la  municipalité  siégera  en  permanence 
toute  la  nuit,  et  qu'il  sera  fait,  d'heure  en  heure,  une 
patrouille  de  vingt  hommes  ;  des  sentinelles  seront 
placées  à  chaque  porte  de  la  ville  pour  arrêter  tous  les 
étrangers  qui  passeront  et  qui  immédiatement  seront 
menés  devant  la  municipalité. 

A  quatre  heures  de  l'après-midi,  l'Assemblée  décide 
que  des  affûts  pour  les  gros  canons  seront  faits  dans 
le  plus  court  délai  et  que  les  frais  seront  pris  dans  les 
dépenses  imprévues. 

A  six  heures,  le  citoyen  maire  dit  qu'il  a  reçu  une 
lettre  de  l'administration  du  district,  qui  l'exhorte  à 
faire  livrer  par  tous  les  boulangers  de  la  ville  tout  le 
pain  qu'ils  pourront  pétrir,  et  à  délibérer  sur  les 
moyens  à  prendre  au  cas  où  ils  allégueraient  n'avoir 
ni  grain  ni  farine.  Ordre  est  donné  aux  boulangers  de 
faire  du  pain  sans  discontinuer,  et  trois  membres  de 
la  municipalité  se  transportent  chez  les  différents 
citoyens  de  la  ville  pour  enregistrer  la  déclaration  du 
grain  qu'ils  ont  en  leurs  greniers. 

Et  les  consuls,  anxieux,  veillent  durant  toute  la 
nuit  sur  le  salut  de  la  patrie  ! 

Le  lendemain  1®"*  mai,  à  8  heures,  le  maire  dit  au 
conseil  que,  le  jour  d'hier,  quasi  tous  les  membres  du 
tribunal  étaient  absents.  Quand  la  patrie  est  en  dan- 
ger, toutes  les  autorités  constituées  doivent  être  en 
surveillance  permanente,  afin  de  prendre  les  mesures 
propres  au  salut  public.  Les  membres  du  tribunal, 
malgré  les  différentes  réquisitions  qui  leur  ont  été 
faites  par  ci-devant,  ne  se  sont  pas  fait  scrupule  de 
quitter  journellement  leurs  postes  et  il  convient  de 
prendre  des  mesures  pour  obvier  à  un  abus  aussi  con- 
damnable. Approuvant  la  juste  indignation  de  leur 
chef,  les  municipaux  déclarent  «  qu'une  députation  se 
transportera  à  l'instant  au  tribunal,  ^our  lui  signifier 


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301 

que  c^est  pour  la  dernière  fois  qu'on  requiert  ses  mem- 
bres quasi  journellement  absents  de  résider  dans  la 
ville  et  de  demeurer  à  leurs  postes,  et^  qu*à  défaut,  on 
prendra  contre  eux  les  plus  énergiques  mesures  pour 
assurer  Texécution  de  la  loi. 

A  neuf  heures  du  matin,  vu  qu'il  résulte  de  la  visite 
faite  la  veille  chez  les  habitants  pour  la  recherche  des 
grains,  que  la  ville  est  sans  approvisionnements,  le 
conseil  autorise  le  citoyen  Louis  Durègne  à  faire 
Tacquisition  d'une  certaine  quantité  de  grain  néces- 
saire à  l'alimentation  des  troupes  qui  passent  et  de 
celles  que  l'on  se  dispose  à  camper  dans  la  ville. 

A  une  heure  après-midi,  les  citoyens  Galotin  et  Ro- 
ques se  présentent  au  nom  de  la  Société  des  Amis  de  la 
Républv/uej  et  exposent  au  conseil  qu'il  est  urgent, 
pour  le  district  et  pour  la  commune,  de  faire  procéder 
sans  retard  à  la  fonte  des  cloches. 

Appréciant  le  bien  fondé  de  cette  observation,  il  est 
arrêté  que  le  citoyen  Pierre  Berges  se  rendra  inces- 
samment à  Toulouse,  pour  engager  quelqu'un  des 
ouvriers  employés  à  la  fonderie  à  se  transporter  dans 
la  ville  de  Saint-Lizier,  afin  de  convertir  lesdites  clo- 
ches en  canons  ;  au  cas  d'impossibilité,  ledit  commis- 
saire conviendra,  avec  le  directeur  de  la  fonderie,  du 
temps  (m  ces  canons  pourront  être  faits  et  du  prix  de 
l'œuvre. 

Et  puis  plus  rien.  La  campagne  est  finie  ! 

A  l'aspect  de  la  garde  nationale  de  Saint-Lizier 
manœuvrant  au  champ  de  Mars  de  Saint-Girons,  l'en- 
nemi a  pris  la  fuite;  sur  les  pics  et  dans  les  ports,  plus 
un  Espagnol!...  Victimes  de  quelque  mystificateur, 
nos  guerriers  rentrent  sans  bruit  ni  butin,  et  le  bulletin 
de  leurs  victoires  n'a  pas  été  consigné  dans  les  anna- 
les de  la  commune.  Le  seul  résultat  de  cette  bruyante 
équipée  fut  une  note  de  169  livres  à  payer  à  l'armurier 

Retvi  db  Go]ixiii«b8»  a*  trimestre  1894.  Toms  IX.  —  31. 


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302 

Briefeil  pour  réparations  de  fusils  et  fabrication  de 

piques. 

O  Muses  des  combats,  nous  chanterons,  un  jour, 
•De  tous  ces  fiers  Rolnncls  la  vaillance  et  la  gloire! 

L'invasion  conjurée  de  ce  côté,  il  est  temps  d'atta- 
quer les  ennemis  de  l'intérieur;  en  attendant  qu'elle 
dévore  ses  enfants,  la  Révolution  va  traquer  comme 
des  fauves  tous  les  citoyens  modérés.  Le  2o  mars,  la 
Convention  institue  un  conseil  de  défense  générale  qui 
rc(;oit  le  nom  tristement  célèbre  de  Comité  de  salut 
public. 

Dans  une  série  de  décrets,  elle  ordonne  le  désar- 
mement de  tous  les  suspects,  tels  que  les  prêtres 
non  assermentés,  les  nobles,  les  ci-devant  seigneurs, 
les  fonctionnaires  destitués,  etc.  Elle  frappe  les  émi- 
grés de  bannissement  perpétuel  et  de  mort  civile, 
confisque  leurs  biens  et  déclare  nuls  tous  les  actes 
publics  accomplis  par  eux  ou  par  leurs  parents.  Par 
mesure  de  précaution,  tous  les  suspects  doivent  être 
mis  en  prison  jusqu'au  rétablissement  de  la  paix. 
C étaient  les  décrets  de  la  peur,  a  En  temps  calme,  la 
société  aime  mieux,  disait  Danton,  laisser  échapper  le 
coupable  que  frapper  l'innocent,  parce  que  le  coupable 
est  peu  dangereux  ;  mais  à  mesure  qu'il  le  devient 
davantage,  elle  tend  davantage  aussi  à  le  saisir;  et 
lorsqu'il  devient  si  dangereux  qu'il  pourrait  la  faire 
périr,  ou  du  moins  qu'elle  le  croit  ainsi,  elle  frappe 
tout  ce  qui  excite  ses  soupçons,  et  préfère  alors  attein- 
dre un  Innocent  que  laisser  échapper  un  coupable. 
Telle  est  la  dictature,  elle  est  rapide^  arbitraire,  fau- 
tive, mais  irrésistible  ^  » 

C'est,  en  vertu  de  ces  décrets  que,  le  6  mai,  se 
présenta  à  Saint-Lizier,  le  citoyen  Atoch,  sous-lieute- 
nant de  la  première  compagnie  du  second  bataillon  de 

1.  Thiers,  t.  iv«  p.  5,  Histoire  de  la  Révolution, 


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303 

-la  Haute-Garonne,  avec  un  arrêté  du  département 
portant  «  que  les  citoyens  Méritens  frères^  prêtres, 
Bordes,  prêtre,  Saurat,  prêtre  seront  arrêtés  et  con- 
duits au  dépôt  à  Foix  et  que,  la  citoyenne  Cabalbi  et 
ses  enfants  et  la  citoyenne  Salin  seront  renfermés 
dans  la  maison  nationale  de  Saint-Lizier ,  que  les 
papiers  desdits  prêtres  et  leurs  correspondances  seront 
saisis  et  adressés,  sous  scellé,  à  Tadministration 
du  département.  »  Sur  la  réquisition  d'Atoch ,  un 
détachement  de  la  garde  nationale  lui  fut  adjoint  pour 
assurer  Texécution  dudit  arrêté.  Quelques  jours  après, 
la  citoyenne  Salin  obtint  du  conseil  d'administration 
du  département  Tautorisation,  pour  motif  de  santé,  de 
demeurer  provisoirement  dans  sa  maison;  elle  y  fut 
consignée  et  les  citoyens  Court  et  Seillé  furent  chargés 
de  sa  surveillance. 

Adélaïde  de  Montégut,  enfermée  dans  le  ci-devant 
évêché,  fut  aussi  autorisée  à  se  retirer  dans  la  maison 
de  sa  tante,  à  Castillon,  sous  la  surveillance  de  la 
municipalité. 

En  même  temps,  sur  la  dénonciation  de  deux 
membres  de  la  Société  des  Amis  de  la  République^  la 
citoyenne  Soum  de  Patrac  et  Charles  Dargein  furent 
déclarés  émigrés.  A  quelque  temps  de  là,  la  citoyenne 
Cabalbi,  qui  avait  de  grandes  propriétés  à  Alos, 
demanda  au  conseil  général  de  la  commune  Tauto- 
risation  de  s'absenter  durant  quelques  jours  pour 
veiller  à  Tadiiiinistration  de  ses  affaires.  Le  citoyen 
Gallatin  dut  se  porter  garant  pour  elle  et  accepter 
toutes  les  peines  qu'elle  pourrait  encourir  pour  émi- 
gration et  conduite  anti-civique.  Tout  effrayait  les 
imaginations  surexcitées  ;  on  ne  voyait  partout  qu'en, 
nemis  et  complots.  Tout  étranger  qui  sans  passe-port 
s'aventurait  dans  ce  pays  était  considéré  comme  sus- 
pect, et  comme  tel  consigné  à  la  maison  d'arrêt  jusqu'à 
ce  qu'il  eût  établi  son  identité  et  la  pureté  de  ses  opi- 


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304 

nions.  Cette  frayeur  amenait  les  membres  de  la  muni- 
cipalité à  regarder  les  citoyens  les  plus  paisibles 
comme  les  pires  ennemis  de  la  chose  publique- 
Un  mois  après  ces  arrestations,  l'administration 
du  district  leur  demande  des  renseignements  sur  la 
conduite  politique  des  citoyens  de  Méritons  aîné  et 
Saurat  prêtre,  et  le  conseil  répond  que  le  «  citoyen 
Méritons  aîné,  grand-vicaire,  et  Saurat,  promoteur  et 
agent  du  ci-devant  évoque  du  Couserans,  ont  constam- 
ment prouvé  qu'ils  tenaient  a  leurs  places  en  manifes- 
tant ouvertement  leurs  opinions  contre  la  nouvelle 
constitution  du  clergé  ;  depuis  qu'ils  sont  absents  de 
la  ville  de  Saint-Lizier,  la  commune  jouit  de  la  plus 
grande  tranquillité  ;  elle  ne  connaît  plus  de  guerre 
d'opinions  et  certains  habitants  fanatisés  sont  revenus 
de  leurs  égarements.  Quelques  prêtres  qui  avaient 
paru  se  conformer  à  la  conduite  de  ces  deux  confrères 
ont  donné,  depuis  leur  absence,  des  marques  d'union 
et  de  fraternité.  Le  conseil  pense  que  la  tranquillité 
publique,  ainsi  que  celle  desdits  Méritons  et  Saurat, 
exige  qu'ils  restent  éloignés  de  la  ville  de  Saint- 
Lizier.  » 

Le  trait  final  de  cette  réponse  dénote,  dans  ce  rédac- 
teur, une  admirable  bonté  d'âme.  A  son  avis,  pour 
leur  tranquillité,  les  prisonniers  doivent  rester  sous 
les  verrous. 

C'était  aussi  la  grande  époque  des  certificats  de 
civisme.  Ils  étaient  indispensables  pour  remplir  les 
fonctions  publiques  ;  quelquefois  ils  mettaient  à  l'abri 
des  tracasseries  administratives,  mais  ils  étaient  inu- 
tiles quand  des  ennemis  nombreux  et  puissants  pour- 
suivaient une  victime.  Le  clergé,  l'armée,  la  justice, 
toutes  les  administrations  se  pourvoient  de  ce  brevet, 
fragile  protecteur.  La  demande  en  était  faite  à  la  com- 
mune par  l'intéressé,  sa  pétition  demeurait  affichée 


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305 

pendant  trois  jours  à  la  porte  de  Thôtel  de  ville,  et 
s'il  n'y  avait  point  d'opposition,  le  certificat  lui  était 
délivre  en  ces  termes  :. 
«  Nous,  maire, 

»  Certifions  que  le  citoyen  Méritons,  depuis  un  an 
qu'il  a  sa  résidence  fixe  dans  la  ville,  a  rempli  exacte- 
ment ses  devoirs  de  citoyen,  qu'il  a  monté  sa  garde 
personnellement  à  son  tour,  qu'il  a  fait  un  don  pour 
Téquipement  des  volontaires  de  la  ville  et  que,  dans  ce 
moment-ci,  il  est  en  détachement  pour  la  garde  dos 
frontières.  » 

Quand  ce  brevet  sauveur  était  refusé,  les  intérêts 
et  même  la  liberté  du  pétitionnaire  étaient  fort  en 
danger'. 

Les  menaces  des  Espagnols  qui  étaient  entrés  dans 
la  coalition  avaient  considérablement  augmenté  le 
nombre  de  troupes  cantonnées  dans  le  pays.  Des 
volontaires  peu  disciplinés  se  répandaient  la  nuit  dans 
les  rues  de  la  ville  et  dans  les  champs,  excitant,  par 
leur  tapage  et  leurs  déprédations  nocturnes ,  un 
vif  mécontentement;  plusieurs  même  désertaient  et 
allaient  s'imposer  chez  de  braves  habitants  des  cam- 
pagnes voisines.  Le  désordre  était  arrivé  à  tel  point 
que  le  maire  crut  devoir,  un  jour,  devant  des  troupes 
assemblées,  se  faire  l'interprète  des  sentiments  d'in- 
dignation de  ses  administrés  :  leur  représentant  leur 
inconduite ,  il  les  exhorta  à  revenir  au  respect  de  la 
discipline,  pour  lui  éviter  d'avoir  recours  à  des  mesu- 
res extrêmes.  Cette  harangue  dut  produire  quelque 
fruit,  puisque,  dès  ce  jour,  les  soldats  et  la  population 
civile  vécurent  en  bonne  intelligence. 

Mais  la  présence  de  la  troupe  ayant  augmenté  consi- 

1.  Dans  une  première  lislc,  parmi  les  citoyens  à  qui,  le  19  mai  1793.  a  été  accordé  le 
certificat  de  civisme,  uous  trouvons  les  noms  suivants  :  Monrous,  Vignaux,  Monlis,  avoués; 
liacqoaîr«  ;  Dalmonl,  huissier  audiencier  ;  Lépine,  Fort,  Saintaraille  et  Oargein,  huissier  ; 
Borrel,  brigadier;  Monronx,  Rénazet,  Escaicb,  I^zaygues,  gendarmes;  et  de  Hansy,  enre- 
gistreur. 


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306 

dérablement  le  nombre  des  malades,  radministration 
de  rhospice  dut  aussi  augmenter  le  nombre  des  lits. 

L'hôpital  n'en  possédait  que  trente  ;  il  y  avait  encore 
un  espace  suffisant  pour  douze,  et,  avec  quelques  répa- 
rations, soixante  autres  lits  pouvaient  sans  difficulté 
être  installés  ;  mais  Thôpital,  par  la  suppression  des 
dîmes,  avait  perdu  la  principale  source  de  ses  revenus 
qui  ne  s'élevaient  plus  qu'à  la  somme  de  sept  mille 
trois  cents  livres.  Cette  somme  avait  déjà  été  absorbée 
par  Tentretien  des  volontaires  malades.  On  allait  se 
voir  dans  la  dure  nécessité  de  fermer  les  portes  et  de 
congédier  les  malades  si  l'administration  départemen- 
tale n'envoyait  pas  des  secours.  La  municipalité  lui 
adresse  une  pétition,  dans  laquelle  elle  lui  expose 
que  le  département  devant  fonder  un  hôpital  militaire, 
il  serait  de  son  intérêt,  plutôt  que  de  bâtir  un  autre 
établissement,  de  réparer  celui  qui  existe  et  de  le 
pourvoir  d'un  nombre  de  lits  suffisants,  car,  actuelle- 
ment, grand  nombre  de  malades  couchent  par  terre 
sur  des  grabats,  et  les  plus  atteints  sont  de  trois  en 
trois  dans  les  lits,  ce  qui  est  loin  d'être  hygiénique  et 
de  faciliter  la  guérison  des  malades.  Il  est  urgent  sur- 
tout que  l'on  envoie  immédiatement  des  fonds  pour 
l'entretien  des  volontaires  que  Ton  se  verra  à  brève 
échéance  dans  la  nécessité  de  congédier.»  » 

La  municipalité  avait  demandé  un  secours  de  huit 
mille  francs  ;  le  département  n'envoya,  le  18  juillet, 
qu'un  mandat  de  trois  mille  livres  sur  le  citoyen 
Rousse,  receveur  du  district  de  Tarascon.  Le  citoyen 
Trinqué,  trésorier  de  l'hôpital,  fut  autorisé  à  faire 
immédiatement  les  démarches  nécessaires  pour  perce- 
voir cette  somme  et  en  donner  quittance. 

Après  les  attentats  contre  la  liberté,  la  famine  ;  et  la 
faim  est  mauvaise  conseillère  :  quand  le  pain  manque 


1.  DiihbératioQS  du  15  et  du  30  juin. 


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307 

au  peuple,  rordre  public  est  menacé.  Les  accapare- 
ments des  marchands  et  le  discrédit  des  assignats 
avaient  fait  disparaître  les  grains  des  marchés;  les 
populations  s'insurgeaient.  Les  législateurs  autorisè- 
rent les  municipalités  à  fixer  un  maximum  de  prix  des 
blés  et  des  farines.  Certaines  autorités  départementales 
comme  celle  de  rAriège^  sans  expérience  des  affaires, 
fixèrent  la  taxe  à  un  chiffre  si  minime,  que  ni  Tagri- 
culteur  ni  le  commerçant  ne  voulaient  vendre  leur  blé 
sur  les  marchés  du  pays  et  le  portaient  sur  les  places 
étrangères  où  la  taxe  était  maintenue  à  un  taux  plus 
élevé.  C'est  ce  que  constate  le  maire  de  Saint-Lizier, 
dans  rassemblée  permanente  du  9  juin. 

«  Le  peuple,  dit-il,  est  alarmé  du  peu  de  subsis- 
tances qui  sont  dans  la  ville  ;  les  boulangers  sont  sans 
grains.  On  est  menacé  d'une  disette  qui  pourrait 
entraîner  de  grands  malheurs  et,  dans  ces  circons- 
tances, il  convient  de  prendre  des  mesures  promptes 
pour  arrêter  les  suites  funestes  qui  pourraient  en 
résulter » 

Et,  sur  son  avis,  il  est  décidé  que  deux  membres  du 
conseil  se  transporteront  de  suite  dans  les  maisons  des 
particuliers  qui  sont  présumées  avoir  provision  de 
grain;  qu'ils  en  recevront  déclaration  et  qu'ils  en 
feront  délivrer  aux  boulangers  au  prix  déterminé  ; 
qu'en  outre,  les  citoyens  seront  avertis,  au  son  du 
tannbour,  de  venir  donner  la  déclaration  de  leur  grain, 
pour  ensuite  être  pris  telle  mesure  que  de  raison. 

L'administration  du  district  sera  priée  de  fournir  ou 
de  faire  trouver  à  la  municipalité  les  grains  dont  elle 
a  besoin  pour  sa  consommation,  ou  bien  de  lui  don- 
ner provisoirement  un  fonds  pour  s'en  procurer,  sauf 
à  le  rembourser  dans  un  délai  moral  ;  elle  voudra 
bien  encore  faire  à  l'administration  du  département, 
pour  l'engager  à  revenir  sur  son  arrêté  du  26  mai 
relatif  à  la  taxe  des  grains,  de  justes  représentations. 


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308 

atin  que  rapprochée  des  taxes  des  administrations 
voisines,  elle  permette  aux  commerçants  de  retrouver 
le  prix.de  leur  transport  avec  un  bénéfice  raisonnable. 
Ici  reparaît  encore  ce  vieux  levain  de  zizanie  qui 
existait  entre  les  deux  villes  rivales  ;  les  marchés  de 
Saint-Lizier  qui  se  tenaient  le  jeudi  étaient  devenus 
sans  importance ,  et  toutes  les  denrées  du  pays 
affluaient  à  Saint-Girons.  Dans  le  courant  de  juillet 
se  rendirent  dans  cette  ville,  pour  faire  leurs  provi- 
sions, les  habitants  de  Saint-Lizier  qui  manquaient  de 
grain.  Le  citoyen  Tussau  s'opposa  à  ce  qu'il  leur  en 
fût  délivré.  Il  était  en  opposition  avec  les  prescrip- 
tions de  la  loi  qui,  si  elle  obligeait  les  uns  à  porter  leur 
blé  au  marché,  autorisait  les  autres,  sans  distinction^ 
à  en  faire  l'acquisition.  La  conduite  du  citoyen  Tussau 
éttiit  donc  répréhensible  et  tendait  «  à  troubler  l'ordre 
public  et  à  violer  le  droit  des  citoyens  y>  ;  il  fut  de  ce 
fait  dénoncé  à  l'administration  ;  une  enquête  eut  lieu  : 
grand  émoi  dans  les  deux  municipalités,  et  on  se 
déclara  la  guerre  de  part  et  d'autre  ;  et  une  fois  de 
plus,  la  montagne  accoucha  d'une  souris. 

Paris  s'était  donnée  pour  accélérer  l'action  révolu- 
tionnaire, un  Comité  de  Salut  public;  Saint-Lizier 
sentit  le  besoin  de  se  gratifier  d'une  semblable  insti- 
tution, mais  dont  les  attributions  avaient  un  caractère 
plus  pacifique  ^  Le  maire  exposa  un  jour  au  conseil 
général  que  «  les  ennemis  de  la  patrie  usaient  de 
toutes  sortes  de  moyens  pour  allumer  le  feu  de  la 
discorde  parmi  les  citoyens,  en  discréditant  les  assi- 
gnats, et  que  les  boulangers  se  refusent  à  délivrer  du 
pain  si  on  ne  les  payait  en  numéraire.  Ces  manœu- 
vres, ajoute-t-il,  ne  tendent  qu'à  dissoudre  la  Répu- 
blique et  il  est  temps  de  prendre  des  mesures  pour 

1.  Séance  du  5  août  1793. 


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309 

punir  les  délinquants.  »  Sur  les  conclusions  de  son  pré- 
sident^ le  conseil  arrête  qu'il  sera  orée,  sur  l'instant, 
un  comité  composé  de  cinq  membres,  qui  demeurera 
chargé  de  veiller  à  ce  que  l'intérêt  public  ne  soit  point 
lésé,  de  découvrir  les  noms  de  ceux  qui  discréditent 
les  assignats  et  les  noms  des  boulangers  qui  refusent 
de  vendre  du  pain  en  échange  du  papier-monnaie.  Les 
coupables  devront  être  déAoncés  au  corps  municipal 
qui  requerra  contre  eux  la  plus  sévère  application  des 
lois.  Les  citoyens  investis  de  ce  mandat  de  haute 
confiance  furent  :  Laurent  Berges,  Dalmont,  Arnaud 
Berges,  Dominique  Dargein  et  Guy  Nicolas,  qui  pro- 
mirent «  de  remplir  leur  office  avec  scrupule.  » 

Saint-Lizier  avait  déjà  la  Société  populaire  des  Amis 
de  la  République;  il  ne  lui  manquait  qu'un  temple  à 
la  déesse  Raison,  et  nous  le  ^ errons  bientôt  installer' 
un  nouveau  culte  dans  son  antique  cathédrale. 

Une  des  grandes  préoccupations  de  la  France 
au  milieu  de  toutes  ces  agitations  révolutionnaires 
était  la  reconstitution  des  armées  décimées  par  la 
guerre.  Le  2  juillet,  la  municipalité  de  Saint-Lizier 
ouvrit  un  bureau  d'enrôlement  pour  tous  ceux  qui 
voudraient  s'engager  comme  volontaires  et  contribuer 
à  la  défense  de  la  patrie  ;  puis  elle  fît  un  tableau,  en 
trois  classes  différentes,  des  citoyens  aptes  à  porter 
les  armes.  Quelques  jours  après,  recensement  général 
des  armes  à  feu  et  inspection  de  ces  armes,  pour 
savoir  si  les  citoyens  les  tiennent  en  bon  état,  ce  Une 
baraque  pour  la  garde  des  signaux  est  construite  sur 
le  monticule  du  Marsan  ;  un  détachement  de  qua- 
tre gardes  nationaux  y  est  établi  pour  la  surveillance 
des  signaux  qui  pourraient  être  faits  le  long  de  la 
frontière.  Mais  je  ne  sais  si  le  patriotisme  de  la  cité 
couserannaise  fut  toujours  à  la  hauteur  des  besoins 
du  pays:  le  27  juillet,  le  citoyen  Bouet,  désigné  pour 


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340 

aller  au  Marsan^  refuse  de  rejoindre  son  poste  :  <c  Que 
ceux  qui  ont  peur  des  Espagnols,  dit-il,  se  gardent  eux- 
mêmes.  ))  Le  propos  fut  jugé  «  contre-révolution- 
naire ))  par  la  municipalité,  qui  lui  infligea  24  heures 
de  prison,  pour  lui  apprendre  à  être  plus  circons- 
pect à  l'avenir.  »  Les  listes  de  recrutement  ayant  été 
publiées,  presque  tous  ceux  qui  s'y  voient  inscrits 
allèguent  des  motifs  d'exeinption  :  Tun  est  forgeron, 
et  par  conséquent  nécessaire  à  la  culture  de  la  terre  à 
cause  des  réparations  qu'il  fait  aux  outils  aratoires  ; 
celui-ci  est  d'un  tempérament  faible  et  ne  peut  soute- 
nir un  long  et  pénible  travail  ;  l'autre,  prétexte  qu'ayant 
un  bien  de  deux  paires  de  labour,  et  pour  aides  seu- 
lement un  frère  et  un  valet  de  12  ans,  il  ne  peut  s'éloi- 
gner de  la  maison. 

Le  départ  de  la  première  classe  est  fixé  au  26  août. 
Ce  jour-là,  à  huit  heures  du  matin^  les  citoyens  dési- 
gnés devront  se  trouver  sur  la  place  d'armes,  munis 
d'un  havre-sac  et  de  deux  chemises.  Ils  seront,  de  là, 
dirigés  sur  Saint-Girons,  Massât  et  Ax  ;  mais  bon 
nombre  manquent  à  l'appel.  La  municipalité,  indignée 
de  cette  lâche  conduite,  requiert  la  force  publique  a  pour 
faire  la  recherche  des  citoyens  qui  se  sont  clichés  », 
les  arrêter  et  les  conduire  de  brigade  en  brigade  à  Ax 
pour  y  recevoir  les  ordres  de  Tadjudant-général  Mar- 
bot.  La  Société  po])ulairc,  par  l'organe  de  deux  de  ses 
membres,  Berges  et  Diipré,  fit  au  corps  municipal,  en 
faveur  des  familles  privées,  par  le  départ  des  troupes, 
d'aides  nécessaires,  une  motion  qui  fut  acceptée  avec 
empressement. 

Il  fut  décidé  que  la  commune  ferait  travailler  à  ses 
dépens  les  biens  de  ceux  qui  ont  quitté  leur  foyer 
pour  la  patrie,  et  qu'(*.lle  viendrait  au  secours  des  ci- 
toyens réduits  à  la  misère  par  ces  départs. 

On  dressa  une  liste  des  citoyens  en  état  de  contri- 
buer à  cet  acte  d'humanité.  Nous  approuvons  sans 


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311 

réserve  cette  généreuse  initiative  de  la  Société  popii^ 
lairCj  que  nous  n'aurons  pas  d'ailleurs  souvent  rocca- 
sion  de  féliciter;  mais  nous  regrettons  cette  lâche 
obséquiosité  de  rassemblée  municipale,  qui  applaudit 
vivement  son  zèle  et  rend  hommage  au  sentiment 
dont  elle  est  animée  ;  elle  défère  humblement  à  son 
invitation,  et  prie  les  commissaires  de  lui  témoigner 
tout  le  plaisir  qu'elle  aura  «  de  faire  usage  des  moyens 
les  plus  plus  prompts  pour  lui  être  agréable.  y> 

C'est  ainsi,  d'ailleurs,  que  la  Convention  déférait 
aux  ordres  des  Jacobins.  On  prépare  par  la  faiblesse 
le  triomphe  des  violents. 

Mais  ce  n'était  pas  tout  que  de  lever  et  mettre  en 
marche  des  armées,  il  fallait  poui^^oir  à  leur  équipe- 
ment et  à  leur  entretien.  Les  riches,  disait-on,  ne  vou- 
laient rien  faire  pour  la  défense  du  pays  et  de  la  Révo- 
lution». Ils  laissaient  au  peuple  le  soin  de  verser  son 
sang  pour  la  patrie,  il  fallait  les  obliger  à  contribuer 
au  moins  de  leurs  richesses  au  salut  commun.  Pour 
cela,  on  imagina  un  emprunt  forcé  :  depuis  le  revenu 
de  mille  francs  jusqu'à  celui  de  cinquante  mille  francs, 
ils  devaient  fournir  une  somme  proportionnelle,  qui 
s'élevait  depuis  trente  francs  jusqu'à  vingt  mille. 

Pour  se  conformer  à  cette  loi,  la  veuve  Méritens- 
Rozès,  agissant  pour  son  fils  Urbain,  absent^  fît  la 
déclaration  de  ses  revenus  et  charges.  Il  jouissait,  con- 
jointement avec  sa  sœur,  une  métairie  appelée  Rozcs, 
de  six  paires  de  labour,  produisant,  en  tout,  quatre- 
vingt-six  setiers  de  grain  et  trois  cents  livres  de  béné- 
fice sur  les  cabaux,  un  moulin  à  farine  et  à  papier 
affermé  quinze  cents  livres  ;  sur  quoi  il  faut  déduire 
le  tiers,  pour  les  réparations  et  les  impositions  s'éle- 
vant  à  huit  cent  trente-neuf  livres  douze  sols  quatre 
deniers  ;  plus  une  propriété  à  Belbèze  affermée  trois 

i,  Thiers,  Histoire  de  ta  Révolution,  t.  iv,  p.  94. 


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318 

mille  livres,  d'où  il  faut  distraire  quatorze  cents  livres. 
Le  conseil  municipal,  vu  la  déclaration  de  la  ci- 
toyenne Méritens,  déclare  qu'elle  n'est  pas  dans  le  cas 
de  l'emprunt  forcé.  Quant  au  citoyen  Saint- Blancat, 
domicilié  depuis  plus  d'un  an  dans  la  ville  de  Tou- 
louse, la  municipalité  se  reconnaît  incompétente  pour 
recevoir  sa  déclaration,  attendu  qu'il  ne  devait  plus 
être  considéré  comme  habitant  de  Saint-Lizier.  En 
dehors  de  ces  deux  riches  familles,  aucune  autre  delà 
commune  ne  rentrait  dans  la  catégorie  des  adminis- 
trés soumis  à  l'emprunt  forcé. 

Le  10  août  ramenait  la  célébration  de  la  fête  de 
Y  Unité  et  de  V Indivisibité  de  la  République  ;  elle  devait 
être  célébrée  au  chef-lieu  du  district  avec  un  appareil 
extraordinaire  :  sur  l'invitation  qu'elle  reçut  de  la 
municipalité  de  Saint-Girons^  la  commune  de  Saint- 
Lizier  délégua,  pour  la  représenter,  le  citoyen  Seillé. 


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3(3 


VU 


La  Terreur.  —  Brevets  de  civisme.  —  liCS  prisons  regorgent.  — 
Comité  de  sûreté  générale.  ~-  Réquisitions  de  chevaux,  harnais, 
fusils,  etc.  —  Loi  des  suspects.  —  Délations.  —  Nouveau  Calen- 
drier. —  Nouvelles  vexations  religieuses.  —  Modifications  dans 
le  personne]  judiciaire.  —  Charges  locales. 

Nous  voici  au  «  temps  du  mauvais  papier  et  de  la 
grande  épouvante  »,  dit  Taine. 

Ces  pages  devraient  être  écrites  avec  des  larmes. 
C'est  Teffond rement  des  caractères  et  la  dernière  capi- 
tulation des  consciences.  Ce  n'était  pas  assez  d'avoir 
décrété  la  peur  y  on  décréta  encore  la  terreur. 

La  Terreur  a  cela  signifie  que  la  période  des  phra- 
ses hypocrites  est  finie,  que  la  Constitution  n'était 
qu'une  enseigne  de  foire,  que  les  charlatans  qui  en 
ont  fait  parade  n'en  ont  plus  besoin,  qu'ils  la  remisent 
dans  les  magasins  des  vieilles  affiches,  que  les  liber- 
tés privées  et  publiques,  locales  et  parlementaires  sont 
abolies,  que  le  gouvernement  est  arbitraire  et  absolu, 
que  nulle  institution,  loi,  principe,  dogme  ou  précédent 
ne  garantit  plus  contre  lui  les  droits  de  Tindividu  ni 
les  droits  du  peuple,  que  tous  les  biens  et  toutes  les 
vies  sont  à  sa  discrétion,  qu'il  n'y  a  plus  de  droits  de 
rhomme'.  » 

Le  nouveau  régime  n'eut  pas,  dans  nos  contrées,  ce 
caractère  brutal  et  sanglant  qui  porta  le  deuil  de  la 
mort  dans  d'autres  populations.  On  appliqua  la  loi 
jusqu'à  l'emprisonnement  inclusivement,  mais  le 
bourreau  ne  promena  pas  son  sinistre  couperet  dans 
nos  montagnes. 

Le  23  septembre,  le  citoyen  Anouilh,  commissaire 

i.  Tain^,  Le$  Orijines  de  la  France  contemporaine,  t.  m,  p.  59. 


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3ti 

de  Tadministration  du  département,  écrivit,  qu'envoyé 
a  pour  rétablir  la  tranquillité  dans  le  district  et  frap- 
per du  glaive  de  la  loi  tous  ceux  qui  par  leur  conduite 
cherchent  à  troubler  Tordre  public  et  à  semer  la  divi- 
sion, il  a  besoin,  pour  remplir  sa  mission,  de  connaî- 
tre les  citoyens  suspects,  fanatiques,  aristocrates  et 
mal  intentionnés,  tant  de  la  ville  que  des  lieux  «nvi- 
ronnants.  En  conséquence,  il  demande  que  la  munici- 
palité lui  donne  une  liste  de  ces  quatre  classes,  faite 
concurremment  avec  la  Société  populab^e.  r>  Toujours 
obéissante  aux  ordres  des  violents,  la  municipalité 
promet  que  les  listes  réclamées  seront  faites  dans  le 
plus  prompt  délai. 

Et  alors  chacun,  soucieux  de  son  salut,  prend  ses 
mesures  pour  que  son  nom  ne  soit  point  inscrit  sur  ces 
tables  funèbres. 

Antoine  Villa,  commandant  de  la  garde  nationale, 
ancien  capitaine  au  régiment  royal  Comtois,  pour 
prouver  son  attachement  inviolable  à  la  patrie,  dépose 
sur  le  bureau  municipal  sa  croix  de  Saint-Louis  et  son 
brevet.  La  municipalité  applaudit  à  son  zèle  et  à  son 
patriotisme;  il  est  sauvé...  pour  le  moment. 

Les  portes  de  la  mairie  sont  assiégées  de  gens  affo- 
lés par  la  peur  qui  viennent  solliciter  des  certificats  de 
civisme.  Qui  n'a  pas  d'ennemis?  Et  qui  peut  être  cer- 
tain que  demain  son  nom  ne  sera  point  sur  les  listes 
fatales?  Un  brevet  de  civisme  peut  être  une  carte  de 
salut:  et  alors,  prêtres,  religieuses,  hommes  de  lois, 
hommes  d'épée,  industriels,  ouvriers,  Bordes,  Amans 
de  Bélissens,  Saurat,  Dauby,  Balech,  Cassignol,  de 
Roquemaurel,  Dalmont,  prêtres;  Elisabeth  Bordes, 
sœur  Perpétue,  Marie  Rivière,  ancienne  religieuse  <ie 
Nevers  ;    Cabalbi    et   Roquelaure,   ci-devant   nobles  ; 
Berges,  procureur  de  la  commune  ;  Duclos,  juge    de 
paix;   Mousson,  brigadier  de  gendarmerie;  Belesta, 


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3r5 

lieutenant  de  gendarmerie,  Lamary,  boulanger,  vien- 
nent quémander  le  papier  sauveur.  Le  conseil  munici- 
pal nomme  une  commission  pour  examiner  ces  diver- 
ses demandes  et  faire  un  rapport  sur  chacune  d'elles  : 
Berges  curé^  Dominique  Dargein,  Louis  Court,  Amans 
prêtre  et  de  Hansy,  receveur  de  Tenregistrement,  tous 
membres  de  la  Société  ]wpulai7'e,  sont  nommés  mem- 
bres de  cette  commission  qui,  dès  ce  jour,  tient  entre 
ses  mains  le  sort  de  ses  concitoyens.  Nous  verrons  suc- 
cessivement, au  fur  et  à  mesure  que  le  danger  devien- 
dra personnel,  tous  les  citoyens  de  Saint-Lizier  tribu- 
taires de  cette  puissance  occulte  que  la  municipalité 
vient  d'ériger  et  devant  laquelle,  à  son  tour,  elle  devra 
courber  le  front'. 

Entraînées  par  ce  mouvement  général  de  prostra- 
tion devant  les  idoles  du  jour,  les  religieuses  de  THôtel- 
Dieu  de  Saint-Lizier,  Rosalie  Boutant,  Henriette  Pou- 
delaye,    Rose  Bélesta,    Marie-Louise  Taule  veulent 

1.  Voici  la  leocur  du  CerliPical  de  civisaïc  accordé  à  Madame  de  Taurignaii  : 
Du  14  octobre  179.^.  En  assemblée  du  Conseil  général  de  ta  commune,  en  surveillance 
Iicrmanente,  à  lui  joint  le  Comité  de  surveillance  de  la  Société  populaire. 

Sur  In  proposition  d*un  membre,  la  délibcralion  prise  le  jour  d'bicr  relatif  à  la  demande 
d'un  certiOcat  de  civisme  Taile  par  la  citoyenne  Taurignan  ; 

Le  citoyen  Maire,  piésidcnt  de  rassemblée,  a  mis  aux  voix  si  l'nssemblée  accordrraii  un 
cerlificnt  de  civisme  à  ladite  citoyenne.  La  propositioq  mise  en  discussion,  rassemblée 
coiisiiJêraut  que  la  pélilionnaire  n'a,  depuis  le  commencement  de  la  Hévolulion,  donné 
aucune  marque  d*incivismc  ; 

Considérant  au  contraire,  que  dans  louti.'S  les  occasions  elle  s'est  prêtée  avec  empresse- 
Oient  à  lout  ce  qui  a  dépendu  d'elle  pour  le  bien  public; 

Con»ii.lérant  que  lorsqu'elle  a  élé  requise  de  fournir  un  lit  pour  le  casernement  des 
volonUiires,  elle  en  ?  fourni  deux  des  meilleurs  de  sa  maison; 

Considérant  qu'elle  a  obligé  ses  enfants,  quoique  encore  au-dessous  de  l'âge  prescrit 
par  la  loi,  de  faire  en  personne  le  service  de  la  garde  nationale  ; 

Considérant  qu*elle  a  refusé,  lors  de  là  formation  du  cinquième  balaillon,  de  faire  tirer 
au  sort  un  autre  citoyen  à  la  place  de  son  (ils  aîné  ; 

Considérant  que,  dés  qu'elle  a  élé  relevée  d*une  maladie  de  buit  mois,  elle  s'est  em- 
pressée de  donner  au  peuple  l'exemple  de  son  assiduité  aux  offices  de  la  paroisse,  et  qu'en 
général  elle  a  tenu  une  conduite  irréprochable  : 

Pour  toutes  ces  cousidératious,  le  conseil,  après  avoir  entendu  le  procureur  de  In  com- 
mune t\a\  a  déclaré  ne  pas  vouloir  empêcher  la  délivrance  du  Certificat  demandé,  et  après 
avoir  entendu  Popinion  des  membres  à\x  Comité  de  surveillance,  après  appel  nominal  et  à 
l'uDaoiujité  des  suffrages  moins  un,  arrête  que  le  Certificat  de  civisme  sera  accordé  à  ladite 
ciloyei» ne  Taurignan,  et  qu'ft  cet  effet,  extrait  de  la  présente  délibération  lui  Rern  délivré 
pour  lui  servir  de  Carlificat  de  civisme,  doat  la  demande  en  obtention  a  été  afflcbce  pen- 
dant trois  jours. 


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346 

témoigner  à  leur  tour  de  leur  ardent  dévouement  à  la 
patrie  et  demandent  à  prêter  le  serment  prescrit  pour 
les  fonctionnaires  publics. 

Malgré  les  serments  et  les  certificats  de  civisme,  la 
liberté  individuelle  n'était  guère  respectée,  les  prisons 
se  remplissaient,  la  maison  de  détention  de  Saint- 
Lizier  est  comble.  La  garde,  moins  nombreuse  que 
les  prisonniers,  ne  peut  maintenir  Tordre  et  pactise 
avec  eux.  Sur  la  réquisition  du  procureur  de  la  com- 
mune, un  membre  du  conseil,  par  ordre  de  tableau, 
est  chargé,  tous  les  jours^  de  la  surveillance  des  déte- 
nus et  des  gardiens.  De  tous  les  côtés  du  district  arri- 
vent d'infortunés  citoyens  qui  ont  eu  le  malheur  de 
déplaire  à  quelque  patriote  qui  leur  fait  expier  ce  for- 
fait par  la  prison.  Plus  de  local,  et  encore  moins  de 
provisions  pour  nourrir  les  détenus.  Le  maire  Vîgnaux 
écrit  aux  municipalités  d'Ustou,  Massât,  Cap- Vert, 
Couflens  et  Saint-Girons  d'envoyer  dans  la  maison  de 
réclusion  les  grains  des  détenus^  si  on  veut  qu'il  assure 
leur  subsistance.     ' 

Nous  avons  déjà  vu  que  Saint-Lizier  avait  fourni  son 
contingent  de  prisonniers  au  mois  de  mai  dernier. 
L'abbé  de  Roquemaurel ,  nonobstant  le  brevet  de 
civisme  qu'il  avait  obtenu,  alla  partager  leur  sort.  Sur 
réquisition  des  commissaires  du  district,  le  maire  le 
fit  arrêter  le  12  octobre,  et  conduire  comme  suspect  à 
la  maison  de  réclusion. 

Cau-Durban. 

(A  suivre,) 


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DOCUMENTS 

SUR    SALIES-DU-SALAT 


On  s'est  occupé  plusieurs  fois  de  Salies  dans  la  Revue  de  Com- 
minges,  MM.  Anthyme  Saint-Paul  et  Alphonse  Couget,  notamment, 
ont  publié,  le  premier  une  étude  intitulée  :  Les  Ruines  du  châ- 
teau-de  Salies  et  de  sa  ohapelle^ ,  le  second  des  Notes  relatives  à 
l'histoire  générale  de  cette  petite  ville.  En  relisant,  il  y  a  quelques 
jours,  le  travail  de  M.  Couget,  nous  avons  remarqué  ces  lignes  : 
«  Salies  a  un  passé  sur  lequel  les  documents  manquent.  En  décou- 
vrirons-nous, dans  la  suite,  qui  nous  permettent  d'écrire  sur  ce 
modeste  chef-lieu  une  monographie  complète?  Ce  fut  jusqu'en 
1789  le  siège  d'une  châteilenie.  Les  États  de  Comminges  y 
siégèrent  dans  quelque  circonstance  sans  que  nous  puissions  pré- 
ciser ni  la  date,  ni  Tobjet  de  cette  réunion  ^.  » 

Un  peu  plus  loin,  parlant  du  château  de  Salies,  l'auteur  s'ex- 
prime en  ces  termes  :  «  Ce  qui  reste  de  la  forteresse  dessine  sa 
tière  silhouette  au-dessus  de  la  ville,  à  côté  d'une  église  aban- 
donnée. Était-ce  la  chapelle  du  château  ou  fesait-elle  partie  du 
couvent  dans  lequel  les  Pères  de  la  Merci  vinrent  s'établir?  Mais 
à  quelle  époque*  ». 

Les  recherches  que  nous  poursuivons,  dans  les  archives  munici- 
pales de  Muret,  nous  permettent  de  répondre  partiellement  à  ces 
questions.  C'est  à  Muret  que  Ton  conserva  toujours  le  dépôt  des 
archives  du  pays  de  Comminges.  La  plus  grande  partie  de  ces  pré- 
cieux documents  a  disparu.  Cependant,  de  ce  qui  reste,  nous  avons 
pu  tirer  des  renseignements,  rares  il  est  vrai,  trop  souvent  incom- 
plets, mais  suffisants  pour  éclairer  des  points  obscurs,  ignorés, 
du  passé  des  anciennes  Communautés  du  Comminges,  et  pour 
préciser  avec  certitjide  certains  détails  peu  connus. 

i.  Hevae  de  Comminget  1890,  iv«  trimestre,  page  99. 

2.  Revue  de  Comminges  1890,  m*  irimestre,  p»ge  77. 

3.  BevHé  de  Comminget  4890,  m*  trimestre,  page  78. 

asnrE  BE  CoMimais,  i*  irimettre  1894,  Trai  IX.  —  32. 


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348 


Il  ne  nous  est  pas  possible,  en  ce  moment,  d'indiquer  au  juste 
combien  de  fois  les  États  se  réunirent  à  Salies.  Donnons  cepen- 
dant quelques  dates,  avec  Tespoir  d'en  compléter  la  série  dans  un 
Itinéraire  des  États  qui  sera  plus  tard  communiqué  à  la  Revue. 

Au  cours  du  xvi«  siècle  —  nos  documents  n'indiquent  rien  ni 
avant,  ni  après  cette  époque  —  l'assemblée  s'est  réunie  buit  fois 
dans  la  petite  ville  de  Salies  : 
'  En  1576,  du  15  au  21  février,  assemblée  générale. 

En  1579,  le  25  mars,  assemblée  générale. 

En  1586,  du  15  au  18  avril,  assemblée  générale. 

En  1587,  le  4  avril,  assemblée  particulière. 

La  même  année  1587,  les  8,  9,  10  et  11  août,  assemblée  générale. 

En  1589,  le  22  mars,  assemblée  générale. 

Kn  1591,  les  2,  3  et  4  avril,  assemblée  générale. 

Enfin  en  1601,  lin  mars  et  premiers  jours  d'avril,  assemblée 
générale. 

Pour  l'ordinaire,  c'est  dans  la  maison  commune  que  Ton  délibère; 
mais  si  elle  est  trop  étroite  ou  en  mauvais  état,  on  se  réfugie  chez 
un  des  personnages  les  plus  considérables  de  la  localité.  En  1586, 
1587  et  1591,  c'est  noble  Bernard  Bertin,  seigneur  de  la  Franquetat, 
qui  reçoit  l'assemblée  dans  sa  demeure. 

Il  n'y  a  pas  lieu  d'exposer  ici  avec  étendue  les  questions  agitées 
au  sein  des  États  réunis  à  Salies.  Sauf  un  événement  que  nous 
raconterons  par  le  détail,  aucun  de  ceux  sur  lesquels  rassemblée 
délibère  n'appartient  à  l'histoire  spéciale  de  ce  chef-lieu  de  châ- 
tellenie.  Voici  donc  simplement,  et  par  ordre  chronologique, 
l'analyse  des  actes,  ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui  le  pro- 
gramme des  délibérations.  La  seule  indication  des  sujets  traités 
suffît  à  en  relever  Timportancç.  Ces  documents,  unis  à  plusieurs 
autres  que  nous  avons  collectionnés,  nous  aideront  un  jour  à  retra- 
cer quelques  épisodes  des] guerres  de  religion  en  Comminges 
pendant  la  seconde  moitié  du  xvi«  siècle. 

1676.  —  L'assemblée  approuve  les  frais  supportés  par  le  pays 
pour  la  reprise  de  Saint-Girons  et  de  Saint-Lizier.  (Arch.  de  Muret, 
L.  H  et  11  bis). 

1579.  ~  M.  de  la  Hillière,  syndic  de  la  noblesse,  assisté  de 
Mathieu  Ribayran,  syndic  des  États,. se  plaint  des  procédés  violents 
dont  rÉvéque  de  Comminges  aurait  usé  vis-à-vis  de  M.  de  Bazit- 


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349 

hac.  Ce  seigneur,  venant  des  États  de  Salies  et  retournant  chez  lui, 
avait  été  pris  et  enfermé  au  château  d'Alan  «  où  estant,  luy  auroict 
esté  dict  qu'on  attendoit  le  seigneur  de  Lamezan  pour  le  conduyre 
mort  ou  vif  en  Tholose,  entreprinse  très  grande  et  très  impor- 
tante, attendu  la  liberté  des  Estatz. . .  »  On  juge  de  l'émoi  de  toute 
l'assemblée  !  I/Ëvéquc  est  signalé  comme  un  homme  «  poussé 
d'animosité  particulière»  contre  la  noblesse  de  Comminges*.  11 
fut  décidé  qu'on  lui  adresserait  une  admonestation  au  nom  des 
États,  qu'on  poursuivrait  ses  gens,  et  que  le  Parlement  de  Tou- 
louse serait  immédiatement  averti,  (li.  18). 

1586.  —  I.  liC  syndic  de  la  ville  de  Saint-Julien,  occupé  à  pour- 
suivre devant  le  Parlement  de  Toulouse  certains  conspirateurs 
qui  avaient  essayé  de  livrer  le  ville  aux  Huguenots,  demande 
qu'on  aide  cette  pauvre  communauté  à  supporter  les  frais  de  la 
procédure.  Il  espère  recevoir  300  écus  qu'on  prélèverait  <»  sur  le 
général  du  Pays  »  de  Gomminges.  (L.  87). 

II.  —  L'assemblée  prend  connaissance  d'une  lettre  de  TÉvéque 
de  Gouserans^  par  laquelle  il  l'avertit  du  danger  que  courent  les 
villes  de  Saint-Girons  et  de  Saint-Lizier  menacées  journellement 
par  les  hérétiques'.  Il  prie  les  États  d'y  aviser  de  concert  avec  le 
Parlement  de  Toulouse,  «  afin  que  coste  nostre  Église  de  Gosserans 
et  autres  lieux  limitrofes  soient  mantenus  en  la  foy  catholique  et 
service  de  Sa  Majesté.  »  (L.  87). 

III.  —  Les  PP.  de  la  Merci,  établis  à  Aurignac,  exposent  aux 
États  les  vols  dont  ils  ont  été  victimes  pendant  les  derniers  trou- 
bles. L'assemblée  leur  accorde  dix  écus.  (L.  87). 

1587.  —  Intéressante  lettre  de  M.  de  Montesquieu  aux  États. 
Quelques-unes  de  ses  métairies,  situées  à  Puymaurin,  ont  été 
pillées  par  les  hérétiques.  Ils  ont  enlevé  jusqu'aux  «  sarralles  des 
portes.  »  Ils  le  menacent  encore,  lui  et  ses  voisins,  de  tout  brûler. 
M-  de  Montesquieu  presse  les  États,  auxquels  ces  événements  l'ont 
empêché  de  se  rendre,  d'envoyer  quelques  hommes  armés  à  son 
secours.  (L.  84). 

1589.  —  I.  Les  États  de  Gomminges  décident  d'entrer  dans  la 
Ligue  formée  par  ordre  du  Parlement  de  Toulouse  pour  extirper 
rhérésie  et  réprimer  les  malfaiteurs  qui,  sous  prétexte  de  défen- 
dre une  doctrine  religieuse,  désolent  la  région.  (L.  1(X)). 

1.  CTëtail  Urbain  de  Saint-Gelais  de  Lansac. 

2.  François  Booard. 

3.  îje  méine  jonr,  Philiberl  d*Orbessan  adrewe  une  sembiable  lellre  aux  Étals  pour  !•• 
«▼•rtir  da  daoger  où  se  U-ouye  la  ville  de  Saiot-Giront.  (L  87). 


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3t0 

II.  -*  L'assemblée,  veillant  à  la  conservation  de  quelques  anciens 
privilèges  du  comté  de  Gomminges,  adresse  une  requête  au  mar- 
quis de  Villars.  Elle  la  lui  envoie  sous  forme  d'  «  articles.  »  La 
réponse  de  M.  de  Villars  est  de  1591  :  les  États  en  prirent  officiel- 
lement connaissance  à  Samatan.  (\j.  100). 

III.  —  Quelques  Communautés  du  Gouscrans ,  limitrophes  du 
Comté  de  Foix,  faisaient  partie  des  Aides  de  Gomminges.  Cette 
portion  du  territoire  fut  grandement  désolée  au  xvi«  siècle  et  eut 
beaucoup  à  soufTrir  de  son  voisinage.  Les  habitants  exposèrent 
leur  misère  aux  États  réunis  à  Salies.  En  conséquence,  rassemblée 
ordonna  la  «  vérification  des  terres  hermes  et  incultes  du  Vicomte 
de  Cozerans.  »  (L.  100). 

IV.  —  Signalons,  parmi  les  requêtes  adressées  cette  année  aux 
États,  celles  des  Communautés  de  Salies,  Encausse,  Cierp,  Mausac, 
Pardéac,  Âspet,  Roquefort  et  Blajac.  Il  suffît  de  mentionner  ces 
pièces  qui  ont  pour  but  ou  d'exposer  des  griefs  contre  des  particu- 
liers, ou  d'obtenir  des  secours  d'argent  et  des  diminutions  dUm- 
pôts.  (L.  100). 

1591.  —  I.  C'est  celte  assemblée  qui  accorda  aux  Aides  de  Gom- 
minges, situés  en  Gouserans,  une  décharge  provisoire  d'imposi- 
tions. Le  procès-verbal,  rédigé  sur  les  lieux  par  les  Commissaires 
des  États,  en  présence  de  Bernard  Gabalby,  syndic  de  Gouserans, 
offre  un  réel  intérêt  et  montre  à  quel  degré  de  misère  les  Hugue- 
nots du  Comté  de  Foix  avaient  réduit  les  villages  de  la  vallée  de 
Solan.  (L.  89  et  92  b). 

II.  —  Voici  in  extenso  le  texte  relatif  à  Salies,  auquel  nous  avons 
déjà  fait  allusion.  Il  concerne  la  préservation  de  la  ville  et  la  garde 
du  château  : 

a  A  vous  Messieurs  tenans  les  Estatz  de  Gomenge  en  la  ville  de 
Sallies. 

»  Supp'  humblement  le  scindic  des  consulz,  manans  et  habitans 
de  iad.  ville  de  Sallies  que  depuis  peu  de  temps  en  sa  ilz  ont  eu 
plusieurs  et  divers  advertissementz  qu'il  se  brasse  certaine  mé- 
chante entreprinse  sur  lad.  ville,  comme  de  partie  desd.  advertis- 
sementz apert  par  les  lettres  missives  que  le  suppam  fera  aparoir, 
et  d'aultant  que,  comme  vous  Messieurs  sçavez  très  bien,  lad.  ville 
est  capitalle  et  grandem^  importante  au  pais  à  cause  de  Passiette 
d'icelle,  et  que  les  habitans  sont  en  peu  de  nombre  dans  icelle, 
estans  contrainctz  dy  fere  garde  une  nuit  entre  autre  et  encore  ny 
peuvent  ils  suffir  par  ce  que  les  murailhes  y  sont  de  longue 
cstandeue  et  oultrece  fort  vieillies  et  ruinées.  Ce  considéré...»  etc. 
On  demande  aux  États  d'entretenir,  aux  frais  du  Pays,  dix 
hommes  de  plus  à  Salies  «  pour  la  garde  du  château  de  lad.  ville 


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334 

qu'est  une  pièce  grandement  importante  et  de  laquelle  deppend  la 
totalle  conservation  ou  perte  de  lad.  ville.  »  (L.  89). 

IIL  —  Dans  le  même  ordre  de  faits,  nous  trouvons  trois  requêtes 
particulières,  qui,  au  môme  titre  que  la  précédente,  sont  de  véri- 
tables pièces  historiques  pour  les  communautés  du  Comminges. 
Elles  ont  trait  au  siège  de  Samatan  et  à  une  nouvelle  manœuvre 
tentée  infructueusement  par  les  Huguenots  pour  s'emparer  de 
Saint-Lizier.  La  première  do  ces  requêtes  fut  adressée  aux  États 
par  Françoise  de  Bazilhac,  dont  le  mari,  Baptiste  de  Lamezan,  avait 
joué  un  rôle  décisif  dans  la  délivrance  de  Samatan,  où  il  mourut. 
La  deuxième  fut  présentée  par  les  Religieux  de  cette  même  ville 
qui,  en  cette  occasion,  avaient  subi  de  grands  dommages.  La  troi- 
sième est  de  Guillaume  Dupont,  logé  dans  la  campagne,  à  quelque 
distance  de  Saint-Lizier.  Il  fut  assailli  dans  sa  demeure  par  les 
hérétiques,  qui,  repoussés  de  Saint-Lizier  gagnaient  du  large,  non 
sans  prendre,  par-ci,  par-là,  de  faciles  revanches.  (L.  89). 

IV,  —  Emmanuel  de  Savoie,  marquis  de  Villars,  donna  l'ordre 
à  l'assemblée  de  1591  d'aider  à  la  démolition  immédiate  du  château 
de  Cierp.  M.  de  Lamothe-Montauban  était  délégué  pour  diriger 
l'entreprise.  (L.  89.  Commission  du  7  mars  1591.) 

Tel  est  le  sommaire  des  délibérations  des  Assemblées  du  Com- 
minges à  Salies,  entre  1576  et  1601.  On  le  voit,  le  chef- lieu  lui-même 
y  occupe  bien  peu  de  place.  D  autres  communautés,  plus  favorisées 
que  Salies  •,  y  trouveront  de  bonnes  pages  de  leur  histoire.  Nous 
ignorons  si  les  délibérations  consulaires  de  Salies  ont  été  conser- 
vées. Si  elles  ont  péri,  les  procès-verbaux  des  États  serviraient,  à 
titre  de  curiosité,  à  dresser  la  liste  des  Consuls  de  ce  chef-lieu, 
députés  chaque  année  aux  assemblées.  A  la  fin  de  cette  première 
partie  de  notre  Réponse  lious  indiquerons  les  noms  que  nous  avons 
rencontrés. 

Consuls  de  Salies  : 

1547.  —  Bernard  Laporte.  (Arch.  de  Muret.  L.  26). 

1552.  —  Savin  Dufraisse,  ou  Dufresche.  (L.  39). 

1553.  —  Arnaud  Dufraisse,  Domjenge  Anoilh,  Bernard  Detruilh. 
Ramond  de  Monsecq.  (L.  31). 

1554.  —  Raymond  Gentian,  Germain  de  la  Fontasse.  (L,  32). 
1557.  —  Arnaud  Dufraisse,  Domenge  Anoilh.  (L.  38.) 

1579.  —  Jean  Dufraisse  (L.  78). 

1580.  —  Arnaud  Ducros.  (L.  18). 

I.  Les  papiers  de  rassemblée  de  160t  n^offrenl  rien  d  intéressant.  —  On  trouvera,  dans 
la  L.  30,  le  •  procés-verbai  de  Recherche  des  biens  nobles  et  roturiers  de  la  cbàtellenie  de 
Salies,  eo  1552  >  et,  dans  la  L.  34,  le  >  détail  des  charges  dn  lien  de  Salies  >  même  époque. 


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329 

1587.  —  Pierre  Pelleporc,  Jehan  Forguette,  Pierre  Ducasse, 
Michel  Laforgue.  (L.  84). 

1589.  —  Jehan  Duchein,  Dominique  Galin.  Jehan  Âbbadie. 
(L.  100). 

1592.  —  Sébastien  d'Abbadie.  (L.  100). 

1699.  —  Pierre  Pelleporc,  Pierre  de  Saint-Germier.  (L.  100). 

1607.  —  Sans  Dussolier.  (Reg.  des  États). 


H 


Les  PP.  do  la  Merci  se  sont  établis  à  Salies  à  la  fin  du 
xvi«  siècle.  Les  Religieux,  dans  une  requête  adressée  aux  États 
tenus  à  Âurignac  en  1599,  nous  renseignent  sdr  la  date  et  sur  les 
circonstances  de  la  fondation.  Ils  rappellent  à  l'assemblée,  que  peu 
de  temps  auparavant,  un  religieux  de  leur  ordre  était  venu  à 
Salies  pour  y  prêcher  le  carême.  A  la  fin  des  exercices,  le  peuple 
très  satisfait,  réclama  rétablissement  d'un  couvent  de  PP.  de  la 
Merci.  Ce  qui  fut  projeté  dans  l'enthousiasme  se  réalisa  presque 
aussitôt.  L'année  1599  n'était  pas  finie  que  déjà  on  creusait  les 
fondements  du  nouveau  monastère.  A  la  communauté  de  Salies 
toute  seule  revient  l'honneur  de  l'entreprise.  CEuvrc  d'autant  plus 
méritoire  qu'elle  impliquait,  de  la  part  des  habitants,  plus  de  sacri- 
fices. Les  guerres  de  religion  désolaient  en  ce  moment  le  pays  de 
Comminges.  Le  temps  ne  semblait  guère  favorable  à  de  nouveaux 
établissements  dont  la  communauté  fondatrice  devait  à  peu  près 
supporter  tous  les  frais.  La  pénurie  des  ressources  explique  le 
recours  aux  États.  Les  PP.,  en  effet,  déclarent,  qu'étant  pauvres  et 
no  pouvant  espérer  de  la  ville  où  ils  viennent  résider  un  supplé- 
ment de  secours,  soit  pour  vivre  soit  pour  mener  à  bonne  fin  la 
construction  des  principales  parties  du  monastère,  ils  sollicitent 
des  aumônes  de  la  générosité  des  Etats...  Mais  laissons  parler 
Frère  Jean  Castct  et  voyons  avec  quels  détails  il  expose  les  origi- 
nes de  son  couvent. 

«  A  vous  Messieurs  tenans  les  cstatzgénéraulz  du  païs  et  compte 
de  Gomenge. 

»  Supp.  humblem'  frère  Jean  Gastet,  docteur  en  théologie  et  reli- 
gieux de  rOrdre  N'"  Dame  de  la  Mercy  de  la  Rédemption  des  pau- 
vres chrestiens  captifs,  que  preschant  la  parolle  do  Dieu  en  la 
ville  de  Sallies,  la  caresme,  en  l'année  mil  cinq  cens  nonantc 
huict,  ayant  veu  ladévocion  des  habitans  de  lad.  ville  aud.  Ordre, 
à  la  requeste  et  prière  d'iceulz  auroit  preste  l'oreilhe  avec  Tadvis 


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823 

des  Supérieurs,  à  y  drosser  et  bastir  ung  couvent  et  esglize,  et 
ayant  jeetés  etadvancés  les  premiers  fondements,  les  divers  servi- 
ces s'y  célèbrent,  et  assez  advancés.  Mais  aiïaulte  de  moyens  tant 
dud.  suppliant  pouvre  religieulx  mandiant,  que  desd.  habitans  qui 
se  sont  engaigés  pour  se  remettre  soubz  la  main  du  Roy,  la  besoi- 
gne  chaulme  cl  demeure  discontinuce,  et  ne  pourra  se  continuer  sy 
par  Vous  Messieurs  quy  estes  les  Pères,  Pillyers  et  Golomnes  de  la 
Relligion  catholique,  app.,  romaine,  dud.  Gomenge,  l'œuvre  en- 
commencéc,  quy  regarde  Thonneur,  gloire  et  exaltation  de  Dieu  et 
augmentation  de  lad.  Relligion  catholique,  apostolique,  romaine, 
n  est  assistée  de  quelque  somme  de  vostre  libéralité. 

«  Quoy  veu,'et  que  tout  le  paîs  de  Comengeprent  et  participe  aulx 
prières  quy  se  font  et  feront  à  l'advenir  dans  led.  Gonveut,  et  que 
jamais  la  bource  dud.  paîs  n'a  esté  fermée  à  [œuvres]  sy  sainc- 
tes  et  pies,  plerra  de  vos  grâces,  ordonner  à  l'efTect  dud.  Basti- 
ment,  desd.  Gouvent  et  Esglize,  sera  baillé  au  suppliant  la  somme 
de  200  escus  ou  autre  qu'il  vous  plerra,  et  led.  suppl*  et  les  reli- 
gieulz  dud.  ordre  continueront  de  prier  Dieu  pour  TEstat  et  pros- 
périté de  tout  led.  paîs  et  comté  de  Gomenge,  et  ferés  bien.'  » 

Cette  demande  n'a  rien  de  surprenant  :  chaque  année  l'assem- 
blée du  pays  de  Gomminges  recevait  de  semblables  requêtes  et  y 
fesait  bon  accueil.  Les  aumônes  étaient  parfois  assez  minimes, 
mais  les  Etats  trouvaient  toujours  quelques  écus  disponibles 
pour  aider  de  pauvres  religieux.  Le  syndic  des  PP.  de  la  Merci 
connaissait  si  bien  les  dispositions  favorables  des  Etats  qu'il 
n'hésitait  pas  à  présenter  de  nouvelles  requêtes  les  années  suivan- 
tes. Dans  celle  de  1600  adressée  aux  Etats  tenus  à  Muret,  après 
avoir  rappelé  que  des  religieux  de  son  ordre  fondaient  un  couvent 
à  Salies,  il  ajoute  qu'ils  ne  peuvent  le  «  parachever  pour  leur 
grande  pouvreté,  n'ayant  que  ce  qu'ilz  amassent  des  aulmosnes 
des  gens  de  bien,  syls  ne  sont  secoreus  ^.  » 

f  ^s  Etats  accordèrent  20  écus. 

Enfin  dans  la  requête  de  1602,  reçue  par  l'assemblée  réunie  à, 
Gastillon,  frère  Jean  Gastet  nous  apprend  que  la  construction  de 
réalise  était  alors  achevée  puisqu'on  songeait  à  édifier  le  clocher  : 
«  de   tant  qu'il  désire   [le  suppliant]  bastir  ung  clocher  et  faire 
autres  réparations  aud.  couvent'.  » 

Cette  fois  les  États  accordèrent  10  écus. 

Telle  fut,  à  Salies,  l'origine  du  couvent  des  PP.  de  la  Merci. 

1.  Archives  de  Muret,  L.  100. 

2.  Archive»  de  Murel.  L.  100. 

3.  Ibidem, 


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384 

Quelle  partie  de  la  ville  occupait  le  monastère  ?..  A  défaut  de  plan, 
de  cadastre  ou  d'autres  documents,  on  pourrait  consulter  à  ce 
sujet  les  traditions  locales.  Peut-être  des  noms  ou  des  usages 
pieux  conservent-ils  encore,  à  Salies,  comme  en  d*autres  lieux,  le 
souvenir  des  moines  disparus  et  désignent-ils  Tcndroit  où  ils 
s'étaient  fixés.  Quoiqu'il  en  soit,  il  ne  nous  parait  pas  douteux  que 
leur  chapelle  fut  distincte  de  cette  église  dont  on  voit  les  ruines 
près  de  l'ancien  château.  M.  Anthynie  Saint-Paul,  en  enlevant 
toute  difficulté  à  cet  égard,  avait  déjà  donné  satisfaction  à  une 
des  quatre  questions  auxquelles  nous  avons  nous-méme  aujour- 
d'hui essayé  de  répondre. 

J.  Lestradb. 


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RESTES  D'ELAN  ET  DE  LION 

DANS     UNE     STATION     PRÉHISTORIQUE     DE    TRANSITION 

ENTRE  LE  QUATERNAIRE  ET  LES  TEMPS  ACTUELS 

A  SAINT-MARTOHY 


M.  Chamaison  a  étudié,  en  1891,  dans  la  Revue  de 
Commingesy  une  curieuse  accumulation  de  débris  de 
cuisine  préhistoriques  qu'il  avait  explorée  avec  M.  Darbas, 
dans  la  petite  grotte  de  la  Tourasse ,  située  à  l'altitude 
de  280  mètres,  à  une  faible  hauteur  au-dessus  de  la 
Garonne,  près  de  Saint-Martory  (Haute-Garonne}. 

M.  Félix  Regnault  a  décrit  ces  découvertes,  en  1892, 
dans  la  Revue  des  Pyrénées.  Il  a  montré  que  ce  gisement 
préhistorique  avait  donné  des  silex  fort  nombreux,  mais 
presque  tous  grossièrement  taillés,  et  des  harpons  en  os, 
plats,  barbelés  et  munis  d'un  trou  à  la  base,  du  type 
trouvé  par  M.  Piette  dans  la  couche  supérieure  de  la 
grotte  du  Mas-d*Azil  (Ariège).  M.  Regnault  a  reconnu  les 
animaux  suivants  :  «  ours,  sanglier,  loup,  blaireau,  cas- 
tor, putois,  cerf,  chevreuil,  bœuf,  cheval.  »  Il  n'y  avait 
que  deux  ou  trois  pièces  de  renne,  tandis  que  les  restes 
de  cerf  étaient  très  abondants.  M.  Regnault  a  conclu  : 
c<  L'ensemble  des  faits  permet  d'attribuer  la  station  de  la 
Tourasse  à  cette  époque  encore  mal  connue  qui  est  inter- 
médiaire entre  la  fin  de  l'âge  du  renne  (Paléolithique, 
temps  quaternaires)  et  les  débuts  de  l'âge  de  la  pierre 
polie  (Néolithique,  temps  actuels).  » 

Je  n'ai  l'intention  de  m'occuper  ici  ni  de  l'industrie,  ni 
de  l'âge  de  ce  gisement.  Je  partage  entièrement  a  leur 


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326 

sujet  les  idées  ci-dessus  de  M.  Regnault.  A  mon  avis, 
cette  station  ressemble  à  celles  du  quaternaire  par  Taccu- 
mulation  des  débris  de  cuisine  —  par  leur  composition, 
qui  consiste  surtout  en  ossements  cassés  de  Ruminants 
d'espèces  sauvages  —  Tabsenca  de  restes  du  Mouton  et 
de  la  Chèvre,  qui  sont  des  animaux  domestiques  —  la 
présence  de  nombreux  harpons  —  Toutillage  en  silex 
taillés  —  Fabsence  d'objets  en  pierre  polie  et  de  poterie. 
Mais^ses  harpons  sont  d'un  type  qui  parait  plus  spécial  à 
la  transition  du  quaternaire  à  Tépoque  actuelle  et  c'est 
plutôt  à  cette  dernière  qu'appartient  l'ensemble  de  sa 
faune.  On  peut  dire,  je  crois,  que,  dans  ce  gisement,  tout 
ce  qui  est  du  fait  de  l'Homme  est  quaternaire,  tandis  que 
la  faune  est  plutôt  actuelle,  de  sorte  qu'il  semble  avoir  été 
constitué  par  les  survivants  d'une  peuplade  quaternaire 
pendant  les  premiers  débuts  des  temps  actuels. 

C'est  de  quelques  détails  de  la  faune  que  je  compte 
m'occuper  ici  d'une  manière  plus  spéciale,  me  basant 
presque  uniquement  sur  les  nombreux  ossements  qui 
m'ont  été  donnés  par  M.  Chamaison  et  que  j'ai  étudiés  à 
loisir. 

Voici  la  liste  que  j'ai  dressée  des  animaux  de  ce  gise- 
ment. J'ai  indiqué,  pour  chacun,  le  nombre  des  molaires 
ou  des  mandibules  recueillies  par  M.  Chamaison,  afm  de 
donner  une  idée  de  Tabondance  relative  de  chaque 
espèce  : 

Lîou Une  canioe. 

Ctinis  de  U  taille  du  Loap  (longueur  de  la  carnassière 

inférieare  30  millimétrés) Deux  mandibules. 

Canis  moins  grand  (longueur  de  la  carnassière  inrérienre 

23  millimètres) Trois  mandibules. 

(lastor Quatre  mandibules. 

Cheval Environ  130  molaires. 

Sus Environ  90  molaires. 

Grand  Bovidé Environ  100  molaires. 

Cerr  élapbe Pin  s  de  500  mobires. 

Chevreoil Environ  35  molaires. 

Renne  ? Deox  molairps, 

È\àn  CAkesJ Une  molaire. 

Les  ossements  recueillis  par  M.  Chamaison  ont  une 
couleur  brune  tirant  plus  ou  moins  sur  le  jaune.  Tous 


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397 
étaient  dans  une  même  terre  noire,  ainsi  qu'en  témoi- 
gnent encore  les  traces  dont  le  lavage  les  a  incomplè- 
tement dépouillés. 

Je  vais  exposer  les  raisons  qui  m'ont  amené  à  com- 
prendre dans  cette  liste  le  Lion,  le  Renne  et  TÉian. 

Lion.  —  M.  Chamaison  m'a  donné  de  ce  carnassier,  une 
canine  supérieure  de  lait,  une  moitié  inférieure  de  méta- 
carpien ou  métatarsien  et  une  première  phalange.  En 
outre,  j'ai  vu  chez  i\t.  Darbas  deux  canines  d'adulte,  qui 
proviennent  aussi  de  ce  gisement  ;  elles  possèdent  nette- 
ment les  sillons  longitudinaux  du  genre  Felis. 

Ces  restes  montrent  que  le  Lion  de  la  Tourasse  était 
moins  grand  que  le  Felis  spelœa  type. 

Renne.  —  M.  Chamaison  n'a  trouvé,  dans  cette  grotte, 
d'autres  restes  de  Renne  qu'une  prémolaire  supérieure, 
une  seconde  ou  troisième  prémolaire  inférieure  et  une 
extrémité  inférieure  de  métacarpien.  Leur  détermination 
me  paraît  certaine.  Mais  les  teintes  de  ces  trois  pièces  dif- 
fèrent peut-être  un  peu  de  celles  de  la  plupart  des  autres 
ossements,  bien  qu'elles  aient  conservé  aussi  des  traces 
de  terre  noire.  Comme  je  tiens  à  pécher  plutôt  par  excès 
de  prudence,  j'hésite  à  affirmer  qu'elles  sont  contempo- 
raines de  la  grande  masse  du  gisement. 

Elan.  —  Il  m'avait  semblé,  en  lisant  le  Mémoire  de 
M.  Regnault,  que  la  «  Pointe  de  trait  en  os  »  représentée 
par  sa  figure  2,  p.  447,  pouvait  peut-être  provenir  d'un 
métacarpien  latéral  d'Élan.  Depuis,  j'ai  vu  chez  M.  Mader 
un  objet  semblable,  que  cet  habile  chercheur  avait  trouvé 
dans  le  même  gisement  et  que  j'ai  pu  étudier.  L'échan- 
tillon de  M.  Mader  ressemble  au  métacarpien  latéral  d'un 
Renne  ou  d'un  Chevreuil.  Mais  il  est  énormément  plus 
grand,  ce  qui  conduit  à  l'attribuer  à  un  Ruminant  de 
très  forte  taille.  Ni  le  Cerf,  ni  le  Bos  primigeniuSy  ni  le 
Bison,  ne  possèdent  de  métacarpiens  de  ce  type.  Je  ne 
sais  s'il  en  est  de  même  du  Mégacéros,  mais  ce  genre 


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328 

doit  être  écarté  comme  ayant  disparu  du  sud-ouest  de  la 
France  à  une  époque  bien  antérieure.  Reste  l'Élan,  qui 
possède  précisément  des  métacar- 
piens latéraux  de  ce  type. 

Ma  certitude  est  devenue  complète 
par  Texamen  d'une  dent  qui  a  été 
découverte  par  M.  Chamaison  et  que 
j'ai  représentée  ci-contre,  en  vraie 
grandeur,  vue  en  plan  et  suivant  sa 
face  externe.  C'est  une  troisième 
molaire  supérieure  droite.  Je  l'ai 
comparée  à  la  dent  correspondante 
du  Cerf  élaphe,  de  sa  varitété  cana- 
densis  (tête  actuelle  au  Muséum  de 
Bordeaux),  du  Mégacéros  (deux  té- 
lés d'Irlande,  l'une  à  ma  collection, 
l'autre  au  Muséum  de  Toulouse  et 
une  mâchoire  de  la  Dordogne,  à 
ma  collection),  de  l'Élan  d'Europe 
et  d'Amérique  (deux  têtes  actuelles, 
l'une  de  Suède,  l'autre  du  Canada, 
au  Muséum  de  Bordeaux).  Cette 
comparaison  m'a  montré  que  mon 
échantillon  possède,  au  lobe  externe 
postérieur,  une  particularité  qui  fait 
défaut  à  la  dent  correspondante  du  Cerf  élaphe,  de  sa 
variété  canadensis,  et  du  Mégacéros,  mais  qui  existe  au 
contraire  à  celle  des  Élans  d'Europe  et  d'Amérique  :  c'est 
le  prolongement  de  de  la  côte  postérieure  de  ce  lobe  par 
une  paroi  qui  se  replie  parallèlement  à  la  face  extérieure, 
en  formant  un  creux  fermé  de  trois  côtés.  Cette  particu- 
larité est  bien  visible  sur  mes  deux  figures.  Mon  échan- 
tillon la  possède  même  à  la  côte  antérieure  de  ce  lobe,  ce 
qui  n'existe  pas  ou  n'existe  que  très  peu  aux  dents 
correspondantes  d'Élan  auxquelles  il  m'a  été  donné  de  le 
comparer,  de  sorte  que  mon  échantillon  présente  le  ca- 
ractère d'Élan  d'une  manière  particulièrement  accentuée. 


Molaire  sapcrieure 
d'Élan. 


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389 

Mon  échantillon  a  d'autres  particularités  de  TÉlan. 
Ainsi  :  Texistence  d'un  croche  par  lequel  le  lobe  externe 
antérieur  se  replie  sur  la  face  antérieure  en  repoussant 
d'autant  le  lobe  interne,  caractère  qui  provient  de  ce  que 
les  molaires  de  TÉlan  chevauchent  beaucoup  en  plan  —  la 
forme  de  rextrémité  postérieure  de  la  surface  usée  du 
lobe  interne  antérieur  —  la  présence  d'un  petit  ilôt  indé- 
pendant entre  les  surfaces  usées  des  deux  lobes  internes, 
—  la  grande  différence  d'usure  des  deux  lobes  internes, 
Tantérieur  étant  bien  plus  usé  que  le  postérieur. 

Cette  dent  est  de  la  même  grandeur  que  chez  l'Élan 
actuel. 

L'Élan  n'a  été  signalé  que  bien  rarement  dans  le  sud- 
ouest  de  la  France  et,  comme  on  n'a  jamais  figuré  ni 
décrit  les  échantillons  qui  ont  servi  à  le  déterminer,  on 
peut  se  demander  si  les  restes  qu'on  a  supposé  pouvoir 
lui  attribuer  ne  sont  pas  de  Mégacéros  ou  de  Renne. 

Des  ossements  humains  assez  nombreux  ont  été  trouvés 
dans  la  grotte  de  la  Tourasse.  J'en  ai  vu  seulement  quel- 
ques-uns dont  l'aspect  est  des  plus  modernes  et  contraste 
avec  celui  des  autres  ossements.  Peut-être  les  restes 
humains  que  j'ai  vus  proviennent-ils  du  lépreux  qui, 
d'après  la  tradition,  a  été  séquestré  jadis  dans  cette 
grotte*. 

La  faune  de  ce  gisement  permet  de  se  rendre  compte 
du  climat  et  de  l'aspect  du  pays  à  cette  époque. 

On  sait  que,  vers  la  fin  du  quaternaire,  quand  l'Homme 
employait  l'industrie  appelée  magdalénienne  par  M.  de 
Mortillet,  le  Renne  était  très  abondant.  Il  était  devenu  fort 
rare,  ou  avait  peut-être  même  complètement  disparu, 
quand  l'Homme  a  accumulé  les  débris  qui  ont  formé  le 
gisement  de  la  Tourasse.  On  doit  donc  supposer  que  le 
climat  était  devenu  moins  froid.  Il  n'était  cependant  pas 


1.  Les  exemples  d*babiUilion  rëceote  de  nos  grottes  ne  sont  pas  rares.  Je  crois  inté- 
ressant de  citer  le  suivant.  Au-dessus  de  Maoléon-Barousse  (Hautes- Pyrénées),  on  lit  cette 
inscription  à  l'entrée  d*une  petite  grotte  :  a  u  mémoire  dr  ^  mabie  ioscph  de  fiarcette 

d'aCOS  —  PR£BENDI.EB  de  l'église  de  COMMINGES  —  PRIS  DANS  CETTE  GROTTE  —  LE  30  DÉCBM- 

UB  1793   — -  EXÉCUTÉ  A  TABBES  ^  LK  9  JANVIFR  1794   — •    IR  MEMORIA   ETBRHA  ^  ERIT  JUSTUS. 


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330 

aussi  chaud  que  maintenant,  car  TÉIan  habite  des  pays 
plutôt  froids  que  tempérés. 

La  présence  du  Cerf  élaphe,  si  abondant,  du  Chevreuil 
et  surtout  de  TÉlan  doit  faire  admettre  que  le  pays  était 
boisé.  Le  Cerf  élaphe  et  le  Chevreuil  préfèrent,  en  effet, 
les  forêts  aux  espaces  découverts.  L'Élan  ne  vit  que  dans 
les  forêts.  On  lira  avec  intérêt,  à  ce  sujet,  les  extraits 
suivants  de  l'ouvrage  de  Brehm,  L  Homme  et  les  AnimauXy 
édition  française  : 

«  ...  L'Élan  vit  dans  les  forêts.».  En  Suède  (il  habite)  les 
forêts  immenses  qui  recouvrent  les  monts  Kjoelen...  Il  se 
trouve  (dans  le  nord  do  l'Asie)  partout  où  il  y  a  de 
grandes  forêts...  il  manque  dans  le  désert  de  Tundra,  où 
il  n'y  a  point  de  forêts...  L'Élan  se  plaît  dans  les  forêts 
de  saules,  de  peupliers,  de  bouleaux...  Par  les  beaux 
temps,  il  préfère  les  forêts  de  bouleaux,  de  saules,  etc.  ; 
par  la  pluie,  la  neige,  le  brouillard,  il  préfère  les  forêts 
de  conifères...  Les  jeunes  pousses  et  les  écorces  forment 
la  base  de  sa  nourriture,  ce  qui  rend  l'espèce  nuisible. 
Il  enfonce  ses  incisives  dans  l'écorce,  comme  un  couteau, 
en  arrache  un  morceau,  le  saisit  entre  ses  lèvres  et  ses 
dents  et  détache  alors  de  longue?  lanières.  Avec  sa  tête, 
il  courbe  les  arbres,  en  casse  la  cime  et  en  mange  les 
branches...  La  plus  grande  difTiculté  qu'on  éprouve  à 
tenir  l'Élan  en  captivité,  c'est  son  incapacité  à  saisir  des 
herbes  qui  naissent  à  la  surface  du  sol.  Sa  lèvre  supé- 
rieure, longue  et  touffue,  l'empêche  do  les  prendre  et  le 
force  à  ne  se  nourrir  que  de  branches  d'arbres.  Je  ne  l'ai 
jamais  vu  couper  un  brin  d'herbe...  Il  est  un  véritable 
fléau  pour  les  forêts...  » 

Il  semble  donc  que  l'extrême  fin  du  quaternaire  a  été 
marquée,  chez  nous,  par  une  faune  de  forêts.  M.  Nehring 
et  d'autres  savants  ont  démontré  le  même  fait  pour  le 
centre  de  l'Europe. 

La  découverte  de  restes  de  Lion  dans  la  grotte  de  la 
Tourasse  présente  un  certain  intérêt.  On  sait  qu'il  y  a  eu, 
dans  notre  région,  pendant  le  quaternaire,  des  Lions 


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334 

énormes  fFeiis  spelsea)  et  que  leurs  descendants,  de  taille 
plus  réduite,  y  ont  vécu  jusque  très  avant  dans  cette 
période.  Mais  on  ignorait,  je  crois,  qu'ils  n'avaient  pas 
encore  disparu  de  notre  pays  dans  les  premiers  débuts 
des  temps  actuels.  M.  Boyd  Dawkins  a  soutenu  que  le 
Lion  a  vécu  en  Europe  jusqu'aux  temps  historiques 
(The  British  Pleistocene  Mammalia,  part  III,  p.  164;.  La 
présence  de  restes  de  Lion  à  la  Tourasse  me  semble 
démontrer  que  ce  carnassier  s'est  maintenu  fort  tard 
dans  les  Pyrénées. 

Edouard  IIARLÉ. 


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UN  DEMI-SIECLE  D'ASCENSIONS 
AU  NÉTHOU' 

(suite) 


1865 

1"  août,  —  Henri  Gutbert  and  Walter  Boulnois.  —  Guides  : 
Pierre  Barrau,  Haurilion.  Wind  very  strong. 

Started  from  tlie  Rencluse  at  4  a.  m.,  arrived  hère  at  8. 

5  August.  —  W.  Stuart  Fraser,  George  G.  Fordati  (London), 
Ernest  E.  Waren  (London).  —  Guides  :  Pierre  Barrau,  and 
Haurilion  (both  excellent).  —  We  were  5  hours  and  1/2  in  niaking 
ihe  ascent,  owing  to  the  hardness  cf  the  snow  ;  magnificent  view 
from  the  top,  the  weather  being  remarkably  fine. 

7  août.  —  T.  Ed.  Melchers  (Brème,  Allemagne),  Jean  Penmot(?) 
(de  Hannau),  Louis  Guthyert  (Kœnisberg).  —  Guides  :  Redonaet- 
Michot,  J.  Redonnet,  J.  Estrujo.  —  Temps  excellent.  Montés 
en  4  heures. 

20  août.  —  MM.  de  Lagarde,  Alfred  et  Raoul  Leghait,  W.  Dollus, 
G.  Duroy  de  Suduiraut  (Bordeaux).  —  Guides  :  Haurilion,  J.  Arga- 
rot,  J.  Ribis,  S.  Binos  et  Gamy,  des  Eaux-Ghaudes,  dont  nous 
n'avons  eu  qu'à  nous  louer. 

Partis  de  Luchon  le  19  août  avec  un  temps  magnifique.  Gouchés 
à  la  Rencluse.  —  Partis  le  20  à  4  h.  30,  arrivés  au  pic  Néthou 
à  10  h.  moins  20  minutes.  Un  brouillard  des  plus  intenses  nous  a 
empêchés  de  jouir  de  là  vue  du  sommet. 

31  août.  —  Arnould  Thenard,  Paul  Delanney.  —  Guides  :  Redon- 
het-Michot,  G.  et  A.  Guilhelm. 

Partis  de  Luchon  le  29,  le  mauvais  temps  nous  force  de  coucher 
deux  jours  à  la  Rencluse.  Arrivés  le  31  au  sommet.  Grand  vent  du 
nord.  —  Nous  avons  laissé  2  thermomètres  (un  maxima  et  un 

1.  Voir  ci-dessus,  p.  233  à  245. 


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333 

minima).  La  température  était  à  —  2o.  —  Prière  aux  voyageurs  de 
n'y  pas  toucher. 

5  septembre.  —  T.  Lézat,  ingénieur,  Comte  de  Fellers.  —  Arrivés 
au  sommet  du  Néthou  à  9  h.  30,  partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  30  par 
un  léger  brouillard.  Temps  superbe  au  sommet.  —  Thermomètre 
(maxima)  =  37«  (minîma)  S*».  —  Baromètre  =  509™»»  .  —•  Guides 
Michot  et  B.  i.afont. 

ÎO  septembre,  —A.  Corne,  avocat  (Douai),  F.  Bég  hin  (Thumières.) 
—  Guides  :  Michot,  G.  Bajun,  tous  deux  excellents.  —  Partis  de  la 
Rencluse  à  3  h.  par  un  admirable  clair  do  lune,  arrivés  au  sommet 
à  7  h.  30.  —  Temps  magnifique. 

Le  thermomètre  marque +       11**  centigr. 

-—  maxima =      38«     — 

—  minima =  —  14°,5 

14  septembre.  —  MM.  Henry  Dursus,  capitaine  au  7««  chasseurs, 
chef  du  bureau  arabe  de  Lagouath  ;  Ë.  de  Trémieux  (?),  qui  n'y 
reviendra  plus  que  quand  on  pourra  y  monter  en  voiture.  —  Gui- 
des :  J.  Estrujo,  P.  Sanson,  Barthélémy  Courrège. 

16  septembre,  -—  M.  Guyot-Sionnet  (Paris),  Madame  Guyot-Sion- 
net  (née  Lequeux),  M.  Olivier  Chabeaury,  avocat  (Clermont), 
M.  Ev.  Gaubert,  chef  de  musique  (Brioude).  —  Guides  :  Pierre 
Barrau,  Michot,  Haurillon,  J.  Argarot. 

Nous  souhaitons  à  tous  les  touristes  un  aussi  beau  temps  que 
celui  dont  nous  avons  joui.  (Suit  une  ligyw  de  la  symphonie  pasto- 
torale  de  Deelhowen.) 

19  septembre.  —  John  Edge  (Ireland),  Charles  O'Malley  (Ireland)  : 
^lorlous  voeather  and  sun-rise.  —  Guides  :  Pierre  Barrau  and 
Haurillon. 

1866 

iO  juillet,  —  G.  de  Montebello,  A.  de  Bouville,  pas  à  leur  aise 
du  tout...,  B.  Bouhier  de  l'Ecluse,  Amédée  Volait  (?).  —  Guida:  : 
Redonnet-Michot,  J.  Estrujo,  Ladrix,  Barthélémy  Courrège. 

17  juillet.  —  Hector  Randon  D.  M.  (Montpellier),  E.  Jeanbernat 
D.  M.  (Toulouse),  Albert  Gérard  (Nanteuil).  —  Guides  :  Michot, 
J.  Estrujo,  F.  Redonnet  dit  Coco. 

Même  date.  —  Comte  Roger  de  Nicolay,  Vicomte  Raoul  de  la 
Panouse  (Paris).  —  Guides  :  B.  Arazeau  Ursule,  Pierre  Jouaneton. 

i9  Juillet,  —  J.  de  Seguin.  —  Guides  :  P.  et  F.  Barrau.  —  Partis 

de  la  Rencluse  à  7  h.  moins  un  quart,  arrivés  ici  à  10  heures  et 

quart.  —  Se  rendant  dïci  au  pic  Posets  pour  rentrer  à  Luchon  par 

le  Portillon  d'Oo. 

31  juillet.  —  John  Wilson  (Etats-U»is).  —  Guides  :  J.-M.  Capde- 

ville  (Estrujo)  et  G.  Ladrix.  —  Had  a  very  fine  sun-rise  just  before 
Rktu«  »c  ComiiKOB»,  4*  irimettre  i894.  Toi»  IX.  •-  23. 


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334 

entering  the  glacier ,  but  were  afterwards  enveloped  in  clouds 
most  of  the  way. 

i»""  août.  —  H.  Massias,  capitaine  au  long  cours  (Nantes),  Henri 
et  Tony  Duparc.  —  Guides  :  J.  Haurillon  et  B.  Lafont.  — ■  Montés 
ici  par  un  temps  superbe  en  3  h.  45  depuis  la  Rencluse  (arrivés  à 

7  h.  10).  Nous  n'avons  qu'à  nous  féliciter  de  la  prudence  et  du 
dévouement  de  nos  guides. 

Même  date,  —  M.  Segonzée  (?).  —  Guides  :  Jean-Baptiste  Lafont, 
P.  Cantaloup.  —  Tous  montes  en  bonnet  do  coton  :  Vent,  vidi, 
vici, 

12  août.  —  Fried.  With.  Juncke  (Danzig).  —  Guides  :  Pierre 
Barrau  et  son  frère.  —  Se  rendant  d'ici  au  pic  Posets. 

15  août,  —  Arthur  Bourges  (Bordeaux).  —  Guides  :  J.  Haurillon, 
D.  Sors.  —  Je  n'ai  qu'à  me  louer  de  la  prudence  et  de  la  bienveil- 
lance de  mes  guides  et  les  recommande  aux  voyageurs. 

N.  B.  —  Deux  autres  touristes  n'ont  pu  monter  et  ontdû  retourner 
à  la  Rencluse.  (Remarques  illisibles.) 

il  août.  —  Revd  W.-J.  Tait  (Worcester  Collège,  Oxford)  ;  — 
Guides  :  J.-B.  Lafont  et  P.  Redonnet.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
1  heure,  arrivés  au  sommet  à  4  h.  35. 

23  août.  —  Alphonse  Lignon  ;  Manuel  Borg  (Montflanquin,  Lot- 
et-Garonne),  ma  2'"«  ascension;  J.  de  Tremond;  Ch.  de  Bethmann. 

—  Guides  :  J.  Haurillon,  B.  Raygot,  Jean  Sanson,  G.  Bajun.  — 
Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  02,  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à 

8  h.  10.  —  Isards  aux  Barrans. 

Même  date.  —  M.  de  Baisgrallin  (?).  —  Parti  hier  soir  à  8  h.  45  de 
Luchon,  à  pied,  en  compagnie  de  Pierre  Barrau,  j'arrive  au  som- 
met du  Pic  de  Néthou  le  23  août  à  9  h.  16  du  matin. 

4  septembre.  —  Cyrille  et  A.  Guilhem,  Louis  Portai  (Montauban). 

—  Guides  :  Charles  Gouchan. 

Partis  de  la  Rencluse  par  un  temps  magnifique  à  7  h.  30',  arrivés 
à  11  h.  30'  au  sommet  du  Néthou,  où  nous  avons  très  bien  déjeuné 
de  grand  appétit  sans  nous  presser;  nous  jouissions  d'une  vue 
superbe  grâce  au  temps  qui  était  très  clair.  —  Nous  avons  compté, 
avec  une  lorgnette,  47  isards  dans  les  glaciers  des  Barrans. 

5  septembre.  —  Frank  W.  and  John  B.  Haslam  (Rugby).  —  Gui- 
des :  Pierre  Barrau,  J.  Sors.  —  Started  from  the  Rencluse  at  3,30, 
reached  the  Néthou  at  8.  —  A  beautiful  day  ;  but  fearfuUy  cold. 

i8  septembre.  —  Baron  Dulimbert,  préfet  de  la  Haute-Garonne  ; 
vicomte  Hallez  d'Arros,  son  secrétaire  particulier  ;  Jolivct,  sous- 
préfet  de  Villefranche  ;  Lenglé,  sous-préfet  de  Saint-Gaudens  ; 
MM.  Coume  (Marseille),  Gayet  (Marseille),  Jules  Solard  (Paris), 
ELmile  Cossenet  (Paris),  T.  Lézat^  ingénieur  civil  (Toulouse).  — 


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335 

Guides  :  Michot,  Haurillon,  P.  Redonnet,  Cier,  Maleplate,  J.-M. 
Làfont. 

20  septembre.  —  E.  P.  Kowsell,  R.  Guthbert  (alpine  club),  Lon- 
don  ;  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Haurillon.  —  Left  Rencluse  at 
5  h.  5',  arrîved  at  summit  9  h.  5'.  —  Splendid  day. 

18(57 

Î3juin.  —  Paul  Godélier,  officier  d'Etat-Major,  Emile  Poullard, 
négociant  (Seine-Inférieure).  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Haurillon. 
Partis  de  la  Rencluse  à  I  h.  45',  arrivés  au  sommet  à  6  h.  30'.  — 
Toujours  dans  la  neige  depuis  la  Rencluse.  Temps  splendide. 

Î9  juillet,  —  C<«  de  la  Villegontier,  C*  0.  de  Follin,  Baron  de 
Tiesenhaùsen  (Livonie)^  H.  du  Peyrouse,  Jules  Déjobert,  A.  Frais- 
sinet  ;  —  Guides  :  Michot,  Haurillon,  P.  Barrau,  J.  Estrujo,  Lade- 
vèze-Sevin,  Jouaneton,  Gh.  Gouchan. 

20  juillet  ~  W.  E.  Norris,  J.  S.  Streafield  (Corpus  Christi  collège, 
Oxford);  Guides  :  P.  Barrau,  Haurillon.  —  Left  Rencluse  at  l  h.  a.  m. 
reached  the  summit  at  4  h.  30\  and  saw  the  sun-rise.  Beautifuld 
mornîng. 

2  août.  —  E.  Polonceau.  —  Guides  :  J.  Estrujo^  Bartiiél.  Gourrège. 
—  Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  20',  arrivés  à  7  h.  50'  par  un  temps 
de  neige  mais  calme. 

11  août.  —  G*«  L.  Du  Plessis  d'Argentré,  G.  LeGonidec  de  Trais- 
aan  (Breton),  L.  Naissant,  L.  Henry  (Agen)  ;  —  Guides  :  J.  et  J.-M. 
Estrujo.  —  Partis  et  arrivés  ici  en  bonne  santé,  en  4  heures,  par  un 
très  beau  temps. 

Thermomètre  minima^  —  20°  :  maxima  +  45° 

12  août.  —  Maurice  B.  Byles.  —  Guide  :  Pierre  Barrau.  —  Départ 
à  2  h.  40'  du  matin,  arrivée  à  6  h.  48'.  —  Temps  magnifique  et 
chaud. 

14  août.  —  L'abbé  J.  B.  Ranvier  et  l'abbé  Alex.  Sobaux.  —  Gui- 
des  :  P.  Barrau  et  Haurillon.  —  Départ  de  la  Rencluse  à  2  h.  30', 
arrivée  au  sommet  à  7  h.  15'.  —  Temps  beau  et  chaud.  Soleil 
levant  sur  le  glacier. 

15  aoû(.  ■—  François  Vaney  (Paris),  BoufYé  (Rouen).  —  Guides: 
Ch.  Gouchan,  P.  Sanson,  J.  Redonnet.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
8  h.  55%  arrivés  à  1  h.  10'.  Mauvais  temps,  brouillard  et  neige. 

17  août.  — F.  Gh.  Loysel.  —  Guide:  Pierre  Barrau.  Arrivés  au 
sommet  à  6  h.  25  minutes. 

20  août.  —  Comte  de  Puységur.  —  Guides  :  Pierre  Barrau, 
J.  Estrujo,  Barthél.  Gourrège.  —  Arrivé  au  sommet  du  Néthou  à 
5  h.  30'  par  un  temps  splendide. 

29  août,  —  Daniel  Doumerc,  ingénieur  civil  (Paris),  Etienne  Salo- 
mon  (Montauban).  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Haurillon.  —Partis  de 


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336 

la  Hencluse  à  4  h.,  arrivés  au  sommet  à  8  h.  du  matin.  Temps 
magnifique,  pas  de  nuages,  atmosphère  de  la  plaine  très  chargée, 
vent  fort  et  frais.  Les  glaciers  étant  gelés,  pris  par  le  passage  et  le 
pic  du  lac  Goroné.  Quelques  nuages  de  vapeur  dans  la  plaine;  en 
somme,  bonne  et  belle  journée. 

10  septembre,  —  M.  Glavé,  curé  de  Saint-Mamet  (Luchon),  et 
M.  Julien,  vicaire  de  la  Métropole  (Toulouse).  —  Guides  :  Redon- 
net-Michot  et  G.  Bajun,  intelligents  et  dévoués.  —-  Partis  de  la 
Hencluse  à  5  h.  t5\  nous  sommes  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à 
9  h.  moins  5*.  —  Temps  magnifique,  inespéré  la  veille;  glaciers 
splendidement  découverts  ;  courage  robuste  pour  Tascension.  Le 
brouillard  se  lève  du  côté  de  France. 

20  septembre,  —  Albert  Wail  (New-York),  Théodore  Ormerod(?|, 
Aug.  Lennox.  —  Guides:  Pierre  Barrau,  J.  Sors,  P.  Gay;  excel- 
lents. 

24  septembre.  —  R.  Brnennerk  (?).  —  Guides  :  Barthél.  Courrège, 
J.  Estrujo. 

27  septembre,  —  A.  G.  Barber,  Joseph  Muller.  —  Guides  :  P.  Bar- 
rau, J.  Haurillon.  —  Gloudless  day. 

l*"*  octobre.  —  M.  Ramsay  (alpine  club).  —  Guide  :  J.  Ëstrujo.  — 
Hencluse,  4  h.  40'.  au  sommet  à  8  h.  45\  —  Thermomètre  Fahrenh. 
au  soleil  =  4l<>. 

4  octobre.  —  H.  d'Auzac.  —  *juides  :  P.  Sanson,  J.  Haurillon.  — 
Arrivés  à  9  h.  30'.  —  Temps  superbe.  Quelques  nuages  du  côté  de 
TEspagne  ;  toute  la  chaîne  française  découverte.  Goup  d'œil  admi- 
rable. 

1868 

3  juillet,  —  Alf.  Dufilho  et  Gharles  Savary,  avocat  à  la  cour  de 
Paris.  —  Guides  :  Michot,  P.  Barrau,  P.  Jouaneton. 

S'étant  rencontrés  à  la  Hencluse  le  3  juillet  à  6  h.  du  soir,  ils  ont 
fait  ensemble  le  repas  du  soir,  dormi  à  Tabri  d'un  feu  très  utile, 
et  commencé  Tascension  à  4  h.  30'.  Beaucoup  plus  de  neige  que 
d'habitude  au  dire  des  guides.  —  Ascension  en  4  heures.  La  pre- 
mière de  l'année. 

7 juillet.  —  Letessier  (?).  —  Guides:  P.  Barrau,  J.  Haurillon.  — 
Temps  favorable. 

18  juillet.  —  M.  Lucien  Lasserre-Brisson  et  Céline  Lasserre-Bris- 
son  (Bordeaux).  —  Guides  :  L.  et  P.  Redonnet,  Guil.  Bajun. 

Partis  de  la  Hencluse  à  3  h.  30',  nous  sommes  arrivés  au  sommet 
du  pic  Néthou  à  9  h.  45'.  —  Le  glacier  de  la  Maladetta  était  rem- 
pli de  crevasses  très  profondes  et  très  dangereuses  ;  au  dire  des 
guides,  ils  n'ont  jamais  vu  ledit  glacier  aussi  mauvais. 

21  juillet  (mardi).  —  R.  Poucher  ( Château- Renault )  ;  guides 


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337 

B.  Gay  (domestique  de  Cier)  ;  A  Van  den  Rosche  (Belgique)  ' 
guide,  P.  Sanson  ;  8.  Gouaimer  de  Launay  (Laval)  ;  guides,  Michot, 
Charles  Gouchan,  M.  Marquizeau.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  heu- 
res moins  un  quart,  arrivés  au  pic  à  8  heures  moine  20  minutes. 

2i  juillet.  —  MM.  (les  noms  manquent),  —  Guides  :  Pierie  Barrau» 
Jean  Redonnet,  P.  Redonnet. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  moins  un  quart  du  matin,  arrivés  à 
7  h.  45. 

3  août,  —  0.  de  Follin,  M.  Hugues  (Paris),  G.  Mollie,  ofGcier  au 
8««  chasseurs,  M.  G.  Hugues  (Paris),  G.  Duput(?)  —  Guides  :  Michot, 
Haurillon,  Barrau,  G.  Bajun,  B.  Cier. 

Nous  sommes  partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  moins  20  du  matin,  et 
somges  arrivés  à  8  h.  moins  un  quart  avec  un  temps  impossible 
et  le  glacier  complètement  découpé  par  des  crevasses  immenses. 
Thermomètre  z=  —  tO<»  cent. 

7  aoiit.  —  MM.  V.  Michel,  Robert  Ward,  Beresford  Whyte,  Léon 
Hallaure.  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Haurillon,  J.  Jouaneton,  J.  Lo. 

Partis  de  I^uchon  le  6  août,  avons  couché  le  soir  à  la  Rencluse. 
Après  avoir  quitté  ce  rocher  à  3  h.  30  sommes  arrivés  au  haut  du 
pic  à  9  heures.  —  Le  temps  sans  être  mauvais  laisse  à  désirer  sous 
le  rapport  de  la  limpidité  et  ne  permet  pas  à  la  vue  de  s'étendre 
suffisamment  a  loin. 

Thermomètre  maxima  +  35»  1/2     J 

—  minima  —  lO»  >     à  10  heures  du  matin. 

—  air  libre  +  20^  ) 

21  août.  —  M.  Koehler,  capitaine  du  génie  et  M">«  Koehler.  — 
Guides  :  Pierre  Barrau,  Firmin  Barrau,  J.  Haurillon. 

Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  30,  arrivés  au  sommet  à  11  h.  6.  -- 
Temps  un  peu  couvert;  on  ne  distinguo  pas  L'Espagne. 

27  août.  —  M.  et  M««  Albert  Millot.  —  Guides  ;  P.  Barrau, 
J.  Haurillon.  —  10  h.  15.  Temps  superbe. 

fer  septembre.  —  S.  Marquizeau,  vicarius  de  Parochia  S^»  Martialis 
in  urbe  Burdigalensi.  —  Guide  :  Maurice  Marquizeau. 

Nous  sommes  partis  de  Luchon  au  nombre  de  cinq,  et  avons 
couché  à  la  Rencluse.  A  cinq  heures  du  matin  nous  reprenions 
notre  course.  De  la  Rencluse  nous  avons  gravi  le  sommet  du  gla- 
cier de  la  Maladetta,  redescendus  au  Portillon.  Trois  de  nos  com- 
pagnons s'en  revinrent  sur  leurs  pas,  et  nous  deux,  Maurice 
Marquizeau  me  servant  de  guide,  et  moi  Semir  Marquizeau,  prêtre, 
avons  entrepris  à  10  heures,  Tascension  du  Néthou ,  et  nous  en 
avons  atteint  le  sommet  à  midi  30  minutes.  —  Ciel  brumeux.  — 
Nombreuses  crevasses.  —  Mitabiles  horrores  undique  !  ! 

A  septembre.  —  Mary  H.  Elwes  (England),  A.  Willie,  Spring- 
America,  New- York.  Age  18.  Harmar  Charles  Denny,  Gatholic 


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338 

Priest.  of  the  Diocèse  of  Pittsburg  (Pennd)  —  Guidée  :  Barrau, 
Haurillon,  G.  Bajun,  J.  Sors. 

Wc  left  the  Rencluso  at  3  o'clock  and  arrived  at  the  summit 
at  8.  —  Splendid  weather.  Deo  gratias, 

1869 

ÎO  juillet.  —  M.  et  M"»«  Léon  Visart  de  Bocarmé  (Belgique).  — 
Guides  :  Charles  (de  St-Mrmet),  B.  et  Pierre,  domestiques  de  Cier. 
—  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  10,  arrivés  au  Néthou  à  6  h.  50*. 

12  juillet  —  Docteur  F.  Garrigou  et  M««  L.  Garrigou  (née 
Dupuy).  —  Guides  :  Gh.  Redonoet,  P.  Barrau,  Charles  (de  Saint- 
Mamet),  P.  Laforgne,  tous  quatre  fort  intrépides  et  fort  utiles  pour 
faire  faire  Tascension  aux  dames  eh  toute  sécurité. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  heures,  arrivés  à  7  heures  30.  La  tem- 
pérature dans  les  rochers  est  de  28o5  à  8  heures. 

Je  suis  venu  on  course  géologique  au  sommet  du  Néthou,  pour 
y  étudier  les  granités  du  massif.  J'engage  les  géologues  qui  feront 
la  course  à  bien  étudier  les  plans  de  division  de  ces  granités  et  à 
les  comparer  ensuite,  quant  à  leur  direction,  à  ceux  des  environs  de 
Eup,  de  Saint-Béat,  Marignac,  etc.  Tous  ces  granits  ont  été  décrites 
comme  éruptifs  et  ils  ne  le  sont  pas,  au  moins  d'après  tout  ce  que 
j'ai  pu  étudier  et  voir. 

12  juillet,  —  Fernando  L.  de  Ybarra  (Bilbao,  Espagne).  —  Guides  : 
J.  Haurillon,  P.  Cantaloup.  Je  les  recommande  à  tous  les  voya- 
geurs. 

Saiimos  de  la  Rencluse  à  las  très  mcnos  cuarto  y  llegamos  à  la 
cima  à  las  hocho  y  medio,  despues  de  admirar  en  el  camino  un 
magnifico  oso.  Mucho  calor. 
(La  même  notice  est  transcrite  en  français  et  en  anglais). 
17  juillet,  —  MM.  Emile  Jozon,  Albert  Jozon,  Charles  Frontier. 
—  Guides  :  J.-M.  Ribis,  L.  Redonnet.  Ch.  Gouchan, 

Les  soussignés  ont  fait  Tascension  du  pic  du  Néthou.  Partis  de 
la  Rencluse  à  3  heures,  arrivés  au  sommet  à  6  heures  15.  Pendant 
tout  le  trajet  nous  avons  eu  à  nous  louer  du  dévouement  intelli- 
gent de  nos  guides  qui  ont  su  nous  communiquer  un  peu  de  leur 
vigueur  et  de  leur  courage. 
20  juillet.  —  MM.  E.  Colas-Prot,  J.  Cordonnier,  C.  de  la  Croix 

et (nom   illisible),  —   Guides  :  J.  et   P.    Redonnet,  B.  Cier 

(un   rude).   —  Partis  de  la  Rencluse  à  2  heures  30,  arrivés   à 
7  heures.  Beau  temps.  —  Thermomètre  au  soleil  =+  40*. 

27  juillet.  —  M««  la  Vicomtesse  de  St-Jean,  M"»«  Juvigneau  de 
Vildé,  M™«  la  Baronne  Félix  de  Reinach,  M"«  Marie  de  Reinach, 
M.  l'abbé  Clavé  curé  de  St-Mamet,  M.  le  Baron  Félix  de  Beinach 
et   M .   Albert  de  Puybusque .    —  Guides  :  Charles  Gouchan , 


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339 

L,  Redonnet,  G.  Bajun,  R.  Binos,  qui  nous  ont  dirigés  avec  une 
intelligence  et  une  énergie  au-dessus  de  tout  éloge. 

Partis,  de  la  Rencluse  à  3  heures  du  matin,  nous  avons  atteint 
le  sommet  du  Néthou  à  9  heures,  malgré  un  brouillard  épais  et  un 
ouragan  violent  qui  ont  beaucoup  retardé  Tascension  et  augmenté 
les  difficultés.  —  M™«  Juvigneau  de  Vildé  a  déposé  une  petite 
statuette  de  la  Sainte-Vierge  dans  une  anfractuosité  du  rocher  à 
la  tour  et  à  la  droite  du  thermomètre.  M"»«  la  Vicomtesse  de 
St-Jean  y  a  également  porté  une  médaille  de  la  Sainte-Vierge, 
suspendue  au  centre  du  thermomètre. 

Nous  quittons  le  sommet  du  Néthou  à  9  heures  30. 

3  août.  —  M.  et  M^«  Gaston  Lacaze  (liibourne)  accompagnés  des 
guides  J.-M.  Ribis,  Michot,  B.  Cantaloup  et  G.  Bajuns  :  l'antiquité 
elle-même  par  ua  physionomie. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  heures  30,  arrivés  au  sommet  à 
9  heures. 

9  août.  —  S.-H.  Robbins  et  Russell  Jorsgth  (?)  —  Guides  ;  Barrau 
père  et  fils,  P.  et  J.  Samson.  —  Nous  sommes  partis  de  la  Ren- 
cluse à  3  heures  20  du  matin,  et  sommes  arrivés  à'8  heures  moins 
un  quart.  Le  glacier  était  bien  mauvais.  —  Thermomètre  +  ^0«, 
Baromètre  :  50«. 

îi  août.  —  Nous,  Pichault  fils  aîné  et  Georges  Lafond,  officier  de 
marine,  sommes  partis  de  Luchon  à  11  heures  moins  le  quart, 
sommes  arrivés  au  Port  de  Vénasque  à  3  heures  30  et  à  la 
Rencluse  à  5  heures  20.  —  Le  II,  nous  sommes  partis  de  la  Ren- 
cluse à  4  heures  15,  arrivés  au  sommet  à  8  heures  15.  —  Le 
baromètre  marque  40*  et  le  thermomètre  +  10.  —  Guides  :  Michot, 
Jean  Haurillon..  dont  nous  avons  à  nous  louer  comme  de  braves 
guides,  pleins  d'attention.  Nous  partirons  à  9  heures  20. 

Au-dessous  de  cette  note,  un  des  touristes  a  crayonné  le  portrait 
des  deux  guides. 

24  aoû^  —  Achille  Bonnard,  docteur  médecin  (Marmande,  Lot-et- 
Garonne),  Joseph  Fortoul,  officier  d'artillerie,  Fernand  de  Gaja, 
propriétaire  (Gastelnaudary).  —  Guides  :  Michot  (le  grand),  B.  Can- 
taloup, J.  Menay.  —  Parttis  de  la  Rencluse  à  2  heures  30,  arrivés  à 
6  heures  du  matin. 

9  septembre.  —  Frédéric  Dalenge,  négociant  (Paris),  avec  l'intré- 
pide Michot  et  le  robuste  P.  Clarac.  —  9  heures  du  matin. 

Î6  septembre.  —  Fred.  Ayers  (?)  :  Adélaïde  :  S.  A.  ;  H.-S.  JefTery 
iLiverpool);  Ed.  C.  Stirling  (England);  J.-L.  Stirling  (Adélaïde, 
Si^Australia);  J.  Strachan  (?)  ;  Victoria,  Australia;  C.-H.-J.  Hark  (?) 
Port  Adélaïde.  —  Guides  :  J.  Sors-Argarot,  P.  Sors-Argarot, 
J.  I^font,  J,-M.  Ribis. 


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840 

Partis  de  la  Bencluse  à  4  heures  20,  arrivés  au  sommet  à  8  h.  20. 
Baromètre  2 h  ;  Thermomètre  +  39«. 

Même  date.  —  Alfred  Charpentier  (Tours)  et  Caroline  Veal  (?), 
Doctor  Wilhelm  Lauscr  (Stuttgart),  Gustave  de  Coutouly  (Deats- 
chland),  homme  de  lettres.  Guides  :  Michot,  G.  Bajun,  D.  Sors. 

N.  B.  —Au-dessous  de  cette  simple  liste  de  nome,  un  des  excur- 
sionnistes a  dessiné  le  portrait  de  Michot. 

18  septembre.  —Aristide  Lomon,  Jeanne  Mancelie(?).  —Huides  : 
Guillaume  Bajun.  —  Départ  de  la  Rencluse  à  4  heures  30,  arrivée 
au  sommet  à  7  heures  40. 

19  septembre.  —  A.-M.  Pillot  (Porto  Rico),  Octave  Ranin  (Ver- 
sailles) sans  son  bébé  Henri  — ,  Marcel  Andrieux  (Marennes).  — 
Guides  à  pied  :  J.  Haurillon,  Charles  Gouchan  ;  guide  à  cheval  : 
J.  Bourdette.  Excellents  guides,  mangent  beaucoup  et  boivent  peu. 
—  Départ  de  la  Rencluse  :  5  heures;  arrivée  au  sommet  :  9  h.  12.  — 
Bu  une  bouteille  de  Montebello  frappé. 

N.  B.  —  Ici  encore  un  des  touristes  a  crayonné  le  portrait  du 
guide  Haurillon. 

Sans  date.  —  Jennie  Abadie  (Luchon),  Julie  Dondet  (Cierp)  et 
R.  Astley.  —  Guides  :  Ch.  Redonnet,  Charles  Gouchan,  Joseph 
Arnodet. 

(A  suivre.) 


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LITTÉRATURE  POHUUIRE  DU  COMMINGES 


DUOS  CRABOS  SUS  UN   POUNT 

VtMc  imilëe  de  La  Footeine.  —  (Patois  de  SAiRT-GAUDcns) 


Ero  Crabo  qu'éy  bouno  créât uro, 
Que  hè  bien  ièyt.  que  da  crabots, 
Qu'éy  capriçouso  caouquis  cops, 
Mémo  tousténx  pér  sa  naturo, 
Mais  arrés  nou  y  a  dé  parfét. 

Un  cop,  éch  estoumac  bien  satisfèt 
E't  bragué  bien  arréplèt. 
En  tout  s'en  tourna  dé  pasturo, 
Qu'éotro  n'  un  pount  éstrét,  éstrét, 
Âoutromént  dit  uo  palanco. 
Soulo,  ja  pot  fila  tout  drét, 
Mais  dambé  d'aoutos,  à  sa  tanco. 

At  miéy  d'ét  pount  qu'es  trobo  naz  à  naz 
D'ambé  u'aouto  dé  sa  raço. 
Doublé  déspiét,  doublo  grimaço  ! 
Cap  que  nou  bo  céda  soun  pas. 
Un  général  que  oapitulo, 
Crabo  jamès  que  nou  réculo, 
Nani,  nani  jamès....  Mes  lèou 
Aquiéou  mouri...  sus  et  carrèou. 

Pourtant,  mouri  que  las  aouéjo... 
Recula,  que  n'ou'n  an  émbéjo, 
Que  parlon  d'acoumoudamént 
En  calitat  d'hounésto  gént. 

Couméncém  doung  pér'o  scienço 
Et  pér'o  jurisprudenço: 
Et  codo  que  nou  dits  moût 
Ne  dé  Crabo,  ne  dé  Bouc  ; 


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3i8 

Et  doung  quin  parlon  éts  usatgés  ? 
.Rén  !  Dé  palancos  né  passatgés 
Arrén  nou  y  a  dé  décidât 
É't  souléy  qu'éy  déjà  cougat. 
Et  nostis  titrés  dé  famillo  ? 

—  Jou,  ma  nono  que  m'ac  a  dit, 

Que  soy  illustro  réhillo 
D  ero  Grabo  qu'aouio  néourit 
Jupiter  can  éro  petit  ; 
Bé  sérèy  doung  éro  pruméro. 

—  Jou  alabéx  éro  darrèro, 
Hespoun  ér'aouto  aoutaléou; 
Et  Capricorno  qu'éy  en  cèou, 

Béstit  d'éstélos  daourados 
Et  que  daourich  éros  annados, 
Qu'éy  sourtit  dé  ma  maysoun. 

A  qui  da  tort,  à  qui  rasoun  ? 

Que  sabén  qu'an  sus  éros  tostos 

Armos  de  corno  tousténx  prestos, 
Et  que  caou  bcnguén  aquiéou 
Coum'éts  arreys...  Qu*és  batèn  at  bord  d'éch  arrieou 
Près  d'un  goufré.  Aquieou  negados  et  perdudos 

Per  est'  èstados  trop  testudos. 

I/abbé  Pages. 


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CHRONIQUE 


Nécrologie 

Jules  de  Laurière  et  Léon  Palustre 

Au  mois  d'octobre  nous  avions  appris  la  mort  d'un  de  nos  mem- 
bres honoraires  les  plus  connus,  M.  Jules  Pasquet  du  Bousquet 
de  Laurière,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France, 
secrétaire -général  de  la  Société  française  d'archéologie. 

Il  avait  donné  plusieurs  fois  à  nos  travaux  les  encouragements 
les  plus  sympathiques,  et  à  côté  de  ses  remarquables  études  sur 
TEspagne  et  Tltalie  nous  devons  particulièrement  citer,  comme  se 
rapportant  à  nos  étudeg(,  ses  divers  écrits  sur  la  basilique  Saint- 
Just  de  Valcabrère,  sur  Vancienne  cathédrale  de  Saint-Bertrand, 
et  sa  récente  monographie  de  l'église  Saint-Aventin  de  Larboust, 
publiée  récemment  en  collaboration  de  notre  confrère  luchonnais 
M.  Bernard. 

Ses  rapports  sur  les  nombreux  congrès  archéologiques  aux- 
quels il  assistait^  étaient  toujours  fort  goûtés  pour  leur  science  et 
leur  précision.  C'est  dans  son  compte  rendu  du  Congrès  tenu  à 
Toulouse,  en  juin  1874,  par  la  Société  française  d'archéologie,  qu'il 
faut  lire  une  magistrale  étude  sur  les  antiquité»  de  Valcabrère. 

Lorsque  notre  Société  fut  représentée,  au  mois  de  septembre 
1892,  à  la  réunion  des  Sociétés  archéologiques  de  Montauban  et 
d'Auch,  à  Saint- Bertrand  et  à  Luchon,  M.  de  Laurière  lut  une  note 
savante  sur  Tépigraphie  du  portail  roman  de  la  cathédrale  de 
Comminges,  et  notre  Revue  Ta  publiée  (t.  vi,  p.  235). 

A  ses  obsèques,  qui  eurent  lieu  à  Larochefoucault  dans  la  Cha- 
rente, le  8  octobre  dernier,  M.  Léon  Palustre,  président  honoraire 
de  la  Société  dont  le  défunt  avait  été  le  très-distingué  secrétaire- 
général,  lui  rendait  un  solennel  et  suprême  hommage  dans  un 
discours  dont  nous  reproduisons  la  dernière  partie  : 

«  La  Société  des  Antiquaires  de  France,  qui  tient  son  siège  au 
Louvre,  que  Ton  a  coutume  dappeler  et  avec  raison  le  vestibule 
de  rinstitut,  un  jour  désira  compter  Jules  de  Laurière  parmi  ses 
membres.  Mais  pour  cela  il  fallait  que  Iqi-n^èn^e  posât  ss^  cancti- 


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M4 

dature,  fit  la  visite  habituelle  à  chacun  de  ses  futurs  confrères.  Sa 
modestie,  qui  ne  se  démentait  jamais,  se  refusait  malheureuse- 
ment à  pareilles  démarches,  et  l'embarras  était  grand,  lorsque, 
par  une  décision  qui  honore  ceux  qui  Font  prise,  les  règlements 
ordinaires  furent  momentanément  suspendus  et  Jules  de  l^urtère 
admis  sans  discussion. 

»  Je  vous  ai  dit  que  Jules  de  liaurière  était  secrétaire  général  de 
la  Société  française  d'archéologie.  Il  n'eût  tenu  qu'à  lui,  sMl  Teùt 
voulu,  d'être,  en  1874,  nommé  directeur,  par  conséquent  de  succé- 
der, à  deux  années  de  distance,  au  fondateur  lui-même,  l'illustre 
Arcisse  de  Gaumont.  Mais  il  préféra,  j'ai  quelques  bonnes  raisons 
de  le  savoir,  faire  porter  sur  un  autre  les  suiTrages,  se  contentant 
de  se  montrer  en  toutes  choses  l'aide  et  le  collaborateur  le  plus 
utile  et  le  plus  dévoué. 

»  Vous  le  voyez.  Messieurs,  l'homme  que  nous  pleurons  sedistii^ 
guait  par  les  plus  rares  et  les  plus  précieuses  qualités.  Aussi 
n'cst'il  pas  étonnant  qu'il  n'ait  laissé  partout  que  des  amis.  Pour 
ma  part,  je  ressentais  depuis  longtemps  pour  son  caractère  une 
sorte  de  vénération,  et  je  suis  heureux  —  si  pareille  expression 
pouvait  être  employée  aujourd'hui  -—de  le  proclamer  devant  vous 
tous,  particulièrement  devant  sa  famille,  devant  ses  chers  neveux, 
dont  il  aimait  à  me  parler  et  pour  lesquels  il  avait  l'afTection  d^un 
père.  Du  haut  du  ciel,  où  il  partage  certainement  le  bonheur  des 
élus,  Jules  de  Laurière  me  pardonnera  bien,  je  suppose,  d'avoir 
dit  après  sa  mort  ce  que  tout  le  monde  pensait  de  son  vivant. 
Quoi  qu'il  arrive,  son  souvenir  ne  sortira  pas  de  ma  mémoire,  et 
je  compterai  parmi  mes  plus  grands  bonheurs  de  l'avoir  recontré 
sur  mon  chemin.  » 

Un  autre  ami  de  M.  de  Laurière,  qui  lui  servait  de  compagnon 
fidèle  dans  ses  courses  à  travers  le  Gomminges  et  la  vallée  d'Aran, 
notre  confrère  M.  Bernard,  de  Luchon,  son  collaborateur  dans 
l'étude  récente  de  l'église  romane  Saint- Aventin  en  Larboust, 
a  voulu  aussi  payer  son  tribut  de  regret  au  maître  éminent  qui  lui 
était  enlevé. 

Voici  les  lignes  qu'il  nous  remettait  peu  de  temps  après  le  funè- 
bre événement  : 

«  Monsieur  Jules  de  Laurière,  chevalier  de  Saint-6régoire-le- 
Grand,  officier  d'Académie,  etc.,  appartenait  à  l'une  des  familles 
les  plus  anciennes  et  les  plus  considérées  de  l'Angoumois.  Il  avait 
trouvé,  jeune  encore,  le  bonheur  dans  une  union  selon  son  cœur. 
Son  foyer,  habituellement  si  gai,  si  joyeux,  devint  tout  à  coup  bien 
triste.  La  mort  avait  creusé  près  de  lui  un  vide  immense,  et  tout 
ce  qu'il  avait  aimé  ne  lui  rappelait  plus  que  d'amers  souvenirs. 
Aussi  prit-il  bientôt  la  résolution  de  chercher  dans  l'étude  et  les 


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voyages  —  non  pas  l'oubli  —  mais  un  adoucissement  à  sa  dou- 
leur. Jules  de  Laurière  fut  sous  tous  les  rapports  un  admirable 
voyageur.  Il  s'attacha  particulièrement  à  l'exploration  des  deux 
grandes  péninsules,  TEspagne  et  l'Italie  :  son  temps  et  ses  fatigues 
n'ont  pas  été  perdus,  et  dans  une  série  de  mémoires  marqués  au 
coin  du  bon  sens  et  de  la  véritable  érudition,  il  a  éclairci  plus 
d'un  point  douteux  et  révélé  plus  d'un  monument  inconnu. 

»  L'homme  qu'accompagnent  nos  plus  vifs  regrets  se  distinguait 
par  les  plus  rares  et  les  plus  précieuses  qualités.  Aussi  n'est-il 
pas  étonnant  qu'il  n'ait  laissé  partout  que  des  amis.  » 


Par  une  de  ces  coïncidences  frappantes  dont  la  vie  humaine 
fournit  plus  d'un  exemple,  un  mois  à  peine  après  son  éloquent 
discours  sur  la  tombe  de  Jules  de  Laurière,  Léon  Palustre,  prési- 
dent honoraire  de  la  Société  française  d'archéologie,  succombait  à 
son  tour,  laissant  encore  un  vide  immense  dans  le  monde  savant. 

Il  avait  heureusement  continué  les  traditions  de  son  illustre 
maître  M.  de  Gaumont  et  avait  surtout  pendu  d'éminents  services 
à  l'archéologie  chrétienne. 

Jusqu'à  sa  mort  il  dirigea  la  publication  du  Bulletin  monu" 
mental^  si  remarquable,  ainsi  qu'on  l'a  dit  «  par  la  sagacité,  les 
patientes  analyses  et  l'esthétique  sûre  de  ses  rédacteurs,  comme 
par  leur  vaste  érudition.  » 

Le  Correspondant  du  28  novembre  consacrait  à  M.  Palustre  les 
lignes  suivantes  : 

a  Léon  Palustre  était  un  maître  de  la  science  archéologique, 
vraiment  épris  de  l'art  national.  On  lui  doit  un  magnifique  monu- 
ment sur  la  Renaissance. 

»  Il  a  fini  en  chrétien  la  vie  de  sage  et  de  bénédictin  qu'il  menait 
dans  âa  riante  villa  de  Touraine.  » 

On  n'a  pas  oublié  qu'en  1884,  Léon  Palustre  était  venu  admi- 
rer en  notre  église  une  des  plus  belles  œuvres  de  l'art  roman 
dans  le  midi  de  la  France. 

Pour  nous,  un  souvenir  plus  personnel  nous  attachera  davan- 
tage encore  à  la  mémoire  de  ces  deux  hommes. 

Nous  venions  de  passer  en  leur  compagnie  une  journée  à  Saint- 
Lizier,  lors  du  Congrès  de  la  Société  française  d'archéologie  dans 
l'Ariège  en  1884,  quand,  par  Julien  Sacaze  et  quelques-uns  d'entre 
nous,  fut  en  quelque  sorte  signé  l'acte  de  naissance  de  la  Société 
des  études  du  Comminges. 


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346 


I/année  qui  va  finir  a  été  marquée  par  un  autre  deuil  qu'a  vive- 
ment ressenti  Tarchéologie  européenne. 

Jean-Baptiste  de  Rossi,  Téminent  archéologue  romain,  qu'ont 
rendu  célèbre  ses  admirables  découvertes  dans  les  catacombes,  a 
succombé  à  73  ans.  Il  était  correspondant  de  Tlnstitut  de  France 
pour  l'Académie  des  Inscriptions. 

La  plus  importante  de  ses  publications  est  celle  du  Recueil  uni- 
versel d'archéologie  chrétienne. 

Alphonse  Gouoet. 

II 

Nouvelle  découverte  à  Saint-Bertrand  de  Oomminges 

Dans  le  courant  de  cette  année,  M.  Hilaire  Bordères^  de  Mont- 
rejeau,  bien  connu  pour  ses  belles  photographies  artistiques  de 
monuments  et  de  sculptures,  découvrait  dans  son  habitation  de 
Saint-Bertrand,  au  bas  de  la  ville  et  à  gauche  de  la  route  venant 
de  Valcabrère,  une  mosaïque  recouvrant,  à  deux  niètres  environ 
de  profondeur,  une  étendue  assez  considérable  du  spus-sol. 

Ce  travail,  en  dépit  de  sa  grande  antiquité,  est  d'une  remarqua- 
ble conservation,  particularité  qu'explique  parfaitement  l'état  des 
lieux.  A  soixante  centimètres  au-dessus,  s'étend  une  sorte  de 
voûte  en  béton,  très-dur,  soutenue  par  un  amas  de  pierrailles  rem- 
plissant l'intervalle  entre  le  petit  pavé  en  mosaïque  et  la  maçon- 
nerie qui  le  recouvre.  La  raison  d'être  de  cette  voûte  s'explique 
difficilement.  En  y  pensant,  on  se  perd  en  conjectures.  Le  blocage 
en  voûte,  comme  le  pavé,  se  prolonge,  de  la  cour  de  la  maison 
£^ctuelle  au-dessous  de  l'édifice  lui-même  dont  les  fondations  sont 
peu  profondes,  et  qui  reposent  ainsi,,  en  partie  du  moins,  sur  une 
couche  de  béton  peu  épaisse,  n'adhérant  même  pas  au  cailloutis 
qui  est  au-dessous  dont  les  interstices  ne  révèlent  aucun  coulage 
de  mortier  ou  de  ciment.  L'empierrement  ne  fait  dono  pas  corps 
avec  la  maçonnerie  qui  le  recouvre.  Gela  ne  dénoterait-il  pas 
qu'il  a  été  fait  après  coup  et  comme  pour  remplir  le  vide  existant 
entre  la  mosaïque  et  le  blocage?  Et  alors  celui-ci  n'aurait-il  pas 
été  simplement  un  travail  protecteur  du  pavé  d'une  salle  ayant 
appartenu  à  une  villa  gallo-romaine,  et  dont  on  voulait  conserver 
les  beaux  vestiges  ?  Faudrait-il  remonter,  pour  trouver  la  date  du 
revêtement  de  béton,  à  l'époque  des  premières  invasions  du  pays 
des  Gonvènes  ou  à  celle  de  la  destruction  do  Lugdunum  par  les 
soldats  de  Gontran,  l'an  585? 


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347 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  mosaïque  mise  au  jour  par  les  soins  de  M. 
Bordères,  et  dont  le  creusement  d'un  puisard  lui  a  révélé  l'exis- 
tence, est  d'une  grande  simplicité  de  composition.  A  la  différence 
de  celles  de  Montmaurin  (')  et  d'Arnesp  (2),  elle  ne  présente  ni  vases 
fleuris,  ni  arabesques.  Les  petits  cubes,  tantôt  noirs,  tantôt  rou- 
ges, sont  posés  symétriquemcnts  mais  ne  forment  aucun  dessin. 
Leur  surface  est  parfaitement  plane,  sans  détérioration.  Ils  sont 
encadrés  d'une  bordure  de  lignes  blanches  bien  intactes. 

Du  côté  de  la  cour,  le  sol  inférieur,  ainsi  revêtu,  aboutit  à  un 
mur  dont  une  paroi  présente  les  traces  d'un  enduit  rougeâtre, 
bien  caractéristique  de  l'époque  romaine. 

Si  l'on  pouvait  tout  mettre  à  nu,  on  mesurerait  une  surface  assez 
étendue.  Des  substructions  doivent  même  se  continuer  par  dessous 
la  route.  La  résonnance  du  sol  l'indique  en  plusiseurs  endroits, 
jusque  de  l'autre  côté  de  la  voie  dans  des  propriétés  voisines. 

Et  chez  M.  Bordères  lui-même,  dans  un  pré,  par  delà  la  cour  où 
les  premiers  sondages  ont  été  effectués,  il  est  facile  de  constater 
l'existence  des  fondations  d'anciens  murs  dontles  lignes  reprodui- 
sent un  parallélogramme  avec  avant-corps,  faisant  présumer  un 
péristyle  précédant  une  construction  importante. 

Qu'on  n'oublie  pas  que  la  principale  agglomération,  la  ville  popu- 
leuse de  Lugdunum  Convenarum,  et  ses  monuments  dont  les 
débris  ont  jonché  le  sol , étaient  là,  dans  la  vallée,  au  bas  de  la  col- 
line où  s'élevait  l'acropole  ou  la  citadelle. 

Quant  à  la  maison  de  Id.  Bordères,  avec  son  aspect  archaïque 
et  son  pittoresque  groupement  de  constructions,  son  grand  toit  en 
vieilles  ardoises  et  son  haut  pignon,  son  échauguette  d'angle  munie 
de  ses  trois  meurtrières  du  côté  de  la  route,  elle  repose,  à  cet 
aspect,  sur  des  fondations  dont  l'appareil  est  évidemment  romain. 

Le  millésime  de  1610  est  au-dessus  d'une  cheminée.  Est-ce  la 
date  de  la  construction  ? 

En  certains  endroits  on  constate  d'anciennes  traces  d'incendie. 
On  pense  alors  aux  dévastations  que,  bien  longtemps  après  les 
Wandales  et  les  Wisigoths,  les  guerres  de  religion  entraînèrent. 
Mais  elles  sont  antérieures  au  xviP  siècle,  puisque  les  sièges  de  la 
ville  de  Saint- Bertrand  par  les  Huguenots  eurent  lieu  en  1586  et 
1594. 

En  remontant  au  xvii<'  siècle,  les  précédents  propriétaires  de  la 
maison  ont  été,  d'abord  M«  d'Orfeuil,  trésorier  de  France  ; 

Puis  M»*  veuve  d'Orcival  de  Saint-Martin  dont  une  fîlle  épousa 
nn  M.  de  La  Daurade. 

i,  Jievue  de  Cwnmingeg,  i,  vu,  p.  220. 
9.  Revue  de  Comminge$,  t.  ii,  p.  5. 


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348 

Enfin  Thabitation  passa  à  la  famille  de  La  Mothe,  originaire  du 
Périgord  et  de  la  maison  de  Salignac  Fénelon. 

Une  aïeule  de  M.  Bordères,  appartenant  à  cette  famille,  lui  a 
transmis  cette  propriété. 

Nous  ne  saurions  trop  louer  le  zèle  avec  lequel  M.  Hilaire  Bor- 
dères  s'est  appliqué  et  s'applique  encore  à  continuer  avec  les  plus 
intelligentes  précautions  les  fouilles  et  les  déblais. 

A  son  grand  mérite  de  reproducteur  habile  par  la  photographie 
des  admirables  boiseries  de  la  cathédrale  de  Gomminges,  du 
monument  lui;-même  et  de  son  cloître,  M.  Bordères  aura  joint  celui 
d'avoir  enrichi  d'une  précieuse  découverte  la  série  de  nos  antiqui- 
tés commingeoises  qui  ont  rendu  notre  contrée  célèbre  entre 
toutes  dans  l'histoire  de  larchéologie  méridionale. 

Alphonse  COUGET. 

m 

DIstiliction  honorifique 

La  Société  des  études  a  été  heureuse  d'apprendre  que,  dans  sa 
séance  publique  du  11  décembre  dernier,  TAcadémie  de  médecine 
avait  décerné  à  un  de  nos  collègues  un  des  prix  de  Tannée,  pour 
le  service  des  eaux  minérales  en  1892. 

L'Académie  avait  proposé  M.  le  Docteur  Ferras,  de  Bagnères- 
de-Luchon,  au  choix  du  Ministre  pour  Tobtention  d'une  médaille 
d'or. 

Gehii-ci  a  ratifié  la  décision  du  corps  savant. 

Nous  adressons  toutes  nos  félicitations  à  M.  le  D^*  Ferras  dont 
un  beau  travail  fut  particulièrement  signalé  Tan  dernier,  et  qui 
est  animé  du  zèle  le  plus  éclairé  pour  les  intérêts  de  la  science  et 
de  l'humanité. 

A.  G. 


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TABLE  DES  MATIÈRES  DU  9«  VOLUME 

ANNÉE   1894 


Livraison  du  l*""  trimestre 

Pages 

Liste  des  membres  de  la  Société  des  Etudes  du  Gom- 

minges. 

I.  —  Baron  de  Lassus  :  les  guerres  du  xviip  siècle  sur  les 

frontières  du  Comniinges,  du  Gouserans  et  des  Qua- 

tre-Vallées  :  —  II.  Guerre  de  la  quadruple  alliance 

sous  la  régence  du  duc  dOrléans  (1719-1720) 1 

II.  —  Hippolyte  Gabannes  :  les  chevaliers  de  Malte  à  Frontés 

près  Luchon 67 

III.  —  Paul  do  Gastéran  :  la  Réformation  de  la  Gommanderie 

de  Juzet-dc-Luchon  et  Frontès,  en  1266 79 

IV.  -—  Alphonse  Gouget  :  Épigraphie 99 

"V.  —  TouJAN  :  Météorologie  de  Saint-Gaudens  (1893) 

Informations. 

Livraison  du  2«  trimestre 

I.  —  L'abbé   Gau-Durban  :   la   Révolution   à  Saint-Lizier 

(Ariège) 101 

II.  —  Jules  de  Laurière  :  Notice  sur  l'église  de  Saint- 

Aventin  de  Larboust 133 

III.  —  Maurice  Gourdon  :  un  demi-siècle  d'ascensions   au 

Néthou 165 

IV.  —  Georges  Gouget  :  les  "  Trophées  "  commingtois  de 

M.  J.-M.  de  Hérédia 181 

V.  —  Edouard  Earlé  :  Découverte  d'ossements  d'Hyènes 

rayées  dans  la  grotte  de  Montsaunés 189 

VI.  —  Alphonse  Gouget  :  Note  sur  l'excursion   projetée   à 

Saint-Lizier  et  Saint-Girons 191 

VIL  —  Anthyme   Saint -Paul:   Saint-Lizier,   capitale  des 

"  Gonsorani  " 194 

VIIL  —  Nécrologie,  Bibliographie,  Nouvelles 

Livraison  du  5«  trimestre 

I.  —  L'abbé  Gau-Durban  :   la  Révolution  à   Saint-Lizier 

(Ariège),  1789-1804  suite 197 

II.  —  Baron  de  Bardies  :  Fondation  d'un  couvent  de  Domi- 
nicains à  Saint-Girons 229 

III.  —  Maurice  Gourdon  :  un  demi-siècle  d'ascensions  au 

Néthou  ("suite) 233 


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IV.  —  Baron  de  Lassus  :  les  voyages  de  M.  l'Abbé  de  Binos, 

chanoine  de  la  cathédrale  de  Gomminges,  1776-1779.   246 

V.  —  Alphonse  Couget  :  un  ancien  plan  de  Saint-Gaudens 

(avec  carte) 266 

VI.  —  J.  Picot  :  Au  pays  de  Gouserans.  Gompte  rendu  de 
l'Excursion  faîte  à  Saint-Girons  et  à  Saint-Llzier, 

le  21  juillet  1894 280 

Informations. 

Livraison  du  4«  trimestre 

I.  —  L'abbé  Gau-Durrban  :  la  Révolution  à  Saint-Lizier 

(Ariège),  1789-1804  (suite) 285 

II.  —  J.  Lestrade  :  Documents  sur  Salies-du-Salat 317 

III.  —  Edouard  Harlé  :  Restes  d'Élan  et  de  Lion,  dans  une 

station  préhistorique  de  transition  entre  le  quater- 
naire et  les  temps  actuels,  à  Saint-Martory 325 

IV.  —  Maurice  Gourdon  :  Un  demi-siècle  d'ascensions   au 

Néthou  (suite) -. 332 

V.  —  L'abbé  Fages  :  Duos  Grabos  sus  un  Pount  (Fable  imi- 
tée de  la  Fontaine,  —Patois  de  Saint-Gaudens)...    341 
VI.  —  Alphonse  Gougbt  :  Chronique  :  I.  Jules  de  Laurière 
et  Léon  Palustre;  —  IL  Nouvelles  découvertes  à 
Saint-Bertrand-de-Gomminges  ;  —  III.  Distinction 

honorifique 343 

VIL  —  Informations. 


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REVUE 

DE  COMMINGES 


SCIENCBS  HISTORIQUES  ET  NATURELLES 


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REVUE 


DE 


COMMINGES 

—  PTRÉNÉBS   CENTRALES  — 

BULLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  DES  ÉTUDES  DU  COMMINGES 
DU  NÉBOUZAN  ET  DES  QUATRE-VALLÉES 


TdïHE  X  —  ANNÉE  1895 


SAINT-GAUDENS 

IMPRIMERIE  ET  LIBRAIRIE  ABADIE 
1895 


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LISTE  ALPHABÉTIQUE 

DE    MM.   LES    MEMBI^SS    UE    LA    SOCIÉTÉ    DES    ÉTUDES    DU    COMMINGES 


BTJFIE  AU 

Baron  de  LASSUS,  Président: 


A.  COUGET,  Viœ-Présideni.  archivisie. 
Baptiste  ABADIE,  Secrèlairc. 
Maurice  PICOT,  Trésorier. 


Victor  BOUGUES,  Membre. 
Hippolyle  CABANNES,  Membre- 
D^  Jean  PAYRAU,  Membre. 


MEMBRES    HONORAIRES 

Allmer  (Auguste),  membre  correspondant  de  l'Institut,  directeur 
de  la  Revue  éplgraphique  du  Midi  de  la  France,  à  fjyon. 

Babeau  (Albert),  correspondant  de  l'Institut,  à  Paris. 

Lapparent  (A.  de),  professeur  de  Géologie,  membre  de  la  Société 
géologique  de  France,  à  Paris. 

Russell  (comte  Henry),  membre  de  la  Société  géographioue  de 
Paris,  de  la  Société  géologique  de  France,  ée  l'Alpine  club,  çt 
du  Club  alpin  français,  à  Pau.  -      •        ' 

MEMBRES  TITULAIRES 

Abadie  (Baptiste^,  anciôn  maire  de  Saint-Gaudens. 

AzéuAR  (Enulei,  avoué,  à  Saint-Gaudens. 

Babeau  ^Albert),  correspondant  de  l'Institut  de  France,  Paris. 

Baurier  (fvéon),  membre  correspondant  do  la  Société  archéologi- 
que du  Midi,  au  château  de  Mascaron.  par  Muret. 

Bernard  (Bertrand),  membre  de  la  Société  française  d'archéologie, 
à  Luchon.  •• 

BouGUES  (Victor),  ancien  député,  à  Saint-Gaudens. 

Cabannes  (Hippolyle),  contrôleur  principal  des  Douanes  en  retraite, 
à  Saint-Gaudens. 

Gargue  (Frédéric),  avoué  honoraire,  ancien  juge  suppléant,  à 
Saint-Gaudens. 

Cau-Durban  (David),  curé  de  Gastelnau-Durban  (Ariège). 

CHOPrNET  (Charles),  médecin-major  au  34",  à  Mont-de-Marsan. 

Gieutat  (Léon),  conseiller  à  la  Cour  d'appel,  à  Agen. 

Clochard,  architecte,  à  Saint-Gaudens. 

CoMMiNGES  (comte  Aimery  de),  lieutenant  écuyer,  à  Saumur. 

Compans  (abbé),  ancien  vicaire  général,  à  Bordeaux. 

CouGET  (Alphonse),  membre  de  l'Académie  de  Législation  et  de  la 
Société  archéologique  du  Midi,  à  Saint-Gaudens. 

Couret,  curé  de  Saleich,  lauréat  de  la  Société  archéol.  du  Midi. 

Dufaur  (Auguste),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 

Germain  (Louis),  notaire,  à  Saint-Gaudens. 

GouRDON  (Maurice),  officier  d'Académie,  membre  de  la  Société 
géologique  de  France,  à  Luchon. 

Labroquérb  (Henri),  membre  de  l'Association  Pyrénéenne,  à  Ga- 
lan  (Hautes-Pyrénées). 

Lassus  (baron  Marc  de),  ancien  député,  membre  de  la  Société  des 
Bibliophiles  de  France,  à  Montrejeaii,  —  et  à  Paris. 

Mariande  (Alphonse),  ancien  maire  de  Saint-Gaudens. 

Payrau  (Jean),  docteur  en  médecine,  à  Saint-Gaudens. 

Pkllbport  (Emile),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 

Picot  (Maurice),  directeur  départemental  des  Postes  et  Télégra- 
phes en  retraite,  à  Saint-Gaudens. 

Thévbnin  (Nuno),  président  du  Tribunal  civil,  à  Saint-Gaudens. 

TooJKAN  (Jean),  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  à  St-Gaudens. 

TRESPAiLLJi  (Alexis),  commandant  d'artillerie  en  retraite,  à  Anti- 
gnac. 


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MEMBRES  LIBRES 

BT    ^OUSCRIPTBURS    A    LA    "   J^BVUE    OB    pOMMINaBS   •• 

Les  lellres  HL  désignent  les  membres  libres  ou  correspondants 

Abadie  (Fclix),  p'.i.MPmac  en,  à  Saint-Gaiidcns,  ml. 

Abadie  (Noël),  impi'inicur-libfiiire,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Adoue  (Paul),  à  Montrejcau,  ml. 

Adoue,  curé,  à  Anan. 

Amalkic  (Eugène),  à  Toulouse. 

Ambrody  (Frédéric),  instituteur  public,  à  Escanecrabe,  ml. 

Ane,  propriétaire,  à  Boulogne. 

Anla,  négociant,  à  Lille  (Nord),  ml. 

Archives  de  la  Haute-Garonne. 

Archives  de  la  Société  historique  de  Gascogne,  à  Auch. 

Armand,  curé,  à  Orthez  (Basses-Pyrénées),  ml. 

AsHER,  libraire,  à  Berlin. 

AsPET  (Bibliothèque  de  la  ville  d). 

AsTRiÉ,  ancien  vice-con«iil,  à  l.uchon. 

Aubéry  (M"»"  la  marquise  cl),  au  château  de  la  Fontaine,  parles 

Ormes  (Vienne). 
Aurignac  (Bibliothèque  de  la  ville  d'). 

AviRAGNET  (Eiie),  expert  dos  C'*»  d'assurances,  a  St-Gaudens.  ml. 
Bagnères-de-Luchon  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 
Barbazan  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 
Baron,  expert-aréomètre,  à  Labarthe-Rivière,  ml. 
Bascans  (Louis),  officier  d'Académie,  à  Saman,  ml. 
Batmalle,  au  château  de  Sarremezan,  ml. 
Baudouin,  archiviste  départemental,  à  Toulouse,  ml. 
Bazerque,  curé  à  Cierp. 
Baurier,  manufacturier,  à  Barcelone. 

Beaurbgard  (de),  au  château  de  Gabarr^t,  à  Labartho-tnard. 
Bedin  (l'abbé),  curé  doyen  à  Saint-Bertrand  de  Comminges. 
Belloc  (Emile),  officier  d'Académie,  membre  de  la  Société  géolo- 

§ique  de  France,  du  Club  Alpin  français,  délégué  de  la  section 
es  Pyrénées  au  Conseil  d'administration,  à  Paris,  ml. 

Benque  (de),  secrétaire  général  do  la  Banque  de  France,  à  Paris,  ml. 

Bergougnan,  propriétaire,  à  Montrejeau. 

BiNOS  DE  PoMBARAT  (de),  à  Toulon. 

Bize  (Hyacinthe),  banquier  à  Montrejeau. 

Bladé,  correspondant  de  l'Institut  de  France,  à  Agen,  ml. 

Bordes  (abbé),  professeur  de  sciences,  à  Juilly  (Seine-et-Marnej. 

BoRDÉRES,  docteur-médecin,  h  Montrejeau. 

Borgella  (Edmond),  officier  d'Académie,  juge  d'instruction,  a 
Saint-Gaudens,  ml. 

Bouche,  curé  à  Guran. 

Bouche,  curé,  à  Huos. 

Bouillon  (Gaston),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 

Boulogne-sur-Gesse  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Bourdette  (Jean),  homme  de  lettres,  à  Toxilouse. 

Bourgade,  pharmacien,  à  Boulogne. 

Cardaillac  (de),  avocat,  à  Tarbcs  (Hautes-Pyrénées),  ml. 

Carayon-Latour  (marquise),  à  Podensac. 

Carsalade  du  Pont  (abbé  J.  de),  membre  do  la  Société  française 
d'archéologie,  secrétaire  général  de  la  Société  historique  de  Gas- 
cogne, à  Auch  (Gers),  ml. 

Cartailhac  (Eiiiile),  directeur  de  [Anthropologie,  à  Toulouse. 

Casse  (Jean-Marie),  manufacturier,  à  Saint-Gaudens. 

Casteran  (Paul  de),  avocat,  h  Toulouse. 

Cazeneuve,  curé-doyen,  à  Montrejeau. 

Chamaison,  percepteur,  à  Saint-Martory. 


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Chibalik  (Léonard),  avocat,  à  Saint-Gaudens. 

CiEUTAT  (Joseph),  greffier  du  Tribunal  civil,  à  Saint-Gaudens. 

Glouzbt  (Bertrand),  négociant,  à  Montrcjeau. 

GoNDBSSB  (Justin),  notaire,  à  Alan,  ml. 

GoRBXER,  huissier,  à  Montrcjeau. 

CouGET  (Georçes),  à  Bordeaux  —  et  à  Luchon,  ml. 

GouRET  (Henri),  pharmacien,  à  Saint-Gaudens. 

GouRTOis  (de),  boulevard  Malesherbes,  à  Paris. 

CoaTURE  (abbé),  professeur  à  la  Faculté  libre  de  Toulouse. 

Groste,  rue  Cassette,  6,  à  Paris. 

Daram,  l'-colonel  en  retraite,  à  Labarthe-Inard. 

Dasque  (Henri),  professeur  de  musique  à  Montrcjeau. 

Deaddé,  général  de  brigade  en  retraite,  à  Saint*Gaudens. 

Dégap,  instituteur,  à  Muret,  ml. 

Delassus.  capitaine  au  83*^,  à  Saint-Gaudens. 

Douais  (abbé),  professeur  à  llnstitut  catholique  de  Toulouse,  se- 
crétaire général  de  la  Société  archéologique  du  Midi,  ml. 

Doux,  avoué,  à  Saint-Gaudens. 

DuBuc  (Sylvain),  licencié  en  droit,  à  Caznvct  (Ariège),  ml. 

Dulac  (abbé),  à  Tarbes. 

DuLON.  professeur,  à  Saint-Gcrmain-en-Laye,  ml. 

Du&fAS  DE  Rauly,  archiviste  de  Tarn-et-(iaronnc,  ml. 

Kncausse  de  Labatut  (baron  d),  à  Eoux,  près  d'Aurignac. 

Fabre  d'Envieu,  chanoine  de  Saint-Denis,  ancien  professeur  à  la 
Sorhonne,  château  de  Montpezîit,  à  Saiat-Martory,  ml. 

Faure  (Louis),  notaire,  à  Montrcjeau. 

Ferran  (abbé),  curé  do  Baurcch  (Gironde). 

Fontenilles  (Léon  de  La  Roche  M'»  de)  à  Paris. 

Ferras,  docteur  médecin,  à  Luchon,  ml. 

Fourcadb  (Henri),  curé  à  Saint-Elix. 

Fourcade,  curé  à  Nestier. 

Franquès,  instituteur  à  Ganties,  ml. 

Faoes  (Bartiiéleniy).  officier  d'Académie,  aumônier  du  collège  de 
Saint-Gaudens  en  retraite,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Foch  (Jean),  docteur  en  médecine,  à  Saleicli,  ml. 

Galard  (M"»*  la  comtesse  de)  à  Aurignac. 

Garonne,  curé,  à  Urau. 

GoRSSE  (de),  conservaleur  des  forêts,  à  Pau,  ml. 

Goulard  (Marc  de),  au  château  de  Luscan,  par  Loures. 

GuiLHOT  de  Lagarde,  au  château  de  Boussan,  près  d'Aurignac,  ml. 

Hay  (Aristide),  à  Talencc,  Bordeaux. 

Jaffary  (Jules),  notaire,  à  Saint-G.iudens,  ml. 

Jordy  (André),  avocat,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Lacroix,  supérieur  du  Ivtit-Scminaire  de  Polignan, 

Lahonoks  (Jules  de  ,  président  de  la  Société  archéologique  du  Midi 
de  la  France,  ml. 

Lamarque  (Raymond),  avoué,  à  Saint-Gaudens.  ml. 

Lapierre,  avocat,  bibliothécaire  hon'«  de  la  ville,  à  Toulouse,  ml. 

Larrieu,  pharmacien,  à  Montrcjeau. 

Lassus  (Bertrand  dç),  à  Montrcjeau,  ml. 

Lassus  (Henri  de),  au  château  de  la  Nine.  à  Boussan. 

Lestrade,  vicaire  de  la  Dalbade,  à  Toulouse,  ml. 

L'ISLB-BN-DoDON  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Longuefosse  (Charles),  à  Samt-Gaudens,  ml. 

LouGE,  docteur-médecin,  à  Demu  (Gers). 

LozÉs  (Lucien),  conseiller  général,  à  Tibiran  (Hautes-Pvrénées). 

Maribail  (Henri  de),  docteur  en  droit,  avocat,  à  St-Gauaens,  ml. 

Marsan,  curé  de  Soulan  (Hautes-Pyrénées),  ml. 

Mathieu,  curé,  à  Saint-Mamet,  ml. 

Mbngaud,  inspecteur  des  forêts,  à  Saint-Gaudens. 

Miffres.  receveur  de  TEnregistrement,  à  Luchon. 

Ministère  de  lTnstruction  publique,  à  Paris. 


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MoNTOussÉ-DuLYON  ^Charles),  au  château  de  Barbazan,  ml. 

MONTREJBAU  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

NouAiLLAN  (M"«  la  V»»«  de),  au  cliàteau  de  Prat-Bonrepos  (Ariège). 

Partsch,  professeur  à  l'Université  de  Breslau. 

Pelleport-Burette  (vicomte  de),  ancien  sénateur,  Bordeaux,  ml. 

PÉRISSE  (Pirmin),  avocat,  à  Toulouse  —  et  Aspet. 

PiETTE  (Edouard),  juge,  membre  de  la  Société  d'anthropologie  de 
Paris  et  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  à  Humigny 
(Ardennes),  ml. 

Piou  (Jacques),  ancien  député,  à  Paris,  ml. 

Plante,  propriétaire,  à  l^annemezan. 

PoTTiER  (aboé),  président  de  la  Société  archéologique  de  Tarn-et- 
Garonne,  à  Montauban.  ml. 

PouY  (de),  9,  rue  d'Anjou,  à  Paris. 

Privât  (Paul),  libraire-éditeur,  à  Toulouse,  ml. 

PoJO,  à  Montrejeau. 

Régnault  (Félix),  de  la  Société  d'anthropologie  de  Paris,  à  Tou- 
louse, ml. 

Reulet;  curé-doyen,  à  Aurignac. 

Rivière,  docteur-médecin,  à  Malvozio. 

RuAU  (Joseph),  licencié  c.s  lettres  d'histoire,  à  Toulouse,  ml. 

RuBLE  (baron  de),  à  Bcaumont-de-Lomagiio. 

Sacase  (Charles),  ancien  magistrat,  à  Marignac,  ml. 

Sales  (Joseph),  juge  au  Tribunal  civil,  à  Saint-Gaudens. 

Saint-Arroman  (Charles),  avocat,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Saint-Béat  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Saint-Gaudens  (Bibliotnègue  de  la  ville  de). 

Saint-Jean  (Eugènei,  officier  de  l'Instruction  publique,  à  Ville- 
neuve-de-Riviere,  ml. 

Saint-Martory  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Saint-Paul  (Anthyme),  homme  do  lettres,  à  Paris,  ml. 

Saint-Paul  (Damien).  négociant,  à  Montrejeau. 

8alies-du-Salat  (Bibliothèque  de  la  ville  de). 

Saporta  (de),  à  Solliers-Pont  (Var). 

Sarrieu  (Gustave  de),  à  Montrejeau. 

Sarthe,  libraire,  à  Luchon. 

Saudinos-Ritouret  (M««),  à  Paris, 

Société  académique  de  Tarbes. 

Société  ariégeoise  des  lettres,  sciences  et  arts,  à  Foix. 

Société  archéologique  du  Midi,  à  Toulouse. 

Société  archéologique  de  Tarn-et-Garonne,  à  Montauban. 

Société  des  Etudes  historiques  à  Paris. 

SoST,  capitaine  en  retraite,  à  Saint-Gaudans,  m'. 

Souques  (Armand),  avocat,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Souville.  officier  supérieur  de  marine  en  retraite,  à  Aurignac. 

SuARÈs  d  Almeyoa  (de)  au  château  de  la  Terrasse,  à  Saint-Ëlix. 

Terraoe,  architecte,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Tersac  (de),  propriétaire,  à  Castelbiague. 

Touzet,  cure-archiprétre,  à  Saint-Gaudens. 

Trespaillé  (Jean),  avoué,  à  Saint-Gaudens,  ml. 

Verdier  (Sylvain).  àCastelnau-Magnoac,  ml. 

Vidailhet,  curé-doyen,  à  Boulogne- sur-Gesse. 

Vicaires  (les)  de  Saint-G;uidens. 


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LA  RÉVOLUTION 

A   SAINT-LIZIER   (Ariège) 


1789-1804 


(SUITE) 

Malgré  tous  les  comités  qui  existaient  déjà,  il  y 
avait  encore  des  délateurs  en  disponibilité.  La  loi  des 
suspects  venait  de  leur  créer  un  titre  officiel  ;  ils  furent 
préposés  à  son  impitoyable  exécution,  sous  le  titre  de 
membres  de  la  Sûreté  générale.  Plus  de  cinquante 
mille  comités  furent  établis  :  celui  de  Saint-Lizier  fut 
installé  le  17  novembre.  Les  citoyens  Pierre  Berges, 
Dupré^  Monroux,  Delage,  Nicolas  et  Seillé  furent  appe- 
lés à  en  faire  partie.  Il  entrait  dans  leurs  fonctions 
«  d'appeler  et  de  surveiller  le  comité  de  la  Société 
populaire,  t^ 

La  notoriété  de  ces  titulaires  nous  assure,  dans 
leur  résolution,  une  modération  relative.  Heureuse 
circonstance  pour  Saint-Lizier  qui  eut,  à  Theure  vou- 
lue, sous  sa  main  un  personnel  intelligent  et  honnête, 
qui  sut  maintenir  dans  de  sages  bornes  Tapplication 
d'une  législation  féroce. 

Les  armées  de  la  République  bataillaient  en  Vendée, 
sur  le  Rhin,  au  pied  des  Vosges  et  des  Pyrénées,  con- 
tre des  ennemis  nombreux,  riches  en  munitions,  en 
armes,  en  subsistances  »  tandis  qu'elles  étaient  sans 
habits,  sans  pain  et  sans  fusils. 

RcTOi  Di  CoHiiiMCBs,  1*'  trim<islra  1895.  To»i  X.  —  1. 


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La  Convention   avait  ordonné  clans  cette  extrême 
nécessité  que  les  commissaires  des  assemblées  pri- 
maires fissent  toute  sorte  de  réquisitions  d'armes  et  de 
subsistances.  Le  25  août,  on  fît  une  première  réquisi- 
tion de  vingt  sétiers  de  blé,  que  les  familles  les  plus 
aisées,  les  Brondc,  Carrère,   Duclos,  Dupré,  Rozès, 
Galatin,  Biros,  Saint-Blanquat,  etc.  durent  subir.  En 
juillet,  le  citoyen  de  Méritens  avait  été  requis  de  déli- 
vrer son  cheval,  sellé  et   bridé,  pour  aller  au  port 
d'Aula  à  Textrémité  de  la  vallée  de  Seix.  Les  métayers 
de  Lagarde,  Miguct,  Mouliéri,  Priquet  et  de  Saint- 
Blanquat  avaient  été  réquisitionnés  pour  le  transport 
des  équipages  du  k^  bataillon  de  TAriège.  Puis  suc- 
cessivement, 30  bœufs  ou  vaches,  271  quintaux  de 
foin  sont  requis  pour  Tapprovisionnement  de  Tarmée 
(les  Pyrénées-Orientales  ;  puis  encore  arrive  une  lettre 
du  suppléant  du  procureur  général  syndic  du  dépar- 
tement et  un  arrêté  du  représentant  du  peuple  por- 
tant que,  dans  le  district  de  Saint-Girons,  il  sera  levé 
12  chevaux  par  canton.  Ces  chevaux  devront  avoir.au 
moins  cinq  ans  et  six  pans  de  taille  mesurés  sous 
potence.    Le  conseil  fait   timidement  observer  qu'il 
n'existe  point  dan*  son  arrondissement  des  chevaux 
de  cette  qualité.  Une  première  fois  déjà  des  commis- 
saires ont  parcouru  le  pays  pour  faire  une  levée  et  ont 
amené  tout  ce  qui  se  trouvait  dans  les  conditions  exi- 
gées. Néanmoins,  pour  montrer  son  dévouement  à  la 
cause  publique,  deux  délégués  seront  immédiatement 
envoyés  dans  toute  Tétendue  de  l'arrondissement  afin 
de  requérir  les  municipalités  de  faire  livrer  les  che- 
vaux disponibles,  ainsi   que  l'avoine,   selles,  brides, 
bottes,  tout  ce  qui,  en  un  mot,  peut  être  utile  à  l'ar- 
mée, sauf  indemnités  de  gré  à  gré  ou  au  dire  d'expert. 
Cette  sommation  est  transmise  à  la  municipahté  de 
Saint-Lizier,  le  6  novembre,  et  le  soir  du  même  jour 
à  six  heures,  nouvelle  sommation  du  citoyen  Rouzel, 


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commissaire  de  la  levée  extraordinaire  des  chevaux, 
pour  que  le  lendemain,  à  quatre  heures  du  soir, 
soient  amenés  tous  les  chevaux  ou  juments^  pleines  ou 
non,  qui  sont  dans  l'étendue  de  la  commune.  Les 
municipalités  du  canton  devront,  dans  le  même  délai, 
exécuter  la  même  réquisition .  La  municipalité  demeure, 
en  outre,  chargée  de  faire  des  visites  domiciliaires  pour 
s'emparer  de  tous  les  effets  utiles  à  un  cavalier^  tels 
que  selles,  brides,  bridons,  housses,  pistolets,  fontes 
de  toute  espèce,  sabres,  bottes,  etc.  En  cas  d'inexécu- 
tion, la  municipalité  sera  sur-le-champ  destituée  et 
incarcérée. 

