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REVUE
DE COMMINGES
SCIENCES HISTORIQUES ET NATURELLES
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REVUE
DE
COMMINGES
— PYRÉNÉES CENTRALES —
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES DU COMMINGES
DU NÉBOUZAN ET DES QUATRE-VALLÉES
TOME IX — ANNÉE 1894
SAINT-GAUDENS
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ABADIE
1894
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^'^"^ LISTE ALPHABÉTIQUE
DE MM. LES Membres de la Société des études du Gomminges
BUREAU
Baron de LASSUS, Président.
A. COUGET, Yitt-Prôudenl. archiiwfe.
Baptiste ABADIE, Secrétaire,
Maurice PICOT, Trésorier.
Victor BOUGUES, Membre.
Albert SOURRIEU, membre.
D' Jean PAYRAU, Membre.
MEMBRES HONORAIRES
Allmer (Auguste), membre correspondant de l'Institut, directeur
de la Revue épigraphique du Midi de la France^ à Lyon.
Lapparent (A. de), professeur de Géologie, membre de la Société
géologique de France, à Paris.
Lauriére (Jules de), secrétaire général de la Société française
d'archéologie, à Paris.
RussELL (comte Henry), membre de la Société géoçraphique de
Paris, de la Société géologique de France, de V Alpine club, et
du Club alpin français, à Pau.
MEMBRES TITULAIRES
Abadie (Baptiste), jiige au Tribunal de commerce, à Saint-Gaudens.
AzÉMAR (Emile), avoué, à Saint-Gaudens.
Baurier (Léon), membre correspondant de la Société archéologi-
que du Midi, au château de Mascaron, par Muret.
Bernard (Bertrand), membre de la Société française d'archéologie,
à Luchon.
Bougues (Victor), ancien député, à Saint-Gaudens.
Cargue (Frédéric), avoué nonoraire, ancien juge suppléant, à
Saint-Gaudens.
Cau-Durban (David), curé de Castelnau-Durban (Ariège).
Chopinet (Charles), médecin-major au 34«, à Mont-de-Marsan.
Cieutat (Léon), conseiller à la Cour d'appel, à Agen.
Clochard, architecte, à Saint-Gaudens.
CoMMiNGES (comte Elie de), au château de Saint-Marcet.
CoMPANS (abbé), ancien vicaire général, à Bordeaux.
Couget (Alphonse), membre de l'Académie de Législation et de la
Société archéologique du Midi, à Saint-Gaudens.
CouRET, curé de Saleich, lauréat de la Société archéol. du Midi.
DuFAUR (Auguste), avocat, à Saint-Gaudens.
Germain (Louis), notaire, à Saint-Gaudens.
GouRDON (Maurice), officier d'Académie, membre de la Société
géologique de France, à Luchon.
Labroquére (Henri), membre de l'Association Pyrénéenne, à Ga-
lan (Hautes-Pvrénées).
Lassus (baron Marc de), ancien député, membre de la Société des
Bibliophiles de France, à Montrejeau, — et à Paris.
Mariande (Alphonse), ancien maire de Saint-Gaudens.
Payrau (Jeani, docteur en médecine, à Saint-Gaudens.
Pellbport (Emile), avocat, à Saint-Gaudens.
Picot (Maurice), directeur départemental des Postes et Télégra-
phes en retraite, à Saint-Gaudens.
SouRRiBD (Albert), avocat, à Saint-Gaudens.
Thévenin (Nuno), président du Tribunal civil, à Saint-Gaudens.
TouJBAN (Jean), conducteur des ponts-et-ohaussées, à St-Gaudens.
Trespaillé (Alexis), commandant d'artillerie en retraite, à Anti-
gnac.
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MEMBRES LIBRES
BT ^OUSGRlrTBURS A LA. " jf^BVUB DB pOMMINOBS >>
Les lettres vi désignent les membres libres ou correspondants
Abadib (Félix), pharmacien, à Saînt-Gaudens, ml.
Abadie (Noël), imprimeur-libraire, à Saint-Gaudens, ml.
Adoue (Paul), à Montrejeau, ml.
Adoue, curé, à Anan.
Ambrody (Frédéric), instituteur public, à Escanecrabe, ml.
Ané, propriétaire, à Boulogne.
Anla, négociant, à Lille (Nord), ml.
Archives de la Haute-Garonne.
Archives de la Société historique de Gascogne, à Auch.
Armand, curé, à Orthez (Basses-Pyrénées), ml.
AsHER, libraire, à Berlin.
ASPET (Bibliothèque de la ville d').
AuBÉRY (M*»" la marquise d'), au château de la Fontaine, par les
Ormes (Vienne).
AuRiGNAC (Bibliothèque de la ville d')
AviRAGNET (Elie), expert des G"» d'assurances, à St-Gaudens, ml.
Bagnéres-de-Luchon (Bibliothèque de la ville de).
Barbazan (Bibliothègue de la ville de).
Baron, expert-géomètre, à Labarthe-Rivière, ml.
Bascans (Louis), officier d'Académie, à Samân, ml.
Batmalle, au château de Sarremezan, ml.
Baudouin, archiviste départemental, à Toulouse, ml.
BAZffRQUE, curé à Cierp.
Baurier, manufacturier, à Barcelone.
Beauregard (de), au château de Gabarret, à Labarthe-Inard.
Bedin (l'abbéK aumônier du Saint-Nom de Jésus, à Montrejeau.
Belloc (Emile), officier d'Académie, membre de la Société géolo-
§ique de France, du Club Alpin rrançais, délégué de la section
es Pyrénées au Conseil d'administralion, à Paris, ml.
Benque (de), secrétaire général de la Banque de France, à Paris, ml.
Bergougnan, propriétaire, à Montrejeau.
BiNOS de Pombarat (de), à Toulon.
BizE (Hyacinthe), banquier à Montrejeau.
Bladé. correspondant de l'Institut de France, à Agen, ml.
Bordes (abbéj, professeur de sciences, à Juiliy (Seine-et-Marne).
BoRDÉRES, docteur-médecin, à Montrejeau.
BoRGELLA (Edmond), officier d'Académie, juge d'instruction, à
Saint-Gaudens, ml.
Bouche, curé, à Guran.
Bouche, curé, à Huos.
Bouillon (Gaston), avocat, à Saint-Gaudens.
Boulogne-sur-Gesse (Bibliothèque de la ville de).
BouRDETTE (Jean), homme de lettres, à Toulouse.
Bourgade, pharmacien, à Boulogne.
Cardaillac (de), avocat, à Tarbes (Hautes-Pyrénées), ml.
Carayon-Latour (marouise de), à Podensac.
Garsalade du Pont (aobé J. de), membre de la Société française
d'archéologie, à Auch (Gers), ml.
Cartailhac (Emile), directeur de V Anthropologie, à Toulouse.
Casse (Jean-Marie), manufacturier,
Gasteran (Paul de), avocat, à Toulouse.
Cazeneuve, curé-doyen, à Montrejeau.
Chamaison, percepteur, à Saint-Martory,
Chibalib (Léonard), avocat, à Saint-Gaudens.
CiEUTAT (Joseph), greffier au Tribunal civil, à Saint-Gaudens.
Clouzet (Bertrand), négociant, à Montrejeau.
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CONDESSE (Justin), notaire, à Alan, ml.
GoRBiER, huissier, à Montrejeau.
CouGET (Georçes), à Bordeaux et à Luchon, ml.
CouRET (Henri), pharmacien, à Saint-Gaudens.
Courtois (de), boulevard Malesherbes, à Paris.
Couture (abbé), professeur à la Faculté libre de Toulouse.
Dasque (Henri), professeur de musique à Montrejeau.
Deaddé, général de brigade en retraite, à Saint-Gaudens.
Décap, instituteur, à Muret.
Delassus, capitaine au 83«, à Saint-Gaudens.
Douais (abbé), professeur à l'Institut catholique de Toulouse, se-
crétaire général de la Société archéologique du Midi, ml.
Doux, avoué, à Saint-Gaudens.
DuBuc (Sylvain), licencié en droit, à Cazavet (Ariège), ml.
DuLAC (abbé), à Tarbes.
DuLOxN, professeur, à Saint-Germain-en-Laye, ml.
Dumas de Rauly, archiviste de Tarn-et-Garonne, ml.
Encausse de Labatut (baron d'), à Eoux, près d'Aurignac.
Fabre d'Envieu, chanoine de Saint-Denis, ancien professeur à la
Sorbonne, château de Montpezat, à Saint-Martory, ml.
Faure (Louis), notaire, à Montrejeau.
Ferran (abbé), curé de Baurech (Gironde).
Ferras, docteur médecin, à Luchon.
Fourcade (Henri), curé, à Saint-Elix.
Fourcade, curé, à Nestier.
Franquès, instituteur, à Montespan, ml.
Froment, docteur-médecin, à Nestier (Hautes-Pyrénées).
Fages (Barthélémy), officier d'Académie, aumônier du collège de
Saint-Gaudens en retraite, à Saint-Gaudens, ml.
FocH (Jean), docteur en médecine, à Saieich, ml.
Gardarens de Boîsse (de), juge au Tribunal civil, à Montauban.
Galard (M»« la comtesse de) à Aurignac.
Garonne, curé, à Urau.
Gorsse (de), conservateur des forêts, à Pau, ml.
Goulard (Marc de), au château de Luscan, par Loures.
Guilhot de Lagarde, au château de Boussan, près d'Aurignac, ml.
Hay (Aristide), à Talence, Bordeaux.
Jaffary (Jules), notaire, à Saint-Gaudens, ml.
Jordy (André), avocat, à Saint-Gaudens, ml.
Lacroix, supérieur du Petit-Sémin-iire de Polignan.
Lahondés (Jules de) président de la Société archéologique du Midi
de la France, ml.
Lamarque (Raymond), avoué, à Saint-Gaudens, ml.
Lapierre, avocat, bibliothécaire bon'**' de la ville, à Toulouse, ml.
Larrieu, pharmacien, à Montrejeau.
La Roche (marquis de Fontenilles), à Paris.
Lassus (Bertrand de), à Montrejeau, ml.
Lassus (Henri de), au château de la Nine, à Boussan.
IjEstrade, vicaire de la Dalbade, à Toulouse.
LlSLE-EN-DoDON (Bibliothèque de la ville de).
LONGUEFOSSE (Charles), à Saint-Gaudens, ml.
LouGE, docteur-médecin, à Demu (Gers).
LozÈs (Lucien), conseiller général, à Tibiran (Hautes-Pyrénées).
Maribail (Henri de), docteur en droit, avocat, à St-Gaudens, ml.
Marsan, curé de Soulan (Hautes-Pyrénées).
Mathieu, curé, à Saint-Mamet.
Maubé (François), curé-doyen, à St-Bertrand-de-Gomminges, ml,
Mengaud, inspecteur des forêts, à Saint-Gaudens.
Ministère de l'Instruction publique, à Paris.
MoNTOUSSÉ-DuLYON (Chatles), au château de Barbazan.
Montrejeau (Bibliothèque de la ville de). •
Nouaillan (M«« la V»" de), au château de Prat-Bonrepos (Ariège).
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Partsch, professeur à TUniversité de Breslau.
Pelleport-Burette ( vicomte de ), ancien sénateur, Bordeaux, ml.
Périsse (Firmin), avocat, à Toulouse.
PiETTE (Edouard), juge, membre de la Société d^anthropologie de
Paris et de la Société des Antiquaires de France, à Rumigny
(Ardennes), ml.
Piou (Jacques)^ ancien député, à Paris, ml.
Plante, propriétaire, à Lannemezan.
PoTTiER (abbé), président de la Société archéologique de Tarn-et-
Garonne, à Montauban, ml.
PouY (de), 9, rue d'Anjou, à Paris.
Privât (Paul), libraire-éditeur, à Toulouse, ml.
Pujo, à Montrejeau.
RégnXult (Félix), de la Société d'anthropologie de Paris, à Tou-
louse, ml.
Reulet, curé-doyen, à Aurignac, ml.
RiviÂRE, docteur-médecin, à Malvezie.
RuAU (Joseph), licencié ès-lettres d'histoire, à Toulouse, ml.
RuBLE (baron de), à Beaumont-de-Lomagne.
Sacase (Charles), ancien magistrat, à Marignac, ml.
Sales (Joseph), juge au Tribunal civil, à Saint-Gaudens.
Saint-Arroman (Charles), avocat, à Saint-Gaudens, ml.
Saint-Béat (Bibliothèque de la ville de).
Saint-Gaudens (Bibliothèque de la ville de).
Saint-Jean (Eugène), officier de l'Instruction publique, à Ville-
neuve-de-Riviere, ml.
Saint-Martory (Bibliothèque de la ville de).
Saint-Paul (Antnyme), homme de lettres, à Paris, ml.
Saint-Paul (Damien), négociant, à Montrejeau.
Salies-du- Salât (Bibliothèaue de la ville de).
Saporta (de), à Manosque (Basses-Alpes).
Sarrieu (Gustave de)« a Montrejeau.
Sarthe, libraire, à Luchon.
Saudinos-Ritouret (M">«), à Paris.
Société académique de Tarbes.
Société ariégeoise des lettres, sciences et arts, à Foix.
Société archéologique du Midi, à Toulouse.
Société archéologique de Tarn-et-Garonne, à Montauban.
Société des Etudes Historiques, à Paris.
SosT, capitaine en retraite, à Saint-Gaudens, ml.
Souques (Armand), avocat,à Saint-Gaudens, ml.
SouviLLE. officier supérieur de marine en retraite, à Aurignac.
SuARÉs d Alaceyda (de) au château de la Terrasse, à Saint-EIix
Terrade, architecte, à Saint-Gaudens, ml.
TouzET, curé-archlprétre, à Saint-Gaudens.
Trespaillé (Jean), avoué, à Saint-Gaudens, ml.
Valle, receveur buraliste, à Saleich.
Yerdibr, professeur au Petit-Séminaire de Garaison, ml.
ViDAiLHET, curé-doyen, à Boulogne-sur-Gesse.
Vicaires (les) de Saint-Gaudens.
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LES GlERRES DU XVIIP SIÈCLE
SUR LES FRONTIÈRES
DU C01VtM:iNGi^E:S
DU GOUSERANS ET DES QUATRE-VALLEES
II
GUERRE DE LA QUADRUPLE ALLIANCE
sous LA RÉGENCE DU DUC D'ORLBANS
1719-1720
SOMMAIRE
La Régence. — Causes de la guerre de 1719. — La triple et la qua-
druple alliance. — La conspiration de Gellamare. — Le cardinal
Alberoni. — L'abbé Dubois. — Rupture avec l'Espagne. — Mani-
feste approuvé par le conseil de régence. — La déclaration de
guerre mal accueillie dans le pays et dans l'armée. — Distribu-
tions d'argent. — Le maréchal de Berwick accepte le comman-
dement en chef. — Le duc de Liria, son fils. — Le prince de
Gonti mis à la tcte de la cavalerie. — La cour d'Espagne cher-
che à provoquer les désertions. — M. Le Blanc, secrétaire d'Etat
du département de la guerre. — 11 combine avec Berwick le
plan de la campagne. — Instructions envoyées aux intendants. —
M. Leclerc de Lesseville, intendant de la généralité d'Auch et
Béarn. — Formation d'un camp à Muret. — Berwick veut s'em-
parer de la vallée d'Arari. — Le marquis de Bonas, maréchal de
camp, choisi pour diriger l'expédition. — Sa bravoure. — Son
caractère. — Il étudie la situation du pays. — Essai de négocia-
Retue de Comminces, 1*' trimestre 1894. Tome IX. — 1.
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tions avec le baron de Lez, gouverneur de Gastelléon. — Mémoire
de M. de Conches sur la vallée d'Âran et les vallées frontières.
— Le marquis de Noé, sénéchal des Quatre-Vallées, charg:é
d'organiser et de commander les milices de ce pays. — Le châ-
teau de Tramesaîgues mis en état de défense. — Arrivée des
troupes du Languedoc et du Roussillon à Montrejeau. — Déser-
teurs exécutés à Saint-Gaudens. — Bonnes dispositions des
habitants du Comminges et du Couserans. — M. de Yallières,
maréchal de camp d'artillerie. — Il prépare à Montrejeau le
matériel pour le siège de Gastelléon. — Les frontières de la val-
lée d'Aure bien gardées. — Avertissement aux peuples de la
vallée d'Aran par le marquis de Bonas. — Il leur promet de les
bien traiter s'ils ne prennent par les armes contre lui. — Le
baron de Lez, gouverneur de Gastelléon, reçoit des renforts et
de Tartillerie. — Il fait couper les ponts, et combler d'arbres
abattus les chemins de la vallée. — Etat des régiments qui doi-
vent faire le siège de Gastelléon. — Les milices réservées pour
un service à l'intérieur. — M. de Bonas va camper à Gierp avec
ses troupes. — Les Miquelets menacent le Gouserans. ~ M. de
Gonches envoyé à Saint-Girons. — M. de Bonas se décide à pas-
ser on Espagne par Luchon. — Il va reconnaître le Portillon
et fait ouvrir un chemin. — 3,500 hommes employés à cette labo-
rieuse opération que les ingénieurs regardent comme impratica-
ble. — Malgré de grande difficultés, le passage des troupes effec-
tué. — Transport par la même voie de Tartillerie et des muni-
tions. — Gamp formé devant Gastelléon et blocus de la place. —
Gommunications rétablies avec la France par le Pont du Roi. —
Description des attaques. — Journal du siège par M. Dumaine^
brigadier des ingénieurs. — Gurieux et visiteurs qui vont voir
les opérations militaires. — Anciens officiers et gentilshommes
du Gomminges offrent leurs services, -r- L'archidiacre d'Aran
Piette en mission auprès de M. de Bonas. — Activité des subdé-
légués de M. de Lesseville. — Feu violent des pièces de siège et
des mortiers. — Reddition de la place de Gastelléon. — La gar-
nison prisonnière de guerre envoyée à Lectoure. — M. de Gham-
pier nommé gouverneur. — Lettres do Le Blanc à Bonas. r- Pro-
motions et récompenses. — M. do Bonas envoyé dans la Gonquo
de Tremps avec un corps d'armée. — Réserves à Montrejeau,
Luchon, Saint-Béat. — Les arquebusiers de montagne ou Mique-
lets français.— Leur indiscipline et mauvaise contenance devant
l'ennemi. — Se font battre. — Victoire de M. de Bonas à Mon-
sec. — La guerre transportée en Gatalogne. — M. de Bonas
prend ses quartiers d'hiver dans la Conque de Tremps. — Ghute
d'Alberoni. — Le prince Pio reprend Urgel. — Les Français se
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3
retirent dans le Roussillon. — La paix signée à Londres le 17
février 1720. — Satisfaction universelle que cause la fin de la
guei^re.
Tout a été dit sur la Régence, cette période d'agitation
bruyante et de désordre moral qui suivit la mort de
Louis XIV. La prodigieuse variété des événements s'y
complique d'un tel jeu de passions, qu'un intérêt sans
cesse en éveil s'attache à Fhistoire de ces années remplies
d'intrigues, de cabales, d'agiotages et de perturbations
financières. Ces crises intérieures, qui bouleversèrent les
fortunes privées sans rétablir celle de l'État, fournirent
aux ennemis du Régent des armes pour le combattre. Les
haines des partis, les ambitions déçues, les rivalités et les
excitations de toute sorte profitèrent du malaise général
pour former des trames et des complots. La plus célèbre
de ces conspirations, celle qui porte le nom du prince
de Cellamare son principal auteur, est trop connue pour
que nous jugions utile d'en rappeler ici l'origine et les
circonstances. Il nous sufïira d'indiquer les événements
politiques dont elle devint la cause ou le prétexte.
On sait que le mécontentement des princes légitimés,
privés par arrêt du Conseil de la qualité de princes du
sang et du droit d'hérédité au trône de France, servit de
point d'appui capital aux desseins ambitieux du cardinal
Alberoni '« le plus grand ministre de l'Espagne après le
i. Alberoni naquit en Italie, aux environs de Plaisance» en 1664. Une destinée extraor-
dinaire était réservée à ce fils d'un pauvre jardinier. Entré dans rÉglise après de longs
efforts, il vint en France, acquit les bonnes grâces du duc de Vendôme qu'il amusait par
ses saillies bouffonnes, et devint son secrétaire pendant la guerre d'Espagne. Il montra
les plus remarquables qualités dans toutes les affaires et négociations dont il fut charge.
Nommé ministre de Parme auprès de Philippe V, il lit épouser à ce prince Elisabeth
Farnése, fille du duc de Parme, et fort habilement renvoya la princesse des Ursins dont
Tinfluence à ta cour d'Espagne était illimitée. Dès lors, il régna seul sur le -roi et sur la
nouvelle reine. Ministre d'Etat, cardinal en 1717, il conçut le projet de rendre à la monar-
chie espagnole son ancien éclat. Son coup d'oeil embrassait tous les genres d'administra-
tion. Il mit les finances en ordre, et l'armée sur un pied formidable ; il dressa les règle-
ments les plus favorables à Tagriculture, aux arts, au commerce ; il établit des manufac-
tures et ranima l'industrie. Aussi profond politique et aussi tenace que Richelieu, aussi
adroit et aussi rusé que Mazarin, il manqua de mesure, et plus inconsidéré que ces deux
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cardinal Ximénès. Passionné pour sa patrie d'adoption,
cet homme d'État avait résolu de la délivrer de ses enne-
mis, et de lui rendre la puissance qu'elle avait perdue
depuis la paix des Pyrénées. Pour arriver à ces fins, il
voulut changer la face de l'Europe. 11 méditait de restaurer
les Stuarts en Angleterre , d'enlever à l'Autriche Naples
et la Sicile, et surtout il s'attachait à convaincre Philippe V
son maître qu'il devait revenir sur sa renonciation au
trône de France. Pour opposer une barrière aux préten-
tions du roi d'Espagne, le Régent se hâta de conclure la
triple alliance avec la Hollande et l'Angleterre directe-
ment menacées par les plans redoutables d'Alberoni.
L'adhésion de l'Autriche, en 1718, forma la quadruple
alliance. Les vues si vastes mais en même temps si chi-
mériques du premier ministre d'Espagne n'aboutirent
qu'à des revers. « Il avait voulu servir son maître comme
» Richelieu avait servi le sien, mais le temps, les lieux et
») le maître lui-même étaient bien différents ^ »
La conspiration de C.ellamare, très adroitement surveil-
lée et déjouée par l'abbé Dubois 2, excita dès la première
hommes d'Elat, il joua dans des entreprises follemcnl léméraires sa propre renommée et
la forlane renaissante de la patrie d*adoplioD à laquelle il s*ëlait consacré.
La conspiration de Cellamare amena la guerre de 1719. et la chîîie retentissante du
ministre qui n'avait rien négligé pour tramer des intrigues en France et provoquer la
révolle contre le gouvernement de la Régence. Disgracié tout à coup par Philippe V
(décembre 1719), Aibcroni quitta précipitamment TEspaguc au milieu de daugers sans
nombre, gagna Tltalie, et dîsparnt pendant quelques années au fond d'une retraite incon-
nue. Tel était Péclat de sa renommée, quMl obtint dix voix au Conclave de 1724.
Nommé légat de Bologne et de Ravenne, Alberoni. loin de uégliger une situation aussi
secondaire en comparaison du gnnd rôle qu'il avait joué en Europe, donna des preuves
d*une inTatigable activité, s'occupa très assiduement des affaires de sa légation, et se mon-
tra très habile administrateur jusqu'à sa mort, arrivée à Rome en 1762. Il avait 88 ans.
Cet homme, si merveilleusement doué du côté de l'esprit, était disgracié par la nature.
Court et gros, avec une tète énorme, un visage d'une longueur démesurée, il présentait
an premier abord un aspect grotesque et ridicule. Sa conversation étiocelante, son élo-
quence naturelle, ses manières courtoises le transfiguraient au point qu'on oubliait sa
laideur. Tout entier h son ambition et à sa passion pour les intrigues, il travaillait dix-
huit heureS'par jour, et ne faisait qu'un seul repas d*unc frugalité de cénobite.
En février 1735. Alberoni et Voltaire échangèrent quelques lettres. Il est curieux de
voir en quels termes élogieux le philosophe s'adresse an cardinal.
(Roass6t« Vie d^Alberoni, 1719. — Voir Duclos, Saint-Simon, etc.)
1. D'Argenson» Essais, p. 144.
2. Dubois, fils d*un apothicaire de Drive-la-Gaillarde, précepteur du Régent, con.«cil-
1er d'État, ministre, archevêque de Cambroi, cardinal, doué d'une intelligence flexible,
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heure un mouvement unanime d'indignation contre les
promoteurs de guerres civiles et contre le ministre étran-
ger qui troublaient audacieusement le royaume. Mais les
esprits se calmèrent quand on vit le Régent ne point
user de rigueur à Tégard de conspirateurs devenus sim-
plement justiciables du ridicule qui termine tout en
France. Le public se prit facilement à croire que les
conflits ne sortiraient pas des chancelleries, et que la
paix ne subirait aucune atteinte.
La guerre proposée au conseil de régence, et votée
le 10 janvier 1719, surprit la France et TEuropc. Les
Anglais qui l'avaient demandée craignirent môme que le
Régent n'eût pas l'intention d'agir sérieusement : le gou-
vernement britannique envoya lord Stanhope, l'un de
ses plus habiles ministres, à Tarmée française, pour as-
sister aux premières opérations de la campagne.
Afin d'éclairer la nation sur les causes de la rupture
avec l'Espagne, Dubois fit approuver par le conseil de
régence un manifeste dont la rédaction, confiée à Fonte-
nelle, se recommandait par une grande modération dans
les termes, ce qui n'empêche pas Saint-Simon de l'appe-
pénélrante» étendue, mais basse et corrompue» fit signer la triple alliance à la Haye, le 4
janvier 1717. — • Un peu d'esprit, beaucoup de débauche, de la souplesse, et surtout le
« goût de son maître pour la singularité, firent la prodigieuse Torlune de cet homme. ■
(Voltaire.)
I^ cynisme et les vices scandaleux de Dubois jettent le plus profond discrédit sur sa
vie d'homme d'Élat. Le grand acte de sa politique est le changement qu'il effectua dans
les relations extérieures de la France. Malgré les traditions diplomatiques. de Louw XIV,
malgré les princes, malgré Téloignement personnel du roi Georges pour le Régent, mal-
gré Âlberoni, il réussit à conclure le traité de la triple et plus tard de la quadruple
alliance, nouveau système international ayant pour base la sécurité de la France par les
puissances mêmes qui avaient été si longtemps ses implacables ennemies. Le négociateur
français, au prix de complaisances dont il payait ralliance du cabinet britannique, recon-
struisait les Pyrénées que Louis XIV pensait avoir supprimées.
On a toujours écrit que Dubois recevait une pension de 500,000 livres de l'Angleterre.
Un récent ouvrage de M. Viesener, s'éclairant, non plus seulement des récits des seuls
enuemis du Régent et de Dubois, mais des archives de Londres, a démontré l'inanité de
cette accusation.
Chez Dubois, Thommc privé fera toujours tort à Thomme public. On a dit aussi que
cet homme de bas étage, arrivé par de scandaleux moyens aux premières fonctions de
l'État, n'avait pu supporter sans une implacable jalousie qu'Alberoni, sorti de la même
poussière, jouât un aussi grand rôle en Europe. Le désir d'abullre ce rival supérieur
aurait été l'un des motifs déterminants de la triple alliance.
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1er « une pièce masquée, fardée, pitoyable jusqu'à mon-
» trer la corde, parce que nul art ne pouvait couvrir le
» fond ni produire rien de plausible ^ »
Les ennemis du gouvernement, à leur tour, répandi-
rent quatre pièces d'un caractère plus ou moins sédi-
tieux : un manifeste du roi d'Espagne adressé aux trois
États de France, une lettre de Philippe V au jeune roi,
une circulaire aux parlements, et une requête des trois
États de France à Philippe V, Le parlement de Paris se
contenta de supprimer par arrêt ces divers libelles.
Quatre années à peine venaient de s'écouler, depuis
que la guerre de succession avait pris fin. Le pays épuisé
ne demandait que la réparation des maux qu'elle avait
causés. La détresse était générale, la dette publique
énorme, les déficits en progression constante; l'agiotage
prenait des proportions effrénées et préparait de nou-
velles ruines. Les Français, qui n'avaient pas vu sans
une fierté légitime un prince de la maison de Bourbon
appelé à régner sur l'Espagne, manifestaient ouvertement
la surprise et les regrets que provoquait une guerre entre
les membres de la même famille. Dans l'armée, le mé-
contentement n'était pas moins vif. Il répugnait à de
loyaux officiers, la plupart comblés par Philippe V, de
porter les armes contre un souverain dont ils avaient
consolidé le trône au prix de leur sang.
Le Régent ne put méconnaître ce mouvement d'opinion,
lorsqu'il dut choisir les officiers généraux chargés de
prendre part à l'expédition^. Plusieurs se récusèrent,
entr'autres d'Asfeldt, lieutenant-général, qui devint plus
tard maréchal de France*. « Monseigneur, dit-il au duc
1. Voltaire préteod à tort que La Molle Hoodard.de l*Acadëinie française, avait composé
le manifeste qoi ne fat signé par personne. (Siècle de Louit X\\ éd. de Kehl, p. 8.)
2. Celle liste comprenait : dix lieateoanls-généranx, dix-nraf maréchaux de camp,
vingt-trois brigadiers d'infanterie, onxe brigadiers de cavalerie, trois brigadiers de
dragons. (Archives historiqaes da Ministère de la guerre, vol. 2. 560.)
3. Asfeldl (Clande-Françoi* Didal d*) chevalier, puis marqnis, né en 1667. mort en
1743. lientenant-général en 1704. maréchal de France en 1734. (Pinard. Chronologie miU-
Uiire.J
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7
» d'Orléans, je suis Français, je vous dois tout, et je
» n'attends rien que de vous. » Puis, lui montrant sa toi-
son : ce Que voulez-vous que je fasse de cecy que je tiens
» du roi d'Espagne? Dispensez-moi de servir contre un
» de mes bienfaiteurs. »
Il paraphrasa si bien sa répugnance, suivant Saint-
Simon, que le Régent se laissa convaincre, et ne lui
donna qu'une mission sédentaire à Bordeaux. D'Asfeldt
ne sortit pas de cette ville pendant toute la durée de la
guerre.
On fît comprendre au maréchal de Villars le prix qu'on
attacherait à son acceptation du commandement général
de l'armée. On ne put rien obtenir. Le Régent se retourna
vers Berwick qui se montra plus accommodant.
cr Sa Majesté, lui dit-il, vous donne le commandement
» de son armée contre l'Espagne. Vous allez perdre ap-
» paremment la pension de cent mille livres que vous
» donne Sa Majesté Catholique, mais le roi vous indemni-
» sera. » — « Monseigneur, répondit le maréchal, je ferai
» toujours le cas que je dois des marques de confîance
» que Sa Majesté voudra bîen me donner. J'obéirai à ses
» ordres. Si je perds cette pension de cent mille livres,
» je serai moins sensible à cette perte qu'à la gloire qui
» me revient, lorsque je peux donner des preuves de
» mon zèle pour le service du roi et^pour l'utilité du
» royaume*. »
Quarante mille hommes devaient être réunis sous les
ordres de Berwick^. Le maréchal se rendit à Bayonne,
point de ralliement du premier corps d'armée. Dès son
arrivée, il apprit que le duc de Liria, son fils, avait été
1. Mémairet de Berwick, t. ii, p. 318.
2. Jacques Fitz-James, duc de Berwick, maréchal de France, fils naturel de Jacques II
et d*ArabeIIa Churchill, sœur de Marlborough, né en 1660, tué d'un boulet de canon,
en 1734, au siège de Philippsbourg.
Naturalisé Français en 1703, il acquit une grande renommée par ses talents militaires.
Il était Troid, méthodique, prudent, bon laclicien, et savait au besoin agir avec prompti-
iode. Il remporta de grands succès en Espagne pendant la guerre de succession, gagna la
célèbre bataille d*Almanza, et prit Barcelone après Tun des plus terribles sièges dont This-
toire fasse mention.
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8
pourvu d'un commandement dans les troupes espagnoles.
Il lui écrivit de rester à son poste et de faire loyalement
son devoir. Celuî-ci répondit qu'il saurait en toute occa-
sion accorder ses obligations envers son père, et envers
le souverain qui avait reçu son serment de fidélité. Cer-
tains virent une sorte d'héroïsme dans cette conduite.
D'autres se bornèrent à la trouver simplement habile
et conforme aux traditions que les deux Berwick em-
pruntaient à leur pays d'origine. Hume, l'historien des
Stuarts, ne dit-il pas en effet que chez les Écossais le
père et le fils embrassent des partis contraires, afin que
l'un d'eux, quel que soit l'événement, puisse sauver les
biens ou la tcte du vaincu ?
Berwick renvoya sa toison d'or à Philippe V qui ne
lui pardonna jamais, dit Saint-Simon.
Pour triompher des hésitations ou des répugnances, le
Régent fit une large distribution d'actions de la banque
du Mississipi aux officiers de tous grades envoyés contre
l'Espagne. , On répandit l'argent à pleines mains. Les
troupes en marche vers les Pyrénées reçurent plusieurs
mois de solde d'avance. On voulut qu'un prince du sang
donnât par sa présence de l'éclat à cette campagne. Le
prince de Conti se laissa nommer commandant de la ca-
valerie S et n'embarrassa l'armée que de son rang, de
son inexpérience et de ses querelles avec Berwick.
D'après Saint-Simon, il reçut 150,000 livres, beaucoup
de vaisselle, se fit i)ayer des équipages magnifiques,
même jusqu'à ses frais de poste, et ce fut, dit Duclos,
tout ce qu'il retira de la gloire de sa campagne !
Alberoni avait fait savoir par ses agents secrets que la
couronne d'Espagne prendrait à sa solde un corps de
dix mille Français. Les trois fleurs de lis étaient déjà
y*
\. Conli (Louis-Arnifliid de Bourbon prince de), né en 1693, mort en 1727, membre dn
conseil de régence, gonvernenr du Poitou, etc. 11 joua dans diverses cireonstani-os un
ri\!e singulier et sévèrement jupe pnr ses conlemporains. H n'avait pas hérilé de respiii,
a<' )a voleur et des qualités séduisantes qui avaient Tait de son père t ridole de la rour,
■ du peuple et de l'aroiée, le héros des oniciers, l'espérance de ce qu'il y avait de plus
distingué. > (Saint-Simon.)
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9
peintes pur tous les drapeaux de Tarmco espagnole.
Philippe V crut que de nombreuses désertions allaient
lui livrer des oflîciers qui désapprouvaient hautement
la guerre, et des soldats attires par Tappât d'une plus
forte paie*. L'exemple et la sévérité do Borwick contin-
rent les mécontents, les largesses du Régent gagnèrent les
indécis, le sentiment de Thonneur et la discipline préva-
lurent, et le roi d'Espagne fut interdit de ne voir venir
à lui que des déserteurs de la plus vile espèce, et en
nombre très restreint.
Déjà très critiquée à Paris, la guerre était encore plus
impopulaire dans les provinces, surtout dans les pays
qui confinaient à l'Espagne. Les protestations se mani-
festaient fort librement par des écrits et même par des
actes. Les États du Languedoc refusèrent la levée des
milices par une délibération prise à Tunaniraité. Redou-
tant les conséquences de cette décision, le gouvernement
ne voulut pas user de contrainte. Il dispensa la province
de cette charge, moyennent une contribution de cent
soixante-cinq mille livres^.
Les impressions ne furent pas moins défavorables sur
la ligne de nos frontières, dans le Comminges et dans
les contrées voisines. Les habitants des deux royaumes
avaient repris leurs vieilles relations, tristement inter-
rompues pendant quinze années de 1700 à 1715; ils
jouissaient à peine des premiers bienfaits d'une paix qu'on
leur avait garantie durable et solide. La nouvelle d'une
prise d'armes agita singulièrement tous les esprits, et
raviva les souvenirs des calamités souffertes durant la
guerre de succession. Tous les états éprouvaient des
craintes: la noblesse, très appauvrie, ne prévoyait qu'un
accroissement de gêne; les négociants et les industriels.
1. La cour d'Espaj^'iic complait d'aiiUinl plus sur les «hiserliiuis quVlics se proiluisnieiit,
depuis quelques années, avec une persislancc qui ne dimiuuail pas maigre les filus sévères
répressions. Depuis le 16 juillet 1716 jusqu'au ;)0 novembre 1717, on avait p/)mplé 11,491)
dt'scrleurs dont 388 avaient été c\éculé<. (Lemontey, Ilisloire de la Rétjence,)
2. Dota Vaisselle, Histoire de Languedoc. »
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10
privés de la facilité des communications et de la liberté
des échanges, allaient être forcément lésés dans leur
commerce; le peuple savait que la levée des milices*
causerait les plus graves dommages aux travaux des
champs. Il s'attendait aux taxes inévitables, à l'aggrava-
tion de sa misère. On se disait que le traité des Lies et
Passeries ne manquerait pas d'être mis à néant. Nos
vallées reverraient les Miquelets de Philippe V, non moins
farouches et redoutables que ceux de l'archiduc. Des
pillages, des incendies, comme celui de Luchon de sinis-
tre mémoire, désoleraient le pays ! Au moins, lors de la
précédente guerre, on comptait des alliés nombreux en
Espagne. On se battait pour maintenir sur le trône de
Charles-Quint un prince de la maison de France! Ici
rien de semblable: c'était une lutte de peuple à peuple,
entre les membres d'une même famille royale, sans motifs
plausibles, ou du moins compris par la foule, n'intéressant
ni la dignité ni la sécurité du royaume, à ce titre ne
pouvant ni passionner les honnêtes gens,\îi justifier les
sacrifices. On aflichait dans les paroisses des placards
injurieux pour le Régent. On invitait les hommes de la
milice à la révolte. On répandait de faux bruits : l'armée
ne marcherait pas ; les désertions seraient innombrables.
Le gouvernement capitulerait devant la nation soulevée
tout entière contre lui. Les hostilités à peine commencées
ne dureraient pas plus de quinze jours en présence de la
réprobation universelle, et de cette guerre néfaste con-
damnée à Tavance, il ne resterait, pour les hommes qui
l'auraient provoquée malgré le pays, que le remords de
l'avoir déclarée et le déshonneur de n'avoir pas osé l'en-
treprendre.
Dans la pensée intime du gouvernement de la Régence,
en cela d'accord avec le sentiment public, la guerre inau-
gurée avec un grand appareil militaire ne nécessiterait
pas remploi de forces considérables. L'Espagne ne pos-
sédait pas des moyens de résistance suflisants. De plus,
les agents du pouvoir ne cessaient de proclamer que
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Tunique but de ces armements formidables était le ren-
versement du ministre qui mettait le feu à FEurope.
Âlberoni disparu, la paix serait signée le lendemain de
cette délivrance. Insensiblement, les oppositions s'apai-
sèrent. Dès que nos drapeaux furent déployés, le patrio-
tisme reprit son empire. De toutes parts le même espoir
se fit jour: obtenir de prompts succès, autant pour garder
inviolable l'honneur de nos armes que pour hâter un
dénouement pacifique dans l'intérêt des deux nations.
Depuis le 24 septembre 1718, Claude Le BJanc * remplis-
sait les fonctions de secrétaire d'État du département de
la Guerre. Saint-Simon, qui se vante d'avoir pris une
part importante à la nomination de ce ministre, le peint en
trois mots : <r II était, dit-il, plein d'esprit, de capacité,
d'expédients. » D'accord avec Berwick, Le Blanc arrêta
les grandes lignes du plan de campagne. Le premier
effort devait se porter sur la Navarre. On mettrait le
siège devant Pontarabie, et l'on s'emparerait des pro-
vinces Basques. Entre Toulouse et les Pyrénées cen-
trales, un camp réunirait des troupes destinées à surveiller
nos frontières depuis les limites du Roussillon jusqu'au
Béarn. De forts détachements seraient prêts à secourir les
points les plus menacés du comté de Foix, du Couserans,
1. Claade Le Blanc, flls de Louis Le Blanc, intendant de Normandie, né le 1" décem-
bre 1669. Sa mère était la sceur du maréchal de Bezons.
Conseiller au parlement de Metz, maître des requêtes, intendant d*Auvergne en 1704,
de Dunkerque et d^Ypres en 1706, membre du conseil de la guerre en 1716.
Le Régent, qui Testimait fort, rétablit pour lui les fonctions de secrétaire d'Etat de la
guerre, supprimées à la mort de Louis XIV.
Duclos le peint comme un ministre consommé, actif, plein d'expédients, aimé des trou-
pes, estimé du public, ferme sans hauteur.
On doit à Le Blanc d'utiles ordonnances, notamment celle du 15 mars 1720 portant
réorganisation de la maréchaussée dans tout le royaume, les règlements sur le service de
Tartillerie et sur Thabillement des troupes, etc., etc.
Il fut nommé en 1719 grand-croix de Saint-Louis et grand-prèfôl de Tordre.
Disgracié en 1723, il fut mis à la Bastille sous Tinculpation d'avoir puisé des fonds
dans la caisse du trésorier extraordinaire de la guerre La Jonchére qui avait fait banque-
route.
Traduit devant le parlement, il obtint un arrêt d'acquittement. Rappelé aux fonctions
de secrétaire d'État do la guerre, il les conserva jusqu'à sa mort, arrivée à Versailles le
19 mai 1728.
Le Blanc eut deux frères engagés dans les Ordres, qui devinrent évêques d'Avranches et
de Sarlat.
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du Comminges, des Quatre -Vallées et du comté do
Bigorre. Un troisième corps d'armée envahirait la Catalo-
gne par le Roussillon. A la tête de cinquante escadrons de
cavalerie, le prince de Conti suivrait la ligne des Pyrénées
françaises, maintiendrait les communications et prêterait
main-forte aux corps qui se trouveraient plus ou moins
engagés. Les milices provinciales, employées à Tintérieur
pour des services d'ordre et de police, sauf dans les cas
d'extrême urgence, ne marcheraient pas avec les troupes
réglées. Dans les circonstances présentes, on se méfiait
de l'esprit frondeur et de l'indiscipline de ces auxiliaires,
dont les dernières expériences avaient révélé plus d'une
fois le manque de cohésion et de solidité. Recommanda-
tion était faite aux chefs de corps de traiter au début les
Espagnols avec les plus grands ménagements, de recou-
rir aux voies conciliantes, et de représenter les Français
non comme des ennemis mais comme des libérateurs.
Le 10 janvier 1719, M. Le Blanc transmet à tous les
intendants un mémoire fait pour le public et qui l'informe
de tous les efforts tentés par le Régent afin d'éviter la
guerre avec l'Espagne. Ce manifeste sera communiqué
aux troupes.
Ce même jour, il donne à M. Leclerc de Lesseville S
intendant de la généralité d'Auch et Pau, des instruc-
1. Leclerc de Lcssevillc, irUeudaut de Limoges, successeur de M. Le Gendre dans la
géncralilé d'AucIt et de Pau, garda sa place peudanl treize ans. 11 choisit Pau pour sa
résidence.
Administrateur instruit, éclairé, traitant les ail'aires avec beaucoup d'ordre, de mesure
cl de prudence.
Le 30 août 1719, le mnréilinl de Berwick, devint traverser la ville de Pau avec sonclat-
major, annonça qu'il logerait chez rinteudant. M. de Lesseville reçut avec empressement
cet bote illustre et voulut loger It-s ofliciers chez les conseillers au parlement. I^ cour
se retrancha sur son privilège d'exemption du logement des gens de guerre. Après nn
échange de pourparlers, on Huit par transiger. — Le parlement déclara qu'il dresserait la
liste de ceux de ses memhres qui devraient donner Thospitiiiité aux ofliciers de la suite du
maréchal. Il était temps que l'afTairc s'arrangeât, car ceux-ci commerM^ient à enfoncer les
portes des maisons qui leur avaient élc désignées ci à traiter MM. du fiarlcment comme
des gens chez lesquels on prend la place d'ussaut. (!el iuriilenl lit iienucuu|i dr hrnil, nuiis
n'eut pas de suites fâcheuses pour M. de Lesse\ille.
Ce dernier passa les derniers mois de son administration à Paris.
Hardoin de Chàlons, évéque de Lescor. écrivant le il janvier 1731 a l'abbé Tristan.
curé de Gan, lui disait :
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43
tions particulières concernant les peuples des vallées ,
frontières d'Espagne, qu'il serait très utile de gagner
d'avance par d'adroites promesses et d'amicales assu-
rances. « Exercez, ajoute-t-il, une surveillance active sur
» le pays des Quatre- Vallées qu'on m'a dépeint comme
» ayant de l'inclination pour l'Espagne*. »
Le 16 janvier, le maréchal de Berwick écrit do Bor-
deaux au Régent qu'il rassemble les différents corps do
l'armée à Bayonne et dans le centre des Pyrénées. Deux
bataillons d'infanterie sont déjà partis pour tenir garni-
son à Saint-Béat et à Saint-Bertrand ^. Par le même cour-
rier, il explique à Le Blanc de quelle façon il échelonne
les troupes destinées à marcher sur les frontières de la
généralité d'Auch. Les Quatre- Vallées se garderont elles-
mêmes. Le marquis de Noé, sénéchal du pays, a reçu
l'ordre d'organiser les milices et d'en prendre le com-
mandement. On peut avoir confiance dans les compagnies
des vallées d'Aure et de Louron, composées d'hommes
résolus et de bonne volonté». « Pour ce qui est de la
» vallée d'Aran, ajoute le maréchal, et de Castelléon dont
» il importe de s'emparer à bref délai, le marquis de
» Bonas doit nous proposer les moyens de nous en ren-
» dre maîtres. Il y a envoyé des amis pour reconnaître
» la place. Le reste du pays est bien assuré jusqu'en
» Roussillon par la quantité de neige qui y est tombée.
> Je soupais hier au soir avec M. de Lessoville voire iotendanl. ^'ous étions trop de
* monde pour parler en liberté. Il me parla du caractère des gens du pays, mais avec
> beaucoup de circonspection. >
M. de Lesseville fut remplacé par M. de Pomereu. (Raymond, Notice sur la Intendants
de héarn, Paris, Dupont, 1665.)
1. Archives historiques du Ministère de la guerre : guerre d*£spagne de 1719, R. 2.560.
2. Archh'es historiques du Ministère de la guerre, R. 5.560.
3. En 1475, Louis Xr voulant reconnaître la Udélité des habitants des Quatre- Vallées,
leur accorda la continuation des privilèges dont les comtes d'Armagnac leur avaient
octroyé la concession. II les alTranchit de tous péages, droits, impositions ordinaires et
extraordinaires, à la réserve de la solde des gens de guerre. Seulement il n'ajouta pas
l'obligation de loger ces derniers, attendu que les habitants devaient payer une somme
annuelle de 941 livres et scanner tous eux-mêmes pour défendre le pays à leurs dépens en
cas de péril pressant et d'incursion étrangère, ce qu'ils avaient toujours fait avec honneur
et fidélilé. (Enquête du 2 janvier 1601, par devant Dominique Dnfour, juge des Raronnies.
— Ex nostris A, CGC. ir 47.)
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u
» Le mois prochain, je répandrai de l'infanterie le long
» de la frontière. M. de Fimarcon, commandant en Rous-
» sillon, demande la formation de quatre bataillons de
» Miquelets ou fusiliers de montagnes à douze compa-
» gnies de trente hommes '. »
Antoine de Pardaillan de Gondrin, marquis de Bonas,
créé maréchal de camp au commencement de Tannée
1719, avait rendu les plus brillants services en Espagne
pendant la guerre de succession, en qualité de brigadier
de cavalerie. Habile au maniement du cheval et de Tépée,
très alerte et très vigoureux aux attaques, joignant à
Taudace le coup d'œil et la décision, il possédait le don
du commandement et il savait inspirer confiance aux
soldats. Un seul trait suffit à le peindre.
Le 3 février 1711, devant Girone, il conduisait une
charge contre des Miquelets. Au plus fort de la mêlée
grièvement blessé d'un coup de feu, il refusa de se faire
penser, et, restant pendant trois heures à cheval à la tète
de son régiment, il se battit avec un courage héroïque.
Quand il eut mis les Miquelets en fuite, épuisé par la
perte de son sang, n'ayant plus qu'un souffle de vie, le
vaillant oflicier faillit mourir sur le champ de bataille.
Sa guérison fut un miracle. En racontant cette action
d'éclat à M. Voysin, alors secrétaire d'État de la guerre,
M. de Noailles, commandant de l'armée de Catalogne,
avait eu raison de dire : M. de Bonas est <c Tun des meil-
leure sujets des troupes du Roi». »
A cette vaillance devant l'ennemi, le marquis ajoutait
des façons très nobles, un caractère droit et loyal, un
esprit d'une rare souplesse et fertile en ressources, le
tact et le discernement nécessaires pour manier les hom-
mes et pour surmonter les difficultés, toutes choses qui
sentaient le gentilhomme de vieille race, et le Gascon
de la bonne marque. Parlant à merveille la langue espa-
i. Archives hisloriques du Ministère de la guerre: guerre d'Espagne de 1719, R. 2. 560.
2. LcUre de M. de Noailles à Voysin, 4 février 17M« du camp de Girone. (Archives his-
toriques du Ministère de la guerre, vol. 2. 330, p. 64.]
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45
gnoIe, connaissant à fond les populations des vallées
frontières, très estimé dans le comté de Comminges où il
comptait des parents et des amis, Bonas avait toutes les
qualités requises pour vaincre des adversaires, soit par
Tadresse des négociations, soit par la force des armes.
Pour Texécution de ses plans relatifs à Castelléon et à la
vallée d'Aran*, Berwick ne pouvait choisir un chef plus
habile et plus brave.
Il importait de s'assurer discrètement des véritables
dispositions des Aranais. Se lèveraient-ils en masse con-
tre Tinvasion française, ou laisseraient-ils le champ libre
aux opérations militaires des deux partis sans y prendre
part? Les informations variaient sur ce point. La vallée,
disait-on, gardait un profond ressentiment des charges et
des amendes dont elle avait été accablée après le sac de
Luchon en 1711. Sous Tempire de ces souvenirs et de ces
rancunes, une prise d'armes générale était à craindre.
D'après d'autres renseignements, la grande majorité des
habitants, qui tenaient pour le parti de l'archiduc pendant
la guerre de succession, n'ayant accepté Philippe V que
par la force des circonstances, observerait une sorte de
neutralité. M. de Bonas n'omit point dans ses courses de
visiter l'évêque de Comminges, et de solliciter l'appui de
la légitime influence du prélat 2 sur ses diocésains d'Espa-
1. Le marquis de Bonas fat nommé lientenant-géuëral en 1734, et gi'i^d-croix de Tor-
dre de Saint-Loais en 1735. Il mourut le 6 avril 1651. (Pinard, Chronologie milUaire.)
Ces détails particuliers sur M. de Bonas sont extraits de nos Archives, lettres, corres-
pondances, etc.
2. l/cvêqne de Comminges était Gabriel-Olivier de Lubiére du Bouchet, natif de Saint-
Poorçain en Auvergue, mort en 1740 au château d*Alan. Les qualités dominantes de
ce prélat paraisseni avoir été la vigilance et la fermeté.
Malgré sa réunion à TEspagne, la vallée d*Aran était restée, depuis l'an 1192, sous la
juridiction de Tévéque de Conminges, dont l'autorité se trouvait limitée par un concordat
établi entre lui et les rois d*Espagne.
Un dignitaire du chapitre de Comminges avait le titre d*archidiacre d'Ara n et Barousse.
La vallée comprenait deux arcbiprélrés : Lez et Cessa.
L*Évéque était représenté par un proviseur indigène du pays, en même temps que par
Tarchidiacre capilulaire. En vertu des attributions et pouvoirs de ce proviseur, appel de
ses sentences pouvait être fait au métropolitain d'Auch, sans passer par la juridiction de
l'évéqac.
Les Aranais qui se destinaient & Télat ecclésiastique faisaient leurs études au Séminaire
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46
gne. Celui-ci répondit que la matière était fort délicate,
que son autorité touchait exclusivement au spirituel et ne
se mêlait point de politique. Néanmoins, il tenterait quel-
ques -démarches avec une prudente réserve, mais il
recommanda surtout au marquis de traiter les Aranais
avec une grande modération et de leur inspirer confiance
dès rentrée en campagne. Le respect absolu des person-
nes et des biens, la répression sévère dos moindres
vexations seraient plus efficaces que toutes les exhorta-
tions. M. de Bonas promit d'agir conformément à ces
sages conseils, et tint parole.
Dans le courant de janvier 1719, M. de Couches, officier
des ingénieurs du roi, est envoyé à Saint-Gaudens avec
la mission spéciale d'étudier la situation des frontières.
Le mois suivant, il envoie à M. Le Blanc un mémoire
dont voici le résumé :
c< Les Espagnols n'ont point de troupes sur les fron-
» tières. Dans la Conque de Tremps il n'y a guère que
j) cinquante hommes de pied et cinquante chevaux, mais
* on commence à lever des Miquelets.
» En temps de guerre, la vallée d'Aran prend une im-
» portanco capitale. Ce pays ne renferme pas moins de
» trente-cinq villages gouvernés par deux cent cinquante
» prêtres. En ce moment, Alberoni Tinonde de ses libol-
» les. C'est le refuge habituel de tous les déserteurs qui
» viennent de France.
» On recrute dans la vallée d'Aran des volontaires
» intrépides. Les agents d' Alberoni cherchent à soule-
» ver cette population, mais sans succès jusqu'à présent.
» Au milieu de la vallée, entre le château de Castel-
yy léon et le chemin qui mène au Portillon, s'étend une
» petite plaine où les Espagnols pourraient asseoir un
» camp dans les conditions les plus favorables. Ils
iliocésain de Comminges établi à Saint-Gaadens, et recevaient les ordres sacrés en France
avant de revenir dans leur pays.
En 1719, onze élèves de la vallée d'Aran figurent sur le registre du Séminaire de Sainl-
(;audens. fExnoiiris A : Registre du Séminaire de 1702 à 1762.)
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47
» seraient à bonne portée pour faire même des courses
» en France par le Pont du Roi et la vallée de Saint-Béat.
» Comme on Ta toujours reconnu lors des guerres pré-
» cédentes, pour obvier à ces dangers, il n'y a pas de
» meilleur et de plus sûr expédient que de prendre Cas-
» telléon.
» La forteresse a été remise en bon état : les murs ont
» quatre à cinq pieds d'épaisseur, les courtines cinq à
» six, et trois toises et demie de hauteur. Le gouverneur
» est un jeune gentilhomme, le seul de la vallée, le baron
» de Lèzi, marié à une demoiselle de Belbèze d'une mai-
» son noble du Comminges. Il est inexpérimenté, mais très
» brave, et fidèle serviteur de Sa Majesté Catholique. Il
» n'a que deux pièces de canon et un fauconneau, mais il
» attend six pièces nouvelles de fort calibre. La garnison
» se compose de quarante soldats et de quelques canon-
» niers mal payés. Le gouverneur a demandé deux cents
» hommes qu'il peut loger à l'aise. Il répare à force les
» remparts, et se prépare à soutenir un siège.
» Il ne faut pas lui laisser le temps de terminer ces tra-
» vaux et de recevoir des secours.
A Le château est construit sur le roc. On doit l'attaquer
j> par Las Bordes avec de grosses pièces de siège et des
» mortiers pour aller plus vite en besogne. Les rochers
» serviront d'épaulements naturels. En quelques jours,
i> les opérations, vigoureusement conduites par un ingé-
» nieur et par un commissaire d'artillerie qui auraient plus
» de courage et d'industrie que d'art et de science, ouvri-
» raient une brèche, et l'on donnerait l'assaut. Trois ou
» quatre solides bataillons avec de fortes réserves à Saint-
» Béat suffiraient à terminer promptement cette campa-
» gne.
» Castelléon en nos mains, nouB possédons la clef de
1» l'Espagne : il sera très essentiel d'assurer la libre cir-
» culation des troupes et de garder tous les ports et pas-
1. Ce goayernenr avait été nommé par Philippe V, apréa la priae de Gaatelléco, en
1711, imr lea troupes de rarchidoc.
RtTVi M Conracou, !•' trimestre 1894. Tokb IX. — 2.
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48
» sages. Cinq bataillons et un régiment de dragons y
» seront employés, savoir: un au port de la Picade ; on se
» rappelle qu'après avoir pris Vénasque, M. d'Arpajon
» fit passer trois mille hommes par cet endroit pour
» venir attaquer Castelléon. Un bataillon suffit pour le
» port de Biella. Deux bataillons sont indispensables
» pour le port de Paillas qui mène à la Conque de
» Tremps ; par ce passage d*un accès plus facile, le
>y comte de Taff descendit avec ses troupes et les Mique-
» lets de Tarchiduc pour aller surprendre et brûler
» Bagnères-de-Luchon. On doit se mettre en état d'évi-
» ter le retour d'une aussi déplorable aventure.
» En une nuit, on va de Saint-Béat au pied de Castel-
» léon. Le château, pour ne pas résister longtemps, doit
» être isolé de toute communication avec TEspagne. On
» peut faire passer des troupes venant dû Couserans par
a Mongarry, Salardu, Vielle. Une colonne tournant le
» port de la Picade arriverait en peu de temps à Aubert
» par le vallon d'Artigue-Telline.
D Le bruit court que les peuples de la vallée d'Aran
» seraient favorablement disposés pour la France, mais
»> cela mérite vérification. La prise de Castelléon produi-
» rait un grand effet moral, et donnerait toute sécurité
» contre les tentatives des Espagnols sur nos frontières. ' »
A la fin du mois de février, le marquis de Bonas pro-
pose au maréchal de Berwick de nouer des intrigues, et
d'ouvrir des intelligences, pour s'emparer de Castelléon
sans tirer un coup de canon. Il ira secrètement sur place
combiner le plan d'une surprise ou d'un coup de main
qu'on exécuterait de nuit avec une centaine d'hommes
éprouvés et résolus. Seulement il faudrait agir dans le
mystère, à l'improviste, et surtout ne pas attendre Tarri-
vée des renforts promis au gouverneur ».
Autorisé par Berwick, M. de Bonas revint sur la
1. Archives historiques du Ministère de la guerre, R. 2. 560.
2. Archives historiques du Ministère de la guerre, R. 3. 560.
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49
frontière et fit adresser quelques propositions au baron
de Lèz. Celui-ci ne voulut rien entendre. Il demeura d'au-
tant plus inébranlable dans son dévouement à Philippe V,
que ce prince l'avait comblé de grâces particulières et de
précieux témoignages de confiance.
ff II nous faut donc prendre Castelléon par force, écrit
» Berwick à Le Blanc, le 8 mars. Je fais envoyer, par
» les soins de M. de Jaunay, l'artillerie et le matériel de
» siège, de Bordeaux à Toulouse par la Garonne. Le
» château n'ayant pas de souterrains, on expédiera des
» mortiers dont l'effet sera très puissant». »
Le 27 mars, le maréchal transmet au ministre un état
de propositions dressé par le marquis de Noë, sénéchal
des Quatre- Vallées, et par le syndic du même pays, pour
mettre à l'abri d'une surprise le château de Tramesaï-
gues, et pour achever les travaux les plus pressants que
réclamait la réparation de cette vieille forteresse 2. »
Les troupes en marche depuis deux mois affluaient
déjà dans la généralité d'Auch, se dirigeant vers les
Pyrénées. Berwick désigna Muret comme point de con-
centration. Un camp y fut rapidement établi. Les milices
n'étaient convoquées qu'avec une lenteur calculée. Comme
nous avons eu déjà l'occasion de le dire, on paraissait
craindre qu'elles ne fissent preuve de mollesse et d'indis-
cipline vu leur éloignement bien démontré pour cette
guerre qui déplaisait au pays, et d'ailleurs, en d'autres
temps, elles avaient causé souvent plus d'embarras qu'el-
les n'avaient apporté de secoure. M. de Lesseville prévint
les consuls de toutes les communautés de son gouverne-
ment que cette fois la sécurité de la province et des pays
voisins serait efficacement garantie par la présence et
par l'action de troupes régulières. Elles camperaient à
demeure sur les limites de France et d'Espagne, tandis
que les dépôts des régiments et les réserves occuperaient
les anciens casernements encore en état de Saint-Gau-
1. ArchWes da Ministère de la guerre: guerre d'Espagne de 1719, R. 2. 566.
2. Idem.
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20
densy Saint-Girons, Montrejeau. Huit bataillons devaient
s'installer dans cette dernière ville, à laquelle on attribuait
la principale importance au point de vue stratégique. On
y créait un dépôt de poudres et de munitions, un hôpital
militaire; des magasins d'objets de ravitaillement, blés,
farines, fourrages, chaussures, équipements de toute
sorle. Des chevaux et des mulets s'y trouvaient déjà réu-
nis en nombre considérable pour le service des transports
et des convois. Hors de la ville, auprès de la caserne de
la maréchaussée, les ingénieurs traçaient l'enceinte d'un
parc d'artillerie, et préparaient des logements à poste fixe
pour deux escadrons de cavalerie chargés de la trans-
mission des messages et dépêches, ainsi que de la pour-
suite des déserteurs et autres mesures de police.
Le 7 avril, Philippe V avait fait paraître un nouveau
manifeste, dans lequel il prenait le titre de Régent de
France et engageait les Français à se mettre de son
côté'. Cette pièce, répandue à profusion, ne produisit
aucun effet. Cependant l'esprit des premières troupes
arrivées aux frontières se ressentait des oppositions
qu'avait suscitées la déclaration de guerre, et l'on signala
quelques désertions. La répression ne se fît pas atten-
dre. M. de Lesseville écrivit, le 8 avril, à M. Le Blanc
que neuf déserteurs avaient été. condamnés à mort à
Saint-Gaudens ?.
On s'inquiéta de ces événements ailleurs que dans la
province. Nous lisons, dans le Journal de la Régence de
Buvat, à la date de la fin de mars 1719 :
« Le bruit courut à Paris qu'il y avait, sur les frontîè-
» res d'Espagne, une grande désertion parmi les troupes
» de France que les Espagnols attiraient sous l'appât
» d'une plus forte paye ». »
Le 15 avril, M. Le Blanc apprenait avec satisfaction que
les exemples de prompte justice avaient porté leurs
1 . Mémoires d:Espagne, pir le mirerais de Saiot-Philippe. Amsurdam, 1756, t. m.
2. Archives historiques do Ministère de la guerre, R. 2. 560.
3. Bavât, Journal de la Régence, t. ii.
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fruits. Les désertions avaient cessé, le moral des troupes
devenait excellent, la discipline reprenait tous ses droits.
La noblesse et le peuple du Comminges montraient le
plus louable empressement. On offrait des fournitures
sans qu'il fût nécessaire de recourir aux réquisitions. Les
habitants apportaient au premier appel leurs grains, den-
rées, fourrages dans les magasins de F Etat. Ils se prê-
taient de bonne grâce à tout ce qui leur était commandé
pour le bien du service. Les gentilshommes sollicitaient
des emplois dont ils s'acquittaient avec autant de désin-
téressement que de zèle ^
Le 17 avril, Berwick, qui n'avait pas encore quitté
Bordeaux, mandait à Le Blanc :
« Au lieu de fayre marcher le régiment de Tourayne à
» Carcassonne, je le fays aller à Muret aBn d'estre à
» portée du siège de Castelléon, s'il en estoyt besoin,
» quoique selon les apparences cette dernière entreprise
» sera finie dans les premiers jours de may au plus tard.
» Quand nous l'aurons pris, je le feray miner, mais
» comme ce château est l'unique qu'il y ait dans une
» grande étendue de frontières, il est bon de le conserver
» pendant la guerre.
» Tous les officiers devront estre rendus le 10 may à
» Muret, à commencer par le prince de Conti. J'y seray
» moi-même.
» Â Muret camperont aussi les troupes des généralités
» de Bordeaux et d'Âuch qui doivent aller en Roussil-
» lon^ »
M. de Vallières^ maréchal de camp d'artillerie, écrit
le 19 avril de Castelnaudary à Berwick :
« Je croyoys qu'un lieutenant-général seroyt chargé du
j» siège de Castelléon.
1. Archives historiques da Ministère de la gnerre : guerre de 1719, R. 2. 560.
2. Archives dn Ministère de U guerre, R. 2. 560.
3. M. de Valliéres, né en 1666» mort en 1759, à l'âge de 98 ans. Maréchal de camp en
171S. lieotenant-général en 1734, grand-croix de Saint-Lonis en 1789, directeur général
des Écoles d'Artillerie.
11 réorganisa l'artillerie française à laquelle il assura la supériorité en Europe. Il assisu
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» Il ne me conviendroyt pas peut-être de servir sous
» M. de BonaSy du même grade que moi. Néanmoins,
» l'intérêt du roi passe avant tout,
» Bonas et moy nous sommes des généraux de nouvelle
» édition, et nous serons de bonne intelligence.
» Les mortiers et les bombes viennent de Perpignan ;
» trois pièces de vingt-quatre, les poudres et boulets de
» Bordeaux par deux bateaux sur la Garonne. En dix
» jours, ce matériel sera rendu à Toulouse. J'ay déjà vingt
» mules pour les transports, et pour peu que messieurs
» les capitouls veuillent m'ayder, je trouveray le nombre
» nécessaire.
» Je fays construire troys traîneaux de charpente bien
» ferrée pour asseoir les pièces.
» J'ay longuement causé avec M. de Bonas et M. de
» Binos, ancien ayde-major de Castelléon, qui m'a rensei-
» gnô sur l'attaque conduite par M. d'Arpajon, où le
* canon ne tira point.
» Je me réserve do voir les lieux par moy-même et de
» choisir les meilleurs points.
» Mais je pense qu'au lieu de cinq bataillons il en fau-
» dra dix, afin de se garantir de toute entreprise de
» Tennemi'. »
L'Espagne mettait ses troupes en mouvement vers la
Navarre, où les hostilités avaient déjà commencé. Le
21 avril, le marquis de Silli passait la Bidassoa avec vingt
mille Français, prenait le port de Passages, incendiait
les magasins, les arsenaux et six vaisseaux de guerre,
dommage évalué à plus de deux millions. En outre, il pré-
parait l'investissement de Fontarabie. Le prince Pio, gou-
à dix batailles et plas de 60 sièges. — Il a hissé un oom tllQStre dans son arme. — Il
était le plas doux, le plos sage et le plus prudent des hommes. Fonteqelle a fait de lui
ce portrait :
De rares talents pour la guerre.
En lui furent unis au cœur le plus humain.
Jupiter le chargea du soin de son tonnerre.
Minerve oondoisit sa main.
M. de Valliéres était membre de l'Académie des sciences.
\. Archives historiques du Ministère de la guerre, R. 2. 560.
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S3
verneur de la Catalogne, marchait au secours de cette
place avec quinze mille hommes, tandis que des forces
supérieures s'avançaient du côté de la Castille. La pro-
vince de Lérida, la Conque de Tremps étaient dégarnies
de troupes, mais on formait des bataillons de Miquelets
dans la vallée de Paillas et du côté de Vénasque. M. de
Bonas ne cessait de répéter qu'il fallait agir avec une
extrême promptitude, et prendre possession du val d'Aran
avec les forces disponibles dans les cantonnements de
Saint-Gaudens et de Montrejeau.
Un ordre de Berwick, du 28 avril, calme cette impa-
tience :
« Si vous n'avez pas commencé le siège de Castelléon,
» écrit le maréchal, de Bordeaux, différez-le jusqu'à l'ar-
» rivée des troupes venant de Béziers. Ne gardez que le
» régiment de Flandres ', et envoyez le reste des troupes
» à Bayonne avec le commissaire Hocquart, et le régi-
» ment de dragons Dauphin à Tarbes. Mettez votre canon
» à Saint-Béat. Je vous charge de commander les trou-
» pes du camp de Muret en attendant l'arrivée d'un autre
» officier général^. »
De son quartier général établi à Montrejeau, M. de
Bonas avait déjà pris toutes ses dispositions pour mar-
cher en avant. Obligé de diriger la majeure partie de ses
bataillons sur Bayonne et de prendre le commandement
provisoire du camp de Muret, il partit sur le champ pour
cette nouvelle destination. Il n'y resta que peu de jours.
Les régiments envoyés du Languedoc arrivèrent à Mont-
rejeau. Berwick fit revenir en toute hâte Bonas avec ordre
de se mettre en mouvement vers la frontière espagnole.
M. de Vallières avait transmis le 2 mai la dépèche sui-
vante à Le Blanc :
ce J'arrive à Montrejeau ; j'attends ce soir même les troys
» pièces de vingt-quatre et les munitions.
1. Le rëgimeot de Flandres fut créé, en 1684, avec la compagnie d*Yverny du régiment
de Picardie et dÎTersea compagnies de garnison. (Saiane« Histoire de V Infanterie français.)
2. Archives historiques du Ministère de la guerre : guerre de 1719, R. 2. S60.
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14
j> M. le maréchal de Berwick m'ordonne de fay repartir
» mon corps d'artillerie pour Bayonne en vue du siège
» de Fontarabie.
» Je laisse ici, pour le siège de Castelléon, six officiers
» d'artillerie, un lieutenant de canonniers, six bombar-
» diers, troys ouvriers, un capitaine de charoy et un con-
« ducteur.
» Les dispositions de M. de Bonas, quoyque officier de
» cavalerie, sont d'un fantassin consommé ; jointe à cela
» une fermeté connue, on réussit ordinairement.
» L'artillerie de Castelléon sera commandée par M. de
» Turmel, commissaire d'artillerie*.
Berwick avait en effet, le 2 mai, fait savoir au Régent
qu'il rappelait plusieurs régiments pour le siège de Fon-
tarabie, et qu'il laissait sous les ordres de M. de Bonas
sept bataillons rassemblés à Montrejeau ^
Le 4 mai, MM. de Vallières et de Bonas se réunirent
dans cette ville et passèrent la revue des troupes. Au
bataillon de Flandres, qui n'était point parti pour la
Navarre, venaient de se joindre deux bataillons du régi-
ment de la Reine', les trois bataillons du régiment de
Picardie *, deux bataillons suisses du régiment de Caste-
1. Archives historiques du Ministère de la guerre : guerre de 1719» R. 2. 560.
2. !dm.
3. Le régiment de la Reine, levé en 1634« fut d'abord commandé par M. de Boyons,
puis par le marquis d'Uxelles.
Mis en 1661 sous le nom de la Reine, dés celte époque il devint la propriété de la
reine de France, qui en était colonel.
Il prit part au siège de Castelléon, sous les ordres du chevalier d'Ambres, fait brigadier
e 1*' février 1719. Ce dernier fut maréchal de France en 1757, sous le nom de maréchal
de Laulrec. (Suzane, Histoire de l'Infanterie française J
A. Le régiment de Picardie, l'un des plus vieux et des plus célèbres régiments de l'armée
française, ftit formé, en 1567, par Philippe Strozzi, colonel général de Tlnfanterie, et
composé de six vieilles bandes Picardes et de dix enseignes des gardes.
11 eut pour premier mestre de camp ou colonel ce vaillant gentilhomme de notre pays,
Roger de Sarrieu, de Martres près Cazères. qui s'était si brillamment distingué dans les
guerres d'Italie, et que remplaça François d'Epinay Saint-Luc, en 1578.
En 1719, Picardie avait pour colonel le prince de Honlauban, et pour lieutenant-colonel
J.-B. Basset de Chateaubourg. (Suzane, Histoire de l'Infanterie française.)
Roger de Sarrîen, mort en 1576, était enseveli dans l'église de Martres. On Pavait repré-
senté, sur sa tombe, armé de toutes pièces, les mains jointes, la tète nue appuyée sur un
coussin. Cette statue et cette pierre tombale se voient an Musée de Toulouse, dans l'an-
çjep c|oHre des Augustins.
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S5
lasi et le quatrième bataillon de Royal artillerie détaché de
Perpignan par ordre de M. de Pimarcon*. Tous les servi-
ces étaient assurés, les magasins bien approvisionnés. Le
15 mai, le commissaire Hocquart partit avec un escadron
de dragons, les trois pièces de vingt-quatre, les trois mor-
tiers et un convoi de munitions pour Cierp. Il installa sur
le champ un dépôt de vivres, un hôpital, et prit toutes les
mesures nécessaires, dont il rendit compte à Le Blanc
par une lettre datée de Saint-Béat le 20 mai *.
Le même jour, M. de Bonas écrivait au ministre, de
Montrejeau, qu'il avait conféré secrètement avec quelques
principaux de TAran. Ils avaient promis de ne point
inquiéter les troupes françaises.
« S'ils prenoient un autre party, ajoute Bonas, il ne
» sera pas difïicile de les ranger , car je vais à eux en
» bonne compagnie et avec une volonté encore meilleure.
» De plus, j'ay fait répandre dans la vallée d'Aran et les
D pays voisins un manifeste en langue espagnole dans
» lequel j'affirme clairement mes dispositions conci-
» liantes et j'explique les causes de la guerre *. »
A cette lettre était jointe la cdpie du manifeste précité,
traduit en français, que nous croyons devoir reproduire
dans son Intégrité :
Avertissement aux peuples de la vallée d'Aran et autres
de la frontière, donné par le marquis de BonaSj corn-
mandant sur cette frontière sous les ordres de M. le
m^aréchal de Berwick.
ft Vous savez combien la dernière guerre a coûté de
w sang à la nation française, et qu'elle a prodigué ses tré-
» sors pour la soutenir avec éclat, et pour maintenir les
» justes droits du Roy Très Catholique.
1. Le régimoDi de CasleUs» levé en 1672 sous le nom de S«Iis, par Rodolphe de
Sainl-Ziners, prit le nom de Gastelas en 1702.
Il ëtail commandé en 1719 par M. de Betlens. {Saz&ne, Histoire de ClnfanUrie française.)
3. Royal Artillerie, créé en 1671. eut pour premier colonel Henri de DailloQ duc de
Lade; il comprenait' quatre bataillons.
3. Archives historiques du Ministère de la guerre» R. 2. 560.
4. ArchÎTes hiatoriqnes du Ministère de la guerre : guerre de 1719, R. 2. 560.
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S6
» Louis le Grand couronna les dernières années de son
» règne par une paix générale où la nation française ne
» trouva d'autre avantage que celluy de vous conserver
» un prince qu'elle perdoit avec regret.
» Vous jouiriez encore de cette paix, si ce prince res-
» pectable ccoutoit moins les conseils violents de son
» ministre, et s'il consultoit plutôt sa propre sagesse et
» ses propres intérêts que les égarements d'un parti-
» culier également enemy de son roi et du peuple d'Es-
» pagne.
» Ce ministre éloignant toutes les propositions de paix
• a voulu obstinament troubler la tranquillité de TEu-
» rope et faire recommencer les horreurs de la guerre.
» Toutes les démarches et tous les soins de Sa Majesté
» Très Chrétienne et de Son Altesse Royale Mgr le duc
» d'Orléans pour concilier les esprits ont été rejetcs avec
» opiniâtreté, et quoique S. M. T. C. ait obtenu de TEm-
» pereur de nouveaux avantages pour l'Espagne qui luy
» avoient été refusés lors du congrès d'Utrecht, il n'a pas
>) été possible d*obliger ce ministre à les accepter. Il s'est
» au contraire servy de ce tems de négociations pour
» tramer, sous le nom du Roy son maitre, une conspira-
» tion détestable dans la France, dont le but étoit d'armer
» les Français contre les Français et de désoler un
» royaume qui a été le berceau du Roy Catholique et le
» plus ferme appuy de son trône.
» Le pou de succès des négociations a enfin oblige
» S. M. T. C. à prendre les armes pour maintenir le
» traité d'Utrecht et pour obliger le ministre d'Espagne à
» le signer et à s'y conformer.
» L'intention de S. M. T. C. n'est pas que vous rece-
» viez aucun tort; elle veut au contraire vous protéger
» en toutes choses pourvu que vous ne vous rendiez pas
» indignes de sa protection. Il se pourroit que, pour vain-
» cre l'inflexibilité du ministre, les troupes françaises
» auront l'ordre d'entrer sur vos frontières. Gardez-vous
» bien, si cela arrive, de vous montrer nos enemys,
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87
» puisque nous no sommes pas les vôtres. Que si vous
» en usiez autrement, et que vous preniez les armes con-
» tre nous, tenez pour certain que vous seriez traités
» comme brigands et voleurs de grand chemin Ccome
» saltadores y robadores de caminos) K »
Ce manifeste se conformait au mot d'ordre donné par le
Régent. Alberoni devait être partout représenté comme
Tunique auteur de la guerre; Tobstination de Philippe V
à ne point se séparer d'un personnage aussi détesté cau-
sait à l'Espagne des maux incalculables. Le ministre
renversé, les difficultés s'aplaniraient comme par enchan-
tement ; tout rentrerait dans Tordre. Quel intérêt auraient
donc les peuples à soutenir la politique d'un étranger en
butte à la haine de toute TEurope, et d'ailleurs pourquoi
se compromettre et même se sacrifier en faveur d'un
ministre qu'une révolution de palais ou le simple caprice
du maitre pouvaient, à l'heure la plus imprévue, préci-
piter du pouvoir et faire rentrer dans la poussière? Le
manifeste de M. de Bonas produisit Teffet attendu. Ne le
savait-on pas appuyé par des arguments irrésistibles,
c'est-à-dire par quelques milliers de soldats d'élite? On
reconnaissait le langage d'un chef énergique et résolu
derrière lequel marchaient des troupes aguerries, et non,
comme dans la précédente guerre, des milices sans expé-
rience et sans instruction militaire. Les Aranais com-
prirent qu'il serait téméraire de prendre les armes contre
aussi forte partie. Ils se contentèrent d'exécuter les
ordres du gouverneur de Castelléon ; ils coupèrent les
chemins, détruisirent les ponts, obstruèrent toutes les
voies de communication par des abattis d'arbres, mais ils
ne se levèrent point en masse, et ne fournirent point de
volontaires, malgré les appels réitérés du baron de Lèz
qui faisait distribuer des armes dans toutes les paroisses.
Ce dernier en était réduit à quelques compagnies de
Miquelets recrutés dans les vallées de Vénasque et de
1. Archives historiqoes du Ministér« de la guerre, R. 2. 560.
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Paillas qui cherchaient à grossir leurs rangs de tous les
gens sans aveu, pillards et aventuriers dispersés dans les
montagnes, cr Certainement, ces bandes tireront quelques
•» coups do fusil, disait M. Hocquart à Le Blanc (21 mai.)
» Quand ils auront été mis en fuite, ce qui ne sera pas
A long, la vallée tout entière déposera les armes, et non
» seulement nous laissera le champ libre, mais encore
» facilitera la prompte et sûre conduite des opérations
» militaires '. »
Le marquis de Noë ne demeurait pas inactif dans les
Quatre- Vallées. Il se tenait en permanence à Sarrancolin
et visitait fréquemment tous les ports et passages afin de
s'assurer qu'ils étaient bien gardés, notamment ceux du
Plan et de Bielsa. Les frontières de ce côté ne paraissaient
craindre aucune menace. D'après les rapports venus
d'Espagne, les populations de TAragon voyaient les évé-
nements avec indifférence, persuadées que cette agitation
ne durerait guère. On éprouvait de sérieuses diiïicultés
à lever des Miquelets. Du reste, disait en finissant le
Sénéchal, « s'ils se présentaient, il seraient si rudement
» reçus qu'ils perdraient l'envie de revenir. »
Du camp d'Irun, le 20 mai, Berwick mandait au Régent
les nouvelles suivantes :
(( J'assiège Fontarabie. Présentement M. de Bonas doit
» être devant Castelléon avec huit bataillons. Quand son
» canon sera placé, il ira vite.
» Beaucoup de fusiliers catalans désertent et viennent
» dans nos rangs ^, »
M. de Bonas partit de Montrejeau le 22 mai avec les
deux bataillons de la Reine, les Suisses de Castelas et le
bataillon de Flandres : il fut rejoint le lendemain par les
trois bataillons de Picardie. Ces troupes excellentes, com-
posées de vieux soldats trempés à toute épreuve, avaient
pris part à la guerre de Catalogne sous Noailles et
Berwick. Elles campèrent dans la plaine de Marignac
\, Archives historiques du Ministère de la guerre : guerre de 1719, B. 2. 560.
2. Idem.
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entre Saint-Béat et Cierp. M. de Bonas établit son quar-
tier dans ce bourg, afin d'être à portée, suivant les
circonstances, de prendre la route de Saint-Béat ou celle
de Luchon pour entrer dans le val d'Aran.
Ses émissaires vinrent Tinformer que des bataillons
de Miquelets remontaient la Noguera Paillaresa vers le
Plan de Béret. Il importait de veiller à la sécurité des
frontières du Couserans. M. de Bonas dépêcha, le jour
même, M. de Conches à Saint-Girons, avec Tordre d'y
rassembler tout ce qu'il pourrait trouver de milices sur
pied de guerre, pour renforcer les postes en observation
dans les divers ports donnant accès aux vallées d'Aran
et de Paillas. M. de Conches resterait dans le Couserans
pendant la durée du siège de Castelléon, et demanderait
au camp de Muret deux ou trois bataillons d'infanterie,
que Ton disperserait dans les villages situés au-dessous
des passages les plus exposés aux brusques incursions
des Espagnols.
Le gouverneur de Castelléon avait enfin reçu le supplé-
ment de garnison qu'il ne cessait de réclamer, cent cin-
quante soldats d'infanterie bien équipés, commandés par
un colonel de l'armée royale. Au prix de fatigues inouïes
et de difficultés vaincues, on avait fait passer dans la place
six pièces de canon de fort calibre expédiées par l'arsenal
de Lerida, des provisions de poudre et de boulets. La for-
teresse était suffisamment munie de vivres et de farines.
Le baron de Lèz disait bien haut qu'il se défendrait à
outrance^ mais les gens qui se prétendaient bien informés
affirmaient que, certain de perdre la place, il avait fait
. enlever tous les meubles et jusqu'aux serrures de ses
appartements*!
M. de Bonas se préparait à forcer l'entrée du val d'A-
ran par le Pont du Roi, ce qui lui permettait de trans-
porter rapidement son artillerie à destination, lorsqu'il
apprit que le gouverneur avait rendu les chemins impra->
I. Archives 1kîfl(orîqiiés dû Xinistére de Ii guerre, R. 2. 560.
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30
ticables par la rupture des ponts, par des tranchées pro-
fondeSy et par de formidables abattis de sapins. Rien de
plus périlleux que de tenter l'aventure de ce côté. Pour se
frayer un passage au milieu de ces obstacles, on risquait
de faire tuer beaucoup de monde par le feu des tirailleurs
embusqués derrière ces bouleversements de terres et ces
amoncellements de débris.
M. de Bonas n'hésita point II courut à franc étrier jus-
qu'à Luchon, avec quelques officiers d'artillerie et des
ingénieurs. Il examina le val de Burbe et le Portillon,
ne s'effraya point des difficultés que ses compagnons dé-
clarèrent insurmontables, et il résolut de descendre avec
ses troupes, ses bagages et son artillerie, par cette voie,
dans la vallée d'Aran. Il se fortifierait dans la plaine de
Bossost, rétablirait les communications avec la France,
aidé par deux bataillons laissés à Saint-Béat, puis maitre
de ce côté, n'ayant plus rien à craindre pour le ravitail-
lement de son corps d'armée, il investirait Castelléon,
pousserait vigoureusement le siège et saurait aller vite,
comme avait dit Berwick au Régent.
Il convoqua sans délai tous les consuls et les notables
des paroisses. Il envoya des messagers dans les vallées
d'Oueil, Larboust, Louron, lit appel à tous les hom-
mes valides, leur donnant rendez-vous le lendemain à
Luchon, pour entreprendre, sous la direction des ingé-
nieurs, le tracé d'un chemin jusqu'au Portillon à la place
du sentier que les chevaux et mulets ne gravissaient pas
toujours sans péril. En quelques heures, plus de mille
ouvriers étaient rassemblés à Luchon. Deux cents paires
de bœufs attelées à des chars et tombereaux coopéraient
aux travaux de déblaiement. Le soir du même jour arri-
vaient douze cents hommes de la Reine et de Castelas.
Au lever du soleil ils prenaient, au lieu de fusils, la pioche
et la pelle, et cette armée de braves gens travaillait, avec
une ardeur infatigable, sous les yeux des ofTiciers aussi
remplis d'admiration pour leur audacieux général qu'émer-
veillés des premiers résultats de son entreprise.
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34
Elle était trop vaste et trop bruyante pour ne pas être
promptement connue. Prévenu par ses espions, le baron
de Lèz recourut aux mêmes moyens de défense qu'il avait
accumulés à l'entrée de la vallée du côté du Pont du
Roi. Par ses ordres on couvrit l'étroit chemin qui descen-
dait du Portillon à Bossost d'un enchevêtrement d'ar-
bres abattus, on fit rouler des rochers. M. de Bonas
ne se troubla point ; il envoya sur les lieux des centaines
de paysans protégés par quelques compagnies d'infan-
terie. Us déblayèrent le chemin en travaillant jour et
nuit. Le 25 mai, le corps d'armée tout entier campait
dans la plaine de Luchon. Les canons de vingt quatre et
les mortiers, qu'on avait chargés sur des traîneaux attelés
de mules et de bœufs, avaient franchi sans encombre les
défilés de la vallée de Layrisse. Ils étaient laissés à
Luchon jusqu'au jour où l'achèvement de la route auto-
riserait leur transport. M. de Bonas, se mettant à la tête
de sa colonne, gravit les pentes du Portillon, et vint
bivouaquer entre Bossost et Castelléon, le 26 mai à 5 heu-
res du soir.
Nous le laissons raconter lui-même à Le Blanc l'entrée
des troupes françaises en Espagne.
« Au camp devant Castelléon, le 27 mai 1719.
» Mgr,
» J'ay eu l'honneur de vous rendre compte de ce que
» j'ay fait jusqu'à mon départ de Montrejeau qui feut le
» 21 de ce mois. J'arrîvay le 25 à Bagnères-de-Luchon
» d'où je partis le lendemain, et j'arrivay à Bossost qui
j> est un gros bourg de la vallée d'Aran. Les habitans
» vinrent au devant de moy, et comme je trouvay le pont
» qui estoit sur la Garonne rompcu, j'en fis construire
» un le lendemain. Dès qu'il feut prest, je fis passer sept
» compagnies de grenadiers pour en occuper un autre
» qui est à trois lieues de celluy que j'ay fait construire.
» Le gouverneur de Castelléon le conservoit, parce qu'il
» luy estoyt nécessaire pour avoir la communication
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» avec le village d'Arrou qui est à portée du château et
» il comptoyt d'avoir le temps de fayre couper ce pont
» avant mon arrivée.
» On y trouva quarante hommes qui se retirèrent dans
» la place à la veue des troupes. Hier, 26, j'ay posté mes
» huit bataillons.
0 Les villages viennent de toutes parts prester Tobé-
» dience, quoyque le prince Pio leur ayt envoyé trois
» courriers pour les exhorter à prendre les armes, et
» qu'il leur ayt fait espérer de les fayre soutenir par
» M. de Crom et un corps de Miquelets qu'il commande.
» Ces peuples me paraissent fort contens du party qu'ils
» ont pris. Aussy leur tiens-je la parole que je leur ay
» donée, et jusqu'icy ils n'ont point souffert le moindre
» tort. J'éviteray qu'ils n'en reçoivent à l'avenir.
D L'artillerie est partie ce matin de Bagnères-de-
» Luchon. Il y a deux grandes lieues de distance d'icy.
D Je ne vous diray rien de la difficulté du passage. Bien
» des gens le regardent comme impossible, mais je vous
» assure que je le surmonteray. J'ay actuellement, tant
» du pays que des Suisses, trois mille cinq cents hom-
» mes et deux cents paires de bœufs. Tout cela travaille
)> à faire un chemin.
» Le gouverneur de Castelléon a fait un abattis d'arbres
D affreux. J'espère pourtant que le canon sera icy dans
» quatre ou cinq jours. Il faut ce temps là quoique le tra-
n jet ne soyt que de deux lieues. Ensuite, je feray porter
» les poudres à trois reprises, ne voullant pas les fayre
» marcher dans le même convoy de peur d'accident dans
» des chemins aussy difficiles.
» En attendant que le canon soyt icy, je fays travailler
D à construire des ponts, afin que les bataillons se com-
» muniquent les uns aux autres dans une heure.
» Je vous enverray incessamment le plan de la posi-
» tion des troupes.
» Je comanceray demain à ouvrir la tranchée pour pou-
» voir fayre les batteries le plus près du château qu'il se
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33
» pourra, et pour y placer le canon du même soir quMl
» arrivera, aflîn de ne point perdre de temps.
» Je vous prie, M*" d'estre persuadé que je ne néglige
» rien pour vous marquer le désir que j'aye d'aller avant
» en cause.
» J'ay l'honneur d'estre avec beaucoup de respect, M*",
» vostre très humble et obéissant serviteur.
» BONAS-GONDRIN.
» J'oublioys de vous dire, M% qu'un lieutenant avec
» trente hommes du régiment de la Députation estoyt
» party de Barcelone avec ordre de se jeter dans la place,
s> mais ayant trouvé la circonvallation fayte, il s'est
» retiré. Trois de ses soldats sont venus se rendre à mon
» camp. »
En tète de cette lettre, on lit ce qui suit de récriture de
M. Le Blanc :
« Lu à Son Altesse Royale qui approuve les disposi-
j» tiens et qui est persuadé de la bonne volonté de M. de
» Bonas. Ses projets ne peuvent manquer de réussir, et
» la discipline qu'il a établie ne peut produire qu'un bon
» effet*. »
M. de Bonas se hâta de rétablir les communications
avec Saint-Béat, interrompues par la démolition des
ponts et le défoncement des chemins. Les habitants du
pays aidèrent les troupes. M. Couture, commissaire
ordonnateur, écrit à Leblanc le 28 mai :
« Le pont de la Bourdette, démoli par ordre du gou-
» verneur, est refait. J'ai envoyé dix-neuf cents rations
» par Luchon ; mais depuis le rétablissement des ponts,
D j'installe un entrepôt à Bossost à une demi-lieue du
camp.
» Tout le pays travaille à fayre le chemin pour l'artil-
» lerie.
» Les troupes ne méritent que des éloges ; leur zèle,
j> leur discipline sont admirables. Pendant ces marches
1. Archives historiqaes du Minislére de la guerre : guerre de 1719, R. 2. 560.
Rivui »i ConiKOM, 1» trimeitre 1894. To» IX. — 8.
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34
D si pénibles au milieu des montagnes on n'a pas entendu
» de plaintes. Il ne nVest point revenu qu'un seul soldat
D ait déserté.
» Le blocus de Castelléon est formé depuis deux jours
» par les trois bataillons de Picardie, les deux bataillons
D de la Reine, le bataillon de Flandres et les deux batail-
D Ions suisses de Castelas. La vallée est très calme. Nos
)> soldats traitent les Aranais en amisi. »
Le 24 mai, M. de No& avait rendu compte à M. Le Blanc
de la situation des Quatre-Vallées. L'entrée des Français
dans le val d'Aran causait un assez vif émoi sur la fron-
tière de TAragon; à Balbastro, se rassemblaient des
Miquelets. Dans la vallée de la Cinca, des cavaliers
volontaires étaient signalés. Quelques bandes se laissaient
apercevoir par les postes qui gardaient le port du Plan,
mais elles n'avaient pas encore tiré un seul coup de fusil.
On redoublait de vigilance afin d'éviter une surprise,
comme celle de Luchon en 1711. Les compagnies bour-
geoises de la vallée d' Aure faisaient leur devoir ; on pou-
vait compter sur le courage et le dévouement des capi-
taines. Dans le château de Tramesaïgues mis à l'abri
d'un coup de main, logeait une compagnie d'hommes
éprouvés, bien armée, bien commandée, pourvue de
vivres et de munitions. Des messagers se tenaient con-
stamment prêts. Dès qu'un point serait menacé par les
Miquelets, on se trouverait en mesurs d'y porter en
quelques heures des forces en nombre. En cas de danger
plus sérieux, le sénéchal réclamerait l'assistance des
troupes réglées, mais, jusqu'à nouvel ordre, les Quatre-
Vallées, conformément à l'opinion de M. de Berwick
étaient assez fortes pour se garder et se défendre elles-
mêmes 2.
Le 31 mai. M. de Bonas faisait connaître à Le Blanc les
premières opérations du siège de Castelléon :
s. Archives historiques du Ministère de la guerre, R. 2. 560.
3. Idem.
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35
ff L'artillerie est arrivée au camp par ce passage
» déclaré impossible. A force de paysans, de soldats et
» de bœufs, j'ay fait ouvrir un chemin à travers un abat-
» tis immense d'arbres où canons et mortiers ont passé. Il
» a fallu beaucoup de patience et d'expédients pour cette
» manœuvre.
» Les assiégés font un grand feu de canon et de mous-
» queterie. Ma première fausse attaque a réussi. Je n'ay
» qu'un soldat tué et deux blessés. Les munitions arri-
» vent de Bagnères-de-Luchon par le même trou (le che-
» min du PortillonJ.
» Les approvisionnements sont extrêmement difficiles,
» à cause du manque de voitures. Les chariots du pays
» sont mal faits.
D Les Aranais semblent se ralentir dans leurs bonnes
T9 dispositions. Je les ménage jusqu'à la prise de la place'.
» Le passage du canon a été un véritable prodige, écrit
» M. Hocquart à Le Blanc, le 1"'' juin. Les Aranais four-
» nissent des vaches et des moutons, mais les farines qui
» viennent des magasins de Montrejeau, à partir de
» Saint-Béat ne peuvent estre transportées au camp que
» dans des caissons à dos de mulets. Aux deux cents
» mules qui font le service, il faudrayt en ajouter cent
» autres sur lesquelles on chargerayt le pain fabriqué à
» Saint-Béat. Les chemins de l'Aran sont impraticables
» pour chariots et voitures d'aucune espèce. J'ay pris
» sur place tous les chevaux disponibles.
» Les troupes sont très exactement payées.
» Les travailleurs de tranchée ont quinze sols par jour,
» vingt sols la nuit, et double ration de pain. Je donne le
» double aux sergents et double ration de pain 2. »
Voici comment Berwick annonçait au Régent l'ouver-
ture du siège de Castelléon :
i. Archives histortqQes dn Ministère de la guerre, R. 2. 560.
3. Archires historiqoes du Ministère de la gnerre, R. 2. 560.
En 1718 la paie dn soldat avait été flxëe à six sols six deniers par Jour.
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36
j> Du camp devant Pontarabie, le 5 juin 1719.
» Monseigneur,
» M. de Bonas a ouvert la tranchée le 29 may devant
» Castelléon, et son canon est arrivé le 31 à son camp,
» Les difTicultés ont été immenses, mais un homme
» aussy zélé, aussy actif, aussy entendeu qu'il est trouve
» des ressources. Il travailloit à sa batterie, et je ne
j) doute pas quMl n'ayt tiré le 3 ou le 4, et qu'au bout de
» deux ou trois jours la place ne se rende.
i> Il a mes ordres pour diriger dès le lendemain sur
» Navarreins les régiments de la Reyne, de Navarre « et
» de Castelas. Il y laissera le régiment de Flandres
» jusqu'à ce que la bresche soyt déblayée et la tranchée
» rasée, après quoy ce régiment y mestra cent hommes
» de garnison et viendra camper à Tarbes ou à Navar-
» reins 2. » t
A la même date, Dangeau écrivait dans son Journal :
<r Le marquis de Bonas assiège Castelléon. Les peu*
» pies de la vallée d'Aran n'ont point voulu prendre les
» armes contre lui ». »
Dans notre précédent article sur la guerre de succes-
sion, nous avons indiqué sommairement la situation de la
forteresse de Castelléon. M. de Bonas obligé de faire un
siège en règle, d'emporter la place d'assaut ou de l'obli-
ger à capituler, avait pris ses dispositions avec une
remarquable entente des ressources que présentait le
terrain. Sous ce rapport il méritait les éloges de M. de
Vallières auquel il avait soumis ses plans à l'avance. Le
général qui a laissé un si grand nom dans l'artillerie
française avait dû certainement donner à son collègue de
fort utiles conseils, dont ce dernier avait su profiter.
1 . Le régiment de Navarre et deux balailloos de Flandres avaient été laissés à Monlre-
jeau, comme réserve. — Navarre fournissait des détachements dans les vallées de
Lochon, Aspel, Saint-Béat, etc. Un seul bataillon de Flandres assistait au siège de
Castelléon.
3. Archives historiques du Ministère de la guerre, 2. 560.
3. Dangeau, t. xviii, p. 60.
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Un chemin de cîrconvallation destiné à relier toutes les
troupes enfermait le château, ses abords, le village de
Las Bordes et serpentait sur le flanc des montagnes à
des hauteurs qui le mettaient hors de la portée de Tar-
tillerie de la place. Il traversait les villages de Benos,
Villemos et Arrou, passait la Garonne sur trois ponts et
le Géou sur trois autres très solidement construits. Celui
qui se trouvait au-dessous du village de Las Bordes était
protégé par une redoute dont les feux enfilaient la vallée
qui conduit à Vielle.
Les trois bataillons de Picardie bivouaquaient au-dessus
de Las Bordes, sur des pentes d'une inclinaison moyenne
parsemées de rochers. Ce campement était couvert par
une redoute qui commandait à la fois la route de Vielle
et l'entrée de la vallée du Géou. Sur la haute crête de la
montagne, un poste d'une douzaine d'hommes, renou-
velé tous les jours, observait le pays à des distances
assez étendues, et pouvait, en cas de surprise, donner
l'éveil en temps utile.
Au milieu des replis de la montagne qui se dressait en
face de Castelléon, stationnaient les deux bataillons
suisses de Castelas, garantis par trois postes établis sur
des plateaux qui dominaient la vallée d'Aran tout entière.
Les sentinelles surveillaient jour et nuit le chemin de
Vénasque par la gorge d'Artigue-Telline.
Dans la petite plaine qui s'étend au-dessous de la Ga-
ronne grossie du Géou, le bataillon de Flandres gardait
le camp, le parc d'artillerie, les dépôts de munitions, les
magasins, les fours et les ambulances. Une redoute, pla-
cée sur l'avenue de 'Bossost, protégeait les communica-
tions du côté de France et présentait un obstacle sérieux
contre toute tentative audacieusement exécutée à travers
les gorges profondes qui remontent jusqu'aux sommets
escarpés où finit la vallée de Paillas.
Les deux bataillons de la Reine avaient pris position,
le premier entre Benos et Villemos, le second entre
Villemos et Arrou.
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Enfin, pour comploter le blocus et pour prévenir toute
tentative du côté de l'Espagne, quatre compagnies des
divers régiments étaient détachées à Vielle et plusieurs
escouades sans cesse en mouvement exerçaient la plus
active surveillance dans tous les villages.
Les attaques étaient pratiquées à l'extrémité de la
presqu'ile formée par la Garonne et le Géou. Elles se
développaient sur les ressauts rocailleux qui s'étagent
jusqu'à la terrasse où s'élevait alors le château. Les trois
pièces de vingt-quatre battaient la principale courtine.
Un peu en arrière, les trois mortiers de neuf pouces de
diamètre lançaient leurs bombes sur Tensemblo de la for-
teresse. Ce grand déploiement do forces contre une place
d'une importance très secondaire s'expliquait, d'abord
par l'intérêt que mettait le gouvernement français à pren-
dre position au centre des Pyrénées, ensuite par le désir
d'en finir au plus vite avant l'arrivée d'un corps d'armée
de secours. Une série de combats autour de Castelléon
avec des chances diverses, présentait des éventualités
toujours redoutables. En cas d'échec, les Français ver-
raient se soulever contre eux la vallée d'Aran, si calme en
apparence. Une retraite vers le Pont du Roi ou sur
Bagnères-de-Luchon, au milieu d'un pays insurgé, coûte-
rait des peines infinies, même en admettant que des trou-
pes de France vinssent dégager en toute hâte nos soldats
emprisonnés dans les dédales do ces hautes montagnes.
Une forteresse plus considérable avec un millier d'hom-
mes de garnison, aux prises avec de tels moyens d'atta-
que, n'eût pas résisté plus de deux ou trois semaines. On
était en droit de croire, comme l'avait dit M. de Berwick,
qu'après trois ou quatre jours de canonnade, on serait
prêt à prendre la place d'assaut, si le gouverneur ne
se rendait pas à discrétion.
Le 5 juin, M. Dumaine, brigadier des ingénieurs du
roi, écrivait à M. Le Blanc :
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39
tf Au camp de Castelléon.
» Monsieur,
j> J'ay rhonneur de vous envoyer un plan des attaques
» de Castelléon».
» La nuit du 29 au 30 may, nous commençâmes à poser
» des gabions vides sur une ligne partant du village de
» Las Bordes, pour redoubler Tattention que les ennemis
» paraissent avoir de ce costé là. La nuit du 30 au 31,
» nous confirmâmes la fausse attaque par le bruit de
n quelques travailleurs que nous mimes à couvert, qui
j> leurra parfaitement les ennemis qui y tournèrent près- .
» que tout leur feu, ce qui favorisa beaucoup l'ouverture
» de nostre tranchée entre les deux rivières de Garonne et
» de Géou du costé de leur jonction.
» Nous la commençâmes à la faveur d'un rideau assez
» près pour servir de première parallèle, nous portant en
j> avant à soixante toises de la place, et nous fismes dès
» ceste première nuit un boyau pour establir nostre
» batterie de canon.
» La nuit du 31 au 1" juin, on fit une communication
» pour gagner le second rideau qui forme notre seconde
» parallèle.
» La nuit du 1" au 2, on en fit une autre pour aller à la
» batterie à bombe qui se trouve toute faite derrière un
» rocher sur la droite de l'attaque. Les nuits suivantes
» ont esté employées à perfectionner les tranchées et à
» réparer les désordres que le canon y fait.
» Le 1" juin, nostre canon arriva, malgré les grandes
» difficultés du chemin qui est si à piq et si serré qu'on
f> ne le peut tourner en plusieurs endroits. Elles ont esté
» cependant surmontées en peu de temps, plus par l'in-
» dustrie que par la force des hommes et des bœufs.
1. Nous possédons dans nos archives, le double du plan dont parle ici M. Damaine.
Sur ce plan, fait avec beaucoup de soin et avec une grande exactitude au point de vue
topograpbique, nous avons relevé sommairement les détails relatifs à la posiiion des
troupes et aux attaques de Castelléon. f
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40
n Après ceste expérience, il n'est point de lieu où Ton ne
» puisse faire passer du canon '.
» La difficulté des chemins, le manque de voitures ont
» aporté plus de difficultés qu'on ne pouvoit prévoir
» pour s'establir, comme nous le sommes présentement,
» sans que nous ayons manqué de rien par les bons
» ordres de M. de Bonas.
D Depuis la nuit du 2 au 3, on travaille sans relâche à
» construire la batterie d'assemblage de bois, faute de
» terre, qui sera en état de tirer le 7, et la batterie de
» bombes le 6. Je compte que ce château capitulera du 10
» au 12 de ce mois^
» Je suis, Mgr, etc. » Dumaine. »
M. Le Blanc communiqua, comme d'habitude, cette let-
tre au Régent qui s'intéressait particulièrement aux évé-
nements de la guerre dans les parties de l'Espagne où il
avait brillamment commandé lui-même; en tête de la
lettre, on lit la note suivante de l'écriture du duc d'Or-
léans :
« Accuser réception — m'a fait plaisir de m'informer
» de la disposition des attaques de Castellôon et des diffi-
» cultes qu'il a fallu surmonter pour réussir. » Ce même
jour, M. de Bonas envoyait au Ministre un rapport que
nous croyons devoir reproduire. Il confirme la lettre de
M. Dumaine, et donne quelques détails de plus sur le
siège.
« Au camp devant Castelléon, le 5 juin 1719.
!> MS
» J'ay eu l'honneur de vous .mander par ma dernière
» lettre que le canon avoit passé la montagne et qu'il étoit
1. Cette phrase de la lettre de M. Dunaine Tait penser à des opérations militaires dans
les pays de montagnes en comparaison desquelles celte traversée dn Portillon, qui excitait
alors tant d'admiration, perd beaucoup de son importance. Sans parler du passage du grand
Saint-Bernard, oîi trente mille hommes et 60 pièces de canon franchirent les parties les
plus escarpées des Alpes, nous citerons simplement pour mémoire les extraordinaires
campagnes de Nasséna dans les vieux cantons suisses. On est véritablement stupéfait en
voyant les lieux où nos soldats se sont si bravement battus et les sommets qu'ils ont gravis
malgré les neiges et les glaces.|
2. Archives historiques dn Ministère de la guerre» R. 2. 560.
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» rendeu au camp. Les poudres, boulets, bombes ont
» achevé d'être transportés aujourd'huy. Je ne vous
» détailleray pas les difficultés qui s'y sont rencontrées
» parce qu'elles sont surmontées.
» Depuis la nuit du 1" au 2 juin, on a travaillé à la fa-
» veur de Tépaulement d'un boyau à construire les batte-
» ries pour le canon et pour les bombes. Il a falleu les
» fayre par assemblage de bois, faute de terre, car on
» travaille sur le roc. La batterie de canons sera en état
» de tirer le 7, et celle des bombes le 6. Ce travail alonge
» un peu l'expédition, mais il est indispensable. Je puis
» vous asseurer. M"", qu'on n'y perd pas un moment.
» Le ralentissement qui m'avoit pareu chez les Ara-
» nois, dont je vous ay parlé dans ma dernière lettre,
» estoit causé par l'arrivée du roy d'Espagne à Pampe-
» lune et par les ordres pressants et réitérés que le
j) prince Pio donnoit aux peuples de prendre les armes,
» les asseurant que le Roy luy même venoit se mestre
D à leur tête.
D Cella m'a engagé à fayre une assemblée do tous les
» prostrés de ceste vallée et des principaux habitants.
» Je leur représentay quej'estois au milieu d'eux mai-
*) tre de les sacrifier, si je voullois, ayant les forces en
» main, que leur lenteur à obéir aux ordres que j'avois
» donnés pour qu'ils fournissent les voitures nécessaires
» devoit m'y engager, que cependant j'avois fayt observer
» une exacte discipline aux troupes, que je n'entrois
» point chez eux pour les maltraiter, mais plutôt pour les
» protéger, qu'ainsy, ils n'avoient qu^à choisir, que s'ils
» vouloient la guerre, j'allois la leur fayre, que s'ils
» aimoient mieux la paix, ils n'auroient qu'à me montrer
» de l'obéissance.
» Ils m'asseurèrent tous que je pouvois compter sur
» leur fidélité et qu'ils me donneroient tous les secours
» que j'aurois besoin.
» Il me paroit qu'ils se soutiennent. Ils m'ont ramené
» hier un déserteur qui vouloit gagner les montagnes.
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» J*ay fayt donner cent francs aux paysans et casser la
» tête au déserteur.
A Un ayde major m'a porté un billet qui avoit esté jette
fi dans le camp. On en a répandu une infinité de ceste
» espèce. C'est ce qui m'obligea de parler aux troupes. Je
» compris qu'ils méprisoient fort ce qui est contenu audit
V billet.
» Si le roy d'Espagne n'a d'autres ressources que cel-
» les de suborner les troupes, il me paroît qu'il n'avan-
» cera pas beaucoup. L'officier pense sur ce sujet comme
» il le doit, et le soldat aussy. C'est sur quoy vous
» pouvez compter. Je vis avec eux de façon à pouvoir
» connaître la vérité.
» Je presseray cette expédition le plus qu'il dépendra
» do moy. Je vous prie, M% d'en estre bien persuadé.
» J'ai l'honneur d'estre avec respect^ etc.
» BONAS-GONDRIN*. »
Les secours annoncés par le prince Pio demeuraient
invisibles. Nos vedettes n'annonçaient point l'apparition
des Miquelets de la vallée de Paillas dont le gouverneur
de Castelléon avait fait grand bruit au début de la guerre.
Dispersés dans les villages qui bordent la Noguera ou
cachés dans les sinuosités des montagnes, ils entendaient
le bruit lointain du canon qui battait nuit et jour les
remparts de la vieille citadelle ; mais bien renseignés sur
le nombre et la valeur des troupes assiégeantes, ils ne
tentaient aucune démonstration. On les voyait de même
errer à l'aventure et par bandes peu nombreuses sur les
versants espagnols de la chaîne du Couserans, à respec-
tueuse distance des postes français qui défendaient les
ports d'Orle, d'Aula, d'Ustou, etc. Du côté de Vénasque,
aucune menace. Un bataillon du régiment de Navarre,
deux compagnies de Royal Artillerie occupaient Bagnè-
res-de-Luchon. Les milices de Layrissc, Oueil et Lar-
boust, pourvues de bonnes armes, sinon d'uniformes, se
1. Archives bistoriqaes da Ministère de la guerre, R 2, 560.
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tenaient prêtes à marcher au premier signal. Plusieurs
compagnies d'arquebusiers i de montagnes de récente
création, sur le modèle des Miquelets du Roussillon,
bivouaquaient à l'Hospice français du port de Vénasque.
Leurs sentinelles montaient la garde sur les crêtes. Des
. postes de vingt-cinq à trente hommes, installés aux ports
de la Picade, de la Glère, de Vénasque, etc., ne laissaient
passer ni gens, ni denrées, ni marchandises. On savait
que la vallée de l'Essera n'avait point reçu de troupes,
hors celles que le gouvernement espagnol avait envoyées
au gouverneur de Vénasque pour mettre la garnison sur
pied de guerre, c'est à dire trois cents hommes environ,
tout ce que la place et la ville pouvaient loger. Dix pièces
de canon avec des munitions pour un long siège et des
approvisionnements considérables, annonçaient que l'on
s'attendait à voir arriver M. de Bonas devant Vénasque
dès que Castelléon aurait succombé. La prévision sem-
blait d'autant plus justifiée qu'en 1708, le Régent, au
cours de son expédition en Catalogne, avait maintes fois
déclaré la possession de Vénasque et de Castelléon indis-
pensable à la France en temps de guerre.
De la vallée d'Aure on ne recevait que des nouvelles
rassurantes. M. de Noë certifiait à M. Le Blanc qu'il
n'existait ni troupes réglées ni Miquelets dans les vallées
de Gistain, delà Cinca, de Balbastro, etc. Du reste, six
cents hommes assez bien équipés n'attendaient qu'une
occasion pour marcher aux frontières. Le point de rallie-
ment des milices de la vallée était fixé à Guchen. Le
gouverneur du château de Tramesaîgues envoyait de
fréquentes reconnaissances sur le chemin du port de
1. On avait organisé un corps de 3,000 ar((aebosiers de montagnes, recruté en Espagne
et en France, dont le commandement fnt conflé à un certain comte Marini, aventurier
italien, qui, payé par Alberoni et le Régent, les trompait tour à tour. — Ces volontaires
forent des auxiliaires plutôt gênants qu'utiles et ne s'entendaient qu'au pillage. — Ils
portaient un habit bleu de cadis de Toulouse avec boutons de laiton, veste de cadis ou
ratine de Rodez bleu ou rouge doublé de toile grise, culottes de même, bas de Cerdagne
00 de Saint-Girons bleus ou rouges, chapeau de laine bordé d'or faux, souliers ou espa-
drilles, une escopette, une bayonnetle, un ceinturon avec gibecière, un pistolet et un poi-
gnard. — (Lemontey, Histoire de la Régence, — Suzane, Histoire de Vlnfanierie françaisej
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Bielsa. Une compagnie d'élite gardait ce passage. Le port
du Plan avait aussi garnison pareille et toutes communi-
cations étaient rigoureusement interceptées entre les deux
royaumes.
Dans le Comminges, le siège de Castelléon attirait*
singulièrement Tattention publique et faisait le sujet de
tous les entretiens*. Depuis que la libre circulation était
rétablie dans la vallée d'Aran, les curieux allaient aux
nouvelles, tentaient même de s'approcher de la forteresse
assiégée, et de voir sur le terrain de combat ces beaux
régiments de la vieille armée française, Picardie, La
Reine dont les noms étaient populaires, et les Suisses
qui paraissaient pour la première fois dans le pays. Mais
M. de Bonas avait donné d'inflexibles consignes. Nul
n'était admis dans le camp, à moins qu'il n'exerçât un
office, ou qu'il ne remplît une mission de nature à lui
faire ouvrir nécessairement les portes. Un corps de garde
à Bossost arrêtait les importuns qui n'avaient à jouer
simplement que le rôle de spectateurs. Ils étaient réduits
à voir de loin, du haut de quelques sommets, la fumée
des pièces de siège. On ne faisait d'exception que pour
les anciens officiers des armées du roi. Plusieurs d'en-
tr'eux offraient leurs services, donnaient d'utiles rensei-
gnements. Des gentilshommes, comme MM. de Mauléon
et de Luscan par exemple, faisaient mieux encore. Ils
levaient des volontaires, se mettaient à leur tête, et deman-
daient à marcher les premiers contre les Miquelets ^.
L'évêque de Comminges, se souvenant des promesses
de M. de Bonas, chargea Pierre Piette, archidiacre d'Aran,
d'en vérifier l'accomplissement. Après avoir remis son
message à M. de Bonas avec les compliments du prélat,
le dignitaire du chapitre de Comminges put se convaincre,
en parcourant les paroisses, que ces nouvelles recom-
i. Tous les détails que nous donnons ici sont lires de lettres et coiTcspondanccs Tai-
sant partie de nos Archives.
2. Exnostris A, année 1719. Correspondances et affaires de la subdélégation^ D. D. n» 99.
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45
mandations étaient surperflues. Dans sa conduite à
regard des habitants et dans la façon, bienveillante et
ferme à la fois, dont il traitait toutes les affaires, M. de
Bonas avait eu le don d'inspirer une crainte nécessaire,
mais en même temps une confiance sans bornes dans son
esprit de justice et dans sa loyauté. Les moindres plain-
tes le trouvaient prêta réprimer les désordres et les vexa-
tions, à sévir contre les coupables ; il maintenait dans
son corps d'armée la plus admirable discipline.
L'intendant de Lesseville, retenu par les occupations
que lui donnait M. de Berwick à Bayonne et sur les fron-
tières de la Navarre, s'en rapportait pleinement à ses deux
subdélégués de Montrejeau * pour les soins qui se ratta-
chaient à l'expédition dans la vallée d'Aran. Ils mettaient
le plus grand zèle à s'acquitter de tous les devoirs de
leurs charges. Ils organisaient avec une infatigable acti-
vité les approvisionnements et les transports, et se pro-
diguaient en toute circonstance avec un tel dévouement
qu'ils méritèrent, comme nous le verrons plus tard, les
éloges de M. de Lesseville, de M. de Bonas, du maréchal
de Berwick, de M. de Coignya, etc. Tous les officiers
1. MM. Pierre et Marc-François de Lassus. — Pierre de Lassas avait été nommé, en
1698, sabdélégué de l'inteodanco de la généralité de Monlauban, et, le 22 avril 1712,
contrôleur général des marbres des Pyrénées, sous la direction dn duc d'Antin, directeur
général des bâtiments du Roi.
Par une commission datée du 1«r mars 1718« M. Le Gendre, Intendant de Navarre-Béirn
et de la généralité d'Auch, considérant qne M. de Lassus, subdéiégué, avait donné depuis
longtemps des preuves continuelles de son %éle et de sa fidélité pour le service du Roi, nomma
sabdélégué, conjointement avec lui, Marc-François son fils, dans le département de
Biviére-Yerdun, Nébouzan et Qualre-Vallées. Ce choix fut confirmé, le 16 octobre 1718
par M. Lcclerc de Lesseville, snccesseur de M. Le Gendre.
Marc-François d& Lassas avait été nommé* le 11 mai 1716, juge en chef de Rivière-
Verdun, à la place de messire Foorcaud de Beaumarchez, qui venait de résigner ce siège
important.
Les descendants de Pierre de Lassas conservèrent la subdélégation, sons raulorité de
sept intendants, pendant un demi-siècle.
2. François de Franqnetôt, comte de Coigny, né le 16 mars 1670« mort le 18 septem-
bre 1759, fils du maréchal de ce nom. Maréchal de France en 1734, il gagna les batailles
de Parme et de Guastalla sur les Impériaux. — Le marquis de Coigny, lieutenant-général,
est entré à Saint-Jean-Pied-de-Port et Navarreins avec 60 escadrons et 20 bataillons, et le
marquis de Bonas presse le siège de Castelléon. (Buvat, Journal de la Bégence, 1. 1, p. 401.)
M. de Coigny est détaché avec 15 bataillons et 60 escadrons venus dn Languedoc, qu'on
étendra le long des Pyrénées, en cas qne les Espagnols tenteraient de passer par quel-
que endroit. CJoumal de Dangtau, t. xviii, p. 61.)
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46
généraux qui traversèrent le pays de Commînges se plu-
rent à constater Tintelligence de ces habiles administra-
teurs et la parfaite régularité de tous les services.
M. de Bonas continuait à faire connaître les opérations
du siège à M. Le Blanc. Voici ce que nous relevons de
plus essentiel dans les lettres de MM. Dumaine, Hoc-
quard et de Bonas lui-même, du 8 juin:
« Le 8 juin, la batterie de mortiers commença son feu.
» Le tir ayant été bientôt réglé. Ton ne tarda pas à
» s'apercevoir qu'il incommodait sérieusement les assié-
» gés.
» Un déserteur fut amené le soir à M. de Bonas et lui
» dit que plusieurs soldats avaient été tués ou blessés
» par des éclats de bombes.
» La construction de la batterie des trois pièces de
» vingt-quatre avait été retardée par suite de l'extrême
» dureté du terrain. Il n'existait pas une seule motte de
» terre en cet endroit. Celle qu'on avait apportée à coups
» de brouettes s'était trouvée fine comme de la cendre,
» sans la moindre consistance, et ne pouvait servir. On
» avait du faire la batterie en charpente avec de forts
» madriers.
» Le 9, la batterie avait tiré de grand matin. Les bou-
» lets rencontraient une résistance inattendue dans la
» maçonnerie des courtines, très épaisse et solide.
» Le château répondait mollement. Son artillerie ne
» causait guère de dégâts aux tranchées. Les pertes se
» réduisaient à quelques hommes blessés. Le feu de
» mousqueterie par les meurtrières atteignait plus à la
» queue de la tranchée qu'à la sape. Les soldats espa-
i> gnols avaient grand soin de ne pas se montrer entre
» les créneaux ou sur les chemins de ronde.
» M. de Bonas attendait tous les jours un parlemen-
» taire de la part du gouverneur, mais ce dernier restait
» muet.
» Les nouvelles des confins de l'Aran et de la vallée de
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47
» Paillas étaient de nature à n'inspirer aucune inquié-
» tude. Le prince Pio n'avait pas envoyé de troupes de
» secours ; le roi d'Espagne l'avait appelé, avec toutes
» ses forces disponibles, devant Fontarabie étroitement
* pressée par M. de Berwick.
» Castelléon, n'étant plus assuré d'une diversion avan-
D tageuse et perdant tout espoir d'être débloqué, ne
D pourra pas tenir plus de trois ou quatre jours après
» les premiers coups de canon.
» Le 8 juin, sont arrivés au camp un lieutenant et vingt-
» deux soldats en uniforme bleu du régiment de Savaric.
j> M. de Bonas les a bien reçus et il en a formé une com-
» pagnie.
» M. Hocquard vient de recevoir Tordre de M. de Ber-
D wick de se rendre immédiatement à Navarreins dès la
» prise de Castelléon. Il y prendra soin des troupes qui
» vont s'y rassembler sous le commandement de M. de
» Coigny. Avant son départ, M. Hocquard laissera tou-
» tes choses en règle dans la vallée d'Aran. t»
Le 11 juin, M. Dumaine annonçait une excellente nou-
velle à M. Le Blanc.
<« Nos mortiers tirèrent à partir du 7 juin avec tant de
» succès que les ennemis ont plus perdeu que nous.
» Notre canon ne tira que le 9 au matin parce que nos
» munitions ne vinrent que très lentement, faute de voitu-
» res, ce qui nous a retardés. Le 10 au soir, le colonel Don
» Pedro Sévaillas qui commandait la garnison, homme
0 d'entendement, fît demander une trêve à M. de Bonas.
» Celui-ci voyant que le château estoit ouvert trouva la
» proposition très suspecte et répondit à coups de canon.
» L'ennemi se rendit le lendemain.
» Nous avons fait en moins de trente-six heures une
D bresche au corps du château de vingt-cinq toises et
» une pareille à la fausse bresche. Tous les logements
D sont fort endommagés et en partie ruinés i. »
1. Archives hisloriques da Ministère de la guerre, R2 560.
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18
Le même jour, M. de Bonas envoyait au ministre la
dépêche oflicielle :
<c Castelléon, 11 juin 1719, six heures du matin.
» M^
» Castelléon vient de se rendre, la garnison prison-
» nière de guerre. J'en rends compte à M. le maréchal
» de Berwick, le priant de donner à M. de Crest Tagré-
)> ment de vous en apporter la nouvelle. Je dois ceste
» justice à tous les mouvements que je luy ay fait fayre
» pendant ceste expédition, m'estant servy de luy à toute
» sorte d'usage. Il mérite les grâces du Roy et l'honneur
» de votre protection. Il est en état de vous rendre
» compte de ce qui s'est passé jusqu'à la réduction de
» ceste place i.
» M. le marquis de Miron, colonel du régiment de
» Flandres, s'est apliqué avec tout le zèle et capacité
» qu'on peut demander d'un bon officier. M. le prince de
» Montauban a très dignement servy dans ceste expédi-
» tion et a montré tout le zèle qu'on peut souhetter^, de
» même que M. le chevalier d'Ambres» et M. de Chateau-
» bourgs.
» Je prends la liberté d'écrire à Son Altesse Royale, et
» comme le plus grand mérite de ma lettre sera d'estre
» présentée par vous, je vous supplie, M', de vouloir
)) bien me fayre ceste grâce.
» Je me flatte que vous voudrez bien m'accorder la con-
» tinuation de vos bontés. Je chercheray toute ma vie
» l'occasion 'de m'en rendre digne.
» J'ay l'honneur d'estre avec respect. M', vostre très
yy obéissant serviteur. Bonas-Gondrin.
» Castelléon, comme j'ay eu l'honneur de vous l'an-
» noncer, a capitulé à six heures du matin. Le comman-
» dant qui estoit un colonel espagnol, et le baron de Lèz,
\. M. de Crest, capitaine an régiment de Flandres.
2. Le prince de Montanban, colonel da régiment de Picardie.
8. Le cheralier d'Ambres» colonel da régiment de la Reine.
4. M. de Chateaubonrg, liealMaDt-oohmol d« régiment de Picardie.
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19
» gouverneur du château, se sont rendus prisonniers de
» guerre, avec quatre cappitaînes, huit lieutenants, cent
» quarante soldats détachés de différents régiments de
» Tarmée d'Espagne. On a trouvé dans le château neuf
» canons en fer.
D La garnison a esté envoyée à Lectoure.
» J'ajoute quelques détails de plus à ma lettre : .
» M. de Bettens, lieutenant-colonel de Castelas, méri-
A terait le grade de brigadier. C'est un officier excellent.
» Sa nomination causerait une joie générale:
» M. Hocquard a rendu les meilleurs services. MM. de
» Lassus père et fils, subdélégués de M' de Lesseville à
» Montrejeau, m'ont été très utiles dans ceste expédition
» et ne se sont épargnés en rien pour tous les secours que
» je devois attendre d'eux et des peuples qui sont sous
» eux. Ils méritent vos bontés, et une marque de recon-
» naissance de tout ce qu'ils ont fait». »
M. Dumaine écrivait à Le Blanc le 12 juin:
» Je fais déblayer les bresches, et fais venir des ouvriers
» de toute espèce pour les réparations indispensables. Si
» la cour avoit dessein de conserver ceste conquête comme
» un ancien domaine qui se trouve en deçà de la chute
» des eaux qui appartiennent à la France il y a cinq ans
x> par les traités et par les limites que la nature a mar-
» quées entre les deux États, vous aurez la bonté de me
D fayre donner des ordres. M"", pour le. projet que je
» croys nécessaire afin de fayre de ce château une place
» qui seroit parfaitement bonne à peu de frais par sa
» situation et par la connoissance que j'en ay après en
» avoyr fayt deux fois le siège".
» Voicy le cinquième siège que je conduis en chef heu-
» reusement, sans qu'ils m'ayent raporté ny biens, ny
» honneurs, ny pensions, quoique je soys l'un des plus
» anciens brigadiers des Ingénieurs. Je ne peux m'adres-
1« Archives historiques da Miotstére de la guerre, R. S* 560.
RinjB M Commou, 1«' uimestre 1894. Tomb IX. — 4.
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50
» ser qu'à vous, M% par Téloignement de M' d'Asfeldt,
» pour obtenir quelque grâce de Son Altesse Royale que
» je vous suplie très humblement de me procurer*.
» Je suys d'un profond respect, etc. Dumaine. »
En marge de cette lettre, on lit de récriture de M. Le
Blanc : « Accordé mille livres de gratification. »
Les pertes essuyées par les Français devant Castelléon
étaient légères. On comptait trois officiers blessés, cinq
soldats tués et une vingtaine de blessés. La garnison
avait eu le qUart de son effectif hors de combat.
Le 13 juin, M. de Crest annonçait à Berwick la nou-
velle de la prise, et repartait en poste pour Paris.
» Dimanche, 18 juin, dit Dangeau dans son Journal,
» il arriva un courrier qui apporta la nouvelle de la prise
» de Castelléon. Il avait passé au camp de Fontarabie où
• » il apprit la blessure du fils de M. d'Estaing, aide de
» camp de M. de Joffreville, de trois éclats de bombe ^. »
Buvat, dans son Journal de la Régence, mentionne éga-
lement Tarrivée de M. de Crest.
D'après le bruit qu'on se plût à faire de ce succès, le
public eut le droit de s'imaginer qu'il s'agissait d'une
forteresse véritablement importante, et non d'un vieux
château perdu dans un coin des Pyrénées. Ce nom pom-
peux de Castelléon sonnait bien du reste, et donnait aisé-
ment prise aux illusions naturelles, ou même aux exagé-
rations convenues.
M. de Bonas fit partir sur le champ sept bataillons pour
Navarreins; il garda le bataillon de Flandres et deux
compagnies de milice pour réparer les brèches. On ne
dégarnit point Montrejeau pour prévoir le cas où l'en-
nemi ferait un retour offensif. Les frontières furent gar-
dées avec une vigilance qui ne se démentit pas, et, sur
certains points, les milices les mieux équipées du pays,
1. Archives bisloriques du Ministère de la guerre, B. 2 560.
2. Journal de Dangeau, t. xiv, éd. Hachette.
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8*
jusques là tenues en réserve, vinrent remplacer les dé-
tachements des troupes réglées.
Sur la proposition de M. de Bonas, M. de Berwick
nomma M. de Champier, lieutenant-colonel d'infanterie,
gouverneur de Castelléon et de la vallée d'Aran, M. Bar-
don, major du château, M. de Besins, aide-major. Deux
cents hommes du régiment de Flandres et d^ milices du
Comminges étaient laissés dans la vallée (13 juin 1719)».
Trois jours après la prise de la forteresse, M. de Bonas
disait à Berwick (16 juin)^
tf II n'y a point de juge dans la vallée d'Aran. Celuy
» qui y estoit réside en ce moment à Barcelone. Il im-
» porte de placer là un bon sujet qui contienne le peuple.
» Le sieur de Lassus, juge royal de Saint-Béat et des
» vallées qui touchent TAran, est très propre pour cela'.
» Vous ne sauriez proposer un meilleur sujet. Ce sera
» pour luy un fardeau sans émoluments, mays on trou-
» vera moyen de l'engager à bien faire d'ailleurs. Je vous
» prie de luy donner vos provisions ou de les demander
» à la cour^. »
Le 17 juin, M. de Bonas répondait en ces termes à des
recommandations que lui avait adres*sées M. Le Blanc
pendant le siège :
« De Castelléon, le 17 juin 1719.
» M%
» Par la lettre que vous me faites l'honneur de m'écrire
» le 4, vous me recommandez d'avoir une attention par-
1. Archives historiques do Mioistère de la guerre : Lettre de Bonas à Berwick, R. 2. 560.
2. Idem.
3. M. Marc*François de laissas ii*élail pas juge de Saiol-Bëat, mais juge en chef de
Télection de RiviëTe-Verdun, depuis le 11 mai 1716. Saint- Beat était compris dans la
juridiction.
Le 2 décembre 1724, la justice de Rivière fut démembrée, pour composer à l'avenir
douze corps d'orflces exercés dans douze sièges différents. Saint-Béat devint un siège
spécial. M. de Lassus conserva celui de Mootrejeau avec le titre de juge en chef. Le duc
d'Aotin écrivit peu de temps après à M. de Lesseville que le bénéfice de la cession de ces
douze judicatures avait été accordé par le Rot à M. de Lassus, en considération des ser-
vices qu'il avait rendus pendant la guerre d'Espagne. (Ex nostris A, année 1719.)
4. Archives historiques du Ministère de la guerre, R. 2. 560.
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58
» ticulière d'empêcher la maraude. La discipline a esté
» si bien observée qu'il n'y a eu qu'un soldat qui ait sorty
» du camp. Les païsans me le ramenèrent, et, comme je
» croys vous l'avoir fayt connaître précédemment, je leur
» fis donner cent francs, et je fis casser la tète au déser-
» teur. Cella feut fini pour toujours. On n'a pas coupé un
» épi de blé; les habitants d'Aran ont esté dans leurs
» maisons fort tranquilles, et ils ne se sont pas aperçus
» qu'il y eût des troupes étrangères chez eux. Je leur ay
» teneu la parole que je leur avois donnée.
» Les vallées voisines, animées par le traitement de la
» vallée d'Aran, m'ont envoyé secrètement des députés
» pour me prier d'entrer chez eux, afin de se mestre sous
» la domination française. Je leur ay inspiré de cacher
x> pendant quelque temps leur bonne volonté, attendeu
» que les troupes que j'avois icy estoient obligées de
» passer d'un autre costé, et que s'il paroissoit aux
» Espagnols qu'ils estoient veneus volontairement à l'o-
» béyssance, ils pourroient estre châtiés, qu'il faloit
» attendre que je peusse entrer chez eux avec un corps
» de troupes pour les soutenir et leur remestre les armes
» à la main, et que je me sacrifierois pour défendre leur
» liberté et leurs privilèges.
» Je ne puis pas douter que ces peuples n'ayent beau-
» coup de confiance en moy, et cella vient de ce que,
» dans la guerre passée, j'ay comandé dans toutes ces
» montagnes et que j'ay bien traité les habitants de ces
» pays.
» Je viens de recevoir une preuve de ceste confiance.
» Le roy d'Espagne a fayt depuis peu un régiment de
» fusiliers dont il a envoyé quatre compagnies sur ceste
» frontière.
» J'appris qu'un nommé Mora, que j'avois conneu pen-
D dant la dernière guerre, estoit de ce nombre avec le
» nommé Mateu. Je leur manday que j'estois dans la
» vallée d'Aran, et que je les recevroys avec plaisir. L'un
0 d'eux est veneu avecjsa compagnie entière, l'autre avec
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53
j» de petits détachements au nombre de quatre-vingt-dix
» bien vêtus et bien armés. J'en ay formé trois compa-
» gnies et ay laissé les mêmes officiers qui y estoient.
D J'aurois souhetté, M% qu'on eût pu me laisser les
» troupes que j'avois icy. J'aurois exécuté un projet que
» j'avois formé en suyvant le goût et l'inclination des
» Catalans. Mais les troupes ont été nécessaires ailleurs.
» J'ay faict partir sept bataillons pour joindre M. de
j) Coigny, et je laisse icy le régiment de Flandres pour tra-
» vailler au rétablissement du château qui est tout écrasé
» par les bombes et le canon. Je mestray dans la journée
j» d'aujourd'hui la dernière main à l'arrangement de la
» vallée d'Aran, en asseurant aux habitants que je re-
» viendray les voir, pour les encourager à bien fayre par
» cette espérance.
» J'auray l'honeur de vous informer de ce que j'auray
» fayt que je croiray le plus convenable pour le bien du
» service dans ceste vallée. J'espère, M% que vous au-
» rez ceste confiance en moy que de vous en raporter à
» ce que j'auray l'honneur de vous mander sur ceste
» frontière et sur l'intérieur de la Catalogne, et méprisez,
» je vous prie, tous ces donneurs d'avis qui ne cherchent
» qu'à se rendre nécessaires et qui ne sont conduits que
» par leur intérêt propre '.
» Je parts pour me rendre à Pau, où M. le maréchal
» de Berwick me destine pour y comander un corps de
» cavalerie. Je tâcheray d'y servir le Roy avec le même
D zèle que partout ailleurs. Vous voudrez bien permettre
» que je vous fasse remarquer que, pendant l'expédition
» que je viens de fayre, il ne m'a pas déserté un seul
1. Le ministre recevait des lellres de gens qui voulaient faire du zélé, donnaient des
renscigneiiienls, même des conseils, critiquaient les opérations militaires, etc. 11 renvoyait
quelques-unes de ces missives à M. de Bonas. — C'est h cela que ce dernier fait allusion.
A ce propos, lors de la guerre de suceession, M. Le Gendre, qui recevait de semblables
communications et qui savait à quoi s'en tenir, disait dans une lettre au Contrôleur géné-
ral Desmarest, le 28 octobre 1707 :
• On empêcherait plutôt les Gascons de manger et de boire, que d'écrire sans aucun
t ménagement, quand il s'agit de satisfaire leurs passions. * (Ardiives nationales : Géné-
ralité de MonUuban, G. 7. n* 397.)
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Si
» soldat et qlie les troupes et le pays sont contents, et
» moy beaucoup des uns et des autres.
» Je vous suplie, M*", de voulloir bien me continuer
» rhoneur de vos bontés et me croyre, avec tout le res-
» pect possible, votre très humble, etc.
a BONAS-GONDRIN.
» Si vous m'honorez de vos ordres, vous aurez la
» bonté de fayre adresser vos lettres à M. de Le'sseville,
» à Pau'. »
En tête de cette lettre figure la note suivante, écrite par
M. Le Blanc :
» Lu tout au long cette lettre à Son Altesse Royale
» qui est très contente. Beaucoup de marques d'estime. »
Le 16 juin, la ville de Fontarabie^ capitulait, après un
siège assez rude. L'armée française avait perdu quatre
ofliciers et cent trente-six soldats tués. Trente-six offi-
ciers et cinq cent treize soldats étaient blessés.
Philippe V, témoin impuissant de la prise de Fontara-
bie, accablé par la fidélité des Français qu'il regardait
comme une défection, semblait rechercher l'isolement et
la solitude. On essayait de lui faire comprendre que tous
les malheurjs de cette guerre néfaste retombaient sur le
ministre qui l'avait suscitée. Le maréchal de Berwick,
maitre de deux provinces d'Espagne, s'efforçait de gagner
ses adversaires par une conduite aussi généreuse que
politique. Il ne lovait point de contributions, il renvoyait
les prisonniers, il traitait les habitants avec de tels mé-
nagements, que ceux-ci demeuraient spectateurs de la
lutte sans intervenir. Des deux côtés, on ne croyait pas à
la prolongation de la guerre.
Le 21 juin, M. Le Blanc envoyait sa réponse aux lettres
i. Archives historiques du Ministère de la guerre : Guerre d'Espagne. R. 2. 560.
2. Une médaille Tut frappée en commémoration du siège et de la prise de Fontarahie.
En voici la description :
Pallas française Tunlant Técn de Foiitnrabie présente nne branche d*oiivier à une guer-
rière qui tient l'écnsson d'Espagne. — Pacis firmandœ eriptum pignus. Gage arraché
pour assurer la paix. — Exergue : Fonlarabia capta XVI in MDCCXIX. Monogramme D. V.
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55
que M. de Bonas lui avait adressées après la prise de
Castelléon :
« J'ai receu, Monsieur, par le sieur de Crest, les lettres
» que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le H de ce
D mois, et j'ay remis à Son Altesse Royale celle que
j> vous m'avez adressée pour elle.
» Je ne vous diray rien de la satisfaction qu'elle a de
» la conduite que vous avez teneue dans votre expédition
» de Castelléon. Elle s'en explique par la lettre cy-jointe
» beaucoup mieux que je ne pourrois faire. En atten-
» dant qu'elle puisse vous accorder des grâces propor-
» tionnées à l'estime qu'elle fait de vous, elle augmente
» de deux mille livres la pension de trois mille que vous
» avez ci-devant obtenue. Vous devez estre bien persuadé
» de l'attention que j'auray toujours sur toutes les choses
» qui pourront vous intéresser.
» Votre courrier a eu une pension de 400 livres et
D une gratification de 3,000 en considération de la bonne
» nouvelle qu'il a apportée. Je crois qu'il ne sera pas
» mécontent de son voyage et qu'il se saura bon gré
» d'avoir travaillé à mériter les témoignages avantageux
» que vous rendez de luy.
o S. A. R a lu avec plaisir ce que vous luy marquez sur
j) le compte de M. le prince de Montauban, de M. de
n Miron et de M. le chevalier d'Ambres. Elle désire que
» vous les assuriez de sa part qu'ils la trouveront très
D disposée à l'occasion à leur donner des marques de sa
A satisfaction. Quelque résolution que S. A. R eût prise
» de ne pas augmenter la dernière promotion, elle n'a pu
» résister à tout le bien que M. le maréchal de Berwick
» et vous luy dites en.faveur de M. de Bettens. Elle luy a
» accordé le grade de brigadier et son brevet sera daté
» du jour de la promotion. Ainsy la grâce sera complète.
» Je suys bien aise que vous ayez esté content du
n commissaire Hocquard. Au lieu de 600 livres d'appoin-
» tements qui luy avoient esté réglés par moys, je les luy
» feray payer dorénavant sur le pied de 800 livres.
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56
» A regard du sieur de Lassus, S. A. R veut bien luy
» accorder une commission pour remplir les fonctions de
^ juge de la vallée d'Aran, mais comme dans ces sortes
» d'expéditions il y a ordinairement des clauses relatives
» aux usages du pays, j'ay besoin pour la fayre fayre dans
» les règles d'avoir copie du titre de celuy qui cxerçoit
» ci-devant ceste charge pour l'Espagne.
» Je crois que le meilleur party qu'on puisse tirer du
» lieutenant et vingt-deux Miquelets du régiment de
» Savaric qui sont veneus vous joindre tous armés et
») équipés, est de les envoyer au Mont-Louis pour estre
» incorporés dans les bataillons d'arquebusiers catalans
» que les sieurs Grau et Ferrer y rassemblent.
» Je suys avec un sincère attachement, Monsieur, votre
» très humble et très obéissant serviteur.
» Le Blanc*. »
Pendant l'occupation française, Marc - François de
Lassus remplit les fonctions de juge en chef de la vallée
d'Aran, et sur la recommandation du maréchal de Ber-
v^ick il obtint une pension de quinze cents livres sur le
trésor royaP.
M. de Champier, gouverneur de Castelléon, convoqua
le 23 juin tous les consuls et les bayles de la vallée d'Aran.
i. Celte pièce fait partie de dos Archives. (Lettres et correspondances dn xviii* siècle
n' 79, Subdélégalioo.)
2. La charge de juge en chef de TAran fot donnée à Marc-François de Lassas. Son père
reçut en même Icmps de M. Le Blanc une gratification de 1,500 lÎTres.
Cette gratification fut convertie en pension à la fin de la guerre. M. Le Blanc expédia le
brevet, le 21 janvier 1620, avec la lettre snivante à Pierre de Lassns :
< Depuis que je vous ay mandé. Monsieur, par ma lettre du 26 novembre , que Son
> Altesse Royale vons avoit accordé une gratification de i,500 livres, M. le maréchal de
• Berwick a rendeu des témoignages si avantageux de votre lèle et de vos services qn*EI]e
« a bien vonln convertir ceste gratification en pension. Comme tous devez avoir touché
> les 1,500 livres de gratidcalion dont j'ay expédié Tordre à M. de Lesseville le 24 du
> mois passé, ceste somme vous tiendra lieu de la première année de votre pension, et je
> coniiuueray à la fayre employer sur Tétai des pensions qui sVxpédieront à l'avenir, de
> manière qu*au mois de décembre 1720 vous loucherez la deuxième année. Je suys, très
* parfaitement. Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur. Le Bunc. >
Du consentement de Pierre de Lassus, la pension fut mise, en mai 1720, sur la tète de
son fils Marc-François, qui en jouit jusqu'à sa mort (4 août 1780).
M. de Bonas entretint une correspondance suivie avec MM. de Lassus. Il leur disait, le
10 mai 1720 : « Vous n'avez pas d'ami plus solide que moy. > — (Ex nosirisA, D. 6, n* 27 et s.)
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67
La misère du pays était grande à la suite des taxes et des
réquisitions imposées depuis le commencement de la
guerre par Tancien gouverneur espagnol. Il importait au
plus haut point de continuer les traditions de sage poli-
tique laissées par M. de Bonas. « Le régent de France, dit
» M. de Champier à tous les gens qui Técoutaient, est
» animé des dispositions les plus bienveillantes à votre
D égard ; il maintiendra tous vos privilèges, il ne vous
» demandera pas de nouveaux sacrifices, sachant que
» vous en avez supporté de très onéreux. Il veut que
» vous viviez en paix sous sa protection. Je suîvray les
» exemples du marquis de Bonas dont vous avez tous
» admiré la modération et la droiture. Je seray juste
» comme luy, mais, comme luy aussy, ferme et sévère
» selon les événements. Vous pouvez estre asseurés de la
» bonne discipline de mes troupes. Tous vos griefs seront
» écoutés ; à votre tour montrez-vous soumis, conflants,
D agissez avec franchise, et de ceste conduite vous reti-
» rerez le plus grand bien. »
En rendant compte à Berwick de cette assemblée,
M. de Champier ajoutait :
tf J'auray les mains si nettes que Dieu ny les hommes
» ne me reprocheront aucune ordure. Par ma conduite
» je donneray envie aux vallées voisines d'entrer 90us
» la domination de la France.
» M. de Bonas a laissé dans ce pays un tel renom qu*il
» faudra Ty faire revenir si Ton veut assurer les premiers
» succès'. »
Répondant à Le Blanc qui lui demandait un avis au
sujet de Castelléon, Berwick datait la lettre suivante du
camp de Renteria, le 27 juin :
«f Quant à ce que vous me marquez de ce qu'il convien-
» droit de fayre de Castelléon, dans un autre temps rien
4 ne seroit meilleur que le fayre sauter; mais ceste
1. Archives da MÏDistére de la guerre, R. 2.560,
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58
» guerre estant d'une nature différente de toutes les
» autres, par rapport aux veues et manèges du cardinal
» Albérony, je croirois qu'il convient de garder ce châ-
» teau qui barre l'entrée de ce costé-là, d'autant même
» qu'il soutient les peuples de la vallée d'Aran qui sont
» bien disposés pour nous ; mais comme ceste guerre
» doit avoir une fin, si Son Altesse Royale l'approuve, je
» le feray minera »
Le maréchal de Berwick, frappé de tous les éloges
qu'on faisait de M. de Bonas, et sachant apprécier les
remarquables qualités de cet officier général, résolut de
lui confier un corps d'armée qui pénétrerait plus avg^nt
dans la Catalogne et donnerait la main aux troupes qu'on
réunissait en Roussillon. M. de Ciiampier écrivait, le 17
juillet, qu'une sourde fermentation était signalée dans les
vallées frontières. Autour de Vénasque les Espagnols
s'agitaient ; les Miquelets commençaient à reparaître : il
serait urgent d étouffer ces dispositions belliqueuses et
de se porter sans retard sur Vénasque. Les trois pièces
de vingt-quatre et les mortiers qui avaient servi au siège
de Castelléon seraient très efficacement mis en usage
pour le siège de cette place que l'on réduirait en quel-
ques jours.
Berwick envoie plusieurs bataillons du camp de Muret
dans la vallée d'Aran, et M. de Bonas s'y retrouve à la
fin de juillet. De grands approvisionnements sont atten-
dus à Montrejeau^.
« Il faut ravitailler et mettre en état Castelléon, écrit
» Bonas à Le Blanc, le 25 juillet. Un siège prochain est
» à craindre. Je fais réparer la route de Saint-Béat et je
1. Archives historiques da Ministère de la guerre, R. 2. 560.
2. On signifie à Toulouse, Cazéres, Saint-Gaudcns, Montrejeau, un ordre du Roi du 15
juillet portant de uc laisser prendre aucun droit pour le transport et passage des vivres
et approvisionnements expédiés à l'armée des Pyrénées par Dominique Lasalle, bourgeois
de Paris, fournisseur de 300,000 qx. de blé, 250,000 sacs d'avoine de i2 boisseaux, 40,000
qx. d'orbe, 120,000 rations de fourrages. (Signé du Régent et de Le Blanc.)
{Ex noslris i4. D, n* 62. d d d.)
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59
» prends toutes les mesures pour n'estre point surpris.
» Je voudrois parcourir toutes les vallées frontières avec
» un corps d'armée, et je me ferois fort de les insurger
» contre l'Espagne, d'autant mieux que je suis conneu
» dans le pays^ »
Peu de temps après, nous trouvons M. de Bonas en
cours d'explorations dans la Cerdagne ; il explique à Ber-
wick comment il comprend la guerre dans toute cette
région. « Ne vous fiez pas, dit-il, à tous ces donneurs
» d'avis qui ne veulent que rançonner le pays et se pro-
» curer les grâces de la cour sans les mériter». »
Interrogé sur la situation des Quatre- Vallées, M. de
Noë répond, le 2 août, qu'elle se maintient satisfaisante.
Les Espagnols ne se montrent pas sur les frontières. Les
mouvements qui se produisent dans la Catalogne n'ont
pas de contre-coup en Aragon. Toutes les troupes dis-
ponibles de cette province sont parties pour la Navarre
au secours de Saint-Sébastien. De faibles garnisons occu-
pent les places. Malgré les excitations des agents d'AIbe-
roni, les Miquelets ne répondent point à l'appel. Les offi-
ciers chargés de les enrôler battent le pays en vain. Les
milices des Quatre- Vallées conservent une attitude très
résolue. Elles sauront défendre leurs foyers avec autant
de courage que de fidélité. Jusqu'à nouvel ordre, M. le
Maréchal ne doit pas prendre le soin de faire camper des
troupes réglées à proximité des vallées d'Aure et de
Louron *.
Berwick reçut ces nouvelles au moment même où l'ar-
mée française entrait dans Saint-Sébastien.
i. Archives historiques du Ministère de la guerre, R.'2. 560. ,
2. Archives historiques du Ministère de U guerre : Lettres de Bonas et Champier,
16 juillet et suiv., B, 2. 560.
3. Archives historiques du Ministère de la guerre R. 2.560.
Voici quels étaient les ëmolumeots, ou, comme on disait alors, l'uslencile du Séné-
chal des Qoatre-Vallées : 400 livres par an, i05 livres pour loyer d'une maison meublée
à Sarrancolin, 40 francs pour bois et charbon, 12 francs pour deux messagers à lelires.
Le 18 septembre 1719, M. de Noê, sénéchal, fit mettre en prison le s' Bagnéris, syndic
des Quatre -Vallées, parce qu'il avait refusé de payer l'uslencile.
fEx noslris A : Valléa d'Aure, CGC. n« 97.)
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«0
Lee bataillons détachés du camp de Muret ne firent
que traverser la vallée d'Aran, pour se rendre dans la
Conque de Tremps désignée par Berwick pour être le
centre des opérations militaires. L'absence des neiges
facilita la marche des colonnes françaises au milieu des
montagnes qui séparent le territoire d'Aran de la longue
vallée de la Noguera Paillaresa. Le siège de Vénasque fut
remis à d'autres temps, lorsque les péripéties des événe-
ments amèneraient nos armées au cœur de TAragon.
Tous les ports demeuraient bien gardés. On laissait à
Bagnères-de-Luchon deux bataillons et les milices en
communication permanente avec la garnison de Castel-
léon et avec la réserve de troupes cantonnée à Saint-
Béat.
Le corps d'armée de la Conque de Tremps comprenait
dix bataillons d'infanterie, deux régiments de dragons et
mille arquebusiers ou Miquelets, enrôlés sous nos dra-
peaux par les soins de M. de Fimarcon, lieutenant géné-
ral, gouverneur du Roussillon. Les troupes étaient éprou-
vées, choisies, tirées des meilleurs régiments de France.
On ne comptait guère sur les Miquelets. Ces partisans ne
se battaient que par amour du pillage et de la rapine. Ils
ne s'entendaient qu'aux surprises, embuscades, attaques
de convois faiblement escortés. Mis en ligne comme les
autres soldats, ils se fondaient pour ainsi dire sous le feu
de l'ennemi, ne revenant qu'après la bataille, avides du
butin qu'ils n'avaient pas eu le courage de gagner mais
dont ils réclamaient audacieusement leur part.
Ce fut avec un sentiment de fierté légitime que M. de
Bonas prit le commandement des belles troupes con-
fiées à sa valeur et à son expérience. Impatient de justi-
fier le choix que Berwick avait fait de sa personne, et
jaloux d'accroître sa propre renommée, il chercha des
moyens habiles pour soulever les populations et pour
semer la division dans le camp ennemi. Ses proclama-
tions et ses actes étaient conformes au manifeste qu'il
avait publié dans la vallée d'Aran. La France ne faisait
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61
point la guerre à Philippe V, l'héritier de ses rois, encore
moins au noble peuple d'Espagne, mais à Tastucieux
ministre qui déchaînait contre sa patrie d'adoption les
justes colères de toutes les puissances de l'Europe. Bien
des gens applaudissaient à ces discours ; des symptômes
de rébellion se manifestèrent. Le 17 août, M. de Bonas
faisait enlever le brigadier de Cron par les soldats que
commandait ce général. Quelques jours après, Don An-
tonio Berenguer, colonel des milices espagnoles, parta-
geait le même sort. La prise du château de Bar, près
d'Urgel, couronna par un coup d'éclat ces premiers suc*
ces*.
Pendant le mois de septembre, en Catalogne, les Fran«
çais ne se mesurèrent point avec les nouvelles troupes
envoyées par Alberoni, sauf en quelques escarmouches
sans importance. Le 2 octobre, les bataillons d'arquebu-
siers de Grau et de Belair du corps de Bonas, attaqués
vivement par une brigade espagnole, firent très mauvaise
contenance au premier choc et lâchèrent pied sans dis**
puter le terrain.
M. de Bonas ne voulut pas rester sous le coup de cet
échec ; il surprit à son tour les ennemis aux environs de
Monsec, chargea lui-même à la têto de ses dragons avec
tant d'impétuosité que son cheval fut tué ; l'avantage de
cette journée resta aux Français, malgré leurs arquebu-
siers qui ne se risquèrent pas dans la mêlée.
M. de Bonas se plaignit à Berwick de ces auxiliaires,
en termes très indignés (Lettre du 3 octobre) :
V Je suys outré contre nos Miquelets qui n'ont jamais
» voulleu mordre et qui ont fait la plus mauvaise conte-
» nance du monde. Ce sont de franches canailles qui ne
» songent qu'à voiler, piller, assassiner, dépouiller les
» prisonniers, ou qui les laissent échappera »
Comme un vent de révolte et de désertion semblait
I. Arcbires historiques au Ministère de la guerre, B. 3.560.
3. ArchîYes historiques da Ministère de la guerre, R. 3.560.
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62
souffler sur ces bandes rebelles à toute discipline, M. de
Bonas demanda très instamment au maréchal Tautorisa-
tion de faire rouer les déserteurs au lieu de les passer
par les armes. Pendant la guerre de succession, M. de
Vendôme avait usé de ce moyen violent et s'en était
fort bien trouvé. LMnfamie du supplice inspirait une
terreur salutaire. Après plusieurs exécutions en grand
appareil, les désertions avaient pris fin.
Depuis la fin d'octobre, la guerre avait été portée en
Catalogne par le revers français des Pyrénées. Le pays de
Comminges vit un grand passage de troupes échangeant
leurs quartiers de Bayonne contre ceux du Roussillon.
M. de Berw^ick alla faire en personne le siège de Roses,
mais il dut l'abandonner le 6 novembre, et ramener ses
soldats en France.
M. de Bonas reçut Tordre d'hiverner dans la Conque
de Treraps et de surveiller nos frontières depuis le comté
de Foix jusqu'aux limites du Bigorre. Saint-Qaudens et
Montrejeau conservèrent des bataillons de réserve desti-
nés à protéger le pays contre les incursions ennemies.
Trois cents hommes occupaient la vallée d'Aran. A Saint-
Béat, Cierp et Ludion, les garnisons que nous avons
déjà citées veillaient à la sécurité des ports et passages,
et l'hiver allait amener avec ses neiges un armistice forcé.
La France et l'Espagne étaient également lasses, mais
cette dernière avait le plus grand intérêt à voir finir la
guerre. Au printemps, envahies par des armées nom-
breuses, la Catalogne et la Navarre deviendraient un
sanglant champ de bataille et de nouvelles ruines s'ajou-
teraient à celles qu'avait accumulées la guerre de succes-
sion. D'un autre côté, les Anglais préparaient ostensible-
ment une vaste expédition contre l'Amérique espagnole.
Alberoni, malheureux dans tous ses projets téméraires,
livrait l'Espagne à la merci de l'Europe conjurée contre
lui. Impressionné par tant de revers, Philippe V regarda
son ministre d'un œil mécontent. Des intrigues s'engagè-
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63
rent de toutes parts pour précipiter la chute de Thomme
d'Etat dont le prestige et le crédit s'affaiblissaient de jour
en jour. Une partie de la noblesse espagnole ne vit dans
Alberoni qu'un odieux étranger et dans sa politique
que la persistance d'une insupportable domination. On
circonvint Philippe V par tous les moyens les plus pro-
pres à frapper un prince aussi faible , indécis et mé-
fiant. Le Régent fit affirmer qu'il n'y aurait jamais de
paix tant que le ministre garderait sa place. Bientôt la
Reine elle-même abandonna le cardinal. Au faite des
grandeurs, sans le moindre soupçon de disgrâce, le 5
décembre 1719, il reçut brusquement Tordre de quitter
Madrid dans vingt-quatre heures et l'Espagne dans huit
jours. Alberoni s'empressa d'obéir; il revint en Italie.
Après des péripéties sans nombre, cet homme qui avait
joué un si grand rôle, excité tant de haines et rêvé pour
l'Espagne l'empire du monde, mourut à 88 ans, simple
légat de Ravenne, conservant à cet âge et dans ce rang
modeste l'infatigable activité d'esprit dont il avait été
dévoré pendant toute sa vie i.
Alberoni disparu de la scène, le but principal du Ré-
gent et de Dubois était atteint. On espéra la suspension
immédiate des hostilités.
a Pour convaincre de la proximité de la conclusion de
» la paix entre la France et l'Espagne, dit Buvat, plu-
9 sieurs marchands de Paris reçurent des lettres de
» leurs correspondants de Madrid par lesquelles ils leur
» demandaient des rubans de toutes couleurs, des échar-
a pes, des palatines, des éventails, des colliers de perles,
» et autres ajustements pour les dames espagnoles. '
La guerre ne cessa point; M. de Bonas soutenait tou-
jours des combats dans la Conque avec des chances heu-
i. La chale d'Alberoni fot poar Sainl*Simon roccasion de faire de ce ministre qu'il dé-
tesUiil OQ de ces portraits à l'emporte pièce dans lesquels il ne gardait aucun ménagement.
Il ne craiot pas d'appeler le cardinal un tnonstrueuxpersmnage, (Mémoires de SainU^imon :
La Régence).
2. Ba\at, Journal de la Régence, tome ii.
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61
reuses, et pendant le mois de novembre on avait achevé
de miner le château de Castelléon. Le canon et le maté-
riel furent évacués. On fit sauter la vieille forteresse. Au
bout d'un mois, elle était entièrement démolie et rasée
jusqu'au niveau du sol. M. de Champier mena cette opé-
ration avec une grande activité». Il cantonna la garnison
dans les villages et fit transporter Tartillerie et les muni-
tions à Saint-Gaudens, avec recommandation aux consuls
de cette ville de rendre ce matériel aux arsenaux de Tou*
louse et de Bordeaux «.
Au mois de janvier 1720, le prince Pio se mit en devoir
d'expulser les Français de la ConcfUe de Tremps. Le
marquis de Bonas, menacé par des forces supérieures,
se replia sur la Cerdagne et vint rejoindre les troupes de
Pimarcon qui se composaient de onze bataillons, cinq
cents grenadiers, deux mille cinq cents hommes tirés des
places du Roussillon, et deux mille partisans de Catalo»
gne enrôlés au service de France. Le Prince Pio reprit la
Cerdagne. Urgel, vaillamment défendu par le lieutenant-
colonel Ménard, se rendit aux Espagnols le !•' février.
Le château capitula le 12 février, et la garnison, prison-
nière de guerre, défila devant le vainqueur». L'armée fran-
çaise revint en Roussillon prendre ses quartiers, emme-
nant à sa suite les Miquelets catalans qui n'osèrent
affronter les châtiments que leur réservait le gouverneur
de la province. M. de Bonas quitta l'armée le 11 février, y
laissant une grande réputation de bravoure et de capacité.
I
Le 17 février, la paix signée à Londres termina cette
guerre stérile qui avait coûté 82 millions à la France I
Les deux nations déposèrent les armes avec un égal
1. Lettre de M. DevieDoe, commissaire de TExtraord inaire à Auch, à M. de Lassai,
sobdélégtté, au sajet do paiement des démolitions de Castelléon, 17 décembre 1719.
2. Eut payé par les consuls de Saint-Gaudeos pour le transport des canons, boulets,
munitions, mortiers, etc., le tout déposé à Saint-Béat. ^ Décembre 1719.
(Ex nosirU i . 51 . D d n.)
8. Archives historiques du Ministère de la guerre, R. 2. 560 : Lettres du marquis de
Bonas, marquis de Flmarcon, etc., février 1719.
Mémnrtt dt régne de Phikppe ¥, par le marquis de St-Philippe, t. iy, Amsterdam, 1756
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«5
empressement. De Paris à Madrid on n'entendit qu'un
long cri de délivrance. On mesurait le prix de cette paix
si désirée à la joie que manifestaient les peuples. Elle se
traduisit par des fêtes, des solennités civiles et religieuses.
L'allégresse publique éclatait surtout dans nos provinces
frontières dont les intérêts avaient le plus sérieusement
souffert. A Saint-Gaudens, Montrejeau, Saint-Béat, dans
tous les villages du Comminges et de la vallée d'Aran, les
réjouissances durèrent plusieurs jours >. Dans ces réu-
nions spontanées se rencontrèrent des milliers de braves
gens des deux nations, contraints par la politique à se
traiter en ennemis lorsqu'ils ne demandaient pas mieux
que de vivre en bonne intelligence. On revint aux ancien-
nes coutumes pour un temps délaissées, aux échanges
commerciaux forcément interrompus, à la réciprocité des
amicales relations. Les Aranais reprirent le chemin du
beau pays de France où, par les temps difficiles, ils
trouvaient une hospitalité généreuse Nos montagnards,
de leur côté, traversèrent de nouveau les ports des Pyré-
nées et descendirent dans ces vallées bien connues de
la Catalogne et de l'Aragon, pour aller offrir l'assistance
de leurs bras robustes aux propriétaires de ces fertiles
contrées. On se hâtait d'autant plus à renouer la chaîne
des traditions séculaires que la privation absolue de ces
rapports avait été pour tous plus préjudiciable et plus
pénible. Les premières fêtes de Saint-Bertrand de l'an-
née 1720 attirèrent une affluence inusitée d'Espagnols.
Le clergé de l'Aran y fut représenté par plus de cent
prêtres. On oubliait les souvenirs poignants de la guerre ;
on remerciait le ciel, on se félicitait mutuellement de
cette réconciliation si nécessaire apportée par le bienfait
de la paix^.
1. Extraits des correspondances et papiers de la snbdëlégalion, année 1720. fExnoilris A*
D D D, n* 107.)
2. A l'occasion de la paix de 1720» une médaille fnt frappée à Paris. En voici la
description :
Pallas à côté d'an monceaa d'armes et d'un cheval libre. Tranquillitas Europœ : Tran-
quillité de l'Earope. — Eiergne : Pax xum Hispanit MDCCXX : Paix avec l'Espagne. —
Monogramme I. B.
Retui dk Cohmirges, 1*' trimestre 1894. Tohb IX. » 5.
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Cette union, si féconde en résultats heureux, se main-
tint jusqu'à la chute de notre vieille monarchie. Les
guerres de 1792 et des années suivantes brisèrent ces
liens jusqueslà respectés et jetèrent violemment les deux
peuples l'un sur l'autre. Des luttes terribles succédè-
rent à cette longue suite de jours pacifiques. Pendant
soixante-dix années, presque un siècle, Espagnols et
Français avaient vécu loyaux amis et fidèles alliés, à
l'ombre des drapeaux qui portaient avec fierté, dans leurs
plis confondus, les glorieuses fleurs de lis de la Maison
de France.
B« DE LASSUS.
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LES CHEVALIERS DE MALTE
A FRONTÊS, PRÈS LUCHON
Les baigneurs qui fréquentent Ludion pendant la
saison d'été et qui, pour cause de maladie ou par inex-
périence de la montagne, n'osent affronter les super-
bes mais fatigantes courses de sommet, trouvant
amplement à se dédommager dans les environs immé-
diats de cette charmante station.
En effet, les promenades autour de la ville sont
aussi variées qu'agréables et elles constituent, en quel-
que sorte, en raison de la salubrité du climat, le
complément du traitement suivi par les valétudinaires
qui y trouvent sans fatigue les sensations de la mon-
tagne^ car on marche constamment à une altitude de
630 à 700 mètres.
La promenade la plus fréquentée, celle qui attire le
plus de malades et de touristes, est sans contredit celle
qui, de Luchon, conduit par Montauban et Juzet au
village de Salles, remarquable par ses eaux ferrugi-
neuses. Cette route, que je ne saurais assez signaler
à l'attention des étrangers, longe, comme un large
ruban, la base des montagnes si pittoresques de Mon-
tauban et de Juzet dominées par les pics de Poustajou
(1930 ") et Bacanère (2194 °^).
De tous les points de cette voie la vue plonge sur le
vallon de Luchon qu'on peut admirer sous ses plus
gracieux aspects, ainsi que sur les belles montagnes
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68
qui forment autour de la ville comme un cadre mer-
veilleux. Aussi cette route est-elle sillonnée, à tous les
moments de la journée, par les voitures, les piétons
et par de nombreuses cavalcades.
Pendant la saison de 1892, je cheminais un jour, à
Tinstar de tant d'autres touristes, sur cette route si
attrayante de Montauban à Juzet, lorsque, passant
devant le hameau de Frontés, distant de 15 à 20 minu-
tes de Luchon, mon attention se porta sur une grange
sise à une courte distance de la route et dont les pro-
portions me parurent plus vastes que celles des cons-
tructions de même genre, si nombreuses dans le pays.
L'ancienne porte extérieure était murée, mais on en
pouvait très bien distinguer le cintre imparfaitement
masqué parla maçonnerie. Intrigué, j'entrai dans cette
grange par une des deux portes latérales qui était
grande ouverte. En m'apercevant, un jeune veau^ seul
hôte du lieu, fit des efforts désespérés pour rompre ses
liens. Il finit cependant par se calmer en remarquant
sans doute que mes dispositions ne lui étaient pas
hostiles. Je pus alors examiner à mon aise Tintérieur
de la grange. Tout d'abord je fus frappé de la solidité
des murs qui mesuraient, sur tout le pourtour du
bâtiment, un miètre 10 c. d'épaisseur. Le jour péné-
trait mais faiblement, dans Tintérieur, par d'étroites
et profondes ouvertures pratiquées dans l'épaisseur du
mur, comme on en voit dans les anciennes chapelles.
En outre, l'existence de niches creusées à droite et à
gauche dans la partie nord de l'édifice, ainsi que la
hauteur du plafond, semblaient démontrer que cette
construction avait dû servir autrefois à d'autres usa-
ges qu'à emmagasiner du fourrage et à abriter du
bétail. Du reste, à défaut d'autres vestiges, une pré-
cieuse découverte faite aux abords de la grange ne fit
que confirmer mes prévisions. J'eus la bonne fortune
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9»
de mettre la main sur une ardoise assez épaisse, lon-
gue d'environ 0™30 c. et sur laquelle était gravée une
croix de Malte admirablement conservée. Je résolus,
dès lors, de pousser plus loin mes investigations et je
pensai que la propriétaire de la grange, Madame G. . .
serait en mesure de me donner quelques renseigne-
ments. J'allai la trouver ; elle répondit à mes questions
avec une parfaite bonne grâce.
— ' Madame, lui dis-je en lui indiquant le bâtiment
que je venais de visiter, cette grange a-t-elle tou-
jours fait roffîce d'un -magasin à fourrage?
— Ohl non. Monsieur; il y a 3 ou 400 ans, du
temps de la reine Margot (Marguerite de Navarre,
sans doute), ce bâtiment appartenait aux chevaliers
de Malte et c'était leur église.
-r- Etes-vous bien sûre de ce que vous avancez?
— Oui , Monsieur : d'abord la tradition s'en est
conservée dans ce pays, et puis j'étais présente quand
on a démoli l'autel de la chapelle. Je vous parle d'en-
viron 50 ans, j'étais toute enfant.
— A-t-on trouvé quelques indices sérieux de la
présence des chevaliers de Malte en cet endroit ?
— Quand on a creusé le petit enclos qui se trouve
devant la chapelle pour en abaisser le niveau , on a
trouvé trois tombeaux en marbre renferment les res-
tes de trois chevaliers de Malte, avec des inscriptions
dont je ne me rappelle pas la teneur. On a transporté
les ossements des chevaliers en terre sainte, au cime-
tière de Juzet dont dépend le hameau de Frontés ; on
a brisé les tombeaux, et les débris ont servi à la con-
struction des murs du jardin, je ne sais trop.
Je ne pus réprimer un mouvement de dépit en pré-
sence de cet acte de vandalisme.
— Les chevaliers de Malte avaient-ils leur demeure
tout près d'ici ?
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70
— Oui, Monsieur, et je puis vous en montrer les
ruines.
Madame G... me conduisit à sa maison située à une
vingtaine de mètres en arrière de la chapelle. Je n'eus
pas de peine à reconnaître, tout près de Tescalier qui
conduit au premier et unique étage de la maison dont
elles constituaient les assises de ce côté, des murailles
parfaitement intactes et absolument identiques, quant
à l'épaisseur et à la composition des matériaux, à celles
de la chapelle. C'était bien là, en effet, que devait
être jadis la modeste demeure des représentants de
l'ordre illustre qui a joué dans l'histoire un rôle si
brillant et si glorieux. .
— Pourquoi, Madame, n'avez-vous pas bâti votre
habitation sur le bord de la route, à côté ou même
sur l'emplacement de la chapelle ?
— Nous nous en serions bien gardés^ Monsieur : on
entendait alors, la nuit, un bruit de chaînes dans la cha-
pelle. C'étaient, disait-on, les chevaliers qui revenaient
visiter leur ancien temple, et vous comprendrez, très
bien que nous ne voulions pas faire étrangler notre
famille [sic).
Je ne me rendis qu'avec une bonne grâce résignée
aux motifs invoqués par mon aimable interlocutrice.
Et, poursuivant mes investigations, je demandai à
Madame G... si les chevaliers de Malte avaient des
propriétés importantes dans le pays et si elle pouvait
me les désigner.
— D'après la tradition, me répondit-elle, ces champs
et ces vastes prairies, que vous voyez se dévelop-
per devant vous jusqu'aux rivières de la Pique et de
rOne, appartenaient aux chevaliers de Mailte; et se
retournant du côté de la montagne de Juzet au pied de
laquelle nous nous trouvions, elle ajouta : les cheva-
liers de Malte possédaient encore une métairie qui
s'étendait jusqu'au milieu de ces montagnes qui sont
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devant nous. Je ne puis vous donner d'autres détails.
Je ne voulus pas quitter la très complaisante Madame
G. . . eans obtenir d'elle un dernier renseignement. Je
lui demandai ce qu'était devenu l'autel de la chapelle
qu'elle avait vu démolir. Elle me répondit que les pier-
res dont cet autel était composé avaient été enfouies
à l'extrémité d'une prairie qu'elle me montra.
Le lendemain, accompagné d'un jeune archéologue
plein d'ardeur, M. E. B... d'Agen, je me rendis sur les
lieux indiqués, et là, armés chacun d'une pioche, nous
nous mîmes à fouiller la terre par une chaleur tro-
picale. Nos investigations eurent un plein succès.
Après une demi-heure d'efforts, nous mîmes à jour
de grandes plaques de pierre, dont quelques-unes
avaient 0 ™ 50 à 60 cent, de longueur sur une largeur
de 30 à 40 cent. Ces pierres étaient toutes travaillées,
percées de trous à leurs extrémités et pourvues de
larges rainures qui permettaient de les adapter ensem-
ble. Nul doute, c'étaient bien les objets que nous cher-
chions. Du reste, nos appréciations furent confirmées
par des personnes dont la compétence en ces matières
nous était connue.
Maintenant que Fexistence d'un établissement des
chevaliers de Malte à Frontés, à une date plus ou
moins éloignée, paraît bien constatée, il m'a semblé
intéressant de rechercher quelle importance il pouvait
avoir et quel pouvait être, dans l'organisation de l'or-
dre, le genre de l'établissement dont il s'agit.
Grâce à l'obligeance de M. Léon Beaurier qui a bien
voulu me donner de précieuses indications, grâce
aussi à la complaisance de M® Comet, notaire à Luchon,
qui a mis à ma disposition de très intéressants docu-
ments dont il est détenteur, j'ai pu élucider le premier
point.
Il résulte, en effet, des minutes de Rivière Pérez,
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7«
notaire royal à Oô, que le 21 mai 1758, messire Jean
Sébastien de Varagua Balesta, chevalier de l'ordre de
Saint- Jean de Jérusalem, commandeur de Poucharra-
met, près Muret, a affermé au sieur Laurent Fadeuil
a la métairie appelée de Frontés » avec la jouissance
des fruits et marbres de Juzet et Frontés « pour une
» durée de six années, moyennant la somme de 650
» livres pour chacune des six années ; le tout porté et
» rendu dans Thôtel prieural de Saint-Jean, entre les
» mains dudit seigneur de Varagua , et payable en
» deux paiements, le premier aux fêteé de Noël et le
» second aux fêtes de Pâques- »
Il était entendu que la « disme d'Artigues et de
» Saint-Jean de Lauras et les droits seigneuriaux
» dudit Saint-Jean de Lauras, dépendant de Frontés,
D ne faisaient pas partie du présent bail et arrente-
» ment, attendu que ces droits étaient déjà affermés
» à divers particuliers dudit Artigues. »
Cet acte authentique de fermage^ du 21 mai 1758,
confirme pleinement, on le voit^ les renseignements
donnés par Madame G..- au sujet des possessions de
Tordre de Malte à Frontés, et si Ton considère la
valeur que l'argent avait à cette époque, on trouvera
que la somme de 650 livres était relativement impor-
tante pour le pays. D'ailleurs^ à cette somme doivent
s'ajouter les revenus résultant des autres propriétés
affermées avant le 21 mai 1758.
Un autre document très intéressant et émanant des
archives d'Etienne Sourd Saccarère, notaire royal de
la vallée de Ludion, fait connaître que les possessions
des chevaliers de Malte au pays de Luchon dataient
d'une époque très reculée. Ainsi, il est fait mention
dans oette pièce d'une délibération des notables de
Luchon, à l'effet de vérifier l'acte de bornage de 1266,
a qu'a ftiit expédier messire de Balesta, grand prieur
« de Malte de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. »
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7S
Des difficultés étant survenues par suite de l'examen
de cet acte de bornage, les notables de Luchon résolu-
rent d'envoyer deux délégués munis de pleins pou-
voirs, Barrau et Huguet, pour tâcher de s'entendre
avec le sire de Balesta et régler le différend avec lui. A
ce sujet ils délibérèrent pour arriver aux moyens d'em-
prunter la somme de 500 livres, soit pour désintéres-
ser le grand prieur, soit pour subvenir aux frais du
voyage à Toulouse des deux délégués. Cette délibéra-
tion eut lieu le 10 mai 1767.
On trouve encore, dans les archives de M® Comet,
des documents établissant que les chevaliers de Malte
possédaient d'autres domaines dans les environs de
Luchôn, comme, par exemple, à Aragnouet et à Arreau.
Ils en possédaient aussi de considérables, non seule-
ment dans d'autres parties des Pyrénées, mais encore
dans beaucoup de contrées de la France^ en Espagne,
en Portugal, en Allemagne, en Italie et dans d'autres
pays d'Europe. Quelle était l'origine de ces biens?
CJomment l'ordre de l'Hôpital en était-il devenu le
légitime propriétaire ? Un rapide aperçu historique sur
l'origine et la fondations de l'ordre des chevaliers de
Saint-Jean de Jérusalem me permettra de donner à ces
questions une solution satisfaisante.
Admirateur du génie et de la puissance de Charle-
magne et désireux d'entretenir avec lui des relations
d'amitié, le Calife de Bagdad, Haroun, lui envoya les
clefs du Saint-Sépulcre et accorda en même temps aux
Français, entr'autres privilèges, celui d'ouvrir à Jéru-
salem une maison hospitalière pour y recueillir les
pèlerins pauvres. Mais, sous les successeurs d'Haroun,
le fanatisme des Musulmans et la jalousie des Grecs
arrachèrent peu à peu leurs privilèges aux Français.
Ceux-ci, impuissants, sans secours, furent, pendant de
longues années^ victimes d'exactions et d'avanies de
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toute sorte. De là naquirent une soif ardente de ven-
geance et des ressentiments dont la foi religieuse et
l'esprit chevaleresque s'inspirèrent pour proclamer la
première croisade. Cependant, quelques années avant
cette première croisade, un provençal de Martigues,
Gérard Tune, avait fondé à Jérusalem, à l'imitation de
quelques marchands italiens qui, dit une chronique,
avaient bâti l'église Sainte-Marie la Latine^ une confré-
rie d'hospitaliers et d'hospitalières, à l'effet d'y rece-
voir les pèlerins et de soigner les blessés et les mala-
des. Cette confrérie rendit de précieux services à Gode-
froy de Bouillon, lors de la prise de Jérusalem le 15
juillet 1099. En reconnaissance de ses services, le pape
Pascal II, par une bulle datée de 1118, confirma
Gérard en qualité de président de l'Hôpital qu'il avait
fondé près de l'église de Saint-Jean-Baptiste, d'où le
nom de chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem que pri-
rent les membres de la confrérie. Ils s'appelèrent
ensuite chevaliers de Rhodes et plus tard chevaliers
de Malte.
Dès le début, les ressources que possédaient les
Hospitaliers étaient précaires; mais l'enthousiasme
qu'excitait la prise de Jérusalem par les Croisés et la
connaissance des services rendus aux malades et aux
blessés, dont le nombre s'accroissait sans cesse, leur
faisaient adresser de tous les côtés des sommes énor-
mes pour les aider dans leur pieuse hospitalité. Un
grand nombre de gentilshommes croisés firent don à
l'Hôpital de leurs terres d'Europe, et d'autres, accou-
rus des divers points de la Palestine et de l'Europe,
voulurent entrer dans la confrérie pour participer aux
bonnes œuvres de l'Hôpital.
Après la mort de Gérard Tune et de Roger son suc-
cesseur (1131), un chevalier du Dauphiné, Raymond
Dupuy, remarquable par ses vertus et ses qualités mili-
taires, fut nommé premier grand maître des Hospita-
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liers, et des statuts furent rédigés pour donner de
sérieuses assises à l'organisation de THôpital. Ainsi
que je viens de le dire, une foule de gentilshommes,
entraînés par la foi et le goût des armes, accoururent
pour se ranger sous la bannière des chevaliers de Saint-
Jean. Comme ils appartenaient à des nationalités diver-
ses et que nécessairement ils parlaient des langues
différentes, Raymond Dupuy les divisa et les groupa
selon leur nationalité et selon leur langue. Il y eut,
dans le principe, sept langues : celles de Provence,
d'Auvergne, de France proprement dite, d'Italie, d'Ara-
gon, d'Allemagne et d'Angleterre^ auxquelles, après le
schisme de l'Angleterre, on ajouta celles de Castillo et
de Portugal. Les chevaliers de Saint- Jean furent divi-
sés en trois catégories. La première comprenait ceux
qui, par leur naissance ou leurs antécédents, pou--
valent porter les armes et ceindre la cotte de mailles
par dessus le froc. La seconde était réservée aux prêtres
ou chapelains, chargés des fonctions purement reli-
gieuses. Et la troisième catégorie était composée de
frères servants, plus spécialement attachés au service
de l'Hôpital.'
Telles furent l'origine et la fondations de cet ordre,
moitié militaire, moitié religieux, qui a su pratiquer
les vertus du moine tout en conservant les qualités
brillantes du soldat et qui, par ses exploits sur terre et
sur mer dt une constante observation des règles de la
confrérie, du moins en ce qui concerne la langue de
France, a acquis dans la suite une si grande illustra-
tion, d'abord à Jérusalem et dans toute la Palestine,
puis à Rhodes et enfin à Malte.
Les dignitaires de Tordre étaient le grand maître,
chef suprême, le conseil ou membres du chapitre, les
grands prieurs et les commandeurs. Tous les biens,
en quelque pays qu'ils fussent, et provenant des dons
ou riches dotations des souverains, des princes ou des
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seigneurs de la Palestine on d'Europe, appartenaient
au corps de la « religion », c'est-à-dire à Tordre, C'est
donc par des donations volontaires des premiers pro-
priétaires, donations faites en bonne et due forme à
l'ordre de Malte, que celui-ci avait été mis en posses-
sion, tant dans les Pyrénées que dans les autres par-
ties de l'Europe, de ces biens immenses dont le
revenu suffisait à l'entretien des forteresses et du
nombreux personnel de l'Hôpital. J'estime que les
domaines de Frontés et de Juzet n'avaient pas dû
échapper à la règle commune. C'est la seule solution
rationnelle qui, à mon a\is, puisse être donnée aux
questions posées plus haut.
Dans le principe, les biens de l'ordre étaient direc-
tement administrés par les grands prieurs, chacun
dans son district. Mais il arriva que quelques-uns de
ces dignitaires, profitant de leur éloignement, absor-
bèrent pour leurs besoins personnels les revenus
appartenant à l'ordre. Pour prévenir le retour de faits
semblables, le chapitre commit un chevalier dont on
connaissait la probité et le désintéress'^ment, pour
régir chaque portion des biens qui se trouvaient dans
le même canton. A ce chevalier, qui était le chef de la
commanderiez on adjoignit un autre chevalier et un
religieux pour dire la messe. Ces trois personnages
constituaient le personnel affecté aux commanderies
ordinaires. Le commandeur pouvait prendre, sur le
revenu de la terre dont la gestion lui était confiée, une
portion pour faire subsister la communauté et assister
les pauvres, et tous les ans il devait envoyer au trésor
commun une certaine somme proportionnée aux reve-
nus de la commanderie. Cette redevance s'appelait
re^paruian. Les commandeurs étaient nommés pour
une durée de cinq années, et si, à Texpiration de ce
terme, il était reconnu que le commandeur avait con-
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n
Tenablement géré le domaine qui lui avait été confié,
envoyé régulièrement les responsions, entretenu les
églises et assisté les pauvres de sa région, il était
pourvu d'une commanderie plus importante. Il pouvait
aussi, dans ces conditions, arriver à la dignité de
grand prieur.
Le grand prieuré de Toulouse comprenait 35 com-
manderies échelonnées, en partie, le long des Pyré-
nées, en face ou à proximité des principaux passages,
car à Torigine, les commanderies, sortes de succursa-
les de la maison mère, n'avaient été instituées que pour
recevoir les pèlerins ou les Croisés, leur venir en aide
et leur fournir les moyens de se rendre en Palestine.
Les pèlerins aragonais qui franchissaient les Pyré-
nées pour se rendre en Terre Sainte étaient sans
doute reçus dans les premières commanderies situées
au pied des montagnes et où, en conformité des dis-
positions qui avaient présidé à la création de ces uti-
les établissements, on pourvoyait à leurs premiers
besoins. Puis ils se dirigeaient, en passant par les
commanderies qui leur avaient été désignées, jusqu'au
port d'embarquement où leur équipement était com-
plété et les frais de leur voyage assurés.
L'établissement de Frontés-Juzet comportait-il,
dans l'origine, la création d'une commanderie? L'éten-
due des terres qui le composaient et sa position en face
du port de Vénasque, presque au débouché de la route
qui, de ce port, mène à Luchon, permettrait d'admet-
tre l'affirmative. Les tombeaux qu'on y a mis à jour et
les autres vestiges qu'on a découverts à Frontés indi-
quent suffisamment qu'il existait là un centre d'une
certaine importance; et si l'on veut bien considérer
que, dans l'organisation de l'ordre, l'aciion du com-
mandeur ne s'étendait pas au delà de la région où
étaient situées les terres dont il avait la gestion, on peut
affirmer avec une quasi-certitude qu'on se trouve, à
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Frontés-Juzet^ en présence d'une ancienne comman-
derie.
L'ordre de Malte n'a pas été aboli comme Ta été
celui des Templiers. Il se compose aujourd'hui d'envi-
ron vingt membres dont le siège est à Rome sous l'au-
torité du Pape. Mais, qtuintum mtUatus ab illof les
chevaliers actuels, dont le titre est purement honorifi-
que, ne se sont pas, comme leurs devanciers, voués au
célibat.
Hippolyte Cabâmnes.
SaiQl-GaadeDS, !•' féTrier 1894.
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LA RÉFORMATION
DE LA COMMANDERIE DE
JUZET-DE-LUCHON et FRONTÉS
EN 1266
L'Ordre de Saint- Jean de Jérusalem possédait près
de Luchon une Commanderie connue sous le nom de
Frontés ' de Juzet ou d'Aure, qui fut réunie au xm* siè-
cle à la Commanderie de Poucharramet, et au xvi® siè-
cle à celle de Bouldrac.
On en fît, en 1266, une Réformation dont M. Antoine
du Bourg signale T importance dans son histoire du
Grand Prieuré de Toulouse. Il existe de ce document
trois expéditions authentiques dans les Archives de la
Haute-Garonne si bien organisées par M. Baudouin.
Deux de ces expéditions sont conformes et écrites au
XVI* siècle en langue romane. La troisième, en latin,
est d'une époque postérieure. L'original a été proba-
blement rédigé en latin, et on dut en faire des expédi-
tions romanes pour les rendre plus faciles à compren-
dre. Nous donnons plus loin ces deux textes, avec la
traduction du plus complet, qui est en latin ^.
Cette Réformation contient des renseignements uti-
les à la géographie historique de la haute vallée de
Luchon. Les procès-verbaux des visites, qui avaient
lieu périodiquement selon les règles de l'Ordre^ en
confirment l'exactitude et en complètent l'insufiisance.
i. Dnns le pays on dit Hénntés, le F étaut tODjoars remplacé par nn H.
2. Voir, plus haut, l'article de M. Cabaones.
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MALTE
Archives de Frontes et Jusset. — Liasse i.
Charte n"" vi (1266). Copie du xvi* siècle
TEXTE ROMAN
Sya manîfést à tots, cum nos Sans de Aura, chivalié de Sent
Johan de Jherusalem 'de Rodas, preceptor de Boldrac^ tramets
per tout lo Capitol de Sent Johan de Tholosa et de tota la dicta
religion per reformar los membres de la dicta commendaria de
Boldrac.
Et primo son estats convocats et apelats los nobles et puissants
senhors Sans Gashia de Aura, senhor de Larbost, et Pèlerin de
Montauban, et Adema de Bossost senhor de Bossost, et par devant
Monsgr lo Conte de Commenge, en loc de Banheras, et aussi
son estats apperats et adjournats par devant lo dict Monsgr
lo conte de Cominghe per despausar la veritat sur los privilèges
et libertat deu membre de St-Pé de Frontes. Et primo Martin de
Camon, Gassia Carrera, consols ; Gassia de Menbyla et Bernât
Dasorat, consols doudict loc de Banheras ; Arnaut Sole, Pey de
Fontan, consols ; Ramon de Capdebiela et Domen de Gausets, con-
sols de Montauban ; Pey de Fondevilla, Guilhen Bares, consols ;
Donat de Pena et Guilhen de Fondibila, consols du loc d'Artîgues.
Et en presentia abon refTormat lo membre du dit St-Pé de Frontas
en la forma et maneyra que senseguit.
Et primerament, lo terme de la dicta comandaria de Frontes
comensa à la riou de Sallient, descendent entro à la aygoa de la
Nesta, confronta ab la goau de la Molina- drept au corn deu Ses-
cas, à la terme de mieja via de Sans, tirant à la roca de Font
Aramount, dreyt au camin de Medan et tout camin tirant torna
à la riou de Sallient, et tout lo dict terme es franc et noble et la sus-
dicta religion de Rodas en sont senhor.
/tem, plus dedens la dicta maison et dedens lo dict terme es
franquissa ainsi que en las aultras comandarias.
/tem, plus lo dict preceptor et comandador es rector de plain à
plain, et tira toutes la desmas ou décimas et primicias doudict
loc, autras fruts et rentas conteguts en lo libe de la dicta comman-
daria.
Item^ plus à la audiensa des testimonis dessus nomenats aben
reformat lo membre de Sen Johan de Jueu en la* bat de Banheras,
loqual membre aperten à la dicta comandaria. Et dura entro k la
Scala de la Glera, confronta ab la montanha des Bats, descendcn
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à la escala de Abelhana» camin tirant à la font de Yerns, retour-
nan à la coflta de la Lauza ; en lo quai terme et capera de Sent
Johan sont los privilèges cum dessus.
Item^ los commendaires de la dicta religion an toutes las des-
mas et primicias de toto la dicta valh de Banheras, so es de touta
condition, en bestial, en blats et d'autre gran, de las herbas, délia
porta de Gastel Bielh en sus.
Itam^ plus de tots los fromages que son en las montagnas deudit
Banheras ne abey de dets fromages lo ung, so es de la montanha
deous Bats, de la Glera, de Auba, de Pesson, de Gamsaur et Gro-
dilhas.
Item, plus tota condition de bestial de la dicta religion poden
ana pastura, neyt et jour, en tôt temps, en las dictas montanhas,
bye de la riou de Foga dentro à las montanhas de San Saubado,
confrontant et fasen betsage a las montagnas d'Ara, entre au Poy-
Aurat, entre au Portillon, sens contradiction et ester penhorat en
deguna part.
Item, se appartient aux dits commandayres de Frontes de ascen-
sar et botar à fiu novel en la dicta valh de Banheras.
Item, plus an loa testimonis dessus nominats aven reformat lo
membre de Sen Johan de Lorras en la dicta valh de Luxon, con-
frontant ab los habitans de Artigua, deu Sarrat de la Grox intus
tirant tout Sarrat entre au courau de Gaubera, dreyt à la Roca
roya, per lo sendo confronta ab las predas de la dicta religion et
de Mostayou et ab la montanha comuna de Boutarric, descendendo
au menbieilh de Sesajettes dreyt à la mola de la dicta religion ; et
lo dict terme et valh de Lorras es cum dessus franc et noble, et
los dicts commandayres y an semey de tout animal feratgeque se
prengua en lo dict terme, et an potestat de ascensar et botar a
fiu nobiau quan serya necessy sus lo dict terme.
/tem, plus tôt lo bestial de la dicta religion pot peyssar et aou-
jalar en lo dict terme, et daqui estant peyssar per tota la mon-
tanha de Boutarric sans contradiction, et totas la décimas, primi-
cias deu diot terme appartenent à la dicta religion de San Johan.
Item, plus los dicts commandayres, à causa deu dict membre de
Lorras, an la tersa part en touts los fruts et esmolendas de la rec-
toria de Artigua per bin, lo ters demenge et la tersa septemana
plus la tersa part de las décimas deu dict loc.
Lasqualas capelas et rendas noblas dessus especiiicadas et
declaradas, yo susdit commendayre de Boldrac , trametz per lo
dit Capitol de San Johan de Tholose ab procura, promety de
augmenta et no diminuy, portar bonna guarentia sus toutas cau-
Binrg Di ConiniCBS, {•' trimestre 1894. Tomi IX. — 6.
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Bas dessus scriptas, et aussy jury et prometti devant los susdits
conte, d'Aura, de Montauban et de Bossost.
Feyt à Banheras présents los que dessus, et ego Bernardus,
Comeniacus cornes, qui laudo et confirmo omnia cuperius scripta.
Actum in dicta villa de Banheris Luxonis, anno millesimo du-
centesimo sexageslmo sexto et die festum Animarum post festum
Omnium Sanctorum m» ii» Ix vi.
La plas ancienne des denx copies romanes est simplement signée : de Fabro, N»* ;
Sur la seconde flgure la mention soi vante :
Extrait à son propre original trouvé dans les archives du Prioré
de St-Juhan de Tholose par moi Frère Pierre de Denbaxxx sous-
signé, comis à la garde d'iceu-x.
Signé : Dsnbaux.
TEXTE LATIN
Universis et singulis tam presentibus quam futuris evidenter
appareat et fiât manifestum quod nos Sancius de Aura, miles
ordinis Sancti Johannis Hierosolimitani, preceptor preceptorie de
Boldraco, commissarius in hac parte per venerabile Capitulum
Sancti Johannis Tholse ejusdem deputatus pro reformando
diversa membra dicte preceptone de Boldraco.
Et primo, fuerunt convocati, appellati et atjornati, per servien-
tem ordinarlum ville Banheriarum Lussonis, coram metuendis-
simo viro et Dno Domino Bernardo, Convenarum comiti, et coram
me commissario ante dictis, nobilissimi etpotentissimi viri domini
Sanctius Gaxia Daura, dominus vallis Larbusti, Pelegrinus de
Monte-Albano, miles et dominus de Monte-Albano vallis Luxonis,
Azemarius de Bolsosto, dominus de Bolsosto vallis Aranni, Mar-
tinus de Camon, Garcia Carrera, consulos, Garcia de Media-Hilla,
Bernardus Soart, consiliarii ville Banheriarum Luxonis, Arnaldus
Soûle, Petrus de Fontano, consules, Raymundus Gapdebila,
Dominicus de Gauseto, consules de Monte- Albano Lussonis, Petrus
de Fondabilla, Guilhermus Bares, consules, Donatus de Pena,
Guilhermus de Fondabilla, consiliarii loci de Artiga, super privi-
lèges et libertatibus membri Sancti Pétri de Frontibus Luxonis
veritatis testimonium perhibere.
In presentia istorum et juxta contenta in eorum deppositionibus,
fuit per DOS commissarium et comitem facta reformatio membri
dicti Sancti Pétri de Frontibus in hune modum quid sequitur :
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Et primo, terminus dicte preceptorie de Frontibus Luxonis
incipit a rivo de Sallent, descendendo usque ad flumum Nesta,
confrontatur cum aquali de molendina versus ad corn de Sescas
ad limites de média via de Sans, eundo ad rupem de Fontaramon
versus itinerem de Medano, et tôt camin tirant redeundo ad rivum
de Sallent; et totus iste terminus est nobilis et franc, et religiosi
dicti Sancti Johannis sunt domini de isto termine.
Item in hoc termine dicti Sancti Pétri de Frontibus Luxonis est
immunitas ecclesie sive franquesa, prout in aliis domibus dicte
religionis consuetum est.
Item plus dictus preceptor et commendator Sancti Pétri de
Frontibus ipse est rector de Juzeto de piano ad planum, hoc est in
possessione et saisina levandi et percipiendi omnes décimas et
primicias dicti loci de Juzeto et alia feuda, census et oblias prout
in libro feudali dicti preceptoris de Frontibus canetur.
Item, plus in audentia testium supra nominatorum fuit per nos
jamdictos commissarium et comitem facta reformatio membri
Sancti Johennis de Jueu vallis Banheriarum, quodquidem mem-
brum pertinet dicto preceptorio de Frontibus ; et est dictum
membrum limitatum usque ad scalam vocatam de la Glera,
confrontatur cum montanea des Bas , descendendo usque ad
scalam de Âbella, iter eundo usque ad frontem de Berns, et
redeundo ad gradum Loza ; in quoquidem termine Sancti Johannes
de Jueu privilégia et libertates prout in aliis preceptoris dicte
religionis Sancti Johannis.
Item, domini commendatores dicti religiosi Sancti Johannis
habent dexmas et primicias in toto valle Bagneris, videlicet de
omnibus et quibuscumque animalibus tam lanatis quam non
lanatis atque etiam de blads et aliis granis excrescentibus in dicta
valle Banheriarum , nec non habent et sunt in possessione et
saisina levandi et percipiendi décimas herbarium sive fenosa
scilicet de portis Gastri veteris supra.
Item, dicti domini commendatarii et religiosi antedicti sunt in
possessione et saisina levendi et percipiendi décimas caseorum in
montibus Baheriarum Lussonis, videlicet de detz ung, scilicet in
monte de Us Bas, de la Glera, de Âuba, de Pesson, de Gampsaur et
de Grodilhas.
Item plus omnia animalia dicte domus de Frontibus, de qua-
cumque conditione existencia, possunt ibi pascere de die atque de
nocte, et in omni tempore, in dictis montibus, videlicet de rivo de
Fogua usque ad montes Sancti Salvatoris de Benasto Âragonis,
confrontando et faciendo vicinale cum montibus de Arano, usque
ad Podium-Aurat et usque ad Portellon, absque contradictione
quacumque.
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8«
Item dicti domini preceptores comendatorii possunt et habent
omnimodam potestatem afeudandi et ponere noviim feudum in
dicta valle Banheriarum totiens quotiens opus fuerit et necesse.
Item plus per nos supradictum comitem et commissarium cum
testibus supra nominatis fuit facta reformatio membri Sancti
Johannis de Loroas in dicta vallc Luxonis, confrontans ab babita-
toribus loci de Artigua, de Sarrato Cruxis intus tirant tôt Barrât
usque ad corrallum de Cauberia, et de directe ad rupem rubram
confrontando cum predictis religionis Sancti Jobannis et de Mosta-
jon et cum montanhea de Botarric, descendendo ad corrallum
veterem de Sagetas, et versus molendinum deus Gares dicte reli-
gioni pertinentem in dictis terminis, cum dictas vallis de Loroas
est nobilis et francus, ut supra dictus est in aliis terminis ; et dicti
domini comendatarii habent in dicto termine de Loroas aliquod
jus semei vocatum de omnibus animalibus capiendis in dicto ter-
mine de Loroas, nec non habent omni modi potestatem affeudandi
et ponere nomine feudum totiens quotiens opus et necesse fuerit
supra dictum terminum de Loroas.
Iteiri plus omnia animalia dicte domus de Frontibus de quacum-
quc conditione existencia, possunt et debent pascere, morare facere
in dicto termine, et de isto termine possunt pascere per totam
montem communem de Botaric absque contradictione quacum-
que ; et omnes dexmas et premicias de dicto termine pertinent
dicte religioni Sancti Johannis.
Item plus dicti domini commendatores ad causam dicti membri
de Loroas ipsi habent tertiam partem in omnibus fructibus et
emolumentis rectorie de Artigua, serviendo tertiam dominiquam
et tertiam septimanam, plus tertiam partem decimarum dicti loci
de Artigua.
Quasquidem capellas, preceptorias nobilitatis dicti ordinis
Sancti Johannis Hierosolimitani supra speciQcatas et declaratas,
supradictus Sancius d'Aura, comendator jamdicte comendatarie
de Boldraco, commissarius antedictus in bac parte, per jamdic-
tum venerabilem capitulum Sancti Johannis Tholose depputatus,
promitto aumentare meliorarque et non diminuere atque portare
et firmam aguirentiam super omnibus et quibuscumque causis
supra dictis, et ita jure et promitto ante dictes dominos comitem,
d'Aura, de Monte Albano et de Bolsosto supra nominatos. Et cum
ibidem illico et incontinenti dictus dominus comes qui. in omni-
bus premissis dum hsec agerentur et lièrent una cum prenomi-
natis testibus prœsens fuit, idée omnia superius scripta laudavit,
approbavitet formavitet se subsignavit. Et comes Gonvenarum de
quibus omnibus et singulis premissis et dicti domini preceptores
comendatarii petierunt et requisierunt de premissis omnibus et
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86
singulis retineri confeci atque tradi instrumentum per me nota-
rium publicum infrascriptum, quod et feci.
Data fuerunt haBc omnia universa et singula premissa in dicta
villa*de Banheriis,anno Domini millesimoducentesimo sexagesimo
sexto, et die festum Animarum post festum Sanctorum omnium,
presentibus ibidem in premissis quibus supra ; ac me Raymo de
Fabro, notarius autoritatibus de Capitulo Tholose et apostolica,
civitatis (Tolose) habitatore, qui omnia premissa scripsi unajcum
depositionibus supra nominatorum testium; de mandato tamen
dictorum dominorum comitis et comissarii in meis protocolli
registravi, deinde in hanc publicam formam et authenticam manu
mea propria scripsi, signoque meo authentico consueto quo in
aliis meis actibus et instrumentis publicis utor sequinti signavi
in iidem, robur et testimonium omnium et singulorum premisso-
pum (signum notarii) de Fabro, notarius.
Goppie extraite à son propre original par moi An<>. Dabos, not.
Royal de Banheras de Luxo habit, soubsigné.
Dabos.
TRADUCTION FRANÇAISE
Soit manifeste à tous présents et à venir que nous Sanche d'Aure,
chevalier de Saint-Jean de Jérusalem et de Rhodes, précepteur
de Boudrac, commis spécialement par tout le Chapitre de Saint-
Jean de Toulouse et de toute ladite religion pour réformer les
membres de la dite commanderie de Boudrac.
Et Primo furent convoqués, appelés et ajournés par le sergent
ordinaire de la ville de Bagnères-de-Luchon, en présence de très
redoutable homme et seigneur, seigneur Bernard, comte de Gom-
minge, et devant moi commissaire susnommé, très nobles et très
puissantes personnes seigneurs Sanche Gassie d'Aure, seigneur
de la vallée de Larboust; Pélegrin de Montauban, chevalier et sei-
gneur de Montauban dans la vallée de Luchon ; Azemar de Bos-
sost, seigneur de Bossost dans la vallée d'Aran; Martin deGamon,
Garcia Carrera, consuls; Garcia de Media-Billa, Bernard Soart,
conseillers de la ville de Luchon ; Arnaud Soulé, Pierre de Fon-
tan, consuls ; Raymond de Gapdeville , Dominique de Gausets ,
consuls de Montauban près Luchon; Pierre de Fondeville, Guil-
laume Barés, consuls; Donat de Pêne, Guillaume de Fondeville,
conseillers du lieu d'Artigues : afm de témoigner la vérité sur les
privilèges et libertés du membre de Saint-Pierre de Frontés de
Luchon.
Et en leur présence, et selon leurs dépositions, fut faite, par
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86
nous commissaire et comte, la réformation du membre de Saint-
Pierre de Frontés selon ce qui suit :
Et Primo la limite de ladite Préceptorerie de Frontés de Luchon
commence au ruisseau de Saillent en se dirigeant jusqu'au fleuve
de la Neste*, confrontant avec le bief du moulin droit à Tangle de
Sescas aux limites de Miègevie, en tirant vers la roche de Fontara-
mon vers le chemin de Médan, et tout en suivant le chemin la
limite revient au ruisseau de Sallient, et tout ce terme est noble et
franc, et les religieux dudit Saint-Jean sont seigneurs de ce terri-
toire.
Item sur tout ce territoire dudit Saint-Pierre de Frontés de
Luchon, il y a immunité ecclésiastique, ou franchises, ainsi qu'il
est accoutumé dans les autres maisons de ladite religion.
Item plus ledit précepteur et commandeur de Saint-Pierre de
Frontés est recteur de Juzet de plain à plain, c'est-à-dire qu'il a la
possession et la saisine pour lever et percevoir toutes les dîmes et
prémices dudit lieu de Juzet et tous les autres fiefs, cens et oblies,
comme il est écrit dans le livre des fiefs du dit précepteur de
Frontés.
Item plus sur la déposition des témoins susnommés, nous com-
missaire et comte déjà nommés, avons réformé le membre de
Saint-Jean de Joueou de Bagnères, qui appartient audit précepteur
de Frontés, et s'étend jusqu'à l'échelle appelée de la Glère, et con-
fronte avec la montagne des Bas en descendant jusqu'à l'échelle
d'Abeille et jusqu'en face de Berns pour aboutir à la côte de la
Loze. Et ce membre de Saint-Jean de Joueou a tous les privilèges
et libertés dont jouissent les autres precéptoreries de la dite reli-
gion de Saint-Jean.
Item le seigneur commandeur de la dite religion de Saint-Jean
a dans la vallée de Bagnères la dime et les prémices de toutes les
bêtes à laine ou non, ainsi que du blé et des autres grains excrois-
sant dans ladite vallée de Luchon^ et ils ont aussi la possession et
la saisine de lever et percevoir les décimes des herbes et du foin,
savoir : de la porte de Castelvieil au delà.
Item les dits seigneurs commandeurs de la religion susdits sont
en possession et saisine de lever et percevoir la dîme des froma-
ges dans les montagnes de Bagnères-de-Luchon, savoir, de dix un,
savoir : sur la montagne deus Bas, de la Glera, de Auba, de Pes-
son, de Gampsaur et de Grodilhes.