Ainsi  pressée  par  une  autorité  qui  n'admet  point  de 
sursis  à  l'exécution  de  ses  ordres,  la  municipalité  se 
hâte  d'envoyer  aux  communes  du  canton  un  double 
de  la  réquisition,  avec  ordre  de  s'y  conformer.  Michel 
Ortet  va  signifier  cette  sommation  à  Tdurignan-Cas- 
tet,  Mercenac,  Bagert  et  Betchat;  Baptiste  Ferré  à 
Montjoie,  Taurignan-Vieux  et  Gajan  ;  Guillaume  Anel 
à  Saintaraille,  Caumont,  Prat,  Lacave,  La  Bastide  du 
Salât,  Mauvezin  ;  et  Lizier-Fort  à  Montgauch  et  Caza- 
vet. 

Quelques  jours  plus  tard^  le  sieur  Seillé  est  chargé 
de  faire  des  visites  domiciliaires  dans  toutes  les  mai- 
sons de  la  commune  pour  s'emparer  de  tous  les  fusils 
de  guerre  qu'il  y  trouvera. 

Les  citoyens  Berges  Laurent,  Auriac  et  Dalmont 
vont  de  maison  en  maison,  pour  faire  la  note  de  toutes 
les  couvertures  de  laine  que  chaque  particulier  pourra 
céder  à  la  République. 

L'administration* ayant  demandé  un  état  de  la  popu- 
lation effective  avec  mention  du  nombre  des  citoyens 
ayant  droit  de  voter,  des  militaires,  étudiants  et 
absents  de  la  commune,  les  citoyens  Berges  et  Jean 
Berges,  curé,  furent  chargés  de  faire  le  tableau  de  la 


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A 

population  urbaine.  Le  dénombrement  de  la  popula- 
tion de  la  campagne,  hameaux  et  métairies  fut  confié 
à  Tatareau,  Bergerat  et  Seillé. 

Une  des  plus  mémorables  séances  de  la  municipa- 
lité fut  celle  du  25  brumaire  1793.  La  municipalité 
de  Sainb-Lizier  s'attribua  un  instant  le  rôle  d'une 
petite  Convention  chargée  de  sauver  la  grande  Répu- 
blique. Dans  un  discours  indigné,  le  maire  dit  «  que 
plusieurs  malintentionnés  se  plaisent  à  jeter  l'alarme 
dans  le  cœur  des  bons  citoyens,  en  publiant  que  la 
liberté  n'est  plus  qu'une  tyrannie,  que  les  opinions 
sont  gênées,  les  propriétés  violées  et  les  sans-culotte 
n'ont  plus  que  l'esclavage  à  attendre.  Considérant 
qu'il  importe  de  prévenir  les  suites  qui  peuvent  ré- 
sulter de  ces  propos  séditieux  et  contre-révolution- 
naires qui  n'ont  d'autres  but  que  celui  d'insurger  le 
peuple  ;  que  la  liberté  est  le  premier  de  tous  les  droits 
les  plus  sacrés  de  l'homme,  et  est  expressément  garan- 
tie dans  l'acte  constitutionnel  ainsi  que  la  liberté  des 
opinions,  et  que  toutes  les  lois  mettent  sous  leur 
sauvegarde  les  propriétés  et  les  personnes  ;  considé- 
rant que  dans  un  gouvernement  révolutionnaire  le 
salut  de  la  République  exige  des  autorités  constituées 
la  plus  scrupuleuse  surveillance  et  leur  commande 
d'ctre  aussi  impassibles  que  la  loi;  que  par  devoir  et 
par  amour  de  la  patrie,  elles  ne  doivent  rien  négliger 
pour  arrêter  les  machinations  odieuses  dont  les  faux 
patriotes,  d'accord  avec  les  ennemis  déclarés,  font 
usage  pour  l'exécution  de  leur  criminel  dessein  ; 
considérant  enfin  que  la  religion  dont  ils  s'appuient 
n'est  qu'un  vain  prétexte  dont  on  se  sert  pour  séduire 
les  âmes  simples  et  crédules,  semer  la  division  parmi 
les  citoyens  et  enfanter  les  horreurs  de  la  guerre  civile; 

»  D'après  ces  considérations  il  propose,  comme  me- 
sures révolutionnaires,  les  articles  suivants  qui  de- 


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vront  être  proclamés  au  son  du  tambour  et  affichés 
partout  où  besoin  sera  : 

a  Art.  1^**.  — Tout  citoyon  qui  sera  convaincu  d'avoir 
tenu  des  propos  séditieux  tendant  à  compromettre  la 
tranquillité  publique  sera  regardé  comme  suspect  et 
traité  comme  tel. 

a  Ari.  2.  —  Seront  regardés  comme  contre-révolu- 
tionnaires et  traités  comme  tels,  tous  ceux  qui  seront 
convaincus  d'avoir  dit,  publiquement  ou  autrement, 
que  le  gouvernement  républicain  est  tyrannique,  que 
les  propriétés  et  les  personnes  sont  violées  et  que  la 
liberté  des  opinions  est  gênée. 

«  Art.  3.  —  Seront  également  regardés  comme  con- 
tre-révolutionnaires et  traités  comme  tels,  tous  ceux 
qui,  sous  prétexte  de  religion  ou  autrement,  cherche- 
ront à  faire  insurger  le  peuple. 

«c  Art.  4.  —  Tout  citoyen  qui  sera  convaincu  d'avoir 
eu  connaissance  des  délits  ci-dessus  et  qui  néanmoins, 
par  une  coupable  lâcheté  ou  par  quelque  considération 
particulière,  ne  les  aura  point  dénoncés  dans  les  vingt- 
quatre  heures  aux  autorités  constituées,  est,  d'ores  et 
déjà,  regardé  comme  complice  et  sera  puni  comme  tel. 

«  Art.  5.  —  Seront  encore  considérés  comme  sus- 
pects et  traîtres  à  la  patrie,  tous  ceux  qui  publieçont 
des  fausses  nouvelles  tendant  à  alarmer  le  peuple  et  à 
troubler  l'ordre  public. 

<c  Art.  6.  —  Les  commandants  et  officiers  de  la 
force  publique,  ainsi  que  tous  les  bons  citoyens,  sont 
autorisés  à  les  arrêter  provisoirement,  sauf  ensuite  aux 
autorités  constituées  à  statuer  ce  que  de  droit. 

a  Art.  7.  —  Le  comité  de  surveillance  de  la  com- 
mune demeure  expressément  chargé  de  prendre  toutes 
les  mesures  qui  sont  en  son  pouvoir  pour  connaître 
les  auteurs  de  ces  délits  attentatoires  à  la  liberté,  et 
de  les  dénoncer  au  corps  municipal  pour  y  être  statué 
ce  que  de  droit. 


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<r  Art.  8.  —  La  société  populaire  de  cette  ville  sera 
invitée,  au  nom  de  la  loi  et  du  salut  public,  à  remplir, 
de  son  côté,  les  dispositions  contenues  en  Tarticle  7, 
afin  d^accélérer  la  punition  des  coupables. 

(L  Art.  9.  —  La  présente  ordonnance  sera  publiée 
etc. 

«  Sur  quoi,  ouï  le  procureur  de  la  commune, 

«  Le  conseil,  applaudissant  aux  vues  dudit  maire, 
arrête  que  Tordonnance  ci-dessus  sera  proclamée  au 
son  du  tambour  et  affichée  partout  où  besoin  sera,  et 
que  la  municipalité  tiendra  la  main  à  son  exécution. 

a  ViGNAux,  maire  ;  Berges,  fils,  procureur  de  la  com- 
mune; Court,  Dupré,  Duclos,  officiers  municipaux; 
Berges,  père,  greffier.   » 

Voilà  une  ordonnance  draconienne  digne  des  temps 
de  Tibère,  où  le  silence  et  la  parole,  la  tristesse  ou  la 
joie  se  payaient  de  la  vie. 

Elle  était  inspirée  des  mesures  révolutionnaires 
prises  dans  le  club  des  Jacobins  de  Paris.  Pour  se  met- 
tre à  Tabri  de  ses  atteintes,  les  citoyens  qui  jusque-là 
se  flattaient  d'être  suffisamment  protégés  par  leur 
civisme  notoire,  les  Berges,  les  Monroux,  les  Dal- 
mont,  crurent  prudent  de  demander  à  leur  tour  un  cer- 
tificat. 

L'esprit  public  était  continuellement  tenu  en  éveil 
par  les  réquisitions  incessantes,  par  l'arrivée  des  cour- 
riers qui  portaient  des  nouvelles  des  armées  et  des 
assemblées  politiques  de  la  cai)itale.  On  commentait, 
dans  les  réunions  privées,  les  assemblées  populaires, 
ces  nouvelles  qui  tenaient  ainsi  dans  une  surexcita- 
tion fiévreuse  la  pensée  publique.  On  devenait  cré- 
dule, naïf,  enthousiaste,  soupçonneux  ;  on  cherchait  à 
connaître  la  pensée  des  présents  et  la  conduite  des 
absents;  l'espionnage  et  la  dénonciation  semblaient 
devenus  un  élément  de  sécurité  personnelle. 


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Aussi  aux  administrations  du  district  et  du  départe- 
ment affluaient  des  écrits  anonymes,  qui  étaient  quel- 
quefois, lorsqu'ils  tombaient  en  des  mains  prudentes, 
renvoyés  pour  information  aux  municipalités^respec- 
tives. 

Le  21  frimaire,  le  maire  de  Saint-Lizier  rcç;oit  du 
bureau  du  district  de  Saint-Girons  une  lettre  qui  requiert 
le  corps  municipal  de  lui  répondre  sur  les  questions 
suivantes  :  l*'  Depuis  quel  temps  Dupré,  ci-devant 
garde  du  corps  ou  pensionnaire  de  TEspagne,  était 
rentré  en  France?  Où  habitait-il  depuis  sa  rentrée? 
A  quelle  époque  est-il  sorti  de  France,  la  dernière 
fois?  Est-il  allé  en  Espagne  à  la  dernière  disparution 
de  ce  pays-ci?  —  2*^  Avez-vous  des  renseignements 
certains  sur  la  résidence  de  Trinqué  fils? 

Ces  diverses  questions  prouvent,  en  effet,  que  ce 
n'est  qu'à  la  suite  d'une  lâche  dénonciation  qu'une 
enquête  se  produit  sur  la  conduite  de  ces  deux 
citoyens.  Le  maire  répond  que  le  citoyen  Dupré, 
ex-garde  du  corps  d'Espagne  et  pensionnaire  dudit 
gouvernement,  vient  quelquefois  en  France  depuis 
1787  ;  qu'il  séjourne  à  Saint-Lizier  chez  son  neveu,  le 
citoyen  Dupi^é,  où  il  n'a  pas  reparu  depuis  une  époque 
antérieure  à  la  déclaration  de  guerre  avec  l'Espagne. 
Durant  son  séjour  au  milieu  de  nous,  ajoute  le  maire, 
Dupré  s'est  montré  zélé  et  imperturbable  révolution- 
naire, sans  jamais  faire  aucun  acte  de  citoyen  actif  ni 
dans  les  assemblées  de  la  commune  ni  dans  les 
assemblées  primaires  ni  dans  la  garde  nationale, 
alléguant  qu'ayant  quitté  la  France  depuis  vingt-huit 
ou  trente  ans  et  n'étant,  d'ailleurs,  compris  dans  au- 
cun rôle  d'imposition,  il  ne  peut  être  considéré  comme 
citoyen  français.  Ce  serait  donc  faire  injustice  au 
citoyen  Dupré  oncle,  et  tort  à  la  République,  que  de 
le  comprendre  dans  la  liste  des  émigrés. 

Relativement  au  citoyen  Trinqué  fils ,  il  a,  comme 


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témoignage  de  sa  résidence  en  France,  plusieurs  let- 
tres, notamment  une  de  Laval,  capitaine  des  grena- 
diers au  72®  régiment  ci-devant  Vexain,  en  date  du 
23  février  1792,  qui  annonce  au  citoyen  Trinqué  père 
que  son  fils  est  parti  pour  rejoindre  son  régiment. 
En  outre,  il  a  entre  ses  mains  une  lettre  écrite  du 
camp  de  Bonne-Espérance,  en  date  du  21  mai  1793, 
par  Trinqué  fils  à  son  père. 

L'abbé  Dargein  s'étant  éloigné  depuis  quelque 
temps  du  pays^  et  la  municipalité  ne  pouvant  justi- 
fier son  absence,  fut  déclaré  émigré,  et,  en  vertu  de 
la  loi  du  28  mars,  ses  biens  furent  mis  sous  séques- 
tre comme  étant  acquis  à  la  République. 

Emportée  par  l'esprit  de  réforme,  la  Convention  ne 
craignait  de  froisser  ni  l'histoire  ni  les  habitudes  éta- 
blies. On  venait  de  régulariser  les  poids  et  mesures; 
on  modifia  la  division  du  temps.  L'ère  grégorienne 
fut  changée  en  ère  républicaine,  et  le  nouveau  monde 
républicain  data  du  22  septembre  1792,  Tan  l^  de 
la  Liberté.  Les  mois  reçurent  leurs  dénominations  de 
la  température  et  des  travaux  de  la  campagne.  Ils 
furent  divisés  en  décades  et  le  repos  dès  dimanches 
transféré  au  décadi.  On  supprima,  dit  Gabourd,  «  les 
solennités  religieuses  et  des  noms  révérés  furent  rem- 
placés par  de  scandaleuses  indications  dignes  de  Tido- 
latrie  égyptienne  ^  »  Désormais,  les  actes  municipaux 
porteront  la  date  de  l'ère  nouvelle.  Nous  devrons 
aussi,  dans  les  pages  suivantes,  nous  conformer  à  cette 
innovation. 

L'Assemblée  constituante,  en  obligeant  les  prêtres 
à  prêter  serment  à  la  Constitution  civile  du  clergé,  les 
avait  scindés  en  deux  catégories  :  les  assermentés  et 

1.  Histeire  de  France,  t.  iix,  p.  173. 


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les  réfractaires.  Ces  derniers,  privés  de  leurs  fonc- 
tions, étaient  demeurés  pourvus  d'une  pension.  L'As- 
semblée législative  les  soumit  à  la  surveillance  des 
autorités  du  département,  et  décréta  même  qu'ils 
pourraient  être  bannis  du  territoire  français  par  un 
de  leurs  jugements.  La  Convention,  plus  inexorable 
encore,  les  condamna  tous  à  la  déportation  et  confisca 
leurs  biens.  Après  avoir  frappé  le  prêtre,  il  ne  restait 
plus  qu'à  détruire  Tautel.  La  Convention,  par  un  der- 
nier respect  du  sentiment  religieux,  n'osa  pas  prendre 
l'initiative  de  l'abolition  des  cultes  ;  plus  audacieuse, 
la  Commune  décida,  le  23  vendémiaire,  que  les  mi- 
nistres d'aucune  religion  ne  pourraient  exercer  leur 
culte  hors  des  temples  et  prohiba  tous  les  signes  exté- 
rieurs de  religion.  Le  délire  de  l'impiété  alla  jusqu'à 
défendre  la  vente,  dans  les  rues,  des  images,  livres  et 
statues  de  la  Vierge  et  des  saints.  On  supprima,  dans 
les  cimetières,  les  emblèmes  de  l'espérance  et  de  la 
vie  future,  et  dans  les  niches  des  Madones,  au  coin 
des  rues,  on  hissa  les  bustes  de  Marat  et  de  Le  Pepel- 
letier.  Par  une  contradiction  familière  à  l'erreur,  un 
culte  nouveau  remplaça  celui  qui  avait  au  moins  pour 
lui  la  consécration  des  siècles. 

Ceci  se  passait  en  vendémiaire,  à  Paris;  avec  les 
lenteurs  de  transmission  de  l'époque,  le  nouveau 
décret  de  la  Commune  ne  fut  signifié  à  la  municipalité 
de  Saint-Lizier  que  le  13  frimaire.  Elle  était  invitée  à 
faire  abattre  toutes  les  croix  qui  se  trouveraient  dans 
les  cimetières  et  autres  lieux  publics;  tous  les  oratoires 
et  toutes  les  figures  qui  peuvent  être  attachées  sur  les 
frontispices  des  églises  ou  autres  lieux  extérieurs; 
elle  devra  aussi  avertir  les  prêtres  .de  ne  plus  faire, 
hors  de  l'église,  aucune  cérémonie  publique;  et  le 
œnseil,  obéisssant  et  a  considérant  que  tout  signe 
extérieur  du  culte  va  contre  les  droits  de  l'égalité, 
arrêta^  que  le  décret  serait  ramené  à  exécution  et  que 


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40 

le  procureur  de  la  commune  demeurait  chargé  d'en 
faire  remplir  les  dispositions  dans  le  plus  bref  délai». 
Ce  motif  invoqué  des  droits  de  Tégalité  est  une  vraie 
trouvaille  que  Chaumette  aurait  envié  à  nos  perspi- 
caces concitoyens.  Pour  moi,  je  ne  saisis  point  en  quoi 
l'existence  d'un  oratoire  ou  d'une  image  de  la  divinité 
peut  nuire  à  l'égalité  des  citoyens. 

A  la  môme  époque,  la  vieille  chapelle  de  l'abbaye 
de  Combelongue  près  Rimont,  un  des  plus  beaux  ves- 
tiges de  l'architecture  romane  dans  le  Couserans,  fut 
changée  en  magasin  à  fourrage  pour  tout  le  district 
de  Saint-Girons.  Singulière  destinée  l  Bâti  pour  abri- 
ter les  méditations  et  les  prières  des  religieux  de 
saint  Norbert,  ce  pieux  édifice  devint,  sept  siècles 
après,  un  vulgaire  dépôt  de  fourrages  pour  les  chevaux 
de  l'armée*. 

Alors  aussi  survint  dans  le  personnel  du  tribunal 
un  changement  que  nous  ne  pouvons  passer  sous 
silence.  Delort,  juge  du  district  judiciaire  de  Saint- 
Lizier,  avait  été  transféré  à  Saint-Girons  où  il  occupa 
la  place  de  procureur-syndic.  Le  prêtre  Guillaume 
Amans  fut  désigné  comme  son  successeur  à  Saint- 
Lizier,  le  7  octobre,  par  les  agents  du  Comité  de  Salut 
public;  mais  sa  fragile  santé  ne  lui  permit  pas  de 
garder  longtemps  ce  poste  et  il  dut  bientôt  après  rési- 
gner ses  fonctions.  Il  écrivit^  le  24  frimaire,  au  citoyen 
Alard. 

m  Citoyen, 

»  Affligé  depuis  longtemps  d'une  humeur  dartreuse 
qui  parcourt  tout  mon  corps,  et  d'une -forte  palpitation 
du  cœur,  je  suis  obligé  de  vivre  continuellement  de 
régime,  d'éviter  les  fortes  tensions  d'esprit.  Malgré 
cela,  pour  prouver  mon  obéissance  et  mon  amour  pour 

1.  Celle  profaDatioa  eul  lieu  le  21  sêplembre  1793. 


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(4 

la  Révolution,  j'ai  accepté  la  place  de  juge  au  tribunal 
de  Saint-Lizier.  Il  est  trop  malheureux  pour  moi,  tan- 
dis que  le  sacrifice  de  ma  vie  ne  me  coûterait  rien  s'il 
était  utile  à  ma  patrie,  que  mon  âge  et  mes  infirmités 
continuelles  me  forcent  à  t'offrir  la  démission  de  ma 
place  déjuge. 

D  Veuille  bien  Tagréer  pour  le  bien  public,  et  sois 
persuadé  que  le  peu  de  santé  qui  me  reste  sera 
employé  pour  le  triomphe  de  la  Révolution  vraiement 
républicaine.  Amans,  signé.   » 

d  Vu  la  démission  du  citoyen  Amans  juge,  et  con- 
naissant ses  infirmités,  le  commissaire  civile  délégué 
par  les  représentants  du  peuple  dans  le  département 
de  FAriège,  affligé  de  voir  un  patriote  aussi  constant 
et  aussi  prononcé  obligé  de  quitter  son  poste, 
acceptant  à  regret  le  démission  dudit  citoyen  Amans, 
juge  du  tribunal,  et  cela  étant,  le  premier  suppléant 
montera  pour  y  prendre  la  place  à  laquelle  la  confiance 
publique  Ta  appelé. 

»  A  Saint-Girons,  le  26  frimaire,  Tan  II  de  Tère  ré- 
publicaine. Alard.  y> 

Du  même  jour,  nomination  du  citoyen  Gouazé. 

«  République  française 

a  Les  commissaires  civils  délégués  par  les  repré- 
sentants du  peuple  dans  le  département  de  l'Ariège  ; 

«  Au  citoyen  Gouazé,  premier  suppléant  des  juges 
du  tribunal  du  district  de  Saint-Girons  siégeant  à 
Saint-Lizier. 

a  Nous  te  prévenons ,  citoyen ,  que  le  citoyen 
Amans,  juge  du  tribunal,  vient  de  donner  sa  démis- 
sion ;  nous  l'avons  acceptée,  vu  les  raisons  légitimes 
qui  ont  nécessité  sa  démarche.  Nous  t^nvitons  donc  à 
aller  prendre  de  suite  sa  place  à  laquelle  t'a  appelé  la 
confiance  publique,  d'accord  avec  notre  vœu.  Salut  et 
fraternité.  Alard.  » 


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«  p.  s.  Nous  t'envoyons  la  démission  dudit  citoyen 
Amans  et  notre  acceptation  au  bas;  tu  en  feras  tel 
usage  qu'il  conviendra,  et  tu  la  rendras  au  démission- 
naire. » 

Nous  sommes  à  la  fin  de  l'année  1793 1  et  il  est 
temps  de  mettre  le  rôle  des  contributions  en  recouvre- 
ment et  de  dresser  le  tableau  des  dépenses  communa- 
les. Dans  une  réunion  spéciale  à  cet  objet,  le  maire 
dit  qu'il  a  été  imposé  pour  Tannée  1793  une  somme 
de  1 ,658  livres^  6  sols  8  deniers  ;  un  tiers  au  rôle  de 
la  contribution  foncière  et  deux  tiers  au  rôle  de  la 
contribution  mobilière.  Le  rôle  de  l'imposition  mobi- 
lière ayant  été  remis  depuis  plusieurs  jours,  il  est  ins- 
tant de  remplir  la  côte  des  imposiiions  locales.  Cette 
dernière  imposition  est  établie  sur  le  pied  du  rôle  de 
l'année  précédente  avec  une  augmentation  de  deux 
cents  livres  pour  les  arrérages  dûs  au  médecin. 

Les  charges  locales  sont  ainsi  fixées  : 


l*»  Aux  portiers 

2*  Au  greffier 

3»  Au  valet  de  ville.  .  . 
A^  Au  gardien  des  cochons. 
0»  Pour  Tentretien  de  Thorloge 
6<»  Feu  de  Saint-Jean.  .  - 
70  Intérêts  à  la  fabrique .  . 
8<>  A  la  consorce  des  chapelains 
9«  Pour  les  obits  des  chapelains 

IQo  Intérêts  à  Villa.     .     .     . 

il*  Intérêts  à  l'hôpital.     .     . 

12»  Frais  de  bureau.     .     .    - 

13«  Au  percepteur  des  contribu 
lions  foncières     ... 

14<»  Au  percepteur  des  contribu 
tions  mobilières  .     .     . 

15»  Dépenses  imprévues  et  trai 
tcment  du  médecin  .     . 


Total. 


48  livres. 
50  1. 
36  1. 

9  1. 
36  1. 

5  1. 

14  1. 

15  1. 
60  1. 
70  1. 

115  1. 
72  1. 


10  s. 


10  s. 


214  1.    Os.  lOd. 


52  1.    5  s. 


600  1. 


1.387  1.    5  s.  lOd. 


1.  Délibération  du  6  nirôse. 


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43 


VIII 

Loi  du  maximum.  —  Mouvement  de  la  machine  révolutionnaire 
accéléré.  —  Prise  de  Toulon.  —  Surveillance  étroite  des  prisons. 
—  Violentes  exactions.  —  Fabrication  de  Salpêtre.  —  Heures  et 
prix  des  journées  d'ouvriers. 

Nous  avons  VU  que  d'énormes  quantités  d'assignats, 
jetés  dans  le  public,  avaient  éveillé  sa  défiance.  Ils 
n'étaient  plus  acceptés  qu'au  tiers  de  leur  valeur  nomi- 
native ;  on  ne  pouvait  donc  espérer  de  les  remettre  au 
niveau  du  prix  des  denrées  et  des  marchandises  dont 
le  peuple  avait  usuellement  besoin.  La  loi  de  mdxU 
TTiunij  que  l'on  n'avait  d'abord  appliquée  qu'aux  grains, 
fat  étendue  à  toutes  les  marchandises  de  première 
nécessité  :  viande,  pain,  légumes,  bois,  chanvre,  laine, 
sel,  drap,  boisson,  etc.  Les  marchands  devaient  faire 
une  déclaration  de  tout  ce  qu'ils  avaient  en  magasin, 
CCS  déclarations  devaient  être  vérifiées  par  des  com- 
missaires et  toute  fraude  était  punie  de  mort.  Malgré 
cette  terrible  législation,  il  paraît  que  certains  mar- 
chands de  Saint-Lizier  trouvaient  moyen  d'éluder  la 
loi,  et  il  est  dit  par  le  maire,  en  séances  du  9  et  du  23 
nivôse,  «  que  plusieurs  particuliers  vendaient  différen- 
tes denrées  à  un  prix  exorbitant,  au  mépris  du  maxi* 
murrij  et  que  ces  ventes  se  faisaient  clandestinement, 
a   Cette  violation,  ajoute-t-il,  porte  le  plus  grand  pré- 
judice à  la  République  dont  le  salut  dépend  de  l'exacte 
observation  de  cette  loi.  »  Obtempérant  à  la  demande 
du  maire,  le  conseil  arrête  que  la  Société  populaire^ 
le  Comité  de  surveillance  de  la  commune,  ainsi  que 
tout  bon  citoyen,  seront  invités  à  tenir  la  mainàl'exé- 
cution  de  la  loi  du  maxiinum;  ils  devaient  dénoncer 
tous  ceux  qui  en  violeraient  les  dispositions  ;  et  tout 


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14 

citoyen  dont  le  zèle  le  portera  à  faire  connaître  «  les 
intrigants  »  aura  bien  mérité  de  la  patrie. 

Le  28  nivôse,  le  conseil  municipal,  alarmé  des 
plaintes  incessantes  du  peuple,  avec  une  conviction  qui 
prête  au  sourire,  croit  avoir  trouvé  un  moyen  efficace 
pour  ramener  le  calme  dans  les  esprits.  Il  arrête  qu'il 
fera  «  dans  le  plus  bref  délai,  une  proclamation  pour 
ordonner  de  plus  fort  l'exécution  de  la  loi  du  maxi- 
mum, et  pour  inviter  tout  bon  citoyen  à  veiller  à  ce 
qu'elle  ne  soit  point  violée.  »  Il  donnera  même  une 
récompense  à  quiconque  dénoncera  et  prouvera  les 
délits  faits  contre  cette  loi. 

Mais  ce  n'est  pas  de  sonores  paroles  que  vit  le  peu- 
ple ;  une  bouchée  de  pain  fait  mieux  son  affaire,  et  les 
belles  proclamations  des  orateurs  de  la  maison  de  ville 
ne  remplissaient  pas  le  pot  de  la  pauvre  lîiénagère. 
La  misère  devint  grande  à  ce  point  que  «  les  trois 
quarts  de  la  commune  n'avaient  point  mangé  de  pain 
depuis  quatre  jours.  »  Le  bel  auditoire  pour  entendre 
des  proclamations  !  On  accuse  les  riches  de  cacher  leurs 
grains,  et  les  marchands  d'en  avoir  accaparé  d'énormes 
quantités,  dans  le  but  de  spéculer  honteusement  sur 
la  disette  et  de  soulever  le  peuple  contre  le  gouverne- 
ment. 

La  municipalité  décide  alors  qu'usant  des  pouvoirs 
extraordinaires  que  la  loi  lui  confère,  elle  nommera 
des  commissaires  pour  faire  des  visites  domiciliaires 
afin  de  prendre  note  de  tous  les  grains  qui  peuvent 
être  dans  la  commune  et  les  faire  distribuer  aux  bou- 
langers, pour  que  sans  retard  on  donne  du  pain  au 
peuple.  Mais  il  résulte  de  ces  visites  que  les  provisions 
de  blé  sont  minimes  et  insuffisantes  pour  l'alimenta- 
tion publique,  et  que  la  commune  est  incessamment 
menacée   de  la  famine  ;  d'autre  part,  on  sait  que  le 
district  est  absolument  dépourvu  de  toute  subsistance. 
Dans  cette  extrême  nécessité,  on  rédige  une  adresse  au 


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15 

représentant  Paganel,  à  Toulouse,  pour  lui  exposer 
les  malheurs  dont  la  population  de  Saint-Lizier  sera 
infailliblement  la  victime  si  la  municipalité  ti'est  auto- 
risée à  requérir,  dans  tout  le  département  de  TAriège, 
et  à  défaut  dans  celui  de  la  Haute-Garonne,  les  grains 
nécessaires  à  la  consommation. 

Quand  Thomme  souffre,  il  perd  bientôt  toute  notion 
de  justice  et  d'obéissance  à  Tautorité.  Le  peuple  de 
Saint-Lizier  a  faim  ;  il  accuse  les  marchands,  les  meu- 
niers, les  bouchers,  et  la  municipalité  intimidée  par  les 
murmures  de  la  populace  se  résigne  à  de  méticuleu- 
ses recherches:  chez  les  uns,  àTexamen  des  meules, 
des  mesures  et  des  caisses  dont  les  meuniers  se  ser- 
vent, au  dire  des  clients  soupçonneux,  pour  réduire 
à  moitié  la  farine  qui  leur  est  due;  chez  les  autres, 
tels  que  bouchers  et  épiciers,    les  balances  sont  un 
objet  d'inquisition  ;  leur  forme  sphérique  «  comme  de 
petits  chaudrons»  se  prête  à  la  fraude;  «  on  ne  peut 
pas  voir  ce  qui  peut  y  être  dedans  »  ;  on  veut  qu'ils 
soient  tenus  de  se  pourvoir  immédiatement  de  balan- 
ces plates;  et  humble  exécuteur  des  exigences  popu- 
laires, le  maire  impose  aux  bouchers  d'être  journelle- 
ment pourvus  de  viande,  de  la  vendre  au  taux  fixé  par 
la  loi  du  maximuniy  et  de  se  procurer  sur  le  champ 
des  balances  plates. 

La  machine  révolutionnaire  se  compliquait  tous  les 
jours  de  quelque  nouveau  rouage.  L'inexpérience  ou 
la  mauvaise  volonté  des  administrations  départemen- 
tales et  communales  en  retardait  souvent  le  mouve- 
ment, et  le  Comité  de  Salut  jjubliCy  sentant  qu'elle 
allait  bientôt  se  détraquer  au  milieu  des  embarras 
qu'on  lui  créait,  lui  imprima,  le  14  frimaire,  une 
subite  et  violente  impulsion.  Elle  signifia  à  toutes 
les  municipalités  que  «  les  autorités  constituées 
devaient  marcher  révolutionnairement  et  être  aussi 


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46 

impassibles  que  la  loi  r>.    La  municipalité  de  Saint- 
Lizier  se  mit  au  pas*. 

D'après  les  nouveaux  décrets,  les  procureurs  des 
communes  étaient  supprimés  et  remplacés  par  les 
agents  nationaux  \  notre  municipalité,  voulant  que  le 
titulaire  de  la  nouvelle  fonction  passât  par  le  creuset 
d'une  épuration,  convoqua  la  commune,  qui  donna  sa 
confiance  à  Berges  fils,  que  son  constant  dévoûment 
aux  institutions  nouvelles  désignait  à  son  choix. 

Quelques  jours  après,  se  constituant  en  tribunal  de 
police,  elle  condamna  à  vingt-quatre  heures  de  prison 
les  citoyens  Bondié  fils  et  Alexis  Soum,  qui  avaient 
refusé  d'aller  exploiter  deux  cannes  de  bois  dans  le 
bosquet  de  Saint-Blanquat.  Répression  qui  peut  nous 
paraître  aujourd'hui  un  peu  exagérée,  mais  n'ou- 
blions pas,  comme  le  disent  les  considérants  du  juge- 
ment municipal,  que  a  dans  un  gouvernement  révolu- 
tionnaire, les  autorités  doivent  user  de  toute  la  sévé- 
rité des  lois,  car  une  désobéissance  aux  ordres  donnés 
par  une  municipalité  provoquerait  l'anarchie  et  le 
désordre  ».  Que  nous  sommes  déjà  loin  de  cet  état 
social  où  l'école  de  Rousseau  pensait  remplacer  l'atti- 
rail des  vieilles  lois  monarchiques  par  les  maximes 
humanitaires  de  la  philosophie  ! 

La  législation  de  nos  anciens  parlements  a  disparu, 
mais  les  prisons  sont  depuis  longtemps  trop  étroites 
et  la  guillotine  est  en  permanence  sur  les  places  de 
nos  grandes  villes. 

Au  milieu  de  ces  sombres  préoccupations,  la  nou- 
velle subite  de  la  prise  de  Toulon  sur  les  Anglais  vint 
jeter  un  rayon  de  joie  dans  nos  murs.  La  Société  popu- 
laire prit,  à  cette  occasion,  l'initiative  d'une  fête  civi- 
que qui  devait  être  célébrée  au  2™®  décadi  de  nivôse  ; 

1.  Séance  do  15  nivôse. 


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17 

elle  en  régla  elle-même  le  mode,  et  invita  les  autori- 
tés constituées  et  les  corps  militaires  à  se  rendre  à  la 
salle  de  ses  séances.  La  population  donna  un  instant 
libre  expansion  à  sa  joie,  mais  revint  le  lendemain  à 
ses  sombres  pensées. 

Dans  un  précédent  arrêté,  le  chef  de  la  municipalité 
avait  enjoint  à  ses  collègues  de  veiller  sur  les  prisons  ; 
mais,  il  paraît  que  la  garde  n'a  pas  été  assidûment 
faite,  car  il  apprend  un  jour  que  Frédéric  et  Adélaïde 
de  Méritens,  ainsi  que  Catherine  Siadoux,  détenus, 
ont  repris  leur  liberté  sans  avoir  obtenu  leur  élargisse- 
ment de  l'autorité  compétente.  Il  leur  intime  Tordre 
de  rentrer,  sur  l'heure,  dans  la  maison  de  réclusioTair 
sous  peine  d'y  être  réduits  par  la  force  armée,  et  pres- 
crit  aux  commissaires  des  prisons  de  mettre  à  la  porte 
de  la  maison  d'arrêt  deux  sentinelles -avec  consigne 
expresse  de  ne  pas  laisser  communiquer  les  prison- 
niers avec  l'extérieur. 

Quelques  jours  après,  le  maire,  faisant  une  tournée 
dans  la  maison  d'arrêt,  remarque  l'absence  d'un  nou- 
veau détenu,  le  sieur  Anouilh,  qui  y  avait  été  consi- 
gné pour  désertion.  Le  geôlier  raconte  qu'un  matin 
vers  les  six  heures,  tandis  qu'il  était  occupé,  sur  les 
portes  de  la  ville,  à  distribuer  des  paquets  pour  les 
communes  du  canton,  le  nommé  Baich,  cordonnier,  de 
Taurignan- Vieux,  demanda  à  parler  au  détenu  ;  il 
profita  traîtreusement  des  préoccupations  du  gardien 
pour  favoriser  l'évasion  du  déserteur;  mais  la  munici- 
palité, n'acceptant  point  ces  explications,  se  constitue 
immédiatement  en  tribunal  de  police  municipale, 
lance  un  mandat  d'arrêt  contre  Baich  et  destitue  de 
ses  fonctions  le  geôlier  Fort.  On  sentit  dès  lors  le 
besoin  de  mieux  organiser  la  surveillance  des  prisons. 
L'agent  national  qui  était  chargé  de  ce  service,  allé- 
guant que  ses  nombreuses  occupations  ne  lui  permet- 

Rktob  di  Conmcilj  i«'  tri«Mtr«  1895.  Tomc  X.  —  3. 


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48 

taient  pas  de  le  remplir  avec  toute  Texactitude  r>éces- 
saire,  donna  sa  démission,  et  cette  commission  fut 
confiée  au  citoyen  Dominique  Dargein,  qui  fut  chargé 
d'adresser,  tous  les  jours,  à  la  municipalité  un  rapport 
sur  l'état  des  prisons.  Les  officiers  municipaux  durent 
aller,  chacun  à  leur  tour,  faire,  chaque  matin,  la  visite 
des  prisonniers,  et  le  Comité  de  surveillance  dut  veil- 
ler à  (;e  que  Tordre  fût  maintenu  dans  la  maison  d'ar- 
rêt, avec  mission  de  dénoncer  quiconque  chercherait  à 
le  troubler. 

Nous  avons  vu  que  TEtat  aux  abois  avait  fait  des 
réquisitions  de  tous  genres,  pressant  les  populations  de 
lui  livrer  les  choses  les  plus  indispensables  au  com- 
merce, à  Tagriculture,  à  la  subsistance  quotidienne. 
Ses  exigences  redoublent  avec  ses  nécessités;  il  lui 
faut  maintenant,  outre  des  chevaux  harnachés,  des 
charrettes  propres  au  transport  des  fourrages,  des  toi- 
les, treillis  et  fils  pour  sacs,  des  souliers  à  double 
semelle,  du  plomb,  du  laiton,  des  hommes  pour  por- 
ter les  armes,  des  ouvriers  charpentiers,  menuisiers, 
faucheurs,  charretiers,  du  blé  pour  nourrir  ces  ouvriers 
et  ces  soldats,  des  chevaux,  des  mulets  pour  le  trans- 
port de  leurs  équipements  et  outils,  et  encore  de  Tavoine 
et  du  foin  pour  nourrir  ces  chevaux  et  ces  mulets.  On 
n'a  rien,  on  a  besoin  de  tout  ;  on  entre  violemment 
dans  les  domiciles,  on  rançonne  tout  ce  que  Ton  y 
trouve,  et  si  le  propriétaire  se  récrie  et  demande 
qu'on  lui  laisse  quelques  onces  de  froment  pour  ses 
enfants,  quelques  poignées  de  foin  pour  ses  betes, 
on  lui  répond  brutalement,  que  sa  maison,  ses 
champs  et  tous  ses  revenus  ai)partiennent  à  l'Etat,  et 
que  lui-même,  s'il  ne  veut  pas  être  traité  d'incivique 
et  de  suspect,  doit  partir  incontinent  à  la  frontière 
pour  défendre  la  patrie.  Jamais  Saturne  n'avait  dévoré 
plus  avidement  ses  enfants  j  et  quand  les  ogres  de  la 


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19 

Révolution  ont  passé  dans  les  maisons,  les  greniers, 
les  écuries  et  les  champs,  il  ne  reste  plus  que  Ja  mi- 
sère noire  ^  La  municipalité  déclare  qu'elle  est  absolu- 
ment sans  ressource;  elle  fait  appel  au  patriotique 
désintéressement  des  administrés,  les  engageant  à 
donner  selon  leur  faculté.  La  Société  populaire^  elle- 
même,  est  invitée  à  provoquer  de  la  part  de  ses  mem- 
bres des  offrandes  ;  mais  il  paraît  qu'on  s'adressa  à 
des  bourses  vides,  et  ni  numéraire  ni  assignats  ne 
vinrent  réconforter  les  finances  communales.  En 
pareille  situation,  l'État  avait  vendu  les  biens  natio- 
naux ;  la  municipalité  décida  qu'elle  vendrait  les  biens 
communaux.  Une  commission  fut  instituée,  qui  fut 
chargée  de  les  diviser  en  nombreux  lots  qui,  de  pré- 
férence, devraient  être  vendus  aux  vrais  sans-culottes. 
Il  restait  encore,  dans  les  églises  dépouillées  de  vases 
et  d'ornements  sacrés,  des  confessionnaux  dont  quel- 
ques sculptures  étaient  légèrement  dorées,  et  l'avide 
misère  crut  avoir  là  un  trésor  ;  leur  vente  fut  fixée  au 
24  thermidor  2.  Nous  ne  savons  si  l'illusion  qu'on  s'était 
faite  sur  la  valeur  de  ces  meubles  ne  fut  point  recon- 
nue ou  s'ils  ne  trouvèrent  pas  acquéreurs,  mais  nous 
croyons  qu'ils  ornent  encore  les  chapelles  latérales  de 
la  vieille  église  de  Saint-Lizier. 

Encore  une  des  grandes  sollicitudes  de  la  municipa- 
lité, la  fabrication  du  salpêtre.  La  salle  du  «  moulin  à 
papier  »  appartenant  au  citoyen  Court,  fut  réquisition- 
née pour  y  construire  un  atelier  où  devaient  venir 
travailler  toutes  les  personnes,  de  quelque  âge  ou  de 
quelque  sexe  qu'elles  fussent,  non  occupées  aux  tra- 
vaux des  champs.  Elles  devaient  faire  les  approvision- 
nements de  bois  et  d'eau,  l'extraction,  le  transport  et 
le  lessivage  des  terres.  Les  citoyens  Dalmont  et  Fort 

1,  Voir  délibérations  des  mois  de  germlDal,  floréal,  prairial. 
3.  Séance  de  12  thermidor. 


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furent  délégués  pour  faire,  dans  les  caves  et  ailleurs, 
la  recherche  des  terres  propres  au  salpêtre. 

On  mit  à  contribution  tous  les  tonneaux,  barriques 
et  comportes  que  Ton  put  trouver  ;  les  trois  seules 
chaudières  en  cuivre  que  Ton  découvrit  dans  le  canton 
furent  envoyées  à  la  forge  de  Castelnau-Durban  pour 
être  fondues  en  une  seule  et  grande  chaudière  ;  mais 
rappel  que  Ton  avait  fait  pour  la  fabrication  du  salpê- 
tre n'eut  pas  plus  de  succès  que  celui  de  la  souscrip- 
tion patriotique.  L'invitation  même  qui  fut  adressée  au 
peuple  de  brûler  les  fougères  et  broussailles  et  d'en 
porter  les  cendres  à  la  maison  commune  demeura 
sans  effet,  quoique  on  eût  promis  de  payer  ces  cen- 
dres au  maximum.  La  municipalité  devait  faire  res- 
pecter ses  invites  et  ses  arrêtés  ;  aussi  ordonna-t-elle, 
sous  les  peines  portées  par  les  lois,  que  les  femmes 
et  les  enfants  seraient  nominativement  sommés  d'obéir 
à  ses  ordres.  Ces  menaces  n'ayant  amené  aucun  résul- 
tat, la  municipalité  rendit  responsables  de  la  désobéis- 
sance des  enfants  leurs  parents  et  décida  que,  a  sans 
délai,  on  arrêterait,  les  père,  mère,  frères  ou  sœurs  de 
ceux  qui,  étant  commandés,  n'obéiraient  pas,  comme 
ennemis  de  la  cause  publique  t>.  Les  citoyens  Dutap 
fils  et  Roquemaurel  cadet  furent  chargés  de  l'exécu- 
tion des  ordres  et  prescriptions  municipales. 

Les  diverses  réquisitions  dont  nous  avons  parlé 
avaient  successivement  enlevé  au  pays  les  ouvriers 
valides  et  actifs;  les  travaux  étaient  les  mêmes  et  les  bras 
avaient  considérablement  diminué,  surtout  depuis  le 
départ  des  faucheurs  pour  Puycerda.  La  m^me  somme 
de  labeur  devrait  donc  être  produite  par  moins  d'ou- 
vriers et  ceux-ci  réclamèrent,  avec  justice,  une  aug- 
mentation de  salaire.  Sur  l'invitation  du  Comité  du 
Salut  public  *,  le  conseil  municipal  fixa,  le  27  prairial, 

i.  Prairial. 


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SI 

les  heures  de  travail,  le  prix  des  journées  des  ouvriers, 
transport  de  récoltes,  location  des  animaux,  voitures 
et  instruments  servant  aux  travaux  de  la  campagne. 
Ce  règlement  qu'il  sera  intéressant  de  connaître  fut 
ainsi  établi  : 


Heures  de  travaU.  —  Depuis  le  !•' germinal  jusqu'au  !•'  ven- 
démiaire (du  21  mars  au  22  septembre),  depuis  le  lever  jusqu'au 
coucher  du  soleil,  avec  heures  de  repos  accoutumées. 

Depuis  le  !«■'  vendémiaire  jusqu'au  !«<'  germinal,  de  7  heures  du 
matin  jusqu'au  déclin  du  jour;  pas  d'autre  heure  de  repos  que 
celle  du  dîner. 

Prix  des  Joarnées.  —  Depuis  le  !•'  germinal  jusqu'au  !•'  ven- 
démiaire : 

Aux  journaliers 20  sols. 

Si  on  donne  le  dîner 10  sols. 

Aux  journalières 12  sols. 

Avctc  le  dîner 6  sols. 

Depuis  le  !•'  vendémiaire  jusqu'au  !•'  germinal  : 

Aux  journaliers 16  sols. 

Avec  le  dîner 8  sols. 

Aux  journalières 10  sols. 

Avec  le  dîner 5  sols. 

Les  journaliers  et  journalières,  qui  ne  voudront  travailler  qu'aux 
heures  accoutumées  jusqu'à  présent,  gagneront  : 

Les  hommes 15  sols. 

Avec  le  dîner 7  sols. 

Les  femmes 9  sols. 

Avec  le  dîner 5  sols. 

Les  bouviers,  en  toute  saison,  outre  la  dépense  usitée.  35  sols. 
Les  charretiers  —  par  charretée  : 

Pour  la  Lane  d'Antichan,  au  maximum  ...  18  sols. 

Pour  les  autres  quartiers  de  la  ville,  au  maxi- 
mum     15  sols. 

Aux  voituriers  —  par  voyage  de  cheval  et  mulet  : 

A  la  Lane  d'Antichan 5  sols. 

Pour  les  autres  quartiers  du  territoire    ...  4  sols. 
Par  journée  et  par  chaque  bête  de  somme,  outre  la 

dépense  du  voiturier 25  sols. 

C'était  une  amélioration  considérable  dans  la  situa- 
tion de  l'ouvrier.  On  l'augmentait  de  la  moitié  de  son 
ancien  salaire  qui  n'était  que  de  10  sols  en  1790,  s'il 
voulait  garder  les  anciennes  heures  de  repos  ;  et  du 
double^  s'il  voulait  se  soumettre  au  nouveau  règlement. 


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Si 


IX 

Ineptes  persécutions  politiques  et  religieuses.  —  Inanité  des  bre- 
vets civiques.  —  Le  culte  de  la  Raison  dans  Tantique  cathédrale. 
—  Résistance  du  bon  sens  populaire.  —  Les  décadis.  —  Impossi- 
bilité de  faire  accepter  la  nouvelle  religion. 

Les  nombreuses  difficultés  matérielles  n'absor- 
baient pas  tellement  les  facultés  de  nos  gouvernants, 
à  Saint-Lizier  comme  à  Paris,  qu'ils  ne  pussent  encore 
consacrer  une  partie  de  leur  malveillante  attention 
aux  âmes  les  plus  inoffensives.  Ni  le  malheur,  ni  le 
caractère,  ni  Tàge  ne  leur  imposent  le  moindre  senti- 
ment de  respect.  De  par  la  loi  du  14  août  1792,  les 
Religieuses  qui  avaient  leur  domicile  dans  la  com- 
mune sont  appelées  à  prêter  le  serment  civique.  Par 
devant  le  maire  et  les  officiers  municipaux^  ces  timi- 
des et  saintes  femmes,  qui  ne  connaissaient  que  la 
prière  et  les  offices  de  la  charité,  les  sœurs  Marie 
Bélesta,  Marie  Peyrat,  Thérèse  Delort,  Elisabeth  Bor- 
des, Marie  Rivière,  Suzanne  Servat,  Marie  Galotin, 
Elisabeth  Marfaing,  tour  à  tour  «  levant  la  main,  à 
Dieu  promettent  et  jurent  d'être  fidèles  à  la  nation,  de 
maintenir  la  liberté,  l'égalité,  l'unité  et  l'indivisibi- 
lité delà  République,  et  de  mourir  en  les  défendant,  -n 

Odieux  et  ridicules  jeux  de  tyrannie  qui  font  sou- 
rire de  pitié.  Ce  n'était  pas  assez  que  de  chasser  ces 
anges  du  dévouement  de  leurs  retraites,  de  leur  inter- 
dire cette  vie  de  sacrifice  (ît  de  piété  qu'elles  avaient 
choisie;  comme  à  de  vieux  démocrates  on  leur  fait 
solennellement  jurer  de  mourir  pour  la  défense  d'un 
état  de  choses  qui  a  violenté  leur  conscience  et  brisé 
le  charme  surnaturel  de  leur  existence.  Le  bourreau 
veut  se  faire  abhorrer  par  ses  victimes* 


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S3 

Il  ne  suffisait  pas,  pour  se  sauver  de  la  prison,  de 
faire  un  serment,  il  fallait  encore  appartenir  à  un  club 
de  sans-culottes,  à  une  société  populaire  régénérée,  et 
en  obtenir  un  certificat  de  civisme. 

Or,  M.  de  Saint- Blancat  demande  et  obtient  ce 
diplôme  sauveur,  qui  constate  «  que,  tant  qu'il  a  résidé 
dans  la  commune*,  il  n'a  cessé  de  donner  des  preuves 
certaines  de  son  attachement  à  la  Révolution  ;  que  son 
amour  pour  la  cause  publique  lui  mérita  la  confiance 
de- ses  concitoyens  qui  le  nommèrent  d'abord  maire, 
puis  juge  de  paix,  et  enfin  député  auprès  de  l'Assem- 
blée nationale  pour  y  défendre  leurs  intérêts  ;  avant  la 
Révolution,  il  n'avait  d'ailleurs  jamais  abusé  de  sa 
qualité  de  ci-devant  seigneur,  ayant  au  contraire  rem- 
pli les  fonctions  de  médiateur  dans  toutes  les  contes- 
tations qui  s'élevaient  parmi  ses  concitoyens,  les  enga- 
geant, par  des  bienfaits  personnels,  à  l'union  et  à  la 
paix  ». 

M.  de  Roquemaurel  fait  constater  aussi,  par  la 
Société  populaire  dont  il  fait  partie,  que  sa  conduite 
a  toujours  été  républicaine. 

Delort,  que  nous  avons  vu  remplissant  avec  impar- 
tialité des  fonctions  judiciaires,  se  fait  aussi  délivrer, 
par  la  Société  populaire  dont  il  était  un  des  membres 
les  plus  actifs,  un  témoignage  de  conduite  républi- 
caine, «  dès  avant  même  que  la  République  française 
fût  décrétée  )>. 

Le  chanoine  Bélissens  lui-même^  qui  n'avait  jamais 
refusé  aucun  gage  de  dévouement  au  régime  révolu- 
tionnaire, avait  obtenu  toutes  les  garanties  de  protec- 
tion de  la  part  de  la  Société  populaire  où  il  s'était 
enrôlé  dès  le  début:  et  nous  voyons  M.  de  Saint- 
Blancat  enfermé  dans  les  prisons  de  Toulouse;  l'abbé 
de  Roquemaurel  mis  en  état  d'arrestation  pour  être 

1*  li  qailU  Saint-Lizier  en  septembre  1791 


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S4 

aussi  envoyé  dans  une  maison  de  réclusion  à  Tou- 
louse i;  Delort,  détenu  à  la  maison  d'arrêt  de  Saint- 
Lizier;  de  Bélissens,  par  ordre  de  Chaudron-Rousseau, 
dirigé  aussi  sur  les  prisons  de  Toulouse. 

Ce  dernier  fait  appel  aux  sentiments  de  confraternité 
de  ses  collègues  de  la  Société  populaire^  et  leur 
demande,  le  14  germinal,  a  un  témoignage  de  civisme 
et  d'innocence  ».  Il  a  été  dénoncé,  dit-il,  comme  prêtre 
fanatique  cherchant  à  soulever  le  peuple  au  sujet  de 
l'abolition  du  costume  ecclésiastique,  et  employant, 
en  outre,  toutes  les  ruses  sacerdotales  pour  empêcher 
les  progrès  de  la  raison;  Bélissens  espère  que  la 
Société  lui  rendra  justice  en  détruisant  les  inculpa- 
tions mensongères  dont  il  est  victime  ;  mais,  c'est  ici 
qu'apparaît  la  lâcheté  de  ces  clubs,  fondés  par  des 
sectaires  et  grossis  de  gens  apeurés.  La  Société 
n'ose  pas  disputer  une  victime  au  terrible  représen- 
tant du  peuple  et  renvoie  l'affaire  au  Comité  de  sur- 
veillance de  la  commune,  avec  une  timide  invitation 
ce  d'employer,  le  plus  promptement  possible,  tous  les 
moyens  qui  sont  en  son  pouvoir  pour  faire  triompher^ 
s'il  y  a  lieu,  l'innocence  du  citoyen  Bélissens. 

Mais  trois  jours  après  ^  se  repentant  de  ce  senti- 
ment de  clémence,  elle  signifie  au  Comité  de  surveil- 
lance  de  ne  plus  s'intéresser  à  ce  prisonnier;  elle  vient 
d'apprendre  qu'au  moment  de  son  départ  pour  Tou- 
louse, il  a  trompé  la  vigilance  et  la  bonne  foi  de  ses 
conducteurs  et  s'est  évadé  ;  son  devoir,  au  contraire, 
serait  de  le  faire  incarcérer  le  plus  tôt  possible,  et, 
abdiquant  à  son  endroit  toute  apparence  de  sympathie 

1.  L'abbë  de  Roquemaorel.  qoi  se  relevait  d*aoe  grave  maladie,  fat  aotorité,  sor  le  w 
d'oD  certificat  délivré  par  rofllcier  de  santé  Trinqaé,  k  demeurer,  provisoirement  et  jns- 
qa'ao  rélablissemeot  de  sa  santé,  en  arrestation  dans  sa  propre  maison  ;  mais,  par  mesore 
de  sûreté,  un  garde  nourri  et  payé  à  ses  frais  fut  placé  à  sa  porte.  Nous  ignorons  s*il  fut 
plus  tard  dirigé  sur  Toulouse  ;  en  tons  cas,  six  mois  après»  sur  la  (in  de  fractîdor.  il 
obtint  de  la  municipalité  la  mission  de  surveiller  rexécolion  de  Tarrété  pris  contre  les 
citoyens  qui  se  refusaient  à  la  fabrication  du  salpêtre. 

2.  Séance  du  19  germintl  m  II. 


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«6 

OU  de  complicité,  elle  le  raya  de  la  liste  de  ses  mem- 
bres comme  émigré. 

C'était  bien  la  peine  de  se  parer  de  tous  les  titres 
civiques,  de  consentir  à  toutes  les  abjurations,  ser- 
ments et  apostasies,  pour  être  confondu  avec  les  réfrac- 
taires  et  les  ennemis  de  Tordre  public. 

A  côté  de  la  persécution  politique,  la  persécution 
religieuse,  celle-ci  plus  inepte  que  l'autre  :  elle  s'atta- 
que à  une  liberté  plus  précieuse  que  celle  qu'on  res- 
treint par  les  chaînes  et  les  verrous.  Mais  c'était  la 
mission  de  la  Révolution  d'attaquer  les  personnes  et 
les  choses  sous  tous  les  aspects.  Tout  était  vieux,  ver- 
moulu, indigne  de  la  raison  affranchie  ;  il  fallait  tout 
refaire,  jusqu'au  nom  des  lieux  empreints  de  souvenirs 
monarchiques  ou  religieux.    A   l'exemple   de  Saint- 
Denis,   de  Bourg-la-Reine,  le  nom  de  Saint-Lizier 
a  fruit  du  fanatisme  et  de  l'erreur  ï>^  devait  être  changé, 
et  la  municipalité  envoya  à  la  Convention  une  pétition 
pour  se  faire  autoriser  à  donner  à  sa  ville  le  nom 
d'Austrie-la-Montagne;  il  y  avait  déjà  longtemps  que 
cette  pétition  sommeillait  dans  les  cartons  de  la  Con- 
vention, qui  avait  d'autres  soucis  que  ceux  de  donner 
satisfaction  à  de  si  burlesques  fantaisies.  Chaudron- 
Rousseau,  se  trouvant  en  séance  à  Saint-Girons,  fut 
prié  par  notre  municipalité  impatiente,  à   titre   de 
membre  du  Comité  de  division  à  qui  appartenait  l'exa- 
men de  cette  pétition,  de  vouloir  bien  la  faire  sortir  le 
plus  tôt  possible. 

Ce  n'était  pas  seulement  le  nom  d'un  saint  évêque 
qui  offusquait  la  raison  de  nos  grands  et  petits  réfor- 
mateurs, mais  la  religion  elle-même  dont  il  était  le 
héros;  et  une  date  tristement  mémorable  dans  les 
annales  religieuses  de  la  cité  fut  celle  du  9  germinal 
an  II,  où  le  maire  Vignau  osa  dire,  en  pleine  assem- 
blée du  conseil  général  de  la  commune  :  a  II  est  temps 
que  1©  peuple  ouvre  les  yeux  et  ne  reconnaisse  d'autre 


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S6 

temple  que  celui  de  la  Raison,  d'autre  culte  que  celui 
de  la  Liberté  et  d'autre  amour  que  celui  de  la  Patrie  !» 
Il  demanda,  en  outre,  que  l'église  fût  fermée  et  qu'un 
temple  fût  consacré  à  la  Raison.  Et  la  municipalité, 
«  reconnaissant  la  vérité  de  ces  principes,  arrêta: 
qu'il  serait  consacré  un  temple  à  la  Raison,  et  que, 
le  peuple  serait  invité,  à  l'assemblée  qui  devait  avoir 
lieu  le  lendemain,  décadi,  à  ne  reconnaître  d'autre 
culte  que  celui  de  la  Raison,  et  à  fermer  l'église 
comme  n'étant  qu'un  temple  de  fanatisme  et  d'erreur  ». 

L'homme  qui  incarnait  le  mieux  le  programme  des 
Jacobins  était  cet  ancien  garde  national  qui,  par  scru- 
pule de  conscience,  avait  refusé,  jadis,  d'assister  avec 
son  peloton  à  une  cérémonie  religieuse  présidée  par 
un  prêtre  assermenté,  le  maire  Vignaux:  oublieux  de 
son  passé,  il  allait  l'appliquer  dans  son  esprit  et  sa 
lettre  autant  que  les  événements  le  lui  permettraient. 
Le  culte  de  la  Raison  avait  été  solennellement  inauguré 
à  Notre-Dame  de  Paris  ;  on  devait  donc  l'introduire 
dans  la  cathédrale  de  Saint-Lizier.  Le  principe  étant 
admis  par  la  municipalité,  il  s'agissait  de  le  faire  accep- 
ter par  le  peuple. 

Mais  avant  d'adopter  un  culte  nouveau  il  faut  sup- 
primer Fancien^  et  il  y  a  bien  des  raisons  pour  cela  :  il 
obscurcit  l'entendement  humain,  il  est  un  instrument 
de  tyrannie,  une  source  de  préjugés  etde  superstitions, 
une  cause  de  division  et  de  trouble  ;  le  dimanche,  h 
célébration  des  offices  attire  à  la  ville  une  foule  consi- 
dérable des  hameaux  et  des  paroisses  du  voisinage; 
ces  attroupements  sont  un  danger  imminent  pour  l'or- 
public,  il  faut  les  prévenir;  rien  donc  de  plus  sage 
que  de  «  suspendre,  par  prévision,  les  cérémonies  du 
culte  »  :  et  on  arrête,  dans  l'assemblée  municipale, 
le  7  floréal,  a  qu'il  sera  fait  invitation  au  peuple  des 
communes  voisines,  au  nom  de  la  loi  et  du  salut 
-  public^de  rester  chez  lut  les  jours  de  fête,.à  cause  des 


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dangers  qui  peuvent  résulter  de  leur  rassemble- 
ment »• 

Sur  la  pente  de  la  persécution  on  ne  s'arrête  pas  à 
demi  chemin.  Le  19  floréal,  il  est  dit  à  l'assemblée  dii 
corps  municipal,  par  un  membre  que  le  procès-verbal 
a  la  pudeur  de  ne  point  nommer,  a  qu'il  est  urgent  et 
indispensable  de  suspendre,  comme  mesure  de  sûreté 
générale,  tout  exercice  du  culte,  et  il  se  fonde  sur  les 
divisions  qui  naissent  à  raison  d'icelui  dans  les  com- 
munes voisines,  les  intrigants  s'en  servant  comme  d'un 
moyen  assuré  pour  faire  soulever  le  peuple  dans  les 
communes  qui  ont  fermé  leurs  églises  et  pour  y  enfanter 
les  horreurs  d'une  guerre  civile;  et  comme  on  doit 
s'empresser  de  prévenir  toutes  ces  suites  funestes  qui 
ne  tendent  qu'au  renversement  de  la  cause  publique, 
il  demande  que  l'assemblée  exprime  son  vœu  à  cet 
égard  et  que  demain,  décadi,  le  peuple,  réuni  dans  le 
temple  de  la  Raison,  soit  invité,  d'après  ces  considéra- 
tions, à  suspendre  l'exercice  de  son  culte  ». 

Naturellement,  l'assemblée  se  range  de  l'avis  du 
préopinant  et  reconnaît  «  que  l'exercice  du  vieux  culte 
est,  dans  cette  circonstance,  nuisible  à  la  cause  publi- 
que et  que  le  salut  de  la  patrie  exige  qu'il  soit  sus- 
pendu jusqu'à  nouvel  ordre;  qu'en  conséquence,  les 
clefs  de  la  porte  de  l'église  seront  déposées  devers  le 
greffe  de  la  municipalité  ;  que  le  présent  arrêté  sera  lu 
demain  dans  le  temple  de  la  Raison  et  que  le  peuple 
sera  invité  à  le  sanctionner  par  son  approbation,  l'exé- 
cution d'icelui  étant  subordonnée  à  sa  volonté  ;  qu'à 
cet  effet  il  ne  sera  rien  négligé  pour  lui  faire  voir 
l'avantage  qui  en  résulte  pour  la  cause  publique  » . 

Il  est  à  présumer,  en  effet,  que  toutes  les  ressources 
de  l'éloquence  furent  employées  pour  convaincre  le 
peuple  de  la  pernicieuse  influence  de  la  religion  qu'il 
professait,  car  le  discours  prononcé  par  l'orateur  fut 


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ts 

ju^é  digne  de  Timpression  par  la  Société  populaire 
dont  il  avait  été  le  président. 

Mais,  il  paraît  qu'aucun  moyen  oratoire  ne  put 
ébranler  les  vieilles  croyances  de  la  foule,  puisque 
le  maire,  dans  la  réunion  du  conseil  municipal  tenue 
le  lendemain,  avoue  «  qu'on  ne  peut  se  dissimuler  que 
si  l'arrêté  du  19  n'a  pas  été  sanctionné  par  le  peuple, 
ce  n'a  été  qu'à  raison  d'une  multitude  de  femmes  qui, 
sans  s'entendre  elles-mêmes,  ont  dit  qu'il  fallait  les 
églises  ouvertes.  »  Mais  la  municipalité  serait  coupa- 
ble si,  «  au  dépens  dé  sa  vie,  elle  ne  montrait  pas  la 
fermeté  digne  d'un  corps  constitué  ;  en  conséquence 
et  sans  autre  forme^  il  demande  que  l'arrêté  soit  exé- 
cuté dans  tout  son  contenu  et  que  le  Comité  de  surveil- 
lance se  joigne  à  la  municipalité  pour  une  mesure 
aussi  importante  ». 

On  avait  pourtant  stipulé  dans  la  séance  de  l'avant- 
veîlle  que  l'arrêté  ne  serait  exécutoire  qu'après  avoir 
reçu  la  sanction  populaire.  Mais  pourquoi  donc  le  peu- 
ple n'est-il  pas  de  l'avis  de  ses  maîtres?  on  lui  fera 
voir  qu'il  est  bien  quantité  négligeable. 

Et  sur  le  champ,  le  maire,  emporté  d'un  beau  zèle 
pour  ce  la  cause  publique  »,  va  demander  son  concours 
au  Comité  de  surveillance  y  qui  se  hâte  de  le  lui  assurer. 
Il  rapporte  la  bonne  nouvelle  à  ses  collègues,  qui, 
après  un  instant  de  repos,  rentrent  en  séance  pour 
confirmer  l'arrêté  du  19,  parce  qu'il  est,  disent-ils, 
«  du  devoir  de  tout  bon  citoyen  d'étouffer  les  germes 
de  la  guerre  civile,  et  aussi  du  devoir  d'un  corps  con- 
stitué de  ne  rien  négliger  pour  maintenir  la  tranquil- 
lité publique,  tandis  que  la  moindre  négligence  serait 
un  crime  envers  la  loi  ».  Envers  la  conscience^  la 
liberté  et  les  traditions  les  plus  sacrées  il  n'y  a  plus  de 
crime...  Nous  devons  faire  connaître  les  noms  de 
ceux  qui  n'ont  pas  craint  de  le  commettre  en  prêtant 
leur  concours  au  promoteur  de  cette  iniquité  ;  ce  sont: 


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29 

Court,  officier  municipal,  Auriac,  officier  municipal, 
Dupré,  officier  municipal^  Berges  fils,  agent  national, 
Berges  Pierre,  greffier. 

Le  nouveau  culte  était  installé  dans  cette  antique 
cathédrale  bâtie  de  débris  de  temples  romains.  Ces 
vieilles  pierres,  après  quinze  siècles  de  mystères  chré- 
tiens, revoyaient  les  froides  cérémonies  de  la  liturgie 
païenne.  Triste  compensation,  pour  un  peuple  habitué 
aux  pompes  des  solennités  catholiques,  de  n'entendre 
plus  que  Texplication  technique  des  lois  et  le  chant  de 
quelque  hymne  patriotique,  sous  ces  grandes  voûtes 
où  son  âme  et  ses  sens  se  reposaient  si  doucement 
dans  les  parfums  de  l'encens,  les  élans  de  la  prière, 
les  joies  du  repentir  et  les  tressaillements  de  la  parole 
sacerdotale,  en  présence  d'un  autel  où  l'on  savait  la 
divinité. 

Aussi  les  initiateurs  de  la  nouvelle  foi,  redoutant 
l'absence  des  néophytes^  décrétèrent-ils  immédiate- 
ment que  a  tout  citoyen  serait  tenu  de  célébrer  les  dé- 
cadis  et  se  rendre  au  temple  de  la  Raison  pour  assis- 
ter aux  instructions  publiques,  à  peine  d'être  regardés 
comme  ennemis  de  la  liberté  et  traités  comme  tels  ». 

Cette  décision  est  suivie  d'un  autre  arrêté  qui  dé- 
fend aux  citoyens  de  fréquenter  les  auberges,  le  jour 
de  décadi,  aux  heures  consacrées  à  l'instruction  publi- 
que ;  tout  contrevenant  sera  regardé  comme  ennemi 
de  la  prospérité  de  l'État.  Les  aubergistes  qui  auront 
donné  du  vin,  à  ces  heures,  paieront  une  amende  de 
vingt-cinq  livres  la  première  fois,  et,  en  cas  de  réci- 
dive, seront  regardés  comme  suspects  et  traités 
comme  tels. 

Le  culte  désolant  de  la  Raison  qui  n'avait  pu  avoir 
les  sympathies  du  peuple  n'eut  pas  non  plus  une 
longue  durée  ;  nous  le  voyons,  après  deux  mois,  rem- 
placé par  celui  de  l'Etre  suprême,  qui  fut  solennelle- 


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30 

ment  installé  le  20  prairial.  Tellement  avait  été  lourd 
et  humiliant  ce  joug  de  la  Raison,  que  le  nouveau 
culte  fut  regardé  comme  un  progrès.  La  première 
fête  fut  célébrée  avec  quelque  solennité  ;  la  Société 
populaire  se  rassembla  en  corps,  à  une  heure  de 
Taprçs-midi,  et  se  transporta  à  la  maison  commune, 
d'où  elle  se  rendit  avec  la  municipalité  au  temple  de 
l'Etre  suprême. 

Mais  on  ne  change  pas  la  foi  et  les  coutumes  reli- 
gieuses d'un  pays  du  jour  au  lendemain,  comme  on 
modifie  une  constitution.  Le  peuple  avait  l'habitude 
du  repos  dominical  ;  c'était  un  usage  séculaire  qu'a- 
vaient respecté,  toutes  les  générations  et  qui  faisait 
partie  de  la  vie  domestique  ;  les  tyranneaux  de  Saint- 
Lizier  voulurent  détruire  ce  dernier  souvenir  des 
mœurs  surannées.  Ils  observèrent  que  la  population 
ne  se  résoudrait  pas  aisément  à  chômer  les  décadis,  si 
on  ne  prenait  pas  des  mesures  pour  imposer  le  travail 
aux  jours  désignés  autrefois  sous  le  nom  de  dimanche. 
Ils  arrêtèrent  donc  que  le  jour  de  décadi  serait  rigou- 
reusement célébré  et  que,  sous  peine  d'être  regardé 
comme  suspect,  il  était  fait  défense  de  travailler  en 
ce  jour;  en  outre,  seraient  aussi  traités  comme  sus- 
pects, ceux  qui  ne  travailleraient  pas  les  ci-devant  jours 
de  dimanche.  Le  Cofnité  de  surveillance  est  invité  à 
tenir  attentivement  la  main  à  l'exécution  de  cet  arrêté 
et  tous  les  bons  citoyens,  à  dénoncer  les  contreve- 
nants. ' 

L'arrêté  municipal  fut  porté  à  la  connaissance  des 
intéressés  par  la  voie  de  l'affichage  et  la  proclamation 
du  crieur  public;  toutefois,  la  municipalité  s'aperçut 
bientôt  qu'il  était  tenu  pour  non-avenu  et  qu'il  en 
était  devant  le  dédain  populaire  pour  ses  frais  de  pu- 
blicité. Mais  il  fallait  que  force  restât  à  l'autorité;  et 

*   I.  Arr4U  du  16  messidor. 


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3< 

alors,  il  fut  décidé  que,  tous  les  ci-devant  dimanches^ 
deux  membres  de  la  municipalité  se  promèneraient, 
ceints  de  leur  écharpe,  dans  tout  le  territoire  de  la 
commune  pour  arrêter  ceux  qui  ne  travailleraient  pas  ; 
pareille  tournée  serait  faite,  les  jours  de  décadi,  pour 
mettre  sous  les  verrous  ceux  qui  ne  chômeraient  pas 
les  fêtes  patriotiques.  ' 

On  ne  travaillera  pas,  puisqu'ainsi  le  veut  le  des- 
potisme municipal,  mais  l'enceinte  du  temple  conti- 
nua à  rester  vide.  Alors  nouvelle  pression  des  officiers 
communaux  qui,  «  affectés  de  l'indifférence  des  habi- 
tants à  se  rendre  aux  séances  des  décadis,  déclarent 
mauvais  citoyens  tous  ceux  qui,  à  l'avenir,  n'assiste- 
ront pas,  dans  le  temple  de  l'Être  suprême,  à  l'expli- 
cation des  lois  et  autres  instructions  publiques  v.  La 
Société  populaire,  moins  farouche  en  cette  occasion 
que  les  municipaux,  estime  que  l'attrait  du  plaisir  est 
plus  puissant  que  le  sentiment  de  la  crainte  pour 
amener  des  adorateurs  à  l'Être  suprême;  elle  invite 2 
la  municipalité  «  à  réquisitionner  six  musiciens  pour 
faire  danser  à  la  sortie  dudit  temple  ».  Ceci  est  tout  à 
fait  dans  le  rite  dont  Robespierre  voulait  embellir  sa 
religion,  puisqu'il  avait  déclaré  «  que  le  vrai  temple  de 
la  divinité  était  l'univers;  et  ses  fêtes,  la  joie  d'un 
grand  peuple  réuni  sous  ses  yeux  pour  resserrer  les 
doux  nœuds  de  la  fraternité  ». 

Quelle  déchéance  !  A  la  place  de  ces  nobles  et  aus- 
tères figures  sacerdotales  qui  s'appelaient  S.  Valier, 
S.  Lizier,  Auger  de  Monfaucon,  d'Aubusson,  de  Gra- 
mont,  Dom  Ruade,  de  Marca,  de  Verthamont,  de 
Vercel,...  six  vulgaires  ménétriers  !  > 


M.-  Délibération  do  1*'  thermidor. 

2.  Séaoce  du  26  messidor. 

'.\.  L'abbé  Sicard  a  publié,  sur  les  folies  religieuses  de  la  Révolution,  une  intéressante 
Aude  pleine  d'érudition.  Il  a  condensé  en  quelques  pageé  toutes  tes  rêveries  païennes 
-et  tous  ic8  essais  de  religion  tentés  par  les  iconoclastes  de  la  Convention  ei  du  Direc- 
toire. Voir  le  Correspondant,  1894,  10  et  25  octobre.     .  ^v    .;       .: 


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UN  DEMI-SIECLE  D'ASCENSIONS 

AU  NÉTHOU' 

(suite) 


1870 

î*^  juillet.  —  Hubert  Vaffier  (Louhans),  du  Club  alpin  suisse.  — 
Guides  :  P.  Barrau,  J.  Haurillon. 

Arrivés  au  sommet  du  Nétbou  à  10  heures  20  du  matin,  en 
7  heures  de  la  Bencluse.  —  Glacier  très  mauvais,  neige  fraîchCi 
molle,  temps  couvert,  variable. 

tiigné  :  H.  Yaffier  (section  de  Genève). 

6  juilleL  —  Paul  Drut  (?).  —  Parti  de  Luchon  à  il  heures  30  du 
soir,  arrivé  au  sommet  à  10  heures  45  en  compagnie  des  guides 
Barrau  et  J.  Sanson. 

8  juillet,  —  Luis  Fernandez  y  Pasalagua,  ingénieur  (Mexico), 
accompagné  de  Luis  Rossard,  valet  de  chambre.  —  Guides  : 
J.  Haurillon,  P.  Barrau,  P.  Cantaloup.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
2  heures  50  du  matin,  arrivés  au  pic  Néthou  à  7  heures  55,  — 
Temps  frais,  ciel  couvert.  Toutes  les  montagnes  visibles.  Glacier 
mauvais.  Température  +  10*». 

16  juillet.  —  Comte  de  Marcé,  L.  Comtesse  de  Marcé  (Blois),  Geor- 
ges et  Rogatien  Levesque  (Nantes).  —  Guides  :  Haurillon  Charles 
(de  Saint-Mamet),  Johanneton,  Gay. 

Partis  de  la  Rencluse  au  nombre  de  dix-sept  personnes.  Après 
plusieurs  péripéties,  quelques  chutes  semées  en  route,  nous  som- 
mes arrivés  ici  quatre  personnes,  après  avoir  frémi  d'horreur  à 
Taspect  des  crevasses,  lutté  avec  énergie  contre  le  vent  et  la  glace, 
sans  parler  des  tourbillons. 

20  juillet.  —  Marcel  Deffès  (Bordeaux).  —  Guides  :  J.  Haurillon, 
Barthélémy  Courrège. 

Nous  sommes  partis  de  la  Rencluse  à  3  heures  et  arrivé»  au  pic 

i.  Voir  tom«  IX,  p.  882  —  840. 


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de  Néthoii  à  9  heures.  Il  fait  beaucoup  de  vent,  aussi  me  tarde-t-il 
d'avoir  descendu  les  glaciers,  qui,  entre  parenthèses,  sont  très 
mauvais  ;  mes  guides  me  disent  que  dans  huit  jours  on  ne  pourra 
plus  y  passer  ;  on  sera  obligé  d*aller  à  la  Maladetta.  J'ai  une  faim 
atroce^  et  je  ne  puis  la  satisfaire,  car  je  ne  pourrais  faire  couler  ce 
que  j'avalerais,  vu  le  manque  d'eau,  au  risque  de  m'étouiîer. 

23  juillet.  —  M««  Monté,  Arthur  Hopkuison  (London)  et  F.-H. 
Javall  Guildford.  —  Guides  :  Michot,  J.-M.  Estrujo,  J.  Estrujo, 
J.-M.  Ribis  et  Dominico  Viguerie, 

Ici  six  lignes  illisibles 

The  snow  had  not  fallen  for  so  long  that  the  crevasses  were  very 
bad  anâ  had  to  makemany  circuits  so  thatour  ascenttook  a  long 
time.  We  were  very  pleased  with  our  guides. 

1871 

15  juillet,  —  M.  Edouard  Piette,  juge  de  paix  à  Craonne  (Aisne)  ; 
guide:  Pierre  Barrau  ;  —  M.  René  Oberthur  (Rennes),  entomolo- 
giste, et  Michel  Nou,  naturaliste  et  guide  de  !''«  classe  à  Yernet-les- 
Bains  (Pyrénées-Orientales);  guide:  Barthélémy  Gourrège  ;  — 
M.  Th.  Danjeu  (Rennes)  ;  guide  :  Haurillon. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  30',  arrivés  à  9  h.  moins  5'  au  sommet 
du  pic  de  Néthou. 

28  juillet,  —  MM.  Gaspar  de  Errazu  et  René  Eschasseriaux.  — 
Guides:  P.  Barrau,  G.  Bajun,  J.-M.  Estrujo,  B.  Jouaneton,  E.  Bar- 
rère. 

Même  date,  —  MM.  Polonceau  et  vicomte  de  Saint-Périer,  offi- 
cier d'artillerie.  —  Guides  :  Haurillon  et  Gharles. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  45',  arrivés  à  8  heures.  —  Beau  soleil, 
brouillard  sur  les  plaines  de  France. 

8  août.  —  Madame  Marcel  Dieulafoy  et  M.  Marcel  Dieulafoy, 
ingénieur  des  ponts  et  chaussées.  —  Guides  :  Charles  (de  Saint- 
Mamet),  P.  Rcdonnet  et  G.  Prince. 

9  août,  —  Comte  Henry  Russell  (4«  fois).  Monté  tout  seul  ici.  —- 
Tempa  horrible.  J'ai  très  faim.  Monté  par  le  haut  du  glacier.  Il 
neige,  brouillard  intense.  Oh!  ma  précieuse  boussole  !  Que  ferais- 
je  donc  sans  toi  !  quelle  solitude  !!  Personne  ! 

iO  août,  —  Jeanne  Besset  ;  R.  de  la  Guesnené,  lieutenant  au 
5me  dragons;  Ch.  de  Saint-Henis.  —  Guides  :  P.  Barrau,  Haurillon, 
B.  Jouaiteton,  J.  Lamole. 

Partis  de  la  Rencluse  le  10  août  ;  arrêtés  par  le  mauvais  temps  à 
rentrée  des  glaciers,  avons  recouché  à  la  Rencluse,  et  repartis  le 
lendemain  matin  à  3  h.  15'  par  un  temps  magnifique,  nous  sommes 
arrivés  à  9  h.  15'  au  haut  du  Néthou.  — •  Vue  splendide  sur  la 
France  et  l'Espagne.  —  Thermomètre  dérangé.  —  A  cette  ascen- 

RiTOi  DE  ConncGif ,  !•'  trim«stre  1895.  Tomk  X.  —  3. 


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34 

gion  assistait  le  plus  jeune  fils  de  P.  fiarrau,  nommé  Pierre  et  âgé 
de  13  ans. 

i5  août,  —  Félix  Régnault  (Toulouse)  et  son  guide  :  Michot;  — 
Adolphe  Tauzin  (Marmande)  ;  guide:  Bajun  ;  —  Georges  Âncely 
(Toulouse);  guide:  B.  Cantaloup  ;  —Arthur  Arnal;  guide:  J.  Sors- 
Argarot  ;  —  Henri  Noualhier  (Limoges)  ;  guide  :  6.  Lafont  Prince. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.,  nous  avons  assisté  au  lever  du 
soleil  en  vue  du  pic  de  Néthou.  Le  temps  est  splendidc,  le  ciel  pur, 
pas  un  nuage,  pas  de  vent,  le  soleil  est  chaud.  —  Thermomètre 
+  37.  --  (Baromètre  dérangé,  rapporté  à  M.  Lézat,  qui  m'en  avait 
chargé.)  —Arrivés  au  Néthou  à  7  h.  40\  Nous  avons  déjeûné  au 
pic.  Départ  à  9  h.  15.  —  Rencontré  un  isard  et  un  aigle. 

28  aotit,  —  Baron  de  Benoist,  capitaine  au  2»«  chasseurs,  officier 
d'ordonnance  de  M.  le  général  de  division  Lefort.  —  Guide: 
Lafont,  d'une  habileté  sans  pareille.  —  M.  Bourdil.  —  Guide: 
V.  Courtil. 

Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  moins  le  quart  par  un  superbe  ciel; 
traces  d'isards  et  de  perdrix.  Le  glacier  est  facile  à  traverser. 
Arrives  au  Néthou  à  8  h.  moins  le  quart.  —  Déjeûné  avec  un 
appétit  féroce.  Temps  splcndide.  Le  guide  Lafont  nous  donne  une 
délicieuse  leçon  de  géographie.  Toutes  les  montagnes  sont  visi- 
bles et  la  plaine  est  à  découvert.  Le  jarret  de  M.  Bourdil  laisse  un 
peu  à  désirer.  V.  Courtil,  son  guide,  fait  des  prodiges  d'adresse 
pour  l'encourager. 

27  août.  —  Marc  Picard.  —  Guides  :  Haurillon,  Barrau,  Canta- 
loup. 

Nous  sommes  partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  15' et  sommes  arrivés 
au  pic  de  Néthou  à  9  heures,  après  avoir  chassé  quelque  temps  les 
perdrix  blanches,  dont  une  a  été  tuée  par  un  de  nos  guides  nommé 
Barrau  (qui  à  ce  qui  parait  ne  manque  jamais  son  coup).  Nous 
avons  déjeuné  au  lac  Coroné  toujours  en  admiration  du  superbe 
panorama  que  la  hauteur  de  ce  lac  déroule  devant  nos  yeux.  —  Nos 
guides  ont  été  pour  nous  d'un  dévouement  entier. 

30  août.  —  Vicount  Mandeville  and  Valentin  Hill,  of  Kimbolton 
Castle.  —  Guides  :  the  two  Barrau  ;  ascended  from  the  Rencluse 
in  lefs  than  5  hours  and  had  a  cloudlefs  view. 

2  septembre.  —  Camille  Labouret,  Charles  Didiot,  Georges  Wal- 
lerstein.  —  Guides:  G.  Lafont  Prince,  Barthélémy  Gourrège,  Tour- 
nan.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.,  arrivés  au  pic  à  8  heures.  — 
Beau  temps  —  Brumeux  —  Brise  N.  0. 

16  septembre.  —  Stéphen  Liégard  ;  arrivé  la  veille  de  Luchon  à 
la  Rencluse  en  4  heures  :  reparti,  par  la  faute  des  jours  courte,  le 
lendemain  à  5  heures  du  matin>  arrivé  au  sommet  du  Néthou 
vers  10  heures  :  la  neige,  abondamment  tombée  les  jours  précé- 


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dents,  retarde  singulièrement  la  marche:  le  pic  en  est  couvert 
d'une  couche  épaisse  et  le  Pas  de  Mahomet  horriblement  ver- 
glassé  offre  de  sérieuses  difûcultcs.  —  Madame  Liégard,  venue  jus- 
qu'à une  heure  et  demie  du  sommet,  a  été  obligée  d'interrompre  sa 
course.  —  A  partir  du  lac  Goroné,  un  brouillard  épais  voile  toute 
vue  :  la  neige  tombe  par  instants. 

Le  guide  P.  Redonnet  et  Charles,  le  chasseur  d'isards  et  d'ours, 
m'ont  conduit.  Je  dois  rendre  un  éclatant  hommage  à  l'habileté  et 
au  courage  qu'ils  ont  déployés  dans  cette  tâche  que  la  saison  ne 
rendait  pas  sans  périls. 

Si  j'ai  quille  le  val,  les  prés  rerU,  l'or  des  seigles 
Pour  affrooier  Tborreiir  de  ce  soperbe  monl, 
C'esl  que  j*élais  bien  sûr,  au  séjour  des  grands  aigles, 
De  ne  irouver  ui  Ranc,  ni  Trochn,  m  Simon. 

Slépben  LiÉGiABD, 
ancien  député  de  la  Motelk. 

i«r  oc^û&re.  —  Carlos  Garo.  —  Retardés  à  cause  du  mauvais 
temps  et  d'un  brouillard  aflreux,  nous  sommes  partis  du  Petit  Por- 
tillon, les  guides  Barrau,  Haurillon  et  moi,  à  9  heures.  Nous  som- 
mes arrivés  à  tl  heures  au  pic.  J'accomplis  un  devoir  en  consi- 
gnant ici  qu'ils  se  sont  admirablement  conduits  dans  leur  rude 
tâche. 

Al  Monte  Maldito 

Dijole  Dios  :  leYanla 
Tus  ojos  hacia  mi. 
U«  cou  bondo  rugir  que  al  orbe  espanU, 
Solo  esclamo  :  quiero  reinar  sin  li. 
Giganle  de  la  lierra, 
Esclaro  a  que  he  de  ser  1 
Sera  de  boy  mas  elerna  nueslra  guerra, 
Mi  ser  sera  immorlal  como  lu  ser. 
Y  boy  solo  lobreguez  y  nieTe  densa 
Reina  en  esta  mansioa, 
Y  como  las  moQlanas,  es  imnenn 
A  qui  la  maldicion. 

C.  Ckwo, 

1872 

4  Juillet.  —  Vicomte  de  Préaule,  Robert  le  Sueur,  étudiant  en 
droit  (Gaen).  —  Guides  :  Pierre  Barrau,  J.  Sanson.  Ils  nous  ont 
conduit  avec  hardiesse,  prudence  et  rapidité. 

Trop  de  neige  à  la  Rencluse  pour  y  coucher,  passé  la  nuit  au 
Plan  des  Etangs.  Il  gèle.  —  Partis  le  4  à  4  h.  15,  arrivés  au  som- 
met du  Néthou  à  9  h.  30  après  n'avoir  marché  que  sur  la  neige 
gelée  depuis  la  Rencluse.  —  Temps  splendide.  —  Vue  magnifique 
sur  les  plaines  de  France  et  d'Espagne.  —  Froid. 

21  Juillet.  —  F.  Boubry  et  Gabrielle  Brazier  (âgée  de  19  ans). 


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J 


Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30  par  un  temps  calme,  nous 
sommes  montés  facilement  jusqu'au  sommet,  que  nous  avons 
atteint  à  7  h.  15  par  un  très  beau  temps.  Aussi  avons-nous  pu 
jouir  dans  toute  sa  plénitude  du  magnifique  spectacle  que  Ton 
vient  chercher  ici.  Nous  n'avons  eu  qu'à  nous  louer  des  services 
de  nos  guides,  qui  ont  déployé  le  plus  grand  zèle  pour  faire  arriver 
en  si  peu  de  temps  une  jeune  femme  et  un  mauvais  marcheur. 
Comme  témoignage  de  notre  reconnaissance  nous  consignons  ici 
leurs  noms  :  Pierre  Barrau,  P.  Redonnet  et  J.  Fouilhouse. 

23  juillet,  —  A.  Heard.  —  Guides  :  Michot  et  L.  Barrau.  —  Parti 
de  la  Rencluse  :  2  h.  5,  arrivé  au  haut  :  8  h.  25. 

Même  date  :  Charles  Ferry,  préfet  de  la  Haute-Garonne.  —  Gui- 
des :  P.  Barrau  et  J.-M.  Ribis. 

30  juillet  :  —  H.  du  Perrier  de  Larsan,  A.  du  Perrier  deLarsan. 
Henri  Marchand,  Fernand  de  Rancher,  A.  Lacotte-Minard,  Ca- 
mile  Briandet.  —  Guides  :  J.  Haurillon,  J.  Bajun,  Tournan,  J.-M, 
Estrujo,  Charles  (de  Saint-Mamet),  F.  Coret. 

Vu  un  grand  troupeau  d'isards  sur  les  glaciers  du  Néthou. 
Temps  nuageux,  succès  complet  quant  à  la  vue.  — Belle  dame  qui 
lirez  ceci,  sachez  qu'aujourd'hui  sont  venus  six  jeunes  gens  qui 
ne  demandent  qu'à  vous  offrir  leur  cœur.  —  Sans  les  guides  nous 
aurions  roulé  dix  fois  dans  les  crevasses  qui  se  trouvent  dans  le 
glacier^  spécialement  dans  la  grande  crevasse  ouverte  au  bas  du 
pic.  —  Nous  avons  trouvé  un  os  de  gigot  énorme  et  les  cadavres 
de  plusieurs  malheureux  oiseaux. 

i  août.  —  Charles  Rockland  Pepper,  de  Philadelphie  (Etats-Unis 
d'Amérique).  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Estrujo. 

Je  suis  parvenu  au  sommet  à  grand'peine  à  cause  de  l'épaisseur 
de  la  neige,  et  je  crois  que  sans  mes  guides,  que  je  recommande 
spécialement  aux  touristes,  je  serais  resté  en  route. 

ÎO  aoîit.  —  Emile  Barry,  lieutenant  au  12l«  d'infanterie,  officier 
d'ordonnance  du  général  Barry;  comte  de  Chabans,  capitaine 
d'artillerie.  —  Guides  :  J.-M.  Estrujo,  J.-M.  Ribis. 

Partis  à  4  h.  tO  de  la  Rencluse,  nous  sommes  arrivés  au  pic  du 
Néthou  à  8  h.  20,  par  le  plus  beau  temps  du  monde, 
Pour  aller  à  cheval  sur  la  terre 
et  sur  l'onde. 

Deux  guides  intrépides  nous  ont  accompagnés. 

13  août,  —  MM.  Pierre  et  Paul  Durouchoux.  Transportés  par  la 
magnificence  do  cette  nature  sublime,  je  ne  puis  qiie  répéter  les 
paroles  d'un  grand  poète  :  «  Qui  a  étendu  ceô  nuages  ?  Qui  a  élevé 
ces  fières  montagnes  ?  Qui  a  commandé  à  l'aigle  d'y  placer  son 
aire  ?  Gloire  à  Dieu  !  »  Pierre  Durouchoux. 

Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  du  matin,  nous  sommes  arrivés  au 


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37 

sommet  du  Néthou  à  9  h.  15,  guidés  par  Pierre  Barrau  et  Goret.  — 
Beau  temps^  pas  un  nuage  sur  les  pics,  nuages  floconneux  sur  la 
plaine  de  France,  temps  brumeux  dans  la  plaine  d'Espagne.  —  Le 
thermomètre  marque  +  37»  centigrades  au  soleil.  —  Brise  assez 
fraîche.  Troupeau  d'une  quinzaine  d'isards  sur  le  glacier  des  Bâr- 
rans.  —  Nous  avons  été  satisfaits  de  nos  deux  guides. 

il  août,  —  Jules  Ferrand  (Rouen),  Léon  Robert  (Angoulème), 
Eugène  Hardy  (Paris).  —  Guides  :  Pierre  et  Firmin  Barrau,  P.  Cla- 
rac,  dont  nous  n'avons  eu  qu'à  nous  louer.  —  Partis  à  2  h.  20  de  la 
Rencluse,  arrivés  à  8  h.  au  Néthou.  —  Temps  magnifique,  sans 
vent  et  sans  nuage. 

18  août.  —  L.  Delassasseigne,  garde  général  des  forêts  (Tou- 
louse)-; L.  Devina  (Toulouse);  G.  Gouy  (?),  Toulouse.  —  Guides  ; 
Michot,  P.  Barrau,  qui  y  était  monté  la  veille. 

Partis  de  la  Rencluse  vers  3  heures,  nous  sommes  arrivés  au 
sommet  du  Néthou  à  7  h.  30  du  matin. 

24  août.  —  François  de  Ghantérac.  Guides  :  G.  Passet  (Gavarnie), 
Marc  Crampe  (Saint-Sauveur)  et  Thomas  Sierco  (Vénasque). 

Partis  de  la  Rencluse  à  6  heures,  au  sommet  du  Néthou  à  10 
heures.  —  Tous  pour  la  première  fois. 

26  août  (lundi).  —  Gaston  Joliet,  docteur  en  droit  (Dijon),  Albert 
Rivière,  étudiant  en  droit  (La  Rochelle).  —  Guides  excellents: 
Michot,  Pierre  Barrau  et  Guillaume  Bajun. 

Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30  du  matin,  arrivés  au  sommet  à 
7  h.  30.  Hier  et  aujourd'hui  temps  splendide,  pas  un  nuage.  Pano- 
rama énorme.  —  Nous  descendrons  par  Malibierne  et  coucherons 
à  Vénasque.  —  Les  Garlistes  sont  aujourd'hui  dans  la  vallée  d'Aran. 
On  dit  qu'ils  se  proposent  de  venir  au  Néthou.  Est-ce  vrai  ? 

Viye  la  Bourgogne  et  son  bon  vin,  mais  à  bas  le  poison  du  Gers. 

G.  JOLIET. 

6  septembre.  —  Robert  et  William  Dowre  (?).  —  Guides  :  Michot 
et  J.  Haurillon.  —  Loft  the  Rencluse  at  4  h.  45,  and  arrived  in 
splendid  weather  and  a  very  good  view  at  9.15. 

1873 

9  juillet  (mercredi).  —  J  Ames  Samuelson,  de  Liverpool  (Angle- 
terre). —  Guides  :  Michot  et  P.  Redonnet.  Sortis  à  pied  de  Luchon 
le  8  juillet. 

i4  juillet  (lundi).  —  Léon  Saussine  (Paris).  —  Guide  ;  Michot, 
Porteur  :  B.  Jouaneton. 

16 juillet.  —  Onze  heures  du  matin.  —  A.  Lequeutre  (Paris): 
l'«  ascension;  et  Gharles  Packe  (Stretton  Halle,  Angleterre)  :  6«  as- 
cension ;  le  chien  Wolf  (Stretton) ,  originaire  de  Bagnères-de-Bi- 
gorre.  —  Guides  :  Pierre  Barrau  et  H.  Passet  (de  Gavarnie). 


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88 

Venant  dos  Posets  ont  passé  par  les  lacs  de  Rio-Bueno  ;  et  après 
avoir  fait  l'ascension  de  la  cime  orientale  du  Pic  Malibierne,  ont 
couché  dans  la  forêt  de  Malibierne,  et  sont  montés  en  4  heures 
par  la  gorge  d'Eroueil,  sortant  au  lac  Goroné,  —  Temps  tout-à- 
fait  beau.  Nous  comptons  descendre  à  la  Rencluse  et  rentrer  à 
pied  à  Luchon  le  soir. 

n  juillet  (jeudi).  —  Aimé  Olivier  (Paris),  avec  les  guides  Michot 
et  Charles  (de  Saint-Mamet).  -—  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  15, 
arrivés  à  6  h.  45,  soit  3  h.  30  pour  Tascension.  Temps  magnifique. 

Nota  ajouté  par  un  des  guides  plus  tard  :  Nous  avons  mis  5  heu- 
res. 

i9  juillet.  —  T,  Richardson,  peintre  (?),  Zarn  Yorkshire  (Angle- 
terre). —  Guides  :  Pierre  et  M.  Barrau. 

Left  the  Rencluse  :  3  h.  30,  arrlved  :  7  h.  45. 

2i  juillet.  —  De  TEspinasse,  lieutenant  au  3"«  dragons,  et  Paul 
Leduc  (Paris)  montés  au  Néthou,  m'ont  prié  de  transcrire  au 
crayon  ce  qu'ils  avaient  tracé  avec  des  allumettes  noircies.  — 
Guides  :  Haurillon,  Barthélémy  Gourrège.  —Partis de  la  Rencluse 
à  4  h.  10,  ils  sont  arrivés  au  sommet  à  8  h.  30.  Beau. 

22  juillet.  —  Baron  Félix  de  Gastillon  Saint-Victor.  —  Guides  : 
Michot  et  J.  Cantaloup.  —  Je  suis  parti  de  la  Rencluse  à  3  h.  35 
du  matin  et  arrivé  au  sommet  du  Néthou  à  7  h.  25,  soit  3  h.  50 
pour  l'ascension.  Enchanté  de  mes  excellents  guides. 

Le  thermomètre  détraqué  marque  37  pour  20  ou  22  degrés. 

24  juillet.  —  Bouchard  (Paris).  —  Guides  :  Jean  Estrujo,  L.  La- 
molle,  excellents  et  recommandés.  — -  Partis  à  4  h.  moins  le  quart 
de  la  Rencluse,  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  8  h.  moins  le 
quart.  —  Temps  passable,  quelques  nuages. 

25  juillet.  —  Maurice  Vidal,  Georges  Jouhaneau  (Sainte-Foy, 
Gironde),  Buisson-Bory  (Le  Flex,  Dordogne).  —  Guidés  par  le  vieux 
brave  Redonnet  Michot,  guide  exceptionnel. 

Partis  de  Luchon  le  24  juillet  à  5  h.  du  matin,  ascension  de  Sau- 
vegarde, vu  le  trou  du  Toro,  arrivés  pour  couchera  la  Rencluse  à 
5  h.  du  soir.  —  Partis  le  matin  à  4  h.,  arrivés  à  8  h.  15  sur  le  pic 
de  Néthou.  Temps  splendide,  neige  molle.  —  Partant  d'ici  pour 
Grabioules  et  les  lacs  d'Oo. 

27  juillet  (dimanche).  —  Albert  Laniel.  —  Guides:  J. et  P. Redon- 
net  Gapdeville.  -—  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  40,  arrivés  au  pic  à 
7  h.  15.—-  Temps  mauvais,  quelques  gouttes  sur  le  glacier,  pluie 
sur  le  pic. 

30  juillet.  —  Paul  Carré  (Paris).  —  Guides:  J.  Haurillon,  Barth. 
Gourrège.  — •  Partis  de  la  Rencluse  à  4  heures,  arrivés  à  8  h.  20. 
•—  Temps  superbe.  Guides  excellents.  —  Haurillon  a  apporté  un 
crayon  qu'il  a  déposé  dans  la  caisse,  et  cela  servira  à  tout  le 


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3d 

monde.  Sic  itur  ad  a$tra,  Noos  avons  mesuré  le  Pas  de  Mahomet; 
son  étendue  est  de  18  mètres  50. 

5  août.  —  Constantin  Théodore  Ghyka.  de  Déléni,  district  de 
Botochani  :  Roumanie-Moldavie.  —  Guides  :  B.  et  B.  Lafont,  gui- 
des des  sommets  patentés,  connaissant  à  fond  toutes  les  Pyrénées 
des  environs  de  Luchon. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  30  du  matin,  arrivés  au  Pic  de 
Nothou  à  8  h.  moins  le  quart.  Temps  splendide,  un  peu  de  brise, 
pas  un  nuage.  —  Grandes  crevasses  en  formation. 

Même  date.  —  Jul.s  Andrieu  et  Madame  Hélène  Andrieu 
(Béziers).  —  Guides  :  P.  Barrau,  F.  Barreau  et  P.  Barrau  fils,  P. 
Redonnet,  Charles  (de  Saint-Mamet).  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
3  h.  30  du  matin,  arrivés  au  pic  à  8  heures.  Temps  splendide,  vue 
magnifique.  Nous  n  avons  qu'à  nous  louer  des  guides. 

7  aoû*.  —  P.  Verne  (Nantes).  —  Guides  :  P.  Redonnet  et  J,  Ber- 
nard. —  Parti  de  la  Rencluse  à  4  h.,  arrivé  au  sommet  du  Néthou 
à  9  heures.  Temps  remarquablement  beau.  Température  +  2*  cen- 
tigrades. Toutes  les  montagnes  sont  découvertes  et  forment  un 
spectacle  des  plus  grandioses.  Je  n*ai  qu'àr  mê  louer  de  mes 
deux  guides. 

Même  date.  —  Paul  Caries,  négociant,  de  Villeneuve-sur-Lot.  — 
Guide  ;  Firmin  Barrau.  —  M.  de  Lestrange.  —  Guides  ? 

Partis  de  Luchon  à  pied  à  2  h.  après-midi,  arrivés  à  7  h.  30'  à  la 
Rencluse.  Repartis  pour  le  Néthou  à  4  heures  du  matin,  avec  M.  de 
Lestrange  qui  est  extrêmement  boiteux,  et  sommes  arrivés  à  9  h. 
du  matin. 

Même  date.  —  Henry  Bacot.  —  Guide  :  P.  Barrau,  dont  je  suis 
très  content.  —  Départ  de  Luchon  le  6  août,  à  2  heures  du  soir*,  à 
la  Rencluse  à  8.  h.  soir.  En  suis  parti  à  4  heures  du  matin,  arrivé 
au  Néthou  à  9  heures.  Temps  splendide. 

Même  date.  —  Wilhiam  Pinto.  -—  Guide  :  Charles  Redonnet.  Je 
suis  très  content  d'être  arrivé^  mais  je  pense  au  retour.  Mon  guide, 
que  je  recommande  aux  étrangers,  m'assure  que  j'arriverai  à 
I^uchon  sans  être  fortement  endommagé.  £spérons-Ie. 

9  aotit,  —  Charles (illisible),  —  Guides  :  J.  Redonnet  et  Capde- 

ville.  —  Arrivés  avec  de  la  grêle.  Inquiet  du  retour  comme  mon 
prédécesseur. 

15  août.  -^  Léon  Raiseau  (?).  —  Guides  :  J.-M.  Ribis  et  P.  Redon- 
net (que  je  recommande  d'une  façon  particulière).  Parti  de  la  Ren- 
cluse à  2  h.  15'  du  matin,  accompagné  de  mes  deux  braves  guides, 
par  un  clair  de  lune  splendide,  je  suis  arrivé  au  lac  Coroné  à 
5  h.  25'  et  au  Néthou  à  5  h.  46'. 

20  août.  —  Félix  de  Lézat,  Henri  do  Lézat,  Charles  du  Périer. 

Partis  de  Luchon  à  1  h.  30'  par  un  temps  affreux,  sommes  arri- 


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vés  à  THospice  trempés  jusqu'aux  os.  Ne  perdant  pas  courage, 
nous  sommes  remontés  à  ôheval  et  sommes  arrivés  à  la  Rencluse 
à  7  h.  30'.  —  Après  avoir  très  mal  dormi,  nous  sommes  repartis  à 
3  h.  30'  du  matin  pour  commencer  notre  ascension,  et  après  mille 
péripéties  nous  sommes  parvenus  au  sommet  du  Néhou  à  7  h.  40'. 
Temps  splendide  et  température  très  froide. 

Nous  étions  accompagnés  par  les  braves  guides  Pierre  Barrau, 
Firmin  Barrau  et  G.  Sastrade. 

22  août,  —  Alexandre  6.  de  Arriaga,  A  de  Lopategui,  André 
Vallée.  Léon  Vallée.  — -  *iuides:  P.  et  F.  Barrau,  B.  Lafont. 

Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  30'.  nous  sommes  arrives  au  sommet 
à  7  h.  30'.  Nous  avons  admirablement  vu  le  lever  du  soleil  au  Por- 
tillon. Malheureusement  les  nuées  qui  couvrent  une  partie  des 
montagnes  nous  empêchent  de  nous  rendre  compte  de  la  vue 
entière.'—  Enchantés  de  nos  guides. 

A  cette  courte  note  sont  joints  les  portraits  au  crayon  des  gui- 
des Barrau  et  Lafont  et  celui  de  Tun  des  ascensionnistes. 

2  septembre.  —  Albert  Arthus  et  Georges  Arthus  (Paris).  —  Gui- 
des :  Charles  (de  Saint-Mamet),  Dominique  Sors,  G.  Lafont  Prince. 
—  Partis  de  la  Rencluse  à  5  heures,  nous  sommes  arrivés  à  8  h.  10'. 
I  —  Temps  magnifique  en  haut,  brouillard  dans  les  vallées  espa- 

I  gnôles. 

Aféme  date,  —  De  Cagarriga,  ingénieur  des  constructions  nava- 
les ;  Lancrenon,  de  Miniac,  Meyer  et  de  Tavernier,  tous  les  quatre 
élèves-ingénieurs  des  Ponts  et  Chaussées.  —  Guides  ;  G.  Bajun, 
B.  Gay,  D.  Viguerie. 

13  seplembtre.  —  J.  Bryce,  C.  P.  Ilbert  (Angleterre).  —  Guides  : 
G.  Bajun,  H.  Passet  (Gavarnie).  —  Slept  at  the  Rencluse,  returning 
Luchon. 

19  septembre.  —  M"  d'Argenson.  —  Guides  :  Pierre  Barrau  et  son 
fils,  Marc  Lafont  —  Parti  de  la  Rencluse  à  4  h.  40',  arrivé  au  pic 
de  Néthou  à  9  heures. 

Même  date,  —  Edward  Hibbert,  Hyde  Cheshire  (England),  wîth 
J.  Sanson  et  G.  Bajun  ;  ascended  this  peak  in  4  hours  40  minutes 
frond  Rencluse,  and  were  rewarded  by  a  view  of  ail  the  moun- 
tains  around  none  of  whick  were  covered  by  a  single  cloud. 

(A  suivre,) 


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LE  CHATEAU  D'AUSSON 

RÉSIDENCE  DES  BARONS  D'ESPAGNE- MONTESPAN 

XV»,   XV1«,    XVI1«  SIÈCLES 


Non  loin  de  Montrejeau^  vers  TEst,  au  milieu  d'une 
plaine  baignée  par  la  Garonne,  quelques  maisons,  à 
demi  cachées  par  des  bouquets  d'arbres  se  détachent, 
avec  leurs  murailles  grises  et  leurs  toits  rouges,  sur 
une  immense  nappe  de  verdure.  C'est  le  village 
d'Ausson  réputé  pour  la  richesse  de  son  terroir  et  la 
fertilité  de  ses  prairies.  De  l'autre  côté  de  la  rivière, 
à  partir  de  Polignan,  se  prolonge  un  promontoire  très 
haut,  escarpé  même  en  plusieurs  endroits,  sur  lequel 
s'alignent  les  habitations  du  village  d'Huos,  en  face 
d'Ausson.  Lors  des  grandes  crues,  ce  rempart  naturel 
rejette  violemment  les  eaux  sur  la  basse  plaine  dont  en 
temps  ordinaire  elles  effleurent  à  peine  les  rives  sans 
défense.  Ce  déluge  ne  dure  guère,  mais  il  cause  sou- 
vent de  sensibles  dommages.  L'inondation  ensable  les 
prairies,  noie  les  chemins  et  les  champs,  envahit  les 
clôtures,  pénètre  même  dans  les  maisons.  Pendant 
quelques  heures,  le  territoire  d'Ausson  se  convertit  en 

Retcb  ob  CoHHiKGKS.  1"  trimcslre  1895.  Tous  X.  —  4. 


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marais.  Heureusement^  le  fleuve  rentre  vite  dans  son 
lit.  Sous  les  rayons  du  soleil,  les  traces  du  déborde- 
ment disparaissent.  Comme  tous  les  riverains  de  la 
capricieuse  Garonne ,  les  habitants  supportent  ces 
épreuves  périodiques  avec  résignation.  Ils  ne  cher- 
chent même  pas  à  se  mettre  hors  des  atteintes  de 
cette  redoutable  voisine.  Ils  oublient  aisément  ses 
jours  de  colère,  en  considération  des  bienfaits  qu'elle 
leur  prodigue  lorsqu'elle  arrose  et  féconde  chaque 
année  leurs  pâturages  de  si  belle  renommée. 

Malgré  ces  chances  et  ces  périls,  ce  coin  de  terre 
plaît  aux  yeux  par  je  ne  sais  quel  air  prospère  et  paisi- 
ble. L'aspect  de  ces  prairies,  coupées  de  lignes  d'aulnes 
et  de  peupliers,  sillonnées  d'eaux  courantes,  est  plein 
de  fraîcheur  et  de  grâce.  Les  cultures  si  variées,  qui 
de  loin  font  ressembler  la  campagne  à  un  vaste  damier, 
attestent  l'infatigable  labeur  d'une  population  vouée 
dès  l'enfance  aux  travaux  agricoles.  Tout  respire  cette 
aisance  modeste,  mais  suffisante  et  de  bon  aloi,  que 
donnent  la  vie  des  champs  et  la  simplicité  des  mœurs 
rurales.  Ces  remarques  et  ces  impressions  ne  peu- 
vent-elles pas  d'ailleurs  s'appliquer  à  tous  les  villages 
de  cette  riche  plaine  de  Rivière  qui  sépare  Montre- 
jeau  de  Saint-Gaudens ?  Morcelée  à  l'infini,  cultivée 
comme  un  jardin,  la  terre  ne  saurait  refuser  d'équita- 
bles compensations  aux  milliers  de  bras  qui  se  cour- 
bent sur  elle,  df^  l'aube  à  la  fin  du  jour,  pour  lui 
demander  jusqu'à  la  dernière  parcelle  de  ses  trésors. 
Qui  ne  se  souvient  des  vers  si  connus  : 

O  forlunalos  nimium  sua  si  bona  norint 
Agricolas 

A  l'extrémité  d'Ausson,  du  côté  de  l'Ouest,  et  prèg 


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d'un  chemin  public  qui  finit  au  bord  de  la  Garonne 
distante  de  cent  mètrqs  environ,  s'élève  l'église  de  la 
paroisse,  arrivée  par  des  remaniements  successifs  au 
type  banal  qu'on  retrouve  uniformément  dans  la 
plupart  des  monuments  religieux  de  notre  pays,  les 
uns  nouvellement  bâtis,  les  autres  substitués  depuis 
un  siècle  aux  anciens  édifices  démolis.  Auprès  de  cette 
construction  modeste,  où  nulle  intéressante  particula- 
rité n'attire  l'attention,  quelques  pans  de  murs  achè- 
vent de  s'écrouler  sous  l'action  dissolvante  du  temps. 
Les  pierres  qui  tombent  de  ces  blocs  effrités  forment 
des  amas  de  décombres  que  recouvre  un  épais  réseau 
de  lierre,  de  ronces  et  de  plantes  agrestes.  On  cherche 
en  vain  les  indices  d'un  style  spécial  ou  d'une  archi- 
tecture définie  sur  ces  murailles  maçonnées  en  cail- 
loux ronds  évidemment  fournis  par  le  lit  voisin  de  la 
Garonne,  et  l'on  se  demande  quel  a  été  le  passé  de 
ces  ruines  ! 

Ces  masures  indiquent  l'emplacement  d'une  rési- 
dence féodale,  dont  le  nom  revient  fréquemment  dans 
l'histoire  des  barons  d'Espagne-Montespan,  qui  figu- 
rent depuis  le  xm®  siècle  au  nombre  des  plus  puissants 
seigneurs  des  comtés  de  Foix  et  de  Comminges.  Dans 
quelques  années,  ces  débris  rasés  jusqu'au  niveau  du 
sol  auront  subi  le  sort  de  tous  les  monuments  des 
vieux  âges  à  jamais  disparus.  Comme  en  ces  mille 
endroits  où  dorment  tant  de  choses  et  d'ombres 
anéanties,  nul  ne  pourra  deviner  Texistence  de  cette 
antique  demeure,  sous  l'herbe  qui  cachera  les  derniers 
restes  de  ses  fondations.  Tout  au  plus,  subsistera-t-il 
une  confuse  légende,  s'affaiblissant  et  se  déformant  de 
siècle  en  siècle  jusqu'à  l'heure  du  suprême  oubli  ! 


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44 

Puisque   la  nuit   complète  n'a  pas  encore   fait  son 
œuvre,  nous  avons  tente  de  mettre  à  profit  tous  les 
documents  qu'il  nous  a  été  permis  de  découvrir  sur  le 
château  d'Ausson,  habité  par  une  forte  race  de  barons 
et  de  chevaliers  mêlés  à  tous  les  grands  faits  de  leur 
temps.  Les  d'Espagne-Montespan  se  montrent  con- 
stamment les  très  fidèles  serviteurs  des  rois  de  France. 
Ils  ont  renom  de  valeureux  et  sages  capitaines.  Au 
Nord  et  au  Midi,  leur  bannière  flotte  sur  les  champs 
de  bataille.  En  leur  pays,  ils  tiennent  grand  état.  On 
les  répute  au  loin  pour  très  nobles  et  très  puissants 
seigneurs.    Au   premier  appel ,   ils  aident  en   leurs 
guerres  et  nécessites  les  comtes  de  Foix,  leurs  parente 
et   leurs   suzerains.    Zélés   défenseurs   de   la   sainte 
Église,  ils  sont  aumôniers,  fondateurs  de  chapelles  et 
monastères,  mais  au  demeurant  jaloux  de  leurs  droits, 
entichés  de  leurs  privilèges,  parfois  hautains  et  rudes 
au  pauvre  peuple.   Pour  les  suivre  aux  expéditions 
lointaines,  leurs  vassaux  font  trêve  à  leurs  rancunes; 
mais,  rentrés  dans  leurs  foyers,  ils  n'en  lutteront  pas 
moins  avec  acharnement  contre  ces  maîtres  absolus 
qui  n'admettent  ni  plainte  ni  résistance^  qui  ne  con- 
naissent d'autre  moyen  judiciaire,  ni  de  plus  solide 
argument  que  le  tranchant  de  leur  épée  ou  les  pointes 
de  leur  masse  d'armes  ! 

Que  Tintérêt  d'une  telle  étude  soit  jugé  restreint, 
nous  n'osons  y  contredire  ;  mais  nous  refusera-t-on  de 
plaider  au  moins  les  circonstances  atténuantes?  L'ef- 
fort le  plus  modeste,  qui  tend  à  rétablir  le  moindre 
fragment  de  l'hisloire  locale  avec  le  secours  de  titres 
pour  la  plupart  inédits,  n'a-t-il  point  sa  valeur  et  son 
utilité,  de  même  que  la  pierre  perdue  et  cachée  dans 


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45 

l'épaisseur  de  la  muraille  n'en  sert  pas  moins  à  la 
construction  de  Tédifice  tout  entier  ? 


Roger  de  Comminges,  quatrième  vicomte  de  Cou- 
serans,  héritier  par  sa  mère  du  comté  de  Paillas, 
mourut  en  1257'. 

Il  avait  épousé  Grise,  dame  d'Espagne,  fille  d'Ar- 
naud d'Espagne,  seigneur  de  Montespan  et  baron  de 
Bordères  en  la  vallée  de  Louron,  d'une  ancienne  mai- 
son de  chevalerie  du  comté  de  Comminges,  glorieuse- 
ment citée  dans  les  guerres  d'outre-mer  et  dans  les 
croisades  du  saint  roi  Louis  IX  ^. 

De  cette  union  vint  Arnaud  de  Comminges,  vicomte 
de  Couserans,  comte  de  Paillas,  qui  prit  le  nom  d'Es- 
pagne. Il  figure  au  nombre  des  seigneurs  qui,  réunis 
le  8  octobre  1271  dans  le  grand  cloître  des  frères  prê- 
cheurs de  Toulouse,  reconnurent  le  roi  de  France 
Philippe  le  Hardi  pour  leur  seigneur  immédiat,  et 
prêtèrent  serment  de  fidélité  entre  les  mains  de  Guil- 
laume de  Cohardou,  son  sénéchal  de  Carcassonnes. 

Arnaud  se  fiança,  l'an  12o3,  à  Philippe  de  Foix,  fille 
de  Roger,  comte  de  F'oix,  et  de  Brunissende  de  Car- 
donne.  Dix  ans  après,  le  12™®  jour  des  kalendes  de 
février  1263,  il  reconnut  avoir  reçu  de  son  beau-père 


1.  Les  vicomtes  de  Couserans  avaient  pour  tige  Roger,  quatrième 
fils  de  Roger  II,  comte  de  Comminges,  fondateur  des  abbayes  de 
Bonnefont  et  des  Feuillants,  tué  auprès  de  Saint-Gaudens  en  1150, 
au  temps  de  Pierre,  évoque  de  Couserans.  Il  fut  le  premier  de  sa 
race  enseveli  dans  le  cloître  de  l'abbaye  de  Bonnefont.  (Histoire 
des  grands  officiers  de  la  Couronne,  t.  II,  p.  643.) 

2.  Marca,  Histoire  de  Béarn  ;  —  Olhagaray^  etc. 

3.  Dom  Vaissette,  Histoire  de  Languedoc^  éd.  Privât. 


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46 
5.200  sols  morlaas,  pour  la  dot  de  Philippe  sa  femme, 
par  les  mains  de  Guillaume  de  Uzenac.  Cet  argent 
servit  à  payer  les  créanciers  d'Arnaud,  parmi  lesquels 
on  remarque  Raymond  Guilhem  de  Marquefave,  fami- 
lier des  vicomtes  de  Couserans,  Arnaud  de  Calmels  et 
autres.  Cet  acte  nous  apprend  que  la  dispense  du 
mariage  a  coûté  1,000  sols*. 

Il  fut  passé  en  présence  de  Loup  de  Foix,  Arnaud 
de  Calmels,  Petrus  Oliverius  Sartor,  Guillaume  de 
Sancto Eparcio,  etc.,  par  devant  Pierre Sancii,  notaire 
de  Pamiers. 

En  septembre  1267,  Roger,  comte  de  Foix,  donne 
à  Grise  d'Espagne  le  château  de  Quiers,  par  devant 
Pierre,  notaire  à  Foix.  Elle  en  fait  transmission  à  son 
fils  Arnaud,  qui  rend  son  hommage,  et  qui  promet 
d'instituer  pour  cette  place  un  des  enfants  qu'il  aura 
de  Philippe  de  Foix,  sa  femme,  sœur  dudit  comtes 

En  octobre  1268,  ce  dernier  fait  donation,  à  son 
beau-frère  Arnaud,  de  toutes  les  terres  qu'il  possède 
aux  lieux  de  Cuguron,  Bellocs,  Bernard,  Cazarilh, 
Sédeilhac  et  Ausson,  en  présence  de  Loup  de  Foix, 
seigneur  de  Rabat*. 

C'est  la  première  fois  que  nous  trouvons  inscrit 
dans  un  titre  le  nom  de  la  seigneurie  d'Ausson.  Elle 

!.  Manuscrits  du  Président  Doat,  vol.  170,  Bibliothèque  nationale. 
Dans  le  P.  Anselme,  t.  II,  p.  643,  Arnaud  promit,  au  mois  de  juin 
1263,  au  comte  de  Foix,  de  consommer  son  mariage  avec  Philippe, 
fille  de  ce  dernier,  et  il  donna  quittance  de  sa  dot,  soit  25.000  sols 
morlaas. 

2.  Manuscrits  de  Doat,  registre  170,  Bibliothèque  nationale. 

3.  Belloc  était  alors  le  nom  du  lieu  des  Tourreilles  près  Montre- 
jeau. 

4.  Toutes  les  terres  cédées  par  le  comte  de  Foix  se  trouvaient 
sur  le  territoire  qui  dépend  aujourd'hui  du  canton  de  Montrejeau. 


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«7 

faisait  partie  des  vastes  domaines  de  la  maison  de 
Foix  compris  entre  la  vallée  de  la  Garonne  et  la  vallée 
de  la  Save,  en  majeure  partie  landes  et  forêts,  au 
milieu  desquelles  se  cachaient  des  hameaux  clairsemés 
dont  les  habitants  vivaient  à  grand'peine,  aussi  sou- 
cieux de  se  soustraire  à  la  dent  des  bêtes  fauves  que 
de  se  dérober  à  la  rigueur  des  exactions  féodales. 
Cuguron  avait  un  château,  déjà  ruiné  en  1340'.  Les 
comtes  de  Foix  y  tenaient  un  capitaine.  Les  dîmes  et 
rentes  de  Cuguron  devaient  être  apportées  au  château 
d'Ausson  ^  A  cause  de  son  étendue  dans  la  plaine  de 
Rivière,  de  tout  temps,  et  même  en  remontant  jusqu'à 
l'époque  romaine,  pays  ouvert,  fertile  et  peuplé,  la 
seigneurie  d'Ausson  joignait  à  l'agrément  du  site  des 
droits  et  des  redevances  d'une  importante  valeur'. 

Une  pièce  de  procédure  du  xv®  siècle  relate  une 
reconnaissance  générale  des  terres  qui  dépendaient  de 
la  baronnie  de  Montespan  l'an  1340.  Nous  y  lisons  ce 
qui  suit  : 

«  XLV.  Item  dict,  que  le  consulat,  lieu  et  seigneu- 
«  rie  d'Aulson,  avec  toute  juridiction,  s'estend  et  con- 
«  fronte  avecq  le  fluve  de  Garonne,  terroyr  et  sei- 
«  gneurie  de  Tailhaborc,  terroyr  et  seigneurie  de 
a  Saiat- Jehan  de  Ripvière  *  et  riu  de  l'Avet  au  mylieu. 


1.  Dénombrements  de  1480  à   1540  (Archives  de  la  commune 
d'Âusson,  et  Ex  nostris,  n<»  227.) 

2.  Idem. 

3.  Coutumes,  etc.   du  lieu  d'Ausson   (Archives  de  la  mairie 
d'Âusson). 

4.  Le  terroir  de  Saint-Jehan  de  Rivière  comprenait  le  hameau 
de  ce  nom,  remplacé  de  nos  jours  par  le  village  de  Ponlat. 


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48 

a  et  avec  le  chemin  nommé  la  Voye  grande,  qui  vient 
a  dudict  Saint-Jehan,  et  tire  au  terroyr  de  Saulx,  et 
a  descend  droict  jusqu'au  gué  des  Vasches  estant 
(c  audict  fluve  de  Garonne,  et  joignant  au  terroyr  de 
<L  Cammon  dessus  d'iceluy  lieu  d'Aulson. 

ce  XLVI.  Item  dict,  que  dans  les  dictes  limites  et 
((  confrontacions  d'Aulson  sont  les  terroyrs  de  la  Cas- 
«  tanhe,  de  Sainte-Colombe  et  Cammon  dessus,  et 
«  plusieurs  aultres  et  divers  terroyrs. 

((  XLVII.  Item  dict,  et  mest  par  faict,  que  Tan  mil 
<i  deux  cent  soixante  huit  et  le  quatorzième  jour  des 
a  kalendes  d'octobre,  Roger  de  Foix,  vicomte  de 
«  Béarn  et  seigneur  de  Château  Vieil,  céda  et  trans- 
«  porta  au  dict  Arnaud  d'Espagne,  vicomte  de  Con- 
((  serans,  les  susdicts  lieulx  et  places,  et  chasteaux  de 
«  Cugurouj  Belloc,  Bernard  et  Aulson,  avec  toute 
a  juridiction,  cens,  rentes  et  revenus  d'iceulx.  *  » 

De  cette  reconnaissance  on  a  le  droit  de  conclure 
qu'Ausson  avait  un  château,  bâti  dès  le  xni*  siècle 
par  les  comtes  de  Foix.  D'après  certaines  traditions 
qu'il  ne  faut  pas  absolument  dédaigner,  cette  manse 
féodale  s'élevait  sur  le  plateau  dit  de  Saint-Roch,  à 
proximité  du  péage  de  Sainte-Colombe,  au  centre  du 
village  traversé  dans  toute  sa  longueur  par  l'unique 
route  qui  reliait  alors  Saint-Gaudens  à  Montréal  de 
Rivière.  On  la  croyait  établie  sur  l'emplacement  d'une 
voie  romaine,  ce  qui  demanderait  vérification.  A  partir 
de  Villeneuve -de -Rivière,  ce  chemin  ne  s'écartait 


1.  Ex  nostris.  Pièces  de  procédure  pour  la  maison  d'Espagne- 
Montespan.  Gart.  Mont.,  n«>  47. 


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49 
guère  des  rives  de  la  Garonne,  passait  au  milieu  des 
villages  de  Bordes,  Clarac,  Taillebourg,  Ausson,  mon- 
tait à  travers  Téchancrure  de  la  colline  de  Burgis, 
descendait  au  plan  de  Montrejeau,  et  finissait  par 
aboutir  à  la  place  de  la  Salle,  devant  la  porte  de  la 
ville  dite  de  THorloge,  par  une  rampe  presque  droite 
appelée  maintenant  la  Vieille  côte.  La  ligne  de  cette 
ancienne  voie  existe  encore,  réduite  aux  proportions 
d'un  chemin  rural  ou  même  de  simple  exploitation. 

Des  fouilles,  exécutées  à  diverses  époques  sur  rem- 
placement de  Sainte-Colombe  et  du  village  primitif, 
ont  fait  reparaître  quelques  vieux  murs  et  les  fonda- 
tions d'une  chapelle.  Il  y  a  plus  de  trente  ans,  dans 
un  champ  voisin  de  Tancienne  route,  on  découvrit  une 
longue  dalle  de  pierre  supportée  par  deux  assises  de 
briques  cimentées.  Quand  on  l'eut  soulevée,  apparut 
un  squelette  de  grande  taille.  Les  ossements  étaient 
intacts.  Les  recherches  pratiquées  dans  cette  fosse 
mirent  à  jour  deux  pièces  de  monnaie  de  bronze  à 
l'effigie  de  Constantin.  On  remua  les  terres  autour  de 
cette  tombe  ;  elles  contenaient  des  cendres,  des  pote- 
ries calcinées,  des  morceaux  de  fer,  ce  qui  permettait 
de  supposer  sur  ce  point  l'existence  d'un  cimetière 
antique.  Des  investigations  plus  étendues  amèneraient 
peut-être  des  résultats  plus  sérieux  qui  changeraient 
en  certitudes  ces  simples  hypothèses. 

Maître  des  importantes  châtellenies  données  par 
le  comte  de  Foix,  Arnaud  d'Espagne  trouvait  avec 
raison  qu'il  habitait  à  l'extrémité  de  ses  domaines.  Il 
résolut  de  choisir  un  point  central^  à  égale  distance 
de  la  vallée  de  Louron  et  du  château  de  Montespan, 
soit  pour  faciliter  l'administration  de  ses  terres,  soit 


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50 

pour  fonder  une  seconde  résidence  seigneuriale.  L'oc- 
casion ne  se  fit  pas  attendre  : 

Au  commencement  du  mois  de  février  1272*,  Phi- 
lippe le  Hardi,  visitant  le  comté  de  Toulouse^  appre- 
nait l'attentat  commis  par  Roger  Bernard,  comte  de 
Foix,  et  par  le  comte  d'Armagnac,  contre  Gérard  de 
Casaubon,  au  diocèse  d'Auch,  qui  s'était  mis  sous  la 
protection  du  roi  de  France. 

Le  comte  d'Armagnac  se  hâta  de  faire  sa  soumis- 
sion. Le  comte  de  Foix,  se  fiant  à  ses  montagnes,  osa 
résister.  Le  sénéchal  Eustache  de  Beaumarchèz  s'em- 
para d'une  partie  du  comté  de  Foix.  Le  Roi  partit  en 
personne  de  Toulouse  à  la  tète  d'une  armée  nom- 
breuse, et  marcha  contre  Roger  Bernard.  Celui-ci  sol- 
licita l'assistance  du  roi  Jacques  d'Aragon,  qu'il  appe- 
lait son  suzerain. 

Après  un  vain  essai  de  transaction  à  l'abbaye  de 
Boulbonne,  la  guerre  s'engage.  Les  troupes  royales 
arrivent  le  3  juin  devant  le  château  de  Foix.  Trois 
jours  après,  le  comte  renonce  à  la  lutte  et  s'en  remet 
à  la  clémence  de  Philippe  le  Hardi,  qui  confisque  ses 
biens  et  l'envoie  prisonnier  à  Carcassonne^.  Ce  châti- 
ment ne  dura  guère.  Un  an  après,  le  comte  rentrait 


1.  Gérard  de  Casaubon  avait  tué,  dans  une  rencontre,  un  fils  ou 
frère  du  comte  d'Armagnac.  Celui-ci  assembla  tous  ses  parents 
dont  le  plus  considérable  était  le  comte  de  Foix. 

Gérard  eut  recours  à  la  protection  du  Roi  et  fit  mettre  les  pa- 
nonceaux royaux  sur  ses  domaines.  Le  comte  de  Foix  mit  à  feu 
et  à  sang  toutes  les  possessions  de  Gérard,  à  commencer  par 
Casaubon,  sa  principale  châtellenie.  De  plus,  il  fit  insulter  le  séné- 
chal du  roi  de  France  et  poursuivre  les  gens  de  sa  maison. 

Dom  Vaissette,  Annales  de  Toulouse  de  fiafaille,  etc. 

2.  Dom  Vaissette,  Annales  de  Toulouse  de  Lafaillc,  Hist.  de  Foix, 
etc. 


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51 

en  grâce  auprès  du  Roi ,  et  dans  la  possession  de  ses 
Etats. 

Au  mois  de  juillet  de  cette  même  année  *,  Eustache 
de  Beaumarchèz,  sénéchal  de  Toulouse  et  d'Albi- 
geois, Guillaume  de  Cohardou,  sénéchal  de  Carcas- 
sonne,  et  Pierre  de  Villars,  sénéchal  du  comté  de  Foix, 
se  livrent  à  une  enquête  pour  délimiter  le  pays  de 
Foix.  Le  28  juillet,  Eustache  de  Beaumarchèz  entre 
en  relations  avec  Arnaud  d'Espagne,  et  reçoit  son 
hommage  pour  le  château  de  Quiers*. 

De  tous  côtés  alors,  en  Gascogne  et  pays  Toulou- 
sain, les  seigneurs  désireux  d'augmenter  l'importance 
de  leurs  domaines  et  le  nombre  de  leurs  tenanciers 
fondaient,  en  paréage  avec  le  roi  de  France,  des  places 
fortifiées  appelées  Bastides.  La  création  de  ces  petites 

1.  Manuscrits  de  Doat,  vol.  170,  Bibliothèque  nationale. 

Le  P.  Anselme,  Histoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne  : 
maison  d'Espagne-Montespan,  tome  II. 

2.  Eustache  de  Beaumarchèz  était  d'Auvergne,  seigneur  de  Gal- 
vinet,  Ghambail,  Falcimagne  près  d'Aurillac. 

Bailli  des  montagnes  d'Auvergne,  il  purge  cette  province  des 
bandes  qui  la  ravageaient,  puis  il  entre  au  service  des  rois  de 
France  ;  il  y  reste  trente  ans,  faisant  preuve  d'une  activité  prodi- 
gieuse, grand  administrateur,  sage  politique,  et  vaillant  capitaine. 

D'abord  sénéchal  du  Poitou,  puis  en  1271  du  vaste  héritage  des 
comtes  de  Toulouse,  il  conduit  habilement  la  guerre  contre  les 
comtes  de  Foix  et  d'Armagnac,  et  prend  une  part  glorieuse  à  la 
guerre  de  Navarre  en  1276.  Il  fait  prisonnier  ensuite  le  comte 
d'Armagnac,  et  il  occupe  le  Nébouzan  de  1290  à  1292.  Il  met  la 
main  sur  le  comté  de  Bigorre  pour  Philippe  le  Bel,  par  l'entremise 
de  Jean  de  Longpérier,  son  lieutenant. 

Il  meurt  en  1294. 

Il  portait  un  sceau  à  un  chevron  avec  :  Eustache  de  Beaumar- 
chèz chevalier,  apposé  sur  un  accord  conclu  en  1276,  quand  il 
était  gouverneur  de  Navarre,  avec  Garcia  Almoravid.  (Archives 
nationales,  carton  7,613,  n<»  10.) 

(Anelier,  Guerre  de  Navarre  ;  —  Dom  Vaissette,  Ilist.  de  Langue- 
doc;—  Curie-Seimbres,  Essai  sur  les  bastides;  —  Eustache  de 
Beaumarchèz,  par  l'abbé  Larroque,  dans  la  Revue  de  Gascogne, 
tome  II,  pp.  11,27,  55.) 


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5S 

villes,  sur  un  plan  à  peu  près  identique,  dans  des 
régions  inhabitées,  le' plus  souvent  même  au  milieu 
de  forêts  ou  de  landes  désertes,  fut  une  explosion 
subite  de  la  vie  communale.  En  s'unissant  aux  sei- 
gneurs locaux  pour  le  partage  des  droits  et  redevances, 
la  couronne  consolidait  l'autorité  royale  dans  les  pro- 
vinces nouvellement  conquises.  Au  début,  elle  voulut 
soutenir  les  communes  naissantes  contre  Toppression 
féodale.  Bientôt  elle  dut  protéger  le  seigneur  paréa- 
ger  lui-même  contre  ses  vassaux  turbulents  ou  révol- 
tés' Ce  sont  des  procès  sans  fin,  des  litiges  sans  fon- 
dement, un  état  d'insurrection  permanent  dans  le  but 
d'obtenir  des  concessions  nouvelles.  Montréal  de  Ri- 
vière, la  bastide  d'Arnaud  d'Espagne,  vivra  dans  une 
inimitié  continuelle  avec  les  descendants  de  son  fon- 
dateur. Nous  verrons  cette  guerre  durer  trois  siècles! 

Arnaud  d'Espagne  mit  à  profit  la  présence  d'Eusta- 
che  de  Beaumarchèz  dans  le  Comminges  et  le  Nébou- 
zan.  Il  sut  remarquer  au  milieu  de  ses  fiefs,  à  peu  de 
distance  du  confluent  de  la  Neste  et  de  la  Garonne, 
dans  une  situation  admirable,  un  i»romontoire  en  face 
des  Pyrénées  dominant  une  vaste  étendue  de  plaines 
et  de  montagnes,  escarpé  de  trois  côtés,  et  présentant 
des  avantages  marqués  au  point  de  vue  de  la  défense. 

Le  mardi  après  la  fête  de  Saint-Michel  de  Fan  1272, 
le  seigneur  Eustache  de  Beaumarchèz,  chevalier,  sé- 
néchal pour  le  Roi  de  Toulouse  et  Albigeois,  et  noble 
homme  messire  Arnaud  d'Espagne,  vicomte  de  Cou- 


1.  En  1287,  une  ordonnance  prescrit  à  Eustache  de  Beaumarchèz 
de  visiter  les  nouvelles  bastides,  pour  faire  rendre  droit  aux  sei- 
gneurs et  réformer  les  usurpations  fCurie-Seimbres,  Essai  sur  les 
Bastides). 


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53 
serans,  se  réunissent  au  château  de  Montespan,  et 
font  rédiger  Tacte  de  fondation  d'une  bastide  neuve  au 
territoire  de  Rivière,  pour  appartenir  audit  sire  Roi 
et  au  vicomte,  conformément  aux  pactes  accordés 
entr'eux.  Cette  bastide  s'appellera  Montréal  de  Rivière 
(Mo7i8  regalis  RipariœJ  —  au  xvii®  siècle  Montrejeau. 

Cet  acte  scellé  du  sceau  royal,  du  sceau  du  vicomte 
de  Couserans  et  de  celui  du  sénéchal,  a  pour  témoins  : 
Arnaud  de  Marquefave  * ,  Bernard  de  Comminges, 
Pons  de  Villemur,  chevaliers  ;  maître  Bernard  Moli- 
nier  de  Cordes,  maître  Vital  de  Maurens,  clercs  ;  Pons 
de  Monts,  Guillaume  de  Clezia,  et  Guillaume  de  Bros- 
sac,  notaire  public^. 

Il  n'est  point  fait  mention  d'un  château  seigneurial, 
compris  dans  l'intérieur  de  la  bastide  ou  construit  en 
dehors  de  l'enceinte,  se  reliant  à  la  ville  et  complétant 
le  système  de  défense,  comme  l'on  peut  en  citer  des 
exemples  dans  certaines  places  de  Gascogne  de  la 
même  époque.  Les  premiers  titres  du  xiv*  siècle  qui 

1.  Arnaud  de  Marquefave,  en  octobre  1243,  promit  avec  d'autres 
chevaliers  à  Roger,  comte  de  Foix,  et  à  labbé  de  Lézat,  de  ne  leur 
faire  aucun  dommage,  et  de  renoncer  à  toute  inimitié  contre  eux. 
(Doat,  registre  170,  Bibliothèque  nationale.) 

Arnaud  de  Marquefave  est  témoin,  avec  d'autres  personnages 
attachés  à  la  maison  de  Foix,  d'un  acte  du  8  janvier  1250,  par 
lequel  les  consuls  de  la  ville  de  Sainl-Gaudens  donnent  plein  pou- 
voir au  comte  de  Foix  de  confisquer  les  biens  de  tous  ceux  qui 
commettront  des  excès,  agressions  à  Icncontre  de  ladite  ville  et 
lui  porteront  un  dommage  quelconque.  —  Les  consuls  de  Saint- 
Gaudens  s'appellent:  Marcus  de  Cabanaco,  Sanctius  Franquet, 
Joannes  de  Turre,  Bertrandus  de  Namiletâ,  Petrus  de  Ëudom, 
Bertrandus  de  Bacharizà.  (Doat,  reg.  n»  170,  Bibi.  nat.) 

2.  Eustache  de  Beauniarchèz  fonda  les  bastides  :  de  Rimont  en 
1272;  de  Beaumont  de  Lomagne  en  paréage  avec  l'abbaye  de  Grand- 
Selve  en  1279;  de  Fleurance  en  1280;  de  Pavie,  Mirande  en  1281;  de 
Rejaumont  en  1285,  avec  l'abbé  de  1  Escaledieu  (Mons  regalis  ren- 
versi;  ;  de  Beaumarchèz  en  1288;  Grenade  en  1290,  etc.  (V.  Doat; 
—  la  Gallia  Christiana;  —  Gurie-Seimbres,  Toulouse,  1880,  etc.) 


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64 

concernent  Montréal  de  RivièreS  dénombrements,  ter- 
riers, reconnaissances,  nous  montrent  néanmoins 
qu'il  existe  au  milieu  de  la  ville  une  maison  apparte- 
nant au  baron  d'Espagne-Montespan ,  «  en  laquelle 
«  on  tient  en  garde  les  archives,  les  espées,  picques, 
((  arbalestes,  cuirasses  et  aultres  armes  nécessaires 
a  pour  la  tuytion  et  deffence  de  la  dicte  ville  ».  Dans 
ce  logis  descendaient  les  seigneurs  d'Espagne,  quand 
ils  visitaient  leur  bonne  ville  de  Montréal,  si  mieux 
ils  n'aimaient  se  retirer  au  couvent  des  Augustins 
dont  ils  étaient  les  généreux  patrons  et  fondateurs. 
Divers  actes  de  la  fin  du  xiii®  siècle  ^  nous  prouvent 


1.  L'original  de  la  Charte  de  Mqntrejeau  était  conservé  aux 
archives  de  la  Trésorerie  de  Toulouse;  nous  ne  rayons  pas  trouvé 
malgré  d  actives  recherches,  mais  nous  possédons  deux  copies, 
Tune  extraite  des  archives  de  la  maison  de  Bellegarde,  la  seconde 
tirée  des  archives  de  la  préfecture  de  Tarbes.  Nous  avons  prouvé, 
dans  un  travail  spécialement  consacré  à  la  fondation  de  Montre- 
jeau,  que  la  véritable  date  du  paréage  est  1272,  et  non  1262,  comme 
le  portent  par  erreur  certaines  copies  fautives. 

Le  nom  de  Montréal  de  Rivière  (Mourréjaou  d'Arribère,  comme 
le  prononçaient  les  habitants  du  pays  en  leur  langage  gascon) 
subsista  dans  les  actes  publics  jusqu'aux  premières  années  du 
XVII»  siècle.  A  partir  de  cette  date,  Mourréjaou  devient  en  français 
Montrejeau,  et  depuis  le  commencement  du  siècle  on  n'a  plus 
ajouté  la  mention  du  pays  de  Rivière. 

2.  En  1273,  transaction  entre  le  vicomte  de  Gouserans  et  l'abbé 
de  Bonnefont,  au  sujet  de  fiefs  à  Montréal  de  Rivière.  —  Actes 
passés  en  août  1290,  par  Guillaume  de  Brosacio,  notaire  de  Mont- 
réal de  Rivière  (Trésor  généalogique  de  Villevielle,  n«  37,  Biblio- 
thèque nationale). 

En  1286,  sentence  par  devant  Bernard  de  Ternâ,  notaire  de 
Montréal  de  Rivière,  sur  procès  entre  Auger,  abbé  de  Bonnefont, 
et  le  vicomte  de  Gouserans  Arnaud  d'Espagne  (Ex  noslris^  Cart. 
Mont.,  no  7). 

Avril  1287,  les  tuteurs  de  noble  Bernard  d'Aventinhan  vendent, 
à  Arnaud  d'Espagne,  leurs  droits  au  lieu  de  Mazères  de  Neste 
(Ex  nostris,  Gart.  Mont.,  n^'Q). 

1290,  ventes  et  concessions  de  terrains  à  Montréal  de  Rivière, 
par  G.  de  Gunio  et  Guillaume  de  Brosacio,  notaires.  (Idem.) 


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66 
le  rapide  accroissement  de  la  bastide  qui  domine  une 
si  grande  étendue  de  pays.  Les  voisins  s'empressent 
de  profiter  des  concessions  accordées  en  vertu  du 
paréage.  La  renommée  du  site  attire  les  étrangers. 
En  1292,  Montréal  était  bâti,  protégé  par  une  ceinture 
de  murailles  garnies  de  sept  tours  et  de  cinq  demi- 
tours  rondes.  Quatre  portes  munies  de  herses,  sur- 
montées de  donjons  ou  tours  carrées  à  créneaux  et 
mâchicoulis,  avec  meurtrières  en  forme  de  croix,  don- 
naient accès  dans  la  ville.  Elles  étaient  protégées  par 
des  barbacanes  extérieures.  La  place  pouvait  soutenir 
un  siège  de  quelques  jours,  et  mettre  deux  cents  dé- 
fenseurs bien  armés  sur  ses  remparts.  Elle  devenait 
ainsi  la  capitale  de  la  baronnie  de  Montespan. 

La  maison  des  vicomtes  de  Couserans,  continuée 
par  Roger  IV  de  Comminges-Couserans,  prit  fin  en 
la  personne  de  Marthe  Rogère  de  Comminges,  vicom- 
tesse de  Couserans,  mariée  à  Odet  de  Lomagne, 
seigneur  de  Fimarconi.  Arnaud  de  Comminges 
d'Espagne,  premier  du  nom,  troisième  fils  d'Arnaud 
de  Comminges,  vicomte  de  Couserans,  et  de  Philippe 
de  Foix,  est  le  chef  de  la  maison  proprement  dite 
d'Espagne-Montespan.  Il  obtient,  Tan  1308,  en  vertu 
du  testament  de  son  père,  par  droit  héréditaire  et 
pour  portion  légitime,  les  villes  et  lieux  de  Montespan, 
Montréal  de  Rivière,  Villeneuve-Lécussan,   Ausson, 


U  août  1299,  transaction  entre  l'abbé  de  Bonnefont  et  Arnaud 
d'Espagne,  par  devant  Guillaume  de  Cunio,  notaire. 

Au  nombre  des  témoins  de  ces  divers  actes  ligure  M.  Jehan  de 
Barata,  l*'  chapelain  de  Montréal  [Trésor  généalogique  de  Ville- 
vielle,  volume  37,  Bibliothèque  nationale). 

1.  Histoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne  :  Vicomtes  de  Cou- 
serans, t.  II,  p.  644. 


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f 

I  56 


Belloc,  Bernard,  Cazarîlh,  Bordères,  Génos,  les  val- 
lées de  Louron  et  de  Larbousti. 

Arnaud  1**"  d'Espagne,  marié  à  Marquise  de 
Séméac,  alias  de  Bénac,  servit  Philippe  le  Bel  en 
Flandre  aux  batailles  de  Furnes  et  de  Mons  en  Puelle, 
1297-1304.  Gaston,  comte  de  Foix,  son  cousin,  lui 
donna,  eïi  1333,  la  seigneurie  de  Villeneuve-de- 
Rivière,  rapprochée  de  la  châtellenie  d'Ausson.  Ber- 
trand, son  frère,  vaillant  chevalier,  fut  lieutenant  du 
Roi  en  Languedoc,  et  maréchal  de  Tost  de  Jean,  comte 
de  Poitiers,  fils  du  roi  de  France,  en  1358*. 
.  D'après  le  P.  Anselme»,  Arnaud  1^**  aurait  bâti,  en 
1308,  le  couvent  des  Augustins  de  Montréal.  Dans 
notre  notice  sur  ce  monastère,  nous  avons  discuté  les 
diverses  dates  que  Ton  peut  assigner  à  cette  fondation, 
et  nous  persistons  à  croire  qu'il  convient  de  l'attri- 
buer à  Roger  l^  d'Espagne,  dans  les  dernières  années 
du  XIV®  siècle  *. 

Arnaud  II  d'Espagne,  sénéchal  de  Périgord  en  1338, 
prit  part  aux  guerres  de  Flandre  sous  la  bannière 
de  Gaston,  comte  de  Foix  s.  Le  8  septembre  1339,  il 
est  compris  au  nombre  des  chevaliers,  amenés  par  le 
comte  au  service  du  roi  de  France  Philippe  VI  de 
Valois,  et  qui  sont  passés  en  revue  à  Mont-de-Marsan 
par  Bernard  de  Bellovedere,  sergent  d'armes  et 
viguier  de  Carcassonnee. 

1.  Registres  de  Doat,  vol.  170,  Bibliothèque  nationale. 

2.  Ilist,  des  grands  officiers  de  la  Couronne^  t.  II,  p.  G48. 

3.  Idem, 

4.  Le  couvent  des  Augustins   de  Montrejeau,  Reviie  de  Com- 
minges,  2««  série,  1890-1893. 

5.  Hist.  des  grands  officiers  de  la  Couronne,  t.  II,  p.  648. 

6.  Trésor  généalogique  de  Villevielle:  Actes  concernant  Arnaud. 


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57 

Le  S  mai  1349,  Arnaud  et  Bernard  Saquet,  sei- 
gneur de  Caumont,  sont  fondés  de  procuration 
d'Agnès,  fille  du  roi  de  Navarre,  pour  recevoir  une 
rente  que  ledit  roi  lui  avait  promise  en  faveur  de  son 
mariage  avec  Gaston,  comte  de  Foix'. 

Arnaud  II  épousa  Marguerite  de  Labarthe.  L'un  de 
ses  fils,  Guillaume,  d'abord  évêque  de  Pamiers, 
occupa  le  siège  de  Comminges  jusqu'en  1382.  Bernard, 
son  dernier  fils,  fut  le  père  de  ce  fameux  Arnauton 
appelé  le  Bourg  d'Espagne,  dont  Froissart  a  raconté 
les  grands  coups  d'épée  et  les  bizarres  exploits*. 

Arnaud  III,  sénéchal  de  Quercy  et  de  Périgord, 
puis  de  Carcassonne ,  combattit  avec  l'élite  de  la 
noblesse  française,  le  lundi  17  septembre  1356,  à 
Poitiers.  Fait  prisonnier  comme  le  roi  Jean,  et  conduit 
en  Angleterre,  il  dut  payer  6,000  livres  de  rançon.  En 
1369,  une  nouvelle  guerre  contre  les  Anglais  lui  fit 
éprouver  la  même  disgrâce  ;  mais,  prisonnier  pour  la 
seconde  fois,  et  renvoyé  sous  promesse  de  rançon,  il 
ne  s'acquitta  point  de  sa  dette.  Le  pape  Clément  VI, 
ayant  excommunié  les  Anglais,  le  dispensa  de  tout 
scrupule,  et  surtout  de  son  obligation. 

Il  avait  eu,  de  Gaillarde  de  Miramont,  Roger  P*" 
d'Espagne,  conseiller  chambellan- du  roi  Charles  V, 
en  1373,  Il  assiste  à  la  bataille  de  Rosebecque,  en 
1382.  Il  est  cité  dans  les  rôles  des  barons  du  Nébou- 
zan  ,  comme  un  des  vaillants  et  fidèles  suivants 
d'armes  de  Gaston  Phœbus,  comte  de  Foix^  Après  la 

Bertrand,  Raymond  d'Espagne-Montespan,  années  1343  1349-1350- 
1363,  etc,  (Bibliothèque  nationale). 

1.  Trésor  généalogique  de  Villevielie  (Bibliothèque  nationale). 

2.  Hist.  des  grands  officiers  de  la  couronne,  t.  II,  p.  648. 

3.  Seguen  los  gentilz  de  Nebozan  a  qui  Mossenhor  a  costumât 
Reyoe  de  CoMMiHGEs,  l**  trlmestre  1895.  Tome  X.  —  5. 


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58 
mort  de  son  père,  créé  sénéchal  de  Carcassonne,  il  va 
guerroyer  en  Castille  et  revient  combattre  les  Anglais 
avec  SO  lances  et  100  pavois*.  Il  rachète  du  comte  de 
risle,  pour  600  écus,  Thommage  qu'il  devait  pour 
Montespan;  il  acquiert  de  Thibaut  d'Espagne,  seigneur 
de  Saint- Laurent,  son  cousin,  la  moitié  de  la  ville  de 
Valentine\ 

Ce  fut  de  son  temps,  Tan  1387,  que  parut  le  Ceiisier 
des  Bénéfices  de  Commmges  dressé  par  Berengarius 
Guilhot,  vicaire  général  d'Amelius  de  Lautrec.  Nous 
y  voyons  qu'Ausson  était  une  annexe  de  Montréal  de 
Rivière.  Les  seigneurs  d'Espagne  avaient  dû  deman- 
der Térection  d'une  seule  et  même  paroisse'. 

d'escrivcr  en  sas  guerras.  1376-1378.  (Rôles  du  Varmée  de  Gaston 
Phœbus),  pai'  Raymond,  archiviste  des  Basses-Pyrénées.  Bordeaux 
1872.) 

1.  Mémoriaux  do  la  Chambre  des  comptes  do  Paris,  1.  5«.  — 
Ilist.  des  grands  officiers  de  la  Couronne^  t.  II,  p.  649. 

2.  Ilist.  des  grands  officiers  de  la  Couronne,  t.  II,  p.  649. 

3.  Archipresbyteiiatus  Ripparliî.  De  Monte-Regali  : 

Bonus  homo  de  Anisano,  rector  dicti  loci;  Guilhelmus  deSancto 
Paulo,  presbyter;  Pctrus  de  Fronsiaco,  consul;  Beriuirdus  de 
Alanda.  operarius  dicti  loci,  jarati  ad  sancta  Dei  evangelia  in  turnià 
auditi,  habito  priùs  super  infra  scriptis  deliberato  intcr  se  consi- 
lio,  dixcrunt  : 

Quod  ecclesise  de  Aussonio  et  de  Mont-Regali  sunt  ad  invicem 
annexée,  et  quod  rector  earum  una  cum  scolare  dictorum  loco- 
rum  recipit  primitias  bladorum,  et  décimas  et  primitias  vinorum 
et  carnalagiorum  per  médium,  hoc  tantùm  salvo  quod  ecclesia  et 
scolaria  taxantur  ad  XX  libras  per  médium,  etc.,  etc. 

Item  dixerunt  quod  dictus  rector  ultro  se  habet  continuo  tenere 
unum  vicarium  et  alium  presbyterum  conduditiuni  qui  qualibet 
die  communiter  habent  celebrare  tam  in  Monte-Regali  quam  in 
Aussonio  duas  missas,  et  habent  tenere  duos  clericos  pro  servicio 
dictarum  ecclesiarum,  et  pro  se  unam  matrem  et  unum  salmate- 
rium,  etc.,  etc. 

Fait  à  Montréal  de  Rivière  (in  loco  de  Monte-Regali  Rippariae), 
le  '22  octobre  de  Tan  1387.  |Ex  Spicilegio  Convenarum). 

Le  Censier  des  Bénéfices  du  diocèse  de  Gomminges  a  été  auto- 
graphie  à  quelques  exemplaires,  par  les  soins  du  savant  M.  Morel, 
notre  regretté  collègue. 


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s» 

Le  13  novembre  1388,  Froissart,  le  chroniqueur  par 
excellence,  uniquement  soucieux  «  de  doner  esbate- 
ment  et  plaisir  »  à  tous  ceux  qui  liraient  ses  livres, 
rencontrait  à  Pamiers  a  messire  Espaing  du  Lyon  » 
vaillant  home,  saige  et  beau  chevalier  »,  grand  ami 
du  comte  de  Foix,  et  qui  se  rendait  à  la  cour  de  ce 
prince  au  château  d'Orthez  en  Béarn.  Le  bon  chanoine 
de  Chimay  recherchait  passionnément  les  coateurs 
d'aventures,  les  témoins  de  prouesses  et  de  brillants 
faits  d'armes.  Messire  Espaing  avait  vu  tant  de 
batailles  et  de  chaudes  rencontres^  il  savait  de  si  belles 
et  curieuses  histoires  sur  ce  tous  chasteaux,  bourgs, 
villes,  passages,  défilés  »  des  pays  de  Foix  et  de  Gasco- 
gne, que  Froissart  se  mit  bien  vite  en  sa  compagnie. 
On  connaît  cette  amicale  chevauchée,  qui  dura  du 
18  au  2o  novembre,  et  dont  le  vif  et  consciencieux 
chroniqueur,  qui  ne  se  couchait  jamais  sans  noter  les 
incidents  de  la  journée ,  a  fait  le  récit  dans  son  troi- 
sième livre. 

A  leur  entrée  en  Comminges,  les  deux  voyageurs 
aperçoivent  «  ung  très  bel  chastel  Montespaing  qui  est 
a  à  messire  Roger  d'Espaigne,  grand  baron  et  grand 
<c  terrien  en  ce  pays-ci  et  Toulousain,  et  il  est  pour 
a  le  présent  sénéchal  de  Carcassonne.  » 

On  s'arrête  à  Saint-Gaudens,  et  le  lendemain,  dit 
Froissart  «  nous  vînmes  dîner  à  Montréal  de  Rivière, 
a  une  bonne  ville  et  forte,  laquelle  est  du  roy  de 
a   France  et  de  messire  Roger  d'Espaigne.  » 

Espaing  du  Lyon  et  le  chroniqueur  traversèrent 
Ausson  avant  d'arriver  à  Montréal.  Un  a  chastel  » 
appartenant  à  ce  grand  baron  d'Espaigne  dont  le  nom 
remplissait  le  pays,  aurait  attiré  leur  attention,   et 


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Froissart  n'aurait  eu  garde  sûrement  de  Toublier,  de 
même  qu'il  avait  fait  pour  le  château  de  Montespan. 
Ce  silence,  de  la  part  d'un  narrateur  toujours  en  quête 
de  renseignements  et  de  détails  sur  tous  les  lieux 
qu'il  traversait,  nous  autoriserait  à  croire  que  la 
demeure  féodale  n'existait  pas  encore,  et  se  réduisait 
simplement  à  la  vieille  tour  seigneuriale  de  Sainte- 
Colombe. 

Froissart  est  séduit  évidemment  par  la  réputation 
de  ces  barons  d'Espagne-Montespan,  aussi  bons  che- 
valiers que  seigneurs  opulents.  Il  se  complaît  à  les 
louer,  quand  il  les  trouve  sur  son  chemin.  Il  raconte, 
non  sans  admiration,  les  prouesses  du  Bourg  d'Espa- 
gne, cet  Arnauton  à  la  taille  de  géant,  à  la  main  de 
fer,  ce  batailleur  infatigable  qu'il  voit  de  près  à  la  cour 
du  comte  de  Foix.  Comme  il  dépeint  ce  combat  de 
Marcheras  en  Bigorre,  entre  Mauvezin  et  Tournay,  où 
les  Français  et  les  gens  de  Lourdes  se  heurtèrent  si 
violemment  !  «  Le  Bourg  avec  sa  hache  ne  féroit  home 
<c  qu'il  ne  portât  à  terre  ».  Mais  voici  des  exploits  d'un 
autre  genre,  et  non  moins  extraordinaires.  A  la  veillée 
de  Noël  de  Tan  1385,  dans  la  grande  salle  du  château 
d'Orthez,  le  comte  Gaston  Phœbus  se  plaignait  du 
froid  devant  une  cheminée  insuffisamment  pourvue. 
Le  Bourg  d'Espagne  descend  dans  la  cour  encombrée 
de  neige  ',  où  stationnaient  des  ânes  chargés  de  bois. 
Il  en  prend  un  des  plus  grands  sur  ses  épaules, 
remonte  précipitamment  les  escaliers,  et  fendant  la 
presse  des  chevaliers,  il  jette  son  fardeau  vivant  dans 
l'âtre,  à  la  profonde  admiration  du  comte  et  de  tous 

1.  Froissart,  Chronique^  livre  ii. 


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64 

les  assistants  stupéfaits  de  cette  audace,  mais  non 
moins  réjouis  de  cette  plaisante  aventure. 

Ce  même  Arnauton,  gouverneur  de  Saint-Béat,  était 
au.  nombre  des  familiers  de  Gaston  Phœbus,  lors  de 
cette  course  dans  la  montagne  qui  fut  le  dernier 
a  esbatement  »  de  Tillustre  auteur  des  Desduycts  de 
la  Chasse,  en  la  vie  de  ce  monde.  Il  tenait  le  bassin 
d'argent  dans  lequel  le  comte  de  Foix,  pris  d'un  éva- 
nouissement subit,  se  lavait  les  mains,  peu  d'instants 
avant  de  rendre  l'âme,  22  août  1391. 

Roger  d'Espagne  fut  présent  aux  obsèques  du  comte 
de  Foix;  sept  chevaliers,  pendant  la  cérémonie,  se 
tenaient  debout  autour  du  cercueil.  Quatre  d'entr'eux 
portaient  les  bannières  armoyées  de  Foix-Béarn.  A 
trois  autres  étaient  confiées  les  armes  du  glorieux 
mort.  Roger  d'Espagne  avait  reçu  mission  de  garder 
l'épée'. 

A  la  fin  de  l'année  1391,  Roger  vint  de  Tours  à 
Toulouse,  avec  messire  Espaing  du  Lyon^  apprendre 
que  l'héritage  de  Foix  et  ses  dépendances  apparte- 
naient au  vicomte  de  Castelbon,  conformément  aux 
prescriptions  de  Gaston  Phœbus'*. 

Roger  avait  épousé  en  premières  noces  Esclarmonde 

de ,  puis  Claire  de  Gramont.  Il  fît  son  testament 

le  6  juin  1406.  Il  commit  à  Bertrand  de  Saint-Just  la 
tutelle  de  Roger^  Raymond,  Arnaud  ses  fils.  Il  légua 
une  rente  obituaire  de  2S0  écus  petits  aux  Augustins 
de  Montréal.  En  1410,  il  fut  inhumé  dans  le  chœur  de 
leur  église  qu'il  aurait  fondée,  d'après  Larcher,  de 
1395  à  1406». 

l.  Froissart,  Chronique,  1.  iv«.  |  2.  Idem. 

3.  Manuscrits  de  Larcher  (Arch.  dép.  des  H.-Pyr.,  Registre  E.) 


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6S 

Le  26  juin  1411,  les  exécuteurs  testamentaires  de 
feu  noble  et  puissant  homme  messire  Roger  d'Espa- 
gne, seigneur  de  Montespan,  traitent  avec  les  habi- 
tants de  Roquépine  auxquels  ledit  seigneur  avait  légué 
cinq  florins  d'or,  en  présence  de  Gérard,  fils  de  Jehan 
de  Saint-Jehan,  damoiseau,  et  de  Pierre  de  Vasthonis, 
notaire'. 

Dans  les  traditions  de  notre  pays,  Roger  I®""  est  resté 
le  personnage  capital  de  sa  race.  On  ne  s'inquiète 
guère  de  ses  ancêtres  ou  de  ses  descendants.  Sa  vail- 
lance éprouvée,  son  caractère  chevaleresque,  ses  rela- 
tions avec  la  cour  si  brillante  des  comtes  de  Foix 
ses  alliés ,  l'estime  en  laquelle  on  le  -tenait  à  la 
cour  de  France,  les  fondations  pieuses  et  charitables 
qu'il  avait  multipliées,  avaient  entouré  son  nom  d'un 
éclat  particulier.  Ses  contemporains,  frappés  de  ces 
mérites  et  de  ces  circonstances,  avaient  légué  leurs 
impressions  à  leurs  successeurs ,  et  le  souvenir  de 
Roger  s'est  conservé  d'âge  en  âge,  résumant  dans  la 
personne  d'un  seul  l'histoire  d'une  maison  pendant 
plusieurs  siècles.  Bien  des  gens,  peu  soucieux  il  est 
vrai  des  annales  du  passé,  connaissent  donc  vague- 
ment Roger  d'Espagne.  Ils  le  confondent  avec  les 
autres  chevaliers  du  même  nom.  Il  y  a  plus  d'un 
siècle,  lorsque  les  archives  locales  demeuraient  inex- 
plorées, même  oubliées,  les  erreurs  se  copiaient  sans 
contrôle  d'un  livre  à  un  autre.  Nos  pères  n'avaient  ni 
le  loisir  ni  le  moyen  de  consulter  les  grands  recueils, 
comme  VHistoire   de   lu   Maison   de   France  et  des 


l.  Archives  de  l'abbaye   d'Odysse,  folio  55;   —  Manuscrits  de 
Doat,  vol.  270,  Bibliothèque  nationale. 


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grands  officiers  de  la  Couronne  du  P.  Anselme,  par 
exemple,  et  autres  ouvrages  du  même  ordre  feuilletés 
seulement  par  les  feudistes  ou  les  faiseurs  de  généa- 
logies. A  Montrejeau  même,  dans  cette  bastide  créée 
par  le  premier  Arnaud  d'Espagne,  vicomte  de  Couse- 
rans,  on  croyait,  on  disait,  on  imprimait  au  besoin^ 
que  Roger  d'Espagne  était  le  véritable  fondateur. 
Cette  assertion  erronée  s'étalait  impunément  dans 
des  mémoires  écrits  par  des  hommes  instruits, 
éclairés,  avocats,  jurisconsultes  ;  on  la  voyait  énoncée 
dans  des  actes  administratifs  et  judiciaires.  Elle 
passait  à  l'état  de  tradition  ou  de  légende  telle- 
ment accréditée  qu'on  ne  l'acceptait  pas  même  sous 
bénéfice  d'inventaire. 

Jusqu'à  la  seconde  moitié  du  xv®  siècle  aucun  titre 
ne  mentionne  le  château  d'Ausson.  Les  actes  de  con- 
cessions de  fiefs,  les  hommages  sont  passés  au  château 
de  Montespan  ou  dans  la  vallée  de  Louron*.  Les 
lettres  missives  viennent  des  mêmes  résidences,  sur- 
tout de  la  première.  En  nous  appuyant  sur  un  ensem- 
ble de  faits  qui  peuvent  équivaloir  à  des  preuves  offi- 
cielles, nous  ne  sommes  pas  éloigné  de  croire  que 
Roger  d*Espagne,  ayant  fondé  le  couvent  de  Montréal 
pour  servir  de  sépulture  à  sa  famille  ^  voulut  établir 


1.  Au  nombre  des  hommages  rendus  à  Roger  I"*  d'Espagne  dans 
le  Louron,  nous  citerons  celui  de  Arnaud  de  Lassus,  au  lieu 
d*Adervielle,  le  11  juin  1390,  extrait  des  cèdes  de  Moreilhon,  notaire, 
par  François  Fouran,  notaire  d'Ëstarvielle,  le  16  octobre  1823,  à  la 
requête  de  M.  le  baron  de  Lassus-Gamon,  descendant  de  la  famille 
dudit  Arnaud.  (Ex  noslris,  F.,  n*  14.) 

2.  "Pro  se  et  suis  successoribus,"  comme  portait  la  pierre  tom- 
bale de  Roger  d'Espagne  dans  le  chœur  de  Féglise  du  couvent  de 
Montrejeau.—  Revue  de  Comminges:  Notice  sur  le  couvent  des 
Augustins  de  Montrejeau). 


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une  nouvelle  demeure  à  proximité  de  la  capitale  de 
ses  fiefs,  où  l'appelaient  souvent  Tadministration  de 
ses  biens,  les  revues  de  ses  gens  d'armes  et  ses 
démêlés  avec  des  vassaux  remuants  et  querelleurs. 
Tout  en  se  montrant  pleins  de  déférence  pour  leurs 
seigneurs,  ceux-ci  no  négligeaient  aucune  occasion  de 
soulever  des  conflits  et  de  raviver  des  contesta- 
tions dont  les  lenteurs  de  la  procédure  éternisaient 
la  durée.  Il  ne  serait  pas  inexact  de  dire  que  les  procès 
avec  les  gens  de  Montréal  formaient  une  part  d'héri- 
tage pour  les  barons  d'Espagne-Montespan. 

Par  son  heureuse  situation  et  par  la  fertilité  de  son 
terroir,  Ausson  devait  mériter  les  préférences  de  Roger 
d'Espagne.  Il  ne  voulut  pas  agrandir  l'ancien  châ- 
teau seigneurial,  ou  pour  mieux  dire,  la  vieille  tour  au 
centre  du  village  où  logeaient  les  gens  d'armes  prépo- 
sés au  péage  de  Sainte-Colombe.  Les  inondations  de 
la  Garonne  étaient-elles  moins  fréquentes  à  cette  épo- 
que ou  moins  préjudiciables?  On  serait  en  droit  de 
le  croire,  puisque  Roger  n'en  ayant  cure  descendit 
dans  la  basse  plaine  d' Ausson,  et  construisit  le  nou- 
veau manoir  à  une  portée  d'arbalète  de  la  rivière.  Il  ne 
vit  que  la  facilité  de  l'accès,  le  voisinage  des  eaux 
courantes,  un  isolement  qui  permettrait  aux  châtelains 
de  mener  loin  du  village  une  existence  indépendante, 
à  l'abri  des  importuns  ou  des  curieux.  En  cela,  ses 
espérances  furent  trompées.  A  leur  tour,  les  habitants 
quittèrent  le  plateau  de  Saint-Roch,  pour  se  grouper 
autour  de  la  nouvelle  résidence  du  seigneur. 

Il  serait  malaisé  de  reconstituer  aujourd'hui  la  con- 
figuration du  château  d 'Ausson,  de  ses  cours,  enclos 
et  dépendances,  en  s'aidant  des  deux  fragments  de 


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murailles  encore  debout  au  milieu  des  ronces,  des 
broussailles  et  des  herbes  grimpantes.  En  1859,  lors- 
que ces  ruines  occupaient  un  plus  grand  espace^  nous 
avions  essayé  de  relever  le  plan  de  Tantique  édifice 
dont  elles  avaient  fait  partie.  En  suivant  la  ligne  indi- 
quée par  les  traces  encore  visibles  des  fondations, 
nous  avions  retrouvé  certaines  mesures,  déterminé 
des  points  assez  précis  ;  par  une  série  d'observations 
et  d'hypothèses  raisonnées,  nous  étions  arrivé  à  des 
résultats  qu'il  serait  impossible  d'obtenir  aujourd'hui. 
Cette  étude,  dont  nous  avons  conservé  tous  les  élé- 
menls,  nous  avait  donné  la  conviction  que  le  château 
d'Ausson  présentait  tous  les  caractères  de  la  demeure 
féodale  appelée  manoir,  sauf  les  modifications  inévita- 
bles et  successives  apportées  par  le  temps.  Ainsi,  les 
murs  actuels  semblent  appartenir  à  la  fin  du  xvi®  siè- 
cle, et  non  au  xv®,  selon  nous  époque  vraisemblable 
de  la  fondation. 

Le  manoir  proprement  dit,  «  habitatio  cum  certa 
«  agri  portione  a  manendo  dicta  Gallis  manoir  » 
(Ducange),  était  une  habitation  de  propriétaire  de  fief 
entourée  de  murs  et  de  fossés,  mais  sans  tours,  ni 
donjon,  ni  courtine.  Elle  affectait  le  plus  souvent  la 
forme  d'un  quadrilatère  (voir  le  Castera  de  Saint-Mé- 
dard  dans  les  Landes,  le  manoir  de  Camarsac  dans  la 
Gironde)*.  Pour  le  haut  baron  possesseur  du  château 
féodal,  véritable  place  forte,  d'un  accès  difficile,  assis 
le  plus  souvent  sur  une  colline  escarpée,  construction 
à  l'aspect  sombre,  aux  tours  sinistres,  aux  grandes 


1.  Viollet-le-Leduc,  Dictionnaire  de  V architecture  française  ;  — 
Léo  Drouyn,  La  Guienne  militaire. 


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sallevS  froides  et  tristes  comme  des  prisons,  le  manoir 
était  la  maison  de  plaisance,  au  grand  air,  en  pleine 
campagne,  sans  appareil  militaire,  mise  simplement  à 
Tabri  d'une  surprise  ou  d'un  coup  de  main,  entourée 
de  jardins,  de  vergers,  faite  exprès  pour  les  plaisirs  de 
la  chasse  et  pour  tous  les  délassements  champêtref-. 

Le  château  ou  manoir  d'Ausson  s'élevait  à  cent 
mètres  de  la  Garonne.  Un  mur  d'enceinte  d'épaisse 
maçonnerie  encadrait  une  cour  carrée  dont  trois  côtés 
avaient  reçu  des  constructions.  Le  bâtiment  principal, 
ou  logis  du  seigneur,  présentait  à  l'Est,  au  fond  de  la 
cour,  une  façade  longue  de  3S  à  40  mètres,  et  s'ap- 
puyait sur  deux  ailes  en  retour.  Dans  celle  de  gauche, 
était  la  chapelle  dédiée  à  saint  Pierre,  remplacée 
aujourd'hui  par  l'église  paroissiale  du  village,  sous  le 
même  vocable.  On  peut  assigner  aux  deux  édifices  les 
mêmes  proportions.  Ici^  pas  le  moindre  vestige  de 
l'architecture  primitive.  Comme  nous  Tavons  déjà  dit, 
c'est  l'église  banale,  sans  style  et  sans  valeur.  Selon  la 
coutume,  la  chapelle  devait  communiquer  au  premier 
étage  avec  les  appartements  intérieurs  du  manoir,  par 
une  tribune  où  les  châtelains  venaient  assister  aux 
prières  et  saints  offices. 

Dans  l'aile  de  droite  faisant  face  au  Nord,  un  bâti- 
ment parallèle  abritait  les  serviteurs,  les  hôtes,  ren- 
fermait le  cellier,  le  fournil,  la  panneterie,  la  fruiterie. 
Le  grand  corps  de  logis  compris  entre  les  deux  ailes 
contenait,  au  rez-de-chaussée  une  vaste  salle  d'armes, 
et  au  premier  étage  une  pièce  correspondante  de  même 
grandeur.  Cette  disposition  se  laisse  deviner  par  les 
restes  d'une  large  baie  ouverte  à  l'Ouest,  dont  l'enca- 
drement de  pierre  taillée  n'est  pas  entièrement  détruit. 


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Par  ces  ouvertures  terminées  en  ogive,  on  apercevait 
la  ville  de  Montréal  et  les  montagnes  fuyant  à  Thorizon. 
A  la  fin  du  xvi*  siècle^  on  dut  ajouter  aux  angles  du 
logis  seigneurial  deux  tours  carrées  avec  toits  d'ardoi- 
ses, dans  le  genre  de  celles  que  Ton  voit  au  château 
voisin  de  Taillebourg,  aussi  ancien  que  le  manoir 
d'Ausson. 

Le  mur  d'enceinte  seul  fermait  le  quatrième  côté  du 
quadrilatère.  Un  fossé  qui  tournait  autour  du  château 
séparait,  en  cet  endroit,  le  mur  d'un  chemin  public 
demeuré  toujours  à  la  même  place.  Il  aboutit  au  gué 
de  la  Garonne,  en  face  d'Huos.  A  hauteur  d'appui,  ce 
mince  rempart  était  percé  d'archères.  Elles  proté- 
geaient la  maîtresse  porte  du  manoir  à  laquelle  on 
accédait  par  un  pont-levis  jeté  sur  les  douves.  Trois  de 
ces  meurtrières  sont  encore  à  peu  près  intactes. 

Une  seconde  enceinte  entourait  un  parterre,  un 
verger  d'arbres  à  fruit  et  des  pâturages  de  gazon  vert, 
peut-être  aussi  le  jeu  de  mail,  qui  dans  toutes  les 
manses  féodales  servait  au  divertissement  des  fils  de 
la  maison  et  des  pages.  Ces  dépendances  touchaient 
aux  rives  de  la  Garonne.  Des  murs,  dont  il  était  facile 
de  retrouver  l'indication  il  y  a  trente  ans,  et  précédés 
sans  doute  de  fossés  profonds,  servaient  à  la  fois  de 
clôture  et  de  défense  contre  les  irruptions  de  la  rivière. 
A  la  suite  de  cette  seconde  enceinte,  une  barrière  de 
pieux  marquait,  comme  d'usage,  les  limites  du  domaine 
seigneurial. 

De  l'autre  côté  du  chemin,  dans  un  champ  qui 
porte  encore  le  nom  de  La  Grange ^  s'alignaient  les 
bâtiments  ruraux,  les  greniers  et  granges,  le  pressoir, 
les  étables,  les  écuries,  les  hangars  couverts  de  chaume 


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avec  les  perchoirs  pour  les  oiseaux  de  vol,  faucons  et 
autres,  le  chenil  pour  les  lévriers  et  les  chiens  de 
grande  taille  destinés  à  la  poursuite  des  bêtes  fauves. 

On  se  représente  aisément  la  vie  que  menaient  les 
châtelains  d'Ausson  dans  la  première  moitié  du  x\'* 
siècle.  Les  barons  sont  presque  toujours  à  batailler 
dans  les  guerres  lointaines.  En  outre  du  service  per- 
sonnel, ils  fournissent  six  hommes  d'armes  au  roi  de 
France  \  Quand  ils  ont  le  heaume  levé,  Técu  au  col, 
Tépée  au  côté,  ils  sont  fiers  et' superbes,  sans  merci  ni 
pitié;  comme  leurs  pareils,  ils  courent  après  les  aven- 
tures, ils  aiment  la  guerre.  L'appât  du  gain  s'ajoute  à 
la  satisfaction  de  donner  de  grands  coups  d'épée,  de 
s'illustrer  par  des  prouesses.  On  se  bat  à  outrance  en 
songeant  aux  villes  prises  de  vive  force,  aux  châteaux 
pillés,  au  butin,  surtout  aux  rançons  des  prisonniers 
de  riche  et  noble  condition.  Les  chevaliers  étaient 
payés  fort  cher.  Le  rachat  des  princes  et  des  grands 
seigneurs  constituait  une  vraie  fortune;  les  autres 
captifs,  il -est  vrai,  mis  au  partage  commun,  se  ven- 
daient 5  ou  6  sols  quand  on  les  réclamait.  Si  on  ne  le 
faisait,  il  arrivait  souvent  qu'on  les  pendait  pour  leur 
apprendre  à  n'avoir  ni  parents,  ni  amis,  ni  argent. 

A  la  première  convocation  qu'il  reçoit  du  roi  de 
France,  le  baron  d'Espagne-Montespan  passe  en  revue 
ses  vassaux,  fait  ce  sa  monstre  »,  comme  on  disait 
alors,  habituellement  à  Montréal  de  Rivière  ;  il  met  en 
sûreté  sa  famille,  soit  dans  l'intérieur  de  la  place,  soit 


l.  Un  homme  d'armes  avait  6  hommes  et  II  chevaux  :  un  valet, 
un  page,  deux  archers,  deux  coutilliers,  trois  chevaux  pour  lui, 
cinq  pour  ses  suivants,  et  quatre  pour  les  bagages  appelés  som- 
miers. —  (Ex  nostris^  n^  64  :  Dénombrement  de  1480.) 


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à  Fabri  des  fortes  murailles  de  Montespan.  Il  marche 
joyeusement  à  Tennemi,  qu'il  ne  connaît  pas  le  plus 
souvent,  mais  contre  lequel  il  déploiera  la  plus  indomp- 
table vaillance,  à  la  fois  par  obéissance  au  Roi  son  sei- 
gneur, et  par  sa  passion  traditionnelle  pour  les  hasards 
de  la  guerre.  Ainsi  disait  Eustache  Deschamps,  Thuis- 
sier  d'armes  du  bon  roi  Charles  V  : 

a  Aux  champs,  aux  champs.  Issez  de  vô  mayson 
«  Vous  qui  devez  avoyr  honeur  et  guerre. 
«  Vescy  abvril  et  la  doulce  sayson 
«  Que  Von  se  doibt  ordoner  pour  la  guerre 
a  Et  que  Von  doibt  son  ennemy  requerre 
«  Et  la  frontière  tenir, 

«  Tant  qu'il  ne  puisse  en  vos  marches  venir. 
«  Li  temps  est  doulx  pour  dormir  en  la  playne. 
«  L'erbette  vient  pour  chevaulx  soustenir^ 
^  «  Ainsy  se  doibt  gouverner  capitay ne  ^. 

Lorsqu'on  signale  une  bande  d'écorcheurs,  de  rou- 
tiers ou  de  ces  aventuriers  qui,  suivant  le  proverbe, 
vivent  de  la  guerre  comme  le  frère  mineur  d'aumônes, 
le  baron  convoque  les  gentilshommes  du  voisinage, 
arme  ses  vassaux,  et  court  à  la  rencontre  des  malan- 
drins. Il  les  disperse,  les  refoule  dans  les  forêts  ou 
dans  les  replis  déserts  des  montagnes,  et,  comme  il 
n'y  a  pas  lieu  à  rançon,  il  fait  sommairement  pendre 
les  prisonniers  aux  tours  de  Montespan,  ou  sous  les 
grands  chênes  qui  bordent  la  route  du  péage  de 
Sainte-Colombe  ^. 

Dans  les  moments  de  trêve,  le  sire  de  Montespan 
se  livre  aux  «  desduicts  de  la  chasse  et  de  la  faucon- 


1.  Poésies  morales  et  historiques  d'Ëustache  Deschamps,  Paris, 
Crapelet  1832. 

2.  Ex  nostris,  passim,  Cart.  Mont. 


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70 
nerie  »  qui  lui  rappellent  encore  ses  émotions  guer- 
rières. Comme  il  a  droit  aux  corvées  et  revenus  en 
nature,  il  tient  peu  de  valets  gagés  pour  la  culture  de 
ses  terres.  Les  habitants  du  village  lui  doivent,  Tun 
la  cuisson  du  pain,  l'autre  la  coupe  du  foin,  un  troi- 
sième Tentretien  de  ses  écuries,  etc.  En  revanche,  il 
se  donne  le  luxe  d'un  personnel  nombreux  pour  ses 
chiens  et  ses  faucons.  Avoir  des  oiseaux  de  chasse  et 
des  fourrures  précieuses  est,  au  moyen  âge,  la  marque 
distinctive  de  l'opulence.  La  seule  récolte  que  le  sei- 
gneur daigne  lever  par  lui-même  est  celle  du  gibier, 
dont  la  vie  est  sacrée  pour  tout  autre  que  pour  lui  et 
ses  chiens.  Le  paysan  vit  pauvrement  sous  un  toit  de 
chaume,  clos  d'une  haie  d'épines  pour  se  défendre  des 
loups  errants  dans  la  nuit.  Il  travaille  à  la  merci  de 
toutes  les  fantaisies  du  maître.  Celui-ci  foule  à  toute 
heure  le  champ  du  vilain  avec  ses  meutes  et  ses  che- 
vaux. Heureusement  pour  ce  dernier,  à  Ausson,  la 
forêt  immense  confine  aux  terres  cultivées.  Le  châte- 
lain s'enfonce,  avec  sa  suite  bruyante,  dans  ces  déserts 
peuplés  de  cerfs,  de  loups  et  de  sangliers,  où  les  chê- 
nes et  les  châtaigniers  ont  repris  le  sol  qu'en  bien  des 
endroits  les  légions  de  César  avaient  peut-être  nivelé. 
Par  les  claires  journées  d'hiver,  il  chevauche  au  bord 
de  la  Garonne,  son  faucon  favori  au  poing,  en  quêt^du 
canard  sauvage,  du  héron,  ou  de  la  grue.  Les  sires 
d'Espagne-Montespan  avaient  de  tout  temps  compté 
parmi  les  familiers  de  la  maison  de  Foix.  Roger  se 
glorifiait  d'être   l'ami,   même  l'un  des  compagnons 
préférés  du  comte  Gaston  Phœbus,  le  beau  prince  à 
la  chevelure  flottante,  le  maître  le  plus  expert  en  vé- 
nerie du  pays  de  France,  qui  menait  en  ses  chasses 


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74 
deux  cents  chevaux  et  seize  cents  chiens,  et  qui  se 
plaisait  à  dire  :  «  D'autres  que  moy  ont  esté  meilleurs 
«  chevaliers,  plus  heureulx  auprès  des  Dames,  mays 
a  pour  la  chasse  je  n*ay  nul  maistre.  »  Ailleurs,  il 
donne  cette  réconfortante  assurance  à  tous  ceux  qui 
suivent  son  exemple  :  a  Bon  veneur  aura  en  ce  monde 
joye,  et  liesse  et  desduict,  et  après  Paradis  encore  !  »  « 

Par  temps,  Roger  d'Espagne  va  tenir  cour  plénière 
dans  sa  vallée  de  Louron,  au  château  de  Bordères. 
Escorté  des  gentilshommes  ses  hommagers,  les  Mou- 
lor,  les  Bossost^  les  d'Avajan,  les  d'Estansan,  les 
Larboust,  etc.,  il  chasse  sur  les  hautes  montagnes.  Des 
serviteurs  et  des  tenanciers  lui  servent  d'escorte,  bû- 
cherons accoutumés  au  poids  de  la  hache,  pasteurs 
aux  jarrets  d'acier,  rompus  à  toutes  les  fatigues,  habi- 
les à  manier  l'épieu,  l'arc  et  l'arbalète.  Ce  sont  jours 
(le  fête  pour  les  hameaux  perdus  au  milieu  de  ces 
âpres  solitudes.  Les  cloches  des  églises  sonnent  à 
toutes  volées  sur  le  passage  du  baron,  les  consuls  le 
saluent  jusqu'à  terre,  et  les  vassaux  contemplent,  avec 
un  respect  mêlé  de  crainte,  ce  puissant  chevalier  leur 
seigneur,  que  les  comtes  de  Foix  appellent  leur  cou- 
sin, et  qui  combat  sous  la  glorieuse  bannière  des  rois 
de  France. 

Tandis  que  Roger  d'Espagne  est  parti  dès  l'aube, 
sur  son  cheval  gascon,  avec  sa  bonne  cotte  à  chasser 
et  son  cor  d'ivoire  suspendu  au  col,  suivi  do  ses  fils 
qu'il  forme  lui-même  à  la  science  de  Vénerie,  quelle 


1.  Gaston  Phœbus,  Des  desduycts  de  la  Chasse. 

Froissart  amena  quatre  chiens  d'Angleterre  à  Gaston  Phœbus. 
Lhisloire  a  conservé  leurs  noms  :  Tristan,  Hector,  Brun,  Rolland. 
(Froissart,  Chronique,  1.  iv;  —  Histoire  des  comtes  de  Foix,  etc.) 


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78 
est  la  vie  intérieure  du  manoir?  Après  avoir  dit  ses 
oraisons,  ouï  dévotement  la  messe  en  sa  chapelle,  la 
châtelaine,  sage  et  discrète  dame,  règle  sa  maison 
comme  un  monastère.   Le   matin,   elle  distribue  la 
besogne  à  ses  servantes.  Puis,  avec  ses  demoiselles  et 
ses  chambrières,  elle  parcourt  les  jardins  et  les  ver- 
gers. Suivant  les  saisons,  elle  surveille  la  cueillette 
des  fruits.  Elle  s'enquiert  du  lin  filé,  des  toiles  tissées, 
et  si  les  lavandières  s'acquittent  diligemment  de  leur 
office.  Elle  visite  la  boulangerie  où  Ton  pétrit  le  pain 
balle  pour  les  gens,  le  pain  rousset  de  méteil  saupou- 
dré d'anis  et  de  marjolaine,  le  pain  de  seigle  dont 
l'usage,  dit-on,  conserve  la  fraîcheur  et  la  santé.  Puis 
elle  se  complaît  à  regarder  les  jeunes  seigneurs,  ses 
enfants,  qui  dans  le  pré  tirent  à  Tarbalète,  jouent 
aux  quilles,  aux  barres,  au  palet,  s'exercent  sur  des 
genêts  d'Espagne   ou  des  cour  tau  ts  de  Béarn.  Elle 
préside  à  la  confection  des  élixirs,  de  l'hydromel,  de 
Thypocras^  des  onguents  et  des  baumes  souverains 
pour  les  blessures  que  les  chevaliers  n'oublient  jamais 
d'emporter  à  la  guerre.  Elle  vérifie  les  armoires  rem- 
plies de  linge  qui,  suivant  la  vieille  coutume,  doit  être 
parfumé  soit  avec  des  pommes  choisies,  soit  avec  des 
bouquets  de  sauge  et  de  romarin.  A  deux  heures  le 
repas  est  servi.  La  compagnie  se  délasse  en  la  grande 
salle  du  premier  étage  à  croisées  ogivales,  pavée  de 
carreaux  de  diverses  couleurs.  Les  murs  disparaissent 
sous  les  tapisseries  à  personnages   héroïques.   Des 
bahuts  ferrés,  des  coffres  rouges  ornés  de  peintures 
alternent  avec  des  bancs  recouverts  de  housses  traî- 
nantes armoriées,  sur  lesquels  prennent  place  la  dame 
de  Montespan  et  ses  demoiselles.  On  devise  en  bro- 


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73 
dant  des  nappes  d'autel,  des  dalmatiques  et  autres 
ouvrages  pour  le  service  de  la  sainte  Église.  Dans  la 
salle  du  rez-de-chaussée,  des  femmes  empennent  des 
viretons  et  des  carreaux  d'arbalète,  préparent  des 
traits,  réparent  les  vêtements.  Dans  les  cours,  les 
archers  de  garde  aiguisent  les  piques,  les  dagues,  les 
haches  d'armes,  polissent  les  écus  et  les  casques, 
changent  les  cordes  des  arcs,  ou  le  bois  des  lances. 
Parfois,  un  jongleur  passe  sur  son  cheval  poudreux, 
récite  des  contes  et  des  poèmes.  Des  musiciens  et 
ménétriers  de  Montréal,  avec  trompettes,  flûtes,  luths, 
sonnettes  de  rebecs  et  tambourins,  donnent  une  au- 
bade. 

Mais  tout  à  coup  la  cloche  sonne  :  on  lève  le  pont- 
levis  ;  la  herse  tombe.  Les  guetteurs  de  la  tour  Sainte- 
Colombe  ont  cru  voir  au  loin  une  bande  suspecte.  Les 
serviteurs  et  les  gens  d'armes  du  manoir  s'arment  en 
hâte.  C'est  une  fausse  alerte.  Tous  s'apaisent  et  se 
rassurent.  On  a  reconnu  simplement  une  compagnie 
en  route  pour  le  Béarn  sous  la  bannière  amie  du  comte 
de  Foix. 

Quand  le  baron  est  revenu  de  sa  longue  expédition 
dans  les  forêts,  on  soupe  tard.  A  la  veillée,  qui  dure 
jusqu'à  minuit  sous  le  manteau  de  la  grande  chemi- 
née, le  chapelain  narre  de  saintes  histoires  et  des  lé- 
gendes de  miracles  curieux  et  rares.  C'est  ainsi  qu'on 
se  gouvernait,  l'an  de  grâce  1410,  dans  le  manoir 
d'Ausson, .  aussi  bien  que  dans  tous  autres  châteaux 
des  pays  de  Foix  et  Comminges. 

Bien  que  la  résidence  d'Ausson  fut  bâtie  selon  nous 
en  1408,  deux  ans  avant  la  mort  de  Roger  P^  d'Espa- 

Rifus  Di  ComiiCGES,  1**  irim«stro  1895.  Tom  X.  —  G. 


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74 

gne,  nous  ne  la  voyons  pas  citée  dans  les  actes  avant 
Tannée  1460. 

Roger  II  d'Espagne,  fils  de  Roger  I"*  et  de  Claire 
de  Gramont,  ne  quittait  guère  le  château  de  Montes- 
pan.  Ses  messages  sont  toujours  datés  de  cette  place 
bien  fortifiée,  où  Ton  pouvait  vivre  sans  crainte  par  ces 
temps  de  troubles  et  de  périls  sans  cesse  renaissants. 

En  Tannée  1442  environ,  lorsque  le  roi  Charles 
VII  vint  à  Toulouse,  et  délivra  de  prison  la  comtesse 
Marguerite  de  Comminges  qui  fit  donation  de  ses 
biens  à  la  couronne',  il  advint  qu'un  certain  bâtard 
d'Albret,  un  sans  avoir^  et  suivant  les  mœurs  du 
temps  un  homme  de  proie,  chef  d'une  bande  malfai- 
sante et  pillarde,  avait  a  desseigné  »  de  s'emparer  des 
dîmes  du  lieu  d'Ausson  fraîchement  recueillies  et  en- 
grangées. Mais  il  ne  s'en  était  pas  assez  caché.  Roger  II, 
prévenu,  s'empressa  d'envoyer  un  messager  aux  con- 
suls et  habitants  de  Montréal,  «  ses  bons  amys  »  mal- 
gré les  procès  sans  fin,  et  leur  enjoignit  de  se  porter 
sur  les  lieux  avec  main-forte  pour  sauvegarder  les 
dîmes.  S'ils  se  croyaient  impuissants  à  les  défendre 
sup-place,  ils  les  mettraient  en  sûreté  dans  la  ville  de 
Montréal. 

Voici  le  message  de  Roger  d'Espagne  :  il  montre  de 
quelle  façon  et  de  quel  style  usaient  les  seigneurs  de 
Montespan  au  xv®  siècle  : 

a  Mes  senhors  de  cossols  de  Mont  Real,  de  bon 
«  cor  me  recomandi  a  vos.  Jo  soy  abvertit  com  lo 
a  bastart  de  Labret  deu  béni  prene  mas  deumas  de 
«  moun  loc  d'Ausson.  Per  so  vos  pregui  et  vos  mandi, 

t.  P.  Anselme,  Histoire  des  grands  officie^'s  de  la  Couronne,  t.  H, 
p.  637. 


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75 

«  en  tant  que  podetz  mens  falhi  que  vos  autres  vos 
«  hi  agatz  a  trobar  a  lor  secore  et  si  han  beson  de 
a  retreyta  los  retregatz  à  Montréal  et  en  so  ne  viel- 
a  hatz  fer  fauta.  Pregan  Diu  vos  don  sa  gracia.  De 
«  Montespan,  le  11  octobre.  Lo  senhor  de  Montespan- 
«  d'Espagne'.  » 

A  leur  tour,  en  1450,  les  consuls  et  habitants  de 
Montréal  dépêchent  à  Roger  un  messager,  pour  se 
plaindre  de  gens  armés  qui  prétendent  mettre  à  exé- 
cution des  lettres  royales  de  main-forte  très  préjudi- 
ciables aux  intérêts  du  pays.  «  No  se  poden  esecutar, 
disent-ils,  bonamen  sen  désola  le  pays».  Ils  implo- 
rent l'assistance  de  leur  seigneur. 

Roger  répond  en  ces  termes  : 

a  Mes  senhors  de  cossols,  ensemble  totz  manantz 
«  et  habitantz  de  Mont  Real,  jo  me  racomandi  à  vos 
a  autres.  Jo  he  vista  una  lestra  que  mavetz  escritta, 
a  et  disetz  que  gens  en  armes  son  sur  los  camps  por 
«  esecutar  certaines  lestres  roialles  las  quales  vos 
a  autres  avetz  bistas,  et  disetz  que  ne  se  poden  esecu- 
a  tar  bonamen  sen  désola  le  pays  et  menassa  des- 
a  truyre  la  ville  de  Mont  Real,  et  me  pregatz  per 
«  l'honor  deu  Rey  et  miey  et  he  per  lo  profïîct  de  la 
«  ville  de  vos  socore. 

a  A  vostre  beson  profïîct  honor  me  troveratz  may 
«  synon  aquet  que  je  debi  estre  per  vos  ajuda 
«  et  socore  a  rencontra  d'aquelis  que  vos  bolhessan 
«  fer  mal  ny  desplasé.  Jo  montaré  à  chibal  per  vos 
a  ana  garda  de  mal  de  tout  mon  poder  et  connesserez 
ce  que  jo  volhi  ajuda  los  habitantz  de  la  villa  et  fail- 

1.  Ex  nostris,  Gart.  Montréal  :  I.ettre  originale  de  Roger  II  d*Es- 
pagne. 


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76 
«  hiri  pasavossocore  en  vos  necessitatz,  ainsy  qu'unq 
a  bon  senhor  deu  fer  a  sos  subjects.  Pregan  Diu  vous 
oc  don  sa  gracia.  De  Montespa  le  XXVIII  de  dessein- 
«  bre.  d'Espagna.  »  * 

Roger  II  d'Espagne  mourut  à  Ausson,  en  1438.  Par 
son  testament  du  21  décembre  1442,  il  avait  demandé 
à  être  enterré  dans  Téglise  des  Augustins  de  Montréal 
de  Rivière,  «  in  tumbâ  erectâ  per  dominum  Rogerium 
a  de  Yspaniâ  »  (sicf^.  Il  avait  donné  à  sa  femme. 
Jaquette  de  Mauléon,  cinq  cents  écus  d'or,  un  cheval 
gris  pommelé,  et  une  pièce  de  soye  rouge». 

Son  fils  Mathieu  d'Espagne,  marié  le  l^''  novembre 
1461  à  Catherine  de  Foix  Rabat,  assista  en  1432  au 
siège  de  Rayonne.  Il  mourut  le  2  novembre  1473,  et 
fut  inhumé,  comme  ses  prédécesseurs,  dans  Téglise 
du  couvent  des  Augustins  de  Montréal.  * 

Sous  Roger  III,  son  fils  aîné,  chevalier  de  Saint- 
Michel  en  1483,  les  conflits  se  ravivent  entre  les  gens 
do  Montréal  et  la  maison  d'Espagne.  Les  consuls  assi- 
gnent leur  seigneur  devant  le  parlement  de  Toulouse, 
au  mois  de  juin  1480. 

Celui-ci  répond  à  cette  sommation  par  une  incur- 
sion sur  les  territoires  contestés  s.  Ses  gens  les  traitent 
en  pays  ennemis,  menacent  et  maltraitent  les  plai- 
deurs, en  blessent  quelques-uns,  s'emparent  du  bétail 
trouvé  dans  les  champs,  et  le  ramènent  comme  de 

1.  Ex  nostris,  Gart.  Montréal,  n«  98  :  Lettre  originale  de  Roger  11 
ii'Espagne. 

2.  Manuscrits  d'Oihenart,  Fonds  Duchesne,  tome  206,  Bibliothè- 
que nationale. 

3.  Histoire  desgrayids  officiers  do  la  Couronne,  tome  II,  p.  649. 

4.  Idem^  page  650. 

5.  Ex  nosiris,  Cart.  Montréal,  n^  llO. 


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77 
bonne  prise  dans  les  granges  seigneuriales  d'Ausson. 

Le  2  novembre  1481,  le  parlement  de  Toulouse  fait 
inhibition  et  défense  au  sire  d'Espagne  de  porter 
atteinte  aux  habitants  de  Montréal  dans  leurs  person- 
nes ou  leurs  biens  *. 

Le  baron  ne  tient  nul  compte  de  cette  décision. 
Pierre,  Tun  de  ses  bâtards,  qu'il  a  fait  seigneur  de 
Saint-Michel  et  Cazères^,  commet  de  tels  excès,  que 
le  parlement  rend  une  ordonnance  de  prise  de  corps 
contre  lui,  fin  novembre  1481  \ 

L'année  1483  marque  une  date  très  importante  dans 
rhistoire  de  Montréal  de  Rivière.  Les  habitants  rédi- 
gent eux-mêmes  leurs  statuts  municipaux  et  les  sou- 
mettent à  la  sanction  royale.  Louis  XII  les  confirma  en 
Tannée  1498.  Ces  règles  d'administration  locale,  qui 
ne  tiennent  pas  moins  de  228  articles,  ne  traitent 
point  des  rapports  des  vassaux  avec  le  Roi  et  les 
barons  d'Espagne,  les  seigneurs  paréagers. 

Roger  III  d'Espagne  étant  mort,  sans  enfants  légi- 
times de  Jeanne  d'Espagne  sa  cousine  germaine, 
Arnaud  d'Espagne,  son  frère,  quatrième  du  nom,  lui 
succéda \  Le  18  janvier  1498,  il  épousa  Madeleine 
d'Aure,  fille  de  Géraud  d'Aure,  vicomte  de  Larboust. 

Arnaud  poursuivit  la  lutte  à  outrance  contre  les 
gens  de  Montréal.  Le  bâtard  d'Espagne,  son  neveu, 
continuait  rudement  son  rôle  d'exécuteur  des  hautes 
œuvres  pour  le  compte  de  sa  famille.  Il  s'attirait  par 

1.  Ex  nostris,  Gart.  Montréal,  n*  111. 

2.  Idem^  n»  112;  —  Histoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne, 
tome  II,  p.  650. 

3.  Ex  nostris,  Cart.  Montréal,  n^  113. 

4.  Histoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne,  tome  II,  p.  650. 


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78 
ses  violences  la  haine  et  les  insultes.  La  lettre  sui- 
vante d*Arnaud  IV  aux  consuls  de  Montréal  fait  allu- 
sion à  cet  état  des  esprits  de  la  part  des  habitants. 

«  Mes  senhors  de  cossos,  jo  he  vista  la  letra  que 
«  per  lo  présent  portador  me  abès  tramessa  me  fas- 
«  sant  mencion  de  alcuna  remonstracion  que  vos 
«  autres  me  fesez  l'autre  jor  toucant  alcuna  question 
a  que  mon  nibot  lo  bastart  ha  a  lencontra  de  Ramond 
a  Johan  per  la  dishonor  que  ledict  Ramond  Johan  a 
ce  feyta  a  mon  dict  nibot  ainsy  que  jo  né  parlât  am  vos 
«  autres  plus  amplement,  et  sabés  ce  que  jo  vos  eu 
«  disi  ny  ço  que  sen  pourra  en  segui,  car  ledict  Ra- 
«  mond  Johan  se  pode  be  pensa  que  sy  fasse  re  a  lan- 
ce contra  de  mon  dict  nibot  que  et  era  home  per  se 
ce  reventcha  car  gentilhome  es. 

a  Toucant  de  mey  non  volhi  fare  synon  que  so  que 
«  deu  estre  ambers  los  touts, 

ce  Pregan  Diu  mes  senhors  de  cossos  que  vous  don 
ce  sa  gracia.  A  Montespa  lé  XXII  octobre.  d'Espagna'.  » 

Nous  assignons  à  cette  lettre  la  date  de  1504. 

Le  9  février  1505,  nouvelle  ordonnance  de  prise  de 
corps  contre  le  bâtard  de  Montespan. 

Le  14  avril  de  la  même  année,  François  de  Roche- 
chouart,  sénéchal  de  Toulouse  et  Albigeois,  oblige  le 
baron  d'Espagne  à  comparaître  en  personne,  sur  la 
grande  place  de  Montréal,  devant  maître  Jehan  de 
Chavagnac,  docteur  et  juge  mage  de  Toulouse. 

Après  la  mort  d'Arnaud,  en  1506,  même  assigna- 
tion est  donnée  contre  Charles  d'Espagne,  seigneur 


1.  Ex  noslris,  Cart.  Mont.,  n«  120:  Lettre  originale  de  Roger  IV 
d'EÀpagnè. 


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79 
de  Ramefork,  oncle  et  tuteur  du  jeune  Roger,  fils  aîné 
d'Arnaud  IV  et  de  Madeleine  d'Aure. 

Le  sénéchal  rendit  un  jugement  favorable  aux  sires 
d'Espagne.  Loin  de  se  calmer,  la  guerre  continua  sans 
trêve. 

A  dater  de  1506  jusqu'en  1520,  de  longues  pièces 
de  procédure  énumèrent  les  griefs  des  deux  parties  : 
déprédations,  saisies,  enlèvements  de  récoltes  et  de 
bestiaux  d'après  les  ordres  des  seigneurs,  rébellions 
de  la  part  des  vassaux,  rixes  suivies  de  coups  et  bles- 
sures entre  les  gens  de  Montréal  et  les  serviteurs  de 
la  maison  d'Espagne.  La  veuve  d'un  certain  Jean  de 
Roëlhon  d'Ausson,  tué  dans  une  de  ces  rencontres,  ne 
cesse  de  crier  vengeance  et  multiplie  les  requêtes  au 
parlement  pour  obtenir  justice  ^ 

Ces  troubles  firent  si  grand  bruit,  que  Mgr  de 
Lautrec,  gouverneur  de  Giiienne,  mit  en  garnison  à 
Montréal,  pendant  les  années  1516,  1517,  1518,  qua- 
tre hommes  d'armes  et  une  compagnie  d'archers  sous 
les  ordres  du  capitaine  Ramonet  de  Luppé^. 

Depuis  la  mort  d'Arnaud  IV,  tous  les  actes  relatés 
plus  haut  prouvent  que  le  manoir  d'Ausson  est  devenu 
la  résidence  préférée  de  la  famille  d'Espagne.  C'est  là 
que  Madeleine  d'Aure  donne  audience  aux  consuls  de 
Montréal,  qu'elle  écoute  leurs  doléances,  qu'elle  reçoit 
les  bayles  et  huissiers  porteurs  de  significations  et 


1.  Inventaire  des  pièces  produites,  devant  le  parlement  de  Tou- 
louse, par  les  consuls  de  Montréal  de  Rivière  appelants  du  séné- 
chal, contre  dame  Madeleine  d'Âure  et  Charles  d'Espagne,  mère  et 
tuteur  de  Roger  d'Espagne;  — 1513,  appointements,  requêtes,  pour 
la  veuve  de  Jean  de  Roëlhon  d'Ausson  contre  les  meurtriers  de 
son  mari.  (Ex  noslris^  Cart.  Mont,  n<»  13 Ij. 

2.  Idem,  Cart,  Mont,  n«  132. 


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80 
d*«rdonnances,  qu'elle  veille  aux  intérêts  de  son  fils 
mineur  dans  le  lieu  même  où  ils  sont  le  plus  ardem- 
ment mis  en  cause.  Elle  passe  à  Montespan  la  froide 
saison  d'hiver.  Dès  le  printemps,  elle  retourne  dans 
son  riant  manoir,  sauf,  en  cas  de  guerre  ou  de  quel- 
que périlleuse  aventure,  à  s'enfermer  bien  vite  en  sa 
vieille  forteresse,  dont  les  murailles  et  les  tours  défient 
les  attaques  les  plus  audacieuses'. 

En  1522,  le  parlement  de  Toulouse  veut  clore  enfin 
cette  série  d'hostilités  chroniques  dont  souffrent  éga- 
lement seigneurs  et  vassaux.  Il  ordonne  le  bornage  du 
territoire.de  Montréal  ;  cet  arrêt  ne  recevra  son  exécu- 
tion que  quinze  ans  plus  tard,  en  1537. 

Arnaud  IV  avait  laissé  un  fils  qui  fut  Roger  IV,  et 
une  fille,  Paule,  mariée  à  Pierre,  seigneur  de  Coar- 
raze.  Devenue  veuve,  elle  épousa,  le  27  novembre 
1521,  Antoine  de  Pardaillan  de  Gondrin.  Roger  ins- 
titua sa  sœur  héritière,  au  cas  où  il  décéderait  sans 
postérité'. 

1.  Doat,  registre  170,  Bibliothèque  nationale;  —  Gavé,  registre 
de  la  maison  de  Bellegarde,  passim;  -—Ex  nostris^  liasse  des  procès 
de  la  maison  de  Montespan,  Gart.  Mont.,  n^  145. 

2.  Voir,  dans  VHistoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne,  la 
généalogie  de  cette  illustre  maison. 

Get  Antoine  de  Pardaillan  joua  plus  tard  un  rôle  très  actif, 
pendant  les  guerres  de  Religion.  Monluc  le  tenait  en  grande 
estime.  Après  avoir  été  blessé  au  siège  de  Rabastens,  le  terrible 
chef  de  l'armée  royale  choisit  Pardaillan  pour  commander  à  sa 
place,  comme  le  plus  ancien  capitaine,  le  plus  digne  et  de  la  meil* 
leure  maison.  Gatholique  ardent,  Pardaillan  était  d'une  rare  vio- 
lence de  caractère.  Un  jour,  à  une  procession  du  Saint-Sacrement, 
un  Huguenot  le  salua.  Pour  remercîment  de  cette  courtoisie,  l'ami 
de  Monluc  donna  d'un  bâton  ferré  dans  le  ventre  du  susdit 
Huguenot,  et  le  renversa  brutalement  à  terre  en  lui  disant: 
Malheureux  !  as-tu  bien  l'audace  de  rendre  à  la  créature  ce  que  tu 
dois  au  Gréateur.  Il  mourut  chevalier  de  Tordre,  en  1572.  (Mémoi- 
res de  Monluc  ;  —  Histoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne  ;  — 
Registres  de  Gavé,  intendant  de  la  maison  de  Bellegarde.) 


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81 

Rdger  IV  d'Espagne  fit  ses  premières  armes  à  l'âge 
de  23  ans.  Pour  répondre  à  Tappel  du  roi  de  France, 
il  passa  la  revue  de  sa  compagnie  de  gens  d'armes  à 
Montréal  de  Rivière,  fin  décembre  1524.  Elle  était 
entièrement  recrutée  sur  les  terres  de  la  baronnie  de 
Montespan.  Les  arbalétriers  venaient,  comme  d'usage, 
de  la  vallée  de  LouronV 

Il  quitta  le  manoir  d'Ausson,  au  commencement  de 
janvier  1S25,  avec  Antoine  de  Pardaillan  de  Gondrin. 
Les  deux  beaux-frères  firent  partie  de  cette  «  fleur  de 
noblesse  »  célébrée  par  la  Chanson  de  Pavie^.  Dans  la 
fatale  journée  qui  porte  également  ce  nom,  ils  com- 
battirent parmi  les  plus  vaillants.  Mais,  écrasés  sous 
le  nombre,  ils  durent  rendre  leur  épée  aux  ennemis,  à 
l'exemple  de  l'héroïque  François  P"". 

Malgré  l'animosité  qu'entretenaient  des  conflits  sécu- 
laires, les  consuls  et  les  habitants  de  Montréal,  tou- 


1.  Ex  nostris,  Cart.  Mont,  n»  158. 

2.  Rey,  Histoire  de  la  captivité  du  roi  François  J•^  Paris,  Techo- 
ner,  i837.  —  La  Chanson  de  Pâme  : 

Le  roy  en  la  bataille 
Sy  na  point  reculé, 
Frappant  d'estocq  et  de  taille 
Sans  nully  espargné. 
Mais  affin  que  jie  faille, 
Je  vous  dis  vérité, 
Troys  chevaulx  de  paraigc 
Soubs  luy  furent  tués  / 

La  fleur  de  noblesse 
Y  montra  son  effect, 
Sy  très  fort  qu'en  la  presse 
Ont  esté  prins  de  fect. 
Mauldict  soyt  qui  ne  cesse 
Procurer  trahison, 
C'est  d'envie  le  sexe 
Qui  promet  ce  guerdon  ! 
etc.,  etc. 


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n 

chés  de  cette  grande  infortune,  se  cotisèrent  avec  un 
généreux  empressement,  et  vinrent  apporter  à  titre  de 
prêt,  à  Madame  Madeleine  d'Aure,  en  son  château 
d'Ausson,  cent  écus  d'or,  complément  de  la  somme 
exigée  pour  la  rançon  du  bon  chevalier  leur  seigneur, 
retenu  captif  au  delà  des  monts  ^ 

Roger  IV  épousa,  en  1526,  Catherine  de  Vèze,  fille 
de  Charles  de  Vèze,  seigneur  de  Grimaud,  et  d'Antoi- 
nette de  Clermont^. 

Il  est  permis  de  penser  que  la  noble  action  des  habi- 
tants de  Montréal  amena  de  part  et  d'autre  des  idées 
de  rapprochement  et  de  conciliation,  puisque,  le  26 jan- 
vier 1531,  Roger  IV  posa  les  premières  bases  d'une 
transaction  avec  ses  vassaux,  par  un  acte  passé  par 
devant  M*  du  Paraige^  dit  petit-fils  d'autre  du  Paraige, 
notaire  de  Montréal  *. 

Le  26  du  même  mois^  il  accorda  les  privilèges  et 
libertés  du  lieu  d'Ausson,  et  fit  rédiger  les  coutumes 
par  Jean  Vallade,  notaire  des  châtellenies  de  Montes- 
pan;  présents  :  noble  Vézian  de  Castéran,  capitaine  de 
Cuguron  ;  Guillaume  de  Camplong,  seigneur  de  Bon- 
repaire,  gouverneur  des  affaires  de  la  baronnie  de 
Montespan,  et  autres  témoins  notables  convoqués  à 
cet  effet*. 

Voici  le  titre  en  latin  de  ces  coutumes  conservées 
dans  les  archives  d'Ausson  : 

1.  Voir  la  Rançon  de  Roger  d'Espagne^  baron  de  3/onie«/>an,  dans 
la  Revue  de  Comminges,  t.  V  (1890),  p.  68  et  suivantes. 

2.  Hist.  des  grands  officiers  de  la  Couronne,  t.  II,  p.  650. 

3.  Ex  nostris,  Car  t.  Mont,  n»  157. 

4.  Registres  de  Gavé,  intendant  de  la  maison  de  Bellegarde;  — 
Archives  de  la  mairie  d'Ausson. 


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83 

«  Liber  terrarius  nobilis  et  potentis  viri  Rogerii  de 
«  Yspaniâ,  militis,  domini  de  Monte  hispano  et  loci 
«  de  Aussoni,  de  libertatibus,  franchesiis,  terris,  etc.  » 

Ces  coutumes  ne  diffèrent  pas  de  celles  qui  étaient 
usitées  en  pays  de  Gascogne,  Foix,  Comminges,  etc. 
Nous  en  donnons  un  résumé  succinct. 

«  Au  péage  de  Sainte-Colombe,  la  taxe  est  exigée 
<L  sur  toutes  marchandises  et  tous  bestiaux,  à  la 
a  réserve  du  pain,  du  vin  et  du  charbon. 

«  Les  habitants  d'Ausson  jouissent  de  l'exemption 
«  complète  de  tous  les  droits. 

«  Un  char  paie  un  sol. 

«  Une  monture,  5  deniers. 

«  Un  homme  ou  une  femme,  avec  charge,  2  deniers. 

«  Bétail,  mule  ou  jument,  1  sol. 

a  Porc,  chèvre,  mouton,  brebis,  agneau,  3  deniers- 

a  Les  défaillants  paient  quatre  livres  d'amende  au 
a  seigneur. 

«  Les  consuls  prêtent  serment  au  seigneur. 

«  Ils  administrent  la  justice  à  leurs  dépens. 

oc  Les  appels  de  leurs  jugements  vont  devant  le 
«  juge  du  seigneur. 

a  Ils  rendent  compte  entre  les  mains  du  bayle  ou 
€  du  procureur  du  seigneur. 

«  Le  seigneur  a  pour  lui  le  montant  des  amendes 
a  et  le  droit  de  sceau. 

a  Les  consuls  nomment  pour  le  seigneur  un  bayle, 
flc  homme  de  bien,  qui  prêtera  serment  entre  leurs 
a  mains. 

«  Sont  punis  d'amendes  tous  larrons,  et  les  caba- 
«  retiers  qui  mettent  de  l'eau  dans  leur  vin. 

«  Pour  un  coup  de  pied  ou  de  poing,  et  pour  injures, 


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84 
«  on  paiera  5  sols  tolosains  d'amende  au  seigneur. 

a  Pour  un  coup  de  couteau,  15  sols,         id. 

a  S'il  y  a  effusion  de  sang,  60  sols,  id. 

a  Les  joueurs  paieront  10  sols,  id. 

«  Les  blasphémateurs  seront  condamnés  à  la  pri- 
«  son,  et  à  la  fourniture  d'une  certaine  quantité 
«  d'huile  pour  l'entretien  du  luminaire  de  l'église. 

«  Pour  adultère,  il  sera  payé  50  sols  tolosains  au 
<(  seigneur,  sans  préjudice  des  droits  des  autres  ofR- 
«  ciers. 

a  Si  les  coupables  ne  paient  point  ou  ne  peuvent 
a  payer,  ils  seront  promenés  ignominieusement  par 
i>  toutes  les  rues  du  village  sans  aucun  vêtement. 

<c  Si  le  seigneur  vient  à  être  fait  prisonnier  en 
«  guerre  juste,  s'il  fait  le  voyage  d'outre-mer,  s'il 
a  marie  ses  filles  et  sœurs,  les  habitants  sont  tenus 
oc  de  se  cotiser  suivant  leurs  commodités  à  la  conve- 
«  nance  des  consuls. 

«  Si  quelqu'un  meurt  sans  testament  et  sans  héri- 
«  tiers,  ses  biens  seront  confiés  pour  un  an  à  deux 
a  hommes  probes  etsolvables.  Si  nul  n'a  présenté  de 
«  réclamation  avant  la  fin  de  cette  année,  les  biens 
<c  appartiennent  au  seigneur'.  » 

Le  9  mars  1531,  Roger  IV  accorda  des  Coutumes  à 
Cuguron,  par  devant  Bresche,  notaire.  Le  25  janvier 
1532,  dans  son  château  de  Bordères  en  Louron,  il 
reçoit  des  hommages  de  possesseurs  de  fiefs \  il  éta- 
blit l'assiette  de  ses  terre,  il  cherche  à  terminer  les 

1.  Archives  de  la  mairie  d'Ausson  :  Registre  des  titres  anciend. 

2.  Entr  autres  hommages,  nous  remarquons  celui  de  Gaspard 
d'Avajan,  seigneur  de  Jézeau;  de  Guillaume  de  Lassus  dAvajan, 
renonvelé  le  29  novembre  1541  ;  de  Barthélémy  de  Bossost,  etc,  etc. 
(Ex  nostris,  Cart.  fam.,  n<»  37.) 


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85 
différends,  à  rendre  exacte  et  bonne  justice.  Il  se 
montre  généreux  et  pacifique,  et  sans  rien  abandonner 
de  ses  droits,  il  apporte,  dans  la  manière  dont  il  les 
exerce  et  les  fait  valoir,  un  esprit  de  sagesse  et  de 
modération  qui  contraste  heureusement  avec  les 
rigueurs  souvent  arbitraires  devant  lesquelles  ne  recu- 
laient point  ses  ancêtres. 

Le  20  septembre  1334,  au  château  d'Ausson^  par 
devant  Antoine  Maignan,  notaire,  les  consuls  de 
Montréal  de  Rivière  et  Rog<^r  IV  d'Espagne  transi- 
gent définitivement  sur  tous  les  litiges  pendants,  et 
s'en  remettent  au  parlement  de  Toulouse.  Acte  fait  en 
présence  de  Jean  d'Aure,  vicomte  de  Buzet,  seigneur 
de  Larboust,  sénéchal  du  Nébouzan;  Espagnolet  de 
Mauléon,  seigneur  de  Gourdan,  écuyer;  Arnaud  Azum, 
prêtre  de  Cuguron  ;  Bertrand  de  Roëlhon ,  prêtre 
d'Ausson;  Dominique  de  Gales  de  Galan,  maître 
d'école  de  Montréal  '. 

A  la  suite  de  cet  accord,  le  parlement  chargea  Jean 
Robert,  l'un  de  ses  conseillers,  de  procéder  irrévoca- 
blement au  bornage  de  toutes  les  terres  disputées 
depuis  deux  siècles.  Ce  magistrat  partit  de  Toulouse 
le  24  septembre  1537,  accompagné  de  M®  Raymond 
Sabatery,  procureur  général  du  Roi,  du  sieur  Garmés, 
procureur  fondé  du  baron  d'Espagne-Montespan,  et 
de  M®  Jean  Recodert,  maître  clerc.  Il  vint  loger  à 
Montréal,  chez  Domenge  Barbe,  consul  dudit  lieu. 

Jean  de  Montés,  huissier  royal,  se  transporta  le 
lendemain  au  château  d'Ausson,  pour  assigner  messire 
Roger  d'Espagne^  qualifié  dans  l'acte  de  haut  et  puis- 

1.  Gavé,  Registres  de  la  maison  de  Beliegarde. 


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86 

sant  seigneur  des  châtellenies  d'Ausson,  Mazères, 
La  Toureille  et  Cuguron,  ainsi  que  noble  dame 
Madeleine  d'Aure,  sa  mère. 

Au  jour  fixé,  le  commissaire  du  parlement  sortit  de 
Montréal  par  la  porte  de  Saint-Jean,  suivi  des  consuls, 
notables  et  d'un  grand  nombre  d'habitants.  Après 
avoir  recueilli  les  dires  de  chacun,  en  présence  du 
fondé  de  pouvoir  de  la  maison  de  Montespan,  il  fit 
planter,  dans  tous  les  endroits  voulus,  des  pals  fleur- 
delisés sur  lesquels  le  sieur  Boyer,  huissier  d'armes, 
apposait  les  armes  royales.  Ces  opérations  durèrent 
paisiblement,  sauf  au  lieu  de  Franquevielle  où  les 
consuls  s'opposèrent  à  toute  délimitation,  sous  le  pré- 
texte qu'on  empiéterait  sur  les  terres  de  l'abbaye  de 
Bonnefont,  et  sur  le  domaine  du  roi  de  Navarre, 
vicomte  de  Nébouzan.  Comme  Jean  Robert  insistait, 
les  habitants,  armés  de  piques  et  d'arquebuses,  mena- 
cèrent si  témérairement  le  délégué  du  parlement,  que 
ce  dernier  dut  se  retirer  pour  éviter  une  bataille- 
Il  fit  placer  les  armes  de  Montespan'  sur  les  portes 
de  Montréal,  au-dessous  de  Técusson  aux  trois  fleurs 
de  lis  de  France.  Il  mit  solennellement  le  Roi  et  les 
consuls  en  possession  des  parties  du  territoire  qui 
leur  étaient  dévolues,  faisant  inhibition  et  défense  à 
Roger  d'Espagne  de  troubler  ledit  seigneur  Roi  et 
lesdits  consuls,  sous  peine  de  cent  marcs  d'or. 

Avant  de  reprendre  le  chemin  de  Toulouse,  le  com- 
missaire enjoignit  au  lieutenant  de  la  justice  de 
Rivière  d'informer  contre  les  gens  de  Franquevielle 

t.  D'argent  au  lion  de  gueules  armé  et  lampassé  d'azur,  à  la 
bordure  de  sinople  chargée  de  six  écussons  d*or  bordés  de 
gueules  (P.  Anselme) « 


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87 
coupables  de  rébellion  et  d'attentats  à  main  armée, 
sans  préjudice  des  nouveaux  bornages  à  déterminer 
sur  leur  territoire.  Nous  n'avons  pas  trouvé  la  sanc- 
tion de  cet  ordre  sévère  dans  le  recueil  des  actes  que 
nous  venons  de  citer  *. 

Le  H  décembre  1S40,  Roger  IV  rendit  le  dénom- 
brement de  ses  terres  devant  la  Trésorerie  de  Tou- 
louse. Il  n'est  pas  sans  intérêt  d'en  donner  quelques 
extraits.  Ils  présentent  des  particularités  curieuses 
pour  certaines  localités  de  notre  pays  : 

l*'  Montespan,  seigneurie  au  pied  des  Pyrénées, 
avec  le  droit  de  prendre  un  péage  et  de  tenir  un  ba- 
teau sur  la  Garonne.  Château  fort  avec  tours.  Le  baron 
est  obligé  d'entretenir  un  capitaine  à  cause  des  fron- 
tières. Deux  moulins. 

2*  La  ville  de  Montréal  de  Rivière  en  paréage  avec 
le  Roi,  avec  rentes,  censives,  oblies  au  moyen  des- 
quelles on  paie  les  prêtres  chargés  d'acquitter  les  fon- 
dations pieuses  de  la  maison  d'Espagne-Montespan. 

Le  seigneur  possède  les  murailles,  tours  et  places, 
et  les  restes  du  château  où  Ton  tenait  les  titres  de 
leur  maison,  lequel  fut  brûlé  par  cas  fortuit. 

Une  place  appelée  La  Salle,  en  dehors  des  barba- 
canes  de  la  ville,  où  siège  le  juge  de  Montréal,  et  où 
se  rend  la  justice  d'autres  seigneurs  et  autres  droits. 

La  seigneurie  d'Ausson,  avec  château  couvert  en 
ardoise,  cour,  jardin,  écurie  et  dépendances,  le  tout 
entouré  de^  murailles,  granges  au  levant  du  château, 
basse-cour,  plus  une  tour  couverte  en  ardoise  avec 


1.  Archives  municipales  de  la  ville  de  Montrejeau:  Registre  des 
procès  avec  la  maison  de  Montespan. 


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88 

motte  de  terre  et  fossés  comblés  i.  Plus /au  fond  du 
village  le  péage  de  Sainte-Colombe,  un  moulin,  les 
droits  de  pâture,  le  labourage  de  deux  paires  de 
bœufs;  le  vasselage  de  noble  Arnaud  Guilhem  de 
Casteras  et  du  sieur  de  Missergues,  hommagers  du 
baron. 

La  baronnie  de  Cuguron,  qui  dépend  de  Montespan 
et  qui  se  compose  de  bois,  landes,  pâturages,  un 
petit  moulin,  une  métairie  noble  avec  un  vassal  sous 
r hommage  d'une  paire  de  gants.  Le  baron  est  obligé 
d'y  tenir  un  capitaine. 

Saint-Laurent  et  Mazères,  avec  tous  les  droits  et 
trois  moulins. 

Jaunac,  indivis  avec  le  seigneur  de  Mauléon.  Le 
terroir  de  Boucoulan  est  tenu  par  Guirauton  de 
Micheou  (de  Michel)  de  Montréal,  sous  Thommage 
d'une  paire  de  gants  ^ 

Les  Tourreilles  en  toute  juridiction. 

La  seignerie  de  Cazarilh  dépendant  de  la  baronnie 
des  Lanes,  avec  moulin  sur  la  Save,  terres,  bois,  pâ- 
turages, oblies,  censives,  et  la  seigneurie  de  Ville- 
neuve-Lécuasan  relevant  de  la  même  baronnie. 

La  seigneurie  de  Villeneuve-de-Rivière,  avec  droit 
de  péage,  droit  de  forge,  fiefs,  oblies,  deux  moulins, 
et  prés  à  Clarac  et  Taillebourg. 

La  seigneurie  de  la  vallée  de  Louron  en  toute  jus- 
tice, Bordères  avec  château,  censives,  oblies,  prés, 


1.  Les  fondations  de  cette  tour  existent  encore  près  de  la  Ga- 
ronne. 

2.  La  famille  de  Michel  de  Montréal,  très  ancienne,  fondue  au 
xviP  siècle  dans  la  maison  de  Rieulle,  avait  sa  maison  en  face  de 
Téglise.  (Cadastré  de  Montrejeau  de  Tan  1667.) 


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89 
pâturages  et  plusieurs  hommagers  :  Bertrand  d'Aroux, 
Jean  de  Montpezat,  Guillaume  de  Bossost  de  Lar- 
boust,  Bertrand  de  Bossost  d'Avajan,  Bernard  d'Estan- 
san,  Trescazes,  lesquels  tiennent  certaines  montagnes 
sous  le  vasselage  et  hommage  dudit  baron  d'Espagne 
d'une  paire  de  gants  chacun,  excepté  Trescazes  qui 
fait  hommage  d'une  paire  d'éperons  dorés. 

Le  baron  nomme  un  capitaine  pour  la  garde  des 
frontières. 

Les  droits  sur  les  lieux  d'Esbareilhes,  Gouaoux, 
Grailhen,  Grésillan  d'Aure,  Lauson  d'Aure,  Pouch or- 
gues, Génos,  etc.,  avec  des  montagnes  inhabitables 
(sic) y  Clarabide,  la  Pez,  montagnes  de  Pichadère  sans 
profit. 

Au  lieu  de  Loudervielle,  un  gentilhomme  nommé 
Domenge  de  Moulor,  écuyer,  tient  terre  et  fait  hom- 
mage audit  d'Espagne.  Il  est  obligé  de  faire  bonne 
garde  en  temps  de  guerre  sur  les  confins  de  la  vallée, 
du  côté  de  l'Espagne. 

Gouaoux  de  Larboust^  San  Tritons,  Portet,  Armen- 
teule,  Frechets,  Camors,  Anéran,  etc. 

Saint-Plancard,  Uglas,  Franquevielle,  Balesta,  les 
trois  quarts  de  la  seigneurie  de  Cazères,  le  quatrième 
au  Roi. 

La  seigneurie  de  Valentine  en  paréage  avec  le  Roi, 
engagée  à  Germaine  d'Espagne,  sœur  du  dénombrant, 
en  paiement  de  son  douaire,  avec  moulin,  fournage, 
la  moitié  du  pontanage,  maison  et  jardin. 

La  baronnie  d'Encausse  avec  Cavanac  et  Regades, 
engagée  à  Nicolasd'Encausse,  seigneur  de  Sabbuc. 

Les  seigneuries  de  Villeraze,  des  Espanès,  de  Vé- 

Reruic  de  Cohhikges,  I**"  triinesire  1895.  Tome  X.  —  7. 


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90 
nerque,  des  Mauriers,  de  Daujas,  et  la  baronnie  de 
Ramefort  que   tient   Onofïre  d'Espagne,   mestre  de 
camp  et  capitaine  de  chevaux  légers*. 

Les  barons  d*Espagne  fournissent  au  Roi  quatre 
hommes  d'armes  et  quatre  chevaux  légers  ^. 

Le  23  juin  1540,  Roger  achète  la  part  de  Ville- 
neuve-Lécussan  possédée  par  Raymond  d'Antist,  sei- 
gneur de  Marsan,  et  confirme  les  Coutumes  données 
à  ce  heu,  en  1388^  par  Roger  P**  d'Espagne. 

Le  lo  novembre  lo40,  il  reçoit  au  château  d'Ausson 
rhommage  de  noble  Dominique  de  Moulor  de  Lou- 
dervielle,  où  se  trouve,  dit  l'acte,  le  vieux  chastel  de 
Moulor,  par  devant  Bertrand  du  Paraige,  notaire  de 
Montréal  *. 

Le  29  mai  lo4d,  les  délégués  de  la  vallée  de  Lou- 
ron,  Pierre  de  Mourrelon  et  Jean  de  Milhasson,  assis- 
tés de  Barthélémy  de  Bossost,  capitaine  de  la  vallée, 
se  rendent  au  château  d'Ausson  et  passent  divers 

1.  Registre  d'aveux  et  dénombrements  de  la  Trésorerie  de  Tou- 
louse; —  Registre  de  Gavé,  intendant  de  la  maison  de  Belle- 
garde,  1G70. 

2.  Voir  la  généalogie  des  d'Espagne -Ramefort  dans  17/is'o/red^i 
grands  officiers  de  la  Couronne,  t.  II,  p.  652. 

3.  On  trouve,  dans  les  actes  relatifs  à  cette  vieille  famille  du 
Louron,  tantôt  Moulor,  tantôt  Montlaur. 

Cet  hommage  est  rappelé  le  3  mai  1645,  par  devant  La  Salle, 
tabellion  du  Louron,  par  Guillaume  de  Moulor. 

D'après  la  chronique  du  Louron,  deux  Moulor  avaient  pris  part 
à  la  croisade  de  saint  Louis.  Us  avaient  rapporté  du  pays  d'outre- 
mer une  croix  très  précieuse  contenant  des  reliques  et  qui  fut 
déposée  dans  l'église  do  Louderviclle.  Tous  les  ans,  le  jour  de 
Sainte-Madeleine,  cette  croix  devait  être  portée  processionnelle- 
ment  de  l'église  à  la  chapelle  du  château  de  Moulor. 

Tous  ces  faits  sont  relatés  dans  un  mémoire,  imprimé  l'an  1755, 
à  l'occasion  d'un  procès  entre  Félix  de  Moulor,  écuyer,  et  les  con- 
suls de  Louderviclle,  au  sujet  de  l'enlèvement  des  deux  très  an- 
ciennes cloches  de  la  chapelle  du  château.  (Ex  nostris,  Vallée 
de  Louron,  n°  37.) 


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94 

actes  avec  Roger  IV  d'Espagne,  par  devant  du  Paraige, 
notaire  de  Montréal*. 

Pujol,  également  notaire  à  Montréal,  passe  plu- 
sieurs actes  au  château  d'Ausson,  de  1545  a  1550'. 
Parmi  les  témoins  souvent  cités,  nous  remarquons 
les  seigneurs  de  Mauléon  et  Garcias  de  Bramevaque. 

Roger  IV  d'Espagne  n'eut  que  deux  sœurs,  Paule, 
dame  de  Pardaillan  Gondrin,  et  Germaine,  mariée  en 
premières  noces  à  Hector  de  Lastic,  seigneur  d' An- 
sac,  et  en  second  lieu  à  Louis  de  Sachemaige,  seigneur 
de  Baure,  baron  de  Saisonaille,  dont  elle  eut  grande- 
ment à  se  plaindre.  Ses  doléances,  avec  les  motifs  qui 
les  ont  provoquées,  sont  exposées  tout  au  long,  et 
sans  la  moindre  réticence,  dans  le  testament  qu'elle 
fit  à  Valentine,  le  17  septembre  1547,  par  devant 
M*  Bresche,  notaire,  en  présence  de  Bertrand  de  Com- 
minges,  seigneur  de  Rochefort,  Gailhard  d'Orbessan, 
seigneur  de  La  Bastide  Paumez,  Jean  et  Arnaud  d'Or- 
bessan ses  frères,  Gailhard  de  Mauléon,  écuyer,  sei- 
gneur de  Gourdan,  et  M^  Jean  Peyrade  de  Valentine. 
Elle  veut  être  ensevelie  dans  la  sépulture  de  sa  famille, 
aux  Augustins  de  Montréal  de  Rivière.  Elle  leur  lègue 
300  livres  pour  messes  et  œuvres  pies.  Elle  fait  des 
libéralités  à  ses  quatre  frères  naturels  et  à  ses  deux 
sœurs  de  mêmes;  elle  institue  l'enfant  à  naître  du 


1.  Registre  de  la  maison  de  Bellegarde,  par  Cavé^  intendant;  — 
Ex  nostris,  n^»  187  et  suivants. 

2.  Idem. 

3.  De  même  que  dans  toutes  les  maisons  féodales,  on  trouve, 
chez  les  d'Ëspagne-Montespan,  la  famille  légitime  et  la  famille 
naturelle  juxta-posées.  Ces  chevaliers  très  croyants,  grands  aumô- 
niers, toujours  prêts  k  s'armer  en  faveur  de  TËglise,  fondateurs  de 
monastères,  exacts  à  remplir  leurs  devoirs  religieux,  n'ont  aucun 


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9S 
mariage  de  Michel  de  Narbonne,  vicomte  de  Fimar- 
con,  et  de  Marguerite  de  Pardaillan,  et  à  défaut,  son 
frère  le  seigneur  de  Montespan'. 

Roger  IV  d'Espagne  n'eut  point  d'enfants  légiti- 
mes, mais  une  fille  naturelle  appelée  Germaine,  que 
Ton  confond  parfois  avec  sa  tante,  la  seigneuresse  de 
Valentine.  Par  son  testament  du  26  février  1347, 
Roger  lui  laissa  la  plus  grande  partie  de  ses  biens  et 
notamment  le  château  d'Ausson.  A  la  même  date, 
Catherine  de  Vèze  légua  600  livres  à  cette  fille  de  son 
mari,  pour  ses  bons  et  agréables  services.  Germaine, 
personne  de  mérite  et  de  grande  vertu,  reçut  des  let- 
tres de  légitimation  du  roi  Henri  II,  datées  de  Saint- 
Germain  juin  1S37,  elle  épousa  la  même  année  Jean 
de  Castéras,  seigneur  de  Seignan  ^. 

Roger  mourut  le  22  mars  1o5d  au  château  d'Aus- 


respect  de  la  fidélité  conjugale.  Us  s'abandonnent  à  leurs  caprices 
avec  une  rare  insouciance.  Loin  de  tenir  à  l'ombre  les  bâtards,  on 
les  garde  au  logis.  Ils  servent  do  pages,  ils  partagent  la  vie,  les 
jeux,  l'éducation  même  des  enfants  légitimes.  Ils  obtiennent  quel- 
quefois les  préférences  du  père,  qui  leur  assure  dans  son  testa- 
ment des  parts  privilégiées.  Loin  de  les  renier  ou  de  leur  montrer 
de  Taversion.  les  châtelaines  se  prennent  de  tendresse  pour  eux, 
soit  par  compassion,  soit  pour  plaire  au  mari,  les  aident  à  faire 
d'avantageux  établissements.  Ces  fils  de  second  ordre  épousent 
des  femmes  de  bon  lignage.  Les  lilles  sont  recherchées  par  des 
gentilshommes  bien  placés.  Kn  dépit  de  la  morale  et  des  canons, 
tout  cela  finit  le  plus  aisément  du  monde.  C'est  une  coutume  accep- 
tée qui  n'a  l'air  de  choquer  personne.  Les  rois  et  les  plus  grands 
seigcurs  avaient  toujours  donné  l'exemple,  à  ne  citer  que  Louis  XIV 
imposant  à  la  France  le  spectacle  des  princes  légitimés.  Les 
d'Ëspagne-Montespan  à  chaque  génération  laissèrent  de  nombreux 
bâtards  qui  firent  leur  cliemin  dans  ce  monde. 

1.  Registre  de  Cave,  Intendant  de  la  maison  de  Bellegarde,  1671; 
—  Manuscrits  d'Oihenart,  Fonds  Duchesne,  vol.  117  à  112,  Biblio- 
thèque nationale. 

2.  Histoire  des  grands  officiers  de  la  Couronne^  tome  II,  p.  651  ;  — 
Manuscrits  d'Oihenart,  Fonda  Duchesne  117,  112,  Bibliothèque 
nationale. 


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93 

son.  Il  fut  porté  le  lendemain,  avec  le  cérémonial 
d'usage,  aux  Augustins  de  Montréal.  Il  leur  avait 
laissé  300  livres,  plus  100  livres  en  mémoire  d'Ar- 
naud IV  d'Espagne  et  de  Madeleine  d'Aure,  ses  père 
et  mère  ^ 

En  1563,  Germaine  d'Espagne,  dame  de  Seignan, 
seigneuresse  d'Ausson,  était  morte  sans  enfants,  puis- 
que le  7  septembre  un  accord  intervint  entre  ses  héri- 
tiers et  Panle  d'Espagne,  dame  de  Pardaillan  Gon- 
drin^  qui  reprit  possession  du  château  d'Ausson  ^ 

La  maison  d'Espagne  est  éteinte.  Désormais  les 
successeurs  de  Paule  ajouteront  à  leur  nom  celui  de 
Montespan. 

Le  manoir  d'Ausson  eut-il  à  souffrir  pendant  les 
guerres  de  Religion  ?  Nous  ne  saurions  invoquer  au- 
cun titre,  ni  profiter  d'aucun  indice.  Il  se  trouvait  sur 
le  passage  de  Montgommery,  lorsqu'après  avoir  occupé 
Saint-Gaudens,  et  brûlé  Villeneuve-de-Rivière ',  ce 
terrible  envahisseur  continua  sa  marche  en  hâte  vers 
le  Béarn.  On  sait  que,  sur  sa  route,  cette  armée,  qui 
ne  comptait  pas  moins  de  4,000  arquebusiers  et  de  500 
chevaux,  se  livrait  au  pillage  et  ruinait  surtout  les  vil- 
les qui  fermaient  leurs  portes.  Nous  n'avons  jamais 
su  quel  fut  le  sort  de  Montréal  ?  Pour  éviter  le  fer  et 
la  flamme,  les  habitants  durent  livrer  passage  aux 
Huguenots,  leur  fournir  des  réquisitions,  et  se  rache- 
ter pour  ainsi  dire  par  une  entière  soumission  à  toutes 

1.  Idem,  et  Registres  de  la  maison  de  Bellegarde,  1671. 

2.  Manuscrits  d'Oihenart,  Fonds  Duchesne,  117  à  112,  Bibliothè- 
que nationale;  — -  Registres  de  la  maison  de  Bellegarde,  1671. 

3.  Voir  l'intéressant  article  de  M.  Baudouin  :  Montgommery  à 
Saint'Gaudens,  Revue  de  Comminges  (1890),  t.  V,  p.  107  et  suiv. 


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94 
leurs  brutales  exigences.  C'est  sans  doute  <t  ce  traité  si 
malheureux  »  auquel  Monluc  fait  allusion  dans  sa  let- 
tre à  M.  de  Bellegarde,  le  7  août  1569.  Il  lui  ordonne 
d'envoyer  à  Toulouse  les  consuls  de  Saint-Gaudens  et 
de  Montréal  pour  les  y  faire  juger,  ou  mieux  encore, 
c(  amenez-les  moy,  »  dit-il,  car  «  je  les  feray  pendre 
et  estrangler  incontinent  »  «. 

Du  mariage  de  Paule  d'Espagne  et  d'Antoine  de 
Pardaillan,  vint  Hector,  marié  à  Jeanne  dame  d'Antin, 
le  8  décembre  1561. 

Le  8  mars  1575,  il  se  plaint  au  sénéchal  de  Tou- 
louse d'avoir  été  privé  de  ses  droits  seigneuriaux  de 
Montréal. 

Le  17  avril,  par  devant  Ramond  Cériros,  notaire  de 
cette  ville,  les  cx^nsuls  et  notables  choisissent  Jean 
Aliquierry,  docteur  en  droit,  et  Jacques  Laforgue, 
licencié  en  droit,  pour  transiger  avec  le  seigneur  Hec- 
tor de  Pardaillan  de  Gondrin  d'Antin  Montespan,  et 
protester  de  leur  déférence  *. 

Le  15  janvier  1579,  sur  la  remontrance  de  M.  de 
Terrasson,  Puysségur,  Lafont  et  Pujol,  consuls,  ti^u- 
chant  l'avertissement  de  la  prochaine  venue  de  M.  de 
Gondrin,  décident  de  «  l'aller  voir  en  cérémonie  au 
«  château  d'Ausson,  luy  fayre  la  révérence,  et  luy 
a  apporter  ung  présent  à  la  discrétion  des  consuls  ^ 


1.  Bibliothèque  nationale,  Fonds  Français,  n^  3,  242. 

2.  Ex  nostris,  Cart  Mont.,  n^  196. 

3.  Cet  acte  de  déférence  fut  renouvelé  plusieurs  fois  depuis  cette 
époque.  Lorsque  les  seigneurs  venaient  en  leur  manoir  d'Ausson, 
les  consuls  de  Montréal  leur  apportaient  un  présent.  Cette  coutume 
fut  pratiquée  pour  la  dernière  fois  en  juin  1768.  Le  conseil  de  Mont- 
rejeau,  sachant  que  M.  le  duc  d'Uzés  passe  à  Toulouse,  délibère 
de  lui  faire  un  présent  d'une  valeur  de  150  livres,  au  nom  de  son 


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95 

Le  22  août  1390,  devant  Bertrand  Bernin,  notaire 
royal,  Hector  de  Pardaillan-Gondrin  et  Jeanne  d'Antin 
fondent  une  chapellenie  en  Téglise  de  Soutiras  '. 

Le  27  juin  1602,  par  devant  Manaud  Ferré,  notaire 
de  Laffîte-Vigordane,  Antoine  de  Pardaillan  de  Gon- 
drin,  fils  d'Hector  et  de  Jeanne  d'Antin,  gentilhomme 
ordinaire  du  Roi,  capitaine  de  50  hommes  d'armes, 
etc.,  épouse^  au  château  de  Saint-Elix^,  Paule  de 
Bellegarde,  fille  de  Jean  de  Bellegarde,  chevalier  des 
ordres,  capitaine  de  50  hommes  d'armes,  et  d'Anne 
de  Villemur  de  Termes,  sœur  de  Roger  de  Bellegarde, 
grand  écuyer  de  Franco.  Antoine  de  Pardaillan  était 
veuf  de  Marie  du  Mayne  d'Escaudillac. 

M.  de  Gondrin-Montespan  donne  à  son  fils  toutes 
les  terres  de  Montespan.  Paule  de  Bellegrrde  reçoit 
36,000  écus  de  dot. 

Témoins:  M.  Urbain  de  Noé,  seigneur  dudit  lieu, 
Henri  deSarrieu,  baron  de  Saint-Paul,  Jean-Paul  de 
Noé,  seigneur  de  l'Isle,  Philippe  de  Benque,  seigneur 
de  Marin,  noble  Pierre  de  Sarrecave,  noble  d'Antin, 
seigneur  de  Labarlhe,  etc  '. 

Jeanne  d'Antin  testa,  au  château  d'Ausson,  le  6 
juin  1603.  Elle  fonda  une  messe  haute  à  la  chapelle 
des  Cinq  Plaies  des  Augustins  de  Montrejeau,  et  fut 

marquisat  de  Montespan,  prises  dans  le  trésor  de  la  ville,  et 
M.  Gouzier,  avocat,  est  chargé  de  le  remettre.  (Ex  nostris,  Gart. 
Mont.,  n^  425  :  Extrait  de  délibérations  consulaires.) 

1.  Manuscrits  d'Oihenart,  Fonds  Duchesne,  n<>  206,  Bibliothèque 
nationale. 

2.  Roger  de  Bellegarde  avait  acheté  la  terre  de  Saint-Elixà  M.  de 
Potier,  seigneur  de  la  Terrasse,  le  16  janvier  1576,  pour  50,000  livres. 
(Registre  de  la  maison  de  Bellegarde  par  Gavé,  1671.) 

3.  Manuscrits  d'Oihenart,  et  Registres  de  la  maison  de  Belle- 
garde. 


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96 
inhumée  à   Bonnefont   d'Antin,   avec  son   mari,  le 
21  septembre  1610 1. 

Le  17  mars  de  cette  année,  le  manoir  d'Ausson  avait 
vu  le  mariage  de  Louise  de  Voisins  d*Ambres,  fille 
de  Louis  de  Voisins  d'Ambres,  capitaine  de  oO  hom- 
mes d'armes,  et  de  feue  Paule  de  Pardaillan,  avec  An- 
toine de  Cardaillac,  gentilhomme  de  la  chambre  du 
Roi,  en  présence  d'Hector  de  Pardaillan-Gondrin  et 
de  Jeanne  d'Antin,  aïeul  et  aïeule*.  Parmi  les  té- 
moins, nous  remarquons  Bernard  de  Binos,  Alexan- 
dre de  Laran,  Jean  de  Galois,  juge  de  la  baronnie 
deMontespan. 

Au  printemps  de  l'année  1612,  Antoine  de  Pardaillan 
et  Paule  de  Bellegarde  arrivent  au  château  d'Ausson 
avec  une  suite  nombreuse.  Ils  y  tiennent  un  grand  état 
de  maison  ;  ils  reçoivent  les  visites  empressées  de 
leurs  voisins,  les  hommages  des  consuls  de  Montréal 
et  des  autres  terres  de  Montespan.  On  ne  se  souvient 
plus  des  luttes  anciennes.  Les  nouveaux  seigneurs  sont 
affables,  compatissants,  généreux.  Pendant  cinquante 
années  on  a  souffert  de  la  guerre  civile  traînant  à  sa 
suite  une  lamentable  série  de  misères  et  de  ruines.  La 
France  meurtrie,  épuisée,  a  déjà  réparé  le  plus  vif  de 
ses  plaies  sous  la  main  tutélaire  d'Henri  IV.  On  dirait 
que  la  noblesse  veut  imiter  ce  grand  exemple,  se 
montrer  accommodante  et  plus  équitable  à  son  tour.  Les 
huissiers  ne  viennent  plus  apporter  au  manoir  d'Aus- 
son leurs  significations  malséantes,  mais  les  portes 


1.  Manuscrits  d'Oihenari,  et  Registres  de  la  maison  de  Belle- 
garde. 

2.  Idem, 


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97 
en  sont  ouvertes  aux  habitants  de  Montréal  à  toute 
heure,  soit  qu'ils  présentent  de  justes  réclamations, 
soit  qu'ils  implorent  Tassistance  des  châtelains. 

Le  2  juin  de  cette  année  1612,  Antoine  de  Pardail- 
lan  et  Paule  de  Bellegarde  quittent  Ausson  avec  leur 
suite,  et  se  rendent  à  leur  château  de  Bordères  en  la 
vallée  de  Louron.  Les  gentilshommes  du  pays  et  les 
consuls  des  paroisses  sont  convoqués,  le  5  juin,  dans 
la  grande  cour  du  château.  Le  seigneur  fait  à  tous  le 
plus  courtois  accueil  et  leur  dit  qu'il  vient^  comme 
héritier  de  feu  monseigneur  de  Pardaillan  de  Gondrin 
son  père,  prendre  solennelle  possession  de  ses  terres 
et  recevoir  l'hommage  de  ses  vassaux. 

Les  nobles  hommes  de  la  vallée  et  les  consuls  recon- 
naissent ledit  M.  de  Gondrin-Montesi)an  pour  leur 
légitime  et  unique  seigneur  ;  ils  renouvellent  leur  ser- 
ment de  fidélité,  demandent  et  obtiennent  la  confirma- 
tion de  leurs  privilèges,  en  présence  de  Marc  Antoine 
de  Campels,  chevalier  de  Tordre  du  Roi,  sénéchal  et 
gouverneur  de  la  comté  de  Bigorre,  noble  Carbon 
de  Beyrau,  seigneur  de  Jézeau,  noble  Pierre  d'Aroux, 
lieutenant  de  cavalerie  au  régiment  de  Piémont,  noble 
Foix  de  Carrière  et  autres,  par  devant  Antoine  d'Arro, 
notaire  de  Sarrancolin. 

Le  15  mars  1617,  messire  de  Pardaillan  de  Mon- 
tespan  nomma  M.  de  Sarrieu  de  Bellerm,  capitaine  des 
chasses  du  Louron  '. 

Au  mois  d'août  1613,  Louis  XIII  érigea  la  baronnie 
de  Montespan  et  toutes  ses  dépendances  en  marquisat, 
par  lettres  patentes  qui  rappellent  les  services  rendus 

1.  Gavé,  Registres  de  la  maison  de  Bellegarde. 


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à  l'État  par  Antoine  de  Pardaillan  de  Gondrin,  maré- 
chal de  camp,  conseiller  d'État,  etc. 

Le  marquisat  comprenait  trois  villes  :  Montréal, 
Valentine,  Cazères. 

Les  châteaux  ou  maisons  seigneuriales  d'Ausson, 
Auragne,  Cuguron,  Lécussan,  Villeneuve-Lécussan, 
Cazarilh,  Villeneuve-de-Rivière,  Saint-Laurent,  Ma- 
zères,  La  Tourreille,  les  vallées  de  Louron  et  d'Esba- 
reilles,  avec  capitaineries  dont  dépendent  24  villages 
avec  haute,  moyenne  et  basse  justice,  en  beau  et  fer- 
tile pays'. 

A  ces  possessions,  patrimoine  de  la  maison  d'Espa- 
gne-Montespan^  s'ajoutaient  le  marquisat  de  Gondrin 
et  la  baronnie  d'Antin.  Ces  terres,  grevées  de  lourdes 
charges,  de  fondations  pieuses  et  charitables,  don- 
naient annuellement  un  revenu  de  30  à  40,000  livres  ^ 

Antoine  de  Montespan,  duc  de  Bellegarde,  fils  aîné 
d'Antoine  Arnaud  et  de  Paule,  ordonna,  en  1665,  une 
reconnaissance  générale  de  tous  ses  domaines. 

On  y  lit  à  l'article  d' Ausson  : 

<(  Au  lieu  d'Ausson,  le  seigneur  possède  un  château, 
«  cour  et  jardin  avec  les  écuries,  le  tout  entouré  de 
(L  murailles,  et  une  pièce  de  terre  ou  pré  confrontant, 
a  appelé  le  Camon  de  Mounségné,  confrontant  du 
«  levant,  chemin  public;  midi,  l'église  et  cimetière 
ft  dudit  lieu  ;  couchant  et  septentrion,  chemins  publics 
a  qui  vont  à  Montrejeau  ;  plus  une  grange  au  levant 
a  du  château,  basse-cour,  jardin  entouré  de  murailles: 
a  plus  une  tour  couverte  d'ardoises  au  fond  du  village, 

1.  Gavé,  Registres  de  la  maison  de  Bellegarde,  1671. 

2.  Idem. 


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9» 

«  avec  motte  de  terre  et  fossés  comblés;  plus  le  péage 
a  de  Sainte-Colombe.  » 

Les  terres  nobles  comprennent  53  journaux,  plus  un 
moulin.  Les  rentes  doivent  être  portées  au  château 
d'Ausson'. 

A  la  suite  de  cette  reconnaissance  fut  dressé  le 
cadastre  de  1667,  par  ordre  de  M.  Pellot,  intendant  de 
Montauban  et  de  Guienne,  confié  aux  soins  de  Jean 
Cistac  et  Biaise  Baretge,  arpenteurs,  et  de  Mathieu 
Dumas,  pris  d'office  par  Raymond  Dumas,  juge  mage 
de  Pamiers^ 

En  mars  1676,  nouvelle  reconnaissance  du  lieu 
d'Ausson,  par  Jean  Fontan  de  Saint-Laurent,  pour 
Pierre  Gavé,  intendant  du  duc  de  Bellegarde. 

A  toutes  les  époques,  les  titres  que  Ton  a  eu  la 
chance  de  conserver  dans  les  pays  de  Gomminges  et  de 
Nébouzan  font  mention  des  ravages  causés  par  les 
crues  de  la  Garonne.  Elles  se  renouvelaient  d'une 
façon  presque  périodique  tous  les  vingt  ans,  comme  il 
arrive  de  nos  jours  et  comme  il  arrivera  jusqu'à  la  fin 
des  temps.  En  1595,  le  château  d'Ausson  et  les  com- 
muns subirent  de  graves  dommages.  Les  jardins  et 
les  vergers  furent  bouleversés  ;  des  murs  s'écroulè- 
rent. Les  seigneurs  de  Pardaillan-Gondrin-Montespan 
ne  revinrent  habiter  leur  résidence  qu'en  1601.  Pen- 
dant la  première  moitié  du  xvii®  siècle,  on  ne  constate 


1.  Gavé,  Registres  de  la  maison  de  BeUegarde. 

2.  Aveux  et  dénombrements  des  terres  de  Montespan,  par  devant 
les  Trésoriers  généraux  de  France,  par  Pierre  Gavé,  intendant  do 
Monseigneur  le  duc  de  Bellegarde  (Archives  du  parlement  de  Tou- 
louse) ;  —  Actes  et  terriers  d'Ausson  des  14«,  15",  16"  siècles  : 
Séverac,  Bresche,  Tonery,  du  Paraige,  Gériros,  notaires.  (Ex  nos- 
tns,  460-490.) 


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400 
point  de  grands  dégâts,  mais  en  1678  l'inondation  prit 
des  proportions  extraordinaires.  La  Garonne  couvrit 
toute  la  plaine  ;  plusieurs  maisons  du  village  furent 
démolies.  Les  eaux  entrèrent  dans  Téglise  jusqu'au- 
dessus  du  bénitier*.  Le  château  souffrit  naturellement 
de  cette  irruption,  et  dut  être  en  partie  rebâti^  mais 
d'une  façon  très  sommaire,  vu  que  ses  maîtres  n'y 
parurent  plus.  La  grande  inondation  de  1873,  dont 
nous  avons  été  les  témoins  attristés ,  a  égalé,  sinon 
dépassé,  les  malheurs  causés  par  ces  véritables  trom- 
bes qui  fondent  sur  nos  campagnes  et  les  transfor- 
ment en  marécages  encombrés  de  gravier,  de  cailloux 
et  de  débris. 

Depuis  l'année  1620  environ,  le  château  de  Montes- 
pan  était  abandonné;  sous  le  règne  d'Henri  IV,  d'ail- 
leurs, la  plupart  de  ces  antiques  forteresses  avaient 
été  démantelées.  Dans  la  reconnaissance  de  1678, 
nous  remarquons  la  mention  suivante  à  l'article  12  : 
«  Le  seigneur  possède  noblement,  au  lieu  de  Montes- 
«  pan,  les  vieilles  masures  du  château,  sur  la  croupe 
a  d'une  montagne  appelée  le  Château  de  Montespan, 
«  autour  duquel  est  un  boys  de  haute  futaye  planté  de 
a  chênes  et  hêtres,  y  ayant  aussy  quelques  vacants  et 
«  terres  herms  appelés  le  Pech  et  la  Hayau,  de  la 
«  contenance  de  huit  arpents  plus  ou  moins. 

«  Sur  le  frontispice  de  l'église  paroissiale  sont 
«  taillées  en  relief  les  armes  de  Montespan^.  » 

Le  duc  de  Bellegarde  délaissa  complètement  le  ma- 
noir d'Ausson  qui  cessa  d'être  entretenu.  Les  jardins, 

1.  Archives  municipales  d'Ausson. 

2.  Registre  de  Gavé  :  Reconnaissance  générale  de  Montespan  par 
Monseigneur  le  duc  de  Bellegarde,  1678. 


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404 
les  vergers  disparurent,  remplacés  par  des  prairies 
sans  clôtures.  Bientôt  les  ruines  s'accumulèrent;  il  ne 
resta  plus  que  les  granges  et  les  communs,  dont  quel- 
ques murailles  subsistaient  encore  à  la  fin  du  xviii® 
siècle. 

On  ne  se  souvient  pas  à  Montréal  d'aucune  visite  du 
duc  de  Bellegarde.  Il  se  plaisait  dans  son  château  de 
Saint-Elix,  et  il  multipliait  dans  cette  résidence  pré- 
férée tous  les  embellissements  alors  à  la  mode.  Il  fît 
tracer  un  magnifique  parc,  et  Ton  dit  même  que 
Le  Nôtre  vint  dessiner  le  plan  des  jardins  qui  rappe- 
laient le  style  et  le  goût  des  parterres  de  Versailles. 

Le  duc  de  Bellegarde  mourut,  le  2  mars  1687, 
sans  enfants. 

Hector  Roger,  marquis  d'Antin,  son  frère  cadet, 
marié  à  Marie  Christine  de  Zamet,  était  mort  à  Paris, 
en  avril  1669,  laissant  un  fils,  Louis-Henri  de  Pardail- 
lan  Gontrin  d'Antin-Montespan,  héritier  de  tous  les 
biens  et  de  toutes  les  seigneuries  de  sa  maison. 

Le  marquis  de  Montespan,  Tun  des  seigneurs  les 
plus  beaux,  les  plus  galants,  les  plus  spirituels  de  la 
cour,  uvait  épousé,  le  28  janvier  1663,  «  entre  deux 
ballets  I  »  Mademoiselle  deTonnay  Charente,  Athénaïs 
de  Rochechouart  Mortemart,  qui  fut  la  célèbre  mar- 
quise de  Montespan.  Lorsque  la  passion  du  Roi  se 
déclara  en  1667,  la  marquise  supplia  son  mari  de 
l'emmener  dans  ses  terres,  loin  de  la  cour  et  du 
péril.  M.  de  Montespan  ne  Técouta  point,  s'en  repentit 
quand  il  n'était  plus  temps,  fit  du  scandale,  et  s'attira 
la  colère  du  Roi  par  ses  extravagances'.  Il  affectait 

1.  Mémoires  de  Mademoiselle,  tome  IV. 

2.  Madame  de  Montespan  disait  en  parlant  du  marquis  ;  «  Il  est 


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40S 
de  porter  un  deuil  solennel,  et  cependant  il  ne  vou- 
lait pas  être  raillé  sur  la  conduite  de  sa  femme.  Il  ne 
ménageait  pas  les  dames  qui  voulaient  faire  les  agréa- 
bles sur  ce  chapitre*.  On  lui  défendit  de  reparaître  à 
la  cour.  Il  passa  en  Espagne,  à  la  suite  d'une  affaire 
de  révolte  en  Roussillon,  dans  laquelle  Louvois  le  fit 
assez  perfidement  impliquer^.  Après  sa  séparation 
publique  avec  sa  femme  (7  juillet  1674),  il  habita  le 
château  de  Bonnefont  d'An  tin. 

La  mort  du  duc  de  Bellegarde  le  rendit  proprié- 
taire du  château  de  Saint-Elix.  Il  y  passa  les  der- 
nières années  de  sa  vie  dans  un  exil  volontaire,  et 
à  la  mort)  de  la  fille  du  duc  d'Epernon,  religieuse  car- 
mélite à  Paris,  qui  lui  avait  cédé  ses  droits,  il  prit, 
en  1701,  le  titre  de  duc  d'Epernon.  a  Montespan  mou- 
rut dans  ses  terres  de  Guienne,  en  décembre  1701  », 
dit  Saint-Simon.  Nous  avons  trouvé  que  ce  fut,  en 
effet,  le  1**"  décembre  de  cette  année,  au  château  de 
Saint-Elix  3. 

Cet  homme,  digne  d'une  meilleure  destinée,  si  bien 
doué,  si  diversement  jugé  par  ses  contemporains, 
mourut,  toujours  épris  de  sa  femme,  mais  si  meurtri 
dans  son  amour  et  dans  son  honneur,  qu'il  ne  voulut 
jamais  accepter  une  réconciliation  plusieurs  fois  offerte 
et  même  sollicitée. 


tt  ici  qui  fait  des  contes  dans  ma  cour.  Je  suis  si  honteuse  de  voir 
«  que  mon  perroquet  et  lui  amusent  la  canaille  ».  (Mémoires  de 
Mademoiselle^  tome  IV,  p.  151.) 

1.  Lettres  historiques  et  galantes  de  Madame  de  Noyés,  1741, 
tome  1*'. 

2.  Madame  de  Montespan  et  Louis  X/V,  par  Clément,  Paris,  1868. 

3.  Rolle  des  confrères  qui  ont  assisté  aux  obsèques  de  Mgr 
d'Epernon,  seigneur  du  présent  lieu  de  Saint-Elix,  1"*'  décembre 
1701.  (Registres  de  l'église  paroissiale  de  Saint-Elix.) 


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403 

Après  sa  disgrâce,  la  marquise,  dit  Saint-Simon, 
visita  ses  terres  d'Antin.  La  vit-on,  même  un  seul 
jour,  à  Montréal  ou  dans  le  manoir  d'Ausson?  Il  n'est 
point  resté  le  moindre  souvenir  de  ce  passage.  Elle 
finit  en  1713,  comme  on  sait,  dans  les  œuvres,  les 
austérités,  la  pénitence,  les  fondations  pieuses,  en 
paix  avec  Dieu,  mais  avec  le  regret  de  n'avoir  pu 
rentrer  en  grâce  auprès  du  mari  qu'elle  avait  certaine- 
ment aimé,  mais  dont  elle  avait  brisé  la  vie. 

Louis  Antoine,  marquis  d'Antin,  son  fils,  avait 
passé  son  enfance  et  sa  première  jeunesse  avec  son 
père,  au  château  de  Bonnefont  d'Antin.  Mais  tout  le 
portait  à  la  cour  dont  il  respira  Tair  avec  cette 
noblesse,  cet  art,  cette  souplesse  d'esprit,  cette  grâce 
qu'il  tenait  de  a  la  beauté  de  sa  mère  et  du  gascon  de 
son  père  »,  dit  Saint-Simon.  Le  24  août  1687,  il 
épousa  Julie  Françoise  de  Crussol  d'Uzès.  On  connaît 
l'histoire  de  ce  grand  seigneur,  fait  duc  d'Antin  en 
1713,  et  qui  réalisa  le  type  du  courtisan  le  plus  habile 
et  le  plus  accompli.  Constamment  retenu,  par  ses  char- 
ges et  par  son  amour  des  grandeurs,  auprès  des 
majestés  royales,  il  ne  s'inquiétait  guère  de  son  mar- 
quisat de  Montespan,  n'aimait  ses  terres  que  pour  l'ar- 
gent qu'il  en  retirait,  ne  se  souciait  point  de  les  visiter. 
Les  archives  locales  ne  nous  apprennent  pas  qu'il  ait 
jamais  honoré  de  sa  présence  la  ville  de  Montrejeau, 
le  vieux  Montréal  de  ses  ancêtres,  ni  le  manoir 
d'Ausson  en  ruines  depuis  plus  de  cinquante  ans! 

Après  la  mort  du  dernier  duc  d'Antin,  l'héritage 
de  Montespan  passa  dans  l'illustre  maison  d'Uzès.  En 
1756,  la  ferme  des  terres  d'Ausson  donnait  700  livres. 
Le  moulin  était  affermé  mille  livres. 


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404 

Le  droit  de  péage  de  Sainte-Colombe,  qui  remon- 
tait au  temps  des  comtes  de  Foix,  et  dont  avaient  joui 
pendant  cinq  siècles  les  barons  d'Espagne-Montespan, 
appartenant  au  duc  et  à  la  duchesse  d'Uzès  leurs  suc- 
cesseurs, fut  supprimé  par  arrêt  du  Conseil  du  Roi, 
le  13  juillet  1767  \ 

Dans  le  cadastre  d'Ausson  de  1772,  folio  8,  on 
trouve  ce  qui  suit. 

ce  Mgr  le  duc  d'Uzès,  seigneur  dudit  lieu  d'Ausson, 
a  tient  et  possède  noblement  audit  lieu  des  mesures 
<i  où  était  anciennement  le  château,  pré  et  champ 
a  avec  la  chapelle  Saint-Pierre  ;  confronte  du  levant 
a  église  et  cimetière  et  la  rue,  du  midi  chemin  de 
«  Camon,  du  couchant  chemin,  du  septentrion  ruis- 
«  seau  de  la  Communauté;  contient  55  journaux 
«  4  mesures  au  premier  degré,  le  reste  au  quatrième, 
a  Monte  l'estimation  à  840  livres  sols  cinq  a. 

Etat  de  section  dressé  en  1790  sur  le  Livre 
de  la  communauté  d'Ausson  : 

a  Ce  jourd'hui  26  février  1790,  le  sieur  Sartor 
«  s'est  chargé  des  masures  et  terre  inculte  où  était  la 
«  Grange,  le  tout  estimé  11  livres  13  sols,  4  sols  6  de- 
a  niers,  dont  M.  le  duc  d'Uzès  a  été  déchargés.  » 

Etat  de  section  dressé  en  1791. 

a  M.  le  duc  d'Uzès,  cy-devant  seigneur  demeurant 
a  à  Uzès,  possède  masures,  prés  55  journaux  2  me- 


1.  Ex  nostris,  Gart.  Mont.,  n«  457. 

2.  Archives  de  la  mairie  d'Ausson. 

3.  Idem.  Ce  terrain  en  pré  appartient  à  M.  Bertrand  Save  dit 
Haoubés»  d'Ausson. 


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«  sures   6   pugnères  dont  25  journaux  et  demi  de 
a  pré*.  » 

Le  12  fructidor  an  V,  Charles  Barres  de  Montrejeau 
est  chargé,  en  décharge  dudit  d*Uzès,  de  3  journaux 
4  mesures  de  terre  labourable  et  masures  portés 
dans  la  section  A,  partie  du  numéro  154  ^  La  famille 
Barres  a  vendu  les  masures  et  le  pré,  en  1868,  à 
M.  Cazeneuve,  propriétaire  actuel. 


Ici  finit  l'histoire  du  château  ou  manoir  d'Ausfion 
et  des  seigneurs  qui  Font  habité  pendant  trois  siècles, 
telle  que  nous  avons  essayé  de  l'écrire,  d'après  tous 
les  documents  qu'il  nous  a  été  permis  de  recueillir. 
Si  les  archives  locales  interrogées  par  nous  avaient  été 
moins  indigentes,  cette  modeste  étude  aurait  gagné 
plus  de  relief,  et  peut-être  excité  plus  d'intérêt.  Dans 
tous  les  cas,  il  nous  reste  la  conviction  de  n'avoir  épar- 
gné ni  les  soins  ni  les  recherches  pour  rendre  quel- 
ques instants  de  vie  à  ces  ruines  abandonnées,  dont 
l'emplacement  sera  bientôt  recouvert  par  les  herbes  et 
la  mousse  qui  verdissent  sur  les  tombeaux  ! 

Baron  de  Lassus. 


i.  Archives  municipales  d'Âusson. 
2.  Idem. 


RcTue  Ds  CoimiiiGEs,  !•'  trimestre  1895.  Toiie  X.  —  8. 


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LES  HUGUENOTS  EN  COMMINGES 

d'après  les  Papiers  des  États  conservés  a  Muret 


INTRODUCTION 


Diverses  publications  ont  fait  connaître,  en  ces -dernières  an- 
nées, les  ravages  causés  dans  nos  contrées,  au  zvi«  siècle,  par  les 
guerres  de  Religion.  Ainsi  —  pour  ne  citer  que  quelques  travaux 
—  MM.  Cil.  Durier  et  J.  de  Garsalade  du  Pont  ont  publié,  en  1884, 
Les  Huguenots  en  Bigorre.  I/année  suivante,  M.  A.  Communay  a 
donné  Les  Huguenots  dans  le  Béarn  et  la  Navarre,  Plus  récemment 
encore,  M.  le  clianoine  Douais  ayant  eu  la  bonne  fortune  de  mettre 
la  main  sur  une  série  de  textes  d'une  haute  importance  (on  sait 
qu'il  est  assez  coutumier  du  fait),  éclairait  d'un  jour  nouveau  Les 
Guerres  de  Religion  en  Languedoc, 

Plusieurs  fois,  en  parcourant  ces  érudites  brochures,  nous 
avons  regretté  que  le  Comminges  n'eût  pas  sa  part  dans  d'aussi 
heureuses  recherches.  L'histoire  de  ce  comté,  pour  la  seconde 
moitié  du  xvi*  siècle^  restait  une  des  plus  ignorées. 

Non  certes  que  les  fouilleurs  du,  passé  aient  manqué  aux  docu- 
ments ;  mais  la  disparition,  la  destruction  des  documents  parais- 
saient, à  cause  même  de  ce  zèle,  plus  clairement  établies  et  prou- 
vées. 

Les  anciennes  archives  des  chefs-lieux  de  châtellenies  sont  hélas! 
singulièrement  dépourvues.  Par  bonheur,  les  papiers  des  Etats 
du  Comminges  n'ont  pas  complètement  péri.  Au  point  de  vue  spé- 
cial qui  nous  occupe,  ils  nous  permettent  de  combler  un  vide 
regrettable.  Il  faut  même  reconnaître  que  la  partie  la  plus  abon- 
dante des  Archives  des  Etats  a  trait  aux  guerres  de  Religion.  Ce 
sera  mettre  ces  documents  à  Tabri  des  injures  du  temps  et  de  la 
malice  des  hommes  que  de_les  publier  en  entier*. 


1.  Le  lecteur  ne  s*élonnera  pas  de  ne  point  trouver  ici  des  documents  reblifs  lo  sac 
de  Sainl-Caudens  et  à  la  triple  invasion  de  Saiut-Berlrand.  Iji  première  de  ces  filles 
appniienaii  au  NéLouzau,  la  seconde  au  pays  de  Rivière,  il  oe  faut  donc  pas  ehercberdaos 
tes  archives  des  Étals  do  Comminges  des  pièces  les  concernant. 


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407 


Il  est  aise  de  roxamen  des  documents  qui  suivent,  de  dégager 
les  caractères  essentiels  çies  guerres  de  Religion  en  Gomminges. 
Les  Huguenots  ont  souvent  troublé  le  comté.  Ils  l'ont  envahi  par- 
tiellement quelques  fois.  Gomme  en  dautres  régions,  ils  ont 
rançonné  les  habitants,  ravagé  les  récoltes,  pillé  les  maisons, 
détruit  les  églises  ;  mais  ils  l'ont  fait  comme  par  surprise,  traver- 
sant une  portion  du  territoire  à  la  manière  d'un  ouragan.  Ils  ne 
paraissent  pas  s'être  jamais  établis  dans  le  pays:  leur  installation 
y  fut  toujours  provisoire. 

A  la  dilTérence  de  ce  qui  se  produit  dans  le  comté  de  Foix,  par 
exemple,  où  les  Réformés  sont  en  résidence  et  possèdent  villes  et 
châteaux  forts,  en  Gomminges  ils  ne  se  montrent  que  par  occa- 
sion. Ils  tombent  à  l'improviste  sur  les  communautés,  les  pillent, 
brûlent  ce  qu'ils  ne  peuvent  emporter  et  s'en  vont. 

C'est  de  ses  turbulents  voisins,  les  Huguenots  des  comtés  de 
Foix  et  de  Tlsle-en-Jourdain,  que  le  Gomminges  a  eu  surtout  à 
souffrir.  Placés,  de  deux  côtés,  sur  ses  frontières,  ils  le  menacent 
incessamment  et  pénètrent  sans  peine  sur  son  territoire.  Tandis 
que  du  Bourg,  parfaitement  établi  à  l'Isle-en- Jourdain,  se  moque 
des  traités,  rompt  les  trêves  à  plaisir,  et  enlève,  par  sa  redoutable 
garnison,  toule  sécurité  aux  châtellenies  de  Muret,  de  Samatan 
et  de  risle-en-Dodon.  les  Huguenots  du  comté  de  Foix  sont  à  deux 
pas  de  la  chàtellenie  de  Salies,  ainsi  que  des  Aides  du  Gomminges 
situées  en.Gouserans. 

Du  côté  de  Foix  et  dans  le  Haut-Gomminges,  les  communau- 
tés sont  presque  sans  défense.  Les  hommes  capables  de  former 
une  garnison  sérieuse  sont  groupés  aux  chefs-lieux  de  châtelle- 
nies. Que  doit-on  attendre,  dans  les  hameaux  dispersés,  d'une 
poignée  de  villageois  inhabiles,  entièrement  neufs  dans  un  métier 
si  peu  en  rapport  avec  leurs  travaux  ordinaires,  placés  subite- 
ment en  face  de  troupes  auxquelles  la  rapine  à  main  armée  est 
familière,  que  des  succès  évidents  remplissent  d'audace,  que  l'ha- 
bitude des  plus  violents  excès  rend  cruelles,  et  qui,  d'ailleurs, 
n'attaquent  qu'à  bon  escient?  On  sait,  dans  le  pays,  comment 
Mont^ommery  a  traité  Montrejeau  et  Saint-Gaudens  en  1569,  com- 
ment SaintrBertrand,  ville  d'un  accès  pourtant  difflcile,  est  tombé 
trois  fois  aux  mains  des  ennemis.  Aussi,  la  peur  devient  à  peu 
près  générale  :  on  subit  une  sorte  d'affaissement  moral  en  face  du 
danger. 

Sans  doute,  les  États  multiplient  leurs  assemblées,  mais  c'est 


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pour  décider  le  maintien  de  garnisons  coûteuses,  pour  répartir 
des  impôts  toujours  croissants,  d'autant  plus  intolérables  que  le 
pays  est  plus  appauvri,  et  que  le  Roi  exige  la  perception  des  tailles 
nécessaires  pour  Tentretien  de  ses  armées.  Devant  ces  assemblées, 
les  délégués  des  communautés  du  Gomminges  se  succèdent,  pré- 
sentant les  mêmes  requêtes,  faisant  entendre  les  mêmes  plaintes, 
exposant  les  mêmes  malheurs,  aboutissant  aux  mêmes  conclu- 
sions :  suppression  temporaire  de  Timpôt  vu  Textréme  misère.  Et 
les  États  se  voient  réduits  à  Tobligation  de  concilier  les  requêtes 
des  communautés  à  bout  de  ressources,  avec  les  exigences  des 
Huguenots,  maitres  de  quelque  place  d'où  ils  n'entendent  déloger 
qu  au  moyen  de  gros  paiements. 

Si  des  soldats  conduits  par  des  capitaines  dévoués  au  Roi  tra- 
versent le  pays,  loin  de  ressentir  quelque  bienfait  de  leur  passage, 
trop  souvent  les  communautés  en  reçoivent  de  mauvais  traite- 
ments. L'homme  de  guerre  —  surtout  pendant  les  guerres  dites  de 
Religion  —  est  le  même  dans  les  deux  camps.  «  La  nécessité  de  la 
guerre,  avoue  Montluc,  nous  force  en  despit  de  nous-mesmesà 
faire  mille  maux,  et  faire  non  plus  d'estat  de  la  vie  des  hommes 
que  d'ung  poulet  >...  »  Aussi  bien,'en  échange  d'une  protection  tran- 
sitoire, les  communautés  doivent  fournir  aux  troupes  des  subsi- 
des et  des  vivres,  le  paysan  est  obligé  d'abandonner  la  charrue 
pour  escorter  les  convois  de  poudre  et  les  pièces  d'artillerie...  Ces 
désastreuses  conséquences  de  la  sauvegarde  militaire  effraient 
les  Gommingeois,  ils  se  défient  de  ces  milices  mercenaires,  quelle 
que  soit  leur  livrée  ;  car  elles  leur  font  payer  très  cher  leur  dé- 
vouement, et  bientôt,  dans  le  comté,  les  paysans,  en  un  langage 
peu  soucieux  des  nuances,  parlent  des  soldats  catholiques  comme 
de  ceux  qui  ne  le  sont  pas,  et  peu  s'en  faut  qu'ils  ne  voient  dans 
les  uns  et  ds^ns  les  autres  le  même  redoutable  fléau... 

Reste  à  déterminer  la  part  d'action  et  d'influence  du  pouvoir 
central  et  des  gouverneurs  de  province.  Gette  action,  cette  in- 
fluence, se  sont-elles  fait  sentir  efficacement  en  Gomminges  ?  Si 
l'on  s'en  rapporte  aux  seuls  documents,  il  n'y  a  pas  lieu  de  le 
penser.  —  Quant  au  Parlement,  il  se  préoccupe  surtout  de  la  con- 
servation de  Muret,  place  importante,  rapprochée  de  Toulouse. 
L'ancien  château  féodal  des  comtes  de  Gomminges  est  là,  admira- 
blement placé  au  confluent  de  la  Louge  et  de  la  Garonne.  Quels 
avantages  ne  donnerait  pas  aux  Huguenots  la  possession  de  ce 
poste  avancé?  Pour  en  assurer  la  conservation,  le  Parlement 
expédie  à  Muret  tant  de  missives  que  le  nombre  surprend  tout 
d'abord.  Le  sénéchal  et  les  capitouls  déploient  en  ceci  un  pareil 

1.  Commentaires  et  lettres  de  B.  de  MoDtluc,  t.  ui,  p.  499,  édil.  de  H.  de  RnUe. 


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zèle.  C'est  une  série  d'avertissements,  de  reproches,  adressés 
aux  consuls  de  Muret.  Mais  s'il  y  a,  de  la  part  de  Toulouse,  une 
si  grande  surveillance  exercée  sur  la  capitale  du  Comminges,  le 
reste  du  comté  tient  une  place  secondaire  en  ces  préoccupations. 

Toutefois,  les  documents  nous  révèlent  l'action  privée,  l'initia- 
tive personnelle  de  deux  hommes,  en  Comminges,  pendant  les 
troubles.  Il  importe  de  les  signaler. 

L'un  d'eux  est  Sébastien  de  Cazalas.  Il  est  juge  en  Comminges, 
et,  en  vertu  de  sa  charge,  il  a  le  devoir  d'assister  à  toutes  les  réu- 
nions des  États,  où  il  représente  le  pouvoir  royal,  et  on  sent  qu'il 
exerce  dans  l'assemblée  une  influence  considérable.  Il  a  contribué 
certainement  à  obtenir,  des  populations  commingeoises,  les  plus 
durs  sacrifices  pour  l'entretien  des  troupes  et  des  garnisons  ;  il  a 
surtout  contribué  à  maintenir  l'unité  morale  des  trois  éléments 
de  l'assemblée,  poussant  tous  les  membres  vers  ce  double  but  : 
fidélité  au  Hoi  et  attachement  invincible  à  la  Religion.  Lorsque, 
aux  États  réunis  à  Muret,  en  1594,  de  Cazalas  déclarait  que  :  «  par 
«  le  moïen  de  Funion  et  commune  intelligence  qui  a  esté  de  tout 
«  temps  entre  les  trois  ordres,  ceste  pauvre  province  a  esté  con- 
«  servée  et  les  ennemis  qui  s'estoient  emparés  et  saisis  d'aulcunes 
«  des  villes  dud.  pays,  contrainctz  à  leur  honte  et  confusion  de  s'en- 
«  fuir,  en  ayant  esté  honteusement  chassés,  »  il  constatait  un 
résultat  dû,  en  grande  partie,  à  son  influence  propre'.  Henri  IV 
reconnaissant  les  «  bons  et  agréables  services  »  rendus  par  Sébas- 
tien de  Cazalas,  en  des  temps  si  mauvais,  lui  accorda,  en  1596, 
le  droit  de  prélever  une  pension  annuelle  sur  les  amendes  impo- 
sées par  les  États  ^. 

L'action  de  ce  juge,  en  Comminges,  a  été  longue,  persévérante. 
L'intervention  de  M.  de  Cornusson,  sénéchal  de  Toulouse,  pour 
avoir  été  de  courte  durée,  n'a  pas  été  moins  décisive.  Les  Hugue- 
nots s'emparent  de  Saint- Lizier  en  1579.  Les  Etats,  assemblés  à 
Muret  le  9  septembre,  dans  le  but  de  procurer  la  délivrance  de  la 
«  cité  »  —  car  le  «  bourg  »  était  encore  aux  mains  des  catholiques  — 
eurent  immédiatement  recours  au  sénéchal  de  Toulouse,  «  lequel, 
«  dit  la  délibération,  seroit  supplié  comme  chef  de  la  justice  de  se 
a  voulloir  transporter  sur  le  lieu  pour  pourvoir  à  lad.  rémission  et 
«  pugnition  desd.  rebelles  >.  »  M.  de  Cornusson  ne  se  fit  pas  «  sup- 
plier »  longtemps,  et  délivra,  en  efTet,  la  cité  de  Saint-Lizier.  Il 
n'y  parvint,  à  la  vérité,  qu'après  avoir  promis  un  dédommage- 
ment pécuniaire  aux  Huguenots  ;  mais  le  Roi  n'eut  pas  moins  de 

1 .  Cahier  des  délibérations  des  Etats.  —  Archives  de  Moret,  L.  91 . 

2.  Archives  de  Maret.  ParchemiD,  L.  93. 

3.  Archives  de  Maret,  L.  78. 


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reconnaissance  pour  lui  et  lui  en  donna  un  témoignage  authenti- 
que, comme  le  prouve  la  lettre  qu'il  lui  adressa  en  cette  occasion'. 

Nous  avons  indiqué,  en  commençant,  le  découragement  de 
beaucoup  de  communautés  du  Haut-Gomminges  pendant  les 
guerres  de  Religion.  Ajoutons,  qu'en  certains  endroits,  plusieurs 
communautés,  mieux  avisées,  ont  essayé  de  se  protéger  elles- 
mêmes,  sans  emprunter  le  secours  d'autrui.  Au  début,  leur  tacti- 
que fut  de  créer  des  ligues.  En  cela,  les  communautés  entraient 
dans  les  vues  de  Montluc.  Nous  remarquons,  en  effet,  dans  la  com- 
mission adressée  par  Montluc  lui-même,  en  1568,  à  Pierre  de  Lan- 
crau,  évêque  de  Lombez,  qu'il  lui  suggère  d'opérer  au  plus  vite 
dans  son  diocèse,  et  de  promouvoir  dans  tout  le  comté,  le  groupe- 
ment des  forces  catholiques,  par  ce  qu'il  appelle  des  confréries  2. 
Au  fond,  il  s'agissait  de  ligues,  mais  de  ligues  sïnspirant  surtout 
de  l'idée  chrétienne  qu'on  devait  défendre. 

A  la  ligue  devenue  impuissante,  à  la  ligue  vaincue,  succèdd  la 
transaction  :  c'est  la  trêve  honorable  après  les  hostilités. 

Il  s'établit  alors  de  ces  ententes  dont  la  bonne  foi  seule  garantit 
la  durée,  rompues  par  le  plus  fort,  sans  crainte  de  représailles 
sérieuses.  Et  lorsque  cet  expédient  est  usé,  et  que,  malgré  des 
pactes,  des  accords  conclus  en  de  solennelles  conférences,  les  ha- 
bitants du  Haut-Comminges  se  voient  de  nouveau  dupés  et  dé- 
pouillés, ils  ne  reculent  pas  devant  cette  extrémité  :  abandonner, 
jusqu'à  nouvel  ordre,  terres  et  maisons,  et  passer  en  Espagne. 

On  comprend  sans  peine  que  l'émigration  devait  mettre  en 
mauvais  état  les  affaires  du  pays. 

L'agriculture  en  souffrit  beaucoup  en  Gouserans  et  en  diverses 
parties  du  Gomminges,  où  des  territoires  assez  vastes,  si  on  les 
compare  à  l'étendue  totale  du  comté,  devinrent  absolument  dé- 
serts. Les  finances  reçurent  aussi  un  contrecoup  de  cette  fuite 
précipitée,  et  les  charges  ne  diminuant  pas  en  proportion  de  la 
diminution  des  habitants,  les  dettes  du  pays  et  celles  de  Muret, 
siège  principal,  prirent,  au  commencement  du  xviP  siècle,  d'in- 
quiétantes proportions.  Les  guerres  civiles  seront  apaisées  depuis 
des  années  en  Gomminges,  que  le  comté  éprouvera  encore  le 
malaise  profond,  le  trouble  général,  que  les  dissensions  religieuses 
y  ont  provoqués. 


J.  Lestradb. 


1.  Leltre  d*Henri  III  au  Sénéchal  de  Toulouse.  Archives  de  Muret,  L.  78. 

2.  Commission  de  Moulluc  à  TéTéque  de  Lombez.  Archives  de  Muret,  L.  40. 


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CHRONIQUE 
I  —  A  Martres-Tolosanes  (ancienne  Angonia) 

Dans  une  de  ses  séances  de  l'hiver,  la  Société  archéologique  du 
Midi  de  la  France  a  reçu  de  nouvelles  communications  de 
M.  Ferré,  de  Martres-Tolosanes  dont  les  richesses  archéologiques 
paraissent  inépuisables.  A  chaque  instant,  pour  ainsi  dire,  de 
nouveaux  vestiges  d'antiquités  gallo-romaines  sont  mis  au  jour. 

En  ces  derniers  temps,  on  découvrait,  dans  le  champ  de 
M.  Manent,  des  substructions,  avec  des  fragments  d'archilecture  et 
de  sculptures  qui  sont  venue  accroître  la  précieuse  collection 
provenant  de  cette  importante  station  sur  le  passage  de  la  voie 
romaine  de  Tolosa  à  Lugdunum  Gonvenarum. 

II  —  Clément  V  et  la  tiare 

Peu  de  gens  savent  que  Clément  V,  qui  fut  évêque  de  Gom- 
minges  sous  le  nom  de  Bertrand  de  Got  avant  d'être  promu  au 
souverain  pontificat,  est  le  premier  pape  qui  a  porté  la  tiare  ornée 
de  la  triple  couronne. 

La  publication  du  BuUaire  de  ce  pape  célèbre  a  ramené  sur  lui 
Tattention.  Nous  avions,  dans  notre  notice  sur  Tabbaye  de  Bonne- 
font,  parlé  de  la  visite  qu'il  vint  faire  à  la  cathédrale  de  Gommin- 
ges',  réédiliéc  par  ses  soins,  et  de  la  translation  des  reliques  de 
saint  Bertrand  a  laquelle  il  avait  voulu  solennellement  procéder 
lui-même. 

Notre  distingué  collaborateur  M.  l'abbé  Lestrade  nous  a  promis, 
pour  la  Revue^  l'itinéraire  de  ce  pape  lors  de  son  retour  dans  son 
ancien  diocèse,  avec  l'historique  de  ses  haltes  et  des  bulles  au'il 
donna  chemin  faisant.  M.  labbé  de  Garsalade  du  Pont  en  a  relevé 
quelques-unes  dont  nous  avons  publié  la  rubrique.  Nous  aurons 
maintenant  l'ensemble  des  actes  pontificaux  qui  marquèrent  le 
mémorable  voyage  de  Glément  V  à  travers  le  Gomminges. 

On  trouve,  clans  l'inventaire  du  mobilier  de  ce  pape,  «  une  cou- 
ronne appelée  regnum^  avec  trois  cercles  d'or  garnis  de  pierres 
précieuses  ». 

III  —  La  Langue  basque  au  Japon 

S'il  faut  en  croire  M.  Thomas  qui  était  alors  professeur  à  la 
Faculté  des  lettres  de  Toulouse,  dans  un  mémoire  sur  l'origine  et 
la  formation  du  mot  Gomminges,  les  habitants  de  la  contrée  por- 
tant ce  nom,  les  anciens  Gonvenae  auraient  parlé  le  basque  qui  ne 
possède  ni  le  b  ni  le  v.  C'est  pourquoi,  en  l'absence  de  ces  deux 
labiales,  le  nom  de  Convenicum^  dérivant  de  Gonvenae  aurait  été 
changé  en  Gomenae,  Gomenge,  Gomminges*. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  opinion  que  ne  partageait  pas  Julien 
Sacazc,  l'idiome  basque,  que  les  philologues  placent  parmi  les 
langues  les  plus  anciennes  et  les  plus  curieuses,  est  encore  parlé 
dans  une  région  assez  voisine  de  nous,  appartenant  à  notre  grand 
bassin  sous-pyrénéen. 

Nous  avons  entendu,  en  1857,  M.  le  professeur  Joly,  dans  un  cours 
de  physiologie  et  d'ethnographie  à  la  Faculté  des  sciences  de 
Toulouse,  enseigner  que  l'idiome  basque  remontait  à  la  plus  haute 
antiquité.  Il  n'a  aucune  analogie,  aucune  relation  avec  les  langues 
de  l'ancien  continent.  Son  propre  nom  est  Euscuara,  d'où  langue 
euscarienne. 

Les  Basques  étaient  appelés  Yascons  par  les  Romains,  et  il  n'est 
pas  difficile  de  retrouver  dans  ce  vocable  le  terme  lui-même  Eus- 
cuara;  l'eu  transformé  en  v:  Vascua,  Vasco,  etc. 

D'où  venaient-ils  ?  Bien  n'est  plus  difficile  en  ethnographie  que 
de  déterminer  leur  origine.  Boudart.  Broca,  Gallantin,  d'Abbadie 
et  Renan  les  font  descendre  tour  à  tour  des  Ibères  ou  des  popula- 
tions numides  de  l'Afrique  méridionale. 

i .  Bévue  de  Cwiminges,  t.  ii.  —  2.  Revue  de  Commingee,  t.  ii«  p.  ^73. 


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Ne  serait-ce  pas  la  confirmation  de  cette  dernière  opinion  ce  que 
nous  tenions  à  consigner  dans  cette  chronique  —  les  aires  d'explo- 
rateurs et  de  missionnaires  dont  il  a  été  question  cet  hiver  dans  la 
presse  parisienne,  le  Gau^ots  notamment  —  que  des  missionnaires 
et  des  explorateurs  ont  retrouvé  les  vestiges  du  basque  dans 
certaines  régions  de  l'Afrique? 

M.  Joly  assurait  qu'aujourd'hui  même  des  idiomes  asiatiques 
avaient  une  grande  analogie  avec  le  basque  tel  qu'il  s'est  conservé 
dans  les  arrondissements  de  Bayonne  et  de  Mauléon  (Basses-Pyré- 
nées), et  de  l'autre  côté  des  monts,  dans  les  provinces  de  Navarre, 
d'Alava,  de  Biscaye  et  de  Guipuscoa. 

Pour  La  Bastide,  TichofT,  Bidahouet,  les  Basques  proviendraient 
de  la  race  aryenne-celtique. 

Bergmann,  le  prince  Lucien  Bonaparte  et  M.  de  Charencey  leur 
assignent  une  origine  américo-canadienne,  ce  que  rendraient  très 
vraisemblable  des  similitudes  de  dialectes. 

Ces  données  ne  sont  pas  tout  à  fait  indifférentes  pour  nous,  habi- 
tants de  contrées  pyrénéennes  comprises  plus  ou  moins  dans 
l'ancienne  Vasconie. 

IV  —  La  grotte  de  Lestelas,  à  Gazavet  (Ariége) 

Yoici  une  nouvelle  communication  qu'a  bien  voulu  nous  faire 
M.  ringénieur  Uarlé  au  cours  de  ses  savantes  explorations  paléon- 
tologiques  dans  la  région.  On  n'a  pas  oublié  celles  que  nous  lui 
devons  déjà  et  auxquelles  nous  avons  été  heureux  de  donner  place 
dans  la  Revue. 

Cette,  fois  M.  Harlé  signale  la  découverte  de  mâchoires  et  autres 
restes  de  marmottes  dans  la  grotte  de  Lestelas,  commune  de 
Gazavet,  dans  une  de  nos  anciennes  régions  commingeoises , 
depuis  passées  au  Gouserans  :  Gazavet  est  dans  le  canton  de  Saint- 
Lizier. 

Sur  son  territoire  se  trouve  la  grotte  de  Lestelas,  à  900  mètres 
d'altitude.  Ge  serait^  suivant  M.  Harlé,  le  gisement  de  la  période 
quaternaire  le  plus  élevé  des  Pyrénées. 

Avant  ses  recherches,  on  n'avait  trouvé  aucun  vestige  de  mar- 
mottes dans  cette  région  pyrénéenne.  Deçuis  le  mois  de  mai  der- 
nier, des  restes  de  ces  animaux  ont  été  aussi  signalés  par  lui, 
notamment  à  Montoussé  dans  la  vallée  de  Neste,  et  à  Eychel,  non 
loin  de  Saint-Girons. 

A  Lestelas,  les  os  recueillis  sont  deux  humérus  ayant  conservé 
Tarcade  pour  le  passage  de  l'artère  brachiale. 

M.  Harlé  cherche  à  s'expliquer  pourquoi  les  traces  de  ce  petit 
quadrupède  rongeur  avaient  jusqu'ici  échappé  aux  investigations 
des  naturalistes,  par  cette  raison  que  le  plus  grand  nombre  de 
ceux  qui  ont  exploré  les  gisements  quaternaires  recherchaient 
trop  exclusivement  les  gros  ossements  et  négligeaient  ceux  des 
petits  animaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  marmotte  qui  a  vécu  jadis  dans  les  Pyré- 
nées en  a  depuis  longtemps  disparu.  «  Gest  par  erreur,  dit 
M.  Harlé,  que  certains  auteurs  prétendent  le  contraire,  l^e  fait 
même  qu'elle  se  maintient  encore  dans  les  Alpes  conduit  à  suppo- 
ser que  sa  disparition  des  Pyrénées  depuis  le  quaternaire  est  due 
à  d'autres  causes  que  l'action  de  l'homme.  » 

En  définitive,  l'ancienne  faune  de  notre  Gomminges  montagneux 
vient  ainsi  de  s'enrichir  de  quelques  curieux  spécimens,  comme 
ceux  des  ossements  d'h>;ènes  rayées  à  Montsaunès,  qui  firent 
l'objet  d'une  communication  de  M.  Harlé  à  la  séance  du  21  mai 
1894  de  la  Société  géologique  de  France. 

Nous  félicitons  M.  Harle,  en  le  remerciant  de  vouloir  bien  faire 
profiter  notre  Revtie  de  toutes  celles  de  ses  fréquentes  découvertes 
qui  intéressent  particulièrement  notre  Gomminges,  ayant  ete 
faites  dans  son  domaine,  Alphonse  COuGET. 


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STATION    MÉTÉOROLOGIQUE 

DE  SAINT-GAUDENS 
p05DéB  PAR  LA  Société  des  étodbs  du  Commiuges 


TABLEAUX  SYNTHETIQUE  &  GRAPHIQUE 

DBS 

OBSERVATIONS  MÉTÉOROLOGIQUES 


RECUEILLIES  PENDANT  L'ANNÉE  1894 


Dans  le  tableau  graphique,  la  pression  barométrique 
et  la  hauteur  de  pluie  sont  exprimées  en  millimètres.  La 
température  et  l'humidité  relative,  en  degrés  centigrades. 
L'intensité  du  vent  est  indiquée  par  un  des  signes  sui- 
vants : 

O  Vent  faible. 

O  Vent  assez  fort. 

®  Vent  fort. 

O  Vent  très  fort. 

€  Vent  violent. 


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DES  OBSERVATIONS  MÉTÉOROLOGIQUES 

FAITES  PENDANT  L' ANNÉE   1894 


RÉSULTATS  COMPARÉS  DES  ANNÉES  1892-18^-1894 

Baromètre.  —  La  plus  forte  pression  barométrique,  745,  a 
été  constatée  le  4  février,  par  un  vent  de  N.  0.  La  plus  faible,  718, 
a  été  constatée  le  5  janvier,  par  un  vent  de  S.  0. 

Moyennes  comparées  des  trois  dernières  années  : 
1892  :  728,2      |      1893  :  730,5      |      1894  :  731,0 

Thermomètre.  —  La  température  la  plus  élevée,  +  35<»3,  a  été 
observée  le  2  septembre;  la  plus  basse,  —  9«,  a  été  observée  le 
4  janvier  1894. 

Moyennes  comparées  des  trois  dernières  années  : 
1892  :  12^9     |     1893  :  13ol     |     1894  :  12<»6 
L'année  1894  a  été  plus  froide  que  les  années  1892  et  1893. 

Jours  de  Gelée.  —  Le  thermomètre  est  descendu  au-dessous  de 
zéro  :  17  jours  en  janvier,  6  jours  en  février,  1  jours  en  mars  et 
8  jours  en  décembre.  Total ....    32  jours. 

En  1892,  le  nombre  de  jours  de  gelée  a  été  de  54  jours. 

En  1893,  —  —  —  —  38    — 

Hygrométrie.  -^  Le  degré  d'humidité  de  Tair  est  déduit  des 
observations  du  psychromètre. 

Le  maximum  d'humidité,  90,  a  été  constaté,  en  1894,  le  2  dé- 
cembre, par  vent  de  S.  Ë. 

Le  minimum,  23,  a  été  observé  le  28  septembre,  par  vent  de  N.  0. 

La  moyenne  hygrométrique  de  1894  a  été  de  53. 

État  da  oieL  —  Les  365  jours  des  années  1892,  1893  et  1894  se 
composent  ainsi  qu'il  suit  : 

Jours  beaux         Nuageux  Couverts 

1892  93  129  144 

1893  96  91  178 

1894  91  99  175 


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Ploie.  —  Le  pluviomètre  a  reçu,  pendant  Tannée  1894,  une  quan- 
tité cTeau  correspondant  à  une  hauteur  de  73&«  0.  Le  nombre  de 
jours  de  pluie  ou  neige  a  été  de  98. 

Le  mois  le  plus  pluvfeux  a  été  le  mois  d  avril,  pendant  lequel 
il  a  plu  17  jours. 

Le  mois  le  moins  pluvieux  a  été  le  mois  de  juii^  pendant  lequel 
il  n'a  plu  que  3  jours. 

Totaux  comparés  des  trois  dernières  années  : 

1892    -     1893    —    1894 
Jours  de  pluie  :  144  108  98 

Hauteur  de  pluie  :     833,5  512,3  738 

Vents.  —  En  1894,  le  vent  dominant  a  été  le  N.  0.,  qui  a  soufflé 
126  jours,  puis  le  8.  E.  qui  a  soufflé  74  jours,  et  le  N.  E.,  qui  a 
BOuffTé  73  jours  et  enfin  le  S.  0.  qui  a  soufflé  63  jours. 

A  Saint-Gaudens,  le  vent  du  Nord  n'a  soufflé  que  10  jours,  le 
vent  d'Ouest  13  jours,  et  I0  vent  Sud  2  jours  seulement. 


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LES  PREMIEKS  AGES  DE  tUCHON^ 


SOMMAIRE 

AVA5T-PR0P0S.  —  PéBioDE  PBÉHiSTORiQUE. -*  PÉRIODE  Gauo-Rohaine  :  Avaiil-propos  ; 
1.  Ilixon;  2.  Aonibal  à  Luchon  ;  3.  Pompée  ;  4.  Auguste;  5.  trois  Empereurs  :  Sep- 
time  Sévère,  Vaiérien  et  Gallicn  ;  6.  Sccundinns  et  Fabia  FesU  ;  7.  fin  de  TÉre  gallo- 
romaine.  ~  Période  du  Moyen  Age  :  8.  les  Sarrazins,  Ckarles  ;  9.  premiers  Apôtres 
des  Garumnes;  10.  les  Templiers. 


Les  premiers  âges  de  Luchon 

Sous  ce  titre,  nous  allons  présenter  aux  lecteurs  de  la 
Revue  du  Comminges  une  histoir^i  monographique  de 
Luchon,  en  faisant  défiler  sous  leurs  yeux  les  person- 
nages illustres  qui  ont  habité  ou  visité  notre  station  dans 
les  temps  passés.  A  ceux  qui  trouveront  étrange  cette 
façon  d'écrire  l'histoire,  nous  ferons  observer  que  ce  sont 
les  grands  hommes  qui  font  les  grands  faits,  et  que  l'évé- 
nement le  plus  vulgaire  a  son  prix  quand  il  se  rapporte  à 
un  héros. 

Le  territoire  de  Salone  produit  d'excellentes  laitues  :  le 
monde  l'ignorerait  à  jamais  si  Dioclétien  ayant  abdiqué 
l'Empire,  n'eût,  de  ses  mains  impériales,  exercé  le  jardi- 
nage. Que  les  thermes  de  Lixon  aient  fleuri  dans  l'anti- 
quité, c'est  un  fait  heureux  à  constater,  mais  parfaitement 
indifférent.  Seulement,  qu'à  l'occasion  de  ces  thermes 
vous  me  citiez  Annibal,  le  grand  Pompée,  l'Itinéraire  d'An- 
tonin,  ou  un  passage  de  Strabon,  je  répéterai  la  formule 
sacramenteHjp  :  «  Continuez,  votre  discours  m'intéresse.  » 

1.  Kn  publiant  ce  travail  qui  lui  a  paru  présenter  un  véritable  intérêt,  la  Direclion  de 
la  Revue  fait  cependant  ses  réserves  sur  certaines  des  données  hL<toriquos  présentées  par 
Tauteur  et  qui  peuvent  fournir  matière  à  controverse. 

C^est  le  cas  de  rappeler  la  déclaration  laite  dans  Tavant-propos  de  nos  premières  publi- 
cations ;  elle  n'est  autre  que  Tarticle  10  de  nos  statuts  :  «  Chaque  publication  est  faite  au 
nom  et  sous  la  responsabilité  de  son  auteur.  » 

Quant  aux  droits  de  la  critique  historique,  nul  ne  pouvait  songer  à  les  méconnaître  et 
ils  demeureront  toujours  intacts  au  profil  de  la  vérité  dont  la  recherche  persévérante  et 
sincère  est  le  but  de  notre  Société  des  Etudes.  A.  C. 

Afitui  M  CoimwQBS»  9*  trimestre  1893.  Tome  X.  —  9. 


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Chronologiquement,  le  sujet  se  divise  naturellement  en 
trois  périodes  d'une  longueur  inégale,  mais  dont  la  plus 
courte  n'est  pas  la  moins  intéressante.  Ces  trois  périodes 
sont:  1*  la  période  préhistorique,  2*  la  période  gallo- 
romaine,  3"  la  période  du  moyen  âge. 

PÉRIODE  PRÉHISTORIQUE 

Nous  avons  peu  de  chose  à  dire  sur  cette  période,  qui 
cependant  a  la  propriété  de  passionner  le  monde  archéo- 
logique. Grâce  à  quelques  savants  de  la  région  —  et 
parmi  eux  il  convient  de  citer  principalement  le  D' GarrI- 
gou,  —  on  est  bien  convaincu  aujourd'hui  que  Luchon 
est  situé  sur  le  lit  d'un  ancien  lac  comblé  par  des  atterris- 
semcnts.  Ce  lac  couvrait  l'emplacement  actuel  de  la  ville 
et  s'étendait  jusqu'au  village  de  Cier. 

«  C'est  là,  dit  Lambron,  dans  son  remarquable  ouvrage 
<f  sur  les  Pyrénées,  que  commence  le  bassin  de  Luchon 
«r  entièrement  formé  de  terrains  d'alluvion,  cause  bien 
«  naturelle  de  sa  merveilleuse  fertilité.  L'étude  archéolo- 
«  gique  de  la  disposition  de  ce  bassin  démontre  en  effet 
<f  qu'il  forma  autrefois  un  des  grands  lacs  des  Pyrénées 
«  et  fut  mis  à  sec  par  la  rupture  du  barrage  naturel 
(c  placé  à  l'entrée  de  la  gorge  de  Cier,  rupture  due  à  l'ac- 
<c  tion  destructive  et  incessante  des  eaux,  comme  celle  de 
a  la  chaussée  du  lac  de  Héas,  près  de  Gavarnîe,  qui,  en 
i(  1788,  causa  tant  de  désastres  dans  les  vallées  de  Gèdrc 
«  et  de  Luz.  » 

A  l'époque  si  lointaine  et  imprécise  où  la  vallée  de 
Luchon  n'était  qu'une  vaste  nappe  d'eau,  il  est  certain 
que  les  hauteurs  étaient  habitées  par  une  race  d'hommes 
primitifs  :  témoins,  les  nombreux  villages  que  Ton  voit 
encore  suspendus  à  des  hauteurs  presque  inaccessibles, 
et  où  les  habitants  continuent  à  séjourner  sans  autre  rai- 
son que  l'amour  du  sol  où  ont  vécu  leurs  aïeux. 

Voilà  donc  un  premier  point  acquis. 


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445 

Un  autre  point,  élucidé  depuis  peu  (1865),  c'est  que  les 
autochtones  de  Tépoque  préhistorique  appartenaient  à 
une  race  extraordinairement  vigoureuse  :  nous  en  avons 
la  preuve  manifeste  dans  les  divers  monuments  mégalithi- 
ques dispersés  dans  les  vallées  du  canton,  et  notamment 
dans  les  groupes  de  cromlechs  de  Baren  et  de  TEspiaux, 
signalés  et  décrits  par  MM.  Pourcade,  Gourdon  et  Sacaze, 
où  Ton  trouve  des  blocs  de  pierre,  groupés  dans  un  ordre 
symétrique,  qui  ont  jusqu'à  58  mètres  cubes.  Comment 
s'y  étaient  pris  ces  hommes  primitifs,  qui  ne  connais- 
saient pas  l'usage  du  fer,  pour  mouvoir  ces  masses 
gigantesques  ?  De  quel  levier  se  servaient-ils  pour  soule- 
ver des  poids  de  100.000  kilos?      ^ 

Ces  questions,  insolubles  peut-être,  stimulent  le  zèle 
des  archéologues,  que  rien  ne  rebute  et  qui  vont  faisant 
chaque  année  de  nouvelles  découvertes. 

En  1870,  MM.  Pourcade  et  le  comte  de  Chasteigner 
déterraient  dans  la  grotte  de  Saint-Mamet  des  silex  tail- 
lés, des  flèches,  une  hachette  polie  et  des  fragments  de 
poterie  noire  datant  de  l'époque  néolithique. 

En  1865,  c'étaient  Pourcade  et  Padeuilhe  qui  mettaient 
à  jour,  dans  le  village  de  Garin,  des  sépultures  à  inci- 
rations  datant  de  l'époque  préhistorique. 

En  1873,  M.  Chaplain-Duparc  découvrait,  dans  la  vallée 
d'Oô,  des  cromlechs  souterrains  dont  l'un  contenait  une 
urne  funéraire. 

En  1875  et  1876,  c'étaient  M.  Edouard  Piette,  et  encore 
Gourdon  et  Sacaze  déjà  nommés,  qui  fouillaient  la  monta- 
gne de  l'Espiaux  et  y  trouvaient  des  alignements  de  pierre 
absolument  remarquables  et  de  la  plus  haute  curiosité. 

Ces  premiers  résultats  ont  puissamment  encouragé  les 
savants,  et  nul  doute  que,  grâce  à  la  propagande  féconde 
de  la  Société  des  études  du  Comminges,  de  nouvelles 
découvertes  ne  viennent  jeter  un  jour  nouveau  dans  la 
nuit  des  temps  passés  et  permettre  de  rétablir  l'histoire 
de  Luchon  préhistorique. 


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446 


PERIODE  GALLO-ROMAINE 

Voilà  donc  le  bilan,  hélas!  bien  court,  de  la  période 
dite  préhistorique.  Heureusement,  nous  allons  être  un  peu 
plus  favorisés  avec  la  période  romaine  et  gallo-romaine, 
bien  que  les  documents  soient  encore  vagues,  isolés  et 
souvent  incertains.  Il  est  bien  constant  que  la  vallée  de 
Luchon,  ce  canton  reculé  des  Gaules,  a  subi  la  double 
conquête  des  anciens  maitres  du  monde  :  la  conquête  par 
les  armes  et  la  oonquête  par  les  idées  et  le  génie  de 
Rome.  On  en  verrait  des  preuves  plus  absolues  Tune  que 
l'autre  dans  la  langue  du  pays,  dans  les  dénominations 
ethniques,  dans  les  monuments  latins  exhumés  du  sol. 
Comment  rattacher  rédifice  à  Tarchitecte  et  le  fait  à  son 
auteur,  si  ce  n'est  par  de  vagues  traditions,  par  des 
légendes  ou  par  des  textes  douteux  retournés  en  cent 
façons  chez  les  commentateurs?  Ce  léger  fil,  est-il  possi- 
ble de  le  retrouver  et  de  le  rendre  visible  *  ?  C'est  ce  que 
nous  allons  essayer  de  résoudre. 

1.   Ilixon 

A  tout  seigneur  tout  honneur!  Fidèles  à  l'esprit  de  ce 
vieux  dicton,  nous  commencerons  par  le  dieu  Ilixon; 
aussi  bien,  cette  divinité  n'est-ellc  pas  autant  étrangère  au 
sujet  qu'on  serait  porté  à  le  croire. 

Toute  histoire  commence  par  la  fable;  toute  nation  un 
peu  ancienne  a  son  berceau  entouré  de  mythes  légen- 
daires. Avant  d'entrer  de  plein  pied  dans  les  événements 
authentiques,  il  faut  passer  par  la  légende. 

1.  A  cette  occasion,  qu'il  nous  soit  permis  d'exprimer  un  regret  qui  est  iw  vœs  :  11  b'j 
a  pas  à  Ludion  d'archives  sérieuses.  Ceux  qui  désirent  écrire  sur  la  station  sont  réduits  i 
parcourir  h  grands  frais  certaines  Tilles  du  Midi  et  les  bibliothèques  publiques.  C'est  li 
que  sont  dispersés  les  manuscrits  ou  les  ouvrages  concernant  la  tille.  11  aérait  si  simple 
de  colliger  ces  documents  et  de  les  mettre  à  la  disposition  des  amateurs.  Les  indiféucs 
verraient  là  les  titres  de  leur  antique  prospérité,  et  les  hittoriographei  TÎeadraieat  j 
pnlser  abondamment. 


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«7 

Ce  n'est  pas  que  le  dieu  Ilixon  n'ait  existé  réellement, 
ou,  pour  mieux  parler,  qu'il  n'y  ait  eu  un  pays  placé  sous 
le  patronage  d'une  déité  de  ce  nom.  De  l'avis  de  tous  les 
étymologistes,  le  mot  Luchon  n'est  qu'un  dérivé  cor- 
rompu de  cet  autre  mot  Ilixon^.  On  a  trouvé  au  pied  de 
Superbagnères,  aux  lieux  mêmes  où  s'élèvent  les  thermes 
modernes,  plusieurs  autels  votifs  qui  lui  étaient  dédiés. 
Ces  monuments,  dont  nous  reproduisons  les  principales 
inscriptions  à  la  fin  de  ce  chapitre,  sont  d'origine  gallo- 
romaine  ;  ils  furent  sans  doute  placés  là  par  la  piété  des 
malades  reconnaissants.  Il  est  si  facile  d'établir  la  filiation, 
entre  la  dénomination  actuelle  de  notre  station  thermale 
et  celle  du  protecteur  que  lui  avaient  donné  les  Celtes, 
que  tout  commentaire  en  sens  inverse  serait  même  de 
mauvais  goût. 

Qu'était-ce  donc  que  ce  dieu  Ilixon? 

Est-ce  un  personnage  de  l'Olympe  celtique,  un  membre 
de  la  divine  famille  à  laquelle  appartenait  Teutatès  ? 

En  arrivant  dans  le  pays,  les  autochtones  de  la  vallée 
delà  Pique  ont-ils  choisi,  dans  leur  paradis,  un  patron 
quelconque  pour  lui  confier  la  garde  de  leurs  foyers? 
Était-ce  la  déité  particulièrement  invoquée  par  leur  tribu? 

Je  n'entends  pas  résoudre  cet  insoluble  problème  ;  il  a 
trop  peu  d'importance  et  ce  serait  perdre  son  temps  et 
rabaisser  le  travail  que  de  le  faire  servir  à  ces  infiniment 
petits.  Je  veux  simplement  poser  la  question. 

Une  autre  hypothèse  se  présente  d'elle-même  qui  n'est 
pas  dépourvue  de  vraisemblance  et  qui,  jusqu'à  un  cer- 
tain point,  s'accorde  avec  la  première.  Nos  lecteurs 
en  jugeront. 

On  sait  aujourd'hui,  de  par  la  critique  historique,  quelle 
est  l'origine  des  rois  et  des  dieux.  César  se  disait  issu  de 

i.  Ost  à  tort  que  certains  épigraphistes  écrivent  indifféremment  Lixon  et  Ilixon. 
Voici  do  reste  l'opinion  de  Julien  Sacaze  dont  la  compétence  est  incontestable  :  ■  Le  mot 
de  Lixon  ne  fignre  dans  aucune  inscription  authentique.  Celui  d'Ilixon  doit  seul  rester 
dans  la  liste  mythologique  des  Pyrénées  et  les  linguistes  ne  doivent  plus  citer  Lixon 
comme  un  exemple  d*aphérèse.  La  divinité  éponyme  de  Luchon  se  nomme  Ilixon  et  nou 
LixoQ.  L  est  devenu  la  lettre  initiale  par  la  chute  de  17  comme  Llerda  est  devenu  Lerida. 


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148 

Vénus  par  ses  aïeux,  et  les  flatteurs  de  Louis  XIV  lui 
donnaient  pour  aïeul  Francus,  ce  qui  aurait  établi,  entre 
les  deux  Césars,  une  espèce  de  parenté.  Que  Tun  et 
Tautre  aient  ajouté  foi  à  ces  bizarres  généalogies,  ce 
serait  faire  tort  à  leur  grand  bon  sens  que  de  le  croire. 

Le  premier  roi.  Voltaire  Ta  dit,  fut  un  soldat  heureux, 
et  le  premier  dieu  (bien  entendu  que  je  parle  ici  des  dieux 
mijthologiques)  fut  un  mortel  plus  ou  moins  illustre,  divi- 
nisé par  ses  semblables  après  sa  mort. 

Or,  pour  en  revenir  à  Ilixon,  ne  serait-il  pas  l'introduc- 
teur des  Celtes  dans  la  vallée  de  la  Pique,  un  chef  de  clan 
habile  et  heureux,  auquel  ses  sujets,  ou  plutôt  leurs 
descendants,  auraient  décerné  les  honneurs  divins?  Dans 
les  grandes  migrations  gauloises,  ce  serait  lui  qui  aurait 
donné  des  foyers  à  sa  tribu  et  qui  l'aurait  installée  dans 
ce  coin  des  Gaules,  leur  patrie  définitive. 

Nos  lecteurs  conviendront  sans  peine  qu'on  ne  pouvait 
ne  pas  produire  cette  version  explicative.  Je  l'ai  d'ailleurs 
discutée  avec  plusieurs  archéologues  qui  en  ont  sponta- 
nément reconnu  le  bien  fondé. 

C'est  à  ce  seul  titre  que  Ilixon,  personnage  légendaire 
et  cariatide  fantastique  avant  les  héros  réels,  mérite  de 
prendre  place  parmi  les  hommes  illustres  de  la  station. 

Le  lieu  qu'avaient  choisi  les  indigènes  pour  rendre 
leur  culte  à  Ilixon  (héros  immortalisé  'après  coup  ou 
divinité  primitive,  n'importe)  était  admirablement  choiai; 
le  sanctuaire  occupait  la  seule  place  qu'il  dût  occuper, 
au  pied  de  Superbagnères,  vers  Tendroit  où  les  eaux 
thermales  sourdent  déterre.  C'est  là,  et  là  seulement,  que 
les  aborigènes  établirent  le  sanctuaire.  Là,  s'élevait  le  dol- 
men, la  pierre  sacrée  où  ils  venaient  faire  les  sacrifices  à 
leur  génie  particulier.  Des  pentes  boisées  de  la  monta- 
gne, il  veillait  sans  cesse,  présidant  à  l'invisible  travail 
de  la  terre,  conduisant  les  sources  vers  leur  éternelle 
issue.  Avec  leur  instinct,  les  indigènes  durent  compren- 
dre que  là  étaient  et  la  fortune  de  la  vallée  et  le  salut  des 
malades,  pour  un  avenir  indéterminé. 


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149 

C'est  Superbagnères  qui  fait  Luchon  ;  le  dernier  n'exis- 
terait pas  sans  le  premier  :  supprimer  Tun  c'est  détruire 
Tautre. 

Supposez,  en  effet,  que  le  dieu  Ilixon,  irrité  par  les 
méfaits  de  ses  adorateurs,  cesse  de  remplir  son  office  et 
que  les  eaux  se  perdent  dans  Tintérieur  de  la  terre,  vous 
voyez  d'ici  tout  le  désastre.  11  ne  resterait  qu'une  vallée, 
magnifique  sans  doute,  mais  n'offrant  à  l'habitant  que  des 
ressources  insuffisantes.  :La  beauté  des  sites  ne  laisse- 
rait aux  intéressés  qu'une  pauvre  consolation  et  qu'un 
attrait  insuffisant  aux  malades. 

Honneur  donc  à  Superbagnères  et  à  Ilixon  !  Si  d'une 
main  ils  prennent  le  soleil  aux  Luchonnais,  de  l'autre  ils 
leur  donnent  des  millions.  L'on  est  un  peu  plus  riche  et 
l'on  ne  s'en  porte  guère  plus  mal.  Si  Ilixon,  fut  le  premier 
à  découvrir  les  sources  et  à  peupler  le  pays,  qu'on  ne  me 
sache  pas  mauvais  gré  de  le  faire  figurer  en  tête  de  la 
liste. 

Cela  dit,  nous  n'aurions  garde  de  ne  pas  indiquer  ici 
(d'après  Castillon  d'Aspet,  auteur  d'un  ouvrage  sur 
Luchon)  une  étymologie  curieuse  du  mot  Ilixon,  qui  fera 
peut-être  comprendre  pourquoi  la  vallée  de  la  Pique  fut 
placée  sous  cette  invocation. 

Dans  l'idiome  celtique,  Li  et  Lis  veut  dire  eau;  de  Li 
s'est  formé  Lixo,  eau  chaude. 

Si  l'on  ouvre  Ducange  CGloss.  ad  verbum  Lixojf  on  trou- 
vera même  que  du  radical  celtique  sont  dérivés  plusieurs 
vocables  latins,  tels  que  Lex,  lessive  et  Lexiviay  cendres 
lessivées*. 

Ainsi,  outre  l'identité  qui  semble  exister  entre  le  terme 
lixOy  eau  chaude,  et  celui  de  Lixo  divinité  tutélaire  de 
Luchon,  il  faut  encore  observer  une  grande  analogie 
entre  le  sens  de  l'un  et  la  nature  des  attributions  de 
l'autre.   Que  conclure,  sinon  que  Ilixon   est  une  déité 


I.  Le  nom  de  Lés,  ville  d'eaax  ihermales  dans  le  val  d*Aran  (en  lalin  Lexis)  paraît  bien 
avoir  cette  provenance. 


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480 

locale  et  que,  sous  cette  personnification,  nos  aïeux  ado- 
raient les  sources  de  Superbagnères? 

Notre  travail  serait  incomplet  si  nous  ne  présentions 
pas  à  nos  lecteurs,  comme  pièces  justificatives,  un  aperçu 
des  5  autels  votifs  consacrés  au  dieu  Ilixon  qui  existent 
encore  en  France. 

1**  Cippe  trouvé  dans  les  ruines  des  anciens  thermes  et 
déposé  au  musée  de  Toulouse  : 

ILIXONI 

DEO 

SECVNDI 

NVS-VER 

ECVNDI.  f. 

Lisez:  Ilixoni  Deo  Secundinus  Verecundi  fUius. 

«  Au  Dieu  Ilixon,  Secundinus,  fils  (ou  esclave)  de  Vere- 
cundinus  ». 

Cet  autel,  ayant  été  mutilé,  ne  possède  plus  les  sigles 
V.  S.  L.  M  qui,  disons-le  une  fois  pour  toutes,  se  retrou- 
vent dans  tous  les  autels  votifs. 

2"  Cippe  trouvé  dans  les  ruines  des  anciens  thermes  et 
déposé  au  musée  de  Beauvais  : 

ILIXONI 
DEO 
FAB.  FESTA 
V.  S.  L.  M. 

Lisez:  Ilixoni  Deo  Fabia  Festa  votum  solvit  libérais, 
viorbo. 

«  Au  dieu  Ilixon,  Fabia  Festa  acquitte  son  vœu,  déli- 
vrée de  son  mal.  » 

S**  et  4**.  Deux  autres  cippes,  moins  complets  et  moins 
intéressants  que  les  deux  premiers,  sont  déposés  l'un  dans 
la  collection  d'Agos  et  Tautre  dans  la  collection  Sacaze. 

5^  Le  cinquième  et  dernier  cippe  a  été  vendu  à  la  ville 


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4SI 
de  Luchon,  par  M.  Caze  père,  et  se  trouve  dans  une  niche 
dominant  la  porte  de  l'établissement  ;  il  porte  Tinscription 
suivante  : 

DEO 

LIXONI 

FLAVIA  RUFI 

F.  PAVLINA 

V.  S.  L.  M. 

Lisez  :  Deo  Lixoni  Flaviani  Riifi  FilisL  PaulinsL  votum 
êolvit  liberata  morbo. 

«  Au  Dieu  Lixon,  Pauline,  fille  de  Flavianus  Rufus, 
acquitte  son  vœu,  délivrée  de  son  mal.  » 

Au  sujet  de  ce  dernier  cippe,  le  docteur  Lambras  écrit  : 
(c  Je  n'ai  pu  savoir  de  M.  Caze  comment  il  est  venu  en  sa 
«  possession  ;  je  ne  connais  donc  rien  de  sa  réelle  anti- 
quité. 

Julien  Sacaze  est  encore  plus  catégorique  et  voici 
son  appréciation  : 

(f  Quant  au  cippe  trouvé  à  Baren  et  placé  dans  une 
«  petite  niche  au  dessus  de  la  porte  principale  de  Téta- 
cc  blissement,  l'inscription  qu'il  porte  n'est  pas  authenti- 
«  que  et  l'on  connait  le  faussaire  V.  C.  » 

2.  Annibal  à  Luchon 

Dans  la  galerie  des  visiteurs  illustres  de  Luchon,  la 
figure  qui  se  présente  d'abord  est  celle  d'un  Africain,  et 
des  plus  fameux  s'il  vous  plait.  Le  premier  visiteur  en  date 
ne  sera  pas  le  moindre  sous  le  rapport  de  la  célébrité. 
Annibal  à  Luchon!  Voilà  sans  doute  une  étrange  chose!  A 
vingt  siècles  de  distance,  un  chroniqueur  s'avise  un  beau 
jour  d'écrire  un  chapitre  obscur  des  destinées  de  son 
pays,  et  le  premier  nom  qui  lui  tombe  sous  la  main  est  un 
nom  universellement  classique.  Quoi  qu'en  pense  la  criti- 
que, je  m'en  félicite  d'abord,  même  avant  de  m'infor- 
mer  si  l'histoire  viendra  confirmer  la  tradition. 

Rappelons  en  quelques  mots,  pour  ceux  de  nos  lec- 


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499 

teurs  qui  ont  perdu  de  vue  leur  histoire,  la  phase  princi- 
pale de  la  vie  d'Annibal. 

«  Fils  d'Amilcar  Barca,  Annibal  naquit  à  Carthage,  Tan 
«  247  av.  J.-C.  Encore  enfant,  sous  les  yeux  et  sur  les 
«  ordres  de  son  père,  il  jura  sur  les  autels  une  haine 
«  éternelle  aux  Romains.  Il  conçut  et  exécuta  le  projet, 
«  alors  si  hardi,  de  traverser  la  mer  et  d'aller  du  fond  de 
«  TEspagne,  à  travers  les  peuples  hostiles  de  Tlbérie  et  de 
«  la  Gaule,  à  travers  les  neiges  et  les  précipices  des  Pyré- 
<r  nées  et  des  Alpes,  attaquer  Rome  dans  Rome.  Quatre- 
«  vingt  mille  hommes  le  suivirent  au  départ.  Vingt  mille 
«  seulement  mirent  avec  lui  le  pied  sur  le  sol  de  Tltalie. 
«  Avec  cette  poignée  de  soldats,  il  força  les  alliés  à  se 
«  détacher  de  Rome,  par  les  promesses,  les  menaces  ou 
«  l'extermination.  Il  écrasa  les  Romains  eux-mêmes  au 
ft  Tessin,  à  la  Trébie,  au  lac  Thrasimène,  à  Cannes,  à 
(c  Cannes  surtout  où  Rome  perdit  cinquante  mille  hom- 
«  mes  et  d'où  il  envoya  à  Carthage,  pour  bulletin  de  la 
«  journée,  deux  boisseaux  de  bagues  d'or  prises  sur  les 
V  cadavres  des  chevaliers.  On  dit  que  ce  jour-là  eût  été  le 
«  dernier  des  Romains,  si  le  Carthaginois  eût  nîarché  sur 
«  Rome.  C'est  une  erreur  :  le  génie  de  Rome  était  plus 
«  fort  que  celui  de  Carthage.  » 

Arrêtons  là  notre  citation  empruntée  à  B.  Barbé,  et  pré- 
cisons l'époque  où  Annibal  visita  Luchon. 

Nous  avons  dit  qu'à  la  tête  de  quatre-vingt  mille  hom- 
mes l'illustre  Carthaginois  traversa  l'Espagne  du  Sud  au 
Nord.  Il  s'arrêta  devant  Sagonte,  ville  alliée  des  Romains, 
dont  il  s'empara  malgré  la  résistance  héroïque  des  habi- 
tants, puis  il  marcha  vers  les  Pyrénées  qu'il  franchit  par 
le  port  de  Venasque  au  milieu  des  neiges  et  des  glaciers. 
La  tradition  veut  qu'avant  d'opérer  la  traversée  du  port 
avec  son  armée,  Annibal  ait  fait  agrandir  l'ouverture 
(encore  étroite  aujourd'hui)  de  ce  fameux  passage  qui, 
comme  chacun  sait,  est  une  grande  excavation  en  forme  de 
cône  renversé,  séparant  le  pic  de  la  Mine  du  pic  de  Sau- 
vegarde. Les  routes  étaient  détestables,  et  la  saison  fort 


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4S3 

rigoureuse.  Obstacles  et  précipices  se  dressaient  à  cha-  ' 
que  pas.  L'illustre  général  triompha  de  toutes  les  difficul- 
tés, non  toutefois  sans  avoir  perdu  beaucoup  d'hommes, 
beaucoup  de  chevaux  et  une  quantité  considérable  de 
bagages.  Il  pénétra  enfin  dans  la  vallée  de  la  Pique  et 
vint  camper  au  pied  de  Superbagnères,  dans  remplace- 
ment actuel  de  notre  ville. 