Item plus tous les animaux de ladite maison de Frontés, quelle
que soit leur condition, peuvent paître jour et nuit, et en tout
temps, sur ces dites montagnes, savoir: du -ruisseau de Fogua
!. Nom autrefois commun à tous les cours d'eau de celte régiofl.
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87
jusqu'aux montagnes de Saint-Sauveur de Vénasque et d'Aragon
confrontant et faisant face avec les montagnes d'Aran, jusqu*au
Puy-Aurat et jusqu'au Portillon, sans aucune espèce de contra-
diction.
Ilem lesdits seigneurs précepteurs, commandeurs peuvent et
ont toute espèce de pouvoir pour afiéver et donner à nouveau
fief, dans la dite vallée de Luchon, toutes les fois qu'il sera bon et
nécessaire.
Item plus par nous susdits comte et commissaire avec les té-
moins susnommés fut faite la réformation du membre de Saint-Jean
de Loroas dans ladite vallée de Luchon, confrontant avec les habi-
tants d'Artigues depuis le sarrat de la Croix tirant dudit sarrat
jusqu'au corral de Gaubère droit à la roche Rouge, et par le che-
min confrontant avec les prés de la dite religion de Saint-Jéan et
de Moustajon et avec la montagne de Boutarric, en descendant avec
le tènement vieux de Saget vers le moulin deus Gares de la dite
religion de Saint-Jean, contenus dans le dit terme; et le dit terme
de ladite vallée de Loras est noble et franc comme il a été dit déjà
dans les autres termes, et les dits seigneurs commandeurs ont,
dans le dit terme de fioras, un certain droit appelé de Semei sur
tous les animaux à prendre sur le dit territoire de Loras ; et ils
ont tout pouvoir d'affiéver et de donner à nouveau fief toutes les
fois qu'il sera besoin et nécessaire le susdit terme de Loras.
Item plus tous les animaux de ladite maison de Frontés peuvent
paître et gîter, et de ce terme ils peuvent paître dans toute la mon-
tagne communale de Boutarric sans aucune espèce de contra-
diction, et toutes les dîmes et prémices dudit terme appartien-
nent à ladite religion de Saint-Jean.
Item, plus lesdits seigneurs commandeurs, à cause dudit mem-
bre de Loroas, ont le tiers de tous les fruits et émoluments de la
rectorie d'Artigues qu'on leur sert le dimanche de chaque trois
semaines, plus le tiers des décimes dudit lieu d'Artigues.
Ces chapelles préceptorales et nobles dudit Ordre de Saint-
Jean-de-Jérusalem sus spécifiées et déclarées, moi susdit Sanche
d'Aure, commandeur de ladite commanderie de Boudrac^ com-
missaire spécial susdit envoyé par le susdit vénérable Chapitre
Saint-Jean de Toulouse, je promets augmenter, améliorer et ne pas
diminuer, et apporter bonne et formelle garantie sur toutes et cha-
cunes les causes sus écrites et déclarées, et ainsi je jure et pro-
mets devant lesdits seigneurs le comte, d'Aure, de Montauban et de
Bossost sus-nommés. Et en même temps que nous et saniï désem-
parer, ledit seigneur comte fut présent ainsi que les susdits témoins
pendant que se faisaient et avaient lieu toutes les choses susdites.
En conséquence il loua, approuva et consacra les choses sus-
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énoncées et y apposa son seing. Et le comte de Gomminges et
lesdits seigneurs précepteurs, commandeurs demandèrentet requi-
rent que moi, notaire public soussigné, j'en retienne et rédige un
instrument, ce que j'ai fait.
Toutes et chacune des choses sus énoncées furent accordées
dans ladite ville de Bagnères, Tan du Seigneur 1266, et le jour de
la fête des Morts le lendemain de la Toussaint.
Présentes toutes les personnes désignées plus haut, et moi
Raymond de Fabro, notaire par l'autorité apostolique de la ville
de Toulouse, qui ai écrit tout ce que dessus au moyen des déposi-
tions des témoins nommés ci-dessus, du mandement desdits sei-
gneurs comte et commissaire, je les ai consignées dans mes
protocoles, ensuite je les ai rédigées de ma propre main dans la
forme publique et authentique et ensuite je les ai revêtues du seing
authentique suivant dont je me sers dans tous les autres actes et
instruments publics. Pour la foi, l'efficacité et le témoignage de
toutes et chacune des choses susdites, signé de Fabro, notaire.
Goppie extraicte à son propre original par moy An® Dabos, not.
royal de Banheras de Luxon, habit, soubssigné.
Dabos, notaire.
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89
OBSERVATIONS
Cet acte a dû être nécessairement consulté pour le
règlement des questions de délimitation entre la
France et TEspagne *.
Les personnages qui y figurent ne sont pas de sim-
ples témoins, mais les représentants des bienfaiteurs
primitifs de la commanderie.
Par leur présence ils confirmaient les droits qu'elle
exerçait, à divers titres, sur chacun de leurs territoires.
Elle eut de fréquents démêlés avec leurs ayants-cause
auxquels elle opposa toujours victorieusement la Réfor-
mation que le Parlement qualifiait de Transaction.
Jusqu'à la Révolution elle a conservé, à peu de
chose près, les mêmes droits et la même étendue.
Son origine
Elle dut certainement son origine à la création à
Jueu, aux pieds du port de la Glère et près du port
de Vénasque^ d'un poste de chevaliers de Saint- Jean,
chargés de secourir et de protéger les voyageurs qui
couraient toutes sortes de dangers dans ces défilés.
Ils durent s'établir, à la même époque et pour la
même raison, à Aragnouet et à Gavarni.
Dès 1144^ ils étaient à Gavarni. Et une charte de
1200 constate qu'ils sont à Jueu, dépendant alors de
la même commanderie qu'Aragnouet. En 1305, Ber-
I. Voir, dans le n* 2001 da Recueil des actes adminislralifs de la Haute-Garonne, le
Traité de délimitation entre la France et l'Espagne du 14 avril 1862 et ses annexes.
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90
trand de Orsanis est qualifié de commandeur de Cabas,
Gavarni et Jueu.
Héberger des passants n'aurait pas suffi à leur zèle
belliqueux, dans ces temps reculés, et ils furent pro-
bablement chargés, par les comtes de Comminges, de
veiller sur la frontière en même temps que les \îcom-
tes d'Aure.
C'est pour cela qu'un grand nombre de membres de
cette famille s'enrôlent parmi les Hospitaliers fonda-
teurs de Jueu, ou leur font des donations.
En 1200, Sanche Garsie d'Aure leur donne 10 sous
tolzas que lui doivent les écuyers de Pobao (Poubeau
en Arboust)\
En 1266, Sanche d'Aure, précepteur de Boudrac,
procède à la Réformation, et Sanche Garsie d'Aure,
seigneur de la vallée de Larboust, y figure^.
En 1294, Sanche d'Aure, chevalier de l'Hôpital de
Jueu, lui donne une albergue de trois cavaliers, sur le
cazal de Seyro à Guran '.
C'est dans l'endroit connu maintenant sous le nom
de peloiùse de Jueu qu'il se trouvait.
Il serait bien intéressant de savoir comment les
voyageurs y étaient traités. Il devait y avoir une cha-
pelle, comme à Frontés et à Loras (Artigue).
La Réformation désigne tous les membres, y com-
pris Jueu, sous le nom de chapelles préceptorales.
Les documents, qui deviennent plus nombreux à
partir du xvi® siècle, ne mentionnent pas l'Hôpital de
Jueu.
D'un autre côté. Froideur parle, en 1667, a du port
» de Venasque et de celui de l'Espitau ou de l'Hôpi-
3) tal (Jueu), où demeurent un ou deux hostes qui reti-
» rent les passants, leur donnent à boire et à manger
1. F. el J. 1. I» nH.
2. F. el J. I. I, n* 5.
3. F. et J. I. I, Q* 2.
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D pour de l'argent, et font le change des monnaies. ... f>
Il a entendu dire que, dans tous les ports voisins, il
y a de semblables hôpitaux'.
Les chevaliers de Jueu avaient dû se décharger
d'une obligation qui n'avait plus rien d* héroïque^ par
un contrat semblable à celui que stipulaient leurs frè-
res d'Aragnouet le 20 juin d605, en « inféodant à
» Raymond Chabert, du lieu de Guzan, une pièce de
» terre appelée le pré de V Hôpital d'Aragnouet, avec
» le pouvoir d'y bâtir granges et logis pour y demeu-
D rer et loger les pauvres passants, comme étant le dit
» Hôpital aux pieds du port de Beuse (Bielsa), sans
» néanmoins pouvoir vendre le vin à plus haut prix
D que comme il se vend à Aragnouet, et de faire le
» service au vicaire et l'aider à chanter les messes à la
» chapelle dudit Hôpital, avec pouvoir de moudre au
1» moulin du grand prieur, sis sur ledit pré, pour la
» provision dudit HôpitaP. »
Les pâturages de Crodilhes et de Campsaur devaient
être d'un effet bien pittoresque, lorsque les frères
servants de Jueu s'y rencontraient avec les bergers
d'Aragon.
Les 80 journaux de terre inculte et herm, dont se
composait le membre de Jueu, déclarés biens natio-
naux par la loi du 19 septembre 1792, furent vendus
le 4 vendémiaire an V (26 septembre 1796), moyen-
nant 2640 livres payables en mandats territorigîux ou
promesses de mandats territoriaux 3.
Gavami
Disons aussi comment l'Hôpital de Gavarni fut
abandonné, puisqu'il a joué au cœur des Pyrénées
i. Lettre à Héricoort, de septembre 1667.
2. AngDoaei» 1. 1, n« 2.
3. Vente de biens nationaux par le Département. P. V. n* 923.
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M
centrales le même rôle que Jueu et qu'Aragnouet.
Du reste, il appartient un peu au Comminges, puis-
qu'en 1400 il fut réuni à Boudrac et que le château de
Saint-Marcel était le séjour favori de ses comman-
deurs, qui l'avaient reçu de Guilhaume de Benque en
1144'.
Dès Tannée 12S7, les chevaliers de Saint-Jean
Pavaient quitté parce qu'ils n'y avaient plus de quoi
vivre.
a Le précepteur précédent avait engagé pour 13 ans,
» en 12S5, moyennant treize cents sols morlaas, tous
» les revenus de la maison. Ils s'étaient retirés à Luz
» dont l'église de Saint-André leur appartenait depuis
» longtemps, ainsi que le constate Clément VI dans
j> sa bulle datée d'Avignon le 1®** avril 1352 ^
Cependant la légende s'est obstinée à faire de Luz
une résidence des Templiers.
Saint-Jean de Loroas
Ce membre dépend d'Artigue. A Loroas il y avait,
comme à Frontés, une chapelle déjà ruinée en 1730,
et sa destruction était attribuée aux Huguenots.
C'est vraisemblable, parce que Loroas est dans le
voisinage de Cier, où s'élevait, sur un rocher isolé, un
château dont Froideur dit, en 1667, qu'il avait été
démoli soixante ou quatre-vingts ans avant son pas-
sage parce qu'il donnait asile aux Huguenots qui s'en
étaient emparés et y faisaient mille maux '.
Ce serait le cas de se demander pourquoi les cheva-
liers de Malte n'ont pas combattu les Protestants qui
leur ont fait tant de mal, au moins dans certains
endroits de la région pyrénéenne.
1. Saint-Marcel, I. i.
2. Gavaroi, 1. 1, n* 6.
3. Lettre à Héricourt, septembre 1667.
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Outre qu'au xvi® siècle les ressorts féodaux étaient
usés et faussés, il faut constater que les commanderies
étaient sans hommes et sans chefs.
En 1622, peu de temps après les guerres de Reli-
gion, les habitants de Sarrouilles, membre de Bordè-
res, étaient obligés de se mettre sous la protection et
sauvegarde de M. de Gondrin, marquis de Montespan et
An tin, « parce qu'ils ne pouvaient en façon quelconque
j> être aidés, secourus, ni délivrés de certaines oppres-
» sions par le moyen de Monsieur le commandeur de
D Bordères et Aureilhan, pour n'être icelui sur le
» pays à cause qu'il est employé aux expéditions nava-
» les contre les infidèles et ennemis de la religion
» catholique et romaine'. »
Le membre de Saint-Jean de Loroas ne paraît pas
avoir fait l'objet d'une vente particulière^ mais avoir
été confondu dans les procès-verbaux d'adjudication
de biens nationaux avec les immeubles situés sur
Juzet et sur Montauban.
Artigue
A Artigue, l'Ordre prend, comme àCazaux, une por-
tion de la dîme dont le surplus appartient au Chapitre
de Saint- Bertrand.
L'inventaire de l'Ordre dit que, dans cette com-
mune, le commandeur de Frontés prend la tête de
toutes les bêtes farouches pi^ises à la chasse.
Le texte roman de la Réformation désigne ce droit
par l'expression « semei ferougii »^ et le texte latin
l'appelle: <i jus semei'^ . »
1. Sarroailles» 1. i, o« 1,
% Qae done als seigoors la part dit iei Erugis costQioada (M. Pasquier, Coutumes de
Seix en Couseratis),
Si aliquod animal sylvestre capialur, quod capot sive temet preseolalur et dalur Begi,
ftÎTe ipsÎDS Seoescallo Bigorre, in signum dominii et jaridictionis (M. Bonrdelte, Anna-
les du Labedaa : le syndic de Bat-Surgnère contre Tabbé de Saint-Pé, ao sujet de la mon-
tagne d'Ens Peroas (1414).
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94
Un autre droit remarquable est celui d'acujalar
(morare facerej^ qui consiste à faire gîter les animaux
sous des abris naturels, sur les montagnes où les
autres usagers n'ont que le droit de dépaissance exclu-
sivement \
Frontés
Frontés, qui donnait son nom à la commanderie,
n'était qu'une petite ferme dont les chevaliers jouis-
saient, et qui était située sur le territoire de Juzet dont
ils étaient seigneurs spirituels et temporels ^
Sa chapelle existait encore en 1730^ mais elle était
profanée et servait à V exploitation agricole. (Procès-
verbal de visite.)
Dans un plan dressé en 1766 par Sacarrère. arpen-
teur, un mauvais dessin la représente debout parmi
les bâtiments de la métairie.
La métairie de Frontés, consistant en prés et
champs de vingt-deux journaux deux tiers, fut ven-
due comme bien national, le 3 messidor an V, moyen-
nant sept mille neuf cent soixante-dix-huit livres treize
sols quatre deniers, payables en mandats territoriaux
ou en promesses de mandats territoriaux 3.
1. Sont confirmés les usages exislanls entre les habitants de Sallent et de Laonza, de
la vallée de Tena, et ceux de la vallée d'Ossao, relativement à leur droit réciproque de
gite ; pour les premiers, à la majada de Tourmon, dans la montagne d'Anéou» en France;
et pour les seconds, à la grotte de Samorons ou majada de lou Roumiga« en Espagne.
(Traité de délimitation entre la France et TEspagne, du 14 avril 1862, art. 13.)
2. Le radical de ce mot « frons > que Ton retrouve dans plusieurs noms de lieux de la
même région se rérére à la situation de ces lieux qui sont sur la frontière. Le mpt » /hm-
. lalitr > est très employé, dans les anciens docufuents, pour désigner les peupl^s^e deux
États voisins confinant à la frontière. ir
3. Voici, d'après H. A. du Bourg, la liste des commandeurs de Juzet-Frontés, qui
dépendit à différentes époques du grand prieuré de Toulouse et des commanderies de
Bondrac et de Poucharramet :
1329. Palet.
1266-1294. Sanche d'Aure.
1300. Bertrand d'Orsans.
1497. Raymond de Sassos.
Vers 1509. Réunion à Boudrac.
1539. Pierre de Soubiran.
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95
Montauban
Les seigneurs de Montauban, qui figurent aussi
dans la Reformations appartenaient en dernier lieu à
la maison d'Ustou.
Ils furent longtemps les fermiers des droits déci-
maux de la commanderie de Frontés.
C'est dans leur maison seigneuriale que se pas-
saient souvent les actes intéressant l'Ordre. Ils
eurent, ainsi que leurs alliés les Sainte-Gemme, du
château de Lamothe en Sauveterre, et les membres de
la famille de Sacère, de fréquents démêlés avec la com-
manderie.
Juzet
La rectorie ou vicairie perpétuelle de Juzet était
donnée, dans les premiers temps, à de très grands sei-
gneurs, prêtres de r Ordre. Citons: Raymond de Fos,
Arnaud de Benque, Pierre de Sobiran, etc^..
Ils devaient payer quinze écus et un quintal de fro-
mage à titre de responsion ou de taxe au profit de
r Ordre.
Juzet et Artigue appartenaient à Tarohiprêtré de
Luchona.
Au XVII® siècle^ ce bénéfice paraît beaucoup moins
recherché ; il y a comme une répugnance à subir les
obligations de l'état religieux.
Ainsi, en 1623, on voit Raymond Lougarre, prêtre
du diocèse de Rieux, bachelier en théologie, renoncer
à la cure de Juzet qu'il gère depuis un an et demi,
parBÉqu'il est occupé ailleurs et qu'il ne veut pas
pre^Be l'habit de l'Ordre, comme il est exigé.
C'est également alors que le commandeur de Juzet
et Frontés a de fréquents démêlés au sujet de la dîme
I.F. elJ. 1. I, D. 10.
â. Rûorel, Revue de Comminges, 3- Irimestre 1888.
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96
avec le Chapitre, la communauté de Luchon et divers
particuliers*.
Il est probable que le chapitre de Luchon prétendit
aux dîmes perçues de Castelviel à la frontière, à partir
du moment où TOrdre cessa de pourvoir aux besoins
spirituels du membre de Jueu. C'est ainsi que les
recteurs d'Artigue disputèrent à ceux de Juzet la dîme
du membre de Loroas dont la chapelle était aban-
donnée .
Rien n'explique comment on avait pu lui contester
des droits parfaitement établis par la Réformation,
par les Lièves ou Censuels qui existent encore* et par
les reconnaissances dont il existe deux registres aux
archives.
Le premier comprend des actes passés de 1 502 à 1545
devant divers notaires, parmi lesquels figure le plus
souvent M* Trey^
Le second est de 1681 ; plus de cent actes y sont
passés devant M^Berjaut, notaire royal de Montgeard*.
L'Ordre faisait procéder régulièrement aux visites
des commanderies par deux chevaliers assistés d'un
notaire et du receveur de ses dîmes. Les plus ancien-
nes visites conservées aux archives remontent à 1679.
L'extrait suivant du procès-verbal de la visite faite
en 1730 donne une idée assez exacte de l'état du pays
et des préoccupations des chevaliers à cette époque :
a Le vingtième septembre mil sept cent trente,
» nous dits commissaires et visiteurs généraux, avons
» résolu de séjourner ledit jour aud. Guaraison pour
i> nous délasser des fatigues de la montagne d'Aure,
» comme ayant été obligés de faire la plus gmnde
» partie de ce voyage à pied pour éviter le risque que
1. F. etJ., 0.12.
2. F. et J. 1. l,n*8.
3. Reconnaissances, 2413 (bis.)
4. Reconnaissances, 2459.
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97
les voyageurs ont de se précipiter dans cette vallée.
» Et advenu le vîngt-uniesme dudit mois, nous
susdits commissaires et visiteurs généraux, en même
compagnie que dessus, sommes partis dudit Gua-
raison avec nos équipages pour nous rendre aux
membres de Frontés et Jussep dépendons de lad.
chambre de Boudrac , situés dans la vallée de Lu-
chon, et étant arrivés à la ville de Monroujeau à
rentrée de la nuit, nous avons pris notre logement
chez le nommé François, hoste, où pend pour ensei-
gne, le grand marteau, logé au faubourg de ladite
ville, où nous avons pris notre logement pour y
passer la nuit.
» Le vingt-deuxiesme dudit mois , nous dits com-
missaires et visiteurs généraux, toujours en môme
compagnie, l'aurore commençant à paraître, voulant
continuer notre route pour nous rendre audit Jussep
et Frontés, sommes partis dudit Monrougeau pour
nous y rendre, et sur cette route nous sommes arri-
vés au lieu de Cierp à onze heures du matin, ce qui
nous aurait obligés de mettre pied à terre pour y
dîner et faire manger notre équipage, ayant pris
notre logement chez le nommé Dibos, hôte.
» Et soudain avoir disné nous sommes montés à
cheval, toujours en même compagnie, et avons pris
la route dudit Jussep où nous sommes arrivés à
l'entrée de la nuit, et n'ayant pas le temps de faire
la visite desdits membres, nous nous sommes trans-
portés au lieu de Saint-Mamet, dernier village de
France de ladite vallée, pour y passer la nuit, l'un
éloigné de l'autre d'un quart de lieue, et avons pris
notre logement chez le sieur Fondeville, bourgeois
dud. lieu, où nous avons passé la nuit et pris notre
repas*. »
i. YisiiM. n* 425.
Rwot DB GomnicBS. 1" Irimesire 1894. Tome IX. — 7.
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Aucun progrès n'avait eu lieu depuis 1667 où Froi-
dour avait constaté qu*on ne pouvait pas passer la nuit
àLuchom*
Les temps sont bien changés !
Le procès- verbal de la visite de 1737 constate que
depuis 23 ans on n'avait tenu à Juzet aucun registre
de paroisse et qu'il y fut remédié par une enquete\
Dans le courant de prairial an III et de fri-
maire an IV, les possessions de TOrdre sur Juzet et
Montauban, qui dépendaient alors delà oommanderie
de Poucharramet, furent adjugées à un grand nombre
d'acquéreurs devant le buieau du Directoire du district
de Mont-Unité, en exécution du décret de l'Assemblée
nationale du 15 frimaire an In-
certains particuliers des vallées de Luchon et d'A-
ran devaient à l'Hôpital de Frontés des rentes perpé-
tuelles de grains, de vin (en Aran), de cire, d'argent et
de gelines.
Paul de CASTERAN.
I. Lattre à Hëricourl. septembre 1667.
S. Vitites, 437.
8. Vent« de bteos DftUooaox de !*• origine, n*« 1060 à 1085 (Saint-GaudeDs).
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ÉPIQRAPHIE
Nous avions signale, aux informations de notre deuxième livrai-
son de 1893, la découverte à Licoux d'une plaque de marbre blanc,
fortement détériorée par les siècles et portant une inscription
tumulaire remontant vraisemblablement aux premiers temps de la
période gallo-romaine.
Aujourd'hui nous sommes en mesure d'en rectilier la lecture que
nous en avions d'abord reproduite et que rendait très difficile le
mauvais état de ce petit monument épigraphique.
A mesure que nous relevions un nom dans ces lignes, tracées
par une main inexpérimentée et que le temps a effacées en partie,
nous les rapprocliions de ceux dont Julien Sacaze, avec sa grande
compétence spéciale, a donné la nomenclature dans son précieux
recueil d'épigraphie pyrénéenne.
Mais c'est à la longue que nous sommes parvenu à reconsti-
tuer les éléments de linscription qui ont résisté aux dégradations
du temps et de la main de l'homme.
'Voici donc tout ce qu'il nous a été possible de rétablir dans une
seconde édition, s'il nous est permis de nous exprimer ainsi.
La plaque funéraire marquait évidemment une sépulture do
famille.
O* HARBELEX. lONIXSI. F.
0 HANANIEN. FAFIERI. VXOR.
FIL. F/////. 0 RVFINVS. F.
0 SILEX. FIL. SIR//////. FIL.
Nous avons déjà dit que le premier nom, après le signe mor-
tuaire, plus exactement, le sigle 0, est HARBELEX.
Ce nom se retrouvé plusieurs fois dans des monuments du Gom-
minges antique. On le lit sur un autel votif, trouvé à Gourdan, quar-
tier du Bazert, et conservé au Musée de Toulouse, BAESERTE
UEO HARBELEX....
Sur un cippe de marbre blanc, découvert à Gazaril-Barousse. on
lit encore... MINIGiVS HARBELEX...
Ce vocable revient au génitif, H ARBELEXIS, dans le sarcophage
transporté de Gaubous d'Oueil à Luchon où il orne, à droite, le
grand vestibule des thermes.
Enfin, en 1876, Julien Sacaze trouva dans un des murs de l'é-
glise de Benqué, vallée d'Oueil, une dalle funéraire portant cette
épitaphe: SABINIANO SABINl FILIO VRIA HARBELEXI FILIA...
Le nom suivant, lONIXSI, est tout à fait nouveau dans la
nomenclature du pays ; mais VX suivi de VS s'y rencontre parfois :
Bonxsus, Bonxsoni, Berhoxsis..,.
L'abréviation de Filivs ou de Fiua, consiste le plus souvent en
F. ; mais bien des inscriptions portent aussi FIL.
Le tigle mortuaire coosisle en up 0 barré. Ce caraclére, D'existant pas aclaellemeot
daos DOtre imprimerie, a été remplacé par od 0 majascule.
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400
On relève les deux syllabes aspirées d'H AHANIEN dans HAH ANI
et HAIIANTENN, le premier, inscrit sur un cippe de la collection
d'Agos de Tibiran et qui fut trouvé à Saint-Bertrand, ancien cbef-
lieu des Convènes ; Vautre se lit sur une stèle représentant une
tète d'homme et une tète de femme, provenant de Burgalaîs et
dont parlent, tour à tour, Dumège, Roschach, Ernest Desjardins et
Sacaze (Hist. anc. de Luchon, n« 54) : V[ivvs] PAETVS SVRI F
HAHANTENN (Sacaze, Epigraphie des Pyrénées, n» 310).
Le nomen RUFINYS était usité dans la contrée.
En efTet, une plaque de marbre blanc, retirée en 1889 d'un mur
voisin de Téglise paroissiale de Saint-Girons et conservée dans
un jardin, porte :
0 RVFVS • SEMBEX0NI8 • F • 0 PVSILLA • TROCGI ' FIL • VXOR
V. RVFIN VS • xRVFI • F • V. PRIMVLVS • RVFI • F • SVIS '
Feu Rufus, fils de Sembexon; feue Fusilla, fille de Troccus, son
épouse; vivant, Rufinus, fils de Rufus; vivant, Primulus, fils de
Rufus, ont élevé ce tombeau à leurs parents (Sacaze).
Dans une plaque en bas-relief d'un côté, encastrée dans le mur
de la maison Gazes, à Saint-Bertrand, revient le même nom au
féminin, RVFJNA.
SILEX se retrouve trois autres fois dans des inscriptions con-
nues. Gruter le releva sur une plaque, existant alors dans le cloî-
tre de Saint- Bertrand et aujourd'hui perdue; Dumège l'avait lu
aussi sur un autel votif de Gathervielle ; il est gravé sur un frag-
ment de cippe au Musée de Tarbes.
Entre les deux abréviations FIL, l'autre nom est illisible.
Il convient maintenant de corriger une erreur typographique
dans la description de l'autel votif dont nous avons parlé à la
page 301 du t. vin, année 1893, et qui nous a été communiqué par
M. le D' Rivière, de Malvezie.
Ge n'est pas après le premier nom ANTiST où TI, plus petit, pa-
rait avoir été ajouté après coup par l'ouvrier, mais à la suite du
second, qu'il faut placer les petites barres ///.
Reconstituons donc les deux premières lignes :
L. ANTiST
SYNTRi/////
Quant à l'inscription que nous avions rapprochée de la précé-
dente, à la page suivante, 302, il faut la rétablir ainsi :
MINERVAE REGINAE AVGTVS ANTISTI. V. S. L. M.
Dans le troisième nom, le second Y avait été transformé en U.
Alphonse COUGET.
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STATION MÉTÉOROLOGIQUE
DE SAINT-GAUDENS
FONDÉE PAB U SOCIÉTÉ DBS ÉTODBS DU COHMIKGES
TABLEAUX SYRTHETIQUE & GRAPHIQUE
DES
OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES
RECUEILLIES PENDANT L'ANNÉE 1893
Dans le tableau graphique, la pression barométrique
et la hauteur de pluie sont exprimées en millimètres. La
température et Thumidité relative, en degrés centigrades.
L'intensité du vent est indiquée par un des signes sui-
vants :
O Vent faible.
0 Vent assez fort.
© Vent fort.
S- Vent très fort.
€ Vent violent.
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DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
PAiTBS PENDANT L' ANNÉE 1893
RÉSULTATS COMPARÉS DES ANNÉES 1891-1892-1893
Baromètre. — La plus forte pression barométrique, 744, a
été constatée le 15 décembre, par un vent de N. 0. La plus faible,
710.6, a été constatée le 24 février, par un vent de N. 0.
Moyennes comparées des trois dernières années :
1891 : 727,0 | 1892 : 728,2 | 1893 : 730,5
Thermomètre. — La température la plus élevée, -{- d6<»9, a été
observée le 14 août; la plus basse, — 9», a été observée les
4, 5, 13 janvier 1893.
Moyennes comparées des trois dernières années :
1891 : 11«5 I 1892 : 12o9 | 1893 : 13*1
L'année 1893 a été plus chaude que 1892, et celle-ci plus chaude
que 1891.
La température moyenne du pays augmente donc depuis 4 ans.
i Jours de Gelée. — Le thermomètre est descendu au-dessous de
] zéro: 211 jours en janvier, 2 jours en février, 4 jours en novem-
bre et 11 jours en décembre. Total .... 38 jours.
En 1891, le nombre de jours de gelée a été de 128 jours.
En 1892, — — — — 54 —
Hygnc^mètrie. — Le degré d'humidité de lair est déduit des
observations du psychromètre.
Le maximum d'humidité, 88, a été constaté, en 1893, les 10 jan-
vier et 30 septembre, par vent de N. 0.
Le minimum, 18, a été observé le 9 avril, par vent de S. E.
La moyenne hygrométrique de 1893 a été de 52.
État du ciel. — Les 365 jours des années 1891, 1892 et 1893 se
composent ainsi qu'il suit :
Jours beaux Nuageux Couverts
1891 90 93 182
1892 93 129 144
1893 96. 91 178
En 1893, le temps a été plus régulièrement beau qu'en 1891 et 1892.
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Ploie. — Le pluviomètre a reçu, pendant l'année 1893, une quan-
tité d'eau correspondant à une hauteur de 512» 3. Le nombre de
jours de pluie a été de 108.
Le mois le plus pluvieux a été le mois de novembre, pendant le-
quel il a plu 15 jours.
Le mois le moins pluvieux a été le mois d'avril, pendant lequel
il n'a plu qu'un seul jour.
Totaux comparés des trois dernières années :
1891 — 1892 - 1893
Jours de pluie : 127 144 108
Hauteur de pluie : 661,0 833,5 512,3
Vents. — En 1893, le vent dominant a été le N. 6., qui a soufflé
123 jours, puis le N. E. qui a soufflé 62 jours, et le S. O., qui a
soufffé 45 jours.
St-Gandens, impr, Abadie.
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LA RÉVOLUTION
A SAINT-LIZIER (Ariège)
1789-1804
Le récit des événements survenus dans la ville de
Saint-Lizier pendant la période révolutionnaire me
semble ne devoir pas être sans intérêt pour les habi-
tants de l'ancien Couserans dont Saint-Lizier était la
capitale.
Son antiquité, son rôle politique et religieux, ce pres-
tige qui s'attache aux lieux et aux monuments qui ont
vieilli avec nos ancêtres, lui ont créé cette auréole de
sympathique respect qui lui assigne un rang supé-
rieur entre toutes les autres petites villes voisines.
Elle a toujours partagé avec Auch et Saint-Bertrand
de Comminges^ dans le souvenir de nos vieilles popu-
lations, cette vénération inséparable des choses anti-
ques et pieuses. A un passé qui ne manquait pas de
grandeur ni de prospérité a succédé une ère d'agita-
tions et de décadence. Saint-Lizier se voit rapidement
dépouillé de ses anciennes institutions qui étaient pour
lui des éléments indispensables de vie et d'union,
Tévéché, le chapitre, le tribunal qu'elle posséda durant
quelques mois ; ses grands établissements et ses somp-
tueuses maisons se vidèrent, ses rues devinrent déser-
Rbv0i bi CommoBS, 3* trim«ttre 1894. Toni IX. — 8.
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402
tes. Ceux qui restèrent se divisèrent entre eux, et,
affolés de peur ou honteusement attachés à de vils
intérêts, courbèrent le front sous ce despotisme dont
parlait Fabbé Maury, « le plus terrible de tous parce
qu'il portait Ja fausse marque de la liberté. » Il y eut
de nombreux oublis du devoir dans la noblesse, le
clergé, le peuple, dans toutes les classes, et aussi quel-
ques beaux exemples de fermeté et de fidélité aux vrais
principes. Je mentionnerai les uns et les autres, parce
que la petite, conme la grande histoire, ne peut vivre
que de vérité.
Les registres municipaux de Saint-Lizier, très gra-
cieusement mis à ma disposition, m'ont fourni d'am-
ples matériaux pour cette étude. J'ai cru devoir les uti-
liser de, préférence à tous autres, parce que, comme
l'observait judicieusement M. Taine, « le témoignage
le plus digne de foi sera toujours celui des témoins
oculaires; .... ils rédigent tout de suite et sous Tim-
pression des événements locaux. »
Je viens donc simplement apporter ma modeste
contribution à la vaste enquête si courageusement et
si impartialement ouverte par l'auteur des Origines
de la France contemporaine. Ces pages racontent les
événements survenus dans notre petite ville de Saint-
Lizier, de la fin de l'an 1789 à la proclamation de
l'Empire en 1804. Elles embrassent donc cette période
si tourmentée et si diversement féconde qui s'ouvrit
sous de magnifiques rêves de liberté pour s'éteindre
sous le sabre attendu de la dictature.
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403
Division territoriale de la France. — Département de Gouserans.
— L. de Saint-Blanquat député à Paris. — Suppression de l'évê-
ché. — Nouvelles municipalités. — Premiers empiétements de
Fautorité civile. — Ordonnance de boucherie.
Dès son arrivée au pouvoir, TAssemblée nationale
s'était jetée avec une dangereuse précipitation dans la
voie des réformes. Ce qui n'eût dû être que l'œuvre
lente et progressive des années fut hâtivement exé-
cuté en quelques mois : abolition des titres et privi-
lèges féodaux, souveraineté nationale, proclamation
des droits de l'homme, suspension des pouvoirs des
parlements, réformes électorales et judiciaires, aboli-
tion des provinces et division du territoire en départe-
ments. Nos registres municipaux commencent avec
cette dernière question d'un intérêt capital pour le
Gouserans et son chef-lieu. Toutes ces petites natio-
nalités qui s'étaient formées successivement, dans le
courant des siècles, de capitulations particulières et de
contrats politiques et qui consacraient, dans leur auto-
nomie, des besoins, des mœurs et des traditions précieu-
ses, allaient être fondues dans une grande nationalité.
Ici, comme en bien d'autres points, les députés dépas-
saient les limites du mandat qu'ils avaient reçu. Leurs
commettants ne leur avaient pas donné mission d'alié-
ner les privilèges, les droits et les noms de leurs pro-
vinces. Impatiente de tout bouleverser, la Constituante
ne pouvait pas se laisser arrêter par de tels scrupules ;
elle passa outre. Il ne restait dès lors aux anciens
états qu'à demander dans la nouvelle division territo-
riale un rang honorable qui perpétuât le souvenir des
titres acquis. Ce fut la lutte de l'intérêt et de la vanité
se parant d'arguments historiques. Le comté de
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464
Couserans, qui sentait que sa petite personnalité allait
disparaître dans la division administrative projetée,
ne voulut pas se laisser absorber sans faire valoir les
droits qu'il avait au maintien de son vieux nom dans
la nouvelle géographie politique de la France.
Parmi les documents municipaux de sa capitale
épiscopale nous trouvons d'abord, à la date du 14 décem-
bre 1789, une délibération de l'assemblée communale
qui expose à la Constituante, en termes modérés,
insinuants, la nécessité de former au centre des Pyré-
nées un département de Couserans avec Saint-Lizier
pour chef-lieu.
a Le moment est arrivé, dit la délibération, où
l'auguste Assemblée nationale, toujours animée du
désir ardent d'opérer le bonheur de la France, s'occupe
de la diviser en départements et les départements en
districts ;
» Que la formation d'un de ces départements dans
le Couzerans est un objet des plus intéressants pour
le pays en général et pour cette ville en particulier qui
en est la capitale et le centre ;
» Que le Couzerans pourrait suffire absolument lui
seul, par son étendue et sa population, pour former un
département, mais que s'il était jugé insuffisant,
d'après les dimensions et les proportions qui seront
adoptées par l'auguste Assemblée, la situation géogra-
phique du pays offre tant de convenances et de facilité
pour y suppléer en y unissant une partie des pays cir-
convoisins qu'il semble qu'il n'y ait presque point à
craindre de ne pas l'obtenir ;
» Qu'il serait en effet très convenable d'unir au
Couzerans, pour la formation complète d'un départe-
ment, la partie du pays de Foix située en deçà de la
rivière de TAriège depuis sa naissance jusqu'à Saver-
dun, d'y unir aussi la partie du pays de Comminges
qui y confronte également située en deçà de la Garonne
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105
jusqu'à Carbonne, et de former ensuite une ligne de
démarcation depuis Carbonne jusqu'à Saverdun ; de
la sorte ce département se trouverait limité par trois
bornes permanentes : la rivière de T Ariège au levant,
les Pyrénées qui séparent l'Espagne et le Couzerans
au midi, et la Garonne au couchant ;
» Que le bruit s'est répandu que, malgré ces conve-
nances et ces facilités, des ennemis du Couzerans ne
tendraient à rien moins qu'à le faire unir au pays de
Foix et le faire séparer de celui de Commïnges qui a
été lié de tout temps avec le Couzerans par des rela-
tions réciproques très intimes de convenances et d'in-
térêt;
» Que de cette union du Couzerans au pays de Foix,
totale ou partielle^ dont l'idée seule est accablante,
résulteraient des maux sans fin pour le pays en géné-
ral et pour cette ville en particulier, puisqu'ils seraient
infailliblement assujétis à contribuer au payement de
ses dettes très considérables ;
» Que la ville de Saint-Lizier, qui semble devoir
être par son ancienneté et sa situation le chef-lieu
d'un département^ ne serait même pas le chef-lieu d'un
district, et qu'ainsi au lieu d'acquérir dans son sein^
comme il paraît juste, une assemblée administrative
et un des nouveaux tribunaux de justice qui serait le
bonheur du pays, elle aurait encore à craindre qu'on
n ajoutât à ces maux la perte d'un évêché et d'un cha-
pitre qu'elle possède depuis près de quinze siècles, et
la privation d'une perceptoriale que les lois du royaume
lui assurent. »
M. le maire pria l'assemblée d'aviser aux moyens
qu'il peut y avoir à prendre dans cette conjoncture.
L'assemblée prenant en très grande considération
l'exposé fait par ledit sieur maire, vivement affectée
des maux incalculables qui menacent le Couzerans en
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106
général et la ville de Saint-Lizîer en particulier, a
arrêté à Tunanimité des voix :
1® Qu'elle se réfère à la supplique et aux précéden-
tes délibérations déjà envoyées ;
2*^ Qu'il convient d'envoyer promptement un député
à Paris, et comme elle ne connaît dans toute la contrée
personne de plus capable et de plus zélé pour le bien
et les intérêts du Couzerans et de cette ville que M. le
baron Lingua de Saint-Blanquat, elle le nomme una-
nimement pour cette députation ;
3*^ Qu'elle prie et charge ledit sieur député de solli-
citer de la justice de l'auguste Assemblée nationale la
formation d'un département dans le Couzerans, de
façon que Saint-Lizier devienne le centre et le chef-
lieu de ce département ;
4*^ De solliciter aussi de sa justice l'établissement,
en tout événement, d'un district dont cette ville soit
le centre et le chef-lieu, et l'établissement dans son
sein d'une assemblée d'administration et d'un des nou-
veaux tribunaux de justice à créer ;
5® De solliciter la conservation dans tous les cas
d'un évêché et d'un chapitre dont la ville est en posses-
sion depuis près de quinze siècles et d'une percepto-
riale que les lois du royaume lui garantissent ;
6*^ Enfîn^ elle le prie et charge de remettre un extrait
de la présente délibération à M. le président de l'As-
semblée et à chacun de MM. les députés du Couze-
rans, en les sollicitant de vouloir bien la prendre en
considération. Et ont tous signé :
Berges maire.
Jean Lagrasse, Pierre Servant, consuls ;
M* E. Trinqué, M® Jean Mourons, M® Jean-Bap-
tiste Dupré, avocats en parlement ;
Les sieurs Etienne Duclos, Jean Court, Etienne
Seille, conseillers de ville.
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J.-M. Bonin, assesseur; Etienne Ferrier, procureur
du roi.
Le lendemain 15 décembre, la municipalité se
réunit à nouveau pour aviser aux dépenses de la dépu-
tation qui a été confiée à un homme qui était digne à
tous égards de ce témoignage d'estime; elle décide
qu'on a se pourvoiera sans retard par devant nos sei-
gneurs de la commission intermédiaire provinciale
pour faire autoriser la comté à emprunter une somme
de quatre cents quatre-vingts livres et à imposer cette
somme au marc la livre de la capitation. »
On sait ce qu'il advint de cette pétition ; on lui fit
le sort qu'on réserve aux vœux des petits et des faibles.
Quelque légitimes et respectables que fussent, au point
de vue historique, les titres de la ville de Saint-Lizier^
les honneurs du chef-lieu furent dévolus à une rivale
plus heureuse; on ne lui décerna que le modeste
titre de municipalité ; maigre compensation pour une
antique cité romaine qui depuis plus de quinze siècles
était la capitale d'un pays qui avait mérité l'attention
des maîtres du monde. La Fortune a de ces coups
d'aile qui renversent les plus solides grandeurs. Et si
le malheur commun est une consolation, la vieille cité
du Couserans pouvait voir qu'une meilleure condition
n'était pas faite aux vieux Lugdunum de Comminges,
cette ville sœur, née du même sang, à la même épo-
que, et qui, après avoir exercé une égale prépondé-
rence^ comme elle allait s'éteindre dans les ruines et
l'oubli. Le département de Couserans, qui aurait eu
une dénomination historique et une raison ethnolo-
gique, n'avait existé que dans ses rêves. De par la
volonté des législateurs, avait surgi un département
fait de tronçons géographiques et de groupes de
citoyens qu'aucun souvenir, intérêt ou lien politique
ne rattachait. Il y a souvent dans la volonté des maî-
tres de ces violences que rien ne justifie, que l'on subit
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108
en silence parce que Thonneur suprême de la patrie
impose la résignation.
La nouvelle division de la France en quatre-vingt-
trois départements ne pouvait pas s'accorder avec l'an-
cienne division des diocèses, qui étaient très inégaux
en population, en étendue et en revenus. Il y avait
sur ce point une réforme utile à faire, de Taveu de
tous. Mais c'était à TÉglise seule, juge des besoins de
ses fidèles, à corriger les abus que le temps avait glissés
dans sa discipline administrative et à mettre le tem-
porel en harmonie avec les conditions nouvelles de la
société française.
Ce fut une véritable usurpation de pouvoirs, de la
part de l'Assemblée nationale, de supprimer et d'ériger
des évêchés à son gré, sans le consentement de la
cour de Rome. « Les titres de l'Église valent les
titres de l'État, dit fort judicieusement M. Taine".
C'est pourquoi s'il est juste qu'il soit indépendant et
souverain chez lui, il est juste qu'elle soit chez elle
indépendante et souveraine ; si l'Église empiète quand
elle prétend régler la constitution de l'Etat, l'État
empiète quand il prétend régler la constitution de
l'Église, et si, dans son domaine il doit être respecté
par elle, dans son domaine elle doit être respectée
par lui. »
C'est pour avoir oublié ces principes de justice élé-
mentaire et de morale politique, que l'Assemblée natio-
nale porta une main violente sur la hiérarchie ecclé-
siastique. Par une spoliation arbitraire Saint-Lizier
fut dépouillé de son évêché quinze fois séculaire. Ce
dut être une dure épreuve pour la cité épiscopale de
se voir privée de ce qui faisait sa vie et son prestige
autour des villes environnantes. Dans la longue série
i. Les Origines de la tranu cmkmporaine, 1. 1", p. 230.
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109
des pontifes qui s'étaient succédé sur son siège ,
depuis saint Valier jusqu'à Mgr de Lastic, du m® au
xvm® siècle, elle avait pu admirer de pieux et savants
administiateurs qui avaient été pour elle un motif de
gloire et une source d'édification. Elle était fière de
ses Quintin, Lizier, Bernard de Raymundi, Auger de
Montfaucon, Guischard d'Aubusson, les Grammont,
Don Ruade, Pierre de Marca, Verthamon^ Verceil et
vingt autres qui, par les dons de la fortune, de la
sainteté et de la science, avaient conservé son prestige
à travers les siècles.
Maintenant la voilà tombée de ce rang de préémi-
nence dont à bon titre elle pouvait s'enorgueillir.
Avec son autonomie politique disparaît aussi sa supré-
matie religieuse ; elle est absorbée avec son comté et
son diocèse dans un vaste département composé des
éléments les plus hétérogènes. Ainsi l'a voulu cette
souveraine raison d'État qui considère comme le com-
ble de l'art d'avoir donné à la France le monotone
aspect d'un grand échiquier administratif.
Assurément Saint-Lizier, si justement jaloux de sa
prospérité et de ses prérogatives, dut défendre ses
droits à la conservation de son évêché et de son cha-
pitre. Les mémoires et les actes municipaux relatifs à
cette période de ses sollicitudes ne sont pas parvenus
jusqu'à nous'; nous n'en trouvons qu'une courte
mention dans la délibération précédente qui charge
M. de Saint-Blanquat de demander, avec la formation
d'un département dans le Couserans^ le maintien de
son évêque au chef-lieu.
L'évêché fut transféré à Pamiers et l'administration
départementale à Foix. Il Im était dû une compensa-
tion. Saint-Lizier la sollicita dans l'érection d'un des
i. Les registres des délibérations municipales, du 15 décembre 1789 au 21 novembre
1790, ont été égarés.
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tribunaux civils qui venaient d'être attribués à chaque
district par la réforme judiciaire.
Dans une délibération municipale' sont exposées
les raisons qui militent en faveur de sa demande. On
supplie respectueusement a nos seigneurs de l'As-
semblée nationale de vouloir bien prendre en considé-
ration que Saint-Lizier est la ville épiscopale et
conséquemment la capitale du Couserans, qu'elle est
presque au centre du diocèse, que le diocèse est con-
sidérable par sa population, qu'elle a déjà été reconnue
solennellement devoir être le chef-lieu de l'arrondisse-
ment dans une délibération prise parl'assemblée com-
plète du département de Comminges, qu'elle est enfin
la plus propre de Tarrondissement pour l'établisse-
ment d'un des tribunaux de justice à créer, que les
juges y trouveront la commodité du logement qu'ils
ne trouveront dans aucune autre ville du canton,
et que dégagés dans cette ville de tout embarras, à
l'abri de tout tumulte et sous les yeux d'un évêque
et d'un chapitre^, ils y rendront bien mieux la justice
qu'ils ne pourraient le faire dans aucune autre ville
voisine où ils seraient détournés par l'affluence, l'agi-
tation et le commerce auquel tous les habitans se
livrent depuis longtemps, d
La ville voisine de Saint-Girons est ici clairement
désignée comme impropre à l'établissement d'un tri-
bunal ; les motifs nous paraissent assez singuliers :
le bruit, le mouvement commercial seront évidem-
ment nuisibles au recueillement nécessaire à l'étude
des lois; puis Saint-Lizier possède une précieuse
garantie d'impartialité dans l'application de la justice
qui régira la conscience des juges : c'est la présence
de Tévêque et du chapitre.
i. 3 décembre 1789.
2. Cette délibération est antérieure à la conslilalion civile du clergé et à la nouvelle,
organisation des diocèses.
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1H
C'était au premier chef un plaidoyer pro domo, et
Tavocat ne néglige aucun argument.
Il est à croire qu'il porta la conviction dans l'esprit
des législateurs et fit pencher la balance en sa faveur,
puisque vers la fin de l'année suivante nous assisterons
à l'installation du tribunal si instamment demandé.
Mais n'anticipons pas sur les événements; nous
sommes aux derniers jours de l'année 1790, l'une des
plus fécondes en funestes innovations, puisqu'elle nous
donna les assignats et la constitution civile du clergé,
deux sources de malheurs.
Elle s'ouvrit et se ferma sur des élections munici-
pales.
Dans les premiers jours de janvier, on essaya la
nouvelle organisation municipale votée à l'Assemblée
nationale au mois de novembre 1789 1.
M. Lingua de Saint-Blanquat remplaça M. Berges
à la mairie. Seillé, Berger, Dargein-Dupont, Besson
et Durrieu furent élus officiers municipaux. De Villa,
capitaine, Court, Lagrasse^ Servant, Brondes, Duclos
et Roques furent élus notables. Ferrier fut choisi
comme procureur de la commune.
C'était toute une transformation superficielle du
corps municipal; les consuls et conseillers de ville
disparaissent et cèdent la place aux nouveaux digni-
taires qui s'appellent obiers municipattx et notables;
le procureur du roi fait place au procureur de la com-
mune. Les rôles pourtant restent les mêmes, les noms
des acteurs seuls sont changés.
Les procès-verbaux de cette époque n'étant pas en-
tre nos mains, nous ne pouvons juger de la gestion de
1. Pour être ëligible aucune condition d'âge ou de fortune u'élait exigée : < On était
éligibic par la seule confiance des électeurs. > Mais pour être électeur, il fallait jouir de
ses droits politiques, être Agé de 25 ans et payer la cooiribution d*au moins un marc
d'argent, ce qui équivaut à trois journées de travail. Singulière loi qui demandait plus de
garanties à l'électeur qu'à Télu.
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442
la nouvelle municipalité, qui ne resta d'ailleurs que
dix mois aux affaires ; le décret concernant la consti-
tution des municipalités en fixait le renouvellement
partiel au mois de novembre.
Le vingt-unième jour de ce mois, les citoyens actifs
de la commune furent, sur Tordre du maire, convo-
qués en assemblée générale dans une salle de Tévêché.
Etaient présents : MM. Lingua de Saint-Blanquat,
maire, Besson, Durrieux, Seillé, Berges, Dupont-
Dargein, ofTiciers municipaux; Ferrier, procureur de
la commune, De Villa, capitaine, Court, Lagrasse,
Servant, Brondes, Duclos et Roques, notables, de
Villa, prêtre, Dargein oncle, prêtre, Dupré avocat,
Mouroux avocat, Bonin avocat, Bergerat, Bonnet,
Clanet, Buisson, Latendresse, Tarride, Meda, Auriac,
Bonzom, Broué^ Naudin, Marfaing et autres, tous
citoyens actifs de Saint-Lizier.
Le procureur de la commune Ferrier expose qu'a-
vant de procéder au scrutin pour le renouvellement
partiel des officiers municipaux et notables, il y a
lieu de nommer le bureau chargé de présider aux
élections.
On choisit parmi les électeurs plus âgés un prési-
dent, deux scrutateurs et un secrétaire provisoire,
chargés de cette opération préparatoire. M. de Villa,
capitaine, Duclos, Berges et Dargein oncle, recueil-
lent les votes et proclament élus, à titre de membres
du bureau électoral, M. de Saint-Blanquat, prési-
dent; Dargein oncle, secrétaire; De Villa, Berges,
négociant et Dargein-Dupont, scrutateurs.
M. le président annonce qu'en conformité à l'art. 42
du décret des municipalités deux officiers municipaux
et six notables doi\entêtre renouvelés. Le sort désigne
comme sortants Berges et Durrieu qui sont remplacés^
après trois tours de scrutin, par Villa et Larroque,
nommés officiers municipaux. Les membres sortants
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443
sont Lagrasse, Roques, Duran, Bordes, Court, Trin-
qué, démissionnaire, élu administrateur du directoire
du district ; on devait aussi pourvoir au remplacement
de Villa, élu officier municipal. Sont investis de la
même fonction par la voie du suffrage : Dupré avocat,
Nicolas, Court, Benazet, Bonin, Lagrasse, Mouroux.
Après la séance, on remarque que Larroque, qui venait
d'être élu officier municipal, était parent de Seillé à
un degré qui le rendait inéligible; il y avait donc lieu
de procéder à un nouveau scrutin qui fut en faveur de
Jean Dupré dit Bergerat. Mouroux, membre d'admi-
nistration au département de TAriège, remercie ses
concitoyens du témoignage de confiance qu'ils vien-
nent de lui donner en le nommant notable et les prie
d'agréer sa démission; il est remplacé par Dargein
oncle. Enfin, après ces multiples opérations la muni-
cipalité se trouve ainsi définitivement constituée :
Lingua de Saint-Blanquat, maire.
Seillé, Besson, Dargein-Dupont, de Villa capitaine,
Dupré, de Bergerat, officiers municipaux.
Ferrier, procureur de la commune.
Berges, secrétaire.
Besson, trésorier.
De Rozès, Duclos, Brondes, d'Anouilh, Servant,
Dupré, avocat, Nicolas, Court, Benazet, Bonin,
Lagrasse, Dargein oncle, notables.
Le 28 novembre, le procureur de la commune re-
quiert les membres de la municipalité, en vertu du
décret du 26 décembre 1789, de prêter le serment « de
maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du
royaume, d'être fidèles à la nation, à la loy et au roy,
et de bien remplir leurs fonctions. »
Cette formalité remplie, les officiers municipaux se
divisent en conseil d'administration et en bureau de
police. De Saint-Blanquat, Besson et Dargein forment
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444
le conseil d'administration ; Seillé, de Villa et Berge-
rat, le bureau de police; Brondes et Nicolas, notables,
furent adjoints pour la taxe des vins de cabaret.
A peine installée, la municipalité se hâte d'inau-
gurer son administration par un abus de pouvoir.
L'occasion ne nous manquera d'ailleurs pas de signa-
ler de nombreux empiétements de l'autorité civile sur
l'autorité ecclésiastique. L'origine de tous les excès
de la Révolution se trouve là, dans l'exercice illégal du
pouvoir ; les corps constitués dépassent leur mandat
et se jettent violemment dans l'arbitraire.
Les éléments de cette municipalité étaient excel-
lents, animés des meilleures dispositions; mais il
fallait, pour résister à ce vent d'innovations qui soufflait
dans toutes les zones, dans les petites et dans les
grandes assemblées, un tempérament de résistance,
un équilibre d'intelligence et de volonté qui fît géné-
ralement défaut aux gouvernants , et c'est pour cela
que la porte fut grande ouverte à toutes les tempêtes,
à toutes les catastrophes.
Depuis la suppression du chapitre diocésain, l'heure
des offices paroissiaux avait été modifiée ; à tort ou à
raison, les fidèles se plaignaient. La municipalité se
substitue à l'autorité ecclésiastique, qui seule avait
droit d'examiner si ces plaintes étaient justifiées et de
donner des ordres aux curés. Elle délibère que les
curés « seront tenus de célébrer deux messes de pa-
roisse, chaque fête et dimanche, avec l'instruction por-
tée par les règlements diocésains, » Elle fixe même
l'heure des offices pour les diverses époques de Tan-
née. Premier empiétement^ assez anodin celui-là,
mais on ne s'arrête pas en si bon chemin. Encore quel-
que temps et on entrera hardiment dans le sanctuaire
pour violenter la conscience des prêtres et des fidèles.
Peut-être que dans la confusion d'idées qui se faisait
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415
alors dans les esprits les municipaux de Saint-Lizier
regardèrent-ils cet acte d'illégitime ingérence comme
Texercice de la police communale qui rentrait dans
leurs attributions. Cette bonne foi pourrait être une
excuse à nos yeux.
Le départ du nombreux personnel qui entourait
Tévêque avait sensiblement diminué la consommation
de la viande ; les habitants fraudaient la taxe : le fer-
mier de la boucherie communale, Jean Rouan, porte
plainte à la municipalité et déclare qu41 résilie d'ores
et déjà le bail à ferme si les conditions y énoncées ne
sont pas observées. Le bureau de police, « ouï le fer-
mier de la commune et ses conclusions tendant à ce
qu'il soit rendu une ordonnance prohibitive de four-
nitures de viande par les habitants de la ville, ordonne
ce qui suit :
Art. 1. — Faisons défense à tous les habitants de Saint-Lizier et
sa banlieue de se pourvoir de viande ailleurs que dans la bou-
cherie de la ville, à peine de coniiscation de ladite viande qui sera
conCsquée au profit de Rouan, boucher.
Art. n. — Exceptons néanmoins de ladite défense ceux qui se
pourvoient au petit banc de boucherie de Saint-Girons en brebis et
vache, lesquels conserveront la liberté comme auparavant, sans
payer aucun droit.
Art. m. — Enjoignons au boucher de tenir fidèlement toutes les
conditions de son bail, sous les peines y contenues ; et pour éviter
la tuerie d'animaux qui ne seraient pas sains ou seraient de mau-
vaise qualité, lui faisons défense expresse de tuer aucun bœuf
pendant la nuit, sans Tavoir exposé devant sa porte et appelé un
ofQcier municipal pour en faire la visite, sous peine de confiscation
et d'une amende qui sera arbitrée suivant le cas.
Art. IV. — Invitons les habitans à dénoncer à la municipalité
toutes les contraventions commises par le boucher et de porter
leurs plaintes.
Fait à l'Hôtel-de-Ville, le 30 novembre 1790.
BES80N, DAHGEIN, VILLA.
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446
II
Installation du tribunal. — Liste des assesseurs du juge' de paix.
— Bureau de conciliation. — Besson, maire — Garthage veille et
Rome se défend. — Sectionnement de la commune. — Serments
civiques. — Rumeurs populaires. — Arrêté de police. — Demande
d'un bureau de poste. — La force prime le droit. — Curés asser-
mentés. — Fuite du roi et convocation de la garde nationale.—
Nomination de régents. — Effervescence religieuse. —Nouvel
arrêté de police. — Affaire des non-conformistes.
Veuve de son ancien chapitre, qui avait été son
orgueil et sa principale source de prospérité pendant
de longs siècles, la ville de Saint-Lizier obtint une
compensation dans la concession du tribunal du dis-
trict. M. de Rozès, président du district, notifia à la
municipalité qu'elle pouvait procéder à l'installation
des juges. Sans retard furent prises les dispositions
suivantes :
« L'installation aura lieu, vendredi prochain 10
décembre, après la messe du Saint-Esprit, à laquelle
les membres du conseil général de la commune et
tous les citoyens sont invités à assister avec les juges.
Afin de donner plus d'éclat à cette solennité, les mem-
bres du conseil général et les juges partiront de la
maison commune pour se rendre en ordre à l'église,
escortés de la garde nationale ; trois coups de coule-
vrine et de canon seront tirés la veille de la fête, au
moment du départ du cortège pour l'église, et à l'ins-
tant de la prestation du serment. A cri public et par
affiche les habitants de la commune de tout âge et de
tout sexe seront invités à prendre part à la cérémonie
pour témoigner de leur vif enthousiasme. »
A la dernière heure survinrent des difficultés impré-
vues — des raisons de délicatesse qu'on ne pouvait
mettre au jour — et qui firent demander à la municipa-
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«7 .
lité rajournement de riristallation. Mais des bruits fâ-
cheux se répandent dans le public qui murmure con-
tre cet ajournement indéfini. Le procureur de la com-^
mune se fait Técho de ces plaintes et des soupçons du
peuple, et la municipalité le députe auprès de M. de
Rozès pour le prier de fixer définitivement Tinstalla-
tion du tribunal au mardi 21 décembre. Il fut ainsi
coupé court aux rumeurs malveillantes. Saînt-Lizier
avait toujours à craindre la rivalité de Saint-Girons et
la sympathie de l'administration du district pour sa
cause; c'était assez pour mettre en éveil l'imagination
populaire et lui faire voir dans ce retard volontaire un
complot contre ses intérêts.
Le jour venu, la cérémonie s'accomplit pompeuse-
ment suivant le programme. M. le maire souhaite la
bienvenue aux membres du tribunal ; M. Dauby père,
nommé premier juge, à son tour prend la parole :
a Messieurs^ je viens déposer parmi vous la place
honorable que vous m'avez confiée. Vos bontés avalent
mis le comble à mes désirs, lorsque j'appris que quinze
jours plus tôt le roi m'avait fait l'honneur de me nom-
mer son commissaire auprès du même tribunal. J'ai
depuis flotté entre la crainte et l'espérance ; mais pressé
par mes devoirs et plein de confiance en vos bontés,
je me suis flatté que votre amitié me suivrait partout.
C'est, Messieurs, dans cet espoir que je passe aux
fonctions de ministère public, bien pénétré de cette
pensée qu'un citoyen plusieurs fois honoré de la con-
fiance de la patrie ne doit pas se croire au-dessous de
la confiance des rois.
» En sortant du rang de juge auquel vos bontés
m'avaient appelé, une tendresse saisit mon cœur ; par-
donnez mon trouble et ma sensibilité. Le regret abré-
gerait mes jours si je ne demeurais indissolublement
attaché, autant par mes fonctions que par mon amour
de la patrie, à mes confrères si dignes de Testime et de
Rfv» Di GoMMiiioit, 3« trimeitre 1894. Tom IX. — 9.
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448
la confiance publique, à ce tribunal auquel je me ferai
un devoir de consacrer jusqu'à la fin de ma carrière
mes travaux, mes hommages, mes respects, de toute
la force de mon zèle patriotique. Obligé par devoir et
par reconnaissance à travailler à votre félicité, je met-
trai toute ma gloire à justifier votre choix et celui du
meilleur des rois.
» C'est, Messieurs, avec tous ces sentiments de
crainte, d'amour, de respect déployés dans mon cœur,
que je déclare me démettre de la place de premi^*
juge, à laquelle j'ai été élu par les suffrages touJ4>urs
adorables de la patrie, et que j'accepte l'office d^ com-
missaire du roi auquel j'avais été antériearement
nommé par la bonté du monarque du moqde le plus
chéri. »
Après ce discours empreint des habitudes oratoires
du temps, il est procédé à l'installation et prestation
de serment des sieurs Arexy et Mouroux, en vertu des
lettres patentes du 11 novembre, et du sieur Estaque,
suppléant, qui prend la place du premier juge Dauby,
démissionnaire.
Il restait deux juges encore à installer, les sieurs
Bonin et Delage qui ne prirent possession de leurs
sièges que dix jours après, la vérification de leurs
titres n'ayant pas pu être achevée à ce jour.
Puis encore, on procédp?-^ l'installation de M. de
Saint-Blanquat, à titre déjuge de paix.
Les juges étant sur leurs sièges, M. le président du
district ordonna l'enregistrement des lettres patentes
des juges du tribunal et le procès-verbal de la nomi-
nation du juge de paix.
Conformément aux droits constitutionnels, l'élec-
tion des juges du tribunal appartenait aux électeurs du
district ; le roi devait confirmer cette nomination qui
ne devait être valable que pour six ans.
Le juge de paix était l'élu des citoyens actifs de
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149
toutes les municipalités du canton. A l'élection qui
avait eu lieu le 14 décembre 1790 en Téglise de Saint-
Lizier, M. de Saint-Blanquat avait recueilli 273 suffra-
ges sur 347 votants.
Dans cette même assemblée électorale, il avait été
procédé au choix, par le suffrage, de quatre notables
qui devaient remplir, dans chaque municipalité du
canton, les fonctions d'assesseurs du juge de paix.
Nous avons la liste complète de ces assesseurs qui
reproduit les noms des principaux notables de chaque
localité.
Saint-Lizier : Berges et Cours, négçrciants, Bergés-
Montfort et Micas, bourgeois.
Gajan : Mouroux, Mathieu Méda, G. Dubouch et
Jacques Dubouch.
Taurignan (V) : Boé de Gorces, R. Anglade, Jean
Cassède, Michel Balagué.
Taurignan (C) : Jérôme Daran, A. Dedieu, A. Cazaux,
J. Galey.
Mercenac: Bousquet, Jean Pouche, Joseph Pouche,
Jean Baron.
Bajert: P. Abrial^ Lizier Feuiilerat, Jean Soumet,
Jean Côutanceau.
Befcchat: Villeneuve^ A. Martres, Anglade Jourdain,
J.-P. Sajoux.
Caumont: B. Anouilh dit Hil, Bertrand Anouilh,
G. Méda et Jean Méda.
Lacave: Boussion, J. Anouilh^ Anouilh du Castet,
Pierre Montégut.
Labastide: La Rivière, Longue-Bace, J. Fréche,
Videan Soux.
Mauvezin ; J.-P. Anouilh, J. Ripouil, Fr. Duclos,
Jean Anouilh.
Prat et Bonrepaux : Peyré^ Adema, Bordes, Dupin.
Cazavet : G. Delboy, Moulis, avocat, L. Feuiilerat,
A. Lozo.
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420
Montgauch: Elie Pons, Girons Berges, J. Arné,
Gabriel Ortet.
Sentaraille et Lorp: Lizier Bernère, J. Barbe,
J--P. Renalier^ Arnaud Icar.
Montjoy: Manaud Bergerac, Manaud de Montjoy,
L. Dedieu, Dominique Rives.
Il y avait encore à procéder à la formation du bureau
de conciliation, ou bureau de paix du district, dans les
formes prescrites par le décret du 16 août. MM. de
Roquemaurel, ci-devant chanoine du chapitre, et
Dupré, avocat, furent unanimement nommés comme
hommes de loi ; Dargein-Dupont, Besson, Saurat et
Duclos père furent élus au scrutin de liste.
Trois prêtres et trois laïques formaient ce petit
sénat judiciaire. Nous aurons d'ailleurs bien des fois
l'occasion de remarquer l'élément ecclésiastique appelé
aux assemblées communales, judiciaires et politiques,
dans cette petite ville où d'ailleurs le prêtre avait
occupé un rôle toujours considéruble.
Pour compléter le personnel de la justice, les juges
demandèrent qu'il leur fût adjoint six prud'hommes
pour les procédures criminelles ; le conseil général
délégua à cet effet les sieurs de Villa, Cours, La Grasse,
Seillé, Brondes et Duclos père.
Enfin cette grande question judiciaire qui avait tant
préoccupé les esprits était réglée et l'on pouvait, ce
semble, à l'ombre de cet établissement si longtemps
désiré dormir tranquille. Les intérêts étaient gardés,
l'honneur sauf; Rome avait vaincu Carthage, mais
Carthage prendra sa revanche et humiliera, à son
tour, sa rivale.
Au Capitole de Saint-Lizier, il y avait un siège
vacant, celui du très honorable et très estimé Lingua
de Saint-Blanquat qui avait opté pour les fonctions de
juge de paix. On consulta les électeurs, qui remirent
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Técharpe à M. Besson, et le secrétariat à l'architecte
Berges. Dès le début de son édilité, le nouveau maire
va se trouver aux prises avec de nombreuses difficul-
tés ; il lui faudra, pour en venir à bout, une intelligente
et persévérante énergie. La première question à tran-
cher est celle de l'installation des services judiciaires
dans un local assez vaste. Il faut aussi trouver dans la
petite ville des logements convenables pour les juges,
hommes de lois et tous autres officiers ministériels
attachés aux tribunaux ; c'est de ce côté-là que, main-
tenant, Saint-Girons dirigeait ses batteries, alléguant
que le personnel du tribunal ne pouvait fixer sa rési-
dence à Saint-Lizier^ ville absolument dépourvue de
logements et de ressources alimentaires nécessaires à
une vie confortable.
Ferrier, le nouveau procureur de la commune,
découvre la nouvelle manœuvre des Sâint-Gironnais,
et la signale à ses concitoyens. « Ne vous dissimulez
pas, concitoyens, leur dit-il ', les efforts des habitants
de Saint-Girons, pour obtenir le transfert du tribunal
du district dans leur ville. Il n'est pas d'imagination
qu'ils n'emploient pour y réussir, en décriant celle de
Saint-Lizier, sur la difficulté des logements, sur le
défaut d'auberge, et sur mille autres prétextes aussi
faux que frivoles. On peut encore moins se dissimu-
ler la coalition des juges entre eux et avec les hom-
mes de lois qui sont domiciliés à Saint-Girons; ces
manœuvres ne tendent qu'à éluder l'exécution du
décret qui ordonne la résidence des juges dans le lieu
du tribunal.
« On débite ouvertement que quelques juges^ s'unis-
sant aux démarches des hommes de lois, ont envoyé à
l'Assemblée nationale des mémoires dans lesquels ils
exposent que, les deux villes n'étant distantes que d'un
quart de lieue, le service du tribunal n'aurait nuUe-
1. AsMmblée da €k»nsfil général de la commune du 28 janvier 1791.
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139
ment à souffrir de la résidence des juges à Saint-Girons.
Mais ils ont sans doute ajouté quelques motifs aussi
peu raisonnables et aussi peu vrais pour obtenir le
succès de leur demande ; le triomphe sans mystère
que montrent les habitants de Saint-Girons et leurs jac-
tances donnent lieu à cette conjecture. Il ne fut jamais,
Messieurs, de circonstances plus affligeantes pour cette
ville ; elle possédait un évêque et un chapitre dont les
richesses s'y répandaient et dont la suppression lui est si
préjudiciable. Elle trouvait un léger dédommagement à
ses pertes dans l'existence d'un tribunal ; elle devait se
tranquilliser sur sa stabilité si fortement prononcée par
les décrets. Mais que ne peuvent pas des manœuvres
perfides que Ton emploie pour surprendre les augus-
tes représentants de la nation? Que ne peuvent pas
les efforts de la calomnie et du mensonge colorés du
prétexte du bien public? Que ne peut pas l'intérêt des
juges domiciliés à Saint-Girons qui mettront tout en
œuvre pour ne pas se déplacer, et pour entraîner à
force de sollicitations les juges étrangers? Nous les
voyons déjà chanceler sur le parti qu'ils ont à pren-
dre. Que ne peuvent pas enfin les tournures insidieu-
ses des hommes de lois de Saint-Girons, qui trouve-
raient plus commode de ne pas se déplacer et d'éviter
un quart de lieue de marche pour venir aux audiences.
» Le danger, Messieurs, est grand, excite notre
vigilance, pour mettre des obstacles aux projets qu'on
médite contre nous ; c'est en détruisant les prétextes
dont on se sert pour vous nuire et en montrant leur
fausseté, et en mettant au grand jour, sans aucun
ménagement, les moyens injustes qu'on emploie ; c'est
surtout en requérant d'ores et déjà l'exécution de
l'article III du décret du 25 août qui ordonne que les
juges du district résideront assidûment dans le lieu
où le tribunal est établi. C'est à quoi je conclus. »
Emus par l'éloquente parole de leur procureur, qui
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483 .
a si bien mis en lumière les dangers qui menacent
leur honneur et leurs intérêts, les conseillers géné-
raux de la commune prennent de viriles résolutions.
11 est unanimement délibéré que, le mercredi suivant,
le maire et les officiers municipaux, en tel nombre
qu'ils jugeront à propos, seront députés devers MM. les
juges et commissaires du roi, à la sortie de l'audience,
pour les prier de vouloir bien établir de suite leur rési-
dence à Saint-Lizier. Au cas où dans le délai de huii
jours ils n'auraient obtempéré à leurs prières, le pro-
cureur de la commune signifiera individuellement à
M. Darexy, M. Delage, M. Estaque, juges, etM. Dauby,
commissaire du roi, un acte portant extrait de l'arti-
cle III du décret du 16 août, avec sommation d'avoir à
lui obéir.
La présente délibération sera envoyée à l'Assemblée
nationale avec un court mémoire, pour la supplier
d'ordonner l'exécution de ses décrets sur la résidence
des juges.
Perdre une heure, c'était s'exposer à perdre le fruit
de plusieurs années d'efforts. Aussi se mit-on, sans
délai, en quête d'un protecteur actif qui voulût bi^n
s'intéresser à cette affaire et la recommander à la bien-
veillante justice des pouvoirs publics. Des trois dépu-
tés du Couserans, l'un était absent, l'autre n'avait
jamais établi aucune correspondance avec la munici-
palité de Saint-Lizier, et le troisième, accablé d'infir-
mités, était exposé à ne pouvoir donner ses soins aux
affaires qu'on lui recommandait. Ils eurent la pensée
de s'adresser à M. Dupré, député de Carcassonne, leur
compatriote.
M. de Saint-Blanquat, qui dans ses missions extraor-
dinaires auprès de l'Assemblée nationale avait eu
. roccasion de nouer des relations avec les députés du
pays de Foix, Vadier et Bergasse-Laziroule, les assura
de toute leur sympathie. C'étaient des éléments de
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succès trop précieux pour qu'on les négligeât. On
adressa donc à Vadier et à Bei^^asse^ comme on Tavait
fiait au député de Carcassonne, une copie du mémoire
expédié à l'Assemblée nationale.
Il fallait encore prévenir les objections que Ton ferait
en haut lieu : Où avez-vous un inmieuble assez vaste
pour Tinstallation des services judiciaires? L'immeu-
ble existait, mais il était passé, depuis quelques mois,
çptre les mains de la nation. Pour Tacquérir, le louer,
ou se l'approprier, il fallait l'agrément du directoire
du district, du directoire du département, et de l'As-
semblée nationale. C'étaient bien des autorités à con-
sulter, et partant, beaucoup de temps perdu dans les
multiples formalités de la bureaucratie.
Le directoire du district, comme on devait bien s'y
attendre, désapprouve le projet de la municipalité de
Saint-Lizier, qu'elle taxe « d'irréfléchi », dissimulant
ainsi fort mal son dépit. Sans retard, les citoyens
Seillé, oflicier municipal, etBonin, notable, sont envo-
yés auprès du directoire du département ; ils revien-
nent de Foix avec un avis favorable. En conséquence,
et afin de déjouer les plans des adversaires, le conseil
général, c considérant que les mémoires auxquels le
département a répondu d'une manière propice, et qui
ont été envoyés à l'Assemblée nationale pour obtenir
un décret qui fixe rétablissement du tribunal au ci-
dex'ant évêché, ne pou\'ant avoir qu'un plein succès,
l'instance que font MM. les juges pour leur installa-
tion immédiate doit être acceptée. » Les salles indi-
quées dans le plan général des réparations n'étant
pas encore aménagées, on leur assigna la grande salle
d'entrée pour la tenue de leurs audiences.
Entre temps^ on apprend que la viHe de Saint-
Girons a sollicité et obtenu l'adhésion de plusieurs
municipalités à son projet, et qu'elle vient d'envoyer à
l'Assemblée nationale un député chargé de faire valoir
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4S5
les arguments qui militent en sa faveur. Grand émoi
dans la cité couseranaise ; à tout prix il faut éviter un
échec- On sait que, généralement, les absents ont
tort ; Saint-Girons a envoyé un avocat habile, Saint-
Lizier enverra un diplomate de talent. On a sous la
main un homme expert, qui, jusqu'ici^ a traité ces
affaires auprès des grands avec succès; on aura
recours encore à son dévouement en cette circonstance.
M. de Saint-Blanquat accepte encore, cette fois, d'aller
à Paris, plaider la cause de sa ville natale.
Dans sa séance du 24 juillet 1791, le conseil géné-
ral de la commune vota, pour les frais de voyage et de
séjour de son député dans la capitale, la somme de
deux mille quatre cents livres. Les officiers munici-
paux furent autorisés a à obliger la commune en
général, pour la validié et garantie de l'emprunt de la
dite somme. »
Malgré la vente des biens du clergé et rémission de
plus d'un milliard d'assignats^ le Gouvernement se
trouvait dans d'inextricables embarras financiers.
L'ancien système fiscal avait été aboli et un nouveau
genre de contribution imposé sur la propriété fon-
cière avait été voté par l'Assemblée nationale et accepté
par le roi, le i^^ décembre 1790. Pour faciliter l'éta-
blissement de cet impôt, il était enjoint aux municipa-
lités de diviser en sections le territoire de leurs com-
munes.
ConiFormément à cette loi, la ville de Saint-Lizier
fut partagée en trois sections : la cité^ la ville basse, et
les faubourgs ; la campagne fut divisée en neuf sec-
tions : les Grées, l'Aire d'Antichamp, les Gaillardoux,
les Bailes etMontfort, Pierre-Rouge, le Marsan, Pote-
rolcs et Cornecuou, Monredon, Saint-Blanquat.
A Paris, les événements marchaient avec une rapi-
dité qu'il était peut-être difficile à l'action humaine
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486
d'arrêter : les ordres religieux avaient été supprimés,
les biens ecclésiastiques confisqués, les anciennes juri-
dictions diocésaines modifiées ou détruites. Tous ces
changements, violemment introduits dans l'Église de
France, avaient profondément troublé les esprits ; pas
de cause plus féconde d'irritation et de malheurs que
cette malheureuse constitution civile du clergé.
Le roi, dans une heure de faiblesse et dirigé par des
conseils timorés, eut le malheur de la sanctionner de
sa haute autorité : il ne restait plus à l'Assemblée
constituante qu'à en assurer l'entière et immédiate
exécution. Elle prescrivit donc, le 27 novembre 1790,
à tous les évêques, curés et ecclésiastiques en exer-
cice^ de prêter le serment de « veiller avec soin sur
les fidèles qui leur sont confiés, d'être fidèles à la
nation) à la loi, au roi. d
Le serment devait être prêté un jour de dimanche,
à l'issue de la messe, dans l'église et devant les auto-
rités civiles ; ceux qui, dans le délai fixé par la loi,
n'auront pas prêté serment, seront réputés avoir
renoncé à leurs bénéfices.
« C'était là, dit un historien, que Dieu attendait les
ministres de ses autels; c'était l'épreuve qu'il avait
permise afin que son Église en sortît épurée par la
persécution et régénérée par le martyre. Ses adora-
bles desseins devaient s'accomplir*. »
Ce fut le dimanche 30 janvier 1791, que les deux
curés de Saint-Lizier se soumirent aux prescriptions
de la loi. Une délégation du conseil général de la com-
mune se transporta d'abord à l'église paroissiale, où
le curé Jean Saurat prêta le serment en ces termes :
a Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi ;
de veiller avec soin sur les fidèles qui me sont ou seront
confiés par l'Église, et de maintenir, de tout mon
1. Am. Gabourd, Hittoire de Franee, l. xviii, p. 366.
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487 .
pouvoir, en tout ce qui est de l'ordre politique, la
constitution décrétée par l'Assemblée nationale et
acceptée par le roi, exceptant formellement les objets
qui dépendent essentiellement de la puissance spiri-
tuelle. T>
Puis, se rendant à l'église de Notre-Dame, la même
délégation reçut le serment exprimé dans les mêmes
termes par le curé Durau.
Mais ce ne furent là que des défaillances d'un jour,
que l'histoire explique, et que la conscience absout
quand le serment n'est donné qu'avec des restrictions
qui sauvegardent les droits de l'Église. L'âme géné-
reuse de ces deux prêtres se révolta quand le pouvoir
civil exigea le serment saris condition, et tous deux
aimèrent mieux demeurer fidèles à leur foi que de
plaire aux maîtres du jour. Nous les verrons bientôt
remplacés dans leurs fonctions pastorales par d'autres
ecclésiastiques moins soucieux de leur dignité sacer-
dotale.
Rien de plus sacré que les droits de la conscience,
rien de plus délicat que le sentiment religieux; le
plus léger froissement l'irrite et le dispose à la révolte.
On le vit bien à Saint-Lizier, lorsqu'on voulut imposer
le serment schismatique à son clergé. L'esprit droit
et robuste du peuple, qui ne se laisse pas leurrer pSr
des subtilités théologiques, ne vit là qu'un acte tyran-
nique^ une violation flagrante des droits les plus
sacrés. « On n'entend plus, dit un rapport officiel,
dans la campagne et dans les rues de la ville, que des
propos séditieux et menaçants, poussant à la révolte
contre le serment exigé, propos capables de causer
les plus grands, désordres en altérant la tranquillité
publique, en aigrissant les esprits et en provoquant
des dissensions parmi les citoyens. »
L'irritation était arrivée à tel point que la munici-
palité crut devoir prendre des mesures de police.
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49B
« Considérant, dit rairêté', combien il est de notre
devoir et de notre sollicitude de prévenir les insur-
rections dont les exemples ont été si funestes dans
d'autres contrées et dont nous avons eu le bonheur de
nous garantir;
» Considérant que nul prétexte d'opinions différen-
tes en matière de politique et de religion ne peut
autoriser aucun citoyen, de quelque qualité qu'il soit
à tenir des discours qui tendraient à ameuter le peu-
ple, à Tattrouper et à troubler la tranquillité publique;
> Considérant les peines prononcées par lea lois,
tant anciennes que nouvelles, contre ceux qui seraient
reconnus coupables d'avoir par des manœuyres insi-
dieuses, par des conseils et des démarches ouvertes
ou secrètes, fomenté et provoqué des insurrections;
» Pour éviter à nos concitoyens les malheurs
auxquels ils s'exposeraient, s'ils attiraient sur eux,
par leur inainduite, le glaive vengeur des lois et vou-
lant les prévenir;
> Nous, maire et officiers municipaux, avons arrêté
ce qui suit :
. > Faisons défense à toute personne de quelque qua-
lité, âge et sexe que ce soient, de s'assembler dans
les rues et places publiques en assez grand nombre
pour pouvoir faire présumer des attroupements ;
» Leur défendons pareillement de se répandre en
propos séditieux qui tendraient à la révolte, à ameuter
le peuple et à former des insurrections, de donner
directement ou indirectement, sous quelque prétexte
que ce soit, des conseils pour s'opposer à l'exécution
des lois, de former à cet effet aucune coalition, à peine
d'être poursuivis comme perturbateurs du repos
public. >
Ce n'est pas seulement l'ordre public que devait
1. Arrclé da 33 mm 1791.
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429
assurer la municipalité, mais elle devait, depuis la
suppression de la mense capitulaire, assurer l'hono-
raire du prédicateur que la ville avait coutume d'ap-
peler, chaque année, pour la station du carême, et
aussi la rétribution due aux régents. Mais, la ville
étant sans ressources, le district dût prendre ces
dépenses à sa charge. Déjà se faisaient sentir, pour le
budget communal, les fâcheuses conséquences de la
suppression de Tévéché.
La présence du tribunal du district et d'un buifegiu
d'enregistrement semblaient donner à la locaKté une
importance suffisante pour pouvoir, à bon dî^oit, solli-
citer la création d'un bureau de poste. Aussi la muni-
cipalité fît-elle, en ce sens^ des démarches auprès de
l'autorité compétente, a Le nombre et la qualité des
habitants de notre ville, alléguait la pétition s leur
donnent des correspondances dans toutes les parties
du royaume et même dans tous les pays étrangers. Ils
ont eu très souvent à se plaindre de la soustraction de
lettres et plus encore de l'empressement des curieux
à examiner les adresses, les sceaux, les timbres,
pour en scruter le contenu et en tirer des inductions
souvent préjudiciables à beaucoup de citoyens.
» N'ayant point de distributeur dans la ville, les
lettres restent souvent ignorées dans le bureau à
Saint-Girons, ou sont livrées à des infidèles qui n'en
font point la remise; qu'enfin les personnes qui se
chargent de les retirer étant illettrées, elles sont forcées
de faire lire les adresses au premier venu, d'où il est
résulté les plus grands inconvénients qui ont excité
des plaintes continuelles. ^
La municipalité faisait d'ailleurs valoir que la dé-
pense qu'entraînerait la création de ce bureau ne
1.8 mai 1791.
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430
serait point considérable, puisque le courrier qui
aboutit à Saint-Girons pourra, en passant, remettre à
Saînt-Lîzier le paquet qui lui est adressé. En présence
du bénéfice qu'en retirera le public, le traitement des
commis ne peut être un motif d'hésitation.
La création de ce bureau de poste à Saint-Lizier
était plus qu'une revanche à prendre sur Saint-Girons;
C'était une institution utile, je dirai même indispen-
sable, dans un lieu où la présence d'un tribunal judi-
ciaire devait créer un continuel mouvement de corres-
pondances.
*En attendant une organisation plus complète du
service postal, Lizier Faur, qui était chargé de prendre
au directoire du district, pour les distribuer dans
l'étendue du canton, les ordres ou décrets de l'admi-
nistration, demeure chargé des mêmes fonctions. Mais
le traitement de quatre-vingts livres qui lui était
attribué parut insuffisant. La municipalité le porte à
cent vingt livres et notifie sa décision au directoire du
département, afin que cette somme soit imposée aux
diverses municipalités qui composent le canton.
Les points de froissement entre les deux villes voi-
sines étaient fréquents, et la vieille cité décrépite
me semble engager, contre sa jeune et vigoureuse
rivale, la lutté du pot de terre contre le pot de fer.
Édité cent ans plus tôt, l'axiome moderne a la force
prime le droit », profondément médité, l'eût sauvée de
beaucoup de déceptions.
Ainsi, ne voilà-t-il pas que, dans la nouvelles cir-
conscription des cures, le village de Montjoie, après
mûre réflexion, avait été réuni à la paroisse de Saint-
Lizier, en compensation de l'annexe de Lara et Baudis
qu'on en avait détachée. Saint-Girons s'émeut, s'agite,
circonvient la commission ; le plan est modifié : Mont-
joie ne sera plus uni à Saint-Lizier, mais à la ville de
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Saink-Girons ; « Dernier traita s'écrie le procureur de
la commune de Saint-Lizier, devant la municipalité
assemblée', dernier trait qui peint l'empressement du
directoire à ne laisser échapper aucune occasion de
saturer, autant qu'il est en lui, la soif inextinguible
de notre rivale, et de nous soustraire les plus pcîtits
avantages; ce n'est plus l'amour du bien des peu-
ples, ce ne sont pas leurs besoins spirituels qui
président, suivant les intentions de nos législateurs,
à la circonscription des cures; c'est l'intérêt plus
ou moins sollicité de quelque ville ou d'un certain
nombre de particuliers. Le directoire du district de
Saint-Girons vient de nous en donner hier une preuve
convaincante. »
Cet orateur, qui nous semble animé de cette juste
indignation qui fait les éloquents, nous paraît assez
jeune dans la vie politique. Néanmoins, ses auditeurs
qui partagent son amertume adressent, sur le champ,
au directoire du département, contre la conduite des
chefs du district voisin, un mémoire tendant à obtenir
la réunion de Montjoie à la paroisse de Saint-Lizier.
Les motifs de cette union sont nombreux : Montjoie est
plus rapproché de la ville de Saint-Lizier que de la ville
de Saint-Girons; les deux territoires sont limitrophes;
celui de Montjoie s'étend jusqu'aux portes de Saint-
Lizier; les Jiabitants des deux lieux sont possesseurs de
terrains dans les paroisses respectives ; par leur com-
munication habituelle, ils ne semblent d'ailleurs faire
qu'une seule et même communauté. N'y aurait-il pas
injustice à démembrer une pauvre petite ville qui ne
compte pas dans l'état actuel deux mille âmes, pour
agrandir, outre mesure, une ville qui en compte déjà
plus de quatre mille? Tous ces considérants sont
fondés sur des principes de justice et non point sur
i. Sétncedo iOJoiai791.
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432
des prétextes d'intérêt; aussi a-t-on lieu d'espérer que
le directoire du département fera à la présente récla*
mation le sympathique accueil qui lui est dû.
Nous avons vu les curés de Saint-Lizier prêter le
serment civique avec les restrictions formelles qui,
assurément, ne répondaient pas aux intentions schis-
matiques des législateurs. Aussi, ce serment fut-il
considéré comme non avenu, et le district procéda, le
14 juin, à l'élection de leurs remplaçants.
M. Saurat, vicaire de Castelnau, fut, a comme très
excellent sujet », désigné par les suffrages des élec-
teurs. Il y a apparence que les opinions de M. Saurat
n'étaient pas très connues de ses électeurs, car s'il
avait, lui aussi, prêté serment, mais avec des réserves
qui sauvegardaient les droits spirituels de l'Église, il
avait ensuite refusé énergiquement de communiquer à
ses fidèles le mandement de l'évêque intrus, M. Font.
Dans la suite même, il mérita l'honneur d'être incar-
céré aux prisons de Pamiers. La municipalité de Saint-
Lizier, heureuse de ce choix, lui notifia son élection
par « une lettre de politesse. » Le titulaire, retenu
dans son lit par ses infirmités, dut décliner l'honneur
d'être curé d'une des paroisses de Saint-Lizier, car
nous trouvons, quelques mois après, le curé Berges
installé à sa place.
M. Saurat, vicaire de Castelnau, était destiné à suct
céder à M. Durau dans l'église de Notre-Dame ; nous
ignorons quel fut le successeur donné par les suffrages
populaires à M. Jean Saurat; curé de l'églisç dite
d'en-bas ; toujours est-il que les nouveaux titulaires
se montrèrent très obséquieux à l'égard de la muni-
cipalité.
Labbé Cau-Durban.
{A suivre.)
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L'ÉGLISE DE SAINT-AVENTIN
DE LARBOUST
Le village de Saint-Aventin est situé à 6 kilomè-
tres, nord-ouest, de Luchon, dans la vallée de T Arboust
(Haute-Garonne). Il est traversé par la route thermale,
qui conduit au col de Peyresourde, et à la région des
lacs d'Oô et de Séculéjo. C'est dans la partie nord du
village que se trouve établie sa belle église dont les
deux clochers, par leurs imposantes silhouettes, atti-
rent de loin et charment les regards du voyageur.
Il ne faut pas confondre son patron, saint Aventin,
avec deux autres saints du même nom, originaires,
Tun du diocèse de Chartres, et l'autre du diocèse de
JTroyes. Tous les deux vivaient au v« siècle, et leurs
vies sont racontées dans les Acta Sanctorum des Bol-
landistes. Celui de la vallée de l'Arboust, né vers 770,
n'a pas eu l'honneur de figurer dans ce grand recueil
hagiographique. Les documents écrits sur sa vie sont
fort rares, et ne sont que les échos plus ou moins
vagues de la légende transmise par la tradition. Le
Bréviaire de l'ancien diocèse de Comminges, imprimé
en 1770, contient un propre particulier sur saint Aven-
tin, fêté le 13 juin. Le Bréviaire actuel du diocèse de
Toulouse, qui comprend l'ancien diocèse de Commin-
ges, contient lui aussi un propre spécial sur notre
saint. Ces deux Bréviaires se distinguent toutefois
par une grande sobriété de détails biographiques, et
Retuv db ComitNGBs, 2* trimesire 1894. Tome IX. — 10.
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434
ne disent pas un mot des prétendus miracles que la
tradition lui attribue. Mais ils parlent tous les deux de
la grande piété d'Aven tin, de son apostolat et de la
grande vénération dont il était Tobjet dans la contrée.
Cependant l'ouvrage des Petits Bollandistes s'est mon-
tré beaucoup moins réservé, et il a simplement publié,
en 1871, sans commentaires, sans examen de critique,
un article contenant plusieurs faits miraculeux de la
vie de saint Aventin, d'après l'opuscule d'un ecclésias-
tique de Toulouse, daté de 1830. C'est peut-être pour
la première fois que ces faits se trouvent recueillis, et
il faut dire que si quelques-uns sont démentis par les
représentations iconographiques du xii® siècle, invo-
quées en leur faveur, d'autres aussi se trouvent figu-
rés, dès cette môme époque, sur les chapiteaux et
autres parties de l'église, comme nous le verrons par
la suite de ce récit.
Appelé jeune encore à la vie solitaire, Aventin paraît
s'être retiré dans la vallée qui s'embranche sur celle de
l'Arboust, vers le lac de Séculéjo. Là, sa haute réputa-
tion de vertus lui attirait de nombreux et pieux visi-
teurs. Plus tard, il se fit l'ardent antagoniste des doc-
trines que les Sarrasins essayaient de propager dans le
pays. Poursuivi et arrêté, en 813, par ces infidèles, non
loin de la jonction des vallées d'Oueil et de l'Arboust, il
fut décapité. Mais aussitôt le saint prit sa tête dans ses
mains, et se dirigea vers cette dernière vallée. A cette
vue, ses meurtriers, effrayés, prirent la fuite. Le saint
fit environ deux cents pas, et vint s'arrêter à l'endroit
où l'on voit aujourd'hui la chapelle élevée en son hon-
neur, au bord de la route. C'est là que, pendant la
nuit, des âmes généreuses vinrent ensevelir ce corps
mutilé. Trois siècles s'écoulèrent, pendant lesquels
se perdit le souvenir du lieu où reposait la dépouille
du martyr. Enfin la Providence suscita un taureau,
qui venait tous les jours au même endroit, près de là,
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135
frapper la terre des pieds et des cornes. Les habitants,
témoins de ce spectacle étrange, creusèrent le sol et
découvrirent le corps et la tête tronquée du saint. Le
corps fut transporté, au milieu de l'allégresse de la popu-
lation, dans le village où le saint était né, et auquel il
devait donner son nom. On le déposa dans un oratoire
que le généreux martyr, pendant son apostolat, avait
fait construire attenant à la maison de sa famille.
C'est sur l'emplacement de ces diverses constructions
que fut élevée, pour recevoir cette sainte dépouille, à
la fin du xi^ ou au commencement du xii® siècle, sous
le pontificat de Bertrand de l'Ile, l'église que nous
allons décrire.
Cette basilique, disons-le sans plus tarder, figure
aujourd'hui, à bon droit, sur la liste des monuments
historiques. Elle a même un architecte désigné pour
en prendre soin et pourvoir à sa prochaine restaura-
tion. En attendant l'heureux jour où elle se réalisera,
qu'il nous soit permis de décrire cet édifice, tel que
nous le connaissons.
L'église de Saint-Aventin est donc comme accolée
au côté sud de la montagne, où Ton a aplani l'empla-
cement nécessaire pour recevoir son assiette. Elle est
orientée de l'est à l'ouest, et, comme dans grand nom-
bre des églises des Pyrénées, la porte est sur le côté du
midi, qui peut être considéré comme la façade du
monument. Au-devant de cette façade, s'étend une
terrasse, d'environ quatre mètres de largeur, destinée
à donner accès à l'église et devant laquelle s'élèvent,
en contre-bas, des bâtiments du village.
Le mur du sud mesure, à l'extérieur, 23 ""73
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436
(le long, et se trouve muni, à 4 mètres de Tangle
sud-ouest, d'un porche, de 1 mètre en saillie, appli-
qué après coup, selon toute apparence, à une époque
peu éloignée de la construction première. Deux archi-
voltes forment sa voussure ; le bord de la première,
en avant, est orné d'un tore vigoureux séparé d'une
scotie par un simple filet. La seconde présente une
alternance de boules et de tronçons rectangulaires.
Chaque archivolte reposait sur deux colonnes de
marbre, quatre de chaque côté. Mais en l'état actuel,
deux de ces colonnes, au côté gauche, sont absentes.
De même au côté droit, une troisième a disparu. L'une
de ces trois colonnes de marbre de calschiste dévonien
se trouve transportée, pour servir de pied à la croix
principale, dans le cimetière, derrière l'église, d'où il
serait facile de l'enlever pour la remettre à sa vraie
place.
Un chapiteau double, taillé dans le même bloc de
marbre, correspond à chaque paire de ces colonnes.
Elles ont également, pour deux d'elles, une base uni-
que ornée de lions et d'animaux fantastiques. Les cha-
piteaux de la première archivolte sont simplement
décorés d'un réseau de nattes entrelacées et gemmées.
Cependant, à celui de droite, on aperçoit les figures
emblématiques des évangélistes placées dans quel-
ques-uns des vides qui séparent les nœuds de ces
nattes.
Le chapiteau de gauche, à la deuxième archivolte,
porte deux sujets à personnages. Sur la face, tournée
vers le sud, apparaît le Christ debout. Il semble appuyé
contre un arbre, un palmier. Il porte le nimbe cruci-
fère ; n'oublions pas de mentionner cette particularité,
car elle ne permet pas qu'on le confonde, comme cela
a déjà été fait', avec un autre personnage. Un étroit
t. L'auleur de l*opuscule dalé de 1850, donl il a élé question prëcëdemmeut, a vo. sans
doute par inadverunce^ dans celte scène, sans tenir compte des nimbes des personnages,
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437
bandeau enserre ses cheveux. Son corps est vêtu d'une
longue robe qu'il retient de la main gauche sur sa poi-
trine. Au-devant de lui, une femme à genoux, nimbée,
la tête couverte d'un voile à longs plis, est occupée à
lui essuyer le pied posé sur une corbeille ou sur un
grand vase. Le Christ bénit de la main droite et, à la
hauteur de sa tête, au-dessus de celle de la femme,
apparaît, en arrière, un ange sous la forme d'une
figure féminine. Nous sommes là au jardin de Gethsé-
mani figuré par le palmier, qui détermine l'angle du
tableau, et nous assistons à l'apparition du Christ à
Marie-Madeleine, lorsqu'il lui dit : Noli me tangere.
a Et lorsque le jour du sabbat fut passé, Marie-Made-
^ leine et Marie, mère de Jacques, et Salomé achetè-
» rent des parfums, pour venir embaumer Jésus
» Or, Jésus étant ressuscité le matin. . . il apparut pre-
» mièrement à Marie-Madeleine. » Et cum transisset
sabbatuirij Maria Magdaleiie et Maria Jacobi et Sa-
lomé emerunt aromata ut venientes ungerent Jesum.
Sicrgens autem mane prima sabbati, apparuit primo
Marque Magdalene\
a Elle vit deux anges vêtus de blanc... Elle se re-
» tourna et elle vit Jésus qui se tenait là... Jésus lui
» dit : Ne me touchez point. » Et vidit duos angelos
in al bis... Conversa est reirorsum et vidit Jesum.
stantem. . . Dixit ei Jésus : Noli me tangere ^.
La représentation de cette scène est traitée, comme
on le voit, d'une façon très sommaire, telle du reste
que l'exigeait la faible partie du chapiteau qui lui sert
de champ. L'iconographie chrétienne a reproduit ce
la naissance de saint Avenlin, lelle que la légende la raconle ; si bien qu*il a pris le
Christ pour la mère du saint, et la Temme nimbée qui est au-devant de lui, pour une
pieuse matrone qui lui fait prendre un bain de pieds dans de Teau bénite, pour facili-
ter sa délivrance. Cette interprétation a été répétée de confiance par la plupart des écri-
vains qui ont fait la description de ces chapiteaux.
1. S. Marc. XVf, I. 9.
2. S. Jean, XX, xii, 17.
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438
sujet très rarement, du moins au xii® siècle, et toujours
de façons fort diverses.
Sur la face suivante, regardant Test, est figurée une
scène du massacre des Innocents. A gauche, une femme
debout retient, sur ses genoux, un jeune enfant nimbé
que cherche à lui enlever un personnage à physiono-
mie farouche, en le tirant par les bras. Derrière ce
personnage, on voit un bourreau, tête nue, portant
sur la poitrine un bouclier rond orné d'une large
rosace. Il est prêt à recevoir le jeune innocent, et sa
sinistre fonction est indiquée par un glaive qu'il tient
levé droit à la main.
Son bouclier correspond par sa forme circulaire au
clypeus de Tantiquité, et à la rondache des xi* et wf
siècles. « Le clypeus^ dit Viollet-Leduc, remonte à la
» plus haute antiquité, aussi bien que l'habitude de
» peindre, sur cette armure défensive, des emblèmes,
y> des animaux^ des ornements. * » Au xii*" siècle, la ron-
dache présente la même forme, et son diamètre est un
peu plus long que n'est large le corps d'un homme,
comme on le voit sur notre chapiteau, et dans un des-
sin du Dictionnaire raisonné du Mobilier, tome vi,
p. 245, représentant, à Vézelay, un bas-relief du lin-
de la porte principale de l'église abbatiale.
Sur le chapiteau de droite nous assistons à l'arres-
tation et au martyre de saint Aven tin. Un premier
groupe de trois personnage?: correspond à la première
colonne, la plus rapprochée de la porte. Saint Aven tin,
nimbé et barbu, est saisi par un soldat coiffé d'un cas-
que rond à mentonnière. Celui-ci porte une cotte de
mailles sur sa poitrine, et un large glaive suspendu
à sa ceinture, dans un fourreau. Près de lui, se dis-
pose, comme pour lui prêter main-forte, un jeune
homme armé d'un bouclier rond à peu près sembla-
1. hicîimmire ramiinr du MohiUn français. Mol Ècu.
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439
ble à celui du sujet précédent. Mais une particularité
intéressante est à remarquer. Pourquoi la jambe droite
de ce personnage repose-t-elle horizontalement sur un
support en bois et a-t-elle le pied amputé? La pré-
sence d'un homme à jambe de bois, dans une scène
de cette époque, paraît assurément bizarre et inat-
tendue. Cependant elle n'est pas nouvelle. A la mosaï-
que conservée dans le chœur de Tancienne cathédrale
de Lescar (Basses-Pyrénées), reproduite en gravure
dans l'ouvrage de M. Gerspach' et qui nous paraît être
du XI* ou du XII® siècle, on voit, dans un sujet de chasse,
un chasseur muni lui aussi d'une jambe de bois sem-
blable à celle de notre chapiteau. — Un savant auteur,
dont les écrits sur Luchon se distinguent parfois par
la hardiesse de ses explications, et trop prompt aussi
à s'en rapporter, de confiance, aux récits de ses prédé-
cesseurs, a cru voir dans le boiteux du chapiteau de
Saint- Aventin, le symbole d'une infirmité physique
faisant allusion à une infirmité morale, et tendant à
prouver qu'il fallait être disgracié de la nature, pour
oser porter la main sur un aussi saint homme qu'Aven-
tin^. Mais quelque respectable que nous paraisse cette
opinion, n'est-il pas plutôt probable que le mosaïste
de Lescar et le sculpteur de Saint-Aventin auraient
puisé le souvenir d'un héros portant un semblable
appareil, dans quelque légende ou fabliau du temps?
Viennent ensuite deux autres groupes : Dans le pre-
mier, nous croyons voir un personnage appréhendant
à mi-corps un compagnon de saint Aventin , ou saint
Aventin lui-même, pendant qu'au dessus de sa tête,
un mauvais génie, sous la forme d'une tête de ser-
pent, lui inspire de mauvais conseils. Dans le second
groupe, nous retrouvons saint Aventin décapité et
tenant sa tête dans ses mains. 11 est soutenu par un
\. LaMo aUiuc, p. 100.
2. /.^ PyrénécM, par le dorienr I^mbrnn.
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440
acolyte, et au-devant du martyr, un soldat, coiffé d'un
casque pointu, saisit la tête du décapité de la main
gauche, et tient, de l'autre, son épée levée en l'air.
Un ange domine cette scène ; sa tête nimbée est pla-
cée sur le cou mutilé de saint Aventin , et il semble
parler à Toreille de son protecteur, pour l'exhorter
dans son pieux office.
Un linteau, de 0™S0 de hauteur, porte le tympan.
Il est uni et lisse. Il n'était pas, dans l'origine, destiné
à être apparent, car ses deux extrémités sont recou-
vertes des deux fragments d'une dalle , ornée proba-
blement de sculptures, peut-être celles des douze
apôtres'. Au milieu du tympan, le Christ apparaît
assis dans une auréole elliptique dont le bord plat est
ondulé. Il porte la barbe et le nimbe crucifère ; il est
vu de face, bénit de la main droite, et tient sur son
genou gauche le Livre divin sur lequel est écrit : Ego
sttm liix mundi. Quatre anges, vêtus d'une longue
robe et placés horizontalement^ deux de chaque côté,
tiennent, d'une main, le bord de l'auréole et, de l'au-
tre, les têtes des symboles figurant les quatre évan-
gélistes. Ces quatre symboles, portés par les évangé-
listes angéliséSf trouvent leurs analogues dans un
autre tympan d'une contrée voisine, à l'église de
Valcabrère. Là, ce sont les évangélistes eux-mêmes,
debout aux côtés du Christ, et, pour se faire reconnaî-
tre, ils tiennent dans leurs mains les têtes de leurs
animaux symboliques. Viollet-Leduc a cité comme
exemple curieux d'une semblable représentation, qu'il
attribue à la fin du xii* siècle, un pilier du cloître de
Saint-Bertrand de Comminges, dans le voisinage
immédiat de Valcabrère, orné des quatre statues des
1. On a dit qu'une léte d*homnie, qui se trouve eDcastrëe dnns un mur du jjirdin du
presbytère de Saint-Aveolin, provenait de cotte dalle. Mais le moindre coup d*u!il sunil
pour faire rejeter celle provenance ; car la grosseur de celle lèlc accuse un rorps
benncnup plus haut que cp linteau.
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441
évangélistes, qui portent, entre leurs bras, leurs
animaux symboliques *.
Citons encore, sur l'un des appareils du chambranle
de la porte, à droite, un petit personnage musicien,
jouant d'une sorte de violon ou de rébec. Selon toute
vraisemblance, ce bas-relief a été rapporté à la place
qu'il occupe, et provient d'une construction plus an-
cienne.
Les sculptures des chapiteaux présentent le carac-
tère du xn® siècle, et manifestent la recherche du vrai
dans leurs détails. C!ostumes et physionomies, tout
dénote le ciseau d'un artiste désireux d'assouplir le
marbre à sa pensée, sans se préoccuper de l'exactitude
des proportions. Les têtes sont évidemment trop fortes
pour la grandeur des corps, mais il semble que la
physionomie des personnages doit l'emporter, dans
l'esprit du sculpteur, sur les autres parties du corps,
qui devaient leur être sacrifiées. Le Christ du tym-
pan est calme et majestueux, et contraste avec le
mouvement répandu dans la scène de la décapitation
du martyr.
Le porche, au-dessus de sa voussure, est couvert par
un léger abri en auvent, soutenu par une corniche
formée de modillons et têtes grimaçantes. Mais l'œu-
vre la plus remarquable de ce porche est appliquée sur
la face de son pilier droit. C'est une Vierge de 0""90 de
hauteur, taillée en demi-relief, sur une table de mar-
bre blanc^ légèrement jauni par le temps, et qui
mesure 1™10, sans compter sa corniche. La Vierge est
assise sur un trône, vue de face; elle tient son divin
fils assis, contrairement à l'usage le plus admis au
xu« siècle, sur son genou droit. La tête de l'enfant,
faiblement relevée et regardant à gauche, porte le
nimbe crucifère. Il tient, de la main gauche, le Livre
1. IHetiùnnaire raisonné d'arehttedure, t. i" p. 22.
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449
fermé sur lequel sont inscrits les monogrammes IHS,
XPS, et il bénit de la main droite, à la manière latine.
Une robe plissée sur les jambes recouvre son corps
et laisse voir ses deux pieds nus. Une ceinture ornée
d'une torsade serre sa robe à la taille.
La Vierge n'est pas couronnée ; sa tête nue se déta-
che sur un large nimbe. Ses cheveux sont divisés en
accolade- par une raie au milieu du front, et retombent
le long des joues derrière ses épaules. Sa physionomie
ferme, large et douce présente un air viril et hiérati-
que tout à la fois. Sa main droite soutient le bras droit
de Tenfant, tandis que sa gauche, ramenée sur la
poitrine, montre de Tindex le visage du futur Rédemp-
teur du monde. Une robe à plis serrés enveloppe son
corps, et un manteau, bordé d'une broderie plate,
recouvrant ses épaules, vient se nouer sous son cou.
Les pieds sont chaussés et apparaissent sous une
large bordure de la robe ornée d'une torsade. Ils repo-
sent sur d ux affreuses têtes grimaçantes, emblèmes
des péchés, et des vices, qui dévorent deux oiseaux.
Les deux montants du trône se terminent aussi par
deux têtes grotesques.
Un bandeau, porté par des modillons en têtes fan-
tastiques, forme cintre au-dessus de la tête de la
Vierge. Il est orné de cinq rosaces délicatement
ciselées entre lesquelles est inscrit le prétendu vers
léonin suivant :
Res rniranda nimis mater Dei erat vi nimis.
Plusieurs lettres de cette inscription sont liées, et
malheureusement il n'y a pas lieu de douter de l'iden-
tité des derniers mots, qui, outre un sens difficile à
admettre, donnent un vers défectueux i.
1. Eii général on iraduil ce vers par : > Chose trop admirable, la mère de Dieu était trop
puissante. > Mais on ne se rend pas compte de ce sens énigmatique.
Des auteurs, qui probablement n*onl jamais vu cette inscription de prés et peu sondeux
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443
Mais passons, et examinons la face orientale de ce
marbre. Sur un espace d'environ 0"25 de largeur^
est représenté un personnage debout, barbu ^ en
extase, enveloppé d'une grande robe et indiquant, de
la main droite, la Vierge que nous venons de décrire.
Au-dessus de sa tête, un ange semble Tinspirer. Nous
savons bien que quelques personnes ont cru voir dans
ce personnage saint Aventin; mais nous croyons plutôt
qu'il représente le prophète Isaïe annonçant la nais-
sance du Christ, et la destinée multiple de son règne,
oc car, dit le Prophète, un petit enfant nous est né, et
» un fils nous a été donné ; il portera sur son épaule
» la marque de sa principauté et il sera appelé l'Ad-
» mirable, le Conseiller, Dieu le Fort et le Père du
» siècle futur, le Prince de la paix. » PARVVLVS enim
NATVS est nobis, et filius datus est nobis, et foetus
est principatus super humerum ejus^ et voeabitur
nonien ejus Admirabilis, Conciliarius, Deus fortisj
Pater futuri sœeuli, Princeps pacist.
La Vierge du pilier semble indiquer une autre ori-
gine d'exécution, une autre main, une autre époque
enfin, que les bas-reliefs des chapiteaux. Elle rappelle,
par l'ampleur et la gravité de sa physionomie, ces
belles sculptures que l'on voit à l'intérieur du chœur de
Saint-Sernin de Toulouse, et que l'on atribue auxi® siè-
cle. Etait-elle destinée, à l'origine, à prendre la place
qu'elle occupe aujourd'hui? Nous ne le pensons pas,
car elle a dû trouver une place d'honneur à l'intérieuï
de l'église, avant l'édification du porche dont il a été
question précédemment. Son importance, du reste^ est
parfaitement d'accord avec ce fait révélé par le Bré-
de la faclare du Ters, ont lu et répété, pour les derniers mots, les uns animis, les autreSi
comme le marquis de Castellane, vir animis. (Notice sur Véglise de Saint-Aventin , t. i**
des Mémoires de la Sociélé archéologique du midi de la France J Mais soit^ur le marbre, soit
sur l'estampage que nous en avons sous Us yeux, il nous est impossible de voir autre
chose qoe vi nimUs Vi de ri étant renfermé dans Tintérieur du V.
1. Isaie, iz, 6.
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ut
niaire de Comminges, que l'église était dédiée à la
Sainte-Vierge avant de Têtre à saint Aventin '. On dit
aussi qu'une autre sculpture, d'une grande impor-
tance, se trouvait placée sur la face de l'autre pilier
d'où elle a été enlevée pendant la Révolution.
Un petit groupe en marbre de saint Aventin, por-
tant sa tête dans ses mains et assisté d'un compagnon,
a été appliqué sur le mur de l'église, près du pilier
droit du porche. Mais les deux têtes de ce groupe ont
été coupées verticalement, et il nous serait difficile
de dire quelle place il occupait à l'origine.
Sur un contrefort peu saillant, le premier à droite
du porche, on voit aussi un marbre sculpté, jauni par
le temps, qui représente le taureau découvrant le
corps de saint Aventin. L'animal semble donner des
signes d'inquiétude et d'impatience. Son énorme tête
est retournée vers un ange placé à l'angle gauche,
dans le haut du tableau, et qui semble l'inviter à cal-
mer son ardeur, en lui montrant, de l'index, le sol que
le taureau gratte du pied droit. On aperçoit, sous son
corps, le saint enveloppé dans un suaire, couché dans
un cercueil sur lequel on lit ce vers léonin :
Sic innote.scit sanctus qua parte quiescit.
Ainsi fut découvert en quel lieu le saint reposait.
Des cinq fenêtres dont ce mur est percé, la pre-
mière, étroite et cintrée, se rapporte au xu* siècle, les
quatre autres ont été refaites sans caractère , en
forme de rectangle, au détriment des anciennes for-
mes romanes. Le sommet du mur est garni d'un
cordon de petites arcatures où vit la physionomie
du XII® siècle. Notons cependant qu'à partir du second
contrefort, le mur, diminuant d'épaisseur, inflé-
1. Antiquo ritti sancti mnrtyris memoria colilur in templo oliin sab beaUe Mari», nane
sancii Avcntini invocalione ipsiusque nominc insignitus est vîcus qai ejos reltqaiis
gloriatur. Breviarium Convenarum. Part aettïTa.
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us
chit légèrement vers la gauche jusqu'à son extré-
mité orientale. Trois absides aux courbes gracieuses,
une grande entre deux petites, s'arrondissent au
fond de l'église. Cette partie de l'édifice est très
mouvementée. Malheureusement la position du monu-
ment, en partie caché, vers l'est, par le cimetière et
par une sacristie plaquée derrière la première abside,
ne permet guère d'en embrasser l'harmonieux con-
tour. Cependant les arcatures du couronnement de ces
absides sont entièrement visibles, pendant que les
oculi et les fenêtres romanes des absides sont annu-
lés par une maçonnerie en pierres. L'abside centrale
est appliquée sous le pignon triangulaire du mur de
fond, et les deux autres sous ses rampants. Leur
appareil,' formé de pierres schisteuses d'un brun noir,
est à peu près régulier et rehausse le ton harmonieux
de la construction.
Un espace d'environ 0™6o de large est ménagé
entre le mur du nord et le coteau. Il est couvert par
une voûte en maçonnerie^ comprise sous le prolonge-
ment de la toiture du bas-côté de l'église. La nef
centrale s'accuse par son élévation au-dessus des nefs
latérales, et les murs qui supportent sa voûte sont
percés de douze fenêtres romanes, dont les six du côté
nord sont actuellement condamnées.
Le mur de l'ouest, de 13'"20 de large, n'offre rien de
particulier comme détails d'ornementation. Toutefois,
nous devons signaler, vers son angle nord-ouest, les
traces d'une ancienne petite porte bouchée depuis
longtemps. C'était, croyons-nous, comme dans la plu-
part des églises du pays, la porte réservée au passage
des Cagots, Ce mur se profile, sur le même aplomb,
entre les deux rampants de la toiture des bas-côtés,
pour former la face occidentale du grand clocher com-
jiosé de trois étages. Dans la partie inférieure du
premier s'ouvrent deux fenêtres étroites et cintrées.
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416
Au-dessus de .ces fenêtres une bonne partie de cette
face se trouve accidentellement dégarnie du crépis
moderne qui la recouvrait, et laisse juger de Tétat de
son appareil semblable à celui des absides.
Au côté nord, notons une large ouverture dont le
cintre est appareillé de longs clavaux, mais elle est
actuellement à moitié bouchée. Au côté est, on aperçoit
un oculus coupé par le rampant de la toiture de la nef
centrale. Le second étage s'élève légèrement en
retraite sur le précédent. A Touest, il présente une
fenêtre dont le sommet est découpé en trois cintres
surbaissés, et elle est divisée en trois baies par deux
colonnes à chapiteaux trapéziformes. Au côté nord^
encore une fenêtre semblable à la précédente, mais
condamnée par une maçonnerie. Les cintres seuls
sont apparents. La fenêtre' du sud, probablement sem-
blable, à rorigine, aux deux précédentes, est annulée
par le cadran de l'horloge. Le troisième étage s'élève
lui aussi, en retraite, sur le deuxième dont il est
séparé par une corniche à modillons, remaniée à une
époque difficile à préciser. Ses fenêtres, à peu près
intactes, sont formées d'une large ouverture encadrée
dans le haut, sous une série de quatre lobes demi-
circulaires , et divisée en quatre baies par trois
colonnes à chapiteaux trapéziformes comme ceux de
l'autre étage. Cette sorte de clairevoie en colonnett^s
est le type caractéristique des ouvertures aux clochers
du XII® siècle de cette contrée, comme on peut en voir
un magnifique exemple, dans le voisinage, à l'église
de Cazaux. Enfin, au-dessus d'une frise supérieure,
une flèche octogonale, en ardoises, ajoute la hardiesse
de son élévation à ce pittoresque ensemble.
La physionomie extérieure de l'édifice est encore
fortement accentuée par une seconde tour carrée,
gravement assise sur la largeur de la nef centrale,
vers l'abside, dont elle est séparée par l'exhaussement
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447
d'une travée. Dans Tétat actuel de ses murs, impi-
toyablement recouverts d'une couche de crépis plus
ou moins uniforme, on devine le bel effet que pro-
duisait son fenêtrage. Il est aujourd'hui condamné au
nord, à l'est et à l'ouest, mais encore à peu près intact
au midi, où l'on voit deux ouvertures à plein cintre
divisées en deux baies, par une colonnette à chapiteau
semblable aux précédentes. Evidemment cette tour n'a
pas été achevée. Sa hauteur n'est pas en rapport avec
sa largeur. Son sommet, dépourvu de toute corniche,
s'arrête brusquement au-dessous de sa toiture en pyra-
mide quadrangulaire. Quoiqu'il en soit, elle complète
le caractère essentiellement hiératique des grandes
églises des xi®, xii® et xm* siècles, munies d'une tour
qui dominait le monument au-dessus de la. place de
l'autel, comme on le voit, dans ce diocèse, à Saint-
Sernin de Toulouse.
Faisons maintenant, sur l'extérieur du mur sud dé
l'église, un examen rétrospectif de quelques marbres^
antiques témoignages du culte que les habitants du
pays pratiquaient^ avant l'époque chrétienne. Ce n'est
pas seulement sur l'église de Saint-Aventin que l'on
rencontre de pareils documents. On en voit à Cazarilh,
à Cazaux, à Garin, à Benqué, etc.. localités de la
région, sans parler des églises de Saint-Bertrand et
du Val d'Aran. On fait honneur à Charlemagne de
certaines prescriptions, par lesquelles il ordonnait d'in-
cruster, dans la construction des édifices religieux,
les monuments épigraphiques ou à figures de l'épo-
que romaine, portant un caractère sacré et qui se ren-
contreraient dans la contrée. Ces prescriptions sem-
blent avoir été observées avec soin jusqu'au xii® siècle
et même plus tard encore.
L'église de Saint-Aventin nous présente sept de ces
petits monuments. Le premier est située à l'angle sud-
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U8
ouest du mur. Il se compose d'une dalle de marbre
haute de 0™56 sur 0™43 de large, et qui représente
deux bustes, un homme et une femme^ traités de la
façon la plus sommaire. Les têtes tracées en creux
reposent simplement sur une sorte de rectangle, qui
simule le haut du corps. Deux rosaces, tracées égale-
ment en creux, se voient en dessous. Nulle inscrip-
tion ne vient nous révéler les noms de ce couple
figuré sur cette ancienne stèle funéraire.
Une seconde stèle du même genre que la précédente,
mais de proportions plus petites, est à peine visible
dans le bas du mur, entre Tangle sud-ouest et le por-
che du portail. Sur le dernier pilastre, vers Test, se
trouve encastré un marbre orné de feuilles de vignes
entremêlées de raisins et coupé verticalement d'un
côté, pour être ajusté à la largeur du pilastre*. Enfin
Ton voit, ou plutôt on voyait il y a peu d'années, une
autre stèle à deux têtes, accompagnées de quelques
ornements, encastrée à Tangle sud-est du mur. Elle
est aujourd'hui cachée sous le crépis et nous donne à
penser qu'il peut en exister encore d'autres analogues
sur le reste des murs.
Mais plus importantes que ces quatre marbres sont
les trois inscriptions gravées, deux sur des autels
votifs consacrés au dieu Abellion, fort en honneur
dans la contrée, et l'autre sur un autel funéraire. Ils
sont placés, deux vers l'extrémité du mur, et le troi-
sième sur celui de la sacristie attenant à la première
abside.
1. Une curieuse plaque de marbre, représeniant ce lype au complet, a été trouvée, au
mois de novembre 1892, dans la démolition du vieux clocher de Luchon. Elle est flanquée
de deux pilastres cannelés et représente un vase d'où s'échappent deux tiges de vigne,
qui s'élèvent symétriquement à droite et à gauche de quatre rosaces posées en ligne verti-
cale. Elles portent des Teuilles et des grappes dont les deux inférieures sont becquetées
par des oiseaux. Cette stèle est entrée dans la collection de M. Bernard.
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Voici les textes de ces trois inscriptions :
ABELIONI DEO
TAVRINVS BONE
CONIS F VSLM
a Au Dieu Ahellion, Taurinus, fils de Bonnecon,
» acquitte son vœu avec empressement. r>
ABELLIONNI
CISONTEN
CISSONBON
NIS- FIL-
VSLM
(Une feuille de lierre entre chaque lettre à la dernière ligne,)
a A Abellion, Cisonten, fils de Cissonbon, acquitte
» son vœu avec empressement. »
////// (feuille de lierre) M
VAL- HERM
lONE TITVL
ANTONIAE
FIL- KARIS
SIME
Dans HERM, TH et TE sont liés.
« //// Aux Dieux Mânes. Valeria Hermione à
» TituUia Antonia, sa très chère fille. »
Ces inscriptions ont été publiées plusieurs fois, mais
presque toujours d'une manière inexacte. Enfin le
regretté J. Sacaze est le premier qui en ait donné une
lecture irréprochable'. Les deux premières sont un
exemple du mélange des deux races ; la race indigène
avec ses noms à consonnances rauques et étranges, et
la race des conquérants romains, qui apparaissent avec
leur langue latine.
i. Histoire ancienoe de Luchon, Rnue de Comminges, 1887.
ReruB DE CoMifiRGES, 2* trimestre 1894. Tomi IX. — 11.
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150
II
Comme le fait pressentir Texamen extérieur de la
basilique, Tintérieur présente trois nefs et trois absi-
des, sans transepts. C'est la forme basilicale des égli-
ses de la fm du xi* siècle. La porte s'ouvre vis-à-vis la
seconde travée, en commençant vers Touest, et Ton
descend par une marche sur le sol de Tédifice, qui,
selon l'usage local, est recouvert d'un plancher. Tou-
tefois d'après des sondages effectués récemment, un
dallage inférieur existait immédiatement au-dessous
de ce plancher. Les nefs sont séparées par deux rangs
de piliers quadrangulaires de l'"oO, dans le sens
longitudinal du monument. Ils portent appliqués sur
leur face, du côté de la nef centrale, des pilastres de
O'^Bo de large sur 0™04 d'épaisseur»^ dont les pro-
longements forment les arcs-doubleaux de la voûte
médiane. La largeur de ces piliers, dans le sens de
l'axe transversal, est de 1 mètre. Vers les basses nefs,
ils sont munis de deux pilastres de mince épaisseur et
superposés ; les extérieurs de ces pilastres mesurent
0™7o de large et correspondent à autant de contre-
forts de même largeur en saillie sur les murs inté-
rieurs.
Voici du reste les dimensions des différentes parties
du plan :
Largeur totale de l'édifice, à l'intérieur . . . , 10°>25.
Largeur des deux petites nefs 4 80.
Largeur de la grande nef 3 50.
Largeur des arcades 2
Epaisseur des murs 2 30.
1. Les dimensions de ces différents piliers, et les dislances qui les séparent, soit entre
eux, soit des murs de Téglise, relevées très exactement, accusent des variations de quel-
ques centimètres, insensibles à l'œil, mais dont un calcul minulieux doit tenir compte.
Les'chiffres que nous donnons ici ne doivent donc être pns qu'approximativement.
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451
Longueur de la grande nef jusqu'à Tabside . . 22 50.
Profondeur de l'abside centrale 2 05.
Epaisseur des deux murs latéraux 2 30.
Les cinq travées de voûte, chacune de 3™ 35, sépa-
rées par les arcs-doubleaux, plus une travée de 2 ™ 40,
qui précède les absides, comprennent une longueur
totale de 22 ""40. Un arc formeret plat, porté sur con-
soles, qui s'arrondit au-dessus des fenêtres et sur les
faces des travées du côté nord, est le seul motif de
décoration de toute cette architecture aussi simple que
correcte, et d'un grand effet d'harmonie.
Telle était du moins la perspective complète.de Tin-
térieur, à son état primitif. Mais déjà, depuis environ
un siècle et demi, Teffet du sanctuaire est annulé par
la présence d'un grand retable en bois doré, placé à
rentrée de Tabside, en guise de cloison \ Et chose
étrange ! cette abside, qui était primitivement le lieu
le plus orné et le plus vénérable de toute l'église, en
était devenu l'endroit le plus négligé, le réceptacle
d'objets incohérents et inutiles, entasssés sous des
amas d'une poussière indécente. Cependant c'est là
que se trouvait le tombeau contenant les reliques de
saint Aventin, dont des débris informes viennent d'être
dégagés par les soins de M. l'abbé Guiard, curé actuel
de la paroisse. Ce mausolée se trouvait établi dans le
milieu de l'abside, derrière l'autel. Il est assez difficile
de se rendre un compte exact de son ancienne disposi-
tion. Il paraît cependant avoir consisté en une auge de
granit gris recouverte d'une pierre à dos, portée
actuellement, à ses extrémités^ sur deux autres pier-
I. H. Tabbé Gaiard a eu la complaisance de nous communiquer l'inscription suivante
qu'il a décooTerte derrière [le tabernacle de Taulel et sur le retable même : t Fait par le
* sieur Pondeiislin de l'année mil sept cent quarante- trois 1743. Doreur. >
Qoc le sieur Poudenstin ait travaillé à ce retable comme doreur, c'est incontestable,
d*aprés cette inscription. Mais cela ne nous donne pas le nom de l'auteur du retable lui-
même, qui aura probablement été init et posé peu de temps avant ou pendant l'année
1743.
Noos remercions bien sincèrement M. l'abbé Guiard de son obligeance, dont il nous a
donné plusieurs fois de précien\ témoignages, pour la rédaction de cette notice.
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453
res. L'examen attentif de ces débris n'a pu faire décou-
vrir traces ni d'inscriptions, ni d'aucune ornementa-
tion.
Les murs de cette abside ont conservé des vestiges
de son ancienne magnificence. Mais il a fallu la patience
et l'œil exercé de notre collaborateur, M. Bernard, pour
les pressentir sous le badigeon qui les recouvrait, et
son dévouement aux choses de l'art, pour arriver à les
mettre en évidence. En évidence est sans doute une
expression bien hasardée, car, dans l'état actuel, il
faut, pour les apercevoir, pénétrer dans l'abside,
muni d'une lumière, en s'y glissant par une étroite
ouverture dissimulée dans la boiserie du retable.
La découverte de ces peintures a été annoncée par
une note insérée dans le Bulletin monumental, en
1877. Elle a été aussi signalée dans la séance du Con-
grès archéologique tenu à Pamiers, en 1884. Nous
prendrons la liberté de répéter ici ce que nous en avons
déjà dit dans ce Bulletiny et dans le compte rendu de
ce congrès. « Ces peintures faisaient partie d'une
» décoration qui couvrait tout le reste de cette abside.
» Elles représentent saint Saturnin, évèque de Tou-
» louse, l'apôtre du midi de la Gaule, et saint Aventin,
» patron de l'église. Leur style accuse le xii<^ siècle.
(( Saint Saturnin est figuré debout, sous une sorte de
» niche ou de portique cintré^ soutenu par de lon-
» gués colonnettes. Il est vêtu de sa chasuble dont la
» bordure est couverte d'une série de petites croix. Il
» bénit de la main droite et tient, sous le bras gau-
» che, un livre appuyé sur sa poitrine. Le saint est
» sans barbe, nimbé et tête nue. Il est accompagné
» des mots SC. SATVRNINVS. écrits horizontale-
» ment, et coupés en deux parties par la tête du per-
» sonnage.
» Saint Aventin^ placé à la droite de saint Saturnin,
» dont il est séparé par une fenêtre^ est représenté
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453
» debout, tête nue et nimbé. Son menton porte une
» touffe de barbe ovale. Le saint, dont le nom est ins-
» crit près de sa tête, tient un livre ouvert de la main
T> gauche, et bénit de la droite. Les embrasures des
» fenêtres, et les autres surfaces débadigeonnées sont
» couvertes de rinceaux et d^autres motifs d'ornemen-
» tation, parmi lesquels on aperçoit des oiseaux. »
a Cette décoration, ajoute M. Bernard, est faite à la
» détrempe. Plusieurs couches de craie ont été pas-
D sées d'abord distinctement sur le mortier ; puis elles
2) ont été couvertes d'un enduit couleur.de chair, sur
» lequel on a exécuté toute la décoration. Les person-
» nages sont dessinés à la pointe du pinceau, par des
» traits rouges^ les chairs et les draperies sont à tête
» plate, retaillées de filets brun-noir et quelquefois
» rehaussées de filets blancs. »
Ces peintures ont un intérêt considérable par leur
ancienneté, comme témoignage d'un art, qui semble,
à toutes les époques, avoir été en grand honneur dans
certaines régions des Pyrénées. Celles-ci sont les seu-
les de la contrée qui remontent au xii® siècle, et par un
heureux hasard, elles nous donnent la physionomie
légendaire, plus ou moins fidèle, du patron de l'église.
Espérons qu'un jour peu éloigné viendra, où une
intelligente préoccupation des convenances de l'église
et de l'art, s'inspirant de l'ancien état de ce sanctuaire,
y rétablira la lumière par la réouverture de ses fenê-
tres, et rendra ses murs prêts à recevoir la restitution
de ses anciennes peintures. De plus, la disparition de
l'encombrant retable qui s'élève directement derrière
l'autel, s'imposera d'elle-même, pour rendre à l'édifice
toute sa longueur primitive, jusqu'au fond de l'abside.
Ce retable, œuvre du xvni® siècle, est flanqué de deux
fortes colonnes richement ouvragées. Au sommet,
sous un fronton cintré, il représente Dieu tout-puis-
sant, bénissant le monde; au centre une Adoration des
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454
Mages, à droite et à gauche du tabernacle ; et, dans
une frise inférieure, diverses statuettes se rapportant
à la vie du saint patron. Ainsi on y voit Aventin, por-
tant la barbe et une couronne de cheveux, vêtu d'un
surplis et d'un capuchon, enlevant une épine de la
patte d*un ours, qui, suivant la légende, vient se con-
fier volontairement à lui ; puis, Aventin tenant sa tête
dans ses mains, — l'Apparition de la Vierge au saint
martyr^ — la Vierge en prières auprès d'un pupitre....
et bien d'autres encore.
Le maître-autel se trouve élevé de cinq marches au-
dessus du niveau de la nef centrale. Les reliques de
saint Aventin se sont conservées dans son tombeau
jusqu'en 1837, bien longtemps, comme on le voit,
après l'installation du retable. M. l'abbé Guiard a eu
l'obligeance de nous communiquer des copies de diffé-
rentes vérifications qui en ont été opérées. L'une
remonte à 1737, et fut faite par les soins du curé Man-
vielle, délégué à cet effet par Mgr Gabriel de Lubiè-
res du Bouchet, évêque de Comminges. Les reliques
furent remises dans une caisse en bois, et déposées
dans le mausolée qui fut muraille.
En 1837, le 16 mai, Mgr d'Astros, archevêque de
Toulouse, vint à Saint- Aventin, en tournée pastorale,
et procéda minutieusement à la reconnaissance de ces
reliques. Nous avons le procès- verbal de cette cérémo-
nie, où nous voyons attester par divers témoins \ habi-
tants du lieu, que le tombeau de saint Aventin, situé
derrière le maître-autel , n'a nullement été profané
pendant la Révolution, qu'il a été l'objet constant du
respect et de la vénération des fidèles, et qu'enfin il
1. Noos remarquons, dans la déposiiion de l'un de ces lémoins, que la ville de Vénas-
que, en Espagne, par suile d'un vœu fait en Thouneur dn saint martyr, envoyait tous les
ans à Téglise de Saint-Avenlin deux cierges de cire, offrande qui n*a cessé d'être faite que
depuis la Révolution d'Espagne. Cette offrande est signalée dans le Bréviaire de Commin-
ges, eereum ttedigal offetunt qmlannis Hispûni,
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était encore tel qu'on Ta toujours vu de mémoire
d'homme.
Vérification faite des reliques, on les a enfermées
dans une caisse neuve en bois de chêne, a qui a été
)» déposée provisoirement sous la pierre du maître-
» autel, dans une niche fermant à clef, en attendant la
D confection d'une châsse plus précieuse. »
En effet, cette châsse, en bois d'ébène, a été réalisée
et donnée à l'église par Mgr d'Astros. C'est elle qui se
trouve exposée dans la petite abside de gauche. Une
note, fournie par un tabletier de Toulouse, nous en
donne la description ^
L'église de Saint-Aventin possède aussi un buste
reliquaire, de grandeur naturelle, très vénéré des fidè-
les et qui n'est pas sans intérêt. Le haut du corps est
en plomb et la tête en argent. Mais malheureusement
un zèle malencontreux a rafraîchi cette tête, en la pei-
gnant couleur de chair. Ce buste contient des osse-
ments qui passent pour être de saint Aventin, quoi-
qu'ils ne soient mentionnés dans aucun procès-verbal.
Cependant ce reliquaire figure, dans un inventaire
dressé à une époque bien antérieure à îa Révolution,
sous la désignation de un buste du martyr ^patron, La
fabrication de cette pièce d'orfèvrerie paraît remonter
au commencement du xvii® siècle. Il porte une auréole
rayonnante en argent; on y lit le monogramme du
Christ L H. S. avec l'inscription Santé Eventine ora
pro nobiSj le tout suivi d'un poinçon assez confus, où
i D*iine cbàsse en bois d'ébéne doublé en bois décoré de plusieurs sculplares
Tariëes. 2 guirlandes jointes à deux têtes d'anges et une palme de martyr sur chaque face
leriDinée par on couronnement.
La châsse est portée par quatre griffes de lion sculpté, le tout doré en deux fois à Tor
blanc. Là boîte est ferrée par de belles charnières en cuivre poli ; la serrure et les portes
peme (ticj sont dans toute la longueur de h châsse en cuivre où sont établies 3 serrures,
chacone avec une clef & conducteur. Dans toute la longueur la châsse a 34 pouces de long
Hir 24 de large et 30 ponces de hauteur ; le tout fait dans toutes les perfections par
Héricaot, labletier, rue de la Pomme, n*37, à Toulouse.
Par les ordres donnés de Monsieur Lanéluc, grand vicaire & Toulouse.
MÉRICANT.
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4S6
Ton distingue une fleur de lis et le mot TOL, pour
Tolosa. Ce buste repose actuellement sur un autel fort
modeste, dans la basse-nef de gauche, en avant de son
abside.
On dit qu'autrefois trois grilles en fer forgé fer-
maient les trois absides. Elles furent enlevées et ven-
dues, aux mauvais jours de la Révolution. L'une d'el-
les, celle du milieu, a été rachetée et installée en
avant de Tautel, aux angles de l'abside centrale, où on
la voit encore aujourd'hui fermant le sanctuaire.
Des ouvrages en ferronnerie ont remplacé, vers la
fin du xi^ siècle, les anciennes clôtures en bois, en
pierres ou en marbre, qui fermaient les sanctuaires des
églises. Ils ont donné naissance à un art nouveau
auquel on doit de véritables chefs-d'œuvre. La grille
de Saint-Aventin, sans être un ouvrage parfait, n'en
est pas moins un spécimen de ce genre de monuments
des plus remarquables et des mieux conservés que
nous puissions citer. Un dessin d'elle, dû à l'habile
crayon du regretté Darcel, a été gravé dans l'ouvrage
de Gailhabaud'.
Les deux doubles vantaux se replient sur eux-mêmes
et viennent s'arrêter sur une tige verticale. Ils ont
chacun 0™97 de large; leur hauteur est de 3""02;
ajoutez à cette hauteur celle d'une frise supérieure
ou imposte dominée par des pointes de lances, hautes
alternativement de 0™44 et de 0™60. Les deux van-
taux ou panneaux de gauche ont un dessin à peu près
semblable. Ils se composent de quatre travées vertica-
les occupées par des enroulements de brindilles symé-
triquement disposés. Seulement dans la partie basse du
panneau de gauche, il existe dans ces brindilles un
certain vide amené par un changement de forme dans
i. L'Architecture du ▼• ou xvi(« iiécle, t. iv.
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467
les volutes, qui ne se retrouve pas dans le second
panneau.
Les dessins du second vantail de droite ont des dif-
férences plus marquées. Son premier panneau de
gauche est divisé en deux travées verticales, et le
second en trois. Les volutes de leurs brindilles sont
moins serrées que dans les précédents. La disposition
de ce premier panneau approche d'une régularité et
d'une symétrie parfaites, où rien ne vient troubler
Tœil de l'observateur, tandis que le second panneau
offre des vides irréguliers dans les enroulements de
ses brindilles, qui semblent attester que le forgeron
travaillait un peu au hasard, sans modèle arrêté.
Des grilles de la même époque existent encore dans
d'autres églises de France, ou sont recueillies dans des
musées. Citons, entre autres, la grille de l'église de
Conques (Aveyron). Alf. Darcel a publié dans les Anna-
les archéologiques (vol. xi, p. 1), un savant article sur
cette grille, accompagné d'un dessin qui représente
deux dormants latéraux, une porte, plus une frise
supérieure. Les sujets delà porte, distribués dans cinq
bandes verticales, sont formés, comme à Saint-Aven-
tin, d'enroulements de volutes symétriques et adossés,
tandis que ceux des dormants, plus corrects, occupent
huit bandes horizontales '.
En Espagne, où l'art de la ferronnerie a opéré des
merveilles, nous indiquerons, comme exemple de cet
art, offrant de grands rapports d'analogie avec les
grilles de Saint-Aventin et de Conques, mais attribué
au commencement du xm® siècle, la belle grille d'une
chapelle, au cloître de la cathédrale de Pampelune^
Il existe aussi, dans l'église de Saint-Aventin, un
1. Vojez aosii, an iv* vol. des ktinaki archéologiques, les charuiaDts dessins de la grille
do ciroeliérc de Cravaiil (Yonoe), et d*uiie grille au musée d'Auxerrc, accompagnés d*une
inléressaotc oolice.
2. Od peut en voir, au vol. xiv* des Annales archéologiques, nn charmant dessin dont Tar-
chilecte Cb. Sarvj est l'auteur.
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458
bénitier, plus curieux que remarquable par les sculp-
tures dont il est décoré. Son dessin , exécuté par
M, Bernard , a figuré au Congrès archéologique de
Pamiers, en 1884.
(( Ce monument, avons-nous dit dans le compte
» rendu de ce Congrès, est adossé au second des
» piliers du premier rang, vis-à-vis la porte d'entrée.
» Le vase est de marbre noirâtre et repose sur un
» pied cylindrique. Le diamètre de Touverture mesure
» 0'"40; la profondeur du vase est de 0"44. Sur le
» bord plat et horizontal sont figurés, au trait, six
» poissons disposés en cercle. Le fond est muni d'une
» bordure découpée en six lobes formant un relief de
» 2 centimètres, et le milieu de ce fond < st o.ccupé par
» TAgneau portant sa croix , sculpté en faible relief.
» Les figures extérieures, personnages, oiseaux,
» quadrupèdes, disque orné d'une sorte de rosace, y
» sont traitées d'une façon singulièrement barbare.
» On trouve dans cette ornementation des réminis-
» cences de symboles, qui étaient souvent figurés
» dans les anciens baptistères. Tels sont les poissons,
)) pris tantôt pour le Christ lui-même et tantôt
)) pour les chrétiens régénérés par feau du baptême.
» Les colombes affrontées buvant au calice, et ici
» répétées deux fois, symbolisent aussi l'aspiration
» du chrétien, qui s'abreuve à la source de la vie
» éternelle. L'Agneau portant la croix est également
;) l'emblème de Jésus-Christ.
a II serait, sans doute, téméraire de chercher des
y> symboles dans les autres figures, comme, par exem-
» pie, les quatre évangélistes dans les quatre person-
» nages informes figurés auprès des colombes. Si on
» entrait dans cette voie, on pourrait aussi voir, dans
» l'animal placé vers la gauche, le fameux ours qui
» joue un rôle miraculeux dans la vie de saint Aven-
» tin... »
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459
L*extrênie grossièreté de ces bas-reliefs extérieurs
ne peut être considérée que comme Toeuvre d'un
ouvrier inexpérimenté, et, malgré son style barbare,
ce monument ne saurait être attribué à une époque
antérieure au xi^ siècle. Il existe dans les Pyrénées
plusieurs bénitiers, ou cuves baptismales, qui offrent
avec celui-ci des analogies prononcées dans le faire de
la décoration. De ce nombre est la cuve baptismale
d'Orgibet (Ariége), décrite dans le Bulletin monumen-
tal de 1874, par M. Richard, archiviste du Pas-de-
Calais, qui l'attribuait au xiu® siècle. L'abbé Barrault
a aussi signalé, en quelques mots, le bénitier de Saint-
Aventin, et, sans se prononcer sur son époque, il dit
que les colombes qu'on y voit sont un motif fréquent
sur les monuments du xn® siècle'. Nous devons égale-
ment citer le bénitier de l'église de Canéjan, dans le
val d'Aran, mentionné par M. Gourdon, dans son
ouvrage A travers V Aran, p. 143. Il porte lui aussi,
au milieu du fond, divisé en sept lobes, un Agneau
nimbé, placé sur une croix carrée, et il ne paraît pas
dater d'une époque antérieure au xv® siècle.
Les fonts baptismaux placés dans l'angle nord-ouest
de l'église sont fort dignes aussi de fixer l'attention
du visiteur. Malgré leur état actuel de délabrement,
on peut juger de leur ancienne élégance. Une cuve
circulaire, paraissant remonter au xu® siècle, et taillée
dans un bloc de -marbre dont la base est fortement
moulurée, est surmontée d'un panneau de bois de
1"10 de large, recouvert d'un dais demi-courbe. Cette
boiserie, ouvragée en style gothique du xv® siècle, porte
encore des restes ajourés de couronnement au-dessus
de son fronton, et a conservé, en partie, ses anciennes
peintures. On distingue, sur les deux panneaux du
dais, le Baptême de Jésus, à droite le Christ et saint
1. Hullelin Tnnnumfnlal, 1870, p. 424.
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460
Jean-Baptiste, et à gauche Tange et la colombe. Le
panneau appliqué au mur, et qui supporte ce dais, est
divisé lui çiussi en deux faces. Leur partie supérieure
est remplie d'une série de flammes gothiques, dispo-
sées en accolade, et au-dessous on voit, d'un côté,
Marie-Madeleine qui tient un vase de parfums, et de
Vautre, sainte Barbe qui porte une palme et une tour
percée de trois fenêtres'. Des dorures, dont il reste
encore trace, rehaussaient réclat de cette ornementa-
tion ; mais plusieurs détails accessoires , que Ton
devine encore sous des restes de vives couleurs, ont à
moitié disparu. Cependant cette boiserie, avec ses
naïves et fines figures, est toujours digne d'être con-
servée. Espérons que l'administration paroissiale
saura la remettre en honneur et la soustraire aux
convoitises dont elle pourrait devenir l'objet.
Pour terminer la revue de ce que l'église de Saint-
Aventin peut offrir d'intéressant à l'archéologue, il
nous reste à parler des cloches. Elle en possède deux,
l'une du xv* et l'autre du xiv® siècle. Nous déclarons
n'avoir pu les examiner de près, mais nous emprun-
tons à M. le comte de Toulouse-Lautrec la description
qu'il en a donnée dans le Bulletin monumental de
1863.
(( La cloche du xv* siècle est ornée d'une grande
inscription sur le vase supérieur, en lettres cursive^
de cinq centimètres de hauteur d'une rare élégance ;
les mots sont séparés par une ligne ponctuée. Elle
commence par les sigles I H S renfermés dans un
médaillon circulaire; puis : xps vinoitj xps régnât,
xps imperaty xps ab omni malo nos defendat. Ici se
place une jolie croix pattée, dont le pied élancé repose
1. Pourquoi cette tour a-t-clle trois rméires? Nous empruntons au P. Cahier Texplicii-
tion de cette particularité :
« D*apré8 sa légende, dit-il, elle avait été refifermée par son père dans une espèce de
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464
sur un piédestal de quatre degrés, et rinscription con-
tinue : l'an mil ccgglxvii (une croix longue très histo-
riée); SANTE (croix pareille à la précédente) avaxtine,
et pour terminer une croix semblable à la première.
» Ensuite quatre bas-reliefs de 7 centimètres de
haut sur 5 de large : 1** un Eoce Homo en buste ;
2*^ un évêque ; 3** la Sainte- Vierge avec Tenfant Jésus
dans les bras ; 4® saint Michel vainqueur du dragon.
» Ces divers personnages sont placés dans des
niches à arcades très élégantes. — Sur la panse on lit
une inscription dont les caractères de 2 centimètres
de hauteur, répètent cinq fois : te deum laudamus,
alternant avec des rinceaux très délicats.
» Cette décoration est accompagnée de Técu de
France, sans supports, ni couronne. Il surmonte le
nœud d'un ruban qui fait le tour de la cloche et qui
est décoré de rosettes. Un de ces bouts, retombant,
porte les mots ave maria, de la même dimension que
les caractères de la petite inscription.
» La cloche du xiv® siècle a un diamètre de 86 cen-
timètres et une hauteur de 73 centimètres. Elle est
ornée seulement d'une inscription et de quatre bas-
reliefs- Les caractères très maigres, très déliés, annon-
cent le XIV* siècle ; ils ont S centimètres de hauteur.
Le commencement de Tinscription est marqué par une
sorte de monstrance formée de perles et renfermant
une croix. Les mots sont séparés par deux grosses
perles : mentem satnam spontaneam o honorem eo : et
PATRIE LIBERATIONEM'.
loar, soil qu'on voulûl dérober sa jeunesse aux recherches des prélendanls, soit qu'il
s'agil de Ini interdire tout rapport avec les chrétiens qui lui avaient déjà fait connaître
leâ premiers éléments de la Toi. Pendant l'absence du père, Ikirbe, visitant les travaux ,
remarqua que Ton avait pratiqué seulement deux fenêtres du côté nord, et elle en commanda
noe troisième, se chargeant d'en rendre raison à son père quand il reviendrait. Mais
eeloi-ci, comprenant que sa fille voulait ainsi se remettre en mémoire le dogme de la
Sainte Triiiité, fut pris de fureur et trancha lui-même la tête de la sainte. > {CaraciérUiiques
des Saints : au mot Tour.)
I. 0 HONOREM EO est évidemment pour Honorem Deo. Cette sorte d'acclamation se
j^eocontre fréquemment sur les cloches du xiv« et du xv* sîécleff, entre outres sur une de
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462
» La fin de ce mot em se trouve sur la ligne des
bas-reliefs. Ceux-ci représentent : 1^ Notre Seigneur
Jésus-Christ en croix, les membres attachés par quatre
clous, mais dans une pose qui s'éloigne déjà de la
simplicité hiératique primitive. La Sainte-Vierge et
saint Jean sont au pied de la croix. Ce groupe est
placé dans un élégant édicule à six pans, présentant
trois arcades ogivales séparées par des clefs retom-
bantes très riches. Il est surmonté d'une crête et de
pinacles ;
» 2^ La Sainte-Vierge est placée sous une arcade tri-
lobée surmontée d'un pinacle très fleuri; les pilastres
latéraux sont ornés d'une fine dentelure.
» Ces motifs se reproduisent chacun deux fois. »
Tels sont les principaux détails d'architecture et
d'ornementation qui recommandent l'église de Saint-
Aven tin à l'étude des archéologues. Nous laisserons à
d'autres plus autorisés la tâche de nous donner une
biographie plus complète du martyr de l'Arboust.
Pour nous, nous n'avons cherché qu'à rappeler les
détails nécessaires pour l'intelligence de certaines
représentations iconographiques. Comme on le voit,
l'architecture de l'édifice est simple, pure et correcte
de style, à l'exception toutefois des fenêtres du bas,
refaites à une époque peu éloignée de la notre. A l'in-
térieur, rien de disparate ne vient choquer le regard
incapable de soupçonner les reprises qui pourraient
avoir été opérées peu de temps après la première
construction. Les murs, les piHers et la voûte ne
laissent voir qu'une maçonnerie recouverte d'un cré-
pis blanchi à la chaux, mais susceptible de rece\oir
Souvigny (Bull, monum. l. xiii, p. 533.) Menlem sanlam spontaneam Deo et patrUt liberaàonem.
«Esprit Saint (nous vous souhaitons) honneur volontaire à Dieu et délivrance de lapai rie.»
Nous la retrouvons aussi sur trois cloches du xv« siècle du département de riaére, à Voi-
ron, à Cessieux, à Qnincieu.
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463
un revêtement plus riche et d'un aspect plus monu-
mental. A Textérieur, les belles absides, le curieux
portique, les deux tours élégantes et majestueuses,
constituent un pittoresque ensemble, qui fait de la
basilique de Saint-Aventin le monument religieux le
plus remarquable deTancien Haut-Comminges.
P. 8. final. — En examinant, à Textéri^ur, le mur
du sud de Téglise, entre Tangle sud-ouest et le portail,
on aperçoit à 0™80 au-dessus du sol actuel, un bandeau
ou plutôt les restes d'un bandeau de 0"™13 d'épaisseur,
qui s'étend jusqu'au pilier du porche derrière lequel
il disparaît. Au-dessus de ce bandeau s'élève la légère
courbure d'un arrachement, qui semble avoir fait
partie de la base d'une voûte disparue. Le mur de
l'église s'élève droit au-dessus de cet arrachement et
à l'aplomb du mur inférieur. Il faut aussi remarquer
que l'appareil de la partie inférieure du mur n'est pas
le même que celui de la partie supérieure de ce même
mur; il est plus grand et plus régulier.
Il y a certainement là l'indice d'une construction
antérieure à l'église, ou tout au moins d'une modifi-
cation apportée dans sa construction. M. Bernard est
le premier qui ait observé cette particularité, et il en a
recherché la raison d'être. Voici le résumé des obser-
vations que lui ont permis de faire les fouilles qu'il a
exécutées dans ce but, au mois d'octobre 1892, et la
destination, au moins très vraisemblable^ que l'on
peut donner à cette ancienne voûte démolie.
La fouille, pratiquée au ras du mur et au-dessous
du bandeau en question^ a fait constater que le bas de
la fondation de ce mur ne se trouvait qu'à 0™o7 au-
dessous du niveau de la terrasse qui sert de passage,
de sorte que le bandeau, situé à 0'"80 au-dessus de ce
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464.
même sol, est à 1™37 au-dessus du pied de la fondation.
Quoiqu'il en soit, en cet endroit, de la profondeur des
fondations de ce mur, nous croyons que le fragment
du mur en question, antérieur à Téglise, pourrait
avoir fait partie, de cet oratoire bâti par Aventin au
IX® siècle, lequel oratoire abrita le corps du saint et sur
lequel on éleva la basilique des xi® et xu* siècles. Les
dimensions que nous connaissons s'accordent parfai-
tement avec celles que nous pouvons largement sup-
poser pour le rayon de la voûte. Admettons en effet,
avec M. Bernard, que cette voûte ait eu un diamètre
de 3 mètres. Son rayon aurait été de l™oO, qui joint
à 1™37, hauteur du sol de Toratoire au bandeau sub-
sistant encore, aurait donné 2^87, pour la hauteur
sous voûte dudit oratoire. Cet édicule, ainsi voûté,
aurait subsisté jusqu'au moment où Ton transféra les
reliques du saint dans le sanctuaire de Téglise, et que
Ton remania la porte en appliquant le petit porche
que l'on voit encore aujourd'hui.
M. Bernard a pratiqué aussi un sondage de 1™75
de profondeur, vers le milieu de la terrasse. Il a trouvé
les restes d'un vieux mur solidement construit, qui
semblait se diriger parallèlement à celui de l'église.
Puisque nous ne pouvons que formuler des hypo-
thèses, ne peut-on pas croire, tout en restant dans la
vraisemblance des faits, que c'était un des murs de la
maison sur laquelle ou près de laquelle on éleva la
basilique? Mais les modestes ressources dont on dis-
posait n'ont pas permis de pousser plus avant cette
exploration, qui aurait nécessité le déblaiement de
toute la terrasse.
J. DE Laurière. — B. Bernard.
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UN DEMI-SIÈCLE D'ASCENSIONS
AU NÉTHOU
Un peu plus d'un demi-siccle s'esi écoule depuis la première conquèlc du pic de
N«*lhou en f842 par un' Français et un Russe. Comme ses rivaux de la Suisse el du Dau-
phiiië il a ses archives. Deux de nos collègues, chacun de leur cùlé, à 15 ans d'inicrvalle,
en ont bien donné une parlie dnns te BullHin de la Société Ramond , mais pcrsonuf" n'a
encore publié Tensemble.
M. Maurice Gourdon a comblé celle regrellable lacune et s'csl donné la peine de compulser
les divers registres qui depuis 50 ans séjournrrenl tour & tour au sommet de ta monta-
gne. — En 1893, il avait même fait paraître, dans la Bévue det Pyrénées les premières
pages de son mannscrit. Il a bien voulu nous le donner tout entier, et nous sommes heu-
reux de pouvoir aujourd'hui en commencer la publication. Son travail présente un double
intérêt. Le Néthou, en effet, silué aux portes de Lucbon, est tous les ans le but principal
des grandes ascensions, et c'est la p:emiére fois que les archives du géant pyrénéen sont
pnbliées ia extenso par L' ménie auteur. {Ia Direction.)
De tout tomps, h l'aspect des montagnes et surtout des hautes
cîmes, riiomnie s'est senti envahi d'une émotion profonde et indé-
finissable. Suivant les âges, suivant les temps, différentes ont été
ses impressions. Â Torigine, ces. puissants massifs n'ont éveillé
chez lui que des idées de crainte, de terreur. Ces cimes ardues ou
perpétuellement blanches do frimas étaient autant de lieux redou-
tés, asile inviolable des génies malfaisants ou de divinités protec-
trices dont il ne fallait point troubler le repos éternel. Ceux-là les
déifièrent.
De nos jours, combien en est-il encore de peuplades sauvages
qui professent les mêmes croyances, et voient même d'un mauvais
œil le touriste s'approcher de la montagne sacrée.
Maintenant, depuis plus d'un demi-siècle surtout, nous envisa-
geons froidement et sans crainte ces géants do la terre ; le cortège
d'idées superstitieuses et surannées qui planait jadis sur eux
comme une sombre auréole est tombé devant le scepticisme et....,
Talpinisme moderne. De temps à autre la montagne se défend
encore dans une dernière convulsion d'impuissance ; elle fait bien
quelques victimes, souvent imprudentes. Mais à présent nous
luttons avec elle à armes égales, elle est vaincue par l'homme.
RcTus OK CoMMiHces, 2« trimestre IS94. Tous IX. — i2.
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166
L'audace, je devrais dire la folie, l'invraiseaiblance des premic-
res tentatives on ont fait des actions à demi-fabuleuses, et nous
pourrions en rappeler plus d'une dont l'histoire nous a gardé le
souvenir dans les Alpes et les Pyrénées. Mais à quoi bon sortir de
nos Pyrénées? Ne sont-elles p<is assez belles sous tous rapports
pour qu'il ne soit pas nécessaire d'aller chercher loin d'elles les
premiers faits de l'alpinisme? Inutile du reste d'insister sur oc
point, c'est une vérité banale connue depuis longtemps, et le doute
n'est plus permis.
Ils étaient bien mal outillés nos devanciers pour s'engager ainsi
dans le domaine de la montagne. Et qui avaient-ils pour les secon-
der dans leurs essais ? Des hommes à peu près aussi novices
qu'eux-mêmes, qui les suivaient presque à contre-cœur. Ils n oiit
eu que plus de mérite.
De Thou, dans ses Mémoircji, nous rapporte « qu'en 1581 un sei-
gneur de la maison de Foix, le duc de Caudale, tenta l'ascension
du pic du Midi d'Ossau : mais il ne parvint qu'a une station voi*
sine du sommet ». Puis c'est « Palma-Cayet, lecteur d'Henri IV,
qui essaie lui aussi de gravir la montagne, mais il ne put, dit-il,
monter qu'en un jour et demi : encore bien las, et pour descendre,
il fallut s'écouler d'asséant. •
Avec le Monl-Valier, la légende se joint à l'alpinisme. Les trois
pitons rocheux « qui terminent sa lourde cime étaient autrefois
surmontés de trois croix ; deux ont disparu, f^a tradition attribue
lune de ces croix à saint Valier, évcque de Couserans; ce serait
vraisemblablement la première ascension connue dans les Pyré-
nées. » La seule que le temps et les hommes ont respectée fut érigée
au sommet en 1678, par ordre de B. de Marmiesse, évèque de
Saint-Lizicr. Elle porte l'inscription suivante: Episcop — Donii
Valeris -— Posucre — IG72.
Sans m'arrct?r aux ascensions ou tentatives d'ascensions des
précurseurs des alpinistes modernes, j'arrive tout d'un trait à cello
dont le Néthou, point culminant de la chaîne entière, fut le théâ-
tre depuis la fin du siècle dernier.
Nous lisons dans l'ouvrage de MM. Lambron et Lézat'. «En
1787, Ramond parait être le premier qui tenta d'atteindre le som-
met de la montagne. Mais brusquement enveloppé par des nuages,
il n'y parvint pas et ne put vérifier sa situation. »
Le 17 vendémiaire an XI (9 octobre 1804) une deuxième ascen-
sion fut tentée par Gordier. accompagné de M. Neergaard. Mais
ils n'atteignirent que l'altitude dç 3215 mètres. — Le 11 septembre
\. foliée hUitorique et médicale sur Bagnères-de-Luchon» Parts, 1856, 2 vol. in 12.
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IG7
1811, Charpentier ne dépassa pas le glacier de la Maladelta. — liO
Il août 1824, deux ingénieurs des mines, MM. Blavier et de Billy
renouvelèrent les tentatives de Ramond et de Cordier. Mais la
mort tragique de leur guide Barreau, tombé sous leurs yeux dans
une crevasse du glacier de la Maladetta, coupa court à leurs
explorations. ~ liC 29 juillet 1827, M. Arhanère chercha, mais inu-
tilement, à gagner par le versant méridional et la vallée de Mali-
bierne le sommet du pic de Néthou.
11 nous faut attendre jusqu'en 1842 pour enregistrer une nou-
velle tentative d'ascension, qui cotte fois devait être couronnée do
succès. Cest à MM. Albert do Franqueville, botaniste distingué de
Normandie, et Platon de Tchihatchcfï, officier russe et géologue
éminent, que revient l'honneur d'avoir les premiers conquis la
cime du géant pyrénéen. Ils étaient accompagnés des guides de
lAichon, Jean Argarot, Pierre Bedonnet dit Nate et Bernard
Ursule.
Il nous paraît intéressant et utile de donner ici le récit de cette
mémorable expédition, tel que l'a publié M. Albert de Franque-
ville ^ Nous ne pouvons mieux faire que de lui laisser la parole :
« Depuis mon arrivée dans les Pyrénées, je nourrissais le
désir de faire une nouvelle tentative pour parvenir enfin au som-
met de ce pic (le Néthouj, jusque-là réputé inaccessible.
» Une heureuse circonstance vint enfin me permettre d'exécuter
mon dessein. Un jeune officier russe, M. de TchihatchefT, arriva de
Luz, poussé par le désir de tenter cette même entreprise. Je me
réunis à lui.
» Ce fut le 18 juillet 1842 que nous quittâmes Bagnères-de-
Luchon pour nous rendre à la Maladetta; noi)s étions accompa-
gnés par quatre guides : Pierre Sanio, de Luz (il était venu
avec M. de TchihatchefT) ; Jean Argarot, Pierre Hedonnet et Ber-
nard Ursule, de Bagnères-de-Luchon. Ces deux derniers étaient
chasseurs d'isards et regardés comme les plus intrépides monta-
gnards du pays. Nous emportâmes avec nous tout ce qui était
nécessaire pour passer plusieurs jours dans la montagiye, des
vivres, des couvertures pour la nuit, des haches, des cordes pour
franchir les passages les plus dangereux.
» Nous gagnâmes le port de Vénasquc par le chemin si pittores-
que, si .varié, qui longe les bords de la Pique, et par le sentier
étroit et rapide qui s'élève en lacets le long de la montagne. Quand
nous eûmes atteint le port, nous finies halte un instant pour
1. Un voyage à la Maladetla, par M. .\lbcri du Fraiiquevilie, I vol. iii-8o, 1845, chez
!.. Maisou, 17, rue Je Tounion, Paris.
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468
décharger nos chevaux que nous renvoyâmes aïfendre notre
retour à l'Hospice de Bagnères.
» Considérée de ce point, la Maladelta présente l'aspect le plus
sauvage et en même temps le plus majestueux. Des forêts de pins
gigantesques, les uns encore debout, les autres brisés par les oura-
gans, renversés par les avalanches, occupent sa partie inférieure.
Des rochers âpres et stériles, dénudés par les eaux, forment
ensuite autour d'elle une ceinture noirâtre et aride. Au-dessus
étincellent les glaciers sillonnés par de larges et profondes cre-
vasses. Une crête de rochers très escarpés et fort accidentes
forme le faite de la montagne. Cotte crête lie ensemble les difTé-
rents pics dont sa cime est hérissée, (^cst ainsi qu'en commençant
par Test on voit d'abord le pic de Fouys, auquel Heboul et Vidal
assignent 3058 mètres de hauteur absolue. Ce pic se bifurque vers
son sommet. Cette circonstance lui a valu de la part des habitants
du pays le nom de Pic Fourcanade, pic Fourchu. Viennent ejisuitc
le pic de Néthou et les deux pics de la Maladetta, dont le premier
a 335t mètres de hauteur et le second 3312 mètres, d'après les
mesurages trigonométriques de M. Corabœuf. Enfin se présente
le pic d'Albe et celui de Malibierne. dont la hauteur n'a point
encore été déterminée jusqu'ici.
» Nous commençâmes à descendre le versant méridional du
port do Vénasque. Il se compose presque entièrement d'un calcaire
de transition â petits grains, très friable, brillant d'un vif éclat
aux rayons du soleil. La couleur de ce calcaire, d'un blanc légè-
rement grisâtre, a fait donner â cette pente le nom de Pena
Blanca.
» Un sentier étroit et rapide, tracé sur les roches qu'a rendues
glissantes le frottement répété des mules, conduit du port au fond
de la vallée de LEsera. Là se trouve l Hospice de Vénasque, situé â
708 mètres plus bas que le port, c'est-à-diro â 1703 mètres iCharp.)
au-dessus du niveau de la mer. — Il est impossible de rien voir de
plus sauvage et de plus sublime à la fois que la partie du val de
VE^era qui environne la Maladetta au nord et à l'ouest. Après être
restés quelques instants à IHospice pour nous reposer, nous nous
mimes en route en remontant la vallée de l'Escra. Sa partie supé-
rieure est beaucoup moins sauvage que ceflo qui s'étend depuis
l'Hospice jusqu'à la ville de Vénasque.
» Sur le dernier de ces plateaux se trouvent encore aujourd'hui
plusieurs étangs. On a donné â cet endroit le nom de Plan des
Etangs. Il s'y trouve une cabane où se retirent pendant la nuit les
pâtres qui gardent les troupeaux de ces prés. Nous allâmes cou-
cher à la Rencluse de la Maladella, située à 284 mètres au-dessus
de la cabane du Plan des Etangs.
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169
» Nous commençâmes à gravir la Maladetta par une dépression
qui s'ouvre dans son sein, précisément vis-à-vis du port de Vénas-
que. Nous marchâmes pendant près de trois heures au milieu de
rochers polis en remontant le vallon. Après avoir gravi une der-
nière cminence, couverte de la plus belle pelouse de verdure,
nous aperçûmes devant nous une jolie prairie. De tous côtes elle
était environnée de rochers qui formaient autour d'elle une enceinte
presque circulaire; un seul endroit était accessible vers l'est; ce
fut par là que nous y pénétrâmes, et encore fûmes-nous obligés
de descendre un talus de gazon très rapide. Au milieu de Ten-
ceinte coulait un torrent peu profond, mais que nous ne franchîmes
qu'avec difficulté. Ce torrent se perd sous terre, dans une caverne
nommée gouiïre de Tourmon, pour ne reparaître ensuite que dans
le fond de la vallée de TEsera.
» Cette partie de la montagne est appelée par les chasseurs Ren-
cluse de la Maladetta (Enclos de la Maladetta) ; sa hauteur, déter-
minée barométriquement par M. Charpentier, est de 2083 mètres
au-dessus du niveau de la mer. Un enfoncement pratiqué par la
nature dans la paroi méridionale de la Rencluse, où le rocher
surplombe le sol de 4 à 5 mètres, formait Tabri qui devait nous
garantir des injures de lair. Nous y passâmes la nuit.
» Le lendemain, dès la pointe du jour, nous nous mimes en
marche en contournant la montagne par l'ouest. Après avoir tra-
versé un épais fourré de rhododendrons^ nous nous engageâmes
dans une forêt de vieux pins, ravagée par les avalanches. Quand
nous eûmes laissé derrière nous les derniers arbres de la forêt,
nous fimes quelques pas sur une maigre pelouse et toute appa-
rence de végétation disparut à nos yeux. Nous venions d'entrer
dans la région de l'éternelle stérilité. Pendant trois heures, nous
marchâmes sur des fragments de rocs entraînés par les avalan-
ches. Nous eûmes plusieurs fois à traverser de larges plaques de
neige que toute la chaleur du soleil de l'été n'avait encore pu fon-
dre. Quand nous fûmes arrivés vis-à-vis le pic d'Albe. nous nous
dirigeâmes directement sur lui en gravissant une gorge étroite et
escarpée. Nous passâmes au pied même du pic, et franchissant
une de ses arêtes de rochers qui s'étendent depuis le sommet de
la Maladetta jusqu'à sa base, nous aperçûmes au-dessous de nous
les eaux calmes et bleues du lac d'Albe, situé à 2212 mètres
(Charp.) au-dessus du niveau de la mer, et entouré de tous les
côtés de rochers entassés confusément. Rien n'est plus pénible à
traverser que ces masses de rochers. Une arête, composée de ces
fragments de rochers, sépare le lac d'Albe d'un autre lac beau-
coup plus étendu, le lac de Grcgonio. Il est incontestablement bcau-
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no
coup plus élevé que celui d'Albe ; aussi est-il encore presque
entièrement gelé.
» Nous longràmes le lac de Grégonio jusqu'au port de la Mali-
bierne. Du liaut de cette petite échancrure, dont l'accès est assez
dinicilc, les yeux plongent dans la gorge de Malil)iernc, qui s'ou-
vre dans les flancs do la Maladetta. Elle se dirige de l'est à Tou-
est. Gcst la plus considérable de toutes les vallées qui^prenncnt
naissance dans la Maladetta. Enfin, nous sortîmes delà région des
neiges pour entrer dans la sîone où la végétation commence à
reparaître. Nous gravîmes un mamelon assez escarpe couvert
d'un bosquet de pins, et après avoir francbi un énorme amas de
blocs granitiques éboulés du haut de la montagne, nous arrivâ-
mes à une vaste pelouse qui forme la partie supérieure du vallon
do Malibierne. — C'est ici que nous passâmes notre deuxième
nuit dans une misérable cabane de berger.
» liC jour venu, nous francUimcs le torrent à l'aide de plusieurs
rochers qui se trouvaient dans son lit. Nous commençâmes ensuite
à gravir la montagne par une pente assez rapide et entièrement
recouverte de fragments de rochers brisés. Moins gros que ceux
que nous avions eus à traverser la veille, ils n'en étaient que plus
incommodes. Ils cédaient sous le pied, et, glissant en arrière, ils
nous entraînaient quelquefois plus bas que l'endroit que nous
venions de quitter. Néanmoins cette partie de la route nous offrit
moins de difficultés réelles qu'elle ne coûta de fatigues. — Deux
heures après avoir quitté le lieu où nous avions passé la nuit,
nous atteignîmes un plateau très vaste situé au-dessus do la
limite des neiges éternelles. Le milieu de ce plateau est occupe
par le lac Coroiif^, dont les eaux restent gelées une grande partie
de l'année. Au moment où nous mîmes le pied sur s.s rives il
commençait à dégeler, et de gros glaçons flottaient à la surface.
C'est à ce lac que prend naissance le torrent qui arrose ou plutôt
dévaste le vallon de Malibierne, et va se réunir à l'Elsera, un peu
au-dessus de Vénasque.
» Nous attaquâmes hardiment le glacier. Rien ne fut plus facile
que d'en franchir la partie inférieure; mais plus nous nous éle-
vions, plus l'inclinaison devenait forte. La neige qui recouvrait le
glacier, durcie par le froid, plus vif à ces hauteurs que sur les
bords du lac, était devenue extrêmement glissante. Il fallut avoir
recours aux crampons. Il no nous fallut pas moins de deux heu-
res pour parvenir au haut du glacier. Nulle part il n'était à décou-
vert. Il s'y rencontre peu de crevasses ; nous n'en rencontrâmes
qu'une seule qui méritât à proprement parler ce nom. Elle occu-
pait le sommet du glacier et s'étendait précisément devant la brc-
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ni
che que nous avions choisie. Nous la passâmes sur un pont de
neige.
» Quelques minutes après nous étions arrives à une écliancrure
formée par un abaissement subit do la crête de la Maladetta.
C'étail là le nec plus ultra de tous ceux qui nous avaient précédés.
Cette arcle est située, d'après M. Charpentier, à une hauteur do
3171 mètres, et d'après M. Cordier de 3256 mètres au-dessus du
niveau de la mer. C'est cet endroit qui, dans les catalogues des
hauteurs pyrénéennes, figure sous le nom d'arête accessible à
l'ouest du pic de Néthou. Il est assez difficile de s'imaginer quelle
cause a pu arrêter ces hardis explorateurs si près du but qu'ils
étaient venus chercher avec tant de peine et au milieu de tant de
périls. A partir do cet endroit, il n'y a plus d'obstacles sérieux à
vaincre, plus de véritables dangers à courir pourvu que l'on
prenne les précautions dictées par la prudence.
» Au moment où nous nous présentâmes pour franchir la brè-
che, nous nous trouvâmes tout à coup environnés d'un nuage si
épais, que nous pouvions à peine distinguer les objets à une
dizaine do mètres de nous. Accumulées dans l'enceinte du lac de
Coroné par le vent du sud, toutes ces vapeurs venaient déboucher
parce couloir étroit sur le versant ?eptentrional de la Maladetta.
Le vent s'y engouffrait avec une force terrible, entraînant avec lui
des masses de brouillards. Les rafales étaient tellement violentes,
que, pour ne pas être précipités dans un amas d'eau qui se trou-
vait de l'autre côté de la crête, nous étions obligés de nous cram-
ponner de toute notre force aux aspérités du roc. Ces coups de
vent étaient séparés les uns des autres par des intervalles d'un
calme profond. Nous profitions de ces moments pour avancer ;
puis, au moment où la tempête venait nous assaillir de nouveau,
nous nous collions contre le rocher jusqu'à ce que le calme fût
revenu.
» Nous atteignimes l'autre côté de l'arête, et gagnâmes le pied
d'un escarpement qui n'était autre chose que la base même du pic
de Néthou. Là régnait un calme parfait et qui contrastait vivement
avec le rugissement des rafales qui se faisaient entendre à quel-
ques pas de nous. Nous avions à nos pieds un assez \i^iste enfon-
cement pratiqué dans le glacier par l'action des vents chauds du
sud; il était rempli d'eau entièrement liquide. Au-dessus de cet
amas d'eau s'élève, en talus rapide et couvert de neige, le glacier
qui s'étend jusqu'au sommet du pic de Néthou. Entourés d'un
épais brouillard; nous eûmes un moment d'indécision. Nos con-
ducteurs étaient partagés d'opinion. Les guides inclinaient à atta-
quer franchement le glacier ; les chasseurs, au contraire, voulaient
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478
essayer de gravir la muraille de granit à laquelle nous étions
adossés.
» 11 fut convenu que les guides et les chasseurs essayeraient
d'abord do grimper le long des rochers, et que si cette tentative
ne réussissait pas, nous nous hasarderions alors sur le glacier.
Nous devions rester où nous étions et attendre que les guides
nous eussent fait connaître le résultat do leurs recherches.
» Ils commencèrent donc à gravir le rocher, s'accrochant des
pieds et des mains aux aspérités que présentait la surface exfoliée
du granit. Bientôt ils disparurent à nos yeux, enveloppés par le
brouillard. Au bout de quelques minutes nous les vîmes revenir,
dcscspéranl absolument de parvenir au sommet par cette voie.
Nous nous dirigeâmes donc vers le glacier qui était notre dernière
espérance. Nous prîmes toutes les précautions nécessaires pour
nous engager sur ce glacier inconnu et qui pouvait receler de
dangereuses crevasses. Nos préparatifs consistèrent tout simple-
ment à nous attacher les uns aux autres avec une corde. Chacun
de nous était séparé de celui qui le précédait par une distance de
3 mètres. De cette manière, si nous eussions rencontré quelque
crevasse, et que la neige eût cédé sous les pieds de quelqu'un
d'entre nous, il eût été retenu dans sa chute par ses compagnons
et n'eût couru aucun péril.
» Au surplus, cette mesure que nous avait suggérée lexpéricnce
de nos guides se trouva inutile. Nous ne vîmes aucune crevasse.
Peut-être étaient-elles encore couvertes de neige. La pente du gla-
cier était même si peu rapide que nous pûmes nous débarrasser
de nos crampons qui eussent inutilement entravé notre marche.
» M. de Tchiatcheff fut atteint de nausées assez violentes pour
être obligé de s'arrêter de temps en temps, et de se coucher sur la
neige. Quelques instants de repos suffisaient pour le remettre
entièrement et lui permettre de continuer sa route. Ni les guides,
ni moi ne ressentîmes rien de particulier. Peu de temps nous suffit
pour atteindre la partie supérieure du glacier où le roc se montre
à nu. Nous pensions avoir gagné le point culminant de la monta-
gne, quand nous vîmes à une quarantaine de pas de nous se dres-
ser une dernière aiguille, qui pouvait avoir 10 mètres do hauteur.
Nous trouvant sur la terre ferme, nous nous débarrassons de nos
cordes, et nous nous élançons comme à Tenvi vers ce dernier
rocher.
» Sur le point d'y parvenir, nous n us arrêtons frappés de stu-
péfaction ît l'aspect du passage qui nous reste à franchir pour y
arriver. Nous sommes séparés du pic Néthou par une arête extrê-
mement aiguë ; à droite, s'ouvre sous nos pieds un abîme au fond
duquel se déroulent le glacier de Goroné et les eaux noirâtres de sou
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173
lac ; à gauche, a une profondeur un peu moins grande, la partie
orientale du glacier du Néthou s'abaisse par une pente des plus
rapid<». Pour comliie de difficultés, le sommet de celte arête est
encombre de fragments de granit desagrégés par la gelée ou dis-
loqués par lc3 coups de la foudre, et très dangereux à cause de
leur peu de stabilité. Ce pont de Mahomet est pourtant la seule
voie qui s'offre h nous pour arriver au but après lequel nous cou-
rons depuis si longtemps.
» Nous hésitâmes un moment, je l'avoue, avant de nous engager
sur cet étroit passage ; mais la vue de nos chasseurs, qui s'avan-
çaient d'un pas aussi ferme que s'ils eussent été sur une grande
route, nous en:Jragea bientôt à Jes imiter. Four nous frayer la mar-
che, ils précipitaient dans l'abîme les quartiers de rocs peu soli-
des. Ces fragments, frappant le rocher dans leur chute, semblaient
l'ébranler jusque dans ses fondements ; ils bondissaient avec vio-
lence, et rejaillissant sur le glacier, allaient s'engloutir dans le lac
avec la rapidité et le retentissement de la foudre. Tel était pour-
tant le sort réservé à celui d'entre nous dont un vertige viendrait
troubler la vue, ou dont le pied mal assuré glisserait sur le roc.
Heureusement aucun de ces accidents ne nous arriva. Nous avan-
çâmes peu à peu, passant nos brus par-dessus l'arête, et nous
soutenant avec notre bâton ferré. Ainsi suspendus au-dessus d'un
affreux précipice, nous n'avions qu'à baisser les yeux pour voir
au-dessous de nous les eaux du lac de Coroné ; tandis que si nous
eussions laissé échapper notre bâton, il eût été se perdre dans les
crevasses du glacier de Néthou.
» Ainsi à cheval pour ainsi dire sur le sommet de la montagne,
nous ne mimes que quelques minutes pour franchir ce dangereux
passage. Enfin, nous posâmes le pied sur le pic jusque-là vierge
du pas de Thomme. Nous pouvions goûter sans restriction le plai-
sir d'avoir réussi à conduire à une heureuse fin une expédition si
souvent tentée et toujours inutilement. La joie de nos guides
n'était pas moins grande que la nôtre. La fierté du brave Jean,
notre guide-chef, était tout à fait risible. Il se regardait vraiment
comme le Christophe Colomb de la Maladelta. A peine arrivés sur
le sommet du pic de Néthou, les guides commencèrent à ramasser
des fragments de rochers, et à dresser une pyramide, comme pour
prendre possession du lieu. Us rélevèrent assez haut pour qu'on
pût l'apercevoir du port de Vénasque, et qu'elle servît ainsi à
constater l'hcuronx succès do notre ascension.
y» Après quelques moments donnés à la satisfaction que nous
causait notre triomphe, nou^ commençâmes à examiner les objets
qui nous entouraient. I^e sommet du pic de Néthou est une plate-
forme d'une trentaine de mètres de longueur sur six à huit mètres
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de largeur. Ce plateau est entièpement couvert de fragments de
granit de diverses formes et de grosseurs très variées. De tous
côtés, excepté do celui de la rampe par laquelle nous étions arri-
vés, s'ouvrent d'elTroyablcs précipices. A Touest, le glacier de
Coroné développe jusqu'au lac son éblouissant tapis. Au sud, se
creusent sous nos pieds la gorge sauvage de Malibierne et ses
profonds escarpements. Au nord et à Test, s'étend le glacier de
Néthou, presque partout de neige et ne montrant qu'en quelques
endroits son dos bleuâtre et fendillé.
» La partie supérieure de ce glacier est fort peu rapide, mais un
peu plus bas il se recourbe en forme do dôme, et son inclinaison
devient alors excessive. Cet endroit est sillonné de profondes cre-
vasses. Quelques-unes sont d'épouvantables abimes qui englouti-
raient infailliblement celui qui se hasarderait sur ces pentes dan-
gereuses. Il y a de ces crevasses qui n'ont pas moins de 8 à 10
mètres do largeur, et une immense profondeur. Au fond de quel-
ques-unes grondent des torrents furieux, alimentés par la fonte
du glacier. Les crevasses les plus considérables ont ordinaire-
njent une direction parallèle à celle de la crête de la montagne.
Les autres sont moins grandes et méritent plutôt le nom do iis-
s* res.
» Le brouillard s'était dissipé, et nous pouvions jouir sans obs-
tacle de la magnificence de l'horizon que l'on embrasse du haut
de la Maladetta. Au prenïler coup d'œil, on ne saisit qu'un im-
mense chaos, au milieu duquel s'élancent les cimes les plus éle-
vées des plus hautes montagnes de la chaîne ; mais bientôt un
examen plus attentif fait découvrir un ordre admirable jusque
dans ce désordre apparent. L'on distingue d'abord le faite de la
chaine centrale qui court de l'est à l'ouest, toute déchiquetée de
nïille pics. De cette crête se détaciient de nombreux rameaux for-
mant ces longues vallées transversales qui portent d'un côté à la
Garonne, de l'autre à l'Ebre. le tribut des eaux de ces montagnes
et de leurs glaciers. A mesure qu'elles s'éloignent du centre des
Pyrénées, les chaînes qui séparent ces vallées s'abaissent. Dzijns
un immense lointain se développent à nos yeux les plaines de la
Gascogne et de la Catalogue, où brillent, comme autant de rubans
d'argent, les eaux des rivières qui arrosent et fertilisent ces belles
provinces.
« Nous restâmes plus d'une heure à admirer ce superbe point de
vue. Il fallut ensuite songer au retour, et regagner avant la nuit
des contrées moins inhospitalières. Néanmoins, avant d'abandon-
ner définitivement le pic de Néthou, nous voulûmes constater
d'une manière irrécusable nos droits à la priorité de cette ascen-
sion. Dans un creux qu'avaient ménagé nos guides dans la pyra-
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mide qu'ils avaient élevée, nous déposâmes une bouteille bouchée
avec soin. Nous y avions renfermé une feuille do parchemin con-
tenant la date de notre expédition, nos noms et ceux de nos braves
guides.
» Nous jetâmes ensuite un dernier regard autour de nous, et
repassâmes sans encombre la rampe étroite qui nous avait amenés
au sommet du pic. Quand nous fûmes arrivés près du glacier,
nous délibérâmes sur la voie que nous suivrions pour regagner la
Rencluse où nous devions passer encore cette nuit.
» Encouragés par le succès, nos guides voulaient nous y con-
duire directement en traversant le grand glacier de la Maladetta.
Deux heures auraient sufli alors pour atteindre le bas de la mon-
tagne. Ce chemin n'offrait à nos regards aucun obstacle, aucune
difficulté, presque aucun danger. C'est la route qui, des qu'on
aperçoit la Maladetta, s'offre au premier regard comme la meil-
leure et la plus naturelle. C'est aussi en réalité la moins périlleuse,
ainsi que le démontra jusqu'à la dernière évidence notre seconde
ascension. »
Nous ne suivrons pas nos deux intrépides touristes dans leur
retour qui s'effectua sans accidents, mais non sans fatigues, ni
périls. — Nous renvoyons le lecteur à l'intéressant récit de M. de
Franqueville.
Le 23 jui7/e/ de la même année, MM. de Franqueville et Tchiat-
cheff, s'adjoignant M. Laurent, professeur de chimie à Bordeaux,
entreprirent une seconde ascension de la Maladetta pour y faire
des expériences barométriques et hygrométriques. — Cette nou-
velle ascension accomplie par le versant septentrional fut couron-
née d'un succès complet.
« l*» Le mes u rage barométrique, dit M. de Franqueville, a
donné 3370 mètres pour la hauteur absolue du pic de Néthou. Ce
chiffre diffère de celui obtenu par le colonel Corabœuf, dans sa
triangulation générale des Pyrénées, de 34 mètres environ, tandis
que celui des physiciens Reboul et Vidal s'éloigne de ce dernier
de 78 mètres. Les baromètres dont je me suis servi, quoique fort
bons, n'avaient peut-être pas toute la précision voulue pour les
observations d'hypsométrie. C'est sans doute la cause de la diffé-
rence qui se trouve entre mes résultats et ceux du colonel Cora-
bœuf.
» 2° La moyenne de la température de plusieurs sources ou tor-
renls a été de -^- l à + ^t 2.
a 3» L'hygromètre de Saussure donna au sommet du pic 67 à
68.5. Son thermomètre, 8,7.
0 4*» La moyenne de la température de l'air fut pendant quatre
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jours de la première ascension de -f- 8,5, et pendant les trois jours
de la deuxième de + ^i 3. »
Le succès des premiers vainqueurs du Ncthou ne leur suscita
tout d'abord que bien peu démnles, et jusqu en 1848. nous n'avons
à enregistrer que l'ascension de MM. T. Lézat et Augèrc. Mais à
partir de cette époque elles deviennent extrêmement fréquentes,
et nous voyons dès lors commencer une série non interrompue
d'excursions, de pèlerinages alpestres, pour ainsi dire, au vieux
pic. Des hommes presque exclusivement l'ont conquis, des fem-
mes cependant, des enfants même en ont foulé la cime.
11 y a quelques années déjà (1872-73), notre ami et collègue le
comte H. Russcll publiait dans le BulMin de la Socicté Ramorid
la liste des ascensions faites au Nélhou do 1842 à I8G8. — Derniè-
rement, nous compulsions les divers registres qui successivement
ont reçu les impressions des touristes pendant un demi-siccld, et
nous avons pensé que le moment était venu de publier en son
entier les annales de la montagne pyrénéenne. Dans ces pages
écrites le plus souvent à la hâte entre le ci^l et la terre par des
gens montés là-haut pour faire comme les autres, nous avions
espéré trouver bien des notes précieuses ; nous nous étions
trompé. Les touristes, en eiïet. sont restés les mômes, aussi prosaï-
ques, disons le mot; le temps seul a marché, et, comme Hussell,
nous ne pouvons que déplorer une « immense pénurie d'observa-
tions intéressantes et scientifiques. »
Quoi qu'il en soit les pages qui suivent ont, il me semble, leur
place marquée dans la Revue de Comminges. Puissent-elles servir,
espérons-le, à faire connaître davantage le puissant massif de
granité et de glace dont les Pyrénées ont à juste titre le droit
dôlre lières.
Maurice Gouhdon.
Mémento des Aicenslons faites au pic de Néthou
de 1842 à 1892
1842
i8 juillet. — Sommet du pic de Néthou : ascension faite en qua-
tre jours.
MM. Albert de Franquevillc (France) et Platon de Tchihatcheff
(Russie). ~ Guides : Jean Argarot, Pierre Redonnct, Bernard
Ursule (tous trois de Luchon) et Pierre Sanio (de Luz).
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23 juillet. — MM. Albert do Franqueville (France), Platon de
Tchihatche(T (Uussie) , et i.aurent , professeur de chimie à Bor-
deaux. — Guides : Jean Argarot, Pierre Redonnet, Bernard Ursule
(tous trois de Luchon) et Pierre Sanio (de luiz). — Ascension accom-
plie par le versant septentrional avec succès complet.
1844
4 aoùi, — Sommet de Ncthou : ascension faite on deux jours.
MM. Toussaint [.ézat, ingénieur; Augcre, propriétaire à Muret.
— Guides : Redonnet-Nate, Estrujo file et Ursule (de Barcugnas).
Il neigea beaucoup pendant notrq ascension. Mais arrivés au
sommet, il fit un temps magninque, ce qui fit monter la tempéra-
ture à -J- 1 1* : — Elle était à — 2<> 1/2 à notre arrivée.
1848
Vi juillet, — The Rev. A. Marschall and Miss Marschall rcached
thc top of the Néthou at 11,35 a. m. cloudy day : — Guides : Pierre
Barrau and Jean llaurillon, who dischargcd thcir office in a mamer
beyond ail praisc.
1849
iO août. — M»« Ernestine Tavernier : MM. Tavernier, H. Delau-
noy, Pierre Sapène. — Guides : Redonnet-Nate, Louis Morette,
Jean Estrujo, B. Ursule.
1850
i8 juillet. — MM. le prince Michel Lobanow de Boslow, aide de
camp de S. M. l'empereur de Russie, et Bernard de Roches, ont
atteint la cime do Néthou à dix heures. — Guides: Pierre-Bernard
Redonnet, Capdeville, Jean Estrujo, Bernard Estrujo.
26 juillet, — MM. Jules Gauzct, avocat; Amélie Alluaud (Limo-
ges), Eugène Laporte (Limoges). — Guides: Pierre Redonnet,
Capdeville, Estrujo.
1851
3 août. — Partis de la Rencluse à quatre heures et demie du
matin, arrivés au sommet du Néthou à neuf heures et demie avec
le plus beau temps qu'il soit possible devoir, nous sommes redes-
cendus en deux heures dix minutes. Le thermomètre marquait
8 degrés au-dessus de zéro. — Guides : Michot Redonnet.
Toussaint Lézat.
1852
23 juillet. — Arrivée au sommet du Néthou à neuf heures du
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nialin : MM. Tardif, officier d'artillerie, de Lassablière. d'Arnou-
ville, Blanchi, opticien k Toulouse, T. fiézat, ingénieur civil.
Baromètre au sommet de Ncthou 0,r>lO '"""
Baromètre à Luchon 0,7 10
Tliermomètre à l'air libre (ay Nélhou) -|- 12°
Guides : Redonnet, Michot, Bertrand Lafont, père, Bernard Lafont,
fils et Estrujo.
26 août. — Joseph - Charles - Gabriel , comte de la Belmaye,
est monté au sommet de Néthou par un temps magnifique. —
Guides : J Estrujo et Jean-Marie Mida (de Barèges).
21 septembre. — Les soussignés, de Toulouse, sont montés au
sommet de Nélhou : Emmanuel Pujol, Ernest Evucsque, I^ouis
Buncl, Adolphe Hegnault. — Guide : Redonnet dit Michot.
1853
4 août. — Je suis parti de Luchon à minuit et demi, avec mon
fils âgé de dix ans et demi, sous la conduite de Redonnet dit
Michot et de Gourrcge frères ; nous étions à cheval.
Partis de THospice à quatre heures, arrivés à la Rencluse à sept
heures et demie.
Après avoir déjeûné, nous avons commencé lascension à huit
heures moins un quart. Après quatre heures de marche, la fatigue
et le saisissement causé par les grandes crevasses sur lesquelles
nous étions me firent prendre le parti de laisser mon fils en
chemin et de le faire rétrograder avec un des guides. — Une heure
après j'atteignis le sommet du Néthou avec Michot et Courrègc.
A 4 h. 1/2 nous étions redescendus à la Rencluse; à cinq heures
nous étions à cheval et à neuf heure 1/1 nous rentrions à Luchon.
Baron Charles I^ezurier
7 août. — MM. d'Armaillé, de Bernard, le comte de Serges,
vicomte A. d'Orglandes. — Guide : Michot.
0 aoûf. — Sommet de Néthou. — M. Théophile Bascher (Nantes.)
— Très content du guide Michot.
15 août. — Comte Maurice de Ganay, vicomte Etienne de Ganay,
vicomte Arnaud de Lau, Jules do laBigourdic, François Bryan. —
Guides ?
1834
9 juillet. — Albert de Galloy, Fleury do Marain. — Guides r
2 août, — Cyprien Delvau (Angers), E. de Schoney, Paul
Blacque. — Guides ?
24 septembre. — Charles Baour (Bordeaux), A. Bert. — Guide :
Redonnet-Michot.
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179
1855
Août, — Jean Manuel de IlaiTcta et François Manuel de Har-
reta. — Guide : Michot.
20 août. — Léon Bailly, J.-L. Dupct (Bordeaux), aspirant de
Isolasse sur le vaisseau le Napoléon. — Guide : Redonnet-Michot.
Nous ne faisons que rendre justicQ à toutes les qualités de ce
guide, en disant qu'il nous rappelle tes bons guides des Alpes.
185t)
18 juillel, ~ De Becdelicvre (Nantes).
31 juillet. — Richard (Angers); Uiric d'Abzac, Léon Legnay ,
Albert Vingt lin (tous trois de Paris). — Guides : Michot, Pierre
Barrau, Jacques Sors Argarot, Joseph Estoup.
ii aoàl. — Henri NicoUe (Paris), D''Gonstans (Montauban), Jules
Fournier (Meaux), .\uguste Roche (Meaux). — Sont partis de la
Rencluse à 4 h. 1/2, arrivés au sommet du Néthou à 8 h. 1/2 sous
la conduite dos trois Guides : Michot, Pierre et Jean Barrau.
25 aoixt. — Georges Montagut (Périgueux). — Guides : Fauré aîné,
Viscos fils (Barèges).
25 août. — Henri Ferras, de Lassus, Ferras de Lapeyrière, élève
à l'École de Saint-Cyr. — Guides : Michot, Bernard et J.-M. Lafont.
1857
6 juillet, — L. de Becdelièvre, A. de Becdelièvre. — Guides :
Pierre Redonnct, Jean Estrujo fils.
fi juillet. — Charles de Givenchy, Henry de Givenchy, Gaston
de Saint-Just, Alfred Hartmann. — Guides : Michot, P. Barrau,
Bourdette, Ursule (Barcugnas), Pierre Samson.
25 juillet. — Georges et Joseph lAisaerre , Théodore Achard ,
Frédéric Chcmineau. — Guides : Pierre, Jean, Louis et Charles
Redonnet, — Sommet du Néthou. 7 h. 15 m.
31 juillet. — Robert Nourrit, Félix Féréol. — Guides : Barrau et
J. Sors Argarot. — Sommet du Néthou, 10 h. du matin.
11 août. — Baron de Gaullier des Bordes, le Vicomte Vicant,
Charles de Larouzié. — Guide : P. Verdale.
12 août. — Sazerac de Forge, H. Geynetz, Maurice de Ferricre,
Anatole Douran, A. de Lestang de Fins, H. de Lestang de Fins. —
Guides : Redonnct-Natte, F. Argarot.
13 août. — Capitaine Sandford (Ecosse), L.-H. Ducoudray, Albert
Ducoudray-Bourgault (Nantes), J. Duboys de Vaour (Tarn), Adhé-
mar Sazerac de Forge (Angoulème). — Guides : P. Redonnet,
J. Tournan, J.-J. Lafont, J.-M. Lafont, Bernard Lafont, guide
botaniste.
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180
28 août,— Etienne Uougeat de Lombernon (Gôte-d'Or). —-Guide :
Benoît.
1858
f4 juillet, — Alfred Manie, Paul Marne, Alfred Tonnelle, Meauzè
(Tours). — Guides : Redonnot-Natte, J. Ribis, Pierre Ribis, Guil-
laume Bajun, F. GapdeviWe.
6 août. — Auguste Bofiscayré, Félix Prat. — Guide : Jacques
Sors Argarot.
pr septembre. — M"*^ Alice Prévost, M'"* Sazerac de Forges,
T. Lézat (ingénieur), D"^ Làmbron, Prévost (Paris), Louis de Neu-
ville, Devrières, Lcymerie, professeur de géologie à Toulouse,
Sazerac do Forges. — Guides : Michot, Natte, Ursule, Barrau,
J. Hedonnet.
I^e baromètre marquait au sommet du Néthou . . 0,510
l^e baromètre noarquait à Ludion 0,710
Nous étions 34 personnes à la Rencluse et 29 pour monter au
sommet du Néthou. Tout le monde y est arrive. Mais il m'a été
impossible de me souvenir de tous les noms. Si jamais quelqu'un
d'eux y revient, qu'il tache de les inscrire ci-desdus.
Noua avons, de concert avec le D' E. Lambron, laissé un thermo-
mètre à minima au sommet de Néthou, afin que tous ceux qui font
l'ascension nous rapportent le degré de température qu'il y aura
eu au sommet du pic Néthou d'un hiver à Tautre et d'une ascx^n-
sion à Tautre.
12 septembre, — Arrivés à onze heures moins le quart. — Thcrm. :
0,05, curseur : If, 50. — Séjour au pîc : une heure.
I^me Wetzel (Jenny) née Matlier (Bordeaux), Pierre-Auguste
Wetzel, J.-D.-H. Wetael , Louis Brunel (3« fois), Ad. Mather
(Toulouse), Payauter (Angleterre), J. Victor Gavay, avocat à Tou-
louse. — Guides : Michot, P. Barrau, B. Cier, Bertrand Gourrège,
F. Gouret.
Gomte du Temple, F. de Fumel, H. de Redon, J. Lavcis-
sière et un nom illisible.
Nota, — Barrau était porteur du livre registre : avant c'était une
bouteille qui contenait les noms des voyageurs. -(A suivre.)
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LES TROPHÉES" COMMINGEOIS
DE M. J.'-M. DE HÉRÊDIA
La prédilection du nouvel académicien, de Timpec-
cable poète, M. de Hérédia, pour les sujets antiques,
nous fournit l'occasion de parler de lui dans notre
Revue; car notre épigraphie locale lui a inspiré de
belles strophes qui sont autant d'évocations de notre
passé gallo-romain ^
Lorsque notre regretté Julien Sacaze recueillait avec
tant de sagacité et de savoir les inscriptions de nos
Pyrénées, il ne se doutait pas que quelques-unes de
ses découvertes archéologiques seraient traduites en
vers harmonieux par un de nos bardes contemporains,
avec un si vif sentiment de l'archaïsme « qui donne
la vie aux membres inertes des faux dieux » .
Mais avant de lire les cinq sonnets que M . de
Hérédia a consacrés aux déités de nos anciens Convè-
nes, pourquoi ne nous permettrait-on pas de faire
partager ici notre admiration pour le poète et pour-
rions-nous mieux faire, dans ce but, que de laisser
la parole k deux éminents écrivains, dont l'un est
un pénétrant analyste, l'autre un critique littéraire
supérieur: MM. MelchiordeVogîié^ et Jules Lemaître?
Pourquoi nous reprocherait-on, à défaut d'autorité
personnelle, d'emjpçyjiter à ces deux auteurs des frag-
ments de leurs belles pages qui seront pour nos
lecteurs un vrai régal.
1. Od y relroove le dieu Gar> le dieu Hôlre de Tibiran, Ilixon de Luchon. Le lieu d'Ar-
diége, les Nymphes luohonnaises, le Néthou y sont nommés.
2. Très procbainemonl aura lieu sa réception publique à l'Académie Trançaise. Par un
heureux coolraste, le barde, grandiloquent des c Trophées > el des « Conquistadors >, sera
reçu par M. François Coppée, le poêle aimé des • Intimités > et des c Humbles >.
Retvi db CoMMUfCBS, 2* trimestre 1894. Tomb IX. — 13.
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4M
Voici sur le nouvel élu de l'Académie française les
appréciations de M. de Voglié' :
«... Vous aurez été la voix d'art d*une élite grave, curieuse et
attentive à tous les aspects de Tunivers, soucieuse de tout com-
prendre et de tout rendre dans ce monde, vibrante aux émotions
intellectuelles plus qu'aux émotions sentimentales... I/Amour
surtout, ce premier maitre des poètes, est presque absent de votre
œuvre. Vous n'adorez que TÉros funèbre des tombeaux, . . Votre
volume se déroule entre doux portiques, beaux marbres brisés
qui lui donnent sa signtQcation.il s'ouvre par l'Oubli :
Le Temple est en ruine au haut du promouloire.
Et la mort a môle, dans ce Tauve terrain,
Les Déesses de marbre ot les Héros d*airain
Dont rtierbe solitaire ensevelit la gloire.
La Terre, maternelle et douce aux anciens dieux.
Fait à chaque printemps, vainement éloquente.
Au chapiteau brisé verdir une autre acanthe.
Mais riiorame, IndifTérent au rôve des aïeux.
Ecoute sans frémir, du Tond des nuits sereines,
La mer qui se lamente en pleurant les Sirènes.
» Il se clôt sur la Stalun renversée :
La mousse fut pieuse en fermant ses yeux mornes.
El. prestige mobile, un murmure du vent,
Les feuilles, Tombre errante et le soleil qui bouge.
De ce marbre on ruine ont fait un dieu vivant !
» C'est bien là, n'est-ce pas. le poète suggestif des civilisations
disparues, l'artiste qui réchauffe la froide archéologie et donne la
vie aux membres inertes des faux dieux.
» Ses vers expriment bien les sentiments de ceux qui se vouent
à letude du passé et comprennent la poésie de ses reliques.
Gomme eux, sa muse se comptait dans les débris épars des
ancien mondes, dans les ruines comprises et contemplées avec
d'illusoires tentatives pour les faire revivre, par un prestige d'art,
d'une vie simulée à laquelle nous ne croyons plus.
« Il manquera à votre gloire — dit encore à son nouveau collè-
gue le pénétrant observateur «des spectacles contemporains » — ce
je ne sais quoi de délicieux, réservé aux pelotes qui savent mentir
aux jeunes cœurs. Votre clientèle, c'est la'mattmxé pensive, ceux
qui songent à I^ucrcce et retrouvent en vous sa grandeur ramas-
sée en traits plus vifs, ornée de l'élégance virgilienne. Oui, vous
êtes bien le poète qu'il nous fallait, le noble ensevelisseur qui
enchaîne les reliques d'un monde finissant; habile comme on ne
1. Chronique littéraire du Journal dfs Débats (mai 1893.)
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483
le fut jamais, à fixer en peu de mots une sensation aiguë et brève ;
épitaphier magnifique, excellent surtout dans Tépigramme votive
et l'inscription funéraire ; si bien que l'on voudrait vous enfermer
dans la nécropole de tous ceux qui furent grands, beaux, illustres,
pour y graver sur leurs dalles ces incomparables nénies ' dont
vous avez le secret : YEsclave^ le Laboureur, VExilée, la Source, le
Vœu, etc.
» Votre livre est un microcosme, petites épopées de tous les
âges et de tous les pays .... Votre objectif infaillible fixe les diver-
ses images du monde, avec leurs plus intimes particularités de
couleur, de relief et d'accent. Mais votre domaine d'élection, c'est
surtout les deux antiquités : vos sonnets grecs respirent toute la
grâce hellénique ; vos sonnets latins concentrent toute la force de
Rome.... »
Les cinq sonnets qu'on lira plus loin vont attester
l'exactitude de toutes ces choses si bien pensées, expri-
mées avec un si remarquable talent.
Maintenant voici quelques-unes des appréciations
de M. Jules Lemaître, dans ses « Contemporains », sur
l'auteur des « Trophées » :
« .... Une première originalité de M. José-Maria de Hérédia, ce
fut d*étre à la fois presque inédit et presque célèbre. Ses poésies
disséminées dans divers recueils n'ont été réunies en volume et
publiées que Tannée dernière sous le titre de « Trophées ». Le sen-
timent que M. J.-M. de Hérédia exprime de préférence, c'est je ne
sais quelle joie héroïque de vivre par l'imagination à travers la
nature et Thistoire magnifiées et glorifiées. Il joint à l'ivresse des
sons et des couleurs le goût d'une forme dont la brièveté, l'exac-
titude et la plénitude rappellent en quelque façon nos écrivains
classiques.
t II a rêvé d'enfermer un monde d'images dans un petit nombre
de vers absolument parfaits et de faire tenir les songes d'un DiQu
dans de petites coupes bien ciselées : aussi a-t-il choisi la forme
du sonnet. Tel de ses sonnets renferme toute la beauté d'un
niythe, to^t Tesp^f d'une époque, tout le pittoresque d'une civili-
sation. Quelques-]â'ns de 6es admirables sonnets font songer à ces
statues d'airain qu'on voit pleurer dans Virgile. Car s'ils célèbrent
de belles choses, ces belles choses sont passées, et de là une mélan-
colie. M. de Hérédia a senti plus d'une fois la tristesse des splcn-
1. ClMnls faoébres en usagt chez les Romains et qu'on exécutait dans l'atrium de la
maison do défunt.
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484
deurs éteintes et la désolation des ruines. Ces tableaux où se plaît
son rêve enchanté, il les évoque souvent parce qu*ils sont beauY,
mais aussi quelquefois parce qu'il ne sont plus. Rappelez-vous le
charmant sonnet Sur un marbre brisé^ où la bonne Nature enve-
loppe de feuilles et de Heurs la vieille statue éclopée.
» liisez surtout les « sonnets épigraphiques », le dieu Jlêtre,
Nympliis angustis sacrum, le Vœu. Gomme ce sonnet de \ Exilée
est touchant encore qu^il soit splendido ! Pourquoi ? Phtcc qu'il
nous parle de l'exil d'une femme et surtout parce qu'il a été com-
posé sur une ruine mutilée où se déchiffre une moitié d'inscrip-
tion, et qu'il nous parle aussi de cet autre exil d'où rien ni per-
sonne n'est jamais revenu et qui s'appelle le passé.... »
LE VŒU
ILIXONi DBO ' I8CITT0 DKO"
FAB. FBSTA HVNNV
V. S. L. M. VL0B0ZI8
FIL.
V.8.L.M.
Jadis l'Ibère noir, et le Gall au poil fauve,
Et le Garumne brun peint d'ocre et de carmin,
Sur le marbre votif entaillé par leur main.
Ont dit l'eau bienfaisante et sa vertu qui sauve.
Puis les Imperators, sous le Vénasque chauve.
Bâtirent la piscine et le iherme romain.
Et Fabia Festa, par ce même chemin,
A cueilli pour les diexux la verveine ou la mauve.
Aujourd'hui, comme aux jours d'Iscitt et d'Ilixon,
Les sources m'ont chanté leur divine chanson ;
Le soufre fume encor à iair pur des moraines.
C'est pourquoi dans ces vers, accomplissant les vœux,
Tel qu'autrefois Ilunnu, fils d'Ulohox, je veux
Dressor l'autel barbare aux Nymphes souterraines.
\') € Au (lieu Ilixon, Fahia Fcsla : jiisic sccom|ilisscnicia cl*uii vœu spAntanc. • — O-l
autel votir fnllrouvc ilaus les liiermcs de Lnchou, tors des Toailteft fniles, en I76i. par
Uicbard de Unulesierk sous les yeux de M"'* de llrioune ^ de Ligne. Euiporlë par Tabbë
Seguin, chnnoiuu de Clinrtres, i|ui av»it suivi le prince de -l^àQilii^k^aiix Pyrénées, il passa
bientôt dans le cabinet de Tabbê de Tersan, arciiidiacre de f .^««i^Miri» ; puis, à la vente de
la collection de cet antiquaire, il devint successivement la propriété de M. Provost de
Kresles el de son gendre M. Lrdicte-Uuflbs, président dn tribunal civil de Clennont, qni
eu fit don. en ISriS. au Musée de Beauvais : c*est là que Julien Sacazc prit uo dessin et
quelques esliropages de ce monumenl. (J. S. ^ Epigraphie de LuchoH.J
(") « Au dieu Isciit. Hunnu, (ils de Oluhoxis. > Ce cippe. acluellemonl au Musée de Tou-
louse, a été trouvé à (jarin (vallée de Lnrbousi). On doit remarquer ta physionomie bar-
bare de tous ces noms, ceux du dieu, du consécrateur et dé son père.
Le nom d'Iscitt appartient à la langue ibéro-euskarienne, de même qae les noms de
Gar et de Kagire, montagnes divinisées.
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185
II
LA SOURCE
NYMrUIS. AU6. SACRUM *
L'autel gît sous la source et l'herbe enseveli ;
Et la source sans nom, qui g»uite à goutte tombc^
D'un son plaintif emplit la solitaire combe :
C'est la Nymphe qui pleure un éternel oubli.
L'inutile miroir que ne ride aucun pli
A peine est effleuré par un vol de colombe.
Et la lune, parfois, qui du ciel noir surplombe.
Seule y reflète encore un visage pâli.
De loin en loin, un pâtre errant s'y désaltère.
Il boit, et sur la dalle antique du chemin
Verse un peu d'eau resté dans le creux de sa main.
Il a fait, malg'félui:^ le geste héréditaire.
Et ses yeux n'ont pas vu sur le cippe romain
Le vase libatoire auprès de la patèrc.
III
LE DIEU HÊTRE
Le Garumne a bâti sa rustique maison
Sovji un grand hêtre, au tronc musculeux comme un torse,
DQnt la sève d'un dieu gonfle la blanche écorce.
La forêt maternelle est tout son horizon,
O Celle inscription : Nymuhis awjUislis] sacrum « Consacré anx Nymphes augustes > sur
le bel anlcl (JéJic aux Nvnipnes par'iiii inconnu, sk irouvc aujouriThut dans la salle de«
Pjts-Perdus de rétahli^semenl lliermal do Luchon. Les côtés latéraux portetit, à droite, un
prérericiile ou vase libatoire haut de 0*^0, et à gauche, une patére de 0.t!2r> de diatncire.
Dêcouireri en \1&2, lors des Touilles Taites par d*Eligi)y en présence du maréchal duc de
Bfcbelieii, cel autel se trouvait,- dit M. I^mbrou, dans les décombres d'une aucienne cha*
pelle an-dessos des thermes, prés du bassin naturel d*une source suiot^inl au milieu de la
mou«^se et du lierre.
(") l/aiilel \olif sur lequel se trouve cette inscriplion : • Au diiu Hélre t a oie trouvé,
avec plusieurs autres, au point de jonction des territoires de Tibiran, Saint- Bertrand et
Géoerfs»t. dans un col, hou dit ijoartier d'Agos. au-dessus d*un petit val dans lequrl s>e
ironvail fancieiiiie habitation de la Tamille d'Agos. Les forêts de hêtre sont nombreuses
dans foui lu vuisinagi* ; on ninconire encore des essences Je cet arbre dans le quartier
dMgos. Fagus ou Fagos paraît donc être le liêlr.e divinisé, soit une divinité locale avec un
nom latin. I«es cippes consacrés à cette divinité ont été rccu5illis par noire savant et
regretté collègue de la Société des études, M. k* barou d*Agos, dont la collection intéres-
sante restera, noos Tespérons, dans le pays.
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Car Vhommc libre y trouve au gré de la saison
Les faines, le bois, Vombre, et les bêtes qu'il force
Avec Varc ou Vépieu, le filet ou Vamorce,
Pour en manger la chair et vêtir la toison.
Longtemps il a vécu riche, heureux et sans maître,
Et le soir, lorsqu'il rentre au logis, le vieux hêtre
De ses bras familiers semble lui faire accueil ;
Et, quand la mort viendra courber sa tête franche.
Les petits-fils auront, pour tailler son cercueil,
L'incorruptible cœur de la maîtresse branche.
IV
AUX MONTAGNES DIVINES
DIS MONTIBUS*
OEMINUS. 8ERVU9
ET. PRO SUIS COTISBHVIS
Glaciers bleus, pics de marbre et d'ardoise, granits.
Moraines dont le vent, du Net hou jusqu'à, Bégle,
Arrache, brûle et tord le froment et le seigle;
Cols abrupts, lacs, forêts pleines d'ombre et de nids !
Antres sourds, noirs vallons, que lec anciens bannis,
Plutôt que de ployer sous la scrvile règle,
Hantèrent avec l'ours, le loup, Vizardet l'aigle;
Précipices, torrents, gouffres, soyez bénis !
Ayaiit fui l'ergastule cl le dur municipe,
L'esclave Geminus a dédié ce cippe
AiLX monts, gardiens sacrés de l'âpre liberté :
Et sur ces sommets clairs ou le silencp vibre,
Dans Vair inviolable, immense et pur, jeté,
Je crois entendre encor le cri d'un homme libre !
(*) IMiisivurs iiiscriptinns onl èlc trouvées dnns le Comminges, 5 Sainl-Pé-d\\rtlelii4)l.iiii-
ment, qui prouvent que les anciens habitants des Pyrénées divinisaient leurs nioiita{:ncs.
Elles désignent toules des divinités locales et ont un nom romain comme coosécrateur. Le
cippe 9ur lequel se trouve l'inscriplion ci-dessus provient du villaf^e de Gaud et est dépose
au Musée de Toulouse, (^.omroe celui qui a inspiré le sonnet de VEj;Uêi\ il eft aussi con-
sacré & la montagne de Car — Garri » par Tcsclave Geminus, pour lui et pour ses coin
pagnoDS d'esclavage, et pro suis conservis.
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V
L'EXILÉE
MONTIBUS*
6ARRI DBO
8AUINVLA
V.8.L.M.
Dans ce vallon sauvage oii César t'exila,
Su^ la roche moussue, au chemin d'Ardiègc,
Penchant ton front qu'argenté une précoce neige^
Chaque soir, à pas lents, tu viens Vaccouder là.
Tu revois ta jeunesse et ta chère villa,
Et le Flamine rouge avec son blanc cortège ;
Et lorsque le regret du sol latin t'assiège,
Tu regardes le ciel, triste Sabinula.
Vers le Gar éclatant aux sept pointes calcaires,
Les a.igles attardés qui regagnent leurs aires
Emportent en leur vol tes rêves familiers ;
Et seule, sans désirs, n'espérant rien de l'homme,
Tu dresses des autels aux monts hospitaliers
Dont les dieux plus prochains te consolent de Rome.
C'est vraiment une bonne fortune pour nous, Pyré-
néens et Commingeois, curieux autant que fiers du
passé de notre pays, de trouver dans Tœuvre du maî-
tre ciseleur ces cinq sonnets — cinq joyaux — ayant
trait à Tépigraphie dans le domaine de notre Société
des Etudes ; ils sont une véritable évocation de cette
antiquité qui passionne les érudits. Un tribut d'admi-
ration était bien dû ici môme au poète qui a fait par-
ticiper à la gloire de ses a Tropbées » nos monts
sacrés, nos cippes et nos autels antiques !
{') Le culte des montagnes parait avoir ctn 1res en honneur dans le haut (.'ommiugc^.
IMasieurs autels sont consacr<^s au dieu Gar — pic du Gar. — Le mont Averon à Melles,
et. peut-être, le pic Cagire étaient également divinisés.
Là collection de M. d*Agos contient deux aulels, Viin provenant d'Ardiêge et consacré
• aux Montagnes • par une romaine du nom de Sabinula — exilée sans doute ou estlave ; —
Taolre trouvé sur le pic du Gar, non loin du village d*Ore, dans la chapelle de Notre-Dame
des pQls (des hauteurs) et dédié par Antinous « h Diane et & Horotat et au dieu Car,
Carre deo, •
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488
Nous ne pouvions pas oublier, en effet, que c'est
pendant un séjour à Luchon que M. de Hérédia, ému
par la splendeur de nos sites, par le pittoresque et la
sérénité de nos montagnes, a célébré, en vers qu'on
voudrait voir gravés aussi sur le marbre, nos divinités
dont, avec Julien Sacaze, Tarohéologie a reconstitué
rOlympe.
Comme on Ta vu, les sujets de nos sonnets épigra-
phiques sont empruntés au recueil des Insa^iptiotis
anlvfues des Pyrénées de Julien Sacaze, dont la partie
relative au Comminges a paru dans les premiers volu-
mes de cette Revue.
En terminant sous la vision intense et mélancolique
qu'a fait passer devant nos yeux le poète-gentilhomme
qu'est M. de Hérédia, nous nous permettrons de lui
dire avec Jules Lemaître : « Continuez de feuilleter le
» soir avant de vous endormir, des catalogues d'épées,
» d'armures et de meubles anciens, mais accoudez-
» vous plus souvent sur la roche moussue où rêve
» Sabinula », dans nos belles vallées, sous nos grands
pics de neige.
Georges Couget.
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DÉCOUVERTE
D'OSSEMENTS D'HYÈNES RAYÉES
DANS LA Grotte de Montsaunés
« Il y a deux ans, je découvris dans un étroit couloir,
à Montsaunés (Haute-Garonne), une mandibule de Singe
que j'attribuai à un Magot voisin de celui de Gibraltar
CSoc. d'Hist. mit. de Toidousey il février 1892). M. Albret
Gaudry me fit l'honneur de présenter cet échantillon à
TAcadémie (30 mai 1892). Depuis S j*ai continué les fouilles
avec beaucoup de peine, sans me laisser rebuter par la
fragilité des ossements, ni par l'obligation de sculpter au
burin, hors de leur gangue, la plupart d'entre eux. J'ai
obtenu ainsi un grand nombre de dents et quelques os
qui, avec mes premières trouvailles, m'ont permis de
reconnaître la faune suivante :
» Magot voisin de celui de Gibraltar (un ou deux indi-
vidus).
» OurSy généralement de grande taille, mais qui nest pas
identique à lUrsv^ spelœus type (plusieurs individus).
» Blaireau (un individu).
» Canie moins grand que le Loup quaternaire (trois indi-
vidus).
» Hyènes de grande taille^ du type de VHyène rayée
neuf dents et un nombre immense de coprolithes).
» Chat un peu plus grand que le Chat domestique (un
individu).
» Lapin (un individu).
» Castor (un ou deux individus).
» Eléphant (une molaire de lait qui parait différer de
celles de VElephas primigenius).
» Rhinocéros Merckii ou très voisin (vingt-sept dents
appartenant à plusieurs individus).
1. Notre ilisiiugDé correspondant a. en eflct, continué les recherches dont il avait bien
voalu Dous communiquer les premiers et très heureux résultats dans le t. vu de notre
ReTue, année IB92, pages 335 et s.
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» Cheval (un individu).
» Sanglier à très fortes défenses (plusieurs individus).
» Cerf qui parait être lélaphe (plusieurs individjus).
» Autre Cerf'i (Quelques dents).
» Cerf de la taule du Chevreuil (un individu).
» Bovidé ? (quelques restes}.
» Ruminant moins grand, Ôvis ou Capra (une molaire).
» Les conditions du gisement excluent tout idée de
remaniement. En effet, les restes que j'ai recueillis se
trouvaient entassés sur une dizaine de mètres de lon-
gueur, dans une couche d'argile mêlée de coprolithes,
consolidée en grande partie par des incrustations et
recouverte de stalagmite.
» Le principal intérêt de mes nouvelles fouilles est
d'avoir montré que les restes d'Hyènes de Montsaunés
(que je n'avais pu déterminer spécifiquement lors de mes
premières fouilles) n'appartiennent pas à VHysena spelœa,
si commune dans notre région, mais bien au type de
l'Hyène rayée. Je pourrais citer, pour le Midi de la France,
plus de cinquante grottes ayant donné de VHysena spelœa.
Je n'aurais pu, jusqu'ici, en citer qu'une seule ayant
donné des Hyènes du type de l'Hyène rayée: c'est la grotte
de Luriel-Viel (Hérault), explorée, au commencement du
siècle, par Marcel de Serres. La faune de la grotte de
Lunel-Vîel présente d'ailleurs de très grandes ressem
blances avec celle de ma grotte de Montsaunés. Ces deux
faunes montrent que le climat du Midi de la France était
alors un peu plus chaud que maintenant-
» Les deux gisements de Lunel-Viel et de Montsaunés
me semblent appartenir au début du quaternaire.
» Les nombreux restes d'Ours, de Sanglier, de Cerf et
d'un Rhinocéros du type Merckii que j'ai recueillis à
Montsaunés doivent faire supposer qu'il y avait alors,
aux environs de celte grotte, de grandes surfaces couver-
tes d'arbres ou de broussailles, car, dans la nature
actuelle, les animaux similaires préfèrent les bois aux
espaces découverts. » Edouard Harlé.
9 avril 1894.
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EXCURSION
A SAINT-LIZIER ET A SAINT-GIRONS
La Société des études a choisi, pour but de sa prochaine excur-
sion du 21 juillet 189^, Saint-Lizier et Saint-Girons.
La petite ville de Saint-Lizier, chef-lieu de canton de TAriège,
à deux kilomètres à peine de Saint-Girons, est Tancienne capitale
de la Civitas Consoraiiorum, le pays de Gouserans, qui forma,
dopuis les premiers temps du Christianisme dans les Gaules jus-
qu*à la Révolution, un diocèse dont cette même ville fut le siège
épiscopal.
Sous Auguste, on en fit un municipe, lors du triple sectionne-
ment de notre propre cité des Gonvènes.
Durant une période du moyen âge, le Couserans fit partie du
Gomminges. En 1789, il était encore compris dans le ressort de
TElection de ce même comté, juridiction financière établie à Muret.
Les vicomtes eurent leur célébrité au moyen âge.
Jjcur blason était d'or à Torle de gueules.
Saint-Lizier prit son nom d'un de ses évéques du viii« siècle, qui
la défendit héroïquement contre les Sarrazins ^ Licerius, et non
Glycerius, comme on Ta dit par erreur. Celui-ci, deuxième évêque,
vivait en 507. La ville est fièrement campée, en face de St-Girons,
sur un point culminant de la vallée du Salât ; elle est couronnée
au midi par les lignes imposantes de Tancienne résidence des
évéques, transformée depuis en Asile départemental d'aliénés.
Bâtie en amphithéâtre, elle s'étage sur le versant méridional de la
colline dont le Sijtlat baigne le pied au milieu des roches. Son
aspect est vraiment très pittoresque.
11 y a encore dans la ville de nombreux vestiges de loccupation
romaine. On y a relevé plusieurs inscriptions. Des fragments
d'architecture antique se voient dans certains édifices, à l'abside
de l'église paroissiale et ailleurs.
Particularité assez rare, jusqu a l episcopat de Bernard de Mar-
miessc (1655), il y eut à Saint-Lizier deux cathédrales et deux cha-
pitres, [/une était la chapelle acluelie de lAsile qui présente encore
de rintéict: près de la tour de 1 escalier, on y remarque des
débris de frise ou de pilastre à rinceaux du meilleur style.
I. Les auteurs ne s'accordent pas sur ce point.
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49i
Quant à Téglise de la ville basse, la paroisse actuelle — et seule
cathédralo en dernier lieu, — sous le vocable de Saint-Lizier,
elle est vraiment curieuse pour Tarchéologuc, avec ses trois absi-
des romanes dont celle du milieu attire le plus l'attention « parla
correction de ses lignes ^ » Les deux autres ont été bâties à la place
et avec les matériaux d'une porte fortiûce, dont on n'a abattu que
la partie supérieure pour utiliser le reste aux absidioles : Cette
autre particularité a été relevée, pour la première fois, par M. â. de
Dion.
La nef ogivale du xiv« siècle, à transept, dévie sensiblement de
Taxe du chœur ; elle est voûtée sur larges nervures croisées,
tandis que les voûtes des deux bras du transept sont en berceau.
Les chapiteaux et autres détails intérieurs méritent d être étu-
diés.
\jQ clocher est une tour octogonale en briques terminée par des
crénaux. C'est un type intéressant de ces sortes de clochers, fré-
quents en Languedoc, avec des ouvertures à sommet triangulaire.
Les stalles du chœur ne datent que du xvii® siècle et ont rem-
placé celles qui furent dues aux libéralités de 1 évêque Auger 11 de
Monlfaucon, dont le tombeau est dans le cloître. Le guide Joanne
rappelle, à tort, Auger de Chàtillon.
Il reste quelques vitraux du xv« siècle aux fenêtres de la nef.
Le trésor, autrefois très riche, ne contient plus que quelques
objets, parmi lesquels la mitre qui serait celle de saint Lizier,
d'après là tradition, de même qu'un bâton pastoral en bois dur
dont la volute d'ivoire brisée a été rajustée au moyen de lames
d'argent. On y lit cette exebgue tout évangélique : honor onus,
l'honneur un fardeau. Au-dessus, sur un anneau cylindrique,
on lit encore : cum ira! us fueris misericordia recordaberis.
Au presbytère est conservée une œuvre admirable do la Renais-
sance : le buste du saint évoque fjizicr, tout en vermeil et de
grandeur naturelle.
Attenant à léglisc, le cloître est à visiter. Du xir^ siècle en bas,
on lui a superposé des galeries du xv<^ au xvi** qui rappellent, à
cause de cette superposition, certains cloîtres espagnols.
Une visite est duc aussi aux restes de Tenccinte romaine, fort
remarquable avec ses nombreuses tours, et au donjon où le
moyen âge vient encore se superposer aux constructions des
Romains.
Le pont sur le Salât est du moyen âge. Son tablier, à deux plans
1. RelaVioD du Congrès archéologique de iS87.
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493
inclinés et muni do refuges angulaires, vient d'être défiguré par
une restauration que les nécessités de la circulation ont pu seules
inspirer.
Dans l'appareil de sa maçonnerie sa voient un blason du moyen
âge et une inscription romaine reproduite par J. Sacaze et M. de
Laurière :
MINERVAE
BEIjISAMAE h Minerve Belisama,
SACiRVM Quinius Valerius Montanus
Q, VALERIVS ex voto.
MONTANVS
///V.//
Près du pont est un moulin qui était fortifié. La tour qui sub-
siste est du xii« siècle.
La ville de Saint-Girons, très-beureusement située au triple
confluent du Salai, du Baup et du Lez, est Fancien oppidum sancti
Gerontii, du nom d'un des premiers apôtres de la contrée. On peut
dire de ce cbef-lieu d'arrondissement, avec M. de Laurière, que
la beauté de son site est pour le touriste une compensation à la
rareté de ses monuments.
Deux cboses surtout sont à voir :
Le portail roman et le mur crénelé dé Téglise Saint-Vallier lui
servant de clocber; puis la flècbe du clocber de la principale
paroisse, s'élevant sur une tour formant porcbe extérieur, sous
lequel passe une rue.
Cette partie de l édifice date du xiv^' sié^cle. L'église ogivale a été
reconstruite en 1857.
L'ancien cbàteau, transformé en tribunal et en prison, n'a rien
de remarquable au point de vue arcbitccturaL II était fort délabré
quand le vit, en 1667, M. de Froideur, le réformateur général des
Forêts sous Louis XIY. « Les fenêtres mêmes étaient sans vitres.
Gela me parut, dit-il, d'autant plus étrange que la dame du lieu fait
fort la grande dame et se fait porter la queue jusque dans sa mai-
son. »
Du temps de ce même M. de Froideur, il y avait deux couvents,
« l'un des Dominicains, l'autre des Capucins, tous lieux fort cbé-
tifs. »
Quant aux constructions de la ville en ce temps-là, « les deux
pignons et le premier étage étaient en pierre et le reste en bois. »
Certes la ville a fait bien des progrès depuis et c'est un agréable
séjour. A. CouGET.
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SAINT-LIZIER
ANCIENNE CAPITALE DES " CONSONANI ''
Au dernier moment, nous recevons de M. Anlhyme Saint-Paul la notice suivante qui
sera pour la livraison actuelle un complément précieux. a. c.
Saint-Lizier est la ville sœur de notre Saint-Bertrand : sœur
aînée ou sœur cadette, on n*oserait trop en décider; peut-être les
deux sœurs sont-elles simplement jumelles, comme le feraient
pressentir et la communauté du nom de Lugdunum et Tanalogie
des surnoms de Convenarum et Consoranorum qui semble assigner
leurs origines à des événements de même nature et contemporains
les uns des autres. Quoi qu'il en. soit de leurs commencements,
rhistoire a de bonne heure diversifié leurs destinées, de même
que l'archéologie leur reconnaît des genres de valeur fort diffé-
rents.
I«a cité de Lugdunum Coruoranorum n'eut pas. sous les Romains
et leurs premiers successeurs en Gaule, Timportance politique ou
stratégique de son illustre voisine, importance qui devait être
bientôt si funeste à celle-ci. Voilà pourquoi Saint-Lizier, moins en
butte aux violences des divers peuples ou des divers partis, a
mieux conservé jusqu'à nos jours l'animation d'une petite ville,
tout en laissant Mil» Î8irèi^pB(rmi ses maisons plusieurs fois renou-
velées des ' fragments antiques plus considérables. La cité de
Couserans fut, il est vrai, suivant une tradition très respectable,
étroitement pressée par les Visigoths d'Espagne vers 650; mais,
heureusement pour elle, son saint patron Lizier était alors depuis
longtemps en possession de sa couronne céleste, et son interces-
sion sauva la ville réduite aux abois ^ Moins fortunée, la cité de
Gomminges, dont le glorieux protecteur n'avait pas encore passé
par cette terre, avait complètement péri quelques lustres aupara-
1. Ett-il bien certain que l'invasion des Visigoths d'Espagne^ ou plutôt des Sarrazins,
n*ettt pas lieu du vivant de saint Lizier?
La question serait tranchée sans doute en vérifiant ce point historique dans la Vie àe
saint Liiier, qtt*a écrite le P. Labbe. au t. ii de sa Nova BibUotheca, p. 588.
D'après VUisloire de Languedoc, édition Privât, t. iv, p. 379, le successeur immédiat de
saint Lizier • dont la ville prit le nom >, vivait en 787. a. c.
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496
vant. Mais si Saiat-Lizier n'a jamais été complètement détruit, sa
décadence a commencé dès un autre siège, celui de 736, que lui
firent subir les Sarraztns; et elle fut précipitée par uo siège plus
désastreux encore, dit-on, celui qu'entreprit, en 1130, le comte de
Gomminges Bernard III. qui voulait étendre auxéyéques lea^ droits
de suzeraineté quMl exerçait parfois sur les vicomtes de Gousoi^ns.
La ville naissante de Saint-Girons se trouva là justement, tovytie
disposée à grandir par Témigration des habitants de Saint-Lizie^
que les calamités des guerres ou le go^i du commerce et de
l'industrie amenaient au bas de la vallée du Salât. Toutefois la
présence des évêques jusqu'à la Révoluiion et le zèle que déployè-
rent la plupart de ces prélats pour y développer le bien-être
matériel maintinrent, dans la vieille cité gallo-romaine, un noyau
relativement considérable de population. Saint-Lizier renferme
encore plus de onze cents habitants agglomérés, alors que Saint-
Bertrand n'en contient qu'à peine quatre cent trente.
Des deux cités, dans leur état actuel, quelle est la plus intéres-
sante pour le touriste et pour Tarchéologue? Une telle compa-
raison doit être éludée, non-seulement à cause des susceptibilités
légitimes qu'elle serait capable d^éveiller, mais encore et surtout
parce qu'elle ne s'impose pas et risquerait d'être injuste. Il est
permis de dire toutefois, que le prestige de son délaissement, de
son site, de sa cathédrale, donne à Saint-Bertrand des avantages
que seule une analyse froide et patiente des monuments do Saint-
Lizier peut aiTaiblir.
Saînt-Lizier n'a point une cathédrale qu'elle puisse opposer à
celle de Saint-Bertrand, mais elle en a en quelque sorte la monnaie ;
elle a deux « concathédrales • dont Tune, celle qui jusqu'à la fin
garda le titre, est un monument gothique tfès passable, accolé aux
vastes constructions d'un évêché construit veï^srîi 655 par Bernard
de Marmiesse, et dont l'autre, en majeure partie romane, est
accompagnée d'un vaste cloître, aussi roman, qui n'a pas son pareil
dans toute la Gascogne. Le chœur de cette seconde cathédrale,
qui pour le vulgaire est la cathédrale unique, oiTreune singularité
fort piquante, constatée naguère par Adolphe de Dion. Le vais-
seau fut élevé sur remplacement d'une rue de la ville antique, rue
qui débouchait sur une porte fortifiée flanquée de deux tours; or,
c^st la base de ces deux tours romaines, franques ou visigothes,
qui a formé les deux absidioles du transept actuel. L'abside cen-
trale est au moins du xi« siècle, sauf les modillons qui la couron*-
nent.
Mais le joyau archéologique de Saint-Lizier, si Ion peut appeler
joyau une masse énorme de pierres sillonnée d'assises de briques,
ce sont ses remparts gallo-romains, les mieux conservés que nous
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4W
possédions en France, avec leurs douze tours et le soubassement
d'un véritable donjon qui a été réfait au moyen âge. Cette enceinte,
longue de 265 m. sur 150, formait Varx, Tacropole, que des docu-
ments liturgiques appellent Austria. Des murs reliaient Tacropole
à la rivière du Salât et au pont pittoresque encore en place aujour-
d'hui, mais refait au xv'' siècle, et fortement remanié" si non refait
de nouveau par 1 evèque Gabriel de Saint-Estevain (1690) qui y a
fait apposer ses armes. C'est sur une pile de ce pont que se lit très
bien encore la célèbre inscription votive dédiée à « Minerve
Bélisama. »
Anthyme Saint-Paul.
UN VIEUX PLAN
DE LA VILLE DE SAINT-GAUDENS
M. l'agent- voyer Daignas a bien voulu dresser, d'après
une pièce originale (àes archives d'Auch, un plan de la
ville de Saint-Gaudens vers 1740. Ce document très-inté-
ressant, qui reproduit le tracé des enceintes successives
du chef-lieu du Nébouzan avec leurs portes et leurs fos-
sés, mérite une analyse particulière que nous lui consa-
crerons dans la prochaine livraison. a. g.
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LA RÉVOLUTION
A SAINT-LIZIER (Ariège)
1789-1804
(suite)
Cependant, à Paris, les événements politiques se
succédaient avec une rapidité effrayante. La monarchie
voyait disparaître, une à une, toutes ses plus vieilles
institutions; ses prérogatives, chaque jour, étaient
diminuées ; il ne lui restait plus qu'un pouvoir fictif et
la France s'apprêtait à passer sous la tyrannie des
clubs. Trop faible pour résister au courant qui em-
portait tout, hommes et choses, vers des rivages
inconnus, Louis XVI, pour sauver au moins sa vie et
celle de sa famille, quitta subitement Paris dans la
nuit du 20 au 21 juin.
La nouvelle de cette fuite inattendue se répandit
rapidement dans toute la France. D'urgence, la muni-
cipalité de Saint-Lizier fut convoquée', afin d'aviser
% aux moyens à prendre, pour prévenir les maux
affreux qu'un événement aussi affligeant peut cau-
ser. »
Le maire, en communiquant cette nouvelle à ses
administrés, se sent profondément ému. « Une
grande nation sans chef tombe dans la dissolution ; les
ennemis de l'Etat^ se prévalant bientôt d'une liberté
indéfinie, ou plutôt d'une licence suggérée par mille
i. SéaiM» da 96 juin.
Reroi M CommoBS, 3* trimestre 1894. Tous IX. — 14.
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498
passions, souffleront partout la révolte contre Tordre
public et Texécution des lois. Les haines, déjà malheu-
reusement produites par la différence des opinions
sur l'état présent de la France, trouveront dans cette
triste circonstance des moyens assurés de vengeance.
Il n'est pas douteux que tous les citoyens soient inté-
ressés, d'un autre côté, à se porter au vœu naturel que
nous devons tous faire, de protéger la société contre
les attentats qui pourraient être commis contre elle,
et qui déjà ont été commis par l'enlèvement de la
famille royale*. »
Le moyen le plus efficace de protection pour la
société est, aux yeux du maire, d'assembler les gardes
nationales du royaume et de les tenir prêtes à mar-
cher au premier signal contre les ennemis de la tran-
quillité publique.
De concert avec ses collègues de Méritons, colonel,
et Dupré, lieutenant-colonel, ils arrêtent: « que tous
les citoyens en état de porter les armes, depuis l'âge
de seize ans jusqu'à l'âge de cinquante, seront tenus
de prendre les armes et de se réunir, ce jour même,
sur la place publique pour recevoir les ordres qui leur
seront donnés. Des corps de garde seront placés aux
différentes portes de la ville. Il est aussi interdit à
tous les citoyens de tenir aucun propos de nature à
provoquer la discorde entre les citoyens. » Il ne dépen-
dit pas, ce jour-là, de la municipalité et de la garde
nationale de Saint-Lizier que la France ne fût sauvée
des malheurs qui l'attendaient.
Les miliciens se rendirent au rendez-vous de leurs
chefs, et des estafettes furent envoyés à Foix et à Tou-
louse pour aller chercher des munitions de guerre et
des fusils. On fit aussi achat de cinquante livres de
i. L'Assemblée Nationale avait à dessein accrédité le bruit que le roi avait été enleié
par les ennemis du bien public.
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499
grosse poudre, d'un cent de grosses pierres à fusil
pour les fusils d'ordonnance, et de cent livres de balles
de calibre pour les fusils de munition. On décida enfin
que les canons seraient mis sur des affûts. Saint-
Lizier opposait les grands remèdes aux grands maux.
On pouvait d'ailleurs avoir confiance dans la bravoure
et l'expérience de sa troupe bourgeoise, qui, le 22 mai
dernier, conjointement avec la garde nationale de
Saint-Girons, avait fait la campagne de Caumont, « à
l'effet d'y rechercher des notions sur certains com-
plots qui lui étaient dénoncés. » Dumouriez et Keller-
mann allaient aussi bientôt se couvrir de gloire à
Valmy.
L'attention des administrateurs était parfois aussi
attirée par les affaires financières. En exécution du
décret du 28 juin, relatif au payement des contribu-
tions foncières et mobilières, on avait dû procéder à
la faction du rôle des impositions, et nommer un
receveur, qui fut le citoyen Durieux.
Les assignats étaient depuis quelque temps en cir-
culation, mais n'avaient pas, plus dans nos contrées
qu'ailleurs, joui de la confiance du public, et, peu
après leur émission, on ijerdait au change le ving-
tième de leur valeur.
Les citoyens Berges fils et Nicolas avaient été délé-
gués aux fêtes de la Fédération du 14 juillet. Pour
frais de leur voyage, la municipalité vota une somme
de mille deux cents livres, qui fut empruntée au sieur
Besson. Cette somme lui fut bientôt remboursée en
assignats ; mais le créancier perdit au change 5 **/o et
la communauté dut lui rembourser la différence.
C'étaient encore les beaux jours des assignats ; mais
bientôt viendra la déchéance de cette valeur qui
n'avait aucune solide garantie, laissant la déception et
la misère entre les mains de ses possesseurs.
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200
Les vacances scolaires touchant à leur terme, on
dut se préoccuper du choix des régents. L*école de
Saint-Lizier, comme toutes les écoles des localités
importantes, avait une classe de latinité qui fut confiée
à M. Lamary, ecclésiastique natif de Gajan. La
seconde régence fut donnée au sieur Joseph Piquemal,
habitant du lieu, qui avait fourni « des preuves d'un
bon maître à écrire, par les modèles qu'il avait repré-
sentés, et par les épreuves d'écriture faites sous les
yeux de la municipalité. » Il fut alloué' au premier
régent la somme de trois cent soixante livres, et deux
cent quarante au second régent.
Ces honoraires devaient être payés, de trois en trois
mois et par avance, par mandat sur le receveur du
district de Saint-Girons.
Avant d^entrer en fonctions, les deux maîtres d'école
durent, en présence de leurs écoliers et des représen-
tants de la commune, prêter serment à la nation, à la
loi et au roi, jurant « de remplir avec fidélité les fonc-
tions de leurs places ».
L'élection des curés constitutionnels avait jeté les
paroisses de Saint-Lizier dans une profonde division.
Grand nombre de fidèles, pris de scrupules légitimes,
ne voulaient pas communiquer avec eux dans leurs
fonctions spirituelles ; du sanctuaire de la conscience
le mécontentement éclate à l'extérieur; on s'injurie,
on se menace, on se provoque; et la municipalité,
craignant qu'on ne se porte aux derniers excès, se préoc-
cupe avec raison de l'état de surexcitation dans lequel
se trouve la ville. Elle appelle à sa barre les sieurs
Anouilh, homme de loi, Bénazet et Laurent Berges
qu'on lui a représentés comme les principaux fauteurs
de l'agitation. Le procureur de la commune les mena-
1. Séance da 29 octobre t791«
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904
ce des sévérités de la loi et les rend responsables des
malheurs qui pourraient survenir; puis, il requiert un
piquet de la garde nationale, pour « être fait des
patrouilles continuelles jusque fort avant dans la
nuit. » A la tête de ces patrouilles devront toujours se
tenir un officier municipal et un officier de la garde
nationale.
Vaines entraves pour étouffer la protestation de la
conscience publique ! Bientôt la municipalité elle-
même est obligée de reconnaître' que « presque la
totalité des citoyens n'adopte pas un changement
qu'elle regarde comme contraire à ses principes reli-
gieux, et qu'elle ne fréquente pas les églises dans
lesquelles les offices sont célébrés par les curés cons-
titutionnels. y> Les protestataires, en effet, dans une
assemblée du 20 octobre, avaient délibéré qu'ils
formeraient une nouvelle église, sous le titre de non-
conformistes, et avaient remis à l'autorité municipale
un extrait de leur délibération, l'informant qu'ils se
proposaient de se réunir, le dimanche suivant, dans
la maison de René Mico, dans une salle où était an-
ciennement la chapelle du vieil hôpital.
Cette décision alarma la municipalité qui, entre-
voyant une opposition de la part des partisans du
clergé constitutionnel^ voulut dissuader les protesta-
taires de leur projet de réunion. On avait d'ailleurs
appris, d'autre part, que les opposants de Saint-Lizier
devaient être soutenus, dans leur résistance, par un
groupe considérable de jeunes gens de Saint-Girons,
qui devait leur prêter main-forte et empêcher l'assem-
blée des non-conformistes, même par la voie des faits.
EiT prévision des rixes et des scandales annoncés, le
maire réitéra ses instances pour les détourner de
leur réunion que, par une étrange contradiction, il
1. Séance da 98 octobre.
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202
prétendait empêcher, autant qu'il était en son pou-
voir a sans entendre néanmoins, contrarier la liberté
que les Droits leiir accordent. » Les sieurs Joseph
Dargein, Coentre, Laroque, Picart, Vignau, Dutap, Sei-
gnan, Arnaud Bonzom, délégués de leurs coreligion-
naires, s'étant rendus à la maison de ville ou siégeait la
municipalité répondent, par Torganedu sieur Vignau,
a qu'ils ont déposé devers le district leur délibération,
et que celui-ci n'a marqué aucune improbation ; qu'ils
sont donc fondés, d'après les lois, à Texécution de leurs
délibérés; que d'ailleurs le peuple s'y attend, au point
qu'il ne serait plu6 possible de l'empêcher de se
rendre dans l'église indiquée, sans les plus grands
inconvénients. » Ils protestent de leur soumission à la
loi et osent espérer que la tranquillité publique ne sera
pas troublée; enfin, ils persistent de plus fort à l'exé-
cution de leur projet, et quittent brusquement l'assem-
blée municipale.
Après le départ de ces courageux citoyens, les offi-
ciers municipaux demeurant en séance, donnent avis
au procureur-syndic du district de Saint-Girons, qu'il
s'est formé une coalition de plusieurs jeunes gens de
sa ville, qu'on dit être membres de la garde nationale,
avec un parti factieux de la ville de Saint-Lizier qui
se propose de s'opposer, dimanche prochain, par la
voie de la force, à la réunion des non-conformistes ; ils
requièrent le syndic de prendre toutes les mesures
qu'il croira convenables, pour empêcher la jonction
des gardes nationaux de Saint-Girons à ceux de Saint-
Lizier.
Pareille réquisition est aussi adressée au juge de
paix du canton de Saint-Lizier, et le sieur Nicolas,
capitaine de la garde nationale, en l'absence des au-
tres chefs, est enfin requis d'avoir à prendre les
moyens nécessaires pour que sa troupe soit prête à
s'assembler dimanche prochain, sur les huit heures
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SOS
du matin, au premier ordre qui en sera donné par les
membres de la municipalité.
Et sans désemparer, la municipalité, s'exagérant
peut-être les dangers de la situation et la gravité de
sa responsabilité, formule sur le champ un code de
répression dont nous allons reproduire les nombreuses
dispositions. Dans le préambule qui le précède, le
procureur de la commune expose qu'une des causes
principales des divisions intestines de la ville est
rignorance des lois et arrêts de police, ainsi que des
devoirs des citoyens dans le cas de trouble ; il espère
prévenir, peut-être, faire cesser tout désordre, par la
publication et Taffichage des ordonnances suivantes :
Article l.
Les articlcB 10, Il des Droits de l'homme, concernant la liberté
du culte, de parler, d'écrire, d'imprimer, seront observés suivant
leur forme et teneur.
Art. 2.
Déclarons que ceux qui oseront entreprendre de forcer leurs con-
citoyens, par aucune voie de fait, insuite, ou menaces publiques,
d'aller dans une église plutôt que dans une autre, et de les gêner
ou interrompre dans leurs exercices religieux, seront poursuivis
comme perturbateurs du repos public.
Art 3.
Défendons aux gardes nationales de se former en corps, si ce
n'est quand elles en seront requises légalement.
Art. 4.
Défendons à tous officiers et soldats composant la garde na-
tionale, de faire battre la générale, ni aucune batterie de rassem-
blement, sans y être expressément autorisés par les ofiiciers mu-
nicipaux et procureur de la commune.
Art. 5.
Défendons tout attroupement de plus de quinze personnes dans
les rues et places publiques, à peine d'être, les contrevenants,
traités comme séditieux.
Art. ().
Ordonnons que tous les citoyens seront tenus de sortir de leurs
maisons, dans tous les cas où le procureur de la commune, ofR-
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204
ciers municipaux, ou autres officiers civils, crieront « Force à la
loi » ; do prendre les armes de quelque nature qu'elles soient, et
de se réunir aux susdits officiers civils pour leur prêter main-forte,
à peine, les contrevenants, de demeurer responsables des événe-
ments.
Art. 7.
Ordonnons que si, pendant la nuit, les officiers civils crient
« Force à la loi » ou si Ton bat la générale, tous les propriétaires
ou locataires de maisons mettront à l'instant des lumières, lampes
ou chandelles sur leurs fenêtres.
Art. 8.
Dans les cas d'attroupement, dès le moment que les officiers
civils ou la force publique se présenteront, si l'attroupement ne
se dissipe pas, il sera drié: « Obéissance à la loi, que les bons
« citoyens se retirent ; oa va faire usage de la force » ; on battra le
ban et la force publique agira sans être responsable d'aucun des
maux qui en seront la suite.
Art. 9.
Défendons d attaquer aucun citoyen par les qualifications inju-
rieuses de démocrate, ou d'aristocrate, et autres termes tendant à
causer des rixes ou des haines.
Art. 10.
Enjoignons aux aubergistes et cabaretiers, donnant à boire et à
manger aux étrangers, de donner avis i\ la municipalité dès qu'ils
seront au-dessus de cinq.
Art. tl.
Enjoignons aux aubergistes et cabaretiers de nous présenter,
dans le délai de vingt-quatre heures, un registre timbré pour être
parafé^ dans lequel ils seront tenus d'inscrire les noms, qualité
et demeure de tous ceux qui coucheront chez eux.
Art. 12.
Défendons de faire des cris ou du bruit pendant la nuit, propres
à troubler le repos des citoyens et causer de l'épouvante, à peine
d'être, les contrevenants, punis comme perturbateurs du repos
public.
Art. 13.
Ordonnons que le présent arrêté sera lu, publié et affiché aux
lieux ordinaires.
Fait à Saint-Lizier, dans la maison commune, le 28 octobre 1791.
Besson. maire. — Bkugès fils, secrétaire.
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205
Les non-conformistes ne se crurent point visés par
cet arrêté qifils croyaient dirigé contre les perturba-
teurs; mais les violents ont toujours imposé leurs
caprices aux majorités et à Tautorité. Entre les mains
des faibles, la loi devient trop souvent une arme à deux
tranchants, ou plutôt un moyen de persécution qu'on
tourne contre le droit qu'elle a mission de proté-
ger. S'appuyant sur la disposition de la Constitution
qui proclamait la liberté des cultes, les non-confor-
mistes s'assemblèrent, comme ils l'avaient annoncé,
dans leur église.
Les opposants s'agitèrent et firent si bien, que le
maire, invoquant des motifs de prudence, et prétextant
une violation partielle de son arrêté, interdit, deux
jours après, le culte des non-conformistes, « jusqu'à
ce qu'ils se fussent fait autoriser par les corps admi-
nistratifs ».
Les persécutés se pourvurent auprès du directoire
de Saint-Girons, qui envoya le S novembre à la muni-
cipalité de Saint-Lizier , en communication et pour
avis, leur pétition. Ce n'était point un petit groupe
d'administrés qui sollicitait une faveur exceptionnelle,
mais c'était l'immense majorité des citoyens qui se
levait pour réclamer la reconnaissance du premier dps
droits ; et la municipalité ne put s'empêcher de répon-
dre a qu'elle n'avait nul motif de s'opposer à l'exécu-
tion des lois sur la liberté du culte religieux adopté
par lesdits non-conformistes ». La peur ne l'empêchait
pas encore d'être juste.
Enfin, fut signé par le département, le 10 novembre,
un arrêté portant « que l'exercice de tous les cultes est
garanti par la Constitution, et que la municipalité de
Saint-Lizier protégera, conformément à la loi du 7 mai
dernier, l'exercice du culte des pétitionnaires, lorsque
l'inscription sera mise sur le frontispice de l'édifice
qu'ils y consacrent, — ladite inscription étant dési-
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S06
gnée sous ce titre : « Église des catholiques romains
non-conformistes. »
Cet arrêté fut communiqué au maire de Saint-
Lizier, par le sieur Durieux, syndic des non-confor-
mistes. Il demanda, par voie de conséquence, le retrait
de l'arrêté municipal du 30 octobre qui ava^it prohibé le
culte adopté par le requérant et ses coreligionnaires :
ce que le maire lui octroya, heureux, peut-être, d'être
ainsi dans la nécessité d'accomplir un acte de justice.
C'est le sort des âmes timorées de faire ainsi souvent
le mal qui répugne à leur instinctive nature et d'être
soulagées par un acte réparateur.
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207
m
Nouvelles opérations électorales. — Dupont-Dargein , maire. —
Dupré, maire. — Fêtes de Noël. — Conduite contradictoire de la
municipalité. — Pénurie d'argent. — Enlèvement des armoiries.
— Biens de lévèché. — Encore une alarme. — - Impôt. — La
patrie en danger.
On était arrivé sur la fin de Tannée 1791 , à l'épo-
que du renouvellement partiel de la municipalité. Le
contre-coup de ces divisions devait se faire sentir dans
les opérations électorales, qui durèrent trois jours sans
pouvoir arriver à un résultat final.
Le dimanche, troisième jour de novembre, on
procéda à Torganisation du bureau provisoire ; les
membres en furent pris parmi les plus anciens élec-
teurs. Par le bénéfice de Tàge, Duclos fut nommé pré-
sident; scrutateurs, les sieurs Durieux, Berges, négo-
ciant, Berges, architecte; secrétaire provisoire, Dar-
gein-Dupbnt. Cette première journée fut consacrée à
rappel nominal des citoyens qui composaient rassem-
blée, et à Texamen des titres des citoyens actifs, ce
qui, ayant amené de nombreuses discussions, poussa
jusqu'à 6 heures du soir la séance qui dut être ren-
voyée au lendemain.
Le lundi 14, les électeurs se trouvent asssemblés
à la maison commune, à 9 heures du matin. Dès
l'abord, Besson demande la parole contre l'admission
du sieur Tatarau, en qualité de citoyen actif, attendu
qu'il est en état de banqueroute, et qu'il ne rapporte
point la quittance générale de ses créanciers; il
exige du bureau provisoire acte de sa protestation
pour servir en tant que de besoin. Puis on procède,
par appel nominal, à Télection du président. Besson
est élu à la pluralité des suffrages.
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208
Dans la séance qui a lieu à 2 heures de Taprès-
midi, Filouse, prêtre, est élu secrétaire. Il prête,
devant l'assemblée, avec le président, le serment
civique prescrit par la loi ; puis encore sont élus,
à la majorité des voix, scrutateurs, les sieurs Berges,
architecte, Dargein-Dupont et Durieux. L'heure tarde
empêchant la suite des opérations, la séance est ren-
voyée au lendemain, à 9 heures du matin.
Lesdits jour et heure advenus, le sieur Besson,
fatigué de sa charge de maire, si difficile dans les
complications actuelles, donna sa démission. Il fut
immédiatement pourvu à son remplacement, et, par
les suffrages des électeurs, la mairie fut confiée à
Dupont-Dargein.
Dans la séance de Taprès-midi, on procéda à la
nomination de trois officiers municipaux, en rempla-
cement des sieurs Scillé, Dargein-Dupont et Duclos.
Au dépouillement du scrutin, le nombre des billets
ayant été trouvé supérieur à celui des votants, Topé-
ration fut déclarée nulle et on la recommença sur
rheure. A peine quelques billets avaient été déposés
dans le bassin, que survint une violente discussion.
Un électeur, très vieux et peu instruit sur ce qu'il
avait à faire, le sieur Cassagnau, interroge M. le pré-
sident, qui lui répond qu'il doit nommer trois officiers
municipaux.
Cassagnau marque quelque embarras dans son
choix.
Le scrutateur Durieux lui dit : « Nommez ceux
que vous avez déjà portés dans le premier scrutin, ou
tout autre qu'il vous plaira.
— » Je ne m'en souviens plus; vous qui avez vu
mon premier billet, vous devez vous les rappeler?
— » Me le demandez-vous? reprit Durieux.
— » Oui, répondit Cassagnau.
Alors Durieux commet l'imprudence de lui nommer
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S09
les candidats qu'il avait inscrits dans le premier
billet.
Grande fermentation et grand tumulte dans la salle.
Berges, curé; Seillé, Lafont, Claude, Pierre Berges
demandent le renvoi de l'assemblée, la destitution de
Durieux comme scrutateur et l'annulation de tout ce
qui a été précédemment fait. L'assemblée décide que
Cassagnau ne pourra point voter. On agite la question
du renvoi de Durieux ; Berges, scrutateur, prenant la
parole, dit « qu'en son nom et au nom d'un grand
nombre de votants, il proteste contre tout ce qui a été
fiait », et il se retire avec plusieurs amis.
Le tumulte augmente ; devant les dispositions hos-
tiles de la foule, Durieux résigne ses fonctions de
scrutateur, et comme Berges, architecte, autre scruta-
teur, s'était retiré, on procède dans les formes ordi-
naires à la nomination de deux scrutateurs. Pendant
l'opération, survient le sieur Seillé, suivi d'un grand
nombre d'électeurs, précédemment sortis avec lui. Il
demande, comme Berges, le renvoi de l'assemblée
pour cause de trouble, et la cassation de tout ce qui a
été fait pour contravention aux lois. Il offre de faire la
preuve d'une coalition illégale qui s'est formée dans
l'assemblée et se fait donner acte de sa protestation.
Le désordre augmentant, les clameurs, les disputes
empêchant la régularité des opérations, le maire
déclare qu'il lève la séance et qu'il va se pourvoir
devant le directoire du district, pour demander deux
commissaires qui assisteront aux séances suivantes.
Il est à présumer que la présence des représentants
de l'autorité dut ramener le calme dans les esprits.
Nous ne voyons plus trace de désordre dans les
procès-verbaux du registre municipal, qui se contente
d'insérer, à la date du 19 décembre, la proclamation
du sieur Dupré, maire; Court, Nicolas et Auriac, offi-
ciers municipaux, et Seillé, procureur de la commune,
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MO
qui le même jour prêtent le serment exigé. Quelques
jours après, l'organisation de la municipalité se com-
plète par la nomination du bureau dont font partie
Dupré, maire et Villa, et la nomination des membres
du tribunal de police municipale, composé de Dupré,
Villa et Court.
Le lendemain de son installation, la nouvelle muni-
cipalité décida qu'elle ne tiendrait plus ses séances
dans la maison commune, provisoirement occupée
par les prisonniers et les prévenus, mais qu'elle se
réunirait dans une salle du ci-devant évêché. L'ancien
mobilier de la salle des séances étant hors d'usage, on
vota l'achat d'une table et de douze chaises.
Les fêtes de Noël approchaient. Le procureur de la
commune fit observer aux membres de la municipalité
que « la diversité des opinions religieuses avait pro-
duit, parmi les concitoyens, une telle division, que
l'on pouvait craindre une véritable guerre civile, et
qu'il était de leur vigilance d'en prévenir les horreurs.
Nous touchons, leur dit-il, à cette solennité où, selon
l'usage, nous consacrons une nuit à célébrer dans nos
temples la naissance du Souverain des nations. Vous
n'ignorez pas, Messieurs, qu'un de nos pasteurs a été
obligé de quitter son église i et de se réunir au curé de la
paroisse de Saint-Lizier. Si vous permettez que le ser-
vice divin se célèbre, cette nuit, dans nos deux parois-
ses^ vous ne pouvez vous dissimuler combien de suites
fâcheuses peuvent résulter de deux rassemblements
faits dans deux lieux différents, à la même heure de la
nuit. La force armée que vous avez à votre disposition
n'est pas assez nombreuse pour surveiller en même
temps les deux assemblées et assurer le bon ordre
qu'il faut maintenir dans toutes les parties de la ville.
i. La cnré Laporte.
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344
Je requiers en conséquence qu'il soit ordonné que
Téglise paroissiale reste ouverte^ pendant toute la nuit
du 24 au 23 du présent mois, et qu'il sera loisible à
tout prêtre de célébrer la messe dans cette église;
qu'il soit défendu, en outre, de faire les offices dans
Téglise de Notre-Dame de la Sède qui devra rester
fermée durant cette nuit; que la messe de minuit
pourra aussi être célébrée à la chapelle de Thôpital
Saint-Jacques par Tun des aumôniers; qu'enfin le
commandant de la garde nationale sera chargé de
veiller, pendant ladite nuit, au bon ordre public*.
Faisant droit aux conclusions du procureur de la
commune, les officiers municipaux prirent un arrêté
pour régler la célébration des fêtes de Noël, suivant
l'ordre par lui indiqué, chargeant la milice bourgeoise
de prendre les mesures nécessaires pour garantir la
tranquillité de la ville.
Ces mesures de police qui, en un temps régulier,
eussent paru vexatoires, se justifiaient en ces circons-
tances par l'état de surexcitation dans lequel se trou-
vaient les esprits. Rares étaient les nuits où le sommeil
des habitants n'était troublé par des altercations vio-
lentes, des cris, des coups de mousquets et des appels
à la force armée. Des plaintes fréquentes étaient por-
tées au bureau de police. Dans la nuit du 25 janvier,
les maisons du sieur Duclos et de demoiselle Tussaut
sont assaillies par des malfaiteurs, qui tirent des coups
de fusil et vont jusqu'à frapper de coups de hache les
portes et les fenêtres ; un placard infamant est même
attaché à la porte de la demoiselle Tussaut. Le pré-
texte de ces injures et de ces voies de fait était la
présence, dans ces domiciles, des curés Durau et
Saurat neveu, qui venaient d'être remplacés dans
leurs paroisses pour refus de serment. Quelques éner-
i. Délibération da 22 décembre 1701.
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242
gumènes, irrités par la constante fidélité de la majeure
partie des habitants à leurs anciens pasteurs, faisaient
retomber sur ceux-ci le trouble qui régnait dans la
ville. Il eût été du devoir d'une municipalité sage et
libérale de protéger les administrés qui n'avaient que
le tort de demeurer attachés à leurs anciennes croyan-
ces; mais ici, comme en plusieurs autres circons-
tances, les violents font trembler la justice et imposent
des arrêts iniques à ceux qui ont mission de défendre
le droit. Contre les malfaiteurs on déclare « qu'on
fera tout ce qui est possible pour les découvrir et les
faire punir d'après les rigueurs des lois ; on augmen-
tera même le nombre des patrouilles » ; mais le meil-
leur moyen de prévenir de nouvelles voies de fait est
a d'engager le sieur Duclos et la demoiselle Tussaut
à ne plus donner en ce moment logement aux dits
sieurs Durau et Saurat et de prier ces derniers, au
nom de la paix et de la tranquillité, de quitter la ville
dans 24 heures; protestant aux uns et aux autres,
qu'en cas de trouble ils demeureront personnelle-
ment responsables de tous les événements ».
La municipalité, sentant combien était odieuse la
décision qu'elle prenait, semble vouloir s'en dissimu-
ler à elle-même toute la honte, en ajoutant qu'elle
a cède à cette heure à des circonstances impérieuses. »
Elle aura mainte fois semblable aveu à faire, et c'est
une sorte de fatalité que les assemblées délibérantes ne
se résignent aux mauvaises actions que la. mort dans
l'âme.
Hâtons-nous, avant que l'occasion s'en échappe, de
signaler à l'actif de notre municipalité une action
d'humanité d'autant plus louable qu'elle est faite au
bénéfice d'une victime.
De\ançant les autres assemblées communales dans
la voie de la persécution religieuse, la municipalité de
Saint-Girons venait de supprimer l'établissement des
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243
Sœurs de la Charité de Nevers. La sœur Perpétue,
supérieure de la maison, se trouve ainsi, au cœur de
riiiver, expulsée de son couvent; son grand âge lui
interdit tout voyage; elle est forcée de demander asile
à rhôpital de Saint-Lizier. L'assemblée, prenant en
considération les nombreux services rendus à rensei-
gnement pendant trente-cinq ans par la sœur Perpétue,
et le danger d'un long voyage pour une personne âgée,
la reçoit, à titre exceptionnel, comme pensionnaire.
Saint-Lizier donne, ici, à Saint-Girons, une leçon de
justice et de philanthropie ; dans le domaine de la cha-
rité la rivalité est chose plus belle que dans le cercle
égoïste des intérêts.
Par suite de la retraite de Laporte, curé constitu-
tionnel de Notre-Dame, la maison presbytérale de la
Sède était inoccupée. Berges, curé do l'église de Saint-
Lizier, demande qu'on veuille bien la lui accorder en
échange de son presbytère, éloigné du centre de la
ville et fort incommode pour le service paroissial. La
municipalité, qui n'avait rien à refuser à ce prêtre sou-
mis, se hâte de faire droit à sa demande. Berges désire
qu'avant d'en prendre possession il y soit fait des
réparations, et la municipalité se hâte de nommer des
experts pour vérifier l'urgence des travaux. La bonne
volonté était grande, mais l'argent était aussi rare
dans les caisses de la commune que dans les caisses
du département et de l'Etat.
Besson, le ci-devant maire, avait fait, durant son
édilité, pour 767 livres, 6 sols et 7 deniers d'avances
pour rétablissement du tribunal, l'assemblée électo-
rale des juges et grillage des prisons. La commune
prétend que ces travaux ayant un caractère d'utilité
publique devaient être à la charge du district ou du
département; le district en réfère au département,
qui, à son tour, demande à réfléchir, à examiner mû-
Bcfvc M ComniCKi. 3* trimestre 1894. Tout IX. * iS.
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rement la question, employant tous les moyens dila-
toires à Tusage des mauvais débiteurs.
Grande était partout la pénurie d'argent, et les assi-
gnats, déconsidérés dès Torigine, arrivaient à flots et
entravaient les relations commerciales. Les boulan-
gers de Saint-Lizier ne veulent ni ne peuvent, disent-
ils, plus fournir le pain à 18 sols la marque, tandis
qu'ils achètent le grain à 2o francs en assignats. La
municipalité reconnaissant le bien fondé de ces récla-
mations, fixe le prix de la marque du pain à une livre
4 sols, à raison de 0 livres la marque.
La rentrée des impôts se faisait d'une façon si labo-
rieuse que, malgré trois enchères i)ubliques au rabais,
la perception de Saint-Lizier ne put pas trouver de
titulaire et qu'on dût nommer d'offîce un membre du
conseil général^ le sieur Pierre Nicolas, qui demeura
chargé de la perception des contributions de 1791, à
12 deniers la contribution foncière et les autres à trois
deniers.
L'Assemblée législative, qui devait accélérer si rapi-
dement la marche de la Révolu ion^ continua l'œuvre,
si bien commencée par la Constituante, de l'humilia-
tion du roi et de la noblesse. Après avoir aboli les
titres de comte, de marquis, de baron, etc., défendu
les livrées, on supprime tous les emblèmes ou armoi-
ries qui semblent porter atteinte aux nouveaux prin-
cipes de l'égalité.
Vu la loi du 16 octobre 1791, la municipalité de
Saint-Lizier ordonne que tout citoyen ayant sur la
porte de sa maison, sur les panneaux de sa voiture ou
ailleurs, des armoiries, sera tenu de les faire enlever
dans le délai de trois jours'. Les armoiries placées
sur la porte de l'hôpital Saint- Jacques, sur la porte de
la maison commune^ dans l'église de Saint-Lizier et
i. Proclamalion de la municipaliU du 26 mai 1793.
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S<6
au ci-devant palais épiscopal, seront aussi enlevées à
la diligence du procureur de la commune.
Les délinquants seront punis suivant les peines
portées dans ladite loi.
Et pour marquer que la municipalité est disposée,
dans le chemin des réformes les moins utiles, à em-
boîter le pas à l'Assemblée législative, elle date sa
délibération de Tan 4^ de la Liberté, Thégire des vio-
lences, des persécutions et des crimes qui ont désho-
noré la Révolution.
Depuis qu'on avait déplacé le principe de Tautorité,
les Assemb ées, même municipales, ne reculaient de-
vant aucun empiétement; dans leurs prétentions, tout
était du domaine de la police. A la suite de quelques
différends, il paraît que Tun des offices de la paroisse,
la messe de onze heures, ne se célébrait pas régulière-
ment : la municipalité eût cru manquer à son devoir et
compromettre Tordre public si elle n'était pas inter-
venue. La question avait déjà été soumise au direc-
toire; mais, avant qu'une solution fût donnée, elle
décida qte a la messe de onze heures serait dite, provi-
soirement, par les membres de l'ancienne fabrique,
chacun à son tour : le procureur de la commune, la
veille de chaque fête, désignera et préviendra le cha-
pelain qui devra dire cette messe ; en cas d'empêche-
ment, celui-ci sera tenu de se faire remplacei*. Les
chapelains qui refuseraient de se rendre aux réquisi-
tions du procureur seront de suite cités par ce der-
nier devant le tribunal de police municipale, pour être
procédé contre eux ainsi que de raison. »
a Ainsi tfue de raison » est un cliché qui ne manque
pas de sel dans un acte aussi arbitraire, et qui, d'ail-
leurs, donne la vraie note de la confusion qui régnait
dans les idées.
On s'est peut-être plusieurs fois demandé ce qu'é-
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2<6
taient devenus les biens de Tancien évêché du Couse-
rans. Lors de la spoliation du clergé, ils avaient été
déclarés « propriété nationale. » La résidence épisco-
pale avait été^ comme nous l'avons vu, affectée au tri-
bunal et aux services de la municipalité; la ville avait
fait à travers les jardins qui Tentouraient ouvrir une
rue ; elle prétendait d'ailleurs que ce terrain, ayant été
jadis usurpé sur la communauté, lui appartenait. Aux
abords de la route qui débouche sur Saint-Girons,
près de Thôpital et en dessous des murs d'enceinte,
était une grande vigne dont la ville fit aussi acqui-
sition, a Cette acquisition, dit le projet d'achat, est
de la plus grande nécessité depuis la cession gra-
tuite que fit la communauté pour l'emplacement de
l'hospice; il n'existe depuis lors de local pour les foires
ni pour les promenades des habitants, « ce qui contri-
buerait essentiellement au bien de leur santé. » Une
partie de cette vigne fut rétrocédée au sieur Antoine
Berges, pour y bâtir une maison à la suite du jardin
de la famille Dauby.
Les moralistes ont écrit que Tambition est une
source d'illusions et de mécomptes; notre ville ne tar-
dera pas à reconnaître la vérité de cette maxime. Ce
tribunal si convoité lui échappera, malgré tous les
sacrifices qu'elle s'impose pour le retenir dans ses
murs. Saint-Girons n'aura de repos que le jour où il
aura triomphé, sur ces deux questions, de sa rivale ;
en attendant l'échec définitif, Saint-Lizier vit dans des
transes continuelles. Elle surveille les manœuvres de
son adversaire et porte, avec une fébrile activité, la
défense partout où elle prévoit l'attaque. Le 30 mai,
elle envoie le sieur Seillé à Foix auprès du direc-
toire du département pour presser l'expédition des
requêtes adressées par la municipalité, et notam-
ment celles concernant les réparations à faire au
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tribunal. Le 3 juin, ayant appris qu'on ne lui accordait
qu'à titre provisoire la brigade que la loi exige auprès
des tribunaux, et que de nouvelles délibérations favo-
rables à la ville de Saint-Girons avaient été expédiées
par de nombreuses municipalités, on décide Tenvoi de
M. Monrous, juge, auprès du directoire, « pour sollici-
ter de la justice du département un arrêté portant avis
pour la permanence du tribunal dans Saint-Lizier, et
solliciter la construction prompte de la maison d'arrêt. »
Le député avait encore pour mission de demander
communication de toutes les pièces qui se trouvent
dans les bureaux du directoire et de signer , au nom
de la commune, toutes les pétitions ou mémoires qu'il
jugerait utile d'adresser au directoire, au ministre ou
à l'Assemblée nationale.
Le lo juin, le conseil général de la commune tient
une importante réunion dans laquelle, envisageant le
péril imminent de la perte du tribunal, il prend une
suprême résolution. La religion du ministre et de
l'Assemblée nationale a été surprise parles intrigues
des Saint-Gironnais. Il faut leur faire connaître la réa-
lité de la situation. Or, il se trouve en ce moment à
Paris deux citoyens « qui se sont toujours distingués
par leur civisme et leur amour pour leur patrie :
MM. Joseph Castet, ci-devant de Biros, natif de Saint-
Lizier, et Moulis, prêtre, natif de Cazavet. » On est
assuré de leur bonne volonté et de leur zèle à servir
les intérêts de Saint-Lizier ; il ne s'agit que de leur
notifier la mission qu'on leur confie.
a Sur quoi, les voix recueillies, il a été déclaré à
l'unanimité, que l'assemblée, convaincue de la néces-
sité d'avoir des députés à Paris pour veiller aux inté-
rêts de la ville, et qu'on ne peut mieux choisir que
MM. Castet, ci-devant de Biros, et Moulis, prêtre, a
nommé et nomme ces deux messieurs députés de la
ville de Saint-Lizier, les suppliant de vouloir accepter
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818
cette députa tion en bons patriotes et zélés citoyens.
Pouvoir leur est donné de solliciter auprès de TAssem-
Wée nationale et du ministre de Tintérieur : 1" un
décret définitif de permanence dans la ville de Saint-
Lizier du tribunal de justice du district de Saint-
Girons ; 2® un décret qui autorise la ville de Saint-^izier
à acquérir, aux frais des justiciables, le ci-devant palais
cpiscopal pour servir de prétoire et de maison d'arrêt;
3*^ de solliciter rétablissement d'un bureau de poste;
4® de retirer des mains de M. Ille, député du dépar-
tement de l'Ariège à la Législative, les pièces et
les mémoires relatifs à ces objets qui sont eu son
pouvoir et de les remettre au ministre de l'intérieur
ou au comité de division de l'Assemblée nationale, sui-
vant l'exigence des cas. »
Toutes ces démarches eurent une apparence de suc-
cès : le devis des réparations fut fait et l'adjudication
ordonnée, mais l'évaluation fut portée à un prix si
bas, que tous les entrepreneurs annoncèrent publique-
ment qu'on ne pouvait, dans ces conditions, exécuter
les travaux sans une perte considérable. Etait-ce une
nouvelle manœuvre? La municipalité le craignant,
chargea le citoyen Villa, l'un des officiers municipaux,
de se porter adjudicataire, en l'absence de tout autre
entrepreneur. Villa était autorisé à se subroger un
homme de l'art qui recevrait pour la surveillance des
ouvrages une indemnité de 100 livres.
Cette décision fait honneur à la perspicacité de la
municipalité ; nous ignorons si elle eut l'effet qu'elle
en attendait.
Les octrois avaient été supprimés comme vexatoires
et impopulaires, mais leurs revenus constituaient une
ressource considérable pour les municipalités et leur
suppression ftiisait le vide dans leurs caisses. La loi
les autorisait à imposer aux rôles des contributions
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les sommes nécessaires aux dépenses publiques. Si les
ressources avaient diminué, les dépenses avaient
augmenté^ et Saint-Lizier dut recourir à l'imposition.
Pour cette année 1791, les dépenses fixes s'élevaient à
430 livres et les dépenses extraordinaires ou impré-
vues à 600 livres, dont un tiers fut porté sur la contri-
bution foncière et les deux autres tiers sur la contri-
bution mobilière. La communauté, consultée sur
la nécessité de cet impôt, le vota le 29 juin, et
arrêta de plus que les frais de la collecte seraient
imposés, savoir : un sol par livre pour les impositions
foncières, et trois deniers par livre pour la contribu-
tion mobilière.
Tout à coup, au milieu de ses préoccupations loca-
les, un roulement patriotique de tambour sollicita
Tattention des habitants de la ville, et le crieur public,
au nom de la municipalité, lut la proclamation sui-
vante :
Citoyens,
La patrie est en danger ! Un acte du Corps législatif la annoncé;
voici le moment où le peuple doit se lever tout entier pour la
défense commune; il doit montrer dans cette circonstance qu'il est
digne d'être libre.
Que la tranquillité et le sang-froid annoncent seuls votre courage;
soyez vigilants, soyez calmes, soyez amis; rangez-vous auprès de
la loi, assurez-en Texécution, respectez les personnes et les pro-
priétés, surveillez tout le monde, et le danger commun aura cessé.
Vos magistrats sont en activité, ils veillent sans cesse aux inté-
rêts communs; ils ne vous demandent que l'union et Tobéissance;
ils vont pourvoir à la sûreté de tous, au maintien de la loi.
A ces causes.
Ouï le procureur de la commune, le corps municipal a ordonné
et ordonne ce qui suit :*
Article l'^ — En exécution de la loi, le conseil général de la
commune sera en état de surveillance permanente jusqu'à ce que
le danger de la patrie aura cessé.
Art. 2. —Pour que la surveillance soit plus active, il tiendra ses
séances toutes publiques dans une des salles du ci- devant évêché.
Art. 3. — Les assemblées seront convoquées au son de la petite
cloche de Notre-Dame.
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2S0
Art. 4. — lia garde nationale sera en état de réquisition perma-
nente aussi longtemps que le conseil général sera en état de
surveillance.
Art. 5. — Les officiers-commandants prendront sur leur respon-
sabilité les moyens nécessaires au maintien de la tranquillité
publique.
Art. 0. — Tout citoyen qui aura chez lui des armes est tenu, de
suite après la présente proclamation, de faire au bureau municipal
la déclaration de la quantité et nature desdites armes et munitions
pour y avoir recours au cas de besoin. Tout citoyen qui n*aura
pas fait la déclaration exacte sera de suite arrêté comme suspect,
sans préjudice des poursuites extraordinaires, s'il y a lieu.
Art. 7. — Tout citoyen sera tenu de porter la cocarde nationale.
Le conseil général invite les femmes à se parer aussi d'un ruban
aux trois couleurs.
La présente sera lue et publiée dans tous les quartiers de la ville
et aflichcc aux lieux accoutumés.
DUPRÉ. maire.
Pour comprendre la cause de ce petit coup d'état
municipal, il faut se reporter aux débats qui venaient
d'avoir lieu à l'Assemblée législative. Dans un long
discours, prononcé d'une voix frémissante, Vergniaud
avait accusé de trahison le roi et ses ministres « Il
était parvenu à faire partager à un grand nombre
d'hommes simples et sincères l'injustice de ses con-
victions et la violence de ses ressentiments. Il avait
déchaîné toutçs les colères contre le roi, en l'accusant
d'être le complice des rois étrangers et l'héritier des
Médicis parce qu'il persistait à opposer son veto aux
décrets iniques rendus contre la religion et l'humanité.
Il avait imputé au malheureux Louis XVI de trahir la
France en s'abstenant de prendre les mesures d'ordre
et de sécurité que réclamait la défense du territoire'.
Entraînée par l'irrésistible éloquence de l'orateur
girondin, émue d'ailleurs par les menaces du dehors
et les troubles de l'intérieur^ l'Assemblée rendit, le
11 juillet, un décret solennel qui rappelait l'ancien cri
d'alarme des Romains caveant consules ! elle déclara
1. Gaboul, Hiitoire de France, t. xviii, p. 507.
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384
à tous les citoyens que « la patrie est en danger. » !
Les municipalités, dont le patriotisme venait d'être
surexcité par une adresse du pouvoir législatif, rivali-
saient de zèle pour contribuer à Tœuvre commune de
la défense nationale. Celle de Saint-Lizier, après avoir
demandé le concours dévoué de tous les citoyens, se
déclara en permanence ; et nous avons en effet, dès ce
jour, le procès-verbal quotidien de ses séances. Se
trouvant complètement dépourvue de munitions, elle
délègue les sieurs Villa et Seillé auprès du district
pour lui demander des cartouches. Ordre est donné à
la supérieure de Thôpital de tenir régulièrement fer-
mées, du côté des étendes^ les portes de son établisse-
ment, et de ne les ouvrir que pour l'entrée des provi-
sions et dans les cas de nécessité où Ton irait, pen-
dant la nuit, demander des remèdes. Défense stricte
d'introduire aucun étranger ; toutes les personnes sus-
pectes doivent, sans délai, être éconduites. Il est
enjoint au sieur Méritens-Rozès de fermer incessam-
ment, pour raison de sûreté générale, l'ouverture qui
se trouve dans le mur de ville qui sépare sa terrasse
d'avec le jardin du sieur Lajous. Un poste militaire
est établi au bout du pont, sur la route de Lorp à Saint-
Girons, dans la maison de Guillaume Anel. On veut
même s'assurer la protection du ciel, et, pour cela, on
prie le curé de reprendre l'ancien usage des proces-
sions autour de la ville le dimanche matin.
La frayeur ne rend pas seulement prudent, mais
elle inspire des actes que réprouve la conscience : on
va jusqu'à violer le secret des cprrespondances, on
ouvre un paquet adressé à la demoiselle de Salin ; des
énergumènes môme proposent de faire une visite
<lomiciliaire chez elle, à l'effet de voir si elle ne cache
pas des documents compromettants pour la sûreté de
l'État. La municipalité avait invité tous ses adminis-
trés à déclarer immédiatement les armes et munitions
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222
qu'ils possédaient. Ces déclarations se faisant lente-
ment et inexactement, elle décida, qu'escortée d'un
détachement de la garde nationale elle se transporte-
rait au domicile des particuliers pour vérifier l'exacti-
tude des déclarations et désarmer les citovens sus-
pects de non-patriotisme.
(c Le danger imminent où se trouvait la patrie,
disait-elle, exigeait toutes ces précautions. »
Une cause d'émoi pour la cité, fut la découverte
d'un dépôt illégal de poudre à la métairie d'un certain
Vital, située au quartier de Friquet. Avis avait été
donné à la municipalité de Saint-Lizier de l'arrivée de
cet approvisionnement illégal. Vital avait été arrêté à
Saint-Girons, mais le corps de délit avait échappé aux
investigations de la police. \'illa, Court et Nicolas,
escortés de dix gardes nationaux commandés par le
capitaine Pierre licrgès, se mirent à sa recherche et
trouvèrent dans l'écurie à vaches de la métairie, sous
une couche de fumier, des sacs de poudre à canon et à
mine pesant environ 300 livres. Cette découverte fit
grand bruit dans le pays et avait attiré autour de la
métairie de Vital une foule considérable à laquelle
s'étaient joints Séré, officier de gendarmerie, Berges,
faisant fonction déjuge de paix^ avec son secrétaire et
la garde nationale de Saint-Girons qui venait prêter
main-forte à celle de Saint-Lizier. C'était évidemment
munitions de suspects et d'anti-révolutionnaires; la
poudre fut enlevée et transportée dans les galeries du
cloître, pour être séchée et rentrer ensuite dans l'arse-
nal de la commune.
Dans une réunion tenue le 17 août, le procureur de
la commune Seillé crut devoir exposera ses collègues
la gravité de la situation : « Ce serait en vain, leur dit-
il, que nous nous endormirions avec tranquillité, lors-
que toufe, dans ce pays, annonce des conspirations qui
se trament journellement contre la chose publique : les
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mouvements des prêtres dissidents, les approvisionne-
ments secrets de munitions de guerre que Ton dit se
faire avec activité dans plusieurs lieux, nous montrent
que des intentions pures, une surveillance active et
un patriotisme zélé ne suffisent pas pour maintenir la
sûreté publique, et qu'il faut y joindre encore, sui-
vant le vœu des lois, l'appareil d'une force armée
qui puisse en imposer aux factieux; il est inutile de
vous rappeler à cet égard que, quoique assez pourvus
d'armes, nous ne le sommes point de poudre et de
balles, munitions sans lesquelles ces armes, purement
défensives entre nos mains, deviennent inutiles au
salut de la patrie. Il est donc de la plus grande impor-
tance de prendre des mesures à cet égard, et je pro-
pose et requiers en conséquence, qu'il soit délibéré
que l'un de nous écrive aussitôt, au nom du conseil,
aux membres du directoire du district de Saint-
Girons, pour les prier de faire remettre à la municipa-
lité de Saint-Lizier une provision suffisante de poudre
et de balles. »
Déférant aux vœux de l'orateur, le conseil général
adressa sa réquisition au district de Saint-Girons.
Si les armes étaient inutiles sans munitions, comme
l'observait M. Seillé, elles ne pouvaient pas non plus
se passer de bras pour les manœuvrer. La loi du
22 juillet 1792 ordonnait une levée d'hommes a qui
devaient avoir l'honneur et la gloire de voler les pre-
miers à la défense de la patrie. » Le canton de Saint-
Lizier devait contribuer à la formation de cette armée
pour 16 sujets, mais ces considérations théoriques de
patriotisme ne paraissaient point enflammer le cou-
rage des jeunes conscrits du pays. Le 19 août, eut
lieu, à Notre-Dame cic la Sède, rassemblée des diffé-
rentes municipalités du cantonpour procéder à la nomi-
nation des seize soldats; mais l'opération fut troublée
par une bande de jeunes tapageurs, qui forcèrent les
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S24
sentinelles préposées à la garde des portes et envahi-
rent rassemblée. On renforça alors le poste d'un déta-
chement de la garde nationale et d'une brigade de
gendarmerie; mais ces précautions n'en imposèrent
pas aux mutins, qui redoublèrent d'audace et allè-
rent jusqu'à lever leur? bâtons contre la municipalité
et la force armée. On finit par se rendre maître de
ces énergumènes et dix d'entre eux furent emme-
nés à la maison d'arrêt. Ils parvinrent à forcer la
garde de la prison et s'évadèrent. « En traversant la
ville, ils frappèrent à grands coups de bâtons les portes
et les fenêtics, wiant à tue-tête : « A trum ! à trum!
allons chercher les cordes pour pendre le sieur Villa,
prenons nos couteaux et mettons en pièces cette
f municipalité de Saint-Lizier dont le plus grand
morceau sera comme un liard. » C'est ainsi qu'en
invectivant l'autorité et tous ceux qu'ils rencontraient
sur leur passage, ces jeunes perturbateurs regagnè-
rent leurs villages.
Le rapport de police qui mentionne ce petit événe-
ment signale, parmi les factieux, notamment les
jeunes gens de Sentaraille et Caumont.
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225
IV
Règlement sévère iaiposé à la g»nle nationale; punition de
rhomme de loi Vignau qui la enfreint. — Désintéressement
patriotique de Roquemaurel. — I/Ass^mbléo législative exige un
nouveau serment schismatique. — Raros résistances dans le
clergé de la ville épiscopale ; nombreuses défaillances.
Le relâchement et rindiscii)liae s'étaient glissés
dans les rangs de la garde nationale. Quelques citoyens
refusaient de faire leur service personnel et ne se ren-
daient pas lorsqu'on battait la générale, ou ne s'acquit-
taient de leur devoir qu'avec nonchalance.
L'État pourtant traversait une période de crises vio-
lentes, et, pour avssurer l'exécution des lois, la bonne
volonté et le concours de tous était indispensable.
C'est pour inculquer ces sentiments d'abnégation et de
généreux dévouement que la municipalité arrêta : « que
tout citoyen inscrit sur le registre civique pour le ser-
vice de la garde nationale serait tenu de faire person-
nellement son service, à peine de dix livres d'amende
pour la première fois, de vingt livres pour la seconde,
et d'être inscrit pour la troisième sur la liste des gens
suspects; que lorsqu'on battrait la générale^ tout
citoyen serait tenu de se rendre en armes sur la place
d'armes auprès de l'arbre de la liberté, sous peine
d'être déclaré suspect et, comme tel, mis en état d'ar-
restation ; que tout citoyen dépositaire d'armes serait
tenu de les faire mettre en état de service et de pro-
preté, et de se rendre pour leur inspection sur la place
d'armes, après en avoir été prévenu à cri public et au
bruit du tambour, à peine d'en être dépouillé et déclaré
incapable d'en être dépositaire. Tout citoyen, enfin,
devait obéir à ses officiers, provisoirement, sauf,
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%Î6
après avoir obéi, les réclamations et poursuites de
droit, à peine d'être puni conformément à la loi. »
Ces sévères dispositions parurent ramener Tordre
et la discipline dans les rangs de la milice communale.
Le sieur Vignau cadet, avoué, étant tombé sous le
coup d'une de ces répressions pénales, fut poursuivi
devant le tribunal. Ayant reçu Tordre de marcher en
détachement à Téglise, il déclara qu'il aimait mieux
aller en prison. 11 quitta, en effet, son poste avec per-
mission de Tofiîcier qui l'autorisa à s'absenter un ins-
tant, mais ne reparut que quand le détachement fut
rentré au corps de garde. Appelé devant la municipa-
lité, il reconnut sa faute et la regretta ; mais l'opinion
publique et la garde nationale demandèrent l'applica-
tion du règlement. Déféré devant le tribunal, il fut
condamné à cinq livres d'amende et aux dépens.
Le corps de garde de la milice nationale avait été
placé, comme nous l'avons dit, dans le voisinage du
pont. C'était un logement incommode et insalubre, et
qui, de plus, avait l'inconvénient d'être situé à l'extré-
mité de la ville ; la municipalité dut se mettre en quête
d'un local plus convenable ; elle députa les sieurs Villa
et Dupré-Bergerat auprès de Roquemaurel, pour lui
exposer son embarras et lui demander de vouloir bien
mettre son salon à sa disposition. En gentilhomme
patriote etgéiiéreux, Roquemaurel répondit qu'il était
heureux de saisir cette occasion de prouver son dévoue-
ment à la municipalité, que de suite il allait l'appro-
prier à sa nouvelle destination et y ouvrir une port^
sur la rue pour le rendre indépendant des autres appar-
tements. Quant à l'offre de Tindemnité, il ne pouvait
l'accepter, le plaisir d'être utile à la chose publique
étant pour lui une suffisante rémunération.
Le conseil, à son tour, chargea ses commissaires
de témoigner au sieur Roquemaurel la gratitude de la
commune, Tassurant que sa maison et sa personne
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2Î7
seraient, dès ce jour, sous la sauvegarde de hi muni-
cipalité et de la garde nationale.
L'Assemblée Constituante avait imposé le serment
civique à tous les prêtres. Ceux qui refusaient de le
prêter^ en perdant la qualité de ministres du culte
public payés par TÉtat conservaient leur pension de
simples ecclésiastiques et la liberté d'exercer privé-
ment leur ministère*. L'Assemblée législative, à son
tour, exigea aussi le serment et priva de traitement,
tous ceux qui le refuseraient ; ils devaient de plus,
selon leur conduite, être transportés d'un lieu dans un
autre, même condamnés à la détention. Elle leur
défendit encore le libre exercice do leur culte particu-
lier 2.
M. Thiers, tout indulgent qu'il est pour les hommes
et les choses de la Révolution, n'a pu s'empêcher de
blâmer cette mesure qui « tenait à la crainte des gou-
vernements menacés et qui les porte à s'fentourer de
précautions excessives. Ce n'est plus le fait réalisé
qu'ils punissent, c'est l'attaque présumée qu'ils pour-
suivent; et leurs mesures deviennent souvent arbi-
traires et cruelles comme le soupçon. »
Le roi, qui avait accepté le décret de la Constituante,
refusa énergiquement de sanctionner celui de la Légis-
lative, a Pour celui-ci, dit-il^ on m'ôtera la vie plutôt
que de m'obliger à le sanctionner. »
Le 27 mai, l'Assemblée rendit un nouveau décret
pour suppléer à celui que le roi n'avait point voulu
sanctionner. Il frappait de déportation tout prêtre dont
la conduite était signalée comme incivique. « Sur la
dénonciation de vingt citoyens actifs et l'approbation
du directoire du district, le directoire du département
1. Tbiers, Histoire de la Bévolution, t. ii, p. 27.
3. Décret du 27 novembre 1791.
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228
prononçait la déportation ; le prêtre condamné devait
sortir du canton en vingt-quatre heures, du départe-
ment en trois jours, et du royaume dans un mois. S'il
était indigent, trois livres par jour lui étaient accor-
dées jusqu'à la frontière».
Ces dispositions annonçaient dans les assemblées
politiques un état d'irritation et d'intolérance dont
elle ne donnèrent que de trop fréquentes preuves ; il
était bon de les rappeler. De par la loi, le clergé de
Couserans va être mis dans l'alternative de l'immola-
tion ou de la félonie. Le 3 août, la municipalité, au son
du tambour, fît publier, par un officier d'ordonnance
escorté d'un détachement de la garde, cette loi persé-
cutrice qui lui avait été transmise par le directoire du
département.
Sous le souffle de la persécution va se produire la
séparation du bon grain et de l'ivraie. Hélas! le fro-
ment pur ne forma que de petites gerbes. La bonne
foi, que nous avons admise lors du premier serment,
ne peut ici être invoquée. Home avait parlé, et, dans
sa conscience de chrétien, le roi lui-même avait trouvé
la force de refuser sa haute sanction à un édit inique.
L'abbé Cau-Durbax.
(A suivre,)
1. Thiers, Histoire de la Révolution, t. ii, p. 87.
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FONDATION
D'UN COUVENT DE DOMINICAINS
A SAINT-GIRONS
A chaque crise que traverse T Église, Dieu suscite
un ordre religieux pour la soutenir et participer à son
triomphe. Le commencement du xm* siècle vit gros-
sir sur le ciel de la France catholique les nuages pré-
curseurs de la Réforme; des esprits orgueilleux et
inquiets nièrent une partie des dogmes chrétiens,
sapèrent le principe d'autorité, voulurent se soustraire
à la discipline de Rome et' rompre les liens qui les
rattachaient au reste de la France. Pendant que
Simon de Montfort combattait Thydre hérétique par
le fer et le feu, le castillan Dominique, n'usant que de
la persuasion, prodiguait aux populations contaminées
les trésors de son éloquence et multipliait les conver-
sions. En 1216, il fondait à Toulouse l'ordre célèbre
des frères prêcheurSy qui prirent de lui leur nom de
Dominicains sous lequel ils sont universellement con-
nus. Prier, se mortifier, étudier pour instruire, c'était
la vie des fils de saint Dominique, mais leur œuvre
principale consistait dans la prédication, où ils excel-
lent encore aujourd'hui.
L'ordre^ gouverné par un maître élu, était divisé
en provinces ayant à leur tête un prieur provincial
élu ; chaque couvent était régi par un prieur élu, ordi-
nairement assisté d'un vicaire ; les fréries qui n'étaient
Riwi M Comnxoii, 8" Uimestrt 1104. Tohi IX. — 16.
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«30
pas encore érigées en couvent s'appelaient lieu et
n'avaient qu'un vicaire.
Tous les ans, les prieurs se réunissaient en chapi-
tre provincial dans un des couvents de la province,
désigné à l'assemblée de l'année précédente.
La circonscription dans laquelle prêchaient les
frères de chaque couvent s'appelait prédication.
Le Couserans était compris dans la province de
Toulouse, démembrée en 1303 de l'ancienne province
de Provence, et dans la prédication du couvent de
Pamiers, fondé en 1270.
Or, le puissant Arnaud de Comminges, surnommé
d'Espagne, vicomte de Couserans, qui résidait ordi-
nairement à Saint-Girons, fils, croit-on, de Roger IV
de Comminges, et de Grise ou Garcie, fille d'Arnaud
d'Espagne, seigneur de Montespan, désirait avoir sur
ses domaines un couvent de frères prêcheurs ; il acheta
pour cinq cents livres tournois, équivalant à vingt-
quatre mille francs de notre monnaie actuelle, un
vaste emplacement sur la rive droite du Salât, à deux
portées d'arbalète du château vicomtal, et l'offrit à
l'ordre. La proposition fut examinée au chapitre pro-
vincial de 1306, tenu à Figeac en la fête de Sainte-
Marie-Madeleine. Le frère Guillaume Aurélie, prieur
de Figeac, et les définiteurs prescrivirent au frère
Guillaume d'Aignan et au frère Arnaud-Guillaume de
Lordat de se rendre à Saint-Girons pour faire une
enquête minutieuse.
A la suite de ce chapitre, les frères désignés vin-
rent à Saint-Girons pour remplir leur commission;
ils visitèrent l'emplacement et examinèrent les offres
du seigneur ; mais ils ne procédèrent pas à la récep-
tion du lieu, car depuis 1298 une permission spéciale
du Saint-Siège était nécessaire à cet effet. Arnaud
d'Espagne la sollicita et l'obtint de Clément V.
Au chapitre provincial de 1309 tenu à Périgueux,
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831
en la fête de Saint-Barnabé, il fut décidé que le prieur
provincial se rendrait lui-même à Saint-Girons et,
qu'après s'être pleinement assuré de l'authenticité de
la lettre pontificale en forme de bulle, il recevrait le
nouveau lieu pour y établir des frères lorsque le cha-
pitre général en aurait donné l'autorisation.
Après le chapitre de Périgueux, le prieur provincial,
frère Guillaume d'Alan, alla à Saint-Girons avec le
frère Arnaud-Jean, prieur de Prouilles. C'est le 20 sep-
tembre 1309, le samedi des Quatre-Temps, veille de
Saint-Mathieu, que le lieu fut solennellement reçu par
le provincial, et le prieur de Prouilles y célébra ce
jour-là la première messe en l'honneur de la Sainte-
Vierge, patronne du Couserans, avec l'assistance du
vicomte Arnaud, de son épouse Philippe, fille de feu
Roger IV, comte de Foix, de leur famille et d'une
nombreuse foule dépeuple recueilli.
Le provincial établit comme vicaire du lieu le frère
Pierre-Arnaud, toulousain, sortant du couvent de
Saint-Gaudens, qui était présent à la cérémonie ; il dé-
signa pour prédicateurs les frères Guillaume de Géra
et Arnaud Barrave, et le frère Bernard de Fagia pour
promoteur.
Le 21 novembre .de la même année, la veille de
Sainte-Cécile, un cimetière fut béni avec solennité
dans l'enceinte du couvent par Monseigneur Boson de
Salignac, évêque de Comminges, avec le consentement
des vicaires de l'évêque de Couserans, Bernard de
Montaigcu, alors absent du diocèse.
Le chapitre provincial de 1310, tenu à Paniiers en
la fête de Sainte-Marie-Madeleine, érigea le lieu de
Saint-Gîrons en couvent, y établit comme premier
prieur le vicaire Pierre-Arnaud, comme lecteur ou
professeur le frère Guillaume de Pinherio, et désigna
douze moines pour l'habiter, les frères Guillaume
de Cera, Bernard de Fagia, Arnaud Barrave, qui y
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étaient déjà; Bernard de Scalerie, P. de Catave,
Raymond Gayta des Camps, Jean Dieudonné, Arnaud
de Caslarie, Guillaume Ayroer, Arnaud Mancipii, du
bourg de Saint-Bernard, Bernard Degan, R. de Fagia.
Le couvent de Saint-Girons prit, suivant son rang
d'ancienneté, la treizième place du côté gauche dans
les chapitres provinciaux, vis-à-vis celui de Saint-
Gaudens, fondé en 1290 et qui avait fait partie jusqu'en
1303 de la province de Provence.
Arnaud d'Espagne pourvut largement, dans lasuite,
aux besoins du beau monastère qu'il avait fondé et
dans lequel il fixa sa sépulture.
Un chapitre provincial fut tenu à Saint-Girons dès
1321 ; le seigneur Arnaud et dame Philippe n'exis-
taient plus : les actes du chapitre prescrivent à chaque
prêtre de l'ordre de dire une messe pour le repos du
généreux fondateur du couvent de Saint-Girons et de
son épouse^ et rappellent qu'on doit prier pour Arnaud
comme pour un membre de l'ordre.
La fondation d'Arnaud subsista près de cinq siè-
cles ; elle fut emportée par la tourmente révolution-
naire. On voit encore les traces de l'église du couvent
morcelé dans le moulon Rumeau, que borde d'un
côté la rue des Jacobins.
B°^ DE BARDIES.
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UN DEMI-SIÈCLE D'ASCENSIONS
AU NÉTHOU-
1859
21 juillet (lundi), — Th. Duret (Cognac), H. Normand (London),
Isham H.-E. Gell (Liverpool), J.-B. Miller (Liverpool), venant du
sommet du Mont-Pordu, sont arrives de la Rencluse au Néthou
en quatre heures de marche. — Guides : Baptiste Cier, F. Barrau,
Michot, F. Samson.
28 juillet. — Beaumont (Norvick.) — Guide : Jean Cier.
Arrived from Rencluse, 10,30, a. m.
29 juillet, — M°>« E. Mourîer, accompagnée de son mari
M. P. Mourier, de son beau-frère M. B. Mourier,, de M. Froupeil
jeune et (illisible). — Au sommet du pic à 11 h. 1/2. — Guides :
B. et B. Lafont, S. Lafont, P. Sanson. — Thermomètre = + 15«.
4 août. — Marquis Aymer de la Chevalerie (Poitiers), Jules de
Laurière (Angoulême), Albert de Vandeul (?) de Paris. — Guides :
Michot, B. Cier, J. Sors-Argarot, P. Fages, recommandés par les
touristes ci-dessus.
Partis de la Rencluse à 3 h. 1/2, arrivés à 8 h. moins 1/4, favorisés
par un beau temps. En arrivant au pic le ciel était couvert du côté
de TEspagne, éclairé par le soleil du côté de la France. — II est
tombé un peu de neige pendant le passage du Pas de Mahomet,
puis le temps a été magnifique. Impossible de constater le degré
du thermomètre dont la colonne de mercure était coupée en
plusieurs tronçons.
15 août. — Jacques Delamotte (Paris), vicomte R. de Bastine (?),
comte Raymond du P (illisible), Paul la Peretie. — Guides :
Michot, B. et P. Cier, li. Redonnet que nous recommandons aux
touristes pour leur sang-froid et leur prudence.
Nous sommes arrivés au sommet de Néthou après cinq heures
de marche depuis la Rencluse. Partis le matin à 3 h. 25, arrivés
à 8 h. 1/4.
17 aoû^. — Charles Bouet, juge suppléant (Agen), Bigot, substitut
iliaval), Frédéric, vicomte de Beauragie (?). — Guides : Michot,
P. Barrau, P. Sanson.
1. Voir ci-desms, p. 165 à 180.
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Partis de la Rencluse à 2 h. 1/2 du matin, nous sommes arrivés
au sommet du pic à 6 h. 1/2, c'est-à-dire en quatre heures. Le fond
des vallées françaises est couvert de nuages, mais se dégage peu
à peu. Le temps est superbe; la vue des sommets est aussi
complète que possible.
19 août, — Ernest de Lafade. — Guide : Michot.
2i août. — V. Vincent et Alphonse Mony. — Guides : G. Bajun,
J. Sors, J. Tournan.
Partis de la Rencluse à 3 h. du matin, arrivés au sommet du
Néthou à 7 h. 5. — Beau temps.
22 août. — MM. Fessart, Daniel Wilson. Charles Gaillet.
Départ de Luchon à midi 30, le 21 août, avec un baromètre de
Gay-Lussac, confié à M. Gaillet, professeur de physique, par
M. Lézat, et un thermomètre à mercure, confié par M. Benoît,
opticien (le zéro avait éprouvé un déplacement de t<»,3).
A Luchon, (10 h. matin) : barom. = 716,6, therm. z=i 23<»
21 [ A TH. de Luch. (2 h. 1/2 s.) = 654,8, id. = 22»
A la Rencluse (9 h. soir) = 600,1, id. = 15«,4
l Id. (3 h. matin) == 599^, id. = l3^8
22 I Au Portillon (6 h. 20 matin) = 554,8, id. = 7\1
( Au Pic Néthou (10 h. 40 matin). . = 512,0, id. z= 12s3
Vent du N-0. très froid. — A l'ombre, le thermomètre de Benoît
donnait à 10 heures — 3«1.
Les guides susnommés, par leurs soins attentifs, ont été dignes
de la plus grande louange.
Sans date. — MM. Thibault, d'Escayrac, Emile Rondeaux. —
Guides : J. Ribis, J. Redonnet, Bert, Gourrège.
Partis à 4 h, 17 et arrivés à 8 heures moins 9. — Beau temps,
jarrets vigoureux, appétit idem.
24 aoû^ — Alfred de Gardou (négociant à Saint-Quentin, Aisne),
Paul Villeneuve (propriétaire à Saint-Antonin, Tarn-et-Garonne).
Partis à minuit de Luchon et à 7 h. de la Rencluse, sont arrivés
au sommet du pic de Néthou à 11 h. 10 m. — Guides : F. Gapde-
ville, J. Fages, J. Tournan.
25 août. — M. Auguste Dollfus (du Havre, Seine-Inférieure). —
B. et J.-M. Lafont.
Départ de la Rencluse à 4 h. 1/2, arrivés au sommet 7 h. 3/4. —
Temps magnifique quoique un peu brumeux à l'horizon. Le ther-
momètre marque 6° centigrades au-dessus de zéro.
7 septembre. — Alfred de Bylly, Maurice de Butler, F. Gue (?) —
Nous n'avons qu'à rendre justice à l'intrépidité de nos guides :
P. et F. Barrau, L. Redonnet.
Partis de Luchon le 6 septembre à 10 h. du matin, nous avons
traversé le port de Vénasque, visité le Trou du Toro et gagné la
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Rencluse à cinq heures un quart. — Nous étions à piedi —
A 4 h. t/2 nous avons quitté la Hencluse et nous avons atteint à
Iniit heures dix minutes le sommet du Nêthou. — [.e thermomètre
marquait 4- 4 degrés. — Belle vue des sommets. la plaine couverte
de brouillards.
Sans date. — Charles-Théodore Williams (Pemb. coll. Oxford),
England.
Wc left the Rencluse at 4.40 a. m. , and arrived at the pic de
Néthou, at 8.25 a. m., aftcr a comparatively easy ascent. My guide
was Jean Estrujo, whom I can strongly recommend.
7 septembre. — Xaxier P*'» Sapiha, avec ses fils Louis et Xavier :
arrivés au sommet du Néthou, grâce à Taide et à la sollicitude des
guides Michot, J. Tournan, P. Tournan.
W" Ja» Faner : 24, Bolton str. London.
0 septembre, vendredi, — Paul Porlier, Emile Sorbet (tous deux
de Paris). — Ont fait Tascension du pic de Néthou par un temps
magnifique, sous la direction des guides Michot, B. et B. Cier,
exellents, qu'on ne saurait trop recommander aux voyageurs dési-
reux de faire cette magnifique ascension.
1860.
5 juillet. — Victor du Verne (Nevers, Nièvre). — Guides :
J. Redonnet, Pierre Barrau, dit Tiburce.
Parti.s de la Rencluse à deux h. 20 m. du matin, arrivés au som-
met du Néthou à 6 heures. Notre ascension a été favorisée par un
temps magnifique. Au sommet du pic il faisait un vent du nord
très frais.
Je n'ai pu observer le thermomètre, il n'en restait que des débris.
7 juillet. — J.-M. Wilson (Cambridge), B.-E. Hammond (Rugby),
A. Granic (Toulouse), Michel Delta (Grèce). — Guides : J. Estrujo,
B. et J.-M. Estrujo, J. Abadie.
Partis de la Rencluse à 2 h. 30 m. du matin, arrivés à 7 h. pré-
cises au sommet du Néthou. — Temps superbe.
Température :
La Rencluse (8 h. p. m.) == 61 Fahrenheit.
— (2 h. a. m.) z= 54° id.
Portillon (4 h. 25' a. m.) = bl<» id.
Pic de Néthou (8 h. a. m.) = S?» (ombre) : 64«> (soleil).
« Que faire en un gîte, à moins que Ton ne songe ? »
L^esprit tranquille et satisfait donne le moyen de ne point faire
comme tout le monde. Les cartes dans les boîtes se perdent ou
peuvent s'eflfacer. Nous prions donc les voyageurs de les placer
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dans le cahier. Quant à des vers ou de la prose, nous n!en voyons
pas. Nous engageons les personnes qui savent les faire bons^ d'en
insérer, pour distraire les voyageurs.
28 juillet. — Charles Martins, professeur d'histoire naturelle
(Faculté de médecine de Montpellier), T. Lézat, auteur du plan en
relief (Toulouse), M"« Gabrielle Niel (Paris), D*" C.-G. Reîschauer
(von Munchen aus Hannover), Gaston Gazalis, Victor Prat, étudiant
à la Faculté de médecine (Montpellier), Emile Teulon, étudiant à
la Faculté de médecine (Montpellier). — Guides : Michot, P. Barrau,
Pierre Natte.
Baromètre à 11 h. = 503 millim. à 2<> 8, air 2» 6, — Vent violent
du S.-O. par raffales. Brumes fréquentes.
M. Roudier. jardinier au jardin des plantes de Montpellier.
2 aoû^ — Frederick Montagu Arnold (Kingston on Thames),
William Henry Bamsby, Bromyard iHereford). — Weather good,
but new snow, very soft for walking. — Guides : P. Barrau,
J. Redonnet, Highly to be recommended, both as guides and good
companions.
20 août, — Mn>« Dommartin (Paris), M. Dommartin (Paris),
L. Féron, aspirant à la Cour des comptes (Paris), A. Veillon
(Bordeaux), François de Luze (Bordeaux), Georges Amé (Langon).
— N. B. -— M. Dan Guestier a dû rester en route n'ayant plus de
clous à ses souliers. — Guides : Michot, Pierre Barrau, J.-B. Lafont,
J. Lamolle, J. Meney.
Partis de la Rencluse ce matin à 5 h. moins cinq, nous sommes
arrives à midi 5 m. par un temps magnifique. Neige un peu
tendre, voyage pénible, mais pendant lequel M°>* Dommartin s'est
distinguée par le plus grand sang-froid et par une énergie qui
nous a servi d exemple. — Nous sommes très contents de nos
guides, surtout de Michot et P. Barrau, dont nous ne pouvons
faire assez d'éloges ; fort contents aussi de J.-B. Lafont.
2i aoiLt. — Charles Packe (Angleterre), Francis Galton, Charles
Gray, Ellis, Cunliffe. — Our guides was P. Barrau.
Left the Rencluse at 3 h. 45, arrived at the top in 3 h. 45.
M. Ch. Packe, left a minimum thermometer, marking at 8 h. 30 m.,
— 30 centig. — Baromcter marked, 19,80 inches. — Wind N. W.
A. fine day, but strata of clouds over at the lower summits.
Strayed l houi- at the top.
Même date. — Henri Preschern et Anselm Ehmant (Paris). Guide :
J.-M. Estrujo. — Louis Breton et son fils ; guide : A. Haurillon. —
Auguste Fontaines ; guides : J. Haurillon, fils, Fr. Goret. ^ Henry
Augustus Candy; guides : Redonnet-Natte, B. Ursule.
28 août (mardi). — Charles Gray ; Edward Jones, avec le guide
J.-M. Estrujo. — Norris Russell; guide^ B. Estrujo. — Em. Laba-
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S87
lette (Bordeaux), avec le guide P. Barrau. — Alfred Dupeyron ;
^uide : J. Sors-Argarot.
Partis de Luchon I& 27 à 11 heures, temps lourd et orageux.
A THospice Torage éclate ; nous partons au milieu d'une averse
effroyable, de rafales aflreuses qui menacent de nous enlever de
dessus nos chevaux. Malgré cet horrible temps personne ne perd
courage, nous arrivons à la Rencluse à 7 heures, le temps
s'éclaircit un instant, une heure après l'orage éclate de nouveau.
— Ce matin au moment de partir un nouvel orage se déclare.
Nous nous mettons en route à 5 h. 30, et nous sommes parvenus
au sommet de Néthou à 10 heures. Le temps s'est sensiblement
amélioré, nous pouvions jouir du splendide spectacle. La course
s*est faite dans d'excellentes conditions^ sans trop de fatigue.
Nous avons avec nous un jeune Anglais qui n'a pas quinze ans et
qui nous a donné l'exemple de l'intrépidité et de Ténergie.
8 septembre, — J.-W. Evans (Derby), — Guides : Redonnet-
Michot et J. Tournan. •— Thermometer on the top (10 a. m.)
= 25<» Fahr. Fine bright day, but heavy clouds at a low level.
22 septembre. — D' Heinrich Barth (Hambourg). — Guides :
Hichot, Pierre Barrau. — Temps superbe, mais neige fraîche,
difficile.
1861.
3 juillet. — Madame Laine et son fils Adolphe, M''et M™» Malliez,
M' Emile Paillet. — Guides : Barrot, Michot, J. Hedonnet, Estrujo,
Gapdcville, J. Tournan, Raygot.
ii juillet, — N. Vene, E. Vene, P. Litière, Fecheter. — Guides :
Pierre et Firmin Barrau, L. Redonnet, Ch. Redonnet. — Partis de
Luchon le 10 à 7 heures du matin.
Nota. — M' Lambert (Lyon), après avoir soutenu un pari est
parti de Luchon le 10 à 10 heures du soir, et est arrivé une heure
après les sus-nommés. ~ Guides : Estrujo, Cier.
29 juillet. —A. Molin (Beaune), Maisonoble (Beaune), E. Voillot
(Beaune). — Guides : B. Estrujo, J. Redonnet, dont nous sommes
parfaitemeni contents. — Montés au pic de Néthou et bu du
Chambcrtin de 1846.
Même dfite. — H. A. Melly (New- York). — Guide : Bernard Lafont
dont je suis parfaitement content.
Même date. — El marques de Castro Serna (Espagne). — Gon su
criado Manuel Martinez et los 3 guias : J. Estrujo, P. Cantaloup,
Serbio (f). — Tiempo delicioso.
27 septembre. — Na Maladecié. Wicenty Siemienski, Helena-
Anna-Jos. — Vivat Polonia. Guide : Pierre Barrau.
13 août. — Wtadystaw Czartorysky, El conde de Gracia,
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838
D' V. Diorio, Arthur Fadeuilhe. — Guides : J. Bodonnet. L. et Ch.
Rcdonnet, B. Ursule.
Î6 août. — Edm. Castolnau, Louis Bazil (mots effacés), —
Guides : Pierre et Firmin Barrau ; en sommes très satisfaits. —
Partis de la Rencluse à 3 h. 40 du matin, arrivés au sommet à
8 h. 30 par un temps superbe.
Î7 août. — Alfred Huillard (Paris). — Guide : J.-M. Estrujo. —
Très satisfait du guide.
Partis de la Rencluse à 6 h. 30 et arrivés au sommet à 9 h. 40.
Venus de Luchon par un temps qui lais.se beaucoup à désirer.
17 août. — Frank Russell de Killough, oflicier au service du
Saint-Siège. — Guide ; J. Tournan. — Un poulet et du fromage.
A Torce de grimper, je suis arrivr' Oun
Rien beureux de n*avoir pns Tait pouf!
W août. — Albert Garpasc (?), Paul Bals, Edmond Delpech ,
Charles Packo. — Guides : B. Reygot, M. Trespaillé, P. Barrau,
J. Gourrège. — Beau temps et bon appétit.
Température z= 3° centigr. — Point d'ébullition de l'eau z=
19303 Fahr.
22 aoit^ — Madame Mauget, conduite par Bastion Teinturier,
{guide de Barèges) et J. Redonnet (guide de Luchon). Venue en
5 heures depuis la Rencluse.
26 août. — H.-G. Dakyns (Gambridge), Paul liéaube (f) de Cahors.
— Guides : Michot, J. Redonnet. Venus de la Rencluse en 4 heures.
Arrivés à 7 h. du matin.
7 septembre. — Alexis Godillot (Paris) avec son fils Georges, î'igc
de 14 ans et M. Théodore Lacaze, pompier à Toulouse. — Guides :
Bertrand et Bernard Lafont. Ces deux guides se sont dévoués et
nous ont donné leurs soins au dessus de tous éloges. — Le
nommé P. Sanson, guide de deuxième classe, nous accompagnait
aussi et a été rempli d'attention.
Partis de la Rencluse à 4 h. 30 m., arrivés après beaucoup de
fatigue au pic de Ncthou à 9 heures.
1862.
25 juin. — René du Plessis, officier au 3" de cuirassiers (23 ans),
et sa femme L. Ferraris du Plessis, 18 ans 1/2. — Guides : L.-J, el
Ch. Redonnet, Pierre Barrau : enchantés de leur grande expé-
rience et de leur énergie.
Les premiers de Tannée. — Partis de Luchon le 24 juin à midi,
arrivés à la Rencluse à 6 heures du soir. — Repartis le 23 à
3 h. 30 m. du matin. Temps magnifique. — Ascension difficile vu
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»39
la chaleur qui a fait fondre la neige où Ton enfonce jusqu'aux
genoux. — Arrivés au pic de Néthou à 10 h. 30 m.
Nous déjeunons de bon appétit et buvons du Champagne frappé
à la santé de ceux qui suivront notre exemple.
26 juin, — Sir W. Buchan Hepburn, miss Hepburn, miss Mary
and miss Jane Hepburn, and miss Weekes, ascended the pic de
Néthou this morning in 4.30 hours from the Rencluse. — Guides :
Jean, Bertrand, Bernard, and Jean-Marie Ëstrujo; B. Lafont,
L. Barrau : whom we found under ail circunstances obliging, well
informed and attentive guides.
4 juillet, — Baron Voisine de la Fresnaye ( Indre-e-Loire ) ;
E. Armand, secrétaire d'ambassade (Paris) ; Abel Raimbaux, ingé-
nieur dés mines (Paris). — Guides : J. Estrujo, P. Ribis, Barthé-
lémy et P. Barrau.
Ascension difficile : on enfonce dans la neige jusqu'aux genoux.
16 juillet. — Gapt. Story, R. N. ; the Honor. Harbord-Harbord,
and M. Augustus Ualford. Arrived at half past ten. Délavez at the
Rencluse by a thundestrom. — Guides ': Pierre Barrau, J. Estrujo,
L. Redonnet, P. Barrau : Is a first rate fellow. and the best guide
for summits.
19 juillet. — M. Arnaud, Léon Joubert, Louis Bellais, Hipp.
Perret. Glém. de la Roche Vaunoc. — Guides ; Pierre Barrau,
Estrujo, Capdeville, P. Johanneton et J. Thénard, qui ont rivalisé
de zèle.
Partis à 2 heures du matin de la Rencluse, arrivés à 6 heures
sur le pic de Néthou. Le temps a été splendide et le lever du
soleil, qui a eu lieu au milieu de la traversée du glacier, a offert
un magnîGque spectacle.
30 juillet. — A. Warmessonde (?), cap. d'artillerie de la Garde;
Geoffroy d'Ault-Dumesnil ; Toussaint Lézat; Joseph Montano; de
Montagnac ; Paul Ghantepic, étudiant. — Guides : P. et L. Redon-
net, J. Estrujo, J.-M. Ribis. Les quatre guides qui ont dirigé cette
ascension n'ont cessé pendant toute sa durée de donner les preu-
ves de la plus grande complaisance et du dévouement le plus
complet, surtout dans les passages difficiles, que la fonte des
neiges rendait très dangereux.
i4 août. — W. E. Forster . . . (phrase inintelligible et sans com^
mencement) . . . where he had spent the night with M. Forster. -—
Guide : Jean Estrujo. Day fine. En route from Luchon to Vénasque.
Même date. ~ Maurice Picard (Paris). — Guides : J. et L.
Redonnet. — Départ de la Rencluse à 3 h. 30 m., arrivés au pic à
9 heures. — Je n'ai eu comme toujours qu'à me louer de la com-
plaisance et de Thabileté de mes deux guides bien connus d'ail-
leurs par tous ceux qui ont résidé à Luchon. .
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Même date. — Charles Servez, négociant armateur (Marseille).
— Monté au pic de Néthou avec MM. Forster et Picard, accompa-
gné du guide J. Sanson, qui a été plein d'attention et de soin.
Temps douteux, brouillard croissant.
iO août. — E. Bonneau (?) (nom et phrase illisibles). — Guides :
J. Ch. Redonnet (illisible).
23 aoixt. — Les illustrissimes savants, Blanchi père et fils, Filhol,
Léon Soubeiran D. G. M. et E. Trutat, déterreur de crânes d'ours.
— Guides : Michot, B. et J. M. Lafont, Guillaume Bajun ; ils ont
porté jusqu'ici notre appareil photographique, le premier qui y ait
apparu et ont guidé nos pas glissants sur la nei^e éclatante. « La
couleur indigo règne dans la nature » comme disait le professeur
de cet infortuné Murger. — En outre du panorama photographique
que nous avons pris, les observations barométriques faites par
M. Blanchi sont les suivantes :
Baromètre z=z 510. Chaleur z=: + 13** (de Tinstrument), + JO*
(à Tair libre.)
1863
24 juin. — Deux cJiasseurs (noms inconyius). — Guide : Jean-
Marie Ëstrujo.
5 juillet. — Docteur Mauricet (Vannes). Guides : Barthélémy
Courrège, J. Estrujo ; guides dévoués à qui on peut se confier en
toute sécurité. — Phénomènes physiologiques remarquables.
iO juillet. — Baron de Lustrac (Sainte-Livradc : ïiOt-et-Garonnc)
et le Baron Ed. d'Eloy^^lovorst (?), Belgique — Guides : J. et li.
Redonnet. — Partis de la Rencluse à 2 h. 30 du matin, arrivés au
sommet du pic à 7 heures. — Guides intrépides et prudents, qui
ont partout fait preuve de la plus grande intelligence et du plus
grand dévouement.
2/ juillet. — Comte de Pracomtal et baron d'Hunolstein. —
Guides : P. Barrau. Haurillon, J. Prince.
27 juillet. — Ro^er Portalis (Paris), D"* Bouverot (Auxerre). —
Guifles : Michot et A. ilaurillon : excellents.
25 juillet. — Edouard Dubrcuil, Jacques Tallard (Béarn). —
Guides : Pierre Barrau et J.-B. Lafont : intrépides et sûrs. —
Ascension avec le brouillard et un vent à décorner les bœufs.
i*»- août. — MM. Brun Prélong, étudiant poitevin, Roi (Poitevin).
Bidault (paysagiste), Albert Hotséot (Bourgogne). — Guides :
Pierre Barrau, Haurillon, J.-B. Lafont, J. Estrujo et Huguet.
Partis à 2 h. 30 m. du matin do la Rencluse, arrivés au sommet
de Néthou à 7 heures. Temps variable, beau jusqu'au glacier,
très beau au pont de Mahomet, brouillard intense et vent violent
au sommet même. —. Nous répétons, comme nos devanciers, que
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nos guides ont fait preuve de la plus grande complaisance et
d'une habileté surprenante à éviter les crevasses.
Ou Néihou nous nous embarquons pour aller faire l'ascension
du Pic Posets en passant (avec liarrau et Lafont seuls) par la
Rencluse et Tilospice de Vénasque.
4 août, — Ludwrig Feist (Bordeaux), accompagné des guides
Haurillon et Charles, est arrivé au sommet du Néihou à 10 heures
du matin par un temps magnifique.
i4 août, — L. Hely d'Oissel, !.. Labbé, Edouard Mallet ,
P. P. Charles Dumazeaud, Raoul Treuilb (Chàtellerault), Albert
Laservollet (?), Alfred Lussan, Toussaint Lézat. — Guides : Pierre
Barrau, J. Sors-Argarot, L. Redonnât, Charles Redonnet, L.
Barrau, J.-B. LaUon, J.-M. Estrujo, F. Arazau ; dont nous avons
été très satisfaits.
Partis de la Rendus au nombre de 17, y compris 8 guides, nous
avons laissé deux de nos touristes, Tun au Lac glacé, Tautre au
pont de Mahomet, qu'il n'a pas voulu franchir.
Casimir Négrel (natif de Roquevaire, demeurant à Marseille) n'a
pu arriver que jusqu'au Pont de Mahomet.
24 août, — Comte Henry Russell et Ferdinand de la Brière. —
Guides : Pierre Barrau et Estrujo.
Remarquez, je vous prie, un tout petit nuage qui se forme dans
l'extrême occident, du côté de ces colosses : le Mont-Perdu,
le Vignemale, etc.. Il disparait, il n'est plus!!!! Remarquez
ensuite le beau glacier que vous allez descendre; il est moins cre-
vassé que ceux du Vignemale et du Mont-Perdu, mais plus étendu.
— Pour moi, vous ne me verrez pas : mais je dois vous dire que
mon guide est enchanté de la manière dont je suis grimpé ici ;
c'est un homme qui a du tact et le pied toujours sûr. Voyez donc
quel ciel ! Plus une tache ! Je n'ai rien vu de plus désolé et de
plus grandiose que ce panorama : Je vois le Canigou à Test, et à
l'ouest le pic de Balaitous. Ensuite je jette et concentre mes
regards sur mon thermomètre ; il marque -f- 26<> au soleil, et -i- H*^
à lombre. (Il est à remarquer qu'il ne marque jamais autre chose
à l'ombre.) — Barrau est un guide excellent qui brille surtout par
la prudence. — Comte Henry Russell.
Je ne puis mieux faire que de m'associer aux sentiments d'admi-
ration qu'exprime mon compagnon de voyage : admiration pour le
petit nuage, pour le Vignemale, pour le Canigou, etc. Admiration
pour une charmante petite abeille qui vient de passer, et dont je
vous souhaite de trouver le miel à votre prochaine ascension. Nos
deux guider dorment d'un sommeil profond après avoir bien
mangé sur les bords du lac Coroné. — Mon crayon s'est cassé,
pardon, je continue. — Nuit charmante passée à la Rencluse,
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su
ascension facile ; satisfaction entière. Mon compagnon fume un
cigare! sur le sommet du Néthou ! Proh pudor ! — Ferdinand de la
Brière.
25 août. — Edmond Nivoit, él. ingénieur des mines, R. Perrié (?)
él. ingénieur des mines, J. I^egras (?) él. ingénieur des ponts et
chaussées, A. Gouderc (Rodez). — Guides : J. Haurillon, J. Sanson,
P. Jouaneton, dont nous n'avons eu qu'à nous louer.
Partis de la Rencluse à 4 h. 30, arrivés à 8 heures.
Même date. — MM. Georges Pouchet (Rouen) et Pierre Ferras
(Luchon). — Guides : B. Laffon et G. Bajun, qui ont montré com-
bien ils répondaient à leur réputation. Nul ne peut prendre des
guides plus sûrs s'il veut voir sans peine et surtout avec intelli-
gence. Ge sont ces deux guides qui ont les premiers porté un
appareil photographique au Néthou en 1862.
8 septembre. — James Hunter Annandale (Lasswade, Edim-
bourg : Ecosse), Frederick Melmish (London). — Guides ; Bernard
Lafon, J.-B. Lafon, Pierre Barrau, J.-M. Estrujo : Weather wohen
we ascended was rather cloudy.
13 septembre. — MM. Alexandre Levalley, Ed. Delprat, L. Pai-
gnard, Achille Gournot. — Guides : P. Barrau, J. Estrujo, J. etCh.
Redonnet.
i4 septembre. — MM. Henri de Nion (Paris), né à Tanger (Maroc),
Alexandre Zannini, attaché de légation de S. M. le Roi d^Italie
(Florence), A. Mulredo (Vico : Corse). — Guides : J. Redonnet,
J.-M. Lafont, Bernard Lafont. -— Partis à 5 heures de la Rencluse,
arrivés à 9 heures du matin. — Beau temps.
1864
15 juillet. — Comte Henry Russell. (6 heures du soir.) — Tout seul
ici!!! Parti ce matin deThospicedeYénasqucavec la détermination
d'arriver au Néthou par une route nouvelle, je suis monté par le
lac d'Albe et Malibierne. Mais le jeune espagnol qui portait les
provisions ayant cédé à la fatigue, n'a pu arriver malgré toute sa
force. Je vais le rejoindre près du lac Goroné. C'est du haut du
pic Posets, avant-hier, que j'ai conçu la possibilité de monter par
le Sud- Voici mon itinéraire :
Montée au Sud de l'hospice de Vénasque.
1 h. 15', Petit lac (vu un bouquetin) ; montée à un col (S. S.-O.) ;
1 h. 30, Petit col; le Posets parait à TOuest. Laissez deux lacs à
droite, à 200 mètres plus bas : gouvernez Sud;
2 h. 30, Portillon, à travers une arête de granit, très facile.
Immense amphithéâtre de granit et cascade. Allez S.-E.
3 h. Lac Grégonio (ou d'Albe) ; 100 hectares (?). J'ai passé à gau-
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943
che ; la droite vaut mieux. Montez très roide (S. E.) sur des neiges
éternelles.
4 h. Col très ouvert de Gregonio. Voyez le Néthou à l'Est et deux
petits lacs glacés au S.-E., allez Est sur la neige. (Crevasses à
droite^.
5 h. 30'. Lac Coroné. — 6 h. Sommet.
Je ne puis trouver le thermomètre à minima.
J'ajouterai que je n'ai pas non plus suivi la route habituelle
pour le Posets. Je l'ai attaqué par le N. N. E., et en suis redes-
cendu seul et très facilement par le S. S. E. à 1 h. au-dessous de
Vénasquc.
N. B. — Un an après mon ascension au Néthou, j'ai découvert
que c'était à peu près l'itinéraire suivi en 1842, lors de la première
ascension par MM. de Franqueville et Tchihatchefî.
Comte H. Russell.
22 juillet. — J, Vignon (Lyon), Henri Veillon (Lyon), Léonce de
Conquans (Figeac). — Guides : P. Redonnet, père, J.-M. Estrujo,
J.-M. Ribis.
Partis à G heures de la Rencluse, nous sommes arrivés à
10 heures par un temps de neige affreux; il y avait un demi pied
de neige nouvelle.
28 juillet, — Neville Goodman (Cambridge, St-Peters. coll.). —
Guides : L. Rebonnet, and Ch. Gouchan. — We were 2 h. 50'
coming from the Rencluse. . . A splendid day : ail the peaks clear.
Only a few clouds in the valleys.
10 août. — Henri Lasserre, Philippe de Mouy, Henri Petit,
Alexandre (illisible), Baron de Rochetaillée. — Guides :
J. Tournan, J. Redonnet, Pierre Barrau, Michot, J.-M. Denar.
Qoe dire en ces sommets où Taigle seul respire,
La prière commence et te silence expire.
Henry Lasserre.
15 août. — Lieutenant-colonel Stanley (Guards). — Guide : Pierre
Barrau. — Fine day.
17 août. — Marquis de Sabran-Pontevès et Duc de Chevreuse. —
Guides : Haurillon et B. Lafon.
Même date. — G. Baron de Vaux. — Guide : Jean Redonnet.
Même date. — J. Waldenberg. — Guide : Capdevilie (mots
illisibles.) — Ce touriste est sans doute monté avec le précédent,
leurs deux ascensions sont réunies dans la même note.
Même date. — Miss A. C. Straton, Miss Mary Straton, J. Gar-
diner <Indian civil service). — Fine weater but a strong wind. —
Guides : M. -A. Charlet (Chamounix), J. et J.-M. Estrujo (Luchon).
21 août. — Charles Béranger (Saint-Germain-les-Corbeil). —
Guide : J. Estrujo. -« Nous sommes partis de la Rencluse à
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Si4
6 heures, nous sommes arrivés à midi. Nous avons eu un vent
assez violent, qui était très désagréable pour faire Tascension.
Sans Estrujo, excellent guide, je crois que je ne serais jamais
arrivé.
Même date, — Charles H. Wallroth, Frederick A. Wallroth. —
Guide : J.-M. Viscos (Barège). — Wînd blowing hard.
23 août. — Aug. Champion ; H. Busquet, ingénieur civil des
mines ; C. Renaudier (?), ingénieur des mines (Saint-Etienne) ;
M. Davoust; M. Davoust lils, à l'école spéciale militaire; —
Guides : J. Terce, B. Johanneton, Ursule, Redonnet, B. Cier. — -
Temps froid, brouillard épais. Temp. = + l<> centigr.
28 août. — Albert Grimiault (?) et René Leaé (Paris). — Guides :
Michot et P. Cantaloup, dont nous n'avons eu qu'à nous louer
toute la durée du trajet. — Partis de la Rencluse à 4 h. 30, arrivés
à 8 h. 10 minutes.
i»' septembre. — Prince Paul de Lieven (Russie), Comte Dodun
de Kesomay (?), Vicomte de Beaumont. — Guides : J. Estrujo,
J. Dénard, P. Sanson.
Même date. — Gaston Touchard (?) — Guide : Redonnet Michot.
— Monté en 5 heures. — Brouillard au pic.
7 septembre. — G. Giormet. — Guide : Michot» Monté en 4 heures.
Même date. — Karl Hauch (Frankfurt am Main : Allemagne). —
Rittergutsbesitzer auf Haunsheim bei Lauingen a/Donau (Allema-
gne). — Guides : J. Ribis, Pierre Redonnet dit Natte.
8 septembre, — Ferdinand Kolb, docteur en médecine (Paris),
venant de Vénasque après avoir gravi le 6 septembre le pic Posets
— en compagnie des guides Pierre et Firmin Barrau.
9 h. du matin : Baromètre... = 520"».
vent nord i Thermomètre := + 10<> cent, (à Tombre)
faible. j — = + lo® — (au soleil)
beau temps I -- ==+ 6"* — (boule humide)
1865
13 juillet. — MM. de Lort de Mialhe et Chadabot (officiers au 85*).
— Guides : Pierre Barrau et Haurillon.
i4 juillet. — Vicomte de Guitaut, Vicomte de Salaberry, J. Plu-
chet, Baudrier. — Guides : J. Redonnet, J. Estrujo, Haurillon,
Lafont.
17 juillet. — M. et M"« Gattier. — Guides : Pierre Barrau,
J. Haurillon : bons guides.
Même date. — Charles Packe , Captain Barnes . — Guide :
Ch. Gouchan. — Nous sommes montés par Malibierne et le lac
Goroné.
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«15
Point d'ébullition de l'eau =: 192*',G9 Fahren.
Température == 1 1» G centigr.
Baromètre 507«> »'".
Nous coucherons à Malibierne.
i7 et Î8 juillet. — Comte Henry Russell-Killough (ma 3« ascen-
sion) et le capitaine Hoskins (marine britannique). — Passé la nuit
ici, au sommet du Néthou, avec le^uide Capdeville, qui a bien fait
son devoir.
Température (de 3 h. à 5 h. du matin) = 0^ centigr.
Coucher de soleil plus beau hier que le lever ce matin. Nuages
immenses à l'Orient, tout pleins de tonnerre et d'éclairs. Lueurs
de la lune étaient magiques. Nous avons assez bien dormi.
Rafales violentes de TOuest. Comte H. Russell.
20 juillet, — MM. Cézanne (Bordeaux), ingénieur des Ponts et
Chaussées; Arthur Maindron, étudiant en médecine (Poitiers);
Victor Michel , propriétaire (Paris) ; Paul Trudière, avocat, doc-
teur en droit (Parthenay). — Guides : Redonnet-Michot, Ch. et
L. Redonnet, Pierre Barrau : excellents.
25 juillet. — Chevalier Malibert (Mayenne), F.-T. White (Oxford),
William Garfit (Boston : England). — Guides : Michot et Pierre
Barrau : excellents. — Nous sommes partis de la Renciuse h
5 h. 10 et arrivés au sommet du Néthou à 9 heures.
29 juillet. — Captain and M" Barnes, Miss Tong, Charles Packe,
Ed. Wilmot. — Guides : Firmin Barrau. Ch. Gouchan, J. Estrujo.
— After Avaiting at the Renciuse since the 26iJi inst. for fine
weather. En route to Malibicrn. 2 h. 10' p. m.
Point d'ébuUition de l'eau = 192<» 57 Fahren.
Température = 56*> —
Baromètre z=r 506° 8'»'°.
Splendid weather. My 5H» ascent of the Néthou.
(A suivre.)
Rerce be ComnHfiES, 3* irtineslre 1894. Tome IX. — 17.
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LES
VOYAGES DE M. L'ABBÉ DE BINOS
Chanoine de la Cathédrale de Comminges
1776-1779
« Lorsqu'en 1806, j'entrepris le voyage d'outre-
» mer, Jérusalem était presque oubliée ; un siècle
» anti-religieux avait perdu mémoire du berceau de
» la religion. Comme il n'y avait plus de chevaliers, il
» semblait qu'il n'y eût plus de Palestine.
» Le dernier voyageur dans le Levant, M. le comte
» de Volney, avait donné au public d'excellents ren-
» seignements sur la Syrie, mais il s'était borné à des
» détails généraux sur le gouvernement de la Judée.
» Jérusalem, d'ailleurs si près de nous, semblait être
» au bout du monde. »
Ainsi commence la Préface de V Itméraire de Paris
à Jérusalem^ par M. le vicomte de Chateaubriand.
Dans l'Introduction qui la suit, l'illustre écrivain cite,
année par année, tous les récits des voyageurs qui ont
visité les Saints-Lieux depuis le xv® siècle. On cherche
vainement dans ce répertoire bibliographique le livre
dont voici le titre :
Voyage par V Italie et L'Egypte au Mont Liban et
en Palestine ou Terre-Sainte y par M. l'abbé de Binos,
chanoine de la cathédrale de Comminges. Paris, chez
Antoine Boudet , imprimeur du Roi , rue Saint-
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947
Jacques, 1787. — Dédié à Son Altesse Royale Madame
Elisabeth de France.
Cet ouvrage forme deux volumes in-12. Il est orné
de douze gravures en taille douce qui représentent des
Orientaux avec leurs divers costumes, et qui sont fine-
ment coloriées dans un certain nombre d'exemplaires.
L'abbé de Binos aurait mauvaise grâce à regretter
d'avoir été oublié par Chateaubriand. Les Voyages du
chanoine de Comminges sont justement appréciés par
les érudits ; ils tiennent une place honorable dans les
bibliothèques des Orientalistes. Mais, devenu rare au-
jourd'hui, le livre est surtout peu connu dans la patrie
de l'auteur lui-même. Nous avons pensé qu'il convien-
drait de rappeler un souvenir précieux pour l'histoire
Httéraire du Comminges; nous consacrons ici le
résultat de nos études et de nos recherches sur l'un
des rares écrivains de notre pays, et sur l'œuvre
intéressante qu'il nous a laissée.
La famille à laquelle appartenait M. l'abbé de
Binos a toujours été considérée comme Tune des plus
nobles et des plus anciennes maisons du Comminges.
A la fin du siècle dernier, elle se divisait en plusieurs
branches distinguées par des i:oms de fiefs ou de sei-
gneuries, tels que Binos de Guran, Binos de Cierp,
Binos de Sarp, Binos de Pombarat^ Binos de Taille-
bourg, Binos de Bachos, Binos d'Antichan, etc., etc*.
De ces rameaux nombreux sortaient depuis le xiv*
siècle des gentilshommes pleins d'honneur et de bra-
voure, accoutumés à la vie des camps, et que l'on
trouve souvent cités dans les revues ou monstres des
gens d'armes de Gascogne. Retirés du service, ils
étaient choisis de préférence pour commander les
milices de nos vallées frontières. Les Binos donnaient
1. Voir Un gentilhomme Commingeois et l'ambassadeur de Venise, 1779, par M. Coiigel.
Jtevue de Cemminges, t. v, pp. 143-155.
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«48
au roi de vaillants officiers et de bons prêtres à
TEglise. On ne compte pas moins de quinze dignitaires
et chanoines de leur nom dans notre ancien diocèse,
depuis Tan 1527 jusqu'à la fin du xviii^ siècle*. L'auteur
du Voyage en Palestine ferma cette noble liste. Il fut
le dernier des Binos qui s'assit dans les stalles du
chœur de Saint-Bertrand.
Il descendait de la branche des Binos, seigneurs de
Sarp etd'Izaourt. Parmi ses ancêtres directs^ il comp-
tait, entr'autres gens de guerre éprouvés, Gaspard de
Binos dit le aqjitaine de Sarp, maréchal des logis de
la compagnie du capitaine Arné, puis gentilhomme à
la suite de M. de Gramont pendant les guerres de reli-
gion en Gascogne. Le maréchal de Monluc faisait le
plus grand cas du capitaine de Sarp ; il le voulait tou-
jours à ses côtés dans les chaudes rencontres. Au
siège de Rabastens, le premier compagnon d'armes
qui vint au secours de Monluc terrassé par une arque-
l)usade fut M. de Binos de Sarp, et le maréchal se
souvint de cette assistance dans ses Mémoires ^
Marie-Dominique de Binos de Sarp naquit, en 1731,
de Pierre de Binos, seigneur de Sarp, et de Rose de
Saint-Pastou, dont la famille se recommandait par
son ancienneté dans le Comminges et dans le pays de
1. Jean de Binos de Sarp, chanoine, archidiacre 1527.
Pierre de Binos de Sarp, chanoine 1580.
N. de Binos d'Arros, chanoine, archidiacre d'Arao 1609.
François de Binos de Gourdan Polignan, chanoine 1639.
François de Binos Pombaral, chanoine théologal ...... 1681.
François de Binos de Courct, chanoine 1678.
Cérac de Binos Pombaral, chanoine 1687.
Jean de Binos Pombaral, chanoine 1694.
Cérac de Binos Pombaral Cauliapi', chanoine 1712.
J. de Binos de Sarp, chanoine préccnteur 1712.
Joseph de Binos de Sarp, chanoine 1712.
Bcrlrand de Binos de Sarp d*fzaouii> chanoine 1749.
Biaise de Binos de Berlrcn, chanoine 1751.
N. de Binos, chanoine 1752.
Marie-Dominique de Binos de Sarp, chanoine, Tauleur des
voyages et Tcrrc-Saintc 1756.
fCummingcs chrétien : Calalogue des dignllaires depuis l'an 900.)
2. Mémoires de Monhte, t. ut, p. 425, édition de la Sociélé de rHisloire do France.
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Si9
Bigorre. Adhémar de Saint- Pastor», chanoine sacris-
tain de Comminges, avait posé, en 1304, la première
pierre de la nouvelle église de Saint- Bertrand, au nom
du pape Clément V, sous l'épiscopat de Boso de Sali-
gnac, trente-huitième évêque de notre antique diocèse^
Après de bonnes études faites au Séminaire de Saint-
Gaudens, Marie-Dominique de Binos devint hebdo-
madier à la cathédrale de Saint-Bertrand et prit pos-
session d'un siège canonial en 17D6^
D'après les traditions que nous avons recueillies
avec soin, il était de grande taille, bien fait, très alerte,
avec un visage allongé d'une expression sévère; des
manières polies, la correction du maintien et du lan-
gage s'alliaient heureusement dans sa personne à la
distinction de la démarche, à la régularité des traits,
enfin à un extérieur plein de noblesse et de dignité.
Passionné pour Tétude, Tabbé de Binos consacrait
au travail de Teèprit toutes les heures qui n'étaient
point réclamées parles obligations du ministère et par
les intérêts de l'Eglise. Il se plaisait de préférence à la
lecture des voyages et des lointaines aventures.
L'Orient et la Terre-Sainte exerçaient sur son imagi-
nation un irrésistible attrait. A force de les parcourir
dans les livres, il conçue le dessein de les visiter à son
tour ; mais, avec autant de patience que de discrétion,
il sut attendre le jour et l'heure.
Oomme tous les fils des nobles maisons du Commin-
ges, l'abbé n'était point riche. Au modeste patrimoine
1. 1^ pierre liiraulaire il*Adliêmar de Saiiil-Pastor exislc dans la chapelle du Sacre
Curur de la cathédrale de Saint-Bertrand. Elle porte la date de Tan 1327. — L*écu des
Sainl-Pastou, d'azur à une cloche d'argent» se voit encore à la voûte.
i^s Binos portent d'or à 2 vichcs passantes de sinople, au cher d'azur chargé d'une
roue de sainte Catherine d'or.
Certaines branches portent d'or à la roue de gueules soutenant un chardon de sinople.
2. Le sceau d'Adhéinar de Saint-Pastor porte une cloche sur une (leur de lys, avec
riiiscription : Sig. Adh. de S. Pastor, can. sîicris. ccclesiae Convcnarum. — (Ex iioslris.J
'A. Catalogite des Ecclé iastiques du diocèse de Comminges, commencé en 1712 sous
Slgr de Labiére du Bo«chet, rédigé jusqu'à l'année 1762. — (Ex nostris.J
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S50
qu'il avait reçu de ses parents s'ajoutaient les revenus
fort restreints d'une prébende, qui ne lui permettait
guère de mener la vie de chanoine telle que la suppose
en général une légende d'une valeur fort contestable.
La vue seule de Saint-Bertrand dissipe toute idée de
raffinement et de luxe. Dans cette petite ville exclusive-
ment ecclésiastique, les dignitaires du diocèse et les
membres du chapitre occupaient la plupart des maisons
les mieux situées et les plus spacieuses; mais, comme
on peut en juger encore de nos jours^ toutes ces
demeures étaient d'une extrême simplicité. Le reste
des habitants se composait en majeure partie d'anciens
serviteurs des chanoines, des familiers de l'église
et du personnel nécessité par les exigences du culte.
Cette population, agglomérée autour de la vieille
église, menait une vie calme, frugale, sédentaire. On
eût dit presqu'un grand cloître, tant il y avait de
silence et d'absence de vie extérieure. Les visiteurs
s'étonnaient, comme aujourd'hui, de marcher dans des
rues désertes, entre des maisons closes, de n'enten-
dre d'autre bruit que le son des cloches ou les chants
qui retentissaient sous les voûtes de la cathédrale-
Depuis longtemps, les évoques avaient délaissé la
maison épiscopale; ils n'y faisaient que de courtes
apparitions à l'époque des fêtes solennelles et des
Jubilés. Ils résidaient, depuis le xv® siècle, au château
d'Alan, près d'Aurignac. Les bâtiments étaient plus
vastes qu'à Saint-Bertrand ; on y trouvait des jardins
et des terrasses. Le pays présentait de meilleures
facilités d'accès et de plus nombreuses ressources-
Mais quelle situation différente ! Tandis que du haut
de Saint-Bertrand la vue s'étend sur le bassin le plus
riant et le plus fertile, encadré dans des montagnes
boisées ou couvertes de pâturages que dominent des
cimes aux arêtes grandioses et pittoresques, les ter-
rasses et les façades du château d'Alan n'offrent, comme
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254
points de vue, que des collines parsemées de rares
taillis, ou des guérets dont la couleur senable rappeler
le ton roux des bœufs de Gascogne *.
Les chanoines appartenaient en général à Télite des
anciennes familles du pays. La monotonie de leur
existence presque claustrale ne cessait guère qu'aux
jours des grandes fêtes et des Jubilés. Il était pour eux
(le bon goût et d'antique usage de recevoir alors les
parents et les amis, de les loger même et de les traiter
avec autant d'abondance que de recherche^. Les épar-
gnes patiemment amassées s'enfuyaient au plus vite ;
mais ces courtois procédés étaient payés de retour.
Messieurs du chapitre ne manquaient pas d'invitations.
Ces échanges de politesses maintenaient, entre les bon-
nes maisons de la contrée et le haut clergé du diocèse,
ces franches et cordiales relations auxquelles nos aïeux
savaient attacher tant de prix, et dont l'habitude sem-
ble se perdre aujourd'hui, comme bien des coutumes
de notre vieille France !
De môme que ses confrères, en raison de sa nais-
sance et de ses relations, l'abbé de Binos recevait
noble compagnie, avec les prodigalités d'usage. Ces
magnificences, heureusement de courte durée, allé-
geaient singulièrement sa bourse, mais elle n'en
demeurait pas moins ouverte à toutes les œuvres de
charité, ce qui ne laissait guère d'économies pour
entreprendre des expéditions de longue haleine et
pour voguer vers les pays d'outre-mer !
On ne peut courir le monde que-l'argent à la main.
Si, de nos jours, les voyages coûtent cher, du moins on
1. Mgr Gilberl de Cboiseul rebâtit presqu'enliérement le château d'Alan, et le dota
irciobellissements qai rendirent cette résidence célèbre. Il y reçut, en t660, Tabbé de
Kancé. qui cherchait des solitudes au milieu des montagnes pour y fonder un monastère.
2. Le 22 afril 1760, M. de L.« archidiacre de Saint-Bertrand, écrivait à son père : ■ J*ay
> en ce luoraent chez moy la plus brillante noblesse ; je tâche, comme vous n'en doutez
> pas, de lay donner le meilleur de ce dont je puis disposer, à commencer par mon
> temps. Pour le reste, croyez que je n'épargne rien pour fayre honneur à mes hôtes. ■
{Ex no$tris reg. famiL)
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les fait vite. Mais, il y a un siècle, que de difficultés,
de lenteurs, et de dépenses ! sans compter les périls !
Pour se rendre en Terre-Sainte sur un navire à
voiles, il fallait s'armer de patience et surtout de cou-
rage. Quand une navigation durait trois mois, pou-
vait-on prévoir la date de Tarrivée? Et puis, les pirates
barbaresques infestaient lu Méditerranée: trouverait-on
toujours à point une galère de Malte ou un vaisseau du
Roi pour échapper aux forbans? Sur cette terre d'Orient,
où les infidèles régnaient en maîtres, que de misères à
supporter, que de vexations à subii% que de maux, de
captivités, de souffrances, d'avanies en perspective!
Quel isolement et quel abandon en cas de maladie?
L'abbé de Binos pensait froidement à toutes ces chan-
ces redoutables ; loin de l'abattre, elles augmentaient
son désir de les vérifier sur place. Il se mit à thésau-
riser, sans dire son secret à personne. Cette veillée
des armes dura plus de dix ans.
En homme prudent, il avait lu tous les ouvrages
sur les Saints-Lieux, et pris les plus minutieux ren-
seignements. Il ne voulait s'embarquer à son tour
qu*à bon escient, muni de pied en cap, aussi bien
d'argent que de science. Il s'aguerrissait par une mé-
ditation constante contre les revers, la mauvaise for-
tune et les dangers sans nombre des longues pérégri-
nations ; il mettait au service de l'idée fixe qui l'obsé-
dait toutes les ressources d'une sage et ferme philo-
sophie.
a C'est injustice, dit Montaigne, d'excuser la jeu-
» nesse de suyvre ses plaisirs et dcffendre à la vieil-
» lesse d'en chercher. Sy prohibent les loix platoni-
» ques, de pérégriner avant quarante ou cinquante
» ans pour rendre la pérégrination phis utile et ins-
y> tructive. Je consentirois plus volontiers à cet autre
» article des mêmes loix qui Tinterdict après les soi-
» xante. »
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253
En 1776, Tabbé de Binos avait 45 ans, Tâge mûr
par excellence, et, suivant l'idée de Montaigne, celui
que l'on doit attendre et choisir pour mener avec fruit
la vie errante sur terre et sur mer.
Ce fut un événement d'importance, pour le paisible
chapitre de Saint-Bertrand dont les chanoines et pré-
bendiers ne voyageaient guère^ quand, le 25 octobre
1776, Tabbé de Binos réunit ses confrères, et leur
annonça qu'il partait le lendemain pour la Terre-
Sainte. Il comptait, disait-il, visiter Tltalie l'Egypte, la
Syrie, le Mont Liban, la Palestine^ l'Asie Mineure, la
Turquie, et bien d'autres pays encore ! Quand revien-
drait-il en Comminges? Il ne pouvait fixer aucune
date. L'état de ses finances devait accélérer ou retar-
der son retour. Il ferait du chemin jusqu'à son dernier
écu. L'abbé fut grandement félicité par ses amis. On
ne se rappelait point qu'un membre du clergé de Com-
minges eût jamais accompli le pèlerinage de Jérusa-
lem depuis les Croisades.
L'abbé de Binos quitta Saint-Bertrand le 26 octo-
bre 1776, accompagné d'un fidèle serviteur, et se diri-
gea vers Marseille. Le 3 novembre, il s'embarqua pour
l'Italie; mais il essuya sur les côtes de Provence une
.si violente tempête, que le navire dut rentrer à grand
peine dans le port de Marseille. Cette épreuve de début
très courageusement acceptée, et les vents apaisés, le
vovageur fit choix d'un vaisseau vénitien à destination
d'Ancône. Après avoir côtoyé la Sardaigne, on rencon-
tre, entre Malte et la Sicile, un bâtiment fort incivil
qui n'est autre qu'un brigantin barbaresque. Le véni-
tien fait bravement ses préparatifs de combat, mais la
nuit et les courants séparent les d(îux adversaires.
L'abbé, remis des émotions du branle -bas, longe
la Calabre, relâche à Céphalonie qu'il décrit en détail,
visite Raguse, les ports de la Deilmatie, et mouille, le
14 janvier, dans Ancône, après deux mois d'une navi-
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gation aussi longue que tourmentée. Il visite Lorcttc,
Spolète, Assise, Pérouse, et finit par arriver à Rome,
en vérifiant le proverbe que tout chemin y mène. La
ville des papes le retient et le captive pendant deux
mois. 11 voit ensuite Florence, Bologne, Ferrare,
Padoue, et se repose avec ravissement à Venise. 11
admire la cérémonie des noces de la mer, des fêtes
magnifiques ; il suit la procession du Saint-Sacrement
sur la place Saint-Marc, et, le 12 juin, il part pour
Trieste. Il s'arrête quinze jours à Zante ; le lo juillet,
il entre dans Alexandrie. Pendant son séjour, il est
témoin de l'assassinat du consul de Franco. Avec le
commandant de Durfort et Tétat-major de la frégate
française YAtalante, il gagne Rosette le 23 juillet. Le
surlendemain, il arrive au Caire où ne se trouvaient
alors que vingt Français ! Il monte aux Pyramides,
assiste à la découverte et au dépouillement de plusieurs
momies, prend un plaisir extrême à tout voir et tout
connaître, et va séjourner quelque temps à Damiette.
Il sauve la vie à deux femmes turques échappées
d'un massacre exécuté dans un harem par les ordres
d'un pacha cruel et jaloux; il s'embarque dans une
polacre encombrée de deux cent cinquante passagers,
esclaves, musiciens, bateleurs, qui fuyaient précipi-
tamment l'Egypte après la disgrâce du Bey dont ils
étaient les serviteurs. Le 9 septembre, il prend terre à
Sidon, visite le Mont Liban, le Carmel, Saint-Jean
d'Acre, Jaffa. Par prudence, il quitte ses habits de
Franc, laisse croître sa barbe et revêt le costume de
prêtre arménien.
Nous le trouvons à Jérusalem le 2o septembre, près
d'un an après son départ de France. Il y passe plus de
deux mois à parcourir tous les Saints-Lieux, les bords
du Jourdain, le désert de la mer Morte, etc. Il habite
l'île de Chypre depuis le 12 décembre 1777 jusqu'au
15 janvier 1778. Après une traversée de trois mois
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au milieu d'affreuses tempêtes, notre abbé, tou-
jours vaillant malgré ces épreuves, descend à Livourne.
Il revoit la Toscane, revient à Rome^ y fait un long
séjour, accorde six semaines à Naples et à ses environs,
se met en mer pour Gênes, visite Milan et la Haute-
Italie, puis par Venise et la Styrie prend la route de
Vienne. Le 29 mars i779, il dit adieu à cette capitale,
traverse la Bavière, rentre en France par Strasbourg,
et revient à Saint-Bertrand le 10 juillet 1779. Les
caravanes de Tabbé de Binos étaient heureusement
finies. Elles avaient duré près de trois ans.
On devine Taccueil qu'il reçut de sa famille et de ses
confrères ; on était curieux de le voir et de l'entendre,
et tout de suite il fut sollicité de publier ses impres-
sions de voyage. Mais l'abbé ne recherchait ni le bruit
ni la renommée. Il laissa dire et reprit modestement
ses fonctions ecclésiastiques. Seulement, pendant son
odyssée il avait pris^ jour par jour, des notes qui pou-
vaient lui permettre de donner à ses amis, au moment
le plus opportun, la satisfaction qu'ils avaient raison
de désirer.
Cette heure ne vint qu'après huit années de silence.
En 1783 et 178S, M. de Volney avait fait un voyage
en Syrie. Cette relation fut imprimée cette dernière
année. Ecrite avec élégance et distinction par un jeune
auteur de 23 ans, elle révélait des faits nouveaux,
présentés sous la forme philosophique alors à la mode.
Elle avait obtenu le suffrage des lettrés et des gens
du monde. Une seconde édition parut en 1787.
Le succès de ce livre, où les questions de l'ordre
religieux tenaient une place très restreinte et presque
secondaire, décida-t-il l'abbé de Binos à donner au pu-
blic ses impressions et ses souvenirs sur les mêmes
contrées décrites par Volney? on serait tenté de le
croire, puisque le Voyage au Mont Liban et enPaleslme
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256
parut en deux volumes, chez Boudet, imprimeur du
Roi, dans le courant de 1787.
Pou^^ recommander son œuvre, et pour lui donner
son véritable caractère, Tabbé de Binos la mit sous la
protection de Madame Elisabeth de France, Tauguste
et sainte sœur de Louis XVI.
a II m'est bien naturel, dit-il, dans son épître dédi-
» catoire, d'offrir la relation d'un voyage que le zèle
i> de la Religion m'a fait entreprendre à une auguste
» Princesse qui, appréciant les choses avec un discer-
» nement délicat, sait les envisager du côté le plus
» favorable. »
Conformément aux usages assez répandus de son
temps, l'abbé de Binos s'est serv4 pour sa relation de
la forme opistolaire. Ce sont des lettres familières
adressées à un ami, réel ou imaginaire, M. D. S.
Voici la première page du livre :
« Vous me demandez l'histoire de mes voyages, et,
» pour m'engager à la donner, vous me représentez
)> les droits de notre ancienne amitié et le plaisir que
» cette relation vous fera. Ces motifs sont bien puis-
» sants; mais n'ignorant pas que l'amitié peut s'aveu-
» gler et devenir partiale, je crains d'avoir à me repro-
» cher un jour de m'être rendu trop facile. Combien
» de fois ne vous ai-je pas dit que mon journal ne
)) valoit pas la peine d'être lu. Uniquement occupé du
» désir de satisfiiiré ma curiosité, j'écrivois le soir ce
» que j'avois vu dans la journée, bien éloigné de pen-
» ser que l'on dût me savoir gré d'un travail ou d'un
» amusement aussi varié que les objets qui s'offroient
» à ma vue. Ma plume n'étoit qu'un faible crayon des-
» tiné à me retracer les impressions passagères que
» recevoient mes regards jettes ça et là, et je n'em-
» ployois à cette occupation que de courts intervalles
» de loisir et de repos.
» Je me bornerai dans mes lettres à vous entrete-
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Î57
» nir des lieux que j*ai vus et des particularités qu*ils
» m'ont offertes ; les terres^ les villes, les monumonts, '
» la religion, les mœurs et les usages de quelques
» peuples seront les matériaux de cette histoire, dans
» laquelle je n'ai suivi d'autre plan que celui que je
» vovois tracé dans ma marche et dans la succession
» des objets. J'y mêlerai le récit des événements par-
» ticuliers ou politiques dont j'ai été le témoin, per-
» suadé qu'en vous amusant quelques moments ils
» vous feront mieux connaître le génie des peuples
» que ne feroient de vaines conjectures, dans lesquel-
» les on en laisse échapper souvent les nuances les plus
» précieuses. »
Tel est le programme de l'abbé de Binos. Il y
demeure constamment fidèle. Comme il a soin de le
dire, il se contente de rédiger un journal quotidien.
Avant tout il recherche l'exactitude ; il veut être sim-
ple et sincère ; très sobre de détails sur sa personne, il
épargne à ses lecteurs les réflexions philosophiques,
les digressions savantes, les tableaux complaisamment
arrangés. A défaut d'imagination, il a du naturel et
de la précision. Il suit son chemin, notant au passage
tout ce qu'il voit, hommes et choses. Dans des pays
où les souvenirs de l'antiquité païenne abondent, il ne
se soucie pas d'en faire usage comme d'une parure pour
son livre. Il cite peu les Ecritures. Mais alors, pour
éviter la prolixité, il tombe dans la sécheresse. Son
style, suffisamment correct, manque de souplesse, de
variété , de relief. Le soleil de l'Orient n'a point
échauffé les écrits du bon abbé.
la Itinéraire de Paris à Jérusalem est aussi le journal
d'un voyageur qui dépeint consciencieusement les
lieux qu'il a traversés. Mais ce voyageur est un grand
poète ! Ce livre original et charmant — le plus naturel
que l'auteur ait écrit, dit M. de Villemain — évoque
l'histoire des temps passés avec la puissance descrip-
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S58
tive, la richesse du coloris et Téclat du style qui sont
le privilège du génie !
Malgré tout ce qui lui manque, le Voyage de Tabbé
de Binos n'en est pas moins une œuvre sérieuse, rem-
plie d'indications vraies, d'observations judicieuses et
de faits intéressants. Il mérite de figurer honorable-
ment au nombre des ouvrages les plus exacts qui
traitent de la Palestine et des Lieux-Saints.
Pour donner encore une idée du style et de la
manière de Tabbé de Binos, nous transcrivons les
dernières lignes de son livre, dans lesquelles il a
exprimé, avec une nuance de sensibilité qui sort de sa
réserve habituelle, les impressions qu'il ressentit lors
de son retour dans son pays natal :
a Je quittai Vienne le 29 mars 1779, et ayant tra-
» versé la Bavière, j'entrai en France par Strasbourg,
» d'où je fus à Paris.
» M'étant reposé deux mois dans cette capitale, je
y> me rendis en Gascogne, où le pays de Comminges
» que j'habite est situé. Les doux sentiments que
» j'éprouvai à mon entrée dans cette contrée étoient
» animés parla prompte jouissance que j'aurois de la
» douce société de ses habitants. De riants coteaux et
y> de charmantes plaines dessinées par les contours de
» différentes rivières m'en donnoient l'espoir le plus
» certain. Mais les grandes montagnes que j'aperçus
» de loin varièrent ces impressions comme si elles vou-
» loient me rendre encore plus empressé de rejoindre
» ma patrie en m'indiquant sa position. Les unes me
» montroient des rochers taillés à pic sur lesquels j'a-
» vois souvent considéré le lever du soleil qui ne paraît
» sur mer ni nulle part plus beau que sur ces immen-
» ses hauteurs ; les autres m'offroient de vastes pla-
ï) teaux tapissés de rouge. En juillet^ août et septem-
)) bre, celles qui sont couronnées de pins et d'érables
» laissoient entrevoir le terrain gazonné sur lequel
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aft9
» croissent de tendres arbrisseaux chargés en automne
» de fruits délicieux ressemblant à ceux du gingem-
» bre ; tandis que les plus voisines présentent à leur
» cime des parterres où j'avois cueilli en juin des
» renoncules jaunes, des immortelles, des roses et
» d'autres fleurs odoriférantes. Enfin, charmé de me
ï> montrer à ma patrie qui croyoit m'avoir perdu,
» j'arrivai à mon habitation, où après avoir reçu de
» mes parents et de mes confrères leurs expressions
» de tendresse, je me livrai à la joie de les avoir revus
y> et au plaisir d'avoir terminé heureusement ma
)) course. »
Après cette page finale dans laquelle Tabbé de
Binos, tout entier sous l'émotion du retour dans ses
foyers, sacrifie à l'imagination et fait quelques pas
dans la poésie descriptive aux dépens de la correction
et de la clarté du style, ne doit-on pas le féliciter
d'avoir évité dans le corps de son ouvrage les tableaux
du môme genre et les rêveries sentimentales peu
compatibles avec un esprit froid et méthodique comme
le sien? Chacun doit garder ici-bas sa marque et sa
mesure. L'abbé de Binos se pique d'être simplement
un narrateur consciencieux et véridique. On ne peut
lui contester ce mérite, et pour son œuvre ces qualités
ne sont pas d'une mince valeur.
Pendant le premier séjour de l'abbé à Rome, nous
lisons ce qui suit dans une lettre datée du mois de
mars 1777 (tome 1^% page 138) :
« L'accueil favorable que j'ai reçu du Saint-Père
» qui, par deux fois, m'a demandé une messe au
» Saint-Sépulcre, et l'imposition de ses mains, ne peu-
» vent qu'augmenter le désir que j'ai d'entreprendre
^ le voyage de la Palestine. S. S. m'a même accordé
)) une bulle de prolongation de sept jours pour le
» Jubilé de Saint-Bertrand qui ne duroit que deux fois
» vingt-quatre heures. »
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S60
L'abbé de Binos avait cru devoir informer officiel-
lement Tévêquc de Comminges et ses confrères du
chapitre de la grâce qu'il avait obtenue. Nous possé-
dons, dans nos archives de famille, la lettre qu'il avait
adressée de Rome aux chanoines de Saint-Bertrand',
et nous ne jugeons pas sans intérêt de la reproduire.
<c De Rome le 10 mars 1777.
» Messieurs,
» Sachant que votre zèle pour le bien de la Religion
» vous faisoit désirer que notre Jubilé fût allongé, ou
» qu'il fût permis aux pénitents de se confesser dans
» les différents lieux du diocèse, j'ay cru devoir em-
» ployer les premiers moments de mon arrivée icy
» selon vos vues.
y> Le pape m'a accordé l'un, et n'a pas accueilli le
» second chef de la demande, parce que la nature du
T> Jubilé auroit été altérée.
» Je l'ay écrit à M. Le Bègue 2, afin qu'il eût la
» bonté de prévenir Mgrl'évêques.
» Je luy ay envoyé la copie de la bulle obtenue. Je
» m'empresse également de vous en donner connais-
» sance afin de contenter votre esprit de charité :
Plus P. P.
(suit le texte de la bulle en latin*,
y> J'espère, Messieurs, que vous trouverez cette
y> bulle précise sans être chargée d'une troupe de
1. Celle lellre esl ainsi adressée : t à Monsieur de I^assus. chanoioe el archidiacre da
chapitre de Sainl-Berlrand de Comeoge, el à Messieurs les aulres chanoines du même
chapitre, à Monlrejeau eu Comenges. > — CEx nostrU, Corr. série 5. o* 137.)
2. Pierre-Achille Le Bègue de Villiers, archidiacre de Baroussc, eu i776.
3. Charles-Anloine-Gabriel d'Osmond de Médavy, évéque de Comminges, en i764.
4. Celle bulle devait élre publiée aux approches de l'année jubilaire. Celle année fut
précisément celle qui ramena la ruine el le deuil à Saint- Bertrand el lui enleva ses évé-
ques, son chapitre et toutes ses richesses.
L'évéque consiilulionnel de Toulouse, siège auquel fut rénni celui de Commioges.
Hyacinthe Sermel, se rendit à Saint-Bertrand. Mais le Jubilé n'eut pas lieu. Ces popula-
tions lldêles, dont on avait dispersé les pasteurs, gardaient leur Toi el atlemlaient des jours
meilleurs. — (l)'Agos, Vie ci Miraclet de saint Berirand.J
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â61
» détails propres à gâter le papier. Plus vous en lirez
T> le contenu, plus vous verrez son étendue. Elle va
y> jusqu'à confirmer l'ancienne. L'avantage qui en
y> résultera sera grand pour les fidèles en ce qu'ils
^ pourront faire leurs œuvres avec moins de précipi-
» tation. Nous-mêmes aurons l'avantage de les voir
» accomplir, sans être importunés par la grande
» cohue. Les particuliers pourront facilement se retirer
» le soir dans les lieux voisins, comme Saint-Gaudens,
» Montrejeau, etc., et venir le matin continuer leurs
» exercices.
» Les obstacles que j'ay trouvés dans 'ma route pour
» icy^ qu'il seroit trop long de vous raconter, ont été
» cause que je n'ay pu, malgré mes désirs, arriver à
y> cette ville que depuis peu de temps. Je visite les
» saints lieux, mais ils sont en si grande quantité que
» je prévois en avoir pour bien du temps avant d'avoir
» fini. Je prie Dieu dans mes sacrifices journaliers
r> qu'il daigne vous conserver, et m'accorde la satis-
» faction de vous revoir et de vous renouveler, en
» général et en particulier, les sentiments de mon
» respect et de l'attachement sincère avec lequel je
» seray toujours. Messieurs, votre très humble et très
» obéissant serviteur, '
» BiNos, chanoine. I »
La publication du Voyage en Palestine fît de l'abbé
de Binos un personnage de marque dans le pays. On
tenait à honneur de le connaître ; on recherchait ses
entretiens. L'évêque de Comminges et les membres
du chapitre redoublèrent d'estime et de prévenances
à son égard. Il justifiait d'ailleurs ces témoignages par
ses vertus aimables, par l'inaltérable bonté de son
cœur, par sa modestie, par la régularité qu'il apportait
i. Ex noslrit, Corr. fam., nM7t.
RffUB »i CoimiHOBt, 3* trimestre 1894. Tome IX. — 18.
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dans l'exercice des fonctions ecclésiastiques et par
une charité qui ne se lassait jamais.
Les chanoines et les prêtres de la cathédrale de
Comminges, dispersés par la Révolution, se réfugièrent
pour la plupart en Espagne, où la pieuse compassion
de leurs diocésains leur envoya souvent des secours.
L'abbé de Binos ne put se résoudre à quitter la vieille
ville épiscopale et les tombes de ses aïeux. Il avait
bravé tant de périls et vu si souvent la mort en face
que son âme était inaccessible à la crainte. Il ne cessa
d'habiter sa maison canoniale et de dire la messe dans
sa chambre*.
En 1793, il passait un jour sur le pont de Labro-
quère. Quelques hommes violents voulurent l'arrê-
ter : — a Eh ! quoi, leur dit-il avec une noble indigna-
» tion, j'aurais couru mille dangers au milieu des peu-
)^ pies barbares, je me serais échappé des mains des
» Arabes et des Turcs, et je serais arrêté sans motif
» par des concitoyens dans mon propre pays ! Non,
» mes amis, vous ne commettrez pas une telle indi-
» gnité ! » Frappés par ces paroles véhémentes et
subjugués par le grand air du digne prêtre qui les
prononçait, les gens qui parlaient d'arrestation n'osè-
rent exécuter leurs menaces. Ils se turent et laissèrent
l'abbé de Binos se retirer en paix.
Dans le cours de cette année terrible, des commis-
saires envoyés de Saint -Gaudens vinrent à Saint-
Bertrand se livrer à des visites domiciliaires, pour
découvrir les objets du culte qu'on soupçonnait avoir
été cachés. Ils allèrent frapper à la maison de l'abbé
de Binos, Celui-ci n'eut que le temps de jeter par une
fenêtre^ dans un jardin contigu au sien, les vases sacrés
et les ornements dont il se servait pour la célébration du
saint sacrifice. Les propriétaires de la maison voisine
1. U maison de M. Tabbé de Binos élail silaëe sur la place en face de Tëglise. Elle est
occupée aujourd'hui par les Filles de la Croix.
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263
recueillirent à la hâte ce précieux dépôt et le portèrent
dans un grenier. Ils se croyaient à l'abri de toute
investigation, lorsque, tout à coup, les commissaires
se présentent. L'un d'eux monte au premier étage, tan-
dis que les autres font le guet au rez-de-chaussée.
Il trouve sur le palier de l'escalier une femme saisie
d'épouvante. Elle se jette aux genoux du redoutable
inquisiteur, ce Monsieur, dit-elle en joignant les mains
avec désespoir, si vous n'avez pitié d'une pauvre
famille nous sommes perdus. » Comme il arrivait sou-
vent dans ces jours de douloureuse mémoire, le com-
missaire exécutait peut-être à contre-cœur sa répu-
gnante besogne. Il est ému par ces larmes et par cette
prière. Il ne répond rien, parcourt rapidement et pour
la forme une ou deux chambres, puis rassurant d'un
coup d'œil la suppliante^ il va retrouver ses collègues
et leur dit : « Décidément, il n'y a rien dans cette
maison, rien que de la misère ! Allons ailleurs. » La
famille était sauvée!
Après la Terreur, l'abbé de Binos continua de
mener à Saint-Bertrand sa vie austère et sacerdotale
sans être inquiété. Ce noble vieillard, le seul prêtre
de cette Église désolée mais remplie de si grands sou-
venirs, représentait aux yeux de la population restée
croyante tout un passé de foi séculaire et de traditions
vénérables. Naturellement affable, plein de charité
pour les pauvres gens, il assistait les malades, leur
donnait à la fois des consolations et des secours, et,
dans ces temps où la Religion était encore proscrite, il
faisait discrètement du bien aux âmes fidèles. On
conserve encore à Saint-Bertrand la mémoire de ses
vertus et de la respectueuse affection qu'elles lui
avaient assurée. Les hommes vraiment populaires ont
cette heureuse fortune que les particularités les plus
simples de leur vie attirent l'attention et constituent
des façons de légendes. L'abbé se rendait souvent
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2H
au château de Sarp. On raconte qu'au retour de ces
visites au manoir paternel, il était accompagné d'un
pivert apprivoisé qui volait autour de lui. L'oiseau
familier ne quittait le bon chanoine que sur le seuil
de la maison de Saint-Bertrand, et se retirait ensuite
à tire-d'aile.
Lors de la restauration du culte en France, Tabbé
de Binos eut la consolation de célébrer pour la pre-
mière fois les saints mystères dans la vieille cathé-
drale. Il remplit les fonctions de curé avec un zèle
admirable. Il dota son église des objets du culte les
plus indispensables et fit exécuter le buste de saint
Bertrand que Ton voit encore aujourd'hui. La pieuse
Madame Réchy, née Archidet, aimait à se rappeler, non
sans une certaine fierté, qu'en Tannée 1800, elle avait
été baptisée, dans Téglise d'Izaourt, par l'abbé de
Binos, avec de l'eau qu'il avait rapportée du Jourdain '.
En l'an VII^ parut une réimpression du Voyage en
Palestine, avec les mêmes caractères et les mêmes
planches, sous ce titre : Voyage par l'Italie et l'Egypte
au Mont Liban, etc., fait en 1777 et les années suivan-
tes parle C. B. (le citoyen Binos), chez Briaud et Letel-
lier, libraires, rue du Jardinet, u? 3, division du Théâ-
tre Frc^nçais.
Cette édition est moins estimée que la première.
Nous connaissons plusieurs exemplaires de Tédition
de 1787 en fort belle condition de reliure. Outre
l'exemplaire de dédicace aux armes de Madame Elisa-
beth de France, nous citons avec plaisir celui que pos-
sédait le comte de Lignerolles, notre savant collègue
de la Société des Bibliophiles français ; il est en maro-
quin rouge aux armes du Dauphin, d'une fraîcheur et
d'une conservation rares.
L'abbé de Binos termina sa sainte vie, "le 21 bru-
\, Souvenirs recueillie k Saint-BerlrAnd, et noies dues ft la parfaite obligeance di M. la
caré«doyen.
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265
maire an XII, à Saint-Bertrand, à Tâge de 73 ans. Il
laissa deux sœurs, qui avaient été religieuses et qui
décédèrent en 1811, dans la maison de feu leur frère,
disent les actes de Tétat civil, toutes les deux âgées
de 87 ans.
La Biographie Toulousaine a consacré quelques
lignes à 1 auteur du Voyage en Palestine, L'article
n'est pas signé, mais nous croyons deviner qu'il a été
rédigé par M. du Mège. Voici comment il finit :
a M. de Binos a exercé pendant quelque temps les
» fonctions de curé à Saint-Bertrand. Je Tai ctmnu
» lorsqu'il résidait dans cette petite ville dont je décri-
» vais les antiquités, et où il est mort il y a environ
» dix ans. Cet ecclésiastique vénérable réunissait, à
D beaucoup d'instruction et à une piété solide, une
» bonté touchante qui caractérisait toutes ses .actions.
» J'ai été témoin de la douleur que sa perte a excitée,
T> et j'ai partagé les regrets de ses amis et de ses con-
» citoyens^. »
L'al>bé de Binos fut inhumé dans le cloître de Saint-
Bertrand. Aucune inscription ne marque le lieu de sa
sépulture. Il repose sous ces arceaux antiques, con-
fondu dans la mort avec cette légion de saints prêtres
qui, depuis cinq siècles, se sont succédé dans cette
demeure de l'éternelle paix !
B°» DE Lassus.
1. Registres de Télat civil de la commune de Saiut-Berlrand, brumaire an XII, juin et
décembre ISM.
2. Biographie Toulousaine, t. i, p. 65, Paris, Michaud, 1823.
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UN ANCIEN PLAN DE SAINT-GAUDENS
C'est vraiment une bonne fortune de pouvoir reconstituer la
configuration de Tancien chef-lieu du pays de Nébouzan, à plu-
sieurs époques, du xi« au xv« siècles, et jusque vers le milieu du
XVIII«.
Nous la devons à la copie, qu'a bien voulu faire pour nous
M. l'agent-voyer Daignas, d'un plan de la ville de Saint-Gaudens
dont l'original est déposé aux archives d'Auch, siège de Tlnten*
dance de Gascogne qui y fut établi en 1716.
Ce dessin, dont nous voudrions donner la description, est assez
restreint, « à l'échelle d'une ligne pour cinq toises » ; mais il
.rachète son peu d'étendue par sa netteté.
D'après un calque très-soigné qu'il a fait lui-mêmo de la copie
primitive, M. Raymond Abadie a eu l'heureuse idée de le repro-
duire à l'aide d'un procédé graphique très habilement utilisé par
lui. Nous lui adressons nos meilleurs remerciements.
Grâces à ce double travail, le lecteur aura sous les yeux la ville
et ses alentours, avant 1789.
I. — Enceintes
Saint-Gaudens, ville fermée, eut deux enceintes successives
depuis le xi« siècle. Elles sont représentées avec les lignes des mu-
railles et des fossés. Mais, en définitive, c'est le plan de la ville
vers 1770, avec l'indication des phases diverses qu'elle a traver-
sées à partir du xp siècle.
Le périmètre de la première des enceintes représentées a pour
points de repère quatre portes fortifiées, indiquées dans l'original
par des massifs colorés en rouge, et marquées dans la reproduction
qui suit cette notice par des lettres et dcschiilres. Elles sont ainsi
dénommées :
Porte Sainte-Cal lier ine, de 1 à 2; enceinte formée de murailles^ ait
pied desquelles étaient de grands fossés ;
Elle était à l'entrée de l'ancienne rue du même nom, aujourd'hui
rue Thiers. Sur l'un de ses côtés s'élevait encore, en 1830, une large
tour carrée qui servit longtemps de prison. La tour était à droite
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267
On y accédait par la gauche, en traversant un passage couvert,
au-dessus de la rue, à la hauteur d'un premier étage. Il reliait à la
tour d*autres bâtiments sans autre caractère que leur vétusté. Cet
ensemble donnait à cet endroit un aspect presque lugubre.
Porte det Barry det Miey, de (à à 5 et 6; elle était à l'intersection
de lancienne rue d'Orléans, aujourd'hui de la République, et de
la rue Mathe qui aboutit à la place de TÉglise.
Porte det Miey Barry ^ de i à2, de 3 k k^ murailles et fossés, vers
le milieu de la rue du Barry — de son nom actuel, Victor Hugo.
Elle était à la hauteur de la maison Daray, longée par la rue des
Fossés.
Porte de Goumets, au fond de la rue de ce nom, descendant de
la rue du Barry au boulevard.
Un document d'un autre genre et d'une incontestable authenti-
cité, vient confirmer l'exactitude de ces dénominations. Il s'agit
du « Dénombrement produit par les Syndic et Consuls de Saint-
Gaudens, en 1542, au commissaire-réformateur du domaine de Na-
varre dans le Nébouzan : » — « La grand horn* de la preson ; l'autre
horn qués sus la porte deu Miey Barry ; l'autre qués sus la porte
de Goumets; l'autre qués sus la porte deu Barry deu Miey; de las-
qualles quattres horns los consuls ne tenent las claûs, scaver
chascun de la tour qués en son quartié. »
A l'aide des chiffres, on peut suivre sur le plan la ligne des
remparts de la première enceinte.
Mais la ville s'agrandissait. Au xit*" siècle, elle était devenue la
capitale du Nébouzan. Il fallut porter plus au nord et au couchant
murailles et fossés, car l'espace manquait au midi, la ville étant
au bord du plateau d'où une pente abrupte courait brusquement
vers la plaine.
, A l'ouest, le quartier du Barry déborda les anciens remparts.
Ceux-ci furent transportés à l'extrémité de la rue de ce nom. Là
s'éleva la porte du Barry Vigourdan ou Bigordan. .
La ligne des fossés s'étendit alors à gauche et vers le nord, en
longeant ce qui est aujourd'hui la maison Mariande, les jardins
Morel et Montalègre. Elle s'infléchissait, englobant le large espace
occupé par le couvent des Dominicains; suivait tout le boulevard
du Nord; tournait à l'est sur l'emplacement où ont été bâtis l'hôtel
de France, la maison Sentenac-Gompans; occupait la partie infé-
rieure du jardin Pégot-Puisségur, le jardin Adolphe Pelleport ;
défendait l'ancien palais-commun (l'hôtel de ville) et enveloppait
tout le midi de la ville pour aller rejoindre le côté droit de la
porte Vigourdane.
i. Tour Sainte-Cathorinc.
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MB
On voit encore près de là, dominant les maisons, en face du Jar-
din public, quelques pans de mur s'appuyant sur une tour en
rotonde, maçonnerie fruste faite de cailloux roulés, dépourvue de
toute architecture. C*est un reste de nos anciens remparts qu'on
regretterait de voir disparaître bien qu'il n'ait rien d'agréable à
l'œil. Ce serait toujours un témoin du passé.
Outre celle du Barry Vigourdan, les nouvelles portes de ville
furent :
Au nord : la porte de Laurent, à l'entrée de l'ancienne rue
Simonet, que continue vers la place Nationale ou de l'Église, la rue
Mathe.
La porte du Moulât, au nord de la rue dei ce nom, avec un
pont sur les fossés, le dernier détruit. Dos survivants Font vu
démolir après le comblement de cette partie des fossés.
La porte do la Trinité, en avant du couvent des Trinitaircs du
côté du levant et dans l'ancienne rue de ce nom, présentement
de la République.
Une cinquième porte, de construction plus récente, appelée pour
cela porte Neuve, s'ouvrait sur les remparts du midi, près du
lieu appelé à cette époque « la Tourasse. » Elle fermait une des-
cente très-déclive, au lieu même où 8*élève aujourd'hui la belle
maison que M' Adéma fit construire et qui appartient à la famille
de M. le docteur Payreau.
Voilà pour « les deux enclos de la ville > suivant une expression
usitée parfois dans les anciens actes.
Passons aux monuments ou aux édifices tels que les indique
rénumération contenue dans la légende du plan.
n. — Édifices
Les voici avec leur désignation scrupuleusement conservée :
L'Église sous le vocable des Apôtre?, d'où le nom de Mas Saint-Pierre ;
Cloître et tiabitalion de sept chanoines
Le « Mas* », tel fut le nom primitif de la ville, et le « Mas Saint-
Pierre » après rétablissement du Christianisme dans nos contrées.
Saint Saturnin, un des premiers apôtres des Gaules, venant évan-
géliser le pays des Gonvènes, érigea dans ce bourg un sanctuaire
qu'il dédia au Prince des Apôtres, dont il est démontré aujourd'hui
qu'il avait été le disciple.
Cet oratoire fut remplacé, probablement après les invasions que
notre région eut à subir^ par un édifice plus vaste que le premier,
1. Du mol mansus signifiant, dans la basse lalinilë, demeure, maison, habilalioa. Dans
le dictionaaire féodal, il a le sens de territoire possédé en totalité par le même seigneur.
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dont il est resté quelque chose de visible encore au mur même de
l'abside centrale de l'église actuelle. On aperçoit, en effet, au-des-
sous des fenêtres du sanctuaire, les encadrements en pierre d'an-
ciennes ouvertures cintrées, murées depuis des siècles, et qui fai-
saient partie do Tancienne basilique, très en contre-bas du sol
actuel.
Au XI" siècle s'éleva le beau vaisseau roman dont notre patrio-
tisme local est justement fier, et qui esf^ depuis longtemps classé
parmi les monuments historiques; ce qui explique, hélas! les
désespérantes lenteurs d'une restauration trop fréquemment inter-
rompue.
S'il faut en croire le regretté M. Morel, la construction en fut
peut-être commencée à la fin du x» siècle. En tout cas, elle aurait
été inaugurée vers 1040, sous Tépiscopat d'Arnaud I ' , neuvième
évéque connu de Gomminges.
Un autre évéque, de ses libéralités l'avait bâtie « pour la plus
grande gloire de Dieu » : Roger-Bernard qui siégeait en 990, suivant
Oihenart, et appartenait à la famille des comtes de Gomminges,
d'après le Gartulaire du chapitre de Saint-Gaudens. On se demande
comment un vieil auteur, cité par le paléographe Larcher, dom
Denis de Sainte-Marthe, a pu révoquer en doute l'existence même
de ce prélat.
Quant au Bréviaire d'Auch, il se trompe lorsqu'il attribue la
construction du nouveau temple à un autre Bernard, qui fut évé-
que de Gomminges en 105G; car au synode tenu alors à Toulouse
par ordre du pape Victor II, l'église de Saint-Gaudens ne figure
pas parmi celles de la contrée dont la reconstruction est ordonnée
en vue de satisfaire aux besoins du culte. Gette omission milite en
faveur de l'opinion qui prévaut depuis longtemps, et nous permet
de conclure que notre église était déjà bâtie ou très avancée à
cette dernière époque. .
Voici comment s'exprime à cet égard le chanoine Abbadie, dans
son Nouveau Catalogue chronologique des Évêques de Gommin-
ges » : Le sieur Oihenart place l'évêque Roger-Bernard sous Ray-
mond, comte de Toulouse. Il aurait succédé à Oriol qui vivait
sous le même comte. Nous pouvons mettre son époque vers 990.
Les droits seigneuriaux qu'il donna au chapitre font voir qu'il
était lui-même de la maison comtalc. » La charte de concession
est intitulée : Privilegium Sancli-Gaudentii quod Bernardus-Roge-
1. Mais il Taui rejeter, par exemple, celle idée qae le nom d'Arnaldvs, iiiscril sur un
chapîieaa historié au-dessus du trirorium de droite, est cjlut de Tévéque. On n'inscrivait
aîofi que les noms des sculpteurs ou architectes. Le nom du prélat, en pareil cas serait
une singnlarilé peu admissible.
Le nom d'Aroaad était d'ailleurs trés-répaodu au moyen âge dans le Gomminges.
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rius dédit Domino et habitatoribus ecclesiee Sancti-Gaudentii, »
Pour les chanoines au nombre de sept, il avait construit un
cloître, relié à réglise au midi. Etait-ce celui-là même qui fut
détruit à la Révolution ? I^es archéologues pensent, d'après cer-
tains vestiges, que ce qui subsiste marque une époque moins
ancienne que le xi« ou xii" siècle. Quoi qu'il en soit, en réédiiiant
l'église, Roger-Bernard y fit des constructions accessoires pour
Tusage des chanoines qui la desservaient, « canonicis et habitato-
ribus ecclesiœ. »
Il réunit ceux-ci dans une « habitation » joignant le cloitrc au
midi. « Roger-Bernard — dit encore le Catalogue des Évéques —
aysint voulu que les chanoines et leur abbé, tout séculiers qu'ils
étaient, vécussent en commun, il les logea dans une maison tout
près. »
Cette maison était encore debout vers l'année 1800, époque où
elle fut englobée dans les constructions que des particuliers éle-
vèrent sur la place dite du Septe >. Il existait encore de nos jours,
à l'angle occidental de droite du clocher ou de sa tour, un arceau
surbaissé en vieille maçonnerie sans caractère, ayant dans une de
ses larges embrasures l'encadrement cintré d'une porte murée.
C'était l'une des entrées de cette enceinte du Septe précédant
le cloître de ce côté et qui formait aussi une dépendance de
l'église.
Du cloître nous n'avons retrouvé aucune description sûre. Ce
que des vieillards ont pu dire de ce qu'ils en avaient vu a été
reproduit dans une jolie page d'un opuscule de circonstance public
à Saint-Gaudens, en 1855 croyons-nous, et intitulé Saint Gaudens,
martyr *.
Ce cloître n'existait déjà plus lorsque vint, en 1807, en visiter les
ruines, le chevalier Du Mègc, à qui Ton dut plus tard la fondation
à Toulouse de notre Société archéologique du Midi de la France.
Cet archéologue s'arrêta même deux fois à Saint- Gaudens, à peu
d'années d'intervalle. Il s'exprime ainsi, dans un de ses Mémoires
pour l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse :
« Aucun cloître ne m'a paru plus tranquille, plus religieux, j'oserai
même dire plus sépulcral. Là, point de vastes échappées de vue
sur les monts lointains ou sur des vallées pittoresques. On n'y
remarquait que des murs élevés, des colonnes, des inscriptions
funéraires, des mausolées somptueux et de modestes épitaphes ; là
encore, se trouvaient des images consolatrices et des allégories
sur une autre existence; précieuse poésie du culte chrétien qui
1. On appelait Scplc, de scpliim, loul espace clos, une ciiceinle parliculicre dans TtDlc-
ricur des villes et priiicipalcnienl aux abords des cloîtres.
2. Imprimerie Abadie, éditeur.
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grave le symbole de l'espérance sur le marbre même du tom-
beau. »
Il fut entièrement démoli en 1815 et le terrain qu'il recouvrait
vendu à des particuliers.
M. Du Mège avait, en effet, visité le cloître en 1807. Voici ce
qu'il en écrivit plus tard : « Formé de beaux marbres pyrénéens,
bordé de tombeaux, de bas-reliefs et d'inscriptions, il inspirait le
respect et le recueillement, et plus de vingt années n'ont pu effacer
le souvenir des émotions profondes que j ai éprouvées dans son
enceinte. C'était vers les derniers jours de Tété de 1807. La toiture
n existait plus; quelques colonnes même avaient, été renversées;
mais, du côté de l'église, subsistait un mausolée en marbre blanc
et décoré d'une statue sépulcrale : elle représentait un évèque. On
avait enlevé la petite plaque chargée d'une inscription, qui, placée
au-dessus du tombeau, contenait sans doute le nom et la date du
décès de celui pour lequel le monument avait été élevé. La statue
qui servait de couvercle avait été soulevée et déplacée. . . Un bas-
relief qui représentait une branche de vigne chargée de raisins,
couvrait la face principale du tombeau. Non loin de ce monument
on voyait, encastrée dans le mur, une plaque contenant une épita-
phe très-ancienne et en tète de laquelle est le monogramme du
Christ composé d'un X, d'un P et d'un S et cantonné d'un alpha et
d'un oméga. Cette épitaphe n'est pas celle d'un personnage connu
et elle ne porte d'autre date que celle des calendes de juin. »
M. Du Mège l'avait lue ainsi :
VI K(alcndas) ivnii
CLAVDITVR HOC TVWVLO BERNARDI CORPVS IN ATRO
IPSIVS ET ANIMA DEERRAT SVPERNA PER ASTRA
PARCAT PARCINDA QVI TARGET CRIMINA DIRA
OMMPOTENS PASTOR
NE RAPIAT TORTOR
Qu'cst-clle devenue et quel sort lui a-t-il été réservé ?
Pourquoi faut-il que des obstacles bien regrettables, qu'il serait
si facile pourtant de lever, s'opposent à ce qu'une partie de l'em-
placement de ce cloitre , laisse libre à l'aspect méridional de
notre antique collégiale, redevienne une de ses dépendances? On
y élèverait un édicule similaire de la sacristie, du côté opposé,
et ces deux appendices, reliés par une belle grille romane, donne-
raient régularité et symétrie aux abords du monument qui en
serait ainsi plus protégé et assaini. Les architectes assurent même
que l'édifice deviendrait par là plus solide à cet aspect.
Il y a quatre ans, l'Inspecteur-Gcnéral des Monuments histori-
ques, dont l'opinion était conforme à celle de l'architecte M. Lafol-
lye, nous déclarait que, même comme travail confortatif, la
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nécessité d'une construction symétrique à la sacristie s'impo-
sait absolument.
Ne sait-on pas que la démolition du cloitre attenant à Téglise,
celle d'un contrefort plus tard rétabli, celle encore de bâtiments
que des particuliers y avaient adossés, et des remaniements du sol
le long des fondations, avaient compromis la solidité de rédifice,
dont la « poussée » s'exerce de ce côté ?
Espérons malgré tout que. mieux inspirés, « ceux qui ont du pou-
voir là'dedans » — ainsi parlait M. de Boissonnade, au sujet de la
cathédrale d'Alby — ne s'opposeront plus au vœu du comité des
Monuments historiques, des hommes de Tart et de la population !
Notre Revue présente jusqu'ici une lacune. On n'y trouve pas
encore la monographie de notre basilique, un des plus remarqua-
bles spécimens de la plus belle période de Tart roman. Celle
qu'écrivit, il y a quelques années, M. Morel, ne tardera pas à y
paraître avec les additions de nature à compléter l'œuvre d'après
les travaux effectués depuis ou en cours d'exécution.
Quant au chapitre collégial de Saint-Gaudcns, il comprenait en
dernier lieu huit chanoines au lieu de sept, sans compter un chef
d'œuvre' (operarius primus) et un sacristain ou sacriste. Ces deux
dignitaires étaient nommés par l'évéque; les chanoines, par révo-
que et le chapitre, à tour de rôle.
Communauté religieuse des Trinilaires au xii* siècle
Ces religieux avaient été institués pour la rédemption des
captifs. Ils s'appelaient aussi Mathurins, du nom d'un de leurs
fondateurs, Jean de Matha, en 1198.
Aucun document ne nous permet de préciser la date de leur
venue à Saint-Gaudens. Mais il est prouvé qu'ils étaient établis à
Toulouse en 1227, et à Paris en 1228.
Leur costume était l'habit blanc avec une croix rouge et bleue
sur la poitrine.
Quant à leur couvent, vendu pendant la période révolutionnaire,
il devint plus tard la belle habitation du général Guillaume
Pégot, maréchal de camp.
La chapelle, restée inachevée d'ailleurs, sert aujourd'hui de
remise pour la correspondance et le camionnage du chemin de fer.
L'entrée de la maison conventuelle était près do la porte de ville
dite de la Trinité, dans la rue de ce nom^ aujourd'hui rue do la
République, comme nous l'avons dit plus haut.
1. Le premier des fabriciens.
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Commuuauté des Frères prêcheurs ou Jacobins; Tondée en X'AKy
formée en citadelle en 1502
Pour celle-ci on ne peut douter qu elle ne fût établie à Saint-
Gaudens au xiii< siècle. Le chapitre provincial approuva, le 15 août
1292, la fondation du couvent dont le prieur fut F. Bernard del
Camp, de Tlle-Jourdain, lecteur à Saint-Emilion.
Nos Dominicains s'installèrent provisoirement dans Tenceinte
du Barry Bigordan ou Vigourdan [Castellum Bigordanum). Mais,
deux ans après, étant évoque Arnaud IV de Mascaron, dont les
armoiries sont plusieurs fois reproduites dans cet édifice, un
vaste couvent leur fut construit au lieu « de la Planquette », hors
les murs de la ville proprement dite, dont Tenceinte n'arrivait pas
encore jusque là.
11 résulte d'une intéressante relation % presque contemporaine
de ces événements, que Emmanuel de Savoie, marquis de Yillars,
<« lieutenant-général au pays et duché de Guyenne » pondant les
troubles de la Ligue, fut chargé de contenir Saint-Gaudens et les
alentours qui manifestaient la velléité de prendre parti pour Henri
de Navarre, le futur Henri IV qui, comme on sait, n*avait pas
encore abjuré le protestantisme, quoique prétendant au trône
vacant par la mort de Henri HI (!•' août 1589).
l^es habitants de Saint-Gaudens furent tenus « de recevoir un
capitaine avec sa garnison dans tel lieu qu'on aviserait. » Or, le
couvent des Dominicains de cette ville «ayant été jugé — dit le
document cité — le lieu le plus propre pour cette citadelle, le sieur
de Luscan, désigné par le marquis de Villars, y fut mis avec ses
soldats , et pour lors on fit le fossé qui est encore du côté du
couchant et du nord du couvent, le long du verger et du réfectoire
qui se joint au vieux fossé de la ville au coin dudit verger. »
Ce fut donc alors que ce grand massif de bâtiments représenté
dans le plan, et dont la partie constituant la vaste chapelle subsis-
tait encore au commencement du siècle, fut disposé pour la
défense.
La relation dont il s'agit donne des détails assez piquants sur la
conduite de ce fameux capitaine Gémit de Luscan, laquelle ne fut
pas très correcte pendant son commandement. Voici comment
s'exprime l'auteur :
« On ne sait pas combien de temps le sieur Luscan demeura dans
la citadelle; mais la commune tradition est qu'il y fut jusqu'à ce
qu'étant devenu insupportable aux habitants, lesquels il molestoit
f . Histoire véritable de U citadelle érigée dans le couveot des Fréres-prècheurs de
Saint-Gaudena el de la ruioe qui s'eosaivil, prise dans son origine et coRdutto brièvement
jQsqu'à la lin (1590. 159L \m, 1608).
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plus que ne faisoient les ennemis sous prétexte d'entretenir la
sûreté du commerce, ils assiégèrent la citadelle et, après avoir fait
brèche à la première muraille, avec lin canon pointé sur le haut de
la tour de M. le juge •, ils obligèrent le gouverneur à capituler et
enfin à sortir avec sa garnison qu'ils escortèrent bien loin d'ici. Et
au retour de cette expédition, d'un commun consentement et par
commune délibération (à ce qu'on dit), ils mirent le feu au couvent
qui avoit jusqu'alors servi de citadelle, pour empeschar» autant
qu'ils le pourroient, qu'elle ne leur fust plus jamais 'l'occasion de
scandale ni de fascherie *. »
Chez nos Frères-prêcheurs , on enseignait la philosophie et la
théologie dans des cours renommés. Il y avait des boursiers.
Chaque année, les États de Nébouzan accordaient, dans cet objet,
des allocations. Lors de la dernière session, en janvier 1789, « les
lecteurs de théologie et de philosophie du couvent des Dominicains
de Saint-Gaudens reçoivent 400 livres ; et 240 sont aussi allouées à
quatre clercs qui y suivent leurs cours, pour les aider à subsister. »
Sous l'intendant de Sérilly, un local du couvent avait été mis à
sa disposition « pour servir de magasin à la milice. »
De 1840 à 1885, les Frères de la Doctrine chrétienne dirigèrent
avec succès, dans cette antique demeure, l'école communale
aujourd'hui laïcisée.
Communauté des Templiers, auxquels succédèrent les chevaliers
de Saint-Jean de Jérusalem
Les chevaliers du Temple eurent à Saint-Gaudens une maison
dès le xn« siècle. Un premier document', conservé aux archives
départementales, commence ainsi : Anna ab incarnatione Domini
millesimo. . .'. . (le reste est illisible.) Cet acte contient une donation
au profit de la maison du Temple « a dès e a la maiso de Tem-
ple à Sent-Gaudens » au quartier « de la Garlga » qui ora al
diu comanai de MontSalnès et als fraires qui i son ne qui i seran
usque in finem seculi. Âquest do fo feit devant lo portai del Mas
de Sent-Gaudens. »
D'autres actes, de 1197 et 1 199, concernent les Frères hospitaliers
en la personne de leur Commandeur a Commcndatori hospitalis
Sancti'Gaudentii. »
Montsaunés avait une commanderie importante. On sait que
cet ordre des Templiers avait été institué au commencement
i. Il y a de sérieuses raisons de croire que ceUe lour dépendait de la maison appar-
lenaot — au Barry (rue Victor Hugo) — à la famille de noire collaborateur M. Maurice
Picoi.
2. Seuls les travaux de défense furent détruits mais le content subsista.
3. Nous en devons la communication à notre érudit confrère M» Paul de Casteran qui
bien Toulu nom en offrir une copie avac d'aatras documanU pleins d'intérêt.
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duiir siècle à Jéi'usalem, près du Temple, pour défendre contre
les infidèles les pèlerins allant visiter la Terre-Sainte.
A la fois religieux et militaire , ne relevant que du Pape , et
sa prospérité matérielle étant devenue très grande, il fit om-
brage aux princes. Prenant prétexte de certains abus, Philippe
le Bel obtint, le 13 octobre 1311, sa suppression de Clément V,
ancien évêquo de Gomminges sous le nom do Bertrand de Got,
qui condamna leurs doctrines comme hérétiques.
Les Templiers furent remplacés par les Hospitaliers de St-Jean
de Jérusalem, qui formèrent plus tard l'ordre de Malte. Ils s'éta-
blirent à Saint-Gaudens, probablement dans le même couvent que
leurs prédécesseurs. La rue Saint -Jean en conserve encore le
souvenir. Il y a quelques années, en y exécutant des travaux, on y
trouva des vestiges de sépultures.
Disons en passant, qu'au cours des douloureuBfis péripéties du
procès des Templiers, Tun des plus sombres épisodes do notre
histoire, deux Gommingeois se signalèrent parmi les défenseurs de
la milice du Temple : Frère Bertrand de Montpezat de Gomminges
et Arnaud-Guilhem de Gomminges '.
Hôpital dos Templiers
Le plan le marque au midi de la ville, hors de Fenceinte. Gétait
l'usage, au moyen âge, d'éloigner autant que possible les hôpitaux
des agglomérations. Dans un grand nombre de villes « les mala-
dreries » n'étaient pas dan& l'intérieur, au milieu des habitations.
On sait aussi que les Hospitaliers de Saint-Jean secouraient égale-
ment les passants, les voyageurs ; ils étaient mieux placés pour
cela à Textérieur où ils pouvaient donner asile à ceux qui n'au-
raient pu pénétrer par une des portes de la ville.
Dans ce bâtiment fut établi, plus tard, l'hospice de la paroisse,
puis ie tribunal jusqu'à la construction du palais de justice ac-
tuel. L'hôpital avait été déjà transporté ailleurs, dans une partie
de l'ancien couvent des filles de Notre-Dame.
Communauté des Jésuites auxquels fut confiée la direction du Grand Séminaire,
et Palais épiscopal
Mgr de Brezay de Denonville, évèque de Gomminges de 1693
à 1710, fit construire les bâtiments spacieux du collège actuel et y
établit le Grand Séminaire de son diocèse, dont il confia la direction
aux Pères Jésuites. A côté, s éleva aussi l'habitation, aujourd'hui
la sous-préfecture, où il résida presque toujours, comme le firent
L DocaBMikU ittéiliisde rHittoire de Fraoc«.
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876
la plupart de ses successeurs, jusqu'à la suppression de révéché.
Nous devons à Tobligeance de M. Taumônier Assieu le relevé
d'une inscription tumulaire que nous saviohs exister derrière
l'autel de la chapelle et en partie recouverte par celiri-ci. Elle est
d'une belle latinité et caractérise dignement les mérites du prélat
comme la reconnaissance du clergé. La voici telle qu'elle a été
reconstituée intégralement :
D. 0. M.
D. D. JOANNES FR4KCISCVS
DE BREZAY DE DENONVILLE
CONVENARVM EPISCOPVS
CVJVS NOMEN ELOGIVM
VITA EXBICPLVM
MORS DESIDERIVH.
HIC
THESAVRVS SVV3 FVIT
UBI COR SVVM ESSE VOLVIT.
LAPIS ISTE
^TERNVM
INTER EPISCOPVM ET SEMINARIVM
INDE AMORIS INDE OBSEQVII
MONVtfENTVM
Il fut inhumé dans la cathédrale, à Saint-Bertrand; mais il
avait voulu que son cœur fût déposé dans son Séminaire, auprès
de son ancienne résidence, qui avait eu ses prédilections.
Quant au « Palais épiscopal ». avant sa translation dans cette
belle situation, en face du superbe panorama de nos monts, il était
très modestement dans l'enceinte du Scpte, voisin du cloître et de
la maison canoniale. Les évéques y venaient peu, habitant leur
château d'Alan de préférence à Saint-Bertrand, lieu à peu près
désert et qu'un document du temps appelle « une Thébaîde de
chanoines. » Désormais, Saint-Gaudens fut leur principale rési-
dence. Ce fut là que Mgr Eustaclio d'Osmont, le dernier évèque
de Gomminges, réunit en 1787 « les États de l'assiette du Petit-
Languedoc » qui se tenaient habituellement à Valentine. Il en
obtint du roi l'autorisation, a à cause des plus grandes facilités
matérielles qu'il avait là pour recevoir ses collègues des Étala. »
CommuDaulé des Dames religieuses de Notre-Dame
Elle fut établie à Saint-Gaudens par Mgr Hugues de Labatut,
qui fut, avec Mgr Donadieu ^ son prédécesseur et son ami, un des
plus vénérables prélats de Gomminges.
1. V. la Notice de cet évèqae par M. le baroa de Lasaus, i?e«. de Comm., t. tu, p. iâO.
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Ce fut à la maison de Bordeaux, où cet ordre avait été fondé en
1556 •, qu'il s'adressa, ayant député à cet effet Ribeyrac, archidia-
cre d'Aure, vicaire général, et chapelain de Notre-Dame de Garai-
son. L'accord fut conclu le 26 mai 1642. Les religieuses arrivèrent
sous la conduite de Françoise de Ségur de Frans ; mais leur pre-
mière installation ne fut que provisoire. Le couvent et sa chapelle
se construisaient. La communauté n'en prit possession que « la
veille de l'Assomption de Notre-Dame, en 1645.
Nous donnerons un peu plus tard Thistorique attachant de cette
translation définitive et des péripéties qui accompagnèrent la
venue des filles de Notre-Dame à Saint-Gaudens.
Le pieux et généreux évêque qui les avait appelées mourut
avant Tinauguration du couvent qu'il avait fait construire à ses
frais ; son cœur fut déposé dans la collégiale de Saint-Gaudens,
avec cette inscription :
iETBRN.« MEMORI^ ILLVSTRISSIMI ET REVERENDISSIMI DOMINI
HVGONIS DE LABATVT, CONVENARVM EPISCOPI
La plaque de marbre où on la lit encore est dans une chapelle
latérale et sous le pupitre du lutrin. Elle doit recevoir bientôt une
place plus digne de la mémoire qu'elle consacre.
Les religieuses de Notre-Dame ne quittèrent leur résidence
qu'après 1789.
Plus tard, dans ce même couvent s'établirent les Dames de
Nevers , vouées elles aussi à l'éducation. Elles furent en même
temps chargées de .desservir l'hospice communal attenant à leur
pensionnat.
On trouvera, dans les quelques pages qui précèdent, des jalons
pour l'histoire de notre ville de Saint-Gaudens et de ses trans-
formations dans la série des siècles parcourus.
Mais ce qui, pour elle, est resté immuable, c'est son admirable
site, « véritable belvédère, dit M. Roschach ^, fait à plaisir, d'où
Ton regarde se dérouler à ses pieds le plus riche, le plus magnifi-
que des paysages. »
Un géologue, qui a aussi visité les Pyrénées en touriste et en
lettré, Ghausenque, écrivait en 1834 * : « Gette ville de Saint-Gau-
1. Par Jeanne de Leslonnac, veuve à 24 ans da marquis de Moniferrand, qui donna à
J« communaalë le nom de Filles de Notre-Dame, vouées à l'éducation des jeuties filles.
2. FoûB A Cimminget,
3. Ut Pyrénéet,
RiTui »i Conmias» S* trimestre 1894* Tomi IX. — 19.
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dens est dans la plus heureuse situation, à Textrémité d'un pla-
teau d'où elle domine, de Montespan à Montrejeau. la plus jolie
plaine qu'arrose la Garonne: et, du côté des montagnes, la vue
réunit toutes les beautés.
» Les premiers mornes, déjà hauts, cachent en partie les frais val-
lons d'Âspet et d'Encausse où sont, ainsi qu'à Labarthe de Rivière,
des eaux thermales salines depuis longtemps connues. Plus loin,
la grande vallée do la Garonne se fait reconnaître à sa large échan-
crure, et, par dessus les gradins étages, les hautes montagnes d'où
découlent ses eaux portent dans les nues leurs pics, leurs neiges
et leurs glaces. Ce bel ensemble a du rapport avec la vue de
Pau ; mais il reçoit plus de grandeur de 1 élévation relative des
monts qui sont en face. »
Dans un livre charmant sur nos Pyrénées, M. Paul Perret s'ex-
tasie, à son tour, sur le grandiose panorama dont on jouit du bou-
levard méridional à Saint-Gaudens, et il formule ce vœu humo-
ristique : « S'il était permis de conduire des rêves cornus, je ferais
celui de rétablir la vicomte de Nébouzan et de m'en constituer le
vicomte. Saint-Gaudens demeurerait ma capitale. J'y vivrais sur sa
terrasse appelée aujourd'hui le Boulevard du Midi Des beau-
tés gracieuses du premier plan, les yeux se portent, attirés par la
sublimité du tableau, vers les grands pics et leur magnificence.'»