Le  premier  savant  qui  a  osé  émettre  Tidée  du  passage 
d' Annibal  par  Luchon  et  le  port  de  Venasque  est  M.  Duruy, 
ministre  de  l'instruction  publique  sous  le  2*  empire.  On 
dit  que,  dans  les  notes  qu'il  a  laissées  et  qui  seront  vrai- 
semblablement publiées,  cette  hypothèse  se  trouve  lon- 
guement discutée.  Ce  sera  une  bonne  fortune  pour  les 
archéologues. 

D'autres  savants,  et  notamment  M.  Torribio,  professeur 
espagnol,  prétendent  avoir  trouvé  quelques  documents 
précieux  dans  les  bibliothèques  de  Valence  et  de  Madrid. 
{Journal  la  Dépêche  n**  du  30  décembre  1894.) 

Nous  devons  à  la  vérité  d'avouer  qu'il  ne  nous  a  pas 
été  possible  de  prendre  connaissance  de  ces  documents. 
Leur  publication  viendra  probablement  jeter  un  jour  nou- 
veau sur  l'obscurité  de  la  légende. 

Disons  enfin  que  quelques  épigraphistes  pensent  pou- 
voir rattacher,  au  passage  d'Annibal  dans  nos  vallées,  le 
monument  funéraire,  encastré  dans  le  mur  de  l'église  de 
Cazarilh,  qui  porte  l'inscription  suivante  : 

HOTARRI.  ORCOTARRIS.  F 

SENARRI.  ELONI.  FILIAE 

BONTAR  HOTARRIS.  F.  EX.  TESTAMENTO 

Lisez  :  Hotarri  Orcotarris  filio  Senaiiri  Eloni  filiae  Bon- 
tar  Hotarris  filius  ex  testamento. 

«  A  Hotarr,  fils  d'Orcotarr,  à  Senarr,  fille  d'Elonus, 
Bontar,  fils  d'Hotarr,  a  élevé  ce  monument  en  exécution 
d'un  testament.  » 

Les  noms  d'Hotarr,  Orcotarr  et  Bontar  ont  une  physio- 
nomie carthaginoise  qui  a  frappé  les  archéologues,  et 


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494 

d'aucuns,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  estiment  quHls 
appartenaient  peut-être  à  des  soldats  d'Annibal  restés 
dans  le  pays. 

4.   Pompée 

né  à  Rome  iOl  ans  avant  J.-C,  mort  en  49 

Après  un  Carthaginois,  un  Romain  ! 

Après  Annibal,  Pompée  !  Avec  Rome  il  faut  s'attendre 
à  de  telles  rencontres  dans  Thistoire.  Et  d'ailleurs  ne 
sommes-nous  pas  les  fils  des  Gallo-Romains  ?  Nombre 
de  nations  commencèrent  où  finit  l'Empire  ;  les  deux  his- 
toires sont  entremêlées.  Si  peu  qu'on  remonte  dans  le 
passé,  on  retrouve  les  vestiges  du  peuple  essentiellement 
dominateur. 

Voici  à  quel  enchaînement  de  circonstances  nous  som- 
mes redevables  de  trouver  Pompée  sur  nos  pas.  C'est  à 
deux  événements,  distincts  l'un  de  l'autre,  quoique  étroi- 
tement liés:  la  guerre  contre  Sertorius  en  Espagne,  et  la 
fondation  de  Lugdunum  des  Convènes  (Saint-Bertrand 
moderne;. 

Après  avoir  enlevé  la  Narbonnaise  aux  officiers  de 
Sertorius,  Pompée  le  poursuivit  en  Espagne  et  franchit 
les  Pyrénées  par  le  val  d'Aran.  A  son  retour  de  la 
Péninsule,  il  se  rendit  dans  notre  pays,  où  son  passage 
est  attesté  par  l'histoire  et  par  la  tradition.  Le  général 
romain  bâtit  la  ville  de  Lugdunum  destinée  à  recevoir 
les  Celtibériens,  anciens  alliés  de  Sertorius.  Du  même 
coup  il  créa  la  prospérité  de  Luchon  :  établir  dans  le  voi- 
sinage d'eaux  thermales  une  cité  appelée  à  devenir  im- 
portante, n'est-ce  pas  leur  préparer  un  avenir  florissant? 
D'après  nous,  c'est  à  cette  date  qu'il  faut  rapporter  la  pre- 
mière origine  authentique  des  thermes  lixoniens.  Luchon 
exista  dès  lors,  non  pas  peut-être  comme  ville,  mais 
comme  établissement  thermal.  Le  peuple  et  l'aristocratie 
des  Convènes,  surtout  dans  la  capitale,  lui  fournirent  un 
ample  contingent  de  baigneurs.  Dans  les  siècles  qui  sui- 
virent, on  y  vit  accourir  en  grand  nombre  des  légion- 


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125 

naires^  des  dignitaires  de  tout  ordre,  et  même  des  em- 
pereurs. 

Nous  retrouvons  les  traces  du  grand  Pompée  en  amont 
et  en  aval  de  Luchon,  à  Saint-Bertrand  et  sur  le  terri- 
toire Aranais.  Au  sujet  de  ce  dernier,  voici  un  détail  qui 
nous  a  particulièrement  frappé. 

Au  milieu  du  val  d*Aran,  à  Mitj'Aran^  on  trouve  une 
pierre  druidique,  débris  d*un  autel  grossier,  qui  aurait 
été  posé  dans  cet  endroit  par  le  vainqueur  de  Sertorius. 
Du  terme  latin  qui  sert  à  désigner  un  autel  (ara)  serait 
venue  la  dénomination  de  la  vallée  ;  en  posant  la 
pierre,  le  Romain  aurait  posé  l'appellation  définitive.  On 
sait  le  respect  qu'affectaient  les  conquérants  du  monde 
pour  la  religion  des  peuples  vaincus;  Tacte  attribué  à 
Pompée  est  en  harmonie  avec  cette  tolérance. 

De  ce  fait  on  peut  donc  conclure,  que  le  rival  de  César, 
ayant  traversé  le  val  d'Aran  et  y  ayant  séjourné,  a  dû 
certainement  connaître  et  visiter  Luchon,  ne  serait-ce 
qu'à  cause  des  sites  pittoresques  de  la  vallée,  et  de  la  fer- 
tilité du  sol  qui  devaient  être  renommés  dans  toute  la 
région. 

Un  autre  fait,  également  traditionnel,  se  rattache  à  son 
passage.  Le  voici,  textuellement  reproduit  d'après  un  écri- 
vain du  pays  : 

«  Un  des  légionnaires,  que  Pompée  chérissait  à  cause 
a  de  sa  bravoure  et  de  son  dévouement,  était  inquiété 
«  depuis  quelque  temps  par  une  maladie  de  la  peau.  Le 
«  soldat  ayant  vu  de  Teau  fumer  dans  une  crevasse  du 
«  sol,  y  baigna  une  main.  Frappe  par  sa  température 
ff  chaude  et  par  le  limon  qu'elle  renfermait,  il  fit  agrandir 
«  ce  trou  et  s'y  plongea  tout  entier.  Peu  de  jours  après, 
«  sa  guérison  étonnait  Pompée,  et  les  eaux  de  Luchon 
«  étaient  découvertes  et  immortelles.  » 

Ainsi  qu'on  a  pu  le  voir,  dans  le  séjour  de  Pompée 
parmi  les  Convènes  le  fait  particulier  qui  nous  intéresse 
le  plus,  c'est-à-dire  la  date  de  son  apparition  sur  le  sol 
luchonnais,  est  diflicile  à  préciser.  Les  documents  qui 


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m 

nous  restent  ne  peuvent  dissiper  robscurité  de  Thistoire. 
Ce  qui  est  bien  certain,  c'est  que  nul  n'a  osé  protester  con- 
tre l'authenticité  du  séjour  de  Pompée  dans  la  ville  des 
Onésiens  et  que  cette  croyance  populaire  s'est  maintenue 
jusqu'à  nos  jours. 

On  se  représente  volontiers  le  vainqueur  de  Sertorius 
au  milieu  des  Gaimmni  de  la  Pique.  Entouré  de  ses  offi- 
ciers, vieux  grognards  blanchis  sous  les  armes,  jeunes 
patriciens  espoir  de  Rome,  il  admire  la  grande  nature 
au  pied  de  Superbagnères.  Il  considère  avec  curiosité  les 
sources  qui  fument  à  travers  les  fentes  des  rochers.  Il 
recueille,  de  la  bouche  même  des  Garumni,  ces  Luchon- 
nais  primitifs,  le  récit  de  cures  merveilleuses,  et  avec 
l'instinct  sûr  et  rapide  d'un  Romain,  il  pressent  un  grand 
avenir. 

Entre  ce  Romain  heureux  et  brillant,  et  ce  coin  de  terre, 
qui  sera  un  jour  le  rendez-vous  privilégié  des  favoris  de 
la  fortune,  il  existe  une  certaine  affinité  ;  une  fois  qu'ils 
ont  été  rapprochés,  les  deux  noms  demeurent  insépara- 
bles dans  la  mémoire  et  s'évoquent  mutuellement  par 
une  association  naturelle  d'idées.  Le  sort  glorieux  de 
Pompée  va  influer  désormais  sur  celui  des  thermes  lixo- 
niens,  et,  à  travers  toutes  les  vicissitudes  des  %es  sui- 
vants, répandre  sur  la  station  son  heureuse  influence. 

Pour  épuiser  tout  ce  qui  touche  à  notre  hôte,  nous 
rapporterons  les  lignes  suivantes  empruntées  à  l'Histoire 
des  populations  Pyrénéennes. 

«  A  l'extrémité  de  la  vallée  du  Thou,  au  pied  des  mon- 
«  tagnes  de  Couledoux  et  d'Aspet,  existe  un  pont  ruiné, 
«  espèce  d'écluse  bâtie  en  brique,  d'une  antiquité  et  d'une 
<(  forme  remarquables.  Les  habitants  des  montagnes  Fap- 
«  pellent  encore  le  Pont  de  Pompée.  » 

Cette  dernière  particularité,  rapprochée  des  autres, 
montrera  combien  le  fondateur  de  Lugdunum  est  demeuré 
populaire  dans  la  mémoire  des  Convènes,  combien  l'em- 
preinte de  ses  pas  est  gravée  profondément  dans  le  sol. 


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427 

5-  Auguste 

Leçon  de  Strabon,  —  Itinéraire  d'Antonin 

Bientôt  après  la  guerre  d'Espagne ,  les  expéditions  de 
Jules  César  portèrent  le  coup  de  grâce  à  l'indépendance 
Gauloise.  Le  jeune  Crassus,  un  de  ses  lieutenants,  fran- 
chit la  Garonne  et,  à  la  suite  d'une  grande  bataille,  reçut 
la  soumission  d'une  grande  partie  de  l'Aquitaine.  Parmi 
les  peuples  qui  lui  prêtèrent  serment  d'obéissance,  se 
trouvent  les  Garumniy  c'est-à-dire  les  habitants  du  bassin 
supérieur  de  la  Garonne,  depuis  les  vallées  d'Aran  et  de 
Luchon  jusqu'en  aval  de  Saint-Bertrand.  Dès  lors  le  pays 
des  Celtes,  comme  on  Ta  dit  avec  raison,  devint  la  plus 
romaine  des  provinces. 

La  période  la  plus  brillante  des  thermes  lixoniens,  dans 
les  temps  anciens,  correspond  à  TEmpire.  Si  leur  avenir 
était  lié,  ainsi  que  nous  l'avons  établi  en  thèse  générale,  à 
l'avenir  de  la  métropole,  les  beaux  jours  de  la  cité  pom- 
péienne furent  ceux  de  la  station  minérale.  Ce  ne  sont 
plus  des  Ibères  du  voisinage  et  de  simples  Convènes  qui 
affluent  vers  les  eaux  placées  sous  la  sauvegarde  de 
Lixon,  mais  encore  de  grandes  familles  romaines,  de 
hauts  fonctionnaires  appartenant  à  l'aristocratie  munici- 
pale et  l'élite  de  la  société  Gauloise.  La  tradition  veut 
même  que  plusieurs  empereurs  aient  figuré,  en  leur 
temps,  sur  la  liste  des  visiteurs  illustres. 

Auguste  aurait  été  parmi  les  Césars  notre  hôte  de  pré- 
dilection. Il  incorpora  le  pays  à  l'Aquitaine  et,  en  confé- 
rant aux  Celtibériens  de  Lugdununi  le  droit  de  bourgeoi- 
sie, il  éleva  cette  dernière  au  rang  de  ville  latine.  On  lit 
dans  les  auteurs  grecs  :  «  Quelque  part  qu'aille  Auguste, 
«  la  gloire  l'accompagne  partout  :  témoins  les  eaux  des 
«  Pyrénées.  » 

Ce  voyage  est  confirmé  par  Suétone.  L'auteur  des  Vies 
des  douze  Césars  ajoute  qu'il  voulut  avoir  dans  sa  garde 
particulière  plusieurs  hommes  choisis  parmi  les  Con- 
vènes. 


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438 

Comme  preuve  matérielle  de  ce  voyage,  n'oublions  pas 
de  mentionner  le  fameux  autel  votif  en  marbre  de  Saint- 
Béat  qui  se  trouve  placé  dans  la  salle  des  pas  perdus 
de  l'établissement  thermal.  Cet  autel  porte  sur  une  de 
ses  faces,  Tinscription  suivante  : 

NYMPHYS 

AVG 
SACRVM 

«  (Autel)  consacré  aux  Nymphes  d'Auguste.  » 

Enfin  la  raison  déterminante  qui  nous  permet  de  reven- 
diquer Tauguste  visiteur,  c'est  le  texte  si  connu  de 
Strabon  : 

<f  Aux  pieds  des  Pyrénées  —  dit  le  géographe  grec  —  se 
«  trouvent  la  ville  de  Lugdunum  et  les  thermes  Onésiens, 
«  magnifiques  et  d*eau  excellente  à  boire.  » 

A  Toccasion  de  ces  simples  lignes,  glossateurs,  géogra- 
phes et  historiens  ont  engagé  une  guerre  de  commen- 
taires qui  dure  encore.  Quelle  est  la  nature  du  mot 
Onésiens?  Où  étaient  situés  ces  bains? 

Voici  notre  explication  :  Il  est  avéré,  d'une  part,  que  les 
habitants  primitifs  des  plateaux  d'Aran  et  de  Luchon 
furent  des  Garumni  (Garunni,  Garunijf  et,  d'une  autre,  que 
cette  dénomination  ethnique  est  composée  de  deux  racines 
celtiques  Gar  et  Urtrij  .exprimant  séparément  les  princi- 
paux cours  d'eau  de  ces  vallées,  l'Onne  luchonnaise  et  le 
Gar  aranais.  Or,  ayant  à  signaler  l'établissement  balnéaire 
le  plus  important  des  Convènes,  Strabon  l'a  désigné  par 
le  nom  du  gave  Voisin,  la  ville  n'existant  pas  à  cette 
époque.  Entre  la  Pique  et  l'Onne  il  a  choisi  VUnn  (Onne) 
comme  étant  plus  euphonique,  comme  se  rapportant 
mieux  au  nom  général  des  populations,  et  comme  étant 
l'appellation  définitive  de  nos  deux  rivières  à  leur  con- 
fluent. 

Poussées  à  ce  point,  les  inductions  atteignent  la  certi- 
tude. Jusqu'à  preuve  du  contraire,  à  l'adjectif  lixonien, 
nous  substituerons  onésien  pour  qualifier  nos  sources. 


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129 
Dans  V Itinéraire  des  Provinces  attribué  à  Antonin,  sur 
la  voie  de  Dax  à  Toulouse  faft  Aquis  Tarbellicis  Tolos&m)^ 
on  voit  figurer  les  eaux  des  Convènes  : 


Beneharnum 

M  P 

XIX 

Oppidum  novum 

M  P 

XVIII 

Aquas  Convenarum 

M  P 

VIII 

Lugdunum 

M  P 

XVI 

Calagorrium 

M  P 

XXVI 

Différents  commentateurs,  notamment  Vosgien  qui 
écrivait  au  xviii"  siècle,  ont  confondu  à  dessein  les  eaux 
des  Convènes  (CapvernJ  et  les  thermes  Onésiens.  Cette 
opinion  n'est  pas  même  vraisemblable  et  nous  n'en 
parlons  que  pour  mémoire.  ' 

ASTRIÉ. 

fA  suivre.) 


Rkvuk  db  CoNiiiiiGKft,  2*  Irimesire  IK95.  Tonk  X.  —  tO. 


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UN  DEMI-SIECLE  D'ASCENSIONS 
;    AU  NÉTHOU* 

.(suite) 


1874 

6  juillet  (lundi).  —  Etienne  Aignan,  juge  suppléant  au  tribunal 
civil  de  la  Seine,  accompagné  du  guide  Michot  et  du  porteur 
B.  Jouancton.  —  Parti  à  4  h.  de  la  Rencluse,  arrivé  à  9  h.  15'.  — 
Temps  splendide,  chaud,  vue  admirable.  —  (luides  excellents. 

27  juiltcl.  —  Edward  MichoUs  (Manchester.)  —  Guides  :  C.  Pas- 
set  (Gayarnic),  Henri  Pons  (Luz-Saint-8iUivcnr). 

Ascended  from  thc  Rcncluse  cannot  say  in  vohat  time  as  \ve 
had  only  one  watch  and  ihat  stoppcd  on  roule  fine  weather. 
Wero  satisfied  vvilh  my  guides. 

28  juillet,  —  MM.  Houlart  (Linxa  :  l.andes),  Louis  Crouzet  (Cas- 
teix),  Félix  Crouzet  (Mont-de-Marsan),  tienri  Camiade  (Dax),  Léon 
Manchon  (Paris)  membre  du  G.  A.  F.  —  Guides:  Michot, 
P.  et  F.  Barrau,  J.-M.  Estrujo,  B.  Gay,tous  excellents  et  très  obli- 
geants. 

Après  une  nuit  passée  gaiment  et  confortablement  à  la  Rencluse, 
nous  sommes  partis  à  3  h.  2.V  du  matin  et  arrivés  au  sommet  du 
fîéthou  h  8  h.  15'.  —  Temps  nuageux,  éclaircies  momentanées. 
Beaucoup  de  neige  nouvelle,  quelques  crevasses  ouvertes. 

Même  daU\  —  H.  Durand  (Limoges),  membre  de  la  Société 
Rîimond,  avec  le  guide  H.  Passet.  —  Thermomètre  brisé. 

1  August  (Saturday).  —  Robert  Longden,  Francis  Longden 
(Paris).  George  Hutton  (Newcastle  on  Tyne:  Englandr,  arrived  al 
the  summit  of  Néthou  at  scven  o'clock  having  lefl  la  Rencluse  at 
2  a.  m.  —  The  above  British  subjects  (and  proud  of  M)  were  accom- 
panied  by  3  décent  fellows  vohose  nanes  will  be  handed  downto 
posterity  if  the  people  only  take  care  of  this  book. 

Guides  :  P.  Barrau,  J.-M.  Estrujo,  B.  Gay.  —  Vve  testify  to  their 

1.  Voir  tome  X,  p.  82  —  40. 


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^3) 

good  conduct  and  humouc  and  will  hâve  the  good  fortune  perhaps 
lo  be  again  accompanied  by  Ihem.  Our  ascend  was  delayed  consl- 
derably  by  tho  frost,  and  were  are  now  preparing  to  take  a  little 
of  Ihe  Chili  out  of  us  by  opening  a  bottlc  of  Moët  supplied  by  that 
worthy  fcllow  Sacaron.  —  Tho  only  living  créatures  \ve  bave  met 
from  the  Rencluse  are  12  isards,  2  partridges  and  1  eagle. 

7  août,  — -  Gaspar  de  Errazu,  f^uis  de  Errazu,  Frédéric  Tarneaud, 
Henri  Lacotte-Minard,  Anton  in  Lacotte-Minard,  G.  Filleul-Brohy, 
Armand  Lalande,  Armand  Idarcilhac^  et (nom  illisible).  —  Gui- 
der :  Michot,  Haurillon,  Charles  (de  Saint-Mamet),  Ch.  Redonnet, 
J.-M.  Estrujo,  Barthélémy  Gourrège,  P.  Glarac,  B.  Gay,  B.  Joua- 
neton. 

Sont  partis  de  la  Rencluse  et  sont  venus  en  quatre  heures  50'  au 
sommet  du  Néthou. 

Même  date.  —  Alfred  et  Charles  Gevers  (La  Haye),  G.  Gacon 
(Amsterdam).  —  Guides  :  H.  Passet,  G.  Bajun,  J.  Sabathé,  A.  Cap- 
deville. 

19  août,  —  Hector  Le  Sueur  (Caen).  —  Guides  :  J.  A.  Haurillon, 
J.  Sanson.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  heures,  arrivés  à  7  h.  30'. 
—  Temps  magnifique,  mais  froid.  Ascension  périlleuse  à  cause  des 
crevasses.  En  quittant  la  corde,  un  coup  de  vent  a  failli  nous  pré- 
cipiter dans  le  lac  Coronc,  il  a  seulement  enlevé  mon  chapeau. 
Récompense  honnête  à  qui  me  le  rapportera. 

23  août.  —  Gaston  Raindre,  attaché  Affaires  étrangères  (Paris), 
Auguste  Jullien  (Marseille).  —  Guides:  Michot,  B.  Gay,  qui  nous 
ont  guidé  dans  l'ascension  avec  beaucoup  d'intelligence  et  d'éner- 
gie. —  Fine  weather. 

28  august.  —  W.  H.  Winter  Botham,  R.  Gaskell  (tous  deux  de 
Londres).  —  Guide:  H.  Passet.  —  Left  Rencluss  5,15',  arrived  at 
top  8,10  =  2  h.  50\  —  No  view,  clouds  and  mist. 

I  septembre.  —  C.  Chaigneau  (Bordeaux),  J.  Garcia  (Toledo), 
L.  Parin  (Rennes).  —  Guides  :  Michot,  B.  Lafont,  B.  Gay. 

Partis  de  Luchon  à  midi,  nous  sommes  venus  coucher  à  la  Ren- 
cluse, où  nous  avons  passé  une  délicieuse  soirée  et  trouvé  un 
repos  auquel  nous  ne  nous  attendions  guère.  Partis  ce  matin  à 
4  h.  15'  par  un  temps  magnifique,  nous  sommes  arrivés  au  sommet 
du  Néthou,  sans  incident,  à  8  h.  25'.  —  Panorama  splendide. 

1875 

II  juin  (vendredi),  —  Edouard  Harlé,  ingénieur  des  Ponts  et 
Chaussées  (Villefranche  de  Lauragais),  membre  de  la  Société 
Ramond.  —  Guide  :  Charles  Gouchan. 

Partis  hier  à  12  h.  45'  de  TiUchon,  arrivés  à  6  h.  45  à  la  Rencluse^ 


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432 

Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  1j  ,  arrivés  au  sommet  à  7  h.  4ô\  — 
Beau  temps,  mais  nuages  menaçants. 

29  juillet.  -—  Gaston  Bruelle,  artiste  peintre,  et  le  comte  d'Yzarn 
Freissinet.  —  Guides  :  B.  Lafont  et  J.  Sabathé.  —  Partis  de  la  Ren- 
cluse à  3  h.  15'  matin,  arrivés  au  sommet  du  pic  à  8  heures. 

14  août  (samedi).  —  M.  Tarau,  avocat;  Georges  Verbrugghe; 
Ad.  Cantaud,  chimiste  ;  G.  Schlemmer,  carabin.  —  Guides  :  P.  Bar- 
rau,  G.  Bajun,  B.  Jouanoton.  —  Montés  au  pic  Néthou  par  un 
temps  superbe  après  deux  nuits  blanches. 

17  août  (mercredi).  —  A.  Gay.  —  Guides  :  Michot  et  J.  Sabathé. 
—  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  du  matin,  arrivés  au  sommet  à 
7  heures. 

19  août  (jeudi).  —  Paul  Séjourné,  élève  ingénieur  des  Ponts  et 
Chaussées,  avec  le  guide  Bnjun.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  minuit 
59\  arrivés  au  sommet  à  4  h.  30'  un  peu  avant  le  lever  du  soleil. 
Pas  un  nuage. 

20  aofjLt.  —  G.  Bordeaux  et  Paul  Blavier.  —  Guides  :  Michot  et 
Gay.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  1  h.  30'  du  matin,  arrivés  au  pic  à 
5  h.  40.  —  Lever  du  soleil  superbe  ;  temps  magnifique  sur  les  mon- 
tagnes, nuages  au-dessus  de  la  plaine. 

21  august,  —  John  Herbert  Alcock  (Cheshire  :  England).  —  Gui- 
des :  G.  Bajun  et  J.  Sanson.  —  5  h.  25'  a.  m. 

27  août  (vendredi).  —  Julien  de  G.  de  Marsilly.  —  Guides  :  Ber- 
nard Lafont  et  J.  Sabathé. 

Mauvais  temps  à  Luchon  ;  j'hésite  à  partir  ;  mais  je  veux  voir  le 
Néthou,  le  temps  presse.  Jo  pars  cependant  de  Luchon  lc2G  août. 
Arrivé  à  la  Rencluse  je  suis  témoin  du  plus  beau  spectacle  que 
j'ai,  je  crois,  jamais  vu  de  la  vie,  et  dont  le  souvenir  restera  long- 
temps dans  ma  mémoire;  orage  épouvantable,  vent,  grêle,  ton- 
nerre, mais  surtout  des  éclairs  qui  se  succèdent  sans  relâche,  et 
éclairent  successivement  de  toutes  les  couleurs,  la  sauvage  vallée 
<le  la  Rencluse.  Après  l'orage,  ciel  bleu,  magnifique,  élincelant 
d'étoiles.  Je  pars  à  2  heures  du  matin.  Montée  facile  grâce  à  deux 
excellents  guides  qui  n'ont  pcis  besoin  d'être  recommandés.  Vue 
magnifique.  —  Baromètre  anéroïde  =:  49  centimètres.  J'ai  compté 
le  nombre  de  personnes  inscrites  sur  ce  livre,  et  j'ai  trouvé  244. 

W  août.  —  Félix  Danton.  —  Arrivé  au  sommet  du  Néthou  à 
Il  h.  15  venant  du  rocher  de  Grégonio,  accompagné  des  guides: 
J.  Sarrettes  (Cauterets)  et  Michot  (Luchon). —  Temps  froid,  brouil- 
lard, on  ne  voit  que  fort  peu  de  choses. 

P' septembre.  —Edouard  Lasserre,  Julien  Palanque,  Victor  Las- 
serre  (Jegun  :  Gers),  François  Lasserre  (Jegun  :  Gers)  âgé  de  17 
uns.  —  Guides  :  Michot  jet  G.  Bajun.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 


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«33 

4  h.  30,  arrivés  à  8  h.  50.  —  Temps  splendido.  —  Je  no  croîs  pas 
que  la  peste  sévit  souvent  dans  ces  parages. 

Même  date,  —Charles  David  (19  ans  1/2),  Alph.  David  (17  ans), 
étudiants  à  Paris,  Louis  de  Juncarat  (Saint-Scver.)  —  Guides  : 
Pierre  Barrau,  J.-M.  Hibis,  Estrujo;  B.  Capdeville. 
Arrivés  au  sommet  du  Nétliou  à  9  heures  précises. 
4  septembre,  —  Alfred  de  Vialar  ;  Joseph  Fortoul,  capitaine  d'ar- 
tillerie; Arnaud  Allain-Launay,  inspecteur  des  finances;  Edouard 
Sauvage,  ingénieur  des  mines  ;  Gustave  Le  I^ecq  Dcstournelles, 
ingénieur  des  ponts  et  chaussées;  Emile  Gottin.  —  Guides  :  J.  Hau- 
rilion,  J.-M.  Ribis,  Gharles  Gouchan.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
4  h.  20',  arrivés  à  8  h.  40'.  —  Température +  8°  centigrades.  —Temps 
beau,  quelques  nuages  aux  limites  de  l'horizon. 

7  septembre.  —  Jjhn  Welsh,  solicitor  (of  Edimhurgk)  and  Wil- 
liam Beattle,  architect  of  tho  same  town,  both  of  Scotland  hâve 
this  day  accompanied  by  thc  guides  J.-M.  Ribis  and  B.  Estrujo 
both  of  Luchon,  made  the  ascent  of  the  Pic  de  Néthou.  We  slept 
ail  night  at  the  Rencluse  started  this  morning  at  4.30  a.  m.  and 
rcached  hère  at  9  o'clock  having  been  delayed  by  a  glissade  made 
by  M.  Welsh  on  the  glacier  against  his  ow;\  will.  We  hâve  had 
most  excellent  weather  but  the  day  is  slightly  hazy  for  a  distant 
view.  We  can  certify  as  to  the  intelligence  and  actévity  of  our  two 
guides. 

Sans  da^e.  —  Emmanuel  d'Afïry  de  laMonnoye,  antique,  promet. 
73,  sous-lieutenant  d'artillerie,  élève  à  l'école  de  Fontainebleau, 
Edouard  Boulangé,  antique,  promet.  65,  ingénieur  civil  des  mines, 

attaché  aux  houillères  de  petite ,  Eugène  Boulangé,  docteur 

en  droit,  avocat  près  la  cour  d'appel  de  Nancy,  ancien  zouave 
pontifical.  —  Guides  :   Michot,  Bajun,  B.  Cantaloup. 

8  septembre.  —  Alfred  Rivière,  architecte  de  la  ville  de  Paris,  et 
ses  deux  fils  Maurice  et  Joseph.  —  Guides  :  B  l^afont,  Tournan, 
Denard.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  45,  arrivés  à  9  h.  30.  — 
Très  bons  guides,  très  beau  temps,  vue  splendidc. 

Dieu  seul  est  grand,  lui  seul  a  su  faire  une  œuvre  toujours 
magniQque.  Gloria  in  excelsis  ! 

M.  Emile  Petiel,  percepteur  (Lardy),  s'associe  aux  sentiments 
exprimés  par  M.  Rivière  avec  lequel  il  a  fait  l'ascension. 

12  septembre.  -—  Victor  Saboulet,  élève  ingénieur  des  ponts  et 
chaussées;  Le  Chételier;  Gosseland  ;  Zurcher  ;  Alvin  ;  Delzenne, 
également  élèves  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées.  —  'iuides  : 
Uaurillon  et  Charles  Gouchan.  —Partis  de  la  Rencluse  à  5  h.  20, 
arrivés  au  pont  de  Mahomet  à  10  heures.  —  lia  neige  nouvelle 
nous  a  empêché  d'aller  jusqu'au  sommet  du  Néthou. 
N.  B.  —  Cette  notice  d'une  ascension  inachevée  a  été  transcrite 


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sur  le  registre  d'après  une  carte  de  visite  de  M.  V.  Saboulot,  con- 
tenant les  indications  précédentes. 

26  septembre.  —  A.-H.  Roughton,  S'  John  Collège,  Cambridge 
(England).  —  Guides  :  B.  Gay,  J.  Fouillouse,  domestiques  de 
B.  Cier.  —  Très  content  de  la  promenade. 

28  septembre.  —  Le  capitaine  Rob^  Rennick,  de  Tétat-major 
anglais.  Délégué  du  Lord  maire  de  Londres  pour  le  secours  des 
inondés  du  Midi.  —  Guides  :  Haurillon,  B.  Courrége.  —  Ascension  : 
3  h.  5  minutes  de  la  Rencluse.  Neige  bonne,  facile  à  monter. 

1876 

1  juillet.  —  Comte  Henry  Russell.  Monté  par  le  Nord-Est,  par 
Salenques,  avec  F.  Barrau  et  G.  Cier.  —  6  h.  30  du  soir.  Froid  ! 

28  juillet.  —  Ernest  Caron,  avocat,  agréé  au  tribunal  de  com- 
merce de  la  Seine  (Paris)  et  Madame  E.  Caron  ont  fait  Tascension 
du  Néthou  avec  un  temps  magnifique.  Ils  trouvent  que  tous  les 
récits  sur  le  pont  de  Mahomet  sont  d'une  grande  exagération.  — 
Ascension  faite  en  5  heures.  —  Guides  :  J.  Haurillon,  H.  Passet 
(Gavarnie). 

Vue  superbe.  Moins  belle  cependant  que  celle  que  nous  avons 
eue  au  sommet  du  grand  Vignemale,  le  22  juillet  dernier. 

a  août,  —  Pierre  et  Charles  de  Balarn,  conduits  par  P.  et  F. 
Barrau.  —  Belle  vue  quoique  un  peu  brumeuse. 

f4  août.  —  Albert  Carbonnier  (Caen),  étudiant,  et  Sébastien  Mon- 
tariol  (Bordeaux),  étudiant  à  Paris.  —  Nous  sommes  venus  par  le 
Pas  de  Mahomet,  partis  de  la  Rencluse  à  5  h.  15.  arrivés  au  Né- 
thou à  9  h.  15.  —  Guides  :  H.  Passet  (Gavarnie),  P.  Clarac  (Ludion). 
—  Temps  aussi  beau  qu'on  pouvait  le  désirer  vu  le  mauvais  temps 
que  nous  avons  eu  la  veille.  Bu  une  bouteille  de  Champagne 
frappée.  Malheureusement  il  n'y  en  avait  pas  de  reste 

iS  august.  —  Albert  Nugert,  accompanicd  by  Michot  {guide),  and 
R.  Serre  (porter).  —  Left  Rencluse  at  4.  45  and  arrived  summit  of 
Nethou  at  9.  30.  —  View  too  magnificent  for  me  to  attempt  to  des- 
cribe.  Most  agréable  surprise  as  on  our  arrivai  yesterday  at  port 
de  Vénasque  the  weather  looked  so  bad  we  néarly  gave  it  up. 

2  septembre. —  Samuel  Chester,  Jasper  K...  (nom  illisible).-^ 
Guidés  :  G.  Bajun.  J.-M.  Ribis.  —  On  the  above  date  we  ascended 
this  mountain  having  left  the  Rencluse  at  5  o'clock  we  arrived  on 
the  summit  by  9.  10.  —  The  view  was  magnificent. 

5  septembre.  —  Charles  A.  B.  Bignold  (Norwick  :  Angletrrrei, 
accompagné  de  son  cousin  D.  W.  Jenn  (Cheltenham  :  Anglcterrci, 
Gustave  Alby  (Marseille),  Emile  Crété.  —  Guides  :  Michot,  R.  Serre, 
J.  Sabathé,  Capdeville.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  50  par  beau 
temps,  arrivés  au  Néthou  à  8  h.  30  min.  —  Temps  très  clair. 


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435 

20  septembre,  —  Maurice  Gourdon  (Nantes),  ma  l***  ascension*  — 
Guide  :  Firmin  Barrau.  Dominique  Gourrcge,  mon  domosliquo, 
nous  accompagne  comme  porteur. 

Coucher  à  la  Rencluse  le  19  septembre.  —  Partis  le  lendemain 
matin  de  la  Rencluse  à  6  h.  ^5  et  arrivés  à  la  cime  à  9  h.  45.  Temps 
magnifique.  Notre  vue  s'étend  à  l'inlini  en  Francs  et  en  Espagne. 
Séjour  au  pic:  i  heure.  Nous  allons  maintenant  au  pic  de  la  Mala- 
detta. 

Nota. —  Recueilli  des  plantes  fossiles  et  des  empreintee  de  plan- 
tes entre  le  Plan  des  Etangs  et  la  Rencluse. 

Avec  l'ascension  du  20  septembre  1876  finissait  le  registro 
commencé  en  1868.  Il  comprenait  35  pages. 

En  1877,  un  nouveau  registre  (45  pages)  fut  monté  par  les  pre- 
miers ascensionnistes  de  cette  année.  Terminé  en  1886,  il  fut  des- 
cendu à  liUchon  et  remplacé  par  un  autre.  Plus  dune  fois  en  com- 
pulsant ces  pages  nous  aurons  malheureusement  l'occasion  de 
constater  que  des  mains  indélicates  (touristes  ou  guides)  en  ont 
arraché  des  feuillets. 

1877 

Les  pages  1  et  2  manquent. 

2'i  a#ut,  —  Comte  Andréa  Sola  (Club  Alpine  Italiano,  secione  de 
Milano).  —  Guides  :  P.  Barrau,  J.  Haurillon,  Charles  Gouchan.  — 
Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  —  Sommet  7  h.  40. 

0  colii,  0  gioghi  del  niio  bel  paese, 
Cho  è  celato  dielro  Torizzionle, 
Sappiate  ché  m*accingo  a  queste  iropresse, 
Sappiale  ché  ho  saiito  questo  monte. 

Col  solo  scopo  di  guardar  TOriente 
Desideroso  di  scrular  lontano 
Se  si  poiea  vedur  distintamente 
Un  po  di  cielo  délia  mia  Hilano, 

Se  si  polea  veder  la  lerriciola 

Che  al  ombra  di  un  brianteo  campanile 

Ospila  la  mia  cara  famigliola, 

Se  si  potea  veder  colei  che  aspetta 

La  pecortlla  che  lascio  Torila 

Ecco  perche  salû  In  MaladeUa  ! 

Comle  Andréa  Sola. 

24  août.  —  Madame  la  marquise  de  Broise-Fontenay  et  Made- 
moiselle Marthe  de  la  Broise-Fontenay.  —  Guides;  Pierre  Sanson, 
D.  Sors  et  J.  Cantaloup.  —  Parties  de  la  Rencluse  à  3  heures,  au 
sommet  à  7  h.  40. 

30avLgust,—M.  et  M"»"  Jlarrisson,  F.  Blair  (Manchester  :  England). 
—  Guides  :  P.  Redonnet,  J.-M.  Sabathé.  —  Lovely  weather.  — 
Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  30,  arrivés  au  sommet  à  8  h.  et  quart. 


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436 

2  septembre.  —  MM.  Devin,  Petitjean  ot  Guyard,  de  Paris,  du 
C.  A.  F.,  ont  fait  l'ascension  du  Néthou.  —  Guides  :  Firmin  Barrau, 
H.  et  G.  Passet. 

Même  date.  —  Gaptain  Wood  Martin,  of  Woodville  G*  Slyd  (?).  — 
I^eft  the  Rencluse  at  half  past  four,  and  arrived  on  the  summit  at 
9  1/2  counting  halts.  Ice  in  good  order.  —  Guides  :  G.  Bajun, 
J.-M.  Bernard. 

4  septembre.  —  B.  0.  Glark  (England).  —  Guide:  Firmin  Barrau. 
—  Parti  à  4  h.  15,  arrivé  à  8  heures. 

iO  septembre.  —  Paul  Krug  (Reims).  --  Guides  :  P.  Barrau  et 
J.-P.  Barrau,  son  fils.  —  Parti  à  4  h.  30,  arrivé  à  9  heures. 

13  septembre.  —  Maurice  Gourdon  (Nantes),  ma  2™'  ascension,  — 
et  E.  Trutat  (Toulouse),  sa  2'»«  ascension.  —  Guides  :  Barthélémy 
Gourrège  et  Firmin  Barrau. 

Temps  brumeux  avec  fréquentes  et  larges  éclaîrcies.  I^c  gl«*icier 
a  été  facile  à  traverser.  Partis  de  la  Rencluse  à  5  heures  du 
matin,  arrivés  au  sommet  à  8  h.  45,  ayant  fait  de  la  photogra- 
phie en  route.  Le  Pont  de  Mahomet  complètement  changé,  n'est 
plus  d'un  jeu.  M.  Gourdon  et  E.  Trutat. . 

1878 

25  juillet.  —  Alfred  Menudet,  mécanicien  (Marseille).  —  Guides  : 
Haurillon  et  J.*R.  Hourmagne 

Parti  de  la  Rencluse  à  5  h.  30  et  arrivé  au  Néthou  à  10  h.  43,  — 
Je  ne  puis  que  me  louer  du  savoir  et  de  Taptitude  que  mes  deux 
guides  ont  déployé  pour  arriver  à  traverser  les  glaciers  qui  offrent 
déjà  en  ce  moment  beaucoup  de  crevasses.  Au  moment  où  j  écris 
la  neige  tombe  en  abondance. 

30  juillet.  —  Gharles  Weimann  (Mulhouse),  agrégé  de  l'Univer- 
sité, et  Louis  de  Pinsun,  s.  p.  Habas  (Landes).  —  Guides  :  J.  Hau- 
rillon, Barth.  Gourrège,  J.-M.  Ribis. 

Nous  avons  quitté  la  Rencluse  à  4  heures  du  matin.  Nous 
sommes  arrivés  au  pic  de  Néthou  à  9  heures,  après  avoir  visité 
le  lac  Goroné.  Le  temps  est  si  beau  et  le  ciel  si  bleu  qu'il  nous 
semble  impossible  de  rencontrer  un  temps  plus  favorable  et  un 
panorama  plus  étendu.  Notre  plaisir  a  été  d'autant  plus  grand 
(soyons  lyriques)  qu'un  orage  épouvantable,  mêlé  de  pluie  et  de 
grêle,  n'a  cessé  de  nous  inquiéter  toute  la  nuit  Si  notre  excursion 
a  été  si  agréable,  nous  reconnaissons  le  devoir  surtout  à  Tintelli- 
gence  de  nos  trois  guides. 

31  juillel.  —Juan  Prim,  Duque  de  los  Gastillejos  et  Pcregra  y 

Mu (7iom  illisible).  —  Guides  :  J.-M.  Estrujo  et  J.  Ilauriliou.  — 

Montée  5  heures,  temps  splendide. 

Mi  muy  querido  Ursais  declaro  que  es  mi  culpa  si  no  ha  venido 


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y  con  nosotros,  y  como  quiero  que  su  nombre  conste  en  este,  hago 
esta  confesion. 

a  augusi.  —  W.  S.  Mainprice  and  C.  E.  Mainprice  started  from 
la  Kencluse  at  4.  18  a.  m.  and  rcached  the  summit  at  8.  18  a.  m. 
exaclly.  Weather  bad  though  novo  and  then  the  drifting  clouds 
opened  and  gave  splendid"  peckas  down  below.  —  Guides  :  were 
Barthélémy  Courrège  and  G.  Romain  and  were  everything  that 
cloud  be  desircd.  They  gave  us  some  most  amusing  son^s  at  la 
Rencluso  after  dinner  on  the  13  *h. 

29  août.  —  Franz  Schradcr  (c.  a.  f.)  —  Guîdi  :  Barthélémy 
Courrège.  —  Luis  Mora  (de  Vénasquo)  porteur. 

Beau  temps,  mais  grnnd  vent.  Départ  de  la  cabane  do  Mali- 
bierne  à  7  h.  30;  arrivés  au  sommet  à  11  heures  par  le  glacier 
d'Eréoueil  (difficile),  après  neuf  jours  de  marche  dans  le  groupe 
des  Monts  Maudits.  Je  n'ai  cessé  pendant  tout  ce  temps  do  me 
féliciter  d'avoir  B.  Courrège  pour  guide. 

Baromètre  brisé,  observation  impossible. 

29  august.  —  John,  L.  Scailun  (?)  and  M.  C.  Dimara  (of  Dublin) 
and  John  Harris  (of  Henbrigh) ,  started  this  morning  from  Ren- 
cluse  at  6  o*clock,  arrived  at  the  summit  at  11.30.  —  Guide  : 
José  Gistain  whom  we  found  at  the  Cabane  at  the  Port  de  Vénas- 
que.  We  found  him  a  good  guide  and  civil.  Ho  gave  us  every  satis- 
faction. He  calls  him.self  domestique  chez  le  patron  du  Port  de 
Vénasque. 

4  octobre.  —  James  Wyndham  Spedding,  John  Pilip  Munster.  — 
Guides  :  H.  Passet  (Gavarnie)  et  P.  Barrau  (Luchon).  —  Montés 
de  la  Kencluse  par  le  temps  le  plus  beau.  Glacier  très-mauvais. 
Vue  magnifique  sur  les  pics  et  sur  toute  la  plaine.  —  Thermo- 
mètre -|-  7*  Réaumur  à  l'ombre  sous  une  pierre  à  midi  50,  au 
soleil  +  25*>  à  l  h.  20. 

1879 

12  mars  (mercredi).  —  Roger  do  Monts  (Gers).  —  Guides  :  Ber- 
trand Courrège  père  et  Barthélémy  Courrège,  Paget  Victor  dit 
Chapelle  (guide  à  Héas).  —  Onze  heures  du  matin.  —  Thermomè- 
tre fronde  —  6°.  —  A  l'air  —  2°.  Tcmp  splendide. 

26^uin  (jeudi).  —  M.  et  M"»»  René  d'Arboval.  —  Guides  :  P.  San- 
son,  B.  Estrujo. 

Arrivés  à  la  Renclusc  avec  beaucoup  de  neige,  y  avons  passé 
nuit  magnifique.  Partis  à  4  h.  du  matin,  montés  au  Portillon  on 
I  h.  30.  —  Depuis  cet  endroit,  l'accumulation  dos  neig.s,  leur  peu 
do  consistance  sur  le  glacier,  et  un  vent  violent  soufflant  contre 
les  voyageurs,  ont  rendu  la  marche  très  pénible.  Un  froid  intense 
est  venu  s'y  ajouter  au  moment  de  gravir  les  rochers  du  pic.  Beau 


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temps,  successions  de  brouillard  ot  d'cclaircies.  La  vigueur  et  le 
zèle  dos  deux  guides  nous  ont  seuls  permis  de  mener  à  bonne  fin 
cette  ascension,  fort  rude  à  ce  moment  et  dans  les  circonstances 
qui  l*ont  accompagnée. 

3  juillet  (jeudi).  —  Gaston  Tliomas  de  Visme  (Paris)  et  Marie 
Gliarles-François  Paumicr  (Nantes).  — Guides:  Harth.  Courrègeet 
B.  Gay. 

Partis  de  Luchon  le  mercredi  à  8  h.  du  matin,  arrivés  à  THos- 
pice  de  France  à  10  heures,  repartis  à  midi,  arrivés  à  la  Rencluse 
à  4  h.  45  après  avoir  eu  un  temps  très  épais,  les  nuages  nous  envi- 
ronnaient de  tous  les  côtés.  Passé  nuit  assez  bonne.  —  Partis  de 
la  Rencluse  à  3  h.  30,  arrivés  par  un  temps  splendidc  au  pic 
Néthou  à  7  heures  sans  difficultés  ;  après  un  bon  déjeuner,  nous 
sommes  redescendus  ayant  joui  d'une  vue  splendidc.  —  Nous 
n'avons  qu'à  nous  féliciter  de  tous  les  bons  soins  que  nos  guides 
nous  ont  procurés.  En  un  mot  le  pic  du.    .    .    .  (le  reste  manque). 

La  page  10  du  registre  a  été  arrachée.  Ge  n'est  malheureusement 
pas  la  dernière  dont  nous  aurons  à  constater  la  suppression. 


(A  suivre.) 


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De  CASTILLON  en  COUSERANS 

A  SENTEIN  (Ariége) 


La  partie  du  Couserans  qui  constitue  actuellement 
le  canton  de  Castillon  est  peu  connue,  peu  fréquentée 
par  les  touristes.  Pourquoi?  C'est  qu'aujourd'hui  on 
s'en  tient  encore  aux  sentiers  battus,  on  ne  court  ad- 
mirer, par  suite  d'une  vieille  habitude,  que  les  beautés 
naturelles  qui  avoisinent  les  stations  thermales,  si 
nombreuses  dans  les  Pyrénées.  Et  cependant,  à  côté 
des  magnificences  alpestres  que  le  touriste  rencontre 
dans  les  environs  de  Luchon,  de  Cauterets,  de  Bigorre 
et  de  Gavarnie,  il  trouverait  dans  le  canton  de  Castillon 
de  quoi  piquer  vivement  sa  curiosité  et  son  goût  pour 
la  belle  nature.  Cette  partie  du  Couserans  est,  en  effet, 
pleine  d'attractions  :  vallées  superbes,  lacs,  splen- 
dides  cascades,  hauts  sommets  et  paysages  ravissants  : 
le  pittoresque  à  côté  du  grandiose. 

Lu  ville  de  Castillon,  centre  de  ce  beau  pays,  est 
bâtie  en  amphithéâtre  dans  une  très  agréable  position^ 
non  loin  de  la  rivière  du  Lez  qu'elle  domine  et  au 
débouché  des  vallées  de  Moulis,  de  la  Bellongue,  de 
Biros  et  de  Betmale.  Du  Calvaire,  point  culminant  de 
la  ville,  l'œil  se  perd  à  suivre  les  vertes  sinuosités  des 
vallées  qui  viennent  y  aboutir.  A  droite  se  glisse, 
entre  deux  montagnes,  la  plaine  verdoyante  qui  fuit 
vers  Saint-Girons.  A  gauche  on  voit  se  dessiner^ 
dominée  par  des  montagnes  abruptes,   la  route  qui 


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4iO 

conduit  à  Sentein  par  la  vallée  de  Bîros.  Presqu'en 
face  s'ouvrent,  par  une  large  échappée,  les  vastes 
espaces  de  la  Bellongue  dont  les  champs,  parfaite- 
ment cultivés  et  parsemés  de  hautins,  ressemblent 
aux  cases  d'un  damier  et  offrent  à  Tœil  une  charmante 
perspective.  Cette  magnifique  vallée  est  séparée  —  du 
Biros  par  les  montagnes  qui  courent  de  Test  à  Touest, 
et  dont  les  points  extrêmes  sont  le  pic  de  Larraing 
(1667'")  en  face  de  Castillon  et  le  pic  de  Nédé  (1646"';i 
dominant  le  col  de  ce  nom,  à  l'extrémité  de  la  vallée 
de  Biros,  — •  et  du  Comminges  par  les  montagnes  qui 
constituent  l'intéressant  massif  d'Arbas  et  qui  se  diri- 
gent aussi,  parallèlement  aux  premières,  de  Test  à 
l'ouest.  Mais  quand,  du  haut  du  Calvaire,  le  regard 
plonge  sur  la  plaine  qui  se  développe  aux  pieds  de  la 
ville,  on  est  émerveillé  par  cette  succession  ininter- 
rompue de  jardins  et  de  prairies  tout  peuplés  d'arbres 
fruitiers  et  de  peupliers  échelonnés  le  long  de  la  rivière 
du  Lez  et  qui  font  du  bassin  de  Castillon,  au  prin- 
temps, un  immense  verger  fleuri  et  embaumé. 

Je  viens  de  parler  du  Calvaire.  C'est  sur  ce  monti- 
cule, devenu  aujourd'hui  une  charmante  esplanade, 
que  s'élevait  jadis  le  (îhâteau  fort  des  comtes  de  Com- 
minges et,  plus  tard,  des  vicomtes  du  Couserans  qui 
venaient  y  passer  une  partie  de  la  belle  saison.  Cer- 
tains écrivains  affirment,  mais  sans  preuves  authenti- 
ques, que  le  château  avait  également  appartenu  *  au 
célèbre  Captai  de  Buch  dont  la  dernière  descendante, 
Mademoiselle  Amenais  de  Buch,  est  morte  à  Bordeaux 
en  18o7.  Aujourd'hui  il  ne  reste  plus  de  cette  forteresse 
que  quelques  ruines  informes  et  à  peine  quelques  ves- 
tiges de  souterrains.  Mais  il  subsiste  encore  la  remar- 
quable chapelle  Saint-Pierre  qui  date  du  xi«  siècle,  et 
dont  l'architecture,  mieux  encore  que  les  pierres  déla- 
brées de  ses  murs,  dénote  l'antiquité. 

M.  de  Froideur,  réformateur  général  des  forêts. 


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U1 

envoyé  par  Colbert  en  1667  pour  visiter  les  Pyrénées, 
finit  sa  longue  tournée  par  un  voyage  au  pays  de  Cas- 
tillon. 

«  Ce  pays,  dit-il  dans  son  rapport,  est  une  des  huit 
a  châtellenies  dont  le  comté  de  Commenge  est  com- 
(i  posé.  C'est  un  petit  pays  environné  et  plein  de  mon- 
a  tagnes  fort  hautes  et  presque  inaccessibles,  compris 
a  entre  le  Couserans  qui  le  confronte  du  côté  d'orient, 
a  la  baronnie  d'Aspet  du  côté  de  Toccident,  les  monts 
a  Pyrénées  et  TEspagne  du  côté  du  midi,  et  la  môme 
«  baronnie  d'Aspet  au  septentrion.   t> 

M.  de  Froideur  a  fait  preuve  d'un  grand  esprit 
d'observation  au  cours  de  son  voyage  dans  les  Pyré- 
nées. Toujours  en  quête  de  renseignements  et  de 
détails  sur  les  us  et  coutumes,  sur  la  géographie  et  sur 
le  régime  économique  des  pays  qu'il  traversait,  il  a  pu 
transmettre,  au  grand  ministre  dont  il  était  le  délégué, 
des  descriptions  et  des  récits  généralement  exacts.  Je 
ferai,  toutefois,  des  réserves  en  ce  qui  concerne  la 
châtellenie  de  Castillon  qu'il  semble  enclaver,  à  l'épo- 
que où  il  écrit,  dans  le  pays  de  Comminges.  Or,  il 
ressort  des  données  historiques  qu'on  possède  sur  le 
Couserans,  que  Castillon  a  de  tout  temps  suivi  la  for- 
tune ou  les  vicissitudes  politiques  de  cette  petite  pro- 
vince. 

Il  est  vrai  qu'au  x®  siècle  le  Couserans  fut  incorporé 
au  comté  de  Comminges,  et  l'on  voit  dans  divers  docu- 
ments du  xji®  et  du  commencement  du  xm®  siècle  qu'il 
existait  dans  ce  comté  dix  châtellenies,  celles  de  Cas- 
tillon et  de  Saint-Girons  comprises,  et  non  huit  seu- 
lement. Mais  sous  le  règne  de  Charles  VII,  par  suite 
d'une  entente  établie  entre  les  représentants  des  pays 
intéressés,  réunis  à  Toulouse  au  mois  de  mars  1443, 
le  Couserans  fut  disjoint  du  pays  de  Comminges  pour 
être  annexé  au  comté  de  Foix,  et  les  châtellenies  de 
Castillon  et  de  Saint-Girons  furent,  comme  les  autres 


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U2 

.parties  du  Couserans^  également  rattachées  au  comté 
de  Foix.  A  Tépoque  où  écrivait  M.  de  Froideur,  c'est- 
à-dire  en  1667,  il  ne  restait  plus  dans  le  Comminges 
que  huit  châtellenies,  savoir:  les  châtellenies  de 
Muret,  Samatan,  TIsle-en-Dodon,  Saint-Julien,  Auri- 
gnac.  Salies,  Aspet  et  Fronsac.  Comme  on  le  voit,  cel- 
les de  Castillon  et  de  Saint-Girons,  qui  faisaient  par- 
tie intégrante  du  Couserans,  n'y  étaient  plus  com- 
prises. 

Du  reste,  lors  de  la  réunion  à  la  couronne  de  France, 
sous  Henri  IV,  des  comtés  de  Comminges  et  de  Foix, 
le  Couserans  avait  recouvré  son  autonomie  provinciale, 
tout  en  restant  uni  au  Comminges  par  un  faible  lien 
administratif,  celui  des  finances.  Or,  le  Commin- 
ges lui-même^  considéré  au  point  de  vue  administratif 
ou  diocésain,  était  par  plusieurs  côtés  rattaché  à  d'au- 
tres provinces.  C'est  ainsi  que  pour  la  perception  des 
impôts  il  dépendait  de  la  généralité  d'Auch  ;  plusieurs 
de  ses  paroisses  dépendaient  spirituellement  de  six  dio- 
cèses^ entr'autres  du  diocèse  de  Saint-Lizier  de  Cou- 
serans, et  l'élection  de  Comminges,  instituée  en  1603, 
dont  le  Couserans  faisait  partie,  et  qui  connaissait  des 
tailles,  des  aides  et  des  autres  impositions  ou  subsi- 
des ainsi  que  des  affaires  contentieuses  se  rapportant 
à  la  ferme  des  tabacs  et  des  octrois,  était  elle-même 
du  ressort  de  la  cour  des  aides  et  finances  de  Montpel- 
lier et,  plus  tard,  en  1642,  de  celle  de  Montauban. 
Mais  cet  enchevêtrement  réciproque,  qui  dénotait 
tout  au  moins  des  limites  mal  définies,  ce  rattache- 
ment mutuel  de  certains  services  administratifs  n'im- 
pliquait nullement  un  état  de  subordination  politique 
d'une  province  à  l'autre  ;  et  si  le  Comminges,  malgré 
ses  attaches,  a  conservé  son  entière  indépendance 
politique^  le  Couserans,  qui  se  trouvait  dans  une  posi- 
tion identique,  a  su  aussi  conserver  la  sienne  vis-à- 
vis  du  Comminges. -Cela  est  si  vrai  que  lors  de  la  con- 


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443 

vocation  à  Muret,  au  mois  cravril  1789,  des  déléguée 
des  États  généraux  du  Nébouzan,  du  Comminges  et 
du  Couserans  à  Teffet  d'élire  des  députés  à  TAssem- 
blée  législative,  les  délégués  du  Couserans,  jaloux 
de  leur  autonomie  politique,  refusèrent  énergique- 
ment  de  se  rendre  à  Muret,  ne  voulant  pas  que  leurs 
votes  fussent  confondus  avec  ceux  d'une  autre  pro- 
vince'. 

Castillon  était  au  moyen  âge,  et  est  resté  jusqu'en 
1789,  le  siège  d'une  chàtellenie  royale.  La  justice, 
haute,  moyenne  et  basse,  s'y  rendait  au  nom  du  roi,  et 
le  juge  royal,  investi  des  pouvoirs  judiciaires  les  plus 
étendus,  pouvait  statuer  au  grand  criminel,  sauf 
recours  au  présidial  de  Toulouse  ou,  selon  le  cas,  à  la 
chambre  tournelle  du  Parlement» 

M.  Baudoin,  archiviste  en  chef  des  archives  dépar- 
tementales de  Toulouse,  a  bien  voulu  me  communi- 
quer quelques  pièces  originales  concernant  la  châte!- 
lenie  de  Castillon.  Je  reproduis  ici  quelques-unes  de 
ces  pièces  qui  donnent  d'intéressants  détails  sur  la 
nature  de  certains  impôts  auxquels  étaient  soumis  les 
habitants  des  montagnes  du  Castillonnais. 

et  Le  domaine  du  roi  dans  la  ville  de  Castillon,  chef 
a  de  chàtellenie,  consiste  en  la  justice  haute,  moyenne 
a  et  basse  appartenant  en  seul  au  roi,  exercée  par  le 
a  juge  de  Commenge  et,  en  son  absence,  par  un  lieute- 
c(  nant  résidant  audit  Castillon,  où  les  habitans  des 
«  autres  lieux  dont  la  justice  appartient  au  roi  vont 
<c  plaider. 

a  Le  service  du  roi  avait  le  droit  de  vendre  ou  faire 
a  vendre  du  vin,  pendant  tout  le  mois  de  mai,  au  lieu 
a  dudit  Castillon,  à  l'exclusion  de  tous  autres. 


t,  La  ploparl  de  ces  reiiseignerocnU  oui  élé  puisés  dons  IMiUéressaiil  ouvrage  intitule  : 
lus  Étais  du  Nvboiiian,  por  M.  Alphonse  Cougct,  et  dans  le  1*'  volume  de  la  Jievue  de 
Comntingei,  articles  Commingei  et  Couserans,  par  le  même  auteur. 


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4ii 

«  Les  censives  en  argent  ou  en  grains  sortant  du 
«  terroir  de  Castillon  appartiennent  en  seul  au  roi 
«  avec  tous  droits  de  directe. 

a  II  y  a  plusieurs  terres  sujettes  au  droit  de  cham- 
cr  part. 

a  Le  domaine  du  lieu  de  Moulis,  dépendant  de  la 
€  châtellenie  de  Castillon,  consiste  en  la  moitié  de  la 
a  justice  haute,  moyenne  et  basse,  appartenant  au  roi 
a  en  paréage  avec  un  co-seigneur,  et  les  habitans  du 
«  lieu  vont  plaider  au  siège  royal  de  Castillon. 

a  Le  droit  de  quête,  qui  est  dû  par  les  habitans 
a  labourants  ou  non  labourants,  appartient  au  roi  et 
a  au  co-seigneur  par  indivis. 

a  Les  censives  sur  tout  le  terroir  appartiennent  au 
«  roi  et  au  co-seigneur,  et  il  y  a  plusieurs  terres  sujet- 
a  tes  au  droit  de  champart  qui  sont  de  la  mouvance 
a  du  roi  et  du  co-seigneur. 

a  Le  domaine  de  Montfaucon,  dépendant  de  la  châ- 
«  tellenie  de  Salies,  consiste  en  la  justice  haute, 
a  moyenne  et  basse  appartenant  en  seul  au  roi,  et  les 
a  habitans  dudit  lieu  vont  plaider  au  siège  royal  de 
a  Castillon. 

«  Le  domaine  de  la  Vallongue  (Bellongue)  consiste 
«  en  la  justice  haute,  moyenne  et  basse  appartenant 
a  en  seul  'au  roi  sur  tous  les  villages  et  hameaux  qui 
«  sont  dans  ladite  vallée  et  qui  portent  chacun  leur 
a  nom,  composant  ladite  vallée  qui  comprend  encore 
<c  les  crêtes  des  montagnes  qui  la  divisent  des  autres 
a  vallées  ou  qui  servent  de  comfort  entre  la  France  et 
a  l'Espagne,  et  les  habitans  vont  plaider  au  siège  royal 
a  de  Castillon. 

oc  Dans  la  vallée  il  y  a  une  mine  d'argent  appelée 
a  la  Sanguette  dont  il  est  fait  mention  dans  les 
iL  anciens  comptes  du  domaine,  dont  il  y  a  part  à 
c  Sa  Majesté  pour  la  dixième  partie  sans  contribuer 


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U5 

«  en  aucun  frais,  suivant  Tordonnance  de  Charles  IX, 
a  de  mars  1563. 

a  Le  droit  de  forestage,  partant  la  faculté  de  pacage 
a  du  bétail,  appartient  au  roi  dans  ladite  vallée  et 
a  montagnes  et  les  droits  d'empuntage  sur  les  bois 
a  que  les  habitans  ont  la  faculté  d'exploiter,  ce  qui  est 
a  réglé  par  le  grand  maître  des  eaux  et  forêts.  » 

Les  vallées  de  Biros  et  de  Betmale  étaient  placées 
sous  le  même  régime  que  leur  voisine,  et  les  herbages 
et  pâturages  appartenaient  au  roi  dans  toutes  les 
montagnes  de  la  châtellenie  de  Castillon,  à  l'exception 
de  quelques  privilèges  réservés  à  certaines  communes 
et  qui  étaient  réglés  par  le  grand  maître  des  eaux  et 
forêts. 

a  II  appartenait  encore  au  roi  en  seul  certain  droit 
«  appelé  Aouellamée  sur  tout  le  bétail  à  laine,  lequel 
a  droit  est  levé  de  3  ans  en  3  ans,  suivant  les  anciens 
«  comptes  du  domaine.  » 

Ainsi,  en  ce  qui  concerne  la  ville  de  Castillon,  la 
justice  y  était  rendue  au  nom  du  roi  et,  dans  certaines 
localités,  elle  était  rendue  tant  au  nom  du  roi  qu'au 
nom  des  seigneurs  paréagers.  De  même  pour  les  flefs 
indivis,  les  impôts  étaient  simultanément  perçus  pour 
le  compte  des  co-seigneurs.  Que  de  difficultés  et  de 
querelles  cette  dualité^  conséquence  du  régime  féodal, 
n'a-t-elle  pas  dû  engendrer  entre  les  populations  et 
leur.s  seigneurs  ! 

Grâce  à  sa  situation  privilégiée,  Castillon  se  trouve 
au  centre  d'excursions  charmantes.  On  peut  aller 
visiter  le  lac  de  Betmale,  situé  au  milieu  d'un  vaste 
cirque  entouré  de  hêtres  et  renfermant  un  poisson 
très  estimé,  la  truite  saumonée  dont  la  chair  délicate 
et  savoureuse  fait  les  délices  des  gourmets;  le  pic  de 
Mont  Vallier,  la  vallée  et  les  hauts  sommets  du  Ribe- 

Rktok  db  CoiMiMCKg,  2*  irimetire  1895.  Tous  X.  —  1t. 


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446 

rot,  les  mines  de  Sentein,  et  les  pantières  de  Saint- 
Lary  et  du  Piégeau  où  se  fait  tous  les  ans,  au  moyen 
de  filets,  une  chasse  très  intéressante,  pleine  d'inci- 
dents et  d'émotions,  aux  palombes  et  aux  bisets  qu'on 
prend  souvent  en  nombre  considérable. 

Au  départ  de  Castillon,  le  pays  se  dépouille  de  sa 
forme  gracieuse  pour  prendre  un  aspect  sévère.  On 
sent  déjà  les  approches  de  la  haute  chaîne.  A  quelques 
minutes  de  la  ville,  à  droite  de  la  route  de  Bordes, 
s'ouvre  un  petit  défilé  taillé  au  milieu  d'une  énorme 
roche  et  appelé  en  langage  du  pays  et  Traoïtc  (le  trou), 
qui  communique  par  le  pont  do  Tournac,  jeté  sur  le 
Lez,  avec  les  collines  assez  raides  du  hameau  d'Auli- 
gnac  où  l'on  peut  visiter  une  vieille  chapelle  qui  est  un 
but  de  pèlerinage  et,  non  loin  de  là,  une  belle  grotte 
d'où  sort  en  abondance  une  eau  très  fraîche,  d'une 
transparence  de  cristal. 

Nous  voici  à  Bordes-sur-Lez,  village  situé  à  20  mi- 
nutes de  Castillon,  au  point  de  jonction  de  la  vallée  de 
Betmale  si  bien  décrite  par  M.  l'abbé  Cau-Durban, 
de  la  vallée  de  Biros,  et  non  loin  du  magnifique  et 
sombre  val  du  Riberot,  si  peu  visité  par  les  touristes 
en  quête  d'émotions  et  pourtant  si  curieux  et  si  pitto- 
resque. 

A  deux  kilomètres  environ  de  Bordes,  laissant  à 
droite  le  Lez  et  le  chemin  de  Sentein,  on  voit  s'ouvrir, 
tout  à  côté  du  superbe  cône  du  pic  du  Midi  de  Bordes 
(1800™),  la  vallée  du  Riberot  où  l'on  trouve  en  entrant 
un  certain  nombre  de  chalets  et  de  beaux  pâturages. 
Mais  le  paysage  ne  tarde  pas  à  changer.  Des  gorges 
profondes,  impénétrables  au  soleil,  s'offrent  de  tous 
côtés  aux  yeux  du  voyageur,  et  il  serait  dangereux 
de  s'y  engager  sans  un  excellent  guide,  a  Tantôt  il 
«  faut  franchir  le  torrent  sur  le  tronc  vacillant  d'un 
oc  hêtre,  d'autres  fois  escalader  des  murailles  à  pic  et 


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«  sur  lesquelles  suinte  une  eau  glacée  ;  mais  on  est 
a  largement  dédommagé  de  ses  fatigues  en  tombant 
a  en  admiration  à  la  vue  de  ces  sauvages  défilés.  Tout 
<(  au  fond,  roule,  en  cascade,  le  Riberot  sur  une  sorte 
<c  d'escalier  de  granit  écroulé;  mais,  pour  y  arriver, 
a  on  passe  auprès  de  profondes  ramures  escarpées  où 
(c  le  torrent  mugit  engouffré  dans  des  cavernes  qu'il  a 
«  creusées.  Au-dessus  des  hêtres,  des  sapins  magni- 
a  fiques  se  rejoignent  en  arcades  ;  les  arbrisseaux 
«  trempent  leurs  longues  racines  dans  l'eau  bouillon- 
«  nante.  Le  soleil  ne  pénètre  jamais  dans  cette  noire 
«  ravine,  le  Riberot  y  perd  sa  route,  invisible  et  glacé, 
a  II  est  impossible  de  trouver-  rien  d'aussi  sauvage 
«  dans  les  Pyrénées  :  cascades,  lacs,  roches  éboulées, 
«  arbres  séculaires,  cirques  immenses,  rien  ne  man- 
a  que  à  cette  grandiose  nature.  Passant  tantôt  sur  la 
a  rive  droite,  tantôt  sur  la  rive  gauche  du  Riberot,  on 
a  arrive  à  la  nuit  en  face  de  la  grande  moraine  du 
a  Sarrat  de  Guillaire*.  » 

Les  isards  fréquentent  ces  parages,  et  aussi,  dit-on, 
les  ours  qui  trouvent  une  retraite  assurée  dans  les 
profonds  défilés  de  la  vallée;  car,  si  maître  Martin 
aime  l'innocent  mouton,  il  aime  aussi  sa  tranquillité. 

Le  Riberot  communique  avec  l'Espagne  par  le  port 
de  Girette^  haut  de  2620",  et  si,  du  col  du  même  nom, 
on  tourne  ses  regards  du  côté  de  l'Est,  on  voit  s'éta- 
ger  successivement,  parsemées  d'affreux  précipices, 
les  nombreuses  cimes  qui  entourent  Betmale  du  côté 
de  l'Espagne  et  qui  vont  mourir  au  Mont  Vallier 
(2840™)  dont  le  dôme  majestueux,  se  profilant  sur  le 
ciel,  les  domine  de  2  ou  300  mètres. 

Dans  une  excursion  à  la  vallée  de  Betmale,  M.  de 
Froideur,  accompagné  d'un  gentilhomme  du  pays,  fit 
l'ascension  d'une  montagne  de  la  vallée  qu'il  mit,  dit- 

1.  Paol  Diiby.  Guide-Boule  de  VAriége,  p.  50t. 


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il,  a  trois  grandes  heures  et  demie  à  gravir  ».  Et  là,  du 
haut  de  cette  montagne  et  bien  qu'il  eût  déjà  visité 
les  plus  hauts  sommets  de  la  chaîne  centrale  des  Py- 
rénées, il  ne  put  contempler  sans  un  sentiment  d'ef- 
froi le  formidable  massif  dont  je  viens  de  parler  et  qui 
couvre  toute  la  partie  méridionale  du  Couserans  et, 
par  conséquent,  du  Castillonnais.  <r  Nous  découvrîmes 
<c  le  Mont  Vallier,  que  j'estime  la  plus  haute  des  mon- 
«  tagnes,  et  les  autres  montagnes  qui  servent  de  sépa- 
a  ration  aux  deux  royaumes,  comme  si  nous  les  tou- 
«  chions  du  doigt  ;  mais,  en  la  plupart,  il  y  a  des  pré- 
«  cipices  dont  la  seule  vue  fait  frémir.  Après  avoir 
a  bien  considéré  toutes  choses,  nous  descendîmes  la 
<c  montagne  et  fûmes  au  gîte,  à  Castillon  où  le  Juge 
a  nous  conduisit  et  me  donna  un  lit  chez  lui.  J'y  fus 
a  visité  du  Lieutenant  et  des  Consuls  à  l'ordinaire  ». 
M.  de  Froidour,  qui  n'avait  probablement  pas  le 
pied  montagnard  comme  le  comte  Russel,  Emile  Bel- 
loc  ou  Maurice  Gourdon,  ne  crut  pas  devoir  tenter 
l'escalade  de  montagnes  qu'il  jugeait  sans  doute  ina- 
bordables. Mais  depuis,  de  hardis  pionniers,  armés 
de  la  trijile  cuirasse  d'airain  dont  parle  le  poète,  ont, 
au  prix  de  fatigues  sans  nombre  et  de  mille  dangers, 
soit  dans  les  Pyrénées  soit  dans  les  Alpes,  escaladé 
des  pics  réputés  jusqu'alors  inaccessibles.  Ils  ont 
ainsi  tracé  aux  touristes  modernes  la  route  de  ces 
monts  escarpés  et  rendu  à  la  science  d'inappréciables 
services. 

En  quittant  Bordes-sur-Lez,  premier  village  de 
Biros,  la  vallée  se  rétrécit,  les  escarpements  de  la  mon- 
tagne se  dressent  à  pic  sur  la  route  qui,  elle-même, 
surplombe  le  profond  rcivin  au  fond  duquel  on  entend 
murmurer  les  eaux  du  Lez  ;  on  dirait  que  la  montagne 
va  s'ébouler  sur  le  voyageur.  On  chemine  ainsi  Tespace 
de  3  ou  4  kilomètres  en  longeant  les  pentes  méridîo- 


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nales  du  pic  de  Larraing  et  du  tue  du  col  de  Puech 
sur  les  flancs  desquels  se  juchent,  comme  des  nids 
d'aigle,  les  villages  d'Uchentein,  de  Balacet  et  d'Irasein 
qui  forment  comme  des  oasis  sur  ces  pentes  dénudées 
et  qui  seuls  animent  le  paysage.  Par  contre,  à  la 
sortie  de  Bordes,  peu  après  Téchancrure  qui  laisse 
voir  la  vallée  du  Riberot  et  quelques-unes  de  ses 
cimes,  la  rive  droite  du  Lez  est  presque  entièrement 
bordée  de  belles  forêts  dominées  par  les  pics  qui  se 
détachent  de  la  haute  chaîne,  comme  les  pics  du 
Pourtillon,  du  Conçut,  de  Lagarde,  etc.  Ces  montagnes 
boisées  forment  un  constraste  frappant  avec  celles  de 
la  rive  gauche  qui  présentent  généralement  Taspect 
aride  des  montagnes  volcaniques*.  Mais  au  village  de 
Bonac  la  vallée  s'élargit  brusquement,  et  Ton  est  tout 
surpris  d'entrer  dans  un  joli  bassin  de  verdure  formé 
en  partie  de  magnifiques  prairies  arrosées  par  la 
rivière  du  Lez,  et  à  l'extrémité  duquel  on  aperçoit  la 
flèche  élancée  du  clocher  de  Sentein,  le  bourg  le  plus 
important  de  la  vallée  de  Biros. 

Ce  verdovant  bassin  de  Bonac  à  Sentein  me  semble 
avoir  une  grande  analogie  avec  le  plateau  non  moins 
verdoyant  qui  s'étend  d'Antignac  à  Luchon;  et  si  les 
montagnes  qui  entourent  Sentein  n'ont  pas  la  coupe 
gracieuse,  la  forme  élôgcinte  de  celles  qui  encadrent 
Luchon,  elles  ont  néanmoins,  en  raison  de  leur  aspect 
plus  sauvage,  des  attraits  sui  generis  que  savent  bien 
apprécier  les  rares  touristes  qui  viennent  les  visiter. 

Sentein  est  une  charmante  bourgade,  aux  rues  larges 
et  aérées,  qui  montrent  avec  une  sorte  d'orgueil  leur 
sol  propre  et  macadamisé  et  mirent  avec  coquetterie 


1.  En  1855,  lors  du  treroblemenl  de  lerre  qui  se  fil  sentir  dans  le  Biros,  il  se  for- 
ma sur  les  flancs  de  la  montagne,  un  peu  au-dessous  de  Balacet,  une  excaralion  d*où  jail- 
lirent des  flammes  pendant  deux  jours,  et  d*oii  il  se  dégagea,  pendant  prés  de  15  jours, 
une  épaisse  fumée.  J'ai  été  témoin  oculaire  de  ce  fait. 


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450 

leurs  maisons  dans  Teau  claire  et  limpide  de  frais  ruis- 
seaux. Les  beaux  sites  dont  elle  est  entourée  etTexploi- 
tation  des  mines  et  des  eaux,  car  Sentein  est  une  station 
balnéaire  naissante,  concourent  à  faire  de  cette  localité 
un  séjour  très  agréable.  Mais  ce  qui  donne  à  Sen- 
tein une  physionomie  toute  particulière,  un  cachet 
vraiment  original,  c'est  Tenceinte  flanquée  de  trois 
tours  qui  entoure  son  église,  et  qui  ont  été  construites 
vers  Tan  1330  comme  l'église  elle-même  et  la  partie 
romane  de  son  élégant  clocher,  (y'est  dans  l'intérieur 
de  cette  enceinte  que  se  réfugiaient  jadis  les  habitants, 
pour  se  mettre  à  l'abri  des  incursions  des  maraudeurs 
si  nombreux  à  cette  époque  tourmentée,  surtout  depuis 
la  désagrégation  des  grandes  compagnies  qui  désolè- 
rent les  provinces  méridionales  de  la  France  vers  la  fin 
du  XIV*  siècle  et  que  Duguesclin ,  impuissant  à  les 
contenir,  avait  dû  licencier.  Il  est  toutefois  regrettable 
que,  lors  de  la  translation  du  cimetière  à  l'endroit  où 
il  se  trouve  actuellement,  les  autorités  locales  aient  cru 
devoir  faire  abaisser  notablement  la  hauteur  des  rem- 
parts qui  donnaient  à  l'ensemble  des  fortifications 
l'aspect  d'une  véritable  forteresse  féodale.  Les  tours 
elles-mêmes  tombent  en  ruines  et  quelques-unes  de 
leurs  parties,  semblables  aux  tours  penchées  de  Pise 
ou  de  Saragosse,  s'écrouleront  sous  peu  si  l'on  n'y 
prend  garde.  J'ignore  si  elles  figurent  au  nombre  des 
monuments  historiques.  Dans  tous  les  cas,  il  serait 
urgent  de  solliciter  quelques  subsides  pour  servir,  je 
ne  dirai  pas  à  la  restauration,  mais  tout  au  moins  à  la 
consolidation  de  ces  tours  branlantes  qui  constituent 
une  des  curiosités  du  pays. 

Vers  150d,  Sentein  fut  le  théâtre  d'un  fait  d'armes 
qui  sauva  le  pays  d'un  vrai  désastre.  Un  corps  de 
troupes  espagnoles  avait  franchi  les  Pyrénées  et 
fait  irruption  dans  la  vallée  de  Biros  dans  l'intention 


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de  se  livrer  au  pillage.  Forfcanier  Du  Pac  de  Lassalle, 
commandant  les  quelques  troupes  françaises  station- 
nées dans  le  rayon  de  la  chàtellenie  de  Castillon, 
accourut  à  Sentein,  livra  bataille  aux  Espagnols,  les 
défit  et  les  poursuivit  l'épée  dans  les  reins  jusqu'au 
port  de  la  Ilourquette  (2345™).  En  récompense  de  ce 
service,  le  roi  Louis  XII  nomma  Fortanier  Du  Pac 
capitaine  de  la  forteresse  de  Castillon  et  archer  de  la 
garde  du  roi.  Plus  tard,  en  1512,  on  voit  ce  même 
Fortanier  du  Pac  figurer  parmi  les  délégués  que  les 
provinces  du  Nébouzan,  du  Comminges  et  du  Couse- 
rans  envoyaient  auprès  du  roi  pour  se  plaindre  des 
méfaits  commis  à  Saint-Béat  par  le  sire  de  la  Bastide- 
Paumès.  Louis  XII  donna  pleine  satisfaction  à  ces 
délégués* . 

Quelle  est  Torigine  de  Sentein?  Malheureusement 
il  n'a  pas  encore  été  découvert,  dans  les  archives 
du  pays,  des  documents  authentiques  permettant  de 
préciser  l'époque  de  sa  fondation  ainsi  que  de  celle  de 
Castillon.  Mais,  d'après  une  tradition  en  cours  dans  le 
Biros,  Sentein  aurait  été  bâti  par  les  Sarrasins.  On 
sait  que  les  Sarrasins  ont  envahi  les  Pyrénées  centra- 
les en  720.  Au  commencement  de  l'année  732,  Rico- 
sinde,  un  de  leurs  généraux,  vint  mettre  le  siège 
devant  la  ville  d'Austrie  (Saint-Lizier),  capitale  du 
Couserans.  La  ville,  pressée  par  la  famine,  était  sur 
le  point  de  se  rendre.  Dans  cette  extrémité,  l'évêque 
Lizier  s'avisa,  d'après  un  document  que  j'ai  eu  sous 
les  yeux,  d'un  stratagème  qui  avait  réussi  à  Annibal 
dans  une  forêt  de  la  Campanie  où  il  s'était  laissé  cerner. 
Il  réunit  le  plus  de  chèvres  et  d'autres  animaux  qu'il 
put  trouver  dans  le  pays  et,  le  soir  venu,  il  fit  poser 


1.  Voir,  dans  la  Revue  de  Comminges,  l.  I*^  p.  196,  Tarlicle  de  M.  le  Baron  de  Lassus  : 
Le  sire  de  la  Bastide  Paumés,  à  Sainl-Bdat. 


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une  lumière  sur  la  tête  de  chacun  des  animaux  et  gra- 
vit, avec  Timmense  troupeau,  la  colline  du  Marsan, 
monticule  situé  en  face  et  à  l'est  de  Saint-Lizier.  En 
apercevant  cette  grande  quantité  de  lumières  sembla- 
bles aux  feux  d'un  vaste  camp,  les  Sarrasins  crurent  à 
l'arrivée  d'une  armée  de  secours.  Ils  s'empressèrent 
de  lever  le  siège  et  allèrent  rejoindre  l'armée  d'Abdé- 
rame  qui  avait  pénétré  en  France  par  le  col  de  Ron- 
ceveaux  et  qui  marchait,  par  Bordeaux,  à  la  rencontre 
de  Charles  Martel.  Le  choc  des  deux  grandes  armées 
eut  lieu,  comme  on  sait,  près  de  Poitiers.  Au  plus  fort 
du  combat  de  grandes  clameurs  s'élevèrent  du  camp 
des  Sarrazins.  Ceux-ci,  surpris  et  effrayés,  abandon- 
nèrent en  partie  la  ligne  de  bataille  pour  courir  au 
secours  du  camp.  Charles  Martel  les  suivit  et  en  fît 
un  affreux  massacre.  Abdérame  et  ses  plus  vaillants 
officiers  périrent  dans  la  mêlée.  C'était  Eudes,  duc 
d'Aquitaine  qui,  défait  sous  les  murs  de  Bordeaux  et 
après  avoir  assisté  impuissant  à  la  prise  et  au  sac  de 
cette  ville,  avait  pu  rejoindre  l'armée  de  Charles 
Martel,  tourné  l'armée  arabe,  et  attaqué  le  camp 
ennemi  dont  il  avait  massacré  les  gardiens.  Par  cette 
habile  diversion  le  duc  d'Aquitaine  contribua  puissam- 
ment au  gain  de  la  bataille,  qui  sauva  de  la  conquête 
la  France  et  peut-être  l'Europe  entière. 

Les  débris  de  Tarmée  vaincue  regagnèrent,  ea 
saccageant  tout  sur  leur  passage,  partie  la  Septimanie, 
partie  les  Pyrénées  où,  renforcés  parles  Arabes  d'Es- 
pagne, ils  s'établirent  d'une  manière  permanente, 
occupèrent  un  grand  nombre  de  localités,  fondèrent 
des  villes,  prirent  et  pillèrent  Saint-Lizier  en  736,  et  ne 
furent  définitivement  expulsés  qu'en  778,  sauf  quel- 
ques retours  offensifs  qui  firent  encore  beaucoup  de 
mal.  C'est  donc  dans  la  période  comprise  entre  720  et 
778  que  les  Sarrasins,  si  on  ajoute  foi  à  la  tradition, 
fondèrent  Sentein.  Ce  qui  tendrait  à  confirmer  cette 


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tradition,  c'est  qu'il  est  certain  que  les  Sarrazins  cons- 
truisirent un  fort  entre  Sentein  et  Irasein,  sur  une 
petite  éminence  qu'on  appelle  encore  aujourd'huit  et 
Tut  des  Maurous  (pic  des  Maures).  Je  me  rappelle  que, 
dans  mon  enfance,  un  paysan  d'Irasein  m'affirma  qu'il 
avait  trouvé  aux  abords  de  l'ancien  fort  un  morceau  de 
sabre  recourbé.  C'était  probablement  un  cimeterre. 
Quelques  fouilles  au  Tut  des  Maurous  feraient  peut- 
être  découvrir  des  vestiges  certains  de  la  présence  des 
Sarrasins  dans  ce  pays. 

Parlerai-je  des  courses  que  le  touriste  peut  faire 
dans  les  environs  de  Sentein?  Étant  donné  la  proxi- 
mité de  ce  bourg,  du  vaste  pâté  de  montagnes  qui 
forment  à  l'extrême  frontière  la  ligne  de  faîte  entre  la 
France  et  l'Espagne,  ces  excursions  sont  aussi  variées 
qu'agréables.  Il  y  en  a  pour  toutes  les  aptitudes.  Je 
me  bornerai,  dans  cet  article  déjà  long,  à  ne  signaler 
que  quelques-unes  des  courses  qu'il  est  facile  d'entre- 
prendre à  pied,  à  cheval  et  une  partie  en  voiture. 
D'ailleurs,  ceux  qui,  pour  une  cause  quelconque, 
maladie  ou  manque  d'un  vigoureux  jarret,  ne  peuvent 
tenter  l'ascension  des  hautes  cimes  et  de  ressentir 
ainsi  les  fortes  émotions  qu'on  éprouve  toujours  sur 
les  hauts  sommets,  doivent  borner  leur  ambition  à 
des  excursions  moins  pénibles,  mais  ils  trouvent  une 
large  compensation  dans  la  beauté  des  sites  et  dans 
les  gracieux  paysages  que  la  nature  a  prodigués  dans 
cette  intéressante  région. 

Si,  partant  de  Sentein,  on  suit  la  route  du  port  de 
la  Hourquette  en  longeant  la  rive  gauche  du  Lez,  on 
arrive  en  20  minutes  au  confluent  de  cette  rivière 
avec  le  ruisseau  de  l'Isard  qui  descend  de  l'étang 
d'Araing.  A  droite,  et  en  suivant  la  rive  gauche  du 
torrent,  on  s'engage  dans  le  vallon  de  l'Isard  par  une 
route  bordée  d'arbres  de  chaque  côté,  de  montagnes 


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couvertes  de  bois  qui  encadrent  admirablement  le  pay- 
sage. Rien  de  gracieux  et  de  pittoresque  comme  ce 
vallon  où  tout  charme  les  yeux:  les  fleurs,  les  bois  et 
le  torrent.  En  deux  heures  de  marche  on  atteint  un 
plateau  de  verdure,  situé  à  la  base  du  pic  gazonné  de 
Laura  et  sur  lequel  est  bâtie  la  célèbre  chapelle  de 
Notre-Dame  de  Tlsard.  Je  crois  intéressant  de  donner 
ici  une  notice  historique  sur  les  causes  de  la  fondation 
de  cette  chapelle,  qui  attire  tous  les  ans,  au  mois 
d'août,  un  grand  concours  de  population. 

En  Tannée  1638,   Dom  Ruade,   évêque  de  Saint- 
Lizier,  dont  on  peut  voir  un  beau  portrait  dans  le  cloî- 
tre de  Tantique  cathédrale,  se  trouvant  en  mésintelli- 
gence avec  son  chapitre,  résolut,  pour  se  soustraire  à 
ses  tracasseries,  de  choisir  dans  un  coin  des  Pyrénées 
une  retraite  où  il  pût  passer,  en  toute  liberté  et  dans 
le  calme  le  plus  absolu,  une  partie  de  la  belle  saison. 
A  cet  effet,  il  vint  à  Sentein  et  visita  les  nombreux 
vallons  qui  existent  dans  le  périmètre  de  cette  loca- 
lité. Arrivé  au  plateau  de  Tlsard,  il  fut  frappé  de  la 
beauté  et  des  charmes  de  ce  site.  Il  songea  que  là,  du 
moins,  il  pourrait  librement  ouvrir  son  âme  à  Dieu  et 
oublier  pour  quelque  temps,  dans  la  méditation,  et 
dans  la  contemplation  d'une  belle  nature,  les  soucis 
dont  il  était  obsédé.  Il  fit  édifier  l'oratoire  qui  existe 
encore.   Il  consacra  cette  chapelle  à  Notre-Dame  de 
risard,  et,  le  4  août  de  chaque  année,  il  y  fît  célébrer 
une  fètc  religieuse  on  Thonneur  de  la  Vierge.  Peu  à 
peu,  les  habitants  du  pays  et  des  pays  circonvoisins 
s'accoutumèrent  a  assister  à  cette  fête.  Dans  la  suite, 
cette  afflucnce  ne  fit  que  s'accentuer,  et  aujourd'hui 
Notre-Dame   de  l'Isard,   protectrice  des  bergers  et 
des  troupeaux,  est  devenue  un  but  de  pèlerinage  très 
fréquenté. 

J'ai  eu  occasion  d'assister  à  une  de  ces  solennités 
religieuses  où  les  pâtres  de  la  contrée,  tout  endim- 


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manches  et  armés  de  leur  houlette,  étaient  accourus 
en  grand  nombre.  A  Toffrande,  un  mouvement  se  fit 
parmi  eux;  ils  se  pressèrent,  se  bousculèrent  pour 
aller  baiser  la  croix  présentée  par  le  prêtre  ;  on  joua  des 
coudes  et,  ma  foi  !  je  crus  un  instant  que  les  houlettes 
allaient  se  mettre  de  la  partie.  Tout  à  coup  j'aperçus 
un  pâtre  qui  regagnait  sa  place  d'un  air  de  triomphe. 
On  m'apprit  alors  que,  parmi  les  bergers  du  pays,  il 
existait  une  croyance  en  vertu  de  laquelle  celui  d'en- 
tr'eux  qui,  à  Toffrande,  parvenait  le  premier  à  baiser 
la  croix,  aurait  ses  troupeaux  sains  et  saufs  pendant 
le  reste  de  Tannée.  J'eus  ainsi  l'explication  de  cette 
ardente  bousculade  et  de  la  satisfaction  manifestée 
par  l'heureux  pâtre  qui  ne  dut,  il  faut  bien  le  dire, 
son  triomphe  qu'à  son  adresse  ou  à  la  vigueur  de  ses 
muscles. 

Du  vallon  de  l'Isard  on  peut  pénétrer,  par  le  col  de 
Bassibié  ouvert  entre  le  pic  du  Mède  et  celui  du  Bouc, 
dans  la  vallée  d'Araing,  couverte  de  superbes  forêts  et 
dominée  de  tous  côtés  par  des  pics  élevés,  tels  que  le 
pic  de  Crabère  (2630™),  la  serre  d'Araing  (2400"),  le 
pic  de  Canéjan  (2634™)  et  beaucoup  d'autres.  C'est 
tout  un  ensemble  de  sommets  très  rapprochés  les  uns 
des  autres,  rattachés  entr'eux  par  une  infinité  de 
ravins,  de  défilés  et  de  vallons,  qui  font  de  cette 
région  lacustre  et  montagneuse  par  excellence,  une 
des  contrées  les  plus  attrayantes  des  Pyrénées. 

A  une  altitude  de  1880  mètres^  au  fond  d'un  vaste 
cirque  qu'on  peut  atteindre  en  trois  heures  de  Sen- 
tein,  repose  le  grand  lac  d'Araing  dans  lequel  viennent 
se  déverser  les  eaux  de  deux  autres  lacs.  Les  habi- 
tants de  Sentein  ont  trouvé  un  moyen  pratique  autant 
qu'ingénieux  d'utiliser  les  eaux  de  ce  lac.  A  l'époque 
de  l'affouage,  on  coupe  le  bois  de  chauffage,  on  marque 
les  bûches  aux  initiales  de  chaque  habitant  et  on  jette 


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le  tout  dans  le  lit  du  torrent,  après  avoir  préalable- 
ment, au  moyen  d'un  barrage,  arrêté  Técoulement  des 
eaux  du  lac.  On  ouvre  ensuite  les  vannes.  Les  eaux, 
contenues  jusque  là,  se  précipitent  en  bouillonnant 
dans  le  lit  du  torrent  qui,  grossi  tout-à-coup,  s'écoule 
impétueusement  entraînant  avec  lui  les  bûches  jus- 
qu'à la  rivière  du  Lez.  Là,  comme  les  épaves  d'un 
navire  naufragé,  les  bûches  flottent,  ballottées,  et  sont 
entraînées  par  la  rapidité  du  courant  jusqu'au  pont  de 
Sentein  où  les  habitants ,  armés  chacun  d'une  sorte 
de  gaffe,  les  harponnent  au  passage  et  les  jettent  sur 
la  route  où  chacun  vient  ensuite  les  reconnaître.  Cette 
opération,  d'un  effet  très  pittoresque,  donne  à  Sentein 
une  grande  animation  pendant  quelques  jours. 

Les  touristes  qui  ne  veulent  pas  retourner  à  Sentein 
par  le  même  chemin  qu'à  l'aller  peuvent,  du  vallon  de 
l'Isard,  s'engager  dans  le  val  de  Blazy  et  aboutir, 
après  une  attrayante  et  peu  fatigante  promenade  au 
travers  des  bois,  au  col  de  Nédé  (1346'"),  superbe  pe- 
louse située  au  pied  du  pic  de  même  nom  et  d'où  l'on 
a,  d'un  côté,  une  fort  jolie  vue  sur  le  vallon  du  Sentein, 
et  de  l'autre,  par  une  échancrure  de  la  montagne, 
sur  une  partie  de  la  Bellongue.  Du  col  de  Nédé  on 
peut  s'élever  facilement,  par  des  pentes  gazonnées, 
parfois  un  peu  raides,  jamais  dangereuses,  jusqu'au 
vaste  plateau  sur  lequel  est  assis  le  pic  de  la  Calebasse 
(2212'"),  peuplé  de  perdrix  blanches  et  d'isards.  Cest 
ce  pic  de  forme  triangulaire,  qu'on  aperçoit  très  bien 
de  Saint-Gaudens  et  même  de  Saint-Girons.  La  Cale- 
basse est  le  mont  préféré  des  habitants  de  Saint-Larj'  — 
le  plus  joli  et  le  plus  considérable  village  de  la  Bellon- 
gue —  qui  vont  chasser  dans  ces  parages  l'isard  et  le 
coq  de  bruyère.  Ces  chasseurs  se  plaisent  à  gravir  cet 
attrayant  sommet,  trop  peu  connu,  d'où  ils  peuvent 
contempler  aisément  le  théâtre  si  varié  et  souvent  si 
dangereux  de  leurs  exploits  cynégitiques.  A  la  base 


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septentrionale  de  ce  pic  se  déroulent,  en  effet,  un 
grand  nombre  de  sommets  secondaires,  coupés  par 
des  ravins  aux  parois  escarpées,  comme,  par  exemple^ 
ceux  qui  avoisinent  le  mail  dech  Agé  (rocher  de  TAne); 
région  accidentée,  très  pittoresque,  où  les  noirs  préci- 
pices alternent  parfois  avec  de  riants  plateaux  de 
gazon.  C'est  là  que  les  isards  aiment  à  prendre  leur 
pâture  et  leurs  ébats  par  bandes  de  15  à  20,  toujours 
précédés  d'un  des  leurs  qui,  sentinelle  au  flair  mer- 
veilleux, pousse  le  cri  d'alarme  au  moindre  danger. 
Ainsi  avertis,  les  isards  détalent  avec  une  vertigineuse 
rapidité,  franchissant,  par  des  bonds  prodigieux,  les 
plus  mauvais  pas  et  faisant  ébouler,  dans  leur  fuite 
désordonnée,  des  quartiers  de  roche  qui  roulent  avec 
fracas  jusqu'au  fond  des  abîmes. 

Du  pic  de  Calebasse,  si  facile  à  escalader,  on 
embrasse  un  admirable  panorama  sur  le  mont  Kagyre, 
le  pic  d'Arbison,  le  pic  du  Midi  de  Bigorre,  les  mon- 
tagnes d'Arbas  et  de  l'Ariège  et,  autant  que  le  rayon 
visuel  peut  percevoir,  sur  la  plaine  de  Toulouse  qui 
se  perd  elle-même  dans  le  lointain  vaporeux.  Mais  la 
visite  au  pic  de  Calebasse  exige,  de  Sentein^  une 
journée  entière  si  l'on  veut  jouir  de  tous  les  agréments 
que  procure  cette  belle  course. 

En  retournant  à  Sentein,  on  remarque  avec  curio- 
sité, sinon  avec  effroi,  tout  à  côté  du  col  de  Nédé, 
une  immense  excavation  produite  par  les  éboulements 
successifs  de  la  montagne.  On  contourne  ce  précipice, 
on  suit,  par  un  bon  sentier,  la  route  d'Autras,  village 
perché  à  plus  de  900  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer,  et  on  rentre  à  Sentein  en  côtoyant  la  belle 
prairie  du  Pradau  où  jaillissent  des  eaux  ferrugineuses 
et  arsenicales  et  où  l'on  a  construit,  il  y  a  quelques 
années,  un  petit  établissement  de  bains. 

Mais  la  grande  attraction  des  environs  de  Sentein 


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est,  sans  contredit,  le  chemin  aérien  des  mines  du 
Bentaillou.  Nul  étranger  ne  saurait  aller  dans  ce  pays 
sans  se  donner  le  plaisir  de  contempler  un  spectacle  à 
la  fois  saisissant  et  grandiose. 

La  route  qui  conduit  de  Sentein  au  boccard,  établis- 
sement où  Ton  pulvérise  et  purifie  le  minerai,  suit, 
entre  deux  montagnes,  les  méandres  capricieux  que 
trace  le  Lez  au  fond  de  la  vallée.  Elle  traverse  le 
hameau  d'Eylie  situé  au  milieu  d'un  frais  bassin  de 
prairies,  et  aboutit,  à  neuf  kilomètres  de  Sentein, 
au  boccard  lequel  est  adossé  à  une  immense  roche 
taillée  à  pic.  A  quelques  mètres  de  là,  sur  le  versant 
d'une  gorge  sauvage,  s'élève  un  beau  château,  que  la 
compagnie  minière  y  a  fait  construire  et  où  Ton  est 
reçu  avec  la  plus  grande  courtoisie.  Après  le  boccard 
on  quitte  le  cours  du  Lez;  on  suit  à  droite,  pendant 
deux  heures  environ^  par  de  nombreux  zigzags,  une 
belle  route  carrossable  jusqu'au  sommet  d'un  ressaut 
du  haut  duquel  le  Lez,  descendu  du  lac  d'Albe,  se  pré- 
cipite en  cascade,  et  après  avoir  contourné  la  butte 
Saint-Jean,  on  atteint  les  galeries  de  Bentaillou 
(1895™),  creusées  dans  les  flancs  du  pic  de  Lart,  non 
loin  des  pics  de  Rouche  (2730™)  et  de  Garbe  (2S60'°i 
qui  s'élèvent  à  la  base,  méridionale  du  haut  pic  de 
Maubermé(2880™). 

Les  mines  de  plomb  argentifère  du  Bentaillou 
auraient  été  découvertes  par  les  Romains,  vers  Tan  55 
avant  Jésus-Christ,  à  l'époque  de  la  guerre  de  Serto- 
rius  en  Eâpagne.  Quelques  troupes  auraient  été 
laissées  dans  ces  parages,  probablement  pour  garder 
les  défilés  des  Pyrénées.  Elles  commencèrent  à  exploi- 
ter ces  mines,  car  on  a  trouvé  de  nombreuses  traces 
de  leurs  travaux  que  la  guerre  civile  ou  d'autres  évé- 
nements politiques  durent  interrompre.  Plus  de  dix- 
neuf  siècles  ont  passé  sur  ces  galeries  primitives 
dont  le  souvenir  s'était  entièrement  effacé.  Mais,  vers 


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459 

1848,  un  heureux  hasard  les  fit  retrouver.  Je  n'entre- 
rai pas  aujourd'hui  dans  les  détails  de  cette  décou- 
verte qui  a  eu  de  si  heureuses  conséquences  pour 
Sentein  et  pour  la  vallée  de  Biros.  Une  société  se 
forma  qui  commença,  ou  plutôt  qui  continua  Texploi- 
tation  des  mines  en  1852.  I>ès  le  principe  on  avait 
établi,  près  du  ressaut  où  tombe  la  cascade  du  Lez, 
des  plans  inclinés  par  lesquels  on  faisait  descendre, 
glisser  le  minerai.  Mais  jugeant  sans  doute  que  par  ce 
moyen  on  perdait  beaucoup  de  temps  et  de  minerai, 
une  autre  société  construisit  le  chemin  aérien  dont  le 
fonctionnement  frappe  surtout  Tattentiou  du  touriste. 
<c  Deux  câbles  partent  d'un  point  culminant  de  la 
a  montagne  et  viennent  se  rattacher  à  une  sorte  de 
a  grosse  tour  assise  au  fond  d'un  plateau.  Deux  wagon- 
a  nets  glissent  le  long  de  ces  câbles;  l'un  descend 
a  chargé  de  minerai,  et  par  l'action  de  son  poids  fait 
«  rapidement  monter  celui  que  l'on  vient  de  vider, 
a  C'est  un  jeu  fort  curieux  à  observer.  C'est  comme 
a  deux  aigles  qui,  dans  l'espace  immense,  suivraient 
a  dans  un  va  et  vient  une  route  invariable.  Si  peu  que 
a  l'on  se  sente  du  cœur  dans  la  poitrine,  qu'on  se 
«  juche  dans  le  w^agonnet  qui  remonte,  et  en  quel- 
a  ques  minutes  d'un  vol  rapide  on  se  trouve  là-haut, 
a  sur  la  cime  du  Bentaillou  »  '  (1895™).  Mais  peu  de 
curieux  osent  affronter  cette  course  vertigineuse  sur 
une  voiture  suspendue  à  plus  de  500  pieds  au-dessus 
de  l'abîme,  et  il  faudrait  vraiment^  pour  accomplir  ce 
périlleux  voyage,  être  armé  du  courage  de  Bradamante 
et  de  Marphise  qui,  montées  sur  le  cheval  ailé,  le  célè- 
bre hippogriffe,  fendaient  les  nues,  franchissant 
monts  et  vallées  et  traversant  les  espaces  comme  un 
trait  de  flèche. 

HippoLYTE  CABANNES. 

1.  Panl  Baby,  Guide^noute  de  l'Ariège,  p.  549. 


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LA  RÉVOLUTION 

A   SAINT-LIZIER   (Ariège) 

1789-1804. 


(FIN)' 


Chute  de  Robespierre.  —  Mesures  d'apaisement  et  de  réparations. 
Petite  comédie  municipale  —  AfTaire  Fillou.  —  Embarras  finan- 
ciers de  rhospice  et  de  la  commune.  —  Réduction  des  Sociétés 
populaires.—  Rétractation  du  curé  Laporte. 

Deux  mois  après  les  bruyantes  fêtes  célébrées  aux 
Tuileries  et  au  Champ  de  Mars  en  Thonneur  de  TEtre 
suprême,  Robespierre,  qui  avait  été  le  grand  pontife 
de  ces  cérémonies,  vit  se  réaliser  ces  paroles  prohhéti- 
ques  que  Bourdon  de  TOise  lui  avait  glissées  à  Toreille  : 
«  la  roche  tarpéienne  est  près  du  Capitole.  »  Ce  même 
peuple,  qui,  le  20  prairial,  l'avait  acclamé  avec  un 
frénétique  enthousiasme,  cria  à  tous  les  échos  de  la 
France,  le  10  thermidor:  «  A  bas  le  tyran!   vive  la 
liberté  I  »  Robespierre  avait  suivi,  sur  la  place  de  la 
Con\ention,  les  milliers  de  victimes  qu'il  y  avait  en- 
voyées, et  avait  payé  de  sa  tête  les  innombrables  for- 
faits qui  pèsent  sur  son  nom.  Les  Bulletins  de  la  Con-^ 
vention  apportèrent  Theureuse  nouvelles  Saint-Lizier, 
le  18  thermidor.  Le  maire  réunit  l'assemblée  munici- 
pale et  lui  fit  part  «  des  dangers  qu'a  encourus  la  Con- 
vention à  la  suite  de  la  conspiration  tramée  par  le 
tyran  Robespierre  et  consorts.    Il  n'est  aucun  bon 

I,  Voir  lorac  X,  p.  1  —  31. 


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464 

citoyen  qui  n'ait  frémi  d'horreur,  en  apprenant  qu'il 
existait  encore  dans  le  sein  de  la  représentation  natio- 
nale des  Catilinas  qui,  par  leurs  sourdes  menées  et 
leurs  complots  liberticides,  ne  tendaient  sous  le  ban- 
deau du  patriotisme,  qu'à  égorger  la  Convention,  qu'à 
s'emparer  de  l'autorité,  qu'à  opprimer  les  patriotes  et 
à  ravir  aux  Français  la  liberté  pour  laquelle  ils  soupi- 
rent si  fortement.  Il  n'est  personne  qui  puisse  se  dis- 
simuler que,  sans  les  mesures  sages  de  la  Convention 
pour  déjouer  ces  desseins  criminels  par  son  activité  et 
son  zèle  pour  la  patrie,  la  France  était  livrée  à  un  tyran 
et  c'en  était  fait  de  la  cause  publique.  Il  est  du  devoir 
de  tout  bon  citoyen  de  témoigner  à  la  Convention  sa 
vive  reconnaissance  et  de  la  féliciter  de  ses  glorieux 
succès.   T> 

Applaudissant  aux  vues  du  maire,  la  municipalité 
le  charge  lui-même  de  rédiger,  dans  le  plus  bref  délai, 
cette  adresse  à  la  Convention.  Le  lendemain  le  citoyen 
Vignau  donne  lecture  à  ses  collègues  de  l'adresse  sui- 
vante qui  reçoit  leur  approbation  : 

a  Citoyens  Législateurs  : 
a  Nous  avons  frémi  d'indignation  en  apprenant  les 
complots  de  ces  Catalinas  modernes,  qui^  se  couvrant 
du  masque  du  plus  pur  patriotisme,  ne  tendaient  qu'à 
assassiner  la  liberté.  Le  tyran  Robespierre  voulait 
dominer;  vous  seuls  étiez  en  état  de  le  traverser;  aussi 
les  poignards  étaient-ils  aiguisés  pour  vous  sacrifier  à 
sa  folle  et  téméraire  ambition  ;  mais  votre  amour  pour 
la  patrie  a  été  votre  plus  ferme  rempart  et  vous  a 
rendus  victorieux.  Quelles  suites  pouvait-il  se  pro- 
mettre, tandis  que  la  démocratie  populaire  subsistait 
dans  la  Convention,  tandis  que  le  penchant  que  vous 
recevez  de  la  nature  vous  porte^  non  à  faire  des  escla- 
ves, mais  à  détruire  les  tyrans  et  à  vouloir  que  tous  les 
hommes  soient  libres.  Grâces  vous  soient  rendues, 

RsfUB  M  CoiiiMOBs,  2«  trimesire  iê05.  Tout  X.  —  13. 


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braves  Montagnards;  votre  activité,  votre  énergie, 
votre  amour  pour  la  liberté  ont  déjoué  cette  trame  infer- 
nale, au  moment  qu'elle  allait  éclater,  et  en  dissipant 
Torage  qui  grondait  sur  nos  têtes,  vous  avez  encore  une 
fois  sauvé  la  patrie.  Les  traîtres  Robespierre,  Couthon, 
Saint-Just  et  leurs  consorts  ont  subi  leur  supplice- 
Point  de  miséricorde  pour  leurs  complices  quels 
qu'ils  soient;  comme  eux  qu'ils  montent  à  Téchafaud 
et  que  leur  sang  cimente  les  fondements  de  la  Répu- 
blique. Continuez,  Citoyens  Représentants;  le  bonheur 
du  peuple  est  entre  vos  mains;  plus  fermes  que  le 
Sénat  de  Rome,  vous  avez  livré  à  la  mort  le  conspira- 
teur Catilina,  qu'il  se  contenta  de  chasser  de  son  sein. 
Continuez  !  et  les  tyrans  coalisés,  à  l'exemple  de 
Cinéas,  envoyé  à  Rome  pour  y  traiter  de  paix,  seront 
forcés  d'avouer  que  vous  n'êtes  pas  une  assemblée 
d'hommes,  mais  bien  des  républicains  dignes  de  régé- 
nérer l'univers;  demeurez  fermes  à  votre  poste;  ne 
quittez  les  rênes  du  gouvernement  qu'après  Tentière 
destruction  des  despotes,  qu'après  que  Tunivers  en- 
tier aura  reconnu  le  triomphe  de  la  République  fran- 
çaise, une  et  indivisible.  » 

Avec  la  satisfaction  que  donne  l'accomplissement 
d'un  devoir,  la  municipalité  toute  à  la  joie,  de  concert 
avec  la  Société  populaire,  célébra  avec  pompe,  cette 
année,  la  fête  du  10  août  (23  thermidor),  «  cette  glo- 
rieuse journée  qui  rappelle  l'époque  où  la  tyrannie 
reçut  un  coup  mortel  et  où  la  République  prit  nais- 
sance, y*  Toutes  les  autorités  ainsi  que  tous  les  bons 
citoyens  furent  invités  à  se  rendre  au  temple  de  l'Être 
suprême,  afin  de  renouveler  en  présence  du  peuple  le 
serment  de  fidélité  à  la  nation,  de  maintien  de  la 
liberté,  et  de  guerre  aux  tyrans  et  aux  conspirateurs. 

Le  maire,  qui  ne  manquait  aucune  occasion  de  faire 
valoir  son  talent  d'orateur,  fut  heureux  d'y  donner 


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163 

libre  cours  à  sa  patriotique  éloquence.  Rien  ne  fit 
défaut  à  l'éclat  de  la  fête,  ni  refrains  nationaux,  ni 
bruyants  accords  de  fanfare;  et  du  temple,  la  foule  se 
rendit  à  la  salle  de  la  Société  populaire  pour  y  termi- 
ner la  fête  par  des  danses  et  «  autres  amusements 
honnêtes.  » 

Le  Couserans  qui  avait  payé  son  tribut  au  règne  de 
Robespierre,  de  la  tête  de  Tabbé  Urbain  de  Salin  i  et 
de  celle  de  Tournier^  ex-seigneur  de  Saint-Girons, 
avait  bien  le  droit  de  prendre  part  à  Tallégresse  géné- 
rale qui  salua  la  chute  du  tyran.  Le  premier  fruit  de 
cette  chute  fut  un  retour  de  l'opinion  publique  vers  la 
justice  et  la  clémence.  Les  portes  des  prisons  s'ouvri- 
rent, a  Notre  victoire,  dit  Barrère,  vient  de  marquer 
une  époque  où  la  patrie  peut  être  indulgente  sans 
danger  et  regarder  les  fautes  inciviques  comme  effa- 
cées par  quelque  temps  de  détention.  »  Plusieurs  de 
nos  concitoyens  bénéficièrent  de  ces  idées  d'apaise- 
ment :  le  citoyen  Cabalbi-Montfaucon,  détenu  à  Saint- 
Lizier,  fut  remis  en  liberté  par  un  arrêté  du  Comité  de 
sûreté  générale  de  la  Convention  nationale  ;  le  prêtre 
Comminges,  reclus  à  Foix,  obtint  de  la  municipalité 
de  Saint-Lizier  une  attestation  qui  dut  favoriser  son 
élargissements.  Dupré  et  Baleich,  ayant  préalablement 
fait  soumission  aux  lois  de  la  République,  déclarent 
qu'ils  reprennent  les  fonctions  de  ministres  du  culte 


1.  V.  abbé  Duclos,  Histoire  des  Arit^geois,  t.  IV.  p.  xxxviii.  L'abbé  de  Salin,  dont  la 
Tainilte  était  originaire  de  Mongauch,  fut  massacré  aux  Carmes,  en  1792,  aux  côtés  de  Mgr 
Oulau,  archevêque  d'Arles. 

2.  Le  19  thermidor,  la  citoyenne  (>aIlolin  se  présenta  devant  la  municipalité  pour  lui 
déclarer  qu'elle  venait  d'apprendre,  par  les  nouvelles  publiques,  que  le  citoyen  Tournier 
de  Tottloiise,  ex-seigneur  de  Saint-Girons,  avait  été  condamné  à  mort  pour  délits  conlre- 
révololionnaires,  et  que  possédant  trois  fauteuils  et  deux  chaises  ayant  appartenu  andtt 
Tournier,  elle  en  ferait  la  remise  à  la  première  réquisition.'  Il  nous  parait  toutefois  dou- 
teux que  cette  sentence  de  mort  ait  été  exécutée,  car  Tournier  ne  flgure  pas  dans  les  lis- 
les  des  victimes  du  tribunal  révolutionnaire  de  Toulouse.  —  Voir  le  Tribunal  Bévolution' 
n aire  de  foMtouse,  par  Axel  DubonI,  imprimerie  Privât,  1894. 

3.  Le  2  germinal.  —  Le  conseil  reconnaît  que  le  citoyen  Comminges  a  toujours  vécu 
retiré  chez  lai  ti  qu'il  n'a  Jamais  montré  nn  esprit  perturbateur. 


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164 

catholique  dans  Téglise  destinée  à  cet  effet.  Le  cha- 
noine de  Béhssens,  qui  s'était  vu  lâchement  aban- 
donné par  ses  collègues  de  la  Société  populaire,  rec^oit 
maintenant  de  la  municipalité  une  attestation  qui 
plaide  en  sa  faveur  :  «  On  n'a  jamais  su  les  motifs  de 
son  arrestation....  Le  bruit  ayant  couru  que  les  prê- 
tres arrêtés  seraient  déportés  à  la  Guyane,  Bélissens 
s'évada  le  jour  où  il  devait  être  transféré  de  la  maison 
de  réclusion  de  Saint-Lizier  dans  celle  de  Toulouse  ; 
le  Conseil  est  persuadé  que  la  peur  fut  le  seul  motif  de 
cette  évasion  ;  il  certifie  en  outre,  qu'antérieurement 
à  son  arrestation,  Bélissens  avait  obtenu  un  certificat 
de  civisme  et  que  depuis  lors  il  n'a  pas  démérité.  » 

Lingua  de  Saint-Blanquat,  sorti  de  prison,  demande 
à  être  rétabli  provisoirement  en  possession  de  ses 
biens  saisis  au  nom  de  la  République.  Le  conseil 
appelé  à  donner  son  avis  a  pense  qu'il  est  de  la  jus- 
tice de  l'administration  d'accueillir  la  demande  du 
pétitionnaire.  » 

Delage,  de  Méritens,  Amélie  de  Vernon  sollicitent 
des  certificats  de  résidence  et  de  non -émigration  que 
le  conseil  municipal  se  hâte  complaisamment  de  leur 
accorder. 

On  revisa  les  pensions,  et  les  titulaires  durent  four- 
nir le  tableau  de  leurs  fonctions  pour  justifier  leurs 
droits. 

Des  nobles,  qui^  en  germinal,  avaient  été  exclus  des 
listes  de  la  Société  populaire,  sont  de  nouveau  inscrits 
comme  citoyens  «  ne  s'étant  jamais  écartés  des  prin- 
cipes républicains  qui  doivent  animer  les  sans-culot- 
tes. » 

Un  retour  subit  vers  les  idées  de  modération  et  de 
justice  s'était  fait  dans  l'esprit  du  peuple  et  des  gou- 
vernants ;  dans  quelques  cœurs  étroits  il  était  pour- 
tant resté  un  vieux  levain  de  défiance  et  de  haine. 
L'ancien  vicaire  général  de  Méritens  et  le  promoteur 


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465 

Saurai,  en  réclusion  à  Pamiers,  sollicitent  inutile- 
ment un  brevet  de  civisme  indispensable  à  leur  élargis- 
sement. Comme  en  juin  1793,  on  allègue  que  ces  deux 
ecclésiastiques  hostiles  à  la  Constitution  républicaine 
seraient  un  ferment  de  désordre  dans  la  commune  et 
que  la  tranquillité  publique  exige  leur  éloignement. 

Si  Ton  rassurait  les  bons,  il  fallait  aussi  empêcher 
tout  retour  offensif  de  la  part  des  perturbateurs.  Un 
article  de  la  loi  du  21  germinal  ordonne  le  désarme- 
ment des  auteurs  et  fauteurs  de  la  tyrannie  qui  a  pré- 
cédé le  9  thermidor.  Les  officiers  municipaux  l'exécu- 
tent sans  délai.  Dans  des  bulletins  secrets  sont  dési- 
gnés les  citoyens  à  qui  il  paraît  dangereux  de  laisser 
leurs  armes  de  gardes  nationaux,  et  ces  petits  billets 
anonymes  sont  adressés  à  la  municipalité  qui  se  hâte 
de  les  utiliser.  Duclos  oncle,  boulanger,  Duclos  neveu, 
ex-juge  de  paix,  Baptiste  Dedieu  dit  Petitou,  Tata- 
reau  et  Lagrasse^  indiqués  comme  hostiles  au  nouvel 
ordre  de  choses,  sont  immédiatement  désarmés'. 

L'administration  du  district  demande  à  la  munici- 
palité les  motifs  de  ces  rapides  et  soipimaires  exécu- 
tions. Dans  un  court  mémoire,  Vignau  et  ses  collègues 
justifient  leur  conduite  :  Duclos  neveu  a  été  désarmé 
pour  avoir,  pendant  qu'il  était  membre  du  conseil  révo- 
lutionnaire, cherché  à  comprimer  l'opinion  publique  ; 
pour  avoir  voulu  inspirer  la  terreur,  soit  dans  la 
Société  populaire,  soit  dans  le  public  par  ses  propos  et 
ses  menaces  ;  pour  avoir  effrayé  les  détenus  de  la  mai- 
son de  réclusion  en  les  tranférant  sans  nécessité  dans 
la  maison  d  arrêt  où  il  allait  journellement  insulter  à 
leur  sort  ;  pour  avoir  prêché  dans  le  temple  de  la  Rai- 
son des  horreurs  propres  à  soulever  les  âmes  honnêtes 
et  y  avoir  manifesté  une  immoralité  infâme  et  révol- 
tante; pour  avoir  menacé  des  citoyens  qui  allaient  au 


i.  Délibération  du  9  floréal,  an  III. 


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4M 

Comité  demander  justice  en  faveur  de  certains  déte- 
nus; et  finalement  pour  avoir  été  désigné  par  Topinion 
publique  pour  un  des  premiers  terroristes  du  district. 

Tatareau  et  Lagrasse  étaienfc  les  espions  du  Comité 
révolutionnaire  et  les  complices  de  l'ex-juge  de  paix 
Duclos  dans  toutes  ses  infamies. 

Duclos  oncle  était  en  continuelle  fréquentation  avec 
son  neveu,  Lagrasse  et  Tatareau,  et  c'est  dans  sa  mai- 
son que  se  tenaient  des  conciliabules  nocturnes  et  fré- 
quents. 

Quant  à  Baptiste  Dedieu,  le  conseil  reconnaît  qu'il 
a  été  induit  en  erreur  sur  son  compte  et  arrête  à  l'una- 
nimité que  les  armes  lui  seront  rendues. 

Duclos  jouait  au  petit  Marat,  au  Robespierre  de  vil- 
lage. Mais  ce  rôle  ne  lui  avait  guère  porté  bonheur. 
Après  la  chute  de  ses  modèles  politiques,  son  édifice 
s'était  aussi  effondré  comme  palais  de  carton.  La 
Société  populaire  l'avait  exclu  de  son  sein,  le  4  bru- 
maire ;  le  8  germinal,  il  avait  été  révoqué  de  ses  fonc- 
tions de  juge  de  paix  et  remplacé  par  Adéma,  de  Prat  ; 
le  9  floréal,  le  dgtrnier  coup  lui  est  donné  par  la  munici- 
palité qui  le  désarme  comme  énergumène  et  fauteur 
exalté  du  système  terroriste.  Il  ne  plie  qu'avec  mau- 
vaise grâce  sous  les  coups  répétés.  Il  demande,  dans 
une  épître  comminatoire,  les  motifs  de  son  désarme- 
ment et  la  municipalité,  qui  ne  sent  pas  le  besoin  de 
se  justifier  auprès  d'un  ennemi,  lui  signifie  laconique- 
ment que  «  c'est  pour  cause  de  terrorisme  avant  le 
9  thermidor.  » 

Ces  exécutions  sont  arrêtées  en  conseil  général  de  la 
commune,  et  le  maire,  qui  ne  veut  pas  seul  en  assumer 
la  responsabilité  et  encourir  la  vindicte  des  victimes, 
les  fait  revêtir  de  la  signature  de  tous  les  membres, 
officiers  municipaux,  agent  national  et  notables. 
Homme  sage  à  ses  heures,  Vignau,  qui  sait  que  l'union 


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467 

fait  la  force,  groupe  les  exécuteurs  pour  imposer  aux 
mécontents. 

Le  15  messidor,  il  fut  pris  d'un  mouvement  de  géné- 
reuse justice  qui  lui  fut  inspiré,  nous  voulons  bien  le 
croire,  par  un  sentiment  d'honnêteté.  Il  réunit  de 
nouveau  le  conseil  général  et  lui  tint  ce  langage  : 

«  La  loi  qui  sévit  contre  les  terroristes  et  les  buveurs 
de  sang  n'a  d'autre  but  que  de  frapper  les  vrais  cou- 
pables et  de  pardonner  à  Terreur  et  à  l'ignorance.  En 
partant  de  ces  principes  d'humanité  adoptés  par  la 
Convention,  je  pense  que  le  désarmement  qui  a  été 
opéré  dans  la  commune  doit  être  rétracté,  du  moins  en 
partie.  Les  citoyens  Jean  Lagrasse  et  Tatareau  ont 
été  désarmés  comme  terroristes,  parce  qu'ils  étaient 
réputés  dans  l'opinion  publique  pour  les  agents  et  les 
espions  du  Comité  révolutionnaire  d'avant  le  9  thermi- 
dor. T^e  serait-ce  pas  une  tyrannie  de  punir  un  fonc- 
tionnaire parce  qu'il  aura  été  membre  d'une  autorité 
qui  aura  abusé  de  ses  pouvoirs?  Pour  cela  faudrait-il 
avoir  à  lui  opposer  des  actes  arbitraires,  des  persécu- 
tions, des  abus  d'autorité  et  des  faits  qui  violent  les 
principes  de  l'humanité  et  de  la  justice?  C'est  ce  qu'on 
ne  peut  pas  prouver  auxdits  Lagrasse  et  Tatareau 
qui,  en  qualité  de  membres  adjoints  dudit  Comité,  s'y 
rendaient  quand  ils  y  étaient  appelés.  Ils  ont  encore 
été  désarmés  pour  leur  fréquentation  habituelle  avec 
le  citoyen  Duclos,  homme  de  loi  ;  mais  peut-on  leur  en 
faire  un  crime?  Qu'on  se  réfère  aux  circonstances, 
qu'on  se  rappelle  la  faveur  dont  jouissait  le  citoyen 
Duclos  dans  ce  temps  où  la  terreur  comprimait  tous 
les  cœurs,  et  on  ne  sera  plus  étonné  si  des  individus 
qui  n'ont  d'autres  lumières  que  la  conduite  de  ceux 
qui  sont  employés  aux  fonctions  publiques  sont  cou- 
pables de  sui\re  les  impulsions  de  ces  mêmes  fonc- 
tionnaires ;  ils  ont  sans  doute  cru  avoir  embrassé  la 
véritable  cause  et,  sous  ce  rapport,  on  ne  peut  les 


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168 

considérer  que  comme  des  individus  séduits  ou  trom- 
pés. En  vain  leur  supposera- t-on  de  mauvaises  inten- 
tions ;  ce  n'est  pas  à  nous  de  voir  ce  qui  se  passe  au 
fond  de  leur  âme.  Nous  ne  devons  les  juger  que  par 
les  faits,  et,  encore  un  coup,  de  quel  crime  sont-ils 
coupables  ? 

ce  Le  citoyen  Jacques  Duclos  a  été  encore  désarmé 
pour  avoir  tenu  chez  lui  des  conciliabules  nocturnes  ; 
mais  que  signifiaient  ces  conciliabules?  Sait-on  ce  qui 
s'y  pasait?  En  est-il  résulté  quelque  acte  vexatoire? 
L'ordre  social  en  a-t-il  été  troublé?  N'est-il  pas  per- 
mis à  un  citoyen  de  recevoir  chez  lui  ses  parents  et 
ses  amis?  Ne  serait-ce  pas  une  tyrannie  que  de  lui  en 
faire  un  crime?  Consultez  la  loi;  elle  vous  dit  qu'elle 
n'entend  frapper  que  les  auteurs  ou  fauteurs  de  la 
tyrannie  qui  a  précédé  le  9  thermidor.  J.  Duclos  peut- 
il  être  considéré  comme  tel?  Le  motif  de  son  désar- 
mement annonce  le  contraire.  De  quoi  peut-il  être 
coupable  lui  dont  les  facultés  physiques  et  morales 
sont  nulles  ? 

«  A  ce  tableau  rapide  et  succinct  de  la  conduite  des 
citoyens  Lagrasse,  Tatareau  et  Duclos  oncle,  reconnait- 
on  des  auteurs  de  tyrannie?  Et  si  l'on  ne  peut  pas  les 
considérer  comme  tels,  n'est-il  pas  de  toute  justice 
de  les  réintégrer?  Si  le  conseil  a  été  trompé  par  un 
excès  de  zèle  n'est-il  pas  de  son  honneur  d'appliquer 
les  sentiments  qu'il  professe,  en  rendant  à  la  société 
des  citoyens  qui  n'ont  été  que  trompés?  » 

Voilà  une  bouche  qui  sait  à  volonté  souffler  le  froid 
et  le  chaud  ;  la  même  parole  qui  hier  accusait  et  con- 
damnait, défend  et  absout  aujourd'hui  avec  la  même 
éloquence.  Il  ne  restait  au  conseil  de  Saint-Lizier, 
comme  au  Sénat  romain,  qu'à  se  déclarer  convaincu. 

Et  le  conseil  :  a  pénétré  des  sentiments  d'humanité 
qui  doivent  diriger  tout  bon  citoyen,  délibérant  sur  la 
proposition  du  maire,  considérant  que  la  loi  n'en- 


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469 
tend  punir  que  le  coupable  et  pardonner  à  Terreur  et 
à  rignorance,  considérant  que  Lagrasse  et  Tatareau, 
quoique  réputés  pour  être  les  agents  et  les  espions  du 
Comité  révolutionnaire,  ne  se  sont  rendus  coupables 
d'aucun  crime  et  que  s'ils  ont  fréquenté  le  citoyen 
juge  Duclos,  ce  n'est  que  parce  qu'il  était  en  faveur, 
et  qu'étant  aux  fonctions  publiques  dans  un  temps  de 
terreur  ils  ont  cru  devoir  suivre  aveuglément  ses  impul- 
sions; considérant  que  Duclos,  oncle,  étant  sans  fa- 
cultés physiques  et  morales,  est  par  lui-même  incapable 
de  nuire  à  la  société  et  que  les  motifs  invoqués  pour 
son  désarmement  sont  sans  valeur  :  le  Conseil  rétracte 
la  délibération  à  la  suite  de  laquelle  Lagrasse,  Tata- 
reau et  Duclos  oncle  ont  été  désarmés,  et  adopte  à 
l'unanimité  les  propositions  faites  par  le  maire.  » 

Petite  comédie  ;  plût  à  Dieu  que  toutes  celles  qui  se 
sont  jouées  en  ces  temps  lugubres  n'eussent  pas  eu 
un  dénouement  plus  tragique. 

La  vie  devenait  de  plus  en  plus  dure  à  nos  pauvres 
montagnards.  Faute  de  bras,  les  terres  étaient  mal 
cultivées  et  l'hiver  de  1794-1795  avait  été  froid  dans 
nos  contrées.  La  moisson  avait  été  modique  et  les 
vendanges^  retardées  jusqu'à  la  fin  octobre,  n'avaient 
donné  qu'un  vin  de  quantité  et  qualité  médiocres  i. 

L'administration  centrale  elle-même,  voyant  dimi- 
nuer ses  approvisionnements  par  l'augmentation 
incessante  de  ses  armées,  demande  deux  cents  quin- 
taux de  blé  au  district  de  Saint-Girons.  La  part  de  la 
commune  de  Saint-Lizier  est  de  vingt-cinq. 

Impossible  de  réquisitionner  même  cette  petite 
quantité  dans  les  huches  et  greniers  des  administrés. 
Un  très  petit  nombre  a  à  peine  la  provision  nécessaire 
pour  sa  subsistance,  beaucoup  ne  mangent  plus  de 

1.  Voir  le  lamentable  tableau  de  la  misère  de  Parts,  Taine,  III,  531  et  suivantes 


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170 

pain  n'ayant  même  pas  leur  semence*  ;  le  pain  est 
fixé  à  un  prix  trois  fois  supérieur  à  celui  de  1790; 
la  marque  vaut  vingt-cinq  sols.  Avec  une  audace  inouïe 
les  meuniers  trompent  la  confiance  de  leurs  clients. 
L'un  d'eux,  le  sieur  Fillou,  a  installé  à  côté  de  ses 
meules  une  paillasse  dans  laquelle  il  glisse  subrepti- 
cement le  fruit  de  ses  petits  et  nombreux  larcins  ;  il 
s'obstine  à  n'avoir  point  de  romaine,  afin  que  l'on  ne 
puisse  vérifier  le  poids  de  la  farine.  Il  se  moque  de 
tous  les  arrêtés  municipaux  qu'on  lui  signifie  et  insulte 
ceux  qui  sont  chargés  d'en  surveiller  l'exécution.  Le 
tribunal  de  police  municipale  lui  saisit  la  paillasse,  le 
condamne  à  une  amende  de  cent  livres  au  profit  des 
nécessiteux  et  à  vingt-quatre  heures  de  détention  à  la 
maison  d'arrêt  ^  Mais  on  a  affaire  à  un  récidiviste 
obstiné.  Quelques  mois  plus  tard,  dans  une  nouvelle 
visite,  la  police  municipale  découvre,  non  plus  une, 
mais  trois  paillasses  neuves  servant  à  la  fraude  ;  les 
poids  ne  sont  pas  marqués  et  les  balances  ne  sont  pas 
encore  installées.  Les  paillasses  avec  leur  contenu 
sont  confisquées  pour  être  vendues  au  profit  des  pau- 
vres; une  amende  de  cent  livres  lui  est  encore  infli- 
gée au  profit  des  indigents  de  la  nation  ;  enfin  il  sera 
passible  d'une  amende  de  dix  livres  par  jour  de  retard 
jusqu'à  ce  que  tout  soit  établi  dans  l'ordre  exigé  par 
les  règlements  présents. 

On  a  tout  réquisitionné  hommes,  blé,  lin,  farines, 
châtaignes,  légumes,  armes  et  munitions,  on  a  épuisé 
toutes  les  ressources  du  peuple,  il  faut  maintenant 
faire  l'aumône  à  celui  qui  vous  a  nourri.  Il  a  besoin 
de  l'aliment  le  plus  essentiel,  on  lui  donne  des  choses 
de  luxe,  du  fromage  et  du  savon.  Quatre  quintaux  de 
savon  et  deux  de  fromage  seront  distribués  aux  vingt- 

1.  Délibération  du  16  TrUnaire  an  Ilf. 

2.  Jugement  du  21  nivôse. 


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ni 

deux  paroisses  du  canton  et  c'est   assurément  une 
belle  aubaine  pour  dix  mille  affamés. 

La  faim  paralyse  les  forces  vitales  et  favorise  le 
développement  des  germes  malsains.  Jamais  sembla- 
ble encombrement  à  Thôpital  de  Saint-Lizier  ;  plus  de 
soixante  lits  sont  occupés  par  des  malades  civils  et 
autant  par  les  volontaires.  Le  trésorier  est  sans  fonds. 
On  s'adresse  à  la  commission  des  secours  publics. 
La  commission  fait  la  sourde  oreille,  probablement 
parce  que  ses  caisses  son  vides.  L'administration  de 
l'hospice  vu  se  trouver  dans  la  cruelle  nécessité  de 
renvoyer  les  malades,  elle  réitère  sa  demande  au  nom 
de  l'humanité.  Nous  étions  au  début  de  cette  bureau- 
cratie que  l'esprit  français  a  trouvé  ingénieux  d'insti- 
tuer pour  atermoyer  les  solutions.  On  demande  un 
état  des  dépenses.  L'hospice  emploie  mensuellement  : 

En  pain 500  livres 

En  viande 400  » 

En  huiles 100  » 

En  bois 100  » 

En  vin 100  » 

En  médicaments 150  » 

En  honoraires  de  servantes.    .    .    .  600  » 

Total 2050  livres 

L'Etat  s'était  emparé  de  tous  les  biens  et  revenus 
des  hospices  avec  aussi  peu  de  scrupules  que  des  biens 
du  clergé  et  des  corporations  ;  il  était  devenu  le  créan- 
cier de  tous  ses  administrés ,  mais  créancier  beso- 
gneux qui  ne  pouvait  qu'aboutir  à  une  banqueroute 
générale.  Il  n'envoya  qu'un  secours  provisoire  de 
deux  mille  cinq  cents  livres,  la  subsistance  d'un  mois, 
et  l'administration  de  l'hospice  fut  réduite,  pour  ne  pas 
donner  un  brutal  congé  aux  malades,  de  faire  au 
'district  un  emprunt  de  deux  mille  livres.  La  direc- 
tion de  l'hospice  appartenait  à  la  municipalité  qui,  avec 
un  louable  dévoûment,  s'était  toujours  préoccupée  du 
sort  des  malades  et  des  vieillards;  mais  la  situation 


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472 

présente  découragea  son  zèle  et  elle  donna  sa  démis- 
sion. Prétextant  que  les  affaire  publiques  absorbaient 
tout  son  temps,  et  que  d'ailleurs  ses  membres  étant 
révocables,  ceux  qui  les  remplaçaient  n'avaient  sou- 
vent aucune  aptitude  pour  ces  fonctions,  elle  nomma 
une  commission  spéciale  composée  de  six  membres  qui 
auraient  pour  mission  «  d'administrer  en  bons  pères 
de  famille  »  les  affaires  de  Thôpital.  Les  citoyens 
Dupré,  Vignau,  Court,  Seillé,  Bordes  et  Villa  furent 
investis  de  ce  mandat  de  confiance  par  leurs  collè- 
gues. 

Un  fait,  insignifiant  en  d'autres  circonstances,  nous 
montre  dans  quelle  extrême  détresse  se  trouvaient  les 
finances  municipales.  Le  conseil  général,  le  24  fri- 
maire, n'ayant  plus  ni  sou  ni  maille,  met  en  vente  et 
<c  aux  enchères  publiques  qui  s'ouvriront  le  plus  tôt 
possible  ï),  l'ormeau  du  Marcadel,  ce  vieux  témoin  des 
discussions  et  des  réjouissances  populaires,  qui  avait 
abrité  sous  ses  rameaux  séculaires  vingt  générations 
d'oisifs  et  de  causeurs.  A  bout  d'expédients,  c'est  le 
débiteur  honteux,  exaspéré  qui,  pour  retarder  d'une 
heure  son  exécution,  vend  le  dernier  joyau  de  famille. 

Une  des  réformes  les  mieux  justifiées  de  la  réaction 
thermidorienne,  fut  assurément  la  réduction  des  socié- 
tés populaires  qui  s'étaient  étendues  à  toutes  les  com- 
munes de  France.  Elles  formaient  dans  chaque  localité 
un  foyer  d'inquisition  vexatoire,  un  petit  sanhédrin 
d'intrigants,  de  détraqués  et  de  besogneux,  qui  intimi- 
daient les  hommes  paisibles  et  honnêtes  que  la  peur 
faisait  entrer  dans  leurs  rangs.  Il  ne  devait  plus  en 
exister  qu'une  par  district,  et  c'était  encore  trop.  La 
société  do  Saint-Lizier  se  dissout,  le  5  thermidor  an  V, 
et  son  secrétaire  Galotin  fit,  sur  le  bureau  de  la  muni- 
cipalité, remise  de  ses  registres.  Elle  avait  vécu  deux 


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473 

ans  et  quatre  mois^  Parmi  ses  membres  étaient  des 
nobles,  des  pi^êtres,  des  magistrats,  les  Dupré,  Nico- 
las, de  Hansy,  de  Roquemaurel,  le  chanoine  de  Bel- 
lissens,  Belesta,  Delage,  Dargein,  Trinqué,  Berges^ 
curé  de  Saint-Lizier;  tout  ce  que  Saint-Lizier  comptait 
de  fortunes  et  d'intelligences  s'était  réfugié  dans  son 
sein  et  rien  moins  que  les  convictions  politiques  les  y 
avait  amenés.  On  trouvait  prudent  de  hurler  avec  les 
loups  et  on  entrait  dans  la  tannière  ;  on  n'en  était  pas 
moins  dévoré  quand  la  faim  pressait  les  fauves.  De 
Roquemaurel,  Duclos,  de  Bellissens  n'en  furent  pas 
moins  arrêtés  pour  être  munis  d'un  diplôme  de  sans- 
culottes. 

Placée  à  côté  de  la  municipalité  comme  une  senti- 
nelle vigilante,  c'était  elle  qui  lui  inspirait  les  motions 
les  plus  violentes.  Affiliée  à  la  société  des  Jacobins  de 
Paris,  elle  se  flatte  d'en  avoir  les  principes  et  les  aspi- 
rations. C'est  elle  qui  prend  l'initiative  des  adresses  à 
la  Convention  pour  l'exhorter  à  persévérer  dans  la 
voie  révolutionnaire  ;  c'est  elle  qui  presse  l'ouverture 
du  temple  de  la  Raison,  qui  demande  une  répression 
contre  ceux  qui  ne  se  rendent  pas  à  la  célébration 
des  décadis,  qui  ouvre  une  souscription  pour  Torne- 
mentation  du  temple  de  la  Raison,  qui  octroie  ou 
refuse  des  brevets  de  civisme.  Se  donnant  pour  mis- 
sion de  maintenir  le  niveau  de  l'égalité  sur  toutes  les 
têtes,  elle  oblige  les  citoyens  Trinqué,  maître  ès-arts, 
bachelier  et  docteur,  Dupré ,  Moulis  et  Mouroux , 
hommes  de  loi,  à  déposer  sur  son  bureau  leurs  titres, 
la  priant  a  de  vouloir  bien  les  agréer  comme  un  hom- 
mage à  la  Liberté  et  à  l'Égalité  dont  ils  ont  toujours 
été  partisans.  »  Ces  titres  devront  être  brûlés  par  les 

I.  Etablie  le  24  mars  i79J  sous  le  lilrc  d*Amis  de  la  Répoblique,  elle  avait  eu  pour 
membres  fondateurs  :  Vignau,  Seille,  Boniii  fils»  Dominique  Dargein,  A.  Lafont,  Galotio» 
Cazennx.  O'url  père,  Laurent  Berger,  Jean  Berger,  Dalmont,  Arist.  Berges,  Bertrand 
Berges,  Etienne  Berges,  Dalmont  ills.  Elle  tenait  ses  réunions  dans  la  maison  de  Témigré 
Beisou. 


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474 

titulaires  eux-mêmes,  à  moins  qu'ils  ne  puissent  être 
employés  à  faire  des  gargousses.  On  n'est  ni  plus 
stupide  ni  plus  complaisant. 

Un  homme  cependant  s'éleva  au-dessus  de  ces  sen- 
timents d'égoïsme  et  de  pusillanimité  qui  avaient 
tout  envahi,  c'était  le  curé  Laporte  que  nous  trouvions 
l'année  précédente  à  la  tête  d'une  des  paroisses  de 
Saint- Lizier.  Le  7  juillet  1795,  il  écrit  du  Trein 
d'Ustou  à  la  municipalité,  avec  prière  de  la  rendre 
publique,  une  lettre  dans  laquelle  il  exprime  le  plus 
vif  repentir  d'avoir  accepté  des  fonctions  curiales,  alors^ 
dit-il,  qu'il  n'était  qu'un  intrus  ayant  porté  la  désola- 
tion dans  l'Église  ;  il  terminait  en  engageant  le  peuple 
à  ne  reconnaître  que  ses  pasteurs  légitimes. 

Le  conseil  ne  pouvait  approuver  un  langage  aussi 
indépendant,  ce  cri  d'une  conscience  honnête  ;  et 
a  considérant  que  cette  lettre  ne  contenait  que  des 
sentiments  propres  à  mettre  la  division  dans  le  peuple 
à  raison  de  ses  opinions  religieuses  et  à  le  mettre 
quasi  en  insurrection;  considérant  que  de  tels  senti- 
ments ne  doivent  pas  être  ignorés  par  les  autorités 
compétentes,  afin  de  prévenir  les  suites  funestes  qui 
pourraient  en  résulter  »,  ne  trouve  rien  de  mieux  que 
d'en  envoyer  copie  au  Comité  de  sûreté  générale,  aux 
représentants  du  peuple  Bordes  et  Capmartin,  et  au 
procureur  général  syndic  du  département.  C'était  as- 
surément un  langage  répréhensible  et  digne  de  la 
sévérité  des  lois.  Rien  de  plus  contraire  à  l'ordre  et 
de  plus  révolutionnaire  que  d'élever  la  voix  quand  le 
silence  doit  seul  plaire  aux  maîtres. 


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476 


XI 


Suppression  du  tribunal.  ~  Duclos  élu  juge  de  paix,  et  Vignau 
maire.  —  Nouvelles  rigueurs  édictées  par  le  Directoire.  —  Fêtes 
de  la  Souveraineté  du  peuple  et  du  14  Juillet  (an  VIII).  —  Graves 
embarras  à  l'intérieur.  —  lie  Consulat.  —  Réorganisation  de  la 
Garde  nationale. 

Nous  voilà  au  début  de  la  IV®  année  républicaine, 
année  qui,  pour  Saint- Lizier,  marqua  une  période 
néfaste.  En  vertu  de  la  nouvelle  Constitution  de 
Tan  m,  il  ne  devait  plus  y  avoir  qu'un  seul  tribunal 
civil  par  département  et  la  cité  couseranaise  allait  se 
voir  privée  de  la  seule  institution  qui,  depuis  la  sup- 
pression de  son  évêché,  lui  laissait  encore  une  ombre 
de  puissance.  Avoir  repoussé  de  si  nombreux  assauts, 
s'être  imposé  de  ruineux  sacrifices  pour  aboutir  à  un 
si  éphémère  résultat  !  Saint-Lizier  résistera  avec  cette 
ténacité  que  donne  au  caractère  montagnard  le  senti- 
ment de  la  dignité  froissée  ou  de  la  déception  jalouse. 
Son  conseil  se  réunit  d'urgence,  le  12  vendémiaire,  et 
considérant  a  que  la  ville  perd  par  la  nouvelle  Consti- 
tution le  seul  avantage  qui  lui  restait  et  qu'elle  sera 
entièrement  anéantie  si  on  ne  lui  donne  aucun  établis- 
sement public,  considérant  qu'il  serait  d'ailleurs  dans 
l'intérêt  de  la  République  de  laisser  le  tribunal  civil  à 
Saint-Lizier  où  se  trouve  un  local  convenable  bien 
aménagé,  arrête  qu'il  sera  fait  une  adresse  à  la  Con- 
vention pour  lui  demander  que  le  tribunal  civil  du 
département  soit  fixé  à  Saint-Lizier  et,  en  cas  d'impos- 
sibilité, qu'il  y  fixe  un  tribunal  de  police  correction- 
nelle ou  tout  autre  établissement  public.  »  Cette  fois, 
Saint-Lizier  ne  devait  connaître  que  les  amertumes  de 
la  défaite.  -       - 


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476 

La  base  des  pouvoirs  publics  était  rélection. 

L'assemblée  primaire,  qui  était  composée  de  tous 
les  citoyens  du  canton  âgés  de  plus  de  vingt  ans, 
nomma  juge  de  paix  le  citoyen  Duclos,  qui  avait  été 
révoqué,  quelques  mois  auparavant,  pour  cause  de 
terrorisme.  Deux  jours  après,  le  15  brumaire,  l'assem- 
blée communale  élut  maire  Vignau,  et  Laurent  Berges 
adjoint.  La  machine  municipale  se  simplifiait;  on 
supprimait  les  officiers  municipaux  comme  rouages 
inutiles,  et  on  se  contentait  d'un  agent  municipal  ou 
maire,  d'un  adjoint  et  d'un  secrétaire. 

Pour  se  conformer  aux  singulières  exigences  du 
temps,  le  nouvel  agent  municipal  dut  s'octroyer  un 
diplôme  de  civisme.  Signée  de  vous-même  ou  du  para- 
phe complaisant  d'un  autre,  une  attestation  de  vertus 
patriotiques  était  à  tout  instant  requise. 

Nous  reproduisons,  à  titre  de  singulier  document, 
ce  libellé  :  «  Je  soussigné,  agent  municipal  de  la  com- 
mune de  Saint-Lizier,  certifie  et  déclare  que  je  n'ai 
provoqué  ni  signé  aucun  acte  ni  arrêté  séditieux  et 
contraire  aux  lois  et  que  je  ne  suis  point  parent  ou 
allié  d'émigré  aux  degrés  déterminés  par  l'article  2  de 
de  la  loi  du  3  brumaire,  au  moins  à  ma  connaissance.  » 

La  Convention,  ce  ce  phénomène  épouvantable  », 
comme  l'appelle  J.  de  Maistre,  qui  avait  été  à  la  fois 
le  châtiment  des  Français  et  le  salut  de  la  France, 
avait  disparu,  et  avec  elle  cette  fureur  de  politique, 
d'inquisition,  qui  tenait  une  si  large  place  dans  les 
réunions  municipales.  Plus  de  permanence  des  offi- 
ciers municipaux  à  la  maison  commune,  plus  de 
clubs  ;  la  vie  normale  reprend  son  paisible  cours  dans 
la  cité  comme  dans  l'Etat.  Il  y  aura  bien,  de  loin 
en  loin,  encore  quelque  convulsion  fébrile^  mais  on 
sent  un  souffle  salutaire  de  paix  qui  commence  à 
rafraîchir  les  âmes  et  à  calmer  les  tempêtes.  Aussi  les 


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177 

documents  municipaux  deviennent-ils  plus  rares.  Qua- 
tre ou  cinq  feuillets  de  nos  registres  suffisent  à  la  rela- 
tion des  événements  de  Tannée,  alors  qu'ils  ne  suffi- 
saient pas  à  retenir  les  faits  d'un  jour. 

Le  18  fructidor  an  V,  le  Directoire  voulut  a  faire 
reparaître  en  France  toutes  les  vertus  républicaines  » , 
et  il  replaça  le  Révolution  sur  le  terrain  où  Danton 
l'avait  laissée,  avec  la  Convention  en  moins  et  la  cor- 
ruption en  plus'.  Les  émigrés  reçurent  Tordre  de 
quitter  le  territoire  français  dans  les  quinze  jours,  sous 
peine  de  mort;  on  rapporta  la  loi  qui  rappelait  les 
prêtres  émigrés  et  on  exigea  de  nouveau,  de  la  part  de 
ceux  qui  furent  autorisés  à  demeurer  dans  leur  pays, 
le  serment  civique  ;  ces  mesures  révolutionnaires 
furent  appliquées  avec  une  rigueur  tyrannique. 

Le  deuxième  jour  complémentaire,  se  présentèrent 
par  devant  l'agent  municipal,  pour  prêter  serment  en 
conformité  à  la  loi  du  19  fructidor,  les  prêtres  cou  tu- 
miers  des  serments  patriotiques,  qui  grâce  aux  nom- 
bfeuses  concessions  qu'ils  avaient  su  faire,  avaient 
été  épargnés  par  la  persécution:  Guillaume  Amans, 
Jean-François  Langlade,  Jean  Berges,  Michel  Soum. 
La  main  levée,  en  présence  du  représentant  de  l'auto- 
rité révolutionnaire,  chacun,  à  son  tour,  vint  «  jurer 
haine  à  la  royauté  et  à  l'anarchie,  attachement  et  fidé- 
lité à  la  République  et  à  la  Constitution  de  Tan  IIL  » 
Girons  Bordes,  Dominique-Gaspard  Roquemaurel  et 
Jacques  Baleix  déclarent  que,  n'exerçant  point  de 
fonctions  publiques  de  ministres  du  culte,  ils  ne  doi- 
vent être  assujettis  à  la  formalité  du  serment.  Quoique 
timide  et  tardif,  ce  réveil  de  la  conscience  sacerdotale 
avait  assurément  son  prix  devant  Dieu. 

La  célébration  du  dimanche  était  toujours  proscrite, 

1.  Gabourd,  Hùtoire  de  France,  t.  XIX,  p.  878. 
Rbtui  m  CoHMiNGU,  S*  trim«ilre  1895.  Tomk  X.  «-  iS. 


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178 

Aux  fêtes  chrétiennes  le  Directoire  avait  substitué  des 
pompes  toutes  païennes.  La  fête  de  Y  Agriculture 
rappelait  le  vieux  culte  de  Cérès  ;  la  fête  de  la  Jeunesse, 
celui  d'Hébé;  la  fête  des  EpouXy  celui  de  THyménée; 
la  fête  de  la  Souveraineté  du  i^euple^  une  abstraction 
politique  dont  personne  ne  se  rendait  bien  compte,  dit 
Tabbé  Rohrbacher,  et  dont  beaucoup  avaient  peur'. 

Nous  avons  de  la  célébration  de  cette  fête  à  Saint- 
Lizier  une  pittoresque  description. 

C'était  le  30  ventôse  de  Tan  VII,  l'agent  municipal 
se  rendit  à  la  maison  commune  ainsi  que  le  président 
de  l'administration  municipale,  le  commissaire  du 
Directoire  exécutif,  le  greffier,  le  juge  de  paix,  les 
assesseurs,  Monroux,  juge  au  tribunal  civil,  douze 
citoyens  les  plus  anciens  de  la  commune  non  céliba- 
taires, représentant  le  peuple  à  la  cérémonie,  et  quatre 
jeunes  gens  porteurs  de  bannières. 

Sur  la  première  bannière,  était  cette  inscription  : 
a  La  souveraineté  réside  essentiellement  dans  l'uni- 
versalité des  citoyens.  » 

Sur  la  deuxième  :  «  Nul  ne  peut,  sans  une  déléga- 
tion légale,  exercer  aucune  autorité  ni  remplir  aucune 
fonction  publique  » . 

Sur  la  troisième:  «  L'universalité  des  citoyens 
français  est  le  souverain.  » 

Sur  la  quatrième  :  «  Les  citoyens  se  rappelleront 
sans  cesse  que  c'est  de  la  sagesse  des  choix  dans  les 
assemblées  primaires  et  électorales  que  dépendent 
principalement  la  durée,  la  conservation  et  la  prospé- 
rité de  la  République.  » 

Etaient  aussi  présents  les  instituteurs  publics  avec 
leurs  élèves,  et  la  Garde  nationale  avec  son  drapeau. 

Sur  le  Champ  de  Mars,  autour  de  l'arbre  de  la 
Liberté,  avait  été  formée  une  enceinte  réservée.  Au 

1.  ÏLxzUÀTt  générale  de  VÈgUsé  catholique,  t.  XXVII,  p.  615 


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479 

pied  de  Tarbre  avait  été  dressé  un  autel  de  la  Patrie, 
entouré  de  lauriers  et  surmonté  d'un  drapeau  trico- 
lore. Le  livre  de  la  Constitution  était  placé  sur  cet 
autel. 

L'agent  municipal  annonce  que  l'on  va  immédiate- 
ment se  rendre  sur  le  Champ  de  Mars  auprès  de 
l'autel  de  la  Patrie,  et  le  cortège  se  met  en  marche 
précédé  d'un  détachement  de  la  Garde  nationale  ;  puis 
successivement  prennent  place  les  quatre  jeunes  gens 
portant  fièrement  leur  bannière ,  les  douze  vieillards 
munis  d'une  baguette  blanche,  les  fonctionnaires  et 
magistrats  élus  par  le  peuple,  les  instituteurs  publics 
et  leurs  élèves,  et  finalement  la  Garde  nationale. 

Le  cortège  arrive  dans  l'enceinte  sacrée.  Les  jeunes 
gens  plantent  leurs  bannières  des  deux  côtés  de 
l'autel,  et,  devant,  se  rangent  les  douze  vieillards 
tenant  gravement  en  leur  main  droite  la  baguette 
blanche.  Derrière  ce  cercle  vénérable,  les  fonction- 
naires et  magistrats,  les  instituteurs  publics  et  les 
élèves.  Au  dehors  de  l'enceinte,  la  Garde  nationale  et 
la  foule  des  citoyens  que  la  curiosité  et  l'attrait  de 
la  nouveauté  a  attirés. 

La  cérémonie  commence  par  un  hymne  patriotique 
chanté  par  tous  les  assistants. 

Puis  les  vieillards  s'avancent  lentement  au  milieu 
de  l'enceinte,  réunissent  leurs  baguettes  et  en  forment 
un  faisceau  qui  est  lié  avec  des  rubans  tricolores. 
L'un  dee  vieillards  monte  sur  les  degrés  de  l'autel  et 
adresse  aux  magistrats  Tallocution  suivante  : 

d  La  Souveraineté  du  peuple  est  inaliénable  I 
Comme  il  ne  peut  exercer  par  lui-même  tous  les  droits 
qu'elle  lui  donne,  il  délègue  une  partie  de  sa  puis- 
sance à  des  représentants  et  à  des  magistrats  choisis 
par  lui-même  ou  par  les  électeurs  qu'il  a  nommés. 
C'est  pour  se  pénétrer  de  l'importance  de  ce  choix  que 
le  peuple  se  rassemble  aujourd'hui.  » 


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I8« 

Le  principal  fonctionnaire ,  le  citoyen  Vignau , 
répond  : 

a  Le  peuple  a  su,  par  son  courage,  reconquérir  ses 
droits  trop  longtemps  méconnus.  Il  saura  les  conser- 
ver par  l'usage  qu'il  en  fera.  Il  se  souviendra  de  ce 
précepte,  qu'il  a  lui-même  consacré  par  sa  charte 
constitutionnelle,  que  c'est  de  la  sagesse  du  choix 
dans  les  assemblées  primaires  et  électorales  que 
dépendent  principalement  la  durée,  la  conservation  et 
la  prospérité  de  la  République.  » 

Il  fut  ensuite  donné  lecture  solennelle  de  la  procla- 
mation du  Directoire  exécutif  du  17  ventôse  et  de  la 
lettre  du  ministre  de  l'Intérieur  du  14  courant,  en- 
voyées au  commissaire  du  Directoire  près  Tadminis- 
tration  municipale.  Le  président  de  ladite  adminis- 
tration et  l'agent  de  la  commune  prononcèrent  succes- 
sivement un  discours  de  circonstance,  la  cérémonie  fut 
terminée  par  des  chants  patriotiques,  a  et  les  airs 
ont  retenti  :  de  vive  la  République  et  la  Constitution 
de  l'an  III.  » 

Le  cortège  revint  à  la  maison  commune.  Les  jeu- 
nes gens,  portant  le  livre  de  la  Constitution  et  le  fais- 
ceau, marchaient  devant  les  magistrats  qui  précédaient 
les.  vieillards,  les  instituteurs,  les  élèves,  la  Garde 
nationale  et  la  foule. 

Le  bon  sens  populaire  fit  bientôt  justice  de  ces 
parodies  officielles,  qui  ne  reposaient  sur  aucun  fon- 
dement sérieux  et  ne  répondaient  à  aucun  de  ces  sen- 
timents religieux  qui  font  partie  de  la  vie  morale  des 
peuples.  Mieux  valent  encore  ces  cérémonies  commé- 
moratives  des  événements  historiques  qui  ne  risquent 
de  froisser  que  des  sympathies  politiques.  De  ce  nom- 
bre, la  fête  commémorative  de  la  prise  de  la  Bastille, 
14  juillet.  Le  secrétaire  de  la  municipalité  nous  a 
laissé,  pour  l'an  VIII,  la  relation  sommaire  de  cette 
solennité  civile. 


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181 

Le  cortège  officiel  se  forme  dans  le  même  ordre  que 
pour  la  précédente  cérémonie.  On  se  rend  devant 
Tautel  de  la  Patrie  dressé  au  pied  de  Tarbre  de  la 
Liberté.  On  débute  par  Thymne  obligatoire  à  la  Patrie; 
puis  trois  discours  «  analogues  à  la  fête  »,  du  président 
de  l'administration,  de  l'agent  municipal  et  du  com- 
missaire du  Directoire  exécutif,  discours,  dit  le  rédac- 
teur municipal  «  qui  ne  respiraient  que  Thorreur  de  la 
servitude,  de  l'esclavage  et  l'amour  de  la  liberté.  » 
Clôture  de  la  cérémonie  par  d'autres  chants  patrioti- 
ques, «  et  le  cortège,  après  avoir  fait  une  promenade 
dans  les  rues  de  la  ville,  en  observant  la  décence  qui 
convient  à  la  dignité  du  peuple,  s'est  rendu  à  la  salle 
de  la  commune,  aux  cris  mille  fois  répétés  de  «  Vive 
la  République  !  »  Le  reste  de  la  journée  a  été  consacré 
aux  danses. 

Le  Directoire  touchait  à  la  fin  de  son  règne.  La 
France  se  trouvait  dans  une  situation  plus  dangereuse 
qu'en  1792.  Il  y  avait  à  cette  époque,  pour  résister 
aux  ennemis  du  dedans  et  de  Textérieur,  une  nation 
jeune,  ardente  et  pleine  d'enthousiasme.  Maintenant 
c'était  l'anarchie  à  l'intérieur,  le  découragement  dans 
les  armées,  et  la  nation,  comme  un  homme  vieilli 
avant  l'âge,  était  fatiguée,  usée,  égoïste  et  sceptique. 
On  venait  de  voter  l'emprunt  progressif  de  cent 
millions  et  la  levée  en  masse  ;  l'ennemi  était  aux  por- 
tes. Une  chouannerie  voleuse  et  pillarde,  composée 
des  débris  des  anciennes  compagnies  du  Soleil  et  de 
conscrits  réfractaires,  répandait  la  terreur  dans  les 
campagnes.  On  renouvelait  les  mesures  violentes  et 
l'on  parlait  même,  dans  les  assemblées  politiques,  de 
proclamer  la  patrie  en  danger. 

L'agent  municipal  de  Saint- Lizier  croit,  dans  ces 
graves  circonstances,  devoir  adresser  une  proclama- 
tion à  ses  administrés: 


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48S 

«  Citoyens, 

«  Les  ennemis  do  la  République  menacent  dans  ce  moment  vos 
foyers,  vos  personnes  et  vos  propriétés.  Vous  êtes  tous  intéressés  à 
éviter  le  pillage,  la  dévastation  et  la  mort.  Empressez-vous  de  vous 
ranger  sous  les  drapeaux  de  la  République  et  volez  à  la  défense 
commune.  Union,  Concorde  et  Énergie,  et  vos  ennemis  disparaî- 
tront 1 

«  Chargé  de  veiller  à  votre  sûreté,  je  ne  dois  rien  négliger  pour 
remplir  vos  vœux.  Il  est  donc  ordonné  à  tout  citoyen,  depuis  Tàg-e 
de  16  ans  jusqu'à  60  ans,  de  se  rendre  sur  la  place  d'armes  lors- 
que le  tocsin  sonnera. 

«  Tout  citoyen  ayant  des  fusils  de  calibre  et  de  chasse  est  tenu 
de  les  déposer  par  ce  jour,  à  l'administration  municipale,  qui  leur 
en  donnera  un  reçu. 

«  Ceux  qui  enfreindront  la  présente  ordonnance  seront  consi- 
dérés comme  ennemis  de  la  chose  publique,  et  livrés  aux  tribunaux 
comme  tels. 

«  Ce  23  thermidor  an  VIL 

«  YiGNAU,  agent  municipal  ». 

Mais  ce  n'était  pas  seulement  la  patrie  qui  était 
menacée,  la  société  elle-même  tombait  en  poussière. 
«  Non  seulement  les  vertus  publiques  mais  les  vertus 
domestiques  paraissaient  exilées  de  la  France,  depuis 
que  le  divorce  avait  porté  un  coup  mortel  à  la  société 
en  détruisant  la  famille  ».  On  ne  savait  plus  où  Ton 
allait;  on  ne  voyait  pas  d'issue  au  cercle  impur  dans 
lequel  Ton  tournoyait  depuis  quatre  ans;  on  deman- 
dait de  Tordre,  du  repos,  de  l'unité  à  tout  prix,  une 
volonté  à  la  place  des  disputes,  un  homme  à  la  place 
des  factions.  «  Il  ne  faut  plus  de  bavards,  disait  Sié- 
yès,  mais  une  tête  et  une  épée  ».  La  tête  c'était  lui...  *, 
Tépée  revenait  d'Orient  toute  brillante  de  glorieuses 
légendes,  c'était  le  vainqueur  des  Pyramides  et  du 
Thabor  qui  la  portait.  On  lui  dit  de  s'en  servir  pour 
chasser  du  pouvoir  ces  intrigants  et  ces  ignorants 
jouisseurs  qui  le  déshonoraient,  et,  le  dix-huit  bru- 
maire, le  Directoire  fut  supprimé  :  le  pouvoir  exécutif 

i.  Gabonrd,  Hi$t,  de  France,  t.  XIX,  p.  430. 


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183 

était  confié  à  trois  consuls  provisoires,  Bonaparte, 
Siéyès  et  Roger-Ducos  ;  on  allait  au  régime  du  sabre 
moins  ignominieux  que  celui  de  la  corruption.  Appelé 
au  pouvoir  par  le  double  sentiment  de  la  gloire  et  de  la 
nécessité,  Bonaparte  fit  voter  la  Constitution  de 
Tan  VIII  qui,  sous  un  titre  républicain,  lui  conférait  un 
pouvoir  absolument  royal  ;  mais  le  peuple  français  est 
celui  que  Ton  abuse  le  plus  facilement  avec  des  mots, 
et  il  salua  avec  enthousiasme  la  nouvelle  forme  gou- 
vernementale. 

Le  5  nivôse ,  la  Constitution  fut  lue ,  affichée  et 
publiée  à  Saint-Lizier,  la  Garde  nationale  en  armes  et 
le  peuple  réuni  au  son  du  tambour.  Nous  trouverons 
un  écho  de  la  joie  publique  dans  la  célébration  de  la 
fête  du  25  messidor  suivant.  Ce  jour-là,  toute  la  gent 
officielle  que  nous  avons  Thabitude  de  voir  parader 
aux  cérémonies  civiques,  maire,  adjoint,  officiers  mu- 
nicipaux, juge  avec  ses  assesseurs,  instituteurs  avec 
leurs  élèves,  gardes  nationaux  se  rendent,  dans  Tordre 
prescrit,  au  temple  de  la  Raison,  qui  était  encore 
ouvert.  La  cérémonie  débute  par  trois  coups  de  ca- 
non. Puis,  défile  la  série  des  discours  «  analogues  à  la 
ce  fête,  tous  tendant  à  l'extinction  des  haines,  à  la  réu- 
a  nion  de  tous  les  cœurs  et  à  Foubli  général  de  toutes 
«  les  divisions.  »  Les  discours  finis,  la  cérémonie  se 
termine  par  des  chants  patriotiques.  Il  est  fait  ensuite 
une  promenade  civique  dans  toute  \a  ville  «  en  obser- 
vant toute  la  décence  et  la  dignité  qui  conviennent  à 
un  peuple  libre  ».  Le  cortège  enfin  rentre  dans  la 
maison  commune  aux  cris  mille  fois  répétés  de  a  Vive 
la  République  !  vive  Bonaparte  I  vivent  le  guerriers  fran- 
çais !  Honneur  aux  braves  qui  défendent  la  liberté  et 
qui  sont  morts  pour  elle  !  » 

On  n'a  pas  oublié  la  terrible  humiliation  qui  fut 
infligée  à  la  ville  couseranaise  par  la  suppression  du 
tribunal  dont  elle  était  si  jalouse.  Son  irréconciliable 


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484 

ennemie  la  poursuivait  d'une  haine  féroce  et,  voulant 
la  traquer  jusqu'au  bout,  elle  surprit  de  la  religion  du 
préfet  un  arrêté  qui  ordonnait  l'enlèvement  des  bois 
qui  avaient  servi  à  la  construction  des  sièges  des  juges, 
avoués,  avocats,  huissiers,  etc.  —  La  municipalité 
s'opposa  énergiquennyent  à  cet  acte  d'inutile  vandalisme , 
alléguant  avec  raison  que  de  son  exécution  ne  pou- 
vait résulter  aucun  avantage  appréciable  pour  le  bien 
public,  que  les  frais  d'installation  avaient  été  payés  par 
la  commune  et  qu'elle  seule  devait  être  juge  de  l'oppor- 
tunité de  l'enlèvement  de  ces  travaux  d'embellisse- 
ment qui  lui  rappelaient  une  ère  de  bien  passagère 
grandeur.  N'y  avait-il  pas  d'ailleurs  quelque  pudeur  à 
ne  point  s'acharner  ainsi  contre  un  ennemi  vaincu  ? 
Le  préfet  n'avait  qu'à  s'incliner  devant  ces  nombreux 
arguments. 

Sur  la  fin  de  l'année,  le  20  fructidor,  on  dut  procéder 
à  l'exécution  d'un  arrêté  préfectoral  qui  ordonnait  la 
réorganisation  de  la  Garde  nationale.  Tous  les  citoyens 
de  seize  à  soixante  ans  furent  réunis  à  l'hôtel  de  ville 
pour  procéder  à  l'élection  des  officiers  et  sous-ofïl- 
ciers.  Sortirent  vainqueurs  de  l'urne,  avec  la  quasi- 
unanimité  des  suffrages,  les  noms  de  Gui  Nicolas, 
capitaine,  Etienne  Berges,  lieutenant,  et  Louis  C!ourt, 
sous-lieutenant.  Le  rôle  de  la  milice  communale  était 
assez  important  pour  qu'on  n'en  confiât  la  direction 
qu'à  des  hommes  compétents  et  d'une  probité  recon- 
nue. Aussi  en  voyons-nous  le  commandement  successi- 
vement confié  aux  Roquemaurel,  Villa  et  Nicolas,  qui 
s'empressaient  d'accepter  des  fonctions  qui  flattaient 
leur  amour-propre  en  leur  donnant  du  galon  et  du 
panache. 


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485 


XII 


Rétablissement  du  Culte.  —  Mesures  répressives  contre  l'immora- 
lité et  la  désertion.  —  Incident  macabre.  —  Rétablissement  de 
Toctroi.  —  Transaction  avec  les  possesseurs  de  biens  commu- 
naux. —  Consulat  à  vie.  Te  Deum  à  Saint-Lizier.  —  Mesures  répa- 
ratrices. —  Démolition  des  remparts.  —  Déchéance  du  maire 
Vignau.  —  Le  senatus-consulte.  —  Serments  de  fidélité  à  TEm- 
pire. 


Aussi  habile  homme  d^Etat  qu'intrépide  général, 
Bonaparte  s'occupa  activement  à  organiser  les  grands 
services  publics  et  à  pacifier  les  esprits.  Sachant  par  les 
leçons  de  l'histoire  auxquelles  il  était  attentif,  qu'une 
croyance  et  un  culte  public  sont  des  éléments  indis- 
pensables à  la  base  des  sociétés,  il  rendit  les  édifices 
religieux  aux  prêtres  et  prépara  cet  immortel  Concor- 
dat qui  devait  régler  les  rapports  de  l'Eglise  et  de  la 
France.  Profitant  des  dispositions  bienveillantes  du 
pouvoir,  les  prêtres  encore  émigrés  repassèrent  la  fron- 
tière, ceux  qui  se  tenaient  cachés  reparurent  au  grand 
jour,  et  les  paroisses  depuis  longtemps  veuves  dp  leurs 
légitimes  pasteurs  les  virent  revenir  avec  une  vive  et 
respectueuse  joie.  Ceux  qui  jusqu'ici  avaient  refusé  de 
prêter  serment  se  soumirent  à  un  ordre  de  choses  qui 
rendait  hommage  aux  droits  de  la  conscience.  Nous 
voyons  reparaître  des  hommes  que  nous  avions  perdus 
de  vue  pendant  la  terrible  tourmente  que  la  France 
venait  de  traverser. 

Dans  les  premiers  jours  de  brumaire  an  IX,  Bernard 
de  Belissens,  Girons-Charles  Bordes,  Gaspard  de  Ro- 
quemaurel,  Guillaume  Amans,  Jean  Berges,  Jacques 
Baleix,  Jean  François  Langlade,  Simon  Saurat,  Bar- 
thélémy Dauby,  de  Rozès,  prêtres,  Thérèse  Delort, 
exHPeligieuse,   Guillaume  Saurat,  Etienne   Trinqué, 


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186 

Philouze,  Jean  Darrou,  François  Dargein,  Didier  Ver- 
bizier  Poiidelay,  Pierre  Durau,  Tussau  prêtres,  se 
présentent  devant  le  maire  de  Saint-Lizier  pour  lui 
déclarer  qu'ils  ont  déjà  fait  leur  soumission  et  prêté 
serment  à  la  Constitution  devant  l'administration 
municipale  du  canton.  Ne  s'étant  pas  munis  d'une 
attestation,  ils  sont  obligés  individuellement  de  renou- 
veler leur  serment  devant  le  maire  du  lieu,  qui  doit 
fournir  à  l'Etat  le  tableau  des  pensionnaires  ecclé- 
siastiques qui  ont  satisfait  à  l'arrêté  des  Consuls  du 
7  nivôse  dernier. 

Quelques  jours  après,  le  17  frimaire,  le  préfet  de 
TAriège  Brun,  faisant  droit  à  la  supplique  de  plusieurs 
habitants  et  de  la  municipalité,  rend  au  culte  l'église 
de  la  Sède  et  donne  a  tous  les  ordres  nécessaires  pour 
que  la  tranquillité  publique  ne  soit  pas  troublée  et  que 
la  paix  et  la  décence  soient  sévèrement  maintenues.  » 

L'ouverture  de  cette  église  avait  été  demandée  par 
des  citoyens  qui  éprouvaient  quelques  scrupules  à 
recourir  au  ministère  des  prêtres  assermentés  et  à 
aller  assister  à  la  célébration  des  mystères  dans  un 
lieu  qui  avait  servi  aux  cérémonies  civiques  et  profané 
par  des  scènes  impies.  Les  prêtres  qui  avaient  pactisé 
avec  l'erreur,  les  Berges,  Amans,  l'ex-chartreux 
Langlade,  s'en  contentaient  bien;  mais  les  autres  tels 
que  P.  Durau,  Tussau,  Darrou,  Dauby  demandèrent 
à  aller  célébrer  sur  les  autels  de  l'église  «  d'en  haut  » 
demeurés  purs  de  tout  contact  sacrilège. 

En  vertu  de  l'arrêté  préfectoral,  il  appartenait  au 
maire  de  prendre  les  dispositions  utiles  pour  prévenir 
tout  désordre  pouvant  surgir  de  ces  compétitions.  Le 
12  nivôse,  fut  publié  l'arrêté  suivant  dont  nous  trans- 
crivons seulement  quelques  considérants  : 

La  mairie  de  Saint-Lizier  qui  a  vu  Tarrôté  du  préfet  de  l'Ariège, 
en  date  du  16  frimaire,  qui  accorde  l'ouverture  de  Téglise  dite 
«  d'en  haut  »  aux  citoyens  qui  Tout  réclamée  pour  Texercice  de 


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<87 

leur  culte  prétendu  différent  de  celui  qu'on  exerce  dans  Téglise 
dite  «  d'en  bas  »  ; 

Considérant  qu'il  est  du  devoir  de  la  mairie  de  prévenir,  par  les 
moyens  que  la  loi  met  en  son  pouvoir,  toute  discussion  et  notam- 
ment tout  motif  de  trouble,  la  différence  des  opinions  ne  devant 
point  rompre  Tharmonie  qui  doit  régner  entre  tous  les  citoyens  ; 

Considérant  que  la  loi  du  7  vendémiaire  an  IV  veut  que,  toutes 
les  fois  qu'on  exerce  deux  cultes  dans  un  môme  édifice,  les  heures 
soient  réglées  pour  chacun  des  deux  cultes,  d'où  il  suit  que  tel  est 
1  esprit  de  la  loi  que,  lorsque  deux  cultes  sont  exercés  dans  deux 
églises  différentes,  chaque  prêtre  exerçant  le  sien  reste  dans  l'église 
qu'il  occupe  déjà  ; 

Considérant  que  par  Tarrôté  susdit  l'église  «  d'en  haut  »  a  été 
ouverte  en  faveur  de  ceux  qui  l'ont  réclamée  pour  l'exercice  de 
leur  culte;  que  les  prêtres  qui  exercent  dans  l'église  «  d'en  bas  » 
sont  depuis  longtemps  en  possession  de  cette  dernière  église,  et 
qu^  s'ils  cherchaient  h  faire  des  fonctions  dans  l'église  «  d'en 
haut  »  ce  serait  vouloir  le  trouble  ; 

Arrête  : 

Art.  1.  —  Les  citoyens  Langlade,  Amans  et  Berges,  prêtres,  con» 
tinueront  d'exercer  leur  culte  dans  l'église  «  d'en  bas  »,  à  l'exclu- 
sion de  tout  autre  prêtre. 

Art.  2.  —  Les  citoyens  Tussau,  Trinqué  et  Dargein-Dupont 
exerceront  leur  culte  dans  l'église  «  d'en  haut  »,  exclusivement  à 
tout  autre  prêtre. 

Art.  3.  —  Il  est  permis  aux  citoyens  Trinqué  et  Dargein  d'aller 
dire  la  messe  à  la  chapelle  de  l'hospice. 

Art.  4.  —  Tous  les  susnommés  seront  tenus  de  se  conformer  aux 
dispositions  de  la  loi  du  7  vendémiaire  an  IV. 

Art.  5.  —  Les  prêtres  et  autres  citoyens,  qui  par  leurs  discours 
chercheront  h  troubler  la  tranquillité  publique  pour  fait  d'opinions 
religieuses,  seront  considérés  comme  perturbateurs,  et  dénoncés 
comme  tels  devant  qui  il  appartiendra. 

Les  droits  de  chacun  ainsi  déterminés,  les  cérémo- 
nies religieuses  furent  célébrées  avec  éclat  dans 
Téglise  de  Notre-Dame  de  la  Sède,  demeurée  vide  et 
silencieuse  depuis  que  la  voix  épiscopale  ne  se  faisait 
plus  entendre  sous  ses  voûtes  élégantes.  L'ancienne 
cathédrale  revoyait  les  mêmes  officiants  revenus 
anoblis  par  Tépreuve,  mais  il  manquait  cette  douce  et 
suave  figure  de  Mgr  de  Lastic,  que  la  mort  avait 
frappé  depuis  deux  ans  sur  la  terre  étrangère.  Pour 


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188 

célébrer  dignement  le  mystère  du  jour,  on  appela 
pour  la  Fête-Dieu^  le  18  prairial,  «  un  des  jolis  prédi- 
cateurs à  faire  foule  dans  les  grandes  villes  »,  le  Père 
Doumenc,  ancien  capucin,  que  la  persécution  avait 
amené  dans  sa  famille  à  Saint-Girons.  Le  13  août, 
dans  la  même  église,  eut  l'honneur  de  la  chaire  un 
vaillant  prêtre,  M.  Nartus,  originaire  de  Saint-Valier, 
qui,  lui  aussi,  était  sorti  de  la  tourmente  où  avaient 
sombré  tant  de  consciences,  entouré  du  respect  et  de 
Tadmiration  dus  aux  grands  caractères. 

Cette  petite  ville  de  Saint-Lizier,  jadis  si  paisible  et 
de  mœurs  si  pures,  était  devenue  un  foyer  de  divisions 
et  d'immoralité.  Il  était  temps  que  la  religion  revînt, 
portant  la  paix  dans  les  esprits  et  la  régularité  dans 
les  mœurs. 

Il  n'était  pas  de  jour  où  la  population  de  quelque 
quartier  ne  fût  ameutée  par  une  querelle  qui  éclatait 
entre  les  voisins  ;  pas  de  nuit  où  de  mauvais  garne- 
ments ne  se  livrassent  à  des  voies  de  fait  sur  des 
promeneurs  attardés,  qui  par  leurs  chants  injurieux 
ou  leurs  provocations  ne  troublassent  le  repos  public. 

Le  maire  fut  obligé  de  renouveler  les  anciens  règle- 
ments de  police,  enjoignant  au  commandant  de  la 
Garde  nationale  de  tenir  tous  les  soirs  sous  les  armes 
jusqu'au  lever  du  soleil,  une  patrouille  de  huit  hommes 
qui  arrêteraient  sans  pitié  tous  les  perturbateurs. 
Tous  les  citovens  de  seize  à  soixante  ans  devaient,  à 
leur  tour,  faire  leur  service,  et  le  rapport  des  événe- 
ments de  la  nuit  devait,  chaque  matin  à  neuf  heures, 
être  déposé  au  bureau  de  la  mairie  pour  que  la  répres- 
sion suivît  immédiatement  le  délit.  C'était  l'état  de 
siège,  qui  pouvait  prévenir  les  désordres  de  la  rue, 
mais  qui  ne  pouvait  atteindre  d'autres  fautes  plus 
graves  que  Ton  avait  à  déplorer. 


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489 

Nous  laissons  ici  la  parole  au  rapport  officiel  de  la 
mairie  : 

«  Considérant  que  Ton  a  trouvé  dans  moins  de  quinze  jours,  à  la 
porte  de  l'Hospice,  six  enfants  mis  au  monde  depuis  peu,  et  que  la 
dépravation  des  mœurs  est  parvenue  à  un  tel  degré  qu'il  est  des 
filles  qui,  après  avoir  prostitué  leur  honneur  portent  la  barbaiie 
jusqu'à  abandonner  leurs  enfants  procréés  à  la  suite  de  leur  liber- 
tinage ;  qu'il  en  est  môme  qui  les  étouffent  pour  ôter  toute  preuve 
de  la  vie  scandaleuse  et  criminelle  qu'elles  mènent: 

«  Considérant  que  les  vœux  du  gouvernement  et  sa  volonté  bien 
prononcée  tendent  à  faire  cesser  désormais  des  abus  aussi  révol- 
tants; qu'il  est  enfin  temps  que,  la  paix  succédant  aux  orages 
d'une  Révolution  terminée,  la  vertu  et  la  moralité  ne  soient  plus 
méconnues,  qu'elles  prennent  la  place  de  toutes  ces  abominations 
qui  ont  affligé  la  population  tout  entière,  pendant  ce  temps 
malheureux  où  la  France,  déchirée  par  les  factions,  ne  présentait 
qu'un  tableau  désolant  pour  l'humanité; 

«  Considérant  qu'il  est  du  devoir  des  magistrats,  eu  suivant  les 
vues  du  gouvernement,  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  faire  régner  parmi  leurs  concitoyens  cette  vertu  et  cette 
morale  sur  laquelle  reposent  et  la  société  et  le  bonheur  public; 
qu'ils  seraient  coupables  aux  yeux  de  la  loi,  s'ils  ne  s'empressaient 
de  faire  cesser  ces  scandales  multipliés,  soit  en  surveillant  les 
filles  débauchées  dont  la  corruption  n'est  que  trop  funeste  à  la 
société,  soit  en  les  désignant  au  public  comme  des  êtres  qu'on  doit 
mépriser  et  fuir; 

«  Le  maire  arrête  que  toute  fille  présumée  <)nceinte  sera  ouïe  sur  le 
fait  de  sa  grossesse  afin  de  veiller  à  la  conservation  du  fruit  qu'elle 
porte  ;  si  elle  nie  son  état,  elle  pourra  être  visitée  par  un  officier  de 
santé  assisté  de  la  sage-femme. 

«  Tous  les  ans,  il  sera  dressé  une  liste  des  filles  prostituées,  liste 
qui  sera  lue,  publiée  et  affichée  pendant  trois  décades  consécutives; 
elles  seront  de  suite  notées  et  désignées  comme  nuisibles  h  la  vertu, 
à  la  société  et  aux  mœurs.  » 

Certes,  rintention  du  magistrat  était  louable,  mais 
elle  nous  paraît  d'une  efficacité  incertaine.  Ce  n'est 
pas  avec  des  arrêtés  municipaux  qu'on  amende  les 
mœurs  d'une  communauté.  J'attends  une  plus  salu- 
taire influence  du  retour  aux  enseignements  dç  l'Évan- 
gile et  aux  pratiques  de  l'Église.  La  parole  des 
confesseurs  de  la  foi  Nartus  et  Doumenc,  secondée  de 
raction  divine,  obtiendra  un  tout  autre  résultat  que 


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«90 

Tukase  municipaL  Du  reste,  le  préfet^  jugeant  que  le 
maire  avait  excédé  ses  droits,  annula  son  arrêté 
comme  émanant  d'une  autorité  incompétente. 

Une  autre  plaie,  qui  pouvait  être  désastreuse  pour 
la  patrie  aux  prises  avec  d'innombrables  ennemis, 
était  la  lâcheté,  la  désertion  des  soldats  et  la  rébellion 
des  conscrits.  Le  maire  somma  le  commandant  de  la 
milice  nationale  d'envoyer  des  hommes  chez  les  déser- 
teurs et  les  réfractaires  pour  les  arrêter.  Mais  les 
ordres  du  maire  ne  s'exécutant  qu'avec  une  grande 
mollesse^  le  préfet  ordonna  la  formation  d'une  colonne 
roulante,  composée  de  troupes  actives  et  de  trois 
brigadiers  de  gendarmerie.  Cette  colonne  devait  suc- 
cessivement se  rendre  dans  les  quartiers  où  l'on  signa- 
lait  des  réquisitionnaires  fuyards  et  des  conscrits 
pour  s'emparer  de  ces  mauvais  citoyens  et  les  amener 
dans  leurs  corps  respectifs.  C'était  l'extinction  de  tout 
noble  sentiment.  Que  de  ruines  et  quelle  œuvre  for- 
midable de  relèvement  à  entreprendre  ! 

Survint  alors  un  incident  qui  eût  pu  avoir,  entre 
magistrats  préposés  à  la  garde  du  repos  public,  les 
plus  gravés  conséquences.  Un  vénérable  membre  de 
l'ancien  chapitre,  J.  Baleix^  fut  trouvé  mort  dans 
son  lit,  le  10  pluviôse  an  X.  Louis  Court,  ami  du 
défunt  qui  était  étranger  au  pays,  se  chargea  du  soin 
de  ses  funérailles  et  demanda  des  instructions  au 
maire.  Celui-ci,  convaincu  qu'il  appartenait  à  la  police 
municipale,  à  l'exclusion  de  toute  autre  autorité  locale, 
de  pourvoir  à  l'inhumation  d'un  étranger,  ajourna  la 
cérémonie  de  quarante-huit  heures. 

Entre  temps,  le  juge  de  paix  Duclos,  dont  on  n'a  pas 
oublié  les  frasques,  présumant  qu'on  empiétait  sur  ses 
attributions,  émit  la  prétention  d'opposer  son  autorité 
à  celle  du  maire  ;  quelques  gardes  nationaux,  heureux 
d'humilier  publiquement  Vignau,  lui  promirent  le 


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494 

concours  de  leurs  bayonnettes.  Vignau  eut  vent  du 
complot  et  prit  un  arrêté  ordonnant  Tinhumation  du 
défunt  chanoine,  le  12  pluviôse,  dans  le  cloître  de 
l'église  de  la  Sède;  le  commandant  de  la  Garde 
nationale  est  requis  de  fournir  main-forte  pour  l'exé- 
cution de  cet  ordre  qui  est  publié  et  affiché. 

Le  jour  de  la  bataille ,  le  12  de  grand  matin ,  le 
maire  somme  le  chef  de  la  Garde  nationale  de  mettre 
à  sa  disposition  un  piquet  de  dix  hommes  avec  un 
officier,  lui  fait  défense  d'obtempérer  à  aucun  ordre 
émanant  du  juge  de  paix,  et  lui  déclare  que  tout 
citoyen  qui  se  soumettra  aux  injonctions  du  juge  et 
désobéira  au  maire  sera  traité  comme  rebelle. 

Le  commandant  avec  une  célérité  toute  militaire 
met  sur  pied  dix  hommes  qui,  sous  le  commandement 
de  l'officier  Berges,  se  tiennent  sur  la  place  d'armes 
aux  ordres  de  l'autorité  municipale.  Le  maire,  accom- 
pagné du  commandant,  va  assister  à  la  levée  du  corps 
et  se  met  à  la  tête  du  cortège.  Arrivé  sur  la  place, 
l'officier  Berges  s'avance  avec  son  détachement  et  lui 
barre  le  passage.  Stupéfait  de  cette  attitude,  le  maire 
ordonne  à  l'officier  de  se  retirer  sur  la  place  d'armes 
s'il  ne  veut  point  avoir  à  se  repentir  de  sa  désobéis- 
sance et  de  son  inqualifiable  conduite.  Celui-ci  lui 
réplique  qu'il  est  porteur  d'une  réquisition  du  juge  de 
paix  lui  enjoignant  de  faire  porter  le  corps  du  défunt  à 
l'église  a  d'en  bas  »  et  que,  pour  assurer  l'exécution 
de  cet  ordre,  il  est  disposé  à  employer  la  force.  Froi- 
dement, le  maire  ordonne  aux  croque-morts  d'avancer 
et  somme  Berges  de  se  retirer  avec  son  piquet.  Berges 
dégaine  son  sabre  et  ordonne  à  son  tour  aux  gardes 
nationaux  de  croiser  la  bayonnette. 

On  conseille  alors  à  Berges  d'exhiber  l'ordre  qu'il 
tenait  du  juge  :  le  maire  s'empare  brusquement  de  cet 
ordre  séditieux  ;  Berges  le  reprend  non  moins  violem- 
ment, traitant  le  magistrat  municipal  de  «  perturba- 


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192 

teur  de  la  ville.  »  Usant  alors  de  la  dernière  ressource 
que  lui  offre  son  autorité,  le  maire  déclare  Berges 
a  révolté  »  et  défend  aux  gardes  nationaux  de  lui 
obéir;  puis  il  requiert  Gui  Nicolas  de  prendre  le 
commandement  du  peloton.  Berges  se  retire,  mais 
non  sans  protester  contre  la  violence  qui  lui  est  faite 
et  contre  le  mépris  avec  lequel  on  traite  la  réquisition 
du  juge  dont  il  veut  donner  lecture  avant  de  quitter  le 
terrain.  Puis,  de  concert  avec  son  frère  Laurens,  ils  se 
répandent  en  invectives  contre  les  abus  de  pouvoir 
dont  ils  se  disent  les  victimes.  Et  le  cortège,  débar- 
rassé de  cet  encombrant  personnage,  poursuit  son 
itinéraire  vers  l'église  de  la  Sède. 

Scène  des  plus  burlesques  si  la  présence  d'un  cada- 
vre ne  l'eût  rendue  des  plus  odieuses. 

Epilogue  :  Trois  jours  après,  Lingua  de  Saint- 
Blanquat  est  nommé  juge  de  paix,  en  remplacement 
du  citoyen  Duclos,  et  l'installation  du  nouveau  titu- 
laire se  fait  aux  «  acclamations  réitérées  de  vive  la 
République,  vive  le  citoyen  Lingua  I  » 

L'installateur  délégué  était  le  maire  Vignau,  qui  a 
été  tout  heureux  de  consigner  ce  témoignage  de  la 
satisfaction  publique  dans  les  registres  de  la  commune. 

La  situation  financière  devenait  de  jour  en  jour 
singulièrement  difficile.  Pour  équilibrer  le  budget  de 
l'an  X,  on  avait  déjà  proposé  le  rétablissement  des 
octrois,  supprimés  en  1791  pour  un  motif  de  fausse 
popularité.  Mais,  dans  sa  séance  du  11  brumaire  an 
IX,  le  conseil  municipal  s'était  opposé  à  cette  mesure 
pourtant  si  nécesaire  ;  maintenant,  qu'il  se  détermine 
à  recourir  aux  ressources  qu'il  espère  de  l'octroi,  il  est 
intéressant  de  relire  les  motifs  pour  lesquels  il  résista 
à  cet  établissement.  «  Sous  l'ancien  régime  il  est  vrai, 
dit  la  délibération,  nous  avions  certains  octrois,  mais 
les  habitants  jouissaient  d'une  grande  aisance  qu'ils 


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493 

devaient  à  la  présence  d'un  évêque,  d'un  chapitre  et 
d'un  collège;  plus  tard,  ces  différents  établissements 
ayant  été  supprimés,  nous  trouvâmes,  durant  quel- 
ques années,  une  légère  compensation  dans  Térection 
du  tribunal  civil  qui,  à  son  tour,  disparut.  Actuelle- 
ment «  il  ne  reste  aux  habitants  aucune  ressource  pour 
se  procurer  des  moyens  de  subsister;  les  riches  et 
tout  ce  qu'il  y  avait  d'aisé  ont  quitté  la  commune, 
de  façon  que  la  population  a  diminué  d'un  tiers.  Il  ne 
reste  plus  que  la  classe  indigente  du  peuple  qui  ne 
peut  supporter  le  moindre  accroissement  d'impôt; 
l'octroi  ne  pouvant  être  établi  que  sur  le  vin  et  la 
viande,  ces  denrées  de  première  nécessité  vont  être 
augmentées  et  les  charges  nouvelles  vont  retomber  sur 
la  classe  nécessiteuse.  D'ailleurs,  continue  la  délibéra- 
tion, le  départ  des  principaux  habitants  ayant  dimi- 
nué la  consommation  de  plus  de  la  moitié,  à  raison 
des  dépenses  considérables  qu'ils  faisaient,  les  octrois 
ne  produiraient  pas  un  revenu  suffisant  pour  couvrir 
les  frais  de  perception  ».  Après  de  si  nombreux  et  de 
si  concluants  arguments,  l'établissement  d'un  octroi 
devait  être  ajourné  et  il  le  fut  à  l'unanimité. 

Mais  ce  qui  en  l'an  IX  fut  jugé  inutile,  onéreux, 
impossible,  parut,  un  an  plus  tard,  le  seul  moyen  de 
sauver  la  situation  si  précaire  de  la  commune.  Sur  des 
considérants ,  qui  sont  l'exacte  réfutation  de  l'argu- 
mentation précédente,  à  l'unanimité,  l'assemblée  com- 
munale vote  l'établissement  de  l'octroi.  Toute  autre 
taxe  indirecte  est  impossible,  dit-elle,  dans  une  com- 
mune sans  industrie  et  sans  commerce  ;  si  modique 
qu'elle  fût,  elle  pèserait  d'ailleurs  sur  une  classe  indî-» 
gente  et  hors  d'état  de  l'acquitter  ;  les  dépenses  com- 
munales sont  réduites  aux  plus  strictes  exigences, 
elles  sont  indispensables  :  avant  la  Révolution,  l'octroi 
suffisait  pour  les  solder,  nous  devons  donc  avoir 
recours  au  seul  moyen  qui  nous  offre  des  ressources  ; 

RsTUC  DE  CojmtNGEs,  3*  Ifimeslre  1895.  Tomk  X«  —  14* 


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mais,  comme  nos  administrés  sont  pauvres,  nous 
devons  fixer  cet  octroi  à  un  prix  qui  ne  puisse  causer 
une  trop  grande  augmentation  dans  le  cours  des  den- 
rées qu'il  affectera.  C'est  ainsi  que  pour  un  char  de 
vin  on  paiera  une  taxe  de  6  francs  ;  pour  un  bœuf  ou 
vache,  4  francs;  pour  un  veau,  1  franc;  pour  un 
mouton,  0  fr.  50  centimes;  pour  un  cochon,  2  francs. 

De  crainte  que  les  frais  de  régie  n'îibsorbent  une 
partie  des  taxes,  l'octroi  sera  affermé  tous  les  ans  et 
délivré  au  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur. 

Un  règlement  fut  élaboré  et  soumis  à  l'approbation 
du  ministre  de  Tlntérieur,  qui  l'approuva;  le  tarif  fut 
modifié  en  quelques  points.  La  taxe  du  bœuf  fut  portée 
à  8  francs  ;  le  char  du  vin  à  9  francs.  La  mise  aux 
enchères  en  eut  lieu  le  4  germinal  an  XII,  et  après 
un  véritable  steeple-chasse  de  surenchères,  le  sieur 
Gouazé  resta  maître  du  champ  de  bataille  et  devint 
fermier,  au  prix  de  425  francs. 

Il  y  avait  une  autre  question  qui  avait  plusieurs  fois 
attiré  l'attention  du  conseil  municipal  :  la  restitution, 
des  biens  communaux  usurpés  par  plusieurs  citoyens 
peu  scrupuleux.  Au  mois  de  brumaire,  l'an  IX,  on 
avait  demandé  au  préfet  Tautorisation  de  poursuivre 
ces  détenteurs.  Les  lenteurs  bureaucratiques  dont  l'es- 
prit franças  s'est  tant  amusé  naquirent  avec  Tadminis- 
tration,  et  le  préfet  ne  répondit  que  quinze  mois  plus 
tard  pour  demander  le  tableau  contenant  la  nature, 
la  situation  et  l'étendue  de  ces  biens  appartenant  à  la 
commune  avant  le  14  août  1789,  ainsi  que  les  noms  des 
possesseurs.  Les  citoyens  Tatareau  et  Brondes  furent 
nommés  pour  aider  le  maire  à  dresser  ce  tableau.  Le 
13  thermidor,  en  exécution  d'un  arrêté  préfectoral,  le 
maire  fît  signifier  à  tous  les  détenteurs  qu'ils  eussent 
à  produire^  dans  le  délai  d'un  mois,  devant  le  conseil 
de  préfecture,  les  titres  servant  à  établir  la  légitimité 


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495 

de  leur  possession.  Faculté  leur  sera  accordée  de  con- 
server la  jouissance  de  ces  biens  moyennant  une  rede- 
vance en  numéraire  qui  pourra  être  fixée  par  experts 
ou  par  le  conseil  municipal.  (3'étaitla  solution  la  plus 
pratique  de  cette  épineuse  question.  Qui  sait  si  après 
s'être  emparés,  sous  Tempire  de  l'anarchie  qui  régnait 
dans  les  théories  et  les  faits,  d'une  chose  qui  n'appar- 
tenait p(;rsonnellement  à  aucun  citoyen  et  générale- 
ment à  touSj  quelques  usurpateurs  ne  se  croyaient 
pas,  par  quelques  années  de  tranquille  possession, 
devenus  de  légitimes  maîtres?  Il  était  du  devoir  des 
protecteurs-nés  des  intérêts  communaux  de  ne  pas 
les  laisser  plus  longtemps  dans  une  illusion  par  trop 
préjudiciable  au  bien  public. 

Tandis  que  la  petite  cité  tournait  dans  le  cercle 
étroit  de  ses  querelles  et  de  ses  intérêts,  la  grande 
patrie,  séduite  par  le  prestige  de  la  valeur  militaire, 
allait  à  grands  pas  vers  le  despotisme  qui  est  la  fin 
inévitable  de  toutes  les  anarchies.  Bonaparte,  déjà 
élevé  à  la  dignité  de  consul,  se  déclarait  prêt  a  à  faire 
au  peuple  un  nouveau  sacrifice  »,  celui  d'accepter  la 
pourpre  impériale.  En  attendant  qu'il  lui  offre  la  cou- 
ronne, le  peuple,  par  près  de  quatre  milions  d^  suffra- 
ges, venait  de  l'investir  du  consulat  à  vie.  C'étaient 
tous  les  attributs  de  la  royauté  avec  tous  ses  droits, 
sauf  le  nom.  <i  Enfin,  pourra  s'écrier  le  citoyen  fran- 
çais las  de  toutes  les  tyrannies  et  turpitudes  jacobines, 
à  présent  nous  serons  tranquilles  grâce  à  Dieu  et  à 
Bonaparte*!  »  Ce  soupir  de  soulagement,  la  France 
entière,  qui  venait  d'ailleurs  de  voir  fermer  par  la  paix 
d'Amiens  le  temple  de  Mars,  le  poussa  avec  une  indi- 
cible satisfaction.  On  illumina  les  monuments  publics, 
on  pavoisa  les  maisons  particulières,  comme  si  on 

♦  .  Anne  Plumptrc  :  A  narratirc  of  threc  y  cars  résidence  in  France,  frora  1802.  I.  ?.29. 


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devait  célébrer  une  grande  victoire  ;  c'était,  en  effet, 
la  victoire  de  la  conscience  et  de  la  justice  sur  la 
tyrannie  et  la  plus  basse  iniquité.  L'archevêque  de 
Toulouse  ordonna  le  chant  d'un  Te  Deum  dans  toutes 
les  églises  de  son  diocèse^  a  en  actions  de  grâces  pour 
la  proclamation  du  senatus-consulte.  » 

La  municipalité  de  Saint-Lizier  se  disposa  à  donner 
à  cette  cérémonie  «  toute  la  pompe  possible.  »  Les 
curés  des  deux  églises  furent  invités  à  chanter,  dans 
leur  temple  respectif,  le  Te  Deunij  à  des  heures  diffé- 
rentes, afin  que  les  autorités  locales,  répondant  aux 
intentions  du  gouvernement,  pussent  assister  aux 
deux  cérémonies.  Le  citoyen  Vignau,  prenant  la  for- 
mule des  grands  jours,  signifia,  par  un  arrêté,  à  la 
Garde  nationale  de  se  mettre  sous  les  armes,  et,  ensei- 
gnes déployées,  d'escorter  la  municipalité  de  la  mai- 
son commune  à  l'église  d'en-bas,  puis  à  Téglise  de  la 
Sède.  Les  préséances  même  furent  minutieusement 
réglées  pour  éviter  tout  conflit.  Au  premier  rang,  le 
maire  ayant  à  sa  droite  le  commandant  de  la  Garde 
nationale,  à  sa  gauche  le  juge  de  paix  ;  puis  l'adjoint 
avec  le  suppléant  du  juge,  les  conseillers,  les  institu- 
teurs^ le  peuple.  Le  peuple  devait  assurément  être 
plus  nombreux  dans  ce  cortège  qu'aux  cortèges  offi- 
ciels qui  se  rendaient  jadis  au  temple  de  Raison  ;  les 
froides  conceptions  philosophiques  ne  valent  pas  pour 
lui  les  saines  traditions  des  ancêtres,  et  dans  sa 
robuste  ténacité  il  y  demeure  profondément  attaché. 

La  loi  de  germinal  an  X  imposait  aux  communes 
l'obligation  de  fournir  au  ministre  des  cultes  un  loge- 
ment et  un  jardin.  Le  conseil  municipal  se  réunit 
extraordinairement,  le  13  ventôse  an  XI,  pour  déli- 
bérer sur  ce  point.  Les  deux  maisons  curiales,  qui  avant 
la  Révolution  appartenaient  à  la  commune,  avaient  été 
vendues  par  la  nation.  On  loua  la  maison  de  l'abbé 


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497 

Guichard  qui,  depuis  le  départ  de  son  propriétaire, 
était  disponible  et  qui  d'ailleurs,  par  sa  proximité 
de  Téglise,  semblait  la  plus  convenable  pour  demeure 
presbytérale.  Quelques  jours  plus  tard,  poursuivant 
son  œuvre  réparatice,  le  corps  municipal  fixa  le  traite- 
ment du  vicaire,  pour  sa  part  contributive,  à  quatre 
cents  francs  ,  et  augmenta  celui  du  curé  de  cent 
francs.  Le  conseil  de  fabrique  devant  être  reco^nstitué, 
Tabbé  Roudeille,  nouveau  curé  de  Saint-Lizier,  et  le 
maire  Vignau  désignèrent  au  choix  du  préfet  «  six 
hommes  probes  et  qui  méritaient  la  confiance  du 
peuple  »  :  Antoine  Villa,  Sainte-Foste,  François  Dur- 
rieu,  Hector  Tatareau,  P.  Louja  et  J.-P.  Samiac, 
noms  que  nous  n'avions  vu  compromis  dans  aucune 
aventure  politique.  Et  comme  il  fallait  que  tous  les 
membres  du  corps  communal  reçussent  Teffusion  du 
nouvel  esprit  gouvernemental,  la  municipalité  elle- 
même  fut  composée  d'éléments  nouveaux.  Sous  la 
présidence  de  Vignau,  maintenu  provisoirement  maire, 
furent  installés  :  Brondes,  adjoint;  conseillers  : 
A.  Villa,  J.  Roques,  F.  Belou,  H.  Tatareau,  B.  de 
Bélissens,  prêtre,  L.  de  Saint-Blanquat,  Dauby,  offi- 
cier de  santé,  Rey,  Galotin^  Rousselot,  receveur. 

A  la  même  époque*,  se  rapporte  la  démolition  du 
rempart  qui  allait  de  Thospice  à  la  maison  Louis 
Dedieu.  Ce  rempart  servait,  au  levant,  de  mur  de  clô- 
ture à  l'ancien  cimetière  ;  il  portait  atteinte  à  la  salu- 
brité des  édifices  voisins,  l'église  et  l'hôpital.  Une 
partie  de  mur  s'étant  accidentellement  écroulée,  la 
municipalité  ordonna  la  démolition  des  parties  restan- 
tes et  l'enlèvement  des  ossements  du  vieux  cimetière 
pour  être  respectueusement  ensevelis  dans  le  nouveau. 
Mais  le  prix  des  matériaux  ne  pouvait  pas  suffisam- 

I.  Délibérations  du  9  floréal,  !•*  prairial  an  XII,  et  iO  novembre  an  XIII. 


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498 

ment  indemniser  la  commune  des  dépenses  qu'occa- 
sionnerait la  main-d'œuvre,  et  on  jugea  qu'il  serait 
avantageux  de  donner  ces  matériaux  à  celui  qui  vou- 
drait se  charger  de  raser  ces  remparts  jusqu'à  fleur  de 
terre,  en  suivant  toutefois  la  pente  naturelle  du  ter- 
rain. Il  devait  aussi  démolir  «  la  tour  qui  se  trouve 
attenante  au  premier  portail  de  la  basse-cour  de  Thos- 
pice  ».  Duclos,  homme  de  loi,  sans  doute  l'ancien 
juge,  accepta  ces  conditions  et  procéda  sans  délai, 
sous  la  surveillance  de  Tarchitecte  Berges,  à  Tenlève- 
ment  des  remparts  qui,  depuis  le  moyen  âge,  proté- 
geaient la  ville  du  côté  de  l'Orient,  contre  les  surprises 
du  dehors.  Déjà,  la  troisième  année  de  Tère  républi- 
caine, on  avait  fait  arracher  comme  inutiles  et  porter 
à  la  maison  commune  les  portes  de  la  ville,  qui  a  fai- 
saient embarras  pour  l'entrée  des  denrées.  » 

Au  moment  de  clore  cette  étude,  nous  assistons  à 
l'effondrement  de  la  longue  carrière  municipale  de 
Ferréol  Vignau.  Homme  souple,  intrigant,  sans  pro- 
bité politique,  il  avait  accepté  et  servi  toutes  les  formes 
jacobines  delà  Révolution  avec  une  égale  indifférence  : 
soumis  à  tous  les  cultes,  avec  la  même  pompe  officielle 
était  allé  à  la  lecture  des  lois,  le  décadi,  au  temple  de 
la  Raison,  et  le  dimanche  au  chant  du  Te  Deum; 
après  avoir  juré  haine  et  mort  à  la  tyrannie,  il  s'apprê- 
tait sans  doute  à  faire  serment  de  fidélité  à  l'Empire, 
quand  l'adjoint  Brondes  fut  chargé  de  la  mairie.  Une 
scène  publique  et  déplorable  signala ,  le  29  floréal 
sans  doute,  sa  déchéance.  Le  conseiller  de  préfecture 
Tussau  dut  lui  signifier  sa  révocation.  Mal  accueilli 
par  le  destinataire,  cet  acte  administratif  souleva  une 
violente  querelle  dont  nous  trouvons  l'écho  dans  une 
plainte  déposée  par  l'ancien  maire.  Le  citoyen  Vignau, 
a  homme  de  loi  »  dit  le  procès-verbal,  se  plaint  que 
Tussau  s'est  permis  «  d'attaquer  ouvertement  dans  les 


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499 

rues  son  honneur  et  sa  réputation,  annonçant  à  haute 
voix  que  le  crime  est  héréditaire  dans  sa  famille,  que 
son  grand-père  avait  été  assassiné,  qu'il  prît  donc 
garde  à  lui,  scélérat,  fripon.  » 

Triste  couronnement  d'une  carrière  qui  eût  pu  être 
remplie  avec  plus  d'indépendance  et  de  dévoûment 
aux  vrais  principes  sociaux.  Le  futur  empereur  ne 
voulut  pas  de  ses  services  et  lui  dit  bien  haut,  par 
son  organe  officiel,  ce  que  peut-être  tout  bas  on  pen- 
sait autour  de  lui. 

Le  prétendu  complot  du  duc  d'Enghien,  qui  venait 
de  finir  si  tragiquement  dans  les  fossés  de  Vincennes, 
servit  de  prétexte  aux  partisans  de  Bonaparte  pour 
émouvoir  l'opinion  publique  en  faveur  du  premier 
consul.  L'ordre  et  la  prospérité  de  la  France,  disaient- 
ils,  ne  reposant  que  sur  une  tête,  il  suffît  du  poi- 
gnard d'un  assassin  pour  replonger  la  patrie  dans 
tous  les  excès  qui  l'avaient  si  longtemps  désolée.  Il  ne 
fallait  plus  de  chef  électif,  mais  un  pouvoir  hérédi- 
taire, seul  gage  de  stabiHté.  Et  l'homme  qui  pouvait 
résumer  toutes  les  conditions  d'ordre,  de  fermeté  et 
de  garantie  pour  l'avenir,  on  l'avait  là,  sous  la  main. 
On  devait  seulement,  par  un  mouvement  spontané  de 
la  nation,  le  déterminer  à  accepter  l'hérédité  du  pou- 
voir suprême.  On  sait  qu'il  accepta.  Le  senatus-con- 
sulte  qui  donnait  force  de  loi  au  vœu  du  Tribunat 
fut  soumis  à  l'approbation  du  pays.  L'adhésion  em- 
pressée de  la  municipaUté  et  de  la  ville  de  Saint-Lizier 
fut  consignée  dans  une  page  enthousiaste  dont  nous 
ne  pouvons  priver  nos  lecteurs  : 

«  Après  avoir  invité  tous  les  citoyens  à  venir  émettre  leur  vœu 
avec  toutes  les  autorités  constituées,  le  Conseil  déclare  qu'il  est 
vivement  affligé  de  n'avoir  pu  se  réunir  plus  tôt  (réunion  du 
7  prairial)  pour  émettre  un  vœu  qui  avait  déjà  été  conçu  dans 
l'esprit  de  chacun  des  membres  depuis  des  temps  bien  reculés  (I) 


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200 

et  donner  à  cet  auguste  magistrat  les  témoignages  de  reconaats- 
sance  qu*il  n'a  cessé  de  mériter  en  sa  qualité  de  général  et  en  sa 
qualité  de  premier  consul  de  la  République. 

«  Considérant  qu*à  lui  seul  doit  être  confié  le  gouvernement 
d'une  aussi  grande  nation,  qui  lui  est  acquis  et  par  ses  hauts  ex- 
ploits dans  la  défense  de  cette  m^me  nation  qui  ont  accumulé  sur 
lui  autant  de  victoires  que  de  jours  ou  de  ui-joursil  acommandé  les 
armées  ;  que  sa  prudence,  sa  sagesse  et  sa  modération  marne  dans 
ses  victoires,  et  le  haut  édifice  qu'il  a  construit  sur  les  ruines  d'une 
désastreuse  Révolution^  semblaient  et  davaient  l'appeler  à  des  fonc- 
tions bien  plus  honorables  quoique  plus  pénibles  ; 

«  Considérant  que  la  France  ne  serait  toujours  qu'un  théâtre 
perpétuel  de  calamités,  de  dissensions  et  de  guerres  qui  se  succé- 
dant les  unes  aux  autres  ne  pourraient  qu'entraîner  la  désolation  et 
la  ruine  d'un  peuple  aussi  doux  que  celui  de  la  France  ; 

«  Considérant  que  la  France  ne  {>eut  mieux  jouir  de  son  crédit 
et  de  sa  tranquillité  qu'en  érigeant  la  République  en  Empire; 

«  Considérant  que  le  choix  ne  saurait  mieux  tomber  que  sur  un 
homme  qui  a  mérité  de  tout  temps  U  confiance  publique; 

«  Le  conseil  arrête  k  l'unanimité  : 

«  Le  maire  provisoire  dressera  sur  le  champ  une  adresse  au 
premier  consul  Bonaparte  pour  l'inviter  à  accepter  le  titre  d'Em- 
pereur et  à  fixer  l'hérédité  dans  sa  famille.  » 

On  connaît  la  réponse  du  premier  consul ,  réponse 
depuis  longtemps  méditée  : 

a  J'accepte  le  titre  que  vous  croyez  utile  à  la  gloire 
de  la  Nation.  » 

Et  le  25  prairial  an  XII,  en  la  maison  commune  de 
Saint-Lizier,  par  devant  le  citoyen  Brondes  adjoint, 
faisant  fonctions  de  maire,  vinrent  individuellement 
et  à  haute  et  intelligible  voix  prononcer  les  paroles 
sacramentelles  : 

«  Je  jure  obéissance  aux  Constitutions  de  l'Empire 
et  fidélité  à  T  Empereur  » 

J.  Bernère,  secrétaire  de  la  mairie,  A.  Villa,  con- 
seiller municipal,  administrateur  de  Thospice  ;  Rous- 
selot,  receveur  de  Tenregistremcnt  ;  Roques,  H.  Tatii- 
reau,  J.  Dauby,  J.-P.  Rey,  A.  Galotin,  Louis  Lingua, 
B.  Belisseus,  conseillers  municipaux;  F.  Belou,  con- 
seiller   municipal    et    administrateur   de   rhospice  ; 


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301 

Et.  Berges,  percepteur;  Jean  Berges,  prêtre,  institu- 
teur particulier;  Rois,  garde  forestier;  Anglade,  offi- 
cier de  santé;  J.-B.  Dupré,  administrateur  de  Thospice; 
J.  Bordes,  administrateur  de  Thospice;  J.  Dupré, 
instituteur  privé;  J.  Tourte,  maire  de  Taurignan- 
Castet;  J.  Dargein,  maire  de  Taurignan-Vieux  ;  Bou- 
det,  maire  de  Mercenac;  J.  Marie,  maire  de  Gajan; 
J.  Adéma,  maire  de  Prat  ;  Bourret,  maire  de  Lacave  ; 
Coutanceau,  maire  de  Caumont;  Rioupouil,  maire  de 
Mauvezin;  Daugustou,  maire  de  Labastide;  Ortet, 
maire  de  Montgauch;  Fauroux,  maire  de  Cazavet; 
Barbe,  maire  do  Sentaraille;  Dedieu,  maire  de  Mont- 
joie;  Masquère,  maire  de  Betchat;  J.  Faur,  maire  de 
Montesquieu. 

Les  révolutionnaires  des  hameaux  et  des  villes 
venaient  d'acclamer  la  forme  gouvernementale  la  plus 
despotique,  et  Carnot  put  douloureusement  s'écrier  : 
«  La  Liberté  fut-elle  donc  toujours  montrée  à  Thomme 
pour  qu'il  ne  pût  en  jouir?  » 

L'abbé  Cau-Durban. 


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CHRONIQUE 


LE  JUBILÉ  DE  $AIM-BËKTRAND-DE-COMML\GES 

Notice  historique  et  Compte  renda 


DUR  la  région,  celte  année  aura  été  marquée  par  un  grand 
fait  religieux,  bien  connu  8ou8  le  nom,  plusieurs  fois 
séculaire,  de  «  Jubilé  de  Saint-Bertrand.  »  C'est  un 
Grand'Pardon  auquel  sont  attachées  les  plus  larges 
indulgences  *,  avec  le  pouvoir  pour  les  confesseurs  d'absoudre 
«  des  cas  réservés  et  censures.  » 

Il  date  des  première?^  années  du  xiv®  siècle  et  fut  institué  par  le 
pape  Clément  V,  Bertrand  de  Got  ou  de  Goth^,  ancien  évéque  de 
Comminges  (1296-1299),  avant  de  devenir  archevêque  de  Bordeaux. 
Ce  souverain  pontife  avait  conservé  pour  son  ancienne  église 
pyrénéenne,  sanclifiée  par  Tévéque  Bertrand  de  l'isle  (1073-1123) 
que  canonisa  le  pape  Alexandre  III,  une  très  grande  prédilection. 
Résidant  à  Avignon  où  demeura  transféré  le  saint -siège  durant 
cette  période  appelée  «  captivité  de  Babylone  »  (1309-1376).  il  vou- 
lut revoir  son  ancien  diocèse.  Désireux  de  lui  donner  une  grande 


1.  A  partir  du  xiv*  siècle,  ces  indulgences  extraordinaires,  accorilêes  par  les  papes  en 
vertu  de  leur  autorité  apostolique,  prirent  le  nom  de  Jubilé  en  souvenir  de  la  loi  mosaï- 
que, où  l'on  appelait  aiusi  les  grandes  Tt^tcs  des  Hébreux.  On  les  annonçait  avec  des 
trompettes,  et  comme  Tinvention  de  la  musique  est  attribuée  à  Jubal  on  les  dénomma  Jubilé  ; 
d'autres  font  dériver  ce  terme  du  Johel  ou  Jobel,  bélier  (et  jubilandi  à  jabilaiionej,  jubila- 
lion,  allégresse,  renvoi  ou  démission  (Ijistrade,  Saint- Bertrand  ;  et  Dictionnaire  encychp»^ 
diqtiej.  Chez  les  Juif^,  le  Jubilé  était  une  solennité  publique  qui  se  jélcbrail  de  cinquante 
en  cinquante  ans  et  lors  de  laquelle  toutes  sortes  de  dettes  ntaieni  remises,  tous  les  béri> 
tages  restitués  aux  anciens  propriétaires  et  tous  les  esclaves  rendus  à  la  liberté.  Le  Jubilé 
centenaire  qui  se  célèbre  à  ttonie  depuis  le  pape  Loniface  VIII  fut  considéré  comme 
donné  à  Pinstar  du  Jubilé  mosaïque. 

2.  Il  va  des  variantes.  Ce  nom  est  écrit  aussi  Gouth  dans  les  ouvrages  du  baron  d*Agos. 
Mais  la  véritable  orthographe  est  Goth.  I^  Chronique  de  Bazas  hésite  entre  Villandraot  el 
Uzeste  quand  elle  recherche  son  berceau  :  *  Bertrandus  de  Gulto,  orfeudus  de  pago  de 
Uscsta,  diecesis  Vasatensis,  scu  ut  aliis,  de  Vchcndraudo,  archiepiscopus  burgaleiisi$. 
inaugnralur,  et  rum  in  ecclesia  collégial!  de  Usesta  scpulchrum  sibi  clegit  satts  argomenli 
est  ibidem  natum  esset.  *  Une  paroi>se  limitrophe  d'Useste  (Gironde)  porte  encore  le 
nom  de  Saint-Martin  de  Goth. 


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S03 

marque  de  son  attachement,  il  y  procéda  lui-môme  à  la  Translation 
solennelle  des  reliques  du  saint  patron  Bertrand,  de  sa  sépulture 
première  dans  une  châsse  CcapsamJ  digne  de  ses  restes  vénérés 
(1309)'. 

C'était  peut-être  au  moment  pu,  par  ordre  de  Clément  V,  et  de  ses 
libéralités,  s'élevait  déjk  l'élégante  nef  gothique  '  qui  venait  en 
quelque  sorte  se  greffer  sur  cet  imposant  avant-corps  d'architecture 
romane  —  le  porche,  la  puissante  tour  du  clocher,  les  premières 
travées  —  qu'avait  élevé  Bertrand,  patron  de  l'église  et  restaura- 
teur de  la  ville,  lorsqu'il  rétablissait  le  siège  épiscopal  de  Commin- 
ges  dans  l'ancienne  métropole  des  Convènes.  Celle-ci  était  restée 
déserte  depuis  les  temps  héroïques  de  Gondowal  et  de  Gontran 
(5S5).  On  sait  que  l'antique  Lugdunum  avait  alors  été  détruit  par 
las  Bourguignons  '  et  que,  selon  Grégoire  de  Tours,  «  ils  n'y 
avaient  laissé  que  le  sol  nu,  ut  non  remaneret  mingens  ad  parie- 
tem...  nihil  ihi  prœter  humum  vacutim  relinquentes,  » 

Afin  de  perpétuer  le  souvenir  de  la  cérémonie  qui  venait  de  s'ac- 
complir en  la  cathédrale  de  Comminges,  Clément  V,  dans  une  bulle 
d'une  belle  latinité  où  il  exalte  les  mérites  éclatants  «  du  bienheu- 
reux Bertrand,  ce  glorieux  confesseur  de  la  foi  »,  accorda  à  son 
ancienne  église  des  indulgences  particulières  pour  chaque  anni- 
versaire de  cette  Translation  (16  janvier),  applicables  aussi  aux  fêtes 
de  l'Apparition  miraculeuse  de  saint  Bertrand  (2  mai),  et  de  sa 
Nativité  (16  octobre),  avec  d'autres  faveurs  spirituelles. 

Voici  le  dispositif  de  cette  bulle,  en  sa  traduction,  telle  qu'elle 
existait  aux  archives  du  chapitre  : 

«  Nous  Pontife  romain  susdit,  mettant;  toute  notre  confiance  en 
la  miséricorde  du  Tout-Puissant,  et  revêtu  de  l'autorité  des  bien- 
heureux apôtres  Pierre  et  Paul,  à  tous  les  vrais  pénitents  qui  feront 
leur  confession  et  qui  visiteront  dévotement  l'église  de  Comminges 
chacune  des  trois  fêtes  de  saint  Bertrand,  savoir  :  la  fête  de  sa 
Nativité,  de    son  Apparition  et  de   sa    Translation,    quinze  ans 

1 .  On  lit  à  ce  sujet  dans  l;i  Gallia  christiana,  1. 1,  p.  I  tOO:  «  Berlrandus  de  Gollo,  tpiscopus 
[Convenariim|,  insliluilur  à  BoniTHcio  papa,anno  1293.  Ad  summum  poutiHcum  perTenil, 
annu  IHOô.  Cicracns  V  diclus  ;  altamen  non  immemor  prions  su»  sponsie.  anno  1308  eam 
inviàil.  Uiiqiic  sacrum  !).  Burlrandi  corpus  in  capsam  magni  prelii,  suis  sumpUbus  fabre- 
factam,  Iranslulit.  > 

Ce  dut  i^trc  un  solrnnul  spectacle  celui  d*un  souverain  pontirc,  autrefois  pasteur  de  celte 
église  et  du  diocèse,  venniit  apporter  à  saint  Bertrand  son  tribut  de  vénération  en  opérant 
Il  translation  de  ses  relit|ues,  au  milieu  d*un  imposant  cortège.  Ou  y  voyait  quatre  cardi- 
naux, Tun  prélre  et  les  autres  diacres  ;  les  deux  archevêques  do  Rouen  et  d*Auch  ;  six 
cvéques  de  Toujousn.  d'AIbi,  de  Magdelonnc.  d*Airc,  de  Tarbcs  et  de  Comminges.  (Y.  Las- 
TRvoE,  et  noire  }io'icj  s.ir  l* abbaye  de  ^nnsfoil,  Uevue  de  Comminges,  t.  II,  p.   48.) 

2.  Adbcmar  de  Saint-Pastou,  chanoine  et  sacristain  en  1307,  en  avait  posé  la  première 
pierre  au  nom  de  Clément  V. 

3.  V.  Revue  de  Comminges,  t.  VIII,  p.  68:  Mort  de  Gondoval  à  Lugdunum  Convenarum  (585). 


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20i 

ti^indulgences  et  autant  de  quarantaines,  et  sept  ans  et  sept  qua- 
rantaines chacun  des  jours  des  octaves  desdites  fêtes  ;  et  chacune 
des  quatre  fêtes  de  la  sainte  Vierge,  savoir  :  de  la  Purification,  de 
TÂnnonciation,  de  TAssomption  et  de  la  Nativité,  dix  ans  et  autant 
de  quarantaines,  et  chacun  des  jours  des  octaves  desdites  fêtes 
annuellement,  trois  ans  et  trois  quarantaines  pour  les  pénitences 
qui  auront  été  enjointes  aux  susdits  pénitents.  —  Donné  en  Com- 
minges,  le  16  janvier,  la  quatrième  année  de  notre  pontificat'.  » 

Clément  Y  ne  borna  pas  là  les  faveurs  accordées  à  cette  église 
de  Comminges,  sa  première  épouse  <Lprioris  suœ  spon^œn.  On  va 
voir  qu'il  octroya  une  indulgence  plénière,  un  Grand-Pardon,  aux 
condiiions  qu'il  prescrivait,  h  Toccasion  de  la  fête  de  TApparition 
du  daint,  chaque  fois  que  le  jour  suivant,  3  mai,  jour  de  l'Invention 
de  la  Sainte-Croix,  serait  un  vendredi.  Aussi,  invariablement  à 
chacune  de  ces  coïncidences,  les  foules  n'onl-elles  cessé  d'accourir 
à  Saint-Bertrand,  si  ce  n'est  une  seule  fois,  pendant  la  période 
révolutionnaire  :  bien  que  l'archevêque  constitutionnel  de  Tou- 
louse se  fût  rendu  à  Saint-Bertrand  dDnt  le  siège  épiscopal  avait 
été  supprimé,  pour  y  officier,  les  fidèles  ne  l'y  suivirent  pas. 

On  s'accorde  à  reconnaître  que  depuis  l'année  jubilaire  de  1850 
aucune  autre  n'avait  fourni  l'inoubliable  spectacle  d'un  concours 
de  fidèles  semblable  k  celui  que  l'on  a  va  durant  les  trois  premiers 
jours  du  mois  de  mai  dernier . 

Voici  la  vivante  narration  des  fêtes  qui  ont  rendu,  avec  une  inten- 
sité extaordinaire,  une  vie  bien  fugitive,  il  est  vrai,  à  l'ancienne  ville 
épiscopale  aujourd'hui  si  abandonnée,  si  déchue,  restée  comme  ense- 
velie dans  les  vestiges  de  son  passé  deux  fois  célèbre,  pendant  la 
période  romaine  et  au  moyen  âge.  Elle  est  précédée  d'un  historique 

I.  Gel  acle  ngure  ou  Bullairc  officiel  de  Clément  V,  édité  récemment  par  les  Bénédictins 
du  Mont-Cassin  Cf^egistram  démentis  Papœ  V.J  Nous  en  devons  la  copie  lextaelle  à  Tobli- 
geancede  M.  Tahbé  Lestrade,  notre  collaboraleor,  et  nous  avons  été  heureux  de  la  remel> 
tre  à  M.  le  doyen  de  Saint- Bertrand.  M.  l'abbé  Bedin,  un  de  nos  membres  libres  de  la 
Société  des  études.  Voici  le  texte  latin  da  dispositif  reproduit  plus  haut  : 

<  ...  Nos,  de  omnipotentis  [)ui  misericordia  et  healornm  Pétri  et  Panli  aposlolomm 
HOctoritale  confiai,  omnibus  vere  contllentibus  et  confessis,  qui  camdem  ecclesiam  Conve- 
naram  in  Nalalis  ac  Revelationis  et  Translationis  ipsius  Saucti  festivitatibus,  quindecim 
annos  et  totidem  quadrngenas,  singulis  auleni  octo  diebus  festivitales  ipsas  immédiate 
seqnenlibus,  septem  annos  et  septem  quadragenas;  in  Purinciitionis  vero.  Annunciationis, 
Assnmplionis  et  Nalivilalis  beataî  Nanœ  Virginis  festivitalibus,  deccm  annos  et  iolidem 
quadragenas,  et  per  siugulos  octo  dies  lestivatis  ipsins  beat»  Virginis  immédiate  seqoenles. 
venerabiliter  visitaverint  annnatim,  très  annos  et  '1res  quadragenas  de  injunctîs  eis  pcni- 
tentis  misericordiler  in  Domino  relaxamus.  —  Dalum  Convimis,  XVI  predicUmm  kaleo- 
darum  februarii,  anno  quar'o.  ■  (Regislrnm  Ckmentis  papœ  F,  anno  1309,  p.  10^103.) 

Lors  de  son  voyage  en  Comminges,  Clément  V  séjourna  à  Tabbayc  de  BonnefoiR.  (Voir 
notre  notice  dans  le  t.  If,  p.  37  de  la  Itevue,)  Il  y  donna  plusieurs  bulles  dont  M.  de 
Carsalade  du  Pont  nous  fournit^es  rubriques  et  les  numéros  du  Bnilaîre,  Revue  dt  Com- 
mingt,  t.  VII,  p.  167. 


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lumineux  et  est  l'œuvre  de  M.  le  chanoine  Ribet,  ancien  professeur 
de  théologie  et  d^éloquence  sacrée,  dont  les  importants  ouvrages 
font  autorité,  et  qui  n'est  pas  non  plus  un  inconnu  pour  les  lecteurs 
de  la  Revue  de  Comminges  où  il  nous  donna,  et  1891,  nn  très  délicat 
article  sur  un  charmant  poète  et  musicien  commingeois,  André 
Bouéry. 

«  Dans  les  trois  premiers  jours  de  ce  mois,  *  la  ville  de  Saint- 
tJertrand,  siège  épiscopal,  avant  le  Concordat,  de  l'antique  évèché 
de  Commingcs,  présentait  un  beau  spectacle.  De  tous  les  points  de 
l'horizon,  affluaient  vers  la  vieille  cite  des  multitudes  joyeuses.  Des 
paroisses  organisées  en  procession,  des  grappes  humaines  pres- 
sées sur  des  véhicules  de  toutes  sortes,  des  flots  de  pèlerins 
débouchaient  par  toutes  les  vallées  et  couvraient  les  chemins  qui 
conduisent  à  lantique  et  majestueuse  cathédrale.  Là  était  le 
rendez-vous. 

<  C'est  dans  l'enceinte  sacrée  que  la  scène  devenait  pittoresque, 
splendide,  saisissante.  A  côté  de  gens  absorbés,  immobiles, 
debout  ou  agenouillés  sur  les  dalles,  priant,  chantant,  parlant  à 
haute  voix,  assiégeant  des  confessionnaux  primitifs,  et  faisant  aux 
confesseurs  et  aux  pénitents  un  rempart  beaucoup  trop  étroit, 
passait  et  repassait  comme  un  flot  ininterrompu,  une  foule 
humaine,  distraite,  incohérente,  ingouvernable.  Au  premier  abord, 
il  paraissait  impossible,  dans  cette  indéfinissable  cohue,  de  se 
recueillir,  de  prier,  de  s'entendre.  Bientôt  on  parvenait  à  s'abs- 
traire de  ce  tumulte  comme  dans  la  solitude  et  à  ne  rien  voir  dans 
cette  agitation  que  Dieu  et  son  àme.  Le  bruit,  assourdissant 
comme  celui  qui  tombe  des  cataractes,  laissait  chacun  à  sa 
liberté  et  seul  avec  lui-même  ;  on  priait,  on  se  confessait  à  haute 
voix,  sans  crainte  d'être  entendu  d'un  autre  que  du  prêtre. 

«  Ces  foules  de  pèlerins,  qu'on  estime  à  plus  de  cinquante  mille, 
venaient  gagner  le  Grand-Pardon  octroyé  en  l'honneur  de  lévêque 
le  plus  illustre  de  Comminges,  saint  Bertrand,  toutes  les  fois  que 
le  3  mai,  fête  de  l'Invention  de  la  Sainte-Croix,  tombé  un  ven- 
dredi. 

a  Une  tradition  qui  concorde  pleinement  avec  l'histoire,  attribue 
l'institution  de  ce  jubilé  au  Pape  Clément  V,  Bertrand  de  Goth. 
Avant  d'être  élevé  au  siège  de  Bordeaux  d'où  il  fut  promu  au 
souverain  pontificat,  il  avait  occupé  celui  de  Comminges.  Devenu 
pape,  il  voulut  visiter  sa  première  église,  et  honorer  les  reliques  de 
saint  Bertrand,  un  de  ses  plus  glorieux  prédécesseurs  et  son 
patron.  A  l'occasion  de  son  passage  qui  eut  lieu  le  15  janvier  1309, 


i.  Moi  1893.  —  Plusieurs  organes  ont  consacré  des  comples  rendus  à  ces  rèlcs  jubi- 
laires, notamment  :  \eJoArnal  de  Saint-Gaudens^  la  Semaine  CatAo/i^ue  de  Toulouse,  VÙnion 
nationale  de  Bordeaux. 

L'article  que  nous  reproduisons  a  été  publié  par  VUnivers.  —  Depuis,  on  a  signalé  l'exis- 
tence d'un  autre  jubilé  locaf  qui  se  gagnerait  dans  les  mômes  conditions  que  celui  de 
SaiDt«fiertrand.  Nous  n'avons  pu  encore  vérifier  cette  assertion. 


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206 

il  laissa  à  cette  ville  le  privilège  d'un  jubilé,  grâce  toujours  pré- 
cieuse et  alors  presque  inouïe. 

tt  Ce  jubilé  local  est  un  des  plus  anciens  et  des  plus  célèbres. 
Deux  autres  ayant  le  même  caractère,  peuvent  seuls  revendiquer 
une  origine  antérieure. 

«  Le  premier  est  celui  de  Gompostelle  en  Galice,  concédé  selon  la 
tradition  par  Alexandre  III  en  1179.  Il  a  lieu  les  années  où  la  félc 
de  saint  Jacques,  25  juillet,  se  rencontre  le  dimanche,  et  il  dure 
du  l^"^  janvier  au  31  décembre. 

«  Le  second  est  le  pardon  de  Notre-Dame  du  Puy  en  Velay.  Il 
revient  quand  le  25  mars  coïncide  avec  le  Vendredi  Saint.  I^es 
nombreux  accidents  causés  par  Timmcnse  affluence  le  firent  pro- 
longer du  vendredi  saint  au  mardi  de  Pâques  et  plus  tard  au 
lundi  de  Quasimodo.  On  recule  son  institution  jusqu'au  u^  siè- 
cle, bien  que  les  documents  qui  le  montrent  en  acte  ne  remontent 
pas  au  delà  de  1407. 

«  Le  jubilé  de  Ghaumont  date  de  147?  et  est  attaclié  à  la  coïnci- 
dence de  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste,  24  juin,  avec  le  dimanche. 

«  La  ville  de  Lyon  a  le  privilège  d'un  double  jubilé;  l'un  en 
l'église  de  Saint-Nizier  lorsque  la  fête  de  ce  saint,  2  avril,  tombe  le 
jeudi  de  la  semaine  de  Quasimodo;  l'autre,  beaucoup  plus  célèbre, 
en  l'église  primatiale,  fixé  à  la  rencontre  de  la  fête  de  saint  Jean- 
Baptiste  et  de  la  Fête-Dieu,  ce  qui  n'arrive  guère  qu'une  fois  tous 
les  cent  ans.  Aucun  monument  certain  ne  permet  de  reculer  ces 
concessions  apostoliques  au  delà  du  xv«  siècle. 

«  Nous  ne  parlerons  pas  de  la  faveur  relativement  récente,  accor- 
dée par  Pie  VI  à  la' confrérie  des  Pénitents-Noirs  de  Toulouse  et 
transférée  par  Pie  VII  à  l'église  Saint-Jérôme,  aux  mêmes  condi- 
tions que  le  pardon  de  Saint-Bertrand.  Parmi  les  églises  qui 
revendiquent  le  privilège  d'un  ancien  jubilé,  celle  de  Saint- Jean- 
Baptiste  de  Ghaumont  est  la  seule  qui  puisse  exhiber  la  bulle  d'in- 
stitution; encore  n'est-ce  pas  le  texte  original,  mais  seulement  une 
copie  revêtue  de  tous  les  caractères  d'authenticité.  La  tradition 
seule  garantit  les  pardons  de  Saint-Jacques  de  Gompostelle,  de 
Saint-Nizier  et  de  Saint-Jean  de  Lyon,  ainsi  que  celui  de  Saint- 
Bertrand-de-Gomminges  ;  tradition,  ajoutons-le,  amplement  sufG- 
sante  et  confirmée  d'ailleurs  par  des  déclarations  et  affirmations 
pontificales  ultérieures. 

«  Il  est  hors  de  doute  que  le  chapitre  deGomminges  a  gardé  long- 
temps la  bulle  d'institution.  Elle  était  déposée  sur  l'autel  à-côlé 
des  reliques  de  saint  Bertrand,  pendant  les  trois  jours  du  jubilé,  et 
confiée  à  la  vigilance  de  deux  chanoines.  Après  1603,  on  perd  la 
trace  de  ce  document  pontifical.  De  ce  qu'il  ne  figure  pas  dans  le 
Bullaire,  on  aurait  tort  de  conclure  à  sa  non  existence.  Gctte  argu- 
mentation sera  permise  le  jour  où  on  aura  établi  que  toutes  les 
bulles  pontificales  sont  dans  ce  recueil. 

«  Au  surplus,  un  document  précis  s'est  conservé,  qui  témoigne  de 
la  concession  faite  par  le  pape  Glément  V  à  l'église  de  Saint- lîer- 
trand  :  c'est  la  formule  d'absolution  que  les  confesseurs  devaient 
employer,  au  nom  de  ce  pontife,  dans  l'exercice  de  leurs  pouvoirs 


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jubilaires.  En  y  joignant  la  spécification  orale  de  la  coïncidence 
liturgique  qui  réglait  le  jubilé,  cette  formule  édictée  par  Clé- 
ment V  lui-même  suffirait  à  établir  l'institution  canonique. 

«  Conformément  aux  traditions,  le  pardon  s'est  ouvert  cette  année, 
le  1"  mai,  après  les  premières  vêpres,  par  une  procession  que 
Taffluence  du  peuple  a  rendue  malaisée;  on  n'établit  pas  facile- 
ment de  courant  dans  la  mer.  Mgr  Compans  ',  dont  la  parole 
apostolique  est  en  honneur  dans  ces  régions,  a  préludé  à  cette 
ouverture  par  un  discours  chaleureux,  d^une  magistrale  élo- 
quence, sur  les  splendeurs  de  la  miséricorde  divine  dans  l'église 
de  Dieu.  Le  second  et  le  troisième  jour,  l'orateur  a  repris  la  parole 
en  plein  air  devant  la  foule  agglomérée  aux  avenues  de  la  cathé- 
drale, pour  exalter  la  mémoire,  le  culte,  la  protection  de  saint  Ber- 
trand, et  acclamer  Jésus-Christ,  le  sauveur  des  âmes  et  le  glorifi- 
cateur  des  saints.  L'organe  humain,  fut-il  tonitruant,  ne  parvient 
pas  à  s'imposer  à  de  telles  multitudes.  Nous  ne  conseillerions  pas 
à  Mgr  Compans  de  recommencer  l'épreuve.  Son  âme  et  son  cœur 
d'apôtre  pourraient  y  suffire  et  au  delà  ;  mais  sa  voix,  toute  puis- 
sante et  pénétrante  qu'elle  est,  ne  saurait  impunément  réitérer  de 
tels  efforts. 

«  Le  grand  travail  et  le  bienfait  inappréciable  de  ce  jubilé,  ce 
sont  les  confessions.  Les  prêtres  étaient  nombreux,  mais  les  con- 
fessionnaux manquaient  et  ceux  dont  on  disposait  sont  vraiment 
par  trop  rudimentaircs.  Le  nouveau  doyen  ^,  qui  a  charmé  tous  ses 
confrères  par  la  bonne  grâce  de  son  hospitalité,  n'avait  pu  renou- 
veler le  mobilier  tout  à  fait  insuffisant  de  son  église.  Au  prochain 
Jubilé  qui  aura  lieu  en  1901,  son  zèle  et  son  intelligence  sauront 
y  pourvoir.  » 


II 


PRÉS  la  page  magistrale  et  brillante,  la  sèche  énuméra- 
lion  d'actes  canoniques  concernant  le  Jubilé  dent  nous 
revient  la  tâche  ingrate. 
Un  préambule  est  cepen  iant  nécessaire  avant  de  pré- 
senter la  série  des  documents  qui  se  réfèrent  directement  au  Grand- 
Pardon  dont  Téglise  cathédrale  de  Comminges  a  reçu,  depuis  des 
siècles,  le  rare  et  très  précieux  privilège. 

On  a  vu  plus  haut  que  la  bulle  d'institution  n'exisieplus.  Mais  il 
y  a  des  preuves  irrécusables  de  son  existence  jusqu'à  Tannée  1603, 
et  par  conséquent  de  l'authenticité  des  indulgences  accordées, 
qu'elles  fussent  ou  non  qualifiées  «  jubilé  »  au  temps  de  Clément  V. 
On  a  prétendu  en  effet  que  le  pape  Clément  VI  aurait  le  premier,  en 


1.  Mgr  Compans,  prélal  de  la  maison  du  Pape,  ancien  vicaire  général  de  Bordeaux, 
missionnaire  aposloliquc,  membre  libre  de  Ift  Sociélé  du  Comminges. 

2.  M.  I*abbë  Badin. 


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208 

1342,  employé  ce  terme  de  «  jubilé  »^  emprunté  au  langage  de  la 
loi  hébraïque,  pour  exprimer  uue  indulgence  plénière,  sans  réserve. 
L'étendue  de  cette  faveur  ecclésiastique  ne  dépend  pas  de  la 
qualification,  mais  des  termes  mêmes  qui  la  caractérisent.  Le  mot 
de  jubilé  a  pu  n'être  employé  que  plus  tard  officiellement,  quoique 
l'indulgence  n'en  eût  pas  moins  la  plénitude  d'un  pardon  jubilaire 
ou  en  forme  de  jubilé.  Là  u'est  pas  la  question. 

Or,  il  n'est  pas  possible  de  ne  pastrouver^dans  la  formule  d'abso- 
lution, telle  que  la  donna  Clément  V,  lui-même  le  caractère  d'an 
Grand-Pardon,  d'une  rémission  plénière  connue,  au  moins  depuis 
la  première  moitié  du  xiv®  siècle,  sous  la  dénomination  de  jubilé. 
Cette  formule  la  voici  ;  les  termes  dont  elle  est  conçue  ne  permet- 
tent pas  de  douter  qu'elle  ne  s'applique  à  une  indulgence  plénière 
accordée  en  forme  de  jubilé  : 

Àbsolutio  anni  Jubilœi  ecclesiœ  civitalis  Convenarum 
a  D,  D.  papa  Clémente  V  édita. 
Dominus  noster  Jesus-Chrislus,  per  mérita  suœ  sanctiuimœ  Passio^ 
nie,  te  absolvat,  et  ego,  auetoritate  domini  nostri  démentit  papœ  quinti 
vicem  gèrent,  necnon  apostolorum  Pétri  et  Pauli,  mihi  in  hae  parte 
eoncessa,  absolvo  te  ab  omni  sententia  excommunicatwnis  tnajarit  et 
minoriSt  et  ab  omni  irregularitate,  tuipefisione  et  interdieto,  resti" 
tuendo  te  in  unitate  sanctte  mairie  Ecclesiœ,  et  singulis  peccalis  tuis 
tede  apostolica  speeiahter  et  generaliter  reeertatiSj  juxtà  tenorem  anni 
Jubilœi,  in  quantum  claves  sanetœ  mairie  Ecclesiœ  se  extendant,  in 
nomine  Patrie  et  Filii  et  Spiritus  Sancti.  Amen  •. 

Depuis  le  temps  de  Clément  V  elle  a  été  remise  à  tous  les  prêtres 
appelés  à  confesser  les  pénitents  à  chaque  période  jubilaire.  Une 
tradition  ininterrompue  l'attribue  à  ce  souverain  pontife  lui-même, 
qui  fut  toujours  réprésenté  dans  un  très  ancien  portrait,  autrefois 
placé  dans  la  salle  capitulaire  de  Saint-Bertrand,  aujourd'hui 
encore  à  la  sacristie,  tenant  à  la  main  une  pancarte  où  se  lit  ladite 


1.  Des  termes  aussi  absolus  pcuveni-ils  laisser  un  doute  sur  Téieodue  du  l^ardoo  de 
Saint-Bertrand?  Il  8*agissait  bien  d*uue  indulgence  plénière,  insigne  et  non  partielle. 
C'était  comme  à  Compostelle,  au  Puy  eu  Velay,  à  Lyon  du  Kbône.  L'absolution  porle 
même  sur  les  cas  réservés  au  siège  apostolique.  - 

Il  est  vrai  que,  suivant  un  auteur,  cette  Tormule  serait  apocryphe  ou  aurait  été  modifiée, 
par  ta  raison  que  du  temps  de  Clément  V  on  n'aurait  pas  écrit  «  anni  Jubilœi  •.  L'eiprrs- 
sion  de  <  jubilé  ■  n'aurait,  dit-on,  été  employée  pour  la  première  fois  que  par  Clémeol  VI. 

C'est  ce  qu'il  faudrait  démontrer.  Le  jubilé  local  de  Composlelle  ne  dalail-il  pas 
de  1169,  ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut?  quant  à  celte  formule,  qui  n'a  jamais  cessé  d'éire 
usitée  dans  l'église  de  Commingcs  depuis  l'origine  du  Graud-Pardon  ,  elle  prouverai! 
précisément,  comme  la  bulle  elle-même  longtemps  conservée  rdigieuseiucnl  et  pins  {»rà 
disparue,  que  Clément  V  aurait  déjà  employé  ce  terme  pour  raraclériser  les  iudulgruccs 
concédées  en  outre  de  celles,  partielles  celles-là,  se  rattachant  aux  trois  fètcs  de  la  Traos- 
lalion.  de  l'Appraritiofl.  et  de  la  Nallvité  da  aatnt  Bertrand. 


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209 

formule  i.  De  siècle  en  siècle  elle  s'est  transmise  dans  son  intégrité 
originelle. 

Quant  à  la  bulle  elle-même,  Tauteur  du  Comminges  chréiien,  le 
mieux  placé  du  monde  pour  savoir  ces  choses,  affirme  «qu'en  Tan- 
née 1603  elle  avait  été  remise  à  M.  de  Gestas,  chanoine  de  Com- 
minges, mais  qu'à  partir  de  cette  époque  elle  ne  fut  pas  retrouvée^,  » 
Mais  le  Grand-Pardon  de  Saint-Bertrand,  chaque  fois  que  la  fête  de 
la  Sainte-Croix  coïncidait  avec  le  3  mai,  restait  toujours  Tévéne- 
ment  religieux  le  plus  important  du  Comminges  où  il  attirait  une 
grande  affluence  de  pèlerins. 

Des  souverains  pontifes  en  confirmèrent  Texistence  en  réitérant 
la  concession  collective  de  toutes  les  indulgences  et  privilèges  de 
TEglise  de  Comminges.  Le  premier  fut  Jean  XXII. 

Voici  sa  bulle  datée  de  1316  en  son  dispositif  :  «  Omnes  libertates 
et  immunitates  a  predecessoribus  nostris  romanis  pontificîbus  sive 
privilégia,  sive  indulgentias  vobis  et  ecclesiœ  vestrœ  concesaas... 
vobis  et  per  vos  eidem  Ëcclesiœ  auctoritate  apostolica  confir- 
mamus...  Nulli  ergo  liceat  paginam  nostrœ  confirmationis  infrin- 
gere...  Datum  Avenioni,  die...  februarii,  pontiflcatus  nostri  anno 
primo  '.  » 

A  son  tour,  Benoit  XII  confirma  solennellement  les  indulgences 
de  toute  sorte  ainsi  concédées  ou  reconnues. 

Puis  le  grand  pape  de  la  Renaissance  Léon  X,  en  1515.  II  s'ex- 
primait ainsi  le  5  février  de  cette  année,  la  traduction  de  sa  bulle 
ayant  été  faite  plus  tard  pour  le  chapitre  cathédral  :  «Léon,  évéque. 


1.  Pomian.  aocien  secrétaire  g(<ut'ral  de  Commioges,  dans  son  précieux  manascrit  te 
Comminges  chrétien, 

2.  Il  n*est  donc  pas  élonuaiit,  la  bulle  s'élant  perdue,  que  les  Bénédiclios  du  Mont- 
Cassio  qui  viennent  de  réunir  les  huiles  de  Clément  V  et  de  les  publier  par  ordre  de 
Léon  Xnr,  n'aient  pu  la  joindre  à  toutes  celles  de  ce  souverain  pontife  qu'ils  ont  retrou- 
vées ;  il  est  bien  certain  aussi  que  celte  bulle  n'a  jamais  pu  être  confondue  avec  celle 
donnée  à  Toccasion  de  la  translation  des  reliques  et  dont  le  texte  a  été  conservé.  • 

3.  Le  texte  complet  de  la  bulle  nous  étant  parvenu  au  dernier  moment,  grâce  aux  bons 
soins  de  M.  Tabbé  Leslrade,  nous  la  donnons  en  note  : 

Johannes  epiicopui  servus  tervontm  l)ei  diledis  fiUis  archidiacono  et  capitulo  eeetesie  Con- 
vtnarnm  salutem  et  apostoUcam  benediclionem.  Cum  a  nobis  peiitur  quodjustum  et  lionestum 
tam  vigor  equitatis  quam  ordo  exhigit  ratioms  ut  id  quod  per  soUicUudinem  o/fcii  nottri  od 
debitum  perducantur  effectum.  Expropter,  diiecti  in  Domino,  vestri^  justii  poslulationibus  graio 
eoncurrente  assensu,  omnes  libertates  et  immunitates  a  predecessoribus  nostris  Romanis  ponfi- 
ftdbus,  sive  privilégia,  sive  alias  indul;jeilias  vobis  et  ecclesie  vestre  concessas  ; 

Nec  non  libertates  et  exemptiones  secalarium  exaclionum  a  regibus  et  principibus  et  aitii 
Chiisli  fidelibus  rationabile  vobis  induUas  sicut  cas  jus'e  et  pacifiée  obtinetis,  vobis  et  per  nos 
eidem  ecclesie  auctoritate  apostolica 

Confirmamus  et  prœsentis  scripti  patrocinio  communimus»  Nulli  ergo  hominum  Uceat  hcMc 
paginam  nostre  confirmationis  infringcre  uel  ei,  ausu  temerario  conlra  [ventre?]  Si  quis  autem 
hoc  aUemptare  presumpserit 

Indignationem  omnipotentis  Dâ  et  bextorum  Pétri  et  Pauli  apostolorum  ejus  se  noverit 
incursurum.  —  Datum  Avinion.  idus  febraar.  pont,  nri  anno  primo. 

Revus  DS  CoMMiRGfks,  2*  trimestre  1895.  Tome  X.  —  15. 


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210 

serviteur  de  Dieu,  à  nos  ohers  fils  en  Jésus-Christ,  archidiacre  et 
chanoines  du  chapitre  de  l'église  de  Comminges,  salut  et  bénédic- 
tion apostolique  : 

«  Quand  on  ne  nous  demande  que  des  choses  justes  et  raisonna- 
bles, Téquité  et  la  raison  veulent  que  nous  les  accordions.  G*est 
pourquoi,  mes  chers  fils  dans  le  Seigneur,  nous  avons  égard  à 
votre  juste  requête,  et  notre  cher  fils  en  J.-C.,  M®  Bertrand,  archi- 
diacre de  l'église,  Léon,  secrétaire  des  brefs  apostoliques,  notre 
camérier  et  notre  secrétaire  favori  et  ordinaire,  ayant  une  dévotion 
particulière  pour  saint  Bertrand,  autrefois  votre  évéque  et  pasteur, 
et  dont  les  miracles  opérés  par  son  intercession  sont  si  connus,  et 
aussi  beaucoup  pour  votre  église  ; 

«  C'est  pourquoi,  de  notre  autorité  pleine  et  apontolique,  nous 
confirmons,  et  par  ce  rescrit  nous  accord Dns  toutes  les  libertés  et 
immunités  qui  ont  été  accordées  à  votre  église  par  les  pontifes 
romains  nos  prédécesseurs,  soit  par  voie  de  privilèges,  d'indulgences 
et  d'induits,  toutes  les  libertés  et  exemptions  des  impositions  sécu- 
lières qui  ont  été  accordées  à  votre  église  par  vos  rois,  princes  et 
autre»  fidèles  chrétiens...  que  vous  avez  jouies  et  po.ssédées  juste- 
ment ;  qu'il  ne  soit  donc  permis  à  qui  que  ce  soit  d'enfreindre  ce 
rescrit  de  notre  confirmation,  ni  d'y  contrevenir  en  aucune  manière; 
que  si  quelqu'un  l'osait  entreprendre,  qu'il  sache  qu'il  encourra 
l'indignation  de  Dieu  et  des  bienheureux  apôtres  saints  Pierre  et 
Paul.  ^—  «  Donné  à  Florence,  l'an  de  grâce  1515,  le  3*^  anniver- 
saire de  notre  pontificat.  » 

Plus  de  deux  siècles  s'étaient  écoulés,  lorsqu'un  chanoine  de 
Saint-Bertrand,  l'abbé  de  Bines,  profitant  de  l'accueil  favorable 
qu'il  avait  reçu  à  Rome,  sollicita  du  pape  Pie  VI  la  prolongation  du 
jubilé  de  Saint-Bertrand,  «  afin  qu'il  durât  sept  jours  au  lieu  de 
deux  fois  vingt-quatre  heures.  »  Il  avait  môme  obtenu  une  bulle 
à  ce  sujet.  Elle  allait,  dit  le  chanoine  dans  une  lettre  du  10  mai 
1777  h  ses  collègues  du  chapitre,  «jusqu'à  confirmer  l'ancienne.  » 

Cette  bulle  devait  être  publiée  aux  approches  du  jubilé  de  1793; 
mais  alors  6n  se  trouva  en  pleine  période  révolutionnaire.  *  «  Cette 
année,  dit  M.  d'Agos  cité  par  M.  de  La.*sus,  fut  précisément  celle 
qui  ramena  la  ruine  et  le  deuil  h,  Saint-Bertrand  et  lui  enleva  ses 
évéques,  son  chapitre  et  toutes  ses  richesses.  » 

Comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut,  l'évéque  constitutionnel 
de  Toulouse,  Hyacinthe  Sermet,  se  rendit  bien  à  Saint-Bertrand  ; 
mais  le  Jubilé  n'eut  pas  lieu.  Les  populations  fidèles  dont  on  avait 
dispersé  les  pasteurs  gardaient  leur  foi  el  attendaient  des  jours 
meilleurs. 


1.  Cependant,  enire  Panuce  1777  où  fui  écrite  la  lettre  de  PaLbé  de  Bmos  et  le  3  mai 
1793,  le  jubilé  de  Comminges  dut  afoir  lieu  en  1782.  (V.  Laslrade,  p.  147). 


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2M 

Le  dernier  acte  poatifîcal  coiiHrrnatif  da  jubila  fut  un  induit  de 
Grégoire  XVI,  adressé  le  17  septembro  1839  h  l'archevêque  de  Tou- 
louse, Mgrd'Astros,  plus  tari  cardinal.  Il  accordait  de  plus  grandes 
facilités  pour  gagner  le  jubiL*  dont  il  reconnaissait  Tauthenticité,  * 
«  sins  riou  changer,  disait  le  papa,  h  la  forme  et  aux  dispositions 
de  la  cont^ession  primitive.  » 

« 

Telle  est  la  série  des  actes  émanés  des  souverains  pontifes. 

On  va  voir  celle  des  mandements  épiscopaux  concernant  le 
Grand-Pardon  qui  nous  occupe. 

Après  «  1:»  fuimination  des  bulles  de  Clément  V  et  de  Jean  XXII 
parTofficialde  Comminges»,  le  10  octobre  1410,  suivant  la  nomen- 
clature officielle  dressée  par  le  secrétaire  général  de  révôché  en 
1783,  vient  un  mandement  de  Tévêque  Urbain  de  Saint-Gelais*, 
du  l**"  mai  1593  :  «  Urbanus  Sangelarius,  Dei  gratià  Convenarum 
episcopus,...  Dotum  facimustenoremque  attes^amus  quod  in  eccle- 
sià  predictà,  proximo  venere  maii,  secunda  videlicet  ac  tertia  die 
ejuslem  mensis  a  primis  vespsris  secundie  diei ,  qua  die  festum 
celebratur  sancti  Bertranii  ipsius  ecclesise  patroni,  usque  ad  secun- 
das  vesperas  Inventionis  sanctœ  Crucis  D.  N.  J.  C.  solemniter  àgi- 
tur  ob  memoriam  et  honorem  Passionis  ejusdem  qui  in  arà  Crucis 
die  veneris  passus  est,  erit  indultum  générale  quod  a  sancto  domino 
Clémente  V<^  papa  (Bertrando  ante  dicto  cum  in  illà  ecclesià... 
personnaliter  interesset  et  cujus  ecclesiœ  in  majoribus  agebat 
episcopus,  atque  deindè  archiepiscopus  burdigalensis  fuerat),  quo^ 
ties  sauctie  Crucis  inventio  die  veneris  occurrerit,  cum  pleuari  i  pec- 
catorum  omnium  remissions,  concessum  extitit  atque  S3<^  D^ 
nostros  papas  hacteniis  confirmatum  ; 

«  QulbuB  diebus  dictam  ecclesiam  visitantes  verè  confessi  et  con- 
triti  plenariam  peccatorum  omnium  remissionem  et  absolutionem 
cum  pluribus  aliis  iniulgentiis...  quoties  festum  Inventionis  sanctœ 
Crucis  dominicse  die  veneris  occurrit,  festum  et  visitationes  dictse 
ecclesiae  Sancti-Bertrandi  Convenarum  extitit. 
«DatumConvenis,  die  primo  veneris  martii,  anno  Domini  MDXCI.  » 


1.  Voir  la  Notice  remarquable,  sur  le  Jubilé  de  Sninl-Bertr.ind,  par  Mgr  d'Aslro»,  arche- 
vêque de  Toulouse,  plus  tard  cardinal,  rcédilée  chez  Privât  (1839  cl  1895). 

2.  Bien  que  celle  du  Jubilé  n'y  soit  pis  parliculiùrcmcnt  mentionnée. 

3.  Prélat  batailleur  qui  sauva  Saint- Bertrand  des  Huguenots  (1586).  Ce  Tut  h  Taidc  du 
C8I10Q  qu'il  Ût  vanir  de  Toulouse  après  arrêt  du  Parlement  prescrivant  toutes  les  mesures 
de  proteciiou  pour  la  ville  épiscopale,  quMI  la  reprit  aux  Rtligionnaires  nu  bout  d'uo  long 
siège.  —  Il  fut  très  mùlé  comme  ligueur  aux  événements  de  Toulouse  où  succomba  le 
premier-président  Duranti ,  le  f  0  février  1589.  Sa  résidence  habituelle  était  à  Alan, 
dans  celle  demeure  de  plaisance  des  évéques  de  Comminges  qu*il  avait  beaucoup  embellie. 


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On  cite  un  mandement  semblable  de  Mgr  de  Sonvré,  successeur 
immédiat  d'Urbain  de  Saint-Gelai.^,  pour  le  jubilé  de  1617,  auquel 
il  joint  un  formulaire  de  prières. 

Voici  un  évoque  de  docte  et  sainte  mémoire,  Barthélémy  de 
Donadieu  de  Griet,  qui,  procédant  h  la  visita  de  son  église  cathé- 
drale, le  huitième  jour  d'octobre  1617,  demande  au  recteur  s'il  y  a 
des  indulgences,  etc.  À  quoi  le  recteur  répond  :  «  Il  y  a  le  Grand- 
Pardon  de  Sainte-Croix  du  mois  de  mai,  qui  est  lorsque  la  fête  de 
Sainte-Croix  se  rencontre  le  vendredi.  Ce  même  prélat  fit  imprimer 
trois  formules  de  TabsoluMon  ci-dessus  pour  être  distribuées  aux 
confesseuri  de  Tan  1634  auquel  tomba  le  jubilé.  » 

En  1652,  on  lisait  dans  un  mandement  de  Mgr  de  Choiseul  S  k  l'oc- 
casion du  jubilé  qui  avait  lieu  cette  année-là  :  «  Clément  Y  ayant 
conservé  dans  le  souverain  pontificat  les  bontis  parfaites  qu'il  avait 
eues  pour  le  diocèse  de  Comminges  lorsqu'il  en  fut  évéque,  et  vou- 
lant honorer  la  mémoire  de  saint  Bertrand,  Tun  de  se^  prédéces- 
seurs dans  le  gouvernement  de  cette  église,  lequel  avait  été  un  des 
mystiques  crucifiés  du  Seigneur,  et  dont  cette  église  célèbre  encore 
une  fête  particulière  qu'elle  nomme  TApparition,  le  2  mai,  veille  de 
la  fête  de  l'Invention  de  la  Sainte-Croix,  institua  un  jubilé  univer- 
sel, h  perpétuité,  dans  notre  église  cathédrale,  lorsque  la  fét^  de 
Sainte-Croix  était  un  vendredi,  voulant  qu'un  chacun  des  fidèles 
confessés,  contrits  et  communies,  en  visitant  cette  cathédrale  et  y 
priant  pour  le  bien  commun  de  TÉglise  puissent  le  gagner  depuis 
les  vêpres  du  l^^''  mai  jusqu'au  soir  du  3  du  même  mois  qui  sont  les 
jours  de  ces  deux  fêtes.  » 

Mgr  du  Bouchot,  successeur  de  Mgr  de  Denonville  3,  signala  tou- 
tes les  années  jubilaires  de  son  épiscopat  par  des  mandements 
confirmatifs  du  pardon  extraordinaire  de  Clément  V.  «  Ces  lettres 
pastorales  sont  des  années  1715,  1720,  1726,  1736.  Ce  prélat,  par 
une  ordonnance  pour  le  renouvellement  de  la  confrérie  de  la  Sainte- 
Vierge  et  de  Saint-Bertrand,  détaille  fort  uu  long  la  vie  du  saint 
évéque,  le  voyage  de  Clément  Y  en  Comminges,  l'histoire  de  la 
Translation  que  fit  ce  pape  du  corps  de  saint  Bertrand,  les  indul- 
gences particulières  qu'il  donna  à  l'église,  et  le  grand  jubilé  qu'il 
accorda  dans  les  années  où  la  fête  de  Sainte-Croix  du  mois  de  mai 
serait  un  vendredi,  leur  approbation  et  confirmation  par  les  souve- 
rains pontifes  Jean  XXII  et  Léon  X^  la  fulmination  de  ces  bulles 
par  l'official  de  Comminges,  enfin  une  ordonnance  de  confirmation 
de  la  confrérie*  :  tout  cela,  dit  Pomian,  forme  un  corps  de  preuves 

1.  Un  des  préUls  les  pins  aclifs  de  Tégiise  de  Comminges.  Il  gomernaii  ce  diocèse  lors 
du  voyage  do  M.  de  Froidour.  (V.  Bévue  de  Comminges,  U  V,  p.  61  et  65,)  DocUur  de  Sor- 
bonne,  il  Tut  nommé  h  Comminges  en  1614.  Ayant  rerusé  rarchevéché  de  Narboonc,  îl  fut 
iransféré  malgré  lui  à  Tournai  eu  1671,  après  27  ans  d'cpiscopal  à  Sainl-Bertrand. 

2.  II  établit  à  Saiut-Gaudens  le  Séminaire  dn  diocèse  de  ComUMUgei.  Nous  PaToos  dit 
dans  notre  Notice  tur  un  ancien  plan  de  Saint-Gaudent,  t.  IX,  p.  267. 


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213 

coDvaincantes  de  Texistence  et  de  la  vôracitâ  du  jubilé  de  Saint- 
Bertrand.  » 

Les  mandements  de  Mgr  de  Lastic  (1740-1763)  sont  conformes  aux 
précédents  en  ce  qui  concerne  le  jubilé. 

Mgr  d'Osmont  de  Medavy  (1764-1785)  suivit  l'exemple  de  ses  pré- 
décesseurs et  fit  d3S  mandements  relatifs  h  l'institution  du  jubilé 
dont  l'époque  revînt  quatre  fois  pendant  son  épiscopat, 

«  Il  donna  à  la  première,  dit  Pomian,  une  célébrité  qu'tucun 
prélat  n'y  mit  jamais.  Deux  de  ses  voisins,  les  évoques  de  Rieux  et 
de  Lombez  réunis,  vinrent  à  Saint-Bertrand  pour  solenniser  Tindul- 
gance.  Ces  dignes  prélats  firent  tour  à  tour  les  instructions  d'usage, 
l'ouverture  et  la  clôture  du  jubilé.  Qu'ils  furent  heureux  ces  jours 
où  les  premiers  pasteurs  alimenteront  jusqu'à  la  dernière  de  leurs 
ouailles  !  C'étaient  Jésus-Christ  et  les  apôtres  distribuant  le  pain 
de  la  multiplication.  » 

Le  dernier  des  évoques  de  Comminges  fut  le  neveu  et  le  succes- 
seur du  précédent,  Mgr  Eustache-Antnine  d'Osmont.  docteur  en 
Sorbonne,  et  vicaire-général  de  Tarchevôque  de  Toulouse  quand  il 
fut  appelé,  à  la  place  de  son  oncle,  sur  ce  siège  épiscopal  que  la 
tourmente  révolutionnaire  devait  emporter  peu  d'années  après. 
C'est  lui  qui  eut  pour  secrétaire  général  ce  laborieux  abbé  Pomian, 
auteur  du  Comminges  chrétien ,  si  précieux  pour  l'histoire  de  notro 
ancien  diocèse .  Ou  lit,  dans  le  manuscrit,  au  sujet  de  ce 
prélat  I  «  Il  n'a  pas  encore  eu  d'année  jubilaire;  mais  il  a  eu  com- 
munication d'une  bulle  du  pape  Pie  VI,  adressée  au  vénérable 
chapitre  cathéJral  de  Comminges,  par  laquelle  ce  souverain 
pontife  confirme  le  jubilé  établi  dans  son  église  par  Clément  V, 
Cette  bulle,  qui  prolonge  le  jubilé  de  sept  jours,  sera  publiée  aux 
approche.s  du  jubilé  tombant  en  l'année  1793.  » 

On  a  vu  comment  cette  publication  n'eut  pas  lieu. 

Il  serait  suraboiiJant  d'énumérer  maintenant  divers  documents 
émanés  du  chapitre  et  se  rapportant  au  Grand-Pardon  jubilaire.  Ce 
sont  presque  tous  des  comptes  relatifs  aux  fêtes  qui  marqxiaient 
son  retour  périodique.  «Les  foules  qu'elles  attiraient  se  chiffraient 
jusqu'à  quarante  mille  personnes.  » 

Les  pièces  que  nous  avons  parcourues  et  qui  n'ajouteraient  rien 
d'important  à  l'histoire  du  jubilé,  ni  surtout  à  son  authencicité, 
sont  au  nombre  de  treize,  du  8  février  1603,  époque  de  la  dispari- 
tion de  l'original  de  la  bulle  —  dont  «  la  formule  absolutoire  »  est  la 
seule  partie  textuellement  conservée,  —  à  l'année  1780. 

Sauf  en  ce  qui  touche  la  mention  que  nous  avons  faite  de  Tin- 
diilt  de  Grégoire  XVI,  il  ne  pouvait  entrer  dans  notre  plan  de  dé- 

3.  I^  pieux  et  libéral  Jean  de  Maoldon  (1519-1551)  avait  aussi  donné  un  mandement 
snr  cette  tionfrërie,  dont  il  régla  les  statuts  en  t53l.  L'ordonnance  de  Mgr  d&  Lubiére  du 
BoQchet  ne  lit  que  les  renouveler  en  1716. 


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2U 

passer,  au  sujet  du  jubilé  de  l'église  de  Comminges,  la  limite 
de  l'ancien  régime  qui  marqua  la  fin  de  cet  antique  diocèse.  Il  re- 
montait au  temps  de  saint  Saturnin,  et  vit  sa  succéder,  dans  sa 
longue  suite  d|évôques,  plusieurs  prélats  célèbres.  Deux  montèrent 
sur  la  chaire  de  saint  Pierre  :  Clément  V  (Bertrand  de  Goth, 
1295-1299),  Innocent  VIII  (auparavant  Jean  I*'  ou  Jean  Cîbo,  qui 
fut  évoque  de  1467  à  1484.  Il  avait  d'abord  été  créé  cardinal  par 
Sixte  IV).  Cinq  autres  devinrent  aussi  cardinaux  :  Bertrand  de 
Chanac  ou  de  Cosnac  (1352  à  1372);  Amauri  ou  Amelius  de  Lautrec 
(13S4-1390)  ;  Pierre  de  Foix  (1422-1437),  son  écusson  aux  pals  de 
Foix  est  encore  reconnaissable  au-dessus  de  la  porte  Mayou  h 
Saint-Bertrand;  Charles  Carraf  i,  ancien  légat  auprès  d'Henri  II,  qui 
lui  donna  Tévôché  de  Comminges  en  1538  ;  il  avait  été  chevalier 
de  Malte  et  bailli  de  Naples;  enfin  Jean  de  Bertrandi,  ou  Jean  IV 
Bertrand,  fut  premier  président  du  Parlement  de  Paris.  Devenu 
veuf,  il  entra  dan:3  les  ordres,  fut  fait  évoque  de  Comminges  en 
1551,  et  un  an  après  archevêque  de  Sens:  il  mourut  en  1560,  âgé 
de  quatre-vingt-dix  ans. 

D3UX  membres  du  chapitre  de  la  cath:^lral8  furent  aussi  élevés 
à  la  dignité  cardinalice  :  Arnaud  de  Pelagrae,  archidiacr3  de  Com- 
minges, cardinal-diacre  de  Sainte-Marie  in  Poriicu^  créé  en  1305 
par  Clément  V,  son  parent;  et  Guillaume  Testa,  archidiacre  de 
Barousse,  cardin  il-prôtre  deSaint-Cyriaque,  in  Tenninii,  de  ia  créa- 
tion de  Jean  XXII  en  1316. 

Mais  la  grande  illustration  de  1  église  de  Com'niuges,  mhne  par 
sa  naissance  et  son  rang,  fut  saint  Bertranl  lui-m5m'3,  de  la 
puissante  maison  de  Tlsle-Jourdain,  neveu  du  roi  de  Francs 
Henri  P»"!,  et  cousin  du  comte  de  Toulouse  Raymonl-Guillaunai3 
Taillefer^.  Brillant  officier  d*aborJ,  ayant  embrassi  très  jeune  la 
carrière  des  armes,  il  entri  dins  les  ordres  où  il  sa  fit  remarquer 
déjà  par  les  plus  éclatantes  vertus  et  devint  chanoine  régulier  de 
Saint- Augustin  en  l'église  SaintrEtienne  de  ''oulouse.  Ce  fut  alors 
que  le  clergé  du  diocèse  de  Comminges,  «  du  consentement  una- 
nime du  peuple  »,  Tappela  au  gouvernem3nt  li  cette  église  dont  le 


t.  Sou  père  élail  noble  AUon-Raymoii'I  de  Yla,  seigneur  d'Icliuni-Castram,  dont  l'ane 
des  filles,  Constance,  avnil  épousé  le  roi  Hobcrl  le  Pieux,  fils  de  lingues  Capcl. 

Raymond,  Trére  de  Bertrand,  lU  partie  de  la  première  cruisaile  ii  In  suite  du  comte  de 
Toulouse,  son  suzerain  et  son  parent.  C'est  lui  qui  mit  alors  sur  si  bannière  la  croix  d*ur 
qui  passa  dans  Técu  de  sa  miison  et  qui  Tut  plus  tard  remplacée  dans  le  blason  du  (>>m- 
minges  par  les  quatre  otellcs  ou  amandes. 

Ne  serait-ce  pas  lui  qui  rapporti.  de  son  voyage  en  Palestine  et  en  Syrie,  le  crocodile 
dont  ia  dépouille  est  depuis  des  siècles  appi'u  lue  au  mur  de  la  cathédrale,  à  droite  du 
porche?  Le?  Bollandistcs  attribuent  de  mi>mc  h  quelque  chevalier  revenant  d«  Tcirc- 
Siinte,  la  présence  de  deux  autres  crocodiles,  l'un  dans  Téglise  Saint-Wuirrnnd  d*Abbevilie, 
et  Tantre  dans  la  chapelle  du  chiteau  d*Oyron,  dans  les  Deux*Sèvres. 

2.  Histoire  de  Languedoc  ;  et  baron  d*Agos,  Vie  et  Miracles  de  saint  Bertrand. 


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215 

chef-lieu  devait  être  relevé  par  lui  de  ses  ruines  plusieurs  fois  sécu- 
laires. 

Nous  espérons  qu'avant  longtemps  nous  pourrons  consacrer, 
dans  la  Revue^  aux  principaux  de  nos  anciens  prélats  de  Commin- 
ges,  notamment  au  saint  patron  de  sa  ville  épiscopale,  Bertrand 
de  risle,  des  notices  détaillées.  En  cela  nous  suivrons  l'exemple  de 
M.  le  baron  de  Lassus  qui  a  si  bien  fait  revivre  la  pure  et  noble 
figure  du  pieux  Barthélémy  Don  adieu  de  Griet*,  dont  le  cœur 
repose  dans  notre  collégiale  de  Saint-Gaudens,  à  côté  de  celui  de  Mgr 
Hugues  de  Labatut,  fondateur  du  couvent  de  Notre-Dame  dans 

la  même  ville  *. 

•k 

¥    * 

La  f?et)ti6  n'avait  jamais  eu  l'occasion  d'entretenir  ses  lecteurs  du 
Grand-Pardon  de  Saint-Bertrand.  En  parler,  cette  fois,  était  une 
véritable  actualité  qui  apporte  d'ailleurs  sa  contribution  spéciale 
à  l'histoire  elle-même  du  Comminges. 


Alphonsb  COUGET. 


t.  Bévue  de  Comminges,  l.  vu,  p.  229. 

2.  Nons  apprenons  avec  saiisraclion  que  le  vœn  exprimé  par  nous  dans  la  Revue,  l  IX, 
p.  277,  sera  bientôt  réalisé  el  que  les  plaques  funéraires  des  deux  prélats  seront  pro- 
cliainemeut  replacées  au  milieu  du  sanctuaire  du  n.aitre-aulel. 


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RECTIFICATIONS 


Dans  la  Chronique  du  présent  tome  X,  au  paragra- 
phe 3,  p.  tl2,  6*  ligne,  il  faut  ajouter  à  <i  dans  certaines 
régions  de  l'Afrique  »  et  au  Japon. 


C'est  par  erreur  que,  dans  le  sommaire  de  la  2*  livrai- 
son du  tome  IX  de  la  Revue,  le  nom  de  M.  Bernard,  de 
Luchon,  ne  figure  pas  à  côté  de  celui  de  M.  de  Laurièrc 
pour  la  Notice  sur  Téglise  de  Saint-Aventin  de  Larboust, 
œuvre  de  ces  deux  collaborateurs. 


INFORMATIONS 


Congrès  de  Sorbonne  pour  1896 

Nous  avons  reçu  du  ministère  de  l'Instruction  publique, 
avec  la  liste  de  toutes  les  Sociétés  savantes  de  France 
où  figure  la  nôtre,  le  programme  du  Congrès  à  la  Sor- 
bonne pour  1896. 

Ce  programme  est  divisé  en  cinq  sections  :  histoire  et 
philologie,  archéologie,  sciences  économiques  et  sociales, 
sciences,  géographie  historique  et  descriptive. 

Une  circulaire  ministérielle  adressée  aux  présidents 
des  Sociétés  savantes  accompagne  le  programme  et  porte 
les  diverses  instructions  utiles  aux  délégués  des  Sociétés 
qui  prendront  part  au  Congrès. 

Cette  circulaire,  en  outre,  fait  appel  aux  membres  de 
toutes  les  Sociétés  savantes  pour  qu'ils  veuillent  bien 
participer  à  la  rédaction  du  programme. 

Ils  sont  invités  notamment  à  préparer  des  questions 
qui  seront  soumises  au  Comité  des  travaux  historiques 
et  scientifiques  en  vue  du  Congrès  de  1897. 


Intéressante  découverte 

On  vient  de  découvrir  à  la  Nérolle,  commune.de  Segon- 
zac  (Dordogne  ,  dans  une  carrière  de  sable,  deux  défenses 
énormes  de  mastodonte,  mesurant  chacune  3"  10  de  lon- 
gueur et  0°  60  de  circonférence  dans  la  partie  la  plus 
grosse. 

Ces  deux  défenses  étaient  à  environ  7  mètres  do  distance 
Tune  de  l'autre,  et  on  a  trouvé  encore,  à  égale  distance 
de  chacune,  des  dents  énormes. 


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LES  PREMIERS  AGES  DE  LUCHON 

(SUITE  et  FIN>) 


^.  Trois  Empereurs 

Seplime  Sévère^  Valérien  et  Gallien 

Serons-nous  plus  heureux  avec  ces  trois  empereurs 
qui  furent,  pour  notre  station,  des  visiteurs  illustres  au 
premier  chef  et  dont  il  serait  vraiment  trop  douloureux 
de  se  détacher? 

On  est  convenu,  dans  le  langage  ordinaire  de  Thistoire, 
de  mettre  sous  le  nom  du  roi  les  événements  de  son 
règne,  parce  qu'il  en  a  en  partie  la  responsabilité.  C'est 
ainsi  que  Ton  dira:  Louis  XIV  obtint  de  nombreux  suc- 
cès sur  ses  ennemis  ;  il  conquit  plusieurs  provinces  et 
construisit  plusieurs  monuments.  —  Ce  système,  qui  peut 
donner  lieu  à  des  coq-à-Vâne  très  obscurs,  est  commode 
malgré  ses  abus;  il  a  cela  de  bon  quMl  nous  permet  de 
mettre  historiquement  l'embargo  sur  Sa  Majesté  Septime 
Sévère,  en  ce  qui  concerne  son  séjour  aux  thermes  lixo- 
niens. 

Lucius  Septimius  Severus  naquit  à  Leptis,  ville  d'Afri- 
que, en  l'an  149  après  J.-C.  Il  vint  très  jeune  à  Rome  où 
il  fut  fait  avocat  du  fisc,  puis  sénateur.  Malgré  la  licence 
de  sa  jeunesse,  on  le  nomma  successivement  questeur, 
tribun,  préteur  et  commandant  d'une  légion  en  Espagne. 
En  193,  il  se  fit  couronner  empereur,  s'associa  Albinus 
qui  avait  déjà  pris  ce  titre,  et  entra  à  Rome.  Plus 
tard,  il  se  débarrassa  de  ce  rival  qui  s'était  rendu  indé- 
pendant dans  les  Gaules  et  le  vainquit  en  197.  Septime 
Sévère  mourut  de  chagrin,  en  2U,  d'avoir  vu  ses  jours 
menacés  par  son  fils  Caracalla.  Cet  empereur  avait  de 

1.  Voir  ia  livraison  du  2'  trimcslrc,  pagos  113-129. 
Rkyub  ds  CoMMiNcss,  3«  trimesire  1895.  Tome  X.  —  16. 


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grands  talents  administratifs  qu'il  flétrit  par  son  extrême 
sévérité. 

Comme  on  le  voit,  d'après  cette  notice,  Septime  Sévère 
a  séjourné  dans  les  Gaules  et  en  Espagne.  Il  a  donc  tra- 
versé nos  Pyrénées,  et  il  est  avéré,  du  reste,  qu'il  fit  res- 
taurer une  ancienne  voie  romaine  allant  de  la  métropole» 
à  notre  établissement,  et  reconstruire  ce  dernier. 

En  1830,  il  y  avait  encore,  sur  trois  points  de  cette 
route,  des  fragments  de  bornes  milliaires. 

Sur  la  première,  à  Barcugnas,  qui  était  d'ailleurs  muti- 
lée, on  lisait  ces  mots  : 

ITER  RESTITVIT 

Lisez:  [Imperator]  iler[um]  restituit  [iter]. 

«  L'empereur  de  nouveau  a  rétabli  la  route.  » 

Sur  la  seconde,   à  Burgalays,   et  sur  la  troisième,  à 

Saléchan,  on  ne  déchiffrait  que  ces  trois  lettres,  les  autres 

ayant  été  effacées  : 

IMP 

Ces  lettres  ne  sont  que  le  commencement  de  la  phrase  : 
Imperator  ilerum  restituit  iter, 

La  tradition,  sur  laquelle  nous  n'avons  pu  recueillir  que 
des  données  incertaines,  attribuait  l'installation  de  ces 
bornes  milliaires  à  rempcreur  Septime  Sévère.  Il  en  est 
de  même  d'une  colonne  trouvée  à  Labroquère  et  élevée  en 
l'honneur  de  Philippe,  dit  l'Arabe,  puis  de  Marcia  Otacîlia 
Severa,  épouse  de  l'empereur,  et  enfin  de  Philippe  leur  fils. 
Comme  nous  n'avons  jamais  pu  voir  ce  dernier  monu- 
ment, nous  ajournons  notre  opinion  jusqu'à  plus  ample 
informe  ;  mais  nous  ne  craignons  pas  d'alïîrmer,  avec  feu 
le  D**  Lambron,  que  la  voie  de  Lugdunum  aux  thermes 
onésiens  devait  être  d'une  grande  importance  pour  méri- 
ter des  réparations  dont  on  perpétuait  ainsi  le  souvenir. 

Nous  avons  peu  de  chose  à  dire  sur  le  compte  de  l'em- 
pereur Valérien  et  de  son  fils  Gallien. 

Publius  Licinius  Valerianus  était  presque  sexagénaire 
lorsqu'il  fut  revêtu  de  la  pourpre,  en  253.  Il  ordonna  la 
huitième  persécution  contre  les  chrétiens  et  fit  la  guerre 
à  Sapor,  roi  de  Perse.  Il  fut  vaincu  et  fait  prisonnier. 

1.  Lagdanum  Convenarom.  —  Logdunum  rient  des  mots  Lucii  Dunum. 


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819 

Sapor  le  traîna  à  sa  suite,  chargé  de  chaînes,  et  quand  le 
Perse  montait  à  cheval,  Valérien  se  courbait  pour  que 
le  despote  asiatique  se  servît  de  son  dos  comme  de  mon- 
toir.  Le  malheureux  mourut  après  six  années  de  souffran- 
ces cruelles.  Il  eut  pour  successeur  son  fils  Gallien,  qu'il 
avait  associé  à  Tempire,  dès  son  avènement.  Gallien  se 
trouve  donc  avoir  régné  du  vivant  de  son  père  et  après 
sa  mort. 

Ces  deux  empereurs  ont  vraisemblablement  séjourné 
dans  le  Midi  et  visité  les  thermes  onésiens.  La  preuve  en 
est  dans  une  colonne  trouvée  près  du  pont  de  Labroquère, 
sur  la  route  de  Saint-Bertrand  à  Luchon.  Cette  colonne 
porte  l'inscription  suivante  ; 

Imp  CAES.  P.  Li 

ci  NIO 

Val  ERIANO.  Aug 

et.  iMP.  CAES 

P.  IICINIO 

Gai  LIENO  VALERIA 

NO  AVG.  M.  P. 

Lisez:  Imperatorl  Csesari  Publio  Licinio  Valeriano 
Auguste  et  Imperatorl  Csesari  Publio  Licinio  Gallieno 
Valeriano  Augueto  —  Mille  passi. 

(f  A  l'empereur  César  Publius  Licinius  Valérien  Auguste 
«  et  à  l'empereur  César  Publius  Licinius  Gallien  Valé- 
<c  rien  Auguste.  —  Mille  pas.  » 

Ce  monument  si  suggestif  appartient  au  baron  d'Agos 
et  se  trouve  dans  sa  collection. 

Espérons  que  de  nouvelles  découvertes  archéologiques 
permettront  d'expliquer  plus  clairement  le  rôle  joué  à 
Lugdunum  Convenarum  et  aux  thermes  onésiens  par  ces 
deux  empereurs  qui,  s'il  faut  en  croire  la  tradition, 
auraient,  sinon  séjourné  dans  la  station,  au  moins  pourvu 
à  sa  prospérité. 

6.  Secundinus  et  Fabia  Festa 

Secundinus  est  le  fils  de  Verecundus,  d'une  famille 
distinguée  du  pays  des  Convènes.  Ses  aïeux  faisaient  par- 
tie de  ces  peuplades  vagabondes  pour  lesquelles  le  grand 


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320 

Pompée  fonda  la  cité  de  Lugdunum;  ils  appartenaient 
plus  particulièrement  à  la  tribu  des  Arrevaces,  et  comme 
ils  étaient  chefs  de  clan  parmi  les  leurs,  ils  continuèrent 
d^exercer  de  hautes  fonctions  sous  la  domination  étran- 
gère. 

Depuis  répoque  de  sa  fondation,  la  métropole  n'a  pas 
cessé  de  grandir  et,  par  la  faveur  d'Auguste,  s'est  élevée 
au  rang  de  ville  latine. 

Secundinus  a  suivi  la  carrière  des  armes,  tandis  que 
ses  frères,  d'humeur  plus  paisible,  s'occupent  d'adminis- 
tration. 

Sous  les  ordres  de  Septime  Sévère,  Secundinus  a 
pris  part  à  la  dernière  campagne  contre  les  Parthes  ; 
notre  Arrevace  a  déployé  autant  de  bravoure  que  de 
talents  pendant  l'expédition.  Malgré  son  jeune  âge  (25  ans), 
il  a  été  promu  au  grade  de  tribun  légionnaire. 

Cependant  les  fatigues  de  la  guerre,  sous  un  climat 
insalubre,  quelques  légères  blessures,  ont  porté  atteinte 
à  sa  santé,  et,  sur  l'autorisation  de  ses  chefs,  il  est  venu 
se  retremper  dans  sa  famille. 

Des  indiscrets,  soi-disant  bien  renseignés,  prétendent 
que  la  maladie  n'est  qu'un  prétexte  et  que  le  nouveau 
tribun,  sous  couleur  de  se  délasser  des  travaux  guer- 
riers, se  dispose  à  donner  sa  main  à  Fabia  Pesta,  Tune 
des  plus  riches  héritières  de  l'Aquitaine. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  médecins  sont  unanimes  à  lui 
conseiller  les  eaux  des  thermes  onésiens,  dont  l'effica- 
cité est  devenue  proverbiale  dans  les  Gaules. 

Secundinus  souscrit  aux  arrêts  de  la  Faculté  avec  d'au- 
tant plus  d'empressement  que  l'empereur  Septime  Sévère 
a  fait  reconstruire  depuis  peu  ces  thermes  et  tracer 
(peut-être  sur  la  recommandation  de  Secundinus),  une 
route  carrossable,  allant  de  Lugdunum  à  la  station  bal- 
néaire. 

On  est  à  l'époque  de  la  villégiature,  c'est-à-dire  au  mois 
de  juin.  De  toutes  parts  les  riches  patriciens  prennent 
leurs  quartiers  d'été  dans  les  villes  d'eaux.  Le  départ 
est  fixé  en  principe  aux  ides  de  juin  et  les  préparatifs 
du  voyage  sont  conduits  militairement  par  Secundi- 
nus. 

Au  jour  convenu,  il  franchit  les  portes  de  la  ville;  son 
petorritunif  léger  véhicule  découvert,  l'emporte  rapide- 


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2M 

ment  sur  la  voie  gallo-romaine  qui  va  de  Lyon  des  Con- 
vènes  à  Ludion. 

La  route  est  belle,  le  temps  magnifique  ;  les  vallées  ont 
un  air  de  fête,  et,  sous  l'influence  du  printemps,  les  mon- 
tagnes elles-mêmes  ont  perdu  de  leur  âpreté. 

Au  trot  de  ses  mules,  Secundinus  met  moins  de  trois 
heures  à  franchir  Tespace  existant  entre  la  colonne  mil- 
liaire  du  pont  de  Labroquère  et  la  borne  de  Barcugnas. 

Les  thermes  onésiens  sont  le  rendez-vous  du  high-lif 
gallo-romain  des  Convènes.  On  y  vient  non  seulement  de 
TAquitaine  et  de  la  Narbonnaise,  mais  même  de  tous  les 
points  de  la  Gaule. 

Parmi  les  baigneurs  illustres  ont  figuré  le  grand  Pom- 
pée et  deux  Césars,  Auguste  et  Septime  Sévère. 

L'établissement  est  situé  au  pied  de  la  montagne  de 
Superbagnères,  des  flancs  de  laquelle  jaillit  le  pactole 
des  eaux  sulfureuses.  Le  monument  est  de  la  plus  haute 
magnificence,  et  l'on  sent  que  Temperour  n'a  rien  épar- 
gné pour  Tembellir.  Les  larges  piscines  sont  revêtues  de 
marbre  blanc,  extrait  de  la  carrière  des  Romains,  et  qui, 
en  blancheur  et  en  beauté,  le  dispute  aux  marbres  de 
Carrare.  Les  unes  sont  affectées  au  menu  peuple,  aux 
esclaves,  les  autres  aux  patriciens. 

Sur  la  place  qui  environne  l'établissement,  vous  aper- 
cevriez une  multitude  d'autels  votifs,  de  nobles  statues 
qui  auraient  apprivoisé  l'ombre  farouche  de  Fabricius. 

Dès  le  lendemain,  notre  héros,  impatient  de  guérison, 
entreprend  sa  cure  et,  quittant  son  hôtellerie,  se  dirige 
vers  les  thermes.  Sur  le  passage,  il  reconnaît  avec  sur- 
prise et  salue  avec  affabilité  les  personnages  les  plus 
marquants  de  Lugdunum  :  édiles,  questeurs,  décemvirs. 
Quelques  légionnaires  éclopés  s'inclinent,  non  sans  défé- 
rence, devant  le  jeune  tribun* 

Secundinus  parcourt  les  groupes  d'un  œil  attentif, 
comme  s'il  cherchait  à  démêler  quelqu'un  dans  la  foule. 
Tout  à  coup  une  joyeuse  exclamation  monte  à  ses  lèvres, 
et,  à  travers  les  rangs  épais  des  baigneurs,  il  va  rejoin- 
dre une  respectable  matrone,  suivie  de  sa  nièce:  cette  der- 
nière est  Pabia  Pesta,  la  fiancée  de  Secundinus. 

Décidément  les  indiscrets  avaient  raison. 

Pénétrons  avec  lui  dans  l'intérieur  de  l'édifice. 

«  Là,  vous  eussiez  vu  une  armée  d'esclaves,  chauffant 


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222 

«  rétuve,  letepidariurriy  ou  salle  des  eaux  bouillies;  four- 
ce  nissant  d'eau  froide  les  piscines  du  frigidarium^  ser- 
«  vaut  les  baigneurs,  leur  raclant  le  corps  avec  des  étril- 
«  les  d'ivoire,  les  épilant,  les  massant,  les  frottant,  les 
<c  oignant  d'huiles  aromatiques,  et  les  conduisant  ensuite 
«  à  travers  de  longs  corridors,  chauds  et  parfumés  ^  » 

La  température  des  sources  et  les  effluves  sulfureuses, 
en  faisant  éprouver  à  Secundinus  une  sorte  de  bien-être, 
lui  donnent  comme  Tavant-goût  et  le  pressentiment  de  sa 
guérison. 

Il  se  plonge  dans  les  piscines,  boit  Teau  des  sources 
et  précipite  en  espérance  leur  effet. 

Quinze  jours  se  passent,  au  bout  desquels  notre  malade 
constate  avec  stupéfaction  que  le  traitement,  au  lieu  de 
cicatriser  ses  blessures,  les  a  ravivées.  Inquiet,  il  se 
plaint  au  médecin. 

—  Docteur? 

—  Tribun  ! 

—  Je  vais  de  Charybde  en  Scylla,  mos  cicatrices  se  rou- 
vrent. 

—  Tant  mieux  !  c'est  signe  que  les  bains  opèrent.  Sur 
cette  assurance  sacramentelle,  le  confiant  Arrevace 
renaît  à  l'espoir  et  poursuit  la  cure  avec  un  redoublement 
de  zèle.  Un  mieux  se  déclare  ;  insensiblement  les  fâcheux 
symptômes  disparaissent.  Après  deux  mois,  il  était  guéri. 

Le  premier  jour  des  kalendes  d'août,  vers  l'an  200,  si 
le  hasard  ou  la  rêverie  avait  conduit  vos  pas  sur  la 
route  de  Luchon  à  Saint-Bertrand,  vous  auriez  vu  le  léger 
petorritum  de  Secundinus  brûlant  la  voie  romaine. 

Avant  le  départ,  il  avait  fait  ériger  au  Dieu  Ilixon  deux 
autels  votifs,  portant  les  inscriptions  suivantes  : 

ILIXONI  ILIXONI 

DEO  DEO 

SECVNDINVS  FAB.    FESTA 

VERECVNDI.  F.  V.  S.  L.  M. 

V.  S.  L.  M. 

«  Au  Dieu  Ilixon  Secundinus,  fils  de  Verecundus, 
acquitte  son  vœu,  délivré  de  son  mal.  » 


1.  Paal  Lacroix. 


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223 

«  Au  Dieu  Ilixon  Fabia  Festa  acquitte  son  vœu,  déli- 
vrée de  son  mal*.  » 


7.  Fin  de  TÈre  Gallo-Romaine 

Notre  cadre  est  sinon  assez  large,  du  moins  assez  élas- 
tique, pour  qu'on  y  fasse  rentrer  comme  individualités 
générales,  comme  personnifications  de  race  et,  en  quelque 
sorte,  comme  visiteurs  collectifs,  les  corps  de  nation  qui, 
à  différentes  époques,  se  montrèrent  dans  les  limites  de 
notre  canton. 

Cette  manière  plus  étendue  de  concevoir  le  sujet  se  jus- 
tifie à  la  rigueur  et  donne  lieu  à  des  développements  né- 
cessaires. 

C'est  ainsi  que  Tibère  et  que  le  Celte,  THercule  phéni- 
cien et  THercule  grec,  les  Celtibériens  et  les  Romains,  les 
Vandales  et  les  West-Goths  ont  droit  à  une  mention  par- 
ticulière. Qu'on  se  rassure  d'ailleurs  !  tout  ce  qu'on  veut, 
c'est  signaler  leur  passage,  sommairement  et  pour  mé- 
moire ;  le  manque  de  détails  précis  est  pour  le  lecteur 
une  garantie  contre  nous.  Mais  il  suffit  qu'ils  aient  tou- 
ché la  terre  où  nous  marchons,  qu'un  détachement  do 
Barbares  ait  étendu  l'invasion  jusqu'ici,  pour  qu'on  ne  les 
oublie  pas. 

Les  anciens  auteurs  n'en  usaient  pas  autrement.  Là  où 
manquent  les  noms  de  personnes,  ils  substituent  les 
noms  génériques  ;  ou  bien  encore,  par  un  procédé  qui 
n'est  que  la  suite  du  premier,  ils  placent,  à  la  charge  d'un 
seul  homme,  les  faits  et  gestes  d'une  nation  tout  entière  : 
de  là  les  héros  des  légendes  historiques,  l'Hercule  phéni- 
cien et  l'Hercule  grec. 

Dans  l'ordre  des  temps,  l'Ibère  fut  le  premier  posses- 
seur des  vallées  pyrénéennes  et,  d'après  la  même  con- 
jecture, le  premier  à  faire  usage  des  eaux  de  Luchon. 
ix  Ce  sont  les  Ibères,  dit  M.  Elisée  Reclus,  qui  ont  bâti  sur 
pilotis  les  petites  venises  des  lacs  de  la  Suisse  et  laissé 
leurs  ossements  dans  les  cavernes  des  Alpes  et  des  Py- 
rénées ». 


1.  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit  plus  haut,  le  premier  de  ces  autels  se  trouve  au 
musée  de  Toulouse,  et  le  second  an  musée  de  Beauvais. 


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224 

Les  aborigènes  furent  les  premiers  baigneurs. 

Tous  les  hommes  primitifs  avaient  un  instinct  admirable, 
une  sorte  de  divination  qui  leur  tenait  lieu  de  science. 
Ils  avaient  surtout  le  génie  de  l'observation  :  nul  doute 
qu'ils  n'aient  reconnu  la  plupart  des  vertus  des  sources, 
avec  autant  de  certitude  que  nos  modernes.  Des  troncs 
d'arbres  creux,  les  anfractuosités  du  roc,  des  étangs  natu- 
rels d'eau  sulfureuse,  furent  les  baignoires  et  les  thermes 
dc's  Ibères. 

Refoulés  par  les  migrations  des  Galls,  les  autochtones 
leur  cédèrent  la  place  sur  plusieurs  points  ou  se  confon- 
dirent avec  eux.  C'est  alors  que  les  Garumni^  tribu  gau- 
loise, se  répandirent  dans  le  bassin  de  la  Pique,  pays 
hérissé  de  bois  et  couvert  de  marécages.  Les  highlan- 
dcrs  de  Superbagnères,  groupés  en  familles  sur  les  mon- 
tagnes, trouvèrent  leur  subsistance  à  leurs  pieds  et  sur 
leur  tcte,  dans  la  pêche  et  dans  la  chasse  :  de  là  le  goût 
des  modernes  Luchonnais  pour  ce  double  exercice.  C'est 
une  passion  traditionnelle  et  héréditaire. 

A  Luchon,  ils  adorèrent  le  QuairatetleNéthou(Anethon, 
Netto)»,  ce  dernier  comme  le  dieu  dominateur  des  vallées 
environnantes.  Sous  le  nom  significatif  de  Ilixon,  ils  ne 
tardent  pas  à  diviniser  les  propriétés  des  sources  chau- 
des. Quant  aux  Celtes  du  Larboust,  dans  leur  pays  enso- 
leillé, ils  honorent  Abellion^  (Bel)  dieu  du  soleil,  tandis 


1.  Le  pic  du  Qiiairat  appartient  au  groupe  du  versant  rran;ais  et  atteint  une  haulcor 
de  3104**,  tandis  que  le  pic  de  Nclhou,  encore  plus  élevé  (3i04),  fait  partie  des  Mouis 
Maudits  dans  le  versant  espagnol. 

2.  L*églisc  de  Saint-Avcntin  possède  deux  autels  voli(s  portant  les  iuscriptioos  suivantes  : 

ABELLIOISI 
ADELIOM  DEO  CISONTEN 

TAVRINVS    DONE  CISSON    BO.N 

COMS.  F.  V.  S.  L.  M  MS.  FIL 

V.   S.    L.    M. 

On  a  encore  découvert  à  Garin  un  troisième  autel  votif  qui  so  trouve  déposé  au  musée 
de  Toulouse  : 

ABELIOM 

DEO 

FORTIS.  SVLPICL  F 

V.  S.   L.  M 


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225 

qu'à  Gaud  ils  rendent  un  culte  au  pic  du  Gar  (Deo  GarriJ^ 
dont  la  silhouette  sourcilleuse  frappe  les  regards  et 
étonne  Timagination. 

Il  est  à  croire  que  THercule  phénicien  visita  nos  Gau- 
lois. Ce  demi-dieu  symbolise,  comme  on  sait,  les  expédi- 
tions et  les  aventures  des  trafiquants  de  Tyr  et  de  Sidon. 
D'après  le  récit  de  Diodore  de  Sicile,  on  peut  affirmer  son 
apparition  dans  nos  montagnes,  plusieurs  siècles  avant 
l'ère  moderne  : 

«  Partout  où  ils  pénétrèrent,  observe  Diodore  de  Sicile, 
ils  trouvèrent  les  Celtes  établis.  »  Ils  leur  apprirent 
Tusage  du  fer,  et  leur  enseignèrent  à  exploiter  Tor  des 
mines.  Dèslors,  aux  troncs  d*arbres,  aux  auges  primor- 
diales, succèdent  des  réservoirs  do  bois  et  de  pierre, 
creusés,  à  Tusage  des  malades,  par  la  main  de  Thomme. 

Pour  les  Grecs  comme  pour  les  Phéniciens,  il  y  a  des 
preuves  manifestes  de  leur  séjour  parmi  les  vieux 
Garumni  :  ce  sont  des  médailles,  des  monnaies  et  des 
vocables  usuels  frappés  au  coin  de  cette  double  ori- 
gine. 

L'usage  des  bains  faisait  partie  des  habitudes  quotidien- 
nes parmi  les  Grecs;  mais  c'est  aux  Romains  que,  dans 
la  suite,  il  appartient  de  généraliser,  dans  la  Gaule,  Tusage 
des  ablutions  journaUères  et,  par  conséquent,  de  mettre 
en  vogue  les  eaux  de  Luchon. 

Plus  tard,  on  voit  les  Celtibériens  franchir  les  monts 
et  chercher  un  asile,  contre  les  armes  romaines,  dans  ce 
qui  est  aujourd'hui  l'arrondissement  de  Saint-Gaudens. 
Leur  dernière  indépendance  devait  succomber  avec  celle 
de  leur  patrie  adoptive;  car  Rome  qui  s'était  mise,  de 
propos  délibéré,  dans  la  nécessité  de  vaincre  les  autres 


I.  Le  cippe  trouve  à  Gaud,  et  dépose  au  ronscc  de  Toulouse,  porte  celt.c  inscription  : 
D..  Lisez  :  Deo  Garri  Gcminus  servus 

GARIU  votumsolvU  liberalus  mo  bo 

G  E  N  I N  et  pro  suâ  consenalione. 

VS  SEH  «  Au  Dieu  Gar,  G'iminus  esclave 

VT  S.  L.  M.  •  acquitte  son  vœu,  délivré  de  son  mal 

ET  PRO.  S.  t  et  pour  sa  conservation  >. 

CONSER 
D^autres  épigraphisles  lisent  comme  suit  :  Deo  Garri  Geminits  servus  votum  solvit  Ubcnter 
tnerito  et  pro  suis  conservis. 

•  Au  Dieu  Gar,  Gcminus  esclave  acquitte  son  vœu  avec  empressement  et  reconnaissance, 
«  pour  lui  et  pour  ses  compagnons  d'esclavage  >.  ' 


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296 

peuples  ou  de  périr,  ne  leur  avait  pas  laissé  d'autre 
alternative. 

Avec  Père  gallo-romaine  nous  atteignons  les  plus  beaux 
jours  des  thermes  lixoniens.  La  fureur  des  bains  est  gé- 
nérale. <x  Alors  comme  aujourd'hui,  dit  P.  Lacroix,  les 
eaux  minérales  sont  des  lieux  de  rendez-vous  consacrés 
à  la  santé  et  plus  encore  aux  plaisirs.  » 

Les  invasions  teutoniques  portèrent  le  coup  de  mort 
aux  établissements  balnéaires.  Oisifs  et  malades,  les  uns 
ne  songèrent  plus  à  venir,  les  autres  ne  le  purent  pas. 

Au  commencement  du  cinquième  siècle  eut  lieu  la 
grande  invasion  qui  sillonna  toute  la  Gaule  (Burgondes, 
Alains,  Suèves,  Vandales).  Ces  derniers  expriment,  dans 
leur  éphémère  existence,  ce  que  la  conquête  germanique 
eut  de  destructeur,  et  même,  en  quelques-unes  de  ses 
tribus,  d'impuissant  à  fonder  d'une  manière  durable.  La 
ruine  de  Valcabrère,  c'est-à-dire  la  ville  basse  de  Saint- 
Bertrand,  et  peut-être  (du  moins  comme  conséquence)  la 
ruine  des  thermes  onésiens,  forment  le  bilan  de  leur 
passage  parmi  les  Convènes.  Repousses  d'abord  dans  les 
montagnes,  ils  finirent  par  s'écouler  en  Espagne  à  travers 
les  gorges  pyrénéennes. 

Sous  prétexte  de  repousser  les  envahisseurs,  au  nom 
•et  au  profit  de  l'Empire,  les  West-Goths  s'installent,  pour 
leur  propre  compte,  dans  le  midi  de  la  France.  Du 
royaume  de  Toulouse  firent  partie  les  Garumnes. 

Si  l'on  se  rappelle  les  habitudes  efféminées  des  Goths, 
imbus  des  mœurs  romaines,  le  faste  de  la  cour  de  Tou- 
louse, on  peut  inférer,  non  sans  vraisemblance,  que  les 
thermes.de  Luchon  eurent  un  retour  de  prospérité  sous 
la  domination  wisigothe  et  qu'ils  comptèrent,  parmi  leurs 
hôtes,  les  leudes  toulousains  et  les  successeurs  de 
Wallia. 

Ici  finit,  avec  l'Empire  romain,  l'ère  antique  de  nos 
visiteurs  illustres.  Ce  que  nous  avons  glané  dans  ce 
long  espace  se  réduit  à  peu  de  chose  ;  les  plus  grands 
noms  se  sont  fondus  en  quelque  sorte  entre  nos  mains. 

Nous  allons  entrer  dans  le  moyen  âge,  âge  encore 
obscur  mais  dans  lequel  nous  rencontrerons  des  person- 
nages plus  authentiques. 


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287 


PERIODE  DU  MOYEN   AGE 

8.  Les  Sarrazins 
Chartes  et  privilèges  des  comtes  de  Comminges 

Avec  la  chute  de  TEmpire  et  Tinvasion  des  Barbares 
commença  le  moyen  âge. 

On  a  vu  les  Goths  établis  dans  le  midi  de  la  France 
jusqu'à  Luchon.  Ils  ne  tardèrent  pas  à  succomber  sous 
les  armes  victorieuses  des  Francs.  Les  nouveaux  maîtres 
de  la  Gaule  n'étendirent  qu'à  la  longue  leur  domination 
sur  la  région  dont  faisaient  partie  les  Garumni,  et,  s'ils 
partageaient  le  mépris  superbe  des  autres  Barbares  pour 
la  propreté  raffinée  des  Romains  de  la  décadence,  on  doit 
reconnaître  que  les  thermes  onésiens  devaient  chômer  de 
visiteurs. 

Quand  l'évêque  de  Lugdunum  reçut  du  roi  franc, 
avec  le  titre  de  comte,  le  gouvernement  civil  de  l'ancien 
pays  des  Convènes  (ce  district  de  la  Novempopulanie\  il  ne 
restait  apparemment,  au  pied  de  Superbagnères,  que  les 
débris  des  anciens  thermes  bâtis  par  Septime  Sévère. 

De  générale  qu'elle  était,  la  réputation  des  bains  oné- 
siens redevint  locale  et  les  limites  de  leur  renommée  se 
resserrèrent  de  plus  en  plus  autour  d'eux. 

Au  VI'  siècle,  les  Gascons  espagnols,  repoussés  par  les 
Visigoths  et  les  Suèves,  se  répandirent  sur  le  versant 
septentrional  de  la  chaîne.  Quelques-uns  de  ces  émigrants 
prirent  la  fuite  par  le  col  de  la  Glère  et  les  passages  du 
val  d'Aran  et  de  Larboust. 

Mais,  de  toutes  les  immigrations,  une  de  celles  qui  ont 
le  plus  marqué  dans  le  canton  de  Luchon  est  incontesta- 
blement celle  des  Maures  ou  Sarrazins.  Pendant  un  siècle, 
les  Arabes  ont  occupé  ce  coin  de  terre. 

«  Quand  les  Musulmans,  dit  Isidore  de  Badajoz,  effec- 
«  tuèrent  en  l'an  732  leur  grande  invasion,  Abdérame  se 
ce  fraya  un  chemin  par  les  défilés  des  monts  Vaccéens  », 
c'est-à-dire  par  le  Béarn,  la  Bigorre  et  le  Comminges. 

Aujourd'hui  encore  le  souvenir  des  Maures  s'est  con- 
servé dans  la  mémoire  des  populations;  leur  nom  est 


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228 

employé  comme  sobriquet  injurieux  dans  lo  langage 
populaire  de  Luchon.  On  dit  proverbialement  :  Si  cela 
continuOf  nous  allons  revoir  les  Sarrazins  et  les  Maures, 

Plusieurs  noms  propres,  tels  que  Argarot,  Azémar, 
Jourdan,  Azérian,  qui  se  rapportent  à  des  famille»  habi- 
tant actuellement  la  ville,  ont  évidemment  une  physio- 
nomie arabe,  et  on  peut,  avec  raison,  les  attribuer  à 
l'immigration  sarrazine.  Vus  à  travers  nos  légendes  loca- 
les, les  farouches  conquérants  nous  apparaissent  comme 
sous  une  auréole  de  feu.  Le  Larboust  est  la  terre  par 
excellence  de  ces  légendes,  reproduites  dans  les  bas- 
reliefs  des  églises  ou  transmises  en  des  récits  merveilleux. 

C'est  ainsi  que  plus  de  dix  peuples  se  succédèrent  sur 
notre  sol.  A  l'exception  de  quelques-uns,  qu'est-ce  qui  a 
survécu  du  plus  grand  nombre?  Qu'est-ce  qu'a  retenu 
d'eux  la  tradition?  La  mémoire  la  plus  durable  est 
gravée,  non  pas  dans  l'esprit  des  générations  et  des 
hommes,  mais  dans  la  vallée  et  la  montagne,  dans  la 
vieille  église  romane  ou  dans  les  archives  poudreuses. 

Les  lecteurs  qui  nous  ont  suivi  dans  le  cours  de  notre 
travail  ont  pu  se  demander,  comme  nous,  quelle  fut 
l'importance  des  eaux  de  Luchon  dans  les  habitudes  jour- 
nalières des  nations  ci-dessus  et  des  Sarrazins  en  parti- 
culier? 

La  chronique  ne  répond  pas  à  la  question,  et  les 
documents  (ceux  au  moins  à  notre  disposition)  ne  four- 
nissent rien  à  cet  égard  ;  mais  il  est  permis  de  suppléer 
au  silence  de  l'histoire  par  de  prudentes  inductions. 

Dans  le  Coran^  disent  les  historiens,  Mahomet  renou- 
vela les  préceptes  de  la  Bibles  concernant  les  ablutions 
fréquentes.  Il  ne  faisait  en  cela  que  se  conformer  à  la 
coutume  asiatique,  érigeant  en  prescriptions  dogmatiques 
les  usages  répandus.  —  Si,  de  la  donnée  historique,  on 
rapproche  le  fait  suivant,  savoir  que  les  guerres  inces- 
santes des  Chrétiens  et  des  Musulmans  sur  notre  fron- 
tière étaient  une  grande  officine  de  malades  et  de  bles- 
sés, on  en  concluera  que  les  sources  sulfureuses,  si  effi- 
caces dans  le  traitement  des  blessures,  furent  mises  à 
profit  sous  la  domination  des  Arabes  et  qu'elles  guérirent 
plus  d'un  illustre  mécréant  dont  nous  regrettons  d'igno- 
rer le  nom. 

En  échappant  aux  mains  des  Maures,  les  trois  vallées 


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339 

qui  composent  notre  circonscription  cantonale  semblent 
passer  au  pouvoir  des  rois  d'Aragon,  en  la  personne  de 
Don  Sanche  d'Abarca  (x''  siècle). 

<f  Les  vallées  d'Aure,ditDom  Brugelle,  Aran,  Aragonet 
«  (appelée  par  corruption  Aragnouet),  Barousse  et  autres 
cf  adjacentes,  faisaient  partie  de  TAragon.  » 

Sous  les  hériters  de  Don  Sanche,  elles  échurent  tour 
à  tour,  soit  aux  comtes  de  Comminges,  soit  aux  comtes 
de  Bigorre,  soit  à  TAragon  lui-même,  pour  retourner  en 
définitive  au  Comminges. 

Il  ne  serait  peut-être  pas  hors  de  propos  de  caractéri- 
ser ici  trois  dynasties,  trois  races  de  suzerains,  si  remar- 
quables à  certains  égards,  et  montrer  ce  qu'étaient  les 
Centule  bigourdans,  les  Pwamir  aragonais  et  les  Bernard 
commingeois. 

Dans  les  temps  féodaux,  les  trois  pays  de  Luchon, 
d'Oueil  et  de  Larboust  furent  le  théâtre  de  sanglants 
combats,  soit  que  les  comtes  poursuivissent  les  Sarrazins 
ou  que,  venant  à  se  disputer  la  possession  des  vallées,  ils 
tournassent  leurs  armes  Tun  contre  Tautre.  Les  châteaux 
démantelés,  dont  on  trouve  quelques  ruines,  ont  subi 
bien  des  assauts.  Si  les  murs  des  vieux  donjons  qui  sont 
demeurés  debout  avaient  une  voix,  que  d'exploits,  quels 
beaux  faits  de  guerre  et  d'amour,  quelles  sombres  tragé- 
dies ils  auraient  à  nous  raconter!  On  trouverait  encore 
facilement  dans  les  vallées  quelques  légendes  émouvantes 
dont  les  burgraves  des  manoirs  larboustois  sont  Ibs 
héros.  Comme  suzerains,  les  différents  maitres  de  notre 
canton  y  reçurent  les  hommages  et  les  redevances  de 
leurs  sujets. 

Tout  appartient  au  seigneur,  disent  les  vieilles  coutu- 
mes; ils  ont  juridiction  sur  eau,  vents  et  prairies. 

Le  château  de  Castel-Blancat  servait.de  pied  à  terre 
aux  comtes  de  Comminges  lorsqu'ils  visitaient  leurs  vas- 
saux. 

Cf  Dans  ces  résidences,  dit  Thistorien  Castillon,  ils  s'en 
vironnaient  d'une  certaine  cour,  ils  surveillaient  plus 
facilement  Texécution  des  lois  féodales.  » 

Nous  possédons  plusieurs  actes  et  diplômes  accordés  à 
différentes  communes  par  plusieurs  seigneurs  de  cette 
famille.  Les  voici  dans  l'ordre  chronologique  : 


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i30 

t.  Compromis  des  communautés  de  Mayrègne,  Maylin  et  Saint- 
Paul,  avec  Bernard  VII,  1292. 

,  2.  Charte  de  Benqué-Dessus  et  Benqué-Dessous,  octroyée  par 
Bernard  VlII. 

3.  Privilèges  dos  Vallées  de  Luchon  accordés  par  Bernard  IX. 
1315. 

4.  Charte  de  Sacourvielle.  Même  date. 

5.  Concessions  en  faveur  des  habitants  d'Antignac  et  de  Salles 
par  Bernard,  1325. 

Les  cinq  documents  cités  se  rapportent,  comme  on 
voit,  au  XIII*  et  au  xiv''  siècle. 

Je  nVimagine  que  Tusage  des  eaux  thermales  n'était  pas 
tombé  en  désuétude;  que  ces  dernières  n'avaient  rien 
perdu  de  leurs  admirables  vertus  ;  que  les  comtes,  bien 
que  possédant  plusieurs  autres  sources  dans  retendue 
de  leurs  domaines,  ne  dédaignaient  pas  de  recourir  aux 
nymphes  luchonnaises,  et  que  ces  dernières  durent  les 
guérir,  en  guise  de  redevance- 
Dans  la  haute  montagne  giboyeuse,  c'était  la  chasse 
aux  grands  fauves  pyrénéens. 

Donnée  sous  le  sceau  de  Bernard  IX,  en  1315,  la  charte 
de  Sacourvielle  a  cela  d'intéressant  qu'elle  nous  fixe  sur 
la  faune  du  temps.  Il  y  est  dit  : 

«  Les  habitants  dudit  lieu  ont  la  faculté  de  chasser  aux 
a  bêtes  rousses  et  noires,  comme  sangliers,  cerfs,  ours, 
«  dans  les  forêts,  montagnes  et  vacants  qui  sont  dans 
«  leur  consulat.  » 

Le  temps  heureux,  où,  sans  dépasser  les  limites  de  sa 
petite  ville,  le  chasseur  pouvait  se  flatter  de  mettre  au 
bout  de  ses  flèches  un  semblable  gibier  ! 

Que  sont  devenus  les  animaux  qui  abondaient  dans  les 
bois?  L'isard  se  perd,  le  sanglier  est  un  mythe,  Tours 
tourne  à  la  légende.  Plus  d'émotions,  plus  de  rencontres 
formidables  et  inattendues,  plus  de  lutte  entre  la  bêle 
blessée  et  l'assaillant.  Les  armes  à  feu  ont  détruit  les 
hôtes  des  bois  :  avec  le  fusil  le  combat  est  inégal  pour 
les  botes  fauves  ;  elles  ne  peuvent  plus  lutter,  ni  de  force, 
ni  de  rapidité,  ni  d'adresse  :  la  balle  atteint  et  devance 
les  plus  légères,  perce  les  plus  dures,  abat  les  plus  puis- 
santes. 

La  flèche  était  plus  courageuse.  Il  n'y  a  plus  lieu  de 
dire  aujourd'hui  que  «  la  chasse  est  l'image  des  com- 
bats. »  Le  vieux  proverbe  radote. 


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231 

Lorsque  je  vois  les  bestiaires  des  cabanes  d'Ustou  me- 
ner en  laisse  déjeunes  ours  avec  une  chaine  bouclée  aux 
narines,  et  faire  exécuter  des  exercices  forains  aux  mi- 
santhropes des  montagnes,  je  ne  puis  m'empêcher  de 
douloureuses  réflexions  sur  ces  derniers  spécimens  d'une 
race  condamnée  à  disparaitre  dans  les  Pyrénées. 

D'après  une  seconde  disposition  de  la  même  charte  de 
Sacourvielle,  «  lesdits  habitants  ont  la  faculté  de  prohi- 
«  ber  la  chasse  et  la  pèche,  dans  le  district  de  leur  juridic- 
if  tion,  à  toutes  sortes  de  personnes.  » 

Cette  clause  en  dit  long  à  ceux  qui  connaissent  le  van- 
dalisme des  braconniers  luchonnais  et  Tintolérance  des 
propriétaires. 

Nous  savons  encore,  par  le  passage  suivant  emprunté  à 
un  autre  acte,  que  le  comte  de  Comminges  se  réservait 
«  ez  parts  qui  lui  compétent,  à  sçavoir  :  la  hure  du  san- 
glier et  la  jambe  gauche  du  cerf,  sur  tous  ceux  qui  se- 
raient occis  à  Bagnèrcs  et  autres  lieux.  » 

Les  lieux  célèbres  dans  les  annales  de  la  famille  com- 
tale  sont  très  nombreux. 

En  amont  du  pont  de  Mousquères,  sur  le  plateau  de  la 
Saunère,  vous  auriez  pu  voir,  si  elle  n'eût  disparu  dans 
les  travaux  de  la  route,  une  pierre  presque  aussi  fameuse 
en  son  genre  que  le  dolmen  de  Mitj-Aran.  Là  s'asseyait 
le  bailli  de  Fronsac,  lorsqu'il  venait,  au  nom  de  son  maî- 
tre, rendre  la  justice  aux  habitants  des  trois  vallées. 

Ce  siège  patriarcal  était  placé  sous  un  arbre,  coutumes 
antiques  renouvelées  des  anciens  peuples  chez  lesquels 
les  actes  de  la  vie  publique  s'accomplissaient  en  plein  air, 
près  d'un  arbre  et  sous  son  abri. 

Pour  ceux  qui  connaissent  l'humeur  processive  des 
justiciables,  le  rôle  du  Salomon  commingeois  n'était  pas 
une  sinécure.  Le  canton  de  Luchon,  et  plus  spécialement 
la  vallée  de  Larboust,  sont  une  petite  Normandie. 

On  a  parlé  du  château  de  Castel-Blancat,  qui  n'était  pas 
un  fief,  mais  une  propriété  particulière  que  le  seigneur 
n'avait  pas  inféodée. 

Dans  le  haut  Larboust,  le  village  de  Castillon  (en  patois 
Castety  château,  et  Castilloun,  petit  château),  est  ainsi 
nommé,  dit  M.  Castillon  d'Aspet,  du  château-fort  que 
Bernard  VI  fit  bâtir  et  dans  lequel  il  se  retira  lors  de  la 
guerre  contre  les  Aragonais. 


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232 

La  vallée  d'Astau  est  dominée  par  une  tour  construite 
par  les  comtes  de  Comminges. 

Le  fort  d'Aubespin  ou  d'Albespin,  dont  il  ne  reste  plus 
trace,  fut  élevé,  par  ordre  de  Centule  II,  comte  de  Bigorre, 
lorsque  Landit  et  Bernard  IV  lui  eurent  enlevé  le  Lar- 
boust  qui  faisait  partie  de  la  seigneurie  d'Aure. 

Le  château  de  Daubernum,  situé  près  de  Garin,  a  éga- 
lement disparu.  Selon  l'historien  Marca,  il  commandait 
le  pays  à  une  très  grande  distance. 

Enfin  le  port  de  Venasque,  élargi  d'abord  par  Annibal, 
fut  élargi  de  nouveau  par  les  soins  des  comtes  de  Com- 
minges ;  les  travaux  qu'ils  y  firent  exécuter  déterminèrent 
les  trafiquants  à  abandonner  la  passerie  du  port  de  Coum 
ou  port  de  la  Glère. 

9.  Premiers  Apôtres  des  Garumnes 

Saturnin,  Exupère.  —  Les  Bénédictins,  -—  Les  chevaliers  de  Saint- 
Jean.  —  L'épiscopat  du  Comminges.  —  L'évêque  saint  Bertrand. 

Ce  serait  laisser  une  lacune  dans  notre  œuvre  que  de 
passer  sous  silence  les  apôtres  des  Garumni. 

L'établissement  du  christianisme  chez  les  Convènes  se 
rapporte  à  Tan  250,  époque  à  laquelle  Saturnin,  évêqiie 
de  Toulouse,  aurait  évangélisé  le  midi  de  la  France. 

La  religion  du  Christ  fit  pendant  un  siècle  des  progrès 
continus  mais  insensibles.  Fidèles  aux  dieux  <ie  leurs 
pères,  les  Celtes  continuèrent  leurs  adorations  aux  invi- 
sibles génies  de  leurs  montagnes,  Gar,  Abellion,  Iscittus, 
Ilixon,  jusque  dans  le  iv*  siècle.  C'est  alors  que  définiti- 
vement ils  embrassèrent  la  foi  nouvelle,  grâce  aux  prédi- 
cations d'Exupère.  Ce  dernier,  évangélisateur  des  Garum- 
nes et  des  Convènes,  était  né  dans  le  petit  village  d'Arreau 
et  descendait  de  l'antique  tribu  des  Arrevaces. 

Entre  les  ordres  religieux,  un  des  premiers  qui  s'éta- 
blirent dans  le  canton  de  Luchon  fut  Tordre  dos  Béné- 
dictins. Une  colonie  de  ces  moines  paraît  se  fixer  dans  le 
Larboust  au  x*  siècle.  D'après  Castillon,  c'est  par  les 
soins  du  chapitre  de  Comminges  et  par  le  zèle  des  Béné- 
dictins que  furent  construites  les  églises  des  deux  val- 
lées, diminutifs  charmants  des  grands  monuments  de 
l'art  roman  et  gothique.    Les   architectes   furent   sans 


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233 

doute  des  religieux,   artistes  inconnus,  ignorés  d'eux- 
mêmes  et  accomplissant  simplement  de  belles  choses. 

Par  une  coïncidence  remarquable,  l'Ordre,  après  avoir 
couvert -le  Larboust  d'une  parure  d'églises,  nous  a  laissé 
sur  son  histoire  les  documents  les  plus  précieux,  en  sorte 
que,  jusqu'à  un  certains  point,  ce  pays  lui  est  redevable 
de  ses  monuments  et  de  son  histoire. 

Comme  il  est  fort  malaisé  de  citer  des  noms  propres, 
nous  aurons  recours  ici  au  système  déjà  connu  et  mis  à 
profit,  d'après  lequel,  à  défaut  d'individus,  on  met  en 
scène,  comme  personnaHtés  collectives,  tous  ceux  qui,  au 
même  titre  et  avec  la  même  mission,  séjournèrent  dans 
nos  régions. 

Par  l'intérêt  historique  et  dramatique  inséparable  de 
leurs  personnes,  les  Templiers  feront  Tobjet  d'un  article 
à  part  ;  nous  parlerons  d'abord  des  Frères  hospitaliers  de 
Saint'Jean^  qui  rentrent  églementdans  notre  sujet. 

Ce  sont  les  frères  de  Saint-Jean  et  les  Templiers  qui 
ont  construit  la  plupart  des  anciens  hospices  pyrénéens. 
On  voit  un  seigneur  de  Comminges  accorder  des  conces- 
sions à  deux  communes  des  environs  de  Ludion,  en  sti- 
pulant des  garanties  contre  les  chevaliers,  —  «  à  condi- 
«  tion,  dit  le  texte  même,  que  lesdites  terres  et  passeries 
cf  de  Salles  et  d'Antignac  ne  pourront  être  données  en 
«  surfief,  ni  à  aucune  église,  ni  aux  chevaliers  de  Saint- 
«f  Jean,  ni  aux  seigneurs  indirects.  » 

Depuis  l'institution  de  l'épiscopat  convénien,  en  la  per- 
sonne de  Suavis,  nos  trois  vallées  durent  relever  de  Lug- 
dunum,  quant  au  spirituel. 

Par  les  devoirs  de  leur  ofïice,  les  prélats  de  la  métro- 
pole furent  les  visiteurs  obligés  de  nos  aïeux,  à  moins 
d'admettre  que  la  visite  pastorale  fut  inconnue  à  cette 
époque.  Si  l'on  en  juge  par  ce  qu'on  voit  aujourd'hui, 
cette  partie  de  leur  ministère  ne  fut  pas  la  plus  désobli- 
geante ;  ils  durent  montrer  une  singulière  prédilection 
pour  une  ville  que  les  administrateurs  de  tout  genre  se 
réjouissent  de  posséder  dans  leur  juridiction  :  aux  agré- 
ments du  séjour,  elle  joignait,  pour  plaire  à  leurs  sei- 
gneuries, des  eaux  salutaires. 

Il  est  vrai  que,  jusqu'au  x'  siècle,  Luchon  n'exista  que 
dans  les  futurs  contingents  ;  elle  était  en  puissance  seule- 

Rsf  UB  D£  CovMiNGKs,  3*  trimesire  1893.  Tous  X.  —  17. 


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334 

ment;  les  thermes  formaient  son  embryon.  Les  prélats 
postérieurs  à  cette  date  furent  les  seuls  à  profiter  de  la 
station.  Et  puis,  outre  que  la  liste  de  nos  métropolitains 
n'a  pas  été  faite,  depuis  Suavis  jusqu'à  Abraham  sous 
Charlemagne,  nous  manquous  même  de  documents  véri- 
tablement intéressants  pour  les  époques  subséquentes. 
Aussi  les  évoques  de  Comminges  ne  figureront  que  pour 
mémoire,  parmi  nos  visiteurs  illustres,  jusqu'à  Tépisco- 
pat  de  saint  Bertrand. 

Saint  Bertrand  e^it  l'un  des  hommes  éminents  qui, 
pour  avoir  foulé  le  sol  de  Luchon  de  leurs  pieds  illustres, 
en  ont  fait  une  terre  historique.  L'imagination  populaire 
idéalise  la  vie  du  saint.  Comme  certains  hommes  fameux, 
il  a  eu  le  privilège  de  la  légende  ;  c'est  ainsi  qu'avec  une 
baguette  d'osier  il  tua  un  crocodile,  dans  un  pays  où  cet 
animal  oncques  n'exista,  et  que  sa  mule,  d'un  coup  do 
pied,  fit  voler  un  roc  on  éclats.  Que  si  tout  cela  passait 
les  limites  de  votre  crédulité,  on  vous  montrerait  le  corps 
du  miracle,  consistant  en  une  peau  de  crocodile  appen- 
due,  comme  un  bas-relief  fantastique,  aux  murs  de  la 
cathédrale  de  Saint-Bertrand. 

Et  puis,  souvenez-vous  que  nous  sommes  au  xii"  siècle, 
au  temps  des  trouvères  et  des  troubadours  ;  les  faits  et 
gestes  consignés  es  cycles  mérovingiens  et  carlovingiens 
laissent  bien  loin  le  légendaire  du  saint. 

Après  la  canonisation  du  célèbre  évèque,  Lyon  de 
Comminges  prit  le  nom  de  Saint-Bertrand. 

Si  le  saint  fit  plus  d'honneur  à  la  cité  en  lui  donnant 
son  nom,  que  la  cité  n'en  fit  au  saint  en  le  prenant,  la 
chose  n'est  pas  douteuse.  La  ville  de  Pompée,  la  métro- 
pole des  Convènes  n'était  que  Tombrc  d'elle-même. 

Durant  son  fécond  épiscopat,  le  grand  prélat  entreprit 
à  maintes  reprises  le  voyage  de  Luchon  où  son  nom  est 
resté  extraordinairement  populaire.  Les  prénoms  de 
Bertrand  et  de  Bertrande  sont  portés  encore  aujourd'hui 
par  une  notable  partie  de  la  population.  Mais,  de  toutes 
ces  tournées,  celle  qui  est  restée  plus  spécialement  dans 
le  souvenir  de  ses  ouailles  luchonnaises  est  celle  qui  se 
rapporte  à  saint  Avenlin.  Le  corps  d'Aventin,  martyrisé 
au  IX'  siècle  par  les  Maures,  ayant  été  découvert  par 
miracle,  après  plus  de  deux  cents  ans,  le  saint  évèque 
s'empressa  de  se  transporter  sur  les  lieux.  Il  assista  à  la 


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235 

translation  des  restes  et  consacra  Toratoire  destiné  à  les 
recevoir. 

10.  Les  Templiers 

Le  voyageur  qui,  dans  le  cours  de  ses  pérégrinations 
aux  environs  de  Luchon,  visite  Garin,  ne  se  douterait 
pas,  à  la  vue  de  Tantique  chapelle  située  près  de  ce 
village,  quels  en  furent  les  architectes!  Ce  n'est  pas 
qu'on  ne  remarque  dans  les  lignes  de  sa  simple  archi- 
tecture je  ne  sais  quelle  grâce  et  quelle  harmonie. 