Tout récemment, un jeune écrivain, que son talent rend déjà
digne du nom qu'il porte *^ consacrait au cadre magnifique dont
1. M. Paul Perret est ilans l'erreur quand il écrit que du haut de la terrasse de Saîot-
Gaudens on peut contempler les sommets de la Maladeila. Ceux-ci sont cachés par le massif
du Gar.
Les hantes crêtes que Ton aperçoit à droite de celte montagne et où brillent des
glaciers, sont celles de Cabrioules ou de Cabriëoues, suivant Sacaze.
Victor Hugo les a chantées, ainsi que la cascade d'Enfer dont les nappes lorrentoenses
•n descendent avec le saisissant fracas que Ton connait :
0 pics, clochers du monde où sonne ta (empéic.
Cadrans où Tavalanche à toute heure mugit,
Devant qui l'homme à peine ose lever la tête.
Tant Dieu Ini parait grand, tant il se sent petit I
Rochers, Apres sommets, vieux autels de granit,
Où le nuage fume, encens de celte terre ;
Vieille abside où se chante en chœur le grand mystère.
Au bord d'un autre monde où le nôtre finit.
Vieux glaciers qui, l&-haut, reluisez au soleil,
Comme sur les gradins loil le flambeau vermeil.
Vous formez un grand temple où mon esprit s'abîme
Et sent de l'infini l'extatique sommeil.
Ces beaux vers avaient été écrits par le poêle lui-même sur un registre de fandeone
hôtellerie dans la vallée du Lys. On ne regrettera pas que nous «yont trouvé une occasioD
de les tirer de l'oubli.
a. M. Françoii Venillot.
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Saint-Gaudens est entouré, une page brillante où sont élégam-
ment traduites les impressions que font naître en lui ces beaux
horizons, en face du « merveilleux amphithéâtre des Pyrénées. »
Il signale tous les contrastes que présente le coup d'œil, depuis
les « premiers contreforts chargés dune épaisse toison de forêts
et les vastes prairies étalant leur fraîcheur sur les flancs des mon-
tagnes plus hautes », jusqu^à ces « crêtes des monts où Ton dis-
tingue l'éclatante blancheur des neiges glacées qui dorment leur
éternel sommeil sous la voûte du ciel A de certains moments,
on dirait les contours de la montagne à peine esquissés d'un léger
pinceau sur un fond de ciel bleu, clair et tendre; par instants, les
sommets se perdent, noyés dans la brume, et paraissant vêtus
d'une indéfinissable couleur grise, pleine de douceur au regard. »
On nous pardonnera d'avoir fait cette part au pittoresque , à
propos « d'un vieux plan de Saint-Gaudens. »
Alphonse COUGET.
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AU PAYS DE COUSERANS
COMPTE RENDU DE L'EXCURSION
FAITE A Saint-Girons et a Saint-Lizier
PAR LA Société des études du Comminges
LE 21 JUILLET 1804
Cinq heures ! ! Mon réveil vient de les jeter bruyamment à mes
oreilles, toutes pleines encore de sommeil, et déjà je suis debout
courant aux fenêtres. Quel temps fait-il ? Dieu merci, le ciel est
pour nous ; limpide et bleu, il se dore des reflets du soleil levant;
Tair est pur ; la brise fraîche achève de délasser mes Aembres
engourdis. Vite les ablutions et en route ! La journée sera superbe.
Sur le quai de la gare , se tiennent les excursionnistes ; peu
nombreux (les fidèles seuls sont venus), mais nous saurons tour-
ner le proverbe en notre faveur : moins on est de fous, plus on rit
et plus on s'instruit.
A ce moment cependant nous avons été vivement déçus : tous
nous espérions que notre excursion se ferait sous la haute direc-
tion de notre cher président, M. le baron de Lassus, et nous avons
le regret de constater son absence. Peut-être le trouverons-nous à
la gare de Boussens ou à Saint-Girons ?
Voici le train : messieurs les voyageurs en voiture ! ! Et gaie-
ment on se case ; sifflet aigu du chef de gare, corne glapissante du
chef de train, sifflet strident de la machine, nous partons, nous
sommes partis.
Les uns causent ; d'autres admirent le paysage, toujours nou-
veau quoique si connu. Là bas, les Pyrénées s'éveillent et leurs
sommets apparaissent roses sous les vapeurs qui couvrent encore
leur fine crête dentelée. Plus près de nous, à travers les peu-
pliers, miroite le ruban argenté de la Garonne, au milieu des ver-
tes prairies, au pied des sombres coteaux. Tandis que court la
locomotive, nous saluons au passage les ruines du château de
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Montespan qui se détachent en relief sur le fond clair du ciel ;
voici maintenant Montpezat, étrange à Toeil par la couleur jaune de
ses parties restaurées qui tranche crûment sur la teinte bistre de
Fensemble. C'est enfin Roquefort, fièrement campé au-dessus du
Salât, véritable réplique à Montpezat sur la Garonne: on les a
craints jadis, ils suffisaient à fermer à tout ennemi les deux val-
lées ; aujourd'hui on les traite avec le respect mélangé de bonho-
mie que Ton porte à ceux qui ont beaucoup vu, mais mal retenu.
Boussens ! Les voyageurs pour Saint-Girons changent de voi-
ture. Un nouveau compagnon de route nous attendait, venu de
Tarbes pour se joindre à la Société de Gomminges : il nous por-
tait, avec sa science d'archéologue et d'érudit le charme de ses
causeries de fin lettré, disert à la fois et sympathique ^
Et c'est pendant le cours d'une conversation attrayante de verve
que s'est effectuée la seconde partie du trajet: en moins d'une
heure, que de choses dites et sur combien de sujets. A peine avions-
nous le loisir de repaître nbs yeux du paysage si riant qui nous
entourait. Et cependant, l'un des nôtres, admirateur passionné des
Pyrénées qu'il connaît mieux que personne, nous donnait, par
intervalles, une vraie leçon de géographie pratique, rendue plus
piquante encore par ses souvenirs personnels*.
Mais tout prend lin : nous parlions toujours, lorsque la vue de
Saint-Lizier nous avertit que le voyage s'achevait. Quelques tours
de roue et nous voilà à Saint-Girons.
Beaucoup d'amis pour nous recevoir ; et parmi eux, escortés de
notre aimable et distingué vice-président, M. Couget, qui nous
avait précédé, deux des membres de la Société Ariégeoise, venus
pour faire à la Société de Gomminges les honneurs du Gouserans.
Et aussitôt commence la visite de la ville : ce que Saint-Girons
a de mieux, c'est son site, il est splendide ; quant aux monuments,
ils méritent à peine une mention. Dans l'église de Saint-Girons,
on nous montre une châsse de bois qui renferme les reliques du
saint. Quelle est la part du vrai dans la légende que nous conte
le sacristain avec une foi parfaite ? La chose est difficile à préci-
ser et GerunliiLS Adurensis^ tel fut son nom, paraît appartenir à
cette pléiade d'apôtres locaux auxquels une pieuse tradition attri-
bue la fondation des diverses églises chrétiennes des Gaules.
A signaler, dans la sacristie, une statue de la Vierge, en bois
dore, d'assez jolie allure, très moderne du reste ; elle semble
dater du xviip siècle.
Saint-Yalier eut un caractère roman. La réfection de Téglise a
1. M. De Cardaillac» avocat, à Tarbes.
2. M. Cabannes, collaboralear à la Revue de C(mming€s,
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laissé subsister seulement le porche et les colonnes, qui sentent
d'ailleurs la décadence. Un tombeau, derrière le maître-autel,
appartient sans doute au xii« siècle, le plâtre le recouvre en partie.
Plus loin, sur un boulevard, nous grimpons par une échelle dans
un grenier à fourrage, qui fut Téglise des Jacobins. On y distingue
très nettement la forme de la nef gothique, sur les murs quelques
traces de fresques, une figure du Christ se devine encore, teintée
de jaune et de brun, dans l'attitude un peu hiératique des statues
byzantines. Et de voir cette image solitaire dans un grenier à foin,
je pense que Jésus naquît dans une étable.
Plus rien à voir dans Saint-Girons; le pays, nous le parcourrons
tout à rheure ; Tusine d'électricité est trop moderne pour des
archéologues, mais ils ne boudent pas devant un bon repas et
nous regagnons Thôtel de France, Tappétit aiguillonné par Tair de
la montagne et par un voyage matinal.
Le déjeuner est servi ! M. Gouget reçoit à l'instant deux dépè-
ches qu'il s^empresse de nous communiquer : Tune de M"* la
baronne de Lassus, exprimant les regrets de notre honorable
Président de n'avoir pu, malgré son vif désir, prendre part à notre
excursion ; l'autre de notre éminent collègue, M. Gartailhac, de
Toulouse, ainsi conçue : « Que le Giel, aujourd'hui et toujouri,
» favorise notre compagnie si bien dirigée; croyez à tous mes re-
» grets. J'aurais donné beaucoup pour être avec vous. Recevez et
» distribuez mes amitiés et mes respects. »
Ces gracieux souvenirs sont accueillis par des applaudissements
unanimes ^
Exquis le repas : nous le savions d'avance et, comme l'heure
des toasts eut maintenant venue, nous les écoutons avec béatitude,
humant le café, dégustant le cognac, prêts à les trouver char-
mants, devant mên^ que les orateurs aient parlé car nous
les connaissons. Louer le tact et la mesure de notre cher vice-
président, réiévation de ses pensées et la forme parfaite de son
discours, c est redire ce que tout le monde sait. Nous devons sur-
tout remercier, de leur langage flatteur pour la Société de Corn-
minges, MM. Pasquier, de Bardies et de Gardaîllac, qui, l'un par
sa verve originale, l'autre par sa bonne grâce, et le dernier par
son humour, nous ont également tenus sous le cliarme de leur
parole. Enûn la note gaie nous a été donnée — avec quel esprit
malin ! — par M. l'abbé Gau-Durban, un récidiviste d'ailleurs, mais
que nous n'aurions garde de condamner à la relégation!... Le
temps passe, on s'oublie à rêver, perdu dans la contemplation de
!. Nous devons ajouter que déjà M. le docteur Chopinet et M. Albert Sourrieu, deai
des membres les plus zélés pour nos excursions, avaient écrit précédemment pour expri-
mer leur vif regret de ne pouvoir élre des nôtres.
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la fumée des cigarettes qui s'élève en spirales bleuâtres, douce-
ment bercé par le murmure du Salât si proche, un peu alangui
par une chaleur accablante. Hélas ! il faut s'arracher au farniente.
Notre chef vigilant nous appelle : en marche vers Saint-Lizier.
Certes la route est belle ; à nos pieds la rivière écumante roule
toute verte sur son lit de rochers ; sur notre gauche les Pyrénées
se dressent, noires au premier plan, neigeuses derrière, de toutes
parts imposantes et majestueuses ; devant nous les coteaux ondu-
lent couverts de blés jaunissants et s'affaissent au loin vers le
nord. Nature superbe sans doute, mais un soleil radieux et impi-
toyable veut nous empêcher d'oublier que nous sommes au pays
des Phœbus.
De fait, sommes-nous vraiment au pays des Phœbus, ces
orgueilleux comtes de Foix qui, bien avant le Roi Soleil, avaient
choisi cet emblème? La chose est difficile à dire, car il n'est rien
de plus confus que les questions de suzeraineté au moyen âge et
Thistoire n'a pas encore, à notre sens, élucidé entièrement ce
point. Dans son travail si consciencieux et si intéressant sur les
Gonvenœ et les Consoranni, M. Bladé traite seulement les origines
et la période romaine et son étude ne saurait nou4i servir en cette
circonstance. Tout ce que Ton peut dire c'est qu'au temps d'Au-
guste, le Couserans forma un municipe, que plus tard sa capitale
Saint-Lizier devint le siège d'un évêché, qu'enfin il eut des vicom-
tes célèbres.
Mais il a dû surtout son illustration à son importance religieuse
et les vestiges qu'on y trouve se rattachent tous à ces souvenirs.
On y remarque toutefois dés restes assez nombreux de l'époque
romaine : Tenceinte a laissé des traces remarquables et, en maints
endroits, des constructions médiévales sont superposées à des
soubassements romains. Plusieurs inscriptions y furent relevées
par le regretté fondateur de la Société de Gomminges. Ce ne sont
malheureusement là que des ruines et seul le moyen âge vit en sa
cathédrale.
Elle porte, en effet, l'empreinte de plusieurs siècles : les trois
absides sont romanes (l'une des absides conserve même des
vestiges de construction plus ancienne) ; la nef ogivale à transept
date du xiv* siècle et présente cette particularité qu'elle dévie
dans l'axe du chœur ; les vitraux, assez rares d'ailleurs, sont du
xvi* siècle. Dans son ensemble, l'église est moins grandiose assu-
rément que la splendide basilique de Saint-Bertrand ; elle ofTre
cependant quelques détails curieux qui nous ont valu un intéres-
sant débat entre MM. Gau-Durban et de Gardaillac. Mais n'oublions
point que « le cordonnier ne doit pas s'élever au-dessus de la
chaussure >.
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Le cloître est vraiment étrange : son rez-de-chaussée du xiii*
siècle renferme le tombeau d'Auger U de Montfaucon, évéque de
Saint-Lizier en 1303, célèbre par ses libéralités. Au premier étage,
formé d'une galerie du xv*" siècle, on remarque des vestiges de
fresques d'une analogie frappante avec celles qui décorent les
chapelles de la cathédrale Sainte-Cécile à Albi. Une statue, byzan-
tine d'aspect, par sa raideur et ses tons vifs complète cet ensem-
ble, auquel il manque, pour Tanimer, la vue superbe dont jouit le
cloître de Saint-Bertrand.
Cette vue, nous Tavons eue, du haut de l'ancien palais des évè-
ques, maintenant transformé en asile d'aliénés. Mais plus ou
presque plus d'archéologie à faire ici ; à part un début de frise, à
part une salle voûtée, tout a été modifié, modernisé. Ne nous en
plaignons pas ; si la science a pu y perdre, les excursionnistes y
ont gagné. Ils ont trouvé auprès du Directeur de Tasile et de
M*"*' Belle un accueil empreint d'une bonne grâce exquise et de la
plus délicate affabilité. Nous en garderons tous le meilleur sou-
venir.
Et c'est sous Theureuse impression de cette gracieuse hospitalité
d'un instant, que nous avons descendu, rapides, la pente raide qui
mène au Salât. Nous le traversons sur un pont du moyeu âge
récemment restauré, pour notre malheur, car on l'a défiguré.
Le soleil, notre désagréable compagnon, disparait maintenant à
rOuest ; terminant sa journée, il nous invite à l'imiter. Voici le
moment du retour; encore quelques minutes au bord du Salât,
auprès des papeteries de Lorp, et bientôt le train nous emporte à
travers les grasses prairies, au milieu de la vallée, que le soleil
couchant incendie de ses dernières flammes, jetant aux vitres des
wagons des teintes d'or rouge.
En cette soirée d'été, à cette heure où le calme du jour mourant
donne à l'âme une mélancolie inconsciente et vague, la mémoire
du passé renaît plus précise. Nous revivons les années écoulées,
nous nous reportons en arrière : il y a dix ans, comme on reve-
nait aussi de Saint-Lizier, un Commingeois éminent, perdu aujour-
d'hui pour la science et pour ses amis, le regretté Julien Sacaze,
avec l'enthousiasme de sa nature ardente, jeta les premières
assises de la Société de Comminges. Il la fit naître , il l'a vue
grandir, rendons hommage à son initiative; car il a créé une
œuvre durable qui ne périclitera pas entre les mains de ses dis-
tingués successeurs ; nos réunions annuelles si suivies et si
pleines de charme en sont la preuve vivante.
Au revoir, à 1895.
- J. P.
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LA RÉVOLUTION
A SAINT-LIZIER (Ariège)
1789-1804
(suite)
Celui qui eut Thonneur de faire entendre le premier
les protestations de la foi et de la dignité religieuse fut
l'aumônier de Thospice, Guichard. Sommé de prêter le
serment civique, Guichard répondit : Qu'il ne le devait
point, attendu qu'il n'était pas fonctionnaire public
rétribué par l'État et que les fonctions qu'il remplis-
sait étaient essentiellement gratuites. Le différend est
porté devant le directoire du département, et, par l'or-
gane de son procureur, la municipalité chargée de
l'exécution de la loi relative au serment répond que,
quoiqu'il n'ait retiré aucune rétribution de la place
d'aumônier,, il n'en est pas moins fonctionnaire, et
qu'il suffît qu'il ait acquitté les messes de fondations
attachées à l'hospice, pour avoir droit à ce titre; qu'il
est d'ailleurs de notoriété publique qu'il a abusé de
sa qualité d'aumônier pour fanatiser et éloigner de
l'esprit de la Constitution les personnes attachées à
l'hôpital et toutes celles qui y avaient quelques rela-
tions. A son avis donc, il est sous le coup de la loi du
26 octobre 1790 et subséquentes.
Le second aumônier, Amans cadet, ne s' étant point
présenté dans le délai, doit partager le sort de son
confrère Guichard.
Rbtui de Coiimi!io£s, 4* trimestre 1S94. Tom IX. — 30.
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286
A la date du 2o septembre, il est procédé à la nomi-
nation du sieur Filouse, prêtre, citoyen de Saint-Lizier,
comme aumônier de l'hôpital, en remplacement des
deux dignes titulaires qui venaient d'en être expulsés
« pour cause d'incivisme notoire ». Filouse n'eut point
les mômes scrupules que ses prédécesseurs, a II jura
d'être fidèle à la nation et de maintenir la liberté et
l'égalité ou de mourir à ron poste. » Ce serment lui
valut « avec le titre d'aumônier, tous les revenus, char-
ges et conditions y attachés », comme s'exprime le
procès-verbal d'installation ; c'était tout le prix d'une
conscience.
Ce n'est pas sans une certaine confusion que nous
nous voyons réduit à transcrire les noms par trop
nombreux de nos vénérables frères dans le sacerdoce
qui, dans une des heures les plus solennelles de leur
vie, ont renoncé à la pratique du devoir pour écouter
la voix de la crainte ou de l'intérêt. Nous voyons pas-
ser successivement, sous les yeux de la municipalité
préposée à la réception de leur serment de fidélité à
un état de choses que la conscience réprouve, de jeu-
nes prêtres que les épreuves de l'exil n'auraient point
dû effrayer et des vieillards qui auraient dii se sou-
venir de l'estime et des honneurs publics dont ils
avaient été entourés.
Le premier qui voulut donner un gage de soumis-
sion à la Révolution fut le curé de Saint-Lizier,
Berges. A sa suite défilèrent: Amans l'aîné, qui offre
de se rendre utile aux habitants de la ville en qualité
de matutinaire; Saurat, ancien promoteur du diocèse ;
de Méritons aîné, vicaire général ; Dauby, ancien béné-
ficier; Sentenac et Bordes, prêtres; Dargein, prében-
dier; Pilart, diacre; Legardeur, Baleix, Bélissens,
Montégut, chanoines; Roquemaurel, officiai. Quel-
ques-uns rétractèrent dans la suite le serment, mais
d'autres s'obstinèrent dans la voie de l'erreur.
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287
La Convention nationale. — Abolition de la royauté. — ttègle-
ment scolaire. — Nouveau personnel judiciaire. — Nouvelle
municipalité : Villa, maire. — Vente de quelques biens commu-
naux. — Don du prêtre Amans. — Déclaration de guerre à là
Hollande et à l'Angleterre. — La société populaire des « Amis
de la République » ; fonte des cloches et inventaire des objets du
culte.
A Paris, TAssemblée législative disparaissait au
milieu des attentats du 10 août et des horribles mas-
sacres de septembre, faisant place à la Convention
nationale.
' La nouvelle assemblée, qui devait encore précipiter
le mouvement révolutionnaire destructeur de toute
doctrine et de toute autorité, décréta, dès sa première
séance, le 21 septembre, Tabolition de la royauté.
Le 30 septembre, le décret usurpateur parvint à la
municipalité de Saint-Lizier. Le bruit des sanglantes
exécutions de Paris s'était répandu en province et y
avait porté la terreur. C'était le règne sinistre des Jaco-
bins ; et où étaient les âmes assez viriles pour résister
à ces empiétements ?
Paris, sur Tordre de la Commune, s'était mis en
fête ; Saint-Lizier aussi illumina. Le décret relatif à
l'abolition de la royauté fut solennellement proclamé
par les officiers municipaux. La garde nationale fut
mise sous les armes, et on tira le canon sur la plate-
forme de la ville. Il est à présumer que ce programme
officiel fut exécuté sans enthousiasme, nous le souhai-
tons du moins pour les administrateurs et les habi-
tants de la petite cité. On peut ne pas porter le deuil
d'une dynastie qui a fait la France ; on ne doit pas
danser sur sa tombe !
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Maintenant, le vaisseau est sans pilote ; on Ta jeté
par dessus bord. Depuis longtemps, il est vrai, on
Tavait attaché au mât, comme un marin inhabile qui
ne sait plus tenir le gouvernail ; et le vaisseau s'en va
à la dérive, ballotté par les flots et buttant sur les
écueils. L'équipage, intelligent et vigoureux^ manque
de notions techniques ; il se jette dans les courants
les plus dangereux et marche follement, dans la nuit
sombre, sans chercher le phare qui conduit au port.
Bientôt viendra s'asseoir au gouvernail un corsaire de
génie qui, sous la protection de son étoile, retrouvera
l'antique voie. Mais, à cette heure, c'est la mer noire,
fertile en tempêtes, et l'équipage en délire accumule
les fautes et les crimes.
L'inauguration de la nouvelle ère se fait sentir
jusque dans nos documents municipaux. Ils ne seront
plus datés désormais de « l'an de la Liberté », mais
de « Van de V Égalité et de la République une, indivi-
sible y>. A gouvernement nouveau, il fallait nouvelles
administrations et nouvelles formules.
L'ouverture des écoles et des tribunaux amena une
modification complète dans le personnel enseignant et
judiciaire.
Le 21 octobre, Saurat, ecclésiastique de Saint-Girons,
et Jutgé, de Saint-Lizier, obtinrent l'unanimité des
suffrages pour la première et la seconde régence de
l'école*. Pour prévenir tout conflit semblable à celui
qui avait amené l'année précédente la retraite du
régent Lamary, la municipalité imposa aux nouveaux
maîtres un sage règlement, dont nous serions heureux:
de voir quelques-unes des dispositions appliquées
aujourd'hui dans nos écoles. L'année classique devait
durer de la Toussaint à la fin août. Le temps des classes
1. Le 27 janvier, Jutgé étant allé au séminaire, on pourvut à la régence de la seconde
classe par la nomination de Ferrier, habitant de Saint-Lizier.
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devait être de deux heures le matin et de deux heures
le soir. Vacances, le jeudi et le dimanche. Obligation
de conduire les écoliers aux offices de la paroisse. Si
quelques parents s'opposent à Texécution de cette
prescription, les régents ne forceront point leurs
enfants à les suivre à Téglise, mais avertiront les
parents d'avoir à tenir leurs enfants enfermés pendant
les offices. Si, malgré ces avertissements, les parents
laissent vaguer leurs enfants dans les rues à Theure
, de la prière publique, les régents en référeront à la
municipalité qui interdira Tentrée des écoles à ces
petits vagabonds.
Tous les enfants, même étrangers, sans limite d'âge,
auront droit de fréquenter les écoles de la ville, sans
qu'on puisse exiger d'eux aucune rétribution.
L'obligation morale et la gratuité ne sont donc pas
un bienfait de la loi actuelle; cette disposition du
règlement scolaire ne faisait que consacrer, à Saint-
Lizier, une ancienne coutume qui s'harmonisait fort
bien avec l'enseignement religieux, car le titulaire de
la première classe était toujours un ecclésiastique.
Les 21, 22 et 23 novembre, l'assemblée électorale
du district nomma les membres du tribunal de Saint-
Lizier. Furent élus : Dauby père, de Saint-Girons, pré-
sident ; Arexy, de Saint-Girons, Bonnin, de Saint-
Lizier, Delage, de Massât, Mathieu Delort, de Castillon,
juges; Dupré de Saint-Lizier, commissaire national.
Furent élus juges suppléants ; Gouazé, de Riverenert,
Gencé, de Saint-Girons, Morère, d'Oust, Monroux, de
Saint-Lizier; greffier, Dompierre, notaire de Soulan.
Monroux, qui avait été en ballottage quatre fois avec
ses concurrents, piqué dans son amour-propre, donna
sa démission ; et le citoyen Duclos, avoué de Saint-
Lizier, fut nommé à sa place.
Dans la même assemblée électorale avaient été nom-
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mes membres du bureau de conciliation près le même
tribunal : les citoyens Seillé, négociant, Duclos, Villa,
Dauby, prêtre, Salies, curé de Montjoie, et Court,
négociant.
Le 6 décembre, le conseil général de la commune
procéda à Tinstallation solennelle de son tribunal.
Précédé des sergents de ville, accompagné du secré-
taire et du trésorier de la commune, des commandants
et officiers de la garde nationale, ainsi que d'un déta-
chement de ladite garde, on se rendit au palais de jus-
tice sur les dix heures du matin, après avoir assisté
à la messe.
Le citoyen Seillé, procureur de la commune, après
avoir requis lecture de la loi sur l'organisation judi-
ciaire et du procès-verbal de l'assemblée électorale du
district, demanda la prestation du serment et l'instal-
lation des citoyens juges, ainsi que l'enregistrement de
leur nomination.
Après un discours du premier ofiîcier municipal, les
nouveaux juges prêtèrent serment a d'être fidèles à la
nation, de maintenir de tout leur pouvoir la liberté et
l'égalité ou de mourir à leurs postes, et de remplir
avec exactitude et impartialité les fonctions de leurs
offices... », puis, les membres du conseil général, des-
cendant les degrés de l'estrade où ils étaient montés,
allèrent prendre leurs sièges^ et le premier officier
municipal ayant de nouveau pris la parole, en son nom
et au nom du peuple, prit l'engagement « de porter
au tribunal et à ses jugements le respect et l'obéis-
sance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes. »
Enfin, la cérémonie se termina par un discours du
président Dauby et la signature du procès-verbal de
l'installation.
Le 6 décembre, pareille cérémonie, mais d'un aspect
plus modeste^ eut lieu à la justice de paix, pour l'instal-
lation du juge Duclos et du greffier Bergès-Montfort.
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• Ce furent les derniers actes de la municipalité pré-
sidée par M. Dupré; son mandat expirait avec Tannée.
Nous devons reconnaître que sa gestion fut probe,
modérée et sincèrement dévouée aux intérêts des
administrés. S'il est un reproche que nous puissions
adresser à M. Dupré, comme d'ailleurs à tous ses
concitoyens, c'est de n'avoir pas assez énergiquement
résisté au torrent des idées nouvelles, et d'être même
devenu plus tard , par peur , président de la société
populaire.
Les élections eurent lieu le dimanche 9 décembre
dans une des salles de l'évêché. Un vieil officier des
armées du roi^ membre des précédentes municipa-
lités, Villa, fut élu maire à la presque unanimité des
suffrages; les citoyens Court, Nicolas, Seillé, Auriac
et Dupré-Bergerat furent investis des fonctions d'of-
ficiers municipaux; Berges fils fut proclamé procureur
de la commune. Les citoyens Dupré, commissaire
national, Lagrasse, Monroux, homme de loi, P. Ber-
ges, architecte, Bonnin et Delort, juges du tribunal,
Ferrier, Laffont, Delage, Duclos, juge de paix. Pages
de Lembèges et Laurent Berges, architecte, obtin-
rent^ comme notables et membres du conseil général,
la pluralité absolue des suffrages.
Sur la réquisition du président, tous les membres
de la municipalité prêtèrent, selon la formule usitée,
le serment de fidélité.
Durant les quatre mois que Villa passa à la tête
des affaires municipales^ nous devons reconnaître qu'il
déploya une rare activité. A l'exemple de la Conven-
tion, le conseil général de Saint-Lizier se déclara en
sur\'eillance permanente et s'occupa incessamment
des intérêts de la cité. Les membres de l'ancienne
municipalité rendirent compte de leur administration;
puis on décida que, vu la négligence de certains fonc-
tionnaires à remplir leurs devoirs, on pourvoirait à
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«91
leur remplacement; que l'horloge serait confiée au ser-
rurier Jean Boue et la porte de Nargua à Michel Duran;
que la sage-femme serait payée désormais sur le prix
de six livres par an; que la maison occupée par le
citoyen Estaque redeviendrait maison commune, et
que le maire serait chargé d'y réinstaller les services
municipaux; que la maison curiale ayant besoin de
réparations, une pétition serait adressée au district,
puisque la nation était chargée de la réparation des
édifices nationaux.
Par voie de scrutin, le citoyen Ferrier fut nommé
ofTicier public chargé de recevoir les actes de nais-
sance, mariage et décès.
En exécution de l'arrêté du département en date
du 21 décembre exigeant une déclaration du nombre
des émigrés de la commune et de l'évaluation de leurs
biens, on désigna comme émigrés les familles Lingua
de Saint-Blancat et Salin frères, « attendu que ni les
uns ni les autres ne se sont mis en règle et n'ont pas
rempli les obligations exigées par la loi relativement
au certificat de résidence. »
Plusieurs citoyens peu scrupuleux s'étant empa-
rés de certaines parties des biens communaux, une
commission d'hommes de loi fut nommée pour la
recherche de ces usurpations.
On décida encore la vente d'un morceau de terrain
situé entre le porche de Téglise paroissiale et le pilier
qui le séparait de la maison du sieur Guichard, prêtre ;
le cordonnier Le Roy s'en rendit acquéreur, aux enchè-
res publiques, pour la somme de cent livres. Il de-
meurait établi que si, dans le déplacement du pilier
du porche, quelque dommage était porté au couvert
de l'église, Tacquéreur en demeurait responsable.
Aux enchères publiques encore, la perception des
impôts^ pour l'année 1792, fut adjugée au citoyen
Nicolas, à huit deniers pour l'imposition foncière, et
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trois deniers pour l'imposition mobilière, droit de pa-
tentes, etc.
Les temps étaient durs aux pauvres contribuables ;
la division et la défiance à l'intérieur, Timminence
des guerres à Textérieur avaient paralysé la vie com-
merciale; et les agents du fisc chargés d'approvi-
sionner les caisses de l'Etat passaient de la menace à
l'exécution à l'égard de ceux qui, à l'heure sonnée, ne
soldaient point les impositions. Témoin de ces péni-
bles tiraillements, un prêtre de la ville. Amans aîné ,
donna une somme de 100 livres « pour être portée sur
le rôle des impositions en soulagement des misérables
qui n'ont pas le moyen de satisfaire à cette obligation,
quelle que soit leur opinion religieuse. > Distribution
en fut faite sans retard et suivant les intentions du
généreux donateur. Noble exemple de charité, qui
malheureusement n'eut pas de nombreux imitateurs.
La nouvelle municipalité entrait aux affaires avec
l'année 1793, l'une des époques les plus sombres et
les plus terribles de notre histoire. La France venait,
par le crime du 21 janvier, de soulever l'indignation de
l'Europe contre elle. De tous côtés, on prit les armes
pour venger le sang royal qui avait coulé sur la
place de la Révolution. Au nord, l'Angleterre et la
Hollande vinrent en aide aux États germaniques qui
déjà nous harcelaient à l'est; tandis qu'au midi l'in-
vestissement était complété par l'Espagne et les gou-
vernements d'Italie. C'était un cercle de fer formé par
plus de 350,000 guerriers. Pour -faire face à tant
d'ennemis, les armées républicaines ne disposaient
que de 240,000 hommes répartis sur toutes les fron-
tières. Avec une audace inouïe, la France déclara la
guerre à toutes ces puissances. La nouvelle en arriva
à Saint-Lizier le H février; elle fut communiquée au
public avec tout l'appareil usité dans les grandes solen-
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nités. A Tissue de vêpres, ,sur les 4 heures, tous les
citoyens furent invités à se rendre sur la place d ar-
mes * ; la municipalité au complet est en écharpe et
la garde nationale sous les armes. Le citoyen maire
annonce à haute voix que la République française est
en guerre avec l'Angleterre et les Provinces unies de
Hollande et autres nations, et, dans un pathétique
discours, leur fait connaître a les moyens \ilains que
nos ennemis ont employés pour couvrir les mauvaises
manœuvres contre la République française. y>
Surexcité par ces événements, le patriotisme de
nos montagnards s'apprête à tous les sacrifices. Deux
adjudants généraux annoncent l'arrivée de 400 volon-
taires du huitième bataillon de la Gironde : le maire
promet de leur faire l'accueil le plus sympathique; le
logement leur sera donné au palais épiscopal, dans les
logis particuliers, et ceux qui ne pourraient point trou-
ver asile dans la ville seraient distribués dans les
municipalités voisines.
La municipalité promet encore de se pourvoir sans
délai de tous les objets nécessaires au casernement
des troupes. Sur-le-champ, les citoyens Court et Pierre
Berges ainsi que le procureur de la commune sont
délégués pour faire visite dans toutes les maisons de
la ville, pour la recherche des lits et autres objets
nécessaires au casernement. On écrit au district do
Saint-Girons pour demander l'autorisation d'utiliser
les lits des émigrés du canton. Le maire reste chargé
personnellement de procurer les marmites, gamelles,
cruches, cueillères à pot, les râteliers d'armes et tou-
tes les planches nécessaires pour lits provisoires; il
devra aussi engager les municipalités du canton à
contribuer pour leur part aux fournitures utiles à la
troupe; il devra enfin faire construire deux guérites
1. La place d^armes êlait devant le cimeliére qui uccupait la place aciuelle dite Place
de Téglise.
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qui seront plaeées, Tune devant le corps de garde et
l'autre devant le quartier des casernes '. •
La Convention ayant ordonné, par décret du 21 fé-
vrier, une levée de 300,000 hommes^ la municipalité
se mit en devoir de fournir son contingent; elle ouvrit
d'abord un registre pour inscrire les citoyens qui,
volontairement, voudraient concourir à la défense de
la République, et aussi pour recevoir Toffrande que
tout bon patriote ferait à la patrie ; it fut ensuite pro-
cédé à Texamen des citoyens qui, d'après la loi,
devaient le service des armes. Vérification faite, il fut
reconnu que 92 citoyens de la commune étaient pro-
pres au service militaire. Sur ce nombre, la quote-part
désignée par le décret de la Convention nationale était
de sept. Tous les citoyens intéressés ayant été réunis
le dimanche 17 mars, dans l'église de Notre-Dame de
la Sède, on laissa à leur choix le mode de désignation
de ceux qui devront prendre les armes. On choisit le
scrutin, qui se prononça en faveur de Jacques Cou-
mes, domestique, natif de Toulouse ; Pierre Dedieu^
aussi natif de Toulouse, tous deux domiciliés à Saint-
Lizier; Mathieu Daroux, des Gaillardous; Jean Sèverac,
de la ville ; Bernard Bizre, tailleur, natif d'Audinac et
habitant de Gaillardous; Jean Lazerges, papetier,
na£if de Bousenac, domicilié à Saint-Lizier; et Louis
Sîadoux, bordier de Mignet. Mais Mathieu Daroux et
Louis Siadoux bénéficiant d'une disposition de la loi
firent agréer pour leurs remplaçants Jean Dedieu,
papetier de Lédar, et Siméon Lépine, cordonnier de
Saint-Girons.
Au milieu de ces préoccupations patriotiques et
pour réveiller le zèle de leurs concitoyens, plusieurs
républicains s'étaient groupés en société politique sous
1. Les deux guérites furent payées, à rarchilecle Berges, 12S livres 5 sol».
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S96
le titre d'Amis de la Répuhliqtie : une salle de la mai-
son commune leur fut octroyée pour la tenue de leure
séances. A peine installée, cette société prit la direc-
tion du mouvement politique et se fit la promotrice
des résolutions les plus radicales. Dès le lendemain de
son installation, quelques-uns de ses membres, les
citoyens Vignau, Nicolas, Laurent Berges, Pierre
Berges, Cçtzaux, Court fils, Lafont et Lamary se pré-
sentèrent au conseil général* et lui représentèrent
qu'un décret de la Convention nationale du 23 février
dernier autorise les communes à convertir une partie
de leurs cloches en canons. Ils ont, disent-ils, long-
temps examiné s'il serait utile de profiter du bénéfice
de ce décret ; ils ont reconnu qu'il en résulterait un
grand avantage pour le district en général et la com-
mune en particulier. En conséquence, ils sont chargés
d'inviter le conseil à peser dans sa sagesse l'utilité qui
peut résulter de la conversion d'une partie des cloches
en engins de guerre.
Obtempérant à l'invitation des Amis de la Réjni-
bliqtiey le procureur de la commune convertit leur
demande en motion, et le conseil considérant a qu'il
n'existe point de canon dans l'étendue du département
et que Saint-Lizier, quoique par sa position en état
de résister aux brigands espagnols qui voudraient
s'introduire par les ports des Pyrénées, n'a cependant
pour tout moyen de défense que le courage de ses
habitants; qu'avec des canons on peut se flatter de les
arrêter et d'en imposer même aux malintentionnés
de l'intérieur qui voudraient tenter une révolte,
« Arrête, qu'une partie des cloches de l'église
Notre-Dame sera incessamment convertie en canons ;
» Charge les ofiiciers municipaux de passer avec un
fondeur le marché de cette conversion ;
1. Séance do 31 mars.
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297
» Arrête de plus, que pour subvenir aux frais de
cette refonte et à la construction des affûts néces-
saires aux pièces qui proviendront de cette fonte,
l'excédent desdites cloches sera envoyé à la Monnaie
pour être converti en sols. »
En bonne voie de confiscation d'objets consacrés au
culte, le conseil général, alléguant une lettre du dis-
trict de Saint-Girons en date du 13 avril qui ordonne
rinventaire détaillé des meubles, effets et ustensiles
qui se trouveront dans les églises, délègue les citoyens
Court et Lagrasse pour faire la visite des deux églises
et prendre un état exact des objets en or et en argent,
soleils, ciboires et calices ; cet inventaire devra être
adressé au directoire du district.
Etranges inconséquences de ces hommes qui, après
avoir prêté la main au dépouillement de leurs temples,
déclarent' qu'ils « restent chargés de pourvoir l'église
paroissiale des choses nécessaires au culte divin, et
qu'il est de la décence et du vœu du peuple que, pendant
la Semaine Sainte, principalement le Jeudi-Saint et
le jour de Pâques, l'église soit ornée et éclairée d'une
manière qui satisfasse le public. t>
Les administrateurs qui vivent dans une semblable
confusion d'idées et de faits sont aptes à toutes les
besognes. Ils se disposent à aliéner les ornements
nécessaires au service divin et ordonnent que les céré-
monies se fassent avec la pompe la plus solennelle ;
ils envoient leurs cloches à la Monnaie et votent un
salaire au carillonneur.
i. S^uaeeé^U mars.
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298
VI
Vignau succède à Villa à Thôtel de ville. — Sus aux Espagnols!
— - Arrestations de suspects. — Certificats de civisme. — Diffi-
cultés occasionnées par les troupes. — Disette de grains. —
Comité de salut public. — Enrôlements. — Emprunt forcé.
Antoine Villa ayant été élu chef de légion de la
garde nationale et le commandement de la force armée
étant incompatible avec les fonctions municipales,
Villa envoya à ses collègues sa démission de maire
alîn de mieux se consacrer à ses nouveaux devoirs. Il
ne quitte un poste que pour courir à un autre qui
lui donnera, espère-t-il, une occasion plus éclatante de
montrer son attachement à la patrie et son civisme
ardent.
Quatre jours après, le corps électoral lui donna pour
successeur le citoyen Vignau, que nous avons vu. Tan-
née précédente, condamné pour indiscipline dans les
rangs de la garde nationale. Esprit cultivé, homme de
loi, caractère énergique, tourmenté par l'ambition,
nous le verrons, après avoir soutenu les non-conforrais'
tes le sabre au poing, se ranger du côté des persécu-
teurs de la foi et souscrire sans scrupule aux ordres
tyranniques des autorités supérieures, accommodant
toujours sa conscience aux exigences d'une situation
qu'il tient à garder.
Ici se place un incident héroi-comique, digne de la
plume d'un Cervantes. Nous regrettons que nos com-
patriotes aient été victimes d'une fausse alerte, nous
eussions eu peut-être à écrire la conquête de l'Espa-
gne par leurs armes. Racontons le fait avec toute la
gravité historique que nous retrouvons dans les regis-
tres municipaux.
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Le 30 avril au matin^ le citoyen maire assemble
extraordinairement le conseil municipal, et lui expose
d'une voix émue que plusieurs gardes nationaux actuel-
lement en garnison à Saint-Girons, sont venus, en
grande hâte, pour lui annoncer que les Espagnols
étaient sur la frontière et menaçaient le pays d'une
incursion ; il est urgent de prendre les mesures que
requiert le salut de la patrie !
L'assemblée délibère que « tous les citoyens de la
ville en état de porter les armes seront de suite convo-
qués au son du tambour pour voler à la défense des
frontières, au premier ordre donné ; qu'il sera fait une
réquisition au chef de bataillon pour mettre tous les
citoyens sous les armes ; que finalement, la ville étant
sans munition, le gendarme Laffont sera envoyé à
l'administration du district pour réclamer, au nom de
la commune, les munitions nécessaires qui seront dis*
tribuées aux citoyens.
Dans d'aussi graves circonstances, il appartenait au
conseil de se mettre en permanence.
La première motion d'enrôlement est faite à neuf
heures. A onze heures, le maire expose à ses collègues
qu'il a envoyé deux exprès au district pour savoir les
ordres qu'il avait à donner. Le district a répondu qu'on
pouvait d'ores et déjà se mettre en marche. Le conseil
délibère que le citoyen commandant en chef sera
requis de suite de faire un choix des citoyens en état
de marcher^ que ces citoyens armés, conjointement
avec leurs chefs se rendront à Saint-Girons, pour de là
se diriger vers le lieu qui leur sera désigné.
A deux heures de l'après-midi, le maire informe le
conseil que tous les citoyens en état de porter les
armes étant partis vers Saint-Girons, la sûreté publi-
que exige que le dépôt laissé dans la ville reste en
état de réquisition permanente et qu'on prenne encore
des mesures efficaces pour prévenir les événements
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390
qui pourraient arriver dans le cours de la nuit. On
décide que la municipalité siégera en permanence
toute la nuit, et qu'il sera fait, d'heure en heure, une
patrouille de vingt hommes ; des sentinelles seront
placées à chaque porte de la ville pour arrêter tous les
étrangers qui passeront et qui immédiatement seront
menés devant la municipalité.
A quatre heures de l'après-midi, l'Assemblée décide
que des affûts pour les gros canons seront faits dans
le plus court délai et que les frais seront pris dans les
dépenses imprévues.
A six heures, le citoyen maire dit qu'il a reçu une
lettre de l'administration du district, qui l'exhorte à
faire livrer par tous les boulangers de la ville tout le
pain qu'ils pourront pétrir, et à délibérer sur les
moyens à prendre au cas où ils allégueraient n'avoir
ni grain ni farine. Ordre est donné aux boulangers de
faire du pain sans discontinuer, et trois membres de
la municipalité se transportent chez les différents
citoyens de la ville pour enregistrer la déclaration du
grain qu'ils ont en leurs greniers.
Et les consuls, anxieux, veillent durant toute la
nuit sur le salut de la patrie !
Le lendemain 1®"* mai, à 8 heures, le maire dit au
conseil que, le jour d'hier, quasi tous les membres du
tribunal étaient absents. Quand la patrie est en dan-
ger, toutes les autorités constituées doivent être en
surveillance permanente, afin de prendre les mesures
propres au salut public. Les membres du tribunal,
malgré les différentes réquisitions qui leur ont été
faites par ci-devant, ne se sont pas fait scrupule de
quitter journellement leurs postes et il convient de
prendre des mesures pour obvier à un abus aussi con-
damnable. Approuvant la juste indignation de leur
chef, les municipaux déclarent « qu'une députation se
transportera à l'instant au tribunal, ^our lui signifier
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que c^est pour la dernière fois qu'on requiert ses mem-
bres quasi journellement absents de résider dans la
ville et de demeurer à leurs postes, et^ qu*à défaut, on
prendra contre eux les plus énergiques mesures pour
assurer Texécution de la loi.
A neuf heures du matin, vu qu'il résulte de la visite
faite la veille chez les habitants pour la recherche des
grains, que la ville est sans approvisionnements, le
conseil autorise le citoyen Louis Durègne à faire
Tacquisition d'une certaine quantité de grain néces-
saire à l'alimentation des troupes qui passent et de
celles que l'on se dispose à camper dans la ville.
A une heure après-midi, les citoyens Galotin et Ro-
ques se présentent au nom de la Société des Amis de la
Républv/uej et exposent au conseil qu'il est urgent,
pour le district et pour la commune, de faire procéder
sans retard à la fonte des cloches.
Appréciant le bien fondé de cette observation, il est
arrêté que le citoyen Pierre Berges se rendra inces-
samment à Toulouse, pour engager quelqu'un des
ouvriers employés à la fonderie à se transporter dans
la ville de Saint-Lizier, afin de convertir lesdites clo-
ches en canons ; au cas d'impossibilité, ledit commis-
saire conviendra, avec le directeur de la fonderie, du
temps (m ces canons pourront être faits et du prix de
l'œuvre.
Et puis plus rien. La campagne est finie !
A l'aspect de la garde nationale de Saint-Lizier
manœuvrant au champ de Mars de Saint-Girons, l'en-
nemi a pris la fuite; sur les pics et dans les ports, plus
un Espagnol!... Victimes de quelque mystificateur,
nos guerriers rentrent sans bruit ni butin, et le bulletin
de leurs victoires n'a pas été consigné dans les anna-
les de la commune. Le seul résultat de cette bruyante
équipée fut une note de 169 livres à payer à l'armurier
Retvi db Go]ixiii«b8» a* trimestre 1894. Toms IX. — 31.
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302
Briefeil pour réparations de fusils et fabrication de
piques.
O Muses des combats, nous chanterons, un jour,
•De tous ces fiers Rolnncls la vaillance et la gloire!
L'invasion conjurée de ce côté, il est temps d'atta-
quer les ennemis de l'intérieur; en attendant qu'elle
dévore ses enfants, la Révolution va traquer comme
des fauves tous les citoyens modérés. Le 2o mars, la
Convention institue un conseil de défense générale qui
rc(;oit le nom tristement célèbre de Comité de salut
public.
Dans une série de décrets, elle ordonne le désar-
mement de tous les suspects, tels que les prêtres
non assermentés, les nobles, les ci-devant seigneurs,
les fonctionnaires destitués, etc. Elle frappe les émi-
grés de bannissement perpétuel et de mort civile,
confisque leurs biens et déclare nuls tous les actes
publics accomplis par eux ou par leurs parents. Par
mesure de précaution, tous les suspects doivent être
mis en prison jusqu'au rétablissement de la paix.
C étaient les décrets de la peur, a En temps calme, la
société aime mieux, disait Danton, laisser échapper le
coupable que frapper l'innocent, parce que le coupable
est peu dangereux ; mais à mesure qu'il le devient
davantage, elle tend davantage aussi à le saisir; et
lorsqu'il devient si dangereux qu'il pourrait la faire
périr, ou du moins qu'elle le croit ainsi, elle frappe
tout ce qui excite ses soupçons, et préfère alors attein-
dre un Innocent que laisser échapper un coupable.
Telle est la dictature, elle est rapide^ arbitraire, fau-
tive, mais irrésistible ^ »
C'est, en vertu de ces décrets que, le 6 mai, se
présenta à Saint-Lizier, le citoyen Atoch, sous-lieute-
nant de la première compagnie du second bataillon de
1. Thiers, t. iv« p. 5, Histoire de la Révolution,
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303
-la Haute-Garonne, avec un arrêté du département
portant « que les citoyens Méritens frères^ prêtres,
Bordes, prêtre, Saurat, prêtre seront arrêtés et con-
duits au dépôt à Foix et que, la citoyenne Cabalbi et
ses enfants et la citoyenne Salin seront renfermés
dans la maison nationale de Saint-Lizier , que les
papiers desdits prêtres et leurs correspondances seront
saisis et adressés, sous scellé, à Tadministration
du département. » Sur la réquisition d'Atoch , un
détachement de la garde nationale lui fut adjoint pour
assurer Texécution dudit arrêté. Quelques jours après,
la citoyenne Salin obtint du conseil d'administration
du département Tautorisation, pour motif de santé, de
demeurer provisoirement dans sa maison; elle y fut
consignée et les citoyens Court et Seillé furent chargés
de sa surveillance.
Adélaïde de Montégut, enfermée dans le ci-devant
évêché, fut aussi autorisée à se retirer dans la maison
de sa tante, à Castillon, sous la surveillance de la
municipalité.
En même temps, sur la dénonciation de deux
membres de la Société des Amis de la République^ la
citoyenne Soum de Patrac et Charles Dargein furent
déclarés émigrés. A quelque temps de là, la citoyenne
Cabalbi, qui avait de grandes propriétés à Alos,
demanda au conseil général de la commune Tauto-
risation de s'absenter durant quelques jours pour
veiller à Tadiiiinistration de ses affaires. Le citoyen
Gallatin dut se porter garant pour elle et accepter
toutes les peines qu'elle pourrait encourir pour émi-
gration et conduite anti-civique. Tout effrayait les
imaginations surexcitées ; on ne voyait partout qu'en,
nemis et complots. Tout étranger qui sans passe-port
s'aventurait dans ce pays était considéré comme sus-
pect, et comme tel consigné à la maison d'arrêt jusqu'à
ce qu'il eût établi son identité et la pureté de ses opi-
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304
nions. Cette frayeur amenait les membres de la muni-
cipalité à regarder les citoyens les plus paisibles
comme les pires ennemis de la chose publique-
Un mois après ces arrestations, l'administration
du district leur demande des renseignements sur la
conduite politique des citoyens de Méritons aîné et
Saurat prêtre, et le conseil répond que le « citoyen
Méritons aîné, grand-vicaire, et Saurat, promoteur et
agent du ci-devant évoque du Couserans, ont constam-
ment prouvé qu'ils tenaient a leurs places en manifes-
tant ouvertement leurs opinions contre la nouvelle
constitution du clergé ; depuis qu'ils sont absents de
la ville de Saint-Lizier, la commune jouit de la plus
grande tranquillité ; elle ne connaît plus de guerre
d'opinions et certains habitants fanatisés sont revenus
de leurs égarements. Quelques prêtres qui avaient
paru se conformer à la conduite de ces deux confrères
ont donné, depuis leur absence, des marques d'union
et de fraternité. Le conseil pense que la tranquillité
publique, ainsi que celle desdits Méritons et Saurat,
exige qu'ils restent éloignés de la ville de Saint-
Lizier. »
Le trait final de cette réponse dénote, dans ce rédac-
teur, une admirable bonté d'âme. A son avis, pour
leur tranquillité, les prisonniers doivent rester sous
les verrous.
C'était aussi la grande époque des certificats de
civisme. Ils étaient indispensables pour remplir les
fonctions publiques ; quelquefois ils mettaient à l'abri
des tracasseries administratives, mais ils étaient inu-
tiles quand des ennemis nombreux et puissants pour-
suivaient une victime. Le clergé, l'armée, la justice,
toutes les administrations se pourvoient de ce brevet,
fragile protecteur. La demande en était faite à la com-
mune par l'intéressé, sa pétition demeurait affichée
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305
pendant trois jours à la porte de Thôtel de ville, et
s'il n'y avait point d'opposition, le certificat lui était
délivre en ces termes :.
« Nous, maire,
» Certifions que le citoyen Méritons, depuis un an
qu'il a sa résidence fixe dans la ville, a rempli exacte-
ment ses devoirs de citoyen, qu'il a monté sa garde
personnellement à son tour, qu'il a fait un don pour
Téquipement des volontaires de la ville et que, dans ce
moment-ci, il est en détachement pour la garde dos
frontières. »
Quand ce brevet sauveur était refusé, les intérêts
et même la liberté du pétitionnaire étaient fort en
danger'.
Les menaces des Espagnols qui étaient entrés dans
la coalition avaient considérablement augmenté le
nombre de troupes cantonnées dans le pays. Des
volontaires peu disciplinés se répandaient la nuit dans
les rues de la ville et dans les champs, excitant, par
leur tapage et leurs déprédations nocturnes , un
vif mécontentement; plusieurs même désertaient et
allaient s'imposer chez de braves habitants des cam-
pagnes voisines. Le désordre était arrivé à tel point
que le maire crut devoir, un jour, devant des troupes
assemblées, se faire l'interprète des sentiments d'in-
dignation de ses administrés : leur représentant leur
inconduite , il les exhorta à revenir au respect de la
discipline, pour lui éviter d'avoir recours à des mesu-
res extrêmes. Cette harangue dut produire quelque
fruit, puisque, dès ce jour, les soldats et la population
civile vécurent en bonne intelligence.
Mais la présence de la troupe ayant augmenté consi-
1. Dans une première lislc, parmi les citoyens à qui, le 19 mai 1793. a été accordé le
certificat de civisme, uous trouvons les noms suivants : Monrous, Vignaux, Monlis, avoués;
liacqoaîr« ; Dalmonl, huissier audiencier ; Lépine, Fort, Saintaraille et Oargein, huissier ;
Borrel, brigadier; Monronx, Rénazet, Escaicb, I^zaygues, gendarmes; et de Hansy, enre-
gistreur.
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306
dérablement le nombre des malades, radministration
de rhospice dut aussi augmenter le nombre des lits.
L'hôpital n'en possédait que trente ; il y avait encore
un espace suffisant pour douze, et, avec quelques répa-
rations, soixante autres lits pouvaient sans difficulté
être installés ; mais Thôpital, par la suppression des
dîmes, avait perdu la principale source de ses revenus
qui ne s'élevaient plus qu'à la somme de sept mille
trois cents livres. Cette somme avait déjà été absorbée
par Tentretien des volontaires malades. On allait se
voir dans la dure nécessité de fermer les portes et de
congédier les malades si l'administration départemen-
tale n'envoyait pas des secours. La municipalité lui
adresse une pétition, dans laquelle elle lui expose
que le département devant fonder un hôpital militaire,
il serait de son intérêt, plutôt que de bâtir un autre
établissement, de réparer celui qui existe et de le
pourvoir d'un nombre de lits suffisants, car, actuelle-
ment, grand nombre de malades couchent par terre
sur des grabats, et les plus atteints sont de trois en
trois dans les lits, ce qui est loin d'être hygiénique et
de faciliter la guérison des malades. Il est urgent sur-
tout que l'on envoie immédiatement des fonds pour
l'entretien des volontaires que Ton se verra à brève
échéance dans la nécessité de congédier.» »
La municipalité avait demandé un secours de huit
mille francs ; le département n'envoya, le 18 juillet,
qu'un mandat de trois mille livres sur le citoyen
Rousse, receveur du district de Tarascon. Le citoyen
Trinqué, trésorier de l'hôpital, fut autorisé à faire
immédiatement les démarches nécessaires pour perce-
voir cette somme et en donner quittance.
Après les attentats contre la liberté, la famine ; et la
faim est mauvaise conseillère : quand le pain manque
1. DiihbératioQS du 15 et du 30 juin.
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307
au peuple, rordre public est menacé. Les accapare-
ments des marchands et le discrédit des assignats
avaient fait disparaître les grains des marchés; les
populations s'insurgeaient. Les législateurs autorisè-
rent les municipalités à fixer un maximum de prix des
blés et des farines. Certaines autorités départementales
comme celle de rAriège^ sans expérience des affaires,
fixèrent la taxe à un chiffre si minime, que ni Tagri-
culteur ni le commerçant ne voulaient vendre leur blé
sur les marchés du pays et le portaient sur les places
étrangères où la taxe était maintenue à un taux plus
élevé. C'est ce que constate le maire de Saint-Lizier,
dans rassemblée permanente du 9 juin.
« Le peuple, dit-il, est alarmé du peu de subsis-
tances qui sont dans la ville ; les boulangers sont sans
grains. On est menacé d'une disette qui pourrait
entraîner de grands malheurs et, dans ces circons-
tances, il convient de prendre des mesures promptes
pour arrêter les suites funestes qui pourraient en
résulter »
Et, sur son avis, il est décidé que deux membres du
conseil se transporteront de suite dans les maisons des
particuliers qui sont présumées avoir provision de
grain; qu'ils en recevront déclaration et qu'ils en
feront délivrer aux boulangers au prix déterminé ;
qu'en outre, les citoyens seront avertis, au son du
tannbour, de venir donner la déclaration de leur grain,
pour ensuite être pris telle mesure que de raison.
L'administration du district sera priée de fournir ou
de faire trouver à la municipalité les grains dont elle
a besoin pour sa consommation, ou bien de lui don-
ner provisoirement un fonds pour s'en procurer, sauf
à le rembourser dans un délai moral ; elle voudra
bien encore faire à l'administration du département,
pour l'engager à revenir sur son arrêté du 26 mai
relatif à la taxe des grains, de justes représentations.
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atin que rapprochée des taxes des administrations
voisines, elle permette aux commerçants de retrouver
le prix.de leur transport avec un bénéfice raisonnable.
Ici reparaît encore ce vieux levain de zizanie qui
existait entre les deux villes rivales ; les marchés de
Saint-Lizier qui se tenaient le jeudi étaient devenus
sans importance , et toutes les denrées du pays
affluaient à Saint-Girons. Dans le courant de juillet
se rendirent dans cette ville, pour faire leurs provi-
sions, les habitants de Saint-Lizier qui manquaient de
grain. Le citoyen Tussau s'opposa à ce qu'il leur en
fût délivré. Il était en opposition avec les prescrip-
tions de la loi qui, si elle obligeait les uns à porter leur
blé au marché, autorisait les autres, sans distinction^
à en faire l'acquisition. La conduite du citoyen Tussau
éttiit donc répréhensible et tendait « à troubler l'ordre
public et à violer le droit des citoyens y> ; il fut de ce
fait dénoncé à l'administration ; une enquête eut lieu :
grand émoi dans les deux municipalités, et on se
déclara la guerre de part et d'autre ; et une fois de
plus, la montagne accoucha d'une souris.
Paris s'était donnée pour accélérer l'action révolu-
tionnaire, un Comité de Salut public; Saint-Lizier
sentit le besoin de se gratifier d'une semblable insti-
tution, mais dont les attributions avaient un caractère
plus pacifique ^ Le maire exposa un jour au conseil
général que « les ennemis de la patrie usaient de
toutes sortes de moyens pour allumer le feu de la
discorde parmi les citoyens, en discréditant les assi-
gnats, et que les boulangers se refusent à délivrer du
pain si on ne les payait en numéraire. Ces manœu-
vres, ajoute-t-il, ne tendent qu'à dissoudre la Répu-
blique et il est temps de prendre des mesures pour
1. Séance du 5 août 1793.
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309
punir les délinquants. » Sur les conclusions de son pré-
sident^ le conseil arrête qu'il sera orée, sur l'instant,
un comité composé de cinq membres, qui demeurera
chargé de veiller à ce que l'intérêt public ne soit point
lésé, de découvrir les noms de ceux qui discréditent
les assignats et les noms des boulangers qui refusent
de vendre du pain en échange du papier-monnaie. Les
coupables devront être déAoncés au corps municipal
qui requerra contre eux la plus sévère application des
lois. Les citoyens investis de ce mandat de haute
confiance furent : Laurent Berges, Dalmont, Arnaud
Berges, Dominique Dargein et Guy Nicolas, qui pro-
mirent « de remplir leur office avec scrupule. »
Saint-Lizier avait déjà la Société populaire des Amis
de la République; il ne lui manquait qu'un temple à
la déesse Raison, et nous le ^ errons bientôt installer'
un nouveau culte dans son antique cathédrale.
Une des grandes préoccupations de la France
au milieu de toutes ces agitations révolutionnaires
était la reconstitution des armées décimées par la
guerre. Le 2 juillet, la municipalité de Saint-Lizier
ouvrit un bureau d'enrôlement pour tous ceux qui
voudraient s'engager comme volontaires et contribuer
à la défense de la patrie ; puis elle fît un tableau, en
trois classes différentes, des citoyens aptes à porter
les armes. Quelques jours après, recensement général
des armes à feu et inspection de ces armes, pour
savoir si les citoyens les tiennent en bon état, ce Une
baraque pour la garde des signaux est construite sur
le monticule du Marsan ; un détachement de qua-
tre gardes nationaux y est établi pour la surveillance
des signaux qui pourraient être faits le long de la
frontière. Mais je ne sais si le patriotisme de la cité
couserannaise fut toujours à la hauteur des besoins
du pays: le 27 juillet, le citoyen Bouet, désigné pour
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aller au Marsan^ refuse de rejoindre son poste : <c Que
ceux qui ont peur des Espagnols, dit-il, se gardent eux-
mêmes. )) Le propos fut jugé « contre-révolution-
naire )) par la municipalité, qui lui infligea 24 heures
de prison, pour lui apprendre à être plus circons-
pect à l'avenir. » Les listes de recrutement ayant été
publiées, presque tous ceux qui s'y voient inscrits
allèguent des motifs d'exeinption : Tun est forgeron,
et par conséquent nécessaire à la culture de la terre à
cause des réparations qu'il fait aux outils aratoires ;
celui-ci est d'un tempérament faible et ne peut soute-
nir un long et pénible travail ; l'autre, prétexte qu'ayant
un bien de deux paires de labour, et pour aides seu-
lement un frère et un valet de 12 ans, il ne peut s'éloi-
gner de la maison.
Le départ de la première classe est fixé au 26 août.
Ce jour-là, à huit heures du matin^ les citoyens dési-
gnés devront se trouver sur la place d'armes, munis
d'un havre-sac et de deux chemises. Ils seront, de là,
dirigés sur Saint-Girons, Massât et Ax ; mais bon
nombre manquent à l'appel. La municipalité, indignée
de cette lâche conduite, requiert la force publique a pour
faire la recherche des citoyens qui se sont clichés »,
les arrêter et les conduire de brigade en brigade à Ax
pour y recevoir les ordres de Tadjudant-général Mar-
bot. La Société po])ulairc, par l'organe de deux de ses
membres, Berges et Diipré, fit au corps municipal, en
faveur des familles privées, par le départ des troupes,
d'aides nécessaires, une motion qui fut acceptée avec
empressement.
Il fut décidé que la commune ferait travailler à ses
dépens les biens de ceux qui ont quitté leur foyer
pour la patrie, et qu'(*.lle viendrait au secours des ci-
toyens réduits à la misère par ces départs.
On dressa une liste des citoyens en état de contri-
buer à cet acte d'humanité. Nous approuvons sans
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réserve cette généreuse initiative de la Société popii^
lairCj que nous n'aurons pas d'ailleurs souvent rocca-
sion de féliciter; mais nous regrettons cette lâche
obséquiosité de rassemblée municipale, qui applaudit
vivement son zèle et rend hommage au sentiment
dont elle est animée ; elle défère humblement à son
invitation, et prie les commissaires de lui témoigner
tout le plaisir qu'elle aura « de faire usage des moyens
les plus plus prompts pour lui être agréable. y>
C'est ainsi, d'ailleurs, que la Convention déférait
aux ordres des Jacobins. On prépare par la faiblesse
le triomphe des violents.
Mais ce n'était pas tout que de lever et mettre en
marche des armées, il fallait poui^^oir à leur équipe-
ment et à leur entretien. Les riches, disait-on, ne vou-
laient rien faire pour la défense du pays et de la Révo-
lution». Ils laissaient au peuple le soin de verser son
sang pour la patrie, il fallait les obliger à contribuer
au moins de leurs richesses au salut commun. Pour
cela, on imagina un emprunt forcé : depuis le revenu
de mille francs jusqu'à celui de cinquante mille francs,
ils devaient fournir une somme proportionnelle, qui
s'élevait depuis trente francs jusqu'à vingt mille.
Pour se conformer à cette loi, la veuve Méritens-
Rozès, agissant pour son fils Urbain, absent^ fît la
déclaration de ses revenus et charges. Il jouissait, con-
jointement avec sa sœur, une métairie appelée Rozcs,
de six paires de labour, produisant, en tout, quatre-
vingt-six setiers de grain et trois cents livres de béné-
fice sur les cabaux, un moulin à farine et à papier
affermé quinze cents livres ; sur quoi il faut déduire
le tiers, pour les réparations et les impositions s'éle-
vant à huit cent trente-neuf livres douze sols quatre
deniers ; plus une propriété à Belbèze affermée trois
i, Thiers, Histoire de ta Révolution, t. iv, p. 94.
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318
mille livres, d'où il faut distraire quatorze cents livres.
Le conseil municipal, vu la déclaration de la ci-
toyenne Méritens, déclare qu'elle n'est pas dans le cas
de l'emprunt forcé. Quant au citoyen Saint- Blancat,
domicilié depuis plus d'un an dans la ville de Tou-
louse, la municipalité se reconnaît incompétente pour
recevoir sa déclaration, attendu qu'il ne devait plus
être considéré comme habitant de Saint-Lizier. En
dehors de ces deux riches familles, aucune autre delà
commune ne rentrait dans la catégorie des adminis-
trés soumis à l'emprunt forcé.
Le 10 août ramenait la célébration de la fête de
Y Unité et de V Indivisibité de la République ; elle devait
être célébrée au chef-lieu du district avec un appareil
extraordinaire : sur l'invitation qu'elle reçut de la
municipalité de Saint-Girons^ la commune de Saint-
Lizier délégua, pour la représenter, le citoyen Seillé.
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3(3
VU
La Terreur. — Brevets de civisme. — liCS prisons regorgent. —
Comité de sûreté générale. ~- Réquisitions de chevaux, harnais,
fusils, etc. — Loi des suspects. — Délations. — Nouveau Calen-
drier. — Nouvelles vexations religieuses. — Modifications dans
le personne] judiciaire. — Charges locales.
Nous voici au « temps du mauvais papier et de la
grande épouvante », dit Taine.
Ces pages devraient être écrites avec des larmes.
C'est Teffond rement des caractères et la dernière capi-
tulation des consciences. Ce n'était pas assez d'avoir
décrété la peur y on décréta encore la terreur.
La Terreur a cela signifie que la période des phra-
ses hypocrites est finie, que la Constitution n'était
qu'une enseigne de foire, que les charlatans qui en
ont fait parade n'en ont plus besoin, qu'ils la remisent
dans les magasins des vieilles affiches, que les liber-
tés privées et publiques, locales et parlementaires sont
abolies, que le gouvernement est arbitraire et absolu,
que nulle institution, loi, principe, dogme ou précédent
ne garantit plus contre lui les droits de Tindividu ni
les droits du peuple, que tous les biens et toutes les
vies sont à sa discrétion, qu'il n'y a plus de droits de
rhomme'. »
Le nouveau régime n'eut pas, dans nos contrées, ce
caractère brutal et sanglant qui porta le deuil de la
mort dans d'autres populations. On appliqua la loi
jusqu'à l'emprisonnement inclusivement, mais le
bourreau ne promena pas son sinistre couperet dans
nos montagnes.
Le 23 septembre, le citoyen Anouilh, commissaire
i. Tain^, Le$ Orijines de la France contemporaine, t. m, p. 59.
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3ti
de Tadministration du département, écrivit, qu'envoyé
a pour rétablir la tranquillité dans le district et frap-
per du glaive de la loi tous ceux qui par leur conduite
cherchent à troubler Tordre public et à semer la divi-
sion, il a besoin, pour remplir sa mission, de connaî-
tre les citoyens suspects, fanatiques, aristocrates et
mal intentionnés, tant de la ville que des lieux «nvi-
ronnants. En conséquence, il demande que la munici-
palité lui donne une liste de ces quatre classes, faite
concurremment avec la Société populab^e. r> Toujours
obéissante aux ordres des violents, la municipalité
promet que les listes réclamées seront faites dans le
plus prompt délai.
Et alors chacun, soucieux de son salut, prend ses
mesures pour que son nom ne soit point inscrit sur ces
tables funèbres.
Antoine Villa, commandant de la garde nationale,
ancien capitaine au régiment royal Comtois, pour
prouver son attachement inviolable à la patrie, dépose
sur le bureau municipal sa croix de Saint-Louis et son
brevet. La municipalité applaudit à son zèle et à son
patriotisme; il est sauvé... pour le moment.
Les portes de la mairie sont assiégées de gens affo-
lés par la peur qui viennent solliciter des certificats de
civisme. Qui n'a pas d'ennemis? Et qui peut être cer-
tain que demain son nom ne sera point sur les listes
fatales? Un brevet de civisme peut être une carte de
salut: et alors, prêtres, religieuses, hommes de lois,
hommes d'épée, industriels, ouvriers, Bordes, Amans
de Bélissens, Saurat, Dauby, Balech, Cassignol, de
Roquemaurel, Dalmont, prêtres; Elisabeth Bordes,
sœur Perpétue, Marie Rivière, ancienne religieuse <ie
Nevers ; Cabalbi et Roquelaure, ci-devant nobles ;
Berges, procureur de la commune ; Duclos, juge de
paix; Mousson, brigadier de gendarmerie; Belesta,
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3r5
lieutenant de gendarmerie, Lamary, boulanger, vien-
nent quémander le papier sauveur. Le conseil munici-
pal nomme une commission pour examiner ces diver-
ses demandes et faire un rapport sur chacune d'elles :
Berges curé^ Dominique Dargein, Louis Court, Amans
prêtre et de Hansy, receveur de Tenregistrement, tous
membres de la Société ]wpulai7'e, sont nommés mem-
bres de cette commission qui, dès ce jour, tient entre
ses mains le sort de ses concitoyens. Nous verrons suc-
cessivement, au fur et à mesure que le danger devien-
dra personnel, tous les citoyens de Saint-Lizier tribu-
taires de cette puissance occulte que la municipalité
vient d'ériger et devant laquelle, à son tour, elle devra
courber le front'.
Entraînées par ce mouvement général de prostra-
tion devant les idoles du jour, les religieuses de THôtel-
Dieu de Saint-Lizier, Rosalie Boutant, Henriette Pou-
delaye, Rose Bélesta, Marie-Louise Taule veulent
1. Voici la leocur du CerliPical de civisaïc accordé à Madame de Taurignaii :
Du 14 octobre 179.^. En assemblée du Conseil général de ta commune, en surveillance
Iicrmanente, à lui joint le Comité de surveillance de la Société populaire.
Sur In proposition d*un membre, la délibcralion prise le jour d'bicr relatif à la demande
d'un certiOcat de civisme Taile par la citoyenne Taurignan ;
Le citoyen Maire, piésidcnt de rassemblée, a mis aux voix si l'nssemblée accordrraii un
cerlificnt de civisme à ladite citoyenne. La propositioq mise en discussion, rassemblée
coiisiiJêraut que la pélilionnaire n'a, depuis le commencement de la Hévolulion, donné
aucune marque d*incivismc ;
Considérant au contraire, que dans louti.'S les occasions elle s'est prêtée avec empresse-
Oient à lout ce qui a dépendu d'elle pour le bien public;
Con»ii.lérant que lorsqu'elle a élé requise de fournir un lit pour le casernement des
volonUiires, elle en ? fourni deux des meilleurs de sa maison;
Considérant qu'elle a obligé ses enfants, quoique encore au-dessous de l'âge prescrit
par la loi, de faire en personne le service de la garde nationale ;
Considérant qu*elle a refusé, lors de là formation du cinquième balaillon, de faire tirer
au sort un autre citoyen à la place de son (ils aîné ;
Considérant que, dés qu'elle a élé relevée d*une maladie de buit mois, elle s'est em-
pressée de donner au peuple l'exemple de son assiduité aux offices de la paroisse, et qu'en
général elle a tenu une conduite irréprochable :
Pour toutes ces cousidératious, le conseil, après avoir entendu le procureur de In com-
mune t\a\ a déclaré ne pas vouloir empêcher la délivrance du Certificat demandé, et après
avoir entendu Popinion des membres à\x Comité de surveillance, après appel nominal et à
l'uDaoiujité des suffrages moins un, arrête que le Certificat de civisme sera accordé à ladite
ciloyei» ne Taurignan, et qu'ft cet effet, extrait de la présente délibération lui Rern délivré
pour lui servir de Carlificat de civisme, doat la demande en obtention a été afflcbce pen-
dant trois jours.
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346
témoigner à leur tour de leur ardent dévouement à la
patrie et demandent à prêter le serment prescrit pour
les fonctionnaires publics.
Malgré les serments et les certificats de civisme, la
liberté individuelle n'était guère respectée, les prisons
se remplissaient, la maison de détention de Saint-
Lizier est comble. La garde, moins nombreuse que
les prisonniers, ne peut maintenir Tordre et pactise
avec eux. Sur la réquisition du procureur de la com-
mune, un membre du conseil, par ordre de tableau,
est chargé, tous les jours^ de la surveillance des déte-
nus et des gardiens. De tous les côtés du district arri-
vent d'infortunés citoyens qui ont eu le malheur de
déplaire à quelque patriote qui leur fait expier ce for-
fait par la prison. Plus de local, et encore moins de
provisions pour nourrir les détenus. Le maire Vîgnaux
écrit aux municipalités d'Ustou, Massât, Cap- Vert,
Couflens et Saint-Girons d'envoyer dans la maison de
réclusion les grains des détenus^ si on veut qu'il assure
leur subsistance. '
Nous avons déjà vu que Saint-Lizier avait fourni son
contingent de prisonniers au mois de mai dernier.
L'abbé de Roquemaurel , nonobstant le brevet de
civisme qu'il avait obtenu, alla partager leur sort. Sur
réquisition des commissaires du district, le maire le
fit arrêter le 12 octobre, et conduire comme suspect à
la maison de réclusion.
Cau-Durban.
(A suivre,)
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DOCUMENTS
SUR SALIES-DU-SALAT
On s'est occupé plusieurs fois de Salies dans la Revue de Com-
minges, MM. Anthyme Saint-Paul et Alphonse Couget, notamment,
ont publié, le premier une étude intitulée : Les Ruines du châ-
teau-de Salies et de sa ohapelle^ , le second des Notes relatives à
l'histoire générale de cette petite ville. En relisant, il y a quelques
jours, le travail de M. Couget, nous avons remarqué ces lignes :
« Salies a un passé sur lequel les documents manquent. En décou-
vrirons-nous, dans la suite, qui nous permettent d'écrire sur ce
modeste chef-lieu une monographie complète? Ce fut jusqu'en
1789 le siège d'une châteilenie. Les États de Comminges y
siégèrent dans quelque circonstance sans que nous puissions pré-
ciser ni la date, ni Tobjet de cette réunion ^. »
Un peu plus loin, parlant du château de Salies, l'auteur s'ex-
prime en ces termes : « Ce qui reste de la forteresse dessine sa
tière silhouette au-dessus de la ville, à côté d'une église aban-
donnée. Était-ce la chapelle du château ou fesait-elle partie du
couvent dans lequel les Pères de la Merci vinrent s'établir? Mais
à quelle époque* ».
Les recherches que nous poursuivons, dans les archives munici-
pales de Muret, nous permettent de répondre partiellement à ces
questions. C'est à Muret que Ton conserva toujours le dépôt des
archives du pays de Comminges. La plus grande partie de ces pré-
cieux documents a disparu. Cependant, de ce qui reste, nous avons
pu tirer des renseignements, rares il est vrai, trop souvent incom-
plets, mais suffisants pour éclairer des points obscurs, ignorés,
du passé des anciennes Communautés du Comminges, et pour
préciser avec certitjide certains détails peu connus.
i. Hevae de Comminget 1890, iv« trimestre, page 99.
2. Revue de Comminges 1890, m* irimestre, p»ge 77.
3. BevHé de Comminget 4890, m* trimestre, page 78.
asnrE BE CoMimais, i* irimettre 1894, Trai IX. — 32.
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348
Il ne nous est pas possible, en ce moment, d'indiquer au juste
combien de fois les États se réunirent à Salies. Donnons cepen-
dant quelques dates, avec Tespoir d'en compléter la série dans un
Itinéraire des États qui sera plus tard communiqué à la Revue.
Au cours du xvi« siècle — nos documents n'indiquent rien ni
avant, ni après cette époque — l'assemblée s'est réunie buit fois
dans la petite ville de Salies :
' En 1576, du 15 au 21 février, assemblée générale.
En 1579, le 25 mars, assemblée générale.
En 1586, du 15 au 18 avril, assemblée générale.
En 1587, le 4 avril, assemblée particulière.
La même année 1587, les 8, 9, 10 et 11 août, assemblée générale.
En 1589, le 22 mars, assemblée générale.
Kn 1591, les 2, 3 et 4 avril, assemblée générale.
Enfin en 1601, lin mars et premiers jours d'avril, assemblée
générale.
Pour l'ordinaire, c'est dans la maison commune que Ton délibère;
mais si elle est trop étroite ou en mauvais état, on se réfugie chez
un des personnages les plus considérables de la localité. En 1586,
1587 et 1591, c'est noble Bernard Bertin, seigneur de la Franquetat,
qui reçoit l'assemblée dans sa demeure.
Il n'y a pas lieu d'exposer ici avec étendue les questions agitées
au sein des États réunis à Salies. Sauf un événement que nous
raconterons par le détail, aucun de ceux sur lesquels rassemblée
délibère n'appartient à l'histoire spéciale de ce chef-lieu de châ-
tellenie. Voici donc simplement, et par ordre chronologique,
l'analyse des actes, ce que nous appellerions aujourd'hui le pro-
gramme des délibérations. La seule indication des sujets traités
suffît à en relever Timportancç. Ces documents, unis à plusieurs
autres que nous avons collectionnés, nous aideront un jour à retra-
cer quelques épisodes des] guerres de religion en Comminges
pendant la seconde moitié du xvi« siècle.
1676. — L'assemblée approuve les frais supportés par le pays
pour la reprise de Saint-Girons et de Saint-Lizier. (Arch. de Muret,
L. H et 11 bis).
1579. ~ M. de la Hillière, syndic de la noblesse, assisté de
Mathieu Ribayran, syndic des États,. se plaint des procédés violents
dont rÉvéque de Comminges aurait usé vis-à-vis de M. de Bazit-
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349
hac. Ce seigneur, venant des États de Salies et retournant chez lui,
avait été pris et enfermé au château d'Alan « où estant, luy auroict
esté dict qu'on attendoit le seigneur de Lamezan pour le conduyre
mort ou vif en Tholose, entreprinse très grande et très impor-
tante, attendu la liberté des Estatz. . . » On juge de l'émoi de toute
l'assemblée ! I/Ëvéquc est signalé comme un homme « poussé
d'animosité particulière» contre la noblesse de Comminges*. 11
fut décidé qu'on lui adresserait une admonestation au nom des
États, qu'on poursuivrait ses gens, et que le Parlement de Tou-
louse serait immédiatement averti, (li. 18).
1586. — I. liC syndic de la ville de Saint-Julien, occupé à pour-
suivre devant le Parlement de Toulouse certains conspirateurs
qui avaient essayé de livrer le ville aux Huguenots, demande
qu'on aide cette pauvre communauté à supporter les frais de la
procédure. Il espère recevoir 300 écus qu'on prélèverait <» sur le
général du Pays » de Gomminges. (L. 87).
II. — L'assemblée prend connaissance d'une lettre de TÉvéque
de Gouserans^ par laquelle il l'avertit du danger que courent les
villes de Saint-Girons et de Saint-Lizier menacées journellement
par les hérétiques'. Il prie les États d'y aviser de concert avec le
Parlement de Toulouse, « afin que coste nostre Église de Gosserans
et autres lieux limitrofes soient mantenus en la foy catholique et
service de Sa Majesté. » (L. 87).
III. — Les PP. de la Merci, établis à Aurignac, exposent aux
États les vols dont ils ont été victimes pendant les derniers trou-
bles. L'assemblée leur accorde dix écus. (L. 87).
1587. — Intéressante lettre de M. de Montesquieu aux États.
Quelques-unes de ses métairies, situées à Puymaurin, ont été
pillées par les hérétiques. Ils ont enlevé jusqu'aux « sarralles des
portes. » Ils le menacent encore, lui et ses voisins, de tout brûler.
M- de Montesquieu presse les États, auxquels ces événements l'ont
empêché de se rendre, d'envoyer quelques hommes armés à son
secours. (L. 84).
1589. — I. Les États de Gomminges décident d'entrer dans la
Ligue formée par ordre du Parlement de Toulouse pour extirper
rhérésie et réprimer les malfaiteurs qui, sous prétexte de défen-
dre une doctrine religieuse, désolent la région. (L. 1(X)).
1. CTëtail Urbain de Saint-Gelais de Lansac.
2. François Booard.
3. îje méine jonr, Philiberl d*Orbessan adrewe une sembiable lellre aux Étals pour !••
«▼•rtir da daoger où se U-ouye la ville de Saiot-Giront. (L 87).
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3t0
II. -* L'assemblée, veillant à la conservation de quelques anciens
privilèges du comté de Gomminges, adresse une requête au mar-
quis de Villars. Elle la lui envoie sous forme d' « articles. » La
réponse de M. de Villars est de 1591 : les États en prirent officiel-
lement connaissance à Samatan. (\j. 100).
III. — Quelques Communautés du Gouscrans , limitrophes du
Comté de Foix, faisaient partie des Aides de Gomminges. Cette
portion du territoire fut grandement désolée au xvi« siècle et eut
beaucoup à soufTrir de son voisinage. Les habitants exposèrent
leur misère aux États réunis à Salies. En conséquence, rassemblée
ordonna la « vérification des terres hermes et incultes du Vicomte
de Cozerans. » (L. 100).
IV. — Signalons, parmi les requêtes adressées cette année aux
États, celles des Communautés de Salies, Encausse, Cierp, Mausac,
Pardéac, Âspet, Roquefort et Blajac. Il suffît de mentionner ces
pièces qui ont pour but ou d'exposer des griefs contre des particu-
liers, ou d'obtenir des secours d'argent et des diminutions dUm-
pôts. (L. 100).
1591. — I. C'est celte assemblée qui accorda aux Aides de Gom-
minges, situés en Gouserans, une décharge provisoire d'imposi-
tions. Le procès-verbal, rédigé sur les lieux par les Commissaires
des États, en présence de Bernard Gabalby, syndic de Gouserans,
offre un réel intérêt et montre à quel degré de misère les Hugue-
nots du Comté de Foix avaient réduit les villages de la vallée de
Solan. (L. 89 et 92 b).
II. — Voici in extenso le texte relatif à Salies, auquel nous avons
déjà fait allusion. Il concerne la préservation de la ville et la garde
du château :
a A vous Messieurs tenans les Estatz de Gomenge en la ville de
Sallies.
» Supp' humblement le scindic des consulz, manans et habitans
de iad. ville de Sallies que depuis peu de temps en sa ilz ont eu
plusieurs et divers advertissementz qu'il se brasse certaine mé-
chante entreprinse sur lad. ville, comme de partie desd. advertis-
sementz apert par les lettres missives que le suppam fera aparoir,
et d'aultant que, comme vous Messieurs sçavez très bien, lad. ville
est capitalle et grandem^ importante au pais à cause de Passiette
d'icelle, et que les habitans sont en peu de nombre dans icelle,
estans contrainctz dy fere garde une nuit entre autre et encore ny
peuvent ils suffir par ce que les murailhes y sont de longue
cstandeue et oultrece fort vieillies et ruinées. Ce considéré...» etc.
On demande aux États d'entretenir, aux frais du Pays, dix
hommes de plus à Salies « pour la garde du château de lad. ville
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334
qu'est une pièce grandement importante et de laquelle deppend la
totalle conservation ou perte de lad. ville. » (L. 89).
IIL — Dans le même ordre de faits, nous trouvons trois requêtes
particulières, qui, au môme titre que la précédente, sont de véri-
tables pièces historiques pour les communautés du Comminges.
Elles ont trait au siège de Samatan et à une nouvelle manœuvre
tentée infructueusement par les Huguenots pour s'emparer de
Saint-Lizier. La première do ces requêtes fut adressée aux États
par Françoise de Bazilhac, dont le mari, Baptiste de Lamezan, avait
joué un rôle décisif dans la délivrance de Samatan, où il mourut.
La deuxième fut présentée par les Religieux de cette même ville
qui, en cette occasion, avaient subi de grands dommages. La troi-
sième est de Guillaume Dupont, logé dans la campagne, à quelque
distance de Saint-Lizier. Il fut assailli dans sa demeure par les
hérétiques, qui, repoussés de Saint-Lizier gagnaient du large, non
sans prendre, par-ci, par-là, de faciles revanches. (L. 89).
IV, — Emmanuel de Savoie, marquis de Villars, donna l'ordre
à l'assemblée de 1591 d'aider à la démolition immédiate du château
de Cierp. M. de Lamothe-Montauban était délégué pour diriger
l'entreprise. (L. 89. Commission du 7 mars 1591.)
Tel est le sommaire des délibérations des Assemblées du Com-
minges à Salies, entre 1576 et 1601. On le voit, le chef- lieu lui-même
y occupe bien peu de place. D autres communautés, plus favorisées
que Salies •, y trouveront de bonnes pages de leur histoire. Nous
ignorons si les délibérations consulaires de Salies ont été conser-
vées. Si elles ont péri, les procès-verbaux des États serviraient, à
titre de curiosité, à dresser la liste des Consuls de ce chef-lieu,
députés chaque année aux assemblées. A la fin de cette première
partie de notre Réponse lious indiquerons les noms que nous avons
rencontrés.
Consuls de Salies :
1547. — Bernard Laporte. (Arch. de Muret. L. 26).
1552. — Savin Dufraisse, ou Dufresche. (L. 39).
1553. — Arnaud Dufraisse, Domjenge Anoilh, Bernard Detruilh.
Ramond de Monsecq. (L. 31).
1554. — Raymond Gentian, Germain de la Fontasse. (L, 32).
1557. — Arnaud Dufraisse, Domenge Anoilh. (L. 38.)
1579. — Jean Dufraisse (L. 78).
1580. — Arnaud Ducros. (L. 18).
I. Les papiers de rassemblée de 160t n^offrenl rien d intéressant. — On trouvera, dans
la L. 30, le • procés-verbai de Recherche des biens nobles et roturiers de la cbàtellenie de
Salies, eo 1552 > et, dans la L. 34, le > détail des charges dn lien de Salies > même époque.
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329
1587. — Pierre Pelleporc, Jehan Forguette, Pierre Ducasse,
Michel Laforgue. (L. 84).
1589. — Jehan Duchein, Dominique Galin. Jehan Âbbadie.
(L. 100).
1592. — Sébastien d'Abbadie. (L. 100).
1699. — Pierre Pelleporc, Pierre de Saint-Germier. (L. 100).
1607. — Sans Dussolier. (Reg. des États).
H
Les PP. do la Merci se sont établis à Salies à la fin du
xvi« siècle. Les Religieux, dans une requête adressée aux États
tenus à Âurignac en 1599, nous renseignent sdr la date et sur les
circonstances de la fondation. Ils rappellent à l'assemblée, que peu
de temps auparavant, un religieux de leur ordre était venu à
Salies pour y prêcher le carême. A la fin des exercices, le peuple
très satisfait, réclama rétablissement d'un couvent de PP. de la
Merci. Ce qui fut projeté dans l'enthousiasme se réalisa presque
aussitôt. L'année 1599 n'était pas finie que déjà on creusait les
fondements du nouveau monastère. A la communauté de Salies
toute seule revient l'honneur de l'entreprise. CEuvrc d'autant plus
méritoire qu'elle impliquait, de la part des habitants, plus de sacri-
fices. Les guerres de religion désolaient en ce moment le pays de
Comminges. Le temps ne semblait guère favorable à de nouveaux
établissements dont la communauté fondatrice devait à peu près
supporter tous les frais. La pénurie des ressources explique le
recours aux États. Les PP., en effet, déclarent, qu'étant pauvres et
no pouvant espérer de la ville où ils viennent résider un supplé-
ment de secours, soit pour vivre soit pour mener à bonne fin la
construction des principales parties du monastère, ils sollicitent
des aumônes de la générosité des Etats... Mais laissons parler
Frère Jean Castct et voyons avec quels détails il expose les origi-
nes de son couvent.
« A vous Messieurs tenans les cstatzgénéraulz du païs et compte
de Gomenge.
» Supp. humblem' frère Jean Gastet, docteur en théologie et reli-
gieux de rOrdre N'" Dame de la Mercy de la Rédemption des pau-
vres chrestiens captifs, que preschant la parolle do Dieu en la
ville de Sallies, la caresme, en l'année mil cinq cens nonantc
huict, ayant veu ladévocion des habitans de lad. ville aud. Ordre,
à la requeste et prière d'iceulz auroit preste l'oreilhe avec Tadvis
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des Supérieurs, à y drosser et bastir ung couvent et esglize, et
ayant jeetés etadvancés les premiers fondements, les divers servi-
ces s'y célèbrent, et assez advancés. Mais aiïaulte de moyens tant
dud. suppliant pouvre religieulx mandiant, que desd. habitans qui
se sont engaigés pour se remettre soubz la main du Roy, la besoi-
gne chaulme cl demeure discontinuce, et ne pourra se continuer sy
par Vous Messieurs quy estes les Pères, Pillyers et Golomnes de la
Relligion catholique, app., romaine, dud. Gomenge, l'œuvre en-
commencéc, quy regarde Thonneur, gloire et exaltation de Dieu et
augmentation de lad. Relligion catholique, apostolique, romaine,
n est assistée de quelque somme de vostre libéralité.
« Quoy veu,'et que tout le paîs de Comengeprent et participe aulx
prières quy se font et feront à l'advenir dans led. Gonveut, et que
jamais la bource dud. paîs n'a esté fermée à [œuvres] sy sainc-
tes et pies, plerra de vos grâces, ordonner à l'efTect dud. Basti-
ment, desd. Gouvent et Esglize, sera baillé au suppliant la somme
de 200 escus ou autre qu'il vous plerra, et led. suppl* et les reli-
gieulz dud. ordre continueront de prier Dieu pour TEstat et pros-
périté de tout led. paîs et comté de Gomenge, et ferés bien.' »
Cette demande n'a rien de surprenant : chaque année l'assem-
blée du pays de Gomminges recevait de semblables requêtes et y
fesait bon accueil. Les aumônes étaient parfois assez minimes,
mais les Etats trouvaient toujours quelques écus disponibles
pour aider de pauvres religieux. Le syndic des PP. de la Merci
connaissait si bien les dispositions favorables des Etats qu'il
n'hésitait pas à présenter de nouvelles requêtes les années suivan-
tes. Dans celle de 1600 adressée aux Etats tenus à Muret, après
avoir rappelé que des religieux de son ordre fondaient un couvent
à Salies, il ajoute qu'ils ne peuvent le « parachever pour leur
grande pouvreté, n'ayant que ce qu'ilz amassent des aulmosnes
des gens de bien, syls ne sont secoreus ^. »
f ^s Etats accordèrent 20 écus.
Enfin dans la requête de 1602, reçue par l'assemblée réunie à,
Gastillon, frère Jean Gastet nous apprend que la construction de
réalise était alors achevée puisqu'on songeait à édifier le clocher :
« de tant qu'il désire [le suppliant] bastir ung clocher et faire
autres réparations aud. couvent'. »
Cette fois les États accordèrent 10 écus.
Telle fut, à Salies, l'origine du couvent des PP. de la Merci.
1. Archives de Muret, L. 100.
2. Archive» de Murel. L. 100.
3. Ibidem,
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384
Quelle partie de la ville occupait le monastère ?.. A défaut de plan,
de cadastre ou d'autres documents, on pourrait consulter à ce
sujet les traditions locales. Peut-être des noms ou des usages
pieux conservent-ils encore, à Salies, comme en d*autres lieux, le
souvenir des moines disparus et désignent-ils Tcndroit où ils
s'étaient fixés. Quoiqu'il en soit, il ne nous parait pas douteux que
leur chapelle fut distincte de cette église dont on voit les ruines
près de l'ancien château. M. Anthynie Saint-Paul, en enlevant
toute difficulté à cet égard, avait déjà donné satisfaction à une
des quatre questions auxquelles nous avons nous-méme aujour-
d'hui essayé de répondre.
J. Lestradb.
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RESTES D'ELAN ET DE LION
DANS UNE STATION PRÉHISTORIQUE DE TRANSITION
ENTRE LE QUATERNAIRE ET LES TEMPS ACTUELS
A SAINT-MARTOHY
M. Chamaison a étudié, en 1891, dans la Revue de
Commingesy une curieuse accumulation de débris de
cuisine préhistoriques qu'il avait explorée avec M. Darbas,
dans la petite grotte de la Tourasse , située à l'altitude
de 280 mètres, à une faible hauteur au-dessus de la
Garonne, près de Saint-Martory (Haute-Garonne}.
M. Félix Regnault a décrit ces découvertes, en 1892,
dans la Revue des Pyrénées. Il a montré que ce gisement
préhistorique avait donné des silex fort nombreux, mais
presque tous grossièrement taillés, et des harpons en os,
plats, barbelés et munis d'un trou à la base, du type
trouvé par M. Piette dans la couche supérieure de la
grotte du Mas-d*Azil (Ariège). M. Regnault a reconnu les
animaux suivants : « ours, sanglier, loup, blaireau, cas-
tor, putois, cerf, chevreuil, bœuf, cheval. » Il n'y avait
que deux ou trois pièces de renne, tandis que les restes
de cerf étaient très abondants. M. Regnault a conclu :
c< L'ensemble des faits permet d'attribuer la station de la
Tourasse à cette époque encore mal connue qui est inter-
médiaire entre la fin de l'âge du renne (Paléolithique,
temps quaternaires) et les débuts de l'âge de la pierre
polie (Néolithique, temps actuels). »
Je n'ai l'intention de m'occuper ici ni de l'industrie, ni
de l'âge de ce gisement. Je partage entièrement a leur
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326
sujet les idées ci-dessus de M. Regnault. A mon avis,
cette station ressemble à celles du quaternaire par Taccu-
mulation des débris de cuisine — par leur composition,
qui consiste surtout en ossements cassés de Ruminants
d'espèces sauvages — Tabsenca de restes du Mouton et
de la Chèvre, qui sont des animaux domestiques — la
présence de nombreux harpons — Toutillage en silex
taillés — Fabsence d'objets en pierre polie et de poterie.
Mais^ses harpons sont d'un type qui parait plus spécial à
la transition du quaternaire à Tépoque actuelle et c'est
plutôt à cette dernière qu'appartient l'ensemble de sa
faune. On peut dire, je crois, que, dans ce gisement, tout
ce qui est du fait de l'Homme est quaternaire, tandis que
la faune est plutôt actuelle, de sorte qu'il semble avoir été
constitué par les survivants d'une peuplade quaternaire
pendant les premiers débuts des temps actuels.
C'est de quelques détails de la faune que je compte
m'occuper ici d'une manière plus spéciale, me basant
presque uniquement sur les nombreux ossements qui
m'ont été donnés par M. Chamaison et que j'ai étudiés à
loisir.
Voici la liste que j'ai dressée des animaux de ce gise-
ment. J'ai indiqué, pour chacun, le nombre des molaires
ou des mandibules recueillies par M. Chamaison, afm de
donner une idée de Tabondance relative de chaque
espèce :
Lîou Une canioe.
Ctinis de U taille du Loap (longueur de la carnassière
inférieare 30 millimétrés) Deux mandibules.
Canis moins grand (longueur de la carnassière inrérienre
23 millimètres) Trois mandibules.
(lastor Quatre mandibules.
Cheval Environ 130 molaires.
Sus Environ 90 molaires.
Grand Bovidé Environ 100 molaires.
Cerr élapbe Pin s de 500 mobires.
Chevreoil Environ 35 molaires.
Renne ? Deox molairps,
È\àn CAkesJ Une molaire.
Les ossements recueillis par M. Chamaison ont une
couleur brune tirant plus ou moins sur le jaune. Tous
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397
étaient dans une même terre noire, ainsi qu'en témoi-
gnent encore les traces dont le lavage les a incomplè-
tement dépouillés.
Je vais exposer les raisons qui m'ont amené à com-
prendre dans cette liste le Lion, le Renne et TÉian.
Lion. — M. Chamaison m'a donné de ce carnassier, une
canine supérieure de lait, une moitié inférieure de méta-
carpien ou métatarsien et une première phalange. En
outre, j'ai vu chez i\t. Darbas deux canines d'adulte, qui
proviennent aussi de ce gisement ; elles possèdent nette-
ment les sillons longitudinaux du genre Felis.
Ces restes montrent que le Lion de la Tourasse était
moins grand que le Felis spelœa type.
Renne. — M. Chamaison n'a trouvé, dans cette grotte,
d'autres restes de Renne qu'une prémolaire supérieure,
une seconde ou troisième prémolaire inférieure et une
extrémité inférieure de métacarpien. Leur détermination
me paraît certaine. Mais les teintes de ces trois pièces dif-
fèrent peut-être un peu de celles de la plupart des autres
ossements, bien qu'elles aient conservé aussi des traces
de terre noire. Comme je tiens à pécher plutôt par excès
de prudence, j'hésite à affirmer qu'elles sont contempo-
raines de la grande masse du gisement.
Elan. — Il m'avait semblé, en lisant le Mémoire de
M. Regnault, que la « Pointe de trait en os » représentée
par sa figure 2, p. 447, pouvait peut-être provenir d'un
métacarpien latéral d'Élan. Depuis, j'ai vu chez M. Mader
un objet semblable, que cet habile chercheur avait trouvé
dans le même gisement et que j'ai pu étudier. L'échan-
tillon de M. Mader ressemble au métacarpien latéral d'un
Renne ou d'un Chevreuil. Mais il est énormément plus
grand, ce qui conduit à l'attribuer à un Ruminant de
très forte taille. Ni le Cerf, ni le Bos primigeniuSy ni le
Bison, ne possèdent de métacarpiens de ce type. Je ne
sais s'il en est de même du Mégacéros, mais ce genre
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328
doit être écarté comme ayant disparu du sud-ouest de la
France à une époque bien antérieure. Reste l'Élan, qui
possède précisément des métacar-
piens latéraux de ce type.
Ma certitude est devenue complète
par Texamen d'une dent qui a été
découverte par M. Chamaison et que
j'ai représentée ci-contre, en vraie
grandeur, vue en plan et suivant sa
face externe. C'est une troisième
molaire supérieure droite. Je l'ai
comparée à la dent correspondante
du Cerf élaphe, de sa varitété cana-
densis (tête actuelle au Muséum de
Bordeaux), du Mégacéros (deux té-
lés d'Irlande, l'une à ma collection,
l'autre au Muséum de Toulouse et
une mâchoire de la Dordogne, à
ma collection), de l'Élan d'Europe
et d'Amérique (deux têtes actuelles,
l'une de Suède, l'autre du Canada,
au Muséum de Bordeaux). Cette
comparaison m'a montré que mon
échantillon possède, au lobe externe
postérieur, une particularité qui fait
défaut à la dent correspondante du Cerf élaphe, de sa
variété canadensis, et du Mégacéros, mais qui existe au
contraire à celle des Élans d'Europe et d'Amérique : c'est
le prolongement de de la côte postérieure de ce lobe par
une paroi qui se replie parallèlement à la face extérieure,
en formant un creux fermé de trois côtés. Cette particu-
larité est bien visible sur mes deux figures. Mon échan-
tillon la possède même à la côte antérieure de ce lobe, ce
qui n'existe pas ou n'existe que très peu aux dents
correspondantes d'Élan auxquelles il m'a été donné de le
comparer, de sorte que mon échantillon présente le ca-
ractère d'Élan d'une manière particulièrement accentuée.
Molaire sapcrieure
d'Élan.
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389
Mon échantillon a d'autres particularités de TÉlan.
Ainsi : Texistence d'un croche par lequel le lobe externe
antérieur se replie sur la face antérieure en repoussant
d'autant le lobe interne, caractère qui provient de ce que
les molaires de TÉlan chevauchent beaucoup en plan — la
forme de rextrémité postérieure de la surface usée du
lobe interne antérieur — la présence d'un petit ilôt indé-
pendant entre les surfaces usées des deux lobes internes,
— la grande différence d'usure des deux lobes internes,
Tantérieur étant bien plus usé que le postérieur.
Cette dent est de la même grandeur que chez l'Élan
actuel.
L'Élan n'a été signalé que bien rarement dans le sud-
ouest de la France et, comme on n'a jamais figuré ni
décrit les échantillons qui ont servi à le déterminer, on
peut se demander si les restes qu'on a supposé pouvoir
lui attribuer ne sont pas de Mégacéros ou de Renne.
Des ossements humains assez nombreux ont été trouvés
dans la grotte de la Tourasse. J'en ai vu seulement quel-
ques-uns dont l'aspect est des plus modernes et contraste
avec celui des autres ossements. Peut-être les restes
humains que j'ai vus proviennent-ils du lépreux qui,
d'après la tradition, a été séquestré jadis dans cette
grotte*.
La faune de ce gisement permet de se rendre compte
du climat et de l'aspect du pays à cette époque.
On sait que, vers la fin du quaternaire, quand l'Homme
employait l'industrie appelée magdalénienne par M. de
Mortillet, le Renne était très abondant. Il était devenu fort
rare, ou avait peut-être même complètement disparu,
quand l'Homme a accumulé les débris qui ont formé le
gisement de la Tourasse. On doit donc supposer que le
climat était devenu moins froid. Il n'était cependant pas
1. Les exemples d*babiUilion rëceote de nos grottes ne sont pas rares. Je crois inté-
ressant de citer le suivant. Au-dessus de Maoléon-Barousse (Hautes- Pyrénées), on lit cette
inscription à l'entrée d*une petite grotte : a u mémoire dr ^ mabie ioscph de fiarcette
d'aCOS — PR£BENDI.EB de l'église de COMMINGES — PRIS DANS CETTE GROTTE — LE 30 DÉCBM-
UB 1793 — - EXÉCUTÉ A TABBES ^ LK 9 JANVIFR 1794 — • IR MEMORIA ETBRHA ^ ERIT JUSTUS.
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330
aussi chaud que maintenant, car TÉIan habite des pays
plutôt froids que tempérés.
La présence du Cerf élaphe, si abondant, du Chevreuil
et surtout de TÉlan doit faire admettre que le pays était
boisé. Le Cerf élaphe et le Chevreuil préfèrent, en effet,
les forêts aux espaces découverts. L'Élan ne vit que dans
les forêts. On lira avec intérêt, à ce sujet, les extraits
suivants de l'ouvrage de Brehm, L Homme et les AnimauXy
édition française :
« ... L'Élan vit dans les forêts.». En Suède (il habite) les
forêts immenses qui recouvrent les monts Kjoelen... Il se
trouve (dans le nord do l'Asie) partout où il y a de
grandes forêts... il manque dans le désert de Tundra, où
il n'y a point de forêts... L'Élan se plaît dans les forêts
de saules, de peupliers, de bouleaux... Par les beaux
temps, il préfère les forêts de bouleaux, de saules, etc. ;
par la pluie, la neige, le brouillard, il préfère les forêts
de conifères... Les jeunes pousses et les écorces forment
la base de sa nourriture, ce qui rend l'espèce nuisible.
Il enfonce ses incisives dans l'écorce, comme un couteau,
en arrache un morceau, le saisit entre ses lèvres et ses
dents et détache alors de longue? lanières. Avec sa tête,
il courbe les arbres, en casse la cime et en mange les
branches... La plus grande difTiculté qu'on éprouve à
tenir l'Élan en captivité, c'est son incapacité à saisir des
herbes qui naissent à la surface du sol. Sa lèvre supé-
rieure, longue et touffue, l'empêche do les prendre et le
force à ne se nourrir que de branches d'arbres. Je ne l'ai
jamais vu couper un brin d'herbe... Il est un véritable
fléau pour les forêts... »
Il semble donc que l'extrême fin du quaternaire a été
marquée, chez nous, par une faune de forêts. M. Nehring
et d'autres savants ont démontré le même fait pour le
centre de l'Europe.
La découverte de restes de Lion dans la grotte de la
Tourasse présente un certain intérêt. On sait qu'il y a eu,
dans notre région, pendant le quaternaire, des Lions
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334
énormes fFeiis spelsea) et que leurs descendants, de taille
plus réduite, y ont vécu jusque très avant dans cette
période. Mais on ignorait, je crois, qu'ils n'avaient pas
encore disparu de notre pays dans les premiers débuts
des temps actuels. M. Boyd Dawkins a soutenu que le
Lion a vécu en Europe jusqu'aux temps historiques
(The British Pleistocene Mammalia, part III, p. 164;. La
présence de restes de Lion à la Tourasse me semble
démontrer que ce carnassier s'est maintenu fort tard
dans les Pyrénées.
Edouard IIARLÉ.
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UN DEMI-SIECLE D'ASCENSIONS
AU NÉTHOU'
(suite)
1865
1" août, — Henri Gutbert and Walter Boulnois. — Guides :
Pierre Barrau, Haurilion. Wind very strong.
Started from tlie Rencluse at 4 a. m., arrived hère at 8.
5 August. — W. Stuart Fraser, George G. Fordati (London),
Ernest E. Waren (London). — Guides : Pierre Barrau, and
Haurilion (both excellent). — We were 5 hours and 1/2 in niaking
ihe ascent, owing to the hardness cf the snow ; magnificent view
from the top, the weather being remarkably fine.
7 août. — T. Ed. Melchers (Brème, Allemagne), Jean Penmot(?)
(de Hannau), Louis Guthyert (Kœnisberg). — Guides : Redonaet-
Michot, J. Redonnet, J. Estrujo. — Temps excellent. Montés
en 4 heures.
20 août. — MM. de Lagarde, Alfred et Raoul Leghait, W. Dollus,
G. Duroy de Suduiraut (Bordeaux). — Guides : Haurilion, J. Arga-
rot, J. Ribis, S. Binos et Gamy, des Eaux-Ghaudes, dont nous
n'avons eu qu'à nous louer.
Partis de Luchon le 19 août avec un temps magnifique. Gouchés
à la Rencluse. — Partis le 20 à 4 h. 30, arrivés au pic Néthou
à 10 h. moins 20 minutes. Un brouillard des plus intenses nous a
empêchés de jouir de là vue du sommet.
31 août. — Arnould Thenard, Paul Delanney. — Guides : Redon-
het-Michot, G. et A. Guilhelm.
Partis de Luchon le 29, le mauvais temps nous force de coucher
deux jours à la Rencluse. Arrivés le 31 au sommet. Grand vent du
nord. — Nous avons laissé 2 thermomètres (un maxima et un
1. Voir ci-dessus, p. 233 à 245.
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333
minima). La température était à — 2o. — Prière aux voyageurs de
n'y pas toucher.
5 septembre. — T. Lézat, ingénieur, Comte de Fellers. — Arrivés
au sommet du Néthou à 9 h. 30, partis de la Rencluse à 4 h. 30 par
un léger brouillard. Temps superbe au sommet. — Thermomètre
(maxima) = 37« (minîma) S*». — Baromètre = 509™»» . —• Guides
Michot et B. i.afont.
ÎO septembre, —A. Corne, avocat (Douai), F. Bég hin (Thumières.)
— Guides : Michot, G. Bajun, tous deux excellents. — Partis de la
Rencluse à 3 h. par un admirable clair do lune, arrivés au sommet
à 7 h. 30. — Temps magnifique.
Le thermomètre marque + 11** centigr.
-— maxima = 38« —
— minima = — 14°,5
14 septembre. — MM. Henry Dursus, capitaine au 7«« chasseurs,
chef du bureau arabe de Lagouath ; Ë. de Trémieux (?), qui n'y
reviendra plus que quand on pourra y monter en voiture. — Gui-
des : J. Estrujo, P. Sanson, Barthélémy Courrège.
16 septembre, -— M. Guyot-Sionnet (Paris), Madame Guyot-Sion-
net (née Lequeux), M. Olivier Chabeaury, avocat (Clermont),
M. Ev. Gaubert, chef de musique (Brioude). — Guides : Pierre
Barrau, Michot, Haurillon, J. Argarot.
Nous souhaitons à tous les touristes un aussi beau temps que
celui dont nous avons joui. (Suit une ligyw de la symphonie pasto-
torale de Deelhowen.)
19 septembre. — John Edge (Ireland), Charles O'Malley (Ireland) :
^lorlous voeather and sun-rise. — Guides : Pierre Barrau and
Haurillon.
1866
iO juillet, — G. de Montebello, A. de Bouville, pas à leur aise
du tout..., B. Bouhier de l'Ecluse, Amédée Volait (?). — Guida: :
Redonnet-Michot, J. Estrujo, Ladrix, Barthélémy Courrège.
17 juillet. — Hector Randon D. M. (Montpellier), E. Jeanbernat
D. M. (Toulouse), Albert Gérard (Nanteuil). — Guides : Michot,
J. Estrujo, F. Redonnet dit Coco.
Même date. — Comte Roger de Nicolay, Vicomte Raoul de la
Panouse (Paris). — Guides : B. Arazeau Ursule, Pierre Jouaneton.
i9 Juillet, — J. de Seguin. — Guides : P. et F. Barrau. — Partis
de la Rencluse à 7 h. moins un quart, arrivés ici à 10 heures et
quart. — Se rendant dïci au pic Posets pour rentrer à Luchon par
le Portillon d'Oo.
31 juillet. — John Wilson (Etats-U»is). — Guides : J.-M. Capde-
ville (Estrujo) et G. Ladrix. — Had a very fine sun-rise just before
Rktu« »c ComiiKOB», 4* irimettre i894. Toi» IX. •- 23.
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334
entering the glacier , but were afterwards enveloped in clouds
most of the way.
i»"" août. — H. Massias, capitaine au long cours (Nantes), Henri
et Tony Duparc. — Guides : J. Haurillon et B. Lafont. — ■ Montés
ici par un temps superbe en 3 h. 45 depuis la Rencluse (arrivés à
7 h. 10). Nous n'avons qu'à nous féliciter de la prudence et du
dévouement de nos guides.
Même date, — M. Segonzée (?). — Guides : Jean-Baptiste Lafont,
P. Cantaloup. — Tous montes en bonnet do coton : Vent, vidi,
vici,
12 août. — Fried. With. Juncke (Danzig). — Guides : Pierre
Barrau et son frère. — Se rendant d'ici au pic Posets.
15 août, — Arthur Bourges (Bordeaux). — Guides : J. Haurillon,
D. Sors. — Je n'ai qu'à me louer de la prudence et de la bienveil-
lance de mes guides et les recommande aux voyageurs.
N. B. — Deux autres touristes n'ont pu monter et ontdû retourner
à la Rencluse. (Remarques illisibles.)
il août. — Revd W.-J. Tait (Worcester Collège, Oxford) ; —
Guides : J.-B. Lafont et P. Redonnet. — Partis de la Rencluse à
1 heure, arrivés au sommet à 4 h. 35.
23 août. — Alphonse Lignon ; Manuel Borg (Montflanquin, Lot-
et-Garonne), ma 2'"« ascension; J. de Tremond; Ch. de Bethmann.
— Guides : J. Haurillon, B. Raygot, Jean Sanson, G. Bajun. —
Partis de la Rencluse à 4 h. 02, arrivés au sommet du Néthou à
8 h. 10. — Isards aux Barrans.
Même date. — M. de Baisgrallin (?). — Parti hier soir à 8 h. 45 de
Luchon, à pied, en compagnie de Pierre Barrau, j'arrive au som-
met du Pic de Néthou le 23 août à 9 h. 16 du matin.
4 septembre. — Cyrille et A. Guilhem, Louis Portai (Montauban).
— Guides : Charles Gouchan.
Partis de la Rencluse par un temps magnifique à 7 h. 30', arrivés
à 11 h. 30' au sommet du Néthou, où nous avons très bien déjeuné
de grand appétit sans nous presser; nous jouissions d'une vue
superbe grâce au temps qui était très clair. — Nous avons compté,
avec une lorgnette, 47 isards dans les glaciers des Barrans.
5 septembre. — Frank W. and John B. Haslam (Rugby). — Gui-
des : Pierre Barrau, J. Sors. — Started from the Rencluse at 3,30,
reached the Néthou at 8. — A beautiful day ; but fearfuUy cold.
i8 septembre. — Baron Dulimbert, préfet de la Haute-Garonne ;
vicomte Hallez d'Arros, son secrétaire particulier ; Jolivct, sous-
préfet de Villefranche ; Lenglé, sous-préfet de Saint-Gaudens ;
MM. Coume (Marseille), Gayet (Marseille), Jules Solard (Paris),
ELmile Cossenet (Paris), T. Lézat^ ingénieur civil (Toulouse). —
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335
Guides : Michot, Haurillon, P. Redonnet, Cier, Maleplate, J.-M.
Làfont.
20 septembre. — E. P. Kowsell, R. Guthbert (alpine club), Lon-
don ; — Guides : P. Barrau, J. Haurillon. — Left Rencluse at
5 h. 5', arrîved at summit 9 h. 5'. — Splendid day.
18(57
Î3juin. — Paul Godélier, officier d'Etat-Major, Emile Poullard,
négociant (Seine-Inférieure). — Guides : P. Barrau, J. Haurillon.
Partis de la Rencluse à I h. 45', arrivés au sommet à 6 h. 30'. —
Toujours dans la neige depuis la Rencluse. Temps splendide.
Î9 juillet, — C<« de la Villegontier, C* 0. de Follin, Baron de
Tiesenhaùsen (Livonie)^ H. du Peyrouse, Jules Déjobert, A. Frais-
sinet ; — Guides : Michot, Haurillon, P. Barrau, J. Estrujo, Lade-
vèze-Sevin, Jouaneton, Gh. Gouchan.
20 juillet ~ W. E. Norris, J. S. Streafield (Corpus Christi collège,
Oxford); Guides : P. Barrau, Haurillon. — Left Rencluse at l h. a. m.
reached the summit at 4 h. 30\ and saw the sun-rise. Beautifuld
mornîng.
2 août. — E. Polonceau. — Guides : J. Estrujo^ Bartiiél. Gourrège.
— Partis de la Rencluse à 4 h. 20', arrivés à 7 h. 50' par un temps
de neige mais calme.
11 août. — G*« L. Du Plessis d'Argentré, G. LeGonidec de Trais-
aan (Breton), L. Naissant, L. Henry (Agen) ; — Guides : J. et J.-M.
Estrujo. — Partis et arrivés ici en bonne santé, en 4 heures, par un
très beau temps.
Thermomètre minima^ — 20° : maxima + 45°
12 août. — Maurice B. Byles. — Guide : Pierre Barrau. — Départ
à 2 h. 40' du matin, arrivée à 6 h. 48'. — Temps magnifique et
chaud.
14 août. — L'abbé J. B. Ranvier et l'abbé Alex. Sobaux. — Gui-
des : P. Barrau et Haurillon. — Départ de la Rencluse à 2 h. 30',
arrivée au sommet à 7 h. 15'. — Temps beau et chaud. Soleil
levant sur le glacier.
15 aoû(. ■— François Vaney (Paris), BoufYé (Rouen). — Guides:
Ch. Gouchan, P. Sanson, J. Redonnet. — Partis de la Rencluse à
8 h. 55% arrivés à 1 h. 10'. Mauvais temps, brouillard et neige.
17 août. — F. Gh. Loysel. — Guide: Pierre Barrau. Arrivés au
sommet à 6 h. 25 minutes.
20 août. — Comte de Puységur. — Guides : Pierre Barrau,
J. Estrujo, Barthél. Gourrège. — Arrivé au sommet du Néthou à
5 h. 30' par un temps splendide.
29 août, — Daniel Doumerc, ingénieur civil (Paris), Etienne Salo-
mon (Montauban). — Guides : P. Barrau, J. Haurillon. —Partis de
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336
la Hencluse à 4 h., arrivés au sommet à 8 h. du matin. Temps
magnifique, pas de nuages, atmosphère de la plaine très chargée,
vent fort et frais. Les glaciers étant gelés, pris par le passage et le
pic du lac Goroné. Quelques nuages de vapeur dans la plaine; en
somme, bonne et belle journée.
10 septembre, — M. Glavé, curé de Saint-Mamet (Luchon), et
M. Julien, vicaire de la Métropole (Toulouse). — Guides : Redon-
net-Michot et G. Bajun, intelligents et dévoués. —- Partis de la
Hencluse à 5 h. t5\ nous sommes arrivés au sommet du Néthou à
9 h. moins 5*. — Temps magnifique, inespéré la veille; glaciers
splendidement découverts ; courage robuste pour Tascension. Le
brouillard se lève du côté de France.
20 septembre, — Albert Wail (New-York), Théodore Ormerod(?|,
Aug. Lennox. — Guides: Pierre Barrau, J. Sors, P. Gay; excel-
lents.
24 septembre. — R. Brnennerk (?). — Guides : Barthél. Courrège,
J. Estrujo.
27 septembre, — A. G. Barber, Joseph Muller. — Guides : P. Bar-
rau, J. Haurillon. — Gloudless day.
l*"* octobre. — M. Ramsay (alpine club). — Guide : J. Ëstrujo. —
Hencluse, 4 h. 40'. au sommet à 8 h. 45\ — Thermomètre Fahrenh.
au soleil = 4l<>.
4 octobre. — H. d'Auzac. — *juides : P. Sanson, J. Haurillon. —
Arrivés à 9 h. 30'. — Temps superbe. Quelques nuages du côté de
TEspagne ; toute la chaîne française découverte. Goup d'œil admi-
rable.
1868
3 juillet, — Alf. Dufilho et Gharles Savary, avocat à la cour de
Paris. — Guides : Michot, P. Barrau, P. Jouaneton.
S'étant rencontrés à la Hencluse le 3 juillet à 6 h. du soir, ils ont
fait ensemble le repas du soir, dormi à Tabri d'un feu très utile,
et commencé Tascension à 4 h. 30'. Beaucoup plus de neige que
d'habitude au dire des guides. — Ascension en 4 heures. La pre-
mière de l'année.
7 juillet. — Letessier (?). — Guides: P. Barrau, J. Haurillon. —
Temps favorable.
18 juillet. — M. Lucien Lasserre-Brisson et Céline Lasserre-Bris-
son (Bordeaux). — Guides : L. et P. Redonnet, Guil. Bajun.
Partis de la Hencluse à 3 h. 30', nous sommes arrivés au sommet
du pic Néthou à 9 h. 45'. — Le glacier de la Maladetta était rem-
pli de crevasses très profondes et très dangereuses ; au dire des
guides, ils n'ont jamais vu ledit glacier aussi mauvais.
21 juillet (mardi). — R. Poucher ( Château- Renault ) ; guides
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B. Gay (domestique de Cier) ; A Van den Rosche (Belgique) '
guide, P. Sanson ; 8. Gouaimer de Launay (Laval) ; guides, Michot,
Charles Gouchan, M. Marquizeau. — Partis de la Rencluse à 4 heu-
res moins un quart, arrivés au pic à 8 heures moine 20 minutes.
2i juillet. — MM. (les noms manquent), — Guides : Pierie Barrau»
Jean Redonnet, P. Redonnet.
Partis de la Rencluse à 3 h. moins un quart du matin, arrivés à
7 h. 45.
3 août, — 0. de Follin, M. Hugues (Paris), G. Mollie, ofGcier au
8«« chasseurs, M. G. Hugues (Paris), G. Duput(?) — Guides : Michot,
Haurillon, Barrau, G. Bajun, B. Cier.
Nous sommes partis de la Rencluse à 2 h. moins 20 du matin, et
somges arrivés à 8 h. moins un quart avec un temps impossible
et le glacier complètement découpé par des crevasses immenses.
Thermomètre z= — tO<» cent.
7 aoiit. — MM. V. Michel, Robert Ward, Beresford Whyte, Léon
Hallaure. — Guides : P. Barrau, J. Haurillon, J. Jouaneton, J. Lo.
Partis de I^uchon le 6 août, avons couché le soir à la Rencluse.
Après avoir quitté ce rocher à 3 h. 30 sommes arrivés au haut du
pic à 9 heures. — Le temps sans être mauvais laisse à désirer sous
le rapport de la limpidité et ne permet pas à la vue de s'étendre
suffisamment a loin.
Thermomètre maxima + 35» 1/2 J
— minima — lO» > à 10 heures du matin.
— air libre + 20^ )
21 août. — M. Koehler, capitaine du génie et M">« Koehler. —
Guides : Pierre Barrau, Firmin Barrau, J. Haurillon.
Partis de la Rencluse à 4 h. 30, arrivés au sommet à 11 h. 6. --
Temps un peu couvert; on ne distinguo pas L'Espagne.
27 août. — M. et M«« Albert Millot. — Guides ; P. Barrau,
J. Haurillon. — 10 h. 15. Temps superbe.
fer septembre. — S. Marquizeau, vicarius de Parochia S^» Martialis
in urbe Burdigalensi. — Guide : Maurice Marquizeau.
Nous sommes partis de Luchon au nombre de cinq, et avons
couché à la Rencluse. A cinq heures du matin nous reprenions
notre course. De la Rencluse nous avons gravi le sommet du gla-
cier de la Maladetta, redescendus au Portillon. Trois de nos com-
pagnons s'en revinrent sur leurs pas, et nous deux, Maurice
Marquizeau me servant de guide, et moi Semir Marquizeau, prêtre,
avons entrepris à 10 heures, Tascension du Néthou , et nous en
avons atteint le sommet à midi 30 minutes. — Ciel brumeux. —
Nombreuses crevasses. — Mitabiles horrores undique ! !
A septembre. — Mary H. Elwes (England), A. Willie, Spring-
America, New- York. Age 18. Harmar Charles Denny, Gatholic
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Priest. of the Diocèse of Pittsburg (Pennd) — Guidée : Barrau,
Haurillon, G. Bajun, J. Sors.
Wc left the Rencluso at 3 o'clock and arrived at the summit
at 8. — Splendid weather. Deo gratias,
1869
ÎO juillet. — M. et M"»« Léon Visart de Bocarmé (Belgique). —
Guides : Charles (de St-Mrmet), B. et Pierre, domestiques de Cier.
— Partis de la Rencluse à 3 h. 10, arrivés au Néthou à 6 h. 50*.
12 juillet — Docteur F. Garrigou et M«« L. Garrigou (née
Dupuy). — Guides : Gh. Redonoet, P. Barrau, Charles (de Saint-
Mamet), P. Laforgne, tous quatre fort intrépides et fort utiles pour
faire faire Tascension aux dames eh toute sécurité.
Partis de la Rencluse à 3 heures, arrivés à 7 heures 30. La tem-
pérature dans les rochers est de 28o5 à 8 heures.
Je suis venu on course géologique au sommet du Néthou, pour
y étudier les granités du massif. J'engage les géologues qui feront
la course à bien étudier les plans de division de ces granités et à
les comparer ensuite, quant à leur direction, à ceux des environs de
Eup, de Saint-Béat, Marignac, etc. Tous ces granits ont été décrites
comme éruptifs et ils ne le sont pas, au moins d'après tout ce que
j'ai pu étudier et voir.
12 juillet, — Fernando L. de Ybarra (Bilbao, Espagne). — Guides :
J. Haurillon, P. Cantaloup. Je les recommande à tous les voya-
geurs.
Saiimos de la Rencluse à las très mcnos cuarto y llegamos à la
cima à las hocho y medio, despues de admirar en el camino un
magnifico oso. Mucho calor.
(La même notice est transcrite en français et en anglais).
17 juillet, — MM. Emile Jozon, Albert Jozon, Charles Frontier.
— Guides : J.-M. Ribis, L. Redonnet. Ch. Gouchan,
Les soussignés ont fait Tascension du pic du Néthou. Partis de
la Rencluse à 3 heures, arrivés au sommet à 6 heures 15. Pendant
tout le trajet nous avons eu à nous louer du dévouement intelli-
gent de nos guides qui ont su nous communiquer un peu de leur
vigueur et de leur courage.
20 juillet. — MM. E. Colas-Prot, J. Cordonnier, C. de la Croix
et (nom illisible), — Guides : J. et P. Redonnet, B. Cier
(un rude). — Partis de la Rencluse à 2 heures 30, arrivés à
7 heures. Beau temps. — Thermomètre au soleil =+ 40*.
27 juillet. — M«« la Vicomtesse de St-Jean, M"»« Juvigneau de
Vildé, M™« la Baronne Félix de Reinach, M"« Marie de Reinach,
M. l'abbé Clavé curé de St-Mamet, M. le Baron Félix de Beinach
et M . Albert de Puybusque . — Guides : Charles Gouchan ,
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L, Redonnet, G. Bajun, R. Binos, qui nous ont dirigés avec une
intelligence et une énergie au-dessus de tout éloge.
Partis, de la Rencluse à 3 heures du matin, nous avons atteint
le sommet du Néthou à 9 heures, malgré un brouillard épais et un
ouragan violent qui ont beaucoup retardé Tascension et augmenté
les difficultés. — M™« Juvigneau de Vildé a déposé une petite
statuette de la Sainte-Vierge dans une anfractuosité du rocher à
la tour et à la droite du thermomètre. M"»« la Vicomtesse de
St-Jean y a également porté une médaille de la Sainte-Vierge,
suspendue au centre du thermomètre.
Nous quittons le sommet du Néthou à 9 heures 30.
3 août. — M. et M^« Gaston Lacaze (liibourne) accompagnés des
guides J.-M. Ribis, Michot, B. Cantaloup et G. Bajuns : l'antiquité
elle-même par ua physionomie.
Partis de la Rencluse à 3 heures 30, arrivés au sommet à
9 heures.
9 août. — S.-H. Robbins et Russell Jorsgth (?) — Guides ; Barrau
père et fils, P. et J. Samson. — Nous sommes partis de la Ren-
cluse à 3 heures 20 du matin, et sommes arrivés à'8 heures moins
un quart. Le glacier était bien mauvais. — Thermomètre + ^0«,
Baromètre : 50«.
îi août. — Nous, Pichault fils aîné et Georges Lafond, officier de
marine, sommes partis de Luchon à 11 heures moins le quart,
sommes arrivés au Port de Vénasque à 3 heures 30 et à la
Rencluse à 5 heures 20. — Le II, nous sommes partis de la Ren-
cluse à 4 heures 15, arrivés au sommet à 8 heures 15. — Le
baromètre marque 40* et le thermomètre + 10. — Guides : Michot,
Jean Haurillon.. dont nous avons à nous louer comme de braves
guides, pleins d'attention. Nous partirons à 9 heures 20.
Au-dessous de cette note, un des touristes a crayonné le portrait
des deux guides.
24 aoû^ — Achille Bonnard, docteur médecin (Marmande, Lot-et-
Garonne), Joseph Fortoul, officier d'artillerie, Fernand de Gaja,
propriétaire (Gastelnaudary). — Guides : Michot (le grand), B. Can-
taloup, J. Menay. — Parttis de la Rencluse à 2 heures 30, arrivés à
6 heures du matin.
9 septembre. — Frédéric Dalenge, négociant (Paris), avec l'intré-
pide Michot et le robuste P. Clarac. — 9 heures du matin.
Î6 septembre. — Fred. Ayers (?) : Adélaïde : S. A. ; H.-S. JefTery
iLiverpool); Ed. C. Stirling (England); J.-L. Stirling (Adélaïde,
Si^Australia); J. Strachan (?) ; Victoria, Australia; C.-H.-J. Hark (?)
Port Adélaïde. — Guides : J. Sors-Argarot, P. Sors-Argarot,
J. I^font, J,-M. Ribis.
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840
Partis de la Bencluse à 4 heures 20, arrivés au sommet à 8 h. 20.
Baromètre 2 h ; Thermomètre + 39«.
Même date. — Alfred Charpentier (Tours) et Caroline Veal (?),
Doctor Wilhelm Lauscr (Stuttgart), Gustave de Coutouly (Deats-
chland), homme de lettres. Guides : Michot, G. Bajun, D. Sors.
N. B. —Au-dessous de cette simple liste de nome, un des excur-
sionnistes a dessiné le portrait de Michot.
18 septembre. —Aristide Lomon, Jeanne Mancelie(?). —Huides :
Guillaume Bajun. — Départ de la Rencluse à 4 heures 30, arrivée
au sommet à 7 heures 40.
19 septembre. — A.-M. Pillot (Porto Rico), Octave Ranin (Ver-
sailles) sans son bébé Henri — , Marcel Andrieux (Marennes). —
Guides à pied : J. Haurillon, Charles Gouchan ; guide à cheval :
J. Bourdette. Excellents guides, mangent beaucoup et boivent peu.
— Départ de la Rencluse : 5 heures; arrivée au sommet : 9 h. 12. —
Bu une bouteille de Montebello frappé.
N. B. — Ici encore un des touristes a crayonné le portrait du
guide Haurillon.
Sans date. — Jennie Abadie (Luchon), Julie Dondet (Cierp) et
R. Astley. — Guides : Ch. Redonnet, Charles Gouchan, Joseph
Arnodet.
(A suivre.)
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LITTÉRATURE POHUUIRE DU COMMINGES
DUOS CRABOS SUS UN POUNT
VtMc imilëe de La Footeine. — (Patois de SAiRT-GAUDcns)
Ero Crabo qu'éy bouno créât uro,
Que hè bien ièyt. que da crabots,
Qu'éy capriçouso caouquis cops,
Mémo tousténx pér sa naturo,
Mais arrés nou y a dé parfét.
Un cop, éch estoumac bien satisfèt
E't bragué bien arréplèt.
En tout s'en tourna dé pasturo,
Qu'éotro n' un pount éstrét, éstrét,
Âoutromént dit uo palanco.
Soulo, ja pot fila tout drét,
Mais dambé d'aoutos, à sa tanco.
At miéy d'ét pount qu'es trobo naz à naz
D'ambé u'aouto dé sa raço.
Doublé déspiét, doublo grimaço !
Cap que nou bo céda soun pas.
Un général que oapitulo,
Crabo jamès que nou réculo,
Nani, nani jamès.... Mes lèou
Aquiéou mouri... sus et carrèou.
Pourtant, mouri que las aouéjo...
Recula, que n'ou'n an émbéjo,
Que parlon d'acoumoudamént
En calitat d'hounésto gént.
Couméncém doung pér'o scienço
Et pér'o jurisprudenço:
Et codo que nou dits moût
Ne dé Crabo, ne dé Bouc ;
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3i8
Et doung quin parlon éts usatgés ?
.Rén ! Dé palancos né passatgés
Arrén nou y a dé décidât
É't souléy qu'éy déjà cougat.
Et nostis titrés dé famillo ?
— Jou, ma nono que m'ac a dit,
Que soy illustro réhillo
D ero Grabo qu'aouio néourit
Jupiter can éro petit ;
Bé sérèy doung éro pruméro.
— Jou alabéx éro darrèro,
Hespoun ér'aouto aoutaléou;
Et Capricorno qu'éy en cèou,
Béstit d'éstélos daourados
Et que daourich éros annados,
Qu'éy sourtit dé ma maysoun.
A qui da tort, à qui rasoun ?
Que sabén qu'an sus éros tostos
Armos de corno tousténx prestos,
Et que caou bcnguén aquiéou
Coum'éts arreys... Qu*és batèn at bord d'éch arrieou
Près d'un goufré. Aquieou negados et perdudos
Per est' èstados trop testudos.
I/abbé Pages.
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CHRONIQUE
Nécrologie
Jules de Laurière et Léon Palustre
Au mois d'octobre nous avions appris la mort d'un de nos mem-
bres honoraires les plus connus, M. Jules Pasquet du Bousquet
de Laurière, membre de la Société des Antiquaires de France,
secrétaire -général de la Société française d'archéologie.
Il avait donné plusieurs fois à nos travaux les encouragements
les plus sympathiques, et à côté de ses remarquables études sur
TEspagne et Tltalie nous devons particulièrement citer, comme se
rapportant à nos étudeg(, ses divers écrits sur la basilique Saint-
Just de Valcabrère, sur Vancienne cathédrale de Saint-Bertrand,
et sa récente monographie de l'église Saint-Aventin de Larboust,
publiée récemment en collaboration de notre confrère luchonnais
M. Bernard.
Ses rapports sur les nombreux congrès archéologiques aux-
quels il assistait^ étaient toujours fort goûtés pour leur science et
leur précision. C'est dans son compte rendu du Congrès tenu à
Toulouse, en juin 1874, par la Société française d'archéologie, qu'il
faut lire une magistrale étude sur les antiquité» de Valcabrère.
Lorsque notre Société fut représentée, au mois de septembre
1892, à la réunion des Sociétés archéologiques de Montauban et
d'Auch, à Saint- Bertrand et à Luchon, M. de Laurière lut une note
savante sur Tépigraphie du portail roman de la cathédrale de
Comminges, et notre Revue Ta publiée (t. vi, p. 235).
A ses obsèques, qui eurent lieu à Larochefoucault dans la Cha-
rente, le 8 octobre dernier, M. Léon Palustre, président honoraire
de la Société dont le défunt avait été le très-distingué secrétaire-
général, lui rendait un solennel et suprême hommage dans un
discours dont nous reproduisons la dernière partie :
« La Société des Antiquaires de France, qui tient son siège au
Louvre, que Ton a coutume dappeler et avec raison le vestibule
de rinstitut, un jour désira compter Jules de Laurière parmi ses
membres. Mais pour cela il fallait que Iqi-n^èn^e posât ss^ cancti-
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M4
dature, fit la visite habituelle à chacun de ses futurs confrères. Sa
modestie, qui ne se démentait jamais, se refusait malheureuse-
ment à pareilles démarches, et l'embarras était grand, lorsque,
par une décision qui honore ceux qui Font prise, les règlements
ordinaires furent momentanément suspendus et Jules de l^urtère
admis sans discussion.
» Je vous ai dit que Jules de liaurière était secrétaire général de
la Société française d'archéologie. Il n'eût tenu qu'à lui, sMl Teùt
voulu, d'être, en 1874, nommé directeur, par conséquent de succé-
der, à deux années de distance, au fondateur lui-même, l'illustre
Arcisse de Gaumont. Mais il préféra, j'ai quelques bonnes raisons
de le savoir, faire porter sur un autre les suiTrages, se contentant
de se montrer en toutes choses l'aide et le collaborateur le plus
utile et le plus dévoué.
» Vous le voyez. Messieurs, l'homme que nous pleurons sedistii^
guait par les plus rares et les plus précieuses qualités. Aussi
n'cst'il pas étonnant qu'il n'ait laissé partout que des amis. Pour
ma part, je ressentais depuis longtemps pour son caractère une
sorte de vénération, et je suis heureux — si pareille expression
pouvait être employée aujourd'hui -—de le proclamer devant vous
tous, particulièrement devant sa famille, devant ses chers neveux,
dont il aimait à me parler et pour lesquels il avait l'afTection d^un
père. Du haut du ciel, où il partage certainement le bonheur des
élus, Jules de Laurière me pardonnera bien, je suppose, d'avoir
dit après sa mort ce que tout le monde pensait de son vivant.
Quoi qu'il arrive, son souvenir ne sortira pas de ma mémoire, et
je compterai parmi mes plus grands bonheurs de l'avoir recontré
sur mon chemin. »
Un autre ami de M. de Laurière, qui lui servait de compagnon
fidèle dans ses courses à travers le Gomminges et la vallée d'Aran,
notre confrère M. Bernard, de Luchon, son collaborateur dans
l'étude récente de l'église romane Saint- Aventin en Larboust,
a voulu aussi payer son tribut de regret au maître éminent qui lui
était enlevé.
Voici les lignes qu'il nous remettait peu de temps après le funè-
bre événement :
« Monsieur Jules de Laurière, chevalier de Saint-6régoire-le-
Grand, officier d'Académie, etc., appartenait à l'une des familles
les plus anciennes et les plus considérées de l'Angoumois. Il avait
trouvé, jeune encore, le bonheur dans une union selon son cœur.
Son foyer, habituellement si gai, si joyeux, devint tout à coup bien
triste. La mort avait creusé près de lui un vide immense, et tout
ce qu'il avait aimé ne lui rappelait plus que d'amers souvenirs.
Aussi prit-il bientôt la résolution de chercher dans l'étude et les
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345
voyages — non pas l'oubli — mais un adoucissement à sa dou-
leur. Jules de Laurière fut sous tous les rapports un admirable
voyageur. Il s'attacha particulièrement à l'exploration des deux
grandes péninsules, TEspagne et l'Italie : son temps et ses fatigues
n'ont pas été perdus, et dans une série de mémoires marqués au
coin du bon sens et de la véritable érudition, il a éclairci plus
d'un point douteux et révélé plus d'un monument inconnu.
» L'homme qu'accompagnent nos plus vifs regrets se distinguait
par les plus rares et les plus précieuses qualités. Aussi n'est-il
pas étonnant qu'il n'ait laissé partout que des amis. »
Par une de ces coïncidences frappantes dont la vie humaine
fournit plus d'un exemple, un mois à peine après son éloquent
discours sur la tombe de Jules de Laurière, Léon Palustre, prési-
dent honoraire de la Société française d'archéologie, succombait à
son tour, laissant encore un vide immense dans le monde savant.
Il avait heureusement continué les traditions de son illustre
maître M. de Gaumont et avait surtout pendu d'éminents services
à l'archéologie chrétienne.
Jusqu'à sa mort il dirigea la publication du Bulletin monu"
mental^ si remarquable, ainsi qu'on l'a dit « par la sagacité, les
patientes analyses et l'esthétique sûre de ses rédacteurs, comme
par leur vaste érudition. »
Le Correspondant du 28 novembre consacrait à M. Palustre les
lignes suivantes :
a Léon Palustre était un maître de la science archéologique,
vraiment épris de l'art national. On lui doit un magnifique monu-
ment sur la Renaissance.
» Il a fini en chrétien la vie de sage et de bénédictin qu'il menait
dans âa riante villa de Touraine. »
On n'a pas oublié qu'en 1884, Léon Palustre était venu admi-
rer en notre église une des plus belles œuvres de l'art roman
dans le midi de la France.
Pour nous, un souvenir plus personnel nous attachera davan-
tage encore à la mémoire de ces deux hommes.
Nous venions de passer en leur compagnie une journée à Saint-
Lizier, lors du Congrès de la Société française d'archéologie dans
l'Ariège en 1884, quand, par Julien Sacaze et quelques-uns d'entre
nous, fut en quelque sorte signé l'acte de naissance de la Société
des études du Comminges.
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346
I/année qui va finir a été marquée par un autre deuil qu'a vive-
ment ressenti Tarchéologie européenne.
Jean-Baptiste de Rossi, Téminent archéologue romain, qu'ont
rendu célèbre ses admirables découvertes dans les catacombes, a
succombé à 73 ans. Il était correspondant de Tlnstitut de France
pour l'Académie des Inscriptions.
La plus importante de ses publications est celle du Recueil uni-
versel d'archéologie chrétienne.
Alphonse Gouoet.
II
Nouvelle découverte à Saint-Bertrand de Oomminges
Dans le courant de cette année, M. Hilaire Bordères^ de Mont-
rejeau, bien connu pour ses belles photographies artistiques de
monuments et de sculptures, découvrait dans son habitation de
Saint-Bertrand, au bas de la ville et à gauche de la route venant
de Valcabrère, une mosaïque recouvrant, à deux niètres environ
de profondeur, une étendue assez considérable du spus-sol.
Ce travail, en dépit de sa grande antiquité, est d'une remarqua-
ble conservation, particularité qu'explique parfaitement l'état des
lieux. A soixante centimètres au-dessus, s'étend une sorte de
voûte en béton, très-dur, soutenue par un amas de pierrailles rem-
plissant l'intervalle entre le petit pavé en mosaïque et la maçon-
nerie qui le recouvre. La raison d'être de cette voûte s'explique
difficilement. En y pensant, on se perd en conjectures. Le blocage
en voûte, comme le pavé, se prolonge, de la cour de la maison
£^ctuelle au-dessous de l'édifice lui-même dont les fondations sont
peu profondes, et qui reposent ainsi,, en partie du moins, sur une
couche de béton peu épaisse, n'adhérant même pas au cailloutis
qui est au-dessous dont les interstices ne révèlent aucun coulage
de mortier ou de ciment. L'empierrement ne fait dono pas corps
avec la maçonnerie qui le recouvre. Gela ne dénoterait-il pas
qu'il a été fait après coup et comme pour remplir le vide existant
entre la mosaïque et le blocage? Et alors celui-ci n'aurait-il pas
été simplement un travail protecteur du pavé d'une salle ayant
appartenu à une villa gallo-romaine, et dont on voulait conserver
les beaux vestiges ? Faudrait-il remonter, pour trouver la date du
revêtement de béton, à l'époque des premières invasions du pays
des Gonvènes ou à celle de la destruction do Lugdunum par les
soldats de Gontran, l'an 585?
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347
Quoi qu'il en soit, la mosaïque mise au jour par les soins de M.
Bordères, et dont le creusement d'un puisard lui a révélé l'exis-
tence, est d'une grande simplicité de composition. A la différence
de celles de Montmaurin (') et d'Arnesp (2), elle ne présente ni vases
fleuris, ni arabesques. Les petits cubes, tantôt noirs, tantôt rou-
ges, sont posés symétriquemcnts mais ne forment aucun dessin.
Leur surface est parfaitement plane, sans détérioration. Ils sont
encadrés d'une bordure de lignes blanches bien intactes.
Du côté de la cour, le sol inférieur, ainsi revêtu, aboutit à un
mur dont une paroi présente les traces d'un enduit rougeâtre,
bien caractéristique de l'époque romaine.
Si l'on pouvait tout mettre à nu, on mesurerait une surface assez
étendue. Des substructions doivent même se continuer par dessous
la route. La résonnance du sol l'indique en plusiseurs endroits,
jusque de l'autre côté de la voie dans des propriétés voisines.
Et chez M. Bordères lui-même, dans un pré, par delà la cour où
les premiers sondages ont été effectués, il est facile de constater
l'existence des fondations d'anciens murs dontles lignes reprodui-
sent un parallélogramme avec avant-corps, faisant présumer un
péristyle précédant une construction importante.
Qu'on n'oublie pas que la principale agglomération, la ville popu-
leuse de Lugdunum Convenarum, et ses monuments dont les
débris ont jonché le sol , étaient là, dans la vallée, au bas de la col-
line où s'élevait l'acropole ou la citadelle.
Quant à la maison de Id. Bordères, avec son aspect archaïque
et son pittoresque groupement de constructions, son grand toit en
vieilles ardoises et son haut pignon, son échauguette d'angle munie
de ses trois meurtrières du côté de la route, elle repose, à cet
aspect, sur des fondations dont l'appareil est évidemment romain.
Le millésime de 1610 est au-dessus d'une cheminée. Est-ce la
date de la construction ?
En certains endroits on constate d'anciennes traces d'incendie.
On pense alors aux dévastations que, bien longtemps après les
Wandales et les Wisigoths, les guerres de religion entraînèrent.
Mais elles sont antérieures au xviP siècle, puisque les sièges de la
ville de Saint- Bertrand par les Huguenots eurent lieu en 1586 et
1594.
En remontant au xvii<' siècle, les précédents propriétaires de la
maison ont été, d'abord M« d'Orfeuil, trésorier de France ;
Puis M»* veuve d'Orcival de Saint-Martin dont une fîlle épousa
nn M. de La Daurade.
i, Jievue de Cwnmingeg, i, vu, p. 220.
9. Revue de Comminge$, t. ii, p. 5.
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348
Enfin Thabitation passa à la famille de La Mothe, originaire du
Périgord et de la maison de Salignac Fénelon.
Une aïeule de M. Bordères, appartenant à cette famille, lui a
transmis cette propriété.
Nous ne saurions trop louer le zèle avec lequel M. Hilaire Bor-
dères s'est appliqué et s'applique encore à continuer avec les plus
intelligentes précautions les fouilles et les déblais.
A son grand mérite de reproducteur habile par la photographie
des admirables boiseries de la cathédrale de Gomminges, du
monument lui;-même et de son cloître, M. Bordères aura joint celui
d'avoir enrichi d'une précieuse découverte la série de nos antiqui-
tés commingeoises qui ont rendu notre contrée célèbre entre
toutes dans l'histoire de larchéologie méridionale.
Alphonse COUGET.
m
DIstiliction honorifique
La Société des études a été heureuse d'apprendre que, dans sa
séance publique du 11 décembre dernier, TAcadémie de médecine
avait décerné à un de nos collègues un des prix de Tannée, pour
le service des eaux minérales en 1892.
L'Académie avait proposé M. le Docteur Ferras, de Bagnères-
de-Luchon, au choix du Ministre pour Tobtention d'une médaille
d'or.
Gehii-ci a ratifié la décision du corps savant.
Nous adressons toutes nos félicitations à M. le D^* Ferras dont
un beau travail fut particulièrement signalé Tan dernier, et qui
est animé du zèle le plus éclairé pour les intérêts de la science et
de l'humanité.
A. G.
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TABLE DES MATIÈRES DU 9« VOLUME
ANNÉE 1894
Livraison du l*"" trimestre
Pages
Liste des membres de la Société des Etudes du Gom-
minges.
I. — Baron de Lassus : les guerres du xviip siècle sur les
frontières du Comniinges, du Gouserans et des Qua-
tre-Vallées : — II. Guerre de la quadruple alliance
sous la régence du duc dOrléans (1719-1720) 1
II. — Hippolyte Gabannes : les chevaliers de Malte à Frontés
près Luchon 67
III. — Paul do Gastéran : la Réformation de la Gommanderie
de Juzet-dc-Luchon et Frontès, en 1266 79
IV. -— Alphonse Gouget : Épigraphie 99
"V. — TouJAN : Météorologie de Saint-Gaudens (1893)
Informations.
Livraison du 2« trimestre
I. — L'abbé Gau-Durban : la Révolution à Saint-Lizier
(Ariège) 101
II. — Jules de Laurière : Notice sur l'église de Saint-
Aventin de Larboust 133
III. — Maurice Gourdon : un demi-siècle d'ascensions au
Néthou 165
IV. — Georges Gouget : les " Trophées " commingtois de
M. J.-M. de Hérédia 181
V. — Edouard Earlé : Découverte d'ossements d'Hyènes
rayées dans la grotte de Montsaunés 189
VI. — Alphonse Gouget : Note sur l'excursion projetée à
Saint-Lizier et Saint-Girons 191
VIL — Anthyme Saint -Paul: Saint-Lizier, capitale des
" Gonsorani " 194
VIIL — Nécrologie, Bibliographie, Nouvelles
Livraison du 5« trimestre
I. — L'abbé Gau-Durban : la Révolution à Saint-Lizier
(Ariège), 1789-1804 suite 197
II. — Baron de Bardies : Fondation d'un couvent de Domi-
nicains à Saint-Girons 229
III. — Maurice Gourdon : un demi-siècle d'ascensions au
Néthou ("suite) 233
Digitized bv'LjOOQlC
IV. — Baron de Lassus : les voyages de M. l'Abbé de Binos,
chanoine de la cathédrale de Gomminges, 1776-1779. 246
V. — Alphonse Couget : un ancien plan de Saint-Gaudens
(avec carte) 266
VI. — J. Picot : Au pays de Gouserans. Gompte rendu de
l'Excursion faîte à Saint-Girons et à Saint-Llzier,
le 21 juillet 1894 280
Informations.
Livraison du 4« trimestre
I. — L'abbé Gau-Durrban : la Révolution à Saint-Lizier
(Ariège), 1789-1804 (suite) 285
II. — J. Lestrade : Documents sur Salies-du-Salat 317
III. — Edouard Harlé : Restes d'Élan et de Lion, dans une
station préhistorique de transition entre le quater-
naire et les temps actuels, à Saint-Martory 325
IV. — Maurice Gourdon : Un demi-siècle d'ascensions au
Néthou (suite) -. 332
V. — L'abbé Fages : Duos Grabos sus un Pount (Fable imi-
tée de la Fontaine, —Patois de Saint-Gaudens)... 341
VI. — Alphonse Gougbt : Chronique : I. Jules de Laurière
et Léon Palustre; — IL Nouvelles découvertes à
Saint-Bertrand-de-Gomminges ; — III. Distinction
honorifique 343
VIL — Informations.
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REVUE
DE COMMINGES
SCIENCBS HISTORIQUES ET NATURELLES
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REVUE
DE
COMMINGES
— PTRÉNÉBS CENTRALES —
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES DU COMMINGES
DU NÉBOUZAN ET DES QUATRE-VALLÉES
TdïHE X — ANNÉE 1895
SAINT-GAUDENS
IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ABADIE
1895
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LISTE ALPHABÉTIQUE
DE MM. LES MEMBI^SS UE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES DU COMMINGES
BTJFIE AU
Baron de LASSUS, Président:
A. COUGET, Viœ-Présideni. archivisie.
Baptiste ABADIE, Secrèlairc.
Maurice PICOT, Trésorier.
Victor BOUGUES, Membre.
Hippolyle CABANNES, Membre-
D^ Jean PAYRAU, Membre.
MEMBRES HONORAIRES
Allmer (Auguste), membre correspondant de l'Institut, directeur
de la Revue éplgraphique du Midi de la France, à fjyon.
Babeau (Albert), correspondant de l'Institut, à Paris.
Lapparent (A. de), professeur de Géologie, membre de la Société
géologique de France, à Paris.
Russell (comte Henry), membre de la Société géographioue de
Paris, de la Société géologique de France, ée l'Alpine club, çt
du Club alpin français, à Pau. - • '
MEMBRES TITULAIRES
Abadie (Baptiste^, anciôn maire de Saint-Gaudens.
AzéuAR (Enulei, avoué, à Saint-Gaudens.
Babeau ^Albert), correspondant de l'Institut de France, Paris.
Baurier (fvéon), membre correspondant do la Société archéologi-
que du Midi, au château de Mascaron. par Muret.
Bernard (Bertrand), membre de la Société française d'archéologie,
à Luchon. ••
BouGUES (Victor), ancien député, à Saint-Gaudens.
Cabannes (Hippolyle), contrôleur principal des Douanes en retraite,
à Saint-Gaudens.
Gargue (Frédéric), avoué honoraire, ancien juge suppléant, à
Saint-Gaudens.
Cau-Durban (David), curé de Gastelnau-Durban (Ariège).
CHOPrNET (Charles), médecin-major au 34", à Mont-de-Marsan.
Gieutat (Léon), conseiller à la Cour d'appel, à Agen.
Clochard, architecte, à Saint-Gaudens.
CoMMiNGES (comte Aimery de), lieutenant écuyer, à Saumur.
Compans (abbé), ancien vicaire général, à Bordeaux.
CouGET (Alphonse), membre de l'Académie de Législation et de la
Société archéologique du Midi, à Saint-Gaudens.
Couret, curé de Saleich, lauréat de la Société archéol. du Midi.
Dufaur (Auguste), avocat, à Saint-Gaudens.
Germain (Louis), notaire, à Saint-Gaudens.
GouRDON (Maurice), officier d'Académie, membre de la Société
géologique de France, à Luchon.
Labroquérb (Henri), membre de l'Association Pyrénéenne, à Ga-
lan (Hautes-Pyrénées).
Lassus (baron Marc de), ancien député, membre de la Société des
Bibliophiles de France, à Montrejeaii, — et à Paris.
Mariande (Alphonse), ancien maire de Saint-Gaudens.
Payrau (Jean), docteur en médecine, à Saint-Gaudens.
Pkllbport (Emile), avocat, à Saint-Gaudens.
Picot (Maurice), directeur départemental des Postes et Télégra-
phes en retraite, à Saint-Gaudens.
Thévbnin (Nuno), président du Tribunal civil, à Saint-Gaudens.
TooJKAN (Jean), conducteur des ponts et chaussées, à St-Gaudens.
TRESPAiLLJi (Alexis), commandant d'artillerie en retraite, à Anti-
gnac.
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MEMBRES LIBRES
BT ^OUSCRIPTBURS A LA " J^BVUE OB pOMMINaBS ••
Les lellres HL désignent les membres libres ou correspondants
Abadie (Fclix), p'.i.MPmac en, à Saint-Gaiidcns, ml.
Abadie (Noël), impi'inicur-libfiiire, à Saint-Gaudens, ml.
Adoue (Paul), à Montrejcau, ml.
Adoue, curé, à Anan.
Amalkic (Eugène), à Toulouse.
Ambrody (Frédéric), instituteur public, à Escanecrabe, ml.
Ane, propriétaire, à Boulogne.
Anla, négociant, à Lille (Nord), ml.
Archives de la Haute-Garonne.
Archives de la Société historique de Gascogne, à Auch.
Armand, curé, à Orthez (Basses-Pyrénées), ml.
AsHER, libraire, à Berlin.
AsPET (Bibliothèque de la ville d).
AsTRiÉ, ancien vice-con«iil, à l.uchon.
Aubéry (M"»" la marquise cl), au château de la Fontaine, parles
Ormes (Vienne).
Aurignac (Bibliothèque de la ville d').
AviRAGNET (Eiie), expert dos C'*» d'assurances, a St-Gaudens. ml.
Bagnères-de-Luchon (Bibliothèque de la ville de).
Barbazan (Bibliothèque de la ville de).
Baron, expert-aréomètre, à Labarthe-Rivière, ml.
Bascans (Louis), officier d'Académie, à Saman, ml.
Batmalle, au château de Sarremezan, ml.
Baudouin, archiviste départemental, à Toulouse, ml.
Bazerque, curé à Cierp.
Baurier, manufacturier, à Barcelone.
Beaurbgard (de), au château de Gabarr^t, à Labartho-tnard.
Bedin (l'abbé), curé doyen à Saint-Bertrand de Comminges.
Belloc (Emile), officier d'Académie, membre de la Société géolo-
§ique de France, du Club Alpin français, délégué de la section
es Pyrénées au Conseil d'administration, à Paris, ml.
Benque (de), secrétaire général do la Banque de France, à Paris, ml.
Bergougnan, propriétaire, à Montrejeau.
BiNOS DE PoMBARAT (de), à Toulon.
Bize (Hyacinthe), banquier à Montrejeau.
Bladé, correspondant de l'Institut de France, à Agen, ml.
Bordes (abbé), professeur de sciences, à Juilly (Seine-et-Marnej.
BoRDÉRES, docteur-médecin, h Montrejeau.
Borgella (Edmond), officier d'Académie, juge d'instruction, a
Saint-Gaudens, ml.
Bouche, curé à Guran.
Bouche, curé, à Huos.
Bouillon (Gaston), avocat, à Saint-Gaudens.
Boulogne-sur-Gesse (Bibliothèque de la ville de).
Bourdette (Jean), homme de lettres, à Toxilouse.
Bourgade, pharmacien, à Boulogne.
Cardaillac (de), avocat, à Tarbcs (Hautes-Pyrénées), ml.
Carayon-Latour (marquise), à Podensac.
Carsalade du Pont (abbé J. de), membre do la Société française
d'archéologie, secrétaire général de la Société historique de Gas-
cogne, à Auch (Gers), ml.
Cartailhac (Eiiiile), directeur de [Anthropologie, à Toulouse.
Casse (Jean-Marie), manufacturier, à Saint-Gaudens.
Casteran (Paul de), avocat, h Toulouse.
Cazeneuve, curé-doyen, à Montrejeau.
Chamaison, percepteur, à Saint-Martory.
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Chibalik (Léonard), avocat, à Saint-Gaudens.
CiEUTAT (Joseph), greffier du Tribunal civil, à Saint-Gaudens.
Glouzbt (Bertrand), négociant, à Montrcjeau.
GoNDBSSB (Justin), notaire, à Alan, ml.
GoRBXER, huissier, à Montrcjeau.
CouGET (Georçes), à Bordeaux — et à Luchon, ml.
GouRET (Henri), pharmacien, à Saint-Gaudens.
GouRTOis (de), boulevard Malesherbes, à Paris.
CoaTURE (abbé), professeur à la Faculté libre de Toulouse.
Groste, rue Cassette, 6, à Paris.
Daram, l'-colonel en retraite, à Labarthe-Inard.
Dasque (Henri), professeur de musique à Montrcjeau.
Deaddé, général de brigade en retraite, à Saint*Gaudens.
Dégap, instituteur, à Muret, ml.
Delassus. capitaine au 83*^, à Saint-Gaudens.
Douais (abbé), professeur à llnstitut catholique de Toulouse, se-
crétaire général de la Société archéologique du Midi, ml.
Doux, avoué, à Saint-Gaudens.
DuBuc (Sylvain), licencié en droit, à Caznvct (Ariège), ml.
Dulac (abbé), à Tarbes.
DuLON. professeur, à Saint-Gcrmain-en-Laye, ml.
Du&fAS DE Rauly, archiviste de Tarn-et-(iaronnc, ml.
Kncausse de Labatut (baron d), à Eoux, près d'Aurignac.
Fabre d'Envieu, chanoine de Saint-Denis, ancien professeur à la
Sorhonne, château de Montpezîit, à Saiat-Martory, ml.
Faure (Louis), notaire, à Montrcjeau.
Ferran (abbé), curé do Baurcch (Gironde).
Fontenilles (Léon de La Roche M'» de) à Paris.
Ferras, docteur médecin, à Luchon, ml.
Fourcadb (Henri), curé à Saint-Elix.
Fourcade, curé à Nestier.
Franquès, instituteur à Ganties, ml.
Faoes (Bartiiéleniy). officier d'Académie, aumônier du collège de
Saint-Gaudens en retraite, à Saint-Gaudens, ml.
Foch (Jean), docteur en médecine, à Saleicli, ml.
Galard (M"»* la comtesse de) à Aurignac.
Garonne, curé, à Urau.
GoRSSE (de), conservaleur des forêts, à Pau, ml.
Goulard (Marc de), au château de Luscan, par Loures.
GuiLHOT de Lagarde, au château de Boussan, près d'Aurignac, ml.
Hay (Aristide), à Talencc, Bordeaux.
Jaffary (Jules), notaire, à Saint-G.iudens, ml.
Jordy (André), avocat, à Saint-Gaudens, ml.
Lacroix, supérieur du Ivtit-Scminaire de Polignan,
Lahonoks (Jules de , président de la Société archéologique du Midi
de la France, ml.
Lamarque (Raymond), avoué, à Saint-Gaudens. ml.
Lapierre, avocat, bibliothécaire hon'« de la ville, à Toulouse, ml.
Larrieu, pharmacien, à Montrcjeau.
Lassus (Bertrand dç), à Montrcjeau, ml.
Lassus (Henri de), au château de la Nine. à Boussan.
Lestrade, vicaire de la Dalbade, à Toulouse, ml.
L'ISLB-BN-DoDON (Bibliothèque de la ville de).
Longuefosse (Charles), à Samt-Gaudens, ml.
LouGE, docteur-médecin, à Demu (Gers).
LozÉs (Lucien), conseiller général, à Tibiran (Hautes-Pvrénées).
Maribail (Henri de), docteur en droit, avocat, à St-Gauaens, ml.
Marsan, curé de Soulan (Hautes-Pyrénées), ml.
Mathieu, curé, à Saint-Mamet, ml.
Mbngaud, inspecteur des forêts, à Saint-Gaudens.
Miffres. receveur de TEnregistrement, à Luchon.
Ministère de lTnstruction publique, à Paris.
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MoNTOussÉ-DuLYON ^Charles), au château de Barbazan, ml.
MONTREJBAU (Bibliothèque de la ville de).
NouAiLLAN (M"« la V»»« de), au cliàteau de Prat-Bonrepos (Ariège).
Partsch, professeur à l'Université de Breslau.
Pelleport-Burette (vicomte de), ancien sénateur, Bordeaux, ml.
PÉRISSE (Pirmin), avocat, à Toulouse — et Aspet.
PiETTE (Edouard), juge, membre de la Société d'anthropologie de
Paris et de la Société des Antiquaires de France, à Humigny
(Ardennes), ml.
Piou (Jacques), ancien député, à Paris, ml.
Plante, propriétaire, à l^annemezan.
PoTTiER (aboé), président de la Société archéologique de Tarn-et-
Garonne, à Montauban. ml.
PouY (de), 9, rue d'Anjou, à Paris.
Privât (Paul), libraire-éditeur, à Toulouse, ml.
PoJO, à Montrejeau.
Régnault (Félix), de la Société d'anthropologie de Paris, à Tou-
louse, ml.
Reulet; curé-doyen, à Aurignac.
Rivière, docteur-médecin, à Malvozio.
RuAU (Joseph), licencié c.s lettres d'histoire, à Toulouse, ml.
RuBLE (baron de), à Bcaumont-de-Lomagiio.
Sacase (Charles), ancien magistrat, à Marignac, ml.
Sales (Joseph), juge au Tribunal civil, à Saint-Gaudens.
Saint-Arroman (Charles), avocat, à Saint-Gaudens, ml.
Saint-Béat (Bibliothèque de la ville de).
Saint-Gaudens (Bibliotnègue de la ville de).
Saint-Jean (Eugènei, officier de l'Instruction publique, à Ville-
neuve-de-Riviere, ml.
Saint-Martory (Bibliothèque de la ville de).
Saint-Paul (Anthyme), homme do lettres, à Paris, ml.
Saint-Paul (Damien). négociant, à Montrejeau.
8alies-du-Salat (Bibliothèque de la ville de).
Saporta (de), à Solliers-Pont (Var).
Sarrieu (Gustave de), à Montrejeau.
Sarthe, libraire, à Luchon.
Saudinos-Ritouret (M««), à Paris,
Société académique de Tarbes.
Société ariégeoise des lettres, sciences et arts, à Foix.
Société archéologique du Midi, à Toulouse.
Société archéologique de Tarn-et-Garonne, à Montauban.
Société des Etudes historiques à Paris.
SoST, capitaine en retraite, à Saint-Gaudans, m'.
Souques (Armand), avocat, à Saint-Gaudens, ml.
Souville. officier supérieur de marine en retraite, à Aurignac.
SuARÈs d Almeyoa (de) au château de la Terrasse, à Saint-Ëlix.
Terraoe, architecte, à Saint-Gaudens, ml.
Tersac (de), propriétaire, à Castelbiague.
Touzet, cure-archiprétre, à Saint-Gaudens.
Trespaillé (Jean), avoué, à Saint-Gaudens, ml.
Verdier (Sylvain). àCastelnau-Magnoac, ml.
Vidailhet, curé-doyen, à Boulogne- sur-Gesse.
Vicaires (les) de Saint-G;uidens.
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LA RÉVOLUTION
A SAINT-LIZIER (Ariège)
1789-1804
(SUITE)
Malgré tous les comités qui existaient déjà, il y
avait encore des délateurs en disponibilité. La loi des
suspects venait de leur créer un titre officiel ; ils furent
préposés à son impitoyable exécution, sous le titre de
membres de la Sûreté générale. Plus de cinquante
mille comités furent établis : celui de Saint-Lizier fut
installé le 17 novembre. Les citoyens Pierre Berges,
Dupré^ Monroux, Delage, Nicolas et Seillé furent appe-
lés à en faire partie. Il entrait dans leurs fonctions
« d'appeler et de surveiller le comité de la Société
populaire, t^
La notoriété de ces titulaires nous assure, dans
leur résolution, une modération relative. Heureuse
circonstance pour Saint-Lizier qui eut, à Theure vou-
lue, sous sa main un personnel intelligent et honnête,
qui sut maintenir dans de sages bornes Tapplication
d'une législation féroce.
Les armées de la République bataillaient en Vendée,
sur le Rhin, au pied des Vosges et des Pyrénées, con-
tre des ennemis nombreux, riches en munitions, en
armes, en subsistances » tandis qu'elles étaient sans
habits, sans pain et sans fusils.
RcTOi Di CoHiiiMCBs, 1*' trim<islra 1895. To»i X. — 1.
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La Convention avait ordonné clans cette extrême
nécessité que les commissaires des assemblées pri-
maires fissent toute sorte de réquisitions d'armes et de
subsistances. Le 25 août, on fît une première réquisi-
tion de vingt sétiers de blé, que les familles les plus
aisées, les Brondc, Carrère, Duclos, Dupré, Rozès,
Galatin, Biros, Saint-Blanquat, etc. durent subir. En
juillet, le citoyen de Méritens avait été requis de déli-
vrer son cheval, sellé et bridé, pour aller au port
d'Aula à Textrémité de la vallée de Seix. Les métayers
de Lagarde, Miguct, Mouliéri, Priquet et de Saint-
Blanquat avaient été réquisitionnés pour le transport
des équipages du k^ bataillon de TAriège. Puis suc-
cessivement, 30 bœufs ou vaches, 271 quintaux de
foin sont requis pour Tapprovisionnement de Tarmée
(les Pyrénées-Orientales ; puis encore arrive une lettre
du suppléant du procureur général syndic du dépar-
tement et un arrêté du représentant du peuple por-
tant que, dans le district de Saint-Girons, il sera levé
12 chevaux par canton. Ces chevaux devront avoir.au
moins cinq ans et six pans de taille mesurés sous
potence. Le conseil fait timidement observer qu'il
n'existe point dan* son arrondissement des chevaux
de cette qualité. Une première fois déjà des commis-
saires ont parcouru le pays pour faire une levée et ont
amené tout ce qui se trouvait dans les conditions exi-
gées. Néanmoins, pour montrer son dévouement à la
cause publique, deux délégués seront immédiatement
envoyés dans toute Tétendue de l'arrondissement afin
de requérir les municipalités de faire livrer les che-
vaux disponibles, ainsi que l'avoine, selles, brides,
bottes, tout ce qui, en un mot, peut être utile à l'ar-
mée, sauf indemnités de gré à gré ou au dire d'expert.
Cette sommation est transmise à la municipahté de
Saint-Lizier, le 6 novembre, et le soir du même jour
à six heures, nouvelle sommation du citoyen Rouzel,
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commissaire de la levée extraordinaire des chevaux,
pour que le lendemain, à quatre heures du soir,
soient amenés tous les chevaux ou juments^ pleines ou
non, qui sont dans l'étendue de la commune. Les
municipalités du canton devront, dans le même délai,
exécuter la même réquisition . La municipalité demeure,
en outre, chargée de faire des visites domiciliaires pour
s'emparer de tous les effets utiles à un cavalier^ tels
que selles, brides, bridons, housses, pistolets, fontes
de toute espèce, sabres, bottes, etc. En cas d'inexécu-
tion, la municipalité sera sur-le-champ destituée et
incarcérée.
Ainsi pressée par une autorité qui n'admet point de
sursis à l'exécution de ses ordres, la municipalité se
hâte d'envoyer aux communes du canton un double
de la réquisition, avec ordre de s'y conformer. Michel
Ortet va signifier cette sommation à Tdurignan-Cas-
tet, Mercenac, Bagert et Betchat; Baptiste Ferré à
Montjoie, Taurignan-Vieux et Gajan ; Guillaume Anel
à Saintaraille, Caumont, Prat, Lacave, La Bastide du
Salât, Mauvezin ; et Lizier-Fort à Montgauch et Caza-
vet.
Quelques jours plus tard^ le sieur Seillé est chargé
de faire des visites domiciliaires dans toutes les mai-
sons de la commune pour s'emparer de tous les fusils
de guerre qu'il y trouvera.
Les citoyens Berges Laurent, Auriac et Dalmont
vont de maison en maison, pour faire la note de toutes
les couvertures de laine que chaque particulier pourra
céder à la République.
L'administration* ayant demandé un état de la popu-
lation effective avec mention du nombre des citoyens
ayant droit de voter, des militaires, étudiants et
absents de la commune, les citoyens Berges et Jean
Berges, curé, furent chargés de faire le tableau de la
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A
population urbaine. Le dénombrement de la popula-
tion de la campagne, hameaux et métairies fut confié
à Tatareau, Bergerat et Seillé.
Une des plus mémorables séances de la municipa-
lité fut celle du 25 brumaire 1793. La municipalité
de Sainb-Lizier s'attribua un instant le rôle d'une
petite Convention chargée de sauver la grande Répu-
blique. Dans un discours indigné, le maire dit « que
plusieurs malintentionnés se plaisent à jeter l'alarme
dans le cœur des bons citoyens, en publiant que la
liberté n'est plus qu'une tyrannie, que les opinions
sont gênées, les propriétés violées et les sans-culotte
n'ont plus que l'esclavage à attendre. Considérant
qu'il importe de prévenir les suites qui peuvent ré-
sulter de ces propos séditieux et contre-révolution-
naires qui n'ont d'autres but que celui d'insurger le
peuple ; que la liberté est le premier de tous les droits
les plus sacrés de l'homme, et est expressément garan-
tie dans l'acte constitutionnel ainsi que la liberté des
opinions, et que toutes les lois mettent sous leur
sauvegarde les propriétés et les personnes ; considé-
rant que dans un gouvernement révolutionnaire le
salut de la République exige des autorités constituées
la plus scrupuleuse surveillance et leur commande
d'ctre aussi impassibles que la loi; que par devoir et
par amour de la patrie, elles ne doivent rien négliger
pour arrêter les machinations odieuses dont les faux
patriotes, d'accord avec les ennemis déclarés, font
usage pour l'exécution de leur criminel dessein ;
considérant enfin que la religion dont ils s'appuient
n'est qu'un vain prétexte dont on se sert pour séduire
les âmes simples et crédules, semer la division parmi
les citoyens et enfanter les horreurs de la guerre civile;
» D'après ces considérations il propose, comme me-
sures révolutionnaires, les articles suivants qui de-
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vront être proclamés au son du tambour et affichés
partout où besoin sera :
a Art. 1^**. — Tout citoyon qui sera convaincu d'avoir
tenu des propos séditieux tendant à compromettre la
tranquillité publique sera regardé comme suspect et
traité comme tel.
a Ari. 2. — Seront regardés comme contre-révolu-
tionnaires et traités comme tels, tous ceux qui seront
convaincus d'avoir dit, publiquement ou autrement,
que le gouvernement républicain est tyrannique, que
les propriétés et les personnes sont violées et que la
liberté des opinions est gênée.
« Art. 3. — Seront également regardés comme con-
tre-révolutionnaires et traités comme tels, tous ceux
qui, sous prétexte de religion ou autrement, cherche-
ront à faire insurger le peuple.
«c Art. 4. — Tout citoyen qui sera convaincu d'avoir
eu connaissance des délits ci-dessus et qui néanmoins,
par une coupable lâcheté ou par quelque considération
particulière, ne les aura point dénoncés dans les vingt-
quatre heures aux autorités constituées, est, d'ores et
déjà, regardé comme complice et sera puni comme tel.
« Art. 5. — Seront encore considérés comme sus-
pects et traîtres à la patrie, tous ceux qui publieçont
des fausses nouvelles tendant à alarmer le peuple et à
troubler l'ordre public.
<c Art. 6. — Les commandants et officiers de la
force publique, ainsi que tous les bons citoyens, sont
autorisés à les arrêter provisoirement, sauf ensuite aux
autorités constituées à statuer ce que de droit.
a Art. 7. — Le comité de surveillance de la com-
mune demeure expressément chargé de prendre toutes
les mesures qui sont en son pouvoir pour connaître
les auteurs de ces délits attentatoires à la liberté, et
de les dénoncer au corps municipal pour y être statué
ce que de droit.
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<r Art. 8. — La société populaire de cette ville sera
invitée, au nom de la loi et du salut public, à remplir,
de son côté, les dispositions contenues en Tarticle 7,
afin d^accélérer la punition des coupables.
(L Art. 9. — La présente ordonnance sera publiée
etc.
« Sur quoi, ouï le procureur de la commune,
« Le conseil, applaudissant aux vues dudit maire,
arrête que Tordonnance ci-dessus sera proclamée au
son du tambour et affichée partout où besoin sera, et
que la municipalité tiendra la main à son exécution.
a ViGNAux, maire ; Berges, fils, procureur de la com-
mune; Court, Dupré, Duclos, officiers municipaux;
Berges, père, greffier. »
Voilà une ordonnance draconienne digne des temps
de Tibère, où le silence et la parole, la tristesse ou la
joie se payaient de la vie.
Elle était inspirée des mesures révolutionnaires
prises dans le club des Jacobins de Paris. Pour se met-
tre à Tabri de ses atteintes, les citoyens qui jusque-là
se flattaient d'être suffisamment protégés par leur
civisme notoire, les Berges, les Monroux, les Dal-
mont, crurent prudent de demander à leur tour un cer-
tificat.
L'esprit public était continuellement tenu en éveil
par les réquisitions incessantes, par l'arrivée des cour-
riers qui portaient des nouvelles des armées et des
assemblées politiques de la cai)itale. On commentait,
dans les réunions privées, les assemblées populaires,
ces nouvelles qui tenaient ainsi dans une surexcita-
tion fiévreuse la pensée publique. On devenait cré-
dule, naïf, enthousiaste, soupçonneux ; on cherchait à
connaître la pensée des présents et la conduite des
absents; l'espionnage et la dénonciation semblaient
devenus un élément de sécurité personnelle.
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Aussi aux administrations du district et du départe-
ment affluaient des écrits anonymes, qui étaient quel-
quefois, lorsqu'ils tombaient en des mains prudentes,
renvoyés pour information aux municipalités^respec-
tives.
Le 21 frimaire, le maire de Saint-Lizier rcç;oit du
bureau du district de Saint-Girons une lettre qui requiert
le corps municipal de lui répondre sur les questions
suivantes : l*' Depuis quel temps Dupré, ci-devant
garde du corps ou pensionnaire de TEspagne, était
rentré en France? Où habitait-il depuis sa rentrée?
A quelle époque est-il sorti de France, la dernière
fois? Est-il allé en Espagne à la dernière disparution
de ce pays-ci? — 2*^ Avez-vous des renseignements
certains sur la résidence de Trinqué fils?
Ces diverses questions prouvent, en effet, que ce
n'est qu'à la suite d'une lâche dénonciation qu'une
enquête se produit sur la conduite de ces deux
citoyens. Le maire répond que le citoyen Dupré,
ex-garde du corps d'Espagne et pensionnaire dudit
gouvernement, vient quelquefois en France depuis
1787 ; qu'il séjourne à Saint-Lizier chez son neveu, le
citoyen Dupi^é, où il n'a pas reparu depuis une époque
antérieure à la déclaration de guerre avec l'Espagne.
Durant son séjour au milieu de nous, ajoute le maire,
Dupré s'est montré zélé et imperturbable révolution-
naire, sans jamais faire aucun acte de citoyen actif ni
dans les assemblées de la commune ni dans les
assemblées primaires ni dans la garde nationale,
alléguant qu'ayant quitté la France depuis vingt-huit
ou trente ans et n'étant, d'ailleurs, compris dans au-
cun rôle d'imposition, il ne peut être considéré comme
citoyen français. Ce serait donc faire injustice au
citoyen Dupré oncle, et tort à la République, que de
le comprendre dans la liste des émigrés.
Relativement au citoyen Trinqué fils , il a, comme
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témoignage de sa résidence en France, plusieurs let-
tres, notamment une de Laval, capitaine des grena-
diers au 72® régiment ci-devant Vexain, en date du
23 février 1792, qui annonce au citoyen Trinqué père
que son fils est parti pour rejoindre son régiment.
En outre, il a entre ses mains une lettre écrite du
camp de Bonne-Espérance, en date du 21 mai 1793,
par Trinqué fils à son père.
L'abbé Dargein s'étant éloigné depuis quelque
temps du pays^ et la municipalité ne pouvant justi-
fier son absence, fut déclaré émigré, et, en vertu de
la loi du 28 mars, ses biens furent mis sous séques-
tre comme étant acquis à la République.
Emportée par l'esprit de réforme, la Convention ne
craignait de froisser ni l'histoire ni les habitudes éta-
blies. On venait de régulariser les poids et mesures;
on modifia la division du temps. L'ère grégorienne
fut changée en ère républicaine, et le nouveau monde
républicain data du 22 septembre 1792, Tan l^ de
la Liberté. Les mois reçurent leurs dénominations de
la température et des travaux de la campagne. Ils
furent divisés en décades et le repos dès dimanches
transféré au décadi. On supprima, dit Gabourd, « les
solennités religieuses et des noms révérés furent rem-
placés par de scandaleuses indications dignes de Tido-
latrie égyptienne ^ » Désormais, les actes municipaux
porteront la date de l'ère nouvelle. Nous devrons
aussi, dans les pages suivantes, nous conformer à cette
innovation.
L'Assemblée constituante, en obligeant les prêtres
à prêter serment à la Constitution civile du clergé, les
avait scindés en deux catégories : les assermentés et
1. Histeire de France, t. iix, p. 173.
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les réfractaires. Ces derniers, privés de leurs fonc-
tions, étaient demeurés pourvus d'une pension. L'As-
semblée législative les soumit à la surveillance des
autorités du département, et décréta même qu'ils
pourraient être bannis du territoire français par un
de leurs jugements. La Convention, plus inexorable
encore, les condamna tous à la déportation et confisca
leurs biens. Après avoir frappé le prêtre, il ne restait
plus qu'à détruire Tautel. La Convention, par un der-
nier respect du sentiment religieux, n'osa pas prendre
l'initiative de l'abolition des cultes ; plus audacieuse,
la Commune décida, le 23 vendémiaire, que les mi-
nistres d'aucune religion ne pourraient exercer leur
culte hors des temples et prohiba tous les signes exté-
rieurs de religion. Le délire de l'impiété alla jusqu'à
défendre la vente, dans les rues, des images, livres et
statues de la Vierge et des saints. On supprima, dans
les cimetières, les emblèmes de l'espérance et de la
vie future, et dans les niches des Madones, au coin
des rues, on hissa les bustes de Marat et de Le Pepel-
letier. Par une contradiction familière à l'erreur, un
culte nouveau remplaça celui qui avait au moins pour
lui la consécration des siècles.
Ceci se passait en vendémiaire, à Paris; avec les
lenteurs de transmission de l'époque, le nouveau
décret de la Commune ne fut signifié à la municipalité
de Saint-Lizier que le 13 frimaire. Elle était invitée à
faire abattre toutes les croix qui se trouveraient dans
les cimetières et autres lieux publics; tous les oratoires
et toutes les figures qui peuvent être attachées sur les
frontispices des églises ou autres lieux extérieurs;
elle devra aussi avertir les prêtres .de ne plus faire,
hors de l'église, aucune cérémonie publique; et le
œnseil, obéisssant et a considérant que tout signe
extérieur du culte va contre les droits de l'égalité,
arrêta^ que le décret serait ramené à exécution et que
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le procureur de la commune demeurait chargé d'en
faire remplir les dispositions dans le plus bref délai».
Ce motif invoqué des droits de Tégalité est une vraie
trouvaille que Chaumette aurait envié à nos perspi-
caces concitoyens. Pour moi, je ne saisis point en quoi
l'existence d'un oratoire ou d'une image de la divinité
peut nuire à l'égalité des citoyens.
A la môme époque, la vieille chapelle de l'abbaye
de Combelongue près Rimont, un des plus beaux ves-
tiges de l'architecture romane dans le Couserans, fut
changée en magasin à fourrage pour tout le district
de Saint-Girons. Singulière destinée l Bâti pour abri-
ter les méditations et les prières des religieux de
saint Norbert, ce pieux édifice devint, sept siècles
après, un vulgaire dépôt de fourrages pour les chevaux
de l'armée*.
Alors aussi survint dans le personnel du tribunal
un changement que nous ne pouvons passer sous
silence. Delort, juge du district judiciaire de Saint-
Lizier, avait été transféré à Saint-Girons où il occupa
la place de procureur-syndic. Le prêtre Guillaume
Amans fut désigné comme son successeur à Saint-
Lizier, le 7 octobre, par les agents du Comité de Salut
public; mais sa fragile santé ne lui permit pas de
garder longtemps ce poste et il dut bientôt après rési-
gner ses fonctions. Il écrivit^ le 24 frimaire, au citoyen
Alard.
m Citoyen,
» Affligé depuis longtemps d'une humeur dartreuse
qui parcourt tout mon corps, et d'une -forte palpitation
du cœur, je suis obligé de vivre continuellement de
régime, d'éviter les fortes tensions d'esprit. Malgré
cela, pour prouver mon obéissance et mon amour pour
1. Celle profaDatioa eul lieu le 21 sêplembre 1793.
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(4
la Révolution, j'ai accepté la place de juge au tribunal
de Saint-Lizier. Il est trop malheureux pour moi, tan-
dis que le sacrifice de ma vie ne me coûterait rien s'il
était utile à ma patrie, que mon âge et mes infirmités
continuelles me forcent à t'offrir la démission de ma
place déjuge.
D Veuille bien Tagréer pour le bien public, et sois
persuadé que le peu de santé qui me reste sera
employé pour le triomphe de la Révolution vraiement
républicaine. Amans, signé. »
d Vu la démission du citoyen Amans juge, et con-
naissant ses infirmités, le commissaire civile délégué
par les représentants du peuple dans le département
de FAriège, affligé de voir un patriote aussi constant
et aussi prononcé obligé de quitter son poste,
acceptant à regret le démission dudit citoyen Amans,
juge du tribunal, et cela étant, le premier suppléant
montera pour y prendre la place à laquelle la confiance
publique Ta appelé.
» A Saint-Girons, le 26 frimaire, Tan II de Tère ré-
publicaine. Alard. y>
Du même jour, nomination du citoyen Gouazé.
« République française
a Les commissaires civils délégués par les repré-
sentants du peuple dans le département de l'Ariège ;
« Au citoyen Gouazé, premier suppléant des juges
du tribunal du district de Saint-Girons siégeant à
Saint-Lizier.
a Nous te prévenons , citoyen , que le citoyen
Amans, juge du tribunal, vient de donner sa démis-
sion ; nous l'avons acceptée, vu les raisons légitimes
qui ont nécessité sa démarche. Nous t^nvitons donc à
aller prendre de suite sa place à laquelle t'a appelé la
confiance publique, d'accord avec notre vœu. Salut et
fraternité. Alard. »
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« p. s. Nous t'envoyons la démission dudit citoyen
Amans et notre acceptation au bas; tu en feras tel
usage qu'il conviendra, et tu la rendras au démission-
naire. »
Nous sommes à la fin de l'année 1793 1 et il est
temps de mettre le rôle des contributions en recouvre-
ment et de dresser le tableau des dépenses communa-
les. Dans une réunion spéciale à cet objet, le maire
dit qu'il a été imposé pour Tannée 1793 une somme
de 1 ,658 livres^ 6 sols 8 deniers ; un tiers au rôle de
la contribution foncière et deux tiers au rôle de la
contribution mobilière. Le rôle de l'imposition mobi-
lière ayant été remis depuis plusieurs jours, il est ins-
tant de remplir la côte des imposiiions locales. Cette
dernière imposition est établie sur le pied du rôle de
l'année précédente avec une augmentation de deux
cents livres pour les arrérages dûs au médecin.
Les charges locales sont ainsi fixées :
l*» Aux portiers
2* Au greffier
3» Au valet de ville. . .
A^ Au gardien des cochons.
0» Pour Tentretien de Thorloge
6<» Feu de Saint-Jean. . -
70 Intérêts à la fabrique . .
8<> A la consorce des chapelains
9« Pour les obits des chapelains
IQo Intérêts à Villa. . . .
il* Intérêts à l'hôpital. . .
12» Frais de bureau. . . -
13« Au percepteur des contribu
lions foncières ...
14<» Au percepteur des contribu
tions mobilières . . .
15» Dépenses imprévues et trai
tcment du médecin . .
Total.
48 livres.
50 1.
36 1.
9 1.
36 1.
5 1.
14 1.
15 1.
60 1.
70 1.
115 1.
72 1.
10 s.
10 s.
214 1. Os. lOd.
52 1. 5 s.
600 1.
1.387 1. 5 s. lOd.
1. Délibération du 6 nirôse.
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43
VIII
Loi du maximum. — Mouvement de la machine révolutionnaire
accéléré. — Prise de Toulon. — Surveillance étroite des prisons.
— Violentes exactions. — Fabrication de Salpêtre. — Heures et
prix des journées d'ouvriers.
Nous avons VU que d'énormes quantités d'assignats,
jetés dans le public, avaient éveillé sa défiance. Ils
n'étaient plus acceptés qu'au tiers de leur valeur nomi-
native ; on ne pouvait donc espérer de les remettre au
niveau du prix des denrées et des marchandises dont
le peuple avait usuellement besoin. La loi de mdxU
TTiunij que l'on n'avait d'abord appliquée qu'aux grains,
fat étendue à toutes les marchandises de première
nécessité : viande, pain, légumes, bois, chanvre, laine,
sel, drap, boisson, etc. Les marchands devaient faire
une déclaration de tout ce qu'ils avaient en magasin,
CCS déclarations devaient être vérifiées par des com-
missaires et toute fraude était punie de mort. Malgré
cette terrible législation, il paraît que certains mar-
chands de Saint-Lizier trouvaient moyen d'éluder la
loi, et il est dit par le maire, en séances du 9 et du 23
nivôse, « que plusieurs particuliers vendaient différen-
tes denrées à un prix exorbitant, au mépris du maxi*
murrij et que ces ventes se faisaient clandestinement,
a Cette violation, ajoute-t-il, porte le plus grand pré-
judice à la République dont le salut dépend de l'exacte
observation de cette loi. » Obtempérant à la demande
du maire, le conseil arrête que la Société populaire^
le Comité de surveillance de la commune, ainsi que
tout bon citoyen, seront invités à tenir la mainàl'exé-
cution de la loi du maxiinum; ils devaient dénoncer
tous ceux qui en violeraient les dispositions ; et tout
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14
citoyen dont le zèle le portera à faire connaître « les
intrigants » aura bien mérité de la patrie.
Le 28 nivôse, le conseil municipal, alarmé des
plaintes incessantes du peuple, avec une conviction qui
prête au sourire, croit avoir trouvé un moyen efficace
pour ramener le calme dans les esprits. Il arrête qu'il
fera « dans le plus bref délai, une proclamation pour
ordonner de plus fort l'exécution de la loi du maxi-
mum, et pour inviter tout bon citoyen à veiller à ce
qu'elle ne soit point violée. » Il donnera même une
récompense à quiconque dénoncera et prouvera les
délits faits contre cette loi.
Mais ce n'est pas de sonores paroles que vit le peu-
ple ; une bouchée de pain fait mieux son affaire, et les
belles proclamations des orateurs de la maison de ville
ne remplissaient pas le pot de la pauvre lîiénagère.
La misère devint grande à ce point que « les trois
quarts de la commune n'avaient point mangé de pain
depuis quatre jours. » Le bel auditoire pour entendre
des proclamations ! On accuse les riches de cacher leurs
grains, et les marchands d'en avoir accaparé d'énormes
quantités, dans le but de spéculer honteusement sur
la disette et de soulever le peuple contre le gouverne-
ment.
La municipalité décide alors qu'usant des pouvoirs
extraordinaires que la loi lui confère, elle nommera
des commissaires pour faire des visites domiciliaires
afin de prendre note de tous les grains qui peuvent
être dans la commune et les faire distribuer aux bou-
langers, pour que sans retard on donne du pain au
peuple. Mais il résulte de ces visites que les provisions
de blé sont minimes et insuffisantes pour l'alimenta-
tion publique, et que la commune est incessamment
menacée de la famine ; d'autre part, on sait que le
district est absolument dépourvu de toute subsistance.
Dans cette extrême nécessité, on rédige une adresse au
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15
représentant Paganel, à Toulouse, pour lui exposer
les malheurs dont la population de Saint-Lizier sera
infailliblement la victime si la municipalité ti'est auto-
risée à requérir, dans tout le département de TAriège,
et à défaut dans celui de la Haute-Garonne, les grains
nécessaires à la consommation.
Quand Thomme souffre, il perd bientôt toute notion
de justice et d'obéissance à Tautorité. Le peuple de
Saint-Lizier a faim ; il accuse les marchands, les meu-
niers, les bouchers, et la municipalité intimidée par les
murmures de la populace se résigne à de méticuleu-
ses recherches: chez les uns, àTexamen des meules,
des mesures et des caisses dont les meuniers se ser-
vent, au dire des clients soupçonneux, pour réduire
à moitié la farine qui leur est due; chez les autres,
tels que bouchers et épiciers, les balances sont un
objet d'inquisition ; leur forme sphérique « comme de
petits chaudrons» se prête à la fraude; « on ne peut
pas voir ce qui peut y être dedans » ; on veut qu'ils
soient tenus de se pourvoir immédiatement de balan-
ces plates; et humble exécuteur des exigences popu-
laires, le maire impose aux bouchers d'être journelle-
ment pourvus de viande, de la vendre au taux fixé par
la loi du maximuniy et de se procurer sur le champ
des balances plates.
La machine révolutionnaire se compliquait tous les
jours de quelque nouveau rouage. L'inexpérience ou
la mauvaise volonté des administrations départemen-
tales et communales en retardait souvent le mouve-
ment, et le Comité de Salut jjubliCy sentant qu'elle
allait bientôt se détraquer au milieu des embarras
qu'on lui créait, lui imprima, le 14 frimaire, une
subite et violente impulsion. Elle signifia à toutes
les municipalités que « les autorités constituées
devaient marcher révolutionnairement et être aussi
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46
impassibles que la loi r>. La municipalité de Saint-
Lizier se mit au pas*.
D'après les nouveaux décrets, les procureurs des
communes étaient supprimés et remplacés par les
agents nationaux \ notre municipalité, voulant que le
titulaire de la nouvelle fonction passât par le creuset
d'une épuration, convoqua la commune, qui donna sa
confiance à Berges fils, que son constant dévoûment
aux institutions nouvelles désignait à son choix.
Quelques jours après, se constituant en tribunal de
police, elle condamna à vingt-quatre heures de prison
les citoyens Bondié fils et Alexis Soum, qui avaient
refusé d'aller exploiter deux cannes de bois dans le
bosquet de Saint-Blanquat. Répression qui peut nous
paraître aujourd'hui un peu exagérée, mais n'ou-
blions pas, comme le disent les considérants du juge-
ment municipal, que a dans un gouvernement révolu-
tionnaire, les autorités doivent user de toute la sévé-
rité des lois, car une désobéissance aux ordres donnés
par une municipalité provoquerait l'anarchie et le
désordre ». Que nous sommes déjà loin de cet état
social où l'école de Rousseau pensait remplacer l'atti-
rail des vieilles lois monarchiques par les maximes
humanitaires de la philosophie !
La législation de nos anciens parlements a disparu,
mais les prisons sont depuis longtemps trop étroites
et la guillotine est en permanence sur les places de
nos grandes villes.
Au milieu de ces sombres préoccupations, la nou-
velle subite de la prise de Toulon sur les Anglais vint
jeter un rayon de joie dans nos murs. La Société popu-
laire prit, à cette occasion, l'initiative d'une fête civi-
que qui devait être célébrée au 2™® décadi de nivôse ;
1. Séance do 15 nivôse.
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17
elle en régla elle-même le mode, et invita les autori-
tés constituées et les corps militaires à se rendre à la
salle de ses séances. La population donna un instant
libre expansion à sa joie, mais revint le lendemain à
ses sombres pensées.
Dans un précédent arrêté, le chef de la municipalité
avait enjoint à ses collègues de veiller sur les prisons ;
mais, il paraît que la garde n'a pas été assidûment
faite, car il apprend un jour que Frédéric et Adélaïde
de Méritens, ainsi que Catherine Siadoux, détenus,
ont repris leur liberté sans avoir obtenu leur élargisse-
ment de l'autorité compétente. Il leur intime Tordre
de rentrer, sur l'heure, dans la maison de réclusioTair
sous peine d'y être réduits par la force armée, et pres-
crit aux commissaires des prisons de mettre à la porte
de la maison d'arrêt deux sentinelles -avec consigne
expresse de ne pas laisser communiquer les prison-
niers avec l'extérieur.
Quelques jours après, le maire, faisant une tournée
dans la maison d'arrêt, remarque l'absence d'un nou-
veau détenu, le sieur Anouilh, qui y avait été consi-
gné pour désertion. Le geôlier raconte qu'un matin
vers les six heures, tandis qu'il était occupé, sur les
portes de la ville, à distribuer des paquets pour les
communes du canton, le nommé Baich, cordonnier, de
Taurignan- Vieux, demanda à parler au détenu ; il
profita traîtreusement des préoccupations du gardien
pour favoriser l'évasion du déserteur; mais la munici-
palité, n'acceptant point ces explications, se constitue
immédiatement en tribunal de police municipale,
lance un mandat d'arrêt contre Baich et destitue de
ses fonctions le geôlier Fort. On sentit dès lors le
besoin de mieux organiser la surveillance des prisons.
L'agent national qui était chargé de ce service, allé-
guant que ses nombreuses occupations ne lui permet-
Rktob di Conmcilj i«' tri«Mtr« 1895. Tomc X. — 3.
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48
taient pas de le remplir avec toute Texactitude r>éces-
saire, donna sa démission, et cette commission fut
confiée au citoyen Dominique Dargein, qui fut chargé
d'adresser, tous les jours, à la municipalité un rapport
sur l'état des prisons. Les officiers municipaux durent
aller, chacun à leur tour, faire, chaque matin, la visite
des prisonniers, et le Comité de surveillance dut veil-
ler à (;e que Tordre fût maintenu dans la maison d'ar-
rêt, avec mission de dénoncer quiconque chercherait à
le troubler.
Nous avons vu que TEtat aux abois avait fait des
réquisitions de tous genres, pressant les populations de
lui livrer les choses les plus indispensables au com-
merce, à Tagriculture, à la subsistance quotidienne.
Ses exigences redoublent avec ses nécessités; il lui
faut maintenant, outre des chevaux harnachés, des
charrettes propres au transport des fourrages, des toi-
les, treillis et fils pour sacs, des souliers à double
semelle, du plomb, du laiton, des hommes pour por-
ter les armes, des ouvriers charpentiers, menuisiers,
faucheurs, charretiers, du blé pour nourrir ces ouvriers
et ces soldats, des chevaux, des mulets pour le trans-
port de leurs équipements et outils, et encore de Tavoine
et du foin pour nourrir ces chevaux et ces mulets. On
n'a rien, on a besoin de tout ; on entre violemment
dans les domiciles, on rançonne tout ce que Ton y
trouve, et si le propriétaire se récrie et demande
qu'on lui laisse quelques onces de froment pour ses
enfants, quelques poignées de foin pour ses betes,
on lui répond brutalement, que sa maison, ses
champs et tous ses revenus ai)partiennent à l'Etat, et
que lui-même, s'il ne veut pas être traité d'incivique
et de suspect, doit partir incontinent à la frontière
pour défendre la patrie. Jamais Saturne n'avait dévoré
plus avidement ses enfants j et quand les ogres de la
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19
Révolution ont passé dans les maisons, les greniers,
les écuries et les champs, il ne reste plus que Ja mi-
sère noire ^ La municipalité déclare qu'elle est absolu-
ment sans ressource; elle fait appel au patriotique
désintéressement des administrés, les engageant à
donner selon leur faculté. La Société populaire^ elle-
même, est invitée à provoquer de la part de ses mem-
bres des offrandes ; mais il paraît qu'on s'adressa à
des bourses vides, et ni numéraire ni assignats ne
vinrent réconforter les finances communales. En
pareille situation, l'État avait vendu les biens natio-
naux ; la municipalité décida qu'elle vendrait les biens
communaux. Une commission fut instituée, qui fut
chargée de les diviser en nombreux lots qui, de pré-
férence, devraient être vendus aux vrais sans-culottes.
Il restait encore, dans les églises dépouillées de vases
et d'ornements sacrés, des confessionnaux dont quel-
ques sculptures étaient légèrement dorées, et l'avide
misère crut avoir là un trésor ; leur vente fut fixée au
24 thermidor 2. Nous ne savons si l'illusion qu'on s'était
faite sur la valeur de ces meubles ne fut point recon-
nue ou s'ils ne trouvèrent pas acquéreurs, mais nous
croyons qu'ils ornent encore les chapelles latérales de
la vieille église de Saint-Lizier.
Encore une des grandes sollicitudes de la municipa-
lité, la fabrication du salpêtre. La salle du « moulin à
papier » appartenant au citoyen Court, fut réquisition-
née pour y construire un atelier où devaient venir
travailler toutes les personnes, de quelque âge ou de
quelque sexe qu'elles fussent, non occupées aux tra-
vaux des champs. Elles devaient faire les approvision-
nements de bois et d'eau, l'extraction, le transport et
le lessivage des terres. Les citoyens Dalmont et Fort
1, Voir délibérations des mois de germlDal, floréal, prairial.
3. Séance de 12 thermidor.
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furent délégués pour faire, dans les caves et ailleurs,
la recherche des terres propres au salpêtre.
On mit à contribution tous les tonneaux, barriques
et comportes que Ton put trouver ; les trois seules
chaudières en cuivre que Ton découvrit dans le canton
furent envoyées à la forge de Castelnau-Durban pour
être fondues en une seule et grande chaudière ; mais
rappel que Ton avait fait pour la fabrication du salpê-
tre n'eut pas plus de succès que celui de la souscrip-
tion patriotique. L'invitation même qui fut adressée au
peuple de brûler les fougères et broussailles et d'en
porter les cendres à la maison commune demeura
sans effet, quoique on eût promis de payer ces cen-
dres au maximum. La municipalité devait faire res-
pecter ses invites et ses arrêtés ; aussi ordonna-t-elle,
sous les peines portées par les lois, que les femmes
et les enfants seraient nominativement sommés d'obéir
à ses ordres. Ces menaces n'ayant amené aucun résul-
tat, la municipalité rendit responsables de la désobéis-
sance des enfants leurs parents et décida que, a sans
délai, on arrêterait, les père, mère, frères ou sœurs de
ceux qui, étant commandés, n'obéiraient pas, comme
ennemis de la cause publique t>. Les citoyens Dutap
fils et Roquemaurel cadet furent chargés de l'exécu-
tion des ordres et prescriptions municipales.
Les diverses réquisitions dont nous avons parlé
avaient successivement enlevé au pays les ouvriers
valides et actifs; les travaux étaient les mêmes et les bras
avaient considérablement diminué, surtout depuis le
départ des faucheurs pour Puycerda. La m^me somme
de labeur devrait donc être produite par moins d'ou-
vriers et ceux-ci réclamèrent, avec justice, une aug-
mentation de salaire. Sur l'invitation du Comité du
Salut public *, le conseil municipal fixa, le 27 prairial,
i. Prairial.
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SI
les heures de travail, le prix des journées des ouvriers,
transport de récoltes, location des animaux, voitures
et instruments servant aux travaux de la campagne.
Ce règlement qu'il sera intéressant de connaître fut
ainsi établi :
Heures de travaU. — Depuis le !•' germinal jusqu'au !•' ven-
démiaire (du 21 mars au 22 septembre), depuis le lever jusqu'au
coucher du soleil, avec heures de repos accoutumées.
Depuis le !«■' vendémiaire jusqu'au !«<' germinal, de 7 heures du
matin jusqu'au déclin du jour; pas d'autre heure de repos que
celle du dîner.
Prix des Joarnées. — Depuis le !•' germinal jusqu'au !•' ven-
démiaire :
Aux journaliers 20 sols.
Si on donne le dîner 10 sols.
Aux journalières 12 sols.
Avctc le dîner 6 sols.
Depuis le !•' vendémiaire jusqu'au !•' germinal :
Aux journaliers 16 sols.
Avec le dîner 8 sols.
Aux journalières 10 sols.
Avec le dîner 5 sols.
Les journaliers et journalières, qui ne voudront travailler qu'aux
heures accoutumées jusqu'à présent, gagneront :
Les hommes 15 sols.
Avec le dîner 7 sols.
Les femmes 9 sols.
Avec le dîner 5 sols.
Les bouviers, en toute saison, outre la dépense usitée. 35 sols.
Les charretiers — par charretée :
Pour la Lane d'Antichan, au maximum ... 18 sols.
Pour les autres quartiers de la ville, au maxi-
mum 15 sols.
Aux voituriers — par voyage de cheval et mulet :
A la Lane d'Antichan 5 sols.
Pour les autres quartiers du territoire ... 4 sols.
Par journée et par chaque bête de somme, outre la
dépense du voiturier 25 sols.
C'était une amélioration considérable dans la situa-
tion de l'ouvrier. On l'augmentait de la moitié de son
ancien salaire qui n'était que de 10 sols en 1790, s'il
voulait garder les anciennes heures de repos ; et du
double^ s'il voulait se soumettre au nouveau règlement.
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Si
IX
Ineptes persécutions politiques et religieuses. — Inanité des bre-
vets civiques. — Le culte de la Raison dans Tantique cathédrale.
— Résistance du bon sens populaire. — Les décadis. — Impossi-
bilité de faire accepter la nouvelle religion.
Les nombreuses difficultés matérielles n'absor-
baient pas tellement les facultés de nos gouvernants,
à Saint-Lizier comme à Paris, qu'ils ne pussent encore
consacrer une partie de leur malveillante attention
aux âmes les plus inoffensives. Ni le malheur, ni le
caractère, ni Tàge ne leur imposent le moindre senti-
ment de respect. De par la loi du 14 août 1792, les
Religieuses qui avaient leur domicile dans la com-
mune sont appelées à prêter le serment civique. Par
devant le maire et les officiers municipaux^ ces timi-
des et saintes femmes, qui ne connaissaient que la
prière et les offices de la charité, les sœurs Marie
Bélesta, Marie Peyrat, Thérèse Delort, Elisabeth Bor-
des, Marie Rivière, Suzanne Servat, Marie Galotin,
Elisabeth Marfaing, tour à tour « levant la main, à
Dieu promettent et jurent d'être fidèles à la nation, de
maintenir la liberté, l'égalité, l'unité et l'indivisibi-
lité delà République, et de mourir en les défendant, -n
Odieux et ridicules jeux de tyrannie qui font sou-
rire de pitié. Ce n'était pas assez que de chasser ces
anges du dévouement de leurs retraites, de leur inter-
dire cette vie de sacrifice (ît de piété qu'elles avaient
choisie; comme à de vieux démocrates on leur fait
solennellement jurer de mourir pour la défense d'un
état de choses qui a violenté leur conscience et brisé
le charme surnaturel de leur existence. Le bourreau
veut se faire abhorrer par ses victimes*
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S3
Il ne suffisait pas, pour se sauver de la prison, de
faire un serment, il fallait encore appartenir à un club
de sans-culottes, à une société populaire régénérée, et
en obtenir un certificat de civisme.
Or, M. de Saint- Blancat demande et obtient ce
diplôme sauveur, qui constate « que, tant qu'il a résidé
dans la commune*, il n'a cessé de donner des preuves
certaines de son attachement à la Révolution ; que son
amour pour la cause publique lui mérita la confiance
de- ses concitoyens qui le nommèrent d'abord maire,
puis juge de paix, et enfin député auprès de l'Assem-
blée nationale pour y défendre leurs intérêts ; avant la
Révolution, il n'avait d'ailleurs jamais abusé de sa
qualité de ci-devant seigneur, ayant au contraire rem-
pli les fonctions de médiateur dans toutes les contes-
tations qui s'élevaient parmi ses concitoyens, les enga-
geant, par des bienfaits personnels, à l'union et à la
paix ».
M. de Roquemaurel fait constater aussi, par la
Société populaire dont il fait partie, que sa conduite
a toujours été républicaine.
Delort, que nous avons vu remplissant avec impar-
tialité des fonctions judiciaires, se fait aussi délivrer,
par la Société populaire dont il était un des membres
les plus actifs, un témoignage de conduite républi-
caine, « dès avant même que la République française
fût décrétée )>.
Le chanoine Bélissens lui-même^ qui n'avait jamais
refusé aucun gage de dévouement au régime révolu-
tionnaire, avait obtenu toutes les garanties de protec-
tion de la part de la Société populaire où il s'était
enrôlé dès le début: et nous voyons M. de Saint-
Blancat enfermé dans les prisons de Toulouse; l'abbé
de Roquemaurel mis en état d'arrestation pour être
1* li qailU Saint-Lizier en septembre 1791
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S4
aussi envoyé dans une maison de réclusion à Tou-
louse i; Delort, détenu à la maison d'arrêt de Saint-
Lizier; de Bélissens, par ordre de Chaudron-Rousseau,
dirigé aussi sur les prisons de Toulouse.
Ce dernier fait appel aux sentiments de confraternité
de ses collègues de la Société populaire^ et leur
demande, le 14 germinal, a un témoignage de civisme
et d'innocence ». Il a été dénoncé, dit-il, comme prêtre
fanatique cherchant à soulever le peuple au sujet de
l'abolition du costume ecclésiastique, et employant,
en outre, toutes les ruses sacerdotales pour empêcher
les progrès de la raison; Bélissens espère que la
Société lui rendra justice en détruisant les inculpa-
tions mensongères dont il est victime ; mais, c'est ici
qu'apparaît la lâcheté de ces clubs, fondés par des
sectaires et grossis de gens apeurés. La Société
n'ose pas disputer une victime au terrible représen-
tant du peuple et renvoie l'affaire au Comité de sur-
veillance de la commune, avec une timide invitation
ce d'employer, le plus promptement possible, tous les
moyens qui sont en son pouvoir pour faire triompher^
s'il y a lieu, l'innocence du citoyen Bélissens.
Mais trois jours après ^ se repentant de ce senti-
ment de clémence, elle signifie au Comité de surveil-
lance de ne plus s'intéresser à ce prisonnier; elle vient
d'apprendre qu'au moment de son départ pour Tou-
louse, il a trompé la vigilance et la bonne foi de ses
conducteurs et s'est évadé ; son devoir, au contraire,
serait de le faire incarcérer le plus tôt possible, et,
abdiquant à son endroit toute apparence de sympathie
1. L'abbë de Roquemaorel. qoi se relevait d*aoe grave maladie, fat aotorité, sor le w
d'oD certificat délivré par rofllcier de santé Trinqaé, k demeurer, provisoirement et jns-
qa'ao rélablissemeot de sa santé, en arrestation dans sa propre maison ; mais, par mesore
de sûreté, un garde nourri et payé à ses frais fut placé à sa porte. Nous ignorons s*il fut
plus tard dirigé sur Toulouse ; en tons cas, six mois après» sur la (in de fractîdor. il
obtint de la municipalité la mission de surveiller rexécolion de Tarrété pris contre les
citoyens qui se refusaient à la fabrication du salpêtre.
2. Séance du 19 germintl m II.
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«6
OU de complicité, elle le raya de la liste de ses mem-
bres comme émigré.
C'était bien la peine de se parer de tous les titres
civiques, de consentir à toutes les abjurations, ser-
ments et apostasies, pour être confondu avec les réfrac-
taires et les ennemis de Tordre public.
A côté de la persécution politique, la persécution
religieuse, celle-ci plus inepte que l'autre : elle s'atta-
que à une liberté plus précieuse que celle qu'on res-
treint par les chaînes et les verrous. Mais c'était la
mission de la Révolution d'attaquer les personnes et
les choses sous tous les aspects. Tout était vieux, ver-
moulu, indigne de la raison affranchie ; il fallait tout
refaire, jusqu'au nom des lieux empreints de souvenirs
monarchiques ou religieux. A l'exemple de Saint-
Denis, de Bourg-la-Reine, le nom de Saint-Lizier
a fruit du fanatisme et de l'erreur ï>^ devait être changé,
et la municipalité envoya à la Convention une pétition
pour se faire autoriser à donner à sa ville le nom
d'Austrie-la-Montagne; il y avait déjà longtemps que
cette pétition sommeillait dans les cartons de la Con-
vention, qui avait d'autres soucis que ceux de donner
satisfaction à de si burlesques fantaisies. Chaudron-
Rousseau, se trouvant en séance à Saint-Girons, fut
prié par notre municipalité impatiente, à titre de
membre du Comité de division à qui appartenait l'exa-
men de cette pétition, de vouloir bien la faire sortir le
plus tôt possible.
Ce n'était pas seulement le nom d'un saint évêque
qui offusquait la raison de nos grands et petits réfor-
mateurs, mais la religion elle-même dont il était le
héros; et une date tristement mémorable dans les
annales religieuses de la cité fut celle du 9 germinal
an II, où le maire Vignau osa dire, en pleine assem-
blée du conseil général de la commune : a II est temps
que 1© peuple ouvre les yeux et ne reconnaisse d'autre
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S6
temple que celui de la Raison, d'autre culte que celui
de la Liberté et d'autre amour que celui de la Patrie !»
Il demanda, en outre, que l'église fût fermée et qu'un
temple fût consacré à la Raison. Et la municipalité,
« reconnaissant la vérité de ces principes, arrêta:
qu'il serait consacré un temple à la Raison, et que,
le peuple serait invité, à l'assemblée qui devait avoir
lieu le lendemain, décadi, à ne reconnaître d'autre
culte que celui de la Raison, et à fermer l'église
comme n'étant qu'un temple de fanatisme et d'erreur ».
L'homme qui incarnait le mieux le programme des
Jacobins était cet ancien garde national qui, par scru-
pule de conscience, avait refusé, jadis, d'assister avec
son peloton à une cérémonie religieuse présidée par
un prêtre assermenté, le maire Vignaux: oublieux de
son passé, il allait l'appliquer dans son esprit et sa
lettre autant que les événements le lui permettraient.
Le culte de la Raison avait été solennellement inauguré
à Notre-Dame de Paris ; on devait donc l'introduire
dans la cathédrale de Saint-Lizier. Le principe étant
admis par la municipalité, il s'agissait de le faire accep-
ter par le peuple.
Mais avant d'adopter un culte nouveau il faut sup-
primer Fancien^ et il y a bien des raisons pour cela : il
obscurcit l'entendement humain, il est un instrument
de tyrannie, une source de préjugés etde superstitions,
une cause de division et de trouble ; le dimanche, h
célébration des offices attire à la ville une foule consi-
dérable des hameaux et des paroisses du voisinage;
ces attroupements sont un danger imminent pour l'or-
public, il faut les prévenir; rien donc de plus sage
que de « suspendre, par prévision, les cérémonies du
culte » : et on arrête, dans l'assemblée municipale,
le 7 floréal, a qu'il sera fait invitation au peuple des
communes voisines, au nom de la loi et du salut
- public^de rester chez lut les jours de fête,.à cause des
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87
dangers qui peuvent résulter de leur rassemble-
ment »•
Sur la pente de la persécution on ne s'arrête pas à
demi chemin. Le 19 floréal, il est dit à l'assemblée dii
corps municipal, par un membre que le procès-verbal
a la pudeur de ne point nommer, a qu'il est urgent et
indispensable de suspendre, comme mesure de sûreté
générale, tout exercice du culte, et il se fonde sur les
divisions qui naissent à raison d'icelui dans les com-
munes voisines, les intrigants s'en servant comme d'un
moyen assuré pour faire soulever le peuple dans les
communes qui ont fermé leurs églises et pour y enfanter
les horreurs d'une guerre civile; et comme on doit
s'empresser de prévenir toutes ces suites funestes qui
ne tendent qu'au renversement de la cause publique,
il demande que l'assemblée exprime son vœu à cet
égard et que demain, décadi, le peuple, réuni dans le
temple de la Raison, soit invité, d'après ces considéra-
tions, à suspendre l'exercice de son culte ».
Naturellement, l'assemblée se range de l'avis du
préopinant et reconnaît « que l'exercice du vieux culte
est, dans cette circonstance, nuisible à la cause publi-
que et que le salut de la patrie exige qu'il soit sus-
pendu jusqu'à nouvel ordre; qu'en conséquence, les
clefs de la porte de l'église seront déposées devers le
greffe de la municipalité ; que le présent arrêté sera lu
demain dans le temple de la Raison et que le peuple
sera invité à le sanctionner par son approbation, l'exé-
cution d'icelui étant subordonnée à sa volonté ; qu'à
cet effet il ne sera rien négligé pour lui faire voir
l'avantage qui en résulte pour la cause publique » .
Il est à présumer, en effet, que toutes les ressources
de l'éloquence furent employées pour convaincre le
peuple de la pernicieuse influence de la religion qu'il
professait, car le discours prononcé par l'orateur fut
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ts
ju^é digne de Timpression par la Société populaire
dont il avait été le président.
Mais, il paraît qu'aucun moyen oratoire ne put
ébranler les vieilles croyances de la foule, puisque
le maire, dans la réunion du conseil municipal tenue
le lendemain, avoue « qu'on ne peut se dissimuler que
si l'arrêté du 19 n'a pas été sanctionné par le peuple,
ce n'a été qu'à raison d'une multitude de femmes qui,
sans s'entendre elles-mêmes, ont dit qu'il fallait les
églises ouvertes. » Mais la municipalité serait coupa-
ble si, « au dépens dé sa vie, elle ne montrait pas la
fermeté digne d'un corps constitué ; en conséquence
et sans autre forme^ il demande que l'arrêté soit exé-
cuté dans tout son contenu et que le Comité de surveil-
lance se joigne à la municipalité pour une mesure
aussi importante ».
On avait pourtant stipulé dans la séance de l'avant-
veîlle que l'arrêté ne serait exécutoire qu'après avoir
reçu la sanction populaire. Mais pourquoi donc le peu-
ple n'est-il pas de l'avis de ses maîtres? on lui fera
voir qu'il est bien quantité négligeable.
Et sur le champ, le maire, emporté d'un beau zèle
pour ce la cause publique », va demander son concours
au Comité de surveillance y qui se hâte de le lui assurer.
Il rapporte la bonne nouvelle à ses collègues, qui,
après un instant de repos, rentrent en séance pour
confirmer l'arrêté du 19, parce qu'il est, disent-ils,
« du devoir de tout bon citoyen d'étouffer les germes
de la guerre civile, et aussi du devoir d'un corps con-
stitué de ne rien négliger pour maintenir la tranquil-
lité publique, tandis que la moindre négligence serait
un crime envers la loi ». Envers la conscience^ la
liberté et les traditions les plus sacrées il n'y a plus de
crime... Nous devons faire connaître les noms de
ceux qui n'ont pas craint de le commettre en prêtant
leur concours au promoteur de cette iniquité ; ce sont:
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29
Court, officier municipal, Auriac, officier municipal,
Dupré, officier municipal^ Berges fils, agent national,
Berges Pierre, greffier.
Le nouveau culte était installé dans cette antique
cathédrale bâtie de débris de temples romains. Ces
vieilles pierres, après quinze siècles de mystères chré-
tiens, revoyaient les froides cérémonies de la liturgie
païenne. Triste compensation, pour un peuple habitué
aux pompes des solennités catholiques, de n'entendre
plus que Texplication technique des lois et le chant de
quelque hymne patriotique, sous ces grandes voûtes
où son âme et ses sens se reposaient si doucement
dans les parfums de l'encens, les élans de la prière,
les joies du repentir et les tressaillements de la parole
sacerdotale, en présence d'un autel où l'on savait la
divinité.
Aussi les initiateurs de la nouvelle foi, redoutant
l'absence des néophytes^ décrétèrent-ils immédiate-
ment que a tout citoyen serait tenu de célébrer les dé-
cadis et se rendre au temple de la Raison pour assis-
ter aux instructions publiques, à peine d'être regardés
comme ennemis de la liberté et traités comme tels ».
Cette décision est suivie d'un autre arrêté qui dé-
fend aux citoyens de fréquenter les auberges, le jour
de décadi, aux heures consacrées à l'instruction publi-
que ; tout contrevenant sera regardé comme ennemi
de la prospérité de l'État. Les aubergistes qui auront
donné du vin, à ces heures, paieront une amende de
vingt-cinq livres la première fois, et, en cas de réci-
dive, seront regardés comme suspects et traités
comme tels.
Le culte désolant de la Raison qui n'avait pu avoir
les sympathies du peuple n'eut pas non plus une
longue durée ; nous le voyons, après deux mois, rem-
placé par celui de l'Etre suprême, qui fut solennelle-
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30
ment installé le 20 prairial. Tellement avait été lourd
et humiliant ce joug de la Raison, que le nouveau
culte fut regardé comme un progrès. La première
fête fut célébrée avec quelque solennité ; la Société
populaire se rassembla en corps, à une heure de
Taprçs-midi, et se transporta à la maison commune,
d'où elle se rendit avec la municipalité au temple de
l'Etre suprême.
Mais on ne change pas la foi et les coutumes reli-
gieuses d'un pays du jour au lendemain, comme on
modifie une constitution. Le peuple avait l'habitude
du repos dominical ; c'était un usage séculaire qu'a-
vaient respecté, toutes les générations et qui faisait
partie de la vie domestique ; les tyranneaux de Saint-
Lizier voulurent détruire ce dernier souvenir des
mœurs surannées. Ils observèrent que la population
ne se résoudrait pas aisément à chômer les décadis, si
on ne prenait pas des mesures pour imposer le travail
aux jours désignés autrefois sous le nom de dimanche.
Ils arrêtèrent donc que le jour de décadi serait rigou-
reusement célébré et que, sous peine d'être regardé
comme suspect, il était fait défense de travailler en
ce jour; en outre, seraient aussi traités comme sus-
pects, ceux qui ne travailleraient pas les ci-devant jours
de dimanche. Le Cofnité de surveillance est invité à
tenir attentivement la main à l'exécution de cet arrêté
et tous les bons citoyens, à dénoncer les contreve-
nants. '
L'arrêté municipal fut porté à la connaissance des
intéressés par la voie de l'affichage et la proclamation
du crieur public; toutefois, la municipalité s'aperçut
bientôt qu'il était tenu pour non-avenu et qu'il en
était devant le dédain populaire pour ses frais de pu-
blicité. Mais il fallait que force restât à l'autorité; et
* I. Arr4U du 16 messidor.
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3<
alors, il fut décidé que, tous les ci-devant dimanches^
deux membres de la municipalité se promèneraient,
ceints de leur écharpe, dans tout le territoire de la
commune pour arrêter ceux qui ne travailleraient pas ;
pareille tournée serait faite, les jours de décadi, pour
mettre sous les verrous ceux qui ne chômeraient pas
les fêtes patriotiques. '
On ne travaillera pas, puisqu'ainsi le veut le des-
potisme municipal, mais l'enceinte du temple conti-
nua à rester vide. Alors nouvelle pression des officiers
communaux qui, « affectés de l'indifférence des habi-
tants à se rendre aux séances des décadis, déclarent
mauvais citoyens tous ceux qui, à l'avenir, n'assiste-
ront pas, dans le temple de l'Être suprême, à l'expli-
cation des lois et autres instructions publiques v. La
Société populaire, moins farouche en cette occasion
que les municipaux, estime que l'attrait du plaisir est
plus puissant que le sentiment de la crainte pour
amener des adorateurs à l'Être suprême; elle invite 2
la municipalité « à réquisitionner six musiciens pour
faire danser à la sortie dudit temple ». Ceci est tout à
fait dans le rite dont Robespierre voulait embellir sa
religion, puisqu'il avait déclaré « que le vrai temple de
la divinité était l'univers; et ses fêtes, la joie d'un
grand peuple réuni sous ses yeux pour resserrer les
doux nœuds de la fraternité ».
Quelle déchéance ! A la place de ces nobles et aus-
tères figures sacerdotales qui s'appelaient S. Valier,
S. Lizier, Auger de Monfaucon, d'Aubusson, de Gra-
mont, Dom Ruade, de Marca, de Verthamont, de
Vercel,... six vulgaires ménétriers ! >
M.- Délibération do 1*' thermidor.
2. Séaoce du 26 messidor.
'.\. L'abbé Sicard a publié, sur les folies religieuses de la Révolution, une intéressante
Aude pleine d'érudition. Il a condensé en quelques pageé toutes tes rêveries païennes
-et tous ic8 essais de religion tentés par les iconoclastes de la Convention ei du Direc-
toire. Voir le Correspondant, 1894, 10 et 25 octobre. . ^v .; .:
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UN DEMI-SIECLE D'ASCENSIONS
AU NÉTHOU'
(suite)
1870
î*^ juillet. — Hubert Vaffier (Louhans), du Club alpin suisse. —
Guides : P. Barrau, J. Haurillon.
Arrivés au sommet du Nétbou à 10 heures 20 du matin, en
7 heures de la Bencluse. — Glacier très mauvais, neige fraîchCi
molle, temps couvert, variable.
tiigné : H. Yaffier (section de Genève).
6 juilleL — Paul Drut (?). — Parti de Luchon à il heures 30 du
soir, arrivé au sommet à 10 heures 45 en compagnie des guides
Barrau et J. Sanson.
8 juillet, — Luis Fernandez y Pasalagua, ingénieur (Mexico),
accompagné de Luis Rossard, valet de chambre. — Guides :
J. Haurillon, P. Barrau, P. Cantaloup. — Partis de la Rencluse à
2 heures 50 du matin, arrivés au pic Néthou à 7 heures 55, —
Temps frais, ciel couvert. Toutes les montagnes visibles. Glacier
mauvais. Température + 10*».
16 juillet. — Comte de Marcé, L. Comtesse de Marcé (Blois), Geor-
ges et Rogatien Levesque (Nantes). — Guides : Haurillon Charles
(de Saint-Mamet), Johanneton, Gay.
Partis de la Rencluse au nombre de dix-sept personnes. Après
plusieurs péripéties, quelques chutes semées en route, nous som-
mes arrivés ici quatre personnes, après avoir frémi d'horreur à
Taspect des crevasses, lutté avec énergie contre le vent et la glace,
sans parler des tourbillons.
20 juillet. — Marcel Deffès (Bordeaux). — Guides : J. Haurillon,
Barthélémy Courrège.
Nous sommes partis de la Rencluse à 3 heures et arrivé» au pic
i. Voir tom« IX, p. 882 — 840.
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33
de Néthoii à 9 heures. Il fait beaucoup de vent, aussi me tarde-t-il
d'avoir descendu les glaciers, qui, entre parenthèses, sont très
mauvais ; mes guides me disent que dans huit jours on ne pourra
plus y passer ; on sera obligé d*aller à la Maladetta. J'ai une faim
atroce^ et je ne puis la satisfaire, car je ne pourrais faire couler ce
que j'avalerais, vu le manque d'eau, au risque de m'étouiîer.
23 juillet. — M«« Monté, Arthur Hopkuison (London) et F.-H.
Javall Guildford. — Guides : Michot, J.-M. Estrujo, J. Estrujo,
J.-M. Ribis et Dominico Viguerie,
Ici six lignes illisibles
The snow had not fallen for so long that the crevasses were very
bad anâ had to makemany circuits so thatour ascenttook a long
time. We were very pleased with our guides.
1871
15 juillet, — M. Edouard Piette, juge de paix à Craonne (Aisne) ;
guide: Pierre Barrau ; — M. René Oberthur (Rennes), entomolo-
giste, et Michel Nou, naturaliste et guide de !''« classe à Yernet-les-
Bains (Pyrénées-Orientales); guide: Barthélémy Gourrège ; —
M. Th. Danjeu (Rennes) ; guide : Haurillon.
Partis de la Rencluse à 3 h. 30', arrivés à 9 h. moins 5' au sommet
du pic de Néthou.
28 juillet, — MM. Gaspar de Errazu et René Eschasseriaux. —
Guides: P. Barrau, G. Bajun, J.-M. Estrujo, B. Jouaneton, E. Bar-
rère.
Même date, — MM. Polonceau et vicomte de Saint-Périer, offi-
cier d'artillerie. — Guides : Haurillon et Gharles.
Partis de la Rencluse à 3 h. 45', arrivés à 8 heures. — Beau soleil,
brouillard sur les plaines de France.
8 août. — Madame Marcel Dieulafoy et M. Marcel Dieulafoy,
ingénieur des ponts et chaussées. — Guides : Charles (de Saint-
Mamet), P. Rcdonnet et G. Prince.
9 août, — Comte Henry Russell (4« fois). Monté tout seul ici. —-
Tempa horrible. J'ai très faim. Monté par le haut du glacier. Il
neige, brouillard intense. Oh! ma précieuse boussole ! Que ferais-
je donc sans toi ! quelle solitude !! Personne !
iO août, — Jeanne Besset ; R. de la Guesnené, lieutenant au
5me dragons; Ch. de Saint-Henis. — Guides : P. Barrau, Haurillon,
B. Jouaiteton, J. Lamole.
Partis de la Rencluse le 10 août ; arrêtés par le mauvais temps à
rentrée des glaciers, avons recouché à la Rencluse, et repartis le
lendemain matin à 3 h. 15' par un temps magnifique, nous sommes
arrivés à 9 h. 15' au haut du Néthou. — • Vue splendide sur la
France et l'Espagne. — Thermomètre dérangé. — A cette ascen-
RiTOi DE ConncGif , !•' trim«stre 1895. Tomk X. — 3.
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34
gion assistait le plus jeune fils de P. fiarrau, nommé Pierre et âgé
de 13 ans.
i5 août, — Félix Régnault (Toulouse) et son guide : Michot; —
Adolphe Tauzin (Marmande) ; guide: Bajun ; — Georges Âncely
(Toulouse); guide: B. Cantaloup ; —Arthur Arnal; guide: J. Sors-
Argarot ; — Henri Noualhier (Limoges) ; guide : 6. Lafont Prince.
Partis de la Rencluse à 3 h., nous avons assisté au lever du
soleil en vue du pic de Néthou. Le temps est splendidc, le ciel pur,
pas un nuage, pas de vent, le soleil est chaud. — Thermomètre
+ 37. -- (Baromètre dérangé, rapporté à M. Lézat, qui m'en avait
chargé.) —Arrivés au Néthou à 7 h. 40\ Nous avons déjeûné au
pic. Départ à 9 h. 15. — Rencontré un isard et un aigle.
28 aotit, — Baron de Benoist, capitaine au 2»« chasseurs, officier
d'ordonnance de M. le général de division Lefort. — Guide:
Lafont, d'une habileté sans pareille. — M. Bourdil. — Guide:
V. Courtil.
Partis de la Rencluse à 4 h. moins le quart par un superbe ciel;
traces d'isards et de perdrix. Le glacier est facile à traverser.
Arrives au Néthou à 8 h. moins le quart. — Déjeûné avec un
appétit féroce. Temps splcndide. Le guide Lafont nous donne une
délicieuse leçon de géographie. Toutes les montagnes sont visi-
bles et la plaine est à découvert. Le jarret de M. Bourdil laisse un
peu à désirer. V. Courtil, son guide, fait des prodiges d'adresse
pour l'encourager.
27 août. — Marc Picard. — Guides : Haurillon, Barrau, Canta-
loup.
Nous sommes partis de la Rencluse à 4 h. 15' et sommes arrivés
au pic de Néthou à 9 heures, après avoir chassé quelque temps les
perdrix blanches, dont une a été tuée par un de nos guides nommé
Barrau (qui à ce qui parait ne manque jamais son coup). Nous
avons déjeuné au lac Coroné toujours en admiration du superbe
panorama que la hauteur de ce lac déroule devant nos yeux. — Nos
guides ont été pour nous d'un dévouement entier.
30 août. — Vicount Mandeville and Valentin Hill, of Kimbolton
Castle. — Guides : the two Barrau ; ascended from the Rencluse
in lefs than 5 hours and had a cloudlefs view.
2 septembre. — Camille Labouret, Charles Didiot, Georges Wal-
lerstein. — Guides: G. Lafont Prince, Barthélémy Gourrège, Tour-
nan. — Partis de la Rencluse à 3 h., arrivés au pic à 8 heures. —
Beau temps — Brumeux — Brise N. 0.
16 septembre. — Stéphen Liégard ; arrivé la veille de Luchon à
la Rencluse en 4 heures : reparti, par la faute des jours courte, le
lendemain à 5 heures du matin> arrivé au sommet du Néthou
vers 10 heures : la neige, abondamment tombée les jours précé-
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85
dents, retarde singulièrement la marche: le pic en est couvert
d'une couche épaisse et le Pas de Mahomet horriblement ver-
glassé offre de sérieuses difûcultcs. — Madame Liégard, venue jus-
qu'à une heure et demie du sommet, a été obligée d'interrompre sa
course. — A partir du lac Goroné, un brouillard épais voile toute
vue : la neige tombe par instants.
Le guide P. Redonnet et Charles, le chasseur d'isards et d'ours,
m'ont conduit. Je dois rendre un éclatant hommage à l'habileté et
au courage qu'ils ont déployés dans cette tâche que la saison ne
rendait pas sans périls.
Si j'ai quille le val, les prés rerU, l'or des seigles
Pour affrooier Tborreiir de ce soperbe monl,
C'esl que j*élais bien sûr, au séjour des grands aigles,
De ne irouver ui Ranc, ni Trochn, m Simon.
Slépben LiÉGiABD,
ancien député de la Motelk.
i«r oc^û&re. — Carlos Garo. — Retardés à cause du mauvais
temps et d'un brouillard aflreux, nous sommes partis du Petit Por-
tillon, les guides Barrau, Haurillon et moi, à 9 heures. Nous som-
mes arrivés à tl heures au pic. J'accomplis un devoir en consi-
gnant ici qu'ils se sont admirablement conduits dans leur rude
tâche.
Al Monte Maldito
Dijole Dios : leYanla
Tus ojos hacia mi.
U« cou bondo rugir que al orbe espanU,
Solo esclamo : quiero reinar sin li.
Giganle de la lierra,
Esclaro a que he de ser 1
Sera de boy mas elerna nueslra guerra,
Mi ser sera immorlal como lu ser.
Y boy solo lobreguez y nieTe densa
Reina en esta mansioa,
Y como las moQlanas, es imnenn
A qui la maldicion.
C. Ckwo,
1872
4 Juillet. — Vicomte de Préaule, Robert le Sueur, étudiant en
droit (Gaen). — Guides : Pierre Barrau, J. Sanson. Ils nous ont
conduit avec hardiesse, prudence et rapidité.
Trop de neige à la Rencluse pour y coucher, passé la nuit au
Plan des Etangs. Il gèle. — Partis le 4 à 4 h. 15, arrivés au som-
met du Néthou à 9 h. 30 après n'avoir marché que sur la neige
gelée depuis la Rencluse. — Temps splendide. — Vue magnifique
sur les plaines de France et d'Espagne. — Froid.
21 Juillet. — F. Boubry et Gabrielle Brazier (âgée de 19 ans).
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J
Partis de la Rencluse à 2 h. 30 par un temps calme, nous
sommes montés facilement jusqu'au sommet, que nous avons
atteint à 7 h. 15 par un très beau temps. Aussi avons-nous pu
jouir dans toute sa plénitude du magnifique spectacle que Ton
vient chercher ici. Nous n'avons eu qu'à nous louer des services
de nos guides, qui ont déployé le plus grand zèle pour faire arriver
en si peu de temps une jeune femme et un mauvais marcheur.
Comme témoignage de notre reconnaissance nous consignons ici
leurs noms : Pierre Barrau, P. Redonnet et J. Fouilhouse.
23 juillet, — A. Heard. — Guides : Michot et L. Barrau. — Parti
de la Rencluse : 2 h. 5, arrivé au haut : 8 h. 25.
Même date : Charles Ferry, préfet de la Haute-Garonne. — Gui-
des : P. Barrau et J.-M. Ribis.
30 juillet : — H. du Perrier de Larsan, A. du Perrier deLarsan.
Henri Marchand, Fernand de Rancher, A. Lacotte-Minard, Ca-
mile Briandet. — Guides : J. Haurillon, J. Bajun, Tournan, J.-M,
Estrujo, Charles (de Saint-Mamet), F. Coret.
Vu un grand troupeau d'isards sur les glaciers du Néthou.
Temps nuageux, succès complet quant à la vue. — Belle dame qui
lirez ceci, sachez qu'aujourd'hui sont venus six jeunes gens qui
ne demandent qu'à vous offrir leur cœur. — Sans les guides nous
aurions roulé dix fois dans les crevasses qui se trouvent dans le
glacier^ spécialement dans la grande crevasse ouverte au bas du
pic. — Nous avons trouvé un os de gigot énorme et les cadavres
de plusieurs malheureux oiseaux.
i août. — Charles Rockland Pepper, de Philadelphie (Etats-Unis
d'Amérique). — Guides : P. Barrau, J. Estrujo.
Je suis parvenu au sommet à grand'peine à cause de l'épaisseur
de la neige, et je crois que sans mes guides, que je recommande
spécialement aux touristes, je serais resté en route.
ÎO aoîit. — Emile Barry, lieutenant au 12l« d'infanterie, officier
d'ordonnance du général Barry; comte de Chabans, capitaine
d'artillerie. — Guides : J.-M. Estrujo, J.-M. Ribis.
Partis à 4 h. tO de la Rencluse, nous sommes arrivés au pic du
Néthou à 8 h. 20, par le plus beau temps du monde,
Pour aller à cheval sur la terre
et sur l'onde.
Deux guides intrépides nous ont accompagnés.
13 août, — MM. Pierre et Paul Durouchoux. Transportés par la
magnificence do cette nature sublime, je ne puis qiie répéter les
paroles d'un grand poète : « Qui a étendu ceô nuages ? Qui a élevé
ces fières montagnes ? Qui a commandé à l'aigle d'y placer son
aire ? Gloire à Dieu ! » Pierre Durouchoux.
Partis de la Rencluse à 4 h. du matin, nous sommes arrivés au
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37
sommet du Néthou à 9 h. 15, guidés par Pierre Barrau et Goret. —
Beau temps^ pas un nuage sur les pics, nuages floconneux sur la
plaine de France, temps brumeux dans la plaine d'Espagne. — Le
thermomètre marque + 37» centigrades au soleil. — Brise assez
fraîche. Troupeau d'une quinzaine d'isards sur le glacier des Bâr-
rans. — Nous avons été satisfaits de nos deux guides.
il août, — Jules Ferrand (Rouen), Léon Robert (Angoulème),
Eugène Hardy (Paris). — Guides : Pierre et Firmin Barrau, P. Cla-
rac, dont nous n'avons eu qu'à nous louer. — Partis à 2 h. 20 de la
Rencluse, arrivés à 8 h. au Néthou. — Temps magnifique, sans
vent et sans nuage.
18 août. — L. Delassasseigne, garde général des forêts (Tou-
louse)-; L. Devina (Toulouse); G. Gouy (?), Toulouse. — Guides ;
Michot, P. Barrau, qui y était monté la veille.
Partis de la Rencluse vers 3 heures, nous sommes arrivés au
sommet du Néthou à 7 h. 30 du matin.
24 août. — François de Ghantérac. Guides : G. Passet (Gavarnie),
Marc Crampe (Saint-Sauveur) et Thomas Sierco (Vénasque).
Partis de la Rencluse à 6 heures, au sommet du Néthou à 10
heures. — Tous pour la première fois.
26 août (lundi). — Gaston Joliet, docteur en droit (Dijon), Albert
Rivière, étudiant en droit (La Rochelle). — Guides excellents:
Michot, Pierre Barrau et Guillaume Bajun.
Partis de la Rencluse à 2 h. 30 du matin, arrivés au sommet à
7 h. 30. Hier et aujourd'hui temps splendide, pas un nuage. Pano-
rama énorme. — Nous descendrons par Malibierne et coucherons
à Vénasque. — Les Garlistes sont aujourd'hui dans la vallée d'Aran.
On dit qu'ils se proposent de venir au Néthou. Est-ce vrai ?
Viye la Bourgogne et son bon vin, mais à bas le poison du Gers.
G. JOLIET.
6 septembre. — Robert et William Dowre (?). — Guides : Michot
et J. Haurillon. — Loft the Rencluse at 4 h. 45, and arrived in
splendid weather and a very good view at 9.15.
1873
9 juillet (mercredi). — J Ames Samuelson, de Liverpool (Angle-
terre). — Guides : Michot et P. Redonnet. Sortis à pied de Luchon
le 8 juillet.
i4 juillet (lundi). — Léon Saussine (Paris). — Guide ; Michot,
Porteur : B. Jouaneton.
16 juillet. — Onze heures du matin. — A. Lequeutre (Paris):
l'« ascension; et Gharles Packe (Stretton Halle, Angleterre) : 6« as-
cension ; le chien Wolf (Stretton) , originaire de Bagnères-de-Bi-
gorre. — Guides : Pierre Barrau et H. Passet (de Gavarnie).
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88
Venant dos Posets ont passé par les lacs de Rio-Bueno ; et après
avoir fait l'ascension de la cime orientale du Pic Malibierne, ont
couché dans la forêt de Malibierne, et sont montés en 4 heures
par la gorge d'Eroueil, sortant au lac Goroné, — Temps tout-à-
fait beau. Nous comptons descendre à la Rencluse et rentrer à
pied à Luchon le soir.
n juillet (jeudi). — Aimé Olivier (Paris), avec les guides Michot
et Charles (de Saint-Mamet). -— Partis de la Rencluse à 3 h. 15,
arrivés à 6 h. 45, soit 3 h. 30 pour Tascension. Temps magnifique.
Nota ajouté par un des guides plus tard : Nous avons mis 5 heu-
res.
i9 juillet. — T, Richardson, peintre (?), Zarn Yorkshire (Angle-
terre). — Guides : Pierre et M. Barrau.
Left the Rencluse : 3 h. 30, arrlved : 7 h. 45.
2i juillet. — De TEspinasse, lieutenant au 3"« dragons, et Paul
Leduc (Paris) montés au Néthou, m'ont prié de transcrire au
crayon ce qu'ils avaient tracé avec des allumettes noircies. —
Guides : Haurillon, Barthélémy Gourrège. —Partis de la Rencluse
à 4 h. 10, ils sont arrivés au sommet à 8 h. 30. Beau.
22 juillet. — Baron Félix de Gastillon Saint-Victor. — Guides :
Michot et J. Cantaloup. — Je suis parti de la Rencluse à 3 h. 35
du matin et arrivé au sommet du Néthou à 7 h. 25, soit 3 h. 50
pour l'ascension. Enchanté de mes excellents guides.
Le thermomètre détraqué marque 37 pour 20 ou 22 degrés.
24 juillet. — Bouchard (Paris). — Guides : Jean Estrujo, L. La-
molle, excellents et recommandés. — - Partis à 4 h. moins le quart
de la Rencluse, arrivés au sommet du Néthou à 8 h. moins le
quart. — Temps passable, quelques nuages.
25 juillet. — Maurice Vidal, Georges Jouhaneau (Sainte-Foy,
Gironde), Buisson-Bory (Le Flex, Dordogne). — Guidés par le vieux
brave Redonnet Michot, guide exceptionnel.
Partis de Luchon le 24 juillet à 5 h. du matin, ascension de Sau-
vegarde, vu le trou du Toro, arrivés pour couchera la Rencluse à
5 h. du soir. — Partis le matin à 4 h., arrivés à 8 h. 15 sur le pic
de Néthou. Temps splendide, neige molle. — Partant d'ici pour
Grabioules et les lacs d'Oo.
27 juillet (dimanche). — Albert Laniel. — Guides: J. et P. Redon-
net Gapdeville. -— Partis de la Rencluse à 3 h. 40, arrivés au pic à
7 h. 15.—- Temps mauvais, quelques gouttes sur le glacier, pluie
sur le pic.
30 juillet. — Paul Carré (Paris). — Guides: J. Haurillon, Barth.
Gourrège. — • Partis de la Rencluse à 4 heures, arrivés à 8 h. 20.
•— Temps superbe. Guides excellents. — Haurillon a apporté un
crayon qu'il a déposé dans la caisse, et cela servira à tout le
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3d
monde. Sic itur ad a$tra, Noos avons mesuré le Pas de Mahomet;
son étendue est de 18 mètres 50.
5 août. — Constantin Théodore Ghyka. de Déléni, district de
Botochani : Roumanie-Moldavie. — Guides : B. et B. Lafont, gui-
des des sommets patentés, connaissant à fond toutes les Pyrénées
des environs de Luchon.
Partis de la Rencluse à 3 h. 30 du matin, arrivés au Pic de
Nothou à 8 h. moins le quart. Temps splendide, un peu de brise,
pas un nuage. — Grandes crevasses en formation.
Même date. — Jul.s Andrieu et Madame Hélène Andrieu
(Béziers). — Guides : P. Barrau, F. Barreau et P. Barrau fils, P.
Redonnet, Charles (de Saint-Mamet). — Partis de la Rencluse à
3 h. 30 du matin, arrivés au pic à 8 heures. Temps splendide, vue
magnifique. Nous n avons qu'à nous louer des guides.
7 aoû*. — P. Verne (Nantes). — Guides : P. Redonnet et J, Ber-
nard. — Parti de la Rencluse à 4 h., arrivé au sommet du Néthou
à 9 heures. Temps remarquablement beau. Température + 2* cen-
tigrades. Toutes les montagnes sont découvertes et forment un
spectacle des plus grandioses. Je n*ai qu'àr mê louer de mes
deux guides.
Même date. — Paul Caries, négociant, de Villeneuve-sur-Lot. —
Guide ; Firmin Barrau. — M. de Lestrange. — Guides ?
Partis de Luchon à pied à 2 h. après-midi, arrivés à 7 h. 30' à la
Rencluse. Repartis pour le Néthou à 4 heures du matin, avec M. de
Lestrange qui est extrêmement boiteux, et sommes arrivés à 9 h.
du matin.
Même date. — Henry Bacot. — Guide : P. Barrau, dont je suis
très content. — Départ de Luchon le 6 août, à 2 heures du soir*, à
la Rencluse à 8. h. soir. En suis parti à 4 heures du matin, arrivé
au Néthou à 9 heures. Temps splendide.
Même date. — Wilhiam Pinto. -— Guide : Charles Redonnet. Je
suis très content d'être arrivé^ mais je pense au retour. Mon guide,
que je recommande aux étrangers, m'assure que j'arriverai à
I^uchon sans être fortement endommagé. £spérons-Ie.
9 aotit, — Charles (illisible), — Guides : J. Redonnet et Capde-
ville. — Arrivés avec de la grêle. Inquiet du retour comme mon
prédécesseur.
15 août. -^ Léon Raiseau (?). — Guides : J.-M. Ribis et P. Redon-
net (que je recommande d'une façon particulière). Parti de la Ren-
cluse à 2 h. 15' du matin, accompagné de mes deux braves guides,
par un clair de lune splendide, je suis arrivé au lac Coroné à
5 h. 25' et au Néthou à 5 h. 46'.
20 août. — Félix de Lézat, Henri do Lézat, Charles du Périer.
Partis de Luchon à 1 h. 30' par un temps affreux, sommes arri-
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^0
vés à THospice trempés jusqu'aux os. Ne perdant pas courage,
nous sommes remontés à ôheval et sommes arrivés à la Rencluse
à 7 h. 30'. — Après avoir très mal dormi, nous sommes repartis à
3 h. 30' du matin pour commencer notre ascension, et après mille
péripéties nous sommes parvenus au sommet du Néhou à 7 h. 40'.
Temps splendide et température très froide.
Nous étions accompagnés par les braves guides Pierre Barrau,
Firmin Barrau et G. Sastrade.
22 août, — Alexandre 6. de Arriaga, A de Lopategui, André
Vallée. Léon Vallée. — - *iuides: P. et F. Barrau, B. Lafont.
Partis de la Rencluse à 3 h. 30'. nous sommes arrives au sommet
à 7 h. 30'. Nous avons admirablement vu le lever du soleil au Por-
tillon. Malheureusement les nuées qui couvrent une partie des
montagnes nous empêchent de nous rendre compte de la vue
entière.'— Enchantés de nos guides.
A cette courte note sont joints les portraits au crayon des gui-
des Barrau et Lafont et celui de Tun des ascensionnistes.
2 septembre. — Albert Arthus et Georges Arthus (Paris). — Gui-
des : Charles (de Saint-Mamet), Dominique Sors, G. Lafont Prince.
— Partis de la Rencluse à 5 heures, nous sommes arrivés à 8 h. 10'.
I — Temps magnifique en haut, brouillard dans les vallées espa-
I gnôles.
Aféme date, — De Cagarriga, ingénieur des constructions nava-
les ; Lancrenon, de Miniac, Meyer et de Tavernier, tous les quatre
élèves-ingénieurs des Ponts et Chaussées. — Guides ; G. Bajun,
B. Gay, D. Viguerie.
13 seplembtre. — J. Bryce, C. P. Ilbert (Angleterre). — Guides :
G. Bajun, H. Passet (Gavarnie). — Slept at the Rencluse, returning
Luchon.
19 septembre. — M" d'Argenson. — Guides : Pierre Barrau et son
fils, Marc Lafont — Parti de la Rencluse à 4 h. 40', arrivé au pic
de Néthou à 9 heures.
Même date, — Edward Hibbert, Hyde Cheshire (England), wîth
J. Sanson et G. Bajun ; ascended this peak in 4 hours 40 minutes
frond Rencluse, and were rewarded by a view of ail the moun-
tains around none of whick were covered by a single cloud.
(A suivre,)
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LE CHATEAU D'AUSSON
RÉSIDENCE DES BARONS D'ESPAGNE- MONTESPAN
XV», XV1«, XVI1« SIÈCLES
Non loin de Montrejeau^ vers TEst, au milieu d'une
plaine baignée par la Garonne, quelques maisons, à
demi cachées par des bouquets d'arbres se détachent,
avec leurs murailles grises et leurs toits rouges, sur
une immense nappe de verdure. C'est le village
d'Ausson réputé pour la richesse de son terroir et la
fertilité de ses prairies. De l'autre côté de la rivière,
à partir de Polignan, se prolonge un promontoire très
haut, escarpé même en plusieurs endroits, sur lequel
s'alignent les habitations du village d'Huos, en face
d'Ausson. Lors des grandes crues, ce rempart naturel
rejette violemment les eaux sur la basse plaine dont en
temps ordinaire elles effleurent à peine les rives sans
défense. Ce déluge ne dure guère, mais il cause sou-
vent de sensibles dommages. L'inondation ensable les
prairies, noie les chemins et les champs, envahit les
clôtures, pénètre même dans les maisons. Pendant
quelques heures, le territoire d'Ausson se convertit en
Retcb ob CoHHiKGKS. 1" trimcslre 1895. Tous X. — 4.
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42
marais. Heureusement^ le fleuve rentre vite dans son
lit. Sous les rayons du soleil, les traces du déborde-
ment disparaissent. Comme tous les riverains de la
capricieuse Garonne , les habitants supportent ces
épreuves périodiques avec résignation. Ils ne cher-
chent même pas à se mettre hors des atteintes de
cette redoutable voisine. Ils oublient aisément ses
jours de colère, en considération des bienfaits qu'elle
leur prodigue lorsqu'elle arrose et féconde chaque
année leurs pâturages de si belle renommée.
Malgré ces chances et ces périls, ce coin de terre
plaît aux yeux par je ne sais quel air prospère et paisi-
ble. L'aspect de ces prairies, coupées de lignes d'aulnes
et de peupliers, sillonnées d'eaux courantes, est plein
de fraîcheur et de grâce. Les cultures si variées, qui
de loin font ressembler la campagne à un vaste damier,
attestent l'infatigable labeur d'une population vouée
dès l'enfance aux travaux agricoles. Tout respire cette
aisance modeste, mais suffisante et de bon aloi, que
donnent la vie des champs et la simplicité des mœurs
rurales. Ces remarques et ces impressions ne peu-
vent-elles pas d'ailleurs s'appliquer à tous les villages
de cette riche plaine de Rivière qui sépare Montre-
jeau de Saint-Gaudens ? Morcelée à l'infini, cultivée
comme un jardin, la terre ne saurait refuser d'équita-
bles compensations aux milliers de bras qui se cour-
bent sur elle, df^ l'aube à la fin du jour, pour lui
demander jusqu'à la dernière parcelle de ses trésors.
Qui ne se souvient des vers si connus :
O forlunalos nimium sua si bona norint
Agricolas
A l'extrémité d'Ausson, du côté de l'Ouest, et prèg
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43
d'un chemin public qui finit au bord de la Garonne
distante de cent mètrqs environ, s'élève l'église de la
paroisse, arrivée par des remaniements successifs au
type banal qu'on retrouve uniformément dans la
plupart des monuments religieux de notre pays, les
uns nouvellement bâtis, les autres substitués depuis
un siècle aux anciens édifices démolis. Auprès de cette
construction modeste, où nulle intéressante particula-
rité n'attire l'attention, quelques pans de murs achè-
vent de s'écrouler sous l'action dissolvante du temps.
Les pierres qui tombent de ces blocs effrités forment
des amas de décombres que recouvre un épais réseau
de lierre, de ronces et de plantes agrestes. On cherche
en vain les indices d'un style spécial ou d'une archi-
tecture définie sur ces murailles maçonnées en cail-
loux ronds évidemment fournis par le lit voisin de la
Garonne, et l'on se demande quel a été le passé de
ces ruines !
Ces masures indiquent l'emplacement d'une rési-
dence féodale, dont le nom revient fréquemment dans
l'histoire des barons d'Espagne-Montespan, qui figu-
rent depuis le xm® siècle au nombre des plus puissants
seigneurs des comtés de Foix et de Comminges. Dans
quelques années, ces débris rasés jusqu'au niveau du
sol auront subi le sort de tous les monuments des
vieux âges à jamais disparus. Comme en ces mille
endroits où dorment tant de choses et d'ombres
anéanties, nul ne pourra deviner Texistence de cette
antique demeure, sous l'herbe qui cachera les derniers
restes de ses fondations. Tout au plus, subsistera-t-il
une confuse légende, s'affaiblissant et se déformant de
siècle en siècle jusqu'à l'heure du suprême oubli !
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44
Puisque la nuit complète n'a pas encore fait son
œuvre, nous avons tente de mettre à profit tous les
documents qu'il nous a été permis de découvrir sur le
château d'Ausson, habité par une forte race de barons
et de chevaliers mêlés à tous les grands faits de leur
temps. Les d'Espagne-Montespan se montrent con-
stamment les très fidèles serviteurs des rois de France.
Ils ont renom de valeureux et sages capitaines. Au
Nord et au Midi, leur bannière flotte sur les champs
de bataille. En leur pays, ils tiennent grand état. On
les répute au loin pour très nobles et très puissants
seigneurs. Au premier appel , ils aident en leurs
guerres et nécessites les comtes de Foix, leurs parente
et leurs suzerains. Zélés défenseurs de la sainte
Église, ils sont aumôniers, fondateurs de chapelles et
monastères, mais au demeurant jaloux de leurs droits,
entichés de leurs privilèges, parfois hautains et rudes
au pauvre peuple. Pour les suivre aux expéditions
lointaines, leurs vassaux font trêve à leurs rancunes;
mais, rentrés dans leurs foyers, ils n'en lutteront pas
moins avec acharnement contre ces maîtres absolus
qui n'admettent ni plainte ni résistance^ qui ne con-
naissent d'autre moyen judiciaire, ni de plus solide
argument que le tranchant de leur épée ou les pointes
de leur masse d'armes !
Que Tintérêt d'une telle étude soit jugé restreint,
nous n'osons y contredire ; mais nous refusera-t-on de
plaider au moins les circonstances atténuantes? L'ef-
fort le plus modeste, qui tend à rétablir le moindre
fragment de l'hisloire locale avec le secours de titres
pour la plupart inédits, n'a-t-il point sa valeur et son
utilité, de même que la pierre perdue et cachée dans
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45
l'épaisseur de la muraille n'en sert pas moins à la
construction de Tédifice tout entier ?
Roger de Comminges, quatrième vicomte de Cou-
serans, héritier par sa mère du comté de Paillas,
mourut en 1257'.
Il avait épousé Grise, dame d'Espagne, fille d'Ar-
naud d'Espagne, seigneur de Montespan et baron de
Bordères en la vallée de Louron, d'une ancienne mai-
son de chevalerie du comté de Comminges, glorieuse-
ment citée dans les guerres d'outre-mer et dans les
croisades du saint roi Louis IX ^.
De cette union vint Arnaud de Comminges, vicomte
de Couserans, comte de Paillas, qui prit le nom d'Es-
pagne. Il figure au nombre des seigneurs qui, réunis
le 8 octobre 1271 dans le grand cloître des frères prê-
cheurs de Toulouse, reconnurent le roi de France
Philippe le Hardi pour leur seigneur immédiat, et
prêtèrent serment de fidélité entre les mains de Guil-
laume de Cohardou, son sénéchal de Carcassonnes.
Arnaud se fiança, l'an 12o3, à Philippe de Foix, fille
de Roger, comte de F'oix, et de Brunissende de Car-
donne. Dix ans après, le 12™® jour des kalendes de
février 1263, il reconnut avoir reçu de son beau-père
1. Les vicomtes de Couserans avaient pour tige Roger, quatrième
fils de Roger II, comte de Comminges, fondateur des abbayes de
Bonnefont et des Feuillants, tué auprès de Saint-Gaudens en 1150,
au temps de Pierre, évoque de Couserans. Il fut le premier de sa
race enseveli dans le cloître de l'abbaye de Bonnefont. (Histoire
des grands officiers de la Couronne, t. II, p. 643.)
2. Marca, Histoire de Béarn ; — Olhagaray^ etc.
3. Dom Vaissette, Histoire de Languedoc^ éd. Privât.
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46
5.200 sols morlaas, pour la dot de Philippe sa femme,
par les mains de Guillaume de Uzenac. Cet argent
servit à payer les créanciers d'Arnaud, parmi lesquels
on remarque Raymond Guilhem de Marquefave, fami-
lier des vicomtes de Couserans, Arnaud de Calmels et
autres. Cet acte nous apprend que la dispense du
mariage a coûté 1,000 sols*.
Il fut passé en présence de Loup de Foix, Arnaud
de Calmels, Petrus Oliverius Sartor, Guillaume de
Sancto Eparcio, etc., par devant Pierre Sancii, notaire
de Pamiers.
En septembre 1267, Roger, comte de Foix, donne
à Grise d'Espagne le château de Quiers, par devant
Pierre, notaire à Foix. Elle en fait transmission à son
fils Arnaud, qui rend son hommage, et qui promet
d'instituer pour cette place un des enfants qu'il aura
de Philippe de Foix, sa femme, sœur dudit comtes
En octobre 1268, ce dernier fait donation, à son
beau-frère Arnaud, de toutes les terres qu'il possède
aux lieux de Cuguron, Bellocs, Bernard, Cazarilh,
Sédeilhac et Ausson, en présence de Loup de Foix,
seigneur de Rabat*.
C'est la première fois que nous trouvons inscrit
dans un titre le nom de la seigneurie d'Ausson. Elle
!. Manuscrits du Président Doat, vol. 170, Bibliothèque nationale.
Dans le P. Anselme, t. II, p. 643, Arnaud promit, au mois de juin
1263, au comte de Foix, de consommer son mariage avec Philippe,
fille de ce dernier, et il donna quittance de sa dot, soit 25.000 sols
morlaas.
2. Manuscrits de Doat, registre 170, Bibliothèque nationale.
3. Belloc était alors le nom du lieu des Tourreilles près Montre-
jeau.
4. Toutes les terres cédées par le comte de Foix se trouvaient
sur le territoire qui dépend aujourd'hui du canton de Montrejeau.
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«7
faisait partie des vastes domaines de la maison de
Foix compris entre la vallée de la Garonne et la vallée
de la Save, en majeure partie landes et forêts, au
milieu desquelles se cachaient des hameaux clairsemés
dont les habitants vivaient à grand'peine, aussi sou-
cieux de se soustraire à la dent des bêtes fauves que
de se dérober à la rigueur des exactions féodales.
Cuguron avait un château, déjà ruiné en 1340'. Les
comtes de Foix y tenaient un capitaine. Les dîmes et
rentes de Cuguron devaient être apportées au château
d'Ausson ^ A cause de son étendue dans la plaine de
Rivière, de tout temps, et même en remontant jusqu'à
l'époque romaine, pays ouvert, fertile et peuplé, la
seigneurie d'Ausson joignait à l'agrément du site des
droits et des redevances d'une importante valeur'.
Une pièce de procédure du xv® siècle relate une
reconnaissance générale des terres qui dépendaient de
la baronnie de Montespan l'an 1340. Nous y lisons ce
qui suit :
« XLV. Item dict, que le consulat, lieu et seigneu-
« rie d'Aulson, avec toute juridiction, s'estend et con-
« fronte avecq le fluve de Garonne, terroyr et sei-
« gneurie de Tailhaborc, terroyr et seigneurie de
a Saiat- Jehan de Ripvière * et riu de l'Avet au mylieu.
1. Dénombrements de 1480 à 1540 (Archives de la commune
d'Âusson, et Ex nostris, n<» 227.)
2. Idem.
3. Coutumes, etc. du lieu d'Ausson (Archives de la mairie
d'Âusson).
4. Le terroir de Saint-Jehan de Rivière comprenait le hameau
de ce nom, remplacé de nos jours par le village de Ponlat.
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48
a et avec le chemin nommé la Voye grande, qui vient
a dudict Saint-Jehan, et tire au terroyr de Saulx, et
a descend droict jusqu'au gué des Vasches estant
(c audict fluve de Garonne, et joignant au terroyr de
<L Cammon dessus d'iceluy lieu d'Aulson.
ce XLVI. Item dict, que dans les dictes limites et
(( confrontacions d'Aulson sont les terroyrs de la Cas-
« tanhe, de Sainte-Colombe et Cammon dessus, et
« plusieurs aultres et divers terroyrs.
(( XLVII. Item dict, et mest par faict, que Tan mil
<i deux cent soixante huit et le quatorzième jour des
a kalendes d'octobre, Roger de Foix, vicomte de
« Béarn et seigneur de Château Vieil, céda et trans-
« porta au dict Arnaud d'Espagne, vicomte de Con-
(( serans, les susdicts lieulx et places, et chasteaux de
« Cugurouj Belloc, Bernard et Aulson, avec toute
a juridiction, cens, rentes et revenus d'iceulx. * »
De cette reconnaissance on a le droit de conclure
qu'Ausson avait un château, bâti dès le xni* siècle
par les comtes de Foix. D'après certaines traditions
qu'il ne faut pas absolument dédaigner, cette manse
féodale s'élevait sur le plateau dit de Saint-Roch, à
proximité du péage de Sainte-Colombe, au centre du
village traversé dans toute sa longueur par l'unique
route qui reliait alors Saint-Gaudens à Montréal de
Rivière. On la croyait établie sur l'emplacement d'une
voie romaine, ce qui demanderait vérification. A partir
de Villeneuve -de -Rivière, ce chemin ne s'écartait
1. Ex nostris. Pièces de procédure pour la maison d'Espagne-
Montespan. Gart. Mont., n«> 47.
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49
guère des rives de la Garonne, passait au milieu des
villages de Bordes, Clarac, Taillebourg, Ausson, mon-
tait à travers Téchancrure de la colline de Burgis,
descendait au plan de Montrejeau, et finissait par
aboutir à la place de la Salle, devant la porte de la
ville dite de THorloge, par une rampe presque droite
appelée maintenant la Vieille côte. La ligne de cette
ancienne voie existe encore, réduite aux proportions
d'un chemin rural ou même de simple exploitation.
Des fouilles, exécutées à diverses époques sur rem-
placement de Sainte-Colombe et du village primitif,
ont fait reparaître quelques vieux murs et les fonda-
tions d'une chapelle. Il y a plus de trente ans, dans
un champ voisin de Tancienne route, on découvrit une
longue dalle de pierre supportée par deux assises de
briques cimentées. Quand on l'eut soulevée, apparut
un squelette de grande taille. Les ossements étaient
intacts. Les recherches pratiquées dans cette fosse
mirent à jour deux pièces de monnaie de bronze à
l'effigie de Constantin. On remua les terres autour de
cette tombe ; elles contenaient des cendres, des pote-
ries calcinées, des morceaux de fer, ce qui permettait
de supposer sur ce point l'existence d'un cimetière
antique. Des investigations plus étendues amèneraient
peut-être des résultats plus sérieux qui changeraient
en certitudes ces simples hypothèses.
Maître des importantes châtellenies données par
le comte de Foix, Arnaud d'Espagne trouvait avec
raison qu'il habitait à l'extrémité de ses domaines. Il
résolut de choisir un point central^ à égale distance
de la vallée de Louron et du château de Montespan,
soit pour faciliter l'administration de ses terres, soit
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50
pour fonder une seconde résidence seigneuriale. L'oc-
casion ne se fit pas attendre :
Au commencement du mois de février 1272*, Phi-
lippe le Hardi, visitant le comté de Toulouse^ appre-
nait l'attentat commis par Roger Bernard, comte de
Foix, et par le comte d'Armagnac, contre Gérard de
Casaubon, au diocèse d'Auch, qui s'était mis sous la
protection du roi de France.
Le comte d'Armagnac se hâta de faire sa soumis-
sion. Le comte de Foix, se fiant à ses montagnes, osa
résister. Le sénéchal Eustache de Beaumarchèz s'em-
para d'une partie du comté de Foix. Le Roi partit en
personne de Toulouse à la tète d'une armée nom-
breuse, et marcha contre Roger Bernard. Celui-ci sol-
licita l'assistance du roi Jacques d'Aragon, qu'il appe-
lait son suzerain.
Après un vain essai de transaction à l'abbaye de
Boulbonne, la guerre s'engage. Les troupes royales
arrivent le 3 juin devant le château de Foix. Trois
jours après, le comte renonce à la lutte et s'en remet
à la clémence de Philippe le Hardi, qui confisque ses
biens et l'envoie prisonnier à Carcassonne^. Ce châti-
ment ne dura guère. Un an après, le comte rentrait
1. Gérard de Casaubon avait tué, dans une rencontre, un fils ou
frère du comte d'Armagnac. Celui-ci assembla tous ses parents
dont le plus considérable était le comte de Foix.
Gérard eut recours à la protection du Roi et fit mettre les pa-
nonceaux royaux sur ses domaines. Le comte de Foix mit à feu
et à sang toutes les possessions de Gérard, à commencer par
Casaubon, sa principale châtellenie. De plus, il fit insulter le séné-
chal du roi de France et poursuivre les gens de sa maison.
Dom Vaissette, Annales de Toulouse de fiafaille, etc.
2. Dom Vaissette, Annales de Toulouse de Lafaillc, Hist. de Foix,
etc.
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51
en grâce auprès du Roi , et dans la possession de ses
Etats.
Au mois de juillet de cette même année *, Eustache
de Beaumarchèz, sénéchal de Toulouse et d'Albi-
geois, Guillaume de Cohardou, sénéchal de Carcas-
sonne, et Pierre de Villars, sénéchal du comté de Foix,
se livrent à une enquête pour délimiter le pays de
Foix. Le 28 juillet, Eustache de Beaumarchèz entre
en relations avec Arnaud d'Espagne, et reçoit son
hommage pour le château de Quiers*.
De tous côtés alors, en Gascogne et pays Toulou-
sain, les seigneurs désireux d'augmenter l'importance
de leurs domaines et le nombre de leurs tenanciers
fondaient, en paréage avec le roi de France, des places
fortifiées appelées Bastides. La création de ces petites
1. Manuscrits de Doat, vol. 170, Bibliothèque nationale.
Le P. Anselme, Histoire des grands officiers de la Couronne :
maison d'Espagne-Montespan, tome II.
2. Eustache de Beaumarchèz était d'Auvergne, seigneur de Gal-
vinet, Ghambail, Falcimagne près d'Aurillac.
Bailli des montagnes d'Auvergne, il purge cette province des
bandes qui la ravageaient, puis il entre au service des rois de
France ; il y reste trente ans, faisant preuve d'une activité prodi-
gieuse, grand administrateur, sage politique, et vaillant capitaine.
D'abord sénéchal du Poitou, puis en 1271 du vaste héritage des
comtes de Toulouse, il conduit habilement la guerre contre les
comtes de Foix et d'Armagnac, et prend une part glorieuse à la
guerre de Navarre en 1276. Il fait prisonnier ensuite le comte
d'Armagnac, et il occupe le Nébouzan de 1290 à 1292. Il met la
main sur le comté de Bigorre pour Philippe le Bel, par l'entremise
de Jean de Longpérier, son lieutenant.
Il meurt en 1294.
Il portait un sceau à un chevron avec : Eustache de Beaumar-
chèz chevalier, apposé sur un accord conclu en 1276, quand il
était gouverneur de Navarre, avec Garcia Almoravid. (Archives
nationales, carton 7,613, n<» 10.)
(Anelier, Guerre de Navarre ; — Dom Vaissette, Ilist. de Langue-
doc;— Curie-Seimbres, Essai sur les bastides; — Eustache de
Beaumarchèz, par l'abbé Larroque, dans la Revue de Gascogne,
tome II, pp. 11,27, 55.)
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5S
villes, sur un plan à peu près identique, dans des
régions inhabitées, le' plus souvent même au milieu
de forêts ou de landes désertes, fut une explosion
subite de la vie communale. En s'unissant aux sei-
gneurs locaux pour le partage des droits et redevances,
la couronne consolidait l'autorité royale dans les pro-
vinces nouvellement conquises. Au début, elle voulut
soutenir les communes naissantes contre Toppression
féodale. Bientôt elle dut protéger le seigneur paréa-
ger lui-même contre ses vassaux turbulents ou révol-
tés' Ce sont des procès sans fin, des litiges sans fon-
dement, un état d'insurrection permanent dans le but
d'obtenir des concessions nouvelles. Montréal de Ri-
vière, la bastide d'Arnaud d'Espagne, vivra dans une
inimitié continuelle avec les descendants de son fon-
dateur. Nous verrons cette guerre durer trois siècles!
Arnaud d'Espagne mit à profit la présence d'Eusta-
che de Beaumarchèz dans le Comminges et le Nébou-
zan. Il sut remarquer au milieu de ses fiefs, à peu de
distance du confluent de la Neste et de la Garonne,
dans une situation admirable, un i»romontoire en face
des Pyrénées dominant une vaste étendue de plaines
et de montagnes, escarpé de trois côtés, et présentant
des avantages marqués au point de vue de la défense.
Le mardi après la fête de Saint-Michel de Fan 1272,
le seigneur Eustache de Beaumarchèz, chevalier, sé-
néchal pour le Roi de Toulouse et Albigeois, et noble
homme messire Arnaud d'Espagne, vicomte de Cou-
1. En 1287, une ordonnance prescrit à Eustache de Beaumarchèz
de visiter les nouvelles bastides, pour faire rendre droit aux sei-
gneurs et réformer les usurpations fCurie-Seimbres, Essai sur les
Bastides).
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53
serans, se réunissent au château de Montespan, et
font rédiger Tacte de fondation d'une bastide neuve au
territoire de Rivière, pour appartenir audit sire Roi
et au vicomte, conformément aux pactes accordés
entr'eux. Cette bastide s'appellera Montréal de Rivière
(Mo7i8 regalis RipariœJ — au xvii® siècle Montrejeau.
Cet acte scellé du sceau royal, du sceau du vicomte
de Couserans et de celui du sénéchal, a pour témoins :
Arnaud de Marquefave * , Bernard de Comminges,
Pons de Villemur, chevaliers ; maître Bernard Moli-
nier de Cordes, maître Vital de Maurens, clercs ; Pons
de Monts, Guillaume de Clezia, et Guillaume de Bros-
sac, notaire public^.
Il n'est point fait mention d'un château seigneurial,
compris dans l'intérieur de la bastide ou construit en
dehors de l'enceinte, se reliant à la ville et complétant
le système de défense, comme l'on peut en citer des
exemples dans certaines places de Gascogne de la
même époque. Les premiers titres du xiv* siècle qui
1. Arnaud de Marquefave, en octobre 1243, promit avec d'autres
chevaliers à Roger, comte de Foix, et à labbé de Lézat, de ne leur
faire aucun dommage, et de renoncer à toute inimitié contre eux.
(Doat, registre 170, Bibliothèque nationale.)
Arnaud de Marquefave est témoin, avec d'autres personnages
attachés à la maison de Foix, d'un acte du 8 janvier 1250, par
lequel les consuls de la ville de Sainl-Gaudens donnent plein pou-
voir au comte de Foix de confisquer les biens de tous ceux qui
commettront des excès, agressions à Icncontre de ladite ville et
lui porteront un dommage quelconque. — Les consuls de Saint-
Gaudens s'appellent: Marcus de Cabanaco, Sanctius Franquet,
Joannes de Turre, Bertrandus de Namiletâ, Petrus de Ëudom,
Bertrandus de Bacharizà. (Doat, reg. n» 170, Bibi. nat.)
2. Eustache de Beauniarchèz fonda les bastides : de Rimont en
1272; de Beaumont de Lomagne en paréage avec l'abbaye de Grand-
Selve en 1279; de Fleurance en 1280; de Pavie, Mirande en 1281; de
Rejaumont en 1285, avec l'abbé de 1 Escaledieu (Mons regalis ren-
versi; ; de Beaumarchèz en 1288; Grenade en 1290, etc. (V. Doat;
— la Gallia Christiana; — Gurie-Seimbres, Toulouse, 1880, etc.)
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concernent Montréal de RivièreS dénombrements, ter-
riers, reconnaissances, nous montrent néanmoins
qu'il existe au milieu de la ville une maison apparte-
nant au baron d'Espagne-Montespan , « en laquelle
« on tient en garde les archives, les espées, picques,
(( arbalestes, cuirasses et aultres armes nécessaires
a pour la tuytion et deffence de la dicte ville ». Dans
ce logis descendaient les seigneurs d'Espagne, quand
ils visitaient leur bonne ville de Montréal, si mieux
ils n'aimaient se retirer au couvent des Augustins
dont ils étaient les généreux patrons et fondateurs.
Divers actes de la fin du xiii® siècle ^ nous prouvent
1. L'original de la Charte de Mqntrejeau était conservé aux
archives de la Trésorerie de Toulouse; nous ne rayons pas trouvé
malgré d actives recherches, mais nous possédons deux copies,
Tune extraite des archives de la maison de Bellegarde, la seconde
tirée des archives de la préfecture de Tarbes. Nous avons prouvé,
dans un travail spécialement consacré à la fondation de Montre-
jeau, que la véritable date du paréage est 1272, et non 1262, comme
le portent par erreur certaines copies fautives.
Le nom de Montréal de Rivière (Mourréjaou d'Arribère, comme
le prononçaient les habitants du pays en leur langage gascon)
subsista dans les actes publics jusqu'aux premières années du
XVII» siècle. A partir de cette date, Mourréjaou devient en français
Montrejeau, et depuis le commencement du siècle on n'a plus
ajouté la mention du pays de Rivière.
2. En 1273, transaction entre le vicomte de Gouserans et l'abbé
de Bonnefont, au sujet de fiefs à Montréal de Rivière. — Actes
passés en août 1290, par Guillaume de Brosacio, notaire de Mont-
réal de Rivière (Trésor généalogique de Villevielle, n« 37, Biblio-
thèque nationale).
En 1286, sentence par devant Bernard de Ternâ, notaire de
Montréal de Rivière, sur procès entre Auger, abbé de Bonnefont,
et le vicomte de Gouserans Arnaud d'Espagne (Ex noslris^ Cart.
Mont., no 7).
Avril 1287, les tuteurs de noble Bernard d'Aventinhan vendent,
à Arnaud d'Espagne, leurs droits au lieu de Mazères de Neste
(Ex nostris, Gart. Mont., n^'Q).
1290, ventes et concessions de terrains à Montréal de Rivière,
par G. de Gunio et Guillaume de Brosacio, notaires. (Idem.)
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66
le rapide accroissement de la bastide qui domine une
si grande étendue de pays. Les voisins s'empressent
de profiter des concessions accordées en vertu du
paréage. La renommée du site attire les étrangers.
En 1292, Montréal était bâti, protégé par une ceinture
de murailles garnies de sept tours et de cinq demi-
tours rondes. Quatre portes munies de herses, sur-
montées de donjons ou tours carrées à créneaux et
mâchicoulis, avec meurtrières en forme de croix, don-
naient accès dans la ville. Elles étaient protégées par
des barbacanes extérieures. La place pouvait soutenir
un siège de quelques jours, et mettre deux cents dé-
fenseurs bien armés sur ses remparts. Elle devenait
ainsi la capitale de la baronnie de Montespan.
La maison des vicomtes de Couserans, continuée
par Roger IV de Comminges-Couserans, prit fin en
la personne de Marthe Rogère de Comminges, vicom-
tesse de Couserans, mariée à Odet de Lomagne,
seigneur de Fimarconi. Arnaud de Comminges
d'Espagne, premier du nom, troisième fils d'Arnaud
de Comminges, vicomte de Couserans, et de Philippe
de Foix, est le chef de la maison proprement dite
d'Espagne-Montespan. Il obtient, Tan 1308, en vertu
du testament de son père, par droit héréditaire et
pour portion légitime, les villes et lieux de Montespan,
Montréal de Rivière, Villeneuve-Lécussan, Ausson,
U août 1299, transaction entre l'abbé de Bonnefont et Arnaud
d'Espagne, par devant Guillaume de Cunio, notaire.
Au nombre des témoins de ces divers actes ligure M. Jehan de
Barata, l*' chapelain de Montréal [Trésor généalogique de Ville-
vielle, volume 37, Bibliothèque nationale).
1. Histoire des grands officiers de la Couronne : Vicomtes de Cou-
serans, t. II, p. 644.
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f
I 56
Belloc, Bernard, Cazarîlh, Bordères, Génos, les val-
lées de Louron et de Larbousti.
Arnaud 1**" d'Espagne, marié à Marquise de
Séméac, alias de Bénac, servit Philippe le Bel en
Flandre aux batailles de Furnes et de Mons en Puelle,
1297-1304. Gaston, comte de Foix, son cousin, lui
donna, eïi 1333, la seigneurie de Villeneuve-de-
Rivière, rapprochée de la châtellenie d'Ausson. Ber-
trand, son frère, vaillant chevalier, fut lieutenant du
Roi en Languedoc, et maréchal de Tost de Jean, comte
de Poitiers, fils du roi de France, en 1358*.
. D'après le P. Anselme», Arnaud 1^** aurait bâti, en
1308, le couvent des Augustins de Montréal. Dans
notre notice sur ce monastère, nous avons discuté les
diverses dates que Ton peut assigner à cette fondation,
et nous persistons à croire qu'il convient de l'attri-
buer à Roger l^ d'Espagne, dans les dernières années
du XIV® siècle *.
Arnaud II d'Espagne, sénéchal de Périgord en 1338,
prit part aux guerres de Flandre sous la bannière
de Gaston, comte de Foix s. Le 8 septembre 1339, il
est compris au nombre des chevaliers, amenés par le
comte au service du roi de France Philippe VI de
Valois, et qui sont passés en revue à Mont-de-Marsan
par Bernard de Bellovedere, sergent d'armes et
viguier de Carcassonnee.
1. Registres de Doat, vol. 170, Bibliothèque nationale.
2. Ilist, des grands officiers de la Couronne^ t. II, p. G48.
3. Idem,
4. Le couvent des Augustins de Montrejeau, Reviie de Com-
minges, 2«« série, 1890-1893.
5. Hist. des grands officiers de la Couronne, t. II, p. 648.
6. Trésor généalogique de Villevielle: Actes concernant Arnaud.
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57
Le S mai 1349, Arnaud et Bernard Saquet, sei-
gneur de Caumont, sont fondés de procuration
d'Agnès, fille du roi de Navarre, pour recevoir une
rente que ledit roi lui avait promise en faveur de son
mariage avec Gaston, comte de Foix'.
Arnaud II épousa Marguerite de Labarthe. L'un de
ses fils, Guillaume, d'abord évêque de Pamiers,
occupa le siège de Comminges jusqu'en 1382. Bernard,
son dernier fils, fut le père de ce fameux Arnauton
appelé le Bourg d'Espagne, dont Froissart a raconté
les grands coups d'épée et les bizarres exploits*.
Arnaud III, sénéchal de Quercy et de Périgord,
puis de Carcassonne , combattit avec l'élite de la
noblesse française, le lundi 17 septembre 1356, à
Poitiers. Fait prisonnier comme le roi Jean, et conduit
en Angleterre, il dut payer 6,000 livres de rançon. En
1369, une nouvelle guerre contre les Anglais lui fit
éprouver la même disgrâce ; mais, prisonnier pour la
seconde fois, et renvoyé sous promesse de rançon, il
ne s'acquitta point de sa dette. Le pape Clément VI,
ayant excommunié les Anglais, le dispensa de tout
scrupule, et surtout de son obligation.
Il avait eu, de Gaillarde de Miramont, Roger P*"
d'Espagne, conseiller chambellan- du roi Charles V,
en 1373, Il assiste à la bataille de Rosebecque, en
1382. Il est cité dans les rôles des barons du Nébou-
zan , comme un des vaillants et fidèles suivants
d'armes de Gaston Phœbus, comte de Foix^ Après la
Bertrand, Raymond d'Espagne-Montespan, années 1343 1349-1350-
1363, etc, (Bibliothèque nationale).
1. Trésor généalogique de Villevielie (Bibliothèque nationale).
2. Hist. des grands officiers de la couronne, t. II, p. 648.
3. Seguen los gentilz de Nebozan a qui Mossenhor a costumât
Reyoe de CoMMiHGEs, l** trlmestre 1895. Tome X. — 5.
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58
mort de son père, créé sénéchal de Carcassonne, il va
guerroyer en Castille et revient combattre les Anglais
avec SO lances et 100 pavois*. Il rachète du comte de
risle, pour 600 écus, Thommage qu'il devait pour
Montespan; il acquiert de Thibaut d'Espagne, seigneur
de Saint- Laurent, son cousin, la moitié de la ville de
Valentine\
Ce fut de son temps, Tan 1387, que parut le Ceiisier
des Bénéfices de Commmges dressé par Berengarius
Guilhot, vicaire général d'Amelius de Lautrec. Nous
y voyons qu'Ausson était une annexe de Montréal de
Rivière. Les seigneurs d'Espagne avaient dû deman-
der Térection d'une seule et même paroisse'.
d'escrivcr en sas guerras. 1376-1378. (Rôles du Varmée de Gaston
Phœbus), pai' Raymond, archiviste des Basses-Pyrénées. Bordeaux
1872.)
1. Mémoriaux do la Chambre des comptes do Paris, 1. 5«. —
Ilist. des grands officiers de la Couronne^ t. II, p. 649.
2. Ilist. des grands officiers de la Couronne, t. II, p. 649.
3. Archipresbyteiiatus Ripparliî. De Monte-Regali :
Bonus homo de Anisano, rector dicti loci; Guilhelmus deSancto
Paulo, presbyter; Pctrus de Fronsiaco, consul; Beriuirdus de
Alanda. operarius dicti loci, jarati ad sancta Dei evangelia in turnià
auditi, habito priùs super infra scriptis deliberato intcr se consi-
lio, dixcrunt :
Quod ecclesise de Aussonio et de Mont-Regali sunt ad invicem
annexée, et quod rector earum una cum scolare dictorum loco-
rum recipit primitias bladorum, et décimas et primitias vinorum
et carnalagiorum per médium, hoc tantùm salvo quod ecclesia et
scolaria taxantur ad XX libras per médium, etc., etc.
Item dixerunt quod dictus rector ultro se habet continuo tenere
unum vicarium et alium presbyterum conduditiuni qui qualibet
die communiter habent celebrare tam in Monte-Regali quam in
Aussonio duas missas, et habent tenere duos clericos pro servicio
dictarum ecclesiarum, et pro se unam matrem et unum salmate-
rium, etc., etc.
Fait à Montréal de Rivière (in loco de Monte-Regali Rippariae),
le '22 octobre de Tan 1387. |Ex Spicilegio Convenarum).
Le Censier des Bénéfices du diocèse de Gomminges a été auto-
graphie à quelques exemplaires, par les soins du savant M. Morel,
notre regretté collègue.
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s»
Le 13 novembre 1388, Froissart, le chroniqueur par
excellence, uniquement soucieux « de doner esbate-
ment et plaisir » à tous ceux qui liraient ses livres,
rencontrait à Pamiers a messire Espaing du Lyon »
vaillant home, saige et beau chevalier », grand ami
du comte de Foix, et qui se rendait à la cour de ce
prince au château d'Orthez en Béarn. Le bon chanoine
de Chimay recherchait passionnément les coateurs
d'aventures, les témoins de prouesses et de brillants
faits d'armes. Messire Espaing avait vu tant de
batailles et de chaudes rencontres^ il savait de si belles
et curieuses histoires sur ce tous chasteaux, bourgs,
villes, passages, défilés » des pays de Foix et de Gasco-
gne, que Froissart se mit bien vite en sa compagnie.
On connaît cette amicale chevauchée, qui dura du
18 au 2o novembre, et dont le vif et consciencieux
chroniqueur, qui ne se couchait jamais sans noter les
incidents de la journée , a fait le récit dans son troi-
sième livre.
A leur entrée en Comminges, les deux voyageurs
aperçoivent « ung très bel chastel Montespaing qui est
a à messire Roger d'Espaigne, grand baron et grand
<c terrien en ce pays-ci et Toulousain, et il est pour
a le présent sénéchal de Carcassonne. »
On s'arrête à Saint-Gaudens, et le lendemain, dit
Froissart « nous vînmes dîner à Montréal de Rivière,
a une bonne ville et forte, laquelle est du roy de
a France et de messire Roger d'Espaigne. »
Espaing du Lyon et le chroniqueur traversèrent
Ausson avant d'arriver à Montréal. Un a chastel »
appartenant à ce grand baron d'Espaigne dont le nom
remplissait le pays, aurait attiré leur attention, et
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Froissart n'aurait eu garde sûrement de Toublier, de
même qu'il avait fait pour le château de Montespan.
Ce silence, de la part d'un narrateur toujours en quête
de renseignements et de détails sur tous les lieux
qu'il traversait, nous autoriserait à croire que la
demeure féodale n'existait pas encore, et se réduisait
simplement à la vieille tour seigneuriale de Sainte-
Colombe.
Froissart est séduit évidemment par la réputation
de ces barons d'Espagne-Montespan, aussi bons che-
valiers que seigneurs opulents. Il se complaît à les
louer, quand il les trouve sur son chemin. Il raconte,
non sans admiration, les prouesses du Bourg d'Espa-
gne, cet Arnauton à la taille de géant, à la main de
fer, ce batailleur infatigable qu'il voit de près à la cour
du comte de Foix. Comme il dépeint ce combat de
Marcheras en Bigorre, entre Mauvezin et Tournay, où
les Français et les gens de Lourdes se heurtèrent si
violemment ! « Le Bourg avec sa hache ne féroit home
<c qu'il ne portât à terre ». Mais voici des exploits d'un
autre genre, et non moins extraordinaires. A la veillée
de Noël de Tan 1385, dans la grande salle du château
d'Orthez, le comte Gaston Phœbus se plaignait du
froid devant une cheminée insuffisamment pourvue.
Le Bourg d'Espagne descend dans la cour encombrée
de neige ', où stationnaient des ânes chargés de bois.
Il en prend un des plus grands sur ses épaules,
remonte précipitamment les escaliers, et fendant la
presse des chevaliers, il jette son fardeau vivant dans
l'âtre, à la profonde admiration du comte et de tous
1. Froissart, Chronique^ livre ii.
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les assistants stupéfaits de cette audace, mais non
moins réjouis de cette plaisante aventure.
Ce même Arnauton, gouverneur de Saint-Béat, était
au. nombre des familiers de Gaston Phœbus, lors de
cette course dans la montagne qui fut le dernier
a esbatement » de Tillustre auteur des Desduycts de
la Chasse, en la vie de ce monde. Il tenait le bassin
d'argent dans lequel le comte de Foix, pris d'un éva-
nouissement subit, se lavait les mains, peu d'instants
avant de rendre l'âme, 22 août 1391.
Roger d'Espagne fut présent aux obsèques du comte
de Foix; sept chevaliers, pendant la cérémonie, se
tenaient debout autour du cercueil. Quatre d'entr'eux
portaient les bannières armoyées de Foix-Béarn. A
trois autres étaient confiées les armes du glorieux
mort. Roger d'Espagne avait reçu mission de garder
l'épée'.
A la fin de l'année 1391, Roger vint de Tours à
Toulouse, avec messire Espaing du Lyon^ apprendre
que l'héritage de Foix et ses dépendances apparte-
naient au vicomte de Castelbon, conformément aux
prescriptions de Gaston Phœbus'*.
Roger avait épousé en premières noces Esclarmonde
de , puis Claire de Gramont. Il fît son testament
le 6 juin 1406. Il commit à Bertrand de Saint-Just la
tutelle de Roger^ Raymond, Arnaud ses fils. Il légua
une rente obituaire de 2S0 écus petits aux Augustins
de Montréal. En 1410, il fut inhumé dans le chœur de
leur église qu'il aurait fondée, d'après Larcher, de
1395 à 1406».
l. Froissart, Chronique, 1. iv«. | 2. Idem.
3. Manuscrits de Larcher (Arch. dép. des H.-Pyr., Registre E.)
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6S
Le 26 juin 1411, les exécuteurs testamentaires de
feu noble et puissant homme messire Roger d'Espa-
gne, seigneur de Montespan, traitent avec les habi-
tants de Roquépine auxquels ledit seigneur avait légué
cinq florins d'or, en présence de Gérard, fils de Jehan
de Saint-Jehan, damoiseau, et de Pierre de Vasthonis,
notaire'.
Dans les traditions de notre pays, Roger I®"" est resté
le personnage capital de sa race. On ne s'inquiète
guère de ses ancêtres ou de ses descendants. Sa vail-
lance éprouvée, son caractère chevaleresque, ses rela-
tions avec la cour si brillante des comtes de Foix
ses alliés , l'estime en laquelle on le -tenait à la
cour de France, les fondations pieuses et charitables
qu'il avait multipliées, avaient entouré son nom d'un
éclat particulier. Ses contemporains, frappés de ces
mérites et de ces circonstances, avaient légué leurs
impressions à leurs successeurs , et le souvenir de
Roger s'est conservé d'âge en âge, résumant dans la
personne d'un seul l'histoire d'une maison pendant
plusieurs siècles. Bien des gens, peu soucieux il est
vrai des annales du passé, connaissent donc vague-
ment Roger d'Espagne. Ils le confondent avec les
autres chevaliers du même nom. Il y a plus d'un
siècle, lorsque les archives locales demeuraient inex-
plorées, même oubliées, les erreurs se copiaient sans
contrôle d'un livre à un autre. Nos pères n'avaient ni
le loisir ni le moyen de consulter les grands recueils,
comme VHistoire de lu Maison de France et des
l. Archives de l'abbaye d'Odysse, folio 55; — Manuscrits de
Doat, vol. 270, Bibliothèque nationale.
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63
grands officiers de la Couronne du P. Anselme, par
exemple, et autres ouvrages du même ordre feuilletés
seulement par les feudistes ou les faiseurs de généa-
logies. A Montrejeau même, dans cette bastide créée
par le premier Arnaud d'Espagne, vicomte de Couse-
rans, on croyait, on disait, on imprimait au besoin^
que Roger d'Espagne était le véritable fondateur.
Cette assertion erronée s'étalait impunément dans
des mémoires écrits par des hommes instruits,
éclairés, avocats, jurisconsultes ; on la voyait énoncée
dans des actes administratifs et judiciaires. Elle
passait à l'état de tradition ou de légende telle-
ment accréditée qu'on ne l'acceptait pas même sous
bénéfice d'inventaire.
Jusqu'à la seconde moitié du xv® siècle aucun titre
ne mentionne le château d'Ausson. Les actes de con-
cessions de fiefs, les hommages sont passés au château
de Montespan ou dans la vallée de Louron*. Les
lettres missives viennent des mêmes résidences, sur-
tout de la première. En nous appuyant sur un ensem-
ble de faits qui peuvent équivaloir à des preuves offi-
cielles, nous ne sommes pas éloigné de croire que
Roger d*Espagne, ayant fondé le couvent de Montréal
pour servir de sépulture à sa famille ^ voulut établir
1. Au nombre des hommages rendus à Roger I"* d'Espagne dans
le Louron, nous citerons celui de Arnaud de Lassus, au lieu
d*Adervielle, le 11 juin 1390, extrait des cèdes de Moreilhon, notaire,
par François Fouran, notaire d'Ëstarvielle, le 16 octobre 1823, à la
requête de M. le baron de Lassus-Gamon, descendant de la famille
dudit Arnaud. (Ex noslris, F., n* 14.)
2. "Pro se et suis successoribus," comme portait la pierre tom-
bale de Roger d'Espagne dans le chœur de Féglise du couvent de
Montrejeau.— Revue de Comminges: Notice sur le couvent des
Augustins de Montrejeau).
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64
une nouvelle demeure à proximité de la capitale de
ses fiefs, où l'appelaient souvent Tadministration de
ses biens, les revues de ses gens d'armes et ses
démêlés avec des vassaux remuants et querelleurs.
Tout en se montrant pleins de déférence pour leurs
seigneurs, ceux-ci no négligeaient aucune occasion de
soulever des conflits et de raviver des contesta-
tions dont les lenteurs de la procédure éternisaient
la durée. Il ne serait pas inexact de dire que les procès
avec les gens de Montréal formaient une part d'héri-
tage pour les barons d'Espagne-Montespan.
Par son heureuse situation et par la fertilité de son
terroir, Ausson devait mériter les préférences de Roger
d'Espagne. Il ne voulut pas agrandir l'ancien châ-
teau seigneurial, ou pour mieux dire, la vieille tour au
centre du village où logeaient les gens d'armes prépo-
sés au péage de Sainte-Colombe. Les inondations de
la Garonne étaient-elles moins fréquentes à cette épo-
que ou moins préjudiciables? On serait en droit de
le croire, puisque Roger n'en ayant cure descendit
dans la basse plaine d' Ausson, et construisit le nou-
veau manoir à une portée d'arbalète de la rivière. Il ne
vit que la facilité de l'accès, le voisinage des eaux
courantes, un isolement qui permettrait aux châtelains
de mener loin du village une existence indépendante,
à l'abri des importuns ou des curieux. En cela, ses
espérances furent trompées. A leur tour, les habitants
quittèrent le plateau de Saint-Roch, pour se grouper
autour de la nouvelle résidence du seigneur.
Il serait malaisé de reconstituer aujourd'hui la con-
figuration du château d 'Ausson, de ses cours, enclos
et dépendances, en s'aidant des deux fragments de
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murailles encore debout au milieu des ronces, des
broussailles et des herbes grimpantes. En 1859, lors-
que ces ruines occupaient un plus grand espace^ nous
avions essayé de relever le plan de Tantique édifice
dont elles avaient fait partie. En suivant la ligne indi-
quée par les traces encore visibles des fondations,
nous avions retrouvé certaines mesures, déterminé
des points assez précis ; par une série d'observations
et d'hypothèses raisonnées, nous étions arrivé à des
résultats qu'il serait impossible d'obtenir aujourd'hui.
Cette étude, dont nous avons conservé tous les élé-
menls, nous avait donné la conviction que le château
d'Ausson présentait tous les caractères de la demeure
féodale appelée manoir, sauf les modifications inévita-
bles et successives apportées par le temps. Ainsi, les
murs actuels semblent appartenir à la fin du xvi® siè-
cle, et non au xv®, selon nous époque vraisemblable
de la fondation.
Le manoir proprement dit, « habitatio cum certa
« agri portione a manendo dicta Gallis manoir »
(Ducange), était une habitation de propriétaire de fief
entourée de murs et de fossés, mais sans tours, ni
donjon, ni courtine. Elle affectait le plus souvent la
forme d'un quadrilatère (voir le Castera de Saint-Mé-
dard dans les Landes, le manoir de Camarsac dans la
Gironde)*. Pour le haut baron possesseur du château
féodal, véritable place forte, d'un accès difficile, assis
le plus souvent sur une colline escarpée, construction
à l'aspect sombre, aux tours sinistres, aux grandes
1. Viollet-le-Leduc, Dictionnaire de V architecture française ; —
Léo Drouyn, La Guienne militaire.
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sallevS froides et tristes comme des prisons, le manoir
était la maison de plaisance, au grand air, en pleine
campagne, sans appareil militaire, mise simplement à
Tabri d'une surprise ou d'un coup de main, entourée
de jardins, de vergers, faite exprès pour les plaisirs de
la chasse et pour tous les délassements champêtref-.
Le château ou manoir d'Ausson s'élevait à cent
mètres de la Garonne. Un mur d'enceinte d'épaisse
maçonnerie encadrait une cour carrée dont trois côtés
avaient reçu des constructions. Le bâtiment principal,
ou logis du seigneur, présentait à l'Est, au fond de la
cour, une façade longue de 3S à 40 mètres, et s'ap-
puyait sur deux ailes en retour. Dans celle de gauche,
était la chapelle dédiée à saint Pierre, remplacée
aujourd'hui par l'église paroissiale du village, sous le
même vocable. On peut assigner aux deux édifices les
mêmes proportions. Ici^ pas le moindre vestige de
l'architecture primitive. Comme nous Tavons déjà dit,
c'est l'église banale, sans style et sans valeur. Selon la
coutume, la chapelle devait communiquer au premier
étage avec les appartements intérieurs du manoir, par
une tribune où les châtelains venaient assister aux
prières et saints offices.
Dans l'aile de droite faisant face au Nord, un bâti-
ment parallèle abritait les serviteurs, les hôtes, ren-
fermait le cellier, le fournil, la panneterie, la fruiterie.
Le grand corps de logis compris entre les deux ailes
contenait, au rez-de-chaussée une vaste salle d'armes,
et au premier étage une pièce correspondante de même
grandeur. Cette disposition se laisse deviner par les
restes d'une large baie ouverte à l'Ouest, dont l'enca-
drement de pierre taillée n'est pas entièrement détruit.
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67
Par ces ouvertures terminées en ogive, on apercevait
la ville de Montréal et les montagnes fuyant à Thorizon.
A la fin du xvi* siècle^ on dut ajouter aux angles du
logis seigneurial deux tours carrées avec toits d'ardoi-
ses, dans le genre de celles que Ton voit au château
voisin de Taillebourg, aussi ancien que le manoir
d'Ausson.
Le mur d'enceinte seul fermait le quatrième côté du
quadrilatère. Un fossé qui tournait autour du château
séparait, en cet endroit, le mur d'un chemin public
demeuré toujours à la même place. Il aboutit au gué
de la Garonne, en face d'Huos. A hauteur d'appui, ce
mince rempart était percé d'archères. Elles proté-
geaient la maîtresse porte du manoir à laquelle on
accédait par un pont-levis jeté sur les douves. Trois de
ces meurtrières sont encore à peu près intactes.
Une seconde enceinte entourait un parterre, un
verger d'arbres à fruit et des pâturages de gazon vert,
peut-être aussi le jeu de mail, qui dans toutes les
manses féodales servait au divertissement des fils de
la maison et des pages. Ces dépendances touchaient
aux rives de la Garonne. Des murs, dont il était facile
de retrouver l'indication il y a trente ans, et précédés
sans doute de fossés profonds, servaient à la fois de
clôture et de défense contre les irruptions de la rivière.
A la suite de cette seconde enceinte, une barrière de
pieux marquait, comme d'usage, les limites du domaine
seigneurial.
De l'autre côté du chemin, dans un champ qui
porte encore le nom de La Grange ^ s'alignaient les
bâtiments ruraux, les greniers et granges, le pressoir,
les étables, les écuries, les hangars couverts de chaume
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avec les perchoirs pour les oiseaux de vol, faucons et
autres, le chenil pour les lévriers et les chiens de
grande taille destinés à la poursuite des bêtes fauves.
On se représente aisément la vie que menaient les
châtelains d'Ausson dans la première moitié du x\'*
siècle. Les barons sont presque toujours à batailler
dans les guerres lointaines. En outre du service per-
sonnel, ils fournissent six hommes d'armes au roi de
France \ Quand ils ont le heaume levé, Técu au col,
Tépée au côté, ils sont fiers et' superbes, sans merci ni
pitié; comme leurs pareils, ils courent après les aven-
tures, ils aiment la guerre. L'appât du gain s'ajoute à
la satisfaction de donner de grands coups d'épée, de
s'illustrer par des prouesses. On se bat à outrance en
songeant aux villes prises de vive force, aux châteaux
pillés, au butin, surtout aux rançons des prisonniers
de riche et noble condition. Les chevaliers étaient
payés fort cher. Le rachat des princes et des grands
seigneurs constituait une vraie fortune; les autres
captifs, il -est vrai, mis au partage commun, se ven-
daient 5 ou 6 sols quand on les réclamait. Si on ne le
faisait, il arrivait souvent qu'on les pendait pour leur
apprendre à n'avoir ni parents, ni amis, ni argent.
A la première convocation qu'il reçoit du roi de
France, le baron d'Espagne-Montespan passe en revue
ses vassaux, fait ce sa monstre », comme on disait
alors, habituellement à Montréal de Rivière ; il met en
sûreté sa famille, soit dans l'intérieur de la place, soit
l. Un homme d'armes avait 6 hommes et II chevaux : un valet,
un page, deux archers, deux coutilliers, trois chevaux pour lui,
cinq pour ses suivants, et quatre pour les bagages appelés som-
miers. — (Ex nostris^ n^ 64 : Dénombrement de 1480.)
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à Fabri des fortes murailles de Montespan. Il marche
joyeusement à Tennemi, qu'il ne connaît pas le plus
souvent, mais contre lequel il déploiera la plus indomp-
table vaillance, à la fois par obéissance au Roi son sei-
gneur, et par sa passion traditionnelle pour les hasards
de la guerre. Ainsi disait Eustache Deschamps, Thuis-
sier d'armes du bon roi Charles V :
a Aux champs, aux champs. Issez de vô mayson
« Vous qui devez avoyr honeur et guerre.
« Vescy abvril et la doulce sayson
« Que Von se doibt ordoner pour la guerre
a Et que Von doibt son ennemy requerre
« Et la frontière tenir,
« Tant qu'il ne puisse en vos marches venir.
« Li temps est doulx pour dormir en la playne.
« L'erbette vient pour chevaulx soustenir^
^ « Ainsy se doibt gouverner capitay ne ^.
Lorsqu'on signale une bande d'écorcheurs, de rou-
tiers ou de ces aventuriers qui, suivant le proverbe,
vivent de la guerre comme le frère mineur d'aumônes,
le baron convoque les gentilshommes du voisinage,
arme ses vassaux, et court à la rencontre des malan-
drins. Il les disperse, les refoule dans les forêts ou
dans les replis déserts des montagnes, et, comme il
n'y a pas lieu à rançon, il fait sommairement pendre
les prisonniers aux tours de Montespan, ou sous les
grands chênes qui bordent la route du péage de
Sainte-Colombe ^.
Dans les moments de trêve, le sire de Montespan
se livre aux « desduicts de la chasse et de la faucon-
1. Poésies morales et historiques d'Ëustache Deschamps, Paris,
Crapelet 1832.
2. Ex nostris, passim, Cart. Mont.
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70
nerie » qui lui rappellent encore ses émotions guer-
rières. Comme il a droit aux corvées et revenus en
nature, il tient peu de valets gagés pour la culture de
ses terres. Les habitants du village lui doivent, Tun
la cuisson du pain, l'autre la coupe du foin, un troi-
sième Tentretien de ses écuries, etc. En revanche, il
se donne le luxe d'un personnel nombreux pour ses
chiens et ses faucons. Avoir des oiseaux de chasse et
des fourrures précieuses est, au moyen âge, la marque
distinctive de l'opulence. La seule récolte que le sei-
gneur daigne lever par lui-même est celle du gibier,
dont la vie est sacrée pour tout autre que pour lui et
ses chiens. Le paysan vit pauvrement sous un toit de
chaume, clos d'une haie d'épines pour se défendre des
loups errants dans la nuit. Il travaille à la merci de
toutes les fantaisies du maître. Celui-ci foule à toute
heure le champ du vilain avec ses meutes et ses che-
vaux. Heureusement pour ce dernier, à Ausson, la
forêt immense confine aux terres cultivées. Le châte-
lain s'enfonce, avec sa suite bruyante, dans ces déserts
peuplés de cerfs, de loups et de sangliers, où les chê-
nes et les châtaigniers ont repris le sol qu'en bien des
endroits les légions de César avaient peut-être nivelé.
Par les claires journées d'hiver, il chevauche au bord
de la Garonne, son faucon favori au poing, en quêt^du
canard sauvage, du héron, ou de la grue. Les sires
d'Espagne-Montespan avaient de tout temps compté
parmi les familiers de la maison de Foix. Roger se
glorifiait d'être l'ami, même l'un des compagnons
préférés du comte Gaston Phœbus, le beau prince à
la chevelure flottante, le maître le plus expert en vé-
nerie du pays de France, qui menait en ses chasses
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deux cents chevaux et seize cents chiens, et qui se
plaisait à dire : « D'autres que moy ont esté meilleurs
« chevaliers, plus heureulx auprès des Dames, mays
a pour la chasse je n*ay nul maistre. » Ailleurs, il
donne cette réconfortante assurance à tous ceux qui
suivent son exemple : a Bon veneur aura en ce monde
joye, et liesse et desduict, et après Paradis encore ! » «
Par temps, Roger d'Espagne va tenir cour plénière
dans sa vallée de Louron, au château de Bordères.
Escorté des gentilshommes ses hommagers, les Mou-
lor, les Bossost^ les d'Avajan, les d'Estansan, les
Larboust, etc., il chasse sur les hautes montagnes. Des
serviteurs et des tenanciers lui servent d'escorte, bû-
cherons accoutumés au poids de la hache, pasteurs
aux jarrets d'acier, rompus à toutes les fatigues, habi-
les à manier l'épieu, l'arc et l'arbalète. Ce sont jours
(le fête pour les hameaux perdus au milieu de ces
âpres solitudes. Les cloches des églises sonnent à
toutes volées sur le passage du baron, les consuls le
saluent jusqu'à terre, et les vassaux contemplent, avec
un respect mêlé de crainte, ce puissant chevalier leur
seigneur, que les comtes de Foix appellent leur cou-
sin, et qui combat sous la glorieuse bannière des rois
de France.
Tandis que Roger d'Espagne est parti dès l'aube,
sur son cheval gascon, avec sa bonne cotte à chasser
et son cor d'ivoire suspendu au col, suivi do ses fils
qu'il forme lui-même à la science de Vénerie, quelle
1. Gaston Phœbus, Des desduycts de la Chasse.
Froissart amena quatre chiens d'Angleterre à Gaston Phœbus.
Lhisloire a conservé leurs noms : Tristan, Hector, Brun, Rolland.
(Froissart, Chronique, 1. iv; — Histoire des comtes de Foix, etc.)
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est la vie intérieure du manoir? Après avoir dit ses
oraisons, ouï dévotement la messe en sa chapelle, la
châtelaine, sage et discrète dame, règle sa maison
comme un monastère. Le matin, elle distribue la
besogne à ses servantes. Puis, avec ses demoiselles et
ses chambrières, elle parcourt les jardins et les ver-
gers. Suivant les saisons, elle surveille la cueillette
des fruits. Elle s'enquiert du lin filé, des toiles tissées,
et si les lavandières s'acquittent diligemment de leur
office. Elle visite la boulangerie où Ton pétrit le pain
balle pour les gens, le pain rousset de méteil saupou-
dré d'anis et de marjolaine, le pain de seigle dont
l'usage, dit-on, conserve la fraîcheur et la santé. Puis
elle se complaît à regarder les jeunes seigneurs, ses
enfants, qui dans le pré tirent à Tarbalète, jouent
aux quilles, aux barres, au palet, s'exercent sur des
genêts d'Espagne ou des cour tau ts de Béarn. Elle
préside à la confection des élixirs, de l'hydromel, de
Thypocras^ des onguents et des baumes souverains
pour les blessures que les chevaliers n'oublient jamais
d'emporter à la guerre. Elle vérifie les armoires rem-
plies de linge qui, suivant la vieille coutume, doit être
parfumé soit avec des pommes choisies, soit avec des
bouquets de sauge et de romarin. A deux heures le
repas est servi. La compagnie se délasse en la grande
salle du premier étage à croisées ogivales, pavée de
carreaux de diverses couleurs. Les murs disparaissent
sous les tapisseries à personnages héroïques. Des
bahuts ferrés, des coffres rouges ornés de peintures
alternent avec des bancs recouverts de housses traî-
nantes armoriées, sur lesquels prennent place la dame
de Montespan et ses demoiselles. On devise en bro-
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dant des nappes d'autel, des dalmatiques et autres
ouvrages pour le service de la sainte Église. Dans la
salle du rez-de-chaussée, des femmes empennent des
viretons et des carreaux d'arbalète, préparent des
traits, réparent les vêtements. Dans les cours, les
archers de garde aiguisent les piques, les dagues, les
haches d'armes, polissent les écus et les casques,
changent les cordes des arcs, ou le bois des lances.
Parfois, un jongleur passe sur son cheval poudreux,
récite des contes et des poèmes. Des musiciens et
ménétriers de Montréal, avec trompettes, flûtes, luths,
sonnettes de rebecs et tambourins, donnent une au-
bade.
Mais tout à coup la cloche sonne : on lève le pont-
levis ; la herse tombe. Les guetteurs de la tour Sainte-
Colombe ont cru voir au loin une bande suspecte. Les
serviteurs et les gens d'armes du manoir s'arment en
hâte. C'est une fausse alerte. Tous s'apaisent et se
rassurent. On a reconnu simplement une compagnie
en route pour le Béarn sous la bannière amie du comte
de Foix.
Quand le baron est revenu de sa longue expédition
dans les forêts, on soupe tard. A la veillée, qui dure
jusqu'à minuit sous le manteau de la grande chemi-
née, le chapelain narre de saintes histoires et des lé-
gendes de miracles curieux et rares. C'est ainsi qu'on
se gouvernait, l'an de grâce 1410, dans le manoir
d'Ausson, . aussi bien que dans tous autres châteaux
des pays de Foix et Comminges.
Bien que la résidence d'Ausson fut bâtie selon nous
en 1408, deux ans avant la mort de Roger P^ d'Espa-
Rifus Di ComiiCGES, 1** irim«stro 1895. Tom X. — G.
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gne, nous ne la voyons pas citée dans les actes avant
Tannée 1460.
Roger II d'Espagne, fils de Roger I"* et de Claire
de Gramont, ne quittait guère le château de Montes-
pan. Ses messages sont toujours datés de cette place
bien fortifiée, où Ton pouvait vivre sans crainte par ces
temps de troubles et de périls sans cesse renaissants.
En Tannée 1442 environ, lorsque le roi Charles
VII vint à Toulouse, et délivra de prison la comtesse
Marguerite de Comminges qui fit donation de ses
biens à la couronne', il advint qu'un certain bâtard
d'Albret, un sans avoir^ et suivant les mœurs du
temps un homme de proie, chef d'une bande malfai-
sante et pillarde, avait a desseigné » de s'emparer des
dîmes du lieu d'Ausson fraîchement recueillies et en-
grangées. Mais il ne s'en était pas assez caché. Roger II,
prévenu, s'empressa d'envoyer un messager aux con-
suls et habitants de Montréal, « ses bons amys » mal-
gré les procès sans fin, et leur enjoignit de se porter
sur les lieux avec main-forte pour sauvegarder les
dîmes. S'ils se croyaient impuissants à les défendre
sup-place, ils les mettraient en sûreté dans la ville de
Montréal.
Voici le message de Roger d'Espagne : il montre de
quelle façon et de quel style usaient les seigneurs de
Montespan au xv® siècle :
a Mes senhors de cossols de Mont Real, de bon
« cor me recomandi a vos. Jo soy abvertit com lo
a bastart de Labret deu béni prene mas deumas de
« moun loc d'Ausson. Per so vos pregui et vos mandi,
t. P. Anselme, Histoire des grands officie^'s de la Couronne, t. H,
p. 637.
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75
« en tant que podetz mens falhi que vos autres vos
« hi agatz a trobar a lor secore et si han beson de
a retreyta los retregatz à Montréal et en so ne viel-
a hatz fer fauta. Pregan Diu vos don sa gracia. De
« Montespan, le 11 octobre. Lo senhor de Montespan-
« d'Espagne'. »
A leur tour, en 1450, les consuls et habitants de
Montréal dépêchent à Roger un messager, pour se
plaindre de gens armés qui prétendent mettre à exé-
cution des lettres royales de main-forte très préjudi-
ciables aux intérêts du pays. « No se poden esecutar,
disent-ils, bonamen sen désola le pays». Ils implo-
rent l'assistance de leur seigneur.
Roger répond en ces termes :
a Mes senhors de cossols, ensemble totz manantz
« et habitantz de Mont Real, jo me racomandi à vos
a autres. Jo he vista una lestra que mavetz escritta,
a et disetz que gens en armes son sur los camps por
« esecutar certaines lestres roialles las quales vos
a autres avetz bistas, et disetz que ne se poden esecu-
a tar bonamen sen désola le pays et menassa des-
a truyre la ville de Mont Real, et me pregatz per
« l'honor deu Rey et miey et he per lo profïîct de la
« ville de vos socore.
a A vostre beson profïîct honor me troveratz may
« synon aquet que je debi estre per vos ajuda
« et socore a rencontra d'aquelis que vos bolhessan
« fer mal ny desplasé. Jo montaré à chibal per vos
a ana garda de mal de tout mon poder et connesserez
ce que jo volhi ajuda los habitantz de la villa et fail-
1. Ex nostris, Gart. Montréal : I.ettre originale de Roger II d*Es-
pagne.
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76
« hiri pasavossocore en vos necessitatz, ainsy qu'unq
a bon senhor deu fer a sos subjects. Pregan Diu vous
oc don sa gracia. De Montespa le XXVIII de dessein-
« bre. d'Espagna. » *
Roger II d'Espagne mourut à Ausson, en 1438. Par
son testament du 21 décembre 1442, il avait demandé
à être enterré dans Téglise des Augustins de Montréal
de Rivière, « in tumbâ erectâ per dominum Rogerium
a de Yspaniâ » (sicf^. Il avait donné à sa femme.
Jaquette de Mauléon, cinq cents écus d'or, un cheval
gris pommelé, et une pièce de soye rouge».
Son fils Mathieu d'Espagne, marié le l^'' novembre
1461 à Catherine de Foix Rabat, assista en 1432 au
siège de Rayonne. Il mourut le 2 novembre 1473, et
fut inhumé, comme ses prédécesseurs, dans Téglise
du couvent des Augustins de Montréal. *
Sous Roger III, son fils aîné, chevalier de Saint-
Michel en 1483, les conflits se ravivent entre les gens
do Montréal et la maison d'Espagne. Les consuls assi-
gnent leur seigneur devant le parlement de Toulouse,
au mois de juin 1480.
Celui-ci répond à cette sommation par une incur-
sion sur les territoires contestés s. Ses gens les traitent
en pays ennemis, menacent et maltraitent les plai-
deurs, en blessent quelques-uns, s'emparent du bétail
trouvé dans les champs, et le ramènent comme de
1. Ex nostris, Gart. Montréal, n« 98 : Lettre originale de Roger 11
ii'Espagne.
2. Manuscrits d'Oihenart, Fonds Duchesne, tome 206, Bibliothè-
que nationale.
3. Histoire desgrayids officiers do la Couronne, tome II, p. 649.
4. Idem^ page 650.
5. Ex nosiris, Cart. Montréal, n^ llO.
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bonne prise dans les granges seigneuriales d'Ausson.
Le 2 novembre 1481, le parlement de Toulouse fait
inhibition et défense au sire d'Espagne de porter
atteinte aux habitants de Montréal dans leurs person-
nes ou leurs biens *.
Le baron ne tient nul compte de cette décision.
Pierre, Tun de ses bâtards, qu'il a fait seigneur de
Saint-Michel et Cazères^, commet de tels excès, que
le parlement rend une ordonnance de prise de corps
contre lui, fin novembre 1481 \
L'année 1483 marque une date très importante dans
rhistoire de Montréal de Rivière. Les habitants rédi-
gent eux-mêmes leurs statuts municipaux et les sou-
mettent à la sanction royale. Louis XII les confirma en
Tannée 1498. Ces règles d'administration locale, qui
ne tiennent pas moins de 228 articles, ne traitent
point des rapports des vassaux avec le Roi et les
barons d'Espagne, les seigneurs paréagers.
Roger III d'Espagne étant mort, sans enfants légi-
times de Jeanne d'Espagne sa cousine germaine,
Arnaud d'Espagne, son frère, quatrième du nom, lui
succéda \ Le 18 janvier 1498, il épousa Madeleine
d'Aure, fille de Géraud d'Aure, vicomte de Larboust.
Arnaud poursuivit la lutte à outrance contre les
gens de Montréal. Le bâtard d'Espagne, son neveu,
continuait rudement son rôle d'exécuteur des hautes
œuvres pour le compte de sa famille. Il s'attirait par
1. Ex nostris, Gart. Montréal, n* 111.
2. Idem^ n» 112; — Histoire des grands officiers de la Couronne,
tome II, p. 650.
3. Ex nostris, Cart. Montréal, n^ 113.
4. Histoire des grands officiers de la Couronne, tome II, p. 650.
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78
ses violences la haine et les insultes. La lettre sui-
vante d*Arnaud IV aux consuls de Montréal fait allu-
sion à cet état des esprits de la part des habitants.
« Mes senhors de cossos, jo he vista la letra que
« per lo présent portador me abès tramessa me fas-
« sant mencion de alcuna remonstracion que vos
« autres me fesez l'autre jor toucant alcuna question
a que mon nibot lo bastart ha a lencontra de Ramond
a Johan per la dishonor que ledict Ramond Johan a
ce feyta a mon dict nibot ainsy que jo né parlât am vos
« autres plus amplement, et sabés ce que jo vos eu
« disi ny ço que sen pourra en segui, car ledict Ra-
« mond Johan se pode be pensa que sy fasse re a lan-
ce contra de mon dict nibot que et era home per se
ce reventcha car gentilhome es.
a Toucant de mey non volhi fare synon que so que
« deu estre ambers los touts,
ce Pregan Diu mes senhors de cossos que vous don
ce sa gracia. A Montespa lé XXII octobre. d'Espagna'. »
Nous assignons à cette lettre la date de 1504.
Le 9 février 1505, nouvelle ordonnance de prise de
corps contre le bâtard de Montespan.
Le 14 avril de la même année, François de Roche-
chouart, sénéchal de Toulouse et Albigeois, oblige le
baron d'Espagne à comparaître en personne, sur la
grande place de Montréal, devant maître Jehan de
Chavagnac, docteur et juge mage de Toulouse.
Après la mort d'Arnaud, en 1506, même assigna-
tion est donnée contre Charles d'Espagne, seigneur
1. Ex noslris, Cart. Mont., n« 120: Lettre originale de Roger IV
d'EÀpagnè.
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79
de Ramefork, oncle et tuteur du jeune Roger, fils aîné
d'Arnaud IV et de Madeleine d'Aure.
Le sénéchal rendit un jugement favorable aux sires
d'Espagne. Loin de se calmer, la guerre continua sans
trêve.
A dater de 1506 jusqu'en 1520, de longues pièces
de procédure énumèrent les griefs des deux parties :
déprédations, saisies, enlèvements de récoltes et de
bestiaux d'après les ordres des seigneurs, rébellions
de la part des vassaux, rixes suivies de coups et bles-
sures entre les gens de Montréal et les serviteurs de
la maison d'Espagne. La veuve d'un certain Jean de
Roëlhon d'Ausson, tué dans une de ces rencontres, ne
cesse de crier vengeance et multiplie les requêtes au
parlement pour obtenir justice ^
Ces troubles firent si grand bruit, que Mgr de
Lautrec, gouverneur de Giiienne, mit en garnison à
Montréal, pendant les années 1516, 1517, 1518, qua-
tre hommes d'armes et une compagnie d'archers sous
les ordres du capitaine Ramonet de Luppé^.
Depuis la mort d'Arnaud IV, tous les actes relatés
plus haut prouvent que le manoir d'Ausson est devenu
la résidence préférée de la famille d'Espagne. C'est là
que Madeleine d'Aure donne audience aux consuls de
Montréal, qu'elle écoute leurs doléances, qu'elle reçoit
les bayles et huissiers porteurs de significations et
1. Inventaire des pièces produites, devant le parlement de Tou-
louse, par les consuls de Montréal de Rivière appelants du séné-
chal, contre dame Madeleine d'Âure et Charles d'Espagne, mère et
tuteur de Roger d'Espagne; — 1513, appointements, requêtes, pour
la veuve de Jean de Roëlhon d'Ausson contre les meurtriers de
son mari. (Ex noslris^ Cart. Mont, n<» 13 Ij.
2. Idem, Cart, Mont, n« 132.
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80
d*«rdonnances, qu'elle veille aux intérêts de son fils
mineur dans le lieu même où ils sont le plus ardem-
ment mis en cause. Elle passe à Montespan la froide
saison d'hiver. Dès le printemps, elle retourne dans
son riant manoir, sauf, en cas de guerre ou de quel-
que périlleuse aventure, à s'enfermer bien vite en sa
vieille forteresse, dont les murailles et les tours défient
les attaques les plus audacieuses'.
En 1522, le parlement de Toulouse veut clore enfin
cette série d'hostilités chroniques dont souffrent éga-
lement seigneurs et vassaux. Il ordonne le bornage du
territoire.de Montréal ; cet arrêt ne recevra son exécu-
tion que quinze ans plus tard, en 1537.
Arnaud IV avait laissé un fils qui fut Roger IV, et
une fille, Paule, mariée à Pierre, seigneur de Coar-
raze. Devenue veuve, elle épousa, le 27 novembre
1521, Antoine de Pardaillan de Gondrin. Roger ins-
titua sa sœur héritière, au cas où il décéderait sans
postérité'.
1. Doat, registre 170, Bibliothèque nationale; — Gavé, registre
de la maison de Bellegarde, passim; -—Ex nostris^ liasse des procès
de la maison de Montespan, Gart. Mont., n^ 145.
2. Voir, dans VHistoire des grands officiers de la Couronne, la
généalogie de cette illustre maison.
Get Antoine de Pardaillan joua plus tard un rôle très actif,
pendant les guerres de Religion. Monluc le tenait en grande
estime. Après avoir été blessé au siège de Rabastens, le terrible
chef de l'armée royale choisit Pardaillan pour commander à sa
place, comme le plus ancien capitaine, le plus digne et de la meil*
leure maison. Gatholique ardent, Pardaillan était d'une rare vio-
lence de caractère. Un jour, à une procession du Saint-Sacrement,
un Huguenot le salua. Pour remercîment de cette courtoisie, l'ami
de Monluc donna d'un bâton ferré dans le ventre du susdit
Huguenot, et le renversa brutalement à terre en lui disant:
Malheureux ! as-tu bien l'audace de rendre à la créature ce que tu
dois au Gréateur. Il mourut chevalier de Tordre, en 1572. (Mémoi-
res de Monluc ; — Histoire des grands officiers de la Couronne ; —
Registres de Gavé, intendant de la maison de Bellegarde.)
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81
Rdger IV d'Espagne fit ses premières armes à l'âge
de 23 ans. Pour répondre à Tappel du roi de France,
il passa la revue de sa compagnie de gens d'armes à
Montréal de Rivière, fin décembre 1524. Elle était
entièrement recrutée sur les terres de la baronnie de
Montespan. Les arbalétriers venaient, comme d'usage,
de la vallée de LouronV
Il quitta le manoir d'Ausson, au commencement de
janvier 1S25, avec Antoine de Pardaillan de Gondrin.
Les deux beaux-frères firent partie de cette « fleur de
noblesse » célébrée par la Chanson de Pavie^. Dans la
fatale journée qui porte également ce nom, ils com-
battirent parmi les plus vaillants. Mais, écrasés sous
le nombre, ils durent rendre leur épée aux ennemis, à
l'exemple de l'héroïque François P"".
Malgré l'animosité qu'entretenaient des conflits sécu-
laires, les consuls et les habitants de Montréal, tou-
1. Ex nostris, Cart. Mont, n» 158.
2. Rey, Histoire de la captivité du roi François J•^ Paris, Techo-
ner, i837. — La Chanson de Pâme :
Le roy en la bataille
Sy na point reculé,
Frappant d'estocq et de taille
Sans nully espargné.
Mais affin que jie faille,
Je vous dis vérité,
Troys chevaulx de paraigc
Soubs luy furent tués /
La fleur de noblesse
Y montra son effect,
Sy très fort qu'en la presse
Ont esté prins de fect.
Mauldict soyt qui ne cesse
Procurer trahison,
C'est d'envie le sexe
Qui promet ce guerdon !
etc., etc.
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n
chés de cette grande infortune, se cotisèrent avec un
généreux empressement, et vinrent apporter à titre de
prêt, à Madame Madeleine d'Aure, en son château
d'Ausson, cent écus d'or, complément de la somme
exigée pour la rançon du bon chevalier leur seigneur,
retenu captif au delà des monts ^
Roger IV épousa, en 1526, Catherine de Vèze, fille
de Charles de Vèze, seigneur de Grimaud, et d'Antoi-
nette de Clermont^.
Il est permis de penser que la noble action des habi-
tants de Montréal amena de part et d'autre des idées
de rapprochement et de conciliation, puisque, le 26 jan-
vier 1531, Roger IV posa les premières bases d'une
transaction avec ses vassaux, par un acte passé par
devant M* du Paraige^ dit petit-fils d'autre du Paraige,
notaire de Montréal *.
Le 26 du même mois^ il accorda les privilèges et
libertés du lieu d'Ausson, et fit rédiger les coutumes
par Jean Vallade, notaire des châtellenies de Montes-
pan; présents : noble Vézian de Castéran, capitaine de
Cuguron ; Guillaume de Camplong, seigneur de Bon-
repaire, gouverneur des affaires de la baronnie de
Montespan, et autres témoins notables convoqués à
cet effet*.
Voici le titre en latin de ces coutumes conservées
dans les archives d'Ausson :
1. Voir la Rançon de Roger d'Espagne^ baron de 3/onie«/>an, dans
la Revue de Comminges, t. V (1890), p. 68 et suivantes.
2. Hist. des grands officiers de la Couronne, t. II, p. 650.
3. Ex nostris, Car t. Mont, n» 157.
4. Registres de Gavé, intendant de la maison de Bellegarde; —
Archives de la mairie d'Ausson.
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83
« Liber terrarius nobilis et potentis viri Rogerii de
« Yspaniâ, militis, domini de Monte hispano et loci
« de Aussoni, de libertatibus, franchesiis, terris, etc. »
Ces coutumes ne diffèrent pas de celles qui étaient
usitées en pays de Gascogne, Foix, Comminges, etc.
Nous en donnons un résumé succinct.
« Au péage de Sainte-Colombe, la taxe est exigée
<L sur toutes marchandises et tous bestiaux, à la
a réserve du pain, du vin et du charbon.
« Les habitants d'Ausson jouissent de l'exemption
« complète de tous les droits.
« Un char paie un sol.
« Une monture, 5 deniers.
« Un homme ou une femme, avec charge, 2 deniers.
« Bétail, mule ou jument, 1 sol.
a Porc, chèvre, mouton, brebis, agneau, 3 deniers-
a Les défaillants paient quatre livres d'amende au
a seigneur.
« Les consuls prêtent serment au seigneur.
« Ils administrent la justice à leurs dépens.
oc Les appels de leurs jugements vont devant le
« juge du seigneur.
a Ils rendent compte entre les mains du bayle ou
€ du procureur du seigneur.
« Le seigneur a pour lui le montant des amendes
a et le droit de sceau.
a Les consuls nomment pour le seigneur un bayle,
flc homme de bien, qui prêtera serment entre leurs
a mains.
« Sont punis d'amendes tous larrons, et les caba-
« retiers qui mettent de l'eau dans leur vin.
« Pour un coup de pied ou de poing, et pour injures,
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84
« on paiera 5 sols tolosains d'amende au seigneur.
a Pour un coup de couteau, 15 sols, id.
a S'il y a effusion de sang, 60 sols, id.
a Les joueurs paieront 10 sols, id.
« Les blasphémateurs seront condamnés à la pri-
« son, et à la fourniture d'une certaine quantité
« d'huile pour l'entretien du luminaire de l'église.
« Pour adultère, il sera payé 50 sols tolosains au
<( seigneur, sans préjudice des droits des autres ofR-
« ciers.
a Si les coupables ne paient point ou ne peuvent
a payer, ils seront promenés ignominieusement par
i> toutes les rues du village sans aucun vêtement.
<c Si le seigneur vient à être fait prisonnier en
« guerre juste, s'il fait le voyage d'outre-mer, s'il
a marie ses filles et sœurs, les habitants sont tenus
oc de se cotiser suivant leurs commodités à la conve-
« nance des consuls.
« Si quelqu'un meurt sans testament et sans héri-
« tiers, ses biens seront confiés pour un an à deux
a hommes probes etsolvables. Si nul n'a présenté de
« réclamation avant la fin de cette année, les biens
<c appartiennent au seigneur'. »
Le 9 mars 1531, Roger IV accorda des Coutumes à
Cuguron, par devant Bresche, notaire. Le 25 janvier
1532, dans son château de Bordères en Louron, il
reçoit des hommages de possesseurs de fiefs \ il éta-
blit l'assiette de ses terre, il cherche à terminer les
1. Archives de la mairie d'Ausson : Registre des titres anciend.
2. Entr autres hommages, nous remarquons celui de Gaspard
d'Avajan, seigneur de Jézeau; de Guillaume de Lassus dAvajan,
renonvelé le 29 novembre 1541 ; de Barthélémy de Bossost, etc, etc.
(Ex nostris, Cart. fam., n<» 37.)
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85
différends, à rendre exacte et bonne justice. Il se
montre généreux et pacifique, et sans rien abandonner
de ses droits, il apporte, dans la manière dont il les
exerce et les fait valoir, un esprit de sagesse et de
modération qui contraste heureusement avec les
rigueurs souvent arbitraires devant lesquelles ne recu-
laient point ses ancêtres.
Le 20 septembre 1334, au château d'Ausson^ par
devant Antoine Maignan, notaire, les consuls de
Montréal de Rivière et Rog<^r IV d'Espagne transi-
gent définitivement sur tous les litiges pendants, et
s'en remettent au parlement de Toulouse. Acte fait en
présence de Jean d'Aure, vicomte de Buzet, seigneur
de Larboust, sénéchal du Nébouzan; Espagnolet de
Mauléon, seigneur de Gourdan, écuyer; Arnaud Azum,
prêtre de Cuguron ; Bertrand de Roëlhon , prêtre
d'Ausson; Dominique de Gales de Galan, maître
d'école de Montréal '.
A la suite de cet accord, le parlement chargea Jean
Robert, l'un de ses conseillers, de procéder irrévoca-
blement au bornage de toutes les terres disputées
depuis deux siècles. Ce magistrat partit de Toulouse
le 24 septembre 1537, accompagné de M® Raymond
Sabatery, procureur général du Roi, du sieur Garmés,
procureur fondé du baron d'Espagne-Montespan, et
de M® Jean Recodert, maître clerc. Il vint loger à
Montréal, chez Domenge Barbe, consul dudit lieu.
Jean de Montés, huissier royal, se transporta le
lendemain au château d'Ausson, pour assigner messire
Roger d'Espagne^ qualifié dans l'acte de haut et puis-
1. Gavé, Registres de la maison de Beliegarde.
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86
sant seigneur des châtellenies d'Ausson, Mazères,
La Toureille et Cuguron, ainsi que noble dame
Madeleine d'Aure, sa mère.
Au jour fixé, le commissaire du parlement sortit de
Montréal par la porte de Saint-Jean, suivi des consuls,
notables et d'un grand nombre d'habitants. Après
avoir recueilli les dires de chacun, en présence du
fondé de pouvoir de la maison de Montespan, il fit
planter, dans tous les endroits voulus, des pals fleur-
delisés sur lesquels le sieur Boyer, huissier d'armes,
apposait les armes royales. Ces opérations durèrent
paisiblement, sauf au lieu de Franquevielle où les
consuls s'opposèrent à toute délimitation, sous le pré-
texte qu'on empiéterait sur les terres de l'abbaye de
Bonnefont, et sur le domaine du roi de Navarre,
vicomte de Nébouzan. Comme Jean Robert insistait,
les habitants, armés de piques et d'arquebuses, mena-
cèrent si témérairement le délégué du parlement, que
ce dernier dut se retirer pour éviter une bataille-
Il fit placer les armes de Montespan' sur les portes
de Montréal, au-dessous de Técusson aux trois fleurs
de lis de France. Il mit solennellement le Roi et les
consuls en possession des parties du territoire qui
leur étaient dévolues, faisant inhibition et défense à
Roger d'Espagne de troubler ledit seigneur Roi et
lesdits consuls, sous peine de cent marcs d'or.
Avant de reprendre le chemin de Toulouse, le com-
missaire enjoignit au lieutenant de la justice de
Rivière d'informer contre les gens de Franquevielle
t. D'argent au lion de gueules armé et lampassé d'azur, à la
bordure de sinople chargée de six écussons d*or bordés de
gueules (P. Anselme) «
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coupables de rébellion et d'attentats à main armée,
sans préjudice des nouveaux bornages à déterminer
sur leur territoire. Nous n'avons pas trouvé la sanc-
tion de cet ordre sévère dans le recueil des actes que
nous venons de citer *.
Le H décembre 1S40, Roger IV rendit le dénom-
brement de ses terres devant la Trésorerie de Tou-
louse. Il n'est pas sans intérêt d'en donner quelques
extraits. Ils présentent des particularités curieuses
pour certaines localités de notre pays :
l*' Montespan, seigneurie au pied des Pyrénées,
avec le droit de prendre un péage et de tenir un ba-
teau sur la Garonne. Château fort avec tours. Le baron
est obligé d'entretenir un capitaine à cause des fron-
tières. Deux moulins.
2* La ville de Montréal de Rivière en paréage avec
le Roi, avec rentes, censives, oblies au moyen des-
quelles on paie les prêtres chargés d'acquitter les fon-
dations pieuses de la maison d'Espagne-Montespan.
Le seigneur possède les murailles, tours et places,
et les restes du château où Ton tenait les titres de
leur maison, lequel fut brûlé par cas fortuit.
Une place appelée La Salle, en dehors des barba-
canes de la ville, où siège le juge de Montréal, et où
se rend la justice d'autres seigneurs et autres droits.
La seigneurie d'Ausson, avec château couvert en
ardoise, cour, jardin, écurie et dépendances, le tout
entouré de^ murailles, granges au levant du château,
basse-cour, plus une tour couverte en ardoise avec
1. Archives municipales de la ville de Montrejeau: Registre des
procès avec la maison de Montespan.
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motte de terre et fossés comblés i. Plus /au fond du
village le péage de Sainte-Colombe, un moulin, les
droits de pâture, le labourage de deux paires de
bœufs; le vasselage de noble Arnaud Guilhem de
Casteras et du sieur de Missergues, hommagers du
baron.
La baronnie de Cuguron, qui dépend de Montespan
et qui se compose de bois, landes, pâturages, un
petit moulin, une métairie noble avec un vassal sous
r hommage d'une paire de gants. Le baron est obligé
d'y tenir un capitaine.
Saint-Laurent et Mazères, avec tous les droits et
trois moulins.
Jaunac, indivis avec le seigneur de Mauléon. Le
terroir de Boucoulan est tenu par Guirauton de
Micheou (de Michel) de Montréal, sous Thommage
d'une paire de gants ^
Les Tourreilles en toute juridiction.
La seignerie de Cazarilh dépendant de la baronnie
des Lanes, avec moulin sur la Save, terres, bois, pâ-
turages, oblies, censives, et la seigneurie de Ville-
neuve-Lécuasan relevant de la même baronnie.
La seigneurie de Villeneuve-de-Rivière, avec droit
de péage, droit de forge, fiefs, oblies, deux moulins,
et prés à Clarac et Taillebourg.
La seigneurie de la vallée de Louron en toute jus-
tice, Bordères avec château, censives, oblies, prés,
1. Les fondations de cette tour existent encore près de la Ga-
ronne.
2. La famille de Michel de Montréal, très ancienne, fondue au
xviP siècle dans la maison de Rieulle, avait sa maison en face de
Téglise. (Cadastré de Montrejeau de Tan 1667.)
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pâturages et plusieurs hommagers : Bertrand d'Aroux,
Jean de Montpezat, Guillaume de Bossost de Lar-
boust, Bertrand de Bossost d'Avajan, Bernard d'Estan-
san, Trescazes, lesquels tiennent certaines montagnes
sous le vasselage et hommage dudit baron d'Espagne
d'une paire de gants chacun, excepté Trescazes qui
fait hommage d'une paire d'éperons dorés.
Le baron nomme un capitaine pour la garde des
frontières.
Les droits sur les lieux d'Esbareilhes, Gouaoux,
Grailhen, Grésillan d'Aure, Lauson d'Aure, Pouch or-
gues, Génos, etc., avec des montagnes inhabitables
(sic) y Clarabide, la Pez, montagnes de Pichadère sans
profit.
Au lieu de Loudervielle, un gentilhomme nommé
Domenge de Moulor, écuyer, tient terre et fait hom-
mage audit d'Espagne. Il est obligé de faire bonne
garde en temps de guerre sur les confins de la vallée,
du côté de l'Espagne.
Gouaoux de Larboust^ San Tritons, Portet, Armen-
teule, Frechets, Camors, Anéran, etc.
Saint-Plancard, Uglas, Franquevielle, Balesta, les
trois quarts de la seigneurie de Cazères, le quatrième
au Roi.
La seigneurie de Valentine en paréage avec le Roi,
engagée à Germaine d'Espagne, sœur du dénombrant,
en paiement de son douaire, avec moulin, fournage,
la moitié du pontanage, maison et jardin.
La baronnie d'Encausse avec Cavanac et Regades,
engagée à Nicolasd'Encausse, seigneur de Sabbuc.
Les seigneuries de Villeraze, des Espanès, de Vé-
Reruic de Cohhikges, I**" triinesire 1895. Tome X. — 7.
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nerque, des Mauriers, de Daujas, et la baronnie de
Ramefort que tient Onofïre d'Espagne, mestre de
camp et capitaine de chevaux légers*.
Les barons d*Espagne fournissent au Roi quatre
hommes d'armes et quatre chevaux légers ^.
Le 23 juin 1540, Roger achète la part de Ville-
neuve-Lécussan possédée par Raymond d'Antist, sei-
gneur de Marsan, et confirme les Coutumes données
à ce heu, en 1388^ par Roger P** d'Espagne.
Le lo novembre lo40, il reçoit au château d'Ausson
rhommage de noble Dominique de Moulor de Lou-
dervielle, où se trouve, dit l'acte, le vieux chastel de
Moulor, par devant Bertrand du Paraige, notaire de
Montréal *.
Le 29 mai lo4d, les délégués de la vallée de Lou-
ron, Pierre de Mourrelon et Jean de Milhasson, assis-
tés de Barthélémy de Bossost, capitaine de la vallée,
se rendent au château d'Ausson et passent divers
1. Registre d'aveux et dénombrements de la Trésorerie de Tou-
louse; — Registre de Gavé, intendant de la maison de Belle-
garde, 1G70.
2. Voir la généalogie des d'Espagne -Ramefort dans 17/is'o/red^i
grands officiers de la Couronne, t. II, p. 652.
3. On trouve, dans les actes relatifs à cette vieille famille du
Louron, tantôt Moulor, tantôt Montlaur.
Cet hommage est rappelé le 3 mai 1645, par devant La Salle,
tabellion du Louron, par Guillaume de Moulor.
D'après la chronique du Louron, deux Moulor avaient pris part
à la croisade de saint Louis. Us avaient rapporté du pays d'outre-
mer une croix très précieuse contenant des reliques et qui fut
déposée dans l'église do Louderviclle. Tous les ans, le jour de
Sainte-Madeleine, cette croix devait être portée processionnelle-
ment de l'église à la chapelle du château de Moulor.
Tous ces faits sont relatés dans un mémoire, imprimé l'an 1755,
à l'occasion d'un procès entre Félix de Moulor, écuyer, et les con-
suls de Louderviclle, au sujet de l'enlèvement des deux très an-
ciennes cloches de la chapelle du château. (Ex nostris, Vallée
de Louron, n° 37.)
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94
actes avec Roger IV d'Espagne, par devant du Paraige,
notaire de Montréal*.
Pujol, également notaire à Montréal, passe plu-
sieurs actes au château d'Ausson, de 1545 a 1550'.
Parmi les témoins souvent cités, nous remarquons
les seigneurs de Mauléon et Garcias de Bramevaque.
Roger IV d'Espagne n'eut que deux sœurs, Paule,
dame de Pardaillan Gondrin, et Germaine, mariée en
premières noces à Hector de Lastic, seigneur d' An-
sac, et en second lieu à Louis de Sachemaige, seigneur
de Baure, baron de Saisonaille, dont elle eut grande-
ment à se plaindre. Ses doléances, avec les motifs qui
les ont provoquées, sont exposées tout au long, et
sans la moindre réticence, dans le testament qu'elle
fit à Valentine, le 17 septembre 1547, par devant
M* Bresche, notaire, en présence de Bertrand de Com-
minges, seigneur de Rochefort, Gailhard d'Orbessan,
seigneur de La Bastide Paumez, Jean et Arnaud d'Or-
bessan ses frères, Gailhard de Mauléon, écuyer, sei-
gneur de Gourdan, et M^ Jean Peyrade de Valentine.
Elle veut être ensevelie dans la sépulture de sa famille,
aux Augustins de Montréal de Rivière. Elle leur lègue
300 livres pour messes et œuvres pies. Elle fait des
libéralités à ses quatre frères naturels et à ses deux
sœurs de mêmes; elle institue l'enfant à naître du
1. Registre de la maison de Bellegarde, par Cavé^ intendant; —
Ex nostris, n^» 187 et suivants.
2. Idem.
3. De même que dans toutes les maisons féodales, on trouve,
chez les d'Ëspagne-Montespan, la famille légitime et la famille
naturelle juxta-posées. Ces chevaliers très croyants, grands aumô-
niers, toujours prêts k s'armer en faveur de TËglise, fondateurs de
monastères, exacts à remplir leurs devoirs religieux, n'ont aucun
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9S
mariage de Michel de Narbonne, vicomte de Fimar-
con, et de Marguerite de Pardaillan, et à défaut, son
frère le seigneur de Montespan'.
Roger IV d'Espagne n'eut point d'enfants légiti-
mes, mais une fille naturelle appelée Germaine, que
Ton confond parfois avec sa tante, la seigneuresse de
Valentine. Par son testament du 26 février 1347,
Roger lui laissa la plus grande partie de ses biens et
notamment le château d'Ausson. A la même date,
Catherine de Vèze légua 600 livres à cette fille de son
mari, pour ses bons et agréables services. Germaine,
personne de mérite et de grande vertu, reçut des let-
tres de légitimation du roi Henri II, datées de Saint-
Germain juin 1S37, elle épousa la même année Jean
de Castéras, seigneur de Seignan ^.
Roger mourut le 22 mars 1o5d au château d'Aus-
respect de la fidélité conjugale. Us s'abandonnent à leurs caprices
avec une rare insouciance. Loin de tenir à l'ombre les bâtards, on
les garde au logis. Ils servent do pages, ils partagent la vie, les
jeux, l'éducation même des enfants légitimes. Ils obtiennent quel-
quefois les préférences du père, qui leur assure dans son testa-
ment des parts privilégiées. Loin de les renier ou de leur montrer
de Taversion. les châtelaines se prennent de tendresse pour eux,
soit par compassion, soit pour plaire au mari, les aident à faire
d'avantageux établissements. Ces fils de second ordre épousent
des femmes de bon lignage. Les lilles sont recherchées par des
gentilshommes bien placés. Kn dépit de la morale et des canons,
tout cela finit le plus aisément du monde. C'est une coutume accep-
tée qui n'a l'air de choquer personne. Les rois et les plus grands
seigcurs avaient toujours donné l'exemple, à ne citer que Louis XIV
imposant à la France le spectacle des princes légitimés. Les
d'Ëspagne-Montespan à chaque génération laissèrent de nombreux
bâtards qui firent leur cliemin dans ce monde.
1. Registre de Cave, Intendant de la maison de Bellegarde, 1671;
— Manuscrits d'Oihenart, Fonds Duchesne, vol. 117 à 112, Biblio-
thèque nationale.
2. Histoire des grands officiers de la Couronne^ tome II, p. 651 ; —
Manuscrits d'Oihenart, Fonda Duchesne 117, 112, Bibliothèque
nationale.
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93
son. Il fut porté le lendemain, avec le cérémonial
d'usage, aux Augustins de Montréal. Il leur avait
laissé 300 livres, plus 100 livres en mémoire d'Ar-
naud IV d'Espagne et de Madeleine d'Aure, ses père
et mère ^
En 1563, Germaine d'Espagne, dame de Seignan,
seigneuresse d'Ausson, était morte sans enfants, puis-
que le 7 septembre un accord intervint entre ses héri-
tiers et Panle d'Espagne, dame de Pardaillan Gon-
drin^ qui reprit possession du château d'Ausson ^
La maison d'Espagne est éteinte. Désormais les
successeurs de Paule ajouteront à leur nom celui de
Montespan.
Le manoir d'Ausson eut-il à souffrir pendant les
guerres de Religion ? Nous ne saurions invoquer au-
cun titre, ni profiter d'aucun indice. Il se trouvait sur
le passage de Montgommery, lorsqu'après avoir occupé
Saint-Gaudens, et brûlé Villeneuve-de-Rivière ', ce
terrible envahisseur continua sa marche en hâte vers
le Béarn. On sait que, sur sa route, cette armée, qui
ne comptait pas moins de 4,000 arquebusiers et de 500
chevaux, se livrait au pillage et ruinait surtout les vil-
les qui fermaient leurs portes. Nous n'avons jamais
su quel fut le sort de Montréal ? Pour éviter le fer et
la flamme, les habitants durent livrer passage aux
Huguenots, leur fournir des réquisitions, et se rache-
ter pour ainsi dire par une entière soumission à toutes
1. Idem, et Registres de la maison de Bellegarde, 1671.
2. Manuscrits d'Oihenart, Fonds Duchesne, 117 à 112, Bibliothè-
que nationale; — - Registres de la maison de Bellegarde, 1671.
3. Voir l'intéressant article de M. Baudouin : Montgommery à
Saint'Gaudens, Revue de Comminges (1890), t. V, p. 107 et suiv.
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leurs brutales exigences. C'est sans doute <t ce traité si
malheureux » auquel Monluc fait allusion dans sa let-
tre à M. de Bellegarde, le 7 août 1569. Il lui ordonne
d'envoyer à Toulouse les consuls de Saint-Gaudens et
de Montréal pour les y faire juger, ou mieux encore,
c( amenez-les moy, » dit-il, car « je les feray pendre
et estrangler incontinent » «.
Du mariage de Paule d'Espagne et d'Antoine de
Pardaillan, vint Hector, marié à Jeanne dame d'Antin,
le 8 décembre 1561.
Le 8 mars 1575, il se plaint au sénéchal de Tou-
louse d'avoir été privé de ses droits seigneuriaux de
Montréal.
Le 17 avril, par devant Ramond Cériros, notaire de
cette ville, les cx^nsuls et notables choisissent Jean
Aliquierry, docteur en droit, et Jacques Laforgue,
licencié en droit, pour transiger avec le seigneur Hec-
tor de Pardaillan de Gondrin d'Antin Montespan, et
protester de leur déférence *.
Le 15 janvier 1579, sur la remontrance de M. de
Terrasson, Puysségur, Lafont et Pujol, consuls, ti^u-
chant l'avertissement de la prochaine venue de M. de
Gondrin, décident de « l'aller voir en cérémonie au
« château d'Ausson, luy fayre la révérence, et luy
a apporter ung présent à la discrétion des consuls ^
1. Bibliothèque nationale, Fonds Français, n^ 3, 242.
2. Ex nostris, Cart Mont., n^ 196.
3. Cet acte de déférence fut renouvelé plusieurs fois depuis cette
époque. Lorsque les seigneurs venaient en leur manoir d'Ausson,
les consuls de Montréal leur apportaient un présent. Cette coutume
fut pratiquée pour la dernière fois en juin 1768. Le conseil de Mont-
rejeau, sachant que M. le duc d'Uzés passe à Toulouse, délibère
de lui faire un présent d'une valeur de 150 livres, au nom de son
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95
Le 22 août 1390, devant Bertrand Bernin, notaire
royal, Hector de Pardaillan-Gondrin et Jeanne d'Antin
fondent une chapellenie en Téglise de Soutiras '.
Le 27 juin 1602, par devant Manaud Ferré, notaire
de Laffîte-Vigordane, Antoine de Pardaillan de Gon-
drin, fils d'Hector et de Jeanne d'Antin, gentilhomme
ordinaire du Roi, capitaine de 50 hommes d'armes,
etc., épouse^ au château de Saint-Elix^, Paule de
Bellegarde, fille de Jean de Bellegarde, chevalier des
ordres, capitaine de 50 hommes d'armes, et d'Anne
de Villemur de Termes, sœur de Roger de Bellegarde,
grand écuyer de Franco. Antoine de Pardaillan était
veuf de Marie du Mayne d'Escaudillac.
M. de Gondrin-Montespan donne à son fils toutes
les terres de Montespan. Paule de Bellegrrde reçoit
36,000 écus de dot.
Témoins: M. Urbain de Noé, seigneur dudit lieu,
Henri deSarrieu, baron de Saint-Paul, Jean-Paul de
Noé, seigneur de l'Isle, Philippe de Benque, seigneur
de Marin, noble Pierre de Sarrecave, noble d'Antin,
seigneur de Labarlhe, etc '.
Jeanne d'Antin testa, au château d'Ausson, le 6
juin 1603. Elle fonda une messe haute à la chapelle
des Cinq Plaies des Augustins de Montrejeau, et fut
marquisat de Montespan, prises dans le trésor de la ville, et
M. Gouzier, avocat, est chargé de le remettre. (Ex nostris, Gart.
Mont., n^ 425 : Extrait de délibérations consulaires.)
1. Manuscrits d'Oihenart, Fonds Duchesne, n<> 206, Bibliothèque
nationale.
2. Roger de Bellegarde avait acheté la terre de Saint-Elixà M. de
Potier, seigneur de la Terrasse, le 16 janvier 1576, pour 50,000 livres.
(Registre de la maison de Bellegarde par Gavé, 1671.)
3. Manuscrits d'Oihenart, et Registres de la maison de Belle-
garde.
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96
inhumée à Bonnefont d'Antin, avec son mari, le
21 septembre 1610 1.
Le 17 mars de cette année, le manoir d'Ausson avait
vu le mariage de Louise de Voisins d*Ambres, fille
de Louis de Voisins d'Ambres, capitaine de oO hom-
mes d'armes, et de feue Paule de Pardaillan, avec An-
toine de Cardaillac, gentilhomme de la chambre du
Roi, en présence d'Hector de Pardaillan-Gondrin et
de Jeanne d'Antin, aïeul et aïeule*. Parmi les té-
moins, nous remarquons Bernard de Binos, Alexan-
dre de Laran, Jean de Galois, juge de la baronnie
deMontespan.
Au printemps de l'année 1612, Antoine de Pardaillan
et Paule de Bellegarde arrivent au château d'Ausson
avec une suite nombreuse. Ils y tiennent un grand état
de maison ; ils reçoivent les visites empressées de
leurs voisins, les hommages des consuls de Montréal
et des autres terres de Montespan. On ne se souvient
plus des luttes anciennes. Les nouveaux seigneurs sont
affables, compatissants, généreux. Pendant cinquante
années on a souffert de la guerre civile traînant à sa
suite une lamentable série de misères et de ruines. La
France meurtrie, épuisée, a déjà réparé le plus vif de
ses plaies sous la main tutélaire d'Henri IV. On dirait
que la noblesse veut imiter ce grand exemple, se
montrer accommodante et plus équitable à son tour. Les
huissiers ne viennent plus apporter au manoir d'Aus-
son leurs significations malséantes, mais les portes
1. Manuscrits d'Oihenari, et Registres de la maison de Belle-
garde.
2. Idem,
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97
en sont ouvertes aux habitants de Montréal à toute
heure, soit qu'ils présentent de justes réclamations,
soit qu'ils implorent Tassistance des châtelains.
Le 2 juin de cette année 1612, Antoine de Pardail-
lan et Paule de Bellegarde quittent Ausson avec leur
suite, et se rendent à leur château de Bordères en la
vallée de Louron. Les gentilshommes du pays et les
consuls des paroisses sont convoqués, le 5 juin, dans
la grande cour du château. Le seigneur fait à tous le
plus courtois accueil et leur dit qu'il vient^ comme
héritier de feu monseigneur de Pardaillan de Gondrin
son père, prendre solennelle possession de ses terres
et recevoir l'hommage de ses vassaux.
Les nobles hommes de la vallée et les consuls recon-
naissent ledit M. de Gondrin-Montesi)an pour leur
légitime et unique seigneur ; ils renouvellent leur ser-
ment de fidélité, demandent et obtiennent la confirma-
tion de leurs privilèges, en présence de Marc Antoine
de Campels, chevalier de Tordre du Roi, sénéchal et
gouverneur de la comté de Bigorre, noble Carbon
de Beyrau, seigneur de Jézeau, noble Pierre d'Aroux,
lieutenant de cavalerie au régiment de Piémont, noble
Foix de Carrière et autres, par devant Antoine d'Arro,
notaire de Sarrancolin.
Le 15 mars 1617, messire de Pardaillan de Mon-
tespan nomma M. de Sarrieu de Bellerm, capitaine des
chasses du Louron '.
Au mois d'août 1613, Louis XIII érigea la baronnie
de Montespan et toutes ses dépendances en marquisat,
par lettres patentes qui rappellent les services rendus
1. Gavé, Registres de la maison de Bellegarde.
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à l'État par Antoine de Pardaillan de Gondrin, maré-
chal de camp, conseiller d'État, etc.
Le marquisat comprenait trois villes : Montréal,
Valentine, Cazères.
Les châteaux ou maisons seigneuriales d'Ausson,
Auragne, Cuguron, Lécussan, Villeneuve-Lécussan,
Cazarilh, Villeneuve-de-Rivière, Saint-Laurent, Ma-
zères, La Tourreille, les vallées de Louron et d'Esba-
reilles, avec capitaineries dont dépendent 24 villages
avec haute, moyenne et basse justice, en beau et fer-
tile pays'.
A ces possessions, patrimoine de la maison d'Espa-
gne-Montespan^ s'ajoutaient le marquisat de Gondrin
et la baronnie d'Antin. Ces terres, grevées de lourdes
charges, de fondations pieuses et charitables, don-
naient annuellement un revenu de 30 à 40,000 livres ^
Antoine de Montespan, duc de Bellegarde, fils aîné
d'Antoine Arnaud et de Paule, ordonna, en 1665, une
reconnaissance générale de tous ses domaines.
On y lit à l'article d' Ausson :
<( Au lieu d'Ausson, le seigneur possède un château,
« cour et jardin avec les écuries, le tout entouré de
(L murailles, et une pièce de terre ou pré confrontant,
a appelé le Camon de Mounségné, confrontant du
« levant, chemin public; midi, l'église et cimetière
ft dudit lieu ; couchant et septentrion, chemins publics
a qui vont à Montrejeau ; plus une grange au levant
a du château, basse-cour, jardin entouré de murailles:
a plus une tour couverte d'ardoises au fond du village,
1. Gavé, Registres de la maison de Bellegarde, 1671.
2. Idem.
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9»
« avec motte de terre et fossés comblés; plus le péage
a de Sainte-Colombe. »
Les terres nobles comprennent 53 journaux, plus un
moulin. Les rentes doivent être portées au château
d'Ausson'.
A la suite de cette reconnaissance fut dressé le
cadastre de 1667, par ordre de M. Pellot, intendant de
Montauban et de Guienne, confié aux soins de Jean
Cistac et Biaise Baretge, arpenteurs, et de Mathieu
Dumas, pris d'office par Raymond Dumas, juge mage
de Pamiers^
En mars 1676, nouvelle reconnaissance du lieu
d'Ausson, par Jean Fontan de Saint-Laurent, pour
Pierre Gavé, intendant du duc de Bellegarde.
A toutes les époques, les titres que Ton a eu la
chance de conserver dans les pays de Gomminges et de
Nébouzan font mention des ravages causés par les
crues de la Garonne. Elles se renouvelaient d'une
façon presque périodique tous les vingt ans, comme il
arrive de nos jours et comme il arrivera jusqu'à la fin
des temps. En 1595, le château d'Ausson et les com-
muns subirent de graves dommages. Les jardins et
les vergers furent bouleversés ; des murs s'écroulè-
rent. Les seigneurs de Pardaillan-Gondrin-Montespan
ne revinrent habiter leur résidence qu'en 1601. Pen-
dant la première moitié du xvii® siècle, on ne constate
1. Gavé, Registres de la maison de BeUegarde.
2. Aveux et dénombrements des terres de Montespan, par devant
les Trésoriers généraux de France, par Pierre Gavé, intendant do
Monseigneur le duc de Bellegarde (Archives du parlement de Tou-
louse) ; — Actes et terriers d'Ausson des 14«, 15", 16" siècles :
Séverac, Bresche, Tonery, du Paraige, Gériros, notaires. (Ex nos-
tns, 460-490.)
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400
point de grands dégâts, mais en 1678 l'inondation prit
des proportions extraordinaires. La Garonne couvrit
toute la plaine ; plusieurs maisons du village furent
démolies. Les eaux entrèrent dans Téglise jusqu'au-
dessus du bénitier*. Le château souffrit naturellement
de cette irruption, et dut être en partie rebâti^ mais
d'une façon très sommaire, vu que ses maîtres n'y
parurent plus. La grande inondation de 1873, dont
nous avons été les témoins attristés , a égalé, sinon
dépassé, les malheurs causés par ces véritables trom-
bes qui fondent sur nos campagnes et les transfor-
ment en marécages encombrés de gravier, de cailloux
et de débris.
Depuis l'année 1620 environ, le château de Montes-
pan était abandonné; sous le règne d'Henri IV, d'ail-
leurs, la plupart de ces antiques forteresses avaient
été démantelées. Dans la reconnaissance de 1678,
nous remarquons la mention suivante à l'article 12 :
« Le seigneur possède noblement, au lieu de Montes-
« pan, les vieilles masures du château, sur la croupe
a d'une montagne appelée le Château de Montespan,
« autour duquel est un boys de haute futaye planté de
a chênes et hêtres, y ayant aussy quelques vacants et
« terres herms appelés le Pech et la Hayau, de la
« contenance de huit arpents plus ou moins.
« Sur le frontispice de l'église paroissiale sont
« taillées en relief les armes de Montespan^. »
Le duc de Bellegarde délaissa complètement le ma-
noir d'Ausson qui cessa d'être entretenu. Les jardins,
1. Archives municipales d'Ausson.
2. Registre de Gavé : Reconnaissance générale de Montespan par
Monseigneur le duc de Bellegarde, 1678.
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404
les vergers disparurent, remplacés par des prairies
sans clôtures. Bientôt les ruines s'accumulèrent; il ne
resta plus que les granges et les communs, dont quel-
ques murailles subsistaient encore à la fin du xviii®
siècle.
On ne se souvient pas à Montréal d'aucune visite du
duc de Bellegarde. Il se plaisait dans son château de
Saint-Elix, et il multipliait dans cette résidence pré-
férée tous les embellissements alors à la mode. Il fît
tracer un magnifique parc, et Ton dit même que
Le Nôtre vint dessiner le plan des jardins qui rappe-
laient le style et le goût des parterres de Versailles.
Le duc de Bellegarde mourut, le 2 mars 1687,
sans enfants.
Hector Roger, marquis d'Antin, son frère cadet,
marié à Marie Christine de Zamet, était mort à Paris,
en avril 1669, laissant un fils, Louis-Henri de Pardail-
lan Gontrin d'Antin-Montespan, héritier de tous les
biens et de toutes les seigneuries de sa maison.
Le marquis de Montespan, Tun des seigneurs les
plus beaux, les plus galants, les plus spirituels de la
cour, uvait épousé, le 28 janvier 1663, « entre deux
ballets I » Mademoiselle deTonnay Charente, Athénaïs
de Rochechouart Mortemart, qui fut la célèbre mar-
quise de Montespan. Lorsque la passion du Roi se
déclara en 1667, la marquise supplia son mari de
l'emmener dans ses terres, loin de la cour et du
péril. M. de Montespan ne Técouta point, s'en repentit
quand il n'était plus temps, fit du scandale, et s'attira
la colère du Roi par ses extravagances'. Il affectait
1. Mémoires de Mademoiselle, tome IV.
2. Madame de Montespan disait en parlant du marquis ; « Il est
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40S
de porter un deuil solennel, et cependant il ne vou-
lait pas être raillé sur la conduite de sa femme. Il ne
ménageait pas les dames qui voulaient faire les agréa-
bles sur ce chapitre*. On lui défendit de reparaître à
la cour. Il passa en Espagne, à la suite d'une affaire
de révolte en Roussillon, dans laquelle Louvois le fit
assez perfidement impliquer^. Après sa séparation
publique avec sa femme (7 juillet 1674), il habita le
château de Bonnefont d'An tin.
La mort du duc de Bellegarde le rendit proprié-
taire du château de Saint-Elix. Il y passa les der-
nières années de sa vie dans un exil volontaire, et
à la mort) de la fille du duc d'Epernon, religieuse car-
mélite à Paris, qui lui avait cédé ses droits, il prit,
en 1701, le titre de duc d'Epernon. a Montespan mou-
rut dans ses terres de Guienne, en décembre 1701 »,
dit Saint-Simon. Nous avons trouvé que ce fut, en
effet, le 1**" décembre de cette année, au château de
Saint-Elix 3.
Cet homme, digne d'une meilleure destinée, si bien
doué, si diversement jugé par ses contemporains,
mourut, toujours épris de sa femme, mais si meurtri
dans son amour et dans son honneur, qu'il ne voulut
jamais accepter une réconciliation plusieurs fois offerte
et même sollicitée.
tt ici qui fait des contes dans ma cour. Je suis si honteuse de voir
« que mon perroquet et lui amusent la canaille ». (Mémoires de
Mademoiselle^ tome IV, p. 151.)
1. Lettres historiques et galantes de Madame de Noyés, 1741,
tome 1*'.
2. Madame de Montespan et Louis X/V, par Clément, Paris, 1868.
3. Rolle des confrères qui ont assisté aux obsèques de Mgr
d'Epernon, seigneur du présent lieu de Saint-Elix, 1"*' décembre
1701. (Registres de l'église paroissiale de Saint-Elix.)
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403
Après sa disgrâce, la marquise, dit Saint-Simon,
visita ses terres d'Antin. La vit-on, même un seul
jour, à Montréal ou dans le manoir d'Ausson? Il n'est
point resté le moindre souvenir de ce passage. Elle
finit en 1713, comme on sait, dans les œuvres, les
austérités, la pénitence, les fondations pieuses, en
paix avec Dieu, mais avec le regret de n'avoir pu
rentrer en grâce auprès du mari qu'elle avait certaine-
ment aimé, mais dont elle avait brisé la vie.
Louis Antoine, marquis d'Antin, son fils, avait
passé son enfance et sa première jeunesse avec son
père, au château de Bonnefont d'Antin. Mais tout le
portait à la cour dont il respira Tair avec cette
noblesse, cet art, cette souplesse d'esprit, cette grâce
qu'il tenait de a la beauté de sa mère et du gascon de
son père », dit Saint-Simon. Le 24 août 1687, il
épousa Julie Françoise de Crussol d'Uzès. On connaît
l'histoire de ce grand seigneur, fait duc d'Antin en
1713, et qui réalisa le type du courtisan le plus habile
et le plus accompli. Constamment retenu, par ses char-
ges et par son amour des grandeurs, auprès des
majestés royales, il ne s'inquiétait guère de son mar-
quisat de Montespan, n'aimait ses terres que pour l'ar-
gent qu'il en retirait, ne se souciait point de les visiter.
Les archives locales ne nous apprennent pas qu'il ait
jamais honoré de sa présence la ville de Montrejeau,
le vieux Montréal de ses ancêtres, ni le manoir
d'Ausson en ruines depuis plus de cinquante ans!
Après la mort du dernier duc d'Antin, l'héritage
de Montespan passa dans l'illustre maison d'Uzès. En
1756, la ferme des terres d'Ausson donnait 700 livres.
Le moulin était affermé mille livres.
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404
Le droit de péage de Sainte-Colombe, qui remon-
tait au temps des comtes de Foix, et dont avaient joui
pendant cinq siècles les barons d'Espagne-Montespan,
appartenant au duc et à la duchesse d'Uzès leurs suc-
cesseurs, fut supprimé par arrêt du Conseil du Roi,
le 13 juillet 1767 \
Dans le cadastre d'Ausson de 1772, folio 8, on
trouve ce qui suit.
ce Mgr le duc d'Uzès, seigneur dudit lieu d'Ausson,
a tient et possède noblement audit lieu des mesures
<i où était anciennement le château, pré et champ
a avec la chapelle Saint-Pierre ; confronte du levant
a église et cimetière et la rue, du midi chemin de
« Camon, du couchant chemin, du septentrion ruis-
« seau de la Communauté; contient 55 journaux
« 4 mesures au premier degré, le reste au quatrième,
a Monte l'estimation à 840 livres sols cinq a.
Etat de section dressé en 1790 sur le Livre
de la communauté d'Ausson :
a Ce jourd'hui 26 février 1790, le sieur Sartor
« s'est chargé des masures et terre inculte où était la
« Grange, le tout estimé 11 livres 13 sols, 4 sols 6 de-
a niers, dont M. le duc d'Uzès a été déchargés. »
Etat de section dressé en 1791.
a M. le duc d'Uzès, cy-devant seigneur demeurant
a à Uzès, possède masures, prés 55 journaux 2 me-
1. Ex nostris, Gart. Mont., n« 457.
2. Archives de la mairie d'Ausson.
3. Idem. Ce terrain en pré appartient à M. Bertrand Save dit
Haoubés» d'Ausson.
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« sures 6 pugnères dont 25 journaux et demi de
a pré*. »
Le 12 fructidor an V, Charles Barres de Montrejeau
est chargé, en décharge dudit d*Uzès, de 3 journaux
4 mesures de terre labourable et masures portés
dans la section A, partie du numéro 154 ^ La famille
Barres a vendu les masures et le pré, en 1868, à
M. Cazeneuve, propriétaire actuel.
Ici finit l'histoire du château ou manoir d'Ausfion
et des seigneurs qui Font habité pendant trois siècles,
telle que nous avons essayé de l'écrire, d'après tous
les documents qu'il nous a été permis de recueillir.
Si les archives locales interrogées par nous avaient été
moins indigentes, cette modeste étude aurait gagné
plus de relief, et peut-être excité plus d'intérêt. Dans
tous les cas, il nous reste la conviction de n'avoir épar-
gné ni les soins ni les recherches pour rendre quel-
ques instants de vie à ces ruines abandonnées, dont
l'emplacement sera bientôt recouvert par les herbes et
la mousse qui verdissent sur les tombeaux !
Baron de Lassus.
i. Archives municipales d'Âusson.
2. Idem.
RcTue Ds CoimiiiGEs, !•' trimestre 1895. Toiie X. — 8.
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LES HUGUENOTS EN COMMINGES
d'après les Papiers des États conservés a Muret
INTRODUCTION
Diverses publications ont fait connaître, en ces -dernières an-
nées, les ravages causés dans nos contrées, au zvi« siècle, par les
guerres de Religion. Ainsi — pour ne citer que quelques travaux
— MM. Cil. Durier et J. de Garsalade du Pont ont publié, en 1884,
Les Huguenots en Bigorre. I/année suivante, M. A. Communay a
donné Les Huguenots dans le Béarn et la Navarre, Plus récemment
encore, M. le clianoine Douais ayant eu la bonne fortune de mettre
la main sur une série de textes d'une haute importance (on sait
qu'il est assez coutumier du fait), éclairait d'un jour nouveau Les
Guerres de Religion en Languedoc,
Plusieurs fois, en parcourant ces érudites brochures, nous
avons regretté que le Comminges n'eût pas sa part dans d'aussi
heureuses recherches. L'histoire de ce comté, pour la seconde
moitié du xvi* siècle^ restait une des plus ignorées.
Non certes que les fouilleurs du, passé aient manqué aux docu-
ments ; mais la disparition, la destruction des documents parais-
saient, à cause même de ce zèle, plus clairement établies et prou-
vées.
Les anciennes archives des chefs-lieux de châtellenies sont hélas!
singulièrement dépourvues. Par bonheur, les papiers des Etats
du Comminges n'ont pas complètement péri. Au point de vue spé-
cial qui nous occupe, ils nous permettent de combler un vide
regrettable. Il faut même reconnaître que la partie la plus abon-
dante des Archives des Etats a trait aux guerres de Religion. Ce
sera mettre ces documents à Tabri des injures du temps et de la
malice des hommes que de_les publier en entier*.
1. Le lecteur ne s*élonnera pas de ne point trouver ici des documents reblifs lo sac
de Sainl-Caudens et à la triple invasion de Saiut-Berlrand. Iji première de ces filles
appniienaii au NéLouzau, la seconde au pays de Rivière, il oe faut donc pas ehercberdaos
tes archives des Étals do Comminges des pièces les concernant.
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407
Il est aise de roxamen des documents qui suivent, de dégager
les caractères essentiels çies guerres de Religion en Gomminges.
Les Huguenots ont souvent troublé le comté. Ils l'ont envahi par-
tiellement quelques fois. Gomme en dautres régions, ils ont
rançonné les habitants, ravagé les récoltes, pillé les maisons,
détruit les églises ; mais ils l'ont fait comme par surprise, traver-
sant une portion du territoire à la manière d'un ouragan. Ils ne
paraissent pas s'être jamais établis dans le pays: leur installation
y fut toujours provisoire.
A la dilTérence de ce qui se produit dans le comté de Foix, par
exemple, où les Réformés sont en résidence et possèdent villes et
châteaux forts, en Gomminges ils ne se montrent que par occa-
sion. Ils tombent à l'improviste sur les communautés, les pillent,
brûlent ce qu'ils ne peuvent emporter et s'en vont.
C'est de ses turbulents voisins, les Huguenots des comtés de
Foix et de Tlsle-en-Jourdain, que le Gomminges a eu surtout à
souffrir. Placés, de deux côtés, sur ses frontières, ils le menacent
incessamment et pénètrent sans peine sur son territoire. Tandis
que du Bourg, parfaitement établi à l'Isle-en- Jourdain, se moque
des traités, rompt les trêves à plaisir, et enlève, par sa redoutable
garnison, toule sécurité aux châtellenies de Muret, de Samatan
et de risle-en-Dodon. les Huguenots du comté de Foix sont à deux
pas de la chàtellenie de Salies, ainsi que des Aides du Gomminges
situées en.Gouserans.
Du côté de Foix et dans le Haut-Gomminges, les communau-
tés sont presque sans défense. Les hommes capables de former
une garnison sérieuse sont groupés aux chefs-lieux de châtelle-
nies. Que doit-on attendre, dans les hameaux dispersés, d'une
poignée de villageois inhabiles, entièrement neufs dans un métier
si peu en rapport avec leurs travaux ordinaires, placés subite-
ment en face de troupes auxquelles la rapine à main armée est
familière, que des succès évidents remplissent d'audace, que l'ha-
bitude des plus violents excès rend cruelles, et qui, d'ailleurs,
n'attaquent qu'à bon escient? On sait, dans le pays, comment
Mont^ommery a traité Montrejeau et Saint-Gaudens en 1569, com-
ment SaintrBertrand, ville d'un accès pourtant difflcile, est tombé
trois fois aux mains des ennemis. Aussi, la peur devient à peu
près générale : on subit une sorte d'affaissement moral en face du
danger.
Sans doute, les États multiplient leurs assemblées, mais c'est
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108
pour décider le maintien de garnisons coûteuses, pour répartir
des impôts toujours croissants, d'autant plus intolérables que le
pays est plus appauvri, et que le Roi exige la perception des tailles
nécessaires pour Tentretien de ses armées. Devant ces assemblées,
les délégués des communautés du Gomminges se succèdent, pré-
sentant les mêmes requêtes, faisant entendre les mêmes plaintes,
exposant les mêmes malheurs, aboutissant aux mêmes conclu-
sions : suppression temporaire de Timpôt vu Textréme misère. Et
les États se voient réduits à Tobligation de concilier les requêtes
des communautés à bout de ressources, avec les exigences des
Huguenots, maitres de quelque place d'où ils n'entendent déloger
qu au moyen de gros paiements.
Si des soldats conduits par des capitaines dévoués au Roi tra-
versent le pays, loin de ressentir quelque bienfait de leur passage,
trop souvent les communautés en reçoivent de mauvais traite-
ments. L'homme de guerre — surtout pendant les guerres dites de
Religion — est le même dans les deux camps. « La nécessité de la
guerre, avoue Montluc, nous force en despit de nous-mesmesà
faire mille maux, et faire non plus d'estat de la vie des hommes
que d'ung poulet >... » Aussi bien,'en échange d'une protection tran-
sitoire, les communautés doivent fournir aux troupes des subsi-
des et des vivres, le paysan est obligé d'abandonner la charrue
pour escorter les convois de poudre et les pièces d'artillerie... Ces
désastreuses conséquences de la sauvegarde militaire effraient
les Gommingeois, ils se défient de ces milices mercenaires, quelle
que soit leur livrée ; car elles leur font payer très cher leur dé-
vouement, et bientôt, dans le comté, les paysans, en un langage
peu soucieux des nuances, parlent des soldats catholiques comme
de ceux qui ne le sont pas, et peu s'en faut qu'ils ne voient dans
les uns et ds^ns les autres le même redoutable fléau...
Reste à déterminer la part d'action et d'influence du pouvoir
central et des gouverneurs de province. Gette action, cette in-
fluence, se sont-elles fait sentir efficacement en Gomminges ? Si
l'on s'en rapporte aux seuls documents, il n'y a pas lieu de le
penser. — Quant au Parlement, il se préoccupe surtout de la con-
servation de Muret, place importante, rapprochée de Toulouse.
L'ancien château féodal des comtes de Gomminges est là, admira-
blement placé au confluent de la Louge et de la Garonne. Quels
avantages ne donnerait pas aux Huguenots la possession de ce
poste avancé? Pour en assurer la conservation, le Parlement
expédie à Muret tant de missives que le nombre surprend tout
d'abord. Le sénéchal et les capitouls déploient en ceci un pareil
1. Commentaires et lettres de B. de MoDtluc, t. ui, p. 499, édil. de H. de RnUe.
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zèle. C'est une série d'avertissements, de reproches, adressés
aux consuls de Muret. Mais s'il y a, de la part de Toulouse, une
si grande surveillance exercée sur la capitale du Comminges, le
reste du comté tient une place secondaire en ces préoccupations.
Toutefois, les documents nous révèlent l'action privée, l'initia-
tive personnelle de deux hommes, en Comminges, pendant les
troubles. Il importe de les signaler.
L'un d'eux est Sébastien de Cazalas. Il est juge en Comminges,
et, en vertu de sa charge, il a le devoir d'assister à toutes les réu-
nions des États, où il représente le pouvoir royal, et on sent qu'il
exerce dans l'assemblée une influence considérable. Il a contribué
certainement à obtenir, des populations commingeoises, les plus
durs sacrifices pour l'entretien des troupes et des garnisons ; il a
surtout contribué à maintenir l'unité morale des trois éléments
de l'assemblée, poussant tous les membres vers ce double but :
fidélité au Hoi et attachement invincible à la Religion. Lorsque,
aux États réunis à Muret, en 1594, de Cazalas déclarait que : « par
« le moïen de Funion et commune intelligence qui a esté de tout
« temps entre les trois ordres, ceste pauvre province a esté con-
« servée et les ennemis qui s'estoient emparés et saisis d'aulcunes
« des villes dud. pays, contrainctz à leur honte et confusion de s'en-
« fuir, en ayant esté honteusement chassés, » il constatait un
résultat dû, en grande partie, à son influence propre'. Henri IV
reconnaissant les « bons et agréables services » rendus par Sébas-
tien de Cazalas, en des temps si mauvais, lui accorda, en 1596,
le droit de prélever une pension annuelle sur les amendes impo-
sées par les États ^.
L'action de ce juge, en Comminges, a été longue, persévérante.
L'intervention de M. de Cornusson, sénéchal de Toulouse, pour
avoir été de courte durée, n'a pas été moins décisive. Les Hugue-
nots s'emparent de Saint- Lizier en 1579. Les Etats, assemblés à
Muret le 9 septembre, dans le but de procurer la délivrance de la
« cité » — car le « bourg » était encore aux mains des catholiques —
eurent immédiatement recours au sénéchal de Toulouse, « lequel,
« dit la délibération, seroit supplié comme chef de la justice de se
a voulloir transporter sur le lieu pour pourvoir à lad. rémission et
« pugnition desd. rebelles >. » M. de Cornusson ne se fit pas « sup-
plier » longtemps, et délivra, en efTet, la cité de Saint-Lizier. Il
n'y parvint, à la vérité, qu'après avoir promis un dédommage-
ment pécuniaire aux Huguenots ; mais le Roi n'eut pas moins de
1 . Cahier des délibérations des Etats. — Archives de Moret, L. 91 .
2. Archives de Maret. ParchemiD, L. 93.
3. Archives de Maret, L. 78.
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HO
reconnaissance pour lui et lui en donna un témoignage authenti-
que, comme le prouve la lettre qu'il lui adressa en cette occasion'.
Nous avons indiqué, en commençant, le découragement de
beaucoup de communautés du Haut-Gomminges pendant les
guerres de Religion. Ajoutons, qu'en certains endroits, plusieurs
communautés, mieux avisées, ont essayé de se protéger elles-
mêmes, sans emprunter le secours d'autrui. Au début, leur tacti-
que fut de créer des ligues. En cela, les communautés entraient
dans les vues de Montluc. Nous remarquons, en effet, dans la com-
mission adressée par Montluc lui-même, en 1568, à Pierre de Lan-
crau, évêque de Lombez, qu'il lui suggère d'opérer au plus vite
dans son diocèse, et de promouvoir dans tout le comté, le groupe-
ment des forces catholiques, par ce qu'il appelle des confréries 2.
Au fond, il s'agissait de ligues, mais de ligues sïnspirant surtout
de l'idée chrétienne qu'on devait défendre.
A la ligue devenue impuissante, à la ligue vaincue, succèdd la
transaction : c'est la trêve honorable après les hostilités.
Il s'établit alors de ces ententes dont la bonne foi seule garantit
la durée, rompues par le plus fort, sans crainte de représailles
sérieuses. Et lorsque cet expédient est usé, et que, malgré des
pactes, des accords conclus en de solennelles conférences, les ha-
bitants du Haut-Comminges se voient de nouveau dupés et dé-
pouillés, ils ne reculent pas devant cette extrémité : abandonner,
jusqu'à nouvel ordre, terres et maisons, et passer en Espagne.
On comprend sans peine que l'émigration devait mettre en
mauvais état les affaires du pays.
L'agriculture en souffrit beaucoup en Gouserans et en diverses
parties du Gomminges, où des territoires assez vastes, si on les
compare à l'étendue totale du comté, devinrent absolument dé-
serts. Les finances reçurent aussi un contrecoup de cette fuite
précipitée, et les charges ne diminuant pas en proportion de la
diminution des habitants, les dettes du pays et celles de Muret,
siège principal, prirent, au commencement du xviP siècle, d'in-
quiétantes proportions. Les guerres civiles seront apaisées depuis
des années en Gomminges, que le comté éprouvera encore le
malaise profond, le trouble général, que les dissensions religieuses
y ont provoqués.
J. Lestradb.
1. Leltre d*Henri III au Sénéchal de Toulouse. Archives de Muret, L. 78.
2. Commission de Moulluc à TéTéque de Lombez. Archives de Muret, L. 40.
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CHRONIQUE
I — A Martres-Tolosanes (ancienne Angonia)
Dans une de ses séances de l'hiver, la Société archéologique du
Midi de la France a reçu de nouvelles communications de
M. Ferré, de Martres-Tolosanes dont les richesses archéologiques
paraissent inépuisables. A chaque instant, pour ainsi dire, de
nouveaux vestiges d'antiquités gallo-romaines sont mis au jour.
En ces derniers temps, on découvrait, dans le champ de
M. Manent, des substructions, avec des fragments d'archilecture et
de sculptures qui sont venue accroître la précieuse collection
provenant de cette importante station sur le passage de la voie
romaine de Tolosa à Lugdunum Gonvenarum.
II — Clément V et la tiare
Peu de gens savent que Clément V, qui fut évêque de Gom-
minges sous le nom de Bertrand de Got avant d'être promu au
souverain pontificat, est le premier pape qui a porté la tiare ornée
de la triple couronne.
La publication du BuUaire de ce pape célèbre a ramené sur lui
Tattention. Nous avions, dans notre notice sur Tabbaye de Bonne-
font, parlé de la visite qu'il vint faire à la cathédrale de Gommin-
ges', réédiliéc par ses soins, et de la translation des reliques de
saint Bertrand a laquelle il avait voulu solennellement procéder
lui-même.
Notre distingué collaborateur M. l'abbé Lestrade nous a promis,
pour la Revue^ l'itinéraire de ce pape lors de son retour dans son
ancien diocèse, avec l'historique de ses haltes et des bulles au'il
donna chemin faisant. M. labbé de Garsalade du Pont en a relevé
quelques-unes dont nous avons publié la rubrique. Nous aurons
maintenant l'ensemble des actes pontificaux qui marquèrent le
mémorable voyage de Glément V à travers le Gomminges.
On trouve, clans l'inventaire du mobilier de ce pape, « une cou-
ronne appelée regnum^ avec trois cercles d'or garnis de pierres
précieuses ».
III — La Langue basque au Japon
S'il faut en croire M. Thomas qui était alors professeur à la
Faculté des lettres de Toulouse, dans un mémoire sur l'origine et
la formation du mot Gomminges, les habitants de la contrée por-
tant ce nom, les anciens Gonvenae auraient parlé le basque qui ne
possède ni le b ni le v. C'est pourquoi, en l'absence de ces deux
labiales, le nom de Convenicum^ dérivant de Gonvenae aurait été
changé en Gomenae, Gomenge, Gomminges*.
Quoi qu'il en soit de cette opinion que ne partageait pas Julien
Sacazc, l'idiome basque, que les philologues placent parmi les
langues les plus anciennes et les plus curieuses, est encore parlé
dans une région assez voisine de nous, appartenant à notre grand
bassin sous-pyrénéen.
Nous avons entendu, en 1857, M. le professeur Joly, dans un cours
de physiologie et d'ethnographie à la Faculté des sciences de
Toulouse, enseigner que l'idiome basque remontait à la plus haute
antiquité. Il n'a aucune analogie, aucune relation avec les langues
de l'ancien continent. Son propre nom est Euscuara, d'où langue
euscarienne.
Les Basques étaient appelés Yascons par les Romains, et il n'est
pas difficile de retrouver dans ce vocable le terme lui-même Eus-
cuara; l'eu transformé en v: Vascua, Vasco, etc.
D'où venaient-ils ? Bien n'est plus difficile en ethnographie que
de déterminer leur origine. Boudart. Broca, Gallantin, d'Abbadie
et Renan les font descendre tour à tour des Ibères ou des popula-
tions numides de l'Afrique méridionale.
i . Bévue de Cwiminges, t. ii. — 2. Revue de Commingee, t. ii« p. ^73.
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Ne serait-ce pas la confirmation de cette dernière opinion ce que
nous tenions à consigner dans cette chronique — les aires d'explo-
rateurs et de missionnaires dont il a été question cet hiver dans la
presse parisienne, le Gau^ots notamment — que des missionnaires
et des explorateurs ont retrouvé les vestiges du basque dans
certaines régions de l'Afrique?
M. Joly assurait qu'aujourd'hui même des idiomes asiatiques
avaient une grande analogie avec le basque tel qu'il s'est conservé
dans les arrondissements de Bayonne et de Mauléon (Basses-Pyré-
nées), et de l'autre côté des monts, dans les provinces de Navarre,
d'Alava, de Biscaye et de Guipuscoa.
Pour La Bastide, TichofT, Bidahouet, les Basques proviendraient
de la race aryenne-celtique.
Bergmann, le prince Lucien Bonaparte et M. de Charencey leur
assignent une origine américo-canadienne, ce que rendraient très
vraisemblable des similitudes de dialectes.
Ces données ne sont pas tout à fait indifférentes pour nous, habi-
tants de contrées pyrénéennes comprises plus ou moins dans
l'ancienne Vasconie.
IV — La grotte de Lestelas, à Gazavet (Ariége)
Yoici une nouvelle communication qu'a bien voulu nous faire
M. ringénieur Uarlé au cours de ses savantes explorations paléon-
tologiques dans la région. On n'a pas oublié celles que nous lui
devons déjà et auxquelles nous avons été heureux de donner place
dans la Revue.
Cette, fois M. Harlé signale la découverte de mâchoires et autres
restes de marmottes dans la grotte de Lestelas, commune de
Gazavet, dans une de nos anciennes régions commingeoises ,
depuis passées au Gouserans : Gazavet est dans le canton de Saint-
Lizier.
Sur son territoire se trouve la grotte de Lestelas, à 900 mètres
d'altitude. Ge serait^ suivant M. Harlé, le gisement de la période
quaternaire le plus élevé des Pyrénées.
Avant ses recherches, on n'avait trouvé aucun vestige de mar-
mottes dans cette région pyrénéenne. Deçuis le mois de mai der-
nier, des restes de ces animaux ont été aussi signalés par lui,
notamment à Montoussé dans la vallée de Neste, et à Eychel, non
loin de Saint-Girons.
A Lestelas, les os recueillis sont deux humérus ayant conservé
Tarcade pour le passage de l'artère brachiale.
M. Harlé cherche à s'expliquer pourquoi les traces de ce petit
quadrupède rongeur avaient jusqu'ici échappé aux investigations
des naturalistes, par cette raison que le plus grand nombre de
ceux qui ont exploré les gisements quaternaires recherchaient
trop exclusivement les gros ossements et négligeaient ceux des
petits animaux.
Quoi qu'il en soit, la marmotte qui a vécu jadis dans les Pyré-
nées en a depuis longtemps disparu. « Gest par erreur, dit
M. Harlé, que certains auteurs prétendent le contraire, l^e fait
même qu'elle se maintient encore dans les Alpes conduit à suppo-
ser que sa disparition des Pyrénées depuis le quaternaire est due
à d'autres causes que l'action de l'homme. »
En définitive, l'ancienne faune de notre Gomminges montagneux
vient ainsi de s'enrichir de quelques curieux spécimens, comme
ceux des ossements d'h>;ènes rayées à Montsaunès, qui firent
l'objet d'une communication de M. Harlé à la séance du 21 mai
1894 de la Société géologique de France.
Nous félicitons M. Harle, en le remerciant de vouloir bien faire
profiter notre Revtie de toutes celles de ses fréquentes découvertes
qui intéressent particulièrement notre Gomminges, ayant ete
faites dans son domaine, Alphonse COuGET.
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STATION MÉTÉOROLOGIQUE
DE SAINT-GAUDENS
p05DéB PAR LA Société des étodbs du Commiuges
TABLEAUX SYNTHETIQUE & GRAPHIQUE
DBS
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
RECUEILLIES PENDANT L'ANNÉE 1894
Dans le tableau graphique, la pression barométrique
et la hauteur de pluie sont exprimées en millimètres. La
température et l'humidité relative, en degrés centigrades.
L'intensité du vent est indiquée par un des signes sui-
vants :
O Vent faible.
O Vent assez fort.
® Vent fort.
O Vent très fort.
€ Vent violent.
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DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
FAITES PENDANT L' ANNÉE 1894
RÉSULTATS COMPARÉS DES ANNÉES 1892-18^-1894
Baromètre. — La plus forte pression barométrique, 745, a
été constatée le 4 février, par un vent de N. 0. La plus faible, 718,
a été constatée le 5 janvier, par un vent de S. 0.
Moyennes comparées des trois dernières années :
1892 : 728,2 | 1893 : 730,5 | 1894 : 731,0
Thermomètre. — La température la plus élevée, + 35<»3, a été
observée le 2 septembre; la plus basse, — 9«, a été observée le
4 janvier 1894.
Moyennes comparées des trois dernières années :
1892 : 12^9 | 1893 : 13ol | 1894 : 12<»6
L'année 1894 a été plus froide que les années 1892 et 1893.
Jours de Gelée. — Le thermomètre est descendu au-dessous de
zéro : 17 jours en janvier, 6 jours en février, 1 jours en mars et
8 jours en décembre. Total .... 32 jours.
En 1892, le nombre de jours de gelée a été de 54 jours.
En 1893, — — — — 38 —
Hygrométrie. -^ Le degré d'humidité de Tair est déduit des
observations du psychromètre.
Le maximum d'humidité, 90, a été constaté, en 1894, le 2 dé-
cembre, par vent de S. Ë.
Le minimum, 23, a été observé le 28 septembre, par vent de N. 0.
La moyenne hygrométrique de 1894 a été de 53.
État da oieL — Les 365 jours des années 1892, 1893 et 1894 se
composent ainsi qu'il suit :
Jours beaux Nuageux Couverts
1892 93 129 144
1893 96 91 178
1894 91 99 175
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Ploie. — Le pluviomètre a reçu, pendant Tannée 1894, une quan-
tité cTeau correspondant à une hauteur de 73&« 0. Le nombre de
jours de pluie ou neige a été de 98.
Le mois le plus pluvfeux a été le mois d avril, pendant lequel
il a plu 17 jours.
Le mois le moins pluvieux a été le mois de juii^ pendant lequel
il n'a plu que 3 jours.
Totaux comparés des trois dernières années :
1892 - 1893 — 1894
Jours de pluie : 144 108 98
Hauteur de pluie : 833,5 512,3 738
Vents. — En 1894, le vent dominant a été le N. 0., qui a soufflé
126 jours, puis le 8. E. qui a soufflé 74 jours, et le N. E., qui a
BOuffTé 73 jours et enfin le S. 0. qui a soufflé 63 jours.
A Saint-Gaudens, le vent du Nord n'a soufflé que 10 jours, le
vent d'Ouest 13 jours, et I0 vent Sud 2 jours seulement.
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LES PREMIEKS AGES DE tUCHON^
SOMMAIRE
AVA5T-PR0P0S. — PéBioDE PBÉHiSTORiQUE. -* PÉRIODE Gauo-Rohaine : Avaiil-propos ;
1. Ilixon; 2. Aonibal à Luchon ; 3. Pompée ; 4. Auguste; 5. trois Empereurs : Sep-
time Sévère, Vaiérien et Gallicn ; 6. Sccundinns et Fabia FesU ; 7. fin de TÉre gallo-
romaine. ~ Période du Moyen Age : 8. les Sarrazins, Ckarles ; 9. premiers Apôtres
des Garumnes; 10. les Templiers.
Les premiers âges de Luchon
Sous ce titre, nous allons présenter aux lecteurs de la
Revue du Comminges une histoir^i monographique de
Luchon, en faisant défiler sous leurs yeux les person-
nages illustres qui ont habité ou visité notre station dans
les temps passés. A ceux qui trouveront étrange cette
façon d'écrire l'histoire, nous ferons observer que ce sont
les grands hommes qui font les grands faits, et que l'évé-
nement le plus vulgaire a son prix quand il se rapporte à
un héros.
Le territoire de Salone produit d'excellentes laitues : le
monde l'ignorerait à jamais si Dioclétien ayant abdiqué
l'Empire, n'eût, de ses mains impériales, exercé le jardi-
nage. Que les thermes de Lixon aient fleuri dans l'anti-
quité, c'est un fait heureux à constater, mais parfaitement
indifférent. Seulement, qu'à l'occasion de ces thermes
vous me citiez Annibal, le grand Pompée, l'Itinéraire d'An-
tonin, ou un passage de Strabon, je répéterai la formule
sacramenteHjp : « Continuez, votre discours m'intéresse. »
1. Kn publiant ce travail qui lui a paru présenter un véritable intérêt, la Direclion de
la Revue fait cependant ses réserves sur certaines des données hL<toriquos présentées par
Tauteur et qui peuvent fournir matière à controverse.
C^est le cas de rappeler la déclaration laite dans Tavant-propos de nos premières publi-
cations ; elle n'est autre que Tarticle 10 de nos statuts : « Chaque publication est faite au
nom et sous la responsabilité de son auteur. »
Quant aux droits de la critique historique, nul ne pouvait songer à les méconnaître et
ils demeureront toujours intacts au profil de la vérité dont la recherche persévérante et
sincère est le but de notre Société des Etudes. A. C.
Afitui M CoimwQBS» 9* trimestre 1893. Tome X. — 9.
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4U
Chronologiquement, le sujet se divise naturellement en
trois périodes d'une longueur inégale, mais dont la plus
courte n'est pas la moins intéressante. Ces trois périodes
sont: 1* la période préhistorique, 2* la période gallo-
romaine, 3" la période du moyen âge.
PÉRIODE PRÉHISTORIQUE
Nous avons peu de chose à dire sur cette période, qui
cependant a la propriété de passionner le monde archéo-
logique. Grâce à quelques savants de la région — et
parmi eux il convient de citer principalement le D' GarrI-
gou, — on est bien convaincu aujourd'hui que Luchon
est situé sur le lit d'un ancien lac comblé par des atterris-
semcnts. Ce lac couvrait l'emplacement actuel de la ville
et s'étendait jusqu'au village de Cier.
« C'est là, dit Lambron, dans son remarquable ouvrage
<f sur les Pyrénées, que commence le bassin de Luchon
«r entièrement formé de terrains d'alluvion, cause bien
« naturelle de sa merveilleuse fertilité. L'étude archéolo-
« gique de la disposition de ce bassin démontre en effet
<f qu'il forma autrefois un des grands lacs des Pyrénées
« et fut mis à sec par la rupture du barrage naturel
(c placé à l'entrée de la gorge de Cier, rupture due à l'ac-
<c tion destructive et incessante des eaux, comme celle de
a la chaussée du lac de Héas, près de Gavarnîe, qui, en
i( 1788, causa tant de désastres dans les vallées de Gèdrc
« et de Luz. »
A l'époque si lointaine et imprécise où la vallée de
Luchon n'était qu'une vaste nappe d'eau, il est certain
que les hauteurs étaient habitées par une race d'hommes
primitifs : témoins, les nombreux villages que Ton voit
encore suspendus à des hauteurs presque inaccessibles,
et où les habitants continuent à séjourner sans autre rai-
son que l'amour du sol où ont vécu leurs aïeux.
Voilà donc un premier point acquis.
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445
Un autre point, élucidé depuis peu (1865), c'est que les
autochtones de Tépoque préhistorique appartenaient à
une race extraordinairement vigoureuse : nous en avons
la preuve manifeste dans les divers monuments mégalithi-
ques dispersés dans les vallées du canton, et notamment
dans les groupes de cromlechs de Baren et de TEspiaux,
signalés et décrits par MM. Pourcade, Gourdon et Sacaze,
où Ton trouve des blocs de pierre, groupés dans un ordre
symétrique, qui ont jusqu'à 58 mètres cubes. Comment
s'y étaient pris ces hommes primitifs, qui ne connais-
saient pas l'usage du fer, pour mouvoir ces masses
gigantesques ? De quel levier se servaient-ils pour soule-
ver des poids de 100.000 kilos? ^
Ces questions, insolubles peut-être, stimulent le zèle
des archéologues, que rien ne rebute et qui vont faisant
chaque année de nouvelles découvertes.
En 1870, MM. Pourcade et le comte de Chasteigner
déterraient dans la grotte de Saint-Mamet des silex tail-
lés, des flèches, une hachette polie et des fragments de
poterie noire datant de l'époque néolithique.
En 1865, c'étaient Pourcade et Padeuilhe qui mettaient
à jour, dans le village de Garin, des sépultures à inci-
rations datant de l'époque préhistorique.
En 1873, M. Chaplain-Duparc découvrait, dans la vallée
d'Oô, des cromlechs souterrains dont l'un contenait une
urne funéraire.
En 1875 et 1876, c'étaient M. Edouard Piette, et encore
Gourdon et Sacaze déjà nommés, qui fouillaient la monta-
gne de l'Espiaux et y trouvaient des alignements de pierre
absolument remarquables et de la plus haute curiosité.
Ces premiers résultats ont puissamment encouragé les
savants, et nul doute que, grâce à la propagande féconde
de la Société des études du Comminges, de nouvelles
découvertes ne viennent jeter un jour nouveau dans la
nuit des temps passés et permettre de rétablir l'histoire
de Luchon préhistorique.
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PERIODE GALLO-ROMAINE
Voilà donc le bilan, hélas! bien court, de la période
dite préhistorique. Heureusement, nous allons être un peu
plus favorisés avec la période romaine et gallo-romaine,
bien que les documents soient encore vagues, isolés et
souvent incertains. Il est bien constant que la vallée de
Luchon, ce canton reculé des Gaules, a subi la double
conquête des anciens maitres du monde : la conquête par
les armes et la oonquête par les idées et le génie de
Rome. On en verrait des preuves plus absolues Tune que
l'autre dans la langue du pays, dans les dénominations
ethniques, dans les monuments latins exhumés du sol.
Comment rattacher rédifice à Tarchitecte et le fait à son
auteur, si ce n'est par de vagues traditions, par des
légendes ou par des textes douteux retournés en cent
façons chez les commentateurs? Ce léger fil, est-il possi-
ble de le retrouver et de le rendre visible * ? C'est ce que
nous allons essayer de résoudre.
1. Ilixon
A tout seigneur tout honneur! Fidèles à l'esprit de ce
vieux dicton, nous commencerons par le dieu Ilixon;
aussi bien, cette divinité n'est-ellc pas autant étrangère au
sujet qu'on serait porté à le croire.
Toute histoire commence par la fable; toute nation un
peu ancienne a son berceau entouré de mythes légen-
daires. Avant d'entrer de plein pied dans les événements
authentiques, il faut passer par la légende.
1. A cette occasion, qu'il nous soit permis d'exprimer un regret qui est iw vœs : 11 b'j
a pas à Ludion d'archives sérieuses. Ceux qui désirent écrire sur la station sont réduits i
parcourir h grands frais certaines Tilles du Midi et les bibliothèques publiques. C'est li
que sont dispersés les manuscrits ou les ouvrages concernant la tille. 11 aérait si simple
de colliger ces documents et de les mettre à la disposition des amateurs. Les indiféucs
verraient là les titres de leur antique prospérité, et les hittoriographei TÎeadraieat j
pnlser abondamment.
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«7
Ce n'est pas que le dieu Ilixon n'ait existé réellement,
ou, pour mieux parler, qu'il n'y ait eu un pays placé sous
le patronage d'une déité de ce nom. De l'avis de tous les
étymologistes, le mot Luchon n'est qu'un dérivé cor-
rompu de cet autre mot Ilixon^. On a trouvé au pied de
Superbagnères, aux lieux mêmes où s'élèvent les thermes
modernes, plusieurs autels votifs qui lui étaient dédiés.
Ces monuments, dont nous reproduisons les principales
inscriptions à la fin de ce chapitre, sont d'origine gallo-
romaine ; ils furent sans doute placés là par la piété des
malades reconnaissants. Il est si facile d'établir la filiation,
entre la dénomination actuelle de notre station thermale
et celle du protecteur que lui avaient donné les Celtes,
que tout commentaire en sens inverse serait même de
mauvais goût.
Qu'était-ce donc que ce dieu Ilixon?
Est-ce un personnage de l'Olympe celtique, un membre
de la divine famille à laquelle appartenait Teutatès ?
En arrivant dans le pays, les autochtones de la vallée
delà Pique ont-ils choisi, dans leur paradis, un patron
quelconque pour lui confier la garde de leurs foyers?
Était-ce la déité particulièrement invoquée par leur tribu?
Je n'entends pas résoudre cet insoluble problème ; il a
trop peu d'importance et ce serait perdre son temps et
rabaisser le travail que de le faire servir à ces infiniment
petits. Je veux simplement poser la question.
Une autre hypothèse se présente d'elle-même qui n'est
pas dépourvue de vraisemblance et qui, jusqu'à un cer-
tain point, s'accorde avec la première. Nos lecteurs
en jugeront.
On sait aujourd'hui, de par la critique historique, quelle
est l'origine des rois et des dieux. César se disait issu de
i. Ost à tort que certains épigraphistes écrivent indifféremment Lixon et Ilixon.
Voici do reste l'opinion de Julien Sacaze dont la compétence est incontestable : ■ Le mot
de Lixon ne fignre dans aucune inscription authentique. Celui d'Ilixon doit seul rester
dans la liste mythologique des Pyrénées et les linguistes ne doivent plus citer Lixon
comme un exemple d*aphérèse. La divinité éponyme de Luchon se nomme Ilixon et nou
LixoQ. L est devenu la lettre initiale par la chute de 17 comme Llerda est devenu Lerida.
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Vénus par ses aïeux, et les flatteurs de Louis XIV lui
donnaient pour aïeul Francus, ce qui aurait établi, entre
les deux Césars, une espèce de parenté. Que Tun et
Tautre aient ajouté foi à ces bizarres généalogies, ce
serait faire tort à leur grand bon sens que de le croire.
Le premier roi. Voltaire Ta dit, fut un soldat heureux,
et le premier dieu (bien entendu que je parle ici des dieux
mijthologiques) fut un mortel plus ou moins illustre, divi-
nisé par ses semblables après sa mort.
Or, pour en revenir à Ilixon, ne serait-il pas l'introduc-
teur des Celtes dans la vallée de la Pique, un chef de clan
habile et heureux, auquel ses sujets, ou plutôt leurs
descendants, auraient décerné les honneurs divins? Dans
les grandes migrations gauloises, ce serait lui qui aurait
donné des foyers à sa tribu et qui l'aurait installée dans
ce coin des Gaules, leur patrie définitive.
Nos lecteurs conviendront sans peine qu'on ne pouvait
ne pas produire cette version explicative. Je l'ai d'ailleurs
discutée avec plusieurs archéologues qui en ont sponta-
nément reconnu le bien fondé.
C'est à ce seul titre que Ilixon, personnage légendaire
et cariatide fantastique avant les héros réels, mérite de
prendre place parmi les hommes illustres de la station.
Le lieu qu'avaient choisi les indigènes pour rendre
leur culte à Ilixon (héros immortalisé 'après coup ou
divinité primitive, n'importe) était admirablement choiai;
le sanctuaire occupait la seule place qu'il dût occuper,
au pied de Superbagnères, vers Tendroit où les eaux
thermales sourdent déterre. C'est là, et là seulement, que
les aborigènes établirent le sanctuaire. Là, s'élevait le dol-
men, la pierre sacrée où ils venaient faire les sacrifices à
leur génie particulier. Des pentes boisées de la monta-
gne, il veillait sans cesse, présidant à l'invisible travail
de la terre, conduisant les sources vers leur éternelle
issue. Avec leur instinct, les indigènes durent compren-
dre que là étaient et la fortune de la vallée et le salut des
malades, pour un avenir indéterminé.
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149
C'est Superbagnères qui fait Luchon ; le dernier n'exis-
terait pas sans le premier : supprimer Tun c'est détruire
Tautre.
Supposez, en effet, que le dieu Ilixon, irrité par les
méfaits de ses adorateurs, cesse de remplir son office et
que les eaux se perdent dans Tintérieur de la terre, vous
voyez d'ici tout le désastre. 11 ne resterait qu'une vallée,
magnifique sans doute, mais n'offrant à l'habitant que des
ressources insuffisantes. :La beauté des sites ne laisse-
rait aux intéressés qu'une pauvre consolation et qu'un
attrait insuffisant aux malades.
Honneur donc à Superbagnères et à Ilixon ! Si d'une
main ils prennent le soleil aux Luchonnais, de l'autre ils
leur donnent des millions. L'on est un peu plus riche et
l'on ne s'en porte guère plus mal. Si Ilixon, fut le premier
à découvrir les sources et à peupler le pays, qu'on ne me
sache pas mauvais gré de le faire figurer en tête de la
liste.
Cela dit, nous n'aurions garde de ne pas indiquer ici
(d'après Castillon d'Aspet, auteur d'un ouvrage sur
Luchon) une étymologie curieuse du mot Ilixon, qui fera
peut-être comprendre pourquoi la vallée de la Pique fut
placée sous cette invocation.
Dans l'idiome celtique, Li et Lis veut dire eau; de Li
s'est formé Lixo, eau chaude.
Si l'on ouvre Ducange CGloss. ad verbum Lixojf on trou-
vera même que du radical celtique sont dérivés plusieurs
vocables latins, tels que Lex, lessive et Lexiviay cendres
lessivées*.
Ainsi, outre l'identité qui semble exister entre le terme
lixOy eau chaude, et celui de Lixo divinité tutélaire de
Luchon, il faut encore observer une grande analogie
entre le sens de l'un et la nature des attributions de
l'autre. Que conclure, sinon que Ilixon est une déité
I. Le nom de Lés, ville d'eaax ihermales dans le val d*Aran (en lalin Lexis) paraît bien
avoir cette provenance.
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locale et que, sous cette personnification, nos aïeux ado-
raient les sources de Superbagnères?
Notre travail serait incomplet si nous ne présentions
pas à nos lecteurs, comme pièces justificatives, un aperçu
des 5 autels votifs consacrés au dieu Ilixon qui existent
encore en France.
1** Cippe trouvé dans les ruines des anciens thermes et
déposé au musée de Toulouse :
ILIXONI
DEO
SECVNDI
NVS-VER
ECVNDI. f.
Lisez: Ilixoni Deo Secundinus Verecundi fUius.
« Au Dieu Ilixon, Secundinus, fils (ou esclave) de Vere-
cundinus ».
Cet autel, ayant été mutilé, ne possède plus les sigles
V. S. L. M qui, disons-le une fois pour toutes, se retrou-
vent dans tous les autels votifs.
2" Cippe trouvé dans les ruines des anciens thermes et
déposé au musée de Beauvais :
ILIXONI
DEO
FAB. FESTA
V. S. L. M.
Lisez: Ilixoni Deo Fabia Festa votum solvit libérais,
viorbo.
« Au dieu Ilixon, Fabia Festa acquitte son vœu, déli-
vrée de son mal. »
S** et 4**. Deux autres cippes, moins complets et moins
intéressants que les deux premiers, sont déposés l'un dans
la collection d'Agos et Tautre dans la collection Sacaze.
5^ Le cinquième et dernier cippe a été vendu à la ville
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4SI
de Luchon, par M. Caze père, et se trouve dans une niche
dominant la porte de l'établissement ; il porte Tinscription
suivante :
DEO
LIXONI
FLAVIA RUFI
F. PAVLINA
V. S. L. M.
Lisez : Deo Lixoni Flaviani Riifi FilisL PaulinsL votum
êolvit liberata morbo.
« Au Dieu Lixon, Pauline, fille de Flavianus Rufus,
acquitte son vœu, délivrée de son mal. »
Au sujet de ce dernier cippe, le docteur Lambras écrit :
(c Je n'ai pu savoir de M. Caze comment il est venu en sa
« possession ; je ne connais donc rien de sa réelle anti-
quité.
Julien Sacaze est encore plus catégorique et voici
son appréciation :
(f Quant au cippe trouvé à Baren et placé dans une
« petite niche au dessus de la porte principale de Téta-
cc blissement, l'inscription qu'il porte n'est pas authenti-
« que et l'on connait le faussaire V. C. »
2. Annibal à Luchon
Dans la galerie des visiteurs illustres de Luchon, la
figure qui se présente d'abord est celle d'un Africain, et
des plus fameux s'il vous plait. Le premier visiteur en date
ne sera pas le moindre sous le rapport de la célébrité.
Annibal à Luchon! Voilà sans doute une étrange chose! A
vingt siècles de distance, un chroniqueur s'avise un beau
jour d'écrire un chapitre obscur des destinées de son
pays, et le premier nom qui lui tombe sous la main est un
nom universellement classique. Quoi qu'en pense la criti-
que, je m'en félicite d'abord, même avant de m'infor-
mer si l'histoire viendra confirmer la tradition.
Rappelons en quelques mots, pour ceux de nos lec-
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teurs qui ont perdu de vue leur histoire, la phase princi-
pale de la vie d'Annibal.