Les  artistes  du  moyen  âge  savaient  imprimer  un  carac- 
tère inimitable  aux  édifices  les  plus  modestes  ;  dans 
l'arcade  qu'ils  ont  arrondie  sur  une  voûte,  dans  l'ogive 
qu'ils  ont  dessinée,  on  retrouve  le  cachot  de  l'art,  secret 
perdu  et  que  nos  contemporains  n'ont  pas  retrouvé.  Mais 
à  moins  que  l'écusson  sculpté  sur  la  pierre  ne  révèle  au 
voyageur  les  architectes  inconnus,  ces  monuments,  sans 
histoire  et  sans  prétention,  n'ont  pas  d'intérêt  jusqu'à  co 
que  l'évocation  des  temps  antérieurs  ou,  comme  à  Garin, 
le  fantôme  des  Templiers,  éveille  la  curiosité  et  anime  les 
pierres  même. 

Après  avoir  pris  de  front  l'Islamisme  dans  les  contrées 
de  l'Orient,  les  Templiers  l'attaquèrent  sur  les  frontières 
de  la  Chrétienté  ;  c'est  vers  la  lin  du  xiu''  siècle  principa- 
lement qu'ils  se  multiplièrent  par  toute  l'Europe. 

Nous  les  trouvons  établis  dans  laBigorreetdansleCom- 
minges,  où  une  commanderie  avait  son  siège  au  lieu 
appelé  actuellement  MoiUsaunés.  Les  vallées  même  de 
Luchon  et  du  Larboust  furent  enserrées  dans  le  vaste 
réseau  des  commanderies  !  N'étaient-elles  pas  limitrophes 
de  l'Espagne,  et  la  péninsule  ne  fut-elle  pas  longtemps  un 
foyer  perpétuel  d'invasions  musulmanes?  Ou,  si  les 
Maures  n'étaient  plus  en  état  de  nuire  à  la  France,  ne 
fallait-il  pas  relever  les  ruines  qu'ils  avaient  faites  dans 
les  Pyrénées,  bâtir  des  églises,  élever  des  hospices?  Che- 
valiers et  moines  en  même  temps,  ils  unissaient,  pour 
combattre  les  infidèles,  deux  sentiments  énergiques  :  la 
religion  et  l'esprit  guerrier.  Les  mêmes  mains  qui  por- 
taient le  glaive  tenaient  encore  la  truelle. 

Si  nous  recherchons  sur  notre  territoire  quels  sont  les 


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836 

édifices  qu'ils  ont  construits,  nous  en  trouverons  un 
certain  nombre. 

En  regard  du  château  de  Guran,  sur  la  montagne 
opposée,  en  suivant  Tancienne  route,  vous  arriverez  aux 
ruines  d'une  petite  chapelle  des  Templiers,  bâtie  au-des- 
sous du  village  de  Burgalays.  C'est  par  là  que  passait 
Tancîenne  voie  gallo-romaine,  allant  des  thermes  onésiens 
à  Lyon  des  Convènes  :  les  ruines  de  deux  âges  et  do 
deux  civilisations,  Tune  près  de  Tautre  ! 

Sur  le  chemin  de  Thospice  de  Vénasque,  au  bord  des 
pelouses  de  Jouéou,  git  un  amas  de  pierres  à  côté  de 
murs  s'élevant  à  peine  à  fleur  de  terre.  Ce  sont  les 
vestiges  d'un  château  et  d'un  oratoire  dont  l'origine 
remonte  à  Tordre  du  Temple*. 

D'après  une  légende  recueillie  par  M.  l'abbé  Ferrère, 
on  raconte  que,  durant  un  hiver  rigoureux,  la  neige  ayant 
chassé  les  loups  des  montagnes,  ces  animaux  se  répan- 
dirent dans  les  vallées  et  bloquèrent  les  moines  dans 
leur  demeure.  La  faim  avec  ses  angoisses  se  faisait  déjà 
sentir  parmi  les  assiégés,  lorsque  l'un  d'eux,  mu  par  une 
inspiration  du  ciel,  sortit  au  devant  des  loups  en  élevant 
une  croix,  et  les  mit  en  fuite. 

Nous  avons  parlé  déjà  de  l'oratoire  de  Garin,  situé  au 
milieu  d'un  cimetière,  sur  une  éminence,  près  du  village 
de  même  nom.  Il  est  celui  des  trois  qui  se  trouve  en  meil- 
leur état  de  conservation.  Anciennement  était  enchâssée 
dans  le  mur  une  pierre  portant  l'écusson  des  Templiers 
et  révélant  l'origine  de  l'édifice  ;  elle  a  été  enlevée,  dit 
M.  Lambron,  et  remplacée  par  des  pierres  sèches. 

Ceci  ne  vous  fait-il  pas  songer,  malgré  vous,  à  l'histoire 
de  VEcu  changé  en  feuilles  sèches  que  vous  avez  lue  dans 
un  roman  célèbre? 

Cette  pierre  historique,  dérobée  au  vieux  monument  de 
Garin,  est  un  de  ces  délits  audacieux  imputables  à  de 
certains  savants.  Ces  prétendus  conservateurs  d'anti- 
quités, qui  protestent  avec  chaleur  contre  la  bande  noire, 
sont  eux-mêmes  les  pires  démolisseurs  :  véritables  van- 
dales dignes  de  ceux  qui  détruisirent  Valcabrère,  vanda- 

1.  Ces  pierres  et  ces  vieux  murs  onl  servi  à  conslruire  an  chàlet  apparlfnanl  à 
M.  Laront-Lassalcs  cl  édifié  sur  remplacemcut  de  rancieDuc  chapelle  préceplorale.  Eu 
creusant  les  Tondalious,  on  a  découvert  un  boulet  eu  fonlc,  deux  fers  de  lance,  une  hadie 
eo  silax  et  une  diiaine  de  squelettes  d'hommes- géants. 


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837 

los  civilisés  il  est  vrai,  car  c'est  au  nom  de  la  science  qu'ils 
dévalisent  les  monuments,  tandis  que  les  Teutons  de 
l'invasion  étaient  plus  sincères:  ils  pillaient  pour  piller, 
et  ils  s'en  faisaient  gloire. 

Dépouillée  de  l'écu  des  Templiers,  la  chapelle  de  Garin 
n'^  plus  de  sens  historique  et  ne  dit  rien  au  touriste. 

Le  blason  de  l'Ordre  a  dû  enrichir  quelque  musée,  ou 
embellir  le  cabinet  d'un  antiquaire.  N'était-il  pas  mieux 
dans  la  vieille  muraille,  comme  une  signature  d'architecte, 
que  dans  le  capharnaûm  étiqueté  où  nul  n'y  prend 
garde? 

On  sait  quelle  fut  la  fin  tragique  des  moines  guerriers. 
On  leur  imputait  avec  raison  les  plus  grandes  fautes; 
mais  le  crime  secret  et  fatal  qui  pesa  du  plus  grand  poids 
dans  la  sentence  des  juges,  ce  fut  leur  puissance,  ce 
furent  leurs  richesses. 

Le  pape  étant  venu  à  mourir,  Philippe  le  Bel,  roi  de 
France,  promit  à  Bertrand  de  Goth  de  l'élever  sur  le 
trône  pontifical,  à  condition  que  le  nouveau  chef  de 
l'Eglise  l'aiderait  à  détruire  l'Ordre. 

Singulière  coïncidence  :  Bertrand  de  Goth  avait  été 
évêque  de  Comminges,  et  les  Templiers  de  ce  diocèse 
virent,  dans  la  suite,  abolir  leur  corporation,  par  un 
homme  qui  avait  été  leur  chef  comme  évêque,  avant  do 
l'être  plus  souverainement  comme  pape  ! 

Vers  la  fin  du  mois  do  septembre  1307,  on  fit  tenir  à 
tous  les  baillis  et  gouverneurs  provinciaux  des  lettres 
closes,  revêtues  du  sceau  particulier  du  roi,  avec  com- 
mandement, sous  peine  de  mort,  de  no  rompre  le  cachet 
que  dans  la  nuit  du  12  au  13  octobre.  Le  secret  fut  éton- 
namment observé.  A  l'heure  prescrite,  les  baillis  ouvri- 
rent les  lettres  :  c'était  l'ordre  de  se  saisir  immédiatement, 
dans  leurs  districts  respectifs,  de  la  personne  des  Tem- 
pliers, en  sorte  que  le  même  jour,  et  pour  ainsi  dire  au 
même  instant,  les  moines  furent  arrêtés  dans  toute  l'éten- 
due du  royaume. 

On  évalue  à  vingt-un  le  nombre  total  de  ceux  que  l'on 
prit,  en  exécution  du  mandat  royal,  dans  le  Comminges, 
le  Languedoc  et  la  Bigorre. 

Les  onze  Templiers  de  la  Bigorre,  conduits  à  Auch,  dit 
un  écrivain  déjà  cité,  furent  exécutés  avec  leur  dernier 
commandeur,  Bernard  de  Montagut. 


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238 

Le  procès  du  Temple,  qui  se  prolongea  pendant  sept 
ans  devant  le  tribunal  du  roi  de  FVance,  dure  encore 
devant  Thistoire. 

Qu'on  nous  passe  ces  digressions.  Le  sentiment  de  la 
nature,  même  en  des  lieux  où  elle  est  si  belle,  n'est  pas 
tellement  exclusif  qu'on  n'aime  à  y  joindre  les  rémiûis- 
cences  du  passé. 

Un  château  démantelé,  une  ancienne  église,  un  pont  en 
ruines,  une  légende,  une  anecdote,  tout  ce  qui  fait  vivre 
l'homme  en  d'autres  temps  et  avec  d'autres  idées,  donne 
au  paysage  un  attrait,  un  charme  de  plus. 

Le  souvenir  du  Temple  revêt  les  murs  de  Jouéou,  de 
Burgalays  et  de  Garin  d'une  sorte  de  poésie  sévère  ;  il 
nous  transporte  dans  un  âge  mystérieux,  au  milieu  de 
personnages  non  moins  énigmatiques.  Puis,  à  l'aspect  des 
belles  montagnes  environnantes,  il  vous  prend  une  rêve- 
rie lorsqu'on  pense  à  tous  les  hommes  qui  sont  passés 
au  sein  de  cette  nature  magnifique  et  indifférente  ! 

Il  ne  reste  aujourd'hui  de  l'Ordre  d'Hugues  de  Payens, 
dans  le  district  de  Luchon,  qu'une  chapelle,  les  fonda- 
tions de  deux  autres,  une  légende  et  une  expression  pro- 
verbiale qui  s'applique  aux  buveurs  émérites. 

La  corporation  est  tombée,  les  oratoires  ont  à  peine 
survécu  jusqu'à  ce  que  leurs  débris  eux-mêmes  tombent 
en  poussière,  laissant  à  l'histoire,  qui  ne  périt  pas,  le  soin 
de  nous  rappeler  les  Templiers. 


ASTRIÉ. 


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LES  HUGUENOTS  EN  C0MMIN6ES 

d'après 

les  Papiers  des  États  conservés  à  Muret 

(Suite  V 


I 

VERS  1555 

Requête  du  Sindig  du  comté  de  Comminges 
AU  Parlement  de  Toulouse 

Cette  requête  adressée  au  Parlement  de  Toulouse,  sansdate^  mais 
que  nous  estimons  remonter  à  l'année  1555  environ,  nous  montre 
que  vers  cette  époque  le  comté  commença  à  éprouver  les  premières 
attaques  des  Huguenots.  Il  n*y  avait  pas  de  Religionnaires  dan« 
rintérieur  du  pays  :  ceux  qui  résidaient  à  Mauvaisin  et  à  Montfort 
firent  invasion  dans  le  Comminges  qui  n'était  guère,  on  va  le  voir, 
en  état  de  se  défendre  2. 

A  Nosseigneurs  de  Parlement, 
Supplie  humblement  le  scindic  du  pays  et  comté  de 
Comenge  que  pour  raison  des  trobles  et  séditions  advenus 
[par  suite]  de  l'introduction  de  la  nouvelle  religion , 
l'expérience  a  démonstré  tout  le  monde  estre  esmeu,  et 
combien  dans  le  comté  de  Comenge,  grâces  à  Dieu,  ne 
soit  adveneue  esmotion  ne  sédition  pour  raison  de  ce, 
néanmoings  despuis  peu  de  jours  en  ça,  aucuns  super- 
bes, arrogans [auroient]  eslu  leurs  azyles  es  lieux  de 

Mauvesin,  Montfort  et  aultres  joignans  et  aboutissans 

1.  Voir  la  livraison  du  l*'  trimestre  1895,  pages  106-ltO. 

2.  De  1545  à  1555  les  comptes,  approuvés  par  les  États,  Tonl  mention  de  rares  passages 
de  troupes  en  Comminges.  On  ne  voit  pas  trace  de  garnisons  permanentes. 

Le  roi  Tait  d'incessantes  levées  d'argent  afin  d'entretenir  les  armées  qu'il  organise  •  pour 
la  tnytiOQ  dd  royanlme.  >  {Archives  de  Muret,  L.  47,  passim.) 


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840 

aud.  pays  de  Comenge,  usans  de  menasses,  non  seulement 
de  invasion  es  villes  dud.  Comenge,  mais  piller  et  sacca- 
ger tout  ce  qu'ilz  trouvent  dans  les  villes  et  à  la  cam- 
pagne, prenant  colère  et  audace  sur  ce  que  aud.  pays  et 
comté  de  Comenge  n'y  auroict  gendarmerie  à  pied  ne 
à  cheval  assemblée,  sy  que  entre  les  scindiez  de  la 
noblesse  y  auroict  quelque  contention  soubz  prétexte  de 
laquelle  ne  soict  raisonnable,  moings  tollérable  [que] 
ledict  pays  fut  surprins. 

Ce  considéré  et  que  les  invasions  susdictes  sont 
notoires  et  patentes  comme  sont  bien  les  menaces  de 
ceulx  do  la  nouvelle  religion,  lesquelz  taschent  de  jour 
en  jour  eulx  renforcer,  vous  playse  ayant  esgard  à  la 
scituation  du  pays,  dangier  et  inconvénient  qui  en  pour- 

roit  résulter etc.,  permettre  aux  habitants  du  comte 

de  choisir  quelques  personnes  expérimentées  pour  aviser 
à  la  sûreté  des  villes  et  villages  du  Comminges. 

(Archives  de  Muret,  liasse  40.) 


II 

1562.   —  28  OCTOBRE 

Commission  de  B.  de  Monlug  a  MAimEU 
DE  Gramont 

M.  de  Gramont  est  nommé  commissaire  des  vivres  pour  rentre- 
tien  des  troupes  qui  doivent  aller  en  Armagnac  et  en  Comminges. 

Blaize  de  Monluc,  seigneur  dud.  lieu,  chevalier  de 
Tordre  du  Roy  et  cappitaine  de  cinquante  lances  de 
Sa  Majesté,  [à]  Mathieu  de  Gramont,  salut. 

Comme  pour  la  tuition  et  deffence  des  pays  de  Tlsle 

en  Jourdain,   la  Serre ,  de   la   comté  d'Armaignac, 

Samathan  et  Tlsle  en  Dodon  en  la  comté  de  Commenge  et 
autres  lieux  circonvoysins  auxd.  comptés,  soict  besoing 
envoyer  forces  pour  fayre  obéyr  aulx  éditez  et  ordon- 


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841 

nances  du  Roy  et  pour  ce  faire  y  tenir  forces  et  à  ceste 
occasion  do  lever  et  envoyer  une  partye  de  la  corapaignie 
du  Roy  de  Navarre  tant  hommes  d'armes  que  archiers, 
Nous  à  plain  confians  de  vos  sens,  fidélité  et  prompte 
diligence,  vous  avons  commis  et  depputé  et  par  ces  pré- 
sentes commectons  et  depputons  commissaire  pour  l'as- 
siette des  lougis  et  vivres  qui  pour  ce  faire  leur  seront 
nécessaires  en  payant  de  gré  à  gré,  avec  modération  de 
taux,  à  ce  appellant  les  magistratz,  consulz  et  juratz  desd. 
lieux,  pour  le  service  de  Sa  Majesté,  bien,  reppos  et  sou- 
laigement  desd.  subjectz,  et  de  ce  faire,  en  vertu  du  pouvoir 
à  nous  donné,  vous  mandons  plain  pouvoir,  auctorité  et 
comission  et  mandement  spécial,  mandons  et  comman- 
dons à  tous  justiciers,  officiers  et  subiectz  dud.  sieur,  vous 
obéyssent  sur  peine  de  rébellion. 

Donné  à  Agen,  soubz  nostre  seing  et  cachet,  le  vingt 
huictiesme  jour  d'octobre  mil  cinq  cens  soixante-deux, 
de  Monluc,  ainsin  signé.  Et  au  dessoubz  :  par  le  com- 
mandement de  mon  dict  seigneur  :  Lauzit. 

CoUationné  à  son  propre  original  :  Grifollet. 

Coppie  de  commission  de  Monseigneur  de  Montluc. 

(Simple  copie.  —  Archives  de  Muret,  liasse  40.) 


III 
1567.   —  FÉV.-JUILLET 

Requête  du  Pays  de  Comminges 
A  Blaise  de  Monluc 

Les  ch&tellenies  du  comté  de  Comminges  rançonnées  par  Tiliadet 
de  Saint-Orens,  lors  delà  querelle  des  gentilshommes  huguenots  de 
Fontraille,  de  Solan  et  de  Roquemaurel,  demandent  remboursement 
des  sommes  avancées  par  elles  en  faveur  des  villes  de  Saint-Girons 
et  de  Saint-Lizier,  et  l'élargissement  de  quelques  prisonniers.  — 
Ordonnance  de  Monluc  à  ce  sujet. 

La  présente  requête  sera  suffisamment  éclaircie  par  Textrait 
suivant  d'une  lettre  de  Monluc  au  roi  Charles  IX  :  «  âire^  j'ay 


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s» 

arresté  d'advertir  vôtre  Majesté  des  insolences  que  fait  le  jeune 
Fontraille  frère  du  séneschal  d'Armaignac,  au  hault  Comenge,  à 
vos  subjects  et  aux  gens  d'esglise,  pour  ce  que  je  pensoys  tou- 
jours qu'il  se  réduyt Il  n'a  aucane  religion,  car  autant  de 

pilleries  fait-il  sur  les  ungs  que  sur  les  autres  s'ils  ont  de  quoy. 
11  n'y  a  bénéfice  qui  ne  soit  voulé  ny  marchant  qui  ne  soit  ran- 
çonné  Et  depuis  six  mois  il  s'est  ralyé  avec  le  sieur  de  Solan, 

qui  est  son  beau-frère  et  celluy  qui  s'est  jeté  dans  Pamyer  après  le 

massacre Ledict  Solan  est  bien  de  la  Religion  nouvelle,  et  il  est 

intervenu  une  querelle  entre  ealx  deux,  les  Roquemaurelz.  qui  sont 

aussi  de  la  nouvelle  religion Ils  se  sont  retirés  à  une  ville, 

nommée  Sainct  Giron,  que  la  moytié  est  au  visconte  de  Fymarcon, 
oncle  dudict  Fontraille;  et  Rocquemaurel  et  ses  gens  ont  esté 
contraincts  se  jeter  dans  une  autre  ville  qui  est  à  vostre  Majesté,  et 
se  font  la  guerre  guerréable  ;  et  tout  aux  despens  de  vos  subjects, 
qui  faut  que,  dès  qu'ilz  ont  leur  mandement,  leur  apportent  argent 
et  vivres  à  volunté.  »  fCommenlaires  ol  Lettres  de  B.  de  Monluc.  — 
Edition  de  M.  de  Ruble,  t.  V,  p.  77.  14  février  1567.) 

Monluc  eut  ordre  de  pacifier  cette  querelle  dont  le  Comminges 
a  souffert  :  «...  Nous  vivons  en  paix  par  toute  ceste  Guyenne,  sans 
ceste  querelle  particulière,  qui  est  au  hault  Commenge,  où  le  Roi 
m'envoye.  »  flbid,  p.  86.  —  Lettre  aux  Capitouls  de  Toulouse.) 


A  Monseigneur  de  Monluc,  chevalier  do  Tordre  du 
Roy,  cappitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  et  lieute- 
nant général  pour  Sa  Majesté  en  Guyenne. 

Très  humblement  vous  remonstrent  les  consulz  des 
villes  de  Muret,  Samathan,  Aurignac,  TIsleen-Dodon  et 
aultres  du  pays  de  Comenge,  que  par  mandement  du  Roy, 
pour  raison  des  différants  qu'estoicnt  entre  les  Seigneurs 
du  Solan  et  Roquemaurel,  vous  auriez  faict  conduire 
certaines  compaignies  es  lieux  de  Sainct  Girons  et  Sainct 
Lizier,  par  le  seigneur  de  Sainct  Orens,  colonel  de  la 
légion  de  Guienne,  lequel  soy-disant  commissaire  par 
vous  depputé  auroict  procédé  à  la  cottisation  de  certains 
vivres  et  munitions  pour  estre  portés  esd.  lieux  de 
S*  Girons  et  Sainct  Lizier,  scavoir,  la  chastelenie  d'Auri- 
gnac  cent  cestiers  de  bled,  cinquante  motons,  quinze 
pipes  de  vins,  et  le  semblable  sur  les  chastelenies  de 
Muret,  Samathan,  TIsle-en-Dodon  et  aultres,  et  à  ce 
payer  auroict  despéché  constraincte  à  la  peyne  do  cinq 


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3i3 

cens  livres,  et  de  prison,  et  en  vertu  d*îcelle  constraîncte 
auroyent  esté  emprisonnés  ung  grand  nombre  do  person- 
nes dud.  Comenge,  et  saisir  plusieurs  biens,  le  tout  à  la 
poursuite  des  sindicz  des  villes  de  Sainct  Girons  et  Sainct 
Lizier,  à  quoy  satisfaire  ce  pouvre  peuple  ne  pourroict, 
estans  très  expressément  prohibé  et  defïendu  à  tous  les 
subiectz  du  Roy  de  ne  imposer  un  seul  tournoys  sur  peyne 
de  leurs  vyes  et  de  deniers  communs  et  patrimoniaulz. 
Il  n'ont  rien,  joinct  que  ceux  de  Sainct  Girons  ne  contri- 
buent pour  aides  sy  n*est  aux  deniers  des  tailhes,  en 
Comenge,  lequel  aussi  de  sa  part  n'est  tenu,  pour  ce  faict, 
les  secorir,  mesme  attendeu  que  de  leur  part  y  a  de  la 
faulte,  n'ayant  faicte  la  justice  qu'ils  debvoient  voyant  les 
insolances  et  maulvais  faictz  qu'en  leur  pays  se  comètent 
et  toutes  foys  aulcungs  dud.  Comenge,  volontairement  ou 
à  force,  ont  ilz  pati  et  souffert,  à  raison  dud.  différant, 
beaucoup  plus  grand  despence  et  folle,  que  ceulz  dud. 
Sainct  Girons,  et  a  iceulz  secoureus  et  aydés,  en  sorte 
qu'ils  n'ont  tant  souffert  de  leurs  biens  comme  ilz 
demandent. 

Ce  considéré,  et  que  vous  estes  amateur  du  peuple  et 
observateur  des  Edictz  et  Ordonnances  du  Roy  et  néan- 
moings  informé  de  la  pouvreté  dud.  pays,  et  que  si  lesd. 
villes  de  Sainct  Girons  et  Sainct  Lizier  ont  faict  quelques 
frais  et  despence,  desquelz  demandent  remborcement,  ce 
a  esté  voluntairement,  dont  le  peuvent  répéter,  vous 
plaise  exempter  et  descharger  led.  pays  de  Comenge 
desd.  frays,  despence  et  cotisations,  à  tout  le  moingz  où 
il  y  auroict  lieu  de  remborcement  au  profict  desd.  habi- 
tans  de  Sainct  Girons  et  Sainct  Lizier,  qu'ilz  auront  leur 
recours  sur  les  biens  desd.  de  Solan  et  Roquemaurel, 
afïin  que  le  pouvre  peuple  impuissant  ne  souffre  et  porte 
la  peyne,  faisant  inhibition  et  deffence  ausd.  habitans  de 
Sainct  Girons  et  Sainct  Lizier  de  ne,  pour  raison  de  ce, 
vexer  lesd.  habitans  du  pays  de  Comenge  à  peyne  de 
quatre  mil  livres,  et  ceux  qui  sont  prisonniers,  eslargîs  ; 


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Sii 

et  la  récréance  desd.  biens  prins,  octroyée  purement  et 

simplement. 

Et  ferez  bien. 

Pour  les  supplants  : 

PONTIC,  scindic. 

Veue  la  présente  requeste,  et  estans  deuement  advcr- 
tis  et  acertenés  que  la  grande  et  excessive  despence  y 
mentionnée  n'a  esté  faicte  et  moins  cottizéo  par  nostre 
consentement,  ordonnons  que  tant  lesd.  supplians  que 
consulz  et  trésorier  de  Sainct  Girons  et  Sainct  Lizier 
comparoistront  en  leurs  personnes  par  devant  Nous,  à 
certain  et  compétent  jour,  auquel  apourteront  tous  les 
Estatz  et  comissions  par  eulz  obtenus  de  Nous  et  du 
cappitaîne  Tilhadet,  fraiz  et  despence  par  eulz  faictz, 
depuis  nostre  venue  ausd.  lieuz  de  Sainct  Girons  et 
Sainct  Lizier,  jusques  au  partement  dud.  cappitaine  Til- 
hadet \  pour  eulz  ouys  et  lesd.  supplians,  leur  estre  sur 
ce,  pourveu  comme  de  raison,  et  cependant  est  enjoinct 
tant  ausd.  Consulz  et  Trésorier  dud.  Sainct  Girons  et 
Sainct  Lizier  et  tous  autres  qui  tiendront  aucuns  prison- 
niers pour  raison  de  ce  dessus,  de  incontinent  les  eslargir 
ou  faire  eslargir,  ensemble  leur  délivrer  tous  et  chascun 
leurs  biens  qu*ilz  pourroient  avoyr  saisis  en  vertu  desd. 
missives,  à  peine  de  dix  mille  livres,  et  à  mesme  peyne 
leur  est  inhibé  et  defïendu  de  passer  outr-o,  ne  rien  tenter 
en  vertu  desd.  commissions.  Si,  donnons  en  mandement 
au  premier  sergent  sur  ce  requis,  mettre  ces  présentes  à 
exécution,  et  faire  tous  exploictz  nécessaires. 

Faict  à  Cassaigne,  le  xi  de  juillet  mil  v*'  lx.  vu. 

DE  MONLUC. 
Par  commandement  de  mond.  s' 

Lauzit. 

(Pièce  originale.  Signature  autographe.  —  Arcliives  de  Muret,  liasse,  40). 

1.  Dans  U  lettre  du  14  Tév.  Monluc  demandait  qu'on  CDvoyât  Tiltadct  de  Saint  Oreos 
avec  quatre  cents  hommes  et  il  motivait  ainsi  son  désir  :  •  ...  car  ne  faoll  faire  levées 
de  gens  de  ce  pays  de  delà  [du  Haut-Commingcs],  parce  qu'iU  sont  presque  tous  psrens 
d*uQe  part  ou  d'autre.  »  [Ibid,  t.  Y,  p.  82.) 


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2i5 
IV 

1367.   —  7  JUILLET 

Lettre  des  Consuls  d'Aurignac  au  Sindig  du 
Tiers-État  de  Comminges 

Les  consuls  d*Aungnac  pflFrayés  par  les  insolences  des  Huguenots 
et  notamment  par  l'audace  de  ceux  de  Saint-Girons  (voy.  la  pièce 
précédente),  demandent  des  renseignements  sur  Tétat  des  choses, 
h  Pontic,  sindic  du  Tiers  État. 

Mons*"  le  Scindic.  Nous  sommes  marrys  de  tant  que 
n'avons  ouy  de  nouvelles  de  vous,  des  affaires  du  faict  de 
ceulx  de  Sainct  Gyrons,  que  vous  avons  envoyé  par  deux 
foys,  et  ne  nous  en  avez  rendu  aulcune  responce  de  rien 
que  ayés  faict,  par  ainsîn  vous  prions  que  nous  advertis- 
siés  en  tout,  comme  est  vostre  charge  et  comment  il  nous 
fault  gouverner,  car  ne  ausons  aller,  ny  traficquer  par  les 
villes  aux  foires  et  marchés,  pour  craintre  d'estre  prins  et 
arrestés  noz  biens  et  personnes,  ainsin  que  journellement 
les  de  Sainct  Gyrons  en  preignent,  et  emprisonnent  ceux 
quMlz  peuvent  trouver,  que  sera  ung  grand  intérestz  et 
domaige  sy  ne  y  donnez  ordre  et  bonne  diligence  comme 
scindic  du  pays,  à  ceste  cause  nous  advertirés  par  escript. 

Et  sur  ce,  nous  recommandans  à  vostre  bonne  grâce, 
nous  prions  Dieu,  Mons*"  le  scindic,  que  en  sancté  vous 
donne  longue  et  heureuse  vye. 

D'Aurignac  ce  vu™*  julhet  1567,  par  ceux  qui  sont  vos 
bons  amys  : 

Les  Consulz  d'Aurignac. 

Mons%  Mons""  Pontic,  scindic  du  Tiers  Estât  du  pays  et 
comté  de  Comenge,  à  Samathan. 

(Archives  de  Murel,  liasse  40.) 


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246 

V 

1567.  —  Du  6  OCTOBRE  AU  21  NOVEMBRE 

Maintien  de  la  garnison  de  Muret  par  le  Parlement 
ET  PAR  le  Gouverneur  de  Toulouse 

Pendant  Tannée  1567,  la  garnison  de  Muret,  composée  de  soldats 
étrangers  à  la  ville  et  de  quelqaes-uns  de  ses  habitants,  était  com- 
mandée par  le  muretain  Jean  Mascaron,  capitaine,  sous  la  respon- 
sabilité de  Pierre  de  Bellegarie,  «gouverneur  en  la  ville  de  Tholose, 
Comenge,  Astarac  et  Bigorre  en  l'absence  de  M.  de  Monluc.  »  Les 
États  estimaient  que  le  maintien  de  cette  garnison  était  de  la  plus 
haute  importance.  Un  des  sindics  vint  à  Toulouse,  représenter  au 
premier  Président  du  Parlement  que  Muret  «  capitalle  de  la  comté 
de  Commenge,  faubourg  et  clef  de  ceste  cité  de  Tholose  »  devant 
être  continuellement  protégée,  il  fallait  au  plus  tôt  obliger  Jacques 
Bason»  trésorier  du  pays,  à  payer  à  la  garnison  2.000  livres  qui  lui 
étaient  dues'.  Le  6  octobre,  au  nom  d\i  Parlement,  du  Tornoer 
ordonnait  aux  villages  composant  la  chàtellenie  de  Muret  d'expé- 
dier à  la^arnison  les  vivres  nécessaires^.  Enfin,  le  10  du  môme 
mois,  Pierre  de  Bellegarde  pressait  le  payement  des  hommes  d'ar- 
mes et  en  avertissait  les  sindics  du  comté. 

Cependant,  Arnaud  Mauhé,  sindic  des  villages,  et  Dominique 
Pontic,  sindic  du  Tiers  Etat,  croient  savoir  que  Jean  Mascaron, 
gouverneur  du  château  de  Muret  et  capitaine  de  la  garnison,  n'est 


i.  Arch.  de  Muret,  L.  54.  —  11  parail  que  Ton  n*ëtait  pas  parloul  aussi  empressé  qu*à 
Miirel  à  salisraire  les  compagnies.  Mais  alors  celles-ci,  recevant  Tordre  de  qoiUer  la  place, 
ne  se  retiraient  pas  avant  d'avoir  touché  leur  solde  en  entier,  et,  dans  rintervaile,  elles  se 
montraient  irritées,  presque  ennemies.  Voici  ce  que  nous  lisons,  à  ce  propos,  daos  one 
curieuse  lettre  adressée  au  sindic  du  Tiers  Etal  de  Comminges  par  un  gentilhomme  com- 
mingeois  assez  mécontent.  Après  avoir  Télicité  le  pays  qui  va  payer  2000  liv.  à  la  garuîsoa 
de  Muret,  il  raconte  quels  traitements  ont  à  subir  deux  mauvaises  payeuses  :  il  s*agit  des 
villes  de  Saint-Bertrand  cl  de  Saiiit-Gaudens  :  «  Au  reste,  Mons'  le  scindic,  il  est  très 
nécessaire  que  veue  la  présente  vous  alliez  jusques  à  la  ville  de  Sainct  Bertrand  prolester 
contre  Tevesque  de  Comenge  et  son  clergé,  de  la  folle  que  les  troys  compaignies  qui  ^oot 
lancées.  Tout  sur  le  pays,  â  Taulle  de  b.iiller  les  deux  mil  livres  par  eulx  offertes  pour  la 
solde  d'une  compaignie.  car,  vous  asseure,  je  suis  délibéré  les  mettre  toutes  Iroys  daos 
leur  diocèse  jusques  à  ce  quMIz  auront  satisfaict,  et  de  mesme  vous  en  faull  faire  au  dergé 
de  Sainct  Gaudens,  car  à  occasion  de  eulx,  les  compaignies  retardent  de  aller  faire  service 
au  Roy....  De  Balesta,  ce  iv*  octobre  [1567].  Vostre  bon  amy  :  Roquefort.  >  {Ibid.,  L.  40.) 
Les  de  Roquefort  avaient  entrée  aux  Etats  de  Comminges. 

2.  •  La  Cour,  pour  la  nécessité  qui  se  présente,  mande  aux  consulz  de  Murel  el  aollres 
lieux  dépendants  de  la  chastellenye  de  lad.  ville,  qu'ilz,  incontinent  el  sans  délay,  por- 
tent vivres  nécessaires  en  icelle  pour  Penlrelénement  de  la  gendarmerie  séant  en  lad.  ville, 
soubz  la  charge  du  sieur  de  Bellegarde»  chevalier  de  Tordre  du  Roy. 

«  Faicl  à  Tboloze,  en  ParlemeDl,  le  \i*  d'octobre  1567.  du  Tobxoer.  • 


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247 

pas  exact  à  maintenir  la  garde  :  ils  font  dresser  aussitôt  un  acte 
de  protestation  contre  lui^  Là  dessus.  Odet  de  Benque,  député 
par  Bellegarde,  vient  h,  Muret.  Le  21  novembre  il  visite  la  gar- 
nison. Il  constate  que  la  compagnie  dé  «  noble  Jean  Mascaron, 
sieur  de  Vilatte  et  de  La  Masquère  »  composée  de  200  h.  est  «  en 
bon  équipaige  »,  que  presque  tous  les  soldats  sont  arquebusiers 
«  aptes  à  faire  service  au  Roy  »,  et  en  exécution  d'un  arrêt  du 
Parlement,  il  leur  fait  distribuer  1600  liv.  tournois^. 

Minute  de  la  Lettre  envoyée  aux  trois  scindiez  de 
Comenge  par  le  sieur  de  Bellegarde,  pour  Tentretien  de 
la  compagnie  du  capitaine  Mascaron. 

Messieurs.  Les  urgentes  et  pressées  affaires  que  le 
Roy  a  en  son  royaulme,  comme  verres  par  la  coppie  de  la 
lettre  envoyée  à  Monsieur  de  Monluc,...  me  contraignent 
pour  le  debvoir  de  ma  charge  et  gouvernement  que  j'ay 
en  ce  pays,  vous  escripre  la  présente  pour  Tentretène- 
menfc  de  la  compagnie  que  j'ay  commise  en  ceste  ville  de 
Muret,  à  vous  prier  qu'il  vous  plaise  signer  le  mandement 
que  ce  porteur  vous  baillera,  n'ayant  trouvé  plus  expé- 
diant moyen,  ny  moings  onéreux  que  de  prendre  sur  tout 
le  pays,  par  les  mains  du  trésorier,  la  somme  de  2000  1. 
qui  sera  pour  la  solde  d'ung  mois,  à  la  charge  que  led. 
trésorier,  aux  prochains  Estatz,  sera  content  du  principal 
et  inlcrest,qui  sera  Tendroict,  Messieurs,  où  je  me  recom- 
mande bien  de  bon  cœur  à  voz  bonnes  grâces. 

De  Muret  ce  x"  octobre  1567. 

Vostre  bon  amy. 

A  Messieurs,  Messieurs  de  Saman,  archidiacre  de 
Lombes,  scindic  de  TÉglise,  de  Benca  [de  Benque],  scin- 
dic  de  la  Noblesse,  et  Pontic,  scindic  du  Tiers  Estât  des 
Estatz  de  Comenge. 

(Archives  de  Muret,  liasse  âG) 


1.  Ardi.  do  Muret,  L.  54. 

2.  Arcb.  de  Muret,  L.  5G.  -  Ibid.,  L.  54. 


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348 

VI 

1567.  —  d'octobre  a  décembre 

Requête  des  États  a  P.  de  Bellegarde 
AU  sujet  de  la  garnison  établie  a  Samatan 

Après  la  pacification  de  la  querelle  des  Soquemaurel  et  Solan, 
des  garnisons  furent  laissées  à  Saint-Girons  et  à  Saint-Lizier '. 
Vers  la  fin  de  la  même  année,  M«  de  Gramont  en  établissait  une  à 
Samatan,  sous  les  ordres  du  baron  de  Larboust.  Elle  ne  séjourna 
en  cette  ville  que  huit  jours  au  mois  d^octobre,  et  douze  jours  au 
mois  de  novembre.  Elle  se  composait  de  28  h.  d'armes,  24  archers 
et  leurs  chefs  2.  Monluc  ayant  ensuite  expédié  cette  poignée  de  sol- 
dats à  Auch  et  à  Gimont,  ils  déclarèrent,  à  leur  retour,  ne  vouloir 
quitter  Samatan  que  s'ils  étaient  payés  parles  Etats  deComminges 
comme  s'ils  eussent  tenu  garnison  sans  interruption.  Les  capitai- 
nes Mons  et  de  Beaurepaire  vinrent  môme  à  l'assemblée  des  Etats, 
réunis  à  Muret  en  décembre  1567,  pour  réclamer  insolemment  et 
avec  menaces.  La  pièce  suivante  rappelle  ces  faits  et  montre  les 
États  députant  à  Toulouse,  vers  M,  de  Bellegarde  gouverneur  en 
l'absence  de  Monluc,  Mathurin  de  Sabonnières,  abbé  d'Eaunes,  et 
M.  de  Gensac,  pour  obtenir  protection  et  se  faire  rendre  justice. 

Monsieur, 
A  la  teneue  de  ces  Estatz  du  pays  de  Comenge  s'est 
présentée  une  difficulté  d'entre  la  compagnie  du  sieur  de 
Gramont,  estant  en  garnison  en  la  ville  de  Samathan, 
ausquelz  combien  eust  esté  mandé  par  Mons""  de  Mon- 
luc de  vuyder  lad.  ville  de  Samathan  et  aller  en  gar- 
nison en  la  ville  de  Lauzerte  et  Castelnau...  ilz  ne 
auroient  à  ce  voulu  obéyr  qu'ilz  ne  fussent  payez  entière- 
ment jusques  à  présent,  combien  leur  eust  esté  remons- 
tré  qu'ilz  ont  esté,  par  vostre  mandement,  envoyez  pour 
le  service  du  Roy  vers  Aux  et  Gymont,  où  ilz  ont  vescu 

1.  «  Le  sindic  |(iu  Tiers  Etat  de  Comminges]  a  remonslré  les  différens  des  sieors  de 
Kocqucmaarel  et  Solau.  ->  Deux  particuliers  ayant  sollicité  de  supplier  le  sieur  de  Monluc 
la  garnison  estre  vuydée,  Monsieur  de  Borderia  [juge  en  Comminges]  dict  qu'elle  n*aaroict 
esté  ordonnée  que  sur  le  bien  des  parties.  —  Lcdicl  Calialby  [sindic |  dict  que  les  coin- 
paignies  ont  esté  lougées  es  villes  de  Sainct  Lézé  et  Sainct  Gyrous  pour  espargner  les  f  il- 
laiges,  que  à  ce»  soit  eu  esgard.  >  {Arch.  dt  Muret,  L.  54.)  Gabier  des  délibérations  des 
Etats. 

2.  Déclaratioa  du  baron  de  Urbpyst  sur  son  séjour  à  Samatan.  fArch»  de  Mur  A,  L.  56.) 


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2i9 

aux  despens  du  peuple,  au  moyen  de  quoy  n'estre  raison- 
nable quMlz  fussent  payés  durant  led.  temps  sur  lad.  gar- 
nison, et  pour  oster  toute  combustion,  pour  ce  qailz  ont 
présenté  une  lettre  dud.  sieur  do  Monluc  postérieure, 
par  laquelle  estoit  mandé  ausd.  habitans  de  contenter 
lad.  compaignie,  avec  grandes  menaces,  comme  il  vous 
plaira  voir  par  lad.  lettre,  pour  oster  toute  confusion  on 
leur  a  présenté  de  les  payer  pour  les  jours  qu'ilz  ont 
demeuré  absens  dud.  Samathan  à  raison  dô  vingt-deux 
solz  six  deniers    pour  homme,    chascun  jour,   à  quoy 
reviennent  les  gaiges  du  payement  de  la  solde  de  chascun 
homme  d'armes;   mais  la  friandise   qu'ilz  ont  trouvée 
d'estre  payés  à  ung  taux  que  le  lieutenant  de  leur  com- 
paignie et  les  consulz  ont  faict  revenant  pour  jour  à 
troys  livres,  troys  solz,  six  derniers,  faict  qu'ilz  ne  veu- 
lent pas  se  contenter.  A  cause  de  ce,  le  pays  a  députté 
Mons*"  Tabbé  d'Eaulnes  et  Mons*"  de  Genssac  pour  aller 
devers  vostre  seigneurie  pour  leur  pourvoir  là  dessus  par 
vostre  moyen,  ou  par  lettre  aud.  s*"  de  Monluc. 
De  Muret,  ce  18  décembre  1567. 

Vos  très  obéissants  serviteurs,  les  gens  des  Estatz  du 
pays  et  comté  de  Commenge  ». 

L'original  de  ceste  lettre  a  esté  envoyé  à  Mons""  de 
Bellegarde  par  Messieurs  des  Estatz  de  l'assemblée,  le 
xviii  décembre  1567. 

(Archives  de  Muret,  liasse  56.) 

i.  Voici  le  billël  par  lequel  Moulue  ûl  connaître  sa  décision  :  i  Messieurs  les  Consniz 
de  Samatan.  Après  que  j*ny  eu  eulendu  les  fraiz  que  vous  avez  Taiclz  pour  la  compaignie 
du  sieur  de  Graroonl,  j'ay  advisë  de  pourvoir  à  ce  et  ay  ordonné  que  vous  iei:r  baillcriés 
pour  gendarme  trente  soubz  par  jour,  et  à  Téquipolunt  pour  les  archiers,  pour  quatre 
jours  seullement,  el  pour  ce  vous  ay  volu  escrire  celte  lettre  aflln  que  satisfassiez  à  ce 
désir.  Priant  Dieu  vous  avoir.  Messieurs  de  Consulz,  en  saincte  et  digne  garde. 

«  Agen.  le  4~  de  janvier  1568. 

«  Vostre  bon  amy.  -   B.  DE  MONXUC.  » 

(Pièce  originale.  Signature  autographe.  —  Archives  de  Muret,  liasse  61.) 


Rktub  db  CoiiiiiGBS,  3*  trimestre  i895.  Tomi  X.  —  i8. 


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950 

VII 

1568.  —  4  AVRIL 

Tableau 

des  indemnités  dues  aux  villes  et  villages  du  comminges 

dressé  par  ordre  de  monluc. 

Les  Etats  entrèrent  d'eux-mêmes  en  conciliation  avec  les  con- 
suls de  Saint-Girons,  relativement  aux  sommes  que  les  chàtelleuies 
du  Comminges  réclamaient  a  cette  ville.  D'après  Taccord  passé 
chez  G.  VernioUe,  notaire  à  Muret,  en  décembre  1567,  le  comté 
concédait  600  livres  tournois  k  la  communauté  de  Saint-Girons. — 
Quant  aux  indemnités  dues  à  diverses  chàtellenies  du  Comminges, 
B.  de  Monluc  désigna  J.  deBorderia,  juge  en  Comitiiuges,  pour  les 
déterminer.  De  Borderia  s'adjoignit  trois  commissaires.  Le  «  Rôle  » 
dressé  par  ces  députés  indique  le  nom  de  deux  capitaines  qui,  avec 
Tilladet  de  Saint-Orens,  vinrent  dans  le  Haut-Comminges,  pacifier 
la  querelle  des  Fon< raille,  Solan  et  Roquemaurol  :  ce  sont  les  capi- 
taines Alexandre  et  Arapela. 

Rolle  de  la  Taxe,  vérification  et  modération  faicte  des 
vivres,  fournitures  et  despence,  par  les  villes  et  villaiges 
du  comté  de  Comengc,  par  mandement  du  seigneur  de 
Monluc,  chevalier  de  Tordre  du  Roy,  son  lieutenant  et 
gouverneur  général  au  pays  de  Guyenne,  passant,  allant 
et  séjournant  led.  sieur  avec  ses  compaignies  tant  à  pied 
que  à  cheval,  au  Hault  Pays  dud.  Comenge,  contre  les 
Rebelles  de  la  Majesté  du  Roy,  faicte  par  nous  soubz- 
signés,  commis  et  depputés  par  Monsieur  le  juge  dud. 
comté,  commissaire  par  led.  sieur  à  ce  depputé,  comme 
s'ensuict  : 

I.  —  Premièrement  a  esté  taxé  aux  consulz,  manans 
et  habitans  de  S'  Lizier  pour  la  despence  do  bouche 
faicte  et  fournie  aud.  sieur  et  sa  suyte,  tant  à  pied  que 
à  cheval,  et  autres  fournitures  contenues  et  spécifïiées  en 
leur  rolle,  la  sonime  de  neuf  cens  cinquante  cinq  livres, 
pour  ce 955  1. 

II.  —  Aux  consulZy  manans  et  habitans  de  Belbèze  pour 


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m 

cinq  cestiers  de  bled,  dix  cestiers  avoyne,  dix  quintalz  de 
foin,  quatre  moutons,  ung  veau,  portés  pour  munition 
aud.  S*  Lizier,  la  somme  de  quarante  huict  livres,  pour 
ce 481. 

III.  —  Aux  consulz  et  habitans  de  Caumont  pour  avoir 
porté  aud.  S*  Lizier  deux  quintalz  et  demy  foin  do  muni- 
tion, trente  solz,  pour  ce 11.  10  s. 

IV.  —  Aux  consulz  de  Taurinhan  pour  troys  cestiers 
img  Cartier  do  bled,  troys  cestiers  avoyne,  huict  quintalz 
et  demi  dix-sept  livres  foin,  portés  aud.  S*  Lizier,  la 
somme  de  dix  sept  livres  onze  sols,  pour  ce      17  1.  11  s. 

v.  —  Aux  consulz  de  Contrari  pour  huict  cestiers  bled, 
huict  cestiers  avoyne,  six  quintalz  foin,  quatre  moutons, 
quatre  cheveaulz,  ung  veau,  portés  aud.  S*  Lizier  pour 
lad.  munition,  quarante  deux  livres  quatre  solz,  pour 
ce 42  1.  4  s. 

VI.  —  Aux  consulz  de  Montesquieu  pour  dix  cestiers 
bled,  vingt  cestiers  avoyne,  dix  quintalz  foin,  quatre 
moutons,  huict  cheveaulz,  ung  veau,  portés  aud.  S*  Lizier, 
septante  neuf  livres,  pour  ce 79  1. 

VII.  —  Aux  consulz  de  La  Fitère  pour  huict  cestiers 
avoyne,  troys  quintalz  trois  carterons  foin,  deux  mou- 
tons, portés  aud.  S*  Lizier,  dix  neuf  livres  six  solz,  pour 
ce 19  I.  6  s. 

viii.  —  Aux  consulz  d'Aurignac  pour  la  despence  faicte 
aud.  s*"  de  Monluc  avec  son  train  en  passant,  et  aultres 
choses  contenues  en  leur  rolle,  troys  vingtz  dix  livres, 
pour  ce ,  .  .      70  1. 

IX.  —  Aux  consulz  de  Salyes  et  leur  chastellenie  pour 
vingt  ung  cestier  troys  cartiers  de  bled,  vingt  deux  ces- 
tiers  ung  Cartier  avoyne,  deux  vaches,  vingt  quatre  quin- 
talz et  demy  foin  et  vingt  sept  moutons  portés  et  conduîcz 
en  la  ville  de  S*  Gyrons,  de  munition  pour  lesd.  compa- 
gnies, deux  cens  vingt-troys  livres,  ung  sol,  siz  deniers, 
pour  ce 223  1.  1  s.  6  d. 

X.  —  Plus  ausd.  consulz  de  Salyes  pour  la  despence 


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faicte  par  lesd.  compagnies  en  passant,  cent  vingt  livres, 
pour  ce 120  1. 

XI.  —  Aux  consulz  de  Sainct  Julien  et  sa  chastellenic 
pour  vingt  cestiers  bled,  une  vache,  deux  pipes  vin,  douze 
moutons  portés  à  S*  Gyrons  pour  lad.  munition,  cent  dix 
huict  livres  dix  solz,  pour  ce 118  1.  10  s. 

xiT.  —  Plus  ausd.  consulz  de  S*  Julien  pour  le  passaigc 
desd.  compaignies,  quinze  livres,  pour  ce 15  1. 

XIII.  —  Aux  consulz  de  Goussens  pour  six  cestiers  bled, 
deux  pipes  vin,  portés  à  S^  Gyrons,  trente  huict  livres 
quatorze  solz  tournois,  pour  ce 38  1.  14  s.  t. 

XIV.  —  Aux  consulz  du  Plan  pour  le  souper  du  capitaine 
Alexandre,  dix  livres,  pour  ce 10  1. 

XV.  —  Aux  consulz  de  Martres  pour  avoir  contribué 
ausd.  compagnies  avec  ceulz  de  Palameni,  trente  cinq 
livres,  pour  ce 35  1. 

XVI.  —  Aux  consulz  de  l'Isle-en-Dodon  pour  la  des- 
pence desd.  compagnies,  cinquante  livres,  pour  ce.      50  1. 

XVII.  —  Aux  consulz  de  Samathan  pour  la  despence  de 
la  compagnie  du  capitaine  Alexandre,  cinquante  livres, 
pour  ce 50  1. 

xviii.  —  Aux  consulz  de  Fronsac  pour  cinquante  ces- 
tiers  bled,  vingt-cinq  cestiers  avoyne,  cinquante  moutons, 
six  bœufs,  six  pipes  de  vin,  portés  par  eulx  et  leur  chas- 
tellenic aud.  S*  Gyrons,  pour  ladite  munition,  quatre 
cens  cinquante  deux  livres,  douze  solz  tournois,  pour  ce, 
452  1.  12  s.  t. 

XIX.  —  Aux  consulz  d'Aspet  pour  quarante  huit  cestiers 
de  bled,  trente  cinq  cestiers  avoyne,  quatre  quintalz  foin, 
trente  ung  moutons,  troys  vaches,  douze  pipes  vin,  portés 
aud.  S'  Gyrons  pour  lad.  munition,  quatre  cens  quarante 
'deux  livres  tournois,  pour  ce   . 442  1. 1. 

XX.  —  Aux  consulz  de  Salyes  pour  le  passage  du  capi- 
taine Ampela,  vingt  livres,  pour  ce 20  L 

XXI.  —  Aux  consulz  d'Escanacraba  pour  le  contenu  en 
leur  rolle,  cinq  livres,  pour  ce 5  1. 

XXII.  —  Aux  consulz  de  Muret  pour  la  despence  faicte 


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253 

aud.  s'  de  Monluo  et  sa  suyte  faisant  la  monstre  aud. 
Muret,  deux  cens  livres,  pour  ce 200  1. 

xxiii.  —  Aux  consulz  de  Castilhon  et  leur  chastellenio 
pour  cinquante  cestiers  bled,  vingt  quatre  cestiers  et 
demy  avoyne,  quarante  cinq  quintalz  troys  carterons  de 
foin,  cinquante  cinq  moutons,  ung  bœuf,  quatre  vaches 
portés  aud.  S*  Gyrons,  pour  lad.  munition,  quatre  cens 
cinq  livres  quatre  solz,  pour  ce 4051.4  s. 

xxiv.  —  Aux  consulz  de  S*  Gyrons,  viscomté  de  Couse- 
rans,  et  Lescure,  la  somme  de  six  cens  livres  tournois 
accordés  par  les  gens  des  troys  Estatz  dud.  comté  de 
Comenge  leur  estre  baillés  pour  la  demande  de  fournitu- 
res par  eulz  faictes  ausd.  compagnies,  suy vant  Taccord  et 
instrument  retenu  par  NP  Gailhard  Verniolle,  notaire  de 
Muret,  au  moys  de  décembre  mil  cinq  cens  soixante  sept, 
pour  ce 600  1. 

Lesd.  parties  vérifiées,  arrestées  et  calculées  par  nous 
Anthoyne  Cambornac,  licencié,  Bernard  Cabalby  et  Do- 
minique S*  Pierre,  comme  dessus  est  spécifïié,  montent 
en  somme  universelle  quatre  mil  dix  sept  livres,  douze 
solz,  six  deniers  tournois.  —  En  foy  de  quoy  avons  signé 
le  présent  roUe  et  arresté  par  devant  led.  s*"  Juge,  le  qua- 
triesme  avril  mil  cinq  cens  soixante  huict. 

B.  Cambornac,  comis.  De  S*  Pierre. 

B.  Cabalbi,  comis  et  De  Borderia,  juge  et  com- 

deputté.  missaire  susdict. 

Extraict  de  son  original  par  moy  greffier  des  gens  des 
Troys  Estatz  dud.  pays  et  comté  de  Comenge,  Cy  soubz 
signé  :  GALABERT. 

.    (Archives  de  Muret,  liasse  40.) 

Ce  n'est  pas  seulement  de  la  querelle  des  Fontraille,  Solan  et 
Roquemaurel  que  le  Comminges  eut  à  souffrir  en  J567.  En  vertu 
d'ordonnances  du  Parlement  de  Toulouse  et  de  commissions  de 
Monluc,  on  fit  sur  divers  points,  en  dehors  du  comté,  des  levées  de 
troupes  destinées  à  secourir  les  places  menacées  et  à  renforcer  les 
armées  royales.  Le  Comminges  sillonné  par  ces  hommes  de  guerre 
contribua  à  leur  entretien. 


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354 

Pour  établir  avec  exactitude  le  compte  général  des  frais  occa- 
sionnés alors,  en  cette  seule  portion  du  territoire,  par  les  soulève- 
ments des  Huguenots,  il  faudrait  connaître  la  dépense  exigée  par 
l'entretien  des  garnisons  aux  chefs-lieux  des  chàtelleoies,  les  frais 
que  rendit  nécessaire  l'expédition  k  Saint-Girons  et  à  Sainl^Lizier, 
enfin,  les  dépenses  causées  par  le  passage  des  troupes  étrangères. 
Les  «  R(Mes  »  officiels  présentés  aux  Etats  réunis  à  Muret  en  avril 
et  on  décembre  nous  font  prendre  du  Comminges,  en  1567,  Tidée 
d*un  pays  occupé  militairement.  Les  hommes  conduits  par  les 
capitaines  Tilladet  de  Saint-Orens,  Parron,  Malvoisin,  Alexandre 
passent  à  TIsle-en-Dodon  et  àPuymaurin  *.  Le  capitaine  Labastide 
séjournant  à  Seysses  somme  les  consuls  de  Saint-Thomas  (chàtel- 
lenie  de  Samatan)  de  lui  fournir  des  vivres  2.  Vous  rencontrez  des 
troupes  à  T<^oalhan,  Pompiac,  Lautignac  dans  la  ch&tellenie  de 
Samatan  ;  à  La  Fitère,  au  Plan,  à  Montberaud  dans  la  chàtellenie 
de  Saint-Julien.  On  signale  à  Sabonnères  (chàtellenie  de  Samatan) 
le  passage  de  200  h.  assemblés  k  Rieumes  et  k  Bérat  par  le  sieur 
d*Andouffielle,  sur  ordre  du  Parlement.  200  h.  passent  à  Frouz!ns 
(chètell.  de  Muret)  ayant  k  leur  tête  le  capitaine  La  Borjasse,  200  k 
Auriguac,  etc'.  Bardachin  conduisant  deux  compagnies  d'arque- 
busiers traverse  Lilhac  et  l'Isle-en-Dodon.  Monluc  a  ordonné  k  ce 
capitaine  de  lever  dans  les  comtés  de  Comminges  et  d'Astarac 
«  le  nombre  de  600  arquebuziers  k  pied...,  et  iceulx  tiendrés  pcetz 
pour  le  service  du  Roy  Ik  où  par  nous  sera  mandé,  dit-il  dans  sa 
commission,  et  pour  courir  sus  k  ceulz  de  ladite  religion  nouvelle 
que  trouvères  estre  assemblés  en  armes  ». 

Inutile  d'insister  sur  les  frais  qu'entraîna  pour  le  comté  le  pas- 
sage de  ces  nombreuses  milices  *• 

(A  suivre.)  J.  Lastrade. 

1.  Archives  de  Miircl  ,  L.  40  cl  55. 

2.  '  Conseulz  de  Siiincl  Thomas.  Veiic  la  pn'senlc  venez  parlera  tnoy pour scavoir corne 
«  vous  me  logerez  ma  compagnie.  Opcndanl  ferès  provision  de  vivres*. 

•  Me  recommande  à  vons.  De  Seysses,  le  bien  voslrc  bon  amy  à  vous  fère  plaisir  : 
Labastide.  >  1567.  fArch.  de  Mu  el,  L.  55.)  Le  capilaine  Labaslide  meoaii  300  b. 

'A.  Voyez,  même  L.  55,  Pindicalion  de  In  présence  des  iroupcs  à  Aurtgnac.  Escauecrabo. 
Martres,  Mondavezan,  Sainl-Ignan,  Caslillon,  Monlpezal  (chàlell.  d*Anrignac)  ;  à  Fronsac. 
(châlell.  de  ce  nom);  à  Roques  (chàlell.  de  Muret);  à  l^ibarihc-lnard  (chàlell.  d'Aspeli; 
à  Mauvesin  (chàlell.  de  PIsle-en-Dodon),  etc.  —  I^s  300  h.  dn  capilaine  Rajordan  à 
Saint-Julien.  —  Passage  de  Iroupcs  à  Garravct  el  à  Lombez  (châlell.  de  Samatan)  ;  à  Os- 
telgailhard  (chàlell.  de  risIc-en-Dodon)  ;  à  Saint-Marcel  (chàlell.  d*Auriguac),  etc.  (L.  54 
et  L.  86.) 

4.  Aux  États  tenus  h  Muret  du  16  an  92  dt^cembre  1567,  M.  de  Borderia,  juge  en  Com- 
minges, exhorta  les  députes  à  supporter  généreusemenl  les  charges  de  Tenlretien  des  gar- 
nisons. Après  que  le  procureur  du  Roi  eut  donné  lecture  des  lettres  et  commissions  en 
vertu  desquelles  on  devnit  procéder  au  dopariement  des  sommes  exigées  <  pour  le  pave- 
ment dus  compaignies  des  gens  de  guerre...  pour  l;i  garde  des  villes  cl  lieux,  cl  répara- 
lions  el  furlifications  d'icelics  •,  de  Rorderia  lit  «  remonslrancc  de  la  scrvilodc  et  deu- 
obéissancc  au  Roy,  prenant  Texemplc  des  bcstes  irriisonnables,  à  plus  Torle  raison  la  per- 
sonne raisonnable  voyant  la  bonne  aflcclion  du  prince,  avant  le  zê|«  de  TEsglise  troabiée 
par  les  séditieux  et  perturbateurs  du  reppos  public,  quy  n'ont  peu.  tiy  deo.  avoir  prias 
les  armes  sans  sa  licence,  ayant  esté  cause  de  infinis  maulx,  meurtres,  querelles,  oppres- 
sions, raptz,  cslranglemens.  >  fArch.  de  Muni,  L.  54.)  Cahier  des  délibérations  des  Etau. 


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UN  DEMI-SIECLE  D'ASCENSIONS 
AU  NÉTHOU* 

(suite) 


1879 

31  juillet.  —  Daniel  Héron  (Paris),  et  Charles  Hurissel  (Parie). 
—  Guides  :  D.  Sors  et  Charles  Gouchan. 

Partis  de  Luchon  le  30,  nous  traversons  le  port  de  Vénasque 
encore  plein  de  neige.  Pendant  la  descente  sur  le  Plan  des  Étangs, 
un  orage  éclate  sur  le  Néthou  et  un  autre  sur  les  Posets.  A  la  Ren- 
cluse  nous  avons  une  nuit  magnifique  et  un  )3eau  clair  de  lune  sur 
les  montagnes.  —  Nous  partons  de  la  Rend  use  à  2  h.  10',  et  arri- 
vons au  Portillon  d'en  bas  à  3  h.  30'  environ.  Là,  nous  perdons 
une  bonne  demi  heure  à  tailler  des  pas  dans  la  neige  qui  est  com- 
plètement gelée  et  qui  couvre  un  espace  où  il  n'y  en  a  pas  habi- 
tuellement. Après  cela  nous  trouvons  leglacior  très  facile  jusqu'au 
lac  Coroné,  où  nous  arrivons  à  5  h.  45.  De  là  nous  avons  encore 
quelques  passages  difficiles  en  montant  le  Dôme  du  Néthou  et 
nous  sommes  obligés  de  tailler  quelques  marchés.  —  Pas  de  Maho- 
met facile.  —  En  haut  du  Néthou,  à  6  h.  20,  temps  splendide.  A 
l'horizon  un  peu  de  brume.  Pas  un  nuage  sur  les  montagnes.  11  a 
gelé  assez  fort  cette  nuit,  car  la  neige  est  complètement  gelée  par- 
tout, ainsi  que  quelques  petites  flaques  d'eau  dans  les  creux  de 
rocher  au  haut  du  Néthou.  Hier,  pendant  l'orage,  il  est  tombe  ici 
de  la  grêle,  et  nous  trouvons  le  glacier  criblé  de  gréions.  A  4  heu- 
res, à  la  sortie  du  Portillon,  il  gelait  assez  fort  et  nous  avions  pres- 
que l'onglée.  En  haut  du  Néthou,  à  7  heures,  température  très 
agréable,  à  peine  quelques  souffles  du  vent  du  Sud.  —  Sur  les  gla- 
ciers de  la  Fourcanade  nous  apercevons  deux  isards. 

2  août.  —  G.  Courtier  (Paris),  Th.  Conilleau,  nég*.  (Le  Mans), 
Blier  (Franleu  :  Somme).  —  Guides  :  Barth.  Courrège,  dont  nous 
n'avons  eu  qu'à  nous  féliciter  sous  tous  les  rapports.  —  Partis  de 
Luchon  le  1"  août  à  pied  ;  couchés  à  la  Rencluse  après  avoir  fait 
l'ascension  de  Sauvegarde.  Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30,  arrivés 
au  sommet  à  7  heures. 

1.  Voir  tome  X,  p.  130  —  138. 


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S56 

i5  août,  —  MM.  Léon  Clugnet,  bibliothécaire  des  Facultés  (liyon) 
et  Jean  Collet,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  (Grenoble),  tous 
deux  membres  de  la  Société  des  Touristes  du  Dauphiné  (S.  T.  D.), 
étant  partis  de  la  Rcncluse  à  4  h.  5  du  matin,  sont  arrivés  au  som- 
met du  Nélhou  à  7  h.  50.  —  Ils  étaient  accompagnés  par  le  guide 
F.  Barrau,  dont  ils  n'eurent  qu'à  se  louer  à  tous  égards.  —  Temps 
superbe  !  Vue  comparable  aux  plus  belles  des  Alpes,  sans  en 
excepter  celle  dont  on  jouit  au  Mont  Blanc! 
.Ascension  facile;  la  corde  a  été  inutile.  Il  est  incroyable  que 
cette  ascension  soit  si  rarement  tentée.  La  raison  en  est  évidente. 
La  haute  société  mondaine  et  le  high-life  amolli  ou  ramolli  qui  a 
envahi  le  Bas-Luchon  a  chassé  Talpiniste  sérieux  d'un  centre 
d'excursions  aussi  admirablement  situé. 

19  août.  —  MM.  Doyen  (Reims),  G.  Poullain  (Reims),  Charles 
Alluaud  (Limoges),  J.  Smith  (Brighton).  —  Guides:  Barlh.  Cour- 
règc,  Haurillon  Odo,  G.  Cantaloup. 

Partis  de  Luchon  à  midi  15,  le  18  août,  par  un  temps  splendidc, 
après  plusieurs  jours  de  nuages  et  de  pluie.  —  Arrivés  à  THospicc 
à  2  heures,  à  cheval.  Départ  à  2  h.  30.  —  l^ortde  Vénasque  franchi 
à  4  h.  15,  arrives  à  la  Renclusc  à  6  h.  15.  —  Départ  mardi  matin  à 
4  heures.  L'obscurité  se  dissipe  à  5  h.  30,  —  (Le  reste  de  la  note 
manque), 

La  page  13  a  été  déchirée  par  des  mains  indélicates. 

21  août.  —  L.  Duranton,  H.  Lhomonn.  —  Guides  :  Charles  Gou- 
chan,  J.  Estoup.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  heures,  arrivés  au 
sommet  à  7  h.  35. 

Même  date.  —  Arthur  et  Walter  Bird  (London).  —  Guides  :  B.  Gay 
et  P.  Cantaloup.  —  Partis  do  la  Renclusc  et  sommes  arrivés  au 
sommet  à  7  h.  35,  dans  3  h.  20  minutes. 

22  août.  —  Jean  Bazillac  (Mirande)  et  Henri  Brulle  (Libourne), 
tous  deux  du  C.  A.  F.,  sect.  du  S.  0.  —  Guides  :  C.  Passct  (Gavar- 
nie)  et  P.  Bordenavc  (Cauterets.).  —  Partis  du  village  de  Vénasque 
à  5  h.  20,  arrivés  à  1  heure.  —  Orage  et  grêle. 

24  août.  —  José  Narino,  du  C.  A.  F.,  (Ile  de  Cuba),  2«  ascension. 
—  Guide:  J.  Haurillon.  — Partis  delà  Rencluse  à  4  heures  ;  au  pic 
à  8  heures.  Temps  passable.  —  Accompagné  de  son  frère  Antonio 
Narino  (l"  îiscension). 

27  août.  —  Amédée  Bonnet  (Lyon)  du  C.  A.  F.  et  Pierre  Prémil- 
lieux  (Lyon)  (du  C.  A.  F).  —  Guide  :  F.  Barrau.  —  Partis  de  Luchon 
le  26  au  matin  avec  pluie  et  brouillard.  Coucher  à  l'Hospice  de 
Vénasque.  Départ  à  4  h.  45.  Rencluse,  6  h.  20.  Départ  de  la  Ren- 
cluse à  7  heures;  arrivée  au  sommet  à  10  h.  45.  Beau  temps  :  très 
découvert  du  côté  de  la  France.  Fort  vent  du  Sud.  Les  nuages 


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857 

couvrent  le  côté  espagnol  et  montent  rapidement.  Glacier  couvert 
de  neige,  peu  de  crevasses  visibles. 

28  août.  —  Emile  Goulombel  et  André  Beauvais-Devaux.  —  Gui- 
des :  P.  Barrau  et  F.  Gorette,  dont  ils  sont  contents. 

Partis  le  27  de  Ludion  à  midi,  arrivés  au  port  do  Vénasquc  à 
5  heures.  Visite  du  Trou  du  Toro,  et  rentrés  à  la  Rencluse  à  7  heu- 
res. —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  heures  du  matin,  arrivés  au 
Néthou  à  8  h.  15.  —  Beau  temps.  Glaciers  faciles,  sauf  le  haut  où 
ils  sont  trop  congelés. 

i"  seplembre,  —  José  Narino  (Ile  de  Guba)  avec  J.  Haurillon  et 
P.  Gantaloup,  sont  arrivés  ici  par  la  grâce  do  Dieu,  après  avoir 
effectué  la  l"  ascension  du  pic  par  Tarète  (N.  0.  S.  E.)  qui  va 
rejoindre  l'arête  de  glace.  Après  avoir  gravi  la  muraille  verticale 
plein  sud.  Ils  ont  manqué  y  périr,  à  cause  des  rochers  qui  cèdent 
à  la  main.  Deux  pyramides  sont  construites  sur  l'arête. 

Hier  31  août,  l"  ascension  du  pic  au  S.  S.  E.  le  plus  élevé  de  la 
crête  :  une  pyramide  y  est  construite.  Dieu  préserve  d'autres 
voyageurs  d'essayer  ce  terrible  passage.  —  Nous  sommes  partis 
de  la  gorge  S.  S.  0,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  celle  do 
Goroné.  —  Le  Pas  de  Mahomet  n'a  été  franchi  par  nous  qu'à  la 
descente  seulement. 

N.  B.  —  Je  signale  à  l'opprobre  de  tous  les  voyageurs  la  con- 
duite infâme  de  ceux  qui  arrachent  des  pages  au  registre.  —  Le 
24  août,  les  pages  10  et  13  y  étaient,  et  elles  manquent  aujourd'hui  ! 

Signé  J.  Narino. 
Approuvé  :  A.  Batigne. 

4  septembre.  —  Alfred  Batigne  (Mascarons).  «  0  vous  qui  mon- 
tez ici,  perdez  toute  espérance  de  voir  plus  beau  sur  ce  massif  ». 
Dante. 

Je  Tai  donc  foulé  de  mon  pied  ce  sommet  immense  et  magnifi- 
que. —  Guides 

Même  date.  —  Amédée  de  Trémont,  sous-lieutenant  de  cavalerie, 
et  Jules  de  Trémont. 

^  Partis  ce  matin  à  2  h.  05,  do  la  Rencluse,  arrivés  à  6  h.  20  au 
sommet,  sous  la  tutelle  de  Barth.  Gourrège,  P.  Barrau  et  G.  Sas- 
trade.  Marche  facile,  beau  clair  de  lune,  le  temps  s'est  couvert  un 
peu  vers  5  heures.  Nous  avons  fait  un  festin  royal  sur  la  plus 
haute  cime  pyrénéenne;  mais  nous  maudissons  Sébastien,  l'espa- 
gnol de  la  Rencluse,  qui  a  subtilisé  une  partie  de  notre  eau-de-vie. 
—  Mon  père  et  moi  avec  Gourrège  et  Bajun  avons  couché  au  clair 
de  lune.  Deux  de  nos  chevaux,  à  la  Rencluse,  sont  repartis  pour 
Luchon!  0  fatum^  sic  volûit.  —  Avec  nous  la  première  chienne 
des  Pyrénées,  Bergère,  appartenant  à  Gourrège,  a  franchi  toute 
seule  le  Pas  de  Mahomet.  Elle  a  bon  appétit  la  bonne  Bergère. 


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358 

2'i  septembre,  —  Albert  Tissandier.  —  Guides  :  Haurillon  et 
Ch.  Rcdonnet. 

Nuit  superbe  à  la  Renclusc.  Départ  pour  le  pic  à  4  h.  30  du  ma- 
tin, arrivée  au  Néthou  à  8  h.  30.  Temps  splendide,  on  peut  voir 
tout  le  panorama  des  pics.  —  Les  glaciers  sont  couverts  de  neige, 
rendant  ainsi  la  marclie  facile.  Le  Pas  de  Mahomet  est  légèrement 
couvert  de  neige  et  de  petites  plaques  de  glace.  Neige  sur  le  som- 
met du  pic.  Nous  trouvons  le  livre  en  clierchant  sous  la  neige 
nouvelle. 

23  décembre.  —  Maurice  Gourdon  (do  Nantes),  maintenant  à  Lu- 
chon).  —  Guide  :  Barth.  Gourrège.  et  B.  Gerdessus,  mon  domesti- 
que. 

Impossible  do  trouver  le  registre  enfoui  sous  la  neige  et  la 
glace.  —  G'est  donc  d'après  mon  carnet  de  notes  que  je  puis  don- 
ner les  indications  sur  cette  première  ascension  hivernale  du  Né- 
thou. ^ 

liO  22  décembre,  départ  de  I^uchon  par  un  temps  superbe  et 
coucher  à  la  Renclusc.  —  Du  Plan  des  Etangs  à  notre  gîte,  neige 
abondante  et  molle  où  l'on  enfonce  jusqu'à  la  ceinture.  —  Bonne 
nuit  avec  un  bon  feu  dans  la  cabane.  Au  dehors,  il  y  a  5  degrés  1/2 
de  froid.  —  A  6  h.  45  du  matin,  le  23  décembre,  départ  de  la  Ren- 
cluse  par  beau  temps.  Jusqu'au  Portillon  (où  nous  arrivons  à  8  h. 
30)  neige  molle  où  l'on  enfonce  souvent  jusqu'à  mi-corps,  très  dure 
montée.  ■—  Depuis  le  Portillon  jusqu'au  lac  Coroné  (10  h.  30)  et  au 
Pas  de  Mahomet  :  glacier  excellent,  c'est  une  vraie  promenade 
pendant  laquelle  la  corde  a  été  absolument  inutile.  —  Pas  de 
Mahomet,  couvert  de  glace  et  de  neige,  fut  difficile  et  dangereux.  Il 
fallut  30  minutes  pour  le  traverser.  A  11  h.  lô,  au  sommet  du  Né- 
thou, par  un  beau  froid  de  7  degrés,  sans  vent,  sans  nuages,  soleil 
étincelant.  Vue  idéale.  --  Après  15  minutes  de  séjour,  nous  repar- 
tions du  sommet  (Il  h.  30j  et  à  2  heures  étions  de  retour  à  la  Ren- 
clusc, où  nous  couchions  une  seconde  nuit. 

Le  24  décembre,  toujours  favorisés  par  le  temps,  retour  à  Luchon 
par  le  port  de  la  Picade. 

1880 

5  janvier.  —  C*<^  R.  de  Monts  (Gers).  —  Guides  :  Barthélémy  Gour- 
rège et  son  père  B.  Gourrège.  —  Après  avoir  fait  une  ascension  au 
Néthou  le  12  mars  1879,  j'y  suis  revenu  aujourd'hui.  —  Nous  des- 
cendons à  Vénasque  par  Malibierne.  —  En  mars  1879,  la  neige 
arrivait  à  Luchon,  le  port  de  Vénasque  était  très  mauvais.  Gct 
hiver  1879-80,  le  sentier  des  ports  a  été  bon  jusqu'à  présent. 

12  juillet.  —  Eugène  Pac...  (illisible),  voyageur  (Paris).  —  Gui- 
des: D.  Sors  et  Bernard.  —  Parti  de  Luchon  le  11  à  11  heures  du 


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S59 

matin,  arrivé  à  la  Rcncluse  à  5  heures.  Partis  de  la  Rencluse  à 
3  h.  30  du  matin,  arrivés  au  pic  à  7  heures,  par  un  très  grand 
brouillard. 

24  de  jiilio.  —  Gregorio  M^  de  la  Rcvilla  (Santander),  y  las 
guias  Haurillon  y  Charles  Gouchan.  —  Salimos  de  la  Rcnclusa  a 
las  très  (3  h.)  y  20»  de  la  madrugada  y  llegamos  al  pico  de  Néthou 
a  las  7  h.  menos  cuarto  de  la  manana. 

29  juillet.  —  Prince  de  Joinville,  prince  Auguste  de  Saxe- 
Cobourg.  —  Guides  :  Barthélémy  Courrègc,  H.  Passet,  D.  Latapio. 

—  De  Malibierne  à  la  Rencluse. 

7  août,  —  Charles  AUuaud  (pour  la  2°  fois)  de  Limoges,  Eugène 
Alluaud  14  ans  (Limoges).  —  Guides:  Barth.  Courrège,  et  G.  Bajun. 

—  Départ  de  la  Rencluse  à  4  h,  20  et  arrivée  au  sommet  à  7  h.  55. 

-         ,     ,         (  Côté  de  Franco  +  l*^""  centigrades. 
Température  J  ,, ...  j.^.  o  a 

{  Cote  d  Espagne  —   2  id. 

Différence  étonnante  à  4  mètres  de  distance. 

iO  august,  —  W.  Garfîsh  (Boston  :  England)  from  Vénasquc  avec 
C.  Passet  et  F.  Barrau  from  lac  d'Oo  by  portd'Oohavingascended 
the  i>ic  Posets  on  the  8  august. 

11  août,  —  Félix  Lévèque  et  Albert  Deville.  —  Guides  :  G.  Bajun 
et  P.  Redonnet.  —  Partis  de  la  Rencluse  après  une  nuit  splendido 
à  4  heures,  arrivés  à  7  h.  45,  —  Temps  superbe. 

Vi  août,  —  Frank  Hyland  and  Herbert  Faster  left  Port  de  Vénas- 
que  4  h.  30  a.  m.,  and  arrived  hère  tl  a.  m.  —  Guide:  D.  Sors. 

22  août,  —  Emil  Oblasser.  —  Guides:  Barrau  et  J.  Ladrix.  — 
Partis  de  la  Rencluse  après  une  belle  nuit  à  3  h.  moins  le  quart, 
arrivés  à  8  h.  30  après  avoir  déjeuné  au  lac  Goroné.  Le  côté  du  cou- 
chant gelé.  Le  plus  beau  brouillard  qu'on  puisse  imaginer  ! 

26  août,  —  Adolphe  Jacquesson  (17  ans),  Albert  Jacquesson 
(16  ans),  Ernest  Jacquesson  (20  ans)  du  C.  A.  F.,  élèves  du  lycée 
Fontanes.  —  Guides:  B.  Laffont,  J.  Dusastre,  J.  Menaly.  —  Partis 
de  la  Rencluse  à  7  heures,  arrivés  à  11  heures. 

28  août,  —  Alfred  Odier,  propriétaire;  Jacques  Bidermann,  ingé' 
nieur  des  mines;  Georges  Odier;  Philippe  Odier;  Henri  Guex,  ces 
3  deniers,  élèves  du  lycée  Fontanes  (Paris).  —  Guides:  Pierre  et 
Paul  Barrau,  J.  Ladrix.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  15  avec 
brouillard,  arrivés  au  sommet  à  7  h.  50  avec  beau  temps. 

Sans  date,  —  Albert  Caron,  du  C.  A  F.,  scct.de  Paris.  —  Guides  : 
Firmin  Barrau,  duquel  je  n'ai  eu  qu'à  me  louer,  et  un  porteur.  — 
Partis  de  liUchon  à  6  heures  du  soir,  arrivés  à  l'Hospice  à  7  h.  15, 
et  après  une  marche  nocturne  nous  sommes  arrivés  au  port  à 
minuit.  Retenus  par  le  brouillard,  nous  n'en  sommes  repartis  qu'à 
G  h.  30  du  matin,  et  nous  sommes  arrivés  pour  déjeuner  au  Néthou 
à  11  heures  du  matin,  et  nous  comptons  bien  boire  le  Champagne 


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960 

ce  soir  k  Luchon.  Cette  ascension  a  été  faite  après  les  ascensions 
du  Piméné,  du  Mont  Perdu,  qui  ont  eu  lieu  à  la  suite  du  banquet 
de  Lez. 

2  septembre,  —  A.  Garbonnier  (G.  A.  F.  et  S.  T.  D.),  A.  Henriot 
N.  T.  F.).  —  Guide:  H.  Passet;  porteur:  José  Buisa.  —  Ascension 
faite  après  le  Mont  Perdu,  le  Gotiella  et  les  Posets. 

3  septembre,  —  Alexandre  Durrnd,  23  ans,  et  Blanche  Bardi, 
femme  Durand,  19  ans.  — -  Guides:  G.  Bajun,  56  ans,  P.  Sors,  29 
ans,  et  J.  Sors  Argarot,  26  ans.  —  Partis  de  la  Rcncluse  à  4  h.  30, 
arrivés  au  sommet  à  9  h.  30.  Nous  avons  tous  traversé  le  Pas  de 
Mahomet. 

7  septembre,  —  Le  6  septembre  1880,  après  un  concert  donné  à 
la  Rencluse  par  MM.  Tournan,  P.  et  F.  Barrau,  G.  Bajun,  L. 
Barolus  (?)  et  B.  I^afont,  guides  do  Madame  Michaud,  Mademoi- 
selle Borrier,  M.  Michaud,  M.  Berrier,  —  Madame  Michaud  a  ouvert 
le  bal  avec  Tournan  qu'elle  a  embrassé  pour  terminer  la  polka.  — 
Partis  le  7  à  4  lieures  de  la  Rencluse,  nous  sommes  arrivés  au 
sommet  du  pic  à  10  heures. 

12  septembre.  —  A.  W.  Garringlon.  —  'luide:  B.  Gourrège.  —  Left 
the  Rencluse  at  5.  30,  arrived  hcre  at  9  o'clock. 

24  septemdre,  —  Maurice  Miran  de  Permanticr  (Garcassonne).  — 
Guides:  Barth,  Gourrège,  G.  Bajun,  B.  Lafont  et  J.  Ménay.  — 
Départ  à  4  h.  15,  arrivée  au  sommet:  9  h.  45. 

1881 

21  july.  —  James  G.  Getting  (Ijondres)  from  the  Hospice  de 
Vénasque.  Guides  :  ? 

Même  date,  —  Millot,  notaire  (Gambrai),  Gondeminc  (Paris).  — 
Guides:  J,  B.  Sabathé,  V.  Gouity  (?).  Nous  sommes  partis  de  la 
Rcncluse  à  2  h.  du  matin,  et  sommes  arrivés  au  Néthou  à  7  heu- 
res. Nous  n'avons  eu  qu'à  nous  louer  de  la  prudence  et  de  Tania- 
bilité  de  nos  guides  que  nous  recommandons  à  tous  les  voyageurs 
présents  et  à  venir. 

22  july,  —  B.  Lancaster  Rose  of  Gromvvell  Rovv,  (London)  et 

(mots  illisibles)  et  Paul  Anglade  (Paris)  sont  montés  au  Néthou  le 
22  juillet,  accompagnés  des  guides  Barrau  et  Haurillon.  —  Partis 
de  l'Hospice  de  Vénasque  à  5  h.  30,  nous  sommes  arrivés  à  l  h.  30 
au  sommet  du  Néthou. 

29  juillet.  —  RafTl  (Paris),  Albert  Repussard  (Angers),  Delprat 
(Paris). —  Guides:  Haurillon,  Bajun  et  J.  Bernard.  •—  Partis  de  la 
Rencluse  à  4  heures,  arrivés  après  de  nombreuses  stations  néces- 
sitées par  un  malade,  à  9  h,  40  au  sommet  du  pic.  Temps  splen- 
dide.  Vu  un  isard. 

3  août,  —  Albert  Père,  principal  clerc  de  notaire  de  M.  Massion, 


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26f 

notaire  à  Paris,  est  monté  au  Néthou,  accompagné  de  J.  Haurillon 
(de  Luchon)  et  de  J.  Barrère  (de  Gauterets),  dont  il  est  lieureux 
d'avoir  à  se  féliciter  sous  tous  rapports.  —  Partis  de  Luchon  à 
3  heures,  couchés  à  la  Kencluse  où  ils  sont  arrivés  à  7  h.  30.  — 
Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  45,  arrivés  au  sommet  à  7  h.  50  avec 
un  temps  splendide. 

Supplie  les  futurs  touristes  de  respecter  religieusement  le  livre, 
dont  il  constate  à  regret  que  plusieurs  feuillets  ont  été  détachés. 

4  août,  —  MM.  Armand  et  Gaston  de  Vismes  (Paris),  membres  du 
Glub  alpin,  sont  montés  ce  jour  au  pic  de  Néthou  accompagnés 
de  M.  Armand  Bigot,  président  de  chambre  à  la  Gour  d'Angers, 
qui  déjà  y  était  monté  une  première  fois  en  1859,  et  de  son  fils 
René  Bigot,  âgé  do  18  ans,  étudiant  en  droit.  -—  Guides  :  B.  Gay, 
J.  Estoup,  B.  Gier.  —  M.  Gaston  de  Vismes  était  déjà  monté  une 
première  fois  au  pic  de  Néthou  avec  B.  Gay,  en  1879.  —  Partis  de 
la  Rencluse  à  4  h.  15^  nous  étions  au  sommet  à  9  heures.  —  Pas 
de  nuages,  mais  brouillard  de  chaleur. 

9  août.  —  M""  Mony  et  M.  le  D'  Adolphe  Mony,  membres  du 
Glub  alpin,  sont  montés  au  pic  de  Nétliou,  accompagnés  des  gui- 
des P.  Barrau,  G.  Bajun,  F.  Barrau  et  P.  Barrau  fils.  —  M.  Mony 
était  déjà  monté  au  pic  une  première  fois  le  21  août  1859,  avec  G. 
Bajun.  —  M.  et  M">«  Mony  sont  heureux  de  rendre  hommage,  sur 
le  premier  pic  de  la  chaîne,  au  dévouement,  à  l'habileté  et  à  Tobli- 
géante  bonne  humeur  des  excellents  guides  de  Luchon. 

Temps  beau,  assez  grand  vent. 

13  août,  —  Ed.  de  Frendenreich  (Berne  :  Suisse).  —  Guides  :  J. 
Haurillon  et  Barth.  Gourrège.  —  Partis  de  Luchon  le  12  à  pied, 
couches  à  la  Rencluse,  montés  en  4  h.  55.  Temps  superbe  et  chaud. 
—  Allons  du  Néthou  au  pic  de  la  Maladetta. 

Même  dale.  —  Lient. -colonel  and  miss  S*  John,  conducted  by 
J.  Sors  et  M.  Barrau  ;  saw  9  chamois  below  as  we  reached  the  Pas 
de  Mahomet.  —  Twenty  fine  years  ago  wohen  a  Gaptain  in  the 
94  régiment  lieut.-colonel  S'  John  was  hère  before. 

17  aoû^  —  MM.  Le  Mazoyer,  Guilhem  Pomorèdes,  Ludovic  Fro- 
mentin et  Jules  Gouvreur,  venant  tous  de  Paris.  —  Guides  :  G. 
Bajun,  Barth.  Gourrège,  B.  Gourrège  père,  Gantaloup.  —  Partis  de 
la  Rencluse  à  3  heures  du  matin,  à  8  heures  au  sommet.  — 
Malgré  le  froid,  les  susnommés  sont  parvenus  à  allumer  leurs  ci- 
gares à  l'aide  d'une  loupe.  —  Therm,  -|-  9«.  —  Vent  violent,  temps 
clair. 

24  août,  —  Baron  de  Montigny  avec  son  fils  J.  de  Montigny,  né  à 
Saint-Léger  de  Rorte  (Eure),  le  26  mai  1865,  venant  d'avoir  la  co- 
queluche et  d'être  reçu,  il  y  cinq  jours,  bachelier  par  la  Faculté 
des  Lettres  de  Paris. 


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â62 

Partis  de  la  Renclusô  le  24  août,  à  4  h.  M^  avec  les  guides  P. 
Sanson  et  V.  Gourty.  —  Arrivés  au  haut  du  Néthou  à  8  h.  45.  — 
Vu  4  isards  avant  de  passer  le  Portillon.  Vu  des  pas  d'ours  se 
dirigeant  du  glacier  de  la  Maladetta  vers  les  Salenques.  Beau 
temps.  Quelques  brouillards  au-dessous  de  nous  du  côté  de  France. 

Sans  date,  —  Gustave  Berges,  avocat  stagiaire  à...  (nom  effacé), 
et  Gharles,  B.  Gotton  (Edimbourg  :  Ecosse).  — -  Guides  :  Barth. 
Gourrège,  puis  B.  Gourrège  son  père, 

Partis  de  la  Rencluse  à  5  h.  20  avec  ces  guides,  arrivés  au 
Néthou  avec  grand  brouillard  à  8  h.  30. 

7  septembre,  —  A.  Helps  (London).  —  Guides  :  Barth.  Gourrège 
et  Haurillon  Odo.  —  Arrived  at  9:  left  the  Gabane  at  Henclusc 
at  5.  30. 

iô  septembre,  —  Baron  Amédée  Thouron.  —  Guides  :  G.  Bajun  et 
B.  Lafont.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  heures  par  une  nuit  su- 
perbe, arrivés  à  7  h.  30  par  temps  magnifique. 

1882 

28  juin,  —  Robert  Mach  (?)  de  Pariîs.  —  Guides  :  G.  Passet  (Gavar- 
nie)  et  D.  Pont  (Gauterets).  —  Partis  de  Vénasque,  le  27  à  6  heures 
soir;  cabane  du  val  de  Malibierne  à  8  h.  30.  —  Partis  de  cette  ca- 
bane le  28  juin  à  3  h.  15  du  matin,  arrivés  à  10  h.  15. 

i4  juillet.  -—  J.  de  Latour  (Montfaucon).  —  Guide  :  Pierre  Barrau. 
—  Partis  de  la  Rencluse  à  3  heures  du  matin.  Temps  superbe, 
neige  molle.  Arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  8  h.  30. 

10  juillet.  —  F.  W.  de  Treschow-Fritzau,  chambellan  du  roi  de 
Suède  et  Norvège,  et  Philip  Dars  (Ditgo:  Norvège).  —  Guides  :  Ba- 
jun, Gier  et  P.  Lançon.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  30  du  matin, 
arrivés  au  sompiet  du  Néthou  à  9  h.  10.  —  Temps  superbe.  Neige 
molle. 

26  juillet.  —  M.  Georges  Aubin,  né  le  6  juin  1849,  procureur  de 
la  République  à  Saint-Jean  d'Angély;  M.  Paul  Proust,  substitut  à 
Brcssuire;  M.  Alexandre  Tillaut,  architecte  à  Bressuire;  M.  Henry 
Le  Masme  (Nantes)  ;  M.  Etienne  Bureau  Le  Masme  (Nantes)  né  le 
15  février  1845;  M»"«  Etienne  Bureau  Le  Masme,  née  le  21  juillet 
1856  (Nantes),  qui  a  dû  à  son  énergie,  sa  vaillance  et  sa  bonne 
constitution  de  faire  cette  remarquable  ascension;  M.  Ed.  Papillon, 
entrepreneur  de  menuiserie  (Paris).  —  Guides  :  F.  Barrau,  G.  Ba- 
jun, J.  Fouillouse,  P.  Sansou,  J.  Ladrix. 

Beau  temps,  soleil,  nuages  sur  la  France,  temps  découvert  du 
côté  espagnol.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  50,  arrivés  au  pic 
à  9  h.  15. 

27  juillet.  —  Jean  Bazillac  (Mirande)  G.  A.  F.,  sect.  du  S.  O., 
Henri  BruUe  (Libourne)  G.  A.  F.,  sect.  du  S.  0.  —  Guide:  H.  Pas- 


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set.  —  Montés  au  Néthou  pour  la  2««  fois.  —  Arrivés  au  sommet  à 
9  h.  25  venant  du  pic  dos  Tempêtes  en  suivant  la  crête  jusqu'à  la 
grande  brèche,  puis  le  glacier  sud,  et  la  cheminée  du  même  côté. 

—  Ayant  couché  à  l'abri  Hippopotame  du  C*«  Russell. 

Même  date.  —  Georges  Brunel,  maire  à  Castelmayran)  (Tarn- 
et-Garonne),  Zoîlo  Gabriel,  son  domestique  (Castelmayran).  —  Gui- 
des :  P.  Barrau  père  et  fils.  —  Sont  partis  de  la  Rcncluso  à  3  h.  ;%), 
arrivés  au  sommet  à  8  h.  30  par  un  temps  magnifique.  Restés  au 
pic  jusqu'à  9  h.  30  par  un  temps  très  doux.  Beaucoup  de  brouil- 
lard du  côté  de  France,  temps  découvert  en  Espagne.  Grevasses 
nombreuses  dans  le  glacier;  rencontré  trois  traces  fraîches  d'isards. 

—  Repartis  à  9  h.  30  par  beau  temps. 

2  aoû^ —  L.  Andrieux,  propriétaire  (Limoux),  Jules  Salvani,  ban- 
quier (Limoux),  Jacques  Jorenz  (Strasbourg),  comte  de  Marescot. 

—  Guide:  G.  Bajun.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  2  heures  du  matin 
par  un  clair  de  lune  splendide.  Arrivés  au  Néthou  à  7  h.  15.  Temps 
superbe  en  France  et  en  Espagne.  Panorama  d'un  grandiose  dont 
on  ne  peut  se  faire  une  idée. 

Même  date.  —  A.  G.  Fairbairn  (Londres).  —  Guide  :  B.  Gay.  — 
George  Peile  Jolson  made  the  ascent  on  2  august.  —  Guide  :  Pierre 
Mont  Blanc  (?).  —  Partis  de  la  Rencluse  3  heures  par  un  clair  de 
lune  catapulteux,  rencontré  beaucoup  de  crottins  dlsards  qui  ont 
été  apportés  par  des  guides  à  chaque  ascension;  quant  à  des  tra- 
ces fraîches,  jamais.  Pour  nous  remettre  nous  allons  tâcher  de 
déjeuner  le  mieux  possible  et  faire  un  prompt  retour. 

7  aoù^  —  Baron  A.  Thouron,  montant  pour  la  2"«  fois  (Saint- 
Firmin  :  Haute- Vienne),  Charles  Dupont  (Jarnac).  —  Guides: 
G.  Bajun  et  B.  Lafont.  —  Partis  de  la  Rencluse  par  une  ivuit 
superbe.  Arrivés  au  sommet  à  7  h.  35.  Panorama  magnifique  et 
temps  très  clair. 

8  août.  —  Charles  de  Saint-André,  étudiant  en  droit  à  la  Faculté 
catholique  libre  (Toulouse),  et  son  domestique  Jean  Amouroux.  — 
Guides  :  G.  Bajun  et  un  domestique  do  Sors.  —  7  h.  10  du  matin. 
Partis  de  Toulouse,  ils  étaient  arrivés  à  cheval  en  trois  jours  à 
Èagnères-de-Luchon. 

Même  date.  —  Armand  Bossion,  avocat  près  la  cour  d'appel  de 
Paris.  —  Guide:  J.-M.  Ribis. 

12  août,  —  Spont,  lycéen  de  Paris,  et  Marcel  Thévenin,  maître  de 
conférences  à  l'École  des  hautes  études  (Sorbonne)  Paris.  — -  Gui- 
des :  P.  et  F.  Barrau.  —  De  la  Rencluse  :  2  heures  du  matin,  ici 
même  à  9  heures.  —  Glacier  mauvais,  crevasses.  Beau. 

Même  date.  —  F.  E.  L.  Swan  (G.  A.  F.),  avec  le  guide  Pierre 
Pujo  (Gavarnie)  et  le  porteur  F.  Mora  (Vénasque).  —  Partis  do  la 


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cabane  de  Malibierne  à  3  h.  45,  arrivés  à  9  h.  35.  —  Beau  temps, 
mais  beaucoup  de  vent.  Avant-hier  au  Pic  Posets. 

18  Août  —  E.  et  R.  do  Labusquette  et  J.  A.  Banedage  (?).  — 
Guides  :  P.  et  K.  Barrau,  P.  Barrau  fils.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
3  heures,  arrivés  ici  à  6  heures.  —  Glacier  très  mauvais  par  suite 
de  nombreuses  crevasses  fraîchement  ouvertes.  —  Temps  magni- 
fique, quelques  nuages  du  côté  de  France.  Tué  au  Portillon  de  la 
Maladetta  un  beau  coq  de  perdrix  blanche. 

19  Août,  —  Paul  Dévot  (C.  A.  F.  —  S.  A.  C  —  G.  A.  S.  —  S.  T. 
D.  ).  —  Guides  :  H.  Passet  et  G.  Bajun.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
3  h.  10,  au  sommet  à  9  h.  10.  —  Temps  superbe,  pas  un  nuage. 
Horizon  et  panorama  immenses:  les  Pyrénées  du  Pic  deGarlitte  à 
la  Sierra  du  Méru  Oco  ;  les  plaines  de  France  et  d'Espagne  à  perte 
de  vue. 

Baromètre  =  506  ;  température  +  ^O*  centigrades. 

30  août.  —  Louis  Ghardiny  fLyon).  —  Guides:  G.  Bajun  et  P. 
Sanson  (dont  je  n'ai  eu  qu'à  me  louer  à  tous  égards).  —  Partis  de 
la  Rencluse  à  2  h.  15  par  un  clair  de  lune  splendide.—  Glacier  très 
mauvais  :  nombreuses  crevasses  nouvelles  qui  nous  forcent  à  de 
fréquents  détours.  —  Arrivés  au.  sommet  à  7  heures  du  matin. 
Temps  splendide  et  chaud,  quelques  nuages  du  côté  de  la  France. 

1  septembre,  -—  A  Degrange-Touziri  (Bordeaux),  du  C.  A.  F.,  sec. 
du  S.  0.  —  Guide  :  H.  Passet.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  15, 
arrivés  au  sommet  à  9  heures.  Temps  assez  doux,  peu  de  vent,  à 
peine  quelques  petits  nuages  très  légers  sur  la  plaine^  mais  très 
loin;  quelques  nuages  aussi  très  élevés  dans  le  sud-est  panorama 
splendide.  —  Baromètre  =  508. 

3  septembre,  — ■  Charles  Puchard  (?)  —  Guides  :  G.  Bajun  et  P. 
Cantaloup.  —  Départ  de  la  Rencluse  à  2  heures,  arrivée  à  7  heu- 
res. —  Mountains  very  clear. 

Même  date,  —  Robert  Warschauer,  James  Horsfall,  Wilhelm 
Lieberoth,  tous  de  Berlin.  —  Guide  :  F.  Barrau.  —  Porteurs  :  J. 
Denard  et  J.  Mora.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30,  déjeuner  au 
Portillon,  neige  très  dure,  un  temps  superbe,  vue  parfaitement 
claire.  —  Arrivés  à  8  h.  15  au  sommet. 

7  septembre,  —  Manuel  Torrabadella,  abogado,  (Barcelona)  y 
Rafaël  Torent  de  16  anos  tambien  de  Barcelona.  —  Guias:  P. 
Sanson  y  D.  Redonnet.  —  Salidos  de  la  Rencluse  à  las  3  1/2,  Uegado 
a  la  cima  a  las  7.  45:  Tiempo  magnifico. 

8  septembre.  —  Léon  Guillain.  —  Guides  :  Bertrand  Gay  et  P. 
Terce  (?).  —  Partis  à  4  h.  20,  arrivés  à  8  h.  20.  —  Temps  superbe. — 
Le  voyageur  et  les  guides  contents  les  uns  des  autres. 


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1883 

27  juin.  —  M.  Homer  (?)  avec  H.  Passet.  —  Impossible  de  trou- 
ver le  registre  par  trop  de  neige.  —  (Note  écrite  par  H,  Passet,  le 
20  août  de  la  même  année), 

26  jui7ï<?f.  —  Victor  Saussier  (Troyes)  et  Gabriel  Grisier  (Paris). 
—  Guides:  P.  Pujo  (Gavarnie)  et  Mariano  Torrente  (Vénasqiie).  — 
Partis  de  l'Hospice  de  Vénasque  à  4  heures,  arrivés  à  9  h.  30.  — 
Temps  passable,  froid. 

2S  juillet.  —  G.  Thuron,  ingénieur,  T.  C.  P.,  E.  Lambrecht,  lieu- 
tenant d'artillerie,  et  G.  Saint-Pierre,  maréchal-des-logis  au  3«  dra- 
gons. —  Guides:  P.  Barraû,  G.  Bajun  et  B.  Salegard.  —  Partis  do 
la  Hencluse  à  3  h.  15,  arrivés  au  sommet  à  9  heures.  Brouillard 
moyen.  Saint-Pierre  déclare  n'y  pas  voir  le  bout,  de  son  nez.  Vent 
assez  fort;  température  d'environ  —  2o.  A  9  heures  15  éclaircie 
sur  Vénasque.  Si'le  brouillard  continue,  Saint-Pierre  prétend  qu'il 
restera  au  Néthou  plutôt  que  de  descendre  le  Pas  de  Mahomet.  — 
9  h.  30,  pas  d'éclaircie,  nous  partons. 

3  août,  —  Etienne  Fould,  propriétaire,  né  à  Paris,  et  Aug.  Flotté, 
son  homme  d'affaires  (Alençon).  —  Guides:  P.  et  F.  Barrau,  — 
Partis  de  la  Rencluse  à  3  h.  30,  arrivés  au  sommet  à  10  heures. 
Temps  couvert  du  côté  de  Luchon,  mais  très  beau  du  côté  de 
l'Espagne. 

5  aou^  —  P.  Passement,  D.  Valette,  X.  de  Liégard,  P.  Perassen, 
E.  Lepidi,  officiers  d'artillerie.  —  Guides  :  M.  et  J.  Barrau,  Charles 
Gouchan.  —  Partis  de  Luchon  à  pied  à  1  heure  le  4  août,  arrivés  à  la 
Rencluse  à  7  h.  15.  —  Partis  de  la  Rencluse  le  lendemain  matin  à 
4  h,,  arrivés  à  8  h.  35  au  sommet  du  pic.  —  Temps  magnifique. 

10  août,  —  Adolphe  Déglise,  M.  Ghapu,  membre  de  l'Institut, 
Madame  Ghapu  et  notre  petite  fille  âgée  de  10  ans.  —  Guides  :  H. 
Jjons  (Saint-Sauveur),  P.  Pujo  (Gavarnie),  B.  Gay  (Luchon).  Nous 
avons  fait  l'ascension  par  un  beau  temps.  Ascension  heureusement 
accomplie  grâce  au  dévouement  des  guides. 

20  août,  —  Denys  de  Champeau,  du  G.  A.  F.  -—  Guide:  H.  Pas- 
set  (Gavarnie).  —  Parti  le  10  août  des  Eaux-Bonnes.  Le  11  j'étais 
au  Balaîtous,  le  13  au  Vignemale,  le  14  au  Mont-Perdu,  le  16  à  la 
Munia,  le  18  au  Posets,  le  19  au  pic  Sauvegarde,  et  le  20,  à  onze 
heures,  au  sommet  de  la  plus  haute  montagne  des  Pyrénées.  — 
Temps  splendide  pour  toute  ma  tournée  ;  impossible  de  faire  un 
plus  splendide  voyage. 

Même  date,  —  F.  E.  L.  S.  Swan,  G.  A.  F.  —  Guides  :  Mariano 
Torrente  (Vénasque)  et  H.  Passet  (Gavarnie).  —  Partis  de  THospice 
de  Vénasque  à  5  h.  30,  arrivés  à  11  heures  au  sommet  du  Néthou 

AcTui  Di  CoMMiKOu,  3*  Uimeslre  1695.  Tome  X.  —  10. 


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(ma  2«  ascension).  —  Le  14  j'étais  au  Mont-Perdu,  le  16  au  pic  Lou- 
seras,  le  18  au  grand  Batchimailie,  le  19  à  Sauvegarde. 

24  aoû^ —  Saunders  Cumming  de  R...  (mot  illisible)  et  V.  T. 
Chambellain  (?),  de  Londres.  —  Guides  :  G.  Bajun  et  P.  Cantaloup. 

—  liCft  Rencluse  l  h.  50  and  arrived  at  summit  6  h.  35  a.  m.  —  Sky 
clear  haze  on  hills. 

8  septembre.  —  Antoine  Benoist,  professeur  à  la  Faculté  des  Let- 
tres de  Toulouse,  Adolphe  Benoist,  substitut  du  procureur  de  la 
République  à  Montluçon  (G.  A.  F.,  sect.  Lyon).  —  Guides  :  Bertrand 
Gourrègc,  67  ans,  né  en  1816,  le  doyen  des  guides  de  Luchon, 
Raphaël  et  Jean  Angusto  (de  Luchon).  —  Partis  de  Luchon  le  4,  à 

4  h.  soir.  —  Du  sommet  des  Posets  le  6,  à  1  heure  soir,  après  avoir 
passé  le  port  d'Oo  et  grimpé  le  pic  des  Hermittans.  Venus  par  la 
ville  de  Vénasque  et  les  Bains  (très  recommandés.  —  Passé  hier 
soir  quelques  minutes  à  l'Hospice  de  Vénasquc,  mais  assez  long- 
temps pour  y  être  écorchés  à  vif.  —  Subi  Thospitalité  peu  écos- 
saise de  Sébastiano  à  la  Rencluse.  —  Partis  <de  la  Rencluse  à 

5  heures,  arrivés  au  sommet  9  h.  20.  —  Temps  admirable,  pas  de 
vent.  — -  Barom.  mu  502.  Coloration  intense,  mer  de  nuages  sur  les 
plaines.  —  Nos  trois  guides  n'ont  pas  été  seulement  irréprocha- 
bles, mais  par  dessus  tout  les  plus  sympathiques  compagnons  que 
Ton  puisse  trouver  pour  une  excursion  do  plusieurs  jours. 

10  septembre,  —  Antonio  Escofet  y  Nette  et  et  Arthur  W.  Taylor 

—  Guides  ;  P  Sanson  et  L.  Sanson  son  neveu.  —  Partis  de  la  Ren- 
cluse à  4  h.  45,  arrivés  au  sommet  du  pic  à  8  h.  40  par  un  temps 
magnifique.  —  Nous  ne  pouvons  faire  trop  d'éloges  de  nos  guides. 
Ils  ont  fait  preuve  d'une  parfaite  connaissance  du  chemin  que 
nous  suivions. 

Faim  dévorante  en  arrivant  au  pic;  expédié  pour  l'éternité  un 
tendre  dindon  et  bu  deux  bouteilles  de  vin.  Après  quoi  nous  nous 
sommes  mis  tranquillement  à  admirer  la  nature.  Temps  splen- 
dide,  beau  partout.  —  Quand  on  se  trouve  sur  ces  hauteurs,  ayant 
sous  les  pieds  des  forêts  de  montagnes,  des  plaines  à  perte  de 
vue,  on  se  sent  grand  par  rapport  au  monde  d'en  bas,  et  petit  par 
rapport  au  monde  infini  d'en  haut. 

[Les  pages  38,  39,  40  et  41,  ont  été  déchirées  par  dés  touristes  ou  des  guides  indélicate, 
malheureusement  inconnus.  —  KUes  étaient  consacrées  aux  ascensions  des  années  1894, 
1885  et  partie  de  1886.  Leur  regrellable  suppression  nous  empêche  de  consigner  dans  notre 
travail  les  noms  des  excursionnistes  et  des  guides,  qui,  pendant  ces  deux  années  el  demie, 
ont  atteint  le  sommet  du  Néthou.  —  Nous  avions  espéré  trouver  sur  les  carnets  des  gui- 
des dos  indications  nous  permetlrnt  de  combler  celte  lacune.  Mais  là  encore  nous  avons 
été  complètement  trompé  dans  notre  attente.  Par  indifférence  ou  tout  autre  motif,  ils  né- 
ftligenl  do  faire  inscrire  les  ascensions  sur  leurs  livrets,  ou  n'en  ont  pas.  Nous  n'y  avons 
relevé  que  G  ou  7  courses  au  Néthou.  Nous  allons  les  indiquer  à  leur  lieu  et  place.  11  en 
sera  de  même  pour  les  notices  des  trois  seules  escalades  de  188ô  qui  aient  échappé  aux 
mains  des  Vandales  alpinistes.]  (A  suivre.) 


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ANNIBAL  à  LUCHON? 


I.a  dernière  livraison  do  la  Revue  de  Comminges  contient  un 
article,  d'ailleurs  très  intéressant,  où  M.  Astrié  trace  les  principa- 
les phases  de  Tliistoire  do  Luchon  à  travers  les  âges.  Dans  cet 
article,  Fauteur  n'hésite  pas  à  soutenir  l'opinion  qu'Annibal  aurait 
franchi  les  Pyrénées  par  le  port  de  Vénasque  et  aurait  campé, 
avec  son  armée,  au  pied  de  Superbagnères,  pour,  de  là,  traverser 
le  sud  de  la  Gaule  et  envahir  Tltalie. 

Fidèle  au  principe  qu'elle  a  adopté  lors  de  sa  création,  la  Société 
des  études  du  Comminges,  tout  en  laissant  à  Tauteur  la  responsa- 
bilité personnelle  de  ses  assertions,  ne  peut  que  formuler  à  ce 
sujet  des  réserves  formelles. 

Sans  doute,  si  le  passage  du  port  de  Vénasque  ou  de  la  Glère 
par  les  Carthaginois  était  basé  sur  des  documents  certains,  cet 
événement  constituerait,  à  coup  sûr,  pour  notre  contrée,  un  sou- 
venir historique  des  plus  intéressants.  Mais  on  sait  qu'avant  de 
pénétrer  en  Gaule,  Annibal  avait  dû  faire  le  siège  de  Sagonte, 
ville  alliée  des  Romains  et  située  à  30  kilomètres  environ  de  la 
Valence  moderne.  Ce  siège  avait  duré  deux  ans  et  beaucoup 
éprouvé  les  Carthaginois  qui  avaient  subi  de  grosses  pertes, 
r/armée  victorieuse  était  harassée  et  presque  démoralisée.  C'est 
au  point  qu'Annibal,  pour  ne  pas  compromettre  sa  marche  vers 
les  Pyrénées,  dut  faire  appel  à  la  bonne  volonté  do  ses  sol- 
dats dont  dix  mille,  complètement  décourages,  quittèrent  le  gros 
de  Tarmée  et  regagnèrent  leurs  premiers  cantonnements.  Comment 
Annibal,  à  la  tète  d*une  armée  déjà  si  éprouvée  et  réduite  à  80 
mille  hommes,  aurait-il  commis  l'imprudence  d'abandonner  une 
route  qui  s'ouvrait  naturellement  devant  lui,  à  peu  de  distance  de 
la  mer,  pour  faire  un  crochet  d'au  moins  100  lieues,  et  cela  pour 
tenter  le  passage  des  Pyrénées  par  un  des  points  les  plus  difficiles 
et  les  plus  dangereux  avec  la  certitude  de  s'exposer  inutilement  à 
de  nouvelles  et  peut-être  à  d'irréparables  pertes  ?  11  est  vrai  que 
les  obstacles  matériels  n'arrêtent  jamais  des  hommes  déterminés 
et  surtout  un  homme  de  génie  comme  Annibal.  Mais,  malgré  son 
extrême  jeunesse,  ce  grand  homme  était  trop  avisé  pour  lâcher 
facilement  la  proie  pour  l'ombre.  D'ailleurs,  il  avait  entamé  des 
pourparlers  avec  certains  chefs  Gaulois  qui  se  disposaient  à  lui 
disputer  le  passage  et  avait  réussi,  à  force  do  présents,  à  obtenir 
leur  neutralité.  Pouvait-il,  dès  lors,  tout  en  abandonnant  une 
route  relativement  courte,  négliger  les  résultats  obtenus,  pour  se 
lancer  au  devant  d'aventures  propres  à  compromettre  le  sort  de 
de  son  expédition?  Nous  ne  le- pensons  pas.  Selon  nous,  il  y  avait  là 
une  impossibilité,  sinon  matérielle  tout  au  moins  morale.  Et  c'est 
pourquoi  la  production  de  pièces  authentiques  nous  paraît  indis- 
pensable pour  nous  aider  à  élucider  ce  point  si  important,  et  encore 
si  incertain,  de  notre  histoire  locale. 

Hippolyte  Gabannes. 


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MANDEMENT 

DE  Mgr  Gabriel-Olivier  de  Lubière  du  Bouchet 

Évêque  de  Comminges 

POUR  LES  HABITANTS  DE  LA  VALLÉE  D'ARAN  (ESPAGNE) 


AVERTISSEMENT 


En  1642,  Mgr  Hugues  II  de  Labatut,  alors  évêque 
de  Comminges,  engagea  les  habitants  de  la  vallée 
d'Aran  à  se  soumettre  docilement  aux  instructions 
épiscopales  contre  lesquelles  ils  étaient  très  prévenus  ; 
il  leur  envoya  à  cet  effet  un  saint  et  zélé  mission- 
naire qui,  s'exposant  à  de  grandes  privations  et  à  de 
grands  dangers,  y  travailla  quelque  temps  avec  Tar- 
deur  et  Tamour  d'un  véritable  apôtre;  Tévêque  espérait 
par  ce  moyen,  préparer  les  voies  de  la  visite  épisco- 
pale  qu'il  se  proposait  d'y  faire  sous  peu  de  temps; 
on  sait  comment  le  zélé  missionnaire  y  fut  reçu  1. 

Sur  ces  entrefaites^  Mgr  de  Labatut  rendit  son  âme  à 
Dieu',  et,  pour  comble  de  malheur,  le  fléau  de  la 
guerre  fondit  sur  ladite  vallée. 

Mgr  de  Choiseul  du  Plessis  Praslin  succéda  à  Mgr 
de  Labatut,  et  à  peine  arrivé  dans  son  diocèse  — 
9  août  1646  —  entreprit  la  visite  projetée  par  son 
prédécesseur  dans  cette  pauvre  vallée  ;  il  s'adressa 
tant  aux  prêtres  qu'aux  laïques,  les  encouragea  avec 


1.  Voir  "  Une  Mission  dans  la  vallée  d'Âran  en  1642  ".  —  Kevue  de  Comminges,  t.  VIII, 
année  1898. 

2.  Son  cœur  Tut  inhumé  dans  l'église  collégiale  de  Saint*G«udeu8»  où  se  voit  encore  la 
plaqne  funèbre.  —  Voir  Revue  de  Cmmingee,  t.  IX,  p.  277. 


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calme  et  fermeté,  et  leur  donna  les  fameux  règlements 
et  ordonnances,  datés  de  Vieille  du  23  septem- 
bre 1646. 

Depuis  cette  époque,  78  ans  s'écoulèrent,  Dieu 
sait  dans  quelles  conditions  I  L'irritabilité  était  à  son 
comble  parmi  les  habitants  de  cette  vallée,  devenus  le 
jouet  continuel  des  compétitions  de  parti. 

En  1724,  le  désordre  moral  régnait  jusque  dans  le 
sanctuaire.  Mgr  Gabriel  Olivier  de  Lubière  du  Bou- 
chot, alors  évêque  de  ce  diocèse,  y  apporta  remède  en 
publiant  un  mandement  spécial  pour  les  habitants  de 
la  vallée  d'Aran,  à  la  suite  duquel  furent  renouvelés 
les  règlements  et  ordonnances  de  Mgr  de  Choiseul^  du 
25  septembre  1646. 

Le  mandement  de  Mgr  du  Bouchot  (1724)  existe  en 
partie,  dans  les  archives  de  l'église  de  Bosost  (Espa- 
gne), où  nous  l'avons  découvert  et  copié  textuellement 
dans  les  premiers  jours  de  septembre  1886,  en  compa- 
gnie de  notre  savant  ami  M.  Jules  de  Laurière;  depuis  • 
cette  époque  nous  n'avons  point  négligé  de  faire  des 
recherches  pour  retrouver  ce  qui  manquait  de  ce  pré- 
cieux document,  et  c'est  grâce  à  l'aimable  complai- 
sance d'un  ami  commingeois  qui  nous  a  permis  une 
incursion  dans  ses  vieilles  archives,  que  nous  avons 
le  plaisir  d'offrir  aujourd'hui  à  nos  lecteurs  le  mande- 
ment de  1724,  in  extenso.  N'omettons  pas  de  dire 
que^  dans  ces  recherches  la  fortune  nous  a  souri  à 
ce  point  que,  la  pièce  récemment  découverte  ne  con- 
tient tout  juste  que  ce  qui  fait  défaut  au  document  de 
Bosost. 

Au  cours  de  ces  patientes  investigations  nous  avons 
trouvé  des  notes  biographiques  très  intéressantes  sur 
Mgr  de  Choiseul  du  Plessis  Praslin,  ainsi  que  sur 
Mgr  Gabriel  Olivier  de  Lubière  du  Bouchot,  évêques 
de  Comminges  et  auteurs  des  mandement  et  ordon- 
nances que  nous  publions  aujourd'hui.  Nous  croyons 


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qu'il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  faire  connaître  ces 
deux  belles  figures  d'évêques  qui  dirigèrent  nos  aïeux 
avec  autant  de  zèle  que  de  persévérance. 

Luchon,  le  2  février  1894.  B.  Bernard. 


Mgr  Gilbert  de  Choiseul  da  Plessîs  Fraslin 

Évêque  de  Comminges  (1644-1671) 

Mgr  Gilbert  de  Choiseul  du  Plessis  Praslin  était  fils 
de  Frédéric,  comte  du  Plessis,  vicomte  d'Oste  et  d'Oi- 
gny,  baron  de  Chammay  ;  et  de  Madeleine-Barthé- 
lémy, fille  de  Guillaume,  seigneur  de  Beauverger,  et 
de  Marie  Hennequin. 

Docteur  en  Sorbonne,  il  fut  nOmmé  évêque  le 
23  mai  1644,  et  sacré  à  Paris  le  8  avril  1646,  dans 
l'église  des  Pères  Minimes,  par  Dominique  de  Vie, 
archevêque  d'Auch,  assisté  de  François  Mallieu,  évê- 
que de  Troyes,  et  Gilles  Bontaul,  évêque  d'Aire,  en 
présence  du  cardinal  François  Barberini  et  d'une 
bonne  partie  du  clergé  de  France  alors  rassemblé  à 
Paris.  A  l'occasion  de  son  sacre,  le  nouveau  prélat  se 
démit  des  abbayes  de  Bullencuria,  de  Cantumarula,  de 
Bassofonte  dont  il  était  pourvu,  ne  gardant  que  celle 
de  Saint-Martin  de  Tours  où  il  attira  les  chanoines 
réguliers  de  la  congrégation  de  France. 

Mgr  Hugues  de  Labatut^  évêque  de  Comminges, 
accablé  par  la  maladie,  avait  pensé  à  le  demander  pour 
son  successeur:  la  mort  ne  lui  en  ayant  pas  laissé  le 
temps,  c'est  à  l'influence  de  la  Reine,  mère  de 
Louis  XIV,  qu'il  dut  sa  nomination. 

Arrivé  en  Comminges  le  9  août  1646,  il  s'occupa 
immédiatement  de  visiter  son  diocèse,  et  commença 
par  la  vallée  d'Aran  (Espagne)». 

f .  Larcher  t'exprime  ainsi  :  t  H  commença  ses  Tisitea  par  des  lieux  affîreax  oà  l'on 
vait  jamais  tu  d'ëTéque... 


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Malgré  les  ravages  que  la  peste  fesait  en  ce  temps 
dans  le  pays  de  Comminges,  le  pieux  pontife  allait  de 
jour  et  de  nuit,  au  péril  de  sa  vie,  administrer  les 
sacrements  et  porter  des  remèdes  et  des  aliments  aux 
pestiférés  :  son  exemple  fît  rougir  de  honte  nombre  de 
prêtres  que  le  danger  avait  dispersés  et  qui  revinrent 
à  leur  poste  pour  secourir  leurs  paroissiens. 

Cet  évoque  fonda  le  séminaire  de  Saint-Gaudens 
et  rebâtit  presque  en  entier  le  château  épiscopal  d'Alan  ; 
on  a  de  lui  un  mandement  remarquable  sur  le  Jubilé 
de  Saint-Bertrand,  publié  en  1652. 

Le  30  août  1661^  assisté  de  Jean,  évêque  de  Saint- 
Papoul,  il  fît  la  translation  des  reliques  de  saint  Gau- 
dens  qu'il  déposa  dans  un  superbe  buste  d'argent  ;  les 
deux  prélats  célébrèrent  en  chaire  les  vertus  et  les 
mérites  du  saint  martyr. 

Sa  charité  le  portait  à  s'occuper  de  la  réconciliation 
des  familles,  et  en  particulier  des  différends  qui  pou- 
vaient exister  entre  gentilshommes:  son  entremise 
évita  souvent  desi  rencontres  fâcheuses. 

Il  était  en  grande  relation  avec  Nicolas  de  Pavillon, 
évêque  d'Alet,  et  avec  Armand  le  Bouthilier  de  Rancé  : 
ce  dernier  ayant  songé  à  se  faire  ermite  en  Commin- 
ges, l'évêque  l'en  détourna  et  lui  conseilla  de  se  réfor- 
mer dans  son  abbaye  de  la  Trappe. 

Il  prépara  la  paix  de  Clément  IX,  sur  les  disputes 
théologiques,  et  les  propositions  de  Jansénius,  et  écri- 
vit à  ce  sujet  au  roi  Louis  XIV  une  lettre  qui  atteste 
la  science,  la  sagesse  et  les  talents  de  son  auteur. 

Mgr  Choiseul  du  Plessis  Praslin,  en  faveur  duquel 
aurait  voulu  se  démettre  l'archevêque  de  Narbonne, 
avait  opposé  à  ces  offres  brillantes  un  refus  absolu.  Il 
fut  cependant,  malgré  sa  résistance,  transféré  en  1671 
à  l'évêché  de  Tournai  :  c'était  le  vœu  du  Roi.  Mais 
n'ayant  pu  s'accommoder  aux  coutumes  flamandes,  il 
ne  tarda  pas  à  résigner  ce  nouveau  siège,  pour  se 


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272 

retirer  à  Paris,  où  il  mourut  en  1689,  âgé  de  76  ans, 
et  justement  considéré  par  les  contemporains  comme 
l'un  des  plus  savants,  des  plus  illustres  et  des  plus 
pieux  évêques  de  son  temps. 


Mgr  Gabriel-Olivier  de  Lubière  du  Bouchet 

Évêque  de  Comminges  (17 10-1740) 

Mgr  Gabriel-Olivier  de  Lubière  du  Bouchet,  natif 
de  Saint-Pourceain,  en  Auvergne,  était  chantre  de 
l'église  de  Rhodez,  lorsque,  le  29  mars  1710,  il  fut 
sacré  évêque  par  Jacques  de  Matignon,  ancien  évêque 
de  Condom^  assisté  des  évêques  de  Cahors  et  de 
Nimes;  il  prêta  serment  le  4  avril  de  cette  même 
année,  fut  nommé  évêque  de  Comminges  le  22  juillet 
1710  et  s'y  rendit  en  juillet  1711  :  il  fît  sa  première 
ordination  au  mois  de  septembre  1711,  dans  l'église 
des  religieuses  de  Notre-Dame  à  Saint-Gaudens. 

Le  47  février  1712,  il  donna  un  mandement  pour  la 
publication  de  l'édit  de  Henry  II,  contre  les  filles  et 
veuves  qui  cachaient  leur  grossesse. 

Par  mandement  du  2  novembre  1712,  il  établit  des 
règlements  pour  l'ouverture  et  la  conduite  du  sémi- 
naire du  diocèse,  auquel  il  avait  mis  la  dernière  main. 

Le  12  juin  1713,  il  donna  un  mandemement  pour  la 
publication  de  la  paix. 

En  1714,  il  publia  un  mandement  au  sujet  de  la 
Constitution  U?iige?iitus  du  pape  Clément  XI. 

En  1716,  il  donna  un  mandement  ordonnant  une 
quête  pour  le  rachat  des  captifs  et  la  réparation  de 
l'église  du  Saint-Sépulcre. 

En  1719,  il  publia  un  mandement  sur  le  renvoi  des 
fêtes,  réservant  à  soi  les  crimes  de  parjure,  de  ceux 
qui  empêchent  la  liberté  des  affermes,  et  touchant 
ceux  qui  quêtaient  sans  mandement. 


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S73 

En  1720,  il  publia  un  avertissement  pour  le  Jubilé 
de  Saint-Bertrand  et  une  formule  de  l'absolution  que 
les  confesseurs  devaient  donner  ; 

Par  un  mandement  du  9  juin  de  cette  même  année 
il  permit  une  quête  pour  les  Quinze- Vingts. 

En  1721,  il  ordonna  une  quête  pour  les  incendiés 
de  Rennes  et  pour  les  pestiférés  de  Provence,  et  une 
autre  pour  le  Jubilé. 

En  1723,  les  habitants  de  Bagnères-de-Luchon 
ayant  été  pillés  et  incendiés  par  les  Miquelets  qui 
y  étaient  descendus,  il  ordonna  une  quête  pour  eux. 

En  1724,  il  ordonna  une  autre  quête  pour  les 
Quinze- Vingts  ;  cette  même  année  il  adressa  un  mande- 
ment aux  habitants  de  la  vallée  d'Aran  (Espagne)  avec 
renouvellement  des  règlements  et  ordonnances  de 
Monseigneur  de  Choiseul  du  Plessin  Praslin,  du  25 
septembre  1646.  Les  Aranais  refusèrent  de  se  sou- 
mettre à  ce  mandement;  Mgr  du  Bouchet  fît  appel  au 
métropolitain  d'Auch,  qui  le  confirma;  appel  en  cour 
de  Rome,  qui  le  renvoya  à  l'évêque  de  Lombez;  celui- 
ci  prononça  en  faveur  de  Tévêque  de  Comminges  qui 
fit  autoriser  son  mandement  par  le  Conseil  souverain 
du  roi  d'Espagne  dont  Tarrêt  fut  exécuté  par  les  Ara- 
nais, sans  plus  de  résistance. 

Au  mois  de  juillet  1726,  il  ordonna  des  prières  pour 
le  Roi,  à  Toccasion  du  gouvernement  de  ses  états, 
qu'il  avait  entrepris  de  faire  par  lui-même. 

Au  mois  de  juin  1727,  il  ordonna  des  prières  pour  la 
Reine  pendant  sa  grossesse,  et  Tannée  suivante  il 
ordonna  des  prières  à  l'occasion  de  la  naissance  du 
Dauphin. 

Mgr  du  Bouchet  a  entrepris  plusieurs  affaires 
et  n'a  rien  négligé  pour  les  mener  à  bonne  fin  :  le 
Directeur  du  monastère  des  Dames  religieuses  de 
Fabas  ayant  voulu  se  produire  plus  qu'il  ne  lui  con- 
venait, il  en  porta  plainte  à  l'abbé  de  Morimond,  et 


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274 

n'ayant  pas  eu  satisfaction,  il  fît  informel'  contre  ce 
Religieux  et  poursuivit  TafiFaire  jusqu'au  Conseil; 
l'arrêt  qui  intervint  a  été  inséré  dans  les  Mémoires  du 
clergé  de  France. 

Mgr  du  Bouchet  était  bon  ami,  mais  cruel  ennemi, 
facile  à  prévenir,  politique,  faisant  la  cour  à  ceux  qui 
pouvaient  le  servir,  tenant  le  haut  rang  avec  les 
ecclésiastiques  de  son  diocèse,  décidant  tout  et  réglant 
tout  par  lui-même. 

Au  mois  de  septembre  1737,  étant  aux  États  de 
Montpellier,  il  tomba  malade,  on  le  crut  atteint  d'une 
attaque  d'apoplexie  ;  revenu  médiocrement  à  la  santé, 
il  ne  fit  plus  de  fonctions  épiscopales,  mais  continua 
de  gouverner  son  diocèse. 

En  1739,  il  donna  sa  démission  entre  les  mains  du 
Roi  —  néanmoins  sous  réserve  de  cinq  mille  livres  — 
et  eut  pour  successeur  Mgr  de  Lastic. 

Mgr  du  Bouchet,  pressentant,  sa  fin  dernière,  régla 
ses  honneurs  funèbres,  fit  inventaire  de  ses  effets,  et 
mourut  au  château  d'Alan  le  19  septembre  1740. 

Son  cœur  fut  inhumé  dans  l'église  cathédrale  de 
Saint-Bertrand,  auprès  du  maître-autel;  ses  entrailles 
restèrent  à  la  chapelle  du  château^  et  son  corps  fut 
porté  à  l'hospice  des  Frères  de  la  Charité,  dit  de  Notre- 
Dame  de  Lorette,  qu'il  avait  fondé  tout  près  .d'Alan. 

B.  BERNARD. 

(A  suivre J 


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RECHERCHES  ARCHEOLOGIQUES 

SUH  LA 

HAUTE  VALLÉE  DE  LA  SAVE 


ÈRE   ANCIENNE 


II 
Les   Édifices 

Nous  reprenons  dans  ce  numéro,  pour  être  continuée  sans  interruption,  la  suite  mo- 
mentanément suspendue  dés  savantes  Recherches  arcliéologiques  do  M.  Tabbé  Courel 
dans  la  haute  Vallée  de  la  Save. 

Tout  ce  qui  a  trait  à  l'Ère  préhistorique,  ainsi  qu'aux  camps  retranchés  de  VÈre 
anciennej  a  déjà  paru.  L'auteur  aborde  aujourd'hui  la  description  et  l'étude  des  édifices 
par  lui  découverts  et  qui  appartiennent  à  cette  dernière  époque. 

I 

Avezac  et  sa  Chapelle  de  N.-D. 

I.  —  ÈRE  PAYENNE 

AvBZAC  —  section  de  la  commune  de  Gharlas  —  n'est  séparé  de 
son  chef-lieu  que  par  la  Save  qui  coule  lentement,  ici,  à  travers 
de  belles  prairies  et  d'épais  ramiers.  Après  Montmaurin,  qui 
défie  toute  comparaison  par  l'importance  et  le  nombre  de  ses  rui- 
nes archéologiques,  Avezac  est  incontestablement  l'un  des  sites 
de  notre  pays  les  plus  riches  en  monuments  de  l'époque  romaine 
ou  gallo-romaine. 

S'il  fallait  en  croire  la  tradition,  une  cité  considérable  aurait 
autrefois  occupé  tous  les  champs  compris  entre  Avezac  et  la  fon- 
taine de  Ouerris  au  pied  des  rochers  de  Lespugue.  Les  nom- 
breux fragments  de  tuiles  à  rebords,  de  plaques  de  marbre,  de 
mosaïques  et  d'hypocaustes  exhumés  par  la  charrue  dans  ce  quar- 
tier nous  permettent,  en  tout  cas,  d'affirmer,  qu'à  défaut  d'une 
ville,  là  du  moins  s'élevèrent  jadis  de  superbes  villas,  richement 
décorées,  et  des  thermes  dont  les  vestiges  encore  subsistants  il 
y  a  peu  d'années  attestaient  l'importance. 


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276 

I/antiquité  avait  accumulé  au  lieu  d'Avezac  de  vrais  trésors 
artistiques.  Il  suffît  encorjB  aujourd'hui,  pour  s'en  convaincre, 
d'étudier  avec  attention  les  restes  de  son  sanctuaire  et  les  précieux 
monuments  dont  il  a  été  dépouillé  à  diverses  époques. 

L'origine  de  la  chapelle  de  N.-t).  d'Avezac  ne  doit  guère  différer 
de  celle  de  sa  voisine  de  Montmaurin.  Ici  comme  là.  Gaulois 
d'abord,  Romains  ensuite  firent  fumer  l'encens  devant  de  fausses 
divinités.  Nul  doute  à  cet  égard  ne  peut  subsister  en  présence  des 
monuments  dédiés. aux  dieux  Mânes,  des  stèles,  des  inscriptions 
antiques,  des  débris  de  statues  (d'idoles  sans  doute)  et  des  autels 
païens  que  renfermait  son  enceinte  et  dont  on  ne  saurait  trop 
regretter  la  dispersion  dans  l'intérêt  de  l'histoire  de  la  localité,  du 
canton  et  du  pays.  Arrachés  à  l'édifice  dont  ils  faisaient  l'orne- 
ment et  la  gloire,  ces  objets  aujourd'hui  relégués  dans  la  poussière 
des  cabinets,  sont  presque  à  tout  jamais  perdus  pour  la  science. 

MM.  Chambert  et  Julien  Sacaze  se  sont  approprié  la  plupart 
de  ces  précieuses  reliques.  Seules,  quelques  rares  épaves,  encas- 
trées dans  les  murailles,  sont  restées  pour  nous  rappeler  la 
fragilité  des  choses  terrestres. 

Ce  qui,  de  nos  jours,  frappe  d'abord  le  regard  de  l'archéologue, 
à  l'entrée  du  presbytère,  ce  sont  quatre  colonnes  carrées,  en  mar- 
bre rouge,  d'une  hauteur  de  près  de  1  mètre  sur  0"°  16.  Mises  à 
jour,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  pendant  qu'on  démolissait  le 
pavé  de  l'ancien  sanctuaire,  elles  étaient  accompagnées  d'une 
grande  dalle,  également  en  marbre  :  une  petite  cavité,  pratiquée  au 
centre  de  leur  base,  indique  qu'elles  étaient  assujetties  à  un  pié- 
destal composé,  vraisemblablement,  de  plusieurs  degrés  ou  mar- 
chepieds. 

Lors  de  ma  première  visite  à  Avezac,  il  y  avait,  dans  le 
porche  de  l'église ,  plusieurs  stèles  remarquables.  Il  n'en  reste 
aujourd'hui  que  la  moins  belle,  encastrée  dans  le  mur  du  jardin 
du  presbytère.  Elle  représente  deux  personnages  de  distinction, 
s'il  faut  en  juger  par  les  draperies  dont  ils  sont  revêtus  et  les 
ornements  ou  bijoux  de  leur  chevelure.  Presque  semblable  à  Tune 
des  stèles  de  Sarrecavo,  elle  fut  érigée,  selon  toute  apparence, 
pour  perpétuer  le  souvenir  de  deux  époux  morts  à  la  fleur  de 
l'âge.  Beaucoup  des  inscriptions  qu'on  lisait  autrefois  à  Avezac 
n'existent  plus  aujourd'hui  ;  ce  qui  diminue  mes  regrets,  c'est 
que  presque  toutes  étaient  incomplètes,  tronquées.  Comme  à  Mont- 
maurin, la  hache  et  le  marteau  du  barbare  avaient,  ici,  exercé 
leurs  ravages.  I/une  d'elles  avait  tellement  souffert  qu'elle  ne 
portait  plus  que  ces  lettres  VVLSI....  On  lisait  sur  un  autre  tron- 
çon... GALI  FIL  V.S.L.M. 

Une  autre  inscription,  la  mieux  conservée,  rappelait  que  Marcel* 


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277  ■ 

liiîus  (?),  fils  de  Somborabon,  avait,  de  son  propre  gré,  érigé  ce 

monument,  selon  le  vœu  qu'il  avait  fait  LLINV8  SOMBERA- 

BON.  F.  V.S.L.M. 

Il  y  a  lieu  de  renouveler,  ici,  la  réflexion,  déjà  faite  ailleurs,  sur 
la  fusion  des  Romains  vainqueurs  avec  les  Gaulois  vaincus.  Le  père 
Somberabon  conserve  son  nom  gaulois;  quant  au  fils,  qui  a  subi 
l'influence  et  l'ascendant  de  Rome,  il  porte  un  nom  romain  : 
....LLINVS  F. 

Anticipant  sur  Tère  chrétienne  de  notre  chapelle,  rappelons 
encore  deux  inscriptions  ainsi  conçues  :  1637.  S.  DE  RIVOR.  PIE- 
TEM  ADHIBT.  VISCERA  PIETATIS.  —  1640.  G.  DE  LOGIS. 

Le  mur  de  clôture  du  presbytère  est  tapissé  de  débris  de  sculp- 
tures anciennes  qui,  certainement  ont  fait  partie  d'un  très  riche 
édifice;  mais  ce  qui  nous  en  reste  est  insuffisant  pour  permettre 
de  se  prononcer  sur  l'ensemble.  Parmi  les  débris  exhumés  il  en 
est  plusieurs  qui  demandent  une  mention  spéciale. 

Signalons,  d'abord,  un  buste  décapité,  en  marbre  blanc.  Les 
draperies  dont  il  est  revêtu  devaient  lui  donner  beaucoup  de 
grâce  et  de  majesté  '.  Je  crois  que  ce  pouvait  être  les  restes  de 
l'idole  vénérée  dans  ce  temple  par  les  payens,  ou  peut-être  encore 
le  couvercle  do  l'un  des  sarcophages  chrétiens  exhumés  dans  le 
cimetière  voisin. 

2«  Un  autre  monument,  d'un  très  grand  intérêt,  c'est  un  magni- 
fique pourceau,  en  marbre,  peut-être  un  sanglier,  trouvé  sous 
le  pavé  du  sanctuaire  pendant  qu'on  travaillait  à  sa  restauration. 
11  a  malheureusement  disparu  avec  beaucoup  d'autres  sculptures 
non  moins  précieuses,  devenues  la  propriété  de  M.  Gham- 
bert.  Que  penser  de  la  présence^  ici,  de  ce  beau  marbre?  Etait-ce 
une  idole  antique  que  les  premiers  chrétiens  auraient  fait  dispa- 
raître, tandis  qu'ils  en  mutilaient  tant  d'autres  et  qu'ils  renver- 
saient les  autels  des  fausses  divinités  pour  leur  substituer  les 
autels  de  Jésus-Ghrist,  de  la  Sainte-Vierge  et  des  Saints  ?  Ge 
monument  remarquable  pourrait  bien  être  un  des  lares  porcins, 
Lares  grundiles^  si  connus  des  Romams  et  si  vénérés,  à  Rome, 
depuis  que  Romulus  leur  avait  élevé  des  autels  en  souvenir  d'une 
truie  qui  avait  donné  le  jour  à  trente  petits  de  son  espèce. 

Ge  marbre  était  peut-être  un  hommage  des  Romains  vainqueurs 
à  la  religion  des  vaincus  ;  car,  comme  nous  l'avons  déjà  insinué 
ailleurs,  Rome  affectait  partout  et  toujours,  par  politique,  le  plus 
grand  respect  pour  les  lois^  les  usages  et  la  religion  des  peuples 
vaincus.  On  ne  trouve  guère  d'exceptions  qu'à  l'égard  des  druides 
pour  les  sacrifices  humains. 

i.  Voir  à  la  plonche  A. 


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378 

D'ailleurs  tout  le  monde  sait  que  nos  pères  les  Gaulois  sont 
venus  des  forêts  du  Nord  et  du  plateau  central  de  l'Asie.  Or,  en 
Orient  comme  au  Septentrion,  le  porc  et  le  sanglier  ont  été  regar- 
dés comme  le  symbole  d'une  puissante  divinité  et  souvent  ils  en 
recevaient  les  hommages.  Au  rapport  do  Tacite,  dont  personne 
ne  contestera  Fautorité,  les  Estyens  de  Germanie  portaient  sur 
eux,  comme  un  préservatif  efficace,  l'image  du  sanglier.  ..  : 
«  Insigne  superstitionis,  formas  aprorum  gestant*  »,  tandis  que 
d'autres  peuples  du  Nord  immolaient  au  soleil  le  pourceau  sacré. 

3«  Sur  l'un  des  cippes  trouvés  sous  l'autel  avec  tant  d'autres 
vestiges  du  paganisme,  on  lisait  seulement  ce  nom  propre  au  nomi- 
natif: APOLLONIVS.  L'iiistoire  nous  fait  connaître  plusieurs 
personnages  de  ce  nom.  Je  pense  que  celui  qui  nous  occupe  était 
le  fameux  philosophe  pythagoricien,  Apollonius  de  Tyane.  On 
sait,  en  effet,  que  ses  impostures  lui  méritèrent  des  autels,  chez 
les  payens,  et  qu'on  alla  même,  comme  Voltaire  plus  tard,  jusqu'à 
le  mettre  en  parallèle  avec  N.  S.  Jésus-Christ,  son  contemporain. 
Ce  cippe  et  son  inscription  étaient  peut-être  aux  pieds  du  buste 
drapé  dont  nous  avons  parlé  et  attiraient  les  regards  du  visiteur 
sur  la  statue  du  philosophe  divinisé. 

40  Jupiter,  le  maître  des  dieux,  a  certainement  été  honoré,  ^ 
Avezac,  d'un  culte  tout  particulier.  Parmi  les  monuments  qui  le 
prouvent  surabondamment,  il  faut  signaler  un  autel  en  mar- 
bre blanc,  (cippus  V.  planche  n^  1)  le  plus  beau  que  j'aie 
rencontré  dans  notre  pays,  avec  ceux  de  Gastelbiague  et  de  Tlsle- 
en-Dodon.  11  mesure  0^90  cent,  en  hauteur  sur  0™60  d'épaisseur. 
Sa  coupe  indique  clairement  qu'il  était  adossé  à  une  muraille:  car 
les  ornements  qui  décorent  la  face  et  les  latéraux  font  complète- 
ment défaut  au  côté  postérieur.  La  face  principale  porte  l'inscrip- 
tion suivante  :  I.O.M.,  à  Jupiter  le  plus  grand  et  le  meilleur  des 
dieux.  Une  patère  (prœforium)  et  une  amphore  très-élégante  déco- 
rent les  latéraux. 'C'étaient  deux  des  instruments  dont  on  se  ser- 
vait pour  les  sacrifices.  La  partie  supérieure  se  termine  en  hémi- 
cycle dont  le  centre  présente  une  cavité  de  0  «  10  cent,  sur  un  dia- 
mètre égal.  Des  rainures  peu  profondes  y  prennent  naissance  et  se 
dirigent  symétriquement  de  chaque  côté.  Quelques-uns  veulent 
voir,  dans  cette  cavité,  un  récipient  pour  les  eaux  lustrales,  en 
usage  chez  les  payens  ;  c'était  le  sentiment  de  J.  Sacaze,  mais  je  ne 
puis  le  partager.  Je  ne  suis  point  de  l'avis  d'un  plus  grand  nombre 
sur  la  destination  de  ce  beau  monument.  Selon  eux  on  immolait  à 
Jupiter,  sur  cet  autel,  les  victimes  ordinaires  des  sacriGces;  quant 
aux  rainures  qui  y  sont  pratiquées,  elles  servaient  à  l'écoulement 

1.  Httu»  dei  Germaini,  cap.  45. 


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279 

du  sang.  C'est  une  grave  erreur  qu'il  est  facile  de  réfuter.  En  eiîet, 
tous  les  auteFs  destinés  aux  sacrifices  sanglants  sont  invariable- 
ment munis  d'une  cavité  supérieure  qui  correspond  à  une  ouver- 
ture inférieure  par  laquelle  s'échappait  le  sang  des  victimes. 
C'était  VAra  proprement  dit,  ou  l'^ra  sanguinolent  ».  A  côté  do 
lautel  était  disposée  une  table,  généralement  en  marbre,  sur 
laquelle  on  enfarinait  les  membres  de  la  victime  avec  un  mélange 
d'encens,  d'huile  et  d'aromates,  avant  de  les  jeter  sur  le  feu  sacré. 
Il  est  probable  que  la  dalle  et  les  quatre  colonnes  de  marbre  dont 
nous  avons  parlé  plus  haut  composaient  cette  table,  inséparable 
de  Tautel  des  sacrifices  sanglants. 

Un  second  autel,  beaucoup  plus  commun  chez  les  anciens, 
c'était  Tautcl  ihuricrema  ainsi  appelé  parce  qu'on  y  brûlait  de 
l'encens  en  Thonneur  de  quelque  divinité  : 

Vidil  thuricremis  quum  dona  imponerel  aris  (2) 

On  le  trouvait  non  seulement  dans  les  temples,  à  Tcntrée  des 
portiques  et  devant  les  idoles  auxquelles  on  obligeait  souvent  les 
chrétiens  do  brûler  de  lencens,  mais  dans  les  bois  sacrés^  près 
do  Yimplumum  dés  maisons  et  des  palais,  et  souvent  au  milieu 
même  des  campagnes  où  Ton  sacrifiait  au  dieu  Terme.  Dans  ce 
dernier  cas,  Tautel  était  une  pierre  quelconque,  solidement  fixée 
dans  le  sol  avec  sa  cavité  au  sommet;  par  temps  c'était  même 
un  tronc  d'arbre  : 

Termine  !  sive  lapis,  sive  es  defossus  in  agro 
Stipes.  (3) 

J'ai  trouvé  à  Montmaurin  de  nombreux  autels  de  ce  genre,  ce 
qui  prouve  leur  usage  universel.  L'autel  d'Avezac  qui  nous  occupe 
était,  certainement,  un  autel  thuricrema.  Selon  toute  apparence, 
il  était  placé  devant  une  idole  de  Jupiter.  La  cavité  supérieure 
aurait  reçu  le  feu  sacré,  l'encens,  le  vin  et  les  aromates^,  et  les 
rainures  qui  y  prennent  naissance  auraient  servi  à  l'écoulement 
du  trop  plein. 

Avezac  possédait  un  autre  autel  thuricrema  fort  remarquable, 
lorsque  je  visitai  sa  chapelle  pour  la  première  fois.  C'était  un  petit 
chapiteau  corinthien  (v.  n°  3),  délicatement  sculpté,  assis  sur  une 
colonnctte  en  marbre;  on  l'y  chercherait  aujourd'hui  vainement, 
il  est  devenu  la  proie  de  quelque  avide  amateur. 

5<»  Je  ne  saurais  passer  sous  silence  une  autre  sculpture  antique 

1.  Voir  &  la  planche  B. 

2.  VirgMe.  Enéide,  lib.  IV.  v.  453. 

3.  Ovide,  Foiiei,  II,  v.  641. 

4.  Vidit  thoricremlt  «te 


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S80 

digne,  je  crois,  du  plus  grand  intérêt.  Elle  se  rattacherait  à  la  gé- 
néalogie de  Jupiter  adoré,  certainement  à  Avezac,  dès  avant 
l'ère  chrétienne. 

C'est  un  superbe  Capricorne,  finement  sculpté  sur  un  bloc  de 
marbre  blanc  et  très  bien  conservé  (v.  n®  2).  On  sait  ce  que  la 
mythologie  nous  enseigne  sur  le  Capricorne.  Voici  la  version  la 
plus  commune  : 

Jupiter  étant  né  de  Saturne  et  d'Ops  fut  livré,  pour  être  nourri, 
à  Âmalthée,  fille  de  Mélissus,  roi  de  Crète,  ou  mieux  à  la  chèvre 
Amalthée.  Devenue  mère  du  Capricorne,  elle  lui  prodigua  tous 
les  soins  de  l'amour  maternel.  Plus  tard,  une  révolte  à  jamais 
mémorable  ayant  éclaté  contre  le  fils  de  Saturne,  le  Capricorne 
prit  fait  et  cause  pour  le  maître  des  dieux,  son  frère  de  lait,  et 
contre  les  Titans  révoltés.  Jupiter  allait  avoir  le  dessous  et  subir 
le  déshonneur  de  la  défaite  lorsque  le  Capricorne,  accourant  à  son 
secours,  fit  changer  le  sort  des  armes.  Muni  d'un  énorme  coquil- 
lage trouvé,  par  hasard,  sur  les  bords  de  la  mer,  il  met  en 
fuite  les  rebelles  et  décide  la  victoire  en  faveur  de  Jupiter.  Un 
tel  bienfait  ne  pouvait  demeurer  sans  récompense.  Reconnaissant, 
le  maître  des  dieux  se  hâta  do  placer  le  Capricorne  dans  TOlympe, 
pour  l'associer  à  sa  félicité  et  à  sa  gloire. 

Notre  Capricorne  n'est-il  pas,  dans  le  temple  d'Avezac  consacré 
à  Jupiter:  T  0*  M*,  un  souvenir  de  cette  fable  mythologique? 
Pour  moi  cela  ne  fait  pas  l'ombre  d'un  doute.  Longue  de  0"  70  sur 
une  hauteur  de  0™  50,  cette  pièce,  formait  la  moitié  d'un  fronton, 
avec  encadrement  à  plusieurs  moulures.  Une  sculpture  analogue 
a  dû  se  trouver  dans  Tautre  partie  du  fronton,  au  côté  gauche. 
Toutes  nos  recherches  pour  la  découvrir  ont  été  inutiles.  C'est 
très  regrettable  pour  la  science  et  l'histoire  d'Avezac.  Espérons 
que  d'autres  seront  plus  heureux.  Cette  découverte  nous  permet- 
trait de  rétablir  le  monument  tel  qu'il  était,  à  peu  près,  à  son  ori- 
gine. Mais  consolons-nous  de  l'insuccès  par  les  résultats  déjà 
obtenus. 

L'aigle,  emblème  de  Jupiter,  qui  occupe  à  Pompéi  et  ailleurs  le 
centre  du  fronton  dans  les  monuments  de  ce  genre,  est  remplacé, 
ici,  par  une  moulure  formant  hémicycle  (a)  et  représentant,  sans 
aucun  doute,  le  coquillage,  instrument  de  la  victoire  du  Capri- 
corne sur  les  Titans. 

Il  résulte  donc  de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  qu'il  y  avait, 
à  Avezac,  avant  l'ère  chrétienne,  un  temple  payen,  et  pour  le 
moins  des  villas  importantes.  Il  me  reste  à  parler  d'Avezac  et  de 
sa  chapelle  sous  l'ère  chrétienne. 

L'abbé  Couret. 
(à  suivre). 


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EXCURSION  EN  BAROUSSE 


COMPTE  RENDU  DE  LA  COURSE 

FAITE  PAR  LA  ^OCIÉtÉ  DES  ÉTUDES   DU   pOMMINQBS 
LE  20  JUILLET  1895 


Un  spirituel  chroniqueur  commingeois  nous  a  envoyé,  sur  notre  dernière  Excursion 
faite  en  la  précieuse  compagnie  de  plusieurs  membres  de  la  Société  académique  de  Tar- 
bes,  une  relation  pleine  d'entrain  et  «  d*humour.  » 

Bien  qu'elle  s'écarte  du  classique,  et  que  le  «  plaisant  »  l'emporte  sur  «  le  sévère  »  ou 
le  grave  dans  ce  compte  rendu  instantané  et  piquant,  on  a  pensé  que,  tel  qu'il  est,  il 
apporterait,  avec  une  saveur  particulière,  un  élément  de  variété  dans  le  ton  habituel  de 
nos  publications. 

Une  fois,  comme  on  dit,  n'est  pas  coutume.  Et  puis  ceux-là  surtout  qui  assistaient  à  la 
course  ne  retrouveront-ils  pas,  pris  sur  le  vif,  les  incidents  de  cette  agréable  journée  où, 
il  faut  bien  l'avouer,  le  côté  scientifique  n'est  pas  resté  au  premier  plan. 

Crime  avoué  n'est-il  pas  à  moitié  pardonné  ? 

Au  surplus,  cette  chronique  sera  pour  les  lecteurs  de  nos  travaux  dans  la  Aevue,  un 
délassement  et  une  détente.  A.  C. 


Le  samedi,  20  juillet  1895,  je  descendais  du  train  de  Toulouse 
vers  trois  heures  du  matin,  et  l'on  eût  pu  me  voir  sur  la  terrasse 
des  Marronniers  à  Saint-Gaudens  attendant,  comme  à  un  rendez- 
vous,  le  lever  de  T  Aurore  ;  elle  apparut  sans  voiles,  sans  nuages  dia- 
prés, fraîche  et  rose,  signe  de  beau  temps.  Sur  cette  agréable 
vision,  j'allai  me  reposer  un  instant,  et  à  six  heures  et  demie, 
ayant  peur  d'être  en  retard,  j'arrivais  à  la  Croix  du  Barry. 

Personne. 

Le  soleil  faisait  Timportun  à  travers  les  grands  arbres  du  Jar- 
din public  et  déjà  la  rue  goudronnée  s'échauffait.  Des  paysans 
passaient  en  jardinière,  de  pieuses  dames  se  rendaient  à  l'église, 
une  marchande  des  quatre  saisons  traînait  sa  baladeuse,  le  gar- 
çon des  bains  Isrvait  et  frictionnait  les  murs.  Ni  les  uns  ni  les 
autres  n'avaient  tournure  d'excursionnistes,  encore  moins  d'ar- 
chéologues convènes. 

Je  fis  un  tour  de  ville,  pensant,  irrespectueusement  sans  doute, 
que  la  capitale  du  Nébouzan  n'était  pas  tellement  vaste  qu'on  ne 
dût  rencontrer  un  Commingeois,  si  par  hasard  il  s'en  trouvait 
hors  du  logis. 

RfTvi  Di  ComiROBi,  3*  trimestre  1S95.  Tomi  X.  —  30. 


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Peu  à  peu  la  pla- 

cette  s'était  garnie.  Égayés  par  les  élégantes  toilettes  de  plu- 
sieurs gracieuses  excursionnistes,  des  victorias,  des  landaus,  des 
calèches  à  deux,  trois  et  quatre  chevaux  s'alignaient  sur  la  route 
de  Valentine.  C'étaient  des  véliicules  de  louage  et  des  voitures  de 
maître  attelés  de  chevaux  du  pays,  légèrement  musclés  mais 
nerveux  et  convenablement  en  forme.  11  fallait  choisir.  Un  mon- 
sieur à  barbe  grise,  qui  s'agitait  obligeamment  pour  demander 
aux  uns  et  aux  autres  s'ils  déjeuneraient  à  la  table  commune  à 
Siradan,  m'adressa  aux  commissaires  ;  et  ceux-ci  fort  galamment 
me  gardèrent  avec  eux  dans  la  première  voiture. 

Cependant  on  ne  partait  pas.  Dès  qu'une  nouvelle  voiture  se 
montrait,  on  rendait  visite  aux  arrivants.  Les  compliments  succé- 
daient aux  poignées  do  main,  on  se  réjouissait  à  la  pensée  de 
lagréable  excursion  qui  s'annonçait  brillante  et  gaie,  de  tous  côtés 
perlaient  de  joyeux  éclats  de  rire,  mais  on  ne  partait  pas.  M.  le 
président  Couget,  le  général  Deaddé,  M.  Abadie,  M.  Picot,  toutes 
les  autorités  —  tous  les  gros  légumes  aurait-on  dit  en  style  con- 
vône  —  étaient  réunis  et  semblaient  délibérer. 

Enfin  le  signal  est  donné,  et  nous  voilà  traversant  Valentine 
et  Labarthe  pour  gagner  Barbazan,  à  travers  des  lieux  fertiles  en 
vestiges  antiques  signalés  dans  l'itinéraire  distribué  d'avance. 
Comme  nous  n'avons  pas  découvert  ce  pays  connu  de  temps 
immémorial,  adoré  des  poètes,  fouillé  par  tous  les  géologues, 
où  les  mastodontes  retrouvés  par  M.  Chaton  au-dessus  des 
tuileries  de  Valentine  précédèrent  les  Garumni  et  les  Convènes, 
vous  ne  vous  attendez  pas  à  ce  que  je  vous  serve,  après  les 
autres,  les  légendes  géologiques  qui  font  de  cette  ravissante 
plaine  de  Rivière  un  ancien  lac.  Les  eaux  de  Labarthe  se  trou- 
vaient-elles dans  la  banlieue  de  Lugdunum  Convenarum  ?  Est-  . 
il  vrai  qu'on  s'y  rendait  de  la  cité  par  une  vçie  romaine  bordée  de 
-villas  ombreuses  où  les  fleurs  les  plus  rares  s'étageaient  en  déli- 
cieuses corbeilles  sur  les  terrasses  de  marbres  blanc  et  rouge 
agréablement  combinés  ?  Les  belles  madames,  après  avoir  sacrifié 
au  veau  d'or  qu'on  adorait  dans  le  temple  superbe  construit  au 
col  de  Cier  en  façade  sur  la  vallée  de  Loure,  au-dessus  du  lac 
sacré  de  Barbazan,  venaient-elles,  aussitôt  le  bain  pris  aux  eaux 
de  Labarthe,  luncher  dans  les  boutiques  disposées  autour  des 
Thermes  et  savourer  le  miel  de  Narbonne  arrosé  de  vin  de 
Syracuse  ? 

Autant  de  questions  sur  lesquelles  le  savant  M.  Cabannes  doit 
être  plus  fixé  que  votre  serviteur,  et  vous  aimerez  sans  doute 
mieux  que,  délaissant  l'antiquité,  je  vous  présente  les  jeunes  gens 


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qui  faisaient,  avec  une  grâce  toute  gallo-romaine,  les  honneurs 
de  Texcursion  en  qualité  de  commissaires. 


L'un  deux  a  le  masque  convène.  11  est  élancé  et  souple,  sa  phy- 
sionomie est  grave  et  réfléchie,  et  cependant  il  s'est  montré  fort 
enjoué  et  du  meilleur  entrain  durant  l'entière  journée.  En  le 
voyant  sous  sa  robe  d'avocat  ou  dans  sa  tenue  de  cycliste  qui 
découvre  le  mollet  et  le  torse,  on  juge  qu'il  eût  été  aux  troisième  et 
quatrième  siècles,  soit  qu'il  eût  discuté  au  forum  les  intérêts  de  ses 
clients,  soit  qu'il  se  fût  exercé  aux  jeux  du  cirque,  un  des  plus 
séduisants  citoyens  de  la  capitale  des  Gonvènes.  C'est  Charles 
Thévenin. 

L'autre,  M.  Bize,  est  un  élégant  poète,  blond,  et  sans  mièvreries, 
vibrant  à  toutes  les  impressions,  d'artistique  allure.  Il  admire  la 
nature,  chante  la  femme,  a  des  indignations  littéraires,  quelques 
originalités,  c'est  un  poète.  Se  plait-il  aux  élégies  ?  a-t-il  des  notes 
mélancoliques  ?  de  Ronsard  à  Tailhade  quels  sont  ses  dieux  ?  quel 
est  son  état  d'âme  ?  sa  pensée  aiguisée  par  la  culture  intellectuelle 
se  dégage-t-elle  aisément  de  la  gaine  des  sens  ?  Je  l'ignore,  car,  le 
20  juillet  1895  n'était  point  pour  nous  une  journée  d'observations 
psychiques  approfondies,  mais  un  jour  de  grande  liesse.  Le  poète 
rit  et  fort  agréablement,  c'est  tout  ce  que  je  puis  en  dire. 

Le  troisième  commissaire,  le  lieutenant  Maratuech,  représentait 
les  Celtes  du  Quercy.  De  taille  moyenne,  bien  râblé,  il  donne  tout 
d'abord  l'impression,  avec  sa  figure  carrée  et  ses  cheveux  châ- 
tain-clair, d'un  mathématicien  sévère.  Puis  quand  il  cause,  il  se 
révèle  instruit  et  lettré,  de  gaies  manières,  légèrement  pince-sans- 
rire,  compagnon  aimable. 

Quant  au  quatrième,  le  plus  jeune,  M.  Labic.  il  se  donnait  le  plus 
de  mal,  se  prodiguait  galamment  auprès  des  dames,  stimulait  les 
cochers,  surveillait  la  broche  et  le  service,  ne  négligeait  aucun 
détail.  Le  président  Couget  avait  eu  la  main  heureuse  en  lui  attri- 
buant une  fonction  qu'il  remplissait  à  la  satisfaction  générale. 

Avec  de  si  agréables  compères,  on  ne  pouvait  guère  s'aperce- 
voir que  l'on  traversait  Valentine,  Labarthe,  Ardiège  et  Barbazan. 
Cependant  comme  les  gens  étaient  sur  les  portes,  nous  remarquâ- 
mes de  jolis  minois.  Peut-on  remarquer  autre  chose  en  compa- 
gnie d'un  lieutenant  et  do  trois  jeunes  avocats  dont  un  poète  ?  Et 
il  n'était  point  question  d'archéologie  et  de  voies  romaines  lorsque 
le  cocher  de  tête  arrêta  ses  chevaux  devant  l'allée  qui  de  la  route 
de  Luscan  conduit  aux  bains  de  Barbazan. 

Nous  offrîmes  nos  bras  aux  dames  et  tout  en  devisant  des  ver- 


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tus  curatives  des  eaux  de  Barbazan,  nous  descendîmes  à  la  bu- 
vette où  se  trouvait  entr'autres  nouveaux  venus,  se  déployant  de 
l'un  à  l'autre  avec  force  formules  louangeuses,  M.  Montoussé 
Dulion  qu'accompagnait  l'exquise  châtelaine  de  Barbazan.  I^ 
nombre  des  buveurs  d'eau  relativement  considérable  pour  ce 
début  de  saison,  l'agrément  du  lieu,  le  plaisir  de  retrouver  des 
physionomies  connues,  une  promenade  autour  de  l'établissement 
nous  firent  regretter  d'être  obligés  de  repartir  bientôt  après.  Si  du 
moins  une  avenue  nous  eût  permis  de  gagner  Loures  à  travers  ce 
parc  naturel  fait  des  prairies  ombragées  de  chênes  et  de  peupliers 
qui  bordent  la  Garonne  de  si  séduisante  façon,  nos  regrets  eus- 
sent été  vite  apaisés  par  le  charme  attrayant  de  cette  nouvelle 
route. 

Nous  étions  remontés  en  voiture  et  causions  encore  de  l'absolue 
nécessité  d'un  boulevard  reliant  directement  Loures  à  Barbazan, 
quand  nous  traversâmes  le  village  de  Luscan  et  le  pont  à  péage. 
Un  moment  après,  nous  brûlions  Bertren  et  Bagiry,  et  nous  con- 
tentant de  frôler  le  village  de  Saléchan,  gais  et  contents,  nous 
faisions  une  entrée  bruyante  dans  l'établissement  de  Siradan. 


Au  milieu  de  la  cour  d'honneur,  sous  les  grands  platanes,  sou- 
riant et  la  main  tendue,  s'avançait  le  docteur  Bordères,  commin- 
gcois  de  pure  race,  ainsi  que  l'atteste  son  nez,  fils  de  celui 
d'Henri  IV.  Le  docteur  est  un  fourrier  de  premier  ordre  et  de  suite 
il  montra  aux  commissaires  que  rien  n'avait  été  négligé  pour  offrir 
à  la  Société,  sur  le  territoire  des  Quatre- Vallées,  un  déjeuner  dont 
tout  le  Nébouzan  eût  voulu  être. 

La  table  était  dressée  sous  les  magnifiques  charmilles  qui  con- 
tournent le  parc  coquet  de  Siradan  et  lui  font  une  couronne  de 
verdoyantes  allées  que  les  rayons  du  soleil,  pour  si  ardents  qu'ils 
puissent  être,  ne  parviennent  jamais  à  pénétrer.  Elle  était  parée 
de  roses,  comme  aux  temps  heureux  de  Lugdunum.  Dans  les  cui- 
sines, des  gigots  en  enfilade  tournaient  devant  des  flambées  bien 
ordonnées,  dégageant  un  parfum  succulent  de  haulto  graisse, 
tandis  que  des  truites  vivantes  frétillaient  dans  un  seau,  vraisem- 
blablement à  la  pensée  qu'elles  seraient,  dans  quelques  minutes, 
appréciées  à  leur  valeur  par  des  palais  convènes. 

Ce  spectacle  nous  fit  du  bien.  Le  poète  Bize  en  fut  lui-même 
ému  et  nous  dîmes  en  chœur  :  «  Il  nous  faut  des  apéritifs,  n'en  fût- 
il  plus  au  monde.» 