« Fils d'Amilcar Barca, Annibal naquit à Carthage, Tan
« 247 av. J.-C. Encore enfant, sous les yeux et sur les
« ordres de son père, il jura sur les autels une haine
« éternelle aux Romains. Il conçut et exécuta le projet,
« alors si hardi, de traverser la mer et d'aller du fond de
« TEspagne, à travers les peuples hostiles de Tlbérie et de
« la Gaule, à travers les neiges et les précipices des Pyré-
<r nées et des Alpes, attaquer Rome dans Rome. Quatre-
« vingt mille hommes le suivirent au départ. Vingt mille
« seulement mirent avec lui le pied sur le sol de Tltalie.
« Avec cette poignée de soldats, il força les alliés à se
« détacher de Rome, par les promesses, les menaces ou
« l'extermination. Il écrasa les Romains eux-mêmes au
ft Tessin, à la Trébie, au lac Thrasimène, à Cannes, à
(c Cannes surtout où Rome perdit cinquante mille hom-
« mes et d'où il envoya à Carthage, pour bulletin de la
« journée, deux boisseaux de bagues d'or prises sur les
V cadavres des chevaliers. On dit que ce jour-là eût été le
« dernier des Romains, si le Carthaginois eût nîarché sur
« Rome. C'est une erreur : le génie de Rome était plus
« fort que celui de Carthage. »
Arrêtons là notre citation empruntée à B. Barbé, et pré-
cisons l'époque où Annibal visita Luchon.
Nous avons dit qu'à la tête de quatre-vingt mille hom-
mes l'illustre Carthaginois traversa l'Espagne du Sud au
Nord. Il s'arrêta devant Sagonte, ville alliée des Romains,
dont il s'empara malgré la résistance héroïque des habi-
tants, puis il marcha vers les Pyrénées qu'il franchit par
le port de Venasque au milieu des neiges et des glaciers.
La tradition veut qu'avant d'opérer la traversée du port
avec son armée, Annibal ait fait agrandir l'ouverture
(encore étroite aujourd'hui) de ce fameux passage qui,
comme chacun sait, est une grande excavation en forme de
cône renversé, séparant le pic de la Mine du pic de Sau-
vegarde. Les routes étaient détestables, et la saison fort
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rigoureuse. Obstacles et précipices se dressaient à cha- '
que pas. L'illustre général triompha de toutes les difficul-
tés, non toutefois sans avoir perdu beaucoup d'hommes,
beaucoup de chevaux et une quantité considérable de
bagages. Il pénétra enfin dans la vallée de la Pique et
vint camper au pied de Superbagnères, dans remplace-
ment actuel de notre ville.
Le premier savant qui a osé émettre Tidée du passage
d' Annibal par Luchon et le port de Venasque est M. Duruy,
ministre de l'instruction publique sous le 2* empire. On
dit que, dans les notes qu'il a laissées et qui seront vrai-
semblablement publiées, cette hypothèse se trouve lon-
guement discutée. Ce sera une bonne fortune pour les
archéologues.
D'autres savants, et notamment M. Torribio, professeur
espagnol, prétendent avoir trouvé quelques documents
précieux dans les bibliothèques de Valence et de Madrid.
{Journal la Dépêche n** du 30 décembre 1894.)
Nous devons à la vérité d'avouer qu'il ne nous a pas
été possible de prendre connaissance de ces documents.
Leur publication viendra probablement jeter un jour nou-
veau sur l'obscurité de la légende.
Disons enfin que quelques épigraphistes pensent pou-
voir rattacher, au passage d'Annibal dans nos vallées, le
monument funéraire, encastré dans le mur de l'église de
Cazarilh, qui porte l'inscription suivante :
HOTARRI. ORCOTARRIS. F
SENARRI. ELONI. FILIAE
BONTAR HOTARRIS. F. EX. TESTAMENTO
Lisez : Hotarri Orcotarris filio Senaiiri Eloni filiae Bon-
tar Hotarris filius ex testamento.
« A Hotarr, fils d'Orcotarr, à Senarr, fille d'Elonus,
Bontar, fils d'Hotarr, a élevé ce monument en exécution
d'un testament. »
Les noms d'Hotarr, Orcotarr et Bontar ont une physio-
nomie carthaginoise qui a frappé les archéologues, et
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494
d'aucuns, ainsi que nous venons de le dire, estiment quHls
appartenaient peut-être à des soldats d'Annibal restés
dans le pays.
4. Pompée
né à Rome iOl ans avant J.-C, mort en 49
Après un Carthaginois, un Romain !
Après Annibal, Pompée ! Avec Rome il faut s'attendre
à de telles rencontres dans Thistoire. Et d'ailleurs ne
sommes-nous pas les fils des Gallo-Romains ? Nombre
de nations commencèrent où finit l'Empire ; les deux his-
toires sont entremêlées. Si peu qu'on remonte dans le
passé, on retrouve les vestiges du peuple essentiellement
dominateur.
Voici à quel enchaînement de circonstances nous som-
mes redevables de trouver Pompée sur nos pas. C'est à
deux événements, distincts l'un de l'autre, quoique étroi-
tement liés: la guerre contre Sertorius en Espagne, et la
fondation de Lugdunum des Convènes (Saint-Bertrand
moderne;.
Après avoir enlevé la Narbonnaise aux officiers de
Sertorius, Pompée le poursuivit en Espagne et franchit
les Pyrénées par le val d'Aran. A son retour de la
Péninsule, il se rendit dans notre pays, où son passage
est attesté par l'histoire et par la tradition. Le général
romain bâtit la ville de Lugdunum destinée à recevoir
les Celtibériens, anciens alliés de Sertorius. Du même
coup il créa la prospérité de Luchon : établir dans le voi-
sinage d'eaux thermales une cité appelée à devenir im-
portante, n'est-ce pas leur préparer un avenir florissant?
D'après nous, c'est à cette date qu'il faut rapporter la pre-
mière origine authentique des thermes lixoniens. Luchon
exista dès lors, non pas peut-être comme ville, mais
comme établissement thermal. Le peuple et l'aristocratie
des Convènes, surtout dans la capitale, lui fournirent un
ample contingent de baigneurs. Dans les siècles qui sui-
virent, on y vit accourir en grand nombre des légion-
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125
naires^ des dignitaires de tout ordre, et même des em-
pereurs.
Nous retrouvons les traces du grand Pompée en amont
et en aval de Luchon, à Saint-Bertrand et sur le terri-
toire Aranais. Au sujet de ce dernier, voici un détail qui
nous a particulièrement frappé.
Au milieu du val d*Aran, à Mitj'Aran^ on trouve une
pierre druidique, débris d*un autel grossier, qui aurait
été posé dans cet endroit par le vainqueur de Sertorius.
Du terme latin qui sert à désigner un autel (ara) serait
venue la dénomination de la vallée ; en posant la
pierre, le Romain aurait posé l'appellation définitive. On
sait le respect qu'affectaient les conquérants du monde
pour la religion des peuples vaincus; Tacte attribué à
Pompée est en harmonie avec cette tolérance.
De ce fait on peut donc conclure, que le rival de César,
ayant traversé le val d'Aran et y ayant séjourné, a dû
certainement connaître et visiter Luchon, ne serait-ce
qu'à cause des sites pittoresques de la vallée, et de la fer-
tilité du sol qui devaient être renommés dans toute la
région.
Un autre fait, également traditionnel, se rattache à son
passage. Le voici, textuellement reproduit d'après un écri-
vain du pays :
« Un des légionnaires, que Pompée chérissait à cause
a de sa bravoure et de son dévouement, était inquiété
« depuis quelque temps par une maladie de la peau. Le
« soldat ayant vu de Teau fumer dans une crevasse du
« sol, y baigna une main. Frappe par sa température
ff chaude et par le limon qu'elle renfermait, il fit agrandir
« ce trou et s'y plongea tout entier. Peu de jours après,
« sa guérison étonnait Pompée, et les eaux de Luchon
« étaient découvertes et immortelles. »
Ainsi qu'on a pu le voir, dans le séjour de Pompée
parmi les Convènes le fait particulier qui nous intéresse
le plus, c'est-à-dire la date de son apparition sur le sol
luchonnais, est diflicile à préciser. Les documents qui
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m
nous restent ne peuvent dissiper robscurité de Thistoire.
Ce qui est bien certain, c'est que nul n'a osé protester con-
tre l'authenticité du séjour de Pompée dans la ville des
Onésiens et que cette croyance populaire s'est maintenue
jusqu'à nos jours.
On se représente volontiers le vainqueur de Sertorius
au milieu des Gaimmni de la Pique. Entouré de ses offi-
ciers, vieux grognards blanchis sous les armes, jeunes
patriciens espoir de Rome, il admire la grande nature
au pied de Superbagnères. Il considère avec curiosité les
sources qui fument à travers les fentes des rochers. Il
recueille, de la bouche même des Garumni, ces Luchon-
nais primitifs, le récit de cures merveilleuses, et avec
l'instinct sûr et rapide d'un Romain, il pressent un grand
avenir.
Entre ce Romain heureux et brillant, et ce coin de terre,
qui sera un jour le rendez-vous privilégié des favoris de
la fortune, il existe une certaine affinité ; une fois qu'ils
ont été rapprochés, les deux noms demeurent insépara-
bles dans la mémoire et s'évoquent mutuellement par
une association naturelle d'idées. Le sort glorieux de
Pompée va influer désormais sur celui des thermes lixo-
niens, et, à travers toutes les vicissitudes des %es sui-
vants, répandre sur la station son heureuse influence.
Pour épuiser tout ce qui touche à notre hôte, nous
rapporterons les lignes suivantes empruntées à l'Histoire
des populations Pyrénéennes.
« A l'extrémité de la vallée du Thou, au pied des mon-
« tagnes de Couledoux et d'Aspet, existe un pont ruiné,
« espèce d'écluse bâtie en brique, d'une antiquité et d'une
<( forme remarquables. Les habitants des montagnes Fap-
« pellent encore le Pont de Pompée. »
Cette dernière particularité, rapprochée des autres,
montrera combien le fondateur de Lugdunum est demeuré
populaire dans la mémoire des Convènes, combien l'em-
preinte de ses pas est gravée profondément dans le sol.
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427
5- Auguste
Leçon de Strabon, — Itinéraire d'Antonin
Bientôt après la guerre d'Espagne , les expéditions de
Jules César portèrent le coup de grâce à l'indépendance
Gauloise. Le jeune Crassus, un de ses lieutenants, fran-
chit la Garonne et, à la suite d'une grande bataille, reçut
la soumission d'une grande partie de l'Aquitaine. Parmi
les peuples qui lui prêtèrent serment d'obéissance, se
trouvent les Garumniy c'est-à-dire les habitants du bassin
supérieur de la Garonne, depuis les vallées d'Aran et de
Luchon jusqu'en aval de Saint-Bertrand. Dès lors le pays
des Celtes, comme on Ta dit avec raison, devint la plus
romaine des provinces.
La période la plus brillante des thermes lixoniens, dans
les temps anciens, correspond à TEmpire. Si leur avenir
était lié, ainsi que nous l'avons établi en thèse générale, à
l'avenir de la métropole, les beaux jours de la cité pom-
péienne furent ceux de la station minérale. Ce ne sont
plus des Ibères du voisinage et de simples Convènes qui
affluent vers les eaux placées sous la sauvegarde de
Lixon, mais encore de grandes familles romaines, de
hauts fonctionnaires appartenant à l'aristocratie munici-
pale et l'élite de la société Gauloise. La tradition veut
même que plusieurs empereurs aient figuré, en leur
temps, sur la liste des visiteurs illustres.
Auguste aurait été parmi les Césars notre hôte de pré-
dilection. Il incorpora le pays à l'Aquitaine et, en confé-
rant aux Celtibériens de Lugdununi le droit de bourgeoi-
sie, il éleva cette dernière au rang de ville latine. On lit
dans les auteurs grecs : « Quelque part qu'aille Auguste,
« la gloire l'accompagne partout : témoins les eaux des
« Pyrénées. »
Ce voyage est confirmé par Suétone. L'auteur des Vies
des douze Césars ajoute qu'il voulut avoir dans sa garde
particulière plusieurs hommes choisis parmi les Con-
vènes.
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438
Comme preuve matérielle de ce voyage, n'oublions pas
de mentionner le fameux autel votif en marbre de Saint-
Béat qui se trouve placé dans la salle des pas perdus
de l'établissement thermal. Cet autel porte sur une de
ses faces, Tinscription suivante :
NYMPHYS
AVG
SACRVM
« (Autel) consacré aux Nymphes d'Auguste. »
Enfin la raison déterminante qui nous permet de reven-
diquer Tauguste visiteur, c'est le texte si connu de
Strabon :
<f Aux pieds des Pyrénées — dit le géographe grec — se
« trouvent la ville de Lugdunum et les thermes Onésiens,
« magnifiques et d*eau excellente à boire. »
A Toccasion de ces simples lignes, glossateurs, géogra-
phes et historiens ont engagé une guerre de commen-
taires qui dure encore. Quelle est la nature du mot
Onésiens? Où étaient situés ces bains?
Voici notre explication : Il est avéré, d'une part, que les
habitants primitifs des plateaux d'Aran et de Luchon
furent des Garumni (Garunni, Garunijf et, d'une autre, que
cette dénomination ethnique est composée de deux racines
celtiques Gar et Urtrij .exprimant séparément les princi-
paux cours d'eau de ces vallées, l'Onne luchonnaise et le
Gar aranais. Or, ayant à signaler l'établissement balnéaire
le plus important des Convènes, Strabon l'a désigné par
le nom du gave Voisin, la ville n'existant pas à cette
époque. Entre la Pique et l'Onne il a choisi VUnn (Onne)
comme étant plus euphonique, comme se rapportant
mieux au nom général des populations, et comme étant
l'appellation définitive de nos deux rivières à leur con-
fluent.
Poussées à ce point, les inductions atteignent la certi-
tude. Jusqu'à preuve du contraire, à l'adjectif lixonien,
nous substituerons onésien pour qualifier nos sources.
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129
Dans V Itinéraire des Provinces attribué à Antonin, sur
la voie de Dax à Toulouse faft Aquis Tarbellicis Tolos&m)^
on voit figurer les eaux des Convènes :
Beneharnum
M P
XIX
Oppidum novum
M P
XVIII
Aquas Convenarum
M P
VIII
Lugdunum
M P
XVI
Calagorrium
M P
XXVI
Différents commentateurs, notamment Vosgien qui
écrivait au xviii" siècle, ont confondu à dessein les eaux
des Convènes (CapvernJ et les thermes Onésiens. Cette
opinion n'est pas même vraisemblable et nous n'en
parlons que pour mémoire. '
ASTRIÉ.
fA suivre.)
Rkvuk db CoNiiiiiGKft, 2* Irimesire IK95. Tonk X. — tO.
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UN DEMI-SIECLE D'ASCENSIONS
; AU NÉTHOU*
.(suite)
1874
6 juillet (lundi). — Etienne Aignan, juge suppléant au tribunal
civil de la Seine, accompagné du guide Michot et du porteur
B. Jouancton. — Parti à 4 h. de la Rencluse, arrivé à 9 h. 15'. —
Temps splendide, chaud, vue admirable. — (luides excellents.
27 juiltcl. — Edward MichoUs (Manchester.) — Guides : C. Pas-
set (Gayarnic), Henri Pons (Luz-Saint-8iUivcnr).
Ascended from thc Rcncluse cannot say in vohat time as \ve
had only one watch and ihat stoppcd on roule fine weather.
Wero satisfied vvilh my guides.
28 juillet, — MM. Houlart (Linxa : l.andes), Louis Crouzet (Cas-
teix), Félix Crouzet (Mont-de-Marsan), tienri Camiade (Dax), Léon
Manchon (Paris) membre du G. A. F. — Guides: Michot,
P. et F. Barrau, J.-M. Estrujo, B. Gay,tous excellents et très obli-
geants.
Après une nuit passée gaiment et confortablement à la Rencluse,
nous sommes partis à 3 h. 2.V du matin et arrivés au sommet du
fîéthou h 8 h. 15'. — Temps nuageux, éclaircies momentanées.
Beaucoup de neige nouvelle, quelques crevasses ouvertes.
Même daU\ — H. Durand (Limoges), membre de la Société
Rîimond, avec le guide H. Passet. — Thermomètre brisé.
1 August (Saturday). — Robert Longden, Francis Longden
(Paris). George Hutton (Newcastle on Tyne: Englandr, arrived al
the summit of Néthou at scven o'clock having lefl la Rencluse at
2 a. m. — The above British subjects (and proud of M) were accom-
panied by 3 décent fellows vohose nanes will be handed downto
posterity if the people only take care of this book.
Guides : P. Barrau, J.-M. Estrujo, B. Gay. — Vve testify to their
1. Voir tome X, p. 82 — 40.
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^3)
good conduct and humouc and will hâve the good fortune perhaps
lo be again accompanied by Ihem. Our ascend was delayed consl-
derably by tho frost, and were are now preparing to take a little
of Ihe Chili out of us by opening a bottlc of Moët supplied by that
worthy fcllow Sacaron. — Tho only living créatures \ve bave met
from the Rencluse are 12 isards, 2 partridges and 1 eagle.
7 août, — - Gaspar de Errazu, f^uis de Errazu, Frédéric Tarneaud,
Henri Lacotte-Minard, Anton in Lacotte-Minard, G. Filleul-Brohy,
Armand Lalande, Armand Idarcilhac^ et (nom illisible). — Gui-
der : Michot, Haurillon, Charles (de Saint-Mamet), Ch. Redonnet,
J.-M. Estrujo, Barthélémy Gourrège, P. Glarac, B. Gay, B. Joua-
neton.
Sont partis de la Rencluse et sont venus en quatre heures 50' au
sommet du Néthou.
Même date. — Alfred et Charles Gevers (La Haye), G. Gacon
(Amsterdam). — Guides : H. Passet, G. Bajun, J. Sabathé, A. Cap-
deville.
19 août, — Hector Le Sueur (Caen). — Guides : J. A. Haurillon,
J. Sanson. — Partis de la Rencluse à 4 heures, arrivés à 7 h. 30'.
— Temps magnifique, mais froid. Ascension périlleuse à cause des
crevasses. En quittant la corde, un coup de vent a failli nous pré-
cipiter dans le lac Coronc, il a seulement enlevé mon chapeau.
Récompense honnête à qui me le rapportera.
23 août. — Gaston Raindre, attaché Affaires étrangères (Paris),
Auguste Jullien (Marseille). — Guides: Michot, B. Gay, qui nous
ont guidé dans l'ascension avec beaucoup d'intelligence et d'éner-
gie. — Fine weather.
28 august. — W. H. Winter Botham, R. Gaskell (tous deux de
Londres). — Guide: H. Passet. — Left Rencluss 5,15', arrived at
top 8,10 = 2 h. 50\ — No view, clouds and mist.
I septembre. — C. Chaigneau (Bordeaux), J. Garcia (Toledo),
L. Parin (Rennes). — Guides : Michot, B. Lafont, B. Gay.
Partis de Luchon à midi, nous sommes venus coucher à la Ren-
cluse, où nous avons passé une délicieuse soirée et trouvé un
repos auquel nous ne nous attendions guère. Partis ce matin à
4 h. 15' par un temps magnifique, nous sommes arrivés au sommet
du Néthou, sans incident, à 8 h. 25'. — Panorama splendide.
1875
II juin (vendredi), — Edouard Harlé, ingénieur des Ponts et
Chaussées (Villefranche de Lauragais), membre de la Société
Ramond. — Guide : Charles Gouchan.
Partis hier à 12 h. 45' de TiUchon, arrivés à 6 h. 45 à la Rencluse^
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432
Partis de la Rencluse à 4 h. 1j , arrivés au sommet à 7 h. 4ô\ —
Beau temps, mais nuages menaçants.
29 juillet. -— Gaston Bruelle, artiste peintre, et le comte d'Yzarn
Freissinet. — Guides : B. Lafont et J. Sabathé. — Partis de la Ren-
cluse à 3 h. 15' matin, arrivés au sommet du pic à 8 heures.
14 août (samedi). — M. Tarau, avocat; Georges Verbrugghe;
Ad. Cantaud, chimiste ; G. Schlemmer, carabin. — Guides : P. Bar-
rau, G. Bajun, B. Jouanoton. — Montés au pic Néthou par un
temps superbe après deux nuits blanches.
17 août (mercredi). — A. Gay. — Guides : Michot et J. Sabathé.
— Partis de la Rencluse à 3 h. du matin, arrivés au sommet à
7 heures.
19 août (jeudi). — Paul Séjourné, élève ingénieur des Ponts et
Chaussées, avec le guide Bnjun. — Partis de la Rencluse à minuit
59\ arrivés au sommet à 4 h. 30' un peu avant le lever du soleil.
Pas un nuage.
20 aofjLt. — G. Bordeaux et Paul Blavier. — Guides : Michot et
Gay. — Partis de la Rencluse à 1 h. 30' du matin, arrivés au pic à
5 h. 40. — Lever du soleil superbe ; temps magnifique sur les mon-
tagnes, nuages au-dessus de la plaine.
21 august, — John Herbert Alcock (Cheshire : England). — Gui-
des : G. Bajun et J. Sanson. — 5 h. 25' a. m.
27 août (vendredi). — Julien de G. de Marsilly. — Guides : Ber-
nard Lafont et J. Sabathé.
Mauvais temps à Luchon ; j'hésite à partir ; mais je veux voir le
Néthou, le temps presse. Jo pars cependant de Luchon lc2G août.
Arrivé à la Rencluse je suis témoin du plus beau spectacle que
j'ai, je crois, jamais vu de la vie, et dont le souvenir restera long-
temps dans ma mémoire; orage épouvantable, vent, grêle, ton-
nerre, mais surtout des éclairs qui se succèdent sans relâche, et
éclairent successivement de toutes les couleurs, la sauvage vallée
<le la Rencluse. Après l'orage, ciel bleu, magnifique, élincelant
d'étoiles. Je pars à 2 heures du matin. Montée facile grâce à deux
excellents guides qui n'ont pcis besoin d'être recommandés. Vue
magnifique. — Baromètre anéroïde =: 49 centimètres. J'ai compté
le nombre de personnes inscrites sur ce livre, et j'ai trouvé 244.
W août. — Félix Danton. — Arrivé au sommet du Néthou à
Il h. 15 venant du rocher de Grégonio, accompagné des guides:
J. Sarrettes (Cauterets) et Michot (Luchon). — Temps froid, brouil-
lard, on ne voit que fort peu de choses.
P' septembre. —Edouard Lasserre, Julien Palanque, Victor Las-
serre (Jegun : Gers), François Lasserre (Jegun : Gers) âgé de 17
uns. — Guides : Michot jet G. Bajun. — Partis de la Rencluse à
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«33
4 h. 30, arrivés à 8 h. 50. — Temps splendido. — Je no croîs pas
que la peste sévit souvent dans ces parages.
Même date, —Charles David (19 ans 1/2), Alph. David (17 ans),
étudiants à Paris, Louis de Juncarat (Saint-Scver.) — Guides :
Pierre Barrau, J.-M. Hibis, Estrujo; B. Capdeville.
Arrivés au sommet du Nétliou à 9 heures précises.
4 septembre, — Alfred de Vialar ; Joseph Fortoul, capitaine d'ar-
tillerie; Arnaud Allain-Launay, inspecteur des finances; Edouard
Sauvage, ingénieur des mines ; Gustave Le I^ecq Dcstournelles,
ingénieur des ponts et chaussées; Emile Gottin. — Guides : J. Hau-
rilion, J.-M. Ribis, Gharles Gouchan. — Partis de la Rencluse à
4 h. 20', arrivés à 8 h. 40'. — Température + 8° centigrades. —Temps
beau, quelques nuages aux limites de l'horizon.
7 septembre. — Jjhn Welsh, solicitor (of Edimhurgk) and Wil-
liam Beattle, architect of tho same town, both of Scotland hâve
this day accompanied by thc guides J.-M. Ribis and B. Estrujo
both of Luchon, made the ascent of the Pic de Néthou. We slept
ail night at the Rencluse started this morning at 4.30 a. m. and
rcached hère at 9 o'clock having been delayed by a glissade made
by M. Welsh on the glacier against his ow;\ will. We hâve had
most excellent weather but the day is slightly hazy for a distant
view. We can certify as to the intelligence and actévity of our two
guides.
Sans da^e. — Emmanuel d'Afïry de laMonnoye, antique, promet.
73, sous-lieutenant d'artillerie, élève à l'école de Fontainebleau,
Edouard Boulangé, antique, promet. 65, ingénieur civil des mines,
attaché aux houillères de petite , Eugène Boulangé, docteur
en droit, avocat près la cour d'appel de Nancy, ancien zouave
pontifical. — Guides : Michot, Bajun, B. Cantaloup.
8 septembre. — Alfred Rivière, architecte de la ville de Paris, et
ses deux fils Maurice et Joseph. — Guides : B l^afont, Tournan,
Denard. — Partis de la Rencluse à 4 h. 45, arrivés à 9 h. 30. —
Très bons guides, très beau temps, vue splendidc.
Dieu seul est grand, lui seul a su faire une œuvre toujours
magniQque. Gloria in excelsis !
M. Emile Petiel, percepteur (Lardy), s'associe aux sentiments
exprimés par M. Rivière avec lequel il a fait l'ascension.
12 septembre. -— Victor Saboulet, élève ingénieur des ponts et
chaussées; Le Chételier; Gosseland ; Zurcher ; Alvin ; Delzenne,
également élèves ingénieurs des ponts et chaussées. — 'iuides :
Uaurillon et Charles Gouchan. —Partis de la Rencluse à 5 h. 20,
arrivés au pont de Mahomet à 10 heures. — lia neige nouvelle
nous a empêché d'aller jusqu'au sommet du Néthou.
N. B. — Cette notice d'une ascension inachevée a été transcrite
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434
sur le registre d'après une carte de visite de M. V. Saboulot, con-
tenant les indications précédentes.
26 septembre. — A.-H. Roughton, S' John Collège, Cambridge
(England). — Guides : B. Gay, J. Fouillouse, domestiques de
B. Cier. — Très content de la promenade.
28 septembre. — Le capitaine Rob^ Rennick, de Tétat-major
anglais. Délégué du Lord maire de Londres pour le secours des
inondés du Midi. — Guides : Haurillon, B. Courrége. — Ascension :
3 h. 5 minutes de la Rencluse. Neige bonne, facile à monter.
1876
1 juillet. — Comte Henry Russell. Monté par le Nord-Est, par
Salenques, avec F. Barrau et G. Cier. — 6 h. 30 du soir. Froid !
28 juillet. — Ernest Caron, avocat, agréé au tribunal de com-
merce de la Seine (Paris) et Madame E. Caron ont fait Tascension
du Néthou avec un temps magnifique. Ils trouvent que tous les
récits sur le pont de Mahomet sont d'une grande exagération. —
Ascension faite en 5 heures. — Guides : J. Haurillon, H. Passet
(Gavarnie).
Vue superbe. Moins belle cependant que celle que nous avons
eue au sommet du grand Vignemale, le 22 juillet dernier.
a août, — Pierre et Charles de Balarn, conduits par P. et F.
Barrau. — Belle vue quoique un peu brumeuse.
f4 août. — Albert Carbonnier (Caen), étudiant, et Sébastien Mon-
tariol (Bordeaux), étudiant à Paris. — Nous sommes venus par le
Pas de Mahomet, partis de la Rencluse à 5 h. 15. arrivés au Né-
thou à 9 h. 15. — Guides : H. Passet (Gavarnie), P. Clarac (Ludion).
— Temps aussi beau qu'on pouvait le désirer vu le mauvais temps
que nous avons eu la veille. Bu une bouteille de Champagne
frappée. Malheureusement il n'y en avait pas de reste
iS august. — Albert Nugert, accompanicd by Michot {guide), and
R. Serre (porter). — Left Rencluse at 4. 45 and arrived summit of
Nethou at 9. 30. — View too magnificent for me to attempt to des-
cribe. Most agréable surprise as on our arrivai yesterday at port
de Vénasque the weather looked so bad we néarly gave it up.
2 septembre. — Samuel Chester, Jasper K... (nom illisible).-^
Guidés : G. Bajun. J.-M. Ribis. — On the above date we ascended
this mountain having left the Rencluse at 5 o'clock we arrived on
the summit by 9. 10. — The view was magnificent.
5 septembre. — Charles A. B. Bignold (Norwick : Angletrrrei,
accompagné de son cousin D. W. Jenn (Cheltenham : Anglcterrci,
Gustave Alby (Marseille), Emile Crété. — Guides : Michot, R. Serre,
J. Sabathé, Capdeville. — Partis de la Rencluse à 3 h. 50 par beau
temps, arrivés au Néthou à 8 h. 30 min. — Temps très clair.
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435
20 septembre, — Maurice Gourdon (Nantes), ma l*** ascension* —
Guide : Firmin Barrau. Dominique Gourrcge, mon domosliquo,
nous accompagne comme porteur.
Coucher à la Rencluse le 19 septembre. — Partis le lendemain
matin de la Rencluse à 6 h. ^5 et arrivés à la cime à 9 h. 45. Temps
magnifique. Notre vue s'étend à l'inlini en Francs et en Espagne.
Séjour au pic: i heure. Nous allons maintenant au pic de la Mala-
detta.
Nota. — Recueilli des plantes fossiles et des empreintee de plan-
tes entre le Plan des Etangs et la Rencluse.
Avec l'ascension du 20 septembre 1876 finissait le registro
commencé en 1868. Il comprenait 35 pages.
En 1877, un nouveau registre (45 pages) fut monté par les pre-
miers ascensionnistes de cette année. Terminé en 1886, il fut des-
cendu à liUchon et remplacé par un autre. Plus dune fois en com-
pulsant ces pages nous aurons malheureusement l'occasion de
constater que des mains indélicates (touristes ou guides) en ont
arraché des feuillets.
1877
Les pages 1 et 2 manquent.
2'i a#ut, — Comte Andréa Sola (Club Alpine Italiano, secione de
Milano). — Guides : P. Barrau, J. Haurillon, Charles Gouchan. —
Partis de la Rencluse à 3 h. — Sommet 7 h. 40.
0 colii, 0 gioghi del niio bel paese,
Cho è celato dielro Torizzionle,
Sappiate ché m*accingo a queste iropresse,
Sappiale ché ho saiito questo monte.
Col solo scopo di guardar TOriente
Desideroso di scrular lontano
Se si poiea vedur distintamente
Un po di cielo délia mia Hilano,
Se si polea veder la lerriciola
Che al ombra di un brianteo campanile
Ospila la mia cara famigliola,
Se si potea veder colei che aspetta
La pecortlla che lascio Torila
Ecco perche salû In MaladeUa !
Comle Andréa Sola.
24 août. — Madame la marquise de Broise-Fontenay et Made-
moiselle Marthe de la Broise-Fontenay. — Guides; Pierre Sanson,
D. Sors et J. Cantaloup. — Parties de la Rencluse à 3 heures, au
sommet à 7 h. 40.
30avLgust,—M. et M"»" Jlarrisson, F. Blair (Manchester : England).
— Guides : P. Redonnet, J.-M. Sabathé. — Lovely weather. —
Partis de la Rencluse à 3 h. 30, arrivés au sommet à 8 h. et quart.
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436
2 septembre. — MM. Devin, Petitjean ot Guyard, de Paris, du
C. A. F., ont fait l'ascension du Néthou. — Guides : Firmin Barrau,
H. et G. Passet.
Même date. — Gaptain Wood Martin, of Woodville G* Slyd (?). —
I^eft the Rencluse at half past four, and arrived on the summit at
9 1/2 counting halts. Ice in good order. — Guides : G. Bajun,
J.-M. Bernard.
4 septembre. — B. 0. Glark (England). — Guide: Firmin Barrau.
— Parti à 4 h. 15, arrivé à 8 heures.
iO septembre. — Paul Krug (Reims). -- Guides : P. Barrau et
J.-P. Barrau, son fils. — Parti à 4 h. 30, arrivé à 9 heures.
13 septembre. — Maurice Gourdon (Nantes), ma 2™' ascension, —
et E. Trutat (Toulouse), sa 2'»« ascension. — Guides : Barthélémy
Gourrège et Firmin Barrau.
Temps brumeux avec fréquentes et larges éclaîrcies. I^c gl«*icier
a été facile à traverser. Partis de la Rencluse à 5 heures du
matin, arrivés au sommet à 8 h. 45, ayant fait de la photogra-
phie en route. Le Pont de Mahomet complètement changé, n'est
plus d'un jeu. M. Gourdon et E. Trutat. .
1878
25 juillet. — Alfred Menudet, mécanicien (Marseille). — Guides :
Haurillon et J.*R. Hourmagne
Parti de la Rencluse à 5 h. 30 et arrivé au Néthou à 10 h. 43, —
Je ne puis que me louer du savoir et de Taptitude que mes deux
guides ont déployé pour arriver à traverser les glaciers qui offrent
déjà en ce moment beaucoup de crevasses. Au moment où j écris
la neige tombe en abondance.
30 juillet. — Gharles Weimann (Mulhouse), agrégé de l'Univer-
sité, et Louis de Pinsun, s. p. Habas (Landes). — Guides : J. Hau-
rillon, Barth. Gourrège, J.-M. Ribis.
Nous avons quitté la Rencluse à 4 heures du matin. Nous
sommes arrivés au pic de Néthou à 9 heures, après avoir visité
le lac Goroné. Le temps est si beau et le ciel si bleu qu'il nous
semble impossible de rencontrer un temps plus favorable et un
panorama plus étendu. Notre plaisir a été d'autant plus grand
(soyons lyriques) qu'un orage épouvantable, mêlé de pluie et de
grêle, n'a cessé de nous inquiéter toute la nuit Si notre excursion
a été si agréable, nous reconnaissons le devoir surtout à Tintelli-
gence de nos trois guides.
31 juillel. —Juan Prim, Duque de los Gastillejos et Pcregra y
Mu (7iom illisible). — Guides : J.-M. Estrujo et J. Ilauriliou. —
Montée 5 heures, temps splendide.
Mi muy querido Ursais declaro que es mi culpa si no ha venido
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437
y con nosotros, y como quiero que su nombre conste en este, hago
esta confesion.
a augusi. — W. S. Mainprice and C. E. Mainprice started from
la Kencluse at 4. 18 a. m. and rcached the summit at 8. 18 a. m.
exaclly. Weather bad though novo and then the drifting clouds
opened and gave splendid" peckas down below. — Guides : were
Barthélémy Courrège and G. Romain and were everything that
cloud be desircd. They gave us some most amusing son^s at la
Rencluso after dinner on the 13 *h.
29 août. — Franz Schradcr (c. a. f.) — Guîdi : Barthélémy
Courrège. — Luis Mora (de Vénasquo) porteur.
Beau temps, mais grnnd vent. Départ de la cabane do Mali-
bierne à 7 h. 30; arrivés au sommet à 11 heures par le glacier
d'Eréoueil (difficile), après neuf jours de marche dans le groupe
des Monts Maudits. Je n'ai cessé pendant tout ce temps do me
féliciter d'avoir B. Courrège pour guide.
Baromètre brisé, observation impossible.
29 august. — John, L. Scailun (?) and M. C. Dimara (of Dublin)
and John Harris (of Henbrigh) , started this morning from Ren-
cluse at 6 o*clock, arrived at the summit at 11.30. — Guide :
José Gistain whom we found at the Cabane at the Port de Vénas-
que. We found him a good guide and civil. Ho gave us every satis-
faction. He calls him.self domestique chez le patron du Port de
Vénasque.
4 octobre. — James Wyndham Spedding, John Pilip Munster. —
Guides : H. Passet (Gavarnie) et P. Barrau (Luchon). — Montés
de la Kencluse par le temps le plus beau. Glacier très-mauvais.
Vue magnifique sur les pics et sur toute la plaine. — Thermo-
mètre -|- 7* Réaumur à l'ombre sous une pierre à midi 50, au
soleil + 25*> à l h. 20.
1879
12 mars (mercredi). — Roger do Monts (Gers). — Guides : Ber-
trand Courrège père et Barthélémy Courrège, Paget Victor dit
Chapelle (guide à Héas). — Onze heures du matin. — Thermomè-
tre fronde — 6°. — A l'air — 2°. Tcmp splendide.
26^uin (jeudi). — M. et M"»» René d'Arboval. — Guides : P. San-
son, B. Estrujo.
Arrivés à la Renclusc avec beaucoup de neige, y avons passé
nuit magnifique. Partis à 4 h. du matin, montés au Portillon on
I h. 30. — Depuis cet endroit, l'accumulation dos neig.s, leur peu
do consistance sur le glacier, et un vent violent soufflant contre
les voyageurs, ont rendu la marche très pénible. Un froid intense
est venu s'y ajouter au moment de gravir les rochers du pic. Beau
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438
temps, successions de brouillard ot d'cclaircies. La vigueur et le
zèle dos deux guides nous ont seuls permis de mener à bonne fin
cette ascension, fort rude à ce moment et dans les circonstances
qui l*ont accompagnée.
3 juillet (jeudi). — Gaston Tliomas de Visme (Paris) et Marie
Gliarles-François Paumicr (Nantes). — Guides: Harth. Courrègeet
B. Gay.
Partis de Luchon le mercredi à 8 h. du matin, arrivés à THos-
pice de France à 10 heures, repartis à midi, arrivés à la Rencluse
à 4 h. 45 après avoir eu un temps très épais, les nuages nous envi-
ronnaient de tous les côtés. Passé nuit assez bonne. — Partis de
la Rencluse à 3 h. 30, arrivés par un temps splendidc au pic
Néthou à 7 heures sans difficultés ; après un bon déjeuner, nous
sommes redescendus ayant joui d'une vue splendidc. — Nous
n'avons qu'à nous féliciter de tous les bons soins que nos guides
nous ont procurés. En un mot le pic du. . . . (le reste manque).
La page 10 du registre a été arrachée. Ge n'est malheureusement
pas la dernière dont nous aurons à constater la suppression.
(A suivre.)
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De CASTILLON en COUSERANS
A SENTEIN (Ariége)
La partie du Couserans qui constitue actuellement
le canton de Castillon est peu connue, peu fréquentée
par les touristes. Pourquoi? C'est qu'aujourd'hui on
s'en tient encore aux sentiers battus, on ne court ad-
mirer, par suite d'une vieille habitude, que les beautés
naturelles qui avoisinent les stations thermales, si
nombreuses dans les Pyrénées. Et cependant, à côté
des magnificences alpestres que le touriste rencontre
dans les environs de Luchon, de Cauterets, de Bigorre
et de Gavarnie, il trouverait dans le canton de Castillon
de quoi piquer vivement sa curiosité et son goût pour
la belle nature. Cette partie du Couserans est, en effet,
pleine d'attractions : vallées superbes, lacs, splen-
dides cascades, hauts sommets et paysages ravissants :
le pittoresque à côté du grandiose.
Lu ville de Castillon, centre de ce beau pays, est
bâtie en amphithéâtre dans une très agréable position^
non loin de la rivière du Lez qu'elle domine et au
débouché des vallées de Moulis, de la Bellongue, de
Biros et de Betmale. Du Calvaire, point culminant de
la ville, l'œil se perd à suivre les vertes sinuosités des
vallées qui viennent y aboutir. A droite se glisse,
entre deux montagnes, la plaine verdoyante qui fuit
vers Saint-Girons. A gauche on voit se dessiner^
dominée par des montagnes abruptes, la route qui
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4iO
conduit à Sentein par la vallée de Bîros. Presqu'en
face s'ouvrent, par une large échappée, les vastes
espaces de la Bellongue dont les champs, parfaite-
ment cultivés et parsemés de hautins, ressemblent
aux cases d'un damier et offrent à Tœil une charmante
perspective. Cette magnifique vallée est séparée — du
Biros par les montagnes qui courent de Test à Touest,
et dont les points extrêmes sont le pic de Larraing
(1667'") en face de Castillon et le pic de Nédé (1646"';i
dominant le col de ce nom, à l'extrémité de la vallée
de Biros, — • et du Comminges par les montagnes qui
constituent l'intéressant massif d'Arbas et qui se diri-
gent aussi, parallèlement aux premières, de Test à
l'ouest. Mais quand, du haut du Calvaire, le regard
plonge sur la plaine qui se développe aux pieds de la
ville, on est émerveillé par cette succession ininter-
rompue de jardins et de prairies tout peuplés d'arbres
fruitiers et de peupliers échelonnés le long de la rivière
du Lez et qui font du bassin de Castillon, au prin-
temps, un immense verger fleuri et embaumé.
Je viens de parler du Calvaire. C'est sur ce monti-
cule, devenu aujourd'hui une charmante esplanade,
que s'élevait jadis le (îhâteau fort des comtes de Com-
minges et, plus tard, des vicomtes du Couserans qui
venaient y passer une partie de la belle saison. Cer-
tains écrivains affirment, mais sans preuves authenti-
ques, que le château avait également appartenu * au
célèbre Captai de Buch dont la dernière descendante,
Mademoiselle Amenais de Buch, est morte à Bordeaux
en 18o7. Aujourd'hui il ne reste plus de cette forteresse
que quelques ruines informes et à peine quelques ves-
tiges de souterrains. Mais il subsiste encore la remar-
quable chapelle Saint-Pierre qui date du xi« siècle, et
dont l'architecture, mieux encore que les pierres déla-
brées de ses murs, dénote l'antiquité.
M. de Froideur, réformateur général des forêts.
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U1
envoyé par Colbert en 1667 pour visiter les Pyrénées,
finit sa longue tournée par un voyage au pays de Cas-
tillon.
« Ce pays, dit-il dans son rapport, est une des huit
a châtellenies dont le comté de Commenge est com-
(i posé. C'est un petit pays environné et plein de mon-
a tagnes fort hautes et presque inaccessibles, compris
a entre le Couserans qui le confronte du côté d'orient,
a la baronnie d'Aspet du côté de Toccident, les monts
a Pyrénées et TEspagne du côté du midi, et la môme
« baronnie d'Aspet au septentrion. t>
M. de Froideur a fait preuve d'un grand esprit
d'observation au cours de son voyage dans les Pyré-
nées. Toujours en quête de renseignements et de
détails sur les us et coutumes, sur la géographie et sur
le régime économique des pays qu'il traversait, il a pu
transmettre, au grand ministre dont il était le délégué,
des descriptions et des récits généralement exacts. Je
ferai, toutefois, des réserves en ce qui concerne la
châtellenie de Castillon qu'il semble enclaver, à l'épo-
que où il écrit, dans le pays de Comminges. Or, il
ressort des données historiques qu'on possède sur le
Couserans, que Castillon a de tout temps suivi la for-
tune ou les vicissitudes politiques de cette petite pro-
vince.
Il est vrai qu'au x® siècle le Couserans fut incorporé
au comté de Comminges, et l'on voit dans divers docu-
ments du xji® et du commencement du xm® siècle qu'il
existait dans ce comté dix châtellenies, celles de Cas-
tillon et de Saint-Girons comprises, et non huit seu-
lement. Mais sous le règne de Charles VII, par suite
d'une entente établie entre les représentants des pays
intéressés, réunis à Toulouse au mois de mars 1443,
le Couserans fut disjoint du pays de Comminges pour
être annexé au comté de Foix, et les châtellenies de
Castillon et de Saint-Girons furent, comme les autres
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U2
.parties du Couserans^ également rattachées au comté
de Foix. A Tépoque où écrivait M. de Froideur, c'est-
à-dire en 1667, il ne restait plus dans le Comminges
que huit châtellenies, savoir: les châtellenies de
Muret, Samatan, TIsle-en-Dodon, Saint-Julien, Auri-
gnac. Salies, Aspet et Fronsac. Comme on le voit, cel-
les de Castillon et de Saint-Girons, qui faisaient par-
tie intégrante du Couserans, n'y étaient plus com-
prises.
Du reste, lors de la réunion à la couronne de France,
sous Henri IV, des comtés de Comminges et de Foix,
le Couserans avait recouvré son autonomie provinciale,
tout en restant uni au Comminges par un faible lien
administratif, celui des finances. Or, le Commin-
ges lui-même^ considéré au point de vue administratif
ou diocésain, était par plusieurs côtés rattaché à d'au-
tres provinces. C'est ainsi que pour la perception des
impôts il dépendait de la généralité d'Auch ; plusieurs
de ses paroisses dépendaient spirituellement de six dio-
cèses^ entr'autres du diocèse de Saint-Lizier de Cou-
serans, et l'élection de Comminges, instituée en 1603,
dont le Couserans faisait partie, et qui connaissait des
tailles, des aides et des autres impositions ou subsi-
des ainsi que des affaires contentieuses se rapportant
à la ferme des tabacs et des octrois, était elle-même
du ressort de la cour des aides et finances de Montpel-
lier et, plus tard, en 1642, de celle de Montauban.
Mais cet enchevêtrement réciproque, qui dénotait
tout au moins des limites mal définies, ce rattache-
ment mutuel de certains services administratifs n'im-
pliquait nullement un état de subordination politique
d'une province à l'autre ; et si le Comminges, malgré
ses attaches, a conservé son entière indépendance
politique^ le Couserans, qui se trouvait dans une posi-
tion identique, a su aussi conserver la sienne vis-à-
vis du Comminges. -Cela est si vrai que lors de la con-
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443
vocation à Muret, au mois cravril 1789, des déléguée
des États généraux du Nébouzan, du Comminges et
du Couserans à Teffet d'élire des députés à TAssem-
blée législative, les délégués du Couserans, jaloux
de leur autonomie politique, refusèrent énergique-
ment de se rendre à Muret, ne voulant pas que leurs
votes fussent confondus avec ceux d'une autre pro-
vince'.
Castillon était au moyen âge, et est resté jusqu'en
1789, le siège d'une chàtellenie royale. La justice,
haute, moyenne et basse, s'y rendait au nom du roi, et
le juge royal, investi des pouvoirs judiciaires les plus
étendus, pouvait statuer au grand criminel, sauf
recours au présidial de Toulouse ou, selon le cas, à la
chambre tournelle du Parlement»
M. Baudoin, archiviste en chef des archives dépar-
tementales de Toulouse, a bien voulu me communi-
quer quelques pièces originales concernant la châte!-
lenie de Castillon. Je reproduis ici quelques-unes de
ces pièces qui donnent d'intéressants détails sur la
nature de certains impôts auxquels étaient soumis les
habitants des montagnes du Castillonnais.
et Le domaine du roi dans la ville de Castillon, chef
a de chàtellenie, consiste en la justice haute, moyenne
a et basse appartenant en seul au roi, exercée par le
a juge de Commenge et, en son absence, par un lieute-
c( nant résidant audit Castillon, où les habitans des
« autres lieux dont la justice appartient au roi vont
<c plaider.
a Le service du roi avait le droit de vendre ou faire
a vendre du vin, pendant tout le mois de mai, au lieu
a dudit Castillon, à l'exclusion de tous autres.
t, La ploparl de ces reiiseignerocnU oui élé puisés dons IMiUéressaiil ouvrage intitule :
lus Étais du Nvboiiian, por M. Alphonse Cougct, et dans le 1*' volume de la Jievue de
Comntingei, articles Commingei et Couserans, par le même auteur.
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4ii
« Les censives en argent ou en grains sortant du
« terroir de Castillon appartiennent en seul au roi
« avec tous droits de directe.
a II y a plusieurs terres sujettes au droit de cham-
cr part.
a Le domaine du lieu de Moulis, dépendant de la
€ châtellenie de Castillon, consiste en la moitié de la
a justice haute, moyenne et basse, appartenant au roi
a en paréage avec un co-seigneur, et les habitans du
« lieu vont plaider au siège royal de Castillon.
a Le droit de quête, qui est dû par les habitans
a labourants ou non labourants, appartient au roi et
a au co-seigneur par indivis.
a Les censives sur tout le terroir appartiennent au
« roi et au co-seigneur, et il y a plusieurs terres sujet-
a tes au droit de champart qui sont de la mouvance
a du roi et du co-seigneur.
a Le domaine de Montfaucon, dépendant de la châ-
« tellenie de Salies, consiste en la justice haute,
a moyenne et basse appartenant en seul au roi, et les
a habitans dudit lieu vont plaider au siège royal de
a Castillon.
« Le domaine de la Vallongue (Bellongue) consiste
« en la justice haute, moyenne et basse appartenant
a en seul 'au roi sur tous les villages et hameaux qui
« sont dans ladite vallée et qui portent chacun leur
a nom, composant ladite vallée qui comprend encore
<c les crêtes des montagnes qui la divisent des autres
a vallées ou qui servent de comfort entre la France et
a l'Espagne, et les habitans vont plaider au siège royal
a de Castillon.
oc Dans la vallée il y a une mine d'argent appelée
a la Sanguette dont il est fait mention dans les
iL anciens comptes du domaine, dont il y a part à
c Sa Majesté pour la dixième partie sans contribuer
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U5
« en aucun frais, suivant Tordonnance de Charles IX,
a de mars 1563.
a Le droit de forestage, partant la faculté de pacage
a du bétail, appartient au roi dans ladite vallée et
a montagnes et les droits d'empuntage sur les bois
a que les habitans ont la faculté d'exploiter, ce qui est
a réglé par le grand maître des eaux et forêts. »
Les vallées de Biros et de Betmale étaient placées
sous le même régime que leur voisine, et les herbages
et pâturages appartenaient au roi dans toutes les
montagnes de la châtellenie de Castillon, à l'exception
de quelques privilèges réservés à certaines communes
et qui étaient réglés par le grand maître des eaux et
forêts.
a II appartenait encore au roi en seul certain droit
« appelé Aouellamée sur tout le bétail à laine, lequel
a droit est levé de 3 ans en 3 ans, suivant les anciens
« comptes du domaine. »
Ainsi, en ce qui concerne la ville de Castillon, la
justice y était rendue au nom du roi et, dans certaines
localités, elle était rendue tant au nom du roi qu'au
nom des seigneurs paréagers. De même pour les flefs
indivis, les impôts étaient simultanément perçus pour
le compte des co-seigneurs. Que de difficultés et de
querelles cette dualité^ conséquence du régime féodal,
n'a-t-elle pas dû engendrer entre les populations et
leur.s seigneurs !
Grâce à sa situation privilégiée, Castillon se trouve
au centre d'excursions charmantes. On peut aller
visiter le lac de Betmale, situé au milieu d'un vaste
cirque entouré de hêtres et renfermant un poisson
très estimé, la truite saumonée dont la chair délicate
et savoureuse fait les délices des gourmets; le pic de
Mont Vallier, la vallée et les hauts sommets du Ribe-
Rktok db CoiMiMCKg, 2* irimetire 1895. Tous X. — 1t.
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446
rot, les mines de Sentein, et les pantières de Saint-
Lary et du Piégeau où se fait tous les ans, au moyen
de filets, une chasse très intéressante, pleine d'inci-
dents et d'émotions, aux palombes et aux bisets qu'on
prend souvent en nombre considérable.
Au départ de Castillon, le pays se dépouille de sa
forme gracieuse pour prendre un aspect sévère. On
sent déjà les approches de la haute chaîne. A quelques
minutes de la ville, à droite de la route de Bordes,
s'ouvre un petit défilé taillé au milieu d'une énorme
roche et appelé en langage du pays et Traoïtc (le trou),
qui communique par le pont do Tournac, jeté sur le
Lez, avec les collines assez raides du hameau d'Auli-
gnac où l'on peut visiter une vieille chapelle qui est un
but de pèlerinage et, non loin de là, une belle grotte
d'où sort en abondance une eau très fraîche, d'une
transparence de cristal.
Nous voici à Bordes-sur-Lez, village situé à 20 mi-
nutes de Castillon, au point de jonction de la vallée de
Betmale si bien décrite par M. l'abbé Cau-Durban,
de la vallée de Biros, et non loin du magnifique et
sombre val du Riberot, si peu visité par les touristes
en quête d'émotions et pourtant si curieux et si pitto-
resque.
A deux kilomètres environ de Bordes, laissant à
droite le Lez et le chemin de Sentein, on voit s'ouvrir,
tout à côté du superbe cône du pic du Midi de Bordes
(1800™), la vallée du Riberot où l'on trouve en entrant
un certain nombre de chalets et de beaux pâturages.
Mais le paysage ne tarde pas à changer. Des gorges
profondes, impénétrables au soleil, s'offrent de tous
côtés aux yeux du voyageur, et il serait dangereux
de s'y engager sans un excellent guide, a Tantôt il
« faut franchir le torrent sur le tronc vacillant d'un
oc hêtre, d'autres fois escalader des murailles à pic et
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447
« sur lesquelles suinte une eau glacée ; mais on est
a largement dédommagé de ses fatigues en tombant
a en admiration à la vue de ces sauvages défilés. Tout
<( au fond, roule, en cascade, le Riberot sur une sorte
<c d'escalier de granit écroulé; mais, pour y arriver,
a on passe auprès de profondes ramures escarpées où
(c le torrent mugit engouffré dans des cavernes qu'il a
« creusées. Au-dessus des hêtres, des sapins magni-
a fiques se rejoignent en arcades ; les arbrisseaux
« trempent leurs longues racines dans l'eau bouillon-
« nante. Le soleil ne pénètre jamais dans cette noire
« ravine, le Riberot y perd sa route, invisible et glacé,
a II est impossible de trouver- rien d'aussi sauvage
« dans les Pyrénées : cascades, lacs, roches éboulées,
« arbres séculaires, cirques immenses, rien ne man-
a que à cette grandiose nature. Passant tantôt sur la
a rive droite, tantôt sur la rive gauche du Riberot, on
a arrive à la nuit en face de la grande moraine du
a Sarrat de Guillaire*. »
Les isards fréquentent ces parages, et aussi, dit-on,
les ours qui trouvent une retraite assurée dans les
profonds défilés de la vallée; car, si maître Martin
aime l'innocent mouton, il aime aussi sa tranquillité.
Le Riberot communique avec l'Espagne par le port
de Girette^ haut de 2620", et si, du col du même nom,
on tourne ses regards du côté de l'Est, on voit s'éta-
ger successivement, parsemées d'affreux précipices,
les nombreuses cimes qui entourent Betmale du côté
de l'Espagne et qui vont mourir au Mont Vallier
(2840™) dont le dôme majestueux, se profilant sur le
ciel, les domine de 2 ou 300 mètres.
Dans une excursion à la vallée de Betmale, M. de
Froideur, accompagné d'un gentilhomme du pays, fit
l'ascension d'une montagne de la vallée qu'il mit, dit-
1. Paol Diiby. Guide-Boule de VAriége, p. 50t.
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448
il, a trois grandes heures et demie à gravir ». Et là, du
haut de cette montagne et bien qu'il eût déjà visité
les plus hauts sommets de la chaîne centrale des Py-
rénées, il ne put contempler sans un sentiment d'ef-
froi le formidable massif dont je viens de parler et qui
couvre toute la partie méridionale du Couserans et,
par conséquent, du Castillonnais. <r Nous découvrîmes
<c le Mont Vallier, que j'estime la plus haute des mon-
« tagnes, et les autres montagnes qui servent de sépa-
a ration aux deux royaumes, comme si nous les tou-
« chions du doigt ; mais, en la plupart, il y a des pré-
« cipices dont la seule vue fait frémir. Après avoir
a bien considéré toutes choses, nous descendîmes la
<c montagne et fûmes au gîte, à Castillon où le Juge
a nous conduisit et me donna un lit chez lui. J'y fus
a visité du Lieutenant et des Consuls à l'ordinaire ».
M. de Froidour, qui n'avait probablement pas le
pied montagnard comme le comte Russel, Emile Bel-
loc ou Maurice Gourdon, ne crut pas devoir tenter
l'escalade de montagnes qu'il jugeait sans doute ina-
bordables. Mais depuis, de hardis pionniers, armés
de la trijile cuirasse d'airain dont parle le poète, ont,
au prix de fatigues sans nombre et de mille dangers,
soit dans les Pyrénées soit dans les Alpes, escaladé
des pics réputés jusqu'alors inaccessibles. Ils ont
ainsi tracé aux touristes modernes la route de ces
monts escarpés et rendu à la science d'inappréciables
services.
En quittant Bordes-sur-Lez, premier village de
Biros, la vallée se rétrécit, les escarpements de la mon-
tagne se dressent à pic sur la route qui, elle-même,
surplombe le profond rcivin au fond duquel on entend
murmurer les eaux du Lez ; on dirait que la montagne
va s'ébouler sur le voyageur. On chemine ainsi Tespace
de 3 ou 4 kilomètres en longeant les pentes méridîo-
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U9
nales du pic de Larraing et du tue du col de Puech
sur les flancs desquels se juchent, comme des nids
d'aigle, les villages d'Uchentein, de Balacet et d'Irasein
qui forment comme des oasis sur ces pentes dénudées
et qui seuls animent le paysage. Par contre, à la
sortie de Bordes, peu après Téchancrure qui laisse
voir la vallée du Riberot et quelques-unes de ses
cimes, la rive droite du Lez est presque entièrement
bordée de belles forêts dominées par les pics qui se
détachent de la haute chaîne, comme les pics du
Pourtillon, du Conçut, de Lagarde, etc. Ces montagnes
boisées forment un constraste frappant avec celles de
la rive gauche qui présentent généralement Taspect
aride des montagnes volcaniques*. Mais au village de
Bonac la vallée s'élargit brusquement, et Ton est tout
surpris d'entrer dans un joli bassin de verdure formé
en partie de magnifiques prairies arrosées par la
rivière du Lez, et à l'extrémité duquel on aperçoit la
flèche élancée du clocher de Sentein, le bourg le plus
important de la vallée de Biros.
Ce verdovant bassin de Bonac à Sentein me semble
avoir une grande analogie avec le plateau non moins
verdoyant qui s'étend d'Antignac à Luchon; et si les
montagnes qui entourent Sentein n'ont pas la coupe
gracieuse, la forme élôgcinte de celles qui encadrent
Luchon, elles ont néanmoins, en raison de leur aspect
plus sauvage, des attraits sui generis que savent bien
apprécier les rares touristes qui viennent les visiter.
Sentein est une charmante bourgade, aux rues larges
et aérées, qui montrent avec une sorte d'orgueil leur
sol propre et macadamisé et mirent avec coquetterie
1. En 1855, lors du treroblemenl de lerre qui se fil sentir dans le Biros, il se for-
ma sur les flancs de la montagne, un peu au-dessous de Balacet, une excaralion d*où jail-
lirent des flammes pendant deux jours, et d*oii il se dégagea, pendant prés de 15 jours,
une épaisse fumée. J'ai été témoin oculaire de ce fait.
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450
leurs maisons dans Teau claire et limpide de frais ruis-
seaux. Les beaux sites dont elle est entourée etTexploi-
tation des mines et des eaux, car Sentein est une station
balnéaire naissante, concourent à faire de cette localité
un séjour très agréable. Mais ce qui donne à Sen-
tein une physionomie toute particulière, un cachet
vraiment original, c'est Tenceinte flanquée de trois
tours qui entoure son église, et qui ont été construites
vers Tan 1330 comme l'église elle-même et la partie
romane de son élégant clocher, (y'est dans l'intérieur
de cette enceinte que se réfugiaient jadis les habitants,
pour se mettre à l'abri des incursions des maraudeurs
si nombreux à cette époque tourmentée, surtout depuis
la désagrégation des grandes compagnies qui désolè-
rent les provinces méridionales de la France vers la fin
du XIV* siècle et que Duguesclin , impuissant à les
contenir, avait dû licencier. Il est toutefois regrettable
que, lors de la translation du cimetière à l'endroit où
il se trouve actuellement, les autorités locales aient cru
devoir faire abaisser notablement la hauteur des rem-
parts qui donnaient à l'ensemble des fortifications
l'aspect d'une véritable forteresse féodale. Les tours
elles-mêmes tombent en ruines et quelques-unes de
leurs parties, semblables aux tours penchées de Pise
ou de Saragosse, s'écrouleront sous peu si l'on n'y
prend garde. J'ignore si elles figurent au nombre des
monuments historiques. Dans tous les cas, il serait
urgent de solliciter quelques subsides pour servir, je
ne dirai pas à la restauration, mais tout au moins à la
consolidation de ces tours branlantes qui constituent
une des curiosités du pays.
Vers 150d, Sentein fut le théâtre d'un fait d'armes
qui sauva le pays d'un vrai désastre. Un corps de
troupes espagnoles avait franchi les Pyrénées et
fait irruption dans la vallée de Biros dans l'intention
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451
de se livrer au pillage. Forfcanier Du Pac de Lassalle,
commandant les quelques troupes françaises station-
nées dans le rayon de la chàtellenie de Castillon,
accourut à Sentein, livra bataille aux Espagnols, les
défit et les poursuivit l'épée dans les reins jusqu'au
port de la Ilourquette (2345™). En récompense de ce
service, le roi Louis XII nomma Fortanier Du Pac
capitaine de la forteresse de Castillon et archer de la
garde du roi. Plus tard, en 1512, on voit ce même
Fortanier du Pac figurer parmi les délégués que les
provinces du Nébouzan, du Comminges et du Couse-
rans envoyaient auprès du roi pour se plaindre des
méfaits commis à Saint-Béat par le sire de la Bastide-
Paumès. Louis XII donna pleine satisfaction à ces
délégués* .
Quelle est Torigine de Sentein? Malheureusement
il n'a pas encore été découvert, dans les archives
du pays, des documents authentiques permettant de
préciser l'époque de sa fondation ainsi que de celle de
Castillon. Mais, d'après une tradition en cours dans le
Biros, Sentein aurait été bâti par les Sarrasins. On
sait que les Sarrasins ont envahi les Pyrénées centra-
les en 720. Au commencement de l'année 732, Rico-
sinde, un de leurs généraux, vint mettre le siège
devant la ville d'Austrie (Saint-Lizier), capitale du
Couserans. La ville, pressée par la famine, était sur
le point de se rendre. Dans cette extrémité, l'évêque
Lizier s'avisa, d'après un document que j'ai eu sous
les yeux, d'un stratagème qui avait réussi à Annibal
dans une forêt de la Campanie où il s'était laissé cerner.
Il réunit le plus de chèvres et d'autres animaux qu'il
put trouver dans le pays et, le soir venu, il fit poser
1. Voir, dans la Revue de Comminges, l. I*^ p. 196, Tarlicle de M. le Baron de Lassus :
Le sire de la Bastide Paumés, à Sainl-Bdat.
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452
une lumière sur la tête de chacun des animaux et gra-
vit, avec Timmense troupeau, la colline du Marsan,
monticule situé en face et à l'est de Saint-Lizier. En
apercevant cette grande quantité de lumières sembla-
bles aux feux d'un vaste camp, les Sarrasins crurent à
l'arrivée d'une armée de secours. Ils s'empressèrent
de lever le siège et allèrent rejoindre l'armée d'Abdé-
rame qui avait pénétré en France par le col de Ron-
ceveaux et qui marchait, par Bordeaux, à la rencontre
de Charles Martel. Le choc des deux grandes armées
eut lieu, comme on sait, près de Poitiers. Au plus fort
du combat de grandes clameurs s'élevèrent du camp
des Sarrazins. Ceux-ci, surpris et effrayés, abandon-
nèrent en partie la ligne de bataille pour courir au
secours du camp. Charles Martel les suivit et en fît
un affreux massacre. Abdérame et ses plus vaillants
officiers périrent dans la mêlée. C'était Eudes, duc
d'Aquitaine qui, défait sous les murs de Bordeaux et
après avoir assisté impuissant à la prise et au sac de
cette ville, avait pu rejoindre l'armée de Charles
Martel, tourné l'armée arabe, et attaqué le camp
ennemi dont il avait massacré les gardiens. Par cette
habile diversion le duc d'Aquitaine contribua puissam-
ment au gain de la bataille, qui sauva de la conquête
la France et peut-être l'Europe entière.
Les débris de Tarmée vaincue regagnèrent, ea
saccageant tout sur leur passage, partie la Septimanie,
partie les Pyrénées où, renforcés parles Arabes d'Es-
pagne, ils s'établirent d'une manière permanente,
occupèrent un grand nombre de localités, fondèrent
des villes, prirent et pillèrent Saint-Lizier en 736, et ne
furent définitivement expulsés qu'en 778, sauf quel-
ques retours offensifs qui firent encore beaucoup de
mal. C'est donc dans la période comprise entre 720 et
778 que les Sarrasins, si on ajoute foi à la tradition,
fondèrent Sentein. Ce qui tendrait à confirmer cette
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453
tradition, c'est qu'il est certain que les Sarrazins cons-
truisirent un fort entre Sentein et Irasein, sur une
petite éminence qu'on appelle encore aujourd'huit et
Tut des Maurous (pic des Maures). Je me rappelle que,
dans mon enfance, un paysan d'Irasein m'affirma qu'il
avait trouvé aux abords de l'ancien fort un morceau de
sabre recourbé. C'était probablement un cimeterre.
Quelques fouilles au Tut des Maurous feraient peut-
être découvrir des vestiges certains de la présence des
Sarrasins dans ce pays.
Parlerai-je des courses que le touriste peut faire
dans les environs de Sentein? Étant donné la proxi-
mité de ce bourg, du vaste pâté de montagnes qui
forment à l'extrême frontière la ligne de faîte entre la
France et l'Espagne, ces excursions sont aussi variées
qu'agréables. Il y en a pour toutes les aptitudes. Je
me bornerai, dans cet article déjà long, à ne signaler
que quelques-unes des courses qu'il est facile d'entre-
prendre à pied, à cheval et une partie en voiture.
D'ailleurs, ceux qui, pour une cause quelconque,
maladie ou manque d'un vigoureux jarret, ne peuvent
tenter l'ascension des hautes cimes et de ressentir
ainsi les fortes émotions qu'on éprouve toujours sur
les hauts sommets, doivent borner leur ambition à
des excursions moins pénibles, mais ils trouvent une
large compensation dans la beauté des sites et dans
les gracieux paysages que la nature a prodigués dans
cette intéressante région.
Si, partant de Sentein, on suit la route du port de
la Hourquette en longeant la rive gauche du Lez, on
arrive en 20 minutes au confluent de cette rivière
avec le ruisseau de l'Isard qui descend de l'étang
d'Araing. A droite, et en suivant la rive gauche du
torrent, on s'engage dans le vallon de l'Isard par une
route bordée d'arbres de chaque côté, de montagnes
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154
couvertes de bois qui encadrent admirablement le pay-
sage. Rien de gracieux et de pittoresque comme ce
vallon où tout charme les yeux: les fleurs, les bois et
le torrent. En deux heures de marche on atteint un
plateau de verdure, situé à la base du pic gazonné de
Laura et sur lequel est bâtie la célèbre chapelle de
Notre-Dame de Tlsard. Je crois intéressant de donner
ici une notice historique sur les causes de la fondation
de cette chapelle, qui attire tous les ans, au mois
d'août, un grand concours de population.
En Tannée 1638, Dom Ruade, évêque de Saint-
Lizier, dont on peut voir un beau portrait dans le cloî-
tre de Tantique cathédrale, se trouvant en mésintelli-
gence avec son chapitre, résolut, pour se soustraire à
ses tracasseries, de choisir dans un coin des Pyrénées
une retraite où il pût passer, en toute liberté et dans
le calme le plus absolu, une partie de la belle saison.
A cet effet, il vint à Sentein et visita les nombreux
vallons qui existent dans le périmètre de cette loca-
lité. Arrivé au plateau de Tlsard, il fut frappé de la
beauté et des charmes de ce site. Il songea que là, du
moins, il pourrait librement ouvrir son âme à Dieu et
oublier pour quelque temps, dans la méditation, et
dans la contemplation d'une belle nature, les soucis
dont il était obsédé. Il fit édifier l'oratoire qui existe
encore. Il consacra cette chapelle à Notre-Dame de
risard, et, le 4 août de chaque année, il y fît célébrer
une fètc religieuse on Thonneur de la Vierge. Peu à
peu, les habitants du pays et des pays circonvoisins
s'accoutumèrent a assister à cette fête. Dans la suite,
cette afflucnce ne fit que s'accentuer, et aujourd'hui
Notre-Dame de l'Isard, protectrice des bergers et
des troupeaux, est devenue un but de pèlerinage très
fréquenté.
J'ai eu occasion d'assister à une de ces solennités
religieuses où les pâtres de la contrée, tout endim-
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manches et armés de leur houlette, étaient accourus
en grand nombre. A Toffrande, un mouvement se fit
parmi eux; ils se pressèrent, se bousculèrent pour
aller baiser la croix présentée par le prêtre ; on joua des
coudes et, ma foi ! je crus un instant que les houlettes
allaient se mettre de la partie. Tout à coup j'aperçus
un pâtre qui regagnait sa place d'un air de triomphe.
On m'apprit alors que, parmi les bergers du pays, il
existait une croyance en vertu de laquelle celui d'en-
tr'eux qui, à Toffrande, parvenait le premier à baiser
la croix, aurait ses troupeaux sains et saufs pendant
le reste de Tannée. J'eus ainsi l'explication de cette
ardente bousculade et de la satisfaction manifestée
par l'heureux pâtre qui ne dut, il faut bien le dire,
son triomphe qu'à son adresse ou à la vigueur de ses
muscles.
Du vallon de l'Isard on peut pénétrer, par le col de
Bassibié ouvert entre le pic du Mède et celui du Bouc,
dans la vallée d'Araing, couverte de superbes forêts et
dominée de tous côtés par des pics élevés, tels que le
pic de Crabère (2630™), la serre d'Araing (2400"), le
pic de Canéjan (2634™) et beaucoup d'autres. C'est
tout un ensemble de sommets très rapprochés les uns
des autres, rattachés entr'eux par une infinité de
ravins, de défilés et de vallons, qui font de cette
région lacustre et montagneuse par excellence, une
des contrées les plus attrayantes des Pyrénées.
A une altitude de 1880 mètres^ au fond d'un vaste
cirque qu'on peut atteindre en trois heures de Sen-
tein, repose le grand lac d'Araing dans lequel viennent
se déverser les eaux de deux autres lacs. Les habi-
tants de Sentein ont trouvé un moyen pratique autant
qu'ingénieux d'utiliser les eaux de ce lac. A l'époque
de l'affouage, on coupe le bois de chauffage, on marque
les bûches aux initiales de chaque habitant et on jette
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le tout dans le lit du torrent, après avoir préalable-
ment, au moyen d'un barrage, arrêté Técoulement des
eaux du lac. On ouvre ensuite les vannes. Les eaux,
contenues jusque là, se précipitent en bouillonnant
dans le lit du torrent qui, grossi tout-à-coup, s'écoule
impétueusement entraînant avec lui les bûches jus-
qu'à la rivière du Lez. Là, comme les épaves d'un
navire naufragé, les bûches flottent, ballottées, et sont
entraînées par la rapidité du courant jusqu'au pont de
Sentein où les habitants , armés chacun d'une sorte
de gaffe, les harponnent au passage et les jettent sur
la route où chacun vient ensuite les reconnaître. Cette
opération, d'un effet très pittoresque, donne à Sentein
une grande animation pendant quelques jours.
Les touristes qui ne veulent pas retourner à Sentein
par le même chemin qu'à l'aller peuvent, du vallon de
l'Isard, s'engager dans le val de Blazy et aboutir,
après une attrayante et peu fatigante promenade au
travers des bois, au col de Nédé (1346'"), superbe pe-
louse située au pied du pic de même nom et d'où l'on
a, d'un côté, une fort jolie vue sur le vallon du Sentein,
et de l'autre, par une échancrure de la montagne,
sur une partie de la Bellongue. Du col de Nédé on
peut s'élever facilement, par des pentes gazonnées,
parfois un peu raides, jamais dangereuses, jusqu'au
vaste plateau sur lequel est assis le pic de la Calebasse
(2212'"), peuplé de perdrix blanches et d'isards. Cest
ce pic de forme triangulaire, qu'on aperçoit très bien
de Saint-Gaudens et même de Saint-Girons. La Cale-
basse est le mont préféré des habitants de Saint-Larj' —
le plus joli et le plus considérable village de la Bellon-
gue — qui vont chasser dans ces parages l'isard et le
coq de bruyère. Ces chasseurs se plaisent à gravir cet
attrayant sommet, trop peu connu, d'où ils peuvent
contempler aisément le théâtre si varié et souvent si
dangereux de leurs exploits cynégitiques. A la base
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septentrionale de ce pic se déroulent, en effet, un
grand nombre de sommets secondaires, coupés par
des ravins aux parois escarpées, comme, par exemple^
ceux qui avoisinent le mail dech Agé (rocher de TAne);
région accidentée, très pittoresque, où les noirs préci-
pices alternent parfois avec de riants plateaux de
gazon. C'est là que les isards aiment à prendre leur
pâture et leurs ébats par bandes de 15 à 20, toujours
précédés d'un des leurs qui, sentinelle au flair mer-
veilleux, pousse le cri d'alarme au moindre danger.
Ainsi avertis, les isards détalent avec une vertigineuse
rapidité, franchissant, par des bonds prodigieux, les
plus mauvais pas et faisant ébouler, dans leur fuite
désordonnée, des quartiers de roche qui roulent avec
fracas jusqu'au fond des abîmes.
Du pic de Calebasse, si facile à escalader, on
embrasse un admirable panorama sur le mont Kagyre,
le pic d'Arbison, le pic du Midi de Bigorre, les mon-
tagnes d'Arbas et de l'Ariège et, autant que le rayon
visuel peut percevoir, sur la plaine de Toulouse qui
se perd elle-même dans le lointain vaporeux. Mais la
visite au pic de Calebasse exige, de Sentein^ une
journée entière si l'on veut jouir de tous les agréments
que procure cette belle course.
En retournant à Sentein, on remarque avec curio-
sité, sinon avec effroi, tout à côté du col de Nédé,
une immense excavation produite par les éboulements
successifs de la montagne. On contourne ce précipice,
on suit, par un bon sentier, la route d'Autras, village
perché à plus de 900 mètres au-dessus du niveau de
la mer, et on rentre à Sentein en côtoyant la belle
prairie du Pradau où jaillissent des eaux ferrugineuses
et arsenicales et où l'on a construit, il y a quelques
années, un petit établissement de bains.
Mais la grande attraction des environs de Sentein
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est, sans contredit, le chemin aérien des mines du
Bentaillou. Nul étranger ne saurait aller dans ce pays
sans se donner le plaisir de contempler un spectacle à
la fois saisissant et grandiose.
La route qui conduit de Sentein au boccard, établis-
sement où Ton pulvérise et purifie le minerai, suit,
entre deux montagnes, les méandres capricieux que
trace le Lez au fond de la vallée. Elle traverse le
hameau d'Eylie situé au milieu d'un frais bassin de
prairies, et aboutit, à neuf kilomètres de Sentein,
au boccard lequel est adossé à une immense roche
taillée à pic. A quelques mètres de là, sur le versant
d'une gorge sauvage, s'élève un beau château, que la
compagnie minière y a fait construire et où Ton est
reçu avec la plus grande courtoisie. Après le boccard
on quitte le cours du Lez; on suit à droite, pendant
deux heures environ^ par de nombreux zigzags, une
belle route carrossable jusqu'au sommet d'un ressaut
du haut duquel le Lez, descendu du lac d'Albe, se pré-
cipite en cascade, et après avoir contourné la butte
Saint-Jean, on atteint les galeries de Bentaillou
(1895™), creusées dans les flancs du pic de Lart, non
loin des pics de Rouche (2730™) et de Garbe (2S60'°i
qui s'élèvent à la base, méridionale du haut pic de
Maubermé(2880™).
Les mines de plomb argentifère du Bentaillou
auraient été découvertes par les Romains, vers Tan 55
avant Jésus-Christ, à l'époque de la guerre de Serto-
rius en Eâpagne. Quelques troupes auraient été
laissées dans ces parages, probablement pour garder
les défilés des Pyrénées. Elles commencèrent à exploi-
ter ces mines, car on a trouvé de nombreuses traces
de leurs travaux que la guerre civile ou d'autres évé-
nements politiques durent interrompre. Plus de dix-
neuf siècles ont passé sur ces galeries primitives
dont le souvenir s'était entièrement effacé. Mais, vers
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1848, un heureux hasard les fit retrouver. Je n'entre-
rai pas aujourd'hui dans les détails de cette décou-
verte qui a eu de si heureuses conséquences pour
Sentein et pour la vallée de Biros. Une société se
forma qui commença, ou plutôt qui continua Texploi-
tation des mines en 1852. I>ès le principe on avait
établi, près du ressaut où tombe la cascade du Lez,
des plans inclinés par lesquels on faisait descendre,
glisser le minerai. Mais jugeant sans doute que par ce
moyen on perdait beaucoup de temps et de minerai,
une autre société construisit le chemin aérien dont le
fonctionnement frappe surtout Tattentiou du touriste.
<c Deux câbles partent d'un point culminant de la
a montagne et viennent se rattacher à une sorte de
a grosse tour assise au fond d'un plateau. Deux wagon-
a nets glissent le long de ces câbles; l'un descend
a chargé de minerai, et par l'action de son poids fait
« rapidement monter celui que l'on vient de vider,
a C'est un jeu fort curieux à observer. C'est comme
a deux aigles qui, dans l'espace immense, suivraient
a dans un va et vient une route invariable. Si peu que
a l'on se sente du cœur dans la poitrine, qu'on se
« juche dans le w^agonnet qui remonte, et en quel-
a ques minutes d'un vol rapide on se trouve là-haut,
a sur la cime du Bentaillou » ' (1895™). Mais peu de
curieux osent affronter cette course vertigineuse sur
une voiture suspendue à plus de 500 pieds au-dessus
de l'abîme, et il faudrait vraiment^ pour accomplir ce
périlleux voyage, être armé du courage de Bradamante
et de Marphise qui, montées sur le cheval ailé, le célè-
bre hippogriffe, fendaient les nues, franchissant
monts et vallées et traversant les espaces comme un
trait de flèche.
HippoLYTE CABANNES.
1. Panl Baby, Guide^noute de l'Ariège, p. 549.
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LA RÉVOLUTION
A SAINT-LIZIER (Ariège)
1789-1804.
(FIN)'
Chute de Robespierre. — Mesures d'apaisement et de réparations.
Petite comédie municipale — AfTaire Fillou. — Embarras finan-
ciers de rhospice et de la commune. — Réduction des Sociétés
populaires.— Rétractation du curé Laporte.
Deux mois après les bruyantes fêtes célébrées aux
Tuileries et au Champ de Mars en Thonneur de TEtre
suprême, Robespierre, qui avait été le grand pontife
de ces cérémonies, vit se réaliser ces paroles prohhéti-
ques que Bourdon de TOise lui avait glissées à Toreille :
« la roche tarpéienne est près du Capitole. » Ce même
peuple, qui, le 20 prairial, l'avait acclamé avec un
frénétique enthousiasme, cria à tous les échos de la
France, le 10 thermidor: « A bas le tyran! vive la
liberté I » Robespierre avait suivi, sur la place de la
Con\ention, les milliers de victimes qu'il y avait en-
voyées, et avait payé de sa tête les innombrables for-
faits qui pèsent sur son nom. Les Bulletins de la Con-^
vention apportèrent Theureuse nouvelles Saint-Lizier,
le 18 thermidor. Le maire réunit l'assemblée munici-
pale et lui fit part « des dangers qu'a encourus la Con-
vention à la suite de la conspiration tramée par le
tyran Robespierre et consorts. Il n'est aucun bon
I, Voir lorac X, p. 1 — 31.
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464
citoyen qui n'ait frémi d'horreur, en apprenant qu'il
existait encore dans le sein de la représentation natio-
nale des Catilinas qui, par leurs sourdes menées et
leurs complots liberticides, ne tendaient sous le ban-
deau du patriotisme, qu'à égorger la Convention, qu'à
s'emparer de l'autorité, qu'à opprimer les patriotes et
à ravir aux Français la liberté pour laquelle ils soupi-
rent si fortement. Il n'est personne qui puisse se dis-
simuler que, sans les mesures sages de la Convention
pour déjouer ces desseins criminels par son activité et
son zèle pour la patrie, la France était livrée à un tyran
et c'en était fait de la cause publique. Il est du devoir
de tout bon citoyen de témoigner à la Convention sa
vive reconnaissance et de la féliciter de ses glorieux
succès. T>
Applaudissant aux vues du maire, la municipalité
le charge lui-même de rédiger, dans le plus bref délai,
cette adresse à la Convention. Le lendemain le citoyen
Vignau donne lecture à ses collègues de l'adresse sui-
vante qui reçoit leur approbation :
a Citoyens Législateurs :
a Nous avons frémi d'indignation en apprenant les
complots de ces Catalinas modernes, qui^ se couvrant
du masque du plus pur patriotisme, ne tendaient qu'à
assassiner la liberté. Le tyran Robespierre voulait
dominer; vous seuls étiez en état de le traverser; aussi
les poignards étaient-ils aiguisés pour vous sacrifier à
sa folle et téméraire ambition ; mais votre amour pour
la patrie a été votre plus ferme rempart et vous a
rendus victorieux. Quelles suites pouvait-il se pro-
mettre, tandis que la démocratie populaire subsistait
dans la Convention, tandis que le penchant que vous
recevez de la nature vous porte^ non à faire des escla-
ves, mais à détruire les tyrans et à vouloir que tous les
hommes soient libres. Grâces vous soient rendues,
RsfUB M CoiiiMOBs, 2« trimesire iê05. Tout X. — 13.
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braves Montagnards; votre activité, votre énergie,
votre amour pour la liberté ont déjoué cette trame infer-
nale, au moment qu'elle allait éclater, et en dissipant
Torage qui grondait sur nos têtes, vous avez encore une
fois sauvé la patrie. Les traîtres Robespierre, Couthon,
Saint-Just et leurs consorts ont subi leur supplice-
Point de miséricorde pour leurs complices quels
qu'ils soient; comme eux qu'ils montent à Téchafaud
et que leur sang cimente les fondements de la Répu-
blique. Continuez, Citoyens Représentants; le bonheur
du peuple est entre vos mains; plus fermes que le
Sénat de Rome, vous avez livré à la mort le conspira-
teur Catilina, qu'il se contenta de chasser de son sein.
Continuez ! et les tyrans coalisés, à l'exemple de
Cinéas, envoyé à Rome pour y traiter de paix, seront
forcés d'avouer que vous n'êtes pas une assemblée
d'hommes, mais bien des républicains dignes de régé-
nérer l'univers; demeurez fermes à votre poste; ne
quittez les rênes du gouvernement qu'après Tentière
destruction des despotes, qu'après que Tunivers en-
tier aura reconnu le triomphe de la République fran-
çaise, une et indivisible. »
Avec la satisfaction que donne l'accomplissement
d'un devoir, la municipalité toute à la joie, de concert
avec la Société populaire, célébra avec pompe, cette
année, la fête du 10 août (23 thermidor), « cette glo-
rieuse journée qui rappelle l'époque où la tyrannie
reçut un coup mortel et où la République prit nais-
sance, y* Toutes les autorités ainsi que tous les bons
citoyens furent invités à se rendre au temple de l'Être
suprême, afin de renouveler en présence du peuple le
serment de fidélité à la nation, de maintien de la
liberté, et de guerre aux tyrans et aux conspirateurs.
Le maire, qui ne manquait aucune occasion de faire
valoir son talent d'orateur, fut heureux d'y donner
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163
libre cours à sa patriotique éloquence. Rien ne fit
défaut à l'éclat de la fête, ni refrains nationaux, ni
bruyants accords de fanfare; et du temple, la foule se
rendit à la salle de la Société populaire pour y termi-
ner la fête par des danses et « autres amusements
honnêtes. »
Le Couserans qui avait payé son tribut au règne de
Robespierre, de la tête de Tabbé Urbain de Salin i et
de celle de Tournier^ ex-seigneur de Saint-Girons,
avait bien le droit de prendre part à Tallégresse géné-
rale qui salua la chute du tyran. Le premier fruit de
cette chute fut un retour de l'opinion publique vers la
justice et la clémence. Les portes des prisons s'ouvri-
rent, a Notre victoire, dit Barrère, vient de marquer
une époque où la patrie peut être indulgente sans
danger et regarder les fautes inciviques comme effa-
cées par quelque temps de détention. » Plusieurs de
nos concitoyens bénéficièrent de ces idées d'apaise-
ment : le citoyen Cabalbi-Montfaucon, détenu à Saint-
Lizier, fut remis en liberté par un arrêté du Comité de
sûreté générale de la Convention nationale ; le prêtre
Comminges, reclus à Foix, obtint de la municipalité
de Saint-Lizier une attestation qui dut favoriser son
élargissements. Dupré et Baleich, ayant préalablement
fait soumission aux lois de la République, déclarent
qu'ils reprennent les fonctions de ministres du culte
1. V. abbé Duclos, Histoire des Arit^geois, t. IV. p. xxxviii. L'abbé de Salin, dont la
Tainilte était originaire de Mongauch, fut massacré aux Carmes, en 1792, aux côtés de Mgr
Oulau, archevêque d'Arles.
2. Le 19 thermidor, la citoyenne (>aIlolin se présenta devant la municipalité pour lui
déclarer qu'elle venait d'apprendre, par les nouvelles publiques, que le citoyen Tournier
de Tottloiise, ex-seigneur de Saint-Girons, avait été condamné à mort pour délits conlre-
révololionnaires, et que possédant trois fauteuils et deux chaises ayant appartenu andtt
Tournier, elle en ferait la remise à la première réquisition.' Il nous parait toutefois dou-
teux que cette sentence de mort ait été exécutée, car Tournier ne flgure pas dans les lis-
les des victimes du tribunal révolutionnaire de Toulouse. — Voir le Tribunal Bévolution'
n aire de foMtouse, par Axel DubonI, imprimerie Privât, 1894.
3. Le 2 germinal. — Le conseil reconnaît que le citoyen Comminges a toujours vécu
retiré chez lai ti qu'il n'a Jamais montré nn esprit perturbateur.
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164
catholique dans Téglise destinée à cet effet. Le cha-
noine de Béhssens, qui s'était vu lâchement aban-
donné par ses collègues de la Société populaire, rec^oit
maintenant de la municipalité une attestation qui
plaide en sa faveur : « On n'a jamais su les motifs de
son arrestation.... Le bruit ayant couru que les prê-
tres arrêtés seraient déportés à la Guyane, Bélissens
s'évada le jour où il devait être transféré de la maison
de réclusion de Saint-Lizier dans celle de Toulouse ;
le Conseil est persuadé que la peur fut le seul motif de
cette évasion ; il certifie en outre, qu'antérieurement
à son arrestation, Bélissens avait obtenu un certificat
de civisme et que depuis lors il n'a pas démérité. »
Lingua de Saint-Blanquat, sorti de prison, demande
à être rétabli provisoirement en possession de ses
biens saisis au nom de la République. Le conseil
appelé à donner son avis a pense qu'il est de la jus-
tice de l'administration d'accueillir la demande du
pétitionnaire. »
Delage, de Méritens, Amélie de Vernon sollicitent
des certificats de résidence et de non -émigration que
le conseil municipal se hâte complaisamment de leur
accorder.
On revisa les pensions, et les titulaires durent four-
nir le tableau de leurs fonctions pour justifier leurs
droits.
Des nobles, qui^ en germinal, avaient été exclus des
listes de la Société populaire, sont de nouveau inscrits
comme citoyens « ne s'étant jamais écartés des prin-
cipes républicains qui doivent animer les sans-culot-
tes. »
Un retour subit vers les idées de modération et de
justice s'était fait dans l'esprit du peuple et des gou-
vernants ; dans quelques cœurs étroits il était pour-
tant resté un vieux levain de défiance et de haine.
L'ancien vicaire général de Méritens et le promoteur
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465
Saurai, en réclusion à Pamiers, sollicitent inutile-
ment un brevet de civisme indispensable à leur élargis-
sement. Comme en juin 1793, on allègue que ces deux
ecclésiastiques hostiles à la Constitution républicaine
seraient un ferment de désordre dans la commune et
que la tranquillité publique exige leur éloignement.
Si Ton rassurait les bons, il fallait aussi empêcher
tout retour offensif de la part des perturbateurs. Un
article de la loi du 21 germinal ordonne le désarme-
ment des auteurs et fauteurs de la tyrannie qui a pré-
cédé le 9 thermidor. Les officiers municipaux l'exécu-
tent sans délai. Dans des bulletins secrets sont dési-
gnés les citoyens à qui il paraît dangereux de laisser
leurs armes de gardes nationaux, et ces petits billets
anonymes sont adressés à la municipalité qui se hâte
de les utiliser. Duclos oncle, boulanger, Duclos neveu,
ex-juge de paix, Baptiste Dedieu dit Petitou, Tata-
reau et Lagrasse^ indiqués comme hostiles au nouvel
ordre de choses, sont immédiatement désarmés'.
L'administration du district demande à la munici-
palité les motifs de ces rapides et soipimaires exécu-
tions. Dans un court mémoire, Vignau et ses collègues
justifient leur conduite : Duclos neveu a été désarmé
pour avoir, pendant qu'il était membre du conseil révo-
lutionnaire, cherché à comprimer l'opinion publique ;
pour avoir voulu inspirer la terreur, soit dans la
Société populaire, soit dans le public par ses propos et
ses menaces ; pour avoir effrayé les détenus de la mai-
son de réclusion en les tranférant sans nécessité dans
la maison d arrêt où il allait journellement insulter à
leur sort ; pour avoir prêché dans le temple de la Rai-
son des horreurs propres à soulever les âmes honnêtes
et y avoir manifesté une immoralité infâme et révol-
tante; pour avoir menacé des citoyens qui allaient au
i. Délibération du 9 floréal, an III.
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4M
Comité demander justice en faveur de certains déte-
nus; et finalement pour avoir été désigné par Topinion
publique pour un des premiers terroristes du district.
Tatareau et Lagrasse étaienfc les espions du Comité
révolutionnaire et les complices de l'ex-juge de paix
Duclos dans toutes ses infamies.
Duclos oncle était en continuelle fréquentation avec
son neveu, Lagrasse et Tatareau, et c'est dans sa mai-
son que se tenaient des conciliabules nocturnes et fré-
quents.
Quant à Baptiste Dedieu, le conseil reconnaît qu'il
a été induit en erreur sur son compte et arrête à l'una-
nimité que les armes lui seront rendues.
Duclos jouait au petit Marat, au Robespierre de vil-
lage. Mais ce rôle ne lui avait guère porté bonheur.
Après la chute de ses modèles politiques, son édifice
s'était aussi effondré comme palais de carton. La
Société populaire l'avait exclu de son sein, le 4 bru-
maire ; le 8 germinal, il avait été révoqué de ses fonc-
tions de juge de paix et remplacé par Adéma, de Prat ;
le 9 floréal, le dgtrnier coup lui est donné par la munici-
palité qui le désarme comme énergumène et fauteur
exalté du système terroriste. Il ne plie qu'avec mau-
vaise grâce sous les coups répétés. Il demande, dans
une épître comminatoire, les motifs de son désarme-
ment et la municipalité, qui ne sent pas le besoin de
se justifier auprès d'un ennemi, lui signifie laconique-
ment que « c'est pour cause de terrorisme avant le
9 thermidor. »
Ces exécutions sont arrêtées en conseil général de la
commune, et le maire, qui ne veut pas seul en assumer
la responsabilité et encourir la vindicte des victimes,
les fait revêtir de la signature de tous les membres,
officiers municipaux, agent national et notables.
Homme sage à ses heures, Vignau, qui sait que l'union
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467
fait la force, groupe les exécuteurs pour imposer aux
mécontents.
Le 15 messidor, il fut pris d'un mouvement de géné-
reuse justice qui lui fut inspiré, nous voulons bien le
croire, par un sentiment d'honnêteté. Il réunit de
nouveau le conseil général et lui tint ce langage :
« La loi qui sévit contre les terroristes et les buveurs
de sang n'a d'autre but que de frapper les vrais cou-
pables et de pardonner à Terreur et à l'ignorance. En
partant de ces principes d'humanité adoptés par la
Convention, je pense que le désarmement qui a été
opéré dans la commune doit être rétracté, du moins en
partie. Les citoyens Jean Lagrasse et Tatareau ont
été désarmés comme terroristes, parce qu'ils étaient
réputés dans l'opinion publique pour les agents et les
espions du Comité révolutionnaire d'avant le 9 thermi-
dor. T^e serait-ce pas une tyrannie de punir un fonc-
tionnaire parce qu'il aura été membre d'une autorité
qui aura abusé de ses pouvoirs? Pour cela faudrait-il
avoir à lui opposer des actes arbitraires, des persécu-
tions, des abus d'autorité et des faits qui violent les
principes de l'humanité et de la justice? C'est ce qu'on
ne peut pas prouver auxdits Lagrasse et Tatareau
qui, en qualité de membres adjoints dudit Comité, s'y
rendaient quand ils y étaient appelés. Ils ont encore
été désarmés pour leur fréquentation habituelle avec
le citoyen Duclos, homme de loi ; mais peut-on leur en
faire un crime? Qu'on se réfère aux circonstances,
qu'on se rappelle la faveur dont jouissait le citoyen
Duclos dans ce temps où la terreur comprimait tous
les cœurs, et on ne sera plus étonné si des individus
qui n'ont d'autres lumières que la conduite de ceux
qui sont employés aux fonctions publiques sont cou-
pables de sui\re les impulsions de ces mêmes fonc-
tionnaires ; ils ont sans doute cru avoir embrassé la
véritable cause et, sous ce rapport, on ne peut les
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168
considérer que comme des individus séduits ou trom-
pés. En vain leur supposera- t-on de mauvaises inten-
tions ; ce n'est pas à nous de voir ce qui se passe au
fond de leur âme. Nous ne devons les juger que par
les faits, et, encore un coup, de quel crime sont-ils
coupables ?
ce Le citoyen Jacques Duclos a été encore désarmé
pour avoir tenu chez lui des conciliabules nocturnes ;
mais que signifiaient ces conciliabules? Sait-on ce qui
s'y pasait? En est-il résulté quelque acte vexatoire?
L'ordre social en a-t-il été troublé? N'est-il pas per-
mis à un citoyen de recevoir chez lui ses parents et
ses amis? Ne serait-ce pas une tyrannie que de lui en
faire un crime? Consultez la loi; elle vous dit qu'elle
n'entend frapper que les auteurs ou fauteurs de la
tyrannie qui a précédé le 9 thermidor. J. Duclos peut-
il être considéré comme tel? Le motif de son désar-
mement annonce le contraire. De quoi peut-il être
coupable lui dont les facultés physiques et morales
sont nulles ?
« A ce tableau rapide et succinct de la conduite des
citoyens Lagrasse, Tatareau et Duclos oncle, reconnait-
on des auteurs de tyrannie? Et si l'on ne peut pas les
considérer comme tels, n'est-il pas de toute justice
de les réintégrer? Si le conseil a été trompé par un
excès de zèle n'est-il pas de son honneur d'appliquer
les sentiments qu'il professe, en rendant à la société
des citoyens qui n'ont été que trompés? »
Voilà une bouche qui sait à volonté souffler le froid
et le chaud ; la même parole qui hier accusait et con-
damnait, défend et absout aujourd'hui avec la même
éloquence. Il ne restait au conseil de Saint-Lizier,
comme au Sénat romain, qu'à se déclarer convaincu.
Et le conseil : a pénétré des sentiments d'humanité
qui doivent diriger tout bon citoyen, délibérant sur la
proposition du maire, considérant que la loi n'en-
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469
tend punir que le coupable et pardonner à Terreur et
à rignorance, considérant que Lagrasse et Tatareau,
quoique réputés pour être les agents et les espions du
Comité révolutionnaire, ne se sont rendus coupables
d'aucun crime et que s'ils ont fréquenté le citoyen
juge Duclos, ce n'est que parce qu'il était en faveur,
et qu'étant aux fonctions publiques dans un temps de
terreur ils ont cru devoir suivre aveuglément ses impul-
sions; considérant que Duclos, oncle, étant sans fa-
cultés physiques et morales, est par lui-même incapable
de nuire à la société et que les motifs invoqués pour
son désarmement sont sans valeur : le Conseil rétracte
la délibération à la suite de laquelle Lagrasse, Tata-
reau et Duclos oncle ont été désarmés, et adopte à
l'unanimité les propositions faites par le maire. »
Petite comédie ; plût à Dieu que toutes celles qui se
sont jouées en ces temps lugubres n'eussent pas eu
un dénouement plus tragique.
La vie devenait de plus en plus dure à nos pauvres
montagnards. Faute de bras, les terres étaient mal
cultivées et l'hiver de 1794-1795 avait été froid dans
nos contrées. La moisson avait été modique et les
vendanges^ retardées jusqu'à la fin octobre, n'avaient
donné qu'un vin de quantité et qualité médiocres i.
L'administration centrale elle-même, voyant dimi-
nuer ses approvisionnements par l'augmentation
incessante de ses armées, demande deux cents quin-
taux de blé au district de Saint-Girons. La part de la
commune de Saint-Lizier est de vingt-cinq.
Impossible de réquisitionner même cette petite
quantité dans les huches et greniers des administrés.
Un très petit nombre a à peine la provision nécessaire
pour sa subsistance, beaucoup ne mangent plus de
1. Voir le lamentable tableau de la misère de Parts, Taine, III, 531 et suivantes
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170
pain n'ayant même pas leur semence* ; le pain est
fixé à un prix trois fois supérieur à celui de 1790;
la marque vaut vingt-cinq sols. Avec une audace inouïe
les meuniers trompent la confiance de leurs clients.
L'un d'eux, le sieur Fillou, a installé à côté de ses
meules une paillasse dans laquelle il glisse subrepti-
cement le fruit de ses petits et nombreux larcins ; il
s'obstine à n'avoir point de romaine, afin que l'on ne
puisse vérifier le poids de la farine. Il se moque de
tous les arrêtés municipaux qu'on lui signifie et insulte
ceux qui sont chargés d'en surveiller l'exécution. Le
tribunal de police municipale lui saisit la paillasse, le
condamne à une amende de cent livres au profit des
nécessiteux et à vingt-quatre heures de détention à la
maison d'arrêt ^ Mais on a affaire à un récidiviste
obstiné. Quelques mois plus tard, dans une nouvelle
visite, la police municipale découvre, non plus une,
mais trois paillasses neuves servant à la fraude ; les
poids ne sont pas marqués et les balances ne sont pas
encore installées. Les paillasses avec leur contenu
sont confisquées pour être vendues au profit des pau-
vres; une amende de cent livres lui est encore infli-
gée au profit des indigents de la nation ; enfin il sera
passible d'une amende de dix livres par jour de retard
jusqu'à ce que tout soit établi dans l'ordre exigé par
les règlements présents.
On a tout réquisitionné hommes, blé, lin, farines,
châtaignes, légumes, armes et munitions, on a épuisé
toutes les ressources du peuple, il faut maintenant
faire l'aumône à celui qui vous a nourri. Il a besoin
de l'aliment le plus essentiel, on lui donne des choses
de luxe, du fromage et du savon. Quatre quintaux de
savon et deux de fromage seront distribués aux vingt-
1. Délibération du 16 TrUnaire an Ilf.
2. Jugement du 21 nivôse.
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ni
deux paroisses du canton et c'est assurément une
belle aubaine pour dix mille affamés.
La faim paralyse les forces vitales et favorise le
développement des germes malsains. Jamais sembla-
ble encombrement à Thôpital de Saint-Lizier ; plus de
soixante lits sont occupés par des malades civils et
autant par les volontaires. Le trésorier est sans fonds.
On s'adresse à la commission des secours publics.
La commission fait la sourde oreille, probablement
parce que ses caisses son vides. L'administration de
l'hospice vu se trouver dans la cruelle nécessité de
renvoyer les malades, elle réitère sa demande au nom
de l'humanité. Nous étions au début de cette bureau-
cratie que l'esprit français a trouvé ingénieux d'insti-
tuer pour atermoyer les solutions. On demande un
état des dépenses. L'hospice emploie mensuellement :
En pain 500 livres
En viande 400 »
En huiles 100 »
En bois 100 »
En vin 100 »
En médicaments 150 »
En honoraires de servantes. . . . 600 »
Total 2050 livres
L'Etat s'était emparé de tous les biens et revenus
des hospices avec aussi peu de scrupules que des biens
du clergé et des corporations ; il était devenu le créan-
cier de tous ses administrés , mais créancier beso-
gneux qui ne pouvait qu'aboutir à une banqueroute
générale. Il n'envoya qu'un secours provisoire de
deux mille cinq cents livres, la subsistance d'un mois,
et l'administration de l'hospice fut réduite, pour ne pas
donner un brutal congé aux malades, de faire au
'district un emprunt de deux mille livres. La direc-
tion de l'hospice appartenait à la municipalité qui, avec
un louable dévoûment, s'était toujours préoccupée du
sort des malades et des vieillards; mais la situation
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472
présente découragea son zèle et elle donna sa démis-
sion. Prétextant que les affaire publiques absorbaient
tout son temps, et que d'ailleurs ses membres étant
révocables, ceux qui les remplaçaient n'avaient sou-
vent aucune aptitude pour ces fonctions, elle nomma
une commission spéciale composée de six membres qui
auraient pour mission « d'administrer en bons pères
de famille » les affaires de Thôpital. Les citoyens
Dupré, Vignau, Court, Seillé, Bordes et Villa furent
investis de ce mandat de confiance par leurs collè-
gues.
Un fait, insignifiant en d'autres circonstances, nous
montre dans quelle extrême détresse se trouvaient les
finances municipales. Le conseil général, le 24 fri-
maire, n'ayant plus ni sou ni maille, met en vente et
<c aux enchères publiques qui s'ouvriront le plus tôt
possible ï), l'ormeau du Marcadel, ce vieux témoin des
discussions et des réjouissances populaires, qui avait
abrité sous ses rameaux séculaires vingt générations
d'oisifs et de causeurs. A bout d'expédients, c'est le
débiteur honteux, exaspéré qui, pour retarder d'une
heure son exécution, vend le dernier joyau de famille.
Une des réformes les mieux justifiées de la réaction
thermidorienne, fut assurément la réduction des socié-
tés populaires qui s'étaient étendues à toutes les com-
munes de France. Elles formaient dans chaque localité
un foyer d'inquisition vexatoire, un petit sanhédrin
d'intrigants, de détraqués et de besogneux, qui intimi-
daient les hommes paisibles et honnêtes que la peur
faisait entrer dans leurs rangs. Il ne devait plus en
exister qu'une par district, et c'était encore trop. La
société do Saint-Lizier se dissout, le 5 thermidor an V,
et son secrétaire Galotin fit, sur le bureau de la muni-
cipalité, remise de ses registres. Elle avait vécu deux
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473
ans et quatre mois^ Parmi ses membres étaient des
nobles, des pi^êtres, des magistrats, les Dupré, Nico-
las, de Hansy, de Roquemaurel, le chanoine de Bel-
lissens, Belesta, Delage, Dargein, Trinqué, Berges^
curé de Saint-Lizier; tout ce que Saint-Lizier comptait
de fortunes et d'intelligences s'était réfugié dans son
sein et rien moins que les convictions politiques les y
avait amenés. On trouvait prudent de hurler avec les
loups et on entrait dans la tannière ; on n'en était pas
moins dévoré quand la faim pressait les fauves. De
Roquemaurel, Duclos, de Bellissens n'en furent pas
moins arrêtés pour être munis d'un diplôme de sans-
culottes.
Placée à côté de la municipalité comme une senti-
nelle vigilante, c'était elle qui lui inspirait les motions
les plus violentes. Affiliée à la société des Jacobins de
Paris, elle se flatte d'en avoir les principes et les aspi-
rations. C'est elle qui prend l'initiative des adresses à
la Convention pour l'exhorter à persévérer dans la
voie révolutionnaire ; c'est elle qui presse l'ouverture
du temple de la Raison, qui demande une répression
contre ceux qui ne se rendent pas à la célébration
des décadis, qui ouvre une souscription pour Torne-
mentation du temple de la Raison, qui octroie ou
refuse des brevets de civisme. Se donnant pour mis-
sion de maintenir le niveau de l'égalité sur toutes les
têtes, elle oblige les citoyens Trinqué, maître ès-arts,
bachelier et docteur, Dupré , Moulis et Mouroux ,
hommes de loi, à déposer sur son bureau leurs titres,
la priant a de vouloir bien les agréer comme un hom-
mage à la Liberté et à l'Égalité dont ils ont toujours
été partisans. » Ces titres devront être brûlés par les
I. Etablie le 24 mars i79J sous le lilrc d*Amis de la Répoblique, elle avait eu pour
membres fondateurs : Vignau, Seille, Boniii fils» Dominique Dargein, A. Lafont, Galotio»
Cazennx. O'url père, Laurent Berger, Jean Berger, Dalmont, Arist. Berges, Bertrand
Berges, Etienne Berges, Dalmont ills. Elle tenait ses réunions dans la maison de Témigré
Beisou.
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474
titulaires eux-mêmes, à moins qu'ils ne puissent être
employés à faire des gargousses. On n'est ni plus
stupide ni plus complaisant.
Un homme cependant s'éleva au-dessus de ces sen-
timents d'égoïsme et de pusillanimité qui avaient
tout envahi, c'était le curé Laporte que nous trouvions
l'année précédente à la tête d'une des paroisses de
Saint- Lizier. Le 7 juillet 1795, il écrit du Trein
d'Ustou à la municipalité, avec prière de la rendre
publique, une lettre dans laquelle il exprime le plus
vif repentir d'avoir accepté des fonctions curiales, alors^
dit-il, qu'il n'était qu'un intrus ayant porté la désola-
tion dans l'Église ; il terminait en engageant le peuple
à ne reconnaître que ses pasteurs légitimes.
Le conseil ne pouvait approuver un langage aussi
indépendant, ce cri d'une conscience honnête ; et
a considérant que cette lettre ne contenait que des
sentiments propres à mettre la division dans le peuple
à raison de ses opinions religieuses et à le mettre
quasi en insurrection; considérant que de tels senti-
ments ne doivent pas être ignorés par les autorités
compétentes, afin de prévenir les suites funestes qui
pourraient en résulter », ne trouve rien de mieux que
d'en envoyer copie au Comité de sûreté générale, aux
représentants du peuple Bordes et Capmartin, et au
procureur général syndic du département. C'était as-
surément un langage répréhensible et digne de la
sévérité des lois. Rien de plus contraire à l'ordre et
de plus révolutionnaire que d'élever la voix quand le
silence doit seul plaire aux maîtres.
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476
XI
Suppression du tribunal. ~ Duclos élu juge de paix, et Vignau
maire. — Nouvelles rigueurs édictées par le Directoire. — Fêtes
de la Souveraineté du peuple et du 14 Juillet (an VIII). — Graves
embarras à l'intérieur. — lie Consulat. — Réorganisation de la
Garde nationale.
Nous voilà au début de la IV® année républicaine,
année qui, pour Saint- Lizier, marqua une période
néfaste. En vertu de la nouvelle Constitution de
Tan m, il ne devait plus y avoir qu'un seul tribunal
civil par département et la cité couseranaise allait se
voir privée de la seule institution qui, depuis la sup-
pression de son évêché, lui laissait encore une ombre
de puissance. Avoir repoussé de si nombreux assauts,
s'être imposé de ruineux sacrifices pour aboutir à un
si éphémère résultat ! Saint-Lizier résistera avec cette
ténacité que donne au caractère montagnard le senti-
ment de la dignité froissée ou de la déception jalouse.
Son conseil se réunit d'urgence, le 12 vendémiaire, et
considérant a que la ville perd par la nouvelle Consti-
tution le seul avantage qui lui restait et qu'elle sera
entièrement anéantie si on ne lui donne aucun établis-
sement public, considérant qu'il serait d'ailleurs dans
l'intérêt de la République de laisser le tribunal civil à
Saint-Lizier où se trouve un local convenable bien
aménagé, arrête qu'il sera fait une adresse à la Con-
vention pour lui demander que le tribunal civil du
département soit fixé à Saint-Lizier et, en cas d'impos-
sibilité, qu'il y fixe un tribunal de police correction-
nelle ou tout autre établissement public. » Cette fois,
Saint-Lizier ne devait connaître que les amertumes de
la défaite. - -
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476
La base des pouvoirs publics était rélection.
L'assemblée primaire, qui était composée de tous
les citoyens du canton âgés de plus de vingt ans,
nomma juge de paix le citoyen Duclos, qui avait été
révoqué, quelques mois auparavant, pour cause de
terrorisme. Deux jours après, le 15 brumaire, l'assem-
blée communale élut maire Vignau, et Laurent Berges
adjoint. La machine municipale se simplifiait; on
supprimait les officiers municipaux comme rouages
inutiles, et on se contentait d'un agent municipal ou
maire, d'un adjoint et d'un secrétaire.
Pour se conformer aux singulières exigences du
temps, le nouvel agent municipal dut s'octroyer un
diplôme de civisme. Signée de vous-même ou du para-
phe complaisant d'un autre, une attestation de vertus
patriotiques était à tout instant requise.
Nous reproduisons, à titre de singulier document,
ce libellé : « Je soussigné, agent municipal de la com-
mune de Saint-Lizier, certifie et déclare que je n'ai
provoqué ni signé aucun acte ni arrêté séditieux et
contraire aux lois et que je ne suis point parent ou
allié d'émigré aux degrés déterminés par l'article 2 de
de la loi du 3 brumaire, au moins à ma connaissance. »
La Convention, ce ce phénomène épouvantable »,
comme l'appelle J. de Maistre, qui avait été à la fois
le châtiment des Français et le salut de la France,
avait disparu, et avec elle cette fureur de politique,
d'inquisition, qui tenait une si large place dans les
réunions municipales. Plus de permanence des offi-
ciers municipaux à la maison commune, plus de
clubs ; la vie normale reprend son paisible cours dans
la cité comme dans l'Etat. Il y aura bien, de loin
en loin, encore quelque convulsion fébrile^ mais on
sent un souffle salutaire de paix qui commence à
rafraîchir les âmes et à calmer les tempêtes. Aussi les
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documents municipaux deviennent-ils plus rares. Qua-
tre ou cinq feuillets de nos registres suffisent à la rela-
tion des événements de Tannée, alors qu'ils ne suffi-
saient pas à retenir les faits d'un jour.
Le 18 fructidor an V, le Directoire voulut a faire
reparaître en France toutes les vertus républicaines » ,
et il replaça le Révolution sur le terrain où Danton
l'avait laissée, avec la Convention en moins et la cor-
ruption en plus'. Les émigrés reçurent Tordre de
quitter le territoire français dans les quinze jours, sous
peine de mort; on rapporta la loi qui rappelait les
prêtres émigrés et on exigea de nouveau, de la part de
ceux qui furent autorisés à demeurer dans leur pays,
le serment civique ; ces mesures révolutionnaires
furent appliquées avec une rigueur tyrannique.
Le deuxième jour complémentaire, se présentèrent
par devant l'agent municipal, pour prêter serment en
conformité à la loi du 19 fructidor, les prêtres cou tu-
miers des serments patriotiques, qui grâce aux nom-
bfeuses concessions qu'ils avaient su faire, avaient
été épargnés par la persécution: Guillaume Amans,
Jean-François Langlade, Jean Berges, Michel Soum.
La main levée, en présence du représentant de l'auto-
rité révolutionnaire, chacun, à son tour, vint « jurer
haine à la royauté et à l'anarchie, attachement et fidé-
lité à la République et à la Constitution de Tan IIL »
Girons Bordes, Dominique-Gaspard Roquemaurel et
Jacques Baleix déclarent que, n'exerçant point de
fonctions publiques de ministres du culte, ils ne doi-
vent être assujettis à la formalité du serment. Quoique
timide et tardif, ce réveil de la conscience sacerdotale
avait assurément son prix devant Dieu.
La célébration du dimanche était toujours proscrite,
1. Gabourd, Hùtoire de France, t. XIX, p. 878.
Rbtui m CoHMiNGU, S* trim«ilre 1895. Tomk X. «- iS.
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178
Aux fêtes chrétiennes le Directoire avait substitué des
pompes toutes païennes. La fête de Y Agriculture
rappelait le vieux culte de Cérès ; la fête de la Jeunesse,
celui d'Hébé; la fête des EpouXy celui de THyménée;
la fête de la Souveraineté du i^euple^ une abstraction
politique dont personne ne se rendait bien compte, dit
Tabbé Rohrbacher, et dont beaucoup avaient peur'.
Nous avons de la célébration de cette fête à Saint-
Lizier une pittoresque description.
C'était le 30 ventôse de Tan VII, l'agent municipal
se rendit à la maison commune ainsi que le président
de l'administration municipale, le commissaire du
Directoire exécutif, le greffier, le juge de paix, les
assesseurs, Monroux, juge au tribunal civil, douze
citoyens les plus anciens de la commune non céliba-
taires, représentant le peuple à la cérémonie, et quatre
jeunes gens porteurs de bannières.
Sur la première bannière, était cette inscription :
a La souveraineté réside essentiellement dans l'uni-
versalité des citoyens. »
Sur la deuxième : « Nul ne peut, sans une déléga-
tion légale, exercer aucune autorité ni remplir aucune
fonction publique » .
Sur la troisième: « L'universalité des citoyens
français est le souverain. »
Sur la quatrième : « Les citoyens se rappelleront
sans cesse que c'est de la sagesse des choix dans les
assemblées primaires et électorales que dépendent
principalement la durée, la conservation et la prospé-
rité de la République. »
Etaient aussi présents les instituteurs publics avec
leurs élèves, et la Garde nationale avec son drapeau.
Sur le Champ de Mars, autour de l'arbre de la
Liberté, avait été formée une enceinte réservée. Au
1. ÏLxzUÀTt générale de VÈgUsé catholique, t. XXVII, p. 615
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479
pied de Tarbre avait été dressé un autel de la Patrie,
entouré de lauriers et surmonté d'un drapeau trico-
lore. Le livre de la Constitution était placé sur cet
autel.
L'agent municipal annonce que l'on va immédiate-
ment se rendre sur le Champ de Mars auprès de
l'autel de la Patrie, et le cortège se met en marche
précédé d'un détachement de la Garde nationale ; puis
successivement prennent place les quatre jeunes gens
portant fièrement leur bannière , les douze vieillards
munis d'une baguette blanche, les fonctionnaires et
magistrats élus par le peuple, les instituteurs publics
et leurs élèves, et finalement la Garde nationale.
Le cortège arrive dans l'enceinte sacrée. Les jeunes
gens plantent leurs bannières des deux côtés de
l'autel, et, devant, se rangent les douze vieillards
tenant gravement en leur main droite la baguette
blanche. Derrière ce cercle vénérable, les fonction-
naires et magistrats, les instituteurs publics et les
élèves. Au dehors de l'enceinte, la Garde nationale et
la foule des citoyens que la curiosité et l'attrait de
la nouveauté a attirés.
La cérémonie commence par un hymne patriotique
chanté par tous les assistants.
Puis les vieillards s'avancent lentement au milieu
de l'enceinte, réunissent leurs baguettes et en forment
un faisceau qui est lié avec des rubans tricolores.
L'un dee vieillards monte sur les degrés de l'autel et
adresse aux magistrats Tallocution suivante :
d La Souveraineté du peuple est inaliénable I
Comme il ne peut exercer par lui-même tous les droits
qu'elle lui donne, il délègue une partie de sa puis-
sance à des représentants et à des magistrats choisis
par lui-même ou par les électeurs qu'il a nommés.
C'est pour se pénétrer de l'importance de ce choix que
le peuple se rassemble aujourd'hui. »
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I8«
Le principal fonctionnaire , le citoyen Vignau ,
répond :
a Le peuple a su, par son courage, reconquérir ses
droits trop longtemps méconnus. Il saura les conser-
ver par l'usage qu'il en fera. Il se souviendra de ce
précepte, qu'il a lui-même consacré par sa charte
constitutionnelle, que c'est de la sagesse du choix
dans les assemblées primaires et électorales que
dépendent principalement la durée, la conservation et
la prospérité de la République. »
Il fut ensuite donné lecture solennelle de la procla-
mation du Directoire exécutif du 17 ventôse et de la
lettre du ministre de l'Intérieur du 14 courant, en-
voyées au commissaire du Directoire près Tadminis-
tration municipale. Le président de ladite adminis-
tration et l'agent de la commune prononcèrent succes-
sivement un discours de circonstance, la cérémonie fut
terminée par des chants patriotiques, a et les airs
ont retenti : de vive la République et la Constitution
de l'an III. »
Le cortège revint à la maison commune. Les jeu-
nes gens, portant le livre de la Constitution et le fais-
ceau, marchaient devant les magistrats qui précédaient
les. vieillards, les instituteurs, les élèves, la Garde
nationale et la foule.
Le bon sens populaire fit bientôt justice de ces
parodies officielles, qui ne reposaient sur aucun fon-
dement sérieux et ne répondaient à aucun de ces sen-
timents religieux qui font partie de la vie morale des
peuples. Mieux valent encore ces cérémonies commé-
moratives des événements historiques qui ne risquent
de froisser que des sympathies politiques. De ce nom-
bre, la fête commémorative de la prise de la Bastille,
14 juillet. Le secrétaire de la municipalité nous a
laissé, pour l'an VIII, la relation sommaire de cette
solennité civile.
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181
Le cortège officiel se forme dans le même ordre que
pour la précédente cérémonie. On se rend devant
Tautel de la Patrie dressé au pied de Tarbre de la
Liberté. On débute par Thymne obligatoire à la Patrie;
puis trois discours « analogues à la fête », du président
de l'administration, de l'agent municipal et du com-
missaire du Directoire exécutif, discours, dit le rédac-
teur municipal « qui ne respiraient que Thorreur de la
servitude, de l'esclavage et l'amour de la liberté. »
Clôture de la cérémonie par d'autres chants patrioti-
ques, « et le cortège, après avoir fait une promenade
dans les rues de la ville, en observant la décence qui
convient à la dignité du peuple, s'est rendu à la salle
de la commune, aux cris mille fois répétés de « Vive
la République ! » Le reste de la journée a été consacré
aux danses.
Le Directoire touchait à la fin de son règne. La
France se trouvait dans une situation plus dangereuse
qu'en 1792. Il y avait à cette époque, pour résister
aux ennemis du dedans et de Textérieur, une nation
jeune, ardente et pleine d'enthousiasme. Maintenant
c'était l'anarchie à l'intérieur, le découragement dans
les armées, et la nation, comme un homme vieilli
avant l'âge, était fatiguée, usée, égoïste et sceptique.
On venait de voter l'emprunt progressif de cent
millions et la levée en masse ; l'ennemi était aux por-
tes. Une chouannerie voleuse et pillarde, composée
des débris des anciennes compagnies du Soleil et de
conscrits réfractaires, répandait la terreur dans les
campagnes. On renouvelait les mesures violentes et
l'on parlait même, dans les assemblées politiques, de
proclamer la patrie en danger.
L'agent municipal de Saint- Lizier croit, dans ces
graves circonstances, devoir adresser une proclama-
tion à ses administrés:
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48S
« Citoyens,
« Les ennemis do la République menacent dans ce moment vos
foyers, vos personnes et vos propriétés. Vous êtes tous intéressés à
éviter le pillage, la dévastation et la mort. Empressez-vous de vous
ranger sous les drapeaux de la République et volez à la défense
commune. Union, Concorde et Énergie, et vos ennemis disparaî-
tront 1
« Chargé de veiller à votre sûreté, je ne dois rien négliger pour
remplir vos vœux. Il est donc ordonné à tout citoyen, depuis Tàg-e
de 16 ans jusqu'à 60 ans, de se rendre sur la place d'armes lors-
que le tocsin sonnera.
« Tout citoyen ayant des fusils de calibre et de chasse est tenu
de les déposer par ce jour, à l'administration municipale, qui leur
en donnera un reçu.
« Ceux qui enfreindront la présente ordonnance seront consi-
dérés comme ennemis de la chose publique, et livrés aux tribunaux
comme tels.
« Ce 23 thermidor an VIL
« YiGNAU, agent municipal ».
Mais ce n'était pas seulement la patrie qui était
menacée, la société elle-même tombait en poussière.
« Non seulement les vertus publiques mais les vertus
domestiques paraissaient exilées de la France, depuis
que le divorce avait porté un coup mortel à la société
en détruisant la famille ». On ne savait plus où Ton
allait; on ne voyait pas d'issue au cercle impur dans
lequel Ton tournoyait depuis quatre ans; on deman-
dait de Tordre, du repos, de l'unité à tout prix, une
volonté à la place des disputes, un homme à la place
des factions. « Il ne faut plus de bavards, disait Sié-
yès, mais une tête et une épée ». La tête c'était lui... *,
Tépée revenait d'Orient toute brillante de glorieuses
légendes, c'était le vainqueur des Pyramides et du
Thabor qui la portait. On lui dit de s'en servir pour
chasser du pouvoir ces intrigants et ces ignorants
jouisseurs qui le déshonoraient, et, le dix-huit bru-
maire, le Directoire fut supprimé : le pouvoir exécutif
i. Gabonrd, Hi$t, de France, t. XIX, p. 430.
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183
était confié à trois consuls provisoires, Bonaparte,
Siéyès et Roger-Ducos ; on allait au régime du sabre
moins ignominieux que celui de la corruption. Appelé
au pouvoir par le double sentiment de la gloire et de la
nécessité, Bonaparte fit voter la Constitution de
Tan VIII qui, sous un titre républicain, lui conférait un
pouvoir absolument royal ; mais le peuple français est
celui que Ton abuse le plus facilement avec des mots,
et il salua avec enthousiasme la nouvelle forme gou-
vernementale.
Le 5 nivôse , la Constitution fut lue , affichée et
publiée à Saint-Lizier, la Garde nationale en armes et
le peuple réuni au son du tambour. Nous trouverons
un écho de la joie publique dans la célébration de la
fête du 25 messidor suivant. Ce jour-là, toute la gent
officielle que nous avons Thabitude de voir parader
aux cérémonies civiques, maire, adjoint, officiers mu-
nicipaux, juge avec ses assesseurs, instituteurs avec
leurs élèves, gardes nationaux se rendent, dans Tordre
prescrit, au temple de la Raison, qui était encore
ouvert. La cérémonie débute par trois coups de ca-
non. Puis, défile la série des discours « analogues à la
ce fête, tous tendant à l'extinction des haines, à la réu-
a nion de tous les cœurs et à Foubli général de toutes
« les divisions. » Les discours finis, la cérémonie se
termine par des chants patriotiques. Il est fait ensuite
une promenade civique dans toute \a ville « en obser-
vant toute la décence et la dignité qui conviennent à
un peuple libre ». Le cortège enfin rentre dans la
maison commune aux cris mille fois répétés de a Vive
la République ! vive Bonaparte I vivent le guerriers fran-
çais ! Honneur aux braves qui défendent la liberté et
qui sont morts pour elle ! »
On n'a pas oublié la terrible humiliation qui fut
infligée à la ville couseranaise par la suppression du
tribunal dont elle était si jalouse. Son irréconciliable
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484
ennemie la poursuivait d'une haine féroce et, voulant
la traquer jusqu'au bout, elle surprit de la religion du
préfet un arrêté qui ordonnait l'enlèvement des bois
qui avaient servi à la construction des sièges des juges,
avoués, avocats, huissiers, etc. — La municipalité
s'opposa énergiquennyent à cet acte d'inutile vandalisme ,
alléguant avec raison que de son exécution ne pou-
vait résulter aucun avantage appréciable pour le bien
public, que les frais d'installation avaient été payés par
la commune et qu'elle seule devait être juge de l'oppor-
tunité de l'enlèvement de ces travaux d'embellisse-
ment qui lui rappelaient une ère de bien passagère
grandeur. N'y avait-il pas d'ailleurs quelque pudeur à
ne point s'acharner ainsi contre un ennemi vaincu ?
Le préfet n'avait qu'à s'incliner devant ces nombreux
arguments.
Sur la fin de l'année, le 20 fructidor, on dut procéder
à l'exécution d'un arrêté préfectoral qui ordonnait la
réorganisation de la Garde nationale. Tous les citoyens
de seize à soixante ans furent réunis à l'hôtel de ville
pour procéder à l'élection des officiers et sous-ofïl-
ciers. Sortirent vainqueurs de l'urne, avec la quasi-
unanimité des suffrages, les noms de Gui Nicolas,
capitaine, Etienne Berges, lieutenant, et Louis C!ourt,
sous-lieutenant. Le rôle de la milice communale était
assez important pour qu'on n'en confiât la direction
qu'à des hommes compétents et d'une probité recon-
nue. Aussi en voyons-nous le commandement successi-
vement confié aux Roquemaurel, Villa et Nicolas, qui
s'empressaient d'accepter des fonctions qui flattaient
leur amour-propre en leur donnant du galon et du
panache.
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485
XII
Rétablissement du Culte. — Mesures répressives contre l'immora-
lité et la désertion. — Incident macabre. — Rétablissement de
Toctroi. — Transaction avec les possesseurs de biens commu-
naux. — Consulat à vie. Te Deum à Saint-Lizier. — Mesures répa-
ratrices. — Démolition des remparts. — Déchéance du maire
Vignau. — Le senatus-consulte. — Serments de fidélité à TEm-
pire.
Aussi habile homme d^Etat qu'intrépide général,
Bonaparte s'occupa activement à organiser les grands
services publics et à pacifier les esprits. Sachant par les
leçons de l'histoire auxquelles il était attentif, qu'une
croyance et un culte public sont des éléments indis-
pensables à la base des sociétés, il rendit les édifices
religieux aux prêtres et prépara cet immortel Concor-
dat qui devait régler les rapports de l'Eglise et de la
France. Profitant des dispositions bienveillantes du
pouvoir, les prêtres encore émigrés repassèrent la fron-
tière, ceux qui se tenaient cachés reparurent au grand
jour, et les paroisses depuis longtemps veuves dp leurs
légitimes pasteurs les virent revenir avec une vive et
respectueuse joie. Ceux qui jusqu'ici avaient refusé de
prêter serment se soumirent à un ordre de choses qui
rendait hommage aux droits de la conscience. Nous
voyons reparaître des hommes que nous avions perdus
de vue pendant la terrible tourmente que la France
venait de traverser.
Dans les premiers jours de brumaire an IX, Bernard
de Belissens, Girons-Charles Bordes, Gaspard de Ro-
quemaurel, Guillaume Amans, Jean Berges, Jacques
Baleix, Jean François Langlade, Simon Saurat, Bar-
thélémy Dauby, de Rozès, prêtres, Thérèse Delort,
exHPeligieuse, Guillaume Saurat, Etienne Trinqué,
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186
Philouze, Jean Darrou, François Dargein, Didier Ver-
bizier Poiidelay, Pierre Durau, Tussau prêtres, se
présentent devant le maire de Saint-Lizier pour lui
déclarer qu'ils ont déjà fait leur soumission et prêté
serment à la Constitution devant l'administration
municipale du canton. Ne s'étant pas munis d'une
attestation, ils sont obligés individuellement de renou-
veler leur serment devant le maire du lieu, qui doit
fournir à l'Etat le tableau des pensionnaires ecclé-
siastiques qui ont satisfait à l'arrêté des Consuls du
7 nivôse dernier.
Quelques jours après, le 17 frimaire, le préfet de
TAriège Brun, faisant droit à la supplique de plusieurs
habitants et de la municipalité, rend au culte l'église
de la Sède et donne a tous les ordres nécessaires pour
que la tranquillité publique ne soit pas troublée et que
la paix et la décence soient sévèrement maintenues. »
L'ouverture de cette église avait été demandée par
des citoyens qui éprouvaient quelques scrupules à
recourir au ministère des prêtres assermentés et à
aller assister à la célébration des mystères dans un
lieu qui avait servi aux cérémonies civiques et profané
par des scènes impies. Les prêtres qui avaient pactisé
avec l'erreur, les Berges, Amans, l'ex-chartreux
Langlade, s'en contentaient bien; mais les autres tels
que P. Durau, Tussau, Darrou, Dauby demandèrent
à aller célébrer sur les autels de l'église « d'en haut »
demeurés purs de tout contact sacrilège.
En vertu de l'arrêté préfectoral, il appartenait au
maire de prendre les dispositions utiles pour prévenir
tout désordre pouvant surgir de ces compétitions. Le
12 nivôse, fut publié l'arrêté suivant dont nous trans-
crivons seulement quelques considérants :
La mairie de Saint-Lizier qui a vu Tarrôté du préfet de l'Ariège,
en date du 16 frimaire, qui accorde l'ouverture de Téglise dite
« d'en haut » aux citoyens qui Tout réclamée pour Texercice de
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<87
leur culte prétendu différent de celui qu'on exerce dans Téglise
dite « d'en bas » ;
Considérant qu'il est du devoir de la mairie de prévenir, par les
moyens que la loi met en son pouvoir, toute discussion et notam-
ment tout motif de trouble, la différence des opinions ne devant
point rompre Tharmonie qui doit régner entre tous les citoyens ;
Considérant que la loi du 7 vendémiaire an IV veut que, toutes
les fois qu'on exerce deux cultes dans un môme édifice, les heures
soient réglées pour chacun des deux cultes, d'où il suit que tel est
1 esprit de la loi que, lorsque deux cultes sont exercés dans deux
églises différentes, chaque prêtre exerçant le sien reste dans l'église
qu'il occupe déjà ;
Considérant que par Tarrôté susdit l'église « d'en haut » a été
ouverte en faveur de ceux qui l'ont réclamée pour l'exercice de
leur culte; que les prêtres qui exercent dans l'église « d'en bas »
sont depuis longtemps en possession de cette dernière église, et
qu^ s'ils cherchaient h faire des fonctions dans l'église « d'en
haut » ce serait vouloir le trouble ;
Arrête :
Art. 1. — Les citoyens Langlade, Amans et Berges, prêtres, con»
tinueront d'exercer leur culte dans l'église « d'en bas », à l'exclu-
sion de tout autre prêtre.
Art. 2. — Les citoyens Tussau, Trinqué et Dargein-Dupont
exerceront leur culte dans l'église « d'en haut », exclusivement à
tout autre prêtre.
Art. 3. — Il est permis aux citoyens Trinqué et Dargein d'aller
dire la messe à la chapelle de l'hospice.
Art. 4. — Tous les susnommés seront tenus de se conformer aux
dispositions de la loi du 7 vendémiaire an IV.
Art. 5. — Les prêtres et autres citoyens, qui par leurs discours
chercheront h troubler la tranquillité publique pour fait d'opinions
religieuses, seront considérés comme perturbateurs, et dénoncés
comme tels devant qui il appartiendra.
Les droits de chacun ainsi déterminés, les cérémo-
nies religieuses furent célébrées avec éclat dans
Téglise de Notre-Dame de la Sède, demeurée vide et
silencieuse depuis que la voix épiscopale ne se faisait
plus entendre sous ses voûtes élégantes. L'ancienne
cathédrale revoyait les mêmes officiants revenus
anoblis par Tépreuve, mais il manquait cette douce et
suave figure de Mgr de Lastic, que la mort avait
frappé depuis deux ans sur la terre étrangère. Pour
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188
célébrer dignement le mystère du jour, on appela
pour la Fête-Dieu^ le 18 prairial, « un des jolis prédi-
cateurs à faire foule dans les grandes villes », le Père
Doumenc, ancien capucin, que la persécution avait
amené dans sa famille à Saint-Girons. Le 13 août,
dans la même église, eut l'honneur de la chaire un
vaillant prêtre, M. Nartus, originaire de Saint-Valier,
qui, lui aussi, était sorti de la tourmente où avaient
sombré tant de consciences, entouré du respect et de
Tadmiration dus aux grands caractères.
Cette petite ville de Saint-Lizier, jadis si paisible et
de mœurs si pures, était devenue un foyer de divisions
et d'immoralité. Il était temps que la religion revînt,
portant la paix dans les esprits et la régularité dans
les mœurs.
Il n'était pas de jour où la population de quelque
quartier ne fût ameutée par une querelle qui éclatait
entre les voisins ; pas de nuit où de mauvais garne-
ments ne se livrassent à des voies de fait sur des
promeneurs attardés, qui par leurs chants injurieux
ou leurs provocations ne troublassent le repos public.
Le maire fut obligé de renouveler les anciens règle-
ments de police, enjoignant au commandant de la
Garde nationale de tenir tous les soirs sous les armes
jusqu'au lever du soleil, une patrouille de huit hommes
qui arrêteraient sans pitié tous les perturbateurs.
Tous les citovens de seize à soixante ans devaient, à
leur tour, faire leur service, et le rapport des événe-
ments de la nuit devait, chaque matin à neuf heures,
être déposé au bureau de la mairie pour que la répres-
sion suivît immédiatement le délit. C'était l'état de
siège, qui pouvait prévenir les désordres de la rue,
mais qui ne pouvait atteindre d'autres fautes plus
graves que Ton avait à déplorer.
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489
Nous laissons ici la parole au rapport officiel de la
mairie :
« Considérant que Ton a trouvé dans moins de quinze jours, à la
porte de l'Hospice, six enfants mis au monde depuis peu, et que la
dépravation des mœurs est parvenue à un tel degré qu'il est des
filles qui, après avoir prostitué leur honneur portent la barbaiie
jusqu'à abandonner leurs enfants procréés à la suite de leur liber-
tinage ; qu'il en est môme qui les étouffent pour ôter toute preuve
de la vie scandaleuse et criminelle qu'elles mènent:
« Considérant que les vœux du gouvernement et sa volonté bien
prononcée tendent à faire cesser désormais des abus aussi révol-
tants; qu'il est enfin temps que, la paix succédant aux orages
d'une Révolution terminée, la vertu et la moralité ne soient plus
méconnues, qu'elles prennent la place de toutes ces abominations
qui ont affligé la population tout entière, pendant ce temps
malheureux où la France, déchirée par les factions, ne présentait
qu'un tableau désolant pour l'humanité;
« Considérant qu'il est du devoir des magistrats, eu suivant les
vues du gouvernement, de prendre toutes les mesures nécessaires
pour faire régner parmi leurs concitoyens cette vertu et cette
morale sur laquelle reposent et la société et le bonheur public;
qu'ils seraient coupables aux yeux de la loi, s'ils ne s'empressaient
de faire cesser ces scandales multipliés, soit en surveillant les
filles débauchées dont la corruption n'est que trop funeste à la
société, soit en les désignant au public comme des êtres qu'on doit
mépriser et fuir;
« Le maire arrête que toute fille présumée <)nceinte sera ouïe sur le
fait de sa grossesse afin de veiller à la conservation du fruit qu'elle
porte ; si elle nie son état, elle pourra être visitée par un officier de
santé assisté de la sage-femme.
« Tous les ans, il sera dressé une liste des filles prostituées, liste
qui sera lue, publiée et affichée pendant trois décades consécutives;
elles seront de suite notées et désignées comme nuisibles h la vertu,
à la société et aux mœurs. »
Certes, rintention du magistrat était louable, mais
elle nous paraît d'une efficacité incertaine. Ce n'est
pas avec des arrêtés municipaux qu'on amende les
mœurs d'une communauté. J'attends une plus salu-
taire influence du retour aux enseignements dç l'Évan-
gile et aux pratiques de l'Église. La parole des
confesseurs de la foi Nartus et Doumenc, secondée de
raction divine, obtiendra un tout autre résultat que
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«90
Tukase municipaL Du reste, le préfet^ jugeant que le
maire avait excédé ses droits, annula son arrêté
comme émanant d'une autorité incompétente.
Une autre plaie, qui pouvait être désastreuse pour
la patrie aux prises avec d'innombrables ennemis,
était la lâcheté, la désertion des soldats et la rébellion
des conscrits. Le maire somma le commandant de la
milice nationale d'envoyer des hommes chez les déser-
teurs et les réfractaires pour les arrêter. Mais les
ordres du maire ne s'exécutant qu'avec une grande
mollesse^ le préfet ordonna la formation d'une colonne
roulante, composée de troupes actives et de trois
brigadiers de gendarmerie. Cette colonne devait suc-
cessivement se rendre dans les quartiers où l'on signa-
lait des réquisitionnaires fuyards et des conscrits
pour s'emparer de ces mauvais citoyens et les amener
dans leurs corps respectifs. C'était l'extinction de tout
noble sentiment. Que de ruines et quelle œuvre for-
midable de relèvement à entreprendre !
Survint alors un incident qui eût pu avoir, entre
magistrats préposés à la garde du repos public, les
plus gravés conséquences. Un vénérable membre de
l'ancien chapitre, J. Baleix^ fut trouvé mort dans
son lit, le 10 pluviôse an X. Louis Court, ami du
défunt qui était étranger au pays, se chargea du soin
de ses funérailles et demanda des instructions au
maire. Celui-ci, convaincu qu'il appartenait à la police
municipale, à l'exclusion de toute autre autorité locale,
de pourvoir à l'inhumation d'un étranger, ajourna la
cérémonie de quarante-huit heures.
Entre temps, le juge de paix Duclos, dont on n'a pas
oublié les frasques, présumant qu'on empiétait sur ses
attributions, émit la prétention d'opposer son autorité
à celle du maire ; quelques gardes nationaux, heureux
d'humilier publiquement Vignau, lui promirent le
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concours de leurs bayonnettes. Vignau eut vent du
complot et prit un arrêté ordonnant Tinhumation du
défunt chanoine, le 12 pluviôse, dans le cloître de
l'église de la Sède; le commandant de la Garde
nationale est requis de fournir main-forte pour l'exé-
cution de cet ordre qui est publié et affiché.
Le jour de la bataille , le 12 de grand matin , le
maire somme le chef de la Garde nationale de mettre
à sa disposition un piquet de dix hommes avec un
officier, lui fait défense d'obtempérer à aucun ordre
émanant du juge de paix, et lui déclare que tout
citoyen qui se soumettra aux injonctions du juge et
désobéira au maire sera traité comme rebelle.
Le commandant avec une célérité toute militaire
met sur pied dix hommes qui, sous le commandement
de l'officier Berges, se tiennent sur la place d'armes
aux ordres de l'autorité municipale. Le maire, accom-
pagné du commandant, va assister à la levée du corps
et se met à la tête du cortège. Arrivé sur la place,
l'officier Berges s'avance avec son détachement et lui
barre le passage. Stupéfait de cette attitude, le maire
ordonne à l'officier de se retirer sur la place d'armes
s'il ne veut point avoir à se repentir de sa désobéis-
sance et de son inqualifiable conduite. Celui-ci lui
réplique qu'il est porteur d'une réquisition du juge de
paix lui enjoignant de faire porter le corps du défunt à
l'église a d'en bas » et que, pour assurer l'exécution
de cet ordre, il est disposé à employer la force. Froi-
dement, le maire ordonne aux croque-morts d'avancer
et somme Berges de se retirer avec son piquet. Berges
dégaine son sabre et ordonne à son tour aux gardes
nationaux de croiser la bayonnette.
On conseille alors à Berges d'exhiber l'ordre qu'il
tenait du juge : le maire s'empare brusquement de cet
ordre séditieux ; Berges le reprend non moins violem-
ment, traitant le magistrat municipal de « perturba-
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192
teur de la ville. » Usant alors de la dernière ressource
que lui offre son autorité, le maire déclare Berges
a révolté » et défend aux gardes nationaux de lui
obéir; puis il requiert Gui Nicolas de prendre le
commandement du peloton. Berges se retire, mais
non sans protester contre la violence qui lui est faite
et contre le mépris avec lequel on traite la réquisition
du juge dont il veut donner lecture avant de quitter le
terrain. Puis, de concert avec son frère Laurens, ils se
répandent en invectives contre les abus de pouvoir
dont ils se disent les victimes. Et le cortège, débar-
rassé de cet encombrant personnage, poursuit son
itinéraire vers l'église de la Sède.
Scène des plus burlesques si la présence d'un cada-
vre ne l'eût rendue des plus odieuses.
Epilogue : Trois jours après, Lingua de Saint-
Blanquat est nommé juge de paix, en remplacement
du citoyen Duclos, et l'installation du nouveau titu-
laire se fait aux « acclamations réitérées de vive la
République, vive le citoyen Lingua I »
L'installateur délégué était le maire Vignau, qui a
été tout heureux de consigner ce témoignage de la
satisfaction publique dans les registres de la commune.
La situation financière devenait de jour en jour
singulièrement difficile. Pour équilibrer le budget de
l'an X, on avait déjà proposé le rétablissement des
octrois, supprimés en 1791 pour un motif de fausse
popularité. Mais, dans sa séance du 11 brumaire an
IX, le conseil municipal s'était opposé à cette mesure
pourtant si nécesaire ; maintenant, qu'il se détermine
à recourir aux ressources qu'il espère de l'octroi, il est
intéressant de relire les motifs pour lesquels il résista
à cet établissement. « Sous l'ancien régime il est vrai,
dit la délibération, nous avions certains octrois, mais
les habitants jouissaient d'une grande aisance qu'ils
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493
devaient à la présence d'un évêque, d'un chapitre et
d'un collège; plus tard, ces différents établissements
ayant été supprimés, nous trouvâmes, durant quel-
ques années, une légère compensation dans Térection
du tribunal civil qui, à son tour, disparut. Actuelle-
ment « il ne reste aux habitants aucune ressource pour
se procurer des moyens de subsister; les riches et
tout ce qu'il y avait d'aisé ont quitté la commune,
de façon que la population a diminué d'un tiers. Il ne
reste plus que la classe indigente du peuple qui ne
peut supporter le moindre accroissement d'impôt;
l'octroi ne pouvant être établi que sur le vin et la
viande, ces denrées de première nécessité vont être
augmentées et les charges nouvelles vont retomber sur
la classe nécessiteuse. D'ailleurs, continue la délibéra-
tion, le départ des principaux habitants ayant dimi-
nué la consommation de plus de la moitié, à raison
des dépenses considérables qu'ils faisaient, les octrois
ne produiraient pas un revenu suffisant pour couvrir
les frais de perception ». Après de si nombreux et de
si concluants arguments, l'établissement d'un octroi
devait être ajourné et il le fut à l'unanimité.
Mais ce qui en l'an IX fut jugé inutile, onéreux,
impossible, parut, un an plus tard, le seul moyen de
sauver la situation si précaire de la commune. Sur des
considérants , qui sont l'exacte réfutation de l'argu-
mentation précédente, à l'unanimité, l'assemblée com-
munale vote l'établissement de l'octroi. Toute autre
taxe indirecte est impossible, dit-elle, dans une com-
mune sans industrie et sans commerce ; si modique
qu'elle fût, elle pèserait d'ailleurs sur une classe indî-»
gente et hors d'état de l'acquitter ; les dépenses com-
munales sont réduites aux plus strictes exigences,
elles sont indispensables : avant la Révolution, l'octroi
suffisait pour les solder, nous devons donc avoir
recours au seul moyen qui nous offre des ressources ;
RsTUC DE CojmtNGEs, 3* Ifimeslre 1895. Tomk X« — 14*
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494
mais, comme nos administrés sont pauvres, nous
devons fixer cet octroi à un prix qui ne puisse causer
une trop grande augmentation dans le cours des den-
rées qu'il affectera. C'est ainsi que pour un char de
vin on paiera une taxe de 6 francs ; pour un bœuf ou
vache, 4 francs; pour un veau, 1 franc; pour un
mouton, 0 fr. 50 centimes; pour un cochon, 2 francs.
De crainte que les frais de régie n'îibsorbent une
partie des taxes, l'octroi sera affermé tous les ans et
délivré au plus offrant et dernier enchérisseur.
Un règlement fut élaboré et soumis à l'approbation
du ministre de Tlntérieur, qui l'approuva; le tarif fut
modifié en quelques points. La taxe du bœuf fut portée
à 8 francs ; le char du vin à 9 francs. La mise aux
enchères en eut lieu le 4 germinal an XII, et après
un véritable steeple-chasse de surenchères, le sieur
Gouazé resta maître du champ de bataille et devint
fermier, au prix de 425 francs.
Il y avait une autre question qui avait plusieurs fois
attiré l'attention du conseil municipal : la restitution,
des biens communaux usurpés par plusieurs citoyens
peu scrupuleux. Au mois de brumaire, l'an IX, on
avait demandé au préfet Tautorisation de poursuivre
ces détenteurs. Les lenteurs bureaucratiques dont l'es-
prit franças s'est tant amusé naquirent avec Tadminis-
tration, et le préfet ne répondit que quinze mois plus
tard pour demander le tableau contenant la nature,
la situation et l'étendue de ces biens appartenant à la
commune avant le 14 août 1789, ainsi que les noms des
possesseurs. Les citoyens Tatareau et Brondes furent
nommés pour aider le maire à dresser ce tableau. Le
13 thermidor, en exécution d'un arrêté préfectoral, le
maire fît signifier à tous les détenteurs qu'ils eussent
à produire^ dans le délai d'un mois, devant le conseil
de préfecture, les titres servant à établir la légitimité
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495
de leur possession. Faculté leur sera accordée de con-
server la jouissance de ces biens moyennant une rede-
vance en numéraire qui pourra être fixée par experts
ou par le conseil municipal. (3'étaitla solution la plus
pratique de cette épineuse question. Qui sait si après
s'être emparés, sous Tempire de l'anarchie qui régnait
dans les théories et les faits, d'une chose qui n'appar-
tenait p(;rsonnellement à aucun citoyen et générale-
ment à touSj quelques usurpateurs ne se croyaient
pas, par quelques années de tranquille possession,
devenus de légitimes maîtres? Il était du devoir des
protecteurs-nés des intérêts communaux de ne pas
les laisser plus longtemps dans une illusion par trop
préjudiciable au bien public.
Tandis que la petite cité tournait dans le cercle
étroit de ses querelles et de ses intérêts, la grande
patrie, séduite par le prestige de la valeur militaire,
allait à grands pas vers le despotisme qui est la fin
inévitable de toutes les anarchies. Bonaparte, déjà
élevé à la dignité de consul, se déclarait prêt a à faire
au peuple un nouveau sacrifice », celui d'accepter la
pourpre impériale. En attendant qu'il lui offre la cou-
ronne, le peuple, par près de quatre milions d^ suffra-
ges, venait de l'investir du consulat à vie. C'étaient
tous les attributs de la royauté avec tous ses droits,
sauf le nom. <i Enfin, pourra s'écrier le citoyen fran-
çais las de toutes les tyrannies et turpitudes jacobines,
à présent nous serons tranquilles grâce à Dieu et à
Bonaparte*! » Ce soupir de soulagement, la France
entière, qui venait d'ailleurs de voir fermer par la paix
d'Amiens le temple de Mars, le poussa avec une indi-
cible satisfaction. On illumina les monuments publics,
on pavoisa les maisons particulières, comme si on
♦ . Anne Plumptrc : A narratirc of threc y cars résidence in France, frora 1802. I. ?.29.
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496
devait célébrer une grande victoire ; c'était, en effet,
la victoire de la conscience et de la justice sur la
tyrannie et la plus basse iniquité. L'archevêque de
Toulouse ordonna le chant d'un Te Deum dans toutes
les églises de son diocèse^ a en actions de grâces pour
la proclamation du senatus-consulte. »
La municipalité de Saint-Lizier se disposa à donner
à cette cérémonie « toute la pompe possible. » Les
curés des deux églises furent invités à chanter, dans
leur temple respectif, le Te Deunij à des heures diffé-
rentes, afin que les autorités locales, répondant aux
intentions du gouvernement, pussent assister aux
deux cérémonies. Le citoyen Vignau, prenant la for-
mule des grands jours, signifia, par un arrêté, à la
Garde nationale de se mettre sous les armes, et, ensei-
gnes déployées, d'escorter la municipalité de la mai-
son commune à l'église d'en-bas, puis à Téglise de la
Sède. Les préséances même furent minutieusement
réglées pour éviter tout conflit. Au premier rang, le
maire ayant à sa droite le commandant de la Garde
nationale, à sa gauche le juge de paix ; puis l'adjoint
avec le suppléant du juge, les conseillers, les institu-
teurs^ le peuple. Le peuple devait assurément être
plus nombreux dans ce cortège qu'aux cortèges offi-
ciels qui se rendaient jadis au temple de Raison ; les
froides conceptions philosophiques ne valent pas pour
lui les saines traditions des ancêtres, et dans sa
robuste ténacité il y demeure profondément attaché.
La loi de germinal an X imposait aux communes
l'obligation de fournir au ministre des cultes un loge-
ment et un jardin. Le conseil municipal se réunit
extraordinairement, le 13 ventôse an XI, pour déli-
bérer sur ce point. Les deux maisons curiales, qui avant
la Révolution appartenaient à la commune, avaient été
vendues par la nation. On loua la maison de l'abbé
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497
Guichard qui, depuis le départ de son propriétaire,
était disponible et qui d'ailleurs, par sa proximité
de Téglise, semblait la plus convenable pour demeure
presbytérale. Quelques jours plus tard, poursuivant
son œuvre réparatice, le corps municipal fixa le traite-
ment du vicaire, pour sa part contributive, à quatre
cents francs , et augmenta celui du curé de cent
francs. Le conseil de fabrique devant être reco^nstitué,
Tabbé Roudeille, nouveau curé de Saint-Lizier, et le
maire Vignau désignèrent au choix du préfet « six
hommes probes et qui méritaient la confiance du
peuple » : Antoine Villa, Sainte-Foste, François Dur-
rieu, Hector Tatareau, P. Louja et J.-P. Samiac,
noms que nous n'avions vu compromis dans aucune
aventure politique. Et comme il fallait que tous les
membres du corps communal reçussent Teffusion du
nouvel esprit gouvernemental, la municipalité elle-
même fut composée d'éléments nouveaux. Sous la
présidence de Vignau, maintenu provisoirement maire,
furent installés : Brondes, adjoint; conseillers :
A. Villa, J. Roques, F. Belou, H. Tatareau, B. de
Bélissens, prêtre, L. de Saint-Blanquat, Dauby, offi-
cier de santé, Rey, Galotin^ Rousselot, receveur.
A la même époque*, se rapporte la démolition du
rempart qui allait de Thospice à la maison Louis
Dedieu. Ce rempart servait, au levant, de mur de clô-
ture à l'ancien cimetière ; il portait atteinte à la salu-
brité des édifices voisins, l'église et l'hôpital. Une
partie de mur s'étant accidentellement écroulée, la
municipalité ordonna la démolition des parties restan-
tes et l'enlèvement des ossements du vieux cimetière
pour être respectueusement ensevelis dans le nouveau.
Mais le prix des matériaux ne pouvait pas suffisam-
I. Délibérations du 9 floréal, !•* prairial an XII, et iO novembre an XIII.
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ment indemniser la commune des dépenses qu'occa-
sionnerait la main-d'œuvre, et on jugea qu'il serait
avantageux de donner ces matériaux à celui qui vou-
drait se charger de raser ces remparts jusqu'à fleur de
terre, en suivant toutefois la pente naturelle du ter-
rain. Il devait aussi démolir « la tour qui se trouve
attenante au premier portail de la basse-cour de Thos-
pice ». Duclos, homme de loi, sans doute l'ancien
juge, accepta ces conditions et procéda sans délai,
sous la surveillance de Tarchitecte Berges, à Tenlève-
ment des remparts qui, depuis le moyen âge, proté-
geaient la ville du côté de l'Orient, contre les surprises
du dehors. Déjà, la troisième année de Tère républi-
caine, on avait fait arracher comme inutiles et porter
à la maison commune les portes de la ville, qui a fai-
saient embarras pour l'entrée des denrées. »
Au moment de clore cette étude, nous assistons à
l'effondrement de la longue carrière municipale de
Ferréol Vignau. Homme souple, intrigant, sans pro-
bité politique, il avait accepté et servi toutes les formes
jacobines delà Révolution avec une égale indifférence :
soumis à tous les cultes, avec la même pompe officielle
était allé à la lecture des lois, le décadi, au temple de
la Raison, et le dimanche au chant du Te Deum;
après avoir juré haine et mort à la tyrannie, il s'apprê-
tait sans doute à faire serment de fidélité à l'Empire,
quand l'adjoint Brondes fut chargé de la mairie. Une
scène publique et déplorable signala , le 29 floréal
sans doute, sa déchéance. Le conseiller de préfecture
Tussau dut lui signifier sa révocation. Mal accueilli
par le destinataire, cet acte administratif souleva une
violente querelle dont nous trouvons l'écho dans une
plainte déposée par l'ancien maire. Le citoyen Vignau,
a homme de loi » dit le procès-verbal, se plaint que
Tussau s'est permis « d'attaquer ouvertement dans les
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499
rues son honneur et sa réputation, annonçant à haute
voix que le crime est héréditaire dans sa famille, que
son grand-père avait été assassiné, qu'il prît donc
garde à lui, scélérat, fripon. »
Triste couronnement d'une carrière qui eût pu être
remplie avec plus d'indépendance et de dévoûment
aux vrais principes sociaux. Le futur empereur ne
voulut pas de ses services et lui dit bien haut, par
son organe officiel, ce que peut-être tout bas on pen-
sait autour de lui.
Le prétendu complot du duc d'Enghien, qui venait
de finir si tragiquement dans les fossés de Vincennes,
servit de prétexte aux partisans de Bonaparte pour
émouvoir l'opinion publique en faveur du premier
consul. L'ordre et la prospérité de la France, disaient-
ils, ne reposant que sur une tête, il suffît du poi-
gnard d'un assassin pour replonger la patrie dans
tous les excès qui l'avaient si longtemps désolée. Il ne
fallait plus de chef électif, mais un pouvoir hérédi-
taire, seul gage de stabiHté. Et l'homme qui pouvait
résumer toutes les conditions d'ordre, de fermeté et
de garantie pour l'avenir, on l'avait là, sous la main.
On devait seulement, par un mouvement spontané de
la nation, le déterminer à accepter l'hérédité du pou-
voir suprême. On sait qu'il accepta. Le senatus-con-
sulte qui donnait force de loi au vœu du Tribunat
fut soumis à l'approbation du pays. L'adhésion em-
pressée de la municipaUté et de la ville de Saint-Lizier
fut consignée dans une page enthousiaste dont nous
ne pouvons priver nos lecteurs :
« Après avoir invité tous les citoyens à venir émettre leur vœu
avec toutes les autorités constituées, le Conseil déclare qu'il est
vivement affligé de n'avoir pu se réunir plus tôt (réunion du
7 prairial) pour émettre un vœu qui avait déjà été conçu dans
l'esprit de chacun des membres depuis des temps bien reculés (I)
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200
et donner à cet auguste magistrat les témoignages de reconaats-
sance qu*il n'a cessé de mériter en sa qualité de général et en sa
qualité de premier consul de la République.
« Considérant qu*à lui seul doit être confié le gouvernement
d'une aussi grande nation, qui lui est acquis et par ses hauts ex-
ploits dans la défense de cette m^me nation qui ont accumulé sur
lui autant de victoires que de jours ou de ui-joursil acommandé les
armées ; que sa prudence, sa sagesse et sa modération marne dans
ses victoires, et le haut édifice qu'il a construit sur les ruines d'une
désastreuse Révolution^ semblaient et davaient l'appeler à des fonc-
tions bien plus honorables quoique plus pénibles ;
« Considérant que la France ne serait toujours qu'un théâtre
perpétuel de calamités, de dissensions et de guerres qui se succé-
dant les unes aux autres ne pourraient qu'entraîner la désolation et
la ruine d'un peuple aussi doux que celui de la France ;
« Considérant que la France ne {>eut mieux jouir de son crédit
et de sa tranquillité qu'en érigeant la République en Empire;
« Considérant que le choix ne saurait mieux tomber que sur un
homme qui a mérité de tout temps U confiance publique;
« Le conseil arrête k l'unanimité :
« Le maire provisoire dressera sur le champ une adresse au
premier consul Bonaparte pour l'inviter à accepter le titre d'Em-
pereur et à fixer l'hérédité dans sa famille. »
On connaît la réponse du premier consul , réponse
depuis longtemps méditée :
a J'accepte le titre que vous croyez utile à la gloire
de la Nation. »
Et le 25 prairial an XII, en la maison commune de
Saint-Lizier, par devant le citoyen Brondes adjoint,
faisant fonctions de maire, vinrent individuellement
et à haute et intelligible voix prononcer les paroles
sacramentelles :
« Je jure obéissance aux Constitutions de l'Empire
et fidélité à T Empereur »
J. Bernère, secrétaire de la mairie, A. Villa, con-
seiller municipal, administrateur de Thospice ; Rous-
selot, receveur de Tenregistremcnt ; Roques, H. Tatii-
reau, J. Dauby, J.-P. Rey, A. Galotin, Louis Lingua,
B. Belisseus, conseillers municipaux; F. Belou, con-
seiller municipal et administrateur de rhospice ;
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301
Et. Berges, percepteur; Jean Berges, prêtre, institu-
teur particulier; Rois, garde forestier; Anglade, offi-
cier de santé; J.-B. Dupré, administrateur de Thospice;
J. Bordes, administrateur de Thospice; J. Dupré,
instituteur privé; J. Tourte, maire de Taurignan-
Castet; J. Dargein, maire de Taurignan-Vieux ; Bou-
det, maire de Mercenac; J. Marie, maire de Gajan;
J. Adéma, maire de Prat ; Bourret, maire de Lacave ;
Coutanceau, maire de Caumont; Rioupouil, maire de
Mauvezin; Daugustou, maire de Labastide; Ortet,
maire de Montgauch; Fauroux, maire de Cazavet;
Barbe, maire do Sentaraille; Dedieu, maire de Mont-
joie; Masquère, maire de Betchat; J. Faur, maire de
Montesquieu.
Les révolutionnaires des hameaux et des villes
venaient d'acclamer la forme gouvernementale la plus
despotique, et Carnot put douloureusement s'écrier :
« La Liberté fut-elle donc toujours montrée à Thomme
pour qu'il ne pût en jouir? »
L'abbé Cau-Durban.
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CHRONIQUE
LE JUBILÉ DE $AIM-BËKTRAND-DE-COMML\GES
Notice historique et Compte renda
DUR la région, celte année aura été marquée par un grand
fait religieux, bien connu 8ou8 le nom, plusieurs fois
séculaire, de « Jubilé de Saint-Bertrand. » C'est un
Grand'Pardon auquel sont attachées les plus larges
indulgences *, avec le pouvoir pour les confesseurs d'absoudre
« des cas réservés et censures. »
Il date des première?^ années du xiv® siècle et fut institué par le
pape Clément V, Bertrand de Got ou de Goth^, ancien évéque de
Comminges (1296-1299), avant de devenir archevêque de Bordeaux.
Ce souverain pontife avait conservé pour son ancienne église
pyrénéenne, sanclifiée par Tévéque Bertrand de l'isle (1073-1123)
que canonisa le pape Alexandre III, une très grande prédilection.
Résidant à Avignon où demeura transféré le saint -siège durant
cette période appelée « captivité de Babylone » (1309-1376). il vou-
lut revoir son ancien diocèse. Désireux de lui donner une grande
1. A partir du xiv* siècle, ces indulgences extraordinaires, accorilêes par les papes en
vertu de leur autorité apostolique, prirent le nom de Jubilé en souvenir de la loi mosaï-
que, où l'on appelait aiusi les grandes Tt^tcs des Hébreux. On les annonçait avec des
trompettes, et comme Tinvention de la musique est attribuée à Jubal on les dénomma Jubilé ;
d'autres font dériver ce terme du Johel ou Jobel, bélier (et jubilandi à jabilaiionej, jubila-
lion, allégresse, renvoi ou démission (Ijistrade, Saint- Bertrand ; et Dictionnaire encychp»^
diqtiej. Chez les Juif^, le Jubilé était une solennité publique qui se jélcbrail de cinquante
en cinquante ans et lors de laquelle toutes sortes de dettes ntaieni remises, tous les béri>
tages restitués aux anciens propriétaires et tous les esclaves rendus à la liberté. Le Jubilé
centenaire qui se célèbre à ttonie depuis le pape Loniface VIII fut considéré comme
donné à Pinstar du Jubilé mosaïque.
2. Il va des variantes. Ce nom est écrit aussi Gouth dans les ouvrages du baron d*Agos.
Mais la véritable orthographe est Goth. I^ Chronique de Bazas hésite entre Villandraot el
Uzeste quand elle recherche son berceau : * Bertrandus de Gulto, orfeudus de pago de
Uscsta, diecesis Vasatensis, scu ut aliis, de Vchcndraudo, archiepiscopus burgaleiisi$.
inaugnralur, et rum in ecclesia collégial! de Usesta scpulchrum sibi clegit satts argomenli
est ibidem natum esset. * Une paroi>se limitrophe d'Useste (Gironde) porte encore le
nom de Saint-Martin de Goth.
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S03
marque de son attachement, il y procéda lui-môme à la Translation
solennelle des reliques du saint patron Bertrand, de sa sépulture
première dans une châsse CcapsamJ digne de ses restes vénérés
(1309)'.
C'était peut-être au moment pu, par ordre de Clément V, et de ses
libéralités, s'élevait déjk l'élégante nef gothique ' qui venait en
quelque sorte se greffer sur cet imposant avant-corps d'architecture
romane — le porche, la puissante tour du clocher, les premières
travées — qu'avait élevé Bertrand, patron de l'église et restaura-
teur de la ville, lorsqu'il rétablissait le siège épiscopal de Commin-
ges dans l'ancienne métropole des Convènes. Celle-ci était restée
déserte depuis les temps héroïques de Gondowal et de Gontran
(5S5). On sait que l'antique Lugdunum avait alors été détruit par
las Bourguignons ' et que, selon Grégoire de Tours, « ils n'y
avaient laissé que le sol nu, ut non remaneret mingens ad parie-
tem... nihil ihi prœter humum vacutim relinquentes, »
Afin de perpétuer le souvenir de la cérémonie qui venait de s'ac-
complir en la cathédrale de Comminges, Clément V, dans une bulle
d'une belle latinité où il exalte les mérites éclatants « du bienheu-
reux Bertrand, ce glorieux confesseur de la foi », accorda à son
ancienne église des indulgences particulières pour chaque anni-
versaire de cette Translation (16 janvier), applicables aussi aux fêtes
de l'Apparition miraculeuse de saint Bertrand (2 mai), et de sa
Nativité (16 octobre), avec d'autres faveurs spirituelles.
Voici le dispositif de cette bulle, en sa traduction, telle qu'elle
existait aux archives du chapitre :
« Nous Pontife romain susdit, mettant; toute notre confiance en
la miséricorde du Tout-Puissant, et revêtu de l'autorité des bien-
heureux apôtres Pierre et Paul, à tous les vrais pénitents qui feront
leur confession et qui visiteront dévotement l'église de Comminges
chacune des trois fêtes de saint Bertrand, savoir : la fête de sa
Nativité, de son Apparition et de sa Translation, quinze ans
1 . On lit à ce sujet dans l;i Gallia christiana, 1. 1, p. I tOO: « Berlrandus de Gollo, tpiscopus
[Convenariim|, insliluilur à BoniTHcio papa,anno 1293. Ad summum poutiHcum perTenil,
annu IHOô. Cicracns V diclus ; altamen non immemor prions su» sponsie. anno 1308 eam
inviàil. Uiiqiic sacrum !). Burlrandi corpus in capsam magni prelii, suis sumpUbus fabre-
factam, Iranslulit. >
Ce dut i^trc un solrnnul spectacle celui d*un souverain pontirc, autrefois pasteur de celte
église et du diocèse, venniit apporter à saint Bertrand son tribut de vénération en opérant
Il translation de ses relit|ues, au milieu d*un imposant cortège. Ou y voyait quatre cardi-
naux, Tun prélre et les autres diacres ; les deux archevêques do Rouen et d*Auch ; six
cvéques de Toujousn. d'AIbi, de Magdelonnc. d*Airc, de Tarbcs et de Comminges. (Y. Las-
TRvoE, et noire }io'icj s.ir l* abbaye de ^nnsfoil, Uevue de Comminges, t. II, p. 48.)
2. Adbcmar de Saint-Pastou, chanoine et sacristain en 1307, en avait posé la première
pierre au nom de Clément V.
3. V. Revue de Comminges, t. VIII, p. 68: Mort de Gondoval à Lugdunum Convenarum (585).
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20i
ti^indulgences et autant de quarantaines, et sept ans et sept qua-
rantaines chacun des jours des octaves desdites fêtes ; et chacune
des quatre fêtes de la sainte Vierge, savoir : de la Purification, de
TÂnnonciation, de TAssomption et de la Nativité, dix ans et autant
de quarantaines, et chacun des jours des octaves desdites fêtes
annuellement, trois ans et trois quarantaines pour les pénitences
qui auront été enjointes aux susdits pénitents. — Donné en Com-
minges, le 16 janvier, la quatrième année de notre pontificat'. »
Clément Y ne borna pas là les faveurs accordées à cette église
de Comminges, sa première épouse <Lprioris suœ spon^œn. On va
voir qu'il octroya une indulgence plénière, un Grand-Pardon, aux
condiiions qu'il prescrivait, h Toccasion de la fête de TApparition
du daint, chaque fois que le jour suivant, 3 mai, jour de l'Invention
de la Sainte-Croix, serait un vendredi. Aussi, invariablement à
chacune de ces coïncidences, les foules n'onl-elles cessé d'accourir
à Saint-Bertrand, si ce n'est une seule fois, pendant la période
révolutionnaire : bien que l'archevêque constitutionnel de Tou-
louse se fût rendu à Saint-Bertrand dDnt le siège épiscopal avait
été supprimé, pour y officier, les fidèles ne l'y suivirent pas.
On s'accorde à reconnaître que depuis l'année jubilaire de 1850
aucune autre n'avait fourni l'inoubliable spectacle d'un concours
de fidèles semblable k celui que l'on a va durant les trois premiers
jours du mois de mai dernier .
Voici la vivante narration des fêtes qui ont rendu, avec une inten-
sité extaordinaire, une vie bien fugitive, il est vrai, à l'ancienne ville
épiscopale aujourd'hui si abandonnée, si déchue, restée comme ense-
velie dans les vestiges de son passé deux fois célèbre, pendant la
période romaine et au moyen âge. Elle est précédée d'un historique
I. Gel acle ngure ou Bullairc officiel de Clément V, édité récemment par les Bénédictins
du Mont-Cassin Cf^egistram démentis Papœ V.J Nous en devons la copie lextaelle à Tobli-
geancede M. Tahbé Lestrade, notre collaboraleor, et nous avons été heureux de la remel>
tre à M. le doyen de Saint- Bertrand. M. l'abbé Bedin, un de nos membres libres de la
Société des études. Voici le texte latin da dispositif reproduit plus haut :
< ... Nos, de omnipotentis [)ui misericordia et healornm Pétri et Panli aposlolomm
HOctoritale confiai, omnibus vere contllentibus et confessis, qui camdem ecclesiam Conve-
naram in Nalalis ac Revelationis et Translationis ipsius Saucti festivitatibus, quindecim
annos et totidem quadrngenas, singulis auleni octo diebus festivitales ipsas immédiate
seqnenlibus, septem annos et septem quadragenas; in Purinciitionis vero. Annunciationis,
Assnmplionis et Nalivilalis beataî Nanœ Virginis festivitalibus, deccm annos et iolidem
quadragenas, et per siugulos octo dies lestivatis ipsins beat» Virginis immédiate seqoenles.
venerabiliter visitaverint annnatim, très annos et '1res quadragenas de injunctîs eis pcni-
tentis misericordiler in Domino relaxamus. — Dalum Convimis, XVI predicUmm kaleo-
darum februarii, anno quar'o. ■ (Regislrnm Ckmentis papœ F, anno 1309, p. 10^103.)
Lors de son voyage en Comminges, Clément V séjourna à Tabbayc de BonnefoiR. (Voir
notre notice dans le t. If, p. 37 de la Itevue,) Il y donna plusieurs bulles dont M. de
Carsalade du Pont nous fournit^es rubriques et les numéros du Bnilaîre, Revue dt Com-
mingt, t. VII, p. 167.
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205
lumineux et est l'œuvre de M. le chanoine Ribet, ancien professeur
de théologie et d^éloquence sacrée, dont les importants ouvrages
font autorité, et qui n'est pas non plus un inconnu pour les lecteurs
de la Revue de Comminges où il nous donna, et 1891, nn très délicat
article sur un charmant poète et musicien commingeois, André
Bouéry.
« Dans les trois premiers jours de ce mois, * la ville de Saint-
tJertrand, siège épiscopal, avant le Concordat, de l'antique évèché
de Commingcs, présentait un beau spectacle. De tous les points de
l'horizon, affluaient vers la vieille cite des multitudes joyeuses. Des
paroisses organisées en procession, des grappes humaines pres-
sées sur des véhicules de toutes sortes, des flots de pèlerins
débouchaient par toutes les vallées et couvraient les chemins qui
conduisent à lantique et majestueuse cathédrale. Là était le
rendez-vous.
< C'est dans l'enceinte sacrée que la scène devenait pittoresque,
splendide, saisissante. A côté de gens absorbés, immobiles,
debout ou agenouillés sur les dalles, priant, chantant, parlant à
haute voix, assiégeant des confessionnaux primitifs, et faisant aux
confesseurs et aux pénitents un rempart beaucoup trop étroit,
passait et repassait comme un flot ininterrompu, une foule
humaine, distraite, incohérente, ingouvernable. Au premier abord,
il paraissait impossible, dans cette indéfinissable cohue, de se
recueillir, de prier, de s'entendre. Bientôt on parvenait à s'abs-
traire de ce tumulte comme dans la solitude et à ne rien voir dans
cette agitation que Dieu et son àme. Le bruit, assourdissant
comme celui qui tombe des cataractes, laissait chacun à sa
liberté et seul avec lui-même ; on priait, on se confessait à haute
voix, sans crainte d'être entendu d'un autre que du prêtre.
« Ces foules de pèlerins, qu'on estime à plus de cinquante mille,
venaient gagner le Grand-Pardon octroyé en l'honneur de lévêque
le plus illustre de Comminges, saint Bertrand, toutes les fois que
le 3 mai, fête de l'Invention de la Sainte-Croix, tombé un ven-
dredi.
a Une tradition qui concorde pleinement avec l'histoire, attribue
l'institution de ce jubilé au Pape Clément V, Bertrand de Goth.
Avant d'être élevé au siège de Bordeaux d'où il fut promu au
souverain pontificat, il avait occupé celui de Comminges. Devenu
pape, il voulut visiter sa première église, et honorer les reliques de
saint Bertrand, un de ses plus glorieux prédécesseurs et son
patron. A l'occasion de son passage qui eut lieu le 15 janvier 1309,
i. Moi 1893. — Plusieurs organes ont consacré des comples rendus à ces rèlcs jubi-
laires, notamment : \eJoArnal de Saint-Gaudens^ la Semaine CatAo/i^ue de Toulouse, VÙnion
nationale de Bordeaux.
L'article que nous reproduisons a été publié par VUnivers. — Depuis, on a signalé l'exis-
tence d'un autre jubilé locaf qui se gagnerait dans les mômes conditions que celui de
SaiDt«fiertrand. Nous n'avons pu encore vérifier cette assertion.
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206
il laissa à cette ville le privilège d'un jubilé, grâce toujours pré-
cieuse et alors presque inouïe.
tt Ce jubilé local est un des plus anciens et des plus célèbres.
Deux autres ayant le même caractère, peuvent seuls revendiquer
une origine antérieure.
« Le premier est celui de Gompostelle en Galice, concédé selon la
tradition par Alexandre III en 1179. Il a lieu les années où la félc
de saint Jacques, 25 juillet, se rencontre le dimanche, et il dure
du l^"^ janvier au 31 décembre.
« Le second est le pardon de Notre-Dame du Puy en Velay. Il
revient quand le 25 mars coïncide avec le Vendredi Saint. I^es
nombreux accidents causés par Timmcnse affluence le firent pro-
longer du vendredi saint au mardi de Pâques et plus tard au
lundi de Quasimodo. On recule son institution jusqu'au u^ siè-
cle, bien que les documents qui le montrent en acte ne remontent
pas au delà de 1407.
« Le jubilé de Ghaumont date de 147? et est attaclié à la coïnci-
dence de la fête de saint Jean-Baptiste, 24 juin, avec le dimanche.
« La ville de Lyon a le privilège d'un double jubilé; l'un en
l'église de Saint-Nizier lorsque la fête de ce saint, 2 avril, tombe le
jeudi de la semaine de Quasimodo; l'autre, beaucoup plus célèbre,
en l'église primatiale, fixé à la rencontre de la fête de saint Jean-
Baptiste et de la Fête-Dieu, ce qui n'arrive guère qu'une fois tous
les cent ans. Aucun monument certain ne permet de reculer ces
concessions apostoliques au delà du xv« siècle.
« Nous ne parlerons pas de la faveur relativement récente, accor-
dée par Pie VI à la' confrérie des Pénitents-Noirs de Toulouse et
transférée par Pie VII à l'église Saint-Jérôme, aux mêmes condi-
tions que le pardon de Saint-Bertrand. Parmi les églises qui
revendiquent le privilège d'un ancien jubilé, celle de Saint- Jean-
Baptiste de Ghaumont est la seule qui puisse exhiber la bulle d'in-
stitution; encore n'est-ce pas le texte original, mais seulement une
copie revêtue de tous les caractères d'authenticité. La tradition
seule garantit les pardons de Saint-Jacques de Gompostelle, de
Saint-Nizier et de Saint-Jean de Lyon, ainsi que celui de Saint-
Bertrand-de-Gomminges ; tradition, ajoutons-le, amplement sufG-
sante et confirmée d'ailleurs par des déclarations et affirmations
pontificales ultérieures.
« Il est hors de doute que le chapitre deGomminges a gardé long-
temps la bulle d'institution. Elle était déposée sur l'autel à-côlé
des reliques de saint Bertrand, pendant les trois jours du jubilé, et
confiée à la vigilance de deux chanoines. Après 1603, on perd la
trace de ce document pontifical. De ce qu'il ne figure pas dans le
Bullaire, on aurait tort de conclure à sa non existence. Gctte argu-
mentation sera permise le jour où on aura établi que toutes les
bulles pontificales sont dans ce recueil.
« Au surplus, un document précis s'est conservé, qui témoigne de
la concession faite par le pape Glément V à l'église de Saint- lîer-
trand : c'est la formule d'absolution que les confesseurs devaient
employer, au nom de ce pontife, dans l'exercice de leurs pouvoirs
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207
jubilaires. En y joignant la spécification orale de la coïncidence
liturgique qui réglait le jubilé, cette formule édictée par Clé-
ment V lui-même suffirait à établir l'institution canonique.
« Conformément aux traditions, le pardon s'est ouvert cette année,
le 1" mai, après les premières vêpres, par une procession que
Taffluence du peuple a rendue malaisée; on n'établit pas facile-
ment de courant dans la mer. Mgr Compans ', dont la parole
apostolique est en honneur dans ces régions, a préludé à cette
ouverture par un discours chaleureux, d^une magistrale élo-
quence, sur les splendeurs de la miséricorde divine dans l'église
de Dieu. Le second et le troisième jour, l'orateur a repris la parole
en plein air devant la foule agglomérée aux avenues de la cathé-
drale, pour exalter la mémoire, le culte, la protection de saint Ber-
trand, et acclamer Jésus-Christ, le sauveur des âmes et le glorifi-
cateur des saints. L'organe humain, fut-il tonitruant, ne parvient
pas à s'imposer à de telles multitudes. Nous ne conseillerions pas
à Mgr Compans de recommencer l'épreuve. Son âme et son cœur
d'apôtre pourraient y suffire et au delà ; mais sa voix, toute puis-
sante et pénétrante qu'elle est, ne saurait impunément réitérer de
tels efforts.
« Le grand travail et le bienfait inappréciable de ce jubilé, ce
sont les confessions. Les prêtres étaient nombreux, mais les con-
fessionnaux manquaient et ceux dont on disposait sont vraiment
par trop rudimentaircs. Le nouveau doyen ^, qui a charmé tous ses
confrères par la bonne grâce de son hospitalité, n'avait pu renou-
veler le mobilier tout à fait insuffisant de son église. Au prochain
Jubilé qui aura lieu en 1901, son zèle et son intelligence sauront
y pourvoir. »
II
PRÉS la page magistrale et brillante, la sèche énuméra-
lion d'actes canoniques concernant le Jubilé dent nous
revient la tâche ingrate.
Un préambule est cepen iant nécessaire avant de pré-
senter la série des documents qui se réfèrent directement au Grand-
Pardon dont Téglise cathédrale de Comminges a reçu, depuis des
siècles, le rare et très précieux privilège.
On a vu plus haut que la bulle d'institution n'exisieplus. Mais il
y a des preuves irrécusables de son existence jusqu'à Tannée 1603,
et par conséquent de l'authenticité des indulgences accordées,
qu'elles fussent ou non qualifiées « jubilé » au temps de Clément V.
On a prétendu en effet que le pape Clément VI aurait le premier, en
1. Mgr Compans, prélal de la maison du Pape, ancien vicaire général de Bordeaux,
missionnaire aposloliquc, membre libre de Ift Sociélé du Comminges.
2. M. I*abbë Badin.
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208
1342, employé ce terme de « jubilé »^ emprunté au langage de la
loi hébraïque, pour exprimer uue indulgence plénière, sans réserve.
L'étendue de cette faveur ecclésiastique ne dépend pas de la
qualification, mais des termes mêmes qui la caractérisent. Le mot
de jubilé a pu n'être employé que plus tard officiellement, quoique
l'indulgence n'en eût pas moins la plénitude d'un pardon jubilaire
ou en forme de jubilé. Là u'est pas la question.
Or, il n'est pas possible de ne pastrouver^dans la formule d'abso-
lution, telle que la donna Clément V, lui-même le caractère d'an
Grand-Pardon, d'une rémission plénière connue, au moins depuis
la première moitié du xiv® siècle, sous la dénomination de jubilé.
Cette formule la voici ; les termes dont elle est conçue ne permet-
tent pas de douter qu'elle ne s'applique à une indulgence plénière
accordée en forme de jubilé :
Àbsolutio anni Jubilœi ecclesiœ civitalis Convenarum
a D, D. papa Clémente V édita.
Dominus noster Jesus-Chrislus, per mérita suœ sanctiuimœ Passio^
nie, te absolvat, et ego, auetoritate domini nostri démentit papœ quinti
vicem gèrent, necnon apostolorum Pétri et Pauli, mihi in hae parte
eoncessa, absolvo te ab omni sententia excommunicatwnis tnajarit et
minoriSt et ab omni irregularitate, tuipefisione et interdieto, resti"
tuendo te in unitate sanctte mairie Ecclesiœ, et singulis peccalis tuis
tede apostolica speeiahter et generaliter reeertatiSj juxtà tenorem anni
Jubilœi, in quantum claves sanetœ mairie Ecclesiœ se extendant, in
nomine Patrie et Filii et Spiritus Sancti. Amen •.
Depuis le temps de Clément V elle a été remise à tous les prêtres
appelés à confesser les pénitents à chaque période jubilaire. Une
tradition ininterrompue l'attribue à ce souverain pontife lui-même,
qui fut toujours réprésenté dans un très ancien portrait, autrefois
placé dans la salle capitulaire de Saint-Bertrand, aujourd'hui
encore à la sacristie, tenant à la main une pancarte où se lit ladite
1. Des termes aussi absolus pcuveni-ils laisser un doute sur Téieodue du l^ardoo de
Saint-Bertrand? Il 8*agissait bien d*uue indulgence plénière, insigne et non partielle.
C'était comme à Compostelle, au Puy eu Velay, à Lyon du Kbône. L'absolution porle
même sur les cas réservés au siège apostolique. -
Il est vrai que, suivant un auteur, cette Tormule serait apocryphe ou aurait été modifiée,
par ta raison que du temps de Clément V on n'aurait pas écrit « anni Jubilœi •. L'eiprrs-
sion de < jubilé ■ n'aurait, dit-on, été employée pour la première fois que par Clémeol VI.
C'est ce qu'il faudrait démontrer. Le jubilé local de Composlelle ne dalail-il pas
de 1169, ainsi qu'on l'a vu plus haut? quant à celte formule, qui n'a jamais cessé d'éire
usitée dans l'église de Commingcs depuis l'origine du Graud-Pardon , elle prouverai!
précisément, comme la bulle elle-même longtemps conservée rdigieuseiucnl et pins {»rà
disparue, que Clément V aurait déjà employé ce terme pour raraclériser les iudulgruccs
concédées en outre de celles, partielles celles-là, se rattachant aux trois fètcs de la Traos-
lalion. de l'Appraritiofl. et de la Nallvité da aatnt Bertrand.
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209
formule i. De siècle en siècle elle s'est transmise dans son intégrité
originelle.
Quant à la bulle elle-même, Tauteur du Comminges chréiien, le
mieux placé du monde pour savoir ces choses, affirme «qu'en Tan-
née 1603 elle avait été remise à M. de Gestas, chanoine de Com-
minges, mais qu'à partir de cette époque elle ne fut pas retrouvée^, »
Mais le Grand-Pardon de Saint-Bertrand, chaque fois que la fête de
la Sainte-Croix coïncidait avec le 3 mai, restait toujours Tévéne-
ment religieux le plus important du Comminges où il attirait une
grande affluence de pèlerins.
Des souverains pontifes en confirmèrent Texistence en réitérant
la concession collective de toutes les indulgences et privilèges de
TEglise de Comminges. Le premier fut Jean XXII.
Voici sa bulle datée de 1316 en son dispositif : « Omnes libertates
et immunitates a predecessoribus nostris romanis pontificîbus sive
privilégia, sive indulgentias vobis et ecclesiœ vestrœ concesaas...
vobis et per vos eidem Ëcclesiœ auctoritate apostolica confir-
mamus... Nulli ergo liceat paginam nostrœ confirmationis infrin-
gere... Datum Avenioni, die... februarii, pontiflcatus nostri anno
primo '. »
A son tour, Benoit XII confirma solennellement les indulgences
de toute sorte ainsi concédées ou reconnues.
Puis le grand pape de la Renaissance Léon X, en 1515. II s'ex-
primait ainsi le 5 février de cette année, la traduction de sa bulle
ayant été faite plus tard pour le chapitre cathédral : «Léon, évéque.
1. Pomian. aocien secrétaire g(<ut'ral de Commioges, dans son précieux manascrit te
Comminges chrétien,
2. Il n*est donc pas élonuaiit, la bulle s'élant perdue, que les Bénédiclios du Mont-
Cassio qui viennent de réunir les huiles de Clément V et de les publier par ordre de
Léon Xnr, n'aient pu la joindre à toutes celles de ce souverain pontife qu'ils ont retrou-
vées ; il est bien certain aussi que celte bulle n'a jamais pu être confondue avec celle
donnée à Toccasion de la translation des reliques et dont le texte a été conservé. •
3. Le texte complet de la bulle nous étant parvenu au dernier moment, grâce aux bons
soins de M. Tabbé Leslrade, nous la donnons en note :
Johannes epiicopui servus tervontm l)ei diledis fiUis archidiacono et capitulo eeetesie Con-
vtnarnm salutem et apostoUcam benediclionem. Cum a nobis peiitur quodjustum et lionestum
tam vigor equitatis quam ordo exhigit ratioms ut id quod per soUicUudinem o/fcii nottri od
debitum perducantur effectum. Expropter, diiecti in Domino, vestri^ justii poslulationibus graio
eoncurrente assensu, omnes libertates et immunitates a predecessoribus nostris Romanis ponfi-
ftdbus, sive privilégia, sive alias indul;jeilias vobis et ecclesie vestre concessas ;
Nec non libertates et exemptiones secalarium exaclionum a regibus et principibus et aitii
Chiisli fidelibus rationabile vobis induUas sicut cas jus'e et pacifiée obtinetis, vobis et per nos
eidem ecclesie auctoritate apostolica
Confirmamus et prœsentis scripti patrocinio communimus» Nulli ergo hominum Uceat hcMc
paginam nostre confirmationis infringcre uel ei, ausu temerario conlra [ventre?] Si quis autem
hoc aUemptare presumpserit
Indignationem omnipotentis Dâ et bextorum Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit
incursurum. — Datum Avinion. idus febraar. pont, nri anno primo.
Revus DS CoMMiRGfks, 2* trimestre 1895. Tome X. — 15.
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210
serviteur de Dieu, à nos ohers fils en Jésus-Christ, archidiacre et
chanoines du chapitre de l'église de Comminges, salut et bénédic-
tion apostolique :
« Quand on ne nous demande que des choses justes et raisonna-
bles, Téquité et la raison veulent que nous les accordions. G*est
pourquoi, mes chers fils dans le Seigneur, nous avons égard à
votre juste requête, et notre cher fils en J.-C., M® Bertrand, archi-
diacre de l'église, Léon, secrétaire des brefs apostoliques, notre
camérier et notre secrétaire favori et ordinaire, ayant une dévotion
particulière pour saint Bertrand, autrefois votre évéque et pasteur,
et dont les miracles opérés par son intercession sont si connus, et
aussi beaucoup pour votre église ;
« C'est pourquoi, de notre autorité pleine et apontolique, nous
confirmons, et par ce rescrit nous accord Dns toutes les libertés et
immunités qui ont été accordées à votre église par les pontifes
romains nos prédécesseurs, soit par voie de privilèges, d'indulgences
et d'induits, toutes les libertés et exemptions des impositions sécu-
lières qui ont été accordées à votre église par vos rois, princes et
autre» fidèles chrétiens... que vous avez jouies et po.ssédées juste-
ment ; qu'il ne soit donc permis à qui que ce soit d'enfreindre ce
rescrit de notre confirmation, ni d'y contrevenir en aucune manière;
que si quelqu'un l'osait entreprendre, qu'il sache qu'il encourra
l'indignation de Dieu et des bienheureux apôtres saints Pierre et
Paul. ^— « Donné à Florence, l'an de grâce 1515, le 3*^ anniver-
saire de notre pontificat. »
Plus de deux siècles s'étaient écoulés, lorsqu'un chanoine de
Saint-Bertrand, l'abbé de Bines, profitant de l'accueil favorable
qu'il avait reçu à Rome, sollicita du pape Pie VI la prolongation du
jubilé de Saint-Bertrand, « afin qu'il durât sept jours au lieu de
deux fois vingt-quatre heures. » Il avait môme obtenu une bulle
à ce sujet. Elle allait, dit le chanoine dans une lettre du 10 mai
1777 h ses collègues du chapitre, «jusqu'à confirmer l'ancienne. »
Cette bulle devait être publiée aux approches du jubilé de 1793;
mais alors 6n se trouva en pleine période révolutionnaire. * « Cette
année, dit M. d'Agos cité par M. de La.*sus, fut précisément celle
qui ramena la ruine et le deuil h, Saint-Bertrand et lui enleva ses
évéques, son chapitre et toutes ses richesses. »
Comme nous l'avons indiqué plus haut, l'évéque constitutionnel
de Toulouse, Hyacinthe Sermet, se rendit bien à Saint-Bertrand ;
mais le Jubilé n'eut pas lieu. Les populations fidèles dont on avait
dispersé les pasteurs gardaient leur foi el attendaient des jours
meilleurs.
1. Cependant, enire Panuce 1777 où fui écrite la lettre de PaLbé de Bmos et le 3 mai
1793, le jubilé de Comminges dut afoir lieu en 1782. (V. Laslrade, p. 147).
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2M
Le dernier acte poatifîcal coiiHrrnatif da jubila fut un induit de
Grégoire XVI, adressé le 17 septembro 1839 h l'archevêque de Tou-
louse, Mgrd'Astros, plus tari cardinal. Il accordait de plus grandes
facilités pour gagner le jubiL* dont il reconnaissait Tauthenticité, *
« sins riou changer, disait le papa, h la forme et aux dispositions
de la cont^ession primitive. »
«
Telle est la série des actes émanés des souverains pontifes.
On va voir celle des mandements épiscopaux concernant le
Grand-Pardon qui nous occupe.
Après « 1:» fuimination des bulles de Clément V et de Jean XXII
parTofficialde Comminges», le 10 octobre 1410, suivant la nomen-
clature officielle dressée par le secrétaire général de révôché en
1783, vient un mandement de Tévêque Urbain de Saint-Gelais*,
du l**" mai 1593 : « Urbanus Sangelarius, Dei gratià Convenarum
episcopus,... Dotum facimustenoremque attes^amus quod in eccle-
sià predictà, proximo venere maii, secunda videlicet ac tertia die
ejuslem mensis a primis vespsris secundie diei , qua die festum
celebratur sancti Bertranii ipsius ecclesise patroni, usque ad secun-
das vesperas Inventionis sanctœ Crucis D. N. J. C. solemniter àgi-
tur ob memoriam et honorem Passionis ejusdem qui in arà Crucis
die veneris passus est, erit indultum générale quod a sancto domino
Clémente V<^ papa (Bertrando ante dicto cum in illà ecclesià...
personnaliter interesset et cujus ecclesiœ in majoribus agebat
episcopus, atque deindè archiepiscopus burdigalensis fuerat), quo^
ties sauctie Crucis inventio die veneris occurrerit, cum pleuari i pec-
catorum omnium remissions, concessum extitit atque S3<^ D^
nostros papas hacteniis confirmatum ;
« QulbuB diebus dictam ecclesiam visitantes verè confessi et con-
triti plenariam peccatorum omnium remissionem et absolutionem
cum pluribus aliis iniulgentiis... quoties festum Inventionis sanctœ
Crucis dominicse die veneris occurrit, festum et visitationes dictse
ecclesiae Sancti-Bertrandi Convenarum extitit.
«DatumConvenis, die primo veneris martii, anno Domini MDXCI. »
1. Voir la Notice remarquable, sur le Jubilé de Sninl-Bertr.ind, par Mgr d'Aslro», arche-
vêque de Toulouse, plus tard cardinal, rcédilée chez Privât (1839 cl 1895).
2. Bien que celle du Jubilé n'y soit pis parliculiùrcmcnt mentionnée.
3. Prélat batailleur qui sauva Saint- Bertrand des Huguenots (1586). Ce Tut h Taidc du
C8I10Q qu'il Ût vanir de Toulouse après arrêt du Parlement prescrivant toutes les mesures
de proteciiou pour la ville épiscopale, quMI la reprit aux Rtligionnaires nu bout d'uo long
siège. — Il fut très mùlé comme ligueur aux événements de Toulouse où succomba le
premier-président Duranti , le f 0 février 1589. Sa résidence habituelle était à Alan,
dans celle demeure de plaisance des évéques de Comminges qu*il avait beaucoup embellie.
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On cite un mandement semblable de Mgr de Sonvré, successeur
immédiat d'Urbain de Saint-Gelai.^, pour le jubilé de 1617, auquel
il joint un formulaire de prières.
Voici un évoque de docte et sainte mémoire, Barthélémy de
Donadieu de Griet, qui, procédant h la visita de son église cathé-
drale, le huitième jour d'octobre 1617, demande au recteur s'il y a
des indulgences, etc. À quoi le recteur répond : « Il y a le Grand-
Pardon de Sainte-Croix du mois de mai, qui est lorsque la fête de
Sainte-Croix se rencontre le vendredi. Ce même prélat fit imprimer
trois formules de TabsoluMon ci-dessus pour être distribuées aux
confesseuri de Tan 1634 auquel tomba le jubilé. »
En 1652, on lisait dans un mandement de Mgr de Choiseul S k l'oc-
casion du jubilé qui avait lieu cette année-là : « Clément Y ayant
conservé dans le souverain pontificat les bontis parfaites qu'il avait
eues pour le diocèse de Comminges lorsqu'il en fut évéque, et vou-
lant honorer la mémoire de saint Bertrand, Tun de se^ prédéces-
seurs dans le gouvernement de cette église, lequel avait été un des
mystiques crucifiés du Seigneur, et dont cette église célèbre encore
une fête particulière qu'elle nomme TApparition, le 2 mai, veille de
la fête de l'Invention de la Sainte-Croix, institua un jubilé univer-
sel, h perpétuité, dans notre église cathédrale, lorsque la fét^ de
Sainte-Croix était un vendredi, voulant qu'un chacun des fidèles
confessés, contrits et communies, en visitant cette cathédrale et y
priant pour le bien commun de TÉglise puissent le gagner depuis
les vêpres du l^^'' mai jusqu'au soir du 3 du même mois qui sont les
jours de ces deux fêtes. »
Mgr du Bouchot, successeur de Mgr de Denonville 3, signala tou-
tes les années jubilaires de son épiscopat par des mandements
confirmatifs du pardon extraordinaire de Clément V. « Ces lettres
pastorales sont des années 1715, 1720, 1726, 1736. Ce prélat, par
une ordonnance pour le renouvellement de la confrérie de la Sainte-
Vierge et de Saint-Bertrand, détaille fort uu long la vie du saint
évéque, le voyage de Clément Y en Comminges, l'histoire de la
Translation que fit ce pape du corps de saint Bertrand, les indul-
gences particulières qu'il donna à l'église, et le grand jubilé qu'il
accorda dans les années où la fête de Sainte-Croix du mois de mai
serait un vendredi, leur approbation et confirmation par les souve-
rains pontifes Jean XXII et Léon X^ la fulmination de ces bulles
par l'official de Comminges, enfin une ordonnance de confirmation
de la confrérie* : tout cela, dit Pomian, forme un corps de preuves
1. Un des préUls les pins aclifs de Tégiise de Comminges. Il gomernaii ce diocèse lors
du voyage do M. de Froidour. (V. Bévue de Comminges, U V, p. 61 et 65,) DocUur de Sor-
bonne, il Tut nommé h Comminges en 1614. Ayant rerusé rarchevéché de Narboonc, îl fut
iransféré malgré lui à Tournai eu 1671, après 27 ans d'cpiscopal à Sainl-Bertrand.
2. II établit à Saiut-Gaudens le Séminaire dn diocèse de ComUMUgei. Nous PaToos dit
dans notre Notice tur un ancien plan de Saint-Gaudent, t. IX, p. 267.
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213
coDvaincantes de Texistence et de la vôracitâ du jubilé de Saint-
Bertrand. »
Les mandements de Mgr de Lastic (1740-1763) sont conformes aux
précédents en ce qui concerne le jubilé.
Mgr d'Osmont de Medavy (1764-1785) suivit l'exemple de ses pré-
décesseurs et fit d3S mandements relatifs h l'institution du jubilé
dont l'époque revînt quatre fois pendant son épiscopat,
« Il donna à la première, dit Pomian, une célébrité qu'tucun
prélat n'y mit jamais. Deux de ses voisins, les évoques de Rieux et
de Lombez réunis, vinrent à Saint-Bertrand pour solenniser Tindul-
gance. Ces dignes prélats firent tour à tour les instructions d'usage,
l'ouverture et la clôture du jubilé. Qu'ils furent heureux ces jours
où les premiers pasteurs alimenteront jusqu'à la dernière de leurs
ouailles ! C'étaient Jésus-Christ et les apôtres distribuant le pain
de la multiplication. »
Le dernier des évoques de Comminges fut le neveu et le succes-
seur du précédent, Mgr Eustache-Antnine d'Osmont. docteur en
Sorbonne, et vicaire-général de Tarchevôque de Toulouse quand il
fut appelé, à la place de son oncle, sur ce siège épiscopal que la
tourmente révolutionnaire devait emporter peu d'années après.
C'est lui qui eut pour secrétaire général ce laborieux abbé Pomian,
auteur du Comminges chrétien , si précieux pour l'histoire de notro
ancien diocèse . Ou lit, dans le manuscrit, au sujet de ce
prélat I « Il n'a pas encore eu d'année jubilaire; mais il a eu com-
munication d'une bulle du pape Pie VI, adressée au vénérable
chapitre cathéJral de Comminges, par laquelle ce souverain
pontife confirme le jubilé établi dans son église par Clément V,
Cette bulle, qui prolonge le jubilé de sept jours, sera publiée aux
approche.s du jubilé tombant en l'année 1793. »
On a vu comment cette publication n'eut pas lieu.
Il serait suraboiiJant d'énumérer maintenant divers documents
émanés du chapitre et se rapportant au Grand-Pardon jubilaire. Ce
sont presque tous des comptes relatifs aux fêtes qui marqxiaient
son retour périodique. «Les foules qu'elles attiraient se chiffraient
jusqu'à quarante mille personnes. »
Les pièces que nous avons parcourues et qui n'ajouteraient rien
d'important à l'histoire du jubilé, ni surtout à son authencicité,
sont au nombre de treize, du 8 février 1603, époque de la dispari-
tion de l'original de la bulle — dont « la formule absolutoire » est la
seule partie textuellement conservée, — à l'année 1780.
Sauf en ce qui touche la mention que nous avons faite de Tin-
diilt de Grégoire XVI, il ne pouvait entrer dans notre plan de dé-
3. I^ pieux et libéral Jean de Maoldon (1519-1551) avait aussi donné un mandement
snr cette tionfrërie, dont il régla les statuts en t53l. L'ordonnance de Mgr d& Lubiére du
BoQchet ne lit que les renouveler en 1716.
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2U
passer, au sujet du jubilé de l'église de Comminges, la limite
de l'ancien régime qui marqua la fin de cet antique diocèse. Il re-
montait au temps de saint Saturnin, et vit sa succéder, dans sa
longue suite d|évôques, plusieurs prélats célèbres. Deux montèrent
sur la chaire de saint Pierre : Clément V (Bertrand de Goth,
1295-1299), Innocent VIII (auparavant Jean I*' ou Jean Cîbo, qui
fut évoque de 1467 à 1484. Il avait d'abord été créé cardinal par
Sixte IV). Cinq autres devinrent aussi cardinaux : Bertrand de
Chanac ou de Cosnac (1352 à 1372); Amauri ou Amelius de Lautrec
(13S4-1390) ; Pierre de Foix (1422-1437), son écusson aux pals de
Foix est encore reconnaissable au-dessus de la porte Mayou h
Saint-Bertrand; Charles Carraf i, ancien légat auprès d'Henri II, qui
lui donna Tévôché de Comminges en 1538 ; il avait été chevalier
de Malte et bailli de Naples; enfin Jean de Bertrandi, ou Jean IV
Bertrand, fut premier président du Parlement de Paris. Devenu
veuf, il entra dan:3 les ordres, fut fait évoque de Comminges en
1551, et un an après archevêque de Sens: il mourut en 1560, âgé
de quatre-vingt-dix ans.
D3UX membres du chapitre de la cath:^lral8 furent aussi élevés
à la dignité cardinalice : Arnaud de Pelagrae, archidiacr3 de Com-
minges, cardinal-diacre de Sainte-Marie in Poriicu^ créé en 1305
par Clément V, son parent; et Guillaume Testa, archidiacre de
Barousse, cardin il-prôtre deSaint-Cyriaque, in Tenninii, de ia créa-
tion de Jean XXII en 1316.
Mais la grande illustration de 1 église de Com'niuges, mhne par
sa naissance et son rang, fut saint Bertranl lui-m5m'3, de la
puissante maison de Tlsle-Jourdain, neveu du roi de Francs
Henri P»"!, et cousin du comte de Toulouse Raymonl-Guillaunai3
Taillefer^. Brillant officier d*aborJ, ayant embrassi très jeune la
carrière des armes, il entri dins les ordres où il sa fit remarquer
déjà par les plus éclatantes vertus et devint chanoine régulier de
Saint- Augustin en l'église SaintrEtienne de ''oulouse. Ce fut alors
que le clergé du diocèse de Comminges, « du consentement una-
nime du peuple », Tappela au gouvernem3nt li cette église dont le
t. Sou père élail noble AUon-Raymoii'I de Yla, seigneur d'Icliuni-Castram, dont l'ane
des filles, Constance, avnil épousé le roi Hobcrl le Pieux, fils de lingues Capcl.
Raymond, Trére de Bertrand, lU partie de la première cruisaile ii In suite du comte de
Toulouse, son suzerain et son parent. C'est lui qui mit alors sur si bannière la croix d*ur
qui passa dans Técu de sa miison et qui Tut plus tard remplacée dans le blason du (>>m-
minges par les quatre otellcs ou amandes.
Ne serait-ce pas lui qui rapporti. de son voyage en Palestine et en Syrie, le crocodile
dont ia dépouille est depuis des siècles appi'u lue au mur de la cathédrale, à droite du
porche? Le? Bollandistcs attribuent de mi>mc h quelque chevalier revenant d« Tcirc-
Siinte, la présence de deux autres crocodiles, l'un dans Téglise Saint-Wuirrnnd d*Abbevilie,
et Tantre dans la chapelle du chiteau d*Oyron, dans les Deux*Sèvres.
2. Histoire de Languedoc ; et baron d*Agos, Vie et Miracles de saint Bertrand.
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215
chef-lieu devait être relevé par lui de ses ruines plusieurs fois sécu-
laires.
Nous espérons qu'avant longtemps nous pourrons consacrer,
dans la Revue^ aux principaux de nos anciens prélats de Commin-
ges, notamment au saint patron de sa ville épiscopale, Bertrand
de risle, des notices détaillées. En cela nous suivrons l'exemple de
M. le baron de Lassus qui a si bien fait revivre la pure et noble
figure du pieux Barthélémy Don adieu de Griet*, dont le cœur
repose dans notre collégiale de Saint-Gaudens, à côté de celui de Mgr
Hugues de Labatut, fondateur du couvent de Notre-Dame dans
la même ville *.
•k
¥ *
La f?et)ti6 n'avait jamais eu l'occasion d'entretenir ses lecteurs du
Grand-Pardon de Saint-Bertrand. En parler, cette fois, était une
véritable actualité qui apporte d'ailleurs sa contribution spéciale
à l'histoire elle-même du Comminges.
Alphonsb COUGET.
t. Bévue de Comminges, l. vu, p. 229.
2. Nons apprenons avec saiisraclion que le vœn exprimé par nous dans la Revue, l IX,
p. 277, sera bientôt réalisé el que les plaques funéraires des deux prélats seront pro-
cliainemeut replacées au milieu du sanctuaire du n.aitre-aulel.
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RECTIFICATIONS
Dans la Chronique du présent tome X, au paragra-
phe 3, p. tl2, 6* ligne, il faut ajouter à <i dans certaines
régions de l'Afrique » et au Japon.
C'est par erreur que, dans le sommaire de la 2* livrai-
son du tome IX de la Revue, le nom de M. Bernard, de
Luchon, ne figure pas à côté de celui de M. de Laurièrc
pour la Notice sur Téglise de Saint-Aventin de Larboust,
œuvre de ces deux collaborateurs.
INFORMATIONS
Congrès de Sorbonne pour 1896
Nous avons reçu du ministère de l'Instruction publique,
avec la liste de toutes les Sociétés savantes de France
où figure la nôtre, le programme du Congrès à la Sor-
bonne pour 1896.
Ce programme est divisé en cinq sections : histoire et
philologie, archéologie, sciences économiques et sociales,
sciences, géographie historique et descriptive.
Une circulaire ministérielle adressée aux présidents
des Sociétés savantes accompagne le programme et porte
les diverses instructions utiles aux délégués des Sociétés
qui prendront part au Congrès.
Cette circulaire, en outre, fait appel aux membres de
toutes les Sociétés savantes pour qu'ils veuillent bien
participer à la rédaction du programme.
Ils sont invités notamment à préparer des questions
qui seront soumises au Comité des travaux historiques
et scientifiques en vue du Congrès de 1897.
Intéressante découverte
On vient de découvrir à la Nérolle, commune.de Segon-
zac (Dordogne , dans une carrière de sable, deux défenses
énormes de mastodonte, mesurant chacune 3" 10 de lon-
gueur et 0° 60 de circonférence dans la partie la plus
grosse.
Ces deux défenses étaient à environ 7 mètres do distance
Tune de l'autre, et on a trouvé encore, à égale distance
de chacune, des dents énormes.
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LES PREMIERS AGES DE LUCHON
(SUITE et FIN>)
^. Trois Empereurs
Seplime Sévère^ Valérien et Gallien
Serons-nous plus heureux avec ces trois empereurs
qui furent, pour notre station, des visiteurs illustres au
premier chef et dont il serait vraiment trop douloureux
de se détacher?
On est convenu, dans le langage ordinaire de Thistoire,
de mettre sous le nom du roi les événements de son
règne, parce qu'il en a en partie la responsabilité. C'est
ainsi que Ton dira: Louis XIV obtint de nombreux suc-
cès sur ses ennemis ; il conquit plusieurs provinces et
construisit plusieurs monuments. — Ce système, qui peut
donner lieu à des coq-à-Vâne très obscurs, est commode
malgré ses abus; il a cela de bon quMl nous permet de
mettre historiquement l'embargo sur Sa Majesté Septime
Sévère, en ce qui concerne son séjour aux thermes lixo-
niens.
Lucius Septimius Severus naquit à Leptis, ville d'Afri-
que, en l'an 149 après J.-C. Il vint très jeune à Rome où
il fut fait avocat du fisc, puis sénateur. Malgré la licence
de sa jeunesse, on le nomma successivement questeur,
tribun, préteur et commandant d'une légion en Espagne.
En 193, il se fit couronner empereur, s'associa Albinus
qui avait déjà pris ce titre, et entra à Rome. Plus
tard, il se débarrassa de ce rival qui s'était rendu indé-
pendant dans les Gaules et le vainquit en 197. Septime
Sévère mourut de chagrin, en 2U, d'avoir vu ses jours
menacés par son fils Caracalla. Cet empereur avait de
1. Voir ia livraison du 2' trimcslrc, pagos 113-129.
Rkyub ds CoMMiNcss, 3« trimesire 1895. Tome X. — 16.
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grands talents administratifs qu'il flétrit par son extrême
sévérité.
Comme on le voit, d'après cette notice, Septime Sévère
a séjourné dans les Gaules et en Espagne. Il a donc tra-
versé nos Pyrénées, et il est avéré, du reste, qu'il fit res-
taurer une ancienne voie romaine allant de la métropole»
à notre établissement, et reconstruire ce dernier.
En 1830, il y avait encore, sur trois points de cette
route, des fragments de bornes milliaires.
Sur la première, à Barcugnas, qui était d'ailleurs muti-
lée, on lisait ces mots :
ITER RESTITVIT
Lisez: [Imperator] iler[um] restituit [iter].
« L'empereur de nouveau a rétabli la route. »
Sur la seconde, à Burgalays, et sur la troisième, à
Saléchan, on ne déchiffrait que ces trois lettres, les autres
ayant été effacées :
IMP
Ces lettres ne sont que le commencement de la phrase :
Imperator ilerum restituit iter,
La tradition, sur laquelle nous n'avons pu recueillir que
des données incertaines, attribuait l'installation de ces
bornes milliaires à rempcreur Septime Sévère. Il en est
de même d'une colonne trouvée à Labroquère et élevée en
l'honneur de Philippe, dit l'Arabe, puis de Marcia Otacîlia
Severa, épouse de l'empereur, et enfin de Philippe leur fils.
Comme nous n'avons jamais pu voir ce dernier monu-
ment, nous ajournons notre opinion jusqu'à plus ample
informe ; mais nous ne craignons pas d'alïîrmer, avec feu
le D** Lambron, que la voie de Lugdunum aux thermes
onésiens devait être d'une grande importance pour méri-
ter des réparations dont on perpétuait ainsi le souvenir.
Nous avons peu de chose à dire sur le compte de l'em-
pereur Valérien et de son fils Gallien.
Publius Licinius Valerianus était presque sexagénaire
lorsqu'il fut revêtu de la pourpre, en 253. Il ordonna la
huitième persécution contre les chrétiens et fit la guerre
à Sapor, roi de Perse. Il fut vaincu et fait prisonnier.
1. Lagdanum Convenarom. — Logdunum rient des mots Lucii Dunum.
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819
Sapor le traîna à sa suite, chargé de chaînes, et quand le
Perse montait à cheval, Valérien se courbait pour que
le despote asiatique se servît de son dos comme de mon-
toir. Le malheureux mourut après six années de souffran-
ces cruelles. Il eut pour successeur son fils Gallien, qu'il
avait associé à Tempire, dès son avènement. Gallien se
trouve donc avoir régné du vivant de son père et après
sa mort.
Ces deux empereurs ont vraisemblablement séjourné
dans le Midi et visité les thermes onésiens. La preuve en
est dans une colonne trouvée près du pont de Labroquère,
sur la route de Saint-Bertrand à Luchon. Cette colonne
porte l'inscription suivante ;
Imp CAES. P. Li
ci NIO
Val ERIANO. Aug
et. iMP. CAES
P. IICINIO
Gai LIENO VALERIA
NO AVG. M. P.
Lisez: Imperatorl Csesari Publio Licinio Valeriano
Auguste et Imperatorl Csesari Publio Licinio Gallieno
Valeriano Augueto — Mille passi.
(f A l'empereur César Publius Licinius Valérien Auguste
« et à l'empereur César Publius Licinius Gallien Valé-
<c rien Auguste. — Mille pas. »
Ce monument si suggestif appartient au baron d'Agos
et se trouve dans sa collection.
Espérons que de nouvelles découvertes archéologiques
permettront d'expliquer plus clairement le rôle joué à
Lugdunum Convenarum et aux thermes onésiens par ces
deux empereurs qui, s'il faut en croire la tradition,
auraient, sinon séjourné dans la station, au moins pourvu
à sa prospérité.
6. Secundinus et Fabia Festa
Secundinus est le fils de Verecundus, d'une famille
distinguée du pays des Convènes. Ses aïeux faisaient par-
tie de ces peuplades vagabondes pour lesquelles le grand
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320
Pompée fonda la cité de Lugdunum; ils appartenaient
plus particulièrement à la tribu des Arrevaces, et comme
ils étaient chefs de clan parmi les leurs, ils continuèrent
d^exercer de hautes fonctions sous la domination étran-
gère.
Depuis répoque de sa fondation, la métropole n'a pas
cessé de grandir et, par la faveur d'Auguste, s'est élevée
au rang de ville latine.
Secundinus a suivi la carrière des armes, tandis que
ses frères, d'humeur plus paisible, s'occupent d'adminis-
tration.
Sous les ordres de Septime Sévère, Secundinus a
pris part à la dernière campagne contre les Parthes ;
notre Arrevace a déployé autant de bravoure que de
talents pendant l'expédition. Malgré son jeune âge (25 ans),
il a été promu au grade de tribun légionnaire.
Cependant les fatigues de la guerre, sous un climat
insalubre, quelques légères blessures, ont porté atteinte
à sa santé, et, sur l'autorisation de ses chefs, il est venu
se retremper dans sa famille.
Des indiscrets, soi-disant bien renseignés, prétendent
que la maladie n'est qu'un prétexte et que le nouveau
tribun, sous couleur de se délasser des travaux guer-
riers, se dispose à donner sa main à Fabia Pesta, Tune
des plus riches héritières de l'Aquitaine.
Quoi qu'il en soit, les médecins sont unanimes à lui
conseiller les eaux des thermes onésiens, dont l'effica-
cité est devenue proverbiale dans les Gaules.
Secundinus souscrit aux arrêts de la Faculté avec d'au-
tant plus d'empressement que l'empereur Septime Sévère
a fait reconstruire depuis peu ces thermes et tracer
(peut-être sur la recommandation de Secundinus), une
route carrossable, allant de Lugdunum à la station bal-
néaire.
On est à l'époque de la villégiature, c'est-à-dire au mois
de juin. De toutes parts les riches patriciens prennent
leurs quartiers d'été dans les villes d'eaux. Le départ
est fixé en principe aux ides de juin et les préparatifs
du voyage sont conduits militairement par Secundi-
nus.
Au jour convenu, il franchit les portes de la ville; son
petorritunif léger véhicule découvert, l'emporte rapide-
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2M
ment sur la voie gallo-romaine qui va de Lyon des Con-
vènes à Ludion.
La route est belle, le temps magnifique ; les vallées ont
un air de fête, et, sous l'influence du printemps, les mon-
tagnes elles-mêmes ont perdu de leur âpreté.
Au trot de ses mules, Secundinus met moins de trois
heures à franchir Tespace existant entre la colonne mil-
liaire du pont de Labroquère et la borne de Barcugnas.
Les thermes onésiens sont le rendez-vous du high-lif
gallo-romain des Convènes. On y vient non seulement de
TAquitaine et de la Narbonnaise, mais même de tous les
points de la Gaule.
Parmi les baigneurs illustres ont figuré le grand Pom-
pée et deux Césars, Auguste et Septime Sévère.
L'établissement est situé au pied de la montagne de
Superbagnères, des flancs de laquelle jaillit le pactole
des eaux sulfureuses. Le monument est de la plus haute
magnificence, et l'on sent que Temperour n'a rien épar-
gné pour Tembellir. Les larges piscines sont revêtues de
marbre blanc, extrait de la carrière des Romains, et qui,
en blancheur et en beauté, le dispute aux marbres de
Carrare. Les unes sont affectées au menu peuple, aux
esclaves, les autres aux patriciens.
Sur la place qui environne l'établissement, vous aper-
cevriez une multitude d'autels votifs, de nobles statues
qui auraient apprivoisé l'ombre farouche de Fabricius.
Dès le lendemain, notre héros, impatient de guérison,
entreprend sa cure et, quittant son hôtellerie, se dirige
vers les thermes. Sur le passage, il reconnaît avec sur-
prise et salue avec affabilité les personnages les plus
marquants de Lugdunum : édiles, questeurs, décemvirs.
Quelques légionnaires éclopés s'inclinent, non sans défé-
rence, devant le jeune tribun*
Secundinus parcourt les groupes d'un œil attentif,
comme s'il cherchait à démêler quelqu'un dans la foule.
Tout à coup une joyeuse exclamation monte à ses lèvres,
et, à travers les rangs épais des baigneurs, il va rejoin-
dre une respectable matrone, suivie de sa nièce: cette der-
nière est Pabia Pesta, la fiancée de Secundinus.
Décidément les indiscrets avaient raison.
Pénétrons avec lui dans l'intérieur de l'édifice.
« Là, vous eussiez vu une armée d'esclaves, chauffant
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222
« rétuve, letepidariurriy ou salle des eaux bouillies; four-
ce nissant d'eau froide les piscines du frigidarium^ ser-
« vaut les baigneurs, leur raclant le corps avec des étril-
« les d'ivoire, les épilant, les massant, les frottant, les
<c oignant d'huiles aromatiques, et les conduisant ensuite
« à travers de longs corridors, chauds et parfumés ^ »
La température des sources et les effluves sulfureuses,
en faisant éprouver à Secundinus une sorte de bien-être,
lui donnent comme Tavant-goût et le pressentiment de sa
guérison.
Il se plonge dans les piscines, boit Teau des sources
et précipite en espérance leur effet.
Quinze jours se passent, au bout desquels notre malade
constate avec stupéfaction que le traitement, au lieu de
cicatriser ses blessures, les a ravivées. Inquiet, il se
plaint au médecin.
— Docteur?
— Tribun !
— Je vais de Charybde en Scylla, mos cicatrices se rou-
vrent.
— Tant mieux ! c'est signe que les bains opèrent. Sur
cette assurance sacramentelle, le confiant Arrevace
renaît à l'espoir et poursuit la cure avec un redoublement
de zèle. Un mieux se déclare ; insensiblement les fâcheux
symptômes disparaissent. Après deux mois, il était guéri.
Le premier jour des kalendes d'août, vers l'an 200, si
le hasard ou la rêverie avait conduit vos pas sur la
route de Luchon à Saint-Bertrand, vous auriez vu le léger
petorritum de Secundinus brûlant la voie romaine.
Avant le départ, il avait fait ériger au Dieu Ilixon deux
autels votifs, portant les inscriptions suivantes :
ILIXONI ILIXONI
DEO DEO
SECVNDINVS FAB. FESTA
VERECVNDI. F. V. S. L. M.
V. S. L. M.
« Au Dieu Ilixon Secundinus, fils de Verecundus,
acquitte son vœu, délivré de son mal. »
1. Paal Lacroix.
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223
« Au Dieu Ilixon Fabia Festa acquitte son vœu, déli-
vrée de son mal*. »
7. Fin de TÈre Gallo-Romaine
Notre cadre est sinon assez large, du moins assez élas-
tique, pour qu'on y fasse rentrer comme individualités
générales, comme personnifications de race et, en quelque
sorte, comme visiteurs collectifs, les corps de nation qui,
à différentes époques, se montrèrent dans les limites de
notre canton.
Cette manière plus étendue de concevoir le sujet se jus-
tifie à la rigueur et donne lieu à des développements né-
cessaires.
C'est ainsi que Tibère et que le Celte, THercule phéni-
cien et THercule grec, les Celtibériens et les Romains, les
Vandales et les West-Goths ont droit à une mention par-
ticulière. Qu'on se rassure d'ailleurs ! tout ce qu'on veut,
c'est signaler leur passage, sommairement et pour mé-
moire ; le manque de détails précis est pour le lecteur
une garantie contre nous. Mais il suffit qu'ils aient tou-
ché la terre où nous marchons, qu'un détachement do
Barbares ait étendu l'invasion jusqu'ici, pour qu'on ne les
oublie pas.
Les anciens auteurs n'en usaient pas autrement. Là où
manquent les noms de personnes, ils substituent les
noms génériques ; ou bien encore, par un procédé qui
n'est que la suite du premier, ils placent, à la charge d'un
seul homme, les faits et gestes d'une nation tout entière :
de là les héros des légendes historiques, l'Hercule phéni-
cien et l'Hercule grec.
Dans l'ordre des temps, l'Ibère fut le premier posses-
seur des vallées pyrénéennes et, d'après la même con-
jecture, le premier à faire usage des eaux de Luchon.
ix Ce sont les Ibères, dit M. Elisée Reclus, qui ont bâti sur
pilotis les petites venises des lacs de la Suisse et laissé
leurs ossements dans les cavernes des Alpes et des Py-
rénées ».
1. Ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut, le premier de ces autels se trouve au
musée de Toulouse, et le second an musée de Beauvais.
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224
Les aborigènes furent les premiers baigneurs.
Tous les hommes primitifs avaient un instinct admirable,
une sorte de divination qui leur tenait lieu de science.
Ils avaient surtout le génie de l'observation : nul doute
qu'ils n'aient reconnu la plupart des vertus des sources,
avec autant de certitude que nos modernes. Des troncs
d'arbres creux, les anfractuosités du roc, des étangs natu-
rels d'eau sulfureuse, furent les baignoires et les thermes
dc's Ibères.
Refoulés par les migrations des Galls, les autochtones
leur cédèrent la place sur plusieurs points ou se confon-
dirent avec eux. C'est alors que les Garumni^ tribu gau-
loise, se répandirent dans le bassin de la Pique, pays
hérissé de bois et couvert de marécages. Les highlan-
dcrs de Superbagnères, groupés en familles sur les mon-
tagnes, trouvèrent leur subsistance à leurs pieds et sur
leur tcte, dans la pêche et dans la chasse : de là le goût
des modernes Luchonnais pour ce double exercice. C'est
une passion traditionnelle et héréditaire.
A Luchon, ils adorèrent le QuairatetleNéthou(Anethon,
Netto)», ce dernier comme le dieu dominateur des vallées
environnantes. Sous le nom significatif de Ilixon, ils ne
tardent pas à diviniser les propriétés des sources chau-
des. Quant aux Celtes du Larboust, dans leur pays enso-
leillé, ils honorent Abellion^ (Bel) dieu du soleil, tandis
1. Le pic du Qiiairat appartient au groupe du versant rran;ais et atteint une haulcor
de 3104**, tandis que le pic de Nclhou, encore plus élevé (3i04), fait partie des Mouis
Maudits dans le versant espagnol.
2. L*églisc de Saint-Avcntin possède deux autels voli(s portant les iuscriptioos suivantes :
ABELLIOISI
ADELIOM DEO CISONTEN
TAVRINVS DONE CISSON BO.N
COMS. F. V. S. L. M MS. FIL
V. S. L. M.
On a encore découvert à Garin un troisième autel votif qui so trouve déposé au musée
de Toulouse :
ABELIOM
DEO
FORTIS. SVLPICL F
V. S. L. M
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225
qu'à Gaud ils rendent un culte au pic du Gar (Deo GarriJ^
dont la silhouette sourcilleuse frappe les regards et
étonne Timagination.
Il est à croire que THercule phénicien visita nos Gau-
lois. Ce demi-dieu symbolise, comme on sait, les expédi-
tions et les aventures des trafiquants de Tyr et de Sidon.
D'après le récit de Diodore de Sicile, on peut affirmer son
apparition dans nos montagnes, plusieurs siècles avant
l'ère moderne :
« Partout où ils pénétrèrent, observe Diodore de Sicile,
ils trouvèrent les Celtes établis. » Ils leur apprirent
Tusage du fer, et leur enseignèrent à exploiter Tor des
mines. Dèslors, aux troncs d*arbres, aux auges primor-
diales, succèdent des réservoirs do bois et de pierre,
creusés, à Tusage des malades, par la main de Thomme.
Pour les Grecs comme pour les Phéniciens, il y a des
preuves manifestes de leur séjour parmi les vieux
Garumni : ce sont des médailles, des monnaies et des
vocables usuels frappés au coin de cette double ori-
gine.
L'usage des bains faisait partie des habitudes quotidien-
nes parmi les Grecs; mais c'est aux Romains que, dans
la suite, il appartient de généraliser, dans la Gaule, Tusage
des ablutions journaUères et, par conséquent, de mettre
en vogue les eaux de Luchon.
Plus tard, on voit les Celtibériens franchir les monts
et chercher un asile, contre les armes romaines, dans ce
qui est aujourd'hui l'arrondissement de Saint-Gaudens.
Leur dernière indépendance devait succomber avec celle
de leur patrie adoptive; car Rome qui s'était mise, de
propos délibéré, dans la nécessité de vaincre les autres
I. Le cippe trouve à Gaud, et dépose au ronscc de Toulouse, porte celt.c inscription :
D.. Lisez : Deo Garri Gcminus servus
GARIU votumsolvU liberalus mo bo
G E N I N et pro suâ consenalione.
VS SEH « Au Dieu Gar, G'iminus esclave
VT S. L. M. • acquitte son vœu, délivré de son mal
ET PRO. S. t et pour sa conservation >.
CONSER
D^autres épigraphisles lisent comme suit : Deo Garri Geminits servus votum solvit Ubcnter
tnerito et pro suis conservis.
• Au Dieu Gar, Gcminus esclave acquitte son vœu avec empressement et reconnaissance,
« pour lui et pour ses compagnons d'esclavage >. '
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296
peuples ou de périr, ne leur avait pas laissé d'autre
alternative.
Avec Père gallo-romaine nous atteignons les plus beaux
jours des thermes lixoniens. La fureur des bains est gé-
nérale. <x Alors comme aujourd'hui, dit P. Lacroix, les
eaux minérales sont des lieux de rendez-vous consacrés
à la santé et plus encore aux plaisirs. »
Les invasions teutoniques portèrent le coup de mort
aux établissements balnéaires. Oisifs et malades, les uns
ne songèrent plus à venir, les autres ne le purent pas.
Au commencement du cinquième siècle eut lieu la
grande invasion qui sillonna toute la Gaule (Burgondes,
Alains, Suèves, Vandales). Ces derniers expriment, dans
leur éphémère existence, ce que la conquête germanique
eut de destructeur, et même, en quelques-unes de ses
tribus, d'impuissant à fonder d'une manière durable. La
ruine de Valcabrère, c'est-à-dire la ville basse de Saint-
Bertrand, et peut-être (du moins comme conséquence) la
ruine des thermes onésiens, forment le bilan de leur
passage parmi les Convènes. Repousses d'abord dans les
montagnes, ils finirent par s'écouler en Espagne à travers
les gorges pyrénéennes.
Sous prétexte de repousser les envahisseurs, au nom
•et au profit de l'Empire, les West-Goths s'installent, pour
leur propre compte, dans le midi de la France. Du
royaume de Toulouse firent partie les Garumnes.
Si l'on se rappelle les habitudes efféminées des Goths,
imbus des mœurs romaines, le faste de la cour de Tou-
louse, on peut inférer, non sans vraisemblance, que les
thermes.de Luchon eurent un retour de prospérité sous
la domination wisigothe et qu'ils comptèrent, parmi leurs
hôtes, les leudes toulousains et les successeurs de
Wallia.
Ici finit, avec l'Empire romain, l'ère antique de nos
visiteurs illustres. Ce que nous avons glané dans ce
long espace se réduit à peu de chose ; les plus grands
noms se sont fondus en quelque sorte entre nos mains.
Nous allons entrer dans le moyen âge, âge encore
obscur mais dans lequel nous rencontrerons des person-
nages plus authentiques.
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287
PERIODE DU MOYEN AGE
8. Les Sarrazins
Chartes et privilèges des comtes de Comminges
Avec la chute de TEmpire et Tinvasion des Barbares
commença le moyen âge.
On a vu les Goths établis dans le midi de la France
jusqu'à Luchon. Ils ne tardèrent pas à succomber sous
les armes victorieuses des Francs. Les nouveaux maîtres
de la Gaule n'étendirent qu'à la longue leur domination
sur la région dont faisaient partie les Garumni, et, s'ils
partageaient le mépris superbe des autres Barbares pour
la propreté raffinée des Romains de la décadence, on doit
reconnaître que les thermes onésiens devaient chômer de
visiteurs.
Quand l'évêque de Lugdunum reçut du roi franc,
avec le titre de comte, le gouvernement civil de l'ancien
pays des Convènes (ce district de la Novempopulanie\ il ne
restait apparemment, au pied de Superbagnères, que les
débris des anciens thermes bâtis par Septime Sévère.
De générale qu'elle était, la réputation des bains oné-
siens redevint locale et les limites de leur renommée se
resserrèrent de plus en plus autour d'eux.
Au VI' siècle, les Gascons espagnols, repoussés par les
Visigoths et les Suèves, se répandirent sur le versant
septentrional de la chaîne. Quelques-uns de ces émigrants
prirent la fuite par le col de la Glère et les passages du
val d'Aran et de Larboust.
Mais, de toutes les immigrations, une de celles qui ont
le plus marqué dans le canton de Luchon est incontesta-
blement celle des Maures ou Sarrazins. Pendant un siècle,
les Arabes ont occupé ce coin de terre.
« Quand les Musulmans, dit Isidore de Badajoz, effec-
« tuèrent en l'an 732 leur grande invasion, Abdérame se
ce fraya un chemin par les défilés des monts Vaccéens »,
c'est-à-dire par le Béarn, la Bigorre et le Comminges.
Aujourd'hui encore le souvenir des Maures s'est con-
servé dans la mémoire des populations; leur nom est
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228
employé comme sobriquet injurieux dans lo langage
populaire de Luchon. On dit proverbialement : Si cela
continuOf nous allons revoir les Sarrazins et les Maures,
Plusieurs noms propres, tels que Argarot, Azémar,
Jourdan, Azérian, qui se rapportent à des famille» habi-
tant actuellement la ville, ont évidemment une physio-
nomie arabe, et on peut, avec raison, les attribuer à
l'immigration sarrazine. Vus à travers nos légendes loca-
les, les farouches conquérants nous apparaissent comme
sous une auréole de feu. Le Larboust est la terre par
excellence de ces légendes, reproduites dans les bas-
reliefs des églises ou transmises en des récits merveilleux.
C'est ainsi que plus de dix peuples se succédèrent sur
notre sol. A l'exception de quelques-uns, qu'est-ce qui a
survécu du plus grand nombre? Qu'est-ce qu'a retenu
d'eux la tradition? La mémoire la plus durable est
gravée, non pas dans l'esprit des générations et des
hommes, mais dans la vallée et la montagne, dans la
vieille église romane ou dans les archives poudreuses.
Les lecteurs qui nous ont suivi dans le cours de notre
travail ont pu se demander, comme nous, quelle fut
l'importance des eaux de Luchon dans les habitudes jour-
nalières des nations ci-dessus et des Sarrazins en parti-
culier?
La chronique ne répond pas à la question, et les
documents (ceux au moins à notre disposition) ne four-
nissent rien à cet égard ; mais il est permis de suppléer
au silence de l'histoire par de prudentes inductions.
Dans le Coran^ disent les historiens, Mahomet renou-
vela les préceptes de la Bibles concernant les ablutions
fréquentes. Il ne faisait en cela que se conformer à la
coutume asiatique, érigeant en prescriptions dogmatiques
les usages répandus. — Si, de la donnée historique, on
rapproche le fait suivant, savoir que les guerres inces-
santes des Chrétiens et des Musulmans sur notre fron-
tière étaient une grande officine de malades et de bles-
sés, on en concluera que les sources sulfureuses, si effi-
caces dans le traitement des blessures, furent mises à
profit sous la domination des Arabes et qu'elles guérirent
plus d'un illustre mécréant dont nous regrettons d'igno-
rer le nom.
En échappant aux mains des Maures, les trois vallées
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339
qui composent notre circonscription cantonale semblent
passer au pouvoir des rois d'Aragon, en la personne de
Don Sanche d'Abarca (x'' siècle).
<f Les vallées d'Aure,ditDom Brugelle, Aran, Aragonet
« (appelée par corruption Aragnouet), Barousse et autres
cf adjacentes, faisaient partie de TAragon. »
Sous les hériters de Don Sanche, elles échurent tour
à tour, soit aux comtes de Comminges, soit aux comtes
de Bigorre, soit à TAragon lui-même, pour retourner en
définitive au Comminges.
Il ne serait peut-être pas hors de propos de caractéri-
ser ici trois dynasties, trois races de suzerains, si remar-
quables à certains égards, et montrer ce qu'étaient les
Centule bigourdans, les Pwamir aragonais et les Bernard
commingeois.
Dans les temps féodaux, les trois pays de Luchon,
d'Oueil et de Larboust furent le théâtre de sanglants
combats, soit que les comtes poursuivissent les Sarrazins
ou que, venant à se disputer la possession des vallées, ils
tournassent leurs armes Tun contre Tautre. Les châteaux
démantelés, dont on trouve quelques ruines, ont subi
bien des assauts. Si les murs des vieux donjons qui sont
demeurés debout avaient une voix, que d'exploits, quels
beaux faits de guerre et d'amour, quelles sombres tragé-
dies ils auraient à nous raconter! On trouverait encore
facilement dans les vallées quelques légendes émouvantes
dont les burgraves des manoirs larboustois sont Ibs
héros. Comme suzerains, les différents maitres de notre
canton y reçurent les hommages et les redevances de
leurs sujets.
Tout appartient au seigneur, disent les vieilles coutu-
mes; ils ont juridiction sur eau, vents et prairies.
Le château de Castel-Blancat servait.de pied à terre
aux comtes de Comminges lorsqu'ils visitaient leurs vas-
saux.
Cf Dans ces résidences, dit Thistorien Castillon, ils s'en
vironnaient d'une certaine cour, ils surveillaient plus
facilement Texécution des lois féodales. »
Nous possédons plusieurs actes et diplômes accordés à
différentes communes par plusieurs seigneurs de cette
famille. Les voici dans l'ordre chronologique :
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i30
t. Compromis des communautés de Mayrègne, Maylin et Saint-
Paul, avec Bernard VII, 1292.
, 2. Charte de Benqué-Dessus et Benqué-Dessous, octroyée par
Bernard VlII.
3. Privilèges dos Vallées de Luchon accordés par Bernard IX.
1315.
4. Charte de Sacourvielle. Même date.
5. Concessions en faveur des habitants d'Antignac et de Salles
par Bernard, 1325.
Les cinq documents cités se rapportent, comme on
voit, au XIII* et au xiv'' siècle.
Je nVimagine que Tusage des eaux thermales n'était pas
tombé en désuétude; que ces dernières n'avaient rien
perdu de leurs admirables vertus ; que les comtes, bien
que possédant plusieurs autres sources dans retendue
de leurs domaines, ne dédaignaient pas de recourir aux
nymphes luchonnaises, et que ces dernières durent les
guérir, en guise de redevance-
Dans la haute montagne giboyeuse, c'était la chasse
aux grands fauves pyrénéens.
Donnée sous le sceau de Bernard IX, en 1315, la charte
de Sacourvielle a cela d'intéressant qu'elle nous fixe sur
la faune du temps. Il y est dit :
« Les habitants dudit lieu ont la faculté de chasser aux
a bêtes rousses et noires, comme sangliers, cerfs, ours,
« dans les forêts, montagnes et vacants qui sont dans
« leur consulat. »
Le temps heureux, où, sans dépasser les limites de sa
petite ville, le chasseur pouvait se flatter de mettre au
bout de ses flèches un semblable gibier !
Que sont devenus les animaux qui abondaient dans les
bois? L'isard se perd, le sanglier est un mythe, Tours
tourne à la légende. Plus d'émotions, plus de rencontres
formidables et inattendues, plus de lutte entre la bêle
blessée et l'assaillant. Les armes à feu ont détruit les
hôtes des bois : avec le fusil le combat est inégal pour
les botes fauves ; elles ne peuvent plus lutter, ni de force,
ni de rapidité, ni d'adresse : la balle atteint et devance
les plus légères, perce les plus dures, abat les plus puis-
santes.
La flèche était plus courageuse. Il n'y a plus lieu de
dire aujourd'hui que « la chasse est l'image des com-
bats. » Le vieux proverbe radote.
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231
Lorsque je vois les bestiaires des cabanes d'Ustou me-
ner en laisse déjeunes ours avec une chaine bouclée aux
narines, et faire exécuter des exercices forains aux mi-
santhropes des montagnes, je ne puis m'empêcher de
douloureuses réflexions sur ces derniers spécimens d'une
race condamnée à disparaitre dans les Pyrénées.
D'après une seconde disposition de la même charte de
Sacourvielle, « lesdits habitants ont la faculté de prohi-
« ber la chasse et la pèche, dans le district de leur juridic-
if tion, à toutes sortes de personnes. »
Cette clause en dit long à ceux qui connaissent le van-
dalisme des braconniers luchonnais et Tintolérance des
propriétaires.
Nous savons encore, par le passage suivant emprunté à
un autre acte, que le comte de Comminges se réservait
« ez parts qui lui compétent, à sçavoir : la hure du san-
glier et la jambe gauche du cerf, sur tous ceux qui se-
raient occis à Bagnèrcs et autres lieux. »
Les lieux célèbres dans les annales de la famille com-
tale sont très nombreux.
En amont du pont de Mousquères, sur le plateau de la
Saunère, vous auriez pu voir, si elle n'eût disparu dans
les travaux de la route, une pierre presque aussi fameuse
en son genre que le dolmen de Mitj-Aran. Là s'asseyait
le bailli de Fronsac, lorsqu'il venait, au nom de son maî-
tre, rendre la justice aux habitants des trois vallées.
Ce siège patriarcal était placé sous un arbre, coutumes
antiques renouvelées des anciens peuples chez lesquels
les actes de la vie publique s'accomplissaient en plein air,
près d'un arbre et sous son abri.
Pour ceux qui connaissent l'humeur processive des
justiciables, le rôle du Salomon commingeois n'était pas
une sinécure. Le canton de Luchon, et plus spécialement
la vallée de Larboust, sont une petite Normandie.
On a parlé du château de Castel-Blancat, qui n'était pas
un fief, mais une propriété particulière que le seigneur
n'avait pas inféodée.
Dans le haut Larboust, le village de Castillon (en patois
Castety château, et Castilloun, petit château), est ainsi
nommé, dit M. Castillon d'Aspet, du château-fort que
Bernard VI fit bâtir et dans lequel il se retira lors de la
guerre contre les Aragonais.
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232
La vallée d'Astau est dominée par une tour construite
par les comtes de Comminges.
Le fort d'Aubespin ou d'Albespin, dont il ne reste plus
trace, fut élevé, par ordre de Centule II, comte de Bigorre,
lorsque Landit et Bernard IV lui eurent enlevé le Lar-
boust qui faisait partie de la seigneurie d'Aure.
Le château de Daubernum, situé près de Garin, a éga-
lement disparu. Selon l'historien Marca, il commandait
le pays à une très grande distance.
Enfin le port de Venasque, élargi d'abord par Annibal,
fut élargi de nouveau par les soins des comtes de Com-
minges ; les travaux qu'ils y firent exécuter déterminèrent
les trafiquants à abandonner la passerie du port de Coum
ou port de la Glère.
9. Premiers Apôtres des Garumnes
Saturnin, Exupère. — Les Bénédictins, -— Les chevaliers de Saint-
Jean. — L'épiscopat du Comminges. — L'évêque saint Bertrand.
Ce serait laisser une lacune dans notre œuvre que de
passer sous silence les apôtres des Garumni.
L'établissement du christianisme chez les Convènes se
rapporte à Tan 250, époque à laquelle Saturnin, évêqiie
de Toulouse, aurait évangélisé le midi de la France.
La religion du Christ fit pendant un siècle des progrès
continus mais insensibles. Fidèles aux dieux <ie leurs
pères, les Celtes continuèrent leurs adorations aux invi-
sibles génies de leurs montagnes, Gar, Abellion, Iscittus,
Ilixon, jusque dans le iv* siècle. C'est alors que définiti-
vement ils embrassèrent la foi nouvelle, grâce aux prédi-
cations d'Exupère. Ce dernier, évangélisateur des Garum-
nes et des Convènes, était né dans le petit village d'Arreau
et descendait de l'antique tribu des Arrevaces.
Entre les ordres religieux, un des premiers qui s'éta-
blirent dans le canton de Luchon fut Tordre dos Béné-
dictins. Une colonie de ces moines paraît se fixer dans le
Larboust au x* siècle. D'après Castillon, c'est par les
soins du chapitre de Comminges et par le zèle des Béné-
dictins que furent construites les églises des deux val-
lées, diminutifs charmants des grands monuments de
l'art roman et gothique. Les architectes furent sans
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233
doute des religieux, artistes inconnus, ignorés d'eux-
mêmes et accomplissant simplement de belles choses.
Par une coïncidence remarquable, l'Ordre, après avoir
couvert -le Larboust d'une parure d'églises, nous a laissé
sur son histoire les documents les plus précieux, en sorte
que, jusqu'à un certains point, ce pays lui est redevable
de ses monuments et de son histoire.
Comme il est fort malaisé de citer des noms propres,
nous aurons recours ici au système déjà connu et mis à
profit, d'après lequel, à défaut d'individus, on met en
scène, comme personnaHtés collectives, tous ceux qui, au
même titre et avec la même mission, séjournèrent dans
nos régions.
Par l'intérêt historique et dramatique inséparable de
leurs personnes, les Templiers feront Tobjet d'un article
à part ; nous parlerons d'abord des Frères hospitaliers de
Saint'Jean^ qui rentrent églementdans notre sujet.
Ce sont les frères de Saint-Jean et les Templiers qui
ont construit la plupart des anciens hospices pyrénéens.
On voit un seigneur de Comminges accorder des conces-
sions à deux communes des environs de Ludion, en sti-
pulant des garanties contre les chevaliers, — « à condi-
« tion, dit le texte même, que lesdites terres et passeries
cf de Salles et d'Antignac ne pourront être données en
« surfief, ni à aucune église, ni aux chevaliers de Saint-
«f Jean, ni aux seigneurs indirects. »
Depuis l'institution de l'épiscopat convénien, en la per-
sonne de Suavis, nos trois vallées durent relever de Lug-
dunum, quant au spirituel.
Par les devoirs de leur ofïice, les prélats de la métro-
pole furent les visiteurs obligés de nos aïeux, à moins
d'admettre que la visite pastorale fut inconnue à cette
époque. Si l'on en juge par ce qu'on voit aujourd'hui,
cette partie de leur ministère ne fut pas la plus désobli-
geante ; ils durent montrer une singulière prédilection
pour une ville que les administrateurs de tout genre se
réjouissent de posséder dans leur juridiction : aux agré-
ments du séjour, elle joignait, pour plaire à leurs sei-
gneuries, des eaux salutaires.
Il est vrai que, jusqu'au x' siècle, Luchon n'exista que
dans les futurs contingents ; elle était en puissance seule-
Rsf UB D£ CovMiNGKs, 3* trimesire 1893. Tous X. — 17.
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334
ment; les thermes formaient son embryon. Les prélats
postérieurs à cette date furent les seuls à profiter de la
station. Et puis, outre que la liste de nos métropolitains
n'a pas été faite, depuis Suavis jusqu'à Abraham sous
Charlemagne, nous manquous même de documents véri-
tablement intéressants pour les époques subséquentes.
Aussi les évoques de Comminges ne figureront que pour
mémoire, parmi nos visiteurs illustres, jusqu'à Tépisco-
pat de saint Bertrand.
Saint Bertrand e^it l'un des hommes éminents qui,
pour avoir foulé le sol de Luchon de leurs pieds illustres,
en ont fait une terre historique. L'imagination populaire
idéalise la vie du saint. Comme certains hommes fameux,
il a eu le privilège de la légende ; c'est ainsi qu'avec une
baguette d'osier il tua un crocodile, dans un pays où cet
animal oncques n'exista, et que sa mule, d'un coup do
pied, fit voler un roc on éclats. Que si tout cela passait
les limites de votre crédulité, on vous montrerait le corps
du miracle, consistant en une peau de crocodile appen-
due, comme un bas-relief fantastique, aux murs de la
cathédrale de Saint-Bertrand.
Et puis, souvenez-vous que nous sommes au xii" siècle,
au temps des trouvères et des troubadours ; les faits et
gestes consignés es cycles mérovingiens et carlovingiens
laissent bien loin le légendaire du saint.
Après la canonisation du célèbre évèque, Lyon de
Comminges prit le nom de Saint-Bertrand.
Si le saint fit plus d'honneur à la cité en lui donnant
son nom, que la cité n'en fit au saint en le prenant, la
chose n'est pas douteuse. La ville de Pompée, la métro-
pole des Convènes n'était que Tombrc d'elle-même.
Durant son fécond épiscopat, le grand prélat entreprit
à maintes reprises le voyage de Luchon où son nom est
resté extraordinairement populaire. Les prénoms de
Bertrand et de Bertrande sont portés encore aujourd'hui
par une notable partie de la population. Mais, de toutes
ces tournées, celle qui est restée plus spécialement dans
le souvenir de ses ouailles luchonnaises est celle qui se
rapporte à saint Avenlin. Le corps d'Aventin, martyrisé
au IX' siècle par les Maures, ayant été découvert par
miracle, après plus de deux cents ans, le saint évèque
s'empressa de se transporter sur les lieux. Il assista à la
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translation des restes et consacra Toratoire destiné à les
recevoir.
10. Les Templiers
Le voyageur qui, dans le cours de ses pérégrinations
aux environs de Luchon, visite Garin, ne se douterait
pas, à la vue de Tantique chapelle située près de ce
village, quels en furent les architectes! Ce n'est pas
qu'on ne remarque dans les lignes de sa simple archi-
tecture je ne sais quelle grâce et quelle harmonie.
Les artistes du moyen âge savaient imprimer un carac-
tère inimitable aux édifices les plus modestes ; dans
l'arcade qu'ils ont arrondie sur une voûte, dans l'ogive
qu'ils ont dessinée, on retrouve le cachot de l'art, secret
perdu et que nos contemporains n'ont pas retrouvé. Mais
à moins que l'écusson sculpté sur la pierre ne révèle au
voyageur les architectes inconnus, ces monuments, sans
histoire et sans prétention, n'ont pas d'intérêt jusqu'à co
que l'évocation des temps antérieurs ou, comme à Garin,
le fantôme des Templiers, éveille la curiosité et anime les
pierres même.
Après avoir pris de front l'Islamisme dans les contrées
de l'Orient, les Templiers l'attaquèrent sur les frontières
de la Chrétienté ; c'est vers la lin du xiu'' siècle principa-
lement qu'ils se multiplièrent par toute l'Europe.
Nous les trouvons établis dans laBigorreetdansleCom-
minges, où une commanderie avait son siège au lieu
appelé actuellement MoiUsaunés. Les vallées même de
Luchon et du Larboust furent enserrées dans le vaste
réseau des commanderies ! N'étaient-elles pas limitrophes
de l'Espagne, et la péninsule ne fut-elle pas longtemps un
foyer perpétuel d'invasions musulmanes? Ou, si les
Maures n'étaient plus en état de nuire à la France, ne
fallait-il pas relever les ruines qu'ils avaient faites dans
les Pyrénées, bâtir des églises, élever des hospices? Che-
valiers et moines en même temps, ils unissaient, pour
combattre les infidèles, deux sentiments énergiques : la
religion et l'esprit guerrier. Les mêmes mains qui por-
taient le glaive tenaient encore la truelle.
Si nous recherchons sur notre territoire quels sont les
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édifices qu'ils ont construits, nous en trouverons un
certain nombre.
En regard du château de Guran, sur la montagne
opposée, en suivant Tancienne route, vous arriverez aux
ruines d'une petite chapelle des Templiers, bâtie au-des-
sous du village de Burgalays. C'est par là que passait
Tancîenne voie gallo-romaine, allant des thermes onésiens
à Lyon des Convènes : les ruines de deux âges et do
deux civilisations, Tune près de Tautre !
Sur le chemin de Thospice de Vénasque, au bord des
pelouses de Jouéou, git un amas de pierres à côté de
murs s'élevant à peine à fleur de terre. Ce sont les
vestiges d'un château et d'un oratoire dont l'origine
remonte à Tordre du Temple*.
D'après une légende recueillie par M. l'abbé Ferrère,
on raconte que, durant un hiver rigoureux, la neige ayant
chassé les loups des montagnes, ces animaux se répan-
dirent dans les vallées et bloquèrent les moines dans
leur demeure. La faim avec ses angoisses se faisait déjà
sentir parmi les assiégés, lorsque l'un d'eux, mu par une
inspiration du ciel, sortit au devant des loups en élevant
une croix, et les mit en fuite.
Nous avons parlé déjà de l'oratoire de Garin, situé au
milieu d'un cimetière, sur une éminence, près du village
de même nom. Il est celui des trois qui se trouve en meil-
leur état de conservation. Anciennement était enchâssée
dans le mur une pierre portant l'écusson des Templiers
et révélant l'origine de l'édifice ; elle a été enlevée, dit
M. Lambron, et remplacée par des pierres sèches.
Ceci ne vous fait-il pas songer, malgré vous, à l'histoire
de VEcu changé en feuilles sèches que vous avez lue dans
un roman célèbre?
Cette pierre historique, dérobée au vieux monument de
Garin, est un de ces délits audacieux imputables à de
certains savants. Ces prétendus conservateurs d'anti-
quités, qui protestent avec chaleur contre la bande noire,
sont eux-mêmes les pires démolisseurs : véritables van-
dales dignes de ceux qui détruisirent Valcabrère, vanda-
1. Ces pierres et ces vieux murs onl servi à conslruire an chàlet apparlfnanl à
M. Laront-Lassalcs cl édifié sur remplacemcut de rancieDuc chapelle préceplorale. Eu
creusant les Tondalious, on a découvert un boulet eu fonlc, deux fers de lance, une hadie
eo silax et une diiaine de squelettes d'hommes- géants.
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los civilisés il est vrai, car c'est au nom de la science qu'ils
dévalisent les monuments, tandis que les Teutons de
l'invasion étaient plus sincères: ils pillaient pour piller,
et ils s'en faisaient gloire.
Dépouillée de l'écu des Templiers, la chapelle de Garin
n'^ plus de sens historique et ne dit rien au touriste.
Le blason de l'Ordre a dû enrichir quelque musée, ou
embellir le cabinet d'un antiquaire. N'était-il pas mieux
dans la vieille muraille, comme une signature d'architecte,
que dans le capharnaûm étiqueté où nul n'y prend
garde?
On sait quelle fut la fin tragique des moines guerriers.
On leur imputait avec raison les plus grandes fautes;
mais le crime secret et fatal qui pesa du plus grand poids
dans la sentence des juges, ce fut leur puissance, ce
furent leurs richesses.
Le pape étant venu à mourir, Philippe le Bel, roi de
France, promit à Bertrand de Goth de l'élever sur le
trône pontifical, à condition que le nouveau chef de
l'Eglise l'aiderait à détruire l'Ordre.
Singulière coïncidence : Bertrand de Goth avait été
évêque de Comminges, et les Templiers de ce diocèse
virent, dans la suite, abolir leur corporation, par un
homme qui avait été leur chef comme évêque, avant do
l'être plus souverainement comme pape !
Vers la fin du mois do septembre 1307, on fit tenir à
tous les baillis et gouverneurs provinciaux des lettres
closes, revêtues du sceau particulier du roi, avec com-
mandement, sous peine de mort, de no rompre le cachet
que dans la nuit du 12 au 13 octobre. Le secret fut éton-
namment observé. A l'heure prescrite, les baillis ouvri-
rent les lettres : c'était l'ordre de se saisir immédiatement,
dans leurs districts respectifs, de la personne des Tem-
pliers, en sorte que le même jour, et pour ainsi dire au
même instant, les moines furent arrêtés dans toute l'éten-
due du royaume.
On évalue à vingt-un le nombre total de ceux que l'on
prit, en exécution du mandat royal, dans le Comminges,
le Languedoc et la Bigorre.
Les onze Templiers de la Bigorre, conduits à Auch, dit
un écrivain déjà cité, furent exécutés avec leur dernier
commandeur, Bernard de Montagut.
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Le procès du Temple, qui se prolongea pendant sept
ans devant le tribunal du roi de FVance, dure encore
devant Thistoire.
Qu'on nous passe ces digressions. Le sentiment de la
nature, même en des lieux où elle est si belle, n'est pas
tellement exclusif qu'on n'aime à y joindre les rémiûis-
cences du passé.
Un château démantelé, une ancienne église, un pont en
ruines, une légende, une anecdote, tout ce qui fait vivre
l'homme en d'autres temps et avec d'autres idées, donne
au paysage un attrait, un charme de plus.
Le souvenir du Temple revêt les murs de Jouéou, de
Burgalays et de Garin d'une sorte de poésie sévère ; il
nous transporte dans un âge mystérieux, au milieu de
personnages non moins énigmatiques. Puis, à l'aspect des
belles montagnes environnantes, il vous prend une rêve-
rie lorsqu'on pense à tous les hommes qui sont passés
au sein de cette nature magnifique et indifférente !
Il ne reste aujourd'hui de l'Ordre d'Hugues de Payens,
dans le district de Luchon, qu'une chapelle, les fonda-
tions de deux autres, une légende et une expression pro-
verbiale qui s'applique aux buveurs émérites.
La corporation est tombée, les oratoires ont à peine
survécu jusqu'à ce que leurs débris eux-mêmes tombent
en poussière, laissant à l'histoire, qui ne périt pas, le soin
de nous rappeler les Templiers.
ASTRIÉ.
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LES HUGUENOTS EN C0MMIN6ES
d'après
les Papiers des États conservés à Muret
(Suite V
I
VERS 1555
Requête du Sindig du comté de Comminges
AU Parlement de Toulouse
Cette requête adressée au Parlement de Toulouse, sansdate^ mais
que nous estimons remonter à l'année 1555 environ, nous montre
que vers cette époque le comté commença à éprouver les premières
attaques des Huguenots. Il n*y avait pas de Religionnaires dan«
rintérieur du pays : ceux qui résidaient à Mauvaisin et à Montfort
firent invasion dans le Comminges qui n'était guère, on va le voir,
en état de se défendre 2.
A Nosseigneurs de Parlement,
Supplie humblement le scindic du pays et comté de
Comenge que pour raison des trobles et séditions advenus
[par suite] de l'introduction de la nouvelle religion ,
l'expérience a démonstré tout le monde estre esmeu, et
combien dans le comté de Comenge, grâces à Dieu, ne
soit adveneue esmotion ne sédition pour raison de ce,
néanmoings despuis peu de jours en ça, aucuns super-
bes, arrogans [auroient] eslu leurs azyles es lieux de
Mauvesin, Montfort et aultres joignans et aboutissans
1. Voir la livraison du l*' trimestre 1895, pages 106-ltO.
2. De 1545 à 1555 les comptes, approuvés par les États, Tonl mention de rares passages
de troupes en Comminges. On ne voit pas trace de garnisons permanentes.
Le roi Tait d'incessantes levées d'argent afin d'entretenir les armées qu'il organise • pour
la tnytiOQ dd royanlme. > {Archives de Muret, L. 47, passim.)
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840
aud. pays de Comenge, usans de menasses, non seulement
de invasion es villes dud. Comenge, mais piller et sacca-
ger tout ce qu'ilz trouvent dans les villes et à la cam-
pagne, prenant colère et audace sur ce que aud. pays et
comté de Comenge n'y auroict gendarmerie à pied ne
à cheval assemblée, sy que entre les scindiez de la
noblesse y auroict quelque contention soubz prétexte de
laquelle ne soict raisonnable, moings tollérable [que]
ledict pays fut surprins.
Ce considéré et que les invasions susdictes sont
notoires et patentes comme sont bien les menaces de
ceulx do la nouvelle religion, lesquelz taschent de jour
en jour eulx renforcer, vous playse ayant esgard à la
scituation du pays, dangier et inconvénient qui en pour-
roit résulter etc., permettre aux habitants du comte
de choisir quelques personnes expérimentées pour aviser
à la sûreté des villes et villages du Comminges.
(Archives de Muret, liasse 40.)
II
1562. — 28 OCTOBRE
Commission de B. de Monlug a MAimEU
DE Gramont
M. de Gramont est nommé commissaire des vivres pour rentre-
tien des troupes qui doivent aller en Armagnac et en Comminges.
Blaize de Monluc, seigneur dud. lieu, chevalier de
Tordre du Roy et cappitaine de cinquante lances de
Sa Majesté, [à] Mathieu de Gramont, salut.
Comme pour la tuition et deffence des pays de Tlsle
en Jourdain, la Serre , de la comté d'Armaignac,
Samathan et Tlsle en Dodon en la comté de Commenge et
autres lieux circonvoysins auxd. comptés, soict besoing
envoyer forces pour fayre obéyr aulx éditez et ordon-
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841
nances du Roy et pour ce faire y tenir forces et à ceste
occasion do lever et envoyer une partye de la corapaignie
du Roy de Navarre tant hommes d'armes que archiers,
Nous à plain confians de vos sens, fidélité et prompte
diligence, vous avons commis et depputé et par ces pré-
sentes commectons et depputons commissaire pour l'as-
siette des lougis et vivres qui pour ce faire leur seront
nécessaires en payant de gré à gré, avec modération de
taux, à ce appellant les magistratz, consulz et juratz desd.
lieux, pour le service de Sa Majesté, bien, reppos et sou-
laigement desd. subjectz, et de ce faire, en vertu du pouvoir
à nous donné, vous mandons plain pouvoir, auctorité et
comission et mandement spécial, mandons et comman-
dons à tous justiciers, officiers et subiectz dud. sieur, vous
obéyssent sur peine de rébellion.
Donné à Agen, soubz nostre seing et cachet, le vingt
huictiesme jour d'octobre mil cinq cens soixante-deux,
de Monluc, ainsin signé. Et au dessoubz : par le com-
mandement de mon dict seigneur : Lauzit.
CoUationné à son propre original : Grifollet.
Coppie de commission de Monseigneur de Montluc.
(Simple copie. — Archives de Muret, liasse 40.)
III
1567. — FÉV.-JUILLET
Requête du Pays de Comminges
A Blaise de Monluc
Les ch&tellenies du comté de Comminges rançonnées par Tiliadet
de Saint-Orens, lors delà querelle des gentilshommes huguenots de
Fontraille, de Solan et de Roquemaurel, demandent remboursement
des sommes avancées par elles en faveur des villes de Saint-Girons
et de Saint-Lizier, et l'élargissement de quelques prisonniers. —
Ordonnance de Monluc à ce sujet.
La présente requête sera suffisamment éclaircie par Textrait
suivant d'une lettre de Monluc au roi Charles IX : « âire^ j'ay
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s»
arresté d'advertir vôtre Majesté des insolences que fait le jeune
Fontraille frère du séneschal d'Armaignac, au hault Comenge, à
vos subjects et aux gens d'esglise, pour ce que je pensoys tou-
jours qu'il se réduyt Il n'a aucane religion, car autant de
pilleries fait-il sur les ungs que sur les autres s'ils ont de quoy.
11 n'y a bénéfice qui ne soit voulé ny marchant qui ne soit ran-
çonné Et depuis six mois il s'est ralyé avec le sieur de Solan,
qui est son beau-frère et celluy qui s'est jeté dans Pamyer après le
massacre Ledict Solan est bien de la Religion nouvelle, et il est
intervenu une querelle entre ealx deux, les Roquemaurelz. qui sont
aussi de la nouvelle religion Ils se sont retirés à une ville,
nommée Sainct Giron, que la moytié est au visconte de Fymarcon,
oncle dudict Fontraille; et Rocquemaurel et ses gens ont esté
contraincts se jeter dans une autre ville qui est à vostre Majesté, et
se font la guerre guerréable ; et tout aux despens de vos subjects,
qui faut que, dès qu'ilz ont leur mandement, leur apportent argent
et vivres à volunté. » fCommenlaires ol Lettres de B. de Monluc. —
Edition de M. de Ruble, t. V, p. 77. 14 février 1567.)
Monluc eut ordre de pacifier cette querelle dont le Comminges
a souffert : «... Nous vivons en paix par toute ceste Guyenne, sans
ceste querelle particulière, qui est au hault Commenge, où le Roi
m'envoye. » flbid, p. 86. — Lettre aux Capitouls de Toulouse.)
A Monseigneur de Monluc, chevalier do Tordre du
Roy, cappitaine de cinquante hommes d'armes et lieute-
nant général pour Sa Majesté en Guyenne.
Très humblement vous remonstrent les consulz des
villes de Muret, Samathan, Aurignac, TIsleen-Dodon et
aultres du pays de Comenge, que par mandement du Roy,
pour raison des différants qu'estoicnt entre les Seigneurs
du Solan et Roquemaurel, vous auriez faict conduire
certaines compaignies es lieux de Sainct Girons et Sainct
Lizier, par le seigneur de Sainct Orens, colonel de la
légion de Guienne, lequel soy-disant commissaire par
vous depputé auroict procédé à la cottisation de certains
vivres et munitions pour estre portés esd. lieux de
S* Girons et Sainct Lizier, scavoir, la chastelenie d'Auri-
gnac cent cestiers de bled, cinquante motons, quinze
pipes de vins, et le semblable sur les chastelenies de
Muret, Samathan, TIsle-en-Dodon et aultres, et à ce
payer auroict despéché constraincte à la peyne do cinq
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3i3
cens livres, et de prison, et en vertu d*îcelle constraîncte
auroyent esté emprisonnés ung grand nombre do person-
nes dud. Comenge, et saisir plusieurs biens, le tout à la
poursuite des sindicz des villes de Sainct Girons et Sainct
Lizier, à quoy satisfaire ce pouvre peuple ne pourroict,
estans très expressément prohibé et defïendu à tous les
subiectz du Roy de ne imposer un seul tournoys sur peyne
de leurs vyes et de deniers communs et patrimoniaulz.
Il n'ont rien, joinct que ceux de Sainct Girons ne contri-
buent pour aides sy n*est aux deniers des tailhes, en
Comenge, lequel aussi de sa part n'est tenu, pour ce faict,
les secorir, mesme attendeu que de leur part y a de la
faulte, n'ayant faicte la justice qu'ils debvoient voyant les
insolances et maulvais faictz qu'en leur pays se comètent
et toutes foys aulcungs dud. Comenge, volontairement ou
à force, ont ilz pati et souffert, à raison dud. différant,
beaucoup plus grand despence et folle, que ceulz dud.
Sainct Girons, et a iceulz secoureus et aydés, en sorte
qu'ils n'ont tant souffert de leurs biens comme ilz
demandent.
Ce considéré, et que vous estes amateur du peuple et
observateur des Edictz et Ordonnances du Roy et néan-
moings informé de la pouvreté dud. pays, et que si lesd.
villes de Sainct Girons et Sainct Lizier ont faict quelques
frais et despence, desquelz demandent remborcement, ce
a esté voluntairement, dont le peuvent répéter, vous
plaise exempter et descharger led. pays de Comenge
desd. frays, despence et cotisations, à tout le moingz où
il y auroict lieu de remborcement au profict desd. habi-
tans de Sainct Girons et Sainct Lizier, qu'ilz auront leur
recours sur les biens desd. de Solan et Roquemaurel,
afïin que le pouvre peuple impuissant ne souffre et porte
la peyne, faisant inhibition et deffence ausd. habitans de
Sainct Girons et Sainct Lizier de ne, pour raison de ce,
vexer lesd. habitans du pays de Comenge à peyne de
quatre mil livres, et ceux qui sont prisonniers, eslargîs ;
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Sii
et la récréance desd. biens prins, octroyée purement et
simplement.
Et ferez bien.
Pour les supplants :
PONTIC, scindic.
Veue la présente requeste, et estans deuement advcr-
tis et acertenés que la grande et excessive despence y
mentionnée n'a esté faicte et moins cottizéo par nostre
consentement, ordonnons que tant lesd. supplians que
consulz et trésorier de Sainct Girons et Sainct Lizier
comparoistront en leurs personnes par devant Nous, à
certain et compétent jour, auquel apourteront tous les
Estatz et comissions par eulz obtenus de Nous et du
cappitaîne Tilhadet, fraiz et despence par eulz faictz,
depuis nostre venue ausd. lieuz de Sainct Girons et
Sainct Lizier, jusques au partement dud. cappitaine Til-
hadet \ pour eulz ouys et lesd. supplians, leur estre sur
ce, pourveu comme de raison, et cependant est enjoinct
tant ausd. Consulz et Trésorier dud. Sainct Girons et
Sainct Lizier et tous autres qui tiendront aucuns prison-
niers pour raison de ce dessus, de incontinent les eslargir
ou faire eslargir, ensemble leur délivrer tous et chascun
leurs biens qu*ilz pourroient avoyr saisis en vertu desd.
missives, à peine de dix mille livres, et à mesme peyne
leur est inhibé et defïendu de passer outr-o, ne rien tenter
en vertu desd. commissions. Si, donnons en mandement
au premier sergent sur ce requis, mettre ces présentes à
exécution, et faire tous exploictz nécessaires.
Faict à Cassaigne, le xi de juillet mil v*' lx. vu.
DE MONLUC.
Par commandement de mond. s'
Lauzit.
(Pièce originale. Signature autographe. — Arcliives de Muret, liasse, 40).
1. Dans U lettre du 14 Tév. Monluc demandait qu'on CDvoyât Tiltadct de Saint Oreos
avec quatre cents hommes et il motivait ainsi son désir : • ... car ne faoll faire levées
de gens de ce pays de delà [du Haut-Commingcs], parce qu'iU sont presque tous psrens
d*uQe part ou d'autre. » [Ibid, t. Y, p. 82.)
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2i5
IV
1367. — 7 JUILLET
Lettre des Consuls d'Aurignac au Sindig du
Tiers-État de Comminges
Les consuls d*Aungnac pflFrayés par les insolences des Huguenots
et notamment par l'audace de ceux de Saint-Girons (voy. la pièce
précédente), demandent des renseignements sur Tétat des choses,
h Pontic, sindic du Tiers État.
Mons*" le Scindic. Nous sommes marrys de tant que
n'avons ouy de nouvelles de vous, des affaires du faict de
ceulx de Sainct Gyrons, que vous avons envoyé par deux
foys, et ne nous en avez rendu aulcune responce de rien
que ayés faict, par ainsîn vous prions que nous advertis-
siés en tout, comme est vostre charge et comment il nous
fault gouverner, car ne ausons aller, ny traficquer par les
villes aux foires et marchés, pour craintre d'estre prins et
arrestés noz biens et personnes, ainsin que journellement
les de Sainct Gyrons en preignent, et emprisonnent ceux
quMlz peuvent trouver, que sera ung grand intérestz et
domaige sy ne y donnez ordre et bonne diligence comme
scindic du pays, à ceste cause nous advertirés par escript.
Et sur ce, nous recommandans à vostre bonne grâce,
nous prions Dieu, Mons*" le scindic, que en sancté vous
donne longue et heureuse vye.
D'Aurignac ce vu™* julhet 1567, par ceux qui sont vos
bons amys :
Les Consulz d'Aurignac.
Mons% Mons"" Pontic, scindic du Tiers Estât du pays et
comté de Comenge, à Samathan.
(Archives de Murel, liasse 40.)
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246
V
1567. — Du 6 OCTOBRE AU 21 NOVEMBRE
Maintien de la garnison de Muret par le Parlement
ET PAR le Gouverneur de Toulouse
Pendant Tannée 1567, la garnison de Muret, composée de soldats
étrangers à la ville et de quelqaes-uns de ses habitants, était com-
mandée par le muretain Jean Mascaron, capitaine, sous la respon-
sabilité de Pierre de Bellegarie, «gouverneur en la ville de Tholose,
Comenge, Astarac et Bigorre en l'absence de M. de Monluc. » Les
États estimaient que le maintien de cette garnison était de la plus
haute importance. Un des sindics vint à Toulouse, représenter au
premier Président du Parlement que Muret « capitalle de la comté
de Commenge, faubourg et clef de ceste cité de Tholose » devant
être continuellement protégée, il fallait au plus tôt obliger Jacques
Bason» trésorier du pays, à payer à la garnison 2.000 livres qui lui
étaient dues'. Le 6 octobre, au nom d\i Parlement, du Tornoer
ordonnait aux villages composant la chàtellenie de Muret d'expé-
dier à la^arnison les vivres nécessaires^. Enfin, le 10 du môme
mois, Pierre de Bellegarde pressait le payement des hommes d'ar-
mes et en avertissait les sindics du comté.
Cependant, Arnaud Mauhé, sindic des villages, et Dominique
Pontic, sindic du Tiers Etat, croient savoir que Jean Mascaron,
gouverneur du château de Muret et capitaine de la garnison, n'est
i. Arch. de Muret, L. 54. — 11 parail que Ton n*ëtait pas parloul aussi empressé qu*à
Miirel à salisraire les compagnies. Mais alors celles-ci, recevant Tordre de qoiUer la place,
ne se retiraient pas avant d'avoir touché leur solde en entier, et, dans rintervaile, elles se
montraient irritées, presque ennemies. Voici ce que nous lisons, à ce propos, daos one
curieuse lettre adressée au sindic du Tiers Etal de Comminges par un gentilhomme com-
mingeois assez mécontent. Après avoir Télicité le pays qui va payer 2000 liv. à la garuîsoa
de Muret, il raconte quels traitements ont à subir deux mauvaises payeuses : il s*agit des
villes de Saint-Bertrand cl de Saiiit-Gaudens : « Au reste, Mons' le scindic, il est très
nécessaire que veue la présente vous alliez jusques à la ville de Sainct Bertrand prolester
contre Tevesque de Comenge et son clergé, de la folle que les troys compaignies qui ^oot
lancées. Tout sur le pays, â Taulle de b.iiller les deux mil livres par eulx offertes pour la
solde d'une compaignie. car, vous asseure, je suis délibéré les mettre toutes Iroys daos
leur diocèse jusques à ce quMIz auront satisfaict, et de mesme vous en faull faire au dergé
de Sainct Gaudens, car à occasion de eulx, les compaignies retardent de aller faire service
au Roy.... De Balesta, ce iv* octobre [1567]. Vostre bon amy : Roquefort. > {Ibid., L. 40.)
Les de Roquefort avaient entrée aux Etats de Comminges.
2. • La Cour, pour la nécessité qui se présente, mande aux consulz de Murel el aollres
lieux dépendants de la chastellenye de lad. ville, qu'ilz, incontinent el sans délay, por-
tent vivres nécessaires en icelle pour Penlrelénement de la gendarmerie séant en lad. ville,
soubz la charge du sieur de Bellegarde» chevalier de Tordre du Roy.
« Faicl à Tboloze, en ParlemeDl, le \i* d'octobre 1567. du Tobxoer. •
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247
pas exact à maintenir la garde : ils font dresser aussitôt un acte
de protestation contre lui^ Là dessus. Odet de Benque, député
par Bellegarde, vient h, Muret. Le 21 novembre il visite la gar-
nison. Il constate que la compagnie dé « noble Jean Mascaron,
sieur de Vilatte et de La Masquère » composée de 200 h. est « en
bon équipaige », que presque tous les soldats sont arquebusiers
« aptes à faire service au Roy », et en exécution d'un arrêt du
Parlement, il leur fait distribuer 1600 liv. tournois^.
Minute de la Lettre envoyée aux trois scindiez de
Comenge par le sieur de Bellegarde, pour Tentretien de
la compagnie du capitaine Mascaron.
Messieurs. Les urgentes et pressées affaires que le
Roy a en son royaulme, comme verres par la coppie de la
lettre envoyée à Monsieur de Monluc,... me contraignent
pour le debvoir de ma charge et gouvernement que j'ay
en ce pays, vous escripre la présente pour Tentretène-
menfc de la compagnie que j'ay commise en ceste ville de
Muret, à vous prier qu'il vous plaise signer le mandement
que ce porteur vous baillera, n'ayant trouvé plus expé-
diant moyen, ny moings onéreux que de prendre sur tout
le pays, par les mains du trésorier, la somme de 2000 1.
qui sera pour la solde d'ung mois, à la charge que led.
trésorier, aux prochains Estatz, sera content du principal
et inlcrest,qui sera Tendroict, Messieurs, où je me recom-
mande bien de bon cœur à voz bonnes grâces.
De Muret ce x" octobre 1567.
Vostre bon amy.
A Messieurs, Messieurs de Saman, archidiacre de
Lombes, scindic de TÉglise, de Benca [de Benque], scin-
dic de la Noblesse, et Pontic, scindic du Tiers Estât des
Estatz de Comenge.
(Archives de Muret, liasse âG)
1. Ardi. do Muret, L. 54.
2. Arcb. de Muret, L. 5G. - Ibid., L. 54.
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348
VI
1567. — d'octobre a décembre
Requête des États a P. de Bellegarde
AU sujet de la garnison établie a Samatan
Après la pacification de la querelle des Soquemaurel et Solan,
des garnisons furent laissées à Saint-Girons et à Saint-Lizier '.
Vers la fin de la même année, M« de Gramont en établissait une à
Samatan, sous les ordres du baron de Larboust. Elle ne séjourna
en cette ville que huit jours au mois d^octobre, et douze jours au
mois de novembre. Elle se composait de 28 h. d'armes, 24 archers
et leurs chefs 2. Monluc ayant ensuite expédié cette poignée de sol-
dats à Auch et à Gimont, ils déclarèrent, à leur retour, ne vouloir
quitter Samatan que s'ils étaient payés parles Etats deComminges
comme s'ils eussent tenu garnison sans interruption. Les capitai-
nes Mons et de Beaurepaire vinrent môme à l'assemblée des Etats,
réunis à Muret en décembre 1567, pour réclamer insolemment et
avec menaces. La pièce suivante rappelle ces faits et montre les
États députant à Toulouse, vers M, de Bellegarde gouverneur en
l'absence de Monluc, Mathurin de Sabonnières, abbé d'Eaunes, et
M. de Gensac, pour obtenir protection et se faire rendre justice.
Monsieur,
A la teneue de ces Estatz du pays de Comenge s'est
présentée une difficulté d'entre la compagnie du sieur de
Gramont, estant en garnison en la ville de Samathan,
ausquelz combien eust esté mandé par Mons"" de Mon-
luc de vuyder lad. ville de Samathan et aller en gar-
nison en la ville de Lauzerte et Castelnau... ilz ne
auroient à ce voulu obéyr qu'ilz ne fussent payez entière-
ment jusques à présent, combien leur eust esté remons-
tré qu'ilz ont esté, par vostre mandement, envoyez pour
le service du Roy vers Aux et Gymont, où ilz ont vescu
1. « Le sindic |(iu Tiers Etat de Comminges] a remonslré les différens des sieors de
Kocqucmaarel et Solau. -> Deux particuliers ayant sollicité de supplier le sieur de Monluc
la garnison estre vuydée, Monsieur de Borderia [juge en Comminges] dict qu'elle n*aaroict
esté ordonnée que sur le bien des parties. — Lcdicl Calialby [sindic | dict que les coin-
paignies ont esté lougées es villes de Sainct Lézé et Sainct Gyrous pour espargner les f il-
laiges, que à ce» soit eu esgard. > {Arch. dt Muret, L. 54.) Gabier des délibérations des
Etats.
2. Déclaratioa du baron de Urbpyst sur son séjour à Samatan. fArch» de Mur A, L. 56.)
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2i9
aux despens du peuple, au moyen de quoy n'estre raison-
nable quMlz fussent payés durant led. temps sur lad. gar-
nison, et pour oster toute combustion, pour ce qailz ont
présenté une lettre dud. sieur do Monluc postérieure,
par laquelle estoit mandé ausd. habitans de contenter
lad. compaignie, avec grandes menaces, comme il vous
plaira voir par lad. lettre, pour oster toute confusion on
leur a présenté de les payer pour les jours qu'ilz ont
demeuré absens dud. Samathan à raison dô vingt-deux
solz six deniers pour homme, chascun jour, à quoy
reviennent les gaiges du payement de la solde de chascun
homme d'armes; mais la friandise qu'ilz ont trouvée
d'estre payés à ung taux que le lieutenant de leur com-
paignie et les consulz ont faict revenant pour jour à
troys livres, troys solz, six derniers, faict qu'ilz ne veu-
lent pas se contenter. A cause de ce, le pays a députté
Mons*" Tabbé d'Eaulnes et Mons*" de Genssac pour aller
devers vostre seigneurie pour leur pourvoir là dessus par
vostre moyen, ou par lettre aud. s*" de Monluc.
De Muret, ce 18 décembre 1567.
Vos très obéissants serviteurs, les gens des Estatz du
pays et comté de Commenge ».
L'original de ceste lettre a esté envoyé à Mons"" de
Bellegarde par Messieurs des Estatz de l'assemblée, le
xviii décembre 1567.
(Archives de Muret, liasse 56.)
i. Voici le billël par lequel Moulue ûl connaître sa décision : i Messieurs les Consniz
de Samatan. Après que j*ny eu eulendu les fraiz que vous avez Taiclz pour la compaignie
du sieur de Graroonl, j'ay advisë de pourvoir à ce et ay ordonné que vous iei:r baillcriés
pour gendarme trente soubz par jour, et à Téquipolunt pour les archiers, pour quatre
jours seullement, el pour ce vous ay volu escrire celte lettre aflln que satisfassiez à ce
désir. Priant Dieu vous avoir. Messieurs de Consulz, en saincte et digne garde.
« Agen. le 4~ de janvier 1568.
« Vostre bon amy. - B. DE MONXUC. »
(Pièce originale. Signature autographe. — Archives de Muret, liasse 61.)
Rktub db CoiiiiiGBS, 3* trimestre i895. Tomi X. — i8.
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950
VII
1568. — 4 AVRIL
Tableau
des indemnités dues aux villes et villages du comminges
dressé par ordre de monluc.
Les Etats entrèrent d'eux-mêmes en conciliation avec les con-
suls de Saint-Girons, relativement aux sommes que les chàtelleuies
du Comminges réclamaient a cette ville. D'après Taccord passé
chez G. VernioUe, notaire à Muret, en décembre 1567, le comté
concédait 600 livres tournois k la communauté de Saint-Girons. —
Quant aux indemnités dues à diverses chàtellenies du Comminges,
B. de Monluc désigna J. deBorderia, juge en Comitiiuges, pour les
déterminer. De Borderia s'adjoignit trois commissaires. Le « Rôle »
dressé par ces députés indique le nom de deux capitaines qui, avec
Tilladet de Saint-Orens, vinrent dans le Haut-Comminges, pacifier
la querelle des Fon< raille, Solan et Roquemaurol : ce sont les capi-
taines Alexandre et Arapela.
Rolle de la Taxe, vérification et modération faicte des
vivres, fournitures et despence, par les villes et villaiges
du comté de Comengc, par mandement du seigneur de
Monluc, chevalier de Tordre du Roy, son lieutenant et
gouverneur général au pays de Guyenne, passant, allant
et séjournant led. sieur avec ses compaignies tant à pied
que à cheval, au Hault Pays dud. Comenge, contre les
Rebelles de la Majesté du Roy, faicte par nous soubz-
signés, commis et depputés par Monsieur le juge dud.
comté, commissaire par led. sieur à ce depputé, comme
s'ensuict :
I. — Premièrement a esté taxé aux consulz, manans
et habitans de S' Lizier pour la despence do bouche
faicte et fournie aud. sieur et sa suyte, tant à pied que
à cheval, et autres fournitures contenues et spécifïiées en
leur rolle, la sonime de neuf cens cinquante cinq livres,
pour ce 955 1.
II. — Aux consulZy manans et habitans de Belbèze pour
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m
cinq cestiers de bled, dix cestiers avoyne, dix quintalz de
foin, quatre moutons, ung veau, portés pour munition
aud. S* Lizier, la somme de quarante huict livres, pour
ce 481.
III. — Aux consulz et habitans de Caumont pour avoir
porté aud. S* Lizier deux quintalz et demy foin do muni-
tion, trente solz, pour ce 11. 10 s.
IV. — Aux consulz de Taurinhan pour troys cestiers
img Cartier do bled, troys cestiers avoyne, huict quintalz
et demi dix-sept livres foin, portés aud. S* Lizier, la
somme de dix sept livres onze sols, pour ce 17 1. 11 s.
v. — Aux consulz de Contrari pour huict cestiers bled,
huict cestiers avoyne, six quintalz foin, quatre moutons,
quatre cheveaulz, ung veau, portés aud. S* Lizier pour
lad. munition, quarante deux livres quatre solz, pour
ce 42 1. 4 s.
VI. — Aux consulz de Montesquieu pour dix cestiers
bled, vingt cestiers avoyne, dix quintalz foin, quatre
moutons, huict cheveaulz, ung veau, portés aud. S* Lizier,
septante neuf livres, pour ce 79 1.
VII. — Aux consulz de La Fitère pour huict cestiers
avoyne, troys quintalz trois carterons foin, deux mou-
tons, portés aud. S* Lizier, dix neuf livres six solz, pour
ce 19 I. 6 s.
viii. — Aux consulz d'Aurignac pour la despence faicte
aud. s*" de Monluc avec son train en passant, et aultres
choses contenues en leur rolle, troys vingtz dix livres,
pour ce , . . 70 1.
IX. — Aux consulz de Salyes et leur chastellenie pour
vingt ung cestier troys cartiers de bled, vingt deux ces-
tiers ung Cartier avoyne, deux vaches, vingt quatre quin-
talz et demy foin et vingt sept moutons portés et conduîcz
en la ville de S* Gyrons, de munition pour lesd. compa-
gnies, deux cens vingt-troys livres, ung sol, siz deniers,
pour ce 223 1. 1 s. 6 d.
X. — Plus ausd. consulz de Salyes pour la despence
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faicte par lesd. compagnies en passant, cent vingt livres,
pour ce 120 1.
XI. — Aux consulz de Sainct Julien et sa chastellenic
pour vingt cestiers bled, une vache, deux pipes vin, douze
moutons portés à S* Gyrons pour lad. munition, cent dix
huict livres dix solz, pour ce 118 1. 10 s.
xiT. — Plus ausd. consulz de S* Julien pour le passaigc
desd. compaignies, quinze livres, pour ce 15 1.
XIII. — Aux consulz de Goussens pour six cestiers bled,
deux pipes vin, portés à S^ Gyrons, trente huict livres
quatorze solz tournois, pour ce 38 1. 14 s. t.
XIV. — Aux consulz du Plan pour le souper du capitaine
Alexandre, dix livres, pour ce 10 1.
XV. — Aux consulz de Martres pour avoir contribué
ausd. compagnies avec ceulz de Palameni, trente cinq
livres, pour ce 35 1.
XVI. — Aux consulz de l'Isle-en-Dodon pour la des-
pence desd. compagnies, cinquante livres, pour ce. 50 1.
XVII. — Aux consulz de Samathan pour la despence de
la compagnie du capitaine Alexandre, cinquante livres,
pour ce 50 1.
xviii. — Aux consulz de Fronsac pour cinquante ces-
tiers bled, vingt-cinq cestiers avoyne, cinquante moutons,
six bœufs, six pipes de vin, portés par eulx et leur chas-
tellenic aud. S* Gyrons, pour ladite munition, quatre
cens cinquante deux livres, douze solz tournois, pour ce,
452 1. 12 s. t.
XIX. — Aux consulz d'Aspet pour quarante huit cestiers
de bled, trente cinq cestiers avoyne, quatre quintalz foin,
trente ung moutons, troys vaches, douze pipes vin, portés
aud. S' Gyrons pour lad. munition, quatre cens quarante
'deux livres tournois, pour ce . 442 1. 1.
XX. — Aux consulz de Salyes pour le passage du capi-
taine Ampela, vingt livres, pour ce 20 L
XXI. — Aux consulz d'Escanacraba pour le contenu en
leur rolle, cinq livres, pour ce 5 1.
XXII. — Aux consulz de Muret pour la despence faicte
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253
aud. s' de Monluo et sa suyte faisant la monstre aud.
Muret, deux cens livres, pour ce 200 1.
xxiii. — Aux consulz de Castilhon et leur chastellenio
pour cinquante cestiers bled, vingt quatre cestiers et
demy avoyne, quarante cinq quintalz troys carterons de
foin, cinquante cinq moutons, ung bœuf, quatre vaches
portés aud. S* Gyrons, pour lad. munition, quatre cens
cinq livres quatre solz, pour ce 4051.4 s.
xxiv. — Aux consulz de S* Gyrons, viscomté de Couse-
rans, et Lescure, la somme de six cens livres tournois
accordés par les gens des troys Estatz dud. comté de
Comenge leur estre baillés pour la demande de fournitu-
res par eulz faictes ausd. compagnies, suy vant Taccord et
instrument retenu par NP Gailhard Verniolle, notaire de
Muret, au moys de décembre mil cinq cens soixante sept,
pour ce 600 1.
Lesd. parties vérifiées, arrestées et calculées par nous
Anthoyne Cambornac, licencié, Bernard Cabalby et Do-
minique S* Pierre, comme dessus est spécifïié, montent
en somme universelle quatre mil dix sept livres, douze
solz, six deniers tournois. — En foy de quoy avons signé
le présent roUe et arresté par devant led. s*" Juge, le qua-
triesme avril mil cinq cens soixante huict.
B. Cambornac, comis. De S* Pierre.
B. Cabalbi, comis et De Borderia, juge et com-
deputté. missaire susdict.
Extraict de son original par moy greffier des gens des
Troys Estatz dud. pays et comté de Comenge, Cy soubz
signé : GALABERT.
. (Archives de Muret, liasse 40.)
Ce n'est pas seulement de la querelle des Fontraille, Solan et
Roquemaurel que le Comminges eut à souffrir en J567. En vertu
d'ordonnances du Parlement de Toulouse et de commissions de
Monluc, on fit sur divers points, en dehors du comté, des levées de
troupes destinées à secourir les places menacées et à renforcer les
armées royales. Le Comminges sillonné par ces hommes de guerre
contribua à leur entretien.
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354
Pour établir avec exactitude le compte général des frais occa-
sionnés alors, en cette seule portion du territoire, par les soulève-
ments des Huguenots, il faudrait connaître la dépense exigée par
l'entretien des garnisons aux chefs-lieux des chàtelleoies, les frais
que rendit nécessaire l'expédition k Saint-Girons et à Sainl^Lizier,
enfin, les dépenses causées par le passage des troupes étrangères.
Les « R(Mes » officiels présentés aux Etats réunis à Muret en avril
et on décembre nous font prendre du Comminges, en 1567, Tidée
d*un pays occupé militairement. Les hommes conduits par les
capitaines Tilladet de Saint-Orens, Parron, Malvoisin, Alexandre
passent à TIsle-en-Dodon et àPuymaurin *. Le capitaine Labastide
séjournant à Seysses somme les consuls de Saint-Thomas (chàtel-
lenie de Samatan) de lui fournir des vivres 2. Vous rencontrez des
troupes à T<^oalhan, Pompiac, Lautignac dans la ch&tellenie de
Samatan ; à La Fitère, au Plan, à Montberaud dans la chàtellenie
de Saint-Julien. On signale à Sabonnères (chàtellenie de Samatan)
le passage de 200 h. assemblés k Rieumes et k Bérat par le sieur
d*Andouffielle, sur ordre du Parlement. 200 h. passent à Frouz!ns
(chètell. de Muret) ayant k leur tête le capitaine La Borjasse, 200 k
Auriguac, etc'. Bardachin conduisant deux compagnies d'arque-
busiers traverse Lilhac et l'Isle-en-Dodon. Monluc a ordonné k ce
capitaine de lever dans les comtés de Comminges et d'Astarac
« le nombre de 600 arquebuziers k pied..., et iceulx tiendrés pcetz
pour le service du Roy Ik où par nous sera mandé, dit-il dans sa
commission, et pour courir sus k ceulz de ladite religion nouvelle
que trouvères estre assemblés en armes ».
Inutile d'insister sur les frais qu'entraîna pour le comté le pas-
sage de ces nombreuses milices *•
(A suivre.) J. Lastrade.
1. Archives de Miircl , L. 40 cl 55.
2. ' Conseulz de Siiincl Thomas. Veiic la pn'senlc venez parlera tnoy pour scavoir corne
« vous me logerez ma compagnie. Opcndanl ferès provision de vivres*.
• Me recommande à vons. De Seysses, le bien voslrc bon amy à vous fère plaisir :
Labastide. > 1567. fArch. de Mu el, L. 55.) Le capilaine Labaslide meoaii 300 b.
'A. Voyez, même L. 55, Pindicalion de In présence des iroupcs à Aurtgnac. Escauecrabo.
Martres, Mondavezan, Sainl-Ignan, Caslillon, Monlpezal (chàlell. d*Anrignac) ; à Fronsac.
(châlell. de ce nom); à Roques (chàlell. de Muret); à l^ibarihc-lnard (chàlell. d'Aspeli;
à Mauvesin (chàlell. de PIsle-en-Dodon), etc. — I^s 300 h. dn capilaine Rajordan à
Saint-Julien. — Passage de Iroupcs à Garravct el à Lombez (châlell. de Samatan) ; à Os-
telgailhard (chàlell. de risIc-en-Dodon) ; à Saint-Marcel (chàlell. d*Auriguac), etc. (L. 54
et L. 86.)
4. Aux États tenus h Muret du 16 an 92 dt^cembre 1567, M. de Borderia, juge en Com-
minges, exhorta les députes à supporter généreusemenl les charges de Tenlretien des gar-
nisons. Après que le procureur du Roi eut donné lecture des lettres et commissions en
vertu desquelles on devnit procéder au dopariement des sommes exigées < pour le pave-
ment dus compaignies des gens de guerre... pour l;i garde des villes cl lieux, cl répara-
lions el furlifications d'icelics •, de Rorderia lit « remonslrancc de la scrvilodc et deu-
obéissancc au Roy, prenant Texemplc des bcstes irriisonnables, à plus Torle raison la per-
sonne raisonnable voyant la bonne aflcclion du prince, avant le zê|« de TEsglise troabiée
par les séditieux et perturbateurs du reppos public, quy n'ont peu. tiy deo. avoir prias
les armes sans sa licence, ayant esté cause de infinis maulx, meurtres, querelles, oppres-
sions, raptz, cslranglemens. > fArch. de Muni, L. 54.) Cahier des délibérations des Etau.
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UN DEMI-SIECLE D'ASCENSIONS
AU NÉTHOU*
(suite)
1879
31 juillet. — Daniel Héron (Paris), et Charles Hurissel (Parie).
— Guides : D. Sors et Charles Gouchan.
Partis de Luchon le 30, nous traversons le port de Vénasque
encore plein de neige. Pendant la descente sur le Plan des Étangs,
un orage éclate sur le Néthou et un autre sur les Posets. A la Ren-
cluse nous avons une nuit magnifique et un )3eau clair de lune sur
les montagnes. — Nous partons de la Rend use à 2 h. 10', et arri-
vons au Portillon d'en bas à 3 h. 30' environ. Là, nous perdons
une bonne demi heure à tailler des pas dans la neige qui est com-
plètement gelée et qui couvre un espace où il n'y en a pas habi-
tuellement. Après cela nous trouvons leglacior très facile jusqu'au
lac Coroné, où nous arrivons à 5 h. 45. De là nous avons encore
quelques passages difficiles en montant le Dôme du Néthou et
nous sommes obligés de tailler quelques marchés. — Pas de Maho-
met facile. — En haut du Néthou, à 6 h. 20, temps splendide. A
l'horizon un peu de brume. Pas un nuage sur les montagnes. 11 a
gelé assez fort cette nuit, car la neige est complètement gelée par-
tout, ainsi que quelques petites flaques d'eau dans les creux de
rocher au haut du Néthou. Hier, pendant l'orage, il est tombe ici
de la grêle, et nous trouvons le glacier criblé de gréions. A 4 heu-
res, à la sortie du Portillon, il gelait assez fort et nous avions pres-
que l'onglée. En haut du Néthou, à 7 heures, température très
agréable, à peine quelques souffles du vent du Sud. — Sur les gla-
ciers de la Fourcanade nous apercevons deux isards.
2 août. — G. Courtier (Paris), Th. Conilleau, nég*. (Le Mans),
Blier (Franleu : Somme). — Guides : Barth. Courrège, dont nous
n'avons eu qu'à nous féliciter sous tous les rapports. — Partis de
Luchon le 1" août à pied ; couchés à la Rencluse après avoir fait
l'ascension de Sauvegarde. Partis de la Rencluse à 2 h. 30, arrivés
au sommet à 7 heures.
1. Voir tome X, p. 130 — 138.
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S56
i5 août, — MM. Léon Clugnet, bibliothécaire des Facultés (liyon)
et Jean Collet, professeur à la Faculté des sciences (Grenoble), tous
deux membres de la Société des Touristes du Dauphiné (S. T. D.),
étant partis de la Rcncluse à 4 h. 5 du matin, sont arrivés au som-
met du Nélhou à 7 h. 50. — Ils étaient accompagnés par le guide
F. Barrau, dont ils n'eurent qu'à se louer à tous égards. — Temps
superbe ! Vue comparable aux plus belles des Alpes, sans en
excepter celle dont on jouit au Mont Blanc!
.Ascension facile; la corde a été inutile. Il est incroyable que
cette ascension soit si rarement tentée. La raison en est évidente.
La haute société mondaine et le high-life amolli ou ramolli qui a
envahi le Bas-Luchon a chassé Talpiniste sérieux d'un centre
d'excursions aussi admirablement situé.
19 août. — MM. Doyen (Reims), G. Poullain (Reims), Charles
Alluaud (Limoges), J. Smith (Brighton). — Guides: Barlh. Cour-
règc, Haurillon Odo, G. Cantaloup.
Partis de Luchon à midi 15, le 18 août, par un temps splendidc,
après plusieurs jours de nuages et de pluie. — Arrivés à THospicc
à 2 heures, à cheval. Départ à 2 h. 30. — l^ortde Vénasque franchi
à 4 h. 15, arrives à la Renclusc à 6 h. 15. — Départ mardi matin à
4 heures. L'obscurité se dissipe à 5 h. 30, — (Le reste de la note
manque),
La page 13 a été déchirée par des mains indélicates.
21 août. — L. Duranton, H. Lhomonn. — Guides : Charles Gou-
chan, J. Estoup. — Partis de la Rencluse à 4 heures, arrivés au
sommet à 7 h. 35.
Même date. — Arthur et Walter Bird (London). — Guides : B. Gay
et P. Cantaloup. — Partis do la Renclusc et sommes arrivés au
sommet à 7 h. 35, dans 3 h. 20 minutes.
22 août. — Jean Bazillac (Mirande) et Henri Brulle (Libourne),
tous deux du C. A. F., sect. du S. 0. — Guides : C. Passct (Gavar-
nie) et P. Bordenavc (Cauterets.). — Partis du village de Vénasque
à 5 h. 20, arrivés à 1 heure. — Orage et grêle.
24 août. — José Narino, du C. A. F., (Ile de Cuba), 2« ascension.
— Guide: J. Haurillon. — Partis delà Rencluse à 4 heures ; au pic
à 8 heures. Temps passable. — Accompagné de son frère Antonio
Narino (l" îiscension).
27 août. — Amédée Bonnet (Lyon) du C. A. F. et Pierre Prémil-
lieux (Lyon) (du C. A. F). — Guide : F. Barrau. — Partis de Luchon
le 26 au matin avec pluie et brouillard. Coucher à l'Hospice de
Vénasque. Départ à 4 h. 45. Rencluse, 6 h. 20. Départ de la Ren-
cluse à 7 heures; arrivée au sommet à 10 h. 45. Beau temps : très
découvert du côté de la France. Fort vent du Sud. Les nuages
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couvrent le côté espagnol et montent rapidement. Glacier couvert
de neige, peu de crevasses visibles.
28 août. — Emile Goulombel et André Beauvais-Devaux. — Gui-
des : P. Barrau et F. Gorette, dont ils sont contents.
Partis le 27 de Ludion à midi, arrivés au port do Vénasquc à
5 heures. Visite du Trou du Toro, et rentrés à la Rencluse à 7 heu-
res. — Partis de la Rencluse à 3 heures du matin, arrivés au
Néthou à 8 h. 15. — Beau temps. Glaciers faciles, sauf le haut où
ils sont trop congelés.
i" seplembre, — José Narino (Ile de Guba) avec J. Haurillon et
P. Gantaloup, sont arrivés ici par la grâce do Dieu, après avoir
effectué la l" ascension du pic par Tarète (N. 0. S. E.) qui va
rejoindre l'arête de glace. Après avoir gravi la muraille verticale
plein sud. Ils ont manqué y périr, à cause des rochers qui cèdent
à la main. Deux pyramides sont construites sur l'arête.
Hier 31 août, l" ascension du pic au S. S. E. le plus élevé de la
crête : une pyramide y est construite. Dieu préserve d'autres
voyageurs d'essayer ce terrible passage. — Nous sommes partis
de la gorge S. S. 0, qu'il ne faut pas confondre avec celle do
Goroné. — Le Pas de Mahomet n'a été franchi par nous qu'à la
descente seulement.
N. B. — Je signale à l'opprobre de tous les voyageurs la con-
duite infâme de ceux qui arrachent des pages au registre. — Le
24 août, les pages 10 et 13 y étaient, et elles manquent aujourd'hui !
Signé J. Narino.
Approuvé : A. Batigne.
4 septembre. — Alfred Batigne (Mascarons). « 0 vous qui mon-
tez ici, perdez toute espérance de voir plus beau sur ce massif ».
Dante.
Je Tai donc foulé de mon pied ce sommet immense et magnifi-
que. — Guides
Même date. — Amédée de Trémont, sous-lieutenant de cavalerie,
et Jules de Trémont.
^ Partis ce matin à 2 h. 05, do la Rencluse, arrivés à 6 h. 20 au
sommet, sous la tutelle de Barth. Gourrège, P. Barrau et G. Sas-
trade. Marche facile, beau clair de lune, le temps s'est couvert un
peu vers 5 heures. Nous avons fait un festin royal sur la plus
haute cime pyrénéenne; mais nous maudissons Sébastien, l'espa-
gnol de la Rencluse, qui a subtilisé une partie de notre eau-de-vie.
— Mon père et moi avec Gourrège et Bajun avons couché au clair
de lune. Deux de nos chevaux, à la Rencluse, sont repartis pour
Luchon! 0 fatum^ sic volûit. — Avec nous la première chienne
des Pyrénées, Bergère, appartenant à Gourrège, a franchi toute
seule le Pas de Mahomet. Elle a bon appétit la bonne Bergère.
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358
2'i septembre, — Albert Tissandier. — Guides : Haurillon et
Ch. Rcdonnet.
Nuit superbe à la Renclusc. Départ pour le pic à 4 h. 30 du ma-
tin, arrivée au Néthou à 8 h. 30. Temps splendide, on peut voir
tout le panorama des pics. — Les glaciers sont couverts de neige,
rendant ainsi la marclie facile. Le Pas de Mahomet est légèrement
couvert de neige et de petites plaques de glace. Neige sur le som-
met du pic. Nous trouvons le livre en clierchant sous la neige
nouvelle.
23 décembre. — Maurice Gourdon (do Nantes), maintenant à Lu-
chon). — Guide : Barth. Gourrège. et B. Gerdessus, mon domesti-
que.
Impossible do trouver le registre enfoui sous la neige et la
glace. — G'est donc d'après mon carnet de notes que je puis don-
ner les indications sur cette première ascension hivernale du Né-
thou. ^
liO 22 décembre, départ de I^uchon par un temps superbe et
coucher à la Renclusc. — Du Plan des Etangs à notre gîte, neige
abondante et molle où l'on enfonce jusqu'à la ceinture. — Bonne
nuit avec un bon feu dans la cabane. Au dehors, il y a 5 degrés 1/2
de froid. — A 6 h. 45 du matin, le 23 décembre, départ de la Ren-
cluse par beau temps. Jusqu'au Portillon (où nous arrivons à 8 h.
30) neige molle où l'on enfonce souvent jusqu'à mi-corps, très dure
montée. ■— Depuis le Portillon jusqu'au lac Coroné (10 h. 30) et au
Pas de Mahomet : glacier excellent, c'est une vraie promenade
pendant laquelle la corde a été absolument inutile. — Pas de
Mahomet, couvert de glace et de neige, fut difficile et dangereux. Il
fallut 30 minutes pour le traverser. A 11 h. lô, au sommet du Né-
thou, par un beau froid de 7 degrés, sans vent, sans nuages, soleil
étincelant. Vue idéale. -- Après 15 minutes de séjour, nous repar-
tions du sommet (Il h. 30j et à 2 heures étions de retour à la Ren-
clusc, où nous couchions une seconde nuit.
Le 24 décembre, toujours favorisés par le temps, retour à Luchon
par le port de la Picade.
1880
5 janvier. — C*<^ R. de Monts (Gers). — Guides : Barthélémy Gour-
rège et son père B. Gourrège. — Après avoir fait une ascension au
Néthou le 12 mars 1879, j'y suis revenu aujourd'hui. — Nous des-
cendons à Vénasque par Malibierne. — En mars 1879, la neige
arrivait à Luchon, le port de Vénasque était très mauvais. Gct
hiver 1879-80, le sentier des ports a été bon jusqu'à présent.
12 juillet. — Eugène Pac... (illisible), voyageur (Paris). — Gui-
des: D. Sors et Bernard. — Parti de Luchon le 11 à 11 heures du
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S59
matin, arrivé à la Rcncluse à 5 heures. Partis de la Rencluse à
3 h. 30 du matin, arrivés au pic à 7 heures, par un très grand
brouillard.
24 de jiilio. — Gregorio M^ de la Rcvilla (Santander), y las
guias Haurillon y Charles Gouchan. — Salimos de la Rcnclusa a
las très (3 h.) y 20» de la madrugada y llegamos al pico de Néthou
a las 7 h. menos cuarto de la manana.
29 juillet. — Prince de Joinville, prince Auguste de Saxe-
Cobourg. — Guides : Barthélémy Courrègc, H. Passet, D. Latapio.
— De Malibierne à la Rencluse.
7 août, — Charles AUuaud (pour la 2° fois) de Limoges, Eugène
Alluaud 14 ans (Limoges). — Guides: Barth. Courrège, et G. Bajun.
— Départ de la Rencluse à 4 h, 20 et arrivée au sommet à 7 h. 55.
- , , ( Côté de Franco + l*^"" centigrades.
Température J ,, ... j.^. o a
{ Cote d Espagne — 2 id.
Différence étonnante à 4 mètres de distance.
iO august, — W. Garfîsh (Boston : England) from Vénasquc avec
C. Passet et F. Barrau from lac d'Oo by portd'Oohavingascended
the i>ic Posets on the 8 august.
11 août, — Félix Lévèque et Albert Deville. — Guides : G. Bajun
et P. Redonnet. — Partis de la Rencluse après une nuit splendido
à 4 heures, arrivés à 7 h. 45, — Temps superbe.
Vi août, — Frank Hyland and Herbert Faster left Port de Vénas-
que 4 h. 30 a. m., and arrived hère tl a. m. — Guide: D. Sors.
22 août, — Emil Oblasser. — Guides: Barrau et J. Ladrix. —
Partis de la Rencluse après une belle nuit à 3 h. moins le quart,
arrivés à 8 h. 30 après avoir déjeuné au lac Goroné. Le côté du cou-
chant gelé. Le plus beau brouillard qu'on puisse imaginer !
26 août, — Adolphe Jacquesson (17 ans), Albert Jacquesson
(16 ans), Ernest Jacquesson (20 ans) du C. A. F., élèves du lycée
Fontanes. — Guides: B. Laffont, J. Dusastre, J. Menaly. — Partis
de la Rencluse à 7 heures, arrivés à 11 heures.
28 août, — Alfred Odier, propriétaire; Jacques Bidermann, ingé'
nieur des mines; Georges Odier; Philippe Odier; Henri Guex, ces
3 deniers, élèves du lycée Fontanes (Paris). — Guides: Pierre et
Paul Barrau, J. Ladrix. — Partis de la Rencluse à 3 h. 15 avec
brouillard, arrivés au sommet à 7 h. 50 avec beau temps.
Sans date, — Albert Caron, du C. A F., scct.de Paris. — Guides :
Firmin Barrau, duquel je n'ai eu qu'à me louer, et un porteur. —
Partis de liUchon à 6 heures du soir, arrivés à l'Hospice à 7 h. 15,
et après une marche nocturne nous sommes arrivés au port à
minuit. Retenus par le brouillard, nous n'en sommes repartis qu'à
G h. 30 du matin, et nous sommes arrivés pour déjeuner au Néthou
à 11 heures du matin, et nous comptons bien boire le Champagne
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960
ce soir k Luchon. Cette ascension a été faite après les ascensions
du Piméné, du Mont Perdu, qui ont eu lieu à la suite du banquet
de Lez.
2 septembre, — A. Garbonnier (G. A. F. et S. T. D.), A. Henriot
N. T. F.). — Guide: H. Passet; porteur: José Buisa. — Ascension
faite après le Mont Perdu, le Gotiella et les Posets.
3 septembre, — Alexandre Durrnd, 23 ans, et Blanche Bardi,
femme Durand, 19 ans. — - Guides: G. Bajun, 56 ans, P. Sors, 29
ans, et J. Sors Argarot, 26 ans. — Partis de la Rcncluse à 4 h. 30,
arrivés au sommet à 9 h. 30. Nous avons tous traversé le Pas de
Mahomet.
7 septembre, — Le 6 septembre 1880, après un concert donné à
la Rencluse par MM. Tournan, P. et F. Barrau, G. Bajun, L.
Barolus (?) et B. I^afont, guides do Madame Michaud, Mademoi-
selle Borrier, M. Michaud, M. Berrier, — Madame Michaud a ouvert
le bal avec Tournan qu'elle a embrassé pour terminer la polka. —
Partis le 7 à 4 lieures de la Rencluse, nous sommes arrivés au
sommet du pic à 10 heures.
12 septembre. — A. W. Garringlon. — 'luide: B. Gourrège. — Left
the Rencluse at 5. 30, arrived hcre at 9 o'clock.
24 septemdre, — Maurice Miran de Permanticr (Garcassonne). —
Guides: Barth, Gourrège, G. Bajun, B. Lafont et J. Ménay. —
Départ à 4 h. 15, arrivée au sommet: 9 h. 45.
1881
21 july. — James G. Getting (Ijondres) from the Hospice de
Vénasque. Guides : ?
Même date, — Millot, notaire (Gambrai), Gondeminc (Paris). —
Guides: J, B. Sabathé, V. Gouity (?). Nous sommes partis de la
Rcncluse à 2 h. du matin, et sommes arrivés au Néthou à 7 heu-
res. Nous n'avons eu qu'à nous louer de la prudence et de Tania-
bilité de nos guides que nous recommandons à tous les voyageurs
présents et à venir.
22 july, — B. Lancaster Rose of Gromvvell Rovv, (London) et
(mots illisibles) et Paul Anglade (Paris) sont montés au Néthou le
22 juillet, accompagnés des guides Barrau et Haurillon. — Partis
de l'Hospice de Vénasque à 5 h. 30, nous sommes arrivés à l h. 30
au sommet du Néthou.
29 juillet. — RafTl (Paris), Albert Repussard (Angers), Delprat
(Paris). — Guides: Haurillon, Bajun et J. Bernard. •— Partis de la
Rencluse à 4 heures, arrivés après de nombreuses stations néces-
sitées par un malade, à 9 h, 40 au sommet du pic. Temps splen-
dide. Vu un isard.
3 août, — Albert Père, principal clerc de notaire de M. Massion,
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26f
notaire à Paris, est monté au Néthou, accompagné de J. Haurillon
(de Luchon) et de J. Barrère (de Gauterets), dont il est lieureux
d'avoir à se féliciter sous tous rapports. — Partis de Luchon à
3 heures, couchés à la Kencluse où ils sont arrivés à 7 h. 30. —
Partis de la Rencluse à 3 h. 45, arrivés au sommet à 7 h. 50 avec
un temps splendide.
Supplie les futurs touristes de respecter religieusement le livre,
dont il constate à regret que plusieurs feuillets ont été détachés.
4 août, — MM. Armand et Gaston de Vismes (Paris), membres du
Glub alpin, sont montés ce jour au pic de Néthou accompagnés
de M. Armand Bigot, président de chambre à la Gour d'Angers,
qui déjà y était monté une première fois en 1859, et de son fils
René Bigot, âgé do 18 ans, étudiant en droit. -— Guides : B. Gay,
J. Estoup, B. Gier. — M. Gaston de Vismes était déjà monté une
première fois au pic de Néthou avec B. Gay, en 1879. — Partis de
la Rencluse à 4 h. 15^ nous étions au sommet à 9 heures. — Pas
de nuages, mais brouillard de chaleur.
9 août. — M"" Mony et M. le D' Adolphe Mony, membres du
Glub alpin, sont montés au pic de Nétliou, accompagnés des gui-
des P. Barrau, G. Bajun, F. Barrau et P. Barrau fils. — M. Mony
était déjà monté au pic une première fois le 21 août 1859, avec G.
Bajun. — M. et M">« Mony sont heureux de rendre hommage, sur
le premier pic de la chaîne, au dévouement, à l'habileté et à Tobli-
géante bonne humeur des excellents guides de Luchon.
Temps beau, assez grand vent.
13 août, — Ed. de Frendenreich (Berne : Suisse). — Guides : J.
Haurillon et Barth. Gourrège. — Partis de Luchon le 12 à pied,
couches à la Rencluse, montés en 4 h. 55. Temps superbe et chaud.
— Allons du Néthou au pic de la Maladetta.
Même dale. — Lient. -colonel and miss S* John, conducted by
J. Sors et M. Barrau ; saw 9 chamois below as we reached the Pas
de Mahomet. — Twenty fine years ago wohen a Gaptain in the
94 régiment lieut.-colonel S' John was hère before.
17 aoû^ — MM. Le Mazoyer, Guilhem Pomorèdes, Ludovic Fro-
mentin et Jules Gouvreur, venant tous de Paris. — Guides : G.
Bajun, Barth. Gourrège, B. Gourrège père, Gantaloup. — Partis de
la Rencluse à 3 heures du matin, à 8 heures au sommet. —
Malgré le froid, les susnommés sont parvenus à allumer leurs ci-
gares à l'aide d'une loupe. — Therm, -|- 9«. — Vent violent, temps
clair.
24 août, — Baron de Montigny avec son fils J. de Montigny, né à
Saint-Léger de Rorte (Eure), le 26 mai 1865, venant d'avoir la co-
queluche et d'être reçu, il y cinq jours, bachelier par la Faculté
des Lettres de Paris.
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Partis de la Renclusô le 24 août, à 4 h. M^ avec les guides P.
Sanson et V. Gourty. — Arrivés au haut du Néthou à 8 h. 45. —
Vu 4 isards avant de passer le Portillon. Vu des pas d'ours se
dirigeant du glacier de la Maladetta vers les Salenques. Beau
temps. Quelques brouillards au-dessous de nous du côté de France.
Sans date, — Gustave Berges, avocat stagiaire à... (nom effacé),
et Gharles, B. Gotton (Edimbourg : Ecosse). — - Guides : Barth.
Gourrège, puis B. Gourrège son père,
Partis de la Rencluse à 5 h. 20 avec ces guides, arrivés au
Néthou avec grand brouillard à 8 h. 30.
7 septembre, — A. Helps (London). — Guides : Barth. Gourrège
et Haurillon Odo. — Arrived at 9: left the Gabane at Henclusc
at 5. 30.
iô septembre, — Baron Amédée Thouron. — Guides : G. Bajun et
B. Lafont. — Partis de la Rencluse à 3 heures par une nuit su-
perbe, arrivés à 7 h. 30 par temps magnifique.
1882
28 juin, — Robert Mach (?) de Pariîs. — Guides : G. Passet (Gavar-
nie) et D. Pont (Gauterets). — Partis de Vénasque, le 27 à 6 heures
soir; cabane du val de Malibierne à 8 h. 30. — Partis de cette ca-
bane le 28 juin à 3 h. 15 du matin, arrivés à 10 h. 15.
i4 juillet. -— J. de Latour (Montfaucon). — Guide : Pierre Barrau.
— Partis de la Rencluse à 3 heures du matin. Temps superbe,
neige molle. Arrivés au sommet du Néthou à 8 h. 30.
10 juillet. — F. W. de Treschow-Fritzau, chambellan du roi de
Suède et Norvège, et Philip Dars (Ditgo: Norvège). — Guides : Ba-
jun, Gier et P. Lançon. — Partis de la Rencluse à 3 h. 30 du matin,
arrivés au sompiet du Néthou à 9 h. 10. — Temps superbe. Neige
molle.
26 juillet. — M. Georges Aubin, né le 6 juin 1849, procureur de
la République à Saint-Jean d'Angély; M. Paul Proust, substitut à
Brcssuire; M. Alexandre Tillaut, architecte à Bressuire; M. Henry
Le Masme (Nantes) ; M. Etienne Bureau Le Masme (Nantes) né le
15 février 1845; M»"« Etienne Bureau Le Masme, née le 21 juillet
1856 (Nantes), qui a dû à son énergie, sa vaillance et sa bonne
constitution de faire cette remarquable ascension; M. Ed. Papillon,
entrepreneur de menuiserie (Paris). — Guides : F. Barrau, G. Ba-
jun, J. Fouillouse, P. Sansou, J. Ladrix.
Beau temps, soleil, nuages sur la France, temps découvert du
côté espagnol. — Partis de la Rencluse à 4 h. 50, arrivés au pic
à 9 h. 15.
27 juillet. — Jean Bazillac (Mirande) G. A. F., sect. du S. O.,
Henri BruUe (Libourne) G. A. F., sect. du S. 0. — Guide: H. Pas-
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863
set. — Montés au Néthou pour la 2«« fois. — Arrivés au sommet à
9 h. 25 venant du pic dos Tempêtes en suivant la crête jusqu'à la
grande brèche, puis le glacier sud, et la cheminée du même côté.
— Ayant couché à l'abri Hippopotame du C*« Russell.
Même date. — Georges Brunel, maire à Castelmayran) (Tarn-
et-Garonne), Zoîlo Gabriel, son domestique (Castelmayran). — Gui-
des : P. Barrau père et fils. — Sont partis de la Rcncluso à 3 h. ;%),
arrivés au sommet à 8 h. 30 par un temps magnifique. Restés au
pic jusqu'à 9 h. 30 par un temps très doux. Beaucoup de brouil-
lard du côté de France, temps découvert en Espagne. Grevasses
nombreuses dans le glacier; rencontré trois traces fraîches d'isards.
— Repartis à 9 h. 30 par beau temps.
2 aoû^ — L. Andrieux, propriétaire (Limoux), Jules Salvani, ban-
quier (Limoux), Jacques Jorenz (Strasbourg), comte de Marescot.
— Guide: G. Bajun. — Partis de la Rencluse à 2 heures du matin
par un clair de lune splendide. Arrivés au Néthou à 7 h. 15. Temps
superbe en France et en Espagne. Panorama d'un grandiose dont
on ne peut se faire une idée.
Même date. — A. G. Fairbairn (Londres). — Guide : B. Gay. —
George Peile Jolson made the ascent on 2 august. — Guide : Pierre
Mont Blanc (?). — Partis de la Rencluse 3 heures par un clair de
lune catapulteux, rencontré beaucoup de crottins dlsards qui ont
été apportés par des guides à chaque ascension; quant à des tra-
ces fraîches, jamais. Pour nous remettre nous allons tâcher de
déjeuner le mieux possible et faire un prompt retour.
7 aoù^ — Baron A. Thouron, montant pour la 2"« fois (Saint-
Firmin : Haute- Vienne), Charles Dupont (Jarnac). — Guides:
G. Bajun et B. Lafont. — Partis de la Rencluse par une ivuit
superbe. Arrivés au sommet à 7 h. 35. Panorama magnifique et
temps très clair.
8 août. — Charles de Saint-André, étudiant en droit à la Faculté
catholique libre (Toulouse), et son domestique Jean Amouroux. —
Guides : G. Bajun et un domestique do Sors. — 7 h. 10 du matin.
Partis de Toulouse, ils étaient arrivés à cheval en trois jours à
Èagnères-de-Luchon.
Même date. — Armand Bossion, avocat près la cour d'appel de
Paris. — Guide: J.-M. Ribis.
12 août, — Spont, lycéen de Paris, et Marcel Thévenin, maître de
conférences à l'École des hautes études (Sorbonne) Paris. — - Gui-
des : P. et F. Barrau. — De la Rencluse : 2 heures du matin, ici
même à 9 heures. — Glacier mauvais, crevasses. Beau.
Même date. — F. E. L. Swan (G. A. F.), avec le guide Pierre
Pujo (Gavarnie) et le porteur F. Mora (Vénasque). — Partis do la
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264
cabane de Malibierne à 3 h. 45, arrivés à 9 h. 35. — Beau temps,
mais beaucoup de vent. Avant-hier au Pic Posets.
18 Août — E. et R. do Labusquette et J. A. Banedage (?). —
Guides : P. et K. Barrau, P. Barrau fils. — Partis de la Rencluse à
3 heures, arrivés ici à 6 heures. — Glacier très mauvais par suite
de nombreuses crevasses fraîchement ouvertes. — Temps magni-
fique, quelques nuages du côté de France. Tué au Portillon de la
Maladetta un beau coq de perdrix blanche.
19 Août, — Paul Dévot (C. A. F. — S. A. C — G. A. S. — S. T.
D. ). — Guides : H. Passet et G. Bajun. — Partis de la Rencluse à
3 h. 10, au sommet à 9 h. 10. — Temps superbe, pas un nuage.
Horizon et panorama immenses: les Pyrénées du Pic deGarlitte à
la Sierra du Méru Oco ; les plaines de France et d'Espagne à perte
de vue.
Baromètre = 506 ; température + ^O* centigrades.
30 août. — Louis Ghardiny fLyon). — Guides: G. Bajun et P.
Sanson (dont je n'ai eu qu'à me louer à tous égards). — Partis de
la Rencluse à 2 h. 15 par un clair de lune splendide.— Glacier très
mauvais : nombreuses crevasses nouvelles qui nous forcent à de
fréquents détours. — Arrivés au. sommet à 7 heures du matin.
Temps splendide et chaud, quelques nuages du côté de la France.
1 septembre, -— A Degrange-Touziri (Bordeaux), du C. A. F., sec.
du S. 0. — Guide : H. Passet. — Partis de la Rencluse à 3 h. 15,
arrivés au sommet à 9 heures. Temps assez doux, peu de vent, à
peine quelques petits nuages très légers sur la plaine^ mais très
loin; quelques nuages aussi très élevés dans le sud-est panorama
splendide. — Baromètre = 508.
3 septembre, — ■ Charles Puchard (?) — Guides : G. Bajun et P.
Cantaloup. — Départ de la Rencluse à 2 heures, arrivée à 7 heu-
res. — Mountains very clear.
Même date, — Robert Warschauer, James Horsfall, Wilhelm
Lieberoth, tous de Berlin. — Guide : F. Barrau. — Porteurs : J.
Denard et J. Mora. — Partis de la Rencluse à 2 h. 30, déjeuner au
Portillon, neige très dure, un temps superbe, vue parfaitement
claire. — Arrivés à 8 h. 15 au sommet.
7 septembre, — Manuel Torrabadella, abogado, (Barcelona) y
Rafaël Torent de 16 anos tambien de Barcelona. — Guias: P.
Sanson y D. Redonnet. — Salidos de la Rencluse à las 3 1/2, Uegado
a la cima a las 7. 45: Tiempo magnifico.
8 septembre. — Léon Guillain. — Guides : Bertrand Gay et P.
Terce (?). — Partis à 4 h. 20, arrivés à 8 h. 20. — Temps superbe. —
Le voyageur et les guides contents les uns des autres.
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265
1883
27 juin. — M. Homer (?) avec H. Passet. — Impossible de trou-
ver le registre par trop de neige. — (Note écrite par H, Passet, le
20 août de la même année),
26 jui7ï<?f. — Victor Saussier (Troyes) et Gabriel Grisier (Paris).
— Guides: P. Pujo (Gavarnie) et Mariano Torrente (Vénasqiie). —
Partis de l'Hospice de Vénasque à 4 heures, arrivés à 9 h. 30. —
Temps passable, froid.
2S juillet. — G. Thuron, ingénieur, T. C. P., E. Lambrecht, lieu-
tenant d'artillerie, et G. Saint-Pierre, maréchal-des-logis au 3« dra-
gons. — Guides: P. Barraû, G. Bajun et B. Salegard. — Partis do
la Hencluse à 3 h. 15, arrivés au sommet à 9 heures. Brouillard
moyen. Saint-Pierre déclare n'y pas voir le bout, de son nez. Vent
assez fort; température d'environ — 2o. A 9 heures 15 éclaircie
sur Vénasque. Si'le brouillard continue, Saint-Pierre prétend qu'il
restera au Néthou plutôt que de descendre le Pas de Mahomet. —
9 h. 30, pas d'éclaircie, nous partons.
3 août, — Etienne Fould, propriétaire, né à Paris, et Aug. Flotté,
son homme d'affaires (Alençon). — Guides: P. et F. Barrau, —
Partis de la Rencluse à 3 h. 30, arrivés au sommet à 10 heures.
Temps couvert du côté de Luchon, mais très beau du côté de
l'Espagne.
5 aou^ — P. Passement, D. Valette, X. de Liégard, P. Perassen,
E. Lepidi, officiers d'artillerie. — Guides : M. et J. Barrau, Charles
Gouchan. — Partis de Luchon à pied à 1 heure le 4 août, arrivés à la
Rencluse à 7 h. 15. — Partis de la Rencluse le lendemain matin à
4 h,, arrivés à 8 h. 35 au sommet du pic. — Temps magnifique.
10 août, — Adolphe Déglise, M. Ghapu, membre de l'Institut,
Madame Ghapu et notre petite fille âgée de 10 ans. — Guides : H.
Jjons (Saint-Sauveur), P. Pujo (Gavarnie), B. Gay (Luchon). Nous
avons fait l'ascension par un beau temps. Ascension heureusement
accomplie grâce au dévouement des guides.
20 août, — Denys de Champeau, du G. A. F. -— Guide: H. Pas-
set (Gavarnie). — Parti le 10 août des Eaux-Bonnes. Le 11 j'étais
au Balaîtous, le 13 au Vignemale, le 14 au Mont-Perdu, le 16 à la
Munia, le 18 au Posets, le 19 au pic Sauvegarde, et le 20, à onze
heures, au sommet de la plus haute montagne des Pyrénées. —
Temps splendide pour toute ma tournée ; impossible de faire un
plus splendide voyage.
Même date, — F. E. L. S. Swan, G. A. F. — Guides : Mariano
Torrente (Vénasque) et H. Passet (Gavarnie). — Partis de THospice
de Vénasque à 5 h. 30, arrivés à 11 heures au sommet du Néthou
AcTui Di CoMMiKOu, 3* Uimeslre 1695. Tome X. — 10.
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(ma 2« ascension). — Le 14 j'étais au Mont-Perdu, le 16 au pic Lou-
seras, le 18 au grand Batchimailie, le 19 à Sauvegarde.
24 aoû^ — Saunders Cumming de R... (mot illisible) et V. T.
Chambellain (?), de Londres. — Guides : G. Bajun et P. Cantaloup.
— liCft Rencluse l h. 50 and arrived at summit 6 h. 35 a. m. — Sky
clear haze on hills.
8 septembre. — Antoine Benoist, professeur à la Faculté des Let-
tres de Toulouse, Adolphe Benoist, substitut du procureur de la
République à Montluçon (G. A. F., sect. Lyon). — Guides : Bertrand
Gourrègc, 67 ans, né en 1816, le doyen des guides de Luchon,
Raphaël et Jean Angusto (de Luchon). — Partis de Luchon le 4, à
4 h. soir. — Du sommet des Posets le 6, à 1 heure soir, après avoir
passé le port d'Oo et grimpé le pic des Hermittans. Venus par la
ville de Vénasque et les Bains (très recommandés. — Passé hier
soir quelques minutes à l'Hospice de Vénasquc, mais assez long-
temps pour y être écorchés à vif. — Subi Thospitalité peu écos-
saise de Sébastiano à la Rencluse. — Partis <de la Rencluse à
5 heures, arrivés au sommet 9 h. 20. — Temps admirable, pas de
vent. — - Barom. mu 502. Coloration intense, mer de nuages sur les
plaines. — Nos trois guides n'ont pas été seulement irréprocha-
bles, mais par dessus tout les plus sympathiques compagnons que
Ton puisse trouver pour une excursion do plusieurs jours.
10 septembre, — Antonio Escofet y Nette et et Arthur W. Taylor
— Guides ; P Sanson et L. Sanson son neveu. — Partis de la Ren-
cluse à 4 h. 45, arrivés au sommet du pic à 8 h. 40 par un temps
magnifique. — Nous ne pouvons faire trop d'éloges de nos guides.
Ils ont fait preuve d'une parfaite connaissance du chemin que
nous suivions.
Faim dévorante en arrivant au pic; expédié pour l'éternité un
tendre dindon et bu deux bouteilles de vin. Après quoi nous nous
sommes mis tranquillement à admirer la nature. Temps splen-
dide, beau partout. — Quand on se trouve sur ces hauteurs, ayant
sous les pieds des forêts de montagnes, des plaines à perte de
vue, on se sent grand par rapport au monde d'en bas, et petit par
rapport au monde infini d'en haut.
[Les pages 38, 39, 40 et 41, ont été déchirées par dés touristes ou des guides indélicate,
malheureusement inconnus. — KUes étaient consacrées aux ascensions des années 1894,
1885 et partie de 1886. Leur regrellable suppression nous empêche de consigner dans notre
travail les noms des excursionnistes et des guides, qui, pendant ces deux années el demie,
ont atteint le sommet du Néthou. — Nous avions espéré trouver sur les carnets des gui-
des dos indications nous permetlrnt de combler celte lacune. Mais là encore nous avons
été complètement trompé dans notre attente. Par indifférence ou tout autre motif, ils né-
ftligenl do faire inscrire les ascensions sur leurs livrets, ou n'en ont pas. Nous n'y avons
relevé que G ou 7 courses au Néthou. Nous allons les indiquer à leur lieu et place. 11 en
sera de même pour les notices des trois seules escalades de 188ô qui aient échappé aux
mains des Vandales alpinistes.] (A suivre.)
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ANNIBAL à LUCHON?
I.a dernière livraison do la Revue de Comminges contient un
article, d'ailleurs très intéressant, où M. Astrié trace les principa-
les phases de Tliistoire do Luchon à travers les âges. Dans cet
article, Fauteur n'hésite pas à soutenir l'opinion qu'Annibal aurait
franchi les Pyrénées par le port de Vénasque et aurait campé,
avec son armée, au pied de Superbagnères, pour, de là, traverser
le sud de la Gaule et envahir Tltalie.
Fidèle au principe qu'elle a adopté lors de sa création, la Société
des études du Comminges, tout en laissant à Tauteur la responsa-
bilité personnelle de ses assertions, ne peut que formuler à ce
sujet des réserves formelles.
Sans doute, si le passage du port de Vénasque ou de la Glère
par les Carthaginois était basé sur des documents certains, cet
événement constituerait, à coup sûr, pour notre contrée, un sou-
venir historique des plus intéressants. Mais on sait qu'avant de
pénétrer en Gaule, Annibal avait dû faire le siège de Sagonte,
ville alliée des Romains et située à 30 kilomètres environ de la
Valence moderne. Ce siège avait duré deux ans et beaucoup
éprouvé les Carthaginois qui avaient subi de grosses pertes,
r/armée victorieuse était harassée et presque démoralisée. C'est
au point qu'Annibal, pour ne pas compromettre sa marche vers
les Pyrénées, dut faire appel à la bonne volonté do ses sol-
dats dont dix mille, complètement décourages, quittèrent le gros
de Tarmée et regagnèrent leurs premiers cantonnements. Comment
Annibal, à la tète d*une armée déjà si éprouvée et réduite à 80
mille hommes, aurait-il commis l'imprudence d'abandonner une
route qui s'ouvrait naturellement devant lui, à peu de distance de
la mer, pour faire un crochet d'au moins 100 lieues, et cela pour
tenter le passage des Pyrénées par un des points les plus difficiles
et les plus dangereux avec la certitude de s'exposer inutilement à
de nouvelles et peut-être à d'irréparables pertes ? 11 est vrai que
les obstacles matériels n'arrêtent jamais des hommes déterminés
et surtout un homme de génie comme Annibal. Mais, malgré son
extrême jeunesse, ce grand homme était trop avisé pour lâcher
facilement la proie pour l'ombre. D'ailleurs, il avait entamé des
pourparlers avec certains chefs Gaulois qui se disposaient à lui
disputer le passage et avait réussi, à force do présents, à obtenir
leur neutralité. Pouvait-il, dès lors, tout en abandonnant une
route relativement courte, négliger les résultats obtenus, pour se
lancer au devant d'aventures propres à compromettre le sort de
de son expédition? Nous ne le- pensons pas. Selon nous, il y avait là
une impossibilité, sinon matérielle tout au moins morale. Et c'est
pourquoi la production de pièces authentiques nous paraît indis-
pensable pour nous aider à élucider ce point si important, et encore
si incertain, de notre histoire locale.
Hippolyte Gabannes.
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MANDEMENT
DE Mgr Gabriel-Olivier de Lubière du Bouchet
Évêque de Comminges
POUR LES HABITANTS DE LA VALLÉE D'ARAN (ESPAGNE)
AVERTISSEMENT
En 1642, Mgr Hugues II de Labatut, alors évêque
de Comminges, engagea les habitants de la vallée
d'Aran à se soumettre docilement aux instructions
épiscopales contre lesquelles ils étaient très prévenus ;
il leur envoya à cet effet un saint et zélé mission-
naire qui, s'exposant à de grandes privations et à de
grands dangers, y travailla quelque temps avec Tar-
deur et Tamour d'un véritable apôtre; Tévêque espérait
par ce moyen, préparer les voies de la visite épisco-
pale qu'il se proposait d'y faire sous peu de temps;
on sait comment le zélé missionnaire y fut reçu 1.
Sur ces entrefaites^ Mgr de Labatut rendit son âme à
Dieu', et, pour comble de malheur, le fléau de la
guerre fondit sur ladite vallée.
Mgr de Choiseul du Plessis Praslin succéda à Mgr
de Labatut, et à peine arrivé dans son diocèse —
9 août 1646 — entreprit la visite projetée par son
prédécesseur dans cette pauvre vallée ; il s'adressa
tant aux prêtres qu'aux laïques, les encouragea avec
1. Voir " Une Mission dans la vallée d'Âran en 1642 ". — Kevue de Comminges, t. VIII,
année 1898.
2. Son cœur Tut inhumé dans l'église collégiale de Saint*G«udeu8» où se voit encore la
plaqne funèbre. — Voir Revue de Cmmingee, t. IX, p. 277.
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calme et fermeté, et leur donna les fameux règlements
et ordonnances, datés de Vieille du 23 septem-
bre 1646.
Depuis cette époque, 78 ans s'écoulèrent, Dieu
sait dans quelles conditions I L'irritabilité était à son
comble parmi les habitants de cette vallée, devenus le
jouet continuel des compétitions de parti.
En 1724, le désordre moral régnait jusque dans le
sanctuaire. Mgr Gabriel Olivier de Lubière du Bou-
chot, alors évêque de ce diocèse, y apporta remède en
publiant un mandement spécial pour les habitants de
la vallée d'Aran, à la suite duquel furent renouvelés
les règlements et ordonnances de Mgr de Choiseul^ du
25 septembre 1646.
Le mandement de Mgr du Bouchot (1724) existe en
partie, dans les archives de l'église de Bosost (Espa-
gne), où nous l'avons découvert et copié textuellement
dans les premiers jours de septembre 1886, en compa-
gnie de notre savant ami M. Jules de Laurière; depuis •
cette époque nous n'avons point négligé de faire des
recherches pour retrouver ce qui manquait de ce pré-
cieux document, et c'est grâce à l'aimable complai-
sance d'un ami commingeois qui nous a permis une
incursion dans ses vieilles archives, que nous avons
le plaisir d'offrir aujourd'hui à nos lecteurs le mande-
ment de 1724, in extenso. N'omettons pas de dire
que^ dans ces recherches la fortune nous a souri à
ce point que, la pièce récemment découverte ne con-
tient tout juste que ce qui fait défaut au document de
Bosost.
Au cours de ces patientes investigations nous avons
trouvé des notes biographiques très intéressantes sur
Mgr de Choiseul du Plessis Praslin, ainsi que sur
Mgr Gabriel Olivier de Lubière du Bouchot, évêques
de Comminges et auteurs des mandement et ordon-
nances que nous publions aujourd'hui. Nous croyons
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«70
qu'il ne sera pas sans intérêt de faire connaître ces
deux belles figures d'évêques qui dirigèrent nos aïeux
avec autant de zèle que de persévérance.
Luchon, le 2 février 1894. B. Bernard.
Mgr Gilbert de Choiseul da Plessîs Fraslin
Évêque de Comminges (1644-1671)
Mgr Gilbert de Choiseul du Plessis Praslin était fils
de Frédéric, comte du Plessis, vicomte d'Oste et d'Oi-
gny, baron de Chammay ; et de Madeleine-Barthé-
lémy, fille de Guillaume, seigneur de Beauverger, et
de Marie Hennequin.
Docteur en Sorbonne, il fut nOmmé évêque le
23 mai 1644, et sacré à Paris le 8 avril 1646, dans
l'église des Pères Minimes, par Dominique de Vie,
archevêque d'Auch, assisté de François Mallieu, évê-
que de Troyes, et Gilles Bontaul, évêque d'Aire, en
présence du cardinal François Barberini et d'une
bonne partie du clergé de France alors rassemblé à
Paris. A l'occasion de son sacre, le nouveau prélat se
démit des abbayes de Bullencuria, de Cantumarula, de
Bassofonte dont il était pourvu, ne gardant que celle
de Saint-Martin de Tours où il attira les chanoines
réguliers de la congrégation de France.
Mgr Hugues de Labatut^ évêque de Comminges,
accablé par la maladie, avait pensé à le demander pour
son successeur: la mort ne lui en ayant pas laissé le
temps, c'est à l'influence de la Reine, mère de
Louis XIV, qu'il dut sa nomination.
Arrivé en Comminges le 9 août 1646, il s'occupa
immédiatement de visiter son diocèse, et commença
par la vallée d'Aran (Espagne)».
f . Larcher t'exprime ainsi : t H commença ses Tisitea par des lieux affîreax oà l'on
vait jamais tu d'ëTéque...
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Malgré les ravages que la peste fesait en ce temps
dans le pays de Comminges, le pieux pontife allait de
jour et de nuit, au péril de sa vie, administrer les
sacrements et porter des remèdes et des aliments aux
pestiférés : son exemple fît rougir de honte nombre de
prêtres que le danger avait dispersés et qui revinrent
à leur poste pour secourir leurs paroissiens.
Cet évoque fonda le séminaire de Saint-Gaudens
et rebâtit presque en entier le château épiscopal d'Alan ;
on a de lui un mandement remarquable sur le Jubilé
de Saint-Bertrand, publié en 1652.
Le 30 août 1661^ assisté de Jean, évêque de Saint-
Papoul, il fît la translation des reliques de saint Gau-
dens qu'il déposa dans un superbe buste d'argent ; les
deux prélats célébrèrent en chaire les vertus et les
mérites du saint martyr.
Sa charité le portait à s'occuper de la réconciliation
des familles, et en particulier des différends qui pou-
vaient exister entre gentilshommes: son entremise
évita souvent desi rencontres fâcheuses.
Il était en grande relation avec Nicolas de Pavillon,
évêque d'Alet, et avec Armand le Bouthilier de Rancé :
ce dernier ayant songé à se faire ermite en Commin-
ges, l'évêque l'en détourna et lui conseilla de se réfor-
mer dans son abbaye de la Trappe.
Il prépara la paix de Clément IX, sur les disputes
théologiques, et les propositions de Jansénius, et écri-
vit à ce sujet au roi Louis XIV une lettre qui atteste
la science, la sagesse et les talents de son auteur.
Mgr Choiseul du Plessis Praslin, en faveur duquel
aurait voulu se démettre l'archevêque de Narbonne,
avait opposé à ces offres brillantes un refus absolu. Il
fut cependant, malgré sa résistance, transféré en 1671
à l'évêché de Tournai : c'était le vœu du Roi. Mais
n'ayant pu s'accommoder aux coutumes flamandes, il
ne tarda pas à résigner ce nouveau siège, pour se
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retirer à Paris, où il mourut en 1689, âgé de 76 ans,
et justement considéré par les contemporains comme
l'un des plus savants, des plus illustres et des plus
pieux évêques de son temps.
Mgr Gabriel-Olivier de Lubière du Bouchet
Évêque de Comminges (17 10-1740)
Mgr Gabriel-Olivier de Lubière du Bouchet, natif
de Saint-Pourceain, en Auvergne, était chantre de
l'église de Rhodez, lorsque, le 29 mars 1710, il fut
sacré évêque par Jacques de Matignon, ancien évêque
de Condom^ assisté des évêques de Cahors et de
Nimes; il prêta serment le 4 avril de cette même
année, fut nommé évêque de Comminges le 22 juillet
1710 et s'y rendit en juillet 1711 : il fît sa première
ordination au mois de septembre 1711, dans l'église
des religieuses de Notre-Dame à Saint-Gaudens.
Le 47 février 1712, il donna un mandement pour la
publication de l'édit de Henry II, contre les filles et
veuves qui cachaient leur grossesse.
Par mandement du 2 novembre 1712, il établit des
règlements pour l'ouverture et la conduite du sémi-
naire du diocèse, auquel il avait mis la dernière main.
Le 12 juin 1713, il donna un mandemement pour la
publication de la paix.
En 1714, il publia un mandement au sujet de la
Constitution U?iige?iitus du pape Clément XI.
En 1716, il donna un mandement ordonnant une
quête pour le rachat des captifs et la réparation de
l'église du Saint-Sépulcre.
En 1719, il publia un mandement sur le renvoi des
fêtes, réservant à soi les crimes de parjure, de ceux
qui empêchent la liberté des affermes, et touchant
ceux qui quêtaient sans mandement.
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S73
En 1720, il publia un avertissement pour le Jubilé
de Saint-Bertrand et une formule de l'absolution que
les confesseurs devaient donner ;
Par un mandement du 9 juin de cette même année
il permit une quête pour les Quinze- Vingts.
En 1721, il ordonna une quête pour les incendiés
de Rennes et pour les pestiférés de Provence, et une
autre pour le Jubilé.
En 1723, les habitants de Bagnères-de-Luchon
ayant été pillés et incendiés par les Miquelets qui
y étaient descendus, il ordonna une quête pour eux.
En 1724, il ordonna une autre quête pour les
Quinze- Vingts ; cette même année il adressa un mande-
ment aux habitants de la vallée d'Aran (Espagne) avec
renouvellement des règlements et ordonnances de
Monseigneur de Choiseul du Plessin Praslin, du 25
septembre 1646. Les Aranais refusèrent de se sou-
mettre à ce mandement; Mgr du Bouchet fît appel au
métropolitain d'Auch, qui le confirma; appel en cour
de Rome, qui le renvoya à l'évêque de Lombez; celui-
ci prononça en faveur de Tévêque de Comminges qui
fit autoriser son mandement par le Conseil souverain
du roi d'Espagne dont Tarrêt fut exécuté par les Ara-
nais, sans plus de résistance.
Au mois de juillet 1726, il ordonna des prières pour
le Roi, à Toccasion du gouvernement de ses états,
qu'il avait entrepris de faire par lui-même.
Au mois de juin 1727, il ordonna des prières pour la
Reine pendant sa grossesse, et Tannée suivante il
ordonna des prières à l'occasion de la naissance du
Dauphin.
Mgr du Bouchet a entrepris plusieurs affaires
et n'a rien négligé pour les mener à bonne fin : le
Directeur du monastère des Dames religieuses de
Fabas ayant voulu se produire plus qu'il ne lui con-
venait, il en porta plainte à l'abbé de Morimond, et
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274
n'ayant pas eu satisfaction, il fît informel' contre ce
Religieux et poursuivit TafiFaire jusqu'au Conseil;
l'arrêt qui intervint a été inséré dans les Mémoires du
clergé de France.
Mgr du Bouchet était bon ami, mais cruel ennemi,
facile à prévenir, politique, faisant la cour à ceux qui
pouvaient le servir, tenant le haut rang avec les
ecclésiastiques de son diocèse, décidant tout et réglant
tout par lui-même.
Au mois de septembre 1737, étant aux États de
Montpellier, il tomba malade, on le crut atteint d'une
attaque d'apoplexie ; revenu médiocrement à la santé,
il ne fit plus de fonctions épiscopales, mais continua
de gouverner son diocèse.
En 1739, il donna sa démission entre les mains du
Roi — néanmoins sous réserve de cinq mille livres —
et eut pour successeur Mgr de Lastic.
Mgr du Bouchet, pressentant, sa fin dernière, régla
ses honneurs funèbres, fit inventaire de ses effets, et
mourut au château d'Alan le 19 septembre 1740.
Son cœur fut inhumé dans l'église cathédrale de
Saint-Bertrand, auprès du maître-autel; ses entrailles
restèrent à la chapelle du château^ et son corps fut
porté à l'hospice des Frères de la Charité, dit de Notre-
Dame de Lorette, qu'il avait fondé tout près .d'Alan.
B. BERNARD.
(A suivre J
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RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES
SUH LA
HAUTE VALLÉE DE LA SAVE
ÈRE ANCIENNE
II
Les Édifices
Nous reprenons dans ce numéro, pour être continuée sans interruption, la suite mo-
mentanément suspendue dés savantes Recherches arcliéologiques do M. Tabbé Courel
dans la haute Vallée de la Save.
Tout ce qui a trait à l'Ère préhistorique, ainsi qu'aux camps retranchés de VÈre
anciennej a déjà paru. L'auteur aborde aujourd'hui la description et l'étude des édifices
par lui découverts et qui appartiennent à cette dernière époque.
I
Avezac et sa Chapelle de N.-D.
I. — ÈRE PAYENNE
AvBZAC — section de la commune de Gharlas — n'est séparé de
son chef-lieu que par la Save qui coule lentement, ici, à travers
de belles prairies et d'épais ramiers. Après Montmaurin, qui
défie toute comparaison par l'importance et le nombre de ses rui-
nes archéologiques, Avezac est incontestablement l'un des sites
de notre pays les plus riches en monuments de l'époque romaine
ou gallo-romaine.
S'il fallait en croire la tradition, une cité considérable aurait
autrefois occupé tous les champs compris entre Avezac et la fon-
taine de Ouerris au pied des rochers de Lespugue. Les nom-
breux fragments de tuiles à rebords, de plaques de marbre, de
mosaïques et d'hypocaustes exhumés par la charrue dans ce quar-
tier nous permettent, en tout cas, d'affirmer, qu'à défaut d'une
ville, là du moins s'élevèrent jadis de superbes villas, richement
décorées, et des thermes dont les vestiges encore subsistants il
y a peu d'années attestaient l'importance.
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276
I/antiquité avait accumulé au lieu d'Avezac de vrais trésors
artistiques. Il suffît encorjB aujourd'hui, pour s'en convaincre,
d'étudier avec attention les restes de son sanctuaire et les précieux
monuments dont il a été dépouillé à diverses époques.
L'origine de la chapelle de N.-t). d'Avezac ne doit guère différer
de celle de sa voisine de Montmaurin. Ici comme là. Gaulois
d'abord, Romains ensuite firent fumer l'encens devant de fausses
divinités. Nul doute à cet égard ne peut subsister en présence des
monuments dédiés. aux dieux Mânes, des stèles, des inscriptions
antiques, des débris de statues (d'idoles sans doute) et des autels
païens que renfermait son enceinte et dont on ne saurait trop
regretter la dispersion dans l'intérêt de l'histoire de la localité, du
canton et du pays. Arrachés à l'édifice dont ils faisaient l'orne-
ment et la gloire, ces objets aujourd'hui relégués dans la poussière
des cabinets, sont presque à tout jamais perdus pour la science.
MM. Chambert et Julien Sacaze se sont approprié la plupart
de ces précieuses reliques. Seules, quelques rares épaves, encas-
trées dans les murailles, sont restées pour nous rappeler la
fragilité des choses terrestres.
Ce qui, de nos jours, frappe d'abord le regard de l'archéologue,
à l'entrée du presbytère, ce sont quatre colonnes carrées, en mar-
bre rouge, d'une hauteur de près de 1 mètre sur 0"° 16. Mises à
jour, il y a une vingtaine d'années, pendant qu'on démolissait le
pavé de l'ancien sanctuaire, elles étaient accompagnées d'une
grande dalle, également en marbre : une petite cavité, pratiquée au
centre de leur base, indique qu'elles étaient assujetties à un pié-
destal composé, vraisemblablement, de plusieurs degrés ou mar-
chepieds.
Lors de ma première visite à Avezac, il y avait, dans le
porche de l'église , plusieurs stèles remarquables. Il n'en reste
aujourd'hui que la moins belle, encastrée dans le mur du jardin
du presbytère. Elle représente deux personnages de distinction,
s'il faut en juger par les draperies dont ils sont revêtus et les
ornements ou bijoux de leur chevelure. Presque semblable à Tune
des stèles de Sarrecavo, elle fut érigée, selon toute apparence,
pour perpétuer le souvenir de deux époux morts à la fleur de
l'âge. Beaucoup des inscriptions qu'on lisait autrefois à Avezac
n'existent plus aujourd'hui ; ce qui diminue mes regrets, c'est
que presque toutes étaient incomplètes, tronquées. Comme à Mont-
maurin, la hache et le marteau du barbare avaient, ici, exercé
leurs ravages. I/une d'elles avait tellement souffert qu'elle ne
portait plus que ces lettres VVLSI.... On lisait sur un autre tron-
çon... GALI FIL V.S.L.M.
Une autre inscription, la mieux conservée, rappelait que Marcel*
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277 ■
liiîus (?), fils de Somborabon, avait, de son propre gré, érigé ce
monument, selon le vœu qu'il avait fait LLINV8 SOMBERA-
BON. F. V.S.L.M.
Il y a lieu de renouveler, ici, la réflexion, déjà faite ailleurs, sur
la fusion des Romains vainqueurs avec les Gaulois vaincus. Le père
Somberabon conserve son nom gaulois; quant au fils, qui a subi
l'influence et l'ascendant de Rome, il porte un nom romain :
....LLINVS F.
Anticipant sur Tère chrétienne de notre chapelle, rappelons
encore deux inscriptions ainsi conçues : 1637. S. DE RIVOR. PIE-
TEM ADHIBT. VISCERA PIETATIS. — 1640. G. DE LOGIS.
Le mur de clôture du presbytère est tapissé de débris de sculp-
tures anciennes qui, certainement ont fait partie d'un très riche
édifice; mais ce qui nous en reste est insuffisant pour permettre
de se prononcer sur l'ensemble. Parmi les débris exhumés il en
est plusieurs qui demandent une mention spéciale.
Signalons, d'abord, un buste décapité, en marbre blanc. Les
draperies dont il est revêtu devaient lui donner beaucoup de
grâce et de majesté '. Je crois que ce pouvait être les restes de
l'idole vénérée dans ce temple par les payens, ou peut-être encore
le couvercle do l'un des sarcophages chrétiens exhumés dans le
cimetière voisin.
2« Un autre monument, d'un très grand intérêt, c'est un magni-
fique pourceau, en marbre, peut-être un sanglier, trouvé sous
le pavé du sanctuaire pendant qu'on travaillait à sa restauration.
11 a malheureusement disparu avec beaucoup d'autres sculptures
non moins précieuses, devenues la propriété de M. Gham-
bert. Que penser de la présence^ ici, de ce beau marbre? Etait-ce
une idole antique que les premiers chrétiens auraient fait dispa-
raître, tandis qu'ils en mutilaient tant d'autres et qu'ils renver-
saient les autels des fausses divinités pour leur substituer les
autels de Jésus-Ghrist, de la Sainte-Vierge et des Saints ? Ge
monument remarquable pourrait bien être un des lares porcins,
Lares grundiles^ si connus des Romams et si vénérés, à Rome,
depuis que Romulus leur avait élevé des autels en souvenir d'une
truie qui avait donné le jour à trente petits de son espèce.
Ge marbre était peut-être un hommage des Romains vainqueurs
à la religion des vaincus ; car, comme nous l'avons déjà insinué
ailleurs, Rome affectait partout et toujours, par politique, le plus
grand respect pour les lois^ les usages et la religion des peuples
vaincus. On ne trouve guère d'exceptions qu'à l'égard des druides
pour les sacrifices humains.
i. Voir à la plonche A.
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D'ailleurs tout le monde sait que nos pères les Gaulois sont
venus des forêts du Nord et du plateau central de l'Asie. Or, en
Orient comme au Septentrion, le porc et le sanglier ont été regar-
dés comme le symbole d'une puissante divinité et souvent ils en
recevaient les hommages. Au rapport do Tacite, dont personne
ne contestera Fautorité, les Estyens de Germanie portaient sur
eux, comme un préservatif efficace, l'image du sanglier. .. :
« Insigne superstitionis, formas aprorum gestant* », tandis que
d'autres peuples du Nord immolaient au soleil le pourceau sacré.
3« Sur l'un des cippes trouvés sous l'autel avec tant d'autres
vestiges du paganisme, on lisait seulement ce nom propre au nomi-
natif: APOLLONIVS. L'iiistoire nous fait connaître plusieurs
personnages de ce nom. Je pense que celui qui nous occupe était
le fameux philosophe pythagoricien, Apollonius de Tyane. On
sait, en effet, que ses impostures lui méritèrent des autels, chez
les payens, et qu'on alla même, comme Voltaire plus tard, jusqu'à
le mettre en parallèle avec N. S. Jésus-Christ, son contemporain.
Ce cippe et son inscription étaient peut-être aux pieds du buste
drapé dont nous avons parlé et attiraient les regards du visiteur
sur la statue du philosophe divinisé.
40 Jupiter, le maître des dieux, a certainement été honoré, ^
Avezac, d'un culte tout particulier. Parmi les monuments qui le
prouvent surabondamment, il faut signaler un autel en mar-
bre blanc, (cippus V. planche n^ 1) le plus beau que j'aie
rencontré dans notre pays, avec ceux de Gastelbiague et de Tlsle-
en-Dodon. 11 mesure 0^90 cent, en hauteur sur 0™60 d'épaisseur.
Sa coupe indique clairement qu'il était adossé à une muraille: car
les ornements qui décorent la face et les latéraux font complète-
ment défaut au côté postérieur. La face principale porte l'inscrip-
tion suivante : I.O.M., à Jupiter le plus grand et le meilleur des
dieux. Une patère (prœforium) et une amphore très-élégante déco-
rent les latéraux. 'C'étaient deux des instruments dont on se ser-
vait pour les sacrifices. La partie supérieure se termine en hémi-
cycle dont le centre présente une cavité de 0 « 10 cent, sur un dia-
mètre égal. Des rainures peu profondes y prennent naissance et se
dirigent symétriquement de chaque côté. Quelques-uns veulent
voir, dans cette cavité, un récipient pour les eaux lustrales, en
usage chez les payens ; c'était le sentiment de J. Sacaze, mais je ne
puis le partager. Je ne suis point de l'avis d'un plus grand nombre
sur la destination de ce beau monument. Selon eux on immolait à
Jupiter, sur cet autel, les victimes ordinaires des sacriGces; quant
aux rainures qui y sont pratiquées, elles servaient à l'écoulement
1. Httu» dei Germaini, cap. 45.
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du sang. C'est une grave erreur qu'il est facile de réfuter. En eiîet,
tous les auteFs destinés aux sacrifices sanglants sont invariable-
ment munis d'une cavité supérieure qui correspond à une ouver-
ture inférieure par laquelle s'échappait le sang des victimes.
C'était VAra proprement dit, ou l'^ra sanguinolent ». A côté do
lautel était disposée une table, généralement en marbre, sur
laquelle on enfarinait les membres de la victime avec un mélange
d'encens, d'huile et d'aromates, avant de les jeter sur le feu sacré.
Il est probable que la dalle et les quatre colonnes de marbre dont
nous avons parlé plus haut composaient cette table, inséparable
de Tautel des sacrifices sanglants.
Un second autel, beaucoup plus commun chez les anciens,
c'était Tautcl ihuricrema ainsi appelé parce qu'on y brûlait de
l'encens en Thonneur de quelque divinité :
Vidil thuricremis quum dona imponerel aris (2)
On le trouvait non seulement dans les temples, à Tcntrée des
portiques et devant les idoles auxquelles on obligeait souvent les
chrétiens do brûler de lencens, mais dans les bois sacrés^ près
do Yimplumum dés maisons et des palais, et souvent au milieu
même des campagnes où Ton sacrifiait au dieu Terme. Dans ce
dernier cas, Tautel était une pierre quelconque, solidement fixée
dans le sol avec sa cavité au sommet; par temps c'était même
un tronc d'arbre :
Termine ! sive lapis, sive es defossus in agro
Stipes. (3)
J'ai trouvé à Montmaurin de nombreux autels de ce genre, ce
qui prouve leur usage universel. L'autel d'Avezac qui nous occupe
était, certainement, un autel thuricrema. Selon toute apparence,
il était placé devant une idole de Jupiter. La cavité supérieure
aurait reçu le feu sacré, l'encens, le vin et les aromates^, et les
rainures qui y prennent naissance auraient servi à l'écoulement
du trop plein.
Avezac possédait un autre autel thuricrema fort remarquable,
lorsque je visitai sa chapelle pour la première fois. C'était un petit
chapiteau corinthien (v. n° 3), délicatement sculpté, assis sur une
colonnctte en marbre; on l'y chercherait aujourd'hui vainement,
il est devenu la proie de quelque avide amateur.
5<» Je ne saurais passer sous silence une autre sculpture antique
1. Voir & la planche B.
2. VirgMe. Enéide, lib. IV. v. 453.
3. Ovide, Foiiei, II, v. 641.
4. Vidit thoricremlt «te
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S80
digne, je crois, du plus grand intérêt. Elle se rattacherait à la gé-
néalogie de Jupiter adoré, certainement à Avezac, dès avant
l'ère chrétienne.
C'est un superbe Capricorne, finement sculpté sur un bloc de
marbre blanc et très bien conservé (v. n® 2). On sait ce que la
mythologie nous enseigne sur le Capricorne. Voici la version la
plus commune :
Jupiter étant né de Saturne et d'Ops fut livré, pour être nourri,
à Âmalthée, fille de Mélissus, roi de Crète, ou mieux à la chèvre
Amalthée. Devenue mère du Capricorne, elle lui prodigua tous
les soins de l'amour maternel. Plus tard, une révolte à jamais
mémorable ayant éclaté contre le fils de Saturne, le Capricorne
prit fait et cause pour le maître des dieux, son frère de lait, et
contre les Titans révoltés. Jupiter allait avoir le dessous et subir
le déshonneur de la défaite lorsque le Capricorne, accourant à son
secours, fit changer le sort des armes. Muni d'un énorme coquil-
lage trouvé, par hasard, sur les bords de la mer, il met en
fuite les rebelles et décide la victoire en faveur de Jupiter. Un
tel bienfait ne pouvait demeurer sans récompense. Reconnaissant,
le maître des dieux se hâta do placer le Capricorne dans TOlympe,
pour l'associer à sa félicité et à sa gloire.
Notre Capricorne n'est-il pas, dans le temple d'Avezac consacré
à Jupiter: T 0* M*, un souvenir de cette fable mythologique?
Pour moi cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Longue de 0" 70 sur
une hauteur de 0™ 50, cette pièce, formait la moitié d'un fronton,
avec encadrement à plusieurs moulures. Une sculpture analogue
a dû se trouver dans Tautre partie du fronton, au côté gauche.
Toutes nos recherches pour la découvrir ont été inutiles. C'est
très regrettable pour la science et l'histoire d'Avezac. Espérons
que d'autres seront plus heureux. Cette découverte nous permet-
trait de rétablir le monument tel qu'il était, à peu près, à son ori-
gine. Mais consolons-nous de l'insuccès par les résultats déjà
obtenus.
L'aigle, emblème de Jupiter, qui occupe à Pompéi et ailleurs le
centre du fronton dans les monuments de ce genre, est remplacé,
ici, par une moulure formant hémicycle (a) et représentant, sans
aucun doute, le coquillage, instrument de la victoire du Capri-
corne sur les Titans.
Il résulte donc de tout ce que nous venons de dire qu'il y avait,
à Avezac, avant l'ère chrétienne, un temple payen, et pour le
moins des villas importantes. Il me reste à parler d'Avezac et de
sa chapelle sous l'ère chrétienne.
L'abbé Couret.
(à suivre).
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EXCURSION EN BAROUSSE
COMPTE RENDU DE LA COURSE
FAITE PAR LA ^OCIÉtÉ DES ÉTUDES DU pOMMINQBS
LE 20 JUILLET 1895
Un spirituel chroniqueur commingeois nous a envoyé, sur notre dernière Excursion
faite en la précieuse compagnie de plusieurs membres de la Société académique de Tar-
bes, une relation pleine d'entrain et « d*humour. »
Bien qu'elle s'écarte du classique, et que le « plaisant » l'emporte sur « le sévère » ou
le grave dans ce compte rendu instantané et piquant, on a pensé que, tel qu'il est, il
apporterait, avec une saveur particulière, un élément de variété dans le ton habituel de
nos publications.
Une fois, comme on dit, n'est pas coutume. Et puis ceux-là surtout qui assistaient à la
course ne retrouveront-ils pas, pris sur le vif, les incidents de cette agréable journée où,
il faut bien l'avouer, le côté scientifique n'est pas resté au premier plan.
Crime avoué n'est-il pas à moitié pardonné ?
Au surplus, cette chronique sera pour les lecteurs de nos travaux dans la Aevue, un
délassement et une détente. A. C.
Le samedi, 20 juillet 1895, je descendais du train de Toulouse
vers trois heures du matin, et l'on eût pu me voir sur la terrasse
des Marronniers à Saint-Gaudens attendant, comme à un rendez-
vous, le lever de T Aurore ; elle apparut sans voiles, sans nuages dia-
prés, fraîche et rose, signe de beau temps. Sur cette agréable
vision, j'allai me reposer un instant, et à six heures et demie,
ayant peur d'être en retard, j'arrivais à la Croix du Barry.
Personne.
Le soleil faisait Timportun à travers les grands arbres du Jar-
din public et déjà la rue goudronnée s'échauffait. Des paysans
passaient en jardinière, de pieuses dames se rendaient à l'église,
une marchande des quatre saisons traînait sa baladeuse, le gar-
çon des bains Isrvait et frictionnait les murs. Ni les uns ni les
autres n'avaient tournure d'excursionnistes, encore moins d'ar-
chéologues convènes.
Je fis un tour de ville, pensant, irrespectueusement sans doute,
que la capitale du Nébouzan n'était pas tellement vaste qu'on ne
dût rencontrer un Commingeois, si par hasard il s'en trouvait
hors du logis.
RfTvi Di ComiROBi, 3* trimestre 1S95. Tomi X. — 30.
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Peu à peu la pla-
cette s'était garnie. Égayés par les élégantes toilettes de plu-
sieurs gracieuses excursionnistes, des victorias, des landaus, des
calèches à deux, trois et quatre chevaux s'alignaient sur la route
de Valentine. C'étaient des véliicules de louage et des voitures de
maître attelés de chevaux du pays, légèrement musclés mais
nerveux et convenablement en forme. 11 fallait choisir. Un mon-
sieur à barbe grise, qui s'agitait obligeamment pour demander
aux uns et aux autres s'ils déjeuneraient à la table commune à
Siradan, m'adressa aux commissaires ; et ceux-ci fort galamment
me gardèrent avec eux dans la première voiture.
Cependant on ne partait pas. Dès qu'une nouvelle voiture se
montrait, on rendait visite aux arrivants. Les compliments succé-
daient aux poignées do main, on se réjouissait à la pensée de
lagréable excursion qui s'annonçait brillante et gaie, de tous côtés
perlaient de joyeux éclats de rire, mais on ne partait pas. M. le
président Couget, le général Deaddé, M. Abadie, M. Picot, toutes
les autorités — tous les gros légumes aurait-on dit en style con-
vône — étaient réunis et semblaient délibérer.
Enfin le signal est donné, et nous voilà traversant Valentine
et Labarthe pour gagner Barbazan, à travers des lieux fertiles en
vestiges antiques signalés dans l'itinéraire distribué d'avance.
Comme nous n'avons pas découvert ce pays connu de temps
immémorial, adoré des poètes, fouillé par tous les géologues,
où les mastodontes retrouvés par M. Chaton au-dessus des
tuileries de Valentine précédèrent les Garumni et les Convènes,
vous ne vous attendez pas à ce que je vous serve, après les
autres, les légendes géologiques qui font de cette ravissante
plaine de Rivière un ancien lac. Les eaux de Labarthe se trou-
vaient-elles dans la banlieue de Lugdunum Convenarum ? Est- .
il vrai qu'on s'y rendait de la cité par une vçie romaine bordée de
-villas ombreuses où les fleurs les plus rares s'étageaient en déli-
cieuses corbeilles sur les terrasses de marbres blanc et rouge
agréablement combinés ? Les belles madames, après avoir sacrifié
au veau d'or qu'on adorait dans le temple superbe construit au
col de Cier en façade sur la vallée de Loure, au-dessus du lac
sacré de Barbazan, venaient-elles, aussitôt le bain pris aux eaux
de Labarthe, luncher dans les boutiques disposées autour des
Thermes et savourer le miel de Narbonne arrosé de vin de
Syracuse ?
Autant de questions sur lesquelles le savant M. Cabannes doit
être plus fixé que votre serviteur, et vous aimerez sans doute
mieux que, délaissant l'antiquité, je vous présente les jeunes gens
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283
qui faisaient, avec une grâce toute gallo-romaine, les honneurs
de Texcursion en qualité de commissaires.
L'un deux a le masque convène. 11 est élancé et souple, sa phy-
sionomie est grave et réfléchie, et cependant il s'est montré fort
enjoué et du meilleur entrain durant l'entière journée. En le
voyant sous sa robe d'avocat ou dans sa tenue de cycliste qui
découvre le mollet et le torse, on juge qu'il eût été aux troisième et
quatrième siècles, soit qu'il eût discuté au forum les intérêts de ses
clients, soit qu'il se fût exercé aux jeux du cirque, un des plus
séduisants citoyens de la capitale des Gonvènes. C'est Charles
Thévenin.
L'autre, M. Bize, est un élégant poète, blond, et sans mièvreries,
vibrant à toutes les impressions, d'artistique allure. Il admire la
nature, chante la femme, a des indignations littéraires, quelques
originalités, c'est un poète. Se plait-il aux élégies ? a-t-il des notes
mélancoliques ? de Ronsard à Tailhade quels sont ses dieux ? quel
est son état d'âme ? sa pensée aiguisée par la culture intellectuelle
se dégage-t-elle aisément de la gaine des sens ? Je l'ignore, car, le
20 juillet 1895 n'était point pour nous une journée d'observations
psychiques approfondies, mais un jour de grande liesse. Le poète
rit et fort agréablement, c'est tout ce que je puis en dire.
Le troisième commissaire, le lieutenant Maratuech, représentait
les Celtes du Quercy. De taille moyenne, bien râblé, il donne tout
d'abord l'impression, avec sa figure carrée et ses cheveux châ-
tain-clair, d'un mathématicien sévère. Puis quand il cause, il se
révèle instruit et lettré, de gaies manières, légèrement pince-sans-
rire, compagnon aimable.
Quant au quatrième, le plus jeune, M. Labic. il se donnait le plus
de mal, se prodiguait galamment auprès des dames, stimulait les
cochers, surveillait la broche et le service, ne négligeait aucun
détail. Le président Couget avait eu la main heureuse en lui attri-
buant une fonction qu'il remplissait à la satisfaction générale.
Avec de si agréables compères, on ne pouvait guère s'aperce-
voir que l'on traversait Valentine, Labarthe, Ardiège et Barbazan.
Cependant comme les gens étaient sur les portes, nous remarquâ-
mes de jolis minois. Peut-on remarquer autre chose en compa-
gnie d'un lieutenant et do trois jeunes avocats dont un poète ? Et
il n'était point question d'archéologie et de voies romaines lorsque
le cocher de tête arrêta ses chevaux devant l'allée qui de la route
de Luscan conduit aux bains de Barbazan.
Nous offrîmes nos bras aux dames et tout en devisant des ver-
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284
tus curatives des eaux de Barbazan, nous descendîmes à la bu-
vette où se trouvait entr'autres nouveaux venus, se déployant de
l'un à l'autre avec force formules louangeuses, M. Montoussé
Dulion qu'accompagnait l'exquise châtelaine de Barbazan. I^
nombre des buveurs d'eau relativement considérable pour ce
début de saison, l'agrément du lieu, le plaisir de retrouver des
physionomies connues, une promenade autour de l'établissement
nous firent regretter d'être obligés de repartir bientôt après. Si du
moins une avenue nous eût permis de gagner Loures à travers ce
parc naturel fait des prairies ombragées de chênes et de peupliers
qui bordent la Garonne de si séduisante façon, nos regrets eus-
sent été vite apaisés par le charme attrayant de cette nouvelle
route.
Nous étions remontés en voiture et causions encore de l'absolue
nécessité d'un boulevard reliant directement Loures à Barbazan,
quand nous traversâmes le village de Luscan et le pont à péage.
Un moment après, nous brûlions Bertren et Bagiry, et nous con-
tentant de frôler le village de Saléchan, gais et contents, nous
faisions une entrée bruyante dans l'établissement de Siradan.
Au milieu de la cour d'honneur, sous les grands platanes, sou-
riant et la main tendue, s'avançait le docteur Bordères, commin-
gcois de pure race, ainsi que l'atteste son nez, fils de celui
d'Henri IV. Le docteur est un fourrier de premier ordre et de suite
il montra aux commissaires que rien n'avait été négligé pour offrir
à la Société, sur le territoire des Quatre- Vallées, un déjeuner dont
tout le Nébouzan eût voulu être.
La table était dressée sous les magnifiques charmilles qui con-
tournent le parc coquet de Siradan et lui font une couronne de
verdoyantes allées que les rayons du soleil, pour si ardents qu'ils
puissent être, ne parviennent jamais à pénétrer. Elle était parée
de roses, comme aux temps heureux de Lugdunum. Dans les cui-
sines, des gigots en enfilade tournaient devant des flambées bien
ordonnées, dégageant un parfum succulent de haulto graisse,
tandis que des truites vivantes frétillaient dans un seau, vraisem-
blablement à la pensée qu'elles seraient, dans quelques minutes,
appréciées à leur valeur par des palais convènes.
Ce spectacle nous fit du bien. Le poète Bize en fut lui-même
ému et nous dîmes en chœur : « Il nous faut des apéritifs, n'en fût-
il plus au monde.»
Le maître d'hôtel accourut. C'était Jean Fons, une ancienne
connaissance du café Albrighi» aujourd'hui directeur du reatau-
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S85
rant de la Paix à Toulouse. Nous nous congratulâmes et il nous
versa des apéritifs de choix que nous noyâmes d'eau fraîche, ainsi
qu'avaient l'habitude de le faire lés Gallo-Romains nos ancêtres.
C'est en ce moment qu'arrivèrent pour en prendre leur part nos
bicyclistes du Nébouzan.
On n'attendait plus que la Société académique des Hautes-Pyré-
nées qui venait de Luchon partager nos agapes. Mais comme les
truites frites se plaignaient d'attendre, on se mit à table sans ces
messieurs.
A Tun des bouts de la table ronde, M"« B. de G-, reine
de céans par l'éclat de sa jeunesse et de sa grâce, était entourée
de deux cavaliers servants, Joseph Labic et Gaston Bouillon qui
se prodiguaient pour lui plaire.
Ils n'en oubliaient pas néanmoins leurs voisines, l'élégante
M"« G. et M"o M., toute brillante d'entrain, et furent pour nous
tous d'une amabilité extrême. On riait, on plaisantait, on échan-
geait quelques propos badins. Bouillon avait porté de la glace,-
il n'avait pas oublié le Champagne et les faisait circuler de
si spirituelle façon que tous les convives en furent émoustillés.
L'entrain devint général et la fête commingeoise fut dans tout son
éclat.
Vers le milieu du repas, la Société académique des Hautes-
Pyrénées fit son entrée.
Ils sont très-bien ces Bigourdans ^
Tous décorés de rouge ou de violet, de tenue correcte, char-
mants diseurs. Ayant avec eux deux dames, un prêtre et un offi-
i. Dans un compte-rendu que publiait, le 8 août dernier, le journal tarbais les
Pyrénées, nos aimables et distingués confrères de la Société académique des Hautes-
Pyrénées ont été si gracieux pour les Commingeois, qu'ils nous reprocheraient peut-être
de navoir rien conservé ici de ce qu'ils ont bien voulu écrire sur l'excursion dernière.
En voici un extrait :
« Retenons de Siradan la somptueuse charmille où la table est dressée, l'admirable
fraîcheur d'un parc superbe, coupé d'allées ombreuses et s'ouvrant sur un escalier
monumental, qui, tout moderne qu'il est, éveille le souvenir des splendeurs oubliées.
Retenons surtout l'accueil plein d'exquise courtoisie de nos confrères de Saint-Gaudens,
dont le vice-président, le secrétaire général et le trésorier, MM. Couget, Abadie et Picot,
nous reçoivent si gracieusement que les deux Sociétés n'en font bientôt qu'une.
« Au dessert, grande bataille de toasts entre les présidents : le « Tarbais » remercie les
Commingeois de la Haute-Garonne d'être venus dans les Hautes-Pyrénées ; le « Commin-
geois » remercie les Bigourdans d'être venus en Commingos. Et dans ce tournoi acadé-
mique, tout remonte à flot, et les comtes d'autrefois et les conventionnels d'hier, et le bon
roi Henri et Bertrand Barrère. Si bien que, pour trancher cet héroïque débat, l'un des
assistants se lève pour boire au « département de Gascogne >», ce qui fait que tout le
monde est chez soi... •
De son côté M. Charles Du Pouey, l'érudit président de la Société académique,
recevant, le 11 août à Tarbes, la Société archéologique du Gers, revenait dans son dis-
cours sur la réunion des Tarbais et des Commingeois. Voici quelques lignes charmantes
de son allocution :
« II y a peu de jours, les deux Sociétés du Comminges et des Hautes-Pyrénées,
se rencontraient à Siradan dans la vallée de Barousse. Réunies dans un charmant
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cier, ils nous en imposèrent un instant; mais la gaité n'en fut pas
absolument enchaînée et les causeries vives et spirituelles repri-
rent de plus belle.
Du reste un incident fort plaisant marqua leur arrivée.
Ils étaient présentés par M. de Gardaillac, Térudit conférencier
de la veille à Saint-Gaudens, et le président Couget se levant leur
souhaita la bienvenue de la plus galante manière, au nom de la
Société qui était heureuse de recevoir leur visite en Comminges.
M. du Pouey, président des fiigourdans, répondit en s'excusant
de n'avoir pas lui-même pris les devants, car nous étions en
Bigorre à Siradan, sur le territoire des Quatre- Vallées, et il reven-
diqua rhonneur de nous oITrir Thospitalité.
M. Couget n'est jamais en reste de réparties, et chacun des deux
présidents voulant être chez soi afin de faire des politesses à l'au-
tre, il y eut échange de compliments et de revendications dont
tous les assistants bientôt prirent leur part. Gaston-Phœbus fut
évoqué, peut-être aussi la reine Marguerite. Un des convives
parla des Centules, un autre cita la charte de Bramevaque, il fut
également question des consuls, des syndics des vallées, des évè-
ques de Saint-Bertrand, du grand et du petit Languedoc, de la
Gascogne et du Béarn. Le verre en main, on en fût venu aux fortes
rasades; les gosiers étaient secs, le vin allait couler, quand le
chant d'Aqueros mountagnos, aussi bigourdan que commingeois,
bissé en chœur, rétablit la concorde et nous permit d'attaquer le
gigot.
L'incident avait aiguisé l'appétit et la conversation ne fût plus
devenue générale, si M. Cabannes n'avait envisagé le point de
savoir si Pompée traversant les Pyrénées avait connu les eaux de
Siradan. Pauvre Pompée! l'avons-nous assez réveillé de son
sommeil de deux mille ans pendant une demi-heure ! lies oreilles
lui en sifflent encore, et si les centurions sont passés partout où
nous les avons fait circuler dans la vallée d'Âran ou dans celle de
Luchon, à travers les ports et sur les pics, ils avaient le pied joli-
ment montagnard.
On était encore sous le charme de l'érudition de M. Cabannes et
il nous promenait dans le Couserans et le Castillonnais, par les
prés de la Ballongue et de Biros, quand le café fut annoncé. Le
poète Bize prit son luth et, glorifiant la montagne, nous éleva sans
fatigue jusqu'aux plus hauts sommets. Nous nagions dans l'Âzur,
entraînés dans le Rêve, oublieux de Texcellent dîner que nous
déjeuner, elles faisaient pacte d'alliance et d'amitié sous la plus verte des charmilles, salle
à manger élyséenno qui n'avait d'archéologique que sa ressemblance lointaine mais
frappante avec l'idée qu'on se fait des antiques Paradis de la Perse ou de la Chaldée, uù,
sans trop d'illusion ni d'efforts, nous pouvions nous croire attablés... •
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venions de faire ; mais le fin moka, dont Pline et Strabon négligèrent
d'apprendre à nos ancêtres les Convènes les qualités et la prove-
nance, fut versé dans les tasses. Les cigares s'allumèrent comme
par enchantement avec la permission des dames, et il ne resta
plus qu'à se faire photographier. Tout le monde se rendit pour
cela sur la pelouse; on dénicha dans les bosquets, sous les char-
milles, tous ceux qui ayant porté leur poulet froid et leur pâté
avaient fait bande à part, et l'opération commença. Une, deux,
ça y est. Voua pouvez vous disperser, nous dit M. Bordères — qui
ne m'en voudra pas si je froisse sa. modestie en disant que ses
clichés sont de petites merveilles photographiques.
Les cyclistes sautèrent sur leurs instruments, nous reprîmes nos
landaus, et les Bigourdans grimpèrent dans leur guimbarde.
Avez-vous vu sur les théâtres la diligence du Courrier de Lyon?
Telle était la patache * des Bigourdans, attelée de trois chevaux
solides, avec places dUntérieur et d'impériale et peinte sur fond
jaune. Ils y étaient serrés à quinze, mais n'en paraissaient pas
plus mécontents. L'idée de voyager ainsi, par le col d'Aspin,
Luchon, Loures et la vallée de la Neste était aussi originale que
pratique. Ils riaient et s'y trouvaient à l'aise, et pour monter
comme ils le firent de Mauléon à Ourde, ils avaient choisi leur
attelage, en bon connaisseurs de purs sangs qu'ils sont tous.
Noua les suivîmes à Ferrère et arrivâmes après eux aux chalets
Saint-Nérée où se trouvait enfin de l'eau suintant sur le roc et de
la fraîcheur sous les ombrages. Mais mademoiselle Agathe n'y
était pas; sa petite flotte avait dû être brisée par les crues du
printemps, son oratoire était fermé. L^eau salutaire et bienfaisante
coulait toujours en aussi grande abondance; et, jetant de grands
fagots sous la cuve, un montagnard vêtu de bure s'industriait à la
chauffer. Il n'y avait ni peintures à fresque, ni mosaïques, ni par-
quets cirés, ni salles d'inhalation, de douches et de massage, dans
ce réduit bâti en planches où cinq vieilles baignoires de zinc con-
tenaient l'eau qui, sans secours du médecin, fait marcher les para-
lytiques et calme les rhumatisants. Pauvre mademoiselle Agathe!
Dans le vallon solitaire où l'herbe envahit les allées d'antan, elle
1. On ne saurait voir rien de désobligeant dans ce badinage, nos aimables confrères de
Tarbes ayant eux-mêmes, dans leur compte-rendu, plaisanté sur leur équipage d'occa-
sion. Ils qualifient leur véhicule de « bizarre » ; ils s'amusent de ce « coche qui ressemble
vaguement à une cuve d'arrosage tant il est haut en haut, et bas, en bas »... « cette pata-
che jaune fut surnommée Paqui ta à l'unanimité. »... «Tout en élévation, elle eUVayait
les timides et même les autres ; mais les plus hardis se risquèrent par l'échelle d'ascen-
sion et les hésitants suivirent. »
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ne verra pas les journalistes, les banquiers et les rois conduire les
comédiennes dont les joues fardées ont tant besoin d'un teint de
lys et de roses. Les fées ne Font pas voulu, mademoiselle !
Les Bigourdans se firent photographier seuls et nous repartîmes.
La chaleur s'était calmée et nous échangions nos impressions à la
descente des chalets vers Ferrère, admirant les scintillements des
chûtes d'eaux, la verdure des frondaisons et le pittoresque aspect
du torrent dans ce paysage de haute montagne. Tout à coup un
cri attire notre attention, un cycliste faisait le saut dans le vide.
On accourt, la guimbarde des Bigourdans s'arrête, quelques-uns
descendent. Sur le bord du chemin, M. Courouleau, la figure en
sang, s'épongeait, et chacun de se montrer à quinze mètres
au-dessous, dans le torrent, un homme qui se dégageait à quatre
pattes, se traînait, se lavait, paraissant fort empêtré. C'était
M. Vincens.
Déjà nous enjambions la murette pour dégringoler et lui porter
secours quand son jeune fils, remontant en empoignant les her-
bes, nous cria que ce n'était rien.
Il fut vite convenu de continuer la route comme si rien ne s'était
passé, afin de ne pas épouvanter M«« Vincent qui se trouvait dans
la dernière voiture
Cependant nous traversions de nouveau Ferrère et nous nous
demandâmes si nous ne goûtions pas une tranche de jambon d'un
des douze sangliers que les habitants de Ferrère tuèrent l'hiver
dernier au temps des neiges, et qu'ils ont salés et fumés. Il était
tard, nous continuâmes sans stopper, jetant un coup d'œil distrait
sur le magnifique portique de Saoule, ne nous arrêtant qu'à
Mauléon, où les voitures pressées les unes contre les autres ne
permettaient plus d'avancer, interdisant l'accès du pont.
Nous y retrouvions tous les excursionnistes éparpillés du donjon
au café. Le photographe était arrivé et l'on cherchait un bon
endroit pour poser son instrument aussi fin de siècle, aussi
encombrant que la bicyclette. Il fut dressé dans la cour anti-
que de M. Plamajou, entre la tour carrée et le donjon, et chacun
se mit en place. Nous étions massés entre un tas de branches
et. des ruines, les enfants par ci, les jeunes filles par là. et les
plus graves personnes dans les postures les plus drolatiques. Ce
doit être un instantané des plus gais dont les Bigourdans ne furent
pas. Métiiodiques et pressés, ils étaient repartis au grand trot pour
Saint-Bertrand et Saint-Just.
Moins archéologues sans doute, plus fantaisistes, noua avions
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oublié quo nous étions liés par un programme, nous reposant où
nous nous trouvions le mieux, négligeant des sites qui dans toute
autre circonstance nous eussent semblé merveilleux, oublieux de
la légende et de Thistoire, n'ayant plus goût qu'aux incidents de
la route.
Bramevaque parut trop haut perché et du chemin nous le vîmes
si mal que pas un ne fut tenté de grimper à travers les ronces qui
ont poussé sur le mirifique château enchanté de la comtesse Mar-
guerite. Nous nous laissions porter, au soleil couchant, le long de
rOurse qui coulait maintenant sans ondulations, glissant sur les
cailloux proprets, tandis qu'au delà de la rive, bordés de peupliers
et de saules s'étendaient des prés si verts, si frais, qu'on s'en
voulait de ne point aller voluptueusement se coucher à l'ombre
des pommiers dont ils étaient parsemés.
Après avoir salué la Vierge de Gréchets et traversé avec de
grands claquements de fouet lô village de Sarp, nous nous sépa-
râmes. Les vrais archéologues, que tenait surtout au cœur le
souvenir du Comminges des temps passés, revinrent directement à
Saint- Gaudens , en se montrant respectueusement Valcabrère,
le berceau des Gonvènes. Ils regardaient curieusement si, à travers
les premières ombres de la nuit, ils ne voyaient pas les spectres
fantastiques de nos ancêtres dévalant des montagnes avec les
émissaires de Pompée, arrêtant leurs chevaux et leurs chars sur
le plateau fortuné de Saint- Just et, d'un air conquérant disant aux
Romains stupéfaits de leur assurance : «Nous bâtirons dans cette
vallée la plus grande cité des Pyrénées. »
Il y a deux mille ans à peine. De lourdes forteresses, de puis-
sants remparts, des temples, des palais dont s'enorgueillissaient
nos pères, et plus tard des châteaux-forts, des églises, d'immen-
ses couvents où des légions de moines écrivirent l'histoire, furent
édifiés, de Tibiran à Barbazan, sur de profondes assises. Que
reste-t-il de ces travaux cyclopéens qui devaient durer comme le
monde ? Rien, et le laboureur retourne sa charrue sur l'emplace-
ment des bibliothèques, sans faire surgir le secret des temps
passés. Tout n'est que légende, histoire vague, avec, chaque deux
ou trois siècles, un fait saillant qui, apparaissant à une très grande
distance de celui qui le précède et de celui qui le suit, nous em-
pêche de nous perdre tout à fait dans la foret de l'Oubli.
Des dieux dont personne ne se doutait, des déesses qui ne fu-
rent sans doute pas adorées, sont créés par l'épigraphic, science
qui donne trop de solutions. La nuit en est-elle moins obscure ?
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se disaient, en prenant leur bougeoir, les vrais archéologues du
Comminges.
Pendant qu'ils se glissaient dans leurs draps de lit pour y goû-
ter un repos bien gagné à la recherche de la science, les autres
étaient venus par Izaourt dîner à Loures, s étaient risqués au
Casino afin de comparer la musique des Grecs, retrouvée si heu-
reusement par Offenbach, avec les chants liturgiques et les mélo-
pées convènes. On n'y chanta ni les unes ni les autres, mais des
airs nouveaux qui ne sont nullement désagréables après boire.
Puis la blonde Reine des Nuits étant montée sur son trône d'étoi-
les glissa sur le bleu parvis, en irradiant de ses blanches lueurs
les ombres amoncelées. Elle invitait les Gommingeois à profiter
de ses derniers rayons pour rentrer au logis.
Ge qu'ils firent tard, ne se trouvant pas pressés, et le lendemain
étant dimanche.
Ernest FERRAS.
La veille de Texcursion nous avions eu le vif plaisir d'entendre,
dans une conférence fort intéressante, notre confrère M. Xavier
de Gardaillac, avocat et membre de la Société académique de
Tarbcs, nous parler agréablement d'archéologie à propos des anti-
quités de Saint-Bertrand — l'ancien Lugdunum — et de Valcabrère,
autrefois la ville basse du chef-lieu de la Givitas Gonvenarum,
une des plus importantes de la Novempopulanie en Aquitaine.
La diction élégante et animée du conférencier, les rapproche-
ments heureux auxquels il s'est livré au cours de l'entretien, ont
triomphé de l'aridité du sujet lui-même en ce qu'il avait nécessai-
rement de technique. Aussi a-t-on écouté avec intérêt jusqu'au
bout ses développements sur l'architecture des xii« et xiv« siècles,
ainsi que sur l'art de la Renaissance dont les admirables boise-
ries do Saint-Bertrand sont, sans contredit, un des plus beaux
spécimens.
Inspecteur pour la Société française d'archéologie, originaire
lui-même de notre ancien comté où ses ancêtres possédaient plu-
sieurs seigneuries, M. de Gardaillac parle des monuments de notre
pays en vrai connaisseur et avec l'autorité que lui donnent déjà
des travaux remarqués. Gitons notamment sa Monographie du
cloître de Saint-Sever du Rustan — où il étudie surtout, d'après
les sculptures de cette curieuse abbaye, l'habillement et Tarme-
ment en Bigorre au xv" siècle, — et son Histoire de la cité de
Bigorre, publiée en 1890 en la collaboration de M. Norbert Rosa-
pelly. — Notre Revue avait signalé ce dernier travail.
M. de Gardaillac sera toujours le bien-venu quand il voudra
nous apporter, avec sa sympathique bonne grâce, le concours de
son incontestable savoir. A. G.
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M. J. Bize, avocat à Saint-Gaudcns, a bien voulu nous dire, au
banquet do Texcursion, une ode dont l'inspiration lyrique a été
remarquée au dernier concours des Jeux-Floraux. Elle a été
« distinguée » et a obtenu les honneurs de Timpression dans le
recueil de 1895.
Nous ne saurions manquer de publier dans le nôtre cette com-
position d'un jeune compatriote qui a donné plus d'une preuve de
ses facultés poétiques. Chez lui « la vigueur des images et les
aspirations n'ont rien de banal », a dît le très distingué secrétaire
perpétuel de l'Académie d'isaure, en exprimant le vœu de pou-
voir lire Tan prochain de nouveaux vers du poète commingeois
qui a montré cette fois combien la majesté de nos horizons pyré-
néens parlait à son âme. A. G.
LE ROI DES MONTS
Altiùs.
Je te salue, ô Pic, debout vers le ciel rose^
Vêtu de clair azur, le front voilé de blanc.
Drapé dans le brouillard qui rampe sur ton flanc^
Et Vimmobilité d'une extatique pose.
Grave, parmi les monts à tes pieds prosternés^
Comme un prêtre géant h la robe d'hermine,
Dans le dernier rayon du jour qui Villumine
Tu lèves tes longs bras vers les deux étonnés..,
La frayeur et la mort hantent tes cimes blanches...
Nul arbre et nul oiseau, point de chants, point de nids.
Tes seules fleurs sont les dentelles des granits.
Et tes seules chansons la voix des avalanches...
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Personne n'a foulé ta neige vierge encor,,.
Personne n'a gravi tes sommets grandioses
Que les soleils levants sèment de reflets roses,
Que les soleils couchants vêtent de pourpre et d'or.
C'est en vain que le vent te soufflette à la face
Et laboure ta crête avec des hurlements.,.
En vain que les soleils^ sous leurs rayonnements,
Cherchent à réchauffer ton lourd manteau de glace.
En vain qu'aux soirs d'été, parfois, un astre ami
Se penche pour baiser ta cime ensommeillée.
Comme un enfant pieux qui, pendant la veillée,
Daise les cheveux blancs d'un aïeul endormi!
C'est en vain!... impassible et portant haut la tête,
Semblant clamer au ciel une immense oraison,
0 Pic, ta majesté se dresse à l'horizon.
Baignant dans l'azur clair les neiges de son faite.
Oh ! vivre comme toi, grave et silencieux.
Enfermé dans l'orgueil d'un rêve solitaire.
Et passer, dédaigneux des rumeurs de la terre.
Le cœur et les regards toujours levés aux deux.
Jacques Hizb.
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RECTIFICATIONS
Relatives à l*arlicle inlitalé : ■ Le Jubilé de Saiol-Berlrand de Commioges.
Uevue, l895p p. 202 et suivaDles.
Nous remercions M. Tabbé Lestrade, notre érudit collaborateur,
qui nous avait fourni des textes, d'avoir bien voulu relever dans
cet article quelques erreurs dont la plupart sont le fait du typo-
graphe :
I. — Page 202, note 2™«. liire Villaudraut et non Villaudrant. On
sait que la désignation du lieu d'origine do Clément Y a causé de
nombreuses controverses. A la suite de trois mémoires publiés
d'abord dans le t. xvni des Actes de la Société archéologique de
Bordeaux par MM. Brun, Berchon et Brutrails, édités ensuite
séparément (1894), on lit une note destinée à mettre un terme au
débat. Clément V écrit à Edouard I", roi d'Angleterre, et il est
amené à indiquer l'endroit ou il est né. Voici ses propres expres-
sions :
« Pour augmenter votre joie, nous vous faisons connaître que,
malgré la faiblesse qui nous a accablé ces temps passés, nous
commençons à reprendre des forces et à croire à laguérison, avec
l'assistance du Très-Haut. £t pour y parvenir, nous nous étions
fait transporter vers le climat de notre première enfance et à Vil-
laudraut^ lieu de notre naissance^ où déjà nous nous sentons
mieux. — Ad primitivum nos transtulimus aerem et locum nativi-
tatis notre, Vignandraldum, ubi jam meliorationis sentimus
juvamenta. » (1306').
II. — Page 203, note 1. Lire ad summum pontifîcmm, et non
pontificum.
III. — Page 204, note 1. Lire Regestrum démentis, 46tc., et non
Regt8trum.
IV. — Page 209, note 3. a) Remarquer, au préalable, qu'un
passage de la bulle de Jean XXII, est évidemment altéré, savoir :
« ut id quod per sollicitudinem ofQcii nostri (?) ad debitum
perducantur effectum.
b.) Ejcpropter est mis pour eapropter.
c.) On doit lire : « vestris justis postulationibus. »
Ce document est compris dans le fonds des Archives du Chapitre
de Saint-Bertrand. (Haute-Garonne, Arch. départementales.)
J. L.
. 1. Voyez : Rymer, > Fœdera >, Convenliones Édil. de la Haye, 1745, etc. Cité dans
le Yoliime ioiilulé Uzeste et Clénient \\ — Bordeaux, impr. Cadoret, 1894. Noos espérons
pouvoir revenir bientôt sur cette pablication qui intéresse un des plus illustres évéques
do Commioges.
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Il faut ajouter à ces corrections :
Page 212. — Le copiste du manuscrit de Pomian qui nous a
fourni la citation n'a-t-il pas voulu dire à la dixième ligne :
Trois cents au lieu de trois formules ?
Page 214. — Il y a lieu de modifier la note t, au bas et la page, et
de lire : Son père, etc., était gendre de Guillaume Taillefer dont
Tune des filles, Constance, épousa Robert le Pieux, fils de Hugues-
Capet.
Lorsqu'on a vu, dans cette notice sur le Jubilé, qu'une des fêtes
établies en Thonneur du saint évêque Bertrand de Tlsle rappe-
lait sa Nativité, il ne faut pas oublier que cela ne signifie pas sa
naissance terrestre, mais le jour de sa mort qui fut le 16 octobre.
Par une admirable fiction TÉglise considère que la véritable
naissance des bienheureux est celle de leur entrée dans la cité
céleste. Tel est le sens du mot natalis dans les bulles.
Il n'y a d'exception qu'en ce qui concerne le Sauveur, la Vierge
sa mère, et saint Jean-Baptiste son précurseur, dont la naissance
terrestre est particulièrement fêtée. A. G.
INFORMATIONS
Reprenant une ancienne tradition, nous avons profité de notre
réunion générale pour signaler les distinctions obtenues cette
année par quelques-uns des nôtres.
Ainsi, un diplôme spécial a été décerné par le bureau à M. Dé-
cap, directeur de l'école primaire de Muret, pour ses persévérantes
recherchesdevantservir à l'histoire du Gomminges, il a patiemment
recueilli des documents et rédigé de nombreuses notes^ en même
temps qu'il consacrait avec soin une monographie à la commune
de Labastide-Paumès qui fut jadis le siège d'une seigneurie im-
portante, et dont des restes considérables de l'ancien château sont
encore debout.
De son côté, un do nos collaborateurs les plus érudits, M. Paul
de Gasteran, notre collègue aus^i à la Société archéologique du
Midi de la France, a reçu de celle-ci une médaille d'or pour les
matériaux patiemment recueillis dans les archives de Toulouse
sur les chevaliers de Saint-Jean et sur les commanderies de Malte
dans la région.
Nous savons qu'en chercheur habile, il vient de faire une ample
moisson de documents au profit de notre Société qui est heureuse
aujourd'hui de rendre hommage à son zèle en le remerciant de sa
fidèle collaboration. A. G.
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BIBLIOGRAPHIE
Les Guerres du IS"»* siècle sur les frontières du Comminges,
du Couserans et des Quatre- V allées , par le baron de Lassus,
ancien député (3°>« édition). Paris, Champion; Toulouse, Privât;
St-Gaudens, Abadie. — l vol. in-8«de 318 pages. Prix : 5 francs.
Les lecteurs de notre Revue ont eu la primeur de Timportant
ouvrage auquel M. Léonce Couture a consacré au commencement
de cette année, dans la Revue de Gascogne, le remarquable compte
rendu que nous allons reproduire.
Disons seulement que le désir exprimé par le savant confé-
rencier de rinstitut catholique de Toulouse a déjà reçu pleine
satisfaction. L'auteur, en effet, vient de donner une > édition des
Guerres du 18^*" siècle sur les frontières du Comminges, accompa-
gnée de nouvelles notes, d'une table analytique et d'une carte du
théâtre de la guerre, extraite de la grande carte des Pyrénées
espagnoles et françaises dressée au 18* siècle par Roussel, ingé-
du Roi.
Voici l'article de M. Léonce Couture :
I De nos jours, les loorisles de Luchon, qui vont au port de Vèoasque ou de la Picade
admirer les sauvages beautés de la Maladetla, sont loin Je se douter que sur ces mômes
pentes escarpées, où ils ne s'imaginent pas être montés sans fatigue, il y a deux siècles,
des bataillons de 600 hommes ont campé jour et nuit, harassés par les m'trches et les
contre-marches, toujours sur le qui-vive, le plus souvent nu-pieds et les uniformes en
lambeaux, supportant le froid et la faim, attendant résignés pendant des journées entières
|e morceau de pain qui n'arrivait pas (p. 25.) > C'est avec cet amour intense des hommes et
des choses de sou pays que M. le baron de Lassus a voulu retrouver et raconter les épi-
sodes des grandes guerres du dernier siècle qui s> sont déroulées. Il en v»lait certes la
peine, le sujet est intéressant et plus neuf qu'on n'imaginerait peut-être avant d'y avoir
regardé de près.
Le premier de ses deux récits concerne, en eOei, la guerre de la succession d'Espagne,
« la plus va»te— on l'a dit avec raison ^ qu*on ait vue depuis les Croisades. > Hais par
là même il est assez difficile de la suivre à la fois sur tous les p#inls, et il y a de vrais
avantages, même pour Thistoire générale, à porter son attention sur telle ou telle région
limitée, pour y voir de plus près les réalités, le dcUiil vrai et vivant de la lutte. Or, si au
début de la guerre de succession, de 1701 à 4706, le pays de Comminges n'eut guère qu*à
fournir son contingent, è organiser des milices, à former deux établissements militaires
(Siiinl-Gaudens et Montrejeau), les campagnes de 1709 à I7l2 touchent bien directement
la région. Il faut lire, dans le lumineux et chaud récit du nouvel historien, l'échec du
comte d'Estaing devant Vénasque, la prise d'Arrcns par le marquis d'Arpajon, Thorrible
ruine de Luchon et des villages voisins, les rapides alternatives de la guerre au port de
Vénasque et dans le val d'Aran, les ravages portés par les Miquelets dans la vallée d'Ustou
et aux environs; et parmi ce train de guerre, de tristes et curieux épisodes de brigands,
de faux raonnayeurs, etc. Presque tout cela, je l'ai déjà insinué, aussi neuf qu'intéressant.
Il y a sans doute, sur la guerre que termina le traité d'Utrecbt, autant de récils plus ou
moins détaillés que de grandes histoires générales ou nationales ; mais snr la partie pro*
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prement pyrénéenne, on y trouTe seulement quelques indications décousues et sans préci-
sion. Ici l'éléoient local prend tonte sa f sieur; nous suivons les mouvements de troupes
et les affaires de levées et de contributions, les incendies et les ruines, comme les mesures
de réparation et d*ordre, de quartier en quartier, de village en village. Les indications
générales utiles à la clarté sont ou résumées nettement dans le texte, ou fournies dans
des notes placées au bas des pages ; mais c'est bien la guerre en Comminges et en Con-
serans qui remplit les pages elles-mêmes. Et cette histoire est prise tonte chande, qu'on
me passe le mot, dans les écritures du temps, toutes inédites on à peu près. Les archives
nationales et surtout celles du ministère de la guerre ont fourni à M. de Lassus les corres-
pondances mêmes des officiers qui ont guerroyé dans nos montagnes. 11 a parfois tron>é
Técbo, ou plutôt le cri même des souffrances populaires dans les archives locales de son
cher pays, dont il connaît si bien tous les dépôts; mais il constate que les rensei-
gnements de cet ordre ont été rares, par suite de la perte presque universelle des
papiers du temps. Il a eu plus de secours dans sa propre collection : comme il nous
'apprend lui-même, ■ un de ses ascendants, subdélégué de l'intendance de Montanban de
1698 & 1720, recevait dans sa maison de Montrejeau M. Le Gendre (intendant d*Auoh et
de Béarn), quand ce dernier visitait cette partie de son gouvernement. > De lii une corres-
pondance relative à la guerre d'Espagne, qui est passée par héritage aux mains de
M. de Lassus.
Le second récit de ce beau volume, sur • la guerre de la quadruple alliance sous la
régence du duc d'Orléans (I7l9-l720) >. n'offre ni moins d'étendue ni moins d'intérêt, m
moins de nouveauté. Je n*eu indique pas même d'un mot les divers incidents ; ou y
rencontre des mouvements analogues et souvent la mention des mêmes localités : condition
ordinaire des guerres qui se succèdent dans la même région. Toutefois il y a ici beaucoup
de faits caractéristiques vraiment originaux, en particulier le passage de Portillon exécuté
par les troupes françaises avec des efforts prodigieux et un succès digne de leur courage,
il y a aussi des ligures nouvelles, très dignes d'attention et d'étude. Je signalerai seule-
ment le maréchal de camp Antoine de Pardaillao-Goodrin, marquis de Bonas, dont le nom
(sans parler de remarquables morceaux de correspondance) revient à tout instant dans le
récit. Voici un fragment de la première page que loi consacre l'historien :
• Habile au maniement du cheval et de l'épée, très alerte et très vigoureux aux
attaques, /oignant à l'audace le coup d'œil et la décision, il possédait le don du comman^
dément et il savait inspirer couliance aux soldats A sa vaillance devant l'ennemi, le
marquis ajoutait des façons très nobles, un caractère droit et loyal, un esprit d'une rare
souplesse et fertile en ressources, le tact et le discernement nécessaires pour manier les
hommes et pour surmonter les difficultés, toutes choses qui sentaient le gentilhomme
de vieille race et le gascon de la bonne marque. Parlant à merveille la langue espagnole,
connaissant à fond les populations des vallées frontières, très estimé dans le comté de
Comminges où il comptait des parents et des amis, Bonas avait toutes les qualités requises
pour vaincre des adversaires, soit par l'adresse des négociations, soit par la force des
armes. •
J'ai voulu donner un échantillon du faire de l'écrivain, quitte i augmenter les regrets
de la plupart de mes lecteurs qui ne pourront aborder le volume que je leur présente : ce
volume n'a été tiré qu'à 50 exemplaires, numérotés à la presse! C'est une fantaisie
assez ordinaire aux bibliophiles, et M. de Lassus est de la confrérie, il y tient même un
fort beau rang. Mais il ne devrait pas en user pour des publications comme celle-d, sons
peine de priver les travailleurs ses compatriotes à la fois d'une ■ contribution historique >
indispensable et d'un excellent modèle.
Léonce Coctube
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RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES
SUR LA
HAUTE VALLÉE DE LA SAVE
ÈRE ANCIENNE
(Suite) «
Avezae et sa Chapelle de N.-D.
II. — ÈRE CHRÉTIENNE
Que la chapelle de N.-D. d'Avezac ait succédé à un temple
payen, dédié à Jupiter, ce n'est point là une pure hypothèse, mais,
à nos yeux, une vérité à l'abri de toute controverse. La légende
du pays, ses monuments anciens, une source d'eau vive que Ton
voit sourdre, à quelques pas de la chapelle et sur les bords de la
Save qui baigne ces lieux: tout cela prouve, surabondamment,
après les explications^ déjà données ailleurs, sur les usages et les
mœurs des Romains, que nous ne sommes pas dans l'erreur. Ce
que nous dirons, plus tard, sur Notre-Dame de la Hillère, à Mont-
maurin, achèvera de convaincre nos lecteurs.
Rien de certain, à notre connaissance, sur N.-D. d'Avezac,
depuis rétablissement du christianisme dans notre pays jusqu'au
xvi« siècle, et c'est à peine si j'ai rencontré son nom dans quelques
vieux parchemins de cette époque ; mais dès le commencement
du xviP siècle la chapelle d'Avezac jouissait d'une grande renom-
mée dans la contrée. Les paroisses du voisinage et d'autres fort
éloignées s'y rendaient, chaque année, en procession, comme de
nos jours on se rend à N.-D. de Polignan, pendant le mois de mai,
pour y vénérer sa Vierge noire.
Les moribonds imploraient N.-D. d'Avezac avec une pleine con-
fiance et recouraient à elle pour calmer les terreurs inséparables
de la mort. En parcourant leurs testaments, nous voyons qu'ils
l'honoraient de libéralités plus ou moins considérables pour l'épo-
1. Voir l. X. p. 275-280.
Hmn M ConiKfiis, i* trimeilre 1895. Tous X. — 2l.
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Î98
que. C'est ainsi que, dans un manuscrit du xvi« siècle, j ai pu lire
à Montmaurin, qu'un nommé Ollé, malade et en danger de mort,
recommandait son âme à Dieu et à la Sainte-Vierge et léguait
a une somme de cinquante livres aux religieux de N.-D. d'Avezac
« pour autant de messes à célébrer dans leur chapelle, et non ail-
« leurs. »
Quels étaient ces religieux? La tradition nous apprend qu'ils
appartenaient à Tabbaye de Nisors, située à trois kilomètres, au
nord d'Avezac. Propriétaire d'une grande partie des terres du
voisinage, elle jeta un grand éclat dans notre pays. Or, les religieux
de Nisors n'étaient eux-mêmes qu'une colonie de la célèbre abbaye
de Bonnefont, de l'ordre de Giteaux que saint Bernard avait réformé
en France (1031-1153).
La fondation de Bonnefont remontant à Tannée 1137, et celle de
Nisors l'ayant suivie cle près, on peut conclure de là que les Ber-
nardins de Nisors commencèrent à desservir le sanctuaire d'Ave-
zac dès leur établissement sur les bords de la Gesse.
Pour des raisons que j'ignore, mais sans doute à cause des pro-
grès de la philosophie du xviii» siècle qui comptait déjà de nom-
breux partisans dans notre région, ils avaient déserté leur cha-
pelle depuis quelques années, lorsque l'orage do 1789 éclata sur la
France. Peut-être pourrions-nous attribuer leur rentrée à Nisors
au relâchement qui s'était introduit dans quelques maisons de
leur ordre, et notamment à Bonnefont, malgré les supplications,
les prières et les larmes de son saint abbé. Des vieillards qui
l'avaient connu nous racontaient, il y a trente ans, que ne pou-
vant retenir ses religieux dans la solitude du cloître et les voyant
avides de bien-être et de plaisirs quïls allaient chercher jusqu'à
Saint-Gaudens, « il leur prédit, un jour, avec force larmes, ce qui
»< allait bientôt arriver : la désertiori, la ruine, d'abord, de leur
« abbaye, sa démolition ensuite « ».
Quoi qu'il en soit des religieux d'Avezac, un fait reste certain
pour nous qui avons scrupuleusement cherché la vérité dans la
tradition et les dépositions des vieillards, c'est qu'ils étaient très
populaires.
L'histoire locale les montre d'un dévouement sans bornes pour
linstruction et l'éducation de l'enfance. Plusieurs de leurs élèves
d'Avezac parvinrent à d'enviables situations, grâces aux soins
qu'ils en avaient reçus; quelques autres arrivèrent au sacerdoce,
mais tous ne persévérèrent pas dans la bonne voie où ils s'étaient
1 . Ce qui ruslait de la célèbre abbnyc (le portail et la Taçade de son ég|is«) fol déaioli.
il y a 25 ou 30 ans cl achelë par M. Lasvigne de Touille, dont Féglise s*enrichit de ces
épaves, lors de sa restauration.
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299
engagés. Trois d'entre eux étaient déjà dans Tàge viril lorsque,
semblable à la foudre, la Révolution éclata sur la France. Ils .
faiblirent devant l'épreuve. Pour éviter la prison et Texil, sinon
Téchafaud, ils donnèrent le scandale du serment à la constitution
civile du clergé. Elle trouva, hélas! dans notre pays, comme
partout ailleurs, beaucoup d'adhérents, et grâces aux violences
et aux ruses, elle en aurait trouvé un plus grand nombre si Dieu
n'avait jeté un regard de miséricorde sur TÉglise de France.
MM. X... et X..., eurent le courage d'avouer leurs torts et do les
réparer, après le Concordat; l'un alla mourir pénitent dans la
cure d'A..., et l'autre à M..., qu'ils édifièrent jusqu'à leur mort.
Quant au troisième qui avait eu le malheur de s'engager comme
Luther, comme Loison, dans les liens du mariage, nous aimons à
espérer que Dieu eut pitié de sa pauvre âme aux derniers jours
de sa vie. Il lui ménagea la souffrance comme un moyen d'expia-
tion. Atteint de cécité pendant les longues années de sa vieillesse
centenaire, il put se livrer à de salutaires réflexions et réparer,
comme David, par la pénitence, les scandales dont il avait centriste
FÉglise de Jésus-Christ.
Le témoignage rendu au zèle des religieux d'Avezac, pour
l'éducation et l'inâtruction de la jeunesse, tout historien de bonne
foi doit le rendre à tous les ordres religieux et au clergé de cette
époque. De nos jours il n'est pas rare d'entendre le contraire;
moins rare encore d'accuser d'ignorance la France d'avant 1789.
On va même, souvent, jusqu'à attribuer à la Révolution nos
lumières et nos progrès contemporains. Ce sont là des erreurs que
je veux dissiper longuement, ailleurs, dans l'intérêt de la justice
et de la vérité. En attendant, voici deux imposants témoignages en
faveur de la thèse que nous soutenons. Ne pouvant suspecter de
partialité leurs auteurs, chacun sera forcé d'en reconnaître la
grande valeur.
M. Villemain enseigne qu'avant 1789 tout dans les traditions et
les moeurs favorisait l'instruction classique, et M. Taine soutient
qu'avant la Révolution l'enseignement, en France, donnait « le
maximum de rendement avec le minimum de frais ». Voici un
autre témoignage plus concluant encore :
« Si jamais vous allez aux Archives nationales, à Paris, deman-
« dez les documents côtés f° 17, enquête de l'an IX. On vous
« apportera deux liasses énormes do pièces remontant à l'année
« 1801. C'est le résultat d'une enquête qui fut faite alors par les Pré-
« fets, sur Tordre de Chaptal, ministre de l'intérieur, pour savoir le
« nombre des établissements d'instruction publique avant la Révo-
« lution, leurs ressources, leurs revenus, le nombre des maîtres
« et des élèves.