Le  maître  d'hôtel  accourut.  C'était  Jean  Fons,  une  ancienne 
connaissance  du  café  Albrighi»  aujourd'hui  directeur  du  reatau- 


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rant  de  la  Paix  à  Toulouse.  Nous  nous  congratulâmes  et  il  nous 
versa  des  apéritifs  de  choix  que  nous  noyâmes  d'eau  fraîche,  ainsi 
qu'avaient  l'habitude  de  le  faire  lés  Gallo-Romains  nos  ancêtres. 
C'est  en  ce  moment  qu'arrivèrent  pour  en  prendre  leur  part  nos 
bicyclistes  du  Nébouzan. 

On  n'attendait  plus  que  la  Société  académique  des  Hautes-Pyré- 
nées qui  venait  de  Luchon  partager  nos  agapes.  Mais  comme  les 
truites  frites  se  plaignaient  d'attendre,  on  se  mit  à  table  sans  ces 
messieurs. 

A  Tun  des  bouts  de  la  table  ronde,  M"«  B.  de  G-,  reine 
de  céans  par  l'éclat  de  sa  jeunesse  et  de  sa  grâce,  était  entourée 
de  deux  cavaliers  servants,  Joseph  Labic  et  Gaston  Bouillon  qui 
se  prodiguaient  pour  lui  plaire. 

Ils  n'en  oubliaient  pas  néanmoins  leurs  voisines,  l'élégante 
M"«  G.  et  M"o  M.,  toute  brillante  d'entrain,  et  furent  pour  nous 
tous  d'une  amabilité  extrême.  On  riait,  on  plaisantait,  on  échan- 
geait quelques  propos  badins.  Bouillon  avait  porté  de  la  glace,- 
il  n'avait  pas  oublié  le  Champagne  et  les  faisait  circuler  de 
si  spirituelle  façon  que  tous  les  convives  en  furent  émoustillés. 
L'entrain  devint  général  et  la  fête  commingeoise  fut  dans  tout  son 
éclat. 

Vers  le  milieu  du  repas,  la  Société  académique  des  Hautes- 
Pyrénées  fit  son  entrée. 

Ils  sont  très-bien  ces  Bigourdans  ^ 

Tous  décorés  de  rouge  ou  de  violet,  de  tenue  correcte,  char- 
mants diseurs.  Ayant  avec  eux  deux  dames,  un  prêtre  et  un  offi- 

i.  Dans  un  compte-rendu  que  publiait,  le  8  août  dernier,  le  journal  tarbais  les 
Pyrénées,  nos  aimables  et  distingués  confrères  de  la  Société  académique  des  Hautes- 
Pyrénées  ont  été  si  gracieux  pour  les  Commingeois,  qu'ils  nous  reprocheraient  peut-être 
de  navoir  rien  conservé  ici  de  ce  qu'ils  ont  bien  voulu  écrire  sur  l'excursion  dernière. 

En  voici  un  extrait  : 

«  Retenons  de  Siradan  la  somptueuse  charmille  où  la  table  est  dressée,  l'admirable 
fraîcheur  d'un  parc  superbe,  coupé  d'allées  ombreuses  et  s'ouvrant  sur  un  escalier 
monumental,  qui,  tout  moderne  qu'il  est,  éveille  le  souvenir  des  splendeurs  oubliées. 
Retenons  surtout  l'accueil  plein  d'exquise  courtoisie  de  nos  confrères  de  Saint-Gaudens, 
dont  le  vice-président,  le  secrétaire  général  et  le  trésorier,  MM.  Couget,  Abadie  et  Picot, 
nous  reçoivent  si  gracieusement  que  les  deux  Sociétés  n'en  font  bientôt  qu'une. 

«  Au  dessert,  grande  bataille  de  toasts  entre  les  présidents  :  le  «  Tarbais  »  remercie  les 
Commingeois  de  la  Haute-Garonne  d'être  venus  dans  les  Hautes-Pyrénées  ;  le  «  Commin- 
geois »  remercie  les  Bigourdans  d'être  venus  en  Commingos.  Et  dans  ce  tournoi  acadé- 
mique, tout  remonte  à  flot,  et  les  comtes  d'autrefois  et  les  conventionnels  d'hier,  et  le  bon 
roi  Henri  et  Bertrand  Barrère.  Si  bien  que,  pour  trancher  cet  héroïque  débat,  l'un  des 
assistants  se  lève  pour  boire  au  «  département  de  Gascogne  >»,  ce  qui  fait  que  tout  le 
monde  est  chez  soi...  • 

De  son  côté  M.  Charles  Du  Pouey,  l'érudit  président  de  la  Société  académique, 
recevant,  le  11  août  à  Tarbes,  la  Société  archéologique  du  Gers,  revenait  dans  son  dis- 
cours sur  la  réunion  des  Tarbais  et  des  Commingeois.  Voici  quelques  lignes  charmantes 
de  son  allocution  : 

«  II  y  a  peu  de  jours,  les  deux  Sociétés  du  Comminges  et  des  Hautes-Pyrénées, 
se  rencontraient  à  Siradan  dans  la  vallée  de  Barousse.  Réunies  dans  un  charmant 


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cier,  ils  nous  en  imposèrent  un  instant;  mais  la  gaité  n'en  fut  pas 
absolument  enchaînée  et  les  causeries  vives  et  spirituelles  repri- 
rent de  plus  belle. 

Du  reste  un  incident  fort  plaisant  marqua  leur  arrivée. 

Ils  étaient  présentés  par  M.  de  Gardaillac,  Térudit  conférencier 
de  la  veille  à  Saint-Gaudens,  et  le  président  Couget  se  levant  leur 
souhaita  la  bienvenue  de  la  plus  galante  manière,  au  nom  de  la 
Société  qui  était  heureuse  de  recevoir  leur  visite  en  Comminges. 

M.  du  Pouey,  président  des  fiigourdans,  répondit  en  s'excusant 
de  n'avoir  pas  lui-même  pris  les  devants,  car  nous  étions  en 
Bigorre  à  Siradan,  sur  le  territoire  des  Quatre- Vallées,  et  il  reven- 
diqua rhonneur  de  nous  oITrir  Thospitalité. 

M.  Couget  n'est  jamais  en  reste  de  réparties,  et  chacun  des  deux 
présidents  voulant  être  chez  soi  afin  de  faire  des  politesses  à  l'au- 
tre, il  y  eut  échange  de  compliments  et  de  revendications  dont 
tous  les  assistants  bientôt  prirent  leur  part.  Gaston-Phœbus  fut 
évoqué,  peut-être  aussi  la  reine  Marguerite.  Un  des  convives 
parla  des  Centules,  un  autre  cita  la  charte  de  Bramevaque,  il  fut 
également  question  des  consuls,  des  syndics  des  vallées,  des  évè- 
ques  de  Saint-Bertrand,  du  grand  et  du  petit  Languedoc,  de  la 
Gascogne  et  du  Béarn.  Le  verre  en  main,  on  en  fût  venu  aux  fortes 
rasades;  les  gosiers  étaient  secs,  le  vin  allait  couler,  quand  le 
chant  d'Aqueros  mountagnos,  aussi  bigourdan  que  commingeois, 
bissé  en  chœur,  rétablit  la  concorde  et  nous  permit  d'attaquer  le 
gigot. 

L'incident  avait  aiguisé  l'appétit  et  la  conversation  ne  fût  plus 
devenue  générale,  si  M.  Cabannes  n'avait  envisagé  le  point  de 
savoir  si  Pompée  traversant  les  Pyrénées  avait  connu  les  eaux  de 
Siradan.  Pauvre  Pompée!  l'avons-nous  assez  réveillé  de  son 
sommeil  de  deux  mille  ans  pendant  une  demi-heure  !  lies  oreilles 
lui  en  sifflent  encore,  et  si  les  centurions  sont  passés  partout  où 
nous  les  avons  fait  circuler  dans  la  vallée  d'Âran  ou  dans  celle  de 
Luchon,  à  travers  les  ports  et  sur  les  pics,  ils  avaient  le  pied  joli- 
ment montagnard. 

On  était  encore  sous  le  charme  de  l'érudition  de  M.  Cabannes  et 
il  nous  promenait  dans  le  Couserans  et  le  Castillonnais,  par  les 
prés  de  la  Ballongue  et  de  Biros,  quand  le  café  fut  annoncé.  Le 
poète  Bize  prit  son  luth  et,  glorifiant  la  montagne,  nous  éleva  sans 
fatigue  jusqu'aux  plus  hauts  sommets.  Nous  nagions  dans  l'Âzur, 
entraînés  dans  le  Rêve,   oublieux  de  Texcellent  dîner  que  nous 

déjeuner,  elles  faisaient  pacte  d'alliance  et  d'amitié  sous  la  plus  verte  des  charmilles,  salle 
à  manger  élyséenno  qui  n'avait  d'archéologique  que  sa  ressemblance  lointaine  mais 
frappante  avec  l'idée  qu'on  se  fait  des  antiques  Paradis  de  la  Perse  ou  de  la  Chaldée,  uù, 
sans  trop  d'illusion  ni  d'efforts,  nous  pouvions  nous  croire  attablés...  • 


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venions  de  faire  ;  mais  le  fin  moka,  dont  Pline  et  Strabon  négligèrent 
d'apprendre  à  nos  ancêtres  les  Convènes  les  qualités  et  la  prove- 
nance, fut  versé  dans  les  tasses.  Les  cigares  s'allumèrent  comme 
par  enchantement  avec  la  permission  des  dames,  et  il  ne  resta 
plus  qu'à  se  faire  photographier.  Tout  le  monde  se  rendit  pour 
cela  sur  la  pelouse;  on  dénicha  dans  les  bosquets,  sous  les  char- 
milles, tous  ceux  qui  ayant  porté  leur  poulet  froid  et  leur  pâté 
avaient  fait  bande  à  part,  et  l'opération  commença.  Une,  deux, 
ça  y  est.  Voua  pouvez  vous  disperser,  nous  dit  M.  Bordères  —  qui 
ne  m'en  voudra  pas  si  je  froisse  sa.  modestie  en  disant  que  ses 
clichés  sont  de  petites  merveilles  photographiques. 


Les  cyclistes  sautèrent  sur  leurs  instruments,  nous  reprîmes  nos 
landaus,  et  les  Bigourdans  grimpèrent  dans  leur  guimbarde. 

Avez-vous  vu  sur  les  théâtres  la  diligence  du  Courrier  de  Lyon? 
Telle  était  la  patache  *  des  Bigourdans,  attelée  de  trois  chevaux 
solides,  avec  places  dUntérieur  et  d'impériale  et  peinte  sur  fond 
jaune.  Ils  y  étaient  serrés  à  quinze,  mais  n'en  paraissaient  pas 
plus  mécontents.  L'idée  de  voyager  ainsi,  par  le  col  d'Aspin, 
Luchon,  Loures  et  la  vallée  de  la  Neste  était  aussi  originale  que 
pratique.  Ils  riaient  et  s'y  trouvaient  à  l'aise,  et  pour  monter 
comme  ils  le  firent  de  Mauléon  à  Ourde,  ils  avaient  choisi  leur 
attelage,  en  bon  connaisseurs  de  purs  sangs  qu'ils  sont  tous. 

Noua  les  suivîmes  à  Ferrère  et  arrivâmes  après  eux  aux  chalets 
Saint-Nérée  où  se  trouvait  enfin  de  l'eau  suintant  sur  le  roc  et  de 
la  fraîcheur  sous  les  ombrages.  Mais  mademoiselle  Agathe  n'y 
était  pas;  sa  petite  flotte  avait  dû  être  brisée  par  les  crues  du 
printemps,  son  oratoire  était  fermé.  L^eau  salutaire  et  bienfaisante 
coulait  toujours  en  aussi  grande  abondance;  et,  jetant  de  grands 
fagots  sous  la  cuve,  un  montagnard  vêtu  de  bure  s'industriait  à  la 
chauffer.  Il  n'y  avait  ni  peintures  à  fresque,  ni  mosaïques,  ni  par- 
quets cirés,  ni  salles  d'inhalation,  de  douches  et  de  massage,  dans 
ce  réduit  bâti  en  planches  où  cinq  vieilles  baignoires  de  zinc  con- 
tenaient l'eau  qui,  sans  secours  du  médecin,  fait  marcher  les  para- 
lytiques et  calme  les  rhumatisants.  Pauvre  mademoiselle  Agathe! 
Dans  le  vallon  solitaire  où  l'herbe  envahit  les  allées  d'antan,  elle 

1.  On  ne  saurait  voir  rien  de  désobligeant  dans  ce  badinage,  nos  aimables  confrères  de 
Tarbes  ayant  eux-mêmes,  dans  leur  compte-rendu,  plaisanté  sur  leur  équipage  d'occa- 
sion. Ils  qualifient  leur  véhicule  de  «  bizarre  »  ;  ils  s'amusent  de  ce  «  coche  qui  ressemble 
vaguement  à  une  cuve  d'arrosage  tant  il  est  haut  en  haut,  et  bas,  en  bas  »...  «  cette  pata- 
che jaune  fut  surnommée  Paqui  ta  à  l'unanimité.  »...  «Tout  en  élévation,  elle  eUVayait 
les  timides  et  même  les  autres  ;  mais  les  plus  hardis  se  risquèrent  par  l'échelle  d'ascen- 
sion et  les  hésitants  suivirent.  » 


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ne  verra  pas  les  journalistes,  les  banquiers  et  les  rois  conduire  les 
comédiennes  dont  les  joues  fardées  ont  tant  besoin  d'un  teint  de 
lys  et  de  roses.  Les  fées  ne  Font  pas  voulu,  mademoiselle  ! 

Les  Bigourdans  se  firent  photographier  seuls  et  nous  repartîmes. 
La  chaleur  s'était  calmée  et  nous  échangions  nos  impressions  à  la 
descente  des  chalets  vers  Ferrère,  admirant  les  scintillements  des 
chûtes  d'eaux,  la  verdure  des  frondaisons  et  le  pittoresque  aspect 
du  torrent  dans  ce  paysage  de  haute  montagne.  Tout  à  coup  un 
cri  attire  notre  attention,  un  cycliste  faisait  le  saut  dans  le  vide. 

On  accourt,  la  guimbarde  des  Bigourdans  s'arrête,  quelques-uns 
descendent.  Sur  le  bord  du  chemin,  M.  Courouleau,  la  figure  en 
sang,  s'épongeait,  et  chacun  de  se  montrer  à  quinze  mètres 
au-dessous,  dans  le  torrent,  un  homme  qui  se  dégageait  à  quatre 
pattes,  se  traînait,  se  lavait,  paraissant  fort  empêtré.  C'était 
M.  Vincens. 

Déjà  nous  enjambions  la  murette  pour  dégringoler  et  lui  porter 
secours  quand  son  jeune  fils,  remontant  en  empoignant  les  her- 
bes, nous  cria  que  ce  n'était  rien. 

Il  fut  vite  convenu  de  continuer  la  route  comme  si  rien  ne  s'était 
passé,  afin  de  ne  pas  épouvanter  M««  Vincent  qui  se  trouvait  dans 
la  dernière  voiture 

Cependant  nous  traversions  de  nouveau  Ferrère  et  nous  nous 
demandâmes  si  nous  ne  goûtions  pas  une  tranche  de  jambon  d'un 
des  douze  sangliers  que  les  habitants  de  Ferrère  tuèrent  l'hiver 
dernier  au  temps  des  neiges,  et  qu'ils  ont  salés  et  fumés.  Il  était 
tard,  nous  continuâmes  sans  stopper,  jetant  un  coup  d'œil  distrait 
sur  le  magnifique  portique  de  Saoule,  ne  nous  arrêtant  qu'à 
Mauléon,  où  les  voitures  pressées  les  unes  contre  les  autres  ne 
permettaient  plus  d'avancer,  interdisant  l'accès  du  pont. 


Nous  y  retrouvions  tous  les  excursionnistes  éparpillés  du  donjon 
au  café.  Le  photographe  était  arrivé  et  l'on  cherchait  un  bon 
endroit  pour  poser  son  instrument  aussi  fin  de  siècle,  aussi 
encombrant  que  la  bicyclette.  Il  fut  dressé  dans  la  cour  anti- 
que de  M.  Plamajou,  entre  la  tour  carrée  et  le  donjon,  et  chacun 
se  mit  en  place.  Nous  étions  massés  entre  un  tas  de  branches 
et. des  ruines,  les  enfants  par  ci,  les  jeunes  filles  par  là.  et  les 
plus  graves  personnes  dans  les  postures  les  plus  drolatiques.  Ce 
doit  être  un  instantané  des  plus  gais  dont  les  Bigourdans  ne  furent 
pas.  Métiiodiques  et  pressés,  ils  étaient  repartis  au  grand  trot  pour 
Saint-Bertrand  et  Saint-Just. 

Moins  archéologues  sans  doute,  plus  fantaisistes,  noua  avions 


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oublié  quo  nous  étions  liés  par  un  programme,  nous  reposant  où 
nous  nous  trouvions  le  mieux,  négligeant  des  sites  qui  dans  toute 
autre  circonstance  nous  eussent  semblé  merveilleux,  oublieux  de 
la  légende  et  de  Thistoire,  n'ayant  plus  goût  qu'aux  incidents  de 
la  route. 

Bramevaque  parut  trop  haut  perché  et  du  chemin  nous  le  vîmes 
si  mal  que  pas  un  ne  fut  tenté  de  grimper  à  travers  les  ronces  qui 
ont  poussé  sur  le  mirifique  château  enchanté  de  la  comtesse  Mar- 
guerite. Nous  nous  laissions  porter,  au  soleil  couchant,  le  long  de 
rOurse  qui  coulait  maintenant  sans  ondulations,  glissant  sur  les 
cailloux  proprets,  tandis  qu'au  delà  de  la  rive,  bordés  de  peupliers 
et  de  saules  s'étendaient  des  prés  si  verts,  si  frais,  qu'on  s'en 
voulait  de  ne  point  aller  voluptueusement  se  coucher  à  l'ombre 
des  pommiers  dont  ils  étaient  parsemés. 


Après  avoir  salué  la  Vierge  de  Gréchets  et  traversé  avec  de 
grands  claquements  de  fouet  lô  village  de  Sarp,  nous  nous  sépa- 
râmes. Les  vrais  archéologues,  que  tenait  surtout  au  cœur  le 
souvenir  du  Comminges  des  temps  passés,  revinrent  directement  à 
Saint- Gaudens ,  en  se  montrant  respectueusement  Valcabrère, 
le  berceau  des  Gonvènes.  Ils  regardaient  curieusement  si,  à  travers 
les  premières  ombres  de  la  nuit,  ils  ne  voyaient  pas  les  spectres 
fantastiques  de  nos  ancêtres  dévalant  des  montagnes  avec  les 
émissaires  de  Pompée,  arrêtant  leurs  chevaux  et  leurs  chars  sur 
le  plateau  fortuné  de  Saint- Just  et,  d'un  air  conquérant  disant  aux 
Romains  stupéfaits  de  leur  assurance  :  «Nous  bâtirons  dans  cette 
vallée  la  plus  grande  cité  des  Pyrénées.  » 

Il  y  a  deux  mille  ans  à  peine.  De  lourdes  forteresses,  de  puis- 
sants remparts,  des  temples,  des  palais  dont  s'enorgueillissaient 
nos  pères,  et  plus  tard  des  châteaux-forts,  des  églises,  d'immen- 
ses couvents  où  des  légions  de  moines  écrivirent  l'histoire,  furent 
édifiés,  de  Tibiran  à  Barbazan,  sur  de  profondes  assises.  Que 
reste-t-il  de  ces  travaux  cyclopéens  qui  devaient  durer  comme  le 
monde  ?  Rien,  et  le  laboureur  retourne  sa  charrue  sur  l'emplace- 
ment des  bibliothèques,  sans  faire  surgir  le  secret  des  temps 
passés.  Tout  n'est  que  légende,  histoire  vague,  avec,  chaque  deux 
ou  trois  siècles,  un  fait  saillant  qui,  apparaissant  à  une  très  grande 
distance  de  celui  qui  le  précède  et  de  celui  qui  le  suit,  nous  em- 
pêche de  nous  perdre  tout  à  fait  dans  la  foret  de  l'Oubli. 

Des  dieux  dont  personne  ne  se  doutait,  des  déesses  qui  ne  fu- 
rent sans  doute  pas  adorées,  sont  créés  par  l'épigraphic,  science 
qui  donne  trop  de  solutions.  La  nuit  en  est-elle  moins  obscure  ? 


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se  disaient,  en  prenant  leur  bougeoir,  les  vrais  archéologues  du 
Comminges. 

Pendant  qu'ils  se  glissaient  dans  leurs  draps  de  lit  pour  y  goû- 
ter un  repos  bien  gagné  à  la  recherche  de  la  science,  les  autres 
étaient  venus  par  Izaourt  dîner  à  Loures,  s  étaient  risqués  au 
Casino  afin  de  comparer  la  musique  des  Grecs,  retrouvée  si  heu- 
reusement par  Offenbach,  avec  les  chants  liturgiques  et  les  mélo- 
pées convènes.  On  n'y  chanta  ni  les  unes  ni  les  autres,  mais  des 
airs  nouveaux  qui  ne  sont  nullement  désagréables  après  boire. 

Puis  la  blonde  Reine  des  Nuits  étant  montée  sur  son  trône  d'étoi- 
les glissa  sur  le  bleu  parvis,  en  irradiant  de  ses  blanches  lueurs 
les  ombres  amoncelées.  Elle  invitait  les  Gommingeois  à  profiter 
de  ses  derniers  rayons  pour  rentrer  au  logis. 

Ge  qu'ils  firent  tard,  ne  se  trouvant  pas  pressés,  et  le  lendemain 
étant  dimanche. 

Ernest  FERRAS. 


La  veille  de  Texcursion  nous  avions  eu  le  vif  plaisir  d'entendre, 
dans  une  conférence  fort  intéressante,  notre  confrère  M.  Xavier 
de  Gardaillac,  avocat  et  membre  de  la  Société  académique  de 
Tarbcs,  nous  parler  agréablement  d'archéologie  à  propos  des  anti- 
quités de  Saint-Bertrand  —  l'ancien  Lugdunum  —  et  de  Valcabrère, 
autrefois  la  ville  basse  du  chef-lieu  de  la  Givitas  Gonvenarum, 
une  des  plus  importantes  de  la  Novempopulanie  en  Aquitaine. 

La  diction  élégante  et  animée  du  conférencier,  les  rapproche- 
ments heureux  auxquels  il  s'est  livré  au  cours  de  l'entretien,  ont 
triomphé  de  l'aridité  du  sujet  lui-même  en  ce  qu'il  avait  nécessai- 
rement de  technique.  Aussi  a-t-on  écouté  avec  intérêt  jusqu'au 
bout  ses  développements  sur  l'architecture  des  xii«  et  xiv«  siècles, 
ainsi  que  sur  l'art  de  la  Renaissance  dont  les  admirables  boise- 
ries do  Saint-Bertrand  sont,  sans  contredit,  un  des  plus  beaux 
spécimens. 

Inspecteur  pour  la  Société  française  d'archéologie,  originaire 
lui-même  de  notre  ancien  comté  où  ses  ancêtres  possédaient  plu- 
sieurs seigneuries,  M.  de  Gardaillac  parle  des  monuments  de  notre 
pays  en  vrai  connaisseur  et  avec  l'autorité  que  lui  donnent  déjà 
des  travaux  remarqués.  Gitons  notamment  sa  Monographie  du 
cloître  de  Saint-Sever  du  Rustan  —  où  il  étudie  surtout,  d'après 
les  sculptures  de  cette  curieuse  abbaye,  l'habillement  et  Tarme- 
ment  en  Bigorre  au  xv"  siècle,  —  et  son  Histoire  de  la  cité  de 
Bigorre,  publiée  en  1890  en  la  collaboration  de  M.  Norbert  Rosa- 
pelly.  —  Notre  Revue  avait  signalé  ce  dernier  travail. 

M.  de  Gardaillac  sera  toujours  le  bien-venu  quand  il  voudra 
nous  apporter,  avec  sa  sympathique  bonne  grâce,  le  concours  de 
son  incontestable  savoir.  A.  G. 


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M.  J.  Bize,  avocat  à  Saint-Gaudcns,  a  bien  voulu  nous  dire,  au 
banquet  do  Texcursion,  une  ode  dont  l'inspiration  lyrique  a  été 
remarquée  au  dernier  concours  des  Jeux-Floraux.  Elle  a  été 
«  distinguée  »  et  a  obtenu  les  honneurs  de  Timpression  dans  le 
recueil  de  1895. 

Nous  ne  saurions  manquer  de  publier  dans  le  nôtre  cette  com- 
position d'un  jeune  compatriote  qui  a  donné  plus  d'une  preuve  de 
ses  facultés  poétiques.  Chez  lui  «  la  vigueur  des  images  et  les 
aspirations  n'ont  rien  de  banal  »,  a  dît  le  très  distingué  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  d'isaure,  en  exprimant  le  vœu  de  pou- 
voir lire  Tan  prochain  de  nouveaux  vers  du  poète  commingeois 
qui  a  montré  cette  fois  combien  la  majesté  de  nos  horizons  pyré- 
néens parlait  à  son  âme.  A.  G. 

LE  ROI  DES  MONTS 


Altiùs. 

Je  te  salue,  ô  Pic,  debout  vers  le  ciel  rose^ 
Vêtu  de  clair  azur,  le  front  voilé  de  blanc. 
Drapé  dans  le  brouillard  qui  rampe  sur  ton  flanc^ 
Et  Vimmobilité  d'une  extatique  pose. 


Grave,  parmi  les  monts  à  tes  pieds  prosternés^ 
Comme  un  prêtre  géant  h  la  robe  d'hermine, 
Dans  le  dernier  rayon  du  jour  qui  Villumine 
Tu  lèves  tes  longs  bras  vers  les  deux  étonnés.., 

La  frayeur  et  la  mort  hantent  tes  cimes  blanches... 
Nul  arbre  et  nul  oiseau,  point  de  chants,  point  de  nids. 
Tes  seules  fleurs  sont  les  dentelles  des  granits. 
Et  tes  seules  chansons  la  voix  des  avalanches... 


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Personne  n'a  foulé  ta  neige  vierge  encor,,. 
Personne  n'a  gravi  tes  sommets  grandioses 
Que  les  soleils  levants  sèment  de  reflets  roses, 
Que  les  soleils  couchants  vêtent  de  pourpre  et  d'or. 


C'est  en  vain  que  le  vent  te  soufflette  à  la  face 
Et  laboure  ta  crête  avec  des  hurlements.,. 
En  vain  que  les  soleils^  sous  leurs  rayonnements, 
Cherchent  à  réchauffer  ton  lourd  manteau  de  glace. 


En  vain  qu'aux  soirs  d'été,  parfois,  un  astre  ami 
Se  penche  pour  baiser  ta  cime  ensommeillée. 
Comme  un  enfant  pieux  qui,  pendant  la  veillée, 
Daise  les  cheveux  blancs  d'un  aïeul  endormi! 


C'est  en  vain!...  impassible  et  portant  haut  la  tête, 
Semblant  clamer  au  ciel  une  immense  oraison, 
0  Pic,  ta  majesté  se  dresse  à  l'horizon. 
Baignant  dans  l'azur  clair  les  neiges  de  son  faite. 


Oh  !  vivre  comme  toi,  grave  et  silencieux. 
Enfermé  dans  l'orgueil  d'un  rêve  solitaire. 
Et  passer,  dédaigneux  des  rumeurs  de  la  terre. 
Le  cœur  et  les  regards  toujours  levés  aux  deux. 


Jacques  Hizb. 


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RECTIFICATIONS 

Relatives  à  l*arlicle  inlitalé  :  ■  Le  Jubilé  de  Saiol-Berlrand  de  Commioges. 
Uevue,  l895p  p.  202  et  suivaDles. 


Nous  remercions  M.  Tabbé  Lestrade,  notre  érudit  collaborateur, 
qui  nous  avait  fourni  des  textes,  d'avoir  bien  voulu  relever  dans 
cet  article  quelques  erreurs  dont  la  plupart  sont  le  fait  du  typo- 
graphe : 

I.  —  Page  202,  note  2™«.  liire  Villaudraut  et  non  Villaudrant.  On 
sait  que  la  désignation  du  lieu  d'origine  do  Clément  Y  a  causé  de 
nombreuses  controverses.  A  la  suite  de  trois  mémoires  publiés 
d'abord  dans  le  t.  xvni  des  Actes  de  la  Société  archéologique  de 
Bordeaux  par  MM.  Brun,  Berchon  et  Brutrails,  édités  ensuite 
séparément  (1894),  on  lit  une  note  destinée  à  mettre  un  terme  au 
débat.  Clément  V  écrit  à  Edouard  I",  roi  d'Angleterre,  et  il  est 

amené  à  indiquer  l'endroit  ou  il  est  né.  Voici  ses  propres  expres- 
sions : 

«  Pour  augmenter  votre  joie,  nous  vous  faisons  connaître  que, 
malgré  la  faiblesse  qui  nous  a  accablé  ces  temps  passés,  nous 
commençons  à  reprendre  des  forces  et  à  croire  à  laguérison,  avec 
l'assistance  du  Très-Haut.  £t  pour  y  parvenir,  nous  nous  étions 
fait  transporter  vers  le  climat  de  notre  première  enfance  et  à  Vil- 
laudraut^  lieu  de  notre  naissance^  où  déjà  nous  nous  sentons 
mieux.  —  Ad  primitivum  nos  transtulimus  aerem  et  locum  nativi- 
tatis  notre,  Vignandraldum,  ubi  jam  meliorationis  sentimus 
juvamenta.  »  (1306'). 

II.  —  Page  203,  note  1.  Lire  ad  summum  pontifîcmm,  et  non 
pontificum. 

III.  —  Page  204,  note  1.  Lire  Regestrum  démentis,  46tc.,  et  non 
Regt8trum. 

IV.  —  Page  209,  note  3.  a)  Remarquer,  au  préalable,  qu'un 
passage  de  la  bulle  de  Jean  XXII,  est  évidemment  altéré,  savoir  : 

«  ut  id  quod  per  sollicitudinem  ofQcii  nostri (?)  ad  debitum 

perducantur  effectum. 

b.)  Ejcpropter  est  mis  pour  eapropter. 
c.)  On  doit  lire  :  «  vestris  justis  postulationibus.  » 
Ce  document  est  compris  dans  le  fonds  des  Archives  du  Chapitre 
de  Saint-Bertrand.  (Haute-Garonne,  Arch.  départementales.) 

J.  L. 

.  1.  Voyez  :  Rymer,  >  Fœdera  >,  Convenliones Édil.  de  la  Haye,  1745,  etc.  Cité  dans 

le  Yoliime  ioiilulé  Uzeste  et  Clénient  \\  —  Bordeaux,  impr.  Cadoret,  1894.  Noos  espérons 
pouvoir  revenir  bientôt  sur  cette  pablication  qui  intéresse  un  des  plus  illustres  évéques 
do  Commioges. 


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Il  faut  ajouter  à  ces  corrections  : 

Page  212.  —  Le  copiste  du  manuscrit  de  Pomian  qui  nous  a 
fourni  la  citation  n'a-t-il  pas  voulu  dire  à  la  dixième  ligne  : 
Trois  cents  au  lieu  de  trois  formules  ? 

Page  214.  —  Il  y  a  lieu  de  modifier  la  note  t,  au  bas  et  la  page,  et 
de  lire  :  Son  père,  etc.,  était  gendre  de  Guillaume  Taillefer  dont 
Tune  des  filles,  Constance,  épousa  Robert  le  Pieux,  fils  de  Hugues- 
Capet. 

Lorsqu'on  a  vu,  dans  cette  notice  sur  le  Jubilé,  qu'une  des  fêtes 
établies  en  Thonneur  du  saint  évêque  Bertrand  de  Tlsle  rappe- 
lait sa  Nativité,  il  ne  faut  pas  oublier  que  cela  ne  signifie  pas  sa 
naissance  terrestre,  mais  le  jour  de  sa  mort  qui  fut  le  16  octobre. 
Par  une  admirable  fiction  TÉglise  considère  que  la  véritable 
naissance  des  bienheureux  est  celle  de  leur  entrée  dans  la  cité 
céleste.  Tel  est  le  sens  du  mot  natalis  dans  les  bulles. 

Il  n'y  a  d'exception  qu'en  ce  qui  concerne  le  Sauveur,  la  Vierge 
sa  mère,  et  saint  Jean-Baptiste  son  précurseur,  dont  la  naissance 
terrestre  est  particulièrement  fêtée.  A.  G. 


INFORMATIONS 


Reprenant  une  ancienne  tradition,  nous  avons  profité  de  notre 
réunion  générale  pour  signaler  les  distinctions  obtenues  cette 
année  par  quelques-uns  des  nôtres. 

Ainsi,  un  diplôme  spécial  a  été  décerné  par  le  bureau  à  M.  Dé- 
cap,  directeur  de  l'école  primaire  de  Muret,  pour  ses  persévérantes 
recherchesdevantservir  à  l'histoire  du  Gomminges,  il  a  patiemment 
recueilli  des  documents  et  rédigé  de  nombreuses  notes^  en  même 
temps  qu'il  consacrait  avec  soin  une  monographie  à  la  commune 
de  Labastide-Paumès  qui  fut  jadis  le  siège  d'une  seigneurie  im- 
portante, et  dont  des  restes  considérables  de  l'ancien  château  sont 
encore  debout. 


De  son  côté,  un  do  nos  collaborateurs  les  plus  érudits,  M.  Paul 
de  Gasteran,  notre  collègue  aus^i  à  la  Société  archéologique  du 
Midi  de  la  France,  a  reçu  de  celle-ci  une  médaille  d'or  pour  les 
matériaux  patiemment  recueillis  dans  les  archives  de  Toulouse 
sur  les  chevaliers  de  Saint-Jean  et  sur  les  commanderies  de  Malte 
dans  la  région. 

Nous  savons  qu'en  chercheur  habile,  il  vient  de  faire  une  ample 
moisson  de  documents  au  profit  de  notre  Société  qui  est  heureuse 
aujourd'hui  de  rendre  hommage  à  son  zèle  en  le  remerciant  de  sa 
fidèle  collaboration.  A.  G. 


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BIBLIOGRAPHIE 


Les  Guerres  du  IS"»*  siècle  sur  les  frontières  du  Comminges, 
du  Couserans  et  des  Quatre- V allées ,  par  le  baron  de  Lassus, 
ancien  député  (3°>«  édition).  Paris,  Champion;  Toulouse,  Privât; 
St-Gaudens,  Abadie.  —  l  vol.  in-8«de  318  pages.  Prix  :  5  francs. 

Les  lecteurs  de  notre  Revue  ont  eu  la  primeur  de  Timportant 
ouvrage  auquel  M.  Léonce  Couture  a  consacré  au  commencement 
de  cette  année,  dans  la  Revue  de  Gascogne,  le  remarquable  compte 
rendu  que  nous  allons  reproduire. 

Disons  seulement  que  le  désir  exprimé  par  le  savant  confé- 
rencier de  rinstitut  catholique  de  Toulouse  a  déjà  reçu  pleine 
satisfaction.  L'auteur,  en  effet,  vient  de  donner  une  >  édition  des 
Guerres  du  18^*"  siècle  sur  les  frontières  du  Comminges,  accompa- 
gnée de  nouvelles  notes,  d'une  table  analytique  et  d'une  carte  du 
théâtre  de  la  guerre,  extraite  de  la  grande  carte  des  Pyrénées 
espagnoles  et  françaises  dressée  au  18*  siècle  par  Roussel,  ingé- 
du  Roi. 

Voici  l'article  de  M.  Léonce  Couture  : 

I  De  nos  jours,  les  loorisles  de  Luchon,  qui  vont  au  port  de  Vèoasque  ou  de  la  Picade 
admirer  les  sauvages  beautés  de  la  Maladetla,  sont  loin  Je  se  douter  que  sur  ces  mômes 
pentes  escarpées,  où  ils  ne  s'imaginent  pas  être  montés  sans  fatigue,  il  y  a  deux  siècles, 
des  bataillons  de  600  hommes  ont  campé  jour  et  nuit,  harassés  par  les  m'trches  et  les 
contre-marches,  toujours  sur  le  qui-vive,  le  plus  souvent  nu-pieds  et  les  uniformes  en 
lambeaux,  supportant  le  froid  et  la  faim,  attendant  résignés  pendant  des  journées  entières 
|e  morceau  de  pain  qui  n'arrivait  pas  (p.  25.)  >  C'est  avec  cet  amour  intense  des  hommes  et 
des  choses  de  sou  pays  que  M.  le  baron  de  Lassus  a  voulu  retrouver  et  raconter  les  épi- 
sodes des  grandes  guerres  du  dernier  siècle  qui  s>  sont  déroulées.  Il  en  v»lait  certes  la 
peine,  le  sujet  est  intéressant  et  plus  neuf  qu'on  n'imaginerait  peut-être  avant  d'y  avoir 
regardé  de  près. 

Le  premier  de  ses  deux  récits  concerne,  en  eOei,  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne, 
«  la  plus  va»te—  on  l'a  dit  avec  raison  ^  qu*on  ait  vue  depuis  les  Croisades.  >  Hais  par 
là  même  il  est  assez  difficile  de  la  suivre  à  la  fois  sur  tous  les  p#inls,  et  il  y  a  de  vrais 
avantages,  même  pour  Thistoire  générale,  à  porter  son  attention  sur  telle  ou  telle  région 
limitée,  pour  y  voir  de  plus  près  les  réalités,  le  dcUiil  vrai  et  vivant  de  la  lutte.  Or,  si  au 
début  de  la  guerre  de  succession,  de  1701  à  4706,  le  pays  de  Comminges  n'eut  guère  qu*à 
fournir  son  contingent,  è  organiser  des  milices,  à  former  deux  établissements  militaires 
(Siiinl-Gaudens  et  Montrejeau),  les  campagnes  de  1709  à  I7l2  touchent  bien  directement 
la  région.  Il  faut  lire,  dans  le  lumineux  et  chaud  récit  du  nouvel  historien,  l'échec  du 
comte  d'Estaing  devant  Vénasque,  la  prise  d'Arrcns  par  le  marquis  d'Arpajon,  Thorrible 
ruine  de  Luchon  et  des  villages  voisins,  les  rapides  alternatives  de  la  guerre  au  port  de 
Vénasque  et  dans  le  val  d'Aran,  les  ravages  portés  par  les  Miquelets  dans  la  vallée  d'Ustou 
et  aux  environs;  et  parmi  ce  train  de  guerre,  de  tristes  et  curieux  épisodes  de  brigands, 
de  faux  raonnayeurs,  etc.  Presque  tout  cela,  je  l'ai  déjà  insinué,  aussi  neuf  qu'intéressant. 
Il  y  a  sans  doute,  sur  la  guerre  que  termina  le  traité  d'Utrecbt,  autant  de  récils  plus  ou 
moins  détaillés  que  de  grandes  histoires  générales  ou  nationales  ;  mais  snr  la  partie  pro* 


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prement  pyrénéenne,  on  y  trouTe  seulement  quelques  indications  décousues  et  sans  préci- 
sion. Ici  l'éléoient  local  prend  tonte  sa  f sieur;  nous  suivons  les  mouvements  de  troupes 
et  les  affaires  de  levées  et  de  contributions,  les  incendies  et  les  ruines,  comme  les  mesures 
de  réparation  et  d*ordre,  de  quartier  en  quartier,  de  village  en  village.  Les  indications 
générales  utiles  à  la  clarté  sont  ou  résumées  nettement  dans  le  texte,  ou  fournies  dans 
des  notes  placées  au  bas  des  pages  ;  mais  c'est  bien  la  guerre  en  Comminges  et  en  Con- 
serans  qui  remplit  les  pages  elles-mêmes.  Et  cette  histoire  est  prise  tonte  chande,  qu'on 
me  passe  le  mot,  dans  les  écritures  du  temps,  toutes  inédites  on  à  peu  près.  Les  archives 
nationales  et  surtout  celles  du  ministère  de  la  guerre  ont  fourni  à  M.  de  Lassus  les  corres- 
pondances mêmes  des  officiers  qui  ont  guerroyé  dans  nos  montagnes.  11  a  parfois  tron>é 
Técbo,  ou  plutôt  le  cri  même  des  souffrances  populaires  dans  les  archives  locales  de  son 
cher  pays,  dont  il  connaît  si  bien  tous  les  dépôts;  mais  il  constate  que  les  rensei- 
gnements de  cet  ordre  ont  été  rares,  par  suite  de  la  perte  presque  universelle  des 
papiers  du  temps.  Il  a  eu  plus  de  secours  dans  sa  propre  collection  :  comme  il  nous 
'apprend  lui-même,  ■  un  de  ses  ascendants,  subdélégué  de  l'intendance  de  Montanban  de 
1698  &  1720,  recevait  dans  sa  maison  de  Montrejeau  M.  Le  Gendre  (intendant  d*Auoh  et 
de  Béarn),  quand  ce  dernier  visitait  cette  partie  de  son  gouvernement.  >  De  lii  une  corres- 
pondance relative  à  la  guerre  d'Espagne,  qui  est  passée  par  héritage  aux  mains  de 
M.  de  Lassus. 

Le  second  récit  de  ce  beau  volume,  sur  •  la  guerre  de  la  quadruple  alliance  sous  la 
régence  du  duc  d'Orléans  (I7l9-l720)  >.  n'offre  ni  moins  d'étendue  ni  moins  d'intérêt,  m 
moins  de  nouveauté.  Je  n*eu  indique  pas  même  d'un  mot  les  divers  incidents  ;  ou  y 
rencontre  des  mouvements  analogues  et  souvent  la  mention  des  mêmes  localités  :  condition 
ordinaire  des  guerres  qui  se  succèdent  dans  la  même  région.  Toutefois  il  y  a  ici  beaucoup 
de  faits  caractéristiques  vraiment  originaux,  en  particulier  le  passage  de  Portillon  exécuté 
par  les  troupes  françaises  avec  des  efforts  prodigieux  et  un  succès  digne  de  leur  courage, 
il  y  a  aussi  des  ligures  nouvelles,  très  dignes  d'attention  et  d'étude.  Je  signalerai  seule- 
ment le  maréchal  de  camp  Antoine  de  Pardaillao-Goodrin,  marquis  de  Bonas,  dont  le  nom 
(sans  parler  de  remarquables  morceaux  de  correspondance)  revient  à  tout  instant  dans  le 
récit.  Voici  un  fragment  de  la  première  page  que  loi  consacre  l'historien  : 

•  Habile  au  maniement  du  cheval  et  de  l'épée,  très  alerte  et  très  vigoureux  aux 

attaques,  /oignant  à  l'audace  le  coup  d'œil  et  la  décision,  il  possédait  le  don  du  comman^ 

dément  et  il  savait  inspirer  couliance  aux  soldats A  sa  vaillance  devant  l'ennemi,  le 

marquis  ajoutait  des  façons  très  nobles,  un  caractère  droit  et  loyal,  un  esprit  d'une  rare 
souplesse  et  fertile  en  ressources,  le  tact  et  le  discernement  nécessaires  pour  manier  les 
hommes  et  pour  surmonter  les  difficultés,  toutes  choses  qui  sentaient  le  gentilhomme 
de  vieille  race  et  le  gascon  de  la  bonne  marque.  Parlant  à  merveille  la  langue  espagnole, 
connaissant  à  fond  les  populations  des  vallées  frontières,  très  estimé  dans  le  comté  de 
Comminges  où  il  comptait  des  parents  et  des  amis,  Bonas  avait  toutes  les  qualités  requises 
pour  vaincre  des  adversaires,  soit  par  l'adresse  des  négociations,  soit  par  la  force  des 
armes.  • 

J'ai  voulu  donner  un  échantillon  du  faire  de  l'écrivain,  quitte  i  augmenter  les  regrets 
de  la  plupart  de  mes  lecteurs  qui  ne  pourront  aborder  le  volume  que  je  leur  présente  :  ce 
volume  n'a  été  tiré  qu'à  50  exemplaires,  numérotés  à  la  presse!  C'est  une  fantaisie 
assez  ordinaire  aux  bibliophiles,  et  M.  de  Lassus  est  de  la  confrérie,  il  y  tient  même  un 
fort  beau  rang.  Mais  il  ne  devrait  pas  en  user  pour  des  publications  comme  celle-d,  sons 
peine  de  priver  les  travailleurs  ses  compatriotes  à  la  fois  d'une  ■  contribution  historique  > 
indispensable  et  d'un  excellent  modèle. 

Léonce  Coctube 


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RECHERCHES  ARCHEOLOGIQUES 

SUR  LA 

HAUTE  VALLÉE  DE  LA  SAVE 


ÈRE   ANCIENNE 

(Suite)  « 


Avezae  et  sa  Chapelle  de  N.-D. 

II.  —  ÈRE  CHRÉTIENNE 

Que  la  chapelle  de  N.-D.  d'Avezac  ait  succédé  à  un  temple 
payen,  dédié  à  Jupiter,  ce  n'est  point  là  une  pure  hypothèse,  mais, 
à  nos  yeux,  une  vérité  à  l'abri  de  toute  controverse.  La  légende 
du  pays,  ses  monuments  anciens,  une  source  d'eau  vive  que  Ton 
voit  sourdre,  à  quelques  pas  de  la  chapelle  et  sur  les  bords  de  la 
Save  qui  baigne  ces  lieux:  tout  cela  prouve,  surabondamment, 
après  les  explications^  déjà  données  ailleurs,  sur  les  usages  et  les 
mœurs  des  Romains,  que  nous  ne  sommes  pas  dans  l'erreur.  Ce 
que  nous  dirons,  plus  tard,  sur  Notre-Dame  de  la  Hillère,  à  Mont- 
maurin,  achèvera  de  convaincre  nos  lecteurs. 

Rien  de  certain,  à  notre  connaissance,  sur  N.-D.  d'Avezac, 
depuis  rétablissement  du  christianisme  dans  notre  pays  jusqu'au 
xvi«  siècle,  et  c'est  à  peine  si  j'ai  rencontré  son  nom  dans  quelques 
vieux  parchemins  de  cette  époque  ;  mais  dès  le  commencement 
du  xviP  siècle  la  chapelle  d'Avezac  jouissait  d'une  grande  renom- 
mée dans  la  contrée.  Les  paroisses  du  voisinage  et  d'autres  fort 
éloignées  s'y  rendaient,  chaque  année,  en  procession,  comme  de 
nos  jours  on  se  rend  à  N.-D.  de  Polignan,  pendant  le  mois  de  mai, 
pour  y  vénérer  sa  Vierge  noire. 

Les  moribonds  imploraient  N.-D.  d'Avezac  avec  une  pleine  con- 
fiance et  recouraient  à  elle  pour  calmer  les  terreurs  inséparables 
de  la  mort.  En  parcourant  leurs  testaments,  nous  voyons  qu'ils 
l'honoraient  de  libéralités  plus  ou  moins  considérables  pour  l'épo- 

1.  Voir  l.  X.  p.  275-280. 
Hmn  M  ConiKfiis,  i*  trimeilre  1895.  Tous  X.  —  2l. 


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que.  C'est  ainsi  que,  dans  un  manuscrit  du  xvi«  siècle,  j  ai  pu  lire 
à  Montmaurin,  qu'un  nommé  Ollé,  malade  et  en  danger  de  mort, 
recommandait  son  âme  à  Dieu  et  à  la  Sainte-Vierge  et  léguait 
a  une  somme  de  cinquante  livres  aux  religieux  de  N.-D.  d'Avezac 
«  pour  autant  de  messes  à  célébrer  dans  leur  chapelle,  et  non  ail- 
«  leurs.  » 

Quels  étaient  ces  religieux?  La  tradition  nous  apprend  qu'ils 
appartenaient  à  Tabbaye  de  Nisors,  située  à  trois  kilomètres,  au 
nord  d'Avezac.  Propriétaire  d'une  grande  partie  des  terres  du 
voisinage,  elle  jeta  un  grand  éclat  dans  notre  pays.  Or,  les  religieux 
de  Nisors  n'étaient  eux-mêmes  qu'une  colonie  de  la  célèbre  abbaye 
de  Bonnefont,  de  l'ordre  de  Giteaux  que  saint  Bernard  avait  réformé 
en  France  (1031-1153). 

La  fondation  de  Bonnefont  remontant  à  Tannée  1137,  et  celle  de 
Nisors  l'ayant  suivie  cle  près,  on  peut  conclure  de  là  que  les  Ber- 
nardins de  Nisors  commencèrent  à  desservir  le  sanctuaire  d'Ave- 
zac dès  leur  établissement  sur  les  bords  de  la  Gesse. 

Pour  des  raisons  que  j'ignore,  mais  sans  doute  à  cause  des  pro- 
grès de  la  philosophie  du  xviii»  siècle  qui  comptait  déjà  de  nom- 
breux partisans  dans  notre  région,  ils  avaient  déserté  leur  cha- 
pelle depuis  quelques  années,  lorsque  l'orage  do  1789  éclata  sur  la 
France.  Peut-être  pourrions-nous  attribuer  leur  rentrée  à  Nisors 
au  relâchement  qui  s'était  introduit  dans  quelques  maisons  de 
leur  ordre,  et  notamment  à  Bonnefont,  malgré  les  supplications, 
les  prières  et  les  larmes  de  son  saint  abbé.  Des  vieillards  qui 
l'avaient  connu  nous  racontaient,  il  y  a  trente  ans,  que  ne  pou- 
vant retenir  ses  religieux  dans  la  solitude  du  cloître  et  les  voyant 
avides  de  bien-être  et  de  plaisirs  quïls  allaient  chercher  jusqu'à 
Saint-Gaudens,  «  il  leur  prédit,  un  jour,  avec  force  larmes,  ce  qui 
»<  allait  bientôt  arriver  :  la  désertiori,  la  ruine,  d'abord,  de  leur 
«  abbaye,  sa  démolition  ensuite  «  ». 

Quoi  qu'il  en  soit  des  religieux  d'Avezac,  un  fait  reste  certain 
pour  nous  qui  avons  scrupuleusement  cherché  la  vérité  dans  la 
tradition  et  les  dépositions  des  vieillards,  c'est  qu'ils  étaient  très 
populaires. 

L'histoire  locale  les  montre  d'un  dévouement  sans  bornes  pour 
linstruction  et  l'éducation  de  l'enfance.  Plusieurs  de  leurs  élèves 
d'Avezac  parvinrent  à  d'enviables  situations,  grâces  aux  soins 
qu'ils  en  avaient  reçus;  quelques  autres  arrivèrent  au  sacerdoce, 
mais  tous  ne  persévérèrent  pas  dans  la  bonne  voie  où  ils  s'étaient 


1 .  Ce  qui  ruslait  de  la  célèbre  abbnyc  (le  portail  et  la  Taçade  de  son  ég|is«)  fol  déaioli. 
il  y  a  25  ou  30  ans  cl  achelë  par  M.  Lasvigne  de  Touille,  dont  Féglise  s*enrichit  de  ces 
épaves,  lors  de  sa  restauration. 


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engagés.  Trois  d'entre  eux  étaient  déjà  dans  Tàge  viril  lorsque, 
semblable  à  la  foudre,  la  Révolution  éclata  sur  la  France.  Ils  . 
faiblirent  devant  l'épreuve.  Pour  éviter  la  prison  et  Texil,  sinon 
Téchafaud,  ils  donnèrent  le  scandale  du  serment  à  la  constitution 
civile  du  clergé.  Elle  trouva,  hélas!  dans  notre  pays,  comme 
partout  ailleurs,  beaucoup  d'adhérents,  et  grâces  aux  violences 
et  aux  ruses,  elle  en  aurait  trouvé  un  plus  grand  nombre  si  Dieu 
n'avait  jeté  un  regard  de  miséricorde  sur  TÉglise  de  France. 
MM.  X...  et  X...,  eurent  le  courage  d'avouer  leurs  torts  et  do  les 
réparer,  après  le  Concordat;  l'un  alla  mourir  pénitent  dans  la 
cure  d'A...,  et  l'autre  à  M...,  qu'ils  édifièrent  jusqu'à  leur  mort. 
Quant  au  troisième  qui  avait  eu  le  malheur  de  s'engager  comme 
Luther,  comme  Loison,  dans  les  liens  du  mariage,  nous  aimons  à 
espérer  que  Dieu  eut  pitié  de  sa  pauvre  âme  aux  derniers  jours 
de  sa  vie.  Il  lui  ménagea  la  souffrance  comme  un  moyen  d'expia- 
tion. Atteint  de  cécité  pendant  les  longues  années  de  sa  vieillesse 
centenaire,  il  put  se  livrer  à  de  salutaires  réflexions  et  réparer, 
comme  David,  par  la  pénitence,  les  scandales  dont  il  avait  centriste 
FÉglise  de  Jésus-Christ. 

Le  témoignage  rendu  au  zèle  des  religieux  d'Avezac,  pour 
l'éducation  et  l'inâtruction  de  la  jeunesse,  tout  historien  de  bonne 
foi  doit  le  rendre  à  tous  les  ordres  religieux  et  au  clergé  de  cette 
époque.  De  nos  jours  il  n'est  pas  rare  d'entendre  le  contraire; 
moins  rare  encore  d'accuser  d'ignorance  la  France  d'avant  1789. 
On  va  même,  souvent,  jusqu'à  attribuer  à  la  Révolution  nos 
lumières  et  nos  progrès  contemporains.  Ce  sont  là  des  erreurs  que 
je  veux  dissiper  longuement,  ailleurs,  dans  l'intérêt  de  la  justice 
et  de  la  vérité.  En  attendant,  voici  deux  imposants  témoignages  en 
faveur  de  la  thèse  que  nous  soutenons.  Ne  pouvant  suspecter  de 
partialité  leurs  auteurs,  chacun  sera  forcé  d'en  reconnaître  la 
grande  valeur. 

M.  Villemain  enseigne  qu'avant  1789  tout  dans  les  traditions  et 
les  moeurs  favorisait  l'instruction  classique,  et  M.  Taine  soutient 
qu'avant  la  Révolution  l'enseignement,  en  France,  donnait  «  le 
maximum  de  rendement  avec  le  minimum  de  frais  ».  Voici  un 
autre  témoignage  plus  concluant  encore  : 

«  Si  jamais  vous  allez  aux  Archives  nationales,  à  Paris,  deman- 
«  dez  les  documents  côtés  f°  17,  enquête  de  l'an  IX.  On  vous 
«  apportera  deux  liasses  énormes  do  pièces  remontant  à  l'année 
«  1801.  C'est  le  résultat  d'une  enquête  qui  fut  faite  alors  par  les  Pré- 
«  fets,  sur  Tordre  de  Chaptal,  ministre  de  l'intérieur,  pour  savoir  le 
«  nombre  des  établissements  d'instruction  publique  avant  la  Révo- 
«  lution,  leurs  ressources,  leurs  revenus,  le  nombre  des  maîtres 
«  et  des  élèves. 


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«  Vous  trouveriez  que  dans  les  205  arrondissements  dont  parlent 
«  nos  documents,  il  y  avait  —  en  1789  —  434  séminaires  et  collè- 
«  ges,  soit  plus  de  deux  par  arrondUaement,  » 

«  Nos  journaux  radicaux  répudient-ils  les  chiffres  fournis  au 
«  ministère  par  les  préfets  de  l'an  IX  ? 

«  Et  notez  que  bien  des  pièces  se  sont  perdues,  que  les  deux  tiers 
«  de  la  France,  à  peine,  sont  représentes  dans  ce  qui  nous  reste 
«  de  l'enquête  officielle;  en  sorte  que  Ton  peut  évaluer  à  700,  au 
«  minimum,  le  nombre  do  collèges  qui  couvraient  autrefois  le  sol 
«  de  la  patrie.  » 

Gomme  la  plupart  des  autres  églises  de  la  contrée,  N.-D.  d'Ave- 
zac  eut  ses  scènes  de  désordre,  de  folie  et  de  terreur  pendant  la 
tourmente  révolutionnaire  de  1793.  Son  clocher  fut  démoli  et,  trans- 
portés à  Houéganac,  hameau  voisin  de  Charlas,  ses  matériaux 
servirent  à  des  constructions  qui  rappellent  encore  cette  époque 
néfaste.  La  chapelle  devait  avoir  le  môme  sort;  elle  fut  sauvée 
par  le  sang-froid  et  la  présence  d'esprit  de  M.  Rimailho,  alors 
maire  de  la  localité.  Un  jour  qu'il  labourait  son  champ,  voisin 
de  la  chapelle,  il  voit  arriver  quelques  sans-culottes,  envoyés  par 
le  comité  do  Mont-Unité  (Saint-Gaudens)  avec  la  mission  d'incen- 
dier le  sanctuaire.  —  Tout  est  prêt,  leur  dit-il,  les  bûchers  sont 
déjà  adossés  au  porche  et  aux  murs  deTéglise;  ils  n'attendent  que 
la  torche  pour  exécuter  leur  œuvre.  —  Satisfaits  de  cette  réponse 
et  confiants  en  M.  Rimailho,  les  émissaires  continuèrent  leur  route 
vers  l'abbaye  de  Nisors,  et  N.-D.  d'Avezac  fut  sauvée.  C'est  le  récit 
d'un  vieillard  qui  vient  de  mourir. 

M.  Du  Mège  a  émis,  sur  le  sanctuaire  d'Avezac^  un  sentiment 
que  j'ai  de  la  peine  à  partager.  Il  déclarait,  un  jour,  au  curé 
de  la  paroisse,  qu'il  était  de  beaucoup  antérieur  au  reste  de  la 
chapelle.  Je  crois  ce  sanctuaire  du  xiv«  siècle  et  certainement  le 
reste  du  monument  est  au  moins  de  cette  époque.  Voici  la  raison 
que  j'en  donne  :  ceux  qui  ont  assisté  à  un  commencement  de  res- 
tauration, entrepris  vers  1870,  se  souviennent  d'avoir  vu,  comme 
moi,  dans  les  parois  de  la  nef,  des  fragments  considérables  de* 
plusieurs  fresques.  On  avait  eu  le  tort  de  les  faire  disparaître,  je 
ne  sais  à  quelle  époque,  sous  une  couche  de  plâtre,  comme  noua 
l'avons  vu,  à  N.-D.  de  Polignan  pour  certaines  peintures  presque 
semblables.  Une  seule  des  fresques  d'Avezac  était  assez  bien  con- 
servée. Elle  était  en  face  la  porte  d'entrée,  et  représentait  le  Christ 
en  croix,  avec  les  personnages  légendaires  :  la  Sainte-Vierge, 
^aint  Jean  et  Marie-Madeleine.  Deux  religieux,  de  Saint-Jean  de 
Jérusalem,  en  armes,  un  de  chaque  côté  de  la  scène,  attiraient  le 
regard  et  fixaient  l'attention  du  pèlerin.  L'ancienneté  de  ces  pein- 
tures, dont  M.  Du  Mège  ne  pouvait  supposer  l'existence,  déipoatre 


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301 

son  erreur  et  la  vraisemblance  de  notre  hypothèse.  D'autres  pein- 
tures de  la  même  époque  décoraient  le  porche,  assez  considérable, 
qui  se  trouvait  devant  la  porte.  On  y  avait  déposé  de  nombreux 
fragments  de  marbre  et  sculptures  antiques,  ainsi  que  les  autels 
payons  dont  nous  avons  déjà  parlé.  A  Texception  d'un  petit  nom- 
bre>  tous  ces  monuments  ont  disparu  sans  qu'on  ait  aucune 
chance  de  les  retrouver.  Ce  porche  aujourd'hui  détruit  était 
nécessaire  lorsque  la  foi  plus  vive  attirait,  ici,  des  foules  con- 
sidérables et  que  les  paroisses  voisines  s'y  rendaient  en  proces- 
sion plusieurs  fois  chaque  année.  Un  plafond  couvrait  la  nef,  sans 
chapelles  ni  bas  côtés.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  n'y  ait  eu  une 
porte  de  communication  entre  la  chapelle  et  la  maison  adjacente 
des  religieux  qui  la  desservaient.  Cette  maison,  que  nous  avons 
vue  tombant  en  ruines,  et  dont  il  ne  reste  plus  de  traces,  se 
trouvait  à  Touest  de  la  chapelle,  là  où  s'élève  actuellement  le 
nouveau  clocher.  Elle  servit  plus  tard  de  presbytère  aux  des- 
servants. 

Le  cimetière,  attenant  à  la  partie  nord  de  la  chapelle,  était 
autrefois  beaucoup  plus  considérable  qu'aujourd'hui;  on  en  a 
exhumé  plusieurs  sarcophages  en  marbre  de  Saint-Béat,  dont 
quelques-uns  sont  encore  là  pour  proclamer  l'ancienne  renommée 
de  ces  lieux.  On  dit  qu'il  suffit  de  creuser  un  peu  la  terre  aux 
alentours  de  la  chapelle  pour  découvrir,  au  milieu  d'antiques 
substru étions,  beaucoup  de  monuments  de  ce  genre.  Cela  n'éton- 
nera personne  lorsqu'on  saura  que  la  chapelle  et  le  cimetière 
d'Avezac  étaient  la  nécropole  de  l'abbaye  de  Nisors,  et  peut-être 
aussi  de  plusieurs  des  familles  militaires  de  la  contrée.  Un  jour, 
en  effet,  en  creusant  la  terre,  on  exhuma  un  beau  sarcophage  en 
marbre  blanc  ;  le  couvercle  ayant  été  levé,  on  y  trouva,  parmi 
de  nombreux  ossements,  une  cotte  d'arme,  un  casque,  une  épée,  etc. 
Ce  sarcophage  était  flanqué  de  deux  autres  plus  petits:  celui  de 
droite  renfermait  le  corps  d'une  femme,  et  celui  de  gauche  le 
corps  d'un  enfant.  C'étaient  là,  évidemment,  les  restes  mortels 
d'une  famille  illustre. 

Nous  ne  terminerons  pas  ce  travail  sur  N.-D.  d'Avezac  sans  con- 
.  sacrer  quelques  lignes  à  son  chœur  et  à  son  sanctuaire.  Le  chœur, 
qui  n'a  subi  dans  la  restauration  que  quelques  modifications  peu 
importantes,  n'est  que  la  prolongation  de  la  nef  dont  il  est  séparé 
par  une  marche  en  pierre  et  par  une  balustrade.  Puis  vient  le 
sanctuaire  qu'on  a  respecté  et  qu'on  voit  dans  son  état  primitif,  si 
j'en  excepte  deux  fenêtres  pratiquées  à  droite  et  à  gauche,  pour  en 
diminuer  l'obscurité,  et  qui  peut-être  y  répandent  maintenant  trop 
de  jour.  Il  est  en  retrait  de  plusieurs  mètres  sur  la  nef  et  le  chœur, 
comme  dans  beaucoup  d'autres  églises  de  l'époque.  Quant  à  la 


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place  laissée  libre,  de  chaque  côté,  à  la  naissance  du  sanctuaire, 
elle  était  occupée  par  deux  autels  qui  n'offraient  rien  de  remarqua- 
ble. Comme  le  temple  payen  dont  sans  doute  il  occupe  la  place,  le 
sanctuaire  de  la  chapelle  est  très-petit;  c'est  à  peine  s'il  mesure 
un  espace  de  5  «".  X  ^-  Avant  la  restauration,  il  produisait  l'effet 
d'une  grande  niche  à  laquelle  donnaient  accès  quatre  ou  cinq 
marches;  c'est  dire  combien  il  était  élevé  au-dessus  de  la  nef  et 
du  chœur.  Il  n'en  reste  plus  que  deux  aujourd'hui.  Les  nervures, 
de  sa  voûte  ogivale,  leur  disposition,  et  surtout  la  pureté  de  son 
arcade  attirent  l'attention  du  visiteur  et  du  pèlerin.  Jusqu'en  ces 
derniers  temps,  une  grille  en  fer  battu  et  à  riches  dessins  séparait 
le  chœur  du  sanctuaire  et  mettait  à  l'abri  d'un  coup  de  main  les 
reliques  et  les  richesses  que  possédait  ce  dernier.  Elle  était  à  peu 
près  semblable  à  celle  que  possède  l'église  de  Saint-Avcntin,  près 
de   Luchon,   et  dans   un   état  de  conservation  parfaite.    Disons 
cependant,  pour  être  exact,  que,  pendant  l'orage  de  1830,  quelques 
vandales  de  la  localité  ou  d'ailleurs  firent  main  Basse  sur  quel- 
ques-unes des  fleurs  de  lis  qui  formaient  son  couronnement,  à 
une  hauteur  de  près  de  quatre  mètres.  Elles  en  étaient  le  plus 
bel  ornement  et  donnaient  à  l'ensemble  un  coup  d'œuil  ravissant. 
Cette  œuvre  d'art  fut  enlevée,  je  ne  sais  à  quelle  époque,  et  ven- 
due à  vil  prix. 

Je  suis  peu  partisan  de  Tintervention  de  l'administration  civile 
dans  les  affaires  religieuses.  Il  faut  cependant  reconnaître  qu'elle 
a  quelquefois  du  bon.  Félicitons-nous,  par  exemple,  des  mesures, 
qu'elle  a  cru  devoir  prendre,  et  qu'elle  recommandait  naguère, 
pour  la  conservation  de  nos  antiques  monuments. 

L'ornementation  du  sanctuaire  d'Avezac  se  compose  d'un  autel 
en  bois,  d'un  antique  retable,  doré  en  grande  partie,  d'une  belle 
statue  de  l'Immaculée-Conception  qui  en  occupe  le  centre,  ayant 
la  statue  de  S.  Pierre  à  sa  droite  et  celle  de  S.  Paul  à  sa  gauche. 
Sept  ou  huit  prêtres  ont  desservi  la  cure  d'Avezac  depuis  la 
Révolution  de  1793.  Le  premier  était  d'Avezac  môme  et,  selon  toute 
apparence,  un  élève  de  ses  anciens  religieux.  Il  prêta  le  serment, 
qu'il  rétracta  plus  tard,  à  la  constitution  civile  du  clergé. 

M.  Tajan  lui  succéda  et  fît  place  lui-même  à  M.  A...,  né  dans  la 
vallée  d'Aurc;  interdit,  à  raison  de  ses  scandales,  il  se  retira  et 
mourut  à  Saint-Martory,  digne  de  Vigilance,  son  compatriote  selon 
certains  auteurs. 

Après  lui,  le  service  de  N.-D.  d'Avezac  aurait  été  fait,  pendant 
quelque  temps,  par  M.  Lasbax,  curé  de  Charlas  et  l'un  de  nos 
prédécesseurs  à  Gardeilhac.  Persécuté  par  la  Révolution,  il  dut 
se  réfugier  en  Espagne  d'où  il  revint  en  France  après  le  Con- 
cordat. 


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303 

Un  prêtre  d'une  sainte  originalité  occupa  la  cure  d'Avezac  do 
1828  à  1860  environ.  C'était  M.  Rougery,  dont  on  raconte  mille 
histoires  plus  amusantes  les  unes  que  les  autres  et  dont  quelques- 
unes  suffiraient  pour  immortaliser  son  nom.  Quelques  allusions  au 
gouvernement  de  Juillet  le  firent  passer  devant  les  tribunaux.  Je 
ne  sais  pourquoi  il  fut  obligé  d'aller  se  défendre  à  Bordeaux.  Il  le 
lit  si  bien  quil  fut  acquitté  et  que  le  président  du  tribunal  lui 
adressa  de  chaleureuses  félicitations.  M.  Darbon  qui  lui  suc- 
céda ne  fit  que  passer  et  laissa  sa  place  à  M.  Castérés.  C'est  lui 
qui  commença  la  restauration  de  N.-Û  d'Avezac,  et  c'est  M.  Gros, 
son  successeur,  qui  devait  continuer  et  couronner  cette  œuvre. 
La  voûte  ogivale,  que  je  voudrais  un  peu  plus  élancée ,  à  peine 
terminée,  il  jette  les  fondations  des  chapelles  et  du  clocher  qui 
s'élève  déjà  à  la  hauteur  de  plusieurs  mètres.  Un  moment  inter- 
rompus par  la  restauration  de  l'église  de  Saint-Pé-del-Bosc,  desser- 
vie par  le  curé  d'Avezac,  les  travaux  ne  sauraient  tarder  à  être 
repris  et  menés  à  bonne  fin.  L'intelligence  et  le  zèle  du  pasteur 
suppléeront  à  l'insuffisance  des  ressources,  et  bientôt  Avezac  aura 
une  église  digne  de  son  passé  glorieux  et  de  sa  Madone  si  aimée 
et  si  vénérée. 

N.  B.  —  Au  moment  où  paraît  cette  notice,  M.  Gros  a  quitté  la 
cure  d'Avezac  pour  celle  de  Saint-Laurent,  au  doyenné  do  l'Islc-en- 
Dodon.  Son  successeur,  M.  Pradère,  ne  saurait  oublier  que  noblesse 
oblige.  La  paroisse  d'Avezac  et  la  contrée  comptent  sur  son  zèle 
intelligent  pour  la  continuation  et  rachcvement  de  l'œuvre  si  bien 
commencée.  Prêtres  et  fidèles  le  féliciteront  d'avoir  heureusement 
rétabli,  dans  notre  cher  Nébouzan,  l'un  des  plus  anciens  pèleri- 
nages du  Midi  de  la  France. 


L'abbé  Gouret. 


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SIMPLE  NOTE 

SUK  QUEr.QUES  PROCÉDÉS  DE  CULTURE  MARAÎCHÈRE 

r6oig6e  vers  1640 
POUR    LE    TERROIR    DE    S  A  I  N  T- G  A  U  DEN  S 


Tout  récemment,  au  cours  de  la  visite  d'une  bibliothèque 
amie,  à  Agen,  le  hasard,  un  hasard  heureux  et  salué  à 
régal  d*une  bonne  fortune,  amena  dans  nos  mains  un 
assez  gros  volume  in-4°  de  près  de  900  pages,  presque 
entièrement  dérelié,  dépourvu  de  titre  extérieur,  et  qui, 
à  raison  de  cet  état  défectueux,  piquait  la  curiosité,  ne 
fut-ce  que  pour  interroger  le  titre.  C'était  l'ouvrage  célèbre 
d'Olivier  de  Serres,  seigneur  du  Pradel,  surnommé  le 
Père  de  l'Agriculture,  le  célèbre  agronome  du  Vivarais 
sous  le  règne  d'Henri  IV,  et  intitulé  :  «  Le  Théâtre  d'Agri- 
culture et  Mesnage  des  champs,  etc..  pour  Pierre  et 
Jacques  Chouet  s,  1.  1629'.  »  Étranger  à  ces  sortes 
d'études,  nous  fermions  déjà  le  livre,  quand  notre  atten- 
tion fut  sollicitée  par  une  addition  de  pages  manuscrites, 
insérées  à  la  fin  du  volume,  et  dont  la  première  commen- 
çait ainsi  : 

i(  Description  du  temps  auquel  il  fault  semer  et  planter 
«  toutes  sortes  de  graines  dans  les  jardins  en  le  terroir  et 
«  climat  de  la  ville  de  Saint-Gaudens.  » 

Pour  un  enfant  de  cette  dernière  ville,  il  n'en  fallait  pas 
davantage;  l'intérêt  était  éveillé  sur  ce  travail,  et  il  ne 
s'agissait  plus  que  d'en  rechercher  l'auteur.  Mais  la 
recherche  est  demeurée  vaine  et  tout  ce  qu'il  est  permis 
de  conjecturer,  en  parcourant  les  autres  feuillets  qui  trai- 
tent d'Astronomie  (d'Astrologie,  comme  l'on  disait  alors), 
c'est  qu*il  doit  être  l'œuvre  de  quelque  érudit  du  17*  siècle, 
originaire  sans  doute  du  pays  de  Nébouzan  ou  qui  lui 
était  vivement  attaché.  L'écriture  très  nette,  de  même  que 
l'orthographe,  sont  bien  celles  de  l'époque  supposée,  et 

1.  Olivier  de  Serres,  Théâtre  d'Agriculture  (1600),  in-fol.,  plusieurs  fois  réimprimé  jua- 
qu'à  la  fin  du  XVII*  siècle,  et  même  encore  en  1804-1805,  en  2  vol. 


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ce  qui  enlève  toute  hésitation  à  cet  égard,  c'est  la  série, 
qui  vient  à  la  suite,  des  prédictions  climatériques  aussi 
bien  qu'historiques  au  sujet  des  années  1645  et  suivantes 
jusqu'en  1673. 

Laissant  de  côté  tout  ce  qui  est  sans  lien  direct  avec  la 
question  d'intérêt  local,  nous  nous  bornerons  à  transcrire 
ces  procédés  pratiques  d'ensemencement,  qui  se  sont 
peut-être  perpétués  jusqu'à  nos  jours,  et  dont,  à  défaut, 
les  indications  pourraient  encore  maintenant  être  appli- 
quées avec  fruit.  Des  érudits  sauraient  dire  si  ces  précep- 
tes s'accordent  avec  les  maximes  des  anciens  agronomes, 
les  Hésiode,  Caton  l'Ancien,  Varron,  Virgile,  Columelle, 
Palladius,  Ch.  Estienne,  Heresbach-,  Herrera,  Gallo, 
Tarello,  Olivier  de  Serres,  encore  Rapin,  Vanière,  Liger, 
Duhamel,  et,  dans  les  temps  modernes,  Joigneaux,  le 
Bon  Jardinier  et  les  Almanachs  si  répandus  de  nos  jours  «. 
Pour  notre  part,  en  un  pareil  sujet,  nous  exprimons  le 
regret  d'une  incompétence  véritable,  qui  nous  interdit 
l'appréciation  et  le  contrôle  de  méthodes,  fondées  sur  la 
tradition  et  l'expérience  de  ces  diverses  cultures.  Nous 
n'hésitons  pas  à  reproduire,  quand  même,  ces  documents, 
dans  la  pensée  que  d'autres  pourront  suppléer  les  connais- 
sances qui  nous  manquent  et  tirer  ainsi  profit  de  ces 
enseignements. 

Établies  en  général  sur  l'observation  des  phases  de  la 
lune,  selon  la  diversité  des  mois,  ces  données  nous 
amènent  à  redire,  mais  sans  l'autorité  qui  les  accom- 
pagne, les  vers  du  poëte  : 

.Ipsa  dies  alios  alio  dcdit  ordine  luna 
Felices  operum.  Quintam  fuge. . .  ^. 

Et  encore  cette  interrogation  inquiète  : 

Quid  tempestates  automni  et  sidéra  dicam*? 

1.  Hésiode,  Les  Travaux  et  las  Jours.  —  C&ion  TAncien  ou  le  Censeur,  trailé  De  Re 
rusticâ.  —  Varron,  De  re  rusticâ^  en  3  liv.  —  Virgile,  Georgiques.  —  Columelle,  De  Re 
rusticâ^  en  12  liv.  —  Palladius,  Do  Re  rusticà^  eu  14  liv.  —  Estienne  (Ch.),  Prœdium 
rusticurtif  refondu  dans  son  Traité  de  l'Agriculture  et  Maison  rustique, 

Heresbach,  Rei  rua/ica,  libri  qualuor.  —Herrera  (Gabr.  Alf.),  Libro  de  AgricuUura.  — 
Gallo,  Vinti  giornale  delV  AgricoUura.  —  Tarello  (Camille),  Recordo  d'AgricoUura.  — 
Olivier  de  Serres,  v.  précédente  note  1.  —  Rapin  (le  P.  René),  De  Ilortis.  —  Vanière  (le 
P.  Jacques),  Prœdium  itisticum.  —LigGriLtims)^  Nouvelle  Maison  rustique.  —Duha- 
mel Dumonceau,  Des  éléments  d'Agriculture.  —  Joigneaux  (P),  Le  livre  de  la  Ferme  et 
des  Maisons  de  campagne. 

2.  Virgile,  Georg,  1.  i,  v.  276-77.     |     3.  Virgile,  Georg.y  Uv.  i.  v.  311. 


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Enfin,  la  transcription  fournie  se  continue,  d'abord  par 
une  série  de  remarques  sur  la  lune,  remarques  d'une 
étrangeté  parfois  naïve,  en  tout  cas  assez  originales,  et,  à  ce 
titre,  dignes  de  quelque  intérêt,  surtout  si  Ton  peut  penser 
qu'elles  sont  le  résultat  d'observations  climatériques 
notées,  il  y  a  200  ans,  à  l'intention  de  notre  pays  ;  ensuite, 
par  la  description  des  anciennes  mesures  agraires  pro- 
pres à  la  ville  de  Saint-Gaudens.  Cette  double  addition 
nous  sera  pardonnée,  comme  formant,  sous  la  plume  de 
notre  auteur  anonyme,  un  complément  assez  assorti  au 
travail  qui  précède. 


I.  —  DESCRIPTION  DU  TEMPS 

auquel  il  fault  semer.et  planter  toute  sorte  de  graines  dans  les  jardins 
en  le  terroir  et  climat  de  la  ville  de  Saint-Gaudens, 

1"*  Choux  Capus  et  Verds  ' 

Premièrement,  toute  sorte  de  choux  en  febvrier  et  en  mars,  en 
quelle  lune  que  ce  soit,  pourveu  que  le  temps  soit  beau  et  la 
terre  bien  cultivée  et  apprestée.  Le  jour  du  mardy  gras  est  fort 
propre.  Toutesfois  pour  le  temps  d'eslection  il  seroit  à  souhaiter 
de  semer  les  choux  capus  après  la  plénitude  de  la  lune,  et  les  choux 
verds  à  la  nouvelle  lune.  Les  graines  des  choux  capus  venant  de 
Barcelone  et  d'Espaigne  sont  extrêmement  bonnes. 

Il  fault  sur  tout  remarquer  de  ne  semer  jamay  la  graine  des 
choux  lors  que  le  vant  d'autan  souffle,  car  ils  se  convertissent  en 
rabes,  ni  au  moys  d'apvril  et  de  may,  par  ce  que  si  Ton  les  sème  en 
ces  moys  une  petite  bestiolle  sy  fourre,  que  le  vulgaire  appelle  le 
Marchant,  qui  est  comme  une  petite  pulce  sautillant  sur  les  choux  ^ 
lesquels  comancent  à  naistre  et  les  pieotte  et  les  ronge  jusques  k  la 
racine,  les  faisant  sécher  tellement  que  si  Ton  ne  fait  pas  la  dite 
semance  es  mois  de  febvrier  et  de  mars  il  fault  attendre  jusques  h 

1.  Choux  capus,  dénommés  généralement  choux  cabus  ou  pommés.  V.  Olivier  de 
Serres,  édil.  précitée  de  1629,  p.  471  in  Une  et  suiv.—  I/orthographe  Cspits  parait  préféra- 
ble, comme  plus  conforme  à  l'étymologie  :  cupnt,  tête  ;  choux  à  tète  ou  pommés. 

2.  V.  Olivier  de  Serres,  1.  cit.,  p.  f^T^  in  med. 

Cette  désignation,  qui  s'est  perpétuée  encore  de  nos  jours,  du  moins  chez  les  jardiniers  <»t 
maraîchers  de  In  région,  sous  le  vocable  approchant  de  Marchandons  s'applique  à  un 
insecte  presque  imperceptible  qu'en  langage  scientifique  on  appelle  TAltisse  lAUic»  ole^ 
lacen,  Geofl*.)  «  dit  puce  de  terre,  en  raison  de  la  faculté  qu'il  a  de  sauter.  C'est  un  petit 
coléoptère,  de  forme  ovale,  de  0,004  de  longueur  au  plus  et  voisin  des  cbrysomîtes.  Il  est 
surtout  remarquable  par  sa  belle  couleur  bleue  métallique  cl  le  renflemeet  de  ses  cuissi*« 
postérieures...  »  Celte  description  est  empruntée  au  lion  Jardinier,  année  1862,  p.  270.  — 
Mais  quelle  est  l'origine  de  ce  nom  de  Marchand  ou  March&ndon  ?  c'est  ce  qu'il  ne  nous 
a  pas  été  donné  de  découvrir. 


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la  veilhe  de  St  Jehan  quon  en  retorne  semer,  lesquels  choux  sont 
bons  pour  tout  Ihyver  et  comancement  du  primptamps. 

Il  fault  aussi  remarquer  quen  semant  la  graine  de  choux  en 
febvrier  et  mars  et  auparavant  que  les  arbres  comancent  à  fleurir, 
les  petits  oyseaux  font  un. grand  ravage  à  la  semance  qui  comance 
à  naistre,  la  mangeant  èi  proportion  quelle  sort  de  terre  et  jusques 
k  ce  que  les  deux  premières  feulhes  comancent  à  verdoyer,  car  dès 
quelles  sont  vertes  les  oyseaux  ny  touchent  plus. 

Pour  prévenir  et  empescher  Je  ravage  desdits  oyseaux,  il  n'y  a 
aultre  remède  que  la  couvrir  avec  des  rets  ou  filets  de  peseheurs  et 
dy  planter  àTentour  des  ayles  de  courbeau,  de  njilan  ou  desprevier 
et  quelques  fantosmes  de  foin  ou  de  paille  pour  le^  espouvanter,  de 
quoy  il  ne  fault  se  point  mettre  en  peyne,  quand  on  sème  les  dites 
graines  de  choux  à  la  veilhe  de  la  St  Jehan,  car  pour  lors  les 
oyseaux  trouvent  k  se  repaistre  par  tout.  Toutes  fois,  pour  ce  qui 
est  de  la  graine  des  choux  capus,  il  ne  fault  jamais  attandre  la 
veilhe  de  la  St  Jehan,  car  il  les  fault  semer  aux  susdits  moys  de 
febvrier  et  de  mars  pour  estre  replantés  sur  la  fin  du  moys  de  may 
et  comancement  de  juin. 

Pour  empescher  que  les  choux  comuns  ne  grainent,  pour  les 
culhir  et  manger  tout  Ihyver  et  comancement  du  printemps,  il  ne 
fault  semer  la  graine  quaux  veilhes  de  St  Jehan  et  de  St  Barthé- 
lémy. 

Pour  faire  devenir  beaux  les  choux  capus,  quand  ils  sont  un  peu 
grands,  il  les  fault,  si  tost  nés,  environner  de  fougère  verte  et  la 
renouveller  à  proportion  quelle  aura  séchée. 

2**  Laittues  Capusses» 

Laittues  capusses  fault  semer  huict  jours  devant  et  huict  jours 
après  la  feste  de  St  Michel  de  septembre  et  les  replanter  en  quel- 
que beau  jour  de  décembre  ou  de  janvier  pour  en  manger  le 
Caresme  et  après  Pasques.  En  les  replantant,  il  leur  fault  roigner 
avec  le  bout  de  longle  la  cime  et  le  soomet  de  la  racine  pour 
mieux  pomer. 

On  en  sème  aussi  fort  proficlablement  en  febvrier  pour  les 
replanter  sur  la  fin  d'apvril  et  comancement  de  may  et  ce  à  lenteur 
des  carreaux  de  melons.  Car  comme  les  limaçons  comancent  h 
sortir  pour  aller  manger  les  feulhes  vertes  et  nouvelles  des  melons, 
ils  sattachent  et  se  repaisssent  plus  tost  sur  les  feulhes  des  dites 
laittues  et.  par  ce  moyen,  on  préserve  les  melons. 

3**  Melons,  Courges  et  Concombres 
Melons,  courges  et  concombres  fault  semer  a\i  moys  d'apvril 
ou  comancement   de   may,    et   particulièrement  lorsqune  petite 

1.  V.  Olivier  de  Serres,  1.  cit ,  p.  455  in  fine.  —  Elles  sonl  désignées  sous  le  nom  de 
Cabusses. 


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308 

montaigne  quon  appelle  Montaut,  qui  est  au  pied  de  Garonne, 
entre  Miramont  et  Valentine,  comance  à  verdoyer*. 

4"  Oignons  et  Fourreaux 

Oignons  et  Fourreaux^  fault  semer  depuis  le  vingt  cinquiesme 
jour  du  moys  de  janvier  jusques  au  treize  de  febvricr  eans  regarder 
auloun  point  de  lune,  mais  que  le  temps  soit  beau  et  la  terre  bien 
apprestée  et  fumée,  pour  les  replanter  depuis  la  my  may  jusques  au 
quinze  de  juin. 

5*  Raforts 

Raforts'  fault  semer  sur  les  deux  derniers  jours  de  la  lune  du 
moys  dapvril  et  tous  les  aultres  moys  de  suitte  jusques  au  moys 
doctobre  en  mesme  point  de  lune,  car  en  semen  en  novembre, 
décembre,  janvier,  febvrier  et  mars,  ils  ne  valent  rien. 

6**  Pastenades,  Blettes  et  Raves 

Pastenades^  et  Blettes  raves  ^,  aux  moys  de  may  et  de  juin  sur  la 
fin  de  la  lune. 

7^  Roquette,  Cerfeuil,  Nasitort  et  Persil 

Roquette,  Cerfeuil  »,  Nasitort  '  et  Persil  •  en  octobre  et  en  mars, 
la  lune  estant  nouvelle. 

8**  Corne-de-Cerf,  Basiliq,  Pimpinelles,  Fenouil,  Anis 
Corne-de-Cerf»,  Baniliq '^  Pimpinelles  ",  Fenouil  «^  Anis  *',  en 
mars  et  apvril,  la  lune  estant  nouvelle. 

Q**  Chicorées  et  Endives 

Chicorées  et  Endives  **  fault  semer  immédiatement  après  la 
la  St  Jehan,  jusques  au  comancement  de  julhet,  car  de  les  semer 
avant  la  St  Jehan  elles  ne  profîteroint  de  rien  parce  quelles  monte- 
roint  tout  en  tige.  Il  les  fault  replanter  si  tost  que  Ton  veut  pour 
en  manger  en  octobre,  novembre  et  décembre  blanchies. 

Pour  les  fère  blanchir  il  ne  fault  que  les  lier  avec  un  jonc  et  3^ 


I.  La  colline  do  Montaut,  sUué(?  en  face  de  Saint-Gaudens,  sur  la  ligne  des  premiers 
coiilreforls  des  Pyrénéc?,  onlre  Miramont  ol  Valentine,  au  delà  de  la  Garonne,  acon«»rvé 
ce  nom,  de  nos  jours.  Elle  est  la  propilélé  de  la  famille  Ca^se,  banquier,  à  Safnt-Gau- 
dens.  V.  sur  les  Melons,  Courges  et  Concombres,  Olivier  do  Serres,  l.  cil ,  p.  477-78  cl  suiv. 

V'.  Olivier  de  Serres,  1.  cit.,  p.  4Gi-65-0(i. 
:).  Olivier  de  Serres,  p.  4G0,  indiqué  sous  le  nom  de  Raifort. 
4.  Par  ce  mol,  l'on  entend  des  Carolles  blanches.  V.  Olivier  de  Serres,  1.  cil  ,  p.  46îl. 
b.  C'est  certainement  Belles-raves  que  notre  auteur  veul  dire.  Par  là,  l'on  entendait  une 
espèce  ou  variété  de  Paslenades.  Olivier  de  Serres,  1.  cit.,  p.  470. 
Gid.  p.  475.    1    7.  Id.  p.  475.    |     8.  Id.  p.  474.    I    9.  Id.  p.  475.    |    10.  Id.  pp.  475  el  :^ 

II.  C'est  sans  doulo  Pimprenellc,  qui  se  divise  en  deux  variétés  :  la  grande  et  la  petite 
Olivier  de  Serres,  1.  cit.,  p.  474  in  fine,  et  475. 

12.  Id.  p.  505.     I     13.  Id.  p.  506.      l     14.  Id.  p.  475. 


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309 

mettre  un  tuille-canal  dessus  ou  de  la  pailhe  de  milhet,  car  elles 
blanchiront  dans  dix  ou  doulze  jours  quand  le  temps  est  beau, 
mais  despuis  que  les  froidures  arrivent  il  y  fault  plus  de  temps. 

10"  Raves  et  Naveaux 
Raves*  et  Naveaux*^  depuis   le  sitzième  jour  du  moys  d'aoust 
junques  h  la  fin  du  d.  moys.  On  en  sème  aussi  au  moys  de  juin  et  au 
temps  qu'on  sème  les  millietz,  may  fort  peu  et  encore  fault  que  ce 
soit  parmy  les  milhetz. 

11"   ESPINARS 
Espinars' despuis  leneuf  d'aoust  jusques  au  ving  tquatriesme  dud. 
moys  et  durant  tout  le  moys  de  septambre. 

12®  Milhetz 

Milhetz^.  Le  vray  point  de  semer  les  Milhetz  comuna  est  huict 
jours  devant  et  huict  jours  après  la  feste  de  3t  Jehan  Baptiste, 
lorsque  la  terre  est  bien  eschaufée,  et  anciennement  les  paisanc  pour 
cognoistre  la  vraye  saison  de  la  semer  mettoint  leur  hault  de  chausse 
sur  les  talons  et  placoint  leur  c  sur  la  terre  et  sils  trouvaient 
quelle  exhalât  de  la  chaleur  ils  comancoient  de  semer  leurs  Milhetz  ; 
que  sils  la  trouvoint  froide  et  sans  exhalaison  de  chaleur,  ils  retar- 
doient  leurs  semances. 

Pour  le  Milhet  mourîsquou^,  il  veult  estre  semé  plus  tost  que 
Taultre  et  toujours  &  la  lune  vieilhe  avant  la  St  Jehan,  car  si  on  le 
sème  en  lune  nouvelle  il  ne  faict  que  fleurir  tousiours  et  fort  peu 
grenner  et  meurir. 

II.  —  COUPE  DES  PRETS 

Pour  les  prets^,  il  fault  remarquer  quon  nen  doibt  jamay  couper 
Iherbe  à  la  lune  nouvelle,  par  ce  que  si  Ion  la  coupe  en  lune  nou- 
velle, Ifierbe,  pour  si  seiche  quelle  soit,  ne  faict  que  fumer,  mais  il 
fault  attendre  la  plénitude  de  la  lune. 

m.  —  COUPE  DES  ARBRES 

On  doibt  aussi  remarquer  le  point  de  la  lune  aux  coupes  des 
arbres,  qui,  pour  estre  forts  et  de  durée  veulent  estre  coupés  k  la 
lune  vielhe,  excepté  Lormeau  et  Lavellanier  ^  qui  veulent  estre  cou- 
pés en  lune  nouvelle  «. 

1 .  V.  Olivier  de  Serres,  p.  467-68.     |     2.  Id.  p.  468.     j     3.  Id.  p.  456. 

4.  Olivier  de  Serres,  p.  96-104-108. 

5.  C'est  le  Millet  More  ou  des  Maures,  dit  encore  Millet-Sarrazin,  B)é-Sarrazin,  ou 
Sarrazin  plus  simplement,  ou  Millet  d'Espagne,  ce  qui  revient  toijgoursà  la  môme 
étymologie,  s'accordant  à  rapporter  rimportation  de  celte  plante  aux  Maures  d'Espagne. 
V.  Aussi  Olivier  de  Serres,  1.  cit.,  p.  96  et  passim. 

6.  Id.p.237. 

7.  Il  s'agit  évidemment  de  l'Avelinier,  une  des  variétés  du  Noisetier. 

8.  Olivier  de  Serras,  1.  cit.,  p.  712. 


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340 

Pour  le3  vants,  il  fault  aufilsî  observer  de  ne  couper  aulcune  sorte 
de  boys,  lorsque  lautan  souffle  et  particulièrement  les  osiers,  car 
sil  fait  aultan  lorsquon  les  tailhe  ils  se  carient  et  ne  valent  pres- 
que rien. 

IV.  —  REMARQUES  SUR  LA  LUNE 

Quaiis  quarta  ialis  Iota,  nisi  varietur  sexta*,  car  si  le  quatriesme 
jour  après  la  nouvelle  lune  il  faict  beau  temps,  il  continuera  tout 
le  long  de  ceste  lunaison,  si  le  sixiesme  jour  il  n'y  a  changement. 

Si  le  vant  de  Midy  souffle  le  troisième  jour  après  la  nouvelle 
lune,  au  quatriesme  ou  peu  après,  pluye. 

Si  la  lune  monstre  ses  cornes  plus  grosses  que  da  coustume  et 
quelque  peu  obscures  et,  pour  ainsy  parler,  rebouchées^  comme  la 
navette  dun  tisserant,  signe  de  grande  abondance  d'eau. 

Si  la  lune  premièrement  veûe  a  la  corne  don  hault  noirastre  a 
son  decroissement,  donnera  de  pluyes.  Si  celle  du  bas  quand  sera 
au  premier  quartier  ât  noircissant  sur  le  milieu,  quand  sera  a  la 
plénitude  ou  environ,  cercle  de  diverses  couleurs  comme  lare  en 
ciel  environnant  la  lune,  signe  de  pluyes  et  vents. 

Si  la  lune  de  janvier  entre  en  croissant  dans  lo  signe  d'Aqua- 
rius^,  marque  que  Vannée  sera  bonne,  fertile  et  abondante.  Si  en 
décroissant,  signe  de  travaux. 

Si  la  lune  de  febvrier  entre  en  croissant  dans  le  signe  des  Pois- 
sons, cella  marque  que  toutes  choses  abaisseront  de  prix  ceste 
année.  Si  en  décroissant,  signe  de  pluye  en  abondance. 

Si  la  lune  de  mars  entre  en  croissant  dans  le  signe  d'Aries,  signi* 
fie  quaux  parties  septentrionales  y  aura  tremblemens  de  terre.  Si 
en  décroissant,  bonne  année  et  profflctable. 

Si  la  lune  d'apvril  6ntre  en  croissant  dans  le  signe  de  Taurus, 
signifie  de  grands  contantemens  et  allégresses.  Si  en  décroissant, 
tout  le  contraire. 

Si  la  lune  de  may  entre  en  croissant  dans  la  signe  de  Gemini, 
marque  plusieurs  esmotions  et  de  grands  changemsns  en  la  rég^ion 
de  ce  signe.  Si  en  décroissant,  grandes  pluyes. 

1 .  C'est  là  un  vieux  dicton,  généralement  en  faveur,  et  mis  en  une  vogue  particulière 
par  le  maréchal  Bugeaud,  au  cours  de  ses  campagnes  d'Afrique. 

Peut-être  pourrait-on  le  fixer  dans  le  distique  suivant,  qui  n'aura  que  le  seul  mérite 
d'un  procédé  mnémotechnique  : 

Sexta  niai  forsan  mutetur  lunn  revertcns^ 
Qunlis  quarta  fuit,  cœt'va  talit  erit. 

2.  Du  mot  de  basse-latinité  rebuccare^  rebrousser,  recourber,  retourner  en  arriére 
{V.  Borel,  Dictionn.  du  Vieux  Français,  t.  ii,  p.  130,  édit.  Favrc,  de  NMort,  1882.  —  Id. 
La  Curne  de  Sainte-Palaye.  Dictionn,  hisior.,  même  édit.  Favre,  t.  ïx,  p.  65. 

3.  Aquarius,  un  des  12  signes  du  Zodiaque,  comme  les  signes  qui  suivent.  Ils  sont 
reproduits  dans  ces  deux  hexamètres  devenus  classiques  : 

Sunt  Aries,  Gemini,  Taurtis,  Cancer f  Léo,  Virgo, 
LibràquCf  Scorpius,  Arcitenens,  Caper,  Amphora,  Piacet. 


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344 

Si  la  lune  de  juin  entre  en  croissant  dans  le  signe  du  Cancer, 
sigaifle  révoltes  des  peubles  et  changemenlen  royaulme  d'Aflfrique- 
Si  en  décroissant,  pluyes  en  abondance. 

Si  la  lune  de  julhet  entre  en  croissant  dans  le  signe  de  Léo, 
signifie  fort  bonne  année  de  touts  grains  et  fruiets.  Si  en  décrois- 
sant, force  travaux,  dangiers  et  maladies. 

Si  la  lune  d'aoust  entre  nn  croissant  dans  le  signe  de  Virgo, 
signifie  grands  vants,  tramblemens  de  terxe,  gresles,  foudres  et 
tempestes.  Si  en  décroissant,  signifie  fort  bonne  année  et  beaucoup 
de  santé. 

Si  la  lune  de  septambre  entre  en  croissant  dans  le  signe  de 
Libra,  signiûe  abondance  de  toute  sorte  de  grains.  Si  en  décrois- 
sant, signifie  tempestes  et  révoltes. 

Si  la  lune  d'octobre  entre  en  croissant  dans  le  signe  de  Scor- 
pion, signifie  envies,  contentions  et  querelles  entre  gens  de  scavoir 
et  de  lettres.  Si  en  décroissant,  bonne  année  et  abondante  en 
tou<e  sorte  de  grains. 

Si  la  lune  de  novembre  entre  en  croissant  dans  le  signe  de 
Sagittarius,  signifie  pluyes  en  abondance.*  Si  en  décroissant, 
famine  et  peste. 

Si  la  lune  de  décembre  entre  en  croissant  dans  le  signe  de 
Capri cornus,  signifie  grands  vants  et  tempestes  sur  mer.  Si  en 
décroissant,  bonne  année  et  contanteraent  pour  les  laboureurs. 

Notez  que  aux  terres  et  provinces  ou  chascun  de  ces  doulze 
signes  domine  les  susdits  efiTects  sont  ensuivent > 

V.  —  CONTENANCE 
du  Journal  de  Saint- Gaudens  et  celle  de  t Arpent  Royal 

Le  journal  de  Saint-Gaudens  est  composé  de  s^  mesures,  la 
mesure  de  64  perches  et  la  perche  de  19  pams'. 

La  perche  de  14  pams  étant  quarrée  comme  il  le  fault  pour  que 
les  64  fassent  la  mesure  donne  196  pams  quarrés.  La  mesure  par 
cet  ordre  contiendra  12344  pams  quarrés  et  le  journal  en  contiendra 
75264. 

Si  vous  extraisés  la  racine  quarrée  de  75264  pams  quarrés  que 
contient  le  journal  vous  aurés  pour  produit  274  pams  qui  forment 
le  cottô  dans  un  journal  quarré. 

L'arpent  royal  de  100  perches  de  22  pieds  chaquune  contient 
48400  pieds  quarrés  ;  la  perche  en  contient  484. 

A  extraire  la  racine  quarrée  de  48400  pieds  qui  composent  Tar- 

1 .  Ici  nous  francliissons  deux  feuillets  qui,  à  raison  de  leur  généralilé,  paraissent  s'éloi- 
gner p.ir  trop  du  sujet  de  celte  noie. 

2.  V.  Achille  Domergue,  3/é£ro/o(/ie  de  la  IlaïUe-GaronnCf  p.  96  et  100.  Aujourd'hui* 
cellp  ancienne  dénomination,  toujours  usitée  dans  le  canton  de  Saint-Gaudens,  corres- 
pond, dans  io  système  métrique,  à  37  ares  9356. 


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348 

peot,  vous  aurés  pour  produit  220  pieds  qui  forment  le'cotté  dun 
arpent  quarré. 

A  compter  le  pam  k  8  pouces,  la  perche  de  14  pams  fait  9  pieds 
1/3;  étant  quarrée,  elle. donne  87 pieds  quarrés. 

Le  journal  de  Saint-Gaudens  composé  de  384  perches  donne  par 
cet  ordre  33408  pieds  quarrés,  ce  qui  fait  environ  les  2/3  darpent 
royal. 

L'arpent  royal  contient  1  journal,  2  mesures,  44  perches  de  Saint- 
Gaudens. 

La  pièce  qui  a  45  canes  d'un  cotté  et  30  canes  de  l'autre,  con- 
tient —  mesure  de  Saint-Gaudens  —  1  journal,  56  perches,  160/190 
de  perche,  ce  qui  revieni  k  3/4  d'arpent  royal  (quelque  chose  de  plus). 


Faut-il  s'étonner  de  ces  soins  minutieusement  conseil- 
lés par  notre  annotateur  horticole  et  de  ses  particulières 
préoccupations  pour  le  succès  des  jardins  potagers  de 
notre  ville  ?  En  dehors  de  la  conjecture,  plus  haut  signa- 
lée, d'origine  ou  d'affection,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue 
que  Saint-Gaudens  a  brillé  d'un  ancien  et  légitime  renom 
dans  la  pratique  de  cette  industrie  maraîchère,  dont 
Texcellence  est  attestée,  de  nos  jours  encore,  par  l'expor- 
tation de  ses  produits  dans  les  principales  villes  des 
Pyrénées  centrales  et  jusque  dans  l'ancienne  capitale  de 
Béarn. 


Léon  CiEUTAT. 


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UN  DEMI-SIÈCLE  D'ASCENSIONS 
AU  NÉTHOU' 


(suite  et  fin.' 


1884 
Néant.  —  Les  pages  du  registre  ont  été  déchirées. 

1885 

24juin.  —  M.  M (Noms  inconnus),  —  Guides:  Barth.  Gour- 

rège  et  Redonnet.  —  Impossible  de  passer  le  pas  de  Mahomet 
rempli  de  neige.  —  (Note  mise  plus  tard  par  les  deux  guides). 

27  juin.  —  M.  Deverne.  Guides  :  P.  Redonnet  et  B.  Gay.  —  Impos- 
sible de  trouver  le  livre.  —  (Note  mise  plus  tard  par  P.  Redonnet), 

22  juillet,  —  D'  Beausoleil  (Bordeaux)  et  J.  Boj^e,  juge  à  Les- 
parre.  —  Guides  :  G.  Bajun  et  Barth.  Courrège.  —  Partis  de  Luchon 
le  21  juillet  à  8  h.  du  matin  et  arrivés  en  voiture  àTHospice.  Nous 
Tavons  quitté  à  midi  et  sommes  arrivés  à  la  Rencluse  à  6  h.  du 
soir.  Partis  ce  matin  de  la  Rencluse  à  4  h.,  nous  avons  atteint  le 
sommet  du  Néthou  à  8  h.  30'.  —  Nous  pouvons  citer  nos  guides 
comme  les  premiers  guides  de  Luchon. 

2  aoû^  —  M.  Charles  Packe.  —  Guide  :  Barth.  Courrège. 

13  août,  —  Charles  Champetier  de  Ribes  et  Pierre  Delapalme.  — 
Guide  :  Haurillon.  —  Ils  sont  heureux  de  rendre  hommage  à  son 
habileté  et  à  sa  bonne  humeur. 

i4  septembre,  •—  M.  et  M"«  E.  Miault  jeune  (Bordeaux).  —  Gui- 
des :  Barth.  Courrège  et  G.  Bajun.  —  Partis  de  la  Rencluse  le 
lundi  matin  à  5  heures,  nous  sommes  arrivés  au  pic,  par  le  Pas  de 
Mahomet,  à  11  h.  45'.  -—  Séjourné  au  pic  15  minutes.  Nous  allons 
redescendre  par  le  glacier  de  Coroné,  les  moraines  et  la  vallée  de 
Malibierne  pour  aller  coucher  aux  Bains  de  Vénasque. 

1886 

Juillet.  —  Paul  Labbé  (?),  ancien  maître  des  Requêtes  au  conseil 
d'Etat  (Paris).  —  Guides  :  Barth.  Courrège  et —  Partis  de  la 

1.  Voir  tome  X,  p.  255  —  266. 
RiTci  DX  CoixiRGES,  A*  Uimestre  1895.  Tom  X.  —  22. 


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34  i 

Rencluse  à  minuit  45'  par  un  clair  do  lune  magnifique,  arrivés  au 
sommet  à  5  h.  45';  repartis  à  6  h.  45\  arrivés  à  la  Rencluse  à 
2  h.  15'  et  à  Luchon  à  5  h.  30'.  —  Je  ne  puis  trop  exprimer  ma 
satisfaction  pour  Thabileté,  la  complaisance  de  Courrège,  ainsi 
que  d'autres  qualités  qui  en  font  un  excellent  guide  et  très  agréa- 
ble compagnon. 

29  juillet,  — Paul  Limonier  (du  Vésineh  et  H.  Boyer,  maître  de 
forges  à  Bologne  (Haute-Marne).  —  Guides  :  Barth.  Gourrège  et 
G.  Bajun. 

Nous  sommes  arrivés  do  Luclion  à  la  Rencluse  à  5  h.  30'.  — 
Après  un  très  bon  repas  préparé  par  Gourrège,  qui  s'est  montré 
aussi  bon  cuisinier  qu'habile  guide,  nous  nous  sommes  couchés  à 
Tabri  du  rocher  de  la  Rencluse.  —Le  29,  nous  avons  quitté  notre 
gite  à  3  h.  30';  à  5  h.,  nous  franchissions  le  Portillon  et  à  6  h.  45' 
nous  escaladions  le  Pas  de  Mahomet  pour  déposer  nos  cartes  de 
visite  au  sommet  du  Néthou.  Notre  ascension  s'est  faite  dans 
d'excellentes  conditions  de  température  et  de  sécurité,  grâce  aux- 
soins  attentifs  de  nos  excellents  guides.  Nous  nous  faisons  un 
devoir  de  leur  rendre  justice  et  de  les  recommander  à  tous  les 
touristes. 

10  août,  —  Louis  Watelin,  artiste-peintre,  et  M™«Watelin  (Paris;. 
—  Guides  :  B.  Gay,  P.  et  J.  Redonnet,  B.  Gapdeville. 

il  août.  —  M (nom  illisible)  —  (du  G.  A.  F.,  sect.  de  Paris)  et 

A.  Gras  (?).  —  Guides  :  Haurillon  et  J.-M.  Bouillon,  dont  nous 
avons  été  très  satisfaits.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  4  h.  par  le 
brouillard,  quelques  éclaircies  en  montant.  Neige  très  bonne. 
Arrivés  au  sommet  à  9  h.  50'.  —  Pas  de  vue,  brouillard  intense.  — 
La  pente  du  Dôme  assez  difficile  à  passer,  les  crevasses  se  décou- 
vrent. 

i4  août,  —  Paul  Rey  (Marseillan),  —  Guide  :  B.  Gay,  dont  on  doit 
faire  tous  les  éloges.  —  Parti  do  Luchon  le  13  août  à  1  h.  du  soir, 
arrivé  à  la  Rencluse  à  6  h.  30*.  Parti  le  14  de  la  Rencluse  à  2  h.  25' 
du  matin,  arrivé  au  sommet  à  6  h.  27'.  —  Brouillard  épais. 

Même  date.  —  Georges  Grassart  (Paris).  —  Guide  :  B.  Gantaloup, 
excellent  guide.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 2  h.  30',  arrivés  au  som- 
met à  6  h.  25. 

Même  date,  —  M.  Vincent,  agent-voyer  à  Saint-Gaudens,  M.  Gam- 

pardon,  contrôleur  des  contributions   directes /'autres  noms 

illisibles),  —  Guides  :  Barth.  Gourrège  et  Barrau  —  très  chics. 

Partis  de  FiUchon  le  13  août,  arrivés  au  Port  de  Vénasque  à  3  h. 
soir,  excursion  au  pic  Sauvegarde,  retour  du  pic  à  5  h.,  arrivés  à 
la  Rencluse  à  7  heures.  —  Le  14,  à  2  h.  du  matin,  ascension  du  pic 
Néthou  où  nous  arrivons  à  6  h.  30.  —  Temps  affreux.  Brouillard 
intense  1  que  le  diable  l'emporte  !! 


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315 

18  août  —  M.  et  M»*  Lourde-Rocheblave  (de  Bordeaux)  et 
M.  Boisionnas  (?).  —  Guide:  Barth,  Gourrège. 

Hier,  fait  une  tentative  infructueuse  ;  arrêtés  dans  le  glacier  par 
un  temps  affreux  et  une  forte  neige.  —  Aujourd'hui,  parti  seul 
avec  le  guide  B.  Gourrège,  de  la  Rencluse  à  5  h.  10'  et  arrivé  au 
sommet  à  8  heures  (soit  2  h.  50  minutes). 

Signé  :  Lourob-Rocheblave 
V.  P.  du  G.  A.  F.  (sect.  du  S.  0.) 

20  août,  —  Started  alone  from  Luchon  with  two  guides  :  L.  Du- 
four  et  A.  Sors  the  20  th.  Aug.,  and  arrived  on  the  top  in  the  midst 
of  dense  fogat  9.5'.  a.  m. 

S*  Em.  Bally,  Blairlodge,  Polmont  station  (Scotland). 

Même  date.  —  Madame  Villamur,  Monsieur  Villamur,  ingénieur 
civil,  et  leurs  enfants  :  Mesdemoiselles  Marguerite  Villamur  (  15  ans), 
Hélène  Villamur  (12  ans)  et  Roger  Villamur  ;  Mademoiselle  Mar- 
guerite Dardenn0"et  son  frère  Alexandre  (15  ans);  Monsieur  Ghar- 
les  Grandou,  membre  de  la  Soc.  d'hist.  nat.  do  Toulouse;  M.  Louis 
Ebelot,  avocat  (Toulouse),  M"*»  Henri  Ebelot  et  ses  deux  filles 
Marguerite  et  Marie  Ebelot.  —  Guides  :  J.  Haurillon  et  Gharles 
Gouchan. 

Les  susnommés  sont  arrivés  le  20  août  au  pic  Néthou.  . 

22  août.  —  Mademoiselle  Louise  Albert  Sylvo,  Mademoiselle 
Gabrielle  Albert  Sylvo,  M.  Henri  Ramondet  et  Mademoiselle  Maria 
Gordeau  (tous  de  Toulouse).  —  Guides:  J.  Haurillon  et  Gh.  Gou- 
chan. -—  Les  susnommés  sont  arrivés  le  dimanche  22  août  au  som- 
met du  Néthou. 

,  27  août.  —  M.  et  M««  L.  Rempnoulx  du  Vignaud  (Ghampagne- 
Mouton).  —  Guides  :  J.  Haurillon  et  Gh.  Gouchan.  —  Partis  de  la 
Rencluse  à  6  h,  30',  sont  arrivés  au  pic  Néthou  à  midi  30',  retardés 
par  la  grande  quantité  de  neige  tombée  les  deux  jours  précédents. 
—  Le  départ  de  la  Rencluse  n'avait  pu  s'effectuer  plus  tôt,  le  guide 
qui  accompagnait  les  provisions,  ayant  été  pris  par  la  nuit  la 
veille  au  soir,  s'était  égaré  dans  le  vallon.  Soleil  resplendissant. 
Quelques  vapeurs  du  côté  de  France.  Temps  clair  du  côté  de  l'Es- 
pagne. 

M.  R.  du  Vignaud  a  remis  dans  la  boîte  du  pic  de  Néthou  un 
registre  relié,  qui  lui  avait  été  remis  à  cet  effet,  et  a  rapporté 
celui-ci  à  Luchon  en  échange.  —  Les  premières  pages  de  ce  regis- 
tre ont  été  numérotées  1  à  15.  La  première  commence  par  cette 
mention  :  Ge  cahier  a  été  apporté  le  27  août  1886  par  M.  et 
M««  R.  du  Vignaud  et  M.  Boutan,  ingénieur  des  Ponts  et  Ghaus- 
sées. 

Réflexion  de  circonstance  :  Plus  l'homme  s'élève,  plus  il  éprouve 
le  sentiment  de  sa  propre  faiblesse. 


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28  août.  —  Joan  A.  Tusquet  ^farcet,  menbre  de  Tassociacion 
Catalanista  d'Excursions  cientificas  «Barcelone)  y  Raphaël  Ferier 
Gandia  ab  los  guyas  Gay  y  J.  Fouillouse.  Pujada  :  cinco  horas. 

09  août,  —  Eugène  Duval,  substitut  au  tribunal  de  la  Seine.  — 
Guide  :  B.  Courrège.—  Partis  de  la  Rcncluse  à  4  h.  du  matin,  arri- 
vés au  sommet  à  8  heures.  —  Beau  temps. 

i4  septembre  (mardi).  —  Bon  Yjot  de  Noirfbntaine.  ~  Je  suis  parti 
de  la  Hencluse  à  5  heures  par  le  brouillard  avec  les  guides  J.  Uau- 
rillon  et  P.  Cantaloup.  Peu  à  peu  le  soleil  perce  les  nuages,  qui 
malheureusement  se  maintiennent  dans  la  vallée.  —  A  9  heures 
nous  arrivons  au  sommet.  Magnifique  ciel  au-dessus  de  nos  tètes, 
mer  de  nuages  à  nos  pieds.  Néanmoins  enchantés  de  l'ascension  et 
engageons  tout  le  monde  de  venir  lire  ceci.  —  Enchanté  de  mes 
deux  guides. 

21  septembre,  —  Arrivés  hier  soir  à  la  Hencluse  par  un  temps 
détestable  :  orage  et  pluie  toute  la  nuit.  Ce  matin  à  8  heures  nous 
profitons  d'une  éclaircie  qui  bientôt  se  change  en  beau  temps. 
Arrivés  au  lac  Coroné  nous  sommes  pris  par  le  brouillard.  Ascen- 
sion pénible  au  milieu  de  40  centimètres  de  neige  fraîche.  Arrivons 
gelés  au  sommet  à  11  h.  45  après  3  h.  45  de  marche.  Environnes  de 
brouillards  épais,  mais  satisfaits  de  Texcursion,  intéressante  par 
elle-même,  surtout  sous  la  conduite  d'un  aussi  excellent  guide  que 
Courrège. 

B.  Bazin  et  Blondcl,  élève  ingénieur  des  ponts. 

1887 

\0  juillet,  —  Henri  Schyler,  Abel  Dupuy  (Bordeaux).  Partis  de  la 
Rencluse  à  2  h.  15  du  matin,  arrivés  au  sommet  à  6  h.  30.  — 
Guides  :  J.  Ribis  et  P.  Cantaloup.  —  Superbe  ascension. 

12  juillet,  —  Les  membres  du  C.  A.  F.  section  de  Bordeaux  et  de 
Toulouse,  dont  les  noms  suivent,  ont  fait  l'ascension  au  pic  du 
Néthou  avec  B.  Courrège  guide  chef  et  les  porteurs  D.  Gourrège, 
Menât,  Cantaloup,  Ribis. 

Ch.  Troquard,  notaire  à  Blaye,  Adrien  Jeantet  (Blaye),  M...  (nom 
illisible),  receveur  des  finances  (Blaye),  Alfred  Batignes  (Tou- 
louse), Paul  et  Frédéric  Jung  (Bordeaux),  Charles  Lécrivain  (Tou- 
louse), Bachy,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées  (Auch),  Delure 
(Nérac),  ingénieur  des  ponts  et  chaussées  (Toulouse),  Séjourné, 
ingénieur  des  ponts  et  chaussées  (déjà  monté  en  août  1875),  comte 
de  Narp,  Blaquière  et  Allègre. 

Partis  de  la  Rcncluse  à  4  h.  moins  20,  arrivés  au  sommet  à 
9  h.  10.  —  Nuages  le  matin  jusqu'au  Portillon,  puis  temps  splen- 
dide,  Vent  d'Espagne,  neige  excellente,  glacier  plus  crevassé  que 


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d'ordinaire  à  cette  époque.   Nous   redescendons  sur  la  ville  de 
Vénasque  par  la  vallée  de  Malibierne. 

13  juillet.  —  R.  Artiiur  et  Alfred  Young,  étudiants  (Ecosse);  sans 
guide,  mais  ayant  les  traces  de  la  précédente  caravane. 

25  juillet.  —  Jules  Dautheville,  pasteur  (Montauban).  —  Guides  : 
Barrau  père  et  fils.  —  Montée  :  5  h.  30  minutes. 

28  juillet.  —  Paul  Miray.  —Parti  de  la  Rencluse  à  3  h.  15,  arrivé 
au  sommet  à  8  h.  30.  —  Brouillard ,  éclaircies  momentanées.  — 
Guides  :  P.  Barrau  et  Huguet. 

C'est  sur  ces  hauts  sommets  que  la  nature  donne  une  idée  de 
son  immensité. 

i"  aottt.  —  Georges  de  la  Sablière.  —  Guide  :  Charles  (de  Saint- 
Mamet).  —  Montée  :  3  h.  30. 

Même  date,  —  Vicomte  de  Ponton  d'Amécourt,  lieutenant  au 
94îiio  rég.  dlnf.,  officier  d'ordonnance  du  général  commandant  la 
24me  brigade.  —  Guides  :  B.  Courrège  et  J.  Redonnet. 

Même  date,  —  Louis  HafTner  (Toulouse).  —  Guide  :  A,  Barrau. 

Même  date,  —  Capitaine  Perrot,  lieutenant  Maumené,  du  10*  dra- 
gons ;  de  Bousquet,  de  Rességuier,  20"«  de  ligne.  —  Guides  : 
P.  Redonnet  et  B.  Gay. 

2  aofU.  —  Gaston  du  Lac.  —  Guides  :  B.  Lafont  et  Rivât. 

0  Néthou ,  lorsque  de  loin  j'apercevrai  ta  cime  sourcilleuse  et 
que  les  années  auront  augmenté  l'épaisseur  de  ton  blanc  manteau; 
lorsque  les  soucis  auront  tracé  des  rides  sur  mon  front  et  que  la 
jeunesse  ne  sera  plus  là  pour  les  effacer,  rappelle-moi,  6  colosse 
exilé  de  mon  beau  pays  de  France,  rappelle-moi  cet  instant  de 
bonheur. 

Du  haut  du  ciel  je  pense  à  ceux  que  j'aime  ;  ils  sont  bien  loin 
là-bas.  —  Vois-tu,  mortel,  ces  hautes  montagnes,  vois-tu  ces 
vastes  plaines  qui  s'étendent  à  tes  pieds  ;  c'est  là  que  le  génie 
humain  gouverne  la  nature  et  dompte  les  éléments  ;  mais  ne  te 
laisse  pas  aller  à  des  pensées  d'orgueil.  Cette  pierre  qui  te  sert 
d'appui  sera  là  dans  des  milliers  de  siècles,  et  toi,  où  seras-tu 
demain  ?  Courbe  la  tête  devant  Celui  qui  ne  meurt  pas. 

iO  septembre.  —  MM.  Renouard  et  marquis  de  Beauchamp.  — 
Nous  avons  fait  Tascension  du  pic  de  Néthou  avec  B.  Courrège, 
dont  réloge  n'est  plus  à  faire  et  le  dévouement  n'est  plus  à 
rappeler. 

Même  date.  —  E.  Parisse,  ingénieur  des  arts  et  manufactures, 
L.  Saubadie,  instituteur  à  Cazarilh-Laspènes.  -—  Guide:  G.  Bajun. 
—  Therm.  :=  +  6  à  l'ombre  et  +  10  au  soleil.  —  Belle  ascen- 
sion. 

16  septembre.  —  M.  Henri  Harlé,  élève  à  l'École  centrale.  — 
Guide  :  H.  Passet.  —  Partis  le  13  septembre  d'Héas,  nous  avons 


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318 

fait  Tascension  de  la  Munia  et  couché  à  Bielsa;  le  14,  de  Bielsa  aux 
granges  de  Yiados  au  pied  des  Posets  par  la  Cruz  de  la  Guardia. 
Le  15,  ascension  des  Posets  et  descente  par  Paoule  et  Turmo^et 
Litayrolles,  coucher  à  THospice  de  Yénasque.  I^e  16,  partis  à 
5  heures  de  THospice  de  Yénasque,  arrivés  au  somofiet  du  Néthou 
à  10  h.  20.  Très  beau  temps  et  belle  vue.  Nous  espérons  rentrer 
coucher  à  Luchon  à  pied  ce  soir  par  le  port  de  Yénasque. 

il  septembre.  —  B.  Dansac.  —  Guides  :  B.  Lafont  et  J.  Riva.  — 
Partis  à  5  h.  de  la  Rencluse,  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  9  h.  05: 
temps  superbe  et  vue  magnifique.  —  Guides  très  dévoués. 

19  septembre,  —  G.  Gondinet  et  L.  Mangini,  ing'  de  la  marine.  — 
Guides  :  B.  Courrège  et  B.  Cier.  —  Partis  à  5  h.  de  la  Rencluse, 
arrivés  à  8  h.  20. 

20 septembre.—  D*"  Garl  Schmidt,  géologue,  de  Brugg (Suisse).  — 
Guide:  P.  Gabellud  (Yénasque). 

21  septembre.  —  Léon  Despréaux,  officier  au  8««  cuirassiers,  et 
Gandi  (?).  -—  Guides  :  B.  Lafont  et  Riva,  —  Très  belle  ascension, 
beaucoup  de  vent,  tourbillons  sur  les  glaciers.  —  Yive  l'Espagne. 
Yiva  la  Francia. 

UB88 

26  juillet.  —  MM.  A  et  Fr.  Guilloux.  —  Guides:  B.  Courrège  et 
J.  Ladrix.  —  On  est  volé  à  la  Rencluse.  Neige  très  molle. 

28  juillet.  —  Comte  A.  de  St-Saud,  membre  de  C.  A.  F.  et 
do  TAssociation  catalane  d'Excursion  (La  Roche  Chalais),  est 
monté  en  compagnie  des  guides  P.  Pujo  (Gavarnie)  et  J.  Angusto 
(Luchon).  11  est  6  h.  du  matin;  si  la  neige  n'eût  pas  été  si  dure, 
nous  serions  arrivés  pour  le  lever  du  soleil,  comme  nous  en 
avions  eu  l'intention.  —  Depuis  10  ans  que  je  fais  de  la  triangula- 
tion dans  les  Pyrénées  espagnoles,  le  Néthou  (ou  pic  d'Anéto) 
m'avait  servi  de  repère  et  je  n'y  étais  encore  jamais  monté. 

5  août.  —  Eugène  Alluaud,  23  ans  (Limoges)  avec  les  ^utde^ 
Raphaël  Angusto  et  Jean  Angusto,  son  fils. 

Nous  avons  quitté  Luchon  à  minuit  30  par  un  temps  superbe. 
Arrivés  à  THospice  nous  quittons  la  voiture  pour  nous  mettre  en 
route  à  pied.  Nous  arrivons  au  Port  de  Yénasque  au  lever  du 
soleil.  A  6  h.  15  nous  sommes  à  la  Rencluse  où  nous  prenons 
une  heure  de  repos.  A  il  h.  10  nous  atteignons  le  sommet  du 
Néthou.  Un  brouillard  intense  nous  enveloppe  depuis  le  Portillon 
et  nous  avons  peu  de  chance  de  le  perdre  à  la  descente.  Nous 
quittons  le  sommet  à  midi  pour  rentrer  à  Luchon.  L'ascension 
aura  donc  été  faite  en  un  jour  aller  et  retour  de  Luchon. 

NélhoQ  I  Le  voyageur  qui  pournit  sur  U  tète 
S'arrêter,  et  poser  le  pied  sur  sa  conquête. 


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Sentirait  dans  son  cœur  un  noble  batlement 
El  dans  son  corps  lassé  comme  un  tressaillement. 
Géant  !  il  est  heureux  Faigle  qui,  de  son  aile 
Eflleuranl  la  blancheur  ilc  ta  neige  éternelle» 
Et  dans  son  vol  puissant  bravant  Pimmensilë, 
Contemple  le  soleil  que  son  aile  a  dompté. 

Par  un  ami  :  Bruno  Aussilloux. 

7  ago^to.  —  Hemos  salido  de  Llosas  (Malibierne)  à  la  4  de  la 
manana^  y  hemos  llegado  a  este  pico  de  Aneto  à  la  8  ;  habiendo 
salido  ayer  por  la  borde  de  Bénasque  invertiendo  por  tanto  desde 
Bénasque  à  este  punto  8  horas. 

José  Ma  Albar  Anglada,  José  Benos  Albar,  Vicente  Turmo, 
Manuel  Sahun.  Guia  :  Mariano  Torrente.  —  Todos  de  Bénasque. 

9  août.  —  Antoine  Posselt-Gonch,  secrétaire  de  gouvernement, 
Clup  alpin:  D.  0.  A.  V.,  scct.  de  Insbruch  (Autriche)  avec  les 
guides  J.  Ribis  et  B.  Salles.  Superbe  ascension. 

10  août,  —  Docteur  Ch.  Biaise  (Paris),  membre  du  G.  A.  F.  — 
Monté  au  Néthou  avec  le  guide  B.  Gourrège. 

12  august.  —  A. -G.  Renshaw  (?)  :  England.  Guide  :  A.  Gabellud 
(de  Vénasque). 

21  août.  —  M.  Gros,  professeur  de  sciences  physiques  au  lycée  de 
Montpellier.  —  Guide  :  B.  Gourrège.  Parti  de  la  Rencluse  à  3  h.  35. 
—  Arrivée  à  7  h.  20  du  matin,  température  +  3«.  —  Brouillard  au 
sommet  du  pic. 

25  aoû^  —  James  Nérot,  G.  A.  F.,  a  fait  l'ascension  du  Néthou  en 
3  h.  45.  Parti  de  la  Rencluse  à  7  h.  15  et  arrivé  au  sommet  à  11  heu- 
res. -—  Temps  brumeux  surtout  du  côté  de  la  France.  ~  Guide  : 
H.  Passet.    • 

29  aoiit.  —  Madame  Adeline  Ollé,  M.  le  docteur  Ollé,  M.  Goupil 
et  M.  E.  Azémar,  guidés  par  B.  Gourrège,  sont  partis  hier  à  pied 
de  THospice  de  France  à  7  h.  du  matin,  sont  arrivés  à  11  heures 
au  Trou  du  Toro  et  à  2  h.  à  la  Rencluse.  Ils  en  sont  repartis  à 
3  h.  30  du  matin  et  ont  atteint  le  sommet  du  Néthou  à  8  h.  15.  — 
Glair  de  lune  splendide,  temps  merveilleux.  —  Guide  :  B.  Gourrège. 

30  aoat,  —  W.  Forst  (Bordeaux),  membre  du  G.  A.  F,  et  H.  Forst 
(Bordeaux).  —  Guides  :  P.  Gantaloup  et  Haurillon.  —  Partis  de  la 
Rencluse  à  4  heures  du  matin,  arrivés  au  Néthou  à  7  h.  45. 

10  septembre,  —  M.  Antoine  Benoist,  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Toulouse,  et  Madame  A.  Benoist.  —  Guide  :  B.  Gourrège. 

Partis  de  Luchon  hier  matin  à  6  h.  30  pour  le  port  de  Vénasque 
et  le  Trou  du  Toro,  arrivés  à  la  Rencluse  à  5  heures.  —  Partis 
ce  matin  à  6  h.  30  par  temps  médiocre,  qui  ne  fait  que  se  gâter  à 
mesure  que  nous  montons.  Arrivés  au  sommet  à  11  h.  45.  Pas  de 
Mahomet  difficile  à  cause  de  la  neige  fraîche. 

14  septembre,  -—  Philip  Hetcher,   Atherton,   new  Manchester 


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3S0 

(England)  and  A.-J.  Hickson.  Rainhîll,  LiTorpool  (Engiand).  — 
Guides  :  B.  Gay  et  A.  Barrau.  —  3  h.  55  minutes  de  montée  depuis 
la  Rencluse.  Jolie  vue.  Nuages. 

23  septembre.  —  Hope  Mac  Brayne  (?)  en  3  h.  20  minutes  avec 
B.  Courrège  comme  guide. 

1889 

31  juillet,  —  A.  Gourraud  (Les  Brouzils  :  Vendée).  —  Guides  : 
Raphaël  Angusto  et  Jean  Angusto.  —  9  h.  du  matin.  Très  beau 
temps. 

2  août.  —  Ed.  William  Pergand  (?),  England.  —  Guides  :  Gay  et 
J.  Redonnât. 

3  août.  —  François  Lary,  président  de  la  Société  des  excursion- 
nistes de  Béarn,  etc.  (Pau)  et  Maurice  Yanvincq,  de  la  Société  des 
études  de  Béarn,  etc.  (Pau).  —  Guide  :  B.  Courrège. 

Partis  de  Luchon  le  2  août  à  2  h.  soir,  arrivés  à  7  h.  à  pied  à 
la  Rencluse.  —  Partis  à  3  h.  30  du  matin,  au  sommet  à  7  heures  du 
matin.  —  Temps  splendide. 

8  août.  —  Paul  Labrouche  et  G.  Bartoli  ont  fait  Tascension  du 
Néthou.  Ils  trouvent  le  sommet  libre  de  neige.  Temps  très  pur, 
grand  vent  du  N.-E.  —  Pour  réparer  leurs  forces,  ils  font  cuire  sur 
le  sommet  un  délicieux  bifteck.  —  Guides  :  Raphaël  et  Jean 
Angusto,  bons  pieds,  bons  yeux. 

il  août.  —  Capt.  A.  A.  R.  Winsers  (?).  —  Guides  :  J.  Ribis  et 
J.-M.  Ribis.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  30  et  arrivés  au  pic  à 
6  h.  30. 

25  août.  ~  Départ  de  la  Rencluse  à  4  h.  20,  arrivée  au  sommet  à 
8  h.  30.  Marche  pénible,  à  cause  do  la  grande  quantité  de  neige 
tombée  dans  la  nuit  du  23  au  24. 

On  y  enfonce  parfois  jusqu'au  genou.  Temps  splendide  ;  quel- 
ques nuages  du  côté  du  Vignemale.  —  Guides  :  Barth.  Courrège  et 
P.  Cantaloup.  •—  Nous  allons  aux  Posets  demain  matin,  couchant  ce 
soir  aux  cabanes  d'Eristé  après  avoir  déjeûné  à  Yénasque.  Nous 
rentrerons  à  Luchon  demain  soir  par  le  Portillon  d'Oo. 

Ascensionniste  intermittent  mais  convaincu,  récidiviste  du 
14  septembre  1886.  Roger  Viot  baron  de  Noirfontaine, 

administrateur  du  journal  le  Soleil  (Paris). 

P.  S.  —  Nous  descendons  d'ici  à  Yénasque  par  le  lac  Goroné  et 
Malibierne.  Sommes  enchantés  de  nos  guides. 

Alfred  et  Marcel  Spont,  C.  A.  F.  (Paris). 

31  août.  —  P.  Pelletier,  lieutenant  au  12«  d'artilterie  (Alger).  — 
Guide  :  B.  Courrège.  —  Parti  de  la  Rencluse  à  5  h.,  arrivé  au 
Néthou  à  8  h.  30.  —  Temps  splendide. 

«  0  Néthou,  ce  n'est  pas  tout  de  monter  il  faut  descendre.  > 


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321 

ÎO  septembre.  —  L.  Roux,  aspirant  de  l""»  classe,  et  Anna  Roux.  — 
Très  bons  guides  :  Bajun,  Bernard,  J.-M.  Ribis.  —  Arrivés  au 
sommet  à  9  h.  matin. 

Même  date,  —  Louis  Falisse  et  Cécile  Falisse  (née  Humbertj.  — 
Grâce  aux  bons  soins  des  guides  Raphaël  et  Jean  Angusto,  nous 
sommes  arrivés  au  sommet  du  Néthou.  —  Nous  venons  à  pied  des 
Eaux-Bonnes  d'où  nous  sommes  partis  il  y  a  12  jours.  —  Temps 
superbe.  Vu  de  nombreux  isards  sur  le  glacier.  --  Néthou,  au 
revoir  l 

il  septembre,  —  L.  Normand,  avocat  à  la  Cour  d'appel  (Paris).— 
0  Néthou  !  quelque  beau  et  immense  que  soit  Phorizon  que  tu 
déroules  à  mes  regards,  mes  yeux  et  mon  cœur  ne  s'attachent 
qu'à  un  petit  point,  car  là  est  mon  univers.  ■—  Guides  inconnus. 

Même  date,  —  R.  Despommier  et  Vicomte  J.  de  Nantois  (?); 
H.  Moreau(?),  M.  Honoré.  —  Guides  :  P.  Sanson,.M.  Barrau , 
J.  Sanson,  J.  Fouillouse..--  Partis  de  la  Rencluse  à  2  h,,  arrivés 
au  sommet  à  6  h.  10.  -—  Enfoncée  la  tour  Eiffel  !  Ascension  parfaite 
avec  des  guides  parfaits.  —  Quel  froid  de  canard! 

i4  septembre.  —  Angel  Machado  de    (nom    illisible).    — 

Guides  :  J.-M.  Ribis  et  P.  Cantaloup. 

1890 

9  juillet.  —  7  h.  15  du  matin.  —  Temps  magnifique.  Vent  fort 
O.-N.-O.  —  Température  à  l'ombre  et  au  nord  =  1  degré.  — 
Ascension  faite  avec  B.  Gourrège  comme  guide  chef  et  C.  Sanson. 

Baron  Bertrand  de  Lassus. 

2  aoû(.  —  Henry  de  Levesvre  et  Charles  du  Verne  (déjà  monté  en 
juillet  1885).  —  Guides  :  B.  Gay  et  J.  Redonnet.  —  Ascension  faite 
en  4  h.  45.  —  Temps  un  peu  nuageux.  Tout  à  coup  bourrasque 
de  neige. 

7  août,  —  M'««  Marie  Desforges  et  M.  Desforges,  officier  au 
4™«  bataillon  de  chasseurs  à  piQd,  se  sont  mis  en  route  par  un 
temps  superbe,  à  2  h.  du  matin,  en  compagnie  des  guides  B.  Cour- 
rège  et  J.  Mario  dont  ils  n'ont  eu  qu'à  se  louer,  surtout  de 
Courrège  qui  s'est  dévoué  de  tout  cœur  au  service  de  Madame. 

9  août,  —  A.  de  Peyredoulle  du  C.  A.  F.  (section  du  S.-O.)  venant 
de  Tuquerouye  par  Vénasque  avec  le  guide  P.  Pujo.  —  Vue  un  peu 
bornée  au  S.-O.  —  Vent  assez  fort  S.-S.-O.  —  Beau  temps,  bien 
qu'il  ait  plu  et  tonné  presque  toute  la  nuit  à  la  Rencluse. 

22  août,  —  Joseph  Russell  (?)  :  Philadelphia  (Etats-Unis).  —  '/ai- 
des :  P.  Cantaloup  et  J.  Ribis. 

^Mots  illisibles). 

23  août,  —  Jacques  Hébrard  (C.  A.  F.),  Paul  Legier  Desgranges, 
Louis  Cahen,  Camille  Sarraute,  Emile  Azémar,  Maurice  Labro- 


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38S 

quère.  Guides  :  B.  Gourrège  et  J.-M.  Terce.  —  Partis  de  la  Ren- 
cluse  à  4  h.  30',  arrivés  au  Néthou  à  10  heures. 

3i  août,  —  Madame  Ganzin  (G.  A.  F.,  section  des  Alpes  Mariti- 
mes), MM.  Blaignan,  Benoist,  F.  Durrbach  (G.  A.  F.,  sect.  des  Pjt. 
Orientales).  —  Guides:  B.  Gourrège,  P.  Gantaloup.  —  Mauvais 
temps  jusqu'au  Portillon.  La  vue  s'éclaircit  en  montant.  Très  belle 
du  côté  espagnol,  mêlée  du  côté  français. 

3  septembre.  —  P.  Fagot  (Villefranche  de  I^auragais).  —  Parti  de 
la  cabane  de  Gabellud  au  port  de  Yénasque  à  2  h.  30\  arrivé  à  la 
Kencluse  à  4  h.  --  Départ  de  la  Rencluse  à  5  h.  30,  atteint  le  som* 
met  à  10  h.  avec  45  minutes  d'arrêt  en  route.  —  Temps  splendide, 
vue  superbe.  —  Guide:  B.  Vives.  --  A  la  Kencluse  nous  avons 
rencontré  M.  Maurice  de  Décliy  avec  lequel  nous  avons  effectué 
l'ascension. 

Même  date.  —  Maurice  do  Décby,  membre  d'honneur  du  G.  A.  F. 
avec  les  guides  B.  Gourrège  et  P.  Gantaloup  et  le  jeune  B,  Gour- 
rège âgé  de  14  ans,  a  monté  le  pic  Néthou  avec  un  temps  superbe, 
favorable  à  ses  travaux  photographiques. 

5  septembre.  —  Francis  W.  Mark.  —  Guide  :  H.  Passet.  —  Arrivé 
à  10  h.  de  la  Rencluse  par  bourrasque,  brouillard  et  froid. 

ÎO  septembre.  —  Robert  Delafontaine,  ingénieur  (G.  A.  F.),  Pierre 
Delafontaine,  René  Saussine,  Bernard  de  Vésin,  tous  trois  sous- 
lieutenants  d'artillerie  à  Fontainebleau.  —  Guides  :  B.  Lafont, 
J.  Ribis  et  J.-M.  Ribis. 

1891 

21  juillet.  —  M.  Gab.  Garon,  membre  du  G.  A.  F.,  Raymond  Teu- 
let,  archiviste  aux  Archives  nationales.  Ad.  Grangez  du  Rouet, 
capitaine  instructeur  20«  art.  à  Poitiers,  Robert  Ardant  (Limoges). 
—  Guides  :  B.  Lafont^  P.  Sanson,  J.  Fouillouse,  J.  Riva.  -—  Partis 
de  la  Rencluse  à  2  h.  45',  arrivés  au  pic  à  7  h.  20.  —  Vent  moyen 
N.  0.  —  Temps  très  beau,  température  et  pression  normales. 

15  août.  —  Pierre  Templier,  du  G.  A  F.,  19  ans,  Georges  Baug- 
nics,  19  ans.  —  Guides  :  P.  Sanson,  J.  Fouillouse.  —  Partis  de  la 
Rencluse  à  3  h.  45'  matin,  arrivés  au  Néthou  à  7  h.  5'  matin.  — 
Trajet  en  3  h.  20  minutes.  Beau  temps,  soleil  splendide,  neige 
bonne,  nombreuses  crevasses  assez  dangereuses. 

16  aoû^  -—  Société  des  excursionnistes  du  Béarn.  —  Gourse  offi- 
cielle de  fin  d'année.  —  MM.  François  Lary  (G.  A.  F.)  professeur 
au  Lycée  de  Pau  ;  H.  Ritter  (G.  A.  F.);  G.  Dubourg,  de  la  S.  E.  B.; 
Jouanne,  ingénieur  électricien;  P.  Gardères,  négociant.  — Guides: 
B.  Gourrège,  P.  Gantaloup  et  J.  Gourrège  fils.  Départ  de  la  Ren- 
cluse à  5  h.  15.  Traversée  du  glacier  rendue  difficile  et  dange- 
reuse par  le  nombre  plus  grand  que  d'habitude  des  crevasses. 


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333 

Passage  d'un  pont  de  neige  entre  deux  crevasses.  Arrivés  au  som- 
met à  Il  heures.  —  Temps  passable,  quelques  nuages,  soleil,  — 
120  pulsations  à  la  minute.- 

22  aug'.  —  CM.  Stuart,  S*  Dunstans Collège,  London.  —Guides: 
J.  Angusto  et  B.*  Vives. 

Même  date,  —  Partis  de  l'Hospice  le  21  pour  le  port  de  Vénas- 
que,  nous  en  repartions  â  3  h.  pour  la  Rencluse  où  nous  arrivions 
à  5  h.  après  avoir  visité  le  Trou  du  Toro.  —  Quitté  la  Rencluse 
ce  matin  à  4  h.  45'  et  arrivés  au  Néthou  à  8  h.  30'.  —  Guide  : 
B.  Courrège.  E.  et  L.  Masse  (Paris). 

23  août.  —  André  Benoist  (12  ans),  Raphaël  Benoist  (G.  A.  F.,  de 
Lyon),  Adolphe  Benoist  (G.  A.  F.,  de  Toulouse),  Paul  Hivonnait 
(G.  A.  F.,  Toulouse).  —  Guides:  B.  Gourrège  et  P.  Gantaloup,  par 
une  tourmente  de  neige. 

25  août.  —  Madame  G.  Tilloy-Malelta  (Bordeaux),  M«"«  Wilhel- 
mine  H.  Gaden  et  M.  H.  Gaden  (Bordeaux),  Lorenz  Preller  (Bor- 
deaux), Maurice  et  André  Méandre-Lapouyade  (Bordeaux),  Ed. 
Gadier  (Pau).  —  Guides  :  H.  Lons  (Luz),  V.  Ghapelle  (Héas),  Et. 
Theil  (Gèdre). 

Partis  le  14  août  des  Eaux-Bonnes  pour  Gauterets  par  les  cols 
de  Torte,  de  Saucède,  (le  Gabaliros)  et  pour  Barèges  par  le  col  de 
Riou  et  Luz:  —  Lac  d'Orédon,  Pic  de  Néouvielle,  Héas,  Pic  Long, 
Pic  de  la  Munia,  Bielsa  et  la  vallée  du  Ginca,  Plan  et  le  col  de 
Sahun,  Vénasque,  la  Rencluse  et  le  Néthou.  —  Rentrés  coucher  à 
Luchon.  Douze  jours  de  montagnes  et  vallées  sans  arrêts. 

l  septembre,  —  Max  de  Joigny  et  Maurice  de  Lamothe  (Bordeaux). 
—  Guides  :  J.  Fouillouse  et  B.  Hourmagne.  —  Partis  de  la  Ren- 
cluse à  4  h.  matin  (nuit  noire),  lever  du  soleil  au  Portillon,  arrivée 
au  Néthou  à  7  h.  45',  soit  3  h.  45'.  Temps  superbe.  —  Il  n'y  a  plus 
de  Pyrénées  I 

7  septembre.  -—  Hermine  Lomon  et  Gharles  Lomon.  —  Guide  : 
Ch.  Gouchan.  —  Rencluse  :  5  h.  —  Néthou  :  10  h.  30.  —  Temps 
assez  beau. 

c  Signe,  au  kis  du  feuillet  fréle 
Ton  nom  fail  pour  durer  peu. 
Sur  ces  monts,  page  éternelle, 
Quelqu'un  t'a  deyancé  :  Dieu  I 

Cb.  LoMoif. 

7  septembre.  —  Georges  Marquis,  avoué  (Paris).  —  Guides: 
B.  Gourrège  et  J.  Angusto.  ~  Partis  de  la  Rencluse  à  5  h.,  arrivés 
au  pic  à  10  h.  30'. 

19  septembre.  —  Emile  Gottinet,  rimeur  parisien  (G.  A.  F.),  a  la 
joie  de  déjeuner  au  sommet  du  Néthou  par  une  journée  magnifi- 
que, ce  dont  il  remercie  particulièrement  ses  excellents  guides 
J.  Angusto  et  P,  Sors. 


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324 

1892  . 

Q8  juin  1892,  —  Cinquantenaire  de  la  première  ascension  du 
Nétliou.  —  Première  de  l'année.  —  On  m'affirme  en  effet  qu'en 
juin  1842  on  escalada  le  plus  majestueux  glacier  des  Monts  Mau- 
dits. 

C'est  sous  la  conduite  du  dévoué  guide B.  Courrège,  que  B.  Lafont, 
P.  Redonnet,  J.  Courrège  traînèrent  au  haut  du  pic  M««  Georges 
Corneau  et  son  mari  (de  Gharleville^  MM.  Geoffroy  (de  Cognac), 
Guttmann  (de  Parisj  et  le  jeune  Jean-Marie  Courrège  âgé  de  8  ans. 
—  Le  temps  frais  nous  a  permis  d'arriver  au  sommet  du  pic  avec 
la  plus  grande  facilité.       Les  Touristes.  —  Néthou,  le  28  juin  92. 

8  juillet.  —  Deuxième  ascension  de  Tannée  92,  faite  par  MM.  Luche- 
reau,  ingénieur  du  Righi  français  de  l'Antécade,  et  Buisson,  inspec- 
teur adjoint  des  forêts  à  Luclion,  sous  la  conduite  de  B.  Cour- 
rège. 

Arrivés  au  sommet  du  pic  h  7  heures  du  matin  (départ  de  la 
Rencluse  à  2  h.)  Ascension  pénible  en  raison  de  la  neige  molle. 
Brouillard  sur  la  plaine  française  au-dessous  de  1500  mètres.  Très 
belle  vue  sur  l'Espagne. 

29  juillet.  —  Je  suis  monté  au  Néthou,  guidé  par  L.  Sanson  et  J. 
Fouillouse.  Nous  partimes  do  la  Rencluse  à  2  h.  45  et  arrivâmes 
au  sommet  à  7  heures.  —  Très  bonne  ascension,  très  beau  temps. 
Nous  avons  été  suivis  de  la  Rencluse  jusqu'ici  par  un  buU-dogg 
appartenant  à  mon  guide  L.  Sanson.  Je  croyais  l'ascension  vrai- 
ment plus  pénible  ;  à  mon  avis  le  trajet  de  la  Rencluse  au  Portil- 
lon est  le  plus  difficile.  Mes  deux  guides  ont  été  très  utiles.  Vue 
superbe  et  imposante.  Ed.  Maleserigne  de  Lafaye,  docteur  à 
St^Martin  (Haute-Vienne). 

5  aou^  —  Quatrième  ascension  de  l'année  1892,  faite  par  MM. 
Marcel  de  la  Lande  (Angers),  L.  d'Eschellerins  (Chàteauroux).  — 
Guides  :  L.  Sanson  et  J.  Fouillouse.  —  Partis  de  la  Rencluse  à 
2  h.  45  et  arrivés  au  sommet  à  G  h.  45.  —  Ascension  facile,  temps 
brumeux,  aucune  vue. 

13  août.  —  Partis  de  la  Rencluse  à  2  h.  1/2  du  matin,  arrivés  à 
7  h.  45.  —  Temps  superbe.  Ascension  dure.  Nous  avons  été  admi- 
rablement guidés  par  Jean  Angusto  et  J.  Fouillouse. 

Comte  B.  de  Bouille,  lieutenant  au  4"«  hussards. 
Comte  B.  de  Durfort  et  Prince  Louis  de  Croy  (G.  A.  F.i. 

16  fioîd.  Nous  tenons  à  remercier  nos  excellents  guides  non  seu- 
lement de  l'aide  qu'ils  nous  ont  donnée  pour  arriver  au  sommet  du 
Néthou,  mais  de  Tentrain  et  de  la  complaisance  dont  ils  ont  fait 
preuve  pendant  une  ascension  que  Tétat  des  crevasses  a  prolongée 
de  longs  détours.  —  Ces  guides  sont  B.  Courrège,  J.  Ladrix,  P. 


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325 

Lafont.  —  Charlotte  Grandpierre,  A.  Grandpierre,  deMussey  (Bar- 
le-Duc),  B.  Boissonnas  (73 ans),  J.  Boissonnas,  E.  Boissonnas  (Paris), 
Dcsau. 

23  août.  —  Les  soussignés  Joseph  Hagonneau  Beaufel,  Jacques 
Taton  de  Tavernay ,  rentiers  (Paris) ,  partis  de  la  Rencluse  à 
2  h.  t/2du  matin,  sont  arrivés  au  sommet  du  Néthou  à  7  h.  45,  très 
bien  disposés  grùcc  à  la  palicnce  et  à  Thabileté  de  leurs  guides  J. 
Fouillouse  et  B.  Lafont  (do  Luchon)  ;  mais  les  brouillards  ont  cou- 
vert plusieurs  fois  les  glaciers  de  5  à  7  heures.  Au  sommet,  beau 
ciel,  peu  de  vent,  température  douce,  vue  splendide  de  tous  côtés 
sauf  du  côté  de  Cerdagne. 

J.  H.  Beaufel  (30  ans)  ;  Taton  de  Tavernay  (22  ans). 

31  août,  —  Accompagnés  des  guides  à  pied  Jean  Angusto  et  J. 
Fouillouse,  dont  la  renommée  n'est  plus  à  faire,  nous  L.  Prat 
(Luchon),  étudiant  en  médecine,  et  Félix  Brzumienski,  élève  au 
Lycée  de  Toulouse,  nous  avons  effectué  l'ascension  du  Néthou  par 
un  brouillard  intense,  mais  dans  d'excellentes  conditions  d'ail- 
leurs. 


Résumé  des  Ascensions  au  Ni^thou  de  1842  a  1892 

Ascensions 553 

Touristes    . 1137 

Dont:  Français 905 

Etrangers .     .  326 

Femmes 79 

Guides 1129 

En   résumé,  22GG  personnes  ont  atteint  le  sommet  du  pic  du 
Néthou  depuis  50  ans. 


Maurice  Gourdon, 

Vice-Présidt'iit  de  la  Société  Ramond, 
Membre  du  Club  Alpiu  français,  etc. 


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MANDEMENT 

DE  Mgr  Gabriel-Olivier  de  Lubière  du  Bouchet 

Évêque  de  Comenge 

POUR  LES  HABITANTS  DE  LA  VALLÉE  D^ARAN  (ESPAGNE) 

ANNÉE   1724 


Gabriel -Olivier  de  Lubière  du 
Boucliet,  par  la  miséricorde  de 
Dieu  ,  Eveque  de  Comenge  ;  à 
tous  les  archiprêtres,  curés,  prê- 
tres, ecclésiastiques  et  à  tous  les 
habitans  de  la  vallée  d'Aran , 
salut. 

Attentif  que  nous  sommes,  mes 
chers  frères,  aux  obligations  que 
nous  impose  notre  mmistère,  de 
veiller  et  de  prendre  garde  à  nous- 
mêmes  et  à  toutes  les  parties  du 
troupeau  sur  leqiiel  le  Saint-Esprit 
nous  a  établis  Evéque  pour  gou 
verner  l'Eglise  de  Dieu,  qu  il  a 
acquise  par  son  propre  sang,  nous 
devons  vous  dire  que  c'est  avec 
douleur,  que  nous  avons  envi- 
sagé les  obstacles  qui  ont  retardé 
jusques  ici  la  visite  que  nous 
avions  résolu  de  faire  dans  votre 
vallée. 

Les  guerres,  qui  se  sont  succé- 
dées les  unes  aux  autres,  et  qui 
ont  été  suivies  de  la  contagion 
fatale,  dont  vous  avez  été  garan- 
tis par  l'attention  du  Roi  pour 
votre  conservation,  en  établissant 
des  gardes  sur  la  frontière  pour 
empêcher  le  communication  de 
la  France  avec  l'Espagne. 

Ces  motifs  cessant,  mes  chers 
frères,  l'exécution  aurait  suivi 
de  bien  çrès  nos  projets  de  vi- 
site ;  mais  l'esj^rit  de  ténèbres, 
toujours  opposé  à  la  gloire  de 
Dieu  et  aux  moyens  de  salut  que 
sa  miséricorde  prépare  aux  hom 


Grabieou-Oulibiè  de  Lubière 
du  Bouchet,  per  la  misericordie 
de  Dieou  ,  Âbesqué  de  Cou  - 
mengé;  à  touts  ets  arcipréstes, 
ritous,  capéras  é  autes  gens  de 
gleize,  è  à  touts  ets  habitants 
d'ère  baleye  d'Aran,  salut. 

Attentifs  que  nous  êm,  mous 
chers  frais,  à  ros  obligatious,  que 
noste  ministcri  nous  impose,  de 
beïla  ê  prené  garde  à  nous  made- 
chis,  ê  à  toutes  ères  partides  d'et 
troupét,  sus  et  quaou  et  Sent- 
Esprit  mous  a  estabiits  Abesqué 
per  gouberna  ère  Gleize  de  Dieou, 
qu'ét  a  aqueside  per  soun  propi 
sang,  nous  bous  deouém  dise, 
qu'ey  estât  dab  ue  gran  doulou, 
qu'auem  bists  ets  empachamens. 
qu-an  retardât  de  qui  à  ci  ère 
bisite  qu'auiem  résoulut  de  hè  en 
boste  baleye. 

Eres  guerres  qu'es  soun  sègui- 
des  ères  ues  après  ères  autres,  à 
res  quales  a  succédât  ue  peste 
malhurouse,  doun  bous  autres 
èts  estadis  préserbats  per  atten- 
tion dét  Rey  per  bous  counserba, 
en  mette  de  gardes  sus  ère  fron- 
tière en  ta  empacha  ère  commu- 
nication dere  France  dab  ère 
Espagne. 

En  aqueres  rasons  cessa,  mous 
chers  frais  ,  ères  résolutious 
qu'auiem  hét  de  hè  re  bîsite 
serien  estades  leou  seguides  de'r 
executiou  ;  mais  et  esprit  d'os- 
curitat,  toustem  opposât  à  re 
glorie  de  Dieou  è  à  res  occasious 


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327 


mes ,  y  a  formé  de    nouveaux 
obstacles. 

Ne  8*est-il  pas  élevé  parmi  vous 
des  ^ens,  qui,  pour  séduire  les 
simples,  se  sont  avisés  de  publier, 
contre  la  vérité,  que  par  les  pri- 
vilèges de  la  vallée  nous  n'avions 
aucune  juridiction  sur  les  prê- 
tres ?  il  y  en  a  même  parmi  eux, 
qui  ont  eu  la  témérité  de  l'expo- 
ser dans  des  requêtes,  comme 
s'ils  avoient  pu  oublier  le  serment 
solennel  de  respect  et  d'obéis- 
sance qu'ils  ont  fait  entre  les 
mains  de  leur  Evêque,  le  jour  de 
leur  ordination  pour  le  sacer- 
doce, quand,  à  genoux  devant 
lui,  leurs  mains  mises  entre  les 
siennes,  il  leur  a  dit  :  Promittis 
milii  et  successoribus  meia  reoe- 
r-entiaui,  n'ont-ils  pas  répondu  : 
Promitto  ? 

Quelle  preuve  plus  authentique 
peut-il  y  avoir  de  leur  dépen- 
dance de  sa  juridiction  ? 

C'est  aussi  pour  dissiper  ces 
illusions,  que  nous  n'avons  pas 
cessé  depuis  longtemps,  comme 
vous  devez  vous  en  souvenir , 
d'avertir  chacun  de  vous  do  ses 
devoirs,  quand  les  occasions  se 
sont  présentées  de  rendre  des 
ordonnances  à  cet  effet. 
-  Mais,  comme  les  armes  cjue 
nous  devons  employer  pour  éta- 
blir la  juridiction  qu'il  a  plu  au 
Seigneur  de  nous  donner  sur  le 
troupeau  que  la  divine  Provi- 
dence a  confié  à  nos  soins  ne 
sont  point  charnelles  ni  maté- 
rielles, mais  puissantes  en  Dieu, 
pour  détruire  les  raisonnements 
humains  et  tout  ce  qui  s'élève 
avec  plus  de  hauteur  contre  la 
science  de  Dieu,  ayant  en  notre 
main  le  pouvoir  de  punir  tous  les 
désobéissants,  lorsque  ceux  de 
vous,  qui  ne  se  seront  pas  laissé 
séduire,  auront  satisfait  à  tout  ce 
que  l'obéissance  demande  d'eux ': 

Nous  n'avons  pas  cru .  mes 
chers  frères,  devoir  entrepren- 
dre la  visite  de  la  vallée  d'Aran, 


Sue  Dîeou  prépasé  ata  hommes 
e  hê  lou  salut,  y  a  format  de 
naouéts  empachamens. 

Nou  s'és  pas  eleouat  entré 
vous  autres  dé  gens,  que  per 
séduise  es  simples,  sesontavisats 
de  publica  fausseméns,  que  selou 
es  pribiletgés  d'ère  Baleié,  nous 
n'auiem  cap  de  juridiction  sus  es 
capéras  ?  En  y  a  agut  encare 
entré  ets,  qu'an  agut  ère  temeritàt 
de  acmetté  en  dé  requèstes; 
comme  se  auien  pouscut  des- 
brembas  et  jurament  solemnel  dé 
respect  ê  obediensé  qu'ets  an  hét 
entre  res  mas  de  lou  Abesqué  et 
dié  que  soun  estats  ourdounats 
caperas  quan  a^ulliats  deuant  et, 
lous  mas  meses  entré  res  sues, 
et  leur  a  dit  :  Promittis  mihi  et 
successoribus  meis  reverentiam  et 
obedientiam,  nou  an  pas  eris  res- 
pounut  :  Promitto  ? 

Quine  probe  mes  autentique 
y  pot  aué  de  lou  dépendence  de 
saiuridictiou?    • 

1  abén,  per  dissipa  aqueres  illu- 
sions, nou  auem  pas  cessât  des- 
puch  lougtems,  coumme  douéta 
houn  brémba,  d'aouerti  cadeun 
de  bous  autres  de  sous  déoués, 
quan  ères  occasions  se  son  pré- 
sentades  de  rende  per  aquét  effet 
d'Ourdounances. 

Mais  coum'éres  armes  que 
deuem  mette  en  usatgé  per  esta- 
bli  ère  juridiction  qu'a  playut  à 
N.  Seignou  de  mous  dà  sur  ères 
ouelles  guela  Probidence  dibine 
a  hisat  à  nostis  soins  nou  soun 
pas  d'armes  charnèles  ni  maté- 
riéles,  mais  puissantes  en  nostre 
Seignou  per  destruisé  éts  rasou- 
nomens  déts  homes,  é  tout  ço  que 
s  élève  dab  insoulence  contre  ère 
science  de  Dieou,  coume  auem 
en  noste  man  et  poudé  de  puni 
touts  éts  desobeissens ,  quan 
aquéts  de  bous  autres  que  nous 
seran  léchats  séduise,  auran  sa- 
tisfèt  à  tout  ço  aué  aeuen  a  ço 
qu'era  obédience  demande  d'ets  *  ; 

Nou  auem  pas  crédut,  mous 
chers  frais,  que  déguessém  entré- 
préné    ère    bisite    dere    baleïe 


1  Arma  iDJIitise  nostr»  non  carnalia  sont,  sed  potenlia  Deo  ad  destnictionem  mnni- 
tionum  cnnsilia  desiruenles,  et  omnem  alliUidluem  cxtollenlem  se  adversus  scientiam  Dei, 
et  in  cu|itivitatem  redigenles  omnem  iuteltcclum  in  obsequium  Christi,  et  in  promplu 
habenles  ulcisci  omnem  inobedienliam,  qoum  impleta  faeril  vesira  obedienlia  —  2.  Cor.  10» 


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328 


que  CCS  idées  d'indépendance  de 
notre  juridiction  ne  fussent  dissi- 
pées; que  ceux  qui  s'en  estoient 
flatez,  par  des  vues  que  nous  ne 
voulons  pas  détailler  ici,  n'en 
ayent  été  désabusez. 

Si  notre  visite  opère  quelque 
bien  parmi  vous,  mes  chers  frè- 
res, vous  devez  rendre  grâces  au 
Seigneur  du  zèle  vraiment  chré- 
tien qui  a  porté  M.  le  comte  de 
Montemar,  commandant  général 
en  Catalogne,  de  solliciter  Sa 
Majesté  Catholique  le  Roi  d'Es- 
pagne, votre  souverain,  de  nom- 
mer telle  personne  qu'elle  trou- 
veroit  à  propos  pour  examiner, 
conjointement  avec  nous,  vos  pri- 
vilèges, qui  nous  avoient  été 
jusqu'ici  inconnus  et  dont  plu- 
sieurs d'entre  vous  s'autorisoient 
pour  éluder  notre  juridiction.  La 
lettre  qu'il  nous  a  fait  l'honneur 
de  nous  écrire  là-dessus  nous 
a  été  remise  deMa  part  de  M.  de 
'Mesparrota,  commandant  dans 
la  vallée,  lequel  a  été  chargé  par 
M.  le  comte  de  Montemar  de 
l'exécution  des  ordres  de  Sa  Ma 
jesté  Catholique,  en  conséquence 
desquels  il  a  bien  voulu  nous 
écrire  une  lettre  où  nous  rccon- 
noissons,  avec  toute  la  satisfac- 
tion possible,  les  sentimons  de 
piété  et  de  religion  qui  l'animent, 
aussi  bien  que  la  vivacité  de  son 
zèle  pour  la  gloire  de  Dieu,  l'édi- 
fication publique,  la  règle  et  le 
bon  ordre  de  tous  les  nabitans 
de  la  vallée  d'Aran. 

Ces  motifs,  mes  chers  frères^ 
nous  ayant  à  l'instant  déterminé 
d'aller  faire  la  visite  dans  votre 
vallée,  nous  avons  cru  que  pour 
seconder  les  pieuses  intentions 
de  votre  Monarque  nous  devions 
renouveler  les  Ordonnances  de 
Monseigneur  de  Choiseul  de 
Praslin,  notre  prédécesseur,  du 
23  septembre  1646,  dont  la  mé- 
moire doit  être  en  bénédiction 
parmi  vous,  comme  elle  l'est  dans 
toute  l'étendue  de  notre  diocèse, 
et  y  en  ajouter  d'autres  que  nous 
avons  jugées  nécessaires  pour 
votre  sanctification  et  l'édification 
publique,  pour  être  exécutées  par 
tous  les  hàbitans  delà  vallée  sous 
les  peines  qui  y  sont  énoncées. 


d'Aran  qu'aquéres  îmaginatious 
d'indépendénce  de  noste  juria- 
dictiou  nouss  houssén  dissipa- 
dea,  quaqu'ets  que  s'en  eren  ila- 
tats,  per  de  bistes  que  nou  bou- 
lem  pas  explica  aci,  nou'n  hous- 
sén désabusats. 

Se  noste  besité  opère  quauqué 
ben  entre  bous  autres ,  mous 
chers  frais,  deouets  rende  graciés 
à  N.  Seignou  d'et  zèle  beritablo- 
ment  chrestian  que  a  portât  M.  et 
comte  de  Montemar  coumandant 
général  en  Catalogne,  de  sollicita 
sa  Majestat  catholique,  bosté  sou- 
verén,  de  nouma  taie  persoune 
qu'ère  troubarie  à  propos  per 
examina  dab  nous  bostes  prini- 
letgés  que  mous  êrem  estais 
encouneguts  déqui'aci,  ê  d'oun 
force  de  Dousaouts  s'autorisaben 
per  ésvita  nosto  juridictiou.  Ere 
lettre  que  mous  a  hét  Taunou  do 
mous  escriué  sus  aquet  sutget, 
que  mous  es  estade  remèse  d'era 
part  de  M.  de  Mesparrota,  cou- 
mandant  ene  baleie  ;  qu'es  estât 
encargat  per  M.  et  conté  de 
Montemar  d'ère  executiou  d'ets 
ordes  de  sa  Majestat  catholique, 
en  conséquence  des(]uaus  et  a 
boulut  mous  escriué  ue  lettre, 
oun  nous  récounechém,  dab  toute 
ère  satisfaction  poussible,  es  sen- 
timens  de  pietat  é  de  religiou 
que  Tanimen  au  ta  plan  qu'ère 
vivacitat  de  son  zèle  p'ere  glorie 
de  Diou,  èr'édificatiou  publique, 
ère  règle  é  et  bon  ordé  de  touts 
ets  haijitans  d'ère  baleie  d'Aran. 