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300
« Vous trouveriez que dans les 205 arrondissements dont parlent
« nos documents, il y avait — en 1789 — 434 séminaires et collè-
« ges, soit plus de deux par arrondUaement, »
« Nos journaux radicaux répudient-ils les chiffres fournis au
« ministère par les préfets de l'an IX ?
« Et notez que bien des pièces se sont perdues, que les deux tiers
« de la France, à peine, sont représentes dans ce qui nous reste
« de l'enquête officielle; en sorte que Ton peut évaluer à 700, au
« minimum, le nombre do collèges qui couvraient autrefois le sol
« de la patrie. »
Gomme la plupart des autres églises de la contrée, N.-D. d'Ave-
zac eut ses scènes de désordre, de folie et de terreur pendant la
tourmente révolutionnaire de 1793. Son clocher fut démoli et, trans-
portés à Houéganac, hameau voisin de Charlas, ses matériaux
servirent à des constructions qui rappellent encore cette époque
néfaste. La chapelle devait avoir le môme sort; elle fut sauvée
par le sang-froid et la présence d'esprit de M. Rimailho, alors
maire de la localité. Un jour qu'il labourait son champ, voisin
de la chapelle, il voit arriver quelques sans-culottes, envoyés par
le comité do Mont-Unité (Saint-Gaudens) avec la mission d'incen-
dier le sanctuaire. — Tout est prêt, leur dit-il, les bûchers sont
déjà adossés au porche et aux murs deTéglise; ils n'attendent que
la torche pour exécuter leur œuvre. — Satisfaits de cette réponse
et confiants en M. Rimailho, les émissaires continuèrent leur route
vers l'abbaye de Nisors, et N.-D. d'Avezac fut sauvée. C'est le récit
d'un vieillard qui vient de mourir.
M. Du Mège a émis, sur le sanctuaire d'Avezac^ un sentiment
que j'ai de la peine à partager. Il déclarait, un jour, au curé
de la paroisse, qu'il était de beaucoup antérieur au reste de la
chapelle. Je crois ce sanctuaire du xiv« siècle et certainement le
reste du monument est au moins de cette époque. Voici la raison
que j'en donne : ceux qui ont assisté à un commencement de res-
tauration, entrepris vers 1870, se souviennent d'avoir vu, comme
moi, dans les parois de la nef, des fragments considérables de*
plusieurs fresques. On avait eu le tort de les faire disparaître, je
ne sais à quelle époque, sous une couche de plâtre, comme noua
l'avons vu, à N.-D. de Polignan pour certaines peintures presque
semblables. Une seule des fresques d'Avezac était assez bien con-
servée. Elle était en face la porte d'entrée, et représentait le Christ
en croix, avec les personnages légendaires : la Sainte-Vierge,
^aint Jean et Marie-Madeleine. Deux religieux, de Saint-Jean de
Jérusalem, en armes, un de chaque côté de la scène, attiraient le
regard et fixaient l'attention du pèlerin. L'ancienneté de ces pein-
tures, dont M. Du Mège ne pouvait supposer l'existence, déipoatre
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301
son erreur et la vraisemblance de notre hypothèse. D'autres pein-
tures de la même époque décoraient le porche, assez considérable,
qui se trouvait devant la porte. On y avait déposé de nombreux
fragments de marbre et sculptures antiques, ainsi que les autels
payons dont nous avons déjà parlé. A Texception d'un petit nom-
bre> tous ces monuments ont disparu sans qu'on ait aucune
chance de les retrouver. Ce porche aujourd'hui détruit était
nécessaire lorsque la foi plus vive attirait, ici, des foules con-
sidérables et que les paroisses voisines s'y rendaient en proces-
sion plusieurs fois chaque année. Un plafond couvrait la nef, sans
chapelles ni bas côtés. Il n'est pas douteux qu'il n'y ait eu une
porte de communication entre la chapelle et la maison adjacente
des religieux qui la desservaient. Cette maison, que nous avons
vue tombant en ruines, et dont il ne reste plus de traces, se
trouvait à Touest de la chapelle, là où s'élève actuellement le
nouveau clocher. Elle servit plus tard de presbytère aux des-
servants.
Le cimetière, attenant à la partie nord de la chapelle, était
autrefois beaucoup plus considérable qu'aujourd'hui; on en a
exhumé plusieurs sarcophages en marbre de Saint-Béat, dont
quelques-uns sont encore là pour proclamer l'ancienne renommée
de ces lieux. On dit qu'il suffit de creuser un peu la terre aux
alentours de la chapelle pour découvrir, au milieu d'antiques
substru étions, beaucoup de monuments de ce genre. Cela n'éton-
nera personne lorsqu'on saura que la chapelle et le cimetière
d'Avezac étaient la nécropole de l'abbaye de Nisors, et peut-être
aussi de plusieurs des familles militaires de la contrée. Un jour,
en effet, en creusant la terre, on exhuma un beau sarcophage en
marbre blanc ; le couvercle ayant été levé, on y trouva, parmi
de nombreux ossements, une cotte d'arme, un casque, une épée, etc.
Ce sarcophage était flanqué de deux autres plus petits: celui de
droite renfermait le corps d'une femme, et celui de gauche le
corps d'un enfant. C'étaient là, évidemment, les restes mortels
d'une famille illustre.
Nous ne terminerons pas ce travail sur N.-D. d'Avezac sans con-
. sacrer quelques lignes à son chœur et à son sanctuaire. Le chœur,
qui n'a subi dans la restauration que quelques modifications peu
importantes, n'est que la prolongation de la nef dont il est séparé
par une marche en pierre et par une balustrade. Puis vient le
sanctuaire qu'on a respecté et qu'on voit dans son état primitif, si
j'en excepte deux fenêtres pratiquées à droite et à gauche, pour en
diminuer l'obscurité, et qui peut-être y répandent maintenant trop
de jour. Il est en retrait de plusieurs mètres sur la nef et le chœur,
comme dans beaucoup d'autres églises de l'époque. Quant à la
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place laissée libre, de chaque côté, à la naissance du sanctuaire,
elle était occupée par deux autels qui n'offraient rien de remarqua-
ble. Comme le temple payen dont sans doute il occupe la place, le
sanctuaire de la chapelle est très-petit; c'est à peine s'il mesure
un espace de 5 «". X ^- Avant la restauration, il produisait l'effet
d'une grande niche à laquelle donnaient accès quatre ou cinq
marches; c'est dire combien il était élevé au-dessus de la nef et
du chœur. Il n'en reste plus que deux aujourd'hui. Les nervures,
de sa voûte ogivale, leur disposition, et surtout la pureté de son
arcade attirent l'attention du visiteur et du pèlerin. Jusqu'en ces
derniers temps, une grille en fer battu et à riches dessins séparait
le chœur du sanctuaire et mettait à l'abri d'un coup de main les
reliques et les richesses que possédait ce dernier. Elle était à peu
près semblable à celle que possède l'église de Saint-Avcntin, près
de Luchon, et dans un état de conservation parfaite. Disons
cependant, pour être exact, que, pendant l'orage de 1830, quelques
vandales de la localité ou d'ailleurs firent main Basse sur quel-
ques-unes des fleurs de lis qui formaient son couronnement, à
une hauteur de près de quatre mètres. Elles en étaient le plus
bel ornement et donnaient à l'ensemble un coup d'œuil ravissant.
Cette œuvre d'art fut enlevée, je ne sais à quelle époque, et ven-
due à vil prix.
Je suis peu partisan de Tintervention de l'administration civile
dans les affaires religieuses. Il faut cependant reconnaître qu'elle
a quelquefois du bon. Félicitons-nous, par exemple, des mesures,
qu'elle a cru devoir prendre, et qu'elle recommandait naguère,
pour la conservation de nos antiques monuments.
L'ornementation du sanctuaire d'Avezac se compose d'un autel
en bois, d'un antique retable, doré en grande partie, d'une belle
statue de l'Immaculée-Conception qui en occupe le centre, ayant
la statue de S. Pierre à sa droite et celle de S. Paul à sa gauche.
Sept ou huit prêtres ont desservi la cure d'Avezac depuis la
Révolution de 1793. Le premier était d'Avezac môme et, selon toute
apparence, un élève de ses anciens religieux. Il prêta le serment,
qu'il rétracta plus tard, à la constitution civile du clergé.
M. Tajan lui succéda et fît place lui-même à M. A..., né dans la
vallée d'Aurc; interdit, à raison de ses scandales, il se retira et
mourut à Saint-Martory, digne de Vigilance, son compatriote selon
certains auteurs.
Après lui, le service de N.-D. d'Avezac aurait été fait, pendant
quelque temps, par M. Lasbax, curé de Charlas et l'un de nos
prédécesseurs à Gardeilhac. Persécuté par la Révolution, il dut
se réfugier en Espagne d'où il revint en France après le Con-
cordat.
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303
Un prêtre d'une sainte originalité occupa la cure d'Avezac do
1828 à 1860 environ. C'était M. Rougery, dont on raconte mille
histoires plus amusantes les unes que les autres et dont quelques-
unes suffiraient pour immortaliser son nom. Quelques allusions au
gouvernement de Juillet le firent passer devant les tribunaux. Je
ne sais pourquoi il fut obligé d'aller se défendre à Bordeaux. Il le
lit si bien quil fut acquitté et que le président du tribunal lui
adressa de chaleureuses félicitations. M. Darbon qui lui suc-
céda ne fit que passer et laissa sa place à M. Castérés. C'est lui
qui commença la restauration de N.-Û d'Avezac, et c'est M. Gros,
son successeur, qui devait continuer et couronner cette œuvre.
La voûte ogivale, que je voudrais un peu plus élancée , à peine
terminée, il jette les fondations des chapelles et du clocher qui
s'élève déjà à la hauteur de plusieurs mètres. Un moment inter-
rompus par la restauration de l'église de Saint-Pé-del-Bosc, desser-
vie par le curé d'Avezac, les travaux ne sauraient tarder à être
repris et menés à bonne fin. L'intelligence et le zèle du pasteur
suppléeront à l'insuffisance des ressources, et bientôt Avezac aura
une église digne de son passé glorieux et de sa Madone si aimée
et si vénérée.
N. B. — Au moment où paraît cette notice, M. Gros a quitté la
cure d'Avezac pour celle de Saint-Laurent, au doyenné do l'Islc-en-
Dodon. Son successeur, M. Pradère, ne saurait oublier que noblesse
oblige. La paroisse d'Avezac et la contrée comptent sur son zèle
intelligent pour la continuation et rachcvement de l'œuvre si bien
commencée. Prêtres et fidèles le féliciteront d'avoir heureusement
rétabli, dans notre cher Nébouzan, l'un des plus anciens pèleri-
nages du Midi de la France.
L'abbé Gouret.
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SIMPLE NOTE
SUK QUEr.QUES PROCÉDÉS DE CULTURE MARAÎCHÈRE
r6oig6e vers 1640
POUR LE TERROIR DE S A I N T- G A U DEN S
Tout récemment, au cours de la visite d'une bibliothèque
amie, à Agen, le hasard, un hasard heureux et salué à
régal d*une bonne fortune, amena dans nos mains un
assez gros volume in-4° de près de 900 pages, presque
entièrement dérelié, dépourvu de titre extérieur, et qui,
à raison de cet état défectueux, piquait la curiosité, ne
fut-ce que pour interroger le titre. C'était l'ouvrage célèbre
d'Olivier de Serres, seigneur du Pradel, surnommé le
Père de l'Agriculture, le célèbre agronome du Vivarais
sous le règne d'Henri IV, et intitulé : « Le Théâtre d'Agri-
culture et Mesnage des champs, etc.. pour Pierre et
Jacques Chouet s, 1. 1629'. » Étranger à ces sortes
d'études, nous fermions déjà le livre, quand notre atten-
tion fut sollicitée par une addition de pages manuscrites,
insérées à la fin du volume, et dont la première commen-
çait ainsi :
i( Description du temps auquel il fault semer et planter
« toutes sortes de graines dans les jardins en le terroir et
« climat de la ville de Saint-Gaudens. »
Pour un enfant de cette dernière ville, il n'en fallait pas
davantage; l'intérêt était éveillé sur ce travail, et il ne
s'agissait plus que d'en rechercher l'auteur. Mais la
recherche est demeurée vaine et tout ce qu'il est permis
de conjecturer, en parcourant les autres feuillets qui trai-
tent d'Astronomie (d'Astrologie, comme l'on disait alors),
c'est qu*il doit être l'œuvre de quelque érudit du 17* siècle,
originaire sans doute du pays de Nébouzan ou qui lui
était vivement attaché. L'écriture très nette, de même que
l'orthographe, sont bien celles de l'époque supposée, et
1. Olivier de Serres, Théâtre d'Agriculture (1600), in-fol., plusieurs fois réimprimé jua-
qu'à la fin du XVII* siècle, et même encore en 1804-1805, en 2 vol.
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306
ce qui enlève toute hésitation à cet égard, c'est la série,
qui vient à la suite, des prédictions climatériques aussi
bien qu'historiques au sujet des années 1645 et suivantes
jusqu'en 1673.
Laissant de côté tout ce qui est sans lien direct avec la
question d'intérêt local, nous nous bornerons à transcrire
ces procédés pratiques d'ensemencement, qui se sont
peut-être perpétués jusqu'à nos jours, et dont, à défaut,
les indications pourraient encore maintenant être appli-
quées avec fruit. Des érudits sauraient dire si ces précep-
tes s'accordent avec les maximes des anciens agronomes,
les Hésiode, Caton l'Ancien, Varron, Virgile, Columelle,
Palladius, Ch. Estienne, Heresbach-, Herrera, Gallo,
Tarello, Olivier de Serres, encore Rapin, Vanière, Liger,
Duhamel, et, dans les temps modernes, Joigneaux, le
Bon Jardinier et les Almanachs si répandus de nos jours «.
Pour notre part, en un pareil sujet, nous exprimons le
regret d'une incompétence véritable, qui nous interdit
l'appréciation et le contrôle de méthodes, fondées sur la
tradition et l'expérience de ces diverses cultures. Nous
n'hésitons pas à reproduire, quand même, ces documents,
dans la pensée que d'autres pourront suppléer les connais-
sances qui nous manquent et tirer ainsi profit de ces
enseignements.
Établies en général sur l'observation des phases de la
lune, selon la diversité des mois, ces données nous
amènent à redire, mais sans l'autorité qui les accom-
pagne, les vers du poëte :
.Ipsa dies alios alio dcdit ordine luna
Felices operum. Quintam fuge. . . ^.
Et encore cette interrogation inquiète :
Quid tempestates automni et sidéra dicam*?
1. Hésiode, Les Travaux et las Jours. — C&ion TAncien ou le Censeur, trailé De Re
rusticâ. — Varron, De re rusticâ^ en 3 liv. — Virgile, Georgiques. — Columelle, De Re
rusticâ^ en 12 liv. — Palladius, Do Re rusticà^ eu 14 liv. — Estienne (Ch.), Prœdium
rusticurtif refondu dans son Traité de l'Agriculture et Maison rustique,
Heresbach, Rei rua/ica, libri qualuor. —Herrera (Gabr. Alf.), Libro de AgricuUura. —
Gallo, Vinti giornale delV AgricoUura. — Tarello (Camille), Recordo d'AgricoUura. —
Olivier de Serres, v. précédente note 1. — Rapin (le P. René), De Ilortis. — Vanière (le
P. Jacques), Prœdium itisticum. —LigGriLtims)^ Nouvelle Maison rustique. —Duha-
mel Dumonceau, Des éléments d'Agriculture. — Joigneaux (P), Le livre de la Ferme et
des Maisons de campagne.
2. Virgile, Georg, 1. i, v. 276-77. | 3. Virgile, Georg.y Uv. i. v. 311.
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306
Enfin, la transcription fournie se continue, d'abord par
une série de remarques sur la lune, remarques d'une
étrangeté parfois naïve, en tout cas assez originales, et, à ce
titre, dignes de quelque intérêt, surtout si Ton peut penser
qu'elles sont le résultat d'observations climatériques
notées, il y a 200 ans, à l'intention de notre pays ; ensuite,
par la description des anciennes mesures agraires pro-
pres à la ville de Saint-Gaudens. Cette double addition
nous sera pardonnée, comme formant, sous la plume de
notre auteur anonyme, un complément assez assorti au
travail qui précède.
I. — DESCRIPTION DU TEMPS
auquel il fault semer.et planter toute sorte de graines dans les jardins
en le terroir et climat de la ville de Saint-Gaudens,
1"* Choux Capus et Verds '
Premièrement, toute sorte de choux en febvrier et en mars, en
quelle lune que ce soit, pourveu que le temps soit beau et la
terre bien cultivée et apprestée. Le jour du mardy gras est fort
propre. Toutesfois pour le temps d'eslection il seroit à souhaiter
de semer les choux capus après la plénitude de la lune, et les choux
verds à la nouvelle lune. Les graines des choux capus venant de
Barcelone et d'Espaigne sont extrêmement bonnes.
Il fault sur tout remarquer de ne semer jamay la graine des
choux lors que le vant d'autan souffle, car ils se convertissent en
rabes, ni au moys d'apvril et de may, par ce que si Ton les sème en
ces moys une petite bestiolle sy fourre, que le vulgaire appelle le
Marchant, qui est comme une petite pulce sautillant sur les choux ^
lesquels comancent à naistre et les pieotte et les ronge jusques k la
racine, les faisant sécher tellement que si Ton ne fait pas la dite
semance es mois de febvrier et de mars il fault attendre jusques h
1. Choux capus, dénommés généralement choux cabus ou pommés. V. Olivier de
Serres, édil. précitée de 1629, p. 471 in Une et suiv.— I/orthographe Cspits parait préféra-
ble, comme plus conforme à l'étymologie : cupnt, tête ; choux à tète ou pommés.
2. V. Olivier de Serres, 1. cit., p. f^T^ in med.
Cette désignation, qui s'est perpétuée encore de nos jours, du moins chez les jardiniers <»t
maraîchers de In région, sous le vocable approchant de Marchandons s'applique à un
insecte presque imperceptible qu'en langage scientifique on appelle TAltisse lAUic» ole^
lacen, Geofl*.) « dit puce de terre, en raison de la faculté qu'il a de sauter. C'est un petit
coléoptère, de forme ovale, de 0,004 de longueur au plus et voisin des cbrysomîtes. Il est
surtout remarquable par sa belle couleur bleue métallique cl le renflemeet de ses cuissi*«
postérieures... » Celte description est empruntée au lion Jardinier, année 1862, p. 270. —
Mais quelle est l'origine de ce nom de Marchand ou March&ndon ? c'est ce qu'il ne nous
a pas été donné de découvrir.
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307
la veilhe de St Jehan quon en retorne semer, lesquels choux sont
bons pour tout Ihyver et comancement du primptamps.
Il fault aussi remarquer quen semant la graine de choux en
febvrier et mars et auparavant que les arbres comancent à fleurir,
les petits oyseaux font un. grand ravage à la semance qui comance
à naistre, la mangeant èi proportion quelle sort de terre et jusques
k ce que les deux premières feulhes comancent à verdoyer, car dès
quelles sont vertes les oyseaux ny touchent plus.
Pour prévenir et empescher Je ravage desdits oyseaux, il n'y a
aultre remède que la couvrir avec des rets ou filets de peseheurs et
dy planter àTentour des ayles de courbeau, de njilan ou desprevier
et quelques fantosmes de foin ou de paille pour le^ espouvanter, de
quoy il ne fault se point mettre en peyne, quand on sème les dites
graines de choux à la veilhe de la St Jehan, car pour lors les
oyseaux trouvent k se repaistre par tout. Toutes fois, pour ce qui
est de la graine des choux capus, il ne fault jamais attandre la
veilhe de la St Jehan, car il les fault semer aux susdits moys de
febvrier et de mars pour estre replantés sur la fin du moys de may
et comancement de juin.
Pour empescher que les choux comuns ne grainent, pour les
culhir et manger tout Ihyver et comancement du printemps, il ne
fault semer la graine quaux veilhes de St Jehan et de St Barthé-
lémy.
Pour faire devenir beaux les choux capus, quand ils sont un peu
grands, il les fault, si tost nés, environner de fougère verte et la
renouveller à proportion quelle aura séchée.
2** Laittues Capusses»
Laittues capusses fault semer huict jours devant et huict jours
après la feste de St Michel de septembre et les replanter en quel-
que beau jour de décembre ou de janvier pour en manger le
Caresme et après Pasques. En les replantant, il leur fault roigner
avec le bout de longle la cime et le soomet de la racine pour
mieux pomer.
On en sème aussi fort proficlablement en febvrier pour les
replanter sur la fin d'apvril et comancement de may et ce à lenteur
des carreaux de melons. Car comme les limaçons comancent h
sortir pour aller manger les feulhes vertes et nouvelles des melons,
ils sattachent et se repaisssent plus tost sur les feulhes des dites
laittues et. par ce moyen, on préserve les melons.
3** Melons, Courges et Concombres
Melons, courges et concombres fault semer a\i moys d'apvril
ou comancement de may, et particulièrement lorsqune petite
1. V. Olivier de Serres, 1. cit , p. 455 in fine. — Elles sonl désignées sous le nom de
Cabusses.
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montaigne quon appelle Montaut, qui est au pied de Garonne,
entre Miramont et Valentine, comance à verdoyer*.
4" Oignons et Fourreaux
Oignons et Fourreaux^ fault semer depuis le vingt cinquiesme
jour du moys de janvier jusques au treize de febvricr eans regarder
auloun point de lune, mais que le temps soit beau et la terre bien
apprestée et fumée, pour les replanter depuis la my may jusques au
quinze de juin.
5* Raforts
Raforts' fault semer sur les deux derniers jours de la lune du
moys dapvril et tous les aultres moys de suitte jusques au moys
doctobre en mesme point de lune, car en semen en novembre,
décembre, janvier, febvrier et mars, ils ne valent rien.
6** Pastenades, Blettes et Raves
Pastenades^ et Blettes raves ^, aux moys de may et de juin sur la
fin de la lune.
7^ Roquette, Cerfeuil, Nasitort et Persil
Roquette, Cerfeuil », Nasitort ' et Persil • en octobre et en mars,
la lune estant nouvelle.
8** Corne-de-Cerf, Basiliq, Pimpinelles, Fenouil, Anis
Corne-de-Cerf», Baniliq '^ Pimpinelles ", Fenouil «^ Anis *', en
mars et apvril, la lune estant nouvelle.
Q** Chicorées et Endives
Chicorées et Endives ** fault semer immédiatement après la
la St Jehan, jusques au comancement de julhet, car de les semer
avant la St Jehan elles ne profîteroint de rien parce quelles monte-
roint tout en tige. Il les fault replanter si tost que Ton veut pour
en manger en octobre, novembre et décembre blanchies.
Pour les fère blanchir il ne fault que les lier avec un jonc et 3^
I. La colline do Montaut, sUué(? en face de Saint-Gaudens, sur la ligne des premiers
coiilreforls des Pyrénéc?, onlre Miramont ol Valentine, au delà de la Garonne, acon«»rvé
ce nom, de nos jours. Elle est la propilélé de la famille Ca^se, banquier, à Safnt-Gau-
dens. V. sur les Melons, Courges et Concombres, Olivier do Serres, l. cil , p. 477-78 cl suiv.
V'. Olivier de Serres, 1. cit., p. 4Gi-65-0(i.
:). Olivier de Serres, p. 4G0, indiqué sous le nom de Raifort.
4. Par ce mol, l'on entend des Carolles blanches. V. Olivier de Serres, 1. cil , p. 46îl.
b. C'est certainement Belles-raves que notre auteur veul dire. Par là, l'on entendait une
espèce ou variété de Paslenades. Olivier de Serres, 1. cit., p. 470.
Gid. p. 475. 1 7. Id. p. 475. | 8. Id. p. 474. I 9. Id. p. 475. | 10. Id. pp. 475 el :^
II. C'est sans doulo Pimprenellc, qui se divise en deux variétés : la grande et la petite
Olivier de Serres, 1. cit., p. 474 in fine, et 475.
12. Id. p. 505. I 13. Id. p. 506. l 14. Id. p. 475.
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mettre un tuille-canal dessus ou de la pailhe de milhet, car elles
blanchiront dans dix ou doulze jours quand le temps est beau,
mais despuis que les froidures arrivent il y fault plus de temps.
10" Raves et Naveaux
Raves* et Naveaux*^ depuis le sitzième jour du moys d'aoust
junques h la fin du d. moys. On en sème aussi au moys de juin et au
temps qu'on sème les millietz, may fort peu et encore fault que ce
soit parmy les milhetz.
11" ESPINARS
Espinars' despuis leneuf d'aoust jusques au ving tquatriesme dud.
moys et durant tout le moys de septambre.
12® Milhetz
Milhetz^. Le vray point de semer les Milhetz comuna est huict
jours devant et huict jours après la feste de 3t Jehan Baptiste,
lorsque la terre est bien eschaufée, et anciennement les paisanc pour
cognoistre la vraye saison de la semer mettoint leur hault de chausse
sur les talons et placoint leur c sur la terre et sils trouvaient
quelle exhalât de la chaleur ils comancoient de semer leurs Milhetz ;
que sils la trouvoint froide et sans exhalaison de chaleur, ils retar-
doient leurs semances.
Pour le Milhet mourîsquou^, il veult estre semé plus tost que
Taultre et toujours & la lune vieilhe avant la St Jehan, car si on le
sème en lune nouvelle il ne faict que fleurir tousiours et fort peu
grenner et meurir.
II. — COUPE DES PRETS
Pour les prets^, il fault remarquer quon nen doibt jamay couper
Iherbe à la lune nouvelle, par ce que si Ion la coupe en lune nou-
velle, Ifierbe, pour si seiche quelle soit, ne faict que fumer, mais il
fault attendre la plénitude de la lune.
m. — COUPE DES ARBRES
On doibt aussi remarquer le point de la lune aux coupes des
arbres, qui, pour estre forts et de durée veulent estre coupés k la
lune vielhe, excepté Lormeau et Lavellanier ^ qui veulent estre cou-
pés en lune nouvelle «.
1 . V. Olivier de Serres, p. 467-68. | 2. Id. p. 468. j 3. Id. p. 456.
4. Olivier de Serres, p. 96-104-108.
5. C'est le Millet More ou des Maures, dit encore Millet-Sarrazin, B)é-Sarrazin, ou
Sarrazin plus simplement, ou Millet d'Espagne, ce qui revient toijgoursà la môme
étymologie, s'accordant à rapporter rimportation de celte plante aux Maures d'Espagne.
V. Aussi Olivier de Serres, 1. cit., p. 96 et passim.
6. Id.p.237.
7. Il s'agit évidemment de l'Avelinier, une des variétés du Noisetier.
8. Olivier de Serras, 1. cit., p. 712.
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Pour le3 vants, il fault aufilsî observer de ne couper aulcune sorte
de boys, lorsque lautan souffle et particulièrement les osiers, car
sil fait aultan lorsquon les tailhe ils se carient et ne valent pres-
que rien.
IV. — REMARQUES SUR LA LUNE
Quaiis quarta ialis Iota, nisi varietur sexta*, car si le quatriesme
jour après la nouvelle lune il faict beau temps, il continuera tout
le long de ceste lunaison, si le sixiesme jour il n'y a changement.
Si le vant de Midy souffle le troisième jour après la nouvelle
lune, au quatriesme ou peu après, pluye.
Si la lune monstre ses cornes plus grosses que da coustume et
quelque peu obscures et, pour ainsy parler, rebouchées^ comme la
navette dun tisserant, signe de grande abondance d'eau.
Si la lune premièrement veûe a la corne don hault noirastre a
son decroissement, donnera de pluyes. Si celle du bas quand sera
au premier quartier ât noircissant sur le milieu, quand sera a la
plénitude ou environ, cercle de diverses couleurs comme lare en
ciel environnant la lune, signe de pluyes et vents.
Si la lune de janvier entre en croissant dans lo signe d'Aqua-
rius^, marque que Vannée sera bonne, fertile et abondante. Si en
décroissant, signe de travaux.
Si la lune de febvrier entre en croissant dans le signe des Pois-
sons, cella marque que toutes choses abaisseront de prix ceste
année. Si en décroissant, signe de pluye en abondance.
Si la lune de mars entre en croissant dans le signe d'Aries, signi*
fie quaux parties septentrionales y aura tremblemens de terre. Si
en décroissant, bonne année et profflctable.
Si la lune d'apvril 6ntre en croissant dans le signe de Taurus,
signifie de grands contantemens et allégresses. Si en décroissant,
tout le contraire.
Si la lune de may entre en croissant dans la signe de Gemini,
marque plusieurs esmotions et de grands changemsns en la rég^ion
de ce signe. Si en décroissant, grandes pluyes.
1 . C'est là un vieux dicton, généralement en faveur, et mis en une vogue particulière
par le maréchal Bugeaud, au cours de ses campagnes d'Afrique.
Peut-être pourrait-on le fixer dans le distique suivant, qui n'aura que le seul mérite
d'un procédé mnémotechnique :
Sexta niai forsan mutetur lunn revertcns^
Qunlis quarta fuit, cœt'va talit erit.
2. Du mot de basse-latinité rebuccare^ rebrousser, recourber, retourner en arriére
{V. Borel, Dictionn. du Vieux Français, t. ii, p. 130, édit. Favrc, de NMort, 1882. — Id.
La Curne de Sainte-Palaye. Dictionn, hisior., même édit. Favre, t. ïx, p. 65.
3. Aquarius, un des 12 signes du Zodiaque, comme les signes qui suivent. Ils sont
reproduits dans ces deux hexamètres devenus classiques :
Sunt Aries, Gemini, Taurtis, Cancer f Léo, Virgo,
LibràquCf Scorpius, Arcitenens, Caper, Amphora, Piacet.
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Si la lune de juin entre en croissant dans le signe du Cancer,
sigaifle révoltes des peubles et changemenlen royaulme d'Aflfrique-
Si en décroissant, pluyes en abondance.
Si la lune de julhet entre en croissant dans le signe de Léo,
signifie fort bonne année de touts grains et fruiets. Si en décrois-
sant, force travaux, dangiers et maladies.
Si la lune d'aoust entre nn croissant dans le signe de Virgo,
signifie grands vants, tramblemens de terxe, gresles, foudres et
tempestes. Si en décroissant, signifie fort bonne année et beaucoup
de santé.
Si la lune de septambre entre en croissant dans le signe de
Libra, signiûe abondance de toute sorte de grains. Si en décrois-
sant, signifie tempestes et révoltes.
Si la lune d'octobre entre en croissant dans le signe de Scor-
pion, signifie envies, contentions et querelles entre gens de scavoir
et de lettres. Si en décroissant, bonne année et abondante en
tou<e sorte de grains.
Si la lune de novembre entre en croissant dans le signe de
Sagittarius, signifie pluyes en abondance.* Si en décroissant,
famine et peste.
Si la lune de décembre entre en croissant dans le signe de
Capri cornus, signifie grands vants et tempestes sur mer. Si en
décroissant, bonne année et contanteraent pour les laboureurs.
Notez que aux terres et provinces ou chascun de ces doulze
signes domine les susdits efiTects sont ensuivent >
V. — CONTENANCE
du Journal de Saint- Gaudens et celle de t Arpent Royal
Le journal de Saint-Gaudens est composé de s^ mesures, la
mesure de 64 perches et la perche de 19 pams'.
La perche de 14 pams étant quarrée comme il le fault pour que
les 64 fassent la mesure donne 196 pams quarrés. La mesure par
cet ordre contiendra 12344 pams quarrés et le journal en contiendra
75264.
Si vous extraisés la racine quarrée de 75264 pams quarrés que
contient le journal vous aurés pour produit 274 pams qui forment
le cottô dans un journal quarré.
L'arpent royal de 100 perches de 22 pieds chaquune contient
48400 pieds quarrés ; la perche en contient 484.
A extraire la racine quarrée de 48400 pieds qui composent Tar-
1 . Ici nous francliissons deux feuillets qui, à raison de leur généralilé, paraissent s'éloi-
gner p.ir trop du sujet de celte noie.
2. V. Achille Domergue, 3/é£ro/o(/ie de la IlaïUe-GaronnCf p. 96 et 100. Aujourd'hui*
cellp ancienne dénomination, toujours usitée dans le canton de Saint-Gaudens, corres-
pond, dans io système métrique, à 37 ares 9356.
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peot, vous aurés pour produit 220 pieds qui forment le'cotté dun
arpent quarré.
A compter le pam k 8 pouces, la perche de 14 pams fait 9 pieds
1/3; étant quarrée, elle. donne 87 pieds quarrés.
Le journal de Saint-Gaudens composé de 384 perches donne par
cet ordre 33408 pieds quarrés, ce qui fait environ les 2/3 darpent
royal.
L'arpent royal contient 1 journal, 2 mesures, 44 perches de Saint-
Gaudens.
La pièce qui a 45 canes d'un cotté et 30 canes de l'autre, con-
tient — mesure de Saint-Gaudens — 1 journal, 56 perches, 160/190
de perche, ce qui revieni k 3/4 d'arpent royal (quelque chose de plus).
Faut-il s'étonner de ces soins minutieusement conseil-
lés par notre annotateur horticole et de ses particulières
préoccupations pour le succès des jardins potagers de
notre ville ? En dehors de la conjecture, plus haut signa-
lée, d'origine ou d'affection, il ne faut pas perdre de vue
que Saint-Gaudens a brillé d'un ancien et légitime renom
dans la pratique de cette industrie maraîchère, dont
Texcellence est attestée, de nos jours encore, par l'expor-
tation de ses produits dans les principales villes des
Pyrénées centrales et jusque dans l'ancienne capitale de
Béarn.
Léon CiEUTAT.
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UN DEMI-SIÈCLE D'ASCENSIONS
AU NÉTHOU'
(suite et fin.'
1884
Néant. — Les pages du registre ont été déchirées.
1885
24juin. — M. M (Noms inconnus), — Guides: Barth. Gour-
rège et Redonnet. — Impossible de passer le pas de Mahomet
rempli de neige. — (Note mise plus tard par les deux guides).
27 juin. — M. Deverne. Guides : P. Redonnet et B. Gay. — Impos-
sible de trouver le livre. — (Note mise plus tard par P. Redonnet),
22 juillet, — D' Beausoleil (Bordeaux) et J. Boj^e, juge à Les-
parre. — Guides : G. Bajun et Barth. Courrège. — Partis de Luchon
le 21 juillet à 8 h. du matin et arrivés en voiture àTHospice. Nous
Tavons quitté à midi et sommes arrivés à la Rencluse à 6 h. du
soir. Partis ce matin de la Rencluse à 4 h., nous avons atteint le
sommet du Néthou à 8 h. 30'. — Nous pouvons citer nos guides
comme les premiers guides de Luchon.
2 aoû^ — M. Charles Packe. — Guide : Barth. Courrège.
13 août, — Charles Champetier de Ribes et Pierre Delapalme. —
Guide : Haurillon. — Ils sont heureux de rendre hommage à son
habileté et à sa bonne humeur.
i4 septembre, •— M. et M"« E. Miault jeune (Bordeaux). — Gui-
des : Barth. Courrège et G. Bajun. — Partis de la Rencluse le
lundi matin à 5 heures, nous sommes arrivés au pic, par le Pas de
Mahomet, à 11 h. 45'. -— Séjourné au pic 15 minutes. Nous allons
redescendre par le glacier de Coroné, les moraines et la vallée de
Malibierne pour aller coucher aux Bains de Vénasque.
1886
Juillet. — Paul Labbé (?), ancien maître des Requêtes au conseil
d'Etat (Paris). — Guides : Barth. Courrège et — Partis de la
1. Voir tome X, p. 255 — 266.
RiTci DX CoixiRGES, A* Uimestre 1895. Tom X. — 22.
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34 i
Rencluse à minuit 45' par un clair do lune magnifique, arrivés au
sommet à 5 h. 45'; repartis à 6 h. 45\ arrivés à la Rencluse à
2 h. 15' et à Luchon à 5 h. 30'. — Je ne puis trop exprimer ma
satisfaction pour Thabileté, la complaisance de Courrège, ainsi
que d'autres qualités qui en font un excellent guide et très agréa-
ble compagnon.
29 juillet, — Paul Limonier (du Vésineh et H. Boyer, maître de
forges à Bologne (Haute-Marne). — Guides : Barth. Gourrège et
G. Bajun.
Nous sommes arrivés do Luclion à la Rencluse à 5 h. 30'. —
Après un très bon repas préparé par Gourrège, qui s'est montré
aussi bon cuisinier qu'habile guide, nous nous sommes couchés à
Tabri du rocher de la Rencluse. —Le 29, nous avons quitté notre
gite à 3 h. 30'; à 5 h., nous franchissions le Portillon et à 6 h. 45'
nous escaladions le Pas de Mahomet pour déposer nos cartes de
visite au sommet du Néthou. Notre ascension s'est faite dans
d'excellentes conditions de température et de sécurité, grâce aux-
soins attentifs de nos excellents guides. Nous nous faisons un
devoir de leur rendre justice et de les recommander à tous les
touristes.
10 août, — Louis Watelin, artiste-peintre, et M™«Watelin (Paris;.
— Guides : B. Gay, P. et J. Redonnet, B. Gapdeville.
il août. — M (nom illisible) — (du G. A. F., sect. de Paris) et
A. Gras (?). — Guides : Haurillon et J.-M. Bouillon, dont nous
avons été très satisfaits. — Partis de la Rencluse à 4 h. par le
brouillard, quelques éclaircies en montant. Neige très bonne.
Arrivés au sommet à 9 h. 50'. — Pas de vue, brouillard intense. —
La pente du Dôme assez difficile à passer, les crevasses se décou-
vrent.
i4 août, — Paul Rey (Marseillan), — Guide : B. Gay, dont on doit
faire tous les éloges. — Parti do Luchon le 13 août à 1 h. du soir,
arrivé à la Rencluse à 6 h. 30*. Parti le 14 de la Rencluse à 2 h. 25'
du matin, arrivé au sommet à 6 h. 27'. — Brouillard épais.
Même date. — Georges Grassart (Paris). — Guide : B. Gantaloup,
excellent guide. — Partis de la Rencluse à 2 h. 30', arrivés au som-
met à 6 h. 25.
Même date, — M. Vincent, agent-voyer à Saint-Gaudens, M. Gam-
pardon, contrôleur des contributions directes /'autres noms
illisibles), — Guides : Barth. Gourrège et Barrau — très chics.
Partis de FiUchon le 13 août, arrivés au Port de Vénasque à 3 h.
soir, excursion au pic Sauvegarde, retour du pic à 5 h., arrivés à
la Rencluse à 7 heures. — Le 14, à 2 h. du matin, ascension du pic
Néthou où nous arrivons à 6 h. 30. — Temps affreux. Brouillard
intense 1 que le diable l'emporte !!
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315
18 août — M. et M»* Lourde-Rocheblave (de Bordeaux) et
M. Boisionnas (?). — Guide: Barth, Gourrège.
Hier, fait une tentative infructueuse ; arrêtés dans le glacier par
un temps affreux et une forte neige. — Aujourd'hui, parti seul
avec le guide B. Gourrège, de la Rencluse à 5 h. 10' et arrivé au
sommet à 8 heures (soit 2 h. 50 minutes).
Signé : Lourob-Rocheblave
V. P. du G. A. F. (sect. du S. 0.)
20 août, — Started alone from Luchon with two guides : L. Du-
four et A. Sors the 20 th. Aug., and arrived on the top in the midst
of dense fogat 9.5'. a. m.
S* Em. Bally, Blairlodge, Polmont station (Scotland).
Même date. — Madame Villamur, Monsieur Villamur, ingénieur
civil, et leurs enfants : Mesdemoiselles Marguerite Villamur ( 15 ans),
Hélène Villamur (12 ans) et Roger Villamur ; Mademoiselle Mar-
guerite Dardenn0"et son frère Alexandre (15 ans); Monsieur Ghar-
les Grandou, membre de la Soc. d'hist. nat. do Toulouse; M. Louis
Ebelot, avocat (Toulouse), M"*» Henri Ebelot et ses deux filles
Marguerite et Marie Ebelot. — Guides : J. Haurillon et Gharles
Gouchan.
Les susnommés sont arrivés le 20 août au pic Néthou. .
22 août. — Mademoiselle Louise Albert Sylvo, Mademoiselle
Gabrielle Albert Sylvo, M. Henri Ramondet et Mademoiselle Maria
Gordeau (tous de Toulouse). — Guides: J. Haurillon et Gh. Gou-
chan. -— Les susnommés sont arrivés le dimanche 22 août au som-
met du Néthou.
, 27 août. — M. et M«« L. Rempnoulx du Vignaud (Ghampagne-
Mouton). — Guides : J. Haurillon et Gh. Gouchan. — Partis de la
Rencluse à 6 h, 30', sont arrivés au pic Néthou à midi 30', retardés
par la grande quantité de neige tombée les deux jours précédents.
— Le départ de la Rencluse n'avait pu s'effectuer plus tôt, le guide
qui accompagnait les provisions, ayant été pris par la nuit la
veille au soir, s'était égaré dans le vallon. Soleil resplendissant.
Quelques vapeurs du côté de France. Temps clair du côté de l'Es-
pagne.
M. R. du Vignaud a remis dans la boîte du pic de Néthou un
registre relié, qui lui avait été remis à cet effet, et a rapporté
celui-ci à Luchon en échange. — Les premières pages de ce regis-
tre ont été numérotées 1 à 15. La première commence par cette
mention : Ge cahier a été apporté le 27 août 1886 par M. et
M«« R. du Vignaud et M. Boutan, ingénieur des Ponts et Ghaus-
sées.
Réflexion de circonstance : Plus l'homme s'élève, plus il éprouve
le sentiment de sa propre faiblesse.
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28 août. — Joan A. Tusquet ^farcet, menbre de Tassociacion
Catalanista d'Excursions cientificas «Barcelone) y Raphaël Ferier
Gandia ab los guyas Gay y J. Fouillouse. Pujada : cinco horas.
09 août, — Eugène Duval, substitut au tribunal de la Seine. —
Guide : B. Courrège.— Partis de la Rcncluse à 4 h. du matin, arri-
vés au sommet à 8 heures. — Beau temps.
i4 septembre (mardi). — Bon Yjot de Noirfbntaine. ~ Je suis parti
de la Hencluse à 5 heures par le brouillard avec les guides J. Uau-
rillon et P. Cantaloup. Peu à peu le soleil perce les nuages, qui
malheureusement se maintiennent dans la vallée. — A 9 heures
nous arrivons au sommet. Magnifique ciel au-dessus de nos tètes,
mer de nuages à nos pieds. Néanmoins enchantés de l'ascension et
engageons tout le monde de venir lire ceci. — Enchanté de mes
deux guides.
21 septembre, — Arrivés hier soir à la Hencluse par un temps
détestable : orage et pluie toute la nuit. Ce matin à 8 heures nous
profitons d'une éclaircie qui bientôt se change en beau temps.
Arrivés au lac Coroné nous sommes pris par le brouillard. Ascen-
sion pénible au milieu de 40 centimètres de neige fraîche. Arrivons
gelés au sommet à 11 h. 45 après 3 h. 45 de marche. Environnes de
brouillards épais, mais satisfaits de Texcursion, intéressante par
elle-même, surtout sous la conduite d'un aussi excellent guide que
Courrège.
B. Bazin et Blondcl, élève ingénieur des ponts.
1887
\0 juillet, — Henri Schyler, Abel Dupuy (Bordeaux). Partis de la
Rencluse à 2 h. 15 du matin, arrivés au sommet à 6 h. 30. —
Guides : J. Ribis et P. Cantaloup. — Superbe ascension.
12 juillet, — Les membres du C. A. F. section de Bordeaux et de
Toulouse, dont les noms suivent, ont fait l'ascension au pic du
Néthou avec B. Courrège guide chef et les porteurs D. Gourrège,
Menât, Cantaloup, Ribis.
Ch. Troquard, notaire à Blaye, Adrien Jeantet (Blaye), M... (nom
illisible), receveur des finances (Blaye), Alfred Batignes (Tou-
louse), Paul et Frédéric Jung (Bordeaux), Charles Lécrivain (Tou-
louse), Bachy, ingénieur des ponts et chaussées (Auch), Delure
(Nérac), ingénieur des ponts et chaussées (Toulouse), Séjourné,
ingénieur des ponts et chaussées (déjà monté en août 1875), comte
de Narp, Blaquière et Allègre.
Partis de la Rcncluse à 4 h. moins 20, arrivés au sommet à
9 h. 10. — Nuages le matin jusqu'au Portillon, puis temps splen-
dide, Vent d'Espagne, neige excellente, glacier plus crevassé que
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d'ordinaire à cette époque. Nous redescendons sur la ville de
Vénasque par la vallée de Malibierne.
13 juillet. — R. Artiiur et Alfred Young, étudiants (Ecosse); sans
guide, mais ayant les traces de la précédente caravane.
25 juillet. — Jules Dautheville, pasteur (Montauban). — Guides :
Barrau père et fils. — Montée : 5 h. 30 minutes.
28 juillet. — Paul Miray. —Parti de la Rencluse à 3 h. 15, arrivé
au sommet à 8 h. 30. — Brouillard , éclaircies momentanées. —
Guides : P. Barrau et Huguet.
C'est sur ces hauts sommets que la nature donne une idée de
son immensité.
i" aottt. — Georges de la Sablière. — Guide : Charles (de Saint-
Mamet). — Montée : 3 h. 30.
Même date, — Vicomte de Ponton d'Amécourt, lieutenant au
94îiio rég. dlnf., officier d'ordonnance du général commandant la
24me brigade. — Guides : B. Courrège et J. Redonnet.
Même date, — Louis HafTner (Toulouse). — Guide : A, Barrau.
Même date, — Capitaine Perrot, lieutenant Maumené, du 10* dra-
gons ; de Bousquet, de Rességuier, 20"« de ligne. — Guides :
P. Redonnet et B. Gay.
2 aofU. — Gaston du Lac. — Guides : B. Lafont et Rivât.
0 Néthou , lorsque de loin j'apercevrai ta cime sourcilleuse et
que les années auront augmenté l'épaisseur de ton blanc manteau;
lorsque les soucis auront tracé des rides sur mon front et que la
jeunesse ne sera plus là pour les effacer, rappelle-moi, 6 colosse
exilé de mon beau pays de France, rappelle-moi cet instant de
bonheur.
Du haut du ciel je pense à ceux que j'aime ; ils sont bien loin
là-bas. — Vois-tu, mortel, ces hautes montagnes, vois-tu ces
vastes plaines qui s'étendent à tes pieds ; c'est là que le génie
humain gouverne la nature et dompte les éléments ; mais ne te
laisse pas aller à des pensées d'orgueil. Cette pierre qui te sert
d'appui sera là dans des milliers de siècles, et toi, où seras-tu
demain ? Courbe la tête devant Celui qui ne meurt pas.
iO septembre. — MM. Renouard et marquis de Beauchamp. —
Nous avons fait Tascension du pic de Néthou avec B. Courrège,
dont réloge n'est plus à faire et le dévouement n'est plus à
rappeler.
Même date. — E. Parisse, ingénieur des arts et manufactures,
L. Saubadie, instituteur à Cazarilh-Laspènes. -— Guide: G. Bajun.
— Therm. := + 6 à l'ombre et + 10 au soleil. — Belle ascen-
sion.
16 septembre. — M. Henri Harlé, élève à l'École centrale. —
Guide : H. Passet. — Partis le 13 septembre d'Héas, nous avons
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fait Tascension de la Munia et couché à Bielsa; le 14, de Bielsa aux
granges de Yiados au pied des Posets par la Cruz de la Guardia.
Le 15, ascension des Posets et descente par Paoule et Turmo^et
Litayrolles, coucher à THospice de Yénasque. I^e 16, partis à
5 heures de THospice de Yénasque, arrivés au somofiet du Néthou
à 10 h. 20. Très beau temps et belle vue. Nous espérons rentrer
coucher à Luchon à pied ce soir par le port de Yénasque.
il septembre. — B. Dansac. — Guides : B. Lafont et J. Riva. —
Partis à 5 h. de la Rencluse, arrivés au sommet du Néthou à 9 h. 05:
temps superbe et vue magnifique. — Guides très dévoués.
19 septembre, — G. Gondinet et L. Mangini, ing' de la marine. —
Guides : B. Courrège et B. Cier. — Partis à 5 h. de la Rencluse,
arrivés à 8 h. 20.
20 septembre.— D*" Garl Schmidt, géologue, de Brugg (Suisse). —
Guide: P. Gabellud (Yénasque).
21 septembre. — Léon Despréaux, officier au 8«« cuirassiers, et
Gandi (?). -— Guides : B. Lafont et Riva, — Très belle ascension,
beaucoup de vent, tourbillons sur les glaciers. — Yive l'Espagne.
Yiva la Francia.
UB88
26 juillet. — MM. A et Fr. Guilloux. — Guides: B. Courrège et
J. Ladrix. — On est volé à la Rencluse. Neige très molle.
28 juillet. — Comte A. de St-Saud, membre de C. A. F. et
do TAssociation catalane d'Excursion (La Roche Chalais), est
monté en compagnie des guides P. Pujo (Gavarnie) et J. Angusto
(Luchon). 11 est 6 h. du matin; si la neige n'eût pas été si dure,
nous serions arrivés pour le lever du soleil, comme nous en
avions eu l'intention. — Depuis 10 ans que je fais de la triangula-
tion dans les Pyrénées espagnoles, le Néthou (ou pic d'Anéto)
m'avait servi de repère et je n'y étais encore jamais monté.
5 août. — Eugène Alluaud, 23 ans (Limoges) avec les ^utde^
Raphaël Angusto et Jean Angusto, son fils.
Nous avons quitté Luchon à minuit 30 par un temps superbe.
Arrivés à THospice nous quittons la voiture pour nous mettre en
route à pied. Nous arrivons au Port de Yénasque au lever du
soleil. A 6 h. 15 nous sommes à la Rencluse où nous prenons
une heure de repos. A il h. 10 nous atteignons le sommet du
Néthou. Un brouillard intense nous enveloppe depuis le Portillon
et nous avons peu de chance de le perdre à la descente. Nous
quittons le sommet à midi pour rentrer à Luchon. L'ascension
aura donc été faite en un jour aller et retour de Luchon.
NélhoQ I Le voyageur qui pournit sur U tète
S'arrêter, et poser le pied sur sa conquête.
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319
Sentirait dans son cœur un noble batlement
El dans son corps lassé comme un tressaillement.
Géant ! il est heureux Faigle qui, de son aile
Eflleuranl la blancheur ilc ta neige éternelle»
Et dans son vol puissant bravant Pimmensilë,
Contemple le soleil que son aile a dompté.
Par un ami : Bruno Aussilloux.
7 ago^to. — Hemos salido de Llosas (Malibierne) à la 4 de la
manana^ y hemos llegado a este pico de Aneto à la 8 ; habiendo
salido ayer por la borde de Bénasque invertiendo por tanto desde
Bénasque à este punto 8 horas.
José Ma Albar Anglada, José Benos Albar, Vicente Turmo,
Manuel Sahun. Guia : Mariano Torrente. — Todos de Bénasque.
9 août. — Antoine Posselt-Gonch, secrétaire de gouvernement,
Clup alpin: D. 0. A. V., scct. de Insbruch (Autriche) avec les
guides J. Ribis et B. Salles. Superbe ascension.
10 août, — Docteur Ch. Biaise (Paris), membre du G. A. F. —
Monté au Néthou avec le guide B. Gourrège.
12 august. — A. -G. Renshaw (?) : England. Guide : A. Gabellud
(de Vénasque).
21 août. — M. Gros, professeur de sciences physiques au lycée de
Montpellier. — Guide : B. Gourrège. Parti de la Rencluse à 3 h. 35.
— Arrivée à 7 h. 20 du matin, température + 3«. — Brouillard au
sommet du pic.
25 aoû^ — James Nérot, G. A. F., a fait l'ascension du Néthou en
3 h. 45. Parti de la Rencluse à 7 h. 15 et arrivé au sommet à 11 heu-
res. -— Temps brumeux surtout du côté de la France. ~ Guide :
H. Passet. •
29 aoiit. — Madame Adeline Ollé, M. le docteur Ollé, M. Goupil
et M. E. Azémar, guidés par B. Gourrège, sont partis hier à pied
de THospice de France à 7 h. du matin, sont arrivés à 11 heures
au Trou du Toro et à 2 h. à la Rencluse. Ils en sont repartis à
3 h. 30 du matin et ont atteint le sommet du Néthou à 8 h. 15. —
Glair de lune splendide, temps merveilleux. — Guide : B. Gourrège.
30 aoat, — W. Forst (Bordeaux), membre du G. A. F, et H. Forst
(Bordeaux). — Guides : P. Gantaloup et Haurillon. — Partis de la
Rencluse à 4 heures du matin, arrivés au Néthou à 7 h. 45.
10 septembre, — M. Antoine Benoist, professeur à la Faculté des
lettres de Toulouse, et Madame A. Benoist. — Guide : B. Gourrège.
Partis de Luchon hier matin à 6 h. 30 pour le port de Vénasque
et le Trou du Toro, arrivés à la Rencluse à 5 heures. — Partis
ce matin à 6 h. 30 par temps médiocre, qui ne fait que se gâter à
mesure que nous montons. Arrivés au sommet à 11 h. 45. Pas de
Mahomet difficile à cause de la neige fraîche.
14 septembre, -— Philip Hetcher, Atherton, new Manchester
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3S0
(England) and A.-J. Hickson. Rainhîll, LiTorpool (Engiand). —
Guides : B. Gay et A. Barrau. — 3 h. 55 minutes de montée depuis
la Rencluse. Jolie vue. Nuages.
23 septembre. — Hope Mac Brayne (?) en 3 h. 20 minutes avec
B. Courrège comme guide.
1889
31 juillet, — A. Gourraud (Les Brouzils : Vendée). — Guides :
Raphaël Angusto et Jean Angusto. — 9 h. du matin. Très beau
temps.
2 août. — Ed. William Pergand (?), England. — Guides : Gay et
J. Redonnât.
3 août. — François Lary, président de la Société des excursion-
nistes de Béarn, etc. (Pau) et Maurice Yanvincq, de la Société des
études de Béarn, etc. (Pau). — Guide : B. Courrège.
Partis de Luchon le 2 août à 2 h. soir, arrivés à 7 h. à pied à
la Rencluse. — Partis à 3 h. 30 du matin, au sommet à 7 heures du
matin. — Temps splendide.
8 août. — Paul Labrouche et G. Bartoli ont fait Tascension du
Néthou. Ils trouvent le sommet libre de neige. Temps très pur,
grand vent du N.-E. — Pour réparer leurs forces, ils font cuire sur
le sommet un délicieux bifteck. — Guides : Raphaël et Jean
Angusto, bons pieds, bons yeux.
il août. — Capt. A. A. R. Winsers (?). — Guides : J. Ribis et
J.-M. Ribis. — Partis de la Rencluse à 2 h. 30 et arrivés au pic à
6 h. 30.
25 août. ~ Départ de la Rencluse à 4 h. 20, arrivée au sommet à
8 h. 30. Marche pénible, à cause do la grande quantité de neige
tombée dans la nuit du 23 au 24.
On y enfonce parfois jusqu'au genou. Temps splendide ; quel-
ques nuages du côté du Vignemale. — Guides : Barth. Courrège et
P. Cantaloup. •— Nous allons aux Posets demain matin, couchant ce
soir aux cabanes d'Eristé après avoir déjeûné à Yénasque. Nous
rentrerons à Luchon demain soir par le Portillon d'Oo.
Ascensionniste intermittent mais convaincu, récidiviste du
14 septembre 1886. Roger Viot baron de Noirfontaine,
administrateur du journal le Soleil (Paris).
P. S. — Nous descendons d'ici à Yénasque par le lac Goroné et
Malibierne. Sommes enchantés de nos guides.
Alfred et Marcel Spont, C. A. F. (Paris).
31 août. — P. Pelletier, lieutenant au 12« d'artilterie (Alger). —
Guide : B. Courrège. — Parti de la Rencluse à 5 h., arrivé au
Néthou à 8 h. 30. — Temps splendide.
« 0 Néthou, ce n'est pas tout de monter il faut descendre. >
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321
ÎO septembre. — L. Roux, aspirant de l""» classe, et Anna Roux. —
Très bons guides : Bajun, Bernard, J.-M. Ribis. — Arrivés au
sommet à 9 h. matin.
Même date, — Louis Falisse et Cécile Falisse (née Humbertj. —
Grâce aux bons soins des guides Raphaël et Jean Angusto, nous
sommes arrivés au sommet du Néthou. — Nous venons à pied des
Eaux-Bonnes d'où nous sommes partis il y a 12 jours. — Temps
superbe. Vu de nombreux isards sur le glacier. -- Néthou, au
revoir l
il septembre, — L. Normand, avocat à la Cour d'appel (Paris).—
0 Néthou ! quelque beau et immense que soit Phorizon que tu
déroules à mes regards, mes yeux et mon cœur ne s'attachent
qu'à un petit point, car là est mon univers. ■— Guides inconnus.
Même date, — R. Despommier et Vicomte J. de Nantois (?);
H. Moreau(?), M. Honoré. — Guides : P. Sanson,.M. Barrau ,
J. Sanson, J. Fouillouse..-- Partis de la Rencluse à 2 h,, arrivés
au sommet à 6 h. 10. -— Enfoncée la tour Eiffel ! Ascension parfaite
avec des guides parfaits. — Quel froid de canard!
i4 septembre. — Angel Machado de (nom illisible). —
Guides : J.-M. Ribis et P. Cantaloup.
1890
9 juillet. — 7 h. 15 du matin. — Temps magnifique. Vent fort
O.-N.-O. — Température à l'ombre et au nord = 1 degré. —
Ascension faite avec B. Gourrège comme guide chef et C. Sanson.
Baron Bertrand de Lassus.
2 aoû(. — Henry de Levesvre et Charles du Verne (déjà monté en
juillet 1885). — Guides : B. Gay et J. Redonnet. — Ascension faite
en 4 h. 45. — Temps un peu nuageux. Tout à coup bourrasque
de neige.
7 août, — M'«« Marie Desforges et M. Desforges, officier au
4™« bataillon de chasseurs à piQd, se sont mis en route par un
temps superbe, à 2 h. du matin, en compagnie des guides B. Cour-
rège et J. Mario dont ils n'ont eu qu'à se louer, surtout de
Courrège qui s'est dévoué de tout cœur au service de Madame.
9 août, — A. de Peyredoulle du C. A. F. (section du S.-O.) venant
de Tuquerouye par Vénasque avec le guide P. Pujo. — Vue un peu
bornée au S.-O. — Vent assez fort S.-S.-O. — Beau temps, bien
qu'il ait plu et tonné presque toute la nuit à la Rencluse.
22 août, — Joseph Russell (?) : Philadelphia (Etats-Unis). — '/ai-
des : P. Cantaloup et J. Ribis.
^Mots illisibles).
23 août, — Jacques Hébrard (C. A. F.), Paul Legier Desgranges,
Louis Cahen, Camille Sarraute, Emile Azémar, Maurice Labro-
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38S
quère. Guides : B. Gourrège et J.-M. Terce. — Partis de la Ren-
cluse à 4 h. 30', arrivés au Néthou à 10 heures.
3i août, — Madame Ganzin (G. A. F., section des Alpes Mariti-
mes), MM. Blaignan, Benoist, F. Durrbach (G. A. F., sect. des Pjt.
Orientales). — Guides: B. Gourrège, P. Gantaloup. — Mauvais
temps jusqu'au Portillon. La vue s'éclaircit en montant. Très belle
du côté espagnol, mêlée du côté français.
3 septembre. — P. Fagot (Villefranche de I^auragais). — Parti de
la cabane de Gabellud au port de Yénasque à 2 h. 30\ arrivé à la
Kencluse à 4 h. -- Départ de la Rencluse à 5 h. 30, atteint le som*
met à 10 h. avec 45 minutes d'arrêt en route. — Temps splendide,
vue superbe. — Guide: B. Vives. -- A la Kencluse nous avons
rencontré M. Maurice de Décliy avec lequel nous avons effectué
l'ascension.
Même date. — Maurice do Décby, membre d'honneur du G. A. F.
avec les guides B. Gourrège et P. Gantaloup et le jeune B, Gour-
rège âgé de 14 ans, a monté le pic Néthou avec un temps superbe,
favorable à ses travaux photographiques.
5 septembre. — Francis W. Mark. — Guide : H. Passet. — Arrivé
à 10 h. de la Rencluse par bourrasque, brouillard et froid.
ÎO septembre. — Robert Delafontaine, ingénieur (G. A. F.), Pierre
Delafontaine, René Saussine, Bernard de Vésin, tous trois sous-
lieutenants d'artillerie à Fontainebleau. — Guides : B. Lafont,
J. Ribis et J.-M. Ribis.
1891
21 juillet. — M. Gab. Garon, membre du G. A. F., Raymond Teu-
let, archiviste aux Archives nationales. Ad. Grangez du Rouet,
capitaine instructeur 20« art. à Poitiers, Robert Ardant (Limoges).
— Guides : B. Lafont^ P. Sanson, J. Fouillouse, J. Riva. -— Partis
de la Rencluse à 2 h. 45', arrivés au pic à 7 h. 20. — Vent moyen
N. 0. — Temps très beau, température et pression normales.
15 août. — Pierre Templier, du G. A F., 19 ans, Georges Baug-
nics, 19 ans. — Guides : P. Sanson, J. Fouillouse. — Partis de la
Rencluse à 3 h. 45' matin, arrivés au Néthou à 7 h. 5' matin. —
Trajet en 3 h. 20 minutes. Beau temps, soleil splendide, neige
bonne, nombreuses crevasses assez dangereuses.
16 aoû^ -— Société des excursionnistes du Béarn. — Gourse offi-
cielle de fin d'année. — MM. François Lary (G. A. F.) professeur
au Lycée de Pau ; H. Ritter (G. A. F.); G. Dubourg, de la S. E. B.;
Jouanne, ingénieur électricien; P. Gardères, négociant. — Guides:
B. Gourrège, P. Gantaloup et J. Gourrège fils. Départ de la Ren-
cluse à 5 h. 15. Traversée du glacier rendue difficile et dange-
reuse par le nombre plus grand que d'habitude des crevasses.
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333
Passage d'un pont de neige entre deux crevasses. Arrivés au som-
met à Il heures. — Temps passable, quelques nuages, soleil, —
120 pulsations à la minute.-
22 aug'. — CM. Stuart, S* Dunstans Collège, London. —Guides:
J. Angusto et B.* Vives.
Même date, — Partis de l'Hospice le 21 pour le port de Vénas-
que, nous en repartions â 3 h. pour la Rencluse où nous arrivions
à 5 h. après avoir visité le Trou du Toro. — Quitté la Rencluse
ce matin à 4 h. 45' et arrivés au Néthou à 8 h. 30'. — Guide :
B. Courrège. E. et L. Masse (Paris).
23 août. — André Benoist (12 ans), Raphaël Benoist (G. A. F., de
Lyon), Adolphe Benoist (G. A. F., de Toulouse), Paul Hivonnait
(G. A. F., Toulouse). — Guides: B. Gourrège et P. Gantaloup, par
une tourmente de neige.
25 août. — Madame G. Tilloy-Malelta (Bordeaux), M«"« Wilhel-
mine H. Gaden et M. H. Gaden (Bordeaux), Lorenz Preller (Bor-
deaux), Maurice et André Méandre-Lapouyade (Bordeaux), Ed.
Gadier (Pau). — Guides : H. Lons (Luz), V. Ghapelle (Héas), Et.
Theil (Gèdre).
Partis le 14 août des Eaux-Bonnes pour Gauterets par les cols
de Torte, de Saucède, (le Gabaliros) et pour Barèges par le col de
Riou et Luz: — Lac d'Orédon, Pic de Néouvielle, Héas, Pic Long,
Pic de la Munia, Bielsa et la vallée du Ginca, Plan et le col de
Sahun, Vénasque, la Rencluse et le Néthou. — Rentrés coucher à
Luchon. Douze jours de montagnes et vallées sans arrêts.
l septembre, — Max de Joigny et Maurice de Lamothe (Bordeaux).
— Guides : J. Fouillouse et B. Hourmagne. — Partis de la Ren-
cluse à 4 h. matin (nuit noire), lever du soleil au Portillon, arrivée
au Néthou à 7 h. 45', soit 3 h. 45'. Temps superbe. — Il n'y a plus
de Pyrénées I
7 septembre. -— Hermine Lomon et Gharles Lomon. — Guide :
Ch. Gouchan. — Rencluse : 5 h. — Néthou : 10 h. 30. — Temps
assez beau.
c Signe, au kis du feuillet fréle
Ton nom fail pour durer peu.
Sur ces monts, page éternelle,
Quelqu'un t'a deyancé : Dieu I
Cb. LoMoif.
7 septembre. — Georges Marquis, avoué (Paris). — Guides:
B. Gourrège et J. Angusto. ~ Partis de la Rencluse à 5 h., arrivés
au pic à 10 h. 30'.
19 septembre. — Emile Gottinet, rimeur parisien (G. A. F.), a la
joie de déjeuner au sommet du Néthou par une journée magnifi-
que, ce dont il remercie particulièrement ses excellents guides
J. Angusto et P, Sors.
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324
1892 .
Q8 juin 1892, — Cinquantenaire de la première ascension du
Nétliou. — Première de l'année. — On m'affirme en effet qu'en
juin 1842 on escalada le plus majestueux glacier des Monts Mau-
dits.
C'est sous la conduite du dévoué guide B. Courrège, que B. Lafont,
P. Redonnet, J. Courrège traînèrent au haut du pic M«« Georges
Corneau et son mari (de Gharleville^ MM. Geoffroy (de Cognac),
Guttmann (de Parisj et le jeune Jean-Marie Courrège âgé de 8 ans.
— Le temps frais nous a permis d'arriver au sommet du pic avec
la plus grande facilité. Les Touristes. — Néthou, le 28 juin 92.
8 juillet. — Deuxième ascension de Tannée 92, faite par MM. Luche-
reau, ingénieur du Righi français de l'Antécade, et Buisson, inspec-
teur adjoint des forêts à Luclion, sous la conduite de B. Cour-
rège.
Arrivés au sommet du pic h 7 heures du matin (départ de la
Rencluse à 2 h.) Ascension pénible en raison de la neige molle.
Brouillard sur la plaine française au-dessous de 1500 mètres. Très
belle vue sur l'Espagne.
29 juillet. — Je suis monté au Néthou, guidé par L. Sanson et J.
Fouillouse. Nous partimes do la Rencluse à 2 h. 45 et arrivâmes
au sommet à 7 heures. — Très bonne ascension, très beau temps.
Nous avons été suivis de la Rencluse jusqu'ici par un buU-dogg
appartenant à mon guide L. Sanson. Je croyais l'ascension vrai-
ment plus pénible ; à mon avis le trajet de la Rencluse au Portil-
lon est le plus difficile. Mes deux guides ont été très utiles. Vue
superbe et imposante. Ed. Maleserigne de Lafaye, docteur à
St^Martin (Haute-Vienne).
5 aou^ — Quatrième ascension de l'année 1892, faite par MM.
Marcel de la Lande (Angers), L. d'Eschellerins (Chàteauroux). —
Guides : L. Sanson et J. Fouillouse. — Partis de la Rencluse à
2 h. 45 et arrivés au sommet à G h. 45. — Ascension facile, temps
brumeux, aucune vue.
13 août. — Partis de la Rencluse à 2 h. 1/2 du matin, arrivés à
7 h. 45. — Temps superbe. Ascension dure. Nous avons été admi-
rablement guidés par Jean Angusto et J. Fouillouse.
Comte B. de Bouille, lieutenant au 4"« hussards.
Comte B. de Durfort et Prince Louis de Croy (G. A. F.i.
16 fioîd. Nous tenons à remercier nos excellents guides non seu-
lement de l'aide qu'ils nous ont donnée pour arriver au sommet du
Néthou, mais de Tentrain et de la complaisance dont ils ont fait
preuve pendant une ascension que Tétat des crevasses a prolongée
de longs détours. — Ces guides sont B. Courrège, J. Ladrix, P.
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325
Lafont. — Charlotte Grandpierre, A. Grandpierre, deMussey (Bar-
le-Duc), B. Boissonnas (73 ans), J. Boissonnas, E. Boissonnas (Paris),
Dcsau.
23 août. — Les soussignés Joseph Hagonneau Beaufel, Jacques
Taton de Tavernay , rentiers (Paris) , partis de la Rencluse à
2 h. t/2du matin, sont arrivés au sommet du Néthou à 7 h. 45, très
bien disposés grùcc à la palicnce et à Thabileté de leurs guides J.
Fouillouse et B. Lafont (do Luchon) ; mais les brouillards ont cou-
vert plusieurs fois les glaciers de 5 à 7 heures. Au sommet, beau
ciel, peu de vent, température douce, vue splendide de tous côtés
sauf du côté de Cerdagne.
J. H. Beaufel (30 ans) ; Taton de Tavernay (22 ans).
31 août, — Accompagnés des guides à pied Jean Angusto et J.
Fouillouse, dont la renommée n'est plus à faire, nous L. Prat
(Luchon), étudiant en médecine, et Félix Brzumienski, élève au
Lycée de Toulouse, nous avons effectué l'ascension du Néthou par
un brouillard intense, mais dans d'excellentes conditions d'ail-
leurs.
Résumé des Ascensions au Ni^thou de 1842 a 1892
Ascensions 553
Touristes . 1137
Dont: Français 905
Etrangers . . 326
Femmes 79
Guides 1129
En résumé, 22GG personnes ont atteint le sommet du pic du
Néthou depuis 50 ans.
Maurice Gourdon,
Vice-Présidt'iit de la Société Ramond,
Membre du Club Alpiu français, etc.
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MANDEMENT
DE Mgr Gabriel-Olivier de Lubière du Bouchet
Évêque de Comenge
POUR LES HABITANTS DE LA VALLÉE D^ARAN (ESPAGNE)
ANNÉE 1724
Gabriel -Olivier de Lubière du
Boucliet, par la miséricorde de
Dieu , Eveque de Comenge ; à
tous les archiprêtres, curés, prê-
tres, ecclésiastiques et à tous les
habitans de la vallée d'Aran ,
salut.
Attentif que nous sommes, mes
chers frères, aux obligations que
nous impose notre mmistère, de
veiller et de prendre garde à nous-
mêmes et à toutes les parties du
troupeau sur leqiiel le Saint-Esprit
nous a établis Evéque pour gou
verner l'Eglise de Dieu, qu il a
acquise par son propre sang, nous
devons vous dire que c'est avec
douleur, que nous avons envi-
sagé les obstacles qui ont retardé
jusques ici la visite que nous
avions résolu de faire dans votre
vallée.
Les guerres, qui se sont succé-
dées les unes aux autres, et qui
ont été suivies de la contagion
fatale, dont vous avez été garan-
tis par l'attention du Roi pour
votre conservation, en établissant
des gardes sur la frontière pour
empêcher le communication de
la France avec l'Espagne.
Ces motifs cessant, mes chers
frères, l'exécution aurait suivi
de bien çrès nos projets de vi-
site ; mais l'esj^rit de ténèbres,
toujours opposé à la gloire de
Dieu et aux moyens de salut que
sa miséricorde prépare aux hom
Grabieou-Oulibiè de Lubière
du Bouchet, per la misericordie
de Dieou , Âbesqué de Cou -
mengé; à touts ets arcipréstes,
ritous, capéras é autes gens de
gleize, è à touts ets habitants
d'ère baleye d'Aran, salut.
Attentifs que nous êm, mous
chers frais, à ros obligatious, que
noste ministcri nous impose, de
beïla ê prené garde à nous made-
chis, ê à toutes ères partides d'et
troupét, sus et quaou et Sent-
Esprit mous a estabiits Abesqué
per gouberna ère Gleize de Dieou,
qu'ét a aqueside per soun propi
sang, nous bous deouém dise,
qu'ey estât dab ue gran doulou,
qu'auem bists ets empachamens.
qu-an retardât de qui à ci ère
bisite qu'auiem résoulut de hè en
boste baleye.
Eres guerres qu'es soun sègui-
des ères ues après ères autres, à
res quales a succédât ue peste
malhurouse, doun bous autres
èts estadis préserbats per atten-
tion dét Rey per bous counserba,
en mette de gardes sus ère fron-
tière en ta empacha ère commu-
nication dere France dab ère
Espagne.
En aqueres rasons cessa, mous
chers frais , ères résolutious
qu'auiem hét de hè re bîsite
serien estades leou seguides de'r
executiou ; mais et esprit d'os-
curitat, toustem opposât à re
glorie de Dieou è à res occasious
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327
mes , y a formé de nouveaux
obstacles.
Ne 8*est-il pas élevé parmi vous
des ^ens, qui, pour séduire les
simples, se sont avisés de publier,
contre la vérité, que par les pri-
vilèges de la vallée nous n'avions
aucune juridiction sur les prê-
tres ? il y en a même parmi eux,
qui ont eu la témérité de l'expo-
ser dans des requêtes, comme
s'ils avoient pu oublier le serment
solennel de respect et d'obéis-
sance qu'ils ont fait entre les
mains de leur Evêque, le jour de
leur ordination pour le sacer-
doce, quand, à genoux devant
lui, leurs mains mises entre les
siennes, il leur a dit : Promittis
milii et successoribus meia reoe-
r-entiaui, n'ont-ils pas répondu :
Promitto ?
Quelle preuve plus authentique
peut-il y avoir de leur dépen-
dance de sa juridiction ?
C'est aussi pour dissiper ces
illusions, que nous n'avons pas
cessé depuis longtemps, comme
vous devez vous en souvenir ,
d'avertir chacun de vous do ses
devoirs, quand les occasions se
sont présentées de rendre des
ordonnances à cet effet.
- Mais, comme les armes cjue
nous devons employer pour éta-
blir la juridiction qu'il a plu au
Seigneur de nous donner sur le
troupeau que la divine Provi-
dence a confié à nos soins ne
sont point charnelles ni maté-
rielles, mais puissantes en Dieu,
pour détruire les raisonnements
humains et tout ce qui s'élève
avec plus de hauteur contre la
science de Dieu, ayant en notre
main le pouvoir de punir tous les
désobéissants, lorsque ceux de
vous, qui ne se seront pas laissé
séduire, auront satisfait à tout ce
que l'obéissance demande d'eux ':
Nous n'avons pas cru . mes
chers frères, devoir entrepren-
dre la visite de la vallée d'Aran,
Sue Dîeou prépasé ata hommes
e hê lou salut, y a format de
naouéts empachamens.
Nou s'és pas eleouat entré
vous autres dé gens, que per
séduise es simples, sesontavisats
de publica fausseméns, que selou
es pribiletgés d'ère Baleié, nous
n'auiem cap de juridiction sus es
capéras ? En y a agut encare
entré ets, qu'an agut ère temeritàt
de acmetté en dé requèstes;
comme se auien pouscut des-
brembas et jurament solemnel dé
respect ê obediensé qu'ets an hét
entre res mas de lou Abesqué et
dié que soun estats ourdounats
caperas quan a^ulliats deuant et,
lous mas meses entré res sues,
et leur a dit : Promittis mihi et
successoribus meis reverentiam et
obedientiam, nou an pas eris res-
pounut : Promitto ?
Quine probe mes autentique
y pot aué de lou dépendence de
saiuridictiou? •
1 abén, per dissipa aqueres illu-
sions, nou auem pas cessât des-
puch lougtems, coumme douéta
houn brémba, d'aouerti cadeun
de bous autres de sous déoués,
quan ères occasions se son pré-
sentades de rende per aquét effet
d'Ourdounances.
Mais coum'éres armes que
deuem mette en usatgé per esta-
bli ère juridiction qu'a playut à
N. Seignou de mous dà sur ères
ouelles guela Probidence dibine
a hisat à nostis soins nou soun
pas d'armes charnèles ni maté-
riéles, mais puissantes en nostre
Seignou per destruisé éts rasou-
nomens déts homes, é tout ço que
s élève dab insoulence contre ère
science de Dieou, coume auem
en noste man et poudé de puni
touts éts desobeissens , quan
aquéts de bous autres que nous
seran léchats séduise, auran sa-
tisfèt à tout ço aué aeuen a ço
qu'era obédience demande d'ets * ;
Nou auem pas crédut, mous
chers frais, que déguessém entré-
préné ère bisite dere baleïe
1 Arma iDJIitise nostr» non carnalia sont, sed potenlia Deo ad destnictionem mnni-
tionum cnnsilia desiruenles, et omnem alliUidluem cxtollenlem se adversus scientiam Dei,
et in cu|itivitatem redigenles omnem iuteltcclum in obsequium Christi, et in promplu
habenles ulcisci omnem inobedienliam, qoum impleta faeril vesira obedienlia — 2. Cor. 10»
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328
que CCS idées d'indépendance de
notre juridiction ne fussent dissi-
pées; que ceux qui s'en estoient
flatez, par des vues que nous ne
voulons pas détailler ici, n'en
ayent été désabusez.
Si notre visite opère quelque
bien parmi vous, mes chers frè-
res, vous devez rendre grâces au
Seigneur du zèle vraiment chré-
tien qui a porté M. le comte de
Montemar, commandant général
en Catalogne, de solliciter Sa
Majesté Catholique le Roi d'Es-
pagne, votre souverain, de nom-
mer telle personne qu'elle trou-
veroit à propos pour examiner,
conjointement avec nous, vos pri-
vilèges, qui nous avoient été
jusqu'ici inconnus et dont plu-
sieurs d'entre vous s'autorisoient
pour éluder notre juridiction. La
lettre qu'il nous a fait l'honneur
de nous écrire là-dessus nous
a été remise deMa part de M. de
'Mesparrota, commandant dans
la vallée, lequel a été chargé par
M. le comte de Montemar de
l'exécution des ordres de Sa Ma
jesté Catholique, en conséquence
desquels il a bien voulu nous
écrire une lettre où nous rccon-
noissons, avec toute la satisfac-
tion possible, les sentimons de
piété et de religion qui l'animent,
aussi bien que la vivacité de son
zèle pour la gloire de Dieu, l'édi-
fication publique, la règle et le
bon ordre de tous les nabitans
de la vallée d'Aran.
Ces motifs, mes chers frères^
nous ayant à l'instant déterminé
d'aller faire la visite dans votre
vallée, nous avons cru que pour
seconder les pieuses intentions
de votre Monarque nous devions
renouveler les Ordonnances de
Monseigneur de Choiseul de
Praslin, notre prédécesseur, du
23 septembre 1646, dont la mé-
moire doit être en bénédiction
parmi vous, comme elle l'est dans
toute l'étendue de notre diocèse,
et y en ajouter d'autres que nous
avons jugées nécessaires pour
votre sanctification et l'édification
publique, pour être exécutées par
tous les hàbitans delà vallée sous
les peines qui y sont énoncées.
d'Aran qu'aquéres îmaginatious
d'indépendénce de noste juria-
dictiou nouss houssén dissipa-
dea, quaqu'ets que s'en eren ila-
tats, per de bistes que nou bou-
lem pas explica aci, nou'n hous-
sén désabusats.
Se noste besité opère quauqué
ben entre bous autres , mous
chers frais, deouets rende graciés
à N. Seignou d'et zèle beritablo-
ment chrestian que a portât M. et
comte de Montemar coumandant
général en Catalogne, de sollicita
sa Majestat catholique, bosté sou-
verén, de nouma taie persoune
qu'ère troubarie à propos per
examina dab nous bostes prini-
letgés que mous êrem estais
encouneguts déqui'aci, ê d'oun
force de Dousaouts s'autorisaben
per ésvita nosto juridictiou. Ere
lettre que mous a hét Taunou do
mous escriué sus aquet sutget,
que mous es estade remèse d'era
part de M. de Mesparrota, cou-
mandant ene baleie ; qu'es estât
encargat per M. et conté de
Montemar d'ère executiou d'ets
ordes de sa Majestat catholique,
en conséquence des(]uaus et a
boulut mous escriué ue lettre,
oun nous récounechém, dab toute
ère satisfaction poussible, es sen-
timens de pietat é de religiou
que Tanimen au ta plan qu'ère
vivacitat de son zèle p'ere glorie
de Diou, èr'édificatiou publique,
ère règle é et bon ordé de touts
ets haijitans d'ère baleie d'Aran.
Aqueres rasous, mous chers
frais, en mous aué déterminais
incountinent d'ana hè ère bisite
de boste baleie, auem crésut
qu'enta secunda ères intentious
de boste Rey, deuiôm renoubela
ères Ourdoûnances de Mounsei-
gnou de Choiseuil de Praslin noste
nrêdéccssou, d'et 25 de setémé
1646, ère resoubenence det quau
deou este en bénedictiou entre
bousautres, coume es en tout nos-
te abescat, è de mette ny d'autres
qu'auem jutgeat nécessaries per
bosté sanctificatiou c r'édiûcatiou
d'et public, per esté obserbades
per touts ets hàbitans d'ère baleie,
sus ères pênes que y son especi-
fiades.
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329
C'est, mes chers frères, pour en
assurer TefTet, et vous solliciter
ϻlus pressamment de vous con-
ormer en toutes choses à ce qui
est porté dans ces Ordonnances,
que nous empruntons les mêmes
paroles dont saint Paul s'est servi
en écrivant aux Thessaloniciens
Que si quelqu'un n'obéit pas à
ce que nous ordonnons par ces
Statuts, notez-le, et n'ayez point
de commerce avec lui, afin qu'il
en aye de la confusion et de la
honte ; ne le considérez pas néan-
moins comme un ennemi ; mais
avertissez-le comme votre frère •
Demeurez donc fermes, mes
chers frères, et conservez les tra
ditions que vous avez apprises
de nos prédécesseurs et do nous,
soit par nos paroles, nos lettres
et nos statuts^.
Ne pouvant, mes chers frè-
res, assez contribuer à votre édi-
fication, pour y coopérer avec
f)lus d'efficacité, nous eifi'ployons
es mêmes paroles de saint Paul
aux Thessaloniciens. Au reste,
nous vous supplions, mes frères,
et vous conjurons parle Seigneur
Jésus, qu'ayant appris de nous
comment vous devez marcher
dans la voye do Dieu pour lui
plaire, vous y marchiez en effet
de telle sorte que vous vous y
avanciez de plus en plus '. Je
vous recommande donc à Dieu
et à la parole de sa grâce ; puis-
que c'est lui qui peut achever
1 édifice que nous avons com
mencé. et vous donner part à son
héritage avec tous ses saints*.
A ces causes, nous ordonnons
que tous les articles des règle
mens et Ordonnances, que nous
avons faits et ci-après imprimez,
Per en assegura l'effet ê soUi-
cita-bous, mous chers frais, dab
mes de presse de conforma-bous
en toutes causes à co qu'es mar-
quât en aquestcs Ourdenànces,
emprountaram ères madéches
paraules, doun S. Pau es serbic
quan escriuié a's Thessaloni-
ciens.
Que si quaucun n'oubesis pas à
ço qu'ourdounam i^er aqueris Es-
tatuts, marquats-lé, é non ageats
cab dé combcrce dab et, enta
qu'ét en âgé counfusiou è ber-
gougne ; nou au counsidérèls
pourtant pas coume un enemic,
abertits-le coume bosté frai ».
Demourats donne fermes, mous
chers frais, è counservats ères
traditions ou enseignaméns que
auéts aprésés de nostés prédé-
cessous ô de nous, ô per nostes
lettres ô estatuts^.
Coume on nou pot, mous chers
frais, prou countribua à boste
édificatiou, enta coopéra y dab
mes de force, mous serbiram
d'ères madéches paraules de
S. Pau, quan escriuie a's nobles
de Tessaionique. Bous suplicam,
mous frais, ê bous pregam per le
Seignou Jésus, que puich que
auets après de nous auin deuéts
camina en camin de Dieou, enta
plas'eu, que bous y auancéts'
toustem mes, jou bous arrecoum-
mandi dounc à Dieou c a ro
paraule de sa gracie ; puich que
aquo es et que doou acaba et
bastiment qu auém coumençat, ô
da-bous part en soun ciretatgé
dab touts sous sants*.
Per equo ourdounam que touts
éts articles des Keglaméns c
Ourdounances, que auem hct, é
que soun imprimats aci après.
1. Qaod si quis non obedit verbo noslro per cpislolam, hune nolnie, ri ne coramis-
ceamiuicom illo, ut coofondaliir; el nulitc quasi inimicum exislimare, sed corripile ut
ralrem. II. Tbess. 3.
2. Ilaque, fratres, stnte et lenele iraditioncs, quas didicislis sire per sermouem sivc
per epislolam nostram. Ibid. cap. 2.
3. De cœlero crgo, fratres, rogaoïus vos et obsncramus in Domino Jesn, ut quemad-
iDodum accepistis a uobis qonmodo oporleat vos aiobulere el placere Deo, sic et ambu-
leits m abaiidelts magis. I. Th«88. cap. 4.
, ^» El qùnp c^niDiendo vos.pp^ et^vepU) gva,(j8u ijçj))s^qui^poiep§ csl $)4i9<^i'^^ H^i^^lf^*
biBrediiàlem in sanctincatis omnibus. - ' ...... .^
RiTVi BB ComiwaBSi 4« trlmesird 1695. T§mk X. — 23.
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330
aussi bien que les Règlemcns et
Ordonnances de Monseigneur de
Choiseuil, Evéque de Gomcnge,
du 25 septembre 1646, seront exé-
cutez selon leur forme et teneur.
Donné à Bielle en Aran, le
vingt-sixième du mois d'août
mille sept cents vingt-quatre.
autabén que ctz Rcglaméns, ê'rei
Ourdouiiances de Mounseignou
de Ghoiseuil. Abesque do Cou-
mcngé, det 25 de setemé 1646,
sien obscrbades en tout ço que
countenguen.
Dat en Bielle en Aran, et vint
ê sics d'et mes d'aoust mil sét
cens vingt ô quate.
Ordonnant sous peine de suspense, à tous curés et vicaires de
lad. vallée, de publier au prône de la messe de parroisse notre
présent Mandement et Ordonnances, le premier dimanche après
qu'ils les auront reçus.
f G. 0. Evoque de Gomenge.
1. Tous les prêtres ou ecclé
siastiqucs in sucris, de la vallée,
seront tenus, sous peine de sus-
pense, de porter Thabil long, dit
soutane, dans le lieu de leur rés'
dence. Il leur est défendu, sous la
même peine, d'oiïrir le très saint
sacrifice de la Messe, s'ils ne
sont pas revêtus d'une soutane
2. La fréquentation du cabaret
dans toute l'étendue de la par-
roisse, et même de l'annexe, s'il
y en a, leur est défendue sous la
même peine. Et pour ôter tout
prétexte, désormais, aux prêtres
de la vallée de fréquenter le
cabaret et d'y boire, comme il
pourrait arriver que le lieu de
leur habitation serait à portée
des parroisses voisines, oà ils
croiraient pouvoir aller boire
dans le cabaret sans encourir la
suspense, nous défendons, sous
la même peine de suspense, à
tous prêtres, de boire dans les
cabarets, s'ils ne sont pas à une
lieuë de distance de leur habita-
tion.
3. Nous leur défendons, sous
la même peine, de boire du lait,
du vin, de Teau-de-vie ou autres
liqueurs dans l'église, ou de man-
ger ni boire dans les cimetières.
4. Nous ordonnons que tous
les prêtres, dans chaque par-
roisse, seront revêtus chacun
d'un surplis et bonnet carré, pour
assister aux grandes Messes, soit
parroissiale, soit de fondation,
l. Touts es Gaperas ô autés
que soun en es ourdés sacrats,
seran oubligats dé porta ère
raube longue ô soutane, en loc
de lour demoure, h pêne do sus-
pense. Lou es deffendut sua ère
madèche pêne de Missa, se nou
soun pas bestits d'ue soutane.
2. Ere entrade d'ères Tauernes
ente beue en tout et terradou
d'ère Parrochie ê d'ero Annexe,
s'en y a, lour es defendude sus
ère madeche pêne de suspense.
E enta que d'aci enlà es Gaperas
nou ajen cap d'excuse enta entra
en es Tauernes entabeuéy, coume
es pouirié hé quét loc oun de-
mouren série près d'ue aute Par-
roquie, la oun eris es pensarien
poudé ana beoué ena Tauerne
sensé cai en suspense, deffendem
sus ère madeche pêne de sus-
Eense, à touts es Gaperas de
eue enes Tauernes, se nou es
troben a ue letgue louing de
leurs maisous.
3. Lour deffendem, sus ère
madeche pêne, de beué leit, bin,
aiieardent ô autes liquous ene
Gleize, ô de mingea ne beué en
es Gementeris.
4. Ourdenam que touts es Cape-
ras en cade Parroquie, seran
arreuestits cad' un d'un surpolis
ô bonét carrât, enta assista a res
Misses granes ô Parroquialcs, ô
de Foundatiou, enta Enterra-
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331
pour sépultures, ncuvaines ou mens, Nauies et cap d'an,
annuels pour les morts.
5. Informez, bientôt après notre
arrivée dans le diocèse, de l'abus
introduit dans la vallée, que tant
les prêtres que les laïques de
chaque parroisse, exigeaient de
chaque prêtre nouvellement or-
donné, à raison do la première
messe, trois ou quatre repas, qui
leur étaient très onéreux pour la
quantité de viande et de vin qui
s'y employoit. qu'ils leur refu-
sent les ornemens pour célébrer
le très saint sacrifice de la Messe,
et les émolumens do la parroisse
affectez pour chaque prêtre, s'ils
refusoient de donner ces repas
qui avoient été expressément dé
fendus et prohibez par Messei
gneurs les Evêques cte Comenge
nos prédécesseurs, et spéciale-
ment par Monseigneur do Choi-
seuil de Praslin, en ce que ces
repas, exigez contre toute sorte
de raisons, ressentent la simo-
nie, et déshonorent, pour ainsi
dire, le très saint sacrifice de la
Messe (') : pour nous opposer à
un tel abus, nous aurions rendu
diverses Ordonnances, qui por-
toicnt défenses aux Prêtres, sous
f>eine de suspense encourue par
e seul fait, et aux séculiers, sous
peine d'excommunication, d'exi-
ger, sous quelque prétexte que
ce puisse être, que les Prêtres
donnent de tels repas, à raison
de leur première Messe, leur
défendant, sous la même peine,
de leur refuser les ornemens cour
célébrer le très saint sacrifice
de la Messe, et les rétributions
de l'Eglise, qui leur appartien-
nent, comme Prêtre de la com-
munauté. Et attendu que de tel-
les ordonnances sont conformes
à la discipline de l'Eglise, en les
renouvellant, voulons que notre
présenta Ordonnance soit publiée
dans toutes les parroisscs de la
vallée d'Aran, ahn que personne
ne Tignorc, et que tant les Prê-
tres que les séculiers s'y confor-
ment.
6. La vie et les moeurs des
i. Trid.. ff.
5. Infourmats,dabort après que
hourem arribats en Anesquat,
d'et abus entrouduit ene Baleie,
que es Caperas é es Laies de
cade Parroquie exigeauen de
cadc Gaperan nauêt, per rasoun
de sa misse naouêre, très ô quaté
arrepêches, que lour êren de
<i:ran dospénse, a cause d'ero
gran quantitat de biande ê de
bin que s'y cmplegaue ; qu'om
lour arrefusaue ets ornamens
enta dise ère santé Misse, ê éts
arrébénguts d'ère Parroquie af-
fectats h cadc Caperan, s'eris
arrcfusaucn dé da aquéts arre-
pêches, qu'cren estats esprès-
saméns defenduts ê prouhibats
pes Soignons Abésques dé Cou-
menge nostés deuanciés, ê en
particulié per Mouseignou de
Ghoiseuil do Praslin, perço qu'a-
quets arrepêches, demanats coun-
tre toute rasou, sentien ère
simounie, ê desaunourauen, per
ensi parla, et S. sacrifice d'ère
Misse ; enta ouppousa mous à
un tau abus, aurien dat diferén-
tes Ourdounances, que pour-
taouen deffénse a's Caperas, sus
pêne de suspense encourrégude
p'ere action soûle, è as Laïcs sus
pêne d'escoumingué, de demana
sus quine rasoun qu'es housse,
qu'es Caperas dêssen de taus
arrepêches, à rasoun de lour
Misse naouêre: en lour défende
sus ère madéche pêne, de arré-
fusa-les éts purnamons enta
célébra et très sant sacritice
d'ero Misse, ê éts arrébénguts
d'ère Gleize, que lour apartèn-
guén coumc Caperas d'ero Cou-
munautat. E perço qu'aqueres
Ourdounances soun conformes
are discinlinc d'ère Gleize, en
arrenoubela-les. boulém que
nostc présente Ourdounancc sic
publicade en toutes ères Parro-
quies d'ère Baleie d'Aran, enta
que degus nou l'âgé per cncou-
ncgude. ê que es Caperas, ô es
Laïcs s'y couformén.
6. Coumc ore bite, ê'rc faiçoun
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332
Curés et des Prêtres, devant être
le modèle que doivent imiter
les peuples confiez à leur con-
duite>, ils doivent aussi être,
selon saint Jérôme ^ , compo-
sez, modestes dans tout leur
entretien ; il faut que la sainteté
de leurs mœurs et la pureté de
leur vie éclate dans leurs habits,
leur marche, leur air, leur parler,
leur maintien. Nous sommes obli-
gé de défendre, à tous les Prê-
tres et autres Ecclésiastiques de
la vallée d'Aran, les danses, tant
publiques que particulières, de
joiier dans les places et jeux
publics, aux quilles, aux cartes
et aux dez.
7. Nous leur défendons le port
des armes, telles que sont fusil,
pistolet de selle ou de poche,
épée, poignard. Nous leur dé-
fendons do même -la chasse du
sanglier et autres bêtes fauves,
sûus peine de suspense pour six
mois ; renouvellant à cet effet
toutes les Ordonnances de Mon
seigneur de Ghoiseuil, du '25 sep
tembre 1646, que nous faisons
imprimer avec celle-ci.
8. Et comme dans les festins
des noces et mariages, les sécu-
liers tiennent souvent des dis-
cours trop libres, les Ecclésias-
tiques de la vallée d'Aran, même
parens des Mariez, doivent s'abs-
tenir d'y assister, s'ils ne sont
pas moralement assurez que leur
présence empêchera ces discours
scandaleux et les ivrogneries qui
en sont les suites presque néces-
saires. Nous leur défendons de
même d'assister aux repas que
l'on donne dans la vallée après
la sépulture des morts: Renou-
vellant l'ordonnance que nous
avons rendue à cet effet, oui porte
qu'il sera donné vingt sols à cha-
que Prêtre appelé, tant pour l'as-
sistance aux services faits pour
les funérailles ou sépultures des
morts, que pour le repas que les
parents du défunt donnent en-
suite.
de biéaué des Rittous é des
Caperas deou esté et patroun que
deuén imita es pobles hisats a
lour goubèrn, eris deuén taben
esté, seloun sant Jérôme, compo-
sats, modestes en toutes lours
coumbersatious ; quau qu ère
santetat ère puretat dé lour bite
brillé en lours bestimens, leur
camina, lour aire, lour parla,
ê'ne faiçon dés tengué. Em
oubligats de défende à touts es
Caperas, ô Clercs d'ère baleie
d'Aran, ères danses publiques
ô particulières, dé jouga en'es
places ê a dé jogs publics, ares
quilles, cartes, etc.
7. Lour defendém de pourta
armes, coume soun fusil, pisto-
let de sére, de cinte ô de poche,
espade. dague, etc. Leur defen-
dém tabén ère casse d'et sangla
é autes bêsties faroutges, à pêne
de suspense per siès mêses ; en
arrenoubela per aquero toutes
ères ourdounances de Monsei-
?'nou de Choiseuil, det 25 setcme
646, que hém em prima dab
aqueste.
8. E coume en es héstcs de
noces ô maridatgés, ères gens
d'et moun tenguén souén dis-
courses desaunèstés, ères gens
de Gleize d'era Baleîe d'Aran,
encare que sien parèns d'ets
Espousis, deouen esbita de trou-
basy, se nou soun pas mourale-
mens certêns que four présence
empachara es discours scanda-
leuses ô ets embriagamens que
en soun ères suites presque
nécessaries. Lour déféndeni atau
madech d'assista a'ts arrepêchéa
uom da ene Baleîe après éts
Interramens : arrenoubelam ère
Ourdounance gu'auém hête sus
aquet punt, guè porte qu'on dara
vint targes à cadaun dès Cape-
ras coumbidats, sié per aué assis-
tât at Enterrament è at service,
ô pèt arrèpêch qu'es parents d'et
mort dauen après.
1. Concil.
2. S. Jérôme.
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333
9. Nul Prêtre ni Clerc de la
dite Vallée, ne pourra, hors le
cas de nécessité, être parrain au
baptême sans une expresse per-
mission par écrit de notre part.
Nous leur défendons aussi de
porter les petits enfants en public
entre leurs bras, en prenant soin
d'eux, pendant que leurs mères
ou nourrices sont absentes pour
le travail, etc.
10. Nul Prêtre ni Clerc de la
dite Vallée ne servira d'avocat
ou conseil, et ne pourra être
Sindic des Communautez, pour
en poursuivre les procès : leur
Sermettant cependant de défen-
re les intérêts des veuves, des
pupilles et des pauvres, dont les
Curez doivent être regardez com-
me les pères, à raison de leur
ministère.
11. Comme toute sorte d'oeuvre
servile déshonore et avilit le
Prêtre qui s'y employé, nous
défendons à tous Prêtres et au-
tres, constituez dans les ordres
sacrez de la vallée d'Aran, de
labourer la terre, même de leur
propre fonds; daller travailler
a couper du bois, fût-ce pour
leur propre usage ; de concfuire
des bêtes de charge ; de mener
gaître ou boire toute sorte de
estiaux; de les conduire eux-
mêmes aux foires ou marchez ;
d'aller même aux foires pour y
acheter des bestiaux, pour les
revendre ensuite; de faire des
bas à l'éguille en se promenant
hors de leurs maisons ; et enfin
de s'employer en public à quel-
que œuvre servile que ce puisse
être, à peine de suspense pen-
dant l'espace de trois mois.
12. Etant bien informez que
plusieurs Prêtres de la vallée
d'Aran, contre les règles éta-
blies par les Canons, et la disci-
pline constante de l'Eglise, sor-
tent de la vallée, sans permis-
sion par écrit de notre part,
pour aller courir en Espagne, où
ils deshonorent le sacerdoce en
y demandant l'aumône publi-
quement; nous défendons désor-
mais, sous peine de suspense, à
9. Cap de Caperan ô Clerc
d'ère dite Baleîo, nou pouira,'
hore d'et cas de nécessitât, este
Pairin de Bateimé, sensé ue
licensie expresse ê escrieute de
noste part. Leur defendem taben
de pourta publiquamentets mai-
natgés ene brasse, quan les
guerden, ê qu'ères Maïs ô Noui-
rlsses soun enta trebailla, etc.
10. Cap de Caperan ô Clerc
d'ère dite Baleie nou servira
d'Auoucat ô Couseillé, é nou
pouira este sindic d'ères Coum-
munautats, enta soustengu'en es
Processes: lour permettem pour-
tant de aefende éts intéresses
d'ères Beuses, des Pupils ê des
praubés desquaus ets Ritous,
per lour ministéri deuèn este
regardats coume es Pais.
11. Coume toute sorte d'obre
serbîle desaunore é arrend mes-
prêsable ôt Caperan que s'y
occupé, defendem à touts es Ca-
peras ê êts autes coustituats en
es Ourdés Sacrats ene Baleie
d'Aran, de laura, encare que
sien leurs camps, a'ana trabailla
a hê leigne, encare que housse
enta et madéch, de counduisé
bêsties cargades, d'amia péché
ô beué es bestias, d'amia-les a
hôires ô marquats, d'ana èris ma-
dechés a'res héires enta croumpa
bestial enta arrebenè-lés après,
de hô bachès d'aguille en passe-
geas dehore d'ère maison ; e enfin
de s'occupa en public de quine
obre serbiie qu'es sie, a pêne de
suspense pendém et tems de très
mêsés.
12. Coume ém plan enfour-
mats que force Caperas d'ère
Baleie d'Aran, countre ères rè-
gles establides p'es canous, ê're
discipline countinuêle d'ère
Gleize, sorten d'ère Baleie, sensé
cap de licencie escrieute de noste
part, enta ana courre en Espa-
gne, oun eris desaunoren et
caractère, en demanda -y publi-
cament er'aumoine : defendem
dar'enla, sus pêne de suspense,
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334
tous les Prêtres do la vallée
d'Aran, den sortir pour s'en
éloigner de plus de deux lieues,
à moins que ce ne fût pour venir
vers nous ou nos Vicaires Géné-
raux, sans en avoir obtenu de
nous la permission, que nous
leur donnerons par écrit si nous
trouvons justes et raisonnables
les motifs qu'ils nous expose-
ront : leur ordonnant de plus
d'apporter un certificat autenti-
que de leur bonne conduite,
vie et mœurs, pendant leur ab-
sence. Etant de retour, ils ne
pourront célébrer le saint sacri-
fice de la Messe dans leur église
Earoissiale, sans avoir preala-
lement présenté le certificat ci-
dessus à notre Vicegerent de
rOfficialité dans ladite vallée,
lequel ayant mis : Vu par nous
le présent certificat , etc. , le
signera, gratis; après quoi il
sera présenté au Curé : Défen-
dant à tous les curés de la vallée
de permettre auxdits Prêtres de
dire la Messe dans leur église,
avant qu'ils ayent rempli cette
formalité , que nous exigeons
pour le bon ordre, et pour nous
rendre certain de la bonne con-
duite des dits Prêtres pendant
leur absence de ladite vallée.
13. Nous ordonnons, à peine
de suspense, à tous les Curez
chargez de l'instruction de leurs
Parroissicns, de faire, par eux
ou par leurs vicaires, l'explica-
tion de l'Evangile au Prône de
la Messe Parroissialc, les jours
de Dimanche, à raltcrnativo, en
faisant un Dimanche l'explica-
tion de l'Evangile, et l'autre Di-
manche le Catéchisme. Et com-
me le don de la parole n'est pas
donné à tous, nous ordonnons
que les Curez qui ne seront pas
en état de faire ladite explication
de leur fonds se pourvoyent
incessament d'un livre d'Homé-
lies, imprimé avec approbation,
Four lire en la langue du pais
explication de l'Evangile au
Peuple, en expliquant ce qui
paroi tra trop difficile et au-des-
sus de leur portée. Ils exhorte-
ront, de plus, les peuples de
s'abstenir les jours dos Diman-
a touts es Caperas dere Baloîo
d'Aran, d'en sorti enta esloi-
gna's'en dé mes de dues lêtgues.
a mens que nou housse en(a
bengué-mous trouba, ô a nostes
Bécaris Généraux, sensé aue'n
obtengut de nous ère permissiou
per escriout, que lous daram se
troubam justes é rasounablcs
ères necessitats qu'ets mous expli-
(luaran : lour ourdounam at delà
u anourta un certificatauténtique
de lour bonne counduite, bite c
actious, pendent que seran éstats
abséns. Quan seran tournais,
nou pouïran célébra et s. Sacri-
fice a ère Misse dèns lour Gleise
Parroquial sensé aué mésleu pré-
sentât aquet certificat a nosté
Riceçerént d'er'Officialitat ene
dite Baleîe, louquau en auè mes :
Bist per nous et présent certifi-
cat, etc. au signara gratis ; après
sera présentât at Bitou : desfen-
dém a touts es Hitous d'ère
Balcie de permeté aa dits Cape-
ras de digue Misse en lour Glcizc
auant qu'éts ajen accoumpUt
aquere fourmalitat^ quexigeam
pe't boun ordé, e'nta arrede-
mous segurs d'ère boune coun-
duite d'aquets (laperas, pendent
que soun cstads iiore dore Ba-
leîe.
13. Ourdounam, a pêne de sus-
pense, a touts es Ritous oubli-
gats a instruise leurs Parro-
quians, de hê per cts madeches
ô per leurs Bécaris, cre explica-
tiou d'et Eouangeli at Prône
dore Misse parroquial es dics
de Dimengé, un diè part auté,
en hê un Dimengé ère explica-
tion d'et Eouangeli, et autè Di-
mengé ère Doutrine. E coume
et doun dere paraule nous eî
pas dat à touts, ourdounam
qu'ets Ritous que nou seran pas
en estât de hê aquere esplicatiou
d'ets madeches, es croumpèn
inccssamens un fiibè de Homé-
lies, imprimades dab approuba-
tiou, enta leçè en longue d'et
païs ère esplicatiou d*et Eouan-
geli at Poble, en esplica ço que
parèchéra trop dificile é at des-
sus de lour pourtade. Ets ex-
hourtaran es Pobles d'es priua
es dies de Hêste d'ères Tauernes
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335
ches et Fêtes, du cabaret et des
danses, soit publiques ou parti-
culières, ces jours devant être
sanctifiez par la prière. Ils ex-
horteront aussi de supprimer les
repas qu'on donne, après la
sépulture des morts, à ceux qui
ont assisté à la dite sépulture ;
chacun pouvant se retirer chez
soi pour manger ; les scandales
de l'ivresse étant toujours les
suites de ces sortes de repas.
14. Quant à ce qui regarde
l'administration des Sacremens,
la célébration du très saint sacri-
fice de la Messe Parroissiale ; le
droit de Patronat, les Confréries,
le devoir des Prêtres et des
Ecclésiastiques, la manière de
tenir les ornements dans les sa-
cristies, les Fabriques, les Blas-
Fhèmes, l'observation dos Fêtes,
Administration de la justice,
nous ordonnons que tout ce qui
est porté dans les Ordonnances
de Monseigneur Gilbert do Ghoi-
seiiil, Evcque de Gomcnge. du 25
septembre 1646, insérées tout au
long ci-après, et que nous con-
firmons pour servir de règle
dans la vallée d'Aran, soit exé-
cuté selon sa forme et teneur,
et sous les mêmes peines y énon-
cées.
15. Ne pouvant pas douter que
l'instruction des Préceptes et
de la Morale de l'Evangile, que
Ton fait par la jjrédication, ne
soit très négligée dans cette
Vallée, puisqu'aucun Prédica
teur ni Missionnaire ne s'est
présenté à nous pour y remplir
ce saint ministère, nous avons
lieu de croire que n'y ayant au
cune rétribution aiïectèe pour
la subsistance de ces ouvriers
Evangéliques, il étoit nécessaire
d'y pourvoir, et de procurer à
.ous les habitans de la vallée la
nourriture spirituelle, qui peut
seule les fortifier et les instruire
des moyens de se garantir de la
mort éternelle. Monseigneur de
Ghoiseiiil, convaincu de la né-
cessité de faire instruire les
habitans de la Vallée d'Aran et
do coopérer à leur salut par la
é d'ères danses publiques é par-
ticulières, puich qu aquets diés
deuén este santificats p'era pre-
garie. Les exhourtaran taben de
suprima ets arrèpéchés qu'on
da après ets Enterramons, a's
qui an assistât at Enterrament :
puich que cad'un es pot arretira
a sa maison enta mingea ; ê
qu'ets scandales d'ets émbria-
gaméns soun toustèns ères sui-
tes d'aquets arrepêchés.
14. Perço que coucerné ère
administratioun des Sacremens,
era celebratioun d'et très S. Sa-
crifice d'ère Misse Parroquial,
et drét de Patronnât, ères Con-
fréries, et dèué des Caperas ê
gens de Gleize, ère manière de
téngué ets Ournamèns enes sa-
cristies, ères Fabriques, es Blas-
phèmes, cr' observatioun d'ères
Restes, er'administratioun d'ère
justicie, Ourdounam que tout
ço que eï pourtat enes Ourdou-
nances de Mouseignou Gilibêrt
de Ghoiseuil. Abesqué de Gou-
mengé, d'et 25 setémé 1646, em-
primades aci après tout de lone,,
è qués counfirmam enta serbi
de règle ene Baleîe d'Aran, sien
obserbades selon lour forme è
ço que countenguèn, ê sur ères
madèches pênes que y soun mar-
quades.
15. Goumo nou poudém pas
douta, que er'instrucliou d'es
Préceptes ô d'ère Mouralc d'et
Eouangeli, qu'om hé p'ere pre-
dicatiou, nou siè fort netgligeade
en aquere Baleîe, puich-que cap
de Predicaîre ne Missiounari nou
ses présentât à nous, enta ar-
rempli-y aquet sant ministeri ,
auém loc de crésé qu'en nou y
aué cap de rétribution afïectade
p'ere subsistènce d'aquets ou-
briés d'et Eouangeli, ère neces-
sari de y preuesi, ê de percura
a touts ets Habitants d'ère Baleîe
ère neuriture espirituêle, que
soûle pot les fortifica, ê ins-
truisé-lès des moïens d'es pre-
serba d'ère mort eternêle. Mou-
seignou de Ghoiseuil, persuadât
d'ère nécessitât dé hé instruise
ets Habitants d'ère Baleîe d'Aran,
ê de coopéra a lour salut père
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336
voye de la prédication, ordonna,
de concert avec les anciens de
la Vallée, fiu'il seroit pris cha-
que année au produit des Fabri-
ques une certaine somme qui
seroit employée pour faire sub-
sister les Prédicateurs et Mis-
sionnaires qu'il envoyeroit dans
la Vallée. L'inexécution de ce
règlement étant autant préjudi
ciable à votre salut, mes chers
frères, qui est l'unique objet de
notre attention, de nos désirs et
de notre vigilance pastorale ,
nous renouvelions à cet elTet le
Règlement fait par feu Monsei
gneur de Choiseùil, ordonnant
qu'il sera pris chaque année du
produit des Fabriques une cer-
taine somme pour la subsistance
des Prédicateurs et des Mission
naircs que nous envoverons cha-
que année dans la Vallée pour
votre instruction ; et que la
somme à laquelle chaque Fa-
brique sera tenue de contribuer,
sera par nous réglée, conjointe-
ment avec vos sindics, suivant
la connaissance que nous en
aurons prise par notre visite dans
chaque Eglise.
boïe dore prédicatiou, ourdou-
nêc, de councert dab ets anciens
d ère Baleie , que série prés
quad'annade det arrebengut a ère
Fabrique certêne soume , que
série emplegade enta hé sub-
sista es Predicadous è's Mis-
sionnaris qu'et cmbiarie ene
Baleie. Cou me dé nou aué ob-
serbat aquet reglament es ue
cause tant préjudiciable a bosté
salut, mous ohers frais, qu*ès
ère soûle biste de noste atten-
tiou. de noste desis é de noste
bigilence Pastourale , arrenou-
belam per aquero et retglamént
hét per Mouseignou dé Choi-
seùil , en ourdouna que sera
près quadan det produit d'ères
Fabriques ue certène soume p'ere
subsistence des Predicadous ô
Missionaris que embiaram quad*
annade ene Haleîe per bosto ins-
truction ; é qu'ère soume que
quade fabrique sera oubligade
de y countribua, sera retglade
Eer nous, coujunctamèns dab
estes sindics, selon ère couné-
chénce, qu'en auram auçut par
noste bisite en quade gleize.
16. Les revenus des Fabriques
de la Vallée d'Aran consistant en
dîmes qai n'ont été données que
pour la décoration des Eglises,
ne peuvent être employées qu'à
cette sainte destination : tout
autre emploi en étant illicite, coo
père à la damnation de tous ceux
qui y donnent leur consentement,
et qui, par une conséquence né-
cessaire et juste, seront tenus à la
restitution des sommes prises sur
les Fabriques, pour être em-
ployées à tout autre usage que
la décoration des Eglises, et à
la subsistance des pauvres dans
une nécessité urgente, du con-
sentement du seigneur Evêque,
qui doit être le juge.
C'est donc pour prévenir les
abus qui pourroient arriver dans
l'administration des revenus des
Fabriques des Eglises de la-
dite vallée, que nous ordonnons
que les Marguillers ou autres,
chargez de faire la levée des
dits revenus , soit en grains ,
soit en argent, seront tenus de
16. Ets arrebenguts d ères Fa-
briques d'ère Baleie d'Âran, puich
que counsistèn en deumes, que
nou soun estades dades qu'en-
tare decouratiou d'ères Gley-
zes, nou podon este emplegais
qu'à daquere santé destination :
tout autre emploi es defèndut,
es coopère a're damnation éter-
nêle de touts aquets q^ue y
dan lour counsentiment, e que
per ue suite necessarie é juste
soun tenguts a're restitution
d'ères soumes présés sus ères
Fabriques, per esté empiegades
a tout auté usatgè, qu'enta orna
ères Gleizes, enta hè subsista es
Praubés en ue nécessitât nrés-
sante, d'et consentiment de Mou-
seignou l'Abesqué , qu'en deu
este et jutgé. Enta prebençué
donc et abus que pouirie arriba
en administracion d'ets arre -
benguts deres Fabriques d'ère
Gleize d'ère Baleie , Ourdou -
nam qu'es Marguliês, autemens
dits Oubrès, ô autes qu'es soun
encargats de hè ère leuade d'ets
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3S1
faire un Etat où sera maraué,
jour par jour, le grain ou l'ar-
§ent qu'ils auront ramassez, et
'OÙ ils Tauront pris : lequel
grain ils seront tenus de remet-
tre chaque jour dans les gre-
niers ou arches do la Fabrique,
et l'argent dans les coiTres à
elle appartenants : lesquels gre-
niers et Goiïres seront pourvus
chacun de deux serrures, dont
les clefs seront tenues , lune
par le sieur Curé, et l'autre
par les Marguilliers en charge.
Il ne pourra être pris, ni du
grain , ni de l'argent desdits
greniers et coffres , qu'en con-
séquence d'une délibération de
tous ceux qui de droit sont
administrateurs des biens des
Fabriques. Et à cet effet il sera
fait un registre de deux ou trois
cents feuilles de papier, relié
et couvert d'un parcliemin, où
l'on écrira chaque année la déli-
bération pour la création des
Marguillers et autres adminis-
trateurs des Fabrifiues , aussi
bien que les délibérations qui
seront prises sur tout ce qui
concerne les Fabriques, la re-
cepte et la dépense jo«r par
jour. Le dit registre sera remis
dans le coffre ou est déposé l'ar-
gent de la Fabrique. Les assem-
blées concernant la Fabrique se
tiendront les jours de Diman-
ches et FTétes, après Vêpres, au
fond de chaaue Eglise, et près
de la porte. Messieurs les curez
de chaque parroisse présideront
ces assemblées, qui doivent être
tenues avec une grande modes-
tiCj puisqu'elles se font en la
présence du très Saint Sacre-
ment. On ne doit aussi choisir
pour administrateurs des Fabri-
ques, que des personnes d'une
probité reconnue, d'une vie édi-
fiante, et zelez pour la conserva-
tion du bien de l'Eglise.
17. Pour ce qui concerne l'as-
semblée des congrégations cha-
que mois dans laaite vallée ,
pour y traiter des matières des
conférences que nous faisons
arrebenguts d'ères Fabriques ,
ô en gran, ô en argent, seran
tenguts de hê un Rolle, la oun
sera marquât dié per dié et
gran ô et argent qu'auran arra-
massat, ê doun sera prouben-
gut : è seran tenguts de meté
quada dié et gran en'és grés,
ô ènes arques d'ère Fabrique,
é et argent en croffé que sera
d'ero Fabrique : aquets grès é
croffès es barraran d'ab dues
clauadures , ê'res claus seran
tengudes , ère ue p'ét Ritou
é'r'aute pes Marguliès ô Oubrês
que seran en cargue. Om nou
pouira prengué, né gran né ar-
gent des susdits çrès ô croffés,
que en counséquénce d'ue déli-
bcratiou de toutes ères person-
nes (ïue de drét deuen adminis-
tra éts arrébénguts d'ères Fabri-
ques. Per aquero sera hêt un
libé de dus ô très cens hueilles
de pape blanc, reliât è cubèrt
de pargam ; om escriuera en
aquet libè quad'annade ère déli-
bération per la nomination d'ets
Oubrês. ê autés administratous
d'ères Fabriques, coume taben
ères délibérations que seran hê-
tes sus tout ço que councerne
ères Fabriques, ère recepte, ê're
despense ô emploi die per die.
Âquet libé sera tenant en croffé
oun 60 leng et argent d'ère Fa-
brique. Eres asscmblades qu'es
haran p'ere Fabrique, es tenj^ue-
ran es diès de Dimengè é Heste,
après Hréspes, at houns d'ère
Gleize, ê prés d'ère porte. Mes"
es Ritous de quade Parroquie
seran es Présidéns d'aqueres
Âssemblades , que deuén este
tengudes dab ue gran moudestie
puich qu'ères se hên en pré-
sence d'el Très sant sacrament.
Om nou deu tabén causi per
administratous d'ères Fabriques,
que de personnes due prouoitat
counegude dé touts, d'ue bite
que edifique, ê estaquades ôaffec-
tiounades enta counserba et bèn
d'ère Gleize.
17. Per ço que councerne ère
assemblade d ères Coungraga -
tious quade mes ene Baleîc, enta
tratta - y ères matières d'ères
Gounférences que hèm diçtribuçi,
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338
distribuer chaque année dans
notre diocèse, nous ordonnons
qu'on suivra exactement tout ce
3ui est porté dans les dites or-
onnances de Monseigneur de
Choiseuil, au dernier article,
qui a pour titre Congrégations;
ordonnant seulement de plus,
qu'avant de sortir, tous les prê-
tres feront en commun, à haute
voix, une prière pour le Roi, en
disant le psaume Exaudiat^ avec
le v. Domine salvum fac regem
nostrum Ludovicum; et le n.
Et exaudi nos in dic^ quâ iniyo-
caverimus te. Et ensuite le Prési-
dent dira Toraison pour le Roi.
dont la conservation doit inté-
resser très vivement tous ses
sujets.
quad'an en nosté Abesquat, our-
aounam qu'om seguira exacte-
mens tout ço qu'es enea Our-
dou nances de Mouseignou de
Ghoiseuil, at d'arrê Article, que
a per titré, Congregatioua^ Our-
dounam souléméns at surplus
qu'auant de sourti , toutes es
Caperas haran touts a masse, è
a DOUX haute, ue pregarie p et
Roy en disen et pseaume Ex-
audiat, dap et v. Domine salvum
fac regem nostrum Ludovicum,
c et R. Et exaudi nos in die quâ
invocaverimus te. E après et
Président d'ère Coungragatiou
disera er'Oresoun p'et REY7 deu-
quau ère counserbatioun deu
intéressa bibeméns touts sous
sutjéts.
Cas réserves
à Monseigneur VEvêque ou à son
Vicaire Général^ dont aucun
confesseur ne jpeut absoudre
sans permission expresse dud.
Seigneur.
1. Tous sacrilèges, enchante-
ments, Devination, Magie, Noii-
eurs d'aiguillette pour empêcher
l'usage du mari^vge, les recours
aux prétendus sorciers, aux De-
vins,'pour opérer des maléfices,
ou cour découvrir des choses
secrètes, et guérir des hommes
et des bêtes.
2. Toute simonie occulte, tant
à l'égard de ceux qui la commet
tent que de ceux qiui la conseil-
lent et qui en sont les entremet-
teurs; si elle est publique, clic
est réservée au Pape.
3. Battre son Père et sa Mère;
et frapper, même légèrement, un
Prêtre ou Clerc vivant cléricale-
ment.
4. L'Homicide volontaire; le
Duel, tant à l'égard de ceux qui
le commettent, que de ceux (|ui
le conseillent, qui en sont les
porteurs de parole, ou qui y
Ca« Arreserbato
à Mouseignou VÀbesqué 6 soun
Becari General, desquais dcgun
Coahessou nou pot absoLbé
sensé ue permissiou e.xprêsse
deu iiit Seignou.
1. Touts Sacrilètges, Encanta-
mens, Debinatiou, Magie, Liga-
tures enta empacha Tusatge a et
maridatgé, et recours a's preten-
duts Sourciês, as Debins, enta
opéra maleficis, descroubi cau-
ses secrètes, ô guari malauties
de personnes ô de besties.
2. Toute Simounie occulte, aie
à l'égard d'es qui la coumetén, ô
des qui're counseillen, c qu'en
soun es mediaturs ; s'os publi-
que, es arreserbade at Sant Pai.
3. Battement de Pai é de Mai ;
ê batte, encare que sie leugere-
méns, lin Caperan ô Tounsurat
que bien clericaloméns.
4. Et Homicide boulountarî;
et Duel, sie à l'égard d'és qui au
coumetén, que dés qui au coun-
seillen, qu'en soun es Pourturs
de paraule, ô que y assisten. Ere
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339
assistent. La suiTocation des En-
fants, ou les mettre coucher avec
soi dans le lit avant Tan et jour.
Les Empoisonnements sont réser-
vez à Monseigneur TEvêque qui
s'est réservé à lui seul la permis-
sion d'en absoudre.
5. Le parjure ou Faux Témoi-
gnage fait devant un juge, qiie
Monseigneur l'Evêque se réserve
à lui seul.
6. La fausseté commise dans
les actes publics, qui oblige à
restitution.
7. Le Concubinage public; l'in-
ceste jusqu'au second degré de
cpnsangumité, et au premier
d'affinité ; comme aussi l'inceste
commis entre des personnes con-
jointes d'affinité spirituelle.
8. Le Rapt, la Sodomie, la Bes-
tialité ; procurer la suffocation
de l'enfant dans le sein de sa
Mère; ceux (lui le conscillenl,
donnent des drogues et les
moyens de la procurer.
î). L'incendie ou Brùlement fait
volontairement et par malice.
10. Absoudre Sacramentale-
ment un Pénitent de quelque
péché mortel auquel on ait été
complice, hors de l'article de
la mort.
soufToucatiou dés mainatgés. ô
mete-lés en Ihét avant et an é aie.
Ets Empoisounaméns soun arré-
serbats à Mouseignou l'Abes-
qué, que s'en arréserbé a et soûl
et poudé d'absolbén.
5. Et Perjure ô Faux Témoi-
gnatgé hét douant un jutgé, que
Mouseignou l'Abesqué s'arro-
serbe à et soûl.
6. Ere Faussetatcoumese en es
Actes publics, que oubligo à res-
titution.
7. Et Concubinage public ;
L'inceste denquie at second de-
gré de consanguinitat inclusiva-
mèns, O en prumè d'affinitat ;
coume tabén Tinceste coumes
entre personnes conjoentes d'affi-
nitat espirituèle.
8. Et Rapt, ère Soudoumie. ère
Bestialitat; procura ère surfoca-
liou d]et Mainatgé en benté d'ère
Mai; os qui au couseillen, dan
drogues ê moîons enta procura
aqucre sufïocatiou.
9. Et incendie ou Brulament hét
bolontarieméns ô per malicie.
10. Absolbé sacramentalemen
un Pénitent d'un peccatdoun om
es estât complici, hore d'et arti-
cle d'ère mort.
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340
0URDENANS08
HETES PAR MOUSEIGNOU DE COMENGE
Enta la Baléye d'Aran, qu'es en soun diocèse, encare sie dépen-
dcnte de la prlncipautat de Catalougne, en counsequence de la
bieite générale qu'et a hète en la dite Baléye, et deu Synode qu'et
y a tengut.
Quant à vinstructioun dé va Hé
Que toutis ets Arritous, pcr cts madechis, ou per loumens per
un de lours Caperas, enseignaran en lours parroquies lous prin-
cipes de la Hé ê ets Mystéris de noste Religioun, à touts lours
parroquiants; è per aquero lous haran amassa at toc dé ra Gam-
pane, à l'houre queus scmblara la mes coumode; é enta que
touts Parroquiants slan souignouses d'aprene aqueste Doctrine
tant necessarie au salut de lour Armo, nous lour coumandara de
s'y rende assidus, ê de nou y manqua per lou plus très dies de
reng, à pêne d'excumenge ; ô pcr les y oubliga plus estretamens,
nous defendem à toutis cts Arritous , è à touts ets autes
Caperas que an poude d'adminislra ets sacramens, d'admette
degun au Maridatge, à ra Pcnitencle, ou à serby de Payrin ou
Mayrié au Baptismc, si non sap explicitamens, segoum la pour-
tade de soun esprit, quaque cause de TUnitat de Dieu o de la
Trinitat de las persounes Deiiines, deu Mystery de TEncarnacioun
deu Mil de Dlou, pcr mous rescata é mous mérita lou Paradis; de
la reale Presencie deu cos de Jésus-Christ au Tres-sant Sacrament
de TAuta, è de las causes necessaries de la part deu Pénitent, per
arcebe dignament lou sncrament de Penitencic; é encaro si nou
ère aqucts Articles d iic hé diiiine, aquere bo dize parçoque et
ISant-Esprit lous a rebclats, c Jesus-Christ enseignats à ra
Glcyso : ê boulem que ets Arritous ou Becaris ac enseignen soma-
riamens au Poble, à la fin deu Prosne de la Misso Parroquiau,
sensé que james y manquen, perdcssus la Doctrine que nous lour
auën coumandat de hè. E'perço qu'ùe dé ras causes mes impour-
tantes au salut dets Fidèles ey la fréquente predicatioun dé ra
paraule de Diou, è qu'en toute la Baléye d'Aran nou y a degun
Presicadou establit, ny founds destinât per l'entretengue, nous
auën ourdenat, dab l'abis è counsentiment deus Couseillés è prin-
cipaus Habitants de la dite Baléye, que d'aqueste houre en là la
dixième partide de touts lous fruts annuels, appartenens à'ra
Fabrique de cade Gléyse de la dite Baléye, sera leiiade per n'cntre-
teng^ue un Presicadou que nous y embiaram toutis ets ans, per
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341
catechîza è enseigna ets Pobles, durant TAùént è lou Quareme, ê
encare en d'autes temps, en toutia es Locs de la dite Balèye,
segoun Tordre que nous ly baillaram. Nous défendem à toutis ets
Arritous de la dite Baléye de permette que degun presique, Cape-
ran ou Mounge, en leurs Gléyscs, senso noste Approubacioun,
lat^uau ets beiran per escrieut ; ni de héVa quiste à persoune en
erea Parrochies, scnse noste Permissioun expresse, signade de
noste man, à pêne d'ùe loungue suspencioun, sen usan automens.
De VAdministratioun dets Sacramens
Nous défendem à noste Oufiiciau dens la dite Baléye de bailla
dorenla degiie Approubatioun aus .Caperas, per administra et
sacrament de Penitentie ; é déclaram qu'et nou a pas aquet poudé,
en bertut deu titre qu'et a de roflîcialitat. Nous ly défendem tabé
de bailla poude d'absolbe deus cas à nous reserbats per lous caus,
c per TApproubacioun deus Becaris, nous boulem qu*om se
retire à nous, ou à aquet à qu'in daram et poude.
Nous défendem de tengue enes Custodies de granoa Hosties
cousagrados, sus prétexte de las pourta à las Poucessious quan y
a un extrême dangé de tempesto é de péire, ou do las pourta en
Poucessioun, è las cxpousa sus ets Autas en las Héstes solcm-
néles de Tan ; ço que nous défendem tres-expredsament de hé
sensé noste permissioun ; exceptât lou die dé ra Heste deu Sant-
Sacrament, é lou Ditjaux Sant, aus quaus temps nous boulem qu'un
Ecclésiastique, habillât d'un suberpeiis, demore toustem ajouiiil-
lat déliant TAuta de qui à la neit, qu'om enfermara et 8ant-Sacra-
ment dens et Tabernacle, per esuita lous desordres è irreueren-
cios que se coumeten en aqueres aucasious. Nous nou boulem pas
tapoc qu'aus Locs ausquaus y a Custodie d'argent, om y boute
degiie sorte de tele per y embeloupa ères Hosties sacrades, las-
quaus deuen este renoubelades de quinze en quinze dies, per
esbita l'indécenso é courrupcioun.
Nous défendem tabe de recebe à qu'aucun des Sacremens ets
Concubins, Usures, Blesphemadous é autes Peccadous publics,
si après este reccbuts à la penitencie è à l'Eucharistie, ets per-
seueren aus madiches bicis ; é per trabailla mes utilement per
a tau sorte de Gens, nous boulem que TAbsoulucioun sacramen-
tale sie differade à toutis aqueris qui après aiie recebut dus ou
très cops er'Absoluciou de quauque gran pecat accoustumat, y
toumbon auta souën è dab autant de facilitât que deûant, perço-
que nou y an pourtat et souën que eau per se courrija, de qui à
que après s'este goûardats deu pecat quauque tems, segotin sa
c^uàlltàt;^ du ])ér ioà mena pratiquât etè^réïxrèdfs, qu'^ts sotin ektats
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baillats countre lour bici, è obtengut de Diou quauque plus grane
forse per y rosista, ets ajcn héts fruts dignes do penitencie, é dat
marques ebidentcs de lour counuersioun.
Nous ourdenatn qu'en toutes eras Gleyses om hora de Gouhes-
siounauS) è qu'ets seran boutats en locs descuberts, é nou pas ats
cantous deus locs escus de la Glèyse : è que ets Laïques, é prii)ci-
palamens eras Hcmnes, nou seran punt couhessats en la Sagres-
tanie : que ets Gaperas approubats auran souen de bouta aus Gou-
hessiounaus lie taulo deus cas reserbats, tant au Sant Sietge
qu a nous.
D'ère Misse
Nous ourdenam qu'en toutes las Gléyses en lasquaus y a un
nombre de Gapéras, on dise tabe Misse maitiau sur lou punt
deu die, aumens toutis es Dimengcs ê Hestes soulèmncs, per la
coumouditat deu Poble, è qu eras autes sian dites dab un enterualle
convenable.
Nous defendem tres-expressamens Tus ou mei léu l'abus qu*es
estât introuduit en la dite Balcye, de countregne ets Gaperas
nauëts de hé et die de lour prumcre Misse un hestin à louts ets
Gapéras de lourMesau, è a tout et Poblc de lour loc, è de liestcja
puch après de qui à nau cops toutis os Gaperas deu IsOc, si bolen
este participans d'eras déumes é emoulumens de lour Gléyse; é
per ensuita daranla un tau abus, que ressent la simounie, des-
honore lou sant sacriflcy d'éra Misse, è roiiine bet soiien ets
Gaperas naûets, que nou an déqué per hé aqueste exessive des-
pense, nous bolem que d'ar anla touts ets que haran bolentario-
ment da taus hestins, c de lour boun grat, é touts lous qui présu-
maran de lous y coustregne per la priuacioun de las pourcious
que lour competen au ben de la Gléyse^ ou automens, sian punits :
ets Ecclésiastiques de couate ans de suspensioun de lours ourdes,
è lous Laïques pribats de lentrade de la Gléyse per autant de
temps. Nous defendem per madech moyen, ets bioulous è danses
qu ets hen en aqueres aucasious, tant enas Maisons, qu'en las
plasés publiques, è dab plus grane rasoun, en as Gléyses.
Nous defendem encare très expressamens a touts ets Gaperas
que diran lour prumcre Misse, de jura, coum'on a accoustumat
de hé enadite Baléye, deiiant'ra Porte de la Gléyse, d pbserba laa
coustumes entroduites en aquet pays; è perçoque entre aqueres
coustumes ny a forse que soun abusibes countre lou dret è coun-
tre la faiçou de bien bieuë, nous declaram qu'ets juramens qu'om
a hèts [de las obserba nou an pougut lia ni oubligua aquets que
lous an hcts.
E'perçoque noste Percuray Fiscau mous a arrepresentat que
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per ûo maudite coiistume, despuch loung-tems introduite dens
ère Baléye, om dits Misses de Morts lous Dimenges è Hestes cou-
mandades. nous défendem à tous Capcras de las dise d'ar'anla
sinoun qu'ct Cos y sic présent; en tau cas cts poden célébra la
Santé Misse et die de rcntcrrament, quinquesie, exeptat et die de
Pasquos è de Diucndres Sant, aus quaus ei défendut de hé de
Sépultures. Que si arribc quauque Obit, ou aute Misse toumbade
en Dimenge ou en die de Heste, nous ourdenam de la célébra
quauquo die deûant, mes que nou sie Heste, lou plus coumode
qu'ets Gaperas abisaran.
Dell Dret deu Patronnât
Nous exhourtam de tout noste poude toutis ets Habitants de la
dite Baléye qu'an dret de nouma ats Benificis, de mous présenta
per lour régime et? mes capables Gaperas qu'ets poiiiran trouba,
tant per lour faiçon de ben bieiie, que per lour Doctrine, é de nou
counsidera en lour électioun qu'êra glorie de Diou, é et ben d'èra
sue Gleyse.
Nous défendem ats Patrous doras Arritouries ou d'autes Bene-
ficiSj de prene arren d'aquet que sera noumat, per quino counside-
raliou que sie, ni de l'oubliga per aquo de hé quauque hestin, de
poou que s'y trobe quauque sorte de simounie ; sensé counsidera
la bieille coustumc, que nou pot este qu'abus entroduit per
lignourence deu Poble , per louqoau desracina , à pêne d'esté
punit d'iie longue suspcncioun.
De las Couhrairies
Nous auëm rccounegut, au cous de noste bisito d'Aran, tant
d'abus en quauques Couhrairies de Gaperas, coumunomens ape-
rades Mesaus, à cause de quauques arrepeches fréquents qu'ey
soun hets, lousquaus proubenguen de ço que sus prétexte d'ana
célébra quauques Misses de foundatioun, ets Arritous, au préju-
dici deu décret de la Résidence, soun retirats bet souën de lours
Parrochies, é force Gaperas oubligals per pauc de cause de sourti
de Gasclou en fort maubes tems, nou pas sensé grand'indecense,
è mer({ue d'uë abaricie lourde, soun aperats à quauques hestins
qu'om lour hé, que nou s'acaben quasi jamès sensé bet cop de
paraules è actious endigues. Per remédia a tant de desordes,
nous ourdenam que d'ar'anla toutes Couhrairies seran entière-
ment aboulides è supprimades; quets Gaperas nou s'esscmblaran
plus, per quin presteste que sie, noun pas cncare que housse per
célébra quauques Misses foundades en lour fabou. Ë neaumens,
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per nou priua ets Fondatous de las dites Misses deu frut de lour
deboucioun, ni ets Caperas de las coumunautats é Frairies de las
arrendes que lous soun leguades, nous boulem que ets Eiretés
d'aqucts qu'an hct d'aqueres Foundacious, sien tenguts d'en paga
las arrendes segon lasdites Foundacious ; o au loc deus arrcpeches
qu'éran oubligats de hé ausdits Gapéras deu Mésau de lour bailla
per quate arrèpeclies quarante targes, lousquaus, dab las arren-
des legades per lous Benfactous, seran distribuades egalamens
entre lous dits Caperas, lousquaus, per quade siex targes qu'cts
auran en lourpourcioun, seran oubligats d'en diseiie Misse bâche
à l'intencioun deus dits Foundadous ; è per leûa ères arrendes,
nous boulem qu'eus sic permetut de s'assembla ûe soulc bets Tan,
per hè un Sendic que las amassé è distribue à un cad'un.
Nous ourdenam tabo que toutes ères Couhrairies deus Laïques,
encare qu'en ères y ago degus Eclesiastiques, sian supprimades,
si leurs statuts nou soun estât approubats deu Sant Sietge ou de
nostes predecessous ; ê quan be serian estais approubats, nou
boulem pas quets y pousquen ajusta arren, ni introduise degîie
coustume de la quau ets Arreglemens nou hen mencioun; ê prin-
cipalomens nous défendém à touts ets Gouhraires de hè degun
hestin aus Caperas, ou entr'ets madechis, et die de lour hesto ou
en aute die, puch que nou poden este qu'endccens ê countraris à
la discipline clirestiane.
Nous défendém tabe de publica degucs indulgenties sensé noste
Approbatioun.
Nous defendcm encare à touts ets Couhraires de bailla à usure
lou fonds qu ets an appartenut à lours Couhrairies, per quin pré-
texte que sie, noun pas qu'an sérié per he dise misses ; mes nous
boulem qu'aquet fonds pousque este emplegat, ou en arrendes
constituades. ou en fonds de terre, ou ben en gasailles que nou •
pousquen este soubçounades d'usure; ô ^eneraloment nous défen-
dém toute sorte d'usure à toute persoune, de quin estât que sie, à
pêne d'escumenge.
Nous defendem encare qu'aras Bastiailles, Nosses, Misses de
Morts, om nou basse punt de banquets aus Caperas deus locs,
puich'qu^après aoue het lour ouffici, ets poden ana minja à case
lou ; mes au loc d'ataous repas, nous exhourtam ets habitans de'ra
Baléye de lour douna quauque cause per forme d'houneste recou-
nechense ou d'aumoine. Nous nou cntenem pas neaumens pre-
judicia à ras bounos coustumes de'ra Gleyse, de neuri dab
frugalitat ets Caperas ê autes Ecclésiastiques que seran aperats
dehore lour billatge, per quauqu'Enterament ou Aunous funèbres,
' ôùrtt ets seran t6ustem|dab loxtïflaurpelis ; mes.qu>4tt«ÇO ^V9^^'
que sensé prejudici d'ères Perrochiefl,ê que toutisêts Caperas nou
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quiten en madech toms ère Parrochio, principaîemenssi eau hè
quauque Oufiicî d'oubligatioun, ou suigna quauquc malaut en las
dites Parrochies.
De so ques Clercs deiïen huge
Nous defendem à touts ets Ecclésiastiques de la dite Baleye,
desquaus las armes nou deûen este quc'res lermes et TOuracioun,
de pourta degûes armes ofTensiiies ni dcfensiiies, si nou que per
juste cause ets n'aian obtcngudedc nous, per escriout, ra licencie,
de laquau nous ne boulém pas qu'ets usen en public, bors lou cas
d'iie urgente nécessitât.
Nous lour defendem la casse des sanglas et delasbesties fauves,
à pêne de suspensioun per siés meses : la frequentatioun d'ères
tauernes. ras danses, et joc de cartes et autres, principaloment en
Locs é Plases publiques; de sorte que si, au mesprets de noste
présente défense, ets soun counbencuts de quaqu'un d'aquestis
crimes, ou de s'este embriagats. so qu'ets bèn asscs soùen,
coum'om mous a rapourtat, nous boulem que nostre Officiau lous
punisque de suspensioun per lou temps qu'et abisara, segoun la
grabitat deu pecat.
Nous lour defendem tabe toute sorte de coumerce, c pratique de
heires è marcats.
De la Sacrastanie ê Ornamens de la Gleyse
Nous ourdenam qu'om âge sacrastanies per toutes ères Gleyses
de la Balèye, qu'om hara basti aus despéns d<3 la Fabrique, assès
granes.enta qu'ets Caperas s'y pousquan coumodomens besti, ô
qu'om aje mouyen d'ey tengue lous Mobles ê Ornamens neces-
saris dens d'armaris qu'om bara per lous tengue ; c enta que lou
serbici Deiiin y sie rendut dap la decense que eau, nous boulem
qu'om ajo Capes Missaus de toutes ères coulons que soun en
usatgc en la Glèyse : blanc, arrougé, biulct, bert ê néré, per s'en
serbi segoun la dibersitat dcus offîcis, ê com'om troubara mar-
quât dens et Directori qu'ey bet touts ets ans per aqueste Diocèse,
louquau nous auram soiien de bous embia.
Nous coumandam ats Ecclésiastiques de tengue ben ères Capo-
res, d'aiiè soiien que sian barrades, per empacba que'ras besties
nou y entren, ni auto cause que la pousque profana; c enta témoi-
gna et zèle qu'ets an per toutes ères Olcyzcs, nou pati qu'om
y basse degiie actioun indécente, ni dcgun entreteng escandalous.
Nous coumandam tabe à touts ets Arritous ô Becaris d'esté
preiiesits de tout ço que regarde lour Offici ; coumo d'un Ritiiel
Retdb de CoMMiNGRS, 4* trimestre 1893. Tome X. — 24.
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necessari per he et Prosne, ères Poucessious ê rAdministratioun
deus Sacramcns; un Libe Curiau, auquaii ets bouten tous ets
Batiats, Gouhermats, ets qui moren ou countracten Maridatge.
Noua lour coumandam encarc. à penc d'escumcnge, de renoubela
touta ets ans ets Sants Olis ; per aco nous coumandam aus Archi-
preste», sur madeche pêne, deus anascrca h Sant-Bertran, per lous
distribua aus autes Gaperas de la Baleye, emmediatemens après
et Ditjaus Sant.
De las Fabriques
Coum nous aùem troubat, dab grane counsoulatioun au cours
de noste Besite, que las Glcyzes aiiien iie partide de'ras Deiîmes
per lours Fabriques, tabe nous aiiem berillcat, dab un gran
desplase, lou mauves us qu'om ne ho due partide, emplcgan à
diuerses dics de lan en hestins c coulatious. Per amou d'aquo, ente
remédia en aquetdesourde, c per empacha la damnatioun daquets
qu'entretcnguen aquestcs mâchantes coustumes, nous defendém à
toutis, tant Ecclésiastiques que Lays, à penc d'escumenge, de nou
hè d'ar'anla dcgun hcistin, arrepeich ne coulatioun aus despens de
las dites Fabriques, per quin prétexte que sie ; ê per tira entiere-
mens ets abuses que coumeten aquets que n'an ère administra-
tioun,
Nou boulem que'ras Arques en'asquaus om bouté ets gras de'ras
Glèyses, sian barrades dab très claus différentes, que scran ten-
gudes pet Arritou, pets Gossous è pets Bailles, enta que dar'anla
om nou les cmplegue qu'en causes counégudes necessarics, de
Fabis, deliberatioun ê cousentiment de touts ; ô d'aquero lousdits
Bailles haran Rolle , que countengue 'ra recepte ê'ra despense,
per ne rende counde déliant ets susdits a ra fin de Tan.
É pcrço qu'om s'ey plangut en betcop de Locs de 1 usurpa-
tioun de'ras Deùmcs , que se glisse poc c poc en'aditc Balcye,
laqua u arribe perço que quan iie pece de terre cambie de mestre
per csturment de croumpe ou autemens, è passe a'u poude d'un
Estrangè, Va Deiime des fruts es apercebude det Arritou et Gleyze
deu naiiet poussessou, so qu'ey enjusticie manifeste, é capable de
rouina 'ras Gleyzes ô Gaperas d'un Loc, per he riches ets autes ;
per amou d'aquo, per remédia adaquet abus, nous ourdounam
que d'ar'anla toute 'ra Deîime d'iie Parrochie demeuré au prou-
hiet dets Gaperas c Fabriques de'ra madeche parrochie, de
qui que sie et founs de'ras terres ; è tout aquero senso préjudice
de'ras rasous particulières qu'om poiiirie aile au countrari , pet
sujet de lasquaus om se preiiesira deûant nous, ou noste Auliciau
au sietge de Sant-Bertran.
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Court tre ets Blasfemadous
Coum nous ivaiicm troubat do crimes mes scandalous ni mes
familles dens la Baléye, qu'ets blasfemes ê juramens deu Nom de
Diou, labé nous aiiem rosoulut do hè tout ço que sera en nosto
poude pcr n'arriga aquct bici. Per aquero nous ourdenam qu'ets
Arritous c Becaris dab es Cossous deu I^oc, s'enfourmaran soui-
gnousament d'aquots que blasfemaran è juraran et Nom de Diou,
è les puniran, peu prumé ô sègount cop, de lesmende quets jut-
garan à prepaus ; c encas qu'ets countinuaran en aquet détesta-
ble bici, ets proucedaran countre eris, de noste autoritat, per en-
fourmacioun que countengue era depousicioun de très ou quate
Testimounis, laquau ets mous remcteran, per assigna aqueis
impies è scélérats deuant nous, c ourdena countre ets ùe peniten-
cie publique, laie que nous troubaram la mes propie per les remète
en camin de salut ; ô comandam que tout et poble y tengue ra
man, c défère ausdits Arritous et Cossous aquets Blasfemadous
h la prumère coumouditat, sus pêne d'esté ets madechis declarats
enemics de'ra glorie de Diou, ê endignes de sas gracies. E'enta
que noste présente Ourdenance sio plus efficace, é que personne
nou'n prétende cause d'ignourencie, nous coumandam à touts ets
Arritous è Becaris de'ra dite Baléye, de la publica touts es
Dimengcs au Prône de'ra Misse.
Countre ets que nou colen ères Hestes
Nous ourdenam qu'ets Cossous tenguen ère man qu'ets Dimen-
ges ê Hestes sien obserbades ; ô au cas que cauqu'un y manquara,
qu'ets punisquen etsqueauran manquât, d'ùe esmende pecunierc,
que sie apliquade à ra luminarie de ra Gleyze ; qu'ets defenden
ats Ostes de nou bailla, durant ets deuins Auficis, degus biiires
ats Parroucbians ; mes soulamens ats passans, sus madeche
pêne.
De V Administracioun d'ère Justicie
Nous defendem à TAuficiau de'ra Baléye de laxa dcgun escu-
menge per un deute que nou baile au mens dets escuts de très
frans la pesse, ne sensé ras très admounicious canouniques hétes
mes lèu. Nous li defendem tabe de s'attribua, ny ats Auficiés de
la court, degijes esmendes qu'et auraourdenades countre ets Pre-
benguts déliant et; ô boulem qu'aqueres esmendes nou pousquen
este apliquades qu'en obrcs de pietat.; qu'et se goiiere tabe de
nou fabourisa ères usures ubertea è manifestes; mes plus léu
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qu'et las déclare injustes, c ets que las an coumetudes, dignes de
punitioun exemplarie.
Per las Congregacious
E per hé qu'ère bertut é pictat se Irobe cna counbcrsacioun de
touts nostes Ecclésiastics, c qu crc science nou manque pas ene
bouque dèts Caperas, é qu'atau, en serbi toutis de boun exemple
ê edifîcacloun, ets sien la boun'audou de Jûsus-Christ, après aiie
counegut et gran frut spiritiau qu'arribe ats Caperas de noste
Diocèse que soun assidus à ras Goungregacipus qu'ey soun esta-
blides, nous boulcm qu'au loc des Mesaus ê Couhrairies, que nous
aiiem cassades, sien establides ene dite Baléye ères Goungrega-
cious, dab ère madeche Règle è Règlamens qu'ets trouben au reste
de noste Diocèse, è en cade uc per y présida, un Becari fouren, è
après et un Percuray Fiscau ô un Secretari, que seran noumats de
nous; c encare ets Locs ensquaus seran tengudes, ère oure c'ra
matière que sera tractade : è per aquero nous ourdenam qu'et
segount Delus de cade mes ère prumere se tenguera at Loc de
Lés ; ère segoundc et Dlmars après, at loc de Benos; ère tresième
et Dimcrcles, à Hilac ; ère quatrième et Ditjaus deVe madeche
semmane, à Bieillo ; ère cinquième et Diiiendres après, à Arties ;
ère darrere et Dissapde, à Salardun : ats quaus Locs touts es
Gapcras, Diacres ê Sousdiacres d'ères parroquies besiès, se rende-
ran, après dinna. E après esté assemblats à mieg die o cmbiron.
0 après aiie inboucat ère gracie det San-Esperit, è dit Veni
Creator, è er' Ouracioun, ets tractaran, dues ô ires oures au plus,
ère matière que nous lour auram baillade. Et Bicari fouren enter-
roiigara ara'ts us, ara'ts autes ; es saubara mieg oure sur la fin,
per parla dets moyens de s'occupa à ra Pregarie, de'ras Arrubri-
ques det Berbiari è det Missau, deVas Geremounies dero Misse ;
enesquaus nous boulem que toutis ets Eclesiastics s'exercen,
las aprenguen c obserben, sus pêne de suspencioun, que lour
sera per nous ourdenade, si en l'examen que nous ne haran de
tems en tcms, et s'en trobe cauqu'un que nou las sapie suffîsa-
ment; ô per les rende mes curieuses de las aprene, nous Iioulem,
qu'un d'entre ets las basse toutis es cops qu'ets s'assemblaran,
é digue tout haut 'ras Ouracious qu'om deu sabc per co, enta
que quad'un sie plan estruit per célébra aqueste auguste sacrifice
sensé degûe indecenso.
E per madeche cause, nous ourdenam que degun Gaperan naùet
nou pouyra dise sa prumere Misse, que prumeremens nou sie plan
estruit enes Geremonies è Ouracious ; qu'et nou s'y sie force cops
exerçât en la presencie de toute ère Goungregatioun, ê qu'ère nou
Tage troubat suffisamens capable per aqueste sutjet
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Nous boulom tabo qu'ets que boulcran prene eres Ourdes,
porten Attestatorie d'ère lou Coungrcgatioun, que countengue et
testimoniatgc de lour bouno bite, de lassiduitat à lasditea assem-
blades, é det exercici de l'Ourdo qu'auran déjà près.
Nous coumandam ats secretaris establits enes Goungregatious,
de dressa berbaus do cad'assemblade ; d'embia les mous touts
es mesés, ount ets boutaran ères questious qu'om àoura het, eres
arrespounses ; ê surtout cts mous marquaran ets absents , è les
dcnounciaran père prumere et segounde bets à noste Auficiau
de'ra Baleye, que les punira de lour ncgligense, atau coum'ét
abisara ; è s'ets continucn de s'absenta, nous les suspenderam do
lexercici do lous Ourdes, pet temps que nous jutjaram h perpos.
Ets Percurays fourens auran cure de prene garde à'ra decencie
deta abits dets Caperas de lour Coungrcgatioun, de s'infourma de
lour bite è fai(;ous de bè, enta, s'en y a degun d'ets que bisque
scandalousemens, que fréquente eres taoiiernes. que manque de
bè ère Douctrine Ghrestiane, que jogue, que danse, que porte eres
armes defendudes, qu'entretengue, deguens ou dehore case siie,
quauque hemne de mâchante bite, ets les deferen a'ra Coungrcga-
tioun, laquaou l'y baillara sous abertissemens é courreccious
dequi a très cops; é après nous en abertira, s'et nou se courrige, ê
entaque nous y pourtem Tarremedy que nous jutjaram mes coum-
benable.
Finalcmens nous ourdenam que quan cauqueCapcran, Diacre ou
Sousdiacre sera mort, quadc Caperan disera ûe Misse per et, ets
Diacres è Sousdiacres et aufici des morts : é enta que degun nou
manque de rende aqueste acte de caritat, nous boulem qu'cts dits
Percurays abertisquen déra mort d'ets Caperas noste Auficiau
de'ra Baleye, qu'en abertira toutes eres Coungratious ; lou quau
Auficiau, ê soun Loctenent, nous establissem Président de tout, ê
Directou de toutes eres dites Coungregatious ; c lour coumandam
de cy este assidus ; ê de las bisita toutes de tems en tems per y hô
tengue è obserba de punt en punt nostes Arreglamens ; c sustout
eres Pregaries que qualera hô à l'entrade é gesside de l'Assem-
blade, que nous auem boulut hô emprima au pè de nostes pré-
sentes Ourdenances, enta que toutis sien mes fîdels c diligens per
las obserba. Toutes aquestes Ourdenances soun estades hêtes
enedite Baleye, a'ra fin de note besite, et bint-cinquième de seteme
mile siés cens quarante-siés.
t GILBERT, Ev// de Gomenge.
PREGARIES
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BIBLIOGRAPHIE
Ainsi qu'il l'avait fait pressentir on note, à la page 203 du présent
volume, M. l'abbé l.estrade revient sur la publication qu'il avait
seulement mentionnée au sujet de Bertrand de Goth, Tancicn évê-
fjue de Comminges, devenu Souverain-Pontife en 1305, sous le nom
de Clément V.
Ce travail, enrichi de notes et d'indications d'ouvrages soigneu-
sement compulsés, présente un très grand intérêt. On aurait cer-
tes mauvaise grâce à contester (]uMI se rattache à l'histoire même
du Comminges. ayant pour sujet la personne d'un ancien prélat
de ce diocèse qui porta la tiare et fut mêlé à des événcmenls
importants dans les premières années du xiv° siècle.
Un article est aussi consacré à une nouvelle Vie de lévèquc
Bertrand, le saint patron du même diocèse, que nous nous propo-
sions nous-méme ae signaler.
Enfin, notre zélé collaborateur présente un aperçu critique sur
un récent ouvrage traitant du Protestantisme en Béarn. ivâ encore
nous restons dans notre domai-ne, car on n'ignore pas que le
Nébouzan fit partie du Béarn. A. C.
I. — • UZESTE ET CLÉMENT V, Notices liisloriques, archéologiques, iconogra-
|ihir}ucs. Pic, par l'abbé IlouN^curé d'Uzesle, oiembrcde la Société archéologique de llor-
deaiix ; Hërciion cl Brutails, membres de l'Académie des sciences. bcllcs-Ieltres et arts,
et de la Société archéologique de Bordeaux. — Bordeaux, imprimerie V" Cadorcet, 17, rue
Montméjan, 1894. 1 vol. 160 p., 4 phoiolypics el 4 lithographies. Prix : 5 Trancs.
« Uzeste et Clément V ». Tel est le titre général d'une attrayante
brochure qui comprend trois Mémoires consacrés au premier pape
d'Avignon. Toutefois, le but poursuivi par les auteurs de ces tra-
vaux historiques et archéologiques ne consiste pas exclusivement
kjplacer dans leur vrai jour le caractère et la conduite de Clément V :
Mit. Brun, Berchon et Brutails tâchent d'attirer l'attention des
Commissions officielles, des Sociétés savantes et des hommes de
goût, sur la remarquable église d'Uzeste, hélas! très dégradée.
Comme l'ancienne cathédrale du diocèse de Comminges, Téglise
d'Uzeste est due en grande partie aux largesses de Clément V. Il
Térigea en collégiale et dota son chapitre, ainsi qu'il le fit
d'ailleurs, avec une égale munificence, pour l'église voisine», celle
J. Parmi le:< prieurés unis aux deux mciipps capilulairr? iiouvollrmcijt fondée?, nous
remarquons h* prieuré d« La Vernose cl de Laçasse Pî?tiiué 7.000 florins. — (.Vsl par
erreur que certains auteurs êrrivenl « Vcrnose et Lacoso ». {Voy. Reijeatum t^lrmcnhn
paptic qiiiuli. n»î)î>99, el lJz(*»te el C/ém^ni V',p. 19.» Au xvp siècle et peut-être anlérieure-
raenl, le Cliapilre de Sainl-Kliennr, à Toulouse, et calui d'Uzeste percevaient une moitié
des fruits décimaux de la paroisse Saint-André du Lherm 'diocèse de Toulouse), le curé
du Lherm prenait l'autre moitié. — (Arch. de la Haute-Garonne, fonds de rArchevêché.
^Fouillé de 1538.)
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de Yillandraut I. Clément Y aima constamment ces deux églises
sœurs. »S*il se rattachait au territoire de Villandraut par sa nais-
sance, il donna à la collégiale d'Uzeste un témoignage authentique
de son affection en y choisissant le lieu de sa sépulture.
C'est ea nous plaçant surtout au point de vue commingeois que
nous avons parcouru le volume des trois érudits girondins. Assu-
rément les lecteurs de la Retue ne bl&meront pas cette disposition
d'esprit. Clément V nous touche de près comme évoque et comme
pape. On sait de quelle noble manière, après son élévation sur la
chaire de saint Pierre, il manifesta Tintérôt qu'il portait à son
premier siège épiscopal.
Revenons d*abord, avec nos auteurs, sur la fameuse question du
lieu d'origine de Clément V. Uzeste et Villandraut avaient leurs
partisans respectifs. Dieu sait les flots d'encre que la discussion a
fait couler, de quelle ingéniosité on a fait preuve dans la recherche
des arguments probables et jamais probants. La brochure que nous
étudions ici était môme imprimée et les auteurs n'avaient pu, à
leur regret, conclure avec plus de certitude que leurs devanciers.
Par bonheur, le docteur Berchon a remarqué dans le recueil de
Rymer quelques lignes de Clément V au roi d'Angleterre. Ces
lignes renferment trois mots qui nous fixent mieux que de longues
dissertations. Clément V appelle expressément Villandraut le lieu
de sa naissance : locum nativitatis nosire '.
S'il faut placer le berceau de Clément V à Villandraut, c'est à '
Uzeste que Ton voit son sépulcre. Le pape avait désigné la collé-
giale de cette ville comme devant recevoir sa dépouille mortelle.
Après un pontificat de neuf années', iustement appelé par l'abbé
Brun « une des périodes les plus terribles et les plus difficiles de la
papauté » (p. 29), Clément V mourut h. Roquemaure, au diocèse de
Nîmes, le vendredi 20 avril 1314, âgé d'environ 50 ans. Son corps
Ï>orté à Carpentras, où se trouvaient les cardinaux, arriva à Uzeste
e 27 août. En 1359 on put l'ensevelir dans « un magnifique tom-
beau dont les ruines misérables font aujourd'hui pitié. Et pendant
deux cents ans Clément V reposa en paix, sous la garde des cha-
noines» (p. 30).
Les Huguenots dévastèrent l'église d'Uzeste en 1577, « mais leur
rage s'acharna surtout contre le tombeau papal qu'ils martelèrent
ignominieusement après avoir pillé les ricnesses qu'il contenait et
jeté au feu les ossements du pontife. Ce sont les Huguenots oui ont
réduit le tombeau pontifical à l'état misérable dans lequel on le voit
encore aujourd'hui.... » (p. 30-31). Or, si les Huguenots ont brûlé
1. « Il y a à signaler ici une disposition originale prise par Clément V en érigeant en
collégiales ces deux églises. Le Ciron^ qui coule entre ces deux paroisses, était la limite
frontière entre le diocèse de Bazas dont relevait Uzeste et Tarchidiocèse de Bordeaux
auquel appartenait Villandraut. Le pape ordonne que désormais c'est Tarclievéque de.
Bordeaux qui aura juridiction sur la collégiale d'Uzeste, et l'évoque de Bazas, jurioiction
sur celle de Villandraut Dans la pensée de Clément V, cette disposition tendait à conser-
ver la discipline dans les deux Chapitres en créant entre eux une louable émulation ».
Op. cit. p. i8.
2. Voir le texte complet, dans la Revue de Comminges, année 1895, 3» trim., p. 293. —
Par rapport aux armes de la famille de Goth, d'or à trois fasces do gueules, cfr op. cit.,
p. 9, bfet 108.
3. Exactement 8 ans, 10 mois, 15 jours. Baluze, 3>« Vie de Clément V, t. I.p. 55.
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les restes de Clément V, peut-on croire et soutenir que quelques
fragments de sou corps aient échappé h cette profanation ? M. Brun
Taffirme. Selon lui, il n'est raconté nuU'î part que pe^idant la Révo-
lution on ait de nouveau violé la sépulture du pape'. En 1305 le
tombeau fut déplacé. Quarante ;jns après on y constatait la pré-
sence de plusieurs ossements, et le 14 avril 1893, M. Brun, le maire
M. Martio-Naudon et des témoins faisaient une constatation sem-
blable. On est donc autorisé h penser qu'une minime partie de la
déponUle de l'un des plus illustres bienfaiteurs du Comminges,
échappée au feu auquel la rage des Huguenots la destinait, est
encore conservée de nos jours '-*.
Nous sommes heureux de déclarer ici au courageux coré d'U-
zeste et h MM. Berchon et Brutails, que mû par des raisons per-
sonnelles et décisives, le Comminges tout entier fait des vœux
pour que la Commission des Monuments historiques ainsi que
des particuliers fortunés, protecteurs écl.tirés des arts et amis dé-
voués de nos gloires nationales, consentent h faire les sacrifices
pécuniaires que mérite la restauration de Téglise d'Uzeste et du
glorieux tombeau dont cette ancienne collégiale est la dépositaire.
Singulière destinée de Clémant V ! Avec quel acharnement
n'a-t-il pas été discuté comme pontife ?.. La critique ne l'a pas non
plus épargné comme homme privé. Et tout cela sur les dires hypo-
thétiques de Villani. La suppression des Templiers, la mort cruelle,
en vérité, des plus notables membres de cet ordre, avaient créé à
Clément V de trop nombreux ennemis pour que l'on ne mit pas
aisément en cours, sur son compte, les fables les plus ridicules'.
Actuellement la lumière se fait. La bibliographie clémentine s'enri-
chit chaque année ^. Elle a reçu, il y a peu de temps, un appoint
considérable, grâce à la publication des Uagesia qui font mieux
connaître l'administration pontiftcale de Clément V. Or, nous
voyons, après discussion désintéressée des documents, des auteurs
1. Les Révolulionnairos brûlêrenl a Uznslo los archives capilulaires et une chape de
Clément V. « Celte cliape élail en grande vém-nUion dans le pays. Tons les ans, au «sep-
tembre, jour de la fêle palronnlc dT'/.este. on la montrait aux foules venues en pèlerinaiiP
aux pieds de la Madone nuraculouse. Aucune description ne nous a été laissée de ce
magnifique objet d'art et d'orfèvrerie >• Snil la description de l'une des chapes conservées
à Saint-Bertrand pour donner une idée «probable» de celle d'Uzeste: « La chape de
Clément V à Uzesie devait sans doule ressembler beaucoup à celle qui a été ainsi
décrite» rp. 27). Nous avouons ne pîis uoiiler ces sortes do conclusions où le « sans
doule » intervient pour élucider des fjueslions douteuses.
2 « Ces ossemenls se réduisent à deux fémurs, un tibia, la mâchoire inférieure et quel-
ques débris assez dilliciles à classer ». (p 38.)
3. Voir op. cit.^ les notes des paires 5ô à G'2. — A retenir, en particulier, le singulier
récit de la desconle aux enfers d"un chapelain pontifical. D'après Villani, ce nouvel Enéc
« avait vu » construire pour Clément V une demeure infernale; déjà un des neveux du
uape, décédé récemment, se trouvait dans un .semblable palais : maison de feu, lit de feu.
Voilà un spécimen de ce que Villani a osé insérer dans ses Historié fiorentine. — Conf.,
Danle, Divine Comédie, chanl xix. terz. '28. 2îi : Clément V et Nicolas III sont mis en
enfer, par le poète, en compagnie de S. Célesiin V : celaient trois papes français.
4, Relevé au courant do la plume : Clément V, Philippe le licl et les Templiers^ Revue
des Questions Historiques, l. xi. p. 5. 1874 ; — Ln Paptiulfi hors de l'Italie: Clément V,
par K. Renan, Revue des Deux Mondes, 1s80. « Nous tenons à constater... qui! Renan.
sauf quelques ré.scrves qu'a déjà faites avec beaucoup d'érudilion M. le marquis de Cas-
lelnau d'i'-ssenaull, doit compter au nombre des apologistes de Clément V. » Abl>è Brun.
on. rit. p. îi; — Le Tonibniu du pnpc Clément V à Uzcstc, par MM. J. de Laurière et
Munlz. Paris. 1888. Société des Antiquaires de France, t xlviii, > série, l. vin, p. 275; —
SoHvcUcii ctudes sur Clément \\ par M. L'abbé Lacoste, etc.
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très divers se rencontrer vis-à-vis de Clément V dans un môme sen-
timent de sympathie '.
Il y a lieu d'espérer que, stimulé par cps études, un esprit distin-
gué nous donnera enfin une biographie impartiale de premier pape
d'Avignon.
II' — LA VIE DE SAINT BERTRAND, évèque de Comminges : son siècle, son
culte, par Tabbé P.-B. Bouche, caré d*Haos. ~ TouloiMe, imprimerie catholique Saint-
Cypncn.
L'année 1895 aura été marquée, pour la ville de Saint-Bertrand,
par deux faits heureux et notables : la célébration du Jubilé et la
publication d'une Vie nouvelle du grand évoque de Comminges..,
Encore une œavre éclose dans un modeste presbytère de campagne,
à la fois solide par les documents où elle s'appuie et savoureuse &
la piété. ApL'ôs avoir rempli les journées du prétro^ qui l'a écrite,
elle vient h son heure instruire les nombreux clients de notre saint
évèque et les exciter à son culte.
Le titre de la biographie parait d'abord un peu vaste et débor*
dant : on y veut considérer, avant tout, saint Bertrand, mais on
veut aussi embrasser « son siècle » , 1040-1123, d'après les dates
fournies par l'auteur. Or, ce tableau du xi® siècle tient en quatre
ou cinq pages in-12 : c'est à peine une petite ouverture à travers
laquelle il faut contempler un bien vaste territoire au risque de ne
pas tout voir. Et voï\k précisément l'inconvénient de ces vues
générales à propos de biographies assez restreintes : si on les étend
outre mesure, le sujet principal disparaît; si on les resserre, elles
risquent d'être par trop incomplètes. Notre auteur a voulu souder
son sujet à l'histoire générale de l'Église. S'il parle de « l'action
réparatrice de la Papauté», c'est un peu pour relever son héros en
montrant qu'il « coopère à cette action ». Thèse difficile vu la
rareté des matériaux. Comment la soutenir, « historiquement »
parlant et selon les exigences modernes de ce mot? « Quelques
signatures relevées au bas de certains actes nous en fournissent la
preuve », avoue ingénuement l'auteur (p. 124) qui sent sa pau-
vreté. Et de ces actes, deux exceptés (années 1100 et 1119, p. 125),
il ne peut pas tirer de fortes conclusions.
1. Ce n'est pas sans surprise que nous avons lu, dans le dernier fascicule de cette Revue,
rassertion absolue d'un fait très contes! é aujourd'hui, comme dépourvu des preuves
rigoureuses qu'exigerait sa i^ravilé, savoir, le sorment par lequel Bertrand de Goth se serait
engagé vis-à-vis de Philippe le Bel à détriûre les Templiers, avant 'même toute procédure.
La tiare, a-t-on dit mille fois, était à ce prix, c Le pape IBenoit XI] étant venu à mourir,
Philippe le Bel, roi de France, promit à Bertrand do Goth de l'élever sur le trône pontifi-
cal, à condition que le nouveau chef de rE:.Miso l'aiderait à détruire Tordre (des Tem-
pliers] ■ (p. 237). Il n'est pas permis,' en ce moiuont, d'exposer en ces termes un fait si impor-
tant. Villani allègue que le futur pape fit une promesse à Philippe le Bel, celle do lui
accorder une aràce que le roi se reservait de faire connaître et d'exiger plus tard. Du dire,
vrai ou faux de Villani on a conclu qu'il ne pouvait être question dans l'esprit du roi que
de l'abolition des Templiers. La publication du Journal des Visites pastorales de l'arcne-
véque do Bordeaux et de rilinéraire de Philippe le Bel rend au moins discutable la possi-
bilité matérielle de l'entrevue à Saint-Jean-d'Angély, lieu où Ton prétend que le roi obtint
de Bertrand de Goth la promesse dont celui-ci ignorait la portée. Et encore cette entrevue
fût-elle prouvée, resterait à établir la véracité de Villani et à démôler l'intention de Phi-
lippe.
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3»k
Nous ne suivrons pas Thiatorien dans chacun des chapitres^ de sa
narration qui, au fond, reste identique à celle de M. le baron
d'Agos'. C'est un développement personnel, très étudié, de la prin-
cipale source hagiograpuique de saint Bertrand : la vie composée
par Vital, sur Tordre de Guillaume d'Andoufielle, archevêque
d'Auch, et du pape Alexandre III. On y examine successivement
chaque miracle et on rétablit dans son cadre chacun des actes
de notre saint. La revue est faite en conscience. Rien ne manque à
kigaierie, pas même (soit dit sans irrévérence) Ténigmatique cro-
codile de la cathédrale commingeoise! Nous remercions Vauteur
de nous avoir épargné « le caillou » de saint Bertrand, avec lequel
certains guides lapident consciencieusemont la critique historique
et la science géologique, au grand ébahissement des touristes de
bonne volonté'-'. Un des morceaux attrayants du volume est la
relation de la translation d*une relique de saint Bertrand a Tlsle-
en-JourdaÎD en 1733. M, Bouche en donne un exact résumé*.
En somme, ce livre est un bon livre et un manuel commode : une
façon de « compendium » des renseignements les plus minutieux,
patiemment recîueillis, tous relatifs k notre saint*. Il y a intérêt à le
lire, édification à le méditer: il touche à la piété et à l'histoire et
met celle-ci au service de celle-là, tout en lui laissant sa place et
en i:espectaDt ses droits. M. le curé d'Huos aura le suffrage des
érudits et celui des chrétiens dont la foi est simple et naïve: des
deux suffrages, le second ne sera pas le moins précieux pour lui.
III. — LE PftOKSTANTISME EN BÊARH ET »U MY$ BASQUE, oa ob^r.
▼alions critiques sur THisioire de l'Église rérormée d'Osse, de M. le pasleor A. Cadièr,
par M. Pabbé V. Ddbarat, oiimônicr du lycée de Pau. — Pao, impr. Vigoaocoor, 1895.
A la fin de cet article bibliographique, nous demandons la per-
mission, à nos lecteurs, de leur signaler un récent ouvrage sur le
pr.otestantisme en Béarn et au piys i3asq[ue. Sans doute, ce sera sor-
tir un peu de « notre » territoire ; mais que l'on se rassure : à la
Retue ce n'est pas comme au collège, on n'abuse pas des sorties.
Les manœuvres de Jeanne d'Albret pour implanter le hugueno^
tisme en ses Etats ont trouvé en M. Gadier un apologiste résolu,
ferrjé & glace pour aller bon tr^iin sur cette voie de scabreuse
réhabilitation. Il nous la baille belle M. Cadier ! Sa « bonne
Jehanne» n*est pas celle que les contemporains ont subie. Si
1. Saint' nertrand, évéque di» Comminges, sa vie, ses miracle?, son culle, par Tx>u{8 de
Flancette, baron d'Agos. — Voy. aussi : Vie (fe Suint Dertrumi, évéque de Comminge*,
son panégyrique, etc., ouvrage réimprimé pendant i'épiscopat de Mgr n'Astros. archev. de
Toulouse, par les soin» de M. ]*abbé Ferrand, cure de Sainl-Berlrand.— Le premier de ces
vol. a été imprimé à Saint-Gaudens, chez Abadie, le second à Bagneres, par Dossun.
2. Voir /îffottc de Comjninj/ea, 1880, p. 139-140.
3. Voir le texte in exf^nso dû à J. La-slrade, bénéflcier de la cathédrale de Saint-Bertrand
Pleuré de Labroquêrr, dans la Vie publiée par M. Ferrand, p. 99-120.— C'est par erreur du
tyï»ograplio que le chanoine de Saint-Klienne , virai re-ûénéral, venu à TIslc à celli»
occasion, pour présider la a*rémonie, est appelé de BETON : son nom est de BKTOtl. he
raéme un df*s orateurs, en celle circoostancr, fut M. Guillaume BETXR.\C, curé do Saint-
Ge^aûcr. à.Muret, appelé mal à propos BITIRAC.
4» N-^ aurait-il pas moyen de trouver un érudit. dévoué A saint Bertrand, qui Toulût
bitn nous donner ^ine noie, aussi complète que possible, sur la blbliograpliie eLour ]*foo-
Dogrmpbis d« Msiift évéque de Comminges ?
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3SS
M. Cadier, pa&teuT d^ TEglise réformée d'Osse par la. grâce de
Jeanne d*Albret, se fût trouvé dans la dure nécessité de vivre sous
le régime « tolérant » de son héroïne, il eût assurément chanté sur
un autre ton.
C'est M. Dubarat qui s'est chargé de mettre une sourdine à
ces notes si vibrantes. IL suit pas à pas le prétendu hislorieu
de la prétendue réforme, et donne en entier des textes qui
se trouvaient affaiblis ou dénaturés eu d'incomplètes citations,
noyés en des commentaires plus intéressés qu'intéressants. Cela
tient 476 pages. L'auteur a pris de la marge afin de laisser à son
exposition toute l'ampleur qu'elle exigeait. Il nous montre, ou
plutôt il produit des documents qui montrent le Protestantisme
favorisé, imposé par les mesures iniques, par la tyrannie de Jeanne,
le culte catholique proscrit, les églises pillées, « désaffectées )> ou
détruites, les prêtres et les religieux massacrés : tout un enchaîne-
ment de mesures remplies d*ex(|uise « tolérance ! » Après avoir lu ce
dossier, où le réquisitoire se môle aux dépositions des témoins, qn
estime que Jeanne fat le mauvais génie de son peuple. L'essai
maladroit de réhabilitatiou dont elle vient d'être victime a mis
entre les mains de M. Dubarat sa bonne plume de critique, de polé-
miste et d'historien. On assure que sa riposte a fait grand bruit
dans le Landerneau où prêche M. Cadier; le contraire nous eût
surpris.
Pour nous qui envisag-^oris la question sous son aspect historique,
— la doctrine étant hors cause — sans tant nous échauffer, nous
remercions M. Dubarat de sa large contribution à l'histoire des
dissensions religieuses en des contrées voisines des nôtres, et nous
mettons son ouvrage h côté de ceux de MM. Communay*, Durier
et Carsalade du Pout^ c'est-k-dire à côté des meilleurs.
J. LESTRADE,
IV. - » PROPOS DE DEUX PINÉGYRIQUES. par M. rabbé Henri FauBCADE.
curé de Saiiit-Éiit
1^ — Sanctus Gaudbntius, ou Gaudens
La \ille qui porte aujourd'hui le nom de Saint-Gaudens fut
d'abord une petite agglomération, dans le pays des Orwbrisates, de
Pline — et par corruption, Onobusates — petit peuple compris
dans l'Aquitaine primitive et la Novempopulanie. 11 était voisin
des Garumni et englobé dans la circonscription des Contenœ^.
Selon Du Mège, ce lieu devint un « oppidum » dans le voisinage
de la grande voie allant de Tolosa k Lugdunum Convenarum. II
s'appela Mas «le Mas», de mansus — demeure, agglomération —
dans la basse latinité. Plus tard, ce fut le Mas-Saint- Pierre, lorsque
saint Saturnin, un des premiers apôtres de la Gaule méridionale,
1. Les Huguenots dans le Béam el la Navarre.
2. Les llufjuenoU en B>gorre.
3. Voir : iiéographie historique de l'Aquitaine autonome; — Les Convenm et les
Consorani; — déographie Mstonque du Sud-Ouest de la fiaule, par notre savant collègue
M. Bladé. correspondant de l'Inslilut ; — Géographie de la Gaule romainù, de M. Ernest
Desjardlnsj — Géographie de la Qaule au vi» siècle, de JM. Longnon, elc...
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356
ayant évangélisé la contrée, y eût érigé un oratoire sous le Yocable
«du Prince des Apôtres ».
Mais, vers 473, un jeune chrétien, Gaudbns, fut martyrisé aux
abords de la bourgade, lors d'une incursion des Wisigoths dans le
pays des Convènes. Celle-ci prit désormais le nom de Théroïque
victime sous le patronage de laquelle Tadmiration et la foi des
habitants s'empressèrent de la placer.
Cette année, au joar de la fôte qui se célèbre depuis des siècles,
un brillant panégyrique a été entendu*. On le doit â M. Tabbô
Henri Fourcade, dont le talent oratoire, vraiment distingué, est
fort goûté dans notre région et ailleurs. Il est notre collègue à
la Société des études, et publiait, en 1892, dans ce recueil, une
remarquable description « des fresques et décorations » ornant «a
charmante église de Saint-ÉIix du Fousseret et dont il nous faisait
si bien apprécier « la finesse et la grâce ».
Du discours prononcé par lui, ce que nous voulons particulière-
ment retenir, c'est le côté historique, mis très heureusement en
lumière dans les pages consacrées au martyr ; cette partie rentre
surtout dans notre domaine.
L'événement dont le panégyriste a célébré la mémoire quatorze
fois séculaire s'accomplit sous la domination wisigothe. De Tou-
louse, son siège principal, elle s'étendait sur tout le pays jusqu'en
Provence.
Ces Wisigoths avaient embrassé l'Arianisme, « la première des
grandes hérésies , la plus impie, la plus terrible, la plus pernicieuse
— dit Tauteur — qui eût jamais éclaté au sein du Christianisme»,
et dont le fondateur fut un prêtre apostat, Arius. Celui-ci réduisait
le Christianisme à une simple philosophie, « la plus haute, la plus
riche, la plus transcendante des philosophios sans doute, mais, au
demeurant, une chose humaine». Le panégyriste caractérise en
excellents termes les conséquences de la pernicieuse doctrine : « la
négation d'Arius, doctrine sans cœur, excluait l'amour des œuvres
divines et lui fermait l'accès des œuvres humaines ; par là elle
portait atteinte, non seulement ii l'ordre sacré de la Foi, mais
encore à l'ordre social catholique tout entier et à tout ce qui
sy est produit de grand et de beau sous l'influence bénie de
l'Église».
Devenus maîtres du pays, les Wisigoths ariens n'imposèrent pas,
dès le premier momenl, leur croyance aux peuples garonniens : «Il
y avait un demi-siècle déjà que les sectateurs d'Arius se trouvaient
en face du Christianisme dans nos contrées sans qu'ils se fussent
décidés à l'attaquer de front*. » Ils attendirent pour cela que, « poli-
tiquement, ils n'eussent plus rien à craindre des derniers débris de
la puissance romaine». Celle-ci, en effet, tendait à disparaître.
Ébranlée par des invasions successives, elle devait tomber définiti-
vement sous les coups des Goths et des Francs.
Il faut lire dans Sidoine Apollinaire le saisissant récit de la per-
sécution qui, en ce temps-là, se déchaîna notamment sur le pays
des Convènes, à l'instigation d'Euric ou Evaric, successeur — à la
suite de Wallia, premier chef des Goths à Tolosa — de Thédoric et
1. Brochure, à rimprîmcric catholique Salnl-Cyprien de Toulouse, ISîfô.
2. Voir Ozanom, La Civilisation'chrétiennc Jiez les Francs, p. 35, sur rÂrianismc.
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de Thoriamond (419 433). Ce prince, plein d'emportement et de haine,
était « plutôt le chef d une secte que celui d'un grand peuple ». Le
témoin désolé de cette période néfaste poursuit : « Personne n'a
plus soin de-i diocèses, ni do leurs paroisses; les églises sont dans
un si déplorable état que les toits sont tombés à terre et que,
n'ayant plus de portes, les haies, les ronces et les épines qui y sont
nées d'elles-mêmes en ferment l'entrée. On y voit des troupeaux
qui, non seulement font une étable de leurs vestibules, mais pénè-
trent jusques au sanctuaire et vont brouter Therbe croissant autour
des autels »• *
C'est au milieu des résistances que rencontrèrent les envahisseurs
ariens au sein de nos populations gallo-romaines, que le jeune
pâtre Gaudens, cet autre Machabée, ayant lui aussi une mère intré-
pide, succomba sous le glaive persécuteur plutôt que d'apoatasier
sa foi. Laissons parler le panégyriste : « Après une nuit qui fut, à
n'en pas douter, comme ces veillées rayonnantes et séraphiques
des Catacombes sous l'ère sanglante des persécutions, au {>remier
jour, la mère arriva sur ce coteau, vénérable depuis cette heure '^
comme un sanctuaire, tenant son fils par la main, et l'exhortant k
ne plus regarder que le ciel... Filium suum adduxit secum ».
Les sicaives du gouverneur Malet consommèrent le sacrifice.
Dans ces pages où se retrouvent toutes les qualités qui le distin-
guent, M. Fourcade toiich*». à un point d'histoire controversé dont
voici le rapide exposa que nous ne prétendons pas faire suivre
d'une solution décisive. Il s'agit de l'époque précise où le Christia-
nisme fut introduit d-^ns notre Gauie pyrénéenne. «Ce fut, dit
l'auteur, au retour d'une de ses courses évangéliques dans les pro-
vinces ibériques et dans nos chères montagnes des Convenae, que
Saturnin, le premier apôtre du pays, annonça la religion du Christ
à la petite tribu des Onobusates, et groupa nos pères autour de la
première église chrétienne qu'il éleva au milieu d eux sous le voca-
ble de saint Pierre». Mais k quel moment précis eurent lieu les pré-
dications de l'illustre martyr toulousain?
Des auteurs récents placent saint Sernin, dont ils font le disciple
et le contemporain de saint Pierre, à la fin du premier siècle de
notre ère ^. Leur opinion est venue confirmer celle émise par l'abbé
d'Arbelot dans une savante dissertation sur l'apostolat de saint Mar-
tial. Suivant cet auteur, des documents positifs établiraient que saint
Martial de Limoges, saint Trophime d'Arles, et plusieurs autres
évoques des premiers temps de l'Église, en la compagnie desquels
Grégoire de Tours fait figurer saint Saturnin, évangéîisèrent les
Gaules dès le premier siècle. De son côté, M. Natalis de Wailly,
dans ses Éléments de Paléographie^ fait mourir saint Saturnin au
commencement du deuxième siècle. Cela serait conforme aux indi-
cations fournies par une table alphabétique dressée dans le grand
travail intitulé Y Art de vérifier les dates.
1. Sidoine ApolHuairc.
2. Au tome vni, p. 163, la Revue de Comminges a retracé l'inauguration de Télégante
chapelle romane due aux libéralités de Mgr Compans et qui remplace, sur le penchant du
coteau, la vieille chapelle reconstruite jadis sur un oratoire primitif dédié à saint Gaudens.
3. Voir la Monographie de M. Tabbé Latou , et le Dictionnaire des Dictionnaire^
de P. Guérln.
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358
Grégoire de Tours se contredit lui-môme lorsqu'il affirme que
Saturnin reçut les ordres sacrés soua Decius ou Dèce. Or,
celui-ci fut proclamé vers 251, et bien qu'il eût* mérité les sur-
noms de Trajanus et à'Optimus, il ordonna contre les Chrétiens
de terribles pôrsécutions. Le câlèbre auteur de Vflisloria Francorum
avait dit, pourtant, du premier évoque de Toulouse : Saturninns
verd martyr, utfertur^ ab apostoiorum discipuiis ordinatitô, in urbetn
Tolosatiiim directus est. Sans Tappuyer, il est vrai, d'aucune auto-
rité plausible, Julien Sacaze émit aussi Topinion qu'il fallait
reporter jusque vers le milieu du m" siècle l'apostolat de saint
Saturnin. Il faisait mourir celui-ci, non plus sous l'empereur
Decius, mais sous les deux collègues Dèce et Gratien qui remplis-
saient alors à Tolosa la charge consulaire. Dans sa dernière édition,
et sans plus de précision, VHisloirfi de Languedoc^ s'exprime ainsi,
sans citer aucun document à l'appui : «On tient que S. Saturnin,
Ëremier évoque de Toulouse, fut martyrisé du temps de l'empereur
>èce. Il était venu dans les Gaules vers l'an 245 et l'on croit qu'il
avait été envoyé par le pape saint Fabien. Il bâtit à Toulouse la
première église qui y avait été élevée. La tradition rapporte qu'il fut
d'abord enterré dans l'endroit où, au commencement du iv« siècle,
saint Hilaire, troisième évêque de Toulouse, fit construire une
petite chapelle qui devint plus tard l'église du Taur... y>
Nous inclinerions à penser, sans rien affirmer, que TEvangile
fut apporté plus tôt aux Convènes, k l'époque môme où Téglise
d'Arles était fondée par saint Trophime, c'est-à-dire dès la fin du
premier siècle, car rien ne dit qu'il ne faut pas prendre à la lettre
la parole des évoques h saint Léon : Missum a beatifsimo Petto
apostolO' sanctum Trophinum ». Tel est aussi le sentiment du
P , Lougeval, dans la dissertation préliminaire de son Histoire de
l'Église gallicane.
2\ — Sanctus Gbrontius, ou Girons
Il s'agit encore d'un panégyrique du môme auteur 2. H fut pro-
UQU'-édans l'église de Saint-Girons, au mois de janvier 1895, où ce
sujet, parait-il, n'avait jamais été traité. Cette innovation sera due
aux recherches peisonnelles el au talent de M. l'abbé Fourcade.
L'histoire était à peu près muette sur le patron de cette ville arié-
geoise qui fit partie de la cité des Convènes Ccinitas Conx>enarum)
avant d'appartenir au Couserans, et qui était encore comprise dans
le ressort de l'élection de Comminges en 1789 Une simple tradition
attribuait sa dénomination actuelle à un saint apôtre, d'origine
vandale, Gerontius, qui vint prêcher l'Evangile dans ses murs, au
V» siècle. Mais, comme pour l'époque de saint Saturnin, les données
historiques sont diverses en ce qui concerne saint Gerontius ou
Girons. D'une part, ainsi que le rappelle M. Fourcade lui-môme,
les Acta Sanctorum^ au chapitre 2 du livre IV, rapprochés du Bré-
viaire de Tulle ^ semblent rattacher la venue de saint Gerontius
dans le lieu qui a pris son nom, au temps de saint Clair dont il
aurait été le compagnon au premier siècle. Un manuscrit authen-
1. EdiUon Privai, t. IV, p. 348.
2. Brocb. ia-8% S t-Gaudens, imprimerie Abadie.
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tique des Bénédictins de Saint-Sever reporterait cette date vers
le milieu du iv® siècle. M. Fourcade penche pour le début du v«.
Quoi qu'il en soit, douze diocèses ont honoré ce saint, et Tont
regardé comme le contemporain de ces invasions de Vandales et
d'Alains qui « ravag'èreut une première fois toute la partie de la
Gaule qui s*étend de la basse région pyrénéenne jusqu'à Tolosa ».
Ce fut alors qu'au pays des Convènes Dieu suscita saint Exupère
d'Arreau « qui vint en aide à la détresse universelle dans les villa-
ges et les chaumières ». Son grand ascendant fit de lui l'apôtre des
Vandales eux-mêmes dont beaucoup embrassaient le Christianisme,
fcji la plupart étaient ariens, un certain nombre devinrent lidèle-
ment orthodoxes. La légende de plusieurs Bréviaires diocésains *
en représente sept acceptant la mission de prêcher la vraie doc-
trine, au premier rang desquels brille Gerontuis. « C'étnt un beau
jeune homme, remarquable par la linesse de ses traits et la distinc-
tion de toute sa personne, très connu par sa droiture, renommé par
sa bonté, et de mœurs admirablement chastes : cute nilidus, aspectu
rutilus^ huneslateprœclarus, bonilaie conspicintSi caslitcte adornatus »,
Telle est la physionomie attachante qu'en retracent les Bréviaires
soigneusement consultés par le distingué panégyriste. Celui de
Tulle 2 représente les sept apôtres s'embarquant à Joppé (Joppén ?)
pour Jérusalem. Chassôs, ex civitale exturbati^ ils se dirigent, vers
Rome où ils parviennent après une longue et laborieuse navi-
gation. Là « le pape confère à Sévère, l'un des compagnons de
Gerontius, la dignité épiscopale, et envoie la petite colonie en
Gaule, comme messagère de l'Evangile ».
Et voilà ce groupe de vaillants apôtres revenant ^n Gaule pour y
remplir une mission semblable à celle de ses héroïques prédé-
cesseurs: Saturnin à Toulouse, Martial à Limoges, Paul à Nar-
bonne.
C'est ainsi que « la pieuse caravane vint planter sa tente dans les
champs hospitaliers et riants de la rive droite drti Salât». Là, à'éleva
bientôt un oratoire marquant la place de la future cité saint-
gironnaise , appelée d'abord Bourg-sous -Vie — c'est-à-dire plus
exactement Bourg-en-dessous, par opposition à Bourg d'Austrie,
plus tard Saint-Lizier, et alors chef-lieu de la cititas Consoranorum.
Un des actes les plus anciens où la ville qui se forma ainsi est
dénommée Saint-Girons, serait celui où, au xin® .siècle (1257-1258),
sur la cité et sur le pays circonvoisin , affirmèrent leurs droits
de suzeraineté: Esquirol, comte de Bigorre: Roger IV. comte
de Foix: Arnaud d'Espagne; Roger, comte de Comminges; Gaston,
comte de Béarn.
De la vallée du Salât, Gerontius et ses compagnons allèrent jus-
que dans cette partie de l'Aquitaine occupée par les Bigorrais. Il
y succomba dans sa lutte contre les Vandales. Les divers Bréviaires
où il est question de ce saint rapportent que « blessé mortellement
dans un combat par une flèche attachée à ses flancs, il survécut
durant trente jour,s, ne cessant de prêcher jusqu'à son dernier
souffle la doctrine du Christ, et par son sang et par sa voix mou-
rante : Geruntins lethali vulnere est affeciiis, triyenta dies supervi-
1. Ex diversis Breviariis.
2. Ex Brevlario Tulense.
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360
tem, ilà. pro fide ChrisU defendenda, martyrium, quinto Idus X^^'^^
con^summavit ».
Il avait fondé là une des premières églises dédiées k saint Satur-
nin. Une partie de ses reliques, dont l'église de Saint-Girons pos-
sède des fragments, furent emportées h Lectoiire d'Aquitaine ', où
ou les conserva religieusement.
Plus tard, ou les recueillit dans l'église- Saiute-Eulalie de Bor-
deaux; un procès-verbal, dressé en 1858 par les ordres du cardinal
Donnet, y constata leur présence '^
V. — MONOGRAPHIES : \* Nous ci Oocumeius sur Nonlf'giit et le baron de Mod-
li^giii-Bnrrnu, dépulc de la noblesse du Comminges aux Élals-Géiiéraux de 17S0.
Bioch. do 124 piges. Murel, impr. Missol. -— 2" Noies historiques sur Labaslîde-
Pa'uraês eu Comiuingcs (cliàtclleuie de risIc-en-Dodon). Urocli. de 40 pages. Muret,
impr. Massol.
Sous ces titres, M. Décap, directeur de Técole municipale de
Muret, dont la précédenie chronique de la Revue signalait le zèle
laborieux pour les recherches sur le pays de Coramiuges, vient de
{oublier un double travail qui apporte sa précieuse contribution à
'histoire de notre ancien comté.
La première étude, très méthodique, contient d'abord la descrip-
tion de la commune actuelle, et des données étymologiques. Mous
Aculus — Mont aigu — parfaitement en harmonie avec la topogra-
phie ; le village est sur la hauteur, ce qui confirme, pour sa part,
l'origine féodale du lieu. Daus un paragraphe sont groupés des
noms de lieux analogues.
Le Montégut dont il s'agit était, h Torigine, Montégut-Bourjac,
ou de Bourjac flocus de Monte acuto Borjacti). Quelles étaient exac-
tement les limites de ce district féodal ? Nous-méme les avots
maintes fois cherchées. M. Cabié a essayé de les reconstituer dans
la Revue de Gascoijne, en 1889. M. Décap désigne quelques-unes des
localités qui en faisaient partie et qui appartiennent aujourd'hui aux
cantons de Fousseret, Rieumes, l'Isle-en-Dodon et Aurignac. Mais
il n'y a pas concordance entre la circonscription territoriale pro-
prement dite et celle de l'archiprétré du même nom telle que le
donne le Censier des Bénéfices du diocèse de Comminges dressé au
xiv« siècle, 1387, (archipresbyteratus de BorjacoJ, sans désignation
expresse du chef-lieu lui-même.
L'auteur traite ensuite « de la Seigneurie locale». Il donne la
Charte de Coutumes de 1480. Nous reviendrons plus tard sur ce
document en le rapprochant de quelques autres chartes commin-
geoises, à l'occasion notamment de la coutume de Fontenilles, dans
la chàtellenie de Muret. M. Décap nous en promet la prochaine
communication.
Puis vient la généalogie des sires de Barrau à partir de Bertrand
de Barrau (1340), originaire du Bazadcis, jusqu'à Pierre-Elisabeth-
1. Ex breviario Sarlalcnsi.
*2. Celle notice élalt écrile lorsque l'Académie des Sciences, Belles-LeUrcs et Arts de
Bordeaux décernait une médaille d'or à M. Tabbé Meyraux, curé do Cazères-sur-rAdour,
pour son élude sur saint Girons, patron de la Chalosse (Calossia), cel ancien pays
de la Basse-Guienne dont Saint-Sever fut la capitale.
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Deuis de Barrau, le dernier seigneur de Montégut. qui fut élu,
en 1789, h l'assemblée spécialement tenue à Muret, député de la
noblesse du pays aux Etats-Généraux de Versailles. Nous avons
raconté cette élection en publiant, en 1880, le compte rendu de cette
assemblée avec « le catalogue » de ses membres ».
Trois autres chapitres sont consacrés à « la Communauté », à
« la Paroisse », à !'« Enseignement ».
Ce petit livre est documenté de plusieurs pièces justificatives ; puis
la bibliographie y est indiquée et suivie d'une table alphabétique
détaillée.
Le second travail, consacré au lieu de Labastide-Paumès, est
moins étendu. Il concerne une commune située aux confins de
l'arrondissement de Saint-Gaudens, dans le canton de l'Isle-en-
Dodon. C'est encore une monographie de cette localité — ancienne
bastide, ainsi que son nom l'indique — où subsistent des cons-
tructions importantes de Tantique demeure seigneuriale dont la
Hevue se propose de donner unedescriplion. Ce qui en reste marque
plusieurs époques et constitue une des choses les plus intéressantes
de Tancien Comminges monumental.
Là se succédèrent les seigneurs d'Orbessan (1180-1 f)36), Made-
leine de Durfort, veuve du prince Gaspard de Courtenay, ot le sire
de Pauilhac (1606-1701).
Un sire de Labastide-Paumès, capitaine d'une compagnie dans le
Comminges, fut, en 1512, le héros d'une expédition contre les
Aranais contrebandiers. M. le baron de Lassus nous Ta racontée
tout au long^ d'après les documents?
Le dernier propriétaire du château de Labastide fut M. de Cam-
bon, premier président du Parlement de Toulouse lorsqu'éclata la
Révolution. Proscrit pendant la Terreur, il s'expatria, et M™® de
Cambon paya héroïquement de sa tête le refus de révéler la retraite
d& son mari.
L'opuscule contient surtout les Coutumes locales, consignées
dans un accord entre le seigneur et les habitants, passé le
4 juillet 1610 devant M^ Laborie , notaire royal de Lussan des
Religieuses. C'est en cela surtout qu'il est précieux.
• Alphonse COUGET,
CHRONIQUE
Un de nos collaborateurs, M. l'abbé Marsan, notre collègue
aussi h la Société archéologique du Midi de la France, a bien voulu
nous communiquer, d'après la Gallia chrisliana et le Glanage du
paléographe Larcher, un document constatant la consécration « du
monastère des Dominicains de Saint-Gaudens, au lieu dit de la
Planquette».
Dans notre notice sur <c un ancien plan de Saint-Gaudens», publiée
au tome IX de la Revue de Comminges, nous avons parle de ce
couvent des Frères-Prêcheurs, établi d'abord au Barri-Bigordan,
i. Rtvue de Comminges, t. I, p. 196.
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transféré eu 1294 dans un quartier jusqu'alors « mal famé », appelé
de la Planquette. Les bâtiments de l'ancienne école des Frères, ser-
vant aujourd'hui à l'école municipale, sont, avec l'ancienne prison,
les restes de l'ancien couvent, qui fut d'une grande importance
comme nous l'avons dit dans la notice k laquelle il vient d'ôtre fait
allusion.
On verra que la consécration eut lieu en 1294 et la neuvième
année de la vacance du siège épiscopal de Commioges, et fut faite,
par Arnaud de Mascaron, chanoine de Saint-Etienne de Toulouse',
étant élu évoque par le chapitre de Saint-Bertrand.
Au paragraphe XXXIII de leur Catalogue des évéques de Com-
minges, les historiens de Languedoc nous disent aussi qu'Arnaud IV
de Mascaron avait été choisi par le chapitre. Mais cette élection ne
fut pas confirmée par le Saint-Siège qui donna l'évôché k Bertrand
deGothen 1295.
Voilà pourquoi, d'après le document reproduit ci-dessous, le
Erélat consécrateur fut V évêque de Tarbes, Raymond de Caudaraza.
e regretté M. Morel s'est donc trompé lorsqu'il a attribué «à
Arnaud de Mascaron, évéque consécrateur», l'ôcusson sculpté sur
une des portes intérieures de l'ancien couvent. Ou ne peut compter
celui-ci au nombre des évoques de Coraminges.
Voici le texte que nous tenions à conserver dans notre recueil :
CO.\SÊCR.tTIO?l de la PLAflODETTE (Boflaslère des DomiDicains de SainlGaoJfos]
In erastino Puri/icalionis Beatœ Mariœ fuit emptus locus de la Plan-
quêta ubi nunc est conventus, quiquidem locus erat priùs despectus et
magnse diffamationis, et nunc, coopérante Domino, factus est locus
œdificationis,
Anna Domini MCCLXXXXIY, sedc Convenarum vacante anno nono,
electo Dno Amaldo Mascaronis^ canonico Sancti-Stephani de Tolosa,
die lunœ ante feslum sanctœ Potetitianœ tirginis, scilicet XVI Caien-
das junii, venerabilis vir Dnus Kaimundus de Caudaraza, episcopus
Tarbiensis, consecravit cœmeterium m loco de la Planqueta.
{Gallia christ.^ t. I; — Glanage deLarcher, t. VIII, n*^ 1.)
Quant k la relation de la consécration ellft-môme, contenant
aussi l'intéressant historique de la fondation du Couvent, il exis-
tait en tête du précieux livre des Obits des Frères-Prêcheurs,
disparu mal heureusemant depuis plusieurs années.
Notre collègue, M. Félix Régnault, l'intrépide et persévérant
exf^lorateur de la grotte de Gargas, où il conduisit notre Société
lors de sa première excursion en 1885 et dont il nous parla dans la
Revue de cette dernière année, vient de faire de nouvelles décou-
vertes dans ces profonds dédales souterrains.
En recommençant ses recherches paléontologiques, au mois de
juin dernier, il a trouvé, sous les stalagmites, une sépulture primi-
tive, avec les débris d un grand vase renfermant des ossements
humains k moitié calcinés. A. C,
1. Comme Tavait été Bertrand de Tlsle lul-mémc.
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TABLE DES MATIERES DU 10« VOLUME
ANNÉE 1895
Livraison du i" Irimeslre
Pages
Liste des membres de la Société des études de
Gomminges.
I. — L'abbé Cau-Durban : la Révolution à Saint-Lizier
(Ariègc), 1789-1804 (suite) 1
IL — Maurice Gourdon : un demi-siècie d'Ascensions, au
Néthou (suite) 32
m. — Baron de Lassus : le château d'Ausson, résidence des
barons d'Espagne-Montespan fxv«, xvi®. xvii« siè-
cles) 41
IV. — Lestrade : les Huguenots en Gomminges, d'après les
papiers des États conservés à Muret 106
V. — Alphonse Couget : Ghronique : L A Martres-Tolo-
sanes ; — 2. Clément V et la tiare ; — 3. La langue
basque au Japon; — 4. La grotte de Lestalas, à
Cazavet lit
Informations. — Nécrologie.
Livraison du 2« trimestre
I. — AsTRiÉ : les premiers Ages de Luchon : L Période
préhistorique. — IL Période gallo-romaine 1 13
IL •— Maurice Gourdon : un demi-siècle d'Ascensions au
au Néthou (suite) 130
III. — Hippolyte Gabannes : de Gastillon en Gouserans à
Sentein ( Ariège) 139
IV. — L'abbé Gau-Durban : la Révolution à Saint-Lizier
(Ariège), 1789-1804 (fin) .'. . 160
V. — Alphonse Gouget : le Jubilé de Saint-Bertrand-de-
Gomminges : Notice historique et Gompte rendu. 202
Rectifications et Informations 216
Livraison du 3» trimestre
I. — AsTRiÉ : Les premiers Ages de Luchon : IL Période
gallo-romaine; III. Période du Moyen- Age (fin). 217
IL — J. LiiSTRADE : Les Huguenots en Gomminges, d'après
les papiers des États conservés à Muret (suite) . . 239
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364
III. — Maurice Gourdon : un demi-siècle d'Ascensions au
Néthou (suite) 255
IV. — Hippolyte Cabannes : Annibal à Luchon? 267
V. — B. Bernard : Mandement de Mgr de Lubière du
Bouchet, évoque de Comminges, pour les habi-
tants de la Vallée d'Aran 268
VI. — L'abbé Couret : Recherches archéologiques sur la
haute vallée de la Save : Ère ancienne : Avezac. 274
VII. — Ernest Ferras : Excursion en Barousse. Compte
rendu de la course faite par la Société des études
le 20 juillet 1895 281
VIII. — A, CouGET : La Conférence du 19 juillet. — Informa-
mations 290
IX. — Jacques Bize : Le Roi des Monts (poésie) 291
X. — Rectification à l'article intitulé : « Jubilé de Saint-
Bertrand », paru dans la précédente livraison . . . 203
XL — Léonce Couture : Bibliographie 295
Livraison du 4° trimestre
I. — L'abbé Couret : Recherches archéologiques sur la
haute vallée de la Save : Ère ancienne : Avezac
(suite) 297
IL — Léon CiEUTAT : Simple note sur quelques procédés
de culture maraîchère, rédigée vers 1640, pour le
terroir de Saint-Gaudens 304
III. — Maurice Gourdon : un demi-iièclc d'Ascensions au
Néthou (suite et fin) , 313
IV. — B. Bernard : Mandement de Mgr de Lubière du
Bouchet, évêque de Comminges, pour les habi-
tants de la Vallée d'Aran (suite et fin) 326
V. — J. Lestrade : Bibliographie : 1. Uzeste et Clément V;
— 2. La Vie de S. Bertrand ; — 3. Le Protestan-
tisme en Béarn et au pays Basque 350
VI. — A. Couget : Bibliographie : 1. Panégyriques de
S. Gaudens et de S. Girons ; — 2. Monographies
de Montégut et de Labastide-Paumès 355
VIL — Chronique. — Informations 361
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