Aqueres  rasous,  mous  chers 
frais,  en  mous  aué  déterminais 
incountinent  d'ana  hè  ère  bisite 
de  boste  baleie,  auem  crésut 
qu'enta  secunda  ères  intentious 
de  boste  Rey,  deuiôm  renoubela 
ères  Ourdoûnances  de  Mounsei- 
gnou  de  Choiseuil  de  Praslin  noste 
nrêdéccssou,  d'et  25  de  setémé 
1646,  ère  resoubenence  det  quau 
deou  este  en  bénedictiou  entre 
bousautres,  coume  es  en  tout  nos- 
te abescat,  è  de  mette  ny  d'autres 
qu'auem  jutgeat  nécessaries  per 
bosté  sanctificatiou  c  r'édiûcatiou 
d'et  public,  per  esté  obserbades 
per  touts  ets  hàbitans  d'ère  baleie, 
sus  ères  pênes  que  y  son  especi- 
fiades. 


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329 


C'est,  mes  chers  frères,  pour  en 
assurer  TefTet,  et  vous  solliciter 

ϻlus  pressamment  de  vous  con- 
ormer  en  toutes  choses  à  ce  qui 
est  porté  dans  ces  Ordonnances, 
que  nous  empruntons  les  mêmes 
paroles  dont  saint  Paul  s'est  servi 
en  écrivant  aux  Thessaloniciens 

Que  si  quelqu'un  n'obéit  pas  à 
ce  que  nous  ordonnons  par  ces 
Statuts,  notez-le,  et  n'ayez  point 
de  commerce  avec  lui,  afin  qu'il 
en  aye  de  la  confusion  et  de  la 
honte  ;  ne  le  considérez  pas  néan- 
moins comme  un  ennemi  ;  mais 
avertissez-le  comme  votre  frère  • 

Demeurez  donc  fermes,  mes 
chers  frères,  et  conservez  les  tra 
ditions  que  vous  avez  apprises 
de  nos  prédécesseurs  et  do  nous, 
soit  par  nos  paroles,  nos  lettres 
et  nos  statuts^. 

Ne  pouvant,  mes  chers  frè- 
res, assez  contribuer  à  votre  édi- 
fication, pour  y  coopérer  avec 
f)lus  d'efficacité,  nous  eifi'ployons 
es  mêmes  paroles  de  saint  Paul 
aux  Thessaloniciens.  Au  reste, 
nous  vous  supplions,  mes  frères, 
et  vous  conjurons  parle  Seigneur 
Jésus,  qu'ayant  appris  de  nous 
comment  vous  devez  marcher 
dans  la  voye  do  Dieu  pour  lui 
plaire,  vous  y  marchiez  en  effet 
de  telle  sorte  que  vous  vous  y 
avanciez  de  plus  en  plus  '.  Je 
vous  recommande  donc  à  Dieu 
et  à  la  parole  de  sa  grâce  ;  puis- 
que c'est  lui  qui  peut  achever 
1  édifice  que  nous  avons  com 
mencé.  et  vous  donner  part  à  son 
héritage  avec  tous  ses  saints*. 

A  ces  causes,  nous  ordonnons 
que  tous  les  articles  des  règle 
mens  et  Ordonnances,  que  nous 
avons  faits  et  ci-après  imprimez, 


Per  en  assegura  l'effet  ê  soUi- 
cita-bous,  mous  chers  frais,  dab 
mes  de  presse  de  conforma-bous 
en  toutes  causes  à  co  qu'es  mar- 
quât en  aquestcs  Ourdenànces, 
emprountaram  ères  madéches 
paraules,  doun  S.  Pau  es  serbic 
quan  escriuié  a's  Thessaloni- 
ciens. 

Que  si  quaucun  n'oubesis  pas  à 
ço  qu'ourdounam  i^er  aqueris  Es- 
tatuts,  marquats-lé,  é  non  ageats 
cab  dé  combcrce  dab  et,  enta 
qu'ét  en  âgé  counfusiou  è  ber- 
gougne  ;  nou  au  counsidérèls 
pourtant  pas  coume  un  enemic, 
abertits-le  coume  bosté  frai  ». 

Demourats  donne  fermes,  mous 
chers  frais,  è  counservats  ères 
traditions  ou  enseignaméns  que 
auéts  aprésés  de  nostés  prédé- 
cessous  ô  de  nous,  ô  per  nostes 
lettres  ô  estatuts^. 

Coume  on  nou  pot,  mous  chers 
frais,  prou  countribua  à  boste 
édificatiou,  enta  coopéra  y  dab 
mes  de  force,  mous  serbiram 
d'ères  madéches  paraules  de 
S.  Pau,  quan  escriuie  a's  nobles 
de  Tessaionique.  Bous  suplicam, 
mous  frais,  ê  bous  pregam  per  le 
Seignou  Jésus,  que  puich  que 
auets  après  de  nous  auin  deuéts 
camina  en  camin  de  Dieou,  enta 
plas'eu,  que  bous  y  auancéts' 
toustem  mes,  jou  bous  arrecoum- 
mandi  dounc  à  Dieou  c  a  ro 
paraule  de  sa  gracie  ;  puich  que 
aquo  es  et  que  doou  acaba  et 
bastiment  qu  auém  coumençat,  ô 
da-bous  part  en  soun  ciretatgé 
dab  touts  sous  sants*. 

Per  equo  ourdounam  que  touts 
éts  articles  des  Keglaméns  c 
Ourdounances,  que  auem  hct,  é 
que  soun    imprimats  aci  après. 


1.  Qaod  si  quis  non  obedit  verbo  noslro  per  cpislolam,  hune  nolnie,  ri  ne  coramis- 
ceamiuicom  illo,  ut  coofondaliir;  el  nulitc  quasi  inimicum  exislimare,  sed  corripile  ut 

ralrem.  II.  Tbess.  3. 

2.  Ilaque,  fratres,  stnte  et  lenele  iraditioncs,  quas  didicislis  sire  per  sermouem  sivc 
per  epislolam  nostram.  Ibid.  cap.  2. 

3.  De  cœlero  crgo,  fratres,  rogaoïus  vos  et  obsncramus  in  Domino  Jesn,  ut  quemad- 
iDodum  accepistis  a  uobis  qonmodo  oporleat  vos  aiobulere  el  placere  Deo,  sic  et  ambu- 
leits  m  abaiidelts  magis.  I.  Th«88.  cap.  4. 

,    ^»  El  qùnp  c^niDiendo  vos.pp^  et^vepU)  gva,(j8u  ijçj))s^qui^poiep§  csl  $)4i9<^i'^^  H^i^^lf^* 
biBrediiàlem  in  sanctincatis  omnibus.  -     '  ......  .^ 

RiTVi  BB  ComiwaBSi  4«  trlmesird  1695.  T§mk  X.  —  23. 


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330 


aussi  bien  que  les  Règlemcns  et 
Ordonnances  de  Monseigneur  de 
Choiseuil,  Evéque  de  Gomcnge, 
du  25  septembre  1646,  seront  exé- 
cutez selon  leur  forme  et  teneur. 

Donné  à  Bielle  en  Aran,  le 
vingt-sixième  du  mois  d'août 
mille  sept  cents  vingt-quatre. 


autabén  que  ctz  Rcglaméns,  ê'rei 
Ourdouiiances  de  Mounseignou 
de  Ghoiseuil.  Abesque  do  Cou- 
mcngé,  det  25  de  setemé  1646, 
sien  obscrbades  en  tout  ço  que 
countenguen. 

Dat  en  Bielle  en  Aran,  et  vint 
ê  sics  d'et  mes  d'aoust  mil  sét 
cens  vingt  ô  quate. 


Ordonnant  sous  peine  de  suspense,  à  tous  curés  et  vicaires  de 
lad.  vallée,  de  publier  au  prône  de  la  messe  de  parroisse  notre 
présent  Mandement  et  Ordonnances,  le  premier  dimanche  après 
qu'ils  les  auront  reçus. 

f  G.  0.  Evoque  de  Gomenge. 


1.  Tous  les  prêtres  ou  ecclé 
siastiqucs  in  sucris,  de  la  vallée, 
seront  tenus,  sous  peine  de  sus- 
pense, de  porter  Thabil  long,  dit 
soutane,  dans  le  lieu  de  leur  rés' 
dence.  Il  leur  est  défendu,  sous  la 
même  peine,  d'oiïrir  le  très  saint 
sacrifice  de  la  Messe,  s'ils  ne 
sont  pas  revêtus  d'une  soutane 

2.  La  fréquentation  du  cabaret 
dans  toute  l'étendue  de  la  par- 
roisse, et  même  de  l'annexe,  s'il 
y  en  a,  leur  est  défendue  sous  la 
même  peine.  Et  pour  ôter  tout 
prétexte,  désormais,  aux  prêtres 
de  la  vallée  de  fréquenter  le 
cabaret  et  d'y  boire,  comme  il 
pourrait  arriver  que  le  lieu  de 
leur  habitation  serait  à  portée 
des  parroisses  voisines,  oà  ils 
croiraient  pouvoir  aller  boire 
dans  le  cabaret  sans  encourir  la 
suspense,  nous  défendons,  sous 
la  même  peine  de  suspense,  à 
tous  prêtres,  de  boire  dans  les 
cabarets,  s'ils  ne  sont  pas  à  une 
lieuë  de  distance  de  leur  habita- 
tion. 

3.  Nous  leur  défendons,  sous 
la  même  peine,  de  boire  du  lait, 
du  vin,  de  Teau-de-vie  ou  autres 
liqueurs  dans  l'église,  ou  de  man- 
ger ni  boire  dans  les  cimetières. 

4.  Nous  ordonnons  que  tous 
les  prêtres,  dans  chaque  par- 
roisse, seront  revêtus  chacun 
d'un  surplis  et  bonnet  carré,  pour 
assister  aux  grandes  Messes,  soit 
parroissiale,   soit  de  fondation, 


l.  Touts  es  Gaperas  ô  autés 
que  soun  en  es  ourdés  sacrats, 
seran  oubligats  dé  porta  ère 
raube  longue  ô  soutane,  en  loc 
de  lour  demoure,  h  pêne  do  sus- 
pense. Lou  es  deffendut  sua  ère 
madèche  pêne  de  Missa,  se  nou 
soun  pas  bestits  d'ue  soutane. 


2.  Ere  entrade  d'ères  Tauernes 
ente  beue  en  tout  et  terradou 
d'ère  Parrochie  ê  d'ero  Annexe, 
s'en  y  a,  lour  es  defendude  sus 
ère  madeche  pêne  de  suspense. 
E  enta  que  d'aci  enlà  es  Gaperas 
nou  ajen  cap  d'excuse  enta  entra 
en  es  Tauernes  entabeuéy,  coume 
es  pouirié  hé  quét  loc  oun  de- 
mouren  série  près  d'ue  aute  Par- 
roquie,  la  oun  eris  es  pensarien 
poudé  ana  beoué  ena  Tauerne 
sensé  cai  en  suspense,  deffendem 
sus  ère  madeche  pêne   de   sus- 

Eense,  à  touts  es  Gaperas  de 
eue  enes  Tauernes,  se  nou  es 
troben  a  ue  letgue  louing  de 
leurs  maisous. 


3.  Lour  deffendem,  sus  ère 
madeche  pêne,  de  beué  leit,  bin, 
aiieardent  ô  autes  liquous  ene 
Gleize,  ô  de  mingea  ne  beué  en 
es  Gementeris. 

4.  Ourdenam  que  touts  es  Cape- 
ras  en  cade  Parroquie,  seran 
arreuestits  cad'  un  d'un  surpolis 
ô  bonét  carrât,  enta  assista  a  res 
Misses  granes  ô  Parroquialcs,  ô 
de    Foundatiou,    enta   Enterra- 


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pour  sépultures,  ncuvaines    ou  mens,  Nauies  et  cap  d'an, 
annuels  pour  les  morts. 


5.  Informez,  bientôt  après  notre 
arrivée  dans  le  diocèse,  de  l'abus 
introduit  dans  la  vallée,  que  tant 
les  prêtres  que  les  laïques  de 
chaque  parroisse,  exigeaient  de 
chaque  prêtre  nouvellement  or- 
donné, à  raison  do  la  première 
messe,  trois  ou  quatre  repas,  qui 
leur  étaient  très  onéreux  pour  la 
quantité  de  viande  et  de  vin  qui 
s'y  employoit.  qu'ils  leur  refu- 
sent les  ornemens  pour  célébrer 
le  très  saint  sacrifice  de  la  Messe, 
et  les  émolumens  do  la  parroisse 
affectez  pour  chaque  prêtre,  s'ils 
refusoient  de  donner  ces  repas 
qui  avoient  été  expressément  dé 
fendus  et  prohibez  par  Messei 
gneurs  les  Evêques  cte  Comenge 
nos  prédécesseurs,  et  spéciale- 
ment par  Monseigneur  do  Choi- 
seuil  de  Praslin,  en  ce  que  ces 
repas,  exigez  contre  toute  sorte 
de  raisons,  ressentent  la  simo- 
nie, et  déshonorent,  pour  ainsi 
dire,  le  très  saint  sacrifice  de  la 
Messe  (')  :  pour  nous  opposer  à 
un  tel  abus,  nous  aurions  rendu 
diverses  Ordonnances,  qui  por- 
toicnt  défenses  aux  Prêtres,  sous 

f>eine  de  suspense  encourue  par 
e  seul  fait,  et  aux  séculiers,  sous 
peine  d'excommunication,  d'exi- 
ger, sous  quelque  prétexte  que 
ce  puisse  être,  que  les  Prêtres 
donnent  de  tels  repas,  à  raison 
de  leur  première  Messe,  leur 
défendant,  sous  la  même  peine, 
de  leur  refuser  les  ornemens  cour 
célébrer  le  très  saint  sacrifice 
de  la  Messe,  et  les  rétributions 
de  l'Eglise,  qui  leur  appartien- 
nent, comme  Prêtre  de  la  com- 
munauté. Et  attendu  que  de  tel- 
les ordonnances  sont  conformes 
à  la  discipline  de  l'Eglise,  en  les 
renouvellant,  voulons  que  notre 
présenta  Ordonnance  soit  publiée 
dans  toutes  les  parroisscs  de  la 
vallée  d'Aran,  ahn  que  personne 
ne  Tignorc,  et  que  tant  les  Prê- 
tres que  les  séculiers  s'y  confor- 
ment. 

6.  La  vie    et  les    moeurs    des 
i.  Trid..  ff. 


5.  Infourmats,dabort  après  que 
hourem  arribats  en  Anesquat, 
d'et  abus  entrouduit  ene  Baleie, 
que  es  Caperas  é  es  Laies  de 
cade  Parroquie  exigeauen  de 
cadc  Gaperan  nauêt,  per  rasoun 
de  sa  misse  naouêre,  très  ô  quaté 
arrepêches,  que  lour  êren  de 
<i:ran  dospénse,  a  cause  d'ero 
gran  quantitat  de  biande  ê  de 
bin  que  s'y  cmplegaue  ;  qu'om 
lour  arrefusaue  ets  ornamens 
enta  dise  ère  santé  Misse,  ê  éts 
arrébénguts  d'ère  Parroquie  af- 
fectats  h  cadc  Caperan,  s'eris 
arrcfusaucn  dé  da  aquéts  arre- 
pêches, qu'cren  estats  esprès- 
saméns  defenduts  ê  prouhibats 
pes  Soignons  Abésques  dé  Cou- 
menge  nostés  deuanciés,  ê  en 
particulié  per  Mouseignou  de 
Ghoiseuil  do  Praslin,  perço  qu'a- 
quets  arrepêches,  demanats  coun- 
tre  toute  rasou,  sentien  ère 
simounie,  ê  desaunourauen,  per 
ensi  parla,  et  S.  sacrifice  d'ère 
Misse  ;  enta  ouppousa  mous  à 
un  tau  abus,  aurien  dat  diferén- 
tes  Ourdounances,  que  pour- 
taouen  deffénse  a's  Caperas,  sus 
pêne  de  suspense  encourrégude 
p'ere  action  soûle,  è  as  Laïcs  sus 
pêne  d'escoumingué,  de  demana 
sus  quine  rasoun  qu'es  housse, 
qu'es  Caperas  dêssen  de  taus 
arrepêches,  à  rasoun  de  lour 
Misse  naouêre:  en  lour  défende 
sus  ère  madéche  pêne,  de  arré- 
fusa-les  éts  purnamons  enta 
célébra  et  très  sant  sacritice 
d'ero  Misse,  ê  éts  arrébénguts 
d'ère  Gleize,  que  lour  apartèn- 
guén  coumc  Caperas  d'ero  Cou- 
munautat.  E  perço  qu'aqueres 
Ourdounances  soun  conformes 
are  discinlinc  d'ère  Gleize,  en 
arrenoubela-les.  boulém  que 
nostc  présente  Ourdounancc  sic 
publicade  en  toutes  ères  Parro- 
quies  d'ère  Baleie  d'Aran,  enta 
que  degus  nou  l'âgé  per  cncou- 
ncgude.  ê  que  es  Caperas,  ô  es 
Laïcs  s'y  couformén. 

6.  Coumc  ore  bite,  ê'rc  faiçoun 


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332 


Curés  et  des  Prêtres,  devant  être 
le  modèle  que  doivent  imiter 
les  peuples  confiez  à  leur  con- 
duite>,  ils  doivent  aussi  être, 
selon  saint  Jérôme  ^ ,  compo- 
sez, modestes  dans  tout  leur 
entretien  ;  il  faut  que  la  sainteté 
de  leurs  mœurs  et  la  pureté  de 
leur  vie  éclate  dans  leurs  habits, 
leur  marche,  leur  air,  leur  parler, 
leur  maintien.  Nous  sommes  obli- 
gé de  défendre,  à  tous  les  Prê- 
tres et  autres  Ecclésiastiques  de 
la  vallée  d'Aran,  les  danses,  tant 
publiques  que  particulières,  de 
joiier  dans  les  places  et  jeux 
publics,  aux  quilles,  aux  cartes 
et  aux  dez. 

7.  Nous  leur  défendons  le  port 
des  armes,  telles  que  sont  fusil, 
pistolet  de  selle  ou  de  poche, 
épée,  poignard.  Nous  leur  dé- 
fendons do  même  -la  chasse  du 
sanglier  et  autres  bêtes  fauves, 
sûus  peine  de  suspense  pour  six 
mois  ;  renouvellant  à  cet  effet 
toutes  les  Ordonnances  de  Mon 
seigneur  de  Ghoiseuil,  du  '25  sep 
tembre  1646,  que  nous  faisons 
imprimer  avec  celle-ci. 

8.  Et  comme  dans  les  festins 
des  noces  et  mariages,  les  sécu- 
liers tiennent  souvent  des  dis- 
cours trop  libres,  les  Ecclésias- 
tiques de  la  vallée  d'Aran,  même 
parens  des  Mariez,  doivent  s'abs- 
tenir d'y  assister,  s'ils  ne  sont 
pas  moralement  assurez  que  leur 
présence  empêchera  ces  discours 
scandaleux  et  les  ivrogneries  qui 
en  sont  les  suites  presque  néces- 
saires. Nous  leur  défendons  de 
même  d'assister  aux  repas  que 
l'on  donne  dans  la  vallée  après 
la  sépulture  des  morts:  Renou- 
vellant l'ordonnance  que  nous 
avons  rendue  à  cet  effet,  oui  porte 
qu'il  sera  donné  vingt  sols  à  cha- 
que Prêtre  appelé,  tant  pour  l'as- 
sistance aux  services  faits  pour 
les  funérailles  ou  sépultures  des 
morts,  que  pour  le  repas  que  les 
parents  du  défunt  donnent  en- 
suite. 


de  biéaué  des  Rittous  é  des 
Caperas  deou  esté  et  patroun  que 
deuén  imita  es  pobles  hisats  a 
lour  goubèrn,  eris  deuén  taben 
esté,  seloun  sant  Jérôme,  compo- 
sats,  modestes  en  toutes  lours 
coumbersatious  ;  quau  qu  ère 
santetat  ère  puretat  dé  lour  bite 
brillé  en  lours  bestimens,  leur 
camina,  lour  aire,  lour  parla, 
ê'ne  faiçon  dés  tengué.  Em 
oubligats  de  défende  à  touts  es 
Caperas,  ô  Clercs  d'ère  baleie 
d'Aran,  ères  danses  publiques 
ô  particulières,  dé  jouga  en'es 
places  ê  a  dé  jogs  publics,  ares 
quilles,  cartes,  etc. 


7.  Lour  defendém  de  pourta 
armes,  coume  soun  fusil,  pisto- 
let de  sére,  de  cinte  ô  de  poche, 
espade.  dague,  etc.  Leur  defen- 
dém tabén  ère  casse  d'et  sangla 
é  autes  bêsties  faroutges,  à  pêne 
de  suspense  per  siès  mêses  ;  en 
arrenoubela  per  aquero  toutes 
ères    ourdounances    de  Monsei- 

?'nou  de  Choiseuil,  det  25  setcme 
646,    que    hém    em  prima    dab 
aqueste. 

8.  E  coume  en  es  héstcs  de 
noces  ô  maridatgés,  ères  gens 
d'et  moun  tenguén  souén  dis- 
courses desaunèstés,  ères  gens 
de  Gleize  d'era  Baleîe  d'Aran, 
encare  que  sien  parèns  d'ets 
Espousis,  deouen  esbita  de  trou- 
basy,  se  nou  soun  pas  mourale- 
mens  certêns  que  four  présence 
empachara  es  discours  scanda- 
leuses ô  ets  embriagamens  que 
en  soun  ères  suites  presque 
nécessaries.  Lour  déféndeni  atau 
madech  d'assista  a'ts  arrepêchéa 

uom  da  ene  Baleîe  après  éts 
Interramens  :  arrenoubelam  ère 
Ourdounance  gu'auém  hête  sus 
aquet  punt,  guè  porte  qu'on  dara 
vint  targes  à  cadaun  dès  Cape- 
ras coumbidats,  sié  per  aué  assis- 
tât at  Enterrament  è  at  service, 
ô  pèt  arrèpêch  qu'es  parents  d'et 
mort  dauen  après. 


1.  Concil. 

2.  S.  Jérôme. 


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333 


9.  Nul  Prêtre  ni  Clerc  de  la 
dite  Vallée,  ne  pourra,  hors  le 
cas  de  nécessité,  être  parrain  au 
baptême  sans  une  expresse  per- 
mission par  écrit  de  notre  part. 
Nous  leur  défendons  aussi  de 
porter  les  petits  enfants  en  public 
entre  leurs  bras,  en  prenant  soin 
d'eux,  pendant  que  leurs  mères 
ou  nourrices  sont  absentes  pour 
le  travail,  etc. 

10.  Nul  Prêtre  ni  Clerc  de  la 
dite  Vallée  ne  servira  d'avocat 
ou  conseil,  et  ne  pourra  être 
Sindic  des  Communautez,  pour 
en  poursuivre  les   procès  :  leur 

Sermettant  cependant  de  défen- 
re  les  intérêts  des  veuves,  des 
pupilles  et  des  pauvres,  dont  les 
Curez  doivent  être  regardez  com- 
me les  pères,  à  raison  de  leur 
ministère. 

11.  Comme  toute  sorte  d'oeuvre 
servile  déshonore  et  avilit  le 
Prêtre  qui  s'y  employé,  nous 
défendons  à  tous  Prêtres  et  au- 
tres, constituez  dans  les  ordres 
sacrez  de  la  vallée  d'Aran,  de 
labourer  la  terre,  même  de  leur 
propre  fonds;  daller  travailler 
a  couper  du  bois,  fût-ce  pour 
leur  propre  usage  ;  de  concfuire 
des  bêtes  de  charge  ;  de  mener 

gaître  ou  boire  toute  sorte  de 
estiaux;  de  les  conduire  eux- 
mêmes  aux  foires  ou  marchez  ; 
d'aller  même  aux  foires  pour  y 
acheter  des  bestiaux,  pour  les 
revendre  ensuite;  de  faire  des 
bas  à  l'éguille  en  se  promenant 
hors  de  leurs  maisons  ;  et  enfin 
de  s'employer  en  public  à  quel- 
que œuvre  servile  que  ce  puisse 
être,  à  peine  de  suspense  pen- 
dant l'espace  de  trois  mois. 

12.  Etant  bien  informez  que 
plusieurs  Prêtres  de  la  vallée 
d'Aran,  contre  les  règles  éta- 
blies par  les  Canons,  et  la  disci- 
pline constante  de  l'Eglise,  sor- 
tent de  la  vallée,  sans  permis- 
sion par  écrit  de  notre  part, 
pour  aller  courir  en  Espagne,  où 
ils  deshonorent  le  sacerdoce  en 
y  demandant  l'aumône  publi- 
quement; nous  défendons  désor- 
mais, sous  peine  de  suspense,  à 


9.  Cap  de  Caperan  ô  Clerc 
d'ère  dite  Baleîo,  nou  pouira,' 
hore  d'et  cas  de  nécessitât,  este 
Pairin  de  Bateimé,  sensé  ue 
licensie  expresse  ê  escrieute  de 
noste  part.  Leur  defendem  taben 
de  pourta  publiquamentets  mai- 
natgés  ene  brasse,  quan  les 
guerden,  ê  qu'ères  Maïs  ô  Noui- 
rlsses  soun  enta  trebailla,  etc. 


10.  Cap  de  Caperan  ô  Clerc 
d'ère  dite  Baleie  nou  servira 
d'Auoucat  ô  Couseillé,  é  nou 
pouira  este  sindic  d'ères  Coum- 
munautats,  enta  soustengu'en  es 
Processes:  lour  permettem  pour- 
tant de  aefende  éts  intéresses 
d'ères  Beuses,  des  Pupils  ê  des 
praubés  desquaus  ets  Ritous, 
per  lour  ministéri  deuèn  este 
regardats  coume  es  Pais. 

11.  Coume  toute  sorte  d'obre 
serbîle  desaunore  é  arrend  mes- 
prêsable  ôt  Caperan  que  s'y 
occupé,  defendem  à  touts  es  Ca- 
peras  ê  êts  autes  coustituats  en 
es  Ourdés  Sacrats  ene  Baleie 
d'Aran,  de  laura,  encare  que 
sien  leurs  camps,  a'ana  trabailla 
a  hê  leigne,  encare  que  housse 
enta  et  madéch,  de  counduisé 
bêsties  cargades,  d'amia  péché 
ô  beué  es  bestias,  d'amia-les  a 
hôires  ô  marquats,  d'ana  èris  ma- 
dechés  a'res  héires  enta  croumpa 
bestial  enta  arrebenè-lés  après, 
de  hô  bachès  d'aguille  en  passe- 
geas  dehore  d'ère  maison  ;  e  enfin 
de  s'occupa  en  public  de  quine 
obre  serbiie  qu'es  sie,  a  pêne  de 
suspense  pendém  et  tems  de  très 
mêsés. 


12.  Coume  ém  plan  enfour- 
mats  que  force  Caperas  d'ère 
Baleie  d'Aran,  countre  ères  rè- 
gles establides  p'es  canous,  ê're 
discipline  countinuêle  d'ère 
Gleize,  sorten  d'ère  Baleie,  sensé 
cap  de  licencie  escrieute  de  noste 
part,  enta  ana  courre  en  Espa- 
gne, oun  eris  desaunoren  et 
caractère,  en  demanda -y  publi- 
cament  er'aumoine  :  defendem 
dar'enla,  sus  pêne  de  suspense, 


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334 


tous  les  Prêtres  do  la  vallée 
d'Aran,  den  sortir  pour  s'en 
éloigner  de  plus  de  deux  lieues, 
à  moins  que  ce  ne  fût  pour  venir 
vers  nous  ou  nos  Vicaires  Géné- 
raux, sans  en  avoir  obtenu  de 
nous  la  permission,  que  nous 
leur  donnerons  par  écrit  si  nous 
trouvons  justes  et  raisonnables 
les  motifs  qu'ils  nous  expose- 
ront :  leur  ordonnant  de  plus 
d'apporter  un  certificat  autenti- 
que  de  leur  bonne  conduite, 
vie  et  mœurs,  pendant  leur  ab- 
sence. Etant  de  retour,  ils  ne 
pourront  célébrer  le  saint  sacri- 
fice de  la  Messe  dans  leur  église 
Earoissiale,  sans  avoir  preala- 
lement  présenté  le  certificat  ci- 
dessus  à  notre  Vicegerent  de 
rOfficialité  dans  ladite  vallée, 
lequel  ayant  mis  :  Vu  par  nous 
le  présent  certificat ,  etc. ,  le 
signera,  gratis;  après  quoi  il 
sera  présenté  au  Curé  :  Défen- 
dant à  tous  les  curés  de  la  vallée 
de  permettre  auxdits  Prêtres  de 
dire  la  Messe  dans  leur  église, 
avant  qu'ils  ayent  rempli  cette 
formalité ,  que  nous  exigeons 
pour  le  bon  ordre,  et  pour  nous 
rendre  certain  de  la  bonne  con- 
duite des  dits  Prêtres  pendant 
leur  absence  de  ladite  vallée. 

13.  Nous  ordonnons,  à  peine 
de  suspense,  à  tous  les  Curez 
chargez  de  l'instruction  de  leurs 
Parroissicns,  de  faire,  par  eux 
ou  par  leurs  vicaires,  l'explica- 
tion de  l'Evangile  au  Prône  de 
la  Messe  Parroissialc,  les  jours 
de  Dimanche,  à  raltcrnativo,  en 
faisant  un  Dimanche  l'explica- 
tion de  l'Evangile,  et  l'autre  Di- 
manche le  Catéchisme.  Et  com- 
me le  don  de  la  parole  n'est  pas 
donné  à  tous,  nous  ordonnons 
que  les  Curez  qui  ne  seront  pas 
en  état  de  faire  ladite  explication 
de  leur  fonds  se  pourvoyent 
incessament  d'un  livre  d'Homé- 
lies, imprimé  avec  approbation, 
Four  lire  en  la  langue  du  pais 
explication  de  l'Evangile  au 
Peuple,  en  expliquant  ce  qui 
paroi tra  trop  difficile  et  au-des- 
sus de  leur  portée.  Ils  exhorte- 
ront, de  plus,  les  peuples  de 
s'abstenir  les  jours  dos  Diman- 


a  touts  es  Caperas  dere  Baloîo 
d'Aran,  d'en  sorti  enta  esloi- 
gna's'en  dé  mes  de  dues  lêtgues. 
a  mens  que  nou  housse  en(a 
bengué-mous  trouba,  ô  a  nostes 
Bécaris  Généraux,  sensé  aue'n 
obtengut  de  nous  ère  permissiou 
per  escriout,  que  lous  daram  se 
troubam  justes  é  rasounablcs 
ères  necessitats  qu'ets  mous  expli- 
(luaran  :  lour  ourdounam  at  delà 
u  anourta  un  certificatauténtique 
de  lour  bonne  counduite,  bite  c 
actious,  pendent  que  seran  éstats 
abséns.  Quan  seran  tournais, 
nou  pouïran  célébra  et  s.  Sacri- 
fice a  ère  Misse  dèns  lour  Gleise 
Parroquial  sensé  aué  mésleu  pré- 
sentât aquet  certificat  a  nosté 
Riceçerént  d'er'Officialitat  ene 
dite  Baleîe,  louquau  en  auè  mes  : 
Bist  per  nous  et  présent  certifi- 
cat, etc.  au  signara  gratis  ;  après 
sera  présentât  at  Bitou  :  desfen- 
dém  a  touts  es  Hitous  d'ère 
Balcie  de  permeté  aa  dits  Cape- 
ras  de  digue  Misse  en  lour  Glcizc 
auant  qu'éts  ajen  accoumpUt 
aquere  fourmalitat^  quexigeam 
pe't  boun  ordé,  e'nta  arrede- 
mous  segurs  d'ère  boune  coun- 
duite  d'aquets  (laperas,  pendent 
que  soun  cstads  iiore  dore  Ba- 
leîe. 

13.  Ourdounam,  a  pêne  de  sus- 
pense, a  touts  es  Ritous  oubli- 
gats  a  instruise  leurs  Parro- 
quians,  de  hê  per  cts  madeches 
ô  per  leurs  Bécaris,  cre  explica- 
tiou  d'et  Eouangeli  at  Prône 
dore  Misse  parroquial  es  dics 
de  Dimengé,  un  diè  part  auté, 
en  hê  un  Dimengé  ère  explica- 
tion d'et  Eouangeli,  et  autè  Di- 
mengé ère  Doutrine.  E  coume 
et  doun  dere  paraule  nous  eî 
pas  dat  à  touts,  ourdounam 
qu'ets  Ritous  que  nou  seran  pas 
en  estât  de  hê  aquere  esplicatiou 
d'ets  madeches,  es  croumpèn 
inccssamens  un  fiibè  de  Homé- 
lies, imprimades  dab  approuba- 
tiou,  enta  leçè  en  longue  d'et 
païs  ère  esplicatiou  d*et  Eouan- 
geli at  Poble,  en  esplica  ço  que 
parèchéra  trop  dificile  é  at  des- 
sus de  lour  pourtade.  Ets  ex- 
hourtaran  es  Pobles  d'es  priua 
es  dies  de  Hêste  d'ères  Tauernes 


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335 


ches  et  Fêtes,  du  cabaret  et  des 
danses,  soit  publiques  ou  parti- 
culières, ces  jours  devant  être 
sanctifiez  par  la  prière.  Ils  ex- 
horteront aussi  de  supprimer  les 
repas  qu'on  donne,  après  la 
sépulture  des  morts,  à  ceux  qui 
ont  assisté  à  la  dite  sépulture  ; 
chacun  pouvant  se  retirer  chez 
soi  pour  manger  ;  les  scandales 
de  l'ivresse  étant  toujours  les 
suites  de  ces  sortes  de  repas. 

14.  Quant  à  ce  qui  regarde 
l'administration  des  Sacremens, 
la  célébration  du  très  saint  sacri- 
fice de  la  Messe  Parroissiale  ;  le 
droit  de  Patronat,  les  Confréries, 
le  devoir  des  Prêtres  et  des 
Ecclésiastiques,  la  manière  de 
tenir  les  ornements  dans  les  sa- 
cristies, les  Fabriques,  les  Blas- 
Fhèmes,  l'observation  dos  Fêtes, 
Administration  de  la  justice, 
nous  ordonnons  que  tout  ce  qui 
est  porté  dans  les  Ordonnances 
de  Monseigneur  Gilbert  do  Ghoi- 
seiiil,  Evcque  de  Gomcnge.  du  25 
septembre  1646,  insérées  tout  au 
long  ci-après,  et  que  nous  con- 
firmons pour  servir  de  règle 
dans  la  vallée  d'Aran,  soit  exé- 
cuté selon  sa  forme  et  teneur, 
et  sous  les  mêmes  peines  y  énon- 
cées. 


15.  Ne  pouvant  pas  douter  que 
l'instruction  des  Préceptes  et 
de  la  Morale  de  l'Evangile,  que 
Ton  fait  par  la  jjrédication,  ne 
soit  très  négligée  dans  cette 
Vallée,  puisqu'aucun  Prédica 
teur  ni  Missionnaire  ne  s'est 
présenté  à  nous  pour  y  remplir 
ce  saint  ministère,  nous  avons 
lieu  de  croire  que  n'y  ayant  au 
cune  rétribution  aiïectèe  pour 
la  subsistance  de  ces  ouvriers 
Evangéliques,  il  étoit  nécessaire 
d'y  pourvoir,  et  de  procurer  à 
.ous  les  habitans  de  la  vallée  la 
nourriture  spirituelle,  qui  peut 
seule  les  fortifier  et  les  instruire 
des  moyens  de  se  garantir  de  la 
mort  éternelle.  Monseigneur  de 
Ghoiseiiil,  convaincu  de  la  né- 
cessité de  faire  instruire  les 
habitans  de  la  Vallée  d'Aran  et 
do  coopérer  à  leur  salut  par  la 


é  d'ères  danses  publiques  é  par- 
ticulières, puich  qu  aquets  diés 
deuén  este  santificats  p'era  pre- 
garie.  Les  exhourtaran  taben  de 
suprima  ets  arrèpéchés  qu'on 
da  après  ets  Enterramons,  a's 
qui  an  assistât  at  Enterrament  : 
puich  que  cad'un  es  pot  arretira 
a  sa  maison  enta  mingea  ;  ê 
qu'ets  scandales  d'ets  émbria- 
gaméns  soun  toustèns  ères  sui- 
tes d'aquets  arrepêchés. 

14.  Perço  que  coucerné  ère 
administratioun  des  Sacremens, 
era  celebratioun  d'et  très  S.  Sa- 
crifice d'ère  Misse  Parroquial, 
et  drét  de  Patronnât,  ères  Con- 
fréries, et  dèué  des  Caperas  ê 
gens  de  Gleize,  ère  manière  de 
téngué  ets  Ournamèns  enes  sa- 
cristies, ères  Fabriques,  es  Blas- 
phèmes, cr'  observatioun  d'ères 
Restes,  er'administratioun  d'ère 
justicie,  Ourdounam  que  tout 
ço  que  eï  pourtat  enes  Ourdou- 
nances  de  Mouseignou  Gilibêrt 
de  Ghoiseuil.  Abesqué  de  Gou- 
mengé,  d'et  25  setémé  1646,  em- 
primades  aci  après  tout  de  lone,, 
è  qués  counfirmam  enta  serbi 
de  règle  ene  Baleîe  d'Aran,  sien 
obserbades  selon  lour  forme  è 
ço  que  countenguèn,  ê  sur  ères 
madèches  pênes  que  y  soun  mar- 
quades. 

15.  Goumo  nou  poudém  pas 
douta,  que  er'instrucliou  d'es 
Préceptes  ô  d'ère  Mouralc  d'et 
Eouangeli,  qu'om  hé  p'ere  pre- 
dicatiou,  nou  siè  fort  netgligeade 
en  aquere  Baleîe,  puich-que  cap 
de  Predicaîre  ne  Missiounari  nou 
ses  présentât  à  nous,  enta  ar- 
rempli-y  aquet  sant  ministeri , 
auém  loc  de  crésé  qu'en  nou  y 
aué  cap  de  rétribution  afïectade 
p'ere  subsistènce  d'aquets  ou- 
briés  d'et  Eouangeli,  ère  neces- 
sari  de  y  preuesi,  ê  de  percura 
a  touts  ets  Habitants  d'ère  Baleîe 
ère  neuriture  espirituêle,  que 
soûle  pot  les  fortifica,  ê  ins- 
truisé-lès  des  moïens  d'es  pre- 
serba  d'ère  mort  eternêle.  Mou- 
seignou de  Ghoiseuil,  persuadât 
d'ère  nécessitât  dé  hé  instruise 
ets  Habitants  d'ère  Baleîe  d'Aran, 
ê  de  coopéra  a  lour  salut  père 


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336 


voye  de  la  prédication,  ordonna, 
de  concert  avec  les  anciens  de 
la  Vallée,  fiu'il  seroit  pris  cha- 
que année  au  produit  des  Fabri- 
ques une  certaine  somme  qui 
seroit  employée  pour  faire  sub- 
sister les  Prédicateurs  et  Mis- 
sionnaires qu'il  envoyeroit  dans 
la  Vallée.  L'inexécution  de  ce 
règlement  étant  autant  préjudi 
ciable  à  votre  salut,  mes  chers 
frères,  qui  est  l'unique  objet  de 
notre  attention,  de  nos  désirs  et 
de  notre  vigilance  pastorale  , 
nous  renouvelions  à  cet  elTet  le 
Règlement  fait  par  feu  Monsei 
gneur  de  Choiseùil,  ordonnant 
qu'il  sera  pris  chaque  année  du 
produit  des  Fabriques  une  cer- 
taine somme  pour  la  subsistance 
des  Prédicateurs  et  des  Mission 
naircs  que  nous  envoverons  cha- 
que année  dans  la  Vallée  pour 
votre  instruction  ;  et  que  la 
somme  à  laquelle  chaque  Fa- 
brique sera  tenue  de  contribuer, 
sera  par  nous  réglée,  conjointe- 
ment avec  vos  sindics,  suivant 
la  connaissance  que  nous  en 
aurons  prise  par  notre  visite  dans 
chaque  Eglise. 


boïe  dore  prédicatiou,  ourdou- 
nêc,  de  councert  dab  ets  anciens 
d  ère  Baleie  ,  que  série  prés 
quad'annade  det  arrebengut  a  ère 
Fabrique  certêne  soume  ,  que 
série  emplegade  enta  hé  sub- 
sista es  Predicadous  è's  Mis- 
sionnaris  qu'et  cmbiarie  ene 
Baleie.  Cou  me  dé  nou  aué  ob- 
serbat  aquet  reglament  es  ue 
cause  tant  préjudiciable  a  bosté 
salut,  mous  ohers  frais,  qu*ès 
ère  soûle  biste  de  noste  atten- 
tiou.  de  noste  desis  é  de  noste 
bigilence  Pastourale ,  arrenou- 
belam  per  aquero  et  retglamént 
hét  per  Mouseignou  dé  Choi- 
seùil ,  en  ourdouna  que  sera 
près  quadan  det  produit  d'ères 
Fabriques  ue  certène soume  p'ere 
subsistence  des  Predicadous  ô 
Missionaris  que  embiaram  quad* 
annade  ene  Haleîe  per  bosto  ins- 
truction ;  é  qu'ère  soume  que 
quade  fabrique  sera  oubligade 
de  y  countribua,  sera   retglade 

Eer  nous,  coujunctamèns  dab 
estes  sindics,  selon  ère  couné- 
chénce,  qu'en  auram  auçut  par 
noste  bisite  en  quade  gleize. 


16.  Les  revenus  des  Fabriques 
de  la  Vallée  d'Aran  consistant  en 
dîmes  qai  n'ont  été  données  que 
pour  la  décoration  des  Eglises, 
ne  peuvent  être  employées  qu'à 
cette  sainte  destination  :  tout 
autre  emploi  en  étant  illicite,  coo 
père  à  la  damnation  de  tous  ceux 
qui  y  donnent  leur  consentement, 
et  qui,  par  une  conséquence  né- 
cessaire et  juste,  seront  tenus  à  la 
restitution  des  sommes  prises  sur 
les  Fabriques,  pour  être  em- 
ployées à  tout  autre  usage  que 
la  décoration  des  Eglises,  et  à 
la  subsistance  des  pauvres  dans 
une  nécessité  urgente,  du  con- 
sentement du  seigneur  Evêque, 
qui  doit  être  le  juge. 

C'est  donc  pour  prévenir  les 
abus  qui  pourroient  arriver  dans 
l'administration  des  revenus  des 
Fabriques  des  Eglises  de  la- 
dite vallée,  que  nous  ordonnons 
que  les  Marguillers  ou  autres, 
chargez  de  faire  la  levée  des 
dits  revenus ,  soit  en  grains , 
soit  en  argent,  seront  tenus   de 


16.  Ets  arrebenguts  d  ères  Fa- 
briques d'ère  Baleie  d'Âran,  puich 
que  counsistèn  en  deumes,  que 
nou  soun  estades  dades  qu'en- 
tare  decouratiou  d'ères  Gley- 
zes,  nou  podon  este  emplegais 
qu'à  daquere  santé  destination  : 
tout  autre  emploi  es  defèndut, 
es  coopère  a're  damnation  éter- 
nêle  de  touts  aquets  q^ue  y 
dan  lour  counsentiment,  e  que 
per  ue  suite  necessarie  é  juste 
soun  tenguts  a're  restitution 
d'ères  soumes  présés  sus  ères 
Fabriques,  per  esté  empiegades 
a  tout  auté  usatgè,  qu'enta  orna 
ères  Gleizes,  enta  hè  subsista  es 
Praubés  en  ue  nécessitât  nrés- 
sante,  d'et  consentiment  de  Mou- 
seignou l'Abesqué ,  qu'en  deu 
este  et  jutgé.  Enta  prebençué 
donc  et  abus  que  pouirie  arriba 
en  administracion  d'ets  arre  - 
benguts  deres  Fabriques  d'ère 
Gleize  d'ère  Baleie  ,  Ourdou  - 
nam  qu'es  Marguliês,  autemens 
dits  Oubrès,  ô  autes  qu'es  soun 
encargats  de  hè  ère  leuade  d'ets 


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3S1 


faire   un  Etat  où  sera  maraué, 
jour  par  jour,  le  grain  ou  l'ar- 

§ent  qu'ils  auront  ramassez,  et 
'OÙ  ils  Tauront  pris  :  lequel 
grain  ils  seront  tenus  de  remet- 
tre chaque  jour  dans  les  gre- 
niers ou  arches  do  la  Fabrique, 
et  l'argent  dans  les  coiTres  à 
elle  appartenants  :  lesquels  gre- 
niers et  Goiïres  seront  pourvus 
chacun  de  deux  serrures,  dont 
les  clefs  seront  tenues  ,  lune 
par  le  sieur  Curé,  et  l'autre 
par  les  Marguilliers  en  charge. 
Il  ne  pourra  être  pris,  ni  du 
grain ,  ni  de  l'argent  desdits 
greniers  et  coffres ,  qu'en  con- 
séquence d'une  délibération  de 
tous  ceux  qui  de  droit  sont 
administrateurs  des  biens  des 
Fabriques.  Et  à  cet  effet  il  sera 
fait  un  registre  de  deux  ou  trois 
cents  feuilles  de  papier,  relié 
et  couvert  d'un  parcliemin,  où 
l'on  écrira  chaque  année  la  déli- 
bération pour  la  création  des 
Marguillers  et  autres  adminis- 
trateurs des  Fabrifiues ,  aussi 
bien  que  les  délibérations  qui 
seront  prises  sur  tout  ce  qui 
concerne  les  Fabriques,  la  re- 
cepte  et  la  dépense  jo«r  par 
jour.  Le  dit  registre  sera  remis 
dans  le  coffre  ou  est  déposé  l'ar- 
gent de  la  Fabrique.  Les  assem- 
blées concernant  la  Fabrique  se 
tiendront  les  jours  de  Diman- 
ches et  FTétes,  après  Vêpres,  au 
fond  de  chaaue  Eglise,  et  près 
de  la  porte.  Messieurs  les  curez 
de  chaque  parroisse  présideront 
ces  assemblées,  qui  doivent  être 
tenues  avec  une  grande  modes- 
tiCj  puisqu'elles  se  font  en  la 
présence  du  très  Saint  Sacre- 
ment. On  ne  doit  aussi  choisir 
pour  administrateurs  des  Fabri- 
ques, que  des  personnes  d'une 
probité  reconnue,  d'une  vie  édi- 
fiante, et  zelez  pour  la  conserva- 
tion du  bien  de  l'Eglise. 


17.  Pour  ce  qui  concerne  l'as- 
semblée des  congrégations  cha- 
que mois  dans  laaite  vallée  , 
pour  y  traiter  des  matières  des 
conférences    que    nous    faisons 


arrebenguts  d'ères  Fabriques , 
ô  en  gran,  ô  en  argent,  seran 
tenguts  de  hê  un  Rolle,  la  oun 
sera  marquât  dié  per  dié  et 
gran  ô  et  argent  qu'auran  arra- 
massat,  ê  doun  sera  prouben- 
gut  :  è  seran  tenguts  de  meté 
quada  dié  et  gran  en'és  grés, 
ô  ènes  arques  d'ère  Fabrique, 
é  et  argent  en  croffé  que  sera 
d'ero  Fabrique  :  aquets  grès  é 
croffès  es  barraran  d'ab  dues 
clauadures ,  ê'res  claus  seran 
tengudes  ,  ère  ue  p'ét  Ritou 
é'r'aute  pes  Marguliès  ô  Oubrês 
que  seran  en  cargue.  Om  nou 
pouira  prengué,  né  gran  né  ar- 
gent des  susdits  çrès  ô  croffés, 
que  en  counséquénce  d'ue  déli- 
bcratiou  de  toutes  ères  person- 
nes (ïue  de  drét  deuen  adminis- 
tra éts  arrébénguts  d'ères  Fabri- 
ques. Per  aquero  sera  hêt  un 
libé  de  dus  ô  très  cens  hueilles 
de  pape  blanc,  reliât  è  cubèrt 
de  pargam  ;  om  escriuera  en 
aquet  libè  quad'annade  ère  déli- 
bération per  la  nomination  d'ets 
Oubrês.  ê  autés  administratous 
d'ères  Fabriques,  coume  taben 
ères  délibérations  que  seran  hê- 
tes  sus  tout  ço  que  councerne 
ères  Fabriques,  ère  recepte,  ê're 
despense  ô  emploi  die  per  die. 
Âquet  libé  sera  tenant  en  croffé 
oun  60  leng  et  argent  d'ère  Fa- 
brique. Eres  asscmblades  qu'es 
haran  p'ere  Fabrique,  es  tenj^ue- 
ran  es  diès  de  Dimengè  é  Heste, 
après  Hréspes,  at  houns  d'ère 
Gleize,  ê  prés  d'ère  porte.  Mes" 
es  Ritous  de  quade  Parroquie 
seran  es  Présidéns  d'aqueres 
Âssemblades  ,  que  deuén  este 
tengudes  dab  ue  gran  moudestie 
puich  qu'ères  se  hên  en  pré- 
sence d'el  Très  sant  sacrament. 
Om  nou  deu  tabén  causi  per 
administratous  d'ères  Fabriques, 
que  de  personnes  due  prouoitat 
counegude  dé  touts,  d'ue  bite 
que  edifique,  ê  estaquades  ôaffec- 
tiounades  enta  counserba  et  bèn 
d'ère  Gleize. 

17.  Per  ço  que  councerne  ère 
assemblade  d  ères  Coungraga  - 
tious  quade  mes  ene  Baleîc,  enta 
tratta  -  y  ères  matières  d'ères 
Gounférences  que  hèm  diçtribuçi, 


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338 


distribuer  chaque  année  dans 
notre  diocèse,  nous  ordonnons 
qu'on  suivra  exactement  tout  ce 

3ui  est  porté  dans  les  dites  or- 
onnances  de  Monseigneur  de 
Choiseuil,  au  dernier  article, 
qui  a  pour  titre  Congrégations; 
ordonnant  seulement  de  plus, 
qu'avant  de  sortir,  tous  les  prê- 
tres feront  en  commun,  à  haute 
voix,  une  prière  pour  le  Roi,  en 
disant  le  psaume  Exaudiat^  avec 
le  v.  Domine  salvum  fac  regem 
nostrum  Ludovicum;  et  le  n. 
Et  exaudi  nos  in  dic^  quâ  iniyo- 
caverimus  te.  Et  ensuite  le  Prési- 
dent dira  Toraison  pour  le  Roi. 
dont  la  conservation  doit  inté- 
resser très  vivement  tous  ses 
sujets. 


quad'an  en  nosté  Abesquat,  our- 
aounam  qu'om  seguira  exacte- 
mens  tout  ço  qu'es  enea  Our- 
dou nances  de  Mouseignou  de 
Ghoiseuil,  at  d'arrê  Article,  que 
a  per  titré,  Congregatioua^  Our- 
dounam  souléméns  at  surplus 
qu'auant  de  sourti ,  toutes  es 
Caperas  haran  touts  a  masse,  è 
a  DOUX  haute,  ue  pregarie  p  et 
Roy  en  disen  et  pseaume  Ex- 
audiat,  dap  et  v.  Domine  salvum 
fac  regem  nostrum  Ludovicum, 
c  et  R.  Et  exaudi  nos  in  die  quâ 
invocaverimus  te.  E  après  et 
Président  d'ère  Coungragatiou 
disera  er'Oresoun  p'et  REY7  deu- 
quau  ère  counserbatioun  deu 
intéressa  bibeméns  touts  sous 
sutjéts. 


Cas  réserves 

à  Monseigneur  VEvêque  ou  à  son 
Vicaire  Général^  dont  aucun 
confesseur  ne  jpeut  absoudre 
sans  permission  expresse  dud. 
Seigneur. 

1.  Tous  sacrilèges,  enchante- 
ments, Devination,  Magie,  Noii- 
eurs  d'aiguillette  pour  empêcher 
l'usage  du  mari^vge,  les  recours 
aux  prétendus  sorciers,  aux  De- 
vins,'pour  opérer  des  maléfices, 
ou  cour  découvrir  des  choses 
secrètes,  et  guérir  des  hommes 
et  des  bêtes. 

2.  Toute  simonie  occulte,  tant 
à  l'égard  de  ceux  qui  la  commet 
tent  que  de  ceux  qiui  la  conseil- 
lent et  qui  en  sont  les  entremet- 
teurs; si  elle  est  publique,  clic 
est  réservée  au  Pape. 

3.  Battre  son  Père  et  sa  Mère; 
et  frapper,  même  légèrement,  un 
Prêtre  ou  Clerc  vivant  cléricale- 
ment. 

4.  L'Homicide  volontaire;  le 
Duel,  tant  à  l'égard  de  ceux  qui 
le  commettent,  que  de  ceux  (|ui 
le  conseillent,  qui  en  sont  les 
porteurs  de    parole,    ou    qui    y 


Ca«  Arreserbato 

à  Mouseignou  VÀbesqué  6  soun 
Becari  General,  desquais  dcgun 
Coahessou  nou  pot  absoLbé 
sensé  ue  permissiou  e.xprêsse 
deu  iiit  Seignou. 

1.  Touts  Sacrilètges,  Encanta- 
mens,  Debinatiou,  Magie,  Liga- 
tures enta  empacha  Tusatge  a  et 
maridatgé,  et  recours  a's  preten- 
duts  Sourciês,  as  Debins,  enta 
opéra  maleficis,  descroubi  cau- 
ses secrètes,  ô  guari  malauties 
de  personnes  ô  de  besties. 


2.  Toute  Simounie  occulte,  aie 
à  l'égard  d'es  qui  la  coumetén,  ô 
des  qui're  counseillen,  c  qu'en 
soun  es  mediaturs  ;  s'os  publi- 
que, es  arreserbade  at  Sant  Pai. 


3.  Battement  de  Pai  é  de  Mai  ; 
ê  batte,  encare  que  sie  leugere- 
méns,  lin  Caperan  ô  Tounsurat 
que  bien  clericaloméns. 

4.  Et  Homicide  boulountarî; 
et  Duel,  sie  à  l'égard  d'és  qui  au 
coumetén,  que  dés  qui  au  coun- 
seillen, qu'en  soun  es  Pourturs 
de  paraule,  ô  que  y  assisten.  Ere 


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339 


assistent.  La  suiTocation  des  En- 
fants, ou  les  mettre  coucher  avec 
soi  dans  le  lit  avant  Tan  et  jour. 
Les  Empoisonnements  sont  réser- 
vez à  Monseigneur  TEvêque  qui 
s'est  réservé  à  lui  seul  la  permis- 
sion d'en  absoudre. 

5.  Le  parjure  ou  Faux  Témoi- 
gnage fait  devant  un  juge,  qiie 
Monseigneur  l'Evêque  se  réserve 
à  lui  seul. 

6.  La  fausseté  commise  dans 
les  actes  publics,  qui  oblige  à 
restitution. 

7.  Le  Concubinage  public;  l'in- 
ceste jusqu'au  second  degré  de 
cpnsangumité,  et  au  premier 
d'affinité  ;  comme  aussi  l'inceste 
commis  entre  des  personnes  con- 
jointes d'affinité  spirituelle. 


8.  Le  Rapt,  la  Sodomie,  la  Bes- 
tialité ;  procurer  la  suffocation 
de  l'enfant  dans  le  sein  de  sa 
Mère;  ceux  (lui  le  conscillenl, 
donnent  des  drogues  et  les 
moyens  de  la  procurer. 

î).  L'incendie  ou  Brùlement  fait 
volontairement  et  par  malice. 

10.  Absoudre  Sacramentale- 
ment  un  Pénitent  de  quelque 
péché  mortel  auquel  on  ait  été 
complice,  hors  de  l'article  de 
la  mort. 


soufToucatiou  dés  mainatgés.  ô 
mete-lés  en  Ihét  avant  et  an  é  aie. 
Ets  Empoisounaméns  soun  arré- 
serbats  à  Mouseignou  l'Abes- 
qué,  que  s'en  arréserbé  a  et  soûl 
et  poudé  d'absolbén. 


5.  Et  Perjure  ô  Faux  Témoi- 
gnatgé  hét  douant  un  jutgé,  que 
Mouseignou  l'Abesqué  s'arro- 
serbe  à  et  soûl. 

6.  Ere  Faussetatcoumese  en  es 
Actes  publics,  que  oubligo  à  res- 
titution. 

7.  Et  Concubinage  public  ; 
L'inceste  denquie  at  second  de- 
gré de  consanguinitat  inclusiva- 
mèns,  O  en  prumè  d'affinitat  ; 
coume  tabén  Tinceste  coumes 
entre  personnes  conjoentes  d'affi- 
nitat  espirituèle. 

8.  Et  Rapt,  ère  Soudoumie.  ère 
Bestialitat;  procura  ère  surfoca- 
liou  d]et  Mainatgé  en  benté  d'ère 
Mai;  os  qui  au  couseillen,  dan 
drogues  ê  moîons  enta  procura 
aqucre  sufïocatiou. 

9.  Et  incendie  ou  Brulament  hét 
bolontarieméns  ô  per  malicie. 

10.  Absolbé  sacramentalemen 
un  Pénitent  d'un  peccatdoun  om 
es  estât  complici,  hore  d'et  arti- 
cle d'ère  mort. 


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340 
0URDENANS08 

HETES  PAR  MOUSEIGNOU  DE  COMENGE 

Enta  la  Baléye  d'Aran,  qu'es  en  soun  diocèse,  encare  sie  dépen- 
dcnte  de  la  prlncipautat  de  Catalougne,  en  counsequence  de  la 
bieite  générale  qu'et  a  hète  en  la  dite  Baléye,  et  deu  Synode  qu'et 
y  a  tengut. 

Quant  à  vinstructioun  dé  va  Hé 

Que  toutis  ets  Arritous,  pcr  cts  madechis,  ou  per  loumens  per 
un  de  lours  Caperas,  enseignaran  en  lours  parroquies  lous  prin- 
cipes de  la  Hé  ê  ets  Mystéris  de  noste  Religioun,  à  touts  lours 
parroquiants;  è  per  aquero  lous  haran  amassa  at  toc  dé  ra  Gam- 
pane,  à  l'houre  queus  scmblara  la  mes  coumode;  é  enta  que 
touts  Parroquiants  slan  souignouses  d'aprene  aqueste  Doctrine 
tant  necessarie  au  salut  de  lour  Armo,  nous  lour  coumandara  de 
s'y  rende  assidus,  ê  de  nou  y  manqua  per  lou  plus  très  dies  de 
reng,  à  pêne  d'excumenge  ;  ô  pcr  les  y  oubliga  plus  estretamens, 
nous  defendem  à  toutis  cts  Arritous ,  è  à  touts  ets  autes 
Caperas  que  an  poude  d'adminislra  ets  sacramens,  d'admette 
degun  au  Maridatge,  à  ra  Pcnitencle,  ou  à  serby  de  Payrin  ou 
Mayrié  au  Baptismc,  si  non  sap  explicitamens,  segoum  la  pour- 
tade  de  soun  esprit,  quaque  cause  de  TUnitat  de  Dieu  o  de  la 
Trinitat  de  las  persounes  Deiiines,  deu  Mystery  de  TEncarnacioun 
deu  Mil  de  Dlou,  pcr  mous  rescata  é  mous  mérita  lou  Paradis;  de 
la  reale  Presencie  deu  cos  de  Jésus-Christ  au  Tres-sant  Sacrament 
de  TAuta,  è  de  las  causes  necessaries  de  la  part  deu  Pénitent,  per 
arcebe  dignament  lou  sncrament  de  Penitencic;  é  encaro  si  nou 
ère  aqucts  Articles  d  iic  hé  diiiine,  aquere  bo  dize  parçoque  et 
ISant-Esprit  lous  a  rebclats,  c  Jesus-Christ  enseignats  à  ra 
Glcyso  :  ê  boulem  que  ets  Arritous  ou  Becaris  ac  enseignen  soma- 
riamens  au  Poble,  à  la  fin  deu  Prosne  de  la  Misso  Parroquiau, 
sensé  que  james  y  manquen,  perdcssus  la  Doctrine  que  nous  lour 
auën  coumandat  de  hè.  E'perço  qu'ùe  dé  ras  causes  mes  impour- 
tantes  au  salut  dets  Fidèles  ey  la  fréquente  predicatioun  dé  ra 
paraule  de  Diou,  è  qu'en  toute  la  Baléye  d'Aran  nou  y  a  degun 
Presicadou  establit,  ny  founds  destinât  per  l'entretengue,  nous 
auën  ourdenat,  dab  l'abis  è  counsentiment  deus  Couseillés  è  prin- 
cipaus  Habitants  de  la  dite  Baléye,  que  d'aqueste  houre  en  là  la 
dixième  partide  de  touts  lous  fruts  annuels,  appartenens  à'ra 
Fabrique  de  cade  Gléyse  de  la  dite  Baléye,  sera  leiiade  per  n'cntre- 
teng^ue  un  Presicadou  que  nous  y  embiaram  toutis  ets  ans,  per 


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341 

catechîza  è  enseigna  ets  Pobles,  durant  TAùént  è  lou  Quareme,  ê 
encare  en  d'autes  temps,  en  toutia  es  Locs  de  la  dite  Balèye, 
segoun  Tordre  que  nous  ly  baillaram.  Nous  défendem  à  toutis  ets 
Arritous  de  la  dite  Baléye  de  permette  que  degun  presique,  Cape- 
ran  ou  Mounge,  en  leurs  Gléyscs,  senso  noste  Approubacioun, 
lat^uau  ets  beiran  per  escrieut  ;  ni  de  héVa  quiste  à  persoune  en 
erea  Parrochies,  scnse  noste  Permissioun  expresse,  signade  de 
noste  man,  à  pêne  d'ùe  loungue  suspencioun,  sen  usan  automens. 

De  VAdministratioun  dets  Sacramens 

Nous  défendem  à  noste  Oufiiciau  dens  la  dite  Baléye  de  bailla 
dorenla  degiie  Approubatioun  aus  .Caperas,  per  administra  et 
sacrament  de  Penitentie  ;  é  déclaram  qu'et  nou  a  pas  aquet  poudé, 
en  bertut  deu  titre  qu'et  a  de  roflîcialitat.  Nous  ly  défendem  tabé 
de  bailla  poude  d'absolbe  deus  cas  à  nous  reserbats  per  lous  caus, 
c  per  TApproubacioun  deus  Becaris,  nous  boulem  qu*om  se 
retire  à  nous,  ou  à  aquet  à  qu'in  daram  et  poude. 

Nous  défendem  de  tengue  enes  Custodies  de  granoa  Hosties 
cousagrados,  sus  prétexte  de  las  pourta  à  las  Poucessious  quan  y 
a  un  extrême  dangé  de  tempesto  é  de  péire,  ou  do  las  pourta  en 
Poucessioun,  è  las  cxpousa  sus  ets  Autas  en  las  Héstes  solcm- 
néles  de  Tan  ;  ço  que  nous  défendem  tres-expredsament  de  hé 
sensé  noste  permissioun  ;  exceptât  lou  die  dé  ra  Heste  deu  Sant- 
Sacrament,  é  lou  Ditjaux  Sant,  aus  quaus  temps  nous  boulem  qu'un 
Ecclésiastique,  habillât  d'un  suberpeiis,  demore  toustem  ajouiiil- 
lat  déliant  TAuta  de  qui  à  la  neit,  qu'om  enfermara  et  8ant-Sacra- 
ment  dens  et  Tabernacle,  per  esuita  lous  desordres  è  irreueren- 
cios  que  se  coumeten  en  aqueres  aucasious.  Nous  nou  boulem  pas 
tapoc  qu'aus  Locs  ausquaus  y  a  Custodie  d'argent,  om  y  boute 
degiie  sorte  de  tele  per  y  embeloupa  ères  Hosties  sacrades,  las- 
quaus  deuen  este  renoubelades  de  quinze  en  quinze  dies,  per 
esbita  l'indécenso  é  courrupcioun. 

Nous  défendem  tabe  de  recebe  à  qu'aucun  des  Sacremens  ets 
Concubins,  Usures,  Blesphemadous  é  autes  Peccadous  publics, 
si  après  este  reccbuts  à  la  penitencie  è  à  l'Eucharistie,  ets  per- 
seueren  aus  madiches  bicis  ;  é  per  trabailla  mes  utilement  per 
a  tau  sorte  de  Gens,  nous  boulem  que  TAbsoulucioun  sacramen- 
tale  sie  differade  à  toutis  aqueris  qui  après  aiie  recebut  dus  ou 
très  cops  er'Absoluciou  de  quauque  gran  pecat  accoustumat,  y 
toumbon  auta  souën  è  dab  autant  de  facilitât  que  deûant,  perço- 
que  nou  y  an  pourtat  et  souën  que  eau  per  se  courrija,  de  qui  à 
que  après  s'este  goûardats  deu  pecat  quauque  tems,  segotin  sa 
c^uàlltàt;^  du  ])ér  ioà  mena  pratiquât  etè^réïxrèdfs,  qu'^ts  sotin  ektats 


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342 

baillats  countre  lour  bici,  è  obtengut  de  Diou  quauque  plus  grane 
forse  per  y  rosista,  ets  ajcn  héts  fruts  dignes  do  penitencie,  é  dat 
marques  ebidentcs  de  lour  counuersioun. 

Nous  ourdenatn  qu'en  toutes  eras  Gleyses  om  hora  de  Gouhes- 
siounauS)  è  qu'ets  seran  boutats  en  locs  descuberts,  é  nou  pas  ats 
cantous  deus  locs  escus  de  la  Glèyse  :  è  que  ets  Laïques,  é  prii)ci- 
palamens  eras  Hcmnes,  nou  seran  punt  couhessats  en  la  Sagres- 
tanie  :  que  ets  Gaperas  approubats  auran  souen  de  bouta  aus  Gou- 
hessiounaus  lie  taulo  deus  cas  reserbats,  tant  au  Sant  Sietge 
qu  a  nous. 

D'ère  Misse 

Nous  ourdenam  qu'en  toutes  las  Gléyses  en  lasquaus  y  a  un 
nombre  de  Gapéras,  on  dise  tabe  Misse  maitiau  sur  lou  punt 
deu  die,  aumens  toutis  es  Dimengcs  ê  Hestes  soulèmncs,  per  la 
coumouditat  deu  Poble,  è  qu  eras  autes  sian  dites  dab  un  enterualle 
convenable. 

Nous  defendem  tres-expressamens  Tus  ou  mei  léu  l'abus  qu*es 
estât  introuduit  en  la  dite  Balcye,  de  countregne  ets  Gaperas 
nauëts  de  hé  et  die  de  lour  prumcre  Misse  un  hestin  à  louts  ets 
Gapéras  de  lourMesau,  è  a  tout  et  Poblc  de  lour  loc,  è  de  liestcja 
puch  après  de  qui  à  nau  cops  toutis  os  Gaperas  deu  IsOc,  si  bolen 
este  participans  d'eras  déumes  é  emoulumens  de  lour  Gléyse;  é 
per  ensuita  daranla  un  tau  abus,  que  ressent  la  simounie,  des- 
honore lou  sant  sacriflcy  d'éra  Misse,  è  roiiine  bet  soiien  ets 
Gaperas  naûets,  que  nou  an  déqué  per  hé  aqueste  exessive  des- 
pense, nous  bolem  que  d'ar  anla  touts  ets  que  haran  bolentario- 
ment  da  taus  hestins,  c  de  lour  boun  grat,  é  touts  lous  qui  présu- 
maran  de  lous  y  coustregne  per  la  priuacioun  de  las  pourcious 
que  lour  competen  au  ben  de  la  Gléyse^  ou  automens,  sian  punits  : 
ets  Ecclésiastiques  de  couate  ans  de  suspensioun  de  lours  ourdes, 
è  lous  Laïques  pribats  de  lentrade  de  la  Gléyse  per  autant  de 
temps.  Nous  defendem  per  madech  moyen,  ets  bioulous  è  danses 
qu  ets  hen  en  aqueres  aucasious,  tant  enas  Maisons,  qu'en  las 
plasés  publiques,  è  dab  plus  grane  rasoun,  en  as  Gléyses. 

Nous  defendem  encare  très  expressamens  a  touts  ets  Gaperas 
que  diran  lour  prumcre  Misse,  de  jura,  coum'on  a  accoustumat 
de  hé  enadite  Baléye,  deiiant'ra  Porte  de  la  Gléyse,  d  pbserba  laa 
coustumes  entroduites  en  aquet  pays;  è  perçoque  entre  aqueres 
coustumes  ny  a  forse  que  soun  abusibes  countre  lou  dret  è  coun- 
tre la  faiçou  de  bien  bieuë,  nous  declaram  qu'ets  juramens  qu'om 
a  hèts  [de  las  obserba  nou  an  pougut  lia  ni  oubligua  aquets  que 
lous  an  hcts. 

E'perçoque  noste  Percuray  Fiscau  mous  a  arrepresentat   que 


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per  ûo  maudite  coiistume,  despuch  loung-tems  introduite  dens 
ère  Baléye,  om  dits  Misses  de  Morts  lous  Dimenges  è  Hestes  cou- 
mandades.  nous  défendem  à  tous  Capcras  de  las  dise  d'ar'anla 
sinoun  qu'ct  Cos  y  sic  présent;  en  tau  cas  cts  poden  célébra  la 
Santé  Misse  et  die  de  rcntcrrament,  quinquesie,  exeptat  et  die  de 
Pasquos  è  de  Diucndres  Sant,  aus  quaus  ei  défendut  de  hé  de 
Sépultures.  Que  si  arribc  quauque  Obit,  ou  aute  Misse  toumbade 
en  Dimenge  ou  en  die  de  Heste,  nous  ourdenam  de  la  célébra 
quauquo  die  deûant,  mes  que  nou  sie  Heste,  lou  plus  coumode 
qu'ets  Gaperas  abisaran. 

Dell  Dret  deu  Patronnât 

Nous  exhourtam  de  tout  noste  poude  toutis  ets  Habitants  de  la 
dite  Baléye  qu'an  dret  de  nouma  ats  Benificis,  de  mous  présenta 
per  lour  régime  et?  mes  capables  Gaperas  qu'ets  poiiiran  trouba, 
tant  per  lour  faiçon  de  ben  bieiie,  que  per  lour  Doctrine,  é  de  nou 
counsidera  en  lour  électioun  qu'êra  glorie  de  Diou,  é  et  ben  d'èra 
sue  Gleyse. 

Nous  défendem  ats  Patrous  doras  Arritouries  ou  d'autes  Bene- 
ficiSj  de  prene  arren  d'aquet  que  sera  noumat,  per  quino  counside- 
raliou  que  sie,  ni  de  l'oubliga  per  aquo  de  hé  quauque  hestin,  de 
poou  que  s'y  trobe  quauque  sorte  de  simounie  ;  sensé  counsidera 
la  bieille  coustumc,  que  nou  pot  este  qu'abus  entroduit  per 
lignourence  deu  Poble ,  per  louqoau  desracina ,  à  pêne  d'esté 
punit  d'iie  longue  suspcncioun. 

De  las  Couhrairies 

Nous  auëm  rccounegut,  au  cous  de  noste  bisito  d'Aran,  tant 
d'abus  en  quauques  Couhrairies  de  Gaperas,  coumunomens  ape- 
rades  Mesaus,  à  cause  de  quauques  arrepeches  fréquents  qu'ey 
soun  hets,  lousquaus  proubenguen  de  ço  que  sus  prétexte  d'ana 
célébra  quauques  Misses  de  foundatioun,  ets  Arritous,  au  préju- 
dici  deu  décret  de  la  Résidence,  soun  retirats  bet  souën  de  lours 
Parrochies,  é  force  Gaperas  oubligals  per  pauc  de  cause  de  sourti 
de  Gasclou  en  fort  maubes  tems,  nou  pas  sensé  grand'indecense, 
è  mer({ue  d'uë  abaricie  lourde,  soun  aperats  à  quauques  hestins 
qu'om  lour  hé,  que  nou  s'acaben  quasi  jamès  sensé  bet  cop  de 
paraules  è  actious  endigues.  Per  remédia  a  tant  de  desordes, 
nous  ourdenam  que  d'ar'anla  toutes  Couhrairies  seran  entière- 
ment aboulides  è  supprimades;  quets  Gaperas  nou  s'esscmblaran 
plus,  per  quin  presteste  que  sie,  noun  pas  cncare  que  housse  per 
célébra  quauques  Misses  foundades  en  lour  fabou.  Ë  neaumens, 


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344 

per  nou  priua  ets  Fondatous  de  las  dites  Misses  deu  frut  de  lour 
deboucioun,  ni  ets  Caperas  de  las  coumunautats  é  Frairies  de  las 
arrendes  que  lous  soun  leguades,  nous  boulem  que  ets  Eiretés 
d'aqucts  qu'an  hct  d'aqueres  Foundacious,  sien  tenguts  d'en  paga 
las  arrendes  segon  lasdites  Foundacious  ;  o  au  loc  deus  arrcpeches 
qu'éran  oubligats  de  hé  ausdits  Gapéras  deu  Mésau  de  lour  bailla 
per  quate  arrèpeclies  quarante  targes,  lousquaus,  dab  las  arren- 
des legades  per  lous  Benfactous,  seran  distribuades  egalamens 
entre  lous  dits  Caperas,  lousquaus,  per  quade  siex  targes  qu'cts 
auran  en  lourpourcioun,  seran  oubligats  d'en  diseiie  Misse  bâche 
à  l'intencioun  deus  dits  Foundadous  ;  è  per  leûa  ères  arrendes, 
nous  boulem  qu'eus  sic  permetut  de  s'assembla  ûe  soulc  bets  Tan, 
per  hè  un  Sendic  que  las  amassé  è  distribue  à  un  cad'un. 

Nous  ourdenam  tabo  que  toutes  ères  Couhrairies  deus  Laïques, 
encare  qu'en  ères  y  ago  degus  Eclesiastiques,  sian  supprimades, 
si  leurs  statuts  nou  soun  estât  approubats  deu  Sant  Sietge  ou  de 
nostes  predecessous  ;  ê  quan  be  serian  estais  approubats,  nou 
boulem  pas  quets  y  pousquen  ajusta  arren,  ni  introduise  degîie 
coustume  de  la  quau  ets  Arreglemens  nou  hen  mencioun;  ê  prin- 
cipalomens  nous  défendém  à  touts  ets  Gouhraires  de  hè  degun 
hestin  aus  Caperas,  ou  entr'ets  madechis,  et  die  de  lour  hesto  ou 
en  aute  die,  puch  que  nou  poden  este  qu'endccens  ê  countraris  à 
la  discipline  clirestiane. 

Nous  défendém  tabe  de  publica  degucs  indulgenties  sensé  noste 
Approbatioun. 

Nous  defendcm  encare  à  touts  ets  Couhraires  de  bailla  à  usure 
lou  fonds  qu  ets  an  appartenut  à  lours  Couhrairies,  per  quin  pré- 
texte que  sie,  noun  pas  qu'an  sérié  per  he  dise  misses  ;  mes  nous 
boulem  qu'aquet  fonds  pousque  este  emplegat,  ou  en  arrendes 
constituades.  ou  en  fonds  de  terre,  ou  ben  en  gasailles  que  nou  • 
pousquen  este  soubçounades  d'usure;  ô  ^eneraloment  nous  défen- 
dém toute  sorte  d'usure  à  toute  persoune,  de  quin  estât  que  sie,  à 
pêne  d'escumenge. 

Nous  defendem  encare  qu'aras  Bastiailles,  Nosses,  Misses  de 
Morts,  om  nou  basse  punt  de  banquets  aus  Caperas  deus  locs, 
puich'qu^après  aoue  het  lour  ouffici,  ets  poden  ana  minja  à  case 
lou  ;  mes  au  loc  d'ataous  repas,  nous  exhourtam  ets  habitans  de'ra 
Baléye  de  lour  douna  quauque  cause  per  forme  d'houneste  recou- 
nechense  ou  d'aumoine.  Nous  nou  cntenem  pas  neaumens  pre- 
judicia  à  ras  bounos  coustumes  de'ra  Gleyse,  de  neuri  dab 
frugalitat  ets  Caperas  ê  autes  Ecclésiastiques  que  seran  aperats 
dehore  lour  billatge,  per  quauqu'Enterament  ou  Aunous  funèbres, 
'  ôùrtt  ets  seran  t6ustem|dab  loxtïflaurpelis  ;  mes.qu>4tt«ÇO  ^V9^^' 
que  sensé  prejudici  d'ères  Perrochiefl,ê  que  toutisêts  Caperas  nou 


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345 

quiten  en  madech  toms  ère  Parrochio,  principaîemenssi  eau  hè 
quauque  Oufiicî  d'oubligatioun,  ou  suigna  quauquc  malaut  en  las 
dites  Parrochies. 

De  so  ques  Clercs  deiïen  huge 

Nous  defendem  à  touts  ets  Ecclésiastiques  de  la  dite  Baleye, 
desquaus  las  armes  nou  deûen  este  quc'res  lermes  et  TOuracioun, 
de  pourta  degûes  armes  ofTensiiies  ni  dcfensiiies,  si  nou  que  per 
juste  cause  ets  n'aian  obtcngudedc  nous,  per  escriout,  ra  licencie, 
de  laquau  nous  ne  boulém  pas  qu'ets  usen  en  public,  bors  lou  cas 
d'iie  urgente  nécessitât. 

Nous  lour  defendem  la  casse  des  sanglas  et  delasbesties  fauves, 
à  pêne  de  suspensioun  per  siés  meses  :  la  frequentatioun  d'ères 
tauernes.  ras  danses,  et  joc  de  cartes  et  autres,  principaloment  en 
Locs  é  Plases  publiques;  de  sorte  que  si,  au  mesprets  de  noste 
présente  défense,  ets  soun  counbencuts  de  quaqu'un  d'aquestis 
crimes,  ou  de  s'este  embriagats.  so  qu'ets  bèn  asscs  soùen, 
coum'om  mous  a  rapourtat,  nous  boulem  que  nostre  Officiau  lous 
punisque  de  suspensioun  per  lou  temps  qu'et  abisara,  segoun  la 
grabitat  deu  pecat. 

Nous  lour  defendem  tabe  toute  sorte  de  coumerce,  c  pratique  de 
heires  è  marcats. 

De  la  Sacrastanie  ê  Ornamens  de  la  Gleyse 

Nous  ourdenam  qu'om  âge  sacrastanies  per  toutes  ères  Gleyses 
de  la  Balèye,  qu'om  hara  basti  aus  despéns  d<3  la  Fabrique,  assès 
granes.enta  qu'ets  Caperas  s'y  pousquan  coumodomens  besti,  ô 
qu'om  aje  mouyen  d'ey  tengue  lous  Mobles  ê  Ornamens  neces- 
saris  dens  d'armaris  qu'om  bara  per  lous  tengue  ;  c  enta  que  lou 
serbici  Deiiin  y  sie  rendut  dap  la  decense  que  eau,  nous  boulem 
qu'om  ajo  Capes  Missaus  de  toutes  ères  coulons  que  soun  en 
usatgc  en  la  Glèyse  :  blanc,  arrougé,  biulct,  bert  ê  néré,  per  s'en 
serbi  segoun  la  dibersitat  dcus  offîcis,  ê  com'om  troubara  mar- 
quât dens  et  Directori  qu'ey  bet  touts  ets  ans  per  aqueste  Diocèse, 
louquau  nous  auram  soiien  de  bous  embia. 

Nous  coumandam  ats  Ecclésiastiques  de  tengue  ben  ères  Capo- 
res,  d'aiiè  soiien  que  sian  barrades,  per  empacba  que'ras  besties 
nou  y  entren,  ni  auto  cause  que  la  pousque  profana;  c  enta  témoi- 
gna et  zèle  qu'ets  an  per  toutes  ères  Olcyzcs,  nou  pati  qu'om 
y  basse  degiie  actioun  indécente,  ni  dcgun  entreteng  escandalous. 

Nous  coumandam  tabe  à  touts  ets  Arritous  ô  Becaris  d'esté 
preiiesits  de  tout  ço  que  regarde  lour  Offici  ;  coumo  d'un  Ritiiel 

Retdb  de  CoMMiNGRS,  4*  trimestre  1893.  Tome  X.  —  24. 


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necessari  per  he  et  Prosne,  ères  Poucessious  ê  rAdministratioun 
deus  Sacramcns;  un  Libe  Curiau,  auquaii  ets  bouten  tous  ets 
Batiats,  Gouhermats,  ets  qui  moren  ou  countracten  Maridatge. 
Noua  lour  coumandam  encarc.  à  penc  d'escumcnge,  de  renoubela 
touta  ets  ans  ets  Sants  Olis  ;  per  aco  nous  coumandam  aus  Archi- 
preste»,  sur  madeche  pêne,  deus  anascrca  h  Sant-Bertran,  per  lous 
distribua  aus  autes  Gaperas  de  la  Baleye,  emmediatemens  après 
et  Ditjaus  Sant. 

De  las  Fabriques 

Coum  nous  aùem  troubat,  dab  grane  counsoulatioun  au  cours 
de  noste  Besite,  que  las  Glcyzes  aiiien  iie  partide  de'ras  Deiîmes 
per  lours  Fabriques,  tabe  nous  aiiem  berillcat,  dab  un  gran 
desplase,  lou  mauves  us  qu'om  ne  ho  due  partide,  emplcgan  à 
diuerses  dics  de  lan  en  hestins  c  coulatious.  Per  amou d'aquo,  ente 
remédia  en  aquetdesourde,  c  per  empacha  la  damnatioun  daquets 
qu'entretcnguen  aquestcs  mâchantes  coustumes,  nous  defendém  à 
toutis,  tant  Ecclésiastiques  que  Lays,  à  penc  d'escumenge,  de  nou 
hè  d'ar'anla  dcgun  hcistin,  arrepeich  ne  coulatioun  aus  despens  de 
las  dites  Fabriques,  per  quin  prétexte  que  sie  ;  ê  per  tira  entiere- 
mens  ets  abuses  que  coumeten  aquets  que  n'an  ère  administra- 
tioun, 

Nou  boulem  que'ras  Arques  en'asquaus  om  bouté  ets  gras  de'ras 
Glèyses,  sian  barrades  dab  très  claus  différentes,  que  scran  ten- 
gudes  pet  Arritou,  pets  Gossous  è  pets  Bailles,  enta  que  dar'anla 
om  nou  les  cmplegue  qu'en  causes  counégudes  necessarics,  de 
Fabis,  deliberatioun  ê  cousentiment  de  touts  ;  ô  d'aquero  lousdits 
Bailles  haran  Rolle ,  que  countengue  'ra  recepte  ê'ra  despense, 
per  ne  rende  counde  déliant  ets  susdits  a  ra  fin  de  Tan. 

É  pcrço  qu'om  s'ey  plangut  en  betcop  de  Locs  de  1  usurpa- 
tioun  de'ras  Deùmcs ,  que  se  glisse  poc  c  poc  en'aditc  Balcye, 
laqua u  arribe  perço  que  quan  iie  pece  de  terre  cambie  de  mestre 
per  csturment  de  croumpe  ou  autemens,  è  passe  a'u  poude  d'un 
Estrangè,  Va  Deiime  des  fruts  es  apercebude  det  Arritou  et  Gleyze 
deu  naiiet  poussessou,  so  qu'ey  enjusticie  manifeste,  é  capable  de 
rouina  'ras  Gleyzes  ô  Gaperas  d'un  Loc,  per  he  riches  ets  autes  ; 
per  amou  d'aquo,  per  remédia  adaquet  abus,  nous  ourdounam 
que  d'ar'anla  toute  'ra  Deîime  d'iie  Parrochie  demeuré  au  prou- 
hiet  dets  Gaperas  c  Fabriques  de'ra  madeche  parrochie,  de 
qui  que  sie  et  founs  de'ras  terres  ;  è  tout  aquero  senso  préjudice 
de'ras  rasous  particulières  qu'om  poiiirie  aile  au  countrari ,  pet 
sujet  de  lasquaus  om  se  preiiesira  deûant  nous,  ou  noste  Auliciau 
au  sietge  de  Sant-Bertran. 


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Court tre  ets  Blasfemadous 

Coum  nous  ivaiicm  troubat  do  crimes  mes  scandalous  ni  mes 
familles  dens  la  Baléye,  qu'ets  blasfemes  ê  juramens  deu  Nom  de 
Diou,  labé  nous  aiiem  rosoulut  do  hè  tout  ço  que  sera  en  nosto 
poude  pcr  n'arriga  aquct  bici.  Per  aquero  nous  ourdenam  qu'ets 
Arritous  c  Becaris  dab  es  Cossous  deu  I^oc,  s'enfourmaran  soui- 
gnousament  d'aquots  que  blasfemaran  è  juraran  et  Nom  de  Diou, 
è  les  puniran,  peu  prumé  ô  sègount  cop,  de  lesmende  quets  jut- 
garan  à  prepaus  ;  c  encas  qu'ets  countinuaran  en  aquet  détesta- 
ble bici,  ets  proucedaran  countre  eris,  de  noste  autoritat,  per  en- 
fourmacioun  que  countengue  era  depousicioun  de  très  ou  quate 
Testimounis,  laquau  ets  mous  remcteran,  per  assigna  aqueis 
impies  è  scélérats  deuant  nous,  c  ourdena  countre  ets  ùe  peniten- 
cie  publique,  laie  que  nous  troubaram  la  mes  propie  per  les  remète 
en  camin  de  salut  ;  ô  comandam  que  tout  et  poble  y  tengue  ra 
man,  c  défère  ausdits  Arritous  et  Cossous  aquets  Blasfemadous 
h  la  prumère  coumouditat,  sus  pêne  d'esté  ets  madechis  declarats 
enemics  de'ra  glorie  de  Diou,  ê  endignes  de  sas  gracies.  E'enta 
que  noste  présente  Ourdenance  sio  plus  efficace,  é  que  personne 
nou'n  prétende  cause  d'ignourencie,  nous  coumandam  à  touts  ets 
Arritous  è  Becaris  de'ra  dite  Baléye,  de  la  publica  touts  es 
Dimengcs  au  Prône  de'ra  Misse. 

Countre  ets  que  nou  colen  ères  Hestes 

Nous  ourdenam  qu'ets  Cossous  tenguen  ère  man  qu'ets  Dimen- 
ges  ê  Hestes  sien  obserbades  ;  ô  au  cas  que  cauqu'un  y  manquara, 
qu'ets  punisquen  etsqueauran  manquât,  d'ùe  esmende  pecunierc, 
que  sie  apliquade  à  ra  luminarie  de  ra  Gleyze  ;  qu'ets  defenden 
ats  Ostes  de  nou  bailla,  durant  ets  deuins  Auficis,  degus  biiires 
ats  Parroucbians  ;  mes  soulamens  ats  passans,  sus  madeche 
pêne. 

De  V Administracioun  d'ère  Justicie 

Nous  defendem  à  TAuficiau  de'ra  Baléye  de  laxa  dcgun  escu- 
menge  per  un  deute  que  nou  baile  au  mens  dets  escuts  de  très 
frans  la  pesse,  ne  sensé  ras  très  admounicious  canouniques  hétes 
mes  lèu.  Nous  li  defendem  tabe  de  s'attribua,  ny  ats  Auficiés  de 
la  court,  degijes  esmendes  qu'et  auraourdenades  countre  ets  Pre- 
benguts  déliant  et;  ô  boulem  qu'aqueres  esmendes  nou  pousquen 
este  apliquades  qu'en  obrcs  de  pietat.;  qu'et  se  goiiere  tabe  de 
nou  fabourisa  ères  usures  ubertea  è  manifestes;  mes  plus  léu 


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348 

qu'et  las  déclare  injustes,  c  ets  que  las  an  coumetudes,  dignes  de 
punitioun  exemplarie. 

Per  las  Congregacious 

E  per  hé  qu'ère  bertut  é  pictat  se  Irobe  cna  counbcrsacioun  de 
touts  nostes  Ecclésiastics,  c  qu  crc  science  nou  manque  pas  ene 
bouque  dèts  Caperas,  é  qu'atau,  en  serbi  toutis  de  boun  exemple 
ê  edifîcacloun,  ets  sien  la  boun'audou  de  Jûsus-Christ,  après  aiie 
counegut  et  gran  frut  spiritiau  qu'arribe  ats  Caperas  de  noste 
Diocèse  que  soun  assidus  à  ras  Goungregacipus  qu'ey  soun  esta- 
blides,  nous  boulcm  qu'au  loc  des  Mesaus  ê  Couhrairies,  que  nous 
aiiem  cassades,  sien  establides  ene  dite  Baléye  ères  Goungrega- 
cious,  dab  ère  madeche  Règle  è  Règlamens  qu'ets  trouben  au  reste 
de  noste  Diocèse,  è  en  cade  uc  per  y  présida,  un  Becari  fouren,  è 
après  et  un  Percuray  Fiscau  ô  un  Secretari,  que  seran  noumats  de 
nous;  c  encare  ets  Locs  ensquaus  seran  tengudes,  ère  oure  c'ra 
matière  que  sera  tractade  :  è  per  aquero  nous  ourdenam  qu'et 
segount  Delus  de  cade  mes  ère  prumere  se  tenguera  at  Loc  de 
Lés  ;  ère  segoundc  et  Dlmars  après,  at  loc  de  Benos;  ère  tresième 
et  Dimcrcles,  à  Hilac  ;  ère  quatrième  et  Ditjaus  deVe  madeche 
semmane,  à  Bieillo  ;  ère  cinquième  et  Diiiendres  après,  à  Arties  ; 
ère  darrere  et  Dissapde,  à  Salardun  :  ats  quaus  Locs  touts  es 
Gapcras,  Diacres  ê  Sousdiacres  d'ères  parroquies  besiès,  se  rende- 
ran,  après  dinna.  E  après  esté  assemblats  à  mieg  die  o  cmbiron. 
0  après  aiie  inboucat  ère  gracie  det  San-Esperit,  è  dit  Veni 
Creator,  è  er'  Ouracioun,  ets  tractaran,  dues  ô  ires  oures  au  plus, 
ère  matière  que  nous  lour  auram  baillade.  Et  Bicari  fouren  enter- 
roiigara  ara'ts  us,  ara'ts  autes  ;  es  saubara  mieg  oure  sur  la  fin, 
per  parla  dets  moyens  de  s'occupa  à  ra  Pregarie,  de'ras  Arrubri- 
ques  det  Berbiari  è  det  Missau,  deVas  Geremounies  dero  Misse  ; 
enesquaus  nous  boulem  que  toutis  ets  Eclesiastics  s'exercen, 
las  aprenguen  c  obserben,  sus  pêne  de  suspencioun,  que  lour 
sera  per  nous  ourdenade,  si  en  l'examen  que  nous  ne  haran  de 
tems  en  tcms,  et  s'en  trobe  cauqu'un  que  nou  las  sapie  suffîsa- 
ment;  ô  per  les  rende  mes  curieuses  de  las  aprene,  nous  Iioulem, 
qu'un  d'entre  ets  las  basse  toutis  es  cops  qu'ets  s'assemblaran, 
é  digue  tout  haut  'ras  Ouracious  qu'om  deu  sabc  per  co,  enta 
que  quad'un  sie  plan  estruit  per  célébra  aqueste  auguste  sacrifice 
sensé  degûe  indecenso. 

E  per  madeche  cause,  nous  ourdenam  que  degun  Gaperan  naùet 
nou  pouyra  dise  sa  prumere  Misse,  que  prumeremens  nou  sie  plan 
estruit  enes  Geremonies  è  Ouracious  ;  qu'et  nou  s'y  sie  force  cops 
exerçât  en  la  presencie  de  toute  ère  Goungregatioun,  ê  qu'ère  nou 
Tage  troubat  suffisamens  capable  per  aqueste  sutjet 


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349 

Nous  boulom  tabo  qu'ets  que  boulcran  prene  eres  Ourdes, 
porten  Attestatorie  d'ère  lou  Coungrcgatioun,  que  countengue  et 
testimoniatgc  de  lour  bouno  bite,  de  lassiduitat  à  lasditea  assem- 
blades,  é  det  exercici  de  l'Ourdo  qu'auran  déjà  près. 

Nous  coumandam  ats  secretaris  establits  enes  Goungregatious, 
de  dressa  berbaus  do  cad'assemblade  ;  d'embia  les  mous  touts 
es  mesés,  ount  ets  boutaran  ères  questious  qu'om  àoura  het,  eres 
arrespounses  ;  ê  surtout  cts  mous  marquaran  ets  absents ,  è  les 
dcnounciaran  père  prumere  et  segounde  bets  à  noste  Auficiau 
de'ra  Baleye,  que  les  punira  de  lour  ncgligense,  atau  coum'ét 
abisara  ;  è  s'ets  continucn  de  s'absenta,  nous  les  suspenderam  do 
lexercici  do  lous  Ourdes,  pet  temps  que  nous  jutjaram  h  perpos. 

Ets  Percurays  fourens  auran  cure  de  prene  garde  à'ra  decencie 
deta  abits  dets  Caperas  de  lour  Coungrcgatioun,  de  s'infourma  de 
lour  bite  è  fai(;ous  de  bè,  enta,  s'en  y  a  degun  d'ets  que  bisque 
scandalousemens,  que  fréquente  eres  taoiiernes.  que  manque  de 
bè  ère  Douctrine  Ghrestiane,  que  jogue,  que  danse,  que  porte  eres 
armes  defendudes,  qu'entretengue,  deguens  ou  dehore  case  siie, 
quauque  hemne  de  mâchante  bite,  ets  les  deferen  a'ra  Coungrcga- 
tioun, laquaou  l'y  baillara  sous  abertissemens  é  courreccious 
dequi  a  très  cops;  é  après  nous  en  abertira,  s'et  nou  se  courrige,  ê 
entaque  nous  y  pourtem  Tarremedy  que  nous  jutjaram  mes  coum- 
benable. 

Finalcmens  nous  ourdenam  que  quan  cauqueCapcran,  Diacre  ou 
Sousdiacre  sera  mort,  quadc  Caperan  disera  ûe  Misse  per  et,  ets 
Diacres  è  Sousdiacres  et  aufici  des  morts  :  é  enta  que  degun  nou 
manque  de  rende  aqueste  acte  de  caritat,  nous  boulem  qu'cts  dits 
Percurays  abertisquen  déra  mort  d'ets  Caperas  noste  Auficiau 
de'ra  Baleye,  qu'en  abertira  toutes  eres  Coungratious  ;  lou  quau 
Auficiau,  ê  soun  Loctenent,  nous  establissem  Président  de  tout,  ê 
Directou  de  toutes  eres  dites  Coungregatious  ;  c  lour  coumandam 
de  cy  este  assidus  ;  ê  de  las  bisita  toutes  de  tems  en  tems  per  y  hô 
tengue  è  obserba  de  punt  en  punt  nostes  Arreglamens  ;  c  sustout 
eres  Pregaries  que  qualera  hô  à  l'entrade  é  gesside  de  l'Assem- 
blade,  que  nous  auem  boulut  hô  emprima  au  pè  de  nostes  pré- 
sentes Ourdenances,  enta  que  toutis  sien  mes  fîdels  c  diligens  per 
las  obserba.  Toutes  aquestes  Ourdenances  soun  estades  hêtes 
enedite  Baleye,  a'ra  fin  de  note  besite,  et  bint-cinquième  de  seteme 
mile  siés  cens  quarante-siés. 

t  GILBERT,  Ev//  de  Gomenge. 

PREGARIES 


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BIBLIOGRAPHIE 


Ainsi  qu'il  l'avait  fait  pressentir  on  note,  à  la  page  203  du  présent 
volume,  M.  l'abbé  l.estrade  revient  sur  la  publication  qu'il  avait 
seulement  mentionnée  au  sujet  de  Bertrand  de  Goth,  Tancicn  évê- 
fjue  de  Comminges,  devenu  Souverain-Pontife  en  1305,  sous  le  nom 
de  Clément  V. 

Ce  travail,  enrichi  de  notes  et  d'indications  d'ouvrages  soigneu- 
sement compulsés,  présente  un  très  grand  intérêt.  On  aurait  cer- 
tes mauvaise  grâce  à  contester  (]uMI  se  rattache  à  l'histoire  même 
du  Comminges.  ayant  pour  sujet  la  personne  d'un  ancien  prélat 
de  ce  diocèse  qui  porta  la  tiare  et  fut  mêlé  à  des  événcmenls 
importants  dans  les  premières  années  du  xiv°  siècle. 

Un  article  est  aussi  consacré  à  une  nouvelle  Vie  de  lévèquc 
Bertrand,  le  saint  patron  du  même  diocèse,  que  nous  nous  propo- 
sions nous-méme  ae  signaler. 

Enfin,  notre  zélé  collaborateur  présente  un  aperçu  critique  sur 
un  récent  ouvrage  traitant  du  Protestantisme  en  Béarn.  ivâ  encore 
nous  restons  dans  notre  domai-ne,  car  on  n'ignore  pas  que  le 
Nébouzan  fit  partie  du  Béarn.  A.  C. 


I.  — •  UZESTE  ET  CLÉMENT  V,  Notices  liisloriques,  archéologiques,  iconogra- 
|ihir}ucs.  Pic,  par  l'abbé  IlouN^curé  d'Uzesle,  oiembrcde  la  Société  archéologique  de  llor- 
deaiix  ;  Hërciion  cl  Brutails,  membres  de  l'Académie  des  sciences.  bcllcs-Ieltres  et  arts, 
et  de  la  Société  archéologique  de  Bordeaux.  —  Bordeaux,  imprimerie  V"  Cadorcet,  17,  rue 
Montméjan,  1894.  1  vol.  160  p.,  4  phoiolypics  el  4  lithographies.  Prix  :  5  Trancs. 

«  Uzeste  et  Clément  V  ».  Tel  est  le  titre  général  d'une  attrayante 
brochure  qui  comprend  trois  Mémoires  consacrés  au  premier  pape 
d'Avignon.  Toutefois,  le  but  poursuivi  par  les  auteurs  de  ces  tra- 
vaux historiques  et  archéologiques  ne  consiste  pas  exclusivement 
kjplacer  dans  leur  vrai  jour  le  caractère  et  la  conduite  de  Clément  V  : 
Mit.  Brun,  Berchon  et  Brutails  tâchent  d'attirer  l'attention  des 
Commissions  officielles,  des  Sociétés  savantes  et  des  hommes  de 
goût,  sur  la  remarquable  église  d'Uzeste,  hélas!  très  dégradée. 
Comme  l'ancienne  cathédrale  du  diocèse  de  Comminges,  Téglise 
d'Uzeste  est  due  en  grande  partie  aux  largesses  de  Clément  V.  Il 
Térigea  en  collégiale  et  dota  son  chapitre,  ainsi  qu'il  le  fit 
d'ailleurs,  avec  une  égale  munificence,  pour  l'église  voisine»,  celle 

J.  Parmi  le:<  prieurés  unis  aux  deux  mciipps  capilulairr?  iiouvollrmcijt  fondée?,  nous 
remarquons  h*  prieuré  d«  La  Vernose  cl  de  Laçasse  Pî?tiiué  7.000  florins.  —  (.Vsl  par 
erreur  que  certains  auteurs  êrrivenl  «  Vcrnose  et  Lacoso  ».  {Voy.  Reijeatum  t^lrmcnhn 
paptic  qiiiuli.  n»î)î>99,  el  lJz(*»te  el  C/ém^ni  V',p.  19.»  Au  xvp  siècle  et  peut-être  anlérieure- 
raenl,  le  Cliapilre  de  Sainl-Kliennr,  à  Toulouse,  et  calui  d'Uzeste  percevaient  une  moitié 
des  fruits  décimaux  de  la  paroisse  Saint-André  du  Lherm  'diocèse  de  Toulouse),  le  curé 
du  Lherm  prenait  l'autre  moitié.  —  (Arch.  de  la  Haute-Garonne,  fonds  de  rArchevêché. 
^Fouillé  de  1538.) 


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354 

de  Yillandraut  I.  Clément  Y  aima  constamment  ces  deux  églises 
sœurs.  »S*il  se  rattachait  au  territoire  de  Villandraut  par  sa  nais- 
sance, il  donna  à  la  collégiale  d'Uzeste  un  témoignage  authentique 
de  son  affection  en  y  choisissant  le  lieu  de  sa  sépulture. 

C'est  ea  nous  plaçant  surtout  au  point  de  vue  commingeois  que 
nous  avons  parcouru  le  volume  des  trois  érudits  girondins.  Assu- 
rément les  lecteurs  de  la  Retue  ne  bl&meront  pas  cette  disposition 
d'esprit.  Clément  V  nous  touche  de  près  comme  évoque  et  comme 
pape.  On  sait  de  quelle  noble  manière,  après  son  élévation  sur  la 
chaire  de  saint  Pierre,  il  manifesta  Tintérôt  qu'il  portait  à  son 
premier  siège  épiscopal. 

Revenons  d*abord,  avec  nos  auteurs,  sur  la  fameuse  question  du 
lieu  d'origine  de  Clément  V.  Uzeste  et  Villandraut  avaient  leurs 
partisans  respectifs.  Dieu  sait  les  flots  d'encre  que  la  discussion  a 
fait  couler,  de  quelle  ingéniosité  on  a  fait  preuve  dans  la  recherche 
des  arguments  probables  et  jamais  probants.  La  brochure  que  nous 
étudions  ici  était  môme  imprimée  et  les  auteurs  n'avaient  pu,  à 
leur  regret,  conclure  avec  plus  de  certitude  que  leurs  devanciers. 
Par  bonheur,  le  docteur  Berchon  a  remarqué  dans  le  recueil  de 
Rymer  quelques  lignes  de  Clément  V  au  roi  d'Angleterre.  Ces 
lignes  renferment  trois  mots  qui  nous  fixent  mieux  que  de  longues 
dissertations.  Clément  V  appelle  expressément  Villandraut  le  lieu 
de  sa  naissance  :  locum  nativitatis  nosire  '. 

S'il  faut  placer  le  berceau  de  Clément  V  à  Villandraut,  c'est  à  ' 
Uzeste  que  Ton  voit  son  sépulcre.  Le  pape  avait  désigné  la  collé- 
giale de  cette  ville  comme  devant  recevoir  sa  dépouille  mortelle. 
Après  un  pontificat  de  neuf  années',  iustement  appelé  par  l'abbé 
Brun  «  une  des  périodes  les  plus  terribles  et  les  plus  difficiles  de  la 
papauté  »  (p.  29),  Clément  V  mourut  h.  Roquemaure,  au  diocèse  de 
Nîmes,  le  vendredi  20  avril  1314,  âgé  d'environ  50  ans.  Son  corps 

Ï>orté  à  Carpentras,  où  se  trouvaient  les  cardinaux,  arriva  à  Uzeste 
e  27  août.  En  1359  on  put  l'ensevelir  dans  «  un  magnifique  tom- 
beau dont  les  ruines  misérables  font  aujourd'hui  pitié.  Et  pendant 
deux  cents  ans  Clément  V  reposa  en  paix,  sous  la  garde  des  cha- 
noines» (p.  30). 

Les  Huguenots  dévastèrent  l'église  d'Uzeste  en  1577,  «  mais  leur 
rage  s'acharna  surtout  contre  le  tombeau  papal  qu'ils  martelèrent 
ignominieusement  après  avoir  pillé  les  ricnesses  qu'il  contenait  et 
jeté  au  feu  les  ossements  du  pontife.  Ce  sont  les  Huguenots  oui  ont 
réduit  le  tombeau  pontifical  à  l'état  misérable  dans  lequel  on  le  voit 
encore  aujourd'hui....  »  (p.  30-31).  Or,  si  les  Huguenots  ont  brûlé 

1.  «  Il  y  a  à  signaler  ici  une  disposition  originale  prise  par  Clément  V  en  érigeant  en 
collégiales  ces  deux  églises.  Le  Ciron^  qui  coule  entre  ces  deux  paroisses,  était  la  limite 
frontière  entre  le  diocèse  de  Bazas  dont  relevait  Uzeste  et  Tarchidiocèse  de  Bordeaux 
auquel  appartenait  Villandraut.  Le  pape  ordonne  que  désormais  c'est  Tarclievéque  de. 
Bordeaux  qui  aura  juridiction  sur  la  collégiale  d'Uzeste,  et  l'évoque  de  Bazas,  jurioiction 
sur  celle  de  Villandraut  Dans  la  pensée  de  Clément  V,  cette  disposition  tendait  à  conser- 
ver la  discipline  dans  les  deux  Chapitres  en  créant  entre  eux  une  louable  émulation  ». 
Op.  cit.  p.  i8. 

2.  Voir  le  texte  complet,  dans  la  Revue  de  Comminges,  année  1895,  3»  trim.,  p.  293.  — 
Par  rapport  aux  armes  de  la  famille  de  Goth,  d'or  à  trois  fasces  do  gueules,  cfr  op.  cit., 
p.  9,  bfet  108. 

3.  Exactement  8  ans,  10  mois,  15  jours.  Baluze,  3>«  Vie  de  Clément  V,  t.  I.p.  55. 


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352 

les  restes  de  Clément  V,  peut-on  croire  et  soutenir  que  quelques 
fragments  de  sou  corps  aient  échappé  h  cette  profanation  ?  M.  Brun 
Taffirme.  Selon  lui,  il  n'est  raconté  nuU'î  part  que  pe^idant  la  Révo- 
lution on  ait  de  nouveau  violé  la  sépulture  du  pape'.  En  1305  le 
tombeau  fut  déplacé.  Quarante  ;jns  après  on  y  constatait  la  pré- 
sence de  plusieurs  ossements,  et  le  14  avril  1893,  M.  Brun,  le  maire 
M.  Martio-Naudon  et  des  témoins  faisaient  une  constatation  sem- 
blable. On  est  donc  autorisé  h  penser  qu'une  minime  partie  de  la 
déponUle  de  l'un  des  plus  illustres  bienfaiteurs  du  Comminges, 
échappée  au  feu  auquel  la  rage  des  Huguenots  la  destinait,  est 
encore  conservée  de  nos  jours '-*. 

Nous  sommes  heureux  de  déclarer  ici  au  courageux  coré  d'U- 
zeste  et  h  MM.  Berchon  et  Brutails,  que  mû  par  des  raisons  per- 
sonnelles et  décisives,  le  Comminges  tout  entier  fait  des  vœux 
pour  que  la  Commission  des  Monuments  historiques  ainsi  que 
des  particuliers  fortunés,  protecteurs  écl.tirés  des  arts  et  amis  dé- 
voués de  nos  gloires  nationales,  consentent  h  faire  les  sacrifices 
pécuniaires  que  mérite  la  restauration  de  Téglise  d'Uzeste  et  du 
glorieux  tombeau  dont  cette  ancienne  collégiale  est  la  dépositaire. 

Singulière  destinée  de  Clémant  V  !  Avec  quel  acharnement 
n'a-t-il  pas  été  discuté  comme  pontife  ?..  La  critique  ne  l'a  pas  non 
plus  épargné  comme  homme  privé.  Et  tout  cela  sur  les  dires  hypo- 
thétiques de  Villani.  La  suppression  des  Templiers,  la  mort  cruelle, 
en  vérité,  des  plus  notables  membres  de  cet  ordre,  avaient  créé  à 
Clément  V  de  trop  nombreux  ennemis  pour  que  l'on  ne  mit  pas 
aisément  en  cours,  sur  son  compte,  les  fables  les  plus  ridicules'. 
Actuellement  la  lumière  se  fait.  La  bibliographie  clémentine  s'enri- 
chit chaque  année  ^.  Elle  a  reçu,  il  y  a  peu  de  temps,  un  appoint 
considérable,  grâce  à  la  publication  des  Uagesia  qui  font  mieux 
connaître  l'administration  pontiftcale  de  Clément  V.  Or,  nous 
voyons,  après  discussion  désintéressée  des  documents,  des  auteurs 

1.  Les  Révolulionnairos  brûlêrenl  a  Uznslo  los  archives  capilulaires  et  une  chape  de 
Clément  V.  «  Celte  cliape  élail  en  grande  vém-nUion  dans  le  pays.  Tons  les  ans,  au  «sep- 
tembre, jour  de  la  fêle  palronnlc  dT'/.este.  on  la  montrait  aux  foules  venues  en  pèlerinaiiP 
aux  pieds  de  la  Madone  nuraculouse.  Aucune  description  ne  nous  a  été  laissée  de  ce 
magnifique  objet  d'art  et  d'orfèvrerie  >•  Snil  la  description  de  l'une  des  chapes  conservées 
à  Saint-Bertrand  pour  donner  une  idée  «probable»  de  celle  d'Uzeste:  «  La  chape  de 
Clément  V  à  Uzesie  devait  sans  doule  ressembler  beaucoup  à  celle  qui  a  été  ainsi 
décrite»  rp.  27).  Nous  avouons  ne  pîis  uoiiler  ces  sortes  do  conclusions  où  le  «  sans 
doule  »  intervient  pour  élucider  des  fjueslions  douteuses. 

2  «  Ces  ossemenls  se  réduisent  à  deux  fémurs,  un  tibia,  la  mâchoire  inférieure  et  quel- 
ques débris  assez  dilliciles  à  classer  ».  (p  38.) 

3.  Voir  op.  cit.^  les  notes  des  paires  5ô  à  G'2.  —  A  retenir,  en  particulier,  le  singulier 
récit  de  la  desconle  aux  enfers  d"un  chapelain  pontifical.  D'après  Villani,  ce  nouvel  Enéc 
«  avait  vu  »  construire  pour  Clément  V  une  demeure  infernale;  déjà  un  des  neveux  du 
uape,  décédé  récemment,  se  trouvait  dans  un  .semblable  palais  :  maison  de  feu,  lit  de  feu. 
Voilà  un  spécimen  de  ce  que  Villani  a  osé  insérer  dans  ses  Historié  fiorentine.  —  Conf., 
Danle,  Divine  Comédie,  chanl  xix.  terz.  '28.  2îi  :  Clément  V  et  Nicolas  III  sont  mis  en 
enfer,  par  le  poète,  en  compagnie  de  S.  Célesiin  V  :  celaient  trois  papes  français. 

4,  Relevé  au  courant  do  la  plume  :  Clément  V,  Philippe  le  licl  et  les  Templiers^  Revue 
des  Questions  Historiques,  l.  xi.  p.  5.  1874  ;  —  Ln  Paptiulfi  hors  de  l'Italie:  Clément  V, 
par  K.  Renan,  Revue  des  Deux  Mondes,  1s80.  «  Nous  tenons  à  constater...  qui!  Renan. 
sauf  quelques  ré.scrves  qu'a  déjà  faites  avec  beaucoup  d'érudilion  M.  le  marquis  de  Cas- 
lelnau  d'i'-ssenaull,  doit  compter  au  nombre  des  apologistes  de  Clément  V.  »  Abl>è  Brun. 
on.  rit.  p.  îi;  —  Le  Tonibniu  du  pnpc  Clément  V  à  Uzcstc,  par  MM.  J.  de  Laurière  et 
Munlz.  Paris.  1888.  Société  des  Antiquaires  de  France,  t  xlviii,  >  série,  l.  vin,  p.  275;  — 
SoHvcUcii  ctudes  sur  Clément  \\  par  M.  L'abbé  Lacoste,  etc. 


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3&3 

très  divers  se  rencontrer  vis-à-vis  de  Clément  V  dans  un  môme  sen- 
timent de  sympathie  '. 

Il  y  a  lieu  d'espérer  que,  stimulé  par  cps  études,  un  esprit  distin- 
gué nous  donnera  enfin  une  biographie  impartiale  de  premier  pape 
d'Avignon. 


II'  —  LA  VIE  DE  SAINT  BERTRAND,  évèque  de  Comminges  :  son  siècle,  son 
culte,  par  Tabbé  P.-B.  Bouche,  caré  d*Haos.  ~  TouloiMe,  imprimerie  catholique  Saint- 
Cypncn. 

L'année  1895  aura  été  marquée,  pour  la  ville  de  Saint-Bertrand, 
par  deux  faits  heureux  et  notables  :  la  célébration  du  Jubilé  et  la 
publication  d'une  Vie  nouvelle  du  grand  évoque  de  Comminges.., 
Encore  une  œavre  éclose  dans  un  modeste  presbytère  de  campagne, 
à  la  fois  solide  par  les  documents  où  elle  s'appuie  et  savoureuse  & 
la  piété.  ApL'ôs  avoir  rempli  les  journées  du  prétro^  qui  l'a  écrite, 
elle  vient  h  son  heure  instruire  les  nombreux  clients  de  notre  saint 
évèque  et  les  exciter  à  son  culte. 

Le  titre  de  la  biographie  parait  d'abord  un  peu  vaste  et  débor* 
dant  :  on  y  veut  considérer,  avant  tout,  saint  Bertrand,  mais  on 
veut  aussi  embrasser  «  son  siècle  » ,  1040-1123,  d'après  les  dates 
fournies  par  l'auteur.  Or,  ce  tableau  du  xi®  siècle  tient  en  quatre 
ou  cinq  pages  in-12  :  c'est  à  peine  une  petite  ouverture  à  travers 
laquelle  il  faut  contempler  un  bien  vaste  territoire  au  risque  de  ne 
pas  tout  voir.  Et  voï\k  précisément  l'inconvénient  de  ces  vues 
générales  à  propos  de  biographies  assez  restreintes  :  si  on  les  étend 
outre  mesure,  le  sujet  principal  disparaît;  si  on  les  resserre,  elles 
risquent  d'être  par  trop  incomplètes.  Notre  auteur  a  voulu  souder 
son  sujet  à  l'histoire  générale  de  l'Église.  S'il  parle  de  «  l'action 
réparatrice  de  la  Papauté»,  c'est  un  peu  pour  relever  son  héros  en 
montrant  qu'il  «  coopère  à  cette  action  ».  Thèse  difficile  vu  la 
rareté  des  matériaux.  Comment  la  soutenir,  «  historiquement  » 
parlant  et  selon  les  exigences  modernes  de  ce  mot?  «  Quelques 
signatures  relevées  au  bas  de  certains  actes  nous  en  fournissent  la 
preuve  »,  avoue  ingénuement  l'auteur  (p.  124)  qui  sent  sa  pau- 
vreté. Et  de  ces  actes,  deux  exceptés  (années  1100  et  1119,  p.  125), 
il  ne  peut  pas  tirer  de  fortes  conclusions. 

1.  Ce  n'est  pas  sans  surprise  que  nous  avons  lu,  dans  le  dernier  fascicule  de  cette  Revue, 
rassertion  absolue  d'un  fait  très  contes! é  aujourd'hui,  comme  dépourvu  des  preuves 
rigoureuses  qu'exigerait  sa  i^ravilé,  savoir,  le  sorment  par  lequel  Bertrand  de  Goth  se  serait 
engagé  vis-à-vis  de  Philippe  le  Bel  à  détriûre  les  Templiers,  avant 'même  toute  procédure. 
La  tiare,  a-t-on  dit  mille  fois,  était  à  ce  prix,  c  Le  pape  IBenoit  XI]  étant  venu  à  mourir, 
Philippe  le  Bel,  roi  de  France,  promit  à  Bertrand  do  Goth  de  l'élever  sur  le  trône  pontifi- 
cal, à  condition  que  le  nouveau  chef  de  rE:.Miso  l'aiderait  à  détruire  Tordre  (des  Tem- 
pliers] ■  (p.  237).  Il  n'est  pas  permis,' en  ce  moiuont,  d'exposer  en  ces  termes  un  fait  si  impor- 
tant. Villani  allègue  que  le  futur  pape  fit  une  promesse  à  Philippe  le  Bel,  celle  do  lui 
accorder  une  aràce  que  le  roi  se  reservait  de  faire  connaître  et  d'exiger  plus  tard.  Du  dire, 
vrai  ou  faux  de  Villani  on  a  conclu  qu'il  ne  pouvait  être  question  dans  l'esprit  du  roi  que 
de  l'abolition  des  Templiers.  La  publication  du  Journal  des  Visites  pastorales  de  l'arcne- 
véque  do  Bordeaux  et  de  rilinéraire  de  Philippe  le  Bel  rend  au  moins  discutable  la  possi- 
bilité matérielle  de  l'entrevue  à  Saint-Jean-d'Angély,  lieu  où  Ton  prétend  que  le  roi  obtint 
de  Bertrand  de  Goth  la  promesse  dont  celui-ci  ignorait  la  portée.  Et  encore  cette  entrevue 
fût-elle  prouvée,  resterait  à  établir  la  véracité  de  Villani  et  à  démôler  l'intention  de  Phi- 
lippe. 


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Nous  ne  suivrons  pas  Thiatorien  dans  chacun  des  chapitres^  de  sa 
narration  qui,  au  fond,  reste  identique  à  celle  de  M.  le  baron 
d'Agos'.  C'est  un  développement  personnel,  très  étudié,  de  la  prin- 
cipale source  hagiograpuique  de  saint  Bertrand  :  la  vie  composée 
par  Vital,  sur  Tordre  de  Guillaume  d'Andoufielle,  archevêque 
d'Auch,  et  du  pape  Alexandre  III.  On  y  examine  successivement 
chaque  miracle  et  on  rétablit  dans  son  cadre  chacun  des  actes 
de  notre  saint.  La  revue  est  faite  en  conscience.  Rien  ne  manque  à 
kigaierie,  pas  même  (soit  dit  sans  irrévérence)  Ténigmatique  cro- 
codile de  la  cathédrale  commingeoise!  Nous  remercions  Vauteur 
de  nous  avoir  épargné  «  le  caillou  »  de  saint  Bertrand,  avec  lequel 
certains  guides  lapident  consciencieusemont  la  critique  historique 
et  la  science  géologique,  au  grand  ébahissement  des  touristes  de 
bonne  volonté'-'.  Un  des  morceaux  attrayants  du  volume  est  la 
relation  de  la  translation  d*une  relique  de  saint  Bertrand  a  Tlsle- 
en-JourdaÎD  en  1733.  M,  Bouche  en  donne  un  exact  résumé*. 

En  somme,  ce  livre  est  un  bon  livre  et  un  manuel  commode  :  une 
façon  de  «  compendium  »  des  renseignements  les  plus  minutieux, 
patiemment  recîueillis,  tous  relatifs  k  notre  saint*.  Il  y  a  intérêt  à  le 
lire,  édification  à  le  méditer:  il  touche  à  la  piété  et  à  l'histoire  et 
met  celle-ci  au  service  de  celle-là,  tout  en  lui  laissant  sa  place  et 
en  i:espectaDt  ses  droits.  M.  le  curé  d'Huos  aura  le  suffrage  des 
érudits  et  celui  des  chrétiens  dont  la  foi  est  simple  et  naïve:  des 
deux  suffrages,  le  second  ne  sera  pas  le  moins  précieux  pour  lui. 


III.  —  LE  PftOKSTANTISME  EN  BÊARH  ET  »U  MY$  BASQUE,  oa  ob^r. 

▼alions  critiques  sur  THisioire  de  l'Église  rérormée  d'Osse,  de  M.  le  pasleor  A.  Cadièr, 
par  M.  Pabbé  V.  Ddbarat,  oiimônicr  du  lycée  de  Pau.  —  Pao,  impr.  Vigoaocoor,  1895. 

A  la  fin  de  cet  article  bibliographique,  nous  demandons  la  per- 
mission, à  nos  lecteurs,  de  leur  signaler  un  récent  ouvrage  sur  le 
pr.otestantisme  en  Béarn  et  au  piys  i3asq[ue.  Sans  doute,  ce  sera  sor- 
tir un  peu  de  «  notre  »  territoire  ;  mais  que  l'on  se  rassure  :  à  la 
Retue  ce  n'est  pas  comme  au  collège,  on  n'abuse  pas  des  sorties. 

Les  manœuvres  de  Jeanne  d'Albret  pour  implanter  le  hugueno^ 
tisme  en  ses  Etats  ont  trouvé  en  M.  Gadier  un  apologiste  résolu, 
ferrjé  &  glace  pour  aller  bon  tr^iin  sur  cette  voie  de  scabreuse 
réhabilitation.  Il  nous  la  baille  belle  M.  Cadier  !  Sa  «  bonne 
Jehanne»   n*est  pas  celle  que  les  contemporains  ont  subie.  Si 

1.  Saint' nertrand,  évéque  di»  Comminges,  sa  vie,  ses  miracle?,  son  culle,  par  Tx>u{8  de 
Flancette,  baron  d'Agos.  —  Voy.  aussi  :  Vie  (fe  Suint  Dertrumi,  évéque  de  Comminge*, 
son  panégyrique,  etc.,  ouvrage  réimprimé  pendant  i'épiscopat  de  Mgr  n'Astros.  archev.  de 
Toulouse,  par  les  soin»  de  M.  ]*abbé  Ferrand,  cure  de  Sainl-Berlrand.—  Le  premier  de  ces 
vol.  a  été  imprimé  à  Saint-Gaudens,  chez  Abadie,  le  second  à  Bagneres,  par  Dossun. 

2.  Voir /îffottc  de  Comjninj/ea,  1880,  p.  139-140. 

3.  Voir  le  texte  in  exf^nso  dû  à  J.  La-slrade,  bénéflcier  de  la  cathédrale  de  Saint-Bertrand 
Pleuré  de  Labroquêrr,  dans  la  Vie  publiée  par  M.  Ferrand,  p.  99-120.—  C'est  par  erreur  du 
tyï»ograplio  que  le  chanoine  de  Saint-Klienne ,  virai re-ûénéral,  venu  à  TIslc  à  celli» 
occasion,  pour  présider  la  a*rémonie,  est  appelé  de  BETON  :  son  nom  est  de  BKTOtl.  he 
raéme  un  df*s  orateurs,  en  celle  circoostancr,  fut  M.  Guillaume  BETXR.\C,  curé  do  Saint- 
Ge^aûcr.  à.Muret,  appelé  mal  à  propos  BITIRAC. 

4»  N-^  aurait-il  pas  moyen  de  trouver  un  érudit.  dévoué  A  saint  Bertrand,  qui  Toulût 
bitn  nous  donner  ^ine  noie,  aussi  complète  que  possible,  sur  la  blbliograpliie  eLour  ]*foo- 
Dogrmpbis  d«  Msiift  évéque  de  Comminges  ? 


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M.  Cadier,  pa&teuT  d^  TEglise  réformée  d'Osse  par  la.  grâce  de 
Jeanne  d*Albret,  se  fût  trouvé  dans  la  dure  nécessité  de  vivre  sous 
le  régime  «  tolérant  »  de  son  héroïne,  il  eût  assurément  chanté  sur 
un  autre  ton. 

C'est  M.  Dubarat  qui  s'est  chargé  de  mettre  une  sourdine  à 
ces  notes  si  vibrantes.  IL  suit  pas  à  pas  le  prétendu  hislorieu 
de  la  prétendue  réforme,  et  donne  en  entier  des  textes  qui 
se  trouvaient  affaiblis  ou  dénaturés  eu  d'incomplètes  citations, 
noyés  en  des  commentaires  plus  intéressés  qu'intéressants.  Cela 
tient  476  pages.  L'auteur  a  pris  de  la  marge  afin  de  laisser  à  son 
exposition  toute  l'ampleur  qu'elle  exigeait.  Il  nous  montre,  ou 
plutôt  il  produit  des  documents  qui  montrent  le  Protestantisme 
favorisé,  imposé  par  les  mesures  iniques,  par  la  tyrannie  de  Jeanne, 
le  culte  catholique  proscrit,  les  églises  pillées,  «  désaffectées  )>  ou 
détruites,  les  prêtres  et  les  religieux  massacrés  :  tout  un  enchaîne- 
ment de  mesures  remplies  d*ex(|uise  «  tolérance  !  »  Après  avoir  lu  ce 
dossier,  où  le  réquisitoire  se  môle  aux  dépositions  des  témoins,  qn 
estime  que  Jeanne  fat  le  mauvais  génie  de  son  peuple.  L'essai 
maladroit  de  réhabilitatiou  dont  elle  vient  d'être  victime  a  mis 
entre  les  mains  de  M.  Dubarat  sa  bonne  plume  de  critique,  de  polé- 
miste et  d'historien.  On  assure  que  sa  riposte  a  fait  grand  bruit 
dans  le  Landerneau  où  prêche  M.  Cadier;  le  contraire  nous  eût 
surpris. 

Pour  nous  qui  envisag-^oris  la  question  sous  son  aspect  historique, 
—  la  doctrine  étant  hors  cause  —  sans  tant  nous  échauffer,  nous 
remercions  M.  Dubarat  de  sa  large  contribution  à  l'histoire  des 
dissensions  religieuses  en  des  contrées  voisines  des  nôtres,  et  nous 
mettons  son  ouvrage  h  côté  de  ceux  de  MM.  Communay*,  Durier 
et  Carsalade  du  Pout^  c'est-k-dire  à  côté  des  meilleurs. 

J.  LESTRADE, 


IV.  -  »  PROPOS  DE  DEUX  PINÉGYRIQUES.   par   M.  rabbé  Henri  FauBCADE. 

curé  de  Saiiit-Éiit 

1^  —  Sanctus  Gaudbntius,  ou  Gaudens 

La  \ille  qui  porte  aujourd'hui  le  nom  de  Saint-Gaudens  fut 
d'abord  une  petite  agglomération,  dans  le  pays  des  Orwbrisates,  de 
Pline  —  et  par  corruption,  Onobusates  —  petit  peuple  compris 
dans  l'Aquitaine  primitive  et  la  Novempopulanie.  11  était  voisin 
des  Garumni  et  englobé  dans  la  circonscription  des  Contenœ^. 

Selon  Du  Mège,  ce  lieu  devint  un  «  oppidum  »  dans  le  voisinage 
de  la  grande  voie  allant  de  Tolosa  k  Lugdunum  Convenarum.  II 
s'appela  Mas  «le  Mas»,  de  mansus  —  demeure,  agglomération  — 
dans  la  basse  latinité.  Plus  tard,  ce  fut  le  Mas-Saint- Pierre,  lorsque 
saint  Saturnin,  un  des  premiers  apôtres  de  la  Gaule  méridionale, 

1.  Les  Huguenots  dans  le  Béam  el  la  Navarre. 

2.  Les  llufjuenoU  en  B>gorre. 

3.  Voir  :  iiéographie  historique  de  l'Aquitaine  autonome;  —  Les  Convenm  et  les 
Consorani;  —  déographie  Mstonque  du  Sud-Ouest  de  la  fiaule,  par  notre  savant  collègue 
M.  Bladé.  correspondant  de  l'Inslilut  ;  —  Géographie  de  la  Gaule  romainù,  de  M.  Ernest 
Desjardlnsj  —  Géographie  de  la  Qaule  au  vi»  siècle,  de  JM.  Longnon,  elc... 


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ayant  évangélisé  la  contrée,  y  eût  érigé  un  oratoire  sous  le  Yocable 
«du  Prince  des  Apôtres  ». 

Mais,  vers  473,  un  jeune  chrétien,  Gaudbns,  fut  martyrisé  aux 
abords  de  la  bourgade,  lors  d'une  incursion  des  Wisigoths  dans  le 
pays  des  Convènes.  Celle-ci  prit  désormais  le  nom  de  Théroïque 
victime  sous  le  patronage  de  laquelle  Tadmiration  et  la  foi  des 
habitants  s'empressèrent  de  la  placer. 

Cette  année,  au  joar  de  la  fôte  qui  se  célèbre  depuis  des  siècles, 
un  brillant  panégyrique  a  été  entendu*.  On  le  doit  â  M.  Tabbô 
Henri  Fourcade,  dont  le  talent  oratoire,  vraiment  distingué,  est 
fort  goûté  dans  notre  région  et  ailleurs.  Il  est  notre  collègue  à 
la  Société  des  études,  et  publiait,  en  1892,  dans  ce  recueil,  une 
remarquable  description  «  des  fresques  et  décorations  »  ornant  «a 
charmante  église  de  Saint-ÉIix  du  Fousseret  et  dont  il  nous  faisait 
si  bien  apprécier  «  la  finesse  et  la  grâce  ». 

Du  discours  prononcé  par  lui,  ce  que  nous  voulons  particulière- 
ment retenir,  c'est  le  côté  historique,  mis  très  heureusement  en 
lumière  dans  les  pages  consacrées  au  martyr  ;  cette  partie  rentre 
surtout  dans  notre  domaine. 

L'événement  dont  le  panégyriste  a  célébré  la  mémoire  quatorze 
fois  séculaire  s'accomplit  sous  la  domination  wisigothe.  De  Tou- 
louse, son  siège  principal,  elle  s'étendait  sur  tout  le  pays  jusqu'en 
Provence. 

Ces  Wisigoths  avaient  embrassé  l'Arianisme,  «  la  première  des 
grandes  hérésies  ,  la  plus  impie,  la  plus  terrible,  la  plus  pernicieuse 
—  dit  Tauteur  —  qui  eût  jamais  éclaté  au  sein  du  Christianisme», 
et  dont  le  fondateur  fut  un  prêtre  apostat,  Arius.  Celui-ci  réduisait 
le  Christianisme  à  une  simple  philosophie,  «  la  plus  haute,  la  plus 
riche,  la  plus  transcendante  des  philosophios  sans  doute,  mais,  au 
demeurant,  une  chose  humaine».  Le  panégyriste  caractérise  en 
excellents  termes  les  conséquences  de  la  pernicieuse  doctrine  :  «  la 
négation  d'Arius,  doctrine  sans  cœur,  excluait  l'amour  des  œuvres 
divines  et  lui  fermait  l'accès  des  œuvres  humaines  ;  par  là  elle 
portait  atteinte,  non  seulement  ii  l'ordre  sacré  de  la  Foi,  mais 
encore  à  l'ordre  social  catholique  tout  entier  et  à  tout  ce  qui 
sy  est  produit  de  grand  et  de  beau  sous  l'influence  bénie  de 
l'Église». 

Devenus  maîtres  du  pays,  les  Wisigoths  ariens  n'imposèrent  pas, 
dès  le  premier momenl,  leur  croyance  aux  peuples  garonniens  :  «Il 
y  avait  un  demi-siècle  déjà  que  les  sectateurs  d'Arius  se  trouvaient 
en  face  du  Christianisme  dans  nos  contrées  sans  qu'ils  se  fussent 
décidés  à  l'attaquer  de  front*.  »  Ils  attendirent  pour  cela  que,  «  poli- 
tiquement, ils  n'eussent  plus  rien  à  craindre  des  derniers  débris  de 
la  puissance  romaine».  Celle-ci,  en  effet,  tendait  à  disparaître. 
Ébranlée  par  des  invasions  successives,  elle  devait  tomber  définiti- 
vement sous  les  coups  des  Goths  et  des  Francs. 

Il  faut  lire  dans  Sidoine  Apollinaire  le  saisissant  récit  de  la  per- 
sécution qui,  en  ce  temps-là,  se  déchaîna  notamment  sur  le  pays 
des  Convènes,  à  l'instigation  d'Euric  ou  Evaric,  successeur  —  à  la 
suite  de  Wallia,  premier  chef  des  Goths  à  Tolosa  —  de  Thédoric  et 

1.  Brochure,  à  rimprîmcric  catholique  Salnl-Cyprien  de  Toulouse,  ISîfô. 

2.  Voir  Ozanom,  La  Civilisation'chrétiennc  Jiez  les  Francs,  p.  35,  sur  rÂrianismc. 


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de  Thoriamond  (419  433).  Ce  prince,  plein  d'emportement  et  de  haine, 
était  «  plutôt  le  chef  d  une  secte  que  celui  d'un  grand  peuple  ».  Le 
témoin  désolé  de  cette  période  néfaste  poursuit  :  «  Personne  n'a 
plus  soin  de-i  diocèses,  ni  do  leurs  paroisses;  les  églises  sont  dans 
un  si  déplorable  état  que  les  toits  sont  tombés  à  terre  et  que, 
n'ayant  plus  de  portes,  les  haies,  les  ronces  et  les  épines  qui  y  sont 
nées  d'elles-mêmes  en  ferment  l'entrée.  On  y  voit  des  troupeaux 
qui,  non  seulement  font  une  étable  de  leurs  vestibules,  mais  pénè- 
trent jusques  au  sanctuaire  et  vont  brouter  Therbe  croissant  autour 
des  autels  »•  * 

C'est  au  milieu  des  résistances  que  rencontrèrent  les  envahisseurs 
ariens  au  sein  de  nos  populations  gallo-romaines,  que  le  jeune 
pâtre  Gaudens,  cet  autre  Machabée,  ayant  lui  aussi  une  mère  intré- 
pide, succomba  sous  le  glaive  persécuteur  plutôt  que  d'apoatasier 
sa  foi.  Laissons  parler  le  panégyriste  :  «  Après  une  nuit  qui  fut,  à 
n'en  pas  douter,  comme  ces  veillées  rayonnantes  et  séraphiques 
des  Catacombes  sous  l'ère  sanglante  des  persécutions,  au  {>remier 
jour,  la  mère  arriva  sur  ce  coteau,  vénérable  depuis  cette  heure '^ 
comme  un  sanctuaire,  tenant  son  fils  par  la  main,  et  l'exhortant  k 
ne  plus  regarder  que  le  ciel...  Filium  suum  adduxit  secum  ». 

Les  sicaives  du  gouverneur  Malet  consommèrent  le  sacrifice. 

Dans  ces  pages  où  se  retrouvent  toutes  les  qualités  qui  le  distin- 
guent, M.  Fourcade  toiich*».  à  un  point  d'histoire  controversé  dont 
voici  le  rapide  exposa  que  nous  ne  prétendons  pas  faire  suivre 
d'une  solution  décisive.  Il  s'agit  de  l'époque  précise  où  le  Christia- 
nisme fut  introduit  d-^ns  notre  Gauie  pyrénéenne.  «Ce  fut,  dit 
l'auteur,  au  retour  d'une  de  ses  courses  évangéliques  dans  les  pro- 
vinces ibériques  et  dans  nos  chères  montagnes  des  Convenae,  que 
Saturnin,  le  premier  apôtre  du  pays,  annonça  la  religion  du  Christ 
à  la  petite  tribu  des  Onobusates,  et  groupa  nos  pères  autour  de  la 
première  église  chrétienne  qu'il  éleva  au  milieu  d  eux  sous  le  voca- 
ble de  saint  Pierre».  Mais  k  quel  moment  précis  eurent  lieu  les  pré- 
dications de  l'illustre  martyr  toulousain? 

Des  auteurs  récents  placent  saint  Sernin,  dont  ils  font  le  disciple 
et  le  contemporain  de  saint  Pierre,  à  la  fin  du  premier  siècle  de 
notre  ère  ^.  Leur  opinion  est  venue  confirmer  celle  émise  par  l'abbé 
d'Arbelot  dans  une  savante  dissertation  sur  l'apostolat  de  saint  Mar- 
tial. Suivant  cet  auteur,  des  documents  positifs  établiraient  que  saint 
Martial  de  Limoges,  saint  Trophime  d'Arles,  et  plusieurs  autres 
évoques  des  premiers  temps  de  l'Église,  en  la  compagnie  desquels 
Grégoire  de  Tours  fait  figurer  saint  Saturnin,  évangéîisèrent  les 
Gaules  dès  le  premier  siècle.  De  son  côté,  M.  Natalis  de  Wailly, 
dans  ses  Éléments  de  Paléographie^  fait  mourir  saint  Saturnin  au 
commencement  du  deuxième  siècle.  Cela  serait  conforme  aux  indi- 
cations fournies  par  une  table  alphabétique  dressée  dans  le  grand 
travail  intitulé  Y  Art  de  vérifier  les  dates. 

1.  Sidoine  ApolHuairc. 

2.  Au  tome  vni,  p.  163,  la  Revue  de  Comminges  a  retracé  l'inauguration  de  Télégante 
chapelle  romane  due  aux  libéralités  de  Mgr  Compans  et  qui  remplace,  sur  le  penchant  du 
coteau,  la  vieille  chapelle  reconstruite  jadis  sur  un  oratoire  primitif  dédié  à  saint  Gaudens. 

3.  Voir  la  Monographie  de  M.  Tabbé  Latou ,  et  le  Dictionnaire  des  Dictionnaire^ 
de  P.  Guérln. 


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358 

Grégoire  de  Tours  se  contredit  lui-môme  lorsqu'il  affirme  que 
Saturnin  reçut  les  ordres  sacrés  soua  Decius  ou  Dèce.  Or, 
celui-ci  fut  proclamé  vers  251,  et  bien  qu'il  eût* mérité  les  sur- 
noms de  Trajanus  et  à'Optimus,  il  ordonna  contre  les  Chrétiens 
de  terribles  pôrsécutions.  Le  câlèbre  auteur  de  Vflisloria  Francorum 
avait  dit,  pourtant,  du  premier  évoque  de  Toulouse  :  Saturninns 
verd  martyr,  utfertur^  ab  apostoiorum  discipuiis  ordinatitô,  in  urbetn 
Tolosatiiim  directus  est.  Sans  Tappuyer,  il  est  vrai,  d'aucune  auto- 
rité plausible,  Julien  Sacaze  émit  aussi  Topinion  qu'il  fallait 
reporter  jusque  vers  le  milieu  du  m"  siècle  l'apostolat  de  saint 
Saturnin.  Il  faisait  mourir  celui-ci,  non  plus  sous  l'empereur 
Decius,  mais  sous  les  deux  collègues  Dèce  et  Gratien  qui  remplis- 
saient alors  à  Tolosa  la  charge  consulaire.  Dans  sa  dernière  édition, 
et  sans  plus  de  précision,  VHisloirfi  de  Languedoc^  s'exprime  ainsi, 
sans  citer  aucun  document  à  l'appui  :  «On  tient  que  S.  Saturnin, 

Ëremier  évoque  de  Toulouse,  fut  martyrisé  du  temps  de  l'empereur 
>èce.  Il  était  venu  dans  les  Gaules  vers  l'an  245  et  l'on  croit  qu'il 
avait  été  envoyé  par  le  pape  saint  Fabien.  Il  bâtit  à  Toulouse  la 
première  église  qui  y  avait  été  élevée.  La  tradition  rapporte  qu'il  fut 
d'abord  enterré  dans  l'endroit  où,  au  commencement  du  iv«  siècle, 
saint  Hilaire,  troisième  évêque  de  Toulouse,  fit  construire  une 
petite  chapelle  qui  devint  plus  tard  l'église  du  Taur...  y> 

Nous  inclinerions  à  penser,  sans  rien  affirmer,  que  TEvangile 
fut  apporté  plus  tôt  aux  Convènes,  k  l'époque  môme  où  Téglise 
d'Arles  était  fondée  par  saint  Trophime,  c'est-à-dire  dès  la  fin  du 
premier  siècle,  car  rien  ne  dit  qu'il  ne  faut  pas  prendre  à  la  lettre 
la  parole  des  évoques  h  saint  Léon  :  Missum  a  beatifsimo  Petto 
apostolO'  sanctum  Trophinum  ».  Tel  est  aussi  le  sentiment  du 
P  ,  Lougeval,  dans  la  dissertation  préliminaire  de  son  Histoire  de 
l'Église  gallicane. 

2\  —  Sanctus  Gbrontius,  ou  Girons 

Il  s'agit  encore  d'un  panégyrique  du  môme  auteur  2.  H  fut  pro- 
UQU'-édans  l'église  de  Saint-Girons,  au  mois  de  janvier  1895,  où  ce 
sujet,  parait-il,  n'avait  jamais  été  traité.  Cette  innovation  sera  due 
aux  recherches  peisonnelles  el  au  talent  de  M.  l'abbé  Fourcade. 
L'histoire  était  à  peu  près  muette  sur  le  patron  de  cette  ville  arié- 
geoise  qui  fit  partie  de  la  cité  des  Convènes  Ccinitas  Conx>enarum) 
avant  d'appartenir  au  Couserans,  et  qui  était  encore  comprise  dans 
le  ressort  de  l'élection  de  Comminges  en  1789  Une  simple  tradition 
attribuait  sa  dénomination  actuelle  à  un  saint  apôtre,  d'origine 
vandale,  Gerontius,  qui  vint  prêcher  l'Evangile  dans  ses  murs,  au 
V»  siècle.  Mais,  comme  pour  l'époque  de  saint  Saturnin,  les  données 
historiques  sont  diverses  en  ce  qui  concerne  saint  Gerontius  ou 
Girons.  D'une  part,  ainsi  que  le  rappelle  M.  Fourcade  lui-môme, 
les  Acta  Sanctorum^  au  chapitre  2  du  livre  IV,  rapprochés  du  Bré- 
viaire de  Tulle  ^  semblent  rattacher  la  venue  de  saint  Gerontius 
dans  le  lieu  qui  a  pris  son  nom,  au  temps  de  saint  Clair  dont  il 
aurait  été  le  compagnon  au  premier  siècle.  Un  manuscrit  authen- 

1.  EdiUon  Privai,  t.  IV,  p.  348. 

2.  Brocb.  ia-8%  S t-Gaudens,  imprimerie  Abadie. 


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359 

tique  des  Bénédictins  de  Saint-Sever  reporterait  cette  date  vers 
le  milieu  du  iv®  siècle.  M.  Fourcade  penche  pour  le  début  du  v«. 

Quoi  qu'il  en  soit,  douze  diocèses  ont  honoré  ce  saint,  et  Tont 
regardé  comme  le  contemporain  de  ces  invasions  de  Vandales  et 
d'Alains  qui  «  ravag'èreut  une  première  fois  toute  la  partie  de  la 
Gaule  qui  s*étend  de  la  basse  région  pyrénéenne  jusqu'à  Tolosa  ». 
Ce  fut  alors  qu'au  pays  des  Convènes  Dieu  suscita  saint  Exupère 
d'Arreau  «  qui  vint  en  aide  à  la  détresse  universelle  dans  les  villa- 
ges et  les  chaumières  ».  Son  grand  ascendant  fit  de  lui  l'apôtre  des 
Vandales  eux-mêmes  dont  beaucoup  embrassaient  le  Christianisme, 
fcji  la  plupart  étaient  ariens,  un  certain  nombre  devinrent  lidèle- 
ment  orthodoxes.  La  légende  de  plusieurs  Bréviaires  diocésains  * 
en  représente  sept  acceptant  la  mission  de  prêcher  la  vraie  doc- 
trine, au  premier  rang  desquels  brille  Gerontuis.  «  C'étnt  un  beau 
jeune  homme,  remarquable  par  la  linesse  de  ses  traits  et  la  distinc- 
tion de  toute  sa  personne,  très  connu  par  sa  droiture,  renommé  par 
sa  bonté,  et  de  mœurs  admirablement  chastes  :  cute  nilidus,  aspectu 
rutilus^  huneslateprœclarus,  bonilaie  conspicintSi  caslitcte  adornatus  », 
Telle  est  la  physionomie  attachante  qu'en  retracent  les  Bréviaires 
soigneusement  consultés  par  le  distingué  panégyriste.  Celui  de 
Tulle  2  représente  les  sept  apôtres  s'embarquant  à  Joppé  (Joppén  ?) 
pour  Jérusalem.  Chassôs,  ex  civitale  exturbati^  ils  se  dirigent,  vers 
Rome  où  ils  parviennent  après  une  longue  et  laborieuse  navi- 
gation. Là  «  le  pape  confère  à  Sévère,  l'un  des  compagnons  de 
Gerontius,  la  dignité  épiscopale,  et  envoie  la  petite  colonie  en 
Gaule,  comme  messagère  de  l'Evangile  ». 

Et  voilà  ce  groupe  de  vaillants  apôtres  revenant  ^n  Gaule  pour  y 
remplir  une  mission  semblable  à  celle  de  ses  héroïques  prédé- 
cesseurs: Saturnin  à  Toulouse,  Martial  à  Limoges,  Paul  à  Nar- 
bonne. 

C'est  ainsi  que  «  la  pieuse  caravane  vint  planter  sa  tente  dans  les 
champs  hospitaliers  et  riants  de  la  rive  droite  drti  Salât».  Là,  à'éleva 
bientôt  un  oratoire  marquant  la  place  de  la  future  cité  saint- 
gironnaise ,  appelée  d'abord  Bourg-sous -Vie  —  c'est-à-dire  plus 
exactement  Bourg-en-dessous,  par  opposition  à  Bourg  d'Austrie, 
plus  tard  Saint-Lizier,  et  alors  chef-lieu  de  la  cititas  Consoranorum. 

Un  des  actes  les  plus  anciens  où  la  ville  qui  se  forma  ainsi  est 
dénommée  Saint-Girons,  serait  celui  où,  au  xin®  .siècle  (1257-1258), 
sur  la  cité  et  sur  le  pays  circonvoisin ,  affirmèrent  leurs  droits 
de  suzeraineté:  Esquirol,  comte  de  Bigorre:  Roger  IV.  comte 
de  Foix:  Arnaud  d'Espagne;  Roger,  comte  de  Comminges;  Gaston, 
comte  de  Béarn. 

De  la  vallée  du  Salât,  Gerontius  et  ses  compagnons  allèrent  jus- 
que dans  cette  partie  de  l'Aquitaine  occupée  par  les  Bigorrais.  Il 
y  succomba  dans  sa  lutte  contre  les  Vandales.  Les  divers  Bréviaires 
où  il  est  question  de  ce  saint  rapportent  que  «  blessé  mortellement 
dans  un  combat  par  une  flèche  attachée  à  ses  flancs,  il  survécut 
durant  trente  jour,s,  ne  cessant  de  prêcher  jusqu'à  son  dernier 
souffle  la  doctrine  du  Christ,  et  par  son  sang  et  par  sa  voix  mou- 
rante :  Geruntins  lethali  vulnere  est  affeciiis,  triyenta  dies  supervi- 

1.  Ex  diversis  Breviariis. 

2.  Ex  Brevlario  Tulense. 


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360 

tem,  ilà.  pro  fide  ChrisU  defendenda,  martyrium,  quinto  Idus  X^^'^^ 
con^summavit  ». 

Il  avait  fondé  là  une  des  premières  églises  dédiées  k  saint  Satur- 
nin. Une  partie  de  ses  reliques,  dont  l'église  de  Saint-Girons  pos- 
sède des  fragments,  furent  emportées  h  Lectoiire  d'Aquitaine  ',  où 
ou  les  conserva  religieusement. 

Plus  tard,  ou  les  recueillit  dans  l'église-  Saiute-Eulalie  de  Bor- 
deaux; un  procès-verbal,  dressé  en  1858  par  les  ordres  du  cardinal 
Donnet,  y  constata  leur  présence '^ 


V.  —  MONOGRAPHIES  :  \*  Nous  ci  Oocumeius  sur  Nonlf'giit  et  le  baron  de  Mod- 
li^giii-Bnrrnu,  dépulc  de  la  noblesse  du  Comminges  aux  Élals-Géiiéraux  de  17S0. 
Bioch.  do  124  piges.  Murel,  impr.  Missol.  -—  2"  Noies  historiques  sur  Labaslîde- 
Pa'uraês  eu  Comiuingcs  (cliàtclleuie  de  risIc-en-Dodon).  Urocli.  de  40  pages.  Muret, 
impr.  Massol. 

Sous  ces  titres,  M.  Décap,  directeur  de  Técole  municipale  de 
Muret,  dont  la  précédenie  chronique  de  la  Revue  signalait  le  zèle 
laborieux  pour  les  recherches  sur  le  pays  de  Coramiuges,  vient  de 

{oublier  un  double  travail  qui  apporte  sa  précieuse  contribution  à 
'histoire  de  notre  ancien  comté. 

La  première  étude,  très  méthodique,  contient  d'abord  la  descrip- 
tion de  la  commune  actuelle,  et  des  données  étymologiques.  Mous 
Aculus  —  Mont  aigu  —  parfaitement  en  harmonie  avec  la  topogra- 
phie ;  le  village  est  sur  la  hauteur,  ce  qui  confirme,  pour  sa  part, 
l'origine  féodale  du  lieu.  Daus  un  paragraphe  sont  groupés  des 
noms  de  lieux  analogues. 

Le  Montégut  dont  il  s'agit  était,  h  Torigine,  Montégut-Bourjac, 
ou  de  Bourjac  flocus  de  Monte  acuto  Borjacti).  Quelles  étaient  exac- 
tement les  limites  de  ce  district  féodal  ?  Nous-méme  les  avots 
maintes  fois  cherchées.  M.  Cabié  a  essayé  de  les  reconstituer  dans 
la  Revue  de  Gascoijne,  en  1889.  M.  Décap  désigne  quelques-unes  des 
localités  qui  en  faisaient  partie  et  qui  appartiennent  aujourd'hui  aux 
cantons  de  Fousseret,  Rieumes,  l'Isle-en-Dodon  et  Aurignac.  Mais 
il  n'y  a  pas  concordance  entre  la  circonscription  territoriale  pro- 
prement dite  et  celle  de  l'archiprétré  du  même  nom  telle  que  le 
donne  le  Censier  des  Bénéfices  du  diocèse  de  Comminges  dressé  au 
xiv«  siècle,  1387,  (archipresbyteratus  de  BorjacoJ,  sans  désignation 
expresse  du  chef-lieu  lui-même. 

L'auteur  traite  ensuite  «  de  la  Seigneurie  locale».  Il  donne  la 
Charte  de  Coutumes  de  1480.  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  ce 
document  en  le  rapprochant  de  quelques  autres  chartes  commin- 
geoises,  à  l'occasion  notamment  de  la  coutume  de  Fontenilles,  dans 
la  chàtellenie  de  Muret.  M.  Décap  nous  en  promet  la  prochaine 
communication. 

Puis  vient  la  généalogie  des  sires  de  Barrau  à  partir  de  Bertrand 
de  Barrau  (1340),  originaire  du  Bazadcis,  jusqu'à  Pierre-Elisabeth- 

1.  Ex  breviario  Sarlalcnsi. 

*2.  Celle  notice  élalt  écrile  lorsque  l'Académie  des  Sciences,  Belles-LeUrcs  et  Arts  de 
Bordeaux  décernait  une  médaille  d'or  à  M.  Tabbé  Meyraux,  curé  do  Cazères-sur-rAdour, 
pour  son  élude  sur  saint  Girons,  patron  de  la  Chalosse  (Calossia),  cel  ancien  pays 
de  la  Basse-Guienne  dont  Saint-Sever  fut  la  capitale. 


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364 

Deuis  de  Barrau,  le  dernier  seigneur  de  Montégut.  qui  fut  élu, 
en  1789,  h  l'assemblée  spécialement  tenue  à  Muret,  député  de  la 
noblesse  du  pays  aux  Etats-Généraux  de  Versailles.  Nous  avons 
raconté  cette  élection  en  publiant,  en  1880,  le  compte  rendu  de  cette 
assemblée  avec  «  le  catalogue  »  de  ses  membres  ». 

Trois  autres  chapitres  sont  consacrés  à  «  la  Communauté  »,  à 
«  la  Paroisse  »,  à  !'«  Enseignement  ». 

Ce  petit  livre  est  documenté  de  plusieurs  pièces  justificatives  ;  puis 
la  bibliographie  y  est  indiquée  et  suivie  d'une  table  alphabétique 
détaillée. 

Le  second  travail,  consacré  au  lieu  de  Labastide-Paumès,  est 
moins  étendu.  Il  concerne  une  commune  située  aux  confins  de 
l'arrondissement  de  Saint-Gaudens,  dans  le  canton  de  l'Isle-en- 
Dodon.  C'est  encore  une  monographie  de  cette  localité  —  ancienne 
bastide,  ainsi  que  son  nom  l'indique  —  où  subsistent  des  cons- 
tructions importantes  de  Tantique  demeure  seigneuriale  dont  la 
Hevue  se  propose  de  donner  unedescriplion.  Ce  qui  en  reste  marque 
plusieurs  époques  et  constitue  une  des  choses  les  plus  intéressantes 
de  Tancien  Comminges  monumental. 

Là  se  succédèrent  les  seigneurs  d'Orbessan  (1180-1  f)36),  Made- 
leine de  Durfort,  veuve  du  prince  Gaspard  de  Courtenay,  ot  le  sire 
de  Pauilhac  (1606-1701). 

Un  sire  de  Labastide-Paumès,  capitaine  d'une  compagnie  dans  le 
Comminges,  fut,  en  1512,  le  héros  d'une  expédition  contre  les 
Aranais  contrebandiers.  M.  le  baron  de  Lassus  nous  Ta  racontée 
tout  au  long^  d'après  les  documents? 

Le  dernier  propriétaire  du  château  de  Labastide  fut  M.  de  Cam- 
bon,  premier  président  du  Parlement  de  Toulouse  lorsqu'éclata  la 
Révolution.  Proscrit  pendant  la  Terreur,  il  s'expatria,  et  M™®  de 
Cambon  paya  héroïquement  de  sa  tête  le  refus  de  révéler  la  retraite 
d&  son  mari. 

L'opuscule  contient  surtout  les  Coutumes  locales,  consignées 
dans  un  accord  entre  le  seigneur  et  les  habitants,  passé  le 
4  juillet  1610  devant  M^  Laborie ,  notaire  royal  de  Lussan  des 
Religieuses.  C'est  en  cela  surtout  qu'il  est  précieux. 

•  Alphonse  COUGET, 


CHRONIQUE 

Un  de  nos  collaborateurs,  M.  l'abbé  Marsan,  notre  collègue 
aussi  h  la  Société  archéologique  du  Midi  de  la  France,  a  bien  voulu 
nous  communiquer,  d'après  la  Gallia  chrisliana  et  le  Glanage  du 
paléographe  Larcher,  un  document  constatant  la  consécration  «  du 
monastère  des  Dominicains  de  Saint-Gaudens,  au  lieu  dit  de  la 
Planquette». 

Dans  notre  notice  sur  <c  un  ancien  plan  de  Saint-Gaudens»,  publiée 
au  tome  IX  de  la  Revue  de  Comminges,  nous  avons  parle  de  ce 
couvent  des  Frères-Prêcheurs,  établi  d'abord  au  Barri-Bigordan, 

i.  Rtvue  de  Comminges,  t.  I,  p.  196. 


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362 

transféré  eu  1294  dans  un  quartier  jusqu'alors  «  mal  famé  »,  appelé 
de  la  Planquette.  Les  bâtiments  de  l'ancienne  école  des  Frères,  ser- 
vant aujourd'hui  à  l'école  municipale,  sont,  avec  l'ancienne  prison, 
les  restes  de  l'ancien  couvent,  qui  fut  d'une  grande  importance 
comme  nous  l'avons  dit  dans  la  notice  k  laquelle  il  vient  d'ôtre  fait 
allusion. 

On  verra  que  la  consécration  eut  lieu  en  1294  et  la  neuvième 
année  de  la  vacance  du  siège  épiscopal  de  Commioges,  et  fut  faite, 
par  Arnaud  de  Mascaron,  chanoine  de  Saint-Etienne  de  Toulouse', 
étant  élu  évoque  par  le  chapitre  de  Saint-Bertrand. 

Au  paragraphe  XXXIII  de  leur  Catalogue  des  évéques  de  Com- 
minges,  les  historiens  de  Languedoc  nous  disent  aussi  qu'Arnaud  IV 
de  Mascaron  avait  été  choisi  par  le  chapitre.  Mais  cette  élection  ne 
fut  pas  confirmée  par  le  Saint-Siège  qui  donna  l'évôché  k  Bertrand 
deGothen  1295. 

Voilà  pourquoi,  d'après  le  document  reproduit  ci-dessous,   le 

Erélat  consécrateur  fut  V évêque  de  Tarbes,  Raymond  de  Caudaraza. 
e  regretté  M.  Morel  s'est  donc  trompé  lorsqu'il  a  attribué  «à 
Arnaud  de  Mascaron,  évéque  consécrateur»,  l'ôcusson  sculpté  sur 
une  des  portes  intérieures  de  l'ancien  couvent.  Ou  ne  peut  compter 
celui-ci  au  nombre  des  évoques  de  Coraminges. 
Voici  le  texte  que  nous  tenions  à  conserver  dans  notre  recueil  : 

CO.\SÊCR.tTIO?l  de  la  PLAflODETTE  (Boflaslère  des  DomiDicains  de  SainlGaoJfos] 

In  erastino  Puri/icalionis  Beatœ  Mariœ  fuit  emptus  locus  de  la  Plan- 
quêta  ubi  nunc  est  conventus,  quiquidem  locus  erat  priùs  despectus  et 
magnse  diffamationis,  et  nunc,  coopérante  Domino,  factus  est  locus 
œdificationis, 

Anna  Domini  MCCLXXXXIY,  sedc  Convenarum  vacante  anno  nono, 
electo  Dno  Amaldo  Mascaronis^  canonico  Sancti-Stephani  de  Tolosa, 
die  lunœ  ante  feslum  sanctœ  Potetitianœ  tirginis,  scilicet  XVI  Caien- 
das  junii,  venerabilis  vir  Dnus  Kaimundus  de  Caudaraza,  episcopus 
Tarbiensis,  consecravit  cœmeterium  m  loco  de  la  Planqueta. 

{Gallia  christ.^  t.  I;  —  Glanage  deLarcher,  t.  VIII,  n*^  1.) 

Quant  k  la  relation  de  la  consécration  ellft-môme,  contenant 
aussi  l'intéressant  historique  de  la  fondation  du  Couvent,  il  exis- 
tait en  tête  du  précieux  livre  des  Obits  des  Frères-Prêcheurs, 
disparu  mal  heureusemant  depuis  plusieurs  années. 


Notre  collègue,  M.  Félix  Régnault,  l'intrépide  et  persévérant 
exf^lorateur  de  la  grotte  de  Gargas,  où  il  conduisit  notre  Société 
lors  de  sa  première  excursion  en  1885  et  dont  il  nous  parla  dans  la 
Revue  de  cette  dernière  année,  vient  de  faire  de  nouvelles  décou- 
vertes dans  ces  profonds  dédales  souterrains. 

En  recommençant  ses  recherches  paléontologiques,  au  mois  de 
juin  dernier,  il  a  trouvé,  sous  les  stalagmites,  une  sépulture  primi- 
tive, avec  les  débris  d  un  grand  vase  renfermant  des  ossements 
humains  k  moitié  calcinés.  A.  C, 

1.  Comme  Tavait  été  Bertrand  de  Tlsle  lul-mémc. 


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TABLE  DES  MATIERES  DU  10«  VOLUME 

ANNÉE    1895 


Livraison  du  i"  Irimeslre 

Pages 

Liste  des  membres  de  la  Société  des   études   de 
Gomminges. 
I.  —  L'abbé  Cau-Durban  :  la  Révolution  à  Saint-Lizier 

(Ariègc),  1789-1804  (suite) 1 

IL  —  Maurice  Gourdon  :  un  demi-siècie  d'Ascensions,  au 

Néthou  (suite) 32 

m.  —  Baron  de  Lassus  :  le  château  d'Ausson,  résidence  des 
barons  d'Espagne-Montespan  fxv«,  xvi®.  xvii«  siè- 
cles)          41 

IV.  —  Lestrade  :  les  Huguenots  en  Gomminges,  d'après  les 

papiers  des  États  conservés  à  Muret 106 

V.  —  Alphonse  Couget  :  Ghronique  :  L  A  Martres-Tolo- 
sanes  ;  —  2.  Clément  V  et  la  tiare  ;  —  3.  La  langue 
basque  au  Japon;  —  4.  La  grotte  de  Lestalas,  à 

Cazavet lit 

Informations.  —  Nécrologie. 

Livraison  du  2«  trimestre 

I.  —  AsTRiÉ  :  les  premiers  Ages  de  Luchon  :  L  Période 

préhistorique.  —  IL  Période  gallo-romaine 1 13 

IL  •—  Maurice  Gourdon  :  un  demi-siècle  d'Ascensions  au 

au  Néthou  (suite) 130 

III.  —  Hippolyte  Gabannes  :  de  Gastillon  en  Gouserans  à 

Sentein  ( Ariège) 139 

IV.  —  L'abbé  Gau-Durban  :  la  Révolution  à  Saint-Lizier 

(Ariège),  1789-1804  (fin) .'. .  160 

V.  —  Alphonse  Gouget  :  le  Jubilé  de  Saint-Bertrand-de- 

Gomminges  :  Notice  historique  et  Gompte  rendu.  202 

Rectifications  et  Informations 216 

Livraison  du  3»  trimestre 

I.  —  AsTRiÉ  :  Les  premiers  Ages  de  Luchon  :  IL  Période 

gallo-romaine;  III.  Période  du  Moyen- Age  (fin).      217 
IL  —  J.  LiiSTRADE  :  Les  Huguenots  en  Gomminges,  d'après 

les  papiers  des  États  conservés  à  Muret  (suite) . .      239 


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364 

III.  —  Maurice  Gourdon  :  un  demi-siècle  d'Ascensions  au 

Néthou  (suite) 255 

IV.  —  Hippolyte  Cabannes  :  Annibal  à  Luchon? 267 

V.  —  B.   Bernard  :  Mandement  de  Mgr  de  Lubière  du 

Bouchet,  évoque  de  Comminges,  pour  les  habi- 
tants de  la  Vallée  d'Aran 268 

VI.  —  L'abbé  Couret  :  Recherches  archéologiques  sur  la 

haute  vallée  de  la  Save  :  Ère  ancienne  :  Avezac.      274 

VII.  —  Ernest  Ferras  :  Excursion   en  Barousse.   Compte 
rendu  de  la  course  faite  par  la  Société  des  études 

le  20  juillet  1895 281 

VIII.  —  A,  CouGET  :  La  Conférence  du  19  juillet.  —  Informa- 

mations 290 

IX.  —  Jacques  Bize  :  Le  Roi  des  Monts  (poésie) 291 

X.  —  Rectification  à  l'article  intitulé  :  «  Jubilé  de  Saint- 
Bertrand  »,  paru  dans  la  précédente  livraison  . . .      203 

XL  —  Léonce  Couture  :  Bibliographie 295 

Livraison  du  4°  trimestre 

I.  —  L'abbé  Couret  :  Recherches  archéologiques  sur  la 
haute  vallée  de  la  Save  :  Ère  ancienne  :  Avezac 

(suite) 297 

IL  —  Léon  CiEUTAT  :  Simple  note  sur  quelques  procédés 
de  culture  maraîchère,  rédigée  vers  1640,  pour  le 
terroir  de  Saint-Gaudens 304 

III.  —  Maurice  Gourdon  :  un  demi-iièclc  d'Ascensions  au 

Néthou  (suite  et  fin) , 313 

IV.  —  B.  Bernard  :  Mandement  de  Mgr  de  Lubière   du 

Bouchet,  évêque  de  Comminges,  pour  les  habi- 
tants de  la  Vallée  d'Aran  (suite  et  fin) 326 

V.  —  J.  Lestrade  :  Bibliographie  :  1.  Uzeste  et  Clément  V; 

—  2.  La  Vie  de  S.  Bertrand  ;  —  3.  Le  Protestan- 
tisme en  Béarn  et  au  pays  Basque 350 

VI. —  A.    Couget   :   Bibliographie  :   1.   Panégyriques   de 
S.  Gaudens  et  de  S.  Girons  ;  —  2.  Monographies 

de  Montégut  et  de  Labastide-Paumès 355 

VIL  —  Chronique.  —  Informations 361 


